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Full text of "Dictionnaire des ordres religieux : ou, Histoire des ordres monastiques religieux et militaires, et des congrégations séculières de l'un et de l'autre sexe, qui ont été établies jusqu'à présent ..."

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ENCYCLOPEDIE 

THÈOLOGIQUE, 

OU 

SÉRIE  DE  DICTIONNAIRES  SUR  TOUTES  LES  PARTIES  DE  LA  SCIENCE  RELIGIEUSE  , 


OFFRANT    EN    FRANÇAIS 

LA  PLUS  CLAIRE,  LA  PLUS  FACILE,  LA  PLUS  COMMODE,  LA  PLUS  VARIÉE 
ET  LA  PLUS  COMPLÈTE  DES  THÉOLOGIES. 

CES   DICTIONNAIRES  SONT  : 

D'éCMTOnB    SAINTE,    DE    PHILOLOGIE    SACRÉE,    DB    LITURGIE,    DE    DROIT    CANON,    DHÉRES1ES    BT 
DB  SCHISMES,   DES   livres   jansénistes,  mis   a   l'index  ET  CONDAMNÉS,   DES   PROPOSITIONS 
CONDAMNÉES,    DE    CONCILES,    DE   CÉRÉMONIBS    ET    DE    RITES,     DE    CAS    DE    CONSCIENCE, 
D'ORDRES     RELIGIEUX    (HOMMES     ET    FEMMES),      DES    DIVER8ES      RELIGIONS,      DB 
GÉOGRAPHIE     SACRÉE    ET    ECCLÉSIASTIQUE,    DB    THÉOLOGIE     DOGMATIQUE     ET 
MORALE,    DES  PASSIONS,  DES    VERTUS    ET    DES  VICES,   IE  Jl  RI*PHt iDF.NCE 
ECCLÉSIASTIJUE,  D'HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE,  d'aRCHÉOLOGIE  SACRÉE, 
DE  MUSIQUE  RELIGIEUSE,  D'HÉRALDIQUE  ET  DE  NUMISMATIQUE  RELI- 
GIEUSES,   DE   PHILOSOPHIE,    DE  GÉOLOGIE,  DE  DIPLOMATIQUE 
CHBÉTIENNB  ET    DES    SCIENCES  OCCULTES. 

PUBLIÉE 

PAR   M.  L'ABBÉ  MIGNE  , 

ÉDITEUR    DE    LA    BIBLIOTHÈQUE    UNIVERSELLE    DU    CLERGÉ, 

on 
TES  COURS    COMPLETS   SUR  CRAQUE   BRANCHE    DE    LA   SCIENCE   ECCLÉSIASTIQUE. 

50  VOLUMES  IN-f. 

PRIX  î  G  FR.  LE  VOL.   POMl    LE  SOUSCRIPTEUR  A   LA    COLLECTION    ENTIÈRE,   7  FR.,  S    FR.,   ET    MEME   10    Kit.    l'OL'R    LE 
SOUSCRIPTEUR  A   TEL  01)  TEL  DICTIONNAIRE  PARTICULIER. 


TOME  VINGT  ET  UNIEME. 

DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX 

TOME  DEUXIÈME. 
k    VOL.    PRIX  :     W    FRANCS,    A   CAUSE    DES    INNOMBRABLES  GRAVURES. 


CHEZ  L'ÉDITEUR, 

AUX  ATELIERS  CATHOLIQUES  DU  PE TIT-MONTROUGE , 

BARRIÈRE    D'ENFER    DE    TARIS. 
1649 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/dictionnairedes21hl 


DICTIONNAIRE 


DES 


ORDRES  RELIGIEUX 

ou 

HISTOIRE 

DES  ORDRES  MONASTIQUES,  RELIGIEDI  ET  MILITAIRES 

ET  DES  CONGRÉGATIONS  SÉCULIÈRES  DE  L'UN  ET  DE  L'AUTRE  SEXE,  QUI  ONT 
ÉTÉ  ÉTABLIES  JUSQU'A   PRÉSENT; 

CONTENANT  : 

LEUR    ORIGINE,    LEUR    FONDATION,    LEURS    PROGRÈS, 

LES    ÉVÉNEMENTS     LES    PLUS    CONSIDÉRABLES    QUI     LEUR     60NT     ARRIVE!, 

LA    DÉCADENCE    DES    UNS    ET   LEUR    SUPPRESSION, 

L'AGRANDISSEMENT    DES    AUTRES     PAR    LE   MOYEN    DES    DIFFÉRENTE»     RÉFORMBI    QUI    T   ONT 

ÉTÉ     INTRODUITES, 

LES    VIES    DB   LEURS    FONDATEURS    ET   DE    LEURS    RÉFORMATEURS, 

AVEC    DES    FIGURES    QUI     REPRÉSENTENT    LES    DIFFÉRENTS     HABILLEMENTS     DE    CES 

ORDRES   ET   DE    CES    CONGRÉGATIONS, 

RELIOUl'I     PÉNITENT     DO    TIERS     ORDRE    DB    SAINT  rRANÇOIS,    DB    LA    COMMLTiACTB    DE    PICPU(. 

MISE  PAR  ORDRE  ALPHABÉTIQUE 

CORRIGÉS    ET    AUGMENTÉE     D'CNE    INTRODUCTION,    O'CNE    NOTICE    SUR    L'AUTEUR, 

D'UN   GRAND   NOMBRE   D'ARTICLES   OU    TART1ES    D'ARTICLES,    ET    D'UN   SUPPLÉMENT    OC    L'ON   TROUVE   t'HlSTOlRB    DM 

CONGRÉGATIONS    OMISES   PAR   HÉLYOT, 

ET   L'HISTOIRE    DES    SOCIÉTÉS    RELIGIEUSES 

ÉTABLIES  DEPUIS  QUE  CET  AUTEUR  A  PUBLIÉ  SON  OUVRAGE, 

PAR    MABIE-LEANDHE    BADICHE, 

VICAIRI  DB  fAIim-MAaaCBUTE  A  PARIS,  LICENCIÉ  EN  THÉOLOGIE,  MEMBRE  DE  LA  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE,  DE  L'iNUlTVT  «TÏIwrUQlv , 

de  l'académie  impériale  et  royale  d'arezzo,  etc. 

publié  pat  3JÎ.  l'abbé  SDÏignr, 

EDITEUR  DB   LA   BIBLIOTHÈQUE    UNIVERSELLE   DO    CLERGÉ. 
OU    DE»    COUR*    COMPLETS    SUR    CHAQUE    BRANCHE    DE    LA    SCIENCE    E6CLEWA«T1Q»«. 

TOME  DEUXIÈME. 

'*    VOL.    PRIX   :   40    FRANCS. 


CHEZ    L'ÉDITEUR, 

AUX  ATELIERS  CATHOLIQUES  DU  PET1T-MONTROUGE , 

BARRIÈRE    D'ENFER    DE    PARIS. 

Imprimerie  de  MIGNE,  au  Felit-Moutrouge. 


'mpi iinerie  de  MIG.Mi,  au  Pelil-Moulroog.e. 


DICTIONNAIRE 


DES 


ORDRES  RELIGIEUX. 


D 


DALMATIE  (  Congrégation  de  ).  Voyez 
Augustins. 

DALMATIE  (Religieux  pénitents  de  la 
congrégation  de).  Voyez  Sicile. 

DAMES  PAU  VUES.  Voyez  Clarisses. 

DANNEBROCH.   Voyez  Eléphant. 

DÉCHAUSSÉS  (Frères  Mineurs  de  l'É- 
troite Observance  en  Espagne,  dits). 
Des  Frères  Mineurs  de  l'Etroite  Observance 

en  Espagne  ,   appelés  les  Déchaussés,  et 

dans  leur  origine  les  Frères  du  Capuce  ou 

du  Saint-Evangile. 

Entre  les  disciples  de  Jean  de  la  Puebla, 
le  bienheureux  Jean  de  Guadaloupe  fut  un 
des  plus  zélés,  non-seulement  pour  mainte- 
nir l'Etroite  Observance  qu'il  avait  établie, 
niais  encore  pour  l'étendre  dans  les  autres 
provinces,  souhaitant  avoir  pour  cet  effet 
quelque  établissement  au  royaume  de  Gre- 
nade-, afin  de  l'introduire  chez  les  Pères  de 
l'Observance  de  la  province  de  Saint-Jac- 
ques; et,  pour  mieux  réussir  dans  son  des- 
sein, il  en  obtint  la  permission  de  François 
Samson,  général  de  l'ordre.  Il  ne  se  contenta 
pas  des  austérités  que  le  bienheureux  Jean 
de  la  Puebla  ;ivaii  introduites,  il  en  ajouta 
encore  de  nouvelles,  et  fit  quelque  change- 
ment dans  l'habit  :  car,  outre  qu'il  en  prit 
un  fort  étroit  et  rapiécé,  il  accommoda  le 
capuce  à  la  façon  de  celui  que  saint  Fran- 
çois avait  porté,  lui  donnant  une  forme  car- 
rée, et  le  rendant  pointu,  ce  qui  fit  donner 
aux  religieux  de  sa  réforme  le  nom  de  Frè- 
res du  Capuce  ;  il  quitta  les  socques  ou  san- 
dales pour  marcher  nu-pieds ,  sans  avoir 
rien  aux  pieds,  ce  qui  les  fil  aussi  appeler 
les  Frères  Déchaussés  ;  et  comme  les  pre- 
miers couvents  de  cette  réforme  furent  éri- 
gés en  cuslodie  sous  le  nom  de  la  Custodie 
du  Saint-Evangile,  on  leur  donna  encore  le 
nom  de  Frères  du  Saint-Evangile;  mais  ils 
quittèrent  ceux  du  Capuce  et  du  Saint-Evan- 
gile lorsque  le  pape  Léon  X  eut  réuni  toutes 
les  différentes  réformes  de  l'ordre  de  Saint- 
François  sous  le  nom  d'Observance  et  de 
Réformés,  et  conservèrent  celui  de  Déchaus- 
sés, pour  se  distinguer  des  religieux  de  l'E- 
troite Observance  d'Italie,  qui  avaient  pris 
celui  de  Réformés. 

Jean  de  Guadaloupe,  ayant  pris  un  habit 
tel  que  nous  avons  marqué,  alla  à  Rome 
pour  remontrer  au  pape  Alexandre  VI  les 
abus  qui  s'élaient  glissés  dans  l'ordre  et 
dans  l'Observance  contre  la  pureté  de  la  rè- 
gle; et,  ayant  renoncé  entre  les  mains  de  ce 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  1!. 


pontife  à  tous  les  privilèges  et  à  toutes  les 
dispenses  qui  avaient  donné  lieu  au  relâ- 
chement, il  en  obtint  une  bulle  le  25  sep- 
tembre 1W6,  par  laquelle  Sa  Sainteté  lui 
donnait  permission  de  bâtir  un  couvent  au 
royaume  de  Grenade,  et  de  prendre  avec  lui 
six  religieux  de  l'Observance  ,  de  quelque 
province  qu'ils  fussent ,  auxquels  le  pape 
accordait  la  permission  de  le  suivre  ,  même 
contre  la  volonté  de  leurs  supérieurs,  pourvu 
qu'ils  la  leur  eussent  demandée,  les  mettant 
sous  l'obéissance  du  général  de  l'ordre,  et 
les  exemptant  de  la  juridiction  des  Obser- 
vants, qui  n'avaient  pour  lors,  comme  nous 
avons  dit  ailleurs  ,  que  des  vicaires  géné- 
raux, le  général  étant  Conventuel. 

Jean  de  Guadaloupe  étant  retourné  en  Es- 
pagne présenta  sou  bref  à  l'évêque  de  Gre- 
nade et  au  prieur  de  Notre-Dame  de  Guada- 
loupe ,  que  le  pape  avait  nommé  pour  le 
faire  exécuter.  Plusieurs  religieux  zélés  en 
ayant  eu  connaissance  se  joignirent  à  ce  ré- 
formateur, qui  leur  donna  un  habit  pareil  à 
celui  qu'il  portait,  en  envoya  quelques-uns 
dans  un  ermitage  proche  Oropeza,  et  d'au- 
tres en  un  autre  ermitage  proche  Placenza, 
en  attendant  qu'il  plût  à  Dieu  leur  procurer 
quelques  pauvres  couvents. 

Comme  dans  le  même  temps  plusieurs  re- 
ligieux quittaient  l'ordre  sous  divers  prétex- 
tes ,  et  que  quelques-uns  même  prenaient 
des  habits  d'ermites  ,  avec  permission  de 
Rome,  lesPères  de  l'Observance,  qui  voyaient 
avec  peine  leurs  meilleurs  sujets  passer  dans 
la  réforme  de  Jean  de  Guadaloupe  ,  voulant 
se  servir  du  prétexte  de  ces  abus  pour  en 
empêcher  le  progrès  ,  obtinrent  du  même 
Alexandre  VI  un  bref  qui  révoquait  tous 
ceux  qu'il  pouvait  avoir  accordés,  de  quel- 
que nature  qu'ils  fussent,  pour  permettre 
aux  religieux  de  vivre  hors  de  l'ordre.  En 
vertu  de  ce  bref,  les  Pères  de  l'Observance 
inquiétèrent  Jean  de  Guadaloupe  et  ses  com- 
pagnons pour  les  obliger  de  retourner  à  leur 
obéissance  et  de  rentrer  dans  les  couvents 
de  l'Observance;  mais  le  saint  réformateur 
fit  un  second  voyage  à  Rome,  et  obtint  un 
autre  bref,  du  26  juillet  14-99,  par  lequel  ce 
pontife  déclarait  que  son  intention  n'avait 
point  été  de  comprendre  dans  celui  qu'il 
avait  accordé  aux  Observants,  Jean  de  Gua- 
daloupe ni  ses  compagnons.  Cette  tentative 
des  Observants  contre  ces  saints  religieux, 
bien  loin  de  leur  être  préjudiciable,  leur  fut 
avantageuse  :  car  non -seulement  le  pape 
confirma  son   premier    bref  du  25  septem- 


Il 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


bre  1496,  mais  il  accorda  encore  à  Jean  de 
Guadaloupe  la  permission  de  recevoir  dans 
sa  reforme  tous  les  religieux  qui  se  présen- 
teraient à  lui  pour  y  entrer,  défendant  sous 
de  grosses  peines  à  qui  que  ce  fût  de  les  in- 
quiéter en  aucune  façon.  Outre  ce  liref,  il 
obtinj  aussi ,  avant  que  de  partir  de  Rome, 
du  procureur  et  du  commissaire,  du  Père 
François  Samson  ,  général  ,  auquel  le  bref 
du  pape  le  soumettait  lui  et  les  siens,  un  am- 
ple pouvoir  de  rerevoir  toutes  les  maisons 
qui  lui  seraient  offertes.  Les  Pères  de  l'Oh- 
servance,  ayant  eu  communication  de  ces 
brefs  et  de  ces  permissions  n'inquiétèrent 
plus  les  réformés,  sur  lesquels  ils  n'avaient 
plus  aucune  autorité  ni  juridiction. 

Jean  de  Guadaloupe  jouissant  de  la  paix 
et  de  la  tranquillité,  et  ne  songeant  plus  qu'à 
se  procurer  un  couvent  pour  y  jeter  les  fon- 
dements de  sa  réforme,  Dieu  suscita  un  gen- 
tilhomme de  Truxillo  qui  lui  en  offrit  un 
proche  cette  ville.  Ce  zélé  réformateur  en 
prit  possession  l'an  1500  ,  et  le  dédia  à  la 
sainte  Vierge  sous  le  nom  de  Notre-Dame- 
de-Lumière.  Ce  fut  là  qu'il  dressa  ses  pre- 
mières constitutions,  et  où,  après  avoir  ob- 
tenu trois  ou  quatre  autres  petits  couvents, 
il  se  forma  une  custodie,  à  laquelle  on  donna 
le  nom  du  Saint-Evangile,  et  qui  fut  depuis 
érigée  en  province  sous  le  titre  de  Saint-Ga- 
briel. 

De  si  heureux  commencements  encoura- 
gèrent le  l'ère  Jean  de  Guadaloupe  à  éten- 
dre sa  réforme  jusqu'en  Portugal,  où  il  alla 
à  cet  effet,  et  y  bâtit  quelques  couvents, 
dont  le  premier  lui  fut  donné  par  le  duc  de 
lîragance  ,  près  de  la  ville  de  Vitiosa.  L'é- 
glise de  ce  premier  établissement,  qui  fut 
dédiée  en  l'honneur  de  Notre-Dame-de- 
Pitié,  donna  dans  la  suite  le  nom  à  une 
province  de  la  même  réforme;  le  second 
couvent  qu'il  obtint  en  ce  royaume  fut  pro- 
che la  ville  de  Chauves  ;  le  troisième  proche 
Barcelos,  et  un  ermitage  dans  un  village 
nommé  Mérida. 

Le*  Pères  de  l'Observance,  voyant  les  pro- 
grès de  cette  réforme,  que  les  plus  zélés 
d'entre  eux  embrassaient  pour  y  travailler  à 
la  perfection  en  observant  la  règle  avec  plus 
de  rigueur  dans  sa  pureté,  voulurent  l'em4 
pêcher,  et  formèrent  leurs  plaintes  au  P. 
Martial  Bourlier,  Français  de  nation  et  vi- 
caire général  de  l'Observance  de  la  Famille 
Ultraïuoutaine,  qui  à  leurs  sollicilaiions  as- 
sembla un  chapitre  général  en  Castille  l'an 
1502,  ou  il  fut  ordonné  que  dans  toutes  les 
provinces  d'Espagne  on  assignerait  certains 
couvents  à  ceux  qui  voudraient  observei  la 
règle  avec  plus  de  rigueur  et  embrasser  les 
mêmes  pratiques  et  les  mêmes  austérités 
que  les  Frères  du  Saint-Evangile,  à  condi- 
tion qu'ils  seraient  toujours  sous  l'obéis- 
sance des  provinciaux  de  l'Observance. 
Telle  fut  la  résolution  du  chapitre  général, 
par  laquelle  on  prétendait  arrêter  le  progrès 
de  la  réforme  de  Jean  d,-  Guadaloupe,  et  em- 
pêcher que  les  re  igieux  des  provinces  do 
l'Observance  eu  sortissent  pour  y  embrasser 
epite  reforme.   Mais  ce  dessein   ne  réussit 


pas  :  ce  qui  fil  prendre  aux  Observants  d'au- 
tres mojens  pour  la  détruire.  Pour  cet  effet 
ils  eurent  recours  aux  rois  catholiques  Fer- 
dinand et  Isabelle,  qui  étaient  affectionnés  à 
l'Observance,  à  laquelle  ils  avaient  fait  bâtir 
un  couvent  à  Tolède  et  accordé  plusieurs 
privilèges.  Us  leur  rem  titrèrent  la  division 
que  la  réforme  du  Saint-Evangile  causait 
dans  les  différentes  provinces,  et  les  priè- 
rent d'interposer  le::r  autorité  pour  faire  re- 
venir les  réformés  sous  l'obéissance  des  Ob- 
servants, qui  leur  promettaient  toute  assis- 
tance, leur  offrant  des  couvents  de  récollec- 
tion pour  y  vivre  si  aus  èrement  qu'ils  vou- 
draient. Ces  princes,  se  laissant  persuader 
par  des  raisons  si  justes  en  apparence,  en 
écrivirent  au  pape  Alexandre  VI,  qui  à  leur 
prière  accorda  un  bief,  la  même  année  1502, 
par  lequel  il  révoquait  ceux  qu'il  avait  don- 
nés en  faveur  de  Jean  de  Guadaloupe  et  de 
sa  réforme,  et  les  remettait  sous  l'obéissance 
des  Observants.  Ce  bref  leur  fut  signifi é,  et 
ils  furent  chassés  par  force  des  couvents 
qu'ils  avaient  en  Castille,  d'où  ils  se  retirè- 
rent dans  ceux  de  Portugal. 

Jean  de  Guadaloupe,  surpris  do  ce  chan- 
gement, entreprit  un  troisième  voyage  à 
Rome,  où  il  représenta  au  pape  l'injustice 
de  la  per>écution  qu'on  leur  avait  suscitée,  et 
ce  puutife  donna  un  nouveau  bref  par  lequel 
il  déclarait  que  celui  qu'il  avait  accordé  a  la 
sollicitation  des  rois  catholiques  était  seule- 
ment contre  ceux  qui  étaient  sortis  de  l'or- 
dre pour  vivre  à  leur  volonté  et  avec  scan- 
dale, et  non  pas  contre  le  P.  Jean  de  Gua- 
daloupe et  les  autres  de  la  cuslodie  du  Saint- 
Evangile,  qu'il  regardait  comme  véritables 
religieux  de  Saint-François  et  observateurs 
de  sa  règle  sous  l'obéiss'ançe  du  général,  et 
confirma  les  deux  premiers  brefs  qu'il  avait 
accordés  en  leur  faveur.  Jean  de  Guadaloupe, 
muni  de  ce  bref,  arriva  en  Portugal,  où  il 
trouva  ses  religieux  sans  couvent,  aussi 
bien  qu'en  Castille,  et  dispersés  dans  des 
montagnes  et  dans  des  solitudes,  en  atten- 
dant qu'il  plût  à  Dieu  de  dissiper  cet  orage. 
11  publia  son  bref,  mais  il  trouva  tant  d'op- 
posiiions  de  la  part  des  Observants,  que  non- 
seulement  il  ne  put  réussir,  mais  que  même 
il  fut  obligé  de  se  retirer  dans  une  solitude, 
n'ayant  pu  avoir  une  retraite  dans  leurs 
couvents. 

Après  la  mort  du  pape  Pie  III,  qui  ne  gou- 
verna l'Eglise  que  vingt-sept  jours,  et  qui 
avait  succédé  à  Alexandre  VI,  Gilles  Del- 
pbiuo,  qui  avait  été  élu  général  en  1500, 
ayant  sollicité  le  pape  Jules  II  de  réunir  en- 
semble les  Conventuels  et  les  Observants,  et 
ce  pontife  ayant  fait  assembler  lechapte 
généralissime  à  Home  l'an  1506,  comme 
nous  avons  dit  ailleurs,  Jean  de  Guadaloupe 
se  résolut  d'j  aller  avec  le  P.  Pierre  Melgaro 
et  quelques  autres  de  ses  religieux,  afin  d'y 
faire  lever  les  oppositions  qui  s'étaient  trou- 
vées dans  l'exécution  de  son  bref;  mais,  ac- 
cablé de  vieillesse,  ii  mourut  en  chemin.  Ses 
compagnons  étant  arrives  à  Rome,  le  géné- 
ral leur  donna  pour  custode  et  supérieur  à 
la  place  de  leur  réformateur,  le  même  Pierre 


\r> 


DEC 


DEC 


ii 


de  Melgaro,  qui  n'oublia  rien  pour  main- 
lenir  l.i  réoraie  ,  nonobstant  les  traverses 
que  les  Observants,  appuyés  par  les  puis- 
sances, leur  suscitaient,  mais  sans  aucun  effet: 
car,  comme  nous  le  dirons  en  parlant  des 
Frères  Mineurs  de  l'Observance .  le  pape, 
voyant  que  l'union  qui  avait  été  projetée 
n'avait  pu  se  faire,  et  ayant  ordonné  que  les 
différentes  réformes  de  l'ordre  de  Saint- 
François  ,  quelque  nom  qu'elles  eussent  , 
se  mettraient  dans  un  certain  temps  sous 
l'olié  ssance  des  Conventuels  ou  des  Obser- 
vante, les  Frères  du  Capuce  ou  du  Sain C- 
Evangilc  se  mirent  derechef  sous  l'obéis- 
sance des  Conventuels,  dont  le  général  les 
prit  sous  sa  protection,  et  leur  confirma 
Pierre  de  Melgaro  pour  leur  custode,  auto- 
risa leur  congrégation  sous  le  nom  du  Ca- 
puce ou  du  Saint-Evangile,  leur  permit  de 
vivre  selon  leur  manière,  et  de  pratiquer  à 
la  lettre  la  règle  de  Saint-François,  et  con- 
firma toutes  les  grâces  que  ses  prédécesseurs 
leuravaienl  accordées.  Le  cardinal  protecteur 
ratifia  ce  que  le  général  avait  fait,  et  ces  ré- 
formes obtinrent  un  bref  du  pape,  au  mois 
de  juillet  de  la  même  année  150(3,  qui  leur 
permettait  de  bàlir  de  nouveaux  couvents 
unis  en  çustodie  sous  l'obéissance  du  gé- 
néral. 

Ces  religieux  étant  retournés  en  Espagne, 
et  y  ayant  trouvé  leur  couvent  de  Truxillo 
et  de  SaÏT a-Léon  ruinés,  se  retirèrent  dans 
quelques  autres  qu'ils  avaient  en  ce  royau- 
me; mais  ces  couvents  n'étant  pas  suffisants 
pour  contenir  tous  ceux  qui  se  joignaient  à 
eux  pour  embrasser  la  réforme,  ils  en  bâ- 
tirent d'autres  qui  furent  unis  à  la  çustodie 
du  Saint-Evaugile  ,  avec  l'agrément  du  pro- 
vincial de  la  province  de  Saint-Jacques,  qu'Us 
trouvèrent  favorable  à  leurs  desseins.  Mais 
ils  ne  jouirent  pas  longtemps  du  fruit  deleurs 
travaux,  car  les  Observants,  envieux  de 
leurs  progrès,  eurent  encore  recours  aux 
rois  d'Fspagne  et  de  Portugal,  et  obtinrent  à 
leur  sollicitation  un  bref  du  pape  qui  ordon- 
nait aux  Frères  du  Capuce  ou  du  Saint- 
Evangile  de  retourner  sous  l'obéissance  des 
Observants,  ou  de  sortir  des  royaumes  d'Es- 
pagne et  de  Portugal. 

Ces  saints  religieux  aimèrent  mieux  aban- 
donner leur  couvent  que  de  retourner  sous 
l'obéissance  des  Observants,  et  se  r«  tirèrent 
dans  des  solitudes  et  des  déserts  où  ils  ne 
vécurent  que  d'herbes  et  do  racines,  jusqu'à 
ce  que  ce  nouvel  orage  eût  été  apaisé.  A 
cet  effet  ils  envoyèrent  à  Rome  le  P.  Ange 
de  Viilladoiid  pour  représenter  à  Sa  Sainteté 
le  fâcheux  état  où  ils  étaient  réduits,  et  les 
injustes  motifs  des  persécutions  qu'on  leur 
avait  suscitées  au  sujet  de  la  reforme,  qu'ils 
n'avaient  embrassée  que  de  son  consente- 
ment el  de  celui  d'Alexandre  VI,  son  prédé- 
cesseur. Jules  II,  touché  de  leurs  misères, 
révoqua  son  dernier  bref  par  un  autre  du  10 
mars  1508,  où,  rapportant  tous  les  privilèges 
que  lut  et  sou  prédécesseur  avaient  accordes 
au  P.  Jean  de  Guadeloupe  el  au  P.  Pierre 
de  Melgaro  ,  non-seulement  il  les  con- 
firma   de     nouveau  ,    mais     il    les    aug- 


menta, érigeant  leur  çustodie  du  Saint-Evan- 
gile en  pro\  inço,  leur  donnant  pouvoir  d'é- 
lire un  provincial  ;  el  eu  attendant  l'élection, 
il  confirma  Pierre  de  Melgaro  dans  sou  of- 
fice oe  custode,  révoquait  tous  les  brefs  qui 
pouvaient  avoir  été  accordés  contraires  à  ce 
dernier. 

Le  P.  Ange  de  Valladolid  étant  retourné  en 
!\  agne,  on  rendit  aussitôt  à  ces  réformés 
tous  les  couvent-,  qu'ils  avaient  en  ce  royau- 
me, et  ils  en  bàtireni  de  nouveaux  en  Por- 
tugal, où  ils  tinrent  leur  premier  chapitre, 
dans  lequel  ils  élurent  pour  provincial  le  P. 
Pierre  de  Melgaro;  ce  qui  aigrit  tellement 
l'esprit  des  Observants  d'Iîspagne,  qu'ayant 
formé  opposition  à  l'érection  de  cette  pro- 
vince, ils  obtinrent  des  lettres  du  roi  d'Es- 
pagne en  leur  faveur  adressées  au  roi  de 
Portugal,  qu'il  priait  de  proléger  les  Obser- 
vants. Le  roi  de  Portugal,  ayant  fait  venir  les 
uns  el  les  autres  en  sa  présence,  et  après 
avoir  écouté  leurs  raisons  ,  les  fit  conve- 
nir que  tous  les  couvents  que  les  Pères  du 
Saint-Evangile  avaient  en  Portugal  seraient 
érigés  en  cuslodie,  sujette  seulement  au  vi- 
caire général  de  l'Observance  de  la  Famille 
Uliramonlaine  ;  que  ceux  de  Castille  ren- 
draient obéissance  au  provincial  de  la  pro- 
vince de  Sa:nt-Jacques,  aussi  de  l'Obser- 
vance, et  que  les  réformés  quitteraient  leurs 
capuces  pointus  pour  en  porter  à  l'avenir  de 
ronds,  afin  de  se  conformer  en  quelque  fa- 
çoa  aux  Pères  de  l'Observance  :  ce  qui  lut 
accordé  et  aussitôt  exécuté.  Le  P.  Pierre  de 
Melgaro  renonça  au  litre  d<"  provincial,  et 
demeura  custode  comme  il  était  auparavant 
de  la  çustodie  de  la  Piété,  et  le  P.  Ange  de 
Valladolid  alla  en  Castille,  où  il  fut  cus'.ode 
de  la  çustodie  du  Saint-Evangile  de  ce 
royaume. 

Les  reformés  de  Castille,  ayant  appris  ce 
qui  s'était  passé  en  Portugal,  n'approuvè- 
rent point  les  résolutions  que  l'on  avait  pri- 
ses dans  la  conférence  qui  s'y  était  tenus  : 
c'est  pourquoi,  ne  pouvant  se  résoudre  à 
quitter  le  capuce  pointu  el  à  se  soumettre 
à  l'obéissance  du  provincial  de  la  province 
de  Sainl-Jacqu  s,  ils  eurent  recours  au  gé- 
néral Renaud  de  Catignola,  auquel  ils  s'é- 
iaient  soumis  dans  le  chapitre  généralissime 
de  l'an  1506,  le  priant  de  leur  accorder  sa 
protection,  et  de  ne  pas  permettre  qu'ils 
fussent  soustraits  de  son  obéissance.  Le  gé- 
néral les  écoula  favorablement,  et  rem.t  la 
décision  de  cette  affaire  à  la  congrégation 
générale  qui  devait  se  tenir  à  Valladolid  au 
mois  d'avril  de  l'an  150i),  où  il  fut  ordonné 
que  ies  Pères  du  Capuce  auraient  terme  de 
six  semaines, pendant  lequel  temps  ils  seraient 
tenusdedéclarerde  nouveau  sous  quelleohéis- 
sance  ils  voulaient  vivre,  ou  sous  celle  du 
général  de  l'ordre,  ou  sous  celle  du  vicaire 
général  de  l'Observance  ;  et  qu'en  cas  qu'ils 
choisissent  celle  du  général,  il  leur  serait 
libre  de  retourner  dans  les  couvents  qu'ils 
avaient  auparavant  occupés  par  autorité 
apostolique. 

11  y  eut  par  ce  moyen  division  entre  les 
réformés  d'Espagne  et  ceux  de   Portugal  ; 


IS 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


car  ceux-ci  reconnurent  le  vicaire  général 
de  l'Observance  pour  leur  supérieur,  sui- 
vant l'accord  qu'ils  avaient  fait  en  présence 
du  roi  de  Portugal,  et  ceux  d'Espagne  re- 
connurent le  général,  comme  ils  avaient 
fait  jusqu'alors.  Mais  on  ne  garda  pas  les 
conditions  qu'on  leur  avait  promises  dans  la 
congrégation  générale;  car  on  ne  leur  voulut 
pas  rendre  leurs  couvents  ;  et  tout  ce  que  put 
faire  le  général  de  son  autorité  lut  de  leur 
donner  (roi  s  pauvres  cou  vents  dans  l'Es  trama- 
dure,  où  ils  furent  même  si  inquiétés  que, 
dans  la  crainte  qu'on  ne  les  en  chassât,  le 
P.  Ange  de  Valladolid  fut  obligé  d'aller  à 
Rome  pour  s'en  assurer  la  possession.  11  se 
trouva  pour  cet  effet  au  chapitre  général  de 
l'an  1510,  dans  lequel  on  élut  pour  général 
Philippe  Bagnacavallo,  auquel  il  fil  si  bien 
connaître  la  justice  de  sa  cause  et  la  mau- 
vaise intention  de  ses  adversaires,  qu'il  l'en- 
gagea à  leur  conGrmer  les  trois  couvents 
que  son  prédécesseur  leur  avait  donnés;  ce 
que  fit  pareillement  son  successeur,  le  P. 
bernardin  de  Pralo,  l'an  1512,  qui  y  ajouta 
même  trois  autres  couvents,  qu'il  érigea, 
avec  les  trois  premiers,  en  custodie,  sous  le 
titre  du  Saint-Evangile  ;  ce  qui  fut  ratifié  et 
approuvé  par  le  pape  Léon  X,  qui  avait  suc- 
cédé à  Jules  11. 

Ce  pontife  ayant  convoqué  à  Rome  un 
chapitre  généralissime,  l'an  1517,  comme 
nous  avons  dit  ailleurs,  et  ordonné  que  dans 
ce  chapitre  il  n'y  aurait  que  les  réformés 
qui  y  auraient  voix  pour  élire  un  ministre 
général  de  tout  l'ordre  de  Saint-François, 
comprenant  sous  le  nom  de  réformés  les 
Observants,  Amédéistes  ,  Coletans,  Clare- 
nins,  du  Saint-Evangile  ou  du  Capuce,  et 
Déchaussés,  qui  devaient  à  l'avenir  quitter 
tous  ces  noms  pour  prendre  celui  de  Frères 
Mineurs  de  la  bégulière  Observance,  les 
Frères  du  Capuce  ou  du  Saint-Evangile  fu- 
rent par  ce  moyen  incorporés  dans  l'Obs  r- 
vance,  prirent  le  nom  de  Reformés,  et  quit- 
tèrent celui  de  Frères  du  Capuce  ou  du 
Saiul-Evangile,  sans  préjudice  pourtant  à 
leur  réforme  parth  ulière,  dans  laquelle  ils 
continuèrent.  Leur  custodie  fut  ensuite  éri- 
gée en  province  sous  le  nom  de  Saint-Ga- 
briel, aus^i  bien  que  celle  de  la  Pitié,  qui  re- 
tint toujours  son  nom.  Celle  des  Anges,  dont 
Jean  de  la  l'uebla  avait  été  fondateur,  fut 
aussi  érigée  <  n  piovince,  et  ces  provinces  en 
ont  produit  plusieurs  autres,  tant  en  Espa- 
gne qu'en  Portugal,  et  dans  les  Indes,  où  ils 
ont  présentement  douze  provinces,  dont  les 
PP.  François  des  Anjes  et  Martin  de  Valence 
sont  les  fondateurs.  Ces  saints  religieux 
étant  passés  dans  ce  pays  en  1521,  en  vertu 
d'un  bref  de  Léon  X,  eï  ayant  mené  avec 
eux  neuf  prêtres  et  deux  frères  laïques, 
tous  religieux  de  la  province,  de  Saint-Ga- 
briel, non-seulement  ils  s'y  établirent,  mais 
encore  ils  y  firent  de  si  grandes  conversions, 
qu'ils  furent  obligés  de  multiplier  leurs  cou- 
vents à  proportion  qu'ils  soumettaient  de 
pays  à  la  loi  de  l'Evangile.  Le  P.  Jean  de 
Zumarraga  fut  premier  archevêque  de  Mexi- 
que, et  un  grand  nombre  de  religieux  ont  re- 


16 

çu  en  ces  quartiers-là  la  couronne  du  mar- 
tyre. Le  P.  François  des  Anges  fut  dans  la 
suite  général  de  l'ordre  de  Saint-François, 
et  le  pape  Clément  VU  l'éleva  à  la  dignité  de 
cardinal.  Les  religieux  de  cette  réforme  ont 
toujours  observé  la  règle  de  Saint-Frauçois 
dans  sa  pureté,  à  l'édification  de  toute  l'Es- 
pagne, où  ils  sont  connus  sous  le  nom  de 
Déchaussés,  à  cause  que  dans  le  commence- 
ment de  leur  origine  ils  allaient  nu-pieds, 
sans  socques  ni  sandales.  Mais  présentement 
ils  portent  des  socques  ;  il  n'y  a  que  ceux  de 
la  provincede  la  Pitié  en  Portugal,  qui  dans  la 
maison  sonttoujours  nu-pieds,  neportantdes 
socques  que  quand  ils  sor  lent.  11  est  difficile  de 
rapporter  leurs  observances,  puisque  presque 
toutes  les  provinces  ont  des  constitutions 
particulières;  mais  elles  conviennent  toutes 
dans  l'exacte  pauvreté  dont  elles  font  pro- 
fession et  dans  le  renoncement  à  toutes  les 
grâces  cl  privilèges  qui  pourraient  donner 
atteinte;'1,  l'Etroite  Observance. GrégoireXV 
permit  à  ces  religieux  d'Espagne  d'avoir  un 
procureurgénéral  eu  cour  de  Rome  ;  mais  Ur- 
bainVUI  révoqua  celte  permission.  Quanta 
l'habillement, il  est  d'étoffes  rudes  et  grossie* 
res, et  ne  diffère  de  celui  des  Cesarins.  que  nous 
avons  donné  à  l'article  Césahins,  qu'en  ce 
que  le  capuce  est  un  plus  pointu  ;  c'est  pour- 
quoi nous  n'en  donnons  peint  d'estampe 
particulière. 

Francise.  Gonzag.,  De  Orig.  Seraph.  Re- 
lig.  Luc  Waûinç,  Annal. Minorum.  Dominic. 
de  Gubernatis,  Orb.  Seraphie.  Barezzo  Ba- 
rezzs  Continuation  de  la  Chronique  des  Frè- 
res Mineurs.  Mariau.  abOrsccIl  <r,  Francise. 
Redivivi,  sive  Chron.  Observ.  Slrictioris. 
Juan  de  sauta  Maria,  Chronic.  de  la  Provin- 
ciu  de  San  Joseph  de  los  Descalzos  de  la  or- 
den  de  los Menores.  Antonio  Panes,  Chro- 
nica  delà  Provinc.  de  San  Juan  Bautista  de 
reliyiosos  Menores  Descalzos  de  la  Regular. 
Obscrvantia.  Andr.  de  Guidaloupe,  Hislor. 
de  la  Provinc.  de  los  Angelos.  Charles  Rapi- 
ne, Hisl.  générale  de  l'origine  et  progrès  des 
Frères  Mineurs,  Récol'ets,  Réformés  ou  Dé- 
chaussés. 

DECLAN  (Saint-).  Voyez  Irlande. 

DENIN'.  Yvyez  Nivhi.LE. 

DENIS  EN  FRANCE  (Ancienne  congréga- 
tion de  Saint-). 
Si  l'on  a  donné  le  titre  de  chefs  d'ordres  et 
de  congrégations  aux  abbayes  dont  nous  ve- 
nons de  parler  dans  quelques  articles,  l'on 
ne  peut  sans  injustice  refuser  le  même  titre 
à  celle  de  Saint-Denis  en  France,  puisque, 
outre  qu'elle  est  la  plus  célèbre  du  royaume, 
et  même  de  l'Europe,  elle  a  non-seulement 
été  chef  d'une  véritable  congrégation  ,  qui  a 
été  érigée  sur  la  fin  du  seizième  siècle  ;  mais 
elle  a  encore  eu  de  tout  temps  un  grand 
nombre  de  monastères  et  d'églises  de  sa  dé- 
pendance. Quoiqu'on  attribue  la  fondation 
de  cette  illustre  abbaye  au  roi  Dagoberl  l", 
il  y  avait  déjà  néanmoins  un  abbé  et  des  re- 
ligieux dans  celle  église  de  Saint-Denis  avant 
que  ce  prince  eût  fait  jeter  les  fondements 
des  nouveaux,  édifices,  comme  il  paraît   par 


17 


DEN 


DEN 


ls 


une  charle  datée  de  la  quarante-troisième 
année  du  règne  de  Clotaire  II,  c'esl-à-dire 
l'an  627,  d'une  donation  faite  par  une  dama 
nommée  Théodetrude,  auquel  temps  Dodon 
en  était  abbé.  Cependant,  quoique  Dagobert 
n'en  ;iil  pas  été  le  premier  fondateur,  nul 
autre  que  lui  n'a  mieux  mérité  ce  litre,  par 
les  grands  biens  dont  il  a  enrichi  cette  ab- 
baye. L'on  ne  peut  dire  certainement  en 
quelle  année  elle  fut  fondée  pour  la  première 
fois,  ni  en  quel  temps  Dagobert  entreprit  de 
rebâtir  avec  une  magnificence  royale  l'église 
de  ce  monastère,  où  il  employa  un  grand 
nombre  de  colonnes  de  marbre  et  d'autre*  or- 
nements de  même  matière.  Elle  était  même, 
selon  quelques  historiens,  tout'  pavée  de 
marbre,  et  brillait  au  dedans  de  l'éclat  de  ri- 
ches tapisseries,  toute  rehaussée  d'or ,  de 
perles  et  de  pierres  précieuses.  Au  milieu 
de  toutes  ces  richesses  ,  il  fit  construire  sur 
la  sépulture  de  saint  Denis, apôtre  des  Gau- 
les, dont  le  corps  se  conserve  dans  celte 
église  avec  ceux  de  ses  compagnons  Rusti- 
que et  Eleuthère,  un  magnifique  tombeau  , 
don!  il  donna  la  conduite  à  saint  Eloi. 
Comme  son  dessein  était  d'établir  la  psalmo- 
die continuelle  dans  celte  église,  à  l'exem- 
ple des  abbayes  de  Saint-Maurice  d'Agaune 
el  de  Saint-Martin  de  Tours,  il  fit  faire  des 
bâtiments  suffisants  pour  loger  les  religieux 
qui  devaient  vaquer  à  ce  saint  exercice, 
auxquels  il  fit  de  grands  biens;  et  tant 
qu'il  vécut,  il  ne  laissa  échapper  aucune  oc- 
casion de  favoriser  ce  monastère  et  de  le 
combler  de  nouveaux  bienfaits.  Enfin  ,  ce 
prince  étant  mort  l'an  638  ,  dix  ans  ou  en- 
viron après  la  fondation  de  cette  abbaye , 
autant  qu'on  peut  le  conjecturer,  il  voulut  y 
être  enterré  :  ce  qui  servit  d'exemple  à  nos 
rois,  qui  ont  toujours  depuis  élu  leur  sé- 
pulture dans  ce  lieu,  à  la  réserve  de  quel- 
ques-uns, qui  ont  été  enterrés  en  quelques 
aulres  lieux.  Clovis  II,  fils  de  Dagobert  .re- 
gardant l'abbaye  de  Saint-Denis  comme  l'ou- 
vrage de  la  piété  et  de  la  magnificence  de 
son  père  ,  ne  m  <nqua  pas  de  lui  donner  sa 
protection,  et  confirma  loutes  les  donations 
que  ce  prince  y  avait  faites.  11  lui  procura 
aussi  l'affranchissement  de  la  juridiction  de 
l'évêque  de  Paris  ,  par  le  privilège  d'exemp- 
tion qu'il  demanda  à  saint  Landry  ,  et  qu'il 
fit  confirmer,  l'an  653,  dans  un  synode  ou  as- 
semblée de  plusieurs  évêques  et  des  grands 
du  royaume.  Chanleric  en  étantabbé  en  674, 
lit  bâtir  sur  son  propre  fonds  le  monastère  de 
Toussainval  dans  le  Chambli.  Il  en  fit  dédier 
l'église  sous  les  noms  de  saint  Déni-  el  de 
saint  Marcel ,  et  y  mil  des  religieux  de  Saint- 
Denis,  qui  furent  comme  le  premier  essaim 
qui  soriit  de  cette  maison.  Le  roi  Thierri  I" 
autorisa  ce  nouvel  établissement,  el  lui  donna 
même  avec  beaucoup  de  privilèges  la  lerre 
de  Noisi,  pour  l'entretien  des  religieux;  mais 
ce  monastère  n'est  plus  connu,  et  le  P.  dom 
Félibiendans  l'Histoire  de  l'abbaye  de  Saint- 
Denis,  dont  nous  avons  lire  la  plus  grande 
partie  de  ce  que  nousdirons  dans  cet  article, 
croit  que  c'est  peut-être  l'abbaye  du  Val 
près  Poutoise,  possédée  par  les  Feuillants. 


La  psalmodie  continuelle  qui  avait  été 
établie  dans  celte  église  par  le  roi  Dagobert 
avait  été  interrompue;  mais,  l'an  723, 
Thierri  II  ordonna  qu'elle  serait  rétablie;  el, 
pour  y  engager  les  religieux,  il  confirma 
leurs  anciens  privilèges  accordés  par  les 
évêques  de  Paris  et  les  rois  ses  prédéces- 
seurs. Une  chose  digne  de  remarque  qui  se 
trouve  dans  les  lettres  que  ce  prince  en  fit  ex- 
pédier, c'est  que  l'on  y  lit  que  saint  Denis  et 
ses  deux  compagnons,  saint  Rustique  et 
saint  Eleuthère,  furent  les  premiers  apôtres 
des  Gaules  el  qu'ils  vinrent  à  Paris  par  or- 
dre du  pape  saint  Clément,  pour  y  prêcher 
l'Evangile.  Déjà  les  biens  de  ce  monastère 
avaient  été  usurpés  en  partie,  lorsque  Ful- 
rad  en  fut  abbé  l'an  750.  Un  de  ses  premiers 
soins  fut  de  les  recouvrer:  ce  qu'il  fit  aisé- 
ment avec  le  crédit  de  Pépin,  qui  n'était  en- 
core que  maire  du  palais,  mais  qui  avail  déjà 
la  souveraine  autorité,  et  qui,  étant  parvenu 
à  la  couronne,  protégea  cette  abbaye  comme 
auparavant:  il  honora  même  l'abbé  Fuirai! 
de  la  dignité  de  maître  de  sa  chapelle. 

En  celle  qualité,  cet  abbé  fut  obligé  de 
suivre  le  roi  en  Italie  lorsqu'il  y  porta  la 
guerre  pour  remettre  le  pape  Etienne  III  en 
possession  des  terres  de  l'Eglise,  dont  Al- 
tophe,  roi  des  Lombards,  s'élait  emparé.  Ce 
puntife,  qui  était  venu  en  France  implorer 
le  secours  du  roi,  avait  sacré  de  nouveau  ce 
prince  et  ses  deux  fils  Charles  et  Carloman 
dans  l'abbaye  de  Saint-Denis,  où  il  avait  sé- 
journé quelque  temps;  et,  comme  il  avait 
besoin  du  crédit  de  l'abbé  Fulrad  auprès  de 
ce  prince,  il  lui  ac.orda  beaucoup  de  privi- 
lèges. Entre  autres,  il  lui  donna  permission 
et  à  ses  successeurs  de  fonder  autant  de  mo- 
nastères qu'il  leur  plairait,  sous  la  protec- 
tion du  saint-siége.  11  accorda  de  plus  à  cet 
abbé  de  ne  pouvoir  être  l'ait  é\éque  contre 
son  gré  et  sans  la  volonté  du  roi  Pépin,  d'u- 
ser de  certaines  chaussures,  et  de  parer  son 
cheval  d'un  ornement  particulier  qui  ne  con- 
venait, selon  les  apparences,  qu'aux  grands 
seigneurs  ou  à  quelques  cérémonies.  Celle 
grâce  fut  accordée  par  ce  pontife  au  seul 
Fulrad,  à  la  prière  du  roi.  Il  ordonna  même 
qu'après  la  mort  de  cet  abbé,  ces  ornements 
seraient  mis  avec  son  corps  dans  le  tom- 
beau. Il  lui  donna  encore  le  pouvoir  d'élire 
un  évèque  qui  fît  les  fonctions  épiscopales 
dans  ce  monastère  el  dans  les  autres  qui  en 
dépendaient,  et  beaucoup  d'autres  grâces, 
qu'on  peut  liredans  l'histoiredecetteabbaye. 

Il  y  avait  de  ces  sortes  d'évèques  à  Saint- 
Martin  de  Tours  el  en  d'autres  célèbres  mo- 
nastères. M.  l'abbé  Fleury  dit,  à  la  vérité 
[Hist.  ecclés.  t.  IX.,  lin.  xuv  ,  que  ee  n'é- 
taient point  des  évêques  titulaires,  comme 
si  ces  monastères  et  ceux  de  leur  dépen- 
dance eussent  été  des  diocèses;  mais  qu'ils 
étaient  de  ceux  qui  avaient  été  ordonnés 
sans  aucun  titre,  ou  qui,  après  l'avoir  quitte, 
se  reliraient  dans  ces  monastères  et  y  fai- 
saient les  fonctions,  comme  en  des  lieux 
exempls  de  la  juridiction  des  ordinaires. 
Quelquefois  c'étaient  des  chorévêques,  qui 
avaieutleur  siège  fixe  dans  les  monastères, 


19 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


20 


ou  l'abbé,  qui  était  en  même  temps  évoque 
de  son  monastère;  et  d'autres  fois  c'étaient 
de  simples  prêtres,  à  qui  on  donnait  le  titre 
d'évêques  parce  qu'ils  avaient  mission  pour 
précber  l'Evangile  en  certain  territoire. 

Pépin,  ayant  voulu  rendre  la  basilique  rie 
Saint-Denis  plus  auguste,  avait  fait  commen- 
cer un  nouveau  bâtiment  dont  la  construc- 
tion fut  interrompue  par  sa  mort,  qui  ar- 
riva l'an  7G8;  mais  Charlemagne,  son  fils, 
l'ayant  fait  continuer,  il  fut  achevé  l'an  775. 
Ce  prince  vint  à  Saint-Denis  et  fil  faire  la  cé- 
rémonie de  la  dédicaee  avec  toute  la  pompe 
imaginable.  Le  monastère  se  sentit  aussi  de 
ses  libéralités,  car  il  lui  fit  don  de  ses  mé- 
tairies de  Luzarches  avec  l'église  du  lieu, 
bâtie  sous  l'invocation  de  saint  Come  et  de 
saint  Damien,  et  d'une  autre  métairie  située 
à  Messi,  au  diocèse  de  Meaux.  L'année  pré- 
cédente, il  avait  confirmé  la  donation  <iue 
son  père  y  avait  faite  des  terres  de  Faveroles 
et  de  Noron,  avec  une  partie  de  la  forêt  Jue- 
line,  des  cerfs  et  des  chevreuils  qui  y  étaient, 
dont  les  cuirs  devaient  servir  pour  rouvrir 
les  livres  des  religieux,  et  la  chair  pour  la 
nourriture  des  malades  :  d'où  le  P.  Maliillon 
tire  une  conséquence,  qu'en  ce  temps-là  l'abs- 
tinence de  la  viande  était  en  usage  dans 
celte  abbaye. 

Un  différend  que  l'abbé  Fulrad  eut  avec 
l'évêque  de  Paris  au  sujet  d'un  monastère 
bâti  au  village  de  Plaisir  près  de  Sainl-Ger- 
main-en-Laye  fournit  un  exemple  d'une 
épreuve  qui  se  faisait  dans  ce  temps-là  pour 
juger  des  procès.  L'évêque  alléguait  que  ce 
monastère  avait  été  donné  à  son  Eglise  ;  Ful- 
rad soutenait  que  c'était  un  (ion  fait  à  son 
abbaye.  Les  juges,  ne  sachant  lequel  des  deux 
avait  droit,  eurent  recours  à  l'épreuve  qu'on 
appelait  le  jugement  de  Dieu  devant  la  croix. 
Deux  hommes  dont  l'un  soutenait  les  droits 
de  l'Eglise  de  Paris,  l'autre  ceux  de  l'abbaye 
de  Saint-Denis,  allèrent  dans  la  chapelle  du 
roi,  et,  pendant  qu'un  prêtre  récitait  des 
prières,  ils  commencèrent  tous  deux  en 
même  temps  à  étendre  les  bras  en  forme  de- 
croix.  Celui  de  Saint-Denis  étant  demeuré 
ferme  dans  cet  état,  et  l'autre  ayant  chancelé 
un  peu,  il  n'en  fallut  pas  davantage  pour 
faire  perdre  le  procès  à  l'évêque,  qui  avoua 
lui-même  que  Dieu  s'était  déclaré  en  faveur 
de  l'abbaye  de  Saint-Denis.  Sur  quoi  le  roi, 
assisté  des  comtes  et  des  autres  officiers  de 
justice,  prononça  en  faveurde  l'abbé  Fuirai), 
qu'il  maintint  en  possession  du  monastère 
de  Plaisir,  par  un  arrêt  du  28  juillet  77 .">. 
Mais  cette  sorte  d'épreuve  fut  interdite  quel- 
ques années  après  par  Louis  le  Débonnaire. 

L'abbé  Fulrad,  par  son  testament  fait  à 
Hérislal,  sept  ans  avant  sa  mort,  donna  à 
son  abbaye  tous  les  biens  qui  lui  étaient 
échus  en  héritage,  dont  quelques-uns  étaient 
situés  en  Alsace  et  en  Brisgau,  avec  ceux 
qu'il  avait  eus  par  présents,  soit  de  nos  rois, 
soit  de  ses  parents  ou  de  quelques-uns  de 
ses  amis,  et  les  terres  qu'il  avait  acquises  à 
titre  d'échange  ou  autrement.  II  assujettit  à 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  noi  1  et  2. 


la  i. 


même  al. baye  tous  les  monastères  qu'il 
„/ait  fondés  ou  rebâtis  au  diocèse  de  Metz  et 
ailleurs,  comme  ceux  de  Salarié,  de  Saint- 
Hippolyte  ou  Saint-Bisl,  rie  Saint-Cucuplias, 
d'Arberling,  d'Adalogne,  sans  compter  ceux 
de  Lehraha  et  de  Saint-Alexandre,  qu'il  y 
avait  déjà  soùmi*.  Outre  ces  monastères  et 
ceuk  dont  nous  a\ons  ci-devant  par'é,  il  y 
avait  encore  celui  de  Saint-Michel,  qui  est 
présentement  une  fameuse  abbaye  proche 
Verdun,  qui  était  aussi  de  si  dépendance. 

Quant  au  testament  de  l'abbé  Fulrad,  il 
faut  remarquer  que  les  abbés  réguliers  n'a- 
vaient pas  plus  de  pouvoir  que  les  autres 
religieux  de  donner  par  testament  à  leurs 
parents  ou  à  d'autres,  et  que,  s'il  se  (rouie 
plusieurs  testaments  de  celte  nature  en  fa- 
veurdes  monastères,  c'est  qu'ils  Défaisaient 
que  confirmer  les  donations  qu'ils  y  avaient 
faites  avant  que  d'y  faire  profession,  ou 
celies  qu>  avaient  été  faites  en  leur  considé- 
ration depuis  qu'ils  avaient  i  mbrassé  l'état 
religieux,  ne  pouvant  point  disposer  rie  leurs 
propres,  puisqu'ils  n'en  avaient  point,  et  ne 
pouvant  pas  non  plus  d'ailleurs  disposer  des 
biens  du  monastère,  dont  ils  n'avaient  que 
l'économat.  Nous  donnons  ici  l'habillement 
des  religieux  qui  étaient  à  Saint-Denis  du 
temps  de  l'abbé  Fulrad  (1),  que  nous  avons 
tiré  sur  les  figures  que  le  P.  Mabillon  en 
a  données  dans  le  deuxième  tome  de  ses  An- 
nales Bénédictines. 

Fulrari  étant  mort  l'an  784,  M  iginaire,  l'un 
de  ses  disciples,  lui  succéda.  Il  obtint,  entre 
autres  privilèges  du  pape  Adrien  I",  l'an  786, 
la  confirmation  de  celui  qui  avait  été  accor- 
dé à  Fulrad  par  Etienne  III,  d'avoir  un 
évoque  a  Saint-Denis  pour  y  faire,  selon  les 
besoins,  les  fonctions  épiscopales,  et  dans 
les  autres  monastères  qui  en  dépendaient 
Il  fut  envoyé  en  ambassade  en  Italie,  et  à  son 
retour  il  obtint  d'Offa,  roi  des  Merciens  en 
Angleterre,  la  confirmation  des  biens  situés 
au  port  de  Landowic,  qui  avaient  été  donnés 
par  quelques-uns  de  ses  sujets  à  l'abbaye  de 
Saint-Denis,  à  laquelle  ce  princedonna  aussi 
ce  qui  lui  appartenait  au  même  lieu,  en  or, 
en  argent  et  autres  revenus,  et  ratifia  en 
même  temps  le  don  que  le  duc  Bertwal  avait 
au-si  fait  à  cette  abbaye  d'une  autre  part. 
Ce  ne  lut  pas  le  seul  endroit  hors  du  royaume 
où  ce  monastère  avait  des  biens.  Cbarle- 
magne  lui  en  donna  aussi  dans  la  Valleline; 
elle  en  eut  dans  la  suite  en  Allemagne,  en 
Espagne  et  en  d'autres  provinces.  Outre  les 
monastères  de  sa  dépendance  qu'elle  avait  en 
France,  elle  en  avait  encore  dans  les  pays 
étrangers,  comme  en  Angleterre  et  en  Es- 
pagne. 

Entre  les  donations  qui  fuient  faites  à  cette 
abbaye  sous  le  gouvernement  de  l'abbé  Far- 
dulfe,  successeur  de  Waginaire.on  remarque 
que  le  comte  Theudald  ,  qui  fut  accusé  rie 
crime  de  lèse-majesté  ,  après  s'être  justifié 
parla  voie  du  jugement  de  Dieu  devant  la 
croix,  donna  une  partie  de  ses  biens  à  ce  mo- 
nastère et  plusieurs  familles  de  serfs  ou  d'es- 


21 


DEN 


clave».  Ces  serfs  étaient  destinés  à  la  culture 
de  li  terre,  et  taisaient  l'une  de  s  principales 
richesses  de  ce  temps-là.  Dagobert  I*,  d;ins 
la  10e  année  de  son  règne  ,  qui  était  l'an  631 
de  Jésus-Christ,  ordonna  que  les  enfants  des 
serfs  d:'  cette  abbaye  ,  soit  qu'ils  tussent  nés 
de  légitime  mariageou  non,  appartiendraient 
au  monastère,  sous  peine  d'amende  on  de 
punition  corporelle  contreles  contrevenants. 
Comme  ils  étaient  en  grand  nombre,  ils  vou- 
lurent se  révolter  et  secouer  le  joug  de  la 
servitude,  sous  le  gouvernement  d'Eudes  de 
Deuil,  qui  obtint  un  bref  du  pape  Adrien  IV, 
adressé  aux  évoques  de  France,  pour  con- 
traindre parles  voies  canoniques  les  serfs  de 
cel'e  abbaye  à  rendre  les  services  auxquels 
ils  étaient  obligés;  etenviron  cent  ans  après, 
Clément  IV,  l'an  12GG,  donna  pouvoir  aux 
abbés  de  Saint-I)  nis  de  conférer  la  tonsure 
cléricale  aux  serfs  de  celle  abbaye,  après 
qu'ils  ai  raient  été  affranchis  ,  du  consente- 
ment de  la  communauté. 

Il  y  avait  aussi  dans  cette  abbaye  des  pau- 
vres naatrieuliers,  ainsi  appelés  parce  qu'ils 
étaient  instruits  dans  la  matricule  ou  catalo- 
gue de  l'église.  Ils  avaient  souvent  pari  aux 
largesses  des  bienfaiteurs.  Ils  faisaient  les 
plus  gros  ouvrages  de  la  sacristie,  comme  de 
tendre  les  tapisseries,  garder  les  portes,  em- 
pêcher le  tumulte  du  peuple,  tenir  l'église 
propre,  et  veiller  à  la  garde  des  saintes  re- 
liques. La  plupart  étaient  des  personnes  qui, 
en  reconnaissance  de  ce  qu'ils  avaient  été 
guéris  par  l'assistance  des  saints  martyrs, 
consacraient  le  reste  de  leurs  jours  au  ser- 
vice de  l'abbaye,  portant  l'habit  monastique 
et  la  tonsure  comme  les  moines. 

Quoique  cetle  abbaye  dût  selon  les  appa- 
rences servir  de  modèle  aux  maisons  reli- 
gieuses qui  étaient  de  sa  juridiction,  elle  eut 
cependant  besoin  elle-même  d'être  réformée 
sur  la  fin  du  septième  siècle.  Le  relâchement 
s'y  était  introduit  insensiblement,  il  avait  aug- 
menté de  jour  en  jour,  on  n'y  reconnaissait 
plus  ni  régularité  ni  discipline  :  les  religieux 
avaient  même  quitté  l'habit  monastique  et 
s'étaient  transformés  en  chanoines  pour  vi- 
vicavec  plus  de  licence.  Hilduin,  qui  en 
était  abbé  en  815,  ayant  tâché  inutilement 
de  les  faire  rentrer  dans  leur  devoir,  eut 
recours  à  l'autorité  de  l'empereur  Louis  le 
Débonnaire  ,  qui  l'an  828  y  envoya  deux 
sainls  abbés,  Benoît  d'Aniane  et  Ariioul  de 
Nermoutier  ;  mais  leurs  remontrances  ne 
servirent  qu'à  irriter  davantage  ces  préten- 
dus chanoines,  qui  envoyèrent  dans  un  pe- 
tit monastère  de  leur  dépendance  ceux  de  la 
communautéqui  n'avaient  pas  encore  quille 
l'habit  monastique.  Les  évèques  assemblés 
l'an  829  dans  le  concile  de  Paris  résolurent 
d'employer  leuraulorité  pour  rétablir  la  dis- 
cipline régulière  dans  celte  abbaye,  mais  les 
troubles  excités  l'année  suivante  furent  un 
obstacle  aux  ordonnances  qui  furent  faites 
pour  cela  dans  le  concile.  Hilduin,  songeant 
toujours  aux  moyens  de  réussir  dans  son 
dessein,  gagna  en  831  Hincmar,  l'un  de  ces 
prétendus  chanoines,  qui  fut  le  premier  à 
s'offrir  de  prendre  l'habit  monastique  et  à 


DEN  as 

suivre  les  autres  pratiques  du  cloitre  ;  quoi- 
qu'il ne  fût  pas  du  nombre  de  ceux  qui  les 
avaient  abandonnées,  ayant  toujours  porté 
l'habit  de  chanoine  depuis  son  entrée  en  re- 
ligion. Ils  travaillèrent  ensemble  si  efficace- 
ment pour  la  réforme  de  ce  monastère,  qu'é- 
tant aidés  par  les  archevêques  de  Sens  et  de 
Reims,  et  appuyés  de  l'autorité  t'e  l'empereur, 
la  discipline  monastique  fut  enfin  pair  leur 
moyen  rétablie  à  Saint-Denis.  Hincmar  en  fut 
tiré  quelques  années  après  pour  être  élevé  à 
la  dignité  d'archevêque  de  Reims. 

Hilduin,  pour  affermir  la  règle  monastique 
qu'il  avait  rétablie  dans  ce  monastère  avec 
tant  de  peine,  voyant  qu'une  des  \  rincipales 
causes  de  sa  décadence  venait  de  ce  que  les 
abbés  ne  fournissaient  pas  aux  religieux  les 
choses  nécessaires  à  la  subsistance,  partagea 
les  biens  de  l'abbaye  et  en  assigna  une  par- 
tie pour  l'entretien  et  la  nourriture  des  reli- 
gieux. Le  grand  nombre  de  terres  el  de  mai- 
sons, qui  sont  marquées  dans  l'acte  de  ce 
partage,  font  connaître  qu'elle  élait  dès  bus, 
comme  elle  est  encore  aujourd'hui ,  la  plus 
riche  du  royaume.  Chaque  terre  el  chaque 
ferme  avait  sa  destination  particulière.  Le 
revenu  de  quelques-unes  devait  être  employé 
pour  vêtir  les  religieux;  celui  des  autres,  ou 
pour  assister  les  malades  ,  ou  pour  la  nour- 
riture de  la  communauté  ,  ou  pour  les  répa- 
rations, ou  pour  les  dépenses  extraordinaires, 
tant  de  l'église  que  du  monastère.  11  y  en 
avait  que  l'abbé  cédait  eniièreimnt  aux  reli- 
gieux, d'autres  sur  lesquelles  il  donnait  sim- 
plement à  prendre  en  espèces  certaine  quan- 
tité de  blé,  de  vin,  de  fruits,  de  légumes,  do 
miel,  de  volaille,  de  poisson  et  autres  sem- 
blables choses. 

Le  P.  Mabillon  rapporte  dans  ses  Diploma- 
tiques la  charte  de  ce  partage  ,  par  laquelle 
il  parait  que  l'abbé  Hilduin  ordonna  que  l'on 
donnerait  tous  les  ans  aux  religieux  ,  tant 
pour  eux  que  pour  les  hôtes  qui  mangeaient 
au  réfectoire,  deux  mille  cent  munis  de  blé 
froment,  neuf  cents  muids  de  seigle  pour  ses 
domestiques,  deux  mille  cinq  cents  muids  de 
Vin  pour  les  religieux  ,  outre  la  bière  pour 
les  serviteurs  ;  trois  cents  muids  de  légumes, 
trente-cinq  muids  de  graisse,  trente-cinq  ses- 
terces de  beurre,  de  la  volaille  ,  du  bois  et 
autres  choses  dont  il  est  inutile  de  faire  ici 
le  détail.  II  y  eut  un  aulre  partage  qui  fut 
fait  par  l'abbé  Louis  en  862,  et  confirmé  par 
le  roi  Charles  le  Chauve.  Il  paraît  par  ce 
partage  que  l'abbé  élait  obligé  de  fournir 
treize  cents  muids  de  seigle  pour  les  servi- 
teurs, el  que  pour  en  demeurer  quille,  aussi 
bien  que  des  trois  cents  muids  de  légumes  , 
de  vingt  muids  de  graisse  sur  les  trenle-cinq 
qu'il  donnait,  de  doux  cents  muids  de  sel, 
outre  un  muid  que  l'on  recevait  aux  salines, 
de  cinquante  muids  de  savon  et  autres  den- 
rées, de  cent  masses  de  fer  pour  les  faux,  de 
cent  autres  masses  de  fer  pour  les  fourches 
et  autres  choses  qui  étaient  nécessaires  pour 
les  ouvriers,  il  avait  abandonné  aux  reli- 
gieux quelques  terres  et  seigneuries  ,  mais 
qu'il  était  toujours  obligé  de  fournir  deux 
mille  cenl  muids  de  blé  froment  pour  faire 


23 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


2J 


leur  pain,  el  qu'il  consentait  que  pour  leur 
boisson  ils  jouiraient ,  comme  ils  faisaient 
depuis  longtemps,  de  certaines  vignes,  à  con- 
dition que  si  elles  rendaient  moins  de  deux 
mille  cinq  cents  muids,  l'abbé  serait  tenu  de 
suppléer  au  reste.  Mais  il  ne  faut  pas  croire 
que  le  muid  de  vin  fût  aussi  grand  en  ce 
temps-là  qu'il  l'est  aujourd'hui,  non  plus 
que  le  muid  de  blé  ;  car  par  les  statuts  qu'Ad- 
halard,  abbé  de  Corbie,  fit  pour  son  monas- 
tère, l'an  8*22  (1),  il  paraît  que  le  muid  de 
vin  n'était  que  de  seize  seliers  et  chaque  se- 
tier  de  six  tasses  ,  par  conséquent  l'hémine 
qui  contenait  demi-setier  était  de  trois  tasses. 
A  l'égard  du  muid  de  blé,  l'on  n'en  devait 
.faire  que  trente  pains.  Ces  statuts  ne  mar- 
quent point  combien  chaque  pain  pesait  ; 
mais  par  la  lettre  que  Théodemare,  abbé  du 
Mont-Cassin,  écrivit  à  l'empereur  Charle- 
magnc  ,  lorsqu'il  lui  envoya  l'hémine  el  le 
poids  du  pain,  il  est  constant  que  chaque 
pain  pesait  quatre  livres  et  servait  à  quatre 
religieux  :  d'où  il  s'ensuit  que  le  muid  de  blé 
ne  devait  pas  peser  plus  de  six  vingts  livres, 
et  qu'ainsi  il  était  bien  moins  qu'un  selier  de 
Paris,  qui  en  pèse  deux  cent  quarante. 

Ces  partages  font  connaître  qu'après  celle 
réforme  les  religieux  de  Saint-Denis  gar- 
laient  l'abstinence  de  la  chair  prescrite  par 
/a  règle  de  Saint-Benoît  ;  toutefois  ,  avec  les 
adoucissements  que  le  concile  d'Aix-la-Cha- 
pelle y  avait  apportés,  puisqu'ils  usaient 
d'huile  de  graisse  dans  leurs  mets  ordinaires 
au  défaut  d'huile  d'olive,  et  qu'ils  pouvaient 
manger  de  la  volaille  à  certaiues  fêtes  de 
l'année. 

Quelques  années  avant  ce  partage  ,  l'abbé 
Louis  ayant  été  pris  par  les  Normands  ,  les 
religieux  donnèrent  pour  sa  rançon  six  cent 
quatre-\ingts  livres  d'or  et  trois  mille  deux 
cent  cinquantelivres  d'argent,  qui  reviennent 
à  plus  de  six  cent  mille  livres  de  notre  mon- 
naie, sans  compter  plusieurs  vassaux  et  leurs 
enfants  qu'on  fut  aussi  obligé  de  leur  livrer. 
Ces  barbares  s'emparèrent,  pour  la  première 
fois,  de  cette  abbaye  l'an  865;  et,  comme  il 
n'y  avait  rien  qui  s'opposât  à  eux,  ils  la  dé- 
pouillèrent entièrement  de  tous  les  dons  pré- 
cieux que  nos  rois  y  avaient  faits,  ayant  été 
pendant  trois  semaines  maîtres  de  ce  mona- 
stère, d'où  les  religieux,  en  se  retirant, 
avaient  emporté  heureusement  avec  eux  les 
saintes  reliques.  Charles  le  Chauve,  ayant 
pris  ,  l'an  8(57  ,  l'administration  de  cette  ab- 
baye, après  la  mort  de  l'abbé  Louis,  qui  était 
son  chancelier  et  son  parent  ,  fit  gloire  de 
porter  le  nom  et  la  qualité  d'abbé  de  Saint- 
Denis,  et  fit  faire  autour  du  monastère  une 
enceinte  de  bois  et  de  pierres  en  manière  de 
fortification  ,  pour  empêcher  que  les  Nor- 
mands ne  vinssent  la  piller  une  seconde  fois; 
mais  les  religieux  ue  crurent  pas  ces  fortifi- 
cations assez  fortes  pour  leur  résister,  puis- 
que ,  dans  le  temps  que  ces  infidèles  assié- 
geaient Paris,  l'an  887,  ces  religieux  se  réfu- 
gièrent à  Reims  avec  les  corps  de  1<  urs  saints 
patrons  et  plusieurs  autres  reliques.  L'an 


912,  le  monastère  de  Saint-Denis  se  voyait  en- 
core à  la  veilled'étreen  proieaux  Normands, 
si  leroiCharlesle  Simple  n'eût  pris  leparli  de 
s'accommoder  avec  Rollon  ,  leur  duc  ,  qui  se 
fil  baptiser  à  Rouen,  comme  nous  avons  déjà 
dit  ailleurs.  Robert,  comte  de  Paris,  qui  était 
pour  lors  abbé  de  Saint-Denis  el  qui  fut  roi 
de  France  dans  la  suite,  le  tint  sur  les  fonts 
de  baptême  et  lui  donna  son  nom.  Avant  k 
comte  Robert,  le  roi  Eudes  en  avait  aussi  éié 
abbé;  Hugues  le  Grand,  fils  de  Robert,  le  fut 
après  lui  ;  et  enfin  Hugues  Capet,  qui  par  un 
motif  do  conscience  rendit  à  ce  monastère 
ses  abbés  réguliers  ,  étant  persuadé  que  la 
cause  du  relâchement  des  religieux  ne  ve- 
nait que  de  ce  qu'ils  n  avaient  que  des  laï- 
ques pour  abbés.  Ce  prince,  après  avoir  re- 
mis en  règle  cette  abbaye,  jugea  nécessaire 
d'y  rétablir  le  bon  ordre.  11  en  fit  parler  à 
saint  Mayeul,  qu'il  croyait  plus  capable  que 
personne  d'une  telle  entreprise.  Ce  saint 
avait  quitté  la  charge  d'abbé  de  Cluny  el  vi- 
vait fort  retiré,  ne  pensant  plus  qu'à  se  pré- 
parer à  la  mort.  H  crut  néanmoins  devoir 
faire  un  effort  pour  satisfaire  son  prince  : 
c'est  pourquoi  il  se  mit  en  chemin;  mais 
étant  tombé  malade  à  Souvigny,  il  y  mourut. 
Ainsi  ce  fut  l'abbé  Odilon,  qui  lui  avait  suc- 
cédé dans  le  gouvernement  de  l'ordre  de 
Cluny,  qui  fut  chargé  de  cette  commission  , 
qui,  quoique  difficile,  fut  exécutée  avec  tout 
le  succès  que  l'on  pouvait  attendre  de  son 
zèle. 

L'ancienne  discipline  y  était  encore  fort 
relâchée  lorsque  Suger,  en  étant  abbé, 
entreprit  l'an  1123  de  réformer  les  abus  qui 
s'y  étaient  glissés,  el  auxquels  il  n'avait  pas 
peu  contribué  lui-même  :  car,  n'étant  que 
simple  religieux  de  Saint-Denis  ,  il  avait 
gagné  les  bonnes  grâces  du  roi  Louis  VI  et 
s'était  abandonné  à  sa  propre  fortune,  se 
laissant  introduire  bien  avant  dans  les  af- 
faires du  siècle.  H  suivait  ce  prinee  partout, 
même  à  l'armée,  et  vivait  plutôt  en  courtisan 
qu'en  religieux.  Après  qu'il  eulélé  fait  abbé, 
il  continua  de  vivre  comme  auparavant,  et 
même  avec  plus  de  pompe  et  de  magnificence; 
l'on  a  même  cru  que  saint  Bernard  l'a  voulu 
marquerlorsqu'il  se  plaintdans  son  Apologie, 
d'un  abbé  qui  avait  pour  l'ordinaire  soixante 
chevaux  à  sa  suite.  Ce  saint  l'en  reprit  avec 
une  liberté  chrétienne,  cl  Suger,  louché  de 
ses  remontrances,  renonça  à  sa  vanité  passée, 
travailla  à  se  corriger  lui-même  et  à  réfor- 
mer les  abus  qui  s'étaient  glissés  dans  son 
monastère,  commençant  par  retrancher  tout 
ce  qui  ressentait  en  sa  personne  la  pompe 
el  les  manières  du  siècle.  11  eût  bien  souhaité 
quitter  entièrement  la  cour;  mais  le  roi,  qui 
avait  besoin  de  ses  conseils,  n'y  put  jamais 
consentir.  Obligé  de  rester  malgré  lui  dans 
le  ministère  ,  il  parut  à  la  cour  avec  une 
modestie  qui  édifiait  toule  la  France.  De, 
cette  manière  il  persuada  aisément  la  re-' 
forme  à  ses  religieux.  La  ferveur  et  l'exac- 
titude avec  laquelle  ils  s'acquittaient  de 
tous   leurs   devoirs   les  mirent    bientôt  en 


(1)  Mabillon,  Annal.  Benedict.,  lom.  Il,  pag.  iCC  et  28*2. 


JS  DEN 

grande  réputation;    el  cette  -renommée  fut 
suivie  d'une  si  grande  prospérité,  qu'il  sem- 
blait  que  toutes  sorles    de    biens    vinssent 
fondre  en  abondance  sur  ce  monastère  :  il  ne 
fut  jamais  plus  florissant  que  sous  le   gou- 
vernement de  l'abbé  Super,  qui  en   soutint 
tous  les  intérêts  avec  une  fermeté  tout  à  fait 
noble.  Il  lui  fit  restituer  le  prieuré  d'Argen- 
leuil,  qui  lui  avait  appartenu  originairement. 
Il    rentra   dans    plusieurs  biens  qui  avaient 
été  aliénés.  Il  rédima  de  la  vexation  diffé- 
rentes terres  opprimées  depuis  longtemps  ; 
et  l'on  compte  vingt-deux,  terres  et  seigneu- 
ries qui  furent  beaucoup  augmentées  par  les 
soins  de  cet  abbé.  Pour  conserver  les  droits 
de  sonabbaye,  et  non  par  ostentation,  comme 
quelques-uns  l'ont  avancé  mal   à  propos,  il 
fil  faire  une  chasse  aux  cerfs  dans  la  forêt 
Iveline,  où  il  passa  une  semaine  entière  sous 
des  tentes,  avec  Amauri  de  Montfort,  Simon 
deNeauphle,  Evrardde  Villepreux,  plusieurs 
autres  seigneurs  de  ses  amis  el  quantité  de 
vassaux.  Le  gibier  fut  porté  à  Saint-Denis  : 
on  le  servit  aux  religieux  convalescents   et 
aux  étrangers,  qui  mangeaient  au  logis  des 
Hôtes,  et   le  reste  fut  distribué  aux  so'dals 
de  la  ville.  Il  fonda  aussi  le  prieuré  d'Essone, 
où  il  mit  une  communauté  de  religieux;  el 
celui  de  Chaumont  en  Yexin  fut  à  sa  consi- 
dération soumis  à  l'abbaye  de  Saint-Denis. 
Le  crédit  qu'il  avait  en  France  augmenta 
encore  davantage  lorsque  le  roi  Louis  VII, 
étant  prêt  de   partir  pour  la  croisade  l'an 
1147,  le    nomma  pour  régent  du   royaume 
pendant  son  absence.  Ce  prince  avait  résolu 
avec  le  pape  Eugène  III  de  réformer  l'abbayo 
de  Sainte-Geneviève;  mais,  n'en   ayant  pas 
eu   le  temps  ,  '.'exécution   en  fut  réservée  à 
Suger,  qui  s'en  acquitta  de  la  manière  que 
nous   le    rapporterons  en    parlant  de   cette 
abbaye.  Le  roi  étant  île  retour,  cet  abbé  fut 
chargé  d'une   nouvelle   commission    par  le 
pape  :   c'était  de   mettre   des   moines   dans 
l'église  de  Saint-Corneille  de   Compiègne  , 
desservie  alors  par  des  chanoines  d'une  vie 
peu  réglée  :  ce  qu'il  exécuta  en  y  établissant 
une  communauté  de  religieux  tirés  de  Saint- 
Denis.  Enfin  ,  après  avoir  rendu   de  grands 
services   à  l'Etat ,   qui  lui   firent  donner  le 
litre  de  Père  de  la  patrie,  et  avoir  gouverné 
son  abbaye  pendant  vingt-neuf  ans,  il  mou- 
rut l'an  1151.   Il   n'est   pas  le  seul  abbé  de 
Saint-Denis  qui  ait  été  régent  du  royaume. 
L'abbé  Matthieu    de  Vendôme   le  fut  aussi 
lorsque  saint  Louis  alla  pour  la  seconde  lois 
en  Orient    l'an  1269.   Ce  prince  étant   mort 
dans  ce  voyage,  son  fils  Philippe  111  ,  qui 
l'avait  accompagné,  non-seulement  continua 
la  régence  à  l'abbé  Matthieu  ,  mais  le  fit  à 
son  retour  son  ministre  d'Etat. 

Quoique  Suger  eût  assez  de  crédit  pour 
obtenir  du  pape  Eugène  III  d'user  d'orne- 
ments pontificaux,  cependant,  soit  par  mo- 
destie, ou  pour  quelque  autre  raison,  il  ne 
s'en  servit  pas  :  ce  ne  fut  que  l'abbé 
Guillaume  II  qui  l'an  1176  obtint  cet  hon- 
neur du  pape  Alexandre  III.  Du  temps 
d'Eudes  II ,  qui  succéda  immédiatement  à 
Suger,  l'abbaye  de  Saint-Denis  acquit  plu- 


DEN 


2G 


sieurs  églises  el  prieurés ,  entre  autres  le 
prieuré  de  Fornalos,  qui  lui  fut  donné  l'an 
1156  par  le  roi  d'Espagne  Alphonse  VII,  el 
sous  le  gouvernement  d'Henri  V.  On  lui  sou- 
mit encore  le  prieuré  de  Grand-Puits.  Le 
P.  Félibien  rapporte  un  puuillé  de  celte 
abbaye  .  tiré  d'un  ancien  cartulaire  de  l'an 
1411  ,  où  il  y  a  dix-huit  prieurés  et  environ 
quatre-vingts  cures  à  la  nomination  de 
l'abbé  ,  sans  les  canonicats  et  les  petits  bé- 
néfices; et  il  paraît  par  ce  même  pouillé  que 
dès  ce  temps-là  cette  abbaye  avait  déjà 
perdu  plusieurs  monastères  de  sa  dépen- 
dance ;  comme  ceux  de  Toussenval ,  de  Plai- 
sir, celui  de  Saint-Michel,  changé  depuis  en 
abbaye,  el  plusieurs  autres,  dont  il  est  fait 
menlion  dans  1  Histoire  de  Saint-Denis,  quoi- 
qu'ils ne  se  trouvent  point  dans  ce  pouillé. 
Ces  monastères  ,  qui  étaient  de  sa  dépen- 
dance, et  dont  les  prieurs  étaient  obligés  de 
se  trouver  aux  chapitres  généraux  qui  se 
tenaient  dans  cette  abbaye,  n'élaient  que 
trop  suffisants  pour  lui  faire  donner  le  nom 
de  chef  d'ordre  et  de  congrégation  ;  mais  elle 
a  mérité  ce  litre  avec  plus  de  fondement  par 
ce  que  nous  allons  dire. 

Dès  l'an  1580,  quelques  monastères  de  Bé- 
nédictins, pour  satisfaire  au  décret  du  concile 
de  Trente  qui  obligeait  les  monastères  im- 
médiatement soumis  au  saint  siège  de  s'unir 
en  congrégation  ,  s'ils  n'aimaient  mieux  se 
résoudre  à  la  visite  de  l'ordinaire,  s'élanl  as- 
sociés ensemble  sous  le  titre  de  Congrégation 
des  Exempts,  les  religieux  de  Saint-Denis, 
qui  n'avaient  point  encore  obéi  sur  ce  point 
au  concile  de  Trenle  ,  et  se  voyaient  pressés 
d'entrer  en  congrégation  ,  aimèrent  mieux, 
sans  s'assujettir  à  une  autre  congrégation, 
chercher  eux-mêmes  à  en  composer  une  dont 
leur  monastère  pût  être  le  chef,  et  faire  en 
sorle  par  ce  moyen  de  ne  changer  à  leurs 
usages  (quelque  abusifs  qu'ils  fussent)  que 
ce  qu'ils  voudraient.  La  chose  conclue  ,  la 
communauté  députa  plusieurs  religieux  pour 
aller  solliciter  divers  monastères  de  s'unir  à 
celui  de  Saint-Denis  pour  faire  un  même. 
corps  de  congrégation.  Ils  en  trouvèrent 
jusqu'à  neuf,  qui  furent  ceux  de  Saint-Pierre 
de  Corbie  ,  de  Saint-Magloire  île  Paris  ,  do 
Saint-Père  de  Chartres,  de  Bonneval  ,  de 
Coulombs,  de  Josaphat.de  Neauphle-le-Vieux, 
de  Saint-Lomer  de  Blois,  el  de  Monstieren- 
der.  On  dressa  des  statuts  ,  qui  ,  n'étant  la 
plupart  que  des  règles  ou  maximes  assez 
généralement  reçues  dans  les  cloîtres  ,  sans 
déroger  aux  coulumes  de  chaque  monastère, 
furent  aisément  admis  par  les  procureurs 
de  toutes  ces  abbayes  ,  assemblés  à  Paris  le 
6  mars  1607  au  prieuré  de  Saint-Lazare,  au 
faubourg  de  Saint-Denis  ,  où  6e  conclut  le 
traité  d'association. 

On  en  poursuivit  ensuite  les  lettres  paten- 
tes ,  el  le  roi  Henri  IV  les  accorda  dans  le 
même  mois.  Elles  furent  enregistrées  el  ho- 
mologuées au  parlement  le  5  septembre  de 
la  même  année,  nonobstant  l'opposition  de 
l'abbé  de  Saint-Corneille  de  Compiègne,  dont 
les  religieux  demandaient  d'être  associés  à 
la  même  congrégation,  à  laquelle  iis  lureu( 


aï 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


S 


aussi  agrégés.  La  cour  trouva  seulement  à 
propos  d'avancer  le  temps  des  chapitres 
généraux;  et,  au  lieu  que  les  statuts  n'en 
niellaient  que  de  six  en  six  ans ,  elle  déter- 
mina qu'ils  se  tiendraient  tous  les  quatre 
ans.  Le  premier  chapitre  général  avait  été 
indiqué  à  Saint-Denis  le  28  juillet  ;  mais 
quelque  incident  survenu  obligea  de  le  dif- 
férer jusqu'au  21  octobre  suivant, comme  il 
paraît  par  les  actes  capitulaires  de  celte 
année-là.  Nicolas  Hesselin,  qui  était  prieur 
de  Saint-Denis,  fut  élu  général  de  la  nouvelle 
congrégation.  Le  pape  Paul  V  la  confirma 
l'an  1014  sous  le  titre  de  Congrégation  de 
Saint-Denis,  et  donna  à  tous  les  monastères 
immédiatement  soumis  au  saint-siége  la  li- 
berté de  s'y  associer,  dans  l'espérance  de 
rétablir  par  ce  moyen  la  discipline  mona- 
stique en  France. 

L'année  précédente  le  général  Nicolas 
Hesselin  étant  mort,  Denis  de  Rubenlel  fut 
élu  en  sa  place.  11  remplit  aussi  celle  de 
grand  prieur  de  celle  abbaye,  et  mourut  en 
1620,  après  s'être  démis  quelque  temps  avant 
s;i  mort  du  grand  prieuré  entre  les  mains 
de  Firmin  Pingre.  Comme  par  sa  mort  la 
congrégation  de  Saint-Denis  se  vit  sans  gé- 
néral, et  que  dans  le  même  temps  Claude 
Louvet,  prieur  de  Corbie,  qui  en  était  vicaire 
général,  vint  à  mourir,  aussi  bien  que  le 
syndic  nommé  François  Wasl,  religieux  et 
ihambrier  de  Sainl-Magloire,  Firmin  Pingre 
convoqua  l'année  suivante  le  chapitre  géné- 
ral dans  l'abbaye  de  Saint-Corneille  de  Com- 
piègne  ,  où  l'on  fit  de  nouveaux  officiers. 
Mais  celle  congrégation  ne  subsista  pas 
longtemps.  Le  monastère  de  Saint-Magloiiv, 
qui  était  un  de  ses  membres,  fut  donné  aux 
Pères  de  l'Oratoire  l'an  1628.  Ella  en  perdil 
encore  d'autres  dans  la  suite,  et  les  Béné- 
dictins réformés  de  la  congrégation  de  Sainl- 
Maur  entrèrent  dans  l'abbaye  de  Saint-Denis, 
chef  de  celte  compagnie,  l'an  1633.  Ils  eu- 
rent aussi  dans  la  suite  celle  de  Saint-Cor- 
neille de  Compiègne,  de  Monstiérender,  de 
Saint-Père  de  Chartres  et  quelques  autres. 

Nous  avons  vu  ci-devant  que  dans  le  nom- 
bre des  abbés  réguliers,  cette  abbaye  a  pu 
compter  des  régents  du  royaume,  des  chan- 
celiers et  des  ministres  d'Etat.  Lorsqu'elle  a 
élé  entre  les  mains  des  laïques,  elle  a  eu  des 
rois  mêmes  pour  abbés;  et,  avant  qu'elle  fût 
tombée  en  commende,  plusieurs  de  ces  abbés 
réguliers  ont  élé  élevés  à  la  dignité  d'evê- 
que,  d'archevêque  et  de  cardinal.  Le  pre- 
mier abbé  tommendataire  fut  le  cardinal 
Louis  de  Bourbon,  l'an  1528.  Le  litre  d'abbé 
fut  supprimé,  et  la  mense  abbatiale  unie  à  la 
maison  royale  de  Saint-Louis  à  Saint-Cyr 
l'an  1691,  comme  nous  avons  dit  en  parlant 
de  cette  maison  dans  l'article  Cir. 

Ses  abbés,  quoique  réguliers,  avaient- 
séance  au  parlement  de  Paris,  el  avaient 
grand  nombre  d'officiers  religieux  et  laïques. 
Lorsque  l'abbé  de  Saint-Denis  allait  en  cam- 
pagne, il  était  ordinairement  accompagné 
d'un  chambellan  et  d'un  maréchal,  dont  les 
offices  étaient  érigés  en  fiefs,  comme  il  pa- 
raît par  des  actes  des  années  1189  et  1231. 


Ces  offices  et  ces  fiefs  ont  été  depuis  réunis 
an  domaine  de  l'abbaye,  aus-i  bien  que  l'of- 
fice de  bon tillrer  de  l'abbé,  qui  était  pareil- 
lement un  office  érigé  en  fiel  et  possédé  par 
un  séculier  domestique  de  ce  même  abbé, 
qui  avail  toule  juridiction  spirituelle  el  tem- 
porelle dans  la  ville  de  Saint-Denis  ;  et  plu- 
sieurs de  nos  rois  lui  avaient  attribué  la  con- 
naissance et  la  punition  de  tous  les  criminels 
qui  seraient  pris  dans  le  château  et  la  ville 
de  Saint-Denis,  et  dans  toute  l'étendue  de 
leur  juridiction,  soil  qu'ils  fu-sent  usuriers, 
faux  monnayeurs  et  même  criminels  de  lèse- 
majeslé.  A  certaines  fêles  de  l'année  on 
chante  dans  l'église  de  cette  abbaye  la  messe 
tout  entière  en  langue  grecque,  et  en  d'au- 
tres seulement  l'Epîire  et  l'Evangile.  Elle  a 
aussi  toujours  conservé  jusqu'à  présent  la 
communion  sous  les  deux  espèces  à  la 
messe  solennelle  des  dimanches  et  dis  prin- 
cipales fêles  de  l'année,  où  les  religieux  non 
encore  prêlres  communient  de  celte  sorte, 
non  par  un  privilège  spécial,  comme  plu- 
sieurs se  l'imaginent  (selon  ce  que  dit  le 
P.  Félibien),  mais  par  un  usage  non  inter- 
rompu dans  celte  église  aussi  bien  que  dans 
celle  de  Cluny. 

Après  toutes  les  perles  que  cette  abbaye 
a  faites,  il  est  étonnant  qu'elle  soit  encore 
aujourd'hui  la  plus  riche  et  la  plus  floris- 
sante du  royaume,  tant  par  la  beauté  de  son 
trésor,  qui  est  d'un  prix  inestimable,  que 
par  ses  revenus,  qui, quoique  très-grands,  le 
seraient  encore  davantage  sans  les  disgrâces 
qu'elle  a  éprouvées  en  différents  temps  , 
dont  les  principales  ont  élé  celles  du  pillage 
qu'elle  souffrit  en  14-1 J,  pendant  la  guerre 
civile  qui  fut  causée  par  les  différends  qu  il 
y  eut  au  commencement  du  xv'  siècle  entre 
les  ducs  d'Orléans  et  de  Bourgogne:  ce  qui 
ayant  donné  occasion  aux  Anglais  de  re- 
tourner en  France ,  dont  ils  avaient  été 
chassés,  elle  fut  encore  pillée  en  1419  par 
ces  peuples  tiers  et  barbares.  Ils  s'en  ren- 
dirent maîtres  de  nouveau  en  1455,  après 
que  la  ville  de  Saint-Denis,  qu'ils  assié- 
geaient, leur  eut  élé  rendue  par  capitula- 
tion. Les  ealvini-tes  n'eurent  pas  plus  de 
respecl  pour  ce  monastère  :  car,  en  f.lii 
élant  entrés  dans  la  même  ville  de  Saint- 
Denis,  où  ils  profanèrent  plusieurs  églhes, 
ils  endommagèrent  la  plupart  de  ses  bâti- 
ments, prirent  presque  tous  les  ornements 
d'église,  dépouillèrent  les  châsses  des  viinls 
de  l'or,  de  l'argent  el  des  pierreries  dont 
elles  étaient  couvertes,  empoilèrent  et  dis- 
persèrent les  livres  de  sa  riche  bibliothèque, 
qui  était  remplie  de  quantité  d'anciens  ma- 
nuscrits ;  et  ils  n'en  seraient  pas  restés  là  si 
le  prince  de  Condéj  l'un  de  leurs  chefs,  qui 
aimait  cette  abbaye  parce  qu'il  y  avait  élé 
élevé,  n'eûl  arrêté  leur  fureur  en  faisant  pu- 
nir u.  e  douzaine  des  principaux  auleurs  de 
cet  attentat.  Mais  ce  ne  fut  pas  là  la  dernière 
de  ses  disgrâces;  car  (sans  parler  de  celle 
qu'elle  reçut  de  la  ligue  en  159 J  par  l'inso- 
lence des  soldats,  qui,  non  contents  d'y 
avoir  commis  plusieurs  indignités,  dérobè- 
rent jusqu'au  plomb  de  l'église)  le  duc  de 


19 


DU 


Nemours,  qui  manquait  d'argent  pour  défen- 
dre Paris,  résolu  d'en  faire  au\  dépens  du 
trésor  de  celle  abbaye,  qui  était  gardé  chez 
les  religieux  de  Sainte-Croix  de  la  Brelon- 
nerie,  en  lira,  par  un  arrêt  du  conseil  d'Etat 
rendu  le  28  mai  1590,  un  rubis  estimé  vingt 
mille  écus  et  un  crucifix  d'or  pesant  plus  de 
dix-neuf  marcs,  que  l'abbé  Suger  y  avait 
mis.  11  n'y  eut  pas  jusqu'au  prévôt  des  mar- 
chands, conjointement  avec  les  échevins  de 
Paris,  qui,  voulant  en  enlever  toute  l'argen- 
terie, firent  rompre  les  serrures,  et  empor- 
tèrent six  lampes  d'argent ,  dont  la  plus 
grosse,  qui  venait  d'Espagne,  pesait  plus  de 
quatre-vingt-treize  marcs  ,  quatre  figures 
d'anges  et  un  bénitier  d'argent,  le  tout  pe- 
sant deux  cent  quinze  marcs.  Mais  présen- 
tement celle  fameuse  abbaye  s'est  remise  de 
toules  ces  perles  avec  tant  d'avantage,  qu'il 
serait  difficile  de  les  croire,  si  l'histoire  ne 
nous  en  assurait. 

Voyez  Doublet  et  le  P.  Félibien  ,  Histoire 
de  l'abbaye  de  Saint-Denis;  Sainte-Marthe, 
Gall.  Christ.;  Mabillon  ,  Annal.  De.. < du  t., 
etc. 

DÉVIDOIR  (Chevaliers  di).  Foycs  Crois- 
sant. 

DIJON  ET  DE  LANGRES  (Hospita- 
lières de). 
Des  Hospitalières  de  Dijon  et  de  Latii/ies, 
avec  la  vie  de  M.  Joly,  prêtre,  docteur  en 
théoloqift  et  chanoine  de  l'église  de  Saint- 
Etienne  de  Dijon,  leur  fondateur. 
M.  Joly,  instituteur  des  Hospitalières  de 
Dijon  et  de  Langres,  naquit  à  Dijon  le  22 
septembre  de  l'an  16ii,  et  eut  pour  père 
Jacques  Joly,  secrétaire  du  parlement  de 
Bourgogne.  Le  nom  de  Bénigne  lui  fut  donné 
sur  les  fonts  de  baptême,  et  il  eut  toute  sa 
vie  un  grand  soin  d'honorer  ce  saint  martyr 
et  apôtre  de  Dijon,  par  l'imitation  de  ses 
vertus.  Ses  parenis,  qui  par  un  principe  de 
piété  et  de  devoir  s'étaient  appliqués  à  éle- 
ver tous  leurs  enfants,  dont  le  nombre  était 
assez  grand,  dans  les  pratiques  d''  la  vérita- 
ble dévotion,  remarquèrent  dans  le  jeune 
Bénigne  de  si  heureuses  dispositions  pour  la 
vertu,  qu'ils  redoublèrent  leurs  soins  pour 
l'y  former  de  bonne  heure;  mais  surtout  à 
celle  de  la  charité  envers  les  pauvres,  dont 
sa  mère  lui  donnait  l'exemple  en  allant  de 
maison  en  maison  chercher  les  pauvres  les 
plus  abandonnés,  auxquels  elle  donnait  elle- 
même  tous  les  secours  dont  ils  avaient  be- 
soin,  jusqu'à  exposer  sa  propre  vie  pour 
conserver  la  leur,  comme  il  parut  assez  en 
1632,  que  la  ville  de  Dijon  fut  affligée  d'une 
fièvre  pourpreuse  qui  emporta  plus  de  qua- 
tre mille  personnes.  Car  cette  charitable 
dame  s'employa  arec  tant  de  charité  et  de 
zèle  pour  le  service  des  pauvres  qui  étaient 
attaqués  de  celte  maladie,  et  avec  si  peu  de 
ménagement  pour  sa  santé,  qu'elle  en  Tut 
elle-même  attaquée  et  en  mourut  le  2  octobre 
de  la  même  année.  Pour  accoutumer  de 
bonne  heure  ses  enfants  à  faire  l'aumône 
aux  pauvres,  elle  leur  donnait  souvint  de 
quoi  la  faire  eux-mêmes  ;  et  jamais  elle  n'a- 


DIJ  50 

vait  plus  de  plaisir  que  quand,  après  avoir 
fait  leurs  peiites  libéralités,  ils  retournaient 
à  elle  pour  avoir  de  quoi  en  faire  d'autres. 
Le  pelit  Bénigne  sur  tous  les  autres  se  si- 
gnala si  bien  dans  ces  pratiques  de  charité, 
que,  dès  l'âge  de  cinq  à  six  ans,  ayant  un 
jour  rencontré  dans  les  rues  quelques  pau- 
vres qui  languissaient  de  faim,  et  n'ayant 
rien  à  leur  donner,  il  les  pressa  si  vivement 
de  découdre  tous  les  rubans  qui  ornaient 
une  robe  neuve  que  sa  mère  lui  venait  de 
faire  faire  à  la  mode  de  ce  temps-là.  que  la 
nécessité  jointe  à  ses  sollicitations  les  ayant 
obligés  de  le  faire,  ils  eurent  de  quoi  ache- 
ter du  pain  en  abondance  :  ce  qui  parut  à  sa 
mère  une  action  si  héroïque  de  charité,  que, 
bien  loin  de  lui  en  faire  des  reproches,  elle 
augmenta  pour  lui  sa  tendresse,  louant  et 
bénissant  Dieu  de  lui  avoir  donné  un  enfant 
qui  donnait  de  si  belles  espérances. 

Après  la  mort  de  celle  dame  le  jeune  Bé- 
nigne fut  envoyé  à  Beaune  par  son  père, 
qui  confia  son  éducation  aux  Pères  de  l'Ora- 
toire. 11  fit  des  progrès  dans  les  lettres,  qui 
■  urprirent  ses  maîtres,  et  il  avança  si  bien 
lâns  la  piété,  qu'on  jugea  dès  lors  qu'il  se 
;on^acrerait  au  service  de  l'Eglise.  On  ne 
voyait  point  eu  lui  ces  empressements  si  or- 
dinaires aux  jeunes  gens  pour  le  jeu  et  le 
divertissement.  Il  avait  une  grande  solidité 
d'esprit,  beau  coup  de  discernement,  une  gran- 
deur d'àme  qui  n'élait  pas  commune,  et  son 
inclination  était  d'obliger  ses  compagnons 
et  leur  faire  plaisir  auianl  que  son  attache- 
ment à  son  devoir  le  lui  pouvait  permettre. 

Il  employa  six  années  à  faire  ses  huma- 
lilés;  mais  son  père  étant  mort  au  mois  do 
mai  de  l'année  1639,  son  frère  aîné,  qui  se 
trouva  chargé  de  la  famille,  le  fit  revenir  à 
Dijon.  Un  an  après  il  l'envoya  à  Rennes,  où 
il  le  mit  en  pension  chez  les  Pères  Jésuites, 
sous  lesquels  il  fit  sa  rhétorique  et  com- 
mença sa  première  année  de  philosophie; 
mais  quelques-uns  de  ses  amis  lui  ayant 
conseillé  d'aller  à  Paris  et  d'y  recommencer 
sa  philosophie  pour  se  mettre  en  état  de 
prendre  les  grades,  il  les  crut,  et  son  frère 
y  ayant  donné  les  mains,  il  se  rendit  à  Paris 
au  commencement  du  mois  de  septembre  de 
l'année  1662.  Après  avoir  fait  ses  cours  de 
philosophie  et  de  théologie,  il  fut  reçu  ba- 
chelier en  1667,  et  reçut  le  bonnet  de  doc- 
teur en  1672,  après  avoir  été  ordonné  prêtre 
la  même  année  à  l'âge  de  vingt-sept  ans. 

Il  avait  été  pourvu  d'un  canonicat  dès  l'âge 
do  quatorze  ans  dans  l'église  abbatiale  de 
Saint-Etienne  de  Dijon;  mais  ses  éludes 
l'ayant  empêché  légitimement  de  satisfaire 
aux  devoirs  d'un  chanoine,  elles  ne  furent 
pas  plutôt  finies,  qu'il  songea  de  retourner 
dans  sa  pairie  pour  remplir  ses  obligations. 
A  pe.ne  fut-il  arrivé  à  Dijon  ,  que  Dieu 
éprouva  sa  patience  par  une  maladie  de  Iris 
mis.  pend.nl  laquelle  il  résolut  de  se  dé- 
fais e  de  son  canonicat  afin  d'avoir  la  liberté 
d'à  1er  de  village  en  village  i  our  instruire 
les  paysans  et  passer  toute  sa  vie  dans  une 
mission  continuelle;  mais  le  P.  Charles 
Gautcrol,  provincial  des  Pères  de  la  Doctrine 


SI 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


59 


Chrétienne,  qui  avail  élé  son  directeur  pen- 
dant qu'il  était  à  Paris  et  sans  l'avis  duquel 
il  n'entreprenait  rien,  prévoyant  le  fruit  qu'il 
pouvait  faire  à  Dijon  sa  pairie,  l'empêcha 
d'exécuter  ce  dessein,  et  lui  conseilla  de  de- 
meurer dans  l'état  où  Dieu  l'avait  mis. 

M.  Joly  suivit  donc  cet  avis,  et,  à  peine 
eut-il  recouvré  ses  forces,  qu'il  se  rendit  si 
assidu  à  toutes  les  heures  de  l'office  divin 
de  l'église  de  Saint-Etienne,  qu'il  en  préféra 
Passislance  à  toutes  les  oeuvres  de  piété 
auxquelles  il  se  sentait  porté  de  lui-même  et 
auxquelles  d'autres  personnes  voulaient  l'en- 
gager. M.  Fiol,  pour  lors  abbé  de  cette  collé- 
giale, qui  était  autrefois  un  célèbre  monastère 
de  l'ordre  de  Saint-Auguslin,  conçut  lant  d'es- 
time de  sa  vertu,  que,  sans  avoir  égard  à  son 
âgi\  qui  n'était  encore  que  de  vingt-neuf  ans, 
il  l'honora  de  la  qualité  de  son  grand  vicaire 
pour  toutes  les  dépendances  de  l'abbaye,  et  il 
fit  la  visite  de  toutes  les  églises  qui  étaient  de 
sa  juridiction,  avec  le  succès  qu'on  en  pou- 
vait espérer. 

N'ayant  pu  exécuter  le  dessein  qu'il  avait 
formé  d'aller  dans  les  missions  pour  instruire 
les  pauvres  de  la  campagne,  il  trouva  les 
moyens  de  se  dédommager  d'une  si  sainte 
entreprise  sans  sortir  de  Dijon.  11  y  avait 
dans  cette  ville  quantité  de  pauvres  men- 
diants élevés  dans  l'oisiveté  et  dans  une  pi- 
toyable ignorance,  qui  ne  se  trouvaient  dans 
les  églises  que  pour  interrompre  par  leurs 
importunités  la  dévotion  de  ceux  dont  ils 
imploraient  la  charité.  Pour  empêcher  cet 
abus  et  procurer  en  même  temps  aux  pau- 
vres les  secours  spirituels  et  temporels  dont 
ils  avaient  besoin,  il  fit  publier  par  toutes 
les  paroisses  de  Dijon  que  l'on  ferait  une 
bonne  aumône  à  tous  les  pauvres  de  quel- 
que âge  qu'ils  fussent,  qui  se  trouveraient 
les  fêtes  et  les  dimanches  aux  catéchismes  et 
aux  exhortations  qu'il  ferait  dans  la  chapelle 
de  Saint-Vincent,  et  cette  libéralité  étant  se- 
condée par  celle  de  plusieurs  personnes  cha- 
ritables, attira  un  si  grand  nombre  de  pau- 
vres, que  la  chapelle  se  trouva  trop  petite 
dans  la  suite. 

Ce  ne  furent  pas  seulement  les  pauvres 
qui  vinrent  écouter  ses  instructions,  il  y  eut 
aussi  un  grand  nombre  de  personnes  de  tout 
sexe  et  de  toutes  sortes  d'étals  qui  s'y  trou- 
vèrent. Les  personnes  les  [dus  accommodées 
de  la  ville  crurent  qu'elles  devaient  profiter  de 
l'occasion  pour  faire  mieux  instruire  leurs 
domestiques  qu'elles  ne  l'auraient  pu  faire 
chez  elle-.  11  y  eut  même  des  ecclésiastiques 
d'un  mérite  et  d'une  pieté  distinguée  qui, 
animés  par  son  exemple,  s'offrirent  de  par- 
tager avec  lui  le  travail.  Plusieurs  prélats 
que  les  affaires  de  leurs  églises  obligèrent 
de  passer  à  Dijon,  ayant  ouï  parler  avanta- 
geusement du  grand  fruit  que  produisaient 
ces  instructions,  voulurent  bien  eux-mêmes 
en  être  les  témoins,  et  entre  les  autres  M.  le 
Goux  de  la  Berchère,  archevêque  de  Nar- 
bonne,  qui  se  faisait  un  plaisir  particulier 
de  venir  en  celte  chapelle  pour  y  autoriser 
par  sa  présence  ces  exhortations. 

Le  «èle  que  M.  Joly  avait  pour  le  service 


de  l'Eglise  lui  fit  aussi  entreprendre  de 
donner  de  pareilles  instructions  aux  clercs 
qu'on  élevait  dans  le  séminaire  de  la  Made- 
leine, où  il  vint  faire  sa  demeure  à  la  prière 
du  supérieur;  ce  qui  n'empêchait  pas  que, 
nonobstant  l'éloiguement  de  l'église  de  Saint- 
Etienne  et  ses  grandes  occupations,  il  n'as- 
sistât à  matines  et  aux  autres  offices,  aux- 
quels il  se  rendait  exactement  dans  les  temps 
même  les  plus  fâcheux,  aussi  bien  qu'aux 
assemblées  capitulaires  et  aux  autres  obi i— 
galions  de  son  bénéfice;  mais  toutes  ces  fa- 
tigues jointes  aux  grandes  austérités  qu'il 
pratiquait  épuisèrent  tellement  ses  forces, 
qu'il  tomba  dangereusement  malade  et  fut 
obligé  d'interrompre  ses  offices  de  charité 
et  de  retourner  à  sa  maison  canoniale, 
après  qu'on  eut  employé  l'autorité  de  son 
directeur  pour  l'y  faire  consentir.  A  peine 
eut-il  recouvré  sa  santé,  qu'il  recommença 
avec  plus  de  ferveur  ses  instructions  dans  la 
chapelle  de  Saint-Vincent,  où,  comme  elles 
attiraient  un  grand  nombre  de  pauvres,  il 
crut  que  pour  les  y  engager  davantage  il 
était  à  propos  d'y  établir  une  confrérie  dont 
les  bons  règlements  les  pussent  soutenir 
dans  les  sentiments  de  pieté  qu'il  leur  inspi- 
rait, et  leur  faire  supporter  avec  patience 
l'état  de  pauvreté  où  Dieu  1rs  avail  mis. 
Mais  plusieurs  personnes  riches  et  de  piété, 
ayant  voulu  être  de  cette  confrérie,  elle  s'est 
trouvée  dans  la  suite  composée  des  plus 
considérables  de  la  ville,  sans  que  pour  cela 
elle  ait  prrdu  le  nom  de  confrérie  des  pau- 
vres, puisque  c'est  à  eux  que  tout  ce  que 
l'on  y  l'ait  de  bon  se  rapporte. 

Ce  saint  homme  ne  se  contenta  pas  seule- 
ment d'exhorter  les  pécheurs  à  la  pénitence 
et  à  changer  de  vie,  il  voulut  encore  leur 
ôlcr  les  occasions  du  péché;  c'est  ce  qui  lui 
fit  entreprendre  l'établissement  de  la  com- 
munauté du  Bon-Pasteur,  qui  non-seulemenl 
sert  de  refuge  et  d'asile  aux  filles  débauchées 
qui  ont  dessein  de  quitter  leur  vie  déréglée, 
mais  encore  de  retraite  et  de  lieu  de  correc- 
tion à  celles  que  leurs  parents,  pour  prévenir 
le  déshonneur  de  leur  famille,  jugent  à  pro- 
pos d'y  renfermer,  et  à  celles  qui  sont  con- 
damnées à  y  être  renfermées  pour  punition 
de  leur  vie  scandaleuse,  comme  il  est  porté 
par  les  lettres  patentes  que  le  roi  donna  l'an 
1687  pour  l'établissement  de  celte  commu- 
nauté. Il  établit  aussi  une  société  qu'on 
nomme  la  Chambre  de  la  Divine  Providence, 
en  faveur  des  pauvres  servantes  qui  se  trou- 
vent sans  condition.  Sa  charité  n'était  pas 
moins  grande  pour  les  pauvres  malades, 
qu'il  visitait  et  consolait  par  ses  exhorta- 
tions, par  les  aumônes  qu'il  leur  faisait,  et 
les  services  qu'il  leur  rendait,  avec  lant  de 
douceur  et  d'assiduité,  que  l'évêque  de  Lau- 
gres  lui  conGa  la  direction  spirituelle  du 
grand  hôpital  de  Dijon,  ce  qui  donna  lieu  à 
l'établissement  des  Filles  Hospitalières,  dont 
il  a  élé  l'instituteur,  de  la  manière  suivante. 

Il  y  avail  dans  la  ville  de  Dijon  un  hôpital 
fort  ancien,  sous  le  nom  du  Saint-Esprit, 
qui  était  desservi  parles  religieuses  de  l'ordre 
du  Saint-Esprit  de  Montpellier,  sous  la  di- 


33 


DU 


DU 


34 


reclion  d'un  commandeur  et  de  quelques 
autres  religieux  du  même  ordre.  Mais  cet 
hôpital  ne  s'étant  pas  trouvé  suffisant  pour 
le  nombre  des  pauvres  malades  ou  autres 
qui  avaient  besoin  d'assistance,  on  y  joignit 
dans  la  suite  du  temps  l'hôpital  de  Notre- 
Dame  de  la  Charité,  qui,  par  la  quantité  îles 
pauvres  qui  y  ont  été  reçus,  est  devenu  l'hô- 
pital général.  Ces  deux  hôpitaux  furent  assez 
longtemps  administrés  par  les  religieuses  de 
l'ordre  du  Saint-Esprit.  Mais  celle  union 
ayant  change  l'état  des  choses,  et  les  ma- 
gistrats qui  en  avaient  l'inspection  s'étant 
aperçus  qu'il  y  avait  quelque  chose  dans 
l'administration  qui  n'était  pas  favorable  au 
public,  s'y  opposèrent  pendant  plusieurs 
années,  jusqu'à  ce  que,  voyant  toutes  leurs 
remontrances  et  leurs  oppositions  ne  servir 
à  rien,  ils  jugèrent  que  le  moyen  le  plus 
convenable  pour  remédier  aux  abus  était  de 
renvoyer  les  religieuses  à  l'ancien  hôpital 
du  Saint-Esprit  pour  y  prendre  soin  des  pau- 
vres qu'on  y  recevait,  et  de  confier  ceux  de 
l'hôpital  de  Notre-Dame  de  Charité  à  des 
tilles  qui  dépendraient,  pour  le  temporel,  des 
administrateurs,  et,  pour  le  spirituel,  des 
supérieurs  ecclésiastiques  qu'il  plairait  à 
l'évèque  de  Langres  de  leur  donner.  Cette 
résolution  prise,  on  l'exécuta,  nonobstant 
les  oppositions  qu'on  y  fit,  et  qui  furent  le- 
vées trois  ans  aprèi  par  un  arrêt  du  conseil 
d'Etat  du  22  septembre  1688.  L'évèque  de 
Langres,  informé  du  bon  ordre  qu'on  gar- 
dait dans  cette  maison  depuis  qu'il  eu  avait 
confié  la  conduite  spirituelle  à  Al.  Joly  , 
donna  volontiers  son  consentement  à  l'éta- 
blissement d'une  nouvelle  communauté  de 
filles  séculières  pour  le  service  des  pauvres, 
auquel  elles  seraient  attachées  par  des  vœux 
sous  l'obéissance  d'une  supérieure  autant  de 
temps  qu'elles  demeureraient  dans  cet  hôpital. 

La  nouvelle  de  cet  établissement  ne  se  fut 
pas  plutôt  répandue  ,  que  l'on  fut  surpris 
de  voir  a  Dijon  une  troupe  de  filles  pieuses 
qui  y  venaient  des  provinces  même  les  plus 
éloignées  pour  s'y  consacrer  au  service  des 
pauvres.  Il  en  vint  de  Paris.de  Champagne  et 
de  Flandre,  qui,  s'étant  unies  a  celles  de  la 
ville,  turent  logées  dans  une  maison  qui  leur 
avait  été  préparée,  en  attendant  qu'on  les  fit 
entrer  dans  l'hôpital  de  Notre-Dame  de  la 
Charité,  où  après  quelques  mois  elles  pri- 
rent enfin  la  place  îles  religieuses  du  S;iint- 
Esprit ,  et  y  demeurèrent  en  habit  séculier 
jusqu'à  ce  que,  du  consentement  de  l'évèque 
de  Langres,  AL  Joly  donna  l'habit  de  novice 
à  quinze  d'entre  elles  le  6  janvier  1085.  Cet 
habillement  est  semblable  à  celui  des  Tilles 
de  Sainte-Agnès  d'Anas  et  de  la  Sainte-Fa- 
mille de  Douai,  dont  quelques-unes  vinrent 
à  Dijon  pour  instruire  ces  nouvelles  Hospi- 
talières des  observances  îégulières.  Trois 
ans  après,  c'est-à-dire  en  1688,  le  roi  accor- 
da ses  lettres  patentes  pour  l'établissement 
de  ces  filles  en  corps  de  communauté  sécu- 
lière, et  en  1689  elles  furent  enregistrées  au 
pailemenl  le  23  mars. 

Quoique  M.  Joly  eût  été  établi  supérieur 
de  cet  hôpital  pour  le  spirituel  par  l'autorité 


de  l'évèque,  son  humilité  néanmoins  l'empê- 
cha d'en  accepter  et  la  qualité,  et  les  fonc- 
tions ;  il  pria  un  autre  ecclésiastique  de  ses 
amis  d'un  mérite  distingué  et  d'une  grande 
piété  de  vouloir  bien  s'en  charger.  Mais,  s'y 
étant  trouvé  des  difficultés,  on  conseilla  à 
ces  bonnes  filles  de  choisir  elles-mêmes  un 
supérieur  sous  le  bon  plaisir  de  l'évèque  de 
Langres.  Elles  suivirent  ce  conseil  comme  le 
moyen  le  plus  sûr  pour  en  avoir  un  qui  leur 
fût  convenable  ;  et,  s'étant  assemblées  pour 
cet  effet,  elles  élurent  AI.  Joly,  dont  elles 
avaient  déjà  expérimenté  le  zèle.  Lorsque  ce 
saint  prêtre  en  fut  averti,  il  témoigna  beau- 
coup de  répugnance  pour  cet  emploi  ;  mais 
il  se  soumit  enfin  aux  ordres  de  la  Provi- 
dence en  acceptant  la  conduite  de  ces  Hospi- 
talières, dont  la  fidélité  à  remplir  tous  leurs 
devoirs  l'encouragea  à  leur  dresser  des  rè- 
glements, afin  qu'il  y  eût  entre  elles  une 
uniformité  d'actions  et  de  pratiques. 

Il  passa  plusieurs  années  à  cet  ouvrage  , 
auquel  il  s'était  disposé  par  le  jeûne  et  la 
prière,  afin  d'implorer  le  secours  et  les  lu- 
mières du  ciel  ;  et,  après  avoir  consulté  les 
personnes  les  plus  éclairées  dans  ces  matiè- 
res, il  les  fit  pratiquer  pendant  quelques  an- 
nées, afin  que,  l'expérience  lui  en  ayant  f.iit 
connaître  les  défauts  et  les  inconvénients,  il 
pût  les  reloucher,  comme  il  fil  effectivement 
en  y  retranchant  plusieurs  choses  superllues 
ou  difficiles  à  observer,  et  y  en  ajoutant  d'au- 
tres qui  lui  semblèrent  plus  conformes  à  l'es- 
prit de  cet  institut  et  plus  proportionnées  à  la 
faiblesse  de  ces  filles  ,  auxquelles  il  les  fit 
observer  jusqu'à  la  veille  de  sa  dernière  ma- 
ladie, que,  lui  paraissant  sans  défaut,  il  prit 
la  résolution  de  les  faire  approuver  et  les 
présenta  pour  cet  effet  à  l'évèque  de  Lan- 
gres, qui  les  fit  examiner  par  son  conseil  et 
par  des  personnes  spirituelles  expérimentées 
en  ces  sortes  d'affaires,  et  les  lut  aussi  avec 
beaucoup  d'attention.  Mais  AL  Joly  n'eut  pas 
la  consolation  de  les  voir  approuvés  de  son 
vivant,  ne  l'ayant  élé  que  quelques  jours 
après  sa  mort,  qui  fut  causée  par  une  es|  èce 
de  maladie,  contagieuse  qui  suivit  immédia- 
tement la  disette  des  grains  dont  la  France 
fut  allligée  en  1693  et  I69i.  Car  ce  saint  hom- 
me s'employa  au  secours  spirituel  et  tem- 
porel de  ceux  qui  en  étaient  attaqués  avec 
tant  d'ardeur  et  si  peu  de  ménagement  pour 
sa  sauté,  qui  u'élail  pas  encore  bien  rétablie 
d'une  maladie  qu'il  avait  eue,  qu'il  ne  put 
résister  à  la  malignité  de  ce  mal,  dont  il  re- 
garda les  premières  attaques  comme  un  aver- 
tissement qu'il  devait  achever  son  sacrifice  ; 
c'est  pourquoi  il  s'y  prépara  par  une  con- 
fession générale,  et  reçut  le  saint  viatique 
dans  des  transports  d'humilité,  de  reconnais 
sance  et  d'amour,  qui  tirèrent  les  larmes  des 
yeux  de  tous  les  assistants.  Enfin,  après 
avoir  souffert  pendant  dix  jours  des  douleurs 
excessives  sans  qu'il  lui  échappât  aucune 
plainte,  sentant  approcher  le  moment  auquel 
il  devaitquitter  le  monde  pour  aller  jouir  de 
la  présence  de  son  Créateur  et  de  son  souve- 
rain bien,  il  demanda  l'extrêine-onction , 
répondit  lui-même  à  toutes  les  prières  mai- 


35 


quécs  dans  le  Rituel  pour  la  recommanda- 
tion de  l'âme,  et  mourut  sur  les  neuf  heures 
du  soir  le  9  septembre  1694,  étant  â«ë  de 
cinquante  ans.  l*eu  de  jours  avant  sa  mala- 
die, ayant  donné  son  propre  lit  à  des  pau- 
vres, il  eul  .a  consolation  de  mourir  sur  un 
lit  d'emprunt  après  avoir  prodigué  sa  vie 
pour  le  soulagement  des  misérables  :  aussi 
les  pauvres  ie  regardant  comme  leur  père  , 
le  litre  lui  en  est  resté  après  sa  mort.  Il  y 
eul  contestation  entre  les  chanoine,  de  Saint- 
Elienne  et  les  filles  Hospitalières  à  qui  aurait 
sou  corps,  sur  une  clause  de  son  testament; 
niais  il  fut  adjugé  aux  Hospitalières  comme 
étant  leur  fondateur.  Il  fut  enterré  dans  le 
Cimetière  de  l'hôpital,  et  son  ccrur  fut  donné 
aux  chanoines  de  Saint-Etienne. 

Douze  jours  après  si  mort,  le  22  septem- 
bre,   l'évèque    de  Langres   appr.  uva    avec 
eh.ge  les  règlements  qu'il  avait  faits  pour  les 
Hospitalières,  auxquels  il  ajouta    quelques 
modifications  qui  étaient  plutôt  des  marques 
ce  1  exactitude  avec  laquelle  il  les  avait   us 
que  des  corrections  qu'il  y  eût  faites.  Ces 
Ules  étant  demeurées   en  habit   de  novices 
les;  ace   de   près   de  douze   ans,  firent  1  us 
premiers  vœux  le  2a  février   1096,  dix-huit 
mois  après  la  mort  de  M.  July,  qu'elles  re- 
connaissent pour  leur  seul  et  véritable  insti- 
uteur,  don:   elies   imite.. t  encore  à  présent 
la  charité   pour  les  pau.  res  malades,  aux- 
quels  elles  donnent   toutes  les   assistances 
-iont  ils  ont  besoin  :  ce   qu'elles  fout  avec 
tant  d  edil. cation,  que  la  benne  odeur  de  leur 
pic'e  el  de  leur  charité  a  donné  lieu  à  l'éta- 
blissement do  leur  institut  dans  trois  autres 
maisons,  dont  il  y  eu  a  une  à  Langres.  Ouoi- 
que  1  ecrivam  de  la  Vie  de  M.  Jo.y  donne  à 
ces  Hospitalières  le  litre  de  religieuses,  elles 
nelout  pas   néanmoius  de   vœux  solennels, 
lilles  lout  ciuq  au,  de  noviciat,   après  les- 
quels elles  luut  seulement  trois  vœux  simples 
de  chasteté,  d'obéissance  et  de  chante  envers 
es  malades.  Elles  sont  sous  la  couduite  de 
eveque  pour  le  spirituel,  et  des  administra- 
teurs de  leurs  hôpitaux   pour  le  temporel. 
Les  supérieures  sont  élues  tous  les   six  ans. 
L.ur  habillement,  qui  est   noir  et   tel   que 
nous  1  avons  fait  graver  (1  ),  est,  comme  nous 
1  avons  dej[a  dit,  semblable  à  celui  des  filles 

i\  STlTÀ,SQii>-  U'A!',US.  et  ^  la  !  ainte- 
1  a....  le  de  Doua.,  dont  l'institut  est  d'élever 
de  petites  filles  erpheliues  et  abandonnées  , 
josqu  a  ce  qu  elles  soient  en  âge  d'être  ma- 
riées ou  d  entrer  en  service.  E.les  fout  aussi 
rois  vœux  simples,  et  ont  eu  pour  fonda- 
trice mademoiselle  Jeanne  Biscot,  née  à  Ar- 
ias, 1  au  1001,  et  qui  mourut  le  27  juin  iUOi 
agee  de  00  aus.  ' 

Le  l'ère  lieaugendre  Bénédictin,  Vie  de 
M.Joly,  imprimée  à  Paris  l'an  1700,  et  Mé- 
moires envoyés  par  ces  filles  Hospitalières, 
et  par  les  filles  de  la  Société  de  Sainte  Agnès 
(i    II  ras.  J 

DIMESSES  ou  MODESTES 

(L'uMGKKGàTION  DES). 

De  la  congrégation  des  Filles  et   Veuves  ap- 
(I;  V'ui/.,  à  la  lin  du  vol.,  n'a 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


pelées  Dimesses  ou  MoJestes  dans  l'Etat 

)  enitten. 

La  congrégation  des  Filles  et  Veuves  ap- 
pelées Dimesses  ou  Modestes,  dans  l'Etat 
\  cnilien,  a  eu  pour  fondatrice  Deianara  Val 
marana,  fille  d'Aluise  Valmarana  et  d'Isa- 
belle Nogaru  e  de  Vérone.  Elle  naquit  à  li- 
cence 1  an  1549,  Etant  eu  âge  d'être  mariée 
elle  épousa  Agrippa  Prislralo  .  jurisconsulte 
ue  la  même   ville,  dont  elle  eul  un  fils.  La 

TreSf  '1"CI'  SUiVie  llUelq"e  le'»PsnPrès 
de  celle  d  .on  mari,  qui  mourut  en  1572  la 
déliant  de  tout  ce  qui  pouv.it  I  altacher'au 
monde  elle  prit  l'habit  du  Tiers-Ordre  de 
Saint-François  d'Assise  el  se  relira  aver 
quatre  pauvres  femmes  dans  une  maison  qui 
lu.  appartenait,  ou  elles  vécurent  ensemble 
dans  la  pratique  de  toules  les  vertus  chré- 
tiennes sous  la  conduite  du  P.  Antoine 
Pagan,  religion,  de  l'ordre  de  saint  "'ràn- 
cois  de  1  Observance.  A  son  exemple,  Angèle 
Aalmarana,  sa  cousine,  se  voyant  llVsi 
veuve,  acheta  une  maison  joignant  celle  de 
Uejanara  Valmarana,  où  elle  alla  dem!  urer 
avec  quelques  femmes  dévotes,  et  y  pratiqua 
lotit  ce  que  sa  pieté  lui  inspirait  de  plus  par- 
fa.  ,  jusqu  a  ce  que  le  P.  Pagaui  e&  („4ssé 
pa  ecut  des  règlements  communs  pour  ces 
deux  maisons,  qui  lurent  approuvés  par 
1  eveque  de  V.ceuce  el  par  le  cardinal  Au- 
gusiin  \aherio,  eveque  de  Vérone  et  visiteur 
aposolique  dans  le  diocèse  de  Vicence  fan 

ins.ii.  P.?  ql!eS,afUlT  maistms  du  u'éu,e 
insHiul  ayant  ele  fondées  en  d'aulres  lieux 
Dejapara  Valmarana  les  gouverna  en  quai 
le  oc  supérieure  générale  pendant  vingt- 
quai,  e  ans,  jusqu'à  ce  que,  pleine  de  mérites 
et  de   vertus  ,   Dieu    la  retira 'de  ce   m,  de 

ans  II,  ïï'  i""1  aS%  de  ciuquaute-trois 
dé  N,    ï   n  en.teripee  a  Vicence  dans  l'église 

sépulture  commune  des  Dimesses. 

d^niuler1eÇ,°it,]ansCeUe  congrégation  que 
des  filles  et  des  veuves  libres  de  Tous  enga- 
gements, qui  ne  soient  point  obligées  .3 1  n 
tutelle  de  leurs  enfants,  ou  dont fe  enfan  î 
pourraient ^  avoir  besoin  pour  leurs  établis! 
semants.  Elles  sont  éprouvées  pendant  os 
ans  avant  que  d'être  reçues,  et  après  leur 
réception,  elles  ont  encore  deux  autres  an- 
nées d  épreuve,  pendant  lesquelles  on  peut 
es  renvoyer.  11  ne  doit  pas  }  avoir  plus  e 
Luit  ou  neuf  Dimesses  dans  une  même 
maison,  non  comprises  les  servantes    et 

1  tue3'  da;0.,V,,UJOUrr  d0UX  ,Ui,isons  voisines 
luue  de   1  autre,  afin  que  Ion  puisse  .dus 

SïZt eut  avui,r  des  vieilles  SSZ& 

Pdguer  les  jeunes  lorsqu'elles  sortent.  Tous 
es  ans  ces  deux  maisons,  ou  quatre  au 
Plus,  élisent  ensemble  une  supérieure,  à4ë 
au  moins  de  (renie  ans,  et  qui  doit  en  avoir 
passe  ç.u  |  dans  la  congrégai.on.  Elles  élisent 
aussi  deux  ajulantes  ou  majeures  pour  cha- 
que maison,  qu,  doivent  av'oir  demeuré  au 
moins  rois  ans  dans  la  congrégation  el  qu'on 
appelle  aussi  consullrices.  Il  leur  est  dé- 


37 


niv 


fendu  de  laisser  entrer  les  hommes  dans  leurs 
maisons.  Leurs  obligations  principales  sont 
d'enseigner  le  catéchisme  aux  personnes  de 
leur  sexe,  d'assister  aux  sermons  et  aux 
dévoilons  particulière?  des  églises,  de  fré- 
quenter souvent  les  sacrements,  de  visiter 
et  d'assisler  corporellement  les  pauvres 
femmes  dans  les  hôpitaux.  Elles  ne  s'ohligent 
par  aucun  vœu  envers  la  congrégation,  et 
elles  en  peuvent  sortir  quand  bon  leur  sem- 
ble, même  pour  se  marier.  Comme  elles  font 
une  profession  particulière  d'humilité,  elles 
ne  se  donnent  point  hs  unes  aux  autres  le 
titre  de  Signora  ou  Madame,  mais  seulement 
celui  de  Madonnn  ou  Dame.  Leur  habille- 
ment tel  qu'on  le  peut  \oir  dans  la  figure 
que  nous  avons  fait  graver  (1),  doit  élre  de 
laine  noire  ou  brune,  à  leur  volonté.  Celui 
des  sirvantes  est  plus  court,  el  elles  portent 
un  voije  blanc,  au  lieu  que  les  Dimesses, 
lorsqu'elles  sortent,  ont  une  grande  cape  ou 
manie  de  taffetas  noir.  11  y  a  des  maisons  de 
cet  institut  à  Vicence,  où  il  a  pris  nais- 
sance; à  Venise,  à  Padaue,  à  Udine  et  en 
d'autres  lieux  de  l'Etal  Vénitien. 

Philippe  Bonaani,  Cnlulvg.  Ord.  rcligios. 
par.  n,  pag.  1J6,  et  Mémoires  envoyés  de 
Venise  en  171  i. 

DISCIPLINES  (Chevaliers  des  ).  Voyez 
Dragon  renversé. 

DIVINE  PROVIDENCE  ET  DE  SAINT-BER- 
NARD (Congrégation  de  la). 

Des  religieuses  Bernardines  II  '■ formées  drs 
congrégations  de  la  Divine  Providence  el 
de  Saint-Bernard  en  France  et  en  Savoie, 
aicc  il  vie  de  la  vénérable  Mcre  L  ■ttisr- 
Blanche-Ikéc'sc  de  Ballon,  leur  fondatrice. 

Ce  n'était  pas  seulement  dans  les  mo- 
nastères d'hommes  de  l'ordre  de  Citeaux 
que  le  relâchemenlet  le  dérèglement  s'étaient 
introduits;  une  pareille  licence  régnait  aussi 
dans  la  plupart  des  monastères  de  fille;  du 
même  ordre.  Mais,  comme  Dieu  avait  suscité 
de  saints  religieux  pour  faire  revivre  le  pre- 
mier esprit  de  Cileaux  dans  plusieurs  mo- 
nastères et  tablir  dans  d'autres  des  obser- 
vances moins  austères  que  les  premières, 
afin  que  ceux  qui  vivaient  dans  le  dérègle- 
ment, attirés  par  leur  douceur  et  par  leur 
facilité,  eussent  moins  de  peine  «  embrasser 
une  vie  uniforme  et  réglée,  il  suscita  pareil- 
lement de  saintes  filles  pour  remettre  dans 
les  observances  réguli. '  res  celles  qui  s'en 
étaient  écartées,  qui  embrassèrent  toutes  les 
austérités  de  l'ordre.  Les  autres,  effrayées 
de  cette  grande  austérité,  se  contentèrent 
d'embrasser  des  observances  qui,  remplies 
de  sagesse  et  de  modération,  les  mettaient  à 
couvertdu  dérèglement  et  durelâchement  qui 
s'étaient  introduits  dans  plusieurs  mona- 
stères, et  leur  prescrivaient  un  genre  de  vie 
qui  les  rendait  des  sujets  d 'édification  à  tout 
le  monde.  Les  religieuses  Bernardines  Ré- 
formées des  congrégations  de  Franee  et  de 
Savoie  furent  du  nombre  de  ces  dernières,  et 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n"  i. 


D1V 


33 


eurent  pour  institutrice  la  vénérable  Mère 
de  lia  lion. 

Elle  était  fille  de  Charles-Emmanuel  de 
i;al!on,  gentilhomme  de  la  chambre  du  duc 
Je  Savoie  Charles-Emmanuel  I"\  et  qui  fut 
dans  la  suite  ambassadeur  de  ce  prince  en 
France  et  en  Espagne.  Elle  vint  au  monde 
1  an  lo91  dans  le  château  de  Vanchi,  séjour 
ordinaire  de  ses  parents,  comme  le  plus 
agréable  el  le  plus  commode  de  leur  do- 
maine, et  ;  ut  situé  au  milieu  de  la  baronie 
de  Ballon,  à  cinq  lieues  de  Genève,  et  amant 
'I  Annecy.  Elle  reçut  le  nom  de  Louise  au 
baptême,  celui  de  Blanche  lui  fut  donné  à  lu 
confirmation,  et  elle  prit  elle-même  celui  de 
Iherese,  qu'elle  ajouta  aux  deux  autres 
quand  elle,  commença  sa  reforme. 

A  l'âge  de  sept  an';  ses  parents    la  mirent 
dans  l'abbaye  de  Sainte-Catherine  de  l'ordre 
de  Citeaux,  dont  l'abbesse  était  leur  parente. 
Suivant  la  pratique  de  ce  monastère,  elle  y 
rc.ut  l'habit  à  cet  âge,  el  fut  admise  au  nu- 
vie  al.  Elle  fit  un   si  grand  progrès  dans    la 
vertu,  et  devint  en  peu  de  temps  si  éclairée 
dans  ies  choses  spirituelles,  que  sa  mère,  se 
jiréval  .ni  de  la  liberté  que  les  novices  et  les 
professes  de  ce  monastère  avaient  d'en  sor- 
tir pour  aller  voir  leurs  parents,  la   faisait 
venir  sou» enta  Vanchi  pour  l'entendre  par- 
ler de  sujets  de  piété,  el  pour  recevoir  de  le 
des    avis  sur  ce  qui   regardait   sou    propre 
salut.  Comme  les  visites  qu'elle  rendait  à  ses 
parents  ne  venaient  ni  de  légèreté,  ni  d'oisi- 
veté, que  ce  n'était  ni  par  ennui  de  la  soli- 
tude, ni  par  recherche   des  divertissements 
qu  elle  pouvait  trouver    au  dehors    qu'elle 
venait  à  Vanchi,  mais  seulement  par  conde- 
scendance et  même  par  obéissance  à  la  vo- 
lonté de  son  abbesse  el  de  ses  parents,  il  n'y 
avait  point  de  temps    plus   saintement  em- 
ployé que  celui   qu'elle  passait  chez   eux, 
étant  dans  le  monde  comme  si  elle  n'y  était 
pas.  Ayant  atteint  l'âge   de  seize  ans,  et  le 
temps  étant  arrivé  qu'elle  devait  s'engager 
plus  étroitement  par  la  profession  religieuse, 
ses    parents  souhaitèrent    que  ce  fût  dans 
leur  château  même  qu'elle  fit  ce  grand  sa- 
crifice. Ils  n'eurent  pus  de  peine   à  obtenir 
celte  consolation  des  supérieurs  de  l'urdre  : 
car,   comme  en    ce  temps-là  on  ne   gaidait 
point  de  clôture  dans  le  monastère  de  Sainte- 
Caiheiine,  non  plus  que  dans  les  autres,  ils 
ne  se  rendaient  pas  difficiles   à   permettre 
que  les  novices  allassent    faire   leur  profes- 
sion chez  leurs  pirnU  quand  ils  le  deman- 
daient. Le  i  mars  1007  ayant  été  destiné  pour 
le  jour  de  celle   cérémonie,  dom  Ktcojas  de 
Rhides,  abbé  régulier  de  Thamiers  et  vicaire 
général  de  celui  de  Citeaux,  s'y  trouva  pour 
recevoir  les  vœux  de  cette  nouvelle    épouse 
de  Jesus-Christ,  qui  eut    la   consolation   de 
les    prononcer    en  présence    d'une    de    s.  s 
sœurs,  novice  du  mon.aslère  de   Boniieu,  du 
même  ordre  ,   qui   s'était    aussi    rendue  au 
château  de  son  père   pour   le    même    sujet, 
avec  une  autre  novice  du  même  monastère. 
La  sœur  Louise  de  Ballon  n'eut  pas  plutôt 


59 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX 


40 


fail  sa  profession,  qu'elle  voulut  se  rendre  à 
son  monastère,  comme  au  séjour  où  elle 
venait  de  s'attacher  plus  étroitement.  Ce  fut 
en  vain  que  ses  parents  la  solicitèrent  de 
rester  quelque  temps  avec  eux  :  insensible  à 
leurs  larmes  et  inexorable  à  leurs  prières, 
elle  leur  déclara  que  c'était  inutilement  qu'ils 
tâchaient  de  l'attendrir  par  les  unes  et  de  la 
fléchir  par  les  autres;  qu'elle  était  résolue 
de  s'aller  enfermer  dans  son  monastère, 
pour  y  jouir  de  la  conversation  de  son  divin 
époux  et  pour  satisfaire  à  son  devoir.  Quoi- 
que la  clôture  n'y  fût  pas  observée,  comme 
nous  avons  dit,  c'était  néanmoins  lacou'ume 
que  chaque  religieuse  l'observait  la  pre- 
mière année  de  sa  profession  avec  tant 
d'exactitude,  qu'elle  ne  sorlait  pas  une  seule 
fois,  non  pas  même  pour  prendre  l'air  à  la 
campagne  autour  du  monastère,  comme  fai- 
saient les  autres  professes  quand  elles  le 
voulaient,  outre  que  la  nouvelle  professe 
était  obligée  d'assister  au  chœur  si  fidèle- 
ment à  toutes  les  heures  canoniales  pendant 
cette  année,  que  la  maladie  même  ne  suffi- 
sait pas  pour  s'en  excuser,  car  si  elle  tom- 
bait malade  dans  celte  même  année,  il  fallait 
qu'elle  la  recommençât  après  comme  si  elle 
n'eût  rien  fail,  et  on  ne  la  tenait  quitte  de 
cette  obligation  qu'après  avoir  assisté  régu- 
lièrement an  chœur  pendant  toute  une  année 
sans  interruption.  Mais  la  mère  de  Ballon 
ajouta  encore  quelque  chose  de  plus;  car 
elle  fut  pendant  ce  lernps-là  si  recueillie  et 
si  retirée  dans  sa  chambre,  qu'on  ne  la 
voyait  qu'au  chœur  et  au  réfectoire. 

Ce  fut  dans  une  retraite  qu'elle  fit  sous  la 
conduite  de  saint  François  de  Sales,  son 
pioche  parent,  que  Dieu  lui  inspira  les  pre- 
miers désirs  d'une  réforme,  qu'elle  eut  le 
bonheur  de  voir  accomplir  quelques  années 
après,  loisque  ce  saint  prélat  fut  prié  par 
l'abbé  de  Cileaux  de  réformer  le  monastère 
de  Sainte-Catherine,  qui  était  de  son  diocèse. 
Nous  avons  déjà  dit  qu'on  ne  gardait  aucune 
clôture  dans  ce  monastère,  ce  qui  faisait  que 
l'entrée  était  autant  permise  aux  séculiers 
que  la  sortie  en  était  libre  aux  religieuses. 
Les  visites  fréquentes  et  le  séjour  qu'elles 
allaient  faire  chez  leurs  parents  et  leurs 
amis  les  faisaient  rentrer  dans  l'esprit  du 
monde  avec  tant  d'excès,  qu'elles  revenaient 
presque  toutes  séculières  à  leur  monastère. 
L'ameublement  de  leurs  chambres  était  tout 
mondain.  C'était  une  émulation  entre  elles  à 
qui  aurait  son  appartement  plus  richement 
paré.  Les  étoffes  les  plus  fines  et  les  plus 
apparentes  étaient  celles  qu'elles  recher- 
chaient pour  s'habiller,  quelques-unes  y 
ajoutaient  des  parures  et  des  ajustements 
qui  donnaient  lieu  de  croire  qu'elles  avaient 
honte  de  laisser  sur  elles  les  moindres  mar- 
ques de  leur  état.  Les  séculiers  avaient  même 
leur  demeure  dans  l'enceinte  du  monastère  ; 
car,  outre  les  servantes  que  chaque  religieuse 
avait,  il  y  avait  aussi  des  valets  qui  y  de- 
meuraient, tant  pour  la  culture  ues  terres 
que  pour  la  garde  des  troupeaux  qui  appar- 
tenaient à  des  religieuses  particulières,  en 
sorte  que  cette  maison  ressemblait  en  quel- 


que façon  à  une  ferme  plutôt  qu'à  un  mo- 
nastère, ce  qui  fut  un  des  principaux  motifs 
qui  engagèrent  celles  qui  commencèrent  la 
réforme  dont  nous  allons  parler. 

Tel  était  l'état  de  cette  abbaye  lorsque  saint 
François  de  Sales  fut  prié,  l'an  1608,  par 
l'abbé  de  Cileaux,  dom  Nicolas  lîoucherat, 
d'employer  son  autorité  et  ses  soins  pour  la 
réformer.  .Mais  ceux  qu'il  apporta  furent 
inutiles,  de  manière  qu'il  avait  perdu  toute 
espérance  d'y  réussir,  croyant  même  qu'il 
sérail  inutile  d'y  travailler;  mais  Dieu,  qui 
est  admirable  dans  ses  saints,  voulant  con- 
soler son  serviteur  et  mettre  fin  à  l'accom- 
plissement des  désirs  de  la  mère  de  Ballon, 
lui  en  fit  naître  l'occasion  quelques  années 
après:  car  cinq  religieuses  de  ce  monastère, 
unies  ensemble,  ayant  formé  le  dessein  de 
commencer  une  nouvelle  réforme  dans  un 
autre  lieu,  prévoyant  que  les  autres  reli- 
gieuses ne  voudraient  jamais  consentir  à  la 
clôture,  en  parlèrent  à  saint  François  de 
Sales,  qui,  bénissant  le  Père  des  miséri- 
cordes des  grâces  qu'il  faisait  à  ces  saintes 
filles,  les  fortifia  dans  leurs  résolutions.  Il  fit 
de  nouveaux  efforts  pour  obliger  les  autres 
religieuses  de  ce  monastère  à  recevoir  la 
clôture  et  embrasser  la  réforme;  mais, 
voyant  que  c'était  inutilement,  il  consentit 
que  ces  cinq  religieuses  commençassent  la 
réforme  hors  le  monastère.  Elles  en  obtin- 
rent les  permissions  nécessaires  de  l'abbé  de 
Cileaux,  à  la  recommandation  du  prince 
Thomas  de  Savoie  et  de  l'abbé  de  Thamiers. 
M.  de  Leaz,  frère  de  la  mère  de  Hallon,  alla 
lui-même  à  Cileaux  pour  ce  sujet;  et  Ru- 
milli,  petite  ville  de  Savoie,  fut  le  lieu  où 
elles  jetèrent  les  premiers  fondements  de  leur 
réforme  l'an  1622. 

Ces  cinq  religieuses  furent  les  Mères  Ber- 
nardede  Vignol,  Louise-Blanche-Thérèse  de 
Ballon,  Emmanuelle  de  Monthoux  ,.  Péroné 
de  Boclietle,  et  Gasparde  de  Ballon,  propre 
sœur  de  la  Mère  de  Ballon,  et  la  troisième  de 
ses  mêmes  sœurs  qui  avait  embrassé  l'ordre 
de  Cileaux.  Ce  fut  le  8  septembre,  fêle  de  la 
Nativité  de  Notre-Dame,  qu'elles  prirent  pos- 
session de  leur  chapelle,  et  le  21  du  même 
mois  qu'elles  y  prirent  l'habit  de  la  réforme, 
à  la  réserve  de  la  Mère  Gasparde  de  Ballon, 
qui  n'était  pas  encore  sortie  de  l'abbaye  de 
Saime-Caiherine  par  les  oppositions  des  reli- 
gieuses et  de  ses  parents. 

Elles  commencèrent  dès  lors  à  dire  l'office 
au  chœur,  mais  sans  le  chanter  ,  à  cause  de 
leur  petit  nombre.  Elles  gardaient  un  étroit 
sileme,  à  l'exception  de  deux  heures  par 
jour,  l'une  après  le  dîner,,  l'autre  après  le 
souper.  Elles  disaient  tout  haut  leurs  coul- 
pes  au  réfectoire,  balayaient  la  maison,  la- 
vaient la  vaisselle,  faisaient  la  cuisine,  ser- 
vaient tour  à  tour  au  réfectoire,  et  le  plaisir 
qu'elles  prenaient  dans  ces  bas  exercices 
était  si  grand,  qu'il  y  avait  une  sainte  émula- 
tion entre  elles  pour  être  la  première  à  les 
exercer  et  la  dernière  a  les  quitter. 

Elles  furent  visitées  peu  de  lemps  après  par 
sainl  François  de  Sales,  qui  leur  avait  permis 
de  conserver  le  saint  sacrement  daus  leur 


D.V 


451 


chapelle.  11  vit  leur  nouvelle  maison  et  la 
trouva  suffisante  pour  une  communauté  ; 
mais  le  pressent  ment  qu'il  avait  de  ce  qùa 
leur  pauvreté  leur  ferait  souffrir  le  porta  par 
un  esprit  de  charité  a  les  encourager  et  à  les 
exhorier  à  la  patience,  et  à  se  tenir  en  garde 
contre  l'ennemi  de  leur  salut,  leur  représen- 
tant souvent  que  Dieu,  qui  par  sa  provi- 
dence a  soin  des  plus  petits  animaux ,  n'a- 
bandonne jamais  ses  serviteurs  qui  ont  con- 
fiance en  lui,  leur  apportant  pour  exemple 
dom  Jean  de  la  Carrière,  fondateur  des  Feuil- 
lants ,  qui  pendant  quelques  années  ne  se 
nourrit  que  de  Heurs  de  genêt  et  d'herbes 
sauvages,  et  ne  se  servait  point  la  nuit  d'au- 
tre lumière  que  de  celle  de  la  lampe  qui 
brûlait  devant  le  saint  sacrement.  Jusque-là 
elles  avaient  obéi  à  la  Mère  de  Vignol , 
comme  la  plus  ancienne;  mais  cette  Mère 
ayant  proposé  au  saint  prélat  1  élection  d'une 
supérieure,  tous  les  suffrages  se  trouvèrent 
pour  la  Mère  Louise-Blanche-Thérèse  de 
Hallon.  qui,  considérant  avec  ses  religieuses 
les  obligations  singulières  qu'elles  avaient  à 
la  divine  providence,  proposa  à  saint  Fran- 
çois de  Sales,  qui  était  de  retour  à  Annecy, 
d'agréer  qu'elles  prissent  le  nom  de  Filles  de 
la  Divine  Providence.  La  réponse  qu'il  fit  à 
la  lettre  qu'elle  lui  écrivit  au  nom  de  sa  pe- 
tite commuuauié  fut  qu'elles  devaient  encore 
attendre  un  an,  pour  voir  si  elles  se  ren- 
draient dignes  d'un  nom  si  beau  et  si  glo- 
rieux. Elles  obéirent  à  ses  ordres,  et  l'an 
étant  expiré,  elles  prirent  ce  nom,  qui  leur 
fut  confirmé  par  M.  Jean-François  de  Sales, 
frère  et  successeur  de  saint  François  de  Sa- 
les, dans  l'approbation  qu'il  fit  de  leurs  con- 
stitutions; mais  le  peuple  les  a  toujours 
appelées  les  religieuses  Bernardines  Ré- 
formées. 

La  .Mère  Gasparde  de  Dation  ,  après  avoir 
surmou  é  toutes  les  difficultés  qui  s'oppo- 
saient à  sa  sortie  de  l'abbaye  de  Sainte-Ca- 
therine, tant  de  la  part  des  religieuses  que 
de  ses  parents  ,  arriva  enfin  au  mois  de  n  >- 
ventbre  à  Rumilli.  Ainsi  les  cinq  religieuses 
qui  avaient  projeté  la  réforme  se  trouvèrent 
pour  lors  réunies.  Quoique  leur  pauvreté  fût 
grande,  elle  leur  faisait  néanmoins  si  peu 
de  peine,  et  elles  cherchaient  si  peu  les 
moyens  de  s'en  délivrer  ,  qu'elles  continuè- 
rent d'un  commun  accord  de  ne  s'en  plain- 
dre jamais  à  personne.  Mais  la  divine  provi- 
dence, dont  elles  avaient  pris  le  nom,  ne  les 
abandonna  pas  :  elles  se  trouvèrent  même 
en  état  de  faire  des  charités,  et  elles  donnè- 
rent retraite  à  quatre  religieuses  de  l'abbaye 
des  Hayes  proche  Grenoble,  qui  dans  le  des- 
sein d'une  même  réforme  avaient  quitté  celte 
abbaye,  où  l'on  ne  gardait  aucune  forme  de 
règle,  où.  la  clôture  n'était  point  en  usage,  et 
où  les  religieuses,  qui  vivaient  à  la  façon  des 
séculières,  en  avaient  presque  pris  l'habille- 
ment. 

Ces  quatre  religieuses  furent  la  Mère  de 
Taquier,  coadjulrice  de  l'abbaye  des  Hayes  ; 
les  Mères  de  Pouçonas  et  de  Buissorond,  et 
la  sœur  de  Monlenard,  encore  novice.  Elles 
sollicitaient  depuis  un  an  un  établissement 

Dict.onnaire  des  Ordres  remgieu\.  II 


dans  Grenoble  :  elles  y  avaient  même  loué 
une  maison,  et,  à  la  sollicitation  du  vicomte 
de  Paquier,  père  de  la  Mère  de  Paquier.et  de 
leurs  amis,  elles  avaient  obtenu  verbalement 
le  consentement  de  l'évéque  de  Grenoble. 
Mais  plusieurs  difficultés  qui  se  rencontrè- 
rent dans  cet  établissement  en  ayant  empê- 
ché l'exécution,  et  ayant  appris  pendant  ce 
temps-là  que  cinq  religieuses  de  l'abbaye  de 
Sainte-Catherine  en  étaient  sorties  pour  al- 
ler à  lîumilli  jeter  les  fondements  d'une  nou- 
velle réforme,  elles  résolurent  de  se  joindre 
à  elles.  Le  vicomte  de  l'aquieralla  lui-même 
trouver  saint  François  de  Sales  pour  lui  com- 
muniquer le  dessein  des  religieuses  de  l'ab- 
b.iye  des  îlayes,  et  ce  prélat  porta  celles  Av 
Rumilli  à  les  recevoir. 

Ces  quatre  religieuses  de  l'abbaye  des 
Hayes  arrivèrent  donc  à  Rumilli  le  premier 
janvier  1623.  Elles  reconnurent  pour  supé- 
rieure la  Mère  Louise  de  Ballon,  qui,  peu  do 
j  iurs  après  ,  ayant  fait  la  distribution  des 
emplois  de  son  monastère,  donna  la  charge 
de  maîtresse  des  novices  à  la  MèrePonçonas. 
Quelques  esprits  malintentionnés  leur  ayant 
persuadé  que  l'abbé  de  Cîtcaux  dans  le  cha- 
pitre général  de  cet  ordre  avait  résolu  de 
supprimer  leur  réforme,  elles  en  furent  fort 
alarmées.  Elles  redoublèrent  leurs  vœux  et 
leurs  prières,  et  reconnurent  bientôt  après 
que  ce  n'était  qu'une  fausse  alarme  qu'on 
leur  avait  donnée,  puisqu'elles  reçurent  une 
lettre  de  cet  abbé  dans  laquelle,  bien  loin  de 
désapprouver  leur  entreprise  ,  il  les  exhor- 
tait au  contraire  fortement  à  la  continuer  ; 
c3  qui  les  détermina  à  tenir  le  premier  cha- 
pitre de  leur  congrégation  pour  la  réception 
des  novices.  Il  y  en  avait  déjà  cinq  qui  se 
présentaient;  mais  elles  ne  pouvaient  leur 
donner  l'habit  sans  la  permission  de  l'abbé 
de  Thamiers,  qui  s'y  opposa,  sur  ce  que  la 
maison  où  elles  demeuraient  ne  leur  appar- 
tenait pas,  et  qu'elles  n'avaient  aucun  re- 
venu fixe.  Mais  l'abbé  de  Chescri ,  oncle  de 
la  Mère  de  Ballon,  ayant  eu  recours  à  l'au- 
torité du  prince  Thomas  de  Savoie,  l'abbé 
de  Thamiers  ne  put  résister  aux  ordres  de  ce 
prince,  et  consentit  que  l'on  donnât  l'habit 
aux  novices.  Cependant  ces  religieuses 
ayant  acheté  une  maison  à  Rumilli,  elles  y 
allèrent  demeurer  le  2i  mai  162i. 

La  même  année  tous  les  obstacles  qui  s'é- 
taient trouvés  jusqu'alors  à  l'établissement 
de  ces  religieuses  à  Grenoble  ayant  été  levés, 
la  Mère  de  Ballon  y  alla  accompagnée  des 
rel  gieuses  de  Dauphiné,  qui  s'étaient  mises 
sous  sa  conduite  et  l'avaient  reconnue  pour 
supérieure  à  Rumilli.  Elles  arrivèrent  dans 
celte  ville  le  22  novembre  102i.  La  Mère  de 
Ballon  fut  encore  reconnue  supérieure  de  ce 
nouveau  monastère,  où  l'on  dressa  les  con- 
stitutions de  cette  reforme,  qui  furent  con- 
formes aux  avis  qu'en  avait  donnés  saint 
François  de  Sales,  qui  étaient  que,  sans  em- 
brasser les  grandes  austérités  de  l'ordre  de 
Citeaux,  ces  filles  devaient  s'attacher  uni- 
quement à  l'essentiel  de  la  règle  et  des  vœux, 
s'appliquant  de  toutes  leurs  forces  à  la  mor- 
tification de  l'esprit,  au  recueillement  inte- 


43  DICTIONNAIRE  DES 

rieur  et  à  l'union  avec  Dieu.  Ces  constitu- 
tions étaient  néanmoins  peu  conformes  aux 
usages  communs  de  Cîleaux.  C'était  propre- 
ment un  traité  ou  conduite  spirituelle  con- 
venable à  toutes  sortes  de  personnes  ,  et  , 
pour,  les  usages  particuliers,  ils  étaient  entiè- 
rement conformes  à  ceux  des  religieuses  de 
la  Visitation  instituées  par  le  même  saint,  à 
la  réserve  de  la  couleur  de  l'habit.  Ces  con- 
stitutions portaient  qu'elles  se  serviraient  du 
bréviaire  romain,  qu'elles  diraient  matines 
le  soir ,  afin  d'avoir  la  matinée  plus  libre 
pour  employer  une  heure  entière  à  l'orai- 
son mentale;  qu'elles  se  coucheraient  à  dix 
heures,  se  lèveraient  à  c:nq.  Elles  devaient 
aller  sept  fois  le  jour  au  chœur  pour  y  dire 
l'office  divin. Ellesdevaientfaire  l'aprôs-dînée 
une  demi-heure  de  lecture  spirituelle,  une 
autre  demi-heure  d'oraison  mentale,  et  l'exa- 
men de  conscience  deux  fois  le  jour.  L'u- 
sage de  la  viande  lenr  fut  permis  trois  fois 
la  semaine;  elles  portaient  du  linge  et  se 
servaient  de  matelas  et  de  tours  de  lit.  Quant 
à  l'habillement,  elles  se  conforment  pour  la 
couleur  à  l'ordre  de  Clteaux  ,  et  pour  la 
forme  à  celui  des  religieuses  de  la  Visitation, 
excep'é  le  bandeau,  qui  est  blanc  (1).  Pour 
ce  qui  regarde  les  autres  usages,  ils  sont 
aussi  contormes  à  ceux  des  religieuses  de  la 
Visitation.  La  sous -prieure  élait  nommée 
sœur  assistante  ,  la  maîtresse  des  novices 
sœur  directrice.  Les  religieuses  ne  s'appel- 
lent que  sœurs,  et  elles  ne  chantent  point  de 
messes  hautes.  Elles  travaillèrent  ensuite 
<)  se  soustraire  de  la  juridiction  des  Pères  de 
l'ordre,  qui  s'y  opposèrent,  mais  en  vain, 
car  ces  religieuses  obtinrent  un  bref  du  pape 
Urbain  VIII,  l'an  1628,  qui  les  exemptait  de 
la  juridiction  des  Pères  de  Cileaux  ,  et  les 
mettait  sous  celle  des  ordinaires  des  lieux  où 
elles  s'établiraient. 

La  Mère  de  Ballon  ayant  séjourné  à  Gre- 
noble jusqu'au  mois  de  décembre  1623,  re- 
tourna en  son  premier  monastèrede  Rumilii, 
d'où  quelque  temps  après  elle  fut  obligée  de 
sortir  pour  aller  faire  un  nouvel  établisse- 
ment à  Maurienne.  Elle  en  fit  encore  un 
quatrième  à  La  Roche,  petite  ville  de  Savoie, 
et  un  cinquième  à  Seyssel.  Elle  repassa  en 
France  en  1631,  pour  y  faire  deux  autres 
établissements,  l'un  à  Vienne  en  Uauphiné  , 
et  l'autre  à  Lyon,  qui  furent  suivis  peu  de 
temps  après  de  ceux  de  Toulon  et  de  Marseille. 

Ce  fut  la  même  année  1C31  que  les  consti- 
tutions furent  imprimées  à  Paris  pour  la 
premièie  fois,  avec  toutes  les  approbations 
nécessaires,  à  l'exception  de  celle  de  Rome, 
que  ces  religieuses  n'obtinrent  que  l'an  1634. 
La  Mère  de  Ponçonas  étant  venue  à  Paris 
en  1634  pour  y  faire  un  nouvel  établissement, 
fit  imprimer  pour  la  seconde  lois  ces  consti- 
tutions, ce  qui  fut  la  source  de  beaucoup  de 
troubles  et  de  divisions  dans  celle  congréga- 
tion ;  car,  soit  qu'il  y  eût  déjà  eu  quelque 
bruit  entre  la  Mère  de  Ballon  et  la  Mère  de 
Ponçonas,  soit  que  cette  dernière  fît  quelque 
changement  dans  eus  constitutions,   afin  de 


ORDRES  RELIGIEUX. 


M 


S"  donner  le  litre  d'institutrice  d'une  nou- 
velle réforme,  il  est  certain  qu'à  peine  celle 
seconde  impression  fut  achevée,  que  la  di- 
vision commença  à  éclater.  En  effet,  la  Mère 
de  Ballon,  voulant  soutenir  sa  qualité  do 
réformatrice,  fâchée  du  changement  que  la 
Mère  de  Ponçonas  avait  fait  dans  ces  consti- 
tutions, en  fit  imprimer  d'autres  à  Aix  qui 
étaient  conformes  à  celles  de  la  première 
impression,  à  la  réserve  de  quelques  petits 
changements  qu'elle  crut  avoir  droit  de  faire, 
comme  institutrice  :  ce  qui  fut  si  sensible  à 
la  Mère  Ponçonas,  tant  par  l'affront  qu'elle 
crut  recevoir  en  cela  que  par  le  chagrin 
qu'elle  eut  de  se  voir  contrarier  dans  ses 
desseins,  qu'elle  engagea  les  religieuses  du 
monastère  de  Paris  à  se  révolter  contre  leur 
Mère  et  fondatrice,  et  à  la  persécuter.  Elle 
réussit  selon  son  désir  :  car  elles  commencè- 
rent par  solliciter  la  suppression  des  consti- 
tutions de  la  Mère  de  Ballon,  qu'elles  accusè- 
rent de  vouloir  usurper  l'autorité  de  géné- 
rale et  d'en  prendre  le  nom.  (  C'est  néan- 
moins à  quoi  cette  fondatrice  ne  songea  ja- 
mais, comme  elle  le  proteste  dans  ses  écrits, 
qui  ont  été  imprimés  à  Lyon  en  1100.  )  Non 
contentes  de  cela,  sachant  qu'elle  était  dans 
son  monastère  de  Toulon  occupée  à  y  établir 
sa  réforme,  elles  envoyèrent  un  homme 
exprès  à  l'évèque  de  Marseille  pour  lui  don- 
ner avis  de  prendre  bien  guide  à  la  Mère  de 
Baliou,  qui  était  allée  fonder  un  couvent 
dans  son  diocèse;  que  c'était  un  esprit  léger, 
inquiet,  ambitieux,  qui  voulait  toujours  ré- 
gner et  dominer;  qu'elle  n'était  allée  en  Pro- 
vence que  pour  y  faire  la  générale  de  sa 
congrégation,  et  qu'il  y  allait  de  son  honneur 
de  ne  pas  souffrir  que  cette  étrangère  s'é  a- 
blil  dans  son  diocèse,  si  elle  ne  voulait  pas 
renoncer  à  ses  constitutions.  Mais  la  Mère 
de  Ballon,  soit  qu'elle  reçût  sur  cela  quelque 
avis  de  l'évèque,  soit  que  d'autres  personnes 
lui  en  parlassent,  ne  voulut  jamais  consentir 
à  ce  changement, qui  ne  pouvaitpas  manquer 
d'in.roduire  le  schisme  dans  ses  monastères. 
Celle  première  démarche  n'ayant  pas  eu  le 
succès  qu'on  en  attendait,  on  porta  la  com- 
munauté de  Rumilli,  dont  elle  était  encore 
supérieure,  à  la  déposer,  et  à  en  élire  une 
autre  en  sa  place,  afin  que  n'ayant  plus 
d'autoriié,  elle  ne  pût  s'opposer  au  change- 
ment. Cette  entreprise  leur  ayant  réussi  , 
elle  supporta  cette  morlificaliou  avec  sou- 
mission à  la  volonté  de  Dieu.  Mais  les  reli- 
gieuses du  nouveau  monastèrede  Marseille 
réparèrent  l'outrage  qu'on  lui  faisait  en  la 
choisissant  pour  leur  supérieure.  Son  élec- 
tion ayant  été  sue  dans  la  ville,  chacun  s'em- 
pressa de  lui  en  témoigner  sa  joie  ;  personne 
ne  le  fit  avec  plus  de  marques  de  satisfaction 
et  d'estime  que  les  Filles  Congrégées  de  Sain-. 
té-Ursule,  qui  formaient  une  communauté 
fort  nombreuse  ;  car,  non  contentes  de  lui 
en  faire  les  compliments  ordinaires  dans  de 
pareilles  rencontres,  elles  lui  en  donnèrent 
des  marques  plus  sensibles  en  se  soumettant 
à  sa  conduite  et  en  embrassant  sa  réforme  , 


(!)  Voy.,  à  la  (in  du  vol.,  h* 


13 


DIV 


DOC 


46 


qui  par  ce  moyen  cul  un  second  monastère 
très-considérable  dans  cetlo  môme  ville. 
.Mais,  pendant  que  la  Mère  de  Ballon  était 
dans  cetlc  nouvelle  maison  pour  recevoir 
ces  Ursulines  à  sa  congrégation  et  les  former 
à  la  vie  religieuse,  elle  y  eut  un  sujet  d'exer- 
cer sa  patience.  Celles  qui  s'étaient  déclarées 
les  adversaires  de  ses  constitutions  ,  étant 
averties  qu'elle  était  sortie  de  son  premier 
monastère,  employèrent  le  crédit  de  quel- 
ques prélats  auprès  des  supérieurs  de  ce  mo- 
nastère pour  y  l'aire  recevoir  les  constitu- 
tions de  la  Mère  Ponçonas,  qui  avaient  été 
imprimées  à  Paris,  et  obliger  les  religieuses 
de  ce  monastère  de  brûler  celles  de  la  Mère 
de  Ballon.  L'autorité  de  ces  supérieurs  l'em- 
porta sur  la  justice  et  la  reconnaissance  : 
ainsi  ces  religieuses  timides  et  ingrates,  so 
laissant  persuader,  brûlèrent  les  constitu- 
tions de  leur  Mère,  qui,  l'ayant  su,  supporta 
cet  affront  avec  tant  de  vertu  et  de  modéra- 
tion, qu'elle  n'en  lit  pas  paraître  le  moindre 
ressentiment;  au  contraire,  après  avoir  éta- 
bli l'observance  régulière  dans  le  second  mo- 
nastère, elle  retourna  dans  le  premier  pour 
y  achever  le  temps  de  sa  supériorité.  Les 
religieuses  quittèrent  quelque  temps  après 
celte  maison  pour  aller  demeurer  dans  une 
autre  plus  grande  qu'elles  achetèrent,  et  la 
Mère  de  Ballon  sortit  de  Marseille  l'an  16V1. 
Llle  eut  encore  le  déplaisir  en  sortant  de 
voir  que  ces  religieuses  qu'elle  quittait,  et 
pour  qui  elle  avait  pris  tant  de  peine,  la 
laissèrent  partir  comme  une  personne  indif- 
férente et  inconnue,  sans  aucun  témoignage 
de  reconnaissance  et  sans  lui  rien  présenter 
pour  son  voyage.  Le  supérieur  mémo  lui  dit 
que  s'il  voulait  suivre  l'avis  de  quelques- 
uues,  il  visiterait  ses  bardes,  parce  qu'on 
l'accusait  d'emporter  trois  mille  écus  de  la 
maison.  Eile  alla  de  Marseille  à  Gavaillon 
pour  y  voir  un  nouveau  monastère  de  sa  ré- 
forme, qui  venait  d'y  être  fondé  par  les  reli- 
gieuses du  monastère  de  Seyssel.  Elle  y  fut 
d'abord  supérieure;  mais  elle  se  démit  quel- 
que temps  après  de  cet  emploi  et  retourna 
en  Savoie.  Six  ans  après,  dans  uu  voyage 
qu'elle  fit  en  Provence,  en  passant  par  Ga- 
vaillon, elle  fut  de  nouveau  élue  pour  supé- 
rieure. Le  temps  de  sa  supériorité  étant 
expiré,  elle  fut  encore  rappelée  en  Savoie 
par  l'evôque  de  Genève. [Llle  y  lit  encore  plu- 
sieurs fondations,  et  étant  au  monastère  de 
Seyssel,  elle  y  mourut  ie  li  décembre  1668, 
dans  sa  soixante-dix-septième  année. 

Quant  à  la  Mère  de  Ponçonas,  après  avoir 
établi  ce  monastère  de  Paris  dont  nous  avons 
parlé  ci-dessus,  elle  retourna  à  Grenoble, 
où  elle  et  àt  supérieure,  et  d'où  elle  sortit 
encore  une  autre  l'ois  sur  la  lin  de  l'année 
1037  pour  aller  à  Aix,  où  elle  était  appelée 
pour  faire  un  autre  établissement;  elle  de- 
meura toujours  dans  ce  monastère  jusqu'à 
sa  mort,  qui  arriva  le  7  février  1657.  Les 
mémoires  qui  m'ont  été  communiqués  por- 
tent que  le»  supérieures  des  autres  maisons 
de  Bernardines  Réformées  qui  sont  en  Pro- 
vence lui  demandèrent  avec  instance  ses  rè- 
glements, l'assurant  qu'elles  voulaient  vivre 


avec  elle  dans  une  union  parfaite  et  une  en- 
tière conformité  de  ses  saintes  pratiques  ; 
que  les  évéques  de  Marseille  et  de  Grasse 
lui  témoignèrent  d'une  manière  particulière 
la  vénération  dont  ils  étaient  prévenus  pour 
elle,  et  le  désir  qu'ils  avaient  que  les  monas- 
tères de  leurs  diocèses  eussent  communica- 
tion avec  elle  et  vécussent  sous  les  mêmes 
observances.  Mais  s'il  y  en  eut  quelques-uns 
en  Provence  qui  suivirent  ses  règlements,  il 
y  en  eut  d'autres  aussi  qui  ne  quittèrent 
point  ceux  de  la  Mère  de  Ballon,  qu'ils  re- 
connurent toujours  pour  fondatrice  de  la 
réforme.  Comme  en  effet  cette  qualité  lui 
appartient  plutôt  qu'à  la  Mère  de  Ponçonas, 
et  ce  n'est  même  qu'à  la  sollicitation  des  re- 
ligieuses du  monastère  de  Marseille  au  de- 
là du  port  que  la  vie  de  cette  réformatrice 
a  été  écrite  et  donnée  au  public  en  1605. 
Ces  mêmes  mémoires  ajoutent  que  le  monas- 
tère de  Lyon  qu'elle  avait  fondé  dans  le 
temps  du  démêlé  qu'elle  eut  avec  la  Mère  do 
Ponçonas  au  sujet  des  constitutions  ,  reçut 
dans  la  suite  du  temps  celles  do  celte  der- 
nière, et  obtintun  bref  de  Borne  qui  l'exemp- 
tait de  la  dépendance  du  monastère  de  Bu- 
milli  et  l'unissait  à  celui  de  Grenoble  :  ainsi 
la  division  qui  est  survenue  entre  ces  reli- 
gieuses Bernardines  Réformées  en  a  formé 
deux  congrégations  différentes,  dont  l'une 
porte  le  nom  de  la  Divine  Providence,  qui 
est  celle  de  Savoie,  qui  comprend  quelques 
maisons  en  France  qui  en  dépendent,  et  l'au- 
tre est  sous  ie  tilre  de  Saint-Bernard,  qui  no 
sort  point  de  France. 

Mémoires  communiqués  par  les  relig  euses 
Bernardines  du  Sang-Précieux.  Jean  (irossi, 
Vie  de  la  Mère  de  Ballon  ;  et  celle  de  la  Mère 
de  Ponçonas  par  un  autre  auteur. 

DOCTRINAIRES.  Voyez  Doctrine  Chré- 
tienne. 

Nota.  Quoique  Hélyot  n'ait  point  em- 
ployé les  mots  Doctrinaires,  I  isitandines, 
Trappistes,  etc.,  et  qu'on  ne  soit  pas  tenu  par 
conséquent  à  les  employer,  je  crois  qu'il 
vaut  mieux,  vu  leur  popularité,  les  indiquer 
à  leur  rang,  sauf  à  faire  le  renvoi  né- 
cessaire. B-D-E. 

DIX  VERTUS.  Voyez  Annonciades. 

DOCTRINE    CHRÉTIENNE    en    France 

(  Prêtres  de  la  ). 
Des   prêtres   de  la   Doctrine   Chrétienne    en 

France,  i.vec  la  vie  du  vénérable  Père  César 

de  Bus,  leur  fondateur. 

La  congrégation  des  Prêtres  de  la  Doctri- 
ne Chrétienne  en  France  a  d'abord  été  éta- 
blie en  qualité  de  congrégation  séculière, 
elle  devint  dans  la  suite  régulière  par  l'u- 
nion qu'elle  fit  avec  celle  des  Somasques, 
dont  nous  parlerons  à  cet  article  ;  mais,  après 
avoir  demeuré  dans  cet  état  régulier 
près  de  quarante  ans,  elle  est 
dans  son  premier  état  par  autoritéifbirtfînt- 
siége,  comme  nous  le  dirons  dans 
Ainsi  l'union  qu'elle  fit  avec  les 
et  l'état  régulier  où  elle  est  demè 
daul  un  temps  considérable  nous 


M 


DICTIONNAIRE  DES 


la  mettre  .tu  nombre  des   congrégations  qui 
ont  suivi  la  règle  tic  Saint-Augustin. 

Le  bienheureux  César  d>  Bus,  fondateur 
de  cette  congrégation  ,  naquit  à  Cavaillon, 
ville  épiscopaledu  comté  Venaissin,  le  3  fé- 
vrier de  l'an  15M-.  Son  père,  Jean-Baptiste 
île  Bus,  et  sa  mère,  Anne  de  la  Marc,  étaient 
recommandables  par  leur  piété  et  par  leur 
noblesse  ;  surtout  Jean-Baptiste,  qui  descen- 
dait d'une  f.imille  illustre  de  Cômo  dans  le 
Milanais,  laquelle  compte  au  nombre  de  ses 
ancêtres  sainte  Françoise  Romaine  veuve, 
dont  nous  aurons  sujet  de  parler  dans  la 
suite  comme  fond  itrice  des  Oblales  qui  por- 
tent son  nom.  Dieu,  qui  deslinnii  César  de 
Bus  à  de  grandes  choses,  le  prévint  dès  sa 
plus  tendre  jeunesse.  Dès  lors  il  s'appliquait 
a  l'oraison,  mortifiait  sa  chair  par  des  ab- 
stinences ,  jeûnait  des  carêmes  entiers  et 
tous  les  vendredis  de  l'année,  et  était  ravi 
lorsqu'il  trouvait  occasion  de  l'aire  du  bien 
aux  pauvres,  se  privant  de  son  déjeuner 
pour  le  leur  donner  secrètement.  Il  était 
surtout  si  jaloux  de  la  pureté,  qu'il  fuyait 
comme  un  grand  mal  tout  ce  qui  était  capa- 
ble d'y  donner  quelque  atteinte. 

Après  ses  éludes  ,  il  s'entretint  encore 
quelque  temps  dans  ces  saintes  dispositions. 
Son  occupation  la  plus  agréable  était  de 
parer  les  autels,  et,  étant  entré  dans  la  com- 

fiagnie  des  Pénitents-Noirs,  il  prit  le  soin  de 
a  chapelle  où  les  confrères  s'assemblaient, 
u (in  de  pouvoir  l'embellir  et  l'orner.  Son 
humeur  douce,  complaisante  et  agréable,  le 
faisait  aimer  et  respecter  de  tout  le  monde  ; 
on  était  ravi  de  l'avoir  dans  la  conversa- 
lion,  où  sa  modestie  retenait  les  plus  licen- 
cieux, qui  en  sa  présence  n'osaient  rien 
faire  ni  dire  qui  lût  hors  de  propos.  A  râ.:e 
dedix-huii.  ans,  s'étant  engagé  dans  le  paiti 
des  armes  à  l'exemple  de  deux  de  ses  frè- 
res, qui  avaient  des  emplois  considérables, 
l'un  dans  l'armée  du  pape,  l'autre  d.ms  celle 
du  roi,  il  servit  comme  volontaire  dans  les 
troupes  du  comte  de  Tende,  lieutenant  pour 
le  roi  en  Provence,  qui,  par  ordre  de  Sa  Ma- 
jesté, levait  quelques  compagnies  de  cava- 
lerie et  d'infanterie  pour  s'opposer  aux  hé- 
rétiques ;  et  ce  fut  par  une  espèce  de  mira- 
cle que  César  de  Bus,  nonobstant  la  licence 
de  la  guerre,  sut  conserver  la  même  inno- 
cence et  la  même  modestie  qu'il  avait  gar- 
dées dans  la  maison  de  ses  parents. 

L'édit  de  pacification  lui  ayant  fait  mettre 
bas  les  armes,  il  retourna  chez  lui,  où  pour 
éviter  l'oisiveté  il  s'appliqua  à  la  poésie  et  à 
la  peinture;  mais,  ne  trouvant  pas  ces  oc- 
cupations dignes  de  son  courage,  il  en  alla 
chercher  de  plus  nobles  à  Bordeaux,  où  son 
frère  Alexandre  de  Bus  était  arrivé  pour 
commander  un  vaisseau  de  l'armée  navale 
qui  se  disposait  pour  le  siège  de  La  Ro- 
chelle. La  maladie  qui  lui  survint  l'empê- 
cha d'exécuter  son  dessein,  et,  après  que  sa. 
santé  fut  rétablie,  il  alla  à  Paris.  Mais  ce 
voyage  lui  fut  fatal  :  car  la  fréquentation  de 
quelques  libertins  lui  fit  perdre  le  trésor 
qu'il  avait  conservé  jusque-là  avec  tant  de 


ORDRES  RELIGIEUX.  19 

soin,  et  il  se  laissa  entraîner  aisément  à  la 
débauche. 

Après  trois  ans  de  séjour  en  celle  ville,  il 
retourna  à  Cavaillon,  où  à  peine  fut-il  ar- 
rivé, que  son  père  mourut,  et  peu  de  temps 
après,  l'un  de  ses  frères,  qui  élail  chanoine 
de  Salon.  Comme  celui-ci  laissa  par  sa  mort 
quelques  bénéfices  à  simple  tonsure,  César 
de  Bus  s'en  chargea  selon  la  coutume  ou 
pluiôt  selon  l'abus  de  ce  temps-là,  sans 
avoir  eu  dessein  de  s'engager  dans  l'état 
ecclésiastique,  pensant  au  contraire  à  se 
marier;  mais  Dieu,  qui  sait  tirer  le  bien  du 
mal,  se  servit  de  ce  moyen  pour  le  détacher 
insensiblement  des  emplois  séculiers  et  faire 
revivre  en  lui  l'inclination  qu'il  avait  eue 
dans  son  jeune  âge  pour  les  fonctions  et  les 
ministères  ecclésiastiques.  Il  suscita  aussi 
deux  personnes  peu  considérables  aux  yeux 
des  hommes,  mais  très-considérées  de  sa  di- 
vine majesté,  pour  travailler  à  sa  conver- 
sion :  l'une  fut  une  bonne  veuve  de  la  cam- 
pagne, et  l'autre  un  simple  clerc  de  Cavail- 
lon qui  servait  de  sacristain  dans  une  église 
de  celle  ville.  Tous  les  deux,  d'inlebigence 
pour  ramener  cette  brebis  égarée  au  bercail, 
ne  cessaient  d'offrir  à  Dieu  leurs  vœux  et 
leurs  prières  pour  qu'il  amollît  la  dureté  du 
cœur  de  César  de  Bus. 

Insensible  à  toutes  leurs  reinonlran  es,  il 
en  faisait  peu  de  cas  et  s'en  moquait;  mais, 
un  jour  qu'ils  lui  présentèrent  la  Vie  des 
Saints,  il  ouvrit  ce  livre  par  complaisance, 
et,  en  ayant  lu  quelque  chose,  il  fut  si  tou- 
ché en  lisant  les  actions  des  saints,  où  il 
trouva  la  condamnation  de  ses  débauches, 
qu'il  résolut  de  changer  de  vie  et  de  quitier 
entièrement  le  désordre.  11  eut  encore  beau- 
coup à  combattre  avant  que  de  remporter 
la  victoire  sur  ses  passions;  mais  enfin  il 
triompha  ;  il  fit  une  confession  générale  et 
s'exerça  dans  les  pratiques  d'humilité,  de 
mortification,  et  de  m  sericorde  envers  les 
affligés,  visitant  souvent  les  malades  do  l'hô- 
pital, les  assistant  spirituellement  et  corpo- 
rellement,  et  faisant  de  graudes  aumônes 
aux  pauvres. 

Comme  ses  voyages  et  ses  divertissements 
lui  avaient  fait  oublier  ce  qu'il  avait  appris 
de  latin  dans  ses  classes,  sachant  que  la 
science  lui  était  nécessaire  pour  rendre  à 
Dieu  les  services  qu'il  attendait  de  son  zèle, 
il  se  remit  aux  études,  et  réussit  si  bien, 
qu'en  peu  de  temps  il  fut  capable  de  la  phi- 
losophie. Il  y  étudia  quelques  mois  et  y  fit 
de  grands  progrès,  après  quoi  il  se  donna 
entièrement  au  service  du  prochain.  Son 
évêque,  persuadé  de  sa  vertu  et  de  sa  capa- 
cité, le  pourvut  d'un  canonicat  de  sa  cathé- 
drale. D'abord  il  gagna  six  personnes  du 
chapitre,  avec  lesquelles  il  s'assemblait  tous 
les  dimanches  dans  la  chapelle  de  l'évêque 
pour  vaquer  à  plusieurs  exercices  spirituels. 
Après  avoir  reçu  la  prêtrise  et  dit  sa  pre- 
mière messe,  il  s'appliqua  à  la  prédication, 
aux  confessions  et  à  tous  les  antres  exerci- 
ces qui  peuvent  servir  à  sauver  les  âmes. 
On  ne  peut  assez  admirer  l'assiduité,  la  pa- 
tience,  la  ferveur  et  la  générosité  avec  les- 


ta 


doc 


quelles  il  s'acquittait  de  tous  ces  ministères. 
Rien  n'était  capable  de  le  rebuter;  il  passait 
quelquefois  les  jours  entiers  et  une  partie 
de  la  nuit  dans  les  hôpitaux  à  consoler  les 
malades,  sans  que  ni  la  pourriture  de  leurs 
plaies  ni  la  puanteur  et  l'infection-de  leurs 
corps  l'empêchassent  de  s'a;iprocher  d'eux 
et  de  recevoir  leurs  derniers  soupirs. 

Sa  charité,  toujours  active  pour  la  gloire 
de  Dieu,  le  porta  à  travailler  à  la  réforme 
des  religieuses  Bénédictines  de  Cavaillon, 
qui  vivaient  sans  clôture,  sans  régularité 
et  avec  beaucoup  de  licence.  11  en  fit  les 
premières  propositions  à  la  Mère  Catherine 
de  la  Croix,  que  l'on  reconnaît  pour  la  ré- 
formatrice de  ce  monastère,  Elle  avait  des- 
sein d'entrer  chez  les  religieuses  de  Sainte- 
Claire  d'Avignon,  où  l'observance  régulière 
était  mieux  gardée;  mais  il  lui  persuada  de 
prendre  l'habit  chez  les  Bénédictines  de  Ca- 
vaillon,  cl  d'y  faire  profession  selon  la  ri- 
gueur de  la  règle  de  Saint-Benoit.  Elle  eut 
en  peu  de  temps  des  compagnes  qui  suivirent 
son  exemple  :  les  anciennes  religieuses  qui 
s'étaient  le  plus  opposées  à  la  clôture,  tou- 
chées de  l'Esprit  divin,  embrassèrent  aussi 
la  réforme,  et  celte  maison  s'est  toujours 
maintenue  depuis  ce  temps-là  dans  une 
grande  régularité. 

La  lecture  qu'il  fit  du  Catéchisme  du  Con- 
cile de  Trente  lui  fit  concevoir  le  dessein  d'é- 
tablir une  congrégation  de  prêtres  et  de 
clercs  dont  la  fonction  fût  d'enseigner  la 
doctrine  chrétienne.  Ce  Catéchisme  du  Con- 
cile de  Trente  étant  <J, visé  en  quatre  par- 
ties, qui  sont  le  Symbole,  l'Oraison  domi- 
nicale, le  Décalogue  et  les  Sacrements,  le 
Père  de  Bus  réduisit  ces  quatre  parties  à 
trois  différentes  instructions,  qu'il  appelait, 
petite,  moyenne  et  grande  d  ictrine.  Cinq 
ou  six  jeunes  ecclésiastiques  de  famiile  se 
joignirent  à  lui,  et,  après  les  avoir  instruits 
de  la  manière  de  faire  la  petite  doctrine,  il 
les  envoyait  dans  les  carrefours  de  la  ville 
et  à  la  campagne,  pour  catéchiser  tous  ceux 
qu'ils  rencontreraient.  Pour  lui  il  enseignait 
dans  les  églises,  et  en  particulier  dans  les 
maisons,  la  moyenne  doctrine,  et  ensuite  la 
grande,  afin  d'attirer  les  savants  qui  se  glo- 
rifient dans  la  science,  et  ignorent  celle  du 
salut.  Cette  façon  d'enseigner  la  doctrine 
chrétienne  étant  nouvelle,  souffrit  au  com- 
mencement de  la  contradiction,  et  on  s'en 
moqua  d'abord;  mais  elle  fut  à  la  fin  ap- 
prouvée de  tout  le  monde. 

Dieu  envoya,  peu  de  temps  après,  au  Père 
de  Bu  s  des  compagnons,  afin  qu'ils  s  employas- 
sent â  ce  saint  exercice.  Michel  Pinelli,  cha- 
noine de  l'église  de  Saint- Agricole  d'A- 
vignon; Jeun-Baptiste  Bomillon,  chanoine 
de  l'église  collégiale  de  liste;  Jacques  Tho- 
mas et  Gabriel  Michel,  furent  les  premiers 
qui  vinrent  se  joindre  au  nouveau  corps 
que  le  Père  de  Bus  formait.  11  les  assem- 
bla tous  à  l'isle  dans  le  comté  Veuaissin, 
l'an  1592,1e  29  septembre,  fête  de  l'ar- 
change saint  Michel.  Le  sujet  de  leur  as- 
semblée fat  pour  délibérer  des  moyens  qu'il 
fallait  prendre  pour  établir  lVtcrcice  de  la 


DOC  50 

Doctrine  Chrétienne  dans  le  comté  Venais- 
sin.  Ils  conclurent  qu'il  fallait  joter  les 
premiers  fondements  de  cet  institut  dans 
Avignon,  comme  dans  la  ville  capitale,  et 
demander  au  pape  permission  d'établir  cet 
exercice  de  la  Doctrine  Chrétienne  dans 
l'église  de  Sainte-Praxède,  où  il  n'y  avait 
point  encore  de  religieuses.  Ils  envoyèrent 
à  Rome  pour  cet  effet ,  et  le  pape  Clé- 
ment V|||,  qui  gouvernail  pour  lors  l'Eglise, 
répondit  à  leur  supplique  que  le  nouvel  ar- 
chevêque d'Avignon  qui  venait  d'être  nommé 
par  Si  Sainteté  et  qui  élait  Marie  Tauru- 
,-ius,  satisferait  à  leur  demande  lorsqu'il 
serait  arrivé  à  Avignon. 

Ce  prélat  y  étant  venu  l'an  1593,  envoya 
quérir  le  P.  de  Bus,  et,  après  avoir  con- 
féré avec  lui  de  l'établissement  de  la  Doctrine 
Chrétienne,  il  lui  donna  permission  de  l'en- 
seigner dans  l'église  de  Sainte-Praxède.  C'est 
ainsi  que  fut  érigée  celle  congrégation,  qui 
fut  confirmée  quatre  ans  après  ,  l'an  1597, 
par  le  même  pape  Clément  VIII.  Le  P.  de 
Bus  entra  le  21  septembre  de  la  même  an- 
née 1593  dans  Sainte-Praxède,  et  commença 
dès  le  lendemain  ses  instructions  11  y  ensei- 
gna premièrement  la  petite  doclrine  ,  et  le 
dimanche  suivant  la  grande.  Celle  manière 
d'enseigner  fut  reçue  avec  applaudissement, 
et  l'exemple  de  l'archevêque  d'Avignon  atti- 
rait beaucoup  de  personnes  à  ces  instruc- 
tions familières.  Dans  le  commencement , 
celle  congrégation  ne  fut  composée  que  de 
douze  personnes,  savoir,  de  quatre  prêtres, 
de  quatre  clercs  et  de  quatre  coadjuteurs  ;  et 
le  P.  de  Bus  fut  élu  supérieur  de  celte 
nouvelle  congrégation.  Ils  qu  ttèrenl  peu  de 
temps  après  la  maison  de  Sainte-Praxède 
pour  aller  à  Saint-Jean-le-Vieux,  et  les  re- 
ligieuses de  Saint-Dominique,  qui  y  demeu- 
raient, laissèrent  aux  Pères  Doctrinaires  la 
maison  de  Saint-Jean,  qu'ils  ont  toujours 
conservée  depuis. 

Le  P.  de  Bus  ayant  proposé  à  ses  con- 
frères dans  la  suite  de  se  lier  par  un  vœu 
simple  d'obéissance,  pour  attacher  en  quel- 
que façon  ceux  qui  entreraient  dans  la  con- 
grégation, le  Père  Bomillon  ne  fut  pas  de  cet 
avis,  prétendant  que  le  lien  de  la  charilé 
suffisait.  Le  P.  de  Bus  persistant  à  vou- 
loir que  l'on  fît  ce  vœu  d'obéissance,  le  P. 
Bomillon,  avec  quelques  autres  qu'il  avait 
attirés  de  son  côté,  quitta  le  fondateur  et 
fit  un  corps  à  part  qui  depuis  fut  uni  à  ce- 
lui de  l'Oratoire  de  France  ,  perdant  le  nom 
delà  Doctrine  Chrétienne,  qui  est  demeuré 
par  un  bref  de  Paul  V  à  ceux  qui  sont  des- 
cendus du  P.  César  do  Bus,  et  qui  ont  fait 
avec  lui  le  vœu  d'obéissance;  et  lui-même 
déclara  par  un  acte  public  que  tous  les  biens 
do  ses  maisons  devaient  appartenir  à  ceux 
qui  avaient  fait  vœu  avec  lui.  Celte  sépara- 
tion lui  fut  sensible;  néanmoins  il  la  souffrit 
avec  beaucoup  de  résignation  aux  ordres  de 
la  divine  providence.  11  fil  pour  la  conduite 
de  sa  congrégation  quelques  règlements 
qu'il  gardait  exactement,  étant  le  premier  à 
tous  les  exercices.  Il  avait  beaucoup  de  dou- 
ceur pour  les  autres  et  beaucoup   de  sève- 


fil 


DICTIONNAIRE  DÉS  OKDISES  KEUGIEUX. 


92 


rite  pour  lui-même,  mortifiant  son  corps  par 
des  jeûnes  et  des  austérités  continuels. 

Dieu,  voulant  encore  éprouver  sa  patien- 
ce, permit  qu'il  fût  privé  de  la  vue  à  l'âge  de 
quarante-neuf  ans.  Il  souffrit  celle  aflliction 
avec  une  eonslance  admirable;  il  reTusa  mê- 
me tous  les  remèdes  que  l'on  voulut  appli- 
quer sur  ses  yeux  ,  étant  Irès-content  de 
l'état  où  Dieu  l'avait  réduit.  Il  lui  en  ren- 
dait continuellement  des  actions  de  grâces, 
se  réjouissant  d'être  délivré  (à  ce  qu'il  di- 
sait) de  deux  de  ses  plus  grands  ennemis, 
qui  l'avaient  si  souvent  engagé  dans  le  pé- 
ché, qui  étaient  ses  deux  yeux.  Ce  qui  lui 
pouvait  faire  de  la  peine  dans  cet  état ,  c'é- 
tait d'être  privé  de  la  consolation  de  pouvoir 
célébrer  la  sainle  messe,  ce  qu'il  tâchait  de 
récompenser  en  communiant  tous  les  jours. 

Cette  affliction  ne  l'empêchait  pas  de  va- 
quer continuellement  aux  exercices  de  la 
JDoctrineChrélienne.  Il  n'y  eut  que  les  grands 
maux  qui  le  rendirent  comme  un  homme  de 
douleur,  à  l'imitation  de  son  divin  Maître,  et 
qui  arrivèrent  dix-huit  mois  avant  sa  mort, 
qui  furent  capables  d'interrompre  ses  exer- 
cices. Enfin,  après  avoir  été  éprouvé  par  les 
souffrances  pendant  plusieurs  années  ,  il 
mourut  le  15  avril  de  l'an  1607,  étant  âgé  de 
63  ans.  On  l'enterra  dans  l'église  de  Saint- 
Jcan-Ie-Vieux  en  présence  d'une  infinité  de 
monde,  qui  l'honorait  comme  un  saint.  Les 
miracles  qui  se  firent  à  son  tombeau  obligè- 
rent les  Doctrinaires  ,  quatorze  mois  après 
sa  mort,  de  le  lever  de  terre,  avec  la  permis- 
sion de  l'archevêque  d'Avignon  ,  pour  le 
transporter  dans  la  sacristie,  ce  qui  se  fit 
avec  beaucoup  de  solennité;  et  son  corps  fut 
trouvé  tout  entier  et  sans  aucune  corrup- 
tion. On  l'a  mis  depuis  dans  une  chapelle  , 
où  il  est  exposé  à  la  vénération  des  fidèles; 
ce  qui  a  sans  doute  obligé  M.  du  Saussay  à 
insérer  son  nom  daus  le  martyrologe  des 
saints  de  France. 

Avant  que  de  recevoir  l'e'trênic-onction, 
le  P.  de  Dus  voulut  être  déchargé  de  la 
supériorité,  et  fil  de  fortes  instances  aux 
Pères  pour  s'assembler,  afin  de  procéder  à 
l'élection  d'un  nouveau  supérieur,  ce  qu'ils 
ne  firent  qu'avec  peine,  et  le  sorl  tomba  sur 
le  P.  Sisoine  ,  qui  fut  élu  supérieur  en  la 
place  du  saint  fondateur.  Mais  il  ne  se  passa 
rien  de  considérable  de  son  temps  daus  la 
congrégation.  Le  P.  Vigier  lui  ayant  suc- 
cédé, et  la  congrégation  ayant  déjà  trois 
maisons,  une  à  Avignon,  une  à  Toulouse,  et 
l'autre  a  Drive  dans  le  Limousin,  il  obtint 
des  lettres  patentes  du  roi  le  29  seplembro 
1010,  qui  en  permettaient  l'établissement  en 
France,  lesquellesletlres  furent  vérifiées  aux 
parlements  de  Bordeaux,  de  Toulouse,  d'Aix 
et  de  Grenoble. 

•  Le  P.  Vigier,  pour  affermir  davantage 
la  congrégation  el  engager  ceux  qui  y  en- 
treraient par  des  vœux  solennels,  conçut  le 
dessein  de  la  faire  ériger  en  vraie  religion  : 
il  le  communiqua  aux  Pères  Doctrinaires, 
qui,  après  plusieurs  délibérations  ,  résolu- 
rent d'embrasser  l'état  régulier,  et  à  cet  effet 
passèrent  dans  toutes  leurs  maisons  des  pro- 


curations spéciales  au  P.  Vigier,  l'an  1014. 
pour  demander  cet  état  au  saint-siége,  soit 
par  union,  soit  par  une  nouvelle  érection  , 
ou  par  telle  aulre  voie  qu'il  plairait  au  pape. 

En  1615,  Sa  Sainteté  ayant  fait  dire  au 
P.  Vigier  qu'il  convînt  avec  quelque  con- 
grégation régulière  déjà  établie,  il  eut  sur 
cela  quelques conférencesavecles  Pères  Bar- 
nabites  ;  on  donna  une  seconde  procuration 
à  ce  Père  par  abondance  de  pouvoir,  faisant 
mention  de  celle  de  1614  el  la  confirmant  de 
nouveau,  s'il  était  besoin  de  cette  confirma- 
tion pour  s'unir  avec  les  Barnabites.  Le 
P.  Vigier  n'ayant  pu  néanmoins  s'accor- 
der avec  eux,  traita  l'an  1010  avec  les  Pères 
Somasques  en  vcr<u  des  procurations  de 
1014,  qui  subsistaient  toujours.  Le  pape 
Paul  V,  par  un  bref  de  la  même  année  1016, 
confirma  ce  traité  ,  qui  avait  été  approuvé 
par  la  congrégation  des  Réguliers,  et  unit  la 
congrégation  des  Pères  de  la  Doctrine  Chré- 
tienne avec  celle  desPères  Somasques,  réglant 
le  noviciat  du  P.  Vigier  par  dispense  à  qua- 
tre mois  seulement. 

Il  était  entre  autres  choses  stipulé  par  ce 
traité  que  les  Pères  de  France  garderaient 
toujours  leur  institut  d'enseigner  la  doctrine 
chrétienne  ,  et  reconnaîtraient  pour  leur 
fondateur  le  P.  César  de  Bus  ;  qu'ils  s'appel- 
leraient en  France  les  Pères  de  la  Doctrine 
Chrétienne  de  la  congrégation  des  Somas- 
ques; qu'ils  vivraient  sous  l'obéissance  du 
supérieur  général  des  Somasques,  qui  les 
visiterait,  ou  par  lui ,  ou  par  d'autres,  une 
lois  tous  les  trois  ans.  Le  P.  Vigier,  après  ce 
traité,  fut  reçu  au  noviciat  en  la  maison  de 
Saint-Biaise  des  Pères  Somasques  à  Rome. 
Le  bref  d'union  fut  reçu  dans  un  chapitre 
général  de  cet  ordre  qui  se  tint  la  même  an- 
née, et  le  P.  Vigier  élant  de  retour  à  Avi- 
gnon le  25  juillet,  fit  sa  profession  entre  les 
mains  du  P.  Bonet,  Somasquc,  député  à  cet 
effet  par  le  P.  Boscoli,  pour  lors  général  de 
cet  ordre.  Le  P.  Vigier  élant  profès,  le  traité 
qu'il  avait  fait  avec  les  Somasques  ,  et  qui 
avait  été  autorisé  par  le  bref  de  1616,  fut 
ratifié  premièrement  à  Avignon  ,  ensuite  à 
Toulouse  et  à  Brive  ,  par  tous  les  Pères  et 
les  Frères  de  la  congrégation  de  la  Doctrine 
Chrétienne;  et,  en  vertu  du  bref  du  pape 
Paul  V,  après  être  entrés  au  noviciat,  ils 
firent  tous  profession  au  bout  de  l'an  entre 
les  mains  du  P.  Vigier,  qui  avait  le  titre  de 
provincial,  ou  en  celles  d'autres  supérieurs 
qu'il  avait  députés.  Les  Pères  de  la  maison 
do  Toulouse  liront  d'abord  difficulté  de  re- 
cevoir la  ceinture  de  novice;  mais  ils  firent 
l'année  de  probaliou  comme  les  autres,  après 
laquelle  ils  firent  aussi  profession  solennelle. 
Le  roi  accorda  des  lettres  patentes  en  1017, 
par  lesquelles  il  confirmait  leur  union  avec 
les  Somasques,  et  les  recevait  comme  reli- 
gieux en  France,  et  ces  lettres  furent  véri- 
fiées en  quatre  différents  parlements.  Les 
Doctrinaires  firent  ensuite  plusieurs  établis- 
sements, et  ils  furent  reçus  à  Paris  en  1625, 
du  consentement  de  Jean-François  de  Gon- 
dy,  pour  lors  archevêque,  qui,  après  avoir 
pris   communication  du  bref  et  des  lettres 


f.~ 


doc 


DOC 


:,i 


patentes  du  roi,  les  recul  comme  religieux 
dans  son  diocèse  et  leur  permit  de  s'établir 
dans  leur  maison  de  Saint-Charles,  au  fau- 
bourg Saint-Marcel,  dans  laquelle  depuis  i's 

reçurent  plusieurs  novices  à  la  profession 
religieuse. 

Les  Doctrinaires  ne  furent  jamais  bien 
d'accord  avec  les  Somasques;  ceux-ci  ayant 
voulu  contraindre  les  Doctrinaires  de  rece- 
voir leurs  nou\elles  constitutions  ,  qui 
avaient  été  approuvées  par  le  saint-siége  en 
1626,  le  chapitre  provincial  des  Doctrinales 
qui  se  tint  à  Gimont  l'an  1627  refusa  de  les 
accepter  :  il  résolut  qu'on  observerait  tou- 
jours les  anciennes,  quoiqu'elles  ne  fussent 
pas  approuvées  par  le  pape,  et  enlre  autres 
règlements  qui  y  furent  faits,  il  fut  ordonné 
que  Ton  ferait  un  vœu  particulier  d'ensei- 
gner la  doctrine  chrétienne.  Mais  le  chapi- 
tre général  des  Somasques  ténu  l'an  iii28 
refusa  la  permission  que  les  Doctrinaires 
avaient  demandée  de  faire  imprimer  de  nou- 
\eau  les  constitutions  anciennes,  au  nom 
delà  province  de  France,  et  leur  défendit 
défaire  aucun  vœu  d'enseigner  la  doctrine 
chrétienne.  Il  n'y  eut  guère  de  chapitre  en 
France  où  il  ne  survînt  quelques  contesta- 
tions touchant  cette  union  entre  les  Doctri- 
naires et  les  Somasques  ,  ce  qui  fit  prendre 
la  résolution  aux  Doctrinaires  de  s'en  sépa- 
rer entièrement  ;  et  le  P.  Vigicr,  qui  le  pre- 
mier avait  fortement  sollicité  l'union  avec 
les  Somasques  ,  fut  aussi  le  premier  à  de- 
mander la  séparation.  Et  il  se  forma  trois 
partis  parmi  les  Doctrinaires  :  les  uns  ne 
voulaient  point  de  séparation,  les  autres  la 
demandaient,  mais  prétendaient  toujours  vi- 
vre dans  l'état  régulier,  comme  clercs,  sous 
larègledeSaint-Augustin;  elilyenavaitd'au- 
tres  qui,  prétendant  qu'il  y  avait  plusieurs 
causes  de  nullité  dans  l'acte  d'union, voulaient 
que  la  congrégation  ne  fût  point  sortie  de 
l'état  séculier  où  elle  avait  d'abord  été,  et 
que  par  conséquent  les  vœux  qu'ils  avaient 
faits  dans  la  congrégation  de  la  Doctrine 
Chrétienne  ne  les  engageaient  à  rien.  De  ce 
nombre  était  un  gentilhomme  de  Bretagne 
allié  aux  meilleures  maisons  de  la  province  , 
qui ,  étant  entré  parmi  les  Doctrinaires  en 
1636,  et  y  ayant  fait  un  an  de  noviciat  dans 
la  maison  de  Saint-Charles  à  Paris,  avait  en- 
suite fait  profession  solennelle  entre  les 
mains  du  P.  Vigicr  comme  député  du  pro- 
vincial. L'an  1140,  ce  gentilhomme,  dégoûté 
de  son  état ,  sortit  de  la  congrégation  et  se 
m  iria  en  1643  avec  une  demoiselle  de  Bre- 
tagne. La  cause  lut  portée  au  parlement  de 
Par. s  en  1644,  et  il  y  eut  en  1645  un  célèbre 
arrêt  rendu  entre  les  parents  de  ce  gentil- 
homme breton  ,  appelant  comme  d'abus  de 
son  prétendu  mariage;  ce  religieux  qui  s'é- 
tait marié,  intimé;  les  religieux  clercs  de  la 
Doctrine  Chrétienne,  ordre  de  Saint-Augus- 
tin (c'est  ainsi  que  porte  l'arrêt),  défendeurs, 
et  entre  les  mêmes  religieux  de  la  Doctrine 
Chrétienne  demandeurs  en  requête  par  eux 
présentée  à  la  cour,  pour  être  reçus  parties 
intervenantes  auxdites  appellations  avec  les 
parents  de  ce  religieux  marié,  pour  soutenir 


qu'il  était  leur  religieux  proies  et  qu'il  leur 
devait  être  rendu  :  le  même  religieux  défen- 
deur d'autre  part,  et  encore  le  même,  appe- 
lant comme  d'abus  du  bref  portant  érection 
de  la  congrégation  de  la  Doctrine  Chrétienne 
en  religion,  et  son  union  avec  les  Somas- 
ques, etc.;  et  encore  enlre  les  l'ères  clercs 
et  frères  de  la  congrégation  d<>  la  Doctrine 
Chrétienne  des  maisons  de  Paris  ,  deman- 
deurs en  requête  par  eux  présentée  à  'a  cour, 
tendante  à  lin  d'être  reçus  parties  interve- 
nantes auxdites  appellations  et  demander 
qu'il  leur  fût  donné  acte  de  ce  qu'ils  désa- 
vouaient la  poursuite  faite  au  nom  de  toute 
la  congrégation  par  le  provincial  de  cet  or- 
dre, de  l'enregistrement  des  lettres  patentes 
obtenues  au  nom  de  leur  ordre,  en  ce  qu'el- 
les portaient  confirmation  de  l'union  et  dé- 
pendance des  Pères  Somasques  d'Italie;  et, 
faisant  droit  sur  le  tout,  ordonner  qu'ils  se 
pourvoiraient  par-devant  N.  S.  P.  le  pape 
pour  obtenir  un  bref,  pour  vivre  suivant  la 
règle  des  Clercs  de  Saint-Augustin,  de  la- 
quelle ils  faisaient  profession  ,  sous  un  gé- 
néral français,  et  pour  avoir  des  commis- 
saires en  France  pour  l'exécution  dudit  bref. 
Et  encore  Gabriel  de  Tregouin,  Claude Bou- 
cairan  ,  François  Vuidot  et  Laurent  Lespe- 
riôres,  ci-devant  religieux  de  ladite  congré- 
gation des  Pères  et  clercs  de  la  Doctrine 
Chrétienne,  demandeurs  en  requête  tendante 
à  fin  d'être  reçus  parties  intervenantes  et 
opposantes  à  l'entérinement  des  lettres  pa- 
tentes du  roi  portant  établissement  de  la 
maison  de  la  Doctrine  Chrétienne  à  Paris,  et 
à  faire  exercice  de  religion  en  France,  en 
vertu  du  bref  de  l'union  avec  les  Somas- 
ques, etc.  Après  plusieurs  audiences,  la  cour 
déclara  le  mariage  de  ce  gentilhomme  bre- 
ton non  valablement  contracté  ,  ordonna 
qu'il  rentrerait  dans  le  monastère  des  reli- 
gieux de  la  Doctrine  Chrétienne  pour  y  vi- 
vre suivant  la  règle,  et,  faisant  droit  sur  les 
conclusions  du  procureur-général  du  roi, 
qu'il  serait  incessamment  procédé  à  la  véri- 
fication des  lettres  obtenues  par  les  Doctri- 
naires, si  faire  se  devait,  et  cependant  leur 
fit  défense  d'admettre  aucun  à  profession  et 
d'envoyer  leurs  religieux  hors  le  royaume, 
ni  de  recevoir  en  leurs  maisons  des  supé- 
rieurs étrangers  sans  permission  du  roi. 

Peu  avant  cet  arrêt,  qui  est  du  18  mai 
1645,  l'archevêque  de  Paris,  Jean-François 
de  Gondy,  avait  déjà  ordonné  dès  le  10  du 
même  mois  que  les  Doctrinaires  se  pourvoi- 
raient à  Borne  dans  un  an,  et  leur  avait  fait 
défense  d'admettre  aucuu,  ni  au  noviciat 
ni  à  la  profession.  Après  l'arrêt  rendu,  le 
roi,  par  un  arrêt  du  conseil  du  22  mai  1646, 
leur  donna  des  commissaires  qui  furent  les 
archevêques  de  Toulouse  et  d'Arles,  le  chan- 
celier de  l'université  de  Paris,  le  curé  de 
L;ainl-Nicoias-du-Chardonet,  le  grand  péni- 
tencier de  Notre-Dame,  et  le  sieur  du  Val, 
docteur  de  Sorbonne,  pour  aviser  aux 
moyens  propres  et  convenables  pour  termi- 
ner leurs  différends.  Ces  commissaires,  après 
avoir  vu  les  actes  capitulaires  des  maisons 
de   Paris,  de   Toulouse,  de  Narbonne,  d<„ 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  REUGtiX'X. 


se 


Villefracche,  de  Brive,  de  Beancaire,  de  Lec- 
tourc,  dcNérac,  de  Tudet,  de  Cadillac,  même 
celui  du  chapitre  provincial  assemblé  à 
Toulouse  le  G  septembre  1643,  par  lesquels 
les  Pères  Doctrinaires  avaient  résolu  de  de- 
mander et  procurer  par  toutes  les  voies  lé- 
gitimes et  rai.sonnables  leur  séparation  d'a- 
vec les  Somasques  ;  après  avoir  aussi  vu 
l'ordonnance  de  l'archevêque  de  Paris  et 
l'arrêt  du  parlement  dont  nous  avons  parlé 
ci-dessus,  et  en  avoir  fait  le  rapport  au  roi, 
Sa  Majesté  étant  en  son  conseil  révoqua 
toutes  les  lettres  patentes  qu'il  avait  ci-de- 
vant accordées  pour  l'union  des  Doctrinaires 
avec  les  Somasques,  comme  faite  avec  des 
étrangers  sans  permission  de  Sa  Majesté  ; 
leur  fit  défense  de  reconnaître  le  général  des 
Somasques  ni  recevoir  aucun  supérieur  de 
sa  part,  communiquer  ni  avoir  aucune  par- 
ticipation avec  eus;  et  ordonna  qu'ils  se 
pourvoiraient  vers  le  pape  pour  obtenir  la 
décision  de  leur  appel  et  des  autres  différends 
concernant  la  validité  de  l'érection  de  leur 
congrégation  en  religion,  et  des  professions 
qui  avaient  été  faites;  leur  enjoignant  de  vi- 
vre chacun  sous  l'obéissance  des  supérieurs 
de  chaque  maison,  selon  leurs  anciennes 
constitutions;  et,  s'il  arrivait  quelques  difû- 
cullés  extraordinaires,  d'avoir  recours  aux 
évéques  dans  les  diocèses  desquels  leurs 
maisons  sont  établies,  pour  recevoir  d'eux 
par  provision  les  règlements  qui  leur  se- 
raient nécessaires;  leur  permit  l'assemblée 
et  tenue  de  leur  chapitre  provincial  assigné 
à  Narbonne  au  mois  de  septembre,  pour  y 
élire  un  provincial  et  des  supérieurs  qui 
exerceraient  leurs  charges  par  provision, 
jusqu'à  ce  que  Sa  Sainteté  y  eût  pourvu,  à 
la  charge  que  l'archevêque  de  Narbonne  et 
l'évêquc  d'Alet  y  présideraient;  et  Sa  Majesté 
leur  défendit  de  recevoir  au  noviciat  ni  à  la 
profession,  ni  même  d'envoyer  aucun  aux 
ordres  sacrés  pour  être  promu  sous  le  litre 
de  pauvreté.' 

Les  Doctrinaires  s'étant  donc  pourvus  à 
Lomé,  le  pape  Innocent  X,  après  avoir  pris 
l'avis  d'une  congrégation  de  cardinaux  et 
de  prélats  qu'il  avait  aussi  commis  pour  la 
connaissance  de  celte  affaire,  cassa  par  un 
bref  du  30  juillet  1647  le  bref  d'union  des 
Doctrinaires  avec  les  Somasques,  soumit  les 
Doctrinaires  aux  ordinaires  des  lieux  où  sont 
situées  leurs  maisons,  et  rétablit  la  congré- 
gation de  la  Doctrine  Chrétienne  en  son  pre- 
mier état,  tel  qu'il  avait  été  établi  par  le 
pape  Clément  VIII,  lequel  était  purement 
séculier;  et,  pour  accommoder  les  parties  sur 
leurs  différends ,  Sa  Sainteté  valida  l'union 
pour  le  passé  et  les  professions  qui  avaient 
été  faites  pendant  ce  temps-là  ,  et  obligea 
ceux  qui  les  avaient  faites  ci-devant  de  per- 
sévérer toule  leur  vie  dans  la  congrégation, 
sans  pouvoir  en  sortir  d'eux-niênes  ni  être 
renvoyés  par  les  supérieurs. 

Le  P.  Hercule  Haudifrel,  qui  prenait  lo 
titre  de  général  de  la  congrégation,  surprit 
des  lettres  patentes  du  roi  sur  le  bref  d'Inno- 
cent X,  prétendant  qu'il  donnait  le  titre  et  la 
qualité  de  religion  à  leur  congrégation  poul- 


ie passe  of  poiir  l'avenir;  et,  voyant  qu'on 
avait  formé  opposition  à  l'enregistrement  de 
ces  lettres,  tnr  ce  que  les  opposants  préten- 
daient au  ronlraire  que  le  bref  ne  lui  don- 
nait le  litrn  derégulière  que  pour  le  passé  et 
non  pas  pour  l'avenir,  ce  général,  sur  sa  sim- 
ple supplique,  et  s'étant  adressé  à  la  Daterie, 
au  lieu  d'arolr  recours  à  la  congrégation  des 
cardinaux  qui  avait élé  commise  par  le  pape 
pour  connaître  des  différends  de  cette  con- 
grégation, obtint  une  bulle  le  27  janvier  1651 
qui  déclarait  la  congrégation  de  la  Doctrine 
Chrétienne  régulière  tant  pour  le  passé  quo 
pour  l'avenir.  Elle  fut  examinée  à  Paris  par 
ordre  de  l'archevêque  le  1"  avril  de  la  mé- 
mo annéo  dans  une  assemblée  de  docteurs 
qui  la  déclarèrent  nulle;  et  le  pape,  sur  l'a- 
vis de  !a  congrégation  des  cardinaux  qu'il 
avait  commise,  déclara  par  un  nouveau  bref 
du  30  août  1652  que  celte  bulle  du  27  jan- 
vier 1631  était  nulle,  comme  étant  contraire 
à  son  précédent  bref  de  1647  et  ayant  été  ob- 
tenue par  fraude  ;  déclarant  que  son  inten- 
tion était  de  rétablir  la  congrégation  de  la 
Doctrine  Chrétienne  en  son  premier  état  sé- 
culier, conformément  à  son  institution  ,  et 
d'obliger  à  y  demeurer  pendant  leur  vie, 
comme  véritables  religieux  et  sous  l'obéis- 
sance des  ordinaires,  ceux  qui  avaient  fait 
profession  pendant  l'union  avec  les  Somas- 
ques; et  déclara  séculiers  tous  ceux  qui  y 
entreraient  à  l'avenir,  cassant  et  annulant 
en  conséquence  toutes  les  professions  qui 
avaient  élé  faites  dans  cette  congrégation  de- 
puis l'expédition  du  bref  du  30  juillet  1647, 
et  toutes  les  choses  qui  avaient  été  faites  de- 
puis contre  sa  forme  et  teneur. 

Il  y  eut  de  nouvelles  contestations  sur  ce 
dernier  bref.  Il  y  avait  des  Pères  dans  la  con- 
grégation qui  ne  pouvaient  la  voir  réduite  à 
l'état  séculier  pour  l'avenir,  et  d'autres  qui 
ne  pouvaient  souffrir  qu'elle  fût  déclarée  ré- 
gulière pour  le  passé.  Ainsi,  il  fallut  encore 
retourner  à  Home,  dont  l'on  n'obtint  autre 
chose  par  un  bref  de  1654  que  ce  qui  avait 
été  déclaré  par  le  bref  précédent  de  1652,  que 
le  pape  voulait  que  l'on  exécutât. 

En  1657,  les  Pères  de  la  Doctrine  Chré- 
tienne eurent  encore  recours  à  Rome,  en 
conséquence  d'un  arrêt  de  renvoi  du  parle- 
ment de  Paris  de  1653  ^ur  l'enregistrement 
des  lettres  patentes  qu'ils  avaient  obtenues 
pour  le  bref  de  1647.  Le  pape  Alexandre  Vil 
députa  le  cardinal  Grimaldi  ,  archevêque 
d'Aix,  pour  présider  au  chapitre  général  de 
toule  la  congrégation  à  Avignon,  et  conlirma 
le  bref  de  1047.  Ce  chapitre  général  fui  célé- 
bré ;  toutes  les  contestations  y  furent  réglées 
et  assoupies  ,  et  les  brefs  des  années  1647  , 
1652  el  1654  y  furent  de  nouveau  reçus  dans 
toute  leur  teneur.  Ils  s'adressèrent  encore  au 
pape  pour  l'affermissement  de  leur  congré- 
gation, cl  Sa  Sainteté,  par  un  bref  de  l'an 
1659,  confirmatif  de  celui  de  1647,  pour  l'exé- 
cution duquel  l'archevêque  de  Paris  était 
commissaire  apostolique,  leur  donna  permis- 
sion de  faire  faire  après  une  année  de  novi- 
ciat les  trois  vœux  simples  de  chasteté,  <!<i 
pauvreté  cl  d'obéissance,  et  un  quatrième  da 


57  DOC 

perpétuelle  stabilité,  dispensables  seulement 
par  le  souverain  ponlife.ou  par  le  chapitre, 
ou  par  le  diffinitoirc  général  de  la  congré- 
gation. 

Voilà  comme  la  congrégation  des  Pères  de 
la  Doctrine  Chrétienne,  de  séculière  est  de- 
venue régulière,  et,  de  régulière,  séculière. 
Elle  est  présentement  divisée  en  trois  pro- 
vinces, savoir  :  d'Avignon,  de  Paris  et  de 
Toulouse.  La  première  a  sept  maisons  et  dis 
collèges;  la  province  de  Paris  a  quatre  mai- 
sons^ dont  deux  à  Paris  et  trois  collèges,  et 
celle  de  Toulouse  a  quatre  maisons  et  treize 
collèges.  Ces  Pères  sont  habillés  comme  les 
prêtres  séculiers  et  ont  seulement  un  petit 
collet  large  de  deux  doigts;  ils  ont  pour 
iirmes  une  croix  avec  la  lance  ,  l'éponge  et 
des  fouets  (1). 

Voyez  les  PP.  deBeauvaisetdu  Mas,Viedu 
P.  César  de  Bus.  G.  de  Trégouin,  Recueil  drs 
nullités  survenues  dans  l'institution  prétendue 
régulière  de  la  Doctrine  Chrétienne  en  France. 
Constitut.  Clericor.  Congreg.  Doctrinœ  Cliri- 
stianœ,  Mémoires,  Factions ,  Arrêts  et  pièces 
concernant  cette  congrégation. 

La  vie  du  P.  César  de  Bus  est  peu  connue 
en  France,  et  il  serait  à  propos  qu'on  en 
donnât  une  nomelle  édition,  ou  plutôt  qu'on 
en  publiât  une  sur  un  plan  nouveau,  suivie 
d'un  précis  historique  sur  sa  congrégation, 
qui  a  probablement  disparu  pour  toujours 
dans  ce  pays.  On  ignore  presque  générale- 
ment que  lors  du  voyage  que  fit  à  Home  le 
P.  Jeaume,  général,  voyage  dont  nous  allons 
parler,  on  lui  fit  la  proposition  ou  la  pro- 
messe de  canoniser  (  et  même  sans  frais  de 
procès,  dit-on)  le  pieux  fondateur  de  son  in- 
stitut. Il  y  a  eu  peu  de  congrégations  qui 
aient  subi  autant  de  révolutions  et  éprouvé 
autant  de  guerres  intestines  que  la  société 
de  la  Doctrine  Chrétienne.  Aux  renseigne- 
ments si  riches  que  la  sagacité  du  P.  Hélvot 
a  recueillis  et  consignés  ci-dessus,  nous  en 
joindrons  ici  quelques  autres  sur  cette  con- 
grégation, contre  laquelle  était  répandue  et 
reste  encore  une  prévention  presque  géné- 
rale, qui  l'accuse  de  jansénisme.  Nous  justi- 
fierons ce  soupçon;  nous  ferons  voir  qu'il 
demande  cependant  des  exceptions  plus  nom- 
breuses que  nous  ne  l'avions  cru  nous-mê- 
me,  soit  sur  le  fait  du  jansénisme,  soit  sur 
l'adhésion  à  la  constitution  civile  du  clergé, 
à  l'époque  de  la  révolution  française.  Aux 
deux  maisons  que  compte  à  Paris  le  P.  Hé- 
lyot,  il  faut  en  ajouter  une  troisième,  celle 
de  Bercy,  qu'habitait  un  Doctrinaire  fameux, 
dont  nous  parlerons  dans  cet  article. 

11  y  avait  en  effet  trois  provinces  de  Doc- 
trinaires en  France,  comme  le  dit  Hélyot, 
celles  d'Avignon,  de  Toulouse  et  de  Paris. 
Chaque  province  élisait  tous  les  trois  ans  ses 
supérieurs,  et  le  général  était  élu  tous  les  six 
ans  par  les  trois  provinces  réunies.  Ce  su- 
périeur général  avait  un  conseil  ou  défini- 

(I)  Vo;/.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  C. 

('2)  Une  note  manuscrite,  jointe  à  l'exemplaire 
que  nous  possédons  dit  que  le  P.  Valette,  Doctri- 
naire, fort  versé  dans  la  langue  latine,  est  celui  qui  a 
w»t*  en  cet  idieme  cette  vremière  édition  des  constitu- 


noc 


53 


toirv  composé  de  six  officiers,  deux  de  cha- 
que provint  e,  lesquels,  avec  le  général  lui- 
même,  trois  provinciaux,  six  députés,  et  le 
supérieur  de  la  maison  où  l'on  s'assemblait, 
composaient  le  chapitre  général,  qui  se  te- 
nait ordinairement  dans  la  maison  de  Saint- 
Charles,  faubourg  Saint-Marceau,  à  Paris. 

En  1733,  au  chapitre  général  tenu  à  Paris, 
on  revit  les  constitutions,  qui,  l'année  sui- 
vante, furent  traduites  en  latin  par  le  P.  Va- 
lette (2)  et  publiées.  Après  un  chapitre  et  drs 
observations  préliminaires  ,  elles  forment 
deux  parties  ,  dont  l'une,  composée  de  33 
chapitres,  traite  du  régime  de  la  congréga- 
tion ;  l'aulre  contient  quinze  chapitres  con- 
sacrés à  traiter  de  la  vie  spirituelle.  Nous 
venons  de  dire  comment  la  congrégation 
était  gouvernée.  Ajoutons  :  Les  bénéliciers 
ne  pouvaient  jouir  de  leurs  bénéfices  que 
conformément  aux  dispositions  de  la  con- 
grégation ,  qui  voulait  avant  tout  que  les 
bénéfices  fassent  unis  au  corps.  Deux  pa- 
rents au  premier  ou  second  degré  ne  pou- 
vaient, dans  les  élections,  se  donner  leurs 
voix.  Si  trois  parents  à  ce  degré  s'y  trou- 
vaient, le  plus  jeune  ne  volait  pas  du  tout. 
Pour  être  élu  général,  il  fallait  avoir  au 
moins  40  ans  d'âge  et  vingt  années  de  pro- 
fession ;  il  fallait  en  outre  avoir  rempli  pen- 
dant six  ans  un  emploi  important  dans  la 
congrégation.  Les  provinciaux  et  recteurs 
(supérieurs  de  maison)  faisaient  serment  de 
bien  conduire  leur  administration.  Le  chapi- 
tre provincial  se  tenait  tous  les  trois  ans,  au 
mois  de  seplerubre  ou  octobre.  11  y  a  un 
chapitre  fort  sagement  conçu  concernant  la 
garde  des  archives.  Pour  cire  admis  au  no- 
viciat, il  fallait  avoir  fait  sa  rhétorique,  n'a- 
voir pas  fait  vœu  d'entrer  en  religion,  n'avoir 
aucun  défaut  canonique  qui  empêchât  la 
promotion  aux  ordres.  On  ne  recevait  pas 
dans  l'institut  sans  une  dispense  du  provin- 
cial ceux  qui  avaient  plus  de  40  ans  ou 
moins  de  la;  ni  sans  une  permission  spé- 
ciale du  général  ceux  qui  avaient  porté, 
même  pour  peu  de  temps  ,  l'habit  d'un  autre 
institut.  Avant  d'entrer,  le  prétendant  devait 
postuler  un  ou  deux  mois.  Les  frères  con- 
vers  devaient  postuler  pendant  six  mois,  et 
ne  prenaient  l'habit  qu'après  un  an  de  sé- 
jour dans  la  maison.  On  n'en  recevait  point 
qui  ne  possédât  ou  ne  fût  apte  à  apprendre 
uu  métier  utile  à  la  maison,  et,  autant  que 
possible,  qui  ne  sût  lire,  et  écrire.  Le  convers 
ne  pouvait  recevoir  la  tonsure  sans  une  au- 
torisation du  chapitre  général.  On  voulut  dé- 
sormais, sauf  exception  en  faveur  des  sujets 
de  riche  espérance,  que  chacun  fournit  un 
titre  patrimouial  aux  ordres.  La  congréga- 
tion encourageait  ses  membres  à  publier 
luis  compositions  ,  mais  après  examen  de 
deux  réviseurs  et  avec  permission  du  géné- 
ral. L'enseignenientde  ladoctrinechrétienne, 
premier  but  de  la  congrégation,  y  était  aussi 

lions  de  sa  congrégati.-m.  Cela  ne  peut  s'entendre,  du 
moins,  que  des  constitutions  revues  en  1735,  puisqua 
nous  vovons  ci-dessus  les  constitutions  latines  citée3 
par  le  P.  Hélyot. 


D1CTI0NMIKE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


l'exercice  préféré,  el  on  le  faisait  même  dans 
les  classes.  Entre  les  régies  pour  l  instruc- 
tion et  l'éducation  des  écoliers  dans  les  col- 
lèges, ou  doit  distinguer  celles  qui  prescri- 
vent de  donner  des  sujets  religieux  et  mo- 
raux pour  matières  de  thèmes,  de  former  les 
jeunes  gens  à  la  dévotion  à  la  sainte  Vierge, 
de  les  faire  se  confesser  tous  les  mois,  etc. 
On  admettait  aussi  des  pensionnairesadultes, 
'mais  des  mesures  étaient  prescrites  pour  ne 
'  [es  laisser  pas  influencer  l'esprit  ou  les  per- 
sonnes de  la  communauté.  Des  mesures  non 
moins  sages  regardaient  aussi  ceux  qui  de- 
vaient être  employés  à  la  prédication  ou  aux 
missions.  La  soulane  des  clercs  était  cousue 
à  la  hauteur  de  deux  pieds,  et  le  reste  se  bou- 
tonnait jusqu'en  haut.  Le  manteau  était  île 
même  longueur.  A  dater  de  1733  l'habit  des 
convers  devint  une  tunicelle  et  un  manteau 
de  drap  noir  descendant  un  peu  au-dessous 
d'u  genou,  mais  il  pouvait  être  plus  court 
pour  les  voyages.  Gomme  la  plupart  des  usa- 
ges monastiques  ne  sont  plus  connus  que 
par  une  tradition  qui  s'affaiblit  de  plus  en 
plus ,  nous  affecterons  d'en  consigner  ici 
quelques-uns  de  la  Doctrine  Chrétienne.  Les 
lettres  adressées  au  général  portaient  pour 
suscription  :  A  mon  tris-révérend  Père  (Admo- 
dum  reverendo  Palri  mco);  aux  supérieurs 
majeurs  :  A  mon  révérend  Père  ;  à  un  con- 
frère prêtre  :  Au  révérend  Père Ecrivant 

à  un  simple  clerc  ou  à  un  frère  laïque,  ils 
disaient  :  Mon  citer,  ou  Irès-honoré  confrère, 
ou  frère,  selon  la  personne.  On  se  disait  fils 
en  Jésus-Christ  en  finissant  une  lettre  adres- 
sée au  supérieur  propre,  et  seulement  servi- 
teur en  écrivant  à  un  autre.  Ainsi  les  termes 
de  confrère  en  Jésus-Christ  ou  de  serviteur 
terminaient  les  lettres  écrites  entre  simples 
Doctrinaires,  selon  qu'elles  s'adressaient  aux 
prêtres  ou  à  d'autres.  En  tête  de  chaque  let- 
tre étaient  ces  mots  :  Binedictus  Deus;  le  gé- 
néral seul  mettait  :  Pax  Christi.  On  portait  le 
bonnet  carré  à  tous  les  exercices,  etc.  La  pu- 
nition des  fautes  se  faisait  à  peu  près  comme 
dans  les  monastères.  Aux  trois  vœux  de 
pauvreté,  de  chasteté  cl  d'obéissance ,  les 
Doctrinaires  ajoutaient  le  vœu  de  stabilité. 
Ces  vœux  étaient  simples,  et,  comme  l'a  dit 
Hélyot,  l'état  de  la  congrégation  était  sim- 
plement séculier.  Elle  prit  la  mesure  de  lier 
ainsi  ses  membres  par  des  engagements  , 
parée  que  l'ingrate  défection  de  ceux  qui, 
après  avoir  été  nourris  par  elle  ,  usant  de 
leur  liberté,  la  quittaient,  lui  faisait  souffrir 
trop  de  pertes  et  d'inconvénients...  Ex  mul- 
lorum  quos  educaveral  ingrata  defectione  mul- 
tum  dclrimenli  patiebnlur...  Clément  X  avait 
déclaré  que  la  dispense  de  ce  vœu  de  stabi- 
lité renfermait  aussi  celle  des  trois  autres 
vœux.  Les  Doctrinaires  se  levaient  à  qualre 
heures,  faisaient  leur  lit  et  leur  chambre,  et 
à  la  seconde  cloche  se  rendaient  à  l'exercice 
de  L'oraison,  à  laquelle  ils  vaquaient  une  de- 
mi-heure. Le  soir  avant  le  souper,  ils  ré- 
pétaient le  même  exercice  pendant  le  même 
espace  de  temps.  Les  confrères  engagés  dans 
les  ordres  sacrés  récitaient  l'office  romain, 
en  particulier,  si  ce  n'est  les  vêpres  (les  di- 


manches et  fêles,  les  matines  de  Noël  et  des 
ténèbres,  auxquelles  tous  les  clercs  élaient 
tenus  d'assister  en  surplis.  Les  clercs  qui  n'é- 
taient point  dans  les  ordres  sacrés  étaient 
exhortés  à  réciter  tous  les  jours,  et  surtout 
les  dimanches  et  fêtes,  le  bréviaire  romain; 
les  laïques  étaient  obligés  à  dire  chaque  jour 
ou  l'office  de  la  sainte  Vierge,  ou  le  chapelet. 
Les  prêtres  devaient  tous  les  jours  célébrer, 
et  les  autres  entendre  la  messe.  La  table 
était  de  forme  oblongue  et  tous  mangeaient 
du  même  côté,  comme  dans  les  communautés 
régulières.  On  servait  à  chacun  séparément 
sa  portion.  On  ne  faisait  pas  abstinence  de 
viande;  on  permettait  difficilement  de  man- 
ger en  ville.  Le  jour  anniversaire  de  la  mort 
de  César  de  Bus  se  faisait  la  rénovation  des 
vœux.  Les  clercs  et  les  frères  devaient  com- 
munier tous  les  dimanches  et  fêtes,  à  moins 
que  le  confesseur  n'en  jugeât  autrement.  Hors 
le  temps  de  Pâques  et  deux  semaines  avant 
l'A  vent  et  le  Carême,  on  faisait  abslinence  de 
viande  le  mercredi  el  jeûne  le  vendredi;  on 
jeûnait  aussi  la  veille  de  la  mort  du  vénéra- 
ble César  de  Bus,  si  elle  ne  tombait  pas  dans 
l'octave  de  Pâques,  et  trois  fois  la  semaine 
pendant  l'Avent.  Les  exercices  religieux 
étaient  tous,  en  un  mot,  marqués  au  coin  de 
l'esprit  de  prudence  et  de  sagesse  ;  l'esprit 
janséniste  n'y  paraît  en  rien. 

Néanmoins,  à  l'époque  où  les  constitutions 
furent  de  nouveau  publiées,  le  jansénisme 
dominait  une  grande  partie  de  la  congréga- 
tion. Son  histoire  serait  mal  connue  si  nous 
n'en  donnions  ici  des  preuves  frappantes  par 
des  détails  curieux  et  intéressants.  L'esprit 
de  nouveauté  dominait  surtout  dans  les  pro- 
vinces de  Toulouse  et  de  Paris.  Grâce  à  Dieu, 
la  province  d'Avignon  était  moins  infectée, 
et  devait  sans  doute  cet  état  meilleur  à  des 
sujets  italiens  qu'elle  renfermait  dans  son 
sein,  et  qui  faisaient  partager  leurs  bons  sen- 
timents à  leurs  confrères. 

Le  chapitre  général  se  tenait  ordinaire- 
ment dans  la  maison  de  Saint-Charles,  à  Pa- 
ris. Un  chapitre  devait  se  tenir  en  1743,  et 
l'autorité  ,  comme  tous  les  hommes  judi- 
cieux, craignant  que  le  jansénisme  n'influât 
trop  malheureusement  sur  les  opérations  de 
la  congrégation  s'il  se  tenait  au  lieu  ordi- 
naire ,  le  fit  transférer  à  Beaucaire.  Le  P. 
Jeaume,  général,  obtint,  d'accord  avec  le  dé- 
finitoire,  un  bref  du  pape,  et  le  chapitre  qui 
devait  se  tenir  au  mois  de  septembre  1743  fut 
remis  au  mois  de  mai  1744,  non  sans  la  mé- 
diation de  la  cour  de  France,  qui  intervint 
par  le  crédit  de  Boyer,  ancien  évêque  de  Mi- 
repoix,  que  réclamèrent  les  Doctrinaires  bien 
pensants.  On  fit  venir  le  P.  Valenlin,  procu- 
reur général  en  cour  de  Borne,  qui  s'enten- 
dit avec  le  nonce,  le  cardinal  de  Tencin  et 
Boyer,  pour  éloigner  du  chapitre  et  des  em- 
plois les  hommes  opposés  aux  décisions  de 
l'Eglise,  et  pour  soustraire  l'assemblée  à 
l'influence  qu'elle  eût  subie  à  Paris.  Il  y  eut 
donc  des  lettres  de  cachet  expédiées  à  ce  su- 
jet. La  première,  du  17janvier  1744,  portait  : 
«....  Informés  que  le  chapitre  général  de  vo- 
tre congrégation  doit  être  tenu  au  mois  de 


61 


DOC 


mai  prochain,  nous  vous  faisons  coite  lettre 
pour  vous  dire  que  notre  intention  est  qu'il 
ne  soit  pa9  assemblé  à  Paris;  et  nous  vous 
permettons  seulement  de  le  tenir  dans  quel- 
qu'une des  maisons  de  votre  ordre  des  pro- 
yinces  d'Avignon  ou  de  Toulouse.  Notre  in- 
tention est  aussi  qu'il  ne  soit  élu  ou  nommé 
aux  charges  de  supérieurs  et  autres  de  votre 
congrégation,  que  des  religieux  qui  aient 
donné  des  preuves  suffisantes  de  leur  sou- 
mission aux  décisions  de  l'Kglise  et  aux  bul- 
les apostoliques,  et  qui  justifient  de  leur  si- 
gnature du  formulaire  ;  et  nous  vous  man- 
dons et  ordonnons  de  tenir  la  main  à  l'exé- 
cution de  ce  que  nous  jugeons  à  propos  de 
vous  prescrire  à  ce  sujet.  Si  n'y  faites  faute, 
car  tel  est  notre  plaisir.  » 

UnesecondeletlrefutadresséeauP.Jcaume, 
général,  en  ces  termes  :  «  Cher  et  bien-amé, 
le  chapitre  général  de  votre  ordre  devant  se 
tenir,  à  la  fin  de  ce  mois,  dans  la  ville  de 
Beaucaire ,  notre  intention  est  que  tous  les 
religieux  vocaux  qui  doivent  y  assister  dé- 
clarent avant  les  élections  leur  soumission 
aux  bulles  apostoliques  et  au  formulaire,  et 
que  ceux  qui  n'auront  pas  fait  ladite  soumis-1 
sion  ne  puissent  être  élus  dans  aucune  charge 
et  dignité  de  l'ordre.  Si  n'y  faites  faute,  etc." 
Donné  à  Versailles  le  deuxième  jour  du  mois 
de  mai  1744.  »  Le  même  jour,  lettre  à  M.  l'ar- 
chevêque d'Arles,  nommé  commissaire  royal 
au  chapitre,  et  conçue  en  ces  termes  :  «  Mon- 
sieur l'archevêque  d'Arles,  Ayant  donné  mes 
ordres  pour  que  le  chapitre  général  de  la 
Doctrine  Chrétienne  se  tienne  dans  la  ville 
de  Baucaire ,  et  étant  informé  qu'il  doit  s'y 
ouvrir  incessamment,  mon  intention  est  que 
vous  y  assistiez  de  ma  part  en  qualité  de 
commissaire,  et  que  vous  déclariez  que  tous 
ceux  qui  ne  sont  pas  soumis  aux  bulles  apo- 
stoliques et  au  formulaire  ne  pourront  être 
élus  dans  aucune  charge  et  dignité  de  l'ordre. 
Mon  intention  est  au  surplus  que  ceux  qui 
composeront  ledit  chapitre  général  aient  à 
se  conformer  sans  aucune  difficulté  à  ce  que 
Vous  leur  ordonnerez  de  ma  part.  Sur  ce  je 
prie  Dieu  qu'il  vous  ait,  Monsieur  l'arche-, 
vêque  d'Arles  ,  en  sa  sainte  garde.  A  Ver- 
sailles, etc.  »M.  de  Saint-Florentin,  ministre, 
écrivait  en  outre  au  P.  Jeaume:  «Mon  rêvé-, 
reud  Père,  Je  vous  adresse  les  ordres  du  roi 
pour  la  tenue  de  votre  chapitre  général. 
Vous  ne  manquerez  pas  de  vous  y  confor- 
mer.  S.  M.  a  chargé  M.  l'archevêque  d'Arles 
d'y  assister  en  qualité  de  son  commissaire. 
Votre  premier  soin  en  arrivant  à  Beaucùre, 
sera  de  voir  ce  prélat  et  de  vous  concerter, 
avec  lui,  tant  pour  l'ouverture  que  sur  les; 
autres  opérations  à  faire  pendant  la  tenue' 
de  votre  chapitre.  Je  suis ,  etc.  » 

11  est  évident  que  des  mesures  de  cette' 
sorte,  prises  par  l'autorité  civile  ,  ne  lais- 
saient guère  de  liberté  aux  opérations  du 
chapitre,  et  elles  ne  peuvent  se  justifier  ici 
que  par  le  concours  qui  régnait  dans  ces  me- 
sures entre  l'autorité  civile  et  l'autorité  ec- 
clésiastique ,  dont  celle-là  ne  faisait  que 
maintenir  les  prescriptions.  Ce  n'est  qu'en 
rocédaut  ainsi  que  le  prince  peut  se  mon- 


trer Vévêque  du  dehors  ,  il  doit  se  humer  à 
être  le  bras  droit  et  agissant  île  l'évéque  du 
dedans,  de  l'autorité  des  chefs  des  diocèses 
et  surtout  du  souverain  pontife.  Ces  mesures 
rigoureuses  montrent  aussi  à  quel  point  en 
était  venue  une  congrégation  contre  laquelle 
il  fallait  les  prendre.  Nous  avons  affecte  d'en 
parler  avec  une  certaine  étendue  ,  et  nous 
aurons  encore  à  venir  sur  des  faits  analo- 
gues, par  exemple  en  parlant  de  l'Oratoire  , 
et  nous  voulons  par  là  donner  une  idée  de 
l'esprit  qui  s'était  glissé  dans  un  grand  nom- 
bre de  congrégations  religieuses  au  dernier 
siècle. 

A  Beaucaire  d'autres  mesures  furent  prises 
en  outre  au  chapitre  général.  Nous  dirons  , 
par  exemple,  que  le  P.  LalTont,  recteur  de 
Moissic  ,  l'un  des  capitulaires  ,  eut  ordre  de 
se  retirer  sans  délai  en  sa  maison  de  Moissac. 
Il  en  demanda  la  raison  ;  le  secrétaire  de  M. 
Boyer  la  lui  donna  et  disait  dans  sa  réponse: 
«  Ceux  d'entre  vos  confrères  qui  gémis- 
sent de  voir  que  votre  congrégation  ne  se 
dislingue  presque  plus  aujourd'hui  que  par 
son  opposition  aux  décisions  du  chef  et  du 
corps  des  premiers  pnsteurs,  ont  pris  les  me- 
sures les  plus  efficaces  pour  empêcher  que  le 
gouvernement  n'en  fût  confié  à  des  personnes 
portées  à  entretenir   parmi   vous   un  esprit 

d'indépendance  et  de  rébellion D.  Héliot, 

secrétaire  de  M.  l'ancien  érêqu'e  de  Mire- 
poix.  A  Paris.ce  1er  juin  1744.  »  Pareil  ordre 
donné  au  P.  Delfour,  définileur  de  la  pro- 
vince de  Toulouse  ,  secrétaire  de  la  congré- 
gation et  du  chapitre  général ,  pour  qu'il  se 
retirât  à  Glmon  ;  pareil  ordre  au  P.  Préjean, 
député  de  la  province  de  Paris,  pour  qu'il  se 
retirât  à  la  maison  de  Noyers,  en  Bourgogne. 

Dans  l'indiclion  du  chapitre  ,  les  récalci- 
trants avaient  vu  ,  sinon  avec  surprise  ,  du 
moins  avec  peine  ,  qu'un  vicaire  général  se 
trouvât  compris  au  nombre  des  vocaux.  C'é- 
tait le  député  d'une  province  italienne  dont 
nous  a  Ions  parler.  La  plupart  des  maisons 
des  provinces  de  Paris  et  de  Toulouse  signè- 
rent des  actes  d'opposition  et  de  protestation, 
dont  elles  chargèrent  leurs  députés  au  cha- 
pitre général.  Ces  protestations  étaient  contre 
l'admission  au  chapitre  du  vicaire  général  de 
Borne  en  qualité  de  vocal,  et  contre  l'admis- 
sion de  la  bulle  Unigenilus.  Elles  portaient 
trente-six  signatures  de  la  province  de  Paris, 
la  moins  nombreuse  des  trois;  cinquante  et 
une  de  la  province  de  Toulouse  ,  prêtres, 
sous-iliacres  et  clercs;  cinq  même  delà  pro- 
vince d'Avignon.  La  cour  avait  fourni  la 
somme  de  mille  écus  pour  les  frais  du  cha- 
pitre, qui  s'ouvrit  le  30  mai.  On  lut  le  bref 
du  pape  qui  avait  prorogé  le  chapitre,  et  à 
l'occasion  de  cette  pièce  le  P.  de  la  Molhe, 
provincial  d'Avignon  ,  présenta  une  requête 
(qui  fut  aluiise,  et  ce  nous  semble  avec  rai- 
ton)  tendante  à  ce  qu'il  fût  statué  que  le  gé- 
néral et  son  définituire  ne  pourraient  sollici- 
ter aucun  bref  sans  la  participation  des  trois 
provinces.  Dans  le  discours  de  Mgr  d'Arles, 
commissaire,  on  tloil  remarquer  ces  paroles  : 
«  Hélas!  mes  Pères,  vous  le  savez  encore 
mieux  que  moi,  et  je  me  Qatle  que  vous  en 


C5 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


gémissez  autant  que  moi-même: hélas!  il  ne 
reste  plus  dans  votre  congrégation  que  quel- 
ques étincelles  de  ce  feu  primitif,  seul  capa- 
ble de  li  perpétuer.  » 

Les  Pères  de  la  province  d'Avignon  ,  ber- 
ceau de  l'institut,  et  conservant  mieux  que 
les  autres  les  sentiments  de  soumission  à 
l'Eglise  et  les  étincelles  de  ce  feu  primitif,  fi- 
rent tout  leur  possible  pour  que  le  résultat 
«lu  chapitre  fui  à  l'avantage  de  leur  congré- 
gation, et  ils  y  réussirent.  Tout  se  passa  as- 
sez tranquillement  ,  bien  qu'on  y  eût  laissé 
quelques-uns  des  opposants  pour  la  canoni- 
ale des  élections.  Les  Pères  qui  ne  voulu- 
rent pas  signer  et  se  soumettre  furent  dé- 
clarés inhabiles  à  posséder  les  charges.  La 
procuration  du  P.  Pcilloni,  vicaire  général  de 
la  province  romaine,  du  10  mai  1744  ,  au  P. 
de  la  Moine,  provincial  d'Avignon,  pour  agir 
en  son  nom  dans  le  chapitre,  celle  procura- 
lion,  disons-nous,  fut  piésenlée  et  admise  à 
la  pluralité  des  voix,  après  une  longue  dis- 
cussion. A  la  place  du  P.  Jeaume  ,  dont  le 
temps  était  expiré,  on  élut  pour  général  le 
P.  Mazenc,  supérieur  du  séminaire  de  Tar- 
bes,  province  de  Toulouse  ,  homme  lecom- 
mandable  par  ses  bons  sentiments  et  son  op- 
position au  jansénisme,  el  qui  jouissait  d'une 
pension  de  400  livres  sur  l'évéché  de  Com- 
minge.  Le  P.  Muleti  fut  nommé  assistant  de 
la  province  d'Avignon  ;  le  P.  Valette  fut  conti- 
nué assistant  de  la  province  de  Toulouse,  et 
le  P.  Moreau,  recteur  de  la  maison  de  Saint- 
Charles,  assistant  de  la  province  de  Paris. 
Le  P.  Valentin  fut  continué  dans  sa  place 
de  procureur  général  en  cour  de  Rome;  le 
P.  Vauveray,  procureur  général  en  France  , 
et  le  P.  Racolis,  secrétaire  général.  Tous  ces 
hommes  étaient  actuellement  soumis  à  la 
bulle,  et  plusieurs  avaient  toujours  montré 
de  bons  sentiments.  Dans  le  chapitre  on 
porta  plusieurs  décrets  pour  remédier  aux 
dangers  du  temps.  Leurs  dispositions  géné- 
rales étaient  de  s'assurer,  avant  les  chapi- 
tres, les  nominations  aux  emplois,  l'émis- 
sion des  \oix  ,  etc.,  des  sentiments  de  sou- 
mission au  formulaire  d'Alexandre  VU  el  à 
la  bulle.  Le  chapitre  fut  clos  par  un  discours 
que  prononça  l'archevêque  d'Arles,  M.  Gi- 
gaull  de  Relief  mt. 

Aux  chapitres  généraux  qui  élurent  suc- 
cessivement les  prédécesseurs  du  P.  Mazenc, 
c'est-à-dire  le  P.  Griffon,  qui  -fut  maintenu 
pendant  douze  ans;  le  P.  Cuaussac  ,  le  P. 
Daccarère  el  le  P.  Jeaume,  tous  soumis  aux 
décisions  de  l'Eglise,  il  y  avait  eu  aussi  des 
orages  qui  ,  sans  être  aussi  violents  qu'à 
Rcaucaire,  étaient  bien  loin  de  l'édifiante 
union  qui  doil  régner  dans  de  telles  assem- 
blées. Dans  quelques  maisons  la  soumission 
à  la  bulle  ne  trouvait  aucune  résistance;  en 
plusieurs  autres  il  y  eut  des  interdits  nom- 
breux lancés  par  des  évoques.  Des  supé- 
rieurs ou  professeurs  lurent  éloignés  ,  des 
collèges  de  jeunes  gens  évacués,  etc. 

Deux  ans  avant  le  chapilre  de  Rcaucaire, 
le  "P.  Jeaume  ,  général  ,  se  rendit  à  Rouie 
pour  travailler  à  la  béatification  do  César  de 
i-fis  et  à  l'union   des  Doctrinaires  italiens 


avec  les  Doctrinaires  de  France.  Cette  union 
fut,  à  ce  qu'il  parait ,  effectuée  ,  et  c'est  en 
conséquence  de  ce  résultat  que  sera  venu  au 
chapilre  général  le  fondé  de  pouvoirs  du  vi- 
caire général  de  la  province  de  Rome  ;  ce 
qui  ferait  compter  dans  la  congrégation 
quatre  provinces  au  lieu  de  trois.  On  les  y 
comptait  en  effet ,  el  même  on  eût  dû  peut- 
être  en  compter  cinq,  puisqu'il  y  avait  aussi 
une  province  de  la  Doctrine  Chrétienne  d'Ita- 
lie au  royaume  de  Naplcs;  mais  nous  ne  pou- 
vons dire  si  ces  mesures  furent  reconnues 
par  toute  la  congrégation.  Nous  allons  en 
outre  en  nommer  bientôt  une  autre. 

Les  Doctrinaires  n'accordaient  la  voilure 
pour  les  voyages  qu'aux  prêtres  seu'ement; 
il' est  vraisemblable  que  l'on  aura  modifié 
cet  usage  dans  les  derniers  temps.  Ces  Pères 
dirigeaient  aussi  ,  comme  les  Oratoriens  et 
surtout  les  Jésuites,  des  congrégations  d'hom- 
mes, si  propres  à  maintenir  les  habitudes  et 
le  goût  de  la  piété. 

Cette  contagion  du  jansénisme  qui  avait 
fait  tant  de  ravages  dans  la  société  de  la 
Doctrine  Chrétienne ,  n'y  dominait  plus  sur 
la  fin,  et,  dans  sa  visile  au  collège  de  La  Flè- 
che ,  le  général  ,  ayant  entendu  un  ancien 
parler  dans  le  sens  de  l'opposition  à  la  bulle, 
le  reprit  fortement  de  tenir  ainsi  devant  les 
jeunes  gens  un  langage  conforme  à  des  sen- 
timents qui  n'étaient  pas  ceux  de  la  corpo- 
ration. Néanmoins  il  y  eut  jusqu'au  dernier 
moment  des  jansénistes  déclarés  ;  nous  en  ci- 
terons un  exemple  frappant. 

La  destruction  des  Jésuites  avait  porté  un 
coup  funeste  aux  Doctrinaires  comme  aux 
autres  congrégations  enseignantes,  non-seu- 
lement sous  le  rapport  chrétien  ,  puisque 
toute  l'Eglise  s'en  ressentit,  mais  sous  le  rap- 
port de  l'intérêt  d'existence  et  de  force  mo- 
rale. Ils  voulurent  prendre  et  prirent  en 
effet  plusieurs  des  collèges  abandonnés  par 
la  célèbre  compagnie,  et  la  disette  de  bons 
sujets  et  même  de  sujets  quelconques  aurait 
dû  leur  faire  envisager  celle  nouvelle  lâche 
avec  effroi.  Ils  eurent  l'honneur  d'être  char- 
gés du  fameux  collège  de  La  Flèche.  Nous 
n'avons  rien  à  dire  contre  leur  administra- 
tion dans  celle  maison,  ni  sur  leur  enseigne- 
ment. Ils  auront  lâché  sans  doute  de  se  tenir 
au  niveau  de  leurs  illustres  devanciers.  Les 
supérieurs  mirent  à  ia  tête  du  collège  le  P. 
Corbin  ,  homme  d'un  grand  mérite,  qui  fut 
ensuite  nommé  précepteur  du  dernier  dau- 
phin et  nio;irut  à  Meudon.  Le  P.  Corbin  fut 
remplacé,  en  qualité  de  principal  à  La  Flè- 
che, par  Noët-Gabriel-Luce  Villar,  qui  prêta 
le  serment  à  la  constitution  civile  du  clergé, 
fut  sacré  à  Paris,  le  -22  mai  1791,  pour  l'évé- 
ché de  la  Mayenne,  dont  le  siège  lacticc  était 
à  Laval  ;  fut  conventionnel  ,  déclara  Louis 
XVI  coupable  el  vota  sa  détention;  devint 
membre  du  corps  législatif,  renonça  à  son 
évêehé  ,  abdiqua  ses  fonctions  et  mourut  le 
26  août  18'26.  C'est,  croyons-nous  ,  le  seul 
évêque  de  celte  sorte  qu'ail  donné  la  congré- 
gation de  la  Doctrine  Chrétienne,  qui  se  se- 
rait volontiers  passée  d'une  semblable  dis- 
tinction. 


es                         doc  doc                          n<; 

L'ordonnante  tic  Louis    XV  (1768)  et  la  propre,  la  modération  naturelle,  le  dépit  ou 

création  de  la  commission  pour  les  réguliers  l'impuissance  ,  retenaient  dans  une  sorte  de 

produisirent,  comme  on  sait,  un  effet  affreux  réserve  constitutionnelle, 

sur  toutes  les  congrégations  religieuses;  la  Nous  devons  citer  ici  l'exemple  fameux  de 

Doctrine  Chrétienne  fut  une  de  celles  qui  en  l'esprit  janséniste  maintenu  dans  la  cougré- 

lurent  le   plus  larg"ment  atteintes.  Comme  galion,  que  nous  avons  promis  ,   c'est  celui 

un  grand  nombre  d'instituts  ,  elle  réédita  et  du  P.  Minard,  l'un  des  oracles  du  parti  et  de 

refondit   ses  constitutions.    Celte  opération  l'Eglise  constitutionnelle.  Né  à  Paris  en  1725, 

fondamentale  se  fit  au  chapitre  général  qui  Louis-Guillaume  Minard,  après  sa  philoso- 

eut  lieu  à  Paris  en  17S2,  et  elles   furent   pu-  phie,  entra  au  noviciat  de  la  Doctrine  Chré- 

L'Iiées  l'année  suivante.  Nous   ne  répéterons  tienne,  qui  comptait  alors  des  jansénistes  zé- 

point  ce  que  nous   avons  dit  ci-tiessus  en  lés,  tels  que  le  P.  Jaid,  le  P.  de  Sainl-Genis 

l'analyse  des  règles,  qui  restèrent  les  mêmes  le  P.  de  Convenance  ,  etc.,  et  donna  ardem- 

au  fond  :   mais  nous  ferons  connaître  ici  les  ment  lui-même  dans  leurs  opinions.  Quoique 

principales  modifications  qu'elles  subirent  et  interdit  par  M.  de  Juigué,  il  fut  sur  les  rangs 

qui  peignent  bien  l'esprit  de  l'époque  et  de  la  de  ceux  que  ses  confrères  voulaient  choisir 

malheureuse   congrégation.   Les  frères  con-  pour   leur   général  en   1778.  11  vécut  retiré 

vers  ne  sont  plus  obligés  à  la  récitation  de  dans  la  maison  du  Petit-Bercy,  au  faubourg 

l'olficc  de  la  sainte  Vierge  ou  du  chapelet  ;  Saint-Antoine,  où,  toujours  interdit,  il  con- 

il  reste  un  chapitre  consacré  à  traiter  de  la  tinua  de  diriger  un  grand  nombre  de  ses  ad- 

vertu  d'obéissance  ;  ceux  qui  traitaient  de  la  hérents.  11  embrassa  avec  chaleur    le   parti 

chasteté  et  de  la   pauvreté  ont  disparu.   On  de  la  constitution  civile  du  clergé  et  fut  le 

ne  fait  plus  de  vœux,  pas  même  celui  de  sta-  premier  curé  constitutionnel  de  Bercy,  qui 

bililé.  Dans  le  chapitre  de  1770,  tenu  à  Paris,  n'était  pas  alors  paroisse,  mais  qui  l'est  de- 

il  fut  décidé  qu'on  en  demanderait  l'abolition  venu  depuis.  Etant  aussi   une  des  colonnes 

à  Pic  Vil,  qui  l'accorda  en  effet  par  un  bref  de  la   nouvelle  Eglise  de  Paris,  il  se  trouva 

du  li  mars  1783.  Après  deux  années  de  no-  encore  au  nombre  des  candidats   entre  les- 

vicial ,  passées  à   la   maison    même  du   no-  quels  on  devait  choisir  un  successeur  à  l'évê- 

viciât   ou  dans  une  autre  de  l'institut,   celui  que  Gobet.  Minard  mourut  le  22  avril  1798. 

qu'on  jugeait  propre  à  ê;re  admis  prenait,  Il  n'a  laissé  que  deux  volumes,  l'un  intitulé: 

chaque    année,    l'engagement  de  ne   point  Avis  aux  Fidèles,    1700;    l'autre,    Supplé- 

abandonner    la   charge   qu'on    lui  confiait,  ment,  etc.  Il  y  prêche  un  jansénisme  presque 

avant   les   grandes    vacances   suivantes  ,    et  aussi  cru  que  celui  du  P.  Gerberou  dans  sou 

sans  en  prévenir  la  congrégation  ;  et  s'il  ve-  Miroir  de  ta  Piété ,  et  engage  à  se  confesser 

nait  à  sortir  avec  ces  formalités,  il  était  tou-  aux  prêtres  jansénistes,  quoique  interdits. 

jours  regardé  comme  membre  de  l'institut,  Tous  les  Doctrinaires  n'avaient  pas, comme 

qui  lui  indiquait  même  une  maison  comme  nous  l'avions  cru  ,  prêté  le  serment  civique, 

maison  d'alfilia  ion,  s'il  le  désirait,  et  lui  ac-  et  il  parait  que   le  jansénisme  ne  dominait 

cordait  certains  privilèges  ,  comme   le  droit  plus  dans  leur  corps,   où  il  avait  seulement 

de  voter,  de  rentrer  un  jour;  mais  il  fallait  laissé  les  traces  et  les  effets  de  son   action 

pour  cela  que  le  confrère  sorti  renouvelât  sa  corrosive.  A  côté  du  P.  Minard  nous  avons  à 

demande  tous  les  ans.  Les  bénéfices  ne  sont  nommer   le  P.   Rioulx,  qui  a    vécu  dans  le 

plus  unis  nécessairement  à  la  congrégation  ;  même  temps  que  lui.  Prédicateur  célèbre  à 

les  membres  peuvent  en  jouir  sans  cela.  Par  Paris,  le  P.  Raoulx,  Doctrinaire,  vivait  à  la 

lettres  patentes  du  28  juin  1778  ,  Louis  XVI  maison  de  Saint-Charles  ,   dans   celte    ville, 

déclarait  les  membres  de  la  congrégation  de  Les  Pères  de  la  congrégation   étaient   restés 

l,i  Doctrine  Chrétienne  propies  à  recueillir  dans  cette  maison  et  ne  la  quittèrent  qu'au 

les  successions,  etc.,  et  aux  autres  bénéfices  mois  d'août  1792,  quand  on  fit  la  recherche 

deseffetscivils.il    paraît  qu'outre  les    pro-  des  prêtres  qui  avaient  refusé  leur  adhésion 

vinces  que  nous  avons  ci-dessus   indiquées,  à   la    constitution    civile   du    clergé  ;    le   P 

la  congrégation  avait  sur   la  fin  créé  celle  Kaoulx  était  de  ce  nombre  ;  il  se  cacha  chez 

dite  de  La  Flèche,  car  nous  la  trouvons  de-  deux  personnes  ,  et  faisait  une  course  pour 

signée   avec   les  autres  dans   les    nouvelles  l'exercice  du  saint  ministère,  quand   il    fut 

constitutions.  reconnu  et  trahi   par  un   habitant  de  l'île 

La   Doctrine   Chrétienne   avait,  dans  les  Saint-Louis.  Dénoncé, arrêté,  incarcéré,  puis 

derniers  temps,  accepté  la  direction  des  col-  interrogé  et  absous,  il  était  rendu  à  la   li- 

leges  de  Bourges  et  de  Moulins.  Elle  possé-  birté,  quand  son  dénonciateur,   irrité  de  cet 

dait  au>si  le  collège  d'Avallon,  où  elle  comp-  acquittement,   imagina  d'aller  débiter  des 

lait  au  nombre  de  ses  membres  Royer-Col-  blasphèmes  contre  Jesus-Christ  et  la  religion 

lard  ,  publiciste  ou  politique  fort   renommé  en  présence  du  P.  Kaoulx,  qui  allait  sortir  de 

dans  ces  derniers  temps,  et  qui  a  été  fort  nui-  la  salle,  mais  qui  crut  loccasion  toute  natu- 

sible  à  la  monarchie  des  Bourbons.  C'est  de  relie  de  défendre    la   vérité  ,   en    parlant  et 

Royer-Collard,   qui   fut  réellement,   non  ec-  prêchant  là  sans  crainte.    11   fut   arrêté  de 

clésiaslique  ,   mais  membre  de  la  congréga-  nouveau  et  conduit  à  Saint-Lazare,  où  tant 

lion  des   Doctrinaires  ,  qu'est    venue    cette  d'ecclésiastiques   étaient  renfermés,    il    fut 

nuance  de  parti  politique  qu'on  appelait  des  condamné  à  mort;    mais  Dieu  lui  réservait 

Z>oc£n'rtaim-,sanssavoirnipourquoiniàquoi;  une  épreuve  terrible  :   il   reconnut  dans   la 

car  on  nommait,  sans  aucun  bon  sens,  des  charrette  qui  le  conduisait   à   la   mort   sou 

Doctrinaires  certains  hommes  que  l'amour-  propre  frère,  qui,  la  veille,   avait  été  cou- 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  REL1GIEIX. 


03 


damné  dans  une  autre  chambre.  Tous  deux, 
furent  exécutés  à  la  barrière  du  Trône,  où 
périrent  tant  de  victimes.  Unis  par  les  liens 
de  la  nature  et  de  l'amitié  pendant  la  vie,  in 
morte  quoque  non  sunt  divisi. 

Lederniergéuéral  des  Doctrinaires,  le  l'.de 
Bonnefous,  homme  estimable  et  qui  n'avait 
embrasse  ni  les  erreurs  du  jansénisme,  ni 
celles  de  la  révolution,  mourut  en  1806,  dans 
l'établissement  de  l'abbé  Sicard,  à  Paris. 

Nous  ne  connaissons  plus  aujourd'hui 
qu'un  membre  de  la  congrégation  delà  Doc- 
trine Chrétienne  ,  c'est  M.  l'abbé  Souquet  de 
la  Tour,  curé  de  Saint-Thomas  d'Aquin,  à 
Paris,  qui  a  peut-être  survécu  à  tous  ses  con- 
frères, et  qui  est  comme  le  testament  laissé 
par  cette  corporation  savante,  pour  nous 
donner  une  idée  de  ses  richesses  littéraires. 
On  en  jugera  par  ce  que  nous  allons  dire  des 
travaux  de  M.  l'abbé  de  la  Tour.  Ce  piètre 
laborieux  était  entré  fort  jeune  dans  la  con- 
grégation delà  Doctrine  Chrétienne,  qui  l'a- 
vait employé  à  l'enseignement  au  collège  de 
La  Flèche.  Il  y  résidait  et  était  déjà  prêtre, 
quand  la  révolution  vint  l'arracher  à  sa  so- 
ciété et  sa  vie  paisible.  Il  n'embrassa  point 
les  erreurs  du  temps  et  ne  quitta  point  ses 
habitudes  studieuses.  Son  attrait  particulier 
l'a  porté  vers  les  poètes  latins,  et  il  a  publié 
les  traductions  suivantes  :  1°  La  Christiade 
de  Vida  ;  2°  l'Enfantement  de  la  Vierge,  de 
Seiraazard  ;  3°  /' Enfant  Jc'sus,  poème  du  P. 
Seva,  jésuite  ;  k°  Saint  Hyacinthe,  poëme  de 
Guillaume  le  Blanc,  év  êque  nomme  de  Grasse, 
mais  qui  ne  prit  point  possession.  M.  de  la 
Tour  publia  ce  poème  en  l'honneur  de  saint 
Hyacinthe,  par  adulation  pour  M.  Quélen, 
archevêque  de  Paris,  qui  s'appelait  Hyacin- 
the, a'  Cl  a  tdien.  C'est  la  première  traduction 
de  ce  poète  qui  ail  été  publiée  ;  M.  de  la 
Tour  la  lit  étant  encore  à  La  Flèche.  G"  L'E- 
tablissement  du  christianisme  ait  Japon,  poè- 
me, par  Simon  Franck,  écolier  du  collège 
des  Jésuites,  à  Liège,  et  élève  de  Feller.  7" 
Les  SU  vis,  de  Stace.  8'  La  guerre  de  Tripoli, 
poème,  parCazdosa,  Portugais.  Cet  ouvrage 
est  peu  connu  en  France.  M.  de  la  Tour  l'en- 
tendit vanter  et  le  chercha  aussitôt  à  la  Bi- 
hl.oihèquedu  roi,  où  il  ue  le  trouva  point,  et 
il  le  (il  venir  de  Lisbonne,  pour  le  traduire. 
9"  Poêles  latins  :  c'est  le  nom  que  AI.  de  la 
Tour  donne  à  un  recueil  de  traduct'ons  de 
poinies  moins  volumineux,  et  qui  sont  au 
nombre  de  six  ou  sept  :  €rratius-Failaciust 
Aémésien,  Castor,  Les  Travaux  d'Hercule, 
Anonyme,  Cornélius  Severus  :  la  traduction 
de  ce  dernier  a  élé  faite   par  H.   l'abbé  de 

L ,  grandvicaireà  Bourges,  que 

M.  de  la  Tour  a  préparé  à  sa  première  com- 
munion. Nous  ne  connaissons  pas  de  traduc- 
teur qui  ait  plus  ni  même  autant  publié  en  ce 
genre,  que  M.  l'abbé  de  la  Tour.  Octogé- 
naire aujourd'hui,  il  se  souvient  qu'il  a  jadis 
passé  des  nuits  à  ces  éludes  chéries,  et  quoi- 
que place  à  la  tète  d'une  paroisse  et  arrivé 
au  delà  de  l'âge  du  repos,  il  ne  les  quille 
jamais  avant  minuit.  Oh  !  qui  rendra  à  l'Eglise 
les  congrégations  religieuses, lesquelles  four- 
nissaient de  '.els    hommes  !  Au  tome  second 


de  son  Histoire  des  Ordres  religieux, M.  Heu- 
rion,  parlant  de  la DoctrineChré  tienne, donne 
quelques  lumières  sur  l'établissement  en  Ita- 
lie que  nous  avons  mentionné  ci-dessus,  et 
dit  qu'iis  avaient,  jointe  aux  trois  françai- 
ses, une  province  de  Rome,  formée  dans  li». 
dernier  siècle  de  huit  maisons  que  la  congré- 
gation avait  en  Italie,  et  de  sept  autres  qui 
lui  furent  données  par  Benoit  XIII.  Ces  mai- 
sons étaient  des  collèges  ,  séminaires  ou  pa- 
roisses. Nous  ignorons  toujours  ce  qu'était 
cette  province  de  Naples,  dont  nous  avons 
parlé,  et  si  ces  maisons  étaient  celles  de  Doc- 
trinaires italiens  qui  s'étaient,  nous  a-t-on 
dit,  unies  à  celles  de  France,  et  possédaient 
le  corps  de  César  de  Bus. 

La  maison  de  Saint-Charles  à  Paris  était 
située  à  l'extrémité  supérieure  de  la  rue  des 
Fossés-Saint-Victor,  et  était  habitée  par  le 
général,  18  ou  20  prêtres  environ,  et  un  cer- 
tain nombre  de  novices  ,  qui  payaient  500 
livres  pour  l'année  de  probation.  Ces  con- 
ditions et  le  nombre  des  Pères  avaient  sans 
douteétémodilîés  vers  la  fin  du  dernier  siècle. 
On  remarque  comme  une  chose  singulière 
que  dans  la  chapelle  de  la  Doctrine  Chré- 
tienne, il  y  avait  tous  les  ans  sermon  et  sa- 
lut en  l'honneur  du  bon  Larron.  En  1703, 
M.  Miron,  docteur  en  théologie,  de  la  mai- 
son de  Navarre,  légua  sa  bibliothèque  aux 
Pères  de  la  Doctrine  Chrétienne,  à  condition 
qu'elle  serait  publique.  Elle  était  composée 
de  plus  de  20,000  volumes,  parmi  lesquels 
il  y  avait  des  éditions  rares  et  les  manuscrits 
du  savant  abbé  Le  Beuf,  auteur  de  l'Histoire 
du  Diocèse  de  Paris.  L'établissement  de  Bercy 
avait  d'abord  été  faità  Anloni  auxvir  siècle. 
M.  de  Gondi,  qui  avait  attiré  les  Doctrinaires 
dans  son  diocèse,  estimait  ces  Pères  et  se 
retirait  quelquefois  chez  eux;  l'autre  éta- 
blissement, à  Paris,  était  à  Saint-Juli  u-des- 
Menetriers.  Le  célèbre  Fléchier,  evèque  de 
Nîmes  ,  était  membre  de  la  congrégation  de 
la  Doctrine  Chrétienne. 

Nouvelles  ecclésiastiques,  passiin.  Tableau 
hist  irique  et  pittoresque  de  Paris...  par  J.-B. 
De  Saint-Victor.  8  vol.  in-S.  Etat  ou  tableau 
de  la  ville  de  l'aris  ;  par...  in-8.  Constitutio- 
nes  Congfegalionis  Doctrines  Chrisli,  173V  ; 
eœdem  1783.  Histoire  des  Ordres,  par  M.  Hen- 
ri on*  2  vol.  in-12.  —  Description  de  Paris  ; 
parPiganiol  de  la  Force.  —  Renseignements 
fournis  par  M.  l'abbé  delà  Tour  ;  —  notes 
prises  passim,  etc.  B-d-e. 

DOCTRINE  CHRETIENNE,  en  Italie 

(Congrégation  de  la]. 

L'union  qu'il  y  a  eu  entre  les  Somasques 
et  les  Pères  de  la  Doctrine  Chrétienne  eu 
France  nous  a  oblicré  de  parler  de  ces  der- 
niers avant  Les  Pères  de  la  Doctrine  Chré- 
tienne en  Italie,  dont  l'institution  rst  plus 
ancienne  ei  que  l'on  peut  mettre  au  nombre 
des  réguliers ,  quoiqu'ils  ne  fassent  pas  de 
vœux  solennels  ;  mais  la  stabilité  à  laquelle 
ils  s'engagent  dans  cetle  congrégation  Ie>  y 
lie  de  telle  manière,  que  le  pape  Urbain  A  ||I 
a  oidonné  que  ceux  qui  on  soi  liraient   se- 


69 


PCC 


raient  traités  comme  aposlata  cl  encourraient 
les  mêmes  peutes  que  celles  qui  sont  portées 
par  sa  constitution  du  20  septembre  10-27 
conlre  les  fugitifs  et  apostats  des  ordres  ré- 
guliers. Quoique  nous  les  rangions  sous  la 
règle  de  Saint-Augusiin,ils  ne  la  suivent  pas 
néanmoins;  mais  nous  ne  parlons  d'eux  ici 
qu'à  cause  que  nous  avons  parlé  dans  l'arti- 
cle précédent  de  la  congrégation  qui  porte 
le  même  nom  en  France,  cl  qui  a  véritable- 
ment suivi  la  règle  de  Saint-Augustin  pen- 
dant un  temps  assez  considérable. 

Celle  congrégaiion  des  Pères  de  la  Doctrine 
Chrétienne  en  Italie  commença  d'abord  par 
une  espèce  de  confrérie,  dans  laquelle  quel- 
ques prêtres  et  laïques  entrèrent  sous  le  pon- 
tifical de  Pie  IV,  et  qui  s'unirent  ensemble 
pour  enseigner  le  catéchisme  aux  enfants  et 
aux  ignorants,  non-seulement  les  jours  ou- 
vrables dans  les  maisons  particulières,  mais 
encore  les  fêles  et  dimanches,  afin  que  les 
gens  de  métier  qui  ne  pouvaient  quitter  leur 
travail  les  autres  jours  pussent,  les  fêtes , 
profiter  de  leurs  insiructions.  Le  premier  à 
qui  Dieu  inspira  une  si  sainte  œuvre  fut  un 
gentilhomme  milanais  nommé  Marc  de  Sadis 
Cusani ,  qui , ayant  abandonné  ses  biens  et 
sa  pairie,  vint  à  Home  l'an  1560  et  s'asso- 
cia un  nombre  de  personnes  charitables 
pour  travailler  avec  lui  à  ces  sortes  d'ins- 
Iruetions. 

L'église  de  Saint-Apollinaire  à  Rome  fui 
le  lieu  où  ils  commencèrent  d'enseigner  pu- 
bliquement la  doctrine  chrétienne,  et  un  des 
premiers  ouvriers  qui  s'employa  à  ce  sainl 
exercice  fut  le  célèbre  César  Baronius,  qui 
fui  depuis  cardinal.  Celle  confrérie  s'augmen- 
tant  de  jour  en  jour,  le  pape  Pie  V  accorda 
l'an  1507  des  indulgences  à  ceux  qui  y  en- 
treraient, et  l'année  suivante  le  cardinal  Sa- 
vclli  nomma  pour  supérieur  de  toules  les 
écoles  de  Hume  le  P.  Henry  Pétra  de  Plai- 
sance ,  l'un  des  premiers  compagnons  de 
saut  Philippe  de  Néry.  Ceux  qui  s'enga- 
geaient à  celte  œuvre  charitable  se  divisaient 
par  bandes  pour  aller  faire  les  mêmes  lonc- 
lionsdans  les  ullages  qui  sont  aux  environs 
de  Kome.  Quelques-uns  abandonnèrent  en- 
suite leurs  propres  maisons  pour  aller  de- 
meurer ensemble  dans  une  maison  ,  vers  le 
Pont-Sixte,  sous  la  conduite  du  P.  Marc  Cu- 
sani, qui  l'an  1586  fut  ordonné  prêtre  en 
vertu  d'un  bref  du  pape  Sixte  V  et  à  la  per- 
suasion du  P.  Henri  Pétra.  qui  lui  commanda 
d'obéir. 

Le  pape  Pie  V,  voyant  le  grand  fruit  que 
ces  personnes  charitables  faisaient,  et  vou- 
lant faire  observer  le  décret  du  concile  de 
Trente  touchant  ces  soties  d'instructions,  or- 
donna par  une  bulle  du  0  octobre  1571  que 
dans  tous  les  diocèses,  les  curés  de  chaque 
paroisse  établiraient  de  pareilles  confréries 
do  la  Doctrine  Chrétienne,  et  accorda  beau- 
coup d'indulgences  à  ceux  qui  y  entreraient. 
Grégoire  X1I1  augmenta  encore  ces  indul- 
gences et  donna  aux  Pères  de  la  Doctrine 
Chrétienne  l'église  de  Sainte-Agathe  à  Home, 
au  delà  du  libre,  où  la  confrérie  fut  aussi 
transférée.  Comme  les  uns  et  les  autres  n'a- 


DOC  70 

vaicnl  qu'un  même  esprit  et  ne  (endaient 
qu'à  l'instruction  de  la  jeunesse  cl  des  igno- 
rants, et  qu'ils  faisaient  d'abord  leurs  assem- 
blées en  commun,  ils  jugèrent  à  propos  d'é- 
lircenlre  eux  quelques  personnes  qui  eussent 
non-seulement  l'intendance  des  écoles,  mais 
encore  le  soin  de  maintenir  l'union  et  la  paix 
entre  eux.  C'est  pourquoi  ils  en  choisirent 
quatre,  auxquels  ils  donnèrent  le  nom  de 
déliniteurs,  dont  il  y  en  eut  deux  qui  furent 
choisis  entre  les  Pères,  et  deux  entre  les  con- 
frères. 

Les  écoles  se  multipli  int  aussi  bien  que  le 
nombre  des  ouvriers,  ils  demandèrent  un 
protecteur  au  pape  Clément  VIII,  qui  leur 
donna  le  cardinal  Alexandre  de  Médicis,  qui 
fut  ensuite  pape  sous  le  nom  de  Léon  XI;  et 
peu  de  temps  après  le  P.  Marc  Cusani,  fon- 
daleur  de  celle  soc  été,  mourut  le  17  sep- 
tembre 1595.  Les  déliniteurs  gouvernèrent  la 
congrégation  et  la  confrérie  pendant  un 
temps  assez  considérable,  et  ils  faisaient 
leurs  assemblées  dans  l'oratoire  de  l'église 
Saint-Jérôme-de-la-Charilé;  mais  les  Pères 
de  la  Doctrine  Chrétienne  et  les  confrères,  so 
voyant  en  grand  nombre,  élurent  chacun  un 
chef  pour  leur  corps.  Les  Pères  donnèrent  à 
leur  chef  le  litre  de  prévôt,  et  les  confrères  à 
leur  chef  celui  de  président,  et  ils  élurent 
aussi  d'autres  officiers  auxquels  ils  donnè- 
rent différentes  qualités,  comme  de  conseil- 
lers, visiteurs,  etc.  Ce  qui  se  fit  l'an  1590  du 
consentement  du  caidinal  Delmonte,  pour 
lors  vice-protecteur  en  l'absence  du  cardinal 
Médicis,  qui  étail  légat  en  France. 

Le  pape,  afin  d'exciter  les  uns  et  les  au- 
tres à  se  comporter  avec  encore  plus  de  zèle 
dans  les  fonctions  de  l'institut  qu'ils  avaient 
embrassé,  et  voyant  que  l'église  de  Sainte- 
Agathe,  nui  avait  été  accordée  aux  Pères  de 
la  Duclrine  Chrétienne,  était  trop  petite  pour 
y  faire  leurs  fonctions  et  pour  assembler 
leurs  confrères,  leur  donna  encore  celle  de 
Saint-Martin-du-Mont-de-Piété,  au  quartier 
de  la  Regola,  où  ils  ont  toujours  tenu  depuis 
ce  temps-là  leurs  assemblées  générales  et 
particulières;  et  le  pape  supprima  le  titre  de. 
paroisse,  que  celte  église  avait,  afin  qu'elle 
fût  plus  libre.  Ce  pontife,  souhaitant  de  plus 
que  l'instruction  sde  la  doctrine  fût  partout 
uniforme,  donna  ordre  au  Père  Bellarmin  de 
la  Compagnie  de  Jésus,  qui  fut  ensuite  cardi- 
nal, de  composer  un  petit  catéchisme  que  l'on 
devait  enseigner  dans  toutes  les  écoles. 

Léon  XI  ayant  succédé  à  Clément  VIII, 
Antoine  Cisoni,  qui  était  pour  lors  président 
de  la  confraternité  et  qui  fut  ensuite  évoque 
d'Oppido,  et  le  prévôt  des  Pères  de  la  Doc- 
trine Chrétienne,  allèrent  trouver  ce  nou- 
veau pontife  pour  le  prier  de  leur  accorder 
un  prolecteur;  mais  il  leur  déclara  qu'il  vou- 
lait être  lui-même  leur  prolecteur,  ce  qui  ne 
dura  pas  longtemps,  puisque  ce  porflife  mou- 
rut vingt-sept  jours  après  sou  élection.  Les 
Pères  et  les  confrères  se  rassemblèrent  après 
sa  mort  pour  faire  élection  d'un  autre  pro- 
tecteur, et  choisirent  le  cardinal  Borghèse, 
alors  vicaire  de  Home,  qui,  a*yant  été  fait 
pape  quelques  jours  après  sous  le  nom  de 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


Paul  V,  et  désirant  favoriser  celle  confrater- 
nité ,  l'érigea  en  archiconfralernilé  dans 
l'église  de  Saint-Pierre,  voulant  que  les  égli- 
ses de  Sainte-Agathe  et  de  Sainl-Martin-du- 
Monl-dc- Piété  restassent  toujours  aux  Pères 
de  la  Doctrine  Chrétienne  et  aux  confrères, 
et  qu'à  l'avenir  les  cardinaux  vicaires  fus- 
sent leurs  protecteurs.  Il  accorda  encore  à 
celle  archiconfralernilé  la  permission  de 
pouvoir  agréger  telles  autres  confraternités 
dans  le  monde  qu'ils  voudraient, et,  par  grâce 
spéciale,  de  pouvoir  délivrer  tous  les  ans 
deux  prisonniers  pour  crimes,  voulant  (te 
plus  qu'un  pauvre  confrère  de  celle  archi- 
confraternite  fût  toujours  du  nombre  des 
douze  pauvres  auxquels  Sa  Sainteté  lave  les 
pieds  le  jeudi  saint. 

Les  papes  Urbain  VIII,  Innocent  X  et  Clé- 
ment X  oui  encore  accordé  beaucoup  d'in- 
dulgences à  ces  confrères,  et  Innocent  XS, 
au  commencement  de  son  pontifical,  lit  pa- 
raître son  zèle  pour  l'avancement  de  cet  in- 
stitut, le  regardant  comme  très-nécessaire 
pour  maintenir  et  étendre  la  foi  catholique. 
Pour  ce  sujet  il  renouvela  les  élections  de 
douze  députés  de  la  même  congrégation  et 
archiconfralernilé  :  savoir ,  six  gentils- 
hommes et  six  ecclésiastiques  d'une  vertu 
el  d'une  piélé  exemplaires,  auxquels  il  donna 
pour  président  M.  Ange  de  la  Noce,  arche- 
vêque de  Rossanc.  Il  lit  réimprimer  les  con- 
stitutions el  les  statuts  de  celte  a rchi confra- 
ternité qui  avaient  été  autrefois  dressés  par 
les  cardinaux  lîaronius,  Taurugi  el  Bellar- 
min,  par  ordre  de  Clément  VIII  ;  il  voulut 
que  la  congrégalion  se  tînt  tous  les  huit 
jours,  et  accorda  de  nouvel  es  indulgences 
et  de  nouveaux  privilèges  aux  confrères. 

Quoique  les  Pères  de  la  Doctrine  Chré- 
tienne fassent  une  congrégation  ^séparée  de 
celte  archiconfralernilé,  el  qu'ils  aient  neuf 
maisons  en  différentes  provinces,  ils  sont 
toujours  néanmoins  unis  ensemble  en  ce  qui 
regarde  l'instruction  de  la  jeunesse  et  jouis- 
sent des  mêmes  grâces  el  des  mêmes  privilè- 
ges. Le  Pè'e  Jeau-RaptisteSéralîni  d'Orvièle, 
étant  général  de  celle  congrégalion,  dressa 
l'an  1003  des  constitutions  pour  y  maintenir 
l'observance  régulière.  Elles  furent  approu- 
vées par  le  cardinal  vicaire,  par  ordre  du 
pape  Grégoire  Xlll,  el  impr. niées  à  Rome 
l'an  1004.  Elles  sont  divisées  en  deux  par- 
lies  :  la  première,  qui  contient  -22  chapitres, 
regarde  les  officiers  et  supérieurs  de  la  con- 
grégation, et  traite  de  leurs  élections;  la 
seconde,  de  hk  chapitres,  traite  des  obser- 
vances el  regarde  la  congrégation  eu  par- 
ticulier. 

Les  officiers  généraux  et  supérieurs  qui 
gouvernent  toute  la  congrégation  sont  :  le 
prévôt  général,  qui  en  est  le  chef;  le  vice- 
prévôt,  trois  définileurs,  un  chancelier,  deux 
visiteurs«et  un  compoliste.  Les  subalternes 
sont  :  les  recteurs  des  maisons,  sacristains, 
infirmiers,  maîtres  des  novices,  dépositaires, 
communiera  ,  provéditeurs  et  dépensiers. 
Tous  les  ans  l'on  tient  la  congrégation  géné- 
rale; tous  les  mois  il  s'en  tienl  aussi  une 
particulière   dans  la  maison  do    Rome,    e:i 


présence  du  général,  ou,  en  son  absence,  du 
vice-prévôt,  ou  au  moins  de  deux  défini- 
leurs;  toules  les  semaines  dans  chaque  mai- 
son il  y  a  une  autre  congrégation  en  pré- 
sence du  recteur. 

Dans  la  congrégalion  générale,  (ous  les 
recteurs  des  maisons  doivent  s'y  Irouver 
avec  un  député  de  chaque  maison,  lorsqu'on 
doit  faire  élection  d'un  général  ;  et,  lorsque 
l'on  n'en  doit  point  faire,  la  congrégalion  esl 
seulement  composée  des  officiers  généraux 
qui  élisent  les  subalternes  :  le  recteur  de 
Rome  envoie  les  fêles  et  dimanches  les  frères 
dans  les  écoles  pour  enseigner  le  catéchisme, 
qui  cjt  la  première  fin  de  cet  institut. 

Toules  choses  sont  communes  dans  la  con- 
grégaton,  personne  n  ayant  rien  en  propre, 
el  les  chambres  ne  doivent  point  fermer  à 
ciel'.  Lorsque  quelqu'un  doit  être  promu  aux 
ordres  sacrés,  les  supérieurs  obtiennent  un 
bref  du  pape  pour  faire  recevoir  sous  le  litre 
de  la  congrégalion  ceux  qui  en  sont  jugés 
capables.  Afin  que  la  vie  commune  puisse  se 
maintenir  dans  celte  congrégation,  elle  pos- 
sède des  rentes  et  des  fonds  pour  l'entretien 
des  frères  :  c'est  pourquoi  ils  ne  reçoivent 
aucun  établissement  qu'il  n'y  ait  en  même 
temps  des  fonds  suffisants  pour  le  pouvoir 
entretenir,  afin  qu'ils  ne  soient  point  détour- 
nes des  fondions  de  leur  institut,  qui  est 
d'enseigner  la  doctrine  chrétienne;  ce  qui 
pourrait  arriver  s'ils  étaient  obligés  d'aller 
mendier  les  choses  nécessaires  à  la  vie.  Le 
fonds  nécessaire  pour  commencer  un  éla- 
blissemenl  doit  être  au  moins  suffisant  pour 
entretenir  six  personnes.  L'uniformité  de- 
vant être  dans  toutes  leurs  maisons,  elles 
doivent  élre  partout,  aussi  bien  que  leurs 
églises,  de  même  structure  et  de  même  gran- 
deur, autant  que  taire  se  peut. 

ils  ne  disent  point  l'office  en  commun,  si 
ce  n'est  aux  l'êtes  principales  de  l'année  et 
des  patrons  de  leurs  églises  ;  les  autres  jours, 
ceux  qui  sont  prêtres  récitent  en  particulier 
l'ofiice  du  bréviaire  romain;  ceux  qui  ne 
sont  pas  dans  les  ordres  sacrés  et  les  laïques 
sont  seulement  exhonés  à  réciter  le  petit 
olfice  de  la  Vierge,  et  ceux  qui  ne  savent 
point  lire  doivent  dire  le  chapelet,  ils  ont 
deux  heures  d'oraison  par  jour,  l'une  le  ma- 
tin et  l'autre  le  soir  ;  ils  prennent  la  disci- 
pline tous  les  mercredis  ci  vendredis  de 
l'année,  et  encore  tous  les  lundis  de  l'Aven! 
et  du  Carême,  et  tous  les  jours  de  la  semaine 
sainte;  ils  jeûnent  pendant  l'Avent  el  tous 
les  vendredis  de  l'année.  Une  fois  la  semaine 
ils  reconnaissent  leurs  fautes  devant  le  rec- 
teur, ils  l'ont  tous  les  jours  une  conférence 
de  cas  de  conscience,  et  il  y  a  un  maître  qui 
enseigne  la  manière  d'euseigner  le  caté- 
chisme. Ils  ne  peuvent  écrire  ni  recevoir  au- 
cune letire  sans  l'avoir  montrée  auparavant 
au  supérieur,  qui  ne  leur  doit  jamais  per- 
mettre de  parler  ni  d'écrire  à  aucune  reli- 
gieuse, et  ils  ne  peuvent  sortir  sans  sa  per- 
mission et  sans  un  compagnon  qu'il  leur 
doit  donner. 

Quant  à  l'habillement ,  les  prêtres  et  les 
clercs  portent  l'habit  ecclésiastique  avec  ujj 


73 


DOC 


DOM 


7* 


petit  rabat  large  d'un  doigt  autour  du  col- 
let (1),  et  les  clercs  ne  peuvent  porter  le 
bonnet  carré  que  lorsqu'ils  sont  dans  les  or- 
dres sacrés,  les  laïques  ont  un  habit  plus 
court  et  portent  dans  la  maison  une  calotte 
au  lieu  de  bonnet  carré. 

11  leur  était  autrefois  permis  de  sortir  de  la 
congrégation  quand  bon  leursemblait.  Après 
l'année  de  noviciat ,  le  général,  à  qui  il  ap- 
partient derecevoir  avec  sesdéfiniteurs  ceux 
qui  se  présentent  pour  entrer  dans  la  con- 
grégation ,  demandait  à   celui  qui   voulait 
s'engager  s'il  avait  connaissance  des  consti- 
tutions, de  leur  manière  de  vivre,  de  leurs 
observances,  des  fatigues  qu'il  fallait  sup- 
porter,  et  s'il  avait  des   forces  suffisantes 
pour  cela  ;  qu'il  lui  était  permis  de   sortir, 
mais  que  s'il  voulait  rester  il  fallait  qu'il  ob- 
servât   la  vie  commune  et  enseignât  la  doc- 
trine chélienne   avec  un   ferme   propos  de 
persévérer  toute  sa  vie  dans  la  congrégation, 
et  qu'après  cette  résolution  il  ne  lui  serait 
plus  permis  d'en  sortir.  Si  le  novice  consen- 
tait à  rester,  le  général  l'avertissait  que  passé 
cinq  ans  il  aurait  voix    active  et   passive 
dans  le  chapitre  et  même  plus  tôt  s'il  se  com- 
portait bien  ,  s'il  vivait  régulièrement  et  s'il 
donnait  des  marques  d'une  plus  grande  sta- 
bilité, comme  si  volontairement  il  jurait  et 
faisait  vœu  de  cette  stabilité  et  de  vouloir 
persévérer  dans  cette  congrégation.  Toi  à  de 
quelle  manière  se   faisait  leur  engagement; 
cependant  il  y  avait  des  raisons  peur  les- 
quelles on  pouvait  les  renvoyer  après  s'être 
engagés   à  la  congrégation  ,  qui  sont  mar- 
quées dans  le  chapitre  septième  des  consti- 
tutions. Si  ceux  qui  étaient  sortis  de  la  con- 
grégation ,  soit  qu'ils  eussent  été  renvoyés  , 
ou   qu'ils  fussent   sortis   volontairement  ,  y 
rentraient,  ils  devaient  reeommencer  l'an- 
née de  noviciat  ;  mais  l'an  1609  il  fut  ordonné 
dans  leur  chapitre  général  qu'après  l'année 
de  noviciat  ion  ferait  vœu  de  demeurer  dans 
la  congrégation.  Le  pape  Grégoire  XV,  par 
un  bref  de  l'an  1621 ,  réserva  aux  souverains 
pontifes  le  pouvoir  de  dispenser  de  ce  vœu, 
et  Urbain  Vll[,  comme  nous   avons  dit,  or- 
donna que  ceux  qui  sortiraient  de  la  congré- 
gation seraient  traités  comme  apostats  et  en- 
courraient les  mêmes  peinesque  les  apostats 
et  les   fugitifs  des  ordres  religieux,  confor- 
mément au  concile  de  Trente  et  à  la  consii- 
tution  de  ce  pape  du  20  septembre  1627.  Le 
pape  Clément   VIII,   dès   l'an    1596,  avait 
exempté  de   la  juridiction  des    curés,   tant 
pour  les  sacrements  que  pour  la  sépulture, 
les  Pères  de  cette  congrégation,  et  les  avait 
mis  sous  celle  du   cardinal   vicaire.  Us  ont 
pourarmes  trois  montagnes  surmontées  d'une 
croix  ,  avec  la  lance,  l'éponge  et  des  fouets 
qui  pendent  de  chaque  côté  de  la  croix. 

Mémoires  envoyés  de  Rome  en  1707.  Cari. 
Bartliol.  Piazza  ,  Husecolog.  Rom.  t.  V,  c. 
37,  et  t.  VI,  c.  19.  L'on  peut  consulter  aussi 
les  Constitutions  de  cette  congrégation,  celles 
de  larchiconfraternité,  le  Militaire  romain, 
et  Philipp.  Bonanni,  Catulog.  ord.  relig., 
part.  m. 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  7. 

Dictionnaire  des  Ordres  unuaiBcx.  II. 


Le  P.  Hélyot  ne  dit  point  assez  clairement 
quelle  a  été  l'origine  réelle  de  la  congréga- 
tion de  la  Dtictrine  Chrétienne,  en  Italie, et  ne 
fait  point  assez  voir  quand  et  comment  elle 
a  été  séparée  de  l'archiconfraterniié  du  même 
nom  et  qui  a  eu  aussi  les  mêmes  fondateurs. 
Nous  avons  entendu  dire  que  cette  société 
s'était  réunie  ,  au  dernier  siècle  ,  à  la  con- 
grégation des  Doctrinaires  de  France  et  avait 
embrassé  ses  règles,  et  que  c'était  pour 
cela  qu'elle  s'était  procuré  le  corps  de  César 
de  Bus. 

il  est  vraisemblable,  sinon  certain,  qu'elle 
formait  celte  province  de  Borne  qui  députa 
un  vicaire  général  ,  en  1744,  au  chapitre  gé- 
néral de  France  ,  tenu  par  les  Doctrinaires  à 
Beaucaire  ,  et  dont  nous  avons  parlé  dans 
l'article  additionnel  précédent ,  et  qu'elle 
était  composée  des  maisons  dont  les  Doctri  - 
naires  formèrent  leur  province  italienne.  Il 
paraîtrait  en  outre  qu'elle  avait  aussi  une. 
province  au  royaume  de  Naples.  Voir  ce  que. 
nous  avons  dit  sur  cette  union  aux  Doctri- 
naires français. 

Les  Doctrinaires  italiens  avaient  autrefois 
dans  la  ville  de  Borne  les  maisons  de  Sainte* 
Agathe  in  Transtevere,  Sainte-Marie  a  Toire 
di  buon  Viaggio ,  et  Sainte-.M  nie  in  Mouti- 
celli.  Aujourd'hui  leur  supé  ieur  général  est 
le  R.  P.  Pierre-Sylvestre  Glauda  ,  appelé  vi- 
caire général.  Le  R.  P.  Victor  Bevilacqua 
Vallelti  est  leur  procureur  général. 

B-n-E. 
DOGE,  a  Venise.  Voyez  Chausse. 
DOMINICAINES. 
De  l'origine  du  second  ordre  de  Saint-Domi- 
nique, ou  des  religieuses  Dominicaines  ,  ap- 
pelées en  qudques  lieux  Prêcheresses. 
Si  l'on  avait  égard  au  temps  del'institulion 
des  premières  religieuses  de  l'ordre  de  Saint- 
Dominique,  elles  devraient  tenir  le  premier 
rang  entre    les   trois  ordres   qui    portent  le 
nom  de  ce  saint  ,  puisqu'il  avait  déjà  fondé 
des  religieuses  à   Prouilie   quelques  années 
avant  que  d'avoir  institué  son  ordre  *  our  les 
hommes  ,  mais  il  est  juste  que  les  Gllcs  don- 
nent la  préséance  à  leur  Père  saint  Domini- 
que,   qui  ,   dans   le  temps    qu'il   travaillait 
pour  la   conversion    des    Albigeois ,   fut    si 
touché  de  voir  que  quelques  gentilshommes 
de  Guyenne,   contraints  pur  la   nécessité  et 
n'ayant   pas   de  quoi   nourrir   el  entretenir 
leurs  filles  ,  les  vendaient  ou  les  donnaient  ;';. 
élever   aux    hérétiques,    qui    les  pervertis- 
saient, qu'il  prit  la  résolution  de  fonder  et  de 
bâtir  un  lieu   où  ces    pauvres    demoiselles, 
pourraient  être    élevées  et  entretenues  de- 
tout  ce  qui    serait  nécessaire  pour  leur  sub- 
sistance. Il  communiqua  son  dessein  à  Ber- 
nard, archevêque  de  Narbonne,  et  à  Foul- 
ques, évéque  de  Toulouse  ,   qui  non-seule- 
ment l'approuvèrent,  mais  y  voulurent  con- 
tribuer par  leurs  libéralités  ;  el  saint  Domi- 
nique ,  ayant  encore  reçu  quelques  aumônes 
de  plusieurs  personnes  <!e  piété  ,  jeta  les  fon- 
dements dumonaslère  de  Prouilie  entre  Car- 
cassonne  et  Toulouse,  à  un  quart  de  lieue 


75 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


76 


de  Fanjanx.  Î-!  fui  bâti  en  peu  de  temps  l'an  life  avait  donné  de  renfermer  ces  religieuses 
1206,  et  l'année  suivante  l'archevêque  de  dans  un  même  monastère  ,  il  le  fut  irouver 
Narbonne  donna  à  ce  monastère  l'église  de     pour  le  prier  de  commettre  (1rs  personnes 


Saint-Martin  de  Limoux  avec  tous  les  droits 
et  dîmes  qui  lui  appartenaient  dans  ce  bourg 
et  dans  celui  de  Tax. 

Il  y  eut  d'abord  onze  demoiselles  qui  se 
consacrèrent  à  Dieu  dans  celle  maison  le 
jour  de  saint  Jean  1  Evangéliste,  doni  il  y  en 
avail  neuf  hérétiques  albigeoises  qui  avaient 
été  converties  par  les  miracles  de  saint  Do- 
minique, savoir  :  Aladaicie,  Raymonde,  P.is- 
sarine  ,  Bérengère  ,  Richarde,  Barbeyrane, 
Jordanne ,  Guillemette  de  Baupuis,  Ray- 
monde Clarelle  et  Gantienne  ,  qui  reçurent 
les  premières  l'habit  des  mains  de  sainl  Do- 
minique, et  les  deux  autres  se  nommaient 
Messane  et  Guiliemette  de  Fanjaux.  Leur 
habit  dans  ce  temps-là  consistait  en  une  robe 
blanche,  une  chape  tannée  et  un  voile 
noir  (1).  Ce  saint  fondateur  lesobligeaà  tra- 
vailler à  certaines  heures  du  jour  pour  fuir 
l'oisiveté,  principalement  à  filer  de  la  laine 
et  du  lin  pour  faire  leurs  h. .bits  et  le  linge 
qui  leur  était  nécessaire.  11  leur  prescrivit 
aussi  quelques  règlements  pour  leur  con- 
duite ,  et  leur  donna  pour  supérieure  Guille- 
mette de  Fanjaux  ,  quoiqu'elle  eût  reçu  l'ha- 
bit la  dernière.  Elle  gouverna  jusqu'en  l'an 
12:25  cette  communauté  ,  qui  s'augmenta  si 
notablement  dans  la  suite,  qu'il  n'y  a  jamais 
eu  moins  de  cent  religieuses  dans  ce  mo- 
nastère, où  l'on  ne  recevait  autrefois  que  des 
Glles  nobles.  La  supérieure  est  présente- 
ment à  la  nomination  du  roi  ;  et  la  première 


d'autorité  pour  le  seconder.  En  effet,  le  pape 
donna  cette  commission  à  trois  cardinaux, 
qui  furent  Hugolin  ,  évêque  d'Ostie,  Etienne 
de  Fosse-Neuve  ,  du  titre  des  Douze-Apô- 
tres, et  Nicolas,  évêque  de  Frascali. 

Les  plus  opiniâtres  étaient  les  religieuses 
de  Sainte-Marie  au  delà  du  Tibre  ,  et  entre 
autres  raisons  qu'elles  donnaient  pour  ne 
point  se  soumettre  aux  ordres  du  pape,  elles 
disnient  qu'elles  ne  pouvaient  se  résoudre  à 
abandonner  une  image  miraculeuse  de  la 
sainte  Vierge  qui  était  dans  leur  église  ,  et 
que  l'on  prétend  avoir  été  peinte  par  saint 
Luc,  laquelle  était  en  grande  vénération 
parmi  le  peuple.  Mais  le  pape  leva  cette  dif- 
ficulté en  leur  permettant  delà  transporter 
dans  le  lieu  où  l'on  voulait  les  mettre.  On  vit 
tout  d'un  coup  un  changement  merveilleux 
dans  ces  religieuses,  que  l'on  attribua  aux 
prières  de  saint  Dominique.  Elles  se  soumirent 
au  joug  de  l'obéissance ,  embrassèrent  la 
clôture ,  s'engagèrent  à  ne  plus  sortir  de  leur 
monastère,  et  de  n'y  faire  entrer  personne. 
Dès  ce  moment  saint  Dominique  se  chargea 
de  leur  conduite,  et  leur  prescrivit  des  rè- 
glements pour  maintenir  l'observance  régu- 
lière. Le  pape  ,  ayant  appris  ce  que  ce  saint 
fondateur  avait  fait,  voulut  que  le  couvent 
de  Saint-Sixte,  qu'il  avait  accordé  aux  reli- 
gieux ,  lût  donné  aux  religieuses;  il  trans- 
féra les  religieux  à  Sainte-Sabine,  et  leur 
donna  la  moitié  de  son  propre  palais  pour 


qui  fot  nommée  fut  Jeanne  d'Amboise  ,  à  la-     leur  demeure.    Le  bâtiment  du  couvent  de 

2.,-n :j.   >i.  i.l.:„.  J.    n i A„..:         c..:_.    ^:_._     r..i     „„1 Al'„„     4(lin      „•     i„,,i„„ 


quelle  succéda  Madeleine  de  Bourbon,  a  qu 
deux  autres  princesses  de  la  même  famille 
royale  ont  aussi  succédé  dans  la  suite.  Il  est 
sorti  de  ce  monastère  des  religieuses  pour 
en  fonder  ilix ou  douzeaulres.tant  en  France 
qu'en  Espagne ,  et  il  porte  pour  armes  de 
gueules  au  chevron  d'or ,  au  chel  d'azur  se- 
mé de  (leurs  de  lisd'or,  l'écu  surmonte  d'une 
croix  pommelée,  et  environné  d'une  palme 
et  d'un  lis. 

Depuis  que  le  monastère  de  Prouille  fut 
fondé,  jusqu'en  l'an  1218,  saint  Dominique 
ne  fit  point  de  nouveaux  établissements  pour 
des  filles  ,  et  peut-être  qu'il  n'aurait  point 
songé  à  en  faire  ,  si ,  étant  à  Rome  occupé  à 
la  nouvelle  fabrique  du  couvent  de  Saint- 
Sixle  ,  que  le  pape  Honoi  ius  III  lui  avait 
donné  pour  ses  religieux,  il  n'eût  pas  reçu 
commission  de  ce  pontife  de  rassembler  en 
un  seul  monastère  plusieurs  religieuses  qui 
étaient  dispersées  à  Rome  dans  plusieurs  pe- 
tites communautés,  où  elles  ne  vivaient  pas 
avec  assez  de  régularité.  Saint  Dominique 
exécuta  d'abord  les  ordres  du  pape;  mais, 
voyant  que  ses  discours  étaient  inutiles  et 
qu'il  ne  pouvait  réussir,  s'il  n'était  secondé 
de  l'autorité  du  saint-père,  puisqu  il  ne  trou- 
va il  |>as  seulement  de  l'opposition  de  la  part 
des  religieuses  ,  mais  encore  de  leurs  parents 
et  de  leurs  amis,  et  que  le  peuple  criait  hau- 
tement contre  l'ordre  que  le  souverain  pon- 


Saint-Sixte  fut  achevé  l'an  1219,  et  toutes 
les  religieuses  qui  étaient  dispersées  dans 
Rome  y  furent  renfermées  le  21  février  de 
celte  année. 

Autant  que  ces  religieuses  avaient  mal 
édifié  par  leur  conduite  peu  religieuse,  au- 
tant devinrent-elles  des  exemples  de  vertu 
par  leur  modestie,  leur  retenue,  leurs  austé- 
rités ,  leurs  mortifications  et  leur  grande 
pauvreté  ,  à  laquelle  elles  s'engagèrent  vo- 
lontairement. C'était  une  règle  parmi  elles, 
que,  le  quatrième  jour  après  qu'une  fille  était 
reçue  dans  ce  monastère,  elle  était  obligée 
de  renoncer  à  tous  les  biens  qu'elle  possé- 
dait et  qu'elle  pouvait  prétendre.  La  première 
qui  reçut  l'habit  de  l'ordre  de  Saint-Domini- 
que tel  que  les  religieux  le  portèrent  après 
la  vision  du  bienheureux  Renaud  ,  fut  la 
bienheureuse  Cécile  Romaine  ,  de  la  famille 
des  Césarini,  qui  était  supérieure  de  ce  mo- 
nastère, et  qui,  l'an  1223,  en  sortit  par  ordte 
du  pape  Grégoire  IX  pour  aller  faire  un  nou  • 
vel  établissement  à  Bologne,  où  elle  mourut 
saintement,  l'an  1280,  âgée  de  89  ans.  Ainsi, 
si  les  religieuses  de  Rome  n'ont  pas  été  fo:i 
dées  avant  celles  de  Prouille  ,  elles  ont  en 
l'avantage  de  recevoir  les  premières  l'habit 
de  l'ordre,  que  celles  de  Prouille  n'ont  reçu 
qu'après  eLes. 

Ce  monastère  de  Saint-Sixte  étant  mal  si- 
tué, et  les  religieuses  y  étant  toujours  ma- 


(!)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  u"  8  et  9. 


;• 


DOM 


DOM 


M 


iades  à  cause  du  mauvais  air,  elles  furent 
transférées ,  par  ordre  du  pape  Pie  V,  au 
mont  Magnanupoli,  qui  fait  une  partie  du 
(juiiinal,  où,  l'an  1611,  sous  le  pontificat 
d'Urbain  VIII,  elles  ont  fait  faire  une  magni- 
fique église  et  un  beau  monastère  ,  où  l'on 
ne  reçoil  que  des  Dlles  de  la  première  no- 
blesse de  Rome,  qui  apportent  avec  elles  lie 
grosses  pensions  outre  leur  dot  ;  et  j'en  ai 
vu,  du  temps  que  j'étais  à  Home,  qui  avaient 
plus  de  deux  mille  ccus  romains  de  pension, 
c'esl-à-dire  plus  de  sept  mille  livres  de  notre 
monnaie,  et  d'autres  qui  avaient  cinq  cents 
écus  :  ainsi  il  ne  faut  pas  s'étonner  si  ce 
monastère  est  un  îles  plus  fiches  de  Home. 

Les  religieuses  de  cet  ordre  se  sont  fort 
multipliées  en  Italie,  où  elles  ont  plus  de 
cent  trente  maisons.  Klbs  en  ont  aussi  en- 
viron quarante-cinq  en  France,  cinquante 
en  Espagne,  quinze  en  Portugal,  quarante 
en  Allemagne  ,  où  les  hérétiques  en  ont  dé- 
trait  un  plus  grand  nombre.  Elles  en  ont 
cussi  en  Pologne,  i  n  Hu-sie  et  dans  plusieurs 
aulris  lieux,  et  même  dans  les  Indes.  La 
plupart  de  ces  monastères  sont  soumis  aux 
supérieurs  de  l'ordre  ;  mais  il  y  en  a  plu- 
sieurs qui  dépendent  des  ordinaires  des  lieux 
où  ils  sont  situés.  Parmi  le  nombre  de  ces 
monastères  ,  il  y  en  a  aussi  du  tiers  ordre 
de  Saint-Dominique.  Les  religieuses  de  cet 
ordre,  tant  du  second  que  du  troisième,  sont 
habillées  de  blanc  quant  a  la  robe  et  au  sca- 
pulaire,  mais  le  manteau  est  noir.  Celles  du 
tiers  ordre  ne  devraient  point  porler  de 
voile  noir,  cependant  elles  en  portent  en 
plusieurs  endroits,  comme  à  Melz,àToul,etc. 
Les  religieuses  du  second  ordre,  conformé- 
ment à  leurs  constitutions,  ne  douent  man- 
ger de  la  viande  que  dans  les  maladies.  Outre 
les  jeûnes  prescrits  par  [Eglise,  elles  doivent 
jeûner  tous  les  vendredis  ,  depuis  Pâques 
jusqu'à  la  lète  de  1  Exaltation  de  la  sainte 
croix,  et  tous  les  jours,  depuis  celle  fête  jus- 
qu'à Pâques.  Elles  ne  doivent  avoir  que  des 
chemises  de  serge,  ne  doi\ent  dormir  que 
sur  des  paillasses.  Mais  il  y  a  plusieurs  mo- 
nastères qui  se  sonl  relâchés  de  ces  austéri- 
tés. Oulre  le  grand  office,  elles  doivent  en- 
core réciter  au  chœur  le  petit  office  de  la 
Vierge. 

Voyez  Gio  Michiele  Pio ,  Proç/en.  di  S. 
Domenic;  Vincent  Mar.  Font.,  Monument. 
fiominiç,;  Jean  de  Rechac  ,  Vie  de  S.  Dum. 
el  de  ses  i  otitp. 

Outre  le  monastère  de  Pi  ouille,  donl  nous 
avons  parlé,  il  y  a  encore  en  France  plu- 
sieurs célèbres  monastères  de  cet  ordre,  où 
l'on  ne  recevait  autrefois  que  des  ûlles  no- 
bles ,  comme  ceux  de  Poissy,  d'Aix  et  de 
Monlfleury.  Le  monastère  de  Poissy  fut  fondé 
par  Constance,  femme  du  roi  Robert.  Eile  y 
mit  d'abord  des  religieux  de  Saint-Auguslin  ; 
mais  Philippe  le  Bel  ayant  fait  refaire  Féglise, 
augmenta  le  iuona>tère  et  y  mil  des  religieu- 
ses de  l'ordre  de  Saint-Dominique. 

(I)  Des  Noulys,  Hist.  des  rois  de  Sicile  el  deNa- 
plt's.  liv.  vin,  n"  6. 
W  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n*  10. 


Charles  II,  roi  de  Sicile  et  de  Naplcs,  el 
comte  de  Provence  ,  fut  fondateur  de  celui 
d'Aix.  D'abord  il  fit  bâtir  le  monastère,  sous 
le  titre  de  Noire-Dame  de  Nazareth,  dans  le 
territoire  d'Aix,  au  lieu  nQmmé  la  Di  rame, 
et  y  donna  des  fonds  suffisants  pour  l'enlre- 
licn  de  cou:  religieuses,  qui  devaient  être 
toutes  d'extraction  noble.  Béalrix  ,  la  plus 
jeune  de  .-es  ûlles,  y  prit  l'habit,  el  depuis 
il  l'en  tira  pour  la  marier  (1).  Ce  monastère 
a  été  transféré  dans  la  suite  dans  la  ville. 
d'Aix  et  a  pris  le  nom  de  Saint-Barlhélemj. 
Les  religieuses,  élant  tombées  dans  le  reiâ- 
chement,  n'abandonnèrent  pas  seulement 
les  observances  régulières  ,  mais  quittèrent 
encore  leur  habit  religieux  pour  se  confor- 
mer entièrement  aux  dames  du  n, onde,  à 
l'imitation  de  tant  de  collèges  de  chanoines- 
ses  séculières  ;  (  l  peul-ètre  qu'elles  auraient 
pris  encore  ce  titre  et  renonce  aux  vœux 
solennels  à  l'exemple  des  chanoinesses,  si 
l'on  n'y  avait  remédié  en  introduisant  la  ré- 
forme dans  ce  monastère  sue  la  fin  du  der- 
nier siècle.  Comme  il  v  en  eut  j  lu  ieurs  qui 
ne  voulurent  pas  s'y  soumettre  ,  o;i  sépara 
le  monastère  eu  deux,  afin  que  les  réformées 
ne  pusS'  nt  point  avoir  de  communication 
avec  celles  qui  voulaient  persister  dans  le 
relâchement ,  et  on  appela  le  quartier  de 
celles-ci  le  Vicariat,  a  cause  que  celle  à  qui 
elles  obéissaient  n'avait  que  le  titre  de  \  i- 
caire,  comme  dépendante  de  la  prieure  des 
réformées.  On  leur  défend, t  de  recevoir  des 
novices,  el  on  les  laissa  vivre  dans  leur  an- 
cienne observance  ,  en  conservant  toujours 
leur  habillement  séculier,  qu'elles  ont  néan- 
moins un  peu  change  de  temps  en  temps,  se- 
lon que  les  modes  du  monde  ,  auxquelles 
elles  se  conforment,  ont  changé;  el  il  était 
l'an  1708  tel  qu'il  est  représenté  dans  la  fi- 
gure que  nous  avons  fait  graver  d'une  de  ces 
religieuses  non  réformées  (2>.  Cet  habit  est 
blanc  entièrement  :  elles  ont  une  espèce  de 
scapulaire  qui  pourrait  passer  pour  un  ta- 
blier, ne  se  niellant  que  par  devant  ;  el  der- 
rière leur  coioure ,  elks  mettent  un  petit 
morceau  de  gaze  noire  en  guise  de  voile, 
mais  qui  néanmoins  ne  couvre  que  leur  bon- 
net et  leur  coiffure,  et  descend  jusqu'au  mi- 
lieu du  dos. 

Les  religieuses  de  Monlfleury  furent  fon- 
dées par  Humberl  II,  dauphin  de  Viennois, 
l'an  JiG2.  Ce  prince,  ayant  fait  vœu  d'a-su- 
rer  un  fonds  à  perpétuité  pour  l'entretien  de 
Irois  cenls  religieuses,  commença,  pour  sa- 
tisfaire a  celle  obligation  ,  par  la  fondation 
d'un  monastère  de  religieuses  de  l'ordre  de 
Saint-Dominique  auquel  il  destina  son  châ- 
teau el  sa  terre  de  Muntlleury,  éloignes  de 
Grenoble  de  deux  lieues  (3).  Le  nombre  de 
ces  religieuses  devait  être  d'abord  de  quatre- 
vingts,  oulre  six  religieux  pour  leur  admi- 
nistrer les  sacrements.  Deux  ans  après,  il 
l'augmenta  de  quarante,  et  en  ISiS  il  le  ré- 
duisit à  soixanle-dix.    Ces   religieuses  ont 

(3  Mémoires  pour  l'histoire  du  Dauphiné,  p.  174, 
et  451. 


vo 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


ta 


toujours  fait  paraître  une  grande  régularité 
de  mœurs  et  de  conduite,  accompagnée  d'une 
honnête  liberlé,  n'étant  pas  obligées  aux  lois 
étroites  de  la  clôlure,  comme  dans  les  autres 
monastères.  On  voit  les  noms  des  plus  con- 
sidérables Familles  de  la  province  parmi 
ceux  des  filles  dont  le  monastère  de  Monl- 
fleury  a  été  rempli  depuis  .-on  instiiution. 
Clément  VI  approuva  cette  fondation,  et  ac- 
corda aux  religieuses  de  cette  maison  tous 
les  privilèges  dont  jouissaient  celles  de 
Prouille,  qui  entre  autres  avaient  obtenu  de 
Grégoire  \  eelui  d'élire  entre  eiles  leurs 
prieures  à  perpétuité,  et  avant  ce  pontife, 
Alexandre  IV  leur  avait  permis  de  posséder 
les  biens  qui  leur  écherraient  des  successions 
de  leurs  pères  et  mères,  et  tout  ce  qui  pro- 
viendrait de  la  libéralité  de  leurs  parents. 
Ces  religieuses  sont  distinguées  des  autres 
pour  l'habillement,  en  ce  que  l'hiver  elles 
portent  une  robe  noire  ouverte  par  devant 
sur  leur  habit  blanc;  celle  robe  noire  ne 
descend  que  jusqu'à  mi-jambe,  et  est  dou- 
blée d'hermine,  et  elles  ont  sur  le  front  une 
pointe  noire  comme  les  veuves  en  portaient 
autrefois  (1). 

L'ordre  de  Saint-Dominique  a,  comme  tous 
les  anciens  corps  religieux,  subi  sa  pari  des 
épreuves  amenées  par  le  dix-huitième  siècle. 
Il  avait  continué  de  servir  et  d'édifier  l'E- 
glise; il  avait  vu  aussi  en  plusieurs  contrées 
quelques-uns  de  ses  établissements  dispa- 
raître. La  persécution  la  plus  sensible  que 
reçurent  les  religieuses  Dominicaines  fut 
peut-être  celle  que  leur  fiL  éprouver  le  trop 
fameux  Ricci,  évêque  de  Pistoie ,  en 
Toscane.  Dans  les  mémoires  de  ce  prélat,  on 
voit  que  des  désordres  régnaient  dans  les 
couvents  de  Sainte-Catherine  et  de  Sainte- 
Lucie  de  Pistoie  ,  et  que  les  deux  évéques 
qui  l'avaient  précédé  sur  le  siège  de  cette 
ville  avaient  essaye,  presque  sans  succès, 
d'y  apporter  remède.  Ces  deux  évéques 
étaient  Alamanni  et  Ippolili  ;  tous  deux 
avaient  demandé  à  Rome  que  les  Domini- 
caines des  monastères  dont  il  est  ici  queslion 
fussent  soustraites  à  la  direction  des  Domi- 
nicains, et  soumises  à  leur  entière  juridic- 
tion, lppoliti  reçut  en  janvier  1777  une  let- 
tre du  pape  qui  non-seulement  refusait 
formellement  tout  ce  que  le  prélat  lui  avait 
demandé,  mais  encore  l'accablait  de  repro- 
ches et  le  réprimandait  aigrement  de  ce  qu'il 
avait  osé  rappeler  à  la  mémoire  une  affaire 
que  Sa  Sainteté  croyait  entièrement  oubliée 
depuis  la  mort  de  l'évèque  Alamanni.  Ou 
trouvait  surtout  fort  mauvais  dans  cette  let- 
tre qu'lppolili  eût  contribué  de  cette  ma- 
n  .e  à  l'exécution  du  plan  du  grand-duc 
Léopold,  lequel  plan  était  de  priver  tous  les 
cou  ents  de  femmes  de  la  direction  spiri- 
tuelle des  réguliers  ;  «plan,  y  était-il  dit, 
«  opposé  aux  saints  canons,  et  nuisible  à 
«  l'Eglise,  à  la  religion  et  à  la  réputation  des 
«  ordres  monastiques.  »  Ippolili  eut  seule- 
ment la  permission  de  transférer  les  dissi- 
dentes  (c'est-à-dire  les  opposées  à  son  cn- 

(1)  Voff.,  à  la  fin  du  vol.,n*  IL 


treprise  ),  do  couvent  de  Sainte-Catherine 
de  Pistoie  à  celui  de  Saint-Clément  de  Prato, 
alors  dirigé  par  les  Dominicains,  et  où  elles 
furent  ri  eues,  disent  les  Mémoires  de  Ricci, 
comme  en  triomphe.  Sous  l'administration 
de  Pcvéq'ie  Ricci,  vil  instrument  et  peut-être 
en  partie  instigateur  des  mesures  odieuses 
prises  par  le  grand-duc  Léopold  contre  la 
liberté  de  l'Eglise,  l'affaire  des  Dominicaines 
prit  une  nouvelle  activité.  S'il  fallait  en 
croire  ce  prélat,  il  y  aurait  eu  chez  les  reli- 
gieuses des  monastères  que  nous  avons 
nommés ,  et  cela  depuis  des  siècles,  des 
scandales  affreux,  fomentés  et  amenés  par 
les  Dominicains,  sous  le  rapport  de  la  foi  et 
des  moeurs.  Des  révélations  avaient  été  fai- 
tes par  quelques  religieuses,  et  il  paraît  que 
les  accusations  avaient  quelques  fondements. 
.Mais  il  faut  savoir  que  nous  n'avons  pour 
renseignements  que  les  Mémoires  de  l'évè- 
que Ricci  ,  puisés  dans  les  arch.ves  de  sa 
famille  et  publiés  en  1826  par  le  sieur  De 
Potier,  si  connu  par  son  opposition  à  l'Eglise 
catholique,  et  aujourd'hui  si  complètement 
oublié,  nonobstant  la  fraternité  qui  s'était 
établie  entre  lui  et  le  parli  Lamennaisieu, 
après  la  révolution  de  1830.  Un  grand  pré- 
jugé contre  ce  qu'il  est  dit  de  fort  sur  les 
Dominicaines  et  les  Dominicains  dans  ces 
Mémoires  plus  ou  moins  véridiques  ,  c'est 
qu'on  y  voit  que  les  Dominicains  ,  les  Jé- 
suites, la  cour  de  Rome  et  le  pape,  étaient 
opposes  aux  entreprises  de  Ricci,  et  favori- 
saient les  religieuses.  Tant  de  personnes  de 
ce  poids  n'auraient  guère  soutenu  des  fem- 
mes coupables  au  point  que  prétendent 
monseigneur  l'évèque  janséniste  et  monsieur 
l'éditeur  athée  et  révolutionnaire.  Nous 
croyons  savoir  que  le  monastère  de  Dijon, 
en  France,  avait  été  supprimé  avant  la  révo- 
lution. 

Lors  des  innovations  amenées  par  celle 
révolution,  si  funeste  à  l'Eglise  et  surtout  à 
l'état  religieux  ,  les  Dominicaines  ,  comme 
tous  les  ordres  de  femmes  ,  montrèrent  un 
grand  exemple  de  fidélité.  Nous  citerons  en- 
tre autres  le  monastère  des  Dominicaines  de 
Calais.  Il  y  avait  alors  dans  ce  monastère  une 
religieuse  fort  rem  rquable,  dont  M.  l'abbé 
Tiion  parle  dans  son  Histoire  abrégée  des  or- 
dres religieux.  Cette  religieuse  était  madame 
Grey,  dont  le  véritable  nom  était  très-proba- 
blement, Dorwni  Waler.  Son  grand-père  était 
mort  sur  i'échafaud  en  1746,  pour  1  honora- 
ble cuise  du  prétendant  Edouard  ^tuart. 
Cette  religieuse  et  les  autres  Dominicaines 
expulsées  s'étaient  toutes  retirées  à  Calais. 
Elles  rendirent  de  grands  services  aux  émi- 
grés par  l'intermédiaire  de  l'une  d'elles,  qui 
était  une  française  nommée  Danel.  Les  let- 
tres qu'elle  recevait  pour  les  familles  mal- 
heureuses étaiei.l  adressées  à  la  sœur  Grey; 
mais  c'était  la  sœur  Danel  qui  les  recevait 
et  allait  les  prendre  des  mains  des  commis- 
sionnaires obligeants.  Ces  lettres  étaient  ap- 
portées dans  une  vessie  attachée  à  la  partie 
sous-manne  du  bâtiment.   Un  jour  la  ruse 


81 


no.M 


DOM 


89 


fut  découverte,  les  religieuses  compromises 
et  accusées.  Une  rivalité  édifiante  s'établit 
entre  les  sœurs  Crey  et  Daoel,  à  qui  prou- 
verait le  mieux  sa  culpabilité  et  l'innocence 
de  sa  compagne.  La  Mère  Crey  fut  poursui- 
vie et  condamnée;  mais  comme  elle  avait 
atteint  l'âge  de  soixante-quinze  ans,  au  lieu 
de  la  conduire  à  l'échafaud ,  ou  l'envoya  à 
l'île  de  Ré. 

11  e»t  surprenant  que  le  P.  Hélvol  n'ait  pas 
dit  un  mot  du  monastère  des  Dominicaines 
de  Paris ,  qui  méritait  pourtant  quelque 
mention,  et  était  situé  presque  à  la  porte  de 
son  propre  monastère.  Nous  allons  reparer 
cetle  omission,  d'autant  plu;  que  ce  couvent 
esi  le  seul  aujourd'hui  à  Paris,  et  le  plus  re- 
marquable du  petit  nombre  des  couvents 
de  cet  ordre  c^ui  se  voient  aujourd'hui  en 
France. 

Les  religieuses  dominicaines  avaient  au- 
trefois deuv  monastères  à  Paris,  l'un  situé 
dans  la  rue  qui  porte  encore  aujourd'hui  le 
nom  des  Fi  les-Saint-Th ornas,  ou  plutôt  rue 
Neuve-Saint-Augustin,  en  face  de  la  rue  Vi- 
vienne.  Celte  partie  de  la  rue  Neuve-Saint- 
Augustiu  prit  depuis  le  nom  de  rue  dos 
Filles-Saint-Thomas.  Ces  religieuses  de- 
vaient leur  établissement  à  Pans  à  Anne  de 
Caumont,  femme  de  François  d'Orléans  de 
Longueville ,  comte  de  Longueville  et  de 
Saint-Paul,  et  duc  de  Fronsac.  Celle  dame, 
ayant  obtenu  du  cardinal  Barberin  ,  légat 
d'Urbain  VIII,  par  une  bulle  dalée  du  5  oc- 
tobre 1625 ,  la  permission  de  fonder  à  Paris 
un  monastère  de  religieuses  de  l'ordre  des 
Frères  Prêcheurs  réformés,  sous  l'invocation 
de  sa  in  te  Catherine  de  Sienne,  fit  venir  de  Tou- 
louse la  Mère  .Marguerite  de  Jésus,  dont  la  vie 
se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  L'Année  Do- 
minicaine, et  six  autres  religieuses  du  même 
ordre.  Arrivées  à  Paris,  le  27  novembre  1026, 
elles  furent,  Ie2  mars  suivant,  avec  la  permis- 
sion de  l'archevêque  de  Paris,  installées  dans 
l'hôtel  du  Bon-Air,  rue  Neuve-Sainte-Gene- 
viève, faubourg  Sl-Marceau,  et  y  restèrent  jus- 
qu'en 1632.  Alors  elles  allèrent  se  loger  rue 
Vieille-du-Temple,  au  Marais;  et  enfin,  le  7 
mars  16V2  (Le  Bœuf.  Labane,  La  Caille,  Piga- 
niol,  disent  1652), elles  s'établirent  dans  la  rue 
Ncuve-Sainl-Auguslin,  où  elles  sont  demeu- 
rées jusqu'à  la  suppression.  Le  7  mars  étant 
le  jour  de  la  fêle  de  saint  Thomas  d'Aquiu, 
les  religieuses  dominicaines  pr  rent  ce  nom 
illustre  pour  leur  maison.  Une  partie  des  re- 
ligieuses de  la  maison  du  faubourg  Saint- 
Marceau  ,  alors  trop  nombreuse  à  Saint- 
Thomas,  s'établit  au  Marais,  rue  d'Orléans. 
Le  6  mars  1627,  la  Mère  Marguerite,  prieure, 
accompagna  la  petite  colonie  qu'on  faisait 
sortir  d  i  premier  établissement,  et  en  1636, 
elle  les  conduisit  dans  la  rue  Plâtrière,  où 
elles  restèrent  jusqu'à  la  fin  de  la  même  an- 
née. De  là  elles  allèrent  rue  Matignon  ,  où 
elles  demeurèrent  jusqu'en  164.1.  Alors  elles 
allèrent  s'établir  rue  Charonne,  dans  la  mai- 
son qu'elles  occupent  encore  par  leurs  suc- 
cesseurs, et  qu'elles  durent  à  la  générosité 
de  mademoiselle  Ruzé  d'Effiat,  fille  du  maré- 
chal de  ce  nom  ,  qui  donna  tout  son  bien  à 


cette  maison  ,  et  s'y  fit  religieuse,  e»  1636, 
dans  la  maison  de  Saint-Thomas. 

La  première  pierre  du  bâtiment  fut  posée 
le  3  août  1639,  et  on  donna  au  monastère  le 
nom  de  la  Croix,  sous  lequel  il  est  encore 
connu  aujourd'hui.  Les  religieuses  y  entrè- 
rent le  16  janvier  164-1.  Cette  date  s'accorde 
avec  celle  que  nous  avons  donnée  pour  épo- 
que de  l'entrée  des  religieuses  au  couvent  de 
Saint  Thomas  ,  d'après  M.  de  Saint-Victor  ; 
mais  nous  croyons  devoir  ajouter  ici  que 
les  Mémoires  qui  nous  sont  fournis  par 
les  religieuses  dominicaines  elles-mêmes 
portent  que  leurs  Mères  ,  en  arrivant  de 
Toulouse  ,  logèrent  d'abord  à  l'abbaye  de 
Jouarre ,  d'où  elles  passèrent  dans  leur  mo- 
nastère de  la  rue  Vivienne,  le  6  mars  1627, 
et  y  chantèrent  les  premières  vêpres  de 
saint  Thomas  d'Aquin  ;  que  ce  fut  de  cette 
maison  que  sortit  la  Mère  Marguerite  pour 
la  seconde  fondation  ,  conduisant  d'abord  la 
nouvelle  colonie  rue  Vieille-du-Temple  ,  et 
de  là  rue  Plâtrière  dans  l'hôtel  de  madame 
de  Castille,  où  mademoiselle  d'Effiat  fit  pro- 
fession. 

Le  monastère  de  la  Croix  avait  une  vaste 
clôture,  qui  lui  a  été  enlevée  par  la  révolu- 
tion et  le  gouvernement  de  Louis -Philippe, 
car  une  partie  de  son  enclos  n'a  été  définiti- 
vement aliénée  que  depuis  la  révol  >li  u  de 
juillet  1830;  mais  il  n'était  point  entièrement 
bâti,  et  forme  un  carré  non  fermé.  L'église 
est  prise  sur  le  rez-de-chaussée  ,  du  côté 
nord  ,  et  sur  la  partie  du  cloitre  qui  y  est 
jointe. 

Quand  les  Frères  des  Ecoles  chrétiennes 
vinrent  s'établir  à  Paris,  conduits  par  M.  De 
la  Salle,  le  monastère  de  la  Croix,  alors  dans 
l'aisance,  subvint  à  leurs  besoins  par  des  se- 
cours généreux  et  abondants. 

Vers  l'année  1731  ou  1732,  le  roi  envoya 
aux  religieuses  de  la  Croix  une  leltre  de  ca- 
chet qui  leur  défendait  de  recevoir  des  sujets 
et  de  taire  faire  profession  aux  novices.  Cette 
interdiction  dura  jusqu'au  mois  de  juin  1736. 
Il  nous  a  paru,  parla  lettre  de  l'archevêque 
de  Paris,  qui  annonce  à  la  prieure  la  ces- 
sation île  cette  défense,  que  le  jansénisme  ou 
le  défaut  de  régularité  avaient  pu  donner 
occasion  à  cette  rigueur. 

En  1782,  la  communauté  obtint  de  Pic  VI 
des  indulgences  en  faveur  de  la  dévotion  au 
sacré  cœur  de  Jésus,  établie  dans  son  église. 
En  1790,  il  fut  signifié  à  la  communauté,  par 
l'assemblée  nationale,  d'envoyer  à  la  mon- 
naie toute  l'argenterie,  et  même  les  vases 
sacrés  dont  on  pouvait  se  passer,  pour  être 
fondus,  et  pour  qu'elles  se  rendissent  ainsi 
utiles  à  la  patrie.  La  communauté  déclara, 
en  envoyant  l'argenterie,  qu'elle  n'avait  de 
vases  sacrée  que  ceux  qui  étaient  nécessai- 
res. La  même  année,  la  municipalité  de  Pa- 
ris fil  faire  une  visite  dans  le  monastère,  in- 
terroger toutes  les  religieuses  séparément, 
et  demander  leur  volonté  sur  leur  séjour 
personne!  dans  la  maison  ,  et  enfin  faire  l'é- 
lection d'une  prieure.  Toutes  déclarèrenl 
qu'elles  nommaient  el  voulaient  la  prieure 
en  charge,  révérende  Mère  Sainte-Thérèse 


83 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


81 


Charlon.  Le  procès-verbal  de  la  visile  minu- 
tieuse qu'on  fit  alors,  est  tout  à  la  louange 
de  la  communauté. 

En  1792 ,  la  communauté  eut  ordre  d'éva- 
cuer le  monastère  pour  le  20  août,  et  défense 
en  même  temps  de  former  corporation,  dans 
aucune  maison,  au  nombre  de  plus  de  huit. 
La  Mère  prieure  laissa  auxjeunes  religieuses 
qui  avaient  leur  famille,  le  rihoij  de  s'y  retirer 
ou  de  rester  avrc  quelques-unes  d'elles  ,  et 
de  se  résoudre  à  une  rigoureuse  pauvreté. 
Plusieurs  furent  forcées  par  leurs  parents  à 
se  retirer  chez  eux  ;  une  des  anciennes  fut 
demandée  pour  faire  une  éducation  parlicu- 
lière  ;  les  autres  s'abandonnèrent  à  la  con- 
duite de  la  Mère  prieure,  à  qui  elles  avaient 
voué  obéissance. 

Elles  se  divisèrent  en  Irois  groupes  :  la 
Mère  prieure  et  sept  de  ses  filles  allèrent  de- 
meurer rue  de  la  Cerisaie;  la  Mère  sous- 
prieure  alla,  avec  sept  autres,  demeurer  rue 
de  la  Roquette;  la  majeure  partie  des  sœurs 
converses  se  relira  dans  une  maison  de  la 
rue  de  Charonne,  où  il  y  avait  un  four  et  un 
jardin.  Là  elles  cultivèrent  la  terre  et  conti- 
nuèrent leur  commerce  de  bonbons  jusqu'en 
l'année  1819,  époque  à  laquelle  elles  se  réu- 
nirent à  leurs  anciennes  Mères.  Malgré  leur 
séparation  ,  les  religieuses  restèrent  toutes 
sous  l'obéissance  de  la  Mère  prieure  ,  qui 
confiait  son  autorité  à  une  des  anciennes 
dans  les  maisons  qu'elle  n'habitait  pas  ,  et 
recevant  en  audience  celles  qui  voulaient 
lui  parler.  Lors  de  la  séparation,  il  y  avait 
vingt-cinq  religieuses  de  chœur  et  treize  con- 
verses; quelques-unes  de  celles-ci  vivaient 
encore  quand  nous  fûmes  nommé  confes- 
seur extraordinaire  de  celte  communauté, 
en  1831. 

La  prieure  et  celles  qui  s'étaient  réunies 
à  elle  firent  un  petit  commerce  de  fleurs, 
éventails,  jarretières  et  autres  petits  ouvra- 
ges de  celte  sorte  ,  qui  leur  permettaient  de 
suivre  leur  règle  et  de  faire  même  des  éco- 
nomies pour  les  temps  où  elles  pourraient 
se  réunir. 

Dès  l'année  1807,  elles  fuient  reconnues 
par  l'empereur  Napoléon  ,  qui  leur  pro- 
mettait l'ancien  couvent  de  Saint-Thomas, 
rue  Vivienne.  Par  la  protection  de  M.  Porta- 
lis  ,  ministre  des  cultes  ,  qui  s'intéressait  à 
elles,  elles  étaient  sur  le  point  d'en  prendre 
possession  lorsque  la  mort  de  ce  protecteur 
vint  retarder  leur  bonheur.  Les  choses 
restèrent  en  suspens  jusqu'en  1810. 

Leur  monastère  de  la  Croix  n'avait  point 
été  vendu  par  la  nation;  un  décret  de  l'Em- 
pereur l'avait  concédé  aux  filles  de  la  Cha- 
rité de  Saint-Vincent-de-Paul,  pour  leur  ser- 
vir de  noviciat  et  de  maison-mère.  Grâce 
à  Dieu,  celte  maison  ne  put  convenir  à  ces 
sàinlés  filles,  qu'on  établit  rue  du  Bac,  au 
lieu  où  elles  sont  actuellement,  et  l'injuste 
spoliation  de  la  maison  de  la  Croix  ne  fut 
point  consommée.  En  1810,  MM.  le  comte 
de  Wilmauzy  et  le  marquis  de  Grosbois, 
pairs  de  France,  obtinrent  de  Louis  XVIII  la 
concession  du  monastère  de  la  Croix  à  ses 
anciennes  religieuses.  Celle  concession  fut 


faite  par  une  ordonnance  datée  du  26  septem- 
bre. La  sénalorerie  mit  aussitôt  opposition  à 
la  concession  des  terrains  ou  marais  qui  lui 
avaient  été  concédés,  et  il  ne  resta  aux  reli- 
gieuses que  le  jardin,  d'un  arpent  d'étendue, 
qu'elles  possèdent  actuellement.  Elles  ne 
purent  entrer  en  jouissance  qu'à  la  fin  du 
bail  de  M.  Richard  Lenoir,  qui  avait  loué 
les  bâtiments.  Ce  bail  ne  devait  expirer  que 
le  31  décembre  1824. 

Dès  ratifiée  1814,  lors  des  espérances  si 
belles  et  malheureusement  si  trompeuses 
que  donna  la  Restauration,  les  Dominicaines 
pensèrent  à  vivre  toutes  ensemble;  mais  leurs 
bails  respectifs  ne  finissaient  qu'en  1816,  et 
chaque  maison  élait  trop  petite  pour  les  con- 
tenir loutes.Un  autre  obstacle  venait  de  leur 
pauvrelé,  qui  nclenr  permettait  pas  de  payer 
un  aumônier.  Le  P.  Monteinard,  ancien  Mi« 
nime,  directeur  d'un  grand  nombre  d'entre 
elles  trouva  moyen  de  lever  celte  difficulté 
de  la  manière  édifiante  que  nous  allons  dire: 
madame  de  Alazard  était  une  ancienne  reli- 
gieuse de  Montmartre  qui  vivait  relirée  dans 
le  Marais,  à  Paris,  avec  une  sœur  converse 
qui  l'avait  suivie  à  la  sortie  de  son  abbaye. 
Elle  avait  un  oratoire  particulier,  où  à  l'épo- 
que don!  nous  parlons  neuf  ecclésiastiques 
on  religieux  disaient  la  messe.  Le  P.  Mon- 
teinard en  était  un,  et  il  se  concerla  avec 
madame  de  Alazard,  qui  entra  dans  ses  vues, 
et  l'un  des  ecclésiasiiques  de  s  fi  maison, 
M.  l'abbé  Leclerc,  se  dévoua  gratuitement  à 
l'œuvre  des  Dominicaines,  dont  il  fut  l'aumô» 
nier  dès  1814,  dans  la  maison  de  celles  qui 
habitaient  alors  la  rue  Saint-Denis,  les  sui- 
vit dans  leurs  diverses  habitations  et  desser- 
vit la  communauté  pendant  trente  ans.  Nous 
avons  eu  le  bonheur  de  nous  lier  avec  ce 
saint  ecclésiastique,  ancien  professeur,  qui, 
non  content  d'être  gratuitement  au  service 
de  la  communauté  des  Dominicaines,  lui  a 
même  fait  part  île  ses  bienfaits. 

Les  religieuses  prirent  d'abord  une  maison 
à  loyer,  rue  des  Amandiers-Popincourt,  y 
entrèrent  au  mois  de  juillcl  1816  et  y  repri- 
rent l'habit  religieux  le  4  août  de  celle  an- 
née; jusqu'alors  elles  avaient  gardé  l'habit 
séculier.  Elles  étaient  an  nombre  de  12  cho- 
ristes et  de  4 converses.  Les  autres  converses 
de  la  rue  de  Charonne  ne  s'y  réunirent,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  qu'en  l'année  1819. 

Nous  dirons  ici  que  les  Dominicaines  de  la 
Croix  offrirent  aux  religieuses  de  leur  ordre, 
qui  n'avaient  pas  eu  comme  elles  le  bonheur 
de  recouvrer  leurs  maisons,  de  venir  se 
réunir  à  elles.  Cinq  se  rendirent  à  celle  in- 
vitation ;  l'une  était  madame  de  la  Prade,  du 
couvent  de  Saint-Etienne  ;  lr.  deuxième,  du 
couvent  de  Dinan  ;  la  troisième,  madame  le 
Normand  de  Villers,  de  l'ancienne  maison  do 
Poissy,  et  qui  exerça  depuis  la  charge  de 
prieure,  pendant  onze  ans  ;  la  quatrième 
élail  une  religieuse  de  la  maison  de  Rosaye, 
du  second  ordre,  en  Brie;  la  cinquième  était 
du  couvent  de  Montpellier.  Nous  voyons  avec 
surprise  que  celte  liste  ne  contient  aucune 
religieuse  de  l'ancienne  maison  de  Saint- 
Thomas. 


85 


DOM 


DOM 


se 


De  la  niciles  Amandiers,  les  Dominicaines 
allèrent  demeurer  rue  de  Montreuil,  n°  37, 
au  faubourg  S;iint-Anloine,  dans  un  local 
plus  vaste.  Mesdames  de  Cîroshois  et  de  Wil- 
mauzy  furent  très-utiles  par  leurs  dons  cha- 
ritables au  rétablissement  de  l'intérieur  de 
la  maison  de  la  rue  Ch  ironne  ;  mais  un  tiers 
des  bâtiments  avait  été  abattu,  par  suite  de 
vétusté. 

La  pauvreté  de  la  maison  n'a  point  encore 
permis  d'y  rétablir  la  clôture  rigoureuse, 
que  les  religieuses  gardent  néanmoins  au- 
tant que  possible.  Nous  avons  donné  ces  dé- 
tails sur  cette  maison  des  Dominicaines, 
p;irce  qu'ils  feront  voir  par  analogie  ce  qui 
fut  fait  dans  les  autres  monastères  à  cette 
époque,  et  aussi  parce  qu'ils  sont  édiGanls  et 
intéressants  pour  cet  ordre  célèbre  et  pour 
les  lecteurs. 

Depuis  la  mort  de  M.  Lcclerc ,  les  Pères 
de  la  maison  de  Pirpus  font  à  La  Croix  les 
fondions  d'aumônier.  Les  religieuses  ne  se 
lèvent  pas  actuellement  à  minuit  pour  ma- 
tines, mais  elles  font  promettre  à  toutes 
celles  qui  font  profession  de  ne  pas  meilre 
d'obs'acle  au  rétablissement  de  ce  point  de 
la  règle,  quand  on  pourra  le  rétablir.  Lors- 
qu'elles habitaient  la  rue  de  Montreuil,  la 
prieure  et  M.  l'abbé  Leclerc,  sans  tenir  cha- 
pitre et  «ans  consulter  l'autorité,  se  déter- 
minèrent à  faire  prendre  aux  religieuses  le 
bréviaire- do  Paris.  Cette  mesure  singulière 
fut  prise  pendant  le  carême.  Peu  de  temps 
après  l'archevêque  de  Paris,  M.  de  Quélen, 
vint  voir  la  maison.  La  prieure  lui  dit  qu'elle 
avait  pris  le  brév  aire  du  diocèse.  L'arche- 
vê  iue  témoigna  sa  surprise  et  son  mécon- 
tentement. «Je  n'ai  qu'une  maison  de  Domi- 
nicaines dans  mon  diocèse,  dit-il,  je  désire 
qu'elle  garde  son  rite  et  que  son  bréviaire  n'y 
suit  pas  supprimé.»  La  prieure  fil  reprendre 
le  bréviaire  de  l'ordre,  la  veille  de  saint 
Dominique,  au  mois  d'août  suivant  ;  ainsi 
le  bréviaire  de  Paris  ne  fut  récité  que  pen- 
dant quelques  mois.  Ceci  se  passa  e*i  1824 
ou  1825.  Les  religieuses  ne  rentrèrent  dans 
la  maison  de  la  Croix  qu'au  mois  d'octobre 
1825.  Lorsque  nous  étions  confesseur  extra- 
ordinaire de  cette  maison,  alors  peu  nom- 
breuse, nous  limes,  de  la  part  d'un  supérieur 
ecclésiastique,  la  triste  commission  de  pro- 
poser la  récitation  de  l'office  de  la  sainte 
Vierge  au  lieu  du  bréviaire  de  l'ordre.  Nous 
vîmes  avec  plaisir  et  édification  la  mère 
prieure  rejeter  avec  empressement  notre  pro- 
position et  tenir  à  son  bréviaiie,  qu'elle  avait 
pourtant  abandonné,  comme  nous  venons  de 
le  dire,  quelques  années  auparavant.  Les  re- 
ligieuses ont  eu  la  consolation  de  voir  les 
Dominicains  rétablis  venir  plusieurs  fois  of- 
ficier dans  leur  monastère.  Elles  ont  eu  suc- 
cessivement deux  religieuses,  venues  d'un 
monastère  de  Suisse,  pour  gouverner  la  mai- 
son en  qualité  de  prieures. 

11  reste  peu  de  maisons  de  cet  ordre  en 
France.  La  célèbre  maison  de  Prouille  est 
tout  à  fait  détruite.  Celle  de  Poissy,  non 
moins  illustre,  sert  aujourd'hui  de  prison 
centrale  ;  ce  célèbre  monastère  avait  gardé 


jusqu'à  la  fin  une  partie  do  son  ancienne 
splendeur.  Les  religieuses  y  étaient  nom- 
breuses ;  dix  religieux  Dominicains  la  des- 
servaient; la  prieure  était  perpétuelle;  la 
dernière  fut  madame  de  Ouelen,  de  la  famille 
de  l'archevêque  de  Paris  du  même  nom. 

Les  religieuses  Dominicaines  appellent  re- 
ligieuses du  second  ordre  celles  qui  ne  sont 
pas  réformées  comme  elles,  mais  en  réalité 
elles  sont  toutes  du  second  ordre  de  Saint- 
Dominique,  hors  celles  qui,  réellemeut  sui- 
vant la  troisième  règle,  sont  du  tiers  ordre 
et  appelées  Calheriueites  en  quelques  lieux. 

La  maison  de  Mauriac,  diocèse  de  Saini-i 
Flour,  a  été  détruite  au  mois  de  mai  18i7. 
L'esprit  de  l'ordre  ne  régnait  pas  autant  qu'il 
eût  fallu  dans  ce  monastère,  et  peut-être 
pourrions-nous  ajouter  que  l'autorité  ecclé- 
siastique n'a  pas  pris  les  moyens  de  l'y  ré- 
tablir. D'autres  religieuses  occupent  la  mai- 
son. 

Reste  donc  encore  la  maison  de  Lange  m-, 
qui  est  connue  par  la  célébrité  que  lui  donne 
la  vénérable  mère  Agnès,  amie  de  M.  Olier, 
et  qui  est,  dit-on,  actuellement  très-pauvre. 
Celle-ci  est,  comme  celle  de  Paris,  du  grand 
ordre  de  Saint-Dominique.  Le  tiers  ordre 
compte  les  maisons  de  Langres,  d'où  est 
sortie  celle  de  Bar-le-Duc  et  de  Châlons- 
sur-Saône. 

L'ordre  de  Saint-Dominique  possède  au- 
jourd'hui des  monastères  de  femmes  dans  la 
plupart  des  pays  catholiques  en  Europe;  il 
y  en  a  aussi  en  Amérique  et  même,  croyons- 
nous,  en  Asie  et  en  quelques  pays  prote- 
stants. Il  y  a,  dans  les  Etals  soumis  à  l'em- 
pereur d'Autriche,  huit  maisons,  contenant 
cent  cinquante  religieuses.  La  maison  de 
Rome  est  sous  la  direction  immédiate  des 
Dominicains,  eomme  l'étaient  autrefois  celle 
de  Poissy  et  autres.  Dans  la  plupart  des  au- 
tres pa\s,  les  Dominicaines  sont,  comme  à 
Paris,  sous  la  juridiction  de  l'ordinaire. 

Mémoires  de  Scipion  liieci,  lom.  1".  — • 
Tableau  historique  et  pittoresque  de  Paris, 
par  M.  de  Saint-Vie  or.  —  Mémoires  manu- 
scrits, fournis  par  la  révérends  Mère  Saint- 
Bernard,-  Dominicaine  de  Paris,  etc.,  etc. 

B— D-E. 

DOMINICAINS  (Ordre  des). 
De  l'Ordre  des  Frères  l'récheuis  ou  Do>iiini~ 
cains  appelés   en  France  Jacobins,  avec  la 
vie  de  saint  Dominiqw,  leur  fondateur. 

§  I".  Institution  de  l'ordre. 
Guillaume  de  Puys  Laurens,  dans  son  His- 
toire des  Albigeois,  parlant  de  l'ordre  des 
Frères  Prêcheurs  fondé  par  saint  Domi- 
nique, dit  que  l'établissement  de  cet  ordre 
est  une  preuve  manifeste  de  ce  qu'a  dit  l'apô- 
tre saint  Paui,  qu'il  fallait  qu'il  y  eût  des 
hérésies  [I  Cor.  xi,  19).  I  n  effet,  s'écrie  uu 
auteur  moderne  dans  une  histoire  qu'il  nous 
a  donnée  aussi  de  ces  mêmes  Albigeois,  que 
de  saints,  que  de  martyrs,  que  de  docteurs, 
que  de  lumières  de  l'ordre  de  Saint-Domi- 
nique qui  n'auraient  peut-être  jamais  éclairé 
l'Eglise  sans  les  erreurs  de  ces  hérétiques  I 


87 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


Saint  Dominique  naquit  l'an  1170  à  Calarue- 
ga  ou  Calaroge,  bourg  du  diocèse  d'Osma 
dans  la  Vieille-Castille.  Son  père  se  nommait 
Félix  Guzman  de  l'ancienne  et  noble  famille 
«les  Guzman  ,  qui  tient  encore  un  rang  con- 
sidérable en  Espagne;  et  sa  mère,  Jeanne 
d'Aza,  laquelle,  élant  grosse  de  saint  Domi- 
nique, eut  un  songe  mystérieux  où  elle  s'ima- 
gina mettre  au  monde  un  polit  chien  qui 
d'un  flambeau  allumé  qu'il  tenait  à  sa  gueule 
«clairail  tout  le  monde  :  présage  évident  de 
ce  qui  est  arrivé  dans  la  suite,  lorsque  par 
l'ardeur  de  son  zèle  et  le  feu  de  sa  charité 
il  a  éclairé  un  nombre  infini  d'hérétiques 
<ju'il  a  lires  des  ténèbres  de  l'erreur  pour 
leur  faire  connaître  les  lumières  de  la  vé- 
rité. 

Ou  lui  donna  au  baptême  le  nom  de  Domi- 
nique, à  cause  de  la  dévotion  que  sa  mère 
portait  à  saint  Dominique  de  Silos,  qui  lui 
apparut  un  jour  qu'elle  priait  à  son  tombeau 
dans  un  monastère  proche  de  Calaroge,  et 
lui  prédit  ce  que  Dieu  devait  faire  par  le 
moyen  de  son  fils.  Ce  fut  ce  motif  qui  porla 
ses  parents  à  chercher  de  bonne  heure  les 
moyens  les  plus  propres  pour  lui  procurer 
une  éducation  qui  le  rendît  digne  de  devenir 
le  ministre  des  desseins  de  Dieu.  Dominique 
répondit  aux  intentions  et  aux  soins  de  ses 
parents.  A  peine  commença-l-il  à  parler  qu'il 
demandait  d'aller  dans  l'es  églises  pour  y 
prier  Dieu,  et  qu'il  se  levait  secrètement  la 
nuit  pour  donner  à  celte  sainte  occupation 
le  temps  qu'il  ôtait  à  son  repos.  A  l'âge  de 
six  ans  on  le  mit  sous  la  conduite  d'un  de 
ses  oncles  arciiipréire  de  l'église  de  Gumycl 
d'Vssan,  pou!  y  apprendre  les  lettres  hu- 
maines. Le  temps  qui  lui  restait  de  ses  études 
n  était  point  employé  à  des  amusements  in- 
utiles ;  l'assistance  aux  divins  offices,  le  chant 
de  1  Eglisv,  les  exercices  de  dévotion,  la  dé- 
coration des  autels,  satisfaisaient  sa  piété  et 
lui  tenaient  lieu  de  divertissement. 

Ayant  p;issé  sept  années  dans  l'étude  des 
îellres  humaines  et  dans  ces  sortes  d'occu- 
pations, on  lf  relira  de  la  maison  de  son  on- 
cle pour  l'envoyer  à  Palencia,  ville  episco- 
pale  du  royaume  de  Léon,  où  il  y  avait  pour 
lors  une  université  qui  fut  transférée  dans 
la  suite,  l'an  1217,  par  le  roi  Ferdinand  111 
dans  la  Tille  de  Salamanque.  11  y  employa 
^ix  ans  à  l'étude  de  la  philosophie  et  de  la 
théologie,  joignant  toujours  à  l'étude  l'orai- 
son et  la  prière.  Il  jeûnait  dès  lors  très-fré- 
quemment, dormait  peu,  et  ne  se  reposait 
souvent  que  sur  le  plancher  de  sa  chambre. 
11  faisait  paraître  un  amour  tout  particulier 
pour  la  retraite.  Il  ne  sortait  que  pour  aller 
aux  églises  et  aux  écoles  publiques.  Il  était 
le  père  des  orphelins,  le  protecteur  des  veu- 
Tes,  le  refoge  des  pauvres,  pour  le  soulage- 
ment desquels,  dans  une  cruelle  famine 
qui  désola  toute  l'Espagne,  il  Tendit  tous 
ses  livres  et  ses  meubles;  et  même  dans  une 
autre  rencontre  il  se  voulut  vendre  lui- 
même,  s'élant  offert  pour  être  la  rançon  d'un 
jeune  homme  qui  avait  été  pris  par  les 
Maures. 

Sa  charité  ne  se  borna  pas  à  soulager  son 


prochain  dans  les  nécessités  du  corps,  il  vou- 
lut lui  procurer  des  biens  spirituels,  et  le 
zèle  qu'il  avait  pour  le  salut  de  ses  frères 
lui  fit  entreprendre  de  rudes  pénitences  pour 
la  conversion  de  ceux  qui  étaient  endurcis 
dans  leur  péché.  Toujours  prêt  à  donner  sa 
vie  pour  empêcher  que  Dieu  ne  fût  offensé, 
il  sentait  au  dedans  de  lui-même  une  si  forte 
douleur  des  péchés  d'aulrui,  qu'il  les  pleurait 
amèrement,  comme  s'ils  avaient  été  les  siens 
propres.  Ce  fut  ce  zèle  du  salut  du  prochain 
qui  le  fit  résoudre  à  travailler  à  la  conver- 
sion des  pécheurs  par  ses  discours  ;  il  com- 
mença pour  lors  à  faire  paraître  les  grands 
talents  que  Dieu  lui  avait  donnés.  11  les  em- 
ploya avec  tant  de  succès  que  les  premiers 
fruits  qu'il  en  retira  furent  la  conversion 
d'un  seigneur  nommé  Conrard  qui  avait  élé 
compagnon  de  ses  éludes,  et  qui,  s'étant  fait 
dans  la  suite  religieux  de  l'ordre  de  Cîleaux, 
fut  élevé  à  la  dignité  de  cardinal.  Ses  dis- 
cours épouvantaient  les  pécheurs,  conver- 
tissaient les  hérétiques,  servaient  de  guides 
aux  pénitents,  et  de  consolation  auxalfligés. 
De  si  saints  exercices  et  tant  d'exemples  de 
vertu  augmentèrent  la  réputation  de  Domi- 
nique, qui,  n'ayant  pas  encore  vingt-quatre 
ans,  était  déjà  consulté  comme  le  directeur  lo 
plus  expérimenté  sur  les  affaires  du  salut. 
Dom  Diègue  de  Azebez,  évêque  d'Osma, 
voulant  reformer  les  chanoines  de  son  Egli- 
se, et  leur  faire  embrasser  la  vie  régulière 
sons  la  règle  de  Saint-Augustin,  jeta  les  yeux 
sur  Dominique  pour  le  faire  entrer  dans  son 
chapitre,  le  regardant  comme  celui  qui  se- 
rait le  plus  capable  de  soutenir  par  son 
exemple  l'établissement  de  la  réforme  qu'il 
projetait.  Il  lui  en  fit  la  proposition  ,  et  Do- 
minique, ne  doutant  point  que  Dieu  ne  lui 
parlât  par  la  bouche  de  son  évêque,  quitta 
Palencia  pour  venir  prendre  l'habit  de  cha- 
noine et  faire  profession  de  la  vie  religieuse 
dans  l'Eglise  d'Osma.  Quoiqu'il  n'y  changeât 
que  son  extérieur,  il  ue  laissa  pas  de  paraître 
un  homme  tout  nouveau  parla  ferveur  avec 
laquelle  il  se  porta  à  la  perfection  de  son 
étiit  ;  et,  croyant  que  jusque-là  il  n'avait  en- 
core rien  fait  pour  son  salut,  il  augmenta 
ses  jeûnes,  ses  veilles,  ses  pénitences  et  ses 
mortifications.  Les  chanoines  d'Osma,  sur- 
pris et  édifiés  de  ses  vertus,  croyaient  voir 
leur  cathédrale  changée  en  un  oés<  rt  sem- 
blable à  ceux  de  la  ïhébaïde  et  de  l'Egypte, 
tanl  était  grande  l'humilité,  la  mortification, 
l'abstinence  et  la  retraite  de  Dominique  ; 
aussi  faisait-il  son  élude  particulière  des 
Conférences  de  Cassien,  afin  d'imiter  ces  an- 
ciens Pères  des  déserts. 

Son  évêque,  qui  connaissait  son  talent,  ne 
voulut  pas  renfermer  dans  son  Eglise  le  tré- 
sor qu'il  possédait;  il  lui  permit  d'aller  por- 
ter la  parole  de  Dieu  aux  nations,  et  de  prê- 
cher la  pénitence  aux  pécheurs.  Aussitôt  il 
parcom  ut  plusieurs  provinces,  travaillant  à 
détruire  en  même  temps  les  vices  et  les  er- 
reurs dont  les  mahométans  et  les  hérétiques 
les  avaient  infectées.  La  première  conver- 
sion qu'il  fit,  et  la  plus  éclatante,  fut  celle  de 
Reinier,  qui,  ayanl  renoncé  à  l'hérésie  dont 


88 


DOM 


DOM 


90 


il  était  l'auteur,  fut  employé  bientôt  après 
par  le  pape  Innocent  111  contre  d'autres  hé- 
rétiques qui  avaient  autant  de  noms  dif- 
férents qu  ils  occupaient  de  différentes  pro- 
vinces, cl  qui  entra  depuis  dans  l'ordre  des 
Frères  Prêcheurs. 

Quelque  temps  après,  Dominique  fut  or- 
donné prêtre  par  l'évèque  d'Osma,  qui  le  fit 
sous-prieur  de  son  chapitre,  qui  était  la  pre- 
mière dignité  après  la  sienne,  puisque,  après 
avoir  embrassé  la  régularité  qu'il  avait  pre- 
scrite aux  autres,  il  en  était  devenu  prieur. 
Ce  prélat  ayant  encore  scrupule  de  retenir 
Dominique,  dont  la  vocation  était  d'instruire 
et  de  convenir  les  peuples,  l'envoya  dere- 
chef pour  remplir  ie  ministère  de  prédicateur 
évangélique.  H  parcourut  plu>ieurs  provin- 
ces, la  Galice,  la  Castille  et  l'Aragon,  où 
il  fil  plusieurs  conversions,  jusqu'en  l'an 
1204-,  qu'Alphonse,  roi  de  Castille,  ayant  en- 
voyé l'é^éque  d'Osma  ambassadeur  en  France 
pour  y  négocier  le  mariage  de  son  fils  Fer- 
dinand, qui  fut  son  successeur,  avec  la  prin- 
cesse de  Lusignan,  fille  de  Hugues,  comte  de 
la  Marche,  ce  prélat  prit  Dominique  en  sa 
compagnie. 

Ils  passèrent  parle  Languedoc,  où  ils  fu- 
rent témoins  des  ravages  que  faisaient  les 
hérétiques  albigeois.  Ils  ne  purent  entendre 
le  récit  qu'on  leur  fit  des  erreurs  et  des  abo- 
minations qu'on  leur  attribuait  sans  en  être 
vivement  touchés.  L'évèque  cependant  re- 
tourna en  Espagne  pour  rendre  compte  au 
roi  Alphonse  de  sa  négociation  ;  mais  ce 
prince,  l'ayant  renvoyé  en  France  avec  un 
magnifique  équipage  pour  amener  la  prin- 
cesse promise  au  prince  Ferdinand,  il  prit 
derechef  Dominique  avec  lui,  et,  étant  arri- 
vés au  château  de  Gace,  lieu  de  la  résidenre 
du  comte  de  la  Marche,  ils  trouvèrent  toute 
la  cour  en  pleurs  pour  la  mort  de  cette  prin- 
cesse, qui  venait  d'expirer,  et  assistèrent 
eux-mêmes  à  ses  funérailles.  Frappés  de  cet 
objet  qui  leur  donnait  une  si  vive  idée  de  la 
fragilité  et  de  l'inconstance  des  choses  delà 
terre,  ils  résolurent  de  ne  plus  retourner  en 
leur  pays.  Ils  y  renvoyèrent  leur  équipage, 
et,  ayant  pris  le  chemin  de  Home,  ils  obtin- 
rent permission  du  pape  Innocent  lll  de  de- 
meurer dans  le  Languedoc  pour  y  travailler 
à  la  conversion  des  Albigeois;  mais  le  saint 
pontife  limita  le  séjour  de  Dièguedans  cette 
province  à  deux  ans,  après  lesquels  il  lui 
ordonnait  de  retourner  dans  son  Eglise. 

Avec  ce  pouvoir  ils  revinrent  en  France 
pour  travailler  à  leur  nouvelle  mission.  Ils 
y  trouvèrent  les  légats  du  pape,  qui,  rebutés 
du  peu  de  profil  qu'ils  faisaient  parmi  ces 
hérétiques,  étaient  sur  le  point  de  s'en  retour- 
ner et  de  secouer  la  poussière  de  leurs  sou- 
liers, selon  le  conseil  de  l'Evangile.  Mais  le 
saint  évêque  d'Osma  les  arrêta  en  leur  per- 
suadant qu'ils  feraient  plus  de  fruit  si ,  en 
juittanl  leurs  grands  équipages,  et  le  faste 
qu'ils  avaient  cru  nécessaire  pour  relever 
leur  dignité,  ils  embrassaient  la  vie  aposto- 
lique. Ce  qui  réussit  effectivement;  car,  ayant 
quitte  leur  train  et  leur  équipage,  et  mar- 
chant sans  argent,  sans  valets,  sans  provi- 


sions, afin  de  prêcher  encore  mieux  par 
leur  exemple  que  par  leurs  discours,  ils  de- 
vinrent respectables  par  leur  nouveau  genre 
de  vie,  au  lieu  qu'on  les  avait  méprisés  dans 
leurs  richesses.  L'évèque  d'Osma,  qui  avait 
donné  ce  conseil,  l'avait  mis  le  premier  en 
pratique  avec  Dominique.  11  avait  été  établi 
chef  de  la  mission,  dont  le  nombre  des  ou- 
vriers s'était  augmenté  par  l'arrivée  de  l'abbé 
de  Cîleaux  et  de  douze  abbés  de  son  ordre  ; 
mais  ces  religieux  étant  retournés  dans 
leurs  monastères  quelque  temps  après,  aussi 
bien  que  l'évèque  d'Osma  dans  son  diocèse, 
où  il  mourut  dans  le  temps  qu'il  se  disposait 
à  retourner  dans  le  Languedoc,  le  légat 
Raoul  ayant  aussi  quitté  cette  province,  et 
Pierre  de  Caslelnau  ayant  été  assassiné  par 
les  émissaires  de  Raymond  ,  comte  de  Tou- 
louse, Dominique  se  trouva  seul  chargé  de 
tout  le  poids  de  la  mission.  Rien  loin  de  se 
laisser  intimider  à  la  vue  des  fatigues,  des 
tourments  et  des  périls  dont  elle  était  accom- 
pagnée, il  se  sentit  animé  plus  que  jamais  à 
poursuivre  son  entreprise.  Un  renfort  de  sept 
ou  huit  ouvriers  qu'il  reçut  redoubla  son 
courage,  et  il  les  distribua  dans  les  endroits 
qui  avaient  plus  de  besoin  de  secours.  Le 
nombre  se  multiplia  encore  dans  la  suite; 
mais,  comme  il  diminuait  aussi  par  inter- 
valle, parce  que  la  plupart  ne  se  joignaient 
à  lui  que  pour  un  temps,  que  souvent  après 
le  terme  de  quelque  mission  limitée,  ils  s'en 
retournaient  à  leurs  premiers  emplois,  et 
que  plusieurs  même  ne  faisaient  point  de 
scrupule  de  l'abandonner  dans  ses  plus 
grands  besoins,  il  songea  à  exécuter  la  réso- 
lution qu'il  avait  déjà  formée  avant  la  mort 
de  l'évèque  d'Osma  et  celle  de  Pierre  de 
Caslelnau,  touchant  l'institution  d'un  ordre 
religieux  qui  eût  pour  fin  la  prédication  de 
l'Evangile,  la  conversion  des  hérétiques,  la 
défense  de  la  foi  et  la  propagation  du  chri- 
stianisme. 11  assembla  peu  à  peu  des  per- 
sonnes touchées  de  l'Esprit  de  Dieu,  qui 
étaient  animées  du  même  zèle  de  sa  gloire 
el  du  salut  des  âmes.  Les  premiers  furent 
Guillaume  du  Clairet,  et  Dominique  surnom- 
mé l'Espagnol,  à  cause  qu'il  était  natif  d'Es- 
pagne. Cette  compagnie  s'augmenta  jusqu'au 
nombre  de  seize,  dont  il  y  avait  huit  Fran- 
çais, six  Espagnols,  un  Anglais  el  un  Por- 
tugais. Les  Français  étaient  Guillaume  du 
Clairet  ,  dont  nous  venons  de  parler,  qui 
quitta  l'ordre  dans  la  suite  pour  entrer  dans 
celui  de  Cîleaux  ;  Rertrandde  Cariga,  Etienne 
de  Metz,  Odier  de  Rrelagne,  Matthieu  de 
Paris,  Jean  de  Navarre,  et  deux  frères  de 
Toulouse,  Pierre  et  Thomas  de  Syllan,  qui, 
non-seulement  se  donnèrent  eux-mêmes  à 
saint  Dominique,  mais  encore  leur  maison 
située  à  Toulouse  proche  la  porte  de  Nar- 
bonne,  où  saint  Dominique  et  ses  compa- 
gnons firent  leur  première  demeure.  Entre 
les  Espagnols  était  Dominique  l'Espagnol  et 
le  frère  de  notre  saint  fondateur ,  nommé 
Menez  de  Guzman. 

Ayant  ainsi  réuni  cette  sainte  troupe  l'an 
121j,  Il  résolut,  pour  assurer  les  fondements 
de  son  institut, d'en  aller  demander  la  coafir- 


Si 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


'•■3 


malion  à  Rome,  où  le  pape  Innocent  III 
devait  faire  l'ouverture  du  eonciie  général 
de  Latran.  Il  se  mit  à  la  compngiiie  de  Foul- 
ques, évoque  de  Toulouse,  l'un  des  approba- 
teurs de  son  dissein,  qui  allait  au  concile. 
F.  Jean  de  Navarre  fut  son  compagnon  en 
ce  voyage,  et  il  laissa  pour  gouverner  sa 
petite  communauté  Berirand  de  Cariga. 
Gomme  ce  concile  venait  d'ordonner  qu'on 
travaillerai!  plutôt  à  la  réforme  des  ordres 
déjà  établis  qu'à  leur  multiplication,  le  pape 
ne  voulut  pas  approuver  celui  de  saint  Do- 
minique, qui  venait  d'être  nouvellement 
institué,  quoique  l'évëque  de  Toulouse  et 
plusieurs  prélats  eussent  parlé  en  sa  fa\cur. 
Il  fut  lui-même  rebuté  plusieurs  fois  par  ce 
pontife;  mais  une  vision  semblable  à  celle 
qu'il  avait  déjà  eue  lorsque  saint  François, 
dés  l'an  1-209,  lui  avait  demandé  la  confirma- 
tion de  son  ordre,  le  détermina  à  accorder  à 
Dominique  ce  qu'il  demandait.  Il  le  fit  venir, 
approuva  seulement  de  vive  voix  son  insti- 
tut, et  promit  de  lui  donner  celte  confirma- 
tion par  une  bulle  lorsque,  de  concert  avec 
ses  compagnons,  il  aurait  choisi  une  des 
règles  déjà  approuvées  par  l'Eglise,  et  qu'il 
aurait  vu  les  constitutions  et  les  statuts  de 
son  institut. 

H  retourna  en  Languedoc,  où  il  assembla 
ses  frères  dans  le  monastère  des  religieuses 
de  Prouille,  qu'il  avait  établies  ;  et,  s'étant 
mis  tous  en  prières  afin  que  Dieu  leur  inspi- 
rât le  choix  d'une  règle,  ils  furent  d'avis  de 
prendre  celle  de  saint  Augustin,  à  laquelle 
ils  ajoutèrent  des  statuts  et  des  constitutions 
tiont  l'usage  était  en  pratique  dans  un  an- 
cien or  re.  Quelques  auteurs  veulent  que  ce 
foil  l'ordre  des  Chartreux,  mais  le  B.  Hum- 
bert,  dans  un  mairuscnt  qui  est  encotfe  con- 
servé à  Toulouse,  au  rapport  du  Père  Jean 
de  Rcchac,  historien  de  l'ordre  des  Domini- 
cains, dii  que  saint  Dominique  les  tira  des 
constitutions  de  l'ordre  de  l'remonlré.  Les 
principaux  articles  ordonnaient  le  silence 
perpétuel,  n'y  ayant  aucun  temps  où  il  fût 
permis  de  parler  ensemble  sans  la  permis- 
sion du  supérieur;  les  jeûnes  presque  con- 
tinuels, au  moins  depuis  le  ik  septembre 
jusqu'à  Pâques;  l'abstinence  de  la  viande  en 
tout  temps,  excepté  dans  les  grandes  mal  i- 
dies;  l'usage  de  la  laine  au  lieu  de  linge; 
une  pauvreté  rigoureuse  et  plusieurs  autres 
austérités.  Quelques-uns  ajoutent,  le  renon- 
cement aux  rentes  et  à  toutes  possessions; 
mais  ce  renoncement  ne  fut  ordonné  que 
dans  le  premier  chapitre  général,  l'an  1220. 
Les  résolutions  ainsi  prises  sur  le  genre 
de  vie,  saint  Dominique  partit  pour  retour- 
ner à  Ilome  afin  d'en  obtenir  la  confirmation 
du  saint-siége,  pendant  que  dans  Toulouse 
on  jetterait  les  fondements  de  la  première 
maison  de  l'ordre.  Il  apprit  en  chemin  la 
mort  du  pape  Innocent  III,  arrivée  le  17 
juillet  1210,  à  Pérouse,  et  qu'Hononus  III 
lui  avait  succédé.  Quoiqu'il  prévît  les  diffi- 
cultés que  les  affaires  du  nouveau  pontificat 
devaient  apporter  à  ses  desseins,  il  ne.  laissa 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  12. 


pas  de  continuer  son  voyage  à  Rome,  où  f! 
tut  écoulé  du  nouveau  pontife  plus  tôt  qu'il 
ne  l'aurait  espéré;  il  obtint  dès  le  22  décem- 
bre de  la  même  année  une  bulle  qui  approu- 
vait et  confirmait  son  institut  sous  le  titre 
do  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs. Comme  fon- 
dateur il  voulut  y  être  le  premier  agrégé,  co 
qui  ne  se  pouvait  faire  sans  une  rénovation 
de  ses  vœux  qu'il  avait  faits  autrefois  entre 
les  mains  de  l'évëque  d'Osma,  et  une  nou- 
velle profession.  Il  la  réitéra  et  s'obligea  de 
nouveau  de  vivre  selon  les  statuts  particu- 
liers qu'il  avait  choisis  avec  ses  frères  pour 
être  à  l'avenir  les  constitutions  de  son  ordre. 
Ce  fut  entre  les  mains  du  pape  qu'il  fit  cette 
profession  solennelle,  el  Sa  Sainteté  l'établit 
supérieur  et  maître  général  de  sou  nouvel 
ordre,  lui  donnant  pouvoir  de  recevoir  à 
l'habit  el  à  la  profession  ses  compagnons, 
el  d'instituer  b'S  supérieurs  el  les  officiers. 

Etant  retourné  à  Toulouse,  il  eut  la  con- 
solation d'y  voir  déjà  le  premier  couvent  de 
son  ordre  achevé  par  la  diligence  de  ses  frè- 
res, el  plus  encore  par  les  libéralités  de 
lévêque  de  Toulouse  el  de  Simon ,  comte 
de  Montfort.  Il  y  établit  aussitôt  l'écono- 
mie et  la  discipline,  et  reçut  avec  les  solen- 
nités prescrites  les  vœux  de  ses  religieux, 
dont  le  nombre  s'était  augmenté  pen- 
dant son  absence.  L'habil  dont  il  se  revêtit 
fut  celui  des  chanoines  réguliers,  tel  qu'il 
l'avait  porté  jusqu'à  ce  lemps-là,  et  qu'il 
l'avait  reçu  des  mains  de  l'évëque  d'Osma, 
c'est-à-dire,  une  soutane  noire  et  un  rochet 
par-dessus, comme  il  paraît  parles  anciennes 
peintures  où  ce  sainl  et  ses  premiers  disci- 
ples sont  représentés  de  cette  manière  (1), 
selon  ce  que  dit  Michel  Pio,  historien  de  cet 
ordre.  Il  envoya  ensuite  de  ses  religieux  en 
différents  endroits  pour  y  travailler  au  salut 
des  âmes  par  la  prédication,  qui  faisait  l'es- 
sentiel de  son  institut.  Le  Père  Matthieu  de 
Paris  et  Maaez de  Guzman,  frère  de  notre 
saint,  furent  destinés  pour  Paris.  11  en  en- 
voya d'autres  en  Espagne,  il  en  laissa  à 
Toulouse,  et  se  réserva  pour  lui  la  ville  de 
Rome  (2). 

Comme  son  dessein,  après  avoir  séjourné 
quelque  temps  en  Italie,  était  de  passer  en 
Afrique  pour  y  annoncer  la  parole  de  Dieu 
aux  infidèles,  et  que  pendant  son  absence  il 
ne  pouvait  pas  gouverner  son  ordre,  il  en 
donna  le  soin  à  Matthieu  de  Paris,  qui,  selon 
les  hisloriens  de  cet  ordre,  eut  le  litre  d'abbé 
général,  ayant  été  le  seul  qui  ail  eu  eelle 
qualité,  qu'il  ne  garda  pas  longtemps,  car 
saint  Dominique  ne  passa  point  en  Afrique, 
et  gouverna  toujours  son  ordre.  Matthieu 
de  Paris  n'exerça  aucune  juridiction  que 
dans  la  province  de  France  ,  dont  il  fui 
provincial.  Ce  fut  lui  qui,  avec  son  compa- 
gnon, fit  la  fondation  du  couvent  de  l'aris 
l'an  1218,  un  an  après  leur  arrivée  en  celte 
ville,  où  ils  logèrent  d'abord  dans  une  mai- 
son qu'ils  louèrent  auprès  de  l'evêché;  mais, 
en  ayant  obtenu  une  autredans  la  rue  Saint- 
Jacques,  on  les  appela  dès  lors   Jacobins, 

(2)  Vit.  de  gl.  Uuom.  «Huit.  degl.  Ord.  de  S.  Dont, 


03 


DOM 


noM 


i  i 


nom  qu'ils  ont  retenu  jusqu'à  présent  par 
toute  la  France. 

Quelque  temps  après  que  saint  Domini- 
que eut  ainsi  dispersé  ses  disciples,  il  quilta 
Toulouse  pour  aller  en  llalie,  et  choisit  pour 
compagnon  le  bienheureux.  Etienne  de  Melz. 
Il  prit  sa  route  par  Paris,  et  de  là  par  La  Lor- 
raine, pour  aller  à  Venise  par  les  frontières 
d'Alli  magne.  En  passant  à  Metz  il  y  bâtit 
un  couvent  de  son  ordre,  dont  il  donna  la 
conduite  à  on  compagnon  le  bienheureux 
Etienne,  qui  fut  peuplé  en  peu  de  temps  d'un 
grand  nombre  de  religieux  à  qui  il  donna 
lui-même  l'habit  pendant  le  séjour  qu'il  fit 
en  celte  ville.  Il  prit  six  de  ces  religieux, 
qu'il  mena  avec  lui  en  lia  ie.  Il  fonda  encore 
un  autre  couvent  à  Venise,  où  ayant  encore 
laissé  quelques-uns  de  ses  compagnons,  il 
s'en  alla  à  Home  pour  essayer  d'y  mettre  le 
centre  de  son  ordre,  qui  de  là  pourrait  plus 
facilement  s'étendre  dans  les  autres  villes 
jusqu'aux  extrémités  du  monde. 

Le  pape  Honorais  111  lui  donna  d'abord 
l'église  de  Saint-Sixte  et  ses  dépendances 
pour  en  faire  un  couvent;  mais  à  quelque 
temps  de  là  ayant  fait  donner  cette  maison 
aux  religieuses  deson  ordre,  comme  nous  l'a- 
vons dit  à  1  article  Dominicaines,  il  obtint  du 
même  pape  l'église  de  Sainte-Sabine  avec  une 
partie  de  son  propre  palais,  pour  servir  de 
demeure  à  ses  religieux,  qui  se  trouvaient 
déjà  en  grand  nombre.  Ce  fut  dans  ce  mo- 
nastère que  l'an  1219  il  quitta  son  habit  et 
celui  de  ses  frères,  qui  avaient  été  jusque-là 
des  chanoines  réguliers,  pour  prendre  celui 
que  l'on  prétend  que  la  sainte  Vierge  montra 
au  bienheureux  Renaud  d'Orléans,  qui  con- 
sistait en  une  robe  blanche,  un  scapulaire 
de  même  couleur,  auquel  était  attaché  le 
ehaperon  de  la  même  façon  que  le  portent 
encore  aujourd'hui  les  Chartreux,  les  reli- 
gieux de  Saint-Dominique  de  Poilugal  et 
ceux  de  laCongrégation  du  Saint-Sacrement 
en  F:ance.  dont  nous  parlerons  aussi  dans 
la  suite.  Ils  prirent  aussi  la  chape  et  ie  cha- 
peron noir  aboutissant  en  pointe  comme 
celui  des  Chartreux  (1). 

11  avait  envoyé  l'année  précédente  de  nou- 
veaux missionnaires  à  Bologne  qui  y  avaient 
fondé  un  couvent,  l'église  de  Notre-Dame  de 
la  Mascarella  leur  ayant  été  accordée  pour 
ce  sujet.  Mais  celle  même  année  12. :)  ils  en 
obtinrent  un  second  dans  la  même  ville,  qui 
est  de\enu  si  recommandable  dans  la  suite 
fies  temps,  qu'il  est  l'un  des  plus  beaux  et 
des  plus  fameux  d'Italie,  tant  par  la  magni- 
ficence de  ses  bâtiments,  de  ses  cloîtres  et 
par  le  nombre  des  religieux,  qui  est  ordi- 
nairement de  cent  cinquante,  que  pour  l'a- 
vantage qu'il  a  de  posséder  les  sacrées  reli- 
ques de  ce  saint  fondateur,  qui  tint  deux 
chapitres  généraux  dans  ce  couvent  en  1220 
et  1221.  Dans  le  premier  on  fit  plusieurs 
règlements  pour  maintenir  dans  l'ordre  la 
discipline  régulière  et  la  pauvreté,  à  laquelle 
ils  s'engagèrent  en  renonçant  dans  ce  chapi- 
tre à  toutes  les  renies  et  possessions.  Ce  qui 


porta  saint  Dominique  à  ce  renoncement 
furent  les  effets  admirables  de  la  divine  pro- 
vidence, dont  il  avait  vu  les  preuves  dans 
le  chapitre  général  de  l'ordre  des  Frères 
Mineurs  que  saint  François  avait  tenu  l'an- 
née précédente  à  Assise,  où  se  trouvèrent 
plus  de  cinq  mille  religieux  qui  ne  manquè- 
rent de  rien,  quoiqu'ils  ne  possédassent  au- 
cun revenu  :  ce  qui  toucha  si  vivement  saint 
Dominique,  qui  s'était  trouvé  pour  lors  à 
Assise  pour  admirer  ces  hommes  apostoli- 
ques, qu'il  résolut  de  faire  embrasser  la 
même  pauvreté  à  ses  religieux,  et  que,  au 
rapport  de  sainl  Antonin,  il  donna  en  mou- 
rant sa  malédiction  à  ceux  qui  introdui- 
raient dans  son  ordre  les  renies  et  les  pos- 
sessions. 

J'avoue  que  la  plupart  des  historiens  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique  soutiennent  que 
leur  fondateur  ne  se  trouva  point  à  ce 
chapitre  des  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
François,  suc  ce  qu'ils  prétendent  que  saint 
Dominique  était  pour  lors  en  Espagne;  et  à 
cause  que  ce  l'ait  est  rapporté  pir  Wadding 
et  quelques  autres  historiens  de  l'ordre  des 
Mineurs,  le  P.  Rechac,  Dominicain,  par  une 
fade  raillerie  ,  dit  que  c'est  une  tradition 
grise;  mais,  sans  examiner  si  elle  est  grise 
ou  blanche  et  noire,  il  est  certain  qu'aucun 
des  écrivains  de  l'ordre  de  Saint-Dominique 
ne  s'accorue  sur  le  temps  que  demeura  ce 
saint  en  Espaane  ,  ni  dans  quelle  année  il  y 
fut  et  qu'il  en  revint,  le  nombre  de  ceux 
qui  la  mettent  en  1218  étant  plus  grand  que 
de  ceux  qui  prétendent  que  ce  fut  l'an  1219. 
Ouoi  qu'il  en  soit ,  c'est  une  question  peu 
importante  desavoir  si  ce  fut  à  l'exemple  de 
saint  François,  ou  de  son  propre  mouvement 
que  saint  Dominique  renonça  à  toutes  les 
rentes  el  les  possessions  dans  le  premier 
chapitre  général  qu'il  tint  à  Bologne  l'an 
12^0.  L'année  suivante  1221  il  y  tint  encore 
un  second  chapitre  général  ,  où  l'on  divisa 
l'ordre,  qui  avait  déjà  soixante  couvents,  en 
huit  provinces  ,  qui  furent  celles  d'Espagne, 
de  Toulouse  ,  i'e  France,  de  Lombardie,  de 
Rome,  de  Provence,  d'Allemagne  et  d'Angle- 
terre, et  on  élut  pour  chaque  province  un 
provincial.  Le  chapitre  étant  fini  ,  saiut 
Dominique  envoya  des  religieux  en  Ecosse, 
en  Irlande  el  dans  les  pays  du  Nord  jus- 
qu'en Norwége  ,  et  s  >us  le  pôle  ,  el  dans  le 
Levant,  jusque  dans  la  Palestine.  Il  alla 
ensuite  à  Manloue,  à  Ferraro,  à  Venise, 
d'où  il  retourna  à  Bologne,  où,  après  avoir 
travaillé  si  utilement  pour  le  bien  de  l'Eglise 
et  pour  l'établissement  de  son  ordre  ,  il 
termina  heureusement  ses  jours  dans  son 
second  couvent,  qu'on  appelait  pour  lors 
Saint-Nicolas  des  Vignes,  et  rendit  son  âme 
à  son  créateur  le  sixième  jour  d'août  l'an 
1221.  Le  cardinal  Hugolin,  légat  du  sainl- 
siége ,  fil  la  cérémonie  de  sa  sépulture  ,  ac- 
compagné du  patriarche  d'Aquilée  ;  et  ce 
cardinal  ayant  été  depuis  pape  sous  le  nom 
de  Grégoire  IX  le  canonisa  le  13  juillet 
123V. 


(t)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n"  15, 14  et  15. 


95 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


9£ 


Vey.  Hernando  de  Castiglio,  Juan  Lopez, 
el  Anlon.  île  Remescl,  Hisl.  (le  San  Domingo, 
y  desuordende  Predicadores.  Ludov.Cabecas, 
Ilist.  de  San  Domingos.  Thom.  Maluenda  , 
Annal,  ord.  Prœd.  Leand.  Albert,  de  Viris 
illustrïb.  ord.  Prœd.  (Yio.  Michel  Pio,  Vit.  de 
gli  iluomini  illustri  di  S.  Domenico.  et  Hist. 
délia  nobil.  progen.  de  S.  Domenico.  Anlon. 
Senens.  Chronic.  FF.  Prœdicalorum.  et  Vitt. 
SS.  PP.  ord.  Prœd.  Vincent.  Maria  Fonlana, 
Monumriiia  Dominicana,  Tlieatrum  Domini- 
canum,  et  Constitution.,  déclaration,  et  ordi- 
nation. Capitulai  uni  Gêner  il.  ord.  Prœdicat. 
Scraph.  Razzi,  Vit.  de  primi  sancti  et  beati 
del  ord.  di  Predie.  et  Istoria  de  gli  Fluomini 
illustri  del  ord.  de  Prédicat.  Jean  de  Rechac, 
Vies  de  saint  Dominie/ue  et  de  ses  premiers 
compagn.  Jacob  Perrin,  Monumenla  Conten- 
tas Tolosani  ord.  Prœdicat.  Jean-Baptiste 
Feuillet  et  Thomas  Souéges  ,  Année  Domi- 
nicaine. Silveslr.  Maruli.  Mar.  Océan,  di  tult. 
gli  Rdii/ion.  Pietio  Crecenz ,  Presidio  Ro- 
muno.  Pauolo  Morigia  ,  Hist.  dell'origin.  di 
lutte  le  Iieligioni.ei  Hermanl,  Hist.  des  Ordr. 
religieux,  tom.  II.  Giry  et  Raillet,  Vies  des 
saints,  4  août. 

§  II.  Du  grand  progrès  de  l'ordre  des  Frères 
Prêcheurs,  et  des  dignités  et  offices  atta- 
chés à  cet  ordre. 

Après  la  mort  de  saint  Dominique,  les 
religieux  de  son  ordre  s'assemblèrent  à 
Paris  l'an  1222  dans  un  chapitre  général, 
pour  lui  donner  un  successeur,  et  élurent  le 
bienheureux  Jourdain  de  Saxe,  quoiqu'il 
n'y  eût  pas  plus  de  deux  ans  et  trois  mois 
qu'il  fût  dans  cet  ordre;  mais  son  insigne 
piété  et  son  grand  mérite,  qui  l'avaient  déjà 
éle\é  à  la  charge  de  provincial  de  Lombar- 
die,  le  firent  encore  choisir  de  tous  les  frères 
pour  les  gouverner  en  qualité  de  général.  Il 
envoya  après  son  élection  des  religieux  en 
Allemagne  ,  où  ils  fondèrent  de  nouveau 
quatre  couvents.  Il  en  envoya  d'autres  dans 
la  terre  sainte  ,  où  ils  fondèrent  en  peu  de 
temps  cinq  autres  couvents;  et,  le  nombre 
s'augmentant  de  jour  en  jour,  on  érigea 
quatre  nouvelles  provinces  dans  le  chapilre 
général  qui  fut  tenu  à  Paiis  l'an  1228  : 
savoir,  les  provinces  de  Grèce,  de  Pologne, 
de  Danemark,  et  de  terre  sainte.  Il  défendit 
très-élrnilemeut  à  Ions  les  religieux  de  man- 
ger de  la  viande  ,  ni  rien  de  cuit  avec  la 
viande,  même  dans  les  maladies ,  sans  per- 
mission de  leurs  supérieurs  ;  mais  celle 
grande  rigueur  a  été  modérée  dans  la  suite 
dans  le  chapitre  qui  se  tint  aussi  à  Paris 
l'an  1230.  Il  déclara  la  résolution  qu'il  avait 
prise  de  passer  en  terre  sainte.  En  effet ,  il 
s'embarqua  pour  ce  voyage  ;  mais,  à  la  vue 
du  porl  d'Acre,  comme  le  vaisseau  était  près 
d'y  entrer,  une  grande  tempête  s'éleva  qui 
le  fit  submerger,  et  le  bienheureux  Jourdain 
avec  ses  compagnons  y  périt  après  avoir 
gouverné  l'ordre  pendant  quinze  ans.  Ce  fut 
lui  qui  poursuivit  la  canonisation  de  saint 
Dominique,  dont  il  transféra  les  |irécieuses 
reliques  dans  un  tombeau  de  marbre. 
Saint  Raymond  de  Peguaforl  lui  succéda 


dans  le  gouvernement  de  l'ordre  ,  ayanl  élé 
élu  dans  le  chapilre  général  qui  se  tint  aussi 
à  Paris  l'an  1237.  11  rédigea  par  écrit  les 
constitutions  ;  il  leur  donna  une  meilleure 
forme,  et  les  divisa  en  deux  parties.  Dans  le 
premier  chapitre  général  qu'il  tint,  il  fit  re- 
cevoir une  ordonnance  qui  portail  qu'il  serait 
permis  aux  généraux  de  se  démettre  de  leur 
office  quand  bon  leur  semblerait ,  et  qu'on 
serait  lenu  d'accepter  leur  démission  :  c'est 
pourquoi,  profilant  de  celte  ordonnance,  il 
renonça  au  généralal  dans  un  autre  chapilre 
qu  il  tint  l'année  suivante.  Onlui  donna  pour 
successeur  Jean  de  Waldosusen  en  West- 
phalie,  sous  le  gouvernement  duquel  l'ordre 
tilde  nouveaux  progrès,  ayant  (onde  trente- 
quatre  couvenls.  Il  y  eut  cinquante-quatre 
établissements  sous  le  généralat  du  bien- 
heureux Humbert,  cent  vingt-cinq  sous  celui 
du  bienheureux  Jean  de  Verceil,  et  le  nom- 
bre des  couvenls  s'est  tellement  multiplié 
sous  les  aulres  généraux,  que  l'ordre  est 
présentement  divisé  en  quarante-cinq  pro- 
vinces ,  dont  il  y  en  a  une  sous  le  litre  de 
Sainle-Cioix  des  Indes  occidentales  ,  une 
sous  celui  de  Saint-Jacques  de  Mexique  dans 
l'Amérique,  une  de  Sainl-Jean-Baplisle  du 
Pérou ,  une  de  Saint-Vincent  de  Chiapa 
dans  l'Amérique  ,  une  de  Sainl-Antonin  du 
nouveau  royaume  de  Grenade,  une  de  Nak- 
siran  dans  l'Arménie,  une  de  Sainte-Cathe- 
rine ,  martyre  de  Quito,  dans  l'Amérique; 
une  de  Sainl-Laurenl  de  Chili  au  royaume 
de  Chili,  aussi  dans  l'Amérique;  une  du 
Saint -Rosaire  des  Philippines  aux  Indes 
orientales  ,  une  de  Sainl-Hippolyle,  martyr 
d'Oxaca  ,  dans  l'Amérique  ,  el  une  des  iles 
Canaries;  ce  qui  fait  voir  combien  cet  ordre 
s'est  répandu  dans  toutes  les  parties  du 
monde.  Outre  ces  quaranle-cinq  provinces, 
il  y  a  encore  douze  congrégations  ou  réfor- 
mes particulières  gouvernées  par  des  vicaires 
généraux,  desquelles  nous  parlerons  dans  la 
suite. 

Je  crois  bien  que  les  religieux  de  cet  ordre 
ont  aussi  passé  en  Elhiopie  dès  l'an  1253  et 
qu'ils  y  ont  travaillé  à  la  conversion  des 
peuples  de  ce  pays-là,  comme  quelques  au- 
teurs du  mêmeordrele  prétendent,  alléguant 
pour  cet  effet  une  bulle  du  pape  Innocent  IV 
adressée  aux  religieux  qui  étaient  en  Elhio- 
pie el  en  d'autres  pays.  Mais  ce  que  dil  le 
P.  Louis  d'Urret  i  dans  l'Histoire  de  l'ordre 
de  Saint-Dominique  en  Ethiopie  qu'il  a  com- 
posée en  espagnol  et  publiée  l'an  1611, 
n'est  pas  soulenable.  Il  prétend  que  ces 
religieux  y  ont  plusieurs  couvents,  dont  les 
principaux  sonl  ceux  de  Plurimanos  et  d'AI- 
leluya  ;  que  dans  le  premier  il  y  a  toujours 
neuf  mille  religieux  et  plus  de  trois  mille 
ouvriers  et  serviteurs,  et  dans  celui  d'Aile— 
luya  sept  mille  religieux  ;  que  le  couvent  de 
Plurimanos  a  quatre  lieues  de  circuit;  qu'il 
contient  quatre-vingts  dortoirs,  que  chaque 
dortoir  a  une  grande  cour,  un  cloitre,  une 
bibliothèque,  une  sacristie  et  une  église  par- 
ticulière, où  tous  les  religieux  de  ce  dortoir 
disent  l'office  divin  pendant  la  semaine  ;  mais 
que  tous  les  dortoirs  sont  disposés  de  telle 


M  DOM 

sorte,  qu'un  des  bouts  répond  de  plain-pied 
à  la  grande  église  où  tous  les  religieux  se 
trouvent  le  dimanche  pour  chanter  l'office  en 
commun,  et  que  l'autre  bout  répond  au  ré- 
fectoire, qui  a  deux  milles  de  longueur, c'est- 
à-dire  une  lieue,  où  tous  les  religieux  man- 
gent ensemble  tous  les  jours;  que  dans  ce 
réfectoire  il  y  a  un  serviteur  pour  trois  tables, 
au  bout  desquelles  il  y  a  un  passoir  qui  ré- 
pond à  la  cuisine,  qui  est  aus>i  commune 
pour  tous  les  religieux  ;  et  qu'il  y  a  un  grand 
et  \asle  cloitre  proche  la  grande  église,  qui 
sert  à  faire  les  processions  ;  que  le  sacristain 
de  la  grande  église  donne  le  signal  pour  aller 
à  l'office,  et  qu'en  même  temps  les  sacristains 
des  églises  particulières  de  chaque  dortoir 
sonnent  aussi  ,  afin  que  les  religieux  se 
rendent  dans  leurs  églises. 

Nous  croirions  ennuyer  le  lecleur  si  nous 
voulions  rapporter  loules  les  fables  que  le 
P.  d'Urreta  débite  touchant  ce  couvent, 
son  fondateur  saint  Thècle-Aymanol  ,  S. 
Thècle-Avaret,  sainte  imate,  sainte  Glaire, 
et  autres  saints  de  son  ordre,  à  ce  qu'il  pré- 
tend, et  touchai»;  les  couvents  d'Alleluya  et 
de  Beningali.  Nous  en  avons  suffisamment 
parlé  dans  la  préface  qui  est  à  la  télé  du 
premier  volume  de  celte  Histoire;  de  telles 
fables  ne  méritent  pas  d'être  réfutées,  mais 
nous  ferons  seulement  remarquer  que  ce 
Thècle-Aymanot  que  les  religieux  de  l'ordre 
de  Saint-Dominique  s'attribuent,  et  dont  ils 
niellent  la  mort  l'an  1366,  vivait  l'an  620, 
c'est-à-dire  près  de  cinq  cent  cinquante  ans 
avant  la  naissance  de  leur  fondateur.  C'est 
ce  même  Thècle-Aymanol  qui  fut  le  restau- 
rateur de  la  vie  monastique  en  Ethiopie, 
suivant  le  témoignage  de  M.  Ludolphe,  très- 
versé  dans  l'histoire  de  ce  pays;  et  le  cou- 
vent de  Plurimanos  est  sans  doute  celui  de 
Debra  Libauos,  qui  fut  transféré  à  Bagendra, 
comme  nous  avons  dit  ailleurs. 

Le  P.  Séraphim  Razzi,  qui  avant  le  P. 
Louis  d'Urreta  avait  donné  Jes  Vies  de  ce 
Thècle-Aymanol  et  de  quelques  autres  saints 
d'Ethiopie,  avoue  que  ce  qu'il  en  dit  n'est 
que  sur  le  rapport  de  deux  Ethiopiens  ou 
Abyssins,  qui  se  disaient  de  l'ordre  de  Saint- 
Dominique,  et  qui  lurent  reçus  en  cette 
qualité  l'an  1513  dans  le  couvent  de  cet  or- 
dre à  Pise,  d'où  ils  allèrent  à  Home,  où  l'un 
d'eux,  ayant  demeuré  près  de  trois  ans,  et 
avant  appris  la  langue  italienne,  laissa  par 
écrit  la  description  de  ce  prétendu  couvent 
de  Plurimanos  et  de  celui  de  l'Alleluya,  avec 
les  vies  de  quelques  saints  de  l'ordre  de 
Saint-Dominique  qui  sont  morts  en  Ethio- 
pie, comme  des  saints  Thècle-Aymanot, 
fondateur  de  ce  beau  et  spacieux  monastère 
de  Plurimanos;  Thècle-Avaret,  Philippe, 
André,  Samuel,  et  des  s  nntes  Imate,  Claire, 
et  quelques  autres.  Michel  Pio  dit  aussi  la 
même  chose,  et  le  P.  Louis  d'Urreta  recon- 
naît que  l'an  1515  il  y  en  eut  huit  qui  furent 
reçus  dans  le  couvent  de  Valence,  et  qui  ve- 
naient de  Rome.  Apparemment  que  de  ce 
nombre  était  cet  Abyssin  qui  avait  laissé  à 


DOM 


'S 


Rome  la  description  du  couvent  de  Plurima- 
nos, et  qui  avait  composé  les  Vies  de  ces 
saints  d'Ethiopie,  dont  il  laissa  aussi  des 
mémoires  en  Espagne  qui  ont  servi  au  P. 
Louis  d'Urreta  à  composer  son  Histoire. 
Ainsi  il  y  a  lieu  de  s'étonner  de  ce  que  sur 
la  bonne  foi  de  quelques  Abyssins  inconnus, 
sans  crédit  et  sans  autorité,  les  PP.  Razzi 
d'Urreta,  Pio  el  les  autres  historiens  de  cet 
ordre  aient  débité  de  telles  fables. 

Mais  quoique  nous  n'accordions  pas  à 
l'ordre  de  Saint-Domi  tique  Thècle-Ayma- 
not, Thècle-Avaret,  et  les  autres  saints  d'E- 
thiopie dont  parlent  les  hisl  i  mis  de  cet  or- 
dre, ce  ne  sera  lui  rien  diminue*  de  la  gloire 
qu'il  a  acquise  d'avoir  donné  un  nombre  in- 
fini de  martyrs,  de  saints  pontifes,  de  con- 
fesseurs et  de  sainles  vierges.  Outre  les 
grands  personnages  que  leur  science,  leur 
mérite  et  leur  vertu  ont  élevés  aux  premiè- 
res dignités  de  l'Eglise,  on  y  compte  trois 
papes,  qui  sont  Innocent  V,  Benoît  IX  et 
saint  Pie  V,  canonisé  l'an  1712  par  le  pape 
Clément  XI;  plus  de  soixante  card  naux, 
plusieurs  patriarches,  près  de  centeinquante 
archevêques,  et  environ  huit  cents  évoques, 
outre  les  maîtres  du  sacré  palais,  dont  l'of- 
fice a  toujours  été  exercé  par  un  religieux 
de  cet  ordre,  depuis  que  saint  Dominique  en 
fut  revêtu  le  premier  par  le  pape  Ùono- 
rius  III  l'an  1218. 

Ce  qui  donna  lieu  à  l'érection  de  cet  of- 
fice fui  que  saint  Dominique  ayant  obtenu 
du  pape  Hor.orius  le  couvent  de  Sainte-Sa- 
bine avec  une  parte  du  palais  de  ce  pontife 
pour  servir  de  demeure  à  ses  religieux  (1), 
comme  nous  avons  dit  dans  le  paragraphe 
précédent,  il  fut  sensiblement  louché  de  ce 
que,  pendant  que  les  cardinaux  et  les  minis- 
tres de  la  cour  étaient  avec  le  pape,  leurs 
domestiques  s'amusaient  à  jouer  el  à  perdre 
leur  temps;  c'est  pourquoi  il  conseilla  au 
pape  de  préposer  quelqu'un  pour  leur  faire 
des  instructions.  Le  pape  approuva  ce  con- 
seil et  chargea  saint  Dominique  de  cet  em- 
ploi. Ce  saint  leur  expliqua  les  Epîtres  de 
saint  Paul;  et  ses  instructions  eurent  un 
succès  si  heureux,  que  le  pape  voulut  que 
l'on  continuât  à  l'avenir  ces  instructions,  et 
que  cet  emploi  fût  donné  à  un  religieux  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique,  qui  prendrait 
la  qualité  de  maître  du  sacré  palais,  ce  qui  a 
été  pratiqué  jusqu'à  présent;  mais  le  maître 
du  sacré  palais  ne  fait  plus  ces  instructions 
aux  domestiques  des  cardinaux,  il  ne  les 
fait  qu'aux  domestiques  du  pape,  qu'il  est 
obligé  d'instruire  dans  les  choses  de  la  foi, 
le  carême,  l'avent  el  les  fêtes  principales  ; 
ou  bien  il  le  fait  faire  par  ses  compagnons. 

Les  papes  ont  dans  la  suite  accordé  beau- 
coup d'honneurs  et  de  prééminences  aux 
maîtres  du  sacré  palais.  Eugène  IV,  ayant 
pourvu  de  cet  ofiice  Jean  de  Turrecremata, 
qui  fui  ensuite  cardinal,  ordonna  par  une 
bulle  de  l'an  1436  que  les  maîtres  du  sacré 
palais  auraient  place  dans  la  chapelle  du 
pape  immédiatement  après  le  doyen  des  au- 


(1)  Vù*mJ.  Mar.   Fontana,  Syltabus   Majist.  S.  Palatii. 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


09 

diteurs  de  Rote,  qne  lai  seul  examinerait  les 
sermons  que  l'on  devait  faire  da:is  cette  cha- 
pelle; que  personne  n'y  pourrait  prêcher,  à 
moins  qu'il  n'eût  été  nommé  par  le  maître 
du  s.irri'  palais  ;  qu'au  cas  qu'il  fût  obligé 
de  s'absenter  de  Rome,  il  pourrait  avee  la 
permission  du  pape  substituer  quelque  autre 
a  sa  place,  qui  jouirait  des  mêmes  honneurs, 
et  que  personne  ne  pourrait  être  reçu  d-ins 
Rome  docteur  en  théologie  sans  sa  permis- 
sion. Calixle  III  confirma  l'an  >kï6  non-seu- 
lenient  le  droit  que  le  pipe  Eugène  avait 
accordé  au  maître  du  sacré  palais  de  nom- 
mer ceux  qui  devaient  prêcher  dans  la  cha- 
pelle du  pape,  mais  il  lui  accorda  encore  ce- 
lui de  reprendre  publiquement  ces  prédica- 
teurs, même  en  présence  du  pape,  s'il  y 
avait  quelque  chose  de  répréhensible  dans 
leurs  discours. 

Léon  X  ordonna  que  l'on  ne  pourrait  rien 
imprimer  dans  la  ville  de  Rome  ni  dans  sou 
district  sans  l'approbation  et  la    permission 
du  cardinal   vicaire  et  du  maître  du   sacré 
palais,  ce  qui  lut  confirmé   l'an  1620  par  te 
pape  l'aul  V,  et  l'an  1625  Urbain  Vill  défen- 
dit à  tous  ceux  qui  auraient  composé  dans 
l'Etat  ecclésiastique  quelques  ouvrages  sur 
quelque  matière  que  ce  pût  être,  de  les  faire 
imprimer   en    pays   étranger  sans   la  même 
permission.  Mais  présentement  le  maître  du 
sacré    palais   ou  ses    compagnons    donnent 
seuls  la  permission  d'imprimer  les  livres.  11 
est  juge  dans  Home  de  lous  les  imprimeurs, 
libraires  et  graveurs,    pour  ce  qui  regarde 
l'impression,  la  vente,  l'achat,  l'entrée  et  la 
sortie  des  livres  et  des  estampes.  Il  est  con- 
sulteur-né  des  congrégations   du   Saint-Of- 
fice et  des  Riies.  11  assiste  aussi  comme  pré- 
lat à  celle  de  l'Index  et  à  celle  qui  se  lient 
chez  le  cardinal  vicaire  pour  le  concours  des 
curés  de  Rome.   11  nomme  des   compagnons 
qui  sont  aussi   religieux  de  son  ordre,  qui 
signent   les    permissions   pour    l'impression 
des  livres,  et  font  la  visite  chez  les  libraires, 
et  il  a  le  litre   de   réverendissime,    que  les 
cardinaux    mêmes    lui    donnent.    Le    pape 
Pie  V  fonda  pour  son  entretien  un  canonicat 
dans  la  basilique  de  Saint-Pierre,    avec  le 
titre  de  théologal,  par  une  bulle  de  l'an  1570, 
et  il  en    pourvut   Thomas  Menrique,   pour 
lors  maître  du  sacré  palais;  mais  après  la 
mort  de   Mennque,  Sixte  V,  par  une   autre 
bulle  de   l'an  1586,  révoqua  celle  de  Pie  V, 
voulant  que  celte  prébende  fût  possédée  par 
nu  ecclésias  ique  ;   ei  par  la  même   bulle  il 
donna  au  maître  du   sacré  palais   une  pen- 
sion de  trois  cents  écus  romains    sur   l'ab- 
baye de  Sainte-Marie  de  Terreto  de  l'ordre 
de  Saint-Basile,  au  royaume  de  Naples,  que 
le   cardinal   Rusticucci    possédait  en  coui- 
mende  ;  voulant  que  celle  pension,  dont  les 
maîtres  du  sacré  palais   ont   toujours  joui, 
fùl  exempte  de  toutes   charges   et   imposi- 
tions,  sous  quelque  prétexte  que  ce  fût.  Lu 
pape  lui  entretii'iu  aussi  un  carrosse. 

Nous  avons  dit  ci-devant  que  le  pape  Eu- 
gène 'V  avait  ordonné  l'an  ik36  que  le  maî- 
tre du  sacré  palais  aurait  place  dans  la  cha- 
pelle papale  immédiatement  après  le  doyen 


'.00 


des  auditeurs  de  Rote  ;  mais  l'an  1G55  Alex;:  .i- 
dre  VIJ  ordonna  qu'il  aurait  séance,  tant 
ilans  la  chapelle  du  pape  que  dans  les  céré- 
monies, après  les  auditeurs  de  Rôle,  et  qu'il 
aurait  le  pas  devant  tous  les  «  lercs  de  la 
chambre  apostolique,  ;ui  sont  comme  les 
conseillers  du  conseil  des  finances  du  pape; 
et,  afin  que  l'on  voie  l'autorité  que  le  maître 
du  sacre  palais  exerce  dans  Rome,  nous  rap- 
porterons ici  l'ordonnance  que  chaque  maî- 
tre du  sacré  palais  publi>  lorsqu'il  est  nou- 
vellement pourvu  de  cet  office. 

Ordonnance  du  maître  du  sacré  palais.  — 
I.  L'expérience  ayant  fait  connaître  la  gran- 
deur du  préjudice  et  du  danger  que  cause 
la  lecture  des  livres  défendus,  à  la  pureté  de 
la  foi  et  aux  bonnes  mœurs,  non  sans  of- 
fenser la  divine  majesté,  et  au  détriment  de 
l'âme  ;  par  ordre  exprès  et  commission  de 
noire  irès-saint  père  le  pape  N.  le  frère  N., 
maître  du  sacré  palais,  juge  ordinaire,  etc., 
commande  et  défend  par  la  présente  ordon- 
nance, sous  peine  de  la  perte  des  livres,  de 
trois  cents  écus  d'amende  et  autre  peine 
corporelle,  à  imposer  à  si  volonté  (outre  les 
censures  et  peines  contenues  dans  les  saints 
canons,  l'Index  des  livres  défendus,  la  bulle 
In  Cœna  Dominï  ,  et  autres  constitutions 
apostoliques),  que  personne  n'ait  la  har- 
diesse de  porter  dans  Rome  et  hors  de  Rome, 
de  retenir,  acheter,  vendre,  donner  et  prê- 
ter aucun  livre  défendu  et  suspect,  sous 
quelque  litre  que  ce  soit,  sans  sa  permission 
expresse  et  par  écrit.  Et,  au  cas  que  quel- 
qu'un porte  a  un  libraire  un  livre  défendu, 
Sa  Réverendissime  Paternité  ordonne  que  le 
libraire  le  retiendra  en  présence  d'un  autre 
libraire  son  voisin  et  de  deux  témoins,  et 
que  dans  le  terme  de  huit  jours  il  le  portera 
à  Sa  Réverendissime  Paternité  ou  à  ses  com- 
pagnons, ce  qui  s'enlend  aussi  des  mêmes 
libraires,  en  quelque  autre  manière  que  ce 
puisse  être,  sous  la  même  peine. 

II.  De  plus,  par  la  présente  ordonnance, 
Sa  Réverendissime  Paternité  révoque  toutes 
les  permissions  qui  ont  été  ci-devant  don- 
nées par  les  maîtres  du  sacré  palais,  tant  de 
vive  voix  que  par  écrit,  en  quelque  manière 
que  ce  soit,  déclarant  que  ceux  qui  vou- 
draient s'en  servir  encourront  les  mêmes 
peines  que  ceux  qui  retiennent  des  livres 
défendus  sans  permission. 

III.  Que  toutes  sortes  de  livres,  histoires, 
oraisons,  almanachs,  images,  ou  figures  et 
quelque  autre  chose  imprimée ,  si  petite 
qu'elle  puisse  être,  que  l'on  appuiera  à 
Rome,  seront  consignés  à  la  douane  ou  pré- 
sentés à  Sa  Réverendissime  Paternité  ou  à 
ses  compagnons  pour  en  avoir  la  permis- 
sion, et  que  les  catalogues  des  livres  qui 
sortiront  de  Rome  seront  faits  avec  fidélité, 
en  mettant  le  titre  de  chaque  livre,  le  nom 
de  l'auteur,  le  lieu  et  l'année  de  l'impres- 
sion, et  qui  en  a  été  1  imprimeur,  sous  peine 
de  confiscation  des  livres,  et  de  cinquante 
écus  d'amende,  plus  ou  moins,  selon  la  qua- 
lité des  livres  et  du  délinquant. 

IV.  Qu'aucun  charlatan  n'ait  la  hardiesse 
de  porter  cl  vendre  à  Rome  aucune  chose 


101 


noM 


PO.M 


109 


avec  recettes,  si  auparavant  il  n'a  montré 
lesitites  recettes  à  Sa  Révérendissime  Pater- 
nité ou  à  ses  compagnons,  qui  les  approu- 
veront ou  les  feront  approuver  par  d'autres, 
sous  peine  de  confiscation  de  tout  ce  qu'il 
aura  à  vendre,  et  de  vingt-cinq  écus  d'a- 
mende. 

V.  Que  les  courriers  et  postillons  qui  se- 
ront chargés  de  livres,  si  petits  qu'ils  soient, 
et  pour  toule  sorte  de  personnes  de  quelque 
état,  qualité,  condition  el  prééminence  qu  el- 
les puissent  èlre,  -ot  dedans  ou  hors  de 
Rome,  soient  tenus  de  les  montrer  premiè- 
rement au  maître  do  sacré  palais  ou  à  ses 
compagnons  ou  de  les  laisser  à  la  douane, 
sous  peine  de  cinquante  écus  d'amende  et  de 
trois  traits  de  corde  (1). 

VI.  Qu'aucun  douanier  de  Rome,  soit  de 
terre,  soit  de  rivière,  ne  soit  assez  hardi 
pour  délivrer  les  livres  qui  sont  consignés  à 
la  douane  sans  ladite  permission,  ce  qui 
doit  être  aussi  observé  par  les  commis  des 
portes  sous  les  mêmes  peines. 

VII.  Qu'aucun  batelier,  marinier,  voilu- 
rier,  fourrier  et  roulier,  ne  rende  aux  l.brai- 
res  et  autres  personnes  les  livres  dont  ils 
auront  été  chargés,  avant  que  d'avoir  dé- 
claré à  la  douane  ce  qu'ils  portent,  sous 
peine  de  cinquante  écus  d'amende  ;  s  il  se 
trouve  que  l'on  ait  délivré  quelque  chose 
qui  concerne  l'ofûce  du  maître  du  sacré  pa- 
lais, et  autres  cinquante  <  eus  d'amende  el 
confiscation  de  la  marchandise  pour  celui 
qui  l'aura  reçue. 

VIII.  Que  personne  ne  puisse  vendre  par 
la  ville,  livrets,  histoires,  oraisons,  alma- 
nachs,  lettres,  images  ou  ligures,  ou  quel- 
que autre  chose  imprimée,  si  petite  qu'elle 
soit,  même  de  la  musique,  ou  les  exposer  en 
vente  sur  les  boutiques  ou  dans  les  places 
publiques,  ou  dans  quelque  autre  lieu  de  la 
ville,  s'il  n'est  libraire  de  profession,  ou  s'il 
n'a  permission  du  maître  du  sacré  palais  ou 
de  ses  compagnons.  Déclarant  que  les  re- 
lieurs et  papetiers  sont  compris  sous  le  nom 
de  libraire,  et  pour  ce  sujet  ils  ne  pourront 
vendre  aucun  livre,  soit  vieux  ou  nouveau, 
et  (es  relieurs  relier  aucun  livre  imprimé, 
s'ils  n'en  ont  permission,  et  s'ils  n'ont  fait 
le  serment  ordinaire  et  la  profession  de  foi, 
conformément  au  décret  de  ["Index  des  livres 
défendus  ;  et  personne  ne  pourra  ouvrir 
boutique  d'imprimeur  et  de  libraire,  ou  exer- 
cer celte  profession,  s'il  n'est  approuvé  et 
reçu,  et  s'il  n'a  des  patentes  signées  de  Sa 
Révérendissime  Paternité  ou  de  ses  compa- 
gnons, sous  peine  de  confiscation  des  livres 
et  de  cinquante  écus  d'amende  ,  plus  ou 
moins,  selon  la  qualité  des  livres  et  du  dé- 
linquant, lesquelles  patentes  doivent  être 
renouvelées  à  chaque  changement  de  maî- 
tre du  sacré  palais. 

IX.  Que  les  héritiers  et  exécuteurs  testa- 
mentaires des  libraires  décédés,  ceux  qui 
voudront  vendre  leurs  propres  livres,  et  au- 
tres, ne  puissent  vendre  aucun  livre  de 
quelque  sorte  et  en  tel  nombre  que  ce  puisse 

(I)  Espèce  d'estrapade. 


être,  les  monirer,  les  eslimer,  ou  en  traiter 
avec  d'autres  pour  les  vendre,  ou  en  dispo- 
ser en  quelque  autre  manière,  s'ils  n'en  ont 
obtenu  auparavant  la  permission  du  maitre 
du  sacré  palais  ou  de  ses  compagnons,  sous 
peine  de  confiscation  des  livres  et  de  200 
ecus  d'amende. 

X.  Que  les  juifs,  regratiers,  et  autres  ar- 
tisans ne  puissent  vendre ,  emprunter  et 
prendre  en  nantissement  aucune  espèce  de 
livres,  tels  qu'ils  puissent  être,  sans  la  per- 
mission du  maître  du  sacré  palais  ou  de  ses 
compagnons  ;  et  s'ils  en  ont  à  présent,  qu'ils 
aient,  dans  le  terme  de  huit  jours,  à  en  don- 
ner un  catalogue  fidèle,  sous  peine  de  con- 
fiscation desdits  livres,  de  cinquante  écus 
d'amende,  et  autre  peine,  même  corporelle, 
à  la  volonté  de  Sa  Révérendissime  Paternité. 
Que  s'il  arrive  que  dans  l'encan  des  juifs  et 
de  la  dépositairerie  de  la  chambre,  l'on  y 
vend.1  des  livres,  Sa  Révérendissime  Pater- 
nité ordonne  que  ceux  qui  les  vendront, 
après  en  avoir  obtenu  la  permission,  en 
donneront  avis  à  la  communauté  des  librai- 
res, afin  qu'ils  puissent  se  trouver  à  ladite 
vente,  Sa  Révérendissime  Paternité  ordon- 
nant très-e^pressêmen't  que  hors  de  l'encan 
l'on  ne  puisse  vendre  aucun  livre  mis  en 
séquestre  ou  en  nantissement,  sans  une 
nouvelle  permission,  sous  la  même  peine 
ci-dessus  imposée. 

XI.  Que  tous  les  libraires  et  vendeurs  de 
livres  aient,  dans  le  terme  de  trente  jour-,  à 
donner  au  maitre  du  sacré  palais  ou  à  ses 
compagnons  un  inventaire  fidèle  par  ordre 
alphabétique  de  tous  les  livres,  tant  vieux 
que  nouveaux,  qu'ils  ont,  en  y  marquant  le 
nom  de  l'auteur,  le  titre,  l'imprimeur,  l'an- 
née et  le  lieu  de  l'impression,  et  le  nombre 
des  volumes  de  chaque  sorte,  lequel  inven- 
taire soit  signé  de  leur  main,  et  qu'ils  en 
retiennent  un  double  de  leur  côté;  et  que 
dans  ledit  terme  chaque  libraire  ait  à  so 
présenter  en  personne  pour  se  faire  écrire 
sur  le  livre  que  l'on  retiendra  pour  cet  effet 
dans  l'office  du  maitre  du  sacré  palais,  où 
seront  marqués  tous  les  noms  des  libraires 
et  vendeurs  de  livres  qui  auront  la  permis- 
sion d'exercer  celte  profession.  Passé  ce 
temps,  l'on  procédera  contre  ceux  qui  ne  se 
seront  pas  présentés,  comme  vendant  sans 
permission  ,  et  ils  encourront  les  peines 
portées  dans  l'article  V1I1. 

XII.  Pareillement,  Sa  Révérendissime  Pa- 
ternité ordonne  aux  graveurs,  imprimeurs 
et  marchands  d'estampes  en  taille  douce  ou 
en  bois,  de  se  présenter  dans  le  même  temps 
et  de  donner  un  catalogue  de  toutes  les  es- 
tampes qu'ils  ont  dans  leurs  boutiques,  avec 
le  nom  de  l'auteur,  de  l'imprimeur  et  du  lieu 
où  elles  ont  été  imprimées,  et  de  se  faire 
écrire  dans  le  même  livre,  sous  les  mêmes 
peines. 

XIII.  Qu'aucun  médailliste,  fondeur,  gra- 
veur de  cachets,  tant  en  acier  qu'en  fer, 
bronze  ou  autre  matière,  ne  soit  as-ez  hardi 
de  graver,  fondre  el  jeter  en  moule  aucune 


105 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


104 


figure,  soit  sacrée  ou  profane,  avec  des  let- 
tres ou  sans  lettres,  s'il  n'en  a  la  permission 
du  maîire  du  sacré  palais  ou  de  ses  compa- 
gnons, ce  (îui  se  doit  entendre  aussi  de  tous 
ceux  qui  (ont  des  coins,  poinçons  et  autres 
instruments  pour  frapper  et  marquer  lesdites 
figures  ou  lettres,  sous  peine  de  deux  cents 
écus  d'amende,  de  trois  traits  de  corde,  de 
suspension  de  l'exercice  de  sa  profession,  et 
autres  peines  arbitraires,  selon  la  faute  du 
coupable;  et  que  dans  le  terme  d'un  mois  ils 
se  présentent  tous  devanl  le  maître  du  sacré 
palais  ou  ses  compagnons,  avec  la  iste  des 
figures  et  lettres  qui  sont  gravées  dans  leurs 
coins,  afin  que  l'on  mette  au  bas  la  permis- 
sion de  pouvoir  s'en  servir  dans  leur  profes- 
sion. 

XIV.  Que  tous  les  libraires  aient  à  porter 
au  maître  du  sacré  palais  un  exemplaire 
relié  ou  broché  de  tous  les  livres  nouvelle- 
ment imprimés  ou  réimprimés  qui  viendront 
dans  Rome,  do  manière  qu'on  les  puisse  lire 
aisément,  afin  qu'ayant  été  examinés  et  ap- 
prouvés pour  bons,  on  les  puisse  rendre  aus- 
sitôt au  libraire  qui  les  aura  donnés,  et  qu'il 
puisse  retirer  les  autres  de  la  même  sorte 
qui  resteront  pendant  ce  temps- là  à  la 
douane,  et  qui  ne  pourront  être  délivrés 
qu'avec  la  permission  de  Sa  Révérendissime 
Paternité  ou  de  ses  compagnons  déclarant 
que  tous  les  ordres  qui  seront  donnés  par 
6on  compagnon,  en  pareil  cas,  aux  garçons 
des  libraires  en  l'absence  de  leurs  maîtres, 
obligeront  les  maîtres  comme  s'ils  leur 
avaient  été  signifiés  à  eux-mêmes. 

XV.  Que,  dans  le  même  terme  d'un  mois, 
tous  les  imprimeurs  aient  à  se  présenter 
aussi  en  personne  pour  se  faire  inscrire 
dans  le  même  livre  des  libraires  et  graveurs, 
et  qu'aucun  ne  puisse  de  nouveau  ouvrir 
une  imprimerie,  s'il  n'a  fait  auparavant  le 
même  serment  que  les  libraires,  sous  les 
mêmes  peines. 

XVI.  Qu'aucun  imprimeur  publie  ou  par- 
ticulier n'ait  la  témérité  d'imprimer  ou  réim- 
primer aucun  livre,  manuscrit,  ou  quelque 
auire  chose,  si  petite  qu'elle  soit,  sans  la 
permission  par  écrit  de  Sa  Révérendissime 
Paternité  ou  de  ses  compagnons,  ni  qu'il  soit 
assez  hardi  de  changer,  ajouter  ou  diminuer 
une  seule  parole,  ni  de  mettre  que  l'impres- 
sion soit  faite  en  un  autre  lieu  qu'à  Rome. 
Sa  Révérendissime  Paternité  veut  que  l'im- 
pression soit  conforme  à  la  copie  qui  lui 
aura  été  donnée  signée,  et  qu'il  ne  rende 
point  publique  l'impression  jusqu'à  ce  que 
le  maître  du  sacré  palais  ou  ses  compagnons 
ait  collationné  ladite  impression  sur  la  copie 
signée  de  l'un  d'eux,  laquelle  copie  restera 
toujours  dans  l'ofûce  du  sacré  palais,  et  doit 
être  signée  de  la  propre  main  de  l'auteur, 
avec  la  permission  de  débiter  le  livre.  Et  en 
cas  que  ce  qui  aura  été  signé  par  le  maître 
du  sacré  palais  et  qui  aura  été  donné  à  l'im- 
primeur ne  lût  pas  imprimé,  l'imprimeur 
devra,  avant  de  rendre  la  copie  à  l'auteur, 
la  redonner  au  maître  du  sacré  palais,  afin 
d'effacer  la  permission  qu'il  avait  donnée, 
Ce  peur  que  quand  on  le  voudra  imprimer 


on  n'ajoute  quelque  chose,  et  afin  qu'il 
puisse  être  examiné  de  nouveau  avec  une 
nouvelle  approbation,  sous  pfine  de  confis- 
cation des  exemplaires  et  de  cinquante  écus 
d'or  d'amende. 

XVII.  Que  tous  bs  imprimeurs,  libraires, 
graveurs,  marchands  de  livres  ou  d'estam- 
pes, douaniers,  médaillistes,  courriers,  pos- 
tillons, gardes  et  portiers  des  portes  de  la 
ville,  afin  qu'ils  ne  poissent  ignorer  ce  qui 
est  contenu  dans  la  présente  ordonnance  et 
qu'ils  obéissent  ponctuellement  à  ce  qui  leur 
est  commandé,  aient  à  affii  lier  dans  leurs 
boutiques,  imprimeries,  douanes  et  autres 
lieux  où  ils  exercent  leurs  offices  publique- 
ment, une  copie  de  la  présente  ordonnance, 
sous  peine  de  cinq  écus  d'amende  pour  cha- 
que fois  qu'ils  seront  trouvés  sans  ladite 
ordonnance;  et  de  plus  les  libraires  sont 
obligés  sous  la  même  peine  d'avoir  {'Index 
des    ivres  défendus. 

XVIII.  Toutes  lesquelles  choses  sont  or- 
données et  commandées  sous  lesdites  amen- 
des, applicables  partie  en  œuvres  pieuses, 
partie  aux  dénonciateurs,  qui  ne  seront  point 
nommés,  Sa  Révérendissime  Paternité  se 
réservant  de  diminuer  ou  d'augmenter  les- 
dites peines,  et  de  les  étendre  même  jusqu'à 
punition  corporelle,  suspension  et  privation 
de  la  profession,  et  de  bannissement,  selon 
la  qualité  du  crime  et  des  personnes,  les- 
quelles peines  seront  encore  augmentées  à 
l'égard  de  ceux  qui  feront  récidive,  et  l'on 
procédera  contre  les  transgresseurs  avec  la 
dernière  rigueur. 

Voulant  que  la  présente  ordonnance,  qui 
sera  affichée  et  publiée  à  Rome  aux  lieux 
accoutumés,  oblige  un  chacun  comme  si  elle 
lui  avait  été  signifiée  personnellement.  Don- 
né au  palais  apostolique,  etc. 

Il  y  a  eu  plusieurs  Français  qui  ont  été 
pourvus  de  cet  office.  Le  premier  fut  Hugues 
Seguin  de  Billion)  en  Auvergne,  qui  le  fut 
par  Martin  IV  l'an  1281.  Le  pape  Nicolas  IV, 
l'an  1288,  le  fit  cardinal,  et  il  fut  ensuite  ar- 
chevêque de  Lyon.  Guillaume  de  Bayonne 
succéda  à  Hugues  Séguin  dans  cet  office, 
qu'il  exerça  sous  le  pontificat  de  Nicolas  IV 
et  sous  celui  de  Clément  V,  qui  le  fit  aussi 
cardinal  l'an  1312.  Guillaume  Gavant  de 
Laon  l'exerça  sous  le  pontificat  du  même 
Clément  V;  il  fut  archevêque  de  Vienne,  en- 
suite archevêque  de  Tou  ouse.  Raimoud  Re- 
quin de  Toulouse  fut  pourvu  de  cet  office 
par  le  pape  Jean  XXII;  il  fut  ensuite  évèque 
de  Nîmes  et  patriarche  de  Jérusalem.  Jean 
de  Lcmoy,  confesseur  de  Philippe  IV,  roi 
de  France,  fut  aussi  pourvu  de  cet  office  par 
le  même  Jean  XXII,  Lan  1323;  mais  il  mou- 
rut la  même  année,  et  eut  pour  successeur 
Durand  de  Saint-Porlien,  qui  fut  évêque  du 
Puy  et  de  Meaux.  Jean  XXII  conféra  encore 
cet  office  à  Dominique  Grenier  de  Toulouse, 
qui  fut  ensuite  é>êque  de  Pamiers.  Le  même 
pape  pourvut  encore  de  cet  office  Pierre  de 
Pirelo,  que  Renoît  XII  fit  dans  la  suite  évê- 
que de  Mirepoix.  Raymond  Durand  l'exerça 
sous  le  pontificat  du  même  pape.  Jean  Mor- 
laud  fut  maître  du  sacré  palais  sous  le  pon- 


ras 


DOM 


DOM 


ioG 


lificat  de  Clément  VI;  il  fut  ensuite  général 
de  son  ordre,  et  mourut  cardinal  l'an  1338. 
Guillaume  Sudre,  son  successeur,  exerça 
aussi  cet  office  sous  le  pontificat  du  même 
Cément  VI.  Urbain  V  le  fit  cardinal  l'an 
13C3,  et  évêque  de  Marseille  I  an  1369.  Ni- 
colas de  Saint-Satuinin  de  Clermont  fut  le 
dernier  Fiançais  qui  exerça  cet  office,  dont 
il  fut  pourvu  par  le  pape  Grégoire  XI  l'an 
1370,  et  il  mourut  l'an  1382.  Outre  ces  car- 
dinaux dont  nous  venons  de  parler,  qui  ont 
été  mailres  du  sacré  palais,  il  y  a  eu  encore 
les  cardinaux  Annibaldi,  Statius  de  Datis, 
de  Caseneuve,  de  Turrecremala,  de  Badia, 
Galamini,  MichelMazarin,archevéqued'Aix  ; 
Capisucci  et  Ferrari,  qui  ont  aussi  exercé  cet 
office. 

Un  office  qui  est  encore  exercé  par  un  re- 
ligieux de  cet  ordre  en  plusieurs  provinces, 
et  qui  lui  donne  beaucoup  d'autorité,  est  ce- 
lui d'inquisiteur.  Cet  emploi  était  demeuré 
attaché  a  l'épiscopat  jusqu'à  la  fin  du  dou- 
zième siècle;  mais,  comme  tout  était  en 
trouble  dans  l'Eglise,  où  les  hérésies  se  mul- 
tipliaient; que  les  hérétiques  devenaient  trop 
puissants,  et  que  les  discours  des  prédica- 
teurs et  des  missionnaires  qu'on  envoyait 
pour  les  convertir  étaient  inutiles,  le  pape 
Innocent  III  établit  (selon  quelques-uns)  un 
nouveau  tribunal  qui  regardait  les  matières 
de  la  foi,  pour  punir  sévèrement  les  héréti- 
ques, et  qui  fut  appelé  l'Office  de  l'inquisi- 
tion; et  comme  les  hérétiques  albigeois  fai- 
saient de  grands  désordres  dans  le  Langue- 
doc ,  le  pape  nomma  pour  inquisiteur  saint 
Dominique,  qui  y  travaillait  pour  lors  à  la 
conversion  de  ces  hérétiques.  Mais  les  his- 
toriens de  son  ordre  ne  sont  point  d'accord 
louchant  l'année  que  ce  tribunal  fui  établi; 
plusieurs  auteurs  prétendent  que  saint  Do- 
minique n'exerça  point  cet  emploi,  et  que  ce 
ne  fut  que  l'an  1-232  que  le  pape  Grégoire  IX. 
attribua  le  tribunal  de  l'inquisition  de  Tou- 
louse aux  religieux  de  son  ordre,  qui  est  le 
premier  qui  ail  élé  établi. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'inquisition  passa  en 
Pologne,  en  Italie  et  en  plusieurs  autres 
provinces,  où  les  Dominicains  exercèrent 
l'office  d'inquisiteurs.  Mais  ces  offices  étant 
passés  en  d'autres  mains  dans  la  plupart  de 
Ces  provinces,  ils  ne  leur  sont  restés  qu'en 
quelques  lieux  d'Italie  ,  où  ils  l'exercent 
avec  autorité  dans  Irente-deux  tribunaux, 
en  autant  de  villes,  aussi  bien  que  dans  celle 
d'Avignon  et  de  Cologne,  mais  seulement  en 
qualité  d'inquisiteurs  provinciaux,  eteomme 
délégués  des  cardinaux  qui  composent  la 
congrégation  du  Saint-Office  à  Rome,  et  qui 
sont  inquisiteurs  généraux.  Autrefois  le  gé- 
néral de  l'ordre  de  Saint-Dominique  nom- 
mait ces  inquisiteurs  ;  mais  présentement 
ils  sont  institués  par  le  pape  ou  par  la  con- 
grégation du  Saint-Office.  Cette  congréga- 
tion, par  un  privilège  accordé  à  l'ordre  de 
Saint-Dominique,  se  lient  au  couvent  de  la 
Minerve,  tous  les  mercredis,  dans  l'apparte- 
ment du  général  de  cet  ordre,  qui  y  assiste 
avec  le  maître  du  sacré  palais  et  le  commis- 
saire du  Saint-Office,  qui  est  aussi  religieux 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  II. 


du  mémo,  ordre  ,  et  qui  fait  sa  demeure  or- 
dinaire dans  le  palais  du  Saint-Office.  Le 
secrétaire  de  la  congrégation  de  V Index  des 
livres  défendus  ,  composée  de  plusieurs  car- 
dinaux ,  est  toujours  aussi  de  l'ordre  de 
Saint-Dominque. 

Il  y  a  encore  à  présent  deux  inquisitions 
en  France,  l'une  à  Toulouse  et  l'autre  à 
Carcassonne,  mais  sans  autorité.  Les  Domi- 
nicains ne  lai>sent  pas  toujours  de  se  faire 
pourvoir  par  le  roi  des  offices  d'inquisiteurs. 
Ils  ont  même  quelques  appoinlements,  mais 
ce  sont  des  titres  «eulement  sans  aucune 
fonction.  L'inquisition  de  Toulouse  est  la 
première  qui  ait  élé  établie,  comme  nous 
avons  dit  ci-dessus.  Les  inquisiteurs,  après 
avoir  perdu  leur  autorité,  et  que  ce  tribunal 
fut  tombé  en  décadence,  ont  néanmoins  re- 
tenu assez  longtemps  le  droit  qui  leur  avait 
été  donné  à  leur  établissement,  qui  était  de 
se  faire  apporter  tous  les  ans  le  scrutin  de 
l'élection  des  capitouls  de  Toulouse  pour 
l'examiner  et  pour  voir  si  parmi  ceux  qui 
avaient  été  élus  il  n'y  en  avait  point  quel- 
ques-uns suspects  d'hérésie  ;  mais  C'  droit 
leur  fut  ôté  vers  l'an  16+6  par  un  arrêt  du 
conseil,  et  fut  attribué  à  l'archevêque  de 
Toulouse  Charles  de  Mondial  et  à  ses  suc- 
cesseurs. 

Je  ne  m'arrêterai  poinl  à  parler  de  toutes 
les  personnes  illustres  de  cet  ordre,  puisque 
Michel  Pio,  Léandre  Albert  et  plusieurs 
historiens  du  même  ordre  nous  en  ont  donné 
des  volumes  enliers.  Personne  n  ignore  que 
sain!  Thomas  d'Aquin,  saint  Antonin,  saint 
Vincent  Ferrier,  Albert  le  Grand,  Vincent 
de  Beauvais,  Louis  de  Grenade,  ont  été  des 
plus  beaux  ornements  de  cet  ordre,  qui  jus- 
qu'à présent  a  eu  soixante  généraux  qui 
sont  à  vie,  et  que  leur  grand  mérite  et  leur 
capacilé  ont  élevés  à  celte  dignité.  Cependant 
il  y  en  a  eu  deux  qui  ont  élé  déposés  par 
autorité  du  saint-siege,  savoir,  Munio  de  Za- 
morra  par  le  pape  Nicolas  IV,  l'an  1292,  et 
Martial  Auribel,  Provençal,  par  le  pane 
Pie  II,  l'an  1+62.  L'on  ne  sait  point  les  rai- 
sons que  ces  souverains  pontifes  eurent  de 
déposer  ces  généraux,  qui  étaient  d'une 
éminente  vertu.  On  leur  rendit  néanmoins 
jus.ice  dans  la  suite.  Munio  de  Zamorra, 
après  avoir  refusé  l'évéclié  de  Galice,  fut 
contraint  par  le  pape  Célestin  V  d'accepter 
celui  de  Palenza,  et  Martial  de  Provence  fut 
élu  une  seconde  fois  général  dans  le  chapitre 
qui  se  tint  à  Novarre  l'an  1+65. 

Le  schisme  qui  partagea  l'Eglise  en  1378, 
après  la  mort  du  pape  Grégoire  XI,  et  qui 
dura  quarante  ans,  divisa  aussi  cet  ordre. 
On  vit  dans  le  chapitre  général  tenu  à  Bo- 
logne en  1380  deux  généraux.  Les  provinces 
qui  reconnurent  pour  pape  Urbain  VI  élu- 
rent le  bienheureux  Raymond  de  Capoue 
pour  général, et  déposèrentElie  de  Toulouse, 
qui  gouvernait  actuellement  l'ordre,  à  qui 
les  provinces  de  France,  d'Espagne,  d'Ara- 
gon, de  Provence,  de  Sicile  et  de  delà  le 
Phare,  qui  reconnaissaient  pour  pape  Clé- 
ment VII,  prêtèrent  toujours  obéissance. 
Celles  qui  élurent  le  bienheureux  Raymond 


10?  DICTIONNAIRE  DES 

de  Capoue  furent  les  provinces  d'Ilalie,  d'Al- 
lemagne, de  Hongrie,  d'Angleterre,  de  Po- 
logne, de  Grèce,  île  Dalmatie,  de  la  terre 
sainte,  de  Bohême  et  de  Saxe.  Après  la  moK 
de  ces  généraux,  chaque  parti  en  élisait  un, 
ce  qui  dura  jusqu'en  l'an  1Ï18,  que  le  pape 
Martin  V  réunit  tout  l'ordre  sous  le  P.  Léo- 
nard de  Florence,  qui  avait  été  élu  par  les 
provinces  d'Italie  et  les  autres  du  même 
'parti,  ayant  donné  l'évôchéde  Calcine  à  Jean 
de  Poggio,  qui  était  reconnu  par  les  Fran- 
çais, par  les  autres  provinces  qui  leur 
étaient  unies,  et  même  par  saint  Vincent 
Ferrier.  Ce  fut  sous  le  généralat  du  P.  Bar- 
thélémy l'ester,  qui  succéda  au  P.  Léonard, 
que  l'ordre  commença  à  posséder  des  rentes 
et  des  biens  immeubles,  par  un  privilège  du 
même  Martin  V.  Les  généraux  font  présen- 
tement leur  séjour  ordinaire  à  Rome  dans  e 
couvent  de  la  Minerve,  qui  est  double,  l'un 
pour  les  religieux  de  la  province  de  Rome, 
et  l'autre  pour  les  étrangers  qui  se  trouvent 
à  Rome  chargés  des  affaires  de  leurs  provin- 
ces. C'est  dans  ce  lieu  qu'est  l'appartement 
du  général,  qui  est  fort  spacieux.  Il  y  a  dans 
ce  couvent  une  riche  bibliothèque  qui  a  été 
rendue  publique  l'an  1700  par  la  magnili- 
cence  et  la  libéralité  du  cardinal  Casanatlc, 
qui  pour  l'augmenter  a  donné  la  sienne, 
composée  de  cinquante  mille  volumes  sans 
les  manuscrits,  avec  un  fonds  de  quatre 
mille  écus  romains  de  revenu  ,  voulant 
qu'une  partie  de  ce  revenu  s'employât  tous 
les  ans  à  l'achat  des  livres  nouveaux,  et 
l'autre  partie  ta  l'entretien  de  deux  Pères  bi- 
bliothécaires et  d  ■  deux  convers  pour  le  ser- 
vice de  la  bibliothèque,  de  deux  lecteurs  qui 
doivent  enseigner  la  doctrine  de  saint  Tho- 
mas, et  de  six  théologiens  do  différentes  na- 
tions et  du  même  ordre,  pour  s'opposer  par 
leurs  écrits  aux  nouveautés  des  dogmes  qui 
pourraient  naître  au  préjudice  de  l'unité  et 
de  la  vérité  de  la  loi  de  l'Eglise  catholique; 
il  a  fait  encore  d'autres  fondations  qui  ren- 
dront sa  mémoire  immortelle.  Outre  ce  cou- 
vent de  la  Minerve  et  celui  de  Sainte-Sabine, 
ils  en  ont  encore  un  sous  le  nom  de  Sainl- 
Nkolas  de  Perl'etti,  et  deux  monastères  de 
filles;  mais  il  n'y  a  point  de  villes  où  ils  en 
aient  davantage  qu'à  Naples,  puisqu'on  y 
compte  vingt-huit  couvents  de  cet  ordre,  sa- 
voir, dix-huit  d'hommes  et  dix  de  filles. 

Nous  avons  parlé  dans  le  §  précédent  de 
l'habillement  de  ces  religieux.  Les  frères 
laïques  sont  distingués  des  prêtres  en  ce 
qu'ils  portent  un  scapulaire  et  un  capuce 
no  rs,  et  que  les  prêtres  ont  un  scapulaire 
blanc,  ne  mettant  le  capuchon  noir  par-des- 
sus la  chape  que  lorsqu'ils  sortent  ou  qu'ils 
sont  en  habit  de  chœur.  Les  religieux  d'Es- 
pagne et  de  Portugal  avaient  toujours  porté 
des  chapes  grises,  jusque  sous  le  généralat 
du  P.  Martial  Auribe  le,  qui,  ayant  été  élu 
l'an  i'«  3,  les  obligea  de  prendre  des  chapes 
nui;  es. Les  armes  de  l'ordre  sont  chape  d'ar- 
gent et  de  sable  à  un  lis  tige,  et  une  palme 
d'or  passée  en  sautoir,  brochant  sur  le  tout, 
et  une  étoile  d'or  en  chef,  l'argent  chargé 
d'un  livre,  sur  lequel  est  un  chien  posant  sa 


ORDRES  RELIGIEUX. 


ios 


palle  sur  un  monde,  et  tenant  à  sa  gueu!  fî 
flambeau  allumé;  l'étu  timbré  d  une  cou- 
ronne ducale,  ayant  pour  cimier  une  liarre, 
une  mitre,  un  chapeau  île  cardinal,  une 
crosse  et  une  croix  patriarcale.  Favin  pré- 
tend que  et  ordre  portait  anciennement  pour 
armes,  gironé  d'argent  et  de  sable  à  une 
crois  fleurdelisée,  partie  de  l'un  en  l'autre, 
à  la  bordure  comportée  de  huit  pièces  aussi 
d'argent,  et  de  sable  à  huit  étoiles  de  l'un 
en  l'antre,  et  huit  besans  de  même.  Cet  or- 
dre illustre  a  présentement  pour  chef  le  ré- 
vérend P.  Antonin  Cloche,  Français,  qui  fut 
élu  l'an  1G85,  du  consentement  unanime  de 
tous  les  vocaux,  pour  ses  excellentes  quali- 
tés, dans  le  chapitre  générai  qui  se  tint  à 
Rome  après  la  mort  du  K.  P.  de  Monroy. 

Nous  avons  dit  dans  le  §  précédent  que 
l'on  nomme  en  France  ces  religieux  Jaco- 
bins à  cause  que  leur  premier'  maison  à 
Paris  est  située  dans  la  rue  Saint-Jacques. 
M.  Heimanl,  curé  de  Maltot,  i.it  qu'on  les 
appela  aussi  en  Italie  Jacobites,  parce  qu'ils 
imitaient  la  vie  apostolique,  et  que  quelques 
auteurs  les  appellent  les  Prédicateurs  de 
Saint-Jacques  ;  mais  M.  Henuant  rce  nomme 
point  ces  auicurs.  Cependant  s'il  était  vrai 
qu'ils  eussent  eu  le  nom  de  Jacobites  à 
cause  qu  ils  imitaient  la  vie  apostolique,  ou 
celui  d<  Prédicateurs  de  Saint-Jacques, 
pourquoi  leur  aurait-on  donné  plutôt  le  nom 
de  Prédicateurs  de  Saint-.ïacques  ou  de  Ja- 
cobites, que  celui  de  quelque  autre  apôtre? 
Ils  peuvent  néanmoins  avoir  été  appelés  à 
Paris  Jacobites;  car  j'ai  des  épîlres  canoni- 
ques et  rites  à  la  main  l'an  150  j  par  un  pro- 
fesseur en  théologie  de  l'université  de  Paris, 
qui  les  appelle  ainsi  ;  mais  il  y  a  de  l'appa- 
rence qu'il  ne  le  faisait  que  par  dérision,  et 
pour  se  venger  d'en  avoir  été  maltraité  dans 
une  dispute  qu'il  avait  eue  sans  doute  avec 
eux  au  sujet  de  l'immaculée  conception  de 
la  sainte  Vierge,  comme  il  paraît  par  ce  qui 
est  à  la  fin  de  ce  manuscrit:  Ego  Petrus  lli- 
cliarcli  annos  agens  4r>,  in  aima  tlieologoruin 
Faculiate  Paris  ensi  professer  indighus,  née 
non  in  Ecclcsia  Trecensi  canonicus,  has  epi- 
stolas  manu  mea  propria  de.<cripsi,  ausilianle 
Domino  N.  J.  C.  et  immaculata  ejus  Maire 
Maria  omni  laude  dignissima,  anno  salatis 
îo  fk.  Férié  3  post  lnvocavil.  Eodem  onno 
fratres  Jacobit  e  sœpe  expugmvervml  me,  std 
laus  Deo  et  conceptioni  Mariœ  intemeralœ  : 
non  potuerunt  mihi.  Parcat  ci  s  AHissimns. 

Voyez  les  auteurs  cités  dans  le  §  précé- 
dent, et,  pour  les  provinces  particulières  de 
cet  ordre  :  Louis  de  Urrela,  llist.  de  la  su- 
grqda  orden  de  Predicadores  en  Etiopùu  An- 
tonio de  Rcmasal,  IJisl.de  la  Provinda  de 
Sanlo-Vincente  deChyapa  y  Guatemala.  Au- 
gust.  d'Avila,  Hist.  de  la  Provinçia  de  S. 
Jago.  Dorn  lionzalès,  Hist.  de  la  Provincia 
del  Rosàrio  de  Filipinas  Japon  y  China. 

En  parlant  des  missions  auxquelles,  en 
diverses  contrées,  les  Dominicains  s'eni- 
p  oient  avec  zèle  et  avec  fruit,  le  P.  Hélyot 
n'a  point  mentionné  leur  opposition  aux  Jé- 
suites dans  l'affaire  des  rits  chinois,  proscrits 
par  le  cardinal  de  Tournon,  envoyé  dansUes 


IBS  DOM 

missions  (i'Oricnt  pour  informer  de  cette  im- 
portante affaire,  et  condamnés  ensuite  par 
le  saint-siége.  On  sait  que  les  Jésuites,  qui 
connaissaient  mieux  que  personne ,  il  est 
■vrai,  ce  qu'il  pourrait  y  avoir  de  supersti- 
tieux dans  cc9  cérémonies,  ne  montrèrent 
pas  une  obéissance  aussi  ponctuelle  et  aussi 
prompte  qu'il  le  fallait,  et  on  les  en  a  géné- 
ralement blâmés.  Néanmoins,  il  faut  bien 
rabattre  des  blâmes  qu'on  leur  a  donnés, 
quand  on  voit  les  mesures  de  prudence  pro- 
visoire que  Borne  prescrivit  aux  mission- 
naires qui  la  consultaient  après  la  suppres- 
sion de  la  Compagnie  de  Jésus.  Les  Domini- 
cains ont  vu  aussi  quelques-uns  des  leurs 
donner  dans  le  jansénisme,  et  le  fameux 
P.  Lambert,  mort  dans  les  commencements 
du  dix-neuvième  siècle,  a  poussé  son  affe- 
ction àcette  erreur  jusqu'à  un  fanatisme  ri- 
dicule. Ils  ont  eu  des  membres  de  leur  ord:e 
qui  ont  embrassé  les  erreurs  de  la  constitu- 
tion chile  du  clergé,  mais  en  même  temps 
ils  ont  eu  également  des  religieux  qui  ont 
donné  l'exemple  de  la  soumission  à  l'Eglise 
et  d'une  fidélité  héroïque  aux  bons  princi- 
pes. Cet  ordre  respectable  continue  aujour- 
d'hui ses  bonnes  œuvres  dans  les  missions 
lointaines  ;  nous  en  donnerons  pour  exem- 
ple celles  de  l'Amérique  du  Nord,  auxquelles 
nuis  nous  bornerons,  sans  parler  de  ses 
établissements  dam  les  missions  d'Orient  et 
ailleurs  actuellement  en  activité.  Le  premier 
évéque  (le  New-York  a  été  le  P.  Richard- 
Luc  Concanen,  assistant  général  de  l'ordre 
des  Frères  Prêcheurs  ;  et  c'est  d'une  lettre  du 
P.  F.  D.  Fenwicfc,  son  confrère,  qui-  nous 
lirons  ces  détails  sur  rétablissement  des  Do- 
nauicains  aux  Liais-Unis.  Le  P.  Fenwick 
avait  d'abord  conduit  les  catholiques  de 
Malaoumen  dans  l'Etal  du  Maryland.  Il  alla 
depuis  se  tixer  dans  le  Kentucky  dès  les 
premières  années  du  dix-neavièrue  siècle, 
car  il  était  déjà  depui-  quelque  temps  à  Pis— 
catawey  en  août  1805.  11  était  venu  d'Angle- 
terre s'établir  en  ces  contrées,  adressant,  en 
partant,  aux  catholiques  et  àla  noblesse  de 
la  Grande-Bretagne  une  circu  aire  pour  se 
procurer  leur  intérêt  et  leurs  secours.  Né 
dans  le  Marylaud,  Fenwick  était  allé  se 
faire  Dominicain  à  Bornhem,  en  Flandre, 
dans  le  dessein  d'établir  plus  lard  un  sémi- 
naire de  religieux  de  son  ordre  dans  sa  pa- 
trie, et  d'y  propager  la  religion  par  ce  moyen 
puissant.  Les  révolutions  arrivées  en  Eu- 
rope retardèrent  longtemps  l'exécution  de 
son  projet,  pour  lequel  ii  fut  autorisé  par 
ses  supérieuis  de  Rome  et  d'Angleterre  ;  et 
M.Carrol,  évéque  de  Baltimore  (siège  qui  ne 
fut  que  plus  tard  érigé  en  archevêché),  lui 
promit  la  plus  ferme  assistance.  8a  cii\  u- 
lairc  lui  procura  une  .omme  importante,  et 
il  arriva  au  Maryland  vers  le  milieu  du  mois 
de  mai,  accompagné  du  P.  Antoine  Angier. 
L'évéc;ue  de  Baltimore  lui  conseil. a  de  tixer 
son  établissement  dans  la  provint*  éloignée 
duKcnlucky,  où  les  catholique^  le  désiraient, 
et  il  y  projetait  l'éreeM  m  du  i  collège.  Il  ne 
trouva  (tans  le  Keiilueky  que  Panne  Badin, 
prêtre  secui'er,  qui  les  recula  bras  ouverts, 


DOM 


110 


et  qui  dans  les  commencements  éprouva 
quelques  peines  causées  par  le  peu  de  fer- 
meté des  Dominicains  pour  le  soutien  de  la 
morale  dans  l'exercice  du  saint  ministère. 
Le  P.  Fenwick  s'établit  enfin  dans  le  comté 
de  Washington  ,  près  de  Sp'i  ing-Field,  et 
acheta  une  propriété  de  880  Publ  d'étendue, 
contenant  ééjà  une  maison  assez  bien  bâtie 
etc.,  et  cela  du  produit  de  ses  biens  pater- 
nels,  dont  il  retira  5000  piastres.  Ce  trait 
lui  méritait  la  reconnaissance  de  ses  compa- 
triotes, de  toute  la  religion  même  et  sort  ut 
des  Dominicains,  dans  l'histoire  desquels  il 
méritait  au  moins  celle  mention.  Il  était  ac- 
compagné, quand  il  commença  enfin  cette 
fondation,  des  PP.  M",  Thomas  Wilson,  An- 
toine Angier,  Raimond  Tuite,  qui  ont  donc 
été  les  premiers  missionnaires  Dominicains 
de  cette  contrée,  alors  exploitée  par  les  hé- 
rétiques, comptant  déjà  neuf  ou  dix  impri- 
meries à  leur  service,  et  qui  trente-cinq  ans 
auparavant  if  était  qu'une  forêt  inculte,  ha- 
bitée seulement  par  les  sauvages,  vivanl  de 
chasse  et  de  pêche.  Le  P.  Fenwick  fat  de- 
puis élevé  à  l'épiscopal. 

L'ordre  possédait  à  Rome,  au  demi  r  siè- 
cle, les  maisons  sii.antes:  1"  Sainte-Marie 
de  la  Minerve,  2  Sainte-Sabine,  3°  Saint- 
Sixte  le  Vieux,  4°  ^ainl-Clément ,  5°  Saint- 
Nicolas  de  Perfetii,  6"  Notre-Dame  du  Ro- 
sa  re  au  honte-Mario,  7°  Sainl-Cyr  et  Sainte 
Julilte,  8°  la  Pénitencerie  de  Sainle-Marie- 
Maj  ure.  La  maison  de  la  Minerve  est  en- 
core aujourd'hui  le  chef-lieu  de  l'ordre  et  la 
résidence  du  général. 

L'institut  possédait  autrefois  à  Paris  trois 
maisons,  celle  de  Saint-Jacques,  rue  Saint- 
Jae  ;ues,  d'où  leur  est  venu,  comme  on  sait, 
le  nom  de  /flCôêfrfS,  qui  était  la  première 
maison  de  l'ordre  en  France,  et  le  col  ége  de 
cet  institut.  On  y  comptait,  il  y  a  un  siècle, 
quatre-vingts  religieux.  11  n'y  avait  pas  de 
noviciat,  il  se  faisait  en  province.  La  biblio- 
thèque de  celte  maison  était  de  quinze  à 
seize  mille  volumes.  C'étail  beaucoup,  mais 
peu  néanmoins  comparativement  aux  biblio- 
thèques des  deux  autres  maisons  dont  nous 
allons  parler,  et  qui  n'avaient  pas  un  si  haut 
rang  dans  la  nomenclature  des  monastères 
de  l'ordre  ;  cette  bib'ioliièque  contenait  plu- 
si  urs  manuscrits  d'ouvrages  île  piété,  lé- 
gués par  saint  Louis  à  ces  religie  x,  qu'il  ai- 
m  il  beaucoup.  L'église  du  couvent,  qui 
depuis  longtemps  menaçait  ruine,  avait  été 
abandonnée  par  les  religieux  avant  la  Revo- 
ie.Hou,  et  l'office  divin  >-e  célébrait  dans  la 
s;  Ile  des  exercice  ,  connue  sous  le  nom 
û'Ecoles  de  Snint-TImmos.  On  remarquait 
dn-.s  ces  écoles,  situées  à  c  Vé  de  l'église  et 
bâties  au  seizième  sièeie,  aux  frais  du  i\ 
Jean  Biuet,  une  ébattre  revêtue  de  marbre, 
dans  laquelle  était,  dit-on,  renfermée  celle 
qui  avait  servi  a  ^aint  Thomas  d'Aquin.  Ce- 
pendant la  vieille  égHSê;  vasle  i  t  partagée 
et»  deux  dans  toute  sa  longueur,  comme 
celle  de-  Dominicains  de  Toulouse,  asub- 
sis  é  encore  après  la  Révolution  e  a  servi  de 
inaain.  On  voit  encore  les  restés  de  ci 
m  ...istère  dans  la  rue  des  Grès. 


il) 

Le  couvent  des  Dominicains  de  la  rue 
Saint -Honoré  était  situé  entre  l'église  Saint- 
Roch  et  la  place  Vendôme.  C'est  dans  la 
salle  de  la  bibliothèque  de  celte  maison  que 
se  réunit  cette  horde  d'êtres  gâtés  par  le  gé- 
nie du  mal  et  des  passions  humiliâmes,  qui 
prirent  ou  reçurent  du  lieu  de  leurs  séances 
et  garderont  dans  l'histoire  le  nom  hideux 
de  Jacobins.  L'église  des  religieux  ,  les  bâti- 
ments fort  simples  et  les  jardins,  qui  occu- 
paient presque  tout  l'espace  qui  est  entre  ia 
rueSaint-Honoré  et  la  rue  Neuve-des-Petits- 
Champs,  ont  disparu,  et  l'on  a  transporté 
sur  ce  vaste  terrain  le  marché  qui  s'y  voit 
actuellement.  Celle  maison,  où  les  éludes 
étaient  cultivées,  possédait  un  cabinet  d'his- 
toire naturelle  très-curieux,  formé  par  les 
soins  du  P.  Labat,  connu  par  ses  relations 
d'Afrique  et  d'Amérique.  Peu  de  couvents  de 
l'ordre  avaient,  croyons-nous,  une  biblio- 
thèque aussi  nombreuse,  car  on  y  comptait 
environ  trente-deux  mille  volâmes,  le  dou- 
ble de  celle  du  célèbre  couvent  de  la  rue 
Saint-Jacques.  Celte  riche  bibliothèque  pos- 
sédait des  éditions  rares  et  des  manuscrits 
précieux.  On  y  conservait  soigneusement 
une  chaise  qui  avait  servi,  disait-on,  à  saint 
Thomas  d'Aquin.  11  y  avait  un  noviciat  dans 
cette  maison,  et  les  aspirants  payaient  deux 
cents  livres  pour  le  noviciat  et  deux  cents 
livres  pour  l'habillement.  Elle  renfermait  il 
y  a  un  siècle  soixante  prêtres  et  cent  novi- 
ces. Cette  maison  faisait  partie  de  la  congré- 
gation Occitaine,  dont  nous  parlerons  en 
traitant  des  réformes  dans  l'ordre  des  Frè- 
res Prêcheurs  (Voyez  Lombabdie)  ;  mais  cette 
congrégation  fut  érigée  en  province  sous 
l'invocation  de  Saint-Louis. 

Outre  ces  deux  monastères  mentionnés  par 
Hélyot,  les  Dominicains  en  possédaient  à 
Paris  un  troisième,  donl  il  ne  parle  point,  et 
qui  était  situé  au  faubourg  Sainl-Germain. 
Afin  d'assurer  le  succès  de  la  réforme  du 
P.  Sébastien  Michaelis,  mort  dans  le  couvent 
de  la  rue  Samt-Honoré,  le  P.  Nicolas  Ro- 
dolphi,  général  de  I  ordre,  résolut  d'établir 
en  France  un  noviciat  général  pour  ceux 
qui  voudraient  embrasser  cette  réforme.  Il 
y  fut  autorisé  par  un  bref  d'Urbain  VIII , 
donné  en  1629,  par  des  lettres  patentes  de 
Louis  XIII,  et  trouva  en  même  temps  dans 
le  cardinal  Richelieu  un  protecteur  puis- 
sant qui,  par  ses  bienfaits,  mérita  d'être 
considéré  comme  le  fondateur  du  nouvel 
établissement.  Dès  1631  ,  quatre  religieux 
lires  de  la  maison  de  la  rue  Sainl-Honoré 
avaient  été  placés  dans  celle-ci,  située  rue 
Sainl-Dominique-Saint-Germain  et  qui  n'é- 
tait alors  qu'un  bâtiment  très-simple,  avec 
un  jardin  et  un  clos  contenant  sept  arpents 
et  demi.  Ils  s'y  firent  construire  aussitôt  une 
petite  chapelle,  qui  fut  bénite  en  1632.  Le 
nombre  des  sujets  qui  se  présentaient  pour 
obtenir  leur  admission  dans  l'ordre,  aug- 
mentant chaque  jour,  il  fallut  penser  à  bâtir 
des  lie  x  plus  réguliers.  Ils  commencèrent 
par  l'église,  qui  fut  élevée  sur  les  dessins  de 
l'architecte  Pierre  Bullel.  La  première  pierre 
eu  fut  posée  en  168*2,  par  Hyacinthe  Serroni, 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  112 

archevêque  d'Albi,  et  par  madame  Anne 
Monlbazon,  duchesse  de  Luynes.  Elle  fut 
aehevée  l'année  suivante.  Le  bâlimenl,  dé- 
coré intérieurement  d'un  ordre  de  pilastres 
corinthiens,  offre  tous  les  caractères  de  l'ar- 
chitecture employée  à  celte  époque  dans  les 
édifices  sacrés,  et  du  reste  n'a  rien  de  remar- 
quable. Le  portail,  rebâti  quelques  années 
avant  la  révolution  par  le  frère  Claude,  reli- 
gieux de  cette  maison,  se  compose  de  deux 
ordres  élevés  l'un  sur  l'autre,  dans  la  forme 
pyramidale  adoptée  pour  le  plus  grand 
nombre  des  églises  de  Paris  et  de  quelques 
autres  villes,  et  même  dans  la  boiserie  de 
quelques  autels.  Ces  deux  ordres,  dont  l'en- 
semble a  quelque  apparence,  sont  d'une  pro- 
portion el  surtout  d'une  maigreur  qui  peut 
choquer  l'œil  le  moins  exercé.  Nous  sommes 
cnlré  dans  ces  détails  sur  cette  église  parce 
qu'elle  existe  encore  aujourd'hui  el  est  celle 
de  la  paroisse  Saint-Thomas-d'Aquin.  Le 
couvent,  qui  est  habité  en  partie  par  des 
particuliers  et  en  partie  occupé  par  le  musée 
d'Artillerie,  a  élé  le  séjour  de  plusieurs  reli- 
gieux célèbres,  entre  autres  du  P.  Vincent 
llaron,  docteur  de  l'université  de  Toulouse 
et  théologien  distingué  du  dix-septième  siè- 
cle ;  du  frère  Jean-André,  peintre  habile,  et 
dont  les  tableaux  faisaient  le  principal  orne- 
ment de  l'église  et  du  monastère;  du  frère 
François  Romain  ,  ingénieur  et  architecte 
très-estimé.  On  lui  doit  le  plan  du  pont  de 
Maëstricht  et  une  partie  de  sa  construction. 
Louis  XIV,  qui  l'avait  chargé  de  la  conduite 
du  Pont-Royal,  fut  si  content  de  ses  travaux, 
qu'il  lui  confia  l'inspection  des  ouvrages  des 
ponts  el  chaussées,  et  la  réparation  des  bâ- 
timents dépendants  de  son  domaine.  C'est 
ainsi  que  les  monastères  renfermaient  une 
réunion  d'hommes  ignorants  el  inutiles. 

Cette  maison  des  Dominicains  du  faubourg 
Saint-Germain  était  sous  la  seule  direction 
du  général  de  l'ordre,  et  depuis  un  temps 
immémorial  les  supérieurs  étaient  tirés  de  la 
province  de  Toulouse.  La  province  occitaine, 
à  laquelle  elle  appartenait  d'abord,  ayant 
été  érigée  en  province,  elle  avait  un  noviciat 
qui  n'avait  aucun  rapport  avec  celui  de  la 
rue  Sainl-Honoré.  Ce  noviciat  était  d'un  an, 
et  on  n'y  payait  point  de  pension.  La  biblio- 
thèque de  la  maison,  composée  de  plus  de 
ving-qualre  mille  >olumes,  était  ornée  de 
deux  globes  de  Coronelli. 

Pour  résumer  ce  que  Hélyot  a  dit  de  l'il- 
lustration de  cet  ordre  célèbre,  nous  rap- 
pellerons qu'il  a  eu  plusieurs  saints  cano- 
nisés, des  savants  illustres,  et  surtout  saint 
Thomas  d'Aquin,  quatre  papes  (Innocect  V, 
Benoît  XI,  saint  Pie  Vct,  depuis  la  mortd'Hé- 
lyol,  Benoit  XIII),  un  grand  nombre  de  cardi- 
naux, de  patriarches ,  d'archevêques,  d'é- 
vêques,  de  docteurs  et  d'écrivains  célèbres. 
Le  P.  Jacques  Echard  el  le  P.  Touron,  tous 
deux  Français,  ont  écrit  l'histoire  des  hom- 
mes célèbres  de  leur  ordre.  On  a  vu  dans  le 
premier  article  d'Hélyot  que  l'habit  des  Do- 
minicains avait  été  différent  à  l'origine  do 
l'ordre.  Comme  ils  mettaient  sur  leur  habit 
blanc  un  manteau  et  un  capuchon  noirs,  on 


115 


DBA 


DBA 


114 


les  appela  jadis  en  Angleterre  les  Frères 
noirs,  tandis  qu'on  appelait  les  Carmes 
Frères  blancs. 

Les  Dominicains  ont  des  maisons  en  di- 
verses contrées,  en  Italie,  en  Angleterre,  en 
Irlande,  à  Gand  el  autres  lieux  de  la  Belgi- 
que. En  l'année  183:!,  l'empereur  de  Russie 
a  supprimé  dans  la  seule  province  de  Mohi- 
low  cinquante-cinq  monastères  de  Domini- 
cains; vingt-neuf  restent  encore  ou  du 
moins  restèrent  alors.  La  révolution  d'Es- 
pagne a  détruit  tous  les  couvents  de  Domi- 
nicains ;  il  en  reste,  dans  les  Etats  soumis  à 
l'empereur  d'Autriche,  trente-sept  contenant 
deux  cent  deux  religieux.  Les  Dominicains 
ont  actuellement  pour  supérieur  ou  maître 
général  le  R.  P.  Ange  Ancarani,  et  pour  pro- 
cureur général  le  P.  Joseph  Alberli ,  tous 
deux  résidant  à  Rome.  Quelques  tentatives 
avaient  été  faites  sans  sucrés  aux  diocèses 
de  Rodez  et  d'Evreux  el  peut-être  ailleurs, 
pour  rétablir  en  Fiance  l'institut  de  Saint- 
Dominique.  M.  l'abbé  Lacordaire  ayant  em- 
brassé l'oidre  des  Frères  Prêcheurs,  sous  le 
nom  de  F.  Dominique,  après  avoir  fait  son  no- 
viciat à  Home,  a  été  autorisé  par  le  général  à 
rétablir  rel  ordre  dans  sa  patrie.  Après  plu- 
sieurs projets  d'établissement  en  divers  dio- 
cèses, il  a  pu  enfin  se  Oxer  à  la  maison,  du 
Cholais,  appartenant  autrefois  aux  Char- 
treux el  originairement  à  une  congrégation 
spéciale  de  Bénédictins  que  nous  ferons  con- 
naître dans  le  Supplément.  C'est  donc  à  Cho- 
lais, au  diocèse  de  Grenoble,  qu'il  a  établi  le 
chef-lieu  de  celte  future  et  prochaine  pro- 
vince de  France,  et  qu'il  a  donné  l'habit  aux 
premiers  novice-,  le  4  août  1845.  Comme 
celte  province,  sans  faire  une  réforme  parti- 
culière, sera  pourtant  une  sorte  de  congré- 
gation spéciale  dans  l'ordre,  nous  consacre- 
rons un  article  exprès  à  cette  palingénésie 
des  Dominicains  en  F'rance.  Vvy.  Domini- 
cains, au  Supplément.  B-D-K. 

DOMINIQUE  (Congrégations  diverses  de 
l'ordre  de  Saint-}.  Voyez  Lombard. e,  etc. 

DOMINIQUE  (Ordre  de  Saint-).  Voyez 
Dominicains. 

DONAT  (Saint-)  Voyez  Césaire  (Saint-). 

DORDRECHT.  Voyez  Algdstins. 

DORÉS  (Chevaliers).  Voyez  Constantin 
(Chevaliers  de). 

DRAGON  RENVERSÉ,  des  Disciplines,  de 
l'Aigle-Blanche,  du  Tusin  ,  de  Notre- 
Seignelr  et  de  si  Passion,  de  la  Fidé- 
lité, et  de  Saint-Rupeht,  en  Allemagne 
(Chevaliers  du). 

Presque  tous  les  écrivains  conviennent  que 
l'empereur  Sigismond  a  institué  un  ordre 
militaire  sous  le  nom  du  Dragon  renversé 
ou  vaincu,  mais  ils  ne  s'accordent  pas  sur  le 
li  mps  auquel  se  fit  celte  institution  :  les  uns, 
après  Michieli,  la  mettant  l'an  1400,  et  les 
autres,  après  Favin,  prétendant  que  re  fut 
l'an  i418.  Michieli  ajoute  que  le  motif  qui 
porta  ce  prince  à  instituer  cet  ordre   fut  afin 


que  les  chevaliers  qui  le  recevraient  pussent 
combattre  les  hérésies  qui  infectaient  la  Bo- 
hême el  la  Hongrie,  el  que,  pour  cet  effet,  il 
sollicita  la  convocation  des  conciles  de  Cons- 
tance et  de  Bàle,  où  ces  hérésies  furent  con- 
damnées. Sur  ce  fondement  il  n'y  a  point  de 
doute  que  Michieli  ne  se  soit  trompé  en  met- 
tant l'institution  de  cet  ordre  en  1400,  puis- 
que les  conciles  de  Constance  et  de  Bâle  ne 
furent  tenus,  le  premier  qu'en  1414,  el  le  se- 
cond l'an  1431,  el  que  Jean  Hus  ne  com- 
mença à  semer  ses  erreurs  en  Bohême  qu'en 
1407. 

L'abbé  Giusliniani  fait  voir  que  ceux  qui 
ont  cru  que  cet  ordre  n'a\ait  été  institué 
qu'en  1418,  après  la  tenue  du  concile  de 
Constance,  se  sont  pareillement  trompés» 
prelendant  qu'il  était  établi  avant  l'an  1397  : 
ce  qu'il  prouve  parle  testament  de  François 
det-Poizo,  de  Vérone,  de  la  même  année,  où 
il  est  parlé  de  son  fils  Viclorio  del-Pozzo, 
chevalier  de  l'ordre  du  Dragon,  qui  était 
pour  iors  auprès  de  l'empereur  Venceslas, 
oùGaleas  Visconti,  prince  de  Vérone,  l'a- 
vait envoyé  pour  quelques  affaires.  Voici  ce 
que  porte  re  le-tamenl,  dont  l'original  est 
conservé  dans  la  maison  des  seigneurs  Poz- 
zo  de  San- Vitale,  et  dont  il  esl  l'ait  aussi  men- 
tion dans  la  généalogie  de  celte  maison, 
écrite  par  Jean-Bapiiste  Merlo  et  imprimée 
à  Vérone.  In  omnibus,  et  inslituit  et  esse 
voluit  s/i.  et  egreg.virum  D.  Victorium  aPtt- 
tej  militent  Draconis  ejus  dileclissimum  fi- 
lium,  qui  modo,  pracepto  magn.  et  potentiss. 
D.  Jo.  Galealii,  rtperitur  cipud serenissimum 
Venceslaum  imperatorem  nostrum,  pro  ejns 
negoliis  pertraclandis.  Ce  qui  fait  croire  a 
l'abbé  Giusliniani  que  l'empereur  Sigismond 
avait  fondé  cet  ordre  lorsqu'il  épousa,  en 
1385,  Marie,  reine  de  Hongrie,  ou  le  jour 
qu'il  fut  couronné  roi  de  Hongrie  l'an  1387, 
parce  que  ce  jour-là  il  fil  chevalier  Panta- 
léon  Barbo,  ambassadeur  de  Venise.  Le  mê- 
me  auteur  ajoute  que  ce  prince  étant  devenu, 
dans  la  suile,  empereur  et  roi  de  Bohème,  et 
ayant  reçu  la  couronne  impériale  à  Rome, 
l'an  1493,  il  fit,  en  passant  à  Vérone,  plu- 
sieurs chevaliers,  aussi  bien  qu'à  Manloue, 
où  il  alla  ensuite;  et  que  les  armes  de  ces 
chevaliers  se  voient  encore  daus  plusieurs 
églises  et  sur  les  portes  de  plusieurs  palais 
de  Vérone,  avec  deux  dragons  au-dessous 
de  ces  armes,  dont  l'un  regarde  l'ecu,  leurs 
queues  passées  sous  le  corps,  tortillées  au- 
tour du  cou  par  le  bout,  et  ayant  chacun  une 
croix  sur  le  dos.  Favin  a  donne  la  représen- 
tation du  collier  de  cet  ordre,  composé  de 
deux  ihaines  d'or,  sur  lesquelles  sont  des 
croix  à  double  traverse,  avec  un  dragon 
renversé  au  bout  du   collier  (1). 

Mennénius,  sur  l'autorité  de  Jérôme  Ro- 
man, historien  espagnol,  dit  que  sous  les 
empereurs  Sigismond  et  Albert  II  il  y  a  eu  en 
Allemagne  Irois  ordres  militaires  fort  célè- 
bres, el  qu'un  certain  Moïse  Didace  de  Va- 
lera,  espagnol,  reçut  de  l'empereur 
ces  Irois  ordres,  savoir  :  celui    du 


(1)Voy..àlanndiivol.,n*16. 


us 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


U6 


dont  nous  venons  de  parler,  que  ce  prince 
lui  donna  comme  roi  de  Hongrie  ;  celui  du 
Tusin,  comme  roi  de  Bohême,  et  celui  des 
Disciplines  nu  de  l'Aigle-Blanche,  comme 
archiduc  d'Aulriclie.  Mais  comme  l'Autriche 
n'a  été  érigée  en  archiduché  que  par  l'empe- 
reur Maximilien  1er,  l'an  1495,  Albert,  qui 
mourut  l'an  1440,  n'aurait  pu  donner  l'ordre 
île  l'Aigle-Blanche  à  ce  Moïse  Didace  de 
Valera  en  qualité  d'archiduc  d'Autriche. 
Aussi  les  hisioriens  sont-ils  partagés  au  su- 
jet de  l'institution  de  cet  ordre,  que  quel- 
ques-uns attribuent  à  Uladislas  V,  roi  de  Po- 
logne, surnommé  Lokler,  qui,  selon  eux, 
l'institua  au  mariage  de  son  fils  Casimir  le 
Grand  avec  une  fille  du  duc  de  Lithuanie,  en 
1325,  ajoutant  qu'un  nid  d'aiglons  qui  fut 
trouvé  par  Lechus,  premier  prinre  de  Polo- 
gne, lorsqu'il  faisait  creuser  les  fondements 
de  la  ville  de  Gnesne,  donna  occasion  à  Ula- 
dislas de  prendre  pour  marque  de  cet  ordre 
Une  aigle  blanche  couronnée,  pendanle  à  un 
collier  composé  de  chaînes  d'or  (1).  11  se  peut 
faire  qu'il  y  .lit  eu  aussi  en  Autriche  un  ordre 
sous  ce  nom  et  sous  celui  des  Disciplines, 
dont  le  collier,  selon  quelques  écrivains, 
était  en  forme  de  baudrier,  où  étaient  atta- 
chées des  aigles  blanches.  Quoi  qu'il  en  soit, 
l'an  (705,  Frédéric-Auguste, roi  dePologne  et 
duc  de  Saxe,  renouvela  dans  ce  royaume 
l'ordre  de  l'Aigle-Blanche,  et  donna  à  plu- 
sieurs seigneurs  qui  avaient  suivi  son  parti 
une  aigle  blanche  [aveccetledevise,  pro  fuie, 
lige  et  rege. 

S'il  est  vrai  que  l'empereur  Albert  II  don- 
na à  ce  Moïse  Didace  de  Valera  les  trois  or- 
dres du  Dragon,  de  l'Aigle-Blanche  et  du 
Tusin,  ce  dernier  aurait  été  institué  avant 
l'an  1562,  quoique  l'abbé  Giustiniani  dise 
que  dans  l'incertitude  où  on  est  de  son  ins- 
titution on  doit  conjecturer  qu'elle  ne  peut 
avoir  été  faite  que  dans  cette  année,  puisque 
selon  lui  les  archiducs  d'Autriche  eu  ont  été 
les  fondateurs,  et  que  ce  ne  fut  que  dans  ce 
temps-là  que  l'on  donna  le  litre  d'archiducs 
à  Ferdinand  et  à  Charles,  neveux  de  l'em- 
pereur Charles  V.  Mais  cet  auteur  n'a  pas 
fait  réflexion  que  ce  Ferdinand  n'eut  que  ls 
titre  d'archiducd'lnspruck,  et  son  frère  n'eut 
que  celui  d'archiduc  de  Gratz;  que  leur 
père  Ferdinand,  frère  de  l'empereur  Charles 
V,  avait  été  archiduc  d'Autriche  dès  l'an 
1520,  et  que  l'Autriche  avait  été  érigée  en 
archiduché  pac  l'empereur  Maximilien  I  ', 
comme  nous  avons  déjà  dit.  Schoonebeck, 
qui  ne  parle  qu'après  l'abbé  Giustiniani  et 
qui  souvent  traduit  mal  cet  auteur,  dit  que 
l'ordre  du  Tusin  dépendait  des  archiducs 
d'Autriche,  et  que  Ferdinand  et  Charles,  qui 
étaient  frères,  furent  les  premiers  qui  reçu- 
rent cet  ordre,  l'an  1562.  Ce  qui  e  t  certain, 
c'e^t  qu'on  ne  sait  point  quelle  a  été  l'origi- 
ne de  cet  ordre  ni  pourquoi  on  lui  donna  le 
nom  de  Tusin.  L'abbé  Giustiniani  dit  encore 
que  ces  chevaliers  portaient  un  manteau 
rouge  sur  lequel  il  y  avait  une  croix  verte 
(2),  qu'ils  faisaient  vœu  de  chastelé  et  d'o- 

V  \ 

(1)  Vày.,  à  la  fln  du  vol.,  n*  17. 


béissance  au  saint-siégeet  à  leur  souverain» 
et  qu'ils  suivaient  la  règle  de  Saint-Basile; 
mais  cet  auteur  a  soumis  à  la  même  règle  et 
à  d'autres  tant  d'ordres  de  chevalerie  qui 
n'en  ont  eu  aucune,  que  nous  n'ajoutons  pas 
beaucoup  de  foi  à  ce  qu'il  dit  de  ces  cheva- 
liers, qu'il  confond  peut-être  avec  les  che- 
valiers d'un  autre  ordre  qui  subsistait  en 
Hongrie,  et  qui  étaient  habillés  de  cette 
sorte,  desquels  Mennénius  fait  mention  suv 
le  rapport  de  Jérôme  Mégiser,  historiogra- 
phe de  l'archiduc  d'Autriche,  et  dont  Josse 
Annanus  et  quelques  autres  ont  donné  l'ha- 
billement sans  parler  de  leur  origine,  ne 
leur  donnant  seulement  que  le  nom  de  che- 
valiers hongrois. Quoi  qu'ilen  soit,  nous  don- 
nerons l'habillement  de  ces  chevaliers  sous 
le  nom  du  Tusin. 

Favin,  Théâtre  d'honneur  et  de  chevalerie. 
Le  P.  Anselme,  Palais  de  l'Honneur,  Ber- 
nard Giustiniani,  Hist.  dï  lutt.  gli  ordinx 
militari.  Mennénius,  Deliciœ  equest.  ordin. 
Herman  et  Schoonebeck,  dans  leurs  Histoi~ 
res  des  Ordres  religieux. 

A  ces  anciens  ordres  d'Allemagne  nous 
joindrons  encore  trois  autres  ordres  militai- 
res qui  ont  été  établis  de  nos  jours  par  des 
princes  allemands.  Le  premier  est  celui  de 
Jésus-Christ  et  de  si  Passion,  que  le  prince 
Charles,  neveu  de  l'électeur  de  Saxe  Jean- 
Georges  IV,  institua  ;  dont  les  chevaliers 
devaient  porter  sur  leurs  manteaux  une  croix 
de  salin  blanc  ou  en  broderie  d'argent,  au 
milieu  de  laquelle  était  l'image  de  Noire- 
Seigneur,  et  au  col  un  ruban  bleu  ta!  isé, 
ayant  au  bout  une  grande  médaille  d'or  où 
la  même  image  était  gravée;  et  étaient  obli- 
gés d'assister  avec  dévotion  au  service  qui 
se  fait  le  vendredi  et  le  samedi  de  la  semai- 
ne sainte.  Le  7  février  fut  choisi  pour  la  cé- 
rémonie de  l'in  litution  de  cet  ordre.  L'ar- 
chevêijue  de  Lèrambert  célébra  ponliGca- 
lemenl  la  messe  ci)  l'église  des  Récollets  do 
la  ville  de  I.elbe,  avec  la  musique  de  Son 
Altesse  et  l'harmonie  des  timbales  et  trom- 
pettes; après  quoi  ce  prince  donna  le  collier 
de  l'ordre  à  ce  pi  élal,  cl  ensuite  au  prince 
Adelphe,  au  prince  Frédéri',  son  frère,  à 
celui  de  Nuremberg  et  à  plusieurs  autres 
personnes  de  la  pus  haute  qualité. 

Frédéric  111,  marquis  el  électeur  de  Bran- 
debourg, ayant  pris  le  titre  de  roi  de  Prusse, 
institua  le  14  janvier  1701  un  ordre  militaire 
sous  le  nom  de  la  Fidélité,  et  donna  aux 
chevaliers  pour  marque  de  cet  ordre  une 
croix  d'or  émaillée  de  bleu  ayant  au  milieu 
les  chiffres  de  ce  prince  F.  R.,  et  aux  angles 
l'aigle  de  Prusse  émaillée  de  noir.  Celte  croix 
est  attachée  à  un  ruban  de  couleur  d'orange 
que  les  chevaliers  portent  en  f  irrue  d'écharpe 
depuis  l'épaule  gauche  jusqu'à  la  hanche 
droite  ,  dessus  le  justaucorps  ,  la  couleur 
d'orange  a1,  ant  été  choisie  apparemment  en 
niém  ire  de  la  mère  du  roi,  princesse  d'O- 
range. Ces  chevaliers  portent  encore  sur  le 
côte  gauche  de  leurs  habits  une  croix  brodée 
d'crgeul,  en  forme  d'étoile,  au  milieu  de  la- 

(2)  Voy.)àlalinduvol.,n0  18. 


117 


ECH 


ecii 


118 


quelle  est  une  aigle  eu  broderie  d'or  sur  un 
foiul  d'orange,  l'aigle  tenant  dans  l'une  de 
ses  serres  une  couronne  de  laurier,  et  dans 
l'autre  un  foudre  avec  celle  inscription  au- 
dessus  de  sa  tète  ,  Suum  euique,  en  broderie 
d'arpent.  Cet  ordre  ne  se  donne  qu'à  ceux  de 
la  maison  royale  et  aux  personnes  les  plus 
considérables  de  l'Et.it,  en  reconnaissance  de 
leur  mérite.  Ceux  qui  reçurent  cet  ordre  les 
premiers  furent  le  prince  royal,  les  trois 
margraves  frères  du  roi,  le  margrave  d'  ns- 
pac,  les  ducs  de  Cm  lande  cl  d'Holstein  ,  les 
comtes  de  VVarlcmberg,  de  Barfuns,  de  Doua 
et  Loltum  ;  les  quatre  conseillers  régents  e 
Prusse.  MM.  de  Bcrbanl,  Branschke,  Creutz, 
et  Vallenrond  ;  le  grand  mailre  de  l'artillerie 
et  le  général  major  ,  le  commissaire  général 
comte  d'Onhoff ,  le  chambellan  comte  de-- 
Doua  et  M.  Billau  ,  grand  maître  d'hôtel  de 
la  reine. 

Il  y  a  encore  eu  un  ordre  militaire  institué 
la  même  année   1701  par   l'archevêque  de 


Salzbourg  Jean-Ernest  de  ïhun,  sous  le  nom 
de  Saint-Bupert,  premier  évéque  de  ce  te 
ville.  Le  prélat  ,  après  en  avoir  obtenu  la 
confirmation  de  l'empereurLeopold  Ier,  créa, 
le  15  novembre,  fê'e  de  saint  Léopold,  douze 
che\  aliers  de  ce!  ordre,  qu'il  choisit  entre  la 
plus  illustre  noblesse  de  ses  Etats  :  la  céré- 
monie se  fit  dans  l'église  de  la  Trinité  ,  nou- 
vellement construite ,  et  il  donna  à  chacun 
de  ces  chevaliers  une  médaille  d'or,  avec 
l'image  de  saint Rupert  d'un  côté,  etde  l 'autre 
une  crois  ronge. La  cérémonie  fut  suivie  d'nn 
magnifique  festin,  auquel  les  chanoines  de  la 
cathédrale  et  plusieurs  personnes  de  qualité 
assistèrent,  et  deux  fontaines  de  un  coulè- 
rent pendant  le  repas  dans  la  place  qui  est 
devant  le  palais.  Le  lendemain,  le  comte  Er- 
nest de  1  hun  ,  neveu  de  l'archevêque  ,  qui 
l'avait  fait  commandeur  de  l'ordre,  donna 
aux  chevali  rs  un  autre  repas  magnifique, 
qui  fut  suivi  d'un  combat  d'ours  et  de  tau- 
reaux 


E 


ÉCAILLE.  Voy.  B.ode  (Ordre  de  la). 
ÉCHABPE.  Voy.  Hache. 
ÉCHELLE     (Religieux      bospitaliers    de 

NOTRC-DiME  DELLA    S    ALA    OU    DE   l'). 

Des  religi  ux  hospitaliers  de  A'olre-Drme 
délia  Sc&la  on  de  l'Echelle,  à  Sienne,  ifce 
la  vie  du  bienheureux  Soror,  leur  fonda- 
teur. 

Voici  des  hospitaliers  à  qui  Barbosa,  Tam- 
burin.  Crusenius  et  quelques  autres  auteurs 
donnent  pour  fondateur  le  bienheureux  Au- 
uslin  Novelii,  qui,  après  avoir  élé  chance- 
lier de  Main  Fi oi,  roi  d  •  Sicile,  se  lit  religieux 
de  l'ordre  des  Ermites  de  Saint-AugUstin , 
doit  il  fut  ensuite  général  ,  et  u-.t  pour  lors 
péniienci  r  et  confesseur  du  pape  Boni- 
face  VIII;  et  ils  prétendent  nue  ce  fut  vers 
l'an  1300  qu'il  fonda  celle  enngrégai  n.  C  s 
auteurs  se  sont  peut-être  fondés  sur  ce  que 
dans  la  vie  de  ce  saint  il  est  dit  qu'il  per- 
suada à  on  homme  riche  de  la  ville  de  Sienne, 
nommé  Restauras,  de  d  mner  tout  son  bien  à 
l'hô.  ilal  de  cette  ville,  et  que,  comme  le  bien- 
heureux Augustin  avait  beaucoup  de  crédit  à 
Borne,  il  obtint  des  privilèges  et  des  exemptions 
pour  cet  hôpital  et  pour  ceux  qui  le  desser- 
vaient, qui  prirent  le  nom  de  religieux,  et 
auxquels  il  prescrivit  une  manière  de  vivre 
et  quel  devait  être  l'habillement  du  recteur. 
Selon  l'auteur  de  cette  vie,  qui  (à  ce  que 
dit  le  Père  Pap"broch)  était  contemporain  de 
ce  bii-nheureux  Augustin,  il  n'aurait  pres- 
crit ces  règlem  nls  pour  les  religieux  de  cet 
hôpital  de  Sienne  que  vers  I'an"l300,  puis- 
qu'il ne  les  fil  qu'après  avoir  renoncé  au 
généralat,  qu'il  exerça  pendant  deux  ins,  et 
auquel  il  avait  été  élevé  le  23  mai  1298, 
comme  remarque  le  même  Papebroch  dans 
ses  annotations  sur  cetlevie.  Par  conséquent 
ces  hospitaliers  n'auraient  été  religieux  que 
dans  le  même  temps,  puisque  l'autur  de  la 
vie  du  bienheureux  Augustin  dil  qu'il  leur 


en  obtint  la  permission  ,  ce  qu'il  a  entendu 
par  ces  paroles  :  Insuper  et  omnia  !  onn 
privilégia  quœhabe!  dictum  hospilale,  et  quod 
passent  vocari  fratres,  et  deeorumexempli  me 
a  an'lu  matre  Eccle-in,  ipse  cum  esset  inn- 
gnœ  reputalionis  in  curia  ,  acquisivit.  Ce- 
pendant il  y  avait  des  religieux  dans  cet  hô- 
pital dès  l'an  1292,  selon  Giugurla  Tomniai  i 
dans  son  H  stoire  de  Sienne  ;  et,  si  !e  re.c.tp.up 
et  eux  qui  desservaient  cet  hôpital  n'eus- 
sent pas  été  religieux  ,  la  république  de 
Sienne,  à  qui  le  pape  Célestin  III  avait  re  .iâ 
le  gouvernement  de  cet  hôpital  l'an  H9i, 
en  l'ôtant  des  mains  des  chanoines  dé  !<i 
cathédrale,  aurait  pu  les  changer  et  en 
mettre  d'autres  en  leur  place,  l'an  12  (2, 
voyant  que  par  leurs  malversations  les  re- 
venus se  dissipaient,  et  que  les  pauvres 
élaient  privés  de  secours.  Mais  cono 
tail  dans  ce  temps-là  de  véritables  religieux 
quMle  ne  pouvait  pas  renvoyer,  elle  em- 
ploya seulement  on  autorité  pour  que  l'hô  - 
pilai  fût  mieux  go  :verné  à  l'avenir  qu'il 
n'avait  élé  jusqu'alors.  Le  sénat  (dit  Tom- 
n  asi)  envoya  pour  ce  sujet  six  députés  à 
Orlando  ,  qui  en  était  recteur,  et  qui  les 
rebuta  d'abord  sans  les  vouloir  entendre; 
mais  ils  furent  derechef  envoyés  avec  ordre 
exprès  à  ce  recteur  de  réformer  avec  eux 
les  abus  qui  élaient  dans  celle  maison  ,  afin 
que  les  pauvres  fussent  mieux  soulagés  à 
l'avenir.  Lesénat  lui  défendit  en  même  te  nps 
de  soumettre  cet  hôpital  à  aucune  église  ni 
à  aucun  ecclésiastique,  et  fit  des  règlements 
pour  le  bon  gouvernement  qu'il  prétendit 
qu'on  observerai!.  Ainsi  cela  détruit  ce  que 
l'auteur  de  la  vie  du  bienheureux  Augustin 
Novelii  a  avancé  ;  et  n'y  ayant  eu  que  h^it 
ans  d'intervalle  entre  les  années  1292  e| 
1300,  il  semble  que  Tommasi  aurait  dû  faire 
mention  des  règlements  qui  avaient  été  Faits 
par  le  bienheureux  Augustin  Novelii  ,  s'il 
est  rrai  qu'il  en  ait  fait;  mais  au  coutraire  il 


119 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


120 


sic  parle  aucunement  de  lui,  non  plusqu'Or- 
lando  Malavolti,  dans  l'Histoire  de  Sienne, 
qu'il  a  faite  aussi.  Au  reste;  il  se  peut  faire 
>iue  le  bienheureux  Novelli  leur  ait  seule- 
ment procuré  la  règle  de  saint  Augustin. 

Il  se  trouve  une  peinture  dans  cet  hôpital, 
de  l'an  144-2,  laquelle  représente  le  bienheu- 
reux Augustin  Novelli  donnant  l'habit  au 
recteur  avec  celle  inscription  au  bas,  Corne 
S.  Agoslino  Novelo  die  l'abito  aretlore  de  lo 
spedale;  mais  on  ne  peut  pas  tirer  de  là  une 
conséquence  qu'il  a  élé  le  fondateur  de  ces 
hospitaliers.  Peut-être  en  avait-il  commis- 
sion, ou  bien  ce  recteur  était  bien  aise  de  le 
recevoir  de  sa  main  par  dévotion.  D'ailleurs, 
il  en  était  de  ces  recteurs  comme  de  l'admi- 
nistrateur de  l'hôpital  du  Saint-Esprit  en 
Saxe,  à  Rome,  qui  est  toujours  une  personne 
distinguée,  qui  n'est  pas  tirée  du  corps  de  la 
religion,  quoiqu'il  en  soit  général;  et  il 
S'1  pourrait  faire  que  le  bienheureux  Augus- 
tin ayant  persuadé  à  ce  Ile staurus,  dont  nous 
avons  parlé,  de  donner  tous  ses  biens,  qui 
étaient  considérables,  à  cet  hôpital,  et  cet 
homme  ayant  voulu  se  consacrer  au  service 
des  pauvres,  on  l'aurait  par  reconnaissance 
fait  recteur  de  cet  hôpital,  et  qu'il  aurait 
voulu  recevoir  l'habit  des  hospitaliers  des 
mains  du  bienheureux  Augustin  Novelli. 

Lombardelli,  dans  la  vie  du  bienheureux 
Soror,  qui  est  le  véritable  fondateur  de  ces 
hospitaliers,  après  avoir  dit  qu'il  recul  l'ha- 
bit des  mains  de  l'archevêque  de  Sienne,  de- 
mande grâce  au  lecteur,  et  le  prie  de  ne  le 
point  faire  passer  pour  un  menteur,  si  par 
hasard  il  lui  tombe  entre  les  mains  une  vie 
du  bienheureux  Soror  écrite  par  un  auleur 
anonyme,  qui  dit  que  ce  fut  le  biriiheureux 
Augustin  Novelli  qui  lui  donna  l'habit.  Il  l'ait 
en  même  temps  remarquer  que  ces  deux 
bienheureux  n'étaient  point  contemporains, 
que  le  bienheureux  Soror  mourut  l'an  898, 
cl  que  le  bienheureux  Augustin  Novelli  vi- 
vait en  1306.  11  ajoule  qu'il  est  vrai  que  le 
bienheureux  Augustin  donna  l'habit  et  le 
vole  à  une  sainte  femme,  nommée  Oiéla,  qui 
demeurait  dans  cet  hôpital  au  service  des 
femmes  malades.  Ainsi,  selon  cet  auteur,  co 
serait  peut-être  le  bienheureux  Soror  qu'on 
aurait  voulu  représenter  dans  ce  tableau  re- 
cevant l'habit  des  mains  du  bienheureux 
Augustin  Novelli,  et  qui  aurait  donné  occa- 
sion a  cet  anonyme  auteur  de  la  vie  du  bien- 
heureux Soror  de  dire  qu'il  avait  reçu  l'ha- 
bit des  mains  du  bienheureux  Augustin  No- 
velli, ce  qui  ne  peut  pas  être,  et  il  n'y  a 
nulle  apparence  que  ce  dernier  ait  institué 
les  hospitaliers  de  Sienne,  à  qui  nous  don- 
nons à  plus  jusle  tilre  pour  fondateur  le 
bienheureux  Soror. 

Il  naquit  à  Sienne  le  25  mars  de  l'an  832, 
de  parents  qui  subsistaient  plutôt  du  travail 
de  leurs  mains  que  des  biens  de  leur  patri- 
moine, dont  ils  étaient  médiocrement  pour- 
vus. Ils  ne  laissèrent  pas  de  donner  de  si 
bonnes  instructions  à  leur  fils,  et  de  l'élever 
dans  des  sentiments  d'une  piété  si  solide, 
qu'après  leur  mort, se  voyant  libre  des  soins 
qu'il  leur  rendait,  et  des  secours  qu'il  leur 


procurait ,  il  se  dévoua  entièrement  au  ser- 
vice de  Dieu  dans  les  exercices  de  la  péni- 
tence. Pour  cet  effet  il  se  prescrivit  un  genre 
de  vie  qu'il  ne  changea  que  par  raison  de 
conformité  lorsqu'il  eut  établi  la  congréga- 
tion dont  nous  allons  parler.  Il  portait  con- 
linuellement  le  cilice,  jeûnait  trois  fois  la 
semaine  au  pain  et  à  l'eau,  et  les  autres 
jours  il  ne  prenait  que  des  viandes  commu- 
nes et  en  très-petite  quantité.  Je  ne  sais  si 
l'auteur  de  l'Histoire  des  Flagellants  ne  s'é- 
lèvera point  contre  moi  si  je  dis  que  le  bien- 
heureux Soror,  pendant  une  heure  du  jour 
et  autant  de  la  nuit,  déchirait  son  corps  avec 
des  disciplines  armées  de  pointes  de  fer, 
puisque  c'est  aller  contre  son  sentiment,  et 
donner  un  exemple  de  celle  sorte  de  mar- 
tyre dans  le  neuvième  siècle.  Mais  commo 
je  ne  parle  qu'après  Lombardelli,  qui  rap- 
porte ce  fait  dans  la  vie  du  bienheureux  So- 
ror, l'auteur  de  l'Histoire  des  Flagellants 
pourra  le  lui  contester  s'il  le  veut,  et  je  passe 
aux  autres  mortifications  de  ce  bienheureux, 
qui  à  peine  donnait  à  son  corps  quelque  re- 
pos la  nuit,  et  le  peu  qu'il  lui  accordait  n'é- 
tait que  sur  une  planche,  employant  le 
reste  de  la  nuit  à  la  prière  et  à  la  méditation. 
Il  se  levait  à  minuit  pour  aller  à  quelque 
porte  d'église  dans  laquelle  on  disait  mati- 
nes à  cette  heure-là.  Le  jour  il  assistait  à 
tous  les  offices,  et  visitait  presque  loutes 
les  églises  de  la  ville  et  les  autres  lieux  de 
piété. 

Mais,  comme  Dieu  le  destinait  à  secourir 
les  pauvres,  il  lui  inspira  d'abord  la  pensée 
de  donner  un  asile  aux  pauvres  pèlerins, 
qui,  passant  à  Sienne  pour  aller  à  Rome,  et 
n'y  ayant  point  de  retraite  assurée,  étaient 
obligés  de  coucher  le  plus  souvent  dans  les 
rues.  Il  avait  une  petite  maison  joignant  l'é- 
glise cathédrale,  qu'il  destina  pour  cette  œu- 
vre de  charité,  en  la  faisant  servir  d'hospice 
pour  ces  pauvres  pèlerins.  11  les  invitait  à  y 
venir  loger,  il  leur  lavait  les  pieds,  leur  don- 
nait à  manger,  et  raccommodait  leurs  habits. 
Ses  soins  ne  se  terminaient  pas  à  des  assis- 
lances  simplement  corporelles  ;  il  s'appliquait 
à  leur  procurer  le  salut  éternel,  en  leur  fai- 
sant des  instructions, les  entretenant  de  cho- 
ses spirituelles,  et  les  consolant  dans  leurs 
misères. 

Son  exemple,  joint  à  ses  exhortations, 
anima  tellement  les  personnes  charitables 
de  Sienne,  qu'il  y  en  eut  plusieurs  qui  vou- 
lurent contribuer  à  son  pieux  dessein.  Les 
uns  l'assistèrent  d'argent,  d'autres  lui  en- 
voyèrent des  vivres  en  abondance;  de  sorle 
que  par  cette  assistance  il  se  vit  en  état  d'aug- 
menter sa  chambre  et  d'y  mettre  un  plus 
grand  nombre  de  lits.  Les  étrangers  qui 
avaient  ressenti  les  effets  de  sa  charité  en 
passant  à  Sienne,  étant  de  retour  chez  eux, 
lirent  connaître  ce  saint  homme,  auquel  on 
envoya  de  différents  endroits  de  grosses  som- 
mes, par  le  moyen  desquelles  il  se  vil  en 
état  d'entreprendre  de  grands  bâtiments 
afin  de  pouvoir  recevoir  un  plus  grand  nom- 
bre de  pauvres.  Pour  cet  effet  il  jeta  les  fon- 
dements de  l'hôpital  de  Notre-Dame  délia 


121 


ECU 


ECO 


Scala  ou  île  l'Echelle,  qui  fui  ainsi  nommé  à 
cause  qu'en  creusant  la  terre  pour  faire  les 
fondements,  on  y  trou.va  trois  degrés  de  mar- 
bre que  l'on  crut  être  des  restes  d'un  temple 
qui  était  dédié  à  Minerve.  Son  hôpital  étant 
achevé,  et  étant  ainsi  beaucoup  augmenté, 
sa  charité  augmenta  aussi  en  même  temps. 
Non  content  d'y  loger  les  pèlerins,  il  y  reçut 
encore  les  malades  d'*  la  ville  et  les  étran- 
gers ;  et  voulant  que  les  pauvres  prisonniers 
se  ressentissent  aussi  des  aumônes  qu'on  lui 
faisait,  il  leur  envoyait  à  manger  trois  fois 
la  semaine.  Sa  charité,  qui  n'avait  point  de 
bornes,  le  porta  encore  à  recevoir  les  en- 
fants exposés,  et,  par  le  moyen  des  grands 
legs  que  l'on  fit  à  son  hôpital,  il  se  trouva 
en  étal  de  faire  apprendre  des  métiers  à  ces 
enfants,  afin  qu'ils  pussent  gagner  leur  vie: 
et  il  m  niait  même  les  files.  Enfin  cet  hôpi- 
tal est  devenu  si  fameux  dans  la  suite,  qu'il 
a  présent  ment  plus  de  deux  cent  mille  li- 
vres de  revenu,  sans  les  aumônes,  qui  sont 
considérables. 

Le  bienheureux  Soror,  voyant  son  hôpital 
solidement  établi,  et  que  plusieurs  personnes 
qui  s'étaient  jointes  à  lui  pour  servir  les 
pauvres  voulaient  persévérer  le  restede  leur 
vie  dans  ce  saint  exercice  de  charité,  il  leur 
prescrivit  une  forme  d'habillement  pour  les 
distinguer  des  séculiers,  et  dis  îèglements 
tant  pour  leur  manière  de  vivre  que  pour 
l'ordre  du  service  des  malades,  la  réception 
des  pèlerins  et  l'élection  des  officiers.  11  y 
a*ait  des  règles  qui  regardaient  le  recteur  en 
particulier,  et  d'autres  qui  ne  regardaient 
que  les  frères.  11  y  en  avait  aussi  pour  les 
sœurs;  car,  comme  il  y  avait  dans  l'hôpital 
des  appartements  séparés  pour  les  femmes, 
elles  étaient  servies  par  des  personnes  de 
leur  sexe,  qui  étaient  habillées  de  même  que 
les  frères.  Ces  règles  furent  d*abord  approu- 
vées par  l'évéque  de  Sienne,  et  confirmées 
dans  la  suite,  longtemps  après  la  mort  du  fon- 
dateur, par  le  pape  Célestin  III,  l'an  1191,  et 
par  plusieurs  de  ses  successeurs.  On  y  fit 
néanmoins  des  changements  en  différents 
temps,  selon  qu'on  le  jugea  à  propos  pour  le 
plus  grand  bien  de  l'hôpital.  Plusieurs  hôpi- 
taux d'Italie,  voyant  le  bon  ordre  qu'on  ob- 
servait dans  celui  de  Sienne,  y  voulurent 
être  soumis  et  le  reconnaître  pour  leur  chef. 
Le  recteur  de  Sienne  envoyait  des  hospita- 
liers dans  ces  hôpitaux,  qu'il  retirait  quaud 
il  le  jugeait  à  propos;  et  il  y  faisait  la  usité 
comme  général  et  nommait  les  recteurs.  Il 
avait  aussi  voix  à  l'élection  de  l'évéque,  et 
le  droit  de  patronage  dans  plusieurs  églises. 
Les  principaux  hôpitaux  qui  dépendaient  de 
celui  de  Sienne  étaient  ceux  de  Florence, 
de  Saint-Geminien  ,  d'Aquapend.nle  ,  de 
Rie'i,  deTodi,  de  San-Miniata,  de  Poggibonzi, 
de  Saint-Savino,  de  Barberino,  et  de  Caslel 
délia  Pieve;  mais  dans  la  suile  ils  se  sont 
soustraits  de  l'obéissance  du  recteur  de 
Sienne,  et  même  tous  ces  hospitaliers,  qui 
eurent  d  ms  la  suile  grand  besoin  de  réforme, 
à  laquelle  ils  ne   voulurent  point  entendre, 

(1)  Voy.,  à  ia  fin  du  vol.,  n*  19. 


122 


oui  été  entièrement  supprimés  vers  le  milieu 
du  xvr  siècle.  Quant  au  bienheureux  Soror, 
voyantque  l'hôpital  de  Sienncaugmenlait  en 
revenus,  il  ne  voulut  faire  aucune  dépense 
sans  l'avis  de  deux  gentilshommes  de  la  ville, 
auxquels  il  fit  donner  le  nom  de  Sages  de 
Notre-Dame  délia  Scala  ;  mais  dans  la  suite 
le  nombre  de  ces  gentilshommes  a  été  aug- 
menté, et  on  en  élit  lous  les  ans  huit  le  pre- 
mier jour  de  janvier,  qui  doivent  prendre 
connaissance  de  toutes  le  recettes  et  de  tou- 
tes les  dépenses  de  cet  hôpital.  Le  bienheu- 
reux Soror  y  mourut  le  15  août  de  l'an  898. 
L'on  fut  quatre  jours  sans  le  pouvoir  mettre 
en  terre,  à  cause  de  la  grande  foule  du  peu- 
ple qui  ne  le  voulait  point  quitter.  On  le  leva 
de  terre  l'an  U92  pour  le  meltre  dans  la  sa- 
cristie, et  son  corps  fut  trouvé  tout  entier  et 
sans  corruption. 

L'habillement  de  ces  hospitaliers  consis- 
tait en  une  soutane  noire  comme  celle  des 
ecclésiastiques,  sur  laquelle  ils  menaient  une 
chape  ou  manteau,  et  par-dessus  celte  chape 
une  espèce  decamail.sur  lequel  il  y  avait  du 
côté  gauche  une  petite  échelle  à  trois  éche- 
lons surmontée  d'une  croix  en  broderie  de 
soie  jaune,  et  pour  couvrir  leur  tète  ils 
avaient  un  béguin  d' toile  noire  qu'ils  atta- 
chaient avec  des  cordons  sous  le  menton;  et 
sur  ce  béguin  ils  portaient  un  bonnet  rond 
large  d'un  palme  et  demi  replié  de  la  lar- 
geur de  quatre  doigts  (1),  et  ils  n'ôlaient  ja- 
mais le  béguin  qu'en  présence  du  pape. 
L'habit  du  recteur  n'était  pas  différent  de 
celui  des  hospitaliers,  sinon  que  dans  certai- 
nes fêtes  et  cérémonies,  sa  chape  et  son  bon- 
net étaienl  de  velours,  et  l'échelle  en  brode- 
rie d'or;  mais  je  crois  que  la  vanité  y  avait 
fait  ajouter  quelque  chose  de  plus  que  ce  que 
le  bienheureux  Soror  avait  ordonné. 

Voyez  Rolland,  tom.  IV"  Maii.  Lombardelli, 
Vit.  dell.  li.  Soror.  Tommasi  et  Orlando  Ma- 
la  volt  i,  Hist.  de  Sienna.  Barbosa,  de  Jur. 
ecclrsiastico  lib.  i,  cap.  VI.  Ascag.  Tambur. 
de  Jur.  Abbat.  tom.  II.  disp.  21.  Crusen,  A/o- 
nastic.  Augusl.  Luigi  Torelli,  Sccoli  Agosli— 
ninni  (om.  V;  et  Philip.  Bonanni,  Culalog. 
Ord.  Relig.  tom.  \,p.  111. 

ECOLES  CHRÉTIENNES  %t  de  l'ENFANT 
JÉSUS  (Frères  et  Soeurs  des). 

Le  défaut  d'éducation  et  d'instruction  des 
enfants  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  ayant  tou- 
jours élé  la  source  de  plusieurs  dérèglements 
qu'on  voit  régner  au  milieu  du  christianisme, 
Dieu  a  suscité  de  temps  en  temps  de  saints 
fondateurs  et  autres  personnes  pieuses,  qui, 
poussés  d'un  saint  zèle  pour  la  gloire  de  sa 
divine  majesté,  ont  tâché  de  remédier  à  ces 
dérèglements  en  établis  sa  ni  des  congrégations 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  qui,  sous  différents 
noms  et  des  règles  particulières,  ont  pour  fin 
principale  l'instruction  de  la  jeunesse.  Telle 
est  celle  des  Ecoles  Chrétiennes  et  charita- 
bles de  l'Enfant  Jésus,  qui  ue  diffère  des 
précédentes  qu'en  ce  qu'elle  renferme  sous 


123 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


124 


Un  même  nom  et  sous  une  même  règle  des 
personnes  de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  dont 
les  uns  son!  destines  pour  enseigner  les  gar- 
çons,  et  les  autres  pour  enseigner  les  filles. 
Le  P.  Nicolas  Barré,  religieux  de  l'ordre  des 
Minimes,  qu'ils  reconnaissent  pour  leur  in- 
stituteur,nàquità  Amiens  vers  l'an  1621.  depa- 
rents  hnnnrtescl  fort  vertueux,  qui  n'omirent 
rien  pour  lui  donner  une  bonne  éducation. 
Lorsqu'il  fui  en  âge  de  choisir  un  état  de  vie 
dans  lequel-  il  pût  servir  Dieu  comme  il  sou- 
haitait, il  entra  dans  l'ordre  des  Minimes,  et 
y  fit  ses  vœux  l'an  I6k%,  âgé  de  21  ans.  Son 
principal  caractère  était  de  retirer  les  plus 
grands  pécheurs  des  abîmes  du  désordre  ,  et 
de  porter  les  âmes  déjà  gagnées  à  Dieu  et 
avancées  dans  la  pieté  à  de  plus  hauts  de- 
grés de  perfection.  Ce  fut  ce  zèle  qu'il  avait 
de  gagner  de-,  âmes  à  Dieu  qui  le  porta  à 
unir  ensemble  plusieurs  filles  vertueuses 
qui  s'employassent  à  l'instruction  des  per- 
sonnes de  leur  sexe.  Le  premier  établisse- 
ment s'en  lit  à  Paiis  l'an  1678,  et  le  P.  Barré, 
voyant  le  succès  de  cet  établissement ,  enga- 
gea aussi  des  maîtres  d'école  à  faire  une 
pareille  société,  qui  fut  commencée  l'an  168J. 

Les  uns  et  les  autres  vivent  en  commu- 
nauté, sans  faire  de  vœux,  sous  la  conduite 
d'uii  supérieur  ou  d'une  supérieure,  auxquels 
ils  sont  obligés  d'obéir. Selon  l'esprit  de  leur 
institut,  ils  doivent  travailler  sans  relâche  à 
leur  propre  sanctification,  par  l'açquisi  i  n 
de  toutes  les  vertus.  Leur  emploi  principal 
est  de  tenir  les  écoles  pour  des  enfants  pau- 
vres et  indigents,  et  d'instruire  des  princi- 
paux mystères  de  la  foi  les  grandes  person- 
nes auxquelles  Dieu  inspirera  d'avoir  re- 
cours à  eux ,  et  cela  sans  aucune  distinction 
ni  acception  de  personnes.  Il  n'est  pas  néan- 
moins permis  aux  Frèresde  recevoir  m  leurs 
écoles  des  filles, de  quelque  âge  qu'elles  soienl, 
ni  aux  Sœurs  des  garçons,  si  jeunes  qu'ils 
puissent  cire.  Les  uns  et  les  autres  ne  peu- 
vent pas  non  plus  aller  dans  les  maisons  poii  r 
enseigner  à  lire,  écrire  ou  travailler,  sous 
quelque  prétexte  que  ce  soi!.  Ils  doivent  être 
toujours  disposés  au  premier  ordre  de  chan- 
ger de  demeure  pour  aller  faire  l'instruction 
aux  lieux  et  aux  personnes  que  les  supé- 
rieurs jugeront  à  propos,  imitant  en  cela 
l'exemple  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ, 
qui  étant  sur  la  terre  enseignait  dans  les 
bourgs  et  villages  aussi  bien  que  dans  les 
villes,  allant  pour  cet  effet  partout  où  la 
gloire  de  son  Père  l'appelait. 

Ces  instructions  se  don  eut  faire  gratuite- 
ment, en  sorte  que  tant  les  Frères  que  les 
Sœurs  ne  doivent  rien  recevoir  de  ce  q  i  leur 
sera  offert  par  les  parents  des  enfants  qu'ils 
instruisent,  soit  riches  soit  pauvres  ;  et  à  plus 
forte  raison  leur  rien  demander,  ni  directe- 
ment ni  indirectement.  Les  dimanches  et  fê- 
tes les  Frères  (ont  des  instructions  publiques 
et  des  conférences  chrétiennes  pour  les  hom- 
mes et  les  garçons  âgés  qui  y  veulent  venir, 
et  les  Sœurs  en  font  aussi  pour  les  iilles  et 
les  femmes.  Quoiqu'ils  ne  fassent  point  vœu 
d'obéissance  ni  de  pauvreté',  ils  sont  néan- 
moins dans   une   si  grande  dépendance  do 


leurs  supérieurs,  qu'ils  ne  peuvent  rien  avoir 
à  leur  insu  ni  disposer  de  rien  sans  leur  vo- 
lonté ni  leur  permission.  S'il  y  a  des  écoles 
dans  la  ville  autres  que  celles  qui  sont  dans 
la  maison,  et  qui  dépendent  de  l'institut,  le 
supérieur  des  Frères  doit  visiter  celles  des 
garçons,  et  la  supérieure  des  Sœurs  celles 
des  filles,  tous  les  quinze  jours  ;  cl,  s'il  y  en 
a  auprès  des  villes,  ils  sont  obligés  d'y  aller 
au  moins  une  fois  tous  les  trois  mois,  et  y 
demeurer  tout  le  temps  qui  sera  nécessaire; 
pour  examiner  de  quelle  manière  les  maîtres 
et  maîtresses  se  comportent,  et  l'édification 
que  le  peuple  en  retire.  Pour  ce  qui  est  des 
écoles  les  plus  éloignées  ,  ils  ne  sont  obligés 
d'y  aller  qu'une  fois  l'année.  Ces  maisons 
des  Ecoles  charitables  sont  sous  la  protec- 
tion du  saint  Enfant  Jésus  et  de  la  sainte 
Vierge  sa  mère  :  c'est  pourquoi  leurs  fêles 
principales  sont  celles  de  la  Nativité  do 
Noire-Seigneur,  la  Pentecôte  et  celle  de  la 
Présentation  de  la  sainte  Vierge,  auxquels 
jours  les  Frères  et  Sœurs  doivent  faire  une 
protestation  nouvelle  de  servir  Dieu  sincère- 
ment, de  se  rendre  dignes  de  lui  appartenir, 
et  de  suivre  sa  conduite  en  telle  manière 
qu'il  voudra,  et  qu'il  leur  sera  signifié  par 
leurs  supérieurs.  Ils  doivent  réciter  en  com- 
mun tous  lesdimanches  les  litaniesdes  saints, 
les  jeudis  celles  du  saint  Nom  de  Jésus,  ej  le 
samedi  celles  de  la  Vierge,  dont  iis  doiv  ut 
réciter  aussi  l'office  tous  les  jours.  Tons  les 
ans  ils  font  une  retraite  de  dix  jours.  Ils 
prennent  chacun  à  l'alternative  un  jour  de 
rejraile,  depuis  e  premier  dimanihe  de  l'A- 
yent,  jusqu'à  Noël,  et  depuis  le  dimanche  de 
la  Passion  jusqu'à  Pâques,  et  en  quelques 
autres  jours  de  l'année.  Ils  ne  peuvent  faire 
aucune  mortification  ni  austérité  de  corp§, 
sous  quelque  prélexle  que  ce  soit,  sans  le 
consentement  exprès  du  directeur  général  , 
mais  au  jour  de  leur  associât  on,  il  leur  est 
permis  de  faire  quelque  dévotion  extraordi- 
naire, aGn  de  renouveler  l'esprit  avec  lequel 
ils  se  sont  consacrés  ce  jour-là  aux  emplois 
qui  regardent  uniquement  la  gloire  de  Dieu 
et  |e  service  du  prochain  ;  et  deux  fois  la  se- 
maine ils  reconnaissent  leurs  fautes  en  pré- 
sence de  toute  la  communauté  assemblée. 
Tels  sont  les  principaux  règlements  que  leur 
a  prescrits  le  P.  Barré  ,  leur  instituteur, 
qui  mourut  à  Paris  le  31  mai  1686,  âgé  de 
65  ans. 

11  y  a  déjà  en  France  plusieurs  maisons 
tanl  d'hommes  que  de  filles  de  ces  Ecoles 
chrétiennes  et  charitables.  La  principale  de 
celles  des  Frères  est  à  Paris  au  faubourg 
Saiui  Germain,  et  ils  en  ont  en  plusieurs  pro- 
vinces, comme  le  Poitou,  l'Auvergne,  la  Lor- 
raine, la  Champagne,  la  Picardie,  la  Bour- 
gogne, le  Boulonnais  i  I  le  Berri.  Ce  qui  est 
honorable  pue  les  Sœurs,c'<  si  que  madame 
de  Maintenon  en  choisit  quelques-unes  pour 
avoir  soin  de  l'éducation  des  jeunes  demoi- 
selles qu'on  éiève  à  Saint-C]  r,  lorsque  le  roi 
Louis  XÎV  fit  cet  établissement,  i'an  1686. 
Les  Frères  ont  pour  habillement  une  sou- 
tane et  une  houppelande,  avec  des  manches 
peudautes,  le  tout  d'étoffe  noire  et  grossie- 


1$ 


fxo 


re(i).  Los  Sœurs  «ont  vêtues  plus  propre- 
m  ni,  mais  mo  est-mont,  à  peu  près  comme 
|i  -  F  Iles  de  l'Union  Ghrétipnne. 

lierai  nt.  Ifist.  des  Ordres  religieux^  tom. 
IV  ;  ci  les  Statuts  et  Règlements  îles  Ecoles 
(  /retiennes  et  charitables  ,  imprimés  à  Paris 
i\  n  KJ85. 

ÉCOLES  PIEUSES  ou  ÉCOLES  PIES  ,'Clrrcs 

KÉGl  LIERS    PAUVRES   DE    I.A  MÈRE    DE  DlEU, 
DITS  di:s). 

De  1 1  congréqation  des  Clercs  Réguliers  Pau- 
vres delà  Mère  de  Dit  u  (les  Ecoles  pieuses, 
ave-  la  rie  <lu  vénérable  P.  Joseph  Casa- 
!  nz.  leur  fondateur. 

Entre  les  éloges  que  les  souv<  rains  pon- 
tifes ont  donnés  à  la  congrégation  des  Ciercs 
Réguliers  Pauvres  de  la  Mère  de  Dieu,  ils 
1'  ni  appelée  un  institut  pieu*  et  r<  c  iqimao- 
deble,  un  institut  digne  lie  louanges,  un 
institut  fort  uli  e  à  la  république  I  rélj  une, 
ei  un  ouvrage  d'une  ch  ri  é  éprouvée  et 
d'une  éducation  |  ar!  aite.  Et  l'ordre  d.  Sai  it- 
Dominique,  ;  our  montrer  l'estime,  qu'il  fai- 
sait aussi  de  c.  te  congrégation)  ordonna, 
par  un  décret  du  chapitre  :  enér  1  de  l'an 
1686,à  tonslesprovinc  aux  el'or.'r  ,  d'avoir 
beaucoup  de  n  pect  et  de  vénération  pour 
les  Cl  rcs  Kégulieis  de  cette  congrégation,  pt 
d'en  procurer  auianl  qu'il  pourraient  le 
progrès  et  l'avance  nent,  ce  que  firent  aussi 
les  religieux  conventuels  de  l'urdre  de 
François  ,  dans  leur  chapitre  général  de 
l'an  1693. 

Joseph  Casalanz.,  fondateur  de  ces  Ciercs 
Réguliers  des  Ecoles  pieuses,  naquit  à  I  é- 
ralte  de  la  Sal  au  royaume  d'Aragon,  le  il 
septembre  lo'iti,  de  d  m  Pierre  Casalanz  et 
(ie  Marie  Caslon,  tous  deux  également  no- 
bles ,  allies  a  ix  premières  maisons  du 
royaume,  et  qui  joignaient  encore  à  hur 
noblesse  beaucoup  de  pieté.  Il  reçut  ;.u 
baptême  le  nom  de  Joseph,  et  lit  paraître 
dès  ses  plus  faibles  années  les  fruits  de  1 1 
bonne  éducation  ;u'il  avait  reçue  de  se;  ;  a- 
rents.  Etant  parvenu  à  un  âge  pies  avancé, 
il  fui  envoyé  aux  écoles  pour  y  apprendre 
les  lettres  humaines,  et  après  avoir  fini  ses 
humanités  '1  fit  ses  éludes  de  philosophie  et 
de  droit  dans  l'université  de  Léiida,  comme 
la  plus  proche  de  Péralte,  et  qui  n'en  était 
éloignée  que  de  six  lieues.  Il  alla  ensuite  à 
Valence  pour  y  faire  son  cours  de  théologie  ; 
mais  il  ne  demeura  pas  longtemps  dans  celte 
université,  car  une  dame  de  considération 
chez  laquel'e  il  allait,  sjrtMit  conçu  pour  lui 
u n  a  nour  dé- lion nèle,  et  ayant  voulu  donner 
altciiiie  a  sa  chasteté,  il  abandonna  Valeurs 
pour  éviter  ses  poursuites,  et  alla  continuer 
sa  théoloiie  dans  l'uni'.  rs;te  il' Ai  ala  d'Hcn- 
narés,  où  il  reçut  le  bonnet  de  docteur. 

Dans  le  temps  qu'.l  étudiait  dans  celle 
université,  son  frère  aine  mourut,  a  près  avoir 
vécu  irois  ans  dans  le  mariage  saus  laisser 
d'enfants  ee  qui  avait  porte  son  père  à  le 
solliciter  de  revenir  à  Peralte,  afin  de  l'enga- 


ger dans  le  mariase,  le  regardant  comme  le 
soutien  de  sa  famille,  étant  le  seul  enfant 
mâle  qui  lui  restât.  Mais  Joseph  Casalanz, 
qui  avait  bien  d'autres  pensées  et  qui  ne 
songeait  qu'à  se  donner  à  Dieu,  appréhen- 
dant que  son  père  ne  le  violentât  à  suivre 
ses  volontés,  auxquelles  il  avait  toujours  été 
soumis,  ne  revint  point  à  Péraltc.  Après 
avoir  pris  ses  degrés  dans  l'université  d'Al- 
cala,  il  alla  à  Jacca,  où  il  demeura  pendant 
deux  ans  avec  l'évèque  de  cette  ville,  dom 
Gaspard  Jean  de  la  Figuera,  en  qualité  de 
son  aide  d'étude.  Comme  ce  prélat,  qui  avait 
enseigné  dans  l'université  de  Salamanque, 
était  un  des  ;  lus  savants  de  l'Espagne,  Ca- 
salanz profita  beaucoup  de  sa  conversation  ; 
il  aurait  même  souhaité  d  meurer  plus  long- 
temps avec  lui,  mais  il  ne  put  enfin  résister 
aux  sollicitations  de  son  père,  qui  le  voulait 
avoir  auprès  de  lui. 

Il  revint  donc  à  Péralte;  mais  il  demeura 
toi: j  >urs  constant  dans  la  résolution  qu'il 
avait  prise  de  ne  point  s'engager  dans  le 
mariage.  Son  père  lui  en  faisait  tous  les 
jours  de  nouvelles  propositions;  mais  il  les 
éludait  par  les  difficultés  qu'il  faisait  naître 
t<r  les  partis  qui  se  présentaient,  espérant 
qu'à  la  fin  il  pourrait  obtenir  le  ronsenle- 
nienl  de  son  père  pour  prendre  l'état  ecclé- 
siastique. Pour  cet  effet  il  se  recommandait 
jour  et  nuit  à  la  sainte  Vierge,  qu'il  avait 
prise  pour  sou  avocate  auprès  de  Dieu,  afin 
qu'il  lui  plût  de  loucher  le  cœur  de  son 
père  :  il  ajouta  à  ses  prières  et  à  ses  oraisons 
[es jeûnes,  les  veilles  et  les  austérités,  afin  de 
pouvoir  plus  facilement  obtenir  de  Dieu  cetie 
grâce,  qui  lui  fut  enfin  accordée  ;  car  il 
tomba  dangereusement  malade,  et  se  voyant 
abandonné  des  médecins,  il  pria  son  père  de 
lui  permettre  de  recourir  aux  remèdes  di- 
vins, puisque  les  remèdes  humains  étaient 
inutiles.  Son  père,  les  I  rmes  aux  yeux,  y 
consentit,  et  dans  le  même  temps  Casalanz 
fit  vœu  à  Dieu  de  se  faire  prêtre  s'il  lui  ren- 
dait 1  ;  santé.  Comme  Dieu  le  destinait  pour 
ère  le  fondateur  d'une  congrégation  reli- 
gieuse, il  lui  accorda  la  santé  qu'il  deman- 
dait ;  car  à  peine  eut- il  fait  son  vœu,  qu'il 
commença  à  se  mieux  porter,  el,  ayant  en- 
tièrement recouvré  ses  forces,  il  se  mit  en 
étal  d'exécuter  ce  vœu.  11  reçut  les  quatre 
mineurs  e!  le  sous-diaconat  au  mois  de  dé- 
cembre 1582.  Il  pril  le  diaconat  le  jour  du 
samedi  saint  de  l'année  suivante,  et  au  mois 
de  décembre  de  la  même  année  il  fut  fait 
prêtre. 

Il  ne  se  vit  pas  plutôt  revélu  de  la  qualité 
de  ministre  du  Seigneur,  qu'il  redoub.a  .lon 
zèle  et  sa  ferveur  pour  son  service,  el,  fai- 
sant réflexion  que  la  dignité  du  sacerdoce 
il;  andait  en  lui  une  plus  grande  perfection, 
il  s'eludiait  de  joindre  une  vie  sainte  à  la 
saintelé  de  son  ministère,  et  il  célébrait  tous 
les  jours  la  sainte  messe  avec  beaucoup  de 
dévotion.  La  réputation  de  sa  vertu  s'étant 
bientôt  répandue,  l'évèque  de  Lérida  le  vou- 
lut avoir  auprès  de  lui  ;  il  le  prit  pour  sou 


lt>  Yoy.,ïi  la  lin  du  vol.,n°àO. 


127 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


128 


confesseur,  et  le  fit  son  théologien  et  son 
examinateur  synodal.  Pou  de  temps  après,  ce 
prélat  ayant  été  commis  par  le  roi  d'Espagne 
pour  visiter  le  monastère  de  Notre-Dame  de 
Monl-Srrral  en  vertu  d'un  bref  du  pape, 
prit  avec  lui  Casalanz  pour  secrétaire  de  la 
visite.  L'cvcque  de  Lérida  élanl  mort  dans 
le  cours  de  cette  visite,  on  lui  substitua 
l'évéque  de  Vioh,  qui  pria  Casalanz  de  con- 
tinuer la  même  fonction  de  secrétaire;  mais 
il  s'en  excusa  et  retourna  à  Péralle,  où  il  ne 
fit  pas  grand  séjour;  car  dom  André  Capri- 
glia  ,  évoque  d'Urgel,  non-seulement  lui 
donna  la  cure  d'Ortoncda,  mais  il  lui  donna 
encore  la  charge  d'officia!  dans  retendue  de 
Tremp,  qui  comprenait  environ  trois  cents 
bourgs  ou  villages.  Il  s'acquitta  de  cet  emploi 
pendant  l'espace  de  huit  ans;  mais  se  sen- 
tant inspiré  d'aller  à  Rome,  il  remit  son  bé- 
néfice entre  les  mains  de  son  évêque  avec 
l'emploi  qu'il  lui  avait  confié,  et  partit  pour 
û'ier  à  Rome,  où  ii  arriva  au  commencement 
du. mois  de  mai  1592.  Il  y  visita  avec  une 
dévotion  extraordinaire  les  sépulcres  des 
saints  martyrs.  Pendant  quinze  ans  il  alla 
tous  les  jours  aux  stations  des  sept  églises; 
et  lorsque  quelques  affaires  le  détournaient 
de  cet  exercice  de  dévotion  pendant  le  jour, 
il  s'en  acquittait  pendant  la  nuit. 

A  peine  fut-il  arrivé  à  Rome,  qu'il  entra 
chez  le  cardinal  Marc-Antoine  Colomne,  en 
qualité  de  son  théologien.  Ce  prélat  avait 
une  si  grande  vénération  pour  sa  piété  et  sa 
vertu,  qu'il  le  donna  pour  directeur  à  ses 
neveux,  fils  du  connétable  Colomne,  qui  ne 
sortaient  jamais  du  palais  sans  avoir  baisé 
la  main  de  ce  saint  homme.  Tous  les  same- 
dis il  faisait  une  exhortation  aux  domesti- 
ques de  ce  cardinal.  11  avait  ses  heures  ré- 
glées pour  tous  ses  exercices  spirituels,  il 
portait  presque  continuellement  un  rude  ci- 
lice,  et  il  jeûnait  plusieurs  jours  de  la  se- 
maine au  pain  et  à  l'eau.  On  pouvait  même 
dire  que  ses  jeûnes  étaient  continuels,  car 
les  jours  qu'il  ne  jeûnait  pas  au  pain  et  à 
l'eau,  il  ne  faisait  qu'un  repas  le  malin,  et 
il  ne  prenait  rien  le  soir,  ce  qu'il  a  continué 
de  faire  pendant  quarante  ans,  et  ce  ne  fut 
que  sur  la  fin  de  ses  jours  qu'étant  fort  in- 
firme et  caduc,  les  religieux  de  sa  congré- 
gation le  prièrent  de  modérer  ses  grandes 
austérités. 

Deux  ans  après  son  arrivée  à  Rome,  l'an 
1594,  on  lui  conféra  un  canonicat  dans  l'église 
cathédrale  de  Barbast  au  royaume  d'Ara- 
gon, qui  était  la  ville  la  plus  voisine  du  lieu 
de  sa  naissance;  mais,  charmé  des  exercices 
de  piété  qui  se  pratiquaient  à  Rome,  il  ne 
voulut  point  quitter  cette  ville,  et  il  résigna 
son  bénéfice  au  docleur  Pierre  Navarre.  11  se 
fit  inscrire  dans  plusieurs  confraternités, 
comme  dans  celles  des  Douze-Apôtres,  des 
Stigmates  de  saint  François,  du  Suffrage  et 
de  la  Sainte-Trinité,  observant  exactement 
les  exercices  prescrits  par  les  statuts  de  ces 
compagnies. 

11  entra  aussi  parmi  les  Confrères  de  la 
Doctrine  Chrétienne,  et,  conformément  aux 
constitutions   de  cette  compagnie,  il  allait 


avec  beaucoup  de  charité  dans  toutes  les 
places  de  la  ville  pour  enseigner  la  doctrine 
chrétienne  aux  gens  de  la  campagne  qui  s'y 
trouvaient,  et  il  faisait  assembler  les  enfants 
dans  les  égli-es  pour  leur  faire  les  mêmes 
instructions.  Ce  fut  dans  ce  saint  exercice 
qu'il  connut  par  expérience  la  nécessité 
qu'il  y  avait  d'apprendre  de  bonne  heure  aux 
jeunes  enfants  les  principes  du  christia- 
nisme. Il  pensa  dès  lors  aux  moyens  de  le 
faire  avec  plus  de  fruit,  et  ce  qui  le  fit  ré- 
soudre à  s'y  employer  entièrement  fut 
qu'ayant  trouvé  par  les  rues  plusieurs  en- 
fants qui  ne  s'amusaient  qu'à  jouer  e!  di- 
saient beaucoup  de  paroles  malhonnêtes,  il 
s'arrêta  à  les  considérer.  Il  fut  vivement 
louché  de  voir  le.  peu  d'éducation  qu'on  leur 
donnait,  el  pour  lors  ces  paroles  du  prophète- 
roi  lui  vinrent  tout  d'un  coup  dans  In  pen- 
sée :  C'est  à  vous  que  le  soin  du  pauvre  est 
réservé,  el  vous  serez  le  protecteur  de  l'orphe- 
lin. Il  y  fil  réflexion,  il  crut  que  Dieu  les  lui 
avait  suggérées  afin  qu'il  prît  le  soin  d'in- 
struire ces  enfants,  et  il  chercha  dès  lors  les 
noyens  de  leur  donner  une  bonne  éducation, 
afin  qu'étant  élevés  dès  leurs  plus  tendres 
années  dans  la  crainte  de  Dieu  et  les  maximes 
du  christianisme,  ils  ne  pussent  pas  dans  la 
suite  ignorer  les  choses  de  leur  salut.  Il  en 
fit  la  proposition  à  plusieurs  personnes  ; 
mais  tous  les  moyens  qu'il  prit  n'ayant  pas 
réussi,  et  ces  personnes  ne  l'ayant  pas  voulu 
seconder,  il  entreprit  de  le  faire  seul.  Il  loua 
pour  cet  effet,  d'Antoine  Baudini,  curé  do 
Sainte-Dorothée  in  Ti  anstevere  proche  la  porto 
Sellimania,  quelques  chambres  où  il  com- 
mença à  rassembler  tous  les  enfants  de  ce 
quarlier,et  par  charilé  il  leur  apprenait  à  lire 
et  à  écrire,  l'arithmétique,  et  leur  fournissait 
aussi  gratuitement  des  livres,  de  l'encre  et 
du  papier.  Tous  les  jours  il  leur  enseignait  la 
doctrine  chrétienne,  leur  faisait  des  exhor- 
tations spirituelles,  et  quoiqu'il  demeurât 
encore  au  palais  du  connétable  Colomne, 
qui  est  fort  éloigné  de  Sainte-Dorothée,  il  ne 
laissait  pas  d'aller  deux  fois  par  jour  à  ses 
écoles,  où  le  nombre  des  enfants  s'augmen- 
tant,  et  ne  pouvant  suffire  seul  à  leur  in- 
struction, il  s'associa  quelques  prêtres  qui 
étaient  aussi  Confrères  de  la  Doctrine  Chré- 
tienne, qui  l'aidèrent  dans  son  entreprise. 

L'ordre  qu'il  avait  établi  dans  ses  écoles 
lui  donna  une  si  grande  réputation ,  que 
plusieurs  familles  de  la  ville  y  envoyèrent 
aussi  leurs  enfants,  ce  qui  fit  résoudre  Ca- 
salanz de  les  transférer  dans  la  ville  pour  la 
plus  grande  commodité  de  ceux  qui  y  vou- 
draient venir,  ce  qu'il  fit  au  commencement 
de  l'année  sainte  1600,  ayant  loué  pour  cet 
effet  une  grande  maison  proche  le  lieu  qu'on  > 
appelait  le  Paradis.  Il  quitta  pour  lors  le  pa- 
lais Colomne  pour  venir  demeurer  dans  cette 
nouvelle  maison  avec  lesmaitresqui  s'étaient 
joints  à  lui.  Deux  ans  après  ils  la  quittèrent 
pour  en  prendre  une  autre  à  louage,  proche 
de  Saint-André  delta  Y  aile  :  là  il  commença 
à  vivre  en  commun  avec  ceux  qui  s'étaient 
joints  à  lui,  et  il  partagea  cette  école  de 
piété  en  plusieurs  classes. 


429 


ECO 


ECO 


130 


Il  arriva  àCasalanz  un  accident  dans  celle 
maison  :  car  voulant  attacher  une  cloche 
dans  un  lieu  assez  élevé  de  la  cour,  il  tomba 
dé  l'échelle  où  il  était  monté,  et  se  rompit 
une  jambe.  Il  fut  en  danger  de  perdre  la  vie, 
à  laquelle  il  n'avait  aucune  attache,  et  qu'il 
aurait  quittée  sans  beaucoup  de  peine.  11  n'y 
iivait  que  l'appréhension  que  son  ouvrage 
ne  vînt  à  manquer  s'il  mourait,  qui  lui  cau- 
sait de  l'inquiétude.  Mais  Dieu  pour  le  con- 
soler lui  envoya  de  nouveaux  ouvriers,  dont 
l'un  fut  le  P.  Gaspard  Dragonclti,  qui  avait 
déjà  tenu  des  écoles  pendant  quarante  ans, 
et  qui  persévéra  dans  la  congrégation  jus- 
qu'en l'an  1628,  qu'il  mourut  à  l'âge  de  cent 
vingt  ans,  dans  une  grande  réputation  de 
s.iintelé;  et  l'autre  fut  le  P.  Gellius  Ghellini, 
noble  Vicentin. 

Casalanz  ayant  recouvré  la  santé  au  bout 
de  quelques  mois,  Dieu  le  voulut  consoler 
de  nouveau.  M.  Veslrio,  prélat  de  la  cour 
romaine,  qui  lui  avait  loué  sa  maison  pour 
servir  d'écoles,  assistait  souvent  aux  exer- 
cices qui  s'y  faisaient,  et  fut  si  content  du 
bon  ordre  qu'on  y  observait,  qu'il  en  parla 
au  pape  Clément  VIII,  qui  fit  venir  le  P.  Ca- 
salanz pour  être  instruit  par  lui-même  de 
quelle  manière  les  maîtres  se  comportaient 
dans  les  instructions  qu'ils  faisaient  aux  en- 
fants. Ce  pontife,  content  des  réponses  du 
fondateur,  l'exhorta  à  persévérer;  et,  afin 
de  l'animer  à  poursuivre  son  entreprise,  il 
promit  d'aller  lui-même  visiter  ces  écoles 
pieuses,  et  ordonna  que  l'on  donnât  tous  les 
ans  deux  cents  écus  pour  le  louage  de  cette 
maison. 

Celle  libéralité  du  pape,  jointe  au  bon  ac- 
cueil qu'il  avait  fait  à  notre  saint  fondateur, 
donna  de  la  jalousie  aux  maîtres  d'école  de 
la  ville.  Ils  décrièrent  Casalanz  auprès  de 
ce  pontife,  et  ils  lui  firent  entendre  que  les 
choses  n'étaient  pas  comme  on  les  avait  ex- 
posées à  Sa  Sainielé,  ce  qui  porta  !e  pape  à 
nommer  les  cardinaux  Antoniani  et  Baro- 
nius  pour  faire  la  visite  des  écoles  de  piété. 
Ces  cardinaux  n'y  ayant  trouvé  que  des  su- 
jets d'édification,  le  pape  de  vive  voix  ap- 
prouva ces  écoles  et  les  prit  sous  sa  protec- 
tion. Après  la  mort  de  Clément  VIII,  Paul  V 
leur  donna  pour  prolecteur  le  cardinal  de 
Torres,  et  ce  prélat  étant  mort,  il  lui  substi- 
tua le  cardinal  Giustiniani. 

Les  écoles  pieuses  augmentant  de  jour  en 
jour  en  écoliers,  et  la  maison  que  Casalanz 
avait  prise  à  louage  étant  trop  petite,  il 
acheta,  l'an  1612,  le  palais  Torres,  qui  était 
conligu  à  l'église  de  Sainl-Pantaléon ,  située 
dans  la  place  qu'on  appelait  anciennement 
de  Matcrazzari.  Le  cardinal  Giustiniani  con- 
tribua à  cet  achat,  ayant  donné  deux  mille 
écus,  et  l'abbé  Landriani,  noble  Milanais, 
non-seulement  donna  une  somme  plus  con- 
sidérable ,  mais  entra  dans  la  suite  dans  la 
congrégation  ,  et  y  mourut  dans  une  si 
grande  réputation  de  sainteté,  qu'on  a  même 
travaillé  au  procès  de  sa  canonisation.  Enfin 
le  palais  fut  entièrement  payé  par  un  legs 
de  six  mille  écus  que  le  cardinal  Lancclloiti 
fit  aux  écoles  pieuses.  Casalanz  obtint  en- 


core l'église  de  Saint-Pantaléon,  et  le  papo 
Paul  V,  considérant  combien  cet  institut 
était  utile  à  l'Eglise,  l'approuva  par  un  bref 
du  6  mars  1617,  l'érigeant  en  congrégation  , 
à  laquelle  il  donna  le  litre  de  Congrégation 
Pauline,  permettant  à  ceux  qui  y  entre- 
raient de  faire  les  vœux  simples  d'obéis- 
sance ,  de  chasteté  et  de  pauvreté.  Le  pape 
nomma  pour  chef  ou  supérieur  de  cette  con- 
grégation, sous  le  nom  de  préfet,  Joseph 
Casalanz  ,  pour  gouverner  tant  les  maisons 
qui  élaient  déjà  établies  que  celles  qui  s'éta- 
bliraient dans  la  suite,  avec  pouvoir  de 
dresser  des  constitutions. 

Casalanz  consulta  ses  compagnons,  qui 
étaient  au  nombre  de  quinze,  sur  la  ma- 
nière de  \ie  qu'ils  devaient  pratiquer,  et 
l'habillement  qu'ils  devaient  prendre  ;  et  , 
après  être  convenus  ensemble  de  la  forme 
de  l'habillement,  le  cardinal  Giustiniani  fit 
faire  les  habits  à  ses  dépens,  et  le  jour  de 
l'Annonciation  de  la  sainte  Vierge  de  la 
même  année,  le  fondateur  fut  revêtu  de  cet 
habit  par  les  mains  de  ce  cardinal,  dans  la 
chapelle  de  son  palais,  lui  ayant  donné  cet 
habit  au  nom  du  pape,  avec  le  pouvoir  de  Io 
donner  à  ses  compagnons,  ce  que  Casalanz 
fit  le  même  jour  lorsqu'il  fut  retourné  aux 
Ecoles  pieuses.  Il  voulut  encore  renoncer  à 
son  nom  du  monde,  et  il  prit  celui  de  la 
Mère  de  Dieu,  ce  que  firent  aussi  ses  com- 
pagnons, qui  changèrent  de  nom,  et  cela  sa 
pralique  encore  dans  cette  congrégation, 
Elle  l'ut  mise  au  nombre  des  ordres  relw 
gieux,  l'an  1621,  par  le  pape  Grégoire  XV, 
qui  lui  donna  le  nom  de  Congrégation  des 
Clercs  Réguliers  Pauvres  de  la  Mère  de  Dieu 
des  Ecohs  pieuses.  Par  un  autre  bref  da 
l'an  1622,  il  approuva  les  constitutions  qui 
avaient  élé  faites  par  le  fondateur,  qu'il  dé- 
clara général  de  cette  nouvelle  congréga- 
tion, à  laquelle  il  accorda,  la  même  année, 
tous  les  privilèges  dont  jouissent  les  ordres 
mendiants,  et  Urbain  VIII  dispensa  ces  reli- 
gieux d'aller  aux  processions  publiques,  par 
un  bref  de  l'an  1629. 

On  ne  peut  exprimer  le  progrès  que  le  Pèro 
Joseph  de  la  Mère  de  Dieu  fit  dans  toutes 
sortes  de  vertus,  se  voyant  engagé  dans 
l'état  religieux.  Tout  ce  qu'il  avait  fait  jus- 
qu'alors, tant  pour  l'instruction  de  la  jeu- 
nesse que  pour  son  avancement  spirituel , 
,  lui  semblait  peu  de  chose.  11  augmenta  ses 
mortifications,  ses  veilles  et  ses  abstinences. 
Il  faisait  tous  ses  exercices  avec  plus  de  fer- 
veur que  par  le  passé;  et  l'instruction  de  la 
jeunesse  étant  la  principale  fin  de  son  insti- 
tut, il  s'y  appliqua  encore  avec  plus  de  zèle 
qu'il  n'avait  fait.  11  ne  se  contentait  pas  de 
donner  tous  ses  soins  à  ce  que  les  maîtres 
s'acquiltassent  de  leur  devoir,  il  enseignait 
encore  lui-même  les  enfants,  et  il  continua 
cet  exercice  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Sa  cha- 
rité le  portait  à  secourir  son  prochain  dans 
toutes  les  occasions.  11  était  encore  le  plus 
souvent  au  confessionnal  ou  dans  les  hôpi- 
taux, il  visitait  les  prisonniers,  il  secourait 
les  pauvres  et  les  indigents,  et  souvent  il  leur 
donnait  jusqu'aux  choies  nécessaires  pour 


l'A 


l'entretien  de  ses  religieux,  auxquels  il  re- 
commandait  de  se  confier  en  la  Providence, 
qui  en  e'ïet  ne  leur  manqua  jamais.  Il  n'en- 
seignait rirn  à  ses  religieux  qu'il  ne  prati- 
quât lui  même.  11  leur  recommandait  sur- 
tout l'humilité  ;  il  leur  en  donnait  l'exemple, 
s'employanl  aux  of ires  les  plus  bas  de  la 
maison,  quoique  général  de  l'ordre.  11  allait 
par  la  ville,  la  besace  sur  les  épaules,  pour 
recevoir  le-,  aumônes  des  fidèles,  et  ce  lut 
celle  même  humilité  qui  lui  lit  refuser  l'ar- 
chevêché de  Briodisi,  qui  lui  fut  offert. 

L'opinion  que  l'on  avait  de  sa  sainteté  fit 
que,  de  son  vivant,  on  offrit  à  sa  congréga- 
tion plusieurs  établissements  qu'il  accepta, 
dans  l'état  ecclésiastique,  dans  la  république 
de  Gènes',  en  Toscane,  au  royaume  de  Na- 
plei,  en  Sicile  et  en  Sardaigne.  Le  cardinal 
François  de  Diclrichzan,  évêque  d'Olmus, 
lui  demanda,  l'an  1631,  de  ses  religieux  pour 
les  établir  à  Nicoispurg,  et  il  leur  d  orna 
aussi  un  autre  établissement  à  L-  pniek,  d'où 
ils  se  sont  répandus  par  toute  l'Allemagne 
el  en  Hongrie.  Le  roi  de  Pologne,  Ladis- 
Jas  IV,  voyant  les  grands  fruits  qu'ils  fai- 
saient dans  les  lieux  où  ils  étai  ni  établis, 
en  fit  venir  dans  son  royaume  l'an  1641,  et 
ils  y  ont  fait  aussi  plusieurs  établissements  ; 
ils  en  ont  aussi  quelques-uns  en  Espagne  : 
de  sorte  que  le  Père  Joseph  de  la  Mère  de 
Dieu  eut  la  consolation  de  voir  sa  congréga- 
tion élendue  en  plusieurs  provinces.  11  avait 
quatre-vingt-douze  ans  lorsqu'il  fut  attaqué, 
à  Home,  de  sa  dernière  maladie;  ce  fut  le 
deuxième  d'août  de  l'an  1048.  11  voulut  en- 
core dire  la  messe  ce  jour  là,  après  quoi  il 
se  mit  au  lit  et  vécut  encore  jusqu'au  2a  du 
même  mois,  qu'il  rendit  son  Ame  à  Dieu. 
H  fut  enterré  au  miheû  de  l'église  de  Saint- 
Pantaleon,  où  il  est  resté  jusqu'en  l'an  168  i, 
qu'on  le  transféra  dans  ,u  nonv.  lb-  église 
que  ses  religieux  on!  fait  bât  r.  L'on  travaille 
actuellement  à  sa  canonisation. 

La  fin  de  cet  institut,  comme  nous  avons 
déjà  dit,  est  île  procurer  aux  enfants  une 
lionne  éducation,  principalement  aux  pau- 
vres, à  quoi  les  religieux  s  obligent  par  un 
quatrième  vœu  ,  en  leur  enseignant  (par 
charité)  à  lire  et  à  écrire,  en  commençant 
par  t'A,  B,  C,  à  jeter,  compter,  calculer,  et 
môme  tenir  les  livres  chez  les  marchands 
cl  dans  les  bureaux.  Ils  enseignent  encore 
non-seulement  les  humanités,  la  rhétorique 
et  les  langues  latine  et  grecque,  mais  dans 
les  villes  ils  tiennent  aussi  des  écoles  de 
philosophie,  de  théologie  scolastique  et 
morale,  de  mathématiques  ,  de  fortifications 
cl  de  géométrie.  Les  classes  durent  deux 
lieur.s  et  demie  le  matin  et  autant  le  :  oir , 
ci  tous  les  jours,  pendant  le  dernier  quart 
d'heure,  chaque  régent  est  obligé  de  donner 
aux  écoliers  quelques  leçons  spirituelles. 
Tous  les  samedis  un  religieux  leur  fait  aussi 
un  sermon  d'une  demi-hrure  dans  l'église 
ou  dans  l'oratoire,  et  lorsqu'ils  sortent  de 
classe  ils  vont  par  bande  chez  leurs  parents, 
où  ils  sont  conduits  par  un  religieux,  de 
[  éûr  qu'ils  ne  s'amusent  par  li  s  rues  à  jouer 
i'  .;  perdre  le  temps. 


DICTIONNAlilE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  13'. 

iis    avons    dit   ci-dessus  que  ces  Chrcs 
Réguliers   avaient  été  mis  au  nombre  des 
ordres   religieux   par  le  pape  Grégoire  XV, 
l'an  1G21,  et  qu'il   leur  permit   de   faire  des 
vœux   solennels  ;   niais  Alexandre  VII,  l'an 
1C5G,  les  remit  dans  leur  premier  état  sécu- 
lier, voulant  qu'à  l'avenir  ils  ne  fissent  plus 
que  des  vœux   s  mples  avec  un  serment  de 
persévérer  dans  la  congrégation  ,  ce  qui  ne 
dura  que  jusqu'en   l'an  1669,   que  le  pape 
Clément  IX  les  rétablit  dans  leur  étal  régu  - 
lier.  Il  y  en  eut  néanmoins  quelques-uns  qui 
ne    voulurent    point   s'engager  à  des  vœux 
solennels    et  qui    eurent    recours    au   pape 
pour  en  obtenir  la  dispense  des  va'ux.  sim- 
ples qu'ils  avaient  faits  ,   et  du  serment  de 
persévérer daus  la  congrégation;  c'est  pour- 
quoi Clément  X,  par  un  bref  du  18  octobre 
1G70,  accorda  du  temps  à  ceux  qui  n'avaient 
fait  que  des  vœux  simples,  pour  se  détermi- 
ner ou  à  sortir  de  la   congrégation,  ou  à  y 
demeurer  en    faisant    les   vœux   solennels, 
donnant  pouvoir  au  général  d'absoudre  du 
serment  et  de  dispenser   des   vœux  simples 
ceux    qui    les    auraient    fais   et    qui    vou- 
draient sortir  de  la  congrégation  ,  pourvu 
qu'ils  ne  fussent   que  laïques  ou   dans   les 
ordres  mineurs  ;  que  s'ils   étaient   dans   les 
ordres  sacrés,  el  eussent  du  bien  depatii- 
luoine  suffisamment  pour  vivre,  ou   quel- 
ques bénéfices,  ils   seraient  renvoyés  sous 
l'obéissance   de   leu     èvêquç;  que    si,    au 
contraire,  ils  étaient  dans  les  ordres  sacrés, 
et  s'ils  n'avaient  point  de  bien  de  patrimoine 
ou  de  bénéfices,  il  leur  serait  libre  de  rester 
dans  quelque  couvent  de  la  congrégation  et 
de   vivre  avec    les    religieux  profès  de  cet 
ordre  ,  sans  pouvoir  prétendre  aucune  voix 
active  cl  passive,  auquel  cas  ils  pourraient 
exercer  leurs  ordres  ;   mais  que  si  absolu- 
ment ils  voulaient  sortir  de  la  congrégation, 
n'ayant  poi.it  de   bien  de  patrimoine  ni  de 
bénéfices,  ils  seraient  renvoyés  pour  vivre 
sous  l'obéissance  des  évéques,   mais  qu'ils 
seraient  suspendus  de  leurs  ordres.  Le  môme 
pontife   approuva    derechef  leurs  constitu- 
tions. 

Par  un  bref  du  28  avril  1GG0,  Alexandre 
ATI  ordonna  qu'ils  n'auraient  point  d'autres 
protecteurs  que  le  cardinal  vicaire  de  llome; 
que  le  général  de  celle  congrégation  serait 
élu  tous  les  six  ans  ,  el  qu'il  aurait  quatre 
assistants.  Il  approuva  par  le  même  bref  la 
coutume  introduite  dans  celte  congrégation 
d'y  associer  de  pauvres  jeunes  gens,  la  nu- 
dité des  pieds  el  la  grande  pauvreté  doutées 
Clercs  faisaient  profession  ,  principalement 
dans  les  vovages  qu'ils  faisaient  à  pied  et  à 
l'Apostolique;  mais  Alexandre  VIII,  par  un 
bref  du  22  février  1G90  ,  les  obligea  ce  se 
chausser.  S  n  prédécesseur,  Innocent  XI, 
les  avait  exemples,  l'an  16S9  ,  de  la  juridic- 
tion des  ordinaires,  et  les  avait  soumis  im- 
médiatement au  saint-siège,  en  confirmant 
tous  leurs  privilèges. 

Leur  babil  est  semblable  à  celui  des  Jésui- 
tes, excepté  que  leur  robe  s'attache  par  de- 
vant avec  trois  boulons  de  cuir,  et  que  leur 
manteau  ne   descend    que  jusqu'aux    ge- 


I 


EfO 


nonx  fl).  Ils  sont  au  nombre  des  mendiants, 
et  l'ont  la  quête  parla  ville  comme  Ic3  reli- 
gieux des  autres  ordres  nieiuli  ails.  Il  y  a 
peu  de  bonnes  villes  en  Italie  où  ils  ne  se 
soient  établis;  il  j  'en  a  même  où  ils  ont 
.us  m,ii».ons  et  c  lièges,  comme  à  Na- 
I  1rs,  où  ils  en  onl  quatre,  cl  à  Home,  où  ils 
eu  ont  cinq. 

Alexis  de  la  Conception,  Vie  du  Pire  Jo- 
seph de  Gasalanz.  Càrl.  Barlholom.  Piazza, 
J  usevolog.  Rom.,  tract.  3  ,  cap.  13  et  14. 
Ascag.  fainbuf.  de  Jur.  Al>bnt.  ium.  1! , 
disput.  '2'.-,  quœst.  8,  n  6.  Bull.  Rotii.  tom. 
l!l,  IV  et  V  ;  cl  Philipp.  Bouanni,  Calatog. 
Ôi  i.  Rèlîg.  p-.irt.  i. 

Depuis  que  ie  P.  Hclyot  a  écrit  le  chapi- 
tre consacré  à  l'histoire  des  Ecoles  piéi,  le 
fondateur  de  cette  congrégation  a  été  cano- 
nisé, et  la  fête  de  saint  Joseph  Casalanz  a 
été  Uiéé  au  27  août.  Il  y  a  dans  le  bréviaire 
romain  un  office  en  son  honneur  approuvé 
en  1,69.  L'institut  des  Ecoles  pies  n'a  jamais 
eu  d'établissements  en  France ,  mais  il  a 
été  et  est  encore  répandu  en  plusieurs  Etats 
de  l'Europe.  Sa  constituai  n  populaire  le 
rendait  infiniment  utile  et  a  contribué  à  sa 
propagation.  La  tidéli'.é  duc  à  l'histoire  nous 
oblige  à  dire  ici  avec  une  certaine  franchise 
que  celle  congrégation  n'a  pas ,  croyons- 
nous,  gardé  l'esprit  primitif  de  son  élab  is- 
semcnl  ni  celui  de  son  pieux  fondateur.  Une 
certaine  émulation  avec  les  Jésuites  n  peut- 
être  pris  un  cara  (ère  qui  ne  convient  poinl 
à  des  religieux,  et  même  celui  de  la  jalou- 
sie, il  règne  dans  cetie  société  un  attache- 
ment ou  une  sorle  de  prédilection  pour  les 
idées  nouvelles  qui  onl  mis  le  trouble  dans 
l'Eglise  depuis  près  de  deux  siècles.  Nous  ci- 
terons l'exemple  du  P.  Jean-Baptiste  Moli- 
nelli,  prêtre  des  Ecoles  pies  au  dernier  siè- 
cle, ciui  a  professé  la  philosophie  dans  leur 
collège  d'Oneiiie»  puis  la  théologie  dans  ce- 
lui de  Gènes,  sa  patrie.  En  1769,  il  remplaçai 
pour  professer  la  même  science  à  Rouie,  le 
P.  Nalali ,  qui  venait  d'être  nommé  profes- 
seur à  Pavie  ,  et  se  montra  favorable  aux 
idées  jansénistes.  11  joignit  des  remarques  et 
des  notes  à  l'édition  de  la  Théologie  do  Lyon, 
faite  à  Gênes,  par  Ozati,  en  1788.  Molinelli 
eul  sur  ses  opinions  des  ilérnélés  avec  le  sa- 
vant et  pieux  Lambruschini ,  a. ors  profes- 
seur au  séminair  ■  de  Gènes ,  et  depuis  ar- 
chevêque de  cette  ville.  Il  était  retourné  et 
professait  de  nouveau  la  théologie  à  Gênes. 
il  se  montra  favorable  à  la  révolution  de  son 
pays,  et  il  faisait  partie  d'une  espèce  d'aca- 
démie ecclésiastique  formée  en  ce  sens  à 
Gênes.  Les  principaux  membres  étaient  i'é- 
véque  Solari,  Palm  cri.  Degola  et  autres  pa- 
triotes; ils  donnaient  des  ouvrages  en  fa- 
veur du  système  démocratique.  Molinelli  pu- 
blia pour  sa  part ,  en  langue  italienne,  le 
Préservatif  contre  la  séduction,  et  Du  droit 
des  propriétés  des  Eglises  sur  les  biens  ecclé- 
siastiques. Le  sénat  ae  Gênes  l'avait  nommé 
un  de  ses  trois  théologiens,  et  il  rédigea,  en 
celte  qualité ,  des  mémoires  et  des  consuita- 

(1)  Voy.,  à  la  (in  du  vol.,  n"  21. 


Ef.o  r.  i 

vtions  sur  différentes  matières.  Il  mourut  à 
Gênes  au  commencement  de  1799.  Molinelli 
n'était  pas  le  seul  de  son  corps  à  être  dans 
de  tels  sentiments,  qui  pourraient  peut-être 
expliquer  la  popularité  dont  jouit  la  con- 
grégation des  Piarisles  ,  car  on  lui  donne 
au.-si  celle  dénomination.  II.  faut  croire  que 
la  recommandation  faite  par  les  Dominicains 
et  les  Franciscains  à  leurs  religieux  en  fa*- 
veur  de  la  congrégation  des  Ecoles  pies  n'a- 
vait pour  motif  que  les  services  qu'elle  rend, 
et  nullement  ,  dès  ce  temps-là  ,  une  sorte 
d'antagonisme  contre  les  Jésuites.  Cet  anta- 
gonisme règne  malheureusement  depuis  lon- 
gues années,  el  passe  des  maîtres  aux  élè- 
ves, qui  n'aimen:  pas  les  Jésuites,  et  qui  ont 
quelquefois  affeclé  de  répéter  celte  épigram- 
me,  laite  par  leurs  professeurs  :  //  tombera, 
ce  grand  arbre,  etc.  Les  Jésuites  répondaient 
par  d'aulres  vers  qui  dis.aient  qu'il  tomberait, 
mais  qu'il  entraînerait  les  ait'res  dans  sa 
chute,  etc.  Ils  avaient  raison,  el  nous  ose- 
rions soupçonner  que  les  Pères  des  Ecoles 
pies  n'ont  pas  vu  sans  peine  ce  grand  arbre 
relevé.  En  parlant  ainsi  d'une  société  esti- 
mable eu  elle-même,  mais  gâtée  en  quel- 
ques-uns, peut-être  en  le  grand  nombre  de 
ses  membres,  dont  on  accuse  le  mauvais  es- 
prit, nous  ne  prétendons  point  exprimer  le 
désir  do  sa  suppression,  ni  méconnaître  les 
exceptions  honorables  qu'elle  renferme.  On 
dit  qu'en  Allemagne  les  Piarisles  sont  éga- 
lement animés  de  l'esprit  janséniste  ,  et 
peut-être  est-ce  à  cet  esprit  favorable  au 
pouvoir  séculier  que  l'Institut  des  Eco- 
les pies  doit  d'avoir  été  l'objet  des  excep- 
tions et  même  des  affeclions  des  gouverne- 
ments révolutionnaires.  Quand  Rome  déso- 
lée voyait  avec  horreur  et  indignation  les 
Français  el  leurs  opérations  à  llome ,  sous 
Pie  VII ,  le  P.  Isaïe  ,  supérieur  des  Ecoles 
pies,  était  l'objet  de  l'estime  ou  de  l'affec- 
tion du  général  Miollis  ,  et  mangeait  fré- 
quemment à  sa  table.  Tandis  que  l'Espagne, 
révolutionnée  par  les  intrigues  d'une  reine 
coupable,  espulsail  tous  les  religieux  en  gé- 
néral ,  elle  faisait  une  exception  en  faveur 
des  Ecoles  pics,  qui  même  celle  année  (1847) 
onl  reçu  une  nouvelle  preuve  d'attachement 
et  de  protection  du  gouvernement  de  la 
reine  Isabelle.  Si  cette  préférence  est  due  à 
l'utilité  réelle  d'un  institut  qui  s'occupe  ac- 
tivement de  l'instruction  ifé  la  jeunesse  ,  à 
qui  elle  apprend  l'A,  B,  C,  el  qu'elle  conduit 
jusqu'aux  sciences  élevées,  tant  mieux,  nous 
en  bénissons  la  Providence.  Nous  serions 
peiné  si  celte  prédilection  était  motivée  par 
les  idées  qu'on  supposerait  dominer  chez  les 
Piarisles,  qui  sans  doute  n'ignorent  pas  ce- 
pendant que  l'Eglise  et  son  gouvernement 
doivent  trouver  des  raisons  et  des  armes 
pour  soutenir  la  justice  de  leur  cause,  dans 
le  lalent  el  le  zèle  des  religieux.  Au  dernier 
siècle,  les  Pères  des  Ecoles  pies  possédaient 
à  Rome  :  1°  l'établissement  de  Saint-Panta- 
léou,  qui  était  leur  maison  professe  ;  2"  Saint» 
Laurent  in  Borgo,  qui  était  le  noviciat;  3* le 


135 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


i3fi 


collège  dit.  Nazareno ;  4°  le  collège  dit,  en 
l'honneur  du  fondateur,  Calassauzio,  ou  Col- 
lège-Neuf; 5°  le  collège  ecclésiastique  ou  in- 
firmerie des  prêtres  à  Ponte-Sisto  ;  6"  l'hos- 
pice apostolique  de  Saint-Michel.  Aujour- 
d'hui ils  ont  encore  deux  maisons  dans  celte 
ville  et  de  nombreux  établissements  en 
Italie.  On  nous  a  dit  que  les  Jésuites  n'ont 
pu  être  admis  dans  les  lieux  où  professent 
les  Piaristes,  si  ce  n'est  dans  une  seule  ville  ; 
nous  ne  pouvons  attester  ce  fait.  Le  même 
institut  a  donc  reçu,  comme  nous  venons  de 
le  dire,  la  faveur  exceptionnelle  de  survivre 
en  Espagne  au  renversement  de  tous  les 
couvents  de  religieux,  et  il  y  est  seul  subsis- 
tant aujourd'hui,  avec  le  célèbre  monastère 
de  Mont-Serrat,à  qui  on  a  aussi  permis  de  se 
relever.  Dans  les  Etats  autrichiens,  ils  ont 
actuellement  soixante-sept  établissements, 
contenant  trois-cent  quarante  religieux.  Le 
préposé  général  est  aujourd'hui  le  R.  P. 
Jean-Baptiste  Rosani,  et  le  procureur  géné- 
ral est  le  R.  P.  Janvier  Fucile.  Tous  deux 
résident  à  Rome. 

Exirait  de  recherches  faites  passim,  et  de 
renseignements  fournis  par  M.  R.,  ancien 
élève  des  Piaristes.  R-d-e. 

ÉCOLIERS  DE  BOLOGNE,  de  Saint-Pierre 
de  Mon te-Coubulo  en  Italie  ,  et  de 
Saint-Côue-lez-Tours  en  Fkance  (Cha- 
noines RÉGULIERS  DES  CONGRÉGATIONS  DES). 

Le  cardinal  Jacques  de  Vitry,  dans  son 
Histoire  d'Occident,  fait  mention  d'une  con- 
grégation de  chanoines  réguliers  proche 
bologne,  établie  par  quelques  écoliers  de 
celte  ville.  Il  parle  d'eux  avec  éloge,  mais  il 
ne  marque  ni  le  monastère  où  celte  congré- 
gation a  commencé,  ni  ceux  qui  en  dépen- 
daient. Penot  dil  que  s'il  est  permis  de  devi- 
ner,  c'était  peut-être  dans  le  monastère  de 
Saint-Victor,  proche  Bologne  ,  parce  qu'il 
parait  par  plusieurs  bulles  de  Martin  V  que 
ce  monastère  était  le  chef  de  plusieurs  au- 
tres. Mais  ce  monaslère  ayant  été  ruiné  en- 
tièrement, il  fut  uni  à  celui  de  Saint-Jean  de 
la  même  ville,  qui  fut  aussi  uni  dans  la  suite 
à  la  congrégation  des  chanoines  de  Saint- 
Sauveur  de  Lalran  l'an  1415.  Falconius,  qui 
était  chanoine  régulier  de  Lalran  aussi  bien 
que  Penot,  dit,  dans  ses  Mémoires  histori- 
ques de  la  ville  de  Bologne,  pag.  201,  que, 
quelque  recherche  qu'il  ait  pu  l'aire,  il  n'a  pu 
découvrir  ni  le  lieu  où  demeuraient  ces  éco- 
liers, ni  le  pape  qui  avail  approuvé  leur 
congrégation,  m  à  quelle  fin  elle  avait  été 
instituée.  Mais  le  P.  Papebroch  a  cru  avoir 
trouvé  le  nœud  de  la  difficulté  en  disant  que 
c'était  nt  des  Frères  Prêcheurs  fondés  par  saint 
Dominique,  dont  le  cardinal  de  Vitry  avait 
voulu  parler,  l'habit  des  religieux  de  cet  or- 
dre ayant  beaucoup  de  rapport  à  celui  que 
les  Prémontrés  portent  encore  à  présent  en 
Allemagne  ,  et  qui  ne  diffère  qu'en  couleur 
de  celui  des  Prêcheurs. 

Si  l'on  considère  néanmoins  les  paroles  du 
cardinal  de  Vitry,  on  connaîtra  qu'il  a  sans 
doute  distingue  ces  Ecoliers  de  Bologne  d'a- 
vec les  Prêcheurs  ;  car,  après  avoir  dit  qu'il 


y  a  une  autre  congrégation  de  chauoines 
hors  la  ville  de  Bologne,  etc.  :  Est  alia  regu- 
lariwn  eanonicorum  Deo  grala  et  hominïbus 
gratiosa  congregatio  extra  civitatem  Bono- 
niœ,  il  ajoute  plus  bas  qu'ils  unissent  en- 
semble l'ordre  des  Prêcheurs  et  celui  des 
Chanoines  :  Prœdicaïorum  ordinem  Canoni- 
corum  ordini  conjungentes.  Mais  ce  qui  mon- 
tre plus  évidemment  que  ce  cardinal  n'a 
point  entendu  parler  des  Frères  Prêcheurs, 
c'est  que,  pariant  de  la  manière  de  vivre  aus- 
tère de  ces  chanoines  ,  il  dit  encore  qu'ils 
mangeaient  de  la  viande  trois  fois  la  se- 
maine :  Tribus  in  hebdomade  diebus  ,  carnes 
si  eis  apponanlur  non  récusant ,  in  refectorio 
manducantes  :  cependant  les  Frères  Prê- 
cheurs n'en  mangeaient  point.  Enfin,  ce  qui 
me  persuade  davantage  que  cet  ordre  des 
Ecoliers  était  différent  de  celui  des  Frères 
Prêcheurs,  c'est  que  saint  Dominique  n'ob- 
tint une  maison  à  Bologne  pour  ses  reli- 
gieux que  l'an  1218,  et  que  selon  plusieurs 
auteurs  cette  congrégation  des  Ecoliers  était 
déjà  établie  avant  l'an  1200;  mais  on  ne  sait 
point  quel  était  l'habillement  de  ces  chanoi- 
nes, et  combien  de  temps  ils  ont  subsisté. 

Voyez  Jacob  de  Vitr.  Hist.  Occid.,  c.  27. 
Penot,  Hist.  tripart.  tib.  n,  cap.  54,  n.  1. 
Tamb.  deJur.  Abb.  disp.  2ï,qiiœst.  14,  n.  21. 
Le  Paige,  Biblioth.  Prumonsl.;  et  Pap.broch 
Resp.  ad  P.  Sebast.  a  S.  Paulo  t.  II ,  art.  16, 
n.  170,  et  an.  22,  n.  32. 

A  ces  chanoines  de  Bologne  nous  join- 
drons une  autre  congrégation  de  chanoines 
réguliers  qui  ont  été  institués  en  Italie  et 
qui  prirent  le  nom  de  Monte-Corbulo  ,  à 
cause  que  leur  premier  monaslère  était  si- 
tué sur  la  montagne  de  Coi  bulo,  éloignée  de 
la  ville  de  Sienne  de  douze  milles.  Ils  eurent 
pour  instituteur  Pierre,  surnommé  de  Reg- 
gio  parce  qu'il  avait  pris  naissance  dans 
cette  ville.  Ouelques-uns  néanmoins  disent 
qu'il  était  de  Milan,  qu'il  avait  passé  de  l'or- 
dre des  Chartreux  dans  celui  des  Chanoines 
Réguliers,  et  qu'il  avail  même  pris  l'habit 
dans  le  couvent  de  Saint-Sauveur  de  Rolo- 
gue.  Ce  Pierre  de  Reggio  était  ami  de  Fran- 
çois Soderini  ,  évêque  de  Volterre  et  réfé- 
rendaire de  l'une  et  de  l'autre  signature  sous 
le  pape  Alexandre  VI.  Il  obtint  par  le  crédit 
de  ce  prélat  la  permission  de  f  >nder  une 
congrégation  sous  le  nom  de  Saint-Pierre 
dans  l'église  de  Saint-Michel  sur  le  Mont- 
Corbulo,  laquelle  fut  confirmée  par  Jules  II, 
selon  Raphaël  de  Volterre  ,  ou  par  le  pape 
Léon  X,  comme  assure  Benoît  de  Saint  Ge- 
niinien,  chanoine  de  la  même  congrégation, 
cité  par  Penot  et  le  P.  R  nanni.  Mozzagru- 
nus  ajoute  que  ce  ne  fat  point  sur  le  Mont- 
Coibulo  que  les  fondements  lurent  jetés  , 
mais  au  monastère  de  Sainte-Marie  de  Bi- 
bona,  à  quelques  milles  de  Pisc,  du  côté  de 
la  mer  et  du  diocèse  de  Volterre.  Il  y  a  bien 
de  l'apparence  néanmoins  que  ce  fut  au 
Mont-Corbulo,  puisque  la  congrégation  en  a 
pris  le  nom.  Leur  habillement  consistait  en 
une  tunique  grise,  sur  laquelle  ils  menaient 
un  rochet ,  et  sur  le  rochet  une  aumussc  ou 
capuce.  Le  P.  Bonanni  dit  que  l'an  1521  ils 


137 


ECO 


ECU 


158 


changèrent  la  couleur  grise  en  noire,  pour  se 
conformer  à  l'habillement  des  chanoines  ré- 
guliers de  Saint-Frigdien  de  Lacques,  ce  qui 
ne  peut  èlre,  puisque  dès  l'an  1507  ceux-ci 
avaient  été  unis,  avec  dix  monastères  qui  dé- 
pendaient de  leur  congrégation,  aux  chanoi- 
nes réguliers  de  Latran,  qui  ont  toujours 
clé  habillés  de  blanc  ,  et  qu'ils  convinrent 
seulement  que  dans  le  monastère  de  Lucques 
ils  retiendraient  la  chape  noire  au  chœur.  11 
semble  que,  selon  le  même  auteur,  la  congré- 
gation de  Monte-Corbulo  subsiste  eucore  , 
car  il  dit  que  ces  chanoines  vivent  dans  une 
grande  pauvreté  et  du  travail  de  leurs  mains, 
étant  beaucoup  solitaires. 

Voyez  Mozzagrunus  Narrât,  rerum  gest. 
Can.  Regul.  Penot,  Bist.  tripart.  Raphaël 
Voilai,  lib.  xxi  ;  et  Bonanui,  Catalog.  Ord. 
rclig. 

Les  chanoines  réguliers  de  Saint-Côme- 
lez-ïours  sont  du  nombre  de  ceux  qui,  ayant 
trouvé  la  règle  de  Saint-Benoît  trop  austère, 
ont  secoué  le  joug  de  cette  sainte  règle  pour 
en  suivre  une  plus  douce,  qui  est  celle  de 
Saint-Augustin,  et  ont  pris  le  titre  de  Cha- 
noines Réguliers.  Ils  ne  sont  pas  au  moins 
si  blâmables  que  les  chanoines  de  Saint- 
Martin  de  Tours,  dont  ils  dépendent,  et  qui 
ont  quitté  entièrement  la  règle  de  Saint-Be- 
noît pour  se  séculariser.  Hervé,  qui  était 
trésorier  de  celle  dernière  église  au  commen- 
cement du  onzième  siècle,  se  retira  dans  une 
Ile  de  la  Loire  proche  de  Tours,  et  y  bâtit 
une  petite  ég  ise  sous  le  nom  de  Saint-Côme, 
avec  un  petit  monastère,  où  il  mena  une  vie 
solitaire  et  retirée.  Les  chanoines  de  Tours 
l'ayant  obligé  de  retourner  chez  eux,  il  les 
pria  de  donner  cette  ile,  avec  le  monastère 
qu'il  y  avait  bâti,  aux  moines  de  Marmou- 
tiers,  ce  que  ces  chanoines  accordèrent  ;  et, 
comme  celle  île  appartenait  à  Hugues,  ccllé- 
rier  de  Saint-Martin,  il  y  consentit  aussi. 
Ainsi  cette  île,  qui  prit  le  nom  de  Saint-dô- 
me, à  cause  de  l'église  dédiée  à  ce  saint,  qui 
y  avait  été  bâtie  par  Hervé,  trésorier  de 
Saint-Martin,  fut  donnée  aux  religieux  de 
Marmoutiers,  à  condition  qu'il  y  en  aurait 
au  moins  douze  qui  y  demeureraient  et  y  fe- 
raient l'oftice  divin.  Nous  ne  savons  point  en 
quelle  année  les  religieux  qui  y  étaient  quit- 
tèrent la  règle  de  Saint-Benoît  pour  prendre 
celle  de  Saiut-Augusliu  et  vivre  eu  chanoi- 
nes réguliers  ;  mais  ils  ont  toujours  dépen- 
du de  ceux  de  Saint-Martin,  et  n'ont  point 
reconnu  la  juridiction  des  archevêques  de 
l'ours;  et  ce  n'est  que  depuis  l'an  1708 que 
les  chanoines  de  Saint-Martin,  qui  avaient 
une  juridiction  presque  épiscopale  dans  une 
partie  de  la  ville  de  Tours,  l'ayant  perdue  et 
ayant  été  soumis  à  celle  de  l'archevêque  de 
Iours,  ce  prélat  a  aussi  droilde  visite  chez 
les  Chanoines  de  Saint-Côme.  C'est  dans  leur 
église  que  l'on  prétend  que  Bérenger,  archi- 
diacre d'Angers  et  écolâire  de  Saint-Martin 
de  Tours,  fut  enterré.  11  fut  le  premier  qui 
osa  dire  que  le  sacrement  de  l'autel  n'était 
que  la  ûgure  du  corps  de  Notre-Seigueur, 
et  il  attaqua  les  mariages  légitimes  et  le  bap- 

(1)  Voy.,  a  la  fin  du  vol.,  n°  22. 
U;ctionxatre  ds:s  Ordres  religieux.  IL 


lènie  des  enfants.  Le  pape  Léon  IX,  à  qui 
l'hérésie  de  Bérenger  avait  élé  déférée,  fil 
tenir  un  concile  à  Rome  l'an  1030,  où  die 
fut  condamnée  pour  la  première  fois  ;  elle  le 
fut  ensuite  dans  ceux  de  Brione,  de  Verceil, 
de  Plaisance,  de  Tours  et  de  Rome,  sous  Ni- 
colas IL  Dans  celui  de  Tours,  tenu  l'an  105i, 
il  avait  abjuré  ses  erreurs,  et  les  légats  du 
pape  l'avaient  reçu  à  la  communion  de  l'E- 
glise. Il  fil  aussi  la  même  chose  dans  celui 
de  Rome,  l'an  1059,  et  le  cardinal  Humlcrt 
ayant  dressé  une  formule  de  foi,  il  la  signa 
et  jeta  au  feu  les  livres  qui  contenaient  son 
erreur  ;  mais  à  peine  le  concile  fut-il  termi- 
né, qu'il  écrivit  contre  cette  profession  de 
foi,  et  chargea  d'injures  le  cardinal  qui  l'a- 
vait dressée.  Au  concile  qui  se  tint  encore  à 
Home,  l'an  1079,  sous  le'  pape  Grégoire  Vil, 
Bérenger  reconnut  encore  sa  faute  et  de- 
manda pardon.  On  lui  fit  signer  une  profes- 
sion de  foi  :  mais  à  peine  fut-il  arrivé  en 
France,  qu'il  publia  un  autre  é.rit  contre 
celle  dernière  profession  de  foi.  L'année  sui- 
vante, 1080,  l'on  tint  un  coucile  à  Bordeaux 
où  assistèrent  deux  légats  du  sainl-siége. 
Bérenger,  amené  apparemment  par  L'arche- 
vêque de  Tours,  y  rendit  raison  de  sa  foi, 
soit  pour  confirmer  la  profession  qu'il  avait 
faite  à  Rome,  soit  pour  rétracter  sou  der- 
nier écrit,  el  depuis  ce  concile  il  n'est  p!us 
parlé  de  lui  jusqu'à  sa  mort,  qui  arriva  le  5 
janvier  1088.  11  mourut  dans  la  communion 
de  l'église,  et  l'on  croit  qu'il  fut  enterré  dans 
l'église  de  Saint-Côme-lez -Tours,  où  il  s'é- 
tait retiré,  el  y  avait  mené  une  vie  pénitente. 
Ce  prieuré  appartenait  pour  lors  aux  moines 
de  Marmoutiers,  selon  le  témoignage  du  sa- 
vant Père  Mahillon  ;  et  ainsi  il  n'y  a  pas 
d'apparence  que  la  retraite  de  Bérenger  dans 
ce  prieuré  ait  donné  lieu  à  quelques  cha- 
noines de  Saint-Martin  de  suivre  son  exem- 
pe,el  qu'ils  aient  par  ce  moyen  formé  la 
com  nunaulé  des  Chanoines  Réguliers  de 
Saint-Côme,  l'an  10J5,  comme  a  avancé  le 
Père  dom  Etienne  Badier  dans  l'Histoire  de 
l'Abbaye  de  Marmoutiers  et  de  l'église  de 
Saint-Martin  de  Tours,  qu'il  donna  en  1700. 
Ronsard,  le  prince  des  poètes  du  seizième 
siècle,  qui  avait  été  prieur  commendataire 
de  Saiul-Côme,  y  est  aussi  enterré  dans  un 
magnifique  tombeau.  Il  mourut  le  27  décem- 
bre 1585.  Ces  chanoines  sont  habillés  com- 
me les  ecclésiastiques,  et  mettent  seulement 
sur  leurs  manches  nne  bande  de  toile  de  la 
largeur  de  quatre  doigts,  qu'ils  lâchent  de 
cacher  le  plus  qu'ils  peuvent  en  retroussant 
leurs  manches  [1).  Au  chœur  ils  portent  un 
surplis  avec  une  aumusse  sur  le  bras,  et  un. 
bonnet  carré. 

Joan.  Mahill.  Annal.  liened.  Tom.  IV,  pag. 
135  et  sequent.  Fleury.  Histoire  ecclés.  Tom. 
Xll  et  XIII. 

ECU  D'OR  OU  VERT  (Ordre  de  l'). 
Des  Chevaliers  des  Ordres  de  VEcu  d'Or  ou 

Vert,  et   de  Notre-Dame  du  Chardon  en 

France. 

Louis  II,  duc  de  Bourbon,  comte  de  Cler- 


DICTIONNAIRE  RES  ORDRES  RELIGIEUX. 


iiO 


mont  en  Forez,  seigneur  île  Beaujeu  el  de 
Bombes,  pair  et  grand  chambrierde  France, 
surnommé  le  Bon, à  son  retour  d'Angleterre, 
où  il  avilit  demeuré  prisonnier  avec  le  roi 
Jean  I",  assembla  les  plus  grands  seigneurs 
de  ses  terres  en  sa  ville  de  Moulins  en  Bour- 
bonnais, le  premier  jour  de  janvier  de  l'an 
13G9,  auquel  jour,  de  temps  immémorial,  on 
donne  les  élrennes.  11  leur  dit  qu'il  avait 
dessein  de  prendre  pour  devise  une  ceinture 
dans  laquelle  il  y  aurait  en  écrit  le  joyeux 
mot  Espérance,  el  qu'il  voulait  les  étrenner 
d'un  ordre  qu'il  avait  fait,  et  qui  s'appelle- 
rail  VEcu  d'or,  dont  la  marque  était  un  écu 
d'or  dans  lequel  il  y  avait  une  bande  de  per- 
les, avec  ce  mot  Allen.  Les  premiers  qui  re- 
çurent cet  ordre  lurent  Henri  de  Montagu, 
seigneur  de  la  Tour  ;  Guicbard,  dauphin 
d'Auvergne;  Griffon  de  Montagu,  Hugues 
de  Cbaslellus,  Uaîné  dcChâlelmorant,  le  sire 
de  Chastelde  Montagne,  l'aîné  de  la  Palissa, 
Guillaume  de  Vichy  et  quelques  autres.  Le 
duc  de  Bourbon  dit  à  ces  nouveaux  cheva- 
liers qu'il  désirait  que  tous  ceux  qui  rece- 
vraient cet  ordre  à  l'avenir  et  ceux  qui  l'a- 
vaient reçu,  vécussent  comme  frères,  se 
donnassent  secours  les  uns  aux  autres,  fis- 
sent toutes  les  actions  d'honneur  qui  con- 
viennent à  des  chevaliers  et  gentilshommes, 
et  qu'ils  s'abstinssent  de  jurer  et  de  blasphé- 
mer le  nom  de  Dieu.  Il  leur  commanda  sur- 
tout de  porter  honneur  aux  dames  et  aux 
demoiselles,  de  ne  pas  souffrir  que  l'on  par- 
lât d'elles  en  mauvaise  part,  et  de  ne  point 
mal  parler  les  uns  des  attires.  Il  les  exhorta 
aussi  à  se  garder  réciproquement  loi  et 
loyauté,  et  à  se  porter  respect,  comme  il  ap- 
par.îi  nt  à  chevaliers  de  louanges  et  de  vertu; 
el  pour  les  exciter  à  remplir  leur  devoir  il 
leur  dit  que  le  mot  AHen,  qu'il  avait  fait  met- 
Ire  sur  l'écu,  voulait  dire  :  Allons  tous  en- 
semble au  sei  lice  de  Dieu,  et  demeurons  unis 
pour  la  défense  de  noire  pays,  et  cherchons  à 
acquérir  de  l'honneur  par  nos  actions  glorieu- 
ses. Il  promit  de  sa  part  d'exécuter  tout 
cela,  el  les  chevaliers  prè.lèrent  ensuite  ser- 
ment entre  ses  mains  de  le  servir  fidèlement. 
Nous  donnons  l'habillement  de  ces  cheva- 
liers tel  que  nous  l'avons  trouvé  dans  la  bi- 
bliothèque du  Roi  (1).  11  y  en  a  qui  préten- 
dent que  ce  n'était  point  un  ordre  de  che- 
valerie qu'il  leur  donna,  mais  seulement  une 
devi  e  qu'il  prit  pour  lui,  et  qu'il  permit 
aussi  de  prendre  aux  seigneurs  de  sa  cour  ; 
et  que  le  véritable  ordre  de  chevalerie  de  ce 
prince  lut  celui  du  Chardon  ou  de  l'Espéran- 
ce, qu'il  insiitua  l'an  1370,  en  l'honneur  de 
Dieu  et  de  la  sainte  Vierge  immaculée,  sous 
le  nom  d'ordre  des  chevaliers  de  Notre-Da- 
me ,  dit  autrement  du  Chardon,  lorsqu'il 
épousa  Anne,  tille  de  Béraud,  deuxième  du 
nom,  comte  de  Cleimont  et  dauphin  d'Au- 
vergne ;  mais  il  est  plus  probable  que  c'é- 
taient deux  ordres  différents. 

Cet  ordre  du  Chardon  était  composé  de 
vingt-six  chevaliers,  y  compris  le  duc  de 
Bourbon,  qui  en  était  le  chef.  11  voulut  que 


ses  successeurs  ducs  de  Bourbonnais  en  fus- 
sent aussi  clie!s  el  souverains,  et  que  l'on  ne 
reçût  pour  chevaliers  que  des  personnes  no- 
bli  s  et  sans  reproche.  Ils  portaient  tous  les 
jours  une  ceinture  de  velours  bleu  doublée 
de  salin  rouge  bordée  d'or,  avec  le  mot  Es- 
pérance en  broderie  aussi  d'or.  Elle  ferma  l 
à  boucles  et  ardillons  de  fin  or  ébarbillon- 
nés  et  écbiquelés  avec  l'émail  vert,  comme 
la  léte  d'un  chardon.  Aux  grandes  fêtes,  et 
principalement  à  celle  de  la  Conception  de 
la  sainte  Vierge,  ce  prince  tenait  table  ou- 
verte aux  chevaliers,  qui  étaient  couverts 
de  soutanes  de  damas  incarnai  avec  les  man- 
ches arges,  ceintes  de  leur  ceintures  bleues. 
Leur  grand  manteau  était  de  bleu  célesto 
doublé  de  salin  rouge,  et  le  grand  collier  de 
l'ordre  de  lin  or,  du  poids  de  dix  marcs,  fer- 
mant à  boucles  et  ardillons  d'or  par  derrière. 
Il  était  composé  de  losanges  entières  et  de 
demies  à  double  orle,  émaillées  de  vert,  per- 
cées à  jour,  remplies  de  fleurs  de  lis  d'or,  et 
du  mot  Espérance  écrit  en  lettres  capitales  à 
l'antique.  Au  bout  du  collier  pendait  sur  l'es- 
tomac une  ovale,  dans  laquelle  était  l'image 
de  la  sainte  Vierge  entourée  d'un  soleil  d'or 
et  couronnée  de  douze  étoiles  avec  un  crois- 
saut  sous  ses  pieds,  et  au  bout  une  tête  <io 
chardon  émaillée  de  vert.  Leur  bonnet  était 
de  velours  vert  rebrassé  de  panne  cramoisie, 
sur  lequel  était  l'écu  d'or  à  la  deuse  Allen, 
dont,  nous  avons  pari'.  Cet  ordre  l'ut  recher- 
ché par  plusieurs  grands  seigneurs,  el  même 
par  des  étrangers,  qui  se  faisaient  honneur 
de  porter  l'ordre  du  duc  de  Bourbon,  qui 
passait  pour  le  plus  grand  capitaine  de  son 
temps. 

M.  Herman,  dans  son  Histoire  des  Ordres 
militaires,  parlant  de  celui  du  Chardon,  dit 
que  l'abbé  Giustiniani  s'est  trompé  lorsque, 
voulant  corriger  quelques  auteurs  qui  ont 
l'ail  Louis  II,  duc  de  Bourgogne,  instituteur 
de  cet  ordre,  vers  l'an  1403,  il  en  attribue 
l'établissement  à  Philippe  H,  duc  de  Boorgo. 
gne  l'an  14-30,  et  que  la  raison  que  l'abbé 
Giustiniani  en  donne,  c'est  qu'il  n'a  point 
trouvé  de  Louis  II  duc  de  Bourgogne  en  14-03. 
Apparemment  que  M.  Herman  n'a  pas  lu 
l'Histoire  des  Ordres  militaires  de  cet  auteur, 
et  qu'il  s'en  est  rapporté  à  d'autres  qui  lui 
ont  fait  un  faux  rapport;  car,  bien  loin  que 
l'abbé  Giustiniani  mette  l'établissement  de 
cet  ordre  en  1430,  il  dit  positivement  que 
l'on  en  doit  mettre  l'institution  en  1370,  se- 
lon l'Histoire  des  Ordres  militaires  impri- 
mée à  Paris  en  1071,  à  laquelle  il  faut  ajou- 
ter foi,  puisqu'elle  a  été  composée  en  France, 
où  cet  ordre  a  pris  son  origine  :  Per  questu 
autoriiu  historien,  che  per  essere  ori'jinata 
nella  Francia  doue  quest  ordine  Trasseti  pjin- 
cipii,  mérita  fede,  pare  doversi  dure  l'anno  a 
laie  inslitutione  1370.  Comme  l'auteur  de 
cette  description  des  ordres  militaires  en  a 
attribué  la  fondation  à  un  Charles  11  duc  de 
Bourbon,  l'abbé  Giustiniani  fait  voir  que  cfi 
Charles  de  Bourbon  ne  peut  pas  en  avoir  été 
le  fondateur;  et,  bien  loin  d'en  attribuer  la 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n"  i". 


HI 


ELE 


EI.F. 


\',l 


fondation  à  Philippe  II  duc  de  Bourgogne, 
comme  prétend  M.  Herman,  ii  dit  que  c'est 

Loais  II,  et  non  pas  Charles  de  Bourbon  qui 
i  n  a  été  l'instituteur  :  Da  taie  essame  ben  si 
veile  cite  Lodovico  If,  non  Carlo  duca  di  Bor- 
tion  fu  Vinstitutore  di  questo  ordine.  Et  dans 
un  autre  endroit,  où  il  corrige  aussi  Michieli, 
qui  avait  avancé  que  Louis  de  Bourgogne 
était  le  fondateur  de  cet  ordre,  il  dit:  h  a  Lu- 
dovico  duca  di  Borbone  Vinstitutore,  et  non 
di  tlorgogna,  came  serive  Michieli.U  y  a  long- 
temps que  cet  ordre  ne  subsiste  plus,  quoi- 
que l'abbé  Ginstiniani  ait  donné  une  chrono- 
logie de  ses  grands  maîtres  depuis  Louis  11, 
duc  de  Bourbon, jusqu'à  Louis  le  Grand,  roi 
de  France.  Si  M.  Herman  avait  seulement 
jeté  les  jeux  sur  cette  chronologie,  il  n'au- 
rait pas  accusé  l'abbé  Ginstiniani  d'avoir 
l'ait  Philippe  II,  due  de  Bourgogne,  institu- 
teur de  cet  ordre,  puisqu'il  a  mis  à  la  tête 
de  ses  grands  maîtres  ou  chefs  de  l'ordre 
Louis  11,  duc  de  Bourbon,  en!370. 

Fa  vin,  Théâtre  d'honneur  et  de  chevalerie. 
Josef  Michieli,  Tesoro  militai'  de  cavaleria. 
Mennénius,  Deiciœ  Equest.  Ord.  Bernard 
Giuslini  ini,  Hist.  di  tutt.  gli  ord.  rnilitar.  Le 
P.  Anselme,  Le  Palais  d'honneur.  Herman  et 
Schoonebeck,  dans  leurs  Histoires  des  ordres 
militaires. 

ECUYEltS  AU  FER  D'ARGENT.  Yovez 
Fer  d'or. 

EGYPTIENS  (Moines).  Voyez  Coptes. 

ÉLÉPHANT  (ORDRE  DE  l'). 

Des  chevaliers  des  ordres  de  l'Eléphant  et  de 
JJanebroch  en  Danemark. 

L'ordre  de  l'Eléphant  en  Danemark  est  du 
nombre  de  ceux  dont  on  ne  connaît  point 
l'origine.  Les  uns  la  font  remonter  jusqu'au 
temps  de  Christiern  1èr,  d'autres  prétendent 
qu'on  ne  la  doit  mettre  que  sous  le  règne  de 
Christiern  IV,  et  d'autres  enlin  ne  la  fixent 
que  sous  celui  de  Frédéric  IL  .Mais  l'opinion 
la  plus  commune  est  que  Christiern  Lr  a  été 
l'instituteur  de  cet  ordre,  l'an  1478,  selon 
quelques-uns,  ou  l'an  1474,  selon  d'autre-;. 
M.  Ashmole  dit  avoir  vu  une  lettre  écrite  l'an 
1 137  par  Avoleide,  évêque  d'Arhusen,  chan- 
celier de  Jean,  roi  de  Danemark,  à  Jean  Fris, 
aussi  chancelier  de  Christiern  111,  dans  la- 
quelle ce  prélat  marque  que  Christiern  I*r, 
étant  à  Rome,  demanda  au  pape  Sixle  IV  la 
permission  de  pouvoir  instituer  cet  ordre  en 
l'honneur  de  la  passion  de  Noire-Seigneur 
Jésus-Christ,  et  que  les  rois  de  Danemark 
eu  fussent  toujours  chefs  ;  et  il  ajoute  que 
ce  prince  fonda  une  chapelle  magnifique 
dans  la  grande  église  de  Roschild,  lieu  de  la 
sépulture  des  rois  de  Danemark  et  éloigné  de 
quatre  lieues  de  Copenhague,  où  tous  les 
chevaliers  devaient  s'assembler.  Le  même 
auteur,  décrivant  le  collier  de  cet  ordre,  dit 
que  ce  n'était  d'abord  qu'une  chaîne  d'or  au 
bas  de  laquelle  pendait  un  éléphant  qui  avait 
sur  le  côié  une  couronne  d'épines  dans  la- 
quelle il  v  avait  trois  clous  ensanglantés  en 


mémoire  de  la  passion  de  Noire-Seigneur, 
que  dans  la  suite  ce  collier  fut  coin  osé  de 
croix  entrelacées  d'éléphants,  et  qu'au  bas 
de  ce  collier  il  y  avait  encore  un  éléphant 
qui  tenait  sous  ses  pieds  une  image  de  la 
sainte  Vierge,  en  l'honneur  de  laquelle  il  y  a 
aussi  des  auteurs  qui  prétendent  que  cet 
ordre  lut  institué.  Favin  et  le  P.  Anselme, 
qui  sont  du  nombre  de  ces  auteurs,  disent 
que  les  chevaliers  de  cet  ordre  portent  au 
cou  une  chaîne  d'or  au  bout  de  laquelle  pend 
sur  l'estomac  un  éléphant  d'or  emaillé  de 
blanc,  le  dos  chargé  d'un  château  d'argent 
maçonné  de  sable  ;  et  cet  éléphant  est  porté 
sur  une  (errasse  de  sinople  émailléede  fleurs. 
J'ai  une  ancienne  esiampe  où  le  collier  de 
cet  ordre  est  ainsi  représenté,  à  l'exception 
que  le  collier  est  de  trois  chaînes  d'or.  Mais, 
quoique  Favin  et  le  P.  Anselme  décrivent  de 
celte  manière  le  collier  de  l'ordre  de  l'Elé- 
phant,  néanmoins  celui  qu'ils  oui  fait  gra- 
ver est  composé  de  plusieurs  croix  entrela- 
cées d'éléphants  qui  portent  chacun  sur  leur 
d .;s  une  tour,  et  au  bout  de  ce  collier  il  y  a 
une  médaille  entourée  de  rayons,  au  milieu 
de  laquelle  est  l'image  de  la"  sainte  Vierge. 
J'ai  encore  une  ancienne  estampe  où  ce  col- 
lier n'est  que  d'une  chaîne  d'or  composée  de 
plusieurs  os  qui  paraissent  des  vertèbres,  au 
bas  duquel  pend  un  éléphant  ayant  sur  le 
dos  une  tour,  et  au-dessus  de  la  lour  un  I, 
qui  pourrait  signifier  le  roi  Jean  ;  de  même 
que  le  C  que  les  chevaliers  qui  furent  fai  s 
par  Christiern  IV  mirent  sur  le  collier,  mar- 
quait le  nom  de  ce  prince.  Celui  que  Men- 
nénius a  fait  graver  est  semblable  à  celui 
que  Favin  et  le  P.  Anselme  ont  donné,  avec 
cite  différence  que  la  médaille  de  la  sainte 
Vierge  est  attachée  à  trois  petites  boules,  et 
qu'au  bas  de  celte  médaille  il  y  en  a  encore 
une  aulre  représentant  trois  clous  de  la  pas- 
s.on.  Enfin  la  plupart  des  auteurs  qui  ont 
parlé  de  cet  ordre  en  ont  donné  le  collier  de 
différentes  manières.  Celui  que  les  cheva- 
liers portent  présentement  est  composé  de 
plusieurs  éléphants  entrelacés  de  tours,  cha- 
que  éléphant  ayant  sur  le  dos  une  housse, 
bleue,  et  au  bas  du  collier  il  y  a  un  éléphant 
d'or  chargé  dur  le  dos  de  cinq  gros  diamants, 
en  mémoire  des  cinq  plaies  de  Notre-Sei- 
gneur  ;  cet  éléphant  est  entaillé  de  blanc  et 
a  sur  le  dos  un  pelit  Maure  assis. 

Quant  à  leur  habillement,  ils  portent  dans 
les  jours  de  cérémonie  un  grand  manteau  de 
velours  cramoisi  doublé  de  salin  blanc,  dont 
la  queue  traîne  de  deux  aunes,  avec  un  cha- 
peron par  derrière  attaché  au  manteau  :  les 
cordons  qui  lient  le  manteau  sont  d'argent 
et  de  soie  rouge,  le  haut-de-chausses  et  le 
pourpoint  de  satin  blanc,  et  les  bas  de  cou- 
leur de  perle.  Ils  portent  sur  le  côté  gauche 
du  manteau  une  croix  en  broderie,  entourée 
de  rayons  ;  leur  chapeau  est  de  velours  noir 
avec  un  bouquet  de  plumes  rouges  et  blan- 
ches (1).  Ce  qui  dislingue  le  roi,  c'est  que 
les  plumes  de  son  chapeau  sont  blanches 
avec  une  aigrelte  noire,  et  que  son  manteau 


(l)  Voy.,  à  la  tin  du  vol.,  n°  24. 


113 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


m 


est  doublé  d'hermine.  L'habillement  de  ces 
chevaliers,  que  l'abbé  Giusliniani  a  fait  gra- 
ver, a  élé  dessiné,  à  ce  qu'il  dit,  sur  un  por- 
trait du  roi  Christiern  V,  mort  l'an  1699.  Ce 
prince  y  est  représenté  avec  une  cuirasse, 
ayant  un  cordon  bleu  passé  en  écharpe  de- 
puis l'épaule  gauche  jusqu'à  la  hanche 
droite,  et  un  Éléphant  d'or  au  bout,  avec  un 
manteau  bleu,  semé  de  couronnes  d'or  et  de 
cœurs  en  broderie  ;  ce  manteau  est  doublé 
de  peaux  de  loups-cerviers  et  a  sur  le  côté 
gauche  une  croix  entourée  de  rayons.  Ainsi 
il  y  a  eu  souvent  du  changement  dans  l'ha- 
billement,  aussi  bien  que  d;ins  le  collier. 
Favin  ,  qui  a  été  suivi  par  d'autres ,  s'est 
trompé  lorsqu'il  dit  que  les  rois  de  Dane- 
mark ne  confèrent  cet  ordie  que  le  jour  de 
leur  couronnement  ;  car,  sans  parler  des  rois 
de  Danemark  qui  ont  régné  depuis  l'insti- 
tution de  cet  ordre,  Christiern  V,  qui,  à  son 
avènement  a  la  couronne,  avait  fait  des  che- 
valiers de  l'Eléphant,  Gl  encore  chevalier  de 
cet  ordre,  l'an  1672,  l'ambassadeur  d'Angle- 
terre qui  résidait  auprès  de  sa  personne.  11 
y  eut  une  promotion  de  plusieurs  autres  che- 
valiers l'an  1679.  Le  marquis  de  Bade  Dour- 
lach,  et  Christiern,  prince  d' Ostfrise,  le  fu- 
rent aussi  l'an  1682.  L'année  suivante,  Fré- 
déric Charles  de  Roye  de  la  Hochefoucault , 
comte  de  Roye,  fut  fait  pareillement  c  heva- 
her  de  I  Eléphant.  Il  y  eut  une  autre  promo- 
tion le  lo  juillet  1691,  et  le  collier  de  cet 
ordre  fut  donné  à  Evrard  Louis  ,  prince  de 
Wirtemberg;  Sluttgard  Georges,  landgrave 
de  Hesse-Darmstadl;  Philippe,  landgrave  de 
liesse  Cassel;  Albert,  duc  de  Saxe-Gotha; 
Léopold  Evrard,  duc  de  Wirtemberg-Mont- 
belliard,  et  à  d'autres  ;  et  l'an  1697  le  duc 
Jean  Adolphe  de  Saxe-Weinsenfelz  le  reçut 
aussi. 

Elie  A'hmole,  dans  son  Traité  de  la  Jar- 
retière ;  Favin,  Théâtre  d'honneur  et  de  che- 
valerie ;  Bernard  Giusliniani ,  Hist.  di  tutti 
gli  Ordini  militari  ;  Mennénius  ,  Herman  et 
Schoonebeck,  dans  leurs  Histoires  des  Ordres 
militaires;  et  le  P.  Anselme.  Le  Palais  de 
l'honneur. 

Outre  l'ordre  de  l'Eléphant  en  Danemark  , 
il  y  a  encore  un  autre  ordre  sous  le  nom  de 
Danebroch  ,  dont  quelques  écrivains  ,  ama- 
teurs des  fables,  font  remonter  l'origine  jus- 
qu'au temps  de  Dan,  lils  du  patriarche  Jacob, 
qui,  selon  eux,  fut  le  premier  roi  de  Dane- 
mark et  donna  son  nom  à  ce  royaume.  Ils 
disent  que  ce  roi  prétendu  étant  sur  le  point 
de  livrer  une  bataille,  l'an  du  monde  2898, 
vit  descendre  en  l'air  une  grande  croiv  blan- 
che qui  fut  le  siyne  de  la  victoire  qu'il  rem- 
porta :  ce  qui  fui  cause  qu'il  inslilua  un  or- 
dre auquel  il  donna  son  nom  et  celui  de 
Broge,  qui,  en  danois,  veut  dire  peinture. 
D'autres,  plus  raisonnables,  croient  que 
Waldemar  11  en  a  élé  l'instituteur  vers  l'an 
1219.  M.  Bartholin  ,  qui  est  de  ce  seutiment 
et  qui  a  fait  une  dissertation  sur  l'origine  de 
cet  ordre,  ajoute  que  ce  prince  donna  aux 
chevaliers  une  croix  blanche.  Il  y  en  a  d'au- 
tres qui  en  attribuent  aussi  l'institution  à 
Waldemar,  et  qui  prétendent  que  cette  croix 


blanche  était  bordée  de  roupe,  et  que  le  mo- 
tif qui  porta  ce  roi  à  instituer  cet  ordre  fut 
qu'étant  près  de  donner  combat  à  ses  enne- 
mis, il  avait  vu  une  croix  pareille  qui  des- 
cendait du  ciel.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que, 
s'il  est  vrai  que  Waldemar  ait  institué  cet 
ordre,  il  n'était  plus  connu  en  Danemark 
lorsque  Christiern  V  le  rétablit  l'an  1672; 
mais  il  y  a  plus  d'apparence  qu'il  en  a  été 
plutôt  l'instituteur  que  le  restaurateur,  et  et; 
fut  à  l'occasion  de  la  naissance  du  prince 
royal  de  Danemark  Christiern  Guillaume  , 
son  fils,  qu'il  célébra  avec  beaucoup  de  ma- 
gnificence. Les  chevaliers  de  cet  ordre  por- 
tèrent alors  en  écharpè  depuis  l'épaule  gau- 
che jusqu'à  la  hanche  droite  un  rubau  blanc 
bordé  de  vert ,  auquel  pendait  une  croix  de 
diamants  ,  et  sur  leurs  manteaux  ces  deux 
mots  en  broderie  ,  Pielate  et  Justitia  ,  dans 
une  couronne  de  laurier.  Ce  princ  retran- 
cha dans  la  suite  ces  paroles,  et  ayant  ré- 
formé l'ordre,  il  ordonna  que  les  chevaliers 
porteraient  un  manteau  de  couleur  aurore, 
doublé  de  salin  blanc.  Ce  m  inteau  est  à  peu 
près  de  la  même  manière  que  celui  des  che- 
valiers de  l'Eléphant  ;  mais  le  haut-de- 
chausses  est  plus  large  ,  semblable  à  celui 
des  Suisses.  Ils  doivent  paraître  devant  le 
roi  avec  cet  habit  de  cérémonie  trois  fois 
l'an,  le  jour  de  la  naissance  de  ce  prince  , 
celui  de  son  couronnement  et  celui  de  sou 
mariage.  Leur  nombre  n'est  que  de  dix-neuf, 
le  roi  en  est  le  chef  et  ne  confère  cet  ordre 
qu'à  des  officiers  d'armée. 

Thom.  Bartho!.,  De  equest.  Ord.  Danebro- 
g'ui  Dissertât,  histor.;  et  Schoonebeck,  llis~ 
toire  des  Ordres  militaires,  tom.  IL 

ELISABETH  (Religieuses  de  Sainte-). 

De  l'origine  des  religieuses  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-François  ,  avec  la  v:e  de  sainte  Eli- 
sabeth de  Hongrie  ,  veuve  du  landgrave  de 
Thuringe,  première  religieuse  de  cet  ordre. 

C'est  avec  raison  que  les  religieuses  du 
Tiers  Oidre  de  Saint- François  regardent 
sainte  Elisabeth  de  Hongrie  comme  leur 
mère,  puisqu'elle  a  été  la  première  Tiertiaire 
qui  ait  fait  des  vœux  solennels.  Elle  était  fille 
d'André  H,  roi  de  Hongrie,  et  de  Gerlrude  , 
fille  du  duc  de  Carinthie.  Elle  \  int  au  monde 
l'an  1207.  Ses  vertus  commencèrent  à  écla- 
ter presque  dans  le  berceau,  particulière- 
ment sa  compassion  envers  les  pauvres,  qui, 
dès  l'âge  de  trois  ans,  lui  mérita  un  miracle 
signalé  de  la  puissance  de  Dieu  ;  car  ayant" 
été  surprise  par  le  roi,  son  père,  lorsqu'elle 
leur  portait  quelque  chose  qu'elle  ne  voulait 
pas  que  l'on  vît,  et  lui  ayant  dit  que  c'étaient 
des  roses,  cela  se  trouva  véritable.  Le  land- 
grave de  Thuringe  l'ayant  demandée  en  ma- 
riage pour  son  fils  aîné  ,  et  ayant  envoyé 
pour  ce  sujet  une  célèbre  ambassade  au  roi 
de  Hongrie  ,  elle  fut  conduite  en  Thuringe 
dès  l'âge  de  quatre  ans  avec  toute  la  magni- 
ficence possible. 

La  cour  du  landgrave  la  vit  encore  plus 
fervente  cl  plus  verlueusc  que  ne  l'avait  vue 
celle  du  roi  de  Hongrie.  Sa  gouvernante  s'ef- 


«45 


ELI 


eu 


liG 


força  de  diminuer  la  longueur  de  ses  prières 
et  de  ses  autres  pratiques  de  dévotion  ;  mais 
ce  fut  toujours  inutilement.  Son  oraison  était 
presque  continuelle,  l'exercice  de  ses  vertus 
n'avait  point  d'intervalle,  même  dans  ses  re- 
créations, qu'elle  passait  dans  des  divertisse- 
ments saints  et  pieux.  Sa  dévotion  et  sa  ten- 
dresse étaient  si  grandes  pour  les  mystères 
de  la  passion  de  Jésus-Christ,  qu'elle  répan- 
dait une  grande  abondance  de  larmes  lors- 
>  qu'elle  entendait  la  messe,  qui  en  est  la  re- 
présentation. Le  roi  de  Hongrie,  allant  à  la 
i  conquête  de  la  terre  sainte  ,  établit  un  sei- 
gneur de  sa  coer,  nommé  Branchant  ,  pour 
gouverner  le  royaume  pendant  son  ab  ence; 
mais  à  peine  ce  prince  lut-il  parti,  que  Ger- 
trude  son  épouse  fut  tuée  par  ce  Br.mebant. 
Les  larmes  que  ce  meurtre  fit  répandre  à 
sainte  Elisabeth  furent  les  fidèles  témoins  de 
sa  douleur  et  de  sa  tendresse  pour  cette  prin- 
cesse; mais  si  constance  n'en  l'ut  point  ébran- 
lée ;  elle  lâcha  même  de  porter  son  père  et 
ses  frères  à  n'en  point  tirer  vengeance. 

Après  la  mort  de  la  reine  sa  mère,  elle  com- 
mença à  vivre  d'une  manière  d'autant  plus 
agréable  à  Dieu,  qu'elleétait  désagréable  à  la 
cour.  Sophie,  duchesse  de  Thuringc,  et  les 
gens  de  cette  cour  la  méprisaient;  mais  ces 
mépris  la  eonsolaient ,  dans  l'espérance  de 
cette  récompense  que  Dieu  promet  à  ceux 
qui  souffriront  la  persécution  pour  la  justice 
Le  landgrave  la  défendait  contre  la  malice 
des  envieux  ou  des  censeurs  de  sa  vertu  ; 
mais  Dieu,  qui  éprouve  ses  élus  comme  l'or 
dans  la  fournaise,  la  priva  de  cette  protec- 
tion par  la  mort  de  ce  prince  ,  qui  arriva 
lorsqu'elle  n'avait  encore  que  neuf  ans. 
Quoique  les  pratiques  de  la  pénitence  ne 
soient  pas  ordinaires  aux  personnes  de  cet 
âge,  cette  jeune  princesse  les  embrassait  déjà 
avec  tant  d'ardeur,  que  la  haire  et  la  disci- 
pline lui  étaient  ordinaires,  et  elle  inventait 
tous  les  jours  de  nouvelles  mortifications. 
La  couronne  qu'elle  portait  sur  sa  lête  les 
jours  de  fêles  et  de  dimanche,  pendant  qu'elle 
assistait  au  saint  sacrifice  de  la  messe,  selon 
la  coutume  des  princesses  de  Thuringe,  lui 
paraissait  si  peu  convenable  au  ni)  stère  d'hu- 
milité qui  y  est  représenté  ,  qu'un  jour  elle 
la  quitta  ;  mais  cette,  action,  qui  aurait  dû 
faire  l'admiration  de  toule  la  cour,  déplut 
fort  à  la  duchesse  Sophie,  et  procura  de 
nouvelles  humiliations  à  notre  sainte  ,  qui, 
malgré  les  oppositions  de  celte  princesse  tt 
de  ses  courtisans,  à  qui  ses  vertus  donnaient 
de  la  jalousie,  épousa  enfin,  l'an  1221,  à  l'âge 
de  quatorze  ans,  Louis  V,  landgrave  de  Thu- 
ringe, qui  en  avait  vingt  et  un.  Elle  eut  de 
ce  mariage  trois  enfants,  un  fils  nommé  Her- 
inan,  qui  posséda  la  souveraineté  du  Thu- 
ringe après  la  mort  du  landgrave  son  père  ; 
une  princesse  qui  porta  le  nom  de  Sophie, 
cl  fut  mariée  au  duc  de  Brabant;  et  une  au- 
tre fille  qui  fut  abbesse  d'un  célèbre  monas- 
tère de  Franconie. 

Comme  le  landgrave  son  époux  avait  beau- 
coup de  piété  ,  il  lui  laissait  une  entière  li- 
bellé de  vaquer  à  ses  exercices  de  dévotion. 
11  l'encourageait  même  à  la  persévérance,  et 


approuvait  toutes  les  aumônes  qu'elle  distri- 
buait aux  pauvres.  Sitôt  que  cette  princesse, 
qui  cherchait  toutes  les  occasions  d'avancer 
de  plus  en  plus  dans  le  chemin  de  la  perfec- 
tion, eut  nouvelle  de  l'établissement  du  troi- 
sième ordre  de  Saint-François,  elle  demanda 
d'y  être  associée,  et  elle  lut  la  première  en 
Allemagne  qui  le  reçut  des  mains  d'un  reli- 
gieux du  premier  ordre,  avec  la  permission 
du  prince  son  époux,  qui  l'eût  pareillement 
embrassé,  s'il  eût  eu  assez  de  santé  pour  en 
pratiquer  les  règles.  Saint  François,  qui  vi- 
vait encore  pour  lors,  ayant  appris  cette  nou- 
velle, aurait  bien  souhaité  lui  faire  un  pré- 
sent digne  de  sa  qualité,  pour  lui  témoigner 
la  joie  qu'il  en  avait  ;  mais  sa  grande  pau- 
vreté lui  en  ôtant  les  moyens,  il  lui  envova 
le  pauvre  manteau  qu'il  portait,  comme  le 
gage  le  plus  assuré  de  son  amour  paternel 
pour  une  si  sainte  fille  :  aussi  sainte  Elisa- 
beth le  reçut  comme  un  riche  présent ,  et 
avec  le  respect  d'une  véritable  fille  pour  un 
père  si  saint  et  si  ami  de  Dieu.  Le  Saint-Es- 
prit, qui  avait  toujours  été  son  guide  avant 
son  mariage,  ne  le  fui  pas  moins  lorsqu'elle 
fut  engagée  dans  cet  état  :  elle  choisit  pour 
son  confesseur  le  Père  Hodingerius ,  dont  se 
voyant  privée  à  l'âge  de  dix-sept  ans  ,  elle 
prit  Conrad  de  Masburg,  à  qui  elle  rendit 
une  parfaite  obéissance,  après  en  avoir  fait 
le  vœu  entre  ses  mains  en  1225,  y  joignant 
en  même  temps  ctlui  de  chasteté,  si  elle  sur- 
vivait au  prince  son  époux. 

Les  pauvres  et  les  malades  étaient  les 
principaux  objets  de  ses  soins  et  de  son  af- 
fection, leur  ayant  fait  bâtir  un  hôpital  à 
Maspurg,  afin  qu'on  leur  y  administrât 
tous  leurs  besoins  .  tant  spirituels  que  tem- 
porels. Dans  un  temps  de  famine  elle  nourrit 
pendant  deux  années  do  suite  neuf  cents 
pauvres.  Ses  greniers  étant  épuisés,  elle  eut 
soin  de  faire  venir  du  blé  de  toutes  parts ,  et 
employa  à  cette  œuvre  de  charité  non-seu- 
lement toute  sa  dot ,  que  son  mari  lui  avait 
accordée  ,  mais  encore  sa  vaisselle  d'argent, 
ses  perles,  ses  diamants  ,  et  tout  ce  qu'elle 
avait  de  plus  précieux. 

Le  landgrave,  ayant  entrepris  le  voyage  de 
la  terre  sainte,  laissa  cette  princesse  pour 
régente  de  ses  Etals;  mais  ayant  été  saisi 
d'une  violente  Gèvre  dans  la  ville  de  Troïna 
en  Sicile,  il  ne  laissa  pas  d'aller  à  Trente, 
où,  sa  maladie  augmentant  ,  il  mourut  en 
1227.  On  annonça  à  la  sainte  la  mort  de  son 
mari ,  dont  elle  reçut  la  nouvelle  avec  une 
parfaite  conformité  à  la  volonté  de  Dieu.  En 
même  temps  on  la  dépouilla  de  ses  Etats, 
comme  indigne  de  la  régence.  Etant  sortie  la 
nuit  hors  de  son  palais  par  la  violence  de 
sesennemis,  qui  l'en  chassèrent  aveemépris, 
non-seulement  elle  ne  trouva  aucune  mai- 
son qui  la  voulût  recevoir,  mais  encore,  pour 
surcroît  de  disgrâce,  une  malheureuse  femme 
qui  en  avait  reçu  de  grands  secours  la  jeta 
dans  la  boue  au  milieu  de  la  rue,  et  elle  fut 
obligée  de  se  retirer  dans  une  pauvre  étable 
avec  ses  demoiselles  ,  jusqu'à  ce  qu'ayant 
entendu  sonner  àminuitla  cloche  des  Frères 
Mineurs  pour  les  mutines ,  clic  se  fit  ouvrir 


117 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


148 


la  porle  de  .  église,  el  les  pria  de  chaîner  le 
Te  Deum  en  action  de  grâces  des  humiliations 
où  Dieu  l'avait  réduite. 

Un  si  grand  changement  de  fortune,  capa- 
ble d'abattre  tout  autre  courage  que  le  sien, 
ne  fitqu'augmentersaconslanceetson  amour 
pour  Dieu  ,  comme  il  parut  assez  par  la  pa- 
tience avec  laquelle  elle  souffrit  ce  que  la 
pauvreté  a  de  plus  rude  et  de  plus  humiliant, 
puisqu'elle  fut  réduite  à  demander  du  pain 
de  porte  en  porte  pour  sa  subsistance.  L'ab- 
besse  de  Kizingen  ,  sa  tante  ,  en  ayant  eu 
avis,  la  fit  venir  chez  elle,  et  l'envoya  en- 
suite à  l'évêque  de  Bamberg  ,  qui  était  aussi 
son  oncle,  cl  qui  lui  proposa  de  se  remarier, 
étant  encore  dans  la  fleur  de  son  âge  ;  mais 
elle  ne  voulut  point  entendre  parler  de  se- 
condes noces ,  ayant  choisi  Jésus-Christ 
pour  époux. 

Comme  on  portait  le  corps  du  prince  son 
mari  en  Thuringe  ,  il  passa  par  Bamberg, 
accompagné  des  seigneursqni  l'avaient  suivi 
en  Sicile.  La  sainte  veuve  le  \  ou  lut  voir,  pour 
lui  donner  les  dernières  marques  de  sa  ten- 
dresse en  l'arrosant  de  ses  larmes.  Ces  sei- 
gneurs, ayant  appris  le  mauvais  traitement 
que  l'on  avait  fait  à  celte  princesse,  la  vou- 
lurent rétablir  dans  la  régence ,  mais  elle  dé- 
clara qu'elle  y  renonçait,  et  ne  prétendait 
aucune  part  au  gouvernement.  Elle  demanda 
seulement  que  Ion  conservât  les  droits  de 
ses  enfants,  et  qu'on  lui  donnât  son  douaire 
en  argent ,  afin  de  le  pouvoir  distribuer  aux 
pauvres.  Rodolphe  ,  qui  tenait  le  premier 
rang  parmi  ces  seigneurs ,  la  ramena  en  Thu- 
ringe ,  et  la  remit  en  possession  de  son  pa- 
lais, où  elle  fut  traitée  selon  sa  dignité; 
mais  celte  pieuse  princesse,  appréhendant 
que  les  honneurs  qu'on  lui  rendait  et  l'abon- 
dance où  elle  se  trouvait  ne  fussent  contrai- 
res au  vœu  de  pauvreté  auquel  elle  s'élait 
engagée,  renonça  à  tous  ces  honneurs  el  re- 
tourna d'elle  même  à  cet  état  d'humiliation 
où  ses  ennemis  l'avaient  d'abord  réduite 
après  la  mort  de  son  mari.  Rodolphe  et  les 
autres  seigneurs  de  la  cour,  peu  accoutu- 
més aux  humiliations  de  la  croix  de  Jésus- 
Christ,  qui  leur  semblait  plutôt  une  folie 
qu'une  sagesse  ,  ne  sachant  à  quoi  attribuer 
un  si  grand  mépris  de  soi-même  et  si  con- 
traire aux  maximes  du  monde,  ne  la  regar- 
dèrent plus  que  comme  une  folle,  et  n'eurent 
plus  pour  elle  que  du  mépris  :  ce  que  la 
sainte  souffrit  avec  une  joie  qu'il  n'est  pas 
facile  d'exprimer,  se  reconnaissant  à  ces 
marques  servante  de  Jésus-Christ,  qualité 
qu'elle  préferait  à  loules  les  grandeurs  de  la 
terre. 

Le  pape  Grégoire  IX  la  prit  sous  sa  pro- 
tection, et  la  recommanda  à  Conrad  de  Mas- 
purg,  son  confesseur,  entre  les  mains  du- 
quel elle  avait  fait  ,  comme  nous  avons  dit , 
venu  d'obéissance  el  do  chasteté  dès  l'an  r2Z'>. 
C;:  sage  directeur  Voulut  modérer  son  zèle 
pour  la  pauvreté  ,  qu'elle  voulait  pratiquer 
dans  un  si  haut  degré  de  perfection,  que,  non 
contente  de  renoncer  à  tout  ce  qu'elle  pou- 
vait prétendre  dans  "le  monde,  elle  ne  vou- 
lait vivre  que  des  aumônes  qu'elle  oourrait 


trouver;  et  sur  le  refus  qu'il  lui  fit  de  la 
permission  qu'elle  lui  en  demandait,  elle  lui 
répondit  :  Je  le  ferai ,  je  le  ferai,  et  vous  ne 
pouvez  pas  m'en  empêcher;  et  effectivement  , 
étant  entrée  le  jour  du  vendredi  saint  dans 
l'église  des  Frères  Mineurs,  elle  mit  les 
mains  sur  l'autel  ,  et  là,  en  présence  des  re- 
ligieux et  de  son  confesseur,  elle  fit  une 
profession  solennelle  par  laquelle  elle  re- 
nonça à  toutes  les  vanités  du  monde,  à  ses 
parents  ,  à  ses  enfants,  à  sa  propre  volonté 
el  à  tonl  ce  que  le  Sauveur  du  monde  con- 
seille d'abandonner  pour  être  parfait. 

Plusieurs  auteurs  disent  qu'elle  se  retira 
ensuite  dans  un  monastère,  où  elle  s'em- 
ploya à  filer  la  laine  et  à  exercer  les  plus 
vils  ministères  :  ce  qui  n'empêchait  point 
que,  comme  elle  ne  s'était  pas  obligée  à  la 
clôture  ,  elle  n'eût  soin  des  pauvres  de  l'hô- 
pital qu'elle  avait  fait  bâtir.  Il  y  eut  aussi 
trois  ou  quatre  de  ses  demoiselles  qui  l'imi- 
tèrent ,  et  se  revêtirent  de  l'habit  du  Tiers 
Ordre  ;  mais  la  pauvreté  de  celui  de  la  sainte 
la  faisait  distinguer  des  autres.  Enfin  ses  aus- 
térités et  ses  mortifications  ayant  abrégé  ses 
jours  ,  elle  mourut  à  Maspurg  le  19  novem- 
bre 1231,  n'étant  encore  que  dans  sa  vingt- 
quatrième  année. 

Quelques-uns  doutent  néanmoinsque  cette 
sainte  ait  été  du  Tiers  Ordre  de  Saint-Fran- 
çois et  véritablement  religieuse;  mais  c'est  à 
tort,  puisque  saint  lîonaventure  assure 
qu'elle  en  a  été,  el  qu'il  l'a  appris  de  son 
confesseur;  et  que  Vincent  de  Jieauvais  el 
saint  Antonin,  qui  ont  été  suivis  par  plusieurs 
autres  écrivains,  disent  qu'elle  se  revêtit 
d'un  habit  gris,  et  qu'elle  fit  une  profession 
solennelle  :  Grisœum  habit  um  induit ,  et  ha- 
bitue susceptionem  voti  emissione  solemniza- 
vil  .  Wadiug  ,  qui  dispute  à  cette  sainte  la 
qualité  de  religieuse  ,  dit  néanmoins  que  sa 
profession  fut  solennelle  :  Positis  super  ai- 
tare  manibus  ,  solemni  ac  magnanima  profes- 
sione  renuntiat  parentibus  ,  etc.;  et  dans  un 
autre  endroit,  en  rapportant  la  bulle  de  ca- 
nonisalion  ,  où  le  pape  Grégoire  IX  marque 
qu'elle  se  revêtit  de  l'habit  de  religion  ,  il 
n'a  pas  manqué  de  marquer  à  la  marge 
qu'elle  avait  été  religieuse,  fuit  religiosa. 
Ainsi  c'est  à  tort  qu'il  lui  dispute  celle  qualité. 
Bonfinius,  dans  son  Hiv.oire  de  Hongrie,  dit 
qu  après  avoirpris  l'habit  île  Saint-François, 
elle  se  retira  dans  un  monastère,  où  elle  s'oc- 
cupait à  filer  et  aux  offices  les  plus  vils.  Nous 
I  ourrions  rapporter  aussi  le  témoignage 
d'un  grand  nombre  d'auteurs, qui  n'ont  point 
fait  difficulté  de  la  reconnaître  pour  reli- 
gieuse du  Tiers  Ordre  de  Saint-François  ; 
mais  ce  que  nous  en  avons  dit  suffira  pour 
faire  connaître  que  les  religieuses  de  cet  or- 
dre  ont  eu  raison  de  la  reconnaître  pour  leur 
mère  et  pour  leur  patronne,  yen  ayant  même 
quelques-unes  qui  prennent  le  lilre  de  reli- 
gieuses de  Sainte-Elisabeth.  Il  est  vrai  qu'elle 
ne  gardait  pas  la  clôture  et  qu'elle  sortait 
souvent  de  son  monastère  pour  aller  servir 
les  pauvres  a  l'hôpital  ;  mais  la  clôture  n'est 
pas  essentielle  à  la  profession  religieuse;  et 
il  y  a  eacore  aujourd'hui  plusieurs  couiinu- 


149  ELI 

Hautes  de  religieuses  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-François  qui  ne  s'y  engagent  pas  et 
qui,  à'  l'exemple  de  leur  Mère  sainte  Elisa- 
beth, sortent  de  leurs  monastères  pour  aller 
,  ssister  les  malades,  consoler  les  mourants, 
ensevelir  les  morts  ,  et  qui  prennent  la  qua- 
lité de  religieuses  hospitalières.  11  y  en  a 
d'autres  qui  exercent  l'hospitalité  sans  sor- 
tir de  leur  clôture,  d'autres  qui  gardent  seu- 
lement la  clôture  sans  exercer  1  hospitalité; 
et  parmi  celles  qui  ne  sont  point  hospitaliè- 
res, il  y  en  a  de  réformées  qui  prennent  le 
nom  de  religieuses  du  Tiers  Ordre  de  Saint- 
François  de  l'Etroite  Observance  ,  d'autres 
de  religieuses  Récollectines.  Les  unes  suivent 
la  règle  de  Nicolas  IV,  d'autres  celle  de 
Léon  X.  La  plupart  sont  habillées  de  gris. 
Les  unes  ont  des  scapulaires  ,  d'autres  n'en 
portent  point.  Il  y  en  a  aussi  qui  sont  habil- 
lées de  blanc,  d'autres  de  noir  et  d'autres  de 
bleu.  Nous  avons  parlé  cl  parlerons  encore 
de  quelques-unes  de  ces  religieuses  plus  par- 
ticulièrement dans  d'autres  articles  ,  et  nous 
donnons  la  figure  d'une  des  anciennes  reli- 
gieuses hospitalières  de  cet  ordre  qu'on  nom- 
mait  de  la  telle,  qui  étaient  babillées  de  gris, 
et  portaient  des  manteaux  noirs  lorsqu'elles 
sortaient  (1).  Comme  la  règle  défend  de  por- 
ter des  habits  tout  à  fait  blancs  ou  tout  à  fait 
noirs,  ces  hospitalières  de  la  Celle  des  mo- 
nastères de  Sainl-Ouier,  Hesdin  ,  Abbeville 
et  Montrcuil ,  eurent  du  scrupule  de  porter 
des  manteaux  noirs,  quoiqu'elles  en  eussent 
su  permission  du  pape  Sixte  IV.  Elles  s'a- 
dressèrent, l'an  1489,  au  pape  Innocent  VIII, 
qui  leva  leur  scrupule  et  confirma  la  permis- 
sion que  son  piédéei  sseur  leur  avait  donnée 
de  porter  ces  manteaux  noirs  qui  les  cou- 
vraient depuis  la  tète  jusqu'aux  pieds  ,  et  ne 
portaient  point  de  scapulaire,  non  plus  que 
certaines  hospitalières  dont  nous  avons  fait 
aussi  graver  l'habillement ,  et  qu'on  appe- 
lait les  Sœurs  de  la  Faille,  à  cause  des  grands 
manteaux  qu'elles  portaient  aussi,  au  haut 
desquels  il  y  avait  un  rond  de  chaperon  qui 
couvrait  leur  visage  pour  n'être  point  vues 
du  peuple  (2)  ;  elles  allaient  servir  les  ma- 
lades dans  leurs  maisons ,  et  avaient  soiu  des 
pestiférés;  leur  habilement  était  gris. 

Vincent.  Bellovacensis,  lib.  xxx  Speculi, 
Hist.  c.  136.  S.  Anton.,  m  part.  Hist..  titul. 
19.  c.  2;  Wading,  Annal.  Minorant,  t.  I, 
unn.  1228,  n.  8ï.  S.  lionavent.  Serin,  de  S. 
Etisab.  Conrad  de  Maspurg,  Fpisi.  ad  Pa- 
pain.  Gregor.  IX  de  Vila  S.  Elisabeth.  Joau. 
Mar.  Vernon  ,  Annal.  Tei  t.  Ord.  S.  Fran- 
ciser. Franc.  Bordon,  Clirunolog.  FF.etSo- 
ror.  Tert.  Ord.  S.  Francisa. 

Nous  ne  partageons  point  le  sentiment 
d'Hélyot  sur  la  profession  de  sainte  Elisabeth 
de  Hongrie,  qu'il  dit  avoir  été  solennelle  ,  si 
le  mot  solennelle  doit  être  pris  à  la  rigueur. 
Néanmoins  nous  ne  décidons  pas  absolument 
<l ne  sa  profession  ne  fut  point  solennelle, 
puisqu'elle  la  faisait  dans  le  Tiers  Ordre  , 
qui  est  un  ordre  véritablement  approuve 
comme  ordre  religieux  ;  mais  quelle  commti- 

(!)  Voy.,  ii  ia  Qu  du  vol.,  u°  25, 


P..NF 


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naulé  habitait-elle ,  quelles  constitutions  y 

mi  \  ait- on?  Ce  seraient  des  points  à  celai  rcir  , 
puisque  Wading  est  allé  jusqu'à  contester 
l'état  religieux  de  la  sainte,  qu'il  reconnaît 
pourtant  à  la  Gn  par  l'expression  religiosa. 
Quoique  les  religieuses  Tiertiaires  de  Pans 
soient  connues  aujourd'hui  sous  le  seul  nom 
de  Religieuses  de  Sainte-Elisabeth  ,  elles  no 
sont  point  néanmoins  à  placer  au  rang  de 
celles  qui  sont  mentionnées  dans  ce  chapitre. 
Elles  appartiennent  à  celles  qu'on  appelle 
de  l'Etroite  Observance  ;  nous  renvoyons  les 
additions  que  nous  fournirons  à  leur  his- 
toire au  chapitre  où  leur  établissement  est 
raconté  par  Hélyot  ;  c'est  là  leur  place  natu- 
relle ,  c'est-à-dire  à  l'article  de  l'ordre  de  la 
Pénitence,  ou  Tiers  Ordre  régulier  de  Saint- 
François  d'Assise.  Nous  parlerons  en  même 
temps  de  deux  autres  maisons  que  les  Fran- 
ciscains du  Tiers  Ordre  avaient  aussi  à  Paris, 
et  sur  lesquelles  Hélyot  a  gardé  un  silence 
d'autant  plus  surprenant,  que  ces  deux  mo- 
nastères étaient  du  môme  ordre  que  lui. 

Au  dernier  siècle  les  Franciscains  du  Tiers 
0/'d/v,ainsi  lu'onlesappelaitàllome, avaient, 
dans  cette  dernière  ville,  les  quatre  établis- 
sements suivants ,  tous  quatre  gardant  la  clô- 
ture et  dirigés  par  des  prêtres  séculiers  : 
Saint-Bernardin  de  Sienne ,  Sainte-Claire,  la 
Purification ,  Sainte-Apolline.  Aujourd'hui 
les  Franciscaines  du  Tiers  Ordre,  à  Home, 
sont  encore  sous  la  direction  des  prêtres  sé- 
culiers ;  nous  ignorons  si  elles  y  ont  plus 
d'une  maison  ,  mais  tous  les  monastères  dont 
nous  parlons  ici  sont  plutôt  à  mentionner 
dans  le  chapitre  consacré  aux  religieuses  du 
Tiers  Ordrevivant  en  clôture.  Dans  les  Etals 
autrichiens  ou  compte  aujourd'hui  dix  mo- 
nastères de  religieuses  de  Sainte-Elisabeth, 
dites  Elisabélhines,  renfermant,  en  totalité, 
319  religieuses.  B-d-e. 

ENFANCE   DE  NOTUE-SE1GNEUR  'Filles 

DE    l'). 

De  la  congrégation  des  Filles  de  C  Enfance  de 
Notre-Seigncur  Jésus-Christ. 

Dans  le  temps  que  les  Filles  de  l'Enfant 
Jésus  à  Borne  commençaient  à  former  leur 
congrégation,  comme  nous  le  dirons  à  l'ar- 
ticle Enfant  Jésus,  l'on  en  établit  en  France 
une  autre  que  l'on  nomma  de  l'Enfance  de 
Noire-Seigneur  Jésus  Christ ,  qui  eut  pour 
fondatrice  madame  de  Mondnnville  Jeanne 
Julliard,  veuve  de  Claude  de  Turle,  seigneur 
de  Mondonville  ,  conseiller  au  parlement  de 
Toulouse.  Celle  pieuse  dame  avait  déjà  éta- 
bli, conjointement  avec.  M.  l'abbé  de  Ciron, 
chanoine  de  la  cathédrale  et  chancelier  de 
l'université  de  Toulouse,  quelques  maîtres- 
ses pour  l'éducation  el  l'instruction  des  nou- 
velles catholiques  et  des  pauvres  filles  de  la 
paroisse  de  Saint-Etienne  de  la  même  ville; 
mais,  voulant  changer  cet  établissement  eu 
une  congrégation  de  vierges  chrétiennes  qui, 
sans  porter  l'habit  de  religieuses,  pratiquas- 
sent les  vertus  de  religion  el  se  donnassent 

(2)  Voy.,  à  la  fui  du  vol.,  n*  26. 


t. "H 


DiCTIONNAIflli  DUS  OfluRES  RELIGIEUX. 


t;;2 


loul  à  Dieu  cl  ;iii  service  du  prochain,  cl!.' 
se  relira  en  1657 dans  la  maison  qu'elle  avait 
achetée  pour  l'instruction  des  nouvelles  ca- 
tholiques. Elle  y  assembla,  par  les  avis  de 
M.  de  Ciron,  un  si  grand  nom  tire  de  filles,  que 
cette  maison  n'étant  pas  suffisante  pour  les 
loger  toutes  ,  elle  en  acheta  une  autre 
l'an  1CG1,  où,  sitôt  qu'elle  fut  logée  avec 
toutes  celles  qui  s'étaient  mises  sous  sa  con- 
duite, elle  demanda  pour  sa  congrégation 
naissante  des  règlements  et  des  constitutions 
à  l'archevêque  de  Toulouse,  Pierre  de  Marca, 
qui  ,  ne  pouvant  refuser  une  demande  si 
sainte  et  si  juste ,  commit,  par  une  ordon- 
nai.ce  du  2o  mai  1061,  M.  de  Ciron  pour  tra- 
vailler à  ces  mêmes  constitutions.  Elles  ne 
furent  pas  plutôt  finies,  que  madame  de 
JVIondonvilIe  et  quatre  de  ses  filles  présentè- 
rent une  requête  à  ce  même  prélat  au  mois 
de  janvier  de  l'année  suivante,  pour  le  prier 
île  les  approuver  et  d'ériger  Irur  congréga- 
tion sous  le  titre  de  ï'iïnfance  de  Noire-Sei- 
gneur Jésus-Christ,  et  le  vœu  simple  de  sta- 
bilité auquel  elles  voulaient  s'engager.  Le 
grand  vicaire  de  l'archevêque  répondit  à  la 
requête,  et  érigea  les  suppliantes  et  celles 
qui  se  joindraient  à  elles  en  société  et  con- 
grégation, sous  le  titre  et  de  la  manière 
qu'elles  souhaitaient,  pour  vaquer  à  l'édu- 
cation chrétienne  des  jeunes  filles,  à  l'in- 
struction de  celles  qui  étaient  nouvellement 
converties  à  la  foi  catholique,  au  secours  et 
;>  l'assistance  des  pauvres  malades  honteux 
et  autres,  avec  le  vœu  simple  de  stabilité, 
sous  la  conduite  de  leur  fondatrice  et  insti- 
tutrice. Il  approuva  les  constitutions  qui 
.liaient  été  dressées  par  M.  de  Ciron,  à 
condition  néanmoins  qu'aucune  fille  ne 
pourrait  être  reçue  à  faire  le  vœu  de  stabi- 
lité dans  la  congrégation  avant  qu'il  y  eût 
un  acte  public  de  la  donation  que  la  fonda- 
trice avait  promis  de  faire  pour  l'entretien 
du  huit  filles  :  ce  qu'elle  exécuta  la  même 
année,  et  fit  la  première  ce  vœu  de  stabilité 
Ici  mars.  Elle  envoya  ensuite  à  Rome  les 
mêmes  constitutions,  pour  en  avoir  la  con- 
firmation du  saint-siège,  que  le  pape  Alexan- 
dre VII  accorda  par  un  bref  du  6  novem- 
bre 1662.  Le  roi  donna  aussi  ses  lettres 
patentes  pour  cet  établissement  le  21  octo- 
bre 1663,  et  elles  furent  enregistrées  au  par- 
lement de  Toulouse  le  17  novembre  suivant. 
Tels  furent  les  commencements  de  la  con- 
grégation des  Filles  de  l'Enfance,  qui  ne 
subsistèrent  pas  longtemps,  comme  nous  le 
verrons  dans  la  suite. 

Les  constitutions  qui  furent  dressées  par 
M.  de  Ciron  contenaient  cinquante -trois 
chapitres.  Le  premier  traitait  de  la  fin  de 
l'institut,  qui  était  d'honorer  tous  les  états 
de  l'Enfance  de  Notre-Seigneur  Jésus-Chrisl, 
mais  particulièrement  celui  dans  lequel  il 
commença  d'instruire  les  hommes  et  de  se 
séparer  de  ses  parents  pour  s'appliquer  plus 
particulièrement  aux  affaires  de  son  l'ère  :  ce 
que  les  filles  qui  embrassaient  cet  institut 
devaient  imiter,  en  procurant  au  dedans  et  au 
dehors  de  leurs  maisons  l'instruction  et  le 
secours  spirituel  et  temporel  du  prochain, 


autant  que  1 1  modestie  de  leur  état  le  pou- 
vait permettre.  Le  second  chapitre  détermi- 
nait les  emplois  des  filles  de  celte  congréga- 
tion ,  dont  le  principal  était  d'élever  les 
jeunes  filles  dès  leur  enfance  dans  la  con- 
naissance des  obligations  de  leur  baptême, 
dans  l'estime  et  la  pratique  des  promesses 
qu'elles  y  ont  faites  à  Dieu,  dans  la  haine  du 
monde  et  de  ses  pompes,  auxquelles  elles  ont 
renoncé,  et  dans  l'amour  de  Jésus-Christ  et 
des  maximes  de  son  Evangile.  Le  troisième 
traitait  de  la  manière  que  les  filles  de  l'En- 
fance devaient  s'appliquer  à  celte  éducation, 
en  prenant  des  pensionnaires  dans  leurs 
maisons  et  en  tenant  des  écoles  publiques. 
Le  quatrième  et  le  cinquième  regardaient  le 
gouvernement  des  pensionnaires  et  des  éco- 
les^, Le  sixième  enseignait  la  manière  avec 
laquelle  ces  filles  devaient  se  comporter  dans 
la  visite  des  malades  et  la  distribution  des 
bouillons.  Le  septième,  ce  qu'elles  devaient 
faire  à  l'égard  des  nouvelles  catholiques.  Le 
huitième  et  le  neuvième,  le  soin  qu'elles  de- 
vaient avoir  des  hôpitaux  et  des  pauvres  en 
temps  de  peste.  Le  dixième  parlait  des  re- 
traites qu'elles  devaient  f.iire  pendant  huit 
jours  tous  les  ans.  Les  onzième,  douzième, 
treizième  et  quatorzième  regardaient  la  ré- 
ception des  filles.  Il  devait  y  en  avoir  de 
trois  sortes  :  les  premières  étaient  des  demoi- 
selles de  noblesse  d'épée  ou  de  robe,  qui 
pouvaient  seules  avoir  voix  délibérative  dans 
toutes  les  choses  qui  demandaient  les  suf- 
frages de  la  communauté,  comme  aussi  voix 
active  et  passive  dans  les  élections  aux  char- 
ges de  supérieure,  intendante  et  économe  de 
la  maison.  Dans  le  second  rang  étaient  les 
filles  d'une  condition  inférieure,  qui  pou- 
vaient avoir  part  à  tous  les  emplois  de  la 
congrégation  aussi  bien  que  les  premières, 
comme  de  maîtresses  des  écoles,  du  gouver- 
nement des  pensionnaires,  de  la  visite  des 
pauvres,  distribution  des  bouillons,  et  au- 
tres choses  semblables  :  elles  étaient  seule- 
ment exclues  des  charges  de  supérieure,  in- 
tendante et  économe.  Enfin  dans  le  troisième 
rang  étaient  les  suivantes,  femmes  de  cham- 
bre et  servantes  du  gros  emploi,  qui  de- 
vaient toujours  demeurer  dans  la  condition 
que  la  naissance  leur  avait  donnée,  sans 
qu'elles  pussent  en  être  tirées  pour  quelque 
cause  que  ce  fût.  Avant  que  ces  filles  fissent 
le  vœu  de  stabilité,  elles  devaient  être  éprou- 
vées pendant  deux  ans,  lesquels  expirés,  la 
fondatrice  avait  droit  de  les  recevoir  elle 
seule,  et  après  sa  mort  ce  droit  appartenait 
à  la  communauté.  Celles  qui  étaient  admises 
devaient  faire  vœu  de  stabilité  en  cette  ma- 
nière -.Jepromels  sincèrement  et  librement,  et 
je  voue  à  l'honneur  de  la  sainte  et  sacrée  £n- 
-f-ince  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  stabi- 
lité perpétuelle  dans  la  congrégation  des 
Filles  de  l'Enfance,  pour  y  vivre  le  reste  de 
mes  jours  conformément  à  ses  statuts  et  rè- 
glements, sans  clôture  et  sans  aucune  liaison 
de  vœu  solennel,  et  sans  aucune  affectation 
d'habit  singulier.  Dieu  me  fasse  la  grâce  d'y 
être  fidèle.  L'épreuve  de  deux  années  se 
nommait  l'essai,  et  la  profession  la  liaison, 


153 


LNF 


:i(in  de  n'avoir  rien  de  commun  avec  les  au- 
tres congrégations  régulières  et  séculières, 
("est  pour  celte  raison  que  le  dis-neuvième 
chapitre  ordonnait  que  les  maisons  de  cette 
congrégation  de  l'Enfance  seraient  à  la  ma- 
nière des  maisons  des  bons  bourgeois,  et 
qu'on  ne  bâtirait  point  surtout  ni  dortoirs, 
ni  réfectoires  ni  chauffoirs,  et  que  les  lieux 
destinés  à  ces  usages  n'en  devaient  avoir  ni 
la  forme  ni  le  nom.  Le  quinzième  défendait 
de  recevoir  de-;  veuves.  La  fondatrice  devait 
être  en  cela  seule  privilégiée;  et  si  quelque 
autre  veuve  voulait  faire  quelque  nouvel 
établissement,  on  devait  lui  permettre  seu- 
lement de  passer  huit  jours  dans  la  maison 
de  six  mois  en  six  mois.  Le  seizième  exclut 
toute  singularité.  Les  maisons  ne  pouvaient 
avoir  de  chapelles  extérieures,  de  clocher, 
ni  de  cloche,  que  de  la  grosseur  nécessaire 
pour  êire  entendue  dans  toute  la  maison. 
Les  filles  ne  devaient  point  changer  le  nom 
de  baptême  ni  celui  de  leur  famille.  Cl  ne 
devaient  point  su;  peler  soeurs.  Conformé- 
ment au  dix-septième  ,  elles  ne  devaient 
point  affecter  d'étoffe  particulière,  mais  de- 
vaient se  servir  indifféremment,  suivant  les 
saisons,  de  celles  qui  sont  au-dessous  de  la 
pure  soie,  simples  et  unies,  sans  passements 
d'or  et  d'argent,  ou  de  soie.  Il  ne  devait 
point  non  plus  y  avoir  de  couleur  affectée; 
mais  elles  pouvaient  choisir  indifféremment 
le  noir,  le  gris,  le  blanc,  le  feuille-morte,  ou 
autre  couleur.  Les  habits  des  demoiselles 
suivantes  et  des  femmes  de  chambre  ne  de- 
vaient être  que  de  laine  avec  quelque  diffé- 
rence, soit  dans  la  nature  des  étoffes,  soit 
dans  la  forme  des  habits.  Le  dix-huitième 
prescrivait  quels  devaient  être  les  ameuble- 
ments des  filles.  Les  chapitres  dix-neuf  et 
vingt  concernent  les  laquais,  les  carrosse-, 
les  chevaux  et  les  chaises  à  porteurs,  il 
était  dit  dans  le  vingtième  chapitre  que  les 
laquais  ne  pouvaient  pas  être  reçus  s'ils 
avaient  servi  des  filles  dans  le  monde  ;  et 
que  les  cochers  devaient  être  maries.  Il  de- 
vait y  avoir  beaucoup  d'union  entre  les  tilles 
d'une  même  maison,  et  celle  union  deva  t 
être  réciproque  entre  toutes  les  maisons  de 
l'institut,  comme  elle  est  recommandée  dans 
les  chapitres  vingt-sept  et  vingt-huit.  La 
maison  de  Toulouse  devait  être  le  centre  de 
l'union  des  autres,  à  cause  qu'elle  avait  reçu 
les  prémices  de  l'esprit  de  l'institut  :  c'est 
pourquoi  elles  devaient  avoir  une  communi- 
cation particulière  avec  elle,  la  consulter 
dans  toutes  les  difficultés  considérables  qui 
pouvaient  survenir,  el  s«ivre  ses  décisions 
après  la  mort  de  la  fondatrice,  qui  était  l'o- 
rade  de  toute  la  congrégation;  et  qui  seule 
avec  l'économe  et  une  autre  fille  nommée 
par  la  communauté,  pouvait  recevoir  l'ar- 
gent, non-seulement  de  la  maison  de  Tou- 
louse, mais  encore  des  autres,  comme  il  est 
marqué  dans  le  chapitre  quaranle-six.  Les 
trente-trois  el  trente-cinq,  où  il  était  parle 
de  la  nourriture,  des  pénilences  et  mortifi- 
cations des  filles,  ne  les  obligeaient  qu'à 
celles  que  l'Eglise  impose  à  tous  les  chré- 
tiens. Elles  ne  soupaicul  pas  néanmoins  le 


ENF  ir>4 

vendredi  ni  le  samedi,  excepté  celles  qui  vi- 
sitaient les  malades,  qui  ne  pouvaient  s'en 
abstenir  qu'avec  la  permission  de  la  supé- 
rieure. Leur  nourriture  ne  pouvait  être  quo 
de  viandes  ordinaires,  comme  bœuf,  veau, 
mouton,  pigeons  et  volailles,  la  venaison 
leur  étant  défendue,  hors  les  cas  auxquels 
les  médecins  la  jugeraient  absolument  né- 
cessaire ;  el  les  filles  de  service  devaient  être 
traitées  comme  elles  l'auraient  été  dans  les 
maisons  particulières.  Elles  ne  pouvaient 
sortir  qu'avec  une  compagne.  Il  ne  leur 
était  pas  permis  de  manger  dehors.  Elles  de- 
v  aient  ordinairement  aller  les  dimanches  et 
les  fêtes  à  la  paroisse  pour  assister  à  la 
messe,  au  prône  et  aux  vêpres.  On  ne  pou- 
vait dire  la  messe  dans  leur  chapelle  domes- 
tique que  dans  des  cas  extraordinaires  ; 
mais  madame  de  Mondonville  s'était  réservé 
la  liberté  de  la  faire  dire  quand  elle  voulait. 
Elles  se  confessaient  toutes  dans  l'église  de 
ia  paroisse,  où  leur  confesseur  devait  avoir 
un  confessionnal,  avec  la  permission  du 
curé  donnée  par  écrit  ;  el  ce  confesseur  ne 
pouvait  être  jamais  qu'un  prêtre  séculier, 
libre  de  tout  engagement  et  liaison  à  toute 
compagnie,  congrégation  ou  communauté. 
C'est  ce  qui  est  marqué  dans  les  chapitres 
trente-six,  trente-huit  et  quarante  et  un. 
Nous  omettons  les  autres,  qui  ne  regardent 
que  les  pratiques  des  vertus,  les  élections 
des  supérieures  et  ofûcières,  et  l'économie 
des  maisons. 

Ces  constitutions  trouvèrent  des  censeurs, 
on  écrivit  contre,  el  on  voulut  persuader  à 
M.  de  Ciron  d'en  changer  plusieurs  articles  ; 
mais  il  ne  put  s'y  résoudre.  On  y  fit  néan- 
moins quelques  changements,  l'an  168i,  par 
ordre  de  M.  l'archevêque  de  Toulouse;  mais 
ces  changements  ne  furent  point  considéra- 
bles, on  retrancha  seulement  quelques  mots 
de  peu  de  conséquence  el  quelques  pensées 
pieuses  :  en  sorte  qe?e  ces  secondes  constitu- 
tions ne  diJeraient  en  rien  des  premières 
dans  l'essentiel  :ce  qui,  selon  les  apparences, 
ne  fut  pas  agréable  au  roi,  qui,  peu  satis- 
fait de  c-'s  filies,  ayant  "oulu  voir  ces  con- 
stitutions tant  nouvelles  qu'anciennes,  pour 
être  informé  de  leurs  coutumes  et  usages,  fit 
défense,  le  7  novembre  1G85,  <ie  recevoir  des 
filles  dans  celte  congrégation  sans  nouvel 
ordre,  el  par  un  arrêt  du  conseil  d'Etal  du 
limai  1G8G  il  annula  la  fondation  de  celle 
congrégation, cassa  l'institut,  el  onlonnaaux 
lilies  de  se  retirer  chez  leurs  parents  ou  ail- 
leurs. Elles  en  appelèrent  au  saint  siège  la 
même  année;  mais  les  poursuites  qu'elles 
firent  furent  inutiles,  et  ne  servirent  qu'à 
faire  donner  une  leltre  de  cachet  à  madame 
<le  Mondonville  leur  fondatrice  pour  se  re- 
tirer à  Coulances,  où  elle  a  fini  ses  jours. 
Ainsi  la  congrégation  de  l'Enfance  fut  entiè- 
leuient  supprimée.  Elle  s'élail  déjà  multi- 
piée  el  avait  des  établissements  à  Toulouse, 
a  Sainl-Félix,  à  Montcsquiou,  à  Pézénas,  à 
Carmang  et  à  Àix  en  Provence. 

Constitutions  des  Filles   de  V Enfance  im- 
primées en  1G 54,  c(  Mémoires  du  temns. 


155  DICTIONNAIRE  DES 

ENFANT  JÉSUS  (Filles  ou    Sœurs  de   l'). 
Voyez  Ecoles  Chrétiennes. 

ENFANT  JÉSUS  (Filles  de  l'). 
Des  Filles  de  l'Enfant  Jésus  à  Rome. 
Les  Filles  de  l'Enfanl  Jésus  à  Rome  recon- 
naissent pour  ondatrice  une  sainte  fille, 
nommée  Anne  Moroni,  qui  prit  naissance 
dans  la  ville  de  Lucqucs.  Se  voyant  orpheline 
et  sans  biens,  elle  vint  à  Rome,  où  elle  entra 
au  service  de  quelques  dames  de  qualité. 
Etant  âgée  de  quarante  ans,  elle  voulut  si> 
retirer  de  l'embarras  du  monde,  dont  elle 
connaissait  la  vanilé  et  l'inconstance  par  la 
pratique  qu'elle  avait  eue  avec  lui  pendant 
le  temps  de  son  service  ;  et  Dieu  lui  inspira 
d'assembler  quelques  filles,  avec  lesquelles 
elle  commença  à  vivre  en  commun, l'an  1661, 
après  en  avoir  obtenu  la  permission  des  su- 
périeurs. D'abord  elle  les  entretenait  de  ce 
qu'elle  avait  pu  amasser  étant  en  service  ; 
mais,  comme  cela  n'était  pas  suffisant  pour 
les  maintenir,  elle  leur  demanda  une  légère 
pension  pour  aider  à  leur  subsistance.  Le 
F.  Corne  Berlintani,  Clerc  Régulier  de  la  con- 
grégation de  la  Mère  de  Dieu  et  curé  de 
Sainte-Marie  in  Campitelli,  qui  était  son  di- 
recteur, voyant  la  ferveur  de  ces  saintes 
filles,  en  prit  un  soin  particulier;  et ,  afin 
d'affermir  ce  pieux  établissement,  non-seu- 
lement il  le  fit  approuver  par  le  sainl-siége, 
mais  il  dressa  des  règlements  que  ces  filles 
suivirent.  II  persuada  à  la  fondatrice  de  se 
consacrer  entièrement  au  service  de  Dieu  et 
du  prochain  avec  ces  filles,  et  de  vingt-qua- 
tre qu'elles  étaient  pour  lors,  il  en  choisit 
douze  des  plus  fervenles  qui,  ayant  mis  en 
commun  tout  ce  qu'elles  avaient,  sans  aucun 
égard  à  leur  intérêt  particulier,  se  proposè- 
rent de  garder  inviolablement  la  chasteté,  la 
pauvreté  et  l'obéissance.  Néanmoins  elles  ne 
s'y  engagèrent  par  aucun  vœu,  se  conten- 
tant de  celui  de  persévérance  jusqu'à  la 
mort  dans  la  congrégation.  Elles  le  firent  le 
ti  juillet  de  l'an  lo7.'5,  jour  consacré  par  l'E- 
glise à  honorer  la  visite  que  la  sainte  Vierge 
rendit  à  sa  cousine  Elisabeth. 

Ces  filles  ne  doivent,  pas  être  plus  de  tren- 
te-trois, en  l'honneur  des  trente-trois  années 
que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  a  vécu  sur 
la  terre.  Après  trois  années  de  probation, 
et  étant  âgées  de  vingt  et  un  ans,  elles  font 
publiquement  vœu,  comme  nous  l'avons  dit, 
de  persévérer  jusqu'à  la  mort  dans  la  con- 
grégation, et  un  ferme  propos  de  garder  la 
pauvreté,  la  chaslelé  et  l'obéissance.  Si  pour 
de  justes  raisons  elles  veulent  être  relevées 
de  ce  vœu  de  persévérance,  soit  pour  se  ma- 
rier ou  entrer  dans  quelque  religion,  elles 
peuvent  redemander  ce  qu'elles  ont  apporté 
à  la  communauté  sous  le  titre  de  dot  ou 
d'aumône.  Tout  y  est  en  commun,  personne 
n'ayant  rien  en  propre.  Leur  habillement  est 
île  serge  de  couleur  tannée,  en  l'honneur  île 
Notre-Dame  du  mont  Carmèl,  et  consiste  eu 
une  robe  ceinte  d'une  ceinture  de  laine. 
Elles  n'ont  ni  guimpes,  ni   voiles,  ni  coiffes 

(1)  Vi'S/.j  à  la  (in  du  vol.   n*  il. 


ORDRES  RLLIGIEUX 


t.-iô 


lorsqu'elles  sont  dans  la  maison  ;  mais  quand 
elles  sortent,  elles  mettent  un  grand  voile 
noir  qui  descend  depuis  la  tête  jusqu'aux  ta- 
lons (1).  Ces  sorties  sont  fort  rares,  menant 
une  vie  fort  retirée;  il  n'y  a  que  certains 
jours  de  l'année  qu'elles  vont  toutes  ensem- 
ble visiter  quelques  églises.  Les  jours  de 
jeûne,  tous  les  vendredis,  les  dimanches  et 
fêtes,  et  pendant  tout  le  temps  de  carême, 
elles  ne  parlent  à  aucune  personne  de  de- 
hors, non  pas  même  à  leurs  parents  au  pre- 
mier degré.  Elles  ont  tous  les  jours  une  heure 
d'oraison  mentale;  et,  outre  les  prières  vo- 
cales et  plusieurs  exercices  de  piété  qu'elles 
font  en  commun,  elles  disent  toutes  les  fêt*  s 
le  grand  office  de  l'Eglise.  Tous  les  ans  elles 
font  les  exercices  spirituels  pendant  huit 
jours,  et  tous  les  mois  elles  ont  un  jour  de 
recueillement.  Le  jour  qu'elles  communient 
elles  portent  le  cilice  pendant  la  matinée. 
Trois  fois  la  semaine  elles  prennent  la  disci- 
pline. Outre  les  jeûnes  de  l'Eglise,  elles  jeû- 
nent encore  tous  les  vendredis,  les  samedis 
et  toutes  les  veilles  des  fêtes  de  la  sainte 
Vierge.  A  certains  jours  elles  font  publique- 
ment des  mortifications.  Elles  s'occupent 
beaucoup  au  travail  manuel,  comme  à  faire 
toutes  sortes  d'ouvrages  à  l'aiguille,  à  dessi- 
ner, à  peindre,  et  plusieurs  autres.  Elles  ap- 
prennent le  plain-chant,  à  jouer  des  orgues, 
du  clavecin,  de  la  basse  de  viole,  et  autres 
instruments  de  musique,  qu'elles  enseignent 
aussi  à  d'autres  filles  qui  demeurent  chez 
elles  en  qualité  de  pensionnaires,  dont  le 
nombre  ne  doit  pas  excéder  celui  de  trente. 

Outre  cela  elles  doivent  recevoir  gratuite- 
ment pendant  huit  ou  dix  jours  les  filles  qui, 
voulant  faire  leur  première  communion,  leur 
demandent  à  se  retirer  chez  elles  pour  s'y 
préparer  et  se  faire  instruire  de  ce  qu'elles 
doivent  savoir  pour  recevoir  avec  fruit  cet 
auguste  sacre;neut.  Elles  reçoivent  de  la 
même  manière  les  filles  qui  veulent  embras- 
ser l'état  religieux,  afin  de  les  exercer  dans 
les  pratiques  de  la  vie  religieuse  ;  cl  font 
faire  pendant  huit  ou  dix  jours  les  exercices 
spirituels  aux  filles  et  aux  femmes,  veuves 
ou  mariées,  qui,  avec  la  permission  du  car- 
dinal vicaire  et  le  consentement  de  leurs  ma. 
ris  ou  de  leurs  parents,  se  veulent  retirer 
chez  elles.  Cette  communauté  fut  d'ahord 
établie  dans  une  maison  qui  était  à  la  place 
M  irgana,  proche  Sainte-Marie tn  Campitelli; 
elle  fut  ensuite  transférée  à  Sainte-Praxèdo 
et  enfin  proche  Saint-Laurent  in  punis  sper- 
na,  où  elle  subsiste  à  présent  avec  beaucoup 
d'édification. 

Carlo.  Barlholom.  Piazza  Kusevoloij.  Ito~ 
ma/no.  part,  i,  iruct.  k,  cap.  7;  et  l'Iiilipp. 
Bonanni,  Calai.  Ord.  religios.,  part.  il. 

ÉPÉE  (Ordre  de  Saint- Jacques  de  l). 

§   le'.    D  s  chanoines  et  des    chanoinesscs  d& 
l'ordre  de  Saint-Jacques  de  l'Eoée  en  lis- 
pagne. 
La  qualité    de  chanoines    réguliers,    que 


157  EPE 

les  souverains  .pontifes  ont  donnée  aux  ena- 
pelains  de  l'ordre  militaire  de  Saint-Jacques 
île  l'Epée  en  Espagne,  nous  oblige  de  parler 
ici  de  cet  ordre.  Mai-,  comme  nous  ne  trai- 
tons particulièrement  que  des  chanoines  ré- 
guliers, nous  ne  parlerons  des  chevaliers 
de  Saiul-Jacques  de  l'Epéc  qu'après  avoir 
rapporté  ce  qui  concerne  leurs  chapelains, 
p  uisqu'ils  sont  chanoines  réguliers  ;  et  nous 
joindrons  aussi  dans  ce  chapitre  les  reli- 
gieuses du  même  ordre,  qu'on  peut  aussi  re- 
garder comme  chanoinesses.  11  y  en  a  qui 
prétendent  que  Ram  ire  1",  roi  de  Galice, 
a  fondé  l'ordre  militaire  de  Saint-Jacques 
l'an  8iti,  après  avoir  remporté  une  célèbre 
victoire  sur  les  Maures,  où  il  en  demeura 
soixante-dix  mille  sur  le  champ  de  bataille; 
parce  que  l'on  en  attribua  le  succès  au  se- 
cours de  ce  saint  apôtre,  qu'on  avait  vu 
<  ombaltre  dans  la  mêlée,  tenant  à  la  main  un 
étendard  blanc  sur  lequel  il  y  avait  une  épée 
rouge  en  forme  de  croix  ;  ce  qui  fit  que  ce 
prince  institua, en  faveur  des  gentilshommes 
qui  avaient  cjmbaltu  en  celte  action,  une 
confrérie  sous  le  litre  de  Saint-Jacques,  à  la- 
quelle il  donna  pour  armes  une  épée  de 
gueules  en  champ  d'or  avec  celte  devise  : 
llubel  ensis  sanguine  Arabum;  et  ils  ajoutent 
que  dans  la  suite  iette  confrérie  fut  érigée 
en  ordre  militaire  par  les  souverains  ponti- 
fes. Mais  pour  détruire  cette  opinion  il  ne 
f  .ut  que  faire  attention  à  ces  armes,  qu'on 
donne  à  cet  ordre  dès  le  commencement  de 
son  institution,  ce  qui  en  marque  évidem- 
ment la  fausseté,  puisque  ies  armoiries  n'ont 
été  en  usage  qu'après  le  dix  ou  le  onzième 
siècle. 

Ce  ne  fut  que  l'an  1170  que  cet  ordre  com- 
mença, sous  le  rè^ne  de  Ferdinand  11,  roi  de 
Léon  et  de  Galice.  Et  ce  qui  y  donna  occa- 
sion lurent  les  courses  des  mêmes  Maures, 
qui  troublaient  la  dévotion  des  pèlerins  qui 
allaient  à  Composlelle  visiter  te  sépulcre  de 
saint.  Jacques.  Les  chanoines  de  Saint-Eloi, 
qui  avaient  un  monastère  au  royaume  de 
Galice,  bâtirent  des  hôpitaux  de  leurs  reve- 
nus, qui  étaient  fort  considérables,  sur  le 
chemin  qu'on  appelle  communément  Voie 
Française,  pour  y  loger  les  pèlerins.  Le  pre- 
mier lut  celui  de  Saint-Marc  l'évangélisle  , 
hors  les  murs  de  la  ville  de  Léon;  et  le  se- 
cond au  deli  oit  deCastillc  appelé  De  lasTien- 
das.  Peu  de  temps  après,  treize  gentilshom- 
mes, à  leur  imitation,  prenant  le  même  apô- 
tre pour  leur  protecteur,  s'obligèrent  par 
vœu  de  garder  et  assurer  les  chemins  contre 
les  incursions  des  infidèles.  Ils  communi- 
quèrent leur  dessein  à  ces  chanoines  de 
Saint-Eloi,  leur  proposant  de  ne  faire  qu'un 
corps  entre  eux,  de  mettre  en  commun  le  re- 
venu du  monastère  ci  ce  qu'ils  pouvaient 
avoir  et  pourraient  acquérir  dans  la  suite 
par  le  moyen  de  ceux  qui  se  joindraient  à 
iux.  Comiiie  ces  chevaliers  possédaient  déjà 
plus  de  vingt  châteaux,  les  chanoines  furent 
plus  faciles  à  accorder  celle  union,  et  devin- 
rent par  ce  moyen  ciaus  la  suite  dépendants 
de  ces  chevaliers,  dont  ils  ne  sont  que  les 
chapelains. 


EIE 


15  I 


Cette  union  sent  l'an  1170,  et  l'accord  fut 
fait  entre  don  Pierre  Ferdinand  de  Fuentes 
Encalada  ,  de  la  part  dos  chevaliers  :  et,  de 
la  part  des  chanoines, entre  don  Ferdinand, 
qui  fut  ensuite  évêque,  comme  il  parait  par 
son  épilaphe  qui  est  dans  l'église  du  couvent 
d'Uclès  :  Obiit  Ferdinandus  episeopusB.  Ma- 
ria? primas  prior  ordinis  militiœ  S.  Jacob», 
era  CCXI  :  ce  qui  répond  à  l'année  1173, 
deux  ans  avant  la  confirmation  de  l'ordre, 
qui  ne  fut  accordée  que  l'an  1175,  auquel 
temps  don  André  était  prieur.  Le  cardinal 
Hyacinthe  Bubo,  qui  a  été  pape  sous  le  nom 
de  Célestin  III,  et  qui  était  pour  lors  légat  en 
Espagne  du  pape  Alexandre  III  pour  termi- 
ner les  différends  qui  étaient  entre  les  rois  do 
Léon  et  de  Castille, allant  au  diocèse  d'Osma, 
reçut  le  maître  don  Pierre  Ferdinand  avec 
quelques-uns  de  ces  chevaliers  qui  le  furent 
visiter  ;  et  il  approuva  ce  nouvel  ordre.  Tou- 
tes choses  y  furent  réglées  par  son  conseil, 
et  l'an  1175  le  même  Pierre  Ferdinand  alla 
trouver  le  pape  Alexandre  III  à  Rome,  ac- 
compagné de  quelques  chevaliers  dont  le 
nombre  était  augmenté,  et  obtint  la  confir- 
mation de  cet  ordre,  conformément  à  ce  que 
le  cardinal  Hyacinthe  avait  ordonnéparune 
bulle  qui  fut  expédiée  la  même  année.  Elle 
enjoint,  entreautres  choses, aux  clercs  de  cet 
ordre  de  vivre  en  communauté  sous  l'obéis- 
sance des  supérieurs,  d'administrer  les  sa- 
crements aux  chevaliers  ,  qui  leur  doivent 
fournir  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  leur 
entrelien  ;  et  elle  contient  en  substance  tout 
ce  que  les  uns  et  les  autres  doivent  faire. 
Mais  le  cardinal  Albert,  du  litre  de  Saint-Lau- 
rent in  lucina  ,  de  l'ordre  de  Saint-Benoît, 
et  qui  fut  aussi  pape  dans  la  suite  sous  le 
nom  de  Grégoire  VIII,  leur  écrivit,  par  or- 
dre d'Alexandre  III,  une  règle  plus  ample, 
qui  contient  soixante  et  onze  chapitres,  qu'il 
approuva  et  qui  fut  confirmée  par  Jules  II 
l'an  1507.  Il  est  vrai  que  par  la  bulle  d'A- 
lexandre, les  chanoines  de  Saint-Jacques  ne 
sont  appelés  que  clercs  ;  mais  par  deux  au- 
tres bulles  des  papes  Adrien  VI  de  l'an  1522, 
et  de  Clément  Vil  de  l'an  1531  ,  il  est  parlé 
d'eux  sous  le  nom  de  chanoines  réguliers, 
soumis  à  la  règle  de  Saint-Augustin. 

Une  des  premières  dignités  qui  est  tou- 
jours occupée  par  un  de  ces  chanoines  est 
celle  de  prieur,  auquel  élait  confiée  la  con- 
duite de  tout  l'ordre  après  la  mort  du  grand 
maître,  avant  que  la  grande  maîtrise  eût  été 
réunie  à  la  couronne  d'Espagne  ;  et  il  avait 
le  soin  de  convoquer  ceux  qui  devaient  pro- 
céder à  une  nouvelle  élection.  Cette  dignité, 
qui  fut  d'abord  unique  ,  a  été  dépuis  divisée 
en  deux,  pour  les  raisons  que  nous  dirons 
au  §  suivant  ;  et  il  y  a  présentement  deux 
prieurs,  savoir,  le  prieur  d'Uclès,  et  le  prieur 
de  Saint-Marc  de  Léon,  qui,  par  concessiou 
des  souverains  pontifes,  portent  tous  deux  la 
mitre  et  les  autres  ornements  pontificaux. 
Le  prieur  d'Uc  es  a  néanmoins  retenu  quel- 
ques prérogatives,  comme  d'enseigner  la  rè- 
gle à  ceux  qui  veulent  être  reçus  dans  l'or- 
dre, qui  sont  obligés  de  faire  leur  année  de 
probiiliou  dans  ce  couvent,  où  il  y  a  des  reu- 


159 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


100 


les  affectées  pour  ce  sujet,  et  c'est  aussi  dans 
ce  lieu  qu'ils  doivent  faire  profession. 

Ces  chanoines  sont  vêtus  de  noir,  comme 
les  ecclésiastiques,  et  mettent  sur  leur  sou- 
tane un  surplis  sans  manches  ,  appelé  giral- 
dète,  et  sur  le  côté  gauche  de  leur  manteau 
une  croix  rouge  en  forme  d'épée  qui  est  celle 
de  l'ordre  (1).  Au  chœur  ils  mettent  par  des- 
sus leur  surplis  ou  giraldète  ,  une  chape  et 
un  camail  noir  avec  la  croix  de  l'ordre  sur 
la  poitrine  (2)  ;  et  dans  le  collège  de  Sala- 
manque  ils  se  servent  de  la  chape  et  camail 
de  violet  brun.  Les  prieurs  portent  les  sur- 
plis avec  des  manches  étroites,  c'est-à-dire 
des  rochets,  comme  les  prélats.  Il  y  a  eu 
parmi  eux  plusieurs  personnes  illustres,  et 
qui  sont  sorties  de  cet  ordre  pour  remplir  des 
dignités  ecclésiastiques  :  comme  Julien  Ba- 
mirez,  le  docteur  Durand  et  Nicolas  de  Car- 
riazo,  qui  ont  été  évêques  de  Cadix  ;  Martin 
l'cirez  de  Aïala,  archevêque  de  Valence,  Fer- 
dinand de  Azevedo,  évêque  d'Osma  et  en- 
su  i  te  archevêque  de  lîruges,  Jérôme  de  Leyna, 
archevêque  de  Montréal  en  Sicile,  Barthélémy 
de  Percz,  évêque  de  Tunis  ,  et  plusieurs  au- 
tres. Quelques-uns  se  sont  aussi  distingués 
par  leur  sainteté,  comme  Alphonse,  prieur 
d'Uclès,  dont  Martin  Peirez  ,  archevêque  de 
Valence,  a  donné  la  Vie  ;  d'autres  par  leurs 
écrits,  comme  Benoît  ,  Arias  Montanus  ,  du 
monastère  de  Saint-Marc  de  Léon  et  prieur 
de  Saint-Jacques  de  Séville,  mort  en  1598, 
qui  a  travaillé  à  la  Bible  polyglotte  d'Anvers. 
11  possédait  parfaitement  treize  langues,  et 
entre  autres  l'hébraïque,  la  chaldéenne,  la 
grecque  et  la  syriaque.  Il  fut  chéri  du  roi 
Philippe  II,  et  a  été  regardé  comme  un  des 
plus  grands  hommes  que  l'Espagne  ait  pro- 
duits. Le  Maître  Isla,  Didace  de  la  Mole  ou 
Mota,  Jean  Bamirez,  ont  été  aussi  écrivains 
de  cet  ordre,  qui  a  produit  plusieurs  autres 
personnes  illustres  par  leur  piété  et  par  leur 
doctrine. 

Autrefois  le  prieur  de  Saint-Jacques  de 
Séville  n'était  point  soumis  aux  supérieurs 
de  l'ordre,  parce  que  ce  couvent  fut  fondé 
l'an  1400  par  don  Laurent  Suarez  de  Figue- 
roa,  grand  maître  de  l'ordre,  qui  obtint  du 
pape  des  bulles  pour  exempter  ce  couvent 
de  toute  juridiction  de  l'ordre  ;  mais  l'an 
1429  dor.  Henri  d'Aragon  ,  neuvième  grand 
maître  et  son  successeur,  les  fit  révoquer 
par  le  pape  Martin  V,  qui  soumit  ce  couvent 
au  grand  maître  de  l'ordre  et  au  prieur  d'U- 
clès ;  et  don  Alphonse  de  Cardenas  l'incor- 
pora à  l'ordre  dans  un  chapitre  général,  l'an 
1480.  Les  prieurs  d'Uclès  étaient  perpétuels; 
mais  don  Ferdinand  de  Santojo,  ayant  été 
élu  en  1426,  renonça  volontairement  à  celte 
dignité,  comme  il  paraît  par  la  bulle  d'A- 
lexandre VI  de  l'an  1501,  qui  ordonna  qu'a 
l'avenir  ils  seraient  élus  tous  les  trois  ans. 
Afin  de  lever  lesdisputes  qui  pourraient  sur- 
venir au  sujet  de  l'élection  de  ce  prieur,  les 
religieux  firent  un  concord.it  en  1648,  par  le- 
quel ils  consentirent  qu'alternativement  on 
en  prît  un  de  la    province  de  la  Manche  ou 

(1)  Voij.,  à  la  Qn  du  vol.,  ii°  28. 

(2)  Wy.,àla  lin  du  vol.,  n"  29. 


Mancha,  et  un  de  celle  de  la  Ribera  et  Cumpo 
de  Monlicl,  et  que  de  quarante  religieux  dont 
il  y  en  avait  huit  dans  lecollégede  Salaman- 
que,  il  y  en  aurait  la  moitié  d'une  province 
et  la  moitié  de  l'autre,  en  sorte  néanmoins 
qu'il  y  en  aurait  toujours  quatre  de  Campo 
de  Monlicl,  ce  qui  fut  approuvé  par  le  roi 
Philippe  IV  et  confirmé  par  le  pape  Urbain  VIII. 
Ceux  du  monastère  de  Saint-Marc  de  Léon 
ont  consenti  aussi  par  un  concordat  que 
leurs  prieurs  seraient  alternativement  des 
provinces  de  Léon  et  d'Estramadure. 

Pour  les  peines  que  les  chanoines  ont  d'ad- 
ministrer les  sacrements  aux  chevaliers , 
ceux-ci  sont  obligés  de  leur  payer  les  dîmes 
de  tous  leurs  troupeaux  et  animaux,  comme 
veaux,  agneaux,  pouleis,  cochons,  poulains, 
vaches,  etc.  ;  et,  comme  il  y  a  beaucoup  do 
chevaliers  au  service  du  roi,  il  y  a  toujours 
quatre  chanoines  qui  suivent  la  cour,  pour 
confesser  et  administrer  les  sacrements  aux 
chevaliers  qui  s'y  trouvent.  Le  chevalier  qui 
est  éloigné,  et  qui  ne  peut  se  confesser  à  l'un 
de  ces  chanoines,  doit  prendre  la  permission 
du  prieur  de  sa  province  pour  aller  à  un 
autre  confesseur  tel  que  bon  lui  semblera,  le- 
quel a  pouvoir  de  l'absoudre  de  tous  péchés, 
excepté  celui  de  n'avoir  pas  payé  les  dîmes 
à  l'ordre,  qui  est  un  cas  léservé  parmi  les 
chevaliers.  Les  chanoines  ont  des  couvents 
à  Tolède,  à  Séville,  à  Cuença,  à  Barcelone, 
à  Crenade,  à  Salamanque,  et  en  plusieurs 
autres  endroits  de  la  domination  d'Espagne. 
Pour  être  reçus  dans  l'ordre,  il  faut  qu'ils 
fassent  preuve  de  quatre  races  tant  du  côté 
paternel  que  du  côté  maternel,  non  pas  de 
noblesse,  qui  n'est  que  pour  les  chevaliers, 
mais  seulement  comme  leu:s  ancêtres  n'ont 
point  été  fadeurs ,  commissionnaires  ,  cour- 
tiers, changeurs,  ni  exercé  aucun  art  mé- 
canique ou  vil,  et  que  les  mêmes  ancêtres 
n'ont  point  été  juifs,  hérétiques,  et  comme 
tels  punis  par  le  tribunal  de  l'inquisition.  Il 
y  a  aussi  quatre  autres  couvents  de  ces  cha- 
noines en  Portugal,  dont  un  à  Lisbonne,  qui 
est  le  chef  de  cet  ordre  en  ce  royaume.  Le 
roi  Jean  111  voulut  le  réunir  à  la  congréga- 
tion de  Sainte-Croix  de  Conimbre  avec  un 
autre  de  religieuses  chevalières  ou  chanoi- 
nesse  du  même  ordre,  qui  est  aussi  à  Lis- 
bonne ;  mais  la  mort  de  ce  prince,  qui  ar- 
riva peu  de  temps  après  qu'il  eut  pris  celle 
résolution,  l'empêcha  de  l'exécuter. 

L'on  prétend  que  le  premier  monastère  de 
ces  chevalières  fut  fondé  à  Salamanque,  l'an 
1312,  par  le  chevalier  Pelay  Perez  et  Marie 
Mendez,  sa  femme.  Le  principal  exercice  de 
ces  chanoinesses  chevalières  est  de  loger  et 
de  pourvoir  à  toutes  les  nécessités  des  pèle- 
rins qui  vont  visiter  les  reliques  de  saint 
Jacques.  Elles  sont ,  aussi  bien  que  les  cha- 
noines, habillées  de  noir,  tant  celles  qui  sont 
destinées  pour  le  chœur  que  celles  qu'on  ap- 
pelle converses  ou  sœurs  laïques,  les  premiè- 
res portant  une  croix  rouge  en  forme  d'é- 
pée (3j  semblable  à  celles  des  chevaliers,  et 
les  converses  la  portant  avec  quelque  dilTc- 

Ç>)  Voij.    il  la  (in  du  vol.,  n"'  5C  et  31. 


m 


EPE 


EPE 


tG2 


rence.  Elles  ont  se;. t  monastères  en  Espagne, 
qui  sont  le  Saint-Esprit  de  Salamanque  , 
Sainte-Foi  de  Tolède,  Notre-Dame  de  Jun- 
jueras  à  Barcelone,  Sainte-Croix  de  Valla- 
lolid  ,  Sainle-FuUilie  à  Mérida  ,  Notre-Dame 
de  Grenade,  et  un  à  .Madrid,  fondé  vecs  le  mi- 
lieu du  dernier  siècle.  Nulles  de  Barcelone  ne 
sont  pas  religieuses;  mais  les  autres  font  les 
vœux  solennels  de  pauvreté,  de  chasteté  et 
d'obéissance,  cl  dans  ce  monastère  elles 
gardent  différemment  la  clôture,  car  à  Val- 
ladolid,  à  Mérida  et  à  Grenade,  elles  obser- 
vent une  clôtuie  très-exacte,  ne  permettant 
à  qui  que  ce  soit  d'entrer  dans  leurs  monas- 
tères, et  elles  n'en  sortent  point  pareille- 
ment. A  Sainte-Foi  de  Tolède  elles  reçoivent 
les  visites  des  femmes  dans  une  salle,  et  n'y 
admettent  point  d'hommes.  Dans  celui  de  Sa- 
lamanque les  hommes  et  les  femmes  entrent 
indifféremment  dans  le  monastère  avec  la 
permission  de  la  commandalrice.  Les  reli- 
gieuses mêmes  sortent  à  certains  jours  dans 
leur  église,  et  vont  jusque  sur  le  porche; 
mais  elles  ne  peuvent  aller  plus  avant  s  us 
la  permission  du  conseil  des  ordres.  Celles 
de  Madrid,  ayant  été  fondées  sur  le  modèle 
de  celles  de  Salamauque,  ont  voulu  jouir  de 
ce  même  privilège;  à  quoi  le  conseil  des  or- 
dres s'est  opposé,  prétendant  qu'elles  n'en 
doivent  pas  jouir  sur  ce  qu'elles  n'avaient 
été  fondées  que  depuis  le  concile  de  Trente, 
qui  ordonna  la  clôture  à  toutes  les  religieu- 
ses, ce  qui  a  donné  lieu  à  plusieurs  écrits  de 
part  et  d'autre  en  Espagne.  M  tis  à  l'égard  de 
celles  de  Barcelone  ,  comme  elles  ne  sont 
point  religieuses,  elles  peuvent  se  marier  et 
ne  sont  point  tenues  à  une  clôture  si  exacte. 
Elles  font  seulement  vœu,  comme  les  cheva- 
liers, de  pauvreté,  d'obéissance  et  de  chas- 
teté conjugale.  Elles  sont  gouvernées  par  une 
prieure  eu  commanJatrice  ,  et  ne  diffèrent 
en  ren  des  véritables  religieuses  ,  soit  pour 
l'habillement,  soit  pour  les  exercices  du 
chamr  et  de  communauté;  et  étant  mariées 
ou  veuves  elles  peuvent  toujours  porter  la 
croix  de  l'ordre.  Celles  du  monastère  de 
Sanctos  en  Portugal  sont  de  même  que  celles 
de  Barcelone,  et  peuvent  aussi  se  marier. 

Les  religieuses  des  autres  monastères  ne 
faisaient  aussi  que  aes  vœux  pareils  à  ceux 
que  font  celles  de  Barcelone  et  de  Sanctos, 
ce  qui  a  duré  jusqu'en  l'an  14-80,  que,  sous 
le  grand  maître  don  Alphonse  de  Cardenas, 
le  chapitre  général  de  l'ordre  ordonna  qu'à 
l'avenir  elles  ne  pourraient  se  marier  et  se- 
raient obligés  de  faire  des  vœux  solennels. 
Les  anciens  statuts  obligeaient  les  femmes  et 
les  filles  des  commandeurs  de  se  retirer  dans 
ces  monastères  pendant  qu'ils  étaient  à  la 
uuerre,  et,  s'ils  y  mouraient,  le  grand  maître 
fixai*  le  temps  pour  qu'elles  pussent  se  dé- 
terminer ou  à  prendre  l'habit  de  l'ordre  ou 
à  sortir  des  monastères;  mais  celle  pratique 
a  élé  abolie,  à  cause  que,  le  nombre  des  che- 
valiers augmentant,  plusieurs  monastères 
n'auraient  pas  suffi  pour  recevoir  les  fem- 
mes, les  veuves  et  les  filles  des  chevaliers. 


Les  religieuses  ne  peuvent  être  reçues  sans 
le  consentement  de  toute  la  rouiuiuuaulé,  et 
lessupérieures  en  donnent  avis  auconseildes 
ordres  pour  avoir  aussi  son  consentement, 
et  afin  qu'il  commette  quelqu'un  pour  faire 
les  informations  nécessaires  ,  qui  sont  les 
mêmes  que  l'on  fait  à  la  réception  des  che- 
valiers, non  pas  touchant  la  noblesse,  mais 
seulement  touchant  la  religion  des  pères  et 
mères,  et  des  aïeux,  qui  ne  doivent  point 
être  soupçonnés  d'hérésie  ,  le  président  nom- 
me un  enanoine  de  l'ordre  pour  faire  les  in- 
formations, qui  sont  ensuite  présentées  au 
conseil,  qui  donne  son  consentement  si  elles 
sont  approuvées.  Les  monastères  élisent  les 
supérieurs,  qui  sont  aussi  confirmées  parle 
conseil  des  ordres,  et  le  roi  leur  accorde  des 
lettres  qui  ordonnent  aux  autres  religieuses 
de  lui  obéir.  Les  religieuses  de  Salamanque 
prétendent  faire  remonter  l'antiquité  de  cet 
ordre  jusqu'en  l'an  1030,  par  le  moyen  d'un 
privilège  qu'elles  conservent  dans  leur  mo- 
nastère, qui  est  daté  de  celte  année;  mais 
nous  en  avons  fait  connaître  la  fausseté  eu 
parlant  des  chevaliers  du  Saint-Esprit  de 
Montpellier,  qui  ont  voulu  aussi  se  prévaloir 
de  ce  privilège. 

Voyez  Francisco  Caro  de  Torres,  Hist.  de 
los  Ordines  militares  de  Santiago  Calatravay 
Alcantara.  Francisco  de  Hadez  ,  Chronic  de 
las  Ordenes  y  Cuvait,  de  Santiago.  Diego  délia 
Mola,  de  la  Orden.  de  ta  Cavall.  de  S.  Tiago. 
Atidr.  Mendo,  de  Ordinibus  mUitaribus  Dis- 
i/uis.  Canonic.  Joann.  Mariana  ,  de  Rébus 
Hispanicis  lib.  xi,  cap.  13  et  li.  Turquet, 
Hist.  d'Espagne,  tom.  I,  liv.  x.  Favin,  Hist. 
de  Navarre,  liv.  iv.  Tambur.  de  Jur.  Abbat. 
d  sp.  24,  quœst.  k.  Philipp.  Bonauni,  Cata- 
loy.  omn.  Ord.  relig.  part,  i  et  u.  L'abbé 
Giusliniani,  Mennénius,  llermanl  et  Schoo- 
nebeck,  dans  leurs  Histoires  des  Ordres  mi- 
litaires. 

§    '2.    Des    chevaliers   de    Saint -Jacques  de 
l'Epée  en  Espagne. 

Nous  avons  suffisamment  parlé  de  l'ori- 
gine des  chevaliers  de  Saint-Jacques  de  l'E- 
pée dans  le  paragraphe  précèdent,  il  uous 
reste  seulement  à  parler  des  principaux  évé- 
nements arrivés  dans  cet  orare.  Ces  cheva- 
liers, s'élaut  joints  d'abord  aux  chanoines  de 
Saint-Eloi,  comme  nous  avons  dit,  embras- 
sèrent la  règle  de  Saiut-Aui:usliu  et  firent 
les  vœux  ordinaires  de  religion.  Leur  habit 
consistait  en  une  robe  blanche  et  un  chape- 
ron de  même  couleur  ;  et,  pour  marque  de 
leur  ordre,  ils  perlaient  sur  la  poitrine  une 
épée  rouge,  el  ils  avaient  la  lêle  rasée  en 
forme  de  couronne  (lj  comme  les  chanoines, 
el  vivaient  en  commun. 

Cet  ordre  commençant  à  se  multiplier, 
leur  premier  grand  maiire,  don  Ferdinand 
de  Fueutes  Eucalada,  entreprit  le  voyage  de 
Rome  pour  en  avoir  l'approualion  du  saint- 
siége.  Alexandre  111,  en  le  confirmant  par 
sa  bulie  de  l'an  1173,  dont  nous  avons  fait 
meution,  fil  quelques  règlements  qui  concer- 


(1)  Yoy.,  i  h  lia  du  va!  ,  n°  32, 


103  DICTÎONNAItaK  DES  ORDRES  RELIGIEUX 

naicn!  ces  chevaliers,  et  entre  autres  il  leur 
permit  de  se  marier.  Il  régla  les  dignités  de 
cet  ordre,  dont  la  plus  considérable,  après 
celie  de  grand  maître,  est  celle  des  treize, 
qui  ont  le  pas  devant  tous  les  autres  com- 
mandeurs. Avant  que  la  grande  maîtrise  eût 
été  réunie  à  la  couronne  ,  ils  élisaient  le 
grand  maître,  le  pouvaient  déposer  s'il  était 
tombé  en  quelque  faute,  et  en  élire  un  autre. 
Ils  donnaient  leur»  conseils  dans  toutes  les 
affaires,  terminaient  les  différends  qui  pou- 
vaient arriver  entre  le  grand  maître  et  les 
chevaliers;  mais  leur  pouvoir  est  bien  dimi- 
nué présentement,  que  le  conseil  des  ordres, 
dont  nous  parlerons  ci-après, est  juge  de  luus 
les  différends  qui  arrivent  dans  l'ordre.  La 
seconde  dignité  est  celle  de  prieur,  qui  est 
annexée  aux  chanoines  ;  et  la  troisième  celle 
de  grand  commandeur. 

La  première  place  qu'ils  conquirent  sur 
les  Maures  fut  Cacerès  clans  l'Estramadure. 
ils  la  prirent  l'an  1171 ,  et  le  roi  don  Ferdi- 
nand la  donna  à  ces  chevaliers,  qui  aidèrent 
ce  prince  à  conquérir  Badajoz  ,  Buexa,  Lu- 
chena  et  Monte-Major,  dont  il  leur  fit  aussi 
présent.  Mais  Ferdinand  étant  entré  en 
guerre  avec  son  neveu  Alphonse  IX. ,  roi  de 
Castille,  surnommé  le  Noble  ,  sur  lequel  il 
avait  usurpé  plusieurs  places  pendant  la  mi- 
norité de  ce  prince,  et  soupçonnant  les  che- 
valiers de  Saint-Jacques  de  favoriser  son  ne- 
veu, il  les  fit  sortir  de  ses  Etats,  et  reprit  les 
biens  qu'il  leur  avait  donnés.  Ces  chevaliers 
se  réfugièrent  en  Castille,  où  le  roi  Alphonse 
leur  donna,  l'an  117i,  le  château  dTclès,  au- 
près duquel  ils  bâtirent  un  couvent,  qu'ils 
établirent  pour  chef  de  leur  ordre,  et  l'année 
suivante  1175  le  grand  maître  alla  à  Rome, 
pour  obtenir  du  pape  Alexandre  111  la 
confirmation  de  son  ordre,  comme  nous 
avons  dit. 

L'an  1176,  ce  grand  maître  et  les  cheva- 
liers prirent  les  armes,  pour  le  service  du 
même  Alphonse,  contre  le  roi  de  Navarre, 
t'anche  VI,  dit  le  Sage,  qui,  proGlanl  pareil- 
lement de  la  minorité  de  ce  prince,  qui  était 
aussi  son  neveu,  prit  des  places  du  royaume 
de  Castille,  qu'Alphonse  recouvra  par  le  se- 
cours des  chevaliers  de  Saint-Jacques.  La 
même  année,  les  Maures  étant  entrés  sur  les 
terres  de  la  dépendance  d'Uclès  qui  apparte- 
naient aux  chevaliers,  ils  y  firent  de  grands 
ravages;  mais  ils  ne  purent  s'emparer  du 
château  d'Uclès,  ni  de  celui  d'Altharilla,  que 
les  chevaliers  défendirent  vigoureusement. 
Le  roi  de  Castille,  ayant  su  le  dégât  que  les 
infidèles  avaient  fait  sur  les  terres  des  che- 
valiers, mil  des  troupes  sur  pied,  à  la  prière 
du  grand  maître.  Il  Ut  venir  aussi  les  cheva- 
liers du  Temple  et  de  Catalrava.el  mit  le 
siège  devant  Cuença,  dont  il  s'empara,  et 
donna  aux  chevaliers  de  Saint-Jacques  une 
maison  dans  cette  ville  avec  de  gros  reve- 
nus. Ce  prince,  continuant  la  guerre  contre 
les  Maures,  prit  sur  eux  les  châteaux  d'A- 
larcou  et  quelques  aulres,  et,  pour  récom- 
penser ces  chevaliers  du  secours  qu'ils  lui 
avaient  donné,  il  leur  fit  don  encore  de  quel- 
ques héritages  à  Alarcon. 


{fil 

Le  grand  maître  Pierre  Ferdinand  de  Fuen- 
tes ,  après  avoir  gouverné  l'ordre  pendant 
treize  ans  ,  mourut  l'an  118i.  Il  eut  pour 
successeur  Ferdinand  Diaz,  et  dès  lors  il  y 
eut  schisme  dans  l'ordre,  parce  que  les  che- 
valiers qui  étaient  retournés  dans  le  royaume 
de  Léon,  et  qui  étaient  rentrés  dans  les  bon- 
nes grâces  de  Ferdinand,  élurent,  par  les  or- 
dres de  ce  prince  don  Sanche  Fernandez,  et 
ceux  de  Castille,  par  ordre  du  roi  Alphonse, 
don  Ferdinand  Diaz  ;  et,  comme  ces  cheva- 
liers avaient  déjà  acquis  beaucoup  de  biens 
dans  ces  deux  royaumes,  que  le  couvent  de 
Saint-Marc  était  dans  celui  de  Léon  ,  et  le 
couvent  d'Uclès  dans  celui  de  Castille ,  ces 
deux  princes  prétendirent  avoir  chacun  dans 
leur  royaume  le  chef  de  l'ordre.  Sous  le  gou- 
vernement du  grand  maître  Ferdinand  Diaz 
en  Castille,  qui  était  le  légitime  grand  maî- 
tre, les  chevaliers  de  Saint-Jacques  conqui- 
rent sur  les  Maures  plusieurs  places,  et  ceux 
de  Léon  firent  aussi  la  guerre  à  ces  infidèles 
dans  l'Estramadure.  Mais  l'an  1186,  le  grand 
maître  de  Castille  ayant  renoncé  à  celte  di- 
gnité, celui  de  Léon  fut  reconnu  par  les  che- 
valiers de  Castille.  La  même  année  le  roi 
Alphonse  donna  à  l'ordre  le  monastère  de 
Sainte-Euphémie  de  Cocollos  dans  la  vieille 
Castille  ,  pour  y  mettre  des  religieuses  du 
même  ordre,  qui  furent  transférées  dans  la 
suite  à  Sain!e-Foi  de  Tolède. 

Ce  fut  du  temps  de  ce  grand  maître  don 
Sanche  Fernandez  ,  que  se  donna  la  bataille 
d  Alarcos  ,  l'an  1195,  où  la  victoire  s'étant 
déclarée  pour  les  infidèles,  il  y  eut  un  grand 
nombre  de  chrétiens  qui  y  périrent,  parmi 
lesquels  il  y  avait  plusieurs  chevaliers  des 
trois  ordres  de  Saint-Jacques  ,  de  C  ilalrava 
et  d'Alcantara.  Ce  grand  maître  y  fut  blessé, 
et  mourut  peu  de  jours  après.  Gonzalve  Ro- 
driguez  lui  succéda  la  même  année.  A  peine 
fut-il  élu,  qu'Alphonse,  roi  de  Léon,  déclara 
la  guerre  au  roi  de  Castille  Alphonse  IX,  et 
se  ligua  avec  le  roi  de  Cordoue,  qui  lui  en- 
voya un  grand  nombre  de  Maures,  avec  les- 
quels il  entra  sur  les  terres  du  roi  de  Castille. 
Il  avait  aussi  avec  lui  plusieurs  chevaliers 
de  Saint-Jacques,  de  ses  royaumes  de  Léon 
et  de  Galice,  et  il  les  obligea  d'élire  un  grand 
maître,  afin  qu'ils  ne  fussent  pas  soumis  à 
celui  de  Castille  :  ainsi  l'on  vit  encore  deux 
grands  maîtres  dans  l'ordre.  Mais  un  autre 
ioi  maure  des  Almoades,  voyant  que  le  roi 
de  Castille  était  occupé  à  la  guerre  contre 
le  roi  de  Léon,  vin!  du  côté  de  la  Manche  cl 
ravagea  les  terres  des  environs  de  Tolède  , 
de  Madrid  ,  d'Alcala,  d'Uclès  ,  d'Huète  et  de' 
Cuença,  jusqu'à  Alcaraz,  et  emmena  captifs 
un  grand  nombre  de  personnes  avec  un  riche 
butin.  Les  deux  rois  de  Léon  et  de  Castille 
firent  ensni'c  la  paix,  à  condition  que  celui 
de  Léon  épouserait  la  fille  du  roi  de  Castille; 
et  le  roi  île  Léon  voyant  que  quelques  che- 
valiers de  Saint-Jacques  de  ses  sujets  avaient 
suivi  le  parti  du  roi  de  Castille,  s'e;npar,i 
d'une  partie  des  biens  de  l'ordre. 

Le  grand  maître  GonzalveRodriguez,  étant 
mort  l'an  1203,  (ionzalve  Ordognez  ,  qui 
avait  été  élu  par  les  chevaliers  de  Léon,  lut 


105 


EPE 


EPE 


166 


reconnu  par  ceux,  de  Casiille,  et  par  ce 
(noyeii  le  schisme  cessa  dans  l'ordre.  Suero 
Rodrigue?,  sixième  grand  maître,  voyant  les 
rois  de  Léon  et  de  Castille  en  paix ,  porta  ses 
armes  contre  les  Maures  ;  il  entra  sur  leurs 
terres  du  côté  de  Campo-de-Montiél,  et  prit 
sur  eux  quelques  places,  entre  autres  le  châ- 
teau de  Gastil-Segura  et  celui  de  Villa-Nueva. 
Sous  le  gouvernement  de  Ferdinand  Gon- 
zalve de  Maragnon,  huitième  grand  maître  , 
le  roi  de  Castille  ayant  guerre  avec  celui  de 
Navarre  l'an  1208,  les  chevaliers  de  Sainl- 
Jacqucs  servirent  utilement  le  roi  de  Castille, 
et  le  roi  d'Aragon  étant  entré  sur  les  terres 
des  Maures  par  le  royaume  de  Valence,  le 
grand  maître  sortit  d'Uclès  avec  les  cheva- 
liers et  les  attaqua  de  l'autre  côté.  Il  prit  sur 
eux  les  châteaux  de  Javaloyas ,  Villa-Qùeda 
et  Soutaner.  Ayant  joint  ensuite  le  roi  d'A- 
ragon, ils  firent  ensemble  le  siège  de  Monta- 
luan,  qui  fut  pris  d'assaut  et  dont  ce  roi  lit 
don  à  l'ordre.  On  y  fonda  la  grande  com- 
manderie  d'Aragon,  dont  l'ordre  a  toujours 
joui  jusqu'à  présent. 

Le  grand  maître  don  Pierre  Arias,  qui 
succéda  à  Ferdinand  Gonzalve  de  Maragnon, 
lit  aussi  la  guerre  aux  Maures,  sur  lesquels 
il  fit  beaucoup  de  prisonniers  et  emporta  de 
riches  dépouilles.  Ces  mêmes  chevaliers  fi- 
rent paraître  enc.  re  leur  courage  l'an  1212, 
dans  la  fameuse  bataille  appelée  de  Meura- 
dat  ou  des  Naves  de  Toulouse,  où  les  rois  de 
Castille,  de  Navarre,  d'Aragon  et  plusieurs 
princes  de  France,  de  Provence  et  d'Italie, 
qui  étaient  joinis  ensemble,  remportèrent 
1,1  victoire  sur  ces  infidèles,  qui  y  perdirent 
plus  de  150  mille  hommes  d'infanterie  et  30 
mille  chevaux.  Le  grand  maître  don  Pierre 
Arias  reçut  quelques  blessures  dans  ce  com- 
bat,  dont  il  mourut.  Son  successeur,  don 
Pierre  Gonzalve  d'Aragon,  eut  le  môme  sort 
au  siège  d'Alcarez.  Après  lui  don  Garcia» 
Gonzalve  de  Candanio  l'ut  élu  devant  la 
même  place  pour  grand  maître,  l'an  1213,  et 
peu  de  temps  après  la  ville  fut  prise. 

Après  cette  conquête,  le  roi  de  Castille, 
ayant  encore  fait  ligue  avec  celui  d'Aragon 
pour  combattre  contre  les  Maures,  les  che- 
valiers de  Saiiii-Jacques  lurent  obligés  de 
soutenir  les  intérêts  de  leur  prince  en  lui 
Donnant  du  secours,  et  le  servirent  utilement 
dans  cette  guerre.  Mais  ce  prince  étant  mort 
l'année  suivante,  1214,  et  Ferdinand  111,  sur- 
nommé le  Saint,  et  qui  en  effet  a  été  mis  au 
catalogue  des  saints  l'an  1661 ,  ayant  hérité 
du  royaume  de  Castille,  par  la  renoncialiou 
que.  la  reine  Berengère  sa  mère,  femme  d'Al- 
phonse, roi  de  Léon,  en  avait  faite,  le  même 
Alphonse  déclara  la  guerre  à  la  Castille,  pré- 
tendant avoir  la  tutelle  de  son  fils  Ferdi- 
nand et  le  gouvernement  du  royaume.  Les 
chevaliers  de  Léon  suivirent  son  parti,  et  ne 
voulurent  point  reconnaître  le  grand  maître 
de  Castille;  ils  élurent  même  un  grand 
maître  dans  le  royaume  de  Léon,  qui  fut  don 
Martin  Pélaez,  ce  qui  causa  un  tort  considé- 
rable à  l'ordre  pendant  les  trois  ans  que  dura 
le  schisme.  Lei  chevaliers,  bien  loin  de  faire 
la  guerre  aux   Maures,  en  vinrent  souvent 


aux  mains  les  uns  contre  les  autres.  Mais  le 
roi  de  Léon  lit  cesser  le  schisme,  ordonnant 
à  Martin  Pélaez  de  renoncer  à  la  grande 
maîtrise,  et  aux  chevaliers  de  reconnaître  le. 
grand  maître  de  Castille. 

Alphonse,  roi  de  Léou,  étant  mort  en  1230 
et  ayant  laissé  ses  royaumes  de  Léon  cl  de 
Galice  à  ses  deux  filles  les  infantes  Sanche 
et  Douce,  au  préjudice  de  son  fils,  saint  Fer- 
dinand, roi  de  Castille,  ce  prince  voulut  sou- 
tenir ses  droits,  et  vint  avec  une  puissante 
armée  pour  prendre  pessession  de  ces  royau- 
mes. Les  grands  se  partagèrent,  les  uns  pre- 
nant le  parii  du  roi  de  Castille,  que  la  reine 
Bérengêre  sa  mère,  veuve  du  roi  de  Léon,  fa- 
vorisait, et  les  autres,  celui  des  infantes,  et 
du  nombre  de  ceux-ci  furent  les  chevaliers 
de  Saint-Jacques  avec  leur  grand  maître.  Le 
roi  de  Castille  s'accorda  avec  les  infantes 
ses  sœurs,  elies  renoncèrent  aux  prétentions 
qu'elles  pouvaient  avoir  sur  les  royaumes 
de  Léon  et  de  Galice,  et  consentirent  que 
saint  Ferdinand  leur  frère  prît  possession 
de  toutes  les  places  de  ces  deux  royaumes, 
à  la  réserve  du  château  de  Castroras,  que  ce 
prince  leur  donna  leur  vie  durant,  aîec 
trenle  mille maravédis  d'or  tous  les  ans,  jus- 
qu'à ce  qu'elles  fussent  mariées  ou  religieu- 
ses. Ce  château  appartenait  aux  chevaliers 
de  Saint-Jacques.  Saint  Ferdinand  l'avait 
donné  lui-même  auparavant  au  cardinal  Hia- 
cynihe  pour  l'Eglise  romaine, et  ce  cardinal 
l'avait  donné  a  l'ordre  de  Saint-Jacques  en 
fief  :  c'est  pourquoi  le  pape  Grégoire  IX 
ayant  su  que  le  grand  maître  avait  consenti 
que  ce  château  fût  donné  aux  infantes,  il 
l'excommunia  pour  avoir  consenti  à  l'alié- 
nation d'un  bien  qui  appartenait  à  l'Eglise, 
et  il  ne  lui  donna  l'absolution  qu'après  avoir 
déclaré  que  les  infantes  n'avaient  ni  la  pro- 
priété, ni  l'usufruit  de  ce  château,  ni  de  ses 
revenus,  mais  qu'elles  y  pouvaient  seule- 
ment demeurer.  Ce  grand  maître  fit  encore 
la  guerre  aux  Maures;  et  il  y  eut  de  son 
temps  de  grands  différends  entre  les  cheva- 
liers et  les  chan  ines  de  cet  ordre,  qui  fu- 
rent terminés  par  les  évêques  de  Burgos  et 
de  Placencia,  commissaires  da  pape,  et  le 
grand  maître  renonça  à  celte  dignité  l'an 
122V.  Ses  successeurs  tirent  aussi  de  temps 
en  temps  de  nouvelles  conquêtes,  et  rempor- 
tèrent des  victoires  sur  les  infidèles,  n'y 
ayant  quelquefois  que  les  chevaliers  seuls 
qui  les  combattissent,  et  d'autres  fois  étant 
joints  aux  troupes  des  rois  de  Castille, 
comme  il  arriva  dans  la  bataille  de  Hellania- 
rin,  l'an  13i0,  sous  le  roi  Alphonse  XI,  où 
il  y  eut  plus  de  deux  cent  mille  de  ces  infi- 
dèles qui  y  périrent.  On  y  lit  un  si  grand 
nombre  de  prisonniers,  et  le  bu; in  y  lut  si 
grand,  que  le  prix  de  l'or  en  baissa  d'une 
sixième  partie.  Don  Alphonse  Mendez  de 
Gusman  élait  pour  lors  grand  maître,  et, 
étant  mort  en  13i2,  le  roi  Alphonse  fit  élire 
en  sa  place  don  Frédéric,  l'un  de  ses  enfants 
naturels,  frère  du  comte  de  Tristemare,  qui 
succéda  à  la  couronne  de  Castille  après  la 
mort  de  Pierre  le  Cruel.  Comme  ce  nouveau 
grand  maître  n'avait  que  dix  ans  et  était  bà- 


107 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


468 


tard,  on  obtint  une  dispense  du  pape,  cl  Fer- 
dinand Rodrigucz  de  Villalobos,  grand  com- 
mandeur de  Léon,  gouverna  l'ordre  pendant 
sa  minorité.  Alphonse,  roi  de  Castille,  étant 
mort  l'an  1350,  don  Pierre,  son  fils,  auquel 
on  donna  avec  justice  le  nom  de  Cruel,  mon- 
ta sur  le  trône,  et  une  de  ses  premières  ac- 
tions de  cruauté  fut  de  faire  trancher  la  têle 
à  Eléonore  de  Gusman,  mère  du  grand 
maître.  Ce  roi  avait  épousé  Blanche  de  Bour- 
bon, princesse  qui  avait  autant  d'esprit  que 
de  vertu  et  de  beauté,  et  qui  n'était  alors 
que  dans  la  quatorzième  année  de  son  âge. 
Il  la  traita  de  la  manière  du  monde  la  plus 
cruelle;  trois  jours  après  son  mariage  il  la 
quitta,  la  relégua  à  Valladolid,  et  l'ayant 
longtemps  retenue  en  prison,  la  lit  enfin  em- 
poisonner à  Medina-Sidonia,  l'an  1361.  Toute 
l'autorité  du  royaume  était  cependant  entre 
les  mains  des  oncles  de  Marie  de  Padilla, 
maîtresse  de  ce  prince;  ce  que  les  grands 
du  royaume  ne  pouvant  supporter,  ils  se  li- 
guèrent contre  lui,  et  le  grand  maîlre  se 
joignit  à  eux.  C  est  pourquoi  le  roi  en  fit 
élire  un  autre,  qui  fut  don  Jean  Garcias  de 
Villagera,  frère  de  sa  maîtresse,  ce  qui  cau- 
sa un  nouveau  schisme  dans  l'ordre.  Mais 
les  choses  se  paciiiôrent  dans  la  suite,  et  le 
grand  maître  Frédéric  servit  le  roi  son  frère 
dans  la  guerre  qu'il  eut  avec  le  roi  d'Aragon 
l'an  1157;  néanmoins,  sur  un  faux  rapport 
que  l'on  lit  à  ce  prince  que  le  grand  maître 
avait  agi  contre  ses  intérêts,  il  le  fit  venir 
l'année  1358.  Frédéric,  se  liant  trop  à  la 
bonne  foi  de  son  frère,  et  n'ayant  pas  voulu 
croire  les  avis  qu'on  lui  donnait,  que  l'on 
ne  le  faisait  venir  que  pour  le  faire  mourir, 
vint  trouver  le  roi  à  Séville,  et  ce  prince  le 
fit  assassiner  en  sa  présence  par  ses  arbalé- 
triers. Ils  l'assommèrent  à  coups  de  massue, 
et  le  roi,  voyant  qu'il  respirait  encore,  donna 
son  poignard  pour  l'achever. 

Frédéric  étant  mort  n'ayant  encore  que 
vingt-six  ans,  après  avoir  été  grand  maitr^ 
pendant  seize  ans,  l'on  vit  encore  deux 
grands  maîtres  dans  l'ordre  de  Saint-Jacques, 
l'un  ayant  été  é.lu  par  les  chevaliers  qui  te- 
naient le  parti  du  roi  de  Castille,  et  l'autre 
par  ceux  qui  s'étaient  joints  au  comte  de 
Tristemare,  frère  de  Frédéric,  qui  voulait  se 
mettre  la  couronne  de  Castille  sur  la  tête. 
La  grande  maîtrise  fut  aussi  contestée  en 
1380  entre  don  Pierre  Ruys  de  Sandoval,  et 
Kuys  Gonzalvc  Mexia,  qui  avaient  été  tous 
deux  élus.  Mais  la  division  cessa  peu  de 
lemps  après  par  la  mort  de  Ruys  de  Sando- 
val. 

Le  gouvernement  de  l'infant  d'Aragon  don 
He.iry,  trente-sixième  grand  maître,  ne  fut 
pas  tranquille.  Il  épousa  l'infante  Catherine, 
sœur  du  roi  de  Castille  Jean  11,  à  laquelle  ce 
prince  donna  en  dot  le  duché  de  Vrillena; 
mais  le  grand  maître  et  sa  femme  en  ayant 
voulu  prendre  possession,  ils  y  trouvèrent 
des  oppositions  de  la  part  du  roi,  ce  qui  fit 
que  le  grand  maître  s'en  empara  par  force 
au  nom  de  sa  femme.  Le  roi  le  fit  arrêter  et 
enfermer  dans  une  prison  à  Madrid,  d'où  il 
fut  transféré  peu  de  jours  après  au  château 


de  Mora.  11  en  sortit  deux  ans  et  dem.  après, 
par  l'entremise  de  Jean,  roi  de  Navarre,  son 
frère,  qui  le  demanda  au  roi  de  Castille,  lui 
promettant  de  s'assurer  de  sa  personne.  Le 
roi  de  Navarre  le  réconcilia  quelque  temps 
après  avec  le  roi  de  Castille,  qui  lui  donua 
les  villes  de  Truxillo  et  d'Alcaraz,avec  d'au- 
tres terres,  pour  le  dédommager  du  duché  de 
Villena.  Les  infants  d'Aragon  s'étaut  brouillés 
dans  la  suite  avec  le  roi  de  Castille,  et  le 
grand  maître  les  favorisant,  ce  prince  le  pri- 
va une  seconde  fois  de  tous  ses  biens,  qu'il 
distribua  à  plusieurs  seigneurs.  Le  grand 
maîlre  se  retira  vers  le  roi  d'Aragon,  qui 
était  son  frère,  avec  lequel  il  se  trouva  dans 
le  combat  naval  que  le  roi  de  Navarre  donna 
contre  les  Génois,  dans  lequel  les  trois  frères 
furent  faits  prisonniers  et  envoyés  à  Savoue, 
et  de  là  transférés  à  Milan,  où  le  duc  leur 
donna  la  liberté.  Peu  de  temps  après,  le 
grand  maître  et  le  roi  de  Navarre  entrèrent 
avec  des  troupes  dans  le  royaumede  Castille, 
pour  contraindre  le  roi  Jean  III  à  rétablir 
le  grand  maîlre  dans  sa  dignité,  dont  il  avait 
donné  l'administration  à  don  Alvarez  do 
Luna,  connétable  de  ce  royaume.  Ces  princes 
en  vinrent  aux  mains,  et  dans  la  bataille  qui 
se  donna  l'an  1445,  proche  de  la  ville  d'Ol- 
medo,  le  grand  maître  y  fut  blessé;  et,  étant 
mort  quelque  temps  après,  il  eut  pour  suc- 
cesseur le  connétable  de  Castille,  qui  fut  élu 
par  une  partie  des  chevaliers,  et  les  autres 
élurent  aussi  don  Rodrigue  Menriquez,  com- 
mandeur de  Ségura,  qui  prit  aussi  le  tilre 
de  grand  maître.  Il  y  eut  une  guerre  san- 
glante entre  les  chevaliers  au  sujet  de  ces 
deux  grands  maîtres,  qui  avaient  chacun 
leur  faction.  Le  roi  de  Castille  appuyait  le 
connétable,  son  favori,  et  le  prince  d'Aragon, 
don  Rodrigue;  mais  le  connétable,  abusant 
de  son  pouvoir,  alluma  la  guerre  dans  le 
royaume,  persécuta  les  grands,  s'enrichit  du 
bien  d'autrui,  et  reçut  même  de  l'argent  des 
Maures  pour  empêcher  la  prise  de  la  ville  de 
Grenade.  Ayant  été  convaincu  de  ces  cri- 
mes, le  roi  le  fit  mettre  en  prison,  enleva  ses 
trésors,  et  lui  fit  trancher  la  tête  à  Vallado- 
lid, l'an  1453.  File  fut  exposée  plusieurs 
jouis  avec  un  bassin  pour  trouver  de  quoi 
enterrer  son  corps,  ce  qui  parut  d'autant 
plus  étonnant,  que  cet  homme  avait  acquis, 
par  une  faveur  de  plus  de  trente  années,  des 
biens  qui  égalaient  presque  les  richesses 
u'un  roi. 

Après  sa  mort,  le  roi  fut  administrateur 
de  l'ordre  par  autorité  du  pape  Nicolas  V,  à 
cause  du  bas  âge  de  l'infant  don  Alphonse, 
son  lils ,  auquel  il  avait  fait  conférer  la 
grande  maîtrise;  et  Jeau  111  étant  mort  l'an- 
née suivante,  1454,  le  roi  Henri  IV,  son  suc- 
cesseur ,  en  eut  aussi  l'administration.  11 
avait  épousé  Blanche,  fille  de  Jean  II,  roi  de 
Navarre,  et  ce  mariage  ayant  été  dissous 
l'an  1453  ,  il  épousa  en  secondes  noces 
Jeanne,  tille  d'Ldouard ,  roi  de  Portugal. 
Comme  il  n'avait  point  d'enfants,  et  qu'il 
était  incapable  d'en  avoir,  l'on  dit  qu'il  pria 
sa  femme  de  permettre  que  Bertrand  de  la 
Cueva  ,  son  favori,  suppléât  à  son  défaut. 


169 


EPE 


La  reine  devint  grosse  el  mil  au  monde  une 
fille  qui  fui  mariée  à  Alphonse  V,  roi  de 
Portugal,  et  que  le  roi  de  Castille  déclara 
héritière  de  ses  Etats,  ce  qui  causa  une 
guerre  entre  elle  el  Isabelle,  sœur  d'Henri, 
mariée  à  Ferdinand  d'Aragon,  laquelle  fut 
terminée  à  l'avantage  d'Isabelle.  Bertrand 
«le  la  Cueva  eut  pour  récompense,  enlre  au- 
tres choses,  la  grande  maîtrise  de  l'ordre  de 
Sainl-Jacques,  dont  l'infant  don  Alphonse, 
frère  du  roi  Henri,  se  démit  en  sa  faveur,  ce 
qui  fut  confirmé  par  le  pape  Pie  II  l'an  1462; 
mais  les  chevaliers  s 'étant  plaints  de  ce 
qu'on  leur  ôlail  le  droit  d'élection,  et  qu'il 
n'était  pas  raisonnable  que  l'infant  quittât 
la  grande  maîtrise  pour  la  donner  de  lui- 
même  à  un  autre,  le  roi,  voyant  leurs  oppo- 
sitions, porta  Bertrand  à  y  renoncer  en  le 
récompensant  de  plusieurs  belles  terres,  et 
don  Alphonse  y  fut  rétabli,  en  venu  d'une 
bulle  de  Paul  II.  Après  sa  mort,  don  Jean 
Paciieco,  marquis  de  Villena,  fut  élu  grand 
maître  l'an  1469,  et,  ayant  gouverné  l'ordre 
pendant  quelques  années,  il  se  démit  de  la 
grande  maîtrise,  en  faveur  de  son  fils,  don 
Didace  Lopez  Pacheco.  Le  roi  Henri  IV  fit 
solliciter  le  pape  pour  en  avoir  la  confirma- 
lion;  mais,  n'ayant  pu  l'obtenir,  ce  prince 
mil  Didace  de  l'acheco  en  possessiou  de  la 
grande  maîtrise,  en  vertu  de  la  renonciation 
du  marquis  de  Villena,  qui  s'élait  faite  du 
consentement  de  la  plus  grande  partie  des 
treize.  Mais,  après  la  mort  de  ce  marquis, 
qui  arriva  l'an  li'i,  don  Jean  de  Velasco, 
prieur  d'Uclès,  convoqua  le  chapitre  et  les 
treize  électeurs,  ce  que  fit  aussi  celui  de 
Saint-Marc  de  Léon  :  de  sorie  qu'il  y  eut 
trois  grands  maîtres  dans  le  même  temps  : 
don  Rodrigue  Mamiquez,  comte  de  Parède, 
élu  par  ceux  d'Uclès  ;  don  Alphonse  de  Car- 
donas  par  ceux  de  Saint-Marc,  et  le  mar- 
quis de  Villena,  don  Didas  Lopez  de  Pa- 
checo, en  faveur  duquel  D.  Jean  Pacheco, 
marquis  de  Villena,  son  père,  s'était  démis 
de  celle  dignité,  el  qui  en  était  en  posses- 
sion. Ce  dernier  prétendit  se  maintenir  par 
la  voie  des  armes,  et  chasser  ses  deux  com- 
pétiteurs qtii  avaient  élé  élus  à  Uclès  et  à 
Saint-Marc.  Il  s'empara  du  château  d'Uclès 
étant  protégé  par  le  roi,  mais  il  ne  put  s'y 
maintenir,  ni  être  reconnu  comme  grand 
maître,  car,  après  la  mort  du  comte  de  Pa- 
rède, qui  arriva  l'an  1476,  les  chevaliers  qui 
dépenila  ent  du  prieuré  d'Uclès  élurent  aussi 
pour  grand  maire  don  Alphonse  de  Carde- 
nas  :  ainsi  le  schisme  cessa  après  que  les 
chevaliers  se  furent  réunis.  Mais  ces  divi- 
sions ayant  déplu  à  Ferdinand  et  Isabelle, 
rois  de  Castille,  qui  craignaient  qu'elles  ne 
causassent  quelque  guerre  dans  le  royaume 
à  cause  de  la  puissance  de  ces  chevaliers, 
ils  demandèrent  pnur  eux  et  pour  leurs  suc- 
cesseurs l'admiuistra'icn  de  cet  ordre,  qui 
leur  fut  accordée  par  le  pape  Alexandre  VI, 
l'an  li93,  après  la  mort  du  grand  maître 
don  Alphonse  de  Cardenas,  el  pour  lors  la 
grande  autorité  des  chevaliers  commença  a 
diminuer.  L'empereur  Charles  Veut  aussi 
l'administration  de  l'ordre,  qui  lui  fut  ac- 

DlCTIONNAlRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  IL 


EPE  i7(i 

cordée  l'an  1515  par  le  pape  Léon  X,  el 
l'an  1523  le  pape  Adrien  VI  annexa  pour 
loujours  à  la  couronne  d'Espagne  les  gran- 
des maîtrises  des  trois  ordres  de  Saint-Jac- 
ques, de  Cal  ilrava  et  d'Alrantara. 

L'ordre  de  Saint- Jacques  s'était  aussi 
élendu  en  Portugal,  où  il  avait  reçu  de 
grands  biens  par  la  libéralité  des  souverains 
de  ce  royaume.  Les  chevaliers  dépendaient 
du  couvent  d'Uclès  ;  mais  le  roi  don  Denis 
voulut  avoir  en  son  royaume  un  grand  maî- 
tre indépendant  de  celui  d'Espagne;  il  éta- 
blit le  chef  de  cet  ordre  à  Alcazar  d'Ozal,  et 
depuis  il  fut  Iransféiéà  Palmella.  Les  rois 
<!e  Portugal  ont  été  les  premiers  qui  obtin- 
rent l'administration  de  cet  ordre.  Elle  fut 
accordée  au  roi  Jean  II  après  la  mort  du 
prince  Georges,  duc  de  Cônimbre,  son  fils, 
qui  en  a  élé  le  dernier  grand  maître  en  Por- 
tugal, el  le  pape  Jules  II  l'annexa  à  la  cou- 
ronne en  la  personne  du  roi  Jean  III. 

Comme  nous  avons  déjà  parlé  du  conseil 
des  ordres,  et  que  nous  aurons  encore  lieu 
d'en  parler  dans  la  suite  de  celle  histoire,  il 
est  à  propos  de  rapporter  l'origine  de  ce 
conseil,  qui  est  maintenant  comme  le  supé- 
rieur général  non-seulement  de  l'ordre  de 
Saint-Jacques,  mais  encore  de  ceux  de  Cala- 
trava  et  d'Alcanlara.  Le  pape  Adrien  VI  ne 
réunit  les  grandes  maîtrises  de  ces  ordres 
à  la  couronne  d'Espagne  qu'à  condition 
qu'en  ce  qui  regardait  le  spirituel,  le  roi 
n'agirait  point  par  lui-même,  mais  commet- 
trait pour  cela  des  personnes  des  mêmes 
ordres  :  c'est  pourquoi  l'empereur  Charles  V, 
roi  d'Espagne,  établit  un  conseil,  qu'il  ap- 
pela le  conseil  des  ordres,  lequel  doit  êlre 
composé  d'un  président  et  de  six  chevaliers 
(dont  deux  de  chacun  de  ces  trois  ordres), 
qui  ont  le  même  pouvoir  et  la  même  aulo- 
rité  que  le  roi  peut  avoir  sur  ces  ordres  en 
qualité  d'administrateur  perpétuel,  tant  en 
ce  qui  concerne  la  juridiction  temporelle  ou 
séculière  que  la  juridiction  ecclésiastique, 
pourvu  qu'elle  ne  soit  pas  purement  spiri- 
tuelle, comme  de  conférer  les  ordres,  ad- 
ministrer les  sacrements,  fulminer  des  cen- 
sures et  autres  choses  semblables,  dont  les 
fonctions  sont  exercées  par  des  personnes 
ecclésiastiques  de  l'ordre,  et  qui  sont  dépu- 
tées par  le  conseil,  qui  connaît  des  causes 
civiles  et  criminelles  des  chevaliers  et  de 
leurs  vassaux,  el  qui  fait  exécuter  les  or- 
donnances laites  aux  chapitres  généraux. 
Il  donne  avis  au  roi  des  commanderies  , 
dignités,  prieurés,  bénéfices,  gouverne- 
ments et  charges  qui  vaquent,  afin  qu'il  y 
pourvoie.  Celle  juridiction  ,  qui  ne  forma 
qu'un  tribunal  avec  le  roi,  est  ecclésiastique 
et  régulière,  quoique  exercée  par  des  per- 
sonnes laïques.  Elle  esl  souveraine,  juge  en 
dernier  ressort ,  et  on  n'en  peut  appeler 
qu'au  sainl-siége.  Clément  Vil  l'approuva 
par  des  bulles  des  années  1524  et  1525,  et 
ajouta  à  son  pouvoir  celui  de  connaître  des 
décimes,  des  bénéfices,  des  mariages  et  au- 
tres choses  semblables  dont  la  connaissance 
appartenait  aux  évêques  comme  ordinaires. 
Elle  lui  aussi  approuvée  par  le  pape  Paul  III, 
6 


DM  TIONNAIUE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


i7î 


en  1543,  et  dans  la  suite  par  le  pape  Pie  V. 
Le  pouvoir  de  ce  tribunal  s'étend  sur  deux 
villes,  deux  cent  vingt  bourgs  et  soixante- 
quinze  villages,  dont  il  y  a  deux  villes  et 
cent  soixante-dix-huit  tant  bourgs  que 
villages  qui  appartiennent  à  l'ordre  de  Saint- 
Jacques,  soixante-quatre  à  celui  de  Cala- 
liava,  et  cinquante-trois  à  celui  d'AIcan- 
tara.  Non-seulement  les  chevaliers,  les  cha- 
noines, les  chapelains  et  les  religieuses  de 
ces  ordres,  sont  soumis  à  l'obéissance  et 
correction  du  conseil  des  ordres;  mais  la 
juridiction  de  ce  conseil,  tant  pour  le  tem- 
porel que  pour  le  spirituel,  s'étend  aussi 
sur  tous  les  prêtres  séculiers  qui  ont  des 
bénéOces,  et  les  religieuses  des  autres  or- 
dres qui  ont  des  monastères  situés  dans  les 
lieux  qui  appartiennent  à  ceux  de  Saint- 
Jacques,  de  Calalrava  et  d'Alcantara.  Le 
président  de  ce  conseil  est  ordinairement  un 
des  plus  grands  seigneurs  d'Espagne.  Il  y  a 
encore  plusieurs  offices  qui  dépendent  de  ce 
conseil,  dont  les  plus  considérables  sont  ce- 
lui de  secrétaire  des  ordres,  le  contador 
mayor,  ou  grand  trésorier  des  ordres,  le 
grand  huissier  des  ordres,  trois  procureurs 
généraux  ,  trois  chevaliers  fiscaux  et  un 
grand  trésorier  du  conseil,  qui  dans  les  ac- 
tes publics  ont  tous  séance  dans  ce  tribunal. 
Les  autres  offices,  qui  sont  en  grand  nombre, 
sont  moins  considérables,  comme  l'agent,  le 
fiscal,  l'avocat  et  le  procureur  des  pauvres, 
les  trésoriers  de  chacun  de  ces  ordres  en 
particulier,  leurs  chanceliers,  les  huissiers 
et  quelques  autres. 

Nous  avons  vu,  parle  nombre  des  villes, 
hourgs  et  villages  qui  appartiennent  à  l'or- 
dre de  Saint-iacques,  qu'il  possède  lui  seul 
plus  de  biens  que  les  deux  autres.  A  l'égard 
des  cnmmanderies,  il  y  en  a  quatre-vingt- 
quatre,  dont  il  y  en  a  trois  grandes,  qui  sont 
les  grandes  commanderies  de  Caslille,  de  Léon 
et  de  Montaluan  en  Aragon.  Ces  quatre- 
vingt-quatre  commanderies  ont  230,000  du- 
cats de  revenu,  oulre  deux  cents  prieurés, 
cures  et  autres  bénélices  simples  qu'on  peut 
donner  avec  dispei^e  du  pape  à  des  person- 
nes qui  no  sont  pas  de  l'ordre.  Il  y  a  treize 
bourgs  qui  sont  des  vicariats  avec  des  juri- 
dictions spirituelles  ,  savoir:  Villa-Nucva  de 
los  Infantes,  Villa-llodriguo,  Yillalua,  Es- 
triana,  Xérès,  Emerila,  Tudia,  Jesle.  Cara- 
vacca,  \  cas,  Segura  de  la  Sierra,  Aledo  et 
Tolana.  Il  a  encore  quatre  ermitages, 
cinq  hôpitaux  et  un  collège  à  Salamanque. 
Cet  ordre  est  divisé  en  quatre  provinces, 
qui  sont  Caslille,  Léon,  la  Vieille-Castille  et 
1  Aragon,  où  le  roi ,  comme  administrateur, 
et  le  chapitre  général  envoient  des  visiteurs. 
Celui  de  la  province  de  Léon  est  élu  par  le 
prieur  et  le  chapitre  du  couvent  de  Saint- 
Marc  de  Léon,  et  doit  être  confirmé  par  le 
conseil  des  ordres.  Outre  ces  visiteurs  géné- 
raux, le  roi  en  députe  encore  d'autres  pour 
s'informer  si  les  chevaliers,  les  chapelains 
el  les  autres  observent  leur  règle  et  les  sta- 
tuts de  l'ordre.  Ces  visiteurs  sont  toujours 
chevaliers  et  sont  accompagnés  de  quelques 
chapelains  ;  leur  pouvoir  ne  s'étend  pas  seu- 


lement sur  les  chevaliers,  mais  aussi  sur 
«eux  qui  possèdent  des  bénéfices  dans  leo 
lieux  qui  appartiennent  à  l'ordre.  Les  che*> 
valiers  doivent  obéir  au  conseil  des  ordres 
el  aux  supérieurs  des  monastères  lorsqu'ils  y 
demeurent,  ou  qu'ils  y  font  leur  noviciat,  oa 
lorsqu'on  les  a  obligés  de  s'y  renfermer  pour 
quelques  fautes. 

Pour  être  reçu  chevalier,  il  faut  faire 
preuve  de  noblesse  de  quatre  races,  tant  du 
coté  paternel  que  du  côté  maternel  ;  et  quoi- 
que anciennement  la  noblesse  maternelle  ne 
fût  pas  requise,  elle  est  néanmoins  présen- 
tement nécessaire  depuis  qu'elle  a  été  or- 
donnée dans  le  chapitre  général  de  l'an  10j3. 
11  faut  encore  faire  preuve  que  les  mêmes 
ancêtres  n'ont  point  été  juifs,  Sarrasins,  hé- 
rétiques, et  qu'ils  n'ont  point  été  punis 
comme  tels  p;ir  le  tribunal  de  l'inquisition. 
Ces  preuves  se  doivent  faire  devant  un  che- 
valier et  un  chanoine  de  cet  ordre  ;  et  si  el- 
les sont  approuvées  par  le  conseil  des  or- 
dres, le  roi  commet  quelqu'un  pour  donner 
l'habit  à  celui  qui  doit  être  reçu.  Les  novi- 
ces sont  obligés  de  servir  sur  les  galères 
pendant  six  mois,  el  de  demeurer  pendant 
un  mois  dans  un  monastère  pour  y  appren- 
dre la  règle  ;  mais  on  les  dispense  aisément 
de  ces  obligations  moyennant  une  somme 
d'argent;  le  roi  et  le  conseil  des  ordres  ac- 
cordent ces  dispenses. 

Ils  étaient  autrefois  véritablement  reli- 
gieux el  faisaient  vœu  de  chasteté;  mais  le 
pape  Alexandre  III  leur  ayant  permis  de  se 
marier,  ils  ne  le  peuvent  faire  sans  la  per- 
mission du  roi,  qu  ils  doivent  avoir  par  écrit. 
On  leur  impose  un  an  de  pénitence  s'ils  sa 
marient  sans  cette  permission  ;  et  si  c'est  un 
des  treize,  il  est  privé  de  celte  dignité.  La 
raison  de  cette  défense,  c'est  que  les  femmes 
des  chevaliers  doivent  faire  les  mêmes  preu- 
ves que  leurs  maris,  et  que  le  conseil  des  or- 
dres doit  nommer  des  commissaires  pour  en 
faire  les  informations.  Ils  étaient  obligés  de 
s'abstenir  «le  leurs  femmes  à  certaines  fêles 
de  l'année,  comme  à  celles  de  la  Vierge,  de 
saint  Jean-i?aptiste ,  des  saints  apôtres  et 
quelques  autres,  el  les  veilles  de  ces  l'êtes, 
comme  aussi  les  jours  de  jeune  prescrits  par 
la  règle,  qui  étaient,  oulre  le  carême  de  l'E- 
glise universelle,  depuis  le  huit  novembre 
jusqu'à  la  Nativité  de  Noire-Seigneur,  et 
lous  les  vendredis  depuis  le  premier  septem- 
bre jusqu'à  la  Pentecôte.  Le  pape  Inno- 
cent IV  dispensa  du  jeûne,  depuis  le  huit  no- 
vembre jusqu'au  premier  dimanche  de  l'a- 
venl,  les  chevaliers  qui  étaient  à  la  guerre. 
Martin  V  les  dispensa  entièrement  de  la 
règle  et  de  l'obligation  de  se  retirer  dans  des 
monastères  aux  jours  qu  ils  devaient  se  sé- 
parer de  leurs  femmes,  laissant  cela  à  leur 
volonté.  Innocent  VIII,  ayant  élé  consulté 
pour  savoir  si  les  chevaliers  qui  n'étaient 
pas  à  la  guerre  étaient  obliges  aux  jeûnes 
de  la  règle,  déclara,  l'an  1486,  que  les  uns  et 
les  autres  n'y  étaient  pas  obligés;  et,  sur  ce 
que  l'ordre  représenta  encore  à  ce  pontife 
qu'il  v  avait  plusieurs  points  de  la  règle  qui 
obligeaient  à  péché  mortel,  comme  de  s'abs- 


173 


EPE 


tenir  des  femmes  à  cerlains  temps,  de  réci- 
ter certaines  prières,  cl  autres  choses  sem- 
blables ,  ce  pape  déclara  encore  la  même 
année  que  la  transgression  de  la  règle  n'o- 
bligeait point  à  péché  mortel. 

Ces  chevaliers  ne  font  plus  présentement 
que  les  vœux  de  pauvreté,  d*obéissance  et 
de  chasteté  conjugale,  auxquels  ils  en  ajou- 
tent un  quatrième,  de  défendre  et  de  soute- 
nir l'immaculée  conception  de  la  sainte 
vierge.  Les  trois  ordres  de  Saint-Jacques, 
de  Calatrava  et  d'Alcantara  prirent  cette  ré- 
solution dans  leurs  chapitres  généraux, 
qu'ils  tinrent  l'an  1052.  Ils  consultèrent  à  ce 
sujet  le  roi  Philippe  IV,  comme  administra- 
teur perpétuel  de  leurs  ordres  ;  et  ce  prince, 
qui  avait  une  grande  dévotion  à  la  sainte 
Vierge  approuva  la  résolution  que  ces  or- 
dres avaient  prise.  Ils  voulurent  s'engager 
à  ce  dernier  vœu  publiquement  et  par  une 
cérémonie  éclatante.  Ils  indiquèrent  des  neu- 
vaines  qui  se  tirent  à  Madrid,  dans  trois 
églises  différentes,  qui  étaient  magnifique- 
ment parées,  et  dans  lesquelles  il  y  eut  tous 
les  jours  prédication  sur  le  mystère  de  la 
conception,  et  uue  messe  célébrée  pontifica- 
lement  par  les  prieurs  de  ces  ordres  et  par 
des  abbés  de  ceux  de  Saint-Benoît  et  de  Cî- 
leaux  ;  ce  qui  se  fit  dans  différents  temps, 
afin  qu'une  cérémonie  n'empêchât  pas  l'au- 
tre. L'ordre  de  Saint-Jacques  commença  le 
premier  dans  l'église  du  collège  de  Saint-Au- 
gustin appelée  de  Dona  Maria  de  Aragon. 
L'ordre  de  Calatrava  fit  la  sienne  dans  l'é- 
glise de  Saint-Martin  de  l'ordre  de  Saint-Be- 
noît ;  et  celui  d'Alcantara  dans  l'église  de 
Saint-Bernard  de  l'ordre  de  Citeaux.  Dans 
chacune  de  ces  églises,  les  chevaliers  de 
chaque  ordre  assistèrent  en  habit  de  céré- 
monie. Après  l'évangile  de  la  messe,  un  che- 
valier prononça,  au  nom  de  tout  l'ordre  à 
haute  voix,  la  formule  du  vœu,  et  ensuite 
ciiacun,  en  présence  du  célébrant,  lit  la 
même  chose  en  mettant  la  main  sur  la  croix 
et  sur  les  Evangiles,  et  l'on  fit  un  règlement 
daus  les  chapitres  généraux,  que  tous  ceux 
que  l'on  recevrait  à  la  profession  feraient  le 
même  vœu.  C'est  pourquoi,  dans  la  formule 
de  la  profession  de  ces  ordres,  aptes  les  trois 
vœux  de  pauvreté,  d'obéissance  et  de  chas- 
teté conjugale  ,  celui  qui  fait  profession 
ajoute  :  y  asimesmo  hugo  volo  de  tener,  de- 
fender,  y  guardar  en  publico  y  en  secrelo  que 
la  Yirgen  Maria  madré  de  Bios,  y  Seîiora 
nuestra,  fue  concebida  sin  matlcha  de  pecado 
original. 

Il  y  a  aussi  plusieurs  commanderies  de 
cet  ordre  en  Portugal,  et  il  y  en  avait  aussi 
une  en  France  dans  la  ville d'Elampes.  L'ha- 
bit de  cérémonie  des  chevaliers,  tant  d'Es- 
pagne que  de  Portugal,  consiste  en  un  man- 
teau blanc  avec  une  croix  rouge  sur  la  poi- 
trine, avec  celte  différence  que  les  chevaliers 
l'Espagne  la  portent  en  forme  d'épée,  fieur- 
Ielisée  par  le  pommeau  et  les  croisons,  et 
1  ue  celle  des  Portugais  n'est  pas  en  forme 
l'épée,  mais  est  aussi   fleurdelisée   par   le 


EPE  m 

bas  (1).  Lorsqu'un  chevalier  de  cet  ordre 
meurt,  le  commandeur  de  la  commanderio 
la  plus  proche  de  la  demeure  du  chevalier 
est  obligé,  outre  les  prières  ordinaires,  de 
nourrir  un  pauvre  pendant  quarante  jours. 

Voyez  les  auteurs  cités  au  paragraphe 
précédent. 

ÉPÉES  (Ordre  des).  Voyez  Sérai-iiins. 

EPERNAY  (Saint-Martin  d').  Voyez  Jea^n 
de  Chartres  (Saint-). 

ÉPERON  D'OR  (Chevaliers  de  l'j. 

Anciennement  c'était  la  coutume  de  créer 
des  chevaliers  avant  le  combat,  afin  qu'ils  y 
allassent  avec  plus  d'ardeur,  ou  après  le 
combat  pour  récompenser  sur-le-champ 
ceux  qui  avaient  eu  plus  de  part  à  la  vic- 
toire. Les  cérémonies  que  l'on  a  pratiquées 
pour  fa  ire  ces  sortes  de  chevaliers  ont  été 
différentes  selon  les  temps  ;  car  d'abord  on 
se  contenta  de  les  frapper  légèrement  d'une 
épée  nue  sur  le  dos,  et  de  leur  mettre  l'épée 
dans  le  baudrier;  on  y  ajouta  ensuite  l'acco- 
lade, et  enfin  on  leur  permit  de  porter  des 
éperons  dorés  ,  qu'on  leur  attachait  aux 
pieds,  ce  qui  leur  fit  prendre  le  nom  de 
Chevaliers  Dorés.'  C'est  encore  aujourd'hui 
une  coutume  pratiquée  par  plusieurs  prin- 
ces d'honorer  ainsi,  le  jour  de  leur  couron- 
nement, quelques  seigneurs  de  leur  cour  en 
les  faisant  chevaliers  avec  les  mêmes  céré- 
monies. L'empereur  Ferdinand  I",  fit  le  jour 
de  son  couronnement,  des  chevaliers  de  l'E- 
peron, qui  furent  ainsi  nommés  apparem- 
ment à  cause  des  éperons  d'or  qu'on  leur 
attacha  aux  pieds.  Mais  ce  qui  n'était  autre- 
fois que  la  récompense  de  la  valeur  est  au- 
jourd'hui fort  commun  en  Angleterre,  et  se 
donne  indifféremment  aux  gens  d  épée  et  de 
robe,  et  même  à  des  marchands,  qui  sont 
ainsi  reçus  en  ce  royaume  :  ils  se  metient  à 
genoux  devant  le  roi,  qui  les  touche  avec 
une  epée  nue  sur  l'épaule,  en  disant  ces  pa- 
roles :  Sois  chevalier  au  nom  de  Lieu ,  et  à 
cause  des  éperons  dorés  qu'ils  portent  le 
jour  de  leur  réception,  on  les  appelle  Che- 
valiers Dorés,  équités  aurati  ;  mais,  comme 
ces  chevaliers  ne  forment  point  de  société 
particulière,  ils  ne  portent  aucune  marque 
qui  les  distingue,  et  sont  compris  dans  ce 
qu'on  appelle  eu  général  l'ordre  de  cheva- 
lerie. 

Il  n'en  est  pas  de  même  des  chevaliers  de 
l'Eperon  d'Or,  dont  nous  allons  parler  et  qui 
portent  pour  marque  de  leur  ordre  une 
croix  d'or  à  huit  pointes  émaillée  de  rouge, 
au  bas  de  laquelle  pend  un  éperon  d'or  (2)  ; 
on  les  doit  regarder  comme  formant  un  or- 
dre militaire  distinct  et  séparé  de  cet  ordre 
général  de  chevalerie  et  de  tous  ces  cheva- 
liers qui  prennent  le  litre  de  Chevaliers  Do- 
res et  de  l'Eperon,  dont  nous  venons  de  par- 
ler. L'on  prétend  que  ce  fui  le  pape  Pie  IV 
qui  institua  cet  ordre  à  Rome,  l'an  1359. 
Mais  il  ne  paraît  pas  que  ce  pontife  aildonné 
à  celui  qu'il  institua  le  nom  de  l'Eperon 
d'or,  au  contraire  il  lui  donna  son  noai  ;  et 


(I)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n"  53. 


(-2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  51. 


175 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


176 


l'on  trouve  dans  le  Bullajre  romain  une  bulle 
de  Pie  V,  de  l'an  15(19,  "où  les  chevaliers  de 
cet  ordre  sont  appelés  chevaliers  Pies.  11  est 
vrai  que  Pierre  de  Bclloy,  dans  son  Traité  de 
l'Origine  de  chevalerie,  dit  que  ces  cheva- 
liers Pies  sont  faits  par  même  moyen  cheva- 
liers de  l'Eperon  d'or.  Eavin  dit  aussi  qu'ils 
sont  appelés  Chevaliers  Dorés  à  cause  des 
éperons  dorés  qu'ils  ont  pei  mission  de  por- 
ter; et  dans  les  lettres  que  l'on  donne  aux 
chevaliers  de  l'Eperon,  ils  sonl  appelés  Che- 
valiers Oorés  et  comtes  du  sacré  palais  de 
Lalran  ,  sacri  palutii  et  atilœ  Laleranensis 
comités,  milites  ,  ri  équités  Aweuti.  Mais 
celte  croix  avec  cet  éperon  qu'ils  portent 
pour  marque  de  leur  ordre  n'est  point  la 
marque  que  le  pape  Pie  IV  donna  aux  che- 
valiers qu'il  fit,  puisque  ce  fut  une  mé- 
daille d'or,  où  d'un  coté  il  y  avait  l'image  de 
saint  Ambroise,  et  de  l'autre  ses  armes, 
qu'ils  pouvaient  changer  sous  chaque  pon- 
lilicat.pour  mettre  les  armes  du  pape  qui 
gouvernait  pour  lors  l'Eglise.  L'ahbé  Giusti- 
niani  rapporte  à  ce  sujet  les  paroles,  de  ce 
pontife  dans  la  bulle  de  l'institution  de  l'or- 
dre de  ces  chevaliers  l'ies  :  Jnsiijniaque  col- 
legii  dietorum  militum  Piorum  esse  volumus 
imaginent  beati  Ambrosii  episcopi  ab  una 
•parte  alicujus  pendenlis  aurei  et  ab  altéra  in- 
signia  vostra,  velpro  tempore  existentis  pon- 
tificis,  cum  clavibus  desuper  et  tiara  poniifi- 
cia.  Ainsi  il  y  a  bien  de  l'apparence  que  le 
pape  Pie  IV  n'a  point  été  l'instituteur  des 
chevaliers  de  l'Eperon,  et  que  ceux  aux- 
quels il  donna  son  nom  ont  eu  le  môme  sort 
que  ceux  de  Sainl-Pierre,  de  Saint-Paul,  du 
Lis,  et  de  Noire-Dame  de  Lorelle,  qui  ont 
été  supprimés,  et  sont  devenus  simples  of.i- 
ciers  de  la  Chancellerie  ;  car  parmi  ces  offi- 
ciers il  se  trouve  aussi  cinq  cent  trente-cinq 
chevaliers  Pies ,  dont  les  charges  coûtent 
chacune  mille  écus. 

L'abbé  Giustiniani  dit  que  Pie  IV  créa  d'a- 
bord trois  cent  soixante-quinze  chevaliers, 
auxquels  il  assigna  un  revenu  de  soixanle- 
treize  mille  écris,  cl  que  l'année  suivante, 
ayant  augmenté  le  nombre  de  ces  cheva- 
liers jusqu'à  quinze  zenl  trente-cinq,  il  aug- 
menta aussi  leurs  revenus  jusqu'à  la  somme 
de  cent  quatre  mille  écus.  Mais  il  peut  y 
avoir  de  l'erreur  dans  le  calcul  de  cet  au- 
teur, ou  bien  il  se  peut  faire  que,  comme  il 
a  mis  le  nombre  de  ces  chevaliers  en  chif- 
fres, l'imprimeur  aurait  mis  un  mille  de 
trop,  et  qu'en  le  retranchant  il  ne  se  trou- 
verait plus  que  cinq  cent  trente-cinq  cheva- 
liers, qui  est  justement  le  nombre  de  ces  of- 
ficiers de  chancellerie  qui  prennent  encore  à 
présent  le  titre  de  chevaliers  Pies.  Ce  qui 
prouve  que  c'est  une  faute  qui  s'est  glissée 
dans  l'impression,  c'est  que,  si  le  pape  avait 
affecté  un  revenu  de  soixante-treize  mille 
écus  pour  trois  cent  soixante-quinze  cheva- 
liers, il  n'y  aurait  pas  eu  de  proportion  gar- 
dée, si  en  augmentant  le  nombre  des  cheva- 
liers jusqu'à  quinze  cent  trente-cinq,  il  n'a- 
vait augmenté  leurs  revenus  que  jusqu'à  la 
somme  de  cent  quatre  mille  écus. 

Le  même  auteur  ajoute  que  ce  pontife 


accorda  à  ces  chevaliers  beaucoup  de  privi- 
lèges, et  qu'entre  autres  il  voulut  que  tous 
ceux  qui  seraient  agrégés  à  cet  ordre  fussent 
réputés  nobles  et  leurs  descendants.  Il  leur 
donna  le  titre  de  comtes  de  Latran,  avec 
pouvoir  de  déléguer  des  juges  ecclésiastiques 
et  séculiers,  créer  des  docteurs  cl  des  notai- 
res, de  légitimer  des  bâtards  et  les  élever  à 
des  dignités.  Il  ordonna  de  plus  que  les  che- 
valiers clercs  seraient  notaires  apostoliques, 
que  les  laïques  seraient  chevaliers  dorés,  et 
que,  cessant  d'être  participants,  c'est-à-dire 
de  jouir  du  revenu  affeclé  à  l'ordre,  ils  au- 
raient toujours  le  litre  de  comtes  de  Latran, 
de  notaires  apostoliques  et  de  Chevaliers  Do- 
rés. Il  leur  permit  aussi  de  posséder  plu- 
sieurs bénéfices,  quoique  mariés,  el  d'exercer 
en  même  lemps  plusieurs  offices  de  cinquanle 
écus  d'or  de  revenu,  les  dispensant  de  ce  qui 
serait  dû  à  la  componende  pour  les  pensions 
ou  pour  les  bénéfices  qui  leur  seraient  don- 
nés. Il  leur  était  permis,  deux  ans  après  leur 
réception  dans  l'ordre,  de  céder  à  qui  bon 
leur  semblait  la  pension  qu'ils  en  recevaient, 
et  de  tester  de  ce  qu'ils  avaient  acquis  do 
biens  ecclésiastiques,  jusqu'à  la  somme  de 
mille  ducats  pour  chaque  office  qu'ils  au- 
raient exercé.  Ils  furent  déclarés  commen- 
saux du  pape,  scripleurs  et  camériers  apos- 
toliques. Le  pape  leur  accorda  encore  la 
préséance  sur  les  autres  chevaliers,  et  les 
exempta  de  la  juridiction  des  ordinaires,  les 
mettant  sous  la  protection  immédiate  du 
saint-siége.  Leur  obligation  était  d'exécuter 
les  ordres  du  pape  dans  les  croisades  et  dans 
les  conciles  généraux  sans  aucun  émolu- 
ment, eu  égard  aux  pensions  qu'ils  rece- 
vaient de  l'ordre;  et  ils  devaient  aussi  veiller 
à  la  défense  des  côtes  de  la  Marche  d'Aneône, 
el  principalement  de  la  ville  de  Lorette. 

Mais,  soit  que  l'on  veuille  attribuer  ces 
privilèges  aux  chevaliers  Pies  ou  aux  che- 
valiers de  l'Eperon,  les  chevaliers  Pies  n'en 
jouissent  plus,  ayant  été  supprimés,  comme 
nous  avons  dit;  et  tout  ce  que  les  chevaliers 
de  l'Eperon  en  ont  conservé  soni  les  litres 
de  comtes  du  sacré  palais  de  Latran  et  do 
Chevaliers  Dorés,  qui  leur  sont  donnés  dans 
leurs  lettres  de  réception.  Cet  ordre  même 
s'avilit  tous  les  jours  ;  car,  quoique  les  pa- 
I  es  le  confèrent  quelquefois  à  des  ambassa- 
deurs, comme  fil  le  pape  Innoecnt  XI,  l'an 
1G77,  à  un  ambassadeur  de  Venise,  l'on 
donne  aisément  à  Rome  la  croix  de  cet  ordre 
à  tous  ceux  qui  ont  cinquante  ou  soixante 
livres  pour  payer  leurs  lettres  de  réception. 
Le  pape  Paul  III,  par  une  bulle  de  l'an  1539, 
acrorda  à  Charles,  Mario,  Alexandre,  et  Paul 
Sforze  des  comtes  de  Sainte-Flore,  ses  ne- 
veux, pour  eux  et  leurs  descendants  de  légi- 
time mariage  en  ligne  masculine,  le  droit  de 
créer  des  chevaliers  de  l'Eperon  ,  comme 
aussi  de  faire  des  docteurs  en  théologie,  en 
l'un  et  l'autre  droit  et  en  médecine,  et  des 
abbés  titulaires  :  ce  qui  fut  confirmé  par  ses 
successeurs  Jules  111  ,  Grégoire  XI 11  et 
Sixte  V.  Le  duc  de  Sforze  jouit  présentement 
de  ce  droit,  et  accorde  aisément  des  lettres 
de  chevalerie  de  l'Eperon,  dont  l'exoédition 


177 


e:e 


,  il 


JTS 


ne  coule  qu'une  pislole  :  ce  qui  tait  que  l'on 
regarde  avec  inépris  ces  sortes  (ie  chevaliers. 
Les  nonces,  les  auditeurs  de  rote  et  quelques 
autres  prélats  de  la  cour  romaine  ont  aussi 
le  privilège  de  créer  chacun  deux  chevaliers 
île  l'Eperon  d"or;  c'est  pourquoi  l'on  voit  en 
France  quelques-uns  de  ces  chevaliers  qui 
ont  été  reçus  en  cet  ordre  par  des  nonces,  et 
j'ai  eu  en  main  les  lettres  d'un  de  ces  cheva- 
liers, de  l'an  1702,  que  M.  Ficscbi,  pour  lors 
nonce  en  ce  royaume,  accorda,  et  que  nous 
rapporterons  ici. 

Laurentius  Fliscus,  Dei  et  sanctœ  sedis 
aposiolicœ  gratta  archiepiscopus  Avenionen- 
jts,  sanclissimi  D.  X.  papœ  prcelatus  dome- 
sCicus  et  assislens,  ejusdem  et  sanctœ  sedis 
apud  rcgem  Christianissimum  nuntius  apo- 
stolicus  exlraordinarius.  Dilecto  nobis  in 
Christo  domino  Ludovico  ftlio  domini  Vincen- 
tii  de  Martenne,  domini  de  Puvigné,  ac  sacri 
palutii  et  aulw  Latetanensit  comitis,  mililis, 
et  eqttestris  Aureati,  satutem  in  Domino.  Sin- 
gulares  animi  lui  dotes  eximiœque  devotionis 
affectus,  quem  ad  sanctissimum  dominum  no- 
strum  pnpam  sanctamque  aposloticam  sedem 
et  nos  gerere  comprobaris,  vitœque  ac  mo~ 
rum  lionestas,  aliaque  laudabilia  probilalis  et 
virlutum  mérita,  quœ  illarum  largilor  aliis- 
simus  inpersona  lua  exubérante  gratia  cumu- 
lavit,merito  nos  inducunt  ut  personutn  eam- 
dem  dignioris  nominis  tilulo  extollamus  et 
lingulari  prœrogalïva  decoremus.  llinc  est 
quod  nos  volentes  te,  prœmissorum  tuorum 
intuitu,  specialis  cxccllcntiic  digniCate  subli- 
mare  et  cum  dignis  prosequi  favoribus,  te  Lu- 
dovicum  de  .Martenne,  dominum  de  Puvigné, 
lustrali  adoplione  filium  altissimi  potenlissi- 
mique  principis  Ludovici  Delphini  Franciœ, 
rimul  et  altùsimœ  ac  polentissimœ  principis 
Mariœ  Theresiœ  Austriacœ  Galliarum  reginœ, 
sacri  palalii  et  aulœ  Lateranensis  comitem, 
militem  et  equitem  Aurealum ,  auctoritale 
aposlolica  nobis  uli  prœsuli  assistenti  a  san- 
cta  sede  aposlolica  concessa,  qua  fungimur  in 
hue  parte,  tenore  prœsentium,  fucimus,  crea- 
tnus,  inslituimus,  deputamus,  ac  aliorum  co- 
mitum,  militum  et  equilum  Aureatorum  sacri 
palatii  et  aulœ  Lateranenris  hujnsmodi,  nu- 
méro, ordini  et  consortio  favorubtliter  aggre- 
gamiis  :  decernentes  quod  lu  ex  nunc  deinceps 
veslibtis,  cingulo,  ense  et  calcaribus  aureatis, 
torque  et  aliis  insignibus  inilitaribus,necnon  et 
omnibus  et  singulis  privilcgiis,  immunitati- 
bus,  exe<hptionibus,  honoribus,  prœcminenliis 
et  antelationibus,  quibus  alii  sacri  palatii  et 
aulœ  Lateranensis  comités,  milites  et  équités 
A  ureati  ab  eadem  sancta  sede  aposlolica  creali, 
de  jure,  usu,  consueludine,  privilegio,  aut 
alius ,  quomodolibet  utuntur,  poliuntur  et 
gaudent,  uti,  poliri  et  gaudere  posais  et  va- 
Iras,  non  obstantibus  constitutionibus  et  or- 
dinationibus  aposlolicis  cœterisque  contrariis 
tjuibuscanque.  In  quorum  omnium  et  singu- 
torum  fidem  et  lestimonium ,  hoc  nostrum 
privilegium,  manu  propria  firmatum  et  per 
infra  scriplum  secretarium  nostrum  subscribi, 
sigillique  no  s  tri  quo  in  lalibus  uti  mur,  jussi- 
mus  impressione  munir i.  Dation  Parisiis  in 
palatio  nostro,  die  28  mensii  Novembris  anno 


1702.  /..  arehiep.  Avenionen.;  et  plus  bas:/o- 
seph.  Ray  m.  Alcorambonus  secret,  et  scellé. 

Voyez,  pour  cet  ordre,  Favin ,  Théâtre 
d'honneur  et  de  chevalerie;  Bernard  Giusli- 
niani,  Ilist.  di  tutti  gli  Ord.  militari;  de 
Bellay,  Mennénius,  Herraan  et  Schoonebeck, 
dans  leurs  Ilist.  des  ordres  militaires. 

11  y  a  eu  aussi  à  Naples  un  ordre  de  l'Eperon 
institué  par  Charles  d'Anjou,  roi  de  Naples 
et  de  Sicile.  Ce  prince,  ayant  été  couronné  à 
Rome  l'an  1266,  en  partit  pour  aller  prendre 
possession  du  royaume  de  Naples.  Mainfroy, 
qui  le  lui  disputait,  ayant  succombé  dans 
une  bataille,  tout  le  royaume  se  soumit  au 
comte  d'Anjou,  qui,  pour  avoir  plus  de 
moyen  de  récompenser  la  nob'esse  qui  s'était 
déclarée  pour  lui,  établit  l'ordre  de  l'Eperon. 
Voici  de  quelle  manière  on  y  était  reçu.  Le 
chevalier  se  présentait  au  jour  marqué  dans- 
l'église  cathédrale  de  Naples,  et  là,  sur  un 
théâtre  élevé  oùétaient  le  roi,  la  reine  et  toute 
la  cour,  il  prenait  place  dans  une  chaise 
couverte  de  drap  de  soie  verte.  L'archevêque, 
en  habit  de  diacre,  accompagné  de  ses  suf- 
fraçants,  le  faisait  jurer  sur  les  saints  Evan- 
giles qu'il  ne  porterait  jamais  les  armes  con- 
tre le  roi,  s'il  n'y  était  obligé  par  son  légitime 
seigneur,  et  qu'en  ce  cas  il  rendrait  au  roi 
la  marque  de  l'ordre,  sous  peine  d'être  ré- 
puté infâme  et  mis  à  mort,  s'il  était  pion- 
nier de  guerre;  qu'il  défendrait  de  toutes  ses 
forces,  quand  il  serait  requis,  les  dames  laut 
veuves  que  mariées  et  les  orphelins  aban- 
donnés, si  leur  cause  était  juste.  Deux  che- 
valiers des  plus  anciens  le  présentaient  en- 
suite au  roi,  qui  de  son  épée  lui  louchait 
l'épaule  en  lui  disant  :  Dieu  te  fasse  bon  che- 
valier; puis  sept  demoiselles  de  la  reine,  vê- 
tues de  blanc,  venaient  lui  ceindre  l'épée; 
quatre  chevaliers  des  plus  considérables  lui 
attachaient  les  éperons  dorés,  et  la  reine  le- 
prena.  l  par  la  main  droite  et  une  autre 
dame  la  plus  considérable  par  la  gauche, 
elles  le  conduisaient  sur  un  autre  siège  ri- 
chement paré.  Alors  le  roi,  se  plaçant  à  sa 
droite,  la  reine  à  sa  gauche,  toute  leur  cour 
dans  des  sièges  au-dessous,  on  servait  une 
collation  de  sucreries,  par  où  finissait  la 
cérémonie.  On  ne  sait  point  quelle  était  la 
marque  de  cet  ordre. 

Des  Noulis,  Histoire  des  rois  de  Sicile  et 
de  Naples,  dis  maisons  d'Anjou,  pag.  138. 

DOMINIQUE  (Congrégations  diverses  de 
Saint-).  Voij.  Lombaroie. 

EPINAL,     DE     POUSSAY    ET    DE    BoUXIftHE     EN 

Lorraine,  de  Saint-Pierre  et  de  Sainte- 
Marie  a  Metz  (Chanoinesses  d'). 

Les  chanoinesses  d'Epinal  n'ont  pas  été 
moins  religieuses  dans  leur  origine  que  cel- 
les de  llcmiremont  leurs  voisines,  qu'elles 
ont  imitées  en  secouant  le  joug  de  la  règle 
de  Saint-Benoît;  et  il  en  est  de  même  de 
toutes  les  autres  dont  nous  parlerons  dans  la 
suite.  Elles  eurent  pour  fondateur  Thierri  I", 
évèque  de  Metz.  Mûrisse,  évéque  de  Ma- 
daure,  s"est  trompé  lorsqu'il  a  ilit  que  saint 
Goë'ric,  trentième  évéque  de  Metz,  qui  uiou- 


179  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 

rut  i'an  654,  fonda  un  monastère  à  Epinal 
en  l'honneur  de  saint  Maurice  et  en  faveur 
de  ses  deux  filles,  dont  l'aînée,  nommée  Pré- 
cie,  fut  la  première  supérieure;  et  que  cette 
abbaye,  située  sur  le  bord  de  la  Moselle, 
s'est  rendue  recommandablc  par  la  multitude 
des  dames  ou  des  religieuses  qui  s'y  sont 
retirées,  par  sa  grandeur,  son  étendue  et  les 
grands  biens  qu'elle  possédait  :  ce  qui  y  a 
attiré  tant  de  monde,  qu'on  y  a  bâti  une  ville 
à  l'entour  qui  se  nomme  Epinal,  et  que 
quelques  historiens  tiennent  que  c'est  de  là 
que  celte  ville  appartenait  auirefois  aux  évo- 
ques de  Metz.  Il  donne  assez  à  connaître 
qu'il  reconnaît  aussi  ce  saint  pour  le  fonda- 
teur de  cette  ville,  puisque  dans  la  table  des 
matières,  parlant  d'Epinal,  il  dit  positive- 
ment que  cette  ville  fut  bâtie  par  saint  Goë- 
ric.  Cependant  il  est  certain  que  non-seule- 
ment la  ville  d'Epinal,  mais  même  l'abbaye 
qui  porte  présentement  le  nom  de  ce  saint, 
n'ont  été  fondées  que  plus  de  trois  cents  ans 
après.  Ce  fut  Déoderic  ou  Thierri  I",  évêque 
de  Metz,  qui  fonda  l'une  et  l'autre  vers  l'an  983. 
Cequc  l'évêquedeMadaure  reconnaîtenquel- 
que  façon  :  car,  lorsqu'il  dit  qu'il  y  a  des 
mémoires  qui  portent  que  Thierri  ,  outre 
l'abbaye  de  Saint-Vincent,  qu'il  avait  fondée 
â  Metz,  en  fonda  encore  une  autre  à  Chau- 
mont,  cette  fondation  ne  peut  être  autre 
chose  que  celle  de  l'abbaye  d'Epinal,  puis- 
qu'elle fut  bâtie  au  territoire  de  Chaumout 
dans  le  diocèse  de  Toul.  Ce  qui  prouve  que 
saint  Goëric  n'a  point  été  le  fondateur  ni  de 
la  ville  ni  de  l'abbaye  d'Epinal,  c'est  que, 
lorsque  les  bourgeois  d'Epinal,  las  de  la  do- 
mination des  évêques  de  Metz,  se  donnèrent, 
l'an  1444,  à  Charles  VII,  roi  de  France,  et 
lui  prêtèrent  serment  de  fidélité,  Conrard 
Bayer  de  Poppart,  évêque  de  Metz,  ayant 
demandé  au  roi  la  restitution  d'Epinal,  et 
voulant  prouver  qu'elle  avait  toujours  ap- 
partenu aux  évêques  de  Metz,  qui  en  avaient 
été  les  fondateurs ,  ne  remonta  point  au 
temps  de  saint  Goëric  pour  prouver  son  an- 
tiquité, mais  bien  au  temps  de  Thierri  1", 
qui  en  était  le  premier  fondateur,  aussi  bien 
que  de  l'abbaye. 

Thierri  I"  ayant  donc  fondé  la  ville  et 
l'abbaye  d'Epinal  vers  l'an  983,  comme  nous 
l'avons  dit,  fit  transporter  de  Metz  le  corps 
de  saint  Goëric,  qui  avait  toujours  reposé 
dans  l'église  de  Sainl-Symphorien,  et  le  mit 
dans  le  nouveau  monastère  d'Epinal,  auquel 
il  donna  le  nom  de  ce  saint.  Ce  prélat  étant 
mort  avant  d'avoir  mis  dans  ce  monastère 
des  personnes  qui  y  chantassent  les  louanges 
du  Seigneur,  saint  Adalbéron  II  y  assembla 
d'abord  des  clercs,  et  donna  ensuite  ce  mo- 
nastère à  des  religieuses  de  l'ordre  de  Saint- 
Benoît.  C'est  ce  qui  paraît  par  la  Vie  de  ce 
saint,  écrite  par  Richer,  abbé  de  Saint-Sym- 
phorien  de  Metz,  auteur  contemporain,  dont 
l'original  est  chez  les  Pères  Carmes  Dé- 
chaussés de  Clermont  en  Auvergne,  et  dont 


180 

il  y  a  une  copie  à  la  bibliothèque  du  Roi  (1). 
Primo  quidam  clericorum  conventum  ad  om- 
nipotentes l)ei  honorem  coadunavit  ;  post, 
gloriam  Divinilatis ,  quantum  in  homine  est 
tolis  viribus  omnique  conamine  g  es  tiens,  an- 
cillas  Chrisli  sub  reguiari  vita  et  sub  instilu— 
tione  Palris  nostri,  beati  scilicet  Benedicti, 
bene  edoctas,  Deo  et  sancto  Goerico  povtifici 
servire  destinavit ,  dans  pradia  et  possessio- 
nes,  quibus  sine  inopia  et  sine  indigenlia  vl- 
vere  passent.  Les  papes  Alexandre  III,  Ho- 
norius  III,  Lucius  III,  et  plusieurs  autres 
pontifes  ,  prirent  ce  monastère  sous  leur 
protection. 

Charles  VII,  roi  de  France  ayant  pris  pos- 
session de  la  ville  d'Epinal,  en  ikkk,  con- 
firma à  ces  religieuses  tous  leurs  privilèges, 
franchises,  libertés,  droits  et  prérogatives, 
dont  elles  jouissaient,  par  ses  lettres  don- 
nées à  Epinal  la  même  année;  et  p£,r  d'au- 
tres lettres  il  les  prit  sous  sa  protection  et 
sauvegarde,  aussi  bien  que  leurs  chanoines, 
chapelains  ,  et  autres  personnes  de  leur 
église,  et  tous  leurs  officiers,  serviteurs  et 
vassaux,  leur  départant  pour  gardiens  spé- 
ciaux les  baillis  et  prévôts  de  Sens,  de  Cliau- 
mont  et  d'Epinal. 

Leur  église  avait  le  litre  de  collégiale. 
C'est  ce  qui  se  prouve  par  un  acte  (2)  de  la 
prise  de  possession  de  la  ville  d  Epinal  et  de 
ses  dépendances,  par  Nicolas,  marquis  de 
Pont-à-Mousson,  au  nom  de  Jean,  duc  de 
Calabre  et  de  Lorraine,  son  père,  et  du  ser- 
ment de  fidélité  et  d'obéissance  prêté  entre 
ses  mains  par  les  bourgeois  d'Epinal  (3), 
qui  s'étaient  donnés  au  duc  de  Lorraine, 
après  que  le  roi  de  France  Louis  XI  eut 
cédé  leur  ville  à  Thibaut,  seigneur  de  Neuf- 
châtel,  deChâlel-sur-Moselle,  et  maréchal  de 
Bourgogne,  qu'ils  ne  voulurent  point  re- 
connaître pour  souverain;  lequel  acte  est 
passé  par-devant  quatre  notaires,  qui  pren- 
nent la  qualité  de  nolaires  apostoliques  et 
impériaux  en  l'église  collégiale  de  Saint- 
Goëric  d'Epinal.  Mais  quoique  leur  église  eût 
le  tiire  de  collégiale,  ces  chanoinesses  se  di- 
saient toujours  religieuses,  car  l'an  iklk, 
René,  duc  de  Lorraine,  suivant  le  droit  qu'il 
avait  à  son  joyeux  avènement  à  son  duché(4), 
de  pouvoir  placer  en  chaque  monastère  de 
ses  Etats  une  religieuse,  présenta  à  l'abbesse 
d'Epinal,  Alix,  fille  de  Louis,  seigneur  de 
Dommartin  et  d'Isabelle  du  Châtelet  son 
épouse,  pour  être  reçue  dame  et  religieuse 
en  ce  monastère,  en  faisant  par  elle  les  droits 
appartenant  à  cette  église,  et  lui  donner  et 
délivrer  tous  les  bins,  profits,  honneurs  et 
émoluments  que  les  dames  présentées  par  ses 
prédécesseurs  y  avaient  pris  et  reçus.  Mais 
dans  la  suite  elles  ont  pris  le  nom  de  cka- 
noinesses.  Elles  sont  au  nombre  de  vingt. 
Leur  habillement  de  chœur  esl  semblable  à 
celui  des  chanoinesses  de  Remirimont;  l'ab- 
besse, la  doyenne,  et  la  secrelle,  au  lieu  de 
couvre-chef,  ont  une  espèce  de  guimpe,  et 


(I)  Manuscrits  de  du  Cliène,  à  la  bibliothèque  du 
Roi,  vol.  XII. 

(i)  Inventaire  des  litres  de  Lorraine  ou  Trésor  des 


Charles  du  roi.  Layette,  Epinal,  n.  117. 
(3UMd.,  n.  113. 
(i)  Ibid.,  lï.   !52 


m  eii 

l'abbesse,  aussi  bien  que  les  autres  chanoi- 
nesses,  portent  en  tout  temps  et  en  tout  lieu 
un  ruban  bleu  de  la  largeur  de  quatre  doigts, 
par-dessus  l'épaule  droite  jusqu'à  la  hanche 
gauche,  ;rvec  un  nœud  au  bout. 

Joan.  Mabill.,  Annal.  Ord.  S.  Bened.  tom. 
W,pag.  21.  Mûrisse,  Histoire  des  évéques  de 
Metz;  et  Inventaire  des  titres  de  Lorraine, 
au  Trésor  des  chartes  du  roi. 

Il  y  a  encore  en  Lorraine  deux  autres 
chapitres  de  ebanoinesses  séculières,  l'un 
à  Poussay,  proche  la  ville  de  Mirecourt, 
Taure  à  Bousières,  à  une  lieue  de  Nancy. 
Herman,  évéque  de  Toul,  avait  jeté  les  fon- 
dements du  monastère  de  Poussay  dans 
un  1  eu  appelé  Port-Suave ,  qu'on  a  depuis 
nommé  Poussai/;  mais  ce  prélat  étant  mort 
en  102(3,  son  successeur,  saint  lïrunon,  qui 
fut  depuis  pape  sous  le  nom  de  Léon  IX, 
le  lit  achever,  et  y  mit  des  religieuses,  qui 
dans  la  suite  ont  vécu  en  séculières,  sous  le 
nom  de  ebanoinesses.  Celles  de  Bouxiùres 
furent  aussi  fondées  par  un  évéque  de  Toul, 
nommé  Gozelin,  au  commencement  du  dou- 
zième siècle.  Elles  étaient  autrefois  reli- 
gieuses de  l'ordi  e  de  Saint-Benoît  ;  mais  elles 
ont  secoué  le  joug  de  celte  règle  pour  se  sé- 
culariser sous  le  nom  de  ebanoinesses. 

Les  chanoinesses  de  Saint-Pierre  et  de 
Sainte-Marie  à  Metz  ne  peuvent  pas  nier 
qu'elles  n'aient  été  filles  de  Saint-llenoîl, 
puisque  ce  n'est  que  de  nos  jours  qu'elles 
ont  pris  le  nom  de  ebanoinesses,  et  qu'elles 
ont  renoncé  aux  vœux  solennels.  L'abbaye 
de  Saint-Pierre  est  très-ancienne;  l'on  pré- 
tend qu'elle  fut  fondée  par  Eleùthère,  duc  du 
palais  des  Fiançais  ,  sous  les  règnes  de 
Thierry  et  de  Théodebert,  enfants  de  Cbilde- 
bert,  et  qu'il  assigna  à  ce  monastère  des 
fonds  suffisants  pour  l'entretien  de  trois 
cents  religieuses,  auxquelles  il  donna  sainte 
Waldrée  pour  abbesse.  Ce  monastère  fut 
d'abord  appelé  Uaul-Moutier  ou  Marmou- 
licr,  et  les  religieuses  y  vécurent  avec  beau- 
coup de  régularité;  mais  elles  avaient  déjà 
quitté  la  lègle  de  Saint -Benoit  dans  le 
dixième  siècle,  lorsqu'Adalbéron  lr,  évoque 
de  Metz,  employa, l'an  960,  l'autorité  de  l'em- 
pereur Olhon  pour  obliger  ces  religieuses  à 
reprendre  leur  règle.  Elles  tombèrent  en- 
core dans  le  relâchement  quelques  années 
après  :  ce  qui  obligea  l'évèque  Adalbéron  11, 
vers  l'an  1000,  d'y  apporter  la  réforme.  Et 
comme  le  grand  nombre  de  religieuses  qui 
étaient  dans  ce  monastère  pouvait  causer  de 
la  confusion,  il  fil  bâtir  un  autre  monastère 
à  côté  de  celui  de  Saint-Pierre  pour  y  mettre 
une  partie  de  ces  religieuses,  et  servir  de 
noviciat  à  celles  qui  y  voudraient  faire  pro- 
fession de  la  vie  monastique.  11  fit  bâtir  d'a- 
bord un  oraloire,  qu'il  dédia  en  l'honneur 
de  la  sainte  Vierge,  et  y  fit  mettre  un  cru- 
cifix, devant  lequel  les  novices  faisaient  leurs 
vœux  solennels  :  ce  qui  fit  donner  le  nom 
de  Bénit-Vœu  à  la  rue  où  ce  monastère  était 
situé;  et  les  gens  simples  appelèrent  ce  cru- 

(1)  Franc.  Mod.  de  Ord.  Eccles.  Orig. 

(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vel.,  h'  S.j. 


ESC 


182 


cifix  saint  Bénit- Vœu,  ce  nom  lui  élanl  resté 
jusqu'à  présent.  Lorsque  l'on  bâtit  la  cita- 
delle de  Metz,  en  1560,  ce  monastère  fut 
ruiné,  et  les  religieuses  lurent  transférées  en 
une  maison  qui  appartenait  aux  chevaliers 
de  Malle,  appelée  le  Petit-Saint-Jean.  Jus- 
que-là elles  avaient  été  soumises  au  monas- 
tère de  Saint-lierre,  qui  fut  aussi  transféré 
dans  la  ville;  mais  elles  se  sont  soustraites 
de  son  obéissance.  Plusieurs  évoques  ont 
tâché  inutilement  de  rétablir  la  discipline  ré- 
gulière dans  ces  deux  abbayes;  mais  les  re- 
ligieuses, bien  loin  d'observer  la  clôture,  et 
de  reprendre  les  observances  régulières,  ont 
voulu  vivre  en  séculières  el  en  porter  l'habit. 
Elles  ont  au  chœur,  comme  les  ebanoinesses 
de  Bemircmont ,  de  Poussay  et  de  Bouxiè- 
res, un  grand  manteau  doublé  d'hermine  : 
celles  de  Saint-Pierre  vont  à  certains  jours 
en  procession  avec,  les  chanoines  de  la  ca- 
thédrale. 

Joan.  Mabil'on,  Annal.  Bened.  t.  III  et  IV. 
Antoine  Yepez,  Citron,  génér.  de  l'Ord.  de 
Saint-Benoît,  t.  Il  et  V.  Mûrisse,  Histoire 
des  évéques  de  Metz. 

EB.M1TFS.  Voyez  leurs  noms  spéciaux, 
par  exemple:  Augustin  (Ermites  de  Saint-); 
Jean-Bapiistk  (Ermites  de  Saint-)  ,  etc. 
Voyez  aussi  la  Dissertation  préliminaire,  et 
le  Supplément. 

ERMITES  SERVITES.   Voyez  Servîtes. 
ESCLAVES  DE   LA  VERTU.   Voyez  Hache. 

ESCLAVONS  (Moines). 

Quelques  auteurs,  comme  Modius  et  Dam- 
man  (1),  ont  parlé  d'un  ordre  de  moines 
Esclavons  dont  l'habillement,  à  ce  qu'ils  pré- 
tendent, était  rouge,  mais  ils  n'ont  rien  dit 
de  son  origine;  et  Abraham  Bruin,  Josse 
Ammanus,  Michel  Colyn  el  Scboonebcck,  onl 
donné  l'habillement  d'un  de  ces  moines  tel 
que  nous  l'avons  fait  aussi  graver  (2).  Ce 
qui  est  certain,  e'esl  qu'il  y  avait  en  Bohême 
et  en  Pologne  des  moines  qui  célébraient 
l'office  divin  en  langue  esclavone.  Leur 
monastère  de  Pologne  était  situé  hors  les 
murs  de  Cracovie,  au  faubourg  de  Cléparz, 
et  fut  fondé,  sous  le  titre  de  Sainte-Croix,  par 
Ladislas  IV,  roi  de  Pologne,  l'an  138i)  ou 
1390.  Ces  moines  furent  tirés  d'un  monastère 
qu'ils  avaient  à  Prague,  et  par  leur  fonda- 
lion  ils  étaient  obligés  de  célébrer  les  divins 
offices  en  langue  esclavone.  C'est  ce  que 
nous  apprenons  de  Dugloz,  de  Miechovila  et 
deCromerius,  historiens  polonais. 

Dugloz,  qui  écrivait  vers  le  milieu  du  sei- 
zième siècle,  et  qui  met  la  fondation  de  ce 
monastère  de  Cléparz  en  l'an  1289,  dit  (3)  que 
de  son  temps  les  moines  qui  y  demeuraient 
faisaient  encore  l'office  divin  en  langue  escla- 
vone: Wladislaus  secundus  Polonia-rex  eum 
consorle  sua  Hedwigi  excitati  enmplari  si- 
mili quod  in  civitate  Pragensi  habelur  mona- 
sterium  Slavorum  ordinis  S.  Bcnedicli,  et  sub 
ejus  regùlari  observanlia  duraturum,  sub  ho- 
nore et  titulo    Sanctœ   Crucis    extra  muras 

(5)  Dugloz,  ff'iif.  Polo».,  lib.  x,  png.  127. 


*83 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


184 


Cracovienses  in  oppido  CUparz,  non  lange  u 
flumine  Rudawrt  sub  pontificatu  Pelri  Vilz 
episcopi  Cracoviensis,  fundant  et  coudant  et 
dotant,  et  pulcherrimo  muro  latericio,  circui- 

tum Fratresque  ex  monastcrio   Pragensi 

samptus  ad  illam  intrvducunt n  quibus  us- 

que  ad  mea  tempora  et  sub  oculis  mois  ecclesia 
illa  Sanclœ  Cruels,  et  in  re  divina,  et  in  ma- 
tutinis,  horisque  canonicis,  cœleris/ue  cccle- 
siasticis  cœremoniis,  sonoro  cantu  et  leclione 
idiomate  slavonico  per  monachos  fratresque 
S.  Benedicti  officiabatur  et  administrabatur. 

Miechovîta,  qui  écrivait  plusieurs  années 
après  Dugloz,  dil  (1)  aussi  que  ces  religieux 
suivaient  la  règle  de  Saint-Benoîl,  qu'il  lurent 
fondés  l'an  13'JO,  et  que  dans  sa  jeunesse  il 
n'y  avait  plus  qu'un  prêtre  qui  célébrait  dans 
ce  monastère  la  messe  en  langue  eselavone  : 
Anno  Do  mini  1390,  feria  quinta  post  festum 
sancti  Jacobi  apostoli,  rex  WladUlaus  eum 
sua  consorte  Hedwiyi  monasterium  Slavorum 
ord.  S.  Benedicti  ex  Praga  sumptorum  tituli 
S.  Crucis  extra  muros  Cracovienses  in  oppido 

Cleparz  fuhdav'erunl Ut  voce  sonora  tain 

horas  canonicas  quant  missas  in  idiomate  Sla- 
vonico celebrarml  et  expièrent tenon  in 

diebus  pueritiœ  meœ,  presbyter  Slavus  idio- 
mate Slavonico  conlinuabat. 

J'ai  écrit  en  Pologne  pour  savoir  s'il  ne 
serait  point  resté  dans  cette  église  de  Sainte- 
Croix  du  faubourg  de  Cléparz  à  Cracovie, 
quelques  amiens  monuments  qui  pussent 
donner  une  plus  ample  connaissance  de  ces 
moines  Esclavons  ;  et  les  mémoires  qui  m'ont 
«té  envoyés  de  ce  pays  en  1712  marquent 
que  celle  église  ayant  été  rebâtie  nouvelle- 
ment, i!  ne  s'y  trouve  plus  aucun  tableau  ni 
écrit  esclavon  qui  fasse  mention  des  moines 
qui  l'ont  possédée.  Il  est  encore  marqué  dans 
ces  mémoires  qu'il  y  a  à  Cracovie  des  per- 
sonnes Âgées  qui  dirent  que  devant  la  pre- 
mière puerre  des  Suédois  on  faisait  dans 
cette  église  des  prédications  en  langue  esela- 
vone, et  qu'il  y  a  des  act<  s  qui  portent 
qu'elle  a  été  desservie  par  des  moines  de 
Saint-Basile  qui  suivaient  le  rite  grec.  Il  se 
peut  faire  que  quelques  moines  Moscovites, 
qui  sont  tous  de  l'ordre  de  Saint-Basile, 
ayant  embrassé  la  religion  catholique,  aient 
quitté  leur  pays  pour  s'établir  en  Bohême  , 
où  ils  ont  eu  la  permission  de  suivre  le  rile 
grec  et  de  célébrer  l'office  divin  en  langue 
eselavone  selon  l'usage  de  Moscovie ,  et 
qu'il  aient  passé  ensuite  en  Pologne,  où  ils 
ont  été  appelés  et  établis  à  Cracovie  par  le 
roi  Ladislas  IV,  que  quelques-uns  disent 
u'avoirété  que  le  deuxième  du  nom. 

Ce  qui  me  fait  croire  que  ces  moines  Escla- 
vons, ainsi  appelés  apparemment  à  cause 
qu'ils  célébraient  leur  office  et  messe  en  lan- 
gue eselavone ,  pouvaient  être  sortis  de 
Moscovie,  est  la  couleur  de  leur  habillement, 
<jui  était  rouge  ;  car  les  moines  Moscovites 
eiaient  ainsi  habillés  anciennement;  c'est 
pourquoi  j'ai  mis  ces  moines  Esclavons  au 
rang  des  religieux  de  Saint-Basile,  quoique 
Dugloz,  Miechovilaet  quelques  autres  histo- 


riens polonais  disent  qu'ils  suivaient  la  règle 
de  S  lint-Benoît.  Le  motif  qui  peut  avoir  porté 
le  roi  I.adislas  à  établir  ces  moines  en  Polo- 
gne, et  à  les  obliger  à  célébrer  leur  office  en 
langue  eselavone,  est  peut-être  à  cause  que 
la  langue  i  olonaise,  de  même  que  la  bohé- 
mienne et  la  moscovite,  tire  son  origine  de 
Pesclavone.  Nous  avons  dit  ci-devant  à  l'ar- 
ticle Basile  que  les  moines  de  Saint-Basile 
dans  la  Uussie-BIanche  ou  petite  Russie, 
province  de  Pologne  qui  appartenait  autre- 
fois aux  Moscovites,  disent  encore  leur  office 
en  langue  eselavone,  en  suivant  toujours 
le  rite  grec,  et  qu'ils  ne  renoncèrent  à  leurs 
erreurs  que  l'an  1 59'i-.  C'est  ce  qui  nous  con- 
firme dans  l'opinion  que  nous  avons  que  ces 
moines  Esclavons  qui  s'établirent  en  Bohênio 
et  en  Pologne  pouvaient  avoir  été  des  moi- 
nes Moscovites  ou  llussicns  qui  avau  nt  aussi 
renoncé  à  leurs  erreurs. 

ESPRIT  (Chanoines  réguliers  Associés  de 
l'ordre  du  Saint-) 

On  sait  qu'il  y  a  eu  des  chanoines  régu- 
liers sous  le  nom  d'Associés  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit;  mais  on  ignore,  et  l'année  et 
le  lieu  de  leur  établissement,  et  ce  qu'ils  sont 
devenus.  Il  y  a  néanmoins  bien  de  l'appa- 
rence qu'ils  ont  subsislé,  puisque  l'on  trouve 
plusieurs  éditions  de  leurs  constitutions  , 
dont  deux  se  trou  vent  à  la  bibliothèque  du  Roi, 
l'une  de  Paris,  m-12°,  de  l'année  1583, et  l'au- 
tre aussi  de  Paris,  in-k°,  de  l'année  1G30.  Ces 
constitutions  furent  approuvées  par  l'arche- 
vêque de  Rouen,  les  évêques  de  Bayeux  et 
de  Coutance,  et  par  plusieurs  docteurs, 
comme  il  paraît  par  l'épîlre  dédicatoire  de 
ces  constitutions. 

C'est  dans  cette  épître  dédicatoire,  adres- 
sée le  4  novembre  1588  au  pape  Sixte  V, 
que  le  fondateur  de  ces  chanoines  se  fait 
connaître.  11  se  nommai!  Jean  Herbel  et  était 
Lorrain  ;  il  dit  au  pape  que  sa  mère,  étant  en- 
ceinte de  lui,  le  consacra  à  Dieu  ;  que  dans 
sa  jeunesse  Dieu  lui  inspira  un  grand  zèle 
pour  son  service,  et  qu'il  eut  toujours  beau- 
coup d'aversion  pour  tout  ce  qui  élait  con- 
traire à  ses  commandements  et  à  ceux  de 
l'Eglise  ;  que  depuis  vingt-six  ans,  ou  envi- 
ron, il  avait  fait  serment  de  s'opposer  forte- 
ment jusqu'à  la  mort  aux  hérétiques,  aux 
méchants  catholiques,  aux  ecclésiastiques 
impudiques,  ivrognes,  avares,  et  qui  négli- 
geaient le  service  divin;  que  depuis  vingt- 
deux  ans  il  avait  tous  les  jours  célébré  la 
sainte  messe,  excepté  seulement  trois  jours 
qu'il  en  avail  été  empêché  par  des  personnes 
qui  s'opposaient  à  son  institut,  et  qu'il  aimait 
mieux  mourir  que  d'être  privé  pendant  un 
seul  jour  d'offrir  le  sacrifice  adorable  de  nos 
aulels  ;  qu'enfin  il  avait  été  inspiré  de  Dieu 
d'instituer  sa  congrégation,  qui  est  divisée 
en  une  confraternité  et  en  un  ordre  de  cha- 
noines du  Saml-Esprit;  que  la  confraternité 
est  pour  tous  les  catholiques  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe;  qu'elle  était  déjà  fort  étendue 
en  Normandie,  principalement  dans  le  dio- 


(,l)Matli,  de  Miecuovita,  Chron.  P-olon.,   lib.  x,  cap.  49. 


183 


ESP 


ESP 


180 


cèse  de  Coutance,  et  que  les  statuts  en 
avaient  été  approuvés  par  le  cardinal  de 
Iiouibon,  archevêque  de  Kouen,  par  les  évè- 
ques  de  Coulance  et  de  Bayeui  et  par  plu- 
sieurs docteurs  en  théologie  des  universités 
de  Paris  et  de  Caen  ;  et  il  présente  ces  sta- 
tuts au  pape,  avec  ceux  qu'il  avait  dressés 
pour  les  chanoines,  pour  en  avoir  la  confir- 
mation de  ce  pontife;  mais  nous  ne  savons 
pas  s'il  la  lui  donna. 

Conformément  à  ces  constitutions,  ces 
chanoines,  s'ils  étaient  prêtres,  devaient  cé- 
lébrer la  messe  tous  les  jours;  et  s'ils  ne 
l'étaient  pas,  ils  devaient  en  entendre  une 
tous  les  jours,  et  plutôt  deux  les  fêles  et  les 
dimanches.  Ils  s'employaient  à  l'instruction 
de  la  jeunesse  ;  c'est  pourquoi  ils  avaient  des 
collèges,  et  dans  ceux  où  ils  n'avaient  pas 
beaucoup  d'écoliers,  ils  pouvaient  chanter 
tous  les  jours  l'office  divin  à  l'église,  si  quel- 
que fondateur  le  demandait,  et  seulement  les 
fêtes  et  dimanches  dans  les  collèges  où  ils 
avaient  beaucoup  d'occupation.  Les  reli- 
gieux de  la  communauté,  et  même  les  do- 
mestiques, devaient  faire  abslinence  tous  les 
mercredis  de  l'année.  Si  l'on  ne  trouvait  pis 
de  poisson,  ils  devaient  se  contenter  de  lé- 
gumes. En  mémoire  de  la  passion  de  Notre- 
Seigneur.  ils  jeûnaient  tous  les  vendredis,  à 
moins  qu'il  ne  se  rencontrât  un  jeûne  d'Eglise 
dans  la  semaine,  et  il  était  libre  à  un  chacun 
de  s'abstenirde  vin  le  vendredi,  par  mortifica- 
tion, et  de  jeûner  pendant  l'a  vent  :  personne 
n'était  aussi  obligé  au  jeûne  depuis  Pâques 
jusqu'à  la  Pentecôte;  et  si,  étant  en  voyage 
nu  pour  quelque  autre  raison,  ils  ne  pou- 
vaient satisfaire  au  jeûne  du  vendredi  et  à 
l'abstinence  du  mercredi,  ils  devaient  dire 
ou  les  sept  psaumes  avec  les  litanies,  ou 
trois  fois  le  chapelet,  ou  donner  cinq  sols 
aux  pauvres  de  ce  qu'on  leur  accordait  pour 
leur  usage,  et  dans  ce  nombre  étaient  com- 
pris les  curés  et  les  vicaires  qui  étaient  oc- 
cupés à  administrer  les  sacrements  aux  fi- 
dèles. Tous  les  dimanches  ils  se  confessaient 
è  un  prêtre  de  la  congrégation,  et,  hors  le 
collège,  à  un  aulre  prétie  approuvé  par  l'é- 
vèque,  et  au  moins  tous  les  ans  ils  devaient 
faire  une  confession  générale  à  leur  provin- 
cial ou  à  son  vicaire.  Ceux  qui  n'étaient  pas 
dans  les  ordres  sacrés  communiaient  seule- 
ment une  fois  le  mois  ;  ceux  qui  étaient  dans 
les  ordres  sacrés,  toutes  les  semaines,  prin- 
cipalement les  dimanches  et  les  fêles,  afin  de 
s'accoutumer  à  s'approcher  de  la  sainte  ta- 
ble, où  ils  devaient,  étant  prêtres,  tous  les 
jours  célébier  la  messe.  Tous  les  prêtres  , 
diacres,  sous-diacres  et  bénéficiers,  étaient 
obligés  de  réciter  ou  chanter  les  heures  ca- 
noniales ;  et  ceux  qui  n'avaient  pas  les  or- 
dres sacrés ,  seulement  l'office  du  Saint- 
Esprit,  ou  de  la  sainte  Vierge,  ou  les  sept 
psaumes  de  la  pénitence.  11  y  avait  des 
heures  destinées  pour  l'oraison  mentale,  et 
l'examen  de  conscience  se  faisait  soir  et 
matin.  Leur  habillement  devait  être  honnête, 
semblable  à  celui  des  chanoines,  des  doc- 
teurs, ou  des  régents  des  universités,  sans 
aucune  superflui  è;  ils  avaient  toujours   le 


bonnet  carré  dans  la  maison,  et  ne  portaient 
le  chapeau  que  quand  ils  sortaient,  et  ils 
mettaient  à  leur  mu  une  croix  d'or  ou  d'ar- 
gent, selon  la  qualité  des  personnes,  et  ils 
la  pouvaient  attacher  sur  leur  habit  exté- 
rieur, avec  la  figure  du  Saint-Esprit  en  forme 
de  colombe  descendant  sur  les  apôtres.  Voilà 
tout  ce  que  nous  savons  de  ces  chanoines  ; 
nous  donnons  seulement  encore  ici  la  for- 
mule de  leurs  vœux. 

Ego  N.,  licel  non  tint  dignus  conspectu  Dei 
optimi  marimi,  tamen  infini  la  ejus  bonitate 
et  cletnentia,  hodie  professtonem  fario  in  or- 
dine  Spirilus  Sancti,  eique  in  eo  volum  facio 
sol  inné  ac  prrpetuum  obedientiœ  et  castitatis 
et  abdicationis  proprietatis  bonorum  tempo- 
ral ium  coram  cœlesti  curia  etmilitanti  Eccle- 
sia  inter  manus  tuas  (R.  domine)  eique  et  tibi 
et  toti  associa'.ioni  Spirilus  Sancti,  sancte 
promitto  et  juro  et  vovea  me  perpetuo  in  ea 
victui nm,  serviens  Deo  et  Ecclesia?  Christianœ 
et  eathulicœ,  apostolicœ  et  Itomanœ,  usque  ad 
mortem,  omnia  intelligendo,  fidemque,etpie- 
tatem,  et  mores,  et  Studio  mea  dirigendo  juxta 
ejus  associationis  constitutions!  n  M.  Joanns 
Herbetio  per  gratiam  Dei  institutore prœscri- 
ptas,  et  a  summo  pontifice  probalas  aut  per- 
missas.  A  tua  ergo  immensa  bonitate  et  cle- 
mentia  Itumiliter  pelo  [optime  et  clementis- 
sime  Deus)  ut  qui  mihi  ile^listi  hoc  sanclum 
desideriutn,  sic  eliam  a'I  id  melius  et  saluta- 
rius,  inlegrius  et  prnmptius  adimplendum, 
gratia  Sptritus  sancti,  ub  riorcs  mihi  bénigne 
largiaris  ad  majorent,  sanctiorem  et  clariorem 
Dà  Patris,et  F ilii,  et  Spirilus  sancti  gloriam, 
et  populi  Cliristiani ,  potissimum  associationis 
Spirilus  Sancti,  sanctaminstitutionem,  incre- 
mentum  acdignitntem  et  menm  plurimorumque 
salutem.  Amen.  On  peut  consulter  les  Constitu- 
tions de  celte  congrégation,  qui  sont  sous  le 
titre  de  Libri  1res  de  Legibus  Crllegiorum 
Qrdinis  Canonicorum  S.  Spirilus,  institua 
tore  Joanne  Herbetio. 

ESPRIT  (Chevaliers  de  l'ordre  du  Saut-), 
en  France. 
Henri  III,  roi  de  France  et  de  Pologne,  pas- 
sant par  Venise  à  son  retour  de  Pologne 
pour  venir  prendre  possession  de  la  cou- 
ronne de  France,  la  république  de  Venise 
lui  fit  présent  de  l'original  des  slatuls  de 
l'ordre  du  Sainl-Esprit-au-Droil-Désir,  ap- 
pelé aussi  du  Nœud,  dont  Louis  de  Tarenle, 
roi  de  Jérusalem  et  deSieile,  époux  de  Jeanne 
1",  reine  de  Naples,  avait  élé  l'instituteur, 
et  lui  avait  donné  le  nom  du  Saint-Esprit,  à 
cause  que  le  jour  de  la  Pentecôte  il  avait  élé 
couronné  roi  de  Jérusalem  et  de  Sicile.  C'est 
ce  qui  fit  naître  la  pensée  à  Henri  III  d'insti- 
tuer aussi  un  ordre  militaire  sous  le  nom  du 
Saint-Esprit,  à  eause  que  le  jour  de  la  Pente- 
côte de  l'année  1573  il  avait  été  élu  roi  de  Po- 
logne, et  qu'il  avait  succédé  au  royaume  de 
France  à  pareil  jour  de  l'année  suivante 
157i,  après  la  morlde  Charles  IX,  son  frère. 
Le  Laboureur,  dans  ses  Additions  aux  Mé- 
moires de  Caslelnau,  dit  que  ce.  prince, ayant 
reçu  de  la  république  de  Venise  les  statuts 
de  l'ordre  du  Saint-Esprit  au-Proit  Désir,  ius- 


187 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


titué  par  Louis  de  Tarenle,  résolut  de  s'ap- 
proprier cet  ordre,  comme  s'il  avait  été  de 
son  invention,  et  qu'après  avoir  copié  e' 
commenté  les  statuts,  il  donna  ordre  au 
chancelier  de  Chiverny  de  les  brûler;  mais 
que  ce  ministre  se  fit  une  conscience  de  faire 
périr  un  si  rare  manuscrit,  lequel,  outre  le 
mérite  de  son  sujet  et  de  son  antiquité,  était 
encore  fort  estimable  pour  les  belles  minia- 
tures en  vélin  où  l'on  voit  ce  qui  est  contenu 
en  chaque  chapitre  de  ces  statuts;  que  ce  li- 
vre échut  ensuite  en  partage  à  Philippe  Hu 
raut,  évêque  de  Chartres,  fils  du  sieur  dr 
Chiverny,  etqu'il  tomba  enfinenlre  les  mains 
de  M.  le  président  de  Maisons.  Ainsi,  selon 
cet  auteur,  l'ordre  du  Saint-Esprit  de  Fiance 
n'est  autre  chose  que  celui  deNaples;  ce 
qui  ne  paraît  pas  vraisemblable  :  car  si  l'on 
compare  les  statuts  de  l'un  avec  ceux  de 
l'autre,  il  est  facile  de  juger,  par  la  diffé- 
rence qui  s'y  trouve,  que  ces  deux  ordres 
ont  été  faits  indépendamment  l'un  de  l'autre, 
la  conformité  qui  s'y  rencontre  ne  consis- 
tant uniquement  qu'en  ce  que  Louis  de  Ta- 
rente  et  Henri  III  curent  !e  même  motif  en 
les  instituant,  le  premier  ne  l'avant  fait  qu'à 
cause  qu'il  avait  été  couronné  roi  de  Jérusa- 
lem et  de  Sicile  le  jour  de  la  Pentecôte,  et 
que  Henri  III  à  pai  cil  jour  avait  été  élu  roi 
de  Pologne,  et  qu'il  avaitsuccédé  au  royaume 
de  France,  ce  qui  n'était  pas  une  raison  assez 
forte  pour  l'obliger  à  supprimer  les  statuts 
de  l'ordre  du  Sainl-Esprit-au-Droit-Désir  . 
afin  d'en  abolir  la  mémoire,  qui  d'ailleurs 
se  serait  conservée  par  les  monuments  qui 
sont  encore  aujourd'hui  dans  Naples,  et  par 
le  témoignage  de  plusieurs  écrivains. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  ne  fut  que  plus  de 
quatre  ans  après  que  Henri  III  eut  reçu  l'o- 
riginal des  statuts  de  l'ordre  du  Saint-Esprit- 
au-Droit-Désir  qu'il  institua,  au  mois  de 
décembre  de  l'an  1578,  un  ordre  militaire  en 
l'honneur  et  sous  le  nom  du  Saint-Esprit. 
Son  intention  ne  fut  point  d'abolir  tacite- 
ment celui  de  Saint-Michel,  comme  quelques 
auteurs  ont  avancé,  puisque,  par  ses  lettres 
patentes  pour  l'institution  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit,  il  déclare  qu'il  veut  et  entend  que 
celui  de  Saint-Michel  demeure  en  sa  force  et 
vigueur  et  soit  observé  de  la  même  manière 
qu'il  l'a  été  depuis  son  institution.  Nous 
avons  avisé,  dit  ce  prince,  avec  notre  très- 
honorée  dame  eC  mire,  à  laquelle  nous  recon- 
naissons avoir,  après  Dieu,  noire  principale  et 
entière  obligation ,  les  princes  de  notre  sang, 
et  autres  princes  et  officiers  de  notre  cou- 
ronne, et  seigneurs  de  noire  conseil,  étant 
près  de  nous ,  d'ériger  un  ordre  militaire  en 
ccttmj  notre  dit  royaume,  outre  celui  de  Mon- 
sieur saint  Michel,  lequel  nous  voulons  et  en- 
tendons demeurer  en  sa  force  et  vigueur  et 
être  observé  tout  ainsi  qu'il  a  été  pratiqué  de- 
puis sa  première  institution  jusque*  à  présent. 
Et  il  ajoule  ensuite  :  Lequel  ordre  nous  créons 
et  instituons  en  l'honneur  et  sous  le  nom  et  ti- 
tre du  bmiit  Saint-Esprit,  par  l'inspiration 
duquel,  comme  il  a  plu  à  Dieu  ci-devant  di- 
riger nosmclleures  et  plus  heureuses  actions, 
nous  le  supplions   aussi  qu'il   nous  fasse  la 


grâce  que  nous  voyions  bientôt  tous  nos  su- 
jets réunis  en  la  foi  et  religion  catholique  et 
vivre  ù  l'avenir  en  bonne  amitié  et  concorde 
les  uns  avec  les  autres,  sous  l'observation  en- 
tière de  nos  loix  et  l'obéissance  de  7ious  et  de 
nos  successeurs  rois,  à  son  honneur  et  gloire, 
à  la  louange  des  bons  et  confusion  des  mau~ 
vais,  qui  est  le  but  auquel  tendent  nos  pensées 
et  actions,  connue  au  comble  de  notre  plus 
grand  heur  et  félicité. 

Cette  prière  et  les  désirs  de  ce  prince  té- 
moignent assez  quelle  était  sa  piété,  et  qu'il 
n'y  a  rien  eu  que  de  saint  dans  l'institution 
de  son  ordre,  ce  qu'il  avait  plus  expressé- 
ment déclaré  un  peu  auparavant  dans  ses 
mêmes  lettres  patentes,  où  il  dit  encore 
qu'ayant  adressé  ses  vœux  et  mis  toute  sa 
confiance  dans  la  bonté  de  Dieu,  dont  il  re- 
connaît avoir  et  tenir  tout  le  bonheur  de 
cette  vie,  il  est  raisonnable  qu'il  s'en  res- 
souvienne, qu'il  s'efforce  de  lui  en  rendre 
des  grâces  immortelles,  et  qu'il  témoigne  à 
toute  la  postérité  les  grands  bienfaits  qu'il 
en  a  reçus,  particulièrement  en  ce  qu'au 
milieu  de  tant  de  différentes  opinions  au 
sujet  de  la  religion,  qui  avaient  partagé  la 
France,  il  l'a  conservée  en  la  connaissance 
de  son  saint  nom  dans  la  profession  d'une 
seule  foi  catholique  et  en  l'union  d'une  seule 
Eglise,  apostolique,  et  romaine.  De  ce  qu'il 
lui  a  plu  par  l'inspiration  du  Saint-Esprit  le 
jour  de  la  Pentecôte,  réunir  tous  les  cœurs 
et  les  volontés  de  la  noblesse  polonaise,  et 
porter  tous  les  Etats  de  ce  royaume  et  du 
duché  de  Liihuanie  à  l'élire  pour  roi,  et  de- 
puis à  pareil  jour  l'appeler  au  gouvernement 
du  royaume  de  France;  au  moyen  de  quoi, 
ajoute-t-il,  tant  pour  conserver  la  mémoire  do 
toutes  ces  choses  que  pour  fortifier  et  main- 
tenir davantage  la  foi  et  la  religion  catholi- 
que, et  pour  décorer  et  honorer  de  plus  en 
plus  la  noblesse  de  son  royaume,  il  institue 
l'ordre  militaire  du  Saint-Esprit. 

Des  expressions  si  pieuses  ne  sont  que 
trop  suffisantes  pour  faire  voir  les  bonnes 
intentions  de  ce  prince.  Cependant,  comme  il 
y  a  certains  caractères  d'esprit  qui  ne  peu- 
vent s'empêcher  de  donner  un  mauvais  sens 
aux  aclions  les  plus  saintes  et  les  plus  jus- 
tes, l'institution  de  l'ordre  du  Saint-Esprit 
n'a  pas  manqué  d'interprétations  autant  in- 
justes que  chimériques,  puisqu'on  l'a  plutôt 
attribuée  à  des  mystères  d'amourettes  que 
de  religion.  Le  vert  naissant,  dit  le  Labou- 
reur, lejaunedoré,  leùleuet  te  blanc,  élaientles 
couleurs  de  lu  maîtresse  d'Henri  111  ;  les  dou- 
bles MM  qu'il  fit  mettre  au  collier  de  l'ordre 
désignaient  son  nom,  et  les  deux  lettres  grec- 
ques  qu'on  appelle  delta  entreleicées  ensemble, 
qui  dans  la  rencontre  du  cercle  formaient  un 
phi  gré:  pour  signifier  fulella,  devaient  ser- 
vir d'assurance  de  cette  fidélité  qu'il  lui  avait 
jurée,  et  qu'il  ne  continua  pas  longtemps.  Les 
II  qui  furent  ajoutées  aux  chiffres  des  doubles 
MM.  marquaient  le  nom  du  roi,  et  les  fleurs 
de  lis  dans  les  flammes  représentaient  le  feu 
de  son  amour.  Ce  qui  est  donner  ainsi  une 
mauvaise  interprétation  aux  intentions  de  ce 
prince.  A  la  vérité  il  ne  s'est  point  expliqué 


18!) 


ESP 


sur  la  signification  des  chiffres  qu'il  fit  met- 
tre au  collier  ;  mais  ne  peut-ou  pas  croire 
que  les  douilles  delta  entrelacés  ensemble 
qui,  par  la  rencontre  du  centre,  comme  dit 
le  Laboureur,  formaient  un  phi  grec  pour 
signifier  fideltu,  marquaient  la  fidélité  que 
les  sujets  doivent  à  leur  prince?  Les  doubles 
lambda,  qui,  selon  Favin,  désignaient  le  nom 
de  la  reine,  qui  s'appelait  Louise,  ne  pou- 
vaient-ils pas  plutôt  signifier  la  loyauté  et 
l'hommage  que  les  chevaliers  doivent  à  leur 
souverain?  Les  doubles  MM,  la  magnanimité, 
qui  est  la  vertu  des  héros  dont  un  chevalier 
doit  faire  profession?  Et  les  flammes,  ces 
langues  de  feu  sous  la  figure  desquelles  le 
Saint-Esprit  descendit  sur  les  apôtres  dans 
le  saint  cénacle  le  jour  de  la  Pentecôte?  Ce 
qui  semble  une  interprétation  beaucoup  plus 
naturelle  que  celle  des  mystères  d'amouret- 
tes, et  qui  est  entièrement  conforme  aux 
termes  de  ces  lettres  patentes,  par  lesquelles 
les  chevaliers  sont  excités  à  demeurer  fer- 
mes dans  la  religion  catholique,  dans  l'a- 
mour de  Dieu,  dans  la  fidélité  à  leur  roi  et 
dans  la  pratique  de  toutes  les  vertus,  dont 
les  lettres  et  les  flammes  qui  composaient  le 
collier  de  l'ordre  étaient  le  symbole. 

11  se  Irouve  plusieurs  exemplaires  des  sta- 
tuts de  cet  ordre,  différents  les  uns  des  au- 
tres, et  qui  ont  été  tous  suivis  chacun  dans 
leur  temps.  Les  derniers  qui  ont  été  impri- 
més en  1703  et  qui  sont  les  plus  corrects, 
contiennent  quatre-vingt-quinze  articles,  qui 
portent ,  entre  autres  choses,  qu'il  y  aura 
dans  cet  ordre  un  souverain  chef  et  grand 
maître  qui  aura  toute  autorité  sur  tous  les 
confrères,  commandeurs  et  officiers,  et  à  qui 
seul  il  appartiendra  de  recevoir  ceux  qui  en- 
treront dans  cet  ordre.  Henri  III  s'en  déclara 
chef  et  souverain  grand  maître,  et  unit  la 
grande  maîtrise  à  la  couronne  de  France, 
sans  qu'elle  puisse  en  être  séparée.  Les  rois 
ses  successeurs  ne  peuvent  disposer  en  façon 
quelconque  de  cet  ordre,  des  deniers  qui  y 
sont  affectés,  ni  disposer  d'aucune  commen- 
de,  quoiqu'elle  soit  vacante,  qu'après  avoir 
été  sacres  et  couronnés;  et  le  jour  de  leur 
sacre  et  couronnement,  ils  doivent  être  re- 
quis par  l'archevêque  de  Reims,  ou  celui  qui 
fait  la  cérémonie  du  sacre,  en  présence  des 
douze  pairs  et  officiers  de  la  couronne,  de 
jurer  l'observation  des  statuts  de  l'ordre,  se- 
lon la  forme  prescrite  par  les  mêmes  sta- 
tuts, ce  qu'ils  sont  tenus  de  faire  sans  en 
pouvoir  être  dispensés  pour  quelque  cause 
que  ce  soit;  et  le  lendemain  du  sacre,  le  roi 
reçoit  l'habit  et  le  collier  de  l'ordre  par  les 
mains  de  celui  qui  le  sacre,  en  présence  des 
cardinaux,  prélats,  commandeurs  et  oftîciers 
de  l'ordre.  C'est  pourquoi  Henri  111  ordonna 
que  la  forme  du  serment  serait  insérée  et 
transcrite  au  livre  du  sacre,  avec  les  autres 
serments  que  les  rois  sont  tenus  de  faire 
avant  que  d'être  couronnés;  et  comme  ce 
prince  avait  déjà  été  sacré  et  couronné,  il  se 
réserva  la  liberté  de  prêter  serment  entre  les 
mains  de  l'archevêque  de  Reims  ou  d'un  au- 
tre évêque  qu'il  lui  plairait  en  la  première 
assemblée  de  l'ordre  qu'il  tiendrait 


ESP  190 

Des   mémoires  portent  que  celle   assem- 
plée  se  tint  pour  la  première  fois  le  dernier 
décembre  de  l'an  1578.  dans  l'église  des  Au- 
gustins  de  Paris.  Sa   Majesté  s'y  rendit  sur 
les  deux   heures,  tous  les  évêques  et  abbés 
qui  avaient  été  mandés  s'y  trouvèrent,  et  pa- 
reillement les   princes  et  seigneurs  qui  de- 
vaient être  reçus  dans  l'ordre,  tous  revêlus 
de  chausses  et   pourpoints  de  toile   d'argeut 
sous  leurs  habits  ordinaires.  Dans  le  chœur 
de  l'église,  à  main  droite,  on  avait  dressé  un 
trône  pour  le  roi,  couvert  de  drap  d'or  et 
d'areent,  semé  de  fleurs  de  lis,  avec  un  dais 
au-dessus  de  pareille  étoffe  ;  au  bas  du  trône 
il  y  avait  des  bancs  pour  les  officiers,  en  la 
manière  que   l'on  avait  accoutumé  d'obser- 
ver aux  eérémonies  des  fêtes  de  l'ordre  de 
Saint-Michel.  A  l'entrée  du  chœur,  à  main  gau- 
che de  Sa  Majesté,  étaient  placés  les  prin- 
ces et  seigneurs  qui  devaient  être  faits  che- 
valiers, selon  leur  rang;  et  il  y  avait  d'autres 
bancs    pour   les   ambassadeurs    et  les  sei- 
gneurs de  la  cour.  Après  que  les   vêpres  eu- 
rent été  chantées  par  la  musique  du  roi,  ce 
prince  se  leva,  descendit  de  son  trône,  et,  ac- 
compagné des  officiers  de    l'ordre,  alla  de- 
vant le  grand  autel,  où  s'étant  mis  à  genoux, 
le  grand  aumônier,  assisté  de  cinq  évêques 
et  abbés  en  habits  pontificaux,  l'un  tenant  la 
vraie  croix,  et  un  autre  le  livre  des  Evangi- 
les, présentèrent  à  Sa  Majesté   son  vœu  et 
serment  de  chef  et  grand  maître   souverain 
de  l'ordre  du  Saint-Esprit,  qu'il  prononça 
en  celle  manière  :  Nous  Henri,  par  la  grâce 
de  Dieu  roi  de  France  et  de  Pologne,  jurons 
et  voilons  solemnillement  en  vos  mains  à  Dieu 
le  Créateur,  de  vivre  et  mourir  en  la  sainte 
foy  et  religion  catholique  apostolique  et  ro- 
mine,  comme  à  un  roi  1res  chrestien  appar— 
Huit,  et  plustost  mourir  que  d'y  faillir  :  de 
maintenir  à  jamais  l'ordre  du  Saint-Esprit, 
fondé  et  institué  par  nous,  sans  jamais  le  lais- 
ser  declieoir,  amoindrir,  ne  diminuer,   tant 
qu'il  sera  en  nostre  pouvoir  :  observer  les  sta- 
tuts et  ordonnances  dudit  ordre,  entièrement 
selon  leur  forme  et  teneur,  et  les  faire  exac- 
tement observer  pur  tous  ceux  qui  sont  et  se- 
ront cy-aprés  receus  eiudit  ordre,  et  par  exprés 
ne  contrevenir  jamais  ni  dispenser,  ou  essai/o- 
de changer,  ou  innover  les  statuts  irrévoca- 
bles d'iceluy.  Sçavoir  est  le  statut  parlant  de 
l'union  de  la  grande-maistrise  à  la  couronne 
de  France  :  celuy  contenant  le  nombre  des  car- 
dinaux,  prélats  ,  commandeurs  et  officiers  : 
celuy  de  ne  pouvoir  transférer  la  provision 
des  commandes ,  en  tout  ou  en  partie,  à  au- 
cun autre  sous  couleur  d'appana/e  ou   con- 
cesson,  qui  puisse  estre.  Item  celuy  par  le- 
quel nous  nous  obligeons  en  tant  qu'à  nous  est, 
de  ne  pouvoir  dispenser  jamais  les  comman- 
deurs et  officiers  receus  en  l'ordre,  de  com- 
munier et  recevoir  le  précieux  corps  de  Nos- 
tre-Seigneur  Jesus-Christ,  aux  jours  ordon- 
nez, qui  sont  le  premier  jour  de  lan,  et  l« 
jour  de  la  Pentecoste.  Comme  semblablement 
celuy  par  lequel  il  est  dit ,  que  nous  et  tous 
commandeurs  et  officiers  ne  pourront  estre  au' 
très  que  catholiques  et  gentilshommes  '- 
races  paternelles,  ceux  qui  le  don' 


IS1 


DICTIONNAIRE  DES 


Item  cetuy  par  lequel  nous  ostuns  tout  pou- 
voir d'employer  ailleurs  les  deniers  affectez 
au  revenu  et  entretenemml  desdits  comman- 
deurs et  officiers,  pour  quelque  cause  et  occa- 
sion que  ce  soit,  ni  admettre  audit  ordre  au- 
cuns étrangers,  s'ils  ne  sont  naturalisez  et  re- 
gnicoles  ;  et  pareillement  celuy  auquel  est  con- 
tenu la  forme  des  vœux,  et  l'obligation  de  por- 
ter toujours  la  croix  aux  habits  ordinaires, 
avec  celle  d'or  au  cou,  pendante  à  un  ruban 
de  soye  couleur  bleue  céleste,  et  l'habit  aux 
jours  destinez.  Ainsi  le  jurons,  vouons,  et  pro- 
mettons sur  la  sainte  vraye  croix,  et  les  saints 
Evangiles  touchez.  Le  roi,  après  avoir  pro- 
nonce te  vœu,  et  l'avoir  signé  de  sa  main, 
fut  revêtu  du  manteau,  qui  lui  fut  donné 
par  celui  qui  servait  de  premier  gentilhomme 
de  sa  chambre,  et  le  grand  aumônier  lui  mit 
le  collier  au  cou,  et  récita  quelques  prières, 
après  lesquelles  le  roi  se  leva  et  descendit 
un  peu  plus  bas  où  était  un  siège,  sur  lequel . 
il  s'assit.  Le  chancelier  de  Chiverny  se  pré- 
senta devant  Sa  Majesté  pour  être  fait  che- 
valier de  cet  ordre;  il  se  mit  à  genoux  et 
ayant  les  mains  sur  les  saints  Evangi'es,  il 
fil  le  serment,  et  après  avoir  été  revêtu  du 
grand  manteau,  le  roi  lui  mit  au  cou  le  collier, 
cl  ainsi  des  autres  officiers  et  des  cardinaux; 
le  chancelier  de  Chiverny  reçut  aussi  les 
sceaux  de  l'ordre,  qui  lui  furent  donnés  par 
Sa  Majesté.  Les  officiers  étant  créés,  le  pré- 
vôt maître  des  cérémonies,  le  héraut  et 
l'huissier,  allèrent  quérir  le  plus  ancien  des 
princes  et  seigneurs  qui  devaient  être  faits 
chevaliers,  et  après  qu'il  eut  reçu  l'ordre,  ils 
allèrent  prendre  les  autres  de  même  à  leur 
rang.  Il  y  eut  dans  cette  première  promotion 
vingt-huit  chevaliers  de  reçus. 

Les  rois  de  France  successeurs  d'Henri  III 
ont  fait  après  leur  sacre  le  même  serment  que 
ceprinrefit  lorsqu'il  reçu  lie  premier  le  collier 
de  l'ordre  qu'il  avait  institué,  ou  à  peu  près 
semblable,  et  ont  tâchéde  donner  un  nouveau 
lustre  à  cet  ordre,  dans  lequel  il  doit  y  avoir 
quatre  cardinaux  et  quatre  archevêques  , 
évêques  ou  prélats,  outre  le  grand  aumônier 
de  France,  qui  est  commandeur  de  cet  ordre 
aussitôt  qu'il  est  pourvu  de  la  charge  de 
grand  aumônier,  sans  être  obligé  de  faire 
preuves  de  noblesse  comme  les  autres.  Tous 
ces  prélats  portent  la  croix  pendante  à  leur 
cou,  avec  un  ruban  bleu.  Ils  sont  obligés 
d'assister  aux  fêtes  et  cérémonies  de  l'ordre, 
les  cardinaux  avec  leurs  grandes  chapes  rou- 
ges, et  les  évêques  et  prélats  vêtus  de  sou- 
tanes de  couleur  violette,  avec  un  maulclct 
de  même  couleur,  un  rocliel  et  un  camail,  et 
sur  le  mantelel  il  y  a  aussi  une  croix  de 
l'ordre  en  broderie.  Au  jour  que  l'office  se 
fait  pour  les  chevaliers  décédés,  les  cardi- 
naux portent  les  chapes  violettes,  et  les  pré- 
lats sont  vêtus  de  noir.  Chacun  de  ces  cardi- 
naux et  prélats  est  obligé,  le  jour  de  sa  ré- 
ception, de  faire  entre  les  mains  du  roi  ce 
serment  :  Je  jure  à  Dieu  et  vous  promets,  Sire, 
que  je  vous  sr.ray  loyal  et  fidèle  toute  ma  vie  , 
vous  reconnoilray,   honorer ay  et  serviroy  , 


ORDRES  RELIGIEUX.  192 

comme  souverain  de  l'ordre  des  commandeurs 
du  Saint-Esprit,  duqiel  il  vous  plait  pré- 
sentement m'honorer  :  gnrderay  et  observeray 
les  loix,  statuts  et  ordonnances  dudit  ordre, 
sans  en  rien  contrevenir  :  en  porteruy  les 
morgues,  et  en  tliray  tous  les  jours  le  service, 
autant  qu'un  homme  ecclésiastique  de  ma  qua- 
lité peut  et  doit  faire:  que  je  camparoiimy 
personnellement  aux  jours  des  solemnitez,  s'il 
ny  a  empeschement  légitime  q.tim'en  garde; 
comme  je  donnerai/  avis  à  Vostre  Majesté,  et 
ne  reveleray  jamais  chose  qui  soit  traitée  ni 
conclue  aux  chapitres  d'iceluy  :  que  je  ferny  , 
conseilleray,  et  procureray  tout  ce  gui  me 
semblera  en  ma  conscience  appartenir  à  la  ma- 
nutention, grandeur  et  augmentation  dudit 
ordre  ,  prieray  toujours  Dieu  pour  le  salut, 
tant  île  Vostre  Majesté  que  des  commandeurs  et 
supports  d'iceluy,  vivons  et  trépassez.  Ainsi 
Dieu  me  soit  en  aide  et  ses  saints  Evangiles. 

(Juant  aux  autres  chevaliers  et  comman- 
deurs, nul  ne  peut  être  admis  dans  l'ordre  , 
s'il  ne  fait  profession  de  la  religion  catholi- 
que, apostolique  et  romaine,  s'il  n'est  gentil- 
homme de  nom  et  d'armes  de  trois  races  pa- 
ternelles pour  le  moins,  et  n'ait  pour  le  re- 
gard des  princes  vingt-cinq  ans  accomplis  , 
et  trente-cinq  pour  les  autres.  D'abord  il 
suffisait  que  tous  les  chevaliers  eussent  vingt 
ans,  et  c'est  un  des  changements  qui  ont  été 
faits  aux  statuts.  Le  roi,  ayant  fait  choix  des 
sujets  qu'il  veut  honorer  de  cet  ordre,  les 
propose  dans  le  chapitre  aux  prélats,  com- 
mandeurs et  ofliciers,  afin  que  chacun  donne 
son  avis  sur  leur  réception,  et  dise  en  con- 
science à  Sa  Majesté  les  raisons  qui  pour- 
raient empêcher  que  quelqu'un  des  préten- 
dants ne  fût  reçu.  S'ils  sont  trouvés  dignes 
d'entrer  dans  l'ordre,  on  les  fait  avertir  qu'ils 
sont  reçus,  et  on  leur  envoie  les  commis- 
sions nécessaires,  tint  pour  faire  faire  les 
preuves  de  leur  religion,  de  leur  vie  et  de 
leurs  moeurs,  que  de  leur  noblesse  et  extrac- 
lion  ;  el  les  procès-verbaux  en  ayant  été 
remis  entre  les  mains  du  chancelier,  ils 
doivent  faire  faire  à  leurs  dépens  les  habits 
de  l'ordre,  sans  être  obligés  d'en  emprunter 
pour  assister  aux  cérémonies.  Le  dernier 
jour  de  décembre  est  marqué  dans  les  sta- 
tuts pour  donner  l'habit  et  le  collier  de  l'or- 
dre, et  la  cérémonie  s'en  doit  l'aire  après  vê- 
pres dans  l'église  des  Augustins  de  Paris, 
lorsque  le  rui  est  dans  celte  ville.  Aucun 
chevalier  commandeur  n'est  admis  à  l'ordre 
du  Saint-Esprit,  qu'il  ne  soit  aussi  chevalier 
de  celui  de  saint  Michel:  c'est  pourquoi,  la 
veille  qu'il  doit  recevoir  l'habit  et  le  collier 
du  Saint-Esprit,  il  est  fait  chevalier  de  l'or- 
dre de  Saint-Michel.  Il  se  mel  à  genoux  de- 
vant le  roi,  qui  le  frappe  légèrement  sur  les 
épaules  avec  une  épée  nue,  en  lui  disant  :  De 
par  saint  Georges  et  de  par  saint  Michel  je 
vous  fais  chevalier.  Le  lendemain  il  se  trouve 
à  l'église  avec  les  autres  chevaliers,  ayant 
l'habit  de  novice,  qui  est  un  habit  blanc  do 
toile  d'argent,  avec  la  cape  et  la  loque  noi- 
re '11.  11  se  met  encore  à  genoux   devant  la 


U)  Voy. 


à  la  lin  du  vol.,  n"  5(>. 


ïos 


ESP 


roi,  à  qui  le  chancelier  présente  lu  livre  des 
Evangiles,  sur  lesquels  le  novice  tenant  le9 
mains  fait  son  vœu  et  serinent  en  cette  ma- 
nière :  Je  jure  et  voue  à  Dieu  en  la  face  de  son 
Eglise,  et  vous  promets,  Sire,  sur  ma  foi  et 
honneur,  que  je  vivrai  et  mourrai  en  ta  foi 
et  religion  catholique,  sans  jamais  m'en  dépar- 
tir, ni  de  l'union  de  notre  mère  sainte  Eglise 
apostolique  et  romaine  ;  que  je  vous  porterai 
entière  et  parfaite  obéissance,  sans  jamais  y 
manquer,  comme  un  bon  et  loyal  sujet  doit 
faire;  je  garderai,  de/fendrai  et  soutiendrai 
de  tout  mon  pouvoir  l'honneur,  les  querelles, 
et  droits  de  Votre  Majesté  royale,  envers  et 
contre  tous:  i/u'en  temps  de  guerre  je  me  ren- 
drai à  votre  suite  enl'équipa  je  tel  qu'il  appar- 
tient à  personne  de  ma  qualité,  et  m  paix, 
quand  il  se  présentera  quelque  occasion  d'im- 
portance, toutes  et  quantes  fois  qu'il  vous  plai- 
ra nie  mander  pour  vous  servir  contre  quelque 
personne  qui  puisse  vivre  et  mourir,  sans  nul 
excepter,  et  ce  jusqu'à  la  mort:  qu'en  telles 
occasions  je  n'abandonnerai  jamais  votre  per- 
sonne, ou  le  lieu  où  ions  m'aurez  ordonné  de  ser- 
virions votre  exprés  congé  et  commandement, 
signé  de  votre  propre  main,  ou  de  celui  auprès 
duquel  vous  m'aurez  ordonné  d'estre  ,  sinon 
quand  je  lui  curai  fait  apparoir  d'une  juste  et 
légitime  occasion:  que  je  ne  sortirai  jamais  de 
votre  royaume  spécialement  pour  aller  au  ser- 
vice d'aucun  prince  étranger  sans  votre  dit 
commandement,  et  ne  prendrai  pension,  ga- 
ges, ou  estât  d'autre  roi,  prince,  ou  potentat 
et  seigneur  que  ce  soit,  ni  m'obtigei  ai  au  ser- 
vice d'autre  personne  vivante  que  de  Votre 
Majesté  seule,  sans  votre  expresse  permission  : 
que  je  vous  révélerai  fidellement  tout  ce  que  je 
saurai  ci-après  importer  à  votre  service,  à  l'é- 
tat et  conservation  du  présent  ordre  du  Saint- 
Esprit,  duquel  il  vous  plaît  m  honorer,  et  ne 
consentirai  ni  permettrai  jamais,  en  tant  qu'à 
moi  sera,  qu'il  soit  rien  innové  ou  attenté  con- 
tre le  service  de  Dieu,  ni  contre  votre  autorité 
royale,  et  au  préjudice  dudit  ordre,  lequel  je 
mettraipeine  d'entretenir  et  augmenter  de  tout 
mon  pouvoir.  Je  garderai  et  observerai  très 
religieusement  tous  les  statuts  et  ordonnances 
d'icelui  :  je  porterai  à  jamais  la  croix  cousue: 
et  celle  d'or  au  cou*  comme  il  m'est  ordonné 
par  lesdits  statuts  ;  et  me  trouverai  à  toutes 
les  assemblées  des  chapitres  généraux,  toutes 
tes  fois  qu'il  vous  plaira  me  le  commander,  ou 
bien  vous  ferai  présenter  mes  excuses,  lesquel- 
les je  ne  tiendrai  pour  bonnes,  si  elles  ne 
sont  approuvées  et  autorisées  de  Voslre  Ma- 
jesté, avec  l'avis  de  la  plus  grande  part  des 
commandeurs  qui  seront  prés  d'elle,  signé  de 
votre  main,  et  scellé  du  scel  de  l'ordre,  dont  je 
serai  tenu  de  retirer  acte. 

Après  que  le  chevalier  a  prononce  ce  vœu 
et  sermcnl,  le  prévôt  et  maître  des  cérémo- 
nies présente  au  roi  le  mantelet  de  l'ordre, 
qui  en  le  donnant  au  chevalier  lui  dit  :  L'or- 
dre vous  revêt  et  couvre  du  mantiau  de  son 
amiable  compagnie  et  union  fraternelle  ,  à 
l'exaltation  denolre  foi  et  religion  catholique: 
au  nom  du  Père, du  Fils,  et  du  Saint-Esprit.  Le 
gra.  d  trésorier  présente  ensuite  à  Sa  Majes- 
té le  collier,  qu'elle  met  au  cou  du  chevalier, 


ESP  194 

en  lui  disant  :  Recevez  de  notre  main  le  cot- 
liir  de  notre  ordre  du  benoisl  Saint-Esprit, 
auquel  nous,  comme  souverain  grand  maitre, 
vous  recevons,  et  ayez  en  perpétuelle  souve- 
nance ta  mort  et  passion  de  Notre-Seigneur 
et  Rédempteur  Jésus-Christ.  En  signe  de  quoi 
nous  vous  ordonnons  de  porter  à  jamais  cousue 
en  vos  habits  extérieurs  la  croix  d'icelui,  et  la 
croix  d'or  ou  cou,  avec  un  ruban  de  couleur 
bleue  céleste,  et  Dieu  vous  fasse  lei  grâce  de  ne 
contrevenir  jamais  aux  vœux  et  serment  que 
vous  venez  de  faire,  lesquels  ayez  perpétuelle- 
ment en  votre  cœur,  étant  certain  que  si  vous 
y  contrev  nez  en  aucune  sorte,  vous  serez  pri- 
vé de  cette  compagnie,  et  encourrez  les  peines 
portées  par  les  statuts  de  l'ordre.  Au  nom  du 
Père,  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit.  A  quoi  le 
chevalier  répond  :  Sire,  Dieu  m'en  donne  la 
grâce,  et  plutôt  la  mort  que  jouais  y  faillir  , 
remerciant  très  humblement  Voslre  Majesté  de 
l'honneur  et  bien  qu'il  vous  a  plu  me  faire  ;  et 
en  achevant  il  haisc  la  main  du  roi. 

Comme  par  le  serment  il  est  expressément 
porté  que  les  chevaliers  commandeurs  ne 
s'obligeront  au  service  d'aucun  prince  étran- 
ger, ce  qui  ne  pouvait  être  observé  par  ceux 
qui  n'étaient  pas  sujets  du  roi  de  France  , 
c'est  ce  qui  fil  qu'Henri  111  déclara  par  lo 
37"  article  des  statuts  qu'aucun  étranger, 
s'il  n'était  regnicole  et  naturalisé  dans  le 
royaume,  ne  pourrait  être  reçu  dans  l'ordre, 
ni  pareillement  les  Français  qui  auraient 
déjà  quelque  autre  ordre,  excepté  celui  do 
Saint-Michel.  Il  excepta  aussi  les  cardinaux  , 
archevêques  etévêques,  et  pareillement  tous 
ses  sujets  qui  avec  sa  permission,  ou  des 
rois  ses  prédécesseurs,  auraient  été  ou  pour* 
raient  être  dans  la  suite  reçus  aux  ordres  do 
la  Toison  d'Or  el  de  la  Jarretière. 

Mais  Henri  IV,  considérant  combien  il 
était  avantageux  pour  la  réputation  do 
l'ordre  du  Saint-Esprit  et  pour  le  bien  du 
royaume  de  France,  que  les  rois,  les  princes 
souverains  el  les  seigneurs  étrangers,  non 
rcgnicojes  ,  fussent  agrégés  à  cet  ordre  , 
ordonna,  par  une  déclaration  du  dernier  dé- 
cembre 16U7,  dans  l'assemblée  générale  de 
l'ordre  qui  se  tinta  Paris,  que  les  rois,  les 
princes  souverains  el  les  seigneurs  étrangers 
non  regnicoles  ,  étanl  de  la  qualité  prescrite 
par  les  statuts ,  pourraient  être  à  l'avenir 
chevaliers  de  cel  ordre;  qu'à  cet  efTel  on 
enverrait  un  commandeur  el  chevalier  vers 
le  roi  ou  prince  souverain  qui  serait  élu  et 
associé  à  l'ordre,  pour  lui  donner  le  collier 
et  la  croix  el  le  revêtir  du  manteau  en  la 
manière  qui  sérail  prescrite  par  les  mé- 
moires el  instructions  qui  lui  seraient  don- 
nés; que  le  roi  ou  prince  souverain  ayant 
accepte  l'ordre,  serait  tenu  d'en  remercier  le 
souverain  et  grand  maître  par  une  personne 
qu'il  enverrait  exprès  dans  l'année  de  sa  ré- 
ception, et  qu'à  l'égard  des  seigneurs  étran- 
gers non  souverains,  ils  seraient  obligés  de 
venir  trouver  en  personne  Sa  Majesté  dans 
l'année  de  leur  élection  pour  recevoir  de  sa 
main  le  collier  et  la  croix  de  l'ordre  et  prêter 
lo  serment  ordonné  par  les  statuts,  à  moins 
qu'ils  n'en  fussent  dispensés.  L'an  1G08,  ce 


prince  fit'chevaliers  de  l'ordre  du  Saint-Esprit 
don  Jean-Antoine  Ursin  ,  duc  de  Sanso-Ge- 
inini,  prince  de  Scandriglia  etcomte  d'Ercole, 
et  don  Alexandre  Sforze-Conti,  duc  de  Segni, 
prince  de  Valmuntane.  Louis  XIV  a  honoré 
de  cet  ordre  plusieurs  seigneurs  espagnols 
et  italiens  ;  il  l'envoya  aussi  en  1676  à  Jean 
Sobieski,  roi  de  Pologne,  et  depuis  aux  deux 
princes  Alexandre  et  Constantin  ,  ses  Dis. 

Pour  entretenir  cet  ordre  et  donner  moyen 
aux  cardinaux,  prélats  et  commandeurs  de 
se  maintenir  honorablement  selon  leur  état, 
Henri  111  voulut  qu'il  y  eût  un  fonds  de  six 
vingt  mille  écus  pour  être  partagés  et  payés 
tous  les  ans  en  plein  chapitre,  selon  l'état 
qu'il  en  ferait.  11  voulut  aussi  que  cet  ordre 
ne  fût  composé  que  de  cent  personnes  outre 
le  souverain,  auquel  nombre  seraient  com- 
pris les  quatre  cardinaux  et  les  cinq  prélats, 
le  chancelier,  le  prévôt  maître  des  cérémo- 
nies ,  le  grand  trésorier  et  le  greffier,  sans 
que  ce  nombre  pût  être  augmenté,  ni  qu'à 
la  mort  de  quelques-uns  des  prélats  ou 
officiers  l'on  pût  remplir  leurs  places  que 
par  d'autres  de  la  même  qualité.  Outre  ces 
quatre  officiers,  qui  sont  chevaliers  ou  com- 
mandeurs, et  qui  portent  la  croix  cousue  sur 
leurs  habits  et  une  autre  d'or  attachée  à  un 
ruban  bleu  comme  les  autres  chevaliers ,  il 
y  en  a  encore  quatre  autres ,  qui  sont  un 
intendant,  un  généalogiste,  un  héraut  et  uti 
huissier  ,  qui  portent  seulement  la  croix 
attachée  à  un  ruban  bleu  à  la  boutonnière 
de  leur  justaucorps.  Ces  offices  d  intendant, 
de  héraut  et  d'huissier  sont  du  temps  de 
l'institution  de  l'ordre,  et  il  en  est  fait  men- 
tion dans  les  statuts;  mais  l'office  de  généa- 
logiste pour  dresser  toutes  les  preuves  et  les 
généalogies  des  chevaliers  fut  créé  l'an  1595. 
Clairambaut,  qui  fut  pourvu  de  cette  charge, 
a  fait  un  recueil  de  plus  de  cent  cinquante 
volumes  in-folio  manuscrits  concernant 
l'Histoire  de  l'ordre  et  les  généalogies  de 
tous  les  chevaliers  ,  depuis  leur  institution 
jusqu'à  présent,  et  plusieurs  autres  volumes 
concernant  les  autres  ordres  militaires. 

Outre  ces  officiers,  il  y  a  les  trésoriers  et 
contrôleurs  généraux  du  marc  d'or,  ciéés  à 
l'instar  du  héraut;  ils  en  portent  la  croix  et 
jouissent  des  mêmes  privilèges.  Le  droit  du 
marc  d'or  est  une  espèce  d'hommage  et  de 
reconnaissance  que  les  officiers  du  royaume 
rendent  au  roi  lorsqu'ils  sont  pourvus  de 
leurs  offices.  Henri  111  fut  le  premier  qui, 
par  une  déclaration  du  7  décembre  1582, 
ordonna  que  les  deniers  qui  proviendraient 
de  ce  droit  seraient  affectes  ei  hypothéqués 
au  payement  des  frais  de  l'ordre,  auquel,  par 
une  autre  déclaration  du  7  décembre  de 
l'année  précédente  ,  il  avait  encore  accordé 
le  cinquième  des  dons  et  aubaines  ,  confisca- 
tions, amendes,  lots  et  ventes,  rachats  et 
autres  droits  seigneuriaux.  Ce  prince  avait 
affecté  ces  deniers  à  l'ordre  pour  remplir  en 
partie  les  six  vingt  mille  écus  par  an  qu'il 
lui  avait  assignés  d'abord.  Les  trésoriers  des 
parties  casuelles  mettaient  entre  les  mains 
du  grand  trésorier  de  l'ordre  ce  qui  pouvait 
revenir  du  cinquième  des  dons  et  aubaines, 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  196 

amendes  et  autres  droits  seigneuriaux,  elle 
commis  du  même  trésorier  de  l'ordre  fut 
chargé  de  la  recette  du  droit  du  marc  d'or. 
Mais  Louis  XIII  ,  l'an  1628,  créa  trois  rece- 
veurs généraux  du  marc  d'or,  qui  devaient 
jouir  des  mêmes  honneur-*  ,  prééminences  , 
privilèges,  franchises  et  immunités,  que  le 
héraut  et  l'huissier  de  l'ordre  du  Saint-Esprit. 
Ce  prince,  par  un  arrêt  du  conseil  du  mois 
d'octobre  de  la  même  année,  augmenta  en 
faveur  de  l'ordre  le  droit  du  marc  d'or,  et 
ordonna  que  tous  ceux  qui  obtiendraient 
des  dons  de  Sa  Majesté  à  l'avenir,  seraient 
tenus  d'en  payer  le  dixième  denier  entre  les 
mains  des  receveurs  du  marc  d'or.  Par  une 
déclaration  du  h-  décembre  1634,  il  ordonna 
que,  sur  la  recette  du  mare  d'or,  les  cardinaux, 
prélats,  chevaliers  et  officiers  de  l'ordre  se- 
raient payés  de  la  somme  de  trois  mille  livres 
de  pension  par  chacun  an  sur  leurs  simples 
quittances  à  la  fin  de  l'année,  nonobstant 
que,  par  le  38"  article  des  statuts  ,  il  fût  dit 
qu'ils  devaient  éire  payés  tous  les  ans  en 
auquel   article  Sa   Majesté 


plein  chapitre. 

dérogeait,  attendu  que  les  chapitres  ne  se 
tenaient  pas  régulièrement  sur  la  fin  du  mois 
de  décembre,  comme  il  est  porté  par  le  17' 
article  desdits  slatuls,  et  même  qu'il  ne  s'en 
était  point  tenu  depuis  plusieurs  années  tant 
sous  le  règne  d'Henri  IV,  son  prédécesseur, 
que  sous  le  sien,  sinon  pour  les  promotions 
qu'on  avait  faites  pour  remplir  les  places 
des  chevaliers  décédés.  Louis  XIV  augmenta 
du  double  le  droit  du  marc  d'or  l'an  1656,  et 
le  céda  pour  toujours  et  à  perpétuité  à 
l'ordre  du  Saint-Esprit  pour  lui  tenir  lieu  du 
fonds  qui  lui  avait  été  promis  dès  le  temps  de 
sa  fondation.  11  supprima  les  offices  de  rece- 
veurs généraux  du  marc  d'or,  permit  à 
l'ordre  d'établir  pour  la  recette  de  ce  droit 
tels  receveurs  ,  contrôleurs  et  officiers  qu'il 
jugerait  à  propos,  et  ordonna  que  le  môme 
ordre  loucherait  par  an,  sur  la  recette  de  la 
généralité  de  Paris,  vingt  mille  livres,  pour 
les  intérêts  de  deux  cent  mille  livres  d'une 
part  qu'il  avait  prêtées  à  Sa  Majesté,  et  deux 
cent  mille  livres  d'autre  qu'il  avait  fournies 
à  Louis  XI II  pour  les  besoins  de  l'Etat.  Par 
un  autre  édit  de  la  même  année,  le  roi,  sui- 
vant ce  qui  avait  été  résolu  au  chapitre  tenu 
au  Louvre,  ordonna  l'aliénation  de  la  moitié 
du  droit  du  marc  d'or,  avec  faculté  à  l'ordre 
de  racheter  cette  moitié  aliénée  en  rendant 
le  prix  de  l'aliénation,  et  qu'après  le  rachat 
elle  demeurerait  réunie  à  l'ordre  sans  en 
pouvoir  être  démembrée  ni  employée  ailleurs 
qu'à  l'entretien  de  l'ordre;  et  par  le  même 
édit  Sa  Majesté  créa  deux  trésoriers  généraux 
et  deux  contrôleurs  généraux  du  marc  d'or, 
auxquels  il  accorda  les  mêmes  honneurs, 
privilèges,  franchises  et  immunités,  dont 
jouissait  le  héraut,  et  jusqu'à  présent  ils  ont 
clé  maintenus  dans  leurs  di  oits  par  plusieurs 
arrêts  du  conseil.  Ils  prêtent  serment  entre 
les  mains  du  chancelier  de  l'ordre  et  rendent 
compte  au  grand  trésorier. 

Quant  aux  privilèges  dont  jouissent  les 
cardinaux,  prélats,  chevaliers  et  officiers  de 
cet   ordre ,  Heuri  111 ,   par  les  statuts ,  les 


!;J7                                ESP  ESP                                |S8 

exempta  i!e  contribuerait  ban  et  arrière-ban  quelque  lieu  qu'ils  se  trouvassent,  ils  por- 

du   royaume,   de  payer  aucun  rachat ,  lot ,  tassent  ie  collier  de  l'ordre  pendant  la  messe 

vente,  quint  et  rcquint,  tant  des  terres  qu'ils  et    la   communion  :  ce    qu'ils    doivent    faire 

vendraient  que  de  celles   qu'ils    pourraient  aussi  aux  quatre  fêles  annuelles,   quand  Sa 

acheter,  et  voulut  qu'ils  eussent  leurs  causes  Majesté  va  à  la  messe,  aux  processions  gé- 

commises  aux  requêtes  du  palais  à  Paris  ;  et,  nérales,  et  ;iux  actes  publics  qui  se  font  aux 

par  un  édit  du  mois   de   décembre   1380,  il  églises. 

ordonna  qu'ils  seraient  francs  et  exempts  de  Celle  des  Augustiiis  de  Paris  fut  choisie 
tous  em prunts,  s ubsiil es, impositions,  péages,  par  ce  prince  pour  y  célébrer  le  premier  jour 
travers,  passages,  fortifications,  gardes  et  de  janvier  la  fête  de  l'ordre,  à  moins  que  le 
guets  de  villes,  châteaux  et  forteresses  :  ce  roi  ne  soit  absent  de  cette  ville.  Cette  céré- 
qui  a  été  confirmé  dans  la  suite  par  les  décla-  monie  commence  la  veille  de  ce  jour-là  à 
rations  d'Henri  IV  l'an  1599,  et  de  Louis  XIV  vêpres,  où  les  cardinaux,  prélats,  chevaliers 
l'an  165S,  en  vertu  desquelles  les  chevaliers  et  officiers  de  l'ordre  doivent  accompagner  le 
ont  été  maintenus  et  conservés  dans  les  souverain  depuis  son  palais  jusqu'à  l'église, 
mêmes  privilèges,  dont  leurs  veuves  jouis-  L'huissier  marche  devant,  le  héraut  après; 
sent  pareillement.  Un  des  privilèges  dont  les  ensuite  le  prévôt,  ayant  à  sa  droite  le  grand 
prélats,  chevaliers  et  commandeurs  jouissent  trésorier,  et  à  sa  gauche  le  greffier,  et  le 
aussi ,  est  d'avoir  l'honneur  de  manger  avec  chancelier  seul  après  eux.  Puis  marchent 
le  roi  à  la  même  laide  aux  jours  de  cérémo-  les  chevaliers,  deux  à  deux,  selon  le  ran"  de 
nies  de  l'ordre.  Henri  III,  par  l'article  7 A*  leur  réception,  et  ensuite  le  souverain  et 
des  statuts,  avait  ordonné  que  ces  jours-là  le  grand  maître,  qui  est  suivi  par  les  cardinaux 
prévôt,  le  grand  trésorier  et  le  greffier  dîne-  et  prélats  de  l'ordre.  Les  chevaliers  sont 
raient  à  une  table  à  part;  mais  Henri  IV,  vêtus  de  longs  manteaux  de  velours  noir 
considérant  que  ces  trois  officiers  sont  aussi  semés  de  flammes  d'or  et  bordés  tout  autour 
chevaliers  et  qu'ils  ont  les  mêmes  marques  du  collier  de  l'ordre.  Ce  manteau  est  garni 
d'honneur  que  les  autres,  ordonna  l'an  1G03  d'un  mautclct  de  toile  d'argent  verte,  entouré 
qu'ils  mangeraient  aussi  à  sa  table  et  se-  aussi  du  collier  de  l'ordre  en  broderie.  Le 
raient  assis  immédiatement  après  le  chance-  manteau  et  le  mantelet  sont  doublés  de  satin 
lier,  ce  qui  fut  exécuté  à  toutes  les  promo-  jaune  orangé.  Les  manteaux  se  portent  re- 
lions; mais  à  celle  qui  se  fil  l'an  1GG1  il  y  troussés  du  côlé  gauche,  et  l'ouverture  est 
eut  de  la  contestation  sur  ce  sujet.  Les  che-  du  côté  droit.  Sous  ces  manteaux  ils  ont  des 
valiers  se  plaignirent  au  roi  de  ce  que  les  chausses  et  pourpoints  de  salin  blanc,  et 
officiers  prétendaient  mangera  sa  labié  con-  pour  couvrir  leur  léte  une  loque  de  velours 
tre  les  statuts,  qui  le  défendent  et  qui  ordon-  noir  avec  une  plume  blanche  (1);  à  l'égard 
nenl  qu'ils  mangeront  en  un  lieu  à  part  avec  des  officiers,  le  chancelier  esl  velu  comme 
le  héraut  et  l'huissier.  Les  officiers  en  de-  les  chevaliers.  Le  prévôt,  le  grand  trésorier 
meuraienl  d'accord  ,  mais  ils  prétendaient  et  le  grelfier  ont  aussi  des  manteaux  do 
manger  à  la  table  du  roi  en  conséquence  de  velours  noir  et  le  mantelet  de  toile  d'argent 
la  déclaration  d'Henri  IV.  Le  roi  ordonna  verte;  mais  ils  sont  seulement  bordés  de 
qu'avant  la  prochaine  cérémonie  les  officiers  flammes  et  d'une  petite  frange  d'or,  et  por- 
lui  représenteraient  l'original  de  la  déclara-  lent  la  croix  cousue  sur  leurs  manteaux  et 
tion  d'Henri  IV,  faute  de  quoi  il  voulait  que  le  une  autre  croix  d'or  pendue  au  cou.  Le  hé- 
slalut  fût  observé.  Et  cel  original  n'ayant  pu  raut  et  l'huissier  ont  des  manteaux:  de  satin 
être  représenté,  il  n'y  eut  que  le  chancelier  noir  et  le  mantelet  de  velours  vert.  Ils  ont 
qui  dîna  à  la  table  du  roi  avec  les  chevaliers,  la  croix  de  l'ordre  pendue  au  cou;  mais 
Henri  III  ne  se  contenta  pas  de  distinguer  celle  de  l'huissier  esl  olus  petite  que  celle  du 
ainsi  par  ces  marques  d'honneur  <t  ces  pri-  héraut. 

viléges  les  chevaliers  de  l'ordre  du  Saint  Le  lendemain  de  leur  réception  ils  vont 
Esprit,  il  voulut  aussi  qu'ils  se  distinguas-  entendre  la  messe  revêtus  des  mêmes  habits, 
sont  par  la  piété.  C'est  pourquoi  il  les  exhorta  et  le  roi  à  l'offertoire  offre  un  cierge  où  il  y 
d'assister  tous  les  jours  à  la  messe  et  les  a  autant  d'écus  d'or  qu'il  a  d'années.  Apres 
jours  de  fête  à  la  célébration  de  l'office  la  messe  les  chevaliers  accompagnent  Sa 
divin.  Il  les  obligea  à  dire  chaque  jour  un  Majesté  dans  le  lieu  où  il  doit  dîner  el  man- 
chapelet  d'un  dixain,  qu'ils  doivent  porter  gent  avec  lui.  Ils  retournent  l'après-dinée  à 
sur  eux  ;  l'office  du  Saint-Esprit  avec  les  l'église  pour  assister  aux  vêpres  des  morts, 
hymnes  et  oraisons  comme  il  est  marqué  et  pour  lors  ils  ont  des  manteaux  et  mante- 
dans  le  livre  qu'on  leur  donne  à  leur  récep-  lets  de  drap  noir,  et  le  roi  un  manteau  violet, 
lion  ,  ou  bien  les  sept  psaumes  de  la  péni-  Le  troisième  jour  ils  vont  encore  à  l'église 
lencej  avec  les  oraisons  qui  sont  dans  le  pour  y  assister  au  service  que  l'on  y  fiit 
même  livre;  el,  n'y  satisfaisant  pas,  de  don-  pour  les  chevaliers  dêcédés.  A  l'offertoire  de 
ner  une  aumône  aux  pauvres.  Il  leur  or-  la  messe  le  roi  et  les  chevaliers  offrent  chà- 
donna  de  plus  de  se  confesser  au  moins  deux  cun  un  cierge  d'une  livre.  Maison  n'a  pas 
fois  l'an  et  de  recevoir  le  précieux  corps  de  vu  de  cérémonie  complète  depuis  l'an  1G(J2. 
Nutrc-Seigneur  Jésus-Christ  le  premier  jour  II  se  fait  tous  les  ans,  le  jour  de  la  Purifica- 
de  janvier  et  à  la  fête  de  U  Pentecôte,  vou-  lion  et  le  jour  de  la  Pentecôte,  une  procession 
laut  que  les  jours  qu'ils  communieraient,  en  où  le   roi  assiste  avec  tous   les   prelals  et 

(1)  Votj.,  a  la  fin  du  vol.,  n°  57. 


mo 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


chevaliers,  et  la  messe  est  ensuite  célébrée 
par  un  prélat  de  l'ordre.  Henri  III  destina 
les  offrandes  qui  se  font  dans  les  grandes 
cérémonies  pour  les  religieux  du  couvent 
des  Augustins,  et  obligea  chaque  chevalier,  à 
sa  réception  ,  de  donner  dix  écus  d'or  pour 
eux  au  grand  trésorier  de  l'ordre.  Ce  prince 
leur  donna  aussi  mille  livres  de  rente  pour 
dire  tous  les  jours  deux  messes,  l'une  pour 
la  prospérité  et  santé  du  souverain  et  des 
prélals,  chevaliers  et  officiers  de  l'ordre,  et 
l'autre  pour  les  défunts;  et,  dans  le  chapi- 
Ire  qui  se  tint  à  Paris  l'an  1580,  il  fut  arrêté 
que  chaque  chevalier  qui  serait  trouvé  sans 
sa  croix  payerait  pour  chaque  fois  dis  écus, 
et,  si  c'était  un  jour  de  chapitre,  cinquante 
écus,  qui  seraient  aussi  donnés  par  aumône 
aux  Augustins. 

Celle  cérémonie  de  l'ordre,  qui,  selon  les 
statuts,  se  doit  faire  dans  l'église  des  Augus- 
tins, est  peut-cire  ce  qui  a  donné  lieu  à 
l'abbé  Giustiniani  de  dire  que  cet  ordre  avait 
é'ë  soumis  à  la  règle  de  S  ii:it-Augustin  par 
le  pape  Grégoire  XIII,  qui,  selon  lui ,  l'ap- 
prouva :  en  quoi  il  a  été  suivi  par  Schoone- 
beck,  qui  ajoute  qu'Henri  IV  obtint  du  pape 
que  toutes  les  rentes  et  les  revenus  de  l'ordre 
seraient  convertis  en  commanderies,  et  qu'il 
envoya  même  un  ambassadeur  à  Rome  pour 
remontrer  à  Sa  Sainteté  que  cet  ordre  avait 
été  institué  pour  la  propagation  de  la  foi 
catholique  et  pour  l'extirpation  des  hérésies, 
et  que  les  chevaliers  s'y  engageaient  par 
serment.  Il  est  vrai  que  ce  prince  fit  repré- 
senter au  pape  Paul  V,  l'an  1608,  que  les 
chevaliers  et  ofOciers  de  l'ordre  s'engageant 
par  voeu  et  serment  d'en  observer  les  statuts, 
et  que  ces  statuts  défendant  d'y  admettre  les 
étrangers  non  regnicoles  et  ordonnant  à 
tous  les  chevaliers  de  communier  aux  jours 
de  cérémonies  et  à  la  réception  des  cheva- 
liers, il  priait  Sa  Sainteté  de  dispenser  en  ces 
deux  points  de  ce  vœu  et  serment,  en  ce  que 
l'ordre  étant  établi  pour  l'exaltation  et  la 
propagation  de  la  foi  catholique,  il  était 
avantageux  de  l'étendre  dans  les  pays  étran- 
gers; et  qu'à  l'égard  de  la  communion  que 
les  chevaliers  doivent  faire  les  jours  de  cé- 
rémonies et  à  la  réception  des  autres  che- 
valiers, il  était  plus  convenable  de  la  remet- 
tre à  un  autre  jour,  à  cause  que  dans  ces 
jours  de  fête  et  de  cérémonies  l'embarras 
et  le  tumulte  leur  rouvait  causer  plus  de 
distraction  que  de  dévotion  :  c'esl  pourquoi 
ce  pontife,  par  un  bref  du  16  février  1008, 
dispensa  les  chevaliers  de  leur  vœu  et  ser- 
ment, pour  ces  deux  articles  seulement,  en 
permettant  de  recevoir  des  étrangers  non 
regnicoles,  et  en  déclarant  que  les  chevaliers 
satisferaient  aux  statuts,  pourvu  qu'ils  com- 
muniassent un  des  jours  de  l'oct  ive  qui  pré- 
céderait les  cérémonies  de  l'ordre  ou  la 
réception  des  chevaliers;  et,  par  un  autre 
bref,  du  17  avril  de  la  même  année,  il  per- 
mit à  Henri  IV  de  faite  tel  changement  aux 
statuts  qu'il  trouverait  à  propos  pour  le  bien 
et  l'avantage  de  l'ordre  :  ce  qui  autorisa  ce 
prince  dans  quelques  changements  qu'il  y 
avait  déjà  faits  :  car  dès  l'année  précédente 


il  avait  donné  la  déclaration  dont  nous  avons 
parlé,  pour  admettre  les  rois,  princes  el  sei- 
gneurs étrangers,  avait  fait  ôler,  l'an  1597,  les 
chiffres  qui  étaient  sur  les  grands  colliers,  et 
y  avait  fait  meltre  à  la  place  des  trophées 
d'armes;  avait  déclaré  qu'aucun  bâtard  ne 
pourrait  être  reçu  dans  l'ordre,  sinon  ceux 
des  rois  reconnus  et  légitimés.  L'an  1001,  à 
la  naissance  du  dauphin  de  France,  qui  lui 
succéda  sous  le  nom  de  Louis  Mil,  il  lui 
avait  donné  la  croix  de  l'ordre,  et  le  cordon 
bleu;  el  l'an  1607  il  avait  fait  assembler  les 
prélals,  chevaliers  et  ofGciers  de  l'ordre, 
pour  leur  déclarer  qu'il  voulait  donner  la 
croix  et  le  cordon  bleu  à  son  Dis  le  duc 
d'Orléans,  comme  il  avail  fait  au  dauphin, 
et  à  l'avenir  à  tous  ses  enfants  mâles  qui 
naîtraient  en  légitime  mariage,  étant  en  bas 
âge,  pour  les  faire  connaître  à  tout  le  monde 
par  celte  marque  d'honneur  ;  ce  qui  a  été 
pratiqué  jusqu'à  présent  par  ses  successeurs. 

Quant  à  ce  que  Schoonebeck  dit  encore, 
qu'Henri  IV  obtint  du  pape  que  toutes  les 
renies  et  les  revenus  de  l'ordre  seraient 
convertis  en  commanderies,  il  y  a  plusieurs 
écrivains  qui  disent  au  contraire  que  ce  fut 
Henri  III  qui  voulut  attribuer  aux  prélats, 
chevaliers  el  of.iciers,  des  commanderies  sur 
les  bénéfices;  mais  que  le  pape  et  le  clergé 
n'y  ayanl  pas  voulu  consentir,  ce  prince  leur 
assigna  à  chacun  une  pension,  qui  a  été  ré- 
duite à  mille  écus,  comme  nous  avons  dit, 
el  le  roi  reçoit  sa  distribution  sur  l'évalua- 
tion des  anciens  écus  d'or,  qui  monte  à  six 
mille  livres. 

On  peut  excuser  le  même  Schoonebeck, 
comme  étranger,  d'avoir  avancé  qu'au  lieu 
des  H  qu'Henri  III  fit  meltre  au  collier,  j 
l'on  voit  aujourd'hui  des  L,  qui  signifient 
Louis  :  mais  Herman,  qui  dit  la  même  chose, 
ne  pouvait  pas  ignorer  qu'il  n'y  a  point  d'L 
au  collier,  et  que  les  H  n'en  ont  point  été 
ôtées  :  au  contraire,  dans  le  chapitre  qui  se 
tint  le  31  décembre  1619,  où  Louis  X1I1  était 
présent,  il  fut  arrêté  que  les  H  demeure- 
raient à  perpétuité  sur  les  broderies  des 
manteaux  et  mantclets,  et  sur  les  colliers  d'or 
des  chevaliers,  en  mémoire  d'Henri  111,  fon- 
dateur de  l'ordre,  et  du  roi  Henri  IV,  second 
chef  et  souverain  grand  maître  du  même  or^ 
dre.  Ce  collier  doit  être  du  poids  de  deux  cents 
écus  ou  environ,  et  ne  peul  être  jamais  orné 
de  pierreries.  Lorsqu'un  chevalier  meurt, 
ses  héritiers  le  doivent  renvoyer  au  roi.  11  n'y 
a  présentement  que  les  cardinaux,  les  pré- 
lals et  les  officiers  qui  sont  de  robe,  qui 
portent  la  croix  pendue  au  cou,  attachée  à 
un  ruban  bleu  lar^e  de  quatre  doigts;  tous 
les  chevaliers  la  portent  aussi  attachée  à  un 
ruban  bleu  en  éi  harpe,  depuis  l'épaule  droite 
jusqu'à  la  garde  de  l'épée.  Celte  croix  est 
d'or  émailiée  de  blanc,  chaque  rayon  pommelé 
d'or;  une  fleur  de  lis  d'or  dans  chacun  des 
angles  de  la  croix,  et  dans  le  milieu  d'un 
côte  une  colombe,  et  de  l'autre  un  saint  Mi- 
chel. Les  cardinaux  et  prélats  portent  la 
colombe  des  deux  côtes  de  la  croix,  n'élaot 
seulement  que  commandeurs  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit.  Toutes  les  expéditions  el  pro- 


su 


ESP 


ESP 


2(12 


visionsconcernaïucct  ordre  sonl  scellées  par 
le  chancelier  en  cire  blanche. 

Le  Laboureur,  Additions  aux  mémoires  de 
Çaslelnau.  Favin,  Théâtre  d'honneur  et  de 
chevalerie.  Bernard  (iiustini  mi ,  Sis  t.  di 
iull.  gli  Ord.  milit.  Schoonebcck,  llist.  des 
(Juins  Militaires.  Herman,  Hist.  des  Ordres 
de  Chevalerie.  Du  Chêne  et  Haudicquer,  lie- 
durcîtes  historiques  de  l'Ordre  du  S aini- Es- 
prit. Les  Statuts  de  cet  ordre  imprimés  en 
1703,  et  Manuscrits  de  Brienne  à  la  biblio- 
thèque du  roi,  vol.  274. 

£p  1708,  le  roi  Louis  XV  fil  réwscr  par  un 
des  prélals  de  l'ordre  du  Saint-Kspril  l'office 
à  l'usage  des  chevaliers,  et  soumit  le  travail 
à  tous  les  prélats  dudil  ordre,  qui  t'approu- 
vèrent* el  cet  office  fui  réimprimé  avec  luxe. 
Les  chevaliers  du  Saint-Esprit  le  récitent 
tous  les  jours,  ou  bien  les  sept  psaumes  de 
la  pénitence.  Nous  supposons,  ea  parlant 
ainsi  ,  que  les  membres  vivant  encore  rem- 
plissent une  obligation  qu'ils  ont  contractée 
devant  Dieu  et  leur  roi,  en  recevant  les  insi- 
gnes de  cet  ordre  aujourd'hui  supprimé  par 
le  fait.  A  la  restauration  des  Bourbons  , 
Louis  XVUI  ne  fil  pas  lout  ce  qu'il  aurait 
dû  prudemment  faire  pour  ramener  les  usa- 
ges des  temps  d'honneur  et  de  loyauté.  Sous 
ce  rapport,  les  choses  prirent  une  face  exlé- 
rieure  plus  consolante  ou  plus  animée  sous 
Charles  X. 

Le  lundi  30  mai  1825,  lendemain  du  sa- 
cre de  ce  monarque,  il  y  eut  dans  la  cathé- 
drale de  Reims  une  réception  solennelle  des 
chevaliers  et  commandeurs  des  ordres  du 
roi,  ce  qui  n'avait  pas  eu  lieu  depuis  plus  de 
trente-cinq  ans.  Deux  trônes  étaient  élevés, 
l'un  dans  le  sanctuaire  ,  l'autre  dans  le 
chœur.  Avant  la  cérémonie,  M.  le  dauphin 
reçut  d'abord  chevaliers  de  l'ordre  de  S.iinl- 
Michel ,  conformément  aux  statuts  ,  tous  les 
chevaliers  qui  allaient  être  reçus  membres 
de  l'ordre  du  Saint-Esprit.  Cette  réception 
faite,  le  roi  Charles  X  arriva  processionnel- 
lement  à  la  cathédrale  pour  tenir  chapitre 
des  ordres.  S.  M.  portait  la  dalmatique ,  le 
manteau  et  le  grand  collier  de  l'ordre  du 
Saint— lisprit.  Les  chevaliers  qui  devaient 
être  reçus  marchaient  sur  deux  rangs,  pui; 
les  chevaliers  reçus,  les  princes  ,  le  roi  en- 
touré des  grands  officiers  de  sa  maison  el 
des  commandeurs  ecclésiastiques,  MM,  lei 
cardinaux  de  la  Fare,  de  Croï  el  de  Cler- 
mont-Tonnerre  ,  l'archevêque  de  Reims  et 
l'abbé  de  Monlesquiou  (l'archevêque  de  Bor- 
deaux élail  absent,  mais  il  était  néanmoins 
eommand  ur  de  l'ordre).  Le  roi  assista  aux 
vêpres  assis  sur  son  trône  du  chœur.  Après 
les  vêpres  il  se  rendit  à  son  Irone  du  sanc- 
tuaire. Un  fauteuil  y  avait  élé  aussi  préparé 
pour  l'archevêque  de  lleims  officiant,  qui 
entonna  le  Vent,  Creator.  Les  commandeurs 
ecclésiastiques  furent  reçus  les  premiers; 
ils  prêtèrent  le  serment,  à  geuoux  devant  le 
roi  ,  furent  revêtus  par  lui  du  cordon  bleu, 
reçurent  de  ses  mains  le  livre  d'office  et  le 
iixain  ;  ils  baisèrent  ensuite  la  maindeSa  .Ma- 
jesté. Les  chevaliers  laïques  furent  reçus  en- 
îuiteavec  le  même  cérémonial. lis  étaient  au 

DlCT.ONXAIiîE    VJE5    ORDRES    RELIGIEUX.    II. 


nombre  de  trente-six,  dont  deux  étrangers, 
le  prince  de  Caslcl-Cicala  et  le  «lue  de  San- 
Carlos;  ces  deux-ci  prèlèrent  un  serment 
particulier.  On  chanta  alors  Compiles,  pen- 
dant lesquelles  le  roi  el  tous  les  membres  de 
l'ordre  restèrent  assis  et  couverts.  Il  n'y 
avait  eu  jusqu'alors  de  reçus  dans  l'ordre  du 
Saint-Esprit  que  les  trois  princes  existant  à 
celle  époque,  savoir  :  M.  le  dauphin,  M.  le 
duc  d'Orléans  el  M.  le  duc  de  Bourbon  ;  et 
encore  le  duc  de  la  Rochefouoault  et  le  duc 
de  la  Vauguyon.  Le  dimanche  de  la  Pentecôte 
de  l'année  suivante  (1820),  le  roi  fit  une  nou- 
velle réception  de  serments  et  de  chevaliers 
dans  la  chapelle  des  Tuileries.  Le  duc  de 
Chartres  (mort  depuis  si  misérablement  dans 
la  rue  de  la  Révolte)  élail  le  premier.  Ce 
jour-là  il  prêta  solennellement  le  serment  do 
fidélité  à  Charles  X,  comme  l'avait  lait  pré- 
cédemment le  duc  d'Orléans,  son  père,  à 
Louis  XVUI.  En  1827,  à  pareil  jour,  il  y  eut 
aussi  chapitre  de  l'ordre  et  réceptions  nou- 
velles. Le  roi,  dans  le  cours  de  l'année,  nom- 
mail  quelquefois  aux  dignités  de  l'ordre,  et 
les  réceptions  se  faisaient  le  jour  de  la  Pen- 
tecôte. Ainsi  eurent-elles  lieu  le  dimanche 
de  la  Pentecôte,  30  mai  1830.  Comme  celte 
cérémonie  a  été  la  dernière,  nous  en  parle- 
rons ici  avec  quelques  détails.  Le  roi  Char- 
les X  ,  comme  grand  maître  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit,  tint ,  à  11  heures  du  malin, 
dans  son  cabinet,  un  chapitre  dudit  ordic. 
M.  de  Quélen  ,  archevêque  de  Paris,  qui,  a 
l'occasion  du  sacre,  n'avait  reçu  aucune  la- 
veur, et  M.  l'archevêque  de  Bordeaux  y  fu- 
rent nommés  commandeurs  ecclésiastiques. 
S.  M.  soriit  ensuite  de  ses  appartements,  et 
la  procession  qui  se  fait  ce  jour-là  eut  lieu. 
Le  roi  était  précédé  des  chevaliers  de  ses 
ordres  el  des  chevaliers  non  reçus  qui  de- 
vaient recevoir  les  insignes;  ceux-ci  étaient 
MM.  les  princes  de  Polignac  et  de  Broglie 
(M.  de  Polignac  est  resté  fidèle  à  son  souve- 
rain), les  marquis  d'Ecquevilly,  de  Vérac  el 
de  Conllans,  et  les  comtes  de  Durfort,  Roy, 
Reille,  Rordesoulle  et  de  Cossé.  Tous  accom- 
pagnèrent le  roi  jusqu'au  trône  qui  avait 
élé  érigé  dans  la  chapelle.  M.  l'évêque  de 
Metz  officia.  Après  la  messe,  le  roi  se  plaça 
sur  un  trône,  à  gauche  de  l'autel.  Le  chan- 
celier de  l'ordre  lut  la  formule  du  serment. 
Leduc  de  Nemours,  fils  du  duc  d'Orléans, 
que  la  bonté  de  Charles  X  avait  élevé  au 
rang  d'altesse  royale,  et  qui,  quelques  se- 
maines plus  lard,  prenait,  avec  le  litre  de 
roi  des  Français,  la  couronne  des  mains  des 
députés,  le  duc  de  Nemours,  après  s'être  mis 
à  geuoux  au  pied  du  trône,  prêta  le  serment 
entre  les  mains  du  roi,  qui  le  revêlit  des  in- 
signes de  l'ordre.  Le  même  cérémonial  fut 
observé  pour  les  chevaliers  non  reçus,  et  le 
roi  fut  ensuile  reconduit  à  ses  appartements 
avec  le  même  cortège.  On  avaii  fait  pour 
cette  solennité,  au  château  des  Tuiler.es, 
des  préparatifs  que  nous  avons  vus  nous- 
môme.  B-d-e 

ESPRIT  (Ordre  du  Saint). 

§  f  ".  De  l'ordre  du  Saint-Esprit,  appelé  de 


DICTIONNAIRE  DES  Oi'.DKES  KELIGIEUX. 


20A 


203 
Monlpeuxer  en   France ,  et   in  Sassia   en 
Italie. 

La  plupart  des  anciens  historiens  qui  nous 
ont  donné  la  vie  de  sainte  Marthe  l'ont  ac- 
compagnée de  tant  de  fails  apocryphes  et 
contraires  à  la  vérté  de  l'histoire,  qu  ils  se 
sont  rendus  suspects  el  n'ont  mérite  aucune 
créance.  On  peut  dire  la  même  chose  d  Oli- 
vier de  la  Trau,  sieur  de  la  Terradc,  qui  se 
qualifie  archihospitàlier  général  et  grand 
maître  de  l'ordre,  milice  et  religion  du  Saint- 
Esprit,  qu'il  prétend  avoir  été  fonde  par 
cette  sainte,  et  qui ,  dans  un  discours  tou- 
chant la  fondation  de  cet  ordre,  qu  ''adressa 
en  1629  à  la  reine  de  France  Marie  de  Medi- 
cis,  qu'il  appelle  la  restauratrice  de  cet  or- 
dre, y  a  inséré  un  abrégé  de  la  vie  de  sainte 
Marthe,  où  il  a  enchéri  sur  tout  ce  que  1  on 
on  avait  avancé  de  fnbu'eux,  en  y  ajoutant 
des  circonstances  qui  le  sont  encore  davan- 
tage. 

Il  a  cru  que  ce  n'était  pas  assez  d  avoir- 
fait  remonter  l'antiquité  de  cet  ordre  jusqu  a 
sainte  Marthe,  mais  qu'il  fallait  encore  mon- 
trer comme  il  avait  toujours  subsisté  depuis 
ce  lomps-là.  11  cite  pour  cet  effet  une  bu  e 
de  Léon  X  du  10  janvier  1519,  par  laquelle 
ce  <ape  reconnaît  qu'il  subsistait  du  temps 
de  Jean  !1I ,  l'un  de  ses  prédécesseurs.  Il 
suppose  qu'un  certain  Guillaume  de  Fon- 
taine-Claire, général  et  grand  maître  de  cet 
ordre,  étant  allé  de  Montpellier  en  Espagne 
pour  y  faire  sa  visite,  s'attira  l'estime  de 
Ferdinand  l ',  roi  de  Caslille,  qui,  ayant  ob- 
tenu par  ses  prières  et  par  celles  des  reli- 
gieuses du  Saint-Esprit  de  Salamanque,  une 
victoire  complète  sur  les  Maures,  donna  a 
ces  religieuses  la  commanderie  d'Alalaia  et 
de  Palomera,  appartenant  à  l'ordre  de  Saint- 
Jacques,  suivant  le  voeu  qu'il  en  avait  fait, 
et  il  rai  porte  tout  au  long  en  langue  cas- 
tillane la  donation  qui  en  fui  faite  par  ce 
prince  en  d.te  du  15  novembre  1030. 

11  fait  ensuite  lenir  un  chapitre  général  à 
Montpellier  au  mois  d'août  1032,  indique 
parce  Guillaume  de  Fontaine-Glaire,  a  la 
sollicitation  d'Antoine  Ferez,  son  vicaire  gé- 
néral et  officiai,  et  de  Jean  de  Hochelorl, 
grand  prieur  d- la  province  d'Aquitaine,  ou 
l'on  cita  personnellement  don  Ferdinand  de 
Cordoue  ,  grand  prieur  de  la  province  de- 
Galice,  pour  y  venir  rendre  compte  de  ce  qui 
s'était  passé  au  chapitre  provincial  de  cet 
ordre  tenu  à  Salamanque  au  mois  d'août 
1031.  Enfin  il  cite  des  lettres  patentes  accor- 
dées par  Henri  11,  roi  de  France,  a  l'hôpital 
de  Montpellier,  par  lesquelles  il  parait  que 
cet  hôpital  est  le  premier  de  la  chrétienté; 
qu'il  a  été  fondé  par  un  de  nos  rois  qui  alla 
à  «orne,  où, à  la  sollicitation  du  pape  qui  gou- 
vernait pour  lors  l'Eglise  ,  il  fonda  en  telle 
ville  un  autre  hôpital  sous  le  nom  du  saint- 
Esprit. 

Voilà  les  principales  preuves  que  la  Trau 
de  la  Tcrrade  apporte  pour  prouver  l'anli 
Huile  el  la  continuation   de  son  ordre.   Mais 
Mariana  et  Turqiret,   dans  leurs  Histoires 
«l'Espagne,  prétendent  que  le  privilège  ac- 


cordé aux  religieuses  du  monaMère  du  Saint- 
Esprit  de  Salamanque,  l'an  103rt-,  par  le  roi 
Ferdinand  ,  et  non  pas  l'an   1030.  comme  le 
dit  la  Terrade,  est  faux  et  contrefait,  parce 
qu'il  est  écrit  en  langue  castillane  moderne, 
et  que  l'on  y  compte  l'année  depuis  la  nais- 
sance de  Notre-Seigneur  ,   ce  qui   ne  peut 
être  puisque  tous  les  actes,  tous  les  titres  et 
les  lettres   se  faisaient  en  latin  ,  et  que  l'on 
comptait  depuis  l'ère  de  César  ;  outre  qu'on 
y  donne  à  don  Ferdinand  le   titre  de  grand 
seigneur  de  Biscaye  et  de  roi  de  Léon,  ce  qui 
en   montre   plus   évidemment    la  fausseté , 
parce  qu'il  n'a  jamais   été  roi   de  Léon,   et 
par  conséquent  ne  pouvait  accorder  aucun 
privilège  à  ce  monastère  de  Salamanque,  qui 
a  été  sous  la  juridiction  de  Léon,  où  en  l'an 
103k  ,  qui  est  la   véritable  date   de  ce    pré- 
tendu   privilège,    régnait  don  Bermond  M. 
Les  autres  preuves  que  ceux  qui  prenaient 
la  qualité  de  chevaliers  de  cet  ordre  ont  ap- 
portées pour  en  faire  voir  l'antiquité,  et  que 
dans  son  origine  il  était  militaire  (lorsqu'on 
leur  a  disputé  cette  qualité)  ,   ne  sont  pas 
meilleures;  car  ils  ont  prétendu  que  saint 
Lazare,  frère  de  sainte  Marthe  et  de  sainte 
Marie-Madeleine,  en   avait  été  le   premier 
général  ou  grand   maître.  Ils  se  som  imagi- 
né que  sainte  Marie-Madeleine  avait  aussi 
fondé   plusieurs   maisons  de  cet  ordre  ;  de 
sorte  que  Lazare  et  ses  sœurs,  occupés  aux 
saints  exercices  de  l'hospitalité,  recevaient 
gratuitement  les  pèlerins  qui  venaient  à  Jé- 
rusalem  pour  y  adorer  les  sacrés  vestiges 
du  Sauveur  du  monde  ,   il  que  celle  société 
s'étant  augmentée  par  un  grand  nombre  de 
personnes    qui    en    y   entrant   consacraient 
leurs    biens    au   service    des    hôpitaux,  il 
s'en   forma  un  ordre  militaire  pour  assurer 
les  chemins  aux  pèlerins  qui  venaient  à  Jé- 
rusalem. 

Mais    sur    quelle   autorité    appujaienl-ils 
leuis   prétentions?  Sur  celle   d'un   ancien 
bréviaire  de  l'an  1553,  où,  dans  l'une  des  le- 
çons de  la  fête  de  sainte   Marthe,  il  est  dit 
que  pendant  que  Madeleine  s'appliquait  en- 
tièrement à  la  dévotion  et  à   la  contempla- 
tion, Lazare  s'adonnait  davantage  à  l'exer- 
cice de  la  guerre,  et  que  Marthe, qui  élaitlort 
prudente,  prenait  le  soin  des  affaires  de  sou 
frère  et   fournissait  aux  soldats  et  aux  do- 
mestiques   ce   qu'ils   avaient  besoin   :  Dum 
autem  Magdalena  devolioni  et  contemplation 
se  totam  exponeret,  Lazarus  r/uuque  plus  mi- 
litice  tacarel ,  Marlha  prudens  et  sororis  el 
fratris  partes  slrenue  gubernabiit  el  milit<0u< 
ac    famulis    sedule    minùtrabat.     Ainsi    ils 
avaient  cru  trouver  dans  les  mots  de  militiœ 
et  militibus  l'origine  de  leur  milice.  Mais  les 
hisloires  qui  se  trouvent  dans  les  bréviaires, 
principalement  dans  les  anciens  ,  ont-elles 
toutes  de  la  certitude?  el  les   changements 
qui  ont  été  faits  tant  de  fois  dans  les  légen- 
des contenues  dans  les  bréviaires,  ne  sont- 
cc  pas  des  preuves  que  l'on  y  recevait  an- 
ciennement le  vrai  comme  le  faux  ,   et  que 
ces  légendes  étai.  ni  pleines  de  quantité  de 
fables  qui  avaient  comme  étouffé  la  sincérité 
de  l'histoire? 


205  ESP 

M.  de  Blégny,  qui  prend  la  qualité  de 
commandeur  el  d'administrateur  général  de 
cet  ordre,  dans  un  projet  d'Histoire  des  re- 
ligions militaires  qu'il  donna  en  1G  14  et  qui 
n'est  proprement  que  pour  faire  voir  l'anti- 
quité de  l'ordre  militaire  du  Saint-Esprit, 
cite  aussi  pour  preuve  de  son  antiquité  un 
de  ces  anciens  bréviaires  de  l'an  1514- où  il 
est  parlé  de  Lazare  comme  chef  d'une  milice; 
et ,  après  avoir  fixé  la  première  époque  de 
l'établissement  de  cet  ordre  sur  l'autorité  de 
ce  bréviaire  :  Lazare,  dit-il,  étant  arrivé  en 
France  ,  se  proposa  de  remettre  sur  pied  le 
corps  de  milice  qu'il  avait  commandé  à  Jéru- 
salem, et  fit  prendre  les  armes  à  ceux  de  sa 
congrégation  qui  portaient  sur  leurs  habits 
une  croix  blanche  de  trois  parties,  dont  ta 
principale,  qui  était  l'arbre  ou  le  tronc,  re- 
présentait Lazare  comme  chef  de  leur  compa- 
gnie, et  les  deux  autres  ,  qui  étaient  les  tra- 
verses ou  croisons,  désignaient  les  deux  sœurs 
comme  personnes  subordonnées.  Les  pèleritis 
exposés  par  de  longs  voyages  devaient  à  leur 
vigilance  la  sûreté  qu'ils  trouvaient  sur  tes 
chemins  et  le  secours  qu'ils  trouvaient  dans 
les  hôpitaux.  Cet  ordre  devint  si  célèbre,  qu'il 
s'étendit  bientôt  dans  les  pays  étrangers.  Il 
vassa  premièrement  dans  le  royaume  de  Na- 
ples,  où  ces  hospitaliers  s'établirent  à  Pouz- 
toles,  et  ensuite  à  Rome. 

Les  titres  de  l'ordre  n'ont  pas  apparem- 
ment conservé  à  M.  de  Blégny  tous  les  noms 
des  premiers  généraux  successeurs  de  La- 
zare, car  il  passe  tout  d'un  coup  à  l'année 
493,  en  laquelle  il  dit  que  Luc  de  Brisquel 
était  général;  qu'il  eut  pour  successeur  en 
498  Cécile  de  Mondragon;  qu'à  celui-ci  suc- 
céda Lucale  Feirat,  el  que-ce  fut  à  Jérôme  de 
Trécis,  qui  fut  établi  général  en  573,  que  le 
pape  Jean  III  adressa  une  bulle.  L'on  est 
déjà  assrz  convaincu  que  toute  l'antiquité 
que  prétendaient  les  chevaliers  était  imagi- 
naire; mais  cette  bulle,  adressée  par  Jean  III 
a  ce  prétendu  grand  maître  en  573,  en  est 
une  preuve  ,  puisque  ce  pape  était  mort  en 
572.  Nous  ne  suivrons  pas  les  chevaliers 
dans  toutes  leurs  autres  prétentions  sur  celte 
antiquité,  qui  nous  conduiraient  trop  loin. 
Elles  étaient  si  peu  raisonnables  et  les  titres 
dont  ils  se  prévalaient  élaienl  si  manifeste- 
ment faux  ,  qu'il  y  a  lieu  de  s'étonner  qu'ils 
les  aient  même  produits,  lorsqu'en  1(393  les 
Chanoines  Réguliers  de  cet  ordre  leur  dispu- 
tèrent cette  qualité  de  chevaliers,  comme 
nous  dirons  il  ms  la  suite. 

En  effet  ces  Chanoines  Réguliers  ont  tou- 
jours considéré  celle  antiquité  de  leur  ordre 
comme  imaginaire,  et  n'ont  jamais  reconnu 
d'autre  fondateur  que  Guy  de  Montpellier. 
H  était  Dis  de  Guillaume,  seigneur  de  Monl- 
pellier  et  de  Sibylle, el  il  bâtitdans  celte  ville, 
sur  la  On  du  douzième  siècle,  un  célèbre  hô- 
pital pour  y  recevoir  les  pauvres  malades. 
Son  insigne  charité  le  rendit  très-recom- 
mandable:  il  procura  de  grands  biens  à  son 
nouvel  établissement;  il  associa  avec  lui 
d'autres  personnes  pour  en  avoir  soin  et 
assister  les  pauvres  de  leurs  biens.  Son 
ordre  s'étendit  en  peu  de  temps  en  plusieurs 


ESP 


206 


endroits,  comme  il  parait  par  la  bulle  i!u 
pape  Innocent  111  du  23  avril  1198,  qui,  en 
confirmant  cet  ordre,  fait  le  dénombrement 
des  maisons  qu'il  avait  déjà,  dont  il  y  en 
avait  deux  à  Rome,  l'une  au  delà  du  fibre, 
et  l'autre  à  l'entrée  de  la  ville  sous  le  nom 
de  Sainie-Agalhe  ;  une  autre  à  Bergerac, 
une  à  Troyes,  et  d'autres  en  différenls  lieux. 
Comme  ils  étaient  tous  laïques,  et  qu'il  n'y 
avait  aucun  ecclésiastique  parmi  eux ,  le 
même  pontife  avait  le  jour  précédent  écrit  a 
tous  les  archevêques,  évêques  el  prélats  de 
l'église,  pour  les  prier  que  s'il  se  trouvait 
quelques  personnes  pieuses  de  leurs  diocèses 
qui  voulussent  faire  quelques  donations  à 
ces  Hospitaliers,  ils  ne  les  empêchasse:  t 
pas.  Il  exhortait  aussi  ces  prélats  d'accorder 
à  ces  Hospitaliers  la  permission  de  bâtir  des 
églises  et  des  cimetières,  de  faire  la  dédi- 
cace de  ces  églises,  de  bénir  les  cimetières 
lorsqu'ils  seraient  bâtis,  et  de  souffrir  que 
le  fondateur  et  les  autres  frères  de  cet  ordre 
choisissent  des  prêtres  séculiers  pour  leur 
administrer  les  sacrements  et  aux  pauvres 
dans  leurs  églises.  Six  ans  après,  l'an  1204, 
ce  pape  fit  venir  à  Rome  le  fondateur  pour 
lui  donner  le  soin  de  l'hôpital  de  Sainte- 
Marie  in  Sassia,  ou  en  Saxe,  qui  s'appelle 
présentement  le  Saint-Esprit  ;  et,  comme  il 
est  le  chef  de  cet  ordre  et  l'un  des  plus  cé- 
lèbres de  l'Italie,  nous  rapporterons  son  ori- 
gine et  sa  fondation. 

L'église  fut  fondée  par  Ina,  roi  des  Saxons 
Orientaux,  l'an  715,  sous  le  titre  de  Sainte- 
Marie  in  Sassia,  ou  de  Saxe,  et  le  même  roi 
étant  venu  à  Rome  l'an  718,  ajouta  à  cette, 
église  un  hôpital  pour  les  pèlerins  de  sa  na- 
tion, qu'il  donna  à  gouverner  à  quelques 
personnes  séculières,  ayant  assigné  sur  son 
domaine  un  revenu  annuel  pour  la  sub- 
sistance des  pauvres  et  l'entretien  de  l'hô- 
pital. 

Offa,  roi  des  Merciens,  à  son  imitation, 
amplifia  le  même  hôpital  et  en  augmenta  les 
revenus  ;  mais  il  fut  brûlé  en  817  par  un  in 
cendie  qui  ne  put  être  arrêté  que  par  une 
image  de  la  sainte  Vierge,  que  le  pape 
Pascal  I  y  porta  en  procession.  Un  paie  l 
incendie  acheva  de  le  désoler  en  847,  auquel 
le  pape  Léon  IV  remédia  aussitôt  le  mie„x 
qu'il  put,  ayant  été  aidé  par  les  libéralités 
des  successeurs  des  rois  fondateurs.  Mus 
les  guerres  des  Guelfes  et  des  Gibelins,  du- 
rant les  onze  et  douzième  siècles,  ruinèrent 
tellement  le  quartier  de  la  ville  où  l'hôpital 
est  situé,  qu'ils  en  abolirent  même  jusqu'à  la 
mémoire.  Enfin  Innocent  III,  étant  monie 
sur  la  chaire  de  saint  Pierre,  lit  bâtir  de  fou  i 
en  comble  cet  hôpital  à  ses  dépens  l'an  1198, 
pour  y  recevoir  les  malades  et  les  pauvres 
de  Rome,  et  en  augmenta  de  beaucoup  1.  s 
bâtiments,  les  possessions,  les  revenus  et  les 
privilèges  ,  eu  l'année  1204,  après  que  des 
pêcheurs  eurent  tiré  du  Tibre  dans  leurs 
filets  une  grande  quantité  d'enfants  nouvel- 
lement nés  qu'on  y  avait  jetés  ;  car  ce  pape 
ea  fut  tellement  touché,  qu'il  destina  princi- 
palement cet  hôpital  pour  recevoir  les  en- 
fants exposés  el  abandonnés  par  leurs  pa- 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


20S 


renls.  A  la  vérité  il  n'en  est  point  fait  men- 
tion dans  sa  bulle,  mais  bien  dans  celles  de 
plusieurs  de  ses  successeurs,  comme  de  Ni- 
colas IV,  de  Sixle  IV  el  de  quelques  autres  ; 
it  l'on  voit  encore  dans  cet  hôpital  une  pein- 
ture à  fresque,  qui  représente  des  pêcheurs  qui 
portent  à  In  noce  n  II  11  ces  enfants  qu'ils  avaient 
irouvés.et  une  inscription  au  bas,  qui  fait  foi 
que  ce  pontife  fut  averti  par  un  ange  d'y  re- 
médier; c'est  pourquoi  l'on  prétend  qu'il  fit 
en  même  lemps  bâtir  celle  église,  qu'il  dédia 
en  l'honneur  du  Saint-Esprit,  tant  à  cause 
qu'il  lui  avait  inspiré  une  si  bonne  œuvre, 
qu'à  cause  des  religieux  du  Saint-Esprit  de 
Montpellier,  auxquels  il  donna  le  soin  de  cet 
hôpital  ;  mais  il  y  en  a  beaucoup  qui  regar- 
dent cette  histoire  comme  une  fable. 

Ce  qui  est  vrai,  c'est  qu'il  n'y  avait  pas 
longtemps  que  le  comte  Guy  avait  fondé  son 
ordre,  dont  le  principal  soin  des  Hospitaliers 
était  d'exercer  l'hospitalité  envers  les  ma- 
lades, comme  nous  avons  dit  ci-dessus.  Ce 
saint  pape,  étant  bien  informé  de  leur  cha- 
nté qui  les  rendait  alors  fort  célèbres,  en  fil 
venir  six  à  Home  avec  leur  fondateur  pour 
leur  donner  la  direction  de  cet  hôpital,  que 
les  papes  successeurs  d'Innocent  111  ont  en- 
richi dans  la  suite  par  plusieurs  donations 
qu'ils  lui  ont  faites,  en  quoi  ils  ont  été  imités 
par  plusieurs  personnes  pieuses  et  chari- 
tables. 

L'an  1471,  Sixle  IV,  voyant  que  les  bâti- 
ments de  cet  hôpital  tombaient  en  ruine,  le 
fil  rebâtir  avec  la  magnificence  qu'on  voit 
encore  aujourd'hui.  Il  contient  plusieurs 
corps  de  logis  avec  une  salle  fort  longue  et 
élevée  à  proportion,  capable  de  tenir  mille 
lits,  et  un  grand  coi  ridor  à  côté  de  celte  salle 
qui  en  contient  bien  encore  deux  cents,  les- 
quels sont  tout  remplis  en  été.  On  esl  même 
.souvent  contraint  d'en  dresser  d'autres  dans 
les  greniers  de  cet  hôpital,  qui  sont  au  bas 
de  Saint-Onuphre,  outre  une  grande  salle 
lie  traverse  où  l'on  met  les  blesses.  Les  prê- 
tres el  les  nobles  sont  dans  des  chambres 
particulières,  où  il  y  a  quatre  lits  dans  cha- 
cune, et  sont  servis  en  vaisselle  d'argent.  Il 
y  a  encore  d'autres  chambres  pour  les  fré- 
nétiques et  pour  ceux  qui  ont  des  maux  con- 
tagieux. 

Dans  un  appartement  qui  est  derrière 
l'hôpital,  on  y  entretient  grand  nombre  de 
nourrices  pour  allaiter  les  enfants  exposés, 
outre  plus  de  deux  mille  de  la  ville  et  des 
villages  circonvoisins  à  qui  on  les  donne  à 
nourrir.  Tout  proche  est  l'appartement  des 
garçons  qu'on  y  met  à  l'âge  de  trois  ou 
quatre  ans,  api  es  qu'on  les  a  retirés  des 
nourrices.  Ils  sont  toujours  au  nombre  de 
cinq  cents,  el  ils  y  demeurent  jusqu'à  ce 
qu'ils  soient  en  état  de  gagner  leur  vie  à 
quelque  métier  ou  autre  exercice  qu'on  leur 
apprend. 

Les  filles,  qui  sont  en  pareil  nombre,  sont 
élevées  dans  un  autre  appartement  fermé 
jusqu'à  ce  qu'elles  soient  en  état  d'être  ma- 
riées ou  religieuses;  el  quand  elles  sont 
pourvues,  elles  reçoivent  de  l'hôpital  cin- 
quante écus  romains  de  dot.  Elles  sont  sous 


la  direction  des  religieuses  Oc  cet  ordre,  dont 
le  monastère  est  renfermé  dans  l'hôpital.  Il 
fut  bâti  l'an  1GO0  par  le  pape  Clément  VIII, 
qui  dédia  leur  église  sous  lé  nom  de  Sainte- 
Thècle. 

Enfin  il  y  a  le  palais  du  précepteur  ou  com- 
mandeur el  chef  de  cet  ordre,  qui  est  très- 
beau,  entre  lequel  et  cet  hôpital  il  y  a  un 
grand  cloître  où  logent  les  médecins,  les 
chirurgiens  et  les  serviteurs  de  l'hôpital,  qui 
sont  toujours  plus  de  cent,  et  à  côté  est  l'ap- 
partement des  religieux.  C'est  toujours  un 
prélat  distingué  qui  remplit  celle  charge  de 
commandeur,  qui  est  présentement  à  la  no- 
mination du  pape. 

La  dépense  tant  pour  les  enfants  que  pour 
les  malades  monte  par  année,  l'une  portant 
l'autre,  à  près  de  cinq  cent  mille  livres,  et 
le  revenu  serait  une  fois  aussi  considérable 
sans  la  fainéantise  des  Italiens,  qui  laissent 
la  plupart  des  terres  sans  être  culli.vées, 
principalement  dans  la  campagne  de  Rome, 
oùcethôpilal  esl  seigneurde  plusieurs  bourgs 
el  villages,  comme  la  Tolfa,  San-Severo,  Po- 
lidoro,  Castelguido  el  plusieurs  autres  sur  le 
chemin  de  Civita-Vecchia,  dont  il  y  en  a 
quelques-uns  qui  sont  principautés.  Au  de- 
hors de  cet  hôpital,  il  y  a  un  tour  avec  un 
pelit  matelas  dedans  pour  recevoir  les  in- 
iants  exposés.  L'on  peut  hardiment  les  mettre 
en  plein  jour,  car  il  est  défendu  sous  de 
très-grosses  peines,  et  même  de  punition 
corporelle,  de  s'informer  qui  sont  ceux  qui 
les  apporlent,  ni  de  les  suivre. 

Voilà  quel  esl  ce  fameux  hôpital  du  Saint- 
Esprit  de  Rome,  dont  le  pape  Innocent  III 
donna  la  direction,  comme  nous  avons  dit, 
au  comte  Guy  et  à  ses  Hospitaliers.  Les  prê- 
tres qui  administraient,  les  sacrements  dans 
les  hôpitaux  n'étaient  pas  du  corps  de  l'or- 
dre, puisqu'ils  étaient  amovibles  ;  ils  n'étaient 
pas  sujets  à  la  correction  du  maître,  el  dé- 
pendaient seulement  des  évoques  dans  les 
diocèses  desquels  les  hôpitaux  étaient  situés. 
Mais  Innocent  111,  par  sa  bulle  de  l'an  1204, 
voulut  que  dans  l'hôpital  de  Home  il  y  eût  au 
moins  quatre  clercs  qui  en  y  entrant  feraient 
profession  de  la  règle  que  suivaient  les 
Hospitaliers  ;  el,  afin  d'èlre  moins  à  charge 
à  l'hôpital,  ils  devaient  se  contenter  de  la 
simple  nourriture  et  du  vêtement.  11  leur 
était  défendu  de  se  mêler  des  affaires  tempo- 
relles, et  ils  étaient  soumis  à  la  correction 
du  pape  :  ainsi  il  commença  à  y  avoir  paruii 
les  Hospitaliers  du  Saint-Esprit  des  per- 
sonnes ecclésiastiques  et  de-,  laïques,  avec 
cette  différence  que  les  ecclésiastiques  s'en- 
gageaient à  une  étroite  pauvreté  el  au  ser- 
\icc  des  malades  par  des  vœux  solennels,  et 
que  les  laïques  n'étaient  engagés  seulement 
que  par  des  vœux  simples.  Car,  quoique  le 
pape  obligeât  ceux-ci  a  faire  profession  ré- 
gulière, après  avoir  été  éprouvés  pendant  un 
an,  et  a  ne  point  quitter  l'ordre  que  pour 
passer  dans  un  aulrc  plus  austère,  on  ne 
doit  pas  conclure  tic  là  qu'ils  fussent  pour 
cela  religieux,  puisqu'on  appelait  en  ce 
liinps-là  religion  cl  ordre  toute  société  dans 
laquelle  on  s'engageait  plus  étroitement  à 


2U9                                 ESP  ESP                                 2i0 

servir  Dieu  sous  l'obéissance  d'un  supérieur,  a  cet  hôpital  <Je  Jérusalem.  C'est  appareni- 

Enfin,  p.:r  la  même  bulle,   le  pape  unit  les  ment  pourquoi  Bzovius,  le  P.  Mendo,  Cres- 

ileux  hôpitaux  du  Saint-Esprit  de  Montpel-  cenze,  l'abbé  Ginsliniani  et  quelques  autres 

lier  et  de  Rome,  voulant  qu'ils  fussent  guu-  auteurs,  parlant  de  l'ordre  du  Saint-Esprit, 

vernés  par  ua  même  maître,   et   que  cette  l'ont  qualifie  ordre  militaire. 

union  ne  pût  préjudicier  aux  droits  de  l'évé-  . 

que  de  Maguelone,  à  la  juridiction   duquel  §  2;  Continuation  de  l  histoire  de  l  ordre  du 

l'hôpital  de  Montpellier  était  soumis.  Il  or-  Sainl-Lsprit  de  Montpellier,  et  suppres- 

donna  aussi  entre  autres  choses  que  ceux*  sion  de  la  milice  de  cet  ordre. 

qi  i  seraient  commis  pour  chercher   les  au-  La   première  atteinte  qui  fut  faite  à  l'aii- 

mônes  pour  ces  hôpitaux  auraient  chacun  torité  du  grand    maître  ou  commandeur  de 

leur  département,  que  les  quêteurs  de  celui  l'hôpital  du  Saint-Esprit  de  Montpellier,  qui, 

île  Romese  conlenteraientdesaumônesqu'ils  en  celle  qualité,    était  général  de  tout  l'or- 

recevraient  en   Italie,  en  Sicile,  en    Annie-  dre,  fut  quand  le  pape  Honorius  111  sépara 

terre  et  en  Hongrie,  et  que  ceux  de  l'hôpital  cet   hôpital  de  celui   de   Home.   H  lui  laissa 

de  Montpellier  pourraient  aller  dans  toutes  néanmoins  toute  juridiction  sur  les  hôpitaux 

les  autres  provinces  de  la  chrétienté.  qui  se  trouvaient  dans  toutes  les  provinces 

Plusieurs    hôpitaux    s'unirent  ensuite   à  de  la  chrétienté,   excepté  en    Italie  et  dans 

celui    de    Montpellier,    auquel  l'on  fit   da  les  royaumes  de  Sicile,  de  Hongrie  et  d'An- 

grandes    donations.   Celui  de  Rome  se   mit  gleterre.  Grégoire  X  lui  ôta  encore  relie  ju- 

dans  la  même  réputation,  et  plusieurs  hôpi-  ridiclion,  qu'il  donna  au  maître  de  l'Hôpital 

taux  s'unirent  à  lui;   c'est  pourquoi,    l'an  de    Rome,  voulant  que  celui  de  Montpellier 

1217,   Honorius  III  voyant  que   l'union  de  lui  obéit  comme  à  son  supérieur.  Nicolas  IV 

ces  deux  hôpitaux  de  Rome  et  de  Montpel-  dit  néanmoins,  dans  une  bulle  de  l'an  1291, 

lier  pouvait  préjudicier  à  celui  de  Rouie  en  que  ce  fut  du   consentement  du   maître  de 

particulier,  les  démembra,  ordonnant  qu  ils  l'hôpital  de  Montpellier   et  de  ses  hospila- 

n 'auraient  rien  de  commun  ensemble;  que  Mers,  qui  s'y  soumirent  volontairement  ;  et 

les  aumônes  qui  seraient  reçues  en  Italie  et  il   ordonna   que    le   maître   de    Montpellier 

dans   les  royaumes  de  Sicile,  de  Hongrie  et  payerait  tous  les  ans  à  celui  de  Rome  trois 

d'Angleterre,  seraient  portées  à  l'hôpital  de  florins   d'or.  Il  y  en  a  qui  prétendent  que  le 

Rome,    et   que   celles    qui   seraient   reçues  pape  Grégoire  XI  remit  les   choses  en  l'état 

dans  toutes  les  autres  provinces  de  la  cliré-  qu'elles  étaient  du  temps  d'Honorius  III,  en 

tienté    appartiendraient   à   celui   de   Mont-  séparant  de  nouveau  ces    hôpitaux  ;    mais 

pellier.  le  Saunier,  religieux  de  l'ordre   du  Saint- 

L'ordre  du  Saint-Esprit  a  donc  d'abord  été  Esprit,  et  sous-pi  ieur  de  l'hôpital  de  Rome, 
mixte,  composé  de  personnes  ecclésiasti-  fait  voir  que  la  bulle  de  ce  pape,  de  l'an 
ques  faisant  profession  de  la  vie  religieuse,  1372,  qui  se  trouve  dans  le  Bullaire  de  cet 
engagées  par  des  vœux  solennels,  et  de  per-  ordre,  est  fausse  et  supposée,  en  ce  qu'elle 
sonnes  laïques  qui  ne  faisaient  que  des  vœux  est  adressée  à  Bérenger  Giron  ,  général  et 
simples.  On  regarda  dans  la  suite  cet  ordre  grand  maître  de  l'archihôpital  et  milice  do 
comme  militaire  ;  le  nom  de  maître  que  pre-  l'ordre  du  Saint-Esprit,  et  que  ce  Bérenger 
naient  ceux  qui  gouvernaient  les  hôpitaux  mourut  l'an  1187  ou  1488,  outre  que  celle 
et  qui  en  étaient  supérieurs,  fut  changé  en  butte,  qui  est  datée  du  trois  des  calendes  de 
celui  de  précepteur  ou  commandeur,  et  l'on  septembre  1372,  et  de  la  troisième  année  du 
se  servit  du  terme  de  respon-ion  pour  mar-  pontificat  de  Grégoire  XI,  ne  peut  pas  être 
quer  les  charges  que  les  commanderies  de-  de  cette  année,  puisqu'il  ne  fut  élu  que  le 
vaient  au  grand  maître  ou  général,  ce  terme  3J  décembre  1370.  C'était  peut-être  au  sujet 
de  responsion  n'étant  eu  usage  que  dans  les  de  ce  Bérenger  Giron  que  Sixte  IV  se  plai- 
ordres  militaires.  11  n'y  a  néanmoins  aucune  gnit  de  ce  qu'il  y  en  avait  au  delà  des  monls 
preuve  que  ces  Hospitaliers  aient  porté  les  qui  prenaient  la  qualité  de  généraux,  et  il 
armes  el  aient  été  employés  dans  les  croi-  les  soumit  à  celui  de  Rome,  comme  au  seul 
sades  comme  les  autres  hospitaliers,  mais  général  de  l'ordre.  Le  généralat  fut  néan- 
l'on  trouve  que  le  nom  de  commandeur  leur  moins  restitué  au  commandeur  de  Montpel- 
est  donné  dans  une  bulle  d'Alexandre  IV  de  lier  par  les  papes  Paul  V  et  Grégoire  XV, 
l'an  1256  :  Ctim  igilur  magistri  commenda-  mais  à  condition  qu'il  dépendrait  encore  de 
tores  et  omnes  alii  fratres  nostri  liospitalis.  celui  de  Rome.  Cette  dignité  lui  fut  enfin  ac- 
On  trouve  aussi  la  même  chose  dans  d'au-  cordée  sans  aucune  dépendance  par  le  pape 
très  bulles  de  différents  pontifes.  Le  même  Urbain  VIII,  et  eue. ire  conlestée,  comme 
Alexandre  IV,  dans  celle  dont  nous  venons  nous  dirons  dans  la  suite, 
de  parler,  et  le  pape  Nicolas  IV,  par  une  Mais  la  milice  de  cet  ordre  reçut  un  plus 
autre  bulle  de  l'an  1291,  après  avoir  dit  que  grand  échec  en  1459,  car  le  pape  Pie  il  la 
le  commandeur  de  Montpellier  et  les  mai-  supprima  entièrement.  On  découvrait  quel- 
sons  de  sa  dépendance  se  sont  soumis  à  ques  traces  de  chevaliers  depuis  la  bulle 
lï.ôpilal  du  Suint-Esprit  de  Rome,  ajoute  d'Alexandre  IV  de  l'an  1256,  dont  nous  avons 
que  c'est  afin  que  l'hôpital  de  Montpellier  parlé  ,  jusqu'à  ce  temps-là.  L'ordre  était 
soit  soumis  et  sujet  à  celui  de  Rome  de  la  compose  de  personnes  ecclésiastiques  véri- 
même  manière  que  les  maisons  qui  dépen-  lablement  religieuses,  et  de  laïques  qui 
dent  de  l'hôpital  de  Jérusalem,  qui  est  une  n'étaient  point  engagés  à  la  profession  reli- 
luilice  temporelle,  sont  soumises  el  sujettes  gieuse,  et  on  était  en  peine  de  ce  qu'étaient 


m 


DlCTIO.NiXAlKE  DES 


devenus  ces  laïques  depuis  le  milieu  du 
quinzième  siècle  jusqu'au  commencement 
du  dix-septième,  qu'on  ne  voit  dans  cet 
ordre  que  de  véritables  religieux  ;  et  ce 
n'est  que  vers  ce  temps-là  qu'on  y  voit  re- 
naître des  laïques  ou  séculiers  qui  sont 
même  engagés  dans  le  mariage.  Mais  M.  de 
Lribnilz  nous  a  appris  quel  avait  été  leur 
sort,  en  nous  conservant  dans  son  Codex 
juris  gentium  la  bulle  de  Pie  II  de  l'an  1459, 
par  laquelle  il  érige  l'ordre  militaire  de 
Notre-Dame  de  Bethléem  ,  et  en  supprime 
quelques  autres,  du  nombre  desquels  est  la 
milice  du  Saint-Esprit  in  Sassia  à  Rome, 
dont  il  applique  les  revenus  à  son  nouvel 
ordre  de  Notre-Dame  de  Bethléem  :  Pro  fun- 
damento  aulein  ac  substantiel  dictœ  religionis 
novœ,  alias  religiones  sive  militias  ac  hospi- 
lalia  infra  scripta,  videticet  S.  Lazari,  ubili- 
bel  consislentia,  S.  M.  de  Castello  Britonum 
de  Bologna,  ac  S.  Sepulcri,  nec  non  S.  Spi- 
ritus  in  Saxia  de  Urbe,  et  omnia  ab  eo  depen- 
denlia  aut  illius  habitum  seu  crucem  duplicem 
deferentia,  et  B.  M.  Cruciferorum,  etc.  On 
pourrait  dire  que  c'est  tout  l'ordre  du  Saint- 
Esprit  in  Sassia  que  ce  pape  avait  supprimé, 
mais  il  n'a  seulement  entendu  parler  que  de 
la  milice,  religiones  seu  militias.  Et,  bien 
loin  d'avoir  supprimé  l'hôpital  du  Saint- 
Esprit  de  Rome,  c'est  qu'il  lui  accorda  beau- 
coup de  privilèges  aussi  bien  que  son  suc- 
cesseur Paul  11,  comme  il  est  marqué  dans 
une  bulle  de  Sixte  IV  du  21  mars  1478. 

Après  la  suppression  de  celle  milice,  il 
n'y  eut  plus  dans  l'ordre  du  Saint-Esprit  de 
mélange  de  religieux  et  de  laïques.  Cet  or- 
dre tut  purement  régulier,  et,  s'il  y  eut  des 
laïques  qui  possédèrent  encore  des  comman- 
deries  sous  le  titre  de  chevaliers  de  cet  or- 
dre, ce  titre  n'était  point  légitime.  C'est  ce 
que  nous  apprenons  d'une  autre  bulle  de 
Sixte  IV  de  l'an  1476,  qui  ordonne  que  les 
hôpitaux  de  cet  ordre  et  les  commanderies, 
aussi  bien  que  leurs  dépendances,  ne  pour- 
ront être  données,  soit  en  titre,  soit  en  com- 
mende ,  qu'à  des  religieux  profès  de  cet 
ordre,  qui  seront  obligés  de  retourner  dans 
/eurs  cloîtres  toutes  lois  et  quand  il  plaira  au 
grand  maître  de  l'hôpital  de  Home  de  les  faire 
revenir  :  Statuentes  ac  etiam  decernentes, 
quod  ipsius  ordinis  hospitalia,  prœceptoriœ, 
membra  et  loca,  nnlli  cujuscunque  dignilatis, 
status,  gradus,  vel  conditionis  fuerit,  prœ- 
tirqumn  ipsius  nostri  hospitalis  fr  a  tribus,  et 
ordinem  ipsum  expresse  professis,  eis  tamen 
pro  solo  nulu  dicti  prœceptoris  existentis  et 
pro  lempore  ad  claustrum  quoties  expédient 
revocanais,  in  titulum  vel  commendam  con- 
ferri  valeanl  sive  possint.  Voilà  qui  est  bien 
fort  contre  les  chevaliers  qui  ont  paru  au 
commencement  du  dix-septième  siècle,  qui, 
bien  loin  de  vivre  en  commun  dans  un  cloî- 
tre sous  l'obéissance  d'un  supérieur,  ou  du 
n.oins  d'y  pouvoir  être  rappelés  à  la  volonté 
des  supérieurs,  lorsqu'ils  auraient  des  com- 
manileries, étaient  au  contraire  la  plupart 
maries.  Peut-être  dira-l-on  que  les  hôpitaux 
do  Rome  et  de  Montpellier  ayant  été  désunis 
l>ar  le  pape  Grégoire  XI,  l'an  137-2,  le  pape 


ORDRES  RELIGIEUX.  W2 

ne  parlait  qu'à  ceux  qui  étaient  soumis  à 
1  hôpital  de  Rome  ;  mais,  outre  que  la  bulle 
de  Grégoire  XI  est  fausse  et  supposée,  c'est 
que  Sixte  IV  s'adresse  plus  particulièrement 
aux  Français  qui  avaient  usurpé  des  coin- 
manderies  et  qui  prenaient  la  qualité  de  gé- 
néraux de  l'ordre  :  Cum  itaqiee,  sicut  aece- 
pimus  displicenter,  nonnulli  in  ipsius  hospi- 
talis fratres  etiam  prœceptorias ,  hospitalia, 
membra,  et  loca  pia  ab  ipso  hospitali  in  Saxia 
dependentia,  obtinentes,  ambitione  et  cupidi- 
tate  cœca  inducli,  et  sub  terminis  non  contenti, 
temeritate  propria  se  générales  prœceptores 
dicti  ordinis  prœcipue  in  partibus  idlramon- 
lanis  nominare,  etc.  Il  déclare  ensuite  que 
tous  les  hôpitaux,  les  cornmanderies  et  les 
lieux  pieux  de  l'ordre  et  qui  portent  le  nom 
du  Saint-Esprit,  dépendront  de  l'hôpital  du 
Saint-Esprit  en  Saxe,  etiamsi  longœva  con- 
suetudo  aut  submissio  aliqua  repugnarint;  et 
il  défend  à  aucun  religieux  possédant  une 
commanderie  de  l'ordre  de  prendre  la  qua- 
lité de  général  en  deçà  ou  en  delà  les  monts, 
ni  de  prétendre  aucune  autorité  sur  les  au- 
tres religieux,  qui  doivent  être  tous  soumis 
au  précepteur  de  l'hôpital  de  Rome  :  Quin- 
imo ,  omnes  et  singuli  dicti  ordinis  prœcep- 
tores, hospilalarii  et  religiosi  quos  eidem  prœ- 
ceptori  nostri  hospitalis  in  Saxia  pleno  jure 
subesse  volumus  et  tanquam  suo  superiori 
obedientiam  et  reverenttam  congruam  exhi- 
bere,  ac  salva  hujus  sedis  auctoritate,  in  om- 
nibus sicuti  unico  corum  prœceptori  obiem- 
perare  teneantur  et  debeant. 

En  effet  il  n'y  eut  point  de  généraux  en 
France  depuis  ce  temps-là  jusqu'en  l'an  1619, 
que  Paul  V  rendit  celle  qualité  pour  la  Franre 
et  toutes  les  autres  provinces  delà  chrétienté, 
excepté  l'Italie,  la  Sicile,  la  Hongrie  et  l'An- 
gleterre, au  commandeur  de  Montpellier  :  ce 
que  Ot  aussi  Grégoire  XV  l'an  1G21;  mais 
ce  ne  fut  qu'à  condition  qu'ils  dépendraient 
encore  de  celui  de  l'hôpital  de  Rome;  et  La 
Terrade,  qui  fut  pourvu  de  cette  comman- 
derie, avait  été  fait  par  le  grand  maître  de 
Rome  le  k  septembre  1617  vicaire  et  visiteur 
général  dans  les  royaumes  de  France  et  de 
Navarre,  à  la  charge  de  se  faire  religieux 
profès  de  l'ordre  dans  l'année.  Ce  fut  lui  qui 
fut  fait  premier  général  en  France  dépendant 
de  celui  de  Rome,  et  ce  ne  fut  qu'à  la  prière 
de  Louis  X11I  que  le  pape  Urbain  VIII  ren- 
dit ce  général  de  France  indépendant  de  ce- 
lui de  Rome,  l'an  1625.  Ce  fut  donc  au  com- 
mencement du  dix-septième  siècle  que  l'on 
commença  à  songer  au  rétablissement  de  cet 
ordre  en  France,  qui  y  était  presque  anéanti  ; 
mais,  au  lieu  de  le  remettre  dans  son  ancien 
lustre  et  dans  sa  splendeur,  ce  ne  fut  au  cou 
traire  qu'une  confusion  et  qu'un  chaos  de- 
puis l'an  1602  jusqu'en  1700,  que  le  roi  dé- 
brouilla ce  chaos  en  déclarant  cet  ordre  pu- 
rement régulier  et  nullement  militaire. 

Antoine  Pons,  qui  prenait  la  qualité  de 
commandeur  de  1  hôpital  de  Saim-Germain 
et  de  procureur  général  de  l'ordre  ,  voulut 
commenc  r  ce  rétablissement  en  1602,  mais 
ce  fut  en  falsifiant  des  huiles  et  des  indulgen- 
ces à  ceux  qui  voulaieut  contribuer  à  la  v%- 


213 


ESP 


E-P 


2U 


làu ration  des  commanderics  ;  et,  son  impos- 
ture avant  été  découverte,  il  fut  condamné 
par  arrêt  du  parlement  de  Toulouse  du  21 
janvier  1603  à  faire  amende  honorable  ,  nu 
en  chemise,  et  banni  à  perpétuité  hors  du 
royaume.  11  ne  laissa  pas  de  surprendre  en 
la  même  qualité  des  lettres  patenies  d'Hen- 
ri IV  et  de  Louis  XIII,  des  années  1608,  1009 
et  1010,  qui  lui  permettaient  de  faire  ses  di- 
ligences pour  rétablir  cet  ordre  ;  mais  en  1012 
on  lui  lit  défense  de  faire  négoce  d'indulgen- 
ces à  peine  d'amende  arbitraire;  le  sénéchal 
de  Moissac  décréta  prise  de  corps  contre  lui, 
et  le  parlement  de  Toulouse  ordonna  que  ce 
décret  serait  exécuté. 

Olivier  delà  Trau, sieur  de  la  Terrade,  pa- 
rut ensuite  sur  les  rangs.  11  obtint  des  papes 
Paul  V  et  Grégoire  XV  la  qualité  de  général 
aux  conditions  que  nous  avons  dit,  et  fut  in- 
dépendant de  celui  de  Rome,  par  une  bulle 
d'Urbain  VI il  l'an  1025.  En  cette  qualité  il 
créa  des  chevaliers  parement  laïques  et 
même  engagés  dans  le  mariage.  On  ne  laissa 
pas  néanmoins  de  voir  dans  le  même  temps 
un  prétendant  à  la  commanderie  générale 
de  Montpellier,  qui  de  son  côté  faisait  des 
chevaliers.  C'était  un  apostat  de  Tordre  des 
Capucins,  que  la  Terrade  fit  enfermer  dans 
les  prisons  de  l'officialité.  La  Terrade  y  fut  à 
son  lour,  et,  après  sa  mort,  M.  Désécures, 
l'un  des  comtes  de  Lyon,  qui  prit  la  qualité 
de  vicaire  général,  fit  aussi  des  chevaliers, 
aussi  bien  que  plusieurs  autres  qui  se  di- 
saient officiers  de  l'ordre.  Le  roi ,  par  un 
arrêt  du  conseil  d'Etat  de  l'an  1055,  ordonna 
que  les  pouvoirs,  privilèges,  possessions  et 
translations  des  prétendus  ofGciers  de  l'ordre 
du  Saint-Esprit,  seraient  examinés  par  l'of- 
Gcial  de  Paris  assisté  de  quatre  docteurs 
nommés  par  l'arrêt.  Par  un  autre  de  la  même 
année,  Sa  Majesté  fit  défense  à  qui  que  ce 
fût  de  prendre  la  qualité  de  général  de  l'or- 
dre du  Saint-Esprit  ;  et  au  mois  de  janvier 
1056,  Désécures  obtint  un  brevet  de  la  com- 
manderie ou'  préceptoretie  de  Montpellier. 
Au  mois  de  mai,  le  roi  nomma  des  commis- 
saires pour  examiner  les  titres,  bulles  et  pro- 
visions de  ceux  qui  se  prétendaient  généraux, 
commandeurs ,  officiers  et  religieux  de  cet 
ordre.  L'official  de  Paris,  par  une  sentence 
de  la  même  année,  fait  défense  à  Désécures 
de  prendre  la  qualité  de  vicaire  général, 
coadjuteur,  supérieur,  commandeur  ou  reli- 
gieux de  l'ordre  du  Saint-Esprit,  d'en  porter 
les  marques  ni  d'en  faire  aucune  fonction  à 
peine  d'excommunication  ipso  facto.  Nonob- 
stant cette  sentence,  il  lui  est  permis  par  un 
arrêt  du  grand  conseil  du  3  septembre  1058 
de  prendre  possession  de  la  commanderie  de 
Montpellier,  à  condition  d'obtenir  des  bulles 
dans  six  mois.  Il  les  obtint  du  pape  Alexan- 
dre VU  et  prit  possession  de  cette  comman- 
derie en  1059  avec  la  qualité  de  grand  maî- 
tre de  l'ordre.  Par  sentence  du  10  octobre  de 
la  même  année,  l'official  le  déclara  excom- 
munié pour  avoir  pris  la  qualité  de  supérieur 
de  cet  ordre,  et  lui  fit  itératives  défenses  de 
se  qualifier  à  l'avenir  grand  vicaire  ou  reli- 
gieux, de  cet  crdre;  déclara  les   professions 


fuites  entre  ses  mains  ,  nulles;  le  condamna 
à  100  livres  d'amende ,  a  tenir  prison  pen- 
dant six  mois,  et  à  dire  les  sept  psaumes  têtu 
nue  et  à  genoux.  Par  une  autre  sentence  du 
Chàlelet  de  Paris  du  29  août  1067,  il  fui  con- 
damné d'èlre  mandé,  blâmé  nu-tête  et  à  ge- 
noux, et  défenses  lui  furent  faites  de  prendre 
la  qualité  de  général  ;  et,  par  arrêt  du  parle- 
ment du29mail6G8,ilfut  banni  pourneufan«. 
Le  roi,  par  son  brevet  du  21  septembre  de 
la  même  année,  donna  la  commanderie  de 
Montpellier  à  M.  Uousseau  de  Bazoche,  évê- 
que  de  Césarée  ,  conseiller  au  parlement  de 
Paris.  Un  nommé  Compan  se  prétendit  pourvu 
de  celte  commanderie;  Désécures  eut  aussi 
toujours  les  mêmes  prétentions,  mais,  par 
arrêt  du  conseil  d'Etat  du  9  septembre  1609, 
l'évêque  de  Césarée  fut  maintenu  dans  la 
possession  de  cette  commanderie  contre  Com- 
pan et  Désécures.  Par  arrêt  du  grand  conseil 
du  27  avril  1671,  il  fut  ordonné  qu'on  tien- 
drait le  chapitre  général  de  cet  ordre.  Le  roi, 
par  un  autre  arrêt  de  son  conseil  d'Etat  du 
mois  de  mai  de  la  même  année,  confirma  ce- 
lui du  grand  conseil ,  et  ordonna  que,  no- 
nobstant le  refus  qu'on  avait  fait  à  Home  de 
donner  des  bulles  à  l'évêque  de  Césarée,  ce 
prélat  serait  reconnu  pour  général  de  l'ordre 
par  tous  les  religieux  et  religieuses,  cheva- 
liers, commandeurs  et  autres  personnes  de 
l'ordre,  et  qu'on  assemblerait  le  chapitre  gé- 
néral. L'évêque  de  Césarée  mourut  la  même 
année  sans  avoir  obtenu  de  bulles,  et  après 
sa  mort  M.  Morin  du  Colombier,  aumônier 
du  roi,  se  fit  pourvoir  par  bref  du  pape  Clé- 
ment X  du  mois  de  février  1672,  de  la  com- 
manderie de  Montpellier  (vacante  depuis 
quarante  ans,  à  ce  qu'il  avait  exposé),  à  la 
charge  de  prendre  l'habit  et  de  faire  profes- 
sion dans  l'ordre  régulier  du  Saint-Esprit. 

Cette  commanderie  lui  fut  contestée,  et  il  y 
a  de  l'apparence  que  toutes  ces  divisions  ar- 
rivées parmi  ceux  qui  se  prétendaient  supé- 
rieurs, commandeurs  et  officiers  de  cet  or- 
dre, qui  la  plupart  n'avaient  aucun  titre  légi- 
time, et  qui,  bien  loin  de  rétablir  cet  ordre 
en  France  dans  son  ancien  lustre,  le  flétris- 
saient  au  contraire  par  leur  conduite  et  les 
abus  qu'ils  commettaient  dans  la  réception 
des  prétendus  chevaliers,  admettant  indiffé- 
remment tous  ceux  qui  leur  donnaient  le 
plus  d'argent,  portèrent  le  roi  à  mettre  l'or- 
dro  du  Saint-Esprit  de  Montpellier  au  nom- 
bre de  ceux  que  Sa  Majesté  déclara  éteints 
de  fait  et  supprimés  de  droit  par  son  édit  du 
mois  de  décembre  de  l'an  1672,  et  qu'il  unit 
à  celui  de  Saint-Lazare.  Nonobstant  cet  édit, 
M.  du  Colombier  obtint  au  mois  de  janvier 
1673  des  lettres  de  François-Marie  Phiebus  , 
archevêque  de  Tarse,  commandeur  de  l'hô- 
pital de  Koinc  et  général  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit,  par  lesquelles  il  l'établissait  son  vi- 
caire général  et  visiteur  en  Fiance  et  dans 
les  provinces  adjacentes  ,  ce  qui  lui  procura 
un  séjour  de  huit  années  à  la  Bastille. 

Les  aulres  chevaliers  du  Saint-Esprit  for- 
mèrent opposition  au  grand  conseil  à  l'enre- 
gistrement de  cet  édit.  Us  continuèrent  à 
s'assembler  et  même  à  recevoir  des  cheva- 


2!5  DICTIONNAIRE  DES 

liers.  Le  siour  de  la  Cosle  se  disait  grand 
maître  de  cet  ordre  comme  ay.'inl  été  canoni- 
quement  élu  par  1rs  chevaliers.  Mais  Sa  Ma- 
jesté, par  deux  arrêts  du  conseil  d'Elat  des 
années  1(389  et  1G90,  fit  défense  à  ce  grand 
maître  de  prendre  celle  qualité  à  l'avenir,  ni 
de  porter  la  croix  et  l'épée  lui  et  les  siens  ;  et 
déclara  toutes  les  réceptions  et  prétendues 
lettres  de  provisions  par  eux  expédiées  de- 
puis l'édit  de  1672,  nulles  et  de  nul  effet  ;  et, 
sans  avoir  égard  à  leurs  oppositions,  or- 
donna que  son  édit  serait  exécuté. 

Les  chevaliers  de  Saint-Lazare,  qui  jus- 
qu'alors av.iient  trouvé  beaucoup  de  faci- 
lité à  obtenir  ce  qu'ils  avaient  souhaité, 
trouvèrent  néanmoins  dans  la  suite  de  gran- 
des difficultés  pour  l'exécution  de  cet  édit; 
car  les  religieux  profès  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit  se  joignirent  aux  chevaliers  de  cet  or- 
dre pour  interrompre  le  cours  des  entrepri- 
ses de  ceux  de  Saint-Lazare.  Les  chevaliers 
du  Saint-Esprit  offrirent  à  Sa  Majesté  de  le- 
ver et  d'entreienir  à  leurs  dépens  un  régi- 
ment pour  agir  contre  les  ennemis  de  l'Etat  ; 
et  les  religieux  profès,  qui  étaient  en  pos- 
session de  plusieurs  maisons  conventuelles 
dans  le  royaume,  où  ils  n'avaient  point  dis- 
continué de  recevoir  les  enfants  exposés, 
prétendirent  que  l'état  de  leur  établissement 
suffisait  pour  détruire  ce  qui  avait  été  sup- 
posé pour  l'obtention  de  cet  édit ,  alléguant 
au  surplus  qu'ils  n'avaient  jamais  dépendu 
de  l'hôpital  de  Montpellier  ,  mais  qu'ils 
avaient  été  toujours  soumis  à  la  juridiction 
du  précepteur  de  celui  de  Home,  et  qu'ainsi 
le  roi  n'avait  pas  eu  dessein  de  donner  at- 
teinte à  leurs  droits,  Sa  Majesté  n'ayant  pro- 
noncé par  son  édit  que  la  suppression  d'un 
ordre  qu'elle  avait  cru  éteint  de  fait  et  qui 
était  sous  le  titre  de  Montpellier. 

Ils  furent  favorablement  écoutés.  Le  roi 
leur  donna  des  commissaires  en  1G91  pour 
l'examen  de  son  édit,  et  accepta  en  1(592  le 
régiment  offert  par  les  chevaliers.  M.  du 
Boulay,  vicaire  général  de  cet  ordre  au  spi- 
rituel, et  M.  Grandvoynet,  commandeur  de 
la  maison  conventuelle  de  Stéphanfeld  en  Al- 
sace,  furent  députés  pour  solliciter  conjoin- 
tement le  rétablissement  de  cet  ordre,  le  pre- 
mier par  le  clergé  séculier,  le  second  par  les 
religieux  proies,  et  M.  de  Blégny  comman- 
deur et  administrateur  général,  par  les  che- 
valiers. Leurs  sollicitations  eurent  un  heu- 
reux succès ,  car  le  roi  en  1G93  révoqua  son 
édit  de  1672,  rétablit  cet  ordre,  lui  rendit 
tous  les  biens  qui  avaient  é  é  unis  à  celui  de 
Saint-Lazare,  et  nomma  pour  gr  :nd  maître 
M.  l'abbé  de  Luxembourg,  Pierre- Henri-Thi- 
hault  de  Montmorency  ,  abbé  commenda- 
taire  des  abbayes  d'Orcamp  et  de  Saint- 
Michel. 

11  semblait  qu'après  cela  les  chevaliers  ne 
devaient  plus  craindre  qu'on  les  inquiéta! 
louchant  leur  établissement;  déjà  leur  nom- 
bre grossissait  tous  les  jours  ;  des  personnes 
qui  n'avaient  aucun  dro:l  légitime,  sous  pié- 
texle  des  titres  de  vicaire  général,  de  chan- 
celier, de  vice-chancelier  et  même  de  vicaire 
généralissime,  qu'ils  s'attribuaient,  créaient 


ORDRES  RELIGIEUX. 


21G 


de  nouveaux  cln  valiers.  Ils  étaient  divisés 
en  plusieurs  bandes.  Il  y  en  avait  qui  pre- 
naient le  titre  d'anciens  chevaliers,  et  qui  ne 
regardaient  les  autres  que  comme  des  intrus 
d.ms  l'ordre.  Parmi  ces  chevaliers  anciens  il 
y  en  avait  qui  se  disaient  premiers  officiers 
d'épée.  On  y  voyait  des  chevaliers  de  grâce, 
des  chevaliers  d'obédience  ,  des  chevaliers 
servants  et  de  petits  officiers. 

Dès  le  15  février  1092  ils  avaient  tenu  un 
chapitre  aux  Grands-Augustins  à  Paris,  où 
entre  autres  choses  ils  avaient  délibéré  qu'on 
ne  recevrait  aucuns  chevaliers  qu'ils  ne  payas- 
sent chacun  à  l'ordre  pour  le  moins  la  somme 
de  600  livres,  les  chevaliers  de  grâce  celle  de 
1200  livres,  les  chevaliers  d'obédience,  ser- 
vants et  autres  petits  officiers  400  livres. 
Mais  les  religieux  rompirent  toutes  leurs  me- 
sures ;  car,  à  peine  le  roi  eut-il  prononcé  le 
rétablissement  de  l'ordre  en  1693,  qu'ils  ré- 
clamèrent la  maison  magistrale  de  Montpel- 
lier, qu'ils  avaient  auparavant  désavouée. 
Ils  soutinrent  que  l'ordre  du  Saint-Esprit 
était  purement  régulier,  et  que  la  milice  était 
une  nouveauté  du  siècle  qui  ne  s'était  ingé- 
rée que  par  usurpation  dans  l'administration 
des  biens  de  l'ordre.  C'est  pourquoi  le  roi 
nomma  encore  des  commissaires  pour  l'exé- 
cution de  son  dernier  édit.  Les  chevaliers  ne 
manquèrent  pas  de  faire  valoir  leur  antiquité 
prétendue,  qu'ils  faisaient  remonter  jusqu'au 
temps  de  sainte  Marthe,  et  de  rapporter  le 
prétendu  chapitre  général  tenu  à  Montpellier 
l'an  1032.  Le  roi,  le  10  mai  1700,  décida  en 
faveur  des  religieux.  L'ordre  du  Saint-Esprit 
fut  déclaré  purement  régulier  et  hospitalier 
par  un  arrêt  du  conseil  d'Elat  ;  et  Sa  Majesté 
fit  défense  à  tous  ceux  qui  avaient  pris  des 
qualités  de  supérieurs,  officiers  et  chevaliers 
du  prétendu  ordre  militaire  du  Saint-Esprit 
de  Montpellier,  de  prendre  à  l'avenir  ces 
qualités  ,  ni  de  porler  aucune  marque  de 
cette  prétendue  chevalerie,  et  de  donner  des 
lettres  ou  provisions  de  commandeurs,  che- 
valiers ou  officiers  de  cet  ordre.  Sa  Majesté 
ordonna  de  plus  que  le  brevet  de  grand  maî- 
tre accordé  à  M.  l'abbé  de  Luxembourg  se- 
rait rapporté  comme  nul  et  de  nul  effet,  et 
qu'il  serait  sursis  à  faire  droit  sur  les  deman- 
des des  religieux  pour  être  remis  en  posses- 
sion des  maisons  de  cet  ordre  et  des  biens 
qui  avaient  été  unis  à  celui  de  Saint-Lazare  , 
jusqu'à  ce  que  Sa  Majesté  eût  pourvu  au  ré- 
tablissement de  cet  ordre  et  de  la  grande 
maîtrise  régulière  du  Saint-Esprit  de  Mont- 
pellier. 

Après  la  mort  de  M.  l'abbé  de  Luxem- 
bourg, <iui,  conformément  à  cet  arrêt  du  corn 
seil  d'Elat,  avait  remis  entre  les  mains  du 
roi  son  brevet  de  grand  maître  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit  de  Montpellier,  on  fit  de  nou- 
velles tentatives  auprès  du  mi  pour  le  réta- 
blissement de  cet  ordre,  et  Sa  Majesté,  par 
un  arrêt  du  conseil  d'Elat  du  16  janvier  1701 , 
nomma  Mgr  le  cardinal  de  Noailles,  arche- 
vêque de  Paris  ;  Mgr  llossiict ,  évéque  de 
Meaux;  le  révérend  Père  de  la  Chaise,  Mes- 
sieurs l'abbé  l!ignon,do  Pommereu  de  la 
Reynie,  de  Manllac  et  d'Aguesseau,  pour 


Î17 


ESP 


ESP 


1213 


examiner  les  bulles,  lettres  patentes,  décla- 
rations, arrêts  et  autres  litres  concernant 
cet  ordre  ;  et  voir  sur  leurs  avis  s'il  conve- 
nait et  s'il  était  possible  de  rétablir  la  rom- 
manderie  générale  du  Saint-Esprit  de  Mont- 
pellier et  ses  dépendances,  et  quelles  pré- 
cautions l'on  pourrait  prendre  en  ce  cas  pour 
le  règlement  tant  du  spirituel  que  du  tem- 
porel de  cet  ordre,  ou  s'il  ne  serait  pas  pli  s 
à  propos  d'en  employer  les  biens  et  les  reve- 
nus à  quelque  autre  usage  pieux  ;  et  ,  par 
deux  autres  arrêts  des  24  novembre  1704  et 
Ie'  juin  1707,  Sa  Majesté  nomma  pour  rap- 
porteur M.  Laugeois  d'imbercourt,  maître 
des  refl  uêtes . 

En  1707,  M.  le  duc  de  Châlillon,  Paul-Si- 
gismond  de  Montmorency,  ayant  demandé 
au  roi  la  grande  maîlrise  de  cet  ordre,  et  Sa 
Majesté  lui  ayant  permis  d'en  faire  connaî- 
tre le  véritable  caractère  et  la  milice,  il  con- 
sulta plusieurs  docteurs  de  Sorbonne,  neuf 
célèbres  avocats  et  quelques  autres  person- 
nes, qui  furent  tous  d'avis  que  l'ordre  dans 
son  origine  avait  été  laïque  et  séculier,  et 
que  ce  n'a  été  que  dans  la  suite  qu'il  a  été 
mixte,  composé  de  personnes  laïques  pour 
l'administration  du  temporel,  et  de  clercs 
réguliers  pour  l'administration  spirituelle; 
et  on  ne  trouvait  point  d'inconvénient  qu'un 
laïque  fût  grand  maître  de  cet  ordre  ,  à 
l'exemple  de  plusieurs  ordres  militaires, 
qui,  quoique  composés  de  chevaliers  laïques 
et  de  religieux,  ne  laissaient  pa>  d'être  gou- 
vernés par  des  grands  maîtres  laïques. 

Les  religieux  de  l'ordre  du  ?aint-Esprit, 
qui  semblaient  avoir  intérêt  que  cette  milice 
ne  se  rétablît  point,  puisqu'ilsl'avaientdispu- 
lée  en  1693,  et  que  ce  ne  fut  que  sur  leurs 
remontrances  que  le  roi  par  son  arrêt  du 
10  mai  1700  avait  déclaré  leur  ordre  pure- 
ment ngulieret  nullement  militaire,  se  joi- 
gnirent néanmoins  à  M.  le  duc  de  Châlillon, 
et,  dans  une  requèle  qu'ils  présentèrent  au 
roi,  ils  demandèrent  acte  à  Sa  Majesté  de  ce 
qu'ils  n'entendaient  point  se  prévaloir  ni  se 
servir  de  l'arrêt  du  10  mai  1700,  au  chef  qui 
avait  réputé  l'ordre  du  Saint-Esprit  de  Mont- 
pellier purement  régulier,  mais  seulement 
en  ce  qu'il  avait  exclu  de  cet  ordre  les  pré- 
leudus  commandeurs,  officiers  et  chevaliers, 
qui  paraissaient  pour  lors  sans  caractère  et 
sans  litres  légitimes,  et  dont  la  plupait 
étaient  plus  propres  à  le  déshonorer  qu'à  le 
rétablir  ;  el  de  ce  qu'ils  conseillaient  que  cet 
ordre  fût,  comme  il  avait  été  dans  son  insti- 
tution, composé  de  religieux  de  deux  sortes 
de  conditions,  les  uns  laïques  pour  l'admi- 
nistration du  tempoiel  seulement,  engagés 
à  l'ordre  par  les  vœux  d'obéissance  et  d'hos- 
pitalité à  un  chef  ou  grand  maître  de  l'or- 
dre laïque,  et  les  autres,  clercs,  pour  l'admi- 
nistration du  spirituel,  engagés  à  l'ordre  par 
les  vœux  de  pauvreté,  de  chaslelé,  d'obéis- 
sance et  du  service  des  pauvres  ;  et  priaient 
aussi  Sa  Majesté  de  conserver  les  comman- 
deurs proies  de  cet  ordre  dans  l'exercice  de 
la  juridiction  spirituelle  sur  les  religieux 
hospitaliers  el  les  religieuses  hospitalières 
de  l'ordre  ;  et  qu'à  cet  effel  le  grand  maître 


serait  chargé  par  le  brevet  de  Sa  Majesté 
d'établir  un  grand  prieur  d'église  el  visiteur 
général,  qui  ne  pourrait  être  qu'un  prêtre 
religieux  de  l'ordre,  qui  serait  confirmé  par 
le  pape. 

Il  semblait  qu'après  ce  consentement  des 
religieux  qui  demandaient  le  rétablissement 
delà  milice  et  d'un  grand  maître  laïque,  le 
roi  allait  révoquer  son  arrêt  du  10  mai  1700, 
qui  déclarait  l'ordre  purement  régulier,  et 
qu'il  allait  aussi  reconnaître  la  milice  de  cet 
ordre;  cependant,  par  un  autre  arrêt  du 
conseil  d'Etat  du  4  janvier  1708,  Sa  Majesté 
confirma  celui  du  10  mai  17ii0  et  ordonna 
qu'il  serait  exécuté  selon  sa  forme  et  teneur, 
et  en  conséquence  que  l'hospitalité  ser;iit 
rétablie  et  observée  dans  la  commanderie 
générale,  grande  maîtrise  régulière  de  l'or- 
dre du  Saint-Esprit  de  Montpellier,  par  le 
commandeur  général,  grand  maître  régu- 
lier, qui  y  serait  incessamment  établi.  On  ne 
saurait  en  ce  jugement  trop  admirer  la  jus- 
lice  et  l'équité  du  roi,  qui  prononce  et  dé- 
cide que  l'ordre  est  régulier  ;  parce  que 
c'est  le  dernier  état  où  l'on  le  Irouve,  et  que 
c'est  un  principe  de  l'un  et  l'autre  droit,  que 
dms  ces  matières  le  dernier  état  décide, 
ultimus  status  altenditur. 

L'ordre  à  la  vérité  avait  été  dans  son  ori- 
gine laïque  et  séculier.  Il  était  devenu  en- 
suite mixte,  c'est-à-dire  composé  de  clercs 
ou  prêtres  religieux  el  de  laïques.  Les  ter- 
mes de  commandeurs,  de  responsion  el  au- 
tres dont  on  se  servait  dans  cet  ordre,  et  qui 
ne  sont  en  usage  que  dans  les  ordres  mili- 
taires, prouvent  assez  qu'on  le  reconnais- 
sait comme  une  milice;  mais  celte  milice 
avait  élé  supprimée  par  Pie  11  l'an  1459,  et 
l'ordre  était  devenu  purement  régulier, 
comme  il  paraît  p.ir  les  termes  de  la  bulle  de 
Sixte  IV  de  l'an  1476,  que  nous  avons  ci-de- 
vant rapportés,  et  par  la  règle  de  cet  ordre 
imprimée  en  1564  par  ordre  du  général  Ber- 
nardin Cyrilli,  qui,  en  l'adressant  à  tous  les 
frères  de  l'ordre,  fait  assez  connaître  qu'ils 
sont  tous  véritablement  religieux,  par  ces 
paroles  :  Sponte  nos  ipsos  oblulimus  et  san- 
cto  Dei  Spiritui,  beatœ  Virgini  et  dominis 
injirmis,  ut  perpetui  essemus  eorum  servi, 
castitatem,  paupertatem,  obedieni  am  <t  lui- 
milem  paiientiam,  aclu  libero  nemine  coqente, 
jurejurando,  solemni  voto,  sumus  polliciti. 
11  est  néanmoins  parlé  dans  cette  règle  de 
religieux  lais,  c'est-à-dire  de  personnes  vé- 
ritablement religieuses,  et  qui  ne  sont  pas 
destinées  aux  fonctions  ecclésiastiques  :  le 
terme  de  lai  étant  en  usage  dans  presque 
tous  les  ordres  pour  désigner  ces  sortes  de 
personnes;  et  même  ils  peuvent  être  com- 
mandeurs dans  celui  du  Saint-Esprit,  car  il 
est  dit  (Cap.  26  Reg.  que  lorsque  le  com- 
mandeur sera  lai,  il  ne  pourra  pas  faire  la 
correction  à  un  clerc  ;  mais  qu'elle  appar- 
tiendra aux  cardinaux  qui  seront  nommés 
pour  cet  effet  par  le  pape  :  Correclio  vero 
clericorum  et  specialium  udorum  ad  prœ- 
ceptorem  taicum  non  pertinent,  sed  ad  cardi- 
nales quibus  a  domino  papa  ipsa  domus 
cummendatu.  Que  si  dans  le  coiutuenc 


2:9 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


220 


«lu  dix-septième  siècle  les  souverains  pon- 
tifes ont  rendu  à  la  maison  de  Montpellier  le 
général  a  t  qu'on  lui  avait  ôté,  ils  n'ont  pas 
prétendu  que  ces  généraux  rétablissent  la 
milice  de  cet  ordre  en  créant  des  chevaliers 
purement  laïques  et  même  engagés  dans  le 
mariage.  Ils  ont  toujours  au  contraire  re- 
gardé cet  ordre  comme  régulier,  puisqu'ils 
ont  obligé  les  commandeurs  de  Montpellier, 
auxquels  ils  ont  accordé  des  bulles,  de  pren- 
dre l'habit  religieux  de  cet  ordre,  et  d'y  faire 
profession  ;  et  de  lous  les  commandeurs  du 
Saint-Esprit  de  Montpellier  qui  ont  élé  de- 
puis l'an  Kilt),  que  la  Terrade  prit  le  pre- 
mier la  qualité  de  général  de  cet  ordre  en 
France,  ni  lui,  ni  aucun  autre  n'ont  exécuté 
en  cela  l'intention  des  papes,  qui  ont  même 
refusé  des  bulles  à  quelques-uns.  Ainsi  tout 
ce  que  ces  commandeurs  ont  fait  en  qualité 
de  généraux  était  nul,  n'étant  pas  revêtus 
de  pouvoirs  légitimes,  et  ayant  même  élé 
contre  la  volonté  des  papes,  en  rétablissant 
la  milite  qui  avait  été  supprimée  par  Pie  II. 
C'est  pourquoi,  quoiqu'il  y  eût  en  1700  des 
chevaliers  laïques  et  des  prêtres  religieux, 
ce  n'était  point  son  véritable  état,  et  le  der- 
nier auquel  on  devait  avoir  égard.  Il  avait 
toujours  élé  purement  religieux  depuis  la 
suppression  de  la  milice,  c'était  là  son  der- 
nier état  et  auquel  le  roi  eut  égard  :  Ulli- 
inus  slatus  attenditur. 

Les  prêtres  de  cet  ordre  sont  qualifiés 
chanoines  réguliers  dans  plusieurs  bulles 
des  souverains  ponlifes.  Le  Saunier  prétend 
que  ce  fut  le  pape  Eugène  IV  qui  les  soumit 
à  la  règle  de  Saint-Augustin,  outre  celle  de 
Gui ,  leur  fondateur.  Le  cardinal  Pierre 
Barbu,  neveu  de  ce  pape,  fut  le  premier  qui 
n'étant  point  de  Tordre  fut  fait  commandeur 
ou  préccpieur  de  l'hôpital  du  Saint-Esprit 
d  ■  Rome,  et  en  celle  qualité  général  de  tout 
l'ordre,  ce  qui  a  continué  jusqu'à  présent, 
que  les  commandeurs  de  cet  hôpital  ont  été 
des  personnes  distinguées  par  leur  nais- 
sance, à  qui  les  papes  ont  accordé  cette  di- 
gnité pour  récompenser  leur  mérite.  L'ordre 
de  Saint-Benoît  en  a  fourni  un,  celui  de 
Saint-Augustin  un,  celui  des  Servites  aussi 
un,  celui  du  Monl-Olivet  deux,  et  celui  des 
Chartreux  un.  11  y  en  a  eu  jusqu'à  présent 
environ  soivante-dix,  depuis  lecomleGui  de 
Montpellier,  fondateur  de  l'ordre,  parmi  les- 
quels il  y  a  eu  un  pape,  sept  ou  huit  cardi- 
naux, deux  archevêques  et  douze  évêques. 
Alexandre  Néroni  ,  qui  était  commandeur 
général  en  1515,  fut  le  premier  à  qui  le  pape 
accorda  l'habit  violet  avec  la  mosette  et  le 
manlelet  à  la  manière  des  prélats  de  Rome, 
ce  qu'ils  ont  toujours  porté,  à  moins  qu'ils 
n'aient  élé  tirés  de  quelques  autres  ordres, 
auquel  cas  ils  retiennent  aussi,  comme  les 
prélats  religieux,  la  couleur  de  l'habit  de 
l'ordre  dont  ils  sont  sortis.  Ces  comman- 
deurs ne  font  ordinairement  profession  de 
cet  ordre  qu'au  bout  de  l'an,  à  moins  qu'ils 
ne  diffèrent   à  la   faire  pour  quelques   rai- 

(1)  loi/.,  a  la  lin  du  vol.,  u"s  58  et  59. 

(2)  Vvy.,  a  la  lui  du  vol..  uos  10  et  41 

(3)  Yvy.,  à  la  lin  du  vol.,  u°  42. 


sons,  ou  que  les  papes  ne  les  en  dispensent. 
Ils  portent  néanmoins  sur  leurs  habits  la 
croix  de  l'ordre.  Le  prieur  de  la  maison  et 
hôpital  du  Saint-Esprit  de  Rome  tient  la  se- 
conde place  dans  l'ordre,  et  en  est  vicaire 
général. 

Les  religieux  de  cet  ordre  sont  habillés 
comme  les  ecclésiastiques,  ils  portent  seu- 
lement une  croix  de  toile  blanche  à  douze 
pointes  sur  le  côté  gauche  de  leur  soutane 
et  de  leur  manteau,  et  lorsqu'ils  sont  au 
chœur,  ils  ont  l'été  un  surplis  avec  une  au- 
inusse  de  drap  noir  doublée  de  drap  bleu  ,  et 
sur  le  bleu  une  croix  de  l'ordre.  L'hiver  ils 
ont  un  grand  cumail  avec  la  chape  noire 
doublée  d'une  étoffe  bleue,  et  les  boutons 
du  grand  camail  sont  aussi  bleus  (1).  En 
France  il  mettent  toujours  l'aumusse  sur  le 
bras.  Cette  aumusse  est  de  drap  noir  dou- 
blée et  bordée  d'une  fuurrure  noire  (2).  En 
Italie  ils  la  portent  quelquefois  sur  les 
épaules,  et  en  Pologne  (3)  ils  ne  se  servent 
point  d'aumusse,  mais  ils  mettent  sur  leurs 
surplis  une  espèce  de  moselte  de  couleur 
violette,  qui  n'a  point  de  capuce  et  n'est 
point  ronde  comme  le*  autres,  mais  descend 
en  pointe  par  derrière.  Les  commandeurs 
ont  à  la  boutonnière  de  leur  soutane  une 
croix  d'or  émaillée  de  blanc,  et  au  chœur 
une  aumusse  de  moire  violette,  si  c'est  l'été, 
ou  un  camail  de  même  couleur  l'hiver. 

11  n'y  a  que  les  religieuses  de  Rome  qui 
gardent  la  clôture  ;  la  plupart  demeurent 
dans  les  mêmes  hôpitaux  que  les  religieux, 
comme  à  Besançon  et  en  d'autres  endroits. 
Elles  sont  aussi  quelquefois  seules  dans 
d'autres  maisons,  comme  à  Bar-sur-Aube, 
Neufchâteau  et  autres  lieux.  Elles  disent  le 
grand  office  selon  l'usage  de  l'Eglise  ro- 
maine. La  plupart  ont  au  chœur  un  grand 
manteau  noir  où  il  y  a  une  croix  blanche 
aussi  bien  que  sur  leur  robe,  avec  un  voile 
noir  ou  espèce  de  cape;  et  dans  la  maison 
elles  ont  un  voile  blanc  ('*).  Celles  de  Bar- 
sur-Aube  ont  dans  les  cérémonies  et  au 
chœur  un  voile  noir  d'élamine,  sur  lequel  il 
y  a  aussi  la  croix  de  l'ordre.  11  y  a  des  mai- 
sons de  cet  ordre  à  Home,  à  Tivoli,  For- 
melli,  Tolentin,  Viterbe,  Ancone,  Eugubio, 
Florence,  Ferrare,  Alexandrie,  Nureie  et 
plusieurs  autres  villes  d'Italie.  Les  princi- 
pales de  France  sont  à  Montpellier,  à  Di- 
jon (5),:  Besançon,  Poligny,  Bar-sur-Aube, 
et  Stéphanfeld  en  Alsace.  11  n'y  en  a  que 
trois  en  Pologne,  dont  la  principale  est  à 
Cracovie,  qui  tut  fondée  d'abord  à  Pradnik 
par  Yves,  évêque  de  Cracovie,  l'an  1221 
(Duglosz,  Hist.  Polon.  lib.  vi,  pag.  G2ti); 
mais,  comme  cette  maison,  qui  était  aussi 
un  hôpital,  ne  pouvait  être  souvent  visitée 
des  personnes  pieuses,  que  la  compassion 
pouvait  porter  à  soulager  les  pauvres,  à 
cause  qu'elle  était  trop  éloignée  de  Cracovie, 
il  la  transféra  dans  cette  ville  l'an  1244.  Il  y 
a  aussi  un  monastère  Qc  religieuses  à  côié 
de  cet  hôpital,   cl  il  s'en  trouve  quelqucs- 

(i)  Voij.,  à  la  (in  du  vol.,  n°*  43  et  4L 
(5)  Vvy.,  à  la  lia  du  vol.,  o."*  45  cl  iti. 


2:i 


ESP 


ETfl 


222 


unes  en  Allemagne,  eu  Espagno  et  môme 
dans  les  Indes.  Quoique  la  ville  do  Memmin- 
genen  Souabe  ait  reçu  la  confession  d'Augs- 
bourg,  et  que  la  plus  grande  partie  de  ses 
habitants  soient  hérétiques,  il  y  a  néan- 
moins un  hôpital  de  l'ordre  du  Saint-Esprit 
où  les  religieux  ont  une  église  ouverte;  et 
ils  portent  publiquement  le  saint  sacrement 
aux  malades,  même  dans  les  maisons  des 
hérétiques,  où  il  y  a  des  catholiques.  L'ad- 
minislraiion  des  biens  de  cet  hôpital  est  en- 
tre les  mains  des  magistrats  de  la  ville,  et 
les  religieux  ont  seulement  soin  des  mala- 
des. Cet  hôpital  fournit  à  l'entretien  de  ce- 
lui de  Wiiupffen  du  même  ordre,  qui  est 
aussi  dans  la  Souabe,  et  au  milieu  de  l'hé- 
résie. 

Cette  croix  à  douze  pointes,  que  ces  cha- 
noines hospitaliers  portent  sur  leurs  habits, 
n'est  qu'une  nouveauté;  ils  la  portaient  an- 
ciennement toute  simple  à  peu  près  comme 
la  croix  de  Lorraine,  et  comme  la  portent 
les  religieux  hospitaliers  de  l'Hôtel-Dieu  de 
Coutances,  qui,  à  cause  de  cette  croix,  qui 
est  aussi  de  toile  blanche,  et  que  cet  Hôtel- 
Dieu  est  dédié  au  Saint-Esprit,  ont  fait  des 
tentatives  pour  être  incorporés  dans  l'ordre 
do  Saint-Esprit  de  Montpellier,  et  par  ce 
moyen  se  soustraire  de  la  juridiction  de  l'é- 
véque  de  Coutances,  auquel  ils  sont  sou- 
mis ;  mais  il  y  a  eu  plusieurs  arrêts  du  con- 
seil du  roi  et  du  parlement  de  Normandie 
qui  leur  ont  fait  défense  de  prendre  la  qua- 
lité de  chanoines  réguliers  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit  et  de  porter  des  aumusses.  Ces 
hospitaliers  de  Coutances  furent  institués 
Bous  le  litre  de  clercs  réguliers  de  l'ordre  de 
Saint-Augustin  par  Hugues  de  Morville , 
évéque  de  Coutances,  l'an  1209,  pour  des- 
servir l'Hôtel-Dieu  de  celte  ville,  et  ce  pré- 
lal  leur  donna  l'an  1221  des  règlements  qui 
ont  toujours  été  observés  jusqu'à  présent; 
ces  religieux  sont  toujours  au  nombre  de 
douze,  dont  il  y  en  a  six  qui  demeurent  dans 
l'hôpital  ;  les  autres  desservent  des  cures  qui 
en  dépendent.  L'ordre  du  Saint-Esprit  a 
pour  armes  de  sable  à  une  croix  d'argent  à 
douze  pointes,  et  en  chef  un  Saint-Esprit 
d'argent  en  champ  d'or  dans  une  nuée 
d'azur. 

Pierre  le  Saunier,  de  Cap.  ord.  S.  Spirit. 
Dissert.  Barbosa,  de  Jur.  Eccles.  cap.  41, 
num.  113.  Tambur.  de  Jur.  Abbat.  lom.  Il, 
disp.  24,  num.  35.  La  Terrade,  Discours  sur 
l'ordre  du  Saint-Esprit.  De  Iilégny,  Projet  de 
l'Histoire  des  Religions  militaires.  Sylvest. 
Marul,  Mar.  Océan  di  tut.  gl.  Relig.  Pietr. 
Crescenze,  Presid.  Rom.  Bernard  Giust. 
Citron,  de  gl.  ord.  miltt.  Hermant,  Hist.  des 
Ord.  de  chevalerie,  et  plusieurs  faclums  et 
mémoires  concernant  cet  ordre. 

Ces  religieux,  chanoines  et  hospitaliers, 
n'existaient  peut-être  plus  qu'à  Home,  où 
ils  étaienl  comptés  les  premiers  dans  le  dé- 
nombrement des  réguliers.  Ils  avaient,  il  y 
a  peu,  pour  commandeur, MgrAntuine  Cioja, 
ci  pour  vicaire  général,  le  H.  P.  dom  Pierre 

(lj  Socrat.,  Mu.  eccl.,  I:b.  i.  c.  20;  Tucodoret, 

X 


Zeochini.    Le  pape  Pie  IX  a  supprime  telle 
corporation  à  Rome,  en  1847. 

lî-O-E. 

ÉTHIOPIENS  ou  ABYSSINS  (  Religieux). 

§   1".    Des   religieux    et    religieuses    Ethio- 
piens. 

Comme  l'Ethiopie  est  divisée  en  haute  et 
basse,  nous  entendons  parler  de  la  haute, 
qui  nous  est  connue  sous  le  nom  d'empire, 
des  Abyssins,  et  gouvernée  par  un  prince 
que  la  plupart  des  historiens  nomment  corn  - 
munément  Prête-Jean,  qui  se  qualifie  quel- 
quefois de  Colonne  de  la  foi.  de  la  lignée  de 
Juda,  fils  de  David,  fils  de  Salomon,  fils  de 
la  Colonne  de  Sion,  fils  de  la  Colonne  de  Ja- 
cob, fils  de  Marie,  fils  de  Nahod  selon  la 
chair,  fils  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  se- 
lon la  grâce,  empereur  de  la  haute  et  basse 
Ethiopie,  etc.,  qui  sont  les  titres  que  prit 
l'empereur  David  écrivant  au  pape  Clément 
VII  en  1533.  Mais  la  foi  et  la  créance  des 
peuples  de  ce  vaste  empire  ne  correspon- 
dent guère  à  ces  beaux  titres,  puisqu'elles 
sont  corrompues  par  plusieurs  erreurs;  et  si 
les  Abyssins  ont  quelquefois  écouté  les  mis- 
sionnaires qui  leur  ont  élé  envoyés  pour  les 
faire  rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise  catholi- 
que, et  qu'ils  en  aient  reconnu  le  souverain 
chef  et  pasteur,  ce  n'a  été  que  pour  un 
temps,  car  ils  n'ont  pas  persévéré  dans  la 
foi  orthodoxe. 

Quelques-uns  ont  prétendu  que  le  chris- 
tianisme avait  été  introduit  en  Ethiopie  par 
l'eunuque  de  la  reine  de  Candace  ;  ce  que 
d'autres  révoquent  en  doute,  parce  que  cette 
reine  ne  régnait  pas  dans  l'Abyssinie,  mais 
seulement  dans  l'île  de  Méroé.  D'autres  aussi 
rapportent  la  conversion  de  l'Ethiopie  à 
saint  Barthélemi  ou  à  saint  Matthieu  ;  mais 
les  Ethiopiens  le  nient  et  reconnaissent 
qu'ils  ont  été  convertis  à  la  foi  chrétienne 
<lu  temps  de  saint  Athanasc,  évêque  d'A- 
lexandrie, environ  l'an  320.  En  effet  nous 
apprenons  de  l'Histoire  ecclésiastique  (1), 
que  Frumenlius  ayant  été  emmené  aux  Indes 
par  un  marchand  de  Tyr,  fut  conduit  à  la 
cour  du  roi  d'Ethiopie,  qu'il  y  annonça  la 
foi  de  Jésus-Christ;  et  qu'ayant  eu  permis- 
sion de  retourner  à  Alexandrie  pour  rendre 
compte  de  l'état  de  ces  nouveaux  chrétiens,  il 
y  arriva  peu  de  lems  après  l'ordination  do 
saint  Athanase,  qui  l'ordonna  évêque  du 
pays  et  l'y  renvoya. 

Le  christianisme  y  fit  un  très-grand  pro- 
grès ;  et,  comme  les  Ethiopiens  ou  Abyssins 
ont  toujours  eu  un  métropolitain,  que  l'on 
nomme  communément  patriarche,  qui  est 
envoyé  par  celui  d'Alexandrie,  les  Egyp- 
tiens étant  tombés  dans  les  erreurs  de  Dios- 
core  et  d'autres  hérésiarques,  ils  les  ont  com- 
muniquées aux  Abyssins  par  le  moyeu  de  ce 
patriarche,  aussi  bien  que  quelques  obser- 
vations judaïques  que  l'Eglise  d'Alexandrie 
avait  retenues.  Les  Abyssins  ont  même  ajouté 
à  leurs   rites  d'autres   superstitions  juda!" 


283 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


224 


ques,  et  ainsi  ont  l'ait  un  mélange  de  l'An- 
cien et  du  Nouveau  Testament,  se  servant 
delà  circoncision  au  huitième  jour  envers 
les  filles  aussi  bien  qu'envers  les  garçons,  ob- 
servant le  jour  du  sabbat  et  le  dimanche, 
s'abstenanl  nussi  de  viandes  immondes  et 
défendues  dans  l'ancienne  loi.  Je  passe  sous 
silence  leurs  autres  abus  comme  n'étant 
point  de  mon  sujet,  n'ayant  touché  en  pas- 
sant la  religion  des  peuples  d'Ethiopie  que 
par  rapport  aux  religieux,  qui  y  sont  en 
très-grand  nombre  et  qui  entretiennent  ces 
peuples  dans  leurs  erreurs. 

La  vie  monastique  y  fut  introduite  presque 
en  même  temps  que  le  christianisme,  et, 
sous  le  règne  du  roi  Amiamidas,  fils  de  Sa- 
ladobas,  elle  y  fut  portée  par  un  grand  nom- 
bre de  moines  de  l'Egypte  et  des  autres  pro- 
vinces voisines  de  l'empire  romain,  cotre 
lesquels  les  plus  célèbres  furent  ceux  qui 
choisirent  leur  demeure  dans  le  royaume  de 
Tigré,  et  qui  y  bâtirent. des  cellules.  Mais 
les  Abyssins  ont  changé  les  noms  de  ces  ins- 
lituteursdela  viemonastiquedans  cetempire, 
à  la  réserve  de  celui  de  Pantaléon.  Les  neuf 
principaux  furent,  selon  eux,  abba  Arogavi, 
ahba  Pantaléon,  abba  Garima,  abba  Alef, 
abba  Saham,  abba  Afe,  abba  Likanos,  abba 
Adimala,  et  abba  Oz,  appelé  aussi  abba 
Cuba,  qu'ils  reconnaissent  pour  saints, ayant 
même  bâti  des  églises  en  l'honneur  de  quel- 
ques-uns de  ces  premiers  solitaires  de  l'E- 
thiopie. 

Abba  Arogavi,  qui  avait  été  disciple  de 
saint  Pacôme,  fut  le  premier  supérieur  de 
ces  moines.  11  eut  pour  successeur  abba 
Chrislos-Besana ,  abba  Meskel-Moa,  abba 
Joanni,  etc.  Leur  jiustérité  était  si  grande, 
qu'il  s'en  est  trouvé  qui  se  contentaient 
pour  un  repas  de  trois  dattes  seulement, 
d'autres  d'un  petit  morceau  de  pain.  Les 
Abyssins  leur  attribuent  beaucoup  de  mira- 
cles, aussi  bien  qu'aux  autres  saints  qu'ils 
ont  eu  vénération  :  leur  poêles,  dans  les  vers 
qu'ils  ont  faits  à  leur  louange,  leur  font  trans- 
porter des  montagnes  d'un  lieu;  à  un  autre, 
passer  les  rivières  et  les  torrents  sur  leurs 
habits,  qui  leur  servaient  de  barques.  Mais, 


qui  lui  sont  soumis,  ou  bien  il  envoie  des 
commissaires  qui  les  visitent  pour  les  cor- 
riger et  pour  punir  ceux  qui  ont  commis 
quelques  fautes.  Avant  que  les  Galles  se  fus- 
sent emparés  du  royaume  de  Shewa,que 
quelques-uns  appellent  Xoa  ou  Xao.i,  ce  su- 
périeur ou  abbé  général  des  moines  (le  ITns- 
litut  de  Técla-Haïmanot  faisait  sa  résidence 
au  monastère  de  Debra-Libanos  ,  ou  Mont- 
Liban,  qu'il  a  transférée  ensuite  à  Bagendra  ; 
ce  qui  fai!,dilM.  Ludolf, qu'un  certain  moine 
nommé  Tesfa-T'fion,  qui  a  imprimé  en  lan- 
gue éthiopienne  le  Nouveau  Testament,  par- 
lant de  lui  et  des  autres  moines,  à  la  fin 
d'un  discours  qu'il  a  fait  sur  saint  Matthieu, 
dit  qu'ils  sont  tous  enfants  du  P.  Técla-Haï- 
manot du  monastère  appelé  le  Mont-Liban  ; 
c'est  pourquoi,  continue  M.  Ludolf,  quel- 
ques savants  ont  mal  à  prop-  s  nommé  ces 
moines  Maronites.  Ce  Técla-Haïmanot  est 
en  très-grande  vénération  chez  les  Ethio- 
piens, qui  eu  font  la  fête  le  2i  décembre.  Ils 
en  font  aussi  mention  dans  leurs  diptyques, 
en  disant  :  Souoenez-vous,  Seigneur, de  l'âme 
de  votre  serviteur  et  notre  Pcrel 'écla-ll aima- 
not  et  de  tous  ses  disciples. 

Le  second  institut  des  moines  d'Elhiopie 
est  celui  de  l'abbé  Eustase,  qui  n'est  pas 
moins  recommandable  dans  tout  l'empire 
que  Técla-Haïmanot  ;  les  Abyssins  en  font 
aussi  mention  dans  leurs  diptyques  en  ces 
termes  :  Souvenez-vous,  Seigneur,  de  notre 
l'ère  Eustase  et  de  tous  ses  enfants.  S;i  fête  se 
célèbre  le  21  juillet.  Il  a  eu  beaucoup  de  dis- 
ciples, à  qui  il  a  aussi  prescrit  des  lois  ;  mais 
il  ne  leur  a  pas  donné  de  supérieur  général 
dont  ils  dépendent,  et  ils  ne  se  mettent  pas 
beaucoup  en  peine  d'en  avoir  un  ,  sous  pré- 
texte, à  ce  qu'ils  disent,  qu'Eustasc  étant 
allé  en  Arménie  sans  avoir  nommé  un  suc- 
cesseur, il  ne  leur  est  pas  permis  d'en  éta- 
blir un  :  c'est  pourquoi  l'abbé  de  chaque 
monastère  de  cet  institut  est  le  maître  absolu 
chez  lui,  et  peut  corriger  ses  inférieurs,  sans 
qu'ils  puissent  en  appeler  ;  et  lorsqu'il  meurl , 
les  religieux  du  mémo  monastère  en  élisent 
un  autre. 

L'on    trouve   parmi  les  Lettres  édifiantes 


entre  ces  premiers    solitaires  de   l'Ethiopie,      et  curieuses  écrites  des  missions  étrangères. 


celui  qui,  selon  eux,  a  plus  excelle  en  sain 
télé,  est  Gabra-Menfes-Ked,  dont  ils  font  la 
fêle  tous  les  mois. 

Tous  les  religieux  d'Elhiopie  se  disent  de 
l'ordre  de  Saint-Antoine  ;  mais  ils  n'ont  pas 
tous  les  mêmes  observances,  étant  divisés  en 
deux  ou  trois  congrégations  ou  instituts  par- 
ticuliers. Le  premier  est  celui  de  Técla-Haï- 
manol,  qui  vers  l'an  C20  fut  le  restaurateur 
de  la  vie  monastique  en  Ethiopie  :  il  pres- 
crivit des  lois  particulières  aux  moines  qui 


par  les  missionnaires  de  la  Compagnie  de 
Jésus  (1),  la  relation  d'un  vovage  lait  en 
ElhiopieenlC98,1099ell700,  par  M.Poncel, 
médecin  français,  qui  paraît  avoir  été  mal  in- 
formé de  ce  qui  concerne  le  clergé  séculier 
et  régulier  de  cet  empire  ;  car  il  dit  qu'il  n'y 
a  point  de  prêtre  en  Ethiopie  qui  ne  soit  re- 
ligieux; que  l'empereur  Ati-Iiasili,  aïeul  du 
prince  qui  régnait  pour  lors,  en  fit  précipi- 
ter sept  mille  du  haut  de  la  montagne  de 
Balbau,  pour  s'être   révoltés   contre  lui  ;  et 


se  rangèrent  sous  sa  conduite,  et  voulut  en-  que  l'on  peut  juger  de  la  multitude  qu'il  y 

tre  autres  choses  qu'ils  fussent  soumis  à  un  en  a  par  ce  que  lui  dit  le   palriarche  prédé- 

supérieur  général,  appelé  Icègue,  qui,  après  cesseur  de  celui  qui  gouverne  présenlemcnt 

l'abuna  ou  patriarche  d'Ethiopie,  a  toujours  l'Eglise  d'Ethiopie,  qu'eu  une  seule  ordina- 

été  celui  de  tout    l'empire   qui  a  été  le  plus  lion  il  avait  fait  dix  mille  prêlres  et  six  mille 

considéré   par   rapport  à  sa  dignité  et  à  son  di  icrcs. 

autorité.  Il  fait  la  visite  de  tous  les  religieux  François  Alvarez,  aumônier  de  don  Eui- 


(I)  Le  Gobien,  Lettres  édifiantes,  1"  recueil,  pag.  2Î>1. 


225 


ET1I 


ETII 


22fi 


manuel,  roi  de  Portugal,  qui  accompagna 
l'ambassadeur  que  ce  prince  envoya  l'an 
15:20  à  l'empereur  des  Abyssins,  et  qui  a 
donné  la  relation  de  celte  ambassade,  nous 
assure  néanmoins  qu'il  y  a  des  prêtres  sé- 
culiers en  Ethiopie  ;  que  depuis  qu'ils  ont 
t'Ié  ordonnés  diacres  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
prêtres,  ils  peuvent  se  marier  une  fois  seu- 
lement ;  qu'ils  ne  peuvent  pas  entrer  dans  la 
iléricalure  s'ils  ont  été  mariés  ;  et  que  si 
étant  prêtres  ils  se  remarient,  ils  sont  dégra- 
des cl  réduits  à  l'état  laïcal,  ne  pouvant  plus 
entrer  dans  l'église,  ce  qui  n'est  permis 
qu'aux  prêtres  et  aux  clercs.  Sous  la  qua- 
lité de  clerc  est  renfermé  aussi  l'ordre  de 
Eous-diacre  aussi  bien  que  celui  de  diacre, 
que  ceux  que  l'on  fait  clercs  reçoivent  en 
même  temps  et  sans  aucun  examen  ;  car  il 
y  a  un  grand  nombre  de  ces  ordinands  q-ii 
ne  pourraient  répondre  aux  demandes  qu'on 
leur  ferait,  puisque  la  plupart  sont  encore  à 
la  mamelle.  L'on  peut  ajouter  foi  à  cet  au- 
teur, qui  s'était  trouvé  à  plusieurs  de  ces 
ordinations.  Dans  la  première  qu'il  vit,  le 
patriarche  ordonna  deux  mille  trois  cent 
cinquante-six  prêtres  ,  parmi  lesquels  il  y 
avait  des  religieux  aveugles,  d'autres  qui 
n'avaient  qu'un  bras,  et  d'autres  qui  n'a- 
vaient qu'une  jambe;  et  le  patriarche  lui  dit 
qu'il  y  avait  eu  peu  de  prêtres  dans  cette  or- 
dination, p;irce  que  tous  ces  prêtres  n'é- 
taient que  des  environs  du  lieu  où  il  était 
pour  lors,  qu'ordinairement  il  n'en  ordon- 
nait pas  moins  de  cinq  à  six  mille  à  la  fois, 
et  que  l'on  ne  faisait  pas  l'ordination  des 
clercs  dans  le  même  lemps.  En  effet  le  lende- 
main celle  des  clercs  se  lit  et  dura  depuis  le 
matin  jusqu'au  soir,  non  pas  à  cause  de  la 
longueur  des  cérémonies  qui  se  pratiquent 
à  l'égard  de  chaque  ordinand ,  mais  à  cause 
du  grand  nombre  des  personnes  qui  reçurent 
la  clericalure. 

Comme  il  n'y  a  point  d'autres  évêques  en 
Ethiopie  que  le  patriarche,  il  fait  souvent  de 
ces  sortes  d'ordinations  ;  et  jamais  abus  n'a 
été  porté  plus  loin  que  celui-là,  recevant  in- 
différemment toutes  sortes  de  personnes, 
sans  aucune  attention  aux  qualités  requi- 
ses. Ainsi  M.  Poucet  n'a  peut-être  point  trop 
avancé  en  disanl  qu'il  avait  appris  du  pa- 
triarche que  son  prédécesseur  avait  fait  dans 
une  seule  ordination  dix  mille  prêtres  et 
si*  mille  diacres,  ce  qui  a  pu  se  faire  en  deux 
il  lîerents  jours  ,  car  toute  la  cérémonie  que 
l'on  observe  dans  l'ordination  des  prêtres 
consiste  en  ce  que  le  patriarche  met  la  main 
sur  la  tête  de  chaque  prêtre  en  disant  quel- 
ques prières,  et  ensuite,  après  avoir  lu  quel- 
que temps  dans  un  livre,  il  leur  donne  à 
tous  plusieurs  bénédictions  avec  une  croix 
de  fer. 

Quoiqu'il  ne  soit  pas  vrai  qu'il  n'y  ait 
point  d'autres  prêtres  en  Ethiopie  que  les 
religieux,  cela  n'empêche  pas  qu'il  n'y  ait 
un  si  grand  nombre  de  ces  derniers  dans  cet 
empire,  qu'Alvarez  assure  encore  que  tout 
en  est  rempli  ;  qu'on  ne  voit  que  moines 
daus  les  monastères,  dans  les  églises,  dans  les 
rues,  daus  les  marchés;  qu'il  n'a  vu  aucune 


église  desservie  par  des  prêlres  séculiers  où 
il  n'y  eût  aussi  des  religieux;  et  qu'il  n'a 
trouvé  aucun  monastère  où  il  y  eût  des  prê- 
tres séculiers. 

M.  Ludolf  confirme  celte  multitude  de 
moines  en  Ethiopie;  mais  il  ne  semble  pas 
être  d'accord  avec  les  rclalions  de  quelques 
voyageurs  touchant  les  monastères  de  ces 
religieux,  car  il  prétend  qu'ils  demeurent 
ordinairement  auprès  des  églises  dans  de 
pauvres  cabanes  dispersées  çà  et  là  dans  un 
enclos;  qu'ils  ne  portent  point  l'habit  mona- 
cal ;  qu'on  ne  les  distingue  des  séculiers  que 
par  une  croix  qu'ils  portent  toujours  à  la 
main;  que  leurs  demeures  ne  peuvent  pas 
être  appelées  des  cloîtres  ;  qu'ils  ne  méritent 
pas  le  nom  de  mo:  nés,  et  qu'on  ne  les  doit  regar- 
der que  comme  des  colonies  de  gens  qui  ne 
sont  point  mariés. 

Cependant  Alvarez  doit  être  cru,  puisqu'il 
a  demeuré  six  ans  en  Ethiopie,  qu'il  allait 
presque  tous  les  jours  au  monastère  de  la 
Vision  de  Jésus,  dont  il  ne  demeurait  pas 
loin,  et  qu'il  assistait  avec  les  moines  à  tou- 
tes leurs  principales  fêles  et  cérémonies,  aux- 
quelles il  était  souvent  invité.  Cet  auteur,  fai- 
sant la  description  de  ce  monastère,  situé 
dans  la  province  de  Tigré,  sur  une  haute 
montagne  au  milieu  d'une  forêt  et  dans  une 
affreuse  solitude,  dit  qu'ordinairement  il  y  a 
cent  religieux  qui  y  demeurent  el  qui  man- 
gent ensemble  dans  un  même  réfectoire,  ex- 
cepté les  vieillards,  qui  en  sont  dispensés,  à 
qui  l'on  porte  à  manger  en  particulier;  que 
les  revenus  de  ce  monastère  sont  très-consi- 
dérables; que  la  montagne  où  il  esl  situé  lui 
appartient  entièrement ,  et  qu'elle  a  plus  de 
dix  lieues  d'étendue  ;  qu'au  bas  de  celte 
montagne  il  y  a  plusieurs  fermes  qui  dépen- 
dent du  monastère,  outre  plusieurs  autres 
que  l'on  trou  v;'  jusqu'à  trois  journées  au  delà, 
qui  s'appellent  Gnltus,  c'est-à-dire  les  fran- 
chises de  la  Vision;  qu'il  y  a  encore  plus  do 
cent  villages  qui  lui  payent  tous  les  (rois 
ans  chacun  un  cheval,  mais  quele  procureur 
du  monastère  prend  des  vaches  à  raison  de 
cinquante  pour  chaque  cheval;  de  sorte  qu'il 
reçoit  bien  par  an  dix  sept  cents  vaches, 
dont  les  religieux  tirent  du  beurre  pour  ré- 
galer les  étrangers  qui  les  viennent  voir,  et 
pour  en  mettre  dans  leurs  lampes  au  lieu 
d'huile. 

Comme  il  y  a  des  auteurs  qui  ont  écrit  que 
dans  ce  monastère  il  y  avait  ordinairement 
trois  mille  religieux,  cl  que  l'on  avait  dit  la 
même  chose  à  Alvarez,  il  y  alla  le  jour  de 
l'Assompiion  de  la  sainte  Vierge,  auquel 
jour  les  religieux  font  une  procession  géné- 
rale ;  il  n'y  vit  néanmoins  que  trois  cents  re- 
ligieux ou  environ  ;  et  en  ayant  demandé  la 
raison,  on  lui  dit  que  les  autres  étaient  dis- 
persés dans  d'autres  monastères  ou  églises 
particulières  et  aux  foires  et  marchés,  pour 
gagner  leur  vie  pendant  qu'ils  étaient  jeunes, 
à  cause  que  le  monastère  de  la  Vision  n'était 
pas  en  état  d'en  nourrir  un  si  grand  nombre, 
et  que  qu.ind  ils  étaient  hors  d'étal  de  ga- 
gner leur  vie,  ils  venaient  passer  le  reste  de 
leurs  jours  au  couvent.  Eu  effet  le  même  au- 


227  DICTIONNAIKE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 

;teur  assure  encore  que  dans  toutes  les  foires 


2-2.8 


et  dans  tous  les  marchés  l'on  ne  voit  que  re- 
ligieux et  religieuses  qui  y  trafiquent. 

M.  Poncet  confirme  ce  que  dit  Alvarez  do 
l'austérité  de  ces  religieux  et  de  la  beauté 
de  quelques  monastères  en  ce  pays,  et  dit 
aussi  qu'il  y  a  plusieurs  autres  monastères 
qui  dépendent  de  celui  de  la  Vision,  nom- 
mant entre  autres  celui  d'Héléni,  qui  est 
très-beau,  et  où  il  y  a  une  magnifique 
église.  Il  ajoute  que  les  cellules  de  ces  reli- 
gieux sont  si  étroites,  qu'un  homme  a  de  la 
peine  à  s'y  étendre,  qu'ils  ne  mangent  point 
de  viande  non  plus  que  les  autres  religieux 
d'Ethiopie,  qu'ils  sont  toujours  appliqués  à 
Dieu  et  à  la  méditation  des  choses  saintes, 
et  que  c'est  là  toute  leur  occupation. 

L'abbé  du  monastère  de  la  Vision  le  reçut 
avec  beaucoup  de  charité  aussi  bien  que 
ceux  de  sa  suite.  Il  leur  lava  les  pieds  et  les 
baisa  pendant  que  les  religieux  récitaient 
des  prières.  Après  celte  cérémonie,  ils  fu- 
rent conduits  processionnellement  à  l'église, 
les  religieux  chantant  toujours.  Ils  allèrent 
ensuite  dans  une  chambre  où  on  leur  ap- 
porta à  manger.  Tout  le  régal  consista  en  du 
pain  trempé  dans  du  beurre  ;  et  pour  leur 
boisson  on  leur  donna  de  la  bière,  car  l'on 
ne  boit  ni  vin  ni  hydromel  dans  ce  monas- 
tère; et  labbé  leur  tint  toujours  compagnie, 
mais  il  ne  mangea  point  avec  eux. 

Le  même  voyageur  a  cru  apparemment 
embellir  la  relation  de  son  voyage  par  le 
récit  d'un  prodige  qu'il  a  vu,  à  ce  qu'il  dit, 
dans  l'église  de  ce  monastère  de  la  Vision. 
On  l'avait  assuré  que  dans  l'église,  du  côté 
de  l'Epître,  on  voyait  en  l'air,  sans  aucun 
appui  ni  soutien,  une  baguette  d'or,  ronde, 
longue  de  quatre  pieds,  et  aussi  grosse  qu'un 
bâton.  Croyant  qu'il  y  avait  quelque  arti- 
fice, il  pria  l'abbé  de  vouloir  bien  lui  per- 
mettre d'examiner  s'il  n'y  avait  point  quel- 
que appui  qu'on  ne  vît  point.  Pour  s'en 
assurer  d'une  manière  à  n'en  pouvoir  pas 
douter,  il  passa  un  bâton  par-dessus,  par- 
dessous  et  de  tous  les  côtés,  et  il  trouva  que 
la  baguetie  était  véritablement  suspendue  en 
l'air.  Les  religieux  lui  dirent  qu'il  y  avait 
environ  330  ans  qu'un  solitaire  nommé  Abba 
Philippos  se  retira  dans  ce  désert,  où  il  ne 
se  nourrissait  que  d'herbes  et  ne  buvait  que 
de  l'eau;  et  qu'un  jour  Jésus-Christ  se  Ut 
voir  à  lui,  et  lui  ordonna  de  bâtir  un  mo- 
nastère dans  l'endroit  du  bois  où  il  irouve- 
rait  une  b.iguelle  d'or  suspendue  en  l'air  ;  et 
que  l'ayant  trouvée  et  vu  ce  prodige,  il  obéit, 
et  bâtit  ce  monastère  qui  se  nomme  Biltem 
Jésus,  Vision  de  Jésus.  Cependant  Alvarez, 
qui  a  demeuré  six  ans  eu  Ethiopie  et  qui 
allait  presque  tous  les  jours  à  ce  monastère, 
comme  il  le  dit  lui-même,  ne  parle  point  de 
ce  prétendu  prodige,  quoiqu'il  ait  eu  soin  de 
marquer  tout  ce  qu'il  y  avait  de  plus  parti- 
culier dans  ce  monastère.  11  n'ignorait  pas 
que  cet  abbe  Philippe  était  non-seulement 
révéré  comme  saint  par  les  religieux  de  ce 
monastère,  mais  encore  par  les  habitants 

(t)  Vvy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°47. 


des  environs,  qui  célèbrent  tous  les  ans  une 
fête  en  son  honneur;  et  il  rapporte  même  le 
sujet  pour  lequel  ils  l'ont  toujours  regardé 
comme  saint.  Ce  fut,  dit  cet  auteur,  à  l'oc- 
casion de  ce  qu'un  roi  d'Ethiopie  ayant  dé- 
fendu qu'on  observât  le  jour  du  sabbat  danj 
tous  les  lieux  de  son  obéissance,  l'abbé  Phi- 
lippe et  ses  religieux  vinrent  trouver  ce 
prince,  et  lui  firent  voir  que  Dieu  avait  or- 
donné que  l'on  garderait  le  jour  du  sabbat, 
et  que  ceux  qui  ne  le  garderaient  pas  se- 
raient lapidés,  il  ajoute  que  les  religieux  de 
ce  monastère  et  les  peuples  des  environs 
sont  les  plus  attachés  à  cette  superstition 
judaïque;  que  lui-même  a  vu  plusieurs  fois 
que  les  religieux  cuisaient  le  pain  et  prépa- 
raient leur  manger  le  vendredi  pour  le  sa- 
medi; qu'ils  n'allumaient  pas  même  du  feu 
le  samedi  ;  et  qu'ils  n'étaient  pas  si  scrupu- 
leux le  dimanche,  puisqu'ils  préparaient  à 
manger  ce  jour-là.  Sur  quoi  il  y  a  lieu  de 
s'étonner  de  ce  que  quelques  personnes, 
principalement  M.  Ludolf,  aient  regardé 
comme  une  chose  innocente  l'observation  du 
sabbat  parmi  les  Elhiopi.  ns,  après  que  le 
concile  de  Laodicée  a  prononcé  anathèmo 
contre  ceux  qui  s'abstiennent  par  supersti- 
tion des  viandes  que  Dieu  a  créées,  et  con- 
tre ceux  qui  observent  le  sabbat  à  la  manière 
des  Juifs. 

Ce  que  disent  plusieurs  écrivains,  que  les 
religieux  d'Ethiopie  sont  habillés  de  peaux 
jaunes,  se  confirme  par  la  relation  d'Alva- 
rez, qui  dit  la  même  chose  ;  il  ajoute  qu'il  y 
a  quelques  monastères  où  ils  sont  aussi  ha- 
billés de  toile  de  coton  jaune,  et  que  ces  re- 
ligieux habillés  de  jaune  ont  tous  de» 
chapes  de  la  même  couleur,  failes  comme 
celles  des  Dominicains.  Ainsi  cela  ne  s'ac- 
corde pas  encore  avec  ce  que  dit  M.  Ludolf, 
que  tous  les  religieux  d'Ethiopie  sont  ha- 
billes comme  les  séculiers,  et  ne  sont  distin- 
gués que  par  une  croix  qu'ils  portent  tou- 
jours à  la  main  (1).  A  la  vérité  M.  Poncet, 
qui  demeure  aussi  d'accord  avec  Alvarez 
que  les  religieux  des  monastères  de  la  Vi- 
sion et  d'Héléni  sont  habillés  de  peaux  jau- 
nes, parlant  aussi  de  quelques  autres  reli- 
gieux qui  sont  en  grand  nombre  dans  la 
ville  de  (londar  (séjour  ordinaire  des  empe- 
reurs), puisque,  outre  quatre  chapelles  im- 
périales qui  sont  dans  l'enceinte  du  palais 
de  l'empereur,  et  qui  sont  desservies  par 
cent  religieux  qui  ont  aussi  soin  du  collège, 
où  l'on  enseigne  à  lire  l'Ecriture  sainte  aux 
officiers  de  ce  prince,  il  y  a  environ  cent 
églises  dans  celte  ville  ;  il  dit  que  ces  reli- 
gieux sont  habillés  de  même  que  les  sécu- 
liers, et  n'en  sont  distingués  que  par  une 
calotte  jaune  ou  violette,  et  que  ces  diver- 
ses couleurs  distinguent  leur  ordre.  Mais  il 
y  a  bien  de  l'apparence  que  ceux  qui  ont 
une  calotte  jaune,  et  qui  pour  habillement 
portent,  comme  les  séculiers,  une  veste  ou 
soutane  noire,  sont  de  l'institut  de  l'abbé 
Eustase  (2),  et  les  autres  qui  ont  une  calotte 
violette  pourraient  bien  être  ceux  qu'Alvu- 

(2)   Yoy.,  à  la  (in  du  vol.,  n"  iS. 


229 


Il  II 


ET  II 


2'0 


rez,  Marmol,  M.  Ludolf  et  quelques  autres 
appellent  des  chanoines.  Ceux-ci  peuvent 
être  mariés  ;  leurs  enfants  leur  succèdent 
dans  leurs  prébendes  ;  et  quoique  la  plupart 
vivent  en  leur  particulier,  Alvarez  dit  néan- 
moins qu'il  a  vu  quelques  communautés  de 
ces  sortes  de  chanoines.  Ces  moines,  qui, 
selon  M.  Ludolf,  sont  dispersés  çà  et  là  dans 
lie  pauvres  cabanes,  et  dont  il  dit  que  la  de- 
meure ne  peut  pas  être  appelée  monastère, 
sont  sans  doute  ceux  que  les  couvents  où  ils 
ont  pris  l'habit  envoient  pour  gagner  leur 
vie  :  et  ainsi  M.  Ludolf  ne  s'est  peut-être  pas 
trompé  lorsqu'il  a  dit  que  chacun  de  ces 
moines  cultive  son  hérilage,  qu'il  vit  de  ce 
qu'il  produit,  en  pouvant  disposer  à  sa  vo- 
lonté ayant  pouvoir  d'aller  où  bon  lui  sem- 
ble et  de  revenir  quand  il  le  juge  à  propos. 
Il  pouvait  même  ajouter  que  ces  moines  tra- 
fiquaient, et  que  les  marchés  en  étaient  rem- 
plis,comme  nous  avons  dit.Cependantquai  d 
ils  sont  retournés  dans  leurs  couvents,  ils  y 
vivent  en  commun  et  très-ausièreinent,  sous 
la  conduite  d'un  supérieur  dont  ils  dépen- 
dent entièrement. 

Il  y  a  de  l'apparence  que  ce  monastère  de 
la  Vision  et  les  autres  qui  y  sont  unis  sont 
de  l'institut  de  Tecla-Haïmanot ,  puisque 
l'abbé  de  ce  monastère  en  est  non-seulement 
le  supérieur,  mais  qu'il  a  aussi  une  juridic- 
tion sur  les  autres  qui  en  dépendent,  dans 
lesquels  il  n'y  a  point  d'abbés,  mais  seule- 
ment des  supérieurs  qu'il  nomme;  et  cet 
abbé  de  la  Vision  pourrait  bien  être  le  même 
qui  a  eu  autrefois  sa  résidence  au  monastère 
de  Debra-Libanos,  et  ensuite  à  Bagendra, 
qu'il  aurait  encore  transférée  au  monastère 
de  la  Vision.  A  l'égard  des  monastères  de 
l'île  de  Saint-Claude,  de  Sainle-A«nne,  de 
Tzcmba  et  des  autres  dont  parle  M.  Ponce!, 
qui  ont  chacun  un  abbé,  ils  sont  sans  doute 
de  l'institut  de  l'abbé  Eustase,  pour  les  rai- 
sons que  nous  avons  dites  ci-dessus  en  par- 
lant de  ces  deux  restaurateurs  de  la  vie  mo- 
nastique en  Ethiopie. 

Tous  ces  moines,  selon  M.  Ludolf,  peu- 
vent exercer  des  offices  civils,  et  même  avoir 
des  gouvernements  de  province,  mais  il  n'est 
permis  à  qui  que  ce  soit  d'entre  eux  de  re- 
noncer à  la  vie  monastique  ;  et,  s'ils  se  ma- 
rient, ils  sont  regardes  comme  des  infâmes, 
et  leurs  enfants  ne  peuvent  jamais  parvenir 
à  la  cléricature,  n'y  ayant  rien  tant  que  les 
Ethiopiens  souhaitent  avec  plus  de  passion 
que  d'être  prêtres,  afin  d'avoir  la  vie  assu- 
rée, ce  qui  fait  qu'il  y  en  a  un  si  grand 
nombre;  en  effet,  Alvarez  s'élonnanl  de  l'a- 
bus que  le  patriarche  d'Ethiopie  commettait 
en  ordonnant  un  si  grand  nombre  de  prê- 
tres, quoique  parmi  ces  prêtres  il  s'en  trou- 
vât plusieurs  qui  étaient  aveugles,  d'autres 
qui  n'avaient  qu'un  bras,  et  d'autres  qui 
n'avaient  qu'une  jambe;  ce  grand  nombre 
de  prêtres  paraissant  d'ailleurs  inutile,  puis- 
que l'on  ne  dit  qu'une  messe  par  jour  dans 
chaque  égli>e,  il  en  témoigna  sa  surprise  à 
celui  qui  faisait  la  fonction  de  grand  vicaire 
du  patriarche.  Cet  homme  lui   répondit  que 

(t)  Voy,,  à  la  lin  du  vol.,  n"  40. 


l'on  ne  les  ordonnait  prêtre9  qu  atm  qu'ils 
pussent  vivre  des  aumônes  de  l'Eglise,  sans 
quoi  ils  ne  pourraient  subsister. 

On  peut  juger  par  la  multitude  des  moines 
de  ce  pays  qu'il  doit  y  avoir  aussi  beaucoup 
de  monastères,  n'y  ayant  guère  de  ville  où 
il  n'y  en  ait  plusieurs,  outre  ceux  qui  sont  a 
la  campagne  et  dans  les  bois.  Les  plus  fa- 
meux sont  premièrement  celui  de  h  Vision 
de  Jésus,  celui  de  Sainte-Anne,  situe  sur  une. 
montagne  entre  Gondar  et  Emfras,  qui  est 
un  lieu  de  dévotion  où  il  vient  de  bien  loin 
un  grand  nombre  de  personnes  en  pèlerinage; 
celui  de  Tzemba,  sur  la  rivière  de  Kcb,  à 
une  demi-lieue  d  •  Gondar,  qui  est  très- 
beau  et  très-grand,  aussi  bien  que  celui 
d'Héléni  et  celui  d' Alléluia.  Ce  dernier  fut 
ainsi  nommé,  à  ce  que  disent  ces  moines, 
par  celui  qui  en  fut  le  premier  abbé,  sur  le 
rapport  d'un  ermite  qui,  étant  en  oraison, 
vit  en  extase  et  entendit  des  anges  qui  chan- 
taienl  Alléluia  dans  ce  lieu. 

Il  y  a  aussi  un  grand  nombre  île  relig'eu- 
ses  en  Ethiopie,  qui  sont  pareillement  ha- 
billées de  toile  de  coton  ou  de  peaux  jaunes, 
et  ne  portent  ni  manteau  ni  capuce.  Elles 
ont  la  tête  rasée,  autour  de  laquelle  elles 
ont  un  bandeau  de  cuir  large  de  deux  doigts, 
qui,  passant  par-dessous  le  menton,  se  lie 
sur  le  front,  et  dont  les  deux  bouts  pendent 
sur  les  épaules  (1).  Il  y  en  a  qui  croient  que 
ce  n'est  que  l'habillement  des  novices,  et 
que  les  professes  peuvent  mettre  un  voile 
et  un  manteau.  D'autres  disent  que  cela  n'est 
permis  qu'aux  vieilles.  Elles  ne  sont  point 
renfermées  dans  des  monastères,  mais  elles 
demeurent  dans  les  fermes  et  les  villages  qui 
dépendent  et  obéissent  au  monastère  où 
elles  ont  pris  l'habit.  Alvarez  dit  avoir  vu 
quelques  communautés  de  religieuses  qui 
ont  néanmoins  la  liberté  de  sortir  de  leurs 
maisons  pour  aller  où  bon  leur  semble.  11  y 
a  de  ces  religieuses  qui  mènent  une  vie  as- 
sez réglée,  mais  il  y  en  a  beaucoup  qui  ne 
croient  pas  que  ce  soit  un  déshonneur  pour 
elles  d'avoir  des  enfants.  Schoonebeck  met 
leur  institution  vers  l'an  1325,  par  la  véné- 
rable mère  Imata  ;  mais  c'est  apparemment 
sur  Ja  relation  du  P.  Louis  d'Ureta  de  l'ordre 
de  Saint- Dominique,  qui,  dans  l'histoire 
qu'il  a  donnée  d'une  province  supposée  de 
son  ordre  en  Ethiopie,  a  prétendu  que  pres- 
que tous  les  religieux  de  ce  pays  étaient  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique,  et  que  la  mère 
Imata  fonda  un  monastère  du  même  ordre 
pour  des  religieuses  à  Bedenagli,  où  il  n'y 
en  eut  d'abord  que  cinquante,  mais  dont  le 
nombre  augmenta  jusqu'à  cinq  mille  après 
la  mort  de  celte  prétendue  fondatrice  :  ce  qui 
n'est  pas  moins  fabuleux  que  ce  qu'il  rap- 
porte des  couvents  île  Piurimanos  et  de  !'AI- 
ieluia,  où  il  met  neuf  mille  religieux  de  son 
ordre  dans  le  premier,  et  sept  raille  dans 
l'autre,  sans  compter  les  domestiques  qui 
sont  au  nombre  de  plus  de  trois  mille  dans 
celui  de  Piurimanos,  comme  nous  l'avons  dit 
au  long  à  l'article  Dominicains. 

Voyez  Job  Ludolf,  Hist.  Etkiop.  el   son 


251 

(Commentaire  sur  la  même  Ilistoire;  Franc. 
Alvarez,  son  Voyage  en  Ethiopie;  Marinol, 
Description  de  l'Àfriuue;  Louis  d'Ureta,  Hist. 
de  la  sagrada  orden  de  Predic.  en  Ethiopia; 
et  le  P.  le  Gobien,  4-'  Recueil  des  Lettres  Edi- 
fiantes des  ntissions  étrangères. 

§  2.  D;s  jeûnes  et  abstinences  des   moines  et 
des  religieuses  en  Ethiopie. 
Les  jeûnes  et  abstinences  des  moines  ma- 
ronites, arméniens,  jacobites  et  coptes,  sont 
peu  de   chose  en  comparaison  des  jeûnes  et 
mortifications   des   moines    éthiopiens,    qui 
commencent  avec  les  séculiers   le  carême  de 
l'Eglise  universelle  à  la  Sexagésime,  et  qu'ils 
observent    très-rigoureusement ,    ne    man- 
geant, pendant  tout  le  temps  qu'il  dure,  que 
du  pain    et   ne   buvant  que  de  l'eau.   11  est 
vrai  qu'ils  trempent   leur  pain  dans  une  es- 
pèce de  sauce  qu'ils  font   avec  de  la   graine 
decaulïa,  qui  est  fort  cuisante  à  la  bouche. 
Us   se    servent  encore  d'une   autre    graine 
qu'ils  nomment  tebba,  qu'ils  accommodent 
en  manière  de  moutarde.  11   se  trouve  beau- 
coup de  ces   religieux  qui  par  dévotion  ne 
mangent  point  de  pain  pendant  tout  le  ca- 
rême ;   quelques-uns  même    s'abstiennent 
d'en  manger  toute  leur  vie,  et  mangent  seu- 
lement de  l'agrinos,  qui  est  une  herbe  qu'ils 
font  cuire  dans  de  l'eau,  sans  sel  ni  beurre, 
et  sans    autre    assaisonnement.    Quand   ils 
n'en  peuvent  pas  trouver,  ils  usent  de  quel- 
ques légumes,  comme  fèves,  lentilles  et  au- 
tres semblables,  qu'ils  font  seulement  amol- 
lir dans   de  l'eau.  Quelques-uns  portent  un 
habit  de  cuir  sans  manches,  ayant  les  bras 
tout  nus;  plusieurs  ont  sur  leur  chair  une 
ceinture  de  fer  large  de  quatre  doigls,  avec 
des  pointes  qui   entrent  bien   avant  dans  la 
chair;  d'autres  ne   s'asseyent  point  pendant 
tout  le   temps  du   carême,  mais  demeurent 
toujours  debout.  Il  y  en  a  aussi  qui  pendant 
ce  temps-là  se   vont  renfermer  dans  des  ca- 
vernes, où  ils  vivent  d'herbes  et   de  lentilles 
seulement.  Il  y  a  encore  beaucoup  de  reli- 
gieux et  de  religieuses  qui  tous  les  mercre- 
dis et   vendredis  du  carême  passent  la  nuit 
dans  l'eau.  François  Alvarez   dit  qu'il  avait 
de  la  peine  à  le  croire;   mais  qu'ayant  été 
avec  plusieurs  personnes  sur  le    bord  d'un 
lac,  ils  virent  qu'il  y   en  avait  une  infinité 
dans    ce   lac,    et  que  quelques-uns   étaient 
dans  de   petites  loges  de  pierres  bâlies  ex- 
près. Il  y  a  de  l'apparence  que  les  nuits  sont 
bien  froides  en  ce  pays-là  ;  autrement  ce  ne 
.serait  pas  une  mortification  de  rester  dans 
Veau  pendant  la   nuit  dans  le  temps  du  ca- 
rême, dans  un  pays  où  le  soleil  eat  très-ar- 
(J eut   en  ce  temps-là,  et  où  même  les  fruits 
d'aulomue  de   nos  quartiers   sont   en  matu- 
rité, Enfin  il  y  en  a  qui  se  relirent  dans  d  s 
solitudes  les  plus  affreuses   et  des  forêts  les 
plus  épaisses,  où  ils  ne  voient  aucun  homme, 
faisant  pénitence  dans  ces  lieux  écartés. 

Quoiqu'il  y  ail  près  de  deux  cents  ans 
qu'Alvarez  ait  écrit  sa  relation  où  il  fait  un 
ilétail  de  ces  pénitences  et  de  ces  mortifica- 
tions des  religieux  d'Ethiopie,  il  semble 
néanmoins  qu'il;   n'en  aient  rien   diminué 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  252 

jusqu'à  présent;  car  M.  Poncet,  qui  y  était 
en  1700,  dit  avoir  vu  dans  le  monastère-de 
la  Vision  de  Jésus  un  vieillard  âgé  d'environ 
soixante-six  ans,  frère  du  gouverneur  de 
Tigré,  qui  n'avait  vécu  pendant  sept  ans  que 
de  feuilles  d'olivier  sauvage ,  et  que  cette 
mortification  lui  avait  causé  un  crachement 
de  sang  qui  l'incommodait  beaucoup  ;  c'est 
pourquoi  il  lui  ordonna  quelques  remèdes 
et  lui  prescrivit  un  régime  de  vie. 

La  manière  la  plus  ordinaire  de  jeûner 
parmi  ces  religieux  est  de  ne  manger  seu- 
lement que  de  deux  jours  en  deux  jours,  et 
toujours  le  soir  quand  le  soleil  est  couché  ; 
mais  le  samedi  ni  le  dimanche  ils  ne  jeûnent 


point  ;  et  comme  dans  chaque  église  H  ne  s'y 
dit  qu'une  messe  par  jour,  ils  ne  la  célè- 
brent que  le  soir  les  jours  qu'ils  jeûnent,  et 
tous  y  communient,  après  quoi  ils  vont  man- 
ger. La  raison  qu'ils  en  donnent,  c'est  qu'ils 
disent  que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  fit  la 
cène  le  soir  un  jour  de  jeûne.  Aux  autres 
jours  qu'on  ne  jeûne  point ,  ils  la  disent  le 
malin. 

Ces  religieux  se  lèvent  deux  heures  avant 
le  jour  pour  dire  leurs  matines  et  ne  man- 
gent jamais  de  viande  dans  le  couvent.  Mais 
Alvarez  remarque  que  lorsqu'ils  se  trou- 
vaient avec  les  Portugais,  ils  ne  laissaient 
pas  d'en  manger  et  de  boire  du  vin,  pourvu 
qu'ils  n'eussent  point  de  compagnon,  de  peur 
qu'il  n'en  avertit  le  supérieur,  qui  les  au- 
rait châtiés  sévèrement  pour  cette  transgres- 
sion. M.  Poncet  dit  qu'il  en  a  vu  qui  se  le- 
vaient deux  fois  la  nuit  pour  chanter  des 
psaumes  ;  peut-être  que  c'esl  selon  les  diffé- 
rents instituts  qu'il  y  a  en  ce  pays,  soit  de 
l'abbé  Técla-Haymanot,  soit  de  l'abbé  Eustase. 
Outre  le  carême  dont  nous  avons  parlé, 
qui  dure  cinquante  jours,  M.  Poncet  dit  qu'i  s 
eu  ont  encore  trois  autres,  de  même  que  le 
reste  du  peuple  :  savoir,  celui  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Paul,  qui  dure  quelquefois  qua- 
rante jours  et  quelquefois  moins,  selon  que 
la  fête  de  Pâques  est  plus  ou  moins  avancée  ; 
celui  de  l'Assomption  de  Notre-Dame,  qui 
est  de  quinze  jours  ;  et  celui  de  l'Avent,  qui 
est  de  trois  semaines.  François  Alvarez  mar- 
que néanmoins  ces  carêmes  d'une  autre  ma- 
nière que  M.  Poncet.  Outre  le  carême  de  la 
Résurrection  de  Notre-Seigneur  ,  qui  Com- 
mence à  la  Sexagésime,  il  dit  qu'ils  jeûnent 
depuis  le  lundi  de  la  Trinité  jusqu'au  jour 
de  la  Nativité  de  Nolre-Seigueur  ;  que  de- 
puis ce  jour-là  jusqu'à  la  Purification  de 
Notre-Dame,  ils  ne  jeûnent  poinl,  m  lis  que, 
les  trois  jours  qui  suivent  celte  fête,  ils  ne 
mangent  qu'une  fi  is  en  ces  trois  jours,  ce 
qu'ils  appellent  la  pénitence.de  Ninive.  Nous 
aimons  mieux  ajouter  foi  à  Alvarez,  qui  était 
plus  insiruil  que  M.  Poncet  de  ce  qui  regar- 
dai! la  religion  et  les  mœurs  des  Ethiopiens. 
Dans  tous  ces  carêmes  on  ne  se  sert  ni  d'oeufs, 
ni  de  beurre,  ni  de  fromage  ;  on  jeûne  avec 
la  même  rigueur  tous  les  vendredis  de  l'an- 
née. On  ne  dispense  personne  du  jeûne,  les 
jeunes  gens,  les  vieillards  et  même  les  ma- 
lades y  sont  obligés. 
Mais,  avec  tant  d'austérités  et  de  morliG- 


233 


F.TI 


ETI 


23 1 


calions,  ces  religieux  son!  si  attachés  à  leurs 
erreurs,  qu'ils  n'écoutent  point  les  mission- 
naires qui  vont  chez  eux  pour  les  faire  ren- 
tre! au  sein  de  l'Eglise.  Ils  se  sont  toujours 
opposés  à  leurs  bons  desseins  en  empêchant 
que  les  peuples  ne  se  convertissent.  Ils  leur 
inspirent  tant  d'aversion  pour  les  Europé- 
ens, qui  sont  blancs  par  rapport  à  eux,  qu'ils 
leur  font  mépriser  et  même  haïr  tout  ce  qui 
est  blanc  ;  c'est  pourquoi,  s'ils  représentent 
saint  Michel  terrassant  le  diable,  saint  Mi- 
chel est  de  couleur  olivâtre,  qui  est  celle  des 
Abyssins,  et  le  diable  est  blanc. 

Le  pape  Clément  Vil,  afin  d'attirer  ces 
peuples  à  la  foi  orthodoxe  et  les  ramener  au 
sein  de  l'Eglise,  leur  accorda  en  1525  l'é- 
glise de  Saint-Etienne  qu'on  nomme  des  In- 
diens ou  des  Maures  (1),  à  côté  de  laquelle 
il  y  a  un  hôpital  où  ceux  qui  viennent  à  Rome 
sont  logés  et  entretenus  aux  dépens  du  pape. 
Grégoire  XIII  ordonna  que  lorsqu'il  y  aurait 
des  Ahysins  à  Rome,  on  leur  fournirait  du 
palais  lout  ce  qui  leur  serait  nécessaire  (2). 
Innocent  XII,  imitant  la  piété  de  ses  prédé- 
cesseurs, a  établi  un  fouds  decinqu  inte  mille 
écus  romains  de  revenu  pour  envoyer  des 
missionnaires  en  Ethiopie  et  dans  les  autres 
provinces  de  l'Afrique.' 

Ils  ont  une  chapelle  à  Jérusalem  dans  l'é- 
glise du  Saint-Sépulcre,  où  ils  font  l'office 
suivant  leur  rite  ;  et ,  selon  les  relations  de 
plusieurs  voyageurs,  ils  le  font  avec  tant 
il'indévolion  et  d'irrévérence, qu'ils  s'attirent 
le  mépris  de  tous  les  étrangers. Mais,  comme 
il  y  a  peu  de  voyageurs  qui  s'accordent  en- 
semble, M.  Poncet,  parlant  de  leurs  céré- 
monies de  la  messe,  dit  qu'elles  sont  majes- 
tueuses. 11  y  avait  autrefois  plusieurs  moi- 
nes Ethiopiens  qui  allaient  tous  les  ans  en 
grand  nombre  en  pèlerinage  à  Jérusalem,  et 
faisaient  en  sorte  de  s'y  trouver  la  semaine 
sainte.  Alvarez  dit  qu'étant  à  Barua  dans  le 
gouvernement  du  Bemagas ,  il  y  eut  une  ca- 
ravane composée  de  trois  cent  trente-six 
moines  et  «i-e  quinze  religieuses,  qui  partit 
pour  ce  voyage,  mais  qu  ils  furent  pris  par 
les  Arabes  ;  que  les  vieux  furent  tués,  les 
jeunes  vendus  pour  esclaves,  et  qu'il  n'y  en 
eut  pas  plus  de  quinze  qui  se  sauvèrent.  De- 
puis ce  temps-là  ils  n'ont  point  été  à  Jérusa- 
lem en  caravane  ;  il  y  en  a  seulement  qucl- 
yues-uns  qui  y  vont  comme  passagers.  Nous 
donnons  riiibillementde  ces  religieuxet  reli- 
gieuses tel  que  ledécrivent AlvarezetM. Pon- 
cet. 

Voy.  Fran.  Alvarez,  Voyage  d'Ethiopie. 
Le  Gobien,  Lettres  édifiantes  des  missions 
IV'  vol.  Le  Monde  de  Davily  ;  et  Morigia, 
Hist.  de  toutes  les  religions,  c.  70. 

ETIENNE  PAPE  ET  MARTYR  (Ordre  mi- 
litaire de  Saint-),  en  Toscane. 
Pendant  que  l'on  travaillait  en  Espagne  et 
en  Portugal  à  la  réforme  des  monastères  de 
l'ordre  de  Saint-Benoît,  ce  même  ordre  ac- 
quit un  nouveau  lustre  en  Italie  par  l'insti- 
tution de  celui  de    Saint-Etienne,    qui  com- 


prend des  chevaliers  et  des  chapelains,  des 
religieux  et  religieuses  ,  qui  sont  tous  sou- 
mis à  la  règle  de  Saint- Henoît.  Ce  qui  donna 
lieu  à  l'institution  dé  cet  ordre  militaire,  fut 
la  victoire  que  Corne  de  Médicis',  qui  fut  pre- 
mier grand-duc  de  Toscane,  remporta  pro- 
che Marciano,  l'an  155V,  le  deuxième  joatf 
d'août,  fêle  de  saint  Etienne  pape  et  martyr, 
sur  le  maréchal  de  Strozzi,  qui  commandait 
les  troupes  de  France.  Ce  prince,  pour  con- 
server la  mém  lire  de  celle  victoire,  qui  lui 
assurait  la  souveraineté  de  la  Toscane,  ob- 
tint du  pape  Pie  IV,  l'an  1561,  une  bulle  qui 
lui  permettait  de  fonder  cet  ordre  militaire 
sous  la  règle  de  Saint-Benoît,  dont  la  princi- 
pale fin  serait  de  défendre  la  foi  calholiquee» 
défaire  la  guerre  aux  cor^aiiesqui  parleurs 
pirateries  empêchaient  le  commerce  de  la 
Méditerranée.  Côme  de  Médicis  ayant  ins- 
titué cet  ordre  et  dressé  des  statuts ,  que  les 
chevaliers  devaient  observer,  le  même  pon- 
tife l'approuva  p  ;r  une  autre  bulle  de  l'an 
1562,  et  déclara  ce  due  de  Toscane  et  ses 
successeurs  grands  maîlreset  chefs  de  cet  or- 
dre, auquel  il  accorda  plusieurs  privilèges, 
affranchissant  delà  juridiction  desordinaircs 
non-seulement  la  personne  des  chevaliers, 
mais  même  leurs  biens  ,  en  ce  qui  regardait 
le;  commauderies  et  bénéfices  les  exemptant 
de  toutes  sortes  de  décimes,  leur  permettant 
de  se  marier  et  de  pouvoir  posséder  des  pen- 
sions silr  des  bénéfices  jusqu'à  la  somme  de 
deux  cents  écus  (même  ceux  qui  auraient  élé 
mariés  deux  fois),  ce  qui  fut  augmenté  jus- 
qu'à la  somme  de  quatre  cents  écus  d'or  par 
les  papes  Sixte  et  Parti  V. 

Comme  le  duc  de  Toscane  fonda  cet  ordre 
à  Pise,  il  voulut  que  la  résidence  ordinaire 
des  chevaliers  se  fit  en  cette  ville,  où  il  leur 
fit  bâtir  deux  maisons  conventuelles,  aux- 
quelles il  joignit  une  magnifique  église,  que 
ses  successeurs  ont  eu  soin  d'embellir.  Ces 
deux  maisons  sont  les  principales  de  l'or- 
dre; il  y  a  toujours  un  grand  nombre  de 
chevaliers  qui  y  demeurent,  avec  des  cha- 
pelains pour  f lire  l'office  divin,  lesquels 
chapelains  sont  aussi  chevaliers  et  religieux 
de  cet  ordre,  et  vivent  en  commun  sous  l'o- 
béissance d'un  grand  prieur,  qui  est  grand'- 
croix  de  l'ordre,  et  qui  se  sert  d'ornements 
pontificaux  dans  les  fonctions  ecclésiastiques. 

A  peine  cet  ordre  eut-il  été  établi,  que  les 
chevaliers  se  mirent  en  mer  l'an  1563  et  con- 
tinuèrent pendant  plus  d'un  siècle  à  donner 
des  preuves  d'une  valeur  peu  commune; 
car  cette  même  année  1563  ils  s'emparèrent, 
avec  1  urs  galères,  de  quelques  vaisseaux 
turcs,  et  donnèrent  la  chasse  aux  galères  de 
Rhodes.  lis  se  joignirent,  l'an  156ï,  aux  ga- 
lères d'Espagne,  qu'i's  aidèrent  à  prendre  la 
forteresse  de  Pignon.  Ils  donnèrent  secours 
l'an  1565  aux  chevaliers  de  Malte,  lors- 
que les  Turcs  assiégèrent  leur  île.  Us  atta- 
quèrent en  1568  deux  vaisseaux  d'un  fa- 
meux corsaire  nommé  Carasccli,  et  s'en  ren- 
dirent maîtres.  Ils  armèrent  en  1571  douze 
galères,  avec    lesquelles   ils    se  joignirent  à 


(I)  Abb.  Piazza,  Oper.  pie  di.Roma,  trait.  2, cap.  S.  (2)  Itjid.,  Trait.  5,  cup.  3. 

Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  II. 


£35 


DXTIONNAIISE  DESORDRES  IVELICIEIJX. 


236 


l'armée  dos  chrétiens  qui  remporta  la  fa- 
rnouse  vitloire  de  Lépanlc.  Le  corsaire  Bar- 
berousse  éprouva  leur  valeur  en  1572  lors- 
qu'ils lui  prirent  sa  capitaine;  et,  après 
avoir  remporté  plusieurs  avantages  sur  les 
infidèles,  ils  obligèrent  le  Grand  Seigneur  à 
demander  la  paix.  Les  articb  s  furent  dres- 
sés de  part  et  d'autre  ;  mais  le  chevalier 
Buongianni  Gianfiliazzi  ayant  été  envoyé  à 
Gonstanlinop'e  pour  la  faire  ratifier,  il  trou- 
va que  les  Turcs  avaient  changé  de  senti- 
ment ,  et  retourna  en  Italie  sans  avoir  exé- 
cuté sa  commission.  Ainsi  la  guerre  recom- 
mença entre  les  infidèles  et  Côme  de  Méd  cis, 
ejui  avait  été  fait  grand-duc  par  le  pape  Pie 
V,  l'an  1569,  malgré  les  oppositions  do  l'em- 
pereur Maximilien  et  de  Philippe  II ,  roi 
u  Espagne. 

François  de  Médicis  ayant  succédé  à  son 
père  Côme  l",  fll  armer  les  galères,  qui  rem- 
portèrent de  nouveaux  avantages.  Les  che- 
valiers de  Saint-Etienne  s'emparèrent  de 
Cole  en  Barbarie,  en  1582,  de  Monastero  et 
de  quelques  autres  places  en  1585,  de  Ch.io 
en  1599,  de  Preveza,  sur  les  frontières  d'Al- 
banie, en  160i.  Ferdinand  I",  qui  hérita  des 
Etats  do  son  frère  François,  renforça  l'esca- 
dre des  chevaliers  de  Saint-Etienne  de  huit 
galères  et  six  gallions.  En  1607  ils  saccagè- 
rent la  forteresse  de  Hone  en  Barbarie,  et 
voulurent  s'emparer  de  Famagosle  en  Chy- 
pre ;  mais  ils  furent  repoussés  par  les  Turcs, 
qui,  croyant  vaincre  encore  ces  chevaliers, 
mirent  en  mer  l'an  1008  une  armé;;  de  qua- 
rante-cinq galères.  Les  chevaliers  ne  lais- 
rèrenl  pas  de  les  attaquer,  quoiqu'ils  n'eus- 
sent que  six  galères  et  onze  gallions,  et  les 
obligèrent  de  prendre  la  fuite.  Côme  II  ayant 
rejeté  les  propositions  de  paix  que  la  Porte 
lui  avait  faites,  arma  de  nouveau  ses  cheva- 
liers, qui  prirent  l'an  1610  Bischieri  en  Bar- 
barie, Disto  en  Négrepont,  l'an  1611,  Chiei  - 
mon  l'année  suivante,  et  la  forteresse  d'Eli- 
man,  dans  la  Caramanie,  l'an  1613,  d'où 'ils 
remportèrent  de  riches  butins. 

Après  la  mort  de  Côme  II,  Ferdinand  II 
lui  ayant  succédé,  ii  ne  témoigna  pas  moins 
d'ardeur  à  faire  agir  les  chevaliers  de  Saint- 
Etienne,  qui,  après  s'être  encore  emparés  de 
Bischieri,  prirent  en  1624  vingt-cinq  galères 
turques  et  un  grand  nombre  de  petits  bâti- 
ments, dont  on  voit  encore  les  dépouilles 
dans  les  couvents  de  cet  ordre  à  Pise  et  à 
Livourne.  Le  long  siège  de  Candie  fut  en- 
core une  occasion  à  ces  chevaliers  pour  faire 
preuve  de  leur  valeur,  et,  quoique  la  paix  se 
lit  l'an  1670  entre  les  Vénitiens  et  le  Grand 
Seigneur,  ils  ne  laissèrent  pas  de  poursui- 
vre leurs  avantages  sur  les  tioupes  ottoma- 
nes. On  compte  plus  de  cinq  mille  six  cents 
chrétiens  qu'ils  ont  délivrés  des  fers,  et  qua- 
torze mille  huit  cent-soixante  et  onze  escla- 
ves qu'ils  ont  faits  jusqu'en  1078.  Depuis  ce 
temps-là  on  n'a  guère  parlé  de  leurs  expé- 
ditions, si  ce  n'est  qu'en  168i,  la  république 
de  Venise  étant  entrée  encore  en  guerre  avec 
les  Turcs,  les  galères  du  grand-duc  se   joi- 

(1)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n"  10. 

fS)  Voy..  à  la  lin  du  vol.,  n"5l. 


gniront  à  l'armée  des  Vénitiens  comme  trou- 
pesauxiliaires.Lesfigures  de.  bronze  dcCôm<2 
P'etdo  son  fils  Ferdinand  l",  qui  sont  à  Flo- 
rence dans  la  place  Dm  aie  et  dans  celle  do 
l'Annonciadc,  ont  été  faites  des  canons  pris 
sur  les  infidèles,  comme  il  paraît  par  l'ins- 
cription qui  est  sur  le  piédestal  de  la  pre- 
mière, où  on  lit  ces  paroles  :  Di  métallo 
rapito  al  pero  Trace. 

11  y  a  dans  cet  ordre  des  chevaliers  de 
justice,  des  chapelains  et  des  frères  ser- 
vants. Parmi  les  chevaliers  de  justice,  qui 
sont  obligés  de  faire  preuves  de  noblesse  de 
quatre  races,  il  y  a  aussi  des  ecclésiastiques 
obligés  aux  mêmes  preuves,  et  les  uns  et  les 
autres  portent  la  croix  rouge  à  huit  angles 
orlée  d'or,  tant  sur  le  côté  gauche  de  leur 
habit  que  sur  le  manteau.  Les  chapelains  ou 
prêtres  d'obédience  sont  véritablement  reli- 
gieux et  portent  du  côté  gauche  la  croix  rou- 
georlée  seulement  de  soie  jaune,  et  los  frè- 
res servants  la  portent  de  même,  au  cô'é  droit. 
Il  y  a  aussi,  comme  dans  l'ordre  de  Malle,  des 
demi-croix.  L'habit  de  cérémonie  des  che- 
valiers consiste  en  un  grand  manteau  do  ca- 
melot blanc  doublé  de  taffetas  incarnat ,  avec 
des  cordons  de  même  couleur  pendant  jus- 
qu'à terre  (1).  Celui  des  chapelains  consiste 
en  une  soutane  blanche  doublée  de  rouge,  un 
camail  aussi  de  camelot,  sur  lequel  est  la 
croixdel'ordreetun  rodiet  (2).  Leur  habit  or- 
dinaire pour  lechœur  consiste  enunesoulane 
noire,  un  surplis  et  une  aumusse  noire  sur 
le  bras,  sur  laquelle  aumusse  est  la  croix  de 
l'ordre  (3).  Et  l'habit  des  frères  servants  n'est 
que  de  serge  ou  rase  blanche  avec  des  man- 
chesétroiles,  doublées  do  taffetas  rouge  et  la 
croix  du  côtô  droit. 

Le  conseil  de  l'ordre  est  composé  do  douze 
chevaliers,  qui  s'assemblent  à  Pise  dans 
l'un  des  deux  palais  où  sont  la  chancellerie 
et  les  archives,  pour  y  traiter  de  toutes  les 
affaires  qui  concernent  l'ordre,  tant  pour  le 
Suirituel  que  pour  le  temporel.  Les  cheva- 
liers graiiu'Croix  et  ceux  qui  sont  obligés  du 
servir  sur  les  galères  pour  faire  leurs  cara-* 
Canes,  doivent  résider  dans  l'un  des  de'ux 
palais,  où  ils  sont  nourris  et  entretenus  aux 
dépens  de  l'ordre,  et  les  novices  y  sont  ins- 
truits de  tous  les  exercices  quiconviennentà 
la  noblesse. 

Les  principales  dignités  de  l'ordre  sont 
les  grands  commandeurs,  dont  l'office  dure 
pendant  la  vie  du  grand  maître;  le  grand 
connétable  ,  l'amiral,  le  grand  prieur  du 
couvent,  le  grand  chancelier,  le  trésorier  gé- 
néral, le  conservateur  général  et  le  prieur 
de  l'église,  qui  s'élisent  tous  les  trois  ans 
dans  le  chapitre  général,  où  se  trouve  lo 
prand-duc  comme  grand  maître,  et  où  on 
élit  aussi  les  chevaliers  à  la  grand'eroix  et 
les  douze  qui  doivent  composer  le  conseil. 
|]e  chapitre  se  tient  le  dimanche  in  Albis  : 
!ous  les  chevaliers  qui  sont  en  Toscane 
r.ont  obligés  de  s'y  trouver.  11  y  eu  a  lou- 
lours  plus  de  trois  cents.  Les  frais  de  leur 
voyage  leur  sont    payes,   et  ils  s  :nt  nourris 

("•)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°52. 


£57 


ETO 


ETO 


25g 


fit  logés  avec  leurs  serviteurs  pendant  le 
iempsdu  chapitre.    L'ordre  possède    vingt— 

'.rois  prieurés,  trente-cinq  bailliages,  et  un 
très-grand  nombre  île  commanderics.  Lors- 
que les  chevaliers  font  profession,  ils  l'ont 
vœu  de  pauvreté,  do  charité  et  d'obéissance; 
el  les  chapelains,  comme  religieux,  de  pau- 
vreté, de  chaslelé  el  d'obéissance.  Le  grand 
maître  donne  l'habit  aux  chevaliers,  et  leur 
fait  faire  pofession  ;  et  les  chapelains  ne  la 
font  qu'entre  les  mains  du  grand  prieur,  qui 
leur  donne  aussi  l'habit. 

Bernard  Giusliniani,  Bisl.  Chronol.  de  gli 
Ord.  mil  il.  et  retiy.  caval.,  tom.  II.  Fran- 
cise. Menncnius,  de  Ord.  milit.  Silvcslr. 
Maur»1.  Mar.  Occan.  di  tut  t.  gl.  Religion. 
Ascag.  Tamburin.,  de  Jur.  Ahbat.  tom.  Il, 
disp.  24.  quœst.  5,  n.  85.  Bullarium  Roma- 
nu»>,ei  Siatuti  et  Constitutioni  deW  Ordine 
di  S.  Stefano. 

Après  que  Côme  I",  duc  de  Toscane,  eut 
Institué  l'ordre  militaire  de  Saint-Etienne, 
l'an  1562,  pour  des  chevaliers,  des  chape- 
lains et  des  frères  servants,  comme  nous 
avons  dit,  il  voulut  encore  y  joindre  des  re- 
ligieuses, pour  imiter  davantage  l'ordre  de 
Malle,  qui  lui  avait  servi  de  modèle  pour 
former  celui  de  Saint-Etienne.  C'est  pourquoi 
les  religieuses  Bénédictines  qui  desseivaient 
l'abbaye  de  Saint-Benoît  de  Pise,  qui  avait 
été  donnée  à  l'ordre  de  Saint-Etienne  par  le 
pape  Pie  IV  l'an  15G5,  furent  incorporées  à 
cet  ordre,  el  en  prirent  l'hab't.  Le  second 
monastère  de  ces  religieuses  fui  fondé  à  Flo- 
rence l'an  1588  sous  le  litre  de  l'Immaculée 
Conception,  et  le  pape  Clément  VIII  approuva 
cet  établissement  l'an  1592.  Le  P.  Bonanni, 
Jésuile,  dit  que  ce  fui  Eléonore  de  Tolède, 
femme  de  Côme  Ier,  qui  fonda  ce  monastère; 
mais  cette  princesse  ne  peut  pas  en  avoir  été 
la  fondalrice,  puisque  Côme  1er  mourut  en 
1574  et  qu'il  n'avait  épousé  Eléonore  de  To- 
lède qu'en  premières  noces. 

Les  religieuses  de  cet  ordre  doivent  faire 
preuve  de  noblesse;  elles  ont  pour  habille- 
ment une  tunique  ou  robe  de  laine  blanche, 
avec  un  scapulaire  de  même  étoffe,  el  sur  le 
côié  gauche  une  croix  rouge  comme  celle 
des  chevaliers  (1)  :  celles  de  Florence  y  ajou- 
tent une  iresse  de  soie  jaune  à  l'enlour.  Au 
chœur  et  dans  les  cérémonies  elles  ont  une 
coule  blanche  avec  de  grandes  manches  dou- 
blées de  taffetas  incarnat  (2).  Les  abbesses 
portent  la  croix  plus  grande,  de  velours  rou- 
ge ;  les  sœurs  servantes  ou  converses  la 
portent  de  serge  rouge,  mais  plus  petite  que 
celle  ries  sœurs  du  chreur. 

Philippe  Bonanni,  Catalogus  Ordinum  re- 
liyio?.  in  Eccles.  milit.,  pari.  n. 
ÉT1BNNE  DE  STRASBOURG  (Saint-).  Voyez 
Cologne. 

ETOILE  DE  MESSINE.  Voyez  Ampoule 

(Sainte-). 

ÉTOILE    DE    NOTRE-DAME    (Chevaliers 

de  l').    Voyez  Ampoule    (Sainte-). 

(t)  Voy.,  à  In  fin  du  vol.,  n"  55. 
(-1)  Voy.,  à  la  fin  du  vul.,  n°  54. 


ETOILE  en  France  (Ordre  de  l'). 
Des  chevaliers  de  l'ordre  de  Notre-Dame  de 

la   Noble    Maison,    communément    appelé 

l'Ordre  de   l'Etoile,  en  France. 

Favin  attribue  l'institution  de  l'ordre  de 
l'Etoile  à  Robert,  roi  de  France,  et  prétend 
que  ce  prince  ayant  pris  la  sainte  Vierge 
pour  la  protectrice  de  cet  ordre,  lui  donna 
le  nom  de  l'Etoile,  parce  qu'il  regardait  cette 
reine  des  anges  connue  l'étoile  de  la  mer  et 
la  guide  de  son  royaume.  Il  ajoute  que  cet 
ordre  était  composé  de  (renie  chevaliers,  y 
compris  le  roi,  qui  était  le  chef  et  le  souve- 
rain grand  maître;  que  les  cérémonies  de 
l'institution  en  lurent  faites  le  jour  de  la  na- 
tivité de  la  sainte  Vierge  au  mois  de  septem- 
bre de  l'an  1022,  dans  la  chapelle  du  Palais, 
dite  Notre-Dame  de  l'Etoile,  qui  est  la  basse 
Sainte-Chapelle,  et  que  les  premiers  qui  fu- 
rent honores  de  ecl  ordre  après  le  roi  furent 
ses  trois  iils,  Hugues  le  Grand,  Henri  l"  et 
Robert,  duc  de  Bourgogne;  Richard  11,  duc 
de  Normandie  el  de  Bretagne,  Guillaume  III 
dit  Tcte  d'Etoupes,  duc  d'Aquitaine,  comte 
d'Auvergne  el  de  Poitou;  Guillaume  III, 
comle  de  Toulouse;  Baudouin  à  la  Belle- 
Barbe,  comte  de  Flandre;  Hébert  le  Vieux, 
comte  de  Troyes;  Odom,  comte  de  Beau  vais  ; 
Geoffroy  Grise-Gonelle ,  comle  d'Angers; 
Amau  ry,  comle  rie  Noy  on,  et  Baudouin  de  l'Ile, 
comte  de  Hainaut,  fils  de  Baudouin  à  la  Belle- 
Barbe.  11  fait  même  la  description  de  l'habil- 
lement que  portaient  ces  chevaliers.  Leur 
manteau,  à  ce  qu'il  dit,  élait  de  damas  b'anc, 
le  manlelet  el  les  doublures  de  damas  incar- 
nai, et  la  colle  ou  gonelle  de  même,  sur 
laquelle  élait  une  étoile  d'or  en  broderie;  le 
grand  collier  était  aussi  d'or  à  trois  chaînes, 
entrelacées  de  roses  de  même  émaillées  al- 
ternativement da  blanc  et  de  rouge  (3).  Il 
ajoute  que  ces  chevaliers  étaient  obligés  de 
dire  tous  les  jours  en  l'honneur  de  la  Vierge 
la  couronne  ou  chapelet  de  cinq  dizaines  , 
avec  quelques  autres  prières  pour  le  roi  et 
l'Etal,  et  il  rapporte  une  oraison  qu'il  pré- 
tend que  ce  prince  avait  composée  lui- 
môme. 

Si  nous  voulions  encore  ajouter  foi  à  cet  au- 
teur, Philippe-Augusteavailreçude  Louis  VII, 
son  père,  dans  l'abbaye  de  Saint-Denis  en 
France,  le  collier  de  cet  ordre  l'an  1180,  le 
jour  de  son  couronnement.  Le  même  Phi- 
lippe le  donna  en  la  ville  de  Gournay  eu 
Normandie,  à  Artur,  en  lui  donnant  l'inve- 
stiture des  comléi  de  Bretagne,  d'Anjou  et 
de  Poitou.  Louis  VIII  fut  fait  aussi  chevalier 
de  cet  ordre  le  jour  de  son  sacre,  l'an  122i, 
dans  l'église  de  Reims.  Saint  Louis,  son  lils, 
le  fut  aussi  l'an  1220.  Le  même  saint  Louis 
donna  cel  ordre  à  Roberi  de  France  l'an 
1227,  à  Corbeil,  el  l'an  12iG  à  d'autres;  mais 
tout  ce  discours  de  Favin  n'est  que  fable  et 
fiction.  Oulre  que  nous  sommes  persuadés 
qu'il  n'y  a  point  eu  d'ordres  militaires  et  de 
chevalerie  avant  le  douzième  siècle,  el  par 

(5)  Voy.,  à  h  fin  du  vol.,  n°  £5. 


Ï39 


PJCTIONNAinE  DES  ORDRES  P.ELIf.lEUX. 


240 


conséquent  que  le  roi  Robert  n'a  pas  pu 
avoir  institué  l'ordre  île.  l'Ktoilc,  il  est  liés- 
coustant  que  cet  ordre  a  élé  inslilué  par  le 
roi  Jean  lLr  l'an  133 1  :  ce  qui  est  facile  à 
prouver  par  la  lettre  circulaire  que  ce  prince 
écrivit  aux  seigneurs  qu'il  voulut  honorer  de 
cet  ordre,  qui  se  trnuve  dan*  la  chambre 
des  Comptes  à  Paris,  Mémorial  C,  et  quj 
nous  rapporterons  ici. 

Biau  cousin,  nous  à  l'honneur  de  Dieu  et 
en  assaucemcnl  de  ch  valerie  cl  accroissement 
d'honneur,  avons  ordonné  de  faire  une  compa- 
gnie de  chevaliers,  qui  seront  appeliez  Che- 
valiers de  Noire-Dame  de  la  Noble  Maison, 
</ui  porteront  la  robe  cy  après  divisiée  ;  c'est 


ensemble  se  ils  peuvent  b  nnement.  Et  pour- 
ront lesd.  chevaliers  se  il  leur  plait  lever  ban- 
nière vermeil  simê  d'éloilles  ordonnées  et  une 
image  de  Noire  Dame  blanche,  especiulement 
sur  les  ennemys  de  la  foi  ou  pour  la  guerre 
de  leur  dro.  tuner  seigneur,  et  au  jour  de  leur 
trepassemènl,  i's  envoiront  èi  la  Noble  Maison 
se  ils  peuvent  bonnement  leur  annel  et  leur 
fermait  les  meilleurs  qu'ils  auront  faits  pour 
ladite  compagnie,  po  <r  m  ordonner  au,  profit 
de  leurs  urnes  et  en  l'honneur  de  l'église  de  l'i 
Noble  Maison  en  laquelle  sera  fait  leur  ser- 
vice solemnellement.  Kl  sera  tenu  chacun  de 
faire  dire  une  messe  pour  le  trépassé  au  plus- 
tosl  i/ue  ih  pourront  bonnement  depuis  qu'i 


assavoir  une   colle  blanche  ,  un   serret  et  un      l'auront  sceu.  Et  est  ordonné  que  tes  armes  et 
chaperon  vermeil  quand  ils  seront  sans  mon-      timbres  de  tous  les  seigneurs  chevaliers  ue  la 


tel  ;  et  quand  ils  vesliront  mantel,  qui  sera 
fait  à  guise  de  chevalier  nouvel  à  entrer  et 
demeurer  en  l'église  de  la  Noble  Maison,  il 
sera  vermeil  et  fourré  de  vert  non  pas  d'her- 
mines, de  cendail  ou  samist  blanc,  et  faudra 
qu'ils  aient  sous  le  dit  mantel  serret  blanc  ou 
cotte  hardie  blanche,  chausses  noires  et  sou- 


Noble  Maison  seront  peints  en  lu  salle  d'icelle 
au  dessous  d'un  chacun  la  ou  il  sera.  Et  se  il 
y  a  aucun  que  honteusement  que  (  Diex  ne 
Notre  Dame  ne  veullent)  se  parient  de  la  ba- 
taille ou  besogne  a  donnée,  il  sera  suspendu 
de  la  compagnie,  et  ne  pourra  porter  tel  habit 
et  H  tournera  en  la  Noble  Maison  ses  armes  et 


liez  dorez,  et  porteront   continuellement  un  son  timbre  sans  dessus  dessous,  sans  eff acier 

annel  en  tour  la  verge  duquel  sera  escript  leur  jusques  à  temps  qu'il  fut  restitué  par  le  prince 

nom  et   surnom,  auquel  annel  aura  un  csmail  ou  son   conseil  et  tenus  pour  relevez  par  son 

plus  vermeil,  en  l'esmait   une  étoile    blanche,  bienfait .  Et  est  encore   ordonné  qu'en  la  No- 

(ii*  milieu  de  l'étoile  une   rondeur    l'azur,  un  ble   Maison  aura  une   table  oppellée  lu  table 

petit  soleil  d'or,  et  au  muntelu  sur  l'épaule  au  d'honneur  en  laquelle  seront  assis  la  veille  et 

devant   en   leur   chaperon  un  fermait    auquel  le  jour  de  ta  feste  les  trois  plus  suffisions  ba- 

aura  une  étoile  toute  belle  comme  en  Formel,  cltcliers  qui  seront  de  ladite  feste,  de  ceux  qui 

est  divisée,  et  tous   les  sabmedis  quelque  part  seront  receus  en  ladite  compagnie  et  en  chacune 


ils  seront  ils  porteront  vermeil  tt  blanc  en 
colle  et  serret  et  chaperons  comme  dessus,  se 
faire  se  peut  bonnement,  et  se  ils  veulent  por- 
ter mantel,  il  sera  vermeil  et  fendu  à  l'un  des 
coslés  et  toujours  blanc  dessous  ;  et  si  tous  tes 
jours  de  la  semaine  ils  veullent  porter  fermait 
faire  le  pourront  et  sur  quel  robe  il  leur  ptai 


veille  de  feste  de  la  mye  aoust  chacun  an  après 
en  suivant  seront  assis  à  ladite  table  d'hon- 
neur les  trois  princes,  trois  baronnets  et  trois 
bacheliers  qui  l'année  auraient  plus  fait  en 
armes  de  guerre;  car  nuls  faits  d'armes  du 
pays  ne  sera  mis  en  compte.  Et  est  encore  or- 
donné que  nul  d'iceux  de  ladite  compagnie  ne 


ra.  En  l'urmeure  pour  guerre  ils  porteront     pourra  entreprendre  et  aller  en  aucun  volage 


le  dit  fermait  en  leur  camail  ou  en  leur  cotte 
à  armes,  ou  la  ou  leur  plaira  apparemment. 
Et  seront  tenus  de  jeûner  tous  hs  sabmedis 
s'ils  peuvent  bonnement,  et  se  bonnement  ne 
peuvent  iceux  ou  ne  veullent,  ils  donront  ce 


loinglain  sans  le  dire  ou  faire  scavoir  au 
prince.  Lesquiex  chevaliers  seront  au  nombre 
de  cinq  cens,  et  desquiex  nous  comme  inven- 
teur et  fondateur  d'icelle  compagnie  seront 
prince,  ainsi  l'en  devront  eslre  nos  succes- 


jo-.r  quinze  deniers  pour  Dieu  en  l'honneur     seurs  roys,  et  nous  avons  élu  es  re  du  nombre 


des  quinze  joyes  de  Notre  Dame.  Jureront  qu'à 
Itur  pouvoir  ils  donront  loyal  conseil  au 
prince  de  ce  qu'il  leur  demandera  soit  d'armes 
et  d'autres  choses.  El  se  il  y  a  aucun  que  avant 
cette  compagnie  aient  emprise  aucun  ordre  , 
ils  le  devront  laiss;r,  se  ils  peuvent  bonne- 
ment, et  se  bonnement  ne  le  peuvent  laisser  si 
sira  celle  compagnie  devant.  Et  si  en  avant 
n'en  pourront  aucune  autre  entreprendre  sans 
le  congé  du  prince.  Et  seront  tenus  venir  tous 
les  ans  en  la  Noble  Maison  assise  entre  Paris 


de  ladite  compagnie  et  pensons  à  faire  se  Dieu 
ptail  la  première  feste  et  entrée  de  ladite  com- 
pagnie à  S.  Ouyn  le  jour  et  la  veille  l'appa- 
rition prochaine.  Si  soyez  aux  d.  jours  et 
lieux  se  le  pouvez  bonnement  à  tout  vostre 
habit  annel  et  fermait,  et  udoneques  sera  vous 
et  aux  autres  plus  à  plain  parlé  sur  cette  ma- 
tierre.  Et  est  encore  oi  donné  que  chacun  ap- 
portera ses  armes  et  son  timbre  pins  en  un 
feuillet  de  papier  ou  de  parchemin  afin  que 
les  piintres  les  puissent  mettre  ptastot  et  plus 


et  Saint-Denis  en  France  à  la  veille  de  la  feste     proprement  la  ou  ils  devront  eslre  mis  à  la 


de  Noire  Dame  de  la  my  aoust  dedans  primes 
et  y  demeurer  tout  le  jour  et  le  lendemain  , 
jour  de  la  feste  jusques  après  vespres.  Et  se 
bonnement  ils  n'y  peuvent  venir  ils  en  seront 
crus  par  leur  propre  parole.  Et  en  tous  les 
lieux  ou  ils  se  treverons,  venir  ensemble,  au 
plus,  à  la  veille  cl  au  jour  de  ladite  mye  aoust, 
et  que  bonnement  ils  n'auront  pâ  venir  à  ce 
jour  au  lieu  de  la  Noble  Maison;  ils  porteront 
lesdilcs  i  obbes  et  orront  vespres  et  la  messe 


\oble  Maison.  Donné  à  sains  Chrislhophle  en 
Hulotte  le  G.  jour  de  novembre  l'an  de  grâce 
1  ..51. 

Il  y  a  des  auteurs  qui  prétendent  que 
Charles  VII,  voyant  ses  finances  épuisées, 
ne  trouva  point  d'autres  moyens  pour  ré- 
compenser les  capitaines  de  son  armée  que 
de  leur  donner  le  collier  de  cet  ordre,  qui  ne 
se  donnait  auparavant  qu'aux  princes  cl  aux 
grands  seigneurs  de  France;  que  pour  ce 


»l 


KTO 


ETO 


212 


sujet  ceux-ci  firent  leur  remontrance  au  roi, 
que  c'était  avilir  l'ordre  que  de  le  donner 
indifféremment  à  toutes  sortes  de  personnes, 
sans  avoir  égard  à  la  noblesse;  et  que  ce 
prince,  ayant  assemblé  le  chapitre  au  palais 
de  Clichy,  l'an  1554,  ôta  le  collier  qu'il  por- 
tait et  lé  mil  au  cou  du  capitaine  du  guet  de 
nuit,  et  l'appela  chevalier  du  guet,  ordon- 
nant qu'à  l'avenir  il  porterait  cette  marque 
de  l'ordre  de  l'Etoile,  et  que  sur  les  hoque- 
tons des  archers  du  guet  il  y  aurait  devant 
et  derrière  une  étoile  blanche  en  broderie  : 
ce  qui  donna  lieu  aux  princes  et  aux  sei- 
gneurs de  quitter  aussi  le  collier  de  l'ordre. 
Mais  les  chevaliers  ne  portaient  point  de 
collier,  comme  on  a  pu  voir  dans  les  lettres 
de  Jean  I",  fondateur  de  cet  ordre.  Ainsi  le 
roi  Charles  Vil  ne  pouvait  pas  avoir  ôté  son 
collier  pour  le  mettre  au  cou  du  chevalier 
du  guet.  Du  temps  de  saint  Louis,  cet  officier 
avait  déjà  la  qualité  de  chevalier  du  guet,  et, 
s'il  était  vrai  que  Charles  VII  lui  eût  donné 
l'ordre  de  l'Etoile,  il  n'aurait  pas  pour  cela 
avili  cet  ordre,  puisque  le  chevalier  du  guet 
était  toujours  gentilhomme  et  avait  même  le 
litre  de  chevalier,  comme  il  paraît  p;ir  plu- 
sieurs titres;  nous  nous  contenterons  seule- 
ment de  rapporter  des  lettres  de  Louis  XI 
données  à  Beynes  en  Hainaul  le  3  août  14(>1, 
par  lesquelles  il  Ole  l'office  de  chevalier  du 
guet  à  Philipi  e  de  la  Tour,  chev.  lier,  pour 
en  revêtir  Jean  de  Harlay,  qui,  était  aussi 
chevalier.  Loys  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de 
Fiance,  à  t  «s  ceux  qui  ces  présentes  lettres 
verront,  salut.  Comme  par  le.  t'epas  de.  nuire 
ti  es  cher  seigneur  et  père  à  cui  D.eu  pardoint , 
la  couronne  et  seigneurie  de  notre  dit  royau- 
me nous  soient  par  la  dite  grâce  de  Die  i  ad- 
renuz  et  esclieuz,  et  par  ce  nous  appartiengne 
pourvoir  aux  offices  d'icelni  nostre  royaume, 
de  personnes  ydoines  cl  suf/ santés  à  notre 
ion  plaisir,  sçacoir  faisons  que  par  la  bonne 
relation  qui  faite  nous  a  esté  de  notre  bien 
amé  Jehan  de  Harlay  escuyer  et  de  ses  vail- 
lances, pro  esses,  preudomic,  et  bonnes  dili- 
gences, à  icelui  pour  ces  causes  et  autres  à  ce 
nous  mouvons,  avons  donné  et  octroyé,  don- 
nons il  octroyons  de  grâce  especiale  par  ces 
présentes  l'office  de  chevalier  du  guet  de  nuit 
de  nosire  bonne  ville  et  cité  de  Paris,  pour 
icelui  office  avoir  et  tenir,  et  dorennavant 
exercer  aux  droits,  gaiges,  honneurs,  préro- 
gatives, pmuffits  et  émoluments  accoutumez, 
et  qui  y  appartiennent,  tant  comme  il  nous 
plaira,  s'il  est  il  ce  suffisant.  Si  donnons  en 
mandement  au  prevost  de  Paris  qui  pour  nous 
sera  ou  à  son  lieutenant,  qie  prins  et  receu 
audit  Jean  de  Harlay  le  serment  en  tel  cas 
accoutumé,  icelui  mette  et  institue  ou  face 
mettre  et  instituer  de  par  nous  en  possession 
et.  saisine  dudit  office,  et  d'iccluy  ensemble  des 
droits,  gaiges,  honneurs,  prérogatives,  prouf- 
fitz  et  emolumens  dessusdits,  le  fare,  souffre 
et  laisse  jouir  et  user  plaine  merci  et  paisible- 
ment, et  e\  luy  obéir  et  entendre  de  tous  ceux 
et  eiinsi  qu'il  appartiendra,  es  choses  touchant 
et  regardemt  ledit  office,  osté  et  débouté  d'i- 
c.-lug  nosire  amé  et  féal  l'Iiilippes  de  la  Tour 
ch'.vedier,  et  tout  autre  illicite  détenteur,  non 


ayant  sur  ce  nos  lettres  de  don  p  ecedent  en 
date  de  ces  présentes,  etc.  Pour  preuve  que 
ce  Jean  de  Harlay  était  chevalier  avant  que 
d'être  pourvu  de  l'office  de  chevalier  du 
guet,  nous  rapporterons  encore  les  lettres 
suivantes  du  comte  de  Clermont,  fils  du  duc 
de  Bourbon.  Nous  Jehan,  ainsné  fils  du  duc 
de  Bourbonnois  et  d'Auvergne,  comte  de  Cler- 
mont, lieutenant  générât  et  gouverneur  pour 
monseigneur  le  roy  de  ses  pays  et  duché  de 
Guyenne,  certifions  à  tous  qu'il  appartiendra 
que  au  voyage  dernièrement  fait  au  pays  de 
Normandie  pour  la  réduction  d'iccluy  ei  l'o- 
beissance  de  mondit  seigneur  le  roy  et  an  com- 
mencement d'iceluy  voyage,  preismes  et  meis- 
mes  en  nostre  charge,  retenue  et  compagnie 
nosire  amé  et  féal  chevalier  messire  Jehan  île 
Harlay,  lequel  bien  et  honnorablemenl  monté 
et  armé,  servit  mnniit  seigneur  durant  ledit 
voyage  en  nos  redite  compagnie  sans  départir, 
tant  en  sièges,  rencontres  el  courses,  qu'en 
autres  affaires  de  guerre,  esquelles  il  s'est 
trouvé  comme  bon,  vaillant  et  comme  doit 
faire.  El  nous  tenant  sege  devant  la  ville  de 
Vire,  audit  pays  de  Normandie,  durant  iceluy 
voyage,  luy  donnâmes  l'ordre  de  chevalerie 
oiec  toute  solcmnité  deiies,  et  ce  certifions 
estre  vray  par  ces  nos  lettres,  lese/ueltcs  en 
lemoing  de  ce  avons  signé  de  nostre  main,  et 
fait  sceller  du  petit  sii/nrt  e\  nos  armes  en 
l'absence  de,  nosire  grand  scel.  Donné  au  Ho- 
chet en  Bourbonnois  le  22.  jour  de  janvier 
1455.  Il  y  a  encore  d'autres  lettres  de 
Louis  XI,  données  à  Bordeaux  le  20  mars 
1462,  par  lesquelles  il  paraît  que  ce  Jean  de 
Harlay  avait  une  compagnie  d'ordonnance 
sous  le  titre  de  Crussol,  chevalier  el  sénéchal 
de  Poitou  :  ce  qui  l'empêchant  d'exercer  son 
office  de  chevalier  du  guet,  le  roi  lui  permit 
de  le  faire  exercer  pendant  un  an.  Ces  let- 
tres sont  des  preuves  suffisantes  que  le  che- 
valier du  guet  était  as?ez  distingué  pour  ne 
pas  faire  déshonneur  à  l'crùre  de  l'Etoile  en 
le  portant;  et  c'est  une  erreur  de  dire  qu'il 
ne  se  donnait  qu'aux  princes  el  aux  grands 
seigneurs,  puisque  le  roi  Jean  I",  qui  l'in- 
stitua, voulut  qu'il  y  eût  cinq  cents  cheva- 
liers, et  que,  l'an  1358,  il  le  donna  à  Jac- 
ques Bozzut,  qui  n'était  que  collatéral  ou 
conseiller  de  Louis,  duc  de  Duras,  comme  il 
paraît  par  l'épitaphe  de  ce  Bozzut  que  l'on 
voit  dans  l'église  cathédrale  de  Naples.  S'il 
était  vrai  aussi  que  Charles  Vil  l'eût  donné 
par  mépris  au  chevalier  du  guet,  il  n'y  a  pas 
d'apparence  que  Louis  XI  l'eût  donne,  l'an 
1458,  à  son  gendre  Gislon  de  Foix,  prince 
de  Navarre;  et  il  n'aurait  pas  mandé,  en 
14-70,  aux  prévôt  des  marchands  et  échevins 
de  Paris  qu'il  vouiail  vrniren  celte  ville  pour 
célébrer  la  fête  de  l'ordre  de  l'Etoile,  et  qu'il 
entendait  que  les  princes  et  les  grands  sei- 
gneurs qu  il  mènerait  avi  c  lui  fussent  logés 
par  fourrière.  Cet  ordre  subsista  jusque  sous 
le  règne  de  Charles  VIH,  qui  l'abolit  à  cause 
de  l'ordre  de  Saint-Michel  que  Louis  XI,  son 
père,  avait  institué. 

Favin,  Théeltre  d'honneur  et  de  ch  vaierie. 
Giusliniani,  H'ist.  di  tutti  gli  ordini  militari. 
Archives  de  la  chambre  des  comptes  de  Paris, 


DICTIONNAIRE  DESORDRES  RELIGIEUX. 


Mémorial  C,  fol.  108,  el  manuscrits  de  Du 
Chêne,  à  la  bibliothèque  du  Roi. 

ETOLE.  Voyez  Bande  (Ordre  i>e  la). 

ETOLE  D'OR  ri  Venise.  Voyez  Chausse. 

ETROITE  OBSERVANCE.  Voyez  les  divers 
titres  spéciaux  des  observances  strictes  et 
réformées. 

ETROITE  OBSERVANCE  DE  CITEAUX 
^Religieux  de  l').  Voyez  Cîteaux,  §  3". 

FUDISTES. 

Des  prêtres  missionnaires  communément  ap- 
pelés les  Eudisles,  avec  la  vie  de  M.  Ewlts, 
leur  instituteur. 

Les  Endistes  forment  une  compagnie  de 
prôlres  séculiers  établie  en  France  sous  le 
nom  et  titre  de  Jésus  et  Marie;  ils  sont 
employés  à  la  direction  des  séminaires ,  et  à 
faire  des  missions.  On  les  appelle  Eudisles, 
parce  nue  M.  Eudes  a  été  leur  instituteur. 

M.  Eudes  ,  connu  sous  le  nom  de  l'ère 
Ewles,  vint  au  monde  le  14  décembre  de 
l'année  1C01,  dans  la  paroisse  de  Rie  proebe 
Argentan  ,  diocèse  de  Séez  ,  en  Normandie. 
Son  père  et  sa  mère  furent  trois  ans  sans 
avoir  de  fruits  de  leur  mariage;  mais,  ayant 
fait  un  vœu  à  Dieu  sous  l'invocation  de  la 
sainte  Vierge  ,  ils  obtinrent  un  fils  qui  fut 
nommé  Jean  sur  les  fonts  de  baptême  ,  et 
plusieurs  autres,  parmi  lesquels  se  distingua 
le  célèbre  M.  deMézeray,  bistoriographe  de 
France.  Comme  Jean  Eudes  ,  dont  nous 
parlons  ici,  était  destiné  à  devenir  l'instru- 
ment des  grands  desseins  que  Dieu  avait  sur 
lui,  il  fut  prévenu  de  tant  de  bénédictions  du 
ciel,  qu'il  ne  fit  rien  paraître  de  puéril  dans 
son  enfance.  Dès  qu'il  fut  en  étal  de  recevoir 
des  instructions,  il  les  rechercha  avec  em- 
pressement ;  et,  comme  elles  étaient  négli- 
gées dans  sa  paroisse,  il  fit  tant  auprès  de 
son  père  el  de  sa  mère,  qu'ils  lui  permirent 
de  les  aller  chercher  chez  les  curés  et  les 
pré'.res  du  voisinage.  Ce  fut  par  ce  moyen 
qu'il  apporta  de  grandes  dispositions  à  faire 
sa  première  communion.  Il  en  retira  de  si 
grands  fruils,  et  des  instructions  qu'il  rece- 
vait de  ses  maîtres,  que  sa  piété  croissait  à 
proportion  qu'il  avançait  en  âge.  Le  Saint- 
Esprit  alluma  dès  lors  dans  son  cœur  un  si 
grand  amour  pour  Dieu  et  lui  donna  une 
connaissance  si  parfaite  des  faux  plaisirs  du 
monde,  que  pour  y  mieux  renoncer  il  fit  vœu 
de  chasteté  à  l'âge  de  14  ans. 

Dès  qu'il  se  fut  ainsi  consacré  à  Dieu,  il 
alla  taire  ses  études  à  Cacn ,  où,  craignant 
la  conagion  du  liiier'inage  ordinaire  aux 
écoliers,  il  n'y  eut  point  de  précautions  qu'il 
ne  piît  pour  conserver  son  innocence;  el, 
comme  les  Pères  Jésuites  n'élèvent  pas  moins 
la  jeunesse  dans  la  piété  que  dans  les  sciences 
humaines,  il  se  fit  recevoir  à  la  congrégation 
établie  dans  leur  collège,  où  il  faisait  ses 
éludes,  pour  être  sous  la  protection  spéciale 
de  la  sainte  Vierge.  Ayant  été  admis  dans 
celle  congrégation,  il  devint  le  modèle  des 
autres  écoliers  ,  non-seulement  par  son  as- 
siduité aux  assemblées  et  à  fréquenter  les 
Sacrements,  mais  encore  par  son  application 


à  l'élude,  dans  laquelle  il  fit  un  progrès  mer- 
veilleux. 

Sur  la  fin  de  son  cours  de  philosophie, 
étant  âgé  de  18  ans  ,  il  pensa  à  choisir  un 
étal.  Ses  parents  ,  qui  le  regardaient  comme 
l'appui  de  leur  famille,  ne  manquèrent  pas 
de  lui  proposer  un  parti  avantageux;  mais 
M.  Eudes  leur  répondit  qu'il  les  suppliait  de 
ne  point  penser  à  lui  pour  aucun  établisse- 
ment dans  le  monde,  et  qu'il  avait  fait  un 
choix  plus  noble.  Il  balança  quelque  temps 
s'il  se  ferait  religieux;  mais,  après  de  fer- 
ventes prières  et  des  jeûnes  réitérés  ,  il  se 
détermina  au  sacerdoce,  seulement  par  le 
conseil  d'un  sage  directeur  :  et  Dieu  voulant 
en  faire  un  saint  prêtre  et  un  digne  ministre 
de  l'Evangile,  il  lui  donna  dans  la  cérémonie 
de  la  tonsure,  qu'il  recul  alors,  tout  le  dégoût 
du  monde  qui  dispose  à  la  via  apostolique, 
dont  il  devait  faire  profession.  Etant  persuadé 
qu'on  ne  consulte  et  qu'on  n'écoule  Dieu 
parfaitement  que  dans  la  retraite,  il  regarda 
la  maison  des  prêtres  de  l'Oratoire  comme 
un  lieu  propre  pour  se  préparer  au  sacerdoce, 
auquel  il  aspirait.  Néanmoins  il  ne  voulut  y 
entrer  qu'après  en  avoir  obtenu  la  permission 
de  son  père  ,  qu'il  ne  lui  accorda  qu'au  bout 
de  Irois  ans  ,  qu'il  employa  à  l'élude  de  la 
théologie  scolastique,  à  laquelle  il  se  donna 
tout  entier.  Si  l'humble  serviteur  de  Dieu 
avait  suivi  le  conseil  de  ses  amis,  il  aurait 
pris  ses  degrés;  mais  son  père  lui  ayant  enfin 
laissé  la  liberté  d'exécuter  son  dessein,  il 
aima  mieux  entrer  dans  l'Oratoire.  Ce  fut  le 
25  mars  de  l'an  1623  qu'il  y  lut  reçu,  à  l'âge 
de  23  ans.  Les  instructions  qu'il  y  reçut  et 
1rs  pieux  exercices  auxquels  il  s'appliqua 
augmentèrent  encore  son  zèle  et  sa  ferveur 
pour  son  propre  salut  et  celui  du  prochain. 

M.  le  cardinal  de  Bertille  remarqua  en  lui 
de  grands  talents  pour  la  prédication  :  c'est 
pourquoi  il  lui  fit  faire  quelques  discours , 
avant  même  qu'il  fût  dans  les  ordres  sacrés: 
en  quoi  il  réussit  si  avantageusement  au 
goût  de  ce  digne  supérieur,  que  pour  en 
tirer  tout  le  fruit  qu'on  en  devait  attendre, 
ayant  dessein  de  l'engager  au  ministère  de  la 
paro!e  ,  il  lui  fit  recevoir  les  saints  ordres; 
et  enfin  le  P.  Eudes  céléhrasa  première  messa 
le  jour  de  Noël  de  l'année  1G2G. 

Dès  qu'il  fut  revêtu  du  caractère  auguste 
du  sacerdoce,  il  n'épargna  rien  pour  s'ac- 
quitter dignement  du  ministère  de  la  prédi- 
cation; mais  Dieu  arrêta  pendant  quelque 
temps  les  effets  de  son  zèle,  en  lui  envoyant 
une  maladie  qui  dura  deux  ans  entiers,  et 
qui  lui  interdit  l'exercice  de  ce  ministère 
pendant  ce  temps-là,  qui  ne  laissa  pas  de  lui 
être  utile  pour  l'élude  de  l'Ecriture  sainte, 
dont  il  faisait  le  sujet  de  ses  méditation*  ,  et 
dans  laquelle  il  trouva  des  sources  inépui- 
sables de  science  et  de  sainteté. 

11  ne  fut  pas  plutôt  rétabli  de  cette  maladie, 
qu'il  commença  ses  travaux  aposloliques  par 
une  aclion  héroïque  de  charité  :  car  étant 
touché  des  ravages  que  la  pesle  faisait  dans 
le  diocèse  de  Séez  ,  plein  de  confiance  en 
Dieu,  il  y  courut  avec  la  permission  de  ses 
supérieurs,  afin  de  secourir  ces  pauvres  al- 


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fligés,  d'autant  plus  à  plaindre,  qu'ils  étaient 
abandonnés  de  leurs propres  pasteurs. Quand 

il  y  fut  arrivé,  il  se  retira  chez  un  bon  prêtre, 
qui  voulut  être  le  compagnon  de  ses  peines 
et  de  ses  fatigues,  lesquelles  étaient  très- 
gran  les  et  trè^-dangereuses  pour  leurs  pro- 
pres personnes,  puisque,  durant  quatre  mois 
que  dura  la  peste,  après  avoir  célébré  la 
sainte  messe  de  grand  matin,  et  consacré 
plusieurs  hosties  qu'ils  portaient  dans  une 
boîle  d'argent  ,  ils  allaient  de  maison  en 
maison  pour  instiuire,  exhorter,  confesser, 
."tonner  le  saint  viatique  ,  et  administrer 
L'extrême-onction  à  ceux  que  la  contagion 
avait  l'ait  abandonner  par  les  personnes 
mêmes  auxquelles  ils  devaient  èlre  le  plus 
chers.  Les  plus  infectés  élaient  ceux  que  le 
P.  Eudes  recherchait  avec  plus  d'empresse- 
ment et  soulageait  avec  plus  de  lendresse. 

La  pesle  ayant  cessé  au  diocèse  de  Séez,  il 
retourna  à  Paris,  d'où  il  fut  envoyé  à  Caen. 
11  y  trouva  encore  une  autre  occasion  ds 
s'immoler  pour  ses  frères  :  car  le  supérieur 
de  li  maison  de  l'Oratoire  de  celte  ville  ayant 
élé  frappé  de  peste  avec  deux  autres  prêtres 
de  la  même  maison,  il  les  assista  tous  trois 
jusqu'au  dernier  soupir;  mais  avec  tant  de 
charité  ,  que  ses  vertus  jointes  aux  autres 
talents  dont  il  élait  doué  ne  permirent  pas 
qu'on  jetât  la  vue  sur  d'autres  que  sur  lui 
pour  remplir  la  place  de  ce  supérieur.  Ce  fut 
alors  que  se  voyant  chargé  de  ce  nouvel 
emploi ,  il  redoubla  son  zèle  pour  s'en  ac- 
quitter dignement  ;  et,  Rappliquant  à  la  pré- 
dication, non  par  le  désir  de  plaire,  mais  de 
convertir  les  pécheurs,  il  se  mit  peu  en  peine 
de  flatter  les  oreilles,  pourvu  qu'il  louchât 
leurs  cœurs.  Il  reprenait  hardiment  le  vice, 
cl  persuadait  la  vertu  avec  tant  de  force  et 
d'onction,  que  sa  réputation  se  répandit  dans 
les  plus  grandes  villes  du  royaume,  et  même 
jusqu'à  la  cour,  où  la  reine  régente,  Anne 
d'Autriche,  mère  de  Louis  XIV,  l'entendit 
plusieurs  fois  avec  beaucoup  de  satisfaction; 
mais  il  n'était  jamais  plus  content  que  quand 
il  annonçait  la  parole  de  Dieu  aux  pauvres 
el  aux  gens  de  la  campagne,  comme  il  arriva 
en  plusieurs  missions  qu'il  fit,  étant  encore 
dans  la  congrégation  de  l'Oratoire.  Dieu  ré- 
pandit de  si  grandes  bénédictions  sur  celles 
qu'il  entreprit,  que  les  plus  grands  pécheurs, 
touchés  par  la  force  de  ses  discours,  se  con- 
vertissaient et  entreprenaient  les  plus  au- 
stères pratiques  de  la  pénilcnee.  De  si  heu- 
reux succès  attiraient  un  si  grand  nombre 
de  personnes  à  l'entendre,  que  dans  une 
mission  qu'il  fit  dans  l'église  de  l'abbaye  de 
Sainl-Etienne  de  Caen,  elle  se  trouva  trop  pe- 
tite pour  contenir  l'affluence  extraordinaire 
dn  peuple  qui  y  accourait  de  toutes  parts, 
quoique  ce  temple  soit  un  des  plus  grands 
vaisseaux  du  royaume. 

Ce  fut  alors  quele  P.  Eudes  connut dansles 
missions  le  grand  besoin  qu'on  avait  de  bons 
pasteurs  et  de  prêtres  zélés  pour  en  conser- 
ver les  fruils  et  soutenir  les  peuples  dans  les 
oons  sentiments  qu'ils  y  avaient  conçus. 
Dans  cette  vue  il  médita  l'établissement  des 
séminaires  oour  eu  former;  mais  comme  il 


se  défiait  de  ses  propres  lumières,  il  ne  crut 
pas  devoir  se  déterminer  de  soi-même  à  une 
telle  entreprise.  Il  en  consulta  donc  les  per- 
sonnes les  plus  distinguées  par  leur  science 
et  leur  piété,  qui  approuvèrent  le  projet 
qu'il  en  avait  fait,  el  crurenl  qu'il  devait  se 
priver  des  douceurs  qu'on  trouve  dans  des 
communautés  formées,  pour  se  livrer  avec 
confiance  à  toutes  les  peines  qui  sont  insé- 
parables des  nouveaux  établissements.  Le 
P.  Eudes,  qui  n'envisageait  que  la  gloire  de 
Dieu,  déféra  donc  à  leurs  sentiments. 

Après  être  sorlide  l'Oratoire,  il  travailla  à 
l'érection  d'un  séminaire  dans  la  ville  de 
Caen.  Les  premières  lettres  patentes  ayant 
élé  obtenues  du  roi  le  26  mars  de  l'année 
1643,  et  s'élant  associé  huit  prêtres,  tous 
remplis  de  l'esprit  ecclésiastique,  il  jeta  les 
fondements  de  la  première  maison  de  sa 
compagnie.  Un  de  ses  associés  fut  M.  Blouet 
de  Than,  connu  par  sa  grande  piété  et  par 
le  rang  que  sa  famille  occupe  dans  la  ville, 
et  qui  fut  le  fondateur  de  cette  maison.  Ce, 
ne  fut  pas  sans  beaucoup  de  contradictions 
que  se  fit  cet  établissement  ;  mais  M.  Eudes 
et  ses  associés  les  surmontèrent  par  le  si- 
lence, la  douceur  et  la  patience.  Plusieurs 
évëques,  instruits  des  grands  fruils  que  fai- 
saient ces  hommes  de  Dieu  dans  le  séminaire 
de  Caen,  en  voulurent  avoir  chacun  dans 
leur  diocèse  ;  el  leur  compagnie  augmentant 
tous  les  jours  en  sujets  distingués  par  leur 
vertu  et  leur  mérite,  M.  Eudes  en  envoya  à 
Coulanc.es,  à  Lisieux,  à  Rouen  et  à  Evreux; 
et  les  communautés  qu'on  érigea  dans  ces 
quatre  villes,  avec  celle  de  Caen,  pour  éle- 
ver les  jeunes  clercs  et  faire  aux  peuples  des 
missions,  furent  autorisées  sous  le  nom  elle 
litre  de  Jésus  el  Marie,  par  les  lettres  des 
prélats,  les  patentes  du  roi  et  les  arrêts  d'en- 
registrement du  parlement,  pour  être  unies 
et  agrégées  ensemble,  ne  faire  qu'on  même 
corps  et  une  même  congrégation,  qui  était 
gouvernée  par  M.  Eudes. 

On  vit  en  peu  de  temps  un  si  grand  chan- 
gement dans  le  clergé  de  [Normandie,  que 
plusieurs  prélats  l'ayant  fait  connaître  à 
l'assemblée  générale  du  clergé  tenue  en 
l'année  16i6,  elle  approuva  le  zèle  de  M.  Eu- 
des, l'exhorta  à  continuer  ses  travaux  apo- 
stoliques, et  à  se  tenir  prêt  d'aller  dans  les 
autres  diocèses  où  il  pourrait  être  appelé 
par  les  évêques. 

(Juoique  ce  zélé  instituteur  et  ses  associés 
s'employassent  avec  beaucoup  de.  ferveur  à 
l'éducation  des  clercs,  ils  ne  négligeaient 
pas  pour  cela  l'autre  fin  de  leur  institut,  qui 
est  de  faire  des  missions.  L'on  en  compte 
jusqu'à  cent  dix  où  M.  Eûtes  a  travaillé 
lui-même,  sans  parler  de  plusieurs  autres 
qu'on  fit  sous  ses  ordres  dans  les  principales 
villes  du  royaume.  Cel  abrégé  ne  permet  pas 
d'en  faire  le  détail,  ni  de  rapporter  lo  nom- 
bre infini  de  conversions,  de  restitutions  et 
de  réconciliations  que  ces  missions  produisi- 
rent, principalement  à  Paris,  où  ce  grand 
serviteur  de  Dieu  fit  en  différents  temps  des 
missions  à  Saint-Sulpice.auxQuiuze-Viugls, 
à  Saint  Gcrmain-des-Prés,  à  Versailles  et  à 


ii7 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RKLICILUX. 


248 


Sain'-Germain-en-Layc.  Sotivenl  ces  heureux 
succès  furent  traversés  par  des  contradic- 
tions ;  mais  c'était  pour  lors  que  le  zèle  et 
Se  courage  de  ces  dignes  ouvriers  s'augmen- 
tait et  s'affermissait  davantage,  n'espérant 
jamais  plus  de  fruit  d'une  mission,  d'une  re- 
traite, d'un  avent  ou  d'un  carême,  que  quand 
Dieu  permettait  qu'ils  fussent  rebutés. 

M.  Eudes,  croyant  devoir  laisser  par  écrit 
ce  que  lui  et  ses  compagnons  avaient  long- 
temps pratiqué  dans  les  missions,  composa 
deux  livres  ;  l'un,  auquel  il  a  donné  le  nom 
de  Bon  Confesseur,  instruit  les  missionnaires 
de  tout  ce  qui  concerne  le  ministère  de  la 
confession  ;  l'autre,  qui  est  intitulé  le  Prédi- 
cateur apostolique ,  marque  à  tous  ceux  qui 
ont  l'honneur  d'annoncer  la  parole  de  Dieu 
les  règ'es  et  les  moyens  de  le  faire  utilement 
pour  le  prochain,  et  d'éviter  ce  qui  faisait  le 
sujet  de  la  crainte  de  saint  Paul,  c'est-à-dire, 
qu'après  avoir  précité  les  autres,  ils  ne  soient 
eux-mêmes  réprouvés.  Ces  deux  livres  sont 
très-utiles  pour  former  des  confesseurs  fidè- 
les, exacts  et  prudents,  et  des  prédicateurs 
érangéliques,  qui  doivent  autant  instruire 
d'exemple  que  de  paroles  ;  mais  principale- 
ment le  premier,  nui  a  été  si  universellement 
estimé,  qu'avant  la  mort  de  son  auteur  on  en 
avait  fait  plus  de  neuf  éditions,  et  qu'un  des 
plus  illustres  archevêques  de  France  en  or- 
donna la  lecture  à  tous  les  préires  de  son 
diocèse  par  un  statut  particulier.  On  passe 
sous  silence  plusieurs  au'res  livres  que  le 
même  auteur  a  composés  pour  apprendre  au 
peup'e  à  bien  prier,  à  s'approcher  des  sacre- 
ments, elc,  et  '  eux  qu'il  a  faits  en  l'honneur 
du  cœur  de  Jésus  et  de  celui  de  Marie,  aux- 
quels il  avait  une  singulière  dévotion,  qu'il 
a  si  vivement  exprimée  dans  les  offices  qu'il 
a  composés  et  qu'on  chante  le  jour  de  leurs 
têtes,  dont  il  a  obtenu  l'établissement  dans 
quelques  diocèses. 

Non  content  d'édifier  l'Eglise  et  les  fidèles 
en  toutes  ces  manières,  M.  Eudes  entreprit 
encore  un  établissement  dont  le  succès  fut 
une  prouve  d'une  charité  sans  bornes  et  d'un 
zèle  qui  l'avait  rendu  capable  de  poursuivre 
les  plus  hautes  entreprises.  C'est  l'ordre  des 
Filles  de  Notre-Dame  de  Chanté,  qu'il  com- 
mença en  l'an  1645  et  qui  fut  approuvé  du 
saint-siége  l'année  1666.  Après  ce  grand  ou- 
vrage, ce  digne  fondateur  n'attendait  plus 
que  la  mort  précieuse  qui  devait  terminer  le 
cours  de  sa  vie,  comme  il  le  dit  lui-même 
dans  un  sermon  qu'il  fil  à  ses  religieuses.  Il 
était  pour  lors  âgé  de  soixante-dix-neuf  ans 
et  usé  de  travaux.  Ayant  été  obligé  de  se  ser- 
vir d'une  voilure  incommode  dans  un  voyage, 
et  en  ayant  été  blessé  dangereusement,  les 
remèdes  qu'il  fil  ne  servirent  qu'à  aigrir  son 
mal:  en  sorte  que  sa  mort  en  fut  accélérée. 
Il  vécut  néanmoins  encore  cinq  à  six  mois 
dans  des  douleurs  aiguës  et  continuelles, 
qu'il  supporta  avec  une  patience  admirable, 
en  ranimant  sa  foi,  sa  constance,  son  espé- 
rance et  son  amour  pour  Dieu.  Il  avait  eu  la 
prévoyance  de  convoquer  une  assemblée 
dans  laquelle  on  établit  en  sa  place  au  gou- 
veruement  de  S2  congrégation,  M.  Bleuet  de 


Camilly,  recommandable  à  tout  le  monde  par 
sa  douceur,  et  cher  aux  siens  par  le  grand 
amour  qu'il  a  toujours  eu  pour  eux,  et  par 
les  services  qu'il  a  rendus  à  sa  congrégation. 
Il  était  oncle  de  M.  de  Camillv,  évéque  de 
Toul. 

Enfin  M.  Eudes  mourut  à  Caen,  où  il  fut 
regretté  généralement  de  tout  le  monde.  Ce 
fut  le  19  août  1680.  Dès  qu'on  en  eut  appris 
la  nouvelle  dans  la  ville,  le  concours  du 
peuple  à  venir  voir  ce  fidèle  serviteur  de 
Dieu  fut  si  grand,  qu'on  eut  beaucoup  de 
peine  d'avoir  la  liberté  de  l'enterrer.  L'em- 
pressement de  tout  le  monde  à  lui  rendre  les 
derniers  devoirs,  les  louanges  qu'on  lui  don- 
nait et  qui  retentissaient  de  toutes  parts,  fi- 
rent assez  voir  que  Dieu  honore  dans  le 
ciel  celui  à  qui  tant  de  monde  rendait  par 
avance  tant  d'honneur  sur  la  terre. 

C'était  un  homme  doué  de  toutes  les  ver- 
tus chrétiennes  et  ecclésiastiques.  Sa  foi 
était  si  pure,  si  vive  et  si  ferme,  qu'il  de- 
mandait souvent  à  Dieu  la  grâce  de  la  sceU 
1er  de  son  sang.  Il  avait  une  telle  expérience 
de  la  providence  de  Dieu  sur  lui,  qu'il  espé- 
rait dans  les  choses  mêmes  où  il  semblait 
qu'il  y  eût  moins  à  espérer.  Son  amour  pour 
Dieu  était  si  ardent  que  son  cœur  poussait 
des  aspirations  continuelles  vers  le  ciel. 
Deux  vertus  qui  lui  furent  singulières  le  fai- 
saient aimer  de  Dieu  et  des  hommes,  son  hu- 
milité et  sa  simplicité.  Tout  prêchait  en  lui  ; 
sa  modestie  dans  le  public,  sou  recueille- 
ment à  la  prière  et  à  l'autel  lui  attiraient  une 
vénération  profonde  de  ceux  qui  le  voyaient. 
Quoiqu'il  prêchât  avec  tant  de  force  que  les 
plus  grands  libertins  se  sentaient  portés  à 
quitter  leurs  vices  par  la  crainte  qu'il  impri- 
mait dans  leurs  cœurs  ,  néanmoins,  au  tri- 
bunal, il  avait  beaucoup  de  douceur,  surtout 
envers  ceux  qu'il  îrouvait  disposés  à  profi- 
ter des  grandes  vérités  qu'il  leur  avait  an- 
noncées. Il  se  conduisait  en  cela  selon  l'es- 
prit de  Dieu,  qui  sait  mortifier  et  vivifier  à 
propos.  Personne  ne  lui  a  jamais  reproché 
une  douceur  mondaine  et  complaisante.  Il 
conservait  en  toutes  occasions  la  fermeté 
évangélique  ;  et  souvent,  plein  de  charité 
pour  les  pauvres  péeheurs  qui  s'adressaient 
à  lui,  il  se  punissait  lui-même  pour  obtenir 
de  Dieu  les  grâces  dont  ils  avai  ni  besoin. 
Tous  ceux  qui  l'ont  connu  ont  été  les  témoins 
de  sa  mortification  et  de  ses  austérités.  En- 
fin comme  son  principal  soin  avait  été  de 
former  les  prêtres  qui  étaient  de  sa  compa- 
gnie, il  y  avait  employé  tous  les  moyens  que 
son  zèle  lui  avait  suggérés,  et  il  y  réussit  si 
bien,  qu'il  les  laissa  remplis  de  son  esprit  et 
héritiers  de  ses  vertus. 

Voilà  en  peu  de  mots  le  caractère  de  M. 
Eudes,  instituteur  des  prêtres  qui  portent  son 
nome:  qu'on  appelle  communément  Eudistes. 
M.  Blouet  de  Camilly,  grand  vicaire  de  Cou- 
tances,  son  successeur,  a  suivi  son  dessein 
et  ses  exemples,  jusqu'à  ce  que  son  grand 
âge  et  ses  infirmités  l'obligèrent  à  convo- 
quer une  assemblée  en  l'année  1711,  en  la- 
quelle fut  élu  en  sa  place,  un  p.eu  avant  sa 
mort,  M.  de   Fontaines  de   Neuilly,  grand 


519 


El'D 


ElD 


250 


vicaire  de  Baveux,  qui  est  présentement  su- 
périeur de  cette  congrégation. 

Les  Eudistes  ne  font  aucun  vœu.  La  cha- 
rité est  le  seul  lien  qui  1rs  unit  ensemb'e;  et 
presque  tous  ceux  qui  sont  incorporés  dans 
la  congrégation  y  restent  toute  leur  vie, 
quoique  chacuo  ait  toujours  la  liberté  d'en 
sortir,  et  qu'on  puisse  aussi  les  renvoyer 
s'ils  tombaient  dans  quelque  dérèglement. 
Leur  habit  n'est  point  distingué  de  celui  des 
autres  prêtres,  el,  comme  ils  sont  membres 
du  clergé,  ils  font  profession  de  suivre  les 
règles  qui  sont  prescrites  par  les  saints  ca- 
nons. Ils  ont  pour  maxime  d'employer  le  re- 
venu de  leurs  patrimoines  et  des  bénéGces 
qu'ils  peuvent  avoir  en  œuvres  pieuses,  et 
plusieurs  ont  beaucoup  contribué  à  fonder 
et  bâtir  leurs  maisons  et  à  y  fournir  les 
choses  nécessaires.  Ils  ont  pour  principe 
que,  lorsqu'ils  demeurent  dans  la  congréga- 
tion, ils  sont  obligés  d'obéir  au  supérieur, 
et  ils  s'acquittent  de  ce  devoir  avec  la  même 
fidélité  que  s'ils  en  avaient  fait  vœu.  Ils  en- 
seignent ordinairement  la  théologie  dans 
chacune  de  leurs  maisons  rt  la  philosophie 
en  plusieurs;  et  on  fait  prendre  à  grand 
nombre  d'entre  eux  les  degrés  de  docteurs 
el  de  bacheliers.  Les  Gns  de  leur  institut 
sont  de  former  les  clercs  aux  fonctions  de 
la  cléricalure,  el  de  travailler  à  faire  des 
missions  dans  les  villes  et  à  la  campagne.  1  s 
en  font  partout  où  ils  sont  appelés,  el  Dieu 
répand  de  si  grandes  bénédictions  sur  leurs 
travaux,  qu'il  est  aisé  de  juger  combien  ils 
sont  agréables  à  sa  divine  majeslé. 

Le  supérieur  de  cette  congrégalion  est 
chargé  de  mettre  de  temps  en  temps  un  nou- 
veau supérieur  particulier  dans  chaque  mai- 
son, qui  soit  agréé  par  l'évêque  diocésain, 
et  ils  regardent  ce  changement  comme  une 
règle  fondamentale  de  leur  société.  Ils  font 
des  assemblées  pour  y  traiter  des  moyens  de 
perfectionner  leur  institut  et  retrancher  tous 
les  abus  qui  pourraient  s'y  glisser. 

M.  Eudes  avait  encore  établi  sa  congréga- 
tion à  Hennés  avant  sa  mort,  et  depuis, 
M.  Blouet  a  aussi  envoyé  de  ses  associés  en 
d'autres  diocèses,  et  toutes  ces  maisons  et 
communautés  ont  été  unies  et  agrégées  aux 
premières  sous  le  même  nom  i  t  le  même 
titre  de  Jésus  et  Marie  par  les  lettres  d'éta- 
blissements des  évêques  des  lieux,  les  pa- 
tentes du  roi  et  les  arrêts  d'enregistrement 
des  parlements  de  leur  ressort:  en  sorte  que 
toutes  ces  maisons  et  communautés  forment 
une  espèce  de  congrégation,  par  rapport  à 
l'Eglise  et  à  l'Etat.  Elle  a  un  supérieur  qui 
la  gouverne:  il  est  élu  dans  une  assemblée 
générale  à  la  pluralité  des  voix.  Le  gouver- 
nement canonique  en  est  fundé  sur  les  pou- 
voirs accordés  par  chaque  évêque  des  dio- 
cèses où  elle  esl  établie,  qui  ont  été  autori- 
sés et  confirmés  par  les  patentes  du  roi.  C'est 
pourquoi  les  évêques  sont  les  protecteurs 
de  cette  congrégation;  el  on  s'y  fait  un  de- 
voir essentiel  d'être  entièrement  sous  leur 
juridiction. 

L'Histoire  des  Ordres  religieux  de  M.  Her- 
niant  parle  des  Eudistes. 


En  1810,  lors  de  la  démolition  du  sémi- 
naire de  Caen,  les  corps  du  P.  Eudes  et  de 
ses  successeurs  dans  le  gouvernement  de  sa 
congrégation  furent  transférés  dans  l'église 
paroissiale  de  Notre-Dame,  el  le  tombeau 
du  P.  Eudes  fut  alors  couvert  d'une  table  do 
marbre  blanc.  Les  religieuses  de  la  Charité 
de  Notre-Dame,  de  la  même  ville,  obtinrent 
alors  le  chef  el  un  ossement  du  serviteur  de 
Dieu.  Elles  ont  fait  embaumer  ce  précieux 
dépôt,  l'ont  placé  sous  la  grille  de  leur  chœur 
et  y  ont  mis  une  inscription. 

Une  autre  œuvre  liée  à  l'établissement  des 
Eudistes,  que  le  P.  Hélyot  passe  sous  silence, 
mais  à  laquelle  nous  consacrerons  un  ar- 
ticle dans  le  Supplément,  esl  celle  de  la  con- 
grégation séculière  du  Sacré-Cœur  de  Marie, 
connue  surtout  en  quelques  cantons  de  la 
Bretagne.  L'opposition  que  témoigna  la  con- 
grégalion de  l'Oratoire  à  celle  des  Eudistes 
n'a  point  été  non  plus  mentionnée  par  Hé- 
lyot, mais  elle  n'en  fut  pas  moins  réelle,  et 
cette  opposition,  qu'on  peut  concevoir  sans 
peine,  élait  basée  sur  le  regret  d'avoir  perdu 
le  P.Eudes,  el  un  peu  aussi  sur  une  pelilo 
jalousie  de  corps.  La  société  de  Jésus  et  Ma- 
rie eut  le  bonheur,  quand  lant  d'autres  in- 
stituts, et  nommément  l'Oratoire,  se  lais- 
saient prendre  à  l'esprit  d'innovation  qui  à 
tant  causé  de  ravages  en  l'Eglise  depuis  deux 
siècles,  de  se  garantir  du  jansénisme.  Après 
M.  Cuy  de  Fontaines  de  Neuillv,  supérieur 
général,  lorsque  ie  P.  Hélyot  composait 
l'Histoire  des  Ordres  monastiques,  la  con- 
grégation des  Eudistes  fut  gouvernée  par  M. 
Pierre  Cousin,  prêtre  du  diocèse  de  Cou- 
lances,  qui  mourut  à  Caen  le  14-  mars  1751, 
à  l'âge  de  96  ans.  Les  suceesseurs  de  celui-ci 
dans  le  généralat  furent  M.  Jean-Prosprr  Au- 
vray  de  Saint-André,  du  diocèse  de  Bayeux, 
mort  à  Caen  le  20  janvier  1770;  Michel  Le- 
fèvre,  mort  à  Bennes,  dans  le  cours  de  ses 
visites,  le  0  décembre  1773;  Pierre  Lecoq, 
mort  à  Caen  le  1er  seplemlire  1777;  Pierre 
Dumont,  supérieur  du  séminaire  de  Cou- 
lanees  et  vicaire  général  de  ce  diocèse,  mort 
en  1793  ou  179i,dans  la  ville  de  Caen,  où  il 
avait  trouvé  un  asile  après  la  dispersion  do 
son  séminaire  et  durant  les  cruelles  persé- 
cutions de  cette  époque  malheureuse.  Une 
paralysie  l'avait  mis  depuis  plusieurs  années 
dans  la  nécessité  d'avoir  un  coadjuleur.  On 
avait  choisi,  pour  cette  fonction  nouvelle  de 
coadjuleur  du  général,  M.  Héherl,  supérieur 
de  la  maison  de  Paris,  où  il  continua  de  ré- 
sider, et  qui  s'acquitta  dignement  de  la  nou- 
velle fonction  qui  lui  élait  confiée.  Ce  saint 
prêtre  était  né  dans  la  paroisse  de  la  Croupie, 
diocèse  de  Lisieux,  vers  l'an  1738,  el  fut 
massacré  aux  Carmes  de  Paris,  le  2  sep- 
lembre  1792. 

Les  EudKtes  ont  donné  à  l'Eglise  et  aur 
fidèles  plusieurs  modèles  de  vertus,  entre 
lesquels  nuus  devons  signaler  M.  Beurier, 
prédicateur  et  missionnaire  célèbre,  vers  la 
lin  du  dern  er  siècle,  et  donl  M.  l'abbé  Car- 
ron  a  publié  la  vie  dans  le  recueil  intitulé, 
Modèles  du  clergé.  Nous  devons  aussi  en  in- 
diquer quelques  au'res,  tels  que  M.  Michel 


251 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


9153 


Lefèvre,  mort  à  Rennes,  ainsi  que  nous  l'a- 
vons <lil  ci-dessus,  en  1775.  Il  fut  enterré 
dans  l'église  du  grand  séminaire  de  retle 
ville,  et  son  corps  y  fut  retrouvé  en  entier 
en  1799;  ses  liabils  sacerdotaux  n'étaient 
pas  même  endommagés.  Le  médecin  qui  l'a- 
vait traité  dans  sa  dernière  maladie  fut  ap- 
pelé pour  examiner  le  cadavre  et  le  recon- 
nut. Nous  ajouterons  néanmoins  ici  que  M. 
Lefèvre  avait  cru  devoir,  pendant  son  ad- 
ministration, écrire  en  faveur  du  prêt  à  in- 
térêt. La  congrégation,  indignée  de  ce  qu'il 
eût  publié  un  ouvrage  si  opposé  aux  prin- 
cipes qu'elle  avait  toujours  professés,  lui  fit 
les  plus  vives  remontrances  clans  une  assem- 
blée générale,  et  voulait  même  le  déposer, 
s'il  ne  se  fût  rélraclé.  Ceux  que  nous  vou- 
lons encore  nommer,  sont  MM.  Lefranc, 
Beaulieu,  IUamin,  Dardan,  Duperron,  Durvé, 
Grasset  de  Saint-Sauveur  et  Le  Ois,  qui  tous 
furent  massacrés  aux  Carmes;  M.  Potier, 
qui  avait  si  généreusement  rétracté  son  ser- 
inent, et  fut  immolé  aux  Carmes  le  3  sep- 
tembre 1792.  La  congrégation  de  Jésus-Ma- 
rie a  produit  aussi  plusieurs  écrivains  utiles, 
tels  que  le  P.  Eudes  lui-même,  dont  une 
partie  des  ouvrages  ont  été  mentionnés  ci- 
dessus  par  le  P.  Hélyot;  M.  Beurier,  dont  un 
volume  de  Conférences  jouit  d'une  certaine 
vogue  quand  il  parul  ;  M.  Le  Coq,  général 
après  M.  Lefèvre.  dont  il  réfula  le  livre  dans 
une  dissertation  remarquable  par  la  netteté 
et  la  précision  qui  y  régnent;  il  est  égale- 
ment auteur  de  plusieurs  ouvrages  de  droit 
qui  ont  élé  fort  estimés,  surtout  celui  qui  a 
pour  litre:  De  l'état  des  personnes  et  des  biens. 
M.  Sevoy,  mort  à  Rennes  en  1705,  et  auteur 
des  Devoirs  ecclésiastiques,  ouvrage  estimé 
du  clergé;  M.  Daon,  auteur  de  la  Conduite 
des  confesseurs  et  de  la  Conduite  des  âmes. 
Un  des  plus  célèbres  et  des  plus  remarqua- 
bles de  tous  ces  hommes  modestes  fut  sans 
contredit  M.  Hébert,  sur  lequel  nous  vou- 
lons revenir  en  terminant  cette  nomencla- 
ture. 11  habitait  Pu;  is  lorsque  la  révolution 
éclata.  M.  Poupart,  curé  de  Sainl-Euslache, 
ayant,  par  sa  prestation  du  serment  à  la 
constitution  civile  du  clergé  en  1791,  perdu 
la  confiance  de  Louis  XVI,  dont  il  était  le 
confesseur,  M.  Héliert  futelioisi  pour  le  rem- 
placer. Le  sage  supérieur  prévit  tout  ce 
qu'avait  de  périlleux  pour  lui  cette  charge 
honorable,  et  il  s'en  expliqua  devant  des 
personnes  qui  lui  étaient  chères;  cependant 
il  ne  balança  pas  à  l'accepter.  On  dit  qu'à 
sa  sollicitation,  l'infortuné  monarque  lit  un 
vœu  au  Sacré  Cœur  de  Jésus  pour  le  réta- 
blissement de  la  paix,  mais  ce  fait  ne  paraît 
pas  bien  prouvé.  Néanmoins  la  formule  de 
ce  vœu  réel  ou  prétendu  a  été  rendue  pu- 
blique, et  nous  la  possédons  nous-méme. 
La  fureur  des  impies  conlre  les  prêtres 
fidèles  augmentant  chaque  jour  davantage, 
M.  Hébert  fut  arrêté  à  l'époque  du  10  août 
1792  et  renfermé  avec  quelques-uns  de  ses 
confrères  dans  le  couvent  des  Carmes  Dé- 
chaussés, rue  de  Vaugirard;  cette  maison, 
comme  on  sait,  avait  été,  ainsi  que  quelques 
autres,  transformée  ch  prison.  C'est  dans  ce 


lieu  que  ce  digne  ministre  de  Jésus-Christ 
finit  sa  vie,  dans  les  massacres  qui  y  eurent 
lieu  le  2  septembre  suivant.  II  fut  frappé 
l'un  des  premiers  dans  l'oratoire  du  jardin, 
et  renversé  sur  le  marchepied  de  l'autel, 
devant  une  statue  de  la  sainte  Vierge.  «  Prêle 
le  serment,  »  lui  dit  un  des  assassins,  en 
levant  sur  lui  son  sabre.  «  Non,  lui  répondit 
le  généreux  confesseur;  je  ne  veux  pas  renier 
la  foi.  »  Celte  noble  réponse  lui  valut  la 
mort ,  et  le  meurtrier  lui  donna  quatorze 
coups  de  sabre. 

Aux  villes  citées  par  le  P.  Hélyot,  il  faut 
ajouter  les  suivantes,  où  les  Eudistes  avaient 
aussi  un  séminaire  ou  une  communauté  : 
Avranches,  où  les  Eudisles  furent  appelés  en 
1093  par  le  célèbre  Huet;  Blois,  où  ilsallèrent 
en  1099,  époque  de  l'érection  du  siège  épi— 
scopal  de  celte  ville;  Dol,  où  leur  séminaire 
fut  établi  en  1701;  Senlis,  où  ils  occupèrent 
le  séminaire  en  170G;  Domfront  ,  au  diocèse 
de  Séez  actuellement,  mais  alors  du  diocèse 
du  Mans ,  où  la  congrégation  de  Jésus- 
Marie  entra  en  possession  du  séminaire  en 
1727,  en  s'associant  les  directeurs  qui  y 
étaient  alors  et  qui  embrassèrent  son  régime; 
enfin  la  ville  de  Séez  ,  où  ils  furent  chargés 
du  séminaire  en  17G2,  à  la  dispersion  des 
Jésuites  ,  qui  le  dirigeaient  auparavant. 
Ajoutons  aussi  qu'à  Rouen,  à  Lisieux  et  à 
Rennes,  ils  avaient  un  second  établissement, 
car  ils  y  dirigeaient  le  petit  séminaire. 

La  maison  de  Paris  n'était  point  un  sémi- 
naire,  mais  un  hospice  destiné  surtout  aux 
jeunes  sujets  de  la  congrégation  qui  faisaient 
leurs  études  à  Paris.  On  y  recevait  aussi 
d'autres  ecclésiastiques  en  qualité  de  pen- 
sionnaires. Cette  maison,  établie  en  1703,  ne 
put  voir  enregistrer  ses  lettres  patentes  du 
roi  qu'en  1770,  par  le  crédit  de  M.  de  Beau- 
mont,  archevêque  de  Paris  ,  qui  protégeait 
les  Eudisles.  Elle  était  située  rue  des  Postes, 
et  formait  une  partie  de  l'établissement  ac- 
tuel des  Jésuites.  La  maison  de  la  Garlière, 
diocèse  d' Avranches,  était  occupée  seulement 
par  des  missionnaires  de  l'institut. 

Nous  croyons  pouvoir  insinuer  que  les 
Eudistes  avaient  commencé  et  même  formé 
un  troisième  établissement  au  diocèse  de 
Rennes,  sur  la  route  de  cette  ville  à  Fougères 
et  sur  le  territoire  de  la  paroisse  de  Roma- 
gne.  Ils  y  occupèrent  une  petite  maison  at- 
tenante à  une  chapelle  sous  l'invocation  de 
sainte  Anne,  pèlerinage  célèbre  dans  ces 
quartiers,  et  bâtie  au  village  de  la  Rosserie. 
Le  supérieur  s'appelait  Fontaines,  selon  une 
note  qui  nous  nomme  ainsi  le  supérieur  des 
Eudistes  delà  maison  de  Sainte-Anne.  Ne 
serait-ce  pas  le  même  que  M.  de  Fontaines 
de  Neuilly,  troisième  supérieur  général  , 
mentionné  ci-dessus  ?  L'établissement  de 
Sainte-Anne  s'était  fait  précisément  à  l'é- 
poque où  celui-ci  pouvait  le  diriger  et  fut 
dissous,  nous  a  dit  le  directeur  de  Romagné 
(M.  Delaunay),  par  M.  île  Breteuil,  évéque 
de  Rennes  ,  au  commencement  du  dernier 
siècle.  Ce  môme  prélat,  qui  n'était  pas  ac- 
commodant ,  à  te  qu'i-1  parait,  et  était  peut- 
être  de  ces  hommes  qui  ne  connais*  ni  pas 


i  5  EXE 

en  quoi  consisle  le  véritable  avantage  île 
leurs  diocèses,  supprima  aussi  les  formes  île 
collégiale  qu'avaient  prises  les  obil  ers  de 
l'église  paroissiale  Saint-!. éonard  à  Fou- 
gères. La  tradition  des  anci  us  parle  encore 
îles  séminaristes  de  Normandie  ,  établis  à 
Sainte-Anne  ;  néanmoins  col  établissement* 
situé  à  une  demi-lieue  de  Fougères,  n'a  pas 
dû  avoir  une  longue  durée  ;  car  la  maison 
provisoire,  qui  se  voit  encore  ,  était  trop  pe- 
lilcpour  une  communau  té,  et  celle  qu'on  vou- 
lait bâtir  n'avait  été  conduite  que  jusqu'aux 
fenêtres  du  rez-de-ebaussée.  Ces  murs  ainsi 
élevés  n'ont  élédémolisquevers  l'année  1S2.Ï. 

Nous  tenions  à  sauver  par  celle  noie  les 
sou\  enirs  de  cet  établissement  qui,  vraisem- 
blablement n'est  point  mentionné  dans  les 
mémoires  des  Eudistes.  Hélyot  dit  que  les 
membres  de  la  congrégation  de  Jésus-Marie, 
ne  portent  pas  de  costume  particulier  et  sont 
habillés  comme  les  ecclésiastiques  séculiers. 
Cel  i  n'est  pas  rigoureusement  exact.  Les 
Eudistes  ne  portaient  point  le  rabat  noir 
qu'ont  aujourd'hui  les  prêtres  en  France; 
le  leur  était  tout  banc,  comme  celui  que 
prennent  les  ecclésiastiques  en  deuil ,  dans 
quelques  pays ,  par  exemple,  au  diocèse  de 
Rennes.  Ils  avaient,  en  outre,  une  sorte  de 
manchette  en  toile  qui  se  relevait  sur  les 
manches  de  leurs  souîaues  ,  à  peu  près  ou 
même  absolument  comme  ces  poignets  ana- 
logues que  portent  les  femmes  dans  le  deuil, 
lesquels  poignets  ou  manchettes  étaient 
autrefois  appelés  dans  le  monde  des  pieu* 
reuses. 

Plus  heureuse  que  bien  d'autres,  dont  les 
membres,  contents  peut-être  d'une  liberté 
jadis  forcée,  n'ont  pas  eu  le  courage  de  se 
réunir,  la  congrégation  de  Jésus-Marie  a  été 
rétablie  en  1820,  sous  la  direction  de  M.  l'abbé 
Blanchard  ,  ancien  supérieur  du  petit  sémi- 
naire de  l'en  nés,  et  prov  iseur  du  collège  royal 
de  celte  ville.  Elle  est  aujourd'hui  gouver- 
née par  M.  l'abbé  Louis,  et  sa  maison  mère 
est  à  Hennés.  Celte  résurrection  ou  organi- 
sation nouvelle  des  Eudistes,  mérite  un  ar- 
ticle spécial  que  nous  lui  consacrerons. 
Voyez  Eudistes,  au  Supplément. 

Notes  recueillies  passim.  Vie  du  P.  Jean 
Eudes,  missionnaire  apostolique ,  instituteur 
de  li  congrégation  de  Jésus-Marie  et  de  l'or- 
dre de  .\  (ti  e  Dame  de  la  Charité,  ouvrage 
posthume  du  P.  de  Montigny,  de  la  compagnie 
de  Jésus,  revu  et  publié  par  un  prêtre  du 
ri  rgé  de  Paris.  (Ce  prêtre  est  M.  l'abbé 
Très  vaux,  chanoine  de  la  métropole.) 

B-D-E. 

EUGIPPK  (Saint-).  Yoy.  Césaire  (Saint-). 
EVANGILE  (Frères  du  Saint-).  Yoy.  Dé- 
chaussés. 

EXEMPTS  (Bénédictins). 

Des  Bénédictins  Exempts,  tant  en  Flandre 

qu'en  France,  où  il  est  parlé  en  particulier 

de  l'abbaye  de  Sainl-Y aast  d'Arras. 

Après  que  le  concile  de   Trente  eut   été 

heureusement  terminé,  en  1563, à  l'avantage 

de  la  religion  catholique  et  de  la  discipline 


EXE 


251 


ecclésiastique,  tant  pour  l'état  régulier  que 
séculier  ;  après  qu'il  eut  été  publié  et  accepté 
dans  les  provinces  de  Flandre  et  d'Artois  en 
loGi,  par  les  ordres  de  Philippe  H  ,  roi  d'Es- 
pagne ,  qui  en  était  pour  lois  souverain,  il 
se  forma  plusieurs  congrégations  en  consé- 
quence du  décret  de  ce  même  concile  qui 
obligeait  les  monastères  indépendants  à  s'u- 
nir en  congrégation,  ou  à  subir  la  visite  des 
évèques.  La  première  de  ces  congrégations 
fut  composée  des  monastères  de  Sainl-Vaast 
d'Arras,  de  Saint-Pierre-les-Gands;  de  Saint- 
Berlin,  à  Saint-Omer;  de  Saint-Pierre  de 
Lobhès,  au  pays  de  Liège,  diocèse  de  Cam- 
brai ,  et  de  celle  du  Saint-Sépulcre  de  Cam- 
brai; mais  celle  dernière  abbaye  ayant  été 
obligée  de  se  soumettre  à  l'archevêque  de 
Cambrai ,  cette  congrégation  se  trouva  ré- 
duile  aux  quatre  premières  abbayes  jusqu'en 
l'année  1027,  que  celle  de  Saint-Amand  au 
diocèse  de  Tournai,  et  de  Saint-Sauveur  Dee- 
name  près  d'Oudenarde,  y  furent  agrégées 
par  ordre  d'Albert  ,  archiduc  d'Autriche  ,  et 
d'Isabelle,  princes  des  Pays-Bas. 

Quoique  les  supérieurs  des  premiers  mo- 
nastères qui  composèrent  d'abord  celle  con- 
grégation se  fussent  mis  en  devoir  de  se  sou- 
mettre au  décret  du  concile  aussitôt  après  sa 
publication,  cependant  ils  ne  purent  exécu- 
ter la  résolution  qu'ils  avaient  prise  de  faire 
à  ce  sujet  une  assemblée  générale  ,  que  l'an 
1509,  qu'elle  fut  tenue  dans  l'abbaye  royale 
de  Saint-  Vaast  d'Arras  avec  toute  la  solen 
ni  lé  possible.  Celte  fameuse  abbaye,  qui  est 
comme  le  chef  de  cette  congrégation,  doit 
son  établissement  à  saint  Vaast ,  dont  elle 
porte  le  nom,  et  elle  est  redevable  de  son  ac- 
croissement à  saint  Aubert,  un  de  ses  suc- 
cesseurs. Elle  eut  pour  fondateur,  en  680, 
Thierri,  roi  de  France,  qui  la  dota  pour  cent 
vingt-deux  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Be- 
noit, qui  devaient  être  de  famille  noble  et  rc- 
commandable  dans  le  royaume,  personne  n'y 
étant  r<çu  qu'il  n'en  ait  fait  les  preuves. 

Celle  abbaye  est  exempte  de  La  juridiction 
de  l'évéque  eï  jouit  de  plusieurs  droits  spiri- 
tuels et  temporels;  ce  qui  lui  fui  accordé  par 
une  assemblée  d'archevêques  et  d'évêques, 
qui  se  tint  dans  la  ville  de  Compiègne,  la 
septième  année  du  règne  du  même  roi  Thierri, 
comme  il  se  voit  dans  son  épi  ta  phe ,  qui  est 
dans  l'église  de  cette  abbaye,  où  on  lit  ces 
deux  vers  : 

Régis  larga  nianus  et  prasul  VinJiciauus 
NoLis  regale  daot  jus  et  pontilicale. 

Les  principaux  de  ces  droits  consistent, 
1°  en  plusieurs  cures  de  la  ville  d'Arras, 
dont  les  curés,  les  vicaires  et  les  autres  prê- 
tres ne  reconnaissent  point  l'évéque,  et  sont 
soumis  immédiatement  à  l'abbé  et  à  son  of- 
ficiai. 2°  En  ce  qu'elle  jouit  de  tous  les  droits 
royaux,  conformément  au  titre  de  sa  fonda- 
tion ,  enlre  lesquels  droits  il  y  a  celui  de 
main-morte,  qui  défend  les  mariages  et  la  fa- 
brique des  églises,  chapelles  ou  oratoires, 
sans  la  permission  de  l'abbé,  et  sans  payer 
certains  droits  qui  sont  présentement  éva- 
lués. Ce  droit  pour  la  construction  des  égli- 
ses ,  chapelles  et  oratoires  ,  se  voit  par  une 


DICTIONNAIRE  DES  (  RDRES  RELIGIEUX. 


256 


inscription  qui  est  sur  une  pyramide  élevée 
dans  le  Petit-Marché  d'Arras;  on  y  lit  ces 
paroles  :  Anno  Dominicœ  Jncarnationis  1200, 
hrvc  pyramis  erecta  est  in  fundo  Snncti  Ve- 
dasti  per  consensum  abbatis  et  capituli ,  sine 
quo  assensu  nec  altare  hic  polest  erigi,  ntc 
divina  celebrari,  nec  atiud  fieri.  3U  Les  douze 
échevins  de  la  ville  sont  obliges  de  jurer, 
tous  les  ans  ,  qu'ils  garderont  les  droits  du 
roi  et  de  l'abbaye,  venant  pour  cet  effet  dans 
l'église  de  la  Madeleine,  qui  est  une  de  celles 
qui  dépendent  absolument  de  l'abbaye  ,  tant 
pour  le  spirituel  que  pour  le  temporel.  4-° 
Celte  abbaye  jouit  du  droit  de  ton-lieu  ,  qui 
est  ce  qu'on  appelle  à  Paris  droit  de  grand 
voyer.  5*  L'abbé  de  Saint- Vaasl  et  ses  reli- 
gieux ont  droit  d'occuper  toutes  les  hautes 
stalles  du  côté  gauche  de  la  cathédrale,  lors- 
qu'ils y  vont  pour  les  processions  et  les  as- 
semblées, conformément  au  concordat  passé 
entre  les  parties  en  l'année  1508,  par  lequel 
il  est  dit  que  les  religieux  de  l'abbaye  de 
Saint-Vaast  marcheront  avec  les  chanoines, 
en  telle  sorte  qu'un  chanoine  aura  la  droite 
et  un  religieux  la  gauche,  et  cela  dans  les 
processions  générales. 

Cette  abbaye  était  anciennement  d'une 
congrégation  qui  comprenait  généralement 
lous  les  monastères  de  l'ordre  de  Saint-Be- 
noîl,  qui  se  trouvaient  dans  les  provinces  de 
Flandre  ,  Sens  et  Reims,  exempts  et  non 
exempts,  qui  faisaient  pour  lors  leurs  assem- 
blées, sans  préjudice  au  droit  des  évéques, 
comme  il  est  facile  de  le  voir  dans  le  12  cha- 
pitre du  concile  de  Latran  sous  Innocent  III, 
cap.  In  sinaulis  de  Statu  monachorum,  où  on 
lit  ces  paroles  :  Salvo  jure  diœcesanorumpon- 
(ificum.  Mais  les  guerres  qui  sont  arrivées 
entre  les  rois  de  France,  les  comtes  de  Flan- 
dre et  les  ducs  de  Bourgogne,  divisèrent  tel- 
lement ce  grand  corps,  que  chaque  abbaye, 
étant  devenue  indépendante  ,  tomba  dans  le 
relâchement  :  ce  qui  dura  jusqu'à  la  conclu- 
sion du  concile  de  Trente  ,  que  ces  monas- 
tères, étant  obligés  à  se  remettre  en  congré- 
gations, reprirent  en  même  temps  les  obser- 
vances régulières,  mais  particulièrement  ce- 
lui d'Arras,  où  la  discipline  monastique  com- 
mença à  revivre  par  la  piété  et  la  vigilance 
de  dom  Sarrasin,  qui  fut  chargé  du  soin  de 
remédier  aux  abus  qui  s'étaient  glissés  dans 
les  monastères  de  celte  nouvelle  congréga- 
tion, où  il  est  regardé  comme  le  restaura- 
teur de  l'observance  régulière  et  comme  un 
sujet  qui  lui  a  fait  plus  d'honneur  par  son 
grand  génie,  sa  piété  solide,  son  zèle  pour 
la  religion  catholique  ,  les  emplois  dont  il  a 
été  honore,  les  charges  et  dignités  auxquelles 
il  a  été  élevé  par  son  grand  mérite. 

11  naquit  à  Arras  le  20  juillet  1539.  Ses  pa- 
rents, qui  étaient  rccommandables  dans  la 
bourgeoisie  de  celle  ville, lui  firent  apprendre 
la  langue  latine,  l'ayant  mis  pour  cet  effet 
enlre  les  mains  d'un  bon  maître  qui,  con- 
naissant les  grandes  dispositions  de  son  éco- 
lier, le  présenta  à  l'abbé  de  Saint-Vaast,  qui 
était  pour  lors  Jérôme  Buffaul.  L'esprit  el  les 
manières  solides  de  Sarrasin  lui  attirèrent 
l'estime  de  cet  abbé,  qui  lui  donna  l'habit  de 


son  ordre  à  1  âge  de  dix-sept  ans.  Après  son 
année  de  probation,  pendant  laquelle  il  ga- 
gna le  cœur  et  l'estime  de  toute  la  commu- 
nauté, dans  laque'le  il  fut  reçu  avec  tout 
l'applaudissement  possible,  il  fut  envoyé  à 
l'Université  de  Paris  pour  y  étudier  la  rhéto- 
rique. Il  y  fit  de  si  grands  progrès,  qu'en 
l'absence  de  ses  maîtres  il  donnait  les  leçons 
aux  écoliers.  Ensuite  il  fut  rappelé  à  son  mo- 
nastère, où  il  fit  ses  vœux,  et  peu  de  temps 
après  il  y  reçut  les  ordres  mineurs  el  les  or- 
dres sacrés  de  sous-diaconat  et  de  diaconat; 
après  quoi  il  fut  envoyé  à  Louvain  pour  y 
étudier  en  théologie.  Il  y  fut  ordonné  prêtre 
et  il  se  fit  recevoir  bachelier  dans  cette  Uni- 
versité à  la  sollicitation  de  ses  maîtres  et 
avec  la  permission  de  Boger  de  Momoranci  , 
qui  avait  succédé  à  Jérôme  Ruffaut  à  l'ab^ 
baye  de  Saint-Vaast. 

A  peine  eut-il  fini  ses  éludes  que  ce  même 
abbé,  connaissant  son  mérite,  le  fit  son  cha- 
pelain, lui  donna  le  soin  d'une  partie  des  af- 
faires de  son  monastère,  et  le  fit  enfin  dans 
la  suite  grand  prévôt  de  son  abbaye,  dignité 
vacante  par  la  mort  de  dom  Jacques  Taffe. 
Cet  emploi,  qui  semble  si  opposé  à  la  piété  et 
à  l'observance  régulière  par  l'obligation 
presque  continuelle  où  il  met  celui  qui  en 
est  pourvu  de  songer  aux  procès  et  de  s'ap- 
pliquer à  la  conservation  des  droits,  des  pri- 
vilèges et  immunités  du  monastère,  ne  l'ein- 
pêcha  poini  de  pratiquer  ces  deux  verlus  qui 
sont  le  fondement  de  la  vie  religieuse.  Aussi 
cela  parul  si  extraordinaire  aux  Pères  qui 
étaient  dans  celte  première  assemblée  qui  se 
tint  au  sujet  de  l'établissement  de  la  congré- 
gation, que,  dans  le  dessein  qu'ils  avaient  de 
réformer  en  même  temps  les  mœurs  et  de  ré- 
tablir la  discipline  régulière,  ils  le  deman- 
dèrent à  son  abbé  pour  remplir  la  charge  de 
grand  prieur,  dont  il  fut  revêtu  parce  même 
abbé  qui,  ne  pouvant  assez  lui  témoigner 
l'estime  qu'il  faisait  de  son  mérite.,  le  lit, 
quelque  temps  après,  son  vicaire  général 
dans  le  spirituel,  avec  pouvoir  de  disposer 
des  béné  ices". 

La  supériorité  de  son  génie  lui  rendait 
toutes  choses  si  faciles,  que,  plus  on  lui 
donnait  d'emplois,  plus  il  donnait  de  preuves 
de  son  étendue  par  la  manière  dont  il  s'en 
acquittait.  Cela  parut  principalement  dans  lo 
soulèvement  de  la  ville  d'Arras,  qui  était  du 
nombre  de  celles  qui  par  la  faction  des  héré. 
tiques  qui  avaient  à  leur  tête  le  prince  d'O- 
range, s'était  révoltée  contre  son  souverain, 
et  dans  laquelle  la  religion  catholique  était 
en  si  grand  danger  par  le  nombre  des  héré- 
tiques, qui  surpassait  de  beaucoup  celui  des 
catholiques,  que  l'évèque  de  cette  mémo 
ville  fut  obligé  d'abandonner  ses  ouailles  et 
d'en  sortir  avec  toul  ce  qu'il  y  avait  d'hon- 
nêtes gens,  afin  d'éviter  la  persécution,  lais- 
sant ainsi  le  soin  de  son  Iroupeau  à  dom 
Sarrasin,  qui ,  se  trouvant  en  même  temps 
chargé  de  tout  le  gouvernement  de  son  mo»- 
nastère  par  la  mort  de  Thomas  Parcnsi,  qui 
en  était  abbé,  remplit  parfaitement  les  de- 
voirs d'un  supérieur  vigilant  el  d'un  zélé 
pasteur,  animant  i  ar  sou  exemple  fa  rel  - 


857 


EXE 


EXE 


238 


gieux  à  l'observance  régulière,  et  exhortant 
les  peuples  par  ses  fréquentes  prédications 
à  défendre  la  véritable  foi  de  Jésus-Christ  au 
prix  de  leur  sang  et  à  être  fermes  dans  la  fi- 
délité à  leur  roi  ;  ce  qui  lui  réussit  heureuse- 
ment. Mais  ce  nu  fut  pas  sans  peine  et  sans 
beaucoup  de  souffrances  :. car  les  hérétiques 
et  leurs  adhérents,  enragés  de  ce  qu'il  soute- 
nait les  intérêts  de  Dieu  et  de  la  religion 
avec  tant  de  zèle,  le  jetèrent  dans  une  obs- 
cure prison,  où  il  souffrit  la  faim  et  la  soif 
pendant  quinze  jours,  n'attendant  que  le 
moment  d'une  mort  ignominieuse  selon  le 
monde,  mais  précieuse  aux  yeux  de  Dieu, 
qui,  en  ayant  déterminé  autrement,  suscita 
des  gens  de  probité  qui  les  détournèrent  de 
leur  mauvais  dessein, dont  ils  ne  se  désistèrent 
qu'à  condition  qu'on  leur  donnerait  l'argen- 
terie du  monastère  pour  l'envoyer  au  prince 
d'Orange. 

Dans  le  temps  que  ce  grand  homme  était 
dans  la  persécution,  les  Etats  généraux  d'Ar- 
tois, qui  gouvernaient  pour  le  roi,  voulant 
récompenser  son  mérite  elles  travaux  qu'il 
avait  endurés  pour  le  soutien  de  la  foi  catho- 
lique et  le  service  de  son  roi,  le  nommèrent 
à  l'abbaye  de  Sainl-Vaast,  dont  il  obtint  la 
confirmation  de  Philippe II.  Il  sérail  difficile 
d'exprimer  les  grands  talents  elles  verlus 
héroïques  qu'il  fil  paraître  dans  sa  nouvelle 
dignité  :  son  zèle  pour  le  bien  de  son  monas- 
tère tant  pour  l'observance  régulière  que 
pour  la  défense  de  ses  privilèges  ;  son  ap- 
plication et  ses  travaux  pour  la  paix,  qu'il 
procura  enfin  aux  Pays-Bas  au  grand  con- 
tentement de  tous  les  bons  catholiques;  sa 
charité  envers  les  pauvres,  auxquels  il  servit 
de  père  dans  une  lamine  qui  fut  presque  gé- 
nérale dans  toute  l'Europe  en  1587, ayant  fait 
ouvrir  pour  cet  effet  les  gieniers  de  son  ab- 
baye; son  amour  pour  les  gens  savants,  aux- 
quels il  taisait  tous  les  biens  qui  étaient  en 
son  pouvoir,  fondant  plusieurs  collèges  où 
les  étudiants  pauvres  étaient  reçus,  donnant 
des  pensions  aux  couvents  des  religieux 
mendiants  afin  qu'ils  pussent  plus  commo- 
dément avancer  leurs  religieux  dans  les 
sciences,  et  faisant  de  grandes  aumônes  aux 
écoliers  pauvres  à  proporlion  des  disposi- 
tions qu'ils  avaient  pour  les  sciences;  sa 
piété  envers  le  prochain  en  faisant  cons- 
truire un  hôpital  pour  les  pauvres  et  en  fai- 
sant bâtir  un  couvent  aux  capucins  nouvel- 
lement arrivés  d'Italie  dans  la  ville  d'Arras; 
enfin  son  adresse  dans  les  négociations  les  plus 
épineuses,  desquelles  il  sortait  toujours  avec 
honneur  à  l'avantage  de  ceux  dont  il  prenait 
les  intérêts  el  avec  la  satisfaction  des  parties 
intéressées,  qui  ne  pouvaient  assez  louer  ses 
belles  qualités  el  son  bel  esprit,  tant  dans 
le  maniement  des  affaires  que  dans  les  con- 
versations particulières,  qui  lui  firent  aussi 
mériter  l'estime  de  Philippe  II,  roi  U'Espa- 
gne,  qui  pour  récompenser  son  mérite  le  dé- 
clara conseiller  d'Etat  avec  tous  les  honneurs 
ci  prérogatives  apparlenam  à  celte  charge, 
et  quelque  temps  après  lui  donna  l'archevê- 
ché de  Cambrai,  vacant  par  le  décès  de  M. 
de  Burlemoni,  qui  mourut  le  15  février  1596, 


et  dont  il  obtint  les  bulles  et  prit  possession 
le  14  septembre  de  la  même  année. 

Lorsqu'il  se  vit  revêtu  de  cette  nouvelle 
dignité,  il  crut  qu'il  était  de  son  devoir  do 
travailler  à  ramener  au  bercail  de  Jésus- 
Christ  les  âmes  qui  s'en  étaient  écartées. 
C'est  pourquoi  il  s'appliqua  à  l'extirpation  do 
l'hérésie  et  à  l'augmentation  de  la  religion  ca- 
tholique. Sa  vigilance  et  son  zèle  ne  lui  per- 
mettaient pas  de  prendre  aucun  repos,  récon- 
ciliant lui-même  a  l'Eglise  les  hérétiques,  ré- 
parant les  églises  ruinées  par  les  guerres,  et 
s'appliquant  continuellement  au  soulage- 
ment du  public;  ce  qu'il  continua  jusqu'à  la 
mort  :  car,  sentant  diminuer  ses  forces  et 
prévoyant  que  sa  fin  approchait,  il  ne  laissa 
pas  pour  le  bien  du  prochain,  d'entrepren- 
dre contre  l'avis  des  médecins  le  voyage  de 
Bruxelles,  où,  étant  arrivé  il  mourut  lu 
troisième  jour  de  mars  de  l'année  1508, 
après  avoir  reçu  tous  les  sacrements  de  l'E- 
glise. 

Le  bon  ordre  et  la  tranquillité  que  ce 
grand  h  mime  avait  établie  dans  son  monas- 
tère ne  dura  que  pendant  la  vie  de  son  suc- 
cesseur, qui  fut  dom  Philippe  de  Caverel, 
qui;  pendant  Irenle-six  ans  qu'il  fut  abbé 
de  Sainl-Vaast,  fui  presque  toujours  prési- 
dent de  la  congrégation  et  y  maintint  l'ob- 
servance régulière;  mais  depuis  sa  mort, 
qui  arriva  le  premier  décembre  1636,  elle 
éprouva  toutes  sortes  de  disgrâces  par  la 
guerre  qui  commença  en  163j,  entre  la 
France  et  l'Espagne.  L'abbaye  de  Saim- 
Vaast  fut  celle  qui  en  souffrit  le  plus,  puis- 
qu'elle resta  jusqu'en  16il  sans  gouverne- 
ment ni  spirituel  ni  temporel.  Car  les  Fran- 
çais s'étant  emparés  d'Arras,  tout  l'Artois 
se  trouva  tellement  divisé  entre  la  France  et 
l'Espagne  etsiruinépar  les  deuxarmées,  que 
les  religieux  de  ce  monastère  ne  pouvaient 
recevoir  le  revenu  de  leurs  biens,  et  furent 
réduits  à  n'avoir  pas  même  de  pain  pour  se 
nourrir. 

Louis  XIII,  voulant  se  servir  de  son  droit, 
donna  cette  abbaye  en  1641  à  dom  Maximi- 
lien  de  Bourgogne,  qui  nomma  dom  Jean  de 
Nizar  pour  gouverner  ce  monastère  quant 
au  spirituel.  Mais  ce  fut  une  autre  source 
de  désordres  :  car,  Claude  Haccart  ayant 
été  élu  pour  supérieur  de  la  congrégation 
par  les  autres  monastères  qui  étaient  en- 
core sous  la  domination  d'Espagne,  et  ayant 
été  nommé  ensuite  à  cette  abbaye  par  Phi- 
lippe IV,  roi  d'Espagne,  l'an  1051,  aucun  de 
ces  deux  abbés  n'ayant  pu  obtenir  ses  bulles 
du  pape,  cela  causa  un  scliisma  si  grand, 
que  le  monastère  de  Sainl-Vaast  étant  di- 
visé, les  revenus  partagés,  el  les  moines 
désuais  el  disperses,  tout  lut  renversé  lant 
pour  le  spirituel  que  pour  le  temporel  jus- 
qu'en l'année  1660,  que  la  paix  fut  conclue 
entre  les  deux  couronnes,  pur  laquelle  paix 
l'a  nomination  appartenant  au  roi,  et  dom 
Maximilien  de  Bourgogne  étant  mort  ,  ce 
prince  la  donna  au  cardinal  Jules  Mazarin, 
qui,  étant  mort  avant  que  d'en  recevoir  les 
bu  les  ,  eut  pour  successeur  le  cardinal 
Bené  d'Est ,  qui  ne  se  Gt  jamais  connaître  à 


259 


DICTIONNMRE  DES  ORDRES  RKLICIELX. 


203 


celte  abbaye  que  par  ie  soin  qu'il  eut  d'en 
recevoir  les  revenus.  Il  eul  pour  successeur 
le  cardinal  Emmanuel-Théoilose  de  Bouillon 
delà  Tour  d'Auvergne,  qui  en  oblint  les 
bulles  de  Clément  X.  au  mois  de  février 
1G73.  Ce  cardinal  étant  mort  à  Home  le  2 
mars  1715,  le  cardinal  de  llohan  fut  pourvu 
de  celte  abbaye. 

Il  y  a  dans  ce  monastère  quatre  supé- 
rieurs pour  le  spirituel,  qui  sont  le  grand 
prieur,  le  sous-prieur,  le  liers-prieur  et  le 
quart-prieur.  Le  grand  prieur,  qui  passe 
pour  le  premier  officier  de  la  maison,  n'est 
point  sujet  à  la  clôture  du  dortoir,  ayant  un 
quarlier  à  part,  d'où  il  peut  veiller  à  la  con- 
duite des  officiers,  et  en  même  temps  au  bon 
ordre  du  monastère.  Il  se  fait  par  scrutin,  et 
il  est  perpétuel  ;  il  est  aussi  oflicial  de  l'abbé 
dans  la  paroisse  de  la  Madcleine;  et  d'au- 
tres qui  en  dépendent,  et  il  a  un  chapelain 
religieux. 

Le  premier  officier  pour  le  tempere!  est 
le  grand  prévôt,  qui  est  chef  de  la  justice, 
et  préside  au  siège  de  la  cour  abbatiale  pour 
le  civil,  et  est  gardien  des  titres  et  autres  pa- 
piers de  l'abbaye.  Cet  emploi  est  aussi  an- 
cien que  l'abbaye.  Le  grand  bailli;  avec  les 
barons  et  hommes  de  fief,  servent  pour  le 
criminel. 

Le  grènelier  reçoit  les  grains,  et  a  soin 
du  bois  et  du  charbon;  il  est  aussi  chape- 
lain de  l'abbé. 

Le  cellérier  a  soin  de  la  cuisine  conven- 
tuelle et  du  réfectoire. 

Le  receveur  général  tient  la  caisse  et  re- 
çoit la  ûnance  de  l'abbaye  des  mains  des  fer- 
miers et  des  aulres  receveurs  particuliers  ; 
son  bureau  s'appelle  communément  le  buf- 
fet. 

Le  trésorier  a  soin  de  la  cire,  du  linge, 
des  ornements  de  l'église  et  de  la  sonnerie. 

Le  rentier  est  juge  du  ton-lieu,  et  reçoit 
les  rentes  foncières  de  la  ville  et  de  la  ban- 
lieue. 

L'hôtelier  avait  autrefois  la  direction  de 
l'hôpital;  mais  depuis  l'érection  de  l'hôpital 
général  d'Arras,  et  même  peut-être  avant 
ce  temps-là,  ce  n'est  plus  qu'un  office  sans 
exercice. 

Le  théologal  fait  sa  leçon  certains  jours  de 
la  semaine. 

Le  vinier  a  soin  de  la  cave  au  vin  et  de 
celle  de  la  bière. 

Le  rèfectorier  a  l'inspection  sur  la  bou- 
langerie, et  fait  cuire  le  pain. 

Le  commis  aux  ouvrages  est  chargé  de  la 
fabrique,  tant  au  dedans  qu'au  dehors  du 
monastère. 

Le  bibliothécaire  a  la  clef  de  la  biblio- 
thèque ,  qui  est  très  -  vaste  et  très  -  nom- 
breuse. 

L'aumônier  distribue  aux  pauvres  les  au- 
mônes accoutumées,  et  entre  autres  tout  ce 
qui  vient  du  réfectoire  commun. 

Le  sacristain  a  soin  des  reliques  et  de  l'ar- 
genterie de  l'église. 

Le  maître  de  l'ordre  est  directeur  des  no- 
vices, et  il  y  en  a  un  autre  pour  les  jeunes 
profès.  . 


Pour  le  chœur  il  y  a  chantre  et  sous- 
chantre. 

Le  sous-prieur  préside  à  l'infirmerie,  et  a 
sous  lui  des  infirmiers. 

Il  y  a  tleux  ou  trois  receveurs  forains, 
qui  reçoivent  les  rentes  à  la  campagne. 

Il  y  a  dans  le  monastère  des  professeurs 
de  la  théologie  morale ,  et  des  langi^es 
orientale  ,  grecque,  hébraïque,  syrij. 
que,  etc. 

Outre  le  sacristain,  il  y  a  deux  prêtres 
séculiers,  qu'on  appelle  sénéchaux  ou  car- 
des d'église,  qui  éveillent  les  religieux 
pour  aller  à  matines,  préparent  les  autels  et 
les  ornements,  et  servent  de  massiers  les 
jours  solennels,  auxquels  jours,  les  prêtres 
habitues  des  paroisses  de  la  Madeleine,  de 
Sainte-Croix,  de  la  Chapelle-au-Jardin,  et 
de  la  Basècle,  et  tous  les  officiers  de  justice 
sont  obligés  d'assister  à  i'ofuVe. 

Il  y  a  quatre  principales  prévôtés  forai- 
nes, qui  dépendent  de  cette  abbaye;  la  plus 
considérable  est  celle  de  Haspres,  entre  Cam- 
brai et  Valenciennes,  où  il  y  a  ordinaire- 
ment dix  ou  douze  religieux,  dont  il  y  en  a 
un  qui  est  prieur,  et  un  autre  trésorier.  Le 
prévôt  est  membre  des  Etats  de  Hainaut.  La 
seconde  est  celle  de  Berclau  près  la  Bassée, 
où  il  y  a  ordinairement  trois  religieux  sous 
le  prévôt.  La  troisième,  de  Gorres  près  de 
Bélhune,  qui  est  semblable  à  la  seconde.  La 
quatrième,  de  Bceurières,  de  l'autre  côté  de 
Bélhune,  qui  est  aussi  de  même.  Il  y  en  a 
encore  d'autres  moins  considérables  que  ces 
quatre  premières.  La  première  est  celle  de 
Saint-Michel  près  d'Arras,  où  il  n'y  a  ordi- 
nairement qu'un  religieux.  Cet  endroit  sert 
pour  les  religieux  convalescents.  La  prévôté 
d'Angicourt  dans  le  diocèse  de  Beauvais, 
près  de  Chantilly  ,  celle  de  Sailli  sur  la  Lis, 
dans  le  pays  de  Lalloëne,  qui  e-t  entièrement 
du  domaine  de  l'abbaye,  avec  quatre  gros 
bourgs  ou  villages  ;  et  enfin  celle  du  Maisnié- 
les-Arloises,  entre  Bapaume  et  Péronne.  Les 
prévôts  de  ces  deux  dernières  sont  ordinai- 
rement seuls,  et  ne  sont  là  que  pour  veiller 
aux  intérêts  de  l'abbaye  dans  les  terres 
qu'elle  y  possède. 

Le  grand  collège  de  Saint-Vaast  à  Douai, 
fondé  par  1).  Philippe  de  Caverel,  dont  nous 
avons  parlé  ci-dessus,  contient  trois  grands 
quartiers,  savoir  :  celui  des  bénédictins  an- 
glais, qui  sont  gouvernés  par  un  prieur,  et 
qui  font  l'office  dans  l'église,  comme  on  fait 
à  Arras  dans  le  monastère;  celui  de  la  par- 
lie  convcnluelle  des  religieux  de  Samt- 
Vaast,  où  il  y  a  un  président  et  un  vice-pré- 
sident pour  veiller  sur  les  religieux,  tant 
enseignants  qu'étudiants;  et  enlin  le  quar- 
tier des  pensionnaires  séculiers,  qui  sont 
sous  la  conduite  d'un  principal  ou  régent, 
d'un  sous-régent  et  d'un  préfet.  Dans  le 
même  quartier  sont  la  grande  salle  des  dis- 
putes, et  les  classes  de  théologie,  de  philoso- 
phie et  de  rhétorique.  L'abbaye  a  aussi  un 
collège  à  Paris  nommé  le  collège  d'Arras, 
proche  Saint-Victor. 

Ces  emplois,  olfices,  prévôté,  et  principa- 
utés, sont  des  administrations  régulières, 


201 


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EXE 


Ki 


pures  (t  simples,  comptables  el  révocables, 
à  la  volonté  des  supérieurs  réguliers,  el  cela 
de  tout  temps,  n'ayant  jamais  pas-é  pour 
des  vrais  litres  de  bénéfices,  comme  il  pa- 
rait par  plusieurs  arrêts  du  parlement. 

Cette  abbaye  a  toujours  été  ,  comme  les 
autres  de  Flandre,  régulière  et  élective, 
comme  il  paraît  par  les  titres  de  sa  fomla- 
lion  et  par  une  infinité  de  bulles  des  papes, 
aussi  bien  que  par  la  lettre  de  nomination  de 
Louis  XIII  en  1G41.  L'abbé  est  comte  de 
Lalloéve,  porte  mitre  et  crosse  ,  et,  outre  la 
seigneurie  qu'il  a  dans  la  ville  et  banlieue 
d'Arras,  il  est  haut  justicier  dans  toutes  les 
terres  dépendantes  de  son  abbaye  ,  qui  sont 
de  fondation  et  amortissement  royal. 

Les  principaux  exercices  de  cette  abbaye 
consistent  à  se  lever  à  onze  heures  du  soir 
pour  aller  à  matines.  On  leur  porte  pour  cet 
effet  de  la  lumière  dans  leurs  chambres , 
d'où  ils  ne  sortent  qu'après  en  avoir  reçu 
ordre  du  supérieur,  qui  leur  ouvre  la  porte 
du  dortoir  ,  dont  il  garde  la  clef.  Ils  disent 
tous  les  jours  l'office  de  la  Vierge  avant  que 
de  dire  le  grand  office,  et  souvent  ils  disent 
au-si  l'office  des. morts;  ce  qui  étant  fini  ils 
retournent  à  leurs  chambres  en  disant  le 
psaume  De  profundis.  Ils  se  lèvent  à  six 
lieures  et  demie  pour  chanter  utie  messe  de 
la  Vierge  aux  jouis  qu'on  doit  selon  les  ru- 
briques en  chanter  deux  ,  ou  bien  du  saint 
sacrement  ou  des  morts.  Ils  chaulent  prime 
à  sept  heures,  puis  l'office  de  la  Vierge,  en- 
suite le  martyrologe  ,  lequel  étant  fini,  ils 
vont  au  chapitre  reconnaître  leurs  fautes  et 
retournent  au  chœur  pour  dire  tierce,  sexle 
el  none ,  et  l'olfice  de  la  Vierge.  Quand  on 
ne  doit  pas  dire  deux  grandes  messes  ,  ils 
disent  prime  à  huit  heures  el  demie.  Après 
prime,  ils  vont  à  leurs  chambres,  où  ils  de- 
meurent jusqu'à  dix  heures,  que  l'on  dil 
tierce,  après  quoi  on  chante  la  grand'mes- 
se  ,  qui  est  suivie  de  sexle  et  de  noue,  ex- 
cepté depuis  l'Exaltation  de  la  sainte  Croix 
jusqu'à  Pâques  ,  et  lous  les  jours  de  jeune 
d'Iglise  ;  mais  aux  autres  temps,  none  ne  se 
dit  qu'après  les  grâces,  que  l'on  dit  après  le 
dîner,  qui  suit  immédiatement  l'office.  Après 
le  diner  ils  prennent  une  heure  de  récréa- 
tion ,  et  ils  se  retirent  ensuite  à  leurs  cham- 
bres jusqu'à  trois  heures  ,  que  l'on  chante 
vêpres.  Avant  le  souper,  on  l'ail  une  demi- 
heure  d'oraison  mentale,  et  après  le  souper, 
qui  se  fa  l  à  sepl  heures  el  demie,  ou  après 
la  collation  pour  les  jours  de  jeûne,  qui  se 
fait  à  six  heures,  on  chante  les  compiles, 
qui  sont  suivies  d'une  action  de  grâce  qui 
se  fait  devant  le  grand  autel  pour  tous  les 
bicnfails  qu'on  a  reçus  de  Dieu  ,  et  pour 
lors  chacun  se  relire  à  sa  chambre  en  si- 
lence. 

Personne  ne  peut  se  dispenser  des  offices 
divins  ;  ceux  même  qui  ont  des  offices  ou 
des  bénéfices  claustraux  sont  obligés  de  se 
trouver  à  vêpres,  à  matines  et  aux  messes 
que  l'on  chante.  11  ne  leur  est  pas  permis  de 
manger  en  particulier,  el  ils  doivent  servir  à 
table  les  uns  après  les  autres  sans  aucune 

(1)  Voi/.,  à  la  fin  du  vol.,  nos  56  et  57. 


distinction.  Us  observent  l'avcnt  de  l'Eglise, 
pendant  lequel  on  ne  mange  point  de  vian- 
de, non  plus  que  tous  les  mercredis  de  l'an- 
née ,  non  pas  même  à  la  table  de  l'abbé.  Ils 
jeûnent  en  tous  temps  le  vendredi,  excepté 
pendant  le  temps  pascal ,  aussi  bien  que  le 
mercredi,  depuis  la  fête  de  l'Exaltation  de  la 
sainte  Croix  jusqu'au  carême.  Ils  sont  obli- 
gés de  rendre  compte  une  fois  l'an  de  tous 
les  meubles  qu'ils  possèdent,  et  toutes  et 
quantes  fois  que  le  supérieur  le  requiert.  11 
leur  est  défendu  d'avoir  rien  hors  du  cou- 
vent. Ils  doivent  se  servir  de  chemises  de 
serge  ,  et  ils  ne  doivent  rien  avoir  d'affecté 
ni  d'immodeste  dans  leurs  habits,  qui  con- 
sistent, dans  la  maison  et  au  chœur,  en  une 
grande  coule  noire,  eten  un  fort  grand  capuce 
ou  froc  qui  leur  tombe  presque  jusqu'aux 
talons;  une  aumusse  noire  qu'ils  portent  en 
forme  d'élole,  et  un  bonnet  carré  à  trois  cor- 
nes, avec  un  petit  rabat  ou  collet  large  de 
trois  doigts,  et  qui  est  fendu  par  derrière, 
comme  on  le  voit  dans  la  seconde  figure. 
Afin  qu'on  puisse  voir  la  forrr  8  de  l'habit  , 
nous  donnons  deux  estampeà  du  même  ha- 
billement :  l'une  le  représente  par  devant  et 
l'autre  par  derrière  (1).  Hors  du  monastère 
ils  sont  habillés  comme  les  prêtres  séculiers, 
à  l'exception  d'un  scapulaire  large  d'un  bon 
demi-pied,  qu'ils  portent  par-dessus  leur  ha- 
bit. Les  habillements  des  autres  monastères 
de  cette  congrégation,  aussi  bien  que  les 
pratique*,  sont  peu  différents.  Les  religieux 
des  monastères  de  Sainl-Bcrliu  ,  de  Sainl- 
Pierre-les-Gands  el  d'Ename  ont  des  aumus- 
ses  de  dr.ip  et  ont  des  bonnets  à  quatre  cor- 
nes, et  ceux  de  Lobbes  el  de  Saint-Arnaud 
n'ont  point  d'aumusses. Cette  congrégation  a 
été  confirmée  par  Grégoire  Xlll  en  1575,  et 
Innocent  XI  accorda  à  l'abbaye  de  S.iint- 
Vaast,  par  une  bulle  de  1670,  la  jouissance 
de  tous  les  privilèges  dont  jouit  le  Moul- 
Cassin.  Celle  abbaye  porte  pour  armes  un 
château  d'or  à  fond  de  gueules,  avec  ces  pa- 
roles :  Caslrum  tiubiliacum  ,  ce  qui  lui  lut 
donné  par  son  fondateur. 

11  se  lorma  aussi  en  France  l'an  1580  une 
congrégation  de  Bénédictins  sous  le  nom 
d'isjempfs,  et  cela  en  conséquence  des  dé- 
crets du  concile  de  Trenie  et  de  l'ordonnance 
de  Blois,  sous  Henri  111.  Les  principaux  mo- 
nastères qui  formèrent  d'abord  celte  con- 
grégation furent  les  abbayes  de  Marmoulier, 
de  Vendôme,  de  Khédon,  Saint-Benoît-sur- 
Loire,  le  Bourg-Dieu  et  quelques  autres.  Ces 
monastères  dressèrent  des  statuts,  le  k  sep- 
tembre 1581,  qui  furent  confirmés  au  mois 
de  lévrier  1588  par  le  pape  Sixte  V,  el  au 
mois  de  décembre  1590  par  le  pape  Grégoire 
XIV.  Plusieurs  autres  abbayes  tirent  union 
dans  la  suite  avec  ces  premières  et  observè- 
rent les  mêmes  statut*,  entre  autres  celle  de 
Saint  -  Maur-sur-Loire  y  fut  unie  dans  le 
chapitre  général  qui  se  tint  à  Marmoutier 
l'an  lG-23,  et  Claude  de  Saiul-Offange,  qui  en 
ct.iit  abbé,  y  lut  élu  général  de  la  congréga- 
tion. 

L'abbaye  de  Saint-Denis  n'avait  pas  en- 


865  DICTIONNAIRE  DES  01 

core  obéi  sur  ce  point  au  concile  ni  à  l'or- 
donnance de  dois  ;  les  religieux  qui  y  de- 
meuraient ne  pouvant  se  résoudre  à  entrer 
dans  une  des  congrégations  déjà  établies,  et 
à  se  soumettre  à  leur  chef,  se  déterminèrent 
enfin,  après  beaucoup  de  délibérations,  à 
donner  commencement  à  une  nouvelle  con- 
grégation, afin  de  pouvoir  s'exempter  de  la 
visite  des  évoques  d'une  manière  qui  fût 
honorable  à  celte  fameuse  abbaye  :  ils  for- 
mèrent celle  de  Saint-Denis,  dont  nous  avons 
parlé  à  l'article  Dents  (Saint-),  et  l'abbaye 
dont  elle  prit  le  nom  fut  reconnue  pour  chef 
de  toute  la  congrégation.  Le  pape  Paul  V 
l'approuva  et  permit  aux  monastères  immé- 
diatement soumis  au  saint-siège  de  s'unir  à 
elle;  mais  la  réforme  de  la  congrégalion  de 
Saint-Maur  ayant  élé  introduite  dans  celte 
célèbre  abbaye  en  1G33,  les  maisons  qui 
formaient  la  congrégation  de  Saint-Denis 
ayant  perdu  leur  chef  en  choisirent  un  au- 
tre, qui  fut  l'abbaye  de  Saint-Oucn  de  Rouen, 
et  prirent  le  nom  des  Exempts,  qu'ils  étaient 
bien  aises  de  faire  revivre,  et  qu'ils  choisi- 
rent préférablement  à  celui  de  Saint-Denis  et 
à  celui  de  l'abbaye  de  Sainl-Ouen  ,  quoi- 
qu'elle fût  leur  chef.  Ils  y  firent  leurs  diètes 
et  chapitres  généraux  ,  et  dans  celui  qui  se 
célébra  en  1643,  où  se  trouvèrent  les  prieurs 
et  députés  de  chaque  monastère,  et  où  pré- 
sida dom  Claude  de  Baudri  de  Piencourt, 
abbé  de  la  Croix  de  Saint-Leufroi,  général 
de  celte  congrégation  ,  on  revit  les  statuts, 
qui  y  furent  augmentés  de  nouveau,  et  im- 
primés ensuite  a  Rouen  en  1645. 

La  réforme  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur  faisant  de  jour  en  jour  de  nouveaux 
progrès,  et  ayant  été  introduite  dans  les  ab- 
bayes de  Sainl-Ouen  de  Rouen,  de  Corbie  et 
en  quelques  autres  qui  dépendaient  de  la 
congrégalion  des  Exempts,  celle-ci  diminua 
de  jour  en  jour  au  lieu  d'augmenter,  et  de- 
vint peu  de  chose,  principalement  après  la 
mort  du  général  dom  Baudri,  La  plupart  des 
monastères  reconnurent  les  évêques  pour 
supérieurs  et  se  soumirent  à  leur  visite. 
D  autres  qui  étaient  immédiatement  soumis 


DUES  RELIGIEUX.  264 

au  saint-siége  lâchèrent  à  secouer  le  joug  do 
toute  supériorité,  et  un  petit  nombre  resta 
toujours  uni  et  élut  un  chef  ou  supérieur 
général,  des  dcfiînileurs,  des  visiteurs,  qui 
tinrent  des  assemblées  triennales  et  conser- 
vèrent le  litre  de  congrégalion  des  Exempts 
en  France  sous  l'obéissance  d'un  général, 
qui ,  en  1707,  était  le  R.  P.  dom  Jean-IJaj)- 
tiste  du  Verdier  ,  religieux  du  Sauveur  do 
Rlayc. 

L'abbaye  de  Cerisi  dans  le  diocèse  de 
Bayrux  ,  qui  avait  toujours  élé  soumise  au 
saint-siége  ,  ne  voulant  point  reconnaître 
pour  supérieur  l'évêque,  qui  y  voulait  faire 
la  visite,  s'unit  à  la  congrégalion  des  Béné- 
dictins Exempts,  mais  elle  n'en  est  que  plus 
indépendante  :  car  elle  n'a  jamais  vu  depuis 
ce  temps-là  de  supérieur  général  ,  qui  se 
contente  d'y  envoyer  tous  les  trois  ans  une 
commission  en  blanc  pour  y  faire  la  visite, 
et  les  religieux  la  remplissent  du  nom  de  tel 
visiteur  que  bon  leur  semble.  Le  prieur  de 
celle  abbaye  reçoit  aussi  les  lettres  d'indic- 
tion  pour  assister  aux  chapitres  généraux  : 
mais  il  s'en  excuse  toujours,  et  l'on  se  con- 
tente de  mettre  la  lettre  d'indiction  dans  les 
archives.  11  y  a  de  l'apparence  que  la  même 
chose  se  pratique  dans  d'autres  maisons  de 
celle  congrégation  ,  où  le  général  n'a  pas 
grande  autorité  sur  ses  religieux  ,  qui  ne 
sont  pour  la  plupart  que  des  religieux  sortis 
des  ordres  réformés  qui  onl  secoué  le  joug 
de  l'obéissance  pour  vivre  avec  plus  de  li- 
berté, si  on  excepte  néanmoins  le  prieuré  do 
Perreci  en  Bourgogne  ,  qui  est  membre  de 
cette  congrégation,  et  où  on  a  introduit  une 
étroite  observance,  dont  nous  parlerons  dans 
la  suite. 

Le  Pelletier,  Histoire  et  description  des 
ordres  religieux.  Lettre  écrite  de  Cerisi  en 
1707,  par  le  R.  P.  de  Metz,  ancien  prieur  de 
celle  abbaye.  Dom  Michel  Félibien,  Mst.  de 
l  abbaye  de  Sainl-Denys,  et  Mémoires  com- 
muniqués par  te  grand  prévôt  de  l'abbaye  dt 
Saint-Vaast. 

EXEMPTS.  Voyez  Molck* 


F 


FAILLE  (Soeurs  de  L4).    Voyez   Grises 

(SOEIRS). 

FAISEURS  DE  PONTS,   Voyez  Pontifes. 

FATE  BEN  FRATELLI,  Voyez  Jean  de 
Dieu  (Ordre  de  Saint-). 

FER  D'OR  ET  DES  ECUYERS  DU  FER 
D'ARGENT  (Ordre  des  chevaliers  di),  en 
France. 

Jean,  duc  de  Bourbon,  fils  de  Louis  II  in- 
stituteur des  ordres  du  Chardon  et  de  i'Ecu 
d'or,  dont  nous  avons  parié  aux  articles  qui 
portent  ces  noms  ,  institua  dans  l'église  de 
Notre-Dame  de  Paris,  l'an  1414,  l'ordre  des 
Chevaliers  du  Fer  d'or  et  des  écuyers  du  Fer 
d'argent,  et  lit  savoir  qu'il  l'établissait,  tant 
pour  éviter  l'oisiveté  et  se  signaler  par  des 
faits  d'armes,  que  pour  acquérir  la  gloire  et 


les  bonnes  grâces  d'une  Irès-belle  dame  qu'il 
servait.  Seize  gentilshommes  seulement,  par- 
tie chevaliers  et  partie  écuyers,  y  devaient 
être  reçus.  Ces  chevaliers  aussi  bien  que 
le  duc  de  Bourbon  ,  qui  en  était  le  chef  , 
étaient  obligés  de  porter  tous  les  dimanches 
à  la  jambe  gauche  un  fer  de  prisonnier 
pendant  à  une  chaîne;  et  y  manquant,  i:s 
devaient  donner  quatre  sols  parisis  aux 
pauvres.  Le  fer  des  chevaliers  était  d'or  et 
celui  des  écuyers  d'argent.  Les  premiers 
chevaliers  qui  reçurent  cet  ordre  furent  les 
sieurs  Barbazan,  du  Cbâlel,  Gaucourt,  de 
la  Huze,  Gamaches  ,  Saint-Rcmy,  de  Mous- 
sures,  Bataille,  d'Asniercs,  La  Fayette  et 
Poulargues.  Les  premiers  écuyers  lurent  les 
sieurs  Carmalcl,  Cochel  el  du  Pont. 


203  FER 

Ils  faisaicot  serment  do  s'entr'aimer 
comme  rrères,  de  se  procurer  du  li  n  ,  de 
ne  point  souffrir  que  l'on  parlât  mal  d'eux, 
et  de  défendre  leur  honneur  à  quelque  pris 

que  ce  lût.  Louis  armes  surtout  étant  dé- 
diées au  service  des  dames  qui  imploreraient 
leurs  secours,  ils  étaient  résolus  de  se  battre 
ensemble  dans  deux  ans  pour  l'amour  d'elle-, 
soit  à  pied,  ou  à  outrance,  armés  de  haches, 
de  lances,  d'épées,  de  dagues  et  même  de 
bâtons,  le  tout  au  choix  d.  s  adversaires;  ce 
terme  de  deux  ans  n'élant  pris  pour  lé  com- 
bat qu'à  condition  qu'ils  ne  pourraient  pas 
plus  tôt  trouver  dis  -  sept  chevaliers  ou 
écuyers  sans  repr  che  qui  voulussent  en 
venir  aux  mains  et  s'éprouver  contre  eux; 
que  s'ils  y  étaient  outrés  (c'est  le  terme  de 
la  Fondation  ) ,  ils  demeureraient  entre  les 
mains  des  victorieux  et  deviendraient  leurs 
prisonniers,  ou  bien  donneraient  pour  ran- 
çon un  fer  avec  sa  chaîne  semblable  à  celui 
de  leur  ordre,  les  chevaliers  un  fer  d'or,  et 
les  écuyers  un  fer  d'argent  ;  ou  q;*e,  s'ils  se 
rachetaient  par  quelque  présent,  les  écuyers 
leur  donneraient  un  bracelet  d'argent  et 
les  chevaliers  un  bracelet  d'or;  que  s'ils  y 
étaient  assommés,  ou  bien  que  par  maladie 
ou  autrement  ils  vinssent  a  mourir,  en  ce 
cas  leurs  fers  aussi  bien  que  les  chaînes 
seraient  envoyés  à  la  chapelle  de  l'ordre 
et  là  attachés  devant  l'image  de  la  sainte 
Vierge; qu'alors  les  confrères  pour  l'âme  de 
chaque  défunt  feraient  dire  un  service  ci  dix- 
sept,  messes  chacun,  où  ils  assiéraient  en 
babil  de  deuil  ;  et  qu'enfin  quiconque  tom- 
berait dans  quelque  faule  serait  chassé  de 
la  compagnie.  Quoique  le  duc  de  bourbon 
lût  l'instituteur  de  l'ordre  ,  il  ne  .-e  réserva 
pas  néanmoins  la  nomination  des  chevaliers; 
une  place  vacante,  devait  être  remplie  par 
l'avis  de  la  meilleure  partie  ou  de  tous  les 
chevaliers  ensemble.  II  ne  conserva  d'autre 
supériorité  ni  d'autre  droit  que  celui  de  con- 
tribuer plus  largement  qu'eux  aux  dépenses 
qui  se  devaient  faire  à  frais  communs,  de 
leur  fournir  les  lebresdu  roi  dont  ils  avaient 
besoin,  et  de  leur  faire  savoir  le  jour  qu'il 
partirait,  quand  il  faudrait  aller  en  Angle- 
terre. .Mais  il  ordonna  qu'aucun  des  cheva- 
liers sans  son  congé  ne  pourrait  entrepren- 
dre de  voyage  ni  faire  autre  chose  qui  pût 
l'empêcher  ee  se  trouver  au  rendez  -  vous 
au  temps  du  combat. 

Il  parait  que  cet  ordre,  à  proprement  par- 
ler, n'était  qu'un  combat  à  outrance  de  dix- 
sept  conlre  dix-sept,  où  les  duellistes  sa- 
crifiaient leur  vie  et  leur  honneur  pour  des 
femmes  et  peut-être  pour  des  concubines  ; 
et  néanmons  il  fut  fondé  dans  l'église  de 
Notre-Dame  de  Paris,  en  une  chapelle  ap- 
pelée Notre-Dame  de  Grâce,  au  nom  de  la 
sainte  Trinité  et  de  saint  Michel.  Ils  s'obli- 
gèrent de  pius  de  faire  peindre  dans  celle 
chapelle  une  image  de  Notre-Dame  avec  1  s 
armes  de  leurs  maisons,  et  y  mettre  un  1er 
d'or  semblable  à  celui  qu'Us  portaient,  mus 
f;iil  en  chandelier,  afin  d'y  placer  un  cierge 
allumé  qui  brûlât  continuellement  jusqu'au 
jour  du  combat.   Ils  s'obligèrent  encore  de 

DICTIONNAIRE    DES    OlUHlES    RELIGIEUX.    II 


l(|'  <_"'•) 

faire  dire  à  neuf  heures  Ions  1rs  dimanches 
une  messe  haute  de  la  sainte  Vierge,  et  une 
basse  à  pareille  heure  les  autres  jours,  et 
pour  cela,  de  fournir  de  calices,  chasubles 
el  autres  ornements  nécessaires;  el  que  si 
c'était  le  bon  plaisir  de  Dieu  qu'au  combat 
général  ils  battissent  leurs  adversaires,  cha- 
cun d'eux  en  par  iculier,  non-seulemenl  y 
fonderait  sa  mes.-e  el  un  cierge  à  perpétuité 
mais  encore  s'y  ferait  représenter  avec  sa 
cotte  d'armes  et  les  autres  armes  qu'il  avait 
en  combattant ,  et  même  y  donnerait  les 
bracelets  d.s  vaincus  que  Dieu  leur  aura  t 
donnés  ce  jour-là,  ou  autres  de  pareille  va- 
leur. Cet  ordre  dura  peu,  et  même  les  cheva- 
liers ne  se  battirent  point  au  jour  fixé.  A  la 
vérité  le  duc  de  Bourbon  passa  en  Angleterre 
au  lemps  porté,  ou  à  peu  près,  par  les  let- 
tres de  la  fondation  ,  mais  en  qualité  de  pri- 
sonnier de  guerre,  et  non  pas  de  chevalier 
du  Fer  d'or,  et  il  y  mourut  api  es  dix-neuf 
ans  de  prison. 

Mém  1res  communiqués  par  M.  de  Clai- 
rambaut. 

FERÉOL  (Saint-).  Voyez  Césaire  (Saint-). 

FERTÉ  (La  .  Voyez  Gîteaux,  §  2. 

FEUILLANTS,  et  en  Halls  les  RÉFORMÉS  DE 
SAINT-BERNARD  (  Religieux  réformés 
de  l'ordre  deGîtsaux  appelés  en  France). 

Des  religieux  réformés  de  l'ordre  de  Citeaux. 
appelé*  e:  France  Feuillants,  et  en  Italie 
les   Réformés  de  Saint-Bernard,   une  la 

rie   de  dom    Jean   de  la  Barrière,  leur  ré- 
formateur et  instituteur. 

De  toutes  les  réformes  de  l'ordre  de  Ci- 
teaux ,  il  n'y  en  a  point  de  pJus  considérable 
que  celle  de  Noire-Dame  de  Feuillans,  puis- 
qu'elle a  formé  un  ordre  distinct  et  séparé  , 
qui  c-t  une  branche  de  celui  de  Cîteaux,  et 
qui  est  présentement  divisé  en  deux  congré- 
gations, gouvernées  chacune  par  un  général 
particulier.  Dom  Ji  au  de  la  llarrière  eh  a  été 
l'instituteur.  Il  était  d'une  famille  illustre 
du  vicomte  de  Tiirenne  en  Ouerci.  Son  père 
s'appelait  Barthélémy  de  la  Barrière  ,  et  sa 
mère  Léonarde  de  Amadou  ,  fille  de  M.  de 
Amadou  ,  conseiller  au  grand  conseil.  Il 
naquit  à  ^aint-Ceré,  petite  ville  de  cette 
province,  le  23  avril  loii.  11  fut  élevé  avec 
grand  soin  ,  et  reçut  de  ses  parents  non- 
seulement  l'éducation  qui  était  convenable 
à  sa  condition,  mais  encore  les  premières 
teintures  d'une  piété  plus  qu'ordinaire.  Il 
commença  ses  études  à  Cordeaux  el  à  Tou- 
louse, et  les  acheva  à  Paris,  où  il  eut  pour 
maitre  le  savant  Arnaud  d'Ossal,  qui  de- 
puis a  été  éyéque  de  Rennes  et  de  L;ayeux  , 
et  ensuite  cardinal. 

A  l'âge  de  dix-huit  ans,  Charles  de  Crus- 
sol  ,  Gis  du  comte  de  Crussol ,  grand  pane- 
tier  «le  France,  ayant  embrassé  l'hérésie, 
lui  résigna  l'abbaye  de  Feuillans  en  1562  , 
el  il  en  prit  possession  en  1563.  Il  la  tint 
onze  ans  en  commende,  sans  prendre  d'au 
très  soins  pour  les  fruits  qu'il  en  reee 
que  de  dire  son  bréviaire,  et  d'en  proct 
les  avantages  temporels.  Mais,  en  \ 
9 


sa 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


SS3 


après  plusieurs  combats  intérieurs,  il  fui 
si  vivement  touché  de  Dieu,  qu'il  aban- 
donna entièrement  le  monde  pour  entrer 
dans  l'ordre  des  revenus  duquel  il  jouis- 
sait. Il  en  obtint  à  cet  effet  les  permissions 
nécessaires,  et  ,  après  l'année  de  probalion 
dans  le  monastère  d'Aune,  du  même  or- 
dre, au  diocèse  de  Toulouse,  où  il  s'était 
retiré  à  cet  effet,  il  fil  sa  profession  solen- 
nelle avec  beaucoup  de  piété  et  de  ferveur. 
Il  alla  ensuite  résider  à  son  abbaye  ,  où 
sa  première  occupation  fut  de  réformer  les 
abus  qui  s'y  étaient  glissés  par  le  relâ- 
chement de  la  discipline  régulière  ;  mais 
il  y  trouva  tant  d'oppositions  de  la  part 
des  religieux  et  de  quelques  personnes 
séculières  qui  entraient  dans  leurs  inté- 
rêts ,  qu'il  résolut  de  quitter  son  abbaye 
pour  se  retirer  dans  une  solitude  ,  afin 
d'y  vivre  seul  et  séparé  ib's  hommes,  à 
l'exemple  des  anciens  anachorètes.  Comme 
il  était  sage  cl  prudent ,  il  ne  voulut  pas 
?e  croire  lui-même  ,  ni  entreprendre  une 
vie  si  difficile  et  exposée  à  tant  de  dangers 
sans  prendre  conseil  :  c'est  pourquoi  il  en 
écrivit  à  M.  d'Ossat ,  son  ancien  maître, 
qui,  étant  à  la  suite  de  M.  de  Foix ,  ar- 
chevêque de  Toulouse,  en  qualité  de  se- 
crétaire dans  l'ambassade  dont  ce  prélat 
fut  honoré  à  la  cour  de  Rome  ,  lui  fil  une 
réponse  très-judicieuse ,  que  l'on  trouve 
dans  ses  lettres  d'Etat,  par  laquelle  louant 
son  zèle,  il  lui  conseille  de  ne  pas  cher- 
cher la  solitude  dans  les  bois  et  les  ca- 
vernes de  la  terre,  où  il  ne  pourrait  ni 
secourir  le  prochain,  ni  accomplir  les  com- 
mandements de  l'Eglise,  ni  s'acquitter  des 
devoirs  du  sacerdoce  ,  où  il  avait  été  pro- 
mu ,  mais  qu'il  pouvait  être  solitaire  au 
milieu  de  ses  frères  en  gardant  le  silence 
et  observant  exactement  sa  règle.  Il  reçut 
cet  avis  comme  venant  de  la  pari  de  Dieu  , 
et  il  s'arrêta  à  sa  première  resolution  ,  qui 
élait  de  réformer  sou   monastère. 

Ce  grand  dessein  fut  d'abord  combattu 
par  des  obstacles  qui  paraissaient  invinci- 
bles :  il  fut  abandonné  de  tous  ses  reli- 
gieux ;  il  y  en  eut  même  qui  alternèrent 
a  sa  vie.  Il  demeura  pendant  quatre  ans 
sans  trouver  d'imitateurs  de  l'austérité  qu'il 
pratiquait,  qui  était  si  grande,  que  pen- 
dant tout  ce  temps-là  il  ne  vécut  que  de 
fleurs  de  genêt  et  d'herbes  sauvages,  ou 
de.  quelques  fruits,  sans  pain  ni  vin.  Celle 
vie  parut  si  extraordinaire  ,  qu'il  fut  dé- 
féré au  chapitre  général  de  Cîleaux  comme 
un  innovateur  qui,  par  son  nouveau  génie 
de  vie  qu'il  voulait  faire  embrasser  aux 
aulres  ,  troublait  le  repos  et  la  tranquil- 
lité de  son  abbaye.  Il  reçut  celte  mortifi- 
cation avec  tant  de  patience  ,  et  répondit 
à  ces  accusations  avec  tant  d'humilité,  que 
plusieurs  religieux  ,  concevant  une  haute 
idée  de  ses  vertus,  vinrent  se  soumettre  à 
sa  conduite.  Le  uombre  en  élait  si  grand 
_en  1577,  que  l'on  peut  dire  qu'il  semblait 
qu'il  avait  ai  tiré  la  bénédiction  du  ciel  sur 
bjortv  nouvel  Institul  ;  ses  religieux  étaient 
s»  zty.éa ,  que  non-seulement  ils  renouve- 


lèrent  l'ancienne  ferveur  des  religieux  de 
Cîleaux,  mais  même  la  surpassèrent:  car 
telle  élait  leur   manière  de  vie. 

Dnm  Jean  de  la  Rarrière,  outre  l'usage  des 
ha  ires,  des  disciplines  et  des  autres  mortifi- 
cations ordinaires,  a^ait  encore  établi  cel- 
les-ci. Les  religieux  allaient  nu-pieds  sans 
sandales,  avaient  toujours  la  lêle  nue,  dor- 
maient tout  vêtus  sur  des  planches,  et  pre- 
naient leur  réfection  à  genoux  sur  le  plan- 
cher. Il  y  en  avait  même  qui,  pour  se  mor- 
tifier davantage,  ne  buvaient  que  dans  des 
crânes  de  morts,  accommodés  en  forme  de 
tasses.  Ils  ne  se  servaient  que  de  vaisselle  de 
terre,  lis  étaient  si  fervents,  qu'ils  ne  vou- 
laient manger  ni  œufs,  ni  poisson,  ni  beurre, 
ni  huile,  ni  même  du  sel,  se  contentant  pour 
toute  nonrri'.ure  de  potage  fait  avec  d  s  her- 
bes cuiles  seulement  à  l'eau,  et  avec  du  pain 
d'orge  pétri  avec  le  son  :  encore  était-il  si 
noir,  que  les  bêles  refusaient  d'en  manger. 
Leur  nombre  augmentant  leur  ferveur  de- 
vint plus  gramie  :  c'est  pourquoi  afin  de  se 
morlifier  davantage  et  dassujellir  avec  plus 
de  facilité  la  chair  à  l'esprit,  ils  retranchè- 
rent l'usage  du  vin.  Dom  Jean  de  la  Rarriè- 
re introduisit  aussi  dans  son  abbaye  un  chant 
tout  particulier  appelé  de  son  nom  le  chant 
de  M.  de  Feuillans  ;  mais  ayant  appris  que 
plusieurs  personnes  le  profanaient,  princi- 
palement les  gens  de  métier,  qui  le  chan- 
(aient  en  leurs  boutiques  pour  s'en  divertir, 
il  le  quitta  deux  ans  après  pour  reprendre 
celui  de  Cîleaux.  Il  employa  aussi  ses  reli- 
gieux à  divers  métiers,  non-seulement  pour 
gagner  leur  vie  du  travail  de  leurs  mains 
(parce  que  leur  nombre  augmentant  tous 
les  jours,  il  n'avait  pas  grand  revenu  pour 
les  entretenir),  mais  encore  pour  éviter  l'oi- 
siveté, qui  est  la  mère  de  tous  les  vices  et  la 
ruine  des  âmes  religieuses.  Les  uns  cardaient 
de  la  laine,  les  autres  la  filaient,  et  d'autres 
étaient  occupés  à  faire  du  drap. 

Telle  était  la  vie  de  dom  Jean  de  la  Bar- 
rière et  de  ses  disciples  dans  les  commence- 
ments de  cette  réforme  :  ce  qui  leur  attira 
beaucoup  de  traverses,  principalement  de  la 
part  des  religieux  de  Citeaux,  qui  cherchè- 
rent tous  les  moyens  qu'ils  purent  pour  em- 
pêcher son  progrès,  la  regardant  comme 
une  singularité  incommode,  et  qui  condam- 
nait le  relâchement  dans  lequel  presque  lous 
les  monastères  de  l'ordre  étaient  tombés. 
C'est  pourquoi  dom  Jean  de  la  Rarrière,  vou- 
lant prévenir  les  empêchements  que  l'on 
pouvait  apporter  à  la  continuation  de  sa  ré- 
forme, eut  recours  au  pape  Sixle  V,  qui  ap- 
prouva leur  manière  de  vie  l'an  158G,  défen- 
dant aux  religieux  de  Cîleaux  de  les  troubler 
dans  leur  observance,  ordonnant  néanmoins 
que  les  Feuillants  seraient  soumis  à  leur  vi- 
site et  correction  dans  les  choses  seulement 
qui  ne  seraient  pas  contraires  à  l'étroite  ob- 
servance qu'ils  avaient  embrassée,  et  que, 
s'il  arrivait  de  la  difficulté  au  sujet  de  ces 
mêmes  observances ,  pour  savoir  si  elles 
étaient  contraires  à  la  règle  de  Saint-Benoit, 
la  connaissance  en  appartiendrait  aux  sou- 
verains ponlifes.  L'année  suivante  1587,  le 


21>9  FKU 

moine  pape  approuva  de  nouveau  celte  ré- 
forme, qui  n'était  pas  encore  sortie  de  i'.:i>- 
baye  de  Feuillans,  dans  laquelle  il  y  avait 
pour  lors,  selon  le  témoignage  de  ce  pontife, 
cent  quarante  religieux  proies  et  plusieurs 
novices,  comme  il  le  déclare  dans  sa  bulle,  il 
leur  donna  aussi  permission  de  bâtir  des 
monastères  de  celle  réforme,  tant  pour  des 
religieux  que  pour  des  religieuses.  Il  II 
même  rester  à  Rome  deux  religieux  qui  y 
a\aicnt  été  envoyés  par  dom  Jean  de  la  Bar- 
rière pour  obtenir  ces  bulles,  et  il  ordonna 
à  ce  réformateur  d'y  en  envoyer  un  plus 
grand  nombre,  parce  qu'il  voulait  leur  don- 
ner un  établissement.  11  accepta  cel  ordre 
de  Sa  Sainteté  avec  beaucoup  de  joie,  et  il  y 
en  envoya  un  nombre  sulfisant  pour  faire 
communauté.  On  les  logea  d'abord  dans  une 
petite  maison  de  l'ordre  appelée  San-Yiio, 
el  le  pape  leur  donna  quelque  temps  après 
celle  de  Sainte-Prudentienne,  à  laquelle  ils 
ont  joint  depuis  un  beau  monastère. 

Le  roi  Henri  III  en  voulut  aussi  avoir  à 
Paris.  11  pria  le  saint  abbé  de  lui  en  envoyer 
soixante,  auxquels  il  lit  bâtir  un  magnifique 
couvent  dans  la  rue  Sainl-Honoré.  Boni  Jean 
de  la  Barrière  les  accompagna  lui-même.  Ils 
entreprirent  ce  long  voyage  nu-pieds  sans 
sandales,  nonobstant  la  faiblesse  où  les  jeû- 
nes et  les  veilles  les  avaient  réduits.  Ils  fai- 
saient tous  leurs  exercices  par  le  chemin, 
rumine  s'ils  eussent  été  dans  leurs  monastè- 
res, sans  que  cinquante  cuirassiers,  qui  les 
accompagnaient  de  la  part  du  roi,  les  dé- 
tournassent de  leur  attention  et  de  leur  dé- 
votion. Ce  monarque,  qui  était  au  couvent 
des  Bons-Hommes  dans  le  bois  de  Vincen- 
nes,  les  envoya  recevoir  à  Charenton,  où  ils 
arrivèrent  le  11  juillet  1588.  Il  alla  lui-même 
à  leur  rencontre  pour  leur  témoigner  sa 
bienveillance.  Ils  se  prosternèrent  tous  en 
terre,  et  le  roi,  leur  ayant  l'ait  donner  la  bé- 
nédiction par  le  cardinal  de  Bourbon,  qui 
l'accompagnait ,  les  releva  et  les  conduisit 
en  ce  couvent,  où  il  les  logea  et  les  entretint 
jusqu'à  ce  que  leur  couvent  de  la  rue  Sainl- 
Honoré  étant  achevé,  ils  en  prirent  posses- 
sion le  8  septembre  de  la  même  année. 

Pendant  les  troubles  dont  le  royaume  fui 
agité  dans  ce  temps-là,  doni  Jean  de  la  Bar- 
rière demeura  toujours  fidèle  au  roi,  malgré 
les  complots  de  la  Ligue  ;  et  s'étant  trouve  a 
Bordeaux  dans  le  temps  de  la  morl  funeste 
de  ce  prince,  il  lui  Ct  de  magnifiques  funé- 
railles, dans  lesquelles  il  prononça  son  orai- 
son funèbre.  Ses  religieux  ne  l'imitèrent  pas 
dans  sa  fidélité  envers  leur  souverain  :  plu- 
sieurs se  laissèrent  entraîner  par  la  fureur  de  la 
Ligue, où  ils  entrèrenl(l).  Un  des  pi  us  séditieux 
fut  dom  Bernard  de  Montgaillard,  appelé  le 
Petit  Feuillant,  qui,  après  l'entrée  triom- 
phante d'Henri  IV  dans  la  ville  de  Paris,  qui 
s'était  volontairement  soumise  à  son  obéis- 
sance ,  ne  croyant  pas  que  les  excès  dans 
lesquels  il  était  tombé  pussent  lui  être  par- 
donnés,  sorlil  de  celte  ville  avec  la  garnison 


fi:u 


270 


espagnole,  et  se  relira  en  Flandre  auprès  de 
l'arehiduc  Albert,  qui  lui  donna  l'abbaye 
d'Orval.dans  la  province  de  Luxembourg, 
où,  pour  réparer  ses  fautes,  il  élablit  la  ré- 
forme qui  subsiste  encore  et  qui  approche 
de  celle  de  la  Trappe  et  de  Septfonds  ,  dont 
nous  parlerons  dans  leur  liiu. 

Pendant  que  les  religieux  Feuillants 
étaient  ainsi  malheureusement  engagés  dans 
celle  Ligue,  ils  devinrent  les  persécuteurs  de 
leur  saint  instituteur,  qui  condamnait  leurs 
fausses  démarches  par  sa  fidélité  ct  son  at- 
tachement à  son  prince;  ils  ne  le  regardè- 
rent plus  que  comme  un  homme  qui  avait 
des  sentiments  contraires  aux  intérêts  de  la 
religion,  et  ils  obtinrent  du  pape  Sixte  V  la 
convocation  d'une  congrégation  générale  en 
Italie.  Dom  Jean  de  la  Barrière,  informé  des 
intentions  de  Sa  Sainteté,  se  rendit  à  pied  à 
Turin,  et  après  y  avoir  tenu  une  assemblée 
composée  seulement  des  supérieurs  des 
maisons  d'Italie,  il  alla  à  Borne,  tandis  qu'on 
tenait  en  France  contre  lui  un  chapitre  gé- 
néral à  Cîteaux.  Le  P.  Alexandre  de  Francis, 
dominicain  et  depuis  évoque  de  Forli,  pré- 
sidant à  ce  premier  chapitre  général  des 
Feuillants  en  Italie,  qui  ne  se  Unique  l'an 
1592,  sous  le  pontificat  de  Ciément  VIII,  in- 
terrogea l'abbé  de  Feuillans  sur  les  crimes 
dont  il  était  accusé,  auquel  quoique  innocent 
il  ne  répondit  qu'en  disant  qu'il  était  un 
grand  pécheur,  ce  qui  étant  regardé  commo 
un  aveu  de  ces  mêmes  crimes,  il  fut  suspendu 
de  l'administration  de  son  abbaye  avec  dé- 
fense de  dire  la  messe,  cl  ordre  de  se  présen- 
ter une  fois  le  mois  au  tribunal  de  l'inquisi- 
tion. 

Ce  fut  dans  ce  chapitre  que  dom  Jean 
Gualtéron,  Français,  né  à  Châlons  en  Cbam- 
pague,  lut  élu  pour  premier  vicaire  général 
de  la  congrégation.  Les  religieux  y  quittè- 
rent leurs  noms  de  famille  pour  prendre 
ceux  de  quelques  saints.  Ainsi  ,  dom  Jean 
Gualtéron  ajouta  à  son  nom  de  baptême  ce- 
lui de  Sa:nt-Jérôme  ,  el  dom  Jean  de  la  Bar- 
rière celui  de  Saint-Benoit.  Un  des  premiers 
soins  du  vicaire  général  lui  de  faire  exempter 
sa  congrégation  de  la  juridiction  des  supé- 
rieurs de  Citeaux.  C'est  te  qu'il  obtint  la 
même  année  du  pape  Clément  VI11 ,  qui  la 
soumit  immédiatement  au  saint-siége,  et  qui 
accorda  à  ces  religieux  la  permission  de 
dresser  des  constitutions  particulières.  Six 
religieux  furent  nommés  pour  y  travailler, 
qui  furent  dom  Jean  de  Saint-Jérôme,  dom 
Pierre  de  Saint-Bernard  ,  dom  Philbert  de 
Sainte- Prudenlienne  ,  dom  Pantaléon  de 
Saint-Placide  ,  dom  Jean  de  Sainl-Maur  el 
dom  Alexandre  de  Saint-Michel  ;  le  pape,  de 
son  côté,  nomma  aussi  le  P.  Alexandre  de 
Francis,  dont  nous  avons  parlé,  qui  lut  ilans 
la  suite  évêque  de  Forli,  el  Cômed'Ossone, 
religieux  barnabite,  qui  fut  aussi  évêque  de 
Tonone. 

Ces  constitutions  ayant  été  dressées,  elles 
furent  présentées  au  chapitre  général,  qui  se 


(1)  Ils  le  firent  par  attachement  à  la.foi  catholique,  ne  voulant  pas  se  déclarer  nmir  i*  prince  huguenot 


Ewr. 


ItlCIION.NAUΠ DES  OltOUKS  RELIGIEUX 


tint  l'an  1593,  où ,  ayant  été  reçues,  le  pape 
les  approuva ,  et  elles  furent  imprimées  à 
Rome  la  même  année.  Ces  constitutions  mo- 
dérèrent leur  grande  rigueur,  le  souverain 
pontife  l'ayant  ainsi  ordonné  à  cause  que 
quatorze  religieux  étaient  morts  dans  l'ab- 
baye de  Feuillans  en  une  semaine.  11  leur 
fut  permis  de  se  couvrir  la  létc.  de  porter 
des  sandales  de  bois,  de  manger  des  œufs, du 
poisson,  de  l'huile,  du  beurre  et  du  sel,  et 
de  boire  du  vin  ;  il  y  a  seulement  certains 
jours  marques  auxquels  il  ne  leur  est  pas 
permis  de  manger  des  œufs  et  du  poisson, 
car  ils  doivent  s'en  abstenir  les  mercredis  et 
les  vendredis,  à  moins  que  dans  ces  jours-là 
il  n'arrive  une  léte  de  première  classe  ,  et 
pour  lots  l'abstinence  des  œufs  el  du  poisson 
est  remise  à  un  autre  jour.  Les  jours  de 
jeûne  d'Fglise,  et  pendant  l'Avent  et  le  ca- 
rême ,  ils  ne  doivent  manger  ni  œufs ,  ni 
beurre,  ni  laitage.  Le  beurre  est  seulement 
permis  où  l'huile  n'est  pas  commune;  mais 
ils  ne  le  doivent  manger  que  d.<ns  les  sauces. 
Outre  les  jeunes  prescrits  par  l'Eglise,  ils 
jpûnent  encore  tous  les  mercredis  el  les  ven- 
dredis, et  tous  les  jours,  d.  puis  la  lète  de 
l'Exaltation  de  la  sainte  croix  jusqu'à  Pâ- 
ques. Ils  se  lèvent  à  drus  heures  après  mi- 
nuit pour  dire  matines  ,  suivant  l'usage 
prescrit  dans  les  congrégations  réformées 
qui  suivent  la  règle  de  Saint-Benoît.  Ils  dor- 
ment sur  des  paillasses  ,  et  il  est  permis  à 
ceux  qui  le  veulent  de  prendre  leur  repos 
sur  des  planches.  Ceux  qui,  pareillement, 
veulent  s'abstenir  de  vin  le  peuvent,  à  moins 
que  le  supérieur  ne  le  défende  expressément. 
Les  piètres  et  les  clercs  doivent  tour  à  toi;r 
servir  à  la  cuisine,  et  ils  ne  se  servent  que 
de  vaisselle  de  terre.  Ces  observances  sont 
encore  en  pratique  dans  cet  ordre,  exce,  lé 
qu'ils  se  sont  chaussés  depuis  peu,  en  vertu 
d'un  bref  qu'ils  ont  obtenu  du  pape  Clé- 
ment XL 

Quelque  temps  après  la  tenue  de  ce  cha- 
pitre général,  ils  obtinrent  un  autre  établis- 
sement dans  Home,  aux  Thermes  de  Diuclé- 
tien,  où  la  comtesse  de  Santafiore,  Catherine 
Sforce,  leur  lit  bâiir  un  beau  monastère  et 
une  église,  sous  le  litre  de  Saint-Bernard, 
qui  fui  finie  l'an  15118.  La  même  année,  ils 
tinrent  un  autre  chapitre  ,  où  le  l*.  dom 
Guillaume  de  Saint-Claude  étant  élu  général, 
on  demanda  le  rétablissement  de  dom  Jean 
de  la  Barrière,  ce  que  l'évéque  de  Forli  ayant 
empêché  par  ses  intrigues  ,  le  cardinal  de 
Joyeuse  eut  envie  d'enlever  ce  saint  abbé  et 
de  l'emmener  à  Paris  ;  mais  il  s'y  opposa  et 
n'y  voulut  jamais  consentir.  Catherine  de 
Nobilis  ,  dm  liesse  de  Sforce  ,  s'adressa  au 
cardinal  Bellarmin,  qui  parla  au  p  ipe  en  la- 
veur de  l'innocence  opprimée  par  la  cu- 
1  iiniiie.  Clément  Ylll  chargea  ce  cardinal  de 
revoir  le  procès.  Il  le  revit  ,  interrogea  les 
religieux  séparément,  s'entretint  plusieurs 
fois  avec  Jean  de  la  Carrière  sans  lui  parler 
du  pi ocès  ,  lil  rapport  de  tout  au  pape,  et 
l'assura  que  cet  abbé  était  un  saint  qu'on 
tenait  dans  l'oppression.  Le  pape,  détrompé, 
reprocha  à  l'évéque  de  Forli    l'injustice  de 


sa  sentence,  et  lui  défendit  de  paraître  ja- 
mais devant  lui.  L'évéque  ,  frappé  de  celte 
disgrâce  ,  alla  faire  satisfaction  à  l'abbé,  et 
mourut  trois  jours  après  ,  accablé  de  honte 
el  de  douleur.  Le  pape  ,  après  que  le  procès 
eut  élé  revu  en  sa  présence  et  en  celle  de 
plusieurs  cardinaux  ,  ordonna  au  cardinal 
Bellarmin  d  aller  prononcer  la  sentence  d'ab- 
solution, avec  ordre  de  retenir  dom  Jean  de 
la  Barrière  à  Rome  ;  mais  ayant  reçu  son 
absolution,  il  mourut  dans  son  monastère  de 
Saint-Bernard,  à  Rome,  le  25  avril  1600, 
entre  les  bras  du  cardinal  d'Ossat,  étant  dans 
la  cinquante-sixième  année  de  son  âge.  La 
comtesse  de  Santafiore,  fondatrice  de  ce  mo- 
nastère, voulut  que  ses  obsèques  fussent  des 
plus  magnifiques  que  l'on  eût  vues  depuis 
longtemps  à  Rome.  Son  cœur,  ayant  été  cn- 
f  rmé  dans  une  boîte  en  argent,  fut  envoyé 
à  l'abbaye  de  Feuillans;  et  l'an  1020,  comme 
on  transportait  ses  ossements  dans  un  sé- 
pulcre de  marbre,  au  milieu  de  la  même 
église  de  Saint-Bernard,  on  en  donna  la  tête 
cl  les  pieds  à  M.  Sponde,  évêque  de  Pamiers, 
;  ouf  les  porter  aussi  à  Feuillans,  où  la  têle 
est  seulement  restée,  les  pieds  ayant  été 
portés  à  Paris  dans  le  premier  îles  deux  mo- 
nastères de  son  ordre  qui  sont  eu  celle  ville. 
Api  es  la  mort  de  dom  Jean  de  la  Barrière, 
le  pape  Clément  Ylll,  qui  élait  en  droit,  par 
cette  vacance  en  cour  de  Rome,  de  donner 
l'abbaye  de  Feuillans',  la  conféra  à  Jean 
Ballade  ,  qui ,  deux  ans  après ,  l'an  1602  ,  la 
remit  à  cette  congrégation  dans  un  chapitre 
général.  Le  roi  Henri  IV  céda  pour  toujours 
;>oii  droit  de  nomination  à  celte  abbaye,  et 
consentit  qu'un  abbé  triennal  fût  élu  par  les 
chapitres  généraux,  ce  qui  lut  confirmé  par 
le  pape,  et  depuis  ce  temps-là  cette  abbaye 
est  devenue  chef  d'ordre.  Le  premier  abbé 
régulier  triennal  fut  le  P.  dom  Jean  de  Sainl- 
Maur,  qui  était  général  de  la  congrégation, 
et  depuis  ce  temps-là  les  généraux  en  France 
ont  toujours  pris  le  litre  d'abbé  de  Feuil- 
lans, et  se  servent  pendant  le  triennal  d'or- 
nements pontificaux. 

Cet  ordre  avait  fait  du  progrès  du  vivant 
de  sou  fondateur:  c;r,  outre  l'abbaye  de 
Feuillans,  qui  en  était  le  ch  f,  il  avait  cn- 
co.e  un  célèbre  monastère  à  Paris,  deux  à 
Rome,  un  à  Bordeaux  et  quelques-uns  en 
Piémont.  Mais  après  sa  mon  il  fit  de  plus 
grands  progrès;  car  les  religieux  Feuillants 
firent  des  é  ablissements  à  Lyon,  à  Saint- 
Ouillem  Normandie,  à  Soissons,  à  Rouen, 
un  second  à  Paris,  au  Plessis-Piquet,  à  Fon- 
lanie,  lieu  de  la  naissance  de  saint  Bernard, 
el  en  plusieurs  autres  lieux  do  France,  oi 
iis  eurent  aussi  les  abbayes  de  Saint-Memrn 
de  Mici  près  d'Orléans,  qui  appartenait  aux 
Bénédictins,  cl  celle  du  Val  au  diocèse  de 
Beauvais,  qui  était  de  l'ordre  de  Cîteaux. 
Celte  dernière  fut  donnée  à  celte  congréga- 
tion, ou  plutôt  au  monastère  de  Saint-Ber- 
nard de  Paris,  par  Henri  III.  H  ne  la  possé- 
da que  deux  ans,  après  lesquels  elle  retour- 
na en  comuiende.  Mais  Louis  XIII  et  Alarie 
de  Médici-,  son  épouse,  la  rendirent  à  ce 
monastère,  qui  eu  prit  possession  l'an  1610  , 


273 


Fi  U 


cl  depuis  ce  temps-là  le  titre  abbatial  a  éié 
supprimé.  Il  se  fit  aussi  des  établissements 
considérables  eu  Italie,  de  sorti-  que  le  pape 
Urbain  VIII,  voyant  le  grand  nombre  de  mo- 
nastères qu'ils  avaieut  tant  ru  France  qu'en 
Italie,  et  appréhendant  que  l'observance  ré- 
gulière ne  souffrît  quelque  atteinte  par  la 
longue  absence  des  supérieurs,  qui  étaient 
obligés  de  se  trouver  aux  chapitres  géné- 
raux qui  se  tenaient  quelquefois  en  France, 
quelquefois  en  Italie,  divisa,  l'an  1030,  les 
Français  et  les  Italiens  en  deux  congréga- 
tions différentes,  celle  de  Franco  sous  le  lilre 
de  Notre-Dame  de  Feuillans,  et  celle  d'Italie 
sous  celui  des  réformés  de  Saint-Bernard. 
Ces  deux  congrégations  sont  gouvernées 
chacune  par  un  général  de  leur  nation.  Ainsi 
les  deux  maisons  de  Home,  qui  avaient  été 
fondées  par  les  Français,  restèrent  aux  Ita- 
liens ,  et  le  pape  accorda  seulement  aux 
F' rinçais  un  hospice  dans  la  même  ville  pour 
leur  procureur  général,  auquel  les  Italiens 
sont  obligés  de.  donner  tous,  les  ans  cinq 
cents  livres.  Cet  hospice  a  une  petile  cha- 
pelle dédiée  à  sainte  Marie  Mère  de  Dieu,  qui 
n'est  ouvcrie  que  lorsqu'on  y  dit  la  messe. 
Cette  séparation  des  Français  d'avec  les  Ita- 
liens n'a  pas  empêché  que  les  Français  ne 
soient  restés  à  Florence,  où  ils  avaient  été 
établis  dès  l'an  1016  par  le  grand-duc  Côme 
Il  et  Catherine  de  Lorraine,  son  épouse,  qui 
leur  firent  bâtir  un  couvent,  dont  les  fonde- 
ments furent  jetés  le  trente  septembre  de  la 
même  année,  et  dont  celte  princesse  posa  la 
première  pierre. 

Le  premier  général  de  la  congrégation 
de  France  fut  le  P.  dom  Charles  de  Saint- 
Paul,  qui  fut  ensuite  évêque  d'Avranches;  et 
celui  de  la  congrégation  d'Italie  fut  le  P. 
dom  Philippe  de  Sainl-Jean-Bapliste.  Les 
Français  dans  leur  chapitre  général  de  l'an 
1634  tarent  quelques  changements  dans  leurs 
constitutions  qui  furent  imprimées  à  Paris  la 
même  année,  et  les  Italiens  en  tirent  aussi 
quelques-uns  dans  les  leurs,  dans  leur  cha- 
pitre général  de  l'an  1067,  et  firent  impri- 
mer ces  constitutions  à  Home  l'année  sui- 
vante. Les  uns  et  les  autres  sont  habillés  de 
même,  excepté  que  les  Italiens  ont  des  habits 
d'une  serge  fort  fine,  et  beaucoup  plus  amples 
que  ceux  de  France,  mais  principalement  le 
capuce,  qui  est  beaucoup  pins  large  et  plus 
profond,  et  que  la  permission  de  se  chausser 
leur  a  été  accordée  dès  l'an  1670.  Leur  habil- 
lement consiste  en  une  robe  ou  coule  blanche 
sans  scapulaire,  avec  un  grand  capuce  de  la 
même  couleur,  se  terminant  en  rond  par- 
devant  jusqu'à  la  ceinture,  et  en  pointe  par 
derrière  jusqu'au  gras  des  jambes.  Leur  robe 
est  ceinte  d'une  ceinture  faite  de  la  même 
étoffe  que  l'habit  (1)  :  ils  n'ont  point  d'habil- 
lement particulier  pour  le  chœur.  Ils  peuvent 
porter  des  chapeaux  quand  ils  sortent  pour 
aller  en  campagne.  Les  convers  sont  habil- 
lés comme  les  prêtres,  à  l'exception  que  leur 
reinture  doit  être  de  corde.  Ils  ont  aussi  des 
d  nues  ou  oblats  qui  n'ont  point  de  capuce, 

(1)  l'oy.:à  la  fin  du  vol..  rtos5Scl  59. 


FEU  27J 

mats  nn  chapeau.  Leur  robe  ne  vient  que 
jusqu'à  mi-jambe,  et  quand  ils  sortent,  ils 
portcnl  un  manteau  (-2)  :  les  uns  et  les  autres 
se  servent  pour  le  travail  d'un  scapulaire  de 
toile.  Les  oblats  ne  sont  pas  religieux  ,  ils 
promettent  seulement  de  garder  la  chasteté, 
la  pauvreté  et  l'obéissance  tant  qu'ils  demeu 
reronl  dans  la  congrégation. 

Cet  ordre  a  donné  à  l'Eglise  des  cardinaux 
et  plusieurs  autres  prélats  ;  les  cardinaux 
sont  le  P.  lîona.  qui  lut  fait  cardinal  par  le. 
pape  Clément  IX;  et  le  P.  Gabrieli,  par  le 
pape  Innocent  XL  Le  P.  Charles  de  Saint- 
Paul  fut  évêque  d'Avranches,  comme  nous 
avons  dit.  11  a  donné  au  public  la  Géogra- 
phie sacrée,  qui  fait  connaître  les  diocèses 
des  patriarches,  des  métropolitains  et  des 
évèques'de  l'ancienne  Eglise.  Cet  ouvrage 
fut  imprimé  pour  la  première  fois  en  IGil  , 
à  Paris  ;  mais  celle  édition  étant  devenue 
rare,  un  en  a  fait  une  nouvelle  en  Hollande 
l'an  1704.  Le  P.  dom  Côme  Itoger,  qui  avait 
été  aussi  général  de  la  congrégation  de 
France,  et  l'un  des  plus  célèbres  prédicateurs 
de  son  temps,  fut  fait  évêque  de  Lombez  l'an 
1071,  et  est  mort  l'an  1711,  âgé  de  quatre- 
vingt-quinze  ans.  La  congrégation  d'Italie  a 
ilonné  aussi  à  l'Eglise  d'autres  prélats.  Clé» 
ment  VIII  commit  les  religieux  Feuillants  des 
monastères  de  Sainle-Prudenlienne  et  do 
Saint-Bernard  à  Rome,  pour  jeter  en  moule 
les  Àgnus  Dei,  lorsque  le  pape  en  doit  faire 
la  bénédiction;  et  ce  privilège  leur  a  été  con- 
firmé par  Léon  XI  et  Paul  V,  qui  ont  l'ail 
défense  à  toute  auire  personne  de  s'ingérer 
dans  cet  ouvrage.  Nous  ne  parlons  point  des 
personnes  illustres  par  leur  piété  et  des  écri- 
vains célèbres  de  cette  réforme,  parce  qu'ils 
sont  en  trop  grand  nombre;  les  ouvrages  du 
cardinal  Boiia,  l'un  des  plus  célèbres  écri- 
vains de  la  congrégation  d'Italie,  sont  assez 
connus.  Le  P.  Joseph  Morolio  de  la  même 
congrégation  a  donné  l'histoire  de  cette  ré- 
forme, sous  le  lilre  deCistertii  re/lorescenlis, 
seu  congregalionum  Ci  s  tertio-  M onasticarum 
ii.  M.  Fuliensis  in  G  allia,  et  reformatorum 
S.  Bernardi  in  llulia  Chronologica  Historia. 
Il  a  aussi  donné  le  Théâtre  chronologique 
de  l'ordre  des  Chartreux,  imprimé  en  10SS. 
Il  promettait  celui  de  la  congrégation  des 
Clercs  Réguliers  de  la  Mère  de  Dieu,  et  celui 
de  l'ordre  de  Saint-Jérôme  en  Espagne;  mais 
ils  n'ont  pas  encore  été  imprimés.  Il  y  a 
aussi  plusieurs  autres  ouvrages  de  ce  mêma 
auteur. 

Chrysoslome  Henriquez,  Menolog.Cistert. 
et  ejusd.  fascicul.  sanclor.  ord.  Cistert.  Dom 
Pierre  de  Saint-llomuald,  IJist.  Cltronolog. 
Joseph.  Morolius,  Cistcrtii  re/lorescenlis  seu 
Ctnu/.B.  M.  Fuliensis  Chronolog.Uistor.com- 
pend.  privile/j.  et  constitue  ejusd.  Congreg. 
La  conduite  de  dom  Jean  de  la  Harrière,  pre- 
mier abbé  it  instituteur  des  Feuillants. 

FEUILLANTES,  dites  incorrectement  Feuil- 
lantines. 
Les  religieuses  Feuillanles  ont  aussi   eu 

(-2)  Voy..,  ibîd.,n°  60. 


275 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


270 


pour  instituteur  dom  Jean  de  la  Barrière.  La 
vertu  de  ce  saint  abbé  commençant  à  être 
connue,  plusieurs  personnes  le  voulurent 
avoir  pour  le  guide  et  le  directeur  de  leur 
conscience.  Due  pieuse  dame,  dont  la  demeure 
n'était  éloignée  de  l'abbaye  de  Feuillans 
que  de  quatre  lieues,  fut  des  premières  à 
contracter  une  liaison  spirituelle  avec  lui. 
Mlle  s'appelait  Anne  de  Polastron  de  la  Hil- 
lière,  et  était  femme  de  Jean  de  Grandmont , 
seigneur  de  Sauvons.  Elle  demeurait  ordi- 
nairement au  châleau  de  Sauvens,  près  de  la 
pelile  ville  île  Muret;  et  toutes  les  fois  que 
l'abbé  de  Feuillans  allait  prêcher  à  Tou- 
louse, la  piété  de  cette  dame  l'engageait  à 
passer  par  sa  maison  pour  s'y  entretenir 
avec  elle  des  choses  de  Dieu,  l'animer  à  la 
vertu,  augmenter  en  elle  le  mépris  des  vani- 
tés du  monde,  et  l'amour  de  celui  qui  seul 
peut  faire  le  bonheur  de  l'homme  en  cette  vie 
et  en  l'autre. 

D'autres  dames  qui,  malgré  les  attache- 
ments qu'elles  avaient  au  monde,  se  plai- 
saient à  entendre  parler  de  spiritualité  , 
poussées  par  un  secret  mouvement  de  la 
grâce  de  Dieu,  s'y  trouvaient  aussi  pour 
avoir  le  plaisir  d'entendre  les  discours  spi- 
rituels de  Jean  de  la  Barrière.  Mais  Dieu,  qui, 
par  un  effet  de  sa  bonté  et  de  sa  miséricorde, 
avait  choisi  ces  âmes  mondaines  pour  en 
faire  de  saintes  pénitentes,  donna  tant  de 
force  aux  paroles  de  cet  instituteur,  qu'ou- 
vrant leurs  cœurs  à  la  grâce,  elles  changè- 
rent l'estime  qu'elles  avaient  eue  jusqu'alors 
pour  le  monde  en  un  si  grand  mépris,  que 
leur  devenant  odieux,  elles  prirent  la  réso- 
lution de  le  quitter,  et  pensèrent  aux  moyens 
de  se  consacrer  entièrement  à  Jésus-Christ. 
Mais  ne  pouvant  encore  exécuter  ce  pieux 
dessein,  et  profitant  de  la  facilité  que  leur 
donnait  madame  de  Sauvens,  elles  se  con- 
tentèrent pour  lors  de  rendre  leurs  entre- 
tiens spirituels  plus  fréquents,  et  com- 
mencèrent à  imiter  la  solitude  el  les  aus- 
térités de»  Feuillants  autant  qu'il  leur  étaii 
possible.  Madame  de  Sauvens  animait  et 
soutenait  de  si  beaux  commencements  par 
ses  pieuses  exhortations  et  par  les  services 
spirituels  et  corporels  qu'elle  rendait  à  celle 
sainte  troupe.  Elle  prévoyait  fort  bien  que 
tous  ces  services  ne  serviraient  qu'à  la  pr  - 
ver  plus  tôt  de  leur  compagnie,  puisqu'elles 
ne  faisaient  que  solliciter  leur  entrée  en  reli- 
gion, où  elle  ne  pouvait  les  suivre  à  cause 
de  son  engagement  dans  le  mariage.  Mais  sa 
charité  pour  ces  nouvelles  épouses  de  Jésus- 
Christ,  l'emportant  sur  le  plaisir  dont  elle 
jouissait  dans  leur  sainte  compagnie,  elle  ne 
négligea  rien  pour  mettre  la  dernière  main  à 
ce  pieux  ouvrage,  résolue  pour  lors  de  lais- 
ser  celle  sainte  troupe  sous  la  conduite  de 
Marguerite  de  Polastron  sa  sœur,  qui,  se 
trouvant  veuve  du  seigneur  de  Margesland, 
était  en  liberté  de  se  consacrer  en  religion  ; 
ce  qu'elle  fil  en  effet,  accompagnée  d'une  de 
ses  lilles,  qui  lui  élail  très-chère  à  cause  de 
ses  grandes  vertus. 

Celte  illustre;  veuve  entreprit  d'obtenir  de 
dum  Jean  de  la  Barrière  Je  vivre  sous  sa  di- 


rection el  dans  les  mêmes  observances  que 
l'abbaye  de  Feuillans.  Elle  lui  fit  connaître 
sou  sentiment  et  celui  de  ses  compagnes. 
Une  telle  proposition  étonna  autant  le  saint 
abbé  qu'elle  le  réjouit.  Après  en  avoir  rendu 
grâces  à  Dieu,  il  loua  leur  zèle;  mais  afin  de 
leur  faire  voir  l'importance  de  ce  qu'elles 
demandaient,  il  leur  fil  une  description  de 
toutes  les  austérités  qu'on  pratiquait  à  Feuil- 
lans. Ce  genre  de  vie,  qui  aurait  été  capable 
de  rebuter  des  cœurs  moins  animés  de  l'es- 
prit de  Dieu,  ne  servit  qu'à  encourager  ces 
amantes  de  la  croix  de  Jésus-Christ  et  à  leur 
faire  demander  avec  plus  d'instance  ce  qu'el- 
les souhaitaient  avec  tant  d'ardeur.  Dom 
Jean  de  la  Barrière  voulut  cependant  les 
éprouver,  craignant  que  le  temps  ne  ralen- 
tit leur  zèle.  11  les  laissa  dans  celte  volonté 
pendant  deux  ou  trois  ans,  les  visitant  quel- 
quefois, les  animant  par  ses  dise  urs,  et  les 
exhortant  à  ne  point  abandonner  leur  en- 
treprise; et  comme  ses  prédications  lui  atti- 
raient un  grand  nombre  de  personnes  qui 
se  mettaient  sous  sa  direction,  entre  les- 
quelles il  y  en  avait  qui  voulaient  embrasser 
Fétat  religieux,  il  eut  le  moyen  d'augmenter 
le  nombre  de  celles  qui  voulaient  embrasser 
la  vie  des  Feuillants. 

Ayant  envoyé  à  Borne  deux  de  ses  reli- 
gieux pour  y  faire  approuver  sa  réforme,  et 
le  pape  Sixte  V,  comme  nous  avons  dit  dans 
l'article  précédent,  ayant  l'ail  rester  dans 
celte  ville  ces  religieux,  et  donné  ordre  à 
l'abbé  de  Feuillans  d'y  en  envoyer  un  plus 
grand  nombre,  ils  furent  logés  dans  une  pe- 
tite maison  de  l'ordre  de  Cîleaux  appelée 
San-Vilo.  Durant  le  séjour  qu'ils  y  firent,  ils 
remarquèrent  que  sept  ou  huit  filles  vôIups 
de  blanc  et  portant  sur  la  tète  un  voile  de 
même  couleur,  à  la  manière  des  religieuses 
de  Cîleaux,  venaient  tous  les  jours  prier 
dans  l'église  de  ce  monastère.  Cette  nou- 
veauté les  surprit,  et  s'en  étant  informés,  on 
leur  dit  que  ces  bonnes  filles  avaient  la  vo- 
lonté d'être  religieuses,  mais  que,  faute  d'ar- 
gent [iour  entrer  en  religion,  elles  vivaient 
ensemble  suis  la  protection  de  saint  Ber- 
nard. 

Dom  Jacques  de  la  Bocliemouson,  l'un  de 
ces  religieux,  voulut  aider  ces  bonnes  filles 
dans  leurs  saints  désirs,  et,  tout  étranger 
qu'il  était,  sans  biens,  sans  appui  et  presque 
sans  aucune  connaissance  à  Rome,  dans  le 
temps  même  qu'il  ne  devait  songer  qu'à  l'é- 
tablissement de  sa  congrégation,  il  entreprit 
de  leur  procurer  une  maison.  Il  était  d'une 
famille  noble  d'Auvergne,  et  il  avait  fait 
profession  dans  l'abbaye  de  la  Chaise-Dieu. 
Sa  naissance,  son  mérite  et  sa  grande  capa- 
cité le  firent  connaître  au  roi  Charles  IX, 
qui  voulut  qu'il  exerçât  la  charge  de  vicaira 
général  au  spirituel  et  au  temporel  de  Char- 
les de  Valois,  son  fils  naturel,  grand  prieur 
de  France  et  abbé  do  la  Chaise-Dieu.  Dom 
Jacques  s'acquitta  de  cet  emploi  avec  hon- 
neur; mais  enfin  ayant  eu  occasion  d'aller 
à  l'abbaye  de  Feuillans,  il  fui  si  touché  de 
la  vie  austère  des  saints  religieux  qui  y  dé- 
nie, raient  sous  la  conduite  de  dom  Jean  de 


277 


FEE 


FEU 


278 


la  Barrière,  qu'il  le  pria  de  le  recevoir  au 
nom!>re  de  ses  disciples.  Le  saint  abbé  le 
reçut  avec  joie,  et,  après  qu'il  eut  fait  pro- 
fession de  cette  réforme,  il  alla  prêcher  quel- 
quefois à  Sauvens.  Il  eut  lieu  par  ce  moyen 
de  connaître  la  ferveur  de  ces  dames  qui  s'y 
disposaient  pour  embrasser  aussi  la  réforme 
des  Feuillants.  Ayant  été  ensuite  envoyé  à 
Rome,  il  entreprit  de  secourir  les  saintes 
filles  dont  nous  venons  de  parler,  qui  s'as- 
semblaient dans  l'église  de  San-Vito  pour  y 
faire  leurs  prière?.  El  il  s'en  présenta  peu  de 
temps  après  une  occasion  favorable;  car  le 
cardinal  Ruslicio,  protecteur  de  l'ordre  de 
Cîteaux,  faisant  rebâtir  l'église  de  Sainte- 
Susanne,  qui  était  son  titre,  sans  autre  des- 
sein que  de  satisfaire  à  l'obligation  que  sa 
piélé  lui  avait  inspirée;  dom  Jacques,  qui 
visitait  souvent  ce  prélat,  comme  protecteur 
do  l'ordre,  lui  persuada  de  joindre  à  celte 
ég'ise  un  monastère  de  saintes  vierges,  et  lui 
parla  de  ces  filles  qui  vivaient  en  commu- 
nauté sous  la  protection  de  saint  Bernard,  et 
qui  faute  d'argent  ne  pouvaient  être  reli- 
gieuses. Le  cardinal,  ravi  de  trouver  une  si 
belle  occasion  de  signaler  sa  piété  envers 
Dieu  et  sa  charité  envers  le  prochain,  écoula 
avec  plaisir  la  p'oposilion  que  lui  fil  dom 
Jacques,  et  fil  bâtir  un  mon  stère  où  il  mit 
ces  saintes  filles,  auxquelles  il  donna  pour 
supérieure  une  religieuse  tirée  du  monastère 
de  Sainte-Cécile,  et  les  mit  sous  la  direction 
des  Feuillant*,  qui  leur  firent  embrasser 
l'étroite  observance  de  Cîleaux.  Ainsi  on 
peut  dire  que  les  religieuses  de  Sainte-Su- 
sanne  de  Homo,  qui  subsislent  encore  au- 
jourd'hui, ont  été  les  premières  Fouillantes, 
quoiqu'elles  n'en  aient  pas  porté  le  nom,  cet 
honneur  étant  réservé  pour  les  autres  qui 
étaient  à  Sauvens.  Dom  Jean  de  la  Barrière 
les  avait  toujours  entretenues  dans  leur  des- 
sein, jusqu'à  ce  qu'enfin,  ayant  reçu,  l'an 
15S6,  la  première  bulle  du  pape  Sixte  V  qui 
érigeait  la  nouvelle  congrégation  des  Feuil- 
lants et  leur  permettait  de  bâtir  des  monas- 
tères de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  il  travailla 
pour  établir  celui  dos  Fouillantes;  et ,  après 
avoir  obtenu  les  permissions  nécessaires  et 
réglé  touies  choses  pour  les  mettre  à  Mon- 
lesquiou  de  Volvestre,  diocèse  de  Rieux,  il 
en  laissa  l'exécution  à  un  de  ses  religieux, 
ayant  été  obligé,  par  ordre  du  roi  Henri  111, 
d'aller  à  Paris. 

Tout  étant  disposé  et  en  état  de  recevoir 
celle  nouvelle  colonie,  elles  se  rendirent  à 
Feuillans  au  nombre  de  quinze,  d'où  elles 
partirent  le  23  mai  1388  sous  la  conduite  de 
dom  François  Rabaudi,  leur  supérieur,  pour 
aller  premièrement  à  Rieux,  afin  d'y  rece- 
voir 1-a  bénédiction  de  l'évéque  Jean  du 
Bourg,  et  ensuile  à  Montesquiou,  où  ce  pé- 
lat  se  transporta  pour  leur  donner  le  voile 
de  religion,  dont  la  cérémonie  se  fit  le  19 
juin  de  la  même  année;  et  l'année  suivante 
elles  firent  leurs  vœux  solennels.  Dom  Jean 
de  la  Barrière  ayant  destiné  pour  leur  supé- 
rieure Marguerite  de  Polastron  de  la  Fi  il— 
lière,  âgée  de  58  ans,  veuve  d'Anne  d'Yzal- 
quier  de  Glermont  de  Dieupautale,  seigneur 


de  Margestand,  cette  dame  ne  voulut  pas 
iccevoir  l'habit  la  première  par  humilité, 
voulant  que  ce  lût  sa  fille  Jacqueline  de 
Dieupautale,  à  cause  de  sa  virginité  :  elle 
accepta  néanmoins  la  supériorité. 

La  ferveur  de  ces  saintes  religieuses  devint 
l'admiration  de  lout  le  royaume.  Comme  il 
y  avait  alors  peu  de  monastères  de  filles  où 
l'observance  régulière  fût  gardée  exacte- 
ment, on  respectait  d'autant  plus  le  monas- 
lère  de  Montesquiou  ,  qu'on  y  voyait  des 
pratiques  de  vertu  et  de  mortification  qui 
paraissaient  presque  inimitables.  En  effet, 
ce  genre  de  vie  pratiqué  par  les  Feuillants 
et  les  Fouillantes  se  trouva  si  au-dessus  des 
forces  humaines,  que  Clément  VIII  ayant 
appris,  comme  nous  l'avons  dit  dans  l'arti- 
cle précédent,  que  quatorze  religieux  étaient 
moits  dans  une  semaine,  ordonna,  au  cha- 
pitre général  de  l'an  lo'fo,  de  modérer  ces 
grandes  austérités  :  ce  qui  fut  fait  de  la  ma- 
nière dont  nous  l'avons  rapporté  au  même 
endroit. 

Le  nombre  des  religieuses  Feuillantes 
augmentant  de  jour  en  jour,  leur  maison  se 
trouva  trop  petite;  et, la  ville  deMonlesquiou 
n'étant  pas  assez  considérable,  pour  renfer- 
mer une  si  nombreuse  communauté,  on  ré- 
solut de  transférer  ces  religieuses  à  Tou- 
louse. Le  cardinal  de  Joyeuse,  archevêque 
de  celte  ville,  ayant  obtenu  une  bulle  du 
pape  pour  la  suppression  d'une  maison  reli- 
gieuse où  le  dérèglement  s'était  g:issé,  vou- 
lut donner  celle  maison  aux  Fouillantes; 
mais  ces  sainles  filles,  ne  voulant  nuire  à 
personne  ni  s'établir  sur  les  ruines  d'aucune 
autre  communauté,  refusèrent  les  offres  du 
ce  prélat,  et  trouvèrent  moyen  de  s'établir 
dans  un  aulre  lieu,  dont  elles  prirent  pos- 
session le  12  mai  1599,  après  avoir  quille 
avec  beaucoup  de  peine  Montesquiou,  dont 
les  habitants,  fâchés  de  perdre  de  si  saintes 
filles,  prirent  les  armes  pour  s'opposer  à 
leur  sortie. 

Etant  arrivées  à  Toulouse,  on  commença 
les  bâtiments  d'un  monastère  et  d'une  égli-u 
par  les  libéralités  de  plusieurs  dames  qui  s'y 
reiiièrenl,  et  principalement  parcelles  d'An- 
toinette d'Orléans,  fille  de  Marie  de  Bourbon 
et  d'Eléonore  d'Orléans,  duc  de  Longueville, 
qui,  se  trouvant  veuve  de  Charles  de  Gomli, 
marquis  de  Belle-Ile,  et  n'ayant  pu  être  ad- 
mise au  nombre  des  religieuses  de  l'Ave- 
Maria  a  Paris,  qui  ne  recevaient  point  de 
veuves,  alla  à  Toulouse,  où  elle  fut  reçue 
par  les  Feuillantes,  dont  elle  prit  l'habit  l'an 
1599,  n'étant  âgée  que  de  vingt-six  ans. 
Quoiqu'elle  fût  obligée,  sept  ans  après,  de 
passer  dans  l'ordre  do  Fontevrault  par  ordre 
du  pape,  pour  y  être  coadjulrice  de  l'abbesse 
Eléonore,  sa  tante,  elle  ne  quitta  pas  pour 
cela  le  souvenir  de  sa  première  profession, 
car  el.e  fonda  un  monastère  à  Poitiers  l'an 
1(517,  où,  avecque'ques  religieuses  de  l'ordre 
de  Fontevrault  qui  la  voulurent  suivre,  elle 
reprit  l'habit  des  Feuillantes  ;  et  étant  morle 
quelque  temps  après,  elle  voulut  que  sou 
corps  fût  porté  au  monastère  de  Toulouse. 

La  retraite  de  celle  priucesse  dans  le  mo- 


279 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


280 


nastère  des  Feuillantes  de  Toulouse  y  attira 
un  grand  nombre  de  personnes  de  distinc- 
tion :  de  sorte  que,  l'un  1002,  quatorze  mis 
après  leur  fondation,  elles  se  trouvèrent  cin- 
quante professes,  et  il  y  avait  eu  plus  de 
deux  cents  novices  qui  en  étaient  sorties, 
i:e  pouvant  supporter  les  grandes  austérités 
de  cet  ordre.  La  réputation  de  ces  religieuses 
s'augmcntanl  de  jour  en  jour,  plusieurs  per- 
sonnes voulurent  fonder  d'aulros  monastères 
du  même  ordre  pour  communiquer  aux  au- 
tres provinces  les  exemples  d'une  verlu  si 
sainte,  et  donner  aux  âmes  pieuses  des  mai- 
sons de  retraite  où  elles  pussent  se  consa- 
crer à  Jésus-Chris!  et  renoncer  aux  vanités 
du  siècle.  Mais  les  Feuillants,  qui  étaient  les 
directeurs  de  ces  religieuses  et  leurs  supé- 
rieurs, s'opposèrent  à  cette  propagation,  et 
dans  le  chapitre  général  de  l'an  1502,  il  fut 
ordonné  qu'on  ne  se  chargerait  plus  de  la 
direction  d'aucunes  religieuses,  à  l'exception 
du  seul  monastère  des  Feuillantes  de  Tou- 
louse :  ainsi,  en  verlu  de  ce  règlement,  on 
quitta  les  religieuses  de  Sainte-Susanne  de 
lîome.  11  y  a  de  l'apparence  que  dans  ce 
temps-là  on  présenta  plusieurs  établisse- 
ments pour  des  Feuillantes,  puisque  dans  le 
chapitre  général  de  l'an  1595  il  fut  de  nou- 
veau concl  i  qu'on  s'en  tiendrait  au  règle- 
ment du  chapitre  précédent,  et  qu'on  n'ac- 
cepterait pas  ies  nouveaux  établissements 
que  l'on  offrait.  On  refusa  encore  en  1598 
une  fondation  que  M.  Sublet  des  Noyers, 
maître  des  comp'cs  à  Paris,  voulait  faire  en 
faveur  de  deux  de  ses  filles,  qu'il  conduisit 
lui-même  depuis  à  Toulouse  au  monastère 
des  Feuillantes,  où  elles  prirent  l'habit  et 
tirent  profession. 

L'an  1G02,  le  comte  de  Saint-Fol,  étant  à 
Rome,  demanda  aux  pères  Feuillants  assem- 
blés en  leur  chapitre  général,  au  nom  de 
trois  princesses  ses  sœurs,  la  permission  de 
fonder  à  Paris  deux  maisons  de  Feuillantes  : 
ce  qu'elles  voulaient  faire  en  considération 
de  madame  Antoinette  d'Orléans,  leur  sœur, 
religieuse  à  Toulouse;  mais  ils  s'en  excusè- 
rent sur  les  règlements  faits  dans  les  cha- 
pitres précédents,  et  n'accordèrent  point 
«elle  permission.  Le  cardinal  de  Sourdis,  ar- 
chevêque de  Bordeaux,  reçut  un  semblable 
refus  en  1604  ;  mais  enfin,  Dieu,  dont  les  des- 
seins sonl  bien  différents  de  ceux  des  hom- 
mes, voulant  faire  connaître  la  sainteté  de 
ses  nouvelles  épouses  et  multiplier  ces  sanc- 
tuaires où  on  chantait  jour  et  nuit  des  can- 
tiques de  louanges  à  la  gloire  de  son  nom, 
permit  que  la  reine  Anne  d'Autriche,  épouse 
de  Louis  XIII ,  voulût  avoir  des  Feuillantes 
à  Paris.  Le  respect  qu'on  devait  à  cette  prin- 
cesse fit  cesser  toutes  les  oppositions  qui 
s'étaient  trouvées  jusqu'alors  de  la  part  des 
supérieurs,  qui  firent  partir  de  Toulouse  six 
religieuses,  le  30  juillet  1(322,  pour  aller  â 
Paris  prendre  possession  d'une  nouvelle  de- 
meure qu'on  leur  avait  préparée  au  fau- 
bourg Saint-Jacques.  Les  deux  filles  de 
M.  Desnoyers  furent  du  nombre  de  ces  six 
religieuses. 

Elles  eurent  pour  supérieure  doue  Mar- 


guerite de  Sainte-Marie.  Elle  s'appelait  dans 
le  monde  Marguerite  de  Clausse  de  Marchau- 
m ut,  et  était  fille  de  Henri  de  Clausse  de 
Marcbaumont,  seigneur  deFIeury,  conseiller 
d'Etat,  et  de  Denise  de  Neuville  de  Villeroi 
Elle  épousa  en  premières  noces  Henri,  sei- 
gneur de  Foui,  gouverneur  du  Vexin;  mais 
ce  seigneur  étant  mort  six  mois  après  leur 
mariage,  elle  épousa  en  secondes  noces  Sa- 
lomon  de  Rélhune,  seigneur  de  Rosny,  gou- 
verneur de  Mantes  et  de  Meulan,  qui,  après 
deux  ans  et  demi  de  mariage,  la  laissa  en- 
core veuve  pour  la  seconde  fois  à  l'âge  de 
vingt-deux  ans. 

Une  si  grande  jeunesse  accompagnée  d'una 
parfaite  beauté,  soutenue  par  sa  noblesse  et 
par  ses  grandes  richesses,  lui  attira  les  cœurs 
de  plusieurs  seigneurs  de  la  cour,  qui,  se 
faisant  gloire  d'entrer  dans  son  alliance,  la 
recherchèrent  en  mariage;  mais  ce  fut  inu- 
tilement, car,  écoutant  les  inspirations  du 
ciel  et  désabusée  des  vanités  du  siècle  et  des 
grandeurs  de  la  terre,  elle  forma  le  dessein 
de  se  faire  religieuse  Feuillante  et  de  ne  plus 
aimer  que  Jésus-Christ,  auquel  seul  elle  vou- 
lait sacrifier  son  cœur,  et,  pour  accoutumer 
le  monde  à  l'oublier,  elle  se  retira  peu  à  peu 
de  la  cour,  n'y  paraissant  que  dans  les  occa- 
sions de  nécessité,  négligeant  celles  qui  n'é- 
taient que  de  bienséance.  Elle  passa  quatre 
ans  dans  cette  espèce  de  retraite,  s'adonnant 
à  la  pratique  des  vertus,  et  éloignant  d'elle 
tout  ce  qui  pouvait  s'opposer  à  ses  desseins; 
elle  fit  connaître  celui  qu'elle  avait  d'entrer 
en  religion,  afin  d'écarter  ceux  qui  pour- 
raient avoir  quelque  espérance  sur  la  pos- 
session de  son  cœur. 

Entre  ceux  qui  la  recherchaient  en  ma- 
riage ,  et  qui  se  mirent  en  état  d'empêcher 
qu'elle  ne  se  donnât  à  Jésus-Christ  ,  il  n'y 
en  eut  point  qui  lit  paraître  plus  d'ardeur 
que  le  maréchal  de  Marillac.  Son  auiorilé 
jointe  aux  mesures  qu'il  prenait  lui  faisant 
craindre  qu'il  n'empêchai,  ou  tout  au  moins 
qu'il  ne  retardât  considérablement  l'exécu- 
tion de  ses  bons  desseins,  elle  jugea  qu'il 
fallait  encore  dissimuler  quelque  temps  , 
pour  éviter  ses  oppositions  ot  les  surmonter 
par  adresse  ,  ce  qui  lui  réussit  parfaitement. 
lui  effet ,  lorsqu'elle  vit  qu'on  la  croyait  bien 
éloignée  de  ses  premiers  sentiments  de  re- 
traite, feignant  l'obligation  d'accomplir  un 
vœu  à  Notre-Dame  du  Puy  en  Auvergne, 
elle  partit  pour  Toulouse  avec  M.  de  Cou- 
rances,  son  cousin  germain,  qu'elle  avait 
engagé  à  raccompagner  dans  ce  voyage. 
Elle  y  arriva  le  7  août  1002,  et  se  relira  aux 
Feuillantes,  où,  à  l'exemple  de  madame 
Antoinette  d'Orléans  ,  qui  s'y  était  consacrée 
au  Seigneur  un  an  auparavant  ,  elle  reçut 
l'habit  le  15  septembre  de  la  même  année 
11102  ,  étant  pour  lors  dans  la  vingl-sixièmo 
année  de  son  âge.  Elle  fut  accompagnée 
jusqu'au  pied  des  autels  par  M.  de  Cou- 
rances,  qui,  élant  encore  resté  six  mois  à 
Toulouse  pour  voir  si  elle  ne  changerait  point 
de  résolution,  suivit  enfin  sou  exemple,  et, 
méprisant  tous  les  avantages  qu'il  pouvait 
prétendre  dans  le  monde, se  relira  dans  l'ab- 


FIT.  FI. F                                   2S2 

baye  de  Feuillans,  où  il  reçut    l'habit  et  y  li  re  en  prit  le  nom;  et  la  seconde  fut  consaé 
persévéra   jusqu'à   sa  mort   aussi  bien    que  crée  sous  le  litre  de  la  Sainte-Vierge;  mai- 
madame  de  Rosny,  qui  iiiourui  à  Taris,  où  le  rorps  de  saint  Benoit  ayant  été  transports 
elle  était  venue  pour  être  supérieure  de  la  du  mont Cassin  dans  cette  dernière,  elle  de- 
nouvelle     maison    qu'on    y    avait    établie,  vint  dans  la  suite  la  principale  église,  et  prit 
comme  nous  l'avons  dit  ci-dessus,  le   nom  de  Saint-Benoît.   Nous  avons  ci-de- 
Les  religieuses  Feuillanles  ont  les  mêmes  vant  parlé  de  cette   translation,  qui  S"  fit 
observances  mie  les  religieux   de  cet  ordre,  l'air  653  par  fabbé  Mommol,  qui  succéda  à 
et  elles  ont   toujours  été  sous   leur  juridic-  Rignmar  ;  et  depuis  ce  temps-là,  là  France 
tion  ,  ce   q'ù   leur   fui  accordé    par  le  pipe  a  toujours  |  ossé  :é  ces  saintes  reliques. 
Clément  VIII  par  sa  bulle  du  10  octobre  1606.  L'observance  régulière  fut  longtemps  en 
Ce  pontife  les  exempta  de    la   juridiction  de  \  ij;ut  nr  dans  ce  monastère.  On  y  enseignait 
Table  de  Cileaux  et  des  autres  Tères  de  Tor-  les  sciences  divines  et  humaines  ;  on   y  for- 
dre,  elles  soumit  immédiatement  à  celle  des  mait  les  enfants  à  tous  les  exercices  de  la 
Feuillants.  Quant  à  leur  habillement  il   est  piété   la  plus  exacte;    et  celte  maison,  qui 
aussi  semblable  à  celui  des  religieux  (1).  portait   bien  loin   la  bonne  odeur  de  Jésus- 
Mémoires  communiqués  par  le  R.  P.  dom  Christ,  était  en  grande  vénération  dans  tou- 
Mouchy  ,  religieux  de  cet  ordre.  tes    les  provinces  voisines;   mais  la   fureur 
FEUILLANTINES.  Voyez  Febillantes.  îles  Normands,  qui  désolaient  toutes  les  rô- 
FIDÉLITÉ  (Ordre  df.  la).   Voyez  Dragon  les  de  la   Loire,   obligea  les  religieux  d'en 
renversé.  sortir  pour  échapper  à  leur  cruauté,  et  d'em- 
MLLES  DE  LA  SAINTE-VIERGE.  Voyez  porter   avec  eux  le  corps  de  saint  Benoît, 
Purification.  qui  était    l'objet   le   plus  sensible   de  leur 
FILLES-DIEU  (diverses).  Voyez  Chanoi-  piété  et  dont  la  présence  animail  un  chacun 
nesses  nospiTALiÈuE-,  FoNTKVR ai lt.  à  la   pratique  de  tant  de  vertus   qu'il  avait 
F1NIAN  (Saint-).  Voyez  Irlande.  pratiquées  pendant  sa  vie.  Ces  barbares  y 

t  nu  "  x  inrent  l'an  b6o,  et,  le  trouvant  abandonné, 

FL!-.IT.Y,oi  DF.SAINT-BENOir-SlR-LOlh  ',  is   ,le  se   contentèrent    pas    d'emporter   ce 

de  SAIN  I  -I  EN1GNE-DE-DIJON,  lt  de  LA  (jll>j|s  purent ,  jls  mirent  encore  le  feu  aux 

CHAISE-DIEU  (  Ascilnnes  congrégations  bâtiments  ;  presque  tout    fut   renversé  ;  Té- 

DE  )■  glise  fut  réduite  en  cendres  ;  et  les  flammes 

Si  Ton  regarde   ics  abbayes  de  Marmou-  ayant  seulement  épargné  une  pailie  du  dor- 

lir.   de  Saint-Bénigne  de  Dijon,  de  Saint-  loir,  les  religieux  y  retournèrent,  le  firent 

Denis  et   de  la  Chaise-Dieu   en  France;  du  servir  d'oratoire,  et  y  mirent  les  reliques  du 

mont  Cassin ,    de  Cave  et  de  Cluze,   en  lia-  saint  en  attendant  que  Ton  eût  rebâli   una 

lie;   de  Fulde,    d'Hirsauge,  de  Bursfeld   en  autre  église. 

Allemagne,  et   plusieurs  autres,  comme  au-  Les  Normands  étant  retournés  à  Fleury 

tant  de  chefs  d'ordre  par  rapport  aux  mo-  Tan  SIS,  les   religieux,  qui  eurent  avis  de 

n  istires   qui    en    dépendaient    et    qui   for-  leur  marche,   s'enfuirent  à  Malrini  dans   le 

maient  avec  leur  chef  comme  une  espèce  de  Câlinais,  où  ils  crurent  être  en  sûrelé,  ayan', 

congrégation,   à  plus  file   raison  on  a  dû  emporié  avec  eux  tout  ce  qu'ils  avaient  de 

regarder  l'abbaye  de  Fleury  ou  deSaint-Be-  plus  précieux,   dont  ils  chargèrent  quantité 

noit-sur-Loire  comme  un  chef  d'ordre  ;  no  -  dp  chariots.   Ces  barbares  n'ayant  trouvé  à 

seulement  par  rapport  aux  monastères  qui  Fleury- que  les   quatre  muraiHcs,    suivirent 

lui  étaient  soumis,  mais  encore  à  cause  de  les  religieux  à  la  piste  des  chariots,   dans  lu 

la  prééminence  qui  lui   a  été  ace  rdée  par  dessein  de  les   massacrer  et  d'emporter  tout 

les  souverains  poulies   au-dessus  c'e  lous  ce  qu'ils  avaient   sauvé  de  leur  monastère. 

les  autres  monastères  ;  Léon  VII  Tayaut  ap-  Mais   l'abbé  Hugues,  qui  avait  été  chercher 

pelé  le  pn  mier  et  le  chef  de  tous  les  monas-  quelques  secours  en  Bourgogne ,    étant  sur- 

îères  :  Caput  ac  primas  omnium  eœnobiorwni  vtnu    comme   ces    barbares   se    disposaient 

e;  Alexandre  11   ayant  donné  la  qualité  de  pour  attaquer  les   religieux,   les  charge  i  si 

premier  des  abbés  de  France  à  l'abbé  de  ce  brusquement avi  cGirbord, comte  d'Auserre, 

monastère,  qui  a  en  effet  l'avantage  de  pos-  qui   s'était  joint  à  lui  avec  ses  troupes,  que 

séder  les  sacrées  reliques  de  saint  Benoit,  les  Normands  furent  tous  taii'és  en  pièces, 

patriarche  des  moitiés  d'Occident.  A  peine   en    resla-t-il   un    pour   porter  aux 

L'on    ne   peut  pas   marquer  positivement  a  aires  la  nouvelle  de  leur  défaite,  et  l'abbé 

dans  quelle  année  cette  célèbre   abbaye  fut  Hugues  avoua  qu'il  avait  vu  dais  le  combat 

bâtie  ;  il  est  néanmoins  certain  que  ce  lut  au  saint  Benoît,  qui  U'une  main  tenait  les  rén  s 

commencement  du   règne  du  jeune  Clovis,  de  ^n  chi  val,  et  de  l'autre  sun  bâton  paslo- 

fils  de  Dagohert,   qui  U-mna  par  échange  le  rai,  dont  il  avait  tué  un  grand  nombre  d'en- 

village  de   Fleury-sur-Loire   pour   la    terre  nemis.   Diederic,  moine  d'Hersfeld  en  Alle- 

d'Alligny    à   LéoUebold,   évêque   d'Orléans,  magne,    qui    avait    demeuré    longtemps   à 

qui  fit  bâtir  à  Fleury  deux  églises  et  un  mo-  Fleury,    rendant    coin;  te  à   Richard,   abbé 

naslère  dont    il  donna   le  gouvernement   à  d'Amerbach,  de  ce  qui   avait   donné  lieu  île 

Rigomar,  qui  en  fut  premier  abbe.   La  pre-  célébrer,  le  k  décembre,  la  fêle  de  Filiation 

mière  et  la  principale  de  «es  églises  Lit  dé-  ou  du  retour  de  saint  Benoit,  dit  que  ce  fut 

(liée  à  saint  Pierre,  te  qui  lit  que  ce  monas-  le  retour  solennel  de  ces  reliques  qui  furent 

(4)  î'ojr.,  à  U  fin  du  vol.,  u°  61. 


£;3                                          DICTIONNAIRE  DES  CKDRES  RELIGIEUX.  2S1 

apportées  à  Fleury,  après  avoir  élé  quelque  (emps.  Le  comte  Elisianl,  ayant  pris  avec 
temps  dans  l'église  de  Sainl-Aignan  à  Or-  lui  deux  autres  rouîtes  et  deux  évêques,  ac- 
léans,  pour  les  mettre  à  couvert  de  la  fureur  compagna  saint  Odon  à  Fleury  ;  mais  1rs 
des  Normands,  dont  il  rapporte  une  sem-  religieux  à  leur  arrivée  s'armèrent  comme 
Diable  défaite  proche  d'Angers  par  le  comle  s'ils  eussent  eu  encore  à  combattre  les  Nor- 
Gistolfe,  avoué  de  cette  abbaye,  après  que  mands  ou  des  païen».  Ils  se  barricadèrent  et 
ces  barbares  l'eurent  encore  pillée  et  tué  montèrent  sur  les  toits,  d'où  ils  jetèrent  une 
soixante  religieux:  mais  il  y  a  lieu  d'eu  grêle  de  pierres  sur  ceux  qui  voulurent  ap- 
douter.  procher;  d'autres,  armés  d'épées  et  de  bou- 
Les  mêmes  Normands  eurent  plus  de  res-  cliers,  défendaient  les  avenues  de  l'abbaye 
pect  p'Ur  ce  lieu  dans  la  .suite;  car,  sous  en  protestant  qu'ils  mourraient  plutôt  que 
l'abbé  Lambert,  l'an  909,  Ilaynaud,  qui  de  recevoir  un  abbé  d'un  autre  monastère, 
commandait  une  flotte  de  res  peuples,  qui  Trois  jours  se  passèrent  ainsi,  lorsque  saint 
étaient  encore  infidèle»,  parcourant  tous  les  Odon,  inspiré  de  Dieu  el  contre  le  conseil 
rivages  de  la  Loire,  où  il  mettait  tout  à  feu  des  évêques  et  des  seigneurs  dont  il  était 
et  à  sang,,  étant  arrivé  à  Fleury,  trouva  accompagné,  qui  lui  persuadaient  de  ne  pas 
le  monastère  abandonné  de  tous  les  reli-  s'exposer  à  la  fureur  de  ces  mutins,  monta 
gieux,  qui  s'étaient  retirés,  après  avoir  en-  sur  son  âne  et  alla  droit  au  monastère,  où, 
core  emporté  avec  eux  le  corps  de  saint  Be-  par  une  espèce  de  miracle,  ceux  qui  s'op- 
noît.  Comme  ce  général  durmait  dans  le  posaient  le  plus  à  son  entrée  \inrent  au- 
dorloir  des  frères,  l'on  prétend  que  saint  devant  de  lui,  el,  plus  doux  que  des  agneaux, 
Benoit  s'apparut  à  lui,  et  que  l'ayant  frappé  le  reçurent  avec  beaucoup  de  soumission, 
de  son  bâton,  il  le  reprit  sévèrement  de  ce  Ma. s  lorsque  l'on  proposa  de  retrancher 
qu'il  inquiétait  ses  religieux,  et  lui  dit  qu'en  l'usage  de  la  viande  et  de  bannir  la  pro- 
punilion  de  ses  cruautés  il  mourrait  bien-  pri été,  les  murmures  recommencèrent.  Il  y 
tôt;  ce  qui  arriva  en  effet  peu  de  temps  eut  de  nouvelles  disputes  beaucoup  plus  for- 
après.  Rainaud  étant  éveillé,  fit  au  plus  tôt  tes  el  plus  animées.  Il  n'y  cul  que  la  con- 
sortir  ses  soldats  du  monastère;  et  Rollon,  stance  du  saint  abbé  qui  put  mettre  à  la  rai- 
duc  des  Normands,  ayant  su  ce  qui  était  ar-  sou  ces  desobéissants  ;  el  Dieu  par  un  mira- 
ri\é  a  son  général,  non-seulement  épargna  cle  fit  connaître  combien  l'abstinence  de  la 
ce  monastère  lorsque  peu  de  temps  après  il  viande  lui  était  agréable;  car  un  jour  do 
alla  faire  une  incursion  en  Bourgogne,  mais  Saint-Benoit  que  le  poisson  manqua,  les  re- 
encore,  en  considération  de  saint  Benoît,  il  ligieux  en  trouvèrent  abondamment  dans  un 
empêcha  que  ses  gens  ne  fissent  aucun  tort  marais  voisin,  où  il  n'y  avait  jamais  eu  que 
au  pays  d'alentour.  des  grenouilles.  Enfin  ils  reprirent  les  ob- 
II  était  impossible,  au  milieu  de  tant  de  servances  régi  Mères ,  qui  furent  observées 
désordres  que  les  religieux  pratiquassent  dans  ce  monastère  avec  tant  d'exactitude, 
les  observances  régulières.  Ils  tombèrent  in-  que  l'on  y  vint  de  plusieurs  endroits,  et 
sensiblement  dans  le  relâchement,  qui  dans  même  d'Angleterre,  chercher  des  religeux 
la  suite  s'augmenta  de  telle  sorte,  que  l'an  pour  les  enseigner  à  d'autres  monastères, 
83J  on  ne  trouvait  plus  à  Fleury  aucun  comme  à  Saint-Pierre  de  Chartres,  à  Saint- 
veslige  de  ces  pratiques  de  religion  si  sain-  Vincent  de  Laon,  à  Saumur,  à  Saint-Pierre 
les  et  si  sages  qu'on  venait  autrefois  admi-  de  Sens,  à  Saint  Eure  de  Toul ,  et  à  quel- 
rer  dans  ce  monastère.  Les  religieux,  que  la  ques  autres,  tant  en  France  qu'en  Angle- 
crainte  des  Normands  avait  obliges  de  fuir  cl  terre.  Mais,  quoique  cette  abbaye  eût  été  ré- 
d'aller  de  côté  et  d'autre,  étaient  à  la  vérité  formée  par  un  abbé  de  Cluny,  elle  ne  lui  fut 
retournés  à  Fleury;  mais,  quoiqu'ils  fus-  pis  pourtant  soumise, non  plus  que  plusieurs 
sent  unis  de  corps,  ils  étaient  bien  divisés  autres  qui  furent  aussi  réformées  par  des 
li'esprit  el  n'avaient  rien  de  commun  que  le  religieux  de  C!uny.  Le  comte  Elisianl  , 
vice.  Chacun  était  propriétaire,  on  ne  savait  voyant  la  discipline  régulière  bien  établie  à 
plus  ce  que  c'était  que  l'abstinence  de  la  Fleury,  se  mit  lui-même  sous  la  conduite  de 
viande  ;  on  ne  connaissait  plus  le  silence  ;  sa  nt  ÔJon  l'an  Cil,  i  t  prit  l'habit  monasli- 
ils  voulaient  tous  commander,  personne  ne  que  dans  ce  monastère,  auquel  il  donna  une 
voulait  obéir,  et  on  se  mettait  peu  en  peine  terre  considérable  qu'il  avait  dans  le  Gâ- 
de  la  règle  de  Saint-Benoît.  tinais. 

Tel  était  l'état  déplorable  de  celle  maison,  Il  paraît,  par  les  anciennes  coutumes  nui 

lorsque  le  comle  Elisiard,  animé  du  zèle  de  étaient   en  pratique  dans  celte  abbaye,   que 

la  maison  de   Dieu,  obtint  celte  abbaye  du  le  P.   Jean   Dubois  nous  a  données  dans  sa 

roi  Rodolphe  ou  Baoul,  dans  l'intention  de  bibliothèque  de  Fleury,    que   l'on   y    faisait 

la  reformer  et  d'y  rétablir  la  discipline  ré-  beaucoup    d'aumône--.    Le  jeudi    saint    on 

gulière,   ne   pouvant   plus    souffrir  que  des  chantait     une     grand'messe    à     l'autel     de 

moines,  qui  ne  portaient  pas  seulement  l'ba-  Sainte-Croix,   à    laquelle  devaient    assister 

bit  de  l'ordre  de  Saint-Benoît  vécussent  plus  cent  pauvres,  à  chacun  desquels  on  donna  t 

longtemps   dans   le  dérèglement.    Mais,   ne  une  hostie  non  consacrée,  el  après  la  messe, 

pouvant  pas  de  lui-même  corriger  ces  abus,  on   les    faisait    manger.    Ils   devaient   avoir 

il  en  commit  le  soin  à  saint  Odon,  abbé  de  deux   pitances  ,   l'une  de   fèves,   l'autre   de 

Cluny,   qui   était    pour   lors   au   monastère  millet.  Après  le  dîner  des  religieux,   l'abbé 

d'Aurillac en  Auvergne,  que  le  bienheureux  lavait  les  pieds  et  les  mains  à  douze  pau- 

Gcrard  avait  fait  bitir  il  n'y  avait  pas  Io:-g-  vrcs,  cl  leur  donnait  du  pain,  du  vin,  deux 


SS3  FI. F, 

harengs,  el  douze  deniers  ;  et  le  même  jour 
on  donnait  encore  du  pain  el  du  vin  à  tous 
ceux  qui  se  présentaient.  On  faisait  aussi 
une  aumône  générale  le  jour  de  la  Pente- 
côte ;  on  donnait  encore  à  manger  à  cent 
pauvres,  qui  devaient  avoir  du  pain,  du  via 
el  de  la  viande;  et,  le  jour  de  la  Commé- 
moraison  des  Morts,  on  taisait  aussi  une  au- 
mône générale  de  blé.  La  manière  d'élire 
l'abbé  est  prescrite  dans  ces  anciennes  cou- 
tumes, où  il  est  marqué  que  l'abbé  élant 
élu,  pouvait  se  faire  bénir  par  tel  évèque 
que  bon  lui  semblait,  excepté  par  l'évêque 
d'Orléans  et  par  l'archevêque  de  Sens.  Il  y  a 
de  l'apparence  qu'ils  ne  se  taisaient  pas  bé- 
nir par  l'évêque  d'Orléans,  à  cause  des  dif- 
férends qu'ils  avaient  souvent  avec  ce  pré- 
lat, qui  prétendait  avoir  juridiction  sur  ce 
monastère;  ni  par  l'archevêque  de  Sens,  à 
cause  qu'il  était  le  métropolitain.  L'on 
trome  aussi  après  ci  s  anciennes  couiumes 
de  Fleury  une  taxe  faite  par  l'abbé  Macaire 
sur  tous  les  prieurés  et  les  prévoies  de  la 
dépendance  de  celle  abbaye,  pour  avoir  des 
livres  pour  la  bibliothèque;  et  il  parait  que 
cette  abbaye  avait  pour  lors  Irenle  prieurés 
et  prévôtés,  du  nombre  desquels  étaient  les 
prieurés  de  la  Riole,  du  Saux  en  Limagne, 
de  Perrery  en  liourgogne,  de  Sancerre,  de 
Vailly-sur-fiien,  de  Sainl-Brisson,  de  Saint- 
Aignan,  d'Elampes,  d'Anecourl,  de  la  Chèze 
en  Sologne,  de  Lauris,  el  de  la  Cour  de  Ma- 
rigny.  Mais  il  y  a  erreur  en  la  date  de  celte 
taxe,  que  le  P.  Dubois  marque  être  des  ca- 
lendes de  mars  13VG,  la  dixième  année  de 
Louis,  roi  de  France  et  duc  d'Aquitaine; 
puisque  Philippe  de  Valois  régnait  pour  lors. 
Il  y  avait  aussi  sans  ('ouïe  des  abbayes  qui 
dépendaient  de  Fleury,  puisque  le  moine  Ai- 
moin,  dans  la  Vie  de  saint  Abbon,  abbé  de  ce 
monastère,  qui  fut  tué  l'an  100i,  dit  que  la 
douleur  qu'on  eut  de  sa  mort  augmenta  par 
l'arrivée  d'un  grand  nombre  d'abbés,  qui  ve- 
naient pour  la  fêle  de  saint  Benoit,  qui  se 
célébrait  au  mois  de  décembre,  dont  il  y  en 
avait  qui  avaient  été  mandés  pour  pourvoir 
au  bon  ordre  de  la  congrégation,  et  d'autres 
qui  étaient  venus  pour  consulter  saint  Ab- 
bon,  entre  lesquels  était  saint  Odilon,  abbé 
deCluny;  et  que  le  chagrin  que  ces  abbés 
firent  paraître  de  ne  plus  trouver  saint  Ab- 
bon, renom ela  la  douleur  de  ces  religieux 
il'étre  privés  d'un  tel  pasteur. 

Les  calvinistes,  dans  le  seizième  siècle, 
n'eurent  pas  pour  celle  abbaye  les  mêmes 
égards  qu'avaient  eus  les  Normands,  quoi- 
qu'infidèles  it  païens.  Le  cardinal  Odel  de 
Châtillon,  qui  eu  était  abbé  commendataire, 
y  envoya  après  son  apostasie,  arrivée  l'an 
loG2,  son  intendant  avec  des  soldats,  pour  eu 
emporter  les  vases  sacrés  el  tout  ce  qui  était 
dans  le  trésor.  Joubert,  qui  en  était  prieur, 
«iblint  seulement  de  l'intendant  les  reliques 
de  saint  Benoit;  mais  la  châsse  d'or  qui  les 
enfermait  fut  brisée  et  emportée,  aussi  bien 
qu'un  reliquaire  d'argent  où  était  un  osse- 
iiient  de  la  cuisse  de  saint  Sébastien,  que  le 
chantre  de  celte  abbaye  sauva  heureusement 
des  mains  sacrilèges  de  ces  hérétiques    Les 


FI. F 


286 


salelliies  de  ce  cardinal  apostat  avaient 
laissé  les  autres  reliques,  qui  étaient  d&nt 
des  châsses  de  bois  doré;  mai»  la  même  année 
le  prince  de-  Onde,  étant  à  Orléans,  envoya 
derechef  des  soldais  à  Fleury  pour  enlewr 
c  i  que  les  gens  du  cardinal  avaient  épargné. 
Les  reliques  furent  profanées  et  foulées  aux 
pieds,  tous  les  ornemenis  de  l'église  furent 
pillés,  el  les  calvinistes  firent  le  prêche  et  la 
cène  dans  l'église.  Le  corps  de  saint  Benoit 
fut  néanmoins  à  couvert  de  leurs  insultes, 
aussi  bien  que  la  relique  de  saint  Sébastien; 
mais  la  plus  considérable  perte  que  souffrit 
ce  monastère  (où  l'on  enseignait  autrefois 
les  sciences)  fut  celle  des  manuscrits,  qui 
furent  brûlés,  déchirés  ou  dispersés,  dont  le 
nombre  était  très-grand  :  ce  qui  n'est  pas 
difficile  à  concevoir,  puisque  ses  écoles 
étaient  en  si  grande  recommandation,  qu'il 
s'y  est  trouvé  jusqu'à  cinq  mille  écoliers,  et 
que  chacun  d'eux  donnait  par  reconnais- 
sance deux  volumes  à  la  bibliothèque. 

A  l'abbaye  de  Fleurv  ou  de  Saint-Benoît- 
sur-Loire,  nous  joindrons  celle  de  Saint- 
Bénigne  de  Dijon,  el  de  la  Chaise-Dieu- L'on 
ne  peut  guère  refuser  le  litre  de  chef  d'ordre 
à  celle  de  Saint-Bénigne,  puisque  outre  les 
prieurés  qui  en  dépendaient,  sainl  Guillau- 
me, l'un  de  ses  abbés,  présidait  sur  plus  de 
quarante  abbayes  qu'il  réforma.  Saint-Bé- 
nigne de  Dijon  fut  fondé  au  commencement 
du  sixième  siècle  par  Grégoire,  évoque  de 
Langres,  qui,  ayant  trouvé  les  reliques  de 
ce  saint  martyr,  en  fit  la  translation,  et  bâtit 
autour  de  son  tombeau  une  église  et  un  mo- 
nastère, qu'il  dota  de  son  propre  bien  et  de 
quelques  terres  de  son  évêçhé.  Gonlran,  roi 
de  liourgogne,  en  augmenta  consi  '.érablement 
les  revenus.  Ce  priuce,  ayant  fondé  l'abbaye 
de  Saint-Marcel  près  de  Châlons,  voulut  que 
celle  abbaye  et  celle  de  Saini-P.énigne  fussent 
associées  à  celle  de  Saint-Maurice  d'Agaune, 
dont  il  voulut  qu'elles  gardassent  les  cou- 
tumes, tant  à  l'égard  de  la  psalmodie  conti- 
nuelle qu'à  l'égard  des  autres  observances. 

Les  moines  de  Saint-Bénigne  tombèrent 
dans  la  suite  comme  les  autres  dans  le  relâ- 
chement. A  peine  dès  le  neuvième  siècle  y 
restait-il  enrore  quelques  traces  des  obser- 
vances régulières  qu'on  y  avait  autrefois  ad- 
mirées. Ils  avaient  même  honte  de  porter  le 
nom  de  moines,  et  se  faisaient  appeler  clercs, 
par  un  esprit  de  vanité.  Herlogaud,  qui  en 
était  abbé,  y  rétablit  pourtant  avec  beaucoup 
de  peine  la  discipline  régulière  l'an  819,  et 
fit  reparer  l'église  ;  mais  sous  le  règne  de 
Charles  le  Chauve,  roi  de  Franc.-,  ce  mo- 
nastère se  trouvait  encore  en  si  mauvais 
ordre,  que  le  grand  nombre  de  religieux  qui 
y  était  autrefois  était  presque  réduit  à  dix, 
qui  vivaient  dans  un  étrange  dérèglement. 
Isaac,  évèque  de  Langres,  le  répara  une  se- 
conde fois,  et  y  fit  venir  des  religieux  plus 
réguliers  cl  plus  exemplaires,  auxquels  il 
permit  d'élire  un  abbé,  conformément  à  la 
règle  de  Saint-Benoît.  Le  relâchement  s'v 
élTnt  glissé  encore  dans  la  suite,  Bruno, 
évèque  de  Langres,  n'oublia  rien  pou'-  faire 
rétourn  r  les    religieux   dans  leur   premier 


237                                          DICTIONNAIRE  DES  OUDRES  RELIGIEUX.  2,SS 

Étal;   mais  ses  efforls   ayant  clé  inutiles,  il  Brioude,  dont  il  fut  clerc  et  ensuite  clianoi- 
s'adressa  à  saint  Mayeul,  abbé  de  Cluny,  qui,  ne;  mais   voulant  renoncer  entièrement  au 
étant  en  ce   temps-là  le  restaurateur  de  la  monde,  il   se  mit   en  chemin  pour  aller  au 
vie  monastique,  lui  arcorda  douze  religieux  monastère  de  Cluny,  dans  le  dessein  d'y  preu- 
il'une  éminenle  piété  pour  remellre  la  régu-  dre  l'habit;  mais  ses  amis  et  ses  domestiques, 
larilé  cl  le  bon  ordre  dans  celle  maison.  Ils  ayant  appris  son  départ,  coururent  après  lui 
arrivèrent  à  Saint-Bénigne   le  25   novembre  et  le  ramenèrent:  ce  qui   lui  donna  tant  de 
de   l'an  989,   auquel   comme  on  célébrait  la  chagrin,  qu'il  en  tomba  malade.  Ayant  re- 
lète  de  la  Translation  de  ce  saint  martyr,  ils  couvre  sa  santé,  il  alla  à  Rome,  et  à  son  re- 
ussistèrent  avec  une  piété  édifiante  à  l'office  tour,  voulant  exécuter  le  dessein  qu'il  avait 
de  matines.  Les  anciens    religieux  aimèrent  toujours  conservé  de  se  retirer,  s'étant  asso- 
uiicux  abandonner  le  monastère  que  de  se  cié  deux  jeunes  gentilshommes,,  ils  allèrent 
soumettre  aux  observances  régulières  ;  ceux  dans   une   solitude,    et  s'arrêlèrent    auprès 
de  Cluny  s'y  tirent  admirer  par  la  sainteté  du  d'une  église  à  demi-ruinée.  Ils  obtinrent  ce 
leur  vie;  et  cette  abbaye,  qui  avait  été  désho-  lieu   de   deux  chanoines  du  Puy  en  Vélay  , 
norée  par  la  corruption  des  mœurs  de  ceux  auxquels   il  appartenait,    le  défrichèrent  et 
qui  y  demeuraient,  devint  une  école  de  vertu  y  bâtirent  de  petites  cabanes.  Robert  encou- 
par  ia  sage  conduite  de  ceux  qui   y  étaient  rageait    ses  deux  disciples,  et,  tandis  qu'ils 
nouvellement  venus.  travaillaient  de  leurs  mains   pour  avoir  de 
Saint  Mayeul  y  nomma   pour   abbé  saint  quoi  subsister,  il  s'appliquait  à  la  lecture  cl 
Guillaume,  etjamais  celte  abbaye  ne  fut  plus  à  la  prière  pour  avoir  de  quoi  les  instruire, 
florissante  que   sous  son  gouvernement.  Sa  Ils  avaient  néanmoins  les  heures  marquées, 
réputation  se  répandit  de  tous  côtés.  Henri,  tant  de  jour  que  de  nuit,  pour  faire  leurs 
roi  de  Bourgogne,  lui  donna  la  conduite  de  prières  en  commun  dans  un   oratoire.  Les 
l'abbaye  de  Saint-Vincent  de  Vergi,  où  il  ré-  habitants  desenvirons,  s'opposant  à  kurdes- 
lablit  en  peu  de  temps  la  vie  régulière,  aussi  sein,  les   incommodaient    beaucoup  et   les 
bien  qu'à  Iièze,  à  Héomai,  à  Saint-Michel  de  chargeaient  même  d'injures  el  de  menaces  : 
Tonnerre,  à  Molome  et  dans  plusieurs   au-  mais  la  patience  et  la  charité  de  Robert  et 
1res   monastères   qui    le  demandèrent    pour  de  ses  compagnons  adoucirent  tellement  ces 
supérieur;  comme  ceux  de  Fécamp,  de  Saint-  esprits  farouches,  qu'il  y  en  eut  plusieurs 
Gcrraain-des-Prés  à  Paris,  de  Saint-Arnoul  qui  se  joignirent  à  eux.  Leur  nombre  s'aug- 
de  Melz,  de  Saint-Eure  de  Toul,  de  Gorze,  mentant,  l'observance  régulière  se  pratiquait 
du  Mant-Sainl-Michel,  de  Jumiége,  de  Saint-  avec  plus  de  ferveur  :  en  sorte  que  ce  lieu 
Ouen,  de   Bernay,  et  plusieurs  autres,  qu'il  acquit  en  peu  de  temps  beaucoup  de  réputa- 
réforma  pareillement,  se  trouvant  en  même  lion,  et  qu'il  fallut  y  bâlir  un  monastère.  Les 
temps   supérieur  de  plus  de  quarante  mo-  fondements  en   furent  jetés  l'an  10VG;  il  fut 
nastères,   entre    lesquels  fut  aussi  celui   de  promplemenl  achevé  par  les   libéralités  de 
Frùcluaro  en  Piémont,  qui  avait  été  bâti  par  plusieurs  personnes  qui  y  contribuèrent.  L'an 
ses  p;.rrnts   sur  leur    terre,  ce  saint  étant  1052,1e  bienheureux  Robert  le  fit  ériger  en 
originaire  de  ce  pays.  Il  est  même  surpre-  abbaye,  et  il  en  fut  le  premier  abbé.  Cette  ab- 
nant  qu'il  ail  eu  un  si  grand  nombre  de  dis-  baye  devinl  en  peu  de  temps  si  recomman- 
dées pour  envoyer  en  tanl  de  monastères  ,  dable,  qu'il  eut  sous  sa  conduite  jusqu'à  Irois 
voulant  qu'il  y  en  eût  toujours  dans   celui  cents  religieux;  et  il    répara  environ  cin- 
dc  Dijon  plus  de  quatre-vingts.  Cette  abbaye  quanle  églises   abandonnées   depuis    long- 
eut   encore  besoin  de  réforme  dans  la  suite  ;  temps.  Ce  monastère, qu'on  nommait  dès  lors 
mais   à   présent  que  les  Bénédictins  de  la  la  Chaise-Dieu,  en  latin  Casa  Dei,  c'est-à-dire 
congrégation   de    Saint-Maur    la    possèdent  la  maison  de  JJieu,  devint  dans  la  suite  chef 
depuis  l'an  1651,  l'on  y  voit  revivre  le  véri-  d'ordre   et  une    congrégation    de   plusieurs 
table  esprit  de  saint  iienoît,  aussi    bien  que  monastères  qui  en  dépendaient,  d'où  sorti- 
da'us  les  autres  maisons  qu'ils  ont  réformées,  renl  plusieurs  personnages  illustres.  Robert 
du  nombre  desquelles  sont  celles  de  Fleury,  mourut   l'an   1007,  et   il  est  honoré  comme 
de  Saint-Benoit-sur-Loire,  dont  nous  avons  saint.  Entre  les  prieurés  qui  dépendaient  de 
ci-devant  parlé,  cl  la  Chaise-Dieu,  dont  nous  ce  monastère,  il  y  en  avait  quelques-uns  en 
allons  rapporter  l'origine.  Lspàgne,  dont  celui  de  Saint-Jean  de  Burgos, 
Cette  abbaye,  qui  a  été  encore  regardée  qui  fut  érigé  en  abbaye,  est  encore  à  présent 
connue  chef  d'ordre,   eut  pour  fondateur   .e  un  ries  plus  considérables  de  la  congrégation 
bienheureux  Robert,  chanoine  de  Saint- Ju-  de  Valladolil,  à  laquelle  il  a  été  uni,  comme 
lien  de  Rrioude,  qui  se  relira,  l'an  10V3,  dans  nous  le  dirons  en  parlant  de  cette  congréga- 
un  éi  mitigé  pour  y  vivre  dans  la  retraite  el  lion.  Le  prieuré  de  Montaubandans  le  Querci 
séparé   du  commerce  des  hommes.   Il  était  éiait  si  riche,  que  le  pape  Jean  XXII 1  érigea 
originaire  d'Auvergne,  d'une  famille  noble,  en  évccbô,  et  fit  le  prieur  premier  évéque. 
qui  éiail  la  même  dont  était  sorti  le  bienbeu-  Clément  VI  avait  élé  religieux  de  la  Cbaisc- 
reux   Géralde,    comte  d'Aurillac.    Sa  mère,  Dieu;  il  avait  toujours  conservé  beaucoup 
étant  grosse  de   lui,  et  se   trouvant  pressée  d'affection  pour  celte  maison,  où  il  avait  fait 
des   douleurs   de  l'enfantement,   le    mit  au  profession,  el  il  voulut  même  y  élre  enterré, 
monde   dans   une   solitude,   comme   par    un  11  fut  inhumé  au  milieu  du  chœur  de  l'église, 
présage  que  celui  qu'elle  venait  de  melire  au  dans  un  supeibe.  mausolée  ;  mais  les  hèréli- 
monile  devait  un  jour  aimer  la  solitude.  Il  ques,  environ  l'an  1SR3,  étant  entrés   dans 
lui   élevé   dans   l'église    de   Saint-Julien   de  cette  église,  où  ils  commirent  beaucoup  d'un- 


2PS  FOI 

piétés,  la  ruinèrent  entièrement  et  pillèrent 
le  monastère,  où  tes  Bénédictins  Réformés 
de  la  congrégation  de  Saiut-Maur  l'arcnl  in- 
troduits l'an  1640. 

Voyez  Joaun.  à  Bosco,  Biblioth.  Floria- 
cen.  Bulteau,  ilist.  de  l'Ordre- de  Saint-Be- 
noit. Joan.  Manillon,  Annal.  Bênéd.  f  Act. 
SS.  Fleury,  Hist.  eccUs.  lom.  XII  :  et  Yepez, 
Chronique  générale  de  Vordrede  Saint-Benoit. 

FLORE  (Congrégation  de).  Voyez  BER- 
NARD (CONGRÉGATION  Dt  SAINT-). 

FOI  DE  JESUS-CHRIST,  de  la  PAIX,  et 
de  la  FOI,  en  France  (Chevaliers  de  la). 

Nous  joindrons  ensemble  les  chevaliers  de 
la  Foi  de  Jésus-Christ  en  France  et  en  Italie  , 
dont  on  ne  connaît  point  l'origine.  Il  y  a 
bien  de  l'apparence  néanmoins  que  les  uns 
el  les  autres  ont  pris  naissance  dans  le  temps 
des  croisades  que  l'on  entreprit  contre  les 
Albigeois.  Ceux  de  France  nous  auraient  été 
inconnus  si  nous  n'avions  trouvé  dans  le 
neuvième  volume  des  manuscrits  de  M.  Du- 
chêne  le  père,  qui  sont  à  la  bibliothèque  du 
roi,  des  lettres  du  P.  Savary  ,  grand  maître 
de  l'ordre  de  la  Foi  de  Jésus-Christ,  en  date 
du  5  février  1220,  par  lesquelles  il  s'engage 
avec  les  chevaliers  de  cet  ordre  de  défendre 
la  personne  et  les  terres  d'Amauri  de  .Mont- 
fort,  comte  de  Narbonne  et  de  Toulouse,  cou» 
tre  ses  ennemis;  de  faire  la  guerre  aux  hé- 
rétiques el  à  ceux  qui  se  révolteraient  contre 
l'Eglise  romaine;  el  au  cas  que  quelques  per- 
sonnes, soit  catholiques  ou  autres,  fissent  la 
(.•lierre  à  ce  comte  ,  de  lui  donner  retraite 
dans  leurs  châteaux  et  sur  leurs  terres;  de 
ne  favoriser  en  aucune  manière  ses  ennemis, 
et  de  ne  recevoir  aucune  tene  qui  pourrait 
relever  de  ce  prince  sans  sa  permission,  ex- 
cepté les  aumônes  que  l'Eglise  leur  pourrait 
accorder.  Voici  la  teneur  de  ces  lettres. 

F.  P.  Salariais  humilie  et  pauper  magister 
militiœ  ordinis  Fidei  Jesu  Christi  universis 
hominibus  ad  qttos  pressentes  littero?  pervene- 
rint,  salutem  in  Domino.  Noveril  universitas 
veslra  quod  concilia  et  assensu  fratrum  no- 
strorum,  nos  et  omnes  fratres  nostri  roneessi- 
mus  domino  Amalrico  Dei  providentiel  duei 
Xarbonœ,  comili  Tolosœ  el  L> i/ce<liiœ,  Mon- 
tisfortis  domino,  et  omnibus  heredibus  suis, 
euccursum  et  adjuvamen  nosirnm  ad  defen  'en* 
dum  et  observandum  corpus  suum  et  terram 
siaim  pro  posse  nosti  o,  bona  fide,  et  ad  gui- 
rendum  et  destruendum  rebelles;  et  si  forte 
aliquœ  gentes,  sive  sint  Christianœ  vil  aiiee, 
contra  dominuni  comitem  guerram  aul  bcl- 
tum  promoverint,  nos  ipsum  in  negotiis  suis, 
in  castris,et  villis  nostris  firmiier  reciperemus, 
et  contra  ipsum  juvamen  vel  auxilium,  aut 
consilium  alicui  personœ  nullo  modo  prœsta- 
remus  et  de  cœtero  suam  terrain  vel  feoda  sua 
non  possumus  sumere  absque  sui  licentia, 
exceptis  helemosinis  rationabilibus  quas  son- 
da Ecclesia  concedere  et  clonarc  polcrit. 
Quod  ut  firmum  sit  et  stabile ,  sigilli  vostri 
munimine  lias  litteras  corroboramus  anno 
M.  CC.  XX.  incarnaliunis  Domini,  nonis  Fe- 
bruarii.  M.  Duchêne,  qui  a  transcrit  lui- 
même  ces  lettres  sur  l'original,  dit  qu'elles 


sont  scellées  d'un  sceau  de  cire  jaune  où  est 
représenté  un  homme  à  cheval,  tenant  à 
la  main  un  écusson  dans  lequel  il  y  a  une 
croix. 

11  se  peut  faire  que  cet  ordre  fut  uni  quel- 
ques années  après  à  un  antre  ordre  sous  le 
nom  de  la  Paix,  qui  lui  institué  l'an  1229  par 
Améneus  ,  archevêque  d'Auch  ,  l'évêque  de 
Cominge,  les  autres  prélats  et  seigneurs 
de  Gascogne,  pour  réprimer  les  violences  des 
brigands  nommés  routiers,  les  entreprises  des 
Albigeois,  et  ceux  qui  retenaient  les  biens 
ecclésiastiques.  Cel  ordre  fut  aussi  nommé 
Vordre  delà  Foi  et  de  la  Poix,  et  fut  confirme 
par  le  pape  Grégoire  IX  l'an  1230.  Il  subsista 
jusqu'en  l'an  1261,  que  Guillaume  de  Marra, 
qui  en  élait  grand  maître,  et  un  autre  reli- 
gieux de  cet  ordre,  le  voyant  réduit  à  un  pe- 
tit nombre,  et  qu'il  n'y  avait  pas  d'apparence 
de  le  réformer  ,  passèrent  à  l'ordre  de  Ci- 
teaux  ,  firent  les  vœux  dans  l'abbaye  de 
Feuillans  .  et  en  vertu  du  pouvoir  que  le 
grand  maître  avait  reçu  des  autres  cheva- 
liers, ils  consenlirent  que  la  terre  de  Roque- 
Roquette  ,  qui  appartenait  à  l'ordre  de  la 
Paix,  fût  unie  à  l'abbaye  de  Feuillans. 

FOI  DR  JESUS-CHRIST,  et  de  la  CROIX 
DE   SAINT  PIERRE  MARTYR  (Chevaliers 

de  la). 

Nous  apprenons  par  le  livre  qui  a  pour  ti- 
tre :  Scudo  inespugnabile  de  Gavàglieri  di  santa 
fede,  délia  Croce  di  son  Pieti  o  Martyre,  com- 
posé par  le  P.  Jean-Marie  Cannepano  de  l'or- 
dre de  Saint-Dominique,  et  imprime  à  Milan 
l'an  1579,  qu'il  y  a  eu  dans  les  diocèses  de 
Milan,  d'Ivrée  et  de  Verceil,  des  personnes 
qui  prenaient  la  qualité  de  chevaliers  de  la 
Foi  et  de  la  Croix  de  saint  Pierre  martyr. 
Mais  ce  n'était  apparemment  qu  une  asso- 
ciation de  personnes  dévoies  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe,  qui  en  recevant  une  croix  fai- 
saient vœu  de  porter  cette  croix  en  l'hon- 
neur de  Notre-Seigneur  Jé-us-Christ  pour 
l'exaltation  de  la  foi  catholique  el  la  destru- 
ction des  hérétiques,  qui  s'engageaient  d'ex- 
poser leur  vie  et  leurs  biens  pour  la  défense 
de  la  même  foi,  lorsqu'ils  en  étaient  requis, 
et  d'obéir  à  l'inquisiteur  el  à  ses  vicaires  en 
loul  ce  qui  concernait  l'inquisition,  comme 
il  est  marqué  dans  la  formule  de  ce  vœu 
qu'ils  prononçaient  en  ces  termes  :  Ego  fa- 
do votum  lieo,  B.  Mariœ,  et  B.  Petro  mar- 
tijri,  accipiendi  el  portandi  crucem  ad  hono- 
remJesu  (.hrisii  Domini noslri,  fidei  catholicœ 
e.caltationcm,  et  hœreticorum  eor unique  fau- 
torum  exierminiuin  in  tota  diiecesi  Âlediota- 
nensi;  el  promitto  exponere  subslanliam  meam 
temporalem  et  vilain  propriam  pro  fidei  drfen- 
sione,  cum  opus  fuerit,  et  fucro  requisitus ;  el 
quod  ero  obediens  R.  P.  inquisitori  et  sueces- 
s. tribus  vel  licariis  suis  in  omnibus  quœ  per- 
tinent ad  officium  inquisilionis.  Ceux  d'Ivrée 
et  de  Verceil  promenaient  la  même  chose 
pour  ces  diocèses. 

Le  P.  Cannepano  rapporte  les  statuts  de 
ces  prétendus  chevaliers  avec  les  indulgences 
et  les  privilèges  qu'il  dit  leur  avoir  été  ac- 
cordés par    les   souverains   pontifes.  Mais  , 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


2î12 


comme  parmi  les  bulles  qu'il  cilc  il  y  en  a 
quelques-unes  qui  ont  élé  accordées  en  (Vi- 
veur de  ceux  qui  se  croisaient  pour  les  guer- 
res des  Albigeois,  et  qui  ne  font  nullement 
mention  de  ces  chevaliers,  il  y  •a  bien  de  l'ap- 
parence que  dans  ce  temps-là  c<  Ile  préten- 
due chevalerie  était  inconnue.  C'est  ce  qui 
m'a  obligé  d'écrire  à  Milan  pour  en  avoir 
une  connaissance  plus  particulière;  et  la  ré- 
ponse que  j'en  ai  reçue  l'an  1"12  est  qu'il  y 
a  dans  le  Milanais  une  compagnie  de  gentils- 
hommes qui  sont  officiers  de  .l'inquisition,  et 
qui  faisaient  autrefois  le  vœu  que  nous  avons 
rapporté  ;  mais  présentement  ils  ne  fout  plus 
qu'un  serment  de  servir  l'inquisiti  in,  et  de  l'a* 
veMir  de  ce  qu'ils  sauront  lui  èire  préjudicia- 
ble. On  n'a  point  de  connaissance  qu'ils  aient 
jamais  porté  de  crois  sur  leurs  habits.  Pré- 
sentement lorsqu'ils  arrêtent  ou  conduisent 
un  prisonnier  par  oidre  de  l'inquisition,  ils 
en  portent  une  écarlelée  de  noir  et  de  blanc, 
et  selon  le  dessin  que  l'on  m'en  a  envoyé, 
elle  est  à  huit  pointes  comme  celle  des  che- 
valiers de  Malle,  et  non  pas  fleurdelisée, 
comme  est  ordinairement  la  croix  de  l'in- 
quisition. Ainsi  ces  prétendus  chevaliers  dont 
il  est  parlé  dans  le  livre  du  P.  Cannepauo, 
que  l'on  me  marque  avoir  élé  défendu  p;ir 
l'inquisition  ,  quuiqu'écril  en  sa  faveur  ,  ne 
sont  que  des  officiers  de  cette  même  inquisi- 
tion, semblables  à  ceux  que  l'on  nomme  en 
Espagne  familiers,  parmi  lesquels  il  se  trouve 
«les  seigneurs  des  plus  qualifiés  du  royaume, 
qui  se  font  honneur  d'être  du  nombre  de  ces 
officiers,  et  dont  la  fonction  est  aussi  l'ar- 
rêter 1.  s  prisonniers  par  ordre  de  l'inqui- 
sition . 

FOL1GNI  ^Congrégation  de).  Voyez  Ursu- 

i.INES. 

FONTAINE-JAILLISSANTE  (Chanoines  de 

LA  CONGRÉGATION   DE   LA). 

Voici  encore  une  congrégation  de  chanoi- 
nes qui  a  pris  son  origine  des  clercs  de  la 
Vie  commune. ,  institués  par  Gérard  Groot. 
Nous  avons  dit  que  ces  clercs  avaient  des 
maisons  à  Munster,  à  Cologne  et  à  Wesel. 
Ces  trois  maisons  s'unirent  ensemble,  et, 
voulant  vivre  à  la  manière  des  chanoines, 
ils  formèrent  une  congrégation  qui  fut  ap- 
prouvée l'an  1 4-39  par  le  pape  Eugène  IV,  et 
à  laquelle  ce  ponlile  donna  le  nom  de  con- 
grégation des  chanoines  de  la  Fontaine-Jail- 
lissante. Ce.  fut  à  la  prière  d'un  saint  prêtre 
nommé  Henri  de  Huys,  qui  avait  non-seule- 
ment fondé  en  1W4-  la  maison  des  clercs  de 
la  Vie  commune  dans  la  ville  de  Munster, 
mais  était  encore  entré  parmi  eux.  Après  sa 
mort,  qui  arriva  peu  de  temps  après  l'érec- 
tion de  celte  congrégation ,  ces  chanoines 
assemblèrent  leur  premier  chapitre  général 
à  Munster,  dans  lequel  ils  dressèrent  les 
consiilulions  pour  l'observance  régulière  en 
verlu  du  pouvoir  que  le  pape  Eugène  leur 
en  avait  donné  par  sa  bulle. 

Tous  les  ans  ils  devaient  tenir  ce  chapitre 
général  dans  la  maison  de  Munster  le  diman- 
che Jubilate.  Les  prévôts  ou  recteurs  des 
maisons  de  Munster,  de  Co'.og.ïe  et  de  We- 


sel, devaient  s'y  trouver  avec  quatre  chanoi- 
nes députés  parleurs  communautés,  1rs  pré- 
vôts ou  recteurs  des  autres  maisons  unies  à 
ces  trois,  chacun  seulement  avec  un  cha- 
noine ;  les  recteurs  des  autres  maisons  qui 
n'éiaient  pas  de  la  congrégation  (si  ces  rec- 
teurs en  avaient  été  tirés),  et  los  confesseurs 
des  religieuses  qui  étaient  aussi  membres 
de  la  même  congrégation. 

Ils  recevaient  irois  sortes  de  personnes  : 
des  frères  perpétuels,  des  chanoines  et  des 
domestiques.  Ceux  qui  devaient  être  frères 
perpétuels  étaient  reçus  de  celte  manière. 
Le  supérieur  les  làisait  venir  en  chapitre,  et, 
après  les  avoir  instruits  des  observances  de 
la  congrégation  et  des  raisons  qui  pourraient 
les  obliger  à  être  chassés,  il  leur  disait  qu'ils 
ne  devaient  plus  rien  avoir  en  propre,  et 
qu'ainsi  ils  devaient  faire  cession  par-devant 
notaire  ou  donation  entre-vifs  à  la  maison, 
de  tous  les  biens  qu'ils  possédaient,  soit  par 
héritage,  soit  de  leur  travail,  ou  par  quel- 
qu'aulre  voie  que  ce  fût;  et  que  quand  ils 
sortiraient  de  leur  bon  gré,  ou  qu'il  y  aurait 
des  raisons  de  les  renvoyer,  ils  ne  pourraient 
rien  répéter  de  ce  qu'ils  auraient  donné; 
mais  qu'ils  seraient  obligés  d'entrer  dans 
une  religion  approuvée  par  l'Eglise,  et  c'est 
ce  qu'ils  promettaient  en  ces  termes  :  Ego 
[rater  N.  promitto  fidelitatem  domui  nostrœ 
N.  et  auxilianle  Deo,  castam,  concordent,  et 
communem  vtlam  secundum  statuta  capituli 
gêner alis,  deinceps  observabo  ;  et,  si  contige- 
rit  quacunque  occasione  me  de  hac  domo  re- 
eedere  mit  secundum  preedicta  expelli,  pacifi.ee 
recédant  nihil  rcpelendo,  et  ex  tune  obagaium 
me  facio  ad  intrandam  religionem  approbatam 
ubi  reguluriter  vieillir,  sic  me  Deus  adjuiet 
et  liœc  sancla  Ei  angclia.  Ceux  qui  étaient  re- 
çus pour  chanoines  promettaient  fidélité  au 
chapitre  général  d'obéir  à  toutes  ses  ordon- 
nances tant  qu'ils  seraient  membres  de  la 
congrégation,  et  d'en  garder  le  secret  aussi 
bien  que  du  chapitre  local.  Voici  la  formule 
de  leur  promesse.  Ego  (rater  N.  canonicus 
ecclesiœ  N.  promitto  bona  fide,  locojuramenli 
et  vigore  ejus,  fidelitatem  gênerait  capitula, 
ejusrjtte  ordinationibus,  et  stalutis  factis  et  fit- 
ciendis  obedienliam  quandiu  ejus  membrum 
fuero,  et  sécréta  ejusdem  capituli  generalis  et 
particularis  celabo  ad  quemeunque,  statum 
pervenero,  salva  nihilominus  promissione  pri- 
dem  per  me  facla  in  suo  robore  et  vigore.  On 
élisait  dans  le  chapitre  général  deux  chanoi- 
nes pour  visiteurs  des  maisons  de  la  congré- 
gation. 

Voyez  Aubert  le  Mire,  Uegul.  et  Constilut. 
clericor.  in  communi  viventium. 

FONTE-AVELLANE  ou  FONT-AVELLANE, 

présentement  unie  à  l'ordre  des  Camalduks 
(Congrégation  de). 

Morigia  etMaurolic,  parlant  de  la  congré- 
gation de  Foule-Avellane  ou  Font-Avellane, 
disent  que  son  fonda' eur  fut  le  bienheureux 
Ludolphe,  homme  furt  adonné  à  la  contem- 
plation, qui, ayant  souffert  unegrande  persé- 
cution d'un  seigneur  d'Oui  brie,  se  relira  dans 
les  Apennins  entre  les  monts  Carrio  et  Cor- 


203                                 FON  FON                                      294 

vo,  où  il  mena  une  vie  solitaire  ;  et  qu'ayant  l'es    religieux   de    l'ordre  de  Font-Avellane, 

eu  en  peu  de  temps  des  disciples  qui  voulu-  qui    ne    peuvent  plus  défendre   leur   cause, 

rent  imiter   sa  manière   de   vie,  il   bâtit  au  ayant   été  supprimés    depuis  environ    cent 

même  lieu  un  monastère   qui    l'ut  dédié  au  Cinquante  ans  ;  et  il   les  a   incorporés  dans 

Sauveur  du  monde,  sous  le  litre  de  la  Sainte-  son  ordre  dès  le  commencement  de   leur  in- 

Groix  ;  mais    qu'après   sa  mo'l  ses  disciples  Stitution,    quoique   le   monastère  de   Font- 

élant  lombes    dans   le    relâchement  ,    saint  Avcllaiie  et  quelques   autres  de   sa   dépen- 

Pierre  Damien,  qui  était  moine  de  l'abbaye  dance  n'aient  été  unis  à  l'ordre  des  Camal- 

de  Classe  de  l'ordre  des  Camaldules,  vint  à  dules  que  fan  1569,  comme   nous  dirons  ci- 

Font-Avellane  cinquante  ans  après  la  fonda-  après. 

tiou  de  ce  monastère  ;  que  non-seulement  il  Nous  reconnaissons  donc  l'ordre  de  Font- 
le  réforma  et  y  rétablit  les  observantes  qui  y  Avellane  comme  un  ordre  distinct  et  séparé 
étaient  pratiquées  du  temps  du  bienheureux  de  celui  des  Camaldules.  Les  fondements  en 
Ludolphe,  mais  qu  il  obligea  ces  ermites  à  furent  jetés  dans  le  monastère  de  Fonl-Avel- 
embrasser  la  règle  de  Saint-Benoit.  lane  vers  l'an  1000  par  le  bienheureux  Lu- 
Mais  il  paraîtque  ces  auteurs  se  sont  trom-  dolphe,  qui  fut  dans  ta  suile  évèque  d'Eugu- 
pés  en  cela  aus>i  bien  qu'en  beaucoup  d'au-  bio.  11  est  situé  dans  un  lieu  solitaire  de 
1res  choses;  car  saint  Pierre  Damien  n'a  l'Ombrie  au  diocèse  de  Faenza,  entre  les 
point  été  religieux  de  l'abbaye  de  Classe,  monts  Catrio  et  CornO.  Ludolphe  y  eut  d'a- 
puisqu'elie  n'était  point  de  l'ordre  des  Ca-  bord  plusieurs  disciples,  avec  lesquels  il  vi- 
maldules  pour  lors,  et  qu'elle  ne  fut  unie  à  vail  en  anachorète.  Ils  demeuraient  dans  des 
cet  ordre  que  l'an  1138,  comme  nous  avons  cellules  séparées  les  unes  des  autres,  occu- 
dil  à  l'article  Camaldules.  Ce  fut  dans  le  mo-  pés  continuellement  à  la  psalmodie  ,  à  l'orai- 
nastère  même  de  Font-Avellane  que  saint  son  et  à  la  lecture.  Ils  vivaient  de  pain  et 
Pierre  Damien  prit  l'habit  monastique,  vers  d'eau  quatre  jours  de  la  semaine.  Le  mardi 
l'an  lOiO,  où  les  religieux  de  ce  monastère,  et  le  jeudi  ils  mangeaient  un  peu  de  légu- 
qui  avait  élé  fondé  il  y  avait  environ  qua-  mes  qu'ils  faisaient  cuire  eux-mêmes  dans 
rante  et  un  ans,  étaient  encore  dans  leur  leurs  cel  ules,  où  ils  avaient  aussi  des  ba- 
lerveur,  comme  nous  allons  le  montrer.  C'est  lances  pour  peser  leur  pain,  ne  le  prenant 
pourquoi  nous  pouvons  dire  avec  raison  que  que  par  mesure  les  jours  de  jeune.  Ils  n'a- 
saint  Pierre  Damien  n'a  point  été  le  rél'or-  vaient  du  vin  que  pour  le  sacrifice  de  la 
mateur  de  cet  ordre,  mais  seulement  le  pio-  n>essc  ou  pour  les  malades.  Ils  observaient 
pagateur.  trois  carêmes,  savoir  de  la  Résurrection,  de 
Je  ne  suis  pas  surpris  que  le  P.  Grandi  ait  la  Nativité  de  Noire-Seigneur  et  de  saint 
fait  une  dissertation  pour  prouver  que  le  Jean-Baptiste.  Pendant  ce  dernier,  qui  du- 
bienheureux  Pierre  Damien  a  été  Camaldule,  rait  depuis  l'octave  de  la  Pentecôte  jusqu'à 
puisque  disputer  ce  saint  à  cet  ordre,  c'est  la  Saint-Jean,  on  leur  donnait,  le  mardi 
lui  enlever  un  de  ses  plus  beaux  ornements,  après  noue,  une  portion  de  quelques  lequ- 
el lui  dérober  la  gloire  du  monastère  de  mes.  Ils  mangeaient  dtiux  fois  le  jour  le  jeudi, 
Font-Avellane  d'où  "est  sorti  Pierre  Damien  aus>i  bien  que  le  mardi  après  la  fête  de 
avec  les  autres  cardinaux,  pus  de  quarante  saint  Jean-Baptiste.  Depuis  le  13  septembre 
prélats  et  autant  de  saints  et  de  bienheureux,  jusqu'à  Pâques  ils  jeûnaient  tous  les  jours, 
Mais  il  fallait  que  le  P.  Grandi  donnât  de  excepté  l'octave  de  Noël  ;  tous  les  dimanches 
bonnesraisons  pour  convaincre  ses  lecteurs  :  de  l'année  on  leur  donnait  deux  portions, 
car  do  dire  que  Font-Avellane  a  élé  de  l'or-  excepté  les  dimanches  des  carêmes  de  Pâ- 
dre  des  Camaldules  à  cause  que  son  fonda-  ques  et  de  Noël,  qu'on  ne  leur  en  donnait 
leur  Ludolphe  a  été  disciple  de  saint  Ko-  qu'une  ;  et  aux  fêtes  de  saint  André,  de  saint 
muaid,cique  l'on  pratiquait  à  Fo-t-Avel-  Benoit  et  de  l'Annonciation  de  Notre-Dame, 
lane  à  peu  près  les  mêmes  observances  qu'à  ils  ne  jeûnaient  pas  dans  toute  la  perfection. 
Camaldoli,  celle  raison  n'est  pas  sufiisanie,  (Ils appelaientjeûner parfaitement, lorsqu'ils 
puisque  saint  Jean  Gualberl  établit  aussi  à  ne  prenaient  que  du  pain,  de  l'eau  et  du  sel.) 
\  allombreuse  les  mêmes  observances  qu'il  Ils  marchaient  toujours  nu-pieds,  prenaient 
avait  vues  et  qu'il  avait  pratiquées  lui  même  la  discipline,  faisaient  des  génuflexions,  so 
dans  le  temps  qu'il  demeurait  à  Camaldoli;  frappaient  la  poitrine,  demeuraient  les  liras 
qu'il  forma  le  monastère  de  Vallombreuse  étendus,  chacun  selon  ses  forces  et  sa  dévo- 
sur  le  plan  de  celui  de  Camaldoli;  que  les  tion,  et  après  l'office  de  la  nuit  ils  disaient 
cellules  y  étaient  séparées  les  unes  des  au-  tous  le  psautier  avant  le  jour. 
Ires,  sans  qu'on  puisse  dire  cependant  qu'il  Telles  étaient  les  observances  régulières 
lut  de  l'ordre  des  Camaldules.  11  semble  que  qui  se  pratiquaient  dans  ce  monastère  ,  lors- 
le  P.  Grandi  n'ait  différé  la  mort  de  saint  que  saint  Pierre  Damien  y  prit  l'habit  mo- 
llomuald  jusqu'en  l'an  1037  que  pour  donner  nastiqtie.  Il  avait  entendu  parler  de  la  fer- 
à  connaître  que  ce  saint  avait  instruit  lui-  veur  de  ces  ermites;  et  comme  il  songeait  à 
même  saint  Jean  Guaibert  des  devoirs  de  la  quitter  le  siècle,  il  en  rencontra  deux.  S'é- 
vie  éréuiiiique  lorsqu'il  demeurait  à  Camal-  tant  ouvert  à  eux,  ils  le  fortifièrent  dans 
doli  ;  cependant  le  P.  Grandi  ne  dit  point  son  dessein;  et  comme  il  témoigna  vouloir  se 
que  Vallombreuse  ait  été  de  l'ordre  des  Ca-  retirer  avec  eux,  ils  lui  promirent  que  leur 
maldutes  ;  mais,  comme  les  religieux  de  Val-  abbé  le  recevrait;  Il  leur  offrit  un  vase  d'an 
lombreusc  auraient  pu  avec  justice  lui  dis-  gent  pour  por;er  à  leur  abbé  ;  mais  ils  le 
puler  celte  alliance,  il  a   seulement  attaqué  remercièrent  et  ne  voulurent  pas  le  recevoir, 


295 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


2'JO 


sous  pré!  ex  le  qu'il   les  embarrasserait  dans 

leclioinin.il  fut  fort  édifié  de  leur  désinté- 
ressement, et  se  rendit  quelque  temps  aptes 
à  Fout-Avellane,  <'ù  on  lui  donna  l'habit 
monastique.  Sou  supérieur  lui  donna  le  soin 
de  faire  lies  exhortations  aux  frères,  et  sa 
réputation  venant  à  se  répandre,  Gui  ,  abbé 
de  Pompose  près  de  Ferrare,  pria  l'abbé  de 
Font-Avellane  de  !e  lui  envoyer  pour  ins- 
truirequelque  temps  sa  communauté  qui  élait 
de  cent  moines.  Pierre  Damien  y  demeura 
deux  ans,  et  son  alihé,  l'ayant  rappelé,  l'en- 
voya quelque  temps  après  faire  les  mêmes 
fonctions  au  monastère  de  Saint-Vincent 
près  de  Pierre-Pertuse.  Enfin  l'abbe  le  dé- 
clara son  successeur,  du  consentement  de  ses 
religieux.  Ayant  pris  le  gouvernement  de 
cette  congrégation  après  la  mort  de  l'abbé, 
il  l'augmenta  de  cinq  autres  monastères, 
qu'il  fonda,  un  au  diocèse  de  Camerino,  deux 
au  diocèse  de  Faenza,  un  au  diocèse  de  Ri- 
mini,  et  l'autre  proche  Pérouse,  où  il  fit 
pratiquer  les  mêmes  observances  qu'à  Font- 
Avellane.  Nous  avons  dit  qu'ils  n'avaient  du 
vin  que  pour  le  sacrifice  de  la  messe  ;  mais 
Pierre  Damien  leur  permit  d'en  boire  un 
peu  hors  les  carêmes  de  Pâques,  de  la  Nati- 
vité et  de  saint  Jean-Baptiste,  où  il  n'était 
pas  permis  aux  moines,  ni  même  aux  laï- 
ques, de  boire  du  vin  ni  de  manger  du  pois- 
son. Mais  il  semble  qu'il  ne  leur  permit  de 
boire  du  vin  que  pour  avoir  plus  de  force 
à  soutenir  les  disciplines  rigoureuses  aux- 
quelles il  hs  obligea,  le  plus  souvent  pour 
acquitter  les  pénitences  des  autres.  Car  on 
était  alors  persuadé  que  pour  chaque  péché 
on  était  obligé  d'accomplir  la  pénitence  mar- 
quée par  les  c;inons  :  eu  sorte  que  s'il  y  avait 
dix  ans  pour  l'homicide,  celui  qui  en  avait 
commis  vingt,  devait  lieux  cents  ans  de  pé- 
nitence; et,  comme  il  était  impossible  de 
l'acquitter,  on  avait  trouvé  des  moyens  de 
la  racheter  en  accomplissant,  par  exemple, 
cent  ans  de  pénitence  par  vingt  psautiers  ac- 
compagnés de  discipline.  Trois  mille  coups 
de  discipline  valaient  un  an  de  pénitence,  et 
mille  coups  se  donnaient  pendant  dix  psau- 
mes :  par  conséquent  les  cent  cinquante  psau- 
mes valaient  cinq  ans  de  pénitence.  Saint 
Pierre  Damien  leur  faisait  souvent  faire  de 
ces  pénitences  pour  les  aulrcs,  et  même 
quelquefois  pour  les  péchés  qu'ils  avaient 
commis  étant  laïques,  ne  croyant  pas  que 
pour  les  péchés  qu'ils  avaient  commis  dans 
le  monde,  ils  en  lussent  quilles  pour  prati- 
quer la  commune  observance  delà  règle; 
mais  qu'ils  devaient  y  ajouter  des  pénitences 
proportionnées  à  leurs  péchés.  Ils  étaient  ou- 
tre cela  obligés  par  la  règle,  lorsqu'un  reli- 
gieux était  mort,  de  prendre  sept  disciplines 
de  mille  coups  chacune,  de  jeûner  sept  jours, 
de  dire  trente  psautiers,  et  de  célébrer  trente 
messes  ;  et  si  un  novice  mourait  sans  avoir 
accompli  la  pénitence,  ils  devaient  partager 
entre  eux  ce  qui  restait  pour  l'accomplir. 

Ces  sortes  de  disciplines   étaient  fort    en 
usage  dans  ce  temps-là.  Pierre  Damien  avait 

(IJ  Regino,  lib.  ii,  cap.  412  et  seqiient. 


appris  cette  pratique  de  saint  Dominique, 
l'un  de  ses  disciples,  qui  fut  surnommé 
l'Encuirassé,  à  cause  d'une  cuirasse  qu'il 
portail  continuellement  sur  son  corps.  Cet 
homme,  ayant  su  que  saint  Pierre  Damien 
avait  écrit  de  lui  qu'il  avait  récité  un  jour 
neuf  psautiers  avec  la  discipline,  en  fut 
lui-même  étonné,  et  voulut  en  faire  encore 
l'expérience.  Il  se  dépouilla  donc  un  mer- 
credi, et  ayanl  pris  des  verges  à  ses  deux 
mains,  il  ne  cessa  toute  la  nuit  d'en  réciter 
en  se  frappant  :  en  sorte  que  le  lendemain  il 
avait  dit  douze  psautiers  et  plus.  Quelques  an- 
nées avant  sa  mort,  il  redoubla  encore  ses 
austérités,  et  ayant  trouvé  que  les  lanières 
de  cuir  étaient  plus  rudes  que  les  verges,  il 
s'accoutuma  à  s'en  servir.  Il  portail  toujours 
avec  lui, quand  il  sortait,  un  fouet  de  lanières 
pour  se  donner  la  discipline,  et  se  conten- 
tait même  de  repasser  dans  son  esprit  les 
paroles  des  psaumes  sans  les  prononcer, 
afin  de  se  donner  un  plus  grand  nombre  de 
coups.  Saint  Dominique  et  saint  Pierre  Da- 
mien ne  furent  pas  néanmoins  les  auteurs 
de  ces  sortes  de  flagellations  volontaires. 
Gui,  abbé  de  Pomposie,  mort  en  10i6,  et 
saint  Poppon,  abbé  de  Stavels,  mort  en  10i8, 
les  avaient  mises  en  pratique  avant  eux  ;  el 
avant  eux  Réginon  (1),  ablié  de  Pruim,  qui 
vivait  au  commencement  du  dixième  siècle, 
avait  ordonné  de  se  frapper  jusqu'à  faire  des 
plaies  sur  son  corps  pour  acquitter  les  péni- 
tences. 

Cette  manière  de  déchirer  son  corps  ne 
plut  pas  à  tout  le  monde,  il  y  en  eut  qui 
condamnèrent  la  discipline  volontaire,  com- 
me une  nouveauté  contraire  aux  canons. 
Pierre  Cérébrose  el  le  cardinal  Etienne,  qui 
avait  été  religieux  du  mont  Cassin,  furent 
en  cela  les  plus  grands  adversaires  de  Pierre 
Damien.  Le  premier  ne  condamnait  pas  lout 
à  fait  l'usage  de  la  discipline,  mais  il  regar- 
dait connue  une  folie  ces  longues  flagella- 
tions; il  ne  désapprouvait  pas  non  plus  que 
l'on  récital  un  psaume  en  se  donnant  la  disci- 
pline, mais  il  regardait  comme  quelque 
chose  d'excessif  de  la  prendre  pendant  tout 
un  psautier.  Pour  le  cardinal  Etienne,  il 
croyait  qu'il  fallait  plutôt  macérer  son  corps 
par  le  jeûne,  et  soutenait  qu'il  n'était  pas 
honnête  de  se  dépouiller  lout  nu  en  pré- 
sence d'une  communauté.  Pierre  Damien 
écrivit  contre  ceux  qui  blâmaient  ces  sortes 
de  flagellations;  mais  enfin  convaincu,  soit 
par  les  objections  de  ses  adversaires,  soit 
par  sa  propre  expérience,  qu'il  y  avait  de 
l'excès  dans  ces  mortifications,  il  y  apporta 
un  tempérament  ;  et,  écrivant  aux  religieux 
de  sa  congrégation,  il  leur  dit  que  celle  fla- 
gellation, sur  laquelle  ils  insistaient  si  vive- 
ment, pouvait  être  utile,  lorsqu'on  s'en  ser- 
vait avec  modération  ;  mais  qu'en  la  pous- 
sant si  loin,  elle  peut  être  indiscrète,  puis- 
qu'elle affaiblit  le  corps,  le  réduiten  langueur, 
et  le  met  souvent  hors  d'état  de  satisfaire 
aux  autres  exercices  de  la  religion,  s'en 
Irouvanl  parmi  eux  qui  prenaient  la  disci- 


297 


1U\ 


pline  pendant  un  psautier  entier,  et  même 
pendant  deux  psautiers,  jusqu'à  s'incommo- 
der considérablement,  et  se  rendre  effective- 
ment malades,  et  que  cela  détournait  même 
ceux  qui  avaient  envie  de  venir  dans  leurs 
ermitages.  C'est  pourquoi  il  ordonne  que 
personne  ne  sera  contraint  à  se  donner  soi- 
même  la  discipline,  mais  que  ceux  qui  au- 
ront assez  de  ferveur  pour  se  la  donner,  la 
pourront  prendre  en  récitant  seulement  qua- 
rante psaumes  pour  chaque  discipline,  sans 
qu'ils  puissent  passer  ce  nombre,  sinon  pen- 
dant les  deux  carêmes  de  la  Nativité  et  de  la 
Résurrection  de  Notre- Seigneur  ,  auquel 
temps  il  leur  serait  permis  de  prendre  la  dis- 
cipline pendant  soixante  psaumes.  Nous  ne 
retranchons  pas,  dit-il,  par  ce  moyen  ce 
qui  est  bon,  mais  seulement  ce  qui  paraît 
excessif. 

L'éclat  de  sa  sainteté  et  de  sa  doctrine  le 
fit  créer  cardinal  et  évêque  d'Oslie  par  le 
pape  Etienne  IX.,  en  1057.  On  eut  à  la  vérité 
de  la  peine  à  lui  faire  accepter  cette  dignité, 
et  le  pape  fut  obligé  d'employer  toute  son 
autorité  pour  l'y  engager.  Il  s'y  soumit  ce- 
pendant par  une  pure  obéissance;  mais, 
entraîné  toujours  par  l'amour  de  la  solitude, 
il  se  retira  quelques  temps  après  dans  son 
ermitage  de  Font-Avellane;  où  étant  arrivé, 
il  alla  premièrement  au  chapitre,  où  il  s'ac- 
cusa lui-même  de  ses  fautes,  et  pour  les  ex- 
pier il  demanda  qu'on  le  frappât  de  coups  de 
fouet.  Il  se  renferma  dans  une  cellule,  où  il 
affligea  cruellement  son  corps  par  des  jeûnes 
et  des  flagellations  fréquentes,  se  contentant 
d'eau  et  d'un  peu  de  pain  de  sou  pour  sa 
nourriture.  Ses  disciples  l'ayant  prié  de  cor- 
riger ce  qu'il  y  avait,  de  défectueux  dans 
leurs  observances,  il  rétrancha  1rs  bonnets 
ou  chapeaux  dont  ils  se  couvraient  la  tête, 
comme  peu  conformes  à  la  simplicité  et  à  la 
modestie  religieuse,  et  leur  ordonna  de  se 
contenier  de  capuces,  qui  étaient  en  usage 
parmi  les  religieux  ;  de  quitter  les  étoffes  qui 
venaient  des  pays  étrangers,  et  de  ne  se 
servirque  de  celles  queporlaientles  paysans. 
Il  écrivit  encore  plusieurs  ouvrages  dans  la 
solitude,  d'où  il  eut  ordre  de  sortir  une  se- 
conde fois  pour  terminer  des  affaires  pres- 
santes; et  revenant  d'un  voyage  qu'il  avait 
fait  à  Rome,  il  mourut  à  Faënza  l'an  1072. 

Nous  ne  savons  point  si  les  religieux  de 
l'ordre  de  Font-Avellane  se  maintinrent 
longtemps  dans  la  ferveur  et  l'observance  de 
leur  institut;  mais  il  est  certain  que  dans  le 
xvi'  siècle  ils  vivaient  avec  beaucoup  de  li- 
cence, qu'ils  ne  faisaient  plus  même  de  pro- 
fession religieuse,  qu'ils  vivaient  plutôt  en 
séculiers  qu'en  religieux  et  en  solitaires.  Ils 
avaient  quitté  l'habit  monastique,  qui  était 
tel  que  vous  le  voyez  représenté  dans  la 
première  figure  (1),  et  ne  portaient  plus 
qu'une  espèce  de  soulanelle  blanche,  qui  ne 
descendait  qu'aux  genoux,  avec  un  manteau 
bleu,  un  bonnet  carré  blanc  au  lieu  de  cap, 
comme  il  est  représenté  dans  la  seconde  li- 
gure (2).  Le  pape  Pie  V  ayant  donné  l'ab- 

(i)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  62. 

Dictionnaire  des  Ordres  reugseix. 


FON  298 

baye  de  Font-Avellane  en  commende  au  car- 
dinal Jules  de  la  Rovère,  frère  du  duc  d'Ur- 
bin,  ce  cardinal  voulut  y  rétablir  la  discipline 
monastique.  H  y  fit  venir  pour  cela  l'an  1570 
des  moines  camaldules  de  la  congrégation 
de  Saint-Michel  de  Mnrano.  Dieu  toucha 
leurs  cœurs,  et  la  plupart  des  religieux  do 
Font-Avellane  prirent  l'habit  de  cet  ordre, 
et  en  firent  profession  entre  les  mains  du 
Père  dom  Pierre  Balnenli  de  Bagnacavalli, 
qui  en  fut  élu  abbé  régulier;  et  depuis  ce 
temps  les  religieux  camaldules  ont  toujours 
possédé  ce  monastère. 

Voyez  la  Vie  de  Pierre  Damien,  écrite  par 
Jean,  son  disciple;  ejusdem  Pétri  Damian. 
Opuscul.  14  et  15,  et  lib.  vi,  epist.  33;  Joan. 
Mabillon,  Acta  SS.  ord.  S.  Bened.  sœcul.  vi  ; 
ejusd.  Annal.  Benedict.  tom.  IV;  et  Fleury, 
Hist.  eccl.  tom.  XII  et  XIII;  Morigia,  Hist. 
di  tutte  le  religioni,  cap.  58  ;  Silvestr.  Mau- 
rolic,  Mar.  Océan,  di  lutte  le  Relig.,  lib.  Il, 
pag.  158  ;  Srhoonebeck,  Hist.  des  Ordr.  re- 
lig.; Guido  Grandis,  Vissert.  Camaldul.,  dis- 
sert, k. 

FONTEVRAULT  (Ordre  de). 

§  l'r.  De  l'ordre  de  Fontevrault,  avec  la 
vie  du  B.  Robert  d'Arbrissel,  fondateur  de 
cet  ordre. 

L'on  regarde  l'ordre  de  Fontevrault  comme 
une  singularité  dans  l'Eglise,  et  on  est  sur- 
pris d'y  voir  une  abbesse  commander  égale- 
ment à  des  hommes  et  à  des  filles  sur  les- 
quelsellea  toute  autorité;  mais  pour  répon- 
dre à  ceux  qui  sont  étonnés  du  procédé  de 
leur  fondateur,  d'avoir  ainsi  renversé  en 
apparence  l'ordre  de  la  nature  en  rendant 
sujets  ceux  qui  devraient  commander,  et 
maîtresses  cellesqui  devraient  obéir,  il  suffit 
(sans  vouloir  approfondir  dans  les  raisons 
qu'il  en  a  eues)  de  leur  dire  que  s'ils  veulent 
chercherdans  l'histoire,  ils  trouveront  de  quoi 
faire  cesser  ou  au  moins  diminuer  de  beau- 
coup leur  élonnement  ;  car  (sans  parler  de 
Judith,  entre  les  mains  de  laquelleDieu  avait 
mis  le  salut  de  son  peuple  ,  et  d'une  pucelle 
d'Orléans,  à  qui  la  France  est  redevable  d'ê- 
tre présentement  l'Etat  le  plus  florissant 
qu'il  y  ait  en  Europe,  et  cela  par  la  soumis- 
sion aveugle  tant  de  son  prince  que  de  tous 
ses  peuples,  qui  s'abandonnèrent  entière- 
mentà  sa  conduite)ilsy  trouveront  beaucoup 
d'établissements  semblables  à  celui  deFonte- 
vrault.  Car,  dans  l'ordre  de  Sainte-Brigitte, 
princesse  de  Suède,  dont  nous  avons  déjà 
parlé,  les  hommes  qui  demeurent  dans  les 
monastères  doubles  sont  sous  l'obéissance 
des  abbesses  de  ces  mêmes  monastères,  ex 
cepté  qu'ils  sont  soumis  également,  comme 
les  religieuses,  aux  évèques  dans  les  diocè- 
ses desquels  ils  sont  établis,  comme  je  l'ai 
déjà  dit  en  parlant  de  cet  ordre.  Dans  l'ab- 
baye de  Saint-Sulpice  en  Bretagne,  le  bien- 
hcureuxBaoulyélablit  un  institut  semblable 
à  celui  de  Fontevrault,  imitant  en  cela  plu- 
sieurs  autres   instituteurs    qui     longtemps 


(2)  Voy.,  ibid.,  n°  65. 


Il 


10 


299 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


300 


avant  lui  avaient  donné  la  même  juridiction 
à  des  monastères  de  filles.  Les  religieux  de 
Fonlevrault,  pour  justifier  leur  institut,  rap- 
.  portent  les  exemples  de  plusieurs  monastè- 
res doubles  dans  lesquels  ils  disent  que  les 
religieux  étaient  soumis  aux  religieuses,  et 
ils  citent  plus  particulièrement  celui  deSim- 
pegham.  Mais  je  croirais  leur  faire  tort  si 
j'établissais  mes  preu-.es  de  l'équité  de  leur 
institut  sur  leur  autorité  ;  puisque  ni  dans 
le  monastère  de  Simpeghatn,  ni  dans  les  au- 
tres, les  religieuses  n'ont  jamais  eu  aucune 
juridiction  sur  les  religieux,,  excepté  celui 
de  Saint-Sulpice,  qu'ils  citent  avec  justice, 
puisque,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  l'institut  de 
cette  abbaye  était  semblable  à  celui  de  FonEe- 
vrault.  Le  P.  Lobineau  n'a  pas  mieux  ren- 
contré lorsque,  dans  son  Histoire  de  Bre- 
tagne, parlant  de  l'abbaye  de  Loc  Maria,  qui 
avait  été  fondée  avant  l'ordre  deFonteyrault 
fc>ar  Alain  Cagnard,  comte  de  Cornouaille, 
dont  la  fille  Hodierne  fut  abbesse,  et  qui 
était  gouvernée  au  dehors  par  un  abbé  et  des 
moines,  il  dit  qu'ils  étaient  soumis  aux  ab- 
besses  parce  qu'ils  leur  rendaient  compte  du 
revenu  qui  appartenait  à  l'abbaye,  à  laquelle 
se  faisaient  Les  donations,  et  qu'ainsi  c'était 
r.n  institut  semblable  à  celui  de  Fonlevrault. 
Ce  qui  n'est  pas  une  conséquence  fort  juste: 
c  :r  p  :r  la  même  raison  on  pourrait  dire— 
qu«  tes  Hénédiclins  de  sa  congrégation  qui 
à  Ch.  elles  sont  soumis  à  l'abbesse'  de  ce 
uionas'  ro,  parce  qu'ils  lui  rendent  compte 
des  revenus  de  l'abbaye  dont  ils  ont  la  di- 
r  .tion  ;  ce  qui  n'étant  pas  vrai  dans  ceux- 
ci,  peut  aussi  être  faux  dans  les  autres. 
Ainsi  cette  preuve  de  la  conformité  de  l'ins- 
titnt  de  Loc  Maria  avec  celui  de  Fonlevrault 
et  de  Saiat-Sulpice,  bien  loin  d'en  convain- 
cre, n'est  pas  même  suffisante  pour  eu  for- 
mer le  moindre  doute.  Ce  qui  serait  le  [dus 
capable  do  la  l'aire  croire,  c'est  la  réunion 
qui  fut  faite  quelques  attirées  après  de  cette 
abbaye  de  Loc  Maria  avec  celle  de  Saint- 
Sulpice  à  cause  de  cette  même  conformité. 

Ce  qui  est  de  plus  particulier  dans  l'ordre 
de  Fonlevrault,  c'est  que  ses  monastères 
sont  exempts  de  Val  juridiction  des  ordinaires, 
et  que  toute  l'autorité  réside  dans  la  personne 
de  l'abbesse  du  mauaslèrcde  Fonlevrault,  com- 
me générale  et  chef  del'ordre;  maissi  l'on  veut 
examiner  les  choses  sans  prévention,  il  n'y 
plus  d'iuconvénient  qu'une  abbesse 
ail  une  égale  autorité  sur  les  religieuses  et 
les  religieux  de  son  ordre,  que  d'avoir  une 
juridiction  presque  épiscopalcdans plusieurs 
lieux,  comme  l'abbesse  de  Motilivilliers  en 
Normandie,  qui  est  dame  et  patronne  de 
quinze  paroisses,  qui  ressortissent  de  sa  ju- 
ridiction, qu'elle  fait  exercer  par  son  gn;::l 
vicaire  et  officiai,  qu'elle  établit  de  son 
autorité,  et  qu'elle  révoque  quand  bon  lui 
semble,  et  dont  les  curés  sont  obligés  de  re- 
cevoir les  approbations  et  les  mnndeuieiils, 
aussi  bien  que  les  Capucins  d'Hirlleur,  qui 
est  un  lieu  de  sa  dépendance.  L'abbesse  de 
Conversano  en  Italie  a  une  pareille  juridic- 
tion dans  la  terre  de  Caslellaua.  L'abbesse 
de  las  Huelgas  ea  Espagne  exerce  une  auto- 


rité sur  les  Frères  Hospitaliers  de  Burgos, 
et  il  y  a  eu  de  pareils  exemples  en  Angle- 
terre. Ainsi  l'étonnement  doit  cesser  à  l'é- 
gard de  l'ordre  de  Fonlevrault,  qui  ne  doit 
pas  être  regardé  comme  une  singularité  dans 
l'Eglise ,  cette  espèce  de  gouvernement  ayant 
élé  d'ailleurs  approuvée  par  un  grand  nom- 
bre de  souverains  pontifes. 

Cet  ordre  eut  pour  fondateur  le  bienheu- 
reux Robert  d'Arbrîssel,  sur  la  fin  du  on- 
zième siècle.  11  naquit  de  parents  pauvres 
vers  l'an  10i5  ou  1047,  dans  un  village  de 
Bretagne  nommé  alors  Arbrissel,  dont  il 
prit  te  nom,  et  qui  s'appelle  à  présent  Albre- 
sec,  au  diocèse  de  Rennes,  près  delà  Guier- 
che.  Son  père,  Damalioque,  qui  embrassa 
dans  la  suite  l'état  ecclésiastique,  et  sa  mère, 
Orvende,  qui  étaient  gens  de  bien  et  crai- 
gnant Dieu,  relevèrent  dans  la  piété,  jusqu'à 
ce  qu'étant  en  âge  d'étudier,  ils  lui  permi- 
rent d'aller  chercher  des  maîtres  où  il  vou- 
drait, d  ins  l'espérance  que  Dieu  ne  l'aban- 
donnerait point.  En  effet,  il  trouva  moyen 
de  vivre  et  d'étudier  dans  quelques  villes  de 
Bretagne,  sans  être  à  charge  à  ses  parents  : 
ce  qui  lui  donna  courage  de  venir  à  Paris, 
où  il  fit  tant  de  progrès  dans  les  études, 
qu'après  s'être  distingué  en  philosophie  et 
en  théologie,  de  pauvre  écolier,  il  fut  un 
célèbre  docteur  en  l'université  de  cette  capi- 
tale de  France,  où  il  reçut  le  bonnet,  après 
avoir  passé  par  tous  les  degrés  et  les  char- 
ges de  cotte  célèbre  académie. 

En  ce  temps-là,  Silvestre  de  ta  Guierche, 
qui  avait  été  marié,  et  était  pour  1-ors  chan- 
celier de  Conon  II,  duc  de  Bretagne,  fut 
placé  sur  le  siège  épiscopal  de  Rennes;  et 
voulant  se  décharger  du  soin  de  son  évêehé 
sur  un  ecclésiastique  de  grand  mérite,  il  jeta 
les  yeux  sur  Robert,  qu'il  fit  son  grand  vi- 
caire, lui  donnant  un  pouvoir  absolu  dans 
son  diocèse.  11  s'en  servit  pour  y  rétablir  la 
discipline  ecclésiastique,  y  bannir  les  vices, 
mettre  la  paix  où  il  y  avait  des  dissensions, 
retirer  les  biens  ecclésiastiques  d'entre  les 
mains  des  personnes  laïques,  abolir  l'infâme 
commerce  de  simonie,  qui  était  public,  et 
rompre  les  mariages  incestueux  qui  se  trou- 
vaient entre  les  laïques,  et  les  concubinages 
scandaleux  de  la  plupart  des  prêtres. 

Son  évoque  t'appuyait  dans  de  si  pénibles 
travaux,  et,  par  son  crédit  et  son  autorité,  il 
le  mettait  à  couvert  des  attaques  des  mé- 
chants; mai:',  ce  prélat  étant  mort  quatre  ans 
après,  Robert,  privé  de  son  protecteur,  se 
vit  à  la  merci  des  ennemis  que  son  zèle  lui 
avait  suscités  :  c'e-t  pourquoi,  afin  d'em- 
pêcher le  si . and'ale  qui  pouvait  arriver  à 
son  occasion,  il  quitta  la  Bretagne,  et  vint 
dans  la  ville  d'Angers,  où  il  cnsi  igna  quel- 
que temps  la  théologie.  Mais  voulant  se  con- 
sacrer euti.' .-o:u:  nt  à  Dieu,  ii  prit  là  ré:-  ;  - 
tion  d'abandonner  le  monde  pour  se  retirer 
dans  une  solitude. 

Il  quitta  donc  l'a  ville  d'Angers,  et  alla  se 
cacher  avec  on  compagnon  dans  la  forêt  de 
Craon  en  Anjou  ,  vers  les  fionlière*  du 
Maine.  La  vie  qu'il  mena  dans  cette  solitude 
fut  tout  à  fait  admirable  :  il  ue  vivait  que 


301 


FON 


FON 


502 


d'herbes  et  de  rac:nes  sauvages,  et,  pour 
quelque  nécessité  que  ce  (Vit,  il  ne  mangeait 
jamais  de  viande  et  ne  buvait  jamais  de  vin. 
Il  ne  portait  pas,  comme  les  autres  solitai- 
res, une  tonique  de  peaux  de  chèvres  et 
d'agneaux,  mais  la  sienne  et  lit  (issue  do 
poil  de  porc,  afin  de  tourmenter  davantage 
son  corps.  La  terre  nue  lui  servait  de  lit,  et 
il  n'y  prenait  même  du  repos  que  lorsqu'il 
était  accablé  de  sommeil. 

Une  vie  si  extraordinaire  fit  du  bruit  dans 
le  voisinage.  Quoiqu'il  eût  pris  soin  de  se 
cacher  dans  cette  forêl,  ou  y  accourut  de 
toutes  parts  pour  voir  ce  nouveau  prodige, 
et  la  pénitence  qu'il  prêcha,  eomv.ic  un  autre 
Jean-Baptiste,  à  ceux  qui  étaient  venus  pour 
le  voir,  fit  une  impression  si  forte  sur  leurs 
esprits,  que  la  plupart  renoncèrent  aux  dés- 
ordres de  leur  vie  passée  et  se  rangèrent 
sous  sa  discipline,  de  sorte  que  la  ferét  <ie 
Craon  fut  bientôt  remplie  d'anachorètes.  Le 
nombre  même  en  devint  si  grand,  que  Ro- 
bert fut  obligé  de  les  disperser  dans  les  fo- 
rets voisines,  comme  celles  de  Nid-de-Mer'e, 
de  Fougères,  de  Savigny,  de  Concize  et  de 
Mayenne.  Ne  pouvant  plus  veiller  seul  sur  un 
si  grand  nombre  de  solitaires,  il  les  sépara  en 
trois  colonies,  dont  il  en  retint  une  pour  lui, 
cl  donn :;  les  deux  autres  à  deux  de  ses  dis- 
ciples, qu'il  reconnut  pour  les  plus  parfait». 
L'un  lut  le  bienheureux  Vital  de  Mortain, 
qui  fut  depuis  l'instituteur  de  l'ordre  de  Sa- 
vigny,qui  pritee  nom  de  l'abbaye  de  Savigny 
en  Normandie,  comme  nous  le  dirons  ci- 
après,  et  l'autre  fut  le  bienheureux  Raoul  de 
(a  Fulaye,  fondateur  de  l'abbaye  de  Saint- 
Sulpice  de  Rennes  en  lîretagne. 

Le  bienheureux  Pierre  de  l'Etoile,  et  le 
bienheureux  Firmat  voulurent  aussi  de- 
meurer quelque  temps  dans  la  compagnie 
de  ces  saints  solitaires,  et  leur  exemple  fut 
suivi  de  plusieurs  autres  personnes,  dont  les 
plus  célèbres  furent  les  bienheureux  A  Heau- 
me, fondateur  de  l'abbaye  d'Fstival  dans  le 
Mais»,  2t  le  bienheureux  Bernard  d'Ahhe- 
vilie,  fondateur  de  la  congrégation  de  Ty- 
ron,  dont  nous  parlerons  dans  la  suite.  Tous 
les  solitaires  qui  étaient  sous  la  conduite  des 
bienheureux  Robert,  Vital  et  Raoul,  ne  vi- 
vaient point  d'abord  en  commun,  ils  demeu- 
raient dans  des  cellules  séparées  ;  m;iis  Ro- 
bert,  reconnaissant  que  plusieurs  d'entre 
eux  étaient  portés  pour  la  vie  cénobitique, 
fit  bâtir,  l'an  1094,  un  monastère  dans  la 
même  forêt  de  Craon,  en  un  lieu  appelé  la 
Rue,  du  côté  de  la  Gui  rehe,  et  leur  donna  la 
règle  de  Saint-Augustin.  11  fut  pendant  un 
teuips  leur  supérieur.  Us  n'y  vécurent  d'abord 
que  d'aumônes,  et  ne  mangeaient  que  des 
racines;  mais  après  lui  celte  mais  m,  qui 
passait  pour  la  plus  pauvre  et  la  plus  sainte 
du  royaume,  quitta  cet  esprit  de  pauvreté  et 
de  mortification,  et  se  rendit  entièrement 
conforme  à  celles  des  Chanoines  Réguliers, 
dont  elle  suivait  la  régie. 

11  fut  obligé  de  les  quitter  pour  aller  prê- 
cher la  Croisade  par  ordre  du  pape  Urbain 
II,  afin  d  exciter  les  peuples  à  prendre  les 
armes   pour  le  recouvrement  de   la    terre 


sainte  :  ce  qui  fit  qu'il  se  démit  do  sa  nou- 
velle abbaye  de  la  Roë  entre  les  mains  de 
l'évèque  d'Angers ,  dans  le  diocèse  duquel 
elle  se  trouvait.  11  pourvut  à  ses  ermitags 
de  la  forêl  de  Craon,  vl,  ayant  pris  avec  lui 
quelques-uns  de  ses  disciples,  il  commença 
à  prêcher  non-seulement  dans  les  villes,  mais 
encore  dans  les  bourgs  et  les  villages  tas 
plus  petits,  un  nouveau  baptême  de  péni- 
tence, qui,  en  excitant  les  uns  à  sacrifier  leur 
vie  pour  la  conquête  des  lieux  arrosés  du 
sang  de  Jésos-Christ,  engageait  les  autres, 
oui  n'étaient  pas  capables  d'un  si  généreux 
dessein,  de  tout  abandonner  pour  le  suivre 
et  servir  Dieu  sous  sa  conduite.  Le  nombre 
de  ces  derniers  fut  si  grand,  que  sa  charité 
ne  lui  permettant  pas  de  les  renvoyer,  il 
leur  chercha  un  lieu  de  retraite  où  ils  pus- 
sent travailler  à  leur  salut. 

Sur  les  confins  de  l'Anjou  et  du  Poitou,  à 
une  petite  lieno  de  la  ville  de  Candes,  cciï  - 
hr."  par  le  décès  de  saint  Martin.il  y  a  de 
vastes  campagnes  qui  étaient  alors  toutes 
(ouvertes  d'épines  et  de  baissons,  et  qu'un 
vallon  arrosé  d'un  petit  ruisseau  séparait  eu 
deux  parties.  Ce  lieu,  qui  s'appelait  Fonte- 
vruult,  lui  parut  propre  à  son  dessein.  Ce 
fut  l'an  1099  que  Robe:  t  commença  à  y  bâtir 
quelques  cellules  on  cabanes  ,  seulement 
pour  mettre  à  couvert  ses  disciples  des  in- 
jures du  temps.  Mais,  pour  éviter  le  scandale 
qui  pouvait  arriver  de  la  confusion  des  deux 
seses,  il  les  sépara  dans  des  demeures  dif- 
férentes, ajoutant  à  celle  des  femmes  une 
espèce  de  clôture,  qui  n'était  qu'un  fossé 
revêtu  de  haies.  Il  fit  dresser  deux  oratoires, 
l'un  pour  les  hommes,  l'autre  pour  les  fem- 
mes, où  chacun  allait  à  son  tour  faire  ses 
prières.  L'occupation  des  femmes  était  de 
chanter  continuellement  les  louanges  de 
Dieu;  celle  des  hommes,  après  leurs  exer- 
cice-, spirituels,  était  de  défricher  la  terre, 
de  travailler  de  leurs  mains  à  quelques  mé- 
tiers pour  les  besoins  de  ces  espèce  de  com- 
munautés. C'était  une  chose  admirable  de 
voir  l'ordre  et  le  règlement  qui  étaient  gar- 
dés entre  un  si  grand  nombre  de  personnes. 
La  charité,  l'union,  la  mode  tic,  et  la  dou- 
ceur s'y  observaient  inviolableaient  :  ils  ne 
vivaient  que  de  ce  que  la  terre  produisait, 
ou  des  aumônes  qu'un  leur  envoyait;  ce  qui 
fit  que  le  bienheureux  Robert  leur  donna  le 
nom  de  Pauvres  de  Jésus-Christ. 

L'exemple  de  ces  nouveaux  solitaires  en 
attira  beaucoup  d'autres.  On  voyait  des  fa- 
milles entières  venir  demander  à  vivre  sous 
la  conduite  de  ce  saint  fondateur;  et  il  ne 
refusait  personne ,  lorsqu'il  reconnaissait 
dans  ceux  qui  s'adressaient  à  lui  qu'ils 
étaient  attirés  par  l'esprit  de  Dieu.  Il  y"  ad- 
mettait des  gens  de  tout  âge  et  de  toute  con- 
dition, sans  en  exclure  les  inva  ides,  les  ma- 
lades, ni  même  les  lépreux.  Cette  aflluence 
de  tout  le  monde  augmentant  de  plus  en 
plus,  l'obligea  à  faire  bà.ir  plusieurs  mona- 
stères renfermés  dans  une  même  clôture.  11 
en  ordonna  trois  pour  les  femmes,  1  un  pour 
les  vierges  et  pour  les  veuves,  qui  fut  nommé 
le  Grand-Moutier,  et  dédié  en  1  honneur  de 


305 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


304 


la  sainte  Vierge,  où  il  renferma  trois  cents 
religieuses;  l'autre  destiné  pour  les  lépreu- 
ses et  les  infirmes,  au  nombre  de  cent  vingt, 
qui  fut  appelé  de  Saint-Lazare  ;  et  il  mit  les 
femmes  pécheresses  dans  le  troisième,  et  lui 
donna  le  nom  de  la  Madeleine.  Les  hommes 
curent  aussi  leur  habitation  séparée,  leur 
ayant  fait  bâtir  un  monastère  auprès  de  ce- 
lui des  religieuses,  qu'il  dédia  à  saint  Jean 
l'evangélisle.  On  bâtit  ensuite  une  grande 
église  commune  pour  les  monastères,  la- 
quelle ne  fut  achevée  que  l'an  1119.  Tels 
furent  les  commencements  de  la  célèbre  ab- 
baye de  Fontevrault,  dont  les  fondements 
furent  jetés  peu  de  lemps  après  la  célébra- 
tion du  concile  de  Poitiers  qui  se  tint 
Tan  1100. 

Jusqu'alors  le  saint  fondateur  n'avait 
prescrit  à  sa  congrégation  aucune  forme  de 
vie  qui  lui  fût  particulière  ;  mais  comme  la 
charité  le  pressait  de  sortir  du  désert  pour 
aller  prêcher,  il  voulut,  avant  que  de  partir, 
déclarer  l'esprit  de  son  Institut,  qu'il  avait 
mis  sous  la  protection  particulière  de  la 
sainte  Vierge  et  de  saint  Jean  l'evangélisle, 
voulant  que  la  recommandation  que  Jésus- 
Christ  mourant  fit  de  l'un  à  l'autre  fût  le 
modèle  de  la  relation  qu'il  établissait  entre 
les  hommes  et  les  femmes  de  sa  congréga- 
tion, et  que  le  respect  que  les  hommes  (re- 
présentant saint  Jean)  porteraient  à  la  supé- 
rieure générale  des  femmes  (qui  représentait 
la  sainte  Vierge)  fût  accompagné  d'une  sou- 
mission réelle  à  son  autorité,  la  déclarant 
leur  supérieure,  tant  pour  le  spirituel  que 
pour  le  temporel.  La  première  à  qui  il  confia 
la  conduite  de  ce  nouveau  peuple  choisi  fui 
Heriande  de  Champagne,  proche  parente  du 
comte  d'Anjou,  veuve  du  seigneur  de  Monso- 
reau. Il  lui  donna  pour  assistante  et  coadju- 
Irice  Pétronille  de  Craon,  veuve  du  baron  de 
Chemillé.  Il  continua  ensuite  ses  missions 
évangèliques,  y  ayant  associé  ses  anciens 
disciples,  Vital  de  Morlain,  Raoul  de  la  Fu- 
taye,  et  Bernard  d'Abbevillc,  qu'il  avait 
laissés  dans  l'ermitage  de  la  forêt  de  Craon  ; 
cl  après  que  les  uns  et  les  autres  curent  ga- 
gné beaucoup  d'âmes  à  Dieu  et  rassemblé 
plusieurs  disciples,  ils  les  menèrent  dans  ce 
même  désert  de  Craon.  Comme  ils  avaient 
également  employé  leurs  soins  pour  leur  con- 
version, ils  les  partagèrent  ensemble.  Robert 
d'Arbrissel,  qui  était  reconnu  comme  le 
mann-  et  le  chef  de  lous,  choisit  une  purlie 
de  celle  sainle  troupe  qu'il  emmena  à  Fon- 
tevrault. Raoul  de  la  F'utaye  en  prit  une 
autre,  qu'il  conduisit  en  la  forêt  de  Nid-de- 
Merle;  le  reste  suivit  Vital  dans  la  forêt  de 
Savigny.  Quant  à  Bernard,  l'ordre  qu'il  reçut 
de  l'évéquede  Poitiers  d'aller  au  secours  des 
religieux  de  Sainl-Cyprien,  pour  une  affaire 
qu'ils  avaient  avec  ceux  de  Cluny,  lui  fit  re- 
tarder l'établissement  de  sa  congrégation  de 
Tyron. 

Robert,  après  avoir  fait  quelque  séjour 
dans  le  monastère  de  Fontevrault,  alla  dans 
le  Poitou  pour  y  continuer  ses  missions. 
Pierre,  évêque  de  Poitiers,  qui  connaissait 
«ou  mérite,  le  reçu'  comme  un  apôlre  :  il  lui 


donna  tout  pouvoir  dans  son  diocèse,  cl 
voyant  les  progrès  qu'il  faisait  dans  les  lieux 
où  il  passait,  lant  par  ses  prédications  que 
par  d'autres  œuvres  de  piété  auxquelles  il 
s'appliquait  sans  relâche,  il  voulut  par  re- 
connaissance employer  ses  sollicitations  au- 
près du  pape  Pascal  II  pour  faire  approuver 
par  ce  pontife  l'Institut  de  Fontevrault,  ce 
qu'il  obtint  l'an  1106.  Robert  retourna  à  ce 
monastère  pour  porter  à  ses  filles  la  bulle 
de  ce  pape.  Ce  monastère,  quoique  d'une 
grande  étendue,  ne  se  trouvant  pas  sufiisant 
pour  y  recevoir  loules  les  personnes  qui  se 
présentaient  pour  prendre  l'habit  de  l'ordre, 
le  saint  fondateur  songea  à  faire  de  nouveaux 
établissements.  Quelques  personnes  pieuses 
lui  ayant  donné  la  forêt  des  Loges  et  quel- 
ques héritages  dans  le  diocèse  d'Angers,  il  y 
fit  bâtir  un  petit  couvent,  auquel  il  donna  le 
nom  de  cette  forêt  ;  et  comme  le  revenu  qui 
avait  été  donné  pour  cet  établissement  ne 
suffisait  pas  pour  entretenir  les  filles  qu'il  y 
renferma,  il  ordonna  que  le  monastère  de 
Fontevrault  donnerait  lous  les  ans  quelque 
aumône  à  celte  petite  maison.  Etant  allé 
prêcher  dans  laTouraine,  on  lui  procura  un 
autre  monastère  dans  un  lieu  appelé  Cliau- 
fournois,  et  présentement  Chanstenois  ,  et 
on  lui  en  offrit  un  autre  à  Relay  dans  la 
même  province.  Etant  retourné  dans  le  Poi- 
tou, Pierre,  évêque  de  Poitiers,  lui  donna 
un  lieu  désert  nommé  la  Paye,  où  il  bâtit  un 
monastère,  qui  devint  si  considérable  par  les 
donations  qu'on  y  fit,  qu'il  se  trouva  en  état 
d'y  loger  plus  de  cent  religieuses.  Cette 
maison  ne  fut  pas  sitôt  commencée,  que  le 
bruit  s'en  étant  répandu  aux  environs,  l'on 
convia  le  saint  d'en  venir  établir  deux  autres 
dans  le  même  diocèse,  l'une  dans  la  forêt 
de  (iironde,  qui  s'appelle  aujourd'  hui  l'/i'n- 
cloître,  et  qui  fut  fondée  par  le  vicomte  de 
Chàlelleraul,  l'autre  dans  une  solitude  écar- 
tée qu'on  nomme  Guisn/-,  à  deux  lieues  de 
Loudun.  Ayant  quitté  le  Poitou,  il  passa  dans 
le  Béni,  où  il  reçut  le  monastère  d'Orsan, 
que  lui  procura  l'archevêque  de  Bourges.  11 
en  fonda  encore  deux  autres  dans  l'évéché 
de  Poitiers,  l'un  dans  les  Landes  de  la  Gar- 
nache,  dont  ce  monastère  a  pris  le  nom  de 
la  Lande,  et  l'aulre  dans  la  forêt  de  Tuçon  ; 
et  l'évêque  d'Orléans  Jean  II  l'ayanl  fait  ve- 
nir daus  son  diocèse,  lui  procura  le  mo- 
nastère de  la  Madeleine  d'Orléans,  qui  fut 
bâti  dans  une  solitude  agréable  sur  la  rivière 
de  Loire. 

Mais,  pendant  que  Dieu  répandait  si  abon- 
damment ses  bénédictions  sur  ses  travaux, 
il  permit  qu'il  fût  humilié  par  des  calomnies 
atroces  que  ses  ennemis  inventèrent,  et  aux- 
quelles Marbodius ,  évêque  de  Rennes,  el 
deoffroi,  abbé  de  Vendôme,  ajoutèrent  foi 
trop  aisément.  Le  premier  lui  écrivit  une 
lellre  pleine  d'aigreur  et  de  reproches,  dans 
laquelle  il  lui  disait  qu'il  avait  quille  l'ordr  : 
des  Chanoiues  Réguliers  pour  courir  après 
des  femmes,  lui  reprochant  comme  une  mar- 
que de  l'incontinence  de  ceux  de  sa  suite,  les 
accouchements  de  quelques  femmes,  les  cris 
des  enfants  nouveau-nés,  et  le  reprenant  de 


505 


FON 


FON 


506 


co  qu'il  donnait  l'habit  religieux  à  tous  ceux 
qui  le  demandaient,  sans  les  éprouver,  ne  se 
souciant  pas  qu'ils  lussent  bien  convertis, 
pourvu  que  le  nombre  de  ses  disciples 
augmentât  ;  et  qu'après  qu'ils  avaient  donné 
leur  nom,  il  n'en  avait  point  de  soin,  et  les 
laissait  agir  comme  ils  voulaient.  GeoiTroi  de 
Vendôme  lui  écriv.t  que  l'on  disait  de  lui  une 
chose  dans  le  monde  qui  ne  lui  faisait  pas 
honneur,  ei  dont  il  devait  promptement  se 
corriger  si  elle  était  vraie  :  savoir,  qu'il  avait 
une  si  grande  familiarité  avec  les  femmes, 
qu'il  leur  permettait  de  demeurer  avec  lui, 
qu'il  avait  avec  elles  des  entreliens  secrets, 
et  qu'il  n'avait  pas  même  de  honte  de  cou- 
cher avec  elles,  sous  prétexte  de  se  morti- 
fier en  souffrant  les  aiguillons  de  la  chair  : 
ce  qui  était  un  nouveau  genre  de  martyre 
inouï,  très-dangereux  et  de  mauvais  exem- 
ple. A  la  vérité  ces  lettres  sont  regardées  par 
quelques-uns  comme  des  ouvrages  supposés. 
Le  P.  Mainferme,  religieux  de  son  ordre, 
dans  le  Bouclier  de  l'ordre  de  Fontevrault, 
les  rejette  toutes  les  deux.  Un  de  ses  con- 
frères, dans  une  dissertation  qu'il  fit  impri- 
mer à  Anvers  en  1701,  reconnait  pour  véri- 
table celle  de  Geoffroi  ;  mais  Bollandus  la  re- 
jette. Le  P.  Sirmond  l'admet,  aussi  bien  que 
le  P.  Alexandre,  qui  rejette  celle  de  Marbo- 
dius,  Mais,  quand  elles  seraient  véritable- 
ment de  Marbodius  et  de  Geoffroi,  cela  ne 
détruit  pas  la  sainteté  du  bienheureux  Ro- 
bert d'Arbri^sel;  elles  font  seulement  con- 
naître que  Marbodius  et  Geoffroi  ont  cru 
trop  aisément  les  ennemis  de  ce  saint  fon- 
dateur; Geoffroi  reconnut  dans  la  suite  la 
fausseté  de  cette  calomnie,  et  devint  ami  de 
Robert  et  de  l'abbaye  de  Fontevrault.  Il  y  fit 
de  grandes  fondations,  el,  afin  de  n'y  être 
pas  à  charge  dans  les  fréquentes  visites  qu'il 
y  faisait,  il  y  fit  (à  ce  que  l'on  dit  bâtir  une 
maison  pour  lui,  que  l'on  a  depuis  appelée 
l'Hôtel  de  Vendôme. 

Après  tous  les  établissements  que  ce  ser- 
viteur de  Dieu  avait  faits,  il  crut  qu'il  était 
nécessaire  d'en  demander  la  confirmation  au 
sainl-siége,  el  de  faire  exempter  l'abbaye  de 
Fontevrault  de  la  juridiction  de  l'évéque  : 
ce  qu'il  obtint  par  une  bulle  de  l'an  1113 
adressée  aux  religieuses  de  Fontevrault, 
qu'il  avait  portées  à  en  faire  la  demande  au 
pape.  Continuant  ses  missions  apostoliques 
dans  le  Limousin,  il  y  fit  deux  nouveaux 
établissements,  l'un  nommé  Boubou,  l'autre 
le  Prieuré  de  la  Gasconière.  Ayant  passé  du 
Limousin  dans  le  Périgord,  il  fonda  le  cou- 
vent de  Cadouin,  qu'il  céda  dans  la  suite  au 
bienheureux  Giraud  de  Sales.  Enfin  le  der- 
nier établissement  qu'il  fit,  el  l'un  des  plus 
célèbres  de  son  ordre,  fut  celui  de  Haule- 
Rruyère,  à  huit  lieues  de  Paris,  au  diocèse 
de  Chartres,  qui  lui  fut  donné  par  Bertrade 
de  Montfort,  femme  de  Foulques  de  Uechin, 
comle  d'Anjou.  Le  roi  Philippe  Ier  ayant 
scandaleusement  épousé  cette  femme,  du  vi- 
vant même  de  son  mari,  elle  fui  enfin  con- 
vertie par  les  exhortations  de  Robert,  et,  se 
croyant  obligée  à  réparer  le  scandale  qu'elle 

(1)  Voy.,  à  la  lia  du  vol.,  n°  6i. 


avait  donné,  elle  se  relira  dans  ce  temple 
qu'elle  avait  présenté  au  Seigneur,  où  ayant 
non-seulement  pris  l'habit  de  Fontevrault, 
mais  encore  toutes  les  austérités  de  cet  or- 
dre, qui  pour  lors  était  dans  toute  sa  fer- 
veur, elle  édifia  autant  l'Kglise  par  sa  vie 
pénitente  et  mortifiée,  qu'elle  l'avait  scanda- 
lisée par  sa  vie  molle  et  déréglée.  Son  pre- 
mier soin  fut  de  pourvoir  ce  nouveau  mo- 
nastère de  tout  ce  qui  était  nécessaire  pour 
l'entretien  des  religieuses,  afin  que  la  pau- 
vreté, qui  est  la  ruine  ordinaire  de  la  régu- 
larité, ne  les  empêchât  pas  d'offrir  à  leur 
céleste  époux  des  sacrifices  de  louange,  ni 
de  méditer  ses  grandeurs  pendant  tout  le 
temps  de  leur  vie  :  c'est  pourquoi,  craignant 
que  le  revenu  (]ui  en  dépendait  ne  fût  pas 
suffisant  pour  l'entretien  des  religieuses,  elle 
ajouta  à  ce  don  ce  que  le  roi  lui  avait  assi- 
gné dans  la  Touraine  pour  partie  de  son 
douaire;  ce  qu'elle  fil  agréer  par  ce  prince, 
qui  y  donna  son  consentement. 

Robert,  après  avoir  fait  tous  ces  établis- 
sements, prévoyant  qu'il  n'avait  pas  encore 
beaucoup  de  temps  à  vivre,  voulut  achever 
le  dessein  que  Dieu  lui  avait  inspiré  pour 
son  institut,  il  fit  établir  pour  chef  et  supé- 
rieure de  son  ordre  l'éli  onille  de  Craon  Che- 
millé,  qui  est  reconnue  pour  la  première 
abbesse  de  Fontevrault,  el  dressa  les  statuts 
de  cet  ordre,  qu'il  mit  sous  la  règle  de  Saint- 
Benoît.  11  ordonna  l'abstinence  continuelle 
de  la  viande ,  n'en  permettant  pas  même 
l'usage  aux  malades.  Les  religieuses,  entre 
autres  choses,  devaient  garder  le  silence  en 
tout  temps,  aller  toutes  ensemble  à  l'église 
et  en  revenir  de  même.  Leurs  voiles  devaient 
toujours  être  abaissés  et  cacher  entièrement 
leur  visage.  Elles  ne  devaient  être  vêtues 
que  de  tuniques  faites  des  plus  viles  étoffes 
du  pays,  de  la  couleur  naturelle  de  la  laine, 
sans  être  tondues  (1).  Les  surplis  blancs 
leur  étaient  défendus  aussi  bien  que  les 
gants.  Une  religieuse  ne  pouvait  sortir  hors 
du  cloître  pour  quelque  ouvrage  que  ce  fût 
sans  la  permission  de  l'abbesse.  Quand  les 
prieures  allaient  dehors,  elles  ne  devaient 
mener  avec  elles  aucune  religieuse,  et  elles 
devaient  être  accompagnées  pour  le  moins 
d'un  religieux  et  d'un  sei  ulicr  ;  nulle  autre 
que  l'abbesse  ou  la  prieure  ne  pouvait  parler 
dans  le  chemin,  jusqu'à  ce  que  l'on  fût  ar- 
rivé dans  l'hôtellerie.  Le  dortoir  était  tou- 
jours gardé  le  jour  par  une  converse,  et  la 
nuit  par  deux  ou  qualre.  Les  malades  ne 
pouvaient  recevoir  le  viatique  ni  l'extrêine- 
ouclion  que  dans  l'église;  et,  quand  on  les 
portait  en  terre,  elles  devaient  être  couvertes 
d'un  cilice. 

Quant  aux  religieux,  ils  devaient  dire  en 
commun  l'office  canonial,  vivre  en  commun 
saus  avoir  rien  en  propre.  Ils  ne  portaient 
ni  manteaux  ,  ni  chemisettes  noires  ;  ils 
avaient  une  ceinture  de  cuir,  à  laquelle 
était  attaché  un  couteau  de  la  valeur  de  deux  ; 
deniers,  et  une  gaîne  de  la  valeur  d'un 
denier  (-2).  Ce  que  l'on  desservait  de  leur 
table  devait  être  rendu  aux  religieuses,  pour 

(2)  Vmj.,  ibid.,  n°  G5, 


507 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


508 


être  ensuite  distribue  aux  pauvres.  Tous  les 
dimanches  el  fêle,  ils  devaient  aller  à  l'ha- 
bil  ;  c'est  ainsi  qu'iwi  nomme  le  monastère 
des  '  ri'liglt-ux)  i  oui-  y  e«l  tendre  la  messe  ci 
assister  au  chapitre,  d'où  ils  ne  sortaient 
qu'avec  la  peruiit-sion  du  prieur.  Ils  ne  de- 
vaient point  recevoir  d'églises  paroissiales, 
ni  leurs  dimes,  ni  donner  leurs  biens  à  ferme 
à  des  séculiers  ;  il  ne  leur  était  p  is  permis 
de  recevoir  des  femmes  dans  leur  monastère 
pour  y  travaille:'  ;  il  leur  était  défendu  de 
faire  clés  serments,  de  subir  l'examen  du  feu, 
de  servir  de  cautions  et  d'être  fermier  .  Les 
provisions  de  vin,  le  poisson,  l'argent  et  les 
autres  choses  nécessaires  à  la  vie  étaient 
entre  les  mains  de  la  cellericre,  cl  dtsti 
par  l'avis  et  l'ordre  de  l'abbesse  ou  de  ia 
prieure.  Les  religieux  11c  pouvaieir 
recevoir  persoui.e  à  la  religion,  ce  droit  ap- 
partenant à  l'ai: liesse. 

Le  bienheureux  fondateur  fut  le  premier 
à  se  soumettre  à  l'abbesse,  et,  pour  donner 
l'exemple  à  ses  religieux,  il  vécut  sous  son 
i:  i  ;,.uc  jus  n'A  sa  mort,  qui  arriva  le 
2.'i  février  de  l'an  1117.  11  était  peur  lors 
dans  son  monastère  d'Orsan,  d'où  son  corps 
fut  porté  à  Fontevrault,  avec  une  pompe 
extraordinaire,  par  Léger,  archevêque  de 
Bourges,  qui  lit  son  oraison  funèbre,  et  qui 
lut  accompagné  dans  le  convoi  par  l'arche- 
vêque de  Tours,  l'cvèque  d'Angers,  le  comte 
d'Anjou  et  plusieurs  seigneurs  de  considé- 
raiiou  ;  sou  cœur  fut  seulement  laissé  à  ses 
filles  d'Orsan. 

$  2.  Vu  progrès  de  l'ordre  de  Fontevrault 
après  la  mort  du  bienheureux  Robert,  et  de 
la  reforme  de  cet  ordre. 
Le  bienheureux  Robert  d'Arbrissel  avait 
vu  de  son  vivant  plus  de  trois  mille  reli- 
gieuses dans  le  seul  monastère  de  Fonle- 
vrault  ;  mais  après  sa  mort  ce  nombre  aug- 
menta ;  car,  au  rapport  de  l'abbé  Suger, 
dans  une  de  ses  lettres  au  pape  Eugène  III, 
au  sujet  de  l'évêque  de  Poitiers  qui  inquié- 
tait ce  monastère,  il  y  avait  à  Fontevrault 
quatre  à  cinq  mille  religieuses.  Quoique  ce 
grand  nombre  diminuât  dans  la  suite,  il  ne 
laissa  pas  d'être  encore  considérable  l'an 
1248,  que  le  pape  Innocent  IV  ayant  imposé 
un  subside  de  dix  livres  tournois  sur  cette 
maison,  aussi  bien  que  sur  les  bénéfices 
d'Anjou  cl  de  Poitou,  pour  l'entretien  d'un 
évêque  de  TiLériade,  ce  monnstère  s'en  ex- 
cusa sur  ce  qu'il  avait  sept  cents  personnes 
à  nourrir.  Ce  nombre  se  trouva  encore  dimi- 
nué en  12(J7  ;  car,  sur  les  plaintes  que  le 
pape  Bonifacc  V11I  avait  reçues  qu'où  avait 
dissipé  les  revenus  de  Fontevrault,  le  pon- 
tife ayant  donné  commission  à  Gilles,  évéque 
de  Nevers  ,  de  régler  le  nombre  des  reli- 
gieuses de  ce  monastère,  ce  prélat  en  ayant 
trouvé  trois  cent  soixante,  les  réduisit  à 
trois  cents,  sans  parler  du  nombre  des  reli- 
gions, laul  piètres  que  couvers.  Mais  celte 
ordonnance  de  l'évêque  de  Nevcrs  ne  fut 
pas  apparemment  exécutée,  puisque  l'an 
13G0  ce  monastère  ayant  encore  été  taxé 
pour  le  même   subside,  l'abbesse  allécua 


pour  cause  de  son  refus  qu'il  y  avait  dans 
son  monastère  cinq  cents  religieuses.  Ce 
n'était  pas  seulement  dans  le  monastère  île 
Fontevrault  qu'il  y  avait  un  si  grand  nom- 
bre du  religieuses  de  cel  ordre,  car,  à  Ries- 
sac  dans  le  diocèse  de  Limoges,  on  y  en  a 
vu  jusqu'à  neuf  cents. 

Cet  ordre  acquit  une  si  grande  repu: 
que    des   monastères    entiers    de    dil 
prdres  embrassaient  celui  de  Fontevrault, 
i  sle   prieuré  de    Bragerac,   pour   lors 

du  diocèse  de  Toulouse,  à  présent  appelé  de 
SaiflJ-Aignan  et  du  diocèse  de  Monlaujian, 
qui  étail  de  la  «ingrégation  du  bienheureux 
Giraud  de  Sales,  dont  le  prieur  elles  religieux 
se  soumirent  l'an  1122,  avec  tous  leurs 
biens,  à  l'obéissance  de  l'abbesse  Pélronilic 
de  Chemillé.  On  demanda  de  ces  religieuses 
en  Espagne,  où  on  en  mit  dans  Irois  mai- 
sons. La  première  se  nommait  S  linle-Marie 
de  la  Véga  au  diocèse  d'Oviédo,  la  seconde 
Notre-Dame  de  la  Véga  de  la  Céraaa,  au 
diocèse  de  Léon,  el  la  troisième  le  Paramen 
au  diocèse  de  Saragosse.  et  sous  le  gouver- 
nement d'Auueburge,  troisième  abbesse  de 
Fontevrault.  Henri  II,  roi  d'Angleterre  ,  fit 
venir  en  son  royaume  des  religieuses  de  cet 
ordre,  l'an  1177,  pour  rétablir  la  discipline 
régulière  dans  l'abbaye  d'Ambresbéri,  qu'il 
leur  donna  après  en  avoir  ôlé  les  religieuses 
qui  y  étaient.  Elles  eurent  encore  deux  mai- 
sons dans  le  même  royaume,  l'une  à  Etonne, 
el  l'autre  à  Westuod.  Cet  ordre  lit  aussi  un 
grand  progrès  ea  France  ;  car,  outre  les 
maisons  fondées  du  vivant  du  saint  fonda- 
teur, il  y  en  eut  encore  quatie  en  Norman- 
die, l'une  au  diocèse  d'Evreux,  et  les  trois 
autres  dans  celui  de  Rouen  ;  deux  en  Picar- 
die, le  Charme  et  Maureaucourt;  Irois  dans 
la  Brie  el  le  pays  de  Valois,  le  Long-Pré, 
Fontaine  ci  Colinance  ;  Foicy,  au  diocèse  de 
Troyes  ,  et  Longucau,  au  diocèse  de  Reims  ; 
Cousanie,  dans  le  pays  du  Maine;  Rellomert 
et  les  Epines,  au  diocèse  de  Chartres;  Sau- 
vement,  dans  celui  de  Besançon  ;  Cubes  et 
Fontaines,  dans  le  Périgord  ;  Vanassel  et 
Pons-Choles,  dans  le  Limousin;  el  Vair- 
vilie,  dans  le  Beauvoisis.  Enfin  il  y  en  eut 
un  grand  nombre  dans  la  Bretagne,  l'Anjou, 
le  Berri ,  l'Auvergne,  la  Gascogne,  le  Lan- 
guedoc, la  Guyenne  et  quelques  autres  pro- 
vinces. La  maison  des  Filles-Dieu  à  Paris , 
fondée  par  le  roi  saint  Louis,  et  suffisamment 
dotée  pour  l'entretien  de  deux  cents  filles, 
étant  extrêmement  déchue,  et  le  nombre  de 
ces  filles  réduit  à  deux  ou  trois  seulement, 
Charles  VHI,  l'an  1483,  la  donna  à  l'ordre 
de  Fontevrault,  qui  en  prit  possession  sous 
le  gouvernement  de  l'abbesse  Anne  d'Or- 
léans, sœur  du  roi  Louis  XII.  Les  ordres  de 
Cluny,  de  Saint  François  el  un  grand  nom- 
bre de  maisons  de  chanoines  réguliers,  firent 
aussi  soeiélé  avec  l'ordre  de  Fontevrault  pour 
la  participation  des  prières. 

Un  grand  nombre  de  souverains  pontifes 
ont  accordé  des  privilèges  à  cet  ordre,  el  ont 
témoigné  l'estime  qu'ils  en  faisaient.  Cu- 
lixte  H,  après  avoir  consacré  la  grande  église 
<Ju  monastère  de  Fontevrault,  confirma  de- 


369 


FON 


rechef  cet  ordre  et  toutes  les  donations  qui 
y  avaient  été  (ailes  par  une  bulle  do  l'an 
1119.  On  voit  par  cette  bulle  combien  e.'les 
avaient  déjà  été  augmentées  depuis  le  pape 
Pascal  II.  L'an  1115,  Eugène  III  affranchit 
1.  s  religieuses  et  les  religieux  de  cet  ordre 
il.'st'MH'iiu's  de  l'eau  bouillante  et  de  l'eau 
froide,  du  1er  chaud  et  des  aulres  qui  étaient 
alors  en  usage,  ordonnant  qu'ils  ne  seraient 
plus  obliges  à  justifier  leurs  prétentions  que 
par  la  voie  des  témoins.  Honoré  III  les 
exempt  :  de  la  juridiction  des  ordinaires  , 
l 'an  >2-2''..  clément  VI,  l'an  1344,  constitua 
les  archevêques  de  Tours  et  les  abbés  de 
Marmoulier  et  de  Sainl-Cyprien  de  Poitiers, 
pour  juges  et  conservateurs  des  biens  et  des 
iroils  de  Fonlevrault.  Sixte  IV,  l'an  14.83, 
donna  pouvoir  à  Anne  d'Orléans  ,  vingt- 
sept  ème  abbesse,  et  à  celles  qui  lui  «ucee- 
deraieni,  de  dispenser  ses  religieux  de  l'of- 
fice canonial  et  des  jeûnes  de  i'Fglisc,  a* ce 
le  conseil  du  médecin  et  du  confesseur. 

Quoique  le  bienheureux  Robert  eût  mis 
son  ordre  sous  la  règle  de  Saint-Benoît,  les 
religieux  se  qualifièrent  néanmoins  dans  la 
suite  chanoines  réguliers,  et  prirent  la  règle 
de  Saint-Augustin;  mais  ils  furent  derechef 
soumis  à  la  règle  de  Saint-Benoît  par  les  sta- 
tuts de  la  reforme  qui   fut  faite  en  1474  par 
le  zèle  de  Marie  de  Bretagne,  vingt-sixième 
ahbesse.  Comme  cet  ordre  était  tombé  dans 
un  grand  relâchement,  cette  pieuse  abbesse 
s'adressa,  l'an  1453,  au  pape  Pie  II,  le  priant 
de  remédier  aux  abus  qui  s'y  étaient/glisses. 
Ce  pontife  députa  Guillaume  Charlier,  évè- 
que  de  Paris,  et  les  abbés  de  Cormerie  et 
d'Airvau,  avec  le  doyen  de  Notre-Dame  de 
Paris  ,   pour  réforxner  cet  ordre ,  avec   un 
plein   pouvoir  de  dresser  des  constitutions 
selon  qu'ils  jugeraient  être  plus  à  propos. 
Ces  commissaires   visitèrent   la  maison  de 
Fontevrault  et  celles  de  sa  dépendance,  et  y 
firent  quelques  ordonnances.  Ils  supprimè- 
rent même  quelques   prieurés   qui  étaient 
trop  ruinés  ,  où  il  n'y  avait  aucune  espé- 
rance d'y  pouvoir  rétablir  la  discipline  ré- 
gulière, et  ils  en  appliquèrent  les  revenus  à 
la  mense  du  grand  monastère,  à  condition 
qu'après  la  mort  des  religieuses  qui  y  de- 
meuraient, ou  y  enverrait  quelques  religieux 
pour  y  célébrer  l'office  divin  ,  lesquels  reli- 
gieux seraient  révocables  à  la  volonté  de 
l'abbesse  de  Fonlevrault.  Mais,  comme  dans 
la  plupart  des  maisons  les  lieux  et  les  per- 
sonnes n'éiaient  pas  pour  lors  disposés  à 
recevoir  une  entière  et  parfaite  réforme,  ils 
ne   purent  remettre  l'ordre   dans  son   pre- 
mier esprit,  et  ils  usèrent  de  grandes  modé- 
rations. Ils  permirent  même  aux  religieuses 
de  sortir  de  leur  clôture  avec  la  seule  per- 
mission de  la  prieure,  attendu  la  pauvreté 
où  étaient  réduits  la  plupart  des  monastères, 
dont   les    religieuses  ne  subsistaient  qu'au- 
tant qu'elles  se  procuraient  quelque  soula- 
gement par  leurs  sorties. 

Quelques  religieuses  ne  furent  pas  conten- 
tes de  celle  réforme,  et,  voulanl  vivre  dans 
une  observance  plus  exacte,  elles  engagè- 
rent Marie  de  Bretagne  à  se  retirer  au  uio- 


FOIS  310 

n'islère  de    la  Madeleine,  près  d'Orléans, 
danc  l'e-pérance  d'y  ]>ouvoir  plus  aisément 
commence"  une  réforme  ^)lus  parfaite.  Celle 
sainte  religieu-e,  qui  ne  respirait  que  le  zèle 
de  la  maison  de  Dieu,  accepta  celle  proposi- 
tion. Elle  se  retira  dans  ce  monastère,  et  y 
prit  toules   les  mesures   nécessaires  pour  y 
établir  une  réforme  fixe  et  stable.  Elle  c 
mença  pour  cet  effet  par  faire  faire  un  re- 
cueil de  divers  staluts,  tirés  en  partie  de  ce 
que  les  visiteurs  a;  ostoli  ;ues  avaient  fait, 
et  en  partie  des  conslilulions  du  bienheu- 
reux  Robert ,   comme   aussi  des   règles   de 
Saint-Augustin  et  de  Saint-Benoit,  et  pria 
des  religieux  des  ordres  de  Saint-François, 
des  Chartreux  et  des  Célestins  de  les  mettre 
en  ordre,  ce  qui  fut  exécuté  en  fort  peu  de 
temps;  mais  avant  toutes  choses  elle  fit  re- 
bâtir de  nouveau  le  monastère  de  la  Made- 
leine, et  le  sépara  en  deux  habitations  sépa- 
rées ,  l'une  pour  les  filles,  l'autre  pour  les 
hummes.  Elle  y  fit  ensuite  observer  les  nou- 
veaux  statuts  .   et  elle   s'adressa  au    pape 
Sixte  IV,  l'an  1474,  pour  en  obtenir  la  con- 
firmation. Sa  Sainteté  députa  les   archevê- 
ques de  Lyon,  de  Bourges  et  de  Tours,  avec 
les  abbés  de  Cormerie  et  de  Saint-Laumer, 
pour  les  examiner,  avec  pouvoir  d'y  chan- 
ger  ce  qu'ils  jugeraient  à  propos.  L'archevê- 
que de    Lyon   subdélégua  Jean  Berthelot , 
chanoine    et   chantre  de  Saint-Martin    de 
Tours.  Ces  commissaires  ,  après  y  avoir  Fait 
quelques  changements ,  les  publièrent,  et  ils 
furent  acceptés  le  23  juillet  1475  par  les  re- 
ligieuses et  les  religieux  du  monastère  do 
la  Madeleine  d'Orléans,  qui  fut  le  seul  pour 
lors  qui  reçut  la  réforme.  Mais  peu  de  temps 
après,  ceux  de  la  Chaise-Dieu  et  de  Fontaine 
imitèrent  celui  de  la  Madeleine,  et  ces  trois 
maisons  furent  les  seules  qui  furent  réfor- 
mées du  vivant  de  Marie  de  Bretagne,  qui 
mourut  l'an   1477  ,   sous  le   gouvernement 
d'Anne  d'Orléans  ,  qui  lui  avait  succède  à 
l'abbaye  de  Fonlevrault,  lorsqu'elle  la  quitta 
pour  se  retirer  au  monastère  de  la  Made- 
leine. Il  y  en  eut  encore  quatre  qui  se  sou- 
mirent à  la  réforme  ,  qui  furent  celles  de 
l'Encloître  en  Gironde,   de  Foicy  en  Cham- 
pagne, des  Filles-Dieu  de  Paris,  et  de  Var- 
ville  en  Bcauvoisis.  Ce  fut  pour  lors  que  l'ar- 
chevêque de  Bourges  et  quelques  autres  des 
commissaires  qui  avaient  été  députés  par  le 
pape  Sixte  IV  pour  examiner  les  statuts  de 
la  réforme  ,  avec  pouvoir  d'y  retrancher  ou 
d'y  ajouter,  comme  ils  le  jugeraient  à   pro- 
pos, les  rendirent  communs  pour  tous  les 
couvents  réformés,  par  un  acte  du  mois  de 
janvier  1479. 

Renée  de  Bourbon  ayant  succédé  à  Anne 
d'Orléans  l'an  1491  ,  un  de  ses  principaux 
soinsfut  de  travailler  à  faire  recevoir  la  ré- 
forme dans  tout  l'ordre,  ce  qu'elle  fit  avec 
un  si  grand  succès  qu'elle  introduisit  la  re- 
forme dans  vingt-huit  maisons.  Elle  com- 
mença par  le  monastère  de  Fonlevrault,  qui 
était  le  chef  de  l'ordre;  mais  elle  y  trouva  de 
si  grands  obstacles  de  la  part  des  religieux. 
et  des  religieuses  qui  ne  voulaient  point  de 
réforme  ,  qu'elle  fut  obligée  de  recourir  à 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


312 


l'autorité  de  Louis  XII,  qui  la  favorisa  dans 
son  pieux  dessein  ;  et  l'an  1504  elle  y  fit  venir 
par  ordre  de  ce  prince  quarante-deux  reli- 
gieuses réformées  qu'elle  tira  des  monastè- 
res delà  Madeleine  d'Orléans,  de  la  Chaise- 
Pieu  ,  de  Fontaine,  de  Foicy,  de  l'Encloître 
en  Gironde,  de  Varville  et  des  Filles-Dieu  de 
Paris,  tous  couvents  réformés  par  Marie  de 
Bretagne  et  Anne  d'Orléans,  et  elle  envoya 
les  religieuses  qui  avaient  été  les  plus  op- 
posées à  la  réforme  en  d'autres  monastères. 

Comme  selon  les  nouveaux  statuts  il  fal- 
lait faire  vœu  de  clôture,  elle  fut  la  première 
à  en  donner  l'exemple,  ce  qu'elle  til  l'an  1505 
entre  les  mains  de  Louis  de  Bourbon,  évê- 
que  d'Avranches,  son  frère  naturel,  en  pré- 
sence de  la  reine  de  France  Anne,  duchesse 
de  Bretagne;  de  Jeanne  d'Orléans,  duchesse 
de  Valois  ;  de  Charlotte  de  Bourbon  ,  com- 
tesse de  Nevers,  sa  sœur,  et  de  plusieurs  au- 
tres princes  et  princesses.  Deux  jours  après, 
les  religieuses  anciennes  qui  étaient  restées 
à  Fontevrault  firent  le  même  vœu  de  clô- 
ture, et  le  décret  de  la  réforme  lut  univer- 
sellement reçu  dans  ce  monastère,  l'an  1507, 
par  toutes  les  religieuses,  au  nombre  de 
quatre-vingt-deux  professes  et  de  dix  novi- 
ces, et  par  plusieurs  religieux. 

Mais  ce  ne  fut  pas  sans  peine  qu'elle 
réussit  dans  l'établissement  de  cette  réforme 
générale,  car  elle  eut  à  surmonter  des  tra- 
verses que  lui  suscitèrent  les  religieux  qui 
avaient  déjà  reçu  la  réforme,  qui, pour  leur 
intérêt  particulier  ne  souhaitaient  point  cette 
réforme  générale  :  car  il  éiait  dit  par  les  sta- 
tuts de  la  réforme  dressés  par  les  commis- 
saires de  Sixte  IV,  que  l'abbesse  de  Fonte- 
vrault ne  jouirait  point  de  sa  juridiction  en 
tout  l'ordre  ,  que  lorsque  la  réforme  aurait 
été  introduite  dans  le  monastère  de  Fonte- 
vrault ;  c'est  pourquoi  les  religieux  réformés, 
voyant  que  quand  la  réforme  serait  reçue  à 
Fontevrault,  le  pouvoir  qui  leur  avait  été  ac- 
cordé par  provision  de  visiter  les  couvents 
réformés  cesserait ,  traversèrent  l'abbesse 
dans  le  dessein  de  la  réforme  générale,  et 
n'y  consentirent  qu'à  condition  qu'elle  leur 
continuerait  la  même  autorité,  la  menaçant 
de  la  faire  déclarer  triennale  si  elle  ne  leur 
accordait  leur  demande.  Ce  fut  pour  le  bien 
de  la  paix  et  pour  réussir  plus  aisément  dans 
son  entreprise  que  celle  princesse  fit  un  con- 
cordai avec  eux  ,  l'an  1504-,  par  lequel  elle 
leur  accorda  que  les  religieuses  et  les  reli- 
gieux des  couvenls  réformés  vivraient  selon 
leur  manière  accoutumée,  sans  qu'elle  eût 
aucune  puissance  sur  eux  ,  à  raison  de  la 
réforme  qu'elle  venait  d'établir  à  Fonte- 
vrault, nonobstant  ce  qui  élait  contenu  dans 
ses  statuts  au  sujel  de  la  juridiction,  dont 
elle  se  démettait  en  leur  faveur,  et  que  quant 
à  la  personne  de  l'abbesse,  pour  savoir  par 
qui,  en  quel  temps  et  de  quelle  manière  elle 
sérail  visitée  ,  quelle  serait  son  autorité  et 
celle  des  visiteurs,  et  si  celles  qui  lui  succé- 
deraient seraient  perpétuelles  ou  pour  un 
temps  ,  on  s'en  rapporterait  à  des  arbitres 
qui  seraient  nommés  de  part  et  d'autre. 

Cette  princesse  étant  tombée  malade  en 


1500,  on  exigea  d'elle  dans  l'extrémité  de  sa 
maladie  une  procuration  pour  terminer  ces 
différends;  et,  par  un  concordat  qui  fut 
passé  en  vertu  de  cette  procuration,  elle 
devint  soumise  à  ses  inférieurs,  en  ee  qu'elle 
devait  être  visitée  par  ses  religieux ,  qui 
avaient  même  le  pouvoir  de  la  suspendre  et 
de  la  déposer.  Mais  étant  revenue  en  santé, 
elle  révoqua  celte  procuration,  et  poursuivit 
avec  zèle  la  réforme.  Elle  obtint  une  bulle 
de  Léon  X,qui  l'approuvait  et  la  confirmait 
dans  son  pouvoir,  et  des  lettres  patentes  du 
roi,  qui  l'aulorisait  dans  son  pieux  dessein. 

Les  religieux  réformés  voulant  se  préva- 
loir du  concordat  qui  avait  été  signé  en  verlu 
de  cette  procuration  qu'elle  avait  révoquée, 
voulurent  le  faire  homologuer  au  parlement 
de  Paris.  Mais  les  anciens  religieux  s'y  op- 
posèrent, comme  étant  contraire  aux  coutu- 
mes et  à  l'esprit  de  l'ordre.  L'abbesse  et  le 
procureur  général  se  joignirent  à  eux  ;  le 
procès  fut  pendant  à  la  cour  depuis  l'an  1508 
jusqu'en  l'an  1518  ,  que  le  roi  évoqua  l'af- 
faire au  grand  conseil,  qui  rendit  le  18  mars 
1520  un  arrêt  qui  cassa  le  concordat,  et  or- 
donna que  l'abbesse  serait  perpétuelle  et  ne 
serait  visitée  que  d'autorité  apostolique,  par 
un  religieux  d'un  autre  ordre  réformé  :  ce 
qui  fut  confirmé  par  le  pape  Clément  VII, 
l'an  1523. 

Eléonore  de  Bourbon,  qui  avait  été  nom- 
mée abbesse  de  Fontevrault  en  1575,  après 
avoir  gouverné  cet  ordre  avec  beaucoup  de 
conduite  et  de  prudence  pendant  près  de 
trente  ans,  se  voyant  dans  un  âge  fort  avan- 
cé, demanda  une  coadjutrice  au  roi  Henri  IV, 
son  neveu  ,  pour  soutenir  avec  elle  le  far- 
deau du  gouvernement  de  l'ordre  et  l'aider  à 
en  déraciner  quelques  abus  qui  s'y  étaient 
glissés  par  le  malheur  des  guerres  civiles. 
Elle  jela  pour  cela  les  yeux  sur  la  Mère  An- 
toinette d'Orléans,  sa  nièce,  qui  s'était  re- 
tirée au  couvent  des  Fouillantes  de  Toulouse, 
où  elle  avait  pris  l'habit,  comme  nous  avons 
dit  ailleurs.  Celle  princesse  lui  fut  accordée 
pour  coadjutrice,  et  les  bulles  en  furent  ex- 
pédiées à  Rome  l'an  IGOi.  La  Mère  Antoi- 
nette d'Orléans  ne  consentit  à  aller  à  Fonte- 
vrault qu'à  condition  qu'elle  n'y  demeure- 
rait qu'un  an.  et  qu'elle  ne  quitterait  point 
l'habit  de  Feuillante  ,  en  sorte  qu'il  fallut 
obtenir  un  second  bref  du  pape  Paul  V  pour 
l'obliger  à  prendre  l'habit  de  Fontevrault  et 
la  charge  de  coadjutrice.  Elle  obéit,  sans 
perdre  pourtant  l'espérance  de  revoir  son 
couvent  de  Toulouse.  Elle  commença  l'exer- 
cice de  sa  charge  par  bannir  de  Fontevrault 
la  propriété  de  tout  ce  que  possédaient  les 
religieuses,  et  les  obligea  ,  par  son  exemple 
et  par  le  pouvoir  qui  lui  avait  été  donné  par 
l'abbesse  ,  à  vivre  dans  une  observance 
exacle  de  leur  règle.  Elle  procura  la  même 
chose  dans  les  autres  maisons  ;  mais,  après 
la  mort  de  l'abbesse,  sa  tante,  elle  se  démit 
de  sa  coadjutorerie,  et  obtint  du  roi  la  per- 
mission pour  procéder  à  l'élection  d'une 
autre  abbesse. 

11  y  eut  encore  de  grandes  contestations 
dans    l'ordre  ,   sous    le   gouvernement    de 


rt* 


FON 


FON 


SU 


leanne-Baptiste  de  lîourbon  ,   au  'sujei  de 

quelques  maisons  que  1rs  religieux  préten- 
dirent avoir  pour  y  demeurer  seuls  et  y  re- 
cevoir les  novices.  Dès  l'an  1G21  ils  sollicitè- 
rent l'abbesse  Louise  de  Bourbon  Lavedan 
de  faire  revoir  la  règle.  Celte  princesse  de- 
manda pour  ce  sujet  des  commissaires  ,iu 
pape  Grégoire  XV,  qui  nomma  pour  cette 
révision  quelques  prélats  par  sa  bulle  de  l'an 
1621;  niais  on  inséra  dans  la  règle  qui  fut 
dressée  de  nouveau  tant  de  choses  qui  (ten- 
daient à  la  ruine  et  à  la  destruction  de  l'or- 
dre, qu'elle  ne  fut  reçue  ni  par  les  religieu- 
ses ,  ni  par  les  religieux.  Ce  qui  fil  que  la 
chose  resta  indécise  jusqu'après  la  mort  de 
ce  pontife,  que,  ceux-ci  persistant  toujours 
dans  leur  même  demande,  l'abbesse  Louise  de 
Bourbon  Lavedan,  et  Jeanne-Baptiste  de 
Bourbon,  sa  coadjutrice,  lassées  de  leur  ra- 
portunilé,  supplièrent  le  pape  Urbain  \  111, 
qui  avait  succédé  à  Grégoire  XV  en  1623,  de 
vouloir  permettre  que  les  religieux  de  l'or- 
dre s'établissent  dans  les  trois  monastères 
de  l'Encloîlre  en  Gironde,  de  la  Pu\e  et 
d'Orsan,  et  que  les  religieuses  de  ces  trois 
monastères  fussent  transférées  en  d'aulres 
prieurés  de  l'ordre.  Le  motif  qu'elles  suppo- 
sèrent pour  obtenir  plus  facilement  leur  de- 
mande lut  que  les  religieux,  étant  obligés  par 
leur  profession  de  servir  les  religieuses  pour 
la  direction  de  leurs  consciences,  dans  la 
naissance  de  l'ordre  les  monastères  étaient 
doubles,  l'un  pour  les  filles,  l'autre  pour  1  s 
religieux,  mais  que  le  revenu  des  maisons 
étant  diminué ,  elles  n'étaient  plus  en  état 
d'entretenir  un  si  grand  nombre  de  religieux, 
quelques-unes  même  n'en  pouvant  entrete- 
nir qu'un  ou  deux  au  plus:  qu'il  n'y  avait 
qu'un  seul  couvent  de  religieux,  qui  était  à 
Fontevrault,  où  ils  vécussent  en  commun, 
et  que  ce  monastère  ne  pouvait  pas  non  plus 
entretenir  le  nombre  de  religieux  qu'il  fau- 
drait pour  plus  de  cinquante  monastères  de 
filles  dont  l'ordre  était  composé  :  ce  qui  fai- 
sait qu'on  était  obligé  d'avoir  recours  à  des 
religieux  de  différents  ordres  pour  suppléer 
an  défaut  de  ceux  de  Fontevrault;  qu'ainsi, 
pour  remédier  à  cet  inconvénient  et  pour 
soulager  leurs  monastères,  elles  suppliaient 
Sa  Sainteté  de  vouloir  bien  permettre  qu'el- 
les abandonnassent  aux  religieux  trois  mai- 
sons de  celles  qui  étaient  occupées  par  des 
filles,  pour  en  faire  des  séminaires  d'où  l'on 
tirerait  des  personnes  capables  pour  être  en- 
voyées dans  les  couvents  de  l'ordre  ;  et,  afin 
de  rendre  la  demande  plus  aisée  à  obtenir, 
on  supposa  que  l'abbesse  ne  perdrait  rien 
de  sa  juridiction,  et  que  ce  serait  toujours  à 
elle  d'admettre  au  noviciat  les  postulants  et 
de  recevoir  les  novices  à  la  profession  ,  du 
consentement  néanmoins  du  chapitre  du 
couvent  où  ils  seraient  admis.  Le  pape  ac- 
corda l'an  163G  ce  qu'on  lui  avait  demandé. 
Mais,  comme  ce  dessein  n'avait  qu'une  fausse 
apparence  d'utilité  pour  l'ordre,  et  que  dans 
le  fond  il  lui  était  préjudiciable  ,  soit  que 
l'abbesse  ne  crût  pas  que  le  pape  accordât 
celte  demande,  soit  qu'elle  se  repentît  après 
de  Favoir  faile,  ce  projet  ne  fut  pas  exécuté, 


et  on  n'eut  aucun  égard  à  la  bulle  d'Ur- 
bain VIII. 

Louise  de  Bourbon  Lavedan  étant  morte, 
et  Jeanne-Baptiste  de  Bourbon  ayant  pris  le 
gouvernement  de  l'ordre,  les  religieux  re- 
nouvelèrent leurs  prétentions  l'an  1639. 
Après  bien  des  poursuites,  le  roi  Louis  XIII 
voulut  prendre  connaissance  de  celle  affaire. 
Sa  Majesté  nomma  des  commissaires.  On 
écrivit  de  part  et  d'autre,  et  les  religieux  fi- 
rent imprimer  un  Factum  injurieux  contre 
Perdre,  sous  le  litre  de  Factum  pour  les  re- 
ligieux de  Fontevrault  touchant  les  diffë- 
rends  dudit  ordre,  qui  est  encore  conservé 
dans  quelques  bibliothèques  de  Paris;  et  en- 
fin, sur  le  rapport  des  commissaires,  le  roi, 
par  un  arrêt  du  8  octobre  1641,  ordonna  que 
la  rèiile  de  l'ordre  de  Fontevrault  confirmée 
parle  pape  Sixte  IV, ensemble  l'arrêtdu  grand 
conseil  de  1320  et  la  bulle  de  Clément  VII 
confirmative  de  cet  arrêt,  seraient  gardés  et 
observés  dans  tout  l'ordre  par  les  religieu- 
ses et  religieux  selon  leur  forme  et  teneur, 
sans  que,  sous  prétexte  des  bulles  des  an- 
nées 1621  et  1636,  il  pût  être  apporté  aucun 
changement  à  l'observance  de  cette  règle  et 
aux  pratiques  et  usages  de  l'ordre,  ni  que 
les  couvents  de  l'Encloîlre  en  Gironde,  Or- 
san  et  la  Puye,  ou  autres,  pussent  être  chan- 
gés en  d'autres  usages  que  ceux  de  leur 
fondation.  Sa  Majesié  maintint  l'abbesse, 
les  prieures  et  les  religieuses  dans  tous  leurs 
privilèges,  et  l'abbesse  en  particulier  dans 
toute  sa  juridiction  et  aulorité  sur  tout  l'or- 
dre, tant  au  spirituel  qu'au  temporel,  sans 
<;ue  les  confesseurs  el  religieux  se  pussent 
ingérer  dans  l'administration  du  temporel, 
qu'en  tant  qu'ils  y  seraient  employés  par  la 
dame  abbesse  dans  son  abbaye  et  dans  tout 
l'ordre,  ou  par  les  prieures  dans  leurs  mo- 
nastères; et  Sa  Majesié  ordonna  de  plus  que 
le  libelle  imprimé  sous  le  titre  de  Factum 
serait  lacéré  par  le  greffier  de  la  commis- 
sion; (pic  les  paroles  injurieuses  et  scanda- 
leuses contenues  dans  les  mémoires  qui 
avaient  été  donnés  seraient  biffées  en  pré- 
sence des  procureurs  des  religieux,  qui  se- 
raient tenus  d'en  demander  pardon  à  l'ab- 
besse, et  en  sa  présence  à  toutes  les  prieures 
et  religieuses  de  l'ordre,  en  piésence  des 
commissaires  ou  trois  d'entre  eux,  et  ce  à 
la  grande  grille  du  couvent  des  Filles-Dieu 
de  Paris,  où  l'abbesse  était  pour  lors  :  ce  qui 
fui  exécuté.  Ainsi  la  paix  et  la  tranquilliié 
lurent  rétablies  dans  l'ordre,  et  l'abbesse  lit 
imprimer  les  statuts  qui  avaient  été  dresses 
par  les  commissaires  députés  par  le  pape 
Sixte  IV  pour  la  réforme  de  cet  ordre,  les- 
quels statuts  y  sont  encore  en  pratique.  Ceux 
qui  concernent  les  religieuses  contiennent 
soixante-quatorze  chapitres,  et  ceux  des  re- 
ligieux seize. 

Ceux  des  religieuses  concernant  l'office 
divin  renvoient,  pour  le  nombre  des  psaumes 
qu'elles  doivent  dire  à  matines  et  aux  heures 
canoniales,  selon  l'occurrence  des  fêles,  et, 
pour  la  manière  de  le  célébrer,  au  bref  de 
l'ordre  ;  mais  ils  ordonnent  que  pendant  l'a- 
veut  el  le  carême  elles  diront  devant  maliuci 


515 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


310 


quinze  psaumes,  et  après  matines  les  sept 
psaumes  pénitenliaux  avec  les  litanies  des 
saints,  et  de  plus  en  carême,  après  cliaquc 
heure  < -anomale,  un  psaume,  étant  proster- 
nées contre    terre.    Dans  les   autres   temps, 


Tous  les  lundis,  mercredis  et  venoredis, 
elles  s'assembleront  au  chapitre,  tant  pour 
y  dire  leurs  coulpes  que  pour  les  nécessités 
du  monastère.  Le  chapitre  du  vendredi  est 
principalement  établi    pour  les   coulpes  en 


excepté   le  temps  pascal,    tous  les  vendredis      particulier,  les  religieuses  disant  leurs  <■  i.-î- 
et  les  jours  de  jeûnes  ordonnés  par  l'Eglise,      pes  en  général  les  lundis   et   mercredis.  Le 


(lies  diront  quinze  psaumes,  à  moins  qu'il 
n'arrive  ces  jours-là  une  fê'.e  de  neuf  leçons 
ou  quelque  octave.  Tous  les  jours  l'office 
des  morts  et  celui  de  la  Vierge,  excepté  les 
fêles  doubles  majeures,  et  quelques  autres 
jours  qui  leur  sont  marqués,  et  une  fois  ia 
semaine  vêpres  et  laudes  de  l'office  do  Tous 
les  Saints. 

Elles  se  lèveront  à  minuit  pour  dire  mati- 
nes, feront  l'oraison  mentale,  garderont  le 
silence  aux  heures  cl  dans  les  lieux  mar- 
qués. Tous  les  vendredis,  en  tout  temps,  après 
matines,  s'il  n'est  pas  fête  double,  et  toutes 
les  vigiles  des  grands  doubles,  si  ce  n'est  un 
dimanche  ou  une  fête  double,  comme  aussi 
les  lundis  et  mercredis  pendant  l'avenl  et  le 
carême,  et  tous  les  jours  depuis  le  dimanche 
des  Hameaux  jusqu'à  Pâques,  elles  rece- 
vront la  discipline  de  la  main  de  la  prieure, 
qui  la  recevra  aussi  des  mains  d'une  autre 
sœur. 

Tous  les  lundis  et  mercredis,  elles  s'abs- 
tiendront de  manger  de  la  viande ,  si  ce 
n'est  dans  les  maladies,  ou  par  raison  d'une 
grande  vieillesse  ou  jeunesse.  Eiles  s'en  abs- 
liendront  aussi  depuis  la  Scptuagésime  jus- 
qu'à la  Quinquagésime,  et  depuis  l'Ascen- 
sion jusqu'à  la  Pentecôte,  aussi  bien  que 
pendant  l'avenl.  Mais  depuis  la  Quinquagé- 
sime jusqu'à  Pâques,  elles  s'abstiendront  dis 
toutes  choses  provenant  de  la  chair.  Tant 
aux  jours  de  jeûnes  qu'à  ceux  qui  ne  le  sont 
pas,  on  leur  donnera  deux  sortes  de  viandes 
cuites,  et  quelques  fruits  et  légumes  pour 
troisième  portion.  Une  livre  de  pain  leur 
suffira  pour  chaque  jour,  dont  elles  en  ré- 
serveront le  liers  pour  leur  souper,  s'il  n'est 
pas  jeûne,  et  une  chopine  de  vin,  étant  à  la 
liberté  de  la  prieure  d'augmenter  ou  dimi- 
nuer, selon  qu'elle  le  jugera  à  propos.  Outre 
les  jeûnes  prescrits  par  l'Eglise,  elles  jeû- 
neront encore  tous  les  vendredis  depuis  Pâ- 
ques jusqu'à  la  Nativité  de  la  sainte  Vierge, 
et  depuis  celte  fêle  jusqu'au  premier  novem- 
bre tous  les  mercredis  et  vendredis;  depuis 
î  •  premier  novembre  jusqu'à  Pâques,  les 
lundis  et  mercredis,  et  tous  les  jours  pen- 
dant l'avcnt. 

Quant  à  leur  habillement,  on  leur  permet 
deux  robes  blanches  avec  une  coule  noire, 
un  surplis  sur  leur  habit  blanc  avec  une 
ceinture  de  laine  noire  ou  de  til  ;1).  Selon  le 
temps  et  les  lieux  elles  peuvent  quitter  la 
coule.  On  leur  permet  aussi  des  chemises  de 
chanvre  ou  de  lin,  dont  elles  ne  doivent  se 
servir  qu'avec  la  permission  de  la  prieure, 
mais  ordinairement  elles  seront  de  blanchel 
ou  d'élainine.  Elles  coucheront  vêtues  avec 
leurs  robes  blanches  et  leurs  surplis  dans 
des  draps  de  serge. 


premier  lundi  de  carême  on  lient  un  chapi- 
tre pareil  à  ceux  des  vendredis,  et  chaque 
ofïicière,  en  disant  sa  coulpe,  renonce  à  son 
office  entre  les  mains  de  la  prieure,  qui  peut 
l'en  décharger  et  le  donner  à  une  autre. 

Quant  à  la  manière  de  faire  les  visites 
dans  cet  ordre,  l'arrêt  du  grand  conseil  de 
l'an  1520,  dont  nous  avons  parlé,  et  le  bref 
de  Clément  VT1  de  l'an  1523,  ordonnèrent 
que  le  monastère  de  Fontevrault,  les  ab- 
brsses  (qui  seraient  perpétuelles  et  non  pas 
triennales),  les  religieuses  et  les  religieux 
qui  demeurent  seulement  dans  l'enclos  de  ce 
monastère,  seront  visités  d'autorité  aposto- 
lique une  fois  l'an  par  un  religieux  d'un  au- 
tre ordre,  qui  sera  élu  pour  trois  ans  seule- 
ment, laquelle  élection  se  fera  le  mardi  de  la 
Penlecôte,  par  chaque  monastère,  qui  après 
l'élection  députera  un  religieux  pour  la  por- 
ter à  Fontevrault,  où  l'abbesse,  le  samedi  de 
l'octave  du  Saint-Sacrement,  sera  obligée  de 
la  publier  à  la  grande  grille  du  couvent,  en 
présence  de  tous  les  députés  de  ces  mêmes 
monastères,  en  choisissant  pour  visiteur  ce- 
lui qui  aura  plus  de  voix;  qu'en  cas  d'éga- 
lité de  voix,  il  lui  sera  permis  de  nommer 
celui  des  deux  qu'elle  voudra;  que  pour  la 
visite  des  autres  couvents  de  l'ordre,  elle 
sera  obligée  de  commettre  un  ou  deux  visi- 
teurs du  même  ordre,  qui  seront  aussi  trien- 
naux, et  qu'elle  constituera  ses  grands  vi- 
caires aux  choses  spirituelles.  Telles  sont 
les  principales  observances  de  ces  religieu- 
ses, qui,  après  l'année  de  probatiou,  pronon- 
cent leurs  vœux  selon  cette  formule  :  Je  N. 
promets  stabilité  sous  clôture,  conversion  de 
mes  mœurs,  chasteté,  pauvreté  et  obéissance, 
selon  les  statuts  de  la  ré  formation  de  l'ordre 
de  Fontevrault,  ordonnés  en  ce  lieu  par  le 
décret  du  pape  Sixte  I  V,  suivant  la  règle  de 
Saint-Benoît,  en  l'honneur  du  Sauveur,  de  sa 
Mère  et  de  saint  Jean  l'évangclislc,  en  votre 
présence,  Mire  prieure  de  ce  monastère.  Les 
religieuses  du  chœur  prononcent  leurs  vo?ux 
en  latin  et  les  sœurs  converses  en  français. 

Quant  aux  religieux  de  cet  ordre,  ils  ne 
peuvent  recevoir  personne  et  lui  donner  l'ha- 
bit, ce  droit  appartenant  à  l'abbesse  seule 
et,  à  son  refus,  à  la  prieure  et  aux  sœurs; 
mais  à  la  profession  les  religieux  y  donnent 
leur  consentement.  Le  confesseur  leur  donne 
l'habit  dans  la  grande  église,  en  présence  des 
religieuses,  et  après  l'année  de  probatiou  ils 
prononcentleurs  vœux  en  ces  termes  :  Je  N., 
de  telle  condition,  etc.,  du  diocèse  de,  etc., 
proposant  servir  aux  serrantes  de  Jésus- 
Christ,  jusqu'à  la  mort,  avec  la  révérence  de 
soumission  due,  promets  stabilité,  conversion 
de  mes  mœurs,  chasteté  pure,  pauvreté  nue  et 
obéissance  selon  les  statuts  de  la  ré  formation 


(I)  Foi/.,  à  la  fin  du  vol.,n"  66  et  67. 


517  FON 

de  l'ordre  de  Fontevrault  ordonnés  au  pré- 
sent monastère  par  le  decret  du  pope  Sixte  l  V, 
en  l'honneur  de   Notre-Sauceur,  de  sa  très- 
'ili'/n    Mère  cl  de  saint  Jean  l'évange  liste,  en 
votre  présence,  Mère  prieure  de  ce  moncslère. 
Le  vœu  des   Jrèi es  convers   est  sembla1, le, 
sinon  que  ceux-ci  le  prononcent  en  frauçais 
et  les  clercs  en  latin.  Leur  pauireîé  consiste 
en   ce  qu'ils   ne  peuvent  accepter,  en    kur 
propre  nom  ni  en   commun,   aucun  legs,  ou 
donation,  ou  autre  chose  quelconque;   tout 
ce  qui   leur  pourrait  être   donné  ou   qu'ils 
pourraient  gagner  par  leur  industrie  et  tra- 
yail   appartenant   aux   religieuses,  qui  leur 
doivent    fournir  tous    leurs    besoins,  ils  ne 
peuvent   pus  même  distribuer  aux  pauvres 
ce  qui  reste  de  leur  table,  ils  le  doivent  ren- 
dre aux  religieuses,  qui  en  font  elles-mêmes 
la  distribution.    Ils   doivent  réciter  l'office 
canonial  à  voix  basse  dans  leur  chapelle.  Ils 
sont  exemptés  des  quinze  psaumes,  des  vê- 
pres et  laudes  de  Tous  les  Saints,  des  psau- 
mes qu'on  dit   étant  prosternés,  aussi   bien 
que  des  suffrages   et  commémoraisons ,    à 
raison  de  leurs  occupations  pour  le  service 
des  religieuses.  Ils  doivent  néanmoins  dire 
en   carénie  tous  les  jours  les  sept  psaumes 
avec  les  petites  litanies,  excepté  les  diman- 
ches et  les  fêtes  île  douze  leçons,  et  tous  les 
jours  aussi  l'office  de  la  Vierge  et  celui  des 
Morts,    excepté  les  jours   spécifiés   dans    le 
bref  de  l'ordre.  Le  silence  leur  est  recom- 
mandé au  cloître,  au  dortoir  et  au  réfec- 
toire, ei   depuis  le  commencement  de  com- 
piles jusqu'à  la  fin  de  prime,  dans  toute  la 
maison.  Ils  reçoivent  la  discipline  des  mains 
du  confesseur  aux  jours  qu'on  la  donne  aux 
sœurs.  Ils  sont  obligés  aux  mêmes  jeûnes  et 
aux  mômes  abstinences  que  les  religieuses  ; 
mais  lorsqu'ils  sont  envoyés  par  la  prieure 
hors  du  monastère,  ils  peuvent  manger  delà 
viande  aux  jours  défendus  par  la  règle  et 
même   souper,  s'il  n'est  pas  jeûne  d'Eglise. 
Leur  habillement  (1)  consiste  en  une  tunique 
ou  robe  noire,  une  chape;  et  par-dessus  un 
chaperon  ou  grand  capuce  auquel  sont  atta- 
chées deux  pièces  de  drap,  l'une  par-devant, 
l'autre   par- derrière  :  ces   pièces  de    drap, 
qu'ils  nomment  des  roberts,  sont  de  la  lon- 
gueur et  de  la  largeur  d'un  palme  ,  avec  des 
ceintures  de   laine  pour  serrer  leur  robe. 
Quaud  ils  servent  la  messe,  en  tout  temps 
ils  portent  des  surplis;  depuis  Pâques  jus- 
qu'au premier  novembre,  aux  jours  des  di- 
manches et  des  fêtes,  ils  ont  aussi  des  sur- 
plis  pendant  la  grand'messe,  et  depuis   le 
premier  novembre  jusqu'à  Pâques  leurs  cha- 
pes. Les  frères  convers  sont  habillés  de  gris 
avec  un  chaperon    et  des  roberts,    comme 
vous  le  voyez  à  la  première  figure,   à  l'ex- 
ception que  la  têtière  ne  paraît  pas  comme 
au  chaperon  des  prêtres,,  parce  qu'elle  est 
cousue  à  leurs  habits,  sur  lesquels  il  y  a  à 
la  poitrine  ces  lettres,  M.  et  1.  L'on  a  con- 
servé dans  cet  ordre  l'ancien  usage  de  dire 
ténèbres  à  minuit. 
Le  P.  Bonanni,  dans  son  Catalogue  des 


FOU  318 

ordres  religieux,  où  il  a  été  si  exact  à  re- 
présenter les  habillements  religieux  tels  que 
Schoonebeek  les  avait  donnés  en  1088,  a 
néanmoins  abandonné  cet  auteur  à  l'égard 
i!es  religieux  de  Fontevrault,  pour  suivre  le 
P.  Heurier,  Célestin,  qui  leur  donne  un  sca- 
j  ul.iire  par-dessus  le  capuchon  ;  niais  en  cet 
endroit  le  P.  Bonanni  aurait  mieux  fait  de 
suivre  Schoonebeek,  qui  a  représenté  l'h.:- 
billeme.  t  de  ces  religieux  tel  qu'il  doit  être, 
ce  qu'il  n'a  pas  fait  à  l'égard  de  celui  îles  re- 
ligieuses, que  le  P.  Bonanni  a  néanmoins 
l'ait  copier  sur  les  figures  qu'en  avait  dpi  - 
nées  Schoonebeek.  Nous  ferons  remarquer 
à  ce  sujet  que  le  P.  Bonanni,  parlant  de. 
la  fondation  de  cet  ordre  ,  l'attribue  vers 
l'an  1110  à  un  nommé  Evrault,  qui,  à  ce 
qu'il  dit,  était  un  fameux  chef  de  voleurs  qui 
fut  converti  par  Boberl  Blésius,  natif  de  Pa- 
ris, et  moine  bénédictin,  que  quelques-uns 
nomment  Arbrisselle  et  d'autres  Arbrucelle. 
C'est  ainsi  que  le  P.  Bonanni  parlait  en  1706, 
lorsqu'il  donna  la  première  partie  de  son 
Catalogue,  qui  traite  seulement  des  reli-< 
gieux.  Mais  il  a  parlé  d'une  autre  manière 
dans  la  seconde  partie,  qui  parut  en  1707, 
et  qui  contient  les  religieuses;  car  il  dit 
que  l'ordre  de  Fontevrault  fut  fondé  vers 
l'an  1088  par  un  nommé  Boberl,  chef  de  vo- 
leurs, qui  fut  converti  par  un  célèbre  reli- 
gieux bénédictin  nommé  Arbrisselle.  Je  ne 
sais  qui  peut  avoir  fait  tomber  le  P.  Bonanni 
dans  cette  erreur,  puisque  Baronius,  du 
Saussay  et  Gonon,  qu'il  cite,  ont  parlé  au- 
trement du  fondateur  de  cet  ordre,  qu'ils  re- 
connaissent pour  Boberl  d'Ârbrissel. 

Michaël  Cosnier,  Fonlis-Ebraldi  Exord. 
et  Vit.  B.  Roberti;  la  Chronique  de.  Fonte- 
vrault, par  Baudri,  évéquede  Dol,  et  André, 
moine  de  cet  ordre  ;  Pavillon,  Vie  du  B.  Ro- 
bert d'Arbrissel;  Bollandus,  23  Februarii, 
Acl.  SS;  Honoré  Niquet,  Jésuite,  Hist.  de 
l'ordre  de  Fontevrault;  Factum  pour  les  re- 
ligieux de  Fontevrault  touchant  les  différends 
de  cet  ordre;  Joann.  a  Manu-Firma,  Cly- 
peus  nascentis  ordinis  Fontis-Ebraldi;  Dis- 
sertation sur  la  lettre  de  Geo ff roi  de  Ven- 
dôme, par  un  anonyme  de  l'ordre  de  Fonte- 
vrault ;  Baillet,  Vies  des  Saints,  23  février  ; 
et  les  Constitutions  de  cet  ordre  imprimées 
à  Paris  en  lGi3. 

FOUS,    AU    DUCHÉ   DE  ClÈVES  (CHEVALIERS  DE 

l'obdre  des). 
Comme  on  a  donné  à  plusieurs  ordres  de 
chevalerie  le  nom  de  société  ,  l'on  peut  re- 
garder comme  un  ordre  de  chevalerie  la  so- 
ciété qui  fut  instituée  à  Clèves  sous  le  nom 
de  société  des  Fous  :  ce  qui  n'est  pas  une 
chose  fort  extraordinaire,  puisqu'il  y  a  plu- 
sieurs académies  de  gens  de  lettres  en  Italie 
qui  ont  pris  des  noms  aussi  bizarres,  y  en 
ayant  une  à  Pérouse  sous  le  nom  d'insensés, 
une  à  Pise  sous  le  nom  d'Extravagants,  et 
une  à  Pésaro  sous  celui  d'Hétéroclites.  L'or- 
dre ou  la  société  des  Fous  à  Clèves  fut  insti- 
tué l'an  1380,  le  jour  de  Sainl-Rumbert,  par 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  nos  G3  et  69. 


319 


DICTIONNAIRE!  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


320 


Adolphe,  comte  de  Clèves ,  conjointement 
avec  trente-cinq  seigneurs,  qui  devaient  por- 
ter sur  leurs  manteaux  un  fou  d'argent  en 
broderie,  vêtu  d'un  petit  justaucorps  et  d'un 
capuchon  tissu  de  pièces  jaunes  et  rouges, 
avec  des  sonnettes  d'or,  des  chausses  jaunes 
et  des  souliers  noirs,  tenant  en  sa  main  une 
petite  coupe  pleine  de  fruits  (1).  Ils  s'assem- 
blaient le  premier  dimanche  après  la  fête  de 
saint  Michel  et  devaient  se  trouver  tous  à 
l'assemblée,  à  moins  qu'ils  ne  fussent  ma- 
lades ou  à  plus  de  six  journées  de  Clèves, 
comme  il  est  plus  amplement  porté  par  les 
lettres  de  cet  établissement ,  dont  l'original 
se  trouve  dans  les  archives  de  Clèves,  au 
rapport  de  Schoonebeck,  et  qui  commence 
ainsi  :  Nous  tous  qui  avons  apposé  notre 
sceau  à  ces  présentes,  savoir  faisons  à  tous 
ceux  qu'il  appartiendra  et  reconnaissons  qu'a- 
près une  mûre  délibération,  et  pour  l'affec- 
tion particulière  que  chacun  de  nous  a  pour 
les  autres  et  qu'il  continuera  d'avoir  à  l'ave- 
nir, nous  avons  établi  entre  nous  une  société, 
laquelle  nous  sommes  convenus  de  nommer  la 
Société  des  Fous,  dans  la  forme  et  manière  qui 
suit,  savoir  :  que  chacun  de  notre  société  por- 
tera un  fou  brodé  sur  son  habit,  selon  qu'il 
lui  plaira  ;  que  s'il  y  a  quelqu'un  qui  ne  porte 
pas  tous  les  jours  le  fou  ,  les  antres  confrères 
qui  s'en  apercevront  lui  feront  payer  l'amende 
de  trois  grandes  livres  tournois,  lesquelles  se- 
ront données  aux  pauvres  pour  l'amour  de 
Dieu.  Les  confrères  feront  une  assemblée  gé- 
nérale et  tiendront  leur  cour  une  fois  l'an,  et 
seront  obligés  de  s'y  trouver  tous  ;  ce  qui  se 
fera  à  Clèves  tous  les  ans,  le  dimanche  après  la 
fête  de  saint  Michel.  Ils  ne  pourront  sortir  de 
la  ville  ni  se  séparer  et  quitter  le  lieu  ot\  ils 
seront  assemblés,  que  chacun  n'ait  satisfait 
pour  les  frais  et  payé  sa  part  de  la  dépense. 
Il  n'y  aura  aucun  de  nous  qui  puisse  se  dis- 
penser de  s'y  trouver,  à  moins  qu'il  n'y  envoie 
un  bon  certificat  des  affaires  importantes  qui 
l'empêchent,  ou  d'une  maladie,  sans  en  excep- 
ter ceux  qui  se  trouveront  être  en  voyage  dans 
le  temps  qu'on  les  ira  avertir  et  citer  au  lieu 
de  leur  domicile  ordinaire  ;  que  s'il  arrive 
que  quelques-uns  des  confrères  aient  différend 
ensemble,  la  société  fera  tous  ses  efforts  pour 
les  réconcilier  depuis  le  matin  du  vendredi  au 
lever  du  soleil,  avant  que  la  cour  tienne,  jus- 
qu'au coucher  du  soleil  du  vendredi  auquel 
la  cour  aura  tenu.  Outre  cela ,  tous  les  ans, 
les  confrères  étant  à  la  cour  feront  élection  de 
l'un  d'entre  eux  pour  roi  et  de  ceux  qui  lui 
serviront  de  conseil ,  lequel  roi  et  son  conseil 
disposeront,  ordonneront  de  toutes  les  affaires 
de  la  société,  et  particulièrement  de  ce  qui  re- 
gardera l'assemblée  de  l'année  suivante,  et  les 
affaires  qui  y  seront  mises  sur  le  tapis  ou  qui 
concerneront  les  frais  et  la  dépense,  de  quoi 
ils  rendront  compte  exact  et  fidèle,  lesquels 
frais  seront  payés  par  égales  portions  par 
chaque  chevalier  pour  lui  et  pour  son  valet;  un 
comte  payera  un  tiers  plus  qu'un  baron.  Le 
mardi,  les  confrères,  étant  à  l'hôtel  de  leur  as- 
semblée à  Clèves,  iront  dès  le  matin  à  l'église 

\l)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  u°  70. 


de  Notre-Dame,  afin  d'y  faire  leurs  prières 
pour  ceux  de  la  société  qui  seront  décédés  ,  et 
chacun  ira  à  l'offrande,  etc.  Donné  et  fait  l'an 
1380  de  notre  salut,  le  jour  de  saint  Rumbert. 
Ces  lrttrcssont  scellées  de  trente-six  sceaux, 
tous  en  cire  verte,  excepté  celui  du  comte  de 
Clèves  ,  qui  est  en  cire  rouge.  Les  armes  de 
ces  seigneurs  sont  aussi  au  haut  de  la  pre- 
mière page,  et  Shoonebeck  les  a  fait  graver 
dans  son  Histoire  des  Ordres  militaires.  Il 
ajoute  que  l'on  ne  peut  lire  le  reste  de  ce  qui 
est  contenu  dans  ces  lettres  ;  mais  il  y  a  de 
l'apparence  que  ce  n'est  qu'une  traduction 
qu'il  nous  a  donnée  de  l'original,  puisque  le 
style  ne  se  ressent  point  de  l'antiquité. 

Schoonebeck,  Histoire  des  Ordres  mili- 
taires, tom.  II,  pag.  223. 

FRANCE  (Chanoines  réguliers  de  la  con- 
grégation de).    Voyez  Génovefains. 

FRANCE  (Congrégation  du  tiers  ordre 
de  Saint-François  dit  de).  Voy.  Pénitence. 

FRANCE  et  de  MARMOUTIER  (anciennes 
congrégations  bénédictines  de). 

Comme  il  s'est  Irouvé  des  critiques  qui  ont 
combattu  la  vérité  du  martyre  de  saint  Pla- 
cide en  Sicile,  il  s'en  est  trouvé  aussi,  sur  la 
tin  du  dernier  siècle ,  qui  ont  combattu  la 
vérité  de  la  mission  de  saint  Maur  en  France. 
M.  fiaillet  ,  dans  son  recueil  de  vies  des 
saints,  dit,  au  sujet  do  celle  mission  de  saint 
Maur  ,  qu'il  ne  veut  point  entrer  en  dispute 
sur  celle  matière  ,  et  fait  assez  connaiire 
dans  la  suite  du  discours  que  son  sentiment 
n'est  pas  que  ce  saint  soit  venu  en  France. 
C'e^t  ce  qui  a  donné  lieu  à  la  savante  disser- 
tation que  D.  Thierry  Ruinart,  bénédictin  de 
la  congrégation  de  Saint-Maur,  a  donnée  au 
public  l'an  1702,  où  il  prouve  par  des  argu- 
ments très-forts  (dont  M.  Raillet  n'a  pas  néan- 
moins été  convaincu),  que  saint  Maur,  fon- 
dateur de  l'abbaye  de  Glanfeuil  en  Anjou, 
est  le  disciple  de  saint  Renoit,  et  qu'il  fut  en- 
voyé en  France  par  ce  saint  patriarche  des 
moines  d'Occident. 

C'est  donc  ce  disciple  de  saint  Renoit  que 
nous  reconnaissons  pour  le  fondateur  de 
l'abbaye  de  Glanfeuil.  Il  élait  parti  du  Mont- 
Cassin  avec  trois  religieux  que  saint  Benoît 
lui  avait  donnés,  et  il  avait  été  accompagné 
par  Flodegard ,  archidiacre  de  saint  Inno- 
cent, évèque  du  Mans,  et  par  Harderad,  son 
intendant,  qui  avaient  été  les  demander  à  ce 
saint  palriarche  de  la  part  de  ce  prélat,  qui 
voulait  les  établir  dans  son  diocèse.  .Mais 
étant  arrivés  à  Orléans  et  y  ayant  appris  la 
mort  de  saint  Innocent,  et  que  celui  qui  avait 
usurpé  son  siège  n'était  pas  disposé  à  les  re- 
cevoir, ils  allèrent  en  Anjou  ,  sur  les  assu- 
rances que  leur  donna  Harderad  qu'ils  pour- 
raient s'y  établir  par  le  crédit  d'un  seigneur 
nommé  Flore,  qui  était  en  faveur  auprès  de 
Théodebert,  roi  d'Austrasie,  à  qui  cette  pro- 
vince obéissait  en  partie.  En  effet  Flore  eut 
tant  de  vénération  poursainl  Maur,  que  non 
content  d'avoir  fondé  pour  lui  un  monastère 
à  Glanfeuil  sur  la  rivière  de  Loire  ,  dans  le 


321 


FRA 


IRA 


522 


diocèse  d'Angers  ,  il  lui  offrit  encore  son  fils 
Berlulfe  ,  âgé  de  huit  ans  ,  pour  être  élevé 
sous  sa  discipline  ;  et  n'étant  pas  encore  sa- 
tisfait d'avoir  fait  bâtir  ce  monastère  et  d'y 
avoir  donné  son  fils,  il  s'y  donna  lui-même, 
après  avoir  demandé  la  permission  au  roi  de 
se  retirer  de  la  cour  :  ce  qu'il  obtint  de  ce 
prince,  qui,  s'y  étant  trouvé  le  jour  qu'il  de- 
vait prendre  l'habit  pour  honorer  la  céré- 
monie de  sa  présence,  lui  coupa  lui-même 
les  cheveux,  donna  au  monastère  une  terre 
considérable  ,  et  confirma  les  donations  que 
Flore  y  avait  faites. 

Huit  ans  après  l'arrivée  de  saint  Maur  en 
France,  l'abbaye  de  Glanfeuil  fut  dédiée  par 
Eutrope,  évèque  diocésain  ,  accompagné  de 
plusieurs  autres  évêques  de  la  province.  On 
y  avait  liâli  quatre  églises,  dont  la  première 
fut  consacrée  en  l'honneur  de  saint  Pierre  ; 
la  seconde,  en  l'honneur  de  saint  Martin;  la 
troisième,  qui  était  la  plus  petite,  poria  le 
nom  de  saint  Séverin  ,  apôtre  des  Bavarois  , 
cl  la  quatrième,  qui  était  en  forme  de  lour 
carrée,  à  l'enirée  du  monastère,  eut  pour 
titre  Saint-Michel-Archange.  Les  religieux, 
qui  y  étaient  pour  lors  au  nombre  de  qua- 
rante, se  multiplièrenl  beaucoup  dans  la 
suite,  de  sorte  que,  vingt-six  ans  après  la 
construction  de  ce  monastère  ,  il  y  en  avait 
cent  quarante  ;  lequel  nombre  fut  ti\é  par 
saint  Maur,  parce  que  le  revenu  de  l'abbaye 
n'eu  pouvait  pas  nourrir  davantage.  Saint 
Maur,  ayant  gouverné  ce  monastère  pendant 
plusieurs  années, et  sentant  ses  forces  dimi- 
nuer, résolut  de  ne  plus  sortir  du  monastère 
et  de  se  reposer,  pour  le  gouvernement  de  sa 
communauté,  sur  le  prieur  et  sur  les  autres 
officiers  de  sa  maison.  11  se  démit  ensuite  de 
la  charge  d'abbé  ,  et  ayant  l'ait  élire  en  sa 
place  Berlulfe,  fils  de  Flore,  fondateur  de  ce 
monastère  ,  il  se  renferma  dans  une  cellule 
proche  l'église  de  Saint-Martin  ,  avec  deux 
religieux  qui  voulurent  bien  demeurer  avec 
lui  et  le  soulager  dans  sa  vieillesse.  Ce  fut 
dans  ce  lieu  qu  il  eut  une  révélation  que  Dieu 
devait  bientôt  retirer  du  monde  la  plupart 
de  ses  disciples.  En  effet  ,  il  en  mourut ,  en 
cinq  mois,  ccnl  seize;  en  sorie  que  la  com- 
munauté fut  réduite  ci  vingt-quaire  person- 
nes. Ce  saint  abbé  ne  survécut  pas  long- 
temps à  celle  perte,  étant  mort  le  15  jan- 
vier 58i. 

Ce  que  Bucelin  et  que.ques  autres  auteurs 
ont  avancé,  que  saint  Maur  avait  bâti  jus- 
qu'à cent  soixante  monastères  en  France,  et 
réformé  encore  un  plus  grand  nombre,  est 
sans  aucun  fondement  :  il  n'y  a  pas  non  plus 
d'apparence  que  le  monastère  de  Glanfeuil 
ait  été  le  chel  d'une  congrégation  à  laquelle 
plusieurs  écrivains  ont  donné  le  nom  de 
Congrégation  de  France.  11  est  bien  plus 
croyable  que  pendant  que  saint  Maur  vivait, 
ce  monastère  dépendait  de  celui  du  Monl- 
Cassin,  puisqu'il  lui  a  été  encore  soumis 
dans  la  suite,  jusqu'en  l'an  755,  que  le  roi 
Pépin  ayant  donné  ce  monastère  de  Glan- 
feuil avec  tous  les  biens  qui  en  dépendaient, 
à  Gaidulphc,  originaire  de  Ravenne,  homme 
très-cruel,  il  le  ruina  entièrerrent,  et  persé- 


cuta cruellement  les  religieux,  qui  y  étaient 
au  nombre  de  cent  quarante,  comme  il  avait 
été  fixé  par  saint  Maur.  La  plupart  ne  pou- 
vant supporter  les  mauvais  traitements  de 
ce  tyran,  qui  leur  refusait  jusqu'aux  choses 
nécessaires  pour  la  vie,  abandonnèrent  le 
monastère.  11  y  en  eut  seulement  quatorze 
qui  y  restèrent  pour  chanter  l'office  divin; 
mais  à  la  fin,  étant  abattus  de  faim  et  de  mi- 
sère, et  ne  pouvant  observer  la  règle,  ils 
prirent  l'habit  de  chanoines. 

Gaidulphe  se  servit  de  cette  occasion  pour 
les  chasser  du  monastère,  et  mit  en  leur 
place  cinq  chapelains.  11  ruina  entièrement 
les  lieux  réguliers,  commençant  par  l'église, 
qu'il  renversa  de  fond  en  comble,  afin  que 
les  religieux  n'y  pussent  pas  revenir.  11  brûla 
ou  jeta  dans  la  rivière  de  Loire  les  titres  et 
les  actes  de  donations  qui  avaient  été  faites 
à  cette  abbaye,  à  la  réserve  de  quelques-uns 
qu'il  mit  en  dépôt  dans  Saint-Aubin  d'An- 
gers, où  il  furent  aussi  perdus  pendant  les 
ravages  des  Normands.  Mais  il  ne  jouit  pas 
longtemps  du  fruit  de  ses  crimes,  car  ayant 
appelé  ses  amis  pour  se  réjouir  avec  lui  de 
l'extinction  de  l'ordre  monastique  dans  Glan- 
feuil, il  mourut  au  milieu  du  festin.  Après 
sa  mort,  tous  les  biens  de  cette  abbaye  furent 
en  proie  à  tous  les  seigneurs  de  la  province  : 
le  comte  d'Anjou  et  plusieurs  autres  person- 
nes s'emparèrent  des  terres  et  des  revenus 
de  l'abbaye,  qui  demeura  déserte  et  inhabi- 
tée jusque  sous  le  règne  de  l'empereur  Louis 
le  Débonnaire,  quoique  dès  l'an  781  elle  eût 
été  restituée  au  Mont-Cassin,  comme  étant 
de  sa  dépendance,  par  le  pipe  Adrien  I"  et 
par  l'empereur  Charlemagne. 

L'empereur  avait  donne  celle  abbaye  au 
comte  Korignon,  qui,  touché  de  l'état  pitoya- 
ble où  elle  était  réduite,  en  fit  relever  les 
bâtiments,  fit  venir  des  religieux  de  Marmou- 
tier  pour  rétablir  les  observances  régulières 
dans  ce  monastère,  qu'il  soumit  quelques 
années  après  à  celui  de  Saint-Pierrc-des- 
Fossés ,  appelé  depuis  Saint-Maur,  et  en 
obtint  la  confirmation  de  l'empereur.  Mais 
Pépin  1",  roi  d'Aquitaine,  ayant  donné  ce 
monastère  de  Glanfeuil  à  Ebroïn,  qui  fut 
ensuite  évèque  de  Poitiers,  du  vivant  même 
du  comte  Rorignon  ,  qui  était  proche  parent 
de  ce  prélat,  y  laissa  les  moines  de  Saint- 
Pierre-des-Fossés  tant  que  le  comte  vécut; 
mais,  après  sa  mort,  leur  ayant  demandé 
par  quel  titre  Glanfeuil  leur  avait  été  soumis, 
et  n'ayant  pu  représenter  les  lettres  de  l'em- 
pereur Louis  le  Débonnaire,  qui  avaient  été 
enlevées  ou  brûlées  malicieusement,  Ebroïn 
les  fil  sortir  de  ce  monastère.  Ils  y  rentrè- 
rent néanmoins  quelque  temps  après,  et  il 
leur  était  encore  soumis,  lorsque  l'an  868 
l'on  porta  chez  eux  le  corps  de  saint  Maur, 
que  l'on  avait  retiré  de  Glanfeuil  pour  le 
sauver  de  la  rage  des  Normands,  ce  qui  lui 
a  fait  donner  dans  la  suite  le  nom  de  ce  saint. 
Mais,  sous  lepontiticat  d'UrbainlI.les  moines 
du  Mont-Cassin  ayant  encore  réclamé  Glan- 
feuil, il  leur  fut  restitué,  et  ils  l'ont  possédé 
pendant  près  de  deux  siècles.  A  la  vérité,  si 
Glanfeuil  n'a  pas  été  chef  d'une  congréga- 


tf>3 


Lion,  étant  le  premier  monastère  de  l'ordre 
de  Saint-Benoît  en  France,  il  doit  être  re- 
gardé comme  une  source  féconde  qui  en  a 
produit  une  infinité  d'autres,  par  rapport  a. 
Ja  règle  de  Saint-Benoît,  qu'il  leur  a  com- 
muniquée, dont  saint  Maur  avait  reçu  l'au- 
tographe, écrit  de  la  main  de  ce  saint  fonda- 
teur, en  partant  du  Mont-Cassin,  avec  un 
poids  et  un  vase  pour  mieux  observer  ce 
qu'elle  prescrit  de  la  quantité  du  pain  et  du 
vin  dans  le  repas. 

Le  monastère  de  Marmouticr,  qui  fut  l'un 
de  ceux  qui  reçurent  cette  règle,  doit   être 
regardé  comme  le  chef  de  la  plus  ancienne 
congrégation  de  l'ordre  de  Saint-Benoît  en 
France,  ayant  eu  plus  de  deux  cents  prieu- 
rés de  sa  dépendance.   Cette  célèhre  abbaye 
eut  pour  fondateur  le  grand  saiut  Martin, 
archevêque  de  Tours.   Il  exerça  d'abord  la 
profession  religieuse  à  Milan,  d'où  ayant  été 
chassé  par  les  ariens,    il   passa  dans  l'île 
d'Albcngue,  qui  est  proche  la  côte  de  Gênes, 
où  il  mena  pendant  quelque  temps  une  vie 
solitaire.  Il  quitta  ensuite  cette  retraite,  sur 
l'avis  qu'il  eut  que  saint  liilaire,    qui  avait 
été  banni  par  les  hérétiques,   retournait  en 
son  diocèse;  et,  l'ayant  suivi  en  France,  il 
bâtit  le  monastère  de  Ligugé  proche  Poitiers, 
où  après  avoir  demeuré  environ  quinze  ans, 
il  eu  lut  tiré  pour  remplir  lo  siège  de  Tours. 
Etant  devenu  évêque,  il  ne  cessa  pas  pour 
cela  de  vivre  en  religieux;   et,  pour  prati- 
quer toujours  exactement  les  exercices  mo- 
nastiques, il  fonda  un  monastère  proche  sa 
ville  épiscopale,  dont  la  communauté  fut  en 
peu  de    temps  de  quatre-vingts    religieux, 
qui  menaient  avec  lui  une  vie  austère  et 
pénitente.  Personno  n'avait  tien  en  propre, 
tout  était  en  commun  ;   il  n'était  pas  permis 
de  rien  vendre,  ni  de  rien  acheter,   quoique 
ce  fût  la  coutume  des  moines  d-e  ce  temps-là. 
L'unique  art  que  l'on  y  exerçait  était  do 
transcrire  des  livres  ;  encore  n'y  avait-il  que 
les  jeunes  qui  y   fussent  employés ,   et  les 
anciens  ne  s'occupaient  que  de  la  prière.  11 
était  raie  que  l'on  sortît  de  sa  cellule,  à 
moins  que  ce  ne  fût  pour  se  rendre  au  lieu 
de  la  prière.  Ils  ne  faisaient  qu'un  repas  par 
jour;  l'usage  du  vin  n'était  permis  qu'aux 
malades,   quoique  le  lieu  où  le  monastère 
était  situé  lût  un  grand  vignoble.  La  plupart 
n'elaient  habillés   que  d'étoffes   de   poil   de 
chameau,  et  c'était  un  crime  parmi  eux  d'a- 
voir un  habit  qui  ressentit  un  peu  la  mol- 
lesse, quoiqu'il  y  eût  dans  cette  communauté 
un  grand  nombre  de  personnes  de  qualité. 
Telle  était   la  discipline  qui  s'observait  dans 
ce    monastère,    qui  fut  appelé  Marmoulier, 
après  la  mort  de  saint  Martin,   comme  qui 
dirait,  le  grand  monastère,  pour  le  distinguer 
des  autres  que  ce  saint  avait  fait  bâtir,  prin- 
cipalement lorsque  l'on  eu  eut  élevé  un  sur 
sou  tombeau,  qui  a  porté  son  nom  depuis, 
et    qui   est    présentement    un    chapitre    de 
chanoines  séculiers. 

Lorsque  ce  monastère  d-o  Marmouticr  eut 
dans  la  suite  reçu  la  règle  de  Saint-Benoît, 
plusieurs  seigneurs  l'enricliireiil  pur  les  do- 
nations qu'ils  y  liront,  tant  à  cause  de  la 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  32i 

grande  dévotion  que  l'on  portait  en  France 
à  saint  Martin,  son  fondateur,  qu'à  cause  de 
saint  Benoît,  pour  lequel  on  n'avait  pas 
moins  de  vénération,  et  dont  la  rè^le  était 
pratiquée  avec  beaucoup  d'exactitude  dans 
ce  monastère.  Les  rois  de  France  le  prirent 
même  sous  leur  protection.  Mais  peu  de 
temps  après,  les  Normands  en  interrompirent 
la  régularité  :  car,  y  étant  venus  l'an  tô  !, 
ils  passèrent  au  fil  de  l'épée  cent  seize  reli- 
gieux, n'y  en  ayant  eu  que  vingt-quatre  qui 
sauvèrent  leur  vie  en  se  cachant  dans  des 
cavernes.  Leur  abbé,  Hébernc,  s'était  aussi 
retiré  dans  un  lieu  secret;   mais  ces  barba- 


res l'y  ayant  découvert  et  s'élaul  saisis  de 
lui,  ils  lut  firent  souffrir  de  cruels  tourments 
pour  l'obliger  à  déclarer  l'endroit  où  était  lo 
trésor  de  l'église  et  les  grottes  où  s'étaient 
réfugiés  les  religieux;  mais  ce  fut  inutile- 
ment, il  ne  voulut  rien  avouer.  Les  ennemis 
s'étant  retirés,  les  chanoin.es  de  Saint-Mar- 
tin et  les  bourgeois  de  Tours  allèrent  conso- 
ler ces  religieux,  qu'ils  reconduisirent  avec 
leur  abbé  dans  leur  église,  et  auxquels  ils 
procurèrent  toutes  sortes  de  secours.  Six 
mois  après,  comme  on  eut  avis  que  les  Nor- 
mands retournaient  vers  la  ville  de  Tours, 
et  qu'ils  avaient  dessein  de  l'assiéger,  douze 
chanoines  de  l'église  de  Saint-Martin,  pour 
soustraire  son  corps  à  la  fureur  de  ces  bar- 
bares, prirent  ces  saintes  reliques,  et  étant 
accompagnés  de  l'abbé  Héberne  et  des  vingt- 
quatre  religieux  de  Marmoulier,  ils  les  trans- 
portèrent à  Gormeri ,  à  Orléans ,  à  Saint- 
Benoît  du  Goire,  et  enûn  à  Auxerre,  où  elles 
ont  été  pendant  trente  et  un  ans;  et,  comme 
si  ce  saint  eût  voulu  procurer  de  l'honneur 
à  ceux  qui  avaient  eu  soin  de  ses  saintes 
reliques,  tous  les  religieux  de  Marmoulier 
furent  élevés  à  l'épiscopat  ou  lurent  élus 
abbés  dans  des  monastères  de  Bourgogne; 
et  l'abbé  Héberne,  qui  ne  quitta  point  le 
corps  de  saint  Martin,  eut  la  joie,  vers  l'an 
887,  de  le  reporter  à  Tours,  où,  après  la 
mort  de  l'archevêque  Adalaud,  il  fut  mis  à 
sa  place,  et  gouverna  le  diocèse  pendant 
vingt-sept  ans. 

Marmoulier  fut  comme  désert  et  aban- 
donné pendant  tout  ce  temps-là,  et  pendant 
presque  tout  le  dixième  siècle  il  u'y  eut  que 
quelques  chanoines  réguliers  qui  y  firent 
l'office  divin,  et  des  laïques  en  furent  abbés. 
Hugues  de  France,  dit  le  Grand, fils  du  roi  Ro- 
bert 111,  posséda  cette  abbaye,  aussi  bien 
que  son  fils  Hugues  Capet  ;  mais  ayant  été 
donnée  à  saint  Mayeul  qui  était  aussi  abbé 
de  Gluny,  il  la  rendit  aux  moines  bénédic- 
tins ,  ce  qui  paraît  être  arrivé  sur  la  fin  du 
règne  du  roi  Lolhaire.  On  y  mit  d'abord 
treize  religieux  d'une  très-sainte  vie,  aux- 
quels on  donna  pour  abbé  Guilibert  ou  Wili- 
berl.  Mais,  quoique  saint  Mayeul  eût  été  le 
restaurateur  de  celte  abbaye,  elle  ne  fut  pas 
pour  cela  soumise  à  Gluny  ,  non  plus  que 
beaucoup  d'autres  qui  furent  réformées  par 
les  religieux  de  cette  congrégation  ;  car  le 
pape  Grégoire  V  avant  «  onlirmé,  à  la  prière 
de  l'empereur  Othon  111,  les  monastères  qui 
dépendaient  de  Gluny,  il  n'est  point  fait  meu- 


-.25 


FRA 


FltA 


32R 


lion  de  Marmoutier  dans  les  lettres  qui  en 
furent  expédiées. 

L'exacte  discipline  que  IYmi  observait 
dans  ce  monastère  lni  attira  t'estime  i!e  plu- 
sieurs personnes  qui  y  firent  des  donations 
considérables  ;  le  nombre  des  religieux  aug- 
menta ,  ils  retirèrent  plusieurs  monastères 
des  mains  des  séculiers  qui  s'en  étaient  em- 
pares ;  1 1  sous  le  gouvernement  de  l'abbé  Al- 
bert, qui  tut  élu  l'an  103'»,  il  était  devenu 
très-illustre  par  le  grand  nombre  de  monas- 
tères «fui  lui  étaient  soumis;  et  il  lu  fut  en- 
core bien  davantage  dans  la  suite,  puisqua 
saint  Odilnn,  abbé  de  Cluny  ,  étant  mort  à 
Souvigny  dans  le  Bourbonnais,  les  religieux 
de  ce  monastère  écrivirent  à  Al'iert,  abbé  de 
îMarmoatier ,  pour  lui  en  donner  avis,  et  lui 
donnèrent  le  titre  A' abbé  des  abbés. 

L'estime  que  l'oa  avait  pour  les  religieux 
de  Marmoutier  s'augmenta  de  telle  sorte, 
que  vers  l'an  106-V  il  n'y  avait  aucune  pro- 
vince qui  ne  voulût  en  avoir  :  c'est  pourquoi 
quelque  part  que  l'on  allât,  l'on  trouvait  des 
monastères  de  la  dépendance  de  celle  ab- 
baye; et  même  il  y  en  eul  jusqu'en  Angle- 
terre. Entre  les  exercices  de  pieté  de  ces  re- 
ligieux on  loue  surtout  celle  qu'ils  faisaient 
paraître  à  l'égard  de  leurs  frères  qui  étaient 
à  l'agonie.  Lu  P.  Mabillon,  dans  ses  Annales, 
parle  avec  éloge  des  jeûnes,  des  prières,  des 
macérations  et  des  pénitences  qu'ils  prati- 
quaient pour  leur  procurer  une  bonne  mort  ; 
et,  parlant  à  ce  sujet  de  la  mort  d'un  bon 
frère  du  ce  monastère,  il  fait  remarquer  qu'il 
reçut  deux  jours  de  suite  le  saint  viatique, 
el  communia  sons  les  deux  espèces,  appa- 
remment suivant  l'usage  qui  subsistait  pour 
lors  dans  celle  abbaye. 

Deux  archevêques  de  Tours,  nommés  Ro- 
dolphe, inquiétèrent  ces  religieux  sur  leurs 
privilèges,  mais  ils  furent  déboutés  de  leurs 
prétentions  dans  plusieurs  conciles  provin- 
ciaux,  où  les  religieux  furent  maintenus 
dauï  leurs  privilèges;  el ,  comme  ces  reli- 
gieux étaient  toujours  molestés  sur  le  même 
sujet,  le  pape  Urbain  il,  dans  le  concile  de 
Cleniiont,  après  avoir  fait  la  lecture  du  pri- 
vilège qui  les  soumettait  immédiatement  au 
saint-siége,  ordonna  qu'il  serait  observé,  et 
confirma  le  décret  du  pape  Grégoire  Vil  qui 
défendait  à  tous  evèques  d'indiquer  aucune 
station  publique  dans  l'église  de  .Marmoutier, 
afin  que  les  religieux  ne  fussent  point  inter- 
rompus dans  leurs  exercices,  ni  d'exigerau- 
cui.e  obéissance  ou  soumission  des  abbés, 
ni  de  fulminer  aucune  excommunication  con- 
tre lu  monastère  ou  ces  religieux ,  quelque 
part  qu'ils  demeurassent,  ce  qui  était  seule- 
ment réservé  au  souverain  pontife,  sous  la 
protection  duquel  ils  étaient. 

Chopin  dit  que  les  rois  de  France  se  quali 
Cent  abbés  de  ce  monastère,  el  que  quand 
ils  y  font  leur  entrée,  ils  jurent  sur  les  saints 
Evangiles,  comme  les  autres  abbés,  qu'ils  en 
conserveront  les  privilèges  et  le^  franchises. 
Les  comtes  d'Anjou  se  qualifiaient  moines 
de  ce  monastère;  et  un  archevêque  de  Tours 
ayant  voulu  excommunier  Godt-froi,  duc  de 
Normandie  et  comte  d'Anjou,  ce  prince  lui 


répondit  qu'il  ne  craignait  point  son  excom- 
munication, à  cause  qu'il  était  chanoine  de 
Saint-Martin  et  moine  de  Marmoutier.  Des 
deux  cents  prieurés  qui  ,  comme  nous  l'a- 
vons dit  ci-dessus,  étaient  de  la  dépendance 
de  ce  célèbre  monastère,  il  y  en  avait  vingt- 
six  dans  le  seul  diocèse  de  Chartres.  Le  mo- 
nastère de  Marmoutier  fut  un  do  ceux  qui 
composèrent  la  congrégation  des  Exempts, 
dont  nous  avons  parlé  à  l'article  qui  porte  ce 
nom;  mais  la  réforme  y  ayant  été  introduite 
par  les  religieux  bénédictins  de  la  congréga- 
tion de  Saint-Maur,  il  fut  uni,  l'an  1697,  à 
eette  congrégation,  qui  a  fait  rebâtir  ce  mo- 
nastère avec  beaucoup  de  magnificence. 

Voyez  Joann.  Mahill.  Annnl.  Bened.  loin. 
1,  II,  111  et  IV.  Yepez,  Chronique  générale 
de  l'ordre  de  Saint-Benoit,  tom.  1.  Hutte  iu, 
Histoire  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  tom.  1. 

FRANCISCAINS  (Ordre  des). 

§  1".  Origine  de  l'ordre  des  Frères  Mineurs, 
avec  ta  vie  de  Saint-François  d'Assise,  pa- 
triarche et  fondateur  de  cet  ordre. 

Après  toutes  les  victoires  que  l'Eglise  avait 
remportées  dans  les  premiers  siècles  de  son 
établissement  sur  le  paganisme,  il  semblait 
qu'elle  n'avait  plus  rien  à  craindre;  mais  le 
douzième  et  le  treizième  siècle  lui  lurent  si 
fatals,  que  si  Jesus-Christ,  qui  avait  promis 
au  prince  des  apôtres  et  à  ses  suc<esseurs 
que  les  puissances  de  l'enfer  n'auraient  ja- 
mais aucun  avantage  sur  ele,  ne  lui  eût  en- 
voyé un  nouveau  secours  pour  la  défendre 
contre  les  attaques  de  ses  ennemis,  elle  eût 
enfin  succombé  à  tous  les  malheurs  dont  elle 
fut  affligée  dans  ce  temps-là  ;  car,  outre  les 
Vaudois,  les  Albigeois,  les  Humiliés  et  un 
grand  nombre  d'autres  hérétiques,  qui  la 
combattaient  par  leur  pernicieuse  doctrine, 
Icj  empereurs  chrétiens  n'oublièrent  rien 
pour  contribuer  à  son  affliction,  non -seule- 
ment par  le  schisme  qu'ils  embrassèrent, 
mais  encore  par  la  fureur  de  la  guerre  qu'ils 
portèrent  en  Italie,  où  l'on  vit  les  temples 
dépouillés  de  leurs  plus  beaux  ornements, 
les  cardinaux,  les  prélats  de  l'Eglise  souffrir 
dans  des  prisons  les  derniers  outrages,  et  la 
simonie  régner  impunément,  au  scandale  do 
la  religion  et  au  mépris  delà  pauvreté  de  Jé- 
sus-Cnrist. 

Ce  fut  au  milieu  de  ces  misères  et  de  ces 
ealamités  que  Dieu,  touché  de  l'affliction  de 
son  Eglise,  suscita  l'humble  saint  François, 
pour  opposer  par  son  moyen  la  vérité  de  l'E- 
vangile a  l'erreur,  la  pauvreté  au  désir  des 
richesses,  el  l'humilité  à  l'ambition,  qui 
avait  été  la  source  do  tous  ces  desordres.  Il 
naquit  à  Assise,  ville  d'Ombrie  ,  l'an  118^. 
Son  père,  qui  était  un  riche  marchand  de 
cette  ville,  se  nommait  Pierre  Bernardon,  et 
sa  mère  Pique,  femme  d'une  grande  pieté,  et 
très-recommandabîe  par  ses  vertus,  qui,  se 
trouvant  au  terme  de  sa  grossesse,  souffrit 
d'extrêmes  douleurs;  et  plusieurs  jours  s  e- 
coulèrent  sans  aucune  apparence  qu'elle  pût 
accoucher  heureusement  :  ce  qui  faisait  ap- 
préhender qu'elle   n'en  mourût,  et  qu'eu 


3<>7 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX, 


328 


mourant  elle  n'ôlât  la  vie  à  l'enfant  qu'elle 
devait  mettre  au  monde;  mais  un  ange  en 
forme  de  pèlerin  s'étanl  présenté  à  la  porte 
de  sa  maison  ,  sous  prétexte  de  demander 
l'aumôue,  qu'on  lui  donna  en  recommandant 
à  ses  prières  la  délivrance  de  la  mère  et  de 
l'enfant,  il  leur  conseilla  de  la  porter  dans 
une  étable,  les  assurant  qu'elle  se  trouverait 
bientôt  soulagée.  Son  conseil  fut  suivi,  et 
l'enfant  vint  au  monde  heureusement  sur  le 
foin  et  parmi  les  bétes  :  ce  que  l'on  a  regardé 
comme  la  première  circonstance  des  confor- 
mités que  saint  François  a  eues  avec  Jésus- 
Christ  dans  son  humanité.  H  reçut  au  bap- 
tême le  nom  de  Jean;  mais  la  langue  fran- 
çaise, que  son  père,  qui  trafiquait  en  France, 
lui  fit  apprendre,  lui  devint  si  familière, 
qu'on  l'appelait  ordinairement  le  Français, 
et  ce  nom  lui  est  toujours  demeuré.  Son  père 
lui  fit  aussi  apprendre  la  langue  latine;  et 
quand  il  le  vit  en  état  de  s'expliquer  en  cette 
langue,  il  le  retira  des  écoles  pour  le  mettre 
dans  la  marchandise.  Le  père  elle  fils  a  «aient 
des  inclinations  bien  différentes  ;  celui-là 
était  avare,  et  celui-ci  libéral  et  généreux, 
rien  ne  lui  coûtant  pour  satisfaire  son  incli- 
nation, qui  le  portait  aux  passe-temps  et 
aux  divertissements,  sans  néanmoins  que 
l'amour  des  plaisirs  l'entraînât  à  la  débauche 
et  lui  fit  oublier  la  loi  de  Dieu.  La  miséri- 
corde semblait  être  tellement  née  avec  lui, 
qu'il  ne  pouvait  voir  de  malheureux  sans 
être  vivement  touché  de  leur  misère,  et  il 
s'était  fait  une  habitude  de  ne  point  refuser 
l'aumône  à  celui  qui  la  lui  demandait  pour 
l'amour  de  Dieu.  11  avait  une  douceur  et  une 
honnêteté  qui  gagnaient  le  cœur  de  tout  le 
monde.  11  était  si  caressant,  si  officieux,  si 
poli  et  si  sincère,  que  ces  belles  qualités  fai- 
saient espérer  à  ses  compatriotes  qu'il  de- 
viendrait un  jour  l'ornement  de  leur  ville  ; 
et  l'on  voyait  dans  sa  physionomie  quelque 
chose  de  si  grand  et  de  si  extraordinaire, 
qu'il  y  avait  dans  Assise  un  bon  homme  qui, 
toutes  les  fois  qu'il  le  rencontrait  dans  les 
rues,  étendait  son  manteau  par  terre,  afin 
qu'il  passât  dessus  ,  disant  qu'on  ne  pouvait 
déjà  faire  trop  d'honneur  â  une  personne 
qui  était  si  visiblement  destinée  à  de  grandes 
choses. 

Cependant  comme  il  était  encore  plein  de 
l'esprit  du  monde  et  distrait  par  les  occupa- 
tions du  commerce  où  son  père  l'avait  en- 
gagé, il  était  fort  éloigue  de  comprendre  si- 
tôt ce  que  Dieu  voulait  de  lui,  et  il  n'avait 
du  goût  que  pour  les  choses  de  la  terre  ;  mais 
le  temps  auquel  Dieu  avait  déterminé  l'exé- 
cution des  grands  desseins  qu'il  avait  sur  lui 
étant  enfin  venu,  il  permit  que  le  cours  de 
ses  plaisirs  fût  interrompu  par  des  amertu- 
mes et  des  afflictions,  afin  de  le  détacher  du 
monde  et  de  l'attirer  à  son  service  par  des 
voies  autant  profitables  à  l'âme  que  contrai- 
res à  la  nature  et  aux  sens  :  ce  qui  com- 
mença par  un  démêlé  qui,  étant  survenu  en- 
tre les  habitants  d  Assise  et  de  Pérouse,  ai- 
gril  de  telle  sorte  l'esprit  des  uns  et  des  au- 
tres, qu'ils  prirent  les  armes,  et  firent  plu- 
sieurs actes  d'hostilité  les  u,us  sur  les  autres, 


dans  l'un  desquels  F  ançois  fnt  fait  prison- 
nier par  ceux  de  Pérouse.  Celte  captivité  dura 
un  an  et  n'ôta  jamais  rien  à  la  liberté  de  son 
esprit.  Les  soldats  de  son  parti  qui  avaient 
été  pris  avec  lui  ne  souffraient  qu'avec  cha- 
grin les  peines  de  leur  prison  ;  mais  François 
les  encourageait  par  ses  discours  et  par  les 
exemples  de  sa  patience. 

11  n'eut  pas  plutôt  recouvré  sa  liberté, 
qu'il  tomba  malade  ,  d'une  manière  si  vio- 
lente, qu'il  se  disposa  à  mourir,  croyant  sa 
maladie  mortelle.  Ces  premières  afflictions 
commencèrent  à  disposer  son  cœur  à  écouter 
la  voix  du  Seigneur  ,  à  mettre  à  profit  les 
inspirations  du  ciel  et  à  connaître  l'inutilité 
et  l'abus  de  ses  vanités  passées  :  cependant 
l'heure  de  son  entière  conversion  n'était  pas 
encore  venue;  car,  quoique  l'on  remarquât 
quelque  changement  dans  sa  conduite,  l'in^ 
clinalion  qu'il  avait  pour  la  vanité  n'était  pas 
entièrement  éteinte  dans  son  cœur;  mais  la 
miséricorde  qu'il  avait  toujours  eue  pour  les 
pauvres  acheva  ce  que  l'affliction  avait  com- 
mencé ;  car  ,  ayant  fait  faire  on  habit  fort 
propre,  et  le  premier  jour  qu'il  le  mit  s'en 
étant  dépouillé  en  faveur  d'un  pauvre  gen- 
tilhomme fort  mal  vêtu,  auquel  il  le  donna 
pour  l'amour  de  Dieu,  cette  action  de  charité 
mit  la  consommation  à  l'ouvrage  de  sa  con- 
version, par  les  nouvelles  grâces  qu'elle  lui 
attira,  conformément  à  la  promesse  que  Jé- 
sus-Christ fait  dans  son  Evangile  à  ceux  qui 
pratiqueront  les  actes  de  cette  héroïque 
vertu  :  ce  que  Dieu  lui  fit  connaître  la  nuit 
suivante  par  une  vision,  dans  laquelle  il  lui 
semblait  voir  an  palais  magnifique  rempli 
d'armes  marquées  du  signe  de  la  croix,  qu'on 
l'assura  être  pour  lui  et  pour  ses  soldats. 
Comme  il  n'était  pas  encore  assez  éclairé 
pour  pénétrer  le  vrai  sens  de  cette  vision,  il 
s'imagina  qu'il  ne  s'agissait  que  d'une  guerre 
temporelle.  C'est  pourquoi  ayant  appris  que 
Gautier  ,  comte  de  Brienne  en  Champagne, 
gendre  du  feu  roi  de  Sicile  ,  Tancrède,  et 
frère  de  Jean,  qui  l'tit  roi  de  Jérusalem  quel- 
ques années  après,  étant  assiste  parle  pape 
Innocent  111  et  par  Philippe-Auguste,  roi  de 
France,  élait  entré  avec  une  grosse  armée 
dans  la  Pouille,  il  alla  pour  lui  offrir  ses 
services  ;  mais  il  ne  fut  pas  plutôt  arrivé  à 
Spolette,  son  premier  gîte,  qu'il  fut  rappelé 
à  Assise  par  une  autre  vision  où  Dieu  l'aver- 
tit de  ne  pas  préférer  le  pauvre  au  riche,  ni 
le  valet  au  maître,  et  de  n'en  point  servir 
d'autre  que  lui.  11  commença  pour  lors  à 
comprendre  que  la  milice  où  il  devait  s'en- 
gager était  toute  spirituelle.  11  revint  donc 
chez  son  père,  mais  tout  autre  qu'il  en  était 
sorti  ;  car  il  ne  trouva  plus  de  délices  que 
dans  la  solitude,  se  tenant  retiré  dans  sa 
maison,  et  ne  s'occupant  qu'à  la  prière.  Il 
demandait  à  Dieu  avec  beaucoup  d'instance 
qu'il  lui  fît  connaître  sa  volonté,  et  il  lui 
semblait  que  la  réponse  du  ciel  était  qu'il 
fallait  qu  il  méprisât  toutes  les  choses  du 
monde,  et  qu'il  travaillât  fortement  à  se  com- 
battre et  se  vaincre  soi-même.  Un  jour  que, 
rempli  de  ces  deux  grandes  maximes,  il  était 
à  cheval  dans  la  plaine  d'Assise,  il  eut  à  sa 


529 


FKA 


FRA 


350 


(  rencontre  un  lépreux  dont  la  vue  lui  lit  hor- 
reur. 11  avait  déjà  détourné  les  yeux  de  des- 
sus un  objet  si  hideux  et  si  dégoûtant,  lors- 
que, se  souvenant  qu'il  devait  travailler  à  se 
vaincre  lai-même  s'il  voulait  être  soldat  de 
Jesus-Clirist ,  il  descendit  de  cheval  et  alla 
embrasser  ce  lépreux,  malgré  toute  sa  répu- 
gnance, et,  après  lui  avoir  fait  une  aumône 
considérable,  il  remonla  à  cheval.  Mais  il  fut 
étonné,  un  moment  après,  lorsque,  tournant 
la  tète  pour  voir  ce  que  faisait  ce  pauvre  mi- 
sérable, il  ne  vit  plus  personne,  quoique  la 
place  fût  découverte  de  tous  côtés  :  ce  qui, 
au  lieu  de  l'effrayer,  lui  donna  une  joie  inté- 
rieure qui  l'encouragea  à  marcher  dans  la 
voie  de  la  perfection  où  il  était  entré,  et 
dans  laquelle  il  commençait  à  jouir  des  con- 
solations des  âmes  qui  cherchent  véritable- 
ment Dieu. 

L'amour  qu'il  conçut  pour  la  pauvreté  et 
les  humiliations  lui  faisait  porter  envie  à 
l'état  des  pauvres  et  des  plus  misérables.  II 
le  fit  paraître  peu  de  temps  après,  dans  un 
voyage  de  dévotion  qu'il  fil  à  Home.  Car 
après  avoir  visite  le  tombeau  des  saints  apô- 
tres, ayant  vu  sortir  de  l'église  une  grande 
quantité  de  pauvres  qui  attendaient  les  effets 
de  la  miséricorde  des  passants,  il  leur  distri- 
bua tout  l'argent  qu'il  avait,  se  dépouilla  de 
son  habit  pour  le  donner  à  celui  qui  parais- 
sait le  plus  nu,  prit  ses  haillons,  dont  il  se 
couvrit,  et  passa  le  reste  de  la  journée  au 
milieu  de  ces  pauvres,  avec  beaucoup  de  sa- 
tisfaction de  se  voir  revêtu  d'un  méchant 
habillement  plein  d'ordure  et  de  vermine, 
qu'il  avait  pris  en  échange  de  celui  qu'il  avait 
donné  à  ce  misérable. 

Peu  de  temps  après  son  retour  à  Assise,  se 
trouvant  dans  l'église  de  Saint-Damien,  et 
priant  avec  beaucoup  de  ferveur  devant  l'i- 
mage du  Crucifix,  il  eu  sortit  une  voix,  qui 
lui  dit  :  Va,  François,  répare  ma  maison,  qui 
tombe  en  ruine.  Notre  saint  ne  comprenant 
pas  que  celle  voix  céleste  lui  ordonnait  qu'il 
s'appliquât  à  l'édification  et  au  salut  des 
âmes,  qui  sont  la  demeure  de  Dieu  et  les 
temples  de  son  Saint-Esprit ,  et  croyant  que 
c'était  cette  église  de  Saint-Damien  (qui  vé- 
ritablement tombait  en  ruine)  que  Dieu  vou- 
lait qu'il  réparât,  il  retourna  chez  son  père, 
prit  des  étoffes,  qu'.l  alla  vendre  à  Foiiguy 
avec  le  cheval  qui  les  avait  portées,  et  en 
porta  l'argent  au  prêtre  qui  servait  cette 
église,  le  priant  qu'il  lui  fil  la  charité  de  le 
loger  chez  lui.  Le  prêtre,  qui  d'ailleurs 
était  fort  pauvre  ,  voulut  bien  le  recevoir, 
mais  non  pas  son  argent,  craignant  de  se 
faire  des  affaires  avec  son  père.  Ce  refus  ne 
découragea  pas  François,  qui  jeta  sa  bourse 
sur  une  fenêtre,  et  passa  quelques  jours  av  ec 
ce  bon  prêtre  dans  la  prière,  les  veilles  et 
les  austérités.  Son  père,  n'en  ayant  point  de 
nouvelles,  s'informa  de  ce  qu'il  était  devenu, 
et  ayant  su  qu'il  était  à  Saint-Damien,  il  y 
v  inl  tout  eu  co  ère,  accompagné  de  gens  pour 
prendre  son  fils,  comme  s'il  eût  été  question 
de  poursuivre  un  voleur.  Dieu,  qui  prenait 
la  protection  de  François,  le  cacha  aux  yeux 
de  ce  pèie  furieux,  qui,  n'ayant  point  trouvé 
DicTiONNàinii  des  Ordres  religieux.  II. 


ce  qu'il  cherchait,  s'en  retourna  à  Assise,  et 
François  se  relira  dans  une  caverne,  où  il 
demeura  pendant  quarante  jours  dans  les 
jeûnes  et  les  larmes,  exerçant  sur  son  corps 
les  auslérités  les  plus  rigoureuses.  Mais , 
honteux  de  sa  fuite,  qu'il  regardait  comme 
une  lâcheté,  il  sortit  de  sa  retraite  déterminé 
à  supporter  pour  l'amour  de  Dieu  tout  ce 
qu'on  voudrait  lui  faire  souffrir.  11  parut 
dans  les  rues  d'Assise,  dans  un  équipage  si 
différent  de  son  premier  état,  qu'on  le  re- 
garda comme  un  fou.  On  lui  jeta  de  la  boue 
et  des  pierres,  et  les  enfants  le  poursuivaient 
avec  des  grandes  huées.  Son  père  accourut 
au  bruit  de  ces  clameurs  ,  qui  retentissaient 
par  toute  la  ville,  et,  voyant  que  son  fils 
était  le  jouet  de  toute  la  populace  ,  il  le  fit 
mener  chez  lui,  où,  après  l'avoir  chargé  de 
coups,  il  l'enferma  dans  une  espèce  de  cachot 
où  il  lui  fit  souffrir  toutes  sortes  d'outrages 
et  de  mauvais  traitements.  .Mais,  étant  obligé 
d'aller  à  la  campagne,  il  en  laissa  la  garde  â 
sa  femme,  qui  et  a  ni  persuadée  des  grands  des- 
seins que  Dieu  avait  sur  son  fils,  lui  donna 
la  liberté. 

François  se  retira  aussitôt  à  l'église  do 
Saint-Damien.  Son  père  à  son  reloue  l'y  alla 
encore  trouver  ;  mais  notre  saint  ne  s'enfuit 
pas  comme  la  première  fois,  il  se  présenta 
hardiment  devant  lui ,  et  protesta  qu'il  était 
prêta  souffrir  toute-,  sortes  de  suppliées  plu- 
tôt que  de  changer  de  résolution.  L'assu- 
rance du  fils  donna  de  l'étoiinement  au  père, 
qui,  voyant  ses  remontrances  inutiles ,  se 
contenta  de  reprendre  son  argent  qui  était 
encore  sur  la  fenêtre  où  François  l'avait  jeté. 
Mais,  sachant  que  ce  jeune  homme  était  na- 
turellement porté  à  faire  des  aumônes,  et 
qu'il  avait  dessein  de  réparer  l'église  de 
Saint-Damien  ,  craignant  qu'il  ne  ruinât  sa 
famille  par  ces  dépenses,  il  lui  proposa  ou 
d'acquiescer  à  ses  volontés  ou  de  renoncer  à 
sa  succession.  François  ne  délibéra  point  à 
choisir  le  dernier.  Le  père,  indigné  de  ce 
procédé,  qui  lui  semblait  trop  injurieux,  l'o- 
bligea de  lui  rendre  tout  ce  qui  lui  restait 
d'argent  ;  et,  pour  lui  ôter  loule  espérance 
de  retour  dans  la  possession  de  ses  biens  et 
de  ses  héritages  ,  il  voulut  que  ce  renonce- 
ment fût  général  et  accompagné  de  forma- 
lités solennelles.  Il  le  mena  pour  ce  sujet  à 
l'évèque  d'Assise  ,  qui  voulut  bien  recevoir 
leur  concordat.  François  ne  fut  pas  plutôt 
en  présence  du  prélat,  qu'il  se  dépouilla  île 
tous  ses  habits  jusqu'à  la  chemise,  et  les  re- 
mit entre  les  nains  de  son  père,  en  lui  di- 
sant que  jusque-là  il  l'avait  appelé  son  père, 
mais  que  dorénavant  rien  ne  l'empêcherait 
de  rapporter  celle  qualité  à  Dieu  seul,  en  qu,i 
était  tout  son  trésor  et  son  espérance.  On 
découvrit  pour  lors  qu'il  parlait  sur  sa  chair 
nue  un  rude  cilice,  ce  qui  commença  à  dé- 
couvrir que  Dieu  seul  et  l'amour  de  la  péni- 
tence étaient  le  véritable  et  le  seul  motif  d'un 
si  grand  détachement  des  biens  de  la  forluue. 
L'évèque,  touche  d'admiration,  embrassant 
François,  le  couvrit  du  mauteau  qu'il  avait 
sur  ses  épaules,  el  lui  fit  donner  l'habit  d'un 
paysau  qui  se  trouvait  là.  François  le  reçut 
11 


ôôl 


DîCTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


352 


comme  la  première  aumône  qui  lui  était  faile 
en  t'élal  du  mendiant,  où  il  voulait  demeurer 
le  resle  de  ses  jours  ;  il  y  fit  une  grande  croix 
avec  une  pierre,  et  le  disposa  même  en  cette 
forme,  s'en  revêtant  avec  satisfaction. 

Il  avait  pour  lors  vingt-cinq  ans,  et,  se 
voyant  dégagé  de  tous  les  biens  qui  l'avaient 
retenu  dans  le  siècle,  il  prit  le  chemin  de  la 
sditude,  afin  de  s'y  appliquer  uniquement  à 
l'acquisition  des  vertus  qui  sont  les  vérita- 
bles richesses  et  consolations  de  l'âme.  Mais, 
slans  le  temps  qu'il  n'était  occupé  que  de  la 
joie  que  lui  inspirait  l'espérance  qu'il  avait 
d'y  trouver  son  bien-aimé,  dont  il  chantait 
les  louanges  en  français,  il  tomba  entre  les 
mains  de  quelques  voleurs,  qai,  ne  lui  ayant 
rien  trouvé  et  n'ayant  pu  tirer  d'autre  rai- 
son de  lui,  sinon  qu'il  était  le  héraut  du 
grand  Roi,  le  battirent  cruellement  et  le  je- 
tèrent dans  une  fosse  pleine  de  neige;  d'où 
étant  sorti  et  iouant  Dieu  de  ce  qu'il  le  trou- 
vait digne  de  souffrir  quelque  chose  pour 
son  amour,  il  alla  à  Eugubio,  où  un  de  ses 
anciens  amis  l'ayant  reconnu  lui  donna  un 
habit  d'ermite  fort  court,  dont  il  se  servit 
l'espace  de  deux  ans  avec  une  ceinture  de 
cuir  ;  ce  qui  a  fait  croire  aux  ermites  de 
Saint-Augustin  qu'il  avait  d'abord  suivi  leur 
institut  (ce  que  nous  avons  réfuté  dans  un 
autre  endroit). Le  désir  qu'il  avait  de  réparer 
l'église  de  Saint-Damicn  le  rappela  à  Assise 
pour  satisfaire  à  cet  ordre  ,  qu'il  croyait 
avoir  reçudu  ciel.  11  quêta  suffisamment  pour 
y  fournir,  et  travailla  lui-même  avec  les 
maçons.  Il  en  répara  encore  une  autre  sous 
le  litre  de  Saint-Pierre,  et  entreprit  la  même 
chose  à  l'égard  d'une  troisième  dédiée  sous 
le  nom  de  Notre-Dame-des-Anges.  qui  était 
entièrement  abandonnée.  Le  lieu  où  s?  trou- 
vait celte  dernière  s'appelait  la  Portioncule, 
ainsi  nommé  à  cause  qu'il  faisait  une  petite 
partie  du  bien  que  les  bénédictins  du  mont 
Soubaze  possédaient,  et  était  éloigné  d'Assise 
d'environ  unedemi-lieue.  Ce  lieu  tut  si  agréa- 
ble à  saint  François,  qu'il  résolut  de  s'y  ar- 
rêter et  d'y  fixer  sa  demeure,  et  il  y  jeta 
dans  la  suite  les  fondements  de  son  ordre.  Il 
vécut  seul  en  ce  lieu  pendant  deux  ans.  Un 
jour,  étant  à  la  messe, il  entendit  cet  endroit 
de  l'Evangile  où  Jésus-Christ  recommandait 
à  ses  disciples,  qu'il  envoyait  prêcher,  de  ne 
point  avoir  d'argent  et  de  ne  porter  ni  be- 
sace ni  deux  habits,  ni  chaussure,  ni  bâton  ; 
il  le  prit  pour  sa  règle  et  v  oulul  l'ohsen  er  à 
la  lettre.  Il  quitta  pour  lois  sa  ceinture  de 
cuir  pour  prendre  une  corde,  et  alla  prêcher 
la  pénitence  avec  tant  de  ierveur,  qu'il  fit 
des  conversions  admirables.  Quelques-uns 
de  ceux  que  Dieu  toucha  par  ses  discours, 
ne  se  contentant  pas  de  ce  qu'il  prescrivait 
pour  bien  vivre  dans  l'état  ou  l'on  se  trou- 
vait, voulurent  le  suivre  et  s'attacher  à  lui, 
afin  de  l'imiter  plus  parfaitement.  Le  pre- 
mier fut  le  bienheureux  Bernard  de.  Quinta- 
valle. riche  bourgeois  d'Assise,  qui,  admirant 
dans  ce  saint  fondateur  un  si  grand  mépris 
«lu  inonde,  assembla  'Ise  de  Saint- 

Georges  lous  les  pauvres  ,  les  veuves  et  les 
orphelins,  leur  distribua  lous  ses  biens,  et, 


s'élant  révéla  d'un  habit  pareil  à  celui  do 
saint  Fran'ois,  s'associa  à  lui  le  16  mai  1209; 
et  c'est  à  ce  temps-là  que  l'on  rapporte  l'o- 
rigine de  l'ordre  des  mineurs.  Le  même  jour, 
Pierre  de  Catane,  chanoine  d'Assise,  animé 
d'un  zèle  delà  gloire  de  Dieu  et  d'un  ardent 
désir  de  la  pénitence,  imita  Bernard  de  Quin- 
tavalle.  Gilles  d'Assise,  qui  était  un  saint 
homme  et  craignant  Dieu,  n'était  point  dans 
celle  ville  lorsque  Bernasd  de  Quintavalle  et 
Pierre  de  Catane  renoncèrent  ainsi  généreu- 
sement au  monde  ;  mais  à  son  retour,  sept 
jours  après,  ayant  appris  ce  qui  s'était  passé 
en  son  absence,  i!  en  fut  si  vivement  touché, 
qu'il  voulut  aussi  les  suivre.  SaintFrançois, 
les  ayant  instruits ,  ne  voulut  pas  les  laisser 
oisifs.  Il  envoya  Bernard  de  Quintavalle  et 
Pierre  de  Catane  dans  l'Emilie  pour  ins- 
truire les  peuples  de  l'importance  du  salut 
et  de  la  nécessilé  de  la  pénitence,  et  pour  lui 
il  alla  avec  Gilles  d'Assise  dans  la  Marche 
d'Ancône,  où,  manquant  i!e  toutes  choses, 
ils  s'estimaient  heureux  d'avoir  trouvé  le 
trésor  évangélique.  Quelques-uns  les  rece- 
vaient néanmoins  avec  beaucoup  de  charité, 
mais  il  y  en  avait  d'autres  qui  se  moquaient 
de  la  nouveauté  de  leur  habillement,  et  les 
regardaient  comme  des  fous,  ce  qu'ils  souf- 
fraient avec  beaucoup  de  joie.  Gilles  d'As- 
sise témoigna  même  son  chagrin  à  saint 
François  de  ce  qu'il  y  en  avait  quelques-uns 
qui  leur  faisaient  des  honneurs,  ce  qu'il  re- 
gardait comme  un  affront  pour  une  âme 
véritablement  religieuse,  qui  ne  devait  met- 
tre toute  sa  gloire  que  dans  le  mépris  et  les 
opprobres.  Saint  François  fut  bien  aise  de 
voir  que  ses  disciples  ne  se  glorifiaient  point 
des  honneurs  nu'on  leur  faisait,  et  que  les 
opprobres  qu'ils  <  nduraient  ne  troublaient 
point  la  tranqiiililé  de  leur  âme  et  n'appor- 
tai nt  .  '.icun  obstacle  à  la  persévérance  dans 
leur  vocation. 

Quoique  ce  saint  fondateur  ne  suivît  pas, 
dans  les  vérités  évangéliques  qu'il  prêchait 
à  ses  peuples,  la  méthode  et  l'éloquence  or- 
dinaire des  prédicateurs,  il  ne  laissait  pas  de 
faire  de  grands  fruits  par  ses  discours  qui, 
quoique  simples, étaient  si  animés  de  l'esprit 
divin,  qu'il  leur  inspirait  l'amour  de  Dieu 
et  un  ardent  désir  de  la  pénitence.  Enfin, 
après  avoir  parcouru  quelques  villes  et  quel- 
ques bourgs  de  ces  provinces,  ces  quatre 
hommes  apostoliques  se  retirèrent  daus  leur 
pauvre  chaumine,  où  en  peu  de  jours  ils 
eurent  un  cinquième  compagnon,  qui  fut  le 
frère  Sabattin,  dont  on  ignore  le  pays,  mais 
qui  était  un  homme  d'une  émiucnle  vertu. 
Frère  Morique  se  joignit  bientôt  à  eux  ;  et 
frère  Jean  de  la  Capella  ou  du  Chapeau  fut 
le  septième  disciple  de  saint  François  ;  mais 
il  fut  dans  l'ordre  comme  un  autre  Judas 
parmi  les  apôtres.  C'était  lui  qui  avait  soin 
de  distribuer  en  commun  aui  frères  ce  qu'on 
leur  donnait  par  aumône  pour  leur  subsis- 
tance. Il  fut  souvent  repris  par  saint  Fran- 
çois de  ce  qu'il  amassait  au  delà  de  ce  qui 
était  nécessaire,  de  ce  qu'il  avait  trop  d'at- 
tache aux  biens  et  aux  affaires  temporelles, 
et  une  trop  grande  familiarité  avec  les  sécu 


335 


FRA 


FRA 


534 


lors;  niais  il  ne  voulut  point  s'en  corriger. 
il  fui  le  premier  qui  introduisit  le  relâche- 
ment dans  l'ordre j  quelques-uns  suivirent 
son  exemple,  et  inlroiiuisirent  l'usage  des 
chapeaux,  ou  ]>lutùt  des  bonnets  ou  aumusses 
pour  couvrir  la  tète,  qu'on  appelle  capelle, 
selon  le  langage  du  pays  :  ce  qui  fit  donner 
à  ce  religieux  le  nom  de  Jeun  de  la  Capelta. 
Saint  François  lui  prédit  qu'il  aurait  une 
maladie  honteuse  et  une  fin  malheureuse; 
et  il  expérimenta  l'une  et  l'autre  :  car  il  fut 
tout  couvert  de  lèpre,  el,  bien  loin  de  souf- 
frir ce  mal  patiemment,  il  entra  dans  le 
désespoir  el  s'étrangla. 

Le  nombre  des  disciples  de  saint  François 
étant  donc  augmenté,  il  leur  enseigna  les 
moyens  d'acquérir  toutes  les  vertus,  mais 
principalement  celle  de  la  pauvreté,  dont  il 
s'efforçait  de  leur  faire  connaître  le  mérite 
et  de  leur  persuader  la  pratique.  C'est  pour- 
quoi il  les  conduisit  par  la  ville  d'Assise, 
afin  de  demander  l'aumône  à  toutes  les  por- 
tes ,  et  qu'ils  apprissent  qu'ils  n'auraient 
point  d'autre  patrimoine  que  ce  que  la  cha- 
rité des  pei sonnes  pieuses  el  dévoles  leur 
procurerait.  Outre  la  honte  qu'ils  avaient  de 
demander  aiusi  l'aumône,  ils  avaient  encore 
à  souffrir  des  paroles  piquantes  et  des  rail- 
leries, les  reproches  de  leurs  parents,  les  in- 
stilles des  enfants  qui  leur  jetaient  de  la 
boue,  et  les  rebuts  de  plusieurs  personnes; 
unis  Dieu,  qui,  outre  la  béatitude  qu'il  pro- 
met à  ceux  qui  souffriront  les  injures,  les 
mépris  el  les  perséculions  pour  son  amour, 
prévient  souvent  celle  récompense  éternelle 
par  des  bénédictions  de  douceur  qu'il  l'ait 
éprouver  à  ses  élus  dans  le  temps  de  leurs 
plus  grandes  amertumes,  voulut,  par  un  effet 
de  sa  miséricorde,  faire  connaître  à  ces  nou- 
veaux disciples  de  la  Croix  quelle  était  son 
attention  à  la  patience  et  au  plaisir  avec 
lesquels  ils  soullraient  ces  mépris,  permet- 
tant qu'ils  trouvassent  des  gens  de  bien  qui, 
par  les  libéralités  et  les  bons  traitements 
qu'ils  leur  firent,  modérèrent  la  rigueur  de 
leur  pauvreté,  el  adoucirent  l'amertume  des 
mépris  el  des  humiliations  qu'ils  avaient  en- 
durés. 

Le  saint  fondateur  voulant  ensuite  les 
exercer  parmi  les  é  rangers  et  les  inconnus, 
les  menu  dans  la  vallée  de  Riéli,  afin  qu'ils 
pussent  demander  l'aumône  avec  plus  de 
couGance  de  leur  pari,  et  moins  de  repro- 
ches el  d'insultes  de  la  part  de  ceux  auxquels 
ils  s'adressaient.  Pendant  qu'il  y  demeura  il 
y  eut  plusieurs  personnes  qui,  attirées  par  sa 
réputation,  qui  commençait  déjà  à  s'élendre, 
le  venaient  trouver  pour  être  instruites  par 
lui  des  voies  de  la  perfection,  et  profiler  de 
ses  exemples.  11  y  eu  eut  un  entre  les  autres 
qui,  ne  se  contentant  pas  de  recevoir  des  in- 
structions, voulut  encore  être  reçu  au  nom- 
bre de  ses  disciples.  Le  saint,  après  avoir 
augmenté  sa  petite  société  jusqu'au  nombre 
de  sept,  retourna  à  Assise,  où  il  instruisit  ses 
disciples  de  tous  les  exercices  de  la  vie  spi- 
rituelle, leur  faisant  de  fréquents  discours 
.2  de  Dieu,  le  mépris  du  monde, 
l'abnégation  de  leur  volonté  et  les  mortifica- 


tions du  corps,  afin  de  les  mieux  disposer  à 
l'exécution  du  dessein  qu'il  avait  de  les  en- 
voyer dans  les  quatre  parties  dn  monde,  et 
alin  de  les  prévenir  sur  toutes  les  difficultés 
et  les  persécutions  qu'ils  auraient  à  souffrir 
de  la  part  du  monde  et  du  démon.  Les  ex- 
hortations de  ce  saint  patriarche,  animées 
du  feu  de  l'amour  de  Dieu,  el  soutenues  par 
un  zèle  ardent  du  salut  des  âmes,  eurent  sur 
le  cœur  de  ces  disciples  de  la  Croix  tout 
l'effet  qu'il  en  avait  espéré  ;  car  un  jour  qu'il 
leur  parlait  de  ces  missions,  poussés  d'une 
sainte  impatience,  ils  se  prosternèrent  à  ses 
pieds  pour  le  prier  de  ne  plus  différer  l'ac- 
complissement de  ses  désirs,  qu'ils  regar- 
daient comme  les  signes  assures  des  victoires 
qu'ils  se  flattaient  de  remporter  sur  les  puis- 
sances de  l'enfer  ;  mais,  comme  il  devait  être 
le  premier  à  donner  l'exemple,  il  prit  un 
compagnon,  avec  lequel  il  alla  d'un  côté, 
après  leur  avoir  accordé  leur  demande,  en 
leur  assignant  d'autres  endroits  où  ils  pus- 
sent annoncer  la  pénitence. 

Saint  François,  ayant  employé  quelque 
temps  à  la  mission  qu'il  s'était  proposée,  re- 
tourna à  Assise,  où  il  lui  vint  encore  quatre 
nouveaux  disciples,  il  souhaita  revoir  les 
autres  six  ,  qui  étaient  allés  eu  différents 
pays,  et,  ne  pouvant  leur  faire  savoir  sa  vo- 
lonté,  faute  de  savoir  où  ils  étaient,  il  pria 
Dieu  de  es  réunir  ensemble;  et  en  peu  de 
temps  il  reconnut  que  sa  prière  était  exau- 
cée :  car,  sans  avoir  été  avertis,  ils  se  trou- 
vèrent tous  au  même  lieu  et  dans  le  même 
temps,  comme  saint  François  l'avait  sou- 
haité. Ce  ne  fut  pas  sans  un  grand  étonne- 
ment  de  ces  saints  religieux,  qui  admiraient 
en  cela  la  providence  divine;  et  le  saint  re- 
çut beaucoup  de  satisfaction  lorsqu'il  lui 
racontèrent  les  travaux  qu'ils  avaient  en- 
dures dans  leur  voyage,  et  le  fruit  qu  ils 
avaient  fait  dans  le  salut  des  âmes.  Il  com- 
mença pour  lors  à  leur  prescrire  un  règle- 
ment de  vie,  et  leur  ordonna  de  réciter  pour 
chaque  heure  de  l'office  trois  Pater.  Il  leur 
recommanda  aussi  d'entendre  la  messe  tous 
les  jours,  voulant  que  quand  ils  y  assiste- 
raient ils  fussent  plus  appliqués  à  la  con- 
templation des  divins  mystères  qu'à  la  prière 
vocale.  L'année  suivante,  1210,  ce  saint  fon- 
*  dateur  ayant  assemblé  ces  onzes  disciples, 
il  leur  dit  qu'il  voyait  bien  que  Dieu  voulait 
augmenter  leur  congrégation  ,  qu'ainsi  il 
était  à  propos  qu'ils  se  prescrivissent  une 
manière  de  vie  uniforme,  et  qu'ils  la  fissent 
approuver  par  le  souverain  pontife,  lis 
agréèrent  tous  sa  proposition,  et  lui  dirent 
qu'ils  étaient  prêts  à  se  soumettre  à  la  règle 
qu'il  leur  prescrirait.  Il  n'y  avait  alors  au- 
cune obligation  de  demander  celle  confirma- 
tion, et  il  n'y  avait  même  aucun  exemple 
que  l'on  eût  déjà  contraint  quelque  ordre 
religieux  à  la  demander;  mais  saint  Fran- 
çois le  voulut  faire  pour  mieux  affermir  le 
sien,  de  peur  qu'il  ne  lui  arrivât  de  même 
qu'aux  Vaudois,  dont  l'institut  avait  été  re- 
jeté par  les  papes  Lucius  et  Innocent  III.  Il 
écrivit  donc  la  iiième  aimée  sa  règle.  E  le 
él  ieen  vingt-Lois  chapitres,  oui  cou- 


335 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


536 


tenaient  vingt-sept  préceptes,  que  les  souve- 
rains pontifes  ont  déclaré  obliger  sous 
peine  de  péché  mortel;  et  c'est  de  ces  vingt- 
sept  préceptes  que  les  trois  vœux  ordinaires 
de  religion,  qui  sont  communs  à  tous  les 
ordres,  sont  environnés  comme  de  forts  rem- 
parts qui  défendent  les  religieux,  de  cet  or- 
dre de  toutes  sortes  de  transgressions.  Pre- 
mièrement, pour  la  défense  de  la  pauvreté, 
saint  François  rejette  comme  une  peste  dans 
son  ordre  tout  maniement  d'argent,  soit  par 
soi-même,  soit  par  quelque  autre  personne 
interposée.  11  prescrit  la  qualité,  la  quantité 
et  la  valeur  des  habits.  Une  tunique  avec  un 
capucc,  une  autre  sans  capuce  (si  la  néces- 
sité le  demande),  avec  une  corde  ou  cein- 
ture, et  un  caleçon.  C'est  tout  ce  qu'il  ac- 
corde pour  vêtement  à  <  haque  religieux,  et 
il  leur  permet  de  rapiécer  leurs  robes  avec 
des  sacs  ou  quelque  autre  étoffe  vile.  Il  leur 
défend  d'aller  à  cheval  et  d'avoir  des  chaus- 
sures; et  afin  que  cela  puisse  être  pratiqué 
exactement,  et  que  la  propriété  ne  se  puisse 
introduire  sous  aucune  apparence,  il  donne 
le  soin  aux  ministres  et  aux  custodes  de 
pourvoir  à  la  nécessité  des  infirmes,  à  l'ha- 
billement des  Frères,  et  généralement  il  leur 
laisse  le  soin  de  pourvoir  à  tous  leurs  be- 
soins, autant  que  la  pauvreté  et  la  charité 
le  pourront  permettre. 

Pour  conserver  le  précieux  trésor  de  la 
chasteté,  il  défend  très-rigoureusement  les 
conversations  avec  les  femmes,  l'entrée  dans 
les  monastères  des  religieuses,  la  délicatesse 
dans  les  habits  et  le  manger,  les  commodités 
dans  leurs  voyages,  et  leur  ordonne  la  nu- 
dité des  pieds,  les  jeûnes  de  tous  les  vendre- 
dis de  l'année,  ceux  depuis  la  Toussaint 
jusqu'à  Noël  et  depuis  l'Epiphanie  jusqu'à 
Pâques,  sans  parler  desaulres  mortifications 
et  pénitences  capables  de  contribuer  à  l'ac- 
quisition de  cette  vertu  et  de  réprimer  les 
ardeurs  de  la  concupiscence,  leur  recom- 
mandant aussi  la  pratique  de  l'oraison  (que 
ce  saint  veut  que  l'on  préfère  à  l'étude  des 
lettres  humaines),  principalement  l'office  di- 
vin, dont  il  l'ait  un  précepte  tant  pour  les 
clercs  que  pour  les  frères  laïques. 

Ce  qu'il  ordonne  pour  servir  de  remparts 
et  de  défenses  à  l'obéissance,  c'est  le  renon- 
cement à  sa  propre  volonté  pour  suivre 
aveuglément  celle  de  ses  supérieurs  sans  ap- 
porter aucune  raison,  sans  réserve  et  sans 
aucune  limitation  dans  toutes  les  choses  qui 
ne  sont  point  contraires  à  la  règle;  et,  afin 
d'ôter  tous  les  scrupules  que  les  religieux 
pourraient  avoir  au  sujet  de  cette  même  rè- 
gle, il  les  renvoie  aux  supérieurs  pour  lever 
leurs  doutes  et  mettre  leur  conscience  en 
repos.  Il  y  ajoute  encore  dix-huit  avis  ou 
instructions  qui  n'obligent  point  à  péché 
mortel,  et  qui  regardent  la  manière  avec  la- 
quelle les  religieux  se  doivent  comporter 
dans  toutes  leurs  conversations  intérieures 
et  extérieures,  soit  par  rapport  à  eux,  soit  à 
l'égard  du  prochain,  dans  la  maison  ou  dans 
les  voyages,  avec  les  religieux  ou  avec  les 
séculiers.  A  ces  préceptes  et  à  ces  avis  il 
joint   encore   douze  conditions   nécessaires 


pour  la  réception  des  novices,  et  six  que  l'on 
appelle  les  libertés  de  la  règle,  qui  contient 
en  substance  ce  que  nous  venons  de  dire. 
Les  disciples  de  saint  François  l'ayant  agréée, 
il  alla  avec  eux  à  Rome  trouver  le  pape  In- 
nocent III,  qui  ne  l'écouta  pas  d'abord  et 
qui  le  rejeta  même  avec  indignation;  mais 
ï"rançois,  sans  se  rebuter,  se  relira  avec  sa 
troupe  à  l'hôpital  de  Saint-Antoine,  et  se  con- 
tenta de  recommander  son  affaire  à  Dieu,  en 
qui  il  mettait  toute  sa  confiance.  Ce  ne  fut 
pas  en  vain,  car  dès  le  lendemain  le  pape 
l'envoya  chercher  et  lui  donna  une  audience 
favorable  sur  un  songe  qu'il  avait  eu  la  nuit, 
d'une  palme  qui  était  crue  à  ses  pieds  et  qu'il 
avait  interprété  eu  sa  faveur,  et  sur  ce  qu'il 
lui  avait  semblé  voir  saint  François  soutenir 
l'église  de  Latran,  qui  était  prêle  à  tomber. 
Le  pape  fit  examiner  sa  règ-le  dans  la  con- 
grégation des  cardinaux,  et  l'approuva  de 
vivevoixaprèsque  l'on  eut  levéles  difficultés 
qu'on  y  avait  trouvées  touchant  cette  grande 
pauvreté  qu'il  y  prescrivait  et  qu'on  croyait 
presque  impraticable.  Il  leur  ordonna  de  prê- 
cher partout  la  pénitence,  d'étendre  la  foi 
catholique  de  toutes  parts,  et  fit  faire  de  pe- 
tites couronnes  à  tous  les  frères  laïques  qui 
accompagnaient  le  saint  fondateur,  afin  qu'ils 
fussent  distingués  davantage  des  séculiers  , 
et  qu'ils  pussent  aider  les  prêtres  dans  les 
fonctions  de  leurs  ministères.  Wadingue  dit 
qu'il  y  a  encore  de  pays  où  les  frères  laïques 
portent  de  ces  sortes  de  couronnes;  mais 
elles  ne  sont  pas  en  usage  dans  le  reste  de 
l'ordre,  parce  que  cette  grâce  que  leur  avait 
accordée  ce  pontife  servit  d'occasion  dans  la 
suite  à  quelques-uns  de  lomiier  dans  l'or- 
gueil, et  à  leur  enfler  le  cœur  en  voulant  se 
comparer  aux  prêtres,  à  qui  ces  couronnes 
appartiennent  de  droit. 

Ouoique  saint  François  eût  écrit  sa  règle 
et  l'eût  fait  approuver  par  le  pape  Inno- 
cent 111  l'an  1210,  il  n'avait  pas  encore  de 
couvent  formé  et  n'avait  demeuré  jusqu'alors 
avec  ses  compagnons  que  dans  une  pauvre 
chaumine  proche  d'Assise.  Ayant  quitté  la 
ville  de  Rome,  et  voulant  obéir  aux  ordres 
du  pape,  qui  lui  avait  ordonné  de  prêcher  la 
pénitence,  il  alla  du  côté  de  Spo!ette;ct, 
comme  dans  le  chemin  il  s'entretenait  avec 
ses  disciples  des  moyens  de  mettre  en  prati- 
que leur  règle,  étant  las  et  l'aligués  cl  tout 
atténués  par  la  faim,  ils  s'arrêtèrent  dans 
une  solitude  où  ils  ne  trouvèrent  rien  à 
manger;  mais  la  providence  divine,  qui  est 
attentive  à  fournir  la  nourriture  nécessaire 
aux  animaux  même  les  plus  vils  et  les  plus 
méprisables,  n'abandonna  pas  ses  serviteurs 
dans  leur  besoin.  Car  un  homme  se  présenta 
à  eux  qui  leur  donna  un  pain  et  disparut 
aussitôt,  ce  qui  les  confirma  dans  la  résolu- 
lion  qu'ils  avaient  prise  d'observer  exacte- 
ment la  pauvreté. 

Ils  arrivèrent  à  Orli,  petite  ville  de  l'Etal 
ecclésiastique,  sur  les  frontières  de  Toscane, 
du  côté  de  Lombardie.  Ils  trouvèrent  dans 
une  plaine  proche  de  cette  ville  une  église 
abandonnée,  dans  laquelle  ils  entrèrent  pour 
faire  leurs  prières,  et  résolurent  de  deuieu- 


337 


FKA 


FRA 


338 


rer  quelques  jours  clans  ce  lieu,  jusqu'à  ce 
que  Dieu  leur  eût  fait  connaître  celui  où  il 
voulait  qu'ils  fixassent  leur  demeure.  Ils  ne 
furent  pas  oisifs  pendant  ce  temps-là,  car 
ils  allaient  continuellement  à  la  ville  pour  y 
instruire  le  peuple,  et  y  firent  beaucoup  de 
conversions.  Le  grand  concours  du  monde 
qui  les  venait  trouver,  troublant  le  repos  de 
ces  bons  religieux,  obligea  saint  François 
d'abandonner  ce  lieu,  qui  d'ailleurs  lui  pa- 
raissait trop  agréable.  Il  passa  dans  la  vallée 
de  Spolelte,  où,  après  avoir  conféré  avec  ses 
compagnons  pour  savoir  s'il  était  plus  à  pro- 
pos qu'ils  restassent  dans  des  lieux  solitaires 
que  dans  des  villes,  ils  se  mirent  en  prières 
pour  connaître  la  volonté  de  Dieu.  Ils  furent 
exaucés,  car  Dieu  manifesta  à  ce  saint  pa- 
triarche qu'ils  étaient  destinés  à  la  conver- 
sion des  âmes.  Us  retournèrent  à  leur  pre- 
mière chaumine  proche  d'Assise,  qui  était  si 
petile ,  qu'ils  ne  pouvaient  pas  même  s'y 
asseoir  tous  ni  étendre  leur  corps  étant  cou- 
chés ;  mais,  comme  il  y  avait  plusieurs  per- 
sonnes qui  demandaient  d'entrer  dans  leur 
compagnie,  et  que  d'ailleurs  ils  n'avaient 
point  d'église,  saint  François  chercha  un  lieu 
plus  commode  et  plus  ample  pour  y  recevoir 
ceux  qui  voulaient  entrer  dans  son  ordre.  Il 
s'adressa  à  l'évèque  et  aux  chanoines  d'As- 
sise, pour  les  prier  de  lui  donner  une  église  ; 
mais,  comme  ils  n'en  avaient  point  qu'ils 
voulussent  quitter,  le  saint  en  demanda  une 
aux  bénédictins  du  mon!  Soubaze,  qui  lui 
accordèrent  celle  de  Notre-Dame-des-Anges, 
appelée  de  la  Portioncule.  H  n'en  pouvait  pas 
avoir  une  qui  lui  fût  plus  agréable,  puisqu'il 
avait  toujours  eu  beaucoup  de  dévotion  pour 
cette  église,  qu'il  avait  autrefois  réparée,  et 
où  il  avait  conçu  les  premiers  desseins  d'éta- 
blir son  ordre.  Saint  François  n'en  voulut 
avoir  que  l'usage,  afin  que  lui  et  ses  enfants 
parussent  étrangers  sur  la  terre;  et,  pour 
laire  voir  qu'elle  ne  lui  appartenait  pas  et 
qu'il  ne  la  tenait  que  de  la  libéralité  des  re- 
ligieux bénédictins  de  Soubaze,  il  leur  en- 
voyait tous  les  ans  un  panier  plein  de  petits 
poissons  que  les  Italiens  appellent  laschi,  et 
qui  se  pèchent  dans  une  rivière  voisine,  ce 
que  les  bénédictins  recevaient  agréablement, 
estimant  plus  ce  présent  que  tous  les  aatres 
revenus,  et  ils  envoyaient  aussi  de  leur  côté 
un  vase  plein  d'huile  à  ces  pauvres  reli- 
gieux. 

Ce  fut  dans  ce  pauvre  lieu  que  les  fonde- 
ments de  l'ordre  des  Mineurs  furent  jetés. 
C'est  celle  pauvre  maison  qui  en  a  produit 
tant  de  milliers  d'autres,  et  de  laquelle  sont 
sortis  tant  d'illustres  martyrs  qui  ont  com- 
battu pour  le  nom  de  Jésus-Christ,  et  qui 
l'ont  fait  connaître  par  toutes  les  parties  du 
monde,  qui  a  douné  tant  de  docteurs  cl  de 
prélats  à  l'Eglise,  qu'ils  ont  édifiée  par  la 
sainteté  de  leur  vie  et  soutenue  par  la  pureté 
de  leur  doctrine.  Quoique  saint  François  eût 
dit  plusieurs  fois  que  cette  petite  maison  lui 
suffisait,  qu'il  ne  voulût  pas  qu'on  l'augmen- 
tât, et  qu'il  en  eût  fait  abattre  les  couvertu- 
res, qui  lui  avaient  paru  trop  somptueuses, 
elle  a  néanmoins  clé  tellement  augmentée, 


qu'il  y  a  ordinairement  plus  de  deux  cents 
religieux  qui  y  demeurent  de  famille.  L'on  y 
voit  encore  la  petite  chapelle  de  Notre-Dame- 
des-Anges,  qui  est  comme  la  maison  de  Lu- 
rette, au  milieu  d'une  vaste  et  magnifique 
église,  qui  est.  un  dos  plus  beaux  édifiées  de 
toute  l'Italie,  et  qui  a  été  beaucoup  embellie 
par  les  libéralités  des  grands-ducs  de  Tos- 
cane. Vis-à-vis  de  celte  église  le  grand-duc 
Côme  de  Medicis  fil  faire  une  belle  romaine 
pour  la  commodité  des  pèlerins  qui  y  abor- 
dent de  toutes  paris,  pour  gagner  l'indul- 
gence dont  nous  parlerons  dans  la  suite,  et 
ce  prince  y  lit  conduire  l'eau  par  un  aque- 
duc qui  a  plus  d'une  lieue  et  demie  de  lon- 
gueur. 

Saint  François  et  sa  petite  troupe  s'élant 
établis  dans  cette  maison,  ils  reçurent  la 
même  année  de  nouveaux  compagnons,  dont 
les  principaux  furent  Léon,  Etienne,  Léo- 
nard et  Simon  d'Assise,  Massée,  Junipôre, 
Illuminé,  et  un  autre  Simon  de  Collozano. 
L'année  suivante,  l'ordre  commença  à  s'é- 
tendre, tant  par  les  couvents  que  l'on  donna 
à  ce  saint  fondateur  à  Cortone,  à  Aagberel, 
à  Piscia,  à  Pise,  à  Saint-Geminièn  et  en  d'au- 
tres lieux,  que  par  le  grand  nombre  de  dis- 
ciples qui  le  venaient  trouver  de  toutes 
parts,  attirés  par  ses  prédications  ou  par 
celles  des  autres  religieux  qu'il  avait  envoyés 
en  plusieurs  endroits  pour  l'instruction  des 
peuples.  Ce  fut  dans  le  couvent  de  Cortone 
qu'il  donna,  la  même  année,  l'habit  à  frère 
Hélie,  qui  fut  son  successeur  dans  le  gouver- 
nement de  l'ordre,  mais  qui  n'imita  pas  la 
sainteté  de  son  maître,  comme  nous  dirons 
dans  la  suite.  L'ordre  fit  encore  de  grands 
progrès  en  Italie  et  dansd'aulres  provinces. 
Le  saint  entreprit  le  voyage  d'Espagne,  dans 
le  dessein  d'aller  ensuite  en  Afrique,  où  il 
espérait  trouver  le  martyre  parmi  les  Mau- 
res et  répandre  son  sang  pour  la  foi  de  Jésus- 
Christ.  Il  fut  reçu  favorablement  d'Alphonse, 
père  de  Blanche,  qui  fui  reine  de  France  et 
mère  de  saint  Louis.  Ce  prince  lui  permit  de 
fonder  un  couvent  de  son  ordre  à  Burgos;  et, 
étant  allé  par  dévotion  à  Saint-Jacques  de 
Compostelle,  il  y  fit  un  aulre  établissement 
et  en  obtint  d'autres  en  plusieurs  endroits  de 
ce  royaume.  D'Espagne  il  alla  en  Portugal, 
d'où  étant  retourné  dans  le  même  royaume, 
il  y  fit  encore  de  nouveaux  établissements. 
Partout  où  il  passait,  il  laissait  des  marques 
du  pouvoir  que  Dieu  lui  avait  donné  sur  les 
maladies,  sur  les  dénions,  sur  les  animaux, 
et  même  sur  le  cœur  de  l'homme,  par  les 
conversions  extraordinaires  qu'il  faisait.  Mais 
il  ne  pul  exécuter  le  dessein  qu'il  avait  pris 
d'aller  annoncer  la  foi  de  Jésus-Christ  aux 
infidèles  du  royaume  de  Maroc,  car  il  fui  ar- 
rêté par  une  autre  maladie,  qui  lui  fit  juger 
que  Dieu  réservait  cette  conquête  à  d'au!' es 
et  qu'il  le  rappelait  en  Italie.  Il  y  revinl  l'an 
1215,  dès  que  sa  santé  le  lui  permit,  et  toute 
sa  roule  ne  fut  qu'une  suite  de  prodiges. 
Etant  arrivé  au  couvent  de  Noire-Dame-des- 
Angcs,  il  réprimanda  Pierre  de  Calane,  son 
vicaire,  de  ce  qu*il  avait  fait  faire  en  son  ab- 
sence une  nouvelle  maison  pour  recevoir  les 


559 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


340 


hôtes;  et  il  la  voulait  faire  abattre,  disant 
que  ceux  qui  y  venaient  devaient  aussi  souf- 
frir patiemment  les  incommodités  delà  pau- 
vreté; maison  lui  Gt  tant  d'instances  pour 
la  laisser  comme  elle  était,  qu'il  y  consentit. 
Le  comte  Orlando  de  Catane  lui  ayant  donné 
pendant  son  absence  le  mont  Alverne,  et  les 
religieux  qui  y  demeuraient  et  qui  l'étaient 
venus  trouver  pour  le  saluera  son  retour, 
lui  ayant  fait  la  description  de  ce  lieu  soli- 
taire, des  douceurs  et  des  consolations  spi- 
rituelles que  l'on  y  goûtait  par  le  repos  et  la 
tranquillité  avec  lesquels  on  pouvait  s'y  ap- 
pliquer à  la  méditation  et  à  la  prière,  sans  y 
être  distrait  par  le  bruit  et  l'embarras  du 
monde,  il  voulut  y  aller  et  fut  charmé  de  la 
solitude  de  ce  lieu  et  de  la  pauvreté  que  ses 
frères  y  pratiquaient.  Il  passa  de  là  dans  la 
vallée  de  Fabriauo,  où  il  travailla  à  affermir 
divers  établissements,  et  en  fit  de  nouveaux 
pour  ses  religieux,  qui  se  mullipliaient  tous 
les  jours  d'une  manière  prodigieuse. 

Cette  môme  année  1215,  dans  laquelle  s'as- 
semblaleconcile  généralde  Latran,qui  se  tint 
sous  le  pape  Innocent  111,  François  alla  en- 
core à  Rome  pour  faire  approuver  sa  règle 
dans  ce  concile.  Elle  y  fut  lue  et  approuvée, 
mais  il  n'en  reçut  pas  l'approbation  par 
écrit.  11  s'en  retourna  ensuite  à  Assise,  où 
l'année  suivante  il  assembla  un  chapitre  gé- 
néral dans  lequel  il  commença  à  distribuer 
des  missions  à  ses  frères,  pour  la  France, 
l'Angleterre  et  l'Allemagne.  Il  en  envoya 
aussi  d'autres  en  Lombardie,  dans  la  Marche 
d'Ancône,  dans  la  Galabre,  la  Pouille,  la 
Terre  de  Labour  et  en  Toscane  II  avait  seu- 
lement destiné  ceux  qu'il  avait  envoyés  en 
France,  pour  la  Gaule  narbonnaise,  et  il  avait 
réservé  pour  lui  la  capitale  de  ce  royaume  ; 
mais  il  fut  détourné  de  ce  voyage  par  le  car- 
dinal Ilogolin,  qui  fut  ensuite  pape  sous  le 
nom  de  Grégoire  IX,  et  il  demanda  pour  pre- 
mier protecteur  de  son  ordre  ce  cardinal,  à 
Honorius  1(1, qui  avait  succédé  à  innocent  II!. 

C'est  une  chose  surprenante  de  voir  le 
grand  progrès  que  cet  ordre  lit  en  si  peu  de 
temps;  car  dans  le  chapitre  général  qui  se 
tint  l'an  1219  au  couvent  de  Nolre-Dame-des- 
Anges  près  d'Assise  (et  qui  fut  nommé  le 
chapitre  des  Nattes,  à  cause  que,  pour  loger 
les  religieux  qui  s'y  rendirent,  on  fut  obligé 
de  faire  en  pleine  campagne  des  cellules  de 
joncs,  de  roseaux  et  de  nattes)  ,  on  y  en  vit 
plus  de  cinq  mille,  qui  n'étaient  que  les  dé- 
putés d'un  plus  grand  nombre  qui  étaient 
restés  dans  les  couvents.  Le  cardinal  Hugo- 
lin,  protecteur  de  l'ordre,  y  présida  ;  saint 
François  ne  s'était  point  mis  en  peine  de  faire 
aucune  provision  pour  tant  de  monde; 
mais  la  divine  providence  y  pourvut,  car  les 
habitants  d'Assise,  de  Spoletle,  de  Pérouse, 
de  Foligny  et  autres  villes  voisines,  fourni- 
rent à  l'envi  tout  ce  qui  leur  était  nécessaire. 
Le  saint  fondateur  avait  souhaité  voir  les 
principaux  de  ses  enfants  ainsi  assemblés 
pour  renouveler  son  esprit ,  c'est-à-dire  les 
sentiments  de  la  pauvreté,  de  l'humilité  et 


n'eût  produit  le  relâchement.  Mais,  loin  d'y 
trouver  ce  qu'il  appréhendait,  il  ne  fut  pres- 
que occupé  qu'à  modérer  les  austérités  que 
les  particuliers  avaient  ajoutées  à  la  règle.  Il 
n'y  eut  que  le  frère  Hélie  et  Jean  Sliachia, 
ministre  de  Toscane  et  de  Bologne  ,  avec 
quelques  autres,  qui  allèrent  trouver  le  car- 
dinal protecteur,  pour  le  prier  de  persuader 
à  saint  François  de  prendre  l'avis  de  ses  frè- 
res, dont  la  plupart  étaient  gens  de  lettres 
et  propres  pour  le  gouvernement,  n'étant 
pas  capable  lui  seul  de  gouverner  un  si 
grand  nombre  de  religieux  ;  d'autant  plus 
qu'il  était  simple  et  sans  étude,  et  ils  lui 
proposèrent  beaucoup  de  choses  des  règles 
de  Saint-Augustin  et  de  Saint-Benoit,  qu'il 
aurait  été  plus  à  propos  de  suivre.  Le 
cardinal,  pour  les  contenter,  en  parla  à 
saint  François;  mais  le  saint  fondateur  ne 
voulut  rien  relâcher  des  rigueurs  de  l'ordre. 
Il  envoya  de  nouveaux  missionnaires  en 
Grèce  et  en  Afrique,  et,  pour  lui,  il  choisit 
la  Syrie  et  l'Egypte,  où  il  résolut  d'aller 
avec  douze  compagnons  ;  et,  comme  il  ne 
voulait  pas  que  ses  religieux  prêchassent 
sans  en  a\  oir  eu  la  permission  des  ordinai  - 
res,  il  obtint  du  pape  Honorius  III  des  lettres 
adressées  à  tous  les  archevêques,  évéques  et 
abbés,  par  lesquelles  il  leur  recommandait 
saint  François  et  ses  religieux,  qui,  ayant 
renoncé  à  toutes  les  vanités  du  monde, 
avaient  choisi  une  vie  approuvée  par  le 
saint-siége,  et  allaient  en  diverses  provin- 
ces pour  y  semer  la  parole  de  l'Evangile  : 
c'est  pourquoi  il  les  priait  de  les  recevoir 
comme  de  fidèles  catholiques  et  de  saints 
missionnaires  zélés  pour  la  foi  de  Jésus- 
Christ  et  le  salut  des  âmes. 

Le  chapitre  étant  fini,  saint  François  se 
mit  en  chemin  avec  ses  compagnons  pour 
aller  en  Syrie,  et,  après  une  navigation  heu- 
reuse qui  le  mit  au  port  d'Acre  en  Palestine, 
il  passa  à  Daraiette,  où  était  l'armée  chré- 
tienne des  Croisés,  contre  le  sultan  d'Egyp- 
te; ces  derniers  venaient  de  prendre  la  ville, 
après  un  siège  de  vingt-deux  jours,  lorsqu'il 
y  arriva.  11  y  laissa  dit  do  ses  compagnons,  et 
alla  hardiment  avec  le  frère  Illuminé  au 
camp  des  infidèles,  qui  le  battirent  cruelle- 
ment, et  après  mille  outrages  le  conduisi- 
rent devant  le  sultan ,  comme  François  le  sou- 
haitait. Ce  prince  parut  disposé  à  écouler 
favorablement  cet  homme  apostolique  et  lui 
demanda  ce  qui  l'amenait  en  Egypte.  Fran- 
çois lui  répondit  que  c'était  le  désir  de  lui 
procurer  le  salut  éternel  et  à  tous  ses  sujets, 
et  que  Dieu  l'avait  envoyé  pour  le  tirer  de 
l'infidélité,  et  lui  faire  connaître  la  vérité  de 
l'Evangile.  Tout  ce  qu'il  put  dire  au  sultan 
fut  inutile,  et  il  voulut  persister  dans  l'erreur. 
Il  conçut  néanmoins  une  si  grande  estime  de 
la  vertu  de  ce  grand  saint,  qu'il  voulut  lui  en 
donner  des  marques  par  les  présents  qu'il  lui 
offrit.  Le  refus  généreux  qu'en  Dt  le  saint 
acheva  de  lui  faire  connaître  le  mérite  d'un 
homme  si  rare.  Il  insista  à  lui  faire  recevoir 
au  moins  une  somme  d'argent  pour  les  pau- 


ues  autres  vertus  évangéliques   qu'il  leur     vres  chrétiens  ou  pour  leur  église  ;  mais  ses 
Avait  inspirés,  craignant  que  la  multitude     instances  furent  inutiles.  Enfin,  ne  pouvant 


M 


FRA 


FRA 


548 


rien  gainer  sur  ce  cœur  insensible  à  (oui 
ce  qui  n'était  pas  du  salut  dis  âmes,  il  lui 
donna  permission  de  prêcher  l'Evangile  dans 
ses  Etats,  ce  qui  était  la  plus  grande  mar- 
que d'estime  qu'il  pouvait  lui  donner,  par 
rapport  à  l'opposition  que  ces  infidèles  ont 
non-seulement  pour  l'Evangile,  mais  même 
pour  le  nom  chrétien.  Le  saint,  après  y 
a\oir  demeuré  quelque  temps,  voyant  qu'il 
perdait  son  temps,  eut  le  déplaisir  de  s'en 
revenir  sans  avoir  pu  gagner  une  âme  à 
Dieu  ou  répandre  son  sang  pour  Jésus- 
Chri-t,  ce  qu'il  souhaitait  ardemment. 

Une  des  raisons  qui  obligèrent  encore  saint 
François  de  retourneren  Italie, fut  qu'il  ap- 
prit avec  beaucoup  de  chagrin  que  le  frère 
Hélie,  qu'il  avait  élabli  vicaire  général  en 
son  absence,  ai  ait  innové  beaucoup  de  cho- 
ses qui  tendaient  au  relâchement,  ayant  at- 
tiré dans  son  parti  plusieurs  provinciaux 
qui  blâmaient  la  simplicité  du  saint  fonda- 
teur et  taxaient  d'imprudence  l'austérité  à 
laquelle  les  obligeait  sa  règle,  dont  ils  re- 
tranchèrent quelques  points  essentiels,  et  eu 
modéraient  d'autres.  Saint  François, étant  de 
retour  en  Italie  l'an  1220,  ne  vit  qu'avec 
douleur  le  danger  où  son  ordre  élait  exposé 
par  le  relâchement  qui  y  avait  été  introduit. 
Il  cassa  l'étude  que  l'on  avait  établie  à  Bolo- 
gne, il  voulut  que  ses  religieux  abandonnas- 
sent ou  démolissent  ce  couvent,  qui  avait  été 
bâti  avec  trop  de  magnificence  et  qui  ne  se 
ressentait  point  de  la  pauvreté  :  néanmoins, 
à  la  sollicitation  du  cardinal  protecteur,  il 
consentit  qu'ils  y  demeurassent;  et,  comme 
le  provincial  de  cette  province,  Jean  de  Stria- 
chia,  qui  avait  ordonné  ces  bâtiments  et  qui 
avait  contribué  au  relâchement,  persistait 
toujours  à  soutenir  ce  qu'il  avait  fait,  il  lui 
donna  sa  malédiction.  A  l'égard  du  P.  Hé- 
lie, i.l  cassa  tout  ce  qu'il  avait  introduit  de 
nouveautés  dans  l'ordre  en  son  absence,  à  la 
réserve  d'un  statut  qu'il  avait  fait  de  ne  point 
manger  de  viande,  quoique  contre  l'esprit 
de  la  règle,  qui,  conformément  à  l'Evangile, 
permet  aux  religieux  de  manger  ce  qu'on 
leur  présente;  de  peur  qu'il  ne  semblât  qu'il 
voulait  favoriser  la  gourmandise,  ce  qu'il 
jugea  plus  à  propos  de  tolérer  pendant  un 
temps. 

§  2.  Continuation  de  l'histoire  de  l'ordre  des 
Frères  Mineurs,  et  de  la  vie  de  saint  Fran- 
çois d'Assise  leur  fondateur. 
Toutes  choses  éiant  pacifiées  dans  l'ordre, 
et  saint  François  ayant  écouté  ceux  qui  ap- 
prouvaient le  gouvernement  du  P.  Hélie 
et  ceux  qui  le  condamnaient,  il  assembla  le 
chapitre  générai  à  Notre-Dame-des-Anges  la 
même  année  1220.  Le  provincial  de  Bologne 
y  fut  privé  de  son  office,  et  le  P.  Hélie  ayant 
été  aussi  déchargé  du  vicariat  général,  le 
saint  fondateur  nomma  à  sa  place  le  P. 
Pierre  de  Catane,  qui  avait  été  son  second 
disciple. Mais  celui-ci  étant  mort  l'année  sui- 
vante 1221,  dans  une  grande  réputation  de 
sainteté,  saint  François  indiqua  uu  autre 
chapitre  pour  les  fêles  de  la  Pentecôte,  où, 
par  révélation  divine  et  selon  le  comman- 


dement qui  lui  en  avait  été  fait  dans  une  de 
ses  oraisons,  il  désigna  encore  une  lois  pour 
vicaire  général  le  '".  Hélie. 

Cet  homme  étail  plein  d'ambition  ;  il  rece- 
vait à  la  vérité  fort  bien  les  religieux  qui 
venaient  voir  saint  François  ;  mais  ayant 
égard  à  la  qualité,  à  la  science  et  à  la  di- 
gnité des  personnes,  il  donnait  les  premiers 
rangs  à  cens  qui  avaient  pins  de  mérite,  ne 
donnant  aux  simple;  que  les  dernières  pla- 
ces, et  sou  eut  il  négligeait  ceux-ci  pour 
accorder  toutes  les  commodités  aux  au  rés. 
Saint  François  ne  pouvait  souffrir  celte  ac- 
ceptation et  celte  préférence  dans  des  per- 
sonnes d'un  même  ordre;  c'est  pourquoi,  n 
jour  qu'il  en  vint  de  plusieurs  conditions,  de 
doctes  et  d'ignor  nts,  le  saint,  après  la  bêné- 
dic  ■ion  delà  lable,  en  fit  asseoir  à  ses  côtés 
deux  qui  paraissaient  les  plus  simples,  et  af- 
fecta de  ne  pas  regarder  les  autres  qui  pa- 
raissaientavoinlu  mérite.  Hélie  en  fut  choqué 
et  ne  put  pas  s'empêcher  d'en  murmurer,  en 
disant  en  lui-même  :  Hélas  I  frère  François, 
que  la  simplicité  feia  tort  à  l'ordre!  Tu  mets 
à  tes  côtés  des  ignorants,  et  lu  ne  fais  pas  do 
cas  des  personnes  doctes  et  savantes.  Mais 
le  aint,  connaissant  sa  pensée  par  révéla- 
tion divine,  lui  répondit  qu'il  faisait  plus  de 
tort  à  l'ordre  par  son  orgueil,  son  faste  et  sa 
prudence  humaine.  «  0  que  les  jugements  de 
Dieu  sont  impénétrables  1  s'écria  le  saint;  il 
le  connaît  pour  tel,  et  il  a  voulu  cependant 
que  lu  sois  supérieur  ;  il  a  même  déjà  ordonné 
que  je  te  laisse  te  gouvernement  de  l'ordre  ; 
mais  que  j'appréhende  que  ce  juste  juge  ne 
porte  un  autre  jugement  de  toi,  et  n'ait  d'au- 
tres sentiments  que  le  peuple  en  a,  et  qu'il 
ne  donne  un  pasteur  tel  qu'il  prévoit  qu'il 
aura  un  jour  des  brebis!  Hélas!  misérable 
que  tu  es,  ton  sort  est  déjà  décidé,  lu  ne 
mourras  pas  dans  la  religion,  lu  as  déjà  été 
pesé  dans  la  balance,  et  tu  as  été  trouvé  trop 
léger  avec  ton  orgueil  et  la  science  mon- 
daine. »  Cette  prophétie  an  s  :int  l'ut  accom- 
plie, car  Hélie  fut  le  second  général  de  l'or- 
dre après  la  mort  du  saint  fondateur,  et  apos- 
tasia  dans  la  suite,  comme  nous  lavons  dit 
à  l'article  Césarins  [Frênes  Mineurs). 

S  linl  François  obtint,  l'an  1222,  un  privi- 
lège du  pape  Honorius  III  ,  qui  permettait 
aux  religieux  de  son  orJre  de  célébrer  les 
offices  ilivins  les  portes  fermées  dans  un 
temps  d'interdit,  et  un  an  après  il  obtint 
cette  indulgence  si  fameuse  pour  l'église  de 
la  Portioncule,où  il  vient  de  toutes  parts  une 
infinité  de  pèlerins,  le  second  jour  du  mois 
d'août,  qui  est  cTuiauquel  est  fixée  cette  in- 
dulgence, à  cause  que  l'on  y  célèbre  ce  même 
jour  la  dédicace  de  celte  première  église  et 
berceau  de  l'ordre.  Cette  indulgence  a  été 
confirmée  par  les  papes  Martin  lVr,  Alexan- 
dre lV,Boniface\TII,  Clément  V,  Jean  XXII, 
Benoît  XI,  et  Sixte  IV,  qui,  l'an  1481,  reten- 
dit à  toutes  les  religieuses  de  l'ordre,  vou- 
lant qu'elles  le  pussent  gagner  dans  leurs 
monastères,  ce  qu'il  communiqua  aussi  à 
toutes  les  maisons  d'hommes  tant  du  pre- 
mier que  du  troisième  ordre.  Léon  X  con- 
firma ce  que  Sixte  IV  avait  accordé,  ce  que 


343 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


3-46 


firent  aussi  Paul  V  et  Grégoire  XV  ;  et  l'an 
1C2-V,  Urbain  VIII  ayant  publié  le  jubilé  uni- 
versel, qui  devait  commencer  le  jour  de  Noél 
de  l'année  suivante,  et  ayant  suspendu,  se- 
lon la  coutume,  pendant  le  temps  qu'il  du- 
rerait, toutes  les  autres  indulgences,  il 
donna  une  bulle  par  laquelle  il  exceptait 
celle  deNotre-D;ime-des-Angrs  ou  de  la  Por- 
tioncule.  Innocent  X  déclara  la  même  chose 
dans  le  jubilé  universel  de  l'an  1650,  ce 
qu'ont  fait  aussi  ses  successeurs,  et  Inno- 
cent XII  a  étendu  cette  indulgence  à  perpé- 
tuité pour  tous  les  jours  de  l'année  en  faveur 
de  ceux  qui,  ne  pouvant  pas  s'y  trouver  le 
jour  de  la  dédicace  de  cette  église,  choisis- 
sent un  autre  jour  dans  l'année  auquel  ils 
peuvent  jouir  de  la  même  indulgence  pour 
une  fois  seulement.  Le  concours  des  pèle- 
rins élait  si  grand,  le  jour  de  cette  fête  de 
Nolre-Dame-des  Anges,  qu'il  y  allait  jusqu'à 
cent  mille  personnes,  et,  pour  empêcher  le 
désordre,  les  officiers  d'Assise  et  de  Pérouse 
se  niellaient  sous  les  armes;  et,  quoique  la 
ferveur  des  fidèles  soit  bien  diminuée  pour 
toutes  les  aulres  indulgences,  ils  ont  pour 
celle-ci  une  si  grande  vénération,  qu'il  est 
dilficile  de  s'imaginer  le  nombre  des  pèlerins 
qui  s'y  trouvent  le  deuxième  du  mois 
d'août  :  en  sorte  qu'il  est  facile  d'y  voir  l'ac- 
complissement delà  prophétie  de  saint  Fran- 
çois, lorsque,  refusant  les  lettres  patentes 
que  le  pape  lui  offrait  pour  la  publication 
de  celle  indulgence,  il  répondit  à  Sa  Sainteté 
qu'étant  l'ouvrage  de  Dieu,  il  prendrait  lui- 
même  le  soin  de  la  divulguer. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  pape  Inno- 
cent III  avait  seulement  approuvé  de  vive 
voit  la  règle  de  saint  François,  et  qu'elle 
avait  été  lue  et  approuvée  aussi  de  vive  voix 
dans  le  concile  général  de  Latran;  mais  le 
saint  fondateur,  voulant  avoir,  la  même  an- 
née 1223,  la  confirmation  par  écrit  du  pape 
Honorius  III(sur  une  vision  qu'il  eut),  il  alla 
avec  deux  compagnons  dans  la  vallée  de 
Riéli,  et  monta  sur  le  mont  de  la  Colombe, 
éloigné  de  deux  milles  de  la  ville  de  Riéti, 
pour  retoucher  sa  règle,  invoquant  pour  cet 
effet  les  serours  du  ciel  par  un  jeûne  au  pain 
et  à  l'eau  qu'il  y  pratiqua  pendant  quarante 
jours,  après  lesquels,  ayant  fait  écrire  celle 
même  règle  selon  que  le  Saint-Esprit  la  lui 
avait  inspirée,  il  descendit  de  la  montagne  et 
s'en  retourna  à  Assise,  où  il  la  donna  au 
P.  Ilélie,  son  vicaire,  pour  la  lire  et  la  gar- 
der, filais  celui-ci  la  trouva  trop  austère 
pour  lui  et  pour  ceux  qui  étaient  portés  au 
relâchement.  Le  saint  alla  ensuite  à  Rome 
pour  en  demander  la  confirmation  au  pape, 
qui  la  lui  accorda  par  une  bulle  du  30  octo- 
bre iie  la  même  année.  Cette  règle  est  plus 
courte  et  plus  méthodique  que  celle  qui  avait 
été  approuvée  de  vive  voix  par  Innocent  III, 
et,  quoiqu'elle  ne  renferme  que  douze  cha- 
pitres, ils  contiennent  néanmoins  en  sub- 
stance tout  ce  qui  était  marqué  dans  les 
vingt-trois  chapitres  de  la  première. 

Ce  fut  l'an  122i  que  ce  saint  fondateur 
connut  parfaitement  qu'il  devait  travailler 
à  devenir  un  modèle  accompli  d'un  Dieu  cru- 


cifié, Dieu  le  lui  ayant  fait  connaître  par 
l'ouverture  du  livre  des  Evangiles  ,  ce  qui 
arriva  de  la  manière  suivante.  Ce  saint  s'é- 
lant  relire  sur  le  mont  Alverne  pour  y  jeû- 
ner quarante  jours  en  l'honneur  de  saint 
Michel,  et  y  priant  Dieu  avec  beaucoup  d'in- 
stances de  lui  faire  connaître  sa  volonté, 
afin  de  s'y  conformer  entièrement,  il  eut  une 
forte  pensée  que  Dieu  la  lui  révélerait  à 
l'ouverture  du  livre  des  Evangiles.  C'est 
pourquoi  il  dit  à  son  compagnon  de  l'ouvrir 
en  l'honneur  de  la  très-sainte  Trinité.  Ce 
qu'ayant  fait,  et  ayant  trouvé  par  trois  fois 
différentes  la  Passion  de  Notre-Seigneur  Jé- 
sus-Christ, il  comprit  que,  comme  il  avait 
imité  ce  divin  Rédempteur  dans  toutes  les 
actions  de  sa  vie,  il  devait  lui  être  aussi  con- 
forme dans  les  douleurs  et  les  souffrances 
avant  qu'il  mourût  :  ce  qui  ranima  tellement 
en  lui  !e  feu  de  l'amour  divin  et  l'ardent  dé- 
sir qu'il  avait  d'èlre  crucifié  avec  Jésus- 
Christ,  qu'il  mérita  ce  qu'il  souhaitait  avec 
tant  d'ardeur  :  car  le  jour  de  la  fête  de 
l'Exaltation  de  la  sainte  Croix,  qu'il  priait 
avec  plus  de  ferveur  et  qu'il  était  tout  péné- 
tré de  douleur  de  celui  qui  par  un  excès  de 
charité  a  voulu  être  crucifié  pour  nous,  il 
vit  un  séraphin  descendant  du  haut  des 
cieux,  qui,  s'approchant  de  lui  avec  un  vol 
précipité,  lui  parut  non-seulement  ailé, 
mais  même  crucifié,  ayant  les  pieds  et  les 
mains  en  forme  de  croix.  Sa  tête  était  cou- 
verte de  deux  ailes,  deux  lui  servaient  pour 
voler,  et  les  deux  autres  lui  couvraient  les 
pieds. 

La  vision  disparut,  et  aussitôt  ce  saint 
patriarche  sentit  son  cœur  enflammé  d'une 
ardeur  séraphique,  el  les  marques  des  plaies 
du  Sauveur  parurent  sur  son  corps,  par  la 
représentation  des  clous  dont  les  têtes  pa- 
raissaient Irès-distinctement  au  dedans  des 
mains  et  sur  les  pieds,  et  les  pointes  à  l'op- 
posé, la  cicatrice  du  côté  était  rouge  et  ver- 
meille, et  le  sang  en  coulait  souvent  en 
aboudance.  On  ne  peut  douter  de  la  vérité  do 
ces  stigmates  après  le  témoignage  du  pape 
Alexandre  IV,  qui,  dans  un  sermon  qu'il  fit 
en  présence  de  saint  Ronaventure,  dit  les 
avoir  vues  :  ce  qui  est  suffisamment  confirmé 
par  les  dépositions  de  plusieurs  autres  per- 
sonnes, qui  assurèrent  aussi  la  même  chose, 
et  qui  ne  firent  point  de  difficulté  d'en  faire 
leur  serment,  lorsque  le  saint  fut  canonisé, 
aussi  bien  que  par  le  bref  du  pape  Gré- 
goire IX,  donné  l'an  1237,  par  lequel,  souhai- 
tant qu'on  le  croie  fermement,  il  exhorte 
tous  les  fidèles  à  ne  point  écouter  le  con- 
traire. Y erumtmnen  grande  ac  singulare  mi- 
raculum  quo  ipsum  sanctorum  splendor  et 
gloria  Dominus  Jésus  Cltristus  mirabilittrde- 
coravit,  universitali  vstrœ  tenore  prœsen- 
tium  non  indigne  duximus  exprimendum,  vi- 
delicet  quod  idemsanclus  cum  adhuc  spatium 
prwsentis  vitœ  percurreret,  et  postquam  illud 
féliciter  consummavit,  manibus,  latere  ac 
pedibus  specie  stigmalum  divinitus  exstitit 
insignitus....  Igitur  cum  id  ab  unitersis  fide- 
lilms  credi  firmiler  cupimus,  devotionem  ve— 
stram  rooamus  et  hortamur  in  Domino  Jesu 


545  FR.\ 

Christo,  in  remissionem  vobis  peccaijiinum  in- 
fungendo,  qualenus  ub   assertione  contrarii 

uitrcs  de  c/Ttero  penilus  avertentes  ronfessoiem 
evmdem  apud  Deum  pin  rohis  reddatis  véné- 
ration? pr ■  pitiiim.  Ce  pontife,  qui  voyait 
souvent  saint  Français  pendant  qu'il  rivait, 
n'aurait  pas  parlé  de  la  sorte,  s'il  n'avait  été 
assuré  de  la  vérité  de  ces  stigmates.  Be- 
noît XI  permit  d'en  faire  l'office  publique- 
ment. Sixte  IV  en  fit  insérer  la  mémoire  dans 
le  Martyrologe  romain;  et  Paul  V,  à  la 
prière  de  Philippe  III,  roi  d'Espagne,  sur  ce 
que  dans  quelques  lieux  on  avait  cessé  de 
dire  l'office  des  Stigmates  de  saint  François, 
en  fit  une  obligation  à  tous  les  ecclésia- 
stiques. 

Ce  saint,  après  avoir  demeuré  encore 
quinze  jours  sur  le  mont  Alverne  pour  finir 
son  carême,  en  descendit  portant  l'image  de 
Jésus-Christ  crucifié,  gravée  non  sur  des  ta- 
bles d'airain  ou  de  bois  taillées  par  la  main 
del'ou\rier,  mais  écrite  sur  sa  chair  avec  le 
doigt  de  Dieu,  faveur  dont  il  s'estimait  si 
indigne,  qu'il  faisait  son  possible  pour  la 
cacher  et  dérober  aux  yeux  des  hommes; 
mats  inutilement,  car  Dieu  manifesta  ces 
signes  de  son  amour  pour  François  en  fai- 
sant plusieurs  miracles  qui  en  firent  con- 
naître la  verlu  et  la  sainteté  à  tout  le  monde. 
Malgré  les  douleurs  qu'elles  lui  causaient, 
et  qui  étaient  quelquefois  si  violentes,  qu'il 
ne  pouvait  marcher,  il  ne  laissait  pas  de 
continuer  ses  fonctions  apostoliques,  se  fai- 
sant porter  pour  cet  effet  sur  des  charrettes 
dans  les  villes  et  les  bourgades,  pour  animer 
tout  le  monde  à  porter  la  croix  de  Jésus- 
Christ.  C'était  là  toute  sa  science;  il  faisait 
profession,  comme  l'Apôtre,  de  ne  savoir 
point  d'autre  chose  que  Jésus  crucifié , 
n'ayant  point  fait  d'autre  étude  depuis  sa  con- 
version. 

Depuis  le  jour  qu'il  reçut  les  stigmates 
jusqu'à  sa  mort, sa  vie  fut  toujours  languis- 
sante; et  il  eut  tant  d'occasions  de  souffrir 
pour  l'amour  de  Jésus-Christ,  qu'il  pouvait 
dire  avec  ce  divin  Sauveur  qu'il  n'y  avait 
pas  une  partie  dans  son  corps  qui  fût  exempte 
de  souffrance  :  car,  outre  les  douleurs  dont 
nous  venons  de  parler,  et  qui  étaient  conti- 
nuelles, il  eut  un  mal  aux  yeux,  pour  lequel 
on  lui  fit  un  cautère  qu'il  souffrit  avec  au- 
tant de  patience  qu'il  était  cruel  et  extraor- 
dinaire, puisqu'on  lui  brûla  la  peau  et  les 
chairs  jusqu'aux  os,  depuis  l'oreille  jusqu'au 
sourcil;  et  il  eut  peu  de  temps  après  le  corps 
tout  brisé  par  une  chute  violente  qu'il  fit  par 
l'inadvertance  de  l'infirmier,  ce  qu'il  souffrit 
avec  tant  de  patience,  que,  bien  loin  de  se 
plaindre,  il  baisa  plusieurs  fois  la  terre  qui 
devait  bientôt  le  recevoir  dans  son  sein.  En- 
lin,  Dieu  l'ayant  voulu  éprouver  par  toutes 
sortes  de  manières,  le  saint,  sentant  que  sa 
fin  approchait,  se  fit  transporter  du  couvent 
de  Font-Colombe  à  celui  de  Notre-Dame-des- 
Anges  proche  Assise,  pour  mourir  dans  le 
lieu  où  il  avait  reçu  le  premier  esprit  de  dé- 
votion, et  qui  avait  servi  de  berceau  à  son 
ordre.  Y  étant  arrivé,  il  se  fi!  mettre  nu  sur 
la  terre,  disant  qu'il    voulait  combattre  en 


FRA 


546 


athlète.  Le  gardien,  voyant  sa  pauvreté,  prit 
une  méchante  robe,  avec  une  corde  et  un 
capuce.et  lui  dit  de  les  recevoir  par  aumône 
comme  un  pauvre:  ce  qu'il  lui  commanda 
en  verlu  de  la  sainte  obéissance.  Le  serviteur 
de  Dieu,  ravi  de  ce  qu'on  lui  donnait  par  au- 
mône un  habit  pour  sa  sépulture,  le  reçut 
pour  y  être  enseveli  comme  un  Frère  Mi- 
neur, à  condition  qu'il  mourrait  nu  et  qu'il 
demeurerait  quelque  temps  en  cet  état  après 
sa  mort.  Ayant  fait  ensuite  assembler  tous 
ses  frères,  qui  se  trouvaient  pour  lors  dans 
cette  maison,  il  leur  donna  sa  bénédiction, 
etàj  tous  les  absents,  de  la  manière  que  le 
patriarche  Jaob  l'avait  donnée  aux  enfants 
rie  son  fils  Joseph,  en  se  faisant  croiser  les 
bras,  et  mourut  tranquillement,  le  quatrième 
jour  d'octobre  de  l'an  1226,  dans  la  qua- 
rante-cinquième année  de  son  âge,  ayant  vu 
plus  de  quatre-vingts  maisons  de  son  ordre 
établies,  presque  dans  tous  les  royaumes  de 
la  chrétienté.  Il  n'élait  que  diacre,  son  humi- 
lité l'ayant  empêché  de  recevoir  la  prêtrise. 

A  peine  fut-il  expiré,  que  l'on  vit  en  son 
corps  un  changement  merveilleux  :  sa  peau, 
qui  était  noire  et  brûlée  du  soleil,  devint 
blanche  comme  la  neige;  les  stigmates  s'y 
découvrirent  avec  plue  d'évidence  qu'aupa- 
ravant :  on  eut  alors  toute  la  liberté  pour 
les  examiner,  et  toute  la  ville  d'Assise  ac- 
courut pour  voir  ces  signes  salutaires  de  no- 
tre rédemption  dont  Jésus-Christ  l'avait  fa- 
vorisé, et  que  son  humilité  lui  avait  fait  ca- 
ch  r  pendant  sa  vie.  Le  lendemain,  de  grand 
malin,  l'on  porta  dans  la  ville  d'Assise  ce  sa- 
cré dépôt,  escorté  d'une  multitude  incroya- 
ble de  peuples,  qui  avaient  des  rameaux  ou 
des  cierges  à  la  main.  Il  fut  porté  en  passant 
dans  l'église  de  Saint-Damien,  pour  donnera 
sainte  Claire  et  à  ses  religieuses  la  satisfac- 
tion de  le  voir  et  de  baiser  ses  stigmates,  et  on 
l'enterra  ensuite  dans  l'église  de  Saint-Geor- 
ges, où  Dieu  rendit  son  tombeau  glorieux 
par  le  grand  nombre  des  miracles  qui  s'y  fi- 
rent. 

Le  P.  Hélie,  qui  était  vicaire  général,  écri 
vit  une  lettre  circulaire  à  tous  les  couvents 
de  l'ordre,  pour  leur  donner  avis  de  la  mort 
du  saint  fondateur.  Grégoire  IX,  ayant  fait 
assembler  le  chapitre  général  l'an  1227,  y 
voulut  assister,  et  le  gouvernement  de  l'or- 
dre fut  mis  entre  les  mains  du  P.  Hélie,  qui, 
affectant  beaucoup  de  piété  et  un  grand  zèle 
pour  maintenir  la  régularité,  fit  difficulté 
d'accepter  le  généralat,  sou»  prétexte  de  ses 
infirmités  et  de  son  peu  de  capacité;  mais  il 
ne  faisait  cela  que  pour  en  venir  à  ses  fins, 
qui  étaient  de  se  procurer  ses  aises  et  ses  com- 
modités au  préjudice  de  la  régularité,  en  trom- 
pant par  ces  belles  apparences  les  religieux, 
qui,  le  voyant  si  humble,  l'en  crurent  plus 
digne,  et  consentirent  que,  selon  qu'il  en  au- 
rait besoin,  il  pût  se  dispenser  en  quelques 
choses  des  austérités  de  la  règle,  et  se  ser- 
vir de  montures  dans  ses  voyages.  A  ces 
conditions  il  accepta  l'office  de  général,  et 
fut  le  premier  après  saint  François.  Ce  qu'il 
fit  de  mieux  pendant  tout  le  temps  qu'il  gou- 
verna l'ordre,  fut  qu'il  procura  la  canonisa- 


DICTIONNAIRE  DES  ODRES  RELIGIEUX. 


348 


lion  ilo  rc  saint  fondateur,  que  le  pape  Gré- 
poire  IX  Qt  avec  beaucoup  de  solennité  l'an 
1228,  et  étendit  son  culte  dans  toute  l'Eglise, 
en  lixani  sa  fête  au  k  octobre,  par  une  bulle 
qu'il  publia  en  1230.  On  n'eut  pas  plutôt 
achevé  la  cérémonie  de  la  canonisation,  que 
l'on  travailla  aux  fondements  d'une  église 
magnifique,  qui  devait  être  dédiée  en  son 
honneur  près  des  murs  d'Assise.  Le  pope 
voulut  mettre  la  première  pierre,  et  donna 
(le  grosses  sommes  pour  contribuer  à  cet  ci- 
lice,  dont  il  donna  le  soin  au  général  Héiir, 
qui,  par  une  transgression  manifeste  à  la  ré- 
gie du  saint  patriarche,  fit  mettre  des  troncs 
dans  cette  église,  et  faire  une  quête  d'argent 
dans  toutes  les  provinces.  Nous  avons  vu 
dans  l'article  Césarins  les  troubles  que  cela 
causa  dans  l'ordre,  aussi  bien  que  le  relâ- 
chement que  quelques  autres  généraux  intro- 
duisirent dans  la  suite.  Nous  nous  contente- 
rons de  rapporter  ici  en  peu  de  mois  l'état 
présent  de  cet  ordre,  qui  s'est  étendu  dans 
toutes  les  parties  du  monde,  où,  nonobstant 
les  hérésies  dont  l'Angleterre,  l'Ecosse,  l'Ir- 
lande, le  Danemark,  la  Suède,  la  Hollande 
et  plusieurs  autres  provinces,  tant  en  Alle- 
magne que  dans  d'autres  pays,  ont  été  infec- 
tées, et  où  l'ordre  de  Saint-François  a  perdu 
une  infinité  de  monastères  de  l'un  et  l'autre 
sexe,  il  ne  laisse  pas  d'avoir  encore  plus 
de  sept  mille  maisons  d'hommes,  tant  de  l'Ob- 
servance, Déchaussés,  Réformés,  Récoliets, 
Conventuels,  Capucins,  que  du  Tiers  Ordre, 
danslcsquellesilya  plus  de  cent  quinze  mille 
religieux;  et  plus  de  neuf  cents  monastères 
de  filles,  tant  Clarisses  et  Urbanistes,  que  du 
Tiers  Ordre,  de  la  Conception  et  Annoncia- 
des,  toutes  soumises  aux  supérieurs  du  pre- 
mier etdu  troisième  ordre, dans  lesquels  il  y  a 
plus  de  vingt-huit  mille  trois  cents  religieu- 
ses :  ce  qui  se  connaît  parles  chapitres  géné- 
i  aux  de  ces  différentes  congrégations,  où  l'on 
fait  toujours  le  calcul  des  maisons  et  des  reli- 
gieux et  religieuses,  sans  compter  les  monas- 
ières  de  filles,  qui  sont  sous  la  juridiction  des 
ordinaires  des  lieux  où  ils  sont  situés,  et  qui 
sont  aussi  en  très-grand  nombre. 

Tout  l'ordre  de  Saint-François  est  divisé 
en  plusieurs  branches,  qui  sont  les  religieux 
de  l'Observance,  les  Déchaussés,  Reformés 
et  Récollets,  qui  se  disent  de  l'Etroite  Obser- 
vance, les  Comentuels  et  les  Capucins,  qui 
forment  tous  le  premier  ordre.  Les  Clarisses, 
Urbanistes  et  Capucines,  qui  sont  du  second 
ordre;  et  le  troisième,  qui  n'avait  été  insti- 
tué par  sainlFrançois  que  pour  des  séculiers, 
comprend  aussi  dès  religieux  et  religieuses, 
qui  forment  différentes  congrégations.  Les 
religieux  du  premier  ordre  de  l'une  et  l'au- 
tre observance  s  uni  divisés  en  Famille  Cis- 
montaineet  UUramontaine.  La  Cismontaine 
comprend  les  couvenls  qui  sont  en  Italie, 
ceux  d'Allemagne  supérieure,  la  Hongrie,  la 
Pologne,  et  les  autres  qui  sont  en  Syrie  et 
dans  la  Palestine.  L'Ultramontaine  est  com- 
posée de  couvents  de  France,  d'Espagne,  de 
l'Allemagne  inférieure,  de  Saxe,  jusqu'au 
continent;  les  îles  de  la  Méditerranée,  l'A- 
frique, l'Asie  et  les  Indes.  L'une  et  l'autre 


famille  est  encore  divisée  en  provinces,  vi- 
cairies  et  custodies.  On  entend  par  provin- 
ces l'union  do  certains  nombre  de  couvenls 
sous  un  chef,  qui  dépend  du  général.  On  ap- 
pelait au  commencement  de  l'ordre  vicairic 
quelques  couvenls  unis  ensemble  qui,  à 
cause  de  leur  petit  nombre,  ne  pouvaient  pas 
jouir  de  la  dignité  et  des  prérogatives  des 
provinces.  Sous  le  pape  Eugène  IV,  les  con- 
grégations provinciales  de  l'Observauce  , 
quoique  considérables  par  le  grand  nombre 
des  couvents, n'avaient  néanmoins  que  letitre 
de  vicairies ,  parce  qu'elles  étaient  subor- 
données au  minisire  provincial  de  la  com- 
munauté ou  des  Convenluels;  et  l'on  appelait 
vicaires  provinciaux  ceux  qui  étaient  supé 
rieurs  de  ces  congrégations,  parce  qu'ils 
étaient  obligés  de  demander  leur  confirma- 
tion au  provincial;  mais  elles  ne  laissaient 
pas  de  jouir  des  prérogatives  des  provinces  : 
ce  qui  dura  jusqu'à  la  bulle  d'union  de  Léon 
X,  dont  nous  parlerons  dans  la  suite. 

On  appelait  aussi  custodies,  au  commen- 
cement de  l'ordre,  quelques  couvents  qui 
faisaient  partie  d'une  province  qui,  à  cause 
de  sa  irop  grande  étendue,  ne  pouvant  pas 
élre  gouvernée  par  les  provinciaux,  était 
divisée  en  plusieurs  custodies  gouvernées 
par  des  custodes,  dépendant  toujours  néan- 
moins du  provincial  de  celle  province,  qui 
était  obligé  d'y  faire  la  visite  lous  les  ans. 
Présentement  les  custodies  ont  succédé  aux 
vicairies,  et  celles  qui  ne  dépendent  d'aucun 
provincial  sonl  immédiatement  sujettes  au 
général.  Elles  tiennent  leurs  chapitres  en 
particulier,  ont  un  définitoirc  cuslodial  ci 
se  gouvernent  d'elles-mêmes  sous  l'autorité 
d'un  cuslode;  et  les  préfectures  sonl  II  s  mis- 
sions parmi  les  infidèles. 

La  Famille  Cismontaine  a  soixante-six 
provinces,  trois  custodies  et  six  préfectures  ; 
l'Ultramontaine  a  quatre-vingl-une  provin- 
ces et  plusieurs  custodies  ;  et  toutes  ces  pro- 
vinces et  custodies  sont  soumises  à  un  géné- 
ra! qui  prend  la  qualité  de  ministre  général 
de  tout  l'ordre  de  Saint-François.  H  a  encore 
sous  sa  juridiction  les  Clarisses  et  Urbanis- 
tes, cl  les  religieux  du  Tiers  Ordre  de  Saint- 
François,  qui  ont  une  province  en  Portugal, 
deux  en  Espagne,  et  quatre  en  France.  Les 
Conv  ntuels  ont  un  général  qui  prend  le 
litre  de  maître  généra)  des  Frères  Mineurs 
Conventuels;  et  les  Capucins  en  ont  aussi  un 
qui  se  dit  ministre  général  des  Frères  Mi- 
neurs Capucins.  Les  religieux  du  Tiers  Ordre 
en  Italie  en  ont  aussi  un  particulier,  que 
ceux  de  Flandre  reconnaissent  pour  supé- 
rieur. Ceux  d'Allemagne  sont  peu  connus, 
et  font  bande  à  part,  la  plupart  étant  soumis 
aux  évoques. 

Le  gt  néral  de  tout  l'ordre  de  Saint-Fran- 
çois est  à  l'alternative  de  la  Famille  Cismon- 
taine ou  de  l'Ultramontaine,  et  depuis  un 
temps  considérable  on  choisit  toujours  un 
sujet  du  roi  d'Espagne.  Comme  la  règle  ni 
les  statuts  de  l'ordre  ne  marquent  point  le 
temps  que  doit  durer  son  office,  les  premiers 
généraux  l'exerçaient  jusqu'à  leur  mort,  à 
moins  qu'ils  n'y  renonçassent  volontaire- 


549 


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3K0 


ment,  comme  firent  les  bienheureux  Jean 
Parent  et  Jean  do  Parme;  ou 'malgré  eus, 
comme  firenl  Raimond  Gaufredi  ,  par  ordre 
de  Roniface  VJII,  et  Gilles  Delphino.  Il  y  en 

a  mémo  qui  oui  clé  déposés,  comme  Hélie 
de  Corlonue,  Crescenz  i  Esius,  Michel  de 
Gésène,  Antoine  de  Massa.  Raimond  de  Cot- 
tignola  el  Paul  Pisoti;  mais  en  ôlanl  à  ce 
dernier  le  gouvernement  de  l'ordre,  on  lui 
laissa  le  litre  de  général.  Le  pape  Jules  II, 
qui  avait  été  pendant  vingt-six  ans  protec- 
teur de  l'ordre  avant  que  Je  monter  au  sou- 
verain pontificat,  voyant  que  l'office  dégé- 
nérai, qui  était  à  vie,  apportai!  un  préjudice 
considérai)  e  à  l'ordre,  ie  réduisit  à  six  ans 
seulement,  dans  le  sixième  chapitre  généra- 
lissim  ■  qui  se  tint  à  Rome  l'an  1506,  après  la 
renonciation  forcée  de  Gilles  Delphino.  Rai- 
mond de  Cottignola  fut  élu  pour  le  premier 
général  pour  six  ans,  conformément  à  cette 
réduction  de  Jules  II.  Pie  Y,  par  une  bulle 
de  l'an  1571,  ordonna  que  les  généraux 
exerceraient  leur  office  pendant  huit  ans; 
mais  Sixte  V,  l'an  1587,  le  remit  à  six  ans, 
comme  il  avait  éié  ordonné  par  Jules  II.  Si 
le  général  mçurt  avant  que  d'avoir  fini  ce 
temps,  ou  qu'il  soit  élevé  à  quelque  dignité 
de  l'Kglise,  on  lui  substitue  un  vicaire,  géné- 
ral qui  est  élu  par  les  pères  discre's  perpé- 
tuels de  l'ordre,  qui  sont  ceux  qui  ont  exercé 
l'office  de  général  ou  qui  ont  été  vicaires 
généraux  pendant  deux  ans,  s'ils  sont  pré- 
sents dans  l'une  et  l'autre  famille,  c'est-à- 
dire  Cismonlaine  ou  Dllramontaine,  ne  de- 
vant point  être  appelés  s'il ^  sont  absents. 
Dans  la  Famille  Cismonlaine,  on  doit  appeler 
à  l'élection  le  procureur  général,  le  commis- 
saire général  en  cour  de  Rome,  le  procureur 
général  des  Réformés,  tous  les  définiteurs 
généraux  cismontains  et  les  ultramonlains 
qui  se  trouvent  au  lieu  de  l'élection,  aussi 
bien  que  le  provincial,  le  vicaire  ou  com- 
missaire de  la  province  dans  laquelle  se  fait 
l'élection  ;  et,  dans  la  Famille  Ullramonlaine, 
le  vicaire  général  est  élu  par  le  commissaire 
général  des  Indes,  les  définiteurs  généraux 
de  la  nation  seulement  où  se  fait  l'élection, 
et  les  autres,  s'ils  sont  présents,  avec  six  des 
provinciaux  les  plus  proches.  Si  le  général, 
avant  que  de  mourir,  n'a  pas  fini  son  pre- 
mier triennal,  ou  qu'il  donne  sa  renoncia- 
tion, ou  qu'il  soit  déposé,  ou  qu'il  soit  élevé 
à  quelque  dignité  de  l'î'glise,  le  vicaire  gé- 
néral qui  lui  succède  ne  peut  pas  gouverner 
l'ordre  jusqu'au  premier  chapitre  général, 
mais  il  doit  assembler  les  vocaux  de  sa  fa- 
mille et  procéder  à  l'élection  non  d'un  vi- 
caire, mais  d'un  ministre  général.  Ouc  si  le 
général  meurt  avant  que  d'avoir  fini  son 
second  triennal,  le  vicaire  généra!  qui  lui 
est  substitué  doit  finir  ce  qui  restait  de  ce 
triennal,  et  il  ne  peut  être  de  nouveau  élu 
général  qu'après  seize  ans  de  vacance.  Ce 
qui  a  toujours  été  observé  jusqu'en  l'an  1700, 
que  le  révérendissime  P.  Jean  de  Las  Torres 
fut  élu  général  dans  le  chapitre  qui  se  tint  à 
Rome.  Ce  général  étant  mort  l'an  1701,  on 
lui  substitua  le  révérendissime  P.  Alphonse 
de  Biezma,  pour  lors  commissaire  général 


des  Indes,  qui  fut  confirmé  en  qualité  de  gé- 
néral par  le  pape  Clément  XI.  Mais  à  la  lin 
du  second  triennal,  n'ayant  pu  faire  tenir  le 
chapitre  général  à  cause  de  la  guerre  dont 
l'Europe  a  été  affligée  depuis  l'an  1700,  il 
fut  d'abord  continué  dans  son  office  pour 
deux  ans  par  le  îs.êmc  Clément  XI,  par  un 
bref  de  l'an  1706,  el  enfin  jusqu'à  la  conclu- 
sion de  la  paix  par  un  autre  bref  de  l'an 
1707.  Mais,  étant  mort  en  1710,  et  les  mêmes 
raisons  qui  ont  empêché  l'assemblée  d'un 
chapitre  général  depuis  1700  subsistant  en- 
core par  les  prétentions  de  l'empereur  Char- 
les VI  sur  les  royaumes  d'Espagne,  nonob- 
stant la  juste  possession  de  Philippe  V,  le 
révérendissime  P.  Joseph  de  Garcia  lui  fut 
substitué  par  l'élection  qui  en  fut  faite  selon 
la  pratique  de  l'ordre  en  semblables  cas  :  ce 
qui  a  été  confirmé  par  un  bref  de  Clément  XI, 
en  vertu  duquel  il  jouit  de  tous  les  droits  et 
de  la  qualité  de  général. 

On  élit  aussi  dans  les  chapitres  généraux 
un  commissaire  général  pour  la  famille  dont 
le  général  n'a  point  élê  lire.  Pour  conserver 
la  paix  entre  les  religieux  de  l'une  et  l'autre 
observance,  on  décréta,  dans  le  chapitre  gé- 
néral tenu  à  Rome  en  1664,  que  le  commis- 
saire général  sera  pris  à  l'alternative  d'entre 
les  Observants  et  les  Réformés,  et  qu'ils  au- 
raient également  des  définiteurs  généraux  : 
ce  qui  fut  approuvé  par  le  pape  Alexan- 
dre VII.  11  a  le  même  pouvoir  dans  sa  famille 
que  le  général  dans  tout  l'ordre,  excepté 
qu'il  ne  peut  nommer  aux  offices  dont  la 
nomination  appartient  de  droit  au  général. 
Il  peut  même  faire  valoir  s  n  autorité  en 
présence  du  général,  excepté  dans  les  pro- 
vinces que  le  général  s'est  réservées.  Son 
office  ne  dure  que  pendant  un  triennal.  Le 
général  pouvait  autrefois,  quand  bon  lui 
semblait,  ne  pas  assembler  de  chapitre  pour 
en  élire  un  autre,  et  il  lui  était  permis  de 
faire  élire  un  vice-commissaire  jusqu'au 
premier  chapitre  général  par  les  pères  dis- 
crets de  la  famille  dont  le  commissaire  gé- 
néral était  tiré.  Dans  le  chapitre  général  de 
Rome  de  l'an  1676  on  fit  un  décret  par  lequel 
le  commissaire  général,  aussi  bien  que  les 
définiteurs  généraux  de  la  même  famille, 
exercerait  son  office  depuis  un  chapitre  gé- 
néral jusqu'à  l'autre;  mais  Innocent  XI  ne 
voulut  pas  approuver  ce  décret,  et  même  le 
révoqua  par  une  bulle,  ayant  donné  ordre 
au  général  de  tenir  un  chapitre  pour  l'élec- 
tion d'un  commissaire  général.  Ainsi,  en 
vertu  de  la  bulle  de  ce  pontife,  après  que  le 
commissaire  général  a  fini  son  triennal,  les 
vocaux  de  sa  famille  en  élisent  un  autre,  à 
moins  que  la  tenue  du  chapitre  ne  soit  em- 
pêchée par  la  guerre,  auquel  cas  le  général 
peut  continuer  le  commissaire  jusqu'à  ce 
que  le  chapitre  se  puisse  tenir,  ou  bien  il 
peut  de  sou  autorité  en  nommer  un  autre 
de  la  même  famille.  Ce  commissaire,  après 
son  triennal,  est  discret  perpétuel  dans  la 
même  famille,  et  ne  peut  être  de  nouveau 
élu  commissaire  général  ou  ministre  général 
qu'après  avoir  vaqué  seize  ans,  à  moins  qu'il 
n'en  soit  dispensé  par  le  saiut-siége. 


351 

Les  principaux  offices  de  l'ordre  à  la  no- 
mination du  général  sont  ceux  de  commis- 
saire des  Indes  résidant  à  la  cour  du  roi  d'Es- 
pagne, le  commissaire  en  cour  île  Home  et 
le  procureur  général  de  la  régulière  obser- 
vance, qui  était  autrefois  commun  pour  lous 
les  religieux  de  l'une  et  l'aulre  observance; 
mais  les  Réformés  d'Italie  en  obtinrent  un 
du  pape  Clément  VIII,  l'an  1G03.  Il  fut  d'a- 
bord institué  par  les  généraux;  mais,  par  un 
bref  d'Urbain  VIII  de  l'an  1G32,  il  est  présen- 
tement à  la  nomination  du  cardinal  protec- 
teur. L'an  1633,  on  accorda  aux  Français 
un  agent  en  cour  de  Rome  ;  mais  ils  ont  aussi 
obtenu  un  procureur  général  l'an  1704.  Il 
n'y  a  néanmoins  que  le  procureur  général 
de  l'observance  qui  ait  place  dans  les  cha- 
pelles papales.  Le  général  nomme  aussi  le 
gardien  du  couvent  du  Mont-de-Sion  à  Jéru- 
salem, ou  du  Saint-Sépulcre,  lequel  est  com- 
missaire et  nonce  apostolique  dans  la  terre 
sainte,  et  a  droit  de  se  servir  d'ornements 
pontificaux.  Le  couvent  d'Aracœli  à  Rome, 
et  le  grand  couvent  des  Ordeliers  de  Paris 
sont  aussi  soumis  immédiatement  au  géné- 
ral, aussi  bien  que  l'hospice  des  Pénitenciers 
de  la  basilique  de  Saint-Jean-de-Latran  à 
Rome,  qui  sont  des  religieux  Réformés  le 
couvent  de  Saint-Pierre  In-Monte-Orio de  la 
même  ville,  où  l'on  enseigne  les  langues 
orientales;  le  gardieu  de  Conslanlinople, 
qui  est  commissaire  sur  les  couvents  de  Chio 
de  Smyrne  et  quelques  autres  du  Levant; 
les  pauvres  Clarisses  de  Madrid  et  de  Vienne 
en  Autriche,  les  Urbanistes  du  célèbre  mo- 
nastère du  Saint-Sacrement  de  Naples,  et 
celles  de  Sainte-Marie-Egyptienne  de  la 
même  ville. 

L'ordre  de  Saint-François  a  donné  à  l'E- 
glise quatre  papes,  qui  sont  Nicolas  IV, 
Alexandre  V,  Sixte  IV,  et  Sixte  V;  quarante- 
cinq  cardinaux,  un  nombre  infini  de  pa- 
triarches, d'archevêques  et  d'évêques ,  et 
deux  électeurs  du  Saint-Empire  ;  tant  de  per- 
sonnes illustres  par  leur  science  et  par  la 
sainteté  de  leur  vie,  qu'il  est  presque  im- 
possible d'en  faire  le  détail;  non  plus  que 
des  missionnaires  que  cet  ordre  a  produits 
dans  les  siècles  passés,  qui  se  sont  étendus 
dans  tant  de  pays  différents,  que  l'on  peut 
dire  qu'ils  ont  fait  entendre  leur  voix  par 
toute  la  terre,  et  qu'ils  ont  porté  la  parole 
de  Dieu  jusqu'à  ses  extrémités  les  plus  re- 
culées, sans  parler  de  ceux  qui  sont  encore 
présentement  occupés  dans  les  quatre  par- 
ties du  monde  à  la  conversion  des  infidèles, 
hérétiques  et  schismatiques.  Il  se  glorifie 
d'avoir  quarante-six  martyrs  qui  ont  été  mis 
au  catalogue  des  saints  et  dont  on  fait  l'of- 
fice dans  tout  l'ordre.  Il  y  en  a  dix-sept  qui 
ont  été  canonisés  sous  le  titre  de  confesseurs  ; 
plusieurs  autres  à  qui  l'Eglise  a  donné  le 
nom  de  bienheureux  et  dont  elle  a  permis 
de  faire  l'office.  L'an  1C28,  dans  le  chapitre 
général  qui  se  tinta  Home,  l'on  en  comptait 
quatre-vingts  dont  on  poursuivait  la  canoni- 
sation, et  ce  nombre  est  augmenté  depuis  ce 
temps  là  jusqu'à  cent  quaire,  auxquels  on 
pourrait  encore  ajouter  plus  de  deux  mille 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  352 

autres  personnes  de  l'un  et  l'autre  sexe  qui 
ont  répandu  leur  sang  pour  le  nom  de  Jésus- 
Christ,  ou  qui  ont  mérité  d'être  regardés 
comme  saints  par  la  pureté  de  leur  vie,  la 
rigueur  de  leur  pénitence  et  le  don  des  mi- 
racles. Sans  parler  de  saint  Ronaventure, 
qui  a  mérité  le  titre  de  Docteur  Séraphique; 
de  saint  Antoine  de  Padoue.  de  saint  Ber- 
nardin de  Sienne,  de  saint  Jean  Capistran, 
et  de  saint  Louis,  évéque  de  Toulouse,  qui 
ont  fait  un  des  plus  beaux  ornements  de  ce 
même  ordre,  qui  se  glorifie  d'avoir  eu  aussi 
Alexandre  de  Halès,  maître  de  saint  Rona- 
venture. et  Jean  Duns,  surnommé  Scol  à 
cause  qu'il  était  Ecossais,  auquel  on  a  donné 
le  nom  de  Docteur  Subtil,  pour  avoir  défendu 
avec  autant  de  force  que  d'érudition  la  vé- 
rité de  l'immaculée  conception  de  la  sainte 
Vierge,  que  l'ordre  prit  pour  patronne  sous 
ce  titre,  dans  le  chapitre  général  qui  se  tint 
à  Tolède  l'an  1645.  Nous  irions  trop  loin  si 
nous  voulions  parler  de  tous  les  célèbres 
écrivains  qui  en  sont  sortis.  Wadingue  en  a 
donné  un  catalogue  qui  contient  un  volume 
in-folio,  et  dont  le  nombre  a  été  bien  aug- 
menté depuis  l'an  1650,  qu'il  fut  imprimé  à 
Rome.  Les  personnes  qui  ont  été  employées 
par  les  souverains  pontifes  et  les  princes  de 
l'Europe  dans  les  légations  et  les  affaires  im- 
portantes sont  aussi  en  trop  grand  nombre 
pour  en  faire  un  détail.  Le  pape  Grégoire  IX 
donna  ordre  à  Haimon,  général  de  l'ordre, 
de  réformer  le  Bréviaire  et  le  Missel  romain, 
et  les  corrections  qu'il  y  fit  ne  furent  pas  seu. 
Iement  reçues  dans  l'ordre  de  Saint  François, 
mais  elles  le  furent  aussi  dans  toute  l'Eglise. 
Clément  VII  donna  ordre  aussi  au  cardinal 
Quignonez,  qui  avait  été  général  du  même 
ordie,  de  composer  un  Bréviaire  particulier 
pour  les  personnes  de  sa  cour,  qui  fut  ap- 
prouvé par  son  successeur  Paul  III  et  impri- 
mé pour  la  première  fois  à  Rome  en  1535.  La 
commodité  de  ce  Bréviaire,  qui  était  fort 
court,  et  disposé  de  telle  sorte  qu'on  lisait 
l'Ecriture  sainte  pendant  toute  l'année  et  le 
Psautier  entier  chaque  semaine,  fit  que  plu- 
sieurs personnes  voulurent  s'en  servir;  il 
n'y  avait  que  les  prêtres  et  les  clercs  sécu- 
liers qui  le  pussent  réciter,  et  encore  avec 
une  permission  particulière  du  saint-siége, 
ce  qui  dura  jusqu'à  la  réformation  du  Bré- 
viaire romain,  faite  l'an  1568  par  ordre  de 
Pie  V,  qui  supprima  lous  les  autres  Bréviai- 
res, spécialement  celui  du  cardinal  Quigno- 
nez, dont  il  y  avait  eu  un  très-grand  nombre 
d'éditions,  mais  toutes  falsifiées,  à  la  réserve 
des  trois  premières,  qui  sont  très-rares. 
Outre  la  Bible  d'Alcala  en  langue  latine, 
grecque,  hébraïque  et  chaldaïque,  que  le 
cardinal  Ximenès  fit  faire  à  ses  dépens,  on 
lui  est  aussi  obligé  de  nous  avoir  conservé 
l'ancien  office  mozarabique,  dont  les  exem- 
plaires sont  devenus  très-rares,  principale- 
ment le  Missel,  quoiqu'il  en  eût  fait  tirer  un 
très-grand  nombre  d'exemplaires. 

Le  véritable  habillement  de  saint  Fran- 
çois consistait  en  une  robe  de  méchant  drap 
de  couleur  de  cendre,  avec  un  capuce  pointu 
attaché  à  la  même  robe  faite  en  forme  de  sac. 


353  FIU 

comme  on  le  peut  voir  dans  l'estampe  qui  est 
au  commencement  île  ce  lome  (1).  Ses  premiers 
disciples  étaient  aussi  habillés  de    la    même 
manière.   De   toutes  les  congrégations   qui 
subsistent    encore  sous  le    nom   de  Frètes 
Mineurs,  comme   Observants,   Déchaussés, 
Reformés,  Kécollels,  Conventuels  et  Capu- 
cins, il  n'y  a  que  l'habit  de  ces  derniers  qui 
approche  le  plus  de  celui  de  saint  François; 
ils  ont  seulement  élargi  et  allongé  le  capuce, 
par  la  l'orme  pyramidale  qu'ils  lui  ont  don- 
née. La  pauvreté  de  cet  habillement  ne  tarda 
pas  longtemps  à  être  altérée  par  la  vanité 
du  P.  Hélie,  qui,  ajant   pris   un  habit  plus 
ample,  en  fut  repris  par  saint  François  d'une 
manière  aussi  sévère  qu'elle  était  humilian- 
te ;  car  ce  saint  fondateur  le   lui   ayant  de- 
mandé, s'en  revêtit,  et,  après  s'être  promené 
avec  ostentation  en  présence  de  ses  frères, 
du  nombre  desquels  était  ce  premier  infrac- 
teur  de  la  pauvreté,  il  le  dépouilla  et  le  jeta 
par  terre  avec  indignation,  en  disant  que  les 
bâtards   de    l'ordre   étaient    ainsi    habillés. 
Saint  lionaventure,  dans  le  chapitre  général 
de  Narbonne,  l'an   12oS,  lit   du   changement 
dans  (habillement,    premièrement  afin    que 
les  religieux  fussent  distingues  des  bergers, 
et  secondement  pour  ôter  un  abus  que  quel- 
ques-uns   avaient   introduit  ,    qui  était    de 
porter  des   capuces   amples    qui  ,   ne    pou- 
vant pas  bien  couvrir  leur  lêtc,  les  obligeaient 
à  y  ajouter  des  aumusses  ;  c'est  pourquoi  il 
ordonna  que  les   capuces    seraient    ronds, 
attachés  à  une  espèce  de  musette  aussi  ronde 
par  devant,  qui  se  terminait  eu   pointe   par 
derrière.  La  différence  qu'il  pouvait  y  avoir 
entre  ces  sortes  de  capuces  et  ceux  que  por- 
taient les  bergers  de  ce  temps-là  ,  c'est  que 
les  capuces  des   bergers  étaient  pointus   et 
loiijj;s,  et  ceux   que    saint  Ronavenlure    ût 
prendre  à  ses  religieux  étaient  ronds  et  courts; 
mais  les  uns  et  les  autres  avaient  des  uiosel- 
tes,  et  il  y  a  bien  de  l'apparence  que  les  ber- 
gers les  portaient  encore  de  celte  forme  sur 
la  lin  du  quatorzième  siècle   et  le  commen- 
cement du  quinzième,  car  j'ai  vu  des  Heu- 
res en  velin  qui  étaient  à  l'usage  du  cardi- 
nal Jean   d'Armagnac,  mort  l'an   14-09,  où  , 
entre  les  miniatures  qui  y    sont,  il  y   a   un 
berger  représente  a*ec  un  capuce  pointu   et 
une  musette,    comme  on    peut  voir  dans    la 
Egure  que  nous  avons  lait  graver  (2).  11  y  a 
bien  de  l'apparence  que  celle  l'orme  d'habil- 
lement, qui  fut  ordonnée  dans  le  chapitre  de 
Narbonne,  ne  fut  pas    introduite    tout  d'un 
Cuup  dans  l'ordre,  puisque  dans  la  mosaïque 
que  le  pape  Nicolas  IV  lit  faire  dans  la  basi- 
lique de  Saint- Jean-de-Latran,   saint  Fran- 
çois y  est  représenté  avec  un  capuce  long  et 
pointu  assrz  semblable  à  celui  des  capucins, 
qui  ont  toujours  lait  lant  d'estime  de  la  dé- 
couverte  qu'ils  avaient   faite  de   ce  capuce 
long   et   pointu,   qu'ils  ont  souvent   intenté 
procès  aux  autres  congrégations  de  l'ordre 
au    sujet  de  l'habillement,  particulièrement 
aux  religieux  du  troisième  ordre   de  Saiut- 
François  en  Sicile,  sur   la  couleur  de   leur 


fui: 


3.VI 


habit;  aux  Conventuels  Réformés,  sur  la 
forme  de  l'habit  et  les  sandales  de  cuir;  aux 
Récollets  sur  leur  capuce  pomtu,  et  aux  re- 
ligieux Pénitents  du  tiers  ordre  de  saint  Fran- 
çois en  France,  sur  ce  qu'ils  laissaient  croî- 
tre leur  barbe,  et  qu'ils  portaient  comme  eux 
une  corde  blanche. 

Luc  Wading,  Annal.  Minorum.  Francise. 
Gonzaga,  de  origine  Seraphicœ  Religionis. 
Rodulpii.  Tussinian.  Wstoria  Seraphica. 
Dominic.  de  Gubernatis,  Orbis  Sernphicus. 
Marc  de  Lishoa,  Cronica  de  los  Menores. 
luanetin  Ninno,  Cronicas  de  lus  Menores. 
Francisco  de  Itoyas,  Annal,  de  la  Orden  de 
los  Menores.  Michel  de  la  Purification,  Vida 
Evanijelica  de  lus  Frayles  Menores.  Sanctus 
Ronaventura,  Vit.  S.  Francisci.  Rartholom. 
de  Pisis,  Liber  Conformilatum  vit.  S.  Fran- 
cisa cum  vita  J.  C.  Henricus  Sedulius,  Hi- 
storia  Seraphica.  Pelrus  de  Alva  ,  JS'aturœ 
prodigiwn,  gratiœ  purtentum,  hoc  est  Seraphi- 
ci  Francisci  silœ  acta  ad  Christi  vitam  et 
murlem  regulata.  Arturius  à  Monaslerio  , 
Martyrologium  Franciscanum.  Spéculum  Mi- 
norum. Monumenta  Ordinis  Minorum,  et  Fir~ 
mainenia  trium  Ordinum  S.  Francisci. 

FRANÇOIS  (Tiers  ordre  de  Saint-).  Voy. 
Pénitence  et  les  divers  noms  qui  différen- 
cient les  congrégations  du  Tiers  Ordre. 

FRANÇOIS  d'ASSISE  (Ordre  de  SaIKT-). 
Voyez  Franciscains. 

FRANÇOIS  de  PAULE  (Ordre  de  Saint-). 
Voyez  Minimes. 

FRANÇOIS  de  SALES  (Ordre  de  Saint-). 
Voi/ez  Visitandines. 

FRERES  JOYEUX  (Chevaliers  de  l'or- 
dre de  la  Glorieuse  Vierge  Marie,  appelés 
aussi  les). 

Après  avoir  rapporté  l'histoire  des  ordres 
et  congrégations  religieuses  qui  ont  suivi  la 
règle  de  saint  Augustin,  aussi  bien  que  quel- 
ques ordres  militaires  dont  les  chevaliers 
sont  véritablement  religieux  ou  l'ont  été 
dans  leur  origine,  ce  qui  fait  que  nous  ne 
les  avons  pas  séparés  des  congrégations 
religieuses,  il  nous  reste  encore  à  parler  de 
quelques  ordres  militaires  dont  les  cheva- 
liers, à  ce  que  l'on  preleud,  oui  été  soumis 
à  la  règle  de  saint  Augustin,  quoiqu'ils  ne 
fussent  pas  religieux.  Les  premiers  sont  les 
chevaliers  de  l'ordre  de  la  Glorieuse  Vierge 
Marie,  Mère  de  Jésus-Christ,  qui  fuient  éta- 
blis par  le  P.  Rarlhéleoiy  de  Vicence,  reli- 
gieux de  l'ordre  de  Saint-Uomiuique,  qui  fut 
ensuite  évéque  de  cette  ville.  Ce  père,  voyant 
l'Italie  en  trouble  et  en  confusion  par  la  fac- 
tion des  Guelfes  et  des  Gibelins,  institua 
cet  ordre  l'au  123-i.  Le  principal  institut  et 
l'Obligation  des  chevaliers  étaient  de  prendre 
les  armes  contre  les  perturbateurs  du  repus 
public,  et  contre  ceux  qui  violaient  impu- 
nément la  justice.  Ils  faisaient  aussi  vœu  de 
chasieie  conjugale,  d'obéissance  et  de  proté- 
ger les  veuves  et  les  orphelins.  Les  premiers 
qui  lurent  faits  chevaliers  furent  Pélegriu 
Castelli,  Caslellau  Malcuolo,  Hugoim  L  iui- 
berlini,    Lodérin  Andalo,  Girauiou,  Caccia- 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  u*71. 


(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  72. 


zm 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


356 


némici,  tous  gonti.siîommes  bolonais  Séla- 
nia,  Liazarii  de  Reggio,  et  Rainier  Adelardo 
do  Mantose,  et  il  y  en  a  qui  leur  donnent 
pour  premier  grand  maitre  Lodérin  Andalo. 
Dans  la  suite  ils  firent  confirmer  leur  ordre 
par  le  pape  Urbain  IV,  l'an  1262,  ce  qui  a 
l'ait  dire  à  quelques-uns  que  ret  ordre  n'a- 
vait été  institué  que  cette  année-là.  Ces  che- 
valiers portaient  un  habit  blanc  et  un  man- 
teau gris  cendré  sur  lequel  ils  mettaient  une 
croix  rouge.  11  y  en  a  qui  prétendent  qu'ils 
en  portaient  aussi  uneorlée  ti'or  sur  la  poi- 
Irine.  Nul  ne  pouvait  être  reçu  dans  cet 
ordre  s'il  n'était  gentilhomme.  Il  leur  était 
néanmoins  défendu  de  porter  des  éperons 
dorés,  et  d'avoir  les  harnais  d>  leurs  che- 
vaux  dorés.  Comme  il  leur  était  permis  de 
se  marier,  qu'ils  avaient  des  commanderies, 
qu'ils  jouissaient  de  plusieurs  privilèges  et 
commodilés  qui  leur  donnaient  moyen  de 
subsister  honorablement  et  avec  éclat,  et  que 
même  dans  la  suite  ils  songèrent  plutôt  à 
passer  le  temps  dans  les  plaisirs,  qu'à  s'ac- 
quitter des  obligations  de  leur  ordre,  le  peu- 
pl  ,  par  une  espèce  de  raillerie  et  de  mépris, 
les  appela  Frèr  s  Joyeux. 

Les  sentiments  sont  différents  touchant  ia 
croix  qu'ils  portaient;  les  uns  leur  donnent 
une  croix,  de  gueules  à  huit  angles,  orlée 
d'or  et  cantonnée  de  quatre  étoiles;  d'au- 
tres ajoutent  à  cette  croix  l'image  de  la 
sainte  Vierge  ;  quelques-uns  prèle  dent 
qu'elle  était  plus  longue  que  large  et  qu'elle 
avait  seulement  deux  étoiles  d'or  aux  deux 
angles  au-dessus  du  travers  (1).  L'abLé 
Giusliniani,  passant  à  Bologne  en  1677,  vou- 
lant s'informer  de  la  vérité,  trouva  dans  la 
maison  d'un  des  successeurs  du  comte  Jé- 
rôme Benlivoylio  une  croix  en  peinture  sem- 
blable à  cette  dernière  ,  quoique  le  peu  de 
chevaliers  de  cet  ordre  qui  restent  à  pré- 
sent portent  la  croix  à  huit  pointes  canton- 
née de  quatre  étoiles.  Il  y  en  a  encore  qui 
font  mention  d'une  autre  croix  fleurdelisée 
par  les  bouts,  au  milieu  de  laquelle  est  le 
nom  de  Marie  en  chiffre,  avec  un  cercle  de 
rayons  sous  les  fleurs  de  lis.  Cet  ordre  avait 
des  commanderies  à  Bologne,  à  Modène,  à 
Manloue,  à  Trévise  et  en  divers  endroits 
d'Italie.  Le  dernier  commandeur  de  Bologne, 
nommé  Camille  Volta,  mourut  en  1 58Ù ,  et 
les  biens  de  cet  ordre  furent  donnés  par  le 
pape  Sixte  V  au  collège  de  Montalte.  Les 
églises  de  Saint-Matthieu,  de  Saint-Pierre  et 
de  Saint  -Paul,  à  Cas  irate  hors  de  Bologne, 
et  lient  autrefois  des  commanderies  de  cet 
ordre.  Lorsqu'il  fut  éteint,  les  chevaliers 
qui  demeuraient  à  Trévise  conservèrent  une 
commanderie  sous  le  nom  de  Sainte-Marie 
de  la  Tour;  et  lorsque  le  chevalier  qui  en 
est  prieur  meurt,  les  chevaliers  nomment  un 
d'entre  eux  pour  lui  succéder.  Peut  être 
qu'au  temps  de  l'extinction  de  l'ordre,  ces 
tbeva'iers  s'y  opposèrent,  et  que  par  accom- 
modemi  ht  on  leur  laissa  celte  commanderie 
avec  pouvoir  de  porter  la  croix. 

Voyez  Mennénius,  de  Belloy,  l'abbé  Gius- 

li)  Voy.,  à  la  tin  du  vol.,  n°  75. 


tiniani,  Schoonebeck  et  Hermnnt,  dans  leurs 
Histoires  des  Ordres  militaires  et  de  cheva- 
lerie. Tamburin,  de  Jur.  Abbutum  disput. 
24,  tjttii'stion.  5,  n.  96  ;  et  Carol.  Sigonius, 
lib.  xvn  et  xix  de  Rei/no  llaliœ. 

FRERES  MINEURS.  Voyez  Franciscains 
et  les  litres  de  leurs  diverses  branches;  par 
exc'i.ple  :  Récollels  ,  Capucins,  Observant 
tins,  Conventuels,  Colletants,  etc. 

FRÈRES  PRÊCHEURS.  Voyez  Domini- 
cains. 

FRÈRES  UNIS.  Voyez  Arméniens  de  Gê- 
nes. 

FR1GD1EN  DE  LUCQUES  (  Congréga- 
tion de).  Voyez  Latran  (Saint-Sauveur  de), 

FRISE  ou  de  la  COURONNE  DE  FER  (Che- 
valiers de). 

Quoique  Schoonebeck,  dans  son  Histoire 
des  Ordres  militaires,  dise  qu'avant  l'éta- 
blissement de  celui  de  Saint-Jacques  de  l'E- 
pée  eu  Espagne,  il  n'y  avait  eu  encore  au- 
cune société  militaire  qui  consacrât  s-  s 
biens  et  sa  vie  à  combattre  contre  les  infi- 
dèles pour  le  bien  de  la  chrétienté,  il  ne 
laisse  pas  néanmoins  de  nous  en  donner 
d'autres  qu'il  prétend  avoir  été  institués  plu- 
sieurs centaines  d'années  avant  celui  de 
Saint-Jacques  de  l'Epée  :  tel  est  entre  autres 
l'ordre  de  Frise  ou  de  la  Couronne,  dont  il 
fait  remonter  l'origine  jusqu'en  l'an  802  , 
après  Mennens,  Michieli,  Giustiniani  et  quel- 
ques autres,  qui  disent  que  ce  fut  Charle» 
magne  qui  en  fut  le  fondateur,  et  que  ce 
prince  donna  aux  chevaliers,  pour  marque 
de  cet  ordre,  une  couronne  qu'ils  devaient 
porter  sur  un  habit  blanc  avec  celle  de- 
vise (2)  :  C or onabitur  légitime  certans.  Quel- 
ques-uns disent  que  ce  fut  pour  récompen- 
ser les  Frisons  ,  qui  lui  avaient  été  d'un 
grand  secours  dans  la  guerre  qu'il  eut  con- 
tre les  Saxons.  D'autres  prétendent  que  ce 
fut  quand  il  eut  défait  les  Lombards  et  qu'il 
eut  fait  prisonnier  leur  roi  Didier.  Giusli- 
niani rapporte,  après  Hanconius,  historien 
de  Frise,  un  prétendu  privilège  que  ce  prince 
accorda  à  Rome  à  ces  nouveaux  chevaliers 
l'an  802,  et  il  ajoute  avec  d'autres  qu'il  leur 
dodna  la  règlede  Saint-Basile.  Mais,  nuire 
que  nous  ne  reconnaissons  point  d'ordre  mi- 
litaire avant  le  douzième  siècle,  quelle  ap- 
parence y  a-t-il  que  Charlemagne  eûl  donné 
à  ces  chevaliers  la  règle  de  Saint-iiasile,  lui 
qui  était  si  zélé  pour  l'aire  observer  celle  de 
Saint-Benoit,  et  qui  n'en  reconnaissait 
point  d'autre  dans  ses  Etats?  Ainsi  je  re- 
garde cet  ordre  comme  supposé.  Ces  auteurs 
ajoutent  que  les  chevaliers  de  Frise  faisaient 
vœu  d'obéir  à  leur  prince,  et  de  défendre  la 
religion  chrétienne  aux  dépens  de  leur  sang. 
La  principale  cérémonie  qu'on  observait  à 
leur  réception,  selon  ces  écrivains,  était  de 
leur  attacher  le  baudrier  et  de  leur  mettre 
l'épée  au  côté;  on  leur  donnait  un  soufflet, 
qui  fut  changé  depuis  en  un  baiser  et  l'ac- 
eolado;    et  on   ne    recevait   personne   qu'il 


(„)  Voy.,  à  la  in  du  vol.,  n"  74. 


SS7 


FUL 


FUI. 


358 


n'eût  servi  cinq  ans  l'empereur  à  ses  frais. 
Mais  cet  ordre,  comme  nous  avons  dit,  est 
supposé;  el  je  ne  sais  sur  quoi  Fondé  Schoo- 
neberk  dit  que  les  rois  de  France  s'en  alîri- 
bnent  toujours  la  dignité  de  grands  maîtres, 
quuiquo  le  pouvoir  d«  faire  des  chevaliers 
appartienne,  dit-il,  aux  empereurs,  comme 
étai  t  attaché  à  l,i  couronne  impériale;  car 
iiiiiis  ne  voyons  pas  que  les  rois  de  France 
ni  les  empereurs  aient  créé  de  ces  sortes  de 
ihe\aliers  ;  et  ainsi  l'abbé  Giusliniani  pou- 
vait se  dispenser  de  donner  une  suite  chro- 
nologique des  grands  m;iîlres  de  cet  ordre 
prétendu,  depuis  Charlemagne  jusqu'au  roi 
de  France  Louis  XIV  et  l'empereur  Léo- 
pold  i«r. 

iMcnnénius,  Deluïœ  Equcsl.  Ord.  L'abbé 
Giusliniani,  Hist.  di  luit  fit.  Ord.  milriiri. 
And.  Mendo ,  De  Ord.  viilit,  Hrru.an  et 
Si . ii .oiiebeck  dans  leurs  But.  des  Ord. 
uulii.;  el  Joseph  Michieli  Tcroso,  M  Mit.  di 
Car  al. 

FULDE    en   Allemagne   (ANCIENNE  CONGRÉ- 
GATION    DE). 

L'abbaye  de  Fulde  est  sans  contredit  la 
plus  noble  et  la  plus  illustre  d'Allemagne, 
non-seulement  à  cause  de  ses  grandes  ri- 
chesses et  du  grand  nombre  d'abbiyes  et  de 
prieurés  q  i  en  dépendaient,  mais  encore  à 
cause  des  prérogatives  accordées  à  l'abbé  de 
ce  monastère  ,  qui  estprince  de  IL;.!,  ire, 
primat  et  chef  de  tous  les  abbés  d'Allema- 
gne, et  chancelier  perpétuel  de  l'impé  a- 
tiSce.  S  int  Boniface,  archevêque  de  Mayeace 
et  apôtre  d'Allemagne,  fut  le  principal  fon- 
dateur de  celte  fameuse  abbaye.  Le  saint, 
qui  s'était  servi  de  religieux  pour  être  ses 
coadjuleuis  dans  la  conversion  d'une  inli- 
nile  de  peuples  en  Allemagne,  et  qui  se  ser- 
vait au.-si  d'eux  dans  d'autres  affaires,  s  n- 
haitait  y  bâtir  un  célè'ire  monastère  pour 
les  y  établir.  Il  avait  déjà  fondé  ceux  d  r- 
do!l  et  de  Frisiar,  mais  ils  ne  suffisaient  pas 
jour  le  grand  nombre  d'ouvriers  apostoli- 
ques qui  le  soulageaient  dans  ses  travaux; 
fàcbé  de  voir  que  saint  Sturme,  l'un  de  ses 
disciples,  s'était  retiré  avec  qui  iques  coni- 
pa  imns  dans  le  désert  d'Hersfeld,  où  ils 
étaient  tous  les  jours  exposés  aux  insultes 
des  Saxons,  il  leur  ordonna  de  s'établir 
dans  un  autre  lieu.  Ils  en  trouvèrent  un 
plus  commode  proche  la  rivière  de  Fulde 
dans  le  pays  de  Buchuw,  qu'on  appelait  au- 
trefois Grapleld,  entre  ;a  Messe,  la  Frauco- 
uie  el  la  Tliuringe. 

Ce  lieu,  qui  s'appelait  Eiioha,  appartenait 
à  Carlomau,  duc  et  prince  des  Français,  que 
.  saint  Boni  face  alla  trouver  pour  le  prier  de 
le  lui  donner  afin  d'y  établir  une  commu- 
nauté de  religieux;  ce  que  personne  n'a- 
vait encore  fait  en  ce  pays.  Non-seulement 
(  arloman  le  lui  accorda  avec  une  étendue 
de  quatre  mille  pas  aux  environs,  mais  il 
exhorta  encore  les  seigneurs  de  sa  cour  de 
contribuer  à  l'établissement  de  ce  monas- 
tère, ce  que  la  plupart  ayant  fait,  saint 
Sturme  y  conduisit  sept  religieux  i 
el  deux  mois  après  saint  Bouii'ace  y  lit  bâtir 


une  église  avec  le  monastère,  qui  prit  le  nom 
de  la  rivière  de  Fui. le  qui  y  passait.  Saint 
Sturme  en  fut  'e  preci  ier  abbé.  En  peu  de 
temps  le  nombre  ib's  religieux  augmenta  de 
telle  sorte,  el  les  biens  que  l'un  lit  à  ce  mo- 
nastère furent  si  consi  lérables,  qu'il  y  eu' 
plus  de  cinq  cents  religieux  qui  y  demeu- 
rèrent du  vivant  même  de  saint  Sturme. 
Saint  lioniface,  pendant  qu'on  travaillait 
aux  édifiées  de  ce  monastère,  se  relira  sur 
une  montagne  voisine  depuis  appelée  pour 
ce  sujet  le  Mont  de  l'Evêque,  et  y  passa  tout 
le  temps  qu  il  y  demeura,  dans  l'oraison  et 
dans  la  lecture  des  saints  Pères.  Etant  re- 
tourné à  Fulde,  il  exhorta  les  religieux  à 
bien  pratiquer  leur  règle,  leur  ordonna  de 
ne  prendre,  aucune  boisson  qui  pût  enivrer, 
et  de  se  conten'er  d'un  peu  de  petit"  bière; 
mais  la  communauté  s'étant  augmentée  no- 
tablement ,  cette  rigueur  fut  modérée  du 
temps  ou  roi  Pépin  le  Bref;  et  dans  un  con- 
cile il  leur  fut  permis  de  boire  du  vin,  à 
cause  de  ceux  qui  étaient  faibles  et  infir mes. 
Il  se  troma  néanmoins  un  grand  nombre  de 
religieux  qui,  ne  voulant  point  se  servir  de 
cette  permission,  ne  burent  point  de  vin 
ioul  le  temps  de  leur  vie. 

Les  bâtiments  de  Fulde  étant  achevés, 
l'extrême  désir  que  les  religieux  avaient  de 
bien  observer  la  règle  de  Saint-Benoît,  les 
fit  résoudre  d'envoyer  quelques-uns  d'entre 
eux  aux  grands  monastères  pour  y  remar- 
quer la  discipline  régulière,  el  la  pratiquer 
ensuite  dans  toute  son  exactitude.  Ils  en 
parlèrent  à  saint  Boniface,  qui,  approuvant 
leur  dessein,  choisit  pour  ce  voyage  saint 
Sturme,  qui  alla  au  mont  Cassin,  où  il  de- 
meura quelque  temps  pour  s'instruire  par- 
faitement de  toutes  ieurs  pratiques  réguliè- 
res. Saint  Boniface,  remarquant  que  ces  re- 
ligieux étaient  pauvres  et  avaient  peine  à 
subsi.s.er,  leur  donna  quelques  terres  pour 
à  ieu  s  besoins;  et  ce  fut  à  sa  prière 
que  Carloman  augmenta  encore  le  territoire 
de  Fulde  de  (rois  mille  pas,  de  sorte  qu  il 
contenait  sept  milles  de  tour.  Ce  prélat, 
I  ermir  davantage  cet  établissement, 

oli.i  t  un  privilège  du  pape  Zacbarie  qui 
sou  uett  lit  ce  monastère  immédiatement  au 
sainl-siége;  et,  pour  marque  de  son  affec- 
tion, ii  y  voulut  être  enterré.  Ce  sain!  fut 
martyrisé  par  les  Frisons  l'an  755.  Son 
corj.s  lui  d'abord  enterré  à  Ulrecht  ;  mais  les 
religieux  de  Fulde  l'allèrent  chercher  pour 
le  transporter  dans  leur  abbaye,  comme  ce 
saint  l'avait  souhaité. 

Après  la  mort  de  saint  Boniface,  saint 
Stu  nie  ne  put  éviter  la  malignité  de  la  ca- 
lomnie. Saint  Lulle  avait  succédé  à  sa  nt 
Boniface  dans  l'archevêché  de  Mayence.  On 
prévint  ce  prélat  contre  ce  saint  abbé;  il  sa 
trouva  de  faux  frères  dans  sa  communauté 
qui  l'accusèrent  de  n'être  pas  affectionné  au 
service  du  rai ,  qui  était  alors  Pépin  le  Bref, 
ce  qui  le  fit  reléguer  dans  le  monastère 
d'Unnedice,  ou  plutôt  Jumiege,  au  diéeèse 
de  Houen.  Saint  Lulle  en  son  absence  obtint 
du  roi  que  le  monastère  de  Fulde  lui  sérail 
soumis,  et  y  nomma  pour  abbé  uu  de  sei 


559 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


160 


domestiques,  appelé  Marc.  Mais  les  reli- 
gieux, refusant  de  se  soumettre  à  ce  pas- 
teur, qui  était  étranger  et  qui  ignorait  leurs 
usages  et  leurs  lois,  sortirent  du  monastère 
pour  en  aller  porter  leurs  plaintes  au  roi, 
qui  leur  permit  de  choisir  un  abbé.  Celui 
qu'ils  élurent  fut  le  vénérable  l'reszoldc, 
qui,  ayant  été  disciple  de  saint  Slurme  dès 
sa  plus  tendre  jeunesse,  chercha  aussitôt 
les  moyens  de  procurer  le  retour  de  son 
maître,  qui  fut  rappelé  d'exil  deux  ans  après 
par  Pépin.  Ce  prince  ne  se  contenta  pas 
même  de  le  renvoyer  avec  honneur  à  Fulde, 
il  voulut  encore  qu'il  fût  rétabli  dans  sa  di- 
gnité d'abbé;  il  retira  aussi  ce  monastère  de 
la  juridiction  de  l'évêque  de  Mayence,  et 
confirma  le  privilège  que  le  pape  Zacharie 
lui  avait  accordé,  en  le  soumettant  immé- 
diatement au  saint-siége.  II  le  prit  de  plus 
sous  sa  protection,  et  lui  donna  Omslat  avec 
ses  dépendances. 

Le  P.  Mabillon  (1)  rapporte  tout  au  long 
ce  privilège  du  pape  Zacharie,  afin  que  per- 
sonne n'en  puisse  douter,  et  fait  observer 
ensuite,  après  le  P.  'J'homassin  ,  qu'avant  ce 
pape  il  n'y  avait  aucune  abbaye  qui  fût  sou- 
mise immédiatement  au  saint-siége.  Elles 
étaient  pour  lors  réputées  ou  exemptes  de  la 
juridiction  de  l'évêque  diocésain,  ou  soumi- 
ses au  métropolitain  ou  aux  assemblées  des 
évéques,  qui  étaient  fréquentes  en  ce  temps- 
là  ;  ou  au  patriarche  par  une  condition  ta- 
cite, quoique  cela  ne  fût  pas  marqué  préci- 
sément par  le  privilège.  Nous  en  rapporte- 
rons quelques  exemples.  Saint  Théodore  Si- 
ceote,évêque  d'Anastasiopole,  ayant  renoncé 
à  l'épiscopat,  reprit  la  conduite  des  monas- 
tères qu'il  avait  fondés,  et  dont  il  avait  été 
tiré  quelque  temps  après  sa  retraite.  Vers 
l'an  597,  étant  venu  à  Constantinople,  il  ob- 
tint de  grands  privilèges  pour  ses  monas- 
tères, qui  lurent  exemptés  de  la  juridiction  de 
tout  autre  évéque ,  et  soumis  seulement  à 
l'Eglise  de  Constantinople.  Le  pape  saint 
Grégoire  accorda,  l'an  598,  un  privilège  à 
l'abbaye  de  Classe  dans  le  diocèse  de  Ra- 
venne,  par  lequel,  enire  autres  choses,  il  dé- 
fendit à  l'évêque  de  prendre  connaissance 
des  revenus  de  ce  monastère  et  d'en  rien  di- 
minuer, de  soustraire  aucun  titre,  d'ordon- 
ner aucun  clerc  sans  le  consentement  de 
l'abbé,  et  d'eu  tirer  aucun  religieux  malgré 
lui  pour  gouverner  d'autres  monastères. 
Trois  ans  après,  le  même  pape,  dans  le  con- 
cile de  Rome,  où  souscrivirent  vingt  et  un 
évéques  et  treize  prêtres,  fit  une  constitution 
en  faveur  de  tous  les  moines ,  qui  n'est 
qu'une  confirmation  et  une  extension  du 
privilège  accordé  à  l'abbaye  de  Classe;  car 
il  défendit  de  plus  aux  évéques  de  célébrer 
des  messes  publiques  dan»  les  monastères, 
d'y  mettre  leurs  chaires,  ou  d'y  l'aire  le  moin- 
dre règlement,  à  moins  que  ce  ne  fût  à  la 
prière  de  l'abbé,  qui  devait  toujours  avoir  les 
moines  en  sa  puissance. 

(1)  Mabillon,  Annal.  Bcnedict.,  tom.  Il,  p.  150. 
Thomass.  Discipl.  Ecoles.,  part.  î,  lib.  ni,  cap.  50, 
il-  8. 

(*2)  Mabillon,  Annal.  Benedkt.,  loin.  111,  p.  152. 


Les  monastères  fondés  par  les  empereur» 
tant  d'Orienl  que  d'Occident  étaient  entière- 
ment exempts  de  la  juridiction  des  évéques 
et  des  archevêques.  Nous  avons  un  exemple 
de  cette  exemption  en  Occident  dans  le  mo- 
nastère de  Pescara  ,  au  royaume  de  Naples, 
qui  a  été  autrefois  le  plus  célèbre  en  Italie, 
qui  fut  même  appelé  la  Maison  d'Or,  tant  à 
cause  de  la  magnificence  de  ses  bâtiments 
que  de  ses  revenus  immenses (2).  Il  fut  fondé 
par  l'empereur  Louis  11  l'an  806,  et  lui  fut 
entièrement  soumis  ,  et  les  évéques  de  la 
Penna  n'y  prétendirent  jamais  aucune  juri- 
diction spirituelle  avant  l'an  951,  que  Jean, 
évéque  de  la  Penna,  (enta,  mais  inutilement, 
de  le  soumettre  à  son  autorité  ;  et  même  les 
religieux  de  ce  monastère,  avant  le  pontificat 
de  Léon  IX,  ne  s'étaient  point  adressés  à 
Rome  pour  avoir  des  privilèges,  croyant  que 
l'autorité  de  l'empereur  suffisait  pour  main- 
tenir leurs  immunités.  Une  des  prérogatives 
dont  jouissait  l'abbé  de  ce  monastère,  c'est 
qu'il  se  servait  du  sceptre  de  l'empereur 
Louis  au  lieu  de  bâlon  pastoral ,  comme  on 
le  peut  voir  dans  la  figure  (3)  que  nous  don- 
nons d'un  de  ses  anciens  abbés  ,  que  nous 
avons  fait  graver  d'après  celle  que  le  P.  Ma- 
billon a  donnée  dans  le  cinquième  tome  de 
ses  Annales  Bénédictines.  Les  rois  de  France 
ont  prétendu  aussi  avoir  le  même  pouvoir 
sur  les  monastères  de  leurs  fondations ,  et  le 
doge  de  Venise  est  encore  aujourd'hui  pro- 
tecteur du  monastère  des  religieuses  dites 
Délie  Vergini  (4),  qui  n'ont  point  d'autre  juge 
que  lui,  non  pas  même  le  ^patriarche  ;  en 
sorte  que  s'il  arrive  quelque  désordre  parmi 
ces  dames,  c'est  au  doge  seul  d'y  pourvoir, 
comme  s'il  était  leur  évéque  ,  le  patriarche 
de  Venise  n'ayant  aucune  juridiction  sur 
elles.  Le  lecteur  nous  pardonnera  celte  di- 
gression, à  laquelle  le  privilège  d'exemption 
accordé  à  l'abbaye  de  Fulde  a  donné  lieu. 

Saint  Slurme  ayant  reçu  ordre  du  roi  Pé- 
pin de  reprendre  le  gouvernement  de  son 
abbaye,  les  religieux  allèrent  au-devant  de 
lui  avec  leur  croix  d'or  et  leurs  reliques  ,  et 
le  reçurent  avec  beaucoup  de  joie.  Sa  pre- 
mière application  fut  de  bien  régler  sa  com- 
munauté et  de  corriger  ce  qu'il  y  avait  de 
défectueux  dans  la  vie  et  les  mœurs  de  ses 
disciples.  11  embellit  ensuite  l'église  ;  il  chan- 
gea le  cours  de  la  rivière  de  Fulde  et  la  fit 
entrer  dans  le  monastère,  afin  que  l'on  y  pût 
avoir  plus  abondamment  de  l'eau  pour  exer- 
cer les  arts  nécessaiies  à  la  vie,  et  que  les 
religieux  qui  y  seraient  occupés  ne  fussent 
pas  obligés  de  sortir  hors  du  monastère. 

C'est  une  chose  surprenante  de  voir  com- 
bien les  richesses  de  celte  abbaye  augmen- 
tèrent sous  le  gouvernement  de  ce  saint  abbé, 
aussi  bien  que  le  nombre  des  religieux,  qui 
était  de  plus  de  cinq  cents.  Les  quatre  évé- 
ches  de  Bavière,  qui  avaient  été  fondés  par 
saint  Boniface,  en  reconnaissance  et  pour 
mémoire  de  leur  fondateur,  offrirent,  immé- 

(5)   Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n'  75. 
(i)  Aid.  de  la  Hous^aye,  Uittoire  du  youvern.  de 
Venise. 


net 


Fil. 


FIL 


582 


diatcmenl  après  la  mort  de  ce  sainl ,  à  l'ab- 
baye de  Fulde,  comme  à  leur  mère,  chacun 

un  don.  Premièrement ,  celui  de  Salzbourg 
lui  donna  une  saline  qui  lui  appartenait  dans 
le  bourg  d'Hall ,  qui  pouvait  produire  tous 
les  ans  douze  latents.  L'église  de  Hatisbonue 
lui  donna  quatre  vignes  et  quatre  métairies 
royales  avec  tous  les  serfs  qui  y  étaient,  qui 
devaient  envoyer,  tous  les  ans,  à  Fulde  un 
esturgeon  cl  la  ebarge  de  deux  chevaux 
d'huile.  L'église  de  Passaw  s'obliyea  de  don- 
ner tous  les  ans  de  l'huile  et  du  poisson. 
Celle  de  Freisingue  promit  de  donner  tous 
les  ans  de  grands  inimages,  cl  il  n'y  avait 
presque  point  de  fidèle  qui  ne  donnât  quel- 
ques métairies  à  cette  abbaye.  Kl  e  en  avait 
trois  mille  dans  la  Thuringe,  autant  dans  la 
provini  e  de  liesse  et  de  Weslphalie  ,  autant 
dans  celle  du  Rhin  et  le  pays  de  Worms  ,  et 
un  pareil  nombre  en  lîavière  et  dans  la 
Souabe,  qui  faisaient  en  tout  quinze  mille 
méiailies.  Les  Français  imitèrent  aussi  les 
Allemands  et  augmentèrent  considérable- 
ment par  leurs  libéralités  les  revenus  de 
cette  abbaye  ;  car,  outre  que  le  prince  Car- 
1  man  donna  le  lieu  où  les  fondements  en  fu- 
rent jelés  avec  :epi  mille  pas  de  tour,  le- roi 
Pepiu  lui  donna  Omslal  ,  et  Charlemagne 
Amelembure  avec  leurs  dépendances,  ce  qui 
servit  à  la  subsistance  non-seulement  do 
celle  abbaye,  mais  encore  des  monastères  de 
Holtzkircben  et  de  Solnhofen,  qui  furent  bâ- 
tis par  la  permission  de  cet  empereur.  Enfin 
saint  Sturme,  après  avoir  gouverné  celte  ab- 
baye pendant  près  de  trente-six  ans,  mourut 
le  1"  décembre  779. 

Après  sa  mort,  Baugulfe,  que  d'aulres  ap- 
pellent Gangulle  ou  Laudulpbe,  lui  succéda. 
L'empereur  Charlemagne  lui  écrivit ,  aussi 
bien  qu'à  tous  les  évèques  et  les  abbés,  pour 
les  exciter  à  faire  fleurir  les  sciences  dans 
leurs  communautés,  afin  que  les  religieux 
pussent  plus  aisément  pénétrer  les  mystères 
de  l'Ecriture  sainte.  Bandulfe  Gl bâtir  le  mo- 
nastère de  Wolfmuusler,  où,  après  s'être 
démis  l'an  802,  de  sa  dignité  d'abbé  de  Fulde 
entre  les  mains  de  Ralgar,  il  se  retira  pour 
mener  une  vie  privée  le  reste  de  ses  jours. 
Le  P.  Mabillon  appelle  ce  monastère  de 
Wolfmunsler,  qui  ne  subsMe  plus,  Baugolf- 
munslr,  comme  ayant  pris  le  nom  de  son 
fondateur,  qui  avait  aussi  jeté  les  fondements 
d'un  autre  monastère  sur  le  mont  Saint- 
Pierre,  pioche  Fulde. 

Halgar  avait  été  aussi  disciple  de  saint 
Sturme;  mais  c'était  un  homme  dur  et  in- 
flexible, qui  ne  savait  pas  allier  la  charité  et 
la  douceur  avec,  une  jusie  fermeté.  Pour  une 
petite  parole  que  lui  disait  un  religieux, 
même  par  nécessité,  il  le  maltraitait,  et,  sans 
avoir  égard  ni  à  l'â^e  ni  à  la  qualité ,  il  le 
reléguait  dans  quelque  prieuré  de  la  dépen- 
dance de  l'abbaye,  sous  prélexie  d'en  i'aiie 
valoir  le  bien.  Celle  grande  sévérité  causa 
beaucoup  de  Iroubles  dans  ce  monastère:  ce 
qui  fit  que,  sur  les  plaintes  des  religieux, 
l'empereur  Louis  le  Débonnaire  le  fit  déposer 
de  sa  charge  et  l'envoya  en  exil.  Il  fonua  un 
autre  monastère  proche  Fulde,  au  Mont  de 
Dictionnaire  di;s  Ordkls  relh.iei  \ 


l'Evèque,  qui  dans  la  suite  fut  appelé  le 
Mont  de  Noire-Dame,  à  cause  de  l'église  qui 
fut  dédiée  à  la  sainte  Vierge. 

Evgil ,  successeur  de  Ralgar,  fit  aussi  bâtir 
sur  une  haute  montagne  un  monastère  dédié 
à  saint  Michel.  Le  célèbre  I  aban-Maur,  qui 
succéda  à  Eygil,  en  fit  aussi  bâtir  un  sur  le  , 
mont  Sain! -Jean.  Ainsi  Fulde  se  trouvait 
entre  quatre  monastères,  sur  autant  do 
montagnes  qui  environnaient  celle  abbaye. 
Raban-Maur  y  fit  lleurir  les  belles-lettres  ; 
l'école  de  Fulde  devint  très-fameuse  :  on  y 
venait  de  toutes  parts;  on  y  voyait  non- seu- 
lement des  moines  de  divers  monastères, 
mais  encore  dos  chanoines  de  plusieurs  f 
cathédrales.  Raban  y  avait  enseigné  n'étant 
que  simple  religieux;  mais,  élant  devenu1 
abi  é  ,  il  eut  un  grand  soin  d'y  entretenir' 
d'excellents  maîtres  :  l'on  y  en  comptait 
même  douze  des  plus  docles  et  des  plus 
habiles  de  ce  temps-là.  H  fil  encore  bâtir  le 
monastère  de  Saint-Sol  ou  Solenbost.  Ces 
nouveaux  monasièies  ,  qui  étaient  de  la 
dépendance  de  Fulde  et  dans  lesquels  il  fal- 
lait envoyer  des  religieux,  avaient  diminué 
ce  grand  nombre  qui  y  était  du  temps  de  saint 
Slurme,  car  il  n'y  avait  pas  plus  de  cent 
soixante  ou  soixante  et  dix  religieux  à  Fulde 
du  temps  de  Raban-Maur.  Il  en  envoya  encore 
quinze  pour  peupler  le  monaslèred'Hirsauge, 
et  leur  donna  pour  abbé  Luilberl,  l'un  de  ces 
savants  maîtres  de  Fulde,  lequel  établit  aussi 
une  école  à  Hirsauge  qui  devint  très-célèbre 
dans  la  suite.  Raban-Maur,  ayant  gouverne 
Fulde  pendant  vingt  ans  ,  se  démit  de  sa 
charge  l'an  8i2.  Il  y  en  a  qui  ont  prétendu 
que  c'était  à  cause  du  peu  d'union  qui  était 
parmi  les  religieux  ,  les  uns  tenant  le  parti 
de  l'empereur  Lothaire,  les  autres  celui  de 
Louis,  roi  de  Germanie,  ces  deux  frères  élant 
pour  lors  en  guerre,  parce  que  Lothaire, 
après  la  mort  de  son  père,  Louis  le  Débon- 
naire, ne  s'était  pas  voulu  contenter  du  par- 
tage que  ce  prince  avait  fait  entre  lui  et  ses 
deux  fi  ères,  Louis,  roideGermanie.el  Charles, 
roi  de  France.  Quoique  Raban  eût  tenu  le 
parti  de  Lothaire,  cela  n'empêcha  pas  le  roi 
Louis  d'agréer  son  élection  lorsqu'il  lut  choisi 
pour  être  archevêque  de  Ma)  ente  :  ce  prince 
assista  même  à  son  sacre. 

Raban-Maur  eut  des  successeurs  qui  eu- 
rent soin  d'entretenir  à  Fulde  la  régularité  , 
et  d'y  faire  fleurir  les  belles-lettres  et  les 
beaux  arts  ,  entre  autres  furent  Sigheard  , 
qui,  comme  il  était  fort  habile  architecte , 
selon  Bruschius,  fil  faire  de  trè-heaux  bâti- 
ments et  un  pont  de  pierre  à  Fulde  de  six- 
vingls  coulées  de  long;  Helmfride  ,  qui  par 
son  exemple  excitait  les  religieux  à  observer 
exactement  leur  règle,  et  llildebrand ,  que 
l'on  prétend  avoir  eu  le  d  n  de  prophétie  , 
et  qui  fut  aussi  archevêque  de  Maymco. 
Mais  sous  Hademar,  successeur  d'Helmfrile 
dans  le  gouvernement  de  l'abbaye  de  Fulde, 
il  y  eut  une  très-grande  division  et  un  désoi- 
dre  excessif  et  scandaleux  ,  dont  on  attribue 
la  cause  à  Frideric,  archevêque  de  Mayence, 
qui  lut  obligé  de  s'y  rciinr  par  l'incident 
qui  suit. 

11.  12 


5U3 


DICTIONNAIRE  DES  ORbRES  RELIGIEUX. 


561 


L'an  939,  Henri,  frère  puîné  de  l'empereur 
Olhon  I",  croyant  qu'il  avait  plus  de  droit  à 
la  couronne  que  son  frère,  parce  qu'il  était 
né  depuis  l'élévation  de  leur  père  Henri  à 
l'empire,  voulut  maintenir  sa  prétention  par 
les  armes.  Everard,  frère  du  défunt  empe- 
reur Conrad,  et  Gislebert,  duc  de  Lorraine  , 
se  liguèrent  avec  lui  contre  Olhon  ,  qui ,  les 
ayant  défaits  ,  obligea  son  frère  à  venir  im- 
plorer sa  clémence.  Ce  prince,  croyant  que 
Fridcric,  archevêque  de  Mayence,  avait  fa- 
vorisé les  rebelles  ,  le  relégua  dans  l'abbaje 
de  Fuldc,  quoiqu'il  se  fût  purgé  de  ce  soup- 
çon par  la  réception  du  corps  et  du  sang  de 
Jésus-Christ.  liruschius  s'est  trompé  lorsqu'il 
a  dit  que  ce  prélat  était  fils  du  roi  de  France, 
et  qu'on  le  fit  revêtir  de  l'habit  monacal  pour 
l'enfermer  dans  cette  abbaye  :  car,  outre 
qu'il  n'était  point  du  sang  royal  de  France, 
c'est  qu'il  avait  été  religieux  à  Fulde  avant 
que  d'être  élevé  sur  le  siège  archiépiscopal 
de  Mayencc,  cl  par  consiquent  il  devait  avoir 
toujours  conservé  l'habit  religieux,  confor- 
mément au  huitième  concile  général  dcGon- 
slanlinople  tenu  l'an  869,  qui  défendait  aux 
évèques  de  quitter  l'habit  religieux  ,  sur 
peine  d'être  déposés  ,  lorsqu'ils  avaient  été 
tirés  du  cloîlre  pour  monter  à  l'épiscopat. 

Frideric,  ayant  été  relégué  à  Fulde,  comme 
nous  venons  de  le  dire,  suscita  ,  à  ce  que 
l'on  croit,  une  cruelle  persécution  dans  tous 
les  monastères  qui  étaient  de  sa  dépendance 
contre  les  religieux  ,  sous  prétexte  de  les 
réformer.  Ils  avaient  à  la  vérité  grand  besoin 
de  l'être  ,  et  plusieurs  évêques  témoignaient 
qu'il  valait  mieuxqu'il  n'y  eûlqu'un  petit  nom- 
bre de  religieux  sans  tache,  que  d'en  voir  un 
très-grand  nombre  mener  une  vie  mondaine 
et  relâchée  :  ce  qui  fit  que  plusieurs,  se  sen- 
tant coupables  et  ne  voulant  pas  arriver  à 
une  si  grande  perfection  que  celle  à  laquelle 
on  les  voulait  obliger,  aimèrent  mieux  quit- 
ter l'habit  et  sortir  du  monastère;  quelques- 
unsmèmesemarièrent,  comme ditliruschius. 
Hademar  é  ait  pour  lors  abbé  de  Fulde;  il 
traita  d'abord  avec  assez  d'honnêteté  l'ar- 
chevêque de  Mayence;  mais,  ayant  intercepté 
des  lettres  qu'il  écrivait  secrètement,  il  usa 
de  rigueur  envers  lui  :  ce  qui  fut  cau^e  que 
ce  prélat,  pour  s'en  venger,  lorsqu'il  fut  en 
liberté,  persécuta  les  petits  monastères  avec 
violence;  cependant  il  ne  put  rien  faire  à 
Fulde,  à  cause  d'Hadcmar,  qui  avait  les 
bonnes  grâces  de  l'empereur. 

Hatlon  surnommé  Bonose,  qui  succéda 
dans  le  gouvernement  de  Fulde  à  Hademar, 
fut  aussi  archevêque  de  Mayence.  Bru^chius 
dit  que  dans  une  famine  il  fit  assembler  une 
grande  quantité  de  pauvres  dans  un  grenier, 
sous  prétexte  de  leur  l'aire  donner  du  blé; 
mais  qu'il  y  fit  metire  le  feu,  et  qu'en  puni- 
tion il  fui  mangé  des  rats,  quoiqu'il  se  fût 
sauvé  dans  une  ile  au  milieu  du  Rhin  pour 
éviter  ces  animaux  ,  qui  passèrent  ce  fleuve 
à  la  nage  pour  l'y  aller  trouver.  Quelques 
auteurs  prétendent  que  c'est  une  calomnie 
inventée  contre  ce  prélat  par  les  cenluria- 
lenrs  de  Magdebourg  :  néanmoins  Bruscliius, 
«lui  apparemment  l'avait  appris  de  quelque 


autre,  en  avait  déjà  parlé  flans  s?.  Chrono- 
logie des  monastères  d'Allemagne ,  qu'il 
donna  en  1559,  cinq  ans  avant  que  ceux  de 
Magdebourg  eussent  commencé  leurs  centu- 
ries. Au  reste,  aucun  auteur  contemporain 
de  ce  prélat  n'a  parlé  de  ce  fait. 

La  discipline  régulière  était  encore  beau- 
coup relâchée  lorsque  Richard  prit  le  gou- 
vernement de  l'abbaye  de  Fulde  ru  1021; 
mais,  par  le  moyen  des  religieux  hibernois, 
il  réforma  ce  monastère,  et,  selon  Rruschius, 
il  obligea  les  religieux  à  prendre  lhahit 
monastique  et  la  Lonsuré  ,  qu'ils  avaient 
quittés  pour  en  prendre  d'autres  qui  n'a- 
vaient jamais  été  en  usage.  Il  fit  bâtir  le  mo- 
nastère d'Amerbak  dans  le  diocèse  de  Willz- 
bourg,  et  celui  de  Sainl-André  sur  la  rivière 
de  Fulde,  et  eut  un  grand  soin  d'entretenir 
les  éludes  dans  son  abbaye  ,  où  il  y  eut  ce- 
pendant de  grands  désordres  sous  le  gouver- 
nement de  l'abbé  Widerad  l'an  1003.  Le 
différend  qui  suit  fut  ce  qui  y  donna  lieu. 
C'était  la  coutume  depuis  un  long  temps  que 
les  abbés  de  Fu'.de, dans  les  assemblées  d'évê- 
ques,  avaient  place  iminé  ialement  après  l'ar- 
chevêque de  Mayence.  L'empereur  Henri  IV 
étant  à  Goslar  l'an  10G2,  et  devant  assister 
à  l'ollice  du  jour  de  Noël ,  comme  on  plaçait 
dans  l'égl;se  pour  les  premières  vêpres  les 
sièges  des  évêques  ,  il  y  eut  querelle  entre 
les  officiers  de  l'évêque  de  Hildcsheim  et 
ceux  de  l'abbé  de  Fulde,  l'évêque  prétendant 
avoir  le  pas  au-dessus  de  l'abbé,  à  cause  que 
Goslar  était  de  son  diocèse.  Des  paroles  on 
en  vint  aux  mains  ,  et  on  courait  déjà  aux 
armes,  lorsque  Olhon,  du  •  de  Bavière,  qui 
soutenait  l'abbé,  fit  cesser  la  querc.Ie. 

L'année  suivante,  l'empereur  voulant  as- 
sister à  l'office  du  jour  de  la  Pentecôte  ,  il  y 
eut  une  nouvelle  dispute  lorsqu'il  fallut  en- 
core placer  les  siéaes.  L'évêqued'Hildesheim, 
se  ressouvenant  de  l'affront  qu'il  avait  reçu 
l'année  précédente,  Gt  cacher  derrière  l'autel 
des  gens  armés  qui  se  jetèrent  sur  les  offi- 
ciers de  l'abbé  de  Fulde  lorsqu'ils  voulurent 
placer  le  siège  de  leur  maître.  Ceux-ci  ayant 
été  secourus  par  dis  soldais  de  l'abbé  qui 
entrèrent  dans  l'église  ,  il  se  fit  de  part  et 
d'autre  un  grand  carnage,  dont  on  jeta  toute 
la  faute  sur  l'abbé,  qui,  quoique  innocent  de 
ce  désordre,  fut  obligé  ,  pour  se  rédimer  de 
la  vexation,  de  donner  de  grosses  sommes  à 
l'empereur,  à  1  évoque,  et  à  leurs  officiers  : 
de  sorte  qu'il  fallut  pour  cela  engager  une 
grande  partie  des  biens  de  l'abbaye  :  ce  qui 
irrita  tellement  les  religieux,  que,  lorsque 
l'abbé  retourna  à  Fulde,  la  plupart,  princi- 
palement les  jeunes,  se  soulevèrent  contre 
lui,  et  les  plaintes  qu'ils  lui  firent  de  ce  qu'il 
avait  ruiné  leur  mouaslè.e  dégénérèrent  en 
une  sédition  ouverte.  L'abbé  avant  eu  ordre 
d'ailer  trouver  l'empereur  ,  son  absence 
échauffa  encore  de  plus  eu  plus  ces  esprits 
mutins,  dont  seize  prirent  la  résolution  d'al- 
ler trouver  ce  prince  pour  se  plai.idre  de 
leur  abbé.  Pour  cet  effet  ils  sortirent. du  mo- 
nastère en  procession,  portant  la  croix  éle- 
vée, et,  afin  de  prévenir  l'empereur  sur  leur 
démarche]  ils  envoyèrent  l'un  d'eus  à  chc- 


3GS  FUL 

▼al  avRG  une  lettre  pour  ce  prince.  Mais 
l'empereur  fut  si  indigné  de  ce  procédé,  que, 
sans  attendre  leur  arrivée,  par  le  conseil  do 
l'archevêque  de  Cologne  et  du  duc  de  Bavière, 
il  lit  arrêter  le  porteur  de  la  letlre  avec  trois 
autres  qui  étaient  les  auteurs  de  la  sédition, 
qu'il  envoya  en  divers  monastères  pour  y 
être  enfermés  dans  des  prisons,  et  ordonna 
à  l'abbé  d'user  de  main-forte  pour  contrain- 
dre les  autres  de  se  soumettre  à  l'obéissance. 
Widerail  envoya  des  soldats  qui  obligèrent 
les  religieux  mutins  de  retourner  à  Fulde;  il 
fit  mettre  des  gardes  aux  environs  du  mo- 
nastère, et,  ayant  fait  assembler  les  séditieux, 
il  en  lit  fustiger  deux  ,  dont  l'un  était  prêtre 
et  l'autre  diacre,  el  les  chassa  tous  deux  du 
monastère.  A  l'égard  des  autres  ,  il  usa  de 
plus  grande  sévérité  ou  de  plus  grande  dou- 
ceur, selon  leur  naissance  et  leurs  fautes. 

Le  gouvernement  de  Gottard  ou  Gollfrid, 
successeur  de  Widerad,  ne  fui  pas  plus 
tranquille.  La  guerre  qui  survint  entre  l'em- 
pereur Henri  IV  cl  son  lils  Henri  V,  l'an  1105, 
causa  de  nouveaux  troubles  à  Fulde.  L'abbé 
avait  pris  le  parti  d'Henri  IV,  après  la  mort 
duquel  on  porta  des  plaintes  contre  lui  à 
Henri  V  de  ce  qu'il  avait  dissipé  les  biens  de 
l'abbaye.  Ce  prince  les  écoula  et  priva  Got- 
tard de  son  abbaye.  La  f  rtune  de  son  suc- 
cesseur Wolffliem  ne  fut  |  as  meilleure;  il 
assiégea  le  châteaude  Haselsleim;  el,  comme 
il  faisait  le  siège  de  Warlemburg  avec  l'abbé 
d'Hersfeld,  il  fut  pris  et  retenu  prisonnier 
pendant  trois  ans  dans  le  château  de  Mul- 
semburg,et,  ayant  élé  encore  accusé  d'avoir 
dissipé  les  biens  dont  il  n'avait  que  l'écono- 
mat, il  fut  aussi  déposé  l'an  1114. 

Les  abbés  de  Fulde  ne  s'étaient  pas  mis  en 
peine  jusqu'alors  de  pouvoir  se  servir  d'or- 
uemenls  pontificaux;  mais  fîerlh  Schliz,  qui 
fut  élu  l'an  1133,  les  obtint  du  pape  Hono- 
rius  IL  Cet  abbé  eut  un  grand  différend  avec 
l'archevêque  de  Magdebourg  au  sujet  de  la. 
préséance.  La  cause  fut  plaidée  devant  l'em- 
pereur, qui  ordonna  que  l'abbé  de  Fulde 
prendrait  sa  place  au-dessus  de  l'archevêque 
de  Magdebourg.  L'abbé  Marquard  fit  entou- 
rer de  murailles  le  bourg  de  Fulde,  et  en  fit 
une  ville  l'an  1150  ;  mais  l'an  1331 ,  les  bour- 
geois, oubliant  que  les  abbés  étaient  les  fon- 
dateurs de  celle  ville,  se  révoltèrent,  démo- 
lirent la  citadelle  qui  joignait  l'abbaye,  rui- 
nèrent les  lieux  réguliers,  pillèrent  tous  les 
meubles,  et  enlevèrent  ce  qu'il  y  avait  de 
plus  précieux.  Henri  de  Horabourg,  qui  ea 
était  pour  lors  abbé,  ayant  porlé  ses  plain- 
tes àl'empereui  Henri  V'H,  ce  princeordonna 
à  l'archevêque  de  Trêves  de  réduire  les  re- 
belles à  la  raison  et  de  les  soumetlre  à  l'o- 
béissance de  leur  seigneur.  11  ramena  l'abbé 
el  les  religieux  à  Fulde,  et  obligea  les  bour- 
geois de  recevoir  avec  soumission  l'abbé, 
qui  en  fil  mourir  douze,  et  en  envoya  autant 
en  exil.  Les  paysans  de  la  dépendance  de 
Fulde  se  révoltèrent  aussi  vers  l'an  1525  et 
ruinèrent  tous  les  monastères,  lorsque  Jean, 
comte  d'Hemerberg,  de  la  maison  de  Bran- 
debourg, en  était  abbé. 

Ce  n'était  pas  seulement  contre  leurs  su- 


Ftff, 


555 


jets  que  les  abbés  de  Fulde  avaient  à  com- 
battre, ils  avaient  encore  à  soutenir  par  la 
force  des  armes  leurs  droits  contre  leurs  voi- 
sins, et  à  défendre  leurs  terres  contre  des 
troupes  de  bandits  et  de  voleurs  qui  s'étaient 
forliliés  dans  plusieurs  châteaux.  Conrad  de 
Malk,  ayant  élé  abbé  en  1220,  fit  entourer  de 
murs  Hamelburg  cl  y  fil  faire  des  fortifica- 
tions: tuais  Herman  de  Lodembourg,  évêqu •) 
de  Wilzbourg,  ayant  voulu  l'empêcher  et 
s'étant  avancé  pour  ce  sujet  avec  des  trou- 
pes, fut  mis  en  fuite  par  celles  de  l'abbé,  qui 
lit  prisonniers  plusieurs  seigneurs  du  parti  de 
l'évéque,  qui  fut  obligé  de  payer  leur  ran- 
çon. Henri  de  Estel,  successeur  de  Conrad 
de  Malks,  l'an  1248,  ajouta  de  nouvelles  for- 
tifications à  Hameburg  ,  et  fortifia  aussi 
Mackhenzell,  Bruckneau,  Neugenhoffen,  et 
Sloltzherg,  et  rasa  les  châteaux  de  Witlers- 
perg,  Trunberg,  Kralak  et  plusieurs  autres, 
qui  servaient  de  retraite  aux  voleurs  et  aux 
bandits  qui  ravageaient  lepays.  Berthold.qui 
futahbéen  1261, acheta  le  château  d'Haseltein, 
fit  bâtir  Lutterbak  et  Bridenbalk,  changea  lo 
château  de  Blankual,  qui  était  une  retraite 
de  voleurs,  en  un  monastère  de  saintes  vier- 
ges, et  ruina  plusieurs  châteaux  qui  ser- 
vaient de  retraites  à  ces  bandits.  Mais,  pen- 
dant qu'il  travaillait  ainsi  pour  le  bien  pu- 
blic et  à  assurer  le  pays,  des  personnes  aux- 
quelles il  avait  fait  le  plus  de  bien  conspirè- 
rent contre  lui  el  l'assassinèrent  l'an  1270. 
Berthold  de  Mackcncell  ,  son  successeur, 
vengea  sa  mort,  fit  mourir  trente  des  com- 
plices, el  brûler  la  citadelle  de  Sleinaw,  ou 
ils  s'étaient  réfugiés. 

Les  limites  que  nous  nous  sommes  pres- 
crites ne  nous  permettent  pas  de  nous  élen 
dre  davantage  sur  les  événements  différents 
arrivés  en  celle  abbaye,  dont  nous  croyons 
avoir  rapporté  les  plus  singuliers.  Nous 
ajouterons  seulement  que  l'abbaye  d'Hirs- 
feld,  qui  était  aussi  chef  d'une  congrégation 
en  Allemagne,  fut  unie  à  celle  de  Fulde  sous 
le  pontificat  de  Léon  X.  Nous  avons  déjà  dit 
en  parlant  de  la  fondation  de  Fulde,  que 
saiul  Slurine  ,  son  fondateur,  s'était  d'abord 
retiré  à  Hirsfeld, qu'il  abandonna  à  la  persua- 
sion de  saint  Bonilace  a  relie  véque  de  May  ence, 
à  cause  que  ce  feu  était  trop  désert;  mais, 
après  la  mort  de  saint  Boniface,  saint  Lulle, 
son  successeur  dans  cet  archevêché,  fit 
achever,  l'an  755,  le  monastère  que  saiul 
Slurme  avait  commencé  à  Hirsfeld.  Le  corps 
de  saint  Wirgbert,  abbé  de  Fntzlar,  qu'on 
y  transporta  l'an  780,  rendit  ce  lieu  si  célè- 
bre, qu'on  y  bâtit  une  ville.  11  y  avait  ordi- 
nairement cent  cinquante  religieux  dans  le 
monastère.  Pépin  et  Charlemagne  lui  don- 
nèrent de  grands  biens,  et  Louis  le  Débon- 
naire y  ajouta  de  grands  privilèges.  Mais  ses 
richesses  furent  la  cause  de  sa  perte,  par  la 
cupidité  el  l  ambition  de  ses  abbés,  qui,  ayant 
eu  le  litre  de  princes  de  l'empire,  la  ruinè- 
rent presque  entièrement  par  des  dépenses 
superllues.  File  était  aussi  bien  que  Fulde 
immédiatement  soumise  au  saint-siégo.  Vol- 
pert  en  étant  abbé,  voyant  lapauvreiéoù 
elle  était  réduite,  el  voulant  punir  les  liahi- 


307                                         DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  558 

fanls  de  la  ville  dont  il  avait  reçu  du  inécon-  Nedersula,  Hartcnbach,  Wergfurl  et  Nodcr- 

lentement,  s'en  démit  entre   les   munis  d.i  Josse. 

pape  Léon  X  l'an  1313.  Harmanl  de  Kirc-  Quant  à  l'abbaye  d .!  Fulde,  elle  est  soa- 
berg,  qui  était  pour  lors  abbé  de  Fulde,  mise,  comme  nous  avons  dit,  ircmédiatc- 
l'oblinl  à  la  prière  de  l'empereur  M  iximi-  ment  au  saint-siége,  auquel  l'abbé  paye  une 
lien,  pour  l'unir  à  son  abbaye,  cl  le  pape  redevance  de  quatre  cents  florins  aussitôt 
supprima  ce  titre  pour  celle  d'Hirsfeld.  llar-  qu'il  est  élu.  Elle  a  été  longtemps  un  sémi- 
maul  y  envoya,  la  même  année,  son  chance-  naire  d 'évoques;  et,  entre  ses  privilèges, 
i  lier  avec  le  prieur  du  mont  Saint-Jean  et  elle  avait  celui  de  fournira  l'alternative  un 
'  quelques  religieux,  accompagnés  de  plu-  archevêque*  à  l'Eglise  de  Mayence;  en  sorte 
sieurs  gens  à  cheval.  Us  déposèrent  le  que  de  trois  il  devait  y  en  avoir  un  tiré  de 
doyen,  et  en  mirent  un  autre  du  monastère  l'abbaye  de  Fulde.  On  n'y  reço  t  que.  des 
de  Fulde,  qui  reçut  l'obéissance  des  reli-  personnes  nobles,  aussi  bien  que  dans  plu- 
gieux.  sieurs  autres  monastères  d'Allemagne,  dont 
Peu  de  jours  après,  l'abbé  y  alla  lui-même,  les  abbés  sont  pareillement  princes  de  l'em- 
accompagnô  d'un  grand  nombre  de.  person-  pire,  et  ont  aussi  voix  et  séance  dans  les 
nés,  et  se  mit  en  pos>ession  d'un  château  où  diètes  de  l'empire  et  dans  le  collège  des 
l'abbé  d'Hirsfeld  faisait  ordinairement  sa  ré-  princes,  tels  que  sont  les  abbés  de  Kemp- 
sidenic,  et  (il  piètcr  serment  de  fidélité  à  ten,  de  Prume,  de  Stavelo  et  de  Corwey,  tous 
quelques  paysans;  mais,  ayant  voulu  exi-  de  l'ordre  de  Saint-B  noit.  Les  abbayes  de 
ger  la  même  chose  des  habitants  d'Hirsfeld,  Murbach  et  de  Lure  en  Alsace  avaient  aussi 
ils  fermèrent  leurs  portes  et  se  mirent  eu  le  même  droit  avant  que  le  roi  fût  maître 
état  de  défense,  ayant  renvoyé  sans  aucune  de  cetie  province.  11  y  en  a  encore  plusieurs 
réponse  à  l'abbé  de  Fulde  la  personne  qu'il  autres  dont  les  abbés  sont  aussi  princes  do 
leur  avait  envoyée  pour  savoir  leur  volonté,  l'empire.  Outre  les  monastères  d'hommes 
Anne  de  Meclulbourg,  veuve  de  Guillaume,  qui  dépendaient  de  l'abbaye  de  Fulde,  il  y 
surnommé  le  Puîné,  landgrave  de  Hessc-  en  avait  aussi  plusieurs  de  filles.  Les  reli  - 
Cassel,  et  tutrice  de  Philippe  1"  ditle  Magna-  gieux  ont  toujours  conservé  le  droit  d'élire 
iiime,  son  fils,  prit  les  intérêts  des  habiian.s  leur  abbé.  Nous  donnons  ici  l'ancien  habil- 
d'ilirsfeld,  et  fit  mettre  un  autre  abbé  dans  lement  des  religieux  de  celle  abbaye.  La  prè- 
le monastère,  ayant  obligé  l'abbé  de  Fulde  mière  figure  représente  un  religieux  en  ha- 
de  retourn  r  dans  le  sien.  Mais  le  landgrave  hit  ordinaire  ,  la  seconde  un  religieux  en 
Philippe  ayant  introduit  dans  lasuite  la  reli-  habit  de  chucur  (1).  Quant  à  l'habillement 
gion  prolestante  dans  ses  Ktals,  l'abbaye  moderne,  il  est  conforme  à  celui  des  autres 
d'Hirsfeld  fut  ruinée  par  les  hérétiques;  et, étant  Bénédictins. 

devenue   principauté  séculière  par  les  trai-  Bruvenus,  Antiquit.  Fuldem.  Bruscbius, 

tés  de  Westphalie,  elle  a  été  cédée  au  land-  Chronolog.    Monnsier.   Germaniœ.   Slangel, 

grave  de  Hcssc-Cassel.  Les   principaux    vil-  Monasleriolog.  Monust.  S.  Uened.  in  Germa- 

iagesel  chàteauxqui  dépendaient  de  celte  ab-  nia.    Trilhème,  Annal.    Hirsaug.     Bulteau, 

baye,  et  qui  font  présentement  partie  de  la  Hist.  de  l'ordre  de  Saint-Benoit,  Joan.  Ma- 

principauté,    sont    Friling,   hauie  et    ba^se,  billot),  Annul.  Uened.   lieiss,  Hist.  de  l'em- 

Geila,  Ulersdorf,  Kerpeshauss,  Mengshauss,  pire. 


G 


GABRIEL  (Congrégation  de  Saint-)  très  personnes  vivaient  dans  une  si  parfaite 

Dî  la  congrégation  de  Saint-Gabriel,  avec  la  y"10"'  1ue  Ieu,r  bonheur  eût  éié  parfait  sans 

Vie  du  vénérable  serviteur  de  Dieu  César  e  chagum  qu  ils  avaient  de  voir  qu  aucun  de 

Bianchetli,  sénateur  de  Bologne,  fondateur  leurs  enlanis  maies  ne  pouvait  parvenir  au 

de  celle  congrégation.  neuvième  mois,  m  survivre  a  l  enfantement, 

J    J  malgreloutes  les  précautions  humaines  qu  ils 

La  congrégation  de  Saint-Gabriel  recon-  prenaient  pourempéclier  celte  disgrâce.  Oans 

n.iil  pour  fondateur   César  Rianchetti,  issu  cette  peine,  ils  eurent   recours  à  l'interces- 

de  la  famille   de  ce  nom,   qui   prétend  tir  r  sion  de  sainte  Catherine   de  Bologne,  pour 

.•on   origine  de  Robert  Blanchit,   neveu  du  obtenir  par  son  moyen  un  héritier  qui   em- 

gr-anil  Théodoric,  dit  le  Saxon,  duc  de  Bour-  péchât  l'extinction  d'une  famille  si  ancienne. 

;;ogne,  lequel,  étant  venu  s'établir  à  Bologne  Leurs  prières  eurent  un  plus  heureux  succès 

vi  rs  l'an  80k,  y  eut  pour  fils  Cuniberl   Bian-  que  tous  les  antres  moyens  dont  ils  s'étaient 

chetli,  et  y  donna   ainsi  commencement   à  servis  jusqu'alors  :  car ,  ayant  élé  exaucées, 

celte  illustre  et  ancienne  famille,  de  laquelle  ils  eurent,  le  8  mai  1583,  cet  enfuit  de  béné- 

sunt  sortis  de  grands  hommes  qui,  par  leurs  diction  qui  fut  nommé  César  sur  les  fonts  de 

écri  s  et  la  force  des  armes,  ont  pris   la  de-  baptême.  11  fit  paraître  dès   sa  jeunesse   de 

feue  de  l'Eglise  romaine.  César  Biancbetti  grandes  dispositions  à  la  piété  et  aux  scien- 

cut  pour  père  Marc-Antoine  Biancbetti ,  se-  ces,  et  apprit  en  très-peu  de  temps,  outre  la 

nateur  de  Bologne  et  chevalier  de  Calatrava,  langue  latine,  les  langues  espagnole,  alle- 

»t  pour  mère  Alessandra  de  Carminati,  d'une  mande  et    esclavone.   Le  cardinal   Laurent 

famille  distinguée  de  Milan.  Ces  deux  illus-  Bianchetli,  son  oncle,  charmé  du  récit  qu'où 

(I)   Yoij.,  à  la  lin  du  vol.,  n"s  76  et  77. 


369 


CM! 


c.\n 


•  ;  -i 


ïui  avait  fait  Je  ses  bennes  qualités,  ri  sur- 
tout de  sa  piélé,  voulut  l'avoir  auprès  de  lui, 
elle  lit  unira  Home,  où  il  connut  par  lai- 
mênic  la  justice  qu'on  avait  rendue  à  son 
neveu,  ne  pouvant  assez  admirer  sa  sagesse 
et  sa  conduite  ;  car  ilans  un  âge  nu  on  ne 
respire  que  les  plaisirs,  il  faisait  parilre 
tant  d'éloignement  pour  les  divertissements 
de  la  jeunesse  et  une  si  grande  aversion  pour 
le  jeu,  qu'il  fit  vœu  de  ne  jamais  jouer,  ce 
qu  il  a  inviolableincnl  observé  jusqu'à  la  fin 
de  ses  jouis. 

De  justes  raisons  l'ayant  obligé  de  retour- 
ner chez  son  père  après  avoir  passé  quelques 
années  dans  Home  auprès  du  cardinal,  son 
oncle,  ii  lui  donna,  en  le  quittant,  une  nou- 
velle preuve  de  cet  esprit  de  piété  et  de  re- 
ligion qui  animait  toutes  ses  actions,  car 
celle  Eminence  .'ayant  fait  entrer  dans  une 
galerie  pleine  de  raretés  et  de  pièces  cu- 
rieuses de  très-grand  prix,  le  pressa  avec  de 
grandes  instances  de  choisir  ce  qui  lui  agréait 
le  pins;  mais  le  jeune  Bianchelti,  regardant 
toutes  ecs  raretés  et  ces  bijoux  comme  des 
bagatelles,  les  méprisa  toutes,  à  la  réserve 
d'un  crucifix  de  simple  stuc,  qu'il  prit,  quoi- 
qu'il regar.ler  la  matière  et  le  travail,  il 
n'eût  rien  de  considérable.  Un  choix  si  peu 
attendu  surprit  et  édifia  extrêmement  tous 
ceux  qui  étaient  présents,  et  le  cardinal  en 
particulier,  à  qui  le  jeune  César  dit  qu'il  le 
voulait  garder  pour  l'amour  de  lui.  Il  tint  sa 
promesse  et  le  conserva  toujours  précieuse- 
ment, ne  s'en  étant  défait  qu'en  faveur  de  la 
congrégation  de  Saint-Gabriel,  où  on  le 
garde  encore  aujourd'bui  en  mémoire  de  cet 
illustre  fondateur. 

11  n'avait  pas  encore  vingt  ans  lor-que  ses 
parents  songèrent  à  le  marier.  Ce  ne  fut  que 
par  une  soumission  aveugle  à  leurs  volontés 
qu'il  consentit  à  prendre  cet  état,  tout  à  fait 
opposé  à  son  inclination,  qui  l'avait  porté  à 
recevoir  la  tonsure  et  les  quatre  mineurs, 
après  ses  études,  afin  de  se  consacrer  au  ser- 
vice de  Dieu  dans  l'état  ecclésiastique.  Il 
épousa  donc  en  1(502  Erméline  de  Gamba- 
lunga,  d'une  ancienne  famille  de  Himini, 
dont  il  eut  neuf  enfants,  trois  garçons  et  six 
lilles,  cinq  desquelles  embrassèrent  l'état 
religieux,  et  la  dernière  fut  mariée  à  Scipion 
Hutrigeri,  d'une  famille  illustre  do  Bologne. 
L'aîné  des  garçons  fut  le  comte  Georges- 
Louis,  en  faveur  de  qui  son  père  se  démit  do 
sa  dignité  de  sénateur,  et  qui  épousa  Anne- 
Marie  de  Loreozo  Hatla.  Le  second  fut  le 
comte  Jules,  colonel  d'un  régiment  du  pape, 
qui  fut  marié  trois  fois,  et  eut  de  sa  dernière 
femme,  Marine  Diplovatasi,  le  comte  César, 
sénateur  de  Bologne,  qui  a  bérité  des  biens 
de  la  maison  de  Gambalunga,  qui  est  éteinte. 
Le  troisième,  nommé  Jean,  prit  le  parti  de 
l'Eglise,  et  fut  abbé  de  Monte-Armalo  et  de 
Saint-Gaudonne  de  Himini ,  protonolaire 
apostolique  et  prélat  de  la  sacrée  consulte. 
Outre  les  biens  de  la  fortune  et  de  la  nais- 
sance que  ces  trois  enfants  (dont  les  deux 
premiers  eurent  une  nombreuse  postérité) 
reçurent  de  leur  père,  ils  eurent  l'avantage 
de  recevoir  celui  d'une  sainte  éducation,  les 


faisant  souvent  ressouvenir  de  ce  que  dit 
saint  Jérôme,  qu'il  faut  s'appliquer  ici-bas 

à  des  sciences  qui  poissent  passer  avec  noua 
dans  le  ciel,  et  ne  les  laissant  jamais  sertir 
de  la  maison  sans  leur  dire  auparavant  quel- 
que mol  d'instruction  qui  pût  leur  inspire,- 
la  haine  et  1  éloignement  du  péché,  ce  qu'il 
faisait  avec  tant  de  zèle  et  tant  de  tendresse! 
qu'ils  en  sortaient  toujours  extrêmement 
touchés,  etavec  une  résolution  vive  d'é-vil  r 
louie  occasion  d'offenser  Dieu. 

Il  y  avait  dix  ans  qu'il  était  marié,  lors- 
qu'il apprit  la  mort  du  cardinal  Bianchell', 
son  oncle,  que  son  mérite  encore  plus  que 
sa  naissance  avait  fait  parvenir  à  cette  émi- 
nenfc  dignité,  et  qui  se  vil  deux  fuis  sur  le 
point  d'être  élu  pape.  Ce  grand  personnage 
avait  pris  les  degrés  de  docteur  en  l'un  et 
l'autre  droit  dans  l'université  de  Paris.  A 
son  retour  à  Home.  Grégoire  XIII  le  fit  pré- 
lat de  la  sacrée  Consulte  et  auditeur  de  Hôte. 
Pendant  cinq  ans  qu'il  exerça  cette  ebarge. 
il  composa  trois  grands  volumes  sous  le 
titre  de  Décisions  de  la  Hôte,  qu'on  a  gardés 
longtemps  dans  la  bibliothèque  de  Himini, 
et  qui  sont  à  présent  entre  les  mains  du 
comte  sénateur  Bianchelti  Gambalunga,  son 
arrière-petil-neveu,  qui  doit  les  donner  au 
public.  Sous  le  pontificat  de  Sixte  V  ,  il  fut 
envoyé  en  France  avec  le  cardinal  Gaétan, 
et  depuis  en  Pologne  avec  le  cardinal  Hippo- 
1  \ le  Aldobrandin,  qui,  ayant  été  élevé  au 
souverain  pontificat  après  la  mort  d'Inno- 
cent IX,  l'honora  de  la  pourpre  à  la  promo- 
tion qu'il  fit  le  5  juin  15JG;  le  mit  en  même 
temps  des  congrégations  de  la  Signatuie  du- 
Concile  et  du  Saint-Office,  et  le  fit  protecteur 
de  l'église  de  Laurette  à  Home,  où,  après 
s'être  distingué  dans  tous  ces  différents  em- 
plois, il  mourut  l'an  1012  et  fut  enterré  dans 
l'église  du  Jesu  de  celle  même  ville. 

César  Bianchelti  fut  très-sensible  à  la 
perte  d'un  oncle  de  ce  mérite,  qu'il  aimait 
irès-tendremenl;  et,  la  regardant  comme  un 
de  cei  contre-temps  qui,  prouvant  l'incons- 
tance des  grandeurs  de  la  terre,  en  doivent 
détacher  le  cœur  du  véritable  chrétien,  il 
s'en  lit  un  nouveau  motif  de  se  consacrer  au 
service  de  Dieu.  C'est  pourquoi,  voyant  sa 
maison  assurée  par  la  nombreuse  famille 
dont  il  avait  plu  à  la  divine  Providence  do 
bénir  son  mariage,  il  fit,  du  consentement  de 
sa  femme,  voeu  de  chasteté  pour  le  resle  tfe 
S'S  jours,  quoiqu'il  n'eût  encore  que  trente- 
cinq  ans.  Depuis  ce  temps-là  il  vécut  plus 
retiré  qu'il  n'avait  encore  fait,  et,  lorsqu'il 
se  fut  démis  en  faveur  du  comte  Georges 
Louis,  son  (ils,  de  la  dignité  de  sénateur  de  | 
Bologne,  il  forma  le  dessein  de  se  retirer  uno  I 
partie  de  l'année  dans  une  chartreuse.  Ses  i 
directeurs,  qui  le  jugeaient  nécessaire  au 
gouvernement  de  sa  famille,  l'empêchèrent 
de  l'exécuter;  mais  il  se  réserva  la  liberté  de 
s'y  retirer  en  certains  temps,  principalement 
durant  la  semaine  sainte,  qu'il  passait  avec 
ces  saints  religieux  dans  un  oubli  général 
de  toutes  les  choses  du  monde.  Lorsqu'il  était 
à  sa  terre  d'Ozano.  il  y  passait  la  plus  grand. : 
partie  du  iour  à  la  prière,  et  faisait  presque 


371 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


la  même  rhos»  à  Pologne  dans  un  apparte- 
ment éloigné  du  bruit,  qu'il  sciait  pratiqué 
pour  vaquer  plus  librement  à  ses  exercices 
de  piété  et  de  dévotion,  eu  sorte  qu'il  portait 
partout  l'esprit  de  recueillement  et  de  soli- 
tude. 

La  mort  de  sa  femme,  qu'il  perdit  l'an  1638, 
lui  causa  une  sensible  alfliclion.  C'était  une 
dame  d'une  piété  exemplaire,  avec  laquelle 
il  avait  toujours  vécu  dans  une  parfaite 
union.  11  aurait  bien  voulu  pouvoir  se  reti- 
rer à  la  campagne  dans  une  si  (risle  con- 
joncture, mais  cela  était  incompatible  avec 
les  dignités  qu'il  possédait  encore,  dont  une 
des  principales  était  celle  d'être  un  des  gar- 
diens des  clefs  du  palais  public,  charge  d'une 
grande  distinction,  qui  ne  se  confère  qu'à  des 
sénateurs,  cl  qui  s'est  conservée  longtemps 
dans  la  famille  des  Bianchetti,  sans  parler 
de  celle  de  gonfalonier  de  la  justice,  dignité 
à  laquelle  il  était  élevé  pour  la  troisième 
fois,  et  dont  l'autorité  était  si  grande,  que 
l'on  crut  devoir  la  limiter  en  quelque  sorte, 
en  bornant  à  deux  mois  l'exercice  et  la  pos- 
session de  cette  charge,  dans  laquelle  il  se 
comporta,  aussi  bien  que  dans  tous  les  au- 
tres emplois  dont  il  fut  honoré,  d'une  ma- 
nière qui  mérita  l'approbation  universelle  de 
tous  ses  concitoyens,  qui  l'honoraient  comme 
le  père  de  la  patrie. 

Le  zèle  dont  ce  saint  homme  était  animé 
pour  le  salut  des  âmes  ne  lui  permellait  pas 
de  voir  avec  indifférence  le  peu  de  soin  que 
l'on  avait  d'instruire  la  jeunesse  et  les  igno- 
rants, en  sorte  qu'il  se  trouvait  non-seule- 
ment des  enfants,  mais  même  des  prrsonnes 
d'âge  et  de  toutes  sortes  de  conditions,  qui 
ne  savaient  pas  les  principaux  mystères  de 
la  foi  ni  les  obligations  du  chrétien  les  plus 
nécessaires  au  salut.  Il  y  avait  eu  autrefois 
des  écoles  de  la  Doctrine  Chrétienne  insti- 
tuées à  cet  effet  ;  mais  elles  étaient  tombées, 
à  la  négligence  de  ceux  qui  devaient  y  avoir 
l'œil.  On  avait  réglé  que  les  écoles  seraient 
gouvernées  par  un  sénateur,  qui,  sous  le 
titre  de  recteur  ou  de  préfet,  en  aurait  la 
surintendance;  cependant  il  ne  sp  trouvait 
plus  personne  de  ce  rang  qui  voulût  s'en 
charger.  Les  n  blés  ,  à  qui  on  avait  attribué 
cette  charge  pour  donner  plus  d'autorité  aux 
écoles,  l'ayant  dédaignée,  comme  étant  au- 
dessous  d'eux,  César  entreprit  de  les  rétablir, 
et,  ayant  communiqué  son  dessein  aux  puis- 
sances ecclésiastiques,  il  fit  nommer  pour 
présider  à  cette  sainte  entreprise  le  père  Cé- 
sar Maruffi  de  la  compagnie  de  Jésus,  fer- 
rarois,  homme  également  distingué  par  la 
sainteté  de  sa  vie  et  par  sa  capacité.  Il  ob- 
tint en  même  temps  du  sulïragant  du  cardi- 
nal Borghèse,  archevêque  de  liologne,  l'insti- 
lution  d'une  confrérie  de  gentilshommes  dans 
l'église  de  Sainte-Lucie,  pour  travailler  au 
rétablissement  des  écoles,  dont  il  fut  fait  sur- 
intendant général,  nonobstant  toutes  les  dif- 
ficultés qu'il  lit  pour  accepter  cet  emploi  de 
charité,  duquel  il  se  croyait  incapable.  11 
commença  par  donner  l'exemple  d'une  piété 
et  d'uue  humilité  véritablement  chrétiennes, 


allant  lui-même  le  crucifix  à  la  main  cher- 
cher les  enfants  dans  les  rues  de  Bologne 
pour  les  conduire  à  ces  écoles  saintes,  où  on 
les  instruisait  ;  et,  quand  on  lui  représentait 
que  par  ces  actions  basses  et  humiliées  il 
déshonorait  en  quelque  façon  sa  dignité  ■ 
Enseignez-moi  ,  disait-il  ,  un  emploi  plus 
noble  et  plus  important  que  celui  d'instruire 
les  ignorants  des  choses  nécessaires  à  leur 
salut,  et  je  laisserai  celui-ci  pour  prendre 
l'autre,  II  ne  se  contenta  pas  de  les  instruire 
lui-même  de  vive  voix,  il  le  rit  encore  par 
écrit  en  composant  un  polit  livre  intitulé  : 
Manière  d'instruire  les  ignorant»,  auquel  il 
joignit  un  dialogue  qu'il  traduisit  de  l'espa- 
gnol, où  l'on  enseignait  la  manière  de  faire 
des  actes  de  contrition. 

Pour  rendre  les  effets  de  son  zèle  plus  du- 
rables, il  entreprit  d'établir  une  congréga- 
tion de  gentilshommes  qui  s'engageassent  à 
procurer  l'avancement  de  la  doctrine  chré- 
tienne, et  qui,  sans  demeurer  en  commu- 
nauté, s'assemblassent  à  certains  jours  dans 
un  lieu  marqué,  pour  y  vaquer  aux  exer- 
cices de  piété  et  prendre  des  mesures  clfica- 
ces  louchant  l'exécution  de  leur  dessein.  Celte 
compagnie  fut  d'abord  établie  dans  l'église 
paroissiale  de  Saint-Donat,  sous  le  nom  de 
Jésus  et  Marie,  et  ensuite  transférée  dans  un 
autre  lieu  où  les  confrères  firent  bâtir  une 
chapelle  sous  l'invocation  de  saint  Gabriel, 
dont  le  nom  est  demeuré  depuis  à  cette  con- 
grégation. Outre  cette  première  institution, 
il  en  fit  dans  la  suite  une  seconde,  composée 
de  personnes  zélées,  qui,  vivant  en  commu- 
nauté, concouraient  au  pieux  dessein  des 
premiers  d'autant  plus  efficacement,  que, 
débarrassées  de  tout  autre  soin,  elles  en  fai- 
saient leur  unique  affaire.  Ces  associés  furent 
appelés  Convivenii,  comme  vivant  ensemble, 
à  la  différence  des  premiers,  qu'on  appela 
Confluenti,  comme  personnes  qui  se  ren- 
daient à  certains  jours  dans  un  même  lieu 
deslinépour  leurs  assemblées. Les  Conviventi 
furent  d'abord  établis  dans  la  maison  de 
Saint-Gabriel  ;  ensuite,  pour  laisser  entière- 
ment cette  maison  libre  aux  Confluenti,  ils 
furent  transférés  dans  un  autre  quartier,  où 
ils  acquirent  une  maison  et  firent  bâtir  une 
église  sous  le  nom  de  l'ous-lcs-Saiuts.  Cette 
institution,  qui  lut  approuvée  par  un  bref 
exprès  du  cardinal  François  Barbcrin,  légat 
a  latere  et  vicaire  général  d'Urbain  Vlli,  son 
oncle,  tant  au  spirituel  qu'au  temporel,  dans 
tout  l'Etat  ecclésiastique,  a  ceci  de  particulier, 
qu'elle  ne  doit  être  composée  que  de  per- 
sonnes laïques  qui  aient  un  bien  honnête  et 
suffisant  pour  leur  entretien,  sans  autre  con- 
formité pour  l'habit  que  la  couleur  noire, 
étant  permis  à  ceux  dont  la  qualité  le  de- 
mande, de  porter  des  étoffes  de  soie.  Ils 
peuvent  entretenir  un  ou  deux  valets  pour 
les  suivre  quand  ils  vont  en  ville;  mais  dans 
l'intérieur  de  la  maison  ils  ne  sont  pas  plus 
à  eux  qu'au  reste  de  la  communauté.  L'âge 
pour  y  être  reçu  est  depuis  18  ans  jusqu'à  50. 
Le  noviciat  est  de  trois  ans  partagés  en  deux 
probalions,  dont  la  crémière  dure  un   an  et 


575 


CAN- 


CAN 


374 


la  seconde  les  deux  autres  suivants,  an  bout 
desquels,  s'ils  ont  les  deux  liers  des  voix  de 
ceux  qui  ont  droit  de  voler,  ils  sont  incor- 
porés à  I.i  congrégation.  Ils  sont  encore  trois 
ans  sans  y  avoir  rois  délibéralive,  c'esl-à- 
d.re  qu'ils  ne  l'ont  que  si*  ans  après  leur 
entrée.  Cette  congrégation  doit  être  gouver- 
née par  un  chef  sous  le  lilre  de  supérieur, 
assisté  de  quatre  conseillers,  qui.  aussi  bien 
que  le  supérieur,  sont  élus  par  la  commu- 
nauté à  la  pluralité  t^  voix,  dont  ils  doivent 
avoir  plus  de  la  moitié,  'ions  les  ans  on  pro- 
cède à  une  nouvelle  élection  ou  confirmation 
tan!  du  supérieur  que  des  autres,  qui  dispo- 
sent de  concert  des  emplois  cl  des  offices  de 
1 1  maison,  lesquels  ceux  qui  y  sont  nommés 
sont  tenus  d'accepter.  Telle  est  la  congréga- 
tion de  Saint-Gabriel,  où,  sans  être  astreint 
à  aucun  vœu,  chacun  s'emploie,  sous  l'obéis- 
sance du  supérieur,  à  procurer  le  salut  du 
prochain  par  tous  les  moyens  ronronnes  à 
sou  état.  EU.-  fut  fondée  l'an  1644  et  établie 
à  Bologne  l'an  1646,  dans  le  lieu  où  elle  est 
encore  aujourd'hui.  Ce  fut  après  ces  deux 
établissements,  qui  produisirent  dès  lors  et 
qui  produisent  encore  aujourd'hui  de  grands 
biens,  el  après  une  infinité  d'autres  bonnes 
ceuvres,  que  le  saint  fondateur  fat  appelé  au 
ciel  pour  y  recevoir  la  récompense  de  son 
rèleetdeses  travaux,  l'an  16  jj,  et  le  soixante  • 
dixième  de  son  âge;  laissant  après  lui  une 
grande  réputation  de  sainteté,  autorisée  de- 
puis par  des  mirai  les.  Sa  vie  a  été  donnée  au 
public  par  M.  Delfrate,  docteur  en  l'un  et 
l'autre  droit,  et  chanoine  de  l'égli>e  cathé- 
drale de  Saint-Pétronne  de  Bologne,  et  im- 
primée en  celle  même  ville  l'an  170V. 

Carlo  Antonio  Delfrate,  Ytti  del  Venereb. 
servo  di  Dio  Cesc.re  Biancliclti  fondator.  délia 
eongreg.  di  S.  Gabriele.  Herman,  Ilist.  des 
Ordre»  religieux,  tom.  IV;  et  les  mémoires  de 
Trévoux,  juillet  1703. 

GALLICANE  (Dominicains  de  la  congré- 
gation). Voy.  Lombaruie. 

GANDERSHEIM  (Chanoinesses   protestan- 
tes de). 

Des  chanoinesses  de  Gandersheim  ,  Quedlim- 
bourj,  llcrf'fd  et  autres  cltunoiiwsses  pro- 
testantes, en  Allemag  ,r. 

Au  milieu  de  l'hérésie  dont  une  partie- de 

l'Allemagne  et  les  provinces  du  Nord  ont  été 
infectées,  les  monastères  de  lilics  ont  eu  des 
-  iris  différents.  Les  uns  ont  été  tellement  dé- 
truits ,  qu'il  n'en  reste  plus  que  la  mémoire; 
•'.lulrcs  ont  été  changes  en  des  usages  pro- 
i  mes.  Il  y  en  a  qui  ont  conservé  la  pureté 
île  la  foi  ,  et  se  sont  maintenus  dans  les  ob- 
servances régulières,  et  d'autres  enfin  où  les 
religieuses,  qui  avaient  déjà  renoncé  aux 
vœux  solennels,  pour  vivre.en  chanoinesses 
séculières,  ont  dans  ce  dernier  état  embrassé 
l'hérésie  de  Luther.  Telles  sont  les  chanoi- 
nesses de  Gandersheim,  de  Oucdlimbourg, 
1!  Herford,  et  que'ques  autres  en  Allemagne, 
dont  nous  allons  rapporter  l'origine,  n'ayant 
dessein  de  parler  que  de  celles  qui  prennent 
la  qualité   de  chanoinesses  :  c'ist   pourquoi 


je  ne  dirai  rien  de  quelques  antres  monastè» 
res  qui  se  trouvent  d;ins  le  royaume  de  Da- 
nemark, où  les  religieuses,  ayant  renoncé  à 
la  foi  catholique,  ont  toujours  vécu  en  com- 
munauté sous  l'obéissance  d'une  supérieure, 
et  gardé  une  uniformité  dans  l'habillement, 
comme  onl  fait  les  religieuses  de  l'ordre  de 
Saint-Dominique  à  Copenhague,  qui,  après 
avoir  embrassé  l'hérésie,  Mit  toujours  gardé 
la  vie  commune,  et  sonl  habillées  de  même 
que  'es  filles  de  la  communauté  de  Sainlc- 
Gcne\  iè»  e  à  Paris  qu'on  appelle  les  Hliramio- 
lies,  dont  nous  donnerons  une  estampe  à 
l'article  de  ce  nom. 

L'abbaye  de  Gandersheim,  dans  la  princi- 
pauté de  Wolferobulel,  à  trois  lieues  d'Èym- 
bek,  et  à  six  de  Goslar,  dans  l'évêché  d'Kil- 
desheim,  a  été  l'une  des  plus  considérables 
d'Allemagne  ,  cl  Vepez  la  met  au  nombre 
des  quatre  abbayes  princières,  où  l'on  ne 
recevait  que  des  filles  de  princes.  Elle  fut 
fondée  vers  l'an  S52  par  Lutolph  le  Grand, 
duc  de  Saxe,  et  Ode  sa  femme,  dont  trois  de 
leurs  Clles  foren!  successivement  abbesses. 
La  première  fut  Hatmode,  li  seconda  Ger- 
berge  et  la  troisième  Christine.  La  princesse 
Sophie,  fille  de  l'empereur  Olhon  II,  en  en- 
trant dans  ce  monastère  pour  y  être  reli- 
gieuse, y  causa  de  gra  >ds  troubles.  Elle  fit 
bien  paraître  qu'elle  n'y  entrait  pas  dans  un 
esprit  d'humilité  :  car,  croyant  que  ce  serait 
un  deshonneur  pour  elle,  comme  fi  le  d'em- 
pereur, de  recevoir  le  voile  des  mains  d'un 
prélat  qui  n'eût  pas  le  pallium,  elle  ne  vou- 
lut pas  le  recevoir  de  l'évéquc  d'Hildesheim, 
auquel  ce  monastère  avait  toujours  été  sou- 
mis depuis  sa  fondation,  el  elle  voulut  que 
ce  fui  l'arche»  êque  de  Maycnce  qui  le  lui  don- 
nât. OsJage,  qui  était  évoque  d'Hildesheim, 
s'y  opposa,  elles  évéques,  qui  étaient  venus 
pour  assistera  cette  cérémonie  avec  l'empe- 
reur Olhon  ,  favorisant  l'évêque  d'Hildes- 
heim, on  convint  que  ce  prélat  et  l'archevê- 
que de  Mayence  lui  donneraient  ensemble  le 
voile,  après  que,  selon  la  coutume,  elle  aurait 
promis  l'obéissance  el  la  soumission  à  l'évê- 
que d'Hildesheim.  Les  choses  demeurèrent 
en  cet  étal  sous  le  reste  du  p  m  ificat  d'Os- 
dage  et  de  Gerdage,  el  sous  les  premières 
années  de  celui  de  Bernard,  qui  monta  sur 
le  siège  épiscopal  d'Hildesheim,  l'an  992. 
Pour  lors  le  relâchement,  qui  s'eiail  déjà  in- 
troduit dans  l'abbaye  de  Gandersheim,  alla 
jusqu'à  un  tel  excès,  que  les  religieuses  y 
vivaient  sans  aucune  subordination.  Le  luxe 
et  la  vanité  y  régnaient,  et  l'on  n'y  recon- 
naissait plus  l'auturité  de  l'évêque.  La  prin- 
cesse Sophie,  malgré  l'abbesse,  qui  s'y  op- 
posa fortement,  se  rendit  auprès  de  l'.nche- 
U'que  de  Mayence,  e!  demeura  plus  d'un  an 
dans  son  palais.  L'évêque  d'Hildesheim  l'a- 
v  rtit  plusieurs  fois  de  retourner  dans  son 
monastère,  mais  ses  remontrances  furent 
inutiles.  Elle  anima  l'archevêque  de  .\ïayence 
contre  lui,  et,  oubliant  ce  qu'elle  lui  avait 
promis  le  jour  de  sa  consécration,  elle  publia 
qu'elle  n'avait  pont  reçu  le  voile  de  ses 
niains,  mais  bien  de  cilles  de  l'archevêque 
d-  Mayence;  que  Gandersheim  n'était  point 


575 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


de  sa  juridiction,  el  quVUe  ne  devait  pas  lui 
obéir  ;  cl,  étant  retournée  en  son  monastère, 
cl'e  excita  aussi  les  antres  religieuses  à  ne 
point  reconnaître  l'évéque  d'Hildeshcim. 

En  effet,  le  temps  approchant  qu'on  devait 
faire  la  délicace  de  la  nouvelle  église  de  ce 
monastère, la  princcsseSophie,  àquil'abbesse 
«vait  donné  le  soin  de  pourvoir  à  tout  ce  qui 
•"erait  nécessaire  pour  la  cérémonie,  invita 
l'archevêque  de  Mayence,  et  le  jour  fut  fixé 
à  la  fêle  de  l'Exaltation  île  la  sainte  croix. 
L'évéque  d'Hildeshcim,  qui  de  son  côté  avait 
été  prié  par  l'abbesse  de  faire  ce  jour-là  la 
cérémonie,  promit  de  s'y  trouver.  Mais  l'ar- 
chevêque de  Mayence  voulut  différer  jusqu'à 
la  fêle  de  saint  Matthieu,  et  le  fit  signifier  à 
l'évéque  d'Hildeshcim ,  qui ,  ne  pouvant  s'y 
trouver  ce  jour-là,  vint  à  Gandcrsheiin  le 
jour  de  l'Exaltation  de  la  sainte  croix,  pour 
consacrer  l'église,  comme  il  en  avait  été  prié 
par  l'abbesse  ;  mais  au  lieu  d'y  trouver  ce  qu'il 
fallait  pour  la  cérémonie,  il  y  trouva  au  con- 
traire des  personnes  aposiées  pour  l'insulter. 
Il  dit  néanmoins  la  messe  eu  présence  des 
religieuses,  qui  étaient  fort  animées  contre 
lui,  et  les  obligea  à  poiter  leurs  offrandes  et 
recevoir  la  bénédiction.  Le  prélat,  au  milieu 
de  la  messe,  fil  une  exhortation  pour  conso- 
ler le  peuple,  qui  murmurait  hautement  de 
ce  qu'on  traitait  son  évêque  si  indignement, 
et  à  la  fin  du  discours  il  défendit  que  l'on  fit 
la  consécration  de  l'église  sans  son  consen- 
tement, ce  qui  irrita  si  fort  les  religieuses, 
que  lorsqu'elles  présentèrent  leurs  offrandes, 
«Iles  les  jetèrent  par  terre  avec  indignation, 
on  disant  des  injures  à  leur  évêque.  L'arche- 
vêque de  Mayence  vint  à  Gandershcim  le 
jour  de  saint  Matthieu  pour  faire  la  dédi- 
cace. L'évéque  d'Hildeshcim  ne  s'y  trouva 
pas,  et  envoya  à  sa  place  Ekkéh.nd,  évêque 
île  Sehleswig,  que  les  guerres  avaient  obligé 
d'abandonner  son  diocèse.  Il  s'opposa,  au 
nom  de  l'évéque  d'Hildeshcim,  à  toutes  les 
entreprises  de  l'archevêque,  el  la  consécra- 
tion de  l'énli'e  fut  suspendue.  Bernard  eut 
recours  à  Rome;  l'on  y  tint  un  synode  l'an 
10J1  pour  terminer  ce  différend,  et  l'on  y 
donna  gain  de  cause  à  c?  prélat  ;  mais  à  son 
retour  de  Rome,  étant  allé  à  Gandershcim,  il 
y  trouva  des  gens  en  armes,  tant  de  la  part 
de  la  princesse  Sophie  que  de  l'archevêque 
de  Mayence,  qui  l'obligèrent  de  te  retirer. 
L'on  tint  encore  plusieurs  assemblées  d'évé- 
ques  en  Allemagne  pour  le  même  sujet,  et 
cette  affaire  ne  fut  terminée  que  l'an  10)7. 
La  juridiction  de  ce  monastère  fut  entière- 
ment adjugée  à  l'évéque  d'Hildeshcim  ,  qui 
lit  enfin  la  dédicace  de  l'église;  et  l'arche- 
vêque de  Mayence,  ayant  reconnu  sa  faute 
dans  le  concile  de  Francfort,  renonça  à  tou- 
tes les  prélcntions  qu'il  pouvait  avoir  sur 
Ganilersheim,  et  pour  témoignage  il  donna 
à  l'évéque  d'Hildeshcim  une  crosse  ou  bâlou 
pastoral.  Aribe ,  archevêque  de  Mayence, 
voulant  renouveler  celte  querelle  en  1024, 
l'empereur  Conrad  11  l'en  empêcha  ;  mais  la 
princesse  Sophie,  qui  avait  été  faite  abbesse 
de  Ganilersheim  après  la  mort  de  Gerburge, 
ne  cessji  noi»i  d'i"">ii  i..r  i..«  „<.•.... me  ■<  ";|. 


de>h  im  au  sujet  de  la  juridiction.  Elle  re- 
connut sa  faule  avant  que  de  mourir,  et  elle 
alla  trouver  l'évéque  saint  Godard,  qui  te- 
nait pour  lors  le  siège  d'Hildesheim.  Elle  lui 
promit  toute  sorte  de  satisfactions  ;  et  ce  pré- 
lat, qui  était  malade,  lui  ayant  répondu 
qu'il  examinerait  cette  affaire,  il  lui  donna 
terme  jusqu'à  la  fête  delà  Purification  de  la 
sainte  Vierge.  Sophie ,  qui  appréhendait  la 
mort,  lui  dit  :  Plût  à  Dieu  que  et  jour-là  nous 
tro :ive  en  bonne  santé  l'un  et  l'autre  !  L'évé- 
que à  ces  paroles  lui  répliqua  :  Notre  vie  est 
entre  les  ma  ns  de  Dieu  ;  mais  quelque  chose 
qui  arrive  ,  nous  discuterons  certainement 
cette  a  D'aire  devant  le  véritable  Juqe  au  jour 
de  la  fâle  delà  Purification  de  la  sainte  Vierge. 
La  chose  arriva  comme  le  saint  l'avait  prédit, 
car  il  mourut  huit  jours  après,  el  l'abbesse 
Sophie,  le  jour  de  la  Purification  de  la  sainlo 
Vierge,  de  l'an  1038. 

L'on  ne  pul  réparer  les  désordres  que 
cette  abbesse  avait  causés  à  Gandersheim. 
Les  religieuses  qui  à  son  exemple  vivaient 
en  séculières  ,  s'accoulumèrent  à  cette  ma- 
nière de  vie,  et,  ayant  renoncé  à  la  règle  de 
saint  Benoît,  aux  observances  régulières  et 
aux  vœux  solennels  dès  le  xie  siècle,  elles 
embrassèrent  facilement  l'hérésie  de  Luther 
lorsque  toute  la  Saxe  en  fut  infectée,  ce  qui 
arriva  sous  le  gouvernement  de  l'abbesse 
Glaire,  fille  d'Henri  III  dit  le  Jeune,  duc  de 
Brunswick,  qui  épousa  dans  la  suite  Phi- 
lippe de  Brunswick,  duc  de  Gubenbagen, 
son  cousin,  et  mourut  en  1593.11  y  a  eu 
aussi  plusieurs  autres  princesses  de  la  même 
maison  qui  ont  été  abbesses  de  Ganders- 
heim :  comme  Dorothée-Auguste,  morte  en 
1(511  ;  Christine-Sophie  de  Brunswick,  qui 
épousa  en  1681  Auguste  Guillaume,  son  cou- 
sin germain.  La  princesse  Hcnrietie-Chris- 
line  de  Brunswick  Wolfenbulel  lui  succéda  ; 
mais,  l'an  1712,  cette  princesse,  après  avoir 
renoncé  à  la  qualité  d'abbesse  de  Ganders- 
heim, abjura  le  luthéranisme  entre  les  mains 
de  l'abbé  de  Corvey,  et  reçut  le  sacrement 
de  confirmation  à  Ruremonde  par  les  mains 
de  l'évéque  de  la  même  ville.  Ce  monastère 
a  été  si  considérable,  que  Bruschius,  qui  écri- 
vait en  1550,  dit  que  dans  ce  temps-là  il 
avait  encore  pour  vassaux  non-seulement 
des  princes  de  la  maison  de  Brunswick,  mais 
aussi  de  celle  de  Saxe  et  de  Brandebourg  et 
plusieurs  barons  el  seigneurs  d'Allemagne. 
L'abbesse  est  princesse  de  l'empire,  mais 
non  pas  immédiate,  cl  elle  n'envoie  pas  des 
députés  aux  diètes.  La  religieuse  Roswid, 
qui  s'est  rendue  célèbre  par  les  ouvrages 
qu'elle  a  composés  en  vers  et  en  prose, 
était  professe  de  ce  monastère.  Elle  parlait 
le  grec  et  ;e  latin  avec  facilité.  Elle  écrivit 
en  vers, à  la  prière  de  l'empereur  Olhon  II  et 
par  ordre  de  Gerberge,  son  abbesse,  un 
Eloge  historique  de  la  vie  d'Olhon  premier, 
et,  depuis,  le  Martyre  de  saint  Denis  et  de 
saint  Pelage,  avec  d'autres  ouvrages.  Elle 
mourut  l'an  907. 

Joan.  Mabill.,  Annal.  Bcned.,  tom.  III  et 
IV;  et  Gaspar  Bruschius,  Cltronolo/j.  Mu~ 
nasler.  Gcrm. 


577  GAN 

L'abbaye  d'Hcrford,  située  clans   la   ville 
île  c-  non»,  sur  la  rivière   de  Yehra,  dans  le 
i  omlé    de   Ravensbourg,  a  en  le  même   sort, 
<)ne  celle  de  Gandcrsheim.  Elle  fut  fondée 
par   Louis,  roi  de  Germanie,  l'an   822.   Ce 
prince,   ayant    fait  bâ  ir    pour  des  hommes 
l'abbaye   de  Corbie- la-Neuve  sur  le  modèle 
de  celle  de  Corbie    en    France,  voulut  aussi 
avoir  un   monastère  de  filles  en  Allemagne 
semblable  à  celui  de  Notre-Dame  deSoissons, 
d'où  il  fil   venir  Telte,  qu'il  fit    première  ab- 
besse  de  l'abbaye  d'Herford,  dont  l'église  fut 
dédiée  à  sainte  Pusiue,  après    que   l'on  eut 
apporté  de  France  en  Allemagne  le  corps  de 
celle  sainte.  Ces  deux  monastères  en  produi- 
sirent beaucoup  d'antres  non -seulement  en 
Allemagne,  mais  encore  en  d'autres  provin- 
ces. Celui  d  Herford  fut  premièrement  ruiné 
par  les  Huns  ou  Hongrois,  l'an  933,  et,  après 
qu'il  eut  élé  établi  ,  il  fut  pillé  par  l'avarice 
de  Thiedmart,   frère    de  Bernard  ,   duc  de 
Saxe,  et  de  Godesle,  qui  en  était  abbesse  :  il 
en    emporta    les    trésors;   mais    Mainwerc, 
évéque  de  Paderborn,  l'ayant  fait  comparai- 
Ire  dans  un  syno  le,  le  condamna  à  restituer 
à  ce  monastère  trente  talents ,  et  Thiedmart, 
ne  pouvant  payer  une  si  grosse  somme,  cé- 
da à  ce  monastère  des  terres  qui  lui  appar- 
tenaient. Cette  abbaye   fut   rétablie  dans  sa 
première  splendeur,  et   l'abbesse   Godeste  y 
renouvelâtes  observances  régulières,  que  les 
religieuses    abandonnèrent   an   commence- 
ment du  xir  siècle,  et  elles   ont   eu    enfin  le 
malheur  de  tomber  dans  l'hérésie,  qu'elles 
embrassèrent  l'an   1(313,  n'ayant  pas    imité 
l'abbaye  de  Corbie-la-Neuve,  qui  a  toujours 
conservé  la  pureté   de  la   foi  avec  les  obser- 
vances régulières  sous  la  règle  de  saint  Be- 
noît. L'abbesse  d'Herford    est    princesse   de 
l'empire  et  a  rang  parmi  les  prélats  du  cercle 
de  Weslphalie,  envoyant  des   députés    aux 
dièles   de  l'empire.   Elle   fournil    pour   son 
contingent,  en  temps  de  guerre,  six  fantas- 
sins.  Elle  était   autrefois    dame    d'Herford, 
mais  l'électeur  de  Brandebourg  s'en  empara 
en  1647,  comme  étant  de  la  dépendance  du 
comté  de  Bavensbourg. 

Joan.  Mabill. ,  Annal.  Ord.  S.  Benedict., 
tom.  111  et  IV.  Annal,  et  Monument.  Pa- 
derborn. cl  Annal.  Westplud. 

L'.ibbaje  de  Quedlimbourg  ,  située  dans 
la  v  lie  du  même  nom,  qui  confine  les  prin- 
cipautés d'Anhalt  et  d'Halberstad  avec  le 
comté  de  Biakemhourg,  a  imité  celles  d'Her- 
ford et  de  Gandersbeim.  Elle  fut  fondée  l'an 
930  par  Henri  l'Oiseleur,  roi  de  Germanie  . 
et  sa  femme  Mathiide,  e  i  l'honneur  de  saint 
Servais.  Ils  y  donnèrent  de  grands  biens  et 
y  choisirent  leur  sépulture.  Ce  te  abbaye, 
dont  l'abbesse  est  princesse  immédiate  de 
l'empire  et  du  cercle  de  la  haule  Saxe,  en- 
voie des  députés  aux  dièt  s  el  fournil  pour 
son  contingent,  en  temps  de  guerre,  un  cava- 
lier et  dix  fantassins.  La  ville  de  Quedlim- 
bourg a  élé  longtemps  libre  et  impériale  ; 
mais  l'abbesse,  avec  qui  le  magistral  se 
brouilla,  ayant  appelé  à  son  secours  Er- 
nest, électeur  de  Saxe,  son  frère,  ce  prime 
s'en  rendit  maître  eu  1477,  cl  prit  l'abbaye 


GEN 


373 


sous  sa  protection.  Les  électeurs  de  Saxe  en 
ont  élé  les  prolecteurs  depuis  ce  temps-là  et 
jouissent  de  la  supériorité  lerriloria  e  dans 
la  v  Ile  et  dans  son  territoire,  où  l'abbesse 
n'a  que  la  basse  justice.  Il  v  a  eu  plusieurs 
princesses  de  In  maison  de  Saxe  qui  onl  é'é 
abbesses  de  Quedlimbourg ,  comme  Hed- 
wige,  fille  de  Frédéric  II,  dit  le  Pacifique, 
électeur  de  Sixe,  morte  en  1512;  Marie, 
fiile  de  Jean  Guillaume  ,  duc  de  Saxc-Wei- 
mar,  morte  en  1G10  ;  Dorothée  ,  fille  de 
Christian  I  ,  aussi  électeur  de  Saxe,  moi  le 
en  I6t7  ;  Dorothée-Sophie,  fille  de  Frédéric- 
Guillaume,  duc  de  Saxe-AUembourg,  morte 
en  1645;  et  Anne-Dorothée,  fille  de  Jean 
Ernest  de  Saxe-Weimar.  La  princesse  Anne- 
Marguerite  de  Brunswick  en  a  élé  aussi  ab- 
besse ,  et  ce  fut  la  romlesse  Anne  de  Sloï- 
berg  qui,  en  1539,  y  fit  recevoir  la  confession 
d'Augsbourg. 

L'abbaye  de  Cérenrode,  dans  la  princi- 
pauté d'Anhalt  ,  à  trois  lieues  de  Quedlim- 
bourg, fut  fondée  aussi  pour  des  religieuses 
de  l'ordre  de  Saint-Benoit  par  le  duc  Céron, 
mort  l'an  905.  L'abbesse  est  prin  esse  im- 
médiate de  l'empire  et  du  cercle  de  la  hauts 
Saxe,  fonruissa  t  pour  son  contingent,  en 
temps  de  guerre,  un  cavalier  et  six  fantas- 
sins. Elisabeth,  comtesse  de  Wied,  qui  en 
était  abbesse,  y  fit  recevoir  la  confession 
d'Augsbouig  en  1521.  Les  princes  d'Anhalt 
ont  depuis  longtemps  l'avouerie  de  cette 
abbaye  ,  dont  ils  payent  les  charges  qu'elle 
do  t  à  l'empire. 

Joui.  MabiL,  Annal.  Bened.,  tom.  III  ;  et 
Audifrel  .  Geograph.,  tom.  111. 

GÈNES  (Augustins  de  la  congrégation 
de).  Yoy.  Augustin  (Eryiite,  de  Saint-), 
§  1H  . 

GENETTE  (Ordre  de  la).  Yoy.  Ampoule 
(Sainte-). 

GENEVIÈVE  (  Congrégation  des  cha- 
noines réguliers  de  Sainte-).   Yoy.  Géno- 

GENEVIÈVE   (Filles   de  Sainte-).    Voy. 

MlRAUIONES. 

GÉNOVÉFAINS  (Chanoines  réguliers). 
Des  Génovéfains  chanoines  réguliers  th  la 
congrégation  de  France,  vulgairement  ap- 
pelée ite  Sainte-Geneviève  ,  arec  la  vie  du 
révérend  père  Charles  Faute,  instituteur  de 
celte  congrégation. 

Nous  étant  proposé  de  donner  dans  celte 
Histoire  des  Ordres  religieux  un  abrégé  des 
vies  de  leurs  principaux  fondateurs  et  réfor- 
mateurs, il  est  juste  que  nous  parlions  du 
B.  P.  Charles  Faure,  à  qui  la  Franc:-  est 
redevable  de  lui  avoir  procuré  la  congré- 
gation des  chanoines  réguliers  qu'on  ap- 
pelle de  France  et  plus  communément  de 
Sainte-Geneviève  .  qui  fait  l'un  des  plus 
beaux  ornements  de  l'état  régulier  dans  ce 
royaume. 

Il  naquit  l'an  1.59V,  à    quatre   lieues    dn 
Paris,   dans    le  village  de    Lucienne 
ses   parents  avaient    une   maison 

Son  père  se  nommait  Jean/ 
se'gueur  dcMarsinval,   comuiissafcèYoï'di-»^  \s\ 


373                                           DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  580 

naire  des  guerres  ;  et  sa  mère,  Madeleine  Reims  et  de  Sens.  Mais,  peu  de  temps  après, 
le  lîossn.  Il  fut  nommé  Charles  sur  les  fonts  les  guerres  que  causèrent  les  Anglais  dans 
île  baptême  ,  et  dès  sa  plus  tendre  jeunesse  ce  royaume,  et  qui  empêchèrent  la  tenue  des 
il  mollira  beaucoup  d'inclination  pour  la  chapitres  provinciaux  ordonnés  par  Be- 
verlu  et  une  grande  aversion  pour  le  vice  ;  noît  XII,  furent  cause  que  le  relâchement 
car  à  peine  avait-il  cinq  ans,  qu'ayant  su  s'introduisit  dans  la  plupart  des  maisons, 
que  sa  nourrice  avait  élé  reprise  de  quel-  Le  partage  des  biens  et  la  propriété  en  ban- 
ques désordres,  il  ne  voulut  plus  souffrir  nirent  la  pauvreté  ;  les  offices,  qui  devinrent 
ses  caresses  ,  et  fuyait  même  sa  présence.'  perpétuels,  anéantirent  l'obéissance;  et  les 

Il  aimait  passionnément  toutes  les  choses  religieux  se  plongèrent  dans  l'oisiveté,  ne 
qui  regardent  le  culte  des  autels ,  et  il  était  songeant  plus  aux  études  et  ne  s'adonnant 
si  porté  à  lare  l'aumône,  que  souvent  il  qu'à  la  bonne  chère  et  au  dérèglement. 
se  levait  exprés  de  grand  malin  pour  pren-  Le  malheur  des  commendes  fut  une  suite 
dre  les  fruits  qui  étaient  soi:s  les  arbres,  et  une  punition  de  ces  désordres,  cl  l'abbaye 
afin  de  les  cacher  et  de  les  donner  ensuite  de  Saint-Vincent  y  fut  assujettie  des  pré- 
aux pauvres.  Son  humeur  était  extrême-  mières;  le  dérèglement  dans  lequel  on  y  vi- 
ment  douce,  son  cœur  tendre  et  généreux;  vait  en  li02  fut  si  grand,  que  le  parlement 
et,  quoiqu'il  fût  vif  et  plein  de  feu  ,  il  était  de  Paris  fut  obligé  d'en  prendre  connaissan- 
néahmoins  judicieux  et  modéré  ,  patient  et  ce.  Il  était  plus  grand  eu  1535.  11  y  eut  des 
persévérant  dans  le  travail  ;  enfin  il  sem-  commissaires  nommés  pour  y  faire  une  vi- 
l.lail  que  Dieu  avait  mis  en  lui  tous  les  site  dans  les  formes;  et  tous  ces  désordres 
caractères  qui  sont  propres  à  former  les  n'approchaient  pas  encore  de  ceux  qui  y 
grands    hommes.  régnaient  lorsque  le  R.  P.  Faure  y  prit  l'ha- 

Son   père    l'envoya  à   l'âge  de  dix   ans  à  hil  en  !Glfi.   Ge  jour  si  saint  et  si  heureux 

Bourges  pour  y  faire  ses  études  au  collège  pour  lui  ne  fut   pour  ainsi  dire  qu'un  jour 

des  R.  P.  Jésuites  ,    mais  l'air  du   pays  lui  de  débauche  et  de  profanation    pour  les  au- 

ayant  été  contraire,  il  le  rappela  auprès  de  très  qui  assistèrent  à  ce  t  •  cérémonie.  On  vit 

lui  ;  et  à  peine  ful-il  de  retour,  qu'il  le  laissa  dans  ce  saint  lieu  des  festins,  des  danses,  et 

orphelin,  étant  décédé  et   ayant  laissé  à  ses  d'autres  divertissements.  Les  femmes  mangè- 

enfants  plus  d'honneur  que  de  biens  ;  ce  qui  rent  avec  les  religieux  dans    le  réfecloire  ; 

fil  que  la  mère  de  n  tre  Charles   le   destina  elles  entrèrent   partout,  jouèrent   dans  les 

pour  l'Eglise  ;   et,  comme  l'abbé  de  Saint-  cloîtres   et  dans    le  chapitre;  et   ce   ne   fut 

Vincent  de  Senlis  était  de  ses  amis  ,  on   lui  qu'un  jour  de  licence  et  de  désordre. 

conseilla  de   le   lui  donner   pour  êlre   reli-  Le  jeune    novice   était    pendant  tout    ce 

gieux  dans   son  abbaye,  ce  qui  étaii  alors  temps-là  enfermé  dans  sa  cellule.  On  ne  le 

considéré  comme  une  espèce  de  bénéfice.  vit  paraître  que  lorsqu'il  f.illut  aller  à  l'of- 

II  entra  dans  cette  abbaye,  suivant  en  ap-  fice,  et  il  ne  parla  à  ses  parents  sur  le  soir 

parence  les    impressions  de   sa  mère,  mais  que  pour  leur  dire  adieu.  Comme  ce  n'est  ici 

conduit  en  effet  par  la  divine  providence,  qui  qu'un  petit  abrégé  de  sa  vie,  je  ne  rappor- 

!e  choisissait  pour  y   rétablir  la  discipline  lerai    point  loules    les    mortifications    qu'il 

régulière;  et,  comme  cette  abbaye  est  regar-  exerça  sur  son  corps,  et  celles   qu'il   eut  à 

dée  comme  le   berceau  où  la  congrégation  souffrir  de  la  part  des  religieux,  qui,  vivant 

(les  chanoines  réguliers  de  ?ain!e-Gene\iève  dans  le  libertinage,  ne  pouvaient  voir  sans 

a    pris   naissance  ,  nous    rapporterons    son  rougir  de  honte   la  vie  exemplaire  qu'il  me- 

origine.  nait  et    les  austéri'és   qu'il  pratiquait;  et, 

Elle  fut   fondée     l'an  1060  par   Anne    de  sans  l'autorité  de  l'évêque   de  llieui,  abbé 

Russie,  fille  de  Georges   l'Esclavon,  roi  des  de  celte  maison,  et  dont  les  religieux  dèpen- 

liussiens  et  des  Moscovites,  femme  de  Hen-  daienl  à  cause  de  certains  avantages  tempo- 

ri  I"  et  mère  de  Philippe  l",  rois  de  France,  rels  qu'ils  espéraient  pouvoir  obtenir  de  lui, 

El'e  y  mit  des  chanoines  vivant  en  commun,  le  jeune  novice  eût   été  renvoyé  chez  ses 

qui  par  la  sainteté  de   leur  vie  se  rendirent  parents. 

si  célèbres  et  si  recommandantes,  qu'en  118G  Enfin,  l'année  de  probalion   étant  finie,  il 

Guillaume  de  Garlande,  sénéchal   et   grand  prononça  ses  voeux  le  premier  jour  de  mars 

maître  de  France,   ayant  fondé   l'abbaye  de  1GÎ5.  Tout  s'y  passa  à  l'égard  des  religieux 

Notre-Dame  de  Livry  à  trois  lieues  de  Paris,  comme  à  la  prise  d'habit  ;  mais,  à  l'égard  du 

s'adressa  à  Hugues ,  abbé  de  Saint-Vincent,  nouveau  profès,  il  redoubla   son  zèle  et  sa 

pour  y  envoyer  de  ses   religieux.  Ils  persis-  ferveur.  Il  ne  songea  plus  qu'à   s'acquitter 

Seront  dans  ceite  ferveur  jusque  sous  le  pon-  de  ses  obligations,    et  quelque  temps  après 

liiical  de  Benoît   XII,    qui,  ayant   formé  le  il  vint  à  l'aiis  pour  y  finir  ses  éludes.  H  fit 

dessein   de  réunir  tous  les  chanoines  régu-  son  cours  de  philosophie  sous  François  Abra 

l.ers  sous  une  même  règle,  et  les  ramener  à  de  Raconis,  qui    fut  depuis  évéque  de  La- 

a  même  observance  et  aux  mêmes  prati-  vaur;  et,  après  avoir  reçu  à. la  fin  le  bonnet 

ques,  voulut  que  les  constitutions  qu'il  avait  de  mailre-ès-arls,  il  étudia  en  théologie  sous 

dressées  à  ce  sujet   fussent  universellement  Pbilippe  de  Gamaches  et  André  du  \  al.  Il  fit 

observées.  un  merveilleux   progrès    sous  de  si  habiles 

La   première    assemblée    qui    se   tint    en  maîtres;  de  sorte   qu'au   bout  de  deux  ans 

Erànce  pour  les  recevoir  fut  à  Saint-Vincent  j|s  |e  contraignirent  de  prendre  le  degré  de 

•le  Senlis,  où  il  se  trouva  soixante  et  un  ab-  bachelier.  H  fut  fortement  sollicité  de  conli- 

/   I.és  et  dix  prieurs  des  seules  provinces   de  nuer  ses  éludes,  afin  <!•  passer  jusqu'au  doc* 


5si  <;i.x 

torat.  Mais  le  désir  de  la  réforme  de  son 
monastère  de  Saint-Vincent  et  les  sollicita- 
lions  continuelles  de  deux  de  ses  confrères, 
dont  Dieu  avait  touché  les  cœurs, qui  le  pres- 
saient de  retourner  au  plus  tôt,  l'emportè- 
rent sur  toutes  les  raisons  qu'on  lui  put 
donner  pour  continuer  ses  études.  Ces  saints 
religieux  curent  d'abord  beaucoup  à  souffrir 
de  la  part  de  leurs  confrères,  qui  ne  vou- 
laient point  entendre  parler  de  réforme;  et 
la  protection  que  le  cardinal  de  la  Roche- 
foucaut,  pour  lors  évoque  de  Senlis,  voulut 
bien  leur  donner,  servit  à  les  mettre  à  cou- 
vert des  mauvais  traitements  que  le  prieur 
de  cette  maison  leur  faisait.  Leurs  discours 
et  leurs  bons  exemples  en  attirèrent  quel- 
ques-uns; mais  les  morts  funestes  et  tragi- 
ques de  cinq  religieux,  qui  s'opposaient  for- 
tement à  leurs  bonnes  intentions  avec  le 
prieur,  et  qui  furent  suivies  par  celles  de  ce 
même  prieur  en  moins  d'un  an,  furent  ce  qui 
donna  entièrement  naissance  à  la  réforme. 
On  chercha  dès  lors  des  mesures  pour  y  par- 
venir; et,  quoique  le  P.  Faure  n'eût  encore 
aucune  charge  ni  aucun  caractère,  parce 
que  son  âge  ne  le  lui  permettait  pas,  c'était 
néanmoins  par  ses  avis  que  furent  dressés  la 
plupart  des  règlements  nécessaires  et  des 
pratiques  qui  ont  depuis  servi  au  grand  ou- 
vrage de  la  réforme;  et  un  des  principaux 
articles  fut  qu'à  l'avenir  les  prieurs  seraient 
triennaux,  au  lieu  qu'auparavant  ils  étaient 
perpétuels. 

Lorsque  ces  règlements  eurent  été  dres- 
sés, les  religieux  sollicitèrent  si  fort  le  P. 
Faure  pour  prendre  l'ordre  de  préirise, qu'il 
ne  put  s'en  défendre.  Ce  fut  le  22  septembre 
de  l'année  1618  qu'il  le  reçut,  des  mains  du 
cardinal  de  la  Rochefoucauld.  On  lui  donna 
ensuite  le  gouvernement  de  cette  maison,  et 
Dieu  versa  une  si  grande  abondance  de  bé- 
nédictions sur  ses  travaux,  quetette  abbaye 
tépandit  partout  une  odeur  de  sainteté  qui 
lui  acquit  autant  d'estime  qu'elle  s'était  at- 
tiré de  blâme. 

Il  vint  de  toutes  parts  des  personnes  de 
tout  âge  et  de  toutes  conditions  pour  em- 
brasser la  vie  religieuse  dans  une  si  sainte 
compagnie.  On  y  voyait  souvent  venir  des 
religieux  de  plusieurs  maisons  pour  y  ob- 
server la  régularité,  s'msiruire  des  véritables 
devoirs  des  chanoines  réguliers,  et  appren- 
dre sous  la  conduite  du  P.  Faure  les  règles 
de  la  vie  spirituelle.  Le  R.  P.  Pierre  Founer, 
curé  de  Mataincuurl,  travaillant  pour  lors  à 
la  réforme  des  chanoines  réguliers  de  Lor- 
raine, y  envoya  exprès  un  religieux,  qui  fut 
depuis  général  de  sa  congrégation,  pour  s'in- 
struire des  règlements  de  cette  nouvelle  ré- 
forme, et  pour  consulter  ceux  qui  l'entre- 
prenaient. L'abbaye  de  Noire-Dame  d'Eu  y 
envoya  aussi  quatre  novices  pour  y  être 
élevés  dans  la  régularité.  Enfin,  le  cardinal 
de  la  Rochefoucauld  ayant  é'é  fait  abbé  de 
Sainte-Geneviève-du-Mont  à  Paris,  en  1C19, 
et  ayant  résolu  de  la  réformer  et  de  la  met- 
tre sur  le  même  pied  qu'était  celle  de  Saint- 
Vincent  de  Senlis,  il  crut  qu'un  des  moyens 
dont  il  pouvait  se  servir  pour  cela  était  d'o- 


GEN 


53'i 


bliger    quelques   religieux  de  celle    abbaye 
l'aller  à  Saint- Vincent  pour  voir  ce  qui  s'y 


h 

d'aller  a  Saint- Vincent  pr._. 

passait,  et  pour   y  prendre  l'idée  d'une   vie 

régulière. 

Nous  dirons,  en  parlant  des  chanoines  ré- 
guliers de  Saint-Victor,  comment  ce  cardinal 
avait  lâché  de  relever  les  anciennes  congré- 
gations; mais,  n'ayant  pas  réussi  dans  son 
dessein,  c'est  ce  qui  lui  fil  naître  la  pensée 
d'en  ériger  une  nouvelle,  dont  son  abbaye 
de  Sainte-Geneviève  a  toujours  été  le  chef, 
quoiqu'elle  ne  soit  que  la  troisième  qui  re- 
çut la  réforme,  qui  avait  été  auparavant  in- 
troduite dans  celle  de  Saint-Jean  de  Char- 
tres ;  et  nous  rapporterons  en  peu  de  mots 
l'origine  de  celte  célèbre  abbaye. 

Elle  fut  fondée  par  le  roi  Clovis  au  com- 
mencement du  vi"  siècle,  vers  l'an  511,  à  'a 
prière  de  la  reine  Clotilde,  son  épouse,  qui 
avait  procuré  la  conversion  de  ce  prince,  et 
à  qui  toute  la  France  est  redevable  de  la  foi 
catholique.  L'église  fui  consacrée  par  saint 
Rémi  en  l'honneur  des  apAtres  saint  Pierre 
et  saint  Paul,  dont  elle  retint  les  noms  jus- 
qu'à ce  que  sainte  Geneviève  y  ayant  été 
enterrée,  on  ajouta  celui  de  cette  sainte  à 
ceux  dos  saints  apôtres.  Mais  la  ville  de  Pa- 
ris ayant  reconnu  cette  petite  bergère  pour 
sa  patronne,  et  le  royaume  de  France  ayant 
expérimenté,  dans  plusieurs  occasions  par 
des  miracles  visibles,  la  protection  de  cette 
sainte  vierge,  cette  église  n'est  plus  connue 
présentement  que  sous  le  nom  de  cette  il- 
lustre patronne  de  la  capitale  du  royaume  de 
France. 

Clovis  y  ayant  mis  d'abord  des  chanoines 
séculiers,  ils  s'acquittèrent  de  leurs  obliga- 
tions pendant  un  temps  considérable,  jusqu'à 
ce  que  les  Normands,  n'ayant  pu  prendre 
Paris  en  84-5  et  846,  se  contentèrent  de  sac- 
cager les  faubourgs.  Leur  cruauté  n'ayant 
pas  épargné  ce  saint  lieu,  ils  le  pillèrent  par 
deux  fois  :  de  sorte  que  les  chanoines  ayant 
été  obligés  de  prendre  la  fuite,  le  service  di- 
vin ne  s'y  fil  plus  avec  tant  d'exactitude.  Ils, 
tombèrent  insensiblement  dans  le  relâche- 
ment, qui  s'augmenta  beaucoup  dans  la 
suite,  principalement  dans  le  xn*  siècle, 
qu'ils  en  furent  chassés,  et  l'on  mit  en  leur 
place  des  chanoines  réguliers  :  y  ayant 
donné  lieu  par  le  scandale  qu'ils  causèrent 
lorsque  le'pape  Eugène  111  alla  dans  leur 
église  l'an  11-18.  Ce  pontife,  qui  était  reli- 
gieux de  l'ordre  de  Cîleaux  et  disciple  de 
saint  Bernard,  avait  été  élu  pour  chef  de 
l'Eglise  universelle  après  la  mort  de  Luciuj  II, 
l'an  1145.  Une  sédiiion,  qui  s'éleva  aussitôt  à 
Rome,  l'obligea  d'en  sortir  avec  les  cardi- 
naux, qui  le  couronnèrent  au  monastère  de 
Farfe,  le  4  mars  de  la  même  année.  Il  revint 
à  Rome  après  que  la  révolte  eut  été  apaisée; 
mais  la  paix  et  la  tranquillité  n'y  durèrent 
pas  longtemps.  Le  pape,  fatigué  par  les  sédi- 
tions des  Romains,  vint  en  France  l'an  1148, 
et  fut  reçu  à  Paris  par  le  roi  Louis  VII,  dit 
le  Jeune,  cl  l'évcque  Thibaut,  auparavant 
prieur  de  Sainl-Marlin-dcs-Champs.  Ils  allè- 
rent au-devant  de  ce  pontife,  et  remmenè- 
rent en  grande  solennité  à  l'église  de  Nolra- 


585                                            DICTIONNAIRE  Uj.S  ORDRES  RELIGIEUX.  5Çt 

Dame.  Quelques  jours  après ,  Eugène  voulut  président,  et  Charles  de  Dormans,  conseiller, 

«lier  dire   la    messe   à   Sainte-Geneviève,  à  s'y  transportèrent    pour  tâcher  d'y  rétablir 

cause  que  celle  église  était  immédiatement  la  paix.  Leurs  bonnes  intentions  ne  furent 

soirtnise  au  saiot-siége. Quafld  il  y  fut  arrivé,  point   secondées,  au    contraire  le  désordre 

les    officiers   de    l'église   étendirent    drvant  augmenta  dans  la  suite  par  une  circonstance 

l'autel  un  tapis  de  soie,  où  il  se   proslerna  qui    ne   devait   pas    naturellement   produire 

pour  faire  son  oraison.  Ensuite  il  entra  dans  cet  effet. 

la  sacristie  et  se  revêtit  pour  la  messe.  Ce-  Joseph  Foulon,  qui  gouvernait  cette  ab- 
pendant  les  officiers  du  pape  prirent  le  ta-  bave  depuis  l'an  1357,  voulant  empêcher 
pis,  prétendant  qu'il  leur  appartenait  selon  qu'elle  ne  tombât  en  commande,  crut  que  le 
la  coutume;  les  chanoines,  au  contraire,  meilleur  expédient  était  de  résigner  son  titre 
prétendirent  qu'il  devait  rester  à  leur  église,  à  quelque  personne  de  qualité  qu'il  pût 
et  prirent  querelle  avec  eux.  Des  paroles  ils  faire  agréer  au  roi  et  à  ses  religieux,  par  la 
en  vinrent  aux  mains  :  les  oficiers  du  pape  considération  de  sa  naissance.  Pour  cet  effet 
furent  si  maltraités  par  les  chanoines,  qu'il  il  jeta  les  yeux  sur  Benjamin  de  Brichantea'u, 
y  en  eut  plusieurs  de  blessés,  et  le  roi  même  fils  du  marquis  de  Nangis,  qu'il'  reçut  à  la 
pensa  l'être  aussi,  voulant  apaiser  te  désor—  profession,  et  qu'il  fil  ensuite  élire  abbé 
dre.  Le  pape  et  le  roi,  pour  punir  ces  cha-  coadjuleur  peu  de  temps  avant  sa  mort,  qui 
noines  de  leur  insolence,  résolurent  de  met-  arriva  l'an  1007,  après  avoir  possédé  celte 
Ire  des  Bénédictins  en  leur  place  et  de  leur  abbaye  pendant  cinquante  ans. 
rtler  cette  églse.  Néanmoins  ,  comme  il  y  Quelque  temps  après,  ce  nouvel  abbé  fut 
avait  parmi  eux  des  personnes  distinguées  fait  évèqne  de  Laon,  de  sorte  qu'il  ne  résida 
par  leur  noblesse  et  leur  science,  on  ue  vou-  point  à  Sainte-Geneviève,  quoiqu'il  y  soit 
lut  pas  d'abord  les  priver  de  leurs  prében-  mort  et  enteré.  Ainsi,  les  religieux,  se 
(fcs,  mais  seulement  leur  en  laisser  le  revenu  voyant  sans  chef  pour  les  gouverner,  se  lais- 
pendant  leur  vie,  pour  être  réuni  après  leur  sèrent  aller  à  toutes  sortes  de  dérèglements, 
mort  à  la  mense  conventuelle.  L  abbé  de  et  ne  gardèrent  plus  aucune  observance. 
Saint-Victor  et  ses  religieux,  en  ayant  eu  Cela  dura  jusqu'en  l'an  1019,  que  l'évcque  do 
avis,  firent  tant  d'instances  auprès  de  ces  Laon  étant  mort,  le  roi  lui  donna  pour  suc- 
princes  pour  leur  accorder  cette  église,  allé-  cesseur  en  cette  abbaye  le  cardinal  de  la  Ro- 
guant  pour  raisons  que  les  chanoines  sécu-  chefoucauld,  et  Sa  Majesté  lui  témoigna  qu'il 
liers  s'accoutumeraient  mieux  à  leur  ma-  ne  l'avait  nommé  que  parce  que ,  con- 
nière  de  vivre  qu'à  celle  des  Bénédictins,  naissant  son  zèle,  il  ne  doutait  point  qu'il 
qu'ils  'obtinrent  leur  demande.  On  tira  de  ne  travaillât  de  toutes  ses  forces  pour  rendre 
I  abbaye  de  Saint-Victor  douze  chanoines,  à  celle  abbaye  son  premier  lustre,  et  que 
qui  furent  conduits  à  Sainte-Geneviève;  et  son  intention  était  que  les  choses  fussent 
l'un  d'eux,  nommé  Odon,  en  fut  élu  premier  remises  en  leur  premier  état,  quant  à  l'é- 
abbé.  Ainsi  ,  d'un  chapitre  séculier  cet'.e  leclion  libre  d'un  abbé  régulier,  sitôt  que  le 
église  fut  érigée  en  abbaye  l'an  1148.  bon  ordre  y  aurait  été  rétabli. 

C'est  ainsi  que  l'histoire  de  ce  différend  est  Le  cardinal  de  la  Rochefoucauld  recul  celte 
rapportée  dans  la  vie  de  saint  Guillaume  (1).  abbaye  à  ces  conditions,  et,  pour  seconder 
qui,  ayant  été  du  nombre  des  anciens  cha-  bs  pieuses  intentions  du  roi,  il  commença  à 
noines  séculiers,  se  joignit  aux  réguliers,  et  travailler  au  rétablissement  de  la  discipline 
fui  dans  la  suite  abbé  de  Roschildein  en  Da-  régulière.  Il  fil  assembler  en  l'année  1G21  ce 
nemark.  Néanmoins,  Suger,  abbé  de  Saint-  qu'il  y  avait  de  religieux  réformés  à  Paris, 
Denis,  qui  avait  eu  commission  du  pape  de  pour  l'assister  de  leurs  conseils  sur  les 
faire  ce  changement  e  i  cette  église,  rendant  moyens  qu'il  devait  prendre  pour  exécuter 
compte  à  ce  pontife  de  ce  qu'il  avait  fait,  dit  son  entreprise,  et  l'on  y  convint  de  certains 
que  ce  fut  pour  le  bien  de  la  paix  qu'il  n'y  articles  de  réforme  qui  furent  mis  par  écrit, 
mil  pas  des  Bénédictins,  comme  Sa  Sainteté  On  les  communiqua  aux  religieux  de  l'ab- 
l'avait  ordonné,  et  que  ce  fut  à  la  prière  des  baye  ;  quelques-uns  témoignèrent  vouloir 
chanoines  séculiers  qu'il  y  mil  des  religieux  s'y  soumettre.  Il  y  eut  même  d'abord  quel- 
de  Saint-Viclor.  que  apparence  de  régularité;  mais  cela  n'eut 
Ils  y  vécurent  conformément  à  leur  état  aucune  suite.  Il  fallut  employer  l'autorité  du 
jusqu'aux  guerres  des  Anglais;  mais  les  dés-  roi  pour  faire  recevoir  la  reforme.  De  dix- 
ordres  qu'elles  causèrent  donnèrent  occa-  neuf  anciens,  il  n'y  en  eut  que  cinq  qui  s'y 
sion  au  relâchement,  qui  s'introduisit  encore  soumirent;  et  Son  Eminence  fil  venir  de 
en  celle  maison  aussi  bien  que  dans  plu-  Sentis  douze  religieux  en  1624,  qu'il  condui- 
sieurs  autres,  comme  nous  avons  dit  ail-  sil  lui-même  à  l'église,  au  cloître,  au  ebapi- 
leurs;  et  il  s'augmenta  de  telle  sorle,  que  Ire  et  aux  doroirs,  pour  en  prendre  posses- 
sous  le  règne  de  François  1  '-,  le  parlement  sion.  H  établit  le  P.  Faurc  supérieur  de  celle 
fut  obligé  de  donner  commission  à  Pierre  maison  en  particulier  pour  avoir  la  dire- 
Brulard,  cous  illcr,  pour  informer  des  désor-  rlion  de  tout  le  spirituel,  non-seulement  à 
dres  qui  y  éiaient.  Mais,  bien  loin  que  cela  l'égard  de  ses  religieux,  mais  même  à  l'égard 
servit  à  rétablir  le  bon  ordre,  le  relâchement  de  ceux  de  l'ancienne  observance  qui  n'é- 
alla  jusqu'à  un  ici  point,  que,  quelques  an-  (aient  pas  encore  prêtres,  qu'il  obligea  de  S3 
nées    après,    Chrislophe   de  Thou,   premier  soumettre  à   lui,   et   de   lui   obéir  en  toutes 

(IJApud  Bellaiu!  ,  lom.  !,  April.,  Ad.  SS.,  pag.  0.0. 


585  GEN 

choses.  On  vil  en  peu  de  temps  la  réforme 
mire  un  merveilleux  progrès,  ayant  été  in- 
troduite dans  plusieurs  maisons,  ce  qui  lit 
que  la  congrégation  commençant  à  s'aug- 
menter, on  jugea  à  propos  de  lui  donner  un 
général. 

Ouelqucs  années  après,  on  poursuivit  en 
cour  de  Rome,  pour  rendre  cette  abbaye  éle- 
ctive de  trois  en  trois  ans,  sur  ce  que  le  roi 
s'était  démis  de  tout  dioit  de  nomination  à 
celte  abbaye,  cl  avait  consenti  que  non-seu- 
lement elle  fût  élective  comme  auparavant, 
mais  que  l'élection  d'un  ;i bbé  se  lit  tous  les 
trois  ans.  Le  pape  l'accorda  au  mois  do 
février  1534,  confirmant  aussi  cille  nom  elle 
congrégation.  L'on  assembla  ensuiie  le  cha- 
pitre général  composé  des  supérieurs  de 
quinze  maisons  qui  avaient  déjà  embrassé  la 
réforme,  cl  le  I!.  1'.  Faure  fui  élu  eanonique- 
nienl  pour  abbé  coadjulcurde  Sainte-Gene- 
viève et  général  de  lou'e  la  congrégation. 

Autant  que  les  religieux  avaient  de  joie  de 
son  élection,  autant  lui  causa-l-clle  de  cha- 
grin. Il  commença  par  un  acte  d'humilité  ; 
car  i!  voulut  senir  la  communauté  ;<u  réfe- 
Cloire  jusqu'à  la  fin  du  repas,  quelque  chose 
que  l'on  pût  l'aire  pour  l'empêcher;  et  il  con- 
serva loujouis  celle  pratique  toutes  les  fois 
qu'il  ofliciail  pontificalem.ent.Ce  n'était  poiul 
eu  lui  une  vaine  cérémonie,  mais  un  effet  sin- 
cère et  une  véritable  marque  de  la  disposition 
de  son  cœur;  car  il  était  humble  et  modeste,  et 
on  ne  s'.ipercevait  du  rang  qu'il  tenait  parmi 
ses  frères  que  par  les  marques  extérieures 
attachées  à  sa  dignité. 

Il  s',.cquitta  si  dignement  de  cet  emploi  , 
qu'il  fui  élu  plusieurs  fois  dans  la  suite  pour 
la  même  dignité,  et  il  était  général  pour  la 
troisième  (ois,  lorsqu'il  mourut  dans  le  teni|  s 
qu'il  travaillait  le  plus  pour  l'agrandissement 
de  sa  congrégation;  car  sa  pénitence  et  son 
application  continuelles  ayant  épuisé  ses  for- 
ces, la  fièvre  le  prit  dans  le  cours  de  ses  vi- 
sites à  Sentis.  Il  le  dissimula  d'abord  et  vint 
coucher  à  Nanlerre  sans  rien  dire  de  son 
mal,  qui,  augmentant  de  plus  en  plus,  l'obli- 
gea de  s'arrêter  dans  une  ferme  dépendante 
de  l'abbaye  de  Sainte-Geneviève,  proche  de 
Versailles,  où  le  cardinal  de  la  Rochefoucauld 
lui  envoya  son  carrose  avec  des  religieux. 
pour  le  ramener  à  Paris.  Mais  il  les  avait  déjà 
prévenus,  et  il  était  parti  pour  Chartres  lors- 
qu'ils arrivèrent,  voulant  s'y  rendre  le  même 
jour  et  même  prêcher  le  lendemain  à  cause 
de  la  letc  de  saint  Augustin.  Accable  de  son 
mal,  il  n'eut  pas  seulement  assez  de  force 
pour  célébrer  la  sainte  messe  ce  jour-là.  On 
le  transporla  à  Paris  avec  assez  d'incommo- 
dité, où,  étant  arrivé,  il  voulut  saluer  et  em- 
brasser loule  la  communauté  avant  de  se 
mettre  au  lit. 

Jl  acheva  néanmoins  pendant  sa  maladie 
les  constitutions  qu'il  avait  déjà  commen- 
cées. 11  dressa  des  mémoires  et  des  instru- 
ctions sur  quantité  de  points  particuliers  qui 
ont  beaucoup  servi  pour  le  bon  gouverne- 
ment de  cette  congrégation  ;  après  quoi  il  ne 
songea  plus  qu'a  la  mort;  et,  bien  loin  que 
ce.te  pensée  lui  causal  de  la  frayeur,  elle  lui 


C.EN 


380 


donnait  au  contraire  de  la  jo'e  el  de  la  con- 
solation. On  le  voyait  souvent  prosterné  au 
pied  d'un  rrucilix.  îl  était  presque  toujours 
dans  des  méditations  continuelles.  Il  n'ou- 
vi  ait  la  bouche  que  pour  exprimer  des  sen- 
timcnis  admirables;  et,  quoique  son  mal  fût 
pour  lui  une  a.-sez  grande  pénitence,  il  ne  se 
croyait  pas  pour  cela  exempt  de  pouvoir 
mortifier  son  corps,  lui  refusant  tous  les 
soulagements  superflus.  Enfin,  dans  le  temps 
qu'on  commençait  d'avoir  quelque  espérance 
de  sa  guérison,  il  lit  une  confession  générale 
el  demanda  le  saint  viatique. 

Comme  il  semblait  se  mieux  porter,  les  re- 
ligieux qui  étaient  présents  en  furent  extrê- 
mement surpris,  ils  n'en  pouvaient  compren- 
dre la  raison;  ils  le  supplièrent  de  vouloir 
épargner  celle  douleur  à  ses  enfants,  qui 
seraient  alarmés  quand  i!s  entendraient  celle 
nouvelle  ;  niais  il  répondit  qu'il  n'y  avait 
pointa  ditîéier,  et  que,  pour  éviter  ce  qu'on 
appréhendait  on  pouvait  faire  la  cérémonie 
pendant  la  nuit.  L'on  fit  ce  qu'il  souhaitait; 
cinq  ou  six  anciens  y  assistèrent,  et,  sitôt 
qu'il  vit  le  Sauveur  du  monde  entrer  dans  sa 
chambre,  il  se  jeta  à  genoux  pour  l'adorer 
elle  recul  avec  des  transports  d'amour  qui  ne 
se  peuvent  exprimer. 

Le  matin,  les  religieux,  qui  ignoraient  ce 
qui  s'était  passé  la  nuit,  le  vinrent  saluer, 
parce  que  c'était  le  jour  de  sa  fête.  Jamais  il 
ne  parut  plus  joyeux,  il  les  entretint  fami- 
lièrement, il  leur  fil  à  son  ordinaire  quelques 
exhortations,  donna  même  l'habit  à  un  po- 
stulant, et  traiui  de  plusieurs  affaires;  mais 
sur  le  soir  la  fièvre  s'élaul  augmentée,  il 
tomba  en  faiblesse,  il  pei  dit  tout  sentiment, 
el  on  n'eut  que  le  temps  de  lui  donner  l'ex- 
tréme-onction  ;  après  quoi  il  rendit  son  âme 
au  Seigneur  le  k  novembre  ItiiV,  étant  âgé 
de  cinquante  ans,  ayant  eu  la  satisfaction  de 
voir  sa  congrégation  augmentée  de  pius  de 
cinquante  maisons,  où  par  ses  soins  el  ses 
travaux  la  réforme  avait  été  introduite.  Son 
corps  fut  ouvert  et  enterré  à  Sainte-Gene- 
viève, après  qu'on  en  eut  lire  le  cœur,  qui 
fut  porte  à  Saint-Vincent  de  Senlis,  où  la  ré- 
forme avait  commencé,  et  ses  entrailles  fu- 
rent aussi  portées  à  Sainte-Catherine  du  Val 
des  Ecoliers  à  Paris. 

Après  sa  mort,  cette  congrégation  s'est 
tellement  augmentée  ,  qu'elle  est  présente- 
ment la  plus  ample  el  la  plus  nombreuse  do 
toutes  celles  qui  composent  l'ordre  des  cha- 
noines réguliers,  puisqu'elle  a  plus  de  cenl 
monastères,  dans  une  partie  desquels  les  re- 
ligieux sont  employés  à  l'administration  des 
paroisses  et  des  hôpitaux,  et  en  l'autre  à  la 
célébration  de 'l'office  divin  el  a  l'instruction 
des  ecclésiastiques  el  de  la  jeunesse  dans  les 
séminaires.  Elle  a  en  France  soixante-sept 
abbayes,  vingt-huit  prieurés  convenlucis, 
deux  prévôtés  et  trois  hôpitaux  ;  et ,  aux 
Pays-lias,  trois  abbayes  el  trois  prieures, 
outre  un  très-grand  nombre  de  cures.  La 
même  reforme  a  subsisté  pendant  un  temps 
dans  la  cathédrale  d'Uzès.  Ces  chanoines  ré- 
guliers disent  matines  le  soir  à  huit  heures, 
immédiatement  après  l'examen  de  conscieu- 


587 


DICTIONNAIRE  BES  ORDRES  RELIGIEUX. 


ce,  cl  les  litanies  de  la  sainte  Vierge;  et  se 
lèvent  le  matin  à  cinq  heures.  Ils  jeûnent 
tous  les  vendredis,  pourvu  qu'en  ces  jours-là 
il  ne  se  rencontre  point  de  fête  solennelle,  ou 
qu'il  n'y  «il  point  de  jeûne  d'Eglise  le  jeudi 
ou  le  samedi.  Ils  jeûnent  encore  toules  l.s 
veilles  des  fêtes  de  la  sainte  Vierge  et  de 
celles  de  saint  Augustin,  pendant  l'Àvenl,  et 
les  deux  jours  qui  précèdent  le  carême 
universel. 

Depuis  un  temps  immémorial,  l'un  des 
chanceliers  de  l'université  de  Paris  est  tiré 
de  l'abbaye  de  Sainte-Geneviève.  Entre  ceux 
qui  ont  rempli  cette  charge  depuis  la  réfor- 
me, le  P.  Jean  Fronteau  est  celui  qui  a  acquis 
plus  de  réputation.  II  était  d'Angers,  et  lut 
reçu  en  1G30  parmi  les  religieux  de  cello 
congrégation.  Il  enseigna  pendant  plusieurs 
années  la  philosophie  et  la  théologie,  il  avait 
appris  les  langues  grecque,  latine,  hébraï- 
que, syriaque  et  chaldéenne,  et  il  n'y  a  point 
d'ouvrages  en  ces  cinq  sortes  de  langues  qu'il 
n'ait  lus.  Il  parlait  aussi  les  langues  vivantes 
de  l'Europe,  et  dressa  celle  belle  bibliothèque 
de  Sainte-Geneviève  qui  a  été  augmentée  de 
plus  de  la  moitié,  l'an  1711,  par  celle  de  feu 
M.  l'archevêque  de  Reims  Michel  le  Tellier, 
qui  la  laissa  à  celte  abbaye  par  soa  testa- 
ment, ce  qui  la  rend  une  des  plus  considé- 
rables de  l'Europe,  étant  présentement  com- 
posée de  plus  do  soixante  mille  volumes  et 
d'un  cabinet  très-curieux. 

Le  P.  Fronteau  avait  élé  fail  chancelier 
de  l'université  en  ICiH,  et,  ayant  eu  depuis 
le  prieuré  de  Benetz  en  Anjou  et  ensuite  la 
cure  deMôntargïs,  il  en  lut  prendre  pos- 
session sur  la  fin  du  carême  de  l'an  1662,  et 
se  donna  tant  de  peine  durant  les  lèles  de 
Pâques  en  l'adminislration  des  sacrements 
et  en  la  visite  des  malades,  qu'il  en  tomba 
malade  lui-même  le  12  avril  de  la  même  an- 
née, et  mourut  le  17  suivant,  n'étant  qu'en 
la  quarante-huitième  année  de  son  âye. 

Le  P.  Lallemand,  qui  a  fait  un  abrégé  de 
sa  vie,  lui  succéda  dans  l'office  de  chancelier 
de  l'université,  et  a  élé  un  des  plus  illustres 
ornements  de  celle  célèbre  académie.  Avant 
d'élre  religieux,  il  en  avait  élé  plusieurs  fois 
reeleur,  et  après  la  mort  du  P.  Fronteau, 
elle  le  demanda  pour  chancelier  à  l'abbé  de 
Sainte-Geneviève,  qui  a  droit  d'y  nommer, 
et  qui  ne  pouvait  refuser  celte  dignité  au  P. 
Lallemand  sans  quelque  sorte  d'injustice.  II 
mourut  le  18  lévrier  1073,  âgé  de  cinquante 
ans,  après  avoir  pendant  un  long  temps  mé- 
dite la  mort  et  s'y  êlre  préparé.  11  nous  en  a 
laissé  des  preuves  par  les  livres  qu'il  a  co  im- 
posés sur  se  sujet. 

Le  P.  du  Moulinet  s'est  aussi  rendu  très- 
recommandable  dans  cette  congrégation  par 
sa  profonde  érudition,  surtout  par  la  con- 
naissance qu'il  avait  de  l'antiquité  et  des 
médailles. Entre  les  différents  ouvrages  qu'il 
a  donnés,  il  y  en  a  un  qui  traite  des  cha- 
noines réguliers  avec  la  description  de  leurs 
différents  habillements.  Celui  do  sa  congréga- 
tion consiste  en  une  soutane  de  serge  blan- 
che avec  un  collet  fort  large  et  un  rochel  de 
toile.  Lorsqu'ils  sont  a  la  maison,  ils  ont, 
(I)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  u<"  78,  79. 


3C3 

l'été,  un  bonnet  carré,  et  pendant  l'hiver  un 
camail  noir,  et  hors  le  monastère  ils  portent 
un  manteau  noir  à  la  manière  des  ecclésias- 
tiques, l'our  habit  de  chœur,  ils  oui,  l'été,  un 
surplis  et  une  aumusse  noire  sur  le  bras, l'hi- 
ver un  grand  camail  et  une  chape  noire  (1). 

Il  y  a  encore  eu  beaucoup  de  célèbres 
écrivains  parmi  eux,  et  entre  les  autres  les 
Pères  Chaponelle  et  le  Large,  qui  ont  fait 
des  recherches  et  des  dissertations  savantes 
et  curieuses  sur  l'histoire  des  chanoines  ré- 
guliers. Les  armes  de  cette  congrégation 
sont  d'azur  à  une  main  tenant  un  cœur  en- 
flammé, avec  ce' le  devise  :  Superemineat  Cha- 
rtlas. Entre  les  privilèges  dont  jouit  l'abbayè 
de  Sainte-Geneviève,  le  plus  considérable 
est  que  l'abbé  et  les  religieux,  à  la  descente 
de  la  châsse  de  celte  sainte,  patronne  de  Pa- 
ns, dans  les  calamités  publiques,  el  lorsqu'on 
la  porte  en  procession,  ont  la  droite  sur  l'ar- 
chevêque de  Paris  et  les  chanoines  de  la  ca- 
thédrale, et  que  l'abbé  donne  la  bénédiction 
dans  les  rues  aussi  bien  que  l'archevêque. 
Celle  abbaye,  suivant  les  privilèges  des  pa- 
pes et  des  rois  de  France,  n'est  jamais  va- 
ctnle,  et,  suivant  l'usage  ordinaire,  le  mort 
saisit  le  vif.  L'abbé  étant  mort,  le  premier 
et  le  second  assistant  lui  succèdent,  eu  vertu 
d'une  bulle  d'Alexandre  VII,  du  2  août  1055, 
et  lettres  patentes  du  roi,  le  tout  confirmé  et 
enregistré  aux  cours  souveraines.  Un  des 
privilèges  dont  jouit  cet  abbé  est  de  donner 
des  monitoires  comme  les  évêques,  et  il  a 
été  maintenu  dans  ce  droit  par  un  arrêt  du 
conseil  d'Elat. 

Voyez  la  Vie  du  P.  Faure  imprimée  d  Pa- 
ris en  1G!)S.  Du  Moulinet,  Hist.  des  diffé- 
rents habits  des  chan.  régul.  Hermant, Etablis- 
sement des  Ord.  relig.  Malingre,  Antiquités 
de  Paris;  el  Sammarlh.  Gall.  Christ.,  loin. 
IV,  pag.  1001. 

GEORGES  (Chevaliers  de  Saint-).  Voy. 
Bethléem. 

GEORGES  (Chevaliers  de  Saint-).  Foy. 
Constantin. 

GEORGES  (Ordres  divers  de  chevaliers 
de  Saint-) 
L'abbé  Giustiniani,  Schoonebeck,  M.  Her- 
mant et  quelques  autres  auleurs,  parlant 
dans  leurs  Histoires  des  Ordres  militaires, 
de  celui  de  Saint-Georges  dans  l'Autriche 
et  la  Carinthie,  disent  qu'il  y  ea  a  qui  en  attri- 
buent l'institution  à  Rodolphe  d'Hap'sbourg, 
premier  empereur  de  la  maison  d'Autriche, 
qui,  pour  rendre  cet  ordre  plus  illustre,  ac- 
corda au  premier  grand  maître,  entre  au- 
tres privilèges,  le  litre  de  prince,  et  lui 
donna  pour  lui  et  pour  ses  chevaliers  la 
ville  de  Millestad  dans  la  Carinthie,  où  il 
fonda  aussi  un  chapitre  de  chanoines  régu- 
liers de  l'ordre  de  Saint-Augustin,  sous  la  di- 
rection de  l'évêque,  quidevaii  êlre  choisi  de 
leur  corps, et  porter  aussi  bienqu'euxl'habit 
de  l'ordre,  llest  aisé  de  détruirecetleopinion, 
puisque  l'empereur  Rodolphe  mourut  l'an 
1291,  et  que  le  duché  de  Carinthie  n'appar- 
tenait pas  encore  à  la  maison  d'Autriche, 
qui  ne  le  posséda  qu'après  la  mort  d'Henri, 


5*i  GEO 

roi  de  Bohême  cl  dernier  due  de  Carinlhiè, 
oui,  s'étant  rendu  odieux  aux  peuples  de 
Bohême  par  ses  tyrannies,  lui  déposé  l  an 
1309  par  les  Eials  de  ce  royaume,  cl  ne  mou- 

rut  (,ue  l'an  1331.  

Quanta  lavilledèMilIeslad,  elle  n'a  jamais 

été  évéché;  mais  il  se  peut  l'aire  que  1  empe- 
reur Frédéric  III,  qui  est  le  véritable  fonda- 
teur de  cet  ordre,  ayant  donne  une  nclie  ab- 
baye de  l'ordre  de  Sainl-Benoit  dans  celte 
ville  pour  servir  de  demeure  aux  nouveaux 
chevaliers  et  chapelains  de  l'ordre  de  >aint- 
Geor«es,on  ait  donné  le  nom  de  chanoines 
à  ces'chapelains,  et  que  l'on  ait  pis  la  ville 
de  Neuslad  pour  Millestad,  car  cet  empereur 
fit  aussi  ériger  en  évéché,  dans  le  même 
temps,  la  ville  de  Neuslad,  dont  l'évèque  ne 
fui  point  soumis  pour  le  temporel  au  grand 
maître  de  l'ordre  de  Saint-lîeoi  «es,  comme 
prétendent  Mennéus,  de  Belloy  et  quelques 
autres,  qui  appellent  cette  ville  de  Neuslad, 
Cité  Neuve,  à  cause  de  son  nom  latin  cw .- 
lus  nova. 

Celle  abbaye  de  Millestad.  autrefois  chel 
d'ordre  des  chevaliers  de  Saint-Georges  , 
étant  présentement  en  la  possc  ssion  de-  Pè- 
res de  la  compagnie  de  Jésus,  le  1'.  Bollan- 
dus  a  parlé  de  l'origine  de  cet  ordre  mili- 
taire dans  un  traité  particulier  qu'il  a  laissé, 
et  qu'il  avait  dessein  de  faire  servir  de  sup- 
plément à  la  vie  de  saint  Domilien,  fonda- 
teur et  titulaire  de  cette  abbaye  ;  mais  le  P. 
Papebroch  a  trouvé  plus  à  propos  de  le  join- 
dre à  la  vie  de  saint  Georges  martyr  au  23 
avril,  où  il  parle  aussi  de  plusieurs  autr,  s 
ordres  militaires  qui  ont  pri3  ce  saint  pour 
palron  et  prolecteur.  Ainsi  nous  ne  croyons 
lias  pouvoir  nous  égarer  en  suivant  les  PP. 
Bollandus  et  Papebroch,  d'autant  plus  que 
ce  que  le  P.  Bollandus  a  avancé  n'est  fonde 
que  sur  les  balles  des  souverains  pontifes  et 
les  lettres  de  l'empereur  Maximilien  I*r. 

Ce  fut  donc  l'empereur  Frédéric  111  qui 
fonda  l'ordre  militaire  de  Saint-Gcoiges  en 
Aulriche,  vers  l'an  liC8.  11  voulut  qu'il  fût 
érigé  et  institué  par  le  sainl-siége  aposto- 
lique en  l'honneur  de  Dieu  et  de  la  sainic 
Vierge,  pour  l'exaltation  de  la  foi  catholi- 
que, pour  le  salut  de  sou  âme,  et  pour  don- 
ner du  lustre  à  la  maison  d'Autriche,  dont 
il  sortait.  Ce  prince,  ayant  élé  à  Borne  la 
même  année  pour  accomplir  un  vœu  qu'il 
avait  fait,  obtint  du  pape  Paul  II  l'érection 
de  tel  ordre  ,  ce  qui  se  prouve  par  la  bulle 
de  ce  pontife  qui  commence  ainsi  :  Satie 
charissimus  in  Christo  filius  noster  Frideri- 
cus  Rumanorum  iinperatur  semper  August.is, 
qui,  fervore  devotionis  accemus,  nuper  ad  vi- 
sitandum  s  cratiseima  BB.  Pétri  et  Pauli 
apnstolorum  et  alia  Ueo  dicata  loca,  ad  Al- 
mam  urbem  ex  voto  personaliter  se  contulit, 
nobishumiliier  explicavit,  quod  ipse  ad  lau- 
dem  et  gloriam  Omnipolentis  ac  gloriosœ 
virginis  Mariœ,  pro  exallaiionc  quoqtie  ca- 
tholicœ  fidei,  auimœ  suœ  salute,  ac  domus 
Auslriœ  (  a  qua  originem  traiit  )  commemu- 
ratione  et  décore,  unum  mililarem  ordinem 


C.F.0 


0 


fuh  invocatione  sanrti  Georgii  marlyris,  per 
nos  erigi  atque  inslitui  tola  mente desidernt. 

Quoique   le    pape    Léon    X   'lise  aussi    la 
même  chose,  on  ne  doit  pas  néanmoins  infé- 
rer de  là  que  cet  empereur  ne  soil  pas  le- 
fondateur   de    cet   ordre;    car   Jules    11    lui 
donne  celle  qualité  dans  une  autre  bulle,  où 
il  dit  positivement  qu'il   érigea  cet  ordre  et 
en  fut   le  premier   fondateur  :  Ordinem  Divi 
Georifii  marlyris  errxit  et  auctoritale  sanctœ 
sedis  apostolicœ  primas  fundavit.  Celles  du 
pape  Paul  II  et  de  Léon  X.  nous  apprennent 
ce  que   ce  prince   lit  après  avoir  fondé  son 
ordre.  11  prit  le  monastère  de  Mil!e>lad,  du 
diocèse  de   Salzbourg,  pour  en  faire  le    chef 
de  cet  ordre,  et  pour  senir  de  demeure  tant 
aux  chevaliers  qu'aux  chapelains.  Il  fit  re- 
bâtir l'ég'ise  à  ses  dépens,   accommoder  les 
cloîtres,    les  doi  loirs  et  les  autres  lieux  ré- 
guliers de  celte  abbaye,  qu'il  fournit  abon- 
damment de  meubles  et  d'autres  choses  né- 
cessaires  pour  l'usage  des  chevaliers,  dont 
pour  la  première  lois  il  nomma  un  pour  grand 
maître,    voulant  qu'à  l'avenir  il  fût  élu  par 
les  chevaliers,    toutefois  de    s  ;ii  consente- 
ment ou  du  chef  de  la  maison   d'Autriche; 
que    les    chapelains   ou    ecclésiastiques    se- 
raient gouvernés   par  un  prévôt   qui  serait 
leur  chef;   que  les  chevaliers,   le  prévôt  et 
les  prêtres   seraient  soumis  au   grand   mai- 
Ire  ;  que  la  première  chambre  serait  desti- 
née pour  son  logement,  la  seconde  pour  lo 
prévôt  des  prêtres,  la  troisième  pour  le  plus 
ancien  chevalier,   la  qualrièmc  pour  le  plus 
ancien  prêtre,   el  ainsi   des  autres  ;  de  telle 
sorte  qu'entre  deux  chevaliers  il   y  aurait 
un  prêtre,  et  entre  deux  piêlres  un  cheva- 
lier, et  qu'au  chœur  le  grand  maître  seule- 
ment aurait  la  première  place:  mais  que  les 
prêtres  précéderaient  tous  les  chevaliers. 

Le  grand  maître  et  les  chevaliers,  aussi 
bien  que  le  prévôt  et  les  prêtres,  devaient 
faire  vœu  de  chasteté  et  d'obéissance;  unis 
personne  n'était  obligé  à  celui  de  pauvreté. 
Ils  retenaient  seulement  la  propriété  de 
leurs  biens,  tant  du  patrimoine  que  d'ac- 
quêts, avec  la  permission  de  leur  supérieur, 
et  en  recevaient  les  revenus,  qu'ils  conver- 
tissaient à  leur  propre  usage,  sans  qu'il  leur 
fût  permis  de  rien  vendre  de  leurs  biens 
tant  meubles  qu'immeubles  ,  qui  apparte- 
naient entièrement  après  leur  mort  à  la  mai- 
son où  ils  avaient  fait  profession,  ou  à  quel- 
que autre  qui  en  dépendait.  L'habillement 
des  uns  et  des  autres  consistait  en  une  robe 
ou  soutane  de  quelque  couleur  que  ce  fût, 
pourvu  que  ce  ne  fûl  point  de  rouge,  de  vert 
ou  de  bleu;  et,  les  vUi.es,  toutes  les  fêtes  de 
la  sainte  Vierge,  et  tous  les  samedis,  ils  de- 
vaient mettre  par-dessus  cette  soutane,  ou 
robe,  une  autre  robe  blanche  de  la  même 
longueur  sur  laquelle  il  y  avait  nue  croix 

rouge  (!)•  .   , 

Le  pape,  après  avoir  marqué  les  prières 
que  les  chevaliers  devaient  dire  tous  les 
jours,  parle  ensuite  de  toutes  les  posses- 
s  ons  que  l'empereur   leur  avait  données, 


(l)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  80. 


591 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


savoir  :  l'abbaye  Je  Millcsfad  de  l'ordre  de 
Saint-Benoît,  la  commanderie  de  Morlieg  de 
l'ordre  des  clievalicrs  de  Saint-Jean  de  Jé- 
rusalem, siluée  dans  le  diocèse  de  Passai]  ; 
l'hôpital  et  '°  monastère  de  Saint-Martin  au 
même  diorèse ,  et  à  présent  de  ceUii  de 
Vienne;  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  nou- 
velle fondation  ,  et  l'église  paroissiale  du 
Mont-Siraden  au  diocèse  de  Salzbourg,  dont 
le  droit  de  patronage  appartenait  à  l'empe- 
reur; et  ce  pontife  supprima,  dans  le  mo- 
nastère de  Millestad  et  dans  la  commanderie 
de  Morbeg,  les  ordres  de  Saint-Benoit  et  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem.  11  y  a  des  auteurs 
qui  ajoutent  que  l'empereur  donna  encore  à 
ces  chevaliers  tous  les  biens  des  seigneurs 
de  Cranicberg,  dont  la  maison  était  nouvel- 
lement éteinte,  et  qu'ils  possédaient  aussi 
Traulmandorf,  Scharfenek  et  plusieurs  au- 
tres biens. 

Paul  11  permit  à  l'abbé  et  aux  moines  de 
Millestad  de  passer,  s'ils  voulaient ,  dans 
d'autres  monastères  de  l'ordre  de  Suint-Be- 
noît où  ils  trouveraient  des  récepteurs  bé- 
névoles, à  condition  que  les  chevaliers,  sur 
les  revenus  de  Millestad,  leur  donneraient 
de  quoi  s'entretenir  pendant  leur  vie,  et  que 
ce  monastère  aussi  bien  que  les  autres  égli- 
ses dont  nous  avons  parlé  ne  seraient  ja- 
mais changés  en  usages  profanes  ;  mais  que 
l'on  y  célébrerait  les  offices  accoutumés,  que 
l'on  acquitterait  les  fondations,  et  que  l'on 
exercerait  toujours  l'hospitalité  dans  l'hôpi- 
tal de  Saint-Martin.  Enlin  il  approuva  et 
confirma  l'ordre  de  Saint-Georges  ad  instar 
de  l'ordre  Teutonique  ;  et  Sixte  IV,  qui  suc- 
céda à  Paul  II,  le  1G  juillet  1471,  approuva 
aussi  cet  ordre. 

Jean  Sibenhirter.  qui  en  était  grand  maî- 
tre en  1493,  voyant  qu'il  avait  souffert  beau- 
coup de  perles,  tant  par  les  incursions  fré- 
quentes des  Turcs  que  par  les  guerres  que 
l'empereur  avait  eues  à  soutenir  contre  Ma- 
thias  V,  roi  de  Hongrie;  que  la  plupart  des 
villes  et  des  villages  étaient  abandonnés, 
qu'un  grand  nombre  d'églises  avait  été 
brûlé,  les  monastères  d'hommes  et  de  filles 
détruits,  qu'à  peine  restait-il  du  monde  pour 
cultiver  les  terres,  et  que  les  chevaliers  ne 
pouvaient  pas  résister  aux  farces  et  à  la 
puissance  des  Turcs;  il  institua  une  confré- 
rie ou  société  sous  le  nom  de  Saint-Geor- 
ges, dans  laquelle  pouvaient  entrer  des  per- 
sonnes de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  sans  être 
obligées  à  aucune  observance  régulière.  Les 
uns  devaient  pendant  un  an  combattre  con- 
tre les  Turcs,  à  leurs  dépens  ou  à  la  solde 
de  l'empereur,  et  les  autres  contribuer  par 
leurs  aumônes  et  leurs  libéralités  à  la  con- 
struction d'un  fort,  et  à  le  pourvoir  de  mu- 
nitions pour  servir  de  rempart  contre  les  in- 
cursions  de  ces  infidèles.  L'empereur  Maxi- 
milien  iLr  approuva  cette  société  par  ses  let- 
tres patentes  données  à  Inspruck  la  18  sep- 
tembre 1V.)J,  et  le  pape  Alexandre  VI  la 
confirma  l'an  1494,  ordonnant  qu'il  y  aurait 
deux  vicaires  généraux,  savoir  :  le  grand 
maître  de  l'ordre  de  Saint-Georges  et  l'évc- 

i!)   (<y  ,  h  li  lin  du  vol.,  n*  81. 


que  de  Gurck,  qui  y  présideraient,  et  aux- 
quels on  s'en  rapporterait  pour  tout  ce  qui 
regardait  le  spirituel;  et  que  l'empereur 
Maximilien  et  ses  successeurs  dans  les  du- 
chés d'Autriche,  de  Sljrie,  de  Carinlhie  et 
de  Carniole,  députeraient  deux  ou  plusieurs 
capitaines  généraux  auxquels  on  ihéirail 
pour  les  choses  qui  concernaient  la  guerre, 
et  qu'ils  recevraient  le  serment  de  fidélité  et 
d'obéissance  (1). 

L'empereur  ordonna  que  ceux  qui  seraient 
de  cette  confrérie  auraient,  pour  les  distin- 
guer, une  croix  d'or  avec  une  couronne  et  un 
cercle  d'or,  que  chaque  chevalier  pourrait 
enrichir  de  pierreries  ou  autres  pierres  pré- 
cieuses à  sa  volonté,  et  qu'ils  la  pourraient 
porter  publiquement,  en  présence  des  rois 
et  des  princes,  à  leur  chapeau  ou  à  leur 
bonnet,  ou  en  tel  autre  lieu  que  bon  leur 
semblerait.  Le  même  Maximilien  leur  ac- 
corda beaucoup  de  privilèges  par  ses  lettres 
données  à  Anvers  le  jour  des  saints  apôtres 
Simon  et  Jude,  de  l'an  1494;  entre  autres  il 
voulut  qu'ils  précédassent  tous  les  autres 
chevaliers,  qu'on  les  appelât  Chevaliers 
Couronnés,  et  que  leurs  enfants  portassent 
(k2)  couronne  sur  leurs  armes.  L'évéque, 
en  les  recevant  chevaliers,  leur  attachait  la 
croix  au  bras,  leur  mettait  en  main  un 
cierge  ,  et  des  gentilshommes  leur  atta- 
chaient les  éperons.  Enfin  le  pape  Alexan- 
dre VI  déclare  par  sa  bulle  qu'il  a  voulu  se 
faire  inscrire  dans  celte  confrérie  aussi  bien 
que  plusieurs  cardinaux,  et  il  adressa  un 
bref  à  tous  les  évêques  d'Allemagne,  dans 
lequel  il  leur  recommanda  celle  milice,  à 
laquelle  il  accorda  beaucoup  d'indulgence-  ; 
c'est  pourquoi  il  se  trouve  encore  une  or- 
donnance de  Jean  Sibenhirter,  grand  maitre 
de  l'ordre  de  Saint-Georges,  où  il  traite  ce 
pape  de  confrère  :  Or  émus  pro  sanclissimo 
nostro  Alexandro  VI  confratre  noslro. 
L'empereur  Maximilien  dit  aussi  dans 
ses  lettres  qu'il  a  voulu  être  inscrit  au 
nombre  des  confrères,  et,  dans  celles  qu'il 
écrivit  à  Jean  ,  roi  de  Navarre,  le  IG  octo- 
bre 1511  ,  il  dit  que  son  père  ,  l'empereur 
Frideric,  à  cause  de  la  grande  dévotion  qu'il 
portait  à  saint  Georges  ,  avait  voulu  entrer 
dans  cet  ordre;  et  que,  pour  lui,  suivant  les 
traces  de  son  père,  il  a  dessein  de  le  conser- 
ver et  d'augmenter  ses  revenus.  Le  pape  Ju- 
les Il  ,  parlant  de  cet  empereur,  dit  qu'il 
avait  résolu  d'entrer  dans  l'ordre  de  Saint- 
Georges,  de  s'y  consacrer  pour  le  reste  do 
fes  jours,  de  s  opposer  aux  infidèles  qui  vou- 
laient ravager  la  vigne  du  Seigneur,  et, 
avec  les  Frères  de  cet  ordre,  répandre  jus- 
qu'à la  dernière  goutte  de  son  sang  pour  la 
défense  et  l'augmentation  de  l'Eglise  et  de 
l'Empire,  et  de  recouvrer,  a»ec  le  secours 
du  ciel,  la  ville  de  Jérusalem,  cet  e  de  Cons- 
tanlinople  et  les  autres  lieux  qui  étaient  oc- 
cupés par  les  infidèles.  Le  même  pape  ,  en 
confirmant  cet  ordre,  lui  accorda  beaucoup 
d'indulgences;  et  Léon  X,  en  le  confirmant 
de  nouveau  aussi  bien  que  la  confrérie  ou 
société  qui  y  avait  été  annexée,  lui  accorda 
encore  des  indulgences  et  les  mêmes  privi- 

(2)  Voy.,  i  la  Un  du  \ol.  u°  62. 


583                            GEO  GEO                             T,'J4 

léges  donl  jouissaient  les  autres  ordres  mili-  une  balle  de  Sixle  V  qui   institua  les  cheva- 

taires.  liers  de  Lurcue. 

Mais  l'ordre  de  Saint-Georges,  nonobstant  L'abbé  Giusliniani,  Menneus,  Hermant, 
toul  ce  que  l'empereur  Maximilicti  lit  pour  Schoonebeeck  et  le  P.  Bonanni,  dans  leurs 
son  agrandissement,  et  les  précautions  qu'il  Histoires  des  Ordre*  mil  taira. 
prît  pour  qu'il  pût  se  conserver  dans  sa  Ces  auteurs  parlent  aussi  d'un  ordre  mili- 
splcudeur,  a  eu  le  même  sort  que  plusieurs  (aire  à  Gènes,  dont  ils  rapportent  l'institution 
autres  dont  il  ne  reste  plus  que  la  mémoire  ;  à  l'empereur  Frédéric  III.  L'abbé  Giusli- 
et  tes  guerres  civiles,  principalement  celles  nia  ni,  te  P.  Bonanni  et  Schoonebeeck,  di- 
qui  s'élevèrent  en  Allemagne  au  sujet  île  la  sent  que  ce  prince  ,  revenant  de  Rome 
religion,  ont  causé  sa  ruine.  Les  ducs  d'Au-  l'an  \'±~i,  passa  par  Gènes  où  il  fut  reçu 
triche  et  les  princes  s'emparèrent  des  biens  avec  beaucoup  .le  magnifleence,  et  que,  pour 
qui  lui  appartenaient  et  se  trouvaient  sur  marquer  sa  reconnaissance  envers  cette  ré- 
leurs terre>;  et  enfin  l'archiduc  Ferdinand,  publique,  il  institua  un  ordre  sous  le  nom  et 
qui  fut  ensuite  empereur  sous  le  nom  de  la  prolecl  on  de  saint  Georges,  et  donna  pour 
FYnlinan  III.  donna,  avec  le  consentement  du  marque  aux  chevaliers  une  crois  rouge  (3)  ; 
pape  ,  l'an  1398,  aux  Pères  de  la  compagnie  mais  que,  comme  il  avait  Lit  le  doge  de  cette, 
de  Jésus,  le  couvent  de  Millestad  pour  la  l'on-  république  chef  ou  grand  maître  de  cet  or- 
dation  de  leur  collège  de  Gratz  en  Slyr.ie.  dre,  et  que  ce  doge  change  tous  les  deux 
Ceux  qui  ont  dit  que  l'empereur  Frédéric  IV  ans,  l'ordre  n'avait  pu  se  maintenir  et  était 
avait  institué  1  ordre  militaire  de  Saint-.ffeor-  entièrement  éteint.  Il  est  vrai  que  l'empe- 
ges,  mettent  sans  doute  au  nombre  des  em-  reur  Frédéric  111  alla  à  Home  en  Hori  pour 
pereurs  Frédéric  d'Autriche,  qui  fut  le  com-  s'y  faire  couronner  avec  l'impératrice  Fléo- 
pcliteur  de  l'empereur  LuuisV,  et  qui  lui  dis-  nore  son  épouse  ;  mais,  comme  il  y  retourna 
pula  l'empire  pendant  neuf  années;  mais,  eu  liCS  (comme  nous  avons  dit)  et  qu'il  pria 
comme  la  plupart  des  écrivains  ne  le  mettent  le  pape  Paul  II  d'ériger  et  approuver  l'ordre 
point  au  nombre  des  empereurs,  non  plus  de  Saint-Georges,  auquel  il  ût  unir  par  co 
que  Frédéric  de  Bruns  vick,  qui  fut  élu  après  pontife  l'abbaye  de  Millestad  pour  la  princi- 
la  mort  de  Venceslas,  et  qui  fui  lue  lorsqu'il  pale  demeure  des  chevaliers,  il  se  peut  faire 
venait  pour  prendre  la  couronne  impériale  que  cet  empereur,  passant  à  son  retour  par 
à  Francfort,  nous  avons  donné  à  l'insti»  Gênes,  créa  quelques  nobles  Génois  cheva- 
tuiiur  de  l'oidre  militaire  de  Saint-Georges  liers  de  ce  nouvel  ordre,  et  que  l'on  a  tiré 
le  nom  de  Frédéric  111,  et  ce  que  nous  avons  de  là  une  conséquence  qu'il  avait  institué  uu 
dit  de  cet  ordre  la  t  assez  connaître  que  ces  ordre  à  Gènes  sous  le  nom  de  saint  Georges, 
chevaliers  étaient  véritablement  religieux.  Comme  ces  auteurs  n'apportent  point  de 
L'abbé  Giusliniani,  de  lielloy,  Schoone-  preuves  solides  pour  l'existence  de  celordre, 
beeck,  Menneus,  Hermant,  Bonanni  et  Fa-  je  ne  fais  point  de  difficulté  de  le  mettre  au 
vin,  dans  leurs  Histoires  des  Ordres  militai-  nombre  de  ceux  qui  sont  supposés,  aussi 
rw;  et  Botland.,  ium.   III  ApriL,  p*g.  133.  bien   que    celui    de  Saint-Georges    à    Rome 

11  y  a  plusieurs  auteurs,  comme  Menneus,  donl  nous  avons  parlé  ci-dessus. 

Tambourin,    Schoonebeeck,  M.  Hermant  et  r,.,,,,,,,™                    ,          « 

quelques  autres,  qui  ont  parlé  d'un  ordre  de  GEORGES  au  comte  de  Bourgogne   (Che- 

Saint  Georges    institué    par   Alexandre    VI  valiers  de  Saint-). 

pour  la  défense  de  l'Eglise  contre  les  enne-  Quoique  Gollut,    dans   ses  Mémoires  de 

mis  de  la  foi  (1).  quelques-uns  disent  que  ce  Bourgogne,  parlant  des  chevaliers  de  Saint- 

ful  l'an  li92  que  ce  pape  [institua.  M.  Her-  Georges   dans   le   comté  de    Bourgogne,    ne 

inanl    prétend   que   ce    ne   fut   qu'en  1V98  ;  donne  à  leur  société  que  le  litre  de  confrérie, 

ma. s  te  pape  n'a  point  institué  d'ordre  mili-  elle  n'en  doit  pas  être  moins  regardée  comme 

taiie,   et  celui  que  ces   historiens    luialtii-  Un  ordre  de  chevalerie,  puisque,  pour  y  élre 

bueuf  est  le  même  que   celte   confrérie  ou  ,vcu,    j|   [aut    faire    preuve   de  Irente-deux 

société  que  l'empereur  Maxim. lien  joignit  il  quartiers   de  noblesse   du  coté  paternel,  et 

l'ordre  de  Saint-Georges  dans  la  Carinlhie,  autant  du  côté  maternel;  de  même  que  l'or- 

et  qui   fut    confirmé    par   le  pape   Alexan-  dre  de  la  Jarretière  en  Angleterre  ne  doit  pas 

dre  \1,  l'an  149*.  eire  regardé  comme  Une  simple   confrérie, 

L'abbé   Giusliniani,  Menneus,    Schoone-  parce  que  Froissard  ne  lui  donne  que  ce  ti- 

beeck,  Hermant  et  le  P.  Bonanni,  Hist.   des  lri.,   qUj  était  donné  à  presque  tous  les  or- 

Ord.milit.;t\.  ïambur.,  de  Jur.Abb.disp.-2h.  dres  de  chevalerie  dans  leur  origine.  La  so- 

On  attribue  encore  l'institution  d'un  ordre  ciété  des  chevaliers  de  Saint-Georges,  dont 

militaire   sous  le  nom  de  Saint-Georges,  au  n0Us  parlons   dans   cet   article,    peut   avoir 

pape   Paul  111,   qui   assigna  la   ville  de  Ra-  été  instituée,    selon   le   même   Gollut,   vers 

vennes  aux  chevaliers  pour  leur  demeure  (2).  pan  1390  ou  liOO,  parce  qu'il  y  avait,  dit-il, 

Ils    devaient   veiller  à  la    déiense   de  cet.e  en  ce  lemps-là  quelques  gentilshommes  qui 

ville,  et  donner  lâchasse  aux  co.saires  qui  furent  du   nombre  des  premiers  confrères, 

venaient  sur   les  côles  de  la    Marche  d'Au-  comme  Hombert  de  Rougemont,  sieur  d'Ut- 

cône.  Cet  ordre  lui  aboli  dans  la  suile  par  le  sie;  Jean  deltye,  sieur  de  Til-Caslel  ;  Flienne 

pape  Grégoire  XIII,  a  ce  que  dit  l'abbé  Giu-  de  Monstret,  sieur  de  Villeroy-le-Bois.et  Phil- 

stiniani,  qui  prétend  que  cela  se  justifie  par  bert  de  Miolaus,  fondateur  de  la  confrère 

il)    l'q/.,  à  la  lin  du  vol.,  n°  S3.  iô)  \'0ij.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  85. 
(■)  Vuy.,  a  la  l:ii  du  vol.,  n"  SI. 

Dictionnaire  des  Ohores  beligieux.  II.  13 


395 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


3'JG 


Nous  avons  un  recueil  des  armoiries  de  tous 
ers  chevaliers,  depuis  leur  institut  ion  jusqu'en 
l'an  1663)  qu'elles  furent  gravées  et  données 
au  public  sous  le  titre  A' Etat  de  la  confrérie 
de  Saint-Georges,  autrement  dite  de  Routjc- 
mont  en  Franche-Comté.  Ces  chevaliers  por- 
tent pour  marque  de  leur  ordre  un  saint 
Georges  d'or  massif,  et  à  leur  réception  ils 
font  serment  de  maintenir  dans  la  province 
la  pureté  de  la  religion  catholique  et  l'obéis- 
sance au  souverain. 

C'est  à  la  dévotion  de  Philberl  de  Miolans, 
gentilhomme  du  comté  de  Bourgogne,  que 
l'on  doit  cet  établissement,  qu'il  fil  à  son 
retour  d'un  voyage  d'Orient,  d'où,  ayant  ap- 
porté quelques  reliques  de  saint  Georges,  il 
lit  bâtir  une  chapelle  proche  l'église  parois- 
siale de  Rougemonl,  dont  il  était  seigneur  en 
partie;  et,  les  ayant  fat  mettre  dans  une  ri- 
che châsse,  il  convoqua,  l'an  13i>9,  un  grand 
nombre  de  gentilshommes  de  ce  comté  pour 
assister  à  la  translation  de  ces  reliques,  qui 
fut  faite  avec  beaucoup  de  magnificence. 
Ces  gentilshommes,  voulant  témoigner  la 
dévotion  particulière  qu'ils  avaient  pour  ce 
saint  martyr ,  s'unirent  dès  lois  ensemble, 
s'engageant  d'assister  à  tous  les  services  et 
offices  que  Phîlbert  de  Miolans  avait  fondés 
dans  cette  chapelle.  Ils  firent  quelques  rè- 
glements, et  donnèrent  à  leur  chef  le  titre  de 
bâtonnier,  qu'on  a  changé  depuis  en  celui 
de  gouverneur;  et  ils  élurent  pour  premier 
bâtonnier  ce  Philbcrt  de  Miolans,  qui  donna 
sa  maison  de  Rougemonl  à  celte  confrérie. 

L'an  1485,  l'on  fit  des  statuts  qui  portaient 
entre  autres  choses  que  chacun  aurait  son 
rang  selon  l'ordie  de  sa  réception  dans  la 
confrérie,  sans  avoir  égard  à  aucune  dignité, 
richesses,  chevalerie,  ni  autre  chose  donnant 
prééminence;  que  tous  les  ans  ils  s'assem- 
bleraient la  veille  de  la  iéle  de  saint  Geor- 
ges ,  audit  lieu  de  Rougemonl,  pour  faire  le 
service  divin,  accompagner  le  bâtonnier,  et 
traiter  des  affaires  qui  concerneraient  la 
confrérie;  que  celui  qui  ne  pourrait  s'y  trou- 
ver enverrait  au  bâtonnier  les  droits  dus  à 
la  confrérie  et  les  excuses  de  son  absence  ; 
qu'ils  iraient  en  la  maison  du  bâtonnier,  de- 
vant lequel  ils  marcheraient  deux  à  deux,  te- 
nant un  cierge  à  la  main;  qu'ils  demeure- 
raient à  l'église  pendant  le  service  sans  en 
pouvoir  sortir;  que  les  ecclésiastiques  se- 
raient revêtus  de  surplis  et  précéderaient  les 
confrères  ,  que  le  jour  de  saint  Georges  l'on 
chanterait  les  vêpres ,  et  qu'ensuite  l'on  di- 
rait les  vigiles  des  morts, et  que  le  lendemain 
l'on  dirait  trois  messes  hautes,  Tune  du 
Saint-Esprit,  une  autre  de  la  Vierge  ,  et  la 
troisième  des  morts  pour  les  confrères  décé- 
dés ;  que  le  bâtonnier  y  offrirait  du  pain  ,  du 
vin  et  l'épée  du  dernier  confrère  qui  serait 
décédé,  dont  1rs  confrères,  ses  pareil1  s,  pré- 
senteraient aussi  l'écu  de  ses  armes  ,  et  que, 
s'il  y  en  avait  plusieurs  qui  fussent  décédés, 
les  autres  confrères  feraient  la  même  chose; 
que  si  quelques  confrères  se  trouvaient  dans 
le  lieu  auquel  l'un  des  confrères  décéderait, 
ils  porteraient  son  corps  à  l'église  ,  et  que  , 
n'étant  pas  en  nombre  suffisant,  ils  l'accom- 


pagneraient au  moins,  et  demeureraient  dans 
l'église  jusqu'à  ce  que  son  corps  fût  mis    en 
terre  ;  que  tous  les  ans  ils  payeraient  au  bâ- 
tonnier un  franc  pour  tes  frais  de  l'office  di- 
vin ;quc  le  bâtonnier  donnerait  à  la  collation 
du  pain  et  du  vin  seulement  ,    et  le  jour  de 
s;iint  Georges,  à   dîner,    du   bouilli    seule- 
ment ,  et   à  souper  du  rôti  avec  deux  sortes 
de  vin  pur  et   net,   sans  excès  ;  autrement , 
que  le  procureur  de  la  confrérie  prendrait  le 
surplus  et  le  distribuerait  aux  pauvres  :  que 
le  jour  de  saint  Georges  on  donnerait  la  col- 
lation comme  le  jour  précédent,  elque,  pour 
supporter  les  frais,  on  donnerait  au  bâton- 
nier six  gros  vieux  ;    que    chaque  confrère 
payerait  aussi  au  procureur  deux  gros  pour 
la  rétribution   des   chapelains;  que  le  bâton 
serait  donné  par  i  rdre  de  réception  ,  et  que, 
si  celui  qui    devait  être   bâtonnier   refusait 
cet  emploi ,   il  payerait  dix  livres  ;  que   son 
nom  serait  rayé  de  la  liste  des  confrères  ,  cl 
l'écu  de  ses  armes  ôlé  de  sa  place; que  celui 
qui   serait    reçu  dans  la  confrérie  enverrait 
dans  l'année   l'écu  de  ses  armes   blasonnées 
pour  être  mis  en  sa  place,  dans  la  chapelle  ; 
que  s'il  arrivait  différend  entre  les  confrères, 
et   que.   quelqu'un  ne  voulût  pas  acquiescer 
au  jugement  qui  en  serait  donné  p  ir  les  au- 
tres ,  il  serait  exclu  de  la  confrérie;  qu'ils 
ne  pourraient  soutenir  plus  d'un  an  une  sen- 
tence d'excommunication,  et  ne  feraient  rien 
contre  leur  honneur,  sous  peine  d'être  aussi 
exclus  ;  qu'ils   poi  teraient  toujours    l'image 
de  saint  Georges,  et    que,  s'ils  manquaient 
de  se  trouver  deux  ans    de    suite  à   Bouge- 
mont  ,    leur  nom    serait  biffé  de  la  liste  des 
confrères  :  enfin    que   les  héritiers  des  con- 
frères décédés  seraient  tenus  dedonner  trente 
sous  à  la   confrérie,    qui   ne   pourrait    être 
composée  que  de  cinquante  gentilshommes. 
L'an  1487,  on  ajouta  à  ces  statuts  que  le 
bâtonnier   serait  obligé  de  donner  à  souper, 
outre  la  collation,  la  veille  de  la  fête  de  saint 
Georges  ;  et,  sur  ce  que  quelques  bâtonniers 
manquèrent   d'y    satisfaire,   il  fut  ordonné, 
l'an  1494.,  que  chaque  bâtonnier  manquant  à 
celte  obligation  payerait  quarante  livres.  Le 
nombre  des  confrères   était   augmenté    l'an 
1504  jusqu'à  cent  sept  ;  et  en  1518  ils  ordon- 
nèrent que  les  héritiers  du  bâtonnier  feraient 
les  repas  qu'il  n'aurait  pu  faire,  sur  peine  de 
50  livres.  L'an  1552  ,  l'on  ajouta  encore  aux 
statuts    que    dans   ces  sortes  de  repas  il  n'y 
aurait  point  d'autre  viande  que  du  bœuf,  du 
mouton,  du  veau,  du  cabris,  du  cochon,  des 
chapons,  des  poules  et  des  poulets,  sans  au- 
cune   pâtisserie    pour  le  dessert ,  et  que  les 
confrères  seraient  tenus  de  faire  preuve  de 
noblesse.  Mais  ces   repas  ont  été  retranchés 
depuis.  Les  assemblées  se  tiennent  présente- 
ment dans  l'église  des  Carmes  de  Besançon. 
Le  baron  de  Champlilc ,  gouverneur  de  la 
Franche-Comté,  s'élant  fait  inscrire  au  nom- 
bre des  confrères  l'an  1569,  l'on  lit  un  nou- 
veau statut  par  lequel  l'on  recommanda  l'ob- 
servance des  anciens  ;    et  l'on  ajouta  que  les 
confrères  feraient  serment  de  vivre  et  mou- 
rir dans  la  religion  catholique,  apostolique 
et  romaine,  et  d'obéir  à  Philippe  11, roi  d'Ks- 


507  CEO 

pagne,  et  à  ses  successeurs  au  comté  de 
Bourgogne  ;  sur  quoi  le  duc  de  Tolède,  gou- 
verneur des  Pays-Bas,  leur  témoigna  la  re- 
connaissance qu'il  en  avait  par  une  lettre 
qu'il  leur  écrivit .  et  on  élut  un  gouverneur 
de  la  confrérie.  11  parait  que  l'on  y  recevait 
aussi  quelquefois  des  femmes;  car,  dans  une 
liste  de  ces  confrères,  l'on  trouve  Henriette 
de  Vienne,  dame  de  Rouçemoat,  cl  Jeanne 
de  Chauvirey,  dame  de  Bevouges.  Ces  con- 
frères prennent  présentement  la  qualité  de 
chevaliers  de  l'ordre  de  Saint-Georges,  et 
portent  pour  marque  de  cet  ordre  un  saint 
Geoigesà  cheval,  tenant  un  dragon  sous  ses 
pieds,  le  tout  d'or  massif  du  poids  d'une  pis— 
lole  ou  plus,  à  leur  volonté,  attaché  à  un  ru- 
ban hleu. 

Gollut,  Mémoires  de  Bourgogne;  et  VElat 
de  la  confrérie  de  Saint-Georges  dite  de  R<:U~ 
gemont,  imprimé  en  U>G3. 

GEORGI.S  d'ALFAMA  (Chevaliers  ce 
Saint-).  Voy.  Monticsa. 

GI'OllGES  eh  Sicile    (Congrégation    de 
Saint-).  Voij.  Georges  in  Algha. 
GEORGES  IN  ALGÎÏA  (Chanoines  séculiers 

de  Saint-). 
Des  chanoines  séculiers  de  la  congrégation  de 
Soini-Georges  in  Algha  ci  Venise,  avec  lu 
rie  de  saint  Laurent  Justinien,  patriarche 
de  Venise  et  l'un  des  fondateurs  de  cette 
congrégation. 

L'on  accordera  aisément  les  différentes 
opinions  louchant  les  fondateurs  de  la  con- 
grégation de  Saint-Georges  in  Algha,  si  l'on 
considère  que  ce  fut  par  la  force  des  prédi- 
calions  du  V.  P.  Barthélémy  Colomne,  dont 
nous  avons  déjà  parié  ,  et  par  son  conseil  , 
qu'Antoine  Corrario  et  Gahriel  Gondelmaire, 
lous  deux  neveux  de  Grégoire  XII, et  le  der- 
nier l'un  de  ses  successeurs  sous  le  nom 
d'Eugène  IV,  résolurent  de  se  donner  entiè- 
rement à  Dieu  en  établissant  une  commu- 
nauté où  ils  menaient  une  vie  apostolique, 
vivant  en  commun  ,  et  où  plusieurs  nobles 
Vénitiens  se  joignirent  à  eux ,  du  nombre 
desquels  fut  saint  Laurent  Justinien  ,  qui 
dans  la  suite  lut  patriarche  de  Venise.  Car 
il  y  en  a  qui  ont  prétendu  que  Barthélémy 
Colomne  a  été  le  fondateur  de  cette  congré- 
gation :  d'autres  ont  attribué  cet  honneur  à 
Gabriel  Gondelmaire,  d'autres  à  Antoine 
Corrario  et  Gabriel  Gondelmaire;  d'autres 
enfin  ,  et  qui  ont  été  les  plus  suivis  ,  disent 
que  c'est  saint  Laurent  Jusiinien  ,  apparem- 
ment parce  qu'il  a  été  le  premier  général  de 
cette  congrégation  ,  et  qu'il  en  a  dressé  les 
statuts  et  règlements.  Nous  n'avons  gai  de 
de  lui  refuser  ce  tiire  de  fondateur  ,  que  les 
papes  Clément  VIU  et  Paul  V  lui  ont  donné, 
lorsqu'ils  ont  accordé,  en  1598  el  1605,  aux 
chanoines  de  cet  ordre  de  célébrer  sa  féle  et 
de  réciter  son  ofûce  ;  mais  on  ne  peut  en 
même  temps  ôler  celte  qualité  de  fondateur 
à  Antoine  Corrario,  puisque,  sur  son  tom- 
beau, qui  est  dans  l'église  de  Saint-Georges 
in  Algha,  à  Venise,  on  lit  cette  inscription  : 
Sepulcrum  piissimi  Patris  Dom  Antonii 
Corrarii  beatœ  memoriœ  episcopi  Osliensis, 


GEO 


:-i: 


Cardinalis  Bononiensis,  fundatoris  hujus 
Congregationis,  qui  obiit  nnno  a  Nativitatc 
Domini  M.  CD. XL  V.  die  19  jan.  Oratepro  eo 

semper. 
Ce  que  l'on  voit  aussi  sur  celui  d'Eugène  IV, 
qui  est  à  Rome,  dans  l'église  de  Saint-Sau- 
veur in  Lauro,  nui  appartenait  à  celte  con- 
grégalion  lorsqu'elle  fut  supprimée,  comme 
no:is  le  "lirons  dans  la  suite. 

Ce  fut  sous  le  pontificat  de  Bonifare  IX, 
l'an  liOi ,  qu'Antoine  Corrario  et  Gabriel 
Gondelmaire,  nobles  vénitiens,  désirant  ser- 
vir Dieu  plus  parfaitement  en  méprisant  les 
pompes  el  les  vanités  de  ce  monde,  aban- 
donnèrent leurs  maisons  et  leurs  biens,  et 
choisirent  d'abord  pour  leur  retraite  une 
église  proche  Vicence,sous  le  tiire  de  Saint- 
Augustin.  Leur  vie  exemplaire  leur  ayant  en 
peu  de  lemps  attiré  plusieurs  compagnons, 
i't  le  lieu  se  trouvant  trop  polit,  ils  allèrent  à 
Venise,  où  ils  résolurent  d'établir  leur  de- 
meure au  monastère  de  Saint-Nicolas  nu 
Liera,  regardant  ce  lieu  comme  relire  et  éloi- 
gné du  bruit  du  monde  ,  où  ils  pourraient 
plus  tranquillement  vaquer  à  la  prière  et  à 
l'oraison;  mais  Louis  Barbo,  prieur  du  mo- 
nastère de  Saint-Georges  in  Algha,  de  l'ordre 
d.e  Saint-Augustin,  qui  y  était  resté  seul  avec, 
deux  frères  lais  ,  désirant  d'y  rétablir  la 
régularité,  et  étant  persuadé  de  la  vertu  et  do 
la  sainteté  de  Corrario  et  de  ses  compagnons, 
les  fut  trouver,  leur  offrit  son  égiise  et  son 
monastère,  et  les  sollicita  si  fortement, qu'ils 
acquiescèrent  à  sa  demande.  Ils  vinrent  de- 
meurer avec  lui,  et  il  sollicita  ensuite  le 
pape  Bonif;ice  IX  à  les  faire  chanoines  de 
celte  Eglise. 

Ce  pape,  par  une  bulle  du  mois  de  mars 
1404  ,  donna  commission  à  Pévéque  de 
Kishame  de  réformer  ce  monaslère  ,  d'en 
changer  tout  le  gouvernement,  et  de  faire  ce 
qu'il  jugerait  à  propos  pour  y  établir  l'ob- 
serva uce  régulière. Celévèque,  n'y  ayant  trou- 
vé que  Louis  Barho  el  deux  frères  lais, 
qui  professaient  tacitement  la  règle  de  Saint- 
Augustin,  el  ne  voyant  aucune  apparence  de 
reforme,  jugea  à  propos  d'ériger  ce  monas- 
tère en  collégiale,  qui  serait  desservie  par 
des  chanoines  séculiers  qui  vivraient  en 
commun  ,  suivant  le  premier  dessein  de 
Corrario  el  de  son  compagnon  ,  qu'il  mit  en 
possession  de  celle  église,  du  consentement 
de  Louis  Barbo,  a  qui  il  laissa  le  litre  de 
prieur  sa   vie  durant. 

Ils  étaient  dix-huit,  tous  dans  les  ordres 
sacrés,  savoir  :  dom  Antoine  Corrario,  doai 
Gabriel  Gondelmaire,  dom  Etienne  Mauro- 
cini,  dom  François  Barbo,  nobles  vénitiens; 
dom  .Malhieu  de  Slrada,  de  Pavie;  dom  Ro- 
main de  Rodvilio,  milanais,  et  dom  Luc  Phi- 
lippi  d'Esle,  prêtres;  dom  Martin  Quirino, 
dom  Michel  Gondelmaire,  dom  Laurent  Jus- 
tinien, nobles  vénitiens"  ;  dom  Jean  de  Pizzc- 
nado,  dom  Simon  de  Persico,  crémonois,  dom 
Jérôme  de  Mussis,  de  Pavie,  diacres;  dom 
Augustin  Gastaliii,  de  Pavie  ;  dom  Jean  Sar- 
donati,  de  Coltri  ;  dom  Marc  Gondelmaire  et 
Dominique  Maurocini, nobles  vénitiens, sous- 
diacres,  qui,  étant  tous  à  geuoux  aux  pieds 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


4M) 


de  l'évéque,  furent  établis  chanoines  de  celle 
Église,  eux  et  leurs  successeurs.  Ce  prélat 
leur  donna  loule  la  juridiction  spirituelle  ei 
temporelle  qui  en  dépendait,  et  leur  pres- 
crivit des  règlements  tant  pour  leur  manière 
de  vivre  que  pour  leur  habillement,  laissant 
la  liberté  au  prieur  d'en  f.iire  d'antres,  selon 
qu'il  le  jugerait  expédient  pour  le  bon  ordre 
et  le  maintien  de  la  régularité,  lui  donnant 
aussi  pouvoir  de  recevoir  des  frères  lais 
ou  convers,  qui  vivraient  aussi  en  commun, 
et  dont  le  nombre  ne  serait  point  limité,  non 
plus  que  celui  des  chanoines. 

Ange  Corrario,  ayant  été  élu  pape,  Pan 
1400,  sous  le  nom  de  Giégoire  XII,  confirma 
cet  établissement  par  un  bref  du  27  juin 
1407,  par  lequel  il  approuvait  aussi  les  con- 
stitutions qui  avaient  élé  dressées  par  l 'évo- 
que de  Kish.ime.  Il  fit  aussi  cardinaux  An- 
toine Corrario  et  Gabriel  Gondelmaire,  et 
donna  l'abbaye  de  Sainte-Justine  de  Padoue 
à  Louis  Barbo,  qui  réfoima  ce  monastère, 
lequel  devint  chef  d'une  congrégation  fa- 
meuse dont  nous  parlerons  dans  la  suite, 
ayant  pris  pour  l'aider  dans  cette  réforme 
dom  Etienne  Maurocini  et  dom  François 
.  arbo,  chanoines  de  Saint-Georges  in  Alt/ha. 
Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  dans  le  com- 
mencement ces  chanoines  vivaient  dans  une 
très-grande  pauvreté  et  même  d'aumônes, 
puisque  nous  lisons  dans  la  Vie  de  saint 
Laurent  Justinien  ,  qu'il  la  demandait  de 
porte  en  porte  par  la  ville  de  Venise,  s'esti- 
manl  heureux  de  se  voir  méprisé  où  il  avait 
élé  honoré,  et  que  sa  mère,  ayant  ordonné, 
à  ses  serviteurs  de  lui  emplir  sa  besace  afin 
qu'il  n'eût  pas  la  peine  et  la  confusion  de 
courir  ainsi  toute  la  ville,  il  la  remercia,  se 
contentant  de  recevoir  de  sa  main  deux  pe- 
tits pains,  pour  avoir  sujet  d'en  demander 
à  d'autres. 

Ces  chanoines  se  rendirent  si  recomman- 
dâmes en  peu  de  temps,  et  vivaient  dans  une 
si  grande  réputation  de  sainteté,  qu'ils  lu- 
rent introduits  dans  plusieurs  collégiales, 
qui  toutes  ensemble  formèrent  la  congréga- 
tion de  Saint-Georges  in  Âlgha,  à  cause  de  ce 
lieu,  où  se  lit  le  premier  établissement,  et  qui 
lut  reconnu  pour  chef  de  celte  congrégation, 
qui  nans  la  suite  ftit  composée  de  treize  mai- 
sons,  dont  celle  de  Saint-Sauveur  in  Lauro 
à  Home  était  du  nombre. 

Le  premier  chapitre  général  se  tint  l'an 
HSft,  dans  lequel  saint  Laurent  Justinien 
fut  élu  premier  général.  11  augmenta  les 
constitutions  et  fil  plusieurs  règlements,  qui 
fui  ent  toujours  observés  dans  la  suite,  ce  qui 
sans  doute  lui  aura  fat  donner  par  les  sou- 
verains pontifes  le  litre  de  fondaieur  de  celle 
congrégation,  quoique  à  la  vérité  il  n'ait  pas 
élé  le  premier  qui  eu  ait  jeté  les  fondements, 
comme  nous  avons  montré  ci-dessus,  puis- 
que Antoine  Corrario  et  Gabriel  Gondelmaire 
lurent  les  premiers  qui  conçurent  ce  dessein. 
Le  même  Gondelmaire,  ayant  élé  élevé  au 
souverain  pontificat  sous  le  nom  d'Eugène  IV, 
accorda  plusieurs  privilèges  à  celle  congré- 
gation, qui  furent  confirmés  et  même  ampli- 
fiés par  ses  successeurs.  Sixte  IV,  Nicolas  V, 
(I)  Toi;.,  à  'a  fin  du  vol.,  n°  NG. 


Pie  II,  Paul  II,  Innocent  Vlil,  Alexandre  VI 
et  Paul  III.  Le  pape  Pie  V,  l'an  1570,  obligea 
ces  chanoines  à  faire  des  vœux  solennels  en 
retenant  toujours  le  nom  de  chanoines  sé- 
culiers, afin  d'avoir  la  préséance  sur  les  au- 
tres réguliers. 

Ils  se  sont  bien  éloignés  dans  la  suite  do 
la  pauvreté  et  de  l'humilité  dont  leurs  fon- 
dateurs avaient  fail  profession  et  donl  ils 
leur  avaient  laissé  l'exemple.  Les  grands 
biens  qu'ils  possédaient  en  plusieurs  endroits 
leur  firent  bannir  la  régularité  de  leurs  mo- 
nastères. La  plupart,  étant  nobles  Vénitiens, 
se  prétendaient  indépendants  les  uns  des 
autres;  ils  ne  marchaient  par  la  ville  qu'ac- 
compagnés de  plusieurs  bandits  et  coupe- 
jarrets,  nui  étaient  les  ministres  île  leurs  dé- 
bauches (comme  on  m'assura  étant  à  Venise), 
de  sorte  que  c'est  avec  raison  que  Clé- 
ment IX  les  supprima  en  16(i8  et  donna  tous 
leurs  biens  à  la  république  de  Venise  pour 
s'en  servir  dans  la  guerre  qu'elle  avait  con- 
Ire  les  Turcs  ,  qui  assiégeaient  pour  lors 
Candie  el  donl  ces  infidèles  se  sont  emparés. 
Ils  poilaient  une  soutane  blanche,  et  par- 
dessus, une  robe  à  la  vénitienne  de  couleur 
bleue,  et  un  chaperon  sur  l'épaule  ,  qu'ils 
prirent  à  la  place  d'un  capuce  qu'ils  por- 
taient autrcfois(l).  La  couleur  bleue  leur  fui 
ordonnée  par  Clément  VIII  comme  étant  celle 
de  l'habit  que  portait  saint  Laurent  Justinien, 
leur  instituteur,  ainsi  qu'il  est  marqué  dans 
le  bref  de  ce  pape  de  l'an  1G02,  et  ils  avaient 
pour  armes  un  saint  Georges  à  cheval  tuant 
un  dragon,  avec  ces  mots  pour  devise:  Super 
aspidem  il  basiliscum  umbulabis. 

Il  parait  assez  par  leurs  illustres  fondateurs 
qu'il  y  a  eu  parmi  eux  des  personnes  distin- 
guées, puisque  Gabriel  Gondelmaire  a  élé 
pape;  qu'Antoine  Corrario,  Marc  et  François 
Gondelmaire  ont  été  cardinaux;  que  saint 
Laurent  Justinien  a  élé  patriarche  de  Ve- 
nise, et  qu'il  a  eu  pour  successeur  dom  Ma- 
phée  Conlarini,  de  la  même  congrégation. 
Philippe  Monticelli  fut  confesseur  des  papes 
Alexandre  VI,  Pie  III,  et  Jules  IL  Ceux  qui 
se  sont  rendus  célèbres  parmi  leurs  écri- 
vains oui  été  Jean  Baptiste  Salici,  professeur 
de  l'université  de  Padoue;  Jacques-Philippe 
Tbomasini,  évèque  de  Cilla-Nova  d'Istrie; 
Eusèbe  Bonfanti  ,  Alexandre  Consedenli, 
mais  surtout  saint  Laurent  Justinien,  dont 
les  ouvrages  ont  élé  imprimés  en  un  vo- 
lume in-folio  à  Lyon,  en  13G8,avecsa  vie, 
écrite  en  douze  chapitres  par  son  neveu 
Bernard  Justinien,  Chartreux,  donl  voici  un 
abrégé. 

(I  était  de  l'illustre  famille  des  Justinien 
à  Venise,  qui  prétendent  descendre  de  l'em- 
pereur Justinien.  Son  père  s'appelaitlSernard, 
el  sa  mère  était  de  la  famille  des  Quiriui, 
laquelle  demeura  veuveà  l'âge  de  vingl-qua- 
Ire  ans  et  chargée  de  cinq  enfants,  dont  le 
plus  illuslre  fut  noire  saint,  qui  naquit  le 
premier  jour  de  juillet  1381,  lorsque  toute  la 
ville  faisait  des  feux  de  joie  pour  la  victoire 
obtenue  en  la  journée  de  Cliioza;  ce  qui 
donna  sujet  à  sa  mère  de  demander  à  Dieu, 
au  moment  de  ta  naissance,  qu'il  fût  un  jour 


4M  CE!) 

la  terreur  de  ses  ennemis  et  le  saint  de  ses 
citoyens  :  ce  qui  c-l  arrivé  dans  la  suite;  car 
la  ville  de  Venise  l'a  choisi  pour  un  de  ses  pro- 
tecteurs et  lutéla ires,  aussi  bien  que  la  ville  de 
Palerme,  depuis  qu'elle  cul  recours  à  son  in- 
tercession, l'an  1625,  pour  être  délivrée  de 
la  peste,  dont  elle  élail  pour  lors  affligée. 

On  reconnut  dès  son  bas  âge  la  forte  in- 
clination qu'il  aurait  à  s'occuper  aux  choses 
saintes,  et  ce  fui  ce  qui  le  poria,  à  l'exem- 
ple de  dom  Martin  Quirino, son  oncle  maicr- 
nel,  qui  s'élail  associé  à  Antoine  Corrario 
et  Gabriel  Gondelmaire,  d'entrer  aussi  dans 
leur  compagnie,  ayant  été  du  nombre  des 
dix-huit  qui  furent  les  premiers  chanoines 
de  Saint-Georges  inAlgha,  comme  nous  avons 
dit  ci-dessus  en  parlant  de  celle  congréga- 
tion, à  l'augmentation  de  laquelle  il  travailla 
avec  tant  de  zèle,  que  c'est  ce  qui  lui  en  a 
fait  donner  le  litre  de  fondaleur.  Il  se  pres- 
crivit d'abord  une  rigueur  de  vivre  qu'il  a 
toujouis  observée  jusqu'à  la  fin;  et,  un  jour 
que  Iroisdes plus  anciens  l'ères  lui  comman- 
dèrent, de  la  part  du  chapitre,  de  modérer  les 
rigueurs  excessives  qu'il  pratiquait,  il  leur 
répondit  fort  humblement  :  Je  fera1,  mes 
Pères,  ce  que  vous  me  commandez,  mais 
sachez  que  celui  qui  a  résolu  de  souffrir 
pour  Dieu  ne  manquera  pas  d'en  trouver  les 
moyens. 

Il  n'y  avait  rien  de  plus  humble  que  lui, 
et,  quoiqu'avec  le  temps  il  fut  fait  supérieur, 
il  ne  s'en  éleva  pas  davantage,  et  ne  laissa 
pas  de  s'appliquer  toujours  aux  plus  vils  mi- 
nislères.  Ses  entreliens  ordinaires  étaient  de 
ses  défauts  ou  bien  de  l'humilité  de  Noire- 
Seigneur  Jésus-Chrisl.  On  l'accusa  deux  fois 
en  plein  chapitre  d'avoir  commis  quelques 
fautes  dont  il  était  innocent.  La  première  fois 
il  reconnut  celte  fauie,  mais  la  seconde  fois, 
pour  ne  pas  favoriser  la  malice  de  ceux  qui 
l'avaient  accusé  faussement,  il  ne  répondit 
rien  et  se  tint  dans  le  silence. 

Toutes  ses  vertus  éclatantes  ne  purent  pas 
demeurer  cachées;  c'est  ce  qui  fil  que  le  pape 
Eugène  IV,  qui  le  connaissait  plus  que  les 
autres,  puisqu'il  était  aussi  l'un  des  fonda- 
teurs de  la  même  congrégation,  le  nomma  à 
l'évêché  de  Venise,  et,  bien  qu'il  refusât  con- 
stamment cet  honneur  par  deux  fois,  néan- 
moins le  pape  lui  ayant  commandé  une  troi- 
sième fois  de  l'accepter,  il  fut  contraint  de 
se  soumettre  à  l'obéissance.  Il  était  pour  lors 
«âgé de  cinquante-un  ans;  et,  durant  les  vingt- 
trois  qu'il  vécut  depuis,  il  ne  changea  jamais 
sa  façon  de  vivre  qu'il  avait  pratiquée  dans 
son  monastère.  Il  porta  toujours  l'habit  de 
sa  congrégation,  qui  était  de  couleur  bleu 
céleste,  comme  nous  avons  dit.  Il  ne  voulut 
point  de  tapisseries  en  sa  maison,  ni  d'autres 
ornements  qui  se  ressentissent  de  la  vanité 
du  siècle.  Tout  son  train  consistait  eu  deux 
chanoines  qu'il  prcn,iil  du  monastère  |  our 
l'aider,  l'un  à  réciter  son  office,  l'autre  pour 
partager  avec  lui  les  fonctions  pénibles  de  sa 
charge;  et  en  cinq  officiers  domestiques: 
eneoic  se  plaignait-il  quelquefois,  quoiqu'on 
souriant,  qu'il  avait  une  trop  grande  fa- 
mille à  uourrir;  mais  il  entendait  parler  de 


GEO 


m 


lous  les  pauvres  de  la  ville,  dont  il  prenait 
un  soin  particulier,  s'informanl  de  leur  nom- 
bre cl  de  leurs  nécessités  les  plus  pressantes, 
afin  de  les  soulager.  Un  de  ses  parents  l'ayant 
prié  de  le  vouloir  aider  de  quelque  argent 
afin  de  pouvoir  marier  sa  fi  le,  il  s'en  excusa, 
lui  disanl  que  s'il  lui  donnait  une  petite 
somme,  cela  luiservirait  peu  ;  et  ques'il  lui  en 
donnait  une  plus  grosse,  il  ferait  tort  à  p'u- 
sicurs  pauvres  pour  qui  les  biens  de  l'Eglise 
sont  destinés. 

Le  p  ipe  Eugène  fit  ce  qu'il  put  pour  l'atti- 
rer à  Rome  afin  qu'il  pût  l'assister  de  son 
conseil.  Il  s'en  excusa  toujours  tant  sur  la 
longueur  du  chemin  que  sur  sa  faiblesse; 
mais  ces  excuses  n'ayant  plus  de  lieu  lorsque 
le  pape,  étant  contraint  de  sortir  de  Home,  se 
réfugia  à  Florence  et  ensuite  à  Bologne,  il 
vint  trouver  ce  ponlife,  qui  en  l'embrassant 
lui  dit:  Soyez  le  bien  venu,,  l'ornement  et  la 
gloire  des  prêtais  Mais  le  saint,  qui  ne  respi- 
rait que  son  diocèse,  obtint  bientôt  la  per- 
missi  >n  d'y  retourner;  et  ce  fut  sous  le  pon- 
tificat de  Nicolas  V,  successeur  d'Eugène,  que 
le  patriarcat  de  Grade  et  l'évêché  de  Venise 
furent  réunis  en  sa  personne  pour  terminer 
les  différends  qui  étaient  entre  les  prélals  de 
ces  deux  sièges,  car  il  avait  été  ordonné  que 
le  survivant  de  l'un  d'eux  serait  patriarche 
et  évêquede  Venise. 

Enfin,  étant  âgé  de  lh  ans  sans  avoir  rien 
relâché  de  ses  ferveurs  ni  de  ses  rigueurs 
ordinaii es,  l.i  fièvre  le  saisit,  causée  par  lu 
grand  froid  qu'il  avait  endure  pendant  l'office 
divin,  et  en  peu  temps  il  fut  réduit  à  l'extré- 
mité. Il  ne  voyait  qu'à  regret  les  empresse- 
ments qu'on  témoignait  pour  le  secourir  dans 
son  mal,  parce  qu'il  ne  croyait  pas  qu'on  se 
dût  mettre  si  fort  en  peine  de  lui  ;  il  ne  put 
se  résoudre  à  se  seivir  de  viandes  délicates 
pendant  sa  maladie,  et,  voyant  sa  dernière 
heure  approcher,  il  leva  les  veux  au  ciel  et 
dit  amoureusement  ces  paroles  :  Je  vie?is  a 
vous,  ô  bon  Jé.-us  !  et,  pour  consoler  ses  do- 
mestiques qui  versaient  des  larmes,  il  leur 
dit  :  Arrêtez  ces  larmes,  c'est  ici  un  jour  de 
joie  et  non  pas  de  pleurs.  11  se  fil  ensuite  por- 
ter à  la  chapelle,  où  il  rendit  paisiblement 
son  âme  à  Noire-Seigneur  le  8  janvier  1455. 
Il  avait  ordonné  que  son  corps  serait  porté 
sans  aucune  pompe  à  son  monastère  de 
Saint-Georges  m  Atgha;  mais  les  chanoines 
de  sa  cathédrale  ne  le  voulurent  jamais  per- 
mettre, et  c'est  dans  leur  église  qu'il  a  tou- 
jours reposé  depuis  ce  temps-là,  où  il  a  opé- 
lé  un  grand  nombre  de  miracles  qui  ont 
obligé  le  pape  Clément  VU  à  le  déclarer 
bienheureux,  l'an  152'r,et  Alexandre  VIII  à 
le  canoniser,  l'an  1690. 

Il  y  a  uus>i  une  congrégation  du  même 
institut  en  Sicile,  fondée  p  ir  Henri  de  Siméon 
de  Palerme,  qui,  ayant  suivi  Alphonse,  roi 
d'Aragon,  à  Home  l'an  1W3,  obtint  de  vive- 
voix  du  pape  Eugène  IV  la  permission  de 
porter  l'habit  des  chanoines  de  Saint-Geor- 
ges in  Atgha,  et,  étant  retourné  en  son  pays 
et  ayant  assemblé  quelques  prêlres  avec  lui, 
donna  commencement  à  ce  te  congrégation. 
Le   même  pape,  par  un  bref  de    l'an    1W7, 


403                                           DïCTIOMMRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.                                       404 

confirma  la  donation  qui    leur   fut   la  te  rie  (îERÉON  (Chevaliers  de   l'oudue    de 

l'hôpital  de  Saini-Jacques  de  Mazzara  à  Pa-  Saint-). 

ierme,  et  la  même  année  il  approuva  leurs  Quoique  nous  ayons  mis  sous  la  règle  de 

constitutions.  Ils  avaient    encore   quelques  saint  Rasile  les  ordres  militaires  dont  nous 

autres    monastères,   et   vivaient   dans    une  avons  parlé  dans  quelques  articles,  nous  n'o- 

grande  pauvreté.  Leur   habit   consistait  en  sons  pas  néanmoins  assurer  qu'ils  aient  vé- 

unc  soutane  de  drap  blanc  et  un  manteau  ou  rilablcment   suivi   celle  règle,  ou   qu'ils   y 

chape  de  drap    bleu  fort   grossier,  avec  un  aient  élé  soumis,  exceplé  celui  de  Constan- 

petit  capuce,  et  ils  allaieet  nu-pieds  avec  des  tin.  Il  y  a  si  longtemps   qu'ils  ne  subsistent 

sandales  de  bois,  comme  on  peut  voir  dans  plus,  et  il  en  est  resté  si  peu  de  mémoire,  que 

la    figure  que  nous  joignons  ici   (1).  C'était  nous  nous  en  sommes  rapporté  à  la   bonne 

sans  doute  le  véritable  habillement  des  rha  -  foi  des  écrivains  qui  ont  parlé  de  ces  ordres, 

itoines  séculiers  de  Saint-Georges   in  Algh-i  Nous  n'avons  pas  même  voulu  les  suivre  en 

dans  leur  origine,  et  la  robe  à  la  vénitienne  mettant    quantité    d'autres    ordres  sous    la 

qu'ils  ont  portée  depuis,  aussi  bien  que  cens  même  règle.  Si  nous  avons  cru  devoir  donner 

de  Portugal,  est  apparemment  l'effet  de  quel-  place  dans   cet    ouvrage  à   ceux  dont   nous 

que  relâchement  ;    car  Morigia,  de  l'ordre  avons  déjà  parlé,  c'est  qu'ils  ont  été  institués 

des  Jésuatés,  dans  son  Histoire  dus  hommes  en  Orient,    ou  établis   pour   la   défense   des 

illustres  de  son  ordre,   parlant   du  cardinal  saints  lieux  de  la  Palestine;  et  c'est  pour  la 

Anloine  Corrario,  l'un  des  fondateurs  de  celle  même  raison  que  nous  y  joignons   aussi  les 

congrégation,  qu'il  prétend  néanmoins  avoir  chevaliers  de  Saint-Géreon  dont  on  ne  con- 

été  de  l'ordredes  Jésuatés,  apparemment  pour,  naît  point  l'origine.  Mennénius  parle  de  cet 

faire  honneur  à  son  ordre,  dit  qu'il  fit  p. irier  ordre    sur   le   témoignage  d'un     voyageur, 

aux  chanoines   de  Saint-Georges   in  Alijha  Jean  de  Hoevel,  qui  dit  avoir  vu, dans  la  Pa- 

des  sandales  de  bois,  et  qu'il   les  obligea   à  lesline,  des  chevaliers   de  Saint-Gèréon    qui 

faire  la  <|uêle  par  la  ville  comme  il  se  prali-  portaient  une  croix  patriarcale,  de  la  même 

quai!  dans  l'ordre  des  Jésuatés  ;  et  que  lors-  manière  que  celle  qui  est  dans  les  armes  du 

qu'il  écrivait  (c'élait  en  1G04-),    il  n'y   avait  royaume  de  Hongrie.  11  y  a  des  auteurs  qui 

pas  longtemps  que  ces  chanoines  faisaient  attribuent  l'institution  de  cet  ordre  à  Pèm- 

encore   porter  des  sandales  de   boisa  leurs  percurFrédéric  ISarberousse,  d'aulres  à  Fré- 

novices.  déric  II.  Les  uns  leur  donnent  pour  marque 

Maurol'ic  et  Cicscenze  font  aussi    mention  d(>  c<'1  ordra  une  c,0;x  patriarcale  d'argent, 

de  quelques  chanoines  de  Saint-Georges  qui  P,°see  sur  Irols    montagnes    de  sinople   en 

formaient  une   autre    petite    congrégation,  champ  de  gueules,  d  autres  prétendent  qu'ils 

dont  le  principal    monastère  et  le  chef  était  avaient  sur  un  habit  blanc  une    croix   no  re 

proche  Gênes,  ils  avaient  encore  des  monas-  ''n  broderie  sur  trois  montagnes  de  sinople, 

lères  à  Lodi  le  vieux  et  le  nouveau,  ei  deux  el  d  au(':c.s  'eur  donnent  encore   une  autre 

autres  dans  le  Parmesan  et  le  Plaisantin,  croix  différente  ('2)..  Ainsi  on   ne   peut  rien 

dire  de  certain  touchant  cet  orilre,  que  l'a- 
Jean  Thomassini,  évoque  de   Cilla-Nova,  vin,  sans   aucun   fondement,    prétend  avoir 
et  qui  a  fait  les  annales  de  la  congrégation  été  soumis  à  la  règle  de  saint  Augustin. 
de  Saint-Georges  de  Venise,  dit  que  les  eba-  Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  ces  chevaliers 
noines  dû  mont   Sainl-Eloy   près  d'Arras,  de  de  Sain t-Géréon étaient  les  mêmes  que  ceux. 
Saint-Aubert  de  Cambrai,  et  quelques  autres  de  Hongrie,  que   le  P.  Melchior  Inchoiïer  de 
aux   Pays-Bas,  étaient  aussi  du  même  insli-  la  compagnie  de  Jésus,  dans  les  annales  ce- 
lui. Il  se  fonde  peut-être  sur  ce  que  la  cou-  clésiastiqùes  de  ce  royaume,  dit  que  l'on  ap- 
leur  de  leur  habit    était   bleue   ou   violette  ;  pelait  Porte-Croix,  à  cause  qu'ils    portaient 
mais  il  était  différent  qujnt  à  la  forme.  pour  marque  de  leur  ordre  une  croix  seui- 
FoDujKq'.PbiUpp.  Annal.   Canonicorum  «jlablç  à  cellequc  l'on  voit  dans  les  armes 
tœcul.  S.  Georgii  in  Algha.  Francisco  Maria,  du,  mêmf  loya<J™e.  qui  est  une  croix  palriar- 
Historia  dos  sagrades  Congrecaoes  clos  Cône-  Pale  P',see  sur  Irois  montagnes.  Cet  auteur 
go  scculares  de  S.  Jeorge  em  Alq.a  de    Venesa  leur  don,ie.    P°"r    fondateur   saint   Etienne, 
et  de  S.  Juao.  Evangeltsta  cm  Portugal.  Sil-  Premier  ">'  <•<-'  Hongrie,  qui,  a  ce  qu  il  pre- 
vesl.  Maurol,   Mur.  océan,  di  lut.  g  fi  Relia,  tend,  institua  ces  chevaliers  en  mémoire  de 
lib.   v.  Morigia.,  Origine  de  toute"  les  relt-  ,a  cr01*  ^°  'e  .',aPe  ,ul  e»v°ya,  avec  permis- 
sions, liv.  i,   chap.  ki.  Penot,  Hist.  tripart.  S10n   de   ,a   Iaire  P?,rt.er  de.vant  lul>  a  ca"f 
Canonià.  Rtgul.  M.  il,  cap.  70.  Tambur.,  de  1u.e  ce.  P''',nce   av.ul  travaille   avec   tant  de 
Jur.  abbat.,  tom.  Il,  disput.   24,  quml.  k,  *é'e,a  e:ab,ilr  la  religion  chrétienne  dans  ses 
nwm.32.   Bernard   Justin     Vit.   S.  Laurent.  ^ats,   M"  ,1a  eie  considère  comme   I  apôtre 
Justin.  Vies  des  SS.ilu  P.  Giry.  Henri.,  Etn-  de  Hongrie.  Mais,  comme  les  ordres  mil.tai- 
blisscment  des  ordres  religieux,  chap.  51.  Gio  r,'s  n  onl  c°mmencé  que  dans  le  xn-  siècle 
l'ietr.   Cresccnzio,    Presidio   Rom.   lib.    n ,  '.'    se    P         fa'r,    1ue   sain    Etienne     ayant 
,>s                    '  reçu  du  pape  Silveslrc  II,  lan  1000,  la  cou- 
^W^A^,r,>-o  ,..          >  ,,        «,  ronn'e   de    Hongrie,    avec   une  croix    qu  il 
GEORGIENS  (MomEs).Foy.  Meixhites.  pouvait  faire  porter  devant  lui,  il  établit  des 
GERENRODE(Cuanoinesses  protestantes  officiers   pour  porter  cette  croix,   auxquels, 
de).  V oy.  Gandeiisheim.  pour  ce  sujet,  l'on  donna  le   nom  de  Porte- 

(!)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  87.  (2)  Yvy.,  à  la  lin  du  vol.,  n"  88. 


<05  CIL 

Croix,  et  que  dans  la  suite  I  on  en  ait  formé 
uu  ordre  militaire  qui  ne  subsiste  plus. 

Mennénius,  deliciœ  Equest.  Ord.  Favin, 
Théâtre  d'honneur  et  de  cheval.,  tom.  11. 
Scho niebeck,  Hist.  des  Ord.  Milii.,  et  Mel- 
chior  Inchoffer,  Annal.  Ecoles,  regni  Hwng., 
tom.  I. 

Gérondins.  Voy.  Césaire  (Saint) 

GILBEBT  DE  SIMPRINGHAM  en  Angle- 
terre (  Religieux  et  Religieuses  de 
Saint  ). 

Les  chanoines  réguliers  et  les  Bénédictins 
ont  raison  de  mettre  au  rang  des  congréga- 
tions des  ordres  de  Sain'-Auguslin  et  de 
Saint-Benoît  celle  de  Saint-Gilbert  de  i?i:n- 
pringbam,  puisqu'il  lit  observer  la  règle  de 
saint  Augustin  à  ses  religieux,  qu'il  ap  elle 
des  chanoines,  et  qu'il  donna  à  ses  religieu- 
ses celle  de  saint  Benoit  ;  et  c'est  à  lorl  que 
les  religieux  de  Cîleaux  prétendent  que  cet 
ordre  doit  appartenir  à  eux  seuls,  comme 
leur  ayant  élé  soumis;  car  Saint-Gilbert  dit 
lui-même  le  contraire  dans  ses  constitu- 
tions (Capital,  de  inilio  monast.,  art.  2), 
où  après  avoir  rapporté  de  quelle  manière 
se  fit  l'établissement  de  ses  religieuses,  il 
ajoute  que  leur  nombre  se  multipliant  et  que 
n'a\ant  point  de  religieux  lettrés  pour  en 
avoir  soin  aussi  bien  que  des  converses,  il 
avait  élé  au  chapitre  général  do  Cileaux,  où 
le  pape  Eugène  était  en  personne,  afln  de  re- 
mettre sous  la  juridiction  des  religieux  de 
cet  ordre,  ses  maisons,  les  servantes  de  Jésus- 
Christ  et  les  frères  lais  ;  mais  qu'on  ne 
lui  accorda  pas  sa  demande  ;  c'est  pourquoi 
i^avait  été  contraint  par  nécessité  de  s'asso- 
cier des  clercs  pour  avoir  soin  des  religieu- 
ses et  des  frères  lais,  et  qu'il  leur  avait 
donné  la  règle  de  saint  Augustin. 

L'on  pourrait  néanmoins  leur  accorder  les 
frères  lais,  parce  que  saint  Gilbert  dit,  dans 
un  autre  endroit  des  mêmes  constitutions 
[Scripta  de  fratribus,  art.  1),  que  dans 
le  temps  que  l'ordre  des  moinesses  de 
Simpringham  fut  commencé  ,  il  vint  des 
religieux  de  Cîleaux  accompagnés  de  quel- 
ques frères  lais  de  cet  ordre  qui  étaient 
propres  pour  le  travail,  pauvres  dans  leurs 
habillements ,  se  contentant  de  la  nour- 
riiure  des  pauvres,  préférant  les  herbes  et 
les  légumes  aux  plus  grandes  richesses,  qui 
ne  buvaient  que  ue  l'eau,  qui  avaient  soin 
des  fermes  et  qui  n'avaient  point  d'autres 
emplois  dans  l'ordre.  Ce  que  quelques-nus 
des  siens  du  nombre  de  ceux  qui  étaient  des- 
tinés au  travail  ayant  appris,  ils  désirèrent 
vivre  de  la  même  manière,  et  avoir  les  mêmes 
observances;  c'est  pourquoi,  voulant  satis- 
faire à  leur  désir,  et  pour  le  salut  de  leur 
âme,  il  ordonna  que  les  frères  lais  de  son 
ordre,  tant  en  l'habillement  qu'en  la  nour- 
riture, suivraient  la  manière  et  l'observance 
des  frères  de  Cileaux. 

Ainsi  il  y  avait  du  mélange  dans  l'ordre 
de  Saint-Gilberl,  et  l'on  peut  dire  que  les  re- 
ligieux, les  religieuses,  les  converses  et  les 
fitres  lais  formaient  quatre  ordres  aif- 
férents,  puisqu'ils    faisaient  quatre  commu- 


CÏL 


■iCG 


nautés  différentes  qui  avaient  chacune  un 
réfectoire  à  part  où  présidait  un  supérieur 
on  supérieure  t i i es  de  leur  corps,  et  qu'ils 
étaient  aussi  distingués  par  la  forme  cl  la 
couleur  de  leurs  habillements,  comme  nous 
ferons  voir.  Nous  mettons  néanmoins  cet 
ordre  au  rang  des  chanoines  réguliers,  puis- 
qu'on ne  peut  pas  disputer  aux  religieux 
prêtres  celle  qualité,  que  saint  Gilbert,  leur 
fondateur,  leur  a  donnée. 

Ce  saint  naquit  en  Angleterre  vers  l'an 
1083,  du  temps  de  Guillaume  le  Conquérant. 
Son  ]  ère  était  no  gentilhomme  de  Norman- 
die nommé  Jocelin.seigneurde  Simpringham 
et  de  Tyrington,  dans  le  comté  de  Lincoln  ; 
et  samère  était  anglaise,  qui,  étant  grosse  de 
lui,  eut  un  présage  de  ce  qu'il  devait  être  un 
j  iot,  dans  un  songe  qu'elle  eut,  où  il  lui 
sembla   que    la   lune  tombait  dans  son  sein. 

Il  fut  envoyé  en  France  pour  y  l'aire  ses- 
études  ;  lesquelles  étant  achevées,  il  retourna 
chez  lui,  où  il  s'appliqua  à  instruire  gratui- 
tement la  jeunesse.  .Mais  en  enseignant  aux 
enfants  les  lettres  humaines,  il  les  formait 
en  même  temps  à  la  vertu,  leur  prescrivant 
une  manière  de  vie  qui  approchait  de  celle 
qu'on  praliquail  dans  les  monastères  les 
plus  réglés. 

H  demeura  quelque  temps  dans  le  sémi- 
naire de  Robert  Liloës,  évéque  de  Lincoln,  et 
fut  promu  à  la  préirise  par  son  successeur- 
Alexandre,  qui  eut  bien  de  la  peine  à  obte- 
nir son  consentement;  car  il  résista  long- 
temps au  désir  de  son  prélat,  se  croyant  in- 
digne du  sacerdoce.  Depuis  ce  temps-là,  il 
augmenta  ses  exercices  de  piété,  son  zèle  et 
sa  ferveur.  11  fit  paraître  un  généreux  mé- 
pris des  richesses  et  des  honneurs  dans  le 
refus  qu'il  fit  de  l'archidiaconé  de  l'église  de 
Lincoln,  qui  avait  de  gros  revenus  et  beau- 
coup de  droits  honorifiques,  disant  qu'il  ne 
connaissait  poinl  de  plus  prompte  voie  pour 
se  perdre.  Quoiqu'il  eût  de  gros  biens  de  pa- 
trim  ioe,il  nese regarda  plus  commeen  étant 
le  propriétaire,  mais  seulement  l'économe  et 
le  dispensateur,  qui  devait  les  répandre  sur 
les  pauvres  et  les  indigents,  pour  qui  il  avait 
beaucoup  de  lendresse  et  de  compassion, 
principalement  pour  les  filles  qui  étaient 
dans  la  pauvreté  et  qui  n'osaient  la  faire 
connaître. 

11  en  choisit  sept  entre  les  autres,  qu'il 
trouva  plus  porlées  à  la  piété.  Il  en  eut  un 
soin  particulier,  cl  elles  se  consacrèrent  en- 
suite à  Dieu  par  le  vœu  de  virginité.  Ce  fut 
ce  qui  donna  commencement  à  son  onlre  ; 
car,  par  le  conseil  el  sous  l'autorité  de  l'évê- 
que  Alexandre,  il  les  renferma  dans  un  mo- 
nastère qu'il  leur  fit  bâlir  dans  sa  maison 
paternelle  de  Simpringham, l'an  11^6.  i!  leur 
ordonna  sur  toutes  choses  un  étroit  silence, 
et,  afin  qu'elles  ne  fussent  point  distraites 
dans  leurs  exercices  spirituels,  il  prit  de  pair- 
vres  femmes  qui  avaient  soin  de  leur  pré- 
parer à  manger  hors  le  monastère,  et  on  leur 
passait   par   une  fenêtre  tous  leurs  besoins. 

Celles-ci  demandèrent  aussi  d'être  admi- 
ses à  la  profession  religieuse  eu  qualité  de 
sœurs  converses.  Salut  Gilbert  les  instruisit 


<07                                           DICTIONNAIRE  DES  ORDKES  RELIGIEUX.  408 

«le  tous  les   devoirs  de  la  vie   religieuse.  Il  regarder.    Si    les  religieux    étaient    obliges 

voulut    les  éprouver  pendant  un    an,  après  d'entrer  flans  l'habitation  des  filles  pour  qnel- 

quoi  il  leur  accorda    leur  demande,  cl  e  les  ques  nécessités  spirituelles,  ils  ne  pouvaient 

s'engagèrent  à  i  et  état  par  des  vœux  solen-  voirie  visage  découvert  de  ces  vierges,  qui 

nels,  ayant  été  renfermées  dans  le  même  mo-  devaient  toujours  avoir   le  voile  baissé  en 

naslère  avec  les    religieuses.  Il  choisit  aussi  leur  présence.  *Cc    saint    exigeait   l'âge    de 

des  hommes  pour  avoir  soin  des  affaires  du  quinze    ans   pour   admettre  les  frères  clercs 

monastère  et  faire  va'oirles  terres  qui  en  dé-  au  noviciat,  et  vingt  ans  pour  la  profession  : 

pendaient,  et   ils   furent  reçus  comme  frères  les  frères  convers    n'y  pouvaient  être  reçus 

convers.  avant  vingt-quatre  ans.  Les  filles,  qui  demân- 

Cel   établissement  eut    l'agrément  du    roi  daienl  d'entrer  en   cet  ordre,  devaient  avoir 

saint  Etienne,  des  princes  et  des  grands  sei-  douze  ans  pour  être  admises  dans  le  monas- 

gneurs,  qui   firenl  de  grands  dons  à  ce  mo-  1ère,  et  quinze  pour  avoir  la  qualité  de  no- 

nastère.  Saint  Gilbert  fut    contraint  par  né-  vice;  et  il  fallait  qu'elles  susseni  le  psautier, 

cessité  de  les  accepter  en   partie;  mais  il  en  les  hymnes  et    les  antiennes,  avant  que  de 

refusa  aussi  beaucoup,  de  peur  que  les  grands  faire  profession. 

biens,  comme  de  méchantes  herbes,  n'étouf-  Lorsque  ce  saint  visitait  ses  monastères, 

lassent  le  bon  grain  qu'il  avait  semé  dans  ce  il  allait  toujours  accompagné  de  deux  clercs 

champ,  qui  devint  si  fertile,  que  des  poison-  et  d'un    frère   lai.    Il  ne   s'entretenait  pas  de 

nés  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  se  rendaient  de  discours  inutiles,  mais  il   psalmodiait. conli- 

toutes  parts  à  ce  monastère  pour  embrasser  nuellement  ou   priait    mentalement,  et  por- 

cet  institut,  ce  qui  l'obligea  de  faire  de  non-  tait    toujours  de   quoi  donner  suffisamment 

veaux  établissements.  aux  pauvres  qu'il  rencontrait  dans  les  che- 

Cesaint  fondateur,  plein  d'humilité,  voyant  mius.  Il  ne   mangeait  point   de  viande,  si  ce 

un  si   grand    nombre  de  disciples,  crut  qu'il  n'éiaildans   les  grandes  infirmités,  et  même 

n'avait  pas  assez  de   capacité  pour  les  cou-  s'abstenait  de   manger  du   poisson  pendant 

duire  ;  c'est   pourquoi  il  vint  en  France  l'an  l'Aventet  le  Carême.  Il  ne  se  servait  que  de 

1148,  trouver  les   religieux  de    Cîteaux  as-  vaisselle  de  bois  ;  ses  austérités  et  ses  mor- 

semblés  dans    leur  chapitre    général,  où   le  lificalions   étaient    très-grandes,  et  il  n'était 

pape  Eugène  III  assistait,  pour  leur  mettre  pas  plus  vêtu  en    hiver   qu'en   été,  quoiqu'il 

entre  les  mains  le  soin  de  ses  maisons.  Mais  paraisse    par  ses   constitutions  qu'il  voulait 

ils    ne    les    voulurent    pas    accepter,   disant  que  ses  disciples  fussent  bien  vêtus  :  car,  tou- 

qu'il   ne   leur    était  pas    permis   d'avoir    la  chant  les   habits,  il  ordonne  que  les  chanoi- 

conduiic  des  moines  d'un  autre  ordre  que.  le  nés  aient  trois  tuniques,  une  pelisse  de  peaux 

leur  et  encore  moins  des  religieuses.  Le  pape,  d'agneau,   un   manteau  blanc   et  un  capueo 

informé  de  ses  vertus,  loin  de  consentir  à  si  fourrés  aussi  de   peaux  d'agneau.   Les  reli- 

prière,  l'exhorta  à  ne  point  abandonner  son  gieuses   devaient  avoir  cinq    tuniques,  sa- 

troupeau,   et   lui   témoigna   le    regret  qu'il  voir    :   trois    pour    le   travail    et    deux  fort 

avait  de  ne  l'avoir  pas  connu  plus  tôt,  parce  amples,    c'est-à-dire,  deux    coules     blan- 

qu'il  l'aurait  encore   chargé  de  l'archevêché  ches   qu'e.les    portaient  au  cloître,  à    l'é- 

d'York,  auquel  il  avait  pourvu   depuis  peu.  glise,  au   chapitre,  au    réfectoiie  et  au  dor- 

II  consulta  ensuite  saint  Bernard  et  reçut  loir;  une    pel  sse  de   peaux   d'agneau,   une 

de  lui  des  avis  louchant  la  conduite  qu'il  de-  chemise    ou    tunique   de  gros  drap,  et  leurs 

vail  tenir  dans   le   gouvernement  de  son  or-  \oiles  étaient    aussi    fourrés    de    peaux  d'a- 

dre  :  ei,  étant  retourne  en  Angleterre,  il  mit  gueau.  Les  sœurs  converses  étaient  habillées 

la  dernière  main  pour  le  rendre  parfait.  Sur  de  noir,  el,  au  lieu  de  coules,  elles  avaient 

le  refus  que  les  religieux  de  Citeaux  avaient  des  manteaux  aussi    fourrés  de   peaux  d'a- 

fail  de  prendre  la  conduite  de  ses  religieuses,  gneau.    Enfin    les    frères   lais    avaient  trois 

il  établit  des  chanoines  à  qui  il  en  confia  la  tuniques   blanches,  un    manteau  de  couleur 

direction.  Il  leur  donna  la  règle  de  saint  Au-  tannée,  doublé  de  grosses  peaux,  une  chape 

guslin,  et   aux  religieuses  celle  de  saint  Be,-  aussi  tannée  et  un  capuce.  Ou. leur  permel- 

noit.  Il  dressa  ensuite  des  constitutions  pour  lait  encore   pour  le  travail   une  pelisse  faite 

le  gouvernement  des  uns  et  des  autres,  el  les  de  quatre  peaux  de  bélier, 

envoya  au  pape   Eugène  III  pour  y    reIran-  Quant  à  leur    minière  de  vivre,  elle  était 

cher  ou  augmenter  ce  qu'il  jugerait  à  propos,  aussi  très-austère  :   ils  ne  mangeaient  point 

Mais  ce  pontife  n'y  trouva  rien  à  redire,  el  y  de  viande   et   n'en  donnaient  pas  même   aux 

donna    son   approbation,  ce  que  ses  succès-  étrangers,  sinon   aux    prélats,  aux  archidia- 

seurs  Adrien   IV  et  Alexandre  111  confirmé-  cres  el  aux  malades  ;  el  si  ces  personnes  en 

rent  dans  la  suite.  voulaient,  ils  les  devaient  faire  apprêter  par 

H  semble  que  dans  l'établissement  de  son  leurs    domestiques   cl  non  pas   parles  reli- 

ordre  il  ait   voulu  imiter  saint  Norbert,  dont  gieux.  Les  réfectoires  des  chano  nés    et   des 

les  monastères    étaient   communs   pour  les  frères  convers   étaient  disposés  île  telle  ma- 

Lommes    el   les   filles,    séparés    néanmoins  nière,  qu'il    y  avait  des  ienôtres   ou  lours 

d'habitation. Car  ceux  de  saint  Gilbertélaieul  qui  répondaient  à  l'habitation  des  sieurs,  par 

aussi  doubles,  et,  de  même  que  dans  l'ordre  où  elles  leur  passaient  à  manger.  Les  convers 

de  Prémontré ,  ses   re  igieuses  ne   pouvaient  gardaient  un  exact  silence  pendant  le   ira- 

parler  à  la  grille  qu'accompagnées  en  dedans  vail,   comme   tailleurs,   tisserands,  cordon- 

par  deux  anciennes,  et  au   dehors  par  deux  niers,  peaussiers  :  les    fjrgerous  pouvaient 

religieux.  Les   uns  et  les  autres  n'osaient  se  parler.  Ils    dc\uicnt    tous   faire    profession 


409 


GiL 


r.oN 


410 


d.-ins  le  chapitre  des  religieuses.il  ne  leur 
était  pas  permis  d'avoir  aucun  livre.  Ils 
ne  devaient  savoir  que  le  Pater,  le  Credo, 
le  Miserere  mei,  Deus ,  et  quelques  autres 
prières  ;  el  ils  disaient  certain  nombre  de 
Pater  et  d'Ave  ,  pour  matines  ,  laudes  et  les 
autres  heures,  qu'ils  rérilaent  dans  un  ora- 
toire particulier.  La  même  chose  était  obser- 
vée à  l'égard  des  sœurs  converses. 

Saint  Gilbert  ne  prit  pas  d'abord  l'habit 
de  sun  ordre  ;  mais,  appréhendant  que  cela 
ne  tirât  à  conséquence  dans  la  suite  pour 
ceux  qui  en  auraient  la  conduite,  il  le  prit  ; 
mais  il  ne  voulut  plu*  commander  et  se  sou- 
mit entièrement  à  l'obéissance  sous  la  con- 
duite de  Roger,  aussi  de  Simpringham,  entre 
les  mains  duquel  il  se  démit  de  la  supério- 
rité, après  avoir  reçu  l'habit  de  son  ordre  à 
Bulington. 

La  sainteté  de  sa  vie  et  la  pureté  de  ses 
mœurs  ne  purent  pas  le  mettre  à  couvert  de 
la  calomnie,  dont  on  lâcha  de  le  noircir  et 
son  institut.  La  première  persécution  qu'il 
souffrit  fut  à  l'occasion  de  saint  Thomas  de 
Canlorbéry.  On  l'accusa  faussement  d'avoir 
envoyé  de  l'argent  à  ce  saint,  qui  en  passant 
par  les  couvents  de  cet  ordre,  lorsqu'il  sor- 
tit d'Angleterre  pour  passer  en  France,  y  fut 
reçu  avec  beaucoup  de  charité.  Comme  ou 
connaissait  Gilbert  pour  un  homme  d'une 
grande  vertu,  les  juges  devant  lesquels  il  fut 
cité  voulurent  qu'il  affirmât  par  serment  si 
ce  qu'on  lui  imputait  était  véritable  ;  mais  il 
ne  le  voulut  jamais  faire,  quoiqu'on  le  mena- 
çât de  renvoyer  ses  religieux  et  ses  religieu- 
ses hors  de  leurs  monastères,  et  de  détruire 
sononire,  et  que  lui-même  en  souffrît  consi- 
dérablement pendant  unassez  longtemps, jus- 
qu'à ce  que  le  roi  Henri  11  eût  ordonné  qu'il 
retournât  avec  ses  religieux  dan*  leurs  mo- 
nastères. Pour  lors,  il  avoua  aux  juges,  sans 
prêter  serment,  que  ce  qu'on  lui  avait  im- 
puté était  faux,  et  qu'il  n'avait  jamais  envoyé 
d'argent  à  saint  Thomas. 

La  seconde  persécution  lui  fut  d'autant 
plus  sensible,  qu'elle  lui  fut  suscitée  par  les 
frères  convers,  qui  avaient  à  leur  lètc  un 
pauuc  tisserand  demandant  l'aumône,  qu'il 
avait  admis  par  charité  dans  son  ordre,  aussi 
bien  que  quel  |ues  autres  misérables  à  qui  il 
avait  fait  apprendre  des  métiers.  Ces  frères 
convers, qu'il  avait  établis  en  plusieurs  lieux 
pour  l'administration  du  bien  de  ses  monas- 
tères, non-seulement  s'élevèrent  contre  lui 
et  voulurent  le  contraindre  par  force  de  les 
décharger  d'une  partie  de  l'observance  de 
leur  règle,  comme  trop  sévère  ,  mais  ils  le 
diffamèrent  encore  auprès  du  pape  Alexan- 
dre ili  par  des  calomnies  atroces,  auxquel- 
les il  ajouta  foi  trop  facilement.  11  décréta 
contre  G  Ibert  et  ses  chanoines  ;  mais  le  roi 
Henri  II  el  les  évéques  de  son  royaume  ayant 
écrit  à  ce  pontife  pour  lui  faire  connaître 
l'innocence  du  saint  fondateur,  il  reconnut 
la  venté,  écrivit  à  Gilbert  en  lui  donnant 
beaucoup  de  louanges,  et  ordonna  que  ses 
constitutions  ne   seraient  point  changées  en 


aucune  manière,  si  ce  n'était  de  l'avis  de  la 
[dus  grande  et  de  la  plus  saine  partie  de  tous 
les  religieux  de  l'ordre,  auquel  il  accorda 
beaucoup  de  grâces  el  de'  privilèges. 

Enfin  ce  saint  homme,  accahléde  vieillesse, 
tomba  malade  dans  un  de  ses  monastères  qui 
était  dans  l'île  de  Kadenc.ia.  11  y  reçut  ses  sa- 
crements ;  mais  ses  religieux  le  firent  trans- 
porter à  Simpringham.  où  il  mourut  le  six  fé- 
vrier de  l'an  1 181).  âu'é  de  renl  six  ans,  ayant 
vu  sept  cents  religieux  dans  treize  couveu  s 
de  son  ordre,  dont  il  y  en  avait  neuf  qui 
étaient  doubles  de  religieux  et  relig  euses,  el 
quatre  seulement  de  religieux  ;  et  il  y  avait 
près  de  douze  cents  religieuses.  Il  s'est  Fait 
beaucoup  de  miracles  à  son  tombeau,  qui 
obligèrent  le  pape  Innocent  III,  après  plu- 
sieurs informations, de  le  canoniser.  Lorsque 
les  monastères  furent  ruinés  au  temps  que 
la  religion  catholique  l'ut  bannie  de  l'Angle- 
terre, il  y  avait  vingt-un  monastères  de  cet 
ordre  dans  ce  royaume.  Simpringham  en 
éta  l  le  chef,  on  y  tenait  les  chapitres  géné- 
raux, auxquels  deux  religieuses,  supérieu- 
res de  chaque  maison,  l'une  des  filles  du 
chœur,  el  l'autre  des  converses,  devaient  as- 
sister; mais  les  frères  convers  n'y  avaient 
aucune  voix.  M.  Alleman,  dans  son  Histoire 
monastique  d'Irlande  ,  marque  encore  une 
maison  de  cet  ordre  à  Ballimore,  dans  la  Mé- 
die  occidentale,  au  comté  de  Westhméalh  ; 
mais  il  se  trompe  lorsqu'il  dit  que  retordre 
dépendait  de  celui  de  Prémontré.  Dodworlh 
et  Dugdalie,  dans  l'Histoire  monastique 
d'Angleterre,  ont  représenté  un  chanoine  et 
une  sœur  converse  de  cet  ordre  dans  leur 
habillement,  el  tels  que  nous  les  donnons  ici, 
auxquels  nous  avons  ajouté  une  religieuse  du 
chœur,  selon  leur  habillement  prescrit  par 
les  constitution^  (1). 

V oi/.  Roger.  Dodworlh  elGuillel.  Dugdalie, 
Monasticum  Anglicauum ,  tum.  II.  Nicol. 
Harspsfeld,  Hist.  Ang1.  srcul.  xn,  cap.  18. 
Rolland.,  Ad.  SS.,  h-  Feb.  Ilaillel,  Vies  des 
SS.,  k  février.  Tamb.,  De  Jur.  abb.,  loin.  II, 
disp.  -24-,  quœst.  5,  num.  3ï.  Hermant,  Hist. 
des  Ofd.  relig.,  tom.  II,  cap.  3o  ;  et  le  P.  Bo- 
nanni,  Catatog.  omn.  Ord.  relig.,  part,  i  et  n. 
GLORIEUSE  VIERGE  MARIE  [Ciusvaliers 
de  la).  Voy.  Frères  joïelx. 

GONZaGUE  (Ermites  de  Notre-Daue  de). 

Des  Ermites  de  Notre-Dame  de  Gonzague  et 
des  Ermites  de  Saint-J  ean-Buptiste  de  la 
Pénitence. 

Morigia,  parlant  des  Ermites  de  Notre-Dame 
de  Gonzague,  dit  que  François  de  Gonza- 
gue, dernier  marquis  de  Mantoue,  allant  un 
jour  se  promener  à  une  maison  de  plaisance 
aux  environs  de  Mantoue,  appelée  la  Gon- 
zague, son  cheval  se  cabra  et  le  jeta  par 
terre,  où  il  fut  quelques  temp,  tenu  pour 
mort;  mais  qu'un  nommé  Jérôme  Raigni  de 
Caslelgioffre,  s'étant  prosterné  devant  une 
image  de  la  Vierge  qui  se  trouva  en  ce  lieu, 
il  lit  vœu  à  Dieu  que,  s'il    rendait  la  santé 


(1)  Yoij.,  à  la  lia  du  vol.,  nos  î>9,  90  et  91. 


Dictionnaire  des  ordres  religieux, 


41-2 


à  ce  prince  il  quitterait  le  monde  pour  se 
consacrer  à  son  service,  cl  pria  avec  tanl  de 
ferveur  la  sainle  Vierge  d'intercéder  pour 
lui  auprès  de  Dieu,  que  ses  prières  furent 
exaucées,  cl  le  marquis  de  Mantoue  se  re- 
leva sans  sentir  aucune  douleur. 

Ce  prince,  ayant  su  le  vœu  que  Jérôme 
llaigni  as  ait  fait,  il  lui  ût  bâtir  un  monastère 
au  même  lieu,  où  il  mena  une  vie  si  sainte  et 
si  exemplaire,  que  plusieurs  personnes  se 
joignirent  en  peu  tic  temps  à  lui.  L'évêquc 
de  Reggio  leur  prescrivit  une  manière  de  vie, 
qu'ils  observèrent  exactement  ci  qui  fut  con- 
firmée par  le  pape  Alexandre  V)  ;  mais  dans 
la  suite  ils  prirent  celle  de  saint  Augustin. 
Morigia  ne  dit  point  quel  était  leur  habille- 
ment. Leur  principal  monastère  était  celui 
de  Gonzague,  où  demeurait  ordinairement 
leur  général,  et  ils  avaient  encore  cinq  ou 
six  couvents  en  Italie;  mais  l'on  ne  connaît 
plus  présentement  ces  ermites. 

Paolo  Morigia.  Ilitt.  detl.  origin.  di  tutt. 
gli  llelig.  lib.  i,  cap.  59. 

Silvestrc  Maurolic  parle  aussi  d'un  ordre 
de  religieux  Ermites  de  Saint-Jean-Baplisto 
de  la  Pénitence  ,  qui  subsistait  de  son  temps 
dans  le  royaume  de  Navarre  ,  et  dont  le 
principal  couvent  ou  ermitage  était  éloigné 
de  sept  lieues  de  la  ville  de  Pampclunc.  Ils 
vivaient  sous  l'obéissance  de  l'évêquc  de 
cette  ville;  mais  leur  supérieurou  prévôt  vint 
à  Rome,  sous  le  pontificat  de  (îrégoircXlll, 
dont  il  obtint  la  confirmation  de  son  ordre, 
et  ce  pontife  approuva  aussi  leurs  constitu- 
tions, leur  permettant  de  faire  des  vœux  so- 
lennels. Ils  avaient  cinq  ermitages,  dans 
chacun  desquels  il  n'y  avaii  pas  plus  de  huit 
ou  dix  religieux.  Le  premier  de  ces  cou- 
vents, qui  était  chef  de  la  congrégation,  s'ap- 
pelait Saint-Clément  le  Vieux,  le  second, 
S.  int-Macaire  de  Monlserrat,  le  troisième, 
Saint- Barthélémy,  le  quatrième,  Saint-Mar- 
tin, et  le  cinquième,  Sainl-Fulgencc. 

Ces  ermites  étaient  très-ausièies.  Ils  mar- 
chaient nu-pieds  sans  sandales,  ils  étaient 
velus  de  bure  (  l  )  ,  ils  ne  portaient  point  de 
linge,  ils  couchaient  sur  des  planches,  ayant 
pour  chevet  une  pierre,  et  ils  portaient  jour 
et  nuit  une  grande  croix  de  bois  sur  la  poi- 
trine. Ils  demeuraient  seuls  dans  des  cellu- 
les séparées  les  unes  des  autres,  au  milieu 
d'un  buis,  et  ils  gardaient  un  étroit  silence. 
Ils  mangeaient  aussi  seuls,  vivant  de  légu- 
mes, ne  buvaient  du  vin  que  rarement,  et  ne 
mangeaient  de  la  viande  que  dans  les  mala- 
dies, avec  la  permission  de  leur  supérieur. 
Ils  récitaient  l'office  divin  en  commun,  dans 
une  église  qui  était  au  milieu  de  leur  ermi- 
tage, prenaient  là  discipline  trois  foi*  la  se- 
maine, et  tous  les  jours  en  carême,  pendant 
lequel  temps  ils  jeûnaient  trois  fois  la  se- 
maine au  |  ain  cl  à  l'eau.  Il  y  avait  quelques 
prêtres  parmi  eux;  mais  ils  ne  s'adonnaient 
ni  à  la  prédication,  ni  à  la  confession.  Mau- 
rolic ajoute  que  ce  qu'il  dit  de  cet  ordre 
n'est  que  sur  le  rapport  d'un  certain  frère 
Jérôme  Henriqucz  du  môme  ordre,   qu'il  vit 


à  Napîes  au  commencement  du  dernier  siè- 
cle, et  qui  ne  put  lui  dire  qui  avait  été  le 
fondateur  de  celle  congrégation,  ni  dans 
quel  temps  elle  fut  fondée.  Leur  habillement 
consistait  en  une  robe  de  gros  drap  de 
couleur  tannée,  serrée  d'une  ceinture  de 
cuir,  avec  un  manteau  et  un  scapulairc  de 
la  même  couleur.  Us  avaient  aussi  toujours 
sur  la  poitrine  une  grande  croix  de  bois, 
comme  nous  l'avons  dit. 

Silvestrc  Maurolic,  Mur.  Océan,  di  tutt. 
gl.Relig.,  lib.  iu,  p.  206. 

I!  y  a  eu  aussi  en  France  un  ordre  sous  le 
litre  d'Ermites  de  Saint-Jean,  comme  il  pa- 
raît par  les  lettres  d'un  prieur  général  do 
l'ordre  des  Ermites  de  Saint-Jean,  par  les- 
quelles, il  s'oblige  de  faire  dire  tous  les  jours 
trois  messes  pour  Alphonse,  comte  de  Poi- 
tiers et  de  Toulouse,  la  comtesse  Jeanne  sa 
femme,  et  pour  le  père  et  la  mère  de  ce 
prince.  Ces  lettres  sont  sans  da'e;  mais 
comme  Alphonse,  comte  de  Poitiers  et  do 
Toulouse,  mourut  l'an  1270,  il  y  a  de  l'appa- 
rence que  cet  ordre  subsistait  dans  le  xin* 
siècle. 

Au  Trésor  des  Chartres  du  Roi.  Toulouse, 
sac.  k,  n.  49. 

GllANDFLUIL.  Voy.  Makmoutiers. 

GRANDMONT  (Ordre  de). 

§  I.  Des  religieux  de.  l'Ordre  de  Grand- 
mont,  arec  la  Vie  de  saint  Etienne  de  Muret, 
leur  fondateur. 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  le  dernier 
siècle  que  l'on  a  été  en  dispute  pour  savoir 
de  quel  institut  était  l'ordre  de  (iraudmont. 
et  s'il  devait  être  censé  membre  de  celui  :1e 
Saint-Augustin  ou  de  Saint-Benoît;  car,  du 
temps  même  de  saint  Etienne  de  Muret,  fon- 
dateur de  cet  ordre,  on  était  dans  la  même 
incertitude  ;  c'est  pourquoi  on  s'adressa  à  lui 
pour  en  être  éclairci,  en  lui  demandant  s'il 
était  moine,  chanoine  ou  ermite.  Mais  la 
curiosité  de  ceux  qui  lui  firent  cette  demande 
n'en  fat  pas  plus  satisfaite,  car  il  leur  ré- 
pondit que  non,  et,  comme  on  le  pressait  de 
dire  ce  qu'il  était,  puisque  tous  les  religieux 
se  rapportaient  à  ces  trois  espèces,  il  répon- 
dit que  ni  lui  ni  ses  religieux  ne  portaient 
point  l'habit  do  moines  ni  de  chanoines,  et 
qu'ils  ne  s'attribuaient  pas  de  si  saints  noms; 
que  les  chanoines,  par  leur  institution,  ont 
le  pouvoir  de  lier  et  do  délier  à  l'exemple  des 
apôtres; que  les  vrais  moines  n'ont  soin  que 
d'eux-mêmes  et  ne  s'occupent  que  de  Dieu, 
cl  que  les  ermites  doivent  demeurer  dans 
leurs  cellules  et  na  vaquer  qu'à  l'oraison  et 
au  silence.  Nonobstant  celie  réponse  de  saint 
Elicnnc,  les  ermites  de  l'ordre  de  Sainl-Au- 
guslin  n'ont  pas  laissé  de  mellrc  l'ordre  de 
Grandmonl  au  nombre  des  congrégations  qui 
ont  suivi  la  règle  de  saint  Augustin.  Quel- 
ques-uns d'entre  eux,  comme  Crusénius,  ont 
prétendu  qu'il  avait  seulement  commencé 
sous  cette  règle  l'an  1076,  qu'il  avait  élé  ap- 
prouvé par  le  pape  Alexandre  11,  et  qu'eu- 


t<)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  u°  92. 


4H                                 GRA  GHA                                 41* 

suite  il  avait  quitté  la  règle  de  saint  Augus-  de  l'ordre  de  Saint- Augustin;  que  ce  suint 
tin  pour  prendre  relie  de  saint  Benoit;  mais  avait  été  pendant  un  temps  disciple  de  Gan- 
comment  cet  ordre,  qui  n'a  commencé  dur,  qui  était,  à  ce  qu'il  prétend,  aussi 
qu'en  1070,  aurait-il  pu  être  approuvé  par  chanoine  régulier;  que  les  Grandniontains 
le  pape  Alexandre  II,  qui  était  mort  dès  sont  appelés  clercs  et  non  pas  moines  ; 
l'an  1073.  Ainsi,  le  témoignage  de  Crusénius  que  depuis  le  pape  Jean  XXII  ils  se  sont 
n'est  pas  recevable,  non  plus  que  celui  de  qualifiés  Chanoines  Réguliers,  Convntuels, 
son  confrère  Elsius,  qui,  en  disant  abso-  Collégiales  et  Stables;  que  dans  l'assemblée 
lument  que  saint  Etienne  prescrivit  à  ses  des  grands  jours  qui  se  tint  à  Tours,  l'on 
disciples  la  règle  de  saint  Augustin,  qu'il  donna  un  de  leurs  monastères,  où  le  relâché- 
avait  pour  lors  trente  ans,  et  qu'il  était  abbé  ment  s'était  introduit,  à  des  religieux  retor- 
de Muret,  se  trompe  considérablement,  prin-  mes  de  l'ordre  de  Saint-Augustin  ;  et  enfin 
cipalement  dans  le  dernier  article,  puisque  que  depuis  l'an  1245  jusqu'à  présent,  les 
cet  ordre  n'a  eu  pour  supérieurs  que  des  (irandniontains  se  servent  au  chœur  de  sur- 
prieurs  jusqu'au  temps  du  pape  Jean  XXII,  plis  et  de  bonnets  carrés,  et  môme  que  pen- 
qui  le  premier  donna  la  qualité  d'abbé  au  dant  un  temps  ils  ont  porté  dis  aumusses. 
prieur  de  Grandmonl.  Mais,  après  avoir  examiné  toutes  choses  avec 

Le  cardinal  Jacques  de  Vitri  semble  agré-  plus  de  réflexion,  il  se  rétracte  dans  ses  An- 
ger  cet  ordre  à  celui  de  Cîteaux  plutôt  qu'à  nales,  en  disant  que  l'ordre  de  Grandmonl 
celui  des  ermites  de  Saint-Augustin,  lorsqu'il  doit  être  regardé  comme  un  ordre  particulier, 
dit  qu'il  observait  la  règle  et  les  coutumes  de  qui,  ayant  été  autrefois  érémilique,  est  de- 
cet  ordre;  ce  qui  a  fait  que  Chrysoslorcie  venu  cénobi tique,  et  est  maintenant  mixte, 
Heniiquez  a  mis  saint  E'ienne  au  nombre  ayant  une  règle  qui  lui  est  particulière. 
des  saints.  Mais  saint  Etienne  ayant  institué  Quoi  qu'il  en  soit,  l'ordre  de  Grandmonl 
son  ordre  vingt-deux  ans  avant  que  celui  de  eut  pour  fondateur  saint  Etienne,  que  plu- 
Cîteaux  commençât,  on  ne  doit  avoir  aucun  sieurs  nomment  de  Muret  à  cause  du  lieu  de 
égard  ni  au  témoignage,  du  cardinal  de  Vitri,  sa  retraite.  Il  vint  au  monde  l'an  10i6,  dans 
ni  à  celui  d  Henriquez.  le  château  de  Thiers,  ville  de  la  Limagne  eu 

Eniin,  plusieurs  écrivains  de  l'ordre  de  Auvergne,  appartenant  à  sa  famille  eu  litre 
Saint-Benoit  n'ont  point  fait  difficulté  de  dire  de  vicomte.  Son  père  se  nommait  aussi 
que  saint  Etienne  avait  prescrit  la  règle  de  Etienne,  et  sa  mère  Candide,  tous  deux  au- 
sainl  Benoit  à  ses  religieux,  entre  les  au-  tant  illustres  par  leur  noblesse  que  recom- 
tres,  Yépez,  qui  dit  qu'il  leur  donna  celte  mandables  par  leur  insigne  piélé.  Après  avoir 
règle  avec  des  constitutions  particulières.  Le  élé  longtemps  sans  avoir  d'enfants,  ils  firent 
P.  Mabillon  a  été  aussi  de  même  sentiment,  des  prières,  des  jeûnes  et  des  aumônes,  pour 
et  dit  que  le  pape  Grégoire  VU  lui  permit  en  obtenir  de  Dieu,  et  promirent  de  lui  con- 
d'établir  un  ordre  monastique  suivant  la  sacrer  le  premier  qu'il  leur  donnerait.  Leur 
règle  de  saint  Benoît,  qu'il  avait  déjà  long-  vœu  fut  exaucé,  car  Candide,  quelque  temps 
temps  pratiquée  avec  des  moines  de  Calabre,  après,  accoucha  d'un  dis  auquel  on  donna  le 
lorsqu'il  alla  en  Italie.  C'est  ainsi  qu'il  en  nom  de  son  père.  Ses  parents,  le  considérant 
parle  dans  sa  préface  du  Second  Siècle  des  comme  le  fruit  de  leurs  prières,  prirent  un 
sainls  de  son  ordre;  et  dans  ses  Annales  du  soin  tout  particulier  de  l'élever  dans  la  piété, 
même  ordre  il  dit  que  celui  de  Grandmonl  Ce  qui  leur  réussit  d'autant  plus  facilement, 
u'élait  pas  tout  à  fait  assujetti  à  la  règle  de  qu'il  s'y  portait  de  lui-même,  car  il  coin- 
saint  Benoît, non  pîusqueceluides  Chartreux:  mença  dès  ses  plus  faibles  années  à  s'adon- 
Alius  ordo  Carthusiensîum  atque  Grandimon-  ncr  à  la  prière  et  à  la  retraite.  Son  père, 
tensiuin,  quorum  Instituions  Bruno  et  Ste-  ayant  eu  dévotion  d'aller  visiter  quelques 
pkanus  Jleneilictinœ  regulœ  non  omnino  ml-  reliques  des  sainls  en  Italie,  y  mena  avec 
clicti  fuere.  Cependant  la  règle  qui  esl  actuel-  lui  son  fils,  qui  n'avait  que  douze  aifs  ;  niais, 
lement  en  pratique  dans  l'ordre  de  Grand-  commeil  revenait  en  France,  le  jeune  Etienne 
mont,  et  qui  fut  écrite  après  la  mort  de  saint  étant  lombé  malade  à  Bénévent,  il  fut  obligé 
Etienne,  son  fondateur,  sur  ce  qu'on  lui  ayaii  de  l'y  laisser  sous  la  conduite  de  l'archevê- 
entendu  dire  ou  vu  faire,  est  si  différente  de  que  de  celle  ville,  appelé  Milon,  qui  était 
celle  de  saint  Benoît,  qu'il  n'y  a  aucune  ap-  originaire  d'Auvergne.  Ce  prélat  en  eut  beau- 
parence  de  vérité  dans  le  sentiment  de  ces  coup  de  soin,  le  fit  instruire  dans  les  se  en- 
auteurs,  ces,  lui  avant  donné  pour  cet  effet  d'excel- 

On  ne  doit  pas  être  surpris  si  les  Augus-  lents  maîtres,  sans  parler  du  soin  qu'il  vou- 
lons et  les  Bénédictins  ont  agrégé  à  leurs'or-  lait  bien  prendre  lui-même  de  lui  donner 
dres  celui  de  Grandmonl,  puisqu'il  s'esl  quelquefois  des  leçons.  Elienne  lit  (le  si 
trouvé  aussi  des  écrivains  de  cet  orlre  donl  grands  progrès  dans  la  vertu,  dans  l'inielli- 
les  uns  ont  cru  qu'il  appartenait  aux  Béné-  gence  des  saintes  Ecritures  et  dans  lout  ce 
diclins,  et  les  autres  aux  Augustins.  Entre  qui  regarde  la  vie  spirituelle,  que  ce  saint 
autres  le  P.  Jean  Lévêque,  religieux  Grand-  prélat,  qui  s'appliquait  à  le  former  parlicu- 
uioulain,  avait  l'ail  une  apologie  pour  prou-  lièrement  pour  le  ministère  de  l'Eglise,  lo 
ver  que  son  ordre  était  sous  la  règle  de  saint  jugeant  digne  de  recevoir  les  ordres  sacrés, 
Augustin;  et  les  raisons  qu'il  en  donnait  lui  donna  l<>  sous-diaconat  et  enfin  le  diaco- 
étaient  que  saint  Etienne.,  en  fondant  son  nat,  le  faisant  en  même  temps,  selon  quel- 
ordre, en  avait  eu  un  pour  modèle  qu'il  av,.it  ques-nns,  son  oliicial  et  archidiacre. 
yu  en  Calabre,  et  qui  était,  selon  ce!  auteur,  Après  la   mort    du   bienheureux  Milon, 


415                                          DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  416 

Elienne,  étant  âgé  de  vingt-qualre  nus,  alla  qui  était  la  seule  chose  qu'il  s'était  réservée 
à  Rome,  où  il  s'arrêta  chez  un  cardinal  peu-  de  loul  le  bien  di>  son  père,  et  en  prononçant 
danl  quatre  ans,  s'instruisanl  fort  soigneu-  ces  mots  :  Moi  Etienne,  je  renonce  mi  diable 
semeut  de  la  conduite  de  divers  religieux  et  et  à  toutes  ses  pompes,  et  je  m'offre  et  me 
du  gouternemenl  de  toute  l'iîglise.  Mais,  donne  à  Dieu  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Es- 
sentanl  augmenter  en  lui  de  plus  en  plus  le  prit,  seul  Dieu  vrai  et  virant  en  trois  person- 
désir  qu'il  avait  eu  à  nénévent  de  se  retirer  nés.  Puis,  mettant  cet  écrit  sur  sa  tête,  il 
tout  à  fait  du  monde,  il  prit  la  résolution  ajouta  :0  Dieu  tout-puissant,  qui  vivez  éter- 
d'imiter  certains  moines  de  Calabre  qui  vi-  nellement  et  régnez  seul  en  trois  personnes,  je 
vaient  dans  une  très-grande  observance,  promets  de  rous  servir  en  cet  ermitage  en  la  foi 
dont  il  avait  ouï  souvent  parler  avec  calhol  'que  ;  en  signe  de  quoi  je  pose  celle  écri- 
grando  estime  à  l'archevêque  M. Ion  ,  et  lure  sur  ma  tête,  et  me's  cet  anneau  à  mon 
qu'il  avait  fréquentés  lui-même.  Il  s'adressa  doigt,  afin  qu'à  l'heure  de  ma  mort  cette  pro- 
pour  cet  effet  au  pape  Grégoire  VII,  qui  le  messe  me  scrv  ■  de  défense  contre  mes  ennemi*. 
connaissait  dans  le  temps  qu'il  était  archi-  Ensuite  de  cela  il  s'adressa  à  la  sainte  Vierge 
diacre  de  l'Eglise  romaine,  et  lui  demanda  la  par  ces  paroles  :  Sainte  Marie,  Mère  de  Dieu, 
permission  de  \ivre  quelque  part  dans  la  je  recommande  à  votre  Fils  et  à  vous-même  , 
pénitence,  conformément  aux  coutumes  de  mon  âme,  mon  corps  et  mes  sens. 
celte  communauté  de  moines  de  Calabre.  I.e  Ce  vœu  étant  fait,  il  résolut  de  ne  plus  re- 
pape différa  quelque  temps  île  lui  accorder  tourner  ;iu  monde  pour  quelque  nécessité 
ce  qu'il  désirait,  se  défiant  de  la  délicatesse  que  ce  fût;  et,  s'en  ferma  ni  dans  sa  cellule, 
de  son  tempérameni  ;  mais  enfin,  pressé  il  y  supportait  également  les  chaleurs  de  l'été 
par  ses  continuelles  instances,  il  lui  permit  et  les  rigueurs  de  l'hiver, n'étant  pasplus  velu 
de  se  joindre  avec  quelques  autres  saints  en  une  saison  qu'en  une  autre,  et  se  servant 
personnages  qui  auraient  le  même  dessein  de  en  tout  temps  d'une  cotte  de  mailles  pour 
vivre  selon  les  observances  de  ces  moines  ca-  chemise  (1).  Sa  lre  nourriture  fut  d'herbes 
labrais,  défendant  à  loutes  personnes  laïques  et  de  racines  lel'es  qu'il  les  trouvait  dans 
ou  ecclésiastiques  d>  le  troubler,  lui  et  ses  son  désert  ;  mais  quelques  bergers  l'ayant 
compagnons,  dans  le  lieu  qu'il  choisit  ait  pour  découvert  au  bout  d'un  temps,  et  s'etantac- 
faire  pénitence,  comme  élant  sous  la  pro-  coutume  à  lui  apporter  du  pain,  depuis  ce 
leclion  du  saint-siége  :  ce  que  Sa  Sainteté  temps-là  sa  nourriture  ordinaire  fut  de  pain 
lui  accorda  par  une  bulle  qui  fut  donnée,  à  et  d'eau,  y  joignant  quelquefois  un  bouillon 
Rome,  en  présence  de.  l'impératrice  Agnès  et  de  farine  très-insipide.  Son  lit  ressemblait 
de  six  cardinaux,  le  1"  mai  de  l'année  1073,  plutôt  au  sépulcre  d'un  mort  qu'au  lit  d'un 
et  la  première  de  son  pontificat.  homme  vivant,  ne  consistant  qu'en  deux  ais 

Etienne,  bien  conleut  de  ce  que  le  pape  lui  enfoncés   dans    la    terre,    sans    matelas    ni 

avait  accordé  sa  demande,  revint  en  France  paillasse,  ni  même  de  couverture.    Outre  le 

et  demeura  quelque  temps  à  Thiers    pioche  grand   olfice.  de    l'Eglise,    il    récitait  chaque 

de  ses  parents,  qui   n'oublièrent  rien    pour  jour  celui  de  la  Vierge   et    celui  des  Morts, 

le  retenir  dans  le  monde.  Mais,  dans  le  temps  aussi  bien  que  celui  de  la  Trinité,  à  neuf  le- 

qu'ils  se  dallaient   le  plus   de   réussir   dans  çons  ;  et  si,  pour  entretenir  ceux  qui  le  ve- 

ceile  entreprise,    Etienne   disparut  et,    se  liaient  voir.il  avait  manqué  à  quelques-uns  de 

laissant  conduire  par  l'Esprit  de  Dieu,  il  alla  ces  offices,  il  le  disait  ensuite  avant  que  de 

d'abord  à  Aureil  ou  Soviat,  à  quelques  lieues  manger:    ce    qui   était    cause  qu'il     passait 

île  Limoges,  où   il  demeura   quelque  temps  quelquefois  les  journées  entières  sans  man- 

sous  la  conduite  de  saint  Gaucher,  qui  y  avait  ger,  n'y  ayant  rien  qui  le  pûl  détourner  d'en- 

bâli  un  monastère,  occupé  présentement  par  (retenir  ceux  qui  venaient  à  lui  pourentendre 

des  chanoines  réguliers,  et  que  l'on   appelle  la  paroi  ■  de  Dieu.  Sa  ferveur  était  si  grande, 

Saint-Jean- d'Aureille.  Mais  saint  Gaucher  qu'il  priait  toujours  à  genoux  et  la  tête  nue; 

ayant  fait  bâtir  aussi  aux  environs  un  autre  et  il  se  prosternait  si  souvent  le  visage  con- 

monaslère  pour  des  femmes  qui  avaient   été  lre  terre,  qu'il  en  était  devenu  tout  livide,  et 

touchées  par  ses  instructions,  et  auxquelles  que   les    calas    paraissaient  à  ses   genoux, 

il  prescrivit  une  règle  et  une  discipline  pour  à   ses  coudes,   et   même   à    son   front   el    a 

mener  une  vie  spirituelle  el  retirée  du  mon-  so  i  nez. 

de,  Etienne  appréhendant  que  le  voisinage  11  demeura  seul  dans  celte  solitude  pen- 
de ce  monastère  ne  lui  lui  nuisible,  quitta  danl  la  première  année,  après  laquelle  il  eut 
saint  Gaucher  et  se  relira  a  Minci  l'an  1070.  deux  disciples  :  mais  ils  ne  furent  de  long- 
C'élait  une  montagne  assez  près  de  Limoges,  temps  suivis  de  personne  à  cause  de  ses  aus- 
où,  dans  le  milieu  île  quelques  rochers  qui  tentés,  qui  épouvantaient  tout  le  monde, 
étaient  couverts  de  grands  bois,  il  se  lit  une  Cependant  L'odeur  de  ses  vertus  y  attira  en- 
pélile  loge  avec  des  branches  d'arbres  entre-  fin  un  grand  nombre  de  personnes  qui  se 
lacées  les  unes  d;ins  les  autres.  Ce  fut  là  que  soumirent  à  sa  conduite,  persuadées  qu'il  les 
notresdinl,  âgéd'environ  lrenteans,coiiiiueii-  mettrait  dans  le  chemin  assuré  du  salul.  Le 
ça  une  nouvelle  vie  par  un  sacrifice  de  soi-  sainl  les  reçut  avec  toute  la  tendresse  et 
même,  en  se  vouant  à  Jésus-Christ  d'une  toute  la  charité  d'un  vérilahle  père,  mais  a 
manière  toute  particulière,  el  en  lui  cotisa-  condition  qu'elles  ne  lui  donneraient  jamais 
craut  la  pureté  de  son  corps  el  de  son  àmc  ,  le  nom  de  maitre  ni  d'abbé,  mais  seulement 
qu'il  lui  avait  gardée  inviolablemeut  jus-  l'humble  lilre  de  correcteur.  Il  adoucissait 
qu'alors  :  ce  qu'il  lit  en  prenant    un  anneau  toujours  en  leur   faveur  Ses   austérités,  afin 

(I)  t>/  ,à  la  tin  du  vol.,  n°  03. 


417                                  GRA  GRA                                  418 

de  ne  ics  point  obliger  à  passer  par  un  clie-  saint  viatique,  et  mourut  un  vendredi  S  de 

min  qu'il  ne  frayait  que  pour  lui.  H   prenait  février  de   l'an    112i,  étant  âgé  de   près  de 

garde  sur  toutes  choses  de  ne  leur  point  im-  quatre-vingts  ans. 

poser  un  joug  trop  pesant,  qu'elles  ne  pus-  Sou  corps  fut  enterré  secrèlement  dans 
sent  point  porter.  Il  était  avec  elles  comme  l'église  de  Muret,  de  peur  que  les  peuples 
le  dernier  de  tous,  «'exerçant  aux  offices  les  n'accourussent  à  son  tombeau  et  ne  trou- 
plus  vils;  et  lorsqu'elles  étaient  assises  pour  niassent  le  repos  des  religieux  ;  mais  les  mi- 
manger,  il  se  mettait  à  terre,  an  lieu  de  racles  que  Dieu  fit  pour  manifester  la  sain- 
s'asseoir  avec  ell<  s, et  leur  faisait  une  lecture  tcté  de  son  serviteur  annoncèrent  sa  mort 
spirituelle  pendant  le  repas.  de  tous  côtés.  On  lui  donna  pour  successeur 
Quoique  ce  saint  fondaieur  voulût  être  ca-  Pierre  de  Limoges,  qui  était  déjà  piètre 
ché  aux  hommes,  sa  réputation  ne  laissa  pas  avant  que  d'entrer  dans  l'ordre;  mais  à  peine 
de  le  faire  connaître  fort  loin;  elle  lui  attira  quatre  mois  furent-ils  écoulés,  que  les  re- 
la  visite  de  deux  des  premiers  cardinaux  de  ligieux  d'Ambazac  (qui,  selon  quelques  ail- 
la cour  de  Rome,  envoyés  en  France  en  qua-  teurs,  étaient  des  chanoines  réguliers  de 
lité  de  légats,  dont  l'un  était  Grégoire  de  Pa-  l'ordre  de  Saint-Augustin,  contre  le  senli- 
perescis,  qui  fut  depuis  pape  sous  le  nom  meut  de  M.  l'abbé  Châtelain,  qui,  dans  le 
d'Innocent  II,  et  l'autre  Pierre  de  Léon,  qui,  premier  tome  de  son  .Martyrologe,  prétend 
après  l'élection  de  ce  pontife,  élu  légitime-  que  c'étaient  des  Bénédictins  qui  dépendaient 
ment,  fil  schisme  dans  L'Eglise,  et  se  mit  sur  de  l'abbaye  de  Saint-Augustin  de  Limoges, 
la  chairede  saint  Pierre,  l'an  1130,  en  prenant  cl  qui  desservaient  la  prévôté  d'Ambazac) 
le  nom  d'Anaclet  II.  Ce  furent  ces  deux  car-  inquiétèrent  ceux  de  .Muret  sur  la  possession 
dinaux  qui  lui  demandèrent,  comme  nous  de  ce  lieu,  quoiqu'il  y  eut  près  de  cinquante 
l'avons  dit  ci-dessus,  s'il  était  moine,  cha-  ans  qu'ils  y  fussent  établis,  prétendant  sans 
noine  ou  ermite,  le  pressant  de  leur  dire  ce  fondement  que  Muret  leur  apparlena  l,  les 
qu'il  était.  Son  humilité,  qui  l'empêchait  de  menaçant  de  les  en  chasser,  s'ils  n'eu  sor- 
s'ailribuer  aucune  de  ces  qualités,  cédant  taient  de  bon  gré.  Les  disciples  de  saint 
pour  lors  à  l'obéissance  qu'il  devait  à  ces  E  ienne,  voulant  uietli  e  en  pratique  les  ver. 
princes  ecclésiastiques,  il  leur  fit  la  réponse  tus  que  leur  maître  leur  avait  enseignées,  ré- 
suivante.  «  Un  mouvement  de  la  grâce  nous  solurent  d'abandonner  celte  montagne,  et 
a  fait  chercher  dans  ces  déserts  un  asile  cherchèrent  effectivement  un  autre  lieu  où 
contre  les  pièges  et  les  périls  de  ce  monde  ,  ils  pussent  servir  Dieu  en  paix  et  sans  trou- 
etla  profession  de  la  pauvreté  et  de  l'abais-  ble.  Ils  en  visitèrent  beaucoup  ;  mais,  n'en 
sèment  que  nous  avons  embrassée  nous  a  éié  trouvant  pas  de  propre,  ils  jugèrent  qu'ils 
imposée  par  le  souverain  pontife  romain  en  le  devaient  demander  à  Dieu,  qui  avait  dé- 
penitence  de  nos  péchés,  selon  la  prière  que  signé  à  Abraham  relui  où  il -voulait  qu'il  le 
nous  lui  en  avons  faite.  Notre  faiblesse  ne  servit.  Le  prieur  fut  chargé  d'offrir  pour  cela 
nous  permit  pas  d'atteindre  à  la  perfection  le  saint  sacrifice  de  la  messe,  et  les  prières 
de  ces  sainls  ermiles  qui  passaient  autrefois  des  religieux  furent  si  ferventes  et  si  agréa- 
les  semaines  entières  dans  la  contemplation  blés  à  Dieu,  qu'immédiatement  après  qu'on 
sans  manger;  mais,  en  lâchant  de  suivre  eut  entonné  trois  fois  i'Agnus  De,  une  voix 
l'exemple  de  nos  frères  qui  servent  Dieu  si  se  fit  entendre  qui  dit  aussi  par  trois  fois,  A 
purement  dans  la  Calabre,  nous  attendons  Grandmonl.  Plusieurs  ayant  ealendu  dislin- 
ia  miséricorde  de  Jésus-Christ  au  jour  de  son  clément  celte  voix,  l'assemblée  se  persuada 
dernier  jugement.  Vous  voyez  aussi  que  nous  aisément  que  c'était  là  le  lieu  que  le  ciel  leur 
n'avons  ni  l'habit  des  chanoines  ni  celui  des  indiquait.  Les  religieux  y  coururent  sans 
moines.  Nous  n'avons  pas  la  témérité  de  nous  perdre  de  temps  ;  ils  bâtirent  à  peu  de  frais 
attribuer  la  puissance  des  chanoines,  qui  une  chapelle  et  de  petites  cellules,  après  quoi 
par  leur  institut  ont  le  pouvoir  de  lier  et  de  ils  retournèrent  à  Muret,  où  ils  avaient 
délier,  à  l'exemple  des  apôtres,  ni  la  sainte-  laissé  quelques-uns  des  leurs  pour  garder  le 
lé  des  moines,  dont  la  profession  fait  voir  corps  de  leur  bienheureux  père,  dont  s'étant 
l'excellence  de  leur  étal.  »  chargés,  ils  revinrent  dans  le  désert  de 
Huit  jours  après  le  départ  des  cardinaux  ,  Grandmont,  et  l'enterrèrent  sous  le  marche- 
saint  Etienne  connut  par  inspiration  di-  pied  de  l'autel  de  leur  nouvelle  chapelle. 
vine  que  sa  fin  était  proche  :  c'est  pourquoi  il  Celle  translation  du  corps  de  saint  Etienne  et 
s'app  iqua  tout  entier  à  la  prière  et  à  lin-  la  transmigration  de  cette  sainte  famille  se 
slruction  de  ses  disciples,  qui  lui  demandant,  firent  le  25  juin  de  la  même  année  112k 
quelque  temps  avant  qu'il  mourût,  de  quelle  Après  la  mort  de  Pierre  de  Limoges,  qui 
manière  ils  pourraient  subsister  après  sa  arma  l'an  1139,  on  élut  à  sa  place  Pierre 
mort,  vu  qu'ils  n'avaient  aucuns  biens  tem-  de  Saint-Christophe  ,  qui  ne  gouverna  ce 
porels,  il  leur  répondit  :  «  Je  ne  vous  laisse  monastère  que  jusqu'en  l'un  llil,  qu'il  mou- 
que  Dieu,  àqui  toutappartient,  el  pour  lequel  rut.  On  lui  donna  pour  successeur  Etienne 
vous  avez  renoncé  à  tout  et  à  vous-mêmes,  de  Lisiac,  qui  réduisit  par  écrit  la  règle  de 
Si  vous  aimez  la  pauvreté  et  vous  attachez  l'ordre,  sur  ce  que  l'on  avait  entendu  dire 
à  lui  constamment,  il  vous  donnera  par  sa  ou  vu  faire  au  saint  fondateur.  Jusque-là  on 
providence  tout  ce  qui  vous  sera  expédient.»  n'avait  presque  connu  que  par  conjecture 
Cinq  jours  après  il  se  trouva  mal;  on  le  les  austérités  extraordinaires  de  la  pénitence 
porta  à  la  chapelle,  où,  après  avoir  entendu  et  de  la  pauvreté-  de  ces  saints  solitaires  et 
la   messe,  il   reçut   l'extrême  onction  et  le  de   leur  chef;  mais ,  lorsque    l'on  vit  cïlte 


i!9 


MCTIONNAH.K  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


règle  écrite,  on  cessa  de  s'étonner  pourquoi 
le  nombre  de  ces  religieux  péniienls  était  si 
petit.  Sous  le  gouvernement  de  cet  Etienne 
île  Lisiar,  Dieu  répandit  tant  de  bénédictions 
sur  cet  ordre,  qu'en  moins  de  trente  ans  l'on 
fonda  plus  de  soixante  maisons  en  divers 
lieux,  principalement  dans  l'Aquitaine,  qui 
comprenait  le  Limousin  ;  dans  l'Anjou  et  dans 
la  Normandie,  qui  appartenaient  pour  lors 
à  l'Angleterre,  dont  les  rois  firent  de  grands 
biens  à  cet  ordre,  qui  prit  le  surnom  de 
Grandmont ,  k  cause  qu'on  soumettait  à  ce 
monastère,  qui  avail  litre  de  prieuré,  tous 
ceux  que  l'on  bâtissait,  auxquels  on  donnait 
le  nom  de  Cellrs;  de  même  qu'on  donnait 
celui  de  Bons-  H  ouïmes  aux  religieux  de  cet 
ordre,  comme  il  paraît  par  les  actes  des  do- 
nations de  ce  temps-là  ,  dans  lesquels  les 
bienfaiteurs  déclarent  qu'ils  donm  ni  à  Dieu, 
à  la  sainte  Vierge,  au  prieur  et  aux  frères  ou 
lions-Hommes  de  Grandmont. 

Le  premier  monastère  de  cet  ordre,  qui  fut 
bâti  en  France,  fut  celui  de  Vincenncs  près 
Paris,  fondé  par  le  roi  Louis  Vil  l'an  UOr.  Il 
a  toujours  été  l'une  des  principales  maisons 
de  l'ordre,  tant  qu'il  en  a  été  en  possession. 
Jean  XX11  l'érigea  en  prieuré.  Le  correcteur 
était  le  premier  visiteur  de  l'abbaye  de 
Grandmont,  chef  d'ordre,  et  confirmait  aussi 
l'élection  de  l'abbé,  avec  les  prieurs  de  Bois- 
rayer,  du  Pui-Chévrier  et  DclTeuds;  et,  lors- 
que le  roi  Louis  XI  eut  institué  l'ordre  de 
Saint-Michel,  il  voulut  que  le  prieur  de  ce 
monastère  de  Vinccnnes  fût  chancelier-né  de 
cet  ordre  militaire;  ce  qui  fit  qu'il  fut  bientôt 
en  commende.  Le  cardinal  de  Lorraine  fut  le 
premier  commendalaire  ;  Gabriel  le  Veneur, 
aussi  cardinal,  lui  surcéda,  et  après  lui  Michel 
de  Chiverni,  chamelier  tle  France,  qui  fut 
aussi  le  premier  chancelier  de  l'ordre  du 
Saint-Esprit  et  en  même  temps  chancelier  de 
celui  de  Saint-Michel.  Enfin,  l'an  lo8i,le  roi 
Henri  111  donna  ce  couvent  à  des  religieux 
de  l'ordre  de  Saint-Jérôme,  qui  le  cédèrent 
l'année  suivante  aux  Minimes,  qui  en  sont 
encore  en  possession  ;  et  le  roi,  pour  dédom- 
mager les  religieux  de  Grandmont,  leur 
donna  eu  échange  le  collège  de  Mignon  à 
Paris,  qui  porte  présentement  le  nom  de  col- 
lège de  Grandmont. 

Dans  les  commencements  de  cet  ordre,  le 
nombre  des  frères  convers  était  plus  grand 
que  celui  des  prêtres  el  des  clercs,  ce  qui 
causa  souvent  de  la  division  entre  eux.  Les 
convers  poussèrent  même  suivant  leur  inso- 
lence, qu'ils  retinrent  en  prison  Guillaume 
de  Treynac,  sixième  prieur  de  Grandmont,  et 
voulurent  le  déposer.  Ce  différend  dura  pi  es 
de  trois  ans,  et  ne  fut  terminé  que  par  le  pape 
Innocent  111.  Son  prédécesseur,  Luciuslll, 
avait  déjà  commis  celte  affaire  aux  soins  de 
l'évèque  de  Chartres  et  de  l'abbé  de  Saint- 
Victor  a  Paris,  qui  rétablirent  Guillaume  de 
Treynac.  Ce  prieur  mourut  l'an  1188,  et  eut 
pour  successeur  Gérard  lthier,  qui  poursui- 
vit la  canonisation  de  saint  Etienne,  fonda- 
teur de  cet  ordre.  Urbain  111  en  avait  déjà 
instruit  le  procès,  à  la  sollicitation  du  roi 
d'Angleterre  et  de  quelques  seigneurs  fran- 


çais; mais  ce  fut  Clément  III  qui  publia  la 
bulle  de  sa  canonisation,  l'an  1189;  et  la  cé- 
rémonie s'en  fit  à  Grandmont,  la  môme  année, 
par  le  cardinal  de  Saint-Mare,  légat  du  pape, 
accompagné  de  vingt-huit  prélats  du  royau- 
me. Le  même  pape  confirma,  en  1188,  la  règle 
de  cet  ordre,  qui  avait  déjà  été  approuvée 
par  ses  prédécesseurs,  Adrien  IV  en  1156, 
AlexandrellI  en  117k,  Lucius  III  en  1 182,  et 
Urbain  111  en  1186.  Célestin  III  y  fit  quelque 
changement  en  1191,  aussi  bien  que  ses  suc- 
cesseurs, Innocent  III  en  1202,  Honorius  111 
en  1218,  et  Grégoire  IX  en  1234.  Mais  Inno- 
cent IV,  en  12i5,  y  fit  plus  de  changements 
que  les  autres;  car  il  en  retrancha  plusieurs 
chapitres.  Clément  V  y  fit  encore  quelques 
additions  et  des  changements  vers  l'an  1309, 
aussi  bien  que  Jean  XXII. 

Nous  avons  dit  que  sous  Guillaume  de 
Treynac  les  frères  convers  avaient  commen- 
cé à  mettre  la  division  dans  l'ordre,  9'etanl 
soulevés  contre  les  clercs,  et  que  même  ils 
mirent  en  prison  ce  prieur,  à  cause  qu'il 
prenait  leur  parti.  Casurem,  qui  fui  élu  en 
1210,  souffrit  aussi  de  leur  pari  une  autre 
persécution,  parce  qu'il  prenait  encore  le 
parti  des  clercs;  mais  il  réduisit  si  bien  les 
convers,  qui  exerçaient  l'office  de  correcteur 
aussi  bien  que  les  clercs,  qu'il  leur  donna 
l'exclusion  pour  toutes  les  supériorités  des 
maisons  de  l'ordre.  Ce  prieur,  après  avoir 
gouverné  l'ordre  pendant  douze  ans,  re- 
nonça à  son  office,  et  Hélie  Arnaudi  fut  mis 
en  sa  place  en  1228.  Sous  son  gouvernement, 
le  pape  Grégoire  IX  ordonna  que  deux  reli- 
gieux de  l'ordre  des  Chartreux,  et  autant  do 
celui  de  Cîleaux,  se  trouveraient  pendant  trois 
ans  conséculifsaux  chapitres  généraux  qui  sa 
tiendraient  à  Grandmont,  et  qu'ils  feraient 
dans  cel  ordre  telle  réforme  qu'ils  jugeraient 
à  propos,  sans  que  l'on  pût  appeler  de  leurs 
ordonnances.  Les  religieux  ayanl  dénoncé 
leur  prieur  au  saint-siège  comme  coupable  do 
plusieurs  crimes  qu'on  lui  imputait,  le  pape 
nomma  l'évèque  de  Poitiers,  les  abbés  de 
Savigni  et  un  autre  de  l'ordre  de  Cîleaux,  e| 
les  prieurs  de  Ligetz  et  de  Clandière  de  l'or- 
die  des  Chartreux,  pour  commissaires  apo- 
stoliques. Ceux-ci,  ayant  examiné  celte  af- 
laire,  prononcèrent  contre  lui  une  sentence 
de  déposition,  sous  peine  d'excommunication 
s'il  s'ingérait  dans  le  gouvernement  de  l'or- 
dre; mais,  le  jour  qu'on  devait  lui  signifier 
la  sentence,  n  fit  enfermer  l'évèque  et  les 
autres  commissaires,  et  alla  à  Home  trouver 
le  pape,  qui  l'envoya  à  l'abbé  de  Saint-Lau- 
rent eaira  muros  pour  être  absous  de  l'cx- 
communicalion  qu'il  avait  encourue  pour 
être  venu  à  Home  sans  sa  permission  ;  cl , 
comme  il  poursuivait  son  rétablissement,  il 
mourut  dans  la  même  ville  eu  12<-!S. 

Après  sa  déposition,  Jean  de  Laigle  fut 
mis  à  sa  place,  ayant  éié  élu  dans  un  chapi- 
tre général  qui  se  tint  à  Vincennes,  dans 
lequel  on  publia  les  statuis  et  les  règlements 
qui  avaient  été  faits  par  les  commissaires 
apostoliques  pour  la  réforme  de  l'ordre.  Ce 
prieur  renonça  aussi  à  son  office  pour  mener 
une  vie  privée,  n'ayant  gouverné  l'ordre  que 


121  GRA 

pendant  (rois  ans  et  demi.  Iiiers  de  Merle, 
quinzième  prieur,  se  démit  aussi  de  celle  su- 
périorité en  1200.  Ce  lui  de  son  temps  que 
les  religieux  français  voulurent  avoir  un  gé- 
néral et  transférer  le  chef  d'ordre  au  nio- 
nastère  de  Vincennes.  Le  roi  de  Fiance  les 
protégea  d'abord,  mais  il  les  obligea  ensuito 
d'obéir  au  prieur  de  Grandmont,  après  que 
lliers  de  Merle  lui  eut  fait  connaître  le  tort 
que  cela  causerait  à  l'ordre,  s'il  était  divisé 
el  soumis  à  deux  généraux.  Pierre  de  Caussac 
lut  aussi  un  de  ceux  qui,  pour  mener  une 
vie  plus  tranquille,  se  démit  de  la  supériorité 
de  cet  ordre,  à  laquelle  il  avait  été  élu  en 
1282.  Son  gouvernement  ne  fut  pas  paisible, 
car,  deux  ans  après  son  élection,  les  visi- 
teurs de  l'ordre  le  déposèrent  el  firent  élire 
à  sa  place  Bernard  Risse.  Pierre  de  Caussac 
en  appela  au  pape,  qui  nomma  pour  juges 
de  celle  affaire  et  réformateurs  de  l'ordre, 
Bernard  de  Montaigu,  abbé  de  Moissiac;  Gé- 
raud,  provincial  des  Dominicains  ;  et  Radul- 
plie,  doyen  de  l'église  de  Poitiers,  qui,  ayant 
fait  attention  à  tout  ce  qui  leur  fut  dit  de  part 
et  d'autre,  prononcèrent  en  faveur  de  Pierre 
de  Caussac,  qui  fut  rétabli  dans  son  office, 
dont  il  se  démit  en  1290.  Gui  de  Foucbères 
(il  aussi  la  même  chose  après  avoir  gouverné 
l'ordre  pendant  quinze  ans.  Ce  lut  de  son 
temps  que  le  pape  Clément  V  alla  en  1306  à 
Grandmont  avec  sept  cardinaux  et  loute  la 
cour  romaine.  Il  y  demeura  pendant  cinq 
jours,  el  Cl  venir  devant  lui  le  prieur  et  les 
religieux,  auxquels  il  dit  qu'il  y  avait  envi- 
ron vingt  ans  qu'il  avait  appris  les  divisions 
qui  étaient  dans  l'ordre;  qu'il  était  venu  ex- 
près pour  cela  de  Lyon  à  Grandmont,  et  que, 
aprèj  avoir  examiné  leur  règle  et  les  privi- 
lèges des  visiteurs  de  ce  chef  d'ordre,  le  pou- 
voir qu'ils  avaient  après  la  mort  ou  la  dé- 
mission du  prieur  de  nommer  douze  électeurs 
tant  clercs  que  convers,  et  d'ehre  tous  les 
ans  avec  le  prieur  neuf  définiteurs  clercs, 
selon  le  privilège  qu'ils  avaient  obtenu  d  In- 
nocent IV,  il  révoquait  tout  cela  ,  à  cause 
que  les  visiteurs,  du  temps  du  prieur  Pierre 
de  Caussac  (qu'il  avait  connu  dès  l'enfance 
lorsqu'il  était  correcteur  de  la  maison  de 
Deffends,  dans  laquelle  il  avait  été  élevé) 
l'avaient  déposé  injustement  en  lui  imputant 
des  crimes  dont  il  elail  innocent. 

Guillaume  de  Pré  Morelle,  après  la  démis- 
sion de  Gui  de  Foucbères,  fut  élu  dans  le 
chapitre  général  pour  lui  succéder.  Le  même 
Clément  V  accorda,  à  la  prière  de  ci-  prieur, 
des  dispenses  à  l'ordre  louchant  l'abstinence 
de  la  viande,  et  cita  le  même  prieur  pour  se 
trouver  au  concile  général  de  Vienne;  mas, 
étant  mort  en  1312,  Jordan  de  Bapistang  lui 
succéda  et  fut  le  dernier  prieur  de  Grand- 
mont. Son  gouvernement  ne  fut  pas  tran- 
quille; car  en  1314  il  y  eut  encore  de  gran- 
des divisions  dans  l'ordre.  La  plupart  des 
religieux,  ne  voulant  plus  reconnaître  ce 
prieur,  qu'ils  accusaient  d'avoir  dissipé  les 
biens  du  monastère,  le  déposèrent  et  mirent 
à  sa  place  Hélie  Adeniart  :  ce  qui  causa  un 
schisme;  car  il  y  en  cul  d'autres  qui  obéi- 
rent toujours  à  Jordan  de  Rapislang.  Celte 


r.nx  H* 

division  dura  jusqu'en  1 3 1 G ,  que  Jean  XXII, 
ayant  été  mis  sur  la  chaire  de  saint  Pierre, 
et  avant  pris  connaissance  de  ces  différends, 
reforma  encore  l'ordre,  et  changea,  comme 
nous  avons  dit,  beaucoup  de  choses  à  la  rè- 
gle. De  cent  quarante  cèdes  ou  environ  qui 
dépendaient  de  Grandmont ,  il  en  érigea 
trente-neuf  en  prieurés  conventuels,  à  cha- 
cun desquels  il  unit  quelques-unes  des  au- 
tres celles,  et  divisa  ces  prieurés  en  neuf 
provinces,  savoir:  France,  Bourgogne,  Nor- 
mandie, Anjou,  Poitou,  Sainlonge,  Gasco- 
gne, Provence  et  Auvergne.  Il  permit  aux  re- 
ligieux de  ces  prieurés  d'élire  leurs  prieurs, 
et  les  obligea  d'en  demander  la  confirmation 
à  celui  de  Grandmont.  Il  ajouta  un  qua'rième 
visiteur  aux  trois  qui  avaient  toujours  été 
dans  l'ordre,  et  quant  aux  deux  prieurs  qui 
disputaient  ensemble  pour  le  gouvernement 
de  l'ordre,  il  les  mit  d'accord  en  ne  recevant 
ni  l'un  ni  l'autre.  Il  érigea  le  monastère  de 
Grandmont  en  abbaye,  en  1317,  et  nomma 
pour  premier  abbé  Guillaume  Pellicier,  qui, 
selon  la  coutume,  reçut  le  bâton  pastoral  des 
mains  du  cardinal  d'Ostie  l'an  1318v  el  gou- 
verna l'ordre  jusqu'en  1337.  Pierre  d'Albert 
fut  son  successeur  et  fut  confirmé  par  le 
pape  Benoit  XII.  Clément  VI  lui  accorda  lé 
droit  de  nommer  aux  quatre  premiers  prieu- 
rés de  l'ordre  qui  viendraient  à  vaquer  lors- 
qu'il aurait  reçu  la  bénédiction  abbatiale;  et 
les  abbés  de  Grandmont  ont  joui  jusqu'à 
présent  de  ce  droit.  Guillaume  de  Fumel,  qui 
fut  patriar>be  d'Anlioche,  s'élant  démis  de 
cette  abbaye  entre  les  mains  du  pape  Paul  II 
en  1471,  ce  pontife  la  donna  au  cardinal  de 
Bourbon,  archevêque  de  Lyon,  qui  en  lut  lo 
premier  abbé  commendataire.  Antoine  Alle- 
mand, évéque  de  Cahors,  lui  succéda.  Il  y 
eut  après  lui  quatre  cardinaux  de  suite  qui 
la  possédèrent,  qui  furent  Guillaume  Bnçon- 
nct,  Sigismond  de  Gonzague,  Charles  de  Ca- 
relto  et  Nicolas  de  Fiesque,  après  la  mort 
duquel  on  redonna  cette  abbaye  au  cardinal 
de  Gonzague,  qui  s'en  était  demis  en  faveur 
du  cardinal  Caretto.  Le  dernier  aBbé  com- 
mendataire fut  François  de  Neuville,  qui  ré- 
signa cette  abbaye,  à  son  neveu  François  do 
Neuville,  religieux  de  celte  maison,  et  depuis 
ce  temps-là  les  abbés  ont  toujours  été  régu- 
liers jusqu'à  présent. 

Il  y  avait  plus  de  cent  trente  ans  que  l'on 
n'avait  point  tenu  de  chapitres  généraux 
dans  cet  ordre,  lorsque  dorn  Georges  Barny, 
abbé  de  Grandmont,  et  quarante-deuxième 
général,  en  convoqua  un  dans  ci  Ue  abbaye 
eu  1643,  pour  rétablir  dans  l'ordre  l'obser- 
vance régulière.  A  cet  effet  on  dressa  des 
statuts  qui  contiennent  douze  chapitres,  dont 
le  premier,  qui  regarde  l'office  divin,  or- 
donne que  tous  les  jours  les  prêtres  célébre- 
ront la  sainte  messe,  selon  la  coutume  de 
l'ordie,  et  que  tous  les  religieux  assisteront 
à  la  messe  conventuelle,  pendant  laquelle 
on  n'en  pourra  point  dire  d'autres,  ni  chan- 
ter aucun  office  canonial;  que  dans  tous  les 
I  Heures  conventuels  on  chantera  aussi  tous 
les  jours  une  messe  haute,  pourvu  qu'il  y 
ait  un  nombre  de  religieux  suffisant,  el  que 


4I3 


DICTI0NNA1RK  HKS  ORDIIRS  RELIGIEUX. 


424 


dans  l'abbaye  de  Grandmoni  on  en  chantera 
deux;  que  tous  les  dimanches,  les  fêles  de 
première  classe,  et  celles  delà  sainte  Vierge, 
excepté  le  jour  de  Notre-Dame  des  Neig  s, 
l'on  fera  la  procession  autour  du  cloître.  Le 
père  l'Evêque,  dans  les  Annales  de  cet  or- 
dre, imprimées  en  1GG3,  dit  néanmoins  que 
l'on  fait  tous  les  jours  trois  processions,  la 
première  après  prime  dans  le  cimetière,  et, 
où  il  n'y  en  a  point,  à  l'entrée  du  cloître;  la 
seconde  après  vêpres,  de  la  même  manière; 
et  que  la  troisième,  que  l'on  faisait  aussi 
autrefois  dans  le  cimetière  avant  complies, 
se  fait  présentement  hors  de  l'église. Il  ajoute 
que,  dans  le  commencement  de  l'ordre,  les 
religieux  allaient  si  souvent  prier  dans  le 
cimetière,  qu'on  ne  permettait  ci  aucun  ve- 
nant de  dehors  de  parler  à  personne  qu'il 
n'y  eût  été  prier.  Selon  ces  mêmes  staluts, 
tous  les  lundis,  hors  le  temps  de  l'Avent  et 
du  Carême,  l'on  doit  dire  une  messe  pour 
les  religieux  décèdes  dans  l'ordre  ;  l'on  en 
doit  dire  aussi  une  de  la  Vierge  tous  les  jours, 
dans  l'abbaye  de  Grandmoni,  et  une  fois  la 
semaine  dans  les  prieurés,  pour  la  conserva- 
lion  du  même  ordre,  pourvu  que  ce  ne  soient 
point  des  jours  de  la  première  et  seconde 
classe.  Us  réciteront  l'office  selon  l'usage  de 
l'Eglise  romaine;  personne  ne  pourra  s'ab- 
senter des  offices,  tant  de  jour  que  de  nuit, 
sans  la  permission  du  supérieur  ;  et  les 
clercs,  outre  le  grand  office,  réciteront  en- 
core tous  les  jours  au  chœur  l'office  de  la 
Vierge  et  celui  des  morts,  sous  un  nocturne, 
excepté  les  dimanches  el  les  fêtes  doubles, 
pendant  les  octaves  et  pendant  la  semaine 
sainte;  mais  pour  lors  ils  seront  obligés  de 
les  réciter  en  leur  particulier.  Les  convers, 
pour  matines,  diront  treize  Pater,  trois  pour 
chacune  des  autres  heures,  el  cinq  pour  vê- 
pres. Personne  ne  peut  rien  avoir  en  propre, 
en  sorte  que  quand  quelqu'un  par  obéis- 
sance sort  d'un  couvent  pour  aller  demeu- 
rer dans  un  autre,  il  ne  pourra  emporter  ni 
livres,  ni  ses  propres  écrits,  ni  chose  aucune, 
sans  le  consentement  du  supérieur,  qui  est 
maître  de  l'en  priver  s'il  le  veut.  Les  supé- 
rieurs exerceront  l'hospitalité  et  distribue- 
ront les  aumônes  selon  ce  qui  aura  été  pres- 
crit par  les  visiteurs.  Il  est  défendu  de  man- 
ger de  la  viande  tous  les  mercredis  et  les 
samedis  d'après  Noél,  jusqu'à  la  Purification 
de  la  sainte  Vierge,  quoiqu'ils  se  trouvent 
dans  les  lieux  où  il  est  permis  d'en  manger  : 
ce  qu'ils  doivent  même  observer  dans  les 
voyages,  comme  aussi  depuis  la  fête  de  l'As- 
cension jusqu'à  la  Pentecôle.  Ils  jeûnent 
depuis  la  fête  de  tous  les  Saints  jusqu'à  la 
Nativité  de  Noire-Seigneur,  depuis  la  Sep- 
tuagésime  jusqu'à  Pâques,  et  tous  les  ven- 
dredi de  l'année  hors  le  temps  pascal,  ils 
jeûnent  aussi  le  jour  de  saint  Marc,  les  veil- 
les de  la  fête  du  saint  sacrement,  celles  de 
la  sainte  Vierge,  excepté  celles  de  la  Vi- 
sitation et  de  Notre-Dame  des  Neiges;  les 
veilles  ('es  Apôtres,  excepté  celle  de  saint 
,'ean  l'Evangéliste;  les  trois  jours  des  Koga- 

(t)  Voy.,  à  Ij  lia  du  vol.,  n"»  95,95  et  06. 


lions,  et  les  jours  ordonnés  par  l'Eglise,  et 
depuis  le  premier  dimanche  de  l'Avent  jus- 
qu'à Noël,  les  quatre-temps  et  tous  les  ven- 
dredis, quand  il  n'y  a  point  d'office  double. 
Toutes  les  veilles  des  fêtes  de  la  Vierge  et 
les  autres  jeûnes  de  l'Eglise,  ils  ne  doivent 
mangerquedes  viandes  quadragésimales, au- 
tant que  cela  se  peut.  Le  silence,  selon  ces 
mêmes  constitutions,  doit  être  observé  exac- 
tement dans  l'église,  le  cloître,  le  dortoir  et 
le  réfectoire. 

Telles  sont  les  principales  observances 
prescrites  par  ces  statuts,  bien  différentes 
de  celles  qui  se  pratiquaient  avant  les  miii- 
galions  de  celle  règle  par  les  souverains 
pontifes  :  car  Us  ne  mangeaient  jamais  de 
viande,  même  dans  les  maladies,  et  ils  jeû- 
naient depuis  la  fête  de  l'Exaltation  de  la 
sainte  croix  jusqu'à  Pâques.  Le  silence  était 
égal  à  celui  des  Chartreux.  Us  avaient  seu- 
lement une  conférence  une  fois  le  jour,  et, 
si  quelqu'un  y  avait  parlé  d'affaires  du 
monde  ou  de  choses  inutiles,  il  était  sévère- 
ment puni.  Il  y  avait  un  porche  ou  portique 
hors  le  couvent,  proche  l'église,  pour  parler 
aux  séculiers,  qui  n'entraient  jamais  ou  que 
fort  rarement  dans  le  couvent.  L'on  exerçait 
l'hospitalité  envers  les  étrangers,  pour  les- 
quels il  y  avait  une  maison  bois  le  couvent. 

Quant  à  l'habillement,  il  consistait  en  une 
robe  et  un  scapulairc  auquel  était  attaché 
un  capuce  pointu.  Clément  V  ordonna  que 
les  habits  seraient  noirs.  Quelques  auteurs 
disent  que  dans  ce  temps-là  ils  devaient  être 
de  laine  naturellement  noire;  et  le  P.  l'Evê- 
que dit  qu'il  a  vu  dans  l'abbaye  de  Mache- 
rels  un  tilre  par  lequel  Henri,  comlc  da 
Champagne,  donna  cent  aunes  de  bureau 
pour  babiller  les  religieux.  Présentement, 
leur  habillement  consiste  en  une  robe  de 
serge  noire  avec  un  scapulaire  fort  large  de 
même  étoffe,  auquel  e  t  attaché  un  capuce 
ou  chaperon  assez  ample.  Ils  ont  un  petit 
collet  de  toile  large  de  deux  doigts  ;  au 
chœur  ils  mettent  un  surplis  avec  un  bonnet 
carré  (1). 

Il  y  a  aussi  trois  monastères  de  religieu- 
ses de  cet  ordre,  mais  l'on  ne  sait  point  par 
qui  ils  ont  été  fondés  ni  en  quel  temps.  Le 
P.  Lévèque  dit  que  l'an  iSkO  il  y  cul  une 
convention  entre  l'évêiiue  de  Limoges  et 
l'abbé  de  Grand  mont  au  sujet  du  monastère 
de  Drouille-la-Blanche,  par  laquelle  toute 
la  juridiction  sur  ce  monastère  fut  laissée  à 
l'abbé  de  Grandmoni  ,  qui  en  a  toujours 
joui,  aussi  bien  que  sur  le  monastère  de 
Drouille-la-Noire,  qui  est  un  autre  monas- 
tère de  religieuses  de  cet  ordre.  François  de 
Neuville  ,  abbé  de  Grandmoni  ,  fonda  le 
prieuré  de  Castenelle,  qui  est  du  nombre 
des  quatre  auxquels  les  abbés  de  Grand- 
moni ont  droit  de  nommer,  après  avoir  reçu 
la  bénédiction  abbatiale,  lorsqu'ils  viennent 
à  vaquer.  Les  religieuses  oui  les  mêmes 
observances  que  les  religieux,  et  sont  aussi 
habillées  de  noir. 

Joan.  Lévèque,  Anna!.   Ord.  Grandmoni. 


423                              GRA  GRA                                428 

BoDnncius,  -Act.  SS.,  lom.   II   Febr.  Sainte-  put   fiire  surmonter  les   obstacles   qu'il    se 

Marthe,  Gu'lia  Chris!.,  lom.  IV.  Henri  de  la  douait  bien  qu'il  (: ouver  il  à  l'exé  nli 

Marche,  Vie  de  saint  Etienne  de  Muret.  Bail-  so.i   de  sein,  et  principalement  le  refus  «le 

let  et  Giry,  Vies  des  Suints.  Régula  S.  Sle-  son  abbé,  dont  il  était  près  ;ue  certai  i,  s'a- 

phani   edit.   ann.  1671,  et   capital.   General,  dressa   au  cardinal  de  Richelieu,  qui  lui  lit 

ejustl.  ord.  eelebr.  ann.  16Ï3.  obtenir  ce   qu'il    souhaitai!  :  en    sorte   qu'il 

„    ,,     n          ...            .,              ,     „      ,       ,  commença    sa    réforme   le  i  août   16+2.  no- 

§    11.  Des   religieux  reformes  de  l  ordre  de  nohstanl  l'oppos  lion  de  ce  même  abbé,  qui 

Grandmont     appelés    de  I  Etroite   Obser-  ,ui  donna  enfin  un(1  obé()io,iro  pour           ;_ 

vance.arec  lu  vie  du  révérend  Père  Charles  rer  dans  |e       jeilré  .rEpoissc  près  de  DiJ 

Irémont,  leur  reformateur.  avec  dom  Joseph  Eohoait  nl  gfeux  du  J^ 

L'ordre  de  Grandmont   s'étant  beaucoup  ordre,  qui   lui  le   premier  qui    embra-sa    la 

relâché  de  son  ancienne  observance, comme  réforme.  Cette  maison,  qui  avait  été  fondée 

on  a  vu  dans  le  paragraphe  précédent,  dom  l'an  1189  par  Odon,  duc  de  Bourgogne,  était 

Charles  F  rémont,  religieux  de  cet  ordre,  fut  presque  ruinée;  mais  ces  religieux  y  menè- 

inspiré  de  Dieu   pour   la  rétablir.  Il    naquit  rent   une   % ie  si  sainte  et  si    péniienie,  que 

à    Tours    l'an    1610,  de    parents    distingués  leur  réputation   s'étant  étendue  par  tonte  la 

parmi  les    bourgeois   de  cette   ville,  et    prit  Bourgogne, cette  maison  changea  en  peu  de 

l'habit  de  cet  ordre  à  l'âge  de  dix-huit  ans.  temps  de    face  par  la  libéralité  de  ceux  qui 

11  lit  son  noviciat  avec   une  exactitude  qui  étaient   les   témoins   de    leurs  vertus   et  de 

allait  au  delà  de  ce  qu'on  pouvait  désirer  de  leurs  austérités.  Il  serait  diiflcile  d'exprimer 

lui;  et,  étant   sur  le  point  de  faire    profes-  ce  que  ces  religieux  eurent  à  souffrir  de  la 

sion,  il  s'y  prépara  par  un  renouvellement  de  part  de  ceux  de  l'observance  mitigée, et  p  ir- 

ferveur,  bien  résolu  d'observer,  après  la  pro-  ticulièrement   le  P.  Charles    Frémont;   mais 

îioncialion  de  ses  vœux,  la  règle  primitive,  ce  saint  religieux  ne  ût  paraître  qu'une  pa- 

dont  l'inobservance  lui  était  tout  à  fait  sen-  lience  et  une  douceur  ad  mira  M  s,  pardon- 

sible.  Ce  qu'il  exécuta  en  effet  comme  il  1'.;-  nant  de  bon  cœur  les   entreprise   de  quel- 

vait  résolu  :  car,  à  peine  fut-il  engagé  dans  ques    religieux    malintentionnés    contre  sa 

cet  état  de  pénitence,  qu'il  s'étudia  à  en  pra-  personne. 

tiquer    secrètement    toutes    1rs   auslériiés  ,  Mais,  dans  le  temps  que  les  hommes  s'ef- 

principalement     l'abstinence   de    la  viande,  forçaient  de  le  persécuter   et   de   renverser 

Quelque  soin  qu'il  eût  de  se  cacher  aux  yeux  ses  desseins,  Dieu  bénissait  son  travail  :  car 

des  hommes,  l'ennemi  du  genre  humain,  ja-  sa  réforme   fut    augmentée  en  1650  par  une 

loux  de   sa  sainteté,  fit  en  sorle   qu'on   les  nouvelle  maison,  dont  les  fondements  furent 

découvrit  et  que  l'on  mît  d- s  empêchements  jetés  le  2i  mars  dans  la  ville   de   Thiers   en 

à  son  zèle;  mais  Frémont  n'en   avança  pas  Auvergne,  où  saint    Etienne,   fondateur  de 

moins  dans  le  chemin  de  la  perfection,  par  cet  ordre,  avait  pris  naissance.  Celte  maison 

sa  paifaite  soumission    aux    ordres   de  ses  fut  bâtie  par  les  libéralités  des  habitants,  à 

supérieurs  et  par  la  pratique  de  plusieurs  cause  de   la  dévotion  qu'ils  portaient   à   ce 

autres  vertus  et  mortifications,  qu'il  subsli-  saint   fondateur,   dont    les    parents    étaient 

tua  à  la  place  de  cette  inobservance,  éludant  vicomtes  de  ce   lieu.  Le   roi  Louis  XIV,  par 

ainsi  tous  les  efforts  de  l'ennemi  de  son  sa-  les  lettres  patentes   qu'il   accorda    poir  cet 

lut.  Tous  les  jours  il  servait  cinq  ou  six  mes-  établissement,  permit  à  ces  religieux  réfor- 

ses  avec  une  modestie  angélique;  et,  après  mes  de  rece\oirdes  novices  dans  celte  mai- 

qu'il  eut  reçu  la  prêtrise,  dom  Georges  Barni,  son.  Celte   même  réforme  fut  introduite   eu 

qui  fut  élu  général  en  1635,  le  fil  prieur  de  1668  dans  le  couvent  de  Chavanon,  au  dio- 

i'abhaye  de  Grandmont.  11  s'acquitta  de  cet  cèse  de  Clermont  ;  danscelui  de  Saint-Miche! 

emploi  au   contentement   de  tous    les  reli-  deGrandmont.audiocèse  deLodè\e,  en  1679; 

gieux;  mais,  voyant  qu'il  ne  pouvait  en  ce  dans  celui  de  Louyes,  au  diocèse  de  Chartres, 

poste  entreprendre  la  réforme,  qui  occupait  en  1681  :  dans  celui  de  Vieux-Pont,  au  dio- 

sou  esprit  nuit  et  jour,  il  demanda  permis-  cèse  de   Sens,  en  1683.  et  dans    l'abbaye    de 

sion  au  gênerai  de  venir  à  Paris,  sous  pré-  Macherels,  au  diocèse  de  Troyes,  en  1687. 

texte  d'y  étudier  en  théologie,  espérant  qu'il  Ce  fut  dans  la  maison  de  Thiers,  qui  est  la 

lrou\erait  dans  cette   grande  ville  quelque  plus    considérable  de  celle    étroite    obser- 

inoyen  de  réussir  dans  son  entreprise.  11  ob-  vance,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  la   plus  riche, 

Uni  celte    permission,  et   le   général   le   Gt  que  dom  Charles  Frémont  dressa   les  statuts 

prieur  du  collège  de  Grandmont,  où  en  effet  propres  à  celte  réforme  et  à  l'observance  de 

il  étudia  en  théologie  ,  jusqu'à  ce  qu'enfin,  la  règle,  qu'il  voulait  rétablir  dans  sa  pureté, 

se   croyant   suffisamment   versé   dans   cette  Les  points  principaux  et    auxquels  tous  les 

science   pour  remplir  son  ministère,  il  de-  autres  se  réduisent,  sont  l'assiduité  à  l'office 

manda  au  général  la  permission  de  se  reti-  et  à  l'oraison,  auxqoels  on  emploie   plus  de 

rer  en  quelque  maison  de  l'ordre  pour  y  ob-  huit  heures  par  jour;  l'abstinence  delà  viande 

server  à  la  lettre  la  règle  que  le  pape  lnno-  tant  au  dedans  qu'au  dehors  de   la  maison, 

c  ni  IV  avait   mitigée,  et  qui    est  regardée  excepté   dans   les   maladies,   selon    la  règle 

dans  l'ordre  comme  la  règle  primitive. Ce  gé-  modifiée  par  Innocent  IV;  les  jeûnes  de  près 

ueral,  bien  loin  de  lui  accorder  sa  deman  te,  de  huit  mois  de  l'année,  l'usage  des  viandes 

s'y  opposa  fortement;  mais  Charles,  qui  n'a-  quadragésimales,  depuis  la  fêle  de  tous  Ie9 

'ail  souhaité  aller  à  Paris  que  dans  l'espé-  saints  jusqu'à  Noél,  et  depuis   la   Septuagé- 

jance  d'y  trouver  quelque  protection  qui  lui  sime  jusqu'à  Pâques  ;  et  la  solitude,  les  reli- 

Djctionnairf.  nss  Ordres  religieux,  il.  li 


i:n 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


gietix  ne  sortant  que  Irès-rarement,  et  jamais 
pour  vir  leurs  parents  et  leur  rendre  visile. 
La  communauté  dé  la  maison  deThiers, 
où  le  Pi  Frémont  faisait  sa  résidence  ordi- 
naire, était  si  liien  réglée,  que  (ouïe  la  pro- 
vince, édifiée  de  la  sainleté  de  ces  religieux, 
ne  pouvait  s'empêcher  de  donner  des  louan- 
ges et  des  bénédictions  à  ce  saint  réforma- 
teur, qui  y  exerça  pendant  trente  ans  l'of- 
fice de  supérieur,  animant  ses  inférieurs  cl 
les  autres  religieux  de  la  réforme,  par  ses 
exemples  et  ses  exhortations,  à  maintenir 
celle  réforme.  Enfin,  dans  ses  dernières  an- 
nées, il  était  si  rempli  de  la  pensée  de  sa  der- 

'  nière  fin,  que,  pour  s'y  disposer  plus  parti- 
culièrement, quoique  toute  sa  vie  eût  été  une 
préparation  presque  continuelle  à  la  mort, 
on  le  vit  plus  assidu  à  l'oraison  et  à  ses  au- 
tres exercices  de  piété  et  de  mortification.  Ne 
se  contentant  pas  des  instructions  qu'il  avait 
faites  à  ses  religieux,  il  voulut  encore  leur 
en  donner  par  écrit,  en  composant  un  livre 
de  piété  qu  il  leur  adressa,  dans  lequel  entre 
antres  avis  qu'il  leur  donne  pour  bien  rem- 
plir les  devoirs  de  leur  solitude,  il  les  ex- 
horte à  être  dans  une  continuelle  méditation 
des  mystères  de  la  Trinité  et  de  Jésus-Christ 
en  sa  vie  cachée  à  Nazareth  :  mystère  qui  le 
ravissait,  ci  qu'il  disait  souvent  devoir  être 
un  objet  particulier  aux  religieux  de  la  ré- 
fo:  me  de  Grandmont,  qui,  par  leur  état  pau- 
vre, caché,  humble,  pénilent,  el  uniquement 
attaché  à  Dieu,  devaient  représenter  celui 
de  Jésus-Christ  à  N.i/arelh,  souhaitant  qu'ils 
y  fussent  sans  cesse  unis.  Enfin  il  inspire 
dans  ce  livre  une  dévotion  singulière  à  la 
sainte  famille  de  Jésus,  Marie  et  Joseph,  pour 
laquelle  il  avait  une  si  grande  dévotion  et 
un  amour  si  parfait,  qu'il  eu  faisait  les  dé- 
lices de  son  âme  :  ce  qu'il  conserva  jusqu'à 
la  fin  de  sa  vie,  qu'il  termina  dans  la  prière 
cl  l'oraison,  et  avec  une  parfaite  soumission  à 
la  volonté  de  Dieu, en  1089,  étant  âgé  de  près 
de  79  ans.  Sa  mort  ayant  été  divulguée  dans 
la  ville  de  Thiers,  il  y  eut  une  si  grande  loule 
de  peuple  qui  accourut  au  monastère,  que 
l'on  rompait  tout  pour  le  voir  et  pour  en  ap- 
procher. 

Celle  réforme  s'est  maintenue  jusqu'à  pré- 
sent dans  les  maisons  où  elle  fut  introduite 
du  vivant  du  réformateur;  mais  depuis  sa 
mort  elle  n'a  fait  aucun  progrès.  Avant  que 
toutes  ces  maisons  fussent  réformées,  elles 
étaient  en  désordre:  il  n'y  avait  dans  cha- 
cune qu'un  ou  deux  religieux,  qui  y  vivaient 
a  leur  liberté,  sans  aucune  régularité,  et 
sans  célébrer  l'office  divin.  Présentement  il 
y  a  au  moins  dans  chacune  de  ces  maisons 
huit  ou  dix  religieux,  el  même  dans  quel- 
ques-unes il  y  en  a  jusqu'à  vingt.  Les  reli- 
gieux de  cette  élioite  observance  dépendent 
du  général,  reçoivent  de  lui  leurs  obédiences, 
et  ne  font  point  de  corps  séparé. 

lis  ont  été  longtemps  en  possession  de 
toutes  les  maisons  dont  nous  venons  de  par- 
ler, sans  qu'on  les  inquiétât;  mais  l'abbé  de 
Macherets,  qui  les  avait  appelés  dans  son 
abbaye  en  1087,  se  repentant  de  les  avoir 

fait  venir,  voulut  les  en  chasser,  sous  pré- 


423 

texte  qu'ils  y  avaient  été  introduits  sans 
leltres  patentes  du  roi,  contre  l'édit  de  Sa 
Majesté,  du  mois  de  juin  if>7i,qui  défend  aux 
réformés  de  s'introduire  dans  des  monastères 
sans  letlres  patentes  ;  mais,  par  un  arrêt  du 
conseil  d'Etat  du  27  juin  1700,  le  roi  con- 
firma et  autorisa  cet  établissement ,  permet- 
tant aux  réformés  d'y  vivre  en  communauté 
religieuse  sous  la  juridiction  de  leur  général, 
suivant  leur  institution,  Sa  Majesté  ayant  re- 
connu que  celle  réforme  n'était  en  aucune 
manière  contraire  à  son  édit  de  l'an  1071, 
dont  les  motifs  ne  regardeat  que  les  monas- 
tères indépendants,  et  qu'on  assujeltit  à  un 
nouveau  chef;  et  que  l'inconvénient  auquel 
elle  avait  voulu  remédier  par  le  même  édit 
regarde  seulement  les  nouvelles  congréga- 
tions exemptes,  et  les  établissements  nou- 
veaux des  maisons  religieuses.  L'abbaye  de 
Macherets  était  autrefois  prieuré,  et  fut  éri- 
gée en  abbaye  par  le  pape  Innocent  X  en 
1650.  Ces  religieux  réformés  ont  pris  l'ancien 
babillemenl  de  l'ordre,  qui  consistait  en  une 
robe  de  drap  noir,  avec  un  scapulaire  auquel 
est  attaché  un  capuce  qui  se  termine  en 
pointe,  aussi  de  couleur  noire,  avec  une 
ceinture  de  cuir. 

Mémoires  manuscrits. 

GRANDMONTAINS.  Voy.  Guandmont. 

GRIGNANS  (Règle  des).  Voy.  Césaire 
(Saint-)  ad  calcem. 

GRISES  (Soeurs). 

Des  religieuses  hospitalières  du  Tiers  Ordrt 
de  Saint-François  dites  les  Sœurs  Grises. 

Peu  après  la  naissance  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-François,  l'on  confia  aux  frères  et  aux 
sœurs  qui  en  faisaient  profession  la  conduite 
des  hôpitaux  et  des  maisons  les  plus  célè- 
bres, pour  les  exercices  de  charité  :  ce  qui  a 
été  cause  que  dans  la  suite  ou  a  formé  des 
congrégations  particulières  d'hospitaliers  et 
d'hospitalières  de  cet  ordre.  Gui  de  Joinvillo 
ayant  fondé  sur  la  fin  du  xin"  siècle  l'ordre 
des  Hospitaliers  delà  Charité  de  Notre-Dame, 
ils  prirent  de  leur  propre  autorité  la  règle 
du  Tiers  Ordre,  qu'ils  ont  suivie  jusque  sous 
le  pontificat  de  Clément  VI,  qui  leur  ordonna 
de  la  quitter  pour  prendre  celle  de  saint  Au- 
gustin ;  et  ils  commencèrent  pour  lors  à 
faire  des  vœux  solennels.  Sur  la  fin  du  xvic 
siècle,  les  Obregons  lurent  institués  aussi 
bien  que  les  Rons-Fieux,  qui  commencèrent 
vers  l'an  1015,  et  qui,  sans  laire  de  vœux 
solennels,  non  plus  que  ces  anciens  hospita- 
liers du  même  ordre,  observent  la  troisième 
règle  de  saint  François  avec  beaucoup  de 
fidélité.  Il  n'en  a  pas  élé  de  même  des  Hospi- 
talières, qui  sous  différents  noms  sont  répan- 
dues en  grand  nombre  en  différentes  pro- 
vinces de  France,  d'Allemagne  et  de  Flandre, 
puisque  dès  leur  institution  elles  ont  tait  des 
vœux  solennels.  Celles  qui  n'avaient  point 
de  rentes  et  vivaient  des  aumônes  qu'elles 
allaieut  chercher,  furent  appelées  Us  Sœurs 
de  ta  Celle,  et  elles  allaient  servir  les  malades 
hors  leurs  mouastères  ;  les  autres  furent  ap- 
pelées les  Sœurs  de  la  Faille,  à  cause  qu'elles 


4-29 


G  RI 


GïU 


430 


portaient  sur  leurs  habile,  quand  elles  sor- 
taient de  grands  manteaux  ou  chapes  qui 
avaient  au  haut  une  espèce  de  chaperon, 
ilont  elles  se  couvraient  le  visage  pour  c'étre 
point  vues  aisément,  comme  on  a  pu  remar- 
quer dans  la  ligure  que  nous  en  avons  ci- 
ilevanl  donnée.  Celles  qui  exerçaient  dans 
leurs  hôpitaux  la  charité  envers  les  malades 
ou  le^  pèlerin*!  forint  appelées  simplement 
Hospitalières;  elles  vivaient  de  leurs  renies 
et  ne  mendiaient  point.  Enfin  il  y  en  a  eu 
d'autres  qu'on  a  appelées  les  Sceitrs  Grises,  à 
cause  qu'elles  étaient  habillées  de  gris  blanc. 
Celles-ci  sont  encore  en  grand  nombre,  Dl  ont 
toujours  retenu  le  nom  de  Sieurs  Grises, 
quoique  la  plupart  soient  présentement  ha- 
billées de  blanc,  quelques-unes  de  noir,  et 
d'autres  de  bleu  obscur. 

Les  Sœurs  Grises  de  Flandre  et  de  France 
avaient  toujours  été  sous  ia  juridielion  et 
l'obéissance  du  provincial  des  Frères-Mi- 
neurs de  a  province  de  France  parisienne; 
mais  depuis  que  la  réforme  des  Recollets  a 
été  introduite  eu  ces  quartiers,  quelques- 
unes  de  ces  Sœurs  Grises  se  sont  soumises 
à  leur  obéissance.  L'an  1483,  le  P.  Jean 
Ch r.  ehin,  v. taire  provincial  de  la  province 
de  France  parisienne,  et  le  P.  Jacques  Stoe- 
llin,  visiteur  de  ces  hospitalières,  ayant 
dressé  des  statuts  pour  elles,  les  supérieures 
et  quelques  religieuses  députées  des  couvents 
de  Saint-Om  r,  Dunkcrquc,  Boulogne,  Bour- 
bourg,  l'Fcluse,  Wissebecq,  Viannc,  Nieu- 
port,  Ostende,  Mous,  Douai,  Ave-ms,  Pro- 
pingues,  Berge  Saint  -Vinoe,  Bcaumont, 
Ardre,  Bray-sur-Somme,  Nivelle,  Amiens, 
Bruges,  Tournai  et  autres,  se  trouvèrent  à 
Wissebecq,  où  ces  statuts  furent  reçus  par 
Ces  icligieuses.  Ils  contiennent  sept  chapitres, 
dont  le  premier  traite  de  la  réception  des 
sœurs  ;  le  second,  du  service  divin  ;  le  troi- 
sième, de  ce  que  les  sœurs  doivent  faire  étant 
à  la  maison  ;  le  quatrième,  de  ce  qu'elles 
doivi  ni  observer  étant  auprès  des  malades  ; 
le  cinquième,  de  la  manière  qu'elles  se  doi- 
vent comporter  hors  le  couvent;  le  sixième, 
de  la  correction  des  sœurs  quand  elles  font 
quelques  fautes  ;  et  le  septième,  des  prières  et 
suffrages  pour  celles  qui  seraient  décidées. 
Elles  doivent  se  lever  à  minuit  pour  dire  les 
matines  du  petit  office  de  la  sainte  Vierge, 
et  demeurer  ensuite  en  récolleclion  et  à 
l'oraison  jusqu'à  deux  heures,  qu'elles  re- 
tournent au  dortoir  pour  repos;  r  jusqu'à  cinq 
heures  du  malin  en  élé,  et  à  six  en  hi\er, 
qu'elles  disent  primes,  tierce  et  sexte,  qui 
sont  suivies  de  la  messe  conventuelle,  après 
laquelle  elle?  vont  travailler  en  commun  en 
gardant  le  silence,  jusqu'à  diner.  Depuis  le 
diner  jusqu'à  trois  heures,  elles  retournent 
au  travail,  et  disent  ensuite  vêpres,  après 
lesquelles  elles  vont  encore  travailler  jusqu'au 
souper.  Quand  elles  sont  envoyées  dehors 
pour  le  service  des  malades,  elles  vont  tou- 
jours deux  ensemble  ;  elles  ne  doivent  point 
se  séparer,  mais  aller  directement  où  elles 
sont  envoyées,  et,  afin  d'éviter  la  familiarité 
avec  les  séculiers,  elles  ne  doivent  pas  veil- 
ler plus  de  trois  jours  dans  uue  même   mai- 


son. Quand  elles  sont  envoyées  par  la  supé- 
rieure pour  d'autres  affaires,  elles  ne  doi- 
vent ni  boire  ni  manger  hors  le  couvent 
qu'avec  une  permission  expresse.  Toutes  les 
semaines  on  lient  le  ehapitre  au  moins  une 
fois,  et  deux  ou  trois  fois  s'il  est  nécessaire, 
pour  reconnaître  leurs  fautes  devant  la  su- 
périeure. Les  jeûnes  et  abstinences  sont  les 
mêmes  que  ceux  qui  sont  ordonnés  bar  la 
règle.  Voici  la  formule  de  leurs  vœux  :  Je 
t\.  voue  et  promets  à  Dieu,  à  la  glorieuse 
vierge  Marie,  à  saint  François,  à  tous  les 
suints,  et  à  vous,  ma  révérende  Mère,  </'  tre 
tous  les  jours  de  ma  vie  obéissante  à  notre 
saint  père  le  pipe  et  à  ses  successeurs  cunod- 
quement  élus,  et  vivre  en  obéissance  et  p  u- 
vreté  sans  propre  et  en  chasteté,  et  garder  ta 
troisième  règle  de  saint  Français  confirmée 
par  le  pape  Nicolas  IV,  à  la  discrétion  de 
mes  supérieurs. 

Elles  tenaient  autrefois  des  assemblées 
générales  de  toutes  les  supérieures  des  mo- 
nastères de  leur  ordre,  mais  cela  ne  se  pra- 
tique plus  à  présent.  Plusieurs  de  ces  Hos- 
pitalières ont  même  embrassé  la  clôture, 
comme  celles  d'Amiens,  de  Montreuil,  de 
Douriens,  d  »  Rue.  de  Saint-Qui  nlin,  de  Mon- 
didier,  de  Neufcliâlel,  de  Grandv  illiers ,  de 
Gournai,  de  Bernai,  de  Mons,  et  d'antres  dont 
quelques-unes  n'ont  pas  pour  cela  abandon- 
né l'hospitalité,  qu'elles  exercent  chez  elle-;, 
soit  à  l'égard  des  pèlerins,  soit  à  l'égard  des 
mal, ides;  et  celles-ci  ont  des  constitutions 
particulières.  Il  y  a  aussi  des  Sœurs  de  la 
Celle  qui  ont  pris  la  clôture.  Les  maires  et 
échevins  de  Beauvais,  voyant  que  celles  qui 
étaient  établies  dans  leur  ville,  où  elles  s'emi 
ployaient  au  service  des  malades,  voulaient 
prendre  la  clôture,  s'y  opposèrent  l'an  1627, 
et  eurent  recours  à  l'autorité  du  parlement 
de  Paris  pour  les  en  empêcher;  mais  le  par- 
lement, par  un  arrêt  du  4-  août  1629,  accor- 
da la  demande  des  religieuses,  à  condition 
qu'elles  abandonneraient  la  maison  qui  leur 
avait  élé  donnée  par  la  ville  et  qui  était  au- 
trefois un  béguinage.  Cependant,  ces  reli- 
gieuses ayant  fait  voir  qu'elles  avaient  ac- 
quis la  plus  grande  partie  du  lieu  où  elles 
demeuraient,  elles  lurent  confirmées  dans  la 
possession  de  ce  béguinage,  et  la  réforme  fut 
introduite  dans  leur  maison  avec  la  clôture, 
l'an  1630.  L'évêquc  de  Toul,  Henri  de  Thiard 
de  Bissi,  depuis  évëque  de  Meaux  et  cardi- 
nal de  la  sainte  Eglise  romaine,  voulut  obli- 
ger les  Sœurs  Grises  de  Nancy  à  recevoir 
aussi  la  clôture:  ce  prélat  donna  pour  cet 
effet  une  ordonnance  le  31  octobre  1096; 
mais  ces  religieuses  en  appelèrent  comme 
d'abus  au  parlement  de  Metz,  et  elles  sont 
demeurées  dans  leur  premier  état. 

Quoique  ces  Hospitalières  soient  appelées 
Sœurs  Grises,  à  cause  de  leurs  habits  gris, 
qu'elles  portaient  autrefois  avec  un  voile 
blanc,  il  y  en  a  néanmoins  plusieurs  qui  sont 
habillées  de  blanc  avec  un  scapulaire  de 
même  et  un  voile  noir,  principalement  celles 
de  Lorraine,  et  il  y  en  a  d'autres  qui  sont  ha- 
billées de  noir,  et  d'autres  de  bleu  obscur. 
Nous  donnons  seulement   ici   l'habillement 


4"1 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


432 


<]c  celles  oc  Lorraine  el  de  ces  anciennes 
Hospilalièresqui  étaient  habillées  de  gris(l). 

Luc  Wading,  Annal.  Minor.  Factums  im- 
primés pour  les  Sœurs  Grises  de  Nancy.  Leurs 
constitutions  manuscrites  ;  et  Louvet,  Anti- 
quité de  Henuvnis. 

Dès  l'an  1300,  un  saint  prêtre  ayant  fondé 
un  hôpital  dans  la  ville  de  Mons  pour  de 
pauvres  femmes,  il  en  donna  le  soin  à  des 
séculières,  et  l'administration  aux  magistrats 
de  la  ville,  qui,  l'an  1470,  peu  contents  de 
ces  séculières,  y  firent  venir  des  religieuses 
du  Tiers  Ordre  de  Saint-François,  'lu  mo- 
nastère de  Brugelelle,  à  trois  lieues  de  celle 
ville,  afin  que,  comme  elles  ne  gardaient 
point  de  clôture,  elles  pussent  soigner  les 
malades  dans  leurs  propres  maisons.  La  mère 
Claire  Hambray,  en  étant  supérieure  l'an 
1048,  fit  son  possible  pour  réformer  ce  mo- 
nastère, où  les  religieuses,  quoique  sous 
l'habit  de  Saint-François,  ne  laissaient  pas 
d'avoir  un  air  assez  mondain,  comme  on 
peut  voir  dans  la  ligure  que  nous  donnons 
d'une  de  ces  anciennes  religieuses  (2).  Elle 
voulut  pour  cet  effet  les  obliger  à  la  clôture  ; 
mais,  les  magistrats  et  les  principaux  bour- 
geois de  la  ville  s'y  étant  opposés,  elle  se 
contenta  d'introduire  peu  à  peu  la  réforme 
par  ses  bons  exemples  et  par  le  retranche- 
ment des  sorties  fréquentes,  ne  permettant 
à  ses  religieuses  de  sortir  du  monastère  que 
rarement  el  pour  des  affaires  urgentes  el  ab- 
solument nécessaires.  Elle  obtint  la  permis- 
sion de  faire  dire  le  grand  office  de  l'Eglise 
selon  l'usage  de  l'Eglise  romaine  et  de  l'or- 
dre de  Saint-François,  et,  outre  les  Irois 
vœux  ordinaires,  ses  religieuses  en  ajoutè- 
rent un  quatrième,  de  garder  la  règle  du 
Tiers  Ordre  de  Saint-François  réformée  par 
Léon  X.  La  même  année,  le  P.  Marchant, 
commissaire  général  de  l'ordre,  leur  permit 
de  porter  un  habit  brun  au  lieu  de  celui 
qu'elles  avaient,  qui  était  gris  blanc;  et  cet 
habit  consiste  en  une  robe,  un  scapulaire  sur 
lequel  il  y  a  l'image  de  la  sainte  Vierge,  et 
un  manteau  descendant  jusqu'aux  talons.  11 
leur  permit  aussi  de  porter  le  voile  noir  en 
ayant  toujours  eu  un  blanc  jusqu'alors, 

Enfin,  l'an  1089,  la  mère  Jésus-Marie  de 
Sainte-Hélène,  de  l'illustre  famille  de,  iiryas, 
étant  supérieure  et  désirant  voir  ses  reli- 
gieuses cloîtrées,  sollicita  son  frère  Jacques 
de  Bryas.pour  lors  archevêque  de  Cambrai, 
d'obtenir  cette  permission  des  magistrats  de 
Mons,  qui  ne  purent  refuser  à  ce  prélat  une 
demande  si  juste;  et  ces  religieuses  embras- 
sèrent la  clôture  et  prirent  !e  nom  de  Sœurs 
Grises  Réformées.  Cette  digne  supérieure 
avait  été  chanoinesse  dans  l'illustre  chapitre 
de  Sainte-Vaudru  de  la  même  ville,  et  était 
entrée  ensuite  dans  ce  monastère,  où  peu  de 
temps  après  sa  profession  elle  fut  élue  su- 
périeure; et,  pendant  \ingl-neuf  ans  qu'elle 
a  exercé  celte  charge,  elle  a  leçu  quarante- 
sept  filles  à  la  profession,  sans  avoir  jamais 
eu  en  vue  aucun  intérêt  temporel.  Elle  était 
infatigable  aux   offices  divins  et  en  tout  ce 

(t)  Voi/.,  i  la  fin  du  vol.,  n<"  07  et  98. 


qui  regardait  le  service  de  Dieu  et  la  disci- 
pline régulière.  Elle  était  douce  aux  autres, 
très-sévère  à  elle-même;  el,  après  avoir  ser- 
vi à  ses  filles  de  modèle  de  charité,  de  pa- 
tience, d'humilité  et  de  toutes  les  autres  ver- 
tus chrétiennes,  elle  mourut  l'an  1G99.  Voici 
les  instructions  qu'elle  laissa  à  ses  filles  en 
mourant,  selon  le  témoignage  du  P.  Fran- 
çois Mosens,  son  confesseur.  Elle  les  exhor- 
ta d'être  toujours  fidèles  à  Dieu,  d'observer 
inviolablement  ce  qu'elles  lui  avaient  pro- 
mis le  jour  de  leur  profession,  et  d'avoir  un 
grand  zèle  pour  tout  ce  qui  regarde  son  ser- 
vice et  leur  institut.  Elle  leur  recommanda 
la  pauvreté,  qui  a  toujours  été  le  caractère 
particulier  de  cette  maison  depuis  que  la  ré- 
forme y  a  été  établie,  et  de  ne  pas  se  servir 
de  la  moindre  chose  sans  la  permission  de 
la  supérieure.  Elle  leur  recommanda  aussi 
la  charité  et  l'union,  sans  laquelle  Dieu  ne 
pouvait  pas  demeurer  parmi  elles  ni  régner 
dans  leurs  cœurs,  les  avertissant  que  par 
celte  vertu  divine  elles  seraient  toutes  en 
Dieu  et  pour  Dieu,  et  qu'elles  devaient  dissi- 
muler et  supporter  les  unes  et  les  autres 
leurs  faiblesses.  Elle  les  conjura  de  n'avoir 
jamais  d'autres  désirs  ni  d'autre  ambition 
que  de  plaire  à  Dieu,  et  de  faire  toutes  leurs 
actions  avec  autant  de  perfection  qu'elles 
voudraient  les  avoir  faites  à  l'heure  de  la 
mort.  Enfin  elle  les  pria  de  ne  jamais  s'oc- 
cuper (iue  de  Dieu  el  d'elles-mêmes,  sans 
s'arrêter  ni  aux  actions  ni  à  la  conduite  des 
autres.  Tels  furent  les  derniers  sentiments 
de  cette  sainte  supérieure,  qui  mourut  âgée 
de  soixante-cinq  ans. 

Mémoires  envoyés  de  Mons  en  1711. 

GROTTE.  Voy.  Mont-Cassin. 

GUASTALINÉS.  Voy.  Angéliques. 

GUILLAUME  (Province  de  Saint-).  Voy. 
Adglstins  (Ermites  de  Saixt-). 

GUILLELM1TES  (Moines). 

Des  moines  Guillelmitet,  avec  la  vie  de  saint 
Guillaume  le  Grand,  ermite  de  Malaval,  leur 
fondateur. 

De  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  de  l'ordre 
des  Guillelmites  et  de  leur  fondateur,  il  y  en 
a  très-peu  qui  l'aient  fait  conformément  à  la 
vérité,  faute  apparemment  de  s'être  donné  la 
peine  de  la  chercher  dans  l'histoire,  ou  de 
faire  une  juste  combinaison  des  lieux,  des 
temps  et  des  personnes  qui  faisaient  la  ma- 
tière du  sujet  qu'ils  traitaient.  Mais,  entre 
ces  auteurs,  M.  Herman,  curé  de  Maltot,  est 
celui  quia  le  plus  erré  dans  ce  qu'il  dit  de 
cet  ordre  (dans  son  livre  de  l'Etablissement 
des  ordres  religieux)  tant  au  sujet  du  nom  de 
lUuncs-Manleaux  (qu'il  préleud  leur  avoir 
été  donné  par  rapport  aux  manteaux  qu'ils 
portaient  de  cete  couleur;  qu'au  sujet  de 
leur  fondateur.  Sa  première  erreur  au  sujet 
du  nom  est  facile  à  détruire,  puisqu'il  n'est 
pas  vrai  que  ces  religieux  aient  jamais  porté 
de  manteaux  blancs,  et  qu'il  est  très-sûr  qu'il 
n'y   eut  que  ceux  qui  demeuraient  dans  le 

(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  »<"  U9  el  100. 


455 


GUI 


' 


GUI 


431 


monastère  de  Paris  qui  portassent  ce  nom, 
par  rapport  aux  religieux  qui  l'avaient  oc- 
cupé avant  eux,  qui,  étant  servîtes  ou  serfs, 
portaient  des  manteaux  blancs,  et  laissèrent 
le  nom  de  Bttmcs-Manleaux  au  monastère, 
et  non  pas  à  la  congrégation  qui  vint  s'y 
établir  après  eux,  dont  le  véritable  nom  était 
celui  de  Saint-Guillaume  du  Désert,  comme 
il  est  facile  de  le  voir  par  l'acte  de  la  consé- 
cration de  l'église  des  Billeltes  à  Paris,  faite 
l'an  1-V08  par  un  évêque  de  Nassau,  qui  de- 
meurait pour  lors  à  ce  monastère  de  Saint- 
Guillaume  :  Jouîmes  miseratione  divina  epi- 
scopus  Nassoriensis  P.  resiilens  in  domo 
religiosorum  Snncti  Guillelmi  de  Desertis  , 
alias  de  Albis  Muntellis.  La  seconde  erreur 
de  cet  écrivain  n'est  pas  moins  grande,  lors- 
qu'il dit  que  les  auteurs  ont  confondu  leur 
fondateur  avec  celui  du  Mont-Vierge.  Il  ne 
cite  aucun  de  ces  auteurs  ;  et  il  a  raison  en 
cela,  car  il  aurait  bien  de  la  peine  à  en 
nommer  aucun.  Il  confond  lui-même,  puis- 
qu'il n'est  pas  vrai  que  les  auteurs  aient 
confondu  saint  Guillaume  de  Malaval  avec 
saint  Guillaume,  fondateur  du  Mont-Vierge, 
mais  bien  avec  un  autre  saint  du  même  nom, 
fondateur  du  Val-des-Ecoliers,  comme  le  re- 
marque Fort  bien  le  P.  Henschenhs  dans  la 
dissertation  qu'il  a  fait  ajouter  à  la  vie  de 
saint  Guillaume  ermite,  qui  se  trouve  dans 
le  second  tome  de  février  des  Acles  des  Saints 
de  Bollandus,  au  10  do  ce  mois. 

Ce  n'est  pas  seulement  avec  saint  Guil- 
laume fondateur  du  Val-des-Ecoliers,  que 
l'on  a  confondu  saint  Guillaume  fondateur 
des  Guillelmiles,  puisque  Krantius,  dans  son 
Histoire  de  Sa\e,  liv.  v,  dit  qu'il  croit  qu'il 
était  Guillaume  IV,  surnommé  le  Fier  à  bras. 
Quelques-uns  l'ont  pris  pour  Guillaume  VIII, 
duc  de  Guyenne;  quelques  autres  pour  son 
fils  Guillaume  IX,  et  plusieurs  pour  Guil- 
laume le  Débonnaire,  fondateur  de  Cluny  : 
en  sorte  qu'il  n'y  a  presque  aucun  duc  de 
Guyenne,  à  commencer  depuis  Guillaume  II, 
dit  Tête  d'Etoupe,  qui  n'ait  é:é  pris  pour  le 
fondateur  des  Guillelmiles.  Enfin,  si  l'on 
veut  croire  les  religieux  de  cet  ordre,  ils 
n'ont  point  eu  d'autre  fondateur  que  saint 
Guillaume  IX,  duc  de  Guyenne,  converti  par 
saint  Bernard  ;  mais  ils  ne  sont  pas  mieux 
instruits  que  les  autres  :  car  ils  n'en  ont 
point  eu  d'autre  que  celui  du  désert  de  Ma- 
laval, surnommé  le  Grand,  comme  il  parait 
par  cet  acte  de  l'évéque  de  Nassau,  que  nous 
avons  rapporté  ci-dessus. 

Il  est  vrai  qu'il  est  fort  difficile  de  dé- 
brouiller la  vérité  du  grand  nombre  de  fa- 
bles dans  lesquelles  elle  se  trouve  envelop- 
pée par  la  faute  de  plusieurs  auteurs  qui, 
attribuant  les  actions  de  saint  Guillaume  I", 
duc  d'Aquitaine,  et  de  saint  Guillaume  IX, 
duc  de  Gu\enne,  à  saint  Guillaume  de  Ma- 
laval, et  appropriant  réciproquement  les  ac- 
tions de  celui-ci  à  ces  deux  saints  ducs,  les 
ont  tellement  confondus,  que  des  trois  ils 
n'eu  ont  Fuit  qu'un,  aussi  bien  que  l'auteur 
des  leçons  de  l'office  de  saint  Guillaume,  qui 
se  trouve  dans  le  Bréviaire  des  Ermites  de 
Saint-Augustin,  qui,  ne  pouvant  souffrir  les 


contrariétés  qui  s'y  trouvent,  ont  cru  être 
obligés  de  les  corriger;  mais,  dans  l'idée 
qu'ils  ont  que  c'est  s  <int  Guillaume  IX  qui 
est  de  leur  ordre,  ils  ont  corrigé  une  erreur 
par  une  autre  erreur. 

Il  faudrait  une  trop  grande  dissertation 
pour  f  ire  voir  ces  erreurs,  aussi  bien  que 
celle  des  auteurs  qui  ont  écrit  sur  ces  saints. 
Bollandus,  dans  l'endroit  que  j'ai  cité  précé- 
demment, traite  cette  matière  si  amplement, 
que  le  lecteur  y  trouvera  de  quoi  s'y  satis- 
faire. Pour  moi,  il  me  suffit  de  croire  avec 
cet  auteur  que  le  fondateur  des  Guillelmiles 
est  différent  de  ces  deux  saints  ducs  :  ce  qui 
n'est  pas  difficile  à  concevoir,  -i  on  examine 
attentivement  quelques  traits  de  l'histoire 
qui  sont  particuliers  à  chacun  de  ces  sai  ts, 
principalement  pour  ce  qui  regarde  leur 
conversion  et  le  temps  et  le  lieu  de  leur 
mort.  Je  les  rapporte  ici  eu  deux  mots,  pour 
la  satisfaction  de  ceux  qui  ne  voudroni  pas 
se  donner  la  peine  de  lire  tout  ce  que  dit 
Bollandus  à  ce  sujet. 

Le  premier  de  ces  saints  est  saint  Guil- 
laume 1  \  duc  d'Aquitaine,  contemporain  de 
Charlemagne,  qui  mourut  dans  l'abbaye  de 
Gellone  en  Languedoc  ,  où  ,  désabusé  des 
grandeurs  de  la  terre,  il  s'était  fait  moine 
avec  l'agrément  de  ce  prince,  qui  crut  devoir 
son  consentement  à  l'amitié  qu'il  avait  lou- 
jours  eue  pour  le  duc,  aussi  bien  qu'à  la  re- 
connaissance des  grands  services  qu'il  lui 
avait  rendus  et  à  son  Etat  par  les  victoires 
qu'il  avait  remportées  sur  les  Sarrasins,  dont 
il  avait  délivré  la  France  en  les  obligeant  de 
repasser  les  Pyrénées. 

Le  second  était  Guillaume  IX  ,  duc  de 
Guvenue  et  d'Aquitaine,  qui,  étant  converti 
par  saint  Bernard,  fut  si  repentant  d'avoir 
persécuté  l'Eglise,  et  de  la  vie  scandaleuse 
qu'il  avait  menée  pendant  sa  jeunesse,  que, 
renonçant  à  toutes  choses,  il  entreprit  le 
voyage  de  Saint-Jacques  en  Galice,  où  il 
mourut  en  1137.  après  avoir  fait  son  testa- 
ment, par  lequel  il  laissait  ses  Etals  à  Louis 
le  Jeune,  roi  de  France,  surnommé  le  Dé- 
bonnaire, à  coudition  qu'il  épouserait  sa  fille 
Alionore. 

Enfin,  le  troisième  est  celui  qui  se  retira 
dans  la  vallée  de  Malaval,  où  il  eut  pour 
disciple  et  pour  compagnon  Albert,  entre  les 
bras  duquel  il  mourut  l'an  1157,  après  avoir 
vécu  quatre  ans  dans  ce  désert,  où  il  donna 
le  commencement  à  l'ordre  des  Guillelmites, 
comme  il  est  facile  de  le  voir  par  sa  vie,  que 
je  rapporte  telle  que  nous  l'avons  reçue  d'Al- 
bert, qui,  en  ayant  été  témoin,  doit  nous 
convaincre  de  la  différence  qu'il  y  a  entre 
saint  Guillaume  de  Malaval  et  tous  les  au-j 
Ires  de  ce  nom,  et  que  cet  ordre  n'a  point  eu 
d'autre  fondateur  que  lui. 

Nous  ne  dirons  rien  de  sa  naissance;  le 
peu  de  connaissance  qu'on  en  a  eu  aussi 
bien  que  de  sa  famille,  des  occupations  de 
sa  jeunesse  et  de  tout  ce  qu'il  a  fait  dans  le 
monde  jusqu'à  sa  conversion,  esl  cause  qu'on 
lui  a  attribué  une  partie  des  dérèglements  de 
Guillaume  IX,  duc  de  Guyenne.  On  croit, 
mais  sans  aucune   certitude,   que   ce  saint 


ISS 


DICTIONNAIHE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


436 


était  un  gentilhomme  français  qui,  après 
avoir  vécu  avec  beaucoup  de  licence  dan-; 
la  profession  des  aimes,  fut  louché  de  Dieu 
cl  se  consacra  à  son  service  par  le  conseil 
de  quelques  solitaires.  Il  entrepr.t  quelques 
pèlerinages,  soil  à  Saint-Jacques  en  Galice, 
soit  dans  la  terre  sainte  :  ce  qui  est  encore 
traité  confusément  par  les  historiens  de  sa 
Vie,  les  uns  prétendant  que  ce  fut  à  Saint- 
Jacques  qu'il  alla,  et  d'autres  que  ce  fut  le 
voyage  de  Jérusalem  qu'il  entreprit  par  les 
ordres  du  pape  Eugène  III,  auquel  il  s'a- 
dre-sa  étant  à  Rome,  où  il  alla  d'abord  pour 
■visiter  les  tombeaux  des  saints  apôtres.  Quoi 
qu'il  en  soit,  ce  fut  au  retour  de  son  pèleri- 
nage, vers  l'an  1153,  qu'il  vint  en  Toscane 
pour  y  chercher  quelque  désert  où  il  pût 
Içryir  Dieu  dans  la  solitude,  éloigné  du  com- 
merce des  hommes.  L'île  de  Lupocavio  dans 
les  terres  de  Pise  lui  parut  favorable  à  son 
dessein  ;  i!  y  fixa  sa  demeure,  et  y  commença 
lin  genre  de  vie  si  édifiant  et  si  saint,  qu'en 
peu  de  temps  plusieurs  personnes  se  joigni- 
rent à  lui  pour  vivre  sous  sa  conduite.  Mais 
leur  ferveur  se  r.ilenlit  peu  de  temps  après, 
et  leur  piété  se  changea  en  un  si  grand  dc- 
gi  ût  pour  les  choses  spirituelles,  que,  ne 
voulant  plus  écouler  ses  exhortations  pu 
suivie  ses  avis,  ils  l'obligèrent  par  leur  in- 
dévotion et  leurs  mauvaises  manières  à 
quitter  celte  première  solitude  et  à  les  aban- 
donner. 

Il  se  relira  sur  le  mont  Pruno,  où  il  bâtit 
Une  petite  cellule  au  milieu  d'un  bois  fort 
épais.  La  sainteté  de  sa  vie  lui  attira  encore 
quelques  nouveaux  disciples ,  qui ,  après 
avoir  demeuré  quelque  temps  avec  lui,  ne  se 
gouvernèrent  pas  mieux  que  les  autres  à 
son  égard  :  car ,  ayant  conçu  de  l'envie 
contre  lui,  ils  le  chassèrent  honteusement  de 
ce  lieu,  et  l'outragèrent  de  paroles,  ce  qu'il 
souffrit  avec  une  modération  véritablement 
chrétienne  et  religieuse.  Il  retourna  dans 
l'ile  de  Lupocavio,  où  n'ayant  pas  trouvé  ses 
premiers  disciples  disposés  à  le  recevoir,  il 
fixa  enfin   sa  demeure  dans  une  vallée  dé- 


serte, et  dont  le  seul 
aux   hommes.   El 


aspect  faisait  horreur 
s'appelait  alors  l'Ehible 
de  Rhodes,  et  on  lui  a  donné  depuis  le  nom 
de  Mo.lavul  ou  Maleval.  Cette  vallée  est  si- 
tuée dans  le  territoire  de  Sienne  au  diocè-e 
de  (îrosseto,  à  une  lieue  et  demie  ou  environ 
de  distance  presque  égale,  entre  les  villes 
de  Chàlillon,  Pescaire,  de  Iîuriano  et  de 
Scarino. 

|  Ce  fut  l'an  1155  qu'il  se  renferma  dans 
cette  solitude,  n'ayant  d'abord  qu'un   trou 

^dans  la  terre  pour  se  mettre  à  couvert  des 
injures  de  l'air,  jusqu'à  ce  que  le  seigneur 

jde  Ruriano,  ayant  pjiié  de  lui,  lui  fil  faire 
une  cellule.  11  ne  vécut  pendant  quatre  mois 
que  d'herbes  et  de  racines,  n'ayant  point 
d'autre  compagnie  que  celle  des  bêles;  mais, 
au  commencement  de  l'année  1156,  il  reçut 
un  diseiple  nommé  Ail  ert,  qui  vint  se  ren- 
fermer avec  lui  et  qui  écrivit  les  dernières 
circonstances  de  ^a  vie,  dont  il  fut  le  témoin. 
Ce  saint  pratiquait  des  austérités  surpre- 
nantes, il  jeûnait  tous  les  jours,  même  les 


fêtes  ;  trois  fois  la  semaine  il  ne  prenait  qu'un 
peu  de  nourriture  et  buvait  un  peu  de  vin, 
mais  si  Ireaipé  d'eau,  qu'il  n'y  restait  que  la 
couleur  de  vin  ;  et  les  autres  jours  il  jeûnait 
au  pain  et  à  l'eau,  y  ajoutant  quelquefois 
des  herbes  crues.  11  avait  un  petit  plat  qui 
lui  servait  à  mesurer  son  manger,  el  un  petit 
vase  de  bois  pour  mesurer  sa  boisson,  et 
quelque  appétit  ou  quelque  soif  qu'il  eût,  il 
ne  passait  jamais  ces  mesures  :  encore  en 
retranchait-il  le  plus  souvent.  Il  portail  con- 
tinuellement un  ci  lice ,  el  n'avait  point  d'autre 
lit  qui-  la  terre  nue.  Il  fut  doué  sur  la  fin  de 
sa  \  ie  du  don  de  prophétie.  Son  compagnon 
Albert  en  eut  une  preuve  en  sa  personne  : 
car,  le  voyant  près  de  mourir  et  se  plaignant 
à  lui-même  de  ce  qu'il  le  laissait  seul,  il  lui 
dit  de  se  consoler,  el  qu'avant  qu'il  lui  rendit 
les  derniers  devoirs,  Dieu  lui  enverrait  une 
personne  pour  remplir  sa  place  et  lui  îenir 
compagnie  dans  cette  solitude.  Albert  avait 
de  la  peine  à  ajouter  foi  aux  paroles  du  saint; 
niais  il  ne  larda  guère  à  en  voir  l'accomplis- 
sement :  car,  sortant  de  sa  cellule,  il  vil  ar- 
river un  nommé  Hcnaud,  médecin  de  pro- 
fession, qui  apprenant  d'Albert  l'extrémité 
de  la  maladie  de  sainl  Guillaume,  lui  té- 
moigna le  chagrin  qu'il  en  avait,  parce  que, 
voulant  renoncer  au  monde,  il  était  venu 
dans  le  dessein  de  vivre  sous  sa  conduite. 
Albert,  craignant  que  celle  circonstance  do 
la  mort  du  saint  ne  fit  quelque  changement 
dans  son  cœur,  se  jeta  à  ses  pieds,  le  priant 
de  ne  point  changer  de  dessein;  et,  afin  de 
le  mieux  engager  à  persévérer  dans  son  bon 
désir,  il  lui  dit  qu'il  se  soumettrait  à  lui,  et 
lui  conseilla  de  se  donner  au  saint  avant 
qu'il  rendit  l'âme.  Guillaume  le  reçut  avec 
beaucoup  de  joie,  et  lui  dit  de  retourner  chez 
lui  pour  mettre  ordre  à  ses  affaires,  el  de  re- 
venir au  plus  tôt;  m  lis,  pendant  que  Renaud 
y  était  allé,  saint  Guillaume  mourut  entre 
les  bras  d'Alix  ri,  le  10  février  1157,  après 
avoir  reçu  les  sacrements  de  l'Eglise,  que 
lui  apporta  un  prêlrc  de  Châtillon  qui  avait 
été  averti  de  sa  maladie. 

Renaud  revint  à  l'Etahlc  de  Rhodes , 
comme  il  avait  promis,  et  aida  à  enterrer  ie 
ciips  du  saint  dans  son  petit  jardin.  Après 
la  mort  de  ce  saint  homme,  dont  ils  conser- 
vèrent l'esprit  de  pénitence  et  de  mortifica- 
tion qu'il  leur  avait  inspiré  pendant  sa  vie, 
ils  lâchèrent  de  suivre  ses  maximes  et  ses 
exemples,  et  donnèrent  ainsi  l'origine  à  l'or- 
dre des  Guillelmiles.  Ils  bâtirent  un  p  lit 
ermitage  avec  une  chapelle  sur  le  tombeau 
de  saint  Guillaume,  el  ils  commencèrent  en 
ce  saint  lieu  une  vie  si  exemplaire  el  si  sainte, 
qu'ils  y  attirèrent  plusieurs  personnes,  qui 
abandonnant  le  monde  venaient  s'y  consa- 
crer à  Dieu  et  à  la  pénitence.  La  bénédic- 
tion que  Dieu  versa  sur  celte  congrégation 
paissante  fut  si  grande,  qu'elle  se  trouva 
répandue  presque  par  loute  l'Italie,  la  France, 
les  Pays- Ras  cl  l'Allemagne,  dès  le  siè  le. 
suivant.  Ils  ne  vécurent  d'abord  que  selon 
les  instituts  de  saint  Guillaume,  qui  étaient 
les  exemples  de  ce  sainl  dont  Albert  avait 
été  le  fi  !èle  dépositaire.  Leurs  jeunes  étaient 


437 


GUI 


GUI 


431 


presque  continuels,  et  ils  allaient  nu-pieds. 
Mais  le  pape  Grégoire  IX  modéra  leurs 
grandes  austérités  leur  permit  do  se  chaus- 
ser, el  leur  donna  la  règle  de  saint  Benoit. 
Innocent  IV',  l'an  1218,  leur  accorda  beau- 
coup de  privilèges  par  sa  bulle  adressée  au 
prieur  général  et  aux  antres  prieurs  des  frè- 
res Ermites  de  l'ordre  de  Saint-Guillaume, 
et  il  ordonna  qu'après  le  décès  du  général 
ou  de  ses  successeurs  on  n'en  élût  aucun  que 
|par  le  commun  consentement  des  frères, 
{conformément  à  la  règle  de  saint  Benoit, 
dont  ils  faisaient  profession,  aussi  bien  que 
de  l'institut  de  saint   Guillaume. 

Alexandre  lVr,  l'an  1236,  ayant  fait  l'u- 
nion de  plusieurs  ermites  de  différents  or- 
dres, dont  la  plupart  suivaient  la  règle  de 
saint  Augustin,  pour  n'en  faire  qu'un  seul 
sous  le  nom  des  Ermites  de  Saint-Augustin, 
les  religieux  Guillelmites  furent  compris 
dans  cette  union;  mais,  ayant  représenté  au 
pape  qu'ils  avaient  toujours  suivi  les  insti- 
tuts de  saint  Guillaume  avec  la  règle  de 
saint  Benoît,  qui  leur  avait  été  donnée  par 
Grégoire  IX,  ce  qui  avait  été  confirmé  par 
Innocent  IV,  ils  prièrent  ce  pontife  de  les 
laisser  toujours  dciis  le  même  état.  Le  pape 
eut  égard  à  leur  demande,  et  leur  permit, 
l'an  1236,  de  vivre  toujours  sous  la  même  rè- 
gle de  saint  Benoît  et  selon  l'institut  de  saint 
Guillaume.  Cela  n'empêcha  pas  nue  plusieurs 
couvents  de  l'ordre  des  Guillelmites  ne  se 
soumissent  aux  Augustins;  mais  Alexandre 
IV,  sur  les  remontrances  des  supérieurs  de 
l'ordre  des  Guillelmites,  détendit  aux  reli- 
gieux du  même  ordre  de  passer  dans  un  au- 
tre sans  le  consentement  du  chapitre  géné- 
ral. Nonobstant  c/s  défenses,  les  Augustins 
ne  laissèrent  pas  d'usurper  des  couvents  de 
Guillelmites.  sous  le  même  prétexte  de  l'u- 
nion générale  qui  avait  été  faite  par  l'auto- 
rité de  ce  pontife.  M 'lis  Urbain  IV,  par  une 
huile  de  l'an  1203,  défendit  aux  religieux 
qui  avaient  fait  profession  dans  l'ordre  des 
Guillelmites  de  passer  dans  celui  des  Augu- 
stins sans  la  permission  du  sainl-siége.Ceite 
dernière  bulle  donna  du  scrupule  à  quelques 
Guillelmites  qui  avec  leurs  couvents  entiers 
avaient  abandonné  les  instituts  de  saint  Guil- 
laume et  la  règle  de  saint  Benoît  pour  em- 
brasser celle  de  saint  Augustin,  il  y  avait 
entre  les  autres  les  monastères  de  Semans- 
liauscm  el  de  Si  honlall  dans  le  diocèse  de 
R.ttisbonnp,  qui  étaient  dans  ce  cas-là. 
Les  religieux  qui  y  étaient  allèrent  pour  ce 
sujet  trouver  l'cvêque  de  cette  ville  pour  le 
consulter  sur  ce  qu'ils  avaient  à  faire.  Ce 
prélat,  par  ses  lettres  de  la  même  année 
1203,  leva  leur  scrupule  et  prétendit  qu  ils 
étaient  obligés  de  s'unir  aux  Augustins.  Le 
général  et  le  prieur  des  Guillelmites  s'en 
plaignirent  au  pape  et  de  ce  que  quelques 
autres  monastères  dans  les  diocèses  de  Ma- 
yeuce,  de  Constance.,  de  Prague  et  plu- 
sieurs autres  d'Allemagne,  avaient  fait  la 
môme  chose.  Ces  contestations  durèrent 
quelques  années,  el  ne  furent  terminées  que 
l'an  1206  par  sentence  du  cardinal  Etienne 
de  Hongrie,  évoque  de  Palestrin,  protecteur 


des  Guillelmites,  qui,  comme  commissaire 
apostolique  du  pape  Clément  IV,  ordonna 
eue  les  monastères  d'Ibiseliornc  du  diocèse 
de  Mayenco,  de  Puvisen  au  diocèse  de  Cons- 
tance, et  de  quelques  autres  endroits  qui 
avaient  pris  la  règle  de  sain!  Augustin,  re- 
tourneraient à  l'ordre  de  Saint-Guillaume, 
et  que  les  religieux  seraient  obligés  de  re- 
prendre les  instituts  de  ce  saint  et  la  règle 
de  sainl  Benoit,  avec  l'habit  qu'ils  portaient 
avant  que  d'avoir  passé  à  celui  des  Augu- 
stins, el  que  les  autres  maisons  qui  étaient 
en  contestation,  aussi  bien  que  celles  qui 
étaient  en  Allemagne  et  en  Hongrie,  qui 
s'étaient  unies  aux  Augustins,  leur  reste- 
raient :  ce  qui  fut  confirmé  par  le  pape. 

Les  Guillelmites  obtinrent  du  concile  de 
Bâle  l'an  1V35  la  confirmation  de  leurs  privi- 
lèges. L'ordre  était  pqur  lors  divisé  en  trois 
provinces.  La  première  de  Toscane,  la  se- 
conde d'Allemagne,  et  la  troisième  de  Flan- 
dre et  de  France,  quoiqu'il  n'y  eût  qu'une 
maison  de  cet  ordre  dans  ce  royaume,  toutes 
les  autres  étant  situées  dans  les  Pays-Bas. 
Le  P.  Henschenius  a  donné  le  catalogue  des 
maisons  de  ces  trois  provinces,  et  entre  cel- 
les d'Allemagne  il  ne  s'en  trouve  pas  une 
de  religieuses  Guillelmites.  Cependant  ii  y  a 
encore  à  présent  un  monastère  de  ces  reli- 
gieuses à  Montpellier ,  dans  le  Languedoc. 
Ces  religieux  vinrent  s'établir  au  village  de 
Monlrougc  près  Paris,  l'an  1250,  dans  le  mo- 
nastère desMachabèes,  d'où  ils  furent  trans- 
férés à  Paris  l'an  1208,  le  roi  Philippe  le  Bel 
leur  ayant  donné  le  monastère  des  religieux 
Blancs-Manteaux,  ainsi  appelés  à  cause  des 
manteaux  blancs  qu'ils  portaient,  mais  dont 
le  véritable  nom  était  celui  de  Serviteurs  ou 
Serfs  de  la  sainte  Vierge.  Comme  cet  ordre 
était  un  de  ceux  qui  lurent  abolis  dans  le 
concile  de  Lyon,  le  pape  Boniface  VLI  obli- 
gea les  religieux  de  cet  ordre,  ou  d'entrer 
dans  celui  des  Guillelmites,  on  de  leur  céder 
le  monastère  qu'ils  avaient  à  Paris. Ces  Guil- 
lelmites y  restèrent  jusque  vers  l'an  1018, 
que  le  prieur  de  ce  monastère  y  introduisit 
les  Bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur,  sous  prétexte  de  le  reformer.  Ceux-ci 
obligèrent  une  partie  des  religieux  Guillelmi- 
tes qei  y  étaient  d'embrasser  leur  ordre,  et 
renvoyèrent  ceux  qui  s'y  opposèrent.  Les 
Guillelmites  plaidèrent  contre  les  Bénédic- 
tins pour  rentrer  dans  la  possession  de  cetto 
maison.  Les  recteurs  et  suppôts  de  l'univer- 
sité de  Paris  intervinrent  pour  eux  dans  la 
cause  contre  les  Bénédictins,  sur  ce  que  les 
Guillelmites  étaient  membres  de  leur  corps. 
Le  plai-ioyer  de  l'université  est  rapporté 
tout  au  longdans  le  second  tome  de  la  liiblio- 
thèque  canonique,  aussi  bien  qu'une  longue, 
requête  que  le  provincial  des  Guillelmites 
présenta  au  roi  à  ce  sujet  :  mais  toutes  ces 
procédures  furent  inutiles.  Le  monastère 
des  Blancs-Manteaux  fui  adjugé  aux  Béné- 
dictins de  la  congrégation  do  Saiut-Maur, 
qui  étaient  encore  en  quelque  façon  unis  en 
ce  temps-là  avec  ceux  de  la  congrég 
Saint-Vanne.  C'est  pourquoi  M. 
dans  la  vie  de  sainl  Guillaume,  au  1/ 


(39 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


dit  qu'il  fui  cédé  aux  religieux  de  Saint- 
Vanne;  ceux  des  Guillelmites  qui  ne  voulu- 
rent point  embrasser  la  réforme  des  Bé- 
nédictins se  retirèrent  à  Monlrouge,  où 
le  dernier  mourut  en  1680.  Le  Pi-llotior, 
dans  son  Histoire  des  Ordres  religieux,  dit 
que  dès  l'an  1615  six  religieux  Guillelmites 
avaient  passé  contrat  le  29  janvier  avec  le 
provincial  des  Feuillants  pour  lui  remettre 
entre  les  mains  le  monastère  des  Blancs- 
Manteaux,  à  condition  de  leur  payer  une 
pension,  mais  que  les  autres  religieux  s'y 
opposèrent,  el  que  l'an  1C18  sept  autres  reli- 
gieux Guillelmites  y  introduisirent  les  Béné- 
dictins. Chopin  dit  qu'ils  ont  encore  eu  une 
maison  en  France  dans  la  ville  de  Reims  : 
ainsi  ce  serait  au  plus  deux  maisons  qu'ils 
auraient  eues  dans  ce  royaume,  ce  qui  est 
bien  différent  de  ce  qu'a  avancé  Sylvestre 
Maurolic,  lorsqu'il  a  dit  que  saintGuillaume, 
duc  de  Guyenne,  voyant  que  l'ordre  de  saint 
Augustin  était  presque  aboli  en  France,  fil 
en  sorte  par  ses  prédications  que  cet  ordre 
fût  rétabli  dans  ce  royaume,  qu'il  y  fit  plu- 
sieurs établissements,  et  qu'il  fut  le  premier 
qui  par  privilège  des  papes  Anastase  IV  et 
Adrien  IV  abandonna  la  solilude  pour  se  re- 
tirer avec  ses  religieux  dans  les  villes,  el 
qu'il  fit  bâtir  un  magnifique  monastère  à  Pa- 
ris, qui  fut  le  premier  de  sa  congrégation  et 
de  la  réforme  bâti  dans  une  ville,  leur  de- 
meure étant  auparavant  dans  des  ermitages. 
Mais  cet  auteur  se  trompe  dans  tous  ces  ar- 
ticles :  car,  premièrement,  saint  Guillaume, 
duc  de  Guyenne,  n'a  jamais  été  ni  fondateur 
ui  réformateur  d'aucune  religion,  puisqu'il 
est  mort  dans  son  voyage  de  Saint-Jacques, 
qu'il  entreprit  aussitôt  qu'il  fut  converti, 
c'est-à-dire  en  1130  (ce  qui  fait  voir  une  au- 
tre erreur  de  ce  même  auteur,  qui  dit  qu'il 
vivait  encore  en  1178).  Secondement,  le  mo- 
nastère des   Blancs-Manteaux,   qui    est  le 


seul  que  les  Guillelmites  ont  ocrupé  à  Paris, 
ne  fut  bâli  pour  ces  premiers  religieux  que 
plus  de  129  ans  après  la  mort  de  ce  saint, 
c'est-à-dire  l'an  1258,  outre  que  les  reli- 
gieux Guillelmites  n'y  sont  entrés  que  l'an 
1298. 

Cet  ordre  n'a  présentement  qu'environ 
douze  maisons  en  Flandre,  ayant  perdu 
tous  les  monastères  qu'il  avait  en  Allemagne 
et  en  Italie.  L'Etahle  de  Rhodes  ou  Malaval, 
qui  en  était  le  chef  et  où  résidait  le  général, 
fut  détruit  durant  les  guerres  des  Siennois 
et  des  Florentins.  On  a  rétabli  dans  la  suile 
ce  monastère,  auquel  on  a  donné  le  nom  de 
Saint-Guilhimne.  Il  a  été  érigé  en  abbaye  et 
donné  aux  ermites  de  l'ordre  de  Saiul-Augu- 
stin,  et  le  pape  Pie  IV  la  donna  en  coin- 
mende  l'an  1564  à  Barthélémy  Conchivi  <îe  la 
famille  des  comtes  de  la  Penna.Les  religieux 
de  ce  monastère,  par  leur  travail  et  leur  in- 
dustrie, ont  rendu  très-commode  et  Irès- 
agréable  cet  affreux  désert  qui  n'inspirait 
auparavant  que  de  la  tristesse.  Les  Guillel- 
mites sont  présentement  gouvernés  par  un 
supérieur  qui  ne  prend  que  le  titre  de  pro- 
vincial et  qui  s'élit  tous  les  quatre  ans.  Leur 
habillement  est  semblable  à  celui  des  reli- 
gieux de  Citeaux,  dont  nous  avons  donné  le 
dessin  à  l'article  de  ce  nom.  Ils  en  ont  pris 
aussi  le  bréviaire.  Le  couvent  de  Grevem- 
brok  au  pays  de  Juliers  se  soumit  même  en- 
tièrement aux  lois  de  Citeaux  vers  le  milieu 
du  dernier  siècle. 

Bolland.,  Act.  SS-,  tom.  II,  Febv.,pag. 453 
el  seq.  Ang.  Manriq.,  Annal.  Ord,  Cister., 
tom.  I.  Chrysoslom.  Henriquez  ,  Fascicul. 
Sanct.  Cister  t.,  et  regul.  et  eonstitut.  ejuëd. 
ont.  Dubouchet,  Biblioth.  canonique,  tom.  II. 
Silvest.  Maurol.,  Mur.  Océan,  di  tutti  <jl. 
relig.,  png.  272.  lîaillel.  Vies  des  SS.,  10  fé- 
vrier. Herman,  Hisl.  des  Ord.  relig.;  et  Châ- 
telain, Martyrologe  Romain,  tom.  I,  p.  602. 


H 


HACHE  (ClIEVALlÈRES  DE  LA),  DE  l'ÉcIIARPE, 

de  là  Cordelière  ,  des  Esclaves  de  la 
Vertu,  et  de  la  Vraie-Croix. 
Outre  les  ordres  militaires  et  de  chevale- 
rie dans  lesquels  plusieurs  dames  ont  été 
agrégées,  comme  dans  ceux  de  Malle,  de 
Saint-Jacques  ,  de  l'Enée  de  Calalrava  ,  de 
Saint-Etienne,  de  l'Hermine,  du  Camail  et 
quelques  autres  ;  il  y  a  eu  aussi  des  ordres 
de  chevalerie  institués  en  particulier  pour 
1rs  femmes.  Le  premier  est  celui  de  ta  Hache 
ou  du  Passetemps,  qui  fut  institué  à  Torlose 
par  Raimond  Bèrengér,  comte  de  Barcelone, 
vers  l'an  1H9.  Les  Maures,  ayant  perdu  celte 
place,  la  voulurent  reprendre  quelque  temps 
après,  et  l'attaquèrent  si  vivement,  que,  la 
!>  upart  des  chrétiens  qui  la  défendaient  ayant 
été  tués  ,  ellr  était  sur  le  point  de  retourner 
sous  la  domination  des  barbares,  lorsque  les 
femmes  ,  prenant  les  armes,  combattirent  si 
rigoureusement  pour  la  défense  de  leur  pa- 

\~(i)  yoy.,  à  la  fuidu  vol.,n*  fOU 


trie, qu'elles  obligèrent  les  infidèles  de  se  re- 
tirer. Le  comte  de  Barcelone,  ayant  été  in- 
formé de  celte  action  généreuse,  institua  en 
leur  faveur  un  ordre  de  chevalerie  sous  la 
nom  des  dames  du  Passetemps,  qu'on  a  aussi 
appelé  de  la  Hache,  à  cause  qu'elles  portaient 
sur  leurs  habits  une  hache  rouge.  Le  P. 
Mendo,  dans  son  Traité  des  Ordres  militaires, 
dil  qu'elles  portaient  un  flambeau;  mais  l'ab- 
bé Giustiniani,  sur  le  témoignage  de  Rodri- 
gue Mendez  Silv-i,  historien  espagnol,  pré- 
tend que  c'était  une  hache,  et  que  te  qui  a 
trompé  le  P.  Mendo  est  le  mot  espagnol  ha- 
cha, qui  signifie  également  un  flambeau  el 
une  hache  (1). 

Les  femmes  de  la  ville  de  Placentia  en  Es- 
pagne ne  firent  pas  paraître  moins  de  cou- 
rage que  celle  de  Tortose  ,  lorsque  les  An- 
glais, qui  l'an  1338  avaient  donné  secours  à 
Jean  l",  roi  de  Portugal,  qui  était  en  guerre 
avec  Jean  1",  roi  deCastille,  assiégèrent  Pla- 


441                                  MAC  MAC                                   44ii 

centia.  (.es  généreuses  femmes,  ayant  pris  au  bras  au-dessus  du  coude.  Elles  devaient 
les  armes  pour  la  défense  de  leur  pays,  mi-  avoir  celle  médaille  avec  la  chaîne  dans  les 
rent  en  fuite  les  Anglais  dans  une  sortie  jours  «le  cérémonies;  et  les  autres  jours  elles 
qu'elles  Orent ,  et,  les  ayant  obligés  de  lever  portaient  seulement  une  médaille  plus  petite 
le  siéu'e,  elles  procurèrent  la  paix  à  leur  pa-  attachée  à  un  ruban  noir  (3).  Files  promet- 
tre. Le  roi  deCastille,  pour  les  récompenser  taient  d'observer  les  règles  et  les  statuts  de 
de  leur  valeur,  leur  permil  de  porter  sur  cet  ordre,  >iui  furent  dressés  par  l'impcralii- 
leurs  habits  une  éebarpe  d'or  (1),  et  leur  ac-  ce,  qui  en  était  chef;  et,  en  cas  de  mort  d'une 
corda  les  mêmes  privilèges  dont  jouissaient  de  ces  chevalières, ses  héritiers  devaient  ren- 
ies chevaliers  de  la  Bande,  qui  avaient  été  dre  à  celle  princesse  la  grande  médaille,  et 
institués  par  le  roi  Alphonse,  son  aïeul.  pouvaient  conserver  la  petite  en  mémoire  de 

Anne  de  Bretagne,  reine  de  France,  épou-  l'honneur  que  leur  famille  avait  reçu  d'avoir 
se  de  Charles  VIII,  qui  commença  à  régner  eu  une  chevalière  de  cet  ordre, 
l'an  1483,  puis  de  Louis  XII,  qui  lui  succéda  L'ordre  de  la  Vraie-Croix  fut  institué  par 
l'an  li98,  institua  une  espèce  d'ordre  en  la  même  impératrice  l'an  1068.  Le  mol  if 
l'honneur  des  cordes  dont  Noire-Seigneur  fut  qu'elle  eul  fui  à  cause  qu'au  milieu  de  l'em- 
lié  en  sa  Passion  ;  et,  pour  la  dévotion  qu'elle  brasement  du  palais  impérial,  qui  arriva  la 
avait  à  saint  François  d'Assise,  dont  elle  por-  même  année,  une  croix  qu'elle  avait  et  qui 
tait  le  cordon,  elle  donna  à  cet  ordre  le  nom  était  faite  de  deux  morceaux  de  la  vraiecroix, 
de  la  Cordelière,  et  pour  marque  ou  devise  un  se  trouva  miraculeusement  préservée  des 
collier  fait  d'une  corde  à  plusieurs  nœuds  en-  llammes;  et,  pour  en  marquer  sa  reconnais- 
tre'acés  de  lacs  d'amour  {-2),  dont  elle  honora  sance  à  liieu  ,  elle  voulut  établir  une  com- 
les  principales  dames  de  sa  cour  pour  le  met-  pagnie  de  dames  sous  le  lilre  de  dames  de  la 
tre  autour  de  leurs  armes.  M.  Herman,  dans  Vraie-Croix,  dont  les  obligations  étaient  d'ho- 
son  Hisloire  des  Ordres  militaires,  dit  que  norer  particulièrement  la  croix  où  Jésus- 
celte  princesse  institua  cet  ordre  après  la  Christ  avait  été  attaché  pour  nos  péchés  ,  de 
mort  de  Charles  Vlil,  et  qu'elle  prit  ces  pa-  procurer  sa  gloire  et  son  service,  et  de  tra- 
roles  pour  devise  :  J'ai  le  corps  délie,  faisant  vailler  principalement  au  salut  de  leur  âme. 
allusion  au  mot  cordelière,  parce  que  la  mort  Pour  les  distinguer,  elle  leur  donna  une  croix 
de  son  mari  l'avait  affranchie  des  lois  el  du  d'or  au  milieu  de  laquelle  il  y  avait  deux  li- 
joug  du  mariage;  mais  celle  cordelière,  corn-  gnes, qui  régnaient  dars  le  long  et  le  travers, 
posée  de  plusieurs  nœuds,  et  qui  des  ail  en-  qui  étaient  de  couleur  de  bois  pour  marquer 
tourer  les  armes ,  signifiait  plutôt  un  enga-  la  vraie  croix  ;  aux  extrémités  de  celte  cioix 
gemenl  qu'un  affranchissement  de  lois;  et  il  il  y  avait  quatre cloiles,  et  aux  quatre  angles 
y  a  bien  de  l'apparent  que  cet  auteur  s'est  des  aigles  no:res  qui  tenaient  chacune  un  rou- 
Irompé,  el  qu'il  a  pris  Anne  de  Br<  Lagne,  leau,  sur  lequel  il  y  avait  en  écrit  ces  paio- 
reine  de  France,  pour  Louise  de  la  Tour-  les  :  Salus  et  gloria.  Files  la  devaient  porter 
d'Auvergne,  veuve  de  Claude  de  Montagu,  sur  l'estomac  au  côté  gauche  ,  attachée  à  un 
de  la  maison  des  anciens  ducs  de  Bourgogne,  ruban  noir  (i).  La  sainle  Vierge  et  saint  Jo- 
qui,  comme  dit  le  P.  Ménestrier,  prii  pour  sept»  furent  choisis  pour  patrons  et  protec- 
devise,  après  la  mort  de  son  mari,  une  corde-  leurs  de  cet  ordre  ,  qui  fut  approuvé  par  le 
lière  à  nœuds  déliés  el  rompus  a»ec  ces  mots  :  pape  Clément  X.  Ce  pontife  lui  accorda  beau» 
J'ai  le  corps  délié.  Anne  de  Bretagne  avait  coup  d'indulgences,  el  les  règles  et  les  slaluts 
plutôt  voulu  imiter  ie  duc  de  Bretagne  Fran-  furent  dressés  par  le  P.  Jean-Baptiste  Mani, 
çois  II.  qui,  pour  la  dévotion  qu'il  avait  à  de  la  compagnie  de  Jésus.  L'impératrice  Eléo- 
sainl  François  d'Assise,  mit  un  semblable  nore,  Madeleine-Thérèse  de  Neubourg,  veu- 
cordon  autour  de  ses  armes  vers  l'an  lii-0,  et  ve  de  Léopold  ,  est  présentement  chef  de  cet 
01  sa  devise  de  deux  cordelières  à  nœuds  ser-  ordre  ;  et  le  troisième  jour  de  mai  ,  fêle  de 
rés  comme  les  cordoes  qu'on  nomme  de  saint  l'Invention  delà  sainte  croix  de  l'an  1709  , 
François.  Aujourd'hui  toutes  les  veuves  de  elle  le  donna  à  l'archiduchesse  Marie-Joseph, 
qualité  mettent  autour  de  leurs  armes  une  fille  aînée  de  l'empereur  Joseph,  et  à  trente- 
cordelière  semblable  à  telle  d'Anne  de  Bre-  deux  dames  ,  dans  l'église  de  !a  maison  pro- 
tagne.  fesse  des  Jésuites  de  Vienne. 

L  impératrice  Eléonore  de  Gonzague,  veuve  Bernard  Giuslin  a  ni,  Hist.di  tut  t.  gli.Ord. 
de  Ferdinand  111,  institua  deux  ordres  à  militari.  L'on  peut  voir  aussi,  pour  les  or- 
Vienne  en  Autriche,  l'un  sous  le  nom  des  Es-  dres  de  la  Vraie-Croix  et  de  la  Cordelière, 
claves  de  la  vertu,  et  l'a u ire  de  la  Vraie-  M.  Herman  ;  et,  pour  ceux  de  la  Hache  et  de 
Croix.  Le  premier  fut  établi  l'an  1662.  Il  ne  l'Écharpe  ,  le  P.  Mendo,  dans  son  Traité  des 
devait  être  composéquede  trente  dames  d'une  Ordrts  militaires. 

noblesse   distinguée,   outre   les    princesses,  Outre  ces  ordres  particulièrement  institués 

dont  le  nombre  n'était  point  limité.  L'impé-  pour  des  femmes,  il  y  en  a  aus-i  d'autres  qui 

ratrice  leur  donna  pour  marque  de  leur  or-  se  donnent  indifféremment  aux  hommes  et 

dre  une  médaille  d'or  représentant  un  soleil  aux    femmes ,  comme  celui   de  l'Amarante, 

dans  une  couronne  de  laurier,  avec  celte  lé-  institué  par  la  reine  de  Suède,  dont  nous  par- 

gende  tout  autour:  Sola  ubiuue  triumphat.  lerons  à   l'article   Séraphin,  et  celui  de   la 

Cette  médaille  était  attachée  à  une  chaîne  Mouche  à   miel,  que  Louise-Bénédictine  de 

d'or  en  forme  de  bracelet  qu'elles  porlaieut  Bourbon,  épouse  de  Louis-Augusle  de  Bour- 

(1)  Yoy.,  à  la  lin  du  vol.,  n"  1U2.  (•")  Voy.,  ibid.,  n°  101. 

{•!)  Yvy.,  ibid.,  n°  105.  (4)  Vuy.,  ibid.,  u*  105. 


U5  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 

bon,  duc  du  Maine  et  souverain  de  Dombes, 
institua  à  Sceaux  le  k  juin  1703.  La  marque 
de  cet  ordre  est  une  médaille  d'or  que  donne 
celte  princesse,  où  d'un  côté  il  y  a  son  por- 
trait, et  de  l'autre  une  mouche  à  miel  avec 
cette  devise  :  Je  suis  petite;  mais  mes  piqûres 
sont  profondes. 

HALL  dans  le  Tyiiol  et  de  CASTIGLIONE 
DE  STIVIERA  dans  le  Mantouan  (société 

DES  VIERGES  DE). 

Trois  princesses  de  la  maison  d'Autriche, 
filles  de  l'empereur  Ferdinand  I",  savoir 
Madeleine,  Marguerite  et  Hélène,  ne  vou- 
lant point  avoir  d'autre  époux  que  Jésus- 
Christ,  prirent  la  résolution  de  vivre  dans  la 
retraite,  éloignées  du  tumulte  el  de  l'em- 
barras de  la  cour;  mais,  comme  elles  ne 
voulaient  point  quitter  les  Pères  de  la 
compagnie  de  Jésus,  sous  la  direction  des- 
quels elles  s'étaient  mises,  et  qu'elles  appré- 
hendaient qu'elles  n'eussent  pas  celte  liberté 
en  se  renfermant  dans  un  monastère,  elles 
établirent  une  communauté  de  filles  dans 
Hall,  ville  du  Tyrol,  pour  s'y  retirer  et  y 
vivre  sous  la  direction  et  la  discipline  de  ces 
Pères,  auxquels  elles  fondèrent  aussi  un  col- 


«4 

Conrad  Janning,  apud  Bolland.  Act.  SS. 
t»m.  IV ,Junii;  et  Philippe  Bonanni,  Catalog. 
Ord.  Religios.  part,  m,  paq.  32. 

Trente-cinq  ans  ou  environ  après  cet  éta- 
blissement, trois  autres  soeurs  princesses  i!e 
la  maison  de  Gonzague,  soit  à  l'exemple  de 
ces  princesses  de  la  maison  d'Autriche,  ou 
par  quelque  autre  motif,  établirent  une  pa^- 
peille  communauté  de  filles  dans  la  ville  do 
Castiglione  de  Stiviera.  Ces  trois  princesses 
fuient  Cynthie,  Olympie  et  Guidonie,  filles 
de  Rodolphe,  prince  de  Castiglione,  et  nièces 
du  bienheureux  Louis  de  Gonzague  ,  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  Leur  père  étant  mort, 
l'an  1592,  sans  laisser  aucun  enfant  mâle,  el 
le  prince  François  de  Gonzague,  son  frère, 
lui  ayant  succédé  dans  la  principauté  de 
Castiglione,  elles  furent  envoyées  à  Mantoue 
pour  y  être  élevées  dans  la  maison  du  mar- 
quis Aliprandi,  sous  la  conduite  de  la  mar- 
quise son  épouse,  leur  aïeule  maternelle,  et 
elles  y  demeurèrent  jusqu'à  ce  que  le  prince 
François,  leur  oncle,  qui  était  à  la  cour  de 
l'empereur  Rodolphe  II  lorsque  son  frère 
mourut,  étant  retourné  à  Castiglione,  prit 
leur  tutelle,  et  les  fit  venir  auprès  de  lui. 
Déjà  Cynthie   el  Olympie,  quoique  enfants, 


lége  dans    la    même    ville.   Files   écrivirent     avaient  pris  la  résolution  de  vivre  dans  la 
d'Inspruck,   où  elles    demeuraient,   à   saint     retraite,  el  n'attendaient  que  l'âge  nécessaire 


François  de  Borgia,  pour  lors  général  de  la 
compagnie  de  Jésus,  afin  d'avoir  son  consen- 
tement, qu'il  accorda  volontiers;  et,  l'ayant 
reçu,  elles  achetèrent  à  Hall  deux  maisons, 
l'une  pour  elles  et  l'autre  pour  les  Jésuites. 
Mais,  pendant  que  l'on  disposait  leur  maison 
cl  que  l'on  bâtissait  les  lieux  réguliers,  la 
princesse  Marguerite  mourut;  ainsi  il  n'y 
eut  que  ses  deux  sœurs  Madeleine  et  Hé- 
lène qui,  avec  quelques  autres  demoiselles 
de  qualité,  entrèrent  dans  cette  communauté, 
le  second  dimanche  de  Pavent  de  l'an  1569, 
et  quelques  jours  après  les  Pères  de  la  Com- 
pagnie de  Jésus  prirent  possession  du  col- 
lège que  ces  princesses  leur  avaient  fondé. 

Ces  filles  fonl  un  vœu  solennel  de  chasteté 
perpétuelle,  el  promettent  à  leur  supérieure 
pauvreté  et  obéissance,  ne  pouvant  disposer 
d'aucune  chose  sans  sa  permission.  Files 
emploient  la  matinée  à  la  prière  et  à  l'o- 
raison, el  l'après-dînée  elles  s'occupent  au 
travail  et  aux  exercices  corporels.  Files  ne 
gardent  point  de  clôture,  et  sortent  pour 
aller  entendre  la  messe,  se  confesser  et  com- 
munier dans  l'église  des  Jésuiles  ;  quelquefois 
il  leur  est  permis  de  sortir  de  la  ville  pour 
aller  se  promener,  ou  pour  visiter  les  terres 
qui  leur  appartiennent  :  elles  vont  toujours 
deux  à  deux.  Leur  habillement  (1)  dans  la 
maison  consiste  en  une  robe  ou  tunique  de 
laine  noire  traînante  par  derrière  :  elles 
ont  un  petit  collet  ;  et,  pour  couvrir  leur  lête, 


pour  exécuter  ce  pieux  dessein,  lorsqu'elles 
apprirent  avec  beaucoup  de  chigrin  la  réso- 
lution que  leur  oncle  (qui  ne  pensait  qu'à 
les  établir  dans  le  inonde)  avait  prise  de  les 
envoyer  à  la  cour  d'Espagne  el  à  celle  de 
Savoie  :  ce  qu'elles  résolurent  d'empêcher 
autant  qu'il  leur  serait  possible,  principale- 
ment par  là  prière  et  l'oraison,  qui  leur  pa- 
rurent les  moyens  les  plus  puissants  pour 
détourner  ce  coup  ,  qu'elles  regardaient 
comme  un  obstacle  que  le  démon  niellait  à 
l'exécution  de  leur  projet,  qu'elles  recom- 
mandèrent à  la  sainte  Vierge  en  implorant 
sa  protection. 

La  confiance  que  ces  saintes  princesses 
eurent  dans  le  secours  du  ciel  ne  fut  pas  sans 
effet;  car  nonobstant  toutes  les  mesures  que 
le  prince  avait  prises  pour  envoyer  les  deux 
aînées  à  la  cour  de  Savoie,  et  de  mener  la 
plus  jeune  à  Rome,  où  il  était  envoyé  par  le 
roi  d'Espagne  en  qualité  d'ambassadeur 
auprès  de  Paul  V,  pour  ensuite  la  conduire 
en  Espagne,  tous  ces  projets  n'eurent  aucun 
effet,  par  la  sollicitation  de  Marguerite  de 
Gonzague,  sœur  de  Vincent  de  Gonzague 
duc  de  Mantoue,  el  veuve  du  duc  de  Fer- 
rare,  qui,  ayant  fondé  à  Mantoue  un  monas- 
tère de  religieuses  de  Sainte-Claire,  où  elle 
se  retira,  voulut  avoir  la  princesse  Olympie 
pour  être  élevée  auprès  d'elle.  Gridonie  lui 
mise  dans  le  monastère  de  Saint-Jean  de  la 
même  ville,  et  Cynthie,  qui  élaiU'aînée,  suivit 


elles  mettent  un  petit  voile  blanc,  avec  un  le  prince  à  Rome,  où,  d'abord  qu'elle  lut  a 

bonnet  par-dessus  en  forme  de  loque.  Lors-  rivée, elle  lit  vœu  de  virginité,  el  prit  la  réso- 

qu'elles   sortent,   elles   ôtent   ce  bonnet,  el  lution  de  fonder  un  institut  conforme  à  celui 

portent  un  chapeau  pointu,  à  la  manière  du  de  la  Compagnie  de  Jésus,  et  de  vivre  sous 

pays,  avec  un   petit   manteau   qui    ne   vient  la  direction  de  ces  Pères.  Cette  sainte  prin- 

que  jusqu'à  la  ceinture,  ou  un  peu  plus  bas,  cesse  étant  retournée  à  Castiglione  au  coui- 


(1)  Vmj.,  a  la  lin  du  vol.,  n°<>  1 0G  et  HI7. 


4« 


I1À1. 


II  AL 


416 


inenrcmcnt  de  l'année  1007,  et  y  ayant  trouvé 
sa  sœur  Olympie,  âgée  pour  lors  do  seize 
ftns,  elle  lui  découvrit  la  résolution  qu'elle 
avait  prise.  Olympie,  qui  avait  voulu  em- 
brasser l'ordre  de  Sainte-Claire  dans  le  mo- 
nastère qui  avait  éié  fondé  à  Mantoue  par  la 
duchesse  de  Ferrare,  mais  que  ses  infirmités 
avaient  obligée  de  quitter  avant  qu'elle  y 
eût  prononcé  ses  vœux,  approuva  la  réso- 
lution de  sa  sœur,  et  voulut  lui  servir  de 
compagne.  Leur  autre  sœur  Gridonie,  qui 
riait  la  plus  jeune,  voulut  aussi  les  suivre, 
nonobstant  le  des-ein  qu'elle  avait  formé 
o'acro  npagner  son  onrle,  qui  était  sur  sou 
départ  pour  aller  à  la  cour  d'Espagne.  Ainsi 
C( s  trois  princesses,  d'un  commun  consen- 
tement, cédèrent  au  prince  de  Casliglione 
tous  les  biens  qui  leur  pouvaient  appartenir, 
tant  du  côté  de  leur  père  que  de  leur  mère,  à 
eoodiii  m  qu'il  Fonderait  deux  maisons,  l'une 
pour  elles,  et  l'autre  pour  les  Pères  de  la 
compagnie  de  Jésus  :  ce  q  i  ayant  été  ac- 
cepté de  part  et  d'antre,  elles  sortirent  le 
premier  juin  de  l'an  1607 du  palais  du  prince, 
où  elles  avaient  pris  naissance,  et  allèrent 
demeurer  dans  celui  du  marquis  et  de  la 
marquise  Aliprandi,  leurs  aïeuls  maternels, 
qui.  après  avoir  marié  leur  fille  au  prince 
Rodolphe,  étaient  venus  demeurer  à  Casli- 
glione, où  ils  avaient  fait  bâtir  ce  palais  avec 
beaucoup  de  magnificence.  Ce  fut  là  qu'elles 
commencèrent  leur  communauté, qui  fut  d'a- 
bord composée  de  treize  filles.  Klles  y  de- 
meurèrent |  codant  quatre  mois  sans  changer 
leur  habillement  ,  s'occupant  pendant  ce 
temps-là  à  divers  exercices  de  pieté  pour  se 
disposer  à  l'institut  qu'elles  voulaient  em- 
brasser sous  la  direction  du  P.  Cépaire  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  qui  était  venu  pour  cet 
effet  de  Rome  à  Castiglione.  Elles  quittèrent 
ensuite  leurs  habits  mondains  pour  en 
prendre  un  noir,  tel  qu'il  est  représenté  dans 
la  figure  que  nous  en  donnons  (1).  Le  P.  Cé- 
paire dressa  leurs  constitutions,  qu'elles  ob- 
servèrent exactement  ;  et  cet  institut,  qui  prit 
le  nom  de  Vierges  de  Jésus,  fut  approuvé  de 
vive  voix  par  le  pape  Paul  V.  Cynthie  fut  la 
première  supérieure  de  celle  communauté, 
jusqu'en  l'an  i62i,  que  ses  grandes  infirmités 
l'obligèrent  à  se  démettre  de  cette  charge  en 
faveur  de  sa  so'ur  Olympie,  qui  néanmoins 
mourut  devant  elle  l'an  1645.  Cynihie  vécut 
encore  quatre  ans,  et  mourut  l'an  1649.  Elle 
fut  suivie  environ  dix-huit  mois  après  par  sa 
sœur  Gridonie,  qui  quiila  ce  monde  l'an  1050. 
Dieu,  pour  manifester  la  sainteté  de  ces  trois 
sœurs,  a  voulu  préserver  leurs  corps  de  cor- 
ruption :  car  ils  furent  trouvés  environ  trente 
ans  après  tout  entiers,  quoique  leurs  cer- 
cueils fus:. eut  pourris,  et  que  les  babils  dans 
lesquels  elles  avai>  nt  été  ensevelies  fussent 
mangés  des  vers.  Celle  communauté  a  pro- 
duit aussi  plusieurs  saintes  filles  d'une  èmi- 
nenle  vertu  :  comme  Olympie  Berlonacei  de 
Castiglione,  Hippolyte  Giugini  de  .Milan,  qui 
furent  les  premières  compagnes  des  fonda- 
trices ;  Isabelle  Fracassani,  \  ictoire  deGuidi- 


t'e-Bagno,  et  plusieurs  autres.  Marie  de  Gou- 
zague,  fille  du  marquis  Louis-François  do 
Gonzagueel  de  Catherine  de  Gonzagoe,  prit 
aussi  l'habit  de  eei  instHutl'an  104-5. 

Ces  Vierges  de  Jésus  ne  gardent  point  de 
clôture.  Elles  l'ont  vœu  de  chasteté  perpé- 
tuelle ,  et  promettent  par  serment  qu'elles 
vivront  et  mourront  dans  celte  société  de 
Vierges.  Elles  promettent  encore  à  l'abbesse, 
et  à  celles  qui  lui  succéderont  ,  obéissance 
perpétuelle  :  ce  qu'elles  font  pendant  la 
messe  qui  se  dit  dans  leur  chapelle  domes- 
tique, en  présence  deloute  la  communauté; 
et  elles  renouvellent  ce  vœu  et  ces  promes- 
ses deux  fois  l'année;  la  première  le  jour 
de  la  Circoncision,  et  la  seconde  le  jour  de 
la  fête  du  bienheureux  Louis  de  Gonzagoe  , 
après  avoir  fait  auparavant  une  retraite  de 
trois  jours.  Elles  se  confessent  et  commu- 
nient trois  fois  la  semaine  .  le  dimanche,  le 
mercredi  et  le  vendredi.  Elles  jeûnent  tous 
les  samedis  et  la  veille  de  la  léle  du  bien- 
heureux Louis  de  Gonzague.  Le  vendredi 
elles  ne  soupenl  point  et  prennent  la  disci- 
pline. Le  mercredi  elles  ne  mangent  puint  de 
viande,  et  ne  font  le  soir  qu'un  léger  souper. 
L'élé  elles  se  lèvent  à  quatre  heures  du  ma- 
tin, et  l'hiver  à  cinq,  et  font  dans  leurs  cham- 
bres une  heure  d'oraison  mentale.  Elles  vont 
ensuite  à  leur  chapelle  pour  dire  l'office  de 
la  Vierge;  et,  après  qu'on  a  lu  un  chapitre 
de  l'Imitation  de  Jésus-Christ,  elles  vont 
travailler  en  commun.  Vers  le  midi  elles  font 
un  quart  d'heure  d'examen  de  conscience,  et 
vont  ensuite  au  réfectoire  ;  el  le  dîner  étant 
fini,  elles  ont  une  heure  de  récréation,  après 
laquelle  elles  récitent  les  litanies  de  la  sainte 
Vierge  dans  leur  chapelle,  d'où  elles  sortent 
pour  aller  chacune  dans  leur  chambre,  faire 
la  méridienne  pendant  une  heure:  ensuite 
elles  disent  vêpres  et  complies,  el  vont  au 
travail  comme  le  malin.  Après  le  travail  elles 
disent  .Matines  et  Laudes  pour  le  lendemain, 
en  faisant,  aussi  bien  qu'a  vêpres,  mémoire 
du  bienheureux  Louis  de  Gonzayue.  Après 
les  matines,  elles  vont  souper,  el  ont  ensuite 
encore  une  heure  de  récréation,  laquelle 
étant  finie,  elles  disent  les  litanies  des  saints 
et  d'autres  prières;  et  après  un  quart  d'heure 
d'examen  de  conscience,  elles  se  retirent 
dans  leur  chambre  pour  se  reposer.  Ces  til- 
les vont  se  confesser  et  communier  à  l'église 
des  Jésuites,  dans  laquelle  elles  ont  leur  sé- 
pulture qui  est  couverte  d'une  tombe  de  mar- 
bre, où  sont  écrits  ces  mois:  Ossa  Virginum 
Jesu.  Celles  qui  veulent  être  reçues  dans 
cette  société  doivent  être  nobles,  ou  au 
moins  de  famille  honorable,  et  apporter  une 
dot  suffisante.  La  supérieure  a  le  litre  d'ab! 
besse  ;  celle  qui  gouverne  sous  elle,  le  nom 
de  ministre,  el  a  soin  du  temporel  de  la  mai- 
son. Il  y  a  une  mailresse  des  novices  et  quel- 
ques autres  oi'ficières. 

Poinp.  Savazin  ,  Vit.  Olympiœ  Gonzag. 
Bollaml.  Ad.  SS.  (om.  lV,junii,  pag.  1155; 
el  Phiiip.  Bonanni.  Cataloq.  Ont.  lieligios., 
part.  m. 


(tj  Voy.,\  la  fin  du  vol.,  n°  I08. 


W7 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


418 


HAUDRIFTTES  (Religieuses),  présentement 
appelées  les  Filles  de  l'Assomption  de  No- 
tre-Dame. 

Il  y  a  eu  à  Paris  des  religieuses  hospita- 
lières sous  le  nom  d'Haudrïettes,  qui  lurent 
fondées  du  temps  du  roi  saint  Louis  par 
Etienne  Haudry,  l'un  des  secrétaires  de  ce 
prince.  Il  le  suivit  dans  la  terre  sainte  ;  et , 
a  son  retour  en  France,  il  eut  la  dévotion  de 
faire  encore  le  voyage  de  Saint-  Jacques  en 
Gaiice.  Sa  femme,  qui  se  nommait  Jeanne  la 
Dalone,  ayant  été  un  temps  considérable  sans 
recevoir  de  ses  nouvelles,  se  consacra  au  ser- 
vice de  Dieu,  s'enfermanl  dans  une  maison 
qui  lui  appartenait  dans  la  rue  de  la  Mor- 
telle! ie,  avec  quelques  autres  femmes,  et  elle 
y  vécut  dans  les  exercices  de  piélé,  d'orai- 
son et  de  mortification'.  Elles  ne  laissaient 
entrer  personne  dans  celte  maison,  qui  élait 
bâtie  en  forme  de  monastère,  et  elles  n'en 
sortaient  que  les  dimanches  et  les  fêles  pour 
aller  entendre  la  parole  de  Dieu  et  assister 
aux  offices  divins. 

Ayant  ainsi  passé  quelque  temps  dans  cette 
maison,  Etienne  Haudry,  élant  de  retour, 
voulut  reprendre  sa  femme  ;  mais  il  y  trouva 
de  la  difficulté  de  sa  part,  sur  ce  qu'elle  avait 
fait  vœu  de  chasteté,  ce  qui  obligea  Haudry 
d'aller  à  Rome  pour  en  obtenir  dispense  du 
pape,  qui  la  lui  accorda  à  condition  qu'en 
reprenant  sa  femme  il  laisserait  un  fonds  à 
cetie  maison  pour  entretenir  et  nourrir  douze 
pauvres  femmes  ;  à  quoi  il  satisfit  ;  et  depuis 
ce  temps-la  on  appela  ces  femmes  Haudrieltis, 
du  nom  de  leur  fondateur. 

Leur  nombre  s'augmenta  dans  la  suite; 
car  les  anciens  statuts  de  ces  religieuses,  qui 
furent   confirmés    par    le  cardinal    de  Pise, 


monastères,  fut  de  faire  revivre  l'observance 
régulière  chez  les  Haudrietlcs,  où  il  Irouva 
un  assez  bon  nombre  de  femmes  et  de  filles, 
dont  il  en  fil  élire  une  pour  supérieure. 

L'on  vit  en  peu  de  temps  un  notable  chan- 
gement dans  cette  maison,  et  l'observance 
régulière  y  fui  parfailement  rétablie  par  les 
soins  de  ce  cardinal  et  de  l'abbé  de  la  Pose  , 
son  grand  vicaire,  qui  fut  dans  la  suite  évê- 
que  de  Lodève.  Celle  éminence  obtint  du 
pape  Grégoire  XV  le  pouvoir  d'agréger  cette 
communauté  à  l'ordre  de  Saint-Augustin,  et 
de  confirmer  les  nouveaux  statuts  qui  avaient 
étédressés.ei  qu'on  avait  ajoutés  aux  anciens. 
Les  religieuses  commencèrent  à  chauler  l'offi- 
ce delaVierge.  Elles  joignirenlle  vœu  de  pau- 
vreté à  ceux  de  chastelé  et  d'obéissance  qu'el- 
les faisaient  déjà,  et  pratiquèrent  les  autres 
exercices  des  monastères  réglés.  Leur  com- 
munauté s'augmenta  de  telle  sorte,  que,  se 
trouvant  trop  étroitement  logées  et  en  un  lieu 
malsain  à  cause  du  voisinage  delà  rivière, 
elles  obtinrent  les  permissions  nécessaires 
pour  changer  de  demeure.  Elles  furentlrans- 
férées  dans  la  rue  Saint-Honoré  et  prirent 
possession  de  leur  nouvelle  maison  le 
7  septembre  1622,  y  ayant  été  conduites 
par  plusieurs  dames  de  qualité.  Elles  ont 
depuis  bâti  un  très-beau  monastère  avec  une 
belle  église  sous  le  litre  de  l'Assomption  de 
Notre-Dame,  dont  elles  ont  retenu  le  nom, 
ayant  quitté  celui  d'Haudriettes  ,  qu'elles 
avaient  conservé  jusqu'alors.  Elles  sont  pré- 
sentement au  nombre  de  quatre-vingts  filles. 
Elles  sont  habillées  de  noir  avec  de  grandes 
manches  et  une  c  inlure  de  laine,  et  portent 
un  crucifix  sur  le  cœur  (1). 

Quant  à  leurs  observances,  par  la  bulle  du 


légat  du  pape  Jean  XXIII,  l'an  14-14-,  sont  pape  Grégoire  XV,  octroyée  pour  leur  appro- 
adresscs,  aux  bonites  femmes  veuves  étant  au 
nombre  de  trente-deux,  de  la  Maison-Dieu  ou 
hôpital  et  chapelle  fondée  par  feu  Etienne 
Haudry  ou  ses  successeurs  emprès  Grève  à 
Paris.  Ces  statuts  commencent  ainsi  :  Au 
nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit. 
Ci-après  s'ensuivent  les  ordonnances  et  con- 
stitutions de  l'hôpital  des  bonnes  femmes  de  la 
chapelle  fondée  par  feu  Etienne  Haudry,  jadis 
bourgeois  de  i  aris,  et  Jianne  sa  femme  ;  les- 
quelles ordonnances  feu  maître  d'Ailly,  en  son 
vivant  docteur  en  théologie  et  aumônier  du 
roi  notre  sire,  a  voulu  et  mandé  être  gardées 
par  lesdites  bonnes  femmes,  et  écrites  en  un 
tableau  du  dortoir  d'icelles,  afin  que  nulle 
ne  s'en  puisse  excuser  par  ignorance. 

Cet  établissement  lut  continué  par  plu- 
sieurs souverains  pontifes,  et  ces  bonnes 
femmes  pendant  plusieurs  années  vécurent 
avec  beaucoup  d'édification  ;  mais  dans  la 
soi  e  du  temps  leur  ferveur  se  ralentit,  et 
peu  à  peu  elles  abandonnèrent  leurs  obser- 
vances; en  sorte  que  le  cardinal  du  Perron 
étant  mort,  et  le  cardinal  de  la  Rochel'ou- 
cauli  lui  ayant  succédé  dans  ia  charge  de 
grand  aumônier,  qui  est  supérieur-né  de 
Celle  mais  n,  l'un  des  prem  ers  soins  de  ce 
prélat,  qui  était  si  zélé  pour  la  réforme   des 


balion  et  confirmation,  il  leur  élait  ordonné 
de  dire  l'office  de  la  sainte  Vierge  tout  entier 
les  jours  de  fêles  seulement,  et  elles  n'étaient 
tenues,  les  jours  ouvrables,  qu'à  dire  prime, 
tierce,  vêpres  et  compiles.  Mais  le  cardinal 
de  la  Rochefoucault,  par  les  constitutions 
qu'il  leur  donna,  les  obligea  à  dire  tous  les 
jours  cet  office  loul  entier,  et  le  grand 
office  de  l'Eglise  selon  le  bréviaire  romain 
pendant  les  trois  derniers  jours  de  la  semai- 
ne sainte.  Elles  doivent  dire  outre  cela  loua 
les  jours  vingt-qualre  Pater  et  aulant  A' Ave 
pour  leurs  bienfaiteurs,  et  par  une  louable 
coutume  elles  en  disent  trente-trois  pour 
parfaire  la  couronnede  Noire-Seigneur.  Elles 
ont  une  demi-heure  d'oraison  mentale  le  ma- 
lin ,  et  autant  après  vêpres  ,  l'examen  de 
conscience  avant  le  diner,  et  celui  du  soir 
après  avoir  dit  en  commun  les  litanies  des 
saints. 

Outre  les  jeûnes  ordonnés  par  l'Eglise  et 
les  abstinences,  elles  font  encore  abstinence 
de  viande  pendant  tout  l'Avenl,  tous  lesmer 
credis  de  l'année,  les  veilles  des  fêtes  de  la 
sainte  Vierge,  le  lundi  et  le  mardi  de  la 
Quinquagésime  ;  et  le  vendredi  saint  elles  nu 
mangent  rien  de  cuit  avec  apprêt.  Voici  la 
formule  de  leurs  vœux  :  Aunomde  Notre-Sei- 


(1)  Votj.,  à  la  fin  du  vol.,  n,s  100  et  1 10. 


iiï 


nr:r. 


gneur  Jésus-Christ  et  de  sa  très-sainte  Mère; 
le  srrur  :V.  dite  de  Saint  N.,  voue  et  promets 
à  Dieu  stubilité  sous  clôture,  pauvreté',  chas- 
teté' et  obéissance,  selon  la  règle  du  bien- 
heureux Père  saint  Augustin  et  les  constitu- 
ât TU  dressées  pour  te  règlement  de  c  lie  mai- 
son dite  de  l'Assomption  de  Notre-Dame,  en 
présente  de  monseigneur  N.,  grand  aumônier 
de  France,  notre  supérieur.  El  si  c'est  son 
grand  vicaire,  en  présence  de  N-,  grand  vi- 
caire de  monseigneur  N.,  grand  aumônier  de 
France. 

Sur  la  fin  du  dernier  siècle,  la  Mère  Pelil, 
dite  de  Sainte-Thérèse,  religieuse  de  ce  mo- 
nastère, fil  un  second  établissement  de  cet 
ordre  dans  la  même  ville  de  Paris,  au  fau- 
bourg Saint-Germain,  proche  le  couvent  des 
Carmes  Déchaussés.  L'on  appela  ce  nouveau 
monastère  la  peti'e  Assomption,  et  l'on  y 
gardait  les  mêmes  observances  que  dans  ce- 
lui de  la  rue  Sainl-Honoré  ;  mais  comme  il 
ne  se  trouva  point  de  fonds  suffisants  pour 
l'entretien  des  religieuses,  ce  monastère  a  été 
supprimé. 

Dubreuil  el  Malingre,  Antiquités  de  Paris, 
et  les  constitutions  manuscrites  de  cet  ordre. 

Il  y  a  aussi  à  ltécanati  en  Italie,  proche 
Laurelle  ,  des  religieuses  sous  le  titre  de 
l'Assomption  delà  saisie  Vierge,  dont  le  mo- 
nastère fui  fondé  l'an  1626  par  le  cardinal 
Jules  Rouia,  évéque  de  celle  \ille.  Ce  qui 
donna  lieu  à  cet  établissement  fut  qu'une 
femme  de  la  ville  nommée  Barbe  Marlille 
ordonna  par  son  testament,  de  l'an  1595,  que 
si  soi  fils  momait  sans  enfant,  l'on  fonde- 
rail  dans  sa  propre  maison  un  monastère  de 
veuves  qui  y  seraientenlrelenuesdes  revenus 
des  biens  qu'elle  laissa  pour  cet  effeljmais  le  lils 
étant  mort  sans  enfants,  et  ayant  laissé  beau- 
coup de  dettes,  le  cardinal  Roma,  voyant  que 
l'on  ne  pouvait  exécuter  entièrement  la  fon- 
dation, se  détermina  à  mettre  dans  cette  mai- 
son quelques  pauvres  filles  orphelines,  dont 
six  prirent  l'habit  religieux  ;  d'autres  filles  y 
élani  aussi  entié  s  dans  la  suite,  et  y  ajant 
portédesdols,  ony  établit  la  clôture  l'anlo32, 
el  l'an  1634  on  leur  donna  des  constitutions 
particulières  qui  furent  dressées  par  le  P. 
Oratio  Patiani  de  la  Compagnie  de  Jésus,  et 
approuvées  par  le  cardinal  Roma.  Comme 
leur  é.lise  fut  dédiée  en  l'honneur  de  l'As- 
somption du  Notre-Dame,  elles  en  prirent 
aussi  le  nom.  Elles  disent  tous  les  jours  au 
chœur  l'office  de  la  Vierge,  observent  une 
exacte  |  auvrelé,  et  ont  leurs  heures  d'orai- 
son, de  silence,  de  travail,  et  autres  exerci- 
ces. Leur  habillement  consiste  en  une  robe 
bleue  ceinte  d'une  ceinture  de  laine  blanche, 
avec  un  scapulaire  blanc;  leur  voile  est  blanc 
aussi,  et  leur  guimpe  est  un  peu  plissée  sous 
la  gorge  ;  au  chœur  el  dans  les  cérémonies, 
dles  ont  un  manteau  bleu  traînant  jusqu'à 
lerre. 

Philip.  Bonanni.  Catalog.  ord.  Relig.  , 
part,  in  ;  et  Didace  Calcagni.  Hisi.  di 
Recunati. 

HELVETIQUE  (Congrégation  Bénédictine), 
où  il  est  parlé  de  l'ordre  militaire  de  l'Ours. 

Quoique  la  congrégation  Bénédicline-Hei- 


I1EL  45w 

vétiquo  ou  de  Sni.sc  ne  comprenne  que 
neuf  monastères, elle  Délaisse  pas  d'être  une 
des  plus  illustres  de  l'ordre  de  Saint  Benoit 
par  les  prérogatives  dont  jouissent  es  mê- 
mes monastères  qui  s.mi  uès-cunsidérables, 
y  en  a^anl  cinq  dont  les  abbés  sont  princes 
de  l'Empire,  savo  r  Saim-Gal,  Einsidlen  ou 
Notre-Dame  <>es  Ermites,  Mûri,  Pfers  et 
Diseniis.  Si  les  quatre  autres,  qui  sont  Kui- 
naw,  Frischincheu,  Engelberg,  et  lUiwnwil, 
ou  Notre-Dame-de-la-Pierre,  sont  obligés  de 
le  céder  en  dignité  aux  cinq  premiers,  ils 
onl  au  moins  l'avantage  de  leur  être  égaux 
par  rapport  à  la  sainteté  de  leurs  premiers 
abbés,  aux  personnes  illustres  qui  en  sont 
sorties  et  à  la  magnificence  de  leurs  bâti- 
ments. Le  relâchement  détail  inlroduit  dans 
la  plupart  de  ces  monastères,  et  il  y  avait 
lieu  d'appréhender  qu'il  n'augmentât  encore 
dans  la  suile  par  le  voisinage  des  provinces 
d'Allemagne  infectées  d'hérésies  dont  la 
Suisse  même  n'avait  pu  se  garantir.  Mais 
Bernard,  abbé  de  Sainl-Gal;  Augustin  d'Ein- 
sidlen,  Jossede  Mûri,  el  Benoi.  de  Fischin- 
gen,  afin  de  prévenir  le  ir.al  qui  les  menaçait, 
s'unirent  ensemble  pour  laire  revivre  d.ms 
leurs  monastères  cette  ferveur  don!  les  pre- 
miers religieux  qui  les  avaient  habites 
avaient  été  animés  sous  la  conduiie  de  leurs 
saints  fondateurs,  el  prirent  les  mesures  né- 
cessaires pour  y  rélablir  la  discipline  monas- 
tique et  l'économie  du  temporel,  l'une  et 
l'autre  fort  délabrées.  Pour  cet  eiîel  ils 
firent  des  règlements  qui  y  sont  encore  obser- 
vés avec  beaucoup  d'exac  itude,  aussi  bien 
que  dans  les  autres,  qui  se  joignirent  à  eux 
dans  la  suite.  L'union  de  ces  quatre  premiers 
monaslères  se  fit  l'an  1602,  el  elle  lut  approu- 
vée par  le  pape  Clément  \  111  sous  le  titre  de 
Congrégation  Bénédictine-HeUélique  ;  elle 
fui  augmentée  après  la  mort  de  ce  pontife 
pari  union  qui  y  fut  faite,  l'an  1006,  des  ab- 
bayes de  i  fers  et  de  Rhainaw.  Celle  d'Eu- 
gelberg  et  de  Disentis  suivirent  leur  exem- 
ple, el  Rhunwil  ou  Notre-Dame-de-la  Pierre 
y  fut  uni  l'an  1633  sous  l'abbe  Fintan,  qui, 
y  étant  venu  avec  quelques  religieux  de 
celte  abbaye  et  de  celle  d'Einsidlen,  répara 
entièrementee  monastère,  qui  avait  é  é  ruiné 
par  les  guerres  eloù  il  ne  resta  t  plus  qu'un 
seul  religieux.  La  congrégation  Beuédicliue- 
Helvétique  fut  pour  lo.s  composée  de  neuf 
monastères  auxquels  les  souverains  pontifes 
el  leurs  nonces  en  Suisse  accordèreni  beau- 
coup de  grâces  el  de  privilèges.  Celle  congré- 
gation n'a  point  de  supérieur  général,  les 
abbés  s'assemblent  seulement  tous  les  dix 
ans  ou  lorsque  la  nécessité  le  demande.  Ils 
élisent  dans  leurs  assemblées  des  visiteurs 
généraux  pour  faire  la  visite  des  monastères; 
cet  honneur  est  ordinairement  déféré  aux 
premiers  abbés:  on  nomme  aussi  des  visi- 
teurs particuliers  pour  les  monastères,  des 
Visiteurs  généraux;  le  secrétaire  est  choisi 
indifféremment  de  tous  les  monastères.  Ces 
abbés  s'assemblèrent  l'an  1702  à  Saint-Gai, 
pour  y  célébrer  la  centième  année  de  l'insti- 
tution de  leur  congrégation.  Ce  monastère 
est  le  plus  considérable  de  la  Suisse,  l'abbé 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


ai  prince  souverain  et  peut  mettre  dis  à 
douze  mille  hommes  sur  pied.  Celte  abbaye, 
qui  est  située  dans  le  Turgow.à  un  mille  du 
lac  de  Constance,  a  eu  de  très-faibles  com- 
mencements :  le  nom  de  Saint-Cal  lui  a  été 
donné  à  cause  que  ce  saint,  qui  était  irlan- 
dais et  disciple  de  saint  Colomban,  se  retira 
au  commencement  du  vir  siècle  dans  ce  lieu, 
qui  était  pour  lors  une  solitude  affreuse,  et 
y  bâtit  un  polit  monastère,  où  quelques  per- 
sonnes, attirées  par  la  vertu  de  ce  saint,  vé- 
curent sous  sa  conduite.  Après  sa  mort,  qui 
arriva  l'an  04(3,  ce  lieu  fut  appelé  la  Celle 
de  Saint-Cal.  Les  Français  s'élant  rendus 
maîtres  de  ce  pays  l'an  710,  un  certain  YVal- 
tramn,  à  qui  appartenait  cette  solitude,  pria 
le  comte  Victor,  qui  était  gouverneur  du 
pays,  de  donner  cette  celle  et  ses  dépendan- 
ces à  saint  Othmar  :  ce  que  ce  comte  accorda 
l'an  720,  et  en  demanda  lui-même  la  confir- 
mation a  Charles  Martel  maire  du  palais,  qui 
l'accorda,  à  condition  que  saint  Othmar  y 
établirait  les  observances  régulières  ;  et  ce 
prince  érigea  pour  cet  effet  celte  celle  en 
abbaye,  dont  saint  Othmar  fut  premier  abbé. 

Le  prince  Carloman,  fils  de  Charles  .Mar- 
tel, allant  en  Italie  l'an  747  pour  se  retirer 
dans  l'abbaye  du  Mont-Càssirt,  où  il  prit 
l'habit  monastique,  passa  par  Saint-Cal,  y 
étant  attiré  par  les  miracles  continuels  qui 
s'y  faisaient  par  l'intercession  de  ce  sainr. 
Il  y  avait  alors  peu  de  religieux,  à  cause  de 
la  petitesse  du  monastère.  Ce  prince  fut  si 
touche  de  voir  un  lieu  si  célèbre  réduit  e.i 
cet  étal,  qu'il  écrivit  à  Pépin,  son  frère,  roi 
de  France,  pour  lui  rec onam .mderec  monas- 
tère et  le  prier  de. lui  faire  quelques  dons. 
Saint  Othmar,  sur  cette  recommandation, 
alla  trouver  Pépin,  qui  assigna  au  mona- 
stère de  Saint-Cal  des  revenus  considérables 
pour  en  augmenter  les  bâtiments  et  pour 
l'entretien  des  religieux. 

Crosbert,  qui  fut  élu  abbé  l'an  81(5,  fit 
exempter  par  l'empereur  Louis  le  Débonnaire 
son  abbaye  de  la  juridiction  des  évêques 
de  Constance,  qui  l'avaient  exercée  surellc 
avec  une  grande  autorité,  et  depuis  ce  temps- 
là  ce  monastère  devint  puissant.  Le  même 
abliè  l'embellit  par  des  bâtiments  nouveaux 
qu'il  fit  faire  avec  beaucoup  de  magnificence 
et  auxquels  les  ouvriers  furent  employés  pen- 
dant sept  ans.  Mais  ce  beau  monastère  l'ut 
ruiné  par  les  Hongrois  l'an  925  sous  le  gou- 
vernement de  l'abbé  Engelbertll;  et,  l'an 
937,  ce  qui  en  restait  fut  réduit  en  cendres 
par  le  l'eu,  qui  s'y  attacha  par  accident. 

Ulric  d'Aitsax,  que  l'empereur  Philippe 
éleva  à  la  dignité  de  prince  de  l'Empire, 
étendit  considérablement  son  domaine,  et 
les  abbés  de  Saint-Cal  devinrent  dans  la  suite 
si  puissants,  que  Berthold  de  Falkenstin  as- 
sista au  sacre  de  Gautier,  évoque  de  Stras- 
bourg, avec  une  suite  de  plus  de  mille  gen- 
tilshommes ,  la  plupart  ses  vassaux.  Les 
terres  soumises  à  l'obéissance  de  cet  abbé 
étaient  pour  lors  plus  considérables  e!  en 
plus  grand  nombre  qu'elles  ne.  le  sont  présen- 


i52 


temenî.  Car  depuis  ce  temps-là  il  a  perdu 
Appenzel,  qui  a  donné  son  nom  à  l'un  des 
treize  cantons  ;  Schvendy,  Brusilow, Contés, 
Niuck.ilbach,  et  Haslem,  qui  se  sont  sous- 
liails  de  son  obéissance,  ayant  fait  une 
union  pour  se  détendre  mutuellement  contre 
cet  abbe,  qu'ils  ne  voulaient  plus  reconnaître 
pour  souverain.  Cune,  qui  fut  élu  abbé  l'an 
1378,  fit  armer  les  autres  sujets  de  l'abbaye 
pour  soumettre  les  habitants  d'Appenzel  ;  t 
les  autres  qui  .s'étaient  révoltés  ;  mais  ce  fut 
inutilement:  car,  après  plusieurs  tentatives 
qu'il  fit  pour  réussir  dans  son  entreprise,  il  fit 
enfin  obligé  de  l'aire  avec  euxun  traité  depaix 
par  lequel  il  consentit  qu'ils  se  rachetassent 
de  la  souveraineté  des  abbés  de  Saint-Cal 
pour  une  somme  d'argent. 

Pour  mieux  affermir  leur  liberté,  ils  se 
lignèrent  avec  les  cantons  d'Uri,  de  Schwitz, 
u'Underval  et  de  Lucerne.  Les  abbés  de  Saint- 
Gai  ayant  protesté  contre  cette  alliance, 
Henri  de  Mandrolï  renouvela  ses  préten- 
tions l'an  1423  à  la  cour  de  l'empereur  Si- 
gismond,  el  fit  mettre  au  ban  de  l'Empire 
ceux  d'Appenzel  et  les  autres.  Mais  loin  de 
s'en  étonner,  ils  entrèrent  dans  les  Etats  de 
cet  abbé,  démolirent  quelques  châteaux  et 
le  forcèrent  à  faire  la  paix.  Quelque  temps 
après,  l'abbé  de  Saint-Cal  s'unit  contre  eux 
avec  la  noblesse  de  Constance,  mais  ses 
troupes  lurent  encore  défaites.  Enfin  l'abbé 
Gaspard  de  Landerberg,  ayant  reconnu  que 
ses  prétentions  sur  Appenzel  et  les  autres 
lieux  qui  avaient  été  autrefois  de  son  do- 
maine seraient  le  sujet  d'une  guerre  perpé- 
tuelle, y  renonça  par  l'alliance  qu  il  lit  l'an 
1454  avec  les  cantons  de  Zurich,  de  Schwitz, 
de  Lucerne  et  de  Claris. 

Les  terres  que  possède  présentement  l'abbé 
de  Saint-Gai  en  souveraineté,  outre  la  \  illede 
Saint-Gai  et  son  territoire,  sont  Vil,  Goltzhu- 
fulzt  elle  comté  de  Tokembourg,  qui  renfer- 
ment plusieurs  villages,  dont  les  habitants 
sont  partie  catholiques  et  partie  protestants. 
L'église  de  Tokembourg  est  coin  mu  ne  aux  uns 
et  au\  autres  ;  les  protestants  y  faisaient 
l'exercice  de  leur  religion  après  que  les  catho- 
liques avaient  fini  le  leur;  mais  le  jour  de 
Pâques  de  l'an  1708,  les  protestants  voulu- 
rent commencer  de  prêcher  avant  que  le 
service  des  catholiques  lût  achevé:  ce  qui 
excita  de  grands  truubles  en  Suisse,  où  les 
deux  partis  en  vinrent  à  une  rupture  ou- 
verte. L'abbe  de  Saint-Cal,  avec  le  secours 
des  cantons  catholiques,  voulant  maintenir 
ses  sujets  catholiques  dans  leurs  droits  par  la 
force  des  armes,  les  cantons  de  Zurich  et  de 
Uerne  firent  la  même  chose  pour  soutenir 
les  protestants.  Cette  guerre  fui  funeste  aux 
catholiques  par  les  avantages  que  les  proies» 
tanls,  qui  étaient  eu  plus  grand  nombre, 
remportèrent  sur  eux.  Les  deux  partis  sa 
réunirent  néanmoins  l'an  1712  el  firent  en- 
semble un  traité  de  paix,  par  la  médiation 
de  M.  le  comle  du  Luc,  ambassadeur  de 
France  en  Suisse  (1).  Mais  l'abbé  de  Saint- 
Cal  n'ayant  pas  voulu  entrer  daus  ce  traité, 


(1)  Journal  hist.  sur  tes  matières  du  temps,  loin.  XVII. 


ISÎ  IIF.Il 

les  c  :n(ons  do  Berne  et  de  Zuric'i  firent  un 
grand  lierai  d.ms  son  monastère,  da  il  ils  en- 
levèreut  toutes  les  cloches,  an  nombre  de 
vingt-quatre,  de  différentes  grosseurs  ;  pri- 
rent les  riches  meubles  qui  y  étaient,  un 
grand  nombre  de  tableaux  et  une  bibliothè- 
que de  livres  rares  et  curieux.  L'abbé,  se 
dallant  du  secours  qu'il  attendait  des  cours 
de  Home  et  de  Vienne,  fut  trompé  dans  ses 
espérances;  car  le  pape  et  l'empereur  ne 
jugeant  pas  à  propos  de  s'engager  dans  une 
guerre  dont  les  suites  auraient  tiré  à  con- 
séquence, il  se  vil  contraint  d'aller  chercher 
un  asile  dans  le  duché  de  Milan,  n'ayant  plus 
ni  abbaye  ni  souveraineté. 
i  Les  abbayes  d'Iîinsidlen  et  de  Rhunwil,  plus 
connues,  la  première  sous  le  nom  de  INotie- 
Damc-des-Ermites,  et  l'autre  sous  celui  de 
Notre-Dame-de-la-Pierre,  qui  sont  aussi  de 
la  congrégation  Bénédictine-Helvétique,  sont 
très-célèbres  par  les  mirai  les  qui  s'y  font 
tous  les  jours,  et  il  y  vient  de  toules  parts 
un  grand  nombre  de  pèlerins. 

Idœa  Congreg.  llelvet.  Bcnedictinœ-  Yso 
Pfaw.,  Collect.  sive  summar.  privileg.  ejusd. 
Congreg.  Christoph.  Hartman.,  Annal.  Erctni 
Deiparœ  in  Helretiis;  et  Mémoires  envoyés 
de  Suisse  en  1710. 

L'on  peutconsulter  pourl'abbaye  de  Saint- 
Gai  en  particulier,  Joan.  Mabill.  Annal.  Bene- 
dict.,  tom.  I,  II  et  III.  Dom  Antoine  Yepez, 
Chroniques  générales  de  l'ordre  de  Saint-lie- 
noîl.  Gaspar.  Brusch,  Annal,  pra'cipitorum 
monasteriorum  Gcrmaniœ  ;  et  Audilïret, 
Géogruph.  anc.  et   mod.,  lom.  II. 

LesabbésdeSaint-Gal conféraient  autrefois 
l'ordre  militaire  de  l'Ours,  institué  par  l'empe- 
reur Frédéric  II,  l'an  1213,  en  laveur  de 
l'abbé  de  Saint-Gai  et  de  la  noblesse  du 
pays,  en  reconnaiss  ince  de  ce  qu'ils  l'avaient 
aiJé  à  chasser  de  l'Empire  Othon  IV.  Le  col- 
lier de  cet  ordre  était  composé  de  chaînes 
d'or  entrelacées  de  feuilles  de  chêne  aussi 
d'or,  au  bout  desquelles  pendait  un  ours 
d'or  émailléde  sable  (1);  mais  cet  ordre 
nesubsiste  plus. 

Favin,  Théâtre  d'honneur  et  de  chevale- 
rie; et  Bernard Giustiniani,  Hist.  Chronot.de 
gli  Ord.  milit. 

HEKFORD  Voy.  Gandersheiu. 

HEKMINE  ET  DIL  L'ÉPI  (Ordres  militai- 
res de  l')  en  Bretagne. 
L'ordre  de  l'Epi  institué  en  Bretagne,  et 
que  quelques  auteurs  ont  mis  sous  la  règle 
de  saint  Augustin,  quoique  peut-être  sans 
aucunfondement.nousdonnera  lieude  parler 
en  même  temps  de  celui  de  l'Hermine,  qui 
fut  aussi  institué  dans  la  même  province.  Ce 
dernier  eut  pour  fondateur  Jean  IV,  duc  de 
Bretagne ,  surnommé  le  Vaillant  ou  le  Con- 
quérant, vers  l'an  1381,  et  non  pas  l'an  13133, 
comme  quelques-uns  ont  avancé.  Le  collier 
de  cet  ordre  était  composé  de  deux  chaînes 
dont  les  deux  extrémités  étaient  attachées  à 
deux  couronnes  ducales,  chacune  desquelles 
renfermait  une  hermine  passante  (2).  Une 


MER 


434 


des  couronnes  pendait  sur  la  poitrine,  et 
l'autre  était  sur  le  cou.  Les  chaînes  étaient 
composées  chacune  de  quatre  fermoirs,  et 
ces  fermoirs  n'étaient  qu'une  hermine  avec 
un  rouleau  entortillé  autour  du  corps  sur 
lequel  était  écrit  :  ri  ma  vie.  Les  rouleaux 
étaient  alternativement  éirfaillés  de  blanc 
avec  des  lettres  noires,  et  de  noir  avec  des 
lettres  blanches.  Autour  du  cou  de  chacune 
des  dix  hermines  il  y  avait  un  collier  où 
pendait  un  chaînon  de  quatre  ou  cinq  an- 
neaux :  les  colliers,  selon  la  qualité  des 
personnes  à  qui  les  ducs  en  faisaient  présent, 
étaient  d'or  ou  d'argent  doré,  ou  d'argent 
tout  pur.  Ce  qu'il  y  avait  de  particulier  dans 
cet  ordre,  c'est  que  l'on  y  recevait  des  fem- 
mes qui  prenaient  le  nom  de  chevaleresses. 
Le  P.  Lobineau,  dans  son  Histoire  de  Bre- 
tagne, rapporte  une  liste  de  ces  chevaliers, 
parmi  lesquels  on  trouve  une  duchesse  de 
Bretagne  qui  reçut  le  collier  en  1441;  une 
Pélronille  Sv  Maillé,  deux  demoiselles  de 
Penhoet  et  du  Plessis  Augieren  1453,  cl  une 
Jeanne  de  Laval  en  1455.  Le  même  auteur 
rapporte  aussi  une  histoire  du  même  duc 
Jean  IV  en  vieilles  rimes,  composée  par  M" 
Guillaume  de  Saint-André,  licencié  en  décret 
scolaslique  de  Dôle,  notaire  apostolique  et 
impérial, conseiller  et  ambassadeur  du  même 
duc,  où  il  est  parlé  de  cet  ordre  en  ces 
termes  : 

A  Nantes  ses  gens  envoya, 
Mais  de  ta  rendre  or,  deloia 
Tusi/u'à  la  Nativité 
De  saint  Jean,  c'est  vérité. 
Veux  jours  avant  ne  plus  ne  moins 
Entra  à  Nantes,  j'en  suis  certains, 
Et  fui  reçu  à  grand  honneur 
Comme  leur  Prince  et  vrai  Seigneur; 
Ne  sembla  pas  être  exil 
Quand  l'en  lit  rendit  Piremil; 
,  1  ou/ fou  assis  en  la  forêt 

Se  rendit  l'en  et  sans  arrêt, 

Lors  fit  mander  tous  ses  prélats 

Abbés,  et  clercs  du  tous  Etats, 

Barons,  chevaliers  escuiers, 

Qui  lors  portoisnt  nouveaux;  colliers 

De  moult  bel  port,  de  belyuise; 

Et  éloit  nouvelle  devise 

De  deux  Bolets  brunis  et  beaux 

Couples  ensemble  île  deux  fermeaux, 

Et  au  dessous  êtoit  l'Ermine 

En  fijure  et  en  couleur  fine 

En  deux  cedules  avait  escript 

A  ma  vie,  comme  j'ai  dit 

L'un  mot  est  blane  l'autre  noir 

Il  est  certain;  tien  le  pour  voir. 

Pour  ce  qui  est  des  raisons  qu'eut  le  duc 
de  Bretagne  d'instituer  cil  ordre  et  de  choi- 
sir là  devise  à  fr«l  *?e ;  c'est  une  chose,  dit 
le  P.  Lobineau,  sur  quoi  chacun  peut  donner 
carrière  à  ses  conjectures,  les  auteurs  n'en 
ayant  rien  dit.  11  croit  que  le  duc  voulut 
marquer  par  ces  deux  couronnes  et  p  ir  celle 
devise  qu'il  avait  conquis  deux  fois  la  Bre- 
tagne, et  qu'il  avait  exposé  sa  vie  pour  cou- 


(1)  Voy.,  à  la  On  du  vol.,  n*  111. 


(2)  Vey.,àla  fin  du  vol.,  n*  112. 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


server  sn  dignité,  et  que  par  les  hermines 
cl  le  collier  à  chiiln.es  pendantes,  il  aurait 
pu  taire  allusion  parla  au  lévrier  banc  de 
Gitanes  de  Blois  qui  abandonna  son  maître 
avant  la  bataille  d'Auray. 

Ce  Père  ajoute  que  les  ducs  de  Bretagne 
ajoutèrent  dan»  la  suite  au  collier  de  1  Her- 
mine un  autre  collier  de  moindre  prix,  qu'ils 
appelèrent  le  collier  de  l'Epi,  et  qui  était 
composé  d'épis  de  blé  et  terminé  par  une 
hermine  pendante  attachée  au  collier  avec 
deux  chaînes,  lequel  collier  était  ordinaire- 
ment d'argent.  Ceux  qui  ont  Irailé  des  or- 
dres militaires  ont  rapporté  l'institution  de 
cet  ordre  de  l'Epi  au  duc  François  I",  qui 
l'institua  vers  l'an  1450,  selon  quelques-uns  ; 
et,  selon  d'autres,  l'an  1448;  mais  le  P.  Lo- 
bineau,  parlant  de  ce  prince,  dit  que  les  An- 
glais ayant  menacé  la  Bretagne,  il  en  vint 
quelques-uns  trouver  ce  duc  l'an  1447  pour 
s'éclaircir  apparemment  avec  lui,  et  que  ce 
prince  leur  fît  ne  riches  présents  alin  de  les 
gagner  ou  de  les  apaiser,  et  donna  même  à 
quelques-uns  le  collier  de  son  ordre  de 
l'Epi,  et  que  c'est  la  première  fois  qu'il  est 
parié  de  cet  ordre.  Ainsi  il  était  institué 
avant  l'an  1448. 

Mais  ce  que  le  P.  Lobineau  ajoute  que  ce 
qui  donne  lieu  de  croire  que  le  collier  tissu 
d'épis  de  blé  peut  avoir  été  inventé  par  le 
duc  François  1"  pour  être  distribué  aux 
gentilshommes  moins  distingues  que  ceux 
à  qui  l'on  donnait  des  colliers  d'or  et  d'ar- 
gent composés  d'hermines,  de  couronnes 
et  de  chaînettes,  ne  me  parait  pas  juste, 
puLqu'Isabeau  d'Ecosse,  femme  de  ce  prince, 
est  représentée  dans  l'église  cathédrale  de 
Vannes  avec  le  collier  de  l'Epi,  quoiqu'elle 
eût  ri  eu  aussi  en  1447  le  collier  de  l'ordre 
de  l'Hermine,  et  que  le  duc  François  11  por- 
tait aussi  toujours  le  collier  de  Tordre  de 
l'Epi,  au  lieu  de  celui  de  l'Hermine.  Les  au- 
teurs qui  ont  irailé  des  ordres  de  chevalerie 
ont  eu  d'autres  sentiments  que  le  P.  Lobi- 
neau,  et  même  leurs  sentiments  ont  été  par- 
tagés. Les  uns  oui  cru  que  le  duc  François  1er 
avait  institué  cet  ordre  et  pris  la  même  de- 
vise que  celui  de  l'Hermine  pour  faire  con- 
naître sa  vertu,  sa  grandeur  et  son  courage, 
et  qu'il  se  serait  plutôt  laissé  tuer  que  de 
commettre  une  méchante  action  qui  pût  ter- 
nir sa  vertu,  désignée  par  la  blancheur  de 
l'hermine,  qui,  se  voyant  poursuivie  et  ren- 
contrant de  la  boue,  se  laisse  plutôt  prendre 
que  se  souiller.  D'autres  ont  cru  qu'il  avait 
établi  cet  ordre  pour  marquer  le  soin  que 
lui  et  ses  prédécesseurs  avaient  pris  pour 
rendre  leur  pays  fertile  en  toutes  sortes  de 
grains.  D'autres  enfin  ont  prétendu  qu'il 
institua  cet  ordre  pour  montrer  la  dévotion 
qu'il  portait  au  saint  sacrement,  que  ces  épis 
de  blé  représentent  les  espèces  du  pain  sous 
lesquelles  nous  l'adorons  ,  et  qu'il  joignit  à 
ces  épis  une  hermine  (1),  pour  faire  souve- 
nir les  chevaliers  qu'ils  devaient  plutôt  mou- 
rir que  de  se  souiller  et  se  plonger  dans  les 
ordures  du  péché.  Ainsi  chacun  a  donne  car- 


rière à  ses  conjectures,  et  c'est  sans  aucun 
fondement  que  l'i  n  a  ois  cet  ordre  sous  la 
règle  de  saint  Augustin. 

Yoy.  Favin,  Théâtre  d'honneur  et  de  che- 
valerie. Mennémus,  du  Belloy,  Giusliniani, 
Schoonebek  et  Hermani,  dans  leurs  llist. 
des  Ordres  militaires;  et  le  P.  Lohineau  dans 
son  Histoire  de  ttr<:t<iqne. 

HEUMITES.  Voy.  Ermites. 

HIÉKONYMITES,  Yoy.  Jérôme   (  Ermites 

DE  SaINI-). 

H1PPOLYÏE  (Ordre  de  la  Chahito:  de 

Saint-). 

Environ  l'an  1585,  sous  le  pontifical  de 
Grégoire  XIII  ,  un  saint  homme  nommé 
Bernardin  Alvarez  ,  bourgeois  de  la  ville 
de  Mexique  aux  Indes  occidentales  ,  animé 
du  même  esprit  cl  de  la  même  compassion 
envers  les  pauvres  malades  que  saint  Jean 
de  Dieu  ,  s'associa  quelques  personnes  pieu- 
ses et  dévotes  pour  en  avoir  soin.  Il  fonda 
un  hôpital  hors  des  murs  et  à  quelque 
dislance  de  celle  ville,  avec  la  permission 
de  l'archevêque,  et  le  dédia  en  l'honneur  de 
saint  Hippolyle  martyr,  patron  de  la  ville  de 
Mexique,  en  mémoire  de  ce  que  le  culte  des 
idoles  y  fut  aboli  et  qu'elle  iomba  enire  les 
mains  des  chrétiens  le  13  août,  jour  auquel 
l'Eglise  célèbre  la  fête  de  ce  saint.  Bernardin 
dressa  des  règlements  pour  ceux  qui  s'étaient 
consacrés  avec  lui  au  service  des  pauvres 
malades  ,  et  il  en  demanda  la  confirmation 
au  pape  Grégoire  XIII,  après  qu'ils  eurent 
été  examinés  par  l'archevêque.  Le  pape  les 
approuva  aussi  bien  que  la  fondation  et  l'é- 
rection de  cet  hôpital  ;  mais  avant  que  les 
lettres  en  fussenl  expédiées,  ce  punlile  mou- 
rut, et  elles  ne  furent  signées  que  par  son 
successeur  Sixte  V  ,  qui  approuva  tout  ce 
qu'il  avait  fait  en  faveur  de  cet  hôpital-  L'on 
bâtit  ensuite  deux  autres  hôpitaux  dans  la 
même  ville,  dont  l'un  fut  dédié  au  Saint-Es- 
prit, et  l'autre  fut  appelé  l'hôpital  royal,  à 
cause  qu'il  fut  bâti  par  les  libéralités  du  roi 
d'Espagne,  il  yen  eut  aussi  un  autre  dans 
la  ville  de  Puebles  de  Los  Angelos,  sous  le  ti- 
tre de  Saint-Roch,  et  le  nombre  de  ces  hôpi- 
taux augmentant,  ils  s'unirent  ensemble  et 
formèrent  une  congrégation  sous  le  titre  de 
la  Charité  de  Sainl-Hippolyle,  à  cause  du 
premier  hôpital  qui  avait  été  bâti  sous  l'invo- 
cation de  ce  saint  martyr,  qu'ils  reconnurent 
pour  leur  chef.  Le  pape  Clément  VIII,  ayant 
appris  le  progiès  que  faisaient  ces  hospita- 
liers, et  la  charilé  qu'ils  exerçaient  envers 
les  malades,  leur  accorda  par  un  bref  du  2 
avril  1594  tous  les  privilèges,  grâces  et  pré- 
rogatives dont  jouissaient  les  Frères  de  la 
Charité  de  Saint-Jean  de  Dieu,  qui  étaient 
pour  lors  inconnus  aux  Indes  occidentales, 
où  ils  n'avaient  pas  encore  passé,  lesquels 
privilèges  leur  avaient  été  accordés  par 
ses  prédécesseurs  Pie  V,  Grégoire  XIII,  et 
Sixte  V. 

Ces  hospitaliers  de  la  charilé  de  Sainl-Hip- 
polyle ne  faisaient  que  deux  vœux  simples, 


(1)  Yoy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  lia. 


457 


Mil 


111(1 


«H 


l'un  de  chasteté  et  l'autre  Je  pauvreté  ;  mais, 
comme  ils  ne  se  croyaient  pas  pourcela  enga- 
gés  à  la  congrégation,  ils  en  sortaient  quand 
bon  leur  semblait.  C'est  ce  qui  obligea  leur 
général  (qui  prenait  la  qualité  de  frère  ma- 
jeur) et  les  hospitaliers  tant  de  l'hôpital  de 
Sainl-Hippolyte  que  de  sept  autres  qui  en 
dépendaient,  d'avoir  encore  recours  au  pape 
Clément  VIII  pour  aviser  aux  moyens  d'em- 
pêcher les  hospitaliers  de  quitter  l'institut. 
Le  pape  crut  pouvoir  l'empêcher  en  les  obli- 
geant par  une  bulle  du  premier  octobre  lofJi 
de  faire  à  l'avenir  les  vœux  de  perpétuelle 
hospitalité  et  d'obéissance,  au  lieu  de  ceux 
de  chasteté  et  de  pauvreté  qu'ils  faisaient 
auparavant,  et  ordonna  que  ceux  qui  les 
avaient  faits  et  qui  étaient  actuellement  dans 
la  congrégation  recommenceraient  ainsi  leurs 
vœux. 

Mais  il  est  aTivé  dans  la  suite  un  aulre 
inconvénient  de  cette  sorte  de  manière  de 
s'engager  dans  cette  congrégation  ;  car  il  y 
en  eut  qui  transgressaient  et  la  chasteté  et 
la  pauvreté  ,  sous  prétexte  qu'ils  n'étaient 
obligés  qu'à  la  perpétuelle  hospitalité  et  à 
l'obéissance;  et  ils  prétendaient  même,  com- 
me n'étant  pas  religieux,  qu'ils  pouvaient 
sortir  de  la  congrégation  quand  bon  leur  sem- 
blait. C'est  ce  que  le  frère  Jean  Cabrera,  pro- 
cureur général  de  cet  Ordre,  exposa  au  pape 
Innocent  XII  l'an  1700,  et  il  supplia  aussi  ce 
pontife  de  changer  la  manière  d  élire  le  gé- 
néral. Clément  VIII  avait  ordonné  que  l'élec- 
tion s'en  ferait  par  vingt  des  plus  anciens  de 
la  congrégation  ,  et  que  l'on  aurait  égard  à 
leur  ancienneté  du  jour  qu'ilsauraient  fait  les 
deux  vœux  de  perpétuelle  hospitalité  et  d'o- 
béissance ;  mais,  comme  parmi  ces  anciens 
il  y  en  avait  sans  expérience,  qui  ne  con- 
naissaient point  l'état  de  la  congrégation,  et 
que  souvent  ils  élisaient  des  personnes  peu 
capables  de  la  gouverner,  ce  procureur  gé- 
néral demanda,  au  nom  de  ses  confrères,  la 
permission  de  faire  des  vœux  solennels  sous  la 
règle  de  saint  Augustin,  afin  d'engager  par 
des  liens  indissolubles  les  hospitaliers  dans 
la  congrégation,  et  qu'au  lieu  des  vingt  plus 
anciens  qui  devaient  élire  le  général  ou  ma- 
jeur, on  en  choisirait  vingt  autres  des  plus 
expérimentés  et  plus  capables.  Le  pape  eut 
seulement  égard  à  la  première  demande,  et 
par  une  bulle  du  20  mai  1700  il  permit  à  ces 
hospitaliers  de  la  Charité  de  Sainl-Hippolyte 
de  faire  les  vœux  solennels  de  chasteté,  pau- 
vreté, obéissanceeld'hospilalité,  sous  larègle 
de  saint  Augustin,  et  érigea  leur  congréga- 
tion eu  ordre  religieux.  Il  les  mit  sousla  pro- 
tection du  sainl-siége,  et  confirma  tous  les 
privilèges  qui  leur  avaient  été  accordés  par 
ses  prédécesseurs,  et,  pour  ce  qui  regardait 
l'élection  du  majeur,  le  pape  n'y  voulut  rien 
changer,  laissant  les  choses  comme  elles 
étaient  auparavant. 

Le  frere  Cabrera  fit  ensuite  sa  profession 
solennelle  entre  les  mains  du  vice-regent,eu 
ayant  obtenu  la  permission  de  la  congréga- 
tion des  réguliers, et  présenta  quelques  jours 


après  une  supplique  au  pape,  par  laquelle  il 
lui  exposait  qu'il  était  sur  le  point  de  retour- 
ner aux  Indes,  et  qu'il  priait  Sa  Sainteté  de 
lui  permettre  de  recevoir  la  profession  du  gé- 
néral et  des  autres  hospitaliers  de  sa  congré- 
gation, à  cause  que  l'on  devait  dans  peu  pro- 
céder à  l'élection  d'un  général.  Le  pape  ne 
lui  accorda  pas  encore  entièrement  sa  de- 
mande, car  il  lui  permit  de  recevoir  seule- 
ment la  profession  du  général  ou  du  vicaire 
général  ;  mais  il  ordonna  que  les  autres  frères 
la  feraient  entre  les  mains  du  général  ou  du 
vicaire  général,  ou  deceux  qui  seraient  com- 
mis par  eux  pour  cet  effet,  etque  l'élection  du 
général  se  ferait  au  lieu  et  en  la  manière  ac- 
coutumés par  ceux  qui  avaient  droit  de  la 
faire  selon  leurs  constitutions  et  statuts,  qui 
seraient  observés,  comme  il  est  plus  au  long 
porté  parle  bref  de  ce  pontife  du  3  juillet  de 
la  même  année  ;  et  sa  bulle  fut  reçue  en  Es- 
pagne, le  27  novembre  aussi  de  la  même  an- 
née, par  le  conseil  des  Indes,  qui  enordonna 
l'exécution. Clément  XI accorda,  l'an  1701,  la 
communication  des  privilèges  des  ordres 
mendiants  et  de  la  congrégation  des  Clercs 
Ministres  des  infirmes,  à  ces  hospitaliers  de 
la  Charité  de  Sainl-Hippolyte.  Leur  habit  est 
semblable  à  celui  des  frères  de  la  Charité  de 
Saint-Jean  de  Dieu,  et  ne  diffère  que  parla 
couleur  qui  est  tannée  (1). 

Philipp.  Bonanni,  Catulog.  Ord.  religiu:-. 
part.  i.  Bull.  Innocent  XII  et  Clément  XI,  cl 
Mémoires  envoyés  de  Rome  en  1709. 

HIRSAOGE  (Congrégation  d')  en  Allemagne. 
L'abbaye  d'Hirsaugc  en  Allemagne  a  été 
autrefois  chef  d'une  florissante  congréga- 
tion ,  qui  commença  vers  l'an  1080  par  le 
zèle  de  saint  Guillaume,  qui  fut  le  restaura- 
teur de  la  discipline  monastique  en  ce  pays. 
Celte  abbaye,  située  dans  le  diocèse  de  Spire, 
reconnaît  pour  fondateur  le  comte  Erlal'ride. 
11  était  père  de  Noling,  évêque  de  Vercel , 
qui,  ayant  apporté  dans  sa  cathédrale  le 
corps  de  sainl  Aurélius,  évêque  de  Rediciane 
en  Arménie  ,  en  voulut  ensuite  enrichir  sa 
patrie  en  le  portant  secrètement  en  Alle- 
magne.!! y  avait,  pas  loin  du  château  de  son 
père,  un  oratoire  dédié  à  saint  Nazaire  :  c'é- 
tait dans  ce  lieu  que  Norting  voulait  faire 
reposer  ces  saintes  reliques  ;  mais,  dans  le 
chemin  ,  un  aveugle  ayant  recouvré  la  vue 
par  l'intercession  de  saint  Aurélius,  le  comte 
Erlafride,  louché  de  ce  miracle,  fit  bâtir  un 
monastère  au  lieu  même  où  le  miracle  était 
arrivé  ,  et  en  jeta  les  fondements  avec  son 
fils  Ermenfride  l'an  830.  Mais,  comme  il 
voulait  le  rendre  un  des  plus  superbes  et 
des  plus  magnifiques  de  l'Allemagne  .  il  ne 
fut  achevé  que  sept  ans  après,  l'an  837  ou 
838.  Ou  y  mit  douze  religieux  qui  furent 
tirés  de  l'abbaye  de  Fulde,  auxquels  on 
donna  pour  abbe  Luitperd.Pour  lors  l'église 
fui  consacrée  par  Otgar,  archevêque  de 
Mayence,  en  présence  d'un  grand  nombre  de 
prélats  et  de  seigneurs  qui  avaient  été  iu- 
vités  à  cette  cérémouie    par  le  comte  Erla- 


(l)  Yoy.,  à  la  fin  du  vol.,  n"  1 1  ;. 

Dictionnaire  des  Ordres  rf.ugieux.  IL 


15 


450 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


4G0 


fri.de,  et  l'on  Iransféra  dans  l'église,  qui  fut 
do  siée  à  saint  Pierre  et  à  saint  Aurélius,  le 
corps  d;>  ce  saint  évèque,  qui  avait  été  con- 
servé jusqu'alors  dans  l'oratoire  de  Saint- 
Nazaiic.  Le  comte  Erlafride  lit  en  même 
temps  donation  solennelle  de  ce  monastère 
entre  les  mains  de  l'abbé  Luitperd,  à  condi- 
tion que  la  règle  de  saint  Benoit  y  serait 
observée,  et  laissa  la  liberté  aux  religieux 
de  pouvoir  élire  leur  abbé  cl  de  choisir  un 
avoué  ou  défenseur  de  ce  monastère. 

La  discipline  régalière  y  fut  maintenue 
dans  toute  sa  \igueur  jusqu  en  l'an  983,  que 
l'Allemagne,  après  avoir  été  affligée  d'une 
grande  famine,  se  trouva  dans  Ene  plus 
grande  désolation  par  une  maladie  conta- 
gieuse qui  suivit  celte  famine  et  qui  enleva 
un  grand  nombre  de  personnes  dans  toutes 
les  provinces.  Soixante  religieux  de  l'abbaye 
d'Hirsaugeen  ayant  été  attaqués,  moururent 
avec  leur  abbé,  et  il  n'en  resta  que  douze, 
qui  ne  purent  s'accorder  sur  le  choix  de  son 
successeur.  Les  plus  fervents  et  les  plus 
zélés  pour  la  régularité  élurent  Conrad,  qui 
fut  conûrmé  dans  celte  dignité  par  l'évèque 
de  Spire.  Les  autres,  plus  portés  au  relâche- 
ment, élurent  Eberhard,  cellérier  de  ce  mo- 
nastère. Mais  trois  religieux  <le  son  parti 
l'ayant  abandonné  pour  reconnaître  leur  lé- 
gitime supérieur  ,  il  se  retira  avec  deux  au- 
tres vers  le  comte  de  Calve,  ennemi  de  ce 
m  nastère,  qui,  profitant  de  cet  e  occasion, 
y  vint  à  main  armée  et  en  enleva  tout  ce 
qu'il  put,  qu'il  distribua  à  ses  soldats  sous 
prétexte  de  conserver  les  biens  du  monas- 
tère pour  ensuite  les  remettre  entre  les 
mains  d'Eberhard,  leur  légitime  abbé,  pré- 
tendant que  Conrad  était  un  usurpateur. 

Conrad  cependant  demeurait  à  Hirsauge 
avec  huit  religieux,  et  y  vivait  dans  des  in- 
quiétudes continuelles,  appréhendant  à  tout 
moment  quelque  chose  de  funes'ede  la  part 
de  son  persécuteur.  Ses  craintes  n'étaient 
pas  mal  fondées;  car  Eberhard,  ne  pouvant 
souffrir  de  se  voir  plus  longtemps  pnvé  de 
l'abbaye  d'Hirsauge,  y  vint  de  nuit  la  se- 
conde année  de  son  élection,  avec  des  sol- 
dats, dans  le  dessein  d'enlever  l'abbé  Conrad, 
qui,  en  ayant  été  averti,  s  était  retiré.  Eber- 
liard,  fâché  d'avoir  manqué  son  coup,  se 
contenta  de  piller  le  monastère  sans  faire 
aucun  mal  aux  religieux,  et  se  re>: 
Shargé  de  crimes  que  de  dépouilles.  Conrad 
fut  deux  ans  errant  de  coté  et  d'autre,  jus- 
qu'à ce  que,  son  compétiteur  étant  mort,  il 
retourna  à  son  monastère,  où,  avec  le  peu 
de  religieux  qu'il  y  avan,  il  vécut  dans  une 
grande  régularité,  nonobstant  les  persécu- 
tions que  lui  suscita  le  comte  de  Calve,  qui, 
après  sa  mort,  autant  par  haine  que  par 
avidité,  s'empara  entièrement  du  monastère, 
qu'il  réduisit  dans  une  si  grande  désolation, 
qu'il  fut  abandonné  des  religieux  et  qu'il 
resta  ainsi  jusqu'en  l'an  1065. 

Dès  l'an  10V9,  Je  pape  Léon  IX,  étant  en 
Allemagne  et  allant  à  Mayencc,  logea,  à  ce 
que  l'on  prétend,  chez  Adélbert,  son  neveu, 
comte  de  Calve;  et  ayant  été  avec  lui  à  Hir- 


sauge, il  ne  put  voir  sans  douleur  les  ruines 
de  ce  m  inastère,  que  les  ancêtres  de  ce  comte 
avaient  réduit  en  cet  étal.  Ce  prince  s'ap- 
pliqua à  chercher  le  corps  de  saint  Aurélius, 
que  l'on  avait  caché  du  temps  des  irruptions 
des  Normands,  qui,  entre  tous  les  crimes 
qu'ils  commettaient  dans  toutes  sortes  dj 
genre,  s'attachaient  particulièrement  à  pro- 
faner tout  ce  qu'il  y  avait  de  plus  saint  et  de 
plus  sacré,  les  crimes  ordinaires  n'étant  pas 
suffisants  pour  contenter  les  passions  bru- 
tales d'une  nation  si  féroce  et  si  barbare.  Ce 
précieux  dépôt,  qui,  par  la  précaution  des 
religieux  de  ce  temps-là,  avait  échappé  à  leur 
fureur,  fut  enfin  trouvé  par  la  diligence  de 
ce  pape,  qui  ordonna  à  Adélbert  de  réparer 
ce  monastère  et  son  église,  tant  pour  honorer 
les  reliques  de  ce  grand  saint  que  pour  expier 
le  crime  que  ses  ancêtres  avaient  commis  en 
détruisant  le  temple  de  Dieu  et  en  persécu- 
tant ses  ministres.  Le  comte  obéit  au  pape 
ei  rebâtit  ce  monastère,  mais  non  pas  avec 
toute  la  diligeuce  qu'il  devait  :  car  il  ue  fut 
en  état  d'être  habité  que  l'an  10G5.  Il  y  fit 
venir  douze  religieux  de  l'abbaye  de  Eiiisi- 
dlen  en  Suisse,  plus  connue  sous  le  nom  de 
Notre-Dame  des  Ermites,  auxquels  on  donna 
pour  abbé  Fridéric.  Us  furent  reçus  avec 
beaucoup  d'humanité  par  le  comte  et  sa 
femme,  Villrude,  qui  leur  fourniront  tout  ce 
qui  était  nécessaire  pour  leur  entretien;  et 
en  peu  de  temps  ils  achevèrent  l'église,  qui 
n'était  pas  encore  finie.  L'abbé  Fridéric  eut 
beaucoup  à  souffrir  de  ses  rel  iieux,  qui, 
après  lui  avoir  l'ait  mille  indignités,  h  dépo- 
sèrent et  élurent  en  sa  place  saint  Guillaume, 
pour  lors  religieux  du  monastère  de  Sainl- 
Emmeran  à'tlatisb  une. 

Il  était  originaire  de  Bavière,  et  fut  offert 
par  ses  parents,  étant  encore  jeune,  au  mo- 
nastère de  Saint-Emmeran,  où  les  religieux 
vivaient  avec  beaucoup  de  liberté.  Mois  , 
malgré  ces  mauvais  exemples,  il  avançait 
néanmoins  tons  les  jours  dans  la  perfection  : 
ce  qui  faisait  que  les  méchants  religieux, 
qui  étaient  portes  au  relâchement,  le  crai- 
gnaient, et  qu'au  contraire  les  bons  et  les 
plus  parfaits  le  chérissaient  extrêmement.  11 
apprenait  avee  beaucoup  de  facilité  ton,  les 
arts  libéraux,  et  il  excella  entre  autres  dans 
le  chant  et  l'art  de  compter,  comme  en  font 
foi  les  ouvrages  qu'il  a  lahse  sur  ces  scien- 
ces. Ce  fut  l'an  10(59  qu'il  fut  élu  abbé  d'Hir- 
sauge.  Il  ne  refusa  pas  l'honneur  qu'on  lui 
faisait,  parre  qu'il  ignorait  la  déposition  de 
Fridéric  et  les  différends  qu'il  avait  eus  avec 
ses  religieux  ;  mais,  les  ayant  appris  lorsqu'il 
fut  arrivé  à  Hirsauge,  il  alla  trouver  le  comte 
Adélbert  pour  l'exhorter  à  faire  rétablir 
Fridéric,  lui  représentant  que  personne  ne 
pouvait  occuper  sa  place  tant  qu'il  vivrait. 
Il  se  disposait  déjà  à  retourner  dans  son  mo- 
nastère pour  ne  pas  être  complice  de  ce 
crime  ;  mais  les  religieux  firent  tant  par 
leurs  prières,  qu'ils  l'obligèrent  à  rester.  II  y 
consentit,,  mais  à  condition  qu'il  ne  serait 
pas  béni,  et  ne  prendrait  pas  la  plac,"  de 
Fridéric  de  son  vivant  :  -ce  qui  dura  jusqu'à 
_  l'année  suivante,  que,  Fridéric  étant  mort, 


m 


HIR 


Guillaume  reçut  publiquement  la  bénédic- 
tion dos  mains  d'Henri,  évoque  de  Spire. 

Lorsqu'il  arriva  à  Hirsauge,  l'état  de  ce 
monastère  n'était  pas  encore  certain,  tant  à 
cause  des  brouille  fi  es  qui  étaient  survenues 
entre  Fridéric  et  ses  icligi  ux  qu'A  cause 
de  l'inconstance  du  comte  Ad.  lbert,  qui  n'a- 
vait pas  encore  restitué  les  Mens  de  ce  m  >- 
n  stère,  qu'il  retenait  depuis  un  si  long 
temps  ;  mais  Guillaume  sut  par  sa  prudence 
apporter  remède  à  ces  maux  11  fit  paraître 
tant  de  grandeur  d'âme  dans  'es  adversités 
qui  lui  arrivèrent,  sa  piété  et  sa  dévotion 
furent  si  grandes,  et  son  zèle  si  ardent  pour 
défendre  et  maintenir  la  discipline  mo- 
nastique, que  c'est  avec  raison  qu'on  le  met 
au  nombre  des  plus  grands  hommes  du 
xie  siècle. 

Aussitôt  qu'il  eut  été  béni  abbé,  il  com- 
mença à  songer  aux  moyens  de  pouvoir  ré- 
tablir la  régularité  et  l'observance  dans  sou 
monastère  et  remédier  aux  abus  qui  s'y 
étaient  glissés  ;  il  commença  par  examiner 
les  revenus  dont  il  jouissait,  afin  que,  s'ils 
n'étaient  pas  suffisants  pour  l'entretien  des 
religieux  (comme  effectivement  ils  ne  l'é- 
taient pas,  puisqu'à  peine  pouvaient-ils  suf- 
fire pour  en  entretenir  quinze  ou  seize),  il 
pût  chercher  les  moyens  d'y  suppléer  et  de 
leur  fournir  leur  nécessaire,  étant  (rès-per- 
cuadé  que  la  cause  ordinaire  du  relâchement 
est  le  manque  des  choses  nécessaires  à  la 
vie.  L'autorité  que  le  comte  Adelbert  s'était 
acquise  sur  les  religieux  était  si  grande, 
qu'ils  n'osaient  rien  faire  sans  sa  permission, 
en  sorte  qu'il  semblait  qu'il  fût  leur  supé- 
rieur et  qu'ils  fussent  obligés  de  lui  obéir.  Le 
saint  abbé,  ne  pouvant  souffrir  cet  abus,  fit 
si  bien,  qu'il  persuada  au  comte  de  se  dé- 
sister de  cette  prétendue  supériorité,  et  de 
donner  une  entière  liberté  à  son  monastère, 
h  lin  qu'étant  indépendant  des  puissances 
séculières,  on  y  pût  observer  avec  plus  de 
facilite  la  discipline  régulière  et  monastique. 
El,  afin  que  celle  indépendance  lût  plus 
stable,  il  la  fit  confirmer  par  le  pape  et  l'em- 
pereur. L'église  que  ce  comte  avait  com- 
mencée depuis  dix  ans  étant  achevée,  elle 
futeonsacrée,  l'an  1071,parl'évéquede  Spire, 
à  la  sollicitation  de  ce  seigneur.  Les  richesses 
de  ce  monastère  augmentèrent  avec  le  nom- 
bre des  religieux,  et  du  temps  de  saint  Guil- 
laume il  n'y  en  eut  jamais  moins  de  cent 
cinquante,  quoiqu'il  fût  souvent  obligé  d'en 
envoyer  pour  fonder  ou  pour  réformer  d'au- 
tres monastères;  car  le  nombre  était  aussitôt 
rempli  par  d'autres,  qui  prenaient  l'habit  à 
Hirsauge  pour  être  ses  disciples,  entre  les- 
quels il  y  eut  plusieurs  comtes,  marquis, 
barons  et  autres  grands  seigneurs. 

Ces  religieux  s'occupaient  jour  et  nuit  à 
chanter  les  louanges  de  Dieu,  à  prier,  à  mé- 
diter, et  à  l'étude  des  saintes  Écritures.  Ceux 
qui  n'étaient  pas  propres  pour  la  contempla- 
lion  des  choses  célestes  travaillaient  des 
mains  afin  d'éviter  l'oisiveté.  Ce  saint  abbé, 
étant  persuadé  que  la  lecture  de  la  sainte 
Ecriture  est  la  nourriture  de  l'âme,  établit 
douze  habiles  écrivains  pour  transcrire  les 


mrt  402 

saintes  Ecritures  et  les  ouvrages  des  saints 
Pères.  Il  y  en  avait  aussi  d'autres  en  plus 
grand  nombre  qui  étaient  occupés  à  trans- 
crire d'autres  ouvrages,  et  il  y  avait  un  re- 
ligieux habile  en  toutes  sortes  de  sciences 
qui  avait  l'inspection  sur  les  uns  et  les  au- 
tres, qui  présidait  à  leurs  ouvrages  et  corri- 
geait les  fautes  qu'il  y  trouvait.  Mais,  quoique 
ces  religieux  aient  transcrit  un  nombre  in- 
fini de  volumes,  il  en  est  néanmoins  resté 
peu  dans  ce  momstère,  à  cause  que  saint 
Guillaume,  en  reformant  ou  fondant  d'au- 
tres monastères,  y  envoyait  beaucoup  de  ces 
livres.  Outre  les  cent  cinquante  religieux 
qui  étaient  dans  ce  monastère  sous  la  con- 
duite de  ce  saint  abbé,  il  y  avait  aussi  des 
frères  barbus  ou  convers  qui  étaient  des- 
tinés pour  le  travail  et  pourvoyaient  aux 
besoins  de  ceux  qui  ne  s'occupaient  qu'à  la 
contemplation.  II  y  avait  entre  eux  d'habiles 
ouvriers  en  toutes  sortes  d'arts  et  de  pro- 
fessions, comme  architectes,  maçons,  char- 
pentiers, menuisiers,  sculpteurs,  forgerons, 
tailleurs,  corroyeurs,  cordonniers  et  plu- 
sieurs autres.  Saint  Guillaume  fut  le  premier 
qui  établit  ces  sortes  de  convers  en  Alle- 
magne. Ils  lui  furent  d'une  grande  utilité, 
car  ce  furent  eux  seuls  qui  firent  tous  les 
bâtiments  du  nouveau  monastère  d'Ilirsauge 
et  des  autres  qu'il  fonda.  Il  fit  des  règlements 
particuliers  pour  eux  et  proportionnés  à 
leur  occupation.  Toutes  les  nuits  ils  se  trou- 
vaient à  l'église  pour  chanter  matines,  mais 
elles  étaient  courtes,  à  cause  de  la  fatigue 
qu'ils  avaient  eue  pendant  le  jour.  Il  était 
libre  ensuite  à  ces  convers  de  retourner 
dormir,  mais  plusieurs  des  plus  fervents 
restaient  à  l'église  jusqu'à  ce  que  les  reli- 
gieux du  chœur  eussent  achevé  leurs  mati- 
nes. Le  lendemain  de  grand  matin,  ils  en- 
tendaient la  messe  et  allaient  ensuite  au 
chapitre  pour  y  dire  leurs  coulpes.  Tous  les 
dimanches  il  y  en  avait  qui  communiaient, 
en  sorte  que  la  moitié  communiait  un  di- 
manche, et  l'autre  moilié  le  dimanche  sui- 
vant; mais  aux  fêtes  solennelles  ils  commu- 
niaient tous,  et  si  quelques-uns  allaient  en 
campagne  et  qu'ils  ne  dussent  pas  revenir 
le  dimanche  suivant,  ils  communiaient  le 
jour  qu'ils  parlaient.  II  établit  aussi  des 
oblats  à  l'exemple  de  ceux  de  Cluny  ;  ils 
étaient  différents  des  frères  convers,  en  ce 
que  ceux-ci  étaient  religieux  et  en  portaient 
l'habit,  et  que  les  oblats  étaient  vêtus  en 
séculiers.  Il  fit  aussi  des  règlements  pour  eux. 
Ce  saint  abbé,  n'omettant  rien  pour  main- 
tenir l'observance  régulière,  voulut  faire  re- 
cevoir dans  son  monastère  les  coutumes  de 
Cluny  :  c'est  pourquoi  Ulric,  qui  était  proies 
de  Cluny,  ayant  été  envoyé  en  Allemagne  par 
saint  Hugues,  et  étaut  revenu  voir  saint 
Guillaume,  qui  était  son  ami  ;  ce  saiut,  pro- 
fitant d'une  occasion  si  favorable,  le  pria  de 
vouloir  mettre  par  écrit  ces  coutumes ,  ca 
qu'il  fit  volontiers.  Il  y  a  à  la  tête  de  cet  ou- 
vrage, qui  est  divisé  en  trois  livres,  une 
épître  dédicatoire  adressée àsaint  Guillaume, 
où  Ulric  se  plaint  d'alord  d'un  abus  qu'il 
dit  éire  la  principale  cause  de  la  ruine  des 


403 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


-i04 


monastères,  qui  est  de  recevoir  les  enfants 
don.  les  pères  et  les  mères  qui  en  avaient 
grand  nombre  cherchaient  à  se  défaire  en 
les  offrant  aux  monastères,  avant  même 
qu'ils  eussent  l'usage  de  raison,  principale- 
ment s'ils  en  avaient  quelques-uns  de  man- 
chots, de  boiteux,  ou  qui  eussent  quelque 
aulre  incommodité.  La  raison  qu'il  apporte 
pour  prouver  que  c'est  un  abus,  est  que  les 
maisons  remplies  de  ces  invalides  ne  peuvent 
garder  aucune  régularité,  et  que  l'obser- 
vance n'est  exacte  que  dans  celle  où  le  plus 
grand  nombre  de  religieux  est  de  ceux  qui 
y  sont  entrés  en  âge  mûr,  de  leur  propre 
mouvement,  et  exempts  de  ces  sortes  d'in- 
firmités ou  défauts  de  nature. 

Mais,  comme  saint  Guillaume  trouvait  des 
difficultés  dans  ces  coutumes  de  Cluny,  qui 
ne  pouvaient  être  bien  expliquées  par  écrit, 
il  jugea  à  propos  d'envoyer  à  Cluny  des  re- 
ligieux qui  les  visse,,!  pratiquer,  ou  pour 
mieux  dire  qui  les  pratiquassent  eux-mêmes. 
11  en  envoya  premièrement  deux,  et  ensuite 
deux  autres,  afin  qu'ils  en  pussent  être  par- 
faitement instruits,  et  qu'étant  plusieurs  ils 
pussent  mieux  les  retenir  et  lui  en  faire  un 
fidèle  rapport.  A  leur  retour,  il  fit  assembler 
les  anciens,  et,  après  avoir  examiné  avec 
eux  les  coutumes  de  Cluny  et  entendu  les  re- 
ligieux qu'il  y  avait  envoyée,  il  en  retrancha 
ce  qui  ne  convenait  point  aux  pratiques  du 
pays,  au  climat  et  à  la  situation  îles  lieux,  et 
garda  celles  qui  lui  conveoaient,  sur  les- 
quelles il  en  dressa  d'autres  qu'il  divisa  en 
deux  livres,  qu'il  appela  les  Coutumes  d' H ir- 
sauge. 

Le  zèle  de  saint  Guillaume  ne  se  renferma 
pas  dans  le  seul  monastère  d'flirsauge  :  il 
en  fonda  et  réforma  plusieurs  autres,  dont 
les  plus  considérables  sont  Ricliembaieh, 
Saint-Georges  dans  la  Forêt-Noire,  Saint- 
Martin  dans  la  Bavière,  Erphord  dans  la 
Tlmringe,  Zuvifalten  dans  la  Souabe,  Wil- 
heim  et  Laven  dans  la  Carinlhie,  qui  furent 
fondés;  Schafuse,  t'eter-.hausem  et  Camperg, 
qui  furent  rétablis;  Allof  au  diocèse  de 
Strasbourg,  Isnen  au  diocèse  de  Constance, 
et  Hasung  dans  la  Thuringe,  qui  furent  ré- 
formés. Trilhème,  dans  ses  Chroniques  de 
l'abbaye  d'Hirsauge,  nomme  vingt-trois  mo- 
nastères que  ce  saint  fonda  de  nouveau,  et 
soixante-neuf  qu'il  réforma,  dans  lesquels  il 
fil  observer  les  coutumes  d'Hirsauge.  Il  fit 
aussi  société  avec  plusieurs  monastères  de 
différents  ordres,  comme  l'église  cathédrale 
de  Cantorbery,  desservie  par  les  Bénédictins, 
les  abbajes  de  Cluny,  de  Marmoutier,  de 
Saint-Bénigne  de  Dijon,  de  Saint-Victor  de 
,  Marseille,  de  Sain t-Maxi min,  et  de  Sainl- 
Malhias  à  Trêves,  de  Sainl-Panlaléon  à  Co- 
logne, de  Saiul-Emeran  de  Ralisbonne,  et 
avec  les  chanoines  réguliers  de  Marbac  et  de 
Franckental,  etc.  Enfin,  après  avoir  été  abbé 
d'Hirsauge  pendant  vingt-deux  ans  et  s'être 
acquis  le  titre  de  Restaurateur  de  la  disci- 
pline monastique  en  Allemagne,  il  mourut 
le  5  juillet  1091.  Les  plus  illustres  de  ses 
disciples  lurent  saint  Thiémon,  archevêque 
{Je  SaUbourg  ;  Gebéhard,  évêque  de  Cons- 


tance et  légat  du  saint-siége;  saint  Théoger, 
évêque  de  Metz,  et  Gebéhard,  évêque  de 
Spire. 

Ce  dernier  fut  d'abord  son  successeur  dans 
le  gouvernement  d'Hirsauge,  avant  que  de 
mouler  sur  le  siège  épiscopal  de  Spire.  Il  y 
maintint  l'observance  régulière  que  saint 
Guillaumey  avait  établie, aussi  bien  que  dans 
les  autres  monastères  de  sa  dépendance  :  ce 
que  firent  aussi  les  abbés  Brunon,  Volmar  et 
Hartwige.  Mais,  sous  le  gouvernement  de 
Manegolde,  dix-septième  abbé  d'Hirsauge, 
qui  fut  élu  l'an  1157,  il  y  eut  quelque  divi- 
sion enlre  lui  et  ses  religieux.  Ceux-ci  se 
plaiguaient  de  ce  qu'il  usait  envers  eux  d'une 
trop  grande  autorité,  qu'il  méprisait  leurs 
conseils  pour  suivie  ceux  de  ses  domesti- 
ques, qu  il  soutenait  dans  tout  ce  qu'ils  fai- 
saient au  préjudice  même  du  monastère,  ap- 
prouvant jusqu'aux  insolences  excessives 
qu'ils  commettaient  tous  les  jours  contre  la 
communauté  ou  contre  les  particuliers,  et 
qu'au  lieu  d'y  mettre  ordre,  il  maltraitait 
encore  les  religieux  que  ces  mêmes  domes- 
tiques avaient  insultés.  Leurs  plaintes  n'é- 
taient pas  sans  fondement  :  car,  un  jour  que 
cet  abbé  était  absent,  un  de  ses  domestiques 
ayant  fait  quelque  chose  qui  était  contraire 
au  bien  du  monastère,  un  religieux  l'en  re- 
prit; mais  le  domestique  reçut  cette  correc- 
tion avec  tant  d'insolence  et  de  mépris , 
que,  se  jetant  sur  ce  religieux,  il  lui  donna 
quelques  coups  el  le  jeta  à  ses  pieds;  ce  qui 
fit  que  le  prieur  fil  mettre  en  prison  cet 
homme,  qui  y  resta  jusqu'au  retour  de 
l'abbé,  qui,  au  lieu  de  corriger  un  tel  excès, 
lui  donna  la  liberté  el  fit  mettre  en  sa  place 
le  religieux  qui  avait  été  frappé  ;  ce  qui  ir- 
rita davantage  les  religieux  contre  leur  abbé. 
Un  procédé  si  indigne  el  si  injuste  aurait  eu 
sans  doule  de  fâcheuses  suites;  mais  par 
l'entremise  de  saint  Hildegarde  ils  se  réuni- 
rent el  vécurent  dans  la  suite  en  bonne  in- 
telligence. Cette  division,  qui  avait  altéré  la 
charité,  avait  aussi  donné  quelque  entrée  au 
relâchement  ;  mais  par  les  soins  de  l'abbé, 
qui,  malgré  cet  amour  déréglé  qu'il  avait 
pour  ses  domestiques,  élail  fort  zélé  pour  les 
observances  régulières,  les  religieux  repri- 
rent leur  première  ferveur,  et  s'attachèrent 
plus  que  jamais  à  la  pratique  de  leur  règle. 
Rupert  et  Conrad,  qui  lui  succédèrent  de 
suite,  y  maintinrent  aussi  la  régularité; 
mais  Henri,  leur  successeur,  qui  fui  élu 
l'an  1188  après  la  mort  de  Conrad,  se  mit  plus 
en  peine  du  temporel  que  du  spirituel,  en 
sorte  que  pendant  huit  années  qu'il  fut  abbé, 
l'observance  régulière  lui  presque  bannie 
de  ce  monastère.  11  reconnut  à  la  Un  la  faute 
qu'il  avait  faite,  et,  voulant  en  faire  péni- 
tence, il  se  démil  de  son  abbaye  en  1196,  se 
contentant  du  prieuré  de  Rotb,  que  les  reli- 
gieux d'Hirsauge  lui  laissèrent  pour  son  en- 
tretien,du  consentement  de  l'abbé  Marquard, 
qui  lui  son  successeur. 

Celui-ci  était  assez  porté  pour  la  régula- 
rite,  mais  il  ne  put  exécuter  le  dessein  qu'il 
avait  de  la  rétablir  dans  son  monastère,  en 
étant  empêché  par  les  affaires  qu'il  eut  à 


166 


HOT 


IlOT 


466 


soutenir  contre  le  comte  Adclbcrt,  qui  en 
élait  avoué,  et  qui,  au  lieu  d'en  être  le  pro- 
tecteur, s'érigea  en  tyran  et  voulut  lui  ôter 
tous  les  privilèges  et  immunités  dont  il  jouis- 
sait. Il  usa  de  violence  envers  les  religieux. 
en  plusieurs  rencontres;  et,  comme  il  tenait 
le  parti  de  Philippe  de  Souabe,  qui  avait  été 
élu  pour  empereur  par  quelques-uns  de  son 
parti,  et  que  les  religieux  ne  voulaient  point 
reconnaître  à  cause  des  censures  que  le  pape 
Innocent  111  avaient  fulminées  contre  lui,  il 
les  chassa  tous  du  monastère,  et  les  réduisit 
dans  une  si  grande  nécessité,  qu'ils  avaient 
à  peine  du  pain  et  de  l'eau. 

Il  y  eut  dans  la  suite  quelques  abbés  qui 
tâchèrent  d'apporter  quelque  réforme  dans 
ce  monastère;  mais  ce  fut  inutilement.  11  y 
eut  d'autres  abbés  et  en  plus  grand  nombre, 
qui,  par  le  mauvais  exemple  qu'ils  donnaient 
eux-mêmes  aux  religieux,  les  entretenaient 
dans  le  relâchement  :  en  sorte  que  les  Cou- 
tumes de  saint  Guillaume,  si  connues  sous 
le  nomàcCoiitumcsd'Hirsaïuje.  et  qui  avaient 
servi  de  règle  à  tant  d'autres  monastères,  y 
étaient  entièrement  abolies  et  même  incon- 
nues, lorsque  Wolfram,  trente-huitième  abbé, 
introduisit  dans  ce  monastère  d'Hirsauge  la 
réforme,  qui  avait  commencé  dans  celui  de 
Melek  au  temps  du  concile;  et,  l'an  lio7,  ce 
même  abbé  voyant  que  cette  congrégation 
de  Melek  ne  pourrait  pas  subsister,  il  y  lit 
recevoir  la  réforme  de  Bursleld,  dont  nous 
parlerons  tiaiiS  la  suite. 

Joan  Trith.,  Chronic.  llirsnutj.  Joaon.  Ma- 
billon,  Acta.  SS.  ord.  S.  liened.  sœeul.  vl, 
tom.  11,  et  Annal,  ejusd.  ord.  tum.  111  et  IV. 
Bucelin,  Menolog.  liened.  et  Aquil.  Benedkt. 

HOMBOURG.  Voy.  Cologne. 

HONORAT  (Saint-).  Voy.  Tarascox. 

HOPITAL  DE  LA  SAINTE-TRINITÉ  (Pbê- 

TUES-OUVRIERS    DE  l').      YoiJ.    CLOU    (SaCRÉ-). 

HOSPITALIERS    DE    CLERMONT.    Voy. 

Loches. 

HOSPITALIÈRES,  etc.  Voy.  leur  désigna- 
tion particulière,  comme  le  nom  de  lieu,  de 
corporation,  etc. 

HOSPITALITE.  Voy.  Jean  de  Dieu. 

HOTEL-DIEU  DE  PARIS  (Religieuses  hos- 
pitalières de  l'),  et  autres  du  même  ins- 
titut. 

Nous  avons  vu  ailleurs,  en  parlant  de 
quelques  hôpitaux,  qu'ils  étaient  desservis 
conjointement  par  des  religieux  et  des  reli- 
gieuses qui  avaient  leurs  habitations  sépa- 
rées. C'était  la  pratique  dans  tout  l'Occident, 
du  temps  du  cardinal  Jacques  de  Vitry,  qui 
mourut  vers  le  milieu  du  xin0  siècle,  et  qui, 
parlant  des  ordres  hospitaliers,  dit  qu'il  y 
avait  un  grand  nombre  de  congrégations 
d'hommes  et  de  femmes  qui,  renonçant  au 
siècle,  demeuraient  dans  les  léproseries  et 
les  hôpitaux  pour  servir  les  malades  et 
les  pauvres,  vivant  sous  la  règle  de  saint 
Augustin ,  sans  propre  et  en  commun  , 
obéissant  à  un  supérieur ,  et  promettant 
à  Dieu  une  continence  perpétuelle.  Les  hom- 
mes demeuraient  séparés  des  femmes ,  ne 
mangeant  pas   même  ensemble,  et  vivant 


dans  une  grande  retenue  et  une  grande 
pureté.  Les  uns  et  les  autres  assistaient 
aux  heures  canoniales  ,  tant  de  nuit  que 
de  jour  ,  autant  que  l'hospitalité  et  le 
soin  des  pauvres  le  pouvaient  permettre. 
Dans  les  grandes  maisons,  où  le  nombre  des 
frères  et  des  sœurs  élait  plus  grand,  ils  s'as- 
semblaient fréquemment  en  chapitre  pour 
reconnaître  publiquement  leurs  fautes  et  en 
recevoir  la  correction.  Ils  se  faisaient  faire 
la  lecture  pendant  qu'ils  mangeaient,  gar- 
daient le  silence  dans  le  réfectoire,  et  dans 
d'autres  lieux  à  des  heures  prescrites,  et 
avaient  plusieurs  autres  observances. 

Tels  étaient  autrefois  une  infinité  d'hôpi- 
taux qui  étaient  desservis  par  des  religieux 
et  des  religieuses,  et  le  cardinal  de  Vitry  a 
voulu  sans  doute  parler  des  religieuses  do 
l'Hôtel-Dieu  de  Paris,  lorsqu'il  a  dit  qu'il  y 
en  avait  qui,  se  faisant  violence,  souffraient 
avec  joie  et  sans  répugnance  les  puanteurs, 
les  ordures  et  les  infections  des  malades,  si 
insupportables,  qu'il  lui  semblait  qu'aucun 
genre  de  pénitence  ne  pouvait  être  comparé  à 
cette  espèce  de  martyre.  Car  il  n'y  a  personne 
qui,  en  voyant  les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu 
non-seulement  panser,  nettoyer  les  malades, 
faire  leurs  lits,  mais  encore  au  plus  fort  de 
l'hiver,  casser  la  glace  de  la  rivière  qui  passe 
au  milieu  de  cet  hôpital,  et  y  entrer  jusqu'à 
la  moitié  du  corps  pour  laver  leurs  linges 
pleins  d'ordures  et  de  vilenie,  ne  les  regarde 
comme  autant  de  saintes  victimes,  qui,  par 
un  excès  d'amour  et  de  charité  pour  secou- 
rir leur  prochain,  courent  volontiers  à  la 
mort  qu'elles  affrontent,  pour  ainsi  dire,  au 
milieu  de  tant  de  puanteurs  et  d'infections 
causées  par  le  grand  nombre  des  malades 
qui  sont  quelquefois  flu  nombre  de  plus  de 
six  mille  dans  cet  hôpital,  OÙ  l'on  reçoit  in- 
différemment tous  les  pauvres  de  quelque 
pays  qu'ils  soient  et  quelques  maladies 
qu'ils  aient,  pourvu  qu'elles  ne  soient  pas 
contagieuses. 

Saint  Lnndry,  vingt-huitième  évêque  de 
Paris,  fit  bâtir  cet  hôpital  joignant  l'église 
Saint-Christophe,  et  il  appartint  toujours  aux 
évêques  de  Paris  jusqu'au  temps  de  Raynaud, 
qui  était  évêque  sous  le  roi  Robert.  Ce  pré- 
lat donira  la  moitié  de  cet  hôpital  aux  cha- 
noines de  sa  cathédrale;  mais  l'évêque  Guil- 
laume le  donna  entièrement  à  ces  chanoines 
avec  l'église  de  Saint-Christophe,  l'an  1097, 
et  leur  céda  tous  les  droits  que  les  évêques 
de  Paris  pouvaient  y  prétendre.  Depuis  ce 
temps-là  l'Hôtel-Dieu  et  l'église  de  Saint- 
Christophe  furent  gouvernés  par  le  chapitre 
de  Notre-Dame.  Il  y  envoyait  deux  prêtres 
qui  avaient  soin  de  l'hôpital,  et  prêtaient 
serment  de  fidélité  au  chapitre.  Ils  desser- 
vaient aussi  alternativement  pendant  une 
semaine  l'église  de  Sainl-Christophe  ;  et 
lorsque  cette  église  fut  érigée  en  paroisse  , 
l'hôpital  lut  transfère  apparemment  au  lieu 
où  il  est  présentement  situé  ;  ce  que  le  P. 
du  Bois,  dans  son  Histoire  de  l'Eglise  de 
Paris  croit  être  arrivé  sous  le  règne  de  Phi- 
lippe-Auguste, lorsque  l'on  augmenta  la  ville 
de  Paris. 


w 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


46» 


Celte  ville  s'élant  agrandie  dans  la  suite 
et  étant  devenue  plus  peuplée,  le  nombre  des 
pauvres  malades  étant  p;ir  ce  moyen  aug- 
menté, l'on  agrandit  l'hôpital,  et  le  nombre 
de  ceux  qui  étaient  destinés  pour  leur  servi- 
ce fut  aussi  augmenlé.  Etienm',  doyen  de  la 
cathédrale,  qui  posséda  cette  dignité  depuis 
l'an  1217  jusqu'en  l'an  1223,  dressa  des  sta- 
tuts pour  cet  hôpital  qui  contiennent  soixan- 
te-douze ai  tieles,  et  il  parait  par  le  premier 
qu'il  y  avait  deux  chanoines  sous  le  titre  de 
proviseurs,  préposés  par  le  chapitre  pour  y 
maintenir  le  bon  ordre.  Il  y  avait  des  reli- 
gieux et  des  religieuses,  savoir  :  trente  huit 
religieux  et  vi-ngt-oraq  religieuses.  Parmi  les 
religieux,  il  n'y  avait  que  quatre  prétie>, 
quatre  clercs  qui  pou.  aient  être  promus  aux 
ordres  sacrés,  cl  trente  laïques  ;  et  entre  ces 
religieux  on  en  élisait  un  pour  avoir  soin  de 
l'hôpital  comme  supérieur  sous  le  nom  de 
uiaîlre,  qui  avec  les  proviseurs  nommait  une 
maîtresse  pour  les  sœurs.  Il  prêtait  serment 
au  chapitre  de  Notre-Dame,  qui  pouvait  le 
révoquer  quand  bon  lui  semblait.  Les  frères 
et  les  sœurs  devaient  faire  vœu  de  chasteté, 
de  pauvreté  et  d'obéissance,  tant  au  chapi- 
tre de  Notre-Dame  qu'aux  proviseurs  et 
au  maître. 

Ils  devaient  assister  à  la  messe,  à  vêpres  et 
à  malincs,  à  moins  qu'ils  ne  fussent  occu- 
pés au  service  des  malades,  lis  disaient  pour 
matines  sept  Pater,  pour  vêpres  cinq1,  et 
pour  les  autres  heures  trois  ;  et,  lorsqu'ils 
élaient  absents  pour  quelques  affaires  qui  ne 
regardaient  pas  le  service  de  l'hôpital,  ils 
disaient  pour  matines  vingt-cinq  Pater,  neuf 
pour  vêpres  et  epl  pour  les  autres  heures. 
Ils  pouvaient  manger  de  la  viande  le  diman- 
che, le  mardi  et  le  jeudi  ;  mais  ils  étaient 
obligés  de  faire  abstinence  les  autres  jours  , 
à  moins  qu'il  n'arrivât  quelque  fête  solen- 
nelle daas  ces  jours-là.  Il  ne  leur  était  pas 
permis  de  soi  tir  seuls  pour  aller  à  la  ville,  et 
sans  avoir  pris  la  bénédiction  du  maîtie.  Ih 
n'y  pouvaient  pas  manger,  et  on  leur  accor- 
dait srulementlapermision  de  boire  de  l'eau. 
On  lestnvoyail  demeurer  dans  les  fermes 
qui  dépendaient  de  l'hôpiial  quand  on  le  ju- 
geait nécessaire.  Une  fois  la  semaine,  pour  le 
moins,  ils  se  trouvaient  ensemble  au  chapi- 
tre pour  y  reconnaître  leurs  fautes,  et  si  quel- 
qu'un ou  quelqu'une  avait  fait  une  faute  con- 
sidérable qui  méritât  la  discipline,  le  maître 
la  faisait  donner  séparément  aux  frères  en 
présence  des  autres  frères,  et  séparément  aux 
sœurs  en  présence  des  autres  sœurs.  Quant 
a  leur  habillement,  les  uns  et  les  autres 
a'. aient  des  robes  noires  et  d;s  bas  blancs. 
Les  frères  étant  au  chœur  portaient  par- 
dessus leurs  robes  des  chapes  noires,  des  sur- 
plis 1 1  des  peaux  d'agneau  (1). 

Le  roi  saint  Louis,  qui  allait  souvent  vi- 
siter les  malades  de  cet  hôpital,  le  prit  sous 
sa  protection  et  il  est  appelé  dans  ses  lettres 
paternes,  l'hôpital  de  Notre-Dame  de  Paris. 
Autrefois  les  frères  el  les  swurs  étaient  obli- 
ges de  porteries  reliques  de  la  chapelle  du 

(1)  Vov.,à  la  fin  du  vol.,  n09  US,  116  et  117. 


roi  aux  quatre  fêtes  annuelles,  jusqu'à 
trente-quatre  lieues  de  Paris  (Tom.  VII 
SpicUeg.,  p.  24-1),  où  le  roi  pouvait  être, 
comme  il  paraît  par  un  accord  passé  l'an 
1322  entre  Charles  IV,  roi  de  France,  d'une 
part,  et  le  maître,  les  frères  et  les  sœurs  de 
l'Hôlel-Dieu  de  Paris  de  l'autre,  par  lequel 
ce  prince  leur  donna  à  cause  de  cela  cent 
charretées  de  bois  de  moulage  à  prendre 
t<  us  Ifs  ans  dans  ses  bois. 

Le  roi  saint  Louis  augmenta  les  bâtiments 
de  cet  hôpital  Fan  1-58.  Antoine  du  Prat, 
chancelier  el  depuis  ca.diual  et  légat  en 
France,  fit  bâtir,  l'an  1538,  la  salle  qu'on  ap- 
pelle encore  auj  uid'hui  la  salle  du  légat, 
et  y  donna  de  gros  revenus  ;  et  le  roi  Henri 
IV  Ot  faire  la  grande  et  la  petite  salle  de 
Saint-Thomas,  qui  furent  commencées  l'an 
1602  et  ne  furent  finies  que  l'an  160(5,  avec 
les  trois  gros  piliers  <  ni  .ont  dans  la  rivière. 
La  chapelle  de  cet  hôpital  fut  fondée  par  un 
nommé  Oudart  de  .Vorreux,  maître  chan- 
geur et  bourgeois  de  Paris,  l'an  13-^5,  qui 
laissa  une  rente  de  quarante-quatre  livres 
pour  le  vêtement  de  ceux  qui  y  feraient  l'of- 
fice ,  comme  il  paraît  par  une  ancienne  épi- 
taphe  en  vieille  rime,  attachée  contre  le  mur 
de  celte  chapelle,  où  il  est  parlé  de  celle 
fondation,  laquelle  épilaphe  est  rapportée 
par  du  Breuil  dans  les  Antiquités  de  P.iris. 
et  que  nous  joindrons  aussi  ici  pour  la  cu- 
riosité du  lecteur. 

Oudart  du  Mocreux  en  surnom. 

Changeur,  homme  de  bon  renom, 

El  bourgeois  de  Paris  jadis, 

Que  Dieu  mette  dans  son  paradis, 

À  fait  faire  cette  chapelle, 

En  cette  Hôtel-Dieu,  bonne  et  belle, 

Bien  aomé  île  verrières, 

Et  est  aomé  de  chyaires, 

Et  plusieurs  autres  biens  notables, 

Lesquels  Dieu  ait  pour  agréables  : 

Et  avec  ce  quarante  quatre 

Livres,  treize  soults,  et  quatre 

Deniers  purisis  île  annuelle 

Rente  à  toujours  perpétuelle, 

A  lessié  en  Paris  assise 

A  emp hier  par  bonne  guise, 

Pur  te  cheiecier  de  ce  Leu 

Pour  vestir  pour  l'amour  de  Dieu 

Preslres  et  clercs  faisant  l'office 

En  l'hôtel  et  divin  service. 

l.e  cheiecier  recevra 

La  i  ente,  et  c»  acheptera 

Drap*  pour  eux  faire  vestement 

Et  être  plus  honnêtement. 

Chacun  an  aujour  de  Toussnints. 

Or  doint Dieux  qu'Us  soient  tous  saints 

Car  ils  sont  as  ramis  et  tenus, 

Tant  les  grands  comme  1rs  menus. 

De  chanter,  célébrer  et  dire, 

Au  vendredi,  sans  escon  tutre 

Messe  des  de ff unis  trépassez, 

Avec  ce  ne  soient  lassez 

Chacun  jeudi  de  rendre  grâces, 

Et  vigiles  et  commendaces, 

Chacun  en  chacune  semaine, 


400 


IIOT 


HOT 


470 


Par  voix  de  dévotion  plaine, 

Humblement  et  solemnellernent 

A  (i  *  etueltemeni 

Pour  l'ame  île  defj'unt  Oudir  t, 

Que  l'ieuxle  recuire  à  s  ■       t, 

Et  pour  l  s  âmes  de  son  père 

El  de  sa  fi  maie  et  de  sa  mère 

Parois,  bienfaicleurs  et  omis. 

Pour  ce  ledit  Oudari  a  mis 

Ses  deniers  à  celte  œuvre  faire 

Qui  est  à  tous  bon  exemptait e 

De  foire  prier  peur  les  morts, 

Que  Die  x  leur  <-,jrs- 

Ceux  de  l'hôtel  y  sorti  ,  s 

El  par  Iclires  bien  obligiez, 

Du  consentement,  ci  au  tiltre 

Des  seinneurs  bian  et  chapitre 

î  e  l'ejl  -c  de  Notre-Dame 

De  Paris.  Priez  ;  our  son  ame 

En  i  an  de  l'mtarnalion 

Mil  trois  cent  q.  ntrc-vinijt-cinquiéme 

De  décembre  le  vinyt-se  itiéme, 

Lors  s'en  alla  de  ce  monde 

En  Dieu,  e)  qu  tout  bien  habonde. 
Il  csl  parlé  dans  ceite  épiiat  lie  du  chapitre 
do  Noire-Dame,  à  cause  qu'il  en  est  seigneur, 
comme  nous  avons  dit  ci-devant,  et  qu'il  y 
a  toute  juridiction  tempo  elle  et  spiriluelle  ; 
et,  lorsqu'un  chanoine  meurt,  toute  la  gar- 
niture de  son  lit  appartient  à  cet  hôpital,  à 
moins  que  les  héritiers  n'aiment  mieux  don- 
ner une  certaine  somme  d'argent  qui  a  été 
Osée  par  le  chapitre. 

Il  y  a  longtemps  qu'il  n'y  a  plus  que  des 
religieuses  dans  cet  hôpital.  Elles  suivent  la 
règle  desaiiit  Augustin,  et  elles  ne  pouvaient 
êire  autrefois  admises  à  faire  profession 
qu'après  un  noviciat  de  douze  années;  mais 
ce  terme  a  été  réduit  à  sept  ans  depuis  en- 
v  ion  l'an  1036.  Cent  ans  auparavant,  l'an 
1535,  en  vertu  d'un  arrêt  du  parlement  du 
10 septembre  de  la  même  année,  celte  maison 
fut  réfoituée  par  des  commissaires  députés 
par  le  chapitre  de  Notre-Dame,  qui  Axèrent 
le  nombre  des  religieuses  pour  servir  les 
pauvres  à  quarante  sœurs  professes,  et  qua- 
rante sœurs  blanches,  qui  étaient  les  novi- 
ces, ayant  égard  apparemment  au  nombre  des 
naïades  qui  y  étaient  en  ce  temps-là  ;  mais, 
comme  les  malades  ont  toujours  été  depuis 
en  plus  grand  nombre,  et  que  l'on  a  bâli 
plusieurs  salles  nouvelles,  le  nombre  des 
religieuses  a  été  aussi  augmenté,  et  l'on  y 
voit  quelquefois  jusqu'à  cinquante  nouces. 
Elles  eurent  encore  besoin  de  réforme  au 
commencement  du  xvnesiècle  :  mais  la  Mère 
Geneviève  Bouquet,  dite  du  Saint-Nom  de 
Jésus,  sut  si  bien  par  ses  bons  exemples  et 
ses  exhortations  les  ramènera  la  pralique 
des  observances  régulières,  qu'elle  peut  être 
regardée  comme  leur  réformatrice.  Elle  était 
fille  d'un  orfèvre  de  Paris,  qui  la  mit  dès  son 
bas  âge  chez  la  reine  Marguerite.  Mais  l'a- 
mour qu'elle  avait  dès  lors  pour  Dieu  ne  lui 
permettant  pas  de  demeurer  longtemps  dans 
le  grand  monde,  elle  retourna  peu  lie  temps 
après  chez  ses  parenis,  où  elle  prit  la  réso- 
lution de  se  faire  religieuse.  Son  premier 
dessein  était  d'entrer  chez  les  religieuses  de 


Sainte-Claire  de  YAve  Maria;  mV~  : 
el  l'affection  qu'elle  conçut  [pour  l'Holcl-Dieu 
et  peur  les  pauvres  m  rla  ;;  s  l'j  attira  à  l'âge 
de  vingt-deux  ans,  av.. ..I  pris  l'habit  à  cet 
âge;  mais  elle  ne  lit  profession  qoe  treize 
ans  après,  la  coului.e  étant  pour  lors, 
e  nous  avons  du,  que  les  religieuses 
de  l'Hôtel-Dieu  fissent  douze  ans  de  noviciat, 
ou  au  moins  dix.  La  mère  Bouquet  voulut 
néanmoins  encore  prolonger  ce  temps-là, 
ne  croyant  pas  qu'une  novice  dut  jamais  se 
presser  à  l'Hôtel-Dieu  de  faire  profession. 
Eh  se  f  i  ait  d'ailleurs  un  scrupule  de  pro- 
noncer ses  vœux,  à  cuse  qu'il  n'y  avait 
point  alors  de  noviciat  établi;  c'e.-'l  pour- 
quoi elle  eo.'.sulla  quelques  docteurs  rie  Sor- 
hoî.ne,  si  elle  pouvait  faire  ses  va?  tx  en  cet 
étal,  el  elle  ne  voulut  poiil  s'eug;;ger  que 
les  supérieurs  ne  lui  euss'nt  donné  espé- 
rance qu'on  établirai*  le  noviciat  el  la  vie 
commune  entre  les  sœus. 

Enfin  étant  professe,  el  voyant  ce  défaut 
de  noviciat,  chaque  Mère  ancienne  élevant 
alors  un  certain  nomb-ede  filltsqui  vivaient 
avec  elle,  elle  prit  la  résolution,  après  avoir 
passé  par  quelques  ofGces  de  la  maison,  do 
composer  elle-même  une  espèce  de  noviciat, 
el  de  mettre  ensemble  les  filles  qu'on  vou- 
drait lui  donner  pour  les  instruire,  qu'elle 
gouverna  dès  lors  el  encore  depuis,  ayant 
été  deux  fois  maîtresse  des  novices.  Son  ap- 
plication était  de  faire  pierdre  à  ses  novi- 
ces de  bonnes  résolutions,  pour  bien  panser 
et  servir  les  pawvTes.  Elle  ne  pouvait  souf- 
frir qu'une  sœur  dit,  je  .mis  lusse,  alléguant 
aux  sœurs  que  le  travail  qu'elles  faisaient 
pour  les  pauvres  et  l'assistance  qu'elles  leur 
donnaient,  étaient  loute  leur  austérité;  et 
qu'au  contraire  elles  devaient  être  bien 
joyeuses  le  soir  de  s'être  lassées  pendant  le 
jour  pour  Dieu:  ainsi  elle  appelait  un  jour 
bien  rempli  un  jour  où  I'oh  avait  bien  tra- 
vaillé. 

La  peste  étant  survenu-'  à  Paris,  elle  fut 
tirée  de  son  office  de  maftresse  des  novices 
pour  aller  à  l'hôpital  de  Saint-Louis,  où  elle 
pansa  les  pestiférés  avec  une  telle  charité, 
qu'on  l'a  quelquefois  trouvée  baisant  leurs 
plaies.  Elle  procura  qu'il  y  eût  un  autel  dans 
les  salles  des  malades  de  cet  hôpital,  elle 
procura  aussi  un  réservoir  d'eau  et  une 
étuve  pour  sécher  les  linges.  La  peste  étant 
finie,  et  élan!  de  relour  à  l'Hôtel-Dieu,  elle 
fut  mise  à  l'apothicairerie,  où  elle  commença 
de  faire  faire  les  compositions  qui  ne  s'y 
faisaient  point  auparavant.  Elle  eu!  soin  en- 
suite des  femmes  en  couche,  et  quelque 
temps  après  elle  fut  élue  prieure.  Elle  refusa 
celte  charge  avec  beaucoup  d'instance,  el  ne 
l'accepta  que  par  obéissance,  y  ayant  été 
contrainte  par  ses  supérieurs.  Elle  1  exerça 
pendant  neuf  ans,  ayant  un  soin  te.ut  parti- 
culier des  malades,  et  faisant  auprès  d'eux 
les  aciions  les  plus  viles  et  les  plu-  basses. 
Ce  fut  elle  qui  procura  les  tours  de  lits  qui 
sont  présentement  au  noviciat  el  en  la  salle 
du  Légat,  où  auparavant  il  n'y  avait  que  des 
coueli  lies  à  bas  piliers.  Elle  fit  donner  des 
sandales  do  bois  aux.  malades,  qui  aupara- 


47» 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


472 


vaut  étaient  contraints  de  se  lever  et  de  mar- 
cher nu-pieds,  et  elle  préposa  une  sœur 
pour  en  avoir  soin,  ce  qui  s'observe  encore 
à  présent.  Elle  fit  établir  par  les  supérieurs 
la  rénovation  des  vœux  en  commun.  Elle 
abolit  les  plissures  des  robes  et  ce  qui  pou- 
vait ressentir  la  vanité  ;  elle  prenait  pour 
elle  les  plus  usées  et  les  plus  méchantes. 
Elle  établit  la  communauté  du  noviciat,  et  le 
vivre  en  commun  des  domestiques.  Ce  fut 
aussi  à  sa  sollicitation  que  les  religieuses 
quittèrent  leur  nom  de  famille  pour  en  pren- 
dre un  de  quelque  saint.  Elle  fit  elle-même, 
ou  fit  faire  par  les  supérieurs,  plusieurs  au- 
tres règlements  ,  tant  pour  les  religieuses 
que  pour  les  malades,  qui  la  peuvent  laire 
regarder  avec  justice  comme  réformatrice  de 
celte  maison.  Enfin  elle  mourut  subitement 
la  veille  de  Saint-Jean  de  l'an  J665,  allant  à 
l'oraison  avec  la  communauté,  étant  âgée  de 
soixante-quatorze  ans. 

Outre  l'Hôlel-Dieu,  les  religieuses  ont  en- 
core soin  des  malades  qui  sont  à  l'hôpital  de 
Saint-Louis,  fondé  par  le  roi  Henri  IV  pour 
ceux  qui  sont  attaqués  de  la  peste.  Cet  hô- 
pital est  très-beau;  il  est  composé  de  quatre 
grands  pavillons  aux  quatre  coins,  avec  au- 
iant  de  portes  pour  y  entrer.  Ces  pavillons 
sont  accompagnés  d'offices,  et  dans  leur  sé- 
paration il  y  a  quatre  salles  et  d'autres  lieux 
pour  la  commodité  des  malades.  Dans  la 
seconde  cour  est  une  fontaine  avec  un  grand 
bassin  de  pierre,  d'où  l'eau  coule  dans  la 
cour  de  derrière  et  va  se  rendre  dans  deux 
lavoirs  faits  de  pierres  fort  larges  pour  y  la- 
ver la  lessive.  Du  côté  de  la  ville  sont  les 
offices,  les  cuisines,  les  appartements  des 
olficiers  de  la  maison,  et  les  logements  des 
religieuses.  Du  côté  du  septentrion,  hors  de 
l'hôpital,  est  un  cimetière  fermé  de  murailles, 
où  l'on  enterre  les  corps  de  ceux  qui  y  meu- 
rent. La  première  pierre  fut  posée  à  l'église 
le  13  juillet  1607,  et  l'édifice  lut  continué 
jusqu'en  l'an  1010.  On  envoie  aujourd'hui 
les  convalescents  de  l'Hôlel-Dieu  dans  cet 
hôpital,  pour  y  prendre  l'air  pendant  quel- 
que temps  ,  ou  bien  ceux  qui  sont  attaqués 
du  scorbut,  lorsqu'il  y  en  a  un  grand  nom- 
bre. Pour  ce  qui  est  des  bâtiments  de  l'Hô- 
tel-Dieu, ils  sont  très-spacieux  ;  on  les  a 
étendus  sur  la  rivière  de  Seine  sur  une  voûte 
fort  longue,  sous  laquelle  coule  l'eau  ;  il  y 
a  aussi  d'autres  salles  de  l'autre  côté  de 
l'eau,  auxquelles  on  va  par  un  pont  de 
pierre,  en  sorte  que  l'un  des  bras  delà  ri- 
vière passe  au  milieu  de  cet  hôpital. 

Le  temporel  est  gouverné  par  des  admi- 
nistrateurs, et  les  dépenses  se  montent  tous 
les  ans  à  plus  de  six  cent  mille  livres.  Les 
religieuses  professes  sont  au  nombre  de 
cent,  et  il  y  a  ordinairement  près  de  cin- 
quante novices.  Oulre  les  religieuses,  il  y  a 
encore  des  filles  et  des  femmes  au  nombre  de 
cinquante  ou  soixante,  qui  se  donnent  à 
l'hôpital  pour  servir  les  malades,  outre  un 
grand  nombre  de  servantes  et  plus  de  cent 
serviti  ors.  L'habillement  des  religieuses  con- 
siste en  une  lobe  noire,  sur  laquelle  elles 
mettent ,  lorsqu'elles  serrent  les  malades, 


on  sarrau  de  toile  blanche  fait  en  forme 
d'aube  descendant  jusqu'aux  talons  :  dans 
les  cérémonies,  et  lorsqu'elles  vont  en  pro- 
cession à  certains  jours  dans  les  salles,  elles 
n'ont  que  des  robes  noires  avec  un  grand 
manteau  :  leur  guimpe  est  carrée  et  fort 
grande,  descendant  jusque  sur  l'estomac,  et 
leur  voile  est  fort  ample,  étant  soutenu  par 
un  carton.  Les  sœurs  données  sont  habillées 
de  gris,  avec  un  mouchoir  en  pointe  sur  le 
cou,  aussi  bien  que  les  servantes ,  et  les 
données  ne  sont  distinguées  que  par  une 
coiffe  noire.  Les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu 
ont  fait  d'autres  établissements  en  France 
comme  à  Moulins  en  Rourbonnais,  et  en 
d'autres  lieux.  L'on  voit  souvent  dans  l'Hô- 
tel-Dieu de  Paris  des  princesses  et  des  per- 
sonnes de  qualité  exercer  leur  charité  envers 
les  malades,  en  s'abaissant  jusqu'aux  em- 
plois les  plus  vils;  et  ce  fut  dans  ce  même 
hôpital  que  la  baronne  d'Allemagne  Marthe 
d'Oraison  ,  fille  du  marquis  d'Oraison,  des 
plus  illustres  maisons  de  Provence,  mou- 
rut l'an  1627,  s'étant  donnée  au  service  des 
malades.  Voici  la  formule  des  iceux  de  ces 
religieuses. 

Je  sœur  N.  voue  et  promets  à  Dieu,  à  In 
benoiste  Vierge  Qlarie ,  au  glorieux  saint 
Jean-  Baptiste ,  à  notre  bienheureux  l'ère 
saint  Augustin,  nos  patron*,  et  généralement 
à  tous  les  saints  et  saintes  de  paradis,  et  à 
vous  mes  très-révérends  Pères,  pauvreté, 
chasteté,  obédience,  et  servir  aux  pauvres 
malades  tous  les  jours  de  ma  vie  en  l'Hôtel- 
l)ieu  de  Paris  ou  ailleurs,  si  par  vous  il  m'est 
enjoint,  gardant  la  règle  de  saint  Augustin, 
accommodée  à  notre  saint  état  par  les  statuts 
et  constitutions  faites  de  l'autorité  de  vous 
messieurs  les  révérends  doien  et  chapitre  de 
l'Eglise  de  Paris,  supérieurs  de  cette  maison. 
Témoin  mon  seing  manuel,  etc. 

Comme  il  n'y  a  point  de  bornes  à  la  cha- 
rité qu'on  exerce  dans  cet  hôpital,  toutes 
sortes  de  personnes  y  étant  reçues  sans  dis- 
tinction d'âge,  de  sexe,  de  nation  et  de  reli- 
gion, et  que  le  nombre  des  malades,  qui  s'est 
monté  quelquefois  jusqu'à  plus  de  six  mille, 
obligeait  de  temps  en  temps  de  les  mettre 
jusqu'à  six  ou  huit  dans  un  même  lit;  c'est 
ce  qui  a  porté  les  administrateurs  à  augmen- 
ter les  bâtiments  auxquels  on  travaille  pré- 
sentement. Les  bourgeois  de  Paris  et  plu- 
sieurs personnes  de  considération  y  ont  con- 
tribué par  leurs  aumônes,  y  ayant  été  exci- 
tés tant  par  leur  piété  et  leur  compassion 
envers  les  pauvres  que  par  un  mandement 
que  Mgr  le  cardinal  Louis-Antoine  de 
Noailles,  archevêque  de  Paris,  a  donné  à  cet 
effet  le  20  mars  de  la  présente  année  1715. 

Gérard  du  Bois,  Uist.  eccles.  Paris,  tom.  Il, 
lib.  xvi,  cap.  7.  Du  Breuil  et  Malingre,  Anti- 
quités de  Paris ,  et  Avis  aux  religieuses  de 
l'Hôtel-Dieu. 

En  annonçant  qu'il  va  traiter  des  religieu- 
ses hospitalières  de  l'Hôtel-Dieu  de  Paris,  le 
P.  Hélyot  promettait  d'en  mentionner  d'au- 
ties  du  même  institut;  néanmoins  il  n'en 
parle  point  et  se  borne  à  dire  que  ces  reli- 
gieuses ont  fait    d'autres  établissements  en 


tV>  HOT 

France,  et  à  ajouter  :  comme  à  Moulins  et 
en  d'autres  lieux.  Il  aurait  dû  les  nommer, 
s'il  les  connaissait;  il  aurait  dû  aussi  nom- 
mer les  dames  de  l'Hôtel-Dieu  de  Meaux.  11 
est  probable  qu'il  manquait  de  renseigne- 
!  ments.  On  ne  peut  donc  savoir,  et  vraisem- 
blablement on  ne  saura  jamais,  quelles  sont 
les  maisons  bospilalières  de  la  filiation  de 
l'Hôtel-Dieu  de  Paris.  Quoi  qu'il  en  soit,  ces 
maisons  demeurèrent  indépendantes  et  vrai- 
semblablement modifièrent  leurs  constitu- 
tions et  leur  costume  suivant  les  localités. 
Ainsi,  à  Meaux,  la  colonie  garde  toujours 
l'habit  noir,  et  ne  porte  point  ce  sarrau  de 
toile  blanche,  dont  parle  Hélyot,  et  qu'ont 
en  effet  leurs  Mères  de  Paris,  pour  le  travail 
des  jours  ouvriers.  Vers  l'année  184-5,  un 
hôpital  général  ayant  été  établi  à  Meaux,  les 
religieuses  dont  nous  pai Ions  ont  quitté  leur 
maison  (détruite)  et  ont  fondé  une  maison 
particulière  qui  estappelée.de  la  rue  qu'elles 
habitent,  la  maison  des  religieuses  de  la 
Paix. 

Depuis  longtemps  et  jusqu'à  la  révolu- 
tion, il  y  avait  douze  prêtres  chapelains  à 
l'Hôtel-Dieu.  Ces  ecclésiastiques  y  chantaient 
tous  les  jours  les  heures  canoniales,  aux- 
quelles les  religieuses  devaient  assister  au- 
tant que  possible.  Aujourd'hui  ces  dames 
récitent  elles-mêmes  l'office  canonial  du  rite 
parisien,  mais  en  français. 

Grâces  à  Dieu,  toutes  ne  quittèrent  pas 
l'Hôtel-Dieu  lors  des  troubles  de  la  révo- 
lution. Plusieurs  partirent  volontairement, 
niais  le  corps  de  la  communauté  resta  tou- 
jours dans  la  maison,  au  service  des  mala- 
des. Mais  elles  furent  longues  années  rédui- 
tes à  porter  l'habit  séculier  et  à  souffrir  les 
duretés  et  la  grossièreté  des  hommes  de  ces 
circonstances. 

Malheur  à  ces  citoyennes  si,  par  distrac- 
tion, par  crainte  ou  par  habitude,  elles  qua- 
lifiaient du  nom  de  monsieur  les  hommes  du 
temps  qui  savaient  bien  leur  parler  suivant 
les  habitudes  de  l'époque.  Aucunenéanmoins 
n'a  été  guillotinée.  11  ne  reste  plus,  au  mo- 
ment où  nous  écrivons  ceci,  qu'une  seule  des 
religieuses  qiii  avaient  survécu  à  ces  malheu- 
reuses et  cruelles  épreuves.  Celte  Mère  a  été 
menacée  alors  de  la  prison  et  sur  le  point 
d'être  renfermée.  —  Apn's  le  concordai,  les 
choses  reprirent  peu  à  peu  les  formes  régu- 
lières dans  la  direction  de  la  communauté; 
mais  on  conçoit  qu'il  y  eut  des  usages  qu'on 
ne  put  reprendre,  et  qu'il  resta,  même  dans 
ce  qu'on  fit,  beaucoup  à  désirer.  Nous  avons 
vu  dans  Hélyot  comment  la  communauté 
avait  été  réformée,  il  y  a  deux  siècles,  par  le 
zèle  d'une  pieuse  religieuse.  Le  même  zèle, 
peu  après  la  révolution  de  1830,  porta  aussi 
quelques  religieuses  à  essayer  d'introduire 
plus  de  régularité  dans  le  régime  de  l'insti- 
tut. Elles  n'eurent  pas  tout  le  succès  désira- 
ble, peut-être  n'y  mirent-elles  pas  toute  la 
prudence  nécessaire. 

Par  suite  peut-être  des  projets  déjà  nour- 
ris pour  la  réforme  ,  les  élections  avaient 
mis  à  la  place  de  prieure  la  R.  M.  des  An- 
ges, et  à  la  place  importante  de  maîtresse 


HOT  /i7* 

des  novices,  la  IL  M.  Sainte-Cécile.  Ces  deux 
dames,  avec  quelques  autres  religieuses,  fu- 
rent l'âme  du  pieux  complot  qu'elles  nour- 
rissaient dans  l'esprit  de  toutes  les  novices, 
et  qui  était  partagé  par  plusieurs  filles  de 
l'institut  de  Saint-Vincent-de-Paul,  par  l'au- 
mônier, M.  l'abbé  le  Clère,  etc.  Les  réunions, 
qu'on  ne  put  tenir  assez  secrètement,  pi- 
quaient la  curiosité,  et  excitèrent  peut-être 
aussi  l'émulation  de  celles  qui  n'étaient 
point  dans  le  projet.  Nous  prenons  ici  l'ex 
pression  la  plus  douce.  Une  des  religieuses 
entrées  dans  les  assemblées  provisoires  (la 
M.  Saint-Landry,  morte  depuis  ce  temps-là) 
trahit  les  autres  et  alla  découvrir  ce  qu'elle 
avait  entendu  à  l'ex-prieur,  qui  aussitôt  fit 
appeler  le  supérieur  ecclésiastique  de  la 
maison.  (C'était  alors  M.  l'abbé  Salandre, 
vicaire  général  de  Paris.)  Celui-ci,  au  lieu 
de  réfléchir  et  de  mûrir  l'affaire,  alla  promp- 
tement  demander  compte  de  celle  intrigue  à 
la  Mère  des  Anges,  qui  eut  la  faiblesse  de 
manquer  de  franchise.  Le  plus  grand  nom- 
bre des  religieuses  fut  donc  contre  le  projet 
nouveau,  qui  n'a  jamais  été  bien  connu,  et 
vit  l'autorité  ecclésiastique  de  son  bord.  Les 
choses  en  vinrent  au  point  que  le  promo- 
teur du  diocèse  fit  une  enquête,  et  inter- 
rogea toutes  les  Mères.  Ce  promoteur  était 
alors  M.  l'abbé  Quanlin.  Le  récit  que  nous 
avions  à  faire  était  nécessaire  ici.  Nous  n'o- 
sons dire  tout  ce  que  nous  savons. 

H  est  difficile  de  ne  pas  blesser  l'amour- 
propre  en  nommant  quelques  personnes  qui 
vivent  encore,  ou  la  susceptibilité  de  quel- 
ques autres  en  parlant  de  celles  qui  ne  sont 
plus  aujourd'hui,  telles  que  le  respectable 
abbé  Salandre  et  l'abbé  Quantin.  Nous  n'a- 
vons pourtant  l'envie  de  blesser  personne, 
et  notre  unique  désir  comme  notre  but  est 
de  servir  la  vérité  de  l'histoire.  Nous  nous 
bornerons  donc  à  dire  que  les  religieuses  de 
l'Hôtel-Dieu,  même  les  plus  capables, et  nous 
parlons  de  celles  qui  n'étaient  pas  dans  le 
projet  de  réforme,  ont  blâmé  et  condamné 
la  manière  d'agir  du  promoteur,  qui,  au  lieu 
de  les  interroger  simplement,  excitait  leurs 
réponses  contre  les  religieuses  en  cause.  La 
révérende  Mère'**  osa  lui  faire  remarquer  ce 
procédé.  Les  choses  se  terminèrent  par  la 
sortie  et  peut-être  l'expulsion  des  religieuses 
qui  avaient  nourri  et  fomenté  le  projet  de 
reforme.  Ces  religieuses  étaient  la  révereude 
Mère  des  Anges,  prieure  ;  la  révérende  Mère 
Sainte-Cécile,  maîtresse  des  novices; la  révé- 
rende Mère  de  la  Trinité;  la  révérende  Mère 
Saint-Lazare,  et  une  ou  deux  autres  avec 
toutes  les  novices  qui  se  trouvaient  alors  à 
l'Hôtel-Dieu,  au  nombre  de  douze,  n'en  lais- 
sant qu'une  dont  les  moyens  bornés  ne  pou- 
vaient leur  convenir  et  que  les  autres  en 
effet  n'ont  point  gardée.  Grâces  à  Dieu,  cette 
affaire  n'eut  point  d'éclat  dans  le  public  et  ne 
fut  appréciée, que  par  les  personnes  qui  com- 
prennent combien  il  est  difficile  de  s'enten- 
dre à  la  supériorité  et  au  gouvernement 
d'une  maison  religieuse.  Les  Mères  qui  sor- 
tirent se  retirèrent  momentanément  à  Ver- 
sailles. Ceci  se  passait  au  milieu  de  l'annéa 


475  DICTIONNAIRE  DES 

1833.  La  Mère  La  Triuilé  et  la  Mère  des 
Anges  sont  restées  à  la  maison  de  Grand- 
Gliainp  à  Versailles.  Les  autres  sont  allées, 
avec  leurs  novices  et  le  pieux  aumônier  de 
la  communauté  de  l'Hôtel-Dieu,  .Aï.  l'abbé 
Le  Clère,  diriger  un  hôpital  à  Anvers,  eu 
Belgique,  d'où  elles  ont  déjà  envoyé  une  co- 
lonie à  un  hôpital  de  Liège.  Ainsi  la  religion 
a  trouvé  son  profita  ces  divisions  apparen- 
tes, où  avec  de  bons  desseins  de  part  cl  d'au- 
tre on  sert  ceux  de  Dieu  sans  e;>  connaître 
les  voies.  Les  novices  restées  dans  les  deux 
autres  maisons  de  Paris,  celles  qu'on  reçut 
bientôt  à  l'Hôtel-Dieu,  firent  que  ie  dép  rt 
des  anciennes  fui  presque  insensible.  Il  exis- 
tait autrefois  des  préventions  contre  le  ja  sé- 
nismedes  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu  de  Paris. 
Ces  pré  veillions  étaient  peu  l-être  trop  générali- 
sées, mais  elles  étaient  fondées",  nous  eu  pour- 
rions fournir  des  preuves.  Aujourd  hui  celte 
prévention  existe  encore  en  quelques  per- 
sonnes. Elle  est  une  injustice  d'autant  plus 
coupable,  que  ceux  qui  produisent  à  i  et 
égard  leurs  pensées,  parlent  sans  avoir  ap- 
profondi les  choses,  et  blessent  les  intérêts 
d'une  communauté  respectable  qui  se  ver- 
rait privée  quelquefois  de  sujets  aptes  à 
l'augmenter,  par  l'imprudence  de  quelques 
hommes  irréfléchis. 

On  ne  voit  plus  à  l'Hôtel-Dieu  de  ces 
sœurs  donnée*,  dont  parle  Hélyot.  Les  reli- 
gieuses de  cette  maison  ont  toujours  eu  la 
direction  de  l'hôpital  Saint-Louis,  et  elles 
n'avaient  autrefois  que  ces  deux  maisons-là. 
Depuis  la  révolution,  elles  ont  desservi  pen- 
dant quelque  temps  l'hôpital  de  la  Pitié, 
qu'elles  quittèrent  en  1818,  el  celui  de  la  Char 
rite, qu'elles  quittèrent  en  1816.  Depuis  une 
douzaine  d'années, elles  sont  rentrées  au  ser- 
vice de  ce  dernier  et  desservent  également 
V annexe  de  l'Hôtel-Dieu,  située  au  faubou  g 
Saint-Antoine.  Ces  quatre  maisons  de  Paris 
ont  bien  chacune  une  supérieure  locale, 
mais  elles  ne  font  néanmoins  qu'une  seule 
famille.  Les  religieuses  ont  obédience  d'une 
maison  à  l'autre,  et  les  novices  doivent  être 
envoyées  à  toutes  avant  d'être  admises  à  la 
profession,  qui  n'est  accordée  que  sur  le 
suffrage  des  Mères  de  toutes  les  maisons. 
Dans  ces  quatre  établissements ,  il  y  a 
en  totalité,  au  moment  où  nous  écrivons, 
soixante. cinq  professes  et  vingt-six  novices. 

Siens  ignemenls  fournis  par  la  révérende 
Mère  2V\,  religieuse  de  cet  institut  depuis 
Vannée  1816.  B-d-e. 

HUBERT  (Chev  ali  kks  de  l'ordre  de  Saint-). 

Raynaud  111,  duc  de  Juliers  et  de  Guel- 
dres,  étant  mort  l'an  1423,  Adolphe  11,  duc 
de  Mons,  lui  succéda,  et  reçut  l'investiture 
des  duchés  de  Juliers  et  de  Gueldres  de  l'em- 
pereur Sigismond,  l'an  1425.  Mais  Arn  uld 
îl'Egmond,  qui  avait  des  prétentions  sur  ces 
provinces,  s'empara  du  duché  de  Gueldres,  et 
entra  avec  des  troupes  dans  le  pays  de  Ju- 
liers :  ce  qui  obligea  Adolphe  de  faire  un  ac- 
cord aiec  lui,  par  lequel  il  lui  céda  pour 
toujours  le  duché  de  Gueldres,  lui  donna  dis 
mille  tlorius  pour  ses  autres  prétentions,  et 


ORDRES  RELIGIEUX. 


473 


fil  une  trêve  avec  lui  pour  dix  ans.  Adolphe 
étant  mort  sans  enfants,  et  Gérard  V,  son 
neveu,  ayant  succédé  au  dnebé  de  Juliers 
l'an  1=37.  Arnould  d'Egmond,  renouvelant 
ses  prélentions  sur  ce  duché,  y  rentra  avec 
une  armée  l'an  1444  ;  mais  ii  fui  de  ait  par 
Gérard,  qui  remporta  sur  lui  une  célèbre 
victoire  le  jour  de  Saint-Hubert  de  la  même 
année.  C'est  en  mémoire  de  cette  victoire  <;ue 
quelques  historiens,  comme  Schoonebeck  et 
le  P.  Bonanni,  disent  que  ce  |  rince  insilua, 
l'an  1445,  un  ordrede  chevalerie  sous  le  nom 
et  la  protection  de  sainl  Hubert;  d'autres, 
comme  Auberl  le  Mire  et  l'abbé  îiiusliniani, 
ne  mettent  l'institution  de  cet  ordre  que 
l'an  147  ou  1477.  Mais  il  ne  peut  pas  av.  ir 
élé  institué  l'an  1477,  puisque  Gérard  mou- 
rut l'an  1475  ;  el  il  y  a  plus  d'apparence  que 
ce  prince,  qui  avait  vaincu  le  duc  de  Cm  I- 
dresFan  li44,  le  jour  de  Saint-Huberl,  in- 
stitua son  ordre  la  même  année  ou  l'année 
suivante. 

Ces  ailleurs  ne  s'accordent  point  non  plus 
sur  la  forme  du  collier  de  cet  ordre.  Schoo- 
nebeck  dit  qu'il  était  composé  de  plusieurs 
cors  de  chasse  où  pendait  une  médaille  avec 
l'image  de  saint  Hubert.  Le  P.  Bonanni  dit 
seulement  que  ce  collier  était  d'or,  où  pen- 
dait celle  médaille.  L'abbé  Giustniani  pré- 
tend qu'on  ne  sait  point  quelle  était  la  mar- 
que de  cet  ordre,  et  Aubert  ie  Mire  assure 
que  les  statuts  de  cet  ordre  sont  écrits  en 
langue  allemande  et  qu'on  les  trouve  ma- 
nuscrits dans  la  maison  des  Corlembachs  et 
chez  d'aulres,  avec  le  catalogue  des  cheva- 
liers jusqu'en  l'an  1487,  parmi  lesquels  l'on 
voit  les  comtes  de  Limbourg,  de  Teklem- 
bourg  el  de  Nassaw,  les  barons  de  Merod, 
de  Patience,  de  Sombeff,  de  Birgel,  de  Wla- 
ten,  de  lïlungart  et  d'autres;  mais  il  ne 
marque  point  ce  qui  distinguait  ces  che- 
valiers. 

Quoi  qu'il  en  soit,  après  1 1  mort  de  Jean- 
Guillaume,  duc  de  Juliers,  sur  les  différends 
qui  survinrent  au  sujet  de  sa  succession 
entre  l'électeur  de  Brandebourg  et  Wolfang- 
Guillaume,  duc  de  Neubourg,  ces  priuces 
firent  un  accord  entre  eux,  par  lequel  le  du- 
ché de  Juliers  échut  au  duc  de  Neubourg. 
Ch  irles,  comle  palatin  du  Rhin,  et  huitième 
électeur  de  l'Empire,  étant  mort  sans  enfants 
l'an  1685,  Philippe-Guiliaume,  duc  de  Neu- 
bourg et  de  Juliers,  par  la  faveur  de  l'em- 
pereur Léop  ild-Ignace,  qui  avait  épon<é  une 
de  ses  filles  succéda  au  paialinat  du  Rhin  et 
à  la  dignité  d'électeur.  Cet  électoral  ai  ait  été 
créé  en  faveur  de  Charles-Louis,  comte  pa- 
latin du  Rhin,  conformément  au  traité  de 
Munster  de  l'an  1648,  quoique  par  la  Bulle 
d'Or  il  ne  doive  y  avoir  que  sept  électeurs  de 
l'Empire  ;  mais  ce  fut  l'expédient  que  l'on 
trouva  pour  pacifier  les  deux  branches  pala- 
tines, l'une  que  l'on  appelie  Rod  lphine,  qui 
esl  celie  des  comtes  palati  s,etl'aulre  qu'on 
nomme  Guillelminc,  qui  est  celle  des  ducs 
de  Ba>  ière,  qui  avait  été  mise  en  possession 
de  la  dignité  d'électeur,  dont  Ferdinand  V, 
comle  palatin  du  Rhin,  avait  été  privé  par 
l'empereur  Ferdinand  II,    l'an  1623,  pour 


477 


HUM 


HUM 


478 


avoir  accepté  la  couronne  de  Bohême,  qui 
lui  avait  été  offerte  par  les  rebelles  de  ce 
royaume. 

En  créant  ce  huitième  électorat,  on  avait 
au*si  en  même  temps  créé  la  charge  de 
'.grand  trésorier  de  l'Empire  pour  y  être  at- 
tachée, afin  de  dédommager  cet  électeur  de 
la  charge  d'archimaître  d'hôtel  attachée  à 
l'électoral,  possédée  par  le  duc  de  Bavière. 
Mais  Maximilien-Marie ,  due  de  Bavière, 
ayant  été  privé  de  son  électorat  contre  les 
lois  de  l'Empire,  par  l'empereur  Joseph,  à 
cause  que  ce  prince  avait  soutenu  les  droits 
et  les  libertés  du  même  Empire  et  qu'il  avait 
reconnu  pour  roi  d'Espagne  Philippe  V 
(petit-fils  de  Louis  XIV,  roi  de  France},  que 
Charles  11  avait  appelé  à  la  succession  de  la 
monarchie  d'Espagne  par  un  testament  qu'il 
fit  quelque  temps  avant  sa  mort,  la  charge 
d'archimaître  d'hôtel  de  l'Empire,  attachée 
à  l'électorat  du  duc  de  Bavière,  fut  rendue 
par  le  même  empereur  à  l'électeur  palatin 
Jean-Guillaume,  ducdeNeubourg,  qui,  pour 
en  conserver  la  mémoire,  voulut,  comme 
duc  de  Julicrs,  rétablir  l'ordre  de  Saint- 
Hubert,  qui  était  depuis  longtemps  aboli.  Ce 
prince  conféra  cet  ordre  à  plusieurs  seigneurs 
de  sa  cour,  auxquels  il  assigna  des  pensions 
considérables,  à  condition  que  de  ces  pensions 
ils  seraient  obligés  d'en  donner  la  dixième 
partie  pour  l'entretien  des  pauvres  de  l'hô- 
pital, ei  qu'ils  donneraient  aussi  le  jour  de 
leur  réception  dans  l'ordre  cent  hongres 
d'or.  Ces  chevaliers  aux  jours  solennels  sont 
habillés  de  noir  à  l'espagnole,  excepté  qu'ils 
n'ont  point  de  go&ile.  Ils  ont  sur  cet  habit 
une  chaîne  d'or  pendue  au  cou  à  laquelle  est 
attachée  une  croix  d'or  large  de  quatre  doigts 
et  ornée  de  diamants,  au  milieu  de  laquelle 
est  l'image  de  saint  Hubert  à  genoux,  priant 
devant  un  crucifix  qui  est  entre  le  bois  d'un 
cerf;  et  au  côté  gauche  de  leur  pourpoint  ils 
ont  en  brod  rie  d'or  un  ceicle  entouré  de 
rayons,  au  milieu  duquel,  sur  un  fond  rouge, 
sont  ces  paroles  en  langue  allemande  :  Dé- 
mettiez ferme  dans  la  foi  (1).  Hors  les  céré- 
monies et  les  fêtes  solennelles,  ils  ne  portent 
point  le  collier  et  ont  sur  leurs  habits  ordi- 
naires un  ruban  rouge  en  échaipe,  passant 
depuis  l'épaule  gauche  jusqu'à  la  hanche 
droite,  auquel  ruban  est  attachée  la  croix, 
et  au  côté  gauche  de  leurs  justaucorps, 
l'ovale  don!  nous  avons  parlé. 

Wernher  Teschen  Mâcher,  Annal.  Cliviœ, 
Juhanœ,  etc.,  pag.  41)3  et  515.  Schoonebeck, 
Histoire  des  Ordres  militaires,  tom.  II.  Bo- 
nanni,  Catalog.  Ord.  militar.  Aubert  le  Mire, 
Origo  equest.  Ord.  Bernard  Giusliniani,  Bist. 
Chronol.  de  gli  0>d.  militari. 

HUMILIÉS  (Ordre  des). 

§  I.  Des  religieux  de  l'ordre  des  Humiliés  et 
de  leur  suppression. 

Les  différents  sentiments  que  les  écrivains 
qui  ont  parlé  de  l'ordre  des  Humiliés  ont  eus 
touchant  son   origine,  les   uns  la   mettant 

(1)  Voy.,  à  la  fia  du  vol.,  n°  118. 


en  H90,  sous  l'empire  de  Frédéric  Barbc- 
rousse,  d'autres  en  1180,  quelques-uns  va 
119C,  et  plusieurs  enfin  la  faisant  remonter 
jusqu'en  l'an  1017,  sous  l'empire  d'Henri  II 
surnommé  le  Saint,  m'ont  obligé  d'avoir  re- 
cours aux  religieuses  de  cet  ordre  pour  sa- 
voir si  elles  n'auraient  point  d'anciens  litres 
qui  pussent  lever  ces  difficultés.  Si  je  n'en  ai 
point  été  tout  à  faitéclairci  par  les  mémoires 
qui  m'ont  été  envoyés  en  1709  par  l'abbessc 
du  monastère  de  Saint-Erasme  je  Milan,  j'ai 
au  moins  appris  beaucoup  de  particularités 
concernant  cet  ordre  qui  ont  été  inconnues 
jusqu'à  présent.  Et,  comme  dans  ces  mémoi- 
res on  cite  souvent  une  chronique  de  cet 
ordre  composée  en  latin,  l'an  1419,  par  le 
P.  Jérôme  Torecchio  (prévôt  du  couvent  que 
les  Humiliés  avaient  à  la  Porte-Neuve  à  Mi- 
lan), et  que  l'on  me  marque  qu'elle  se  trouve 
dans  la  fameuse  bibliothèque  Ainbrosienne 
de  la  même  ville,  dans  le  désir  que  j'avais 
de  découvrir  la  vérité,  je  me  soi*  adressé  à 
d'autres  personnes  desquelles  j'espérais  de 
plus  grands  éclaircissements;  mais  je  n'ai 
pas  eu  un  succès  plus  heureux  dans  cette  se- 
conde tentative,  puisque  les  mémoires  que 
j'en  ai  reçus  en  1710  ne  diffèrent  des  pre- 
miers qu'en  ce  qu'ils  m'ont  appris  de  plus 
qu'il  y  avait  dans  la  même  bibliothèque  une 
autre  chronique  de  cet  ordre  composée  aussi 
en  latin,  en  149J,  par  le  P.  Marc  Bosto,  avec 
des  ordonnances  des  chapitres  généraux  de 
celte  congrégation,  la  règle  de  saint  Benoît 
adaptée  pour  les  religieux  Humiliés,  leurs 
constitutions,  un  catalogue  de  leurs  saints  et 
de  leurs  bienheureux,  avec  un  abrégé  de 
leur  vie,  et  quantité  d'aulres  pièces  qui  font 
quatre  volumes  in-folio  ,  et  que  Pierre  Puri- 
ce  li  (qui  donna  eu  1633  les  monuments  de 
l'Eglise  ambrosienne)  avait  traduit  en  italien 
ces  deux  chroniques  et  toules  ces  autres  piè- 
ces, qu'il  avait  ramassées  et  écrites  de  sa 
main,  dans  le  dessein  de  donner  au  public 
une  histoire  de  cet  ordre,  que  le  P.  Pape- 
broeh  dit  avoir  vue  entre  les  mains  de  ses 
héritiers. 

Ce  qui  flattait  le  plus  mes  espérances,  e'est 
que  je  m'attendais  que  cette  chronique  du 
P.  Torecchio,  qui  est  le  plus  ancien  original 
que  l'on  m'indiquait  dans  ces  mémoires,  me 
donnerait  quelque  connaissance  de  ce  que 
je  cherchais  ;  mais  ce  que  cet  auteur  mel  sur 
l'établissement  de  cet  ordre  est  si  peu  proba- 
ble et  s'accorde  si  mal  avec  la  chronologie, 
que  nous  ne  pouvons  pas  adhérer  à  son  sen- 
timent. Voici  ce  qu'il  en  dit. 

Les  villes  de  Pavie,  de  Lodi,  de  Crémone, 
et  quelques  autres  de  Lomhardie,  principa- 
lement celle  de  Milan,  s'étant  révoltées  con- 
tre l'empereur  Henri,  ce  prince,  étant  passé 
en  Italie,  remit  ces  villes  sous  son  obéis- 
sance, el,  pour  châtier  les  chefs  des  rebelles, 
qui  étaient  les  personnes  les  plus  considéra- 
bles d'entre  la  noblesse,  il  les  mena  prison- 
niers en  Allemagne.  Ces  gentilshommes  se 
lassant  de  leur  captivité,  le  bienheureux 
Gui,  qui  s'était  acquis  beaucoup  de  crédit 


479 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


430 


parmi  eux,  les  exhorta  à  profiter  de  leur 
malheur  el  de  faire  un  véritable  retour  vers 
Dieu,  en  méprisant  toutes  les  vanités  de  ce 
momie,  dont  l'inconstance  leur  était  connue 
par  leur  propre  expérience,  et  en  s'exerçant 
dans  la  pratique  des  vertus.  Ces  gentilshom- 
mes, ayant  suivi  son  avis,  se  revêtirent,  l'an 
1017  ,  d'habits  de  couleur  cendrée,  qui  con- 
sistaient en  une  robe  de  gros  drap  ,  ceinte 
d'une  ceinture  de  même  étoffe ,  avec  un 
grand  manteau  qui  descendait  jusqu'à  terre, 
et  des  bonnets  de  même  étoffe  pour  couvrir 
leur  tête  (1).  Les  exercices  de  piété,  de  cha- 
rité et  de  mortification  qu'ils  pratiquaient, 
étant  venus  à  la  connaissance  de  l'empereur, 
il  les  fit  venir  eu  ,sa  présence  ,  où  s'étant 
prosternés  à  ses  pieds  les  larmes  aux  yeux, 
les  premières  paroles  que  ce  prii.ee  leur  dit 
furent  celles  qui  suivent  :  tous  voilà  donc 
à  la  fin  humilies;  et,  après  avoir  continué  à 
leur  dire  quelque  chose  de  leur  rébellion 
passée,  sur  les  assurances  qu'ils  lui  donnè- 
rent de.  leur  fidélité  à  son  service  et  de  la  ré- 
solution où  ils  étaient  de  continuer  le  genre 
de  vie  qu'ils  avaient  entrepris,  il  leur  accorda 
la  liberté,  leur  permettant  de  retourner  en 
leur  pays. 

Etant  arrivés  en  Lombardie,  leurs  femmes 
les  voulurent  imiter  dans  leurs  exercices  de 
piété  et  dans  la  praiique  des  vertus  ;  elles  se 
revêtirent  aussi  d'habits  de  même  couleur, 
et,  comme  leurs  maris  introduisirent  la  fa- 
brique des  étoffes  de  laine,  auxquelles  ils 
travaillaient  eux-mêmes, elles  s'employaient 
aussi  à  filer  la  laine.  Mais,  dans  le  séjour  que 
saint  lîernard  fit  à  Milan,  les  Humiliés  (que 
l'on  nommait  les  Ber retins  de  la  Pénitence,  à 
cause  qu'ils  portaient  un  gros  bonnet  que  les 
Italiens  appellent  barettino,  outre  qu'ils  se 
servent  quelquefois  de  ce  terme  pour  signi- 
fier le  gris  brun  qui  était  la  couleur  de  leur 
habit)  prièrent  ce  saint  de  leur  prescrire 
quelques  règlements  pour  leur  conduite.  Il 
leur  conseilla  de  se  séparer  de  leurs  femmes 
et  de  vivre  en  commun.  11  les  exhorta  aussi 
de  se  mettre  sous  la  protection  de  la  sainte 
Vierge,  el  pour  cet  effet  de  changer  leurs 
habits  cendrés  en  habits  blancs,  pour  mar- 
quer la  pureté  de  leur  âme. 

Tels  furent  les  commencements  de  l'ordre 
des  Humiliés  selon  le  P.  Torecchio,  le  plus 
ancien  historien  de  cet  ordre  :  mais,  si  l'on 
considère  que  saint  Bernard  n'alla  à  Milan 
que  l'an  1134,  el  qu'il  y  aurait  déjà  eu  près 
de  six-vingts  années  d'écoulées  depuis  le  re- 
tour de  ces  gentilshommes  en  Lombardie,  on 
trouvera  que  cela  ne  peut  pas  être  arrivé 
sous  l'empereur  Henri  II,  n'y  ayant  pas  d'ap- 
parence qu'ils  eussent  été  sans  règlements 
pour  leur  conduite  depuis  l'an  1017  jusqu'en 
113'*,  d'autant  pli  s  que  le  P.  Torecchio  parle 
comme  s'il  n'y  avait  que  quelques  années 
qu'ils  eussent  embrassé  ce  nouveau  genre  de 
vie  lorsque  saint  Bernard  alla  à  Milan.  Ainsi 
il  paraît  plus  vraisemblable  que  cet  ordre  n'a 
commencé  que  l'an  1117,  sous  l'empereur 
Henri  V,  qui,  après  avoir  soumis  par  la  force 

(1)  Vtfiy.,  à  la  lin  du  vol.,  n*  119. 


de  ses  armes  plusieurs  villes  de  Lombardie 
qui  ne  voulaient  pas  le  reconnaître  pour 
souverain  après  la  mort  de  la  comtesse  Ma- 
Ihilde,  dont  il  était  héritier,  aurait  pu  avoir 
envoyé  en  Allemagne,  ou  comme  prisonniers 
de  guerre,  ou  comme  rebelles,  des  gentils- 
hommes de  Lombardie,  qui,  enfin  lassés  de 
leur  captivité,  se  seraient  revêtus  d'habits  de 
pénitence  pour  implorer  la  miséricorde  de 
l'empereur  et  en  obtenir  la  permission  de  re- 
tourner en  leur  pays. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'ordre  des  Humiliés  doit 
être  regardé  en  trois  états  différents,  qui  ont 
élé  appelés  dans  cet  ordre  même,  premier, 
second  et  troisième  ordre.  Le  premier  est 
celui  des  Berrelins  de  la  Pénitence, qui  a  pris 
son  origine  en  Allemagne,  lorsque  ces  gen- 
tilshommes lombards,  qui  avaient  été  con- 
duits prisouniers  embrassèrent  sous  un  ha- 
bit de  couleur  de  cendre  une  vie  pénitente,  et 
formèrent  entre  eux  une  société  pour  prati- 
quer les  mêmes  exercices  de  piété,  d'orai- 
sons et  de  mortification,  et  rétablirent  à  leur 
retour  en  Italie  les  manufactures  de  laine, 
donnant  à  travailler  à  une  infinité  de  pau- 
vres artisans,  s'occupant  eux-mêmes  à  faire 
des  draps,  vivant  du  travail  de  leurs  mains, 
et  distribuant  aux  pauvres  ce  qui  leur  res- 
tait de  leur  gain,  après  en  avoir  pris  ce  qui 
était  nécessaire  pour  la  vie. 

Le  second  commença  lorsque,  l'an  1134, 
par  le  conseil  de  saint  Bernard  ,  ils  se  sépa- 
rèrent de  leurs  femmes  pour  vivre  dans  la 
continence,  prirent  des  habits  blancs  pour 
marquer  la  pureté  de  leur  âme,  s'engagèrent 
à  un  nouveau  genre  de  vie  et  jetèrent  les 
fondements  de  leur  premier  monastère  à  Mi- 
lan au  quartier  de  Brera.  Ils  ne  changèrent 
rien  à  la  forme  de  leur  habillement  :  il  con- 
sistait en  une  robe  el  un  manteau  tle  drap 
blanc,  avec  de  gros  bonnets  blancs  pour  cou- 
vrir leur  tète  au  lieu  de  ceux  de  drap  gris 
qu'ils  portaient  auparavant.  Ils  récitaient 
toutes  les  semaines  le  Psautier,  s'exerçaient 
à  beaucoup  d'autres  œuvres  pieuses,  et  tant  à 
cause  de  l'humilité  de  la  sainte  Vierge,  à 
laquelle  ils  avaient  beaucoup  de  dévotion  et 
qu'ils  prirent  pour  leur  prolectrice ,  qu'à 
cause  que  l'empereur,  lorsqu'ils  se  proster- 
nèrent à  ses  pieds,  leur  avait  dit  qu'ils 
étaient  enfin  humiliés,  ils  prirent  le  nom 
d'Humiliés  et  quittèrent  celui  de  Berrelin<. 

Enfin  le  troisième  ordre  ,  et  celui  qui  a 
subsisté  jusqu'à  leur  suppression,  commença 
lorsqu'ils  embrassèrent  la  règle  de  saint  lie- 
noît  el  qu'ils  apportèrent  encore  du  change- 
mentdans  leur  habillement:  car  ils  prirent  un 
scapulaire  auquel  était  attaché  un  petit  ca- 
puce,  et  portaient  par-dessus  le  manteau 
long,  ou  chape,  une  inosette  blanche  (2).  Ce 
fut  à  la  persuasion  de  saint  Jean  de  Meda 
qu'ils  suivirent  la  règle  de  saint  Benoît.  H 
était  de  la  famille  des  Oldrali  do  Milan,  qui, 
selon  Morigia,  a  donné  à  l'Eglise  deux  car- 
dinaux, quatre  archevêques  de  Milan,  deux 
évêques  de  Novare,  el  un  général  à  l'ordre  de 
Saint-Dominique.  Le  suruoin  de  Meda  lui  fut 

(2)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n°  1"20. 


4SI  IIUM 

donne,  parce  qu'il  naquit  dans  ce  lieu,  qni 
est  éloigné  de  dix  milles  de  la  ville  de  Corne 
en  Italie,  dont  même  il  était  seigneur  ;  mais 
il  renonça  à  toutes  les  richesses  de  la  terre, 
et  se  relira  dans  la  solitude  de  Hondenario, 
sur  la  rivière  de  Coscia,  à  quelque  dislance 
de  la  ville  de  Corne,  où  l'on  prétend  qu'étant 
un  jour  en  oraison,  la  sainie  Vierge  s'appa- 
rut à  lui,  et  que  lui  montrant  un  habit  blanc, 
elle  lui  ordonna  d'aller  se  joindre  aux  Hu- 
miliés à  Milan.  Il  fut  reçu  dans  le  couvent 
de  Brera,  et  comme  il  était  déjà  prêtre,  et  le 
seul  de  cet  ordre,  qui  n'était  pour  lors  com- 
posé que  de  frères  lais,  la  dignité  de  son 
caractère,  jointe  à  ses  grandes  vertus  et  à  la 
sainteté  de  sa  vie,  lui  attira  tellement  l'amour 
et  le  respect  de  tous  les  religieux,  qu'ils  se 
soumirent  à  sa  conduite. 

Ce  fut  pour  lors  qu'il  leur  fit  prendre  la 
règle  de  saint  Benoît,  avec  l'habillement 
dont  nous  avons  parlé.  Il  leur  dressa  un  bré- 
viaire particulier  sous  le  titre  d'office  des 
chanoines.  En  effet  ils  prirent  ce  nom,  et, 
dausla  règle  de  saint  Benoit  qu'ils  suivaient, 
et  qui  leur  était  adaptée,  les  noms  de  moines 
et  de  frères  sont  changés  en  celui  de  chanoi- 
nes. Il  les  obligea  aussi  à  dire  tous  les  jours 
l'office  de  la  Vierge  (ce  que  quelques  monas- 
tères de  religieuses  du  même  ordre  obser- 
vent encore  à  présent],  et  il  fit  prendre  les 
ordres  sacrés  à  ceux  qu'il  jugea  avoir  assez 
de  piété  et  de  science  pour  s'en  rendre  capa- 
bles. Pour  lui,  il  s'adonna  à  la  prédication, 
et  fit  tant  de  conversions,  qu'un  grand  nom- 
bre de  personnes,  autant  touchées  de  ses  pa- 
roles qu'édifiées  par  sa  conduite,  entrèrent 
dans  cet  ordre.  11  y  en  eut  plusieurs  qui  y 
douuèrent  leurs  biens  ,  ce  qui  donna  le 
moyen  à  saint  Jean  de  Meda  de  faire  plu- 
sieurs établissements  dans  la  Lombardie; 
de  sorte  qu'en  peu  de  temps  cet  ordre  fit 
beaucoup  de  progrès  sous  sa  conduite  :  ce 
qui  lui  a  acquis  le  titre  de  Propagateur  de 
l'ordre  des  Humiliés.  Il  acheta  Hondenario, 
qui  était  le  lieu  de  sa  première  retraite.  Il  y 
fit  bâtir  une  église,  qui  fut  déifiée  en  l'hon- 
neur de  la  sainte  Vierge  et  de  tous  les  saints, 
et  il  y  joignit  plusieurs  cellules.  Dieu  fil  pa- 
raître par  plusieurs  miracles  combien  les 
charités  que  ce  saint  faisait  aux  pauvres  lui 
étaient  agréables  :  car,  dans  une  cherté 
d'huile,  avant  ordonné  à  ses  religieux  de 
n'en  point  refuser  aux  pauvres  qui  en  de- 
manderaient, le  vaisseau  où  on  la  conservait 
se  trouva  toujours  plein,  nonobstant  la 
grande  distribution  que  l'on  en  faisait.  En- 
fin, après  avoir  gouverné  cet  ordre  pendant 
plusieurs  années,  il  mourut  le  26  septembre 
1159.  Les  miracles  qu'il  avait  faits  pendant 
sa  vie,  et  qui  continuèrent  après  sa  mort,  le 
firent  mettre  au  catalogue  des  saints  par  le 
pape  Alexandre  III.  On  voit  son  tombeau 
dans  l'église  de  Rondenario,où  il  fut  enterré. 
Cette  église  est  présentement  occupée  par  les 
clercs  réguliers  Somasques. 

Alexandre  III  avait  succédé  à  Adrien  IV, 
qui  était  mort  aussi  au  mois  de  septembre 
1159.  11  avait  été  élu  parla  plus  grande  par- 
tie des  cardinaux;  mais  les  autres  lui  don- 


11LM  482 

nèrent  un  compétiteur,  qui  fut  l'antipape 
Victor  IV,  que  l'empereur  Frédéric  Barbe- 
rousse  reconnut  comme  légitime,  ce  qui 
causa  un  schisme  dans  l'Eglise.  D'abord  les 
Milanais  et  le  reste  de  la  Lombardie  recon- 
nurent aussiVictor;  mais,  la  cause  d'Alexan- 
dre ayant  été  examinée  et  trouvée  bonne  par 
les  rois  de  France  et  d'Angleterre,  qui  le  pri- 
rent sous  leur  protection,  les  Milanais  se 
rangèrent  de  leur  côté,  et  chassèrent  les 
partisans  de  l'empereur  et  de  Victor  :  ce  qui 
obligea  Frédéric  de  venir  encore  assiéger 
celte  ville,  qu'il  avait  déjà  soumise  une  fois 
à  son  obéissance.  Ce  dernier  siège  fut  si  opi- 
niâtre, que  l'empereur  après  s'être  rendu 
maître  de  cette  ville  l'an  1162,  la  fit  entière- 
ment démolir,  hors  les  églises.  Il  la  fit  même 
labourer  avec  une  charrue,  y  fit  semer  du 
sel,  en  mémoire  de  sa  rébellion  ,  et  envoya 
prisonniers  en  Allemagne  ceux  qi  i  en 
avaient  été  les  principaux  auteurs.  Ces  pri- 
sonniers, qui  se  ressouvinrent  de  ce  qui 
était  autrefois  arrivé  aux  Humiliés  dans  une 
pareille  captivité,  fireut  vœu  d'entrer  parmi 
eux,  et  de  faire  bâtir  une  église  à  Milan,  s'ils 
pouvaient  obtenir  leur  liberté.  Ils  se  revêti- 
rent d'habits  blancs  comme  les  Humiliés,  et 
allèrent  se  prosterner  aux  pieds  de  l'empe- 
reur, dont  ils  implorèrent  la  miséricorde,  et 
lui  demandèrent  la  permission  de  retourner 
en  leur  pays  ;  ce  qu'il  leur  accorda.  A  leur 
retour,  ils  accomplirent  leur  vœu,  et  firent 
bâtir  une  église  magnifique  à  Milan,  au 
quartier  de  Brera,  qui  subsiste  encore  au- 
jourd'hui, et  qui  a  été  donnée  aux  Jésuites 
après  la  suppression  des  Humiliés. 

La  paiv  ayantété  rendue  à  l'Italie,  leur  or- 
dre se  multiplia  beaucoup.  Il  fut  approuvé 
l'an  120D  par  le  pape  Innocent  III,  et  con- 
firmé par  ses  successeurs,  Honorius  111,  l'an 
1226;  Grégoire  IX,  l'an  1227;  Nicolas  IV, 
l'an  1289,  et  par  plusieurs  autres  souverains 
pontifes,  qui  lui  accordèrent  beaucoup  de 
privilèges.  Le  supérieur  de  cet  ordre  ne  prit 
le  titre  de  général  que  l'an  12i6.  Le  premier 
fut  Bertrand  de  Brescia.  11  y  en  a  eu  trente- 
quatre  de  suiie  jusqu'en  l'an  1570,  que  l'or- 
dre fut  supprime  par  le  pape  Pie  V. 

Tandis  qu'il  se  conserva  dans  la  ferveur 
et  dans  l'esprit  de  son  fondateur,  et  que  la 
règle  de  saint  Benoit  y  fut  fidèlement  obser- 
vée, sa  réputation  se  répandit  de  toutes 
parts.  Il  en  sortit  un  grand  nombre  d'excel- 
lents religieux,  dont  quelques-uns  ont  mé- 
rité le  litre  de  saints  et  de  bienheureux,  et 
d'autres  ont  été  élevés  aux  premières  digni- 
tés de  l'Eglise  :  ses  biens  et  ses  revenus 
augmentèrent  de  jour  en  jour  par  la  pieté 
des  fidèles;  mais  le  temps  et  les  richesses  y 
produisirent  le  relâchement,  et  la  propriété 
s'y  éleva  sur  les  ruines  de  la  discipline  ré- 
gulière. Les  supérieurs,  qu'on  appelait  pré- 
vôts, se  rendirent  mailres  du  re- ;-nn  des 
monastères,  et  s'en  aitribuèren.  niia  la 
jouissance,  de  même  que  s'ils  en  avaient  été 
les  titulaires;  et  les  pre\ôls,  devenus  perpé- 
tuels, ne  donnaient  que  ce  qu'ils  voulaient 
à  leurs  religieux,  qui  avaient  à  peine  dequoi 
vivre.     Ils   résignèrent  ensuite    ces   places 


m 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


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comme  de  véritables  bénéfices  dont  ils  au- 
raient eu  le  pouvoir  de  dispos,  r;  ce  qui  était 
la  source  d'une  infinité  d'abus  :  car  on  rece- 
vait très-peu  de  religieux  dans  les  maisons 
de  l'ordre  ;  les  prévois,  par  avarice,  en  re- 
tranchaient le  nombre  aulant  qu'ils  pou- 
v . i i e : 1 1 ,  afin  d'avoirplusd'occasions  de  grossir 
leurs  revenus,  enlevant  ainsi  à  Die;  des  reve- 
nus que  leurs  fondateurs  avaient  consacrés  à 
l'entretien  du  temple  de  sa  majesté  divine  et  de 
ceux  qui  devaienly  chanter  ses  louanges  jour 
et  nuit.  Mais  c'est  ce  qui  ne  les  embarrassait 
guère  :  au  contraire  on  n'y  recevait  ordinaire- 
ment que  des  sujets  indignes  et  ignorants,  et 
pour  la  plupart  adonnés  à  toutes  sortes  de  vi- 
ces, afin  qu'ils  ne  fussent  pas  en  état  par  leur 
bonne  conduite  et  leur  capacité  de  dépossé- 
der ceux  qui  s'étaient  emparés  des  supério- 
rités, qui,  enrichis  de  tant  d'injustes  dépouil- 
les, menaient  une  vie  si  licencieuse,  qu'ils 
ne  refusaient  rien  à  leur  sensualité  :  ils  ne 
marchaient  qu'avec  de  grands  équipages  ; 
ils  allaient  à  la  chasse,  et  étaient  continuel- 
lement dans  les  jeux  et  dans  les  plaisirs,  se 
souciant  fort  peu  de  ce  qui  regardait  la  con- 
duite de  leurs  monastères,  où  les  religieux, à 
leur  exemple,  faisaient  honte  aux  séculiers 
les  plus  débauchés,  qu'ils  surpassaient  dans 
leurs  excès. 

Telélaitl'état  déplorable  de  cet  ordre,  lors- 
que saint  Cli  ries,  qui  en  était  protecteur, 
furma  le  dessein  d'y  faire  revivre  les  observan- 
ces régulières  qui  en  étaient  bannies.  Il  avait 
déjà  ébauché  cette  entreprise  par  un  com- 
missaire qui  y  fu!  envoyé  sous  le  pontificat 
de  Pie  IV,  avec  ordre  d'y  travailler,  -aussi 
bien  que  par  divers  règlements  qu'il  fit  faire 
dans  un  chapitre  général  qui  so  tint  à  Mi- 
lan ;  mais  le  peu  d'effet  qu'eurent  les  remon- 
trances du  commissaire  et  les  règlements  de 
ce  chapitre,  lui  ayant  fait  connaître  qu'il 
était  nécessaire  d'employer  l'autorité  du 
pape,  il  en  parla  à  Pie  V,  qui  ordonna  qu'à 
l'avenir  les  prévôts  ne  seraient  plus  perpé- 
tuels, mais  pour  un  temps,  et  qu'on  établi- 
rait un  noviciat  pour  y  élever  les  jeunes-gens 
dans  l'esprit  de  l'institut  et  la  véritable  ob- 
servance de  la  discipline  régulière.  Sa  Sain- 
teté accorda  pour  cet  effet  au  saint  cardinal 
deux  brefs  :  l'un  par  lequel  il  lui  donnait 
pouvoir  de  lever  la  dixième  partie  des  reve- 
nus de  toutes  les  prévôtés  pour  contribuer  à 
l'elablissemeut  et  à  l'entretien  du  noviciat, 
et  l'autre  par  lequel  il  le  déléguait  coin  me  com- 
missaire apuslolique,  pour  faire  tout  ce  qu'il 
jugerait  à  propos  pour  la  reforme  de  cri  or- 
dre. En  vertu  de  ces  brefs,  il  convoqua  le 
chapitre  général,  qui  se  tint  à  Crémone  l'an 
15D8,  où  il  ôta  aux  religieux  tout  ce.  qu'ils 
avaient  en  propre,  et  les  obligea  de  mettre 
en  coiumun  tous  les  biens  de  chaque  mona- 
stère, dans  lesquels  il  établit  pour  cela  un 
trésorier.  11  ordonna  qu'on  changerait  tous 
les  trois  ans  les  prévôts  dans  le  chapitre  gê- 
ner,.1,  ou  ils  seraient  élus  à  la  pluralité  des 
voix,  et  que  nul  d'eux  ne  pourrait  jamais 
porter  cette  qualité  en  titre  et  pour  tou- 
jours ;  et  eu  même  temps  il  fit  élire  le  géné- 


ral, qui  fu'  le  P.  Louis  de  la  Basilicate,  pré- 
vôt de  Sainte-Catherine  de  Crémone. 

La  plupart  des  religieux  particuliers  re- 
çurent avec  beaucoup  de  joie  les  ordonnan- 
ces de  saint  Charles,  et  témoignèrent  d'abord 
de  s'y  vouloir  soumet! re;  mais  les  prévôts  au 
contraire  ne  pensèrent  qu'à  s'opposer  à  leur 
exécution  et  à  se  maintenir  dans  la  supério- 
rité. Ils  lâchèrent  par  toutes  sortes  de  voies 
de  faire  condescendre  le  pape  à  les  appuyer 
dans  leurs  pi  éleiiiions  ,  mais  ce  fut  inutile- 
ment ;  car  ce  pontite  ayant  renvoyé  celle 
affaire  à  saint  Charles,  ce  cardinal  demeura 
ferme  dans  ce  qu'il  avait  ordonné,  et  voulut 
que  ses  ordonna  ices  fussent  ponctuellement 
exéc  lées. 

La  grande  autorité  de  se  saint,  jointe  à  sa 
fermeté  inébranlable,  leur  fit  tellement  per- 
dre l'espérance  de  réussir  dans  leur  entre- 
prise, qu'ils  ne  s'attendaient  à  rien  motos 
que  de  se  voir  obligés  à  embrasser  la  ref  r- 
me  :  ce  qui  leur  étant  la  chose  du  monde  la 
plus  sensible  et  la  plus  opposée  à  leurs  plai- 
sirs, les  mettait  dans  des  transports  exces- 
sifs de  colère  contre  le  saint  cardinal,  à  qui 
ils  souhaitaient  tous  les  maux  imaginables: 
mais  Irois  d'entre  eux,  qui  furent  les  prévôts 
de  Vcrceil,  de  Caravage  et  de  Vérone,  plus 
passionnés  que  les  aulres,  non  c  ntents  de 
lui  souhaiter  mille  morts,  convinrent  par 
une  entreprise  la  plus  impie  et  la  plu;  bar- 
bare qu'où  ait  jamais  pu  concevoir,  de  le 
faire  tuer.  Ils  communiquèrent  leur  dessein 
à  quelques  autres  compagnons  de  leurs  dé- 
règlements, qui  élaientdu  mèmeordie.  Ceux- 
ci  approuvèrent  cet  attentat  comme  le  moyen 
le  plus  sûr  et  le  plus  court  pour  s'exempter 
de  recevoir  la  réforme,  mais  principalement 
un  certain  Jérôme  Donat,  surnomme  Farina. 
Ce  malheureux,  tout  prêtre  qu'il  était,  s'y 
offrit  de  lui-même,  saus  qu'on  lui  en  parlât, 
pourvu  qu'on  voulût  lui  donner  quelque 
somme  d'argent  pour  récompense.  Les  pré- 
vôts étant  convenus  avec  lui  pour  quarante 
écus,  songèrent  où  ils  prendraient  cet  ar- 
gent ;  et  ne  trouvant  point  d'autres  moyens 
pour  en  avoir  sans  s'incommoder,  ou  plu- 
tôt sans  le  tirer  de  leurs  bourses,  ils  vendirent 
pour  cet  effet  l'argenterie  et  les  ornements 
de  l'église  de  Brera,  qui  était  la  principale 
maison  de  l'ordre  à  Milan.  Farina,  après 
avoir  dépensé  son  argent  dans  les  cabarets, 
voulant  exécuter  l'assassinat  dont  il  était 
convenu,  trouva  le  moyen  un  mercredi  26 
octobre  de  l'an  13(39,  de  s'introduire  secrète- 
ment dans  la  chapelle  du  saint  cardinal, 
et  lui  tira  un  coup  d'arquebuse  pendant 
qu'il  faisait  la  prière  du  soir  avec  ses  domes- 
tiques. Mais  que  peut  la  malice  des  hommes 
contre  la  puissance  de  Dieu?  Par  un  effet 
de  celle  protection  divine,  qui  veille  tou- 
joursà  la  conservation  de  ses  saints,  la  balle 
ayant  frappé  le  cardinal  à  l'épine  du  dos,  ne 
lii  que  noircir  son  rocket  et  tomba  à  ses 
pieds.  Il  n'y  eut  qu'un  carreau  qui  perça  ses 
habits  jusqu'à  la  chair  saus  faire  autre  chose 
qu'une  petite  tumeur. 

Quelques  diligences  que  les  officiers  de 
la  justice  lissent  pour  découvrir  les  auteurs 


485 


HUM 


HUM 


486 


de  cet  attentat,  elles  furent  inutiles;  mais  le 
pape,  peu  satisfait  qu'un  crime  de  celle  im- 
portance restât  impuni,  crut  ne  devoir  pis 
s'en  rapporter  entièrement  aux  poursuites 
que  la  justice  en  avait  faites,  et  qu'il  était 
do  son  devoird'employer  toule  l'autorité  que 
Dieu  lui  avait  confiée  pour  venger  l'injure 
faiie  au  sacerdoce  et  à  la  dignité  du  cardina- 
lat. C'est  pourquoi  il  envoya  exprès  à  Milan 
un  délégué  apostolique  pour  en  informer. 
Ce  fut  Antoine  Scarampa,  évèque  de  Lodi, 
qui  fut  chargé  de  cette  commission.  Sitôt 
qu'il  y  Tut  arrivé,  il  fit  publier  une  ordon- 
nance pariant  de  très-grandes  censures  con- 
tre ceux  qui  ,  ayant  eu  connaissance  de  l'at- 
tentat commis  contre  la  personne  de  saint 
Charles,  ne  viendraient  ;  as  le  révéler. 
Deux  prévôts  des  Humiliés,  dont  l'un  était 
complice  de  l'assassinat  et  l'autre  en  avait 
été  seulement  averti,  autant  pur  la  crainte 
des  censures  que  par  les  remords  de  le  r 
conscience  criminelle,  qui  leur  reprochait 
l'enormite  d'un  attentat  si  sacrilège,  vinrent 
trouver  le  délégué  apostolique, et  lui  eu  dé- 
couvrirent quelque  chose.  11  les  fil  arrêter  , 
et  dans  leurs  interrogatoires  ils  m'  pu  eut 
s'empêcher  d'avou  r  le  crime  détestable 
qu'ils  avaient  voulu  commettre.  Les  autres 
complices  furent  aussi  arrêtés,  et  Farina, 
auteur  de  l'assassinai,  fut  pris  dans  les  trou- 
pes du  duc  de  Savoie,  où  il  s'était  fait  soldat, 
le  pape  ayant  écrit  à  ce  prince  pour  le  faire 
saisir  sur  ses  terres.  Les  plus  COô-paWes  fu- 
rent exécutés  à  mort  le  28  Juillet  1570.  Il 
s'en  trouva  parmi  i  ux  qui  étaient  gen'.iis- 
hommes,  parmi  lesquels  étaient  les  prévôts 
de  Verceil  et  de  Caravage,  qui  eurent  la 
tête  tranchée,  et  les  autres  turent  pendus 
avec  Farina. 

Le  pape  voyant  h  dilficultéqu'il  y  avait  de 
réformer  l'ordre  des  Humiliés,  prit  la  réso- 
lution de  le  supprimer.  Cette  nouvelle  ayant 
été  portée  à  Milan,  ce  fut  une  affliction  très- 
grande  non-seulement  pour  !  s  religieux  de 
cet  ordre,  mais  encore  pour  les  habitants  de 
celle  ville.  Ils  s'adressèrent  à  saint  Charles 
pour  prendre  son  conseil,  et  savoir  de  lui 
par  quelle  voieon  pouvait  empêcher  ce  coup. 
Il  fut  d'avis  que  le  général  allât  à  Rome  se 
jeter  aux  pieds  du  :  ape  ;  qu'il  promît  à  Sa 
Sainteté  de  recevoir  telle  reforme  qu'elle 
voudrait  lui  presciire  ;  que  la  ville  de  Milan 
écrivît  au  pape  en  laveur  de  cet  ordre,  et 
qu'il  écrirait  aussi  de  son  côté,  pour  porter 
le  pape  à  accorder  la  grâce  qu'on  lui  deman- 
dait, et  l'assurer  qu'il  avait  conçu  de  gran- 
des espérances  que  ces  religieux  accepte- 
raient sans  aucune  difficulté  la  réforme, 
pour  vivre  à  l'avenir  avec  pius  de  régularité. 
Le  général,  selon  l'avis  du  saint  cardinal, 
alla  à  Rome  se  jeter  aux  pieds  du  pape,  et 
le  supplia  les  larmes  aux  veux  de  conserver 
son  ordre  ;  mais  ni  ses  prières  ni  les  sollici- 
tations de  saint  Charles  et  de  la  ville  de  Mi- 
lan ne  purent  fléchir  l'esprit  de  Pie  V,  tant 
il  avait  horreur  du  crime  qu'on  avait  com- 
»iis;  en  sorte  que  par  une  bulle  du  8  lévrier 
157i  ,  a  cet  ordre,  qui  était  com- 

jvosé  pour  lors  Je  quatre-vingt-quatorze  mo- 


nastères, dans  lesquels  il  n'y  avait  eu  tout 
que  cent  soixante  et  dix  religieux. 

Le  même  jour,  le  pape  par  une  autre  bulle 
réunit  ensemble  plusieurs  prévôtés,  et  en 
donna  quelques-unes  à  saint  Charles,  pour 
les  appliquer  à  tels  usages  pieux  qu'il  juge- 
rait a  propos.  lien  donna  d'autres  à  dille- 
renls  ordres,  comme  aux  Chartreux,  aux 
religieux  de  Saint-Frauçois  et  de  Saint-Do- 
minique, et  à  d'autres  communautés.  Quant 
au*  religieux  Humiliés,  il  voulut  qu'il  res- 
tât vingt-huit  prêtres  et  sept  frères  convers 
dans  la  prévôté  de  Brera  à  Milan,  seize  pré- 
Ires  et  quatre  convers  à  Sainte-Abonde  de 
Crémone  ;  huit  prêtres  et  quatre  convers 
dans  la  prévôté  de  Sainte-Catherine  de  la 
même  ville  ;  dans  la  prévôté  de  Vérone,  huit 
prêtres  et  deux  convers,  et  ainsi  de  quelques 
autres  prévotés,  où  il  les  distribua  pour  cé- 
lébrer l'office  divin,  voulant  qu'ils  vécussent 
en  commun  dans  les  prévôtés, où  ilsdemeure- 
raient  plusieurs  ensemble,  leur  ayant  assi- 
gné j  our  cet  effet  des  revenus  suffisants,  qui 
devaient  diminuer  à  mesure  que  quelques-uns 
d'eux  décéderaient. 

Le  P.  Torecchio  dit  que  ces  religieux 
étaient  les  receveurs  des  en'rées  et  des  péa- 
ges, qu'ils  étaient  commissaires  du  peuple, 
qu  ils  exerçaient  quelques  Offices  dans  la 
justice,  et  qu'à  cause  du  grand  crédit  qu'ils 
avaient,  ils  exerçaient  encore  l'office  de  la 
ttmévaria  dans  toute  la  Lonsbadie,  et  quo 
chaque  supérieur  des  monastères  de  cet 
ordre,  dans  les  villes  où  il  y  avait  un  maga- 
sin de  munitions, en  avait  une  clef.  Peut-être 
le:T  avait-on  accordé  quelquesdroiîs  sur  les 
marchandises,  à  cause  que  c'étaient  eux  qui, 
comme  nous  avons  dit,  avaient  non-seule- 
ment introduit  dans  la  Lombatdie  les  manu- 
factures de  laine  .  mais  aussi  les  fabriques 
d'étoffes  d'or  et  d'argent,  lorsqu'ils  n'avaient 
encore  que  le  nom  de  liemtins. 

Nous  avons  dit  ci-devant  quels  étaient 
leurs  habillements,  tant  dans  le  premier  et 
le  second  ordre  que  dans  le  troisième.  Celui 
du  premier,  dont  nous  avons  donné  ci-dessus 
la  représentation, se  trouve  encore  représenté 
dans  un  ancien  tableau  qui  se  conserve 
chez  les  religieuses  du  même  ordre  Je  ?ainle- 
Cathcrine  de  Brera  à  Milan,  où  l'on  voit 
quelles  étaient  aussi  les  armes  de  cet  ordre  , 
Sa»  'ir  :  un  agneau  couche  sur  une  terrasse 
avec  un  roUleao  de  pa,  ier  sortant  de  sa 
gueule,  sur  lequel  sont  écrits  ces  mots: 
Omnia  vincit  kitmilitas.  Siheslre  Maurolic 
a  pris  apparemment  cet  agneau  pour  un 
chien  ,  et  il  donne  pour  devise  à  cet  ordre, 
Tuta  fides  ;  mai?  nous  aimons  mieux  nous 
en  rapporter"  à  cet  ancien  tableau. 

L'habit  du  sec  nd  ordre  n'étant  différent 
de  celui  du  premier  que  dans  la  couleur, 
nous  n'en  donnons  point  d'estampe  ;  mais 
bien  de  celui  du  troisième  ,  que  nous  avons 
représente  conformément  à  des  mémoires 
qui  nous  sont  venus  d'Italie. 

Nous  ne  pouvons  rien  dire  de  la  vie  du 
bienheureux  Gui  ,  que  le  P.  Toreci  hio  re- 
connaît pour  fondateur  de  cet  ordre, etaprès 
lui  saint  Antoniti ,  Silyestre  Maurolic,  Ar- 


4S7 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


488 


nould  Wion  et  quelques  autres;  nous  avons 
reçu  à  la  vérité  de  Milan  un  extrait  d'un 
Abrégé  des  Vies  des  saints  de  l'ordre  des  Hu- 
miliés ,  que  Puricelli  a  composé,  et  qui  se 
trouve  dans  la  bibliothèque  Ambrosienne 
parmi  les  manuscrits  dont  nous  avons  parlé. 
Cet  extrait  contient  le  troisième  chapitre  de 
cet  Abrégé  des  Vies  des  saints  de  l'ordre, 
lequel  chapitre  ne  regarde  que  le  bienheu- 
reux Gui,  et  a  pour  titre  Capilulo  3°  del  B. 
Guidoda  Milano ,  fondaiore  dell'ordine  delti 
Humiliali  ;  mais  on  ne  trouve  rien  dans  ce 
chapitre  ni  de  sa  naissance,  ni  de  ses  ac- 
tions, ni  de  sa  mort  :  tout  ce  qui  y  est  con- 
tenu ne  tend  qu'à  faire  connaître  qu'il  a  été 
reconnu  pour  fondateur  de  cet  ordre,  et  cela 
fondé  sur  un  vieux  missel  du  même  ordre 
qui  lui  donne  ce  titre;  parce  que,  selon  Pu- 
ricelli, Gui  s'étant  acquis  beaucoup  de  cré- 
dit sur  l'esprit  de  ces  gentilshommes  lom- 
bards que  l'empereur  Conrad  III  envoya 
prisonniers  en  Allemagne  ,  il  leur  persuada 
de  renoncer  au  monde  et  de  mener  une  vie 
pénitente.  A  la  marge  de  ce  chapitre  il  y  a 
une  petite  apostille  par  laquelle  l'auteur  dit 
qu'il  s'est  trompé,  et  que  ce  qui  a  fait  don- 
ner le  litre  de  fondateur  au  bienheureux  Gui, 
c'est  que,  l'an  1134-,  il  reçut  de  saint  Bernard 
quelques  règles  pour  cet  ordre,  et  qu'il  les 
Dt  confirmer  par  le  pape  Innocent  III  l'an 
1199.  Voici  ses  paroles  :  M'ingannavo,  queslo 
B.  Gutdo  neW  anno  1134-  ricevelte  da  S.  Ber- 
nardo  Alcune  Begole  per  D.  Ordine  le  quali 
fece  confermare  du  Innocenzo  PP.  111  neW 
anno  1199,  et  percio  ne  fa  addimentato  fon- 
daiore. 

Pour  moi  ,  je  crois  que  Puricelli  s'est 
trompé  et  dans  le  corps  du  chapitre  et  dans 
l'apostille  ;  car  l'empereur  Conrad  doul  il 
parle  ne  doit  pas  être  le  troisième  du  nom, 
qui  ne  parvint  à  l'empire  que  l'an  1139, 
quatre  ou  cinq  ans  après  que  suint  Bernard 
fut  retourné  en  France,  et  qui  d'ailleurs 
n'eut  point  de  guerres  à  soutenir  en  Lom- 
bardie  pendant  son  règne.  Il  est  plus  pro- 
bable qu'il  veut  parler  de  Conrad  11,  puisque 
ce  prince  fut  en  Italie  en  1027  pour  réduire 
les  Lombards  ,  qui  s'étaient  révoltés  contre 
lui;  mais  il  n'y  a  pas  moins  de  difficulté  à 
accorder  cela  avec  l'arrivée  de  saint  Bernard 
eu  Italie.  Car,  si  Conrad  III  ne  régna  qu'a- 
près que  saint  Bernard  fut  retourné  en  Fran- 
ce, et  qu'il  eut  par  conséquent  donné  ces 
règlements  à  Gui,  qui  était  déjà  revenu 
d'Allemagne  en  Lombardie,  Conrad  II  ré- 
gna si  longtemps  avant  l'arrivée  de  saint 
Bernard  à  JMilau,  qu'il  serait  impossible  que 
Gui  eût  reçu  de  lui  ces  mêmes  règlements 
eu  1134  ,  et  qu'il  les  eût  lait  approuver  par 
Innocent  III  en  1199  ,  comme  le  dit  cet  au- 
teur, à  moins  qu'il  ne  donne  172  ans  de  vie 
à  ce  fondateur  :  ainsi  il  est  plus  probable, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit  ci-dessus  ,  que 
cet  établissement  est  arrivé  sous  l'empereur 
Henri  V,  puisque  pour  lurs,  s'il  est  difficile 
d'accorder  que  Gui  ait  fait  approuver  ces 
règlements  en  1199,  au  moins  cela  n'est  pas 
impossible.  Outre  qu'il  sera  très-facile  de 
coucevoir  que  saint  Deruard  lui  a  pu  donner 


ces  mêmes  règlements  en  1134,  d'autant 
plus  que  cet  empereur  vivait  en  ce  temps-là 
et  avait  eu  guerre  avec  les  Lombards 

S.  Antonin,  part,  n  Hist.,  tit.  15,  cap.  23. 
Sihestre  Maurolic,  Mar.  Océan,  di  tutt.  li 
Relig.  Philippe  Bonanni,  Calalog  Ord.  relig., 
p.  i.  Herman,  Hist.  des  Ord.  reliij.,  loin.  IL 
Gio  Bapt.  Jussiuno,  Vit.  di.  S.  Carolo  Bor- 
rumeo,  155,  lib.  n,  cap,  14;  et  Mémoires  en- 
voyés de  Milan  en  1709  et  1710. 

§  IL  Des  religieuses  de  Vordre  des  Hu- 
miliés. 

Les  religieuses  de  l'ordre  des  Humiliés  ne 
furent  point  comprises  dans  la  suppression 
des  religieux  de  cet  ordre,  et  il  en  reste  en- 
core à  présent  treize  ou  quatorze  monastè- 
res en  Italie.  Nous  avons  dit  dans  le  para- 
graphe précédent  que  ces  gentilshommes  de 
Lombardie  qui  avaient  été  menés  prisonniers 
en  Allemagne,  élant  de  retour  en  leur  pays, 
s'étaient  occupés  à  divers  exercices  de  pié- 
té, vivant  du  travail  de  leurs  mains;  qu'ils 
avaient  formé  entre  eux  une  société  sous  le 
nom  des  Berretins  de  la  Pénitence,  que  leurs 
femmes  avaient  embrassé  le  même  genre 
de  vie;  et  enfin  que  saint  Bernard  ,  étant  à 
Milan  l'an  1134  ,  leur  avait  prescrit  des  rè- 
glements, et  leur  avait  conseillé  de  se  sépa- 
rer de  leurs  femmes  et  de  vivre  dans  la  con- 
tinence. Il  y  en  eut  plusieurs  qui  consenti- 
rent à  cette  séparation  avec  l'agrément  de 
leurs  femmes,  qui  se  retirèrent  à  Milan  dans 
une  maison  appelée  les  Prisons, au  quarlier 
de  Brera  ,  et  y  jetèrent  les  fondements  du 
monastère  qui  subsiste  aujourd'hui  sous  le 
titre  de  Sainte-Catherine  de  Brera;  et,  com- 
me les  premières  fondatrices  de  ce  mona- 
stère étaient  de  la  famille  des  Blassoni  ,  on 
appela  d'abord  ces  religieuses  les  religieuses 
de  Blassoni. 

Comme  la  plupart  de  ces  nouvelles  ser- 
vantes de  Jésus-Christ  étaient  des  plus  dis- 
tinguées de  la  ville,  il  y  eut  un  grand  nom- 
bre de  demoiselles  qui,  renonçant  à  la  vanité 
et  aux  faux  plaisirs  du  monde ,  suivirent 
leur  exemple  ;  mais  cette  maison  ne  se  trou- 
vant pas  assez  grande  pour  y  recevoir  tou- 
tes celles  qui  se  présentaient  pour  embrasser 
ce  nouvel  institut,  elles  achetèrent  une  autre 
maison  dans  le  quartier  appelé  Borgo  Novo, 
et  donnèrent  encore  le  nom  de  Sainte-Ca- 
therine à  ce  nouveau  monastère.  Elles  quit- 
tèrent néanmoins  quelque  temps  après  ce 
nom,  parce  qu'ayant  fondé  à  côté  de  ce  cou- 
vent un  hôpital  pour  les  pauvres  teigneux, 
afin  d'avoir  lieu  d'exercer  la  charité  et  de 
pratiquer  l'humilité,  on  les  appela  les  reli- 
gieuses de  1'Hôpilal  de  l'Observance.  Mais 
présentement  ce  monastère  n'est  connu  que 
sous  le  nom  de  Saint-Erasme,  qui  en  est  ti- 
tulaire; et  il  n'y  a  que  la  rue  qui  est  à  côté 
du  monastère  qui  a  retenu  le  nom  de  Tegno- 
si,  à  cause  de  cet  ancien  hôpital. 

Plusieurs  villes  d'Italie  leur  offrirent  des 
établissements,  qu'elles  acceptèrent  :  ce  qui 
fit  que  le  nombre  de  leurs  monastères  deviut 
très  considérable;  mais  présentement  il  n'eu 
reste  plus  que  treize  ou  quatorze,  qui  sou' 


*89  HLM 

ceux  de  Sainte-Catherine  de  Brera,  de  Saint- 
Erasme  de  Borgo  Novo  et  de  Sainte-Made- 
leine al  Cerchio,  à  Milan;  de  Sainl-lîenoit  a 
Lodi  ,  de  Sainte-Ursule  à  Côme,  de  Sainte- 
Agathe  à  Novarre,  de  Sainte-Marthe  de  Mon- 
te^Ugo  à  Florence  ,  de  Sainte-Agathe  à  \  er- 
ceil,  de  Sainte-Marguerite,  et  de  Sainte-Ma- 
deleine à  Mouza,  diocèse  de  Milan;  de  Saint- 
Martin  à  Varèse,  an  même  diocèse;  de  Saint<- 
Calherine  à  Granedona  ,  au  diocèse  de  Cô- 
me; de  Sainle-Marie-Madeleine  à  Lugano, 
ville  appartenant  aux  Suisses  et  aussi  du 
diocèse  de  Côme;  et  de  Sainte-Cécile  à  Ho- 
me. Mais  quoique  les  religieuses  de  ce  der- 
nier monastère  soient  de  l'ordre  des  Humi- 
liées, comme  elles  le  reconnaissent  par  les 
mémoiresqu'elles m'ont  envoyés,  elles  n  ont 
pas  néanmoins  tontes  les  observances  des 
autres  Humiliées.  Ce  monastère  appartenait 
autrefois  aux  religieux  de  cet  ordre  ,  qui 
l'abandonnèrent  ,  et  le  pipe  Clément  Ml  y 
mit,  l'an  1527,  quelques  Biles  dévotes,  aux- 
quelles il  donna  la  règle  de  saint  Benoit  et 
1  habit  des  Humiliés.  Maure  Magalotu  ,  qui 
était  religieuse  de  l'ordre  de  Saint-Benoit 
au  couvent  de  Campo-Marzo  ,  en  fut  tirée 
pour  gouverner  celte  communauté  et  for- 
mer ces  filles  à  la  vie  religieuse  :  et  il  pa- 
rait par  l'inscription  qui  est  au-dessus  de 
leur  porte  ,  et  que  nous  rapporterons  ici, 
qu'elles  étaient  véritablement  de  l'ordre  des 
Humiliés,  comme  elles  le  prétendent  encore. 
Maura  Magalotta  abbalissa  a  Clémente  sep- 
timo  et  Franciotta  cardinali  Ursino  prœposi- 
to  hue  accita,  œdem  hanc  ,  divœ  Cœciltœ  sa- 
cram.  quam  monachi  Humiliât  or  um  Sancti 
Benedicli  anlea  obtmtbant ,  in  prœscntis  mo- 
na.-terii  ejusdem  ordinis  monialium  formata 
redegit,  eamque  pêne  collabcntem  restituit  , 
adjectis  insuper  hortis,  quorum  ctiam  ut  ho- 
nestior  usus  esset,  clauitrali  eos  muro  cinxit, 
anno  a  partu  Virg.  MDXXXX. 

Il  semble  cependant  que  celles  de  Milan 
ne  veulent  pas  les  reconnaître  pour  leurs 
sœurs  :  car,  par  les  mémoires  que  j'ai  reçus 
de  l'abbesse  de  Saint-Erasme  de  la  même 
ville,  et  qui  sont  écrits  de  sa  main,  elle 
avoue  que  le  monastère  de  Sainte-Cécile  de 
Rome  était  aussi  de  religieuses  de  son  ordre, 
mais  que  depuis  quelques  années,  à  la  solli- 
citation de  quelques  personnes,  elles  ont 
abandonné  l'ordre  des  Humiliés  pour  se  faire 
Bénédictines.  Il  est  pourtant  certain  que  les 
religieuses  de  Sainte-Cécile  de  Rime  portent 
encore  l'habit  des  Humiliées,  et  qu'elles  se 
reconnaissent  toujours  pour  religieuses  de 
cet  ordre.  Une  différence  qu'il  y  a  entre  les 
observances  de  celles  de  Rome  et  celles  des 
autres  Humiliées,  c'est  que  celles  de  Borne 
ne  mangent  de  la  viande  que  trois  fois  la  se- 
maine, et  que  les  autres  en  mangent  quatre 
fois,  en  quoi  celles  de  Rome  paraissent  plus 
austères.  Tous  les  monastères  de  cet  ordre, 
à  la  réserve  de  celui  de  Rome,  étaient  sou- 
mis à  la  juridiction  des  religieux  Humiliés, 
qui  avaient  soin  aussi  de  leurs  affaires  tem- 
porelles :  c  ■  qui  causa  la  ruine  de  quelques- 
uns  de  ces  monastères,  qui,  dans  la  suppres- 
sion qui  fut  faite  de  l'ordre  des  Humiliés 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  Il 


HLM 


490 


(ayant  perdu  tous  leurs  titres,  qui  étaient 
en'tie  les  mains  de  ces  religieux1,  lurent  ré- 
duits dans  une  si  grande  pauvreté,  que,  se 
trouvant  hors  d'étal  de  fournir  a  la  subsis- 
tance des  religieuses  ,  elles  se  trouvèrent 
obligées  de  se  procurer  des  pensions,  dont 
elles  ont  toujours  joui  en  particulier  jusqu'à 
présent,  et  sur  lesquelles  elles  donnent  une 
certaine  somme  à  leur  monastère.  Mais  d'ail- 
leurs, quoique  la  vie  commune  n'y  soit  pas 
observée,  les  religieuses  ne  laissent  pas  d'y 
vivre  avec  beaucoup  d'édilicaiion. 

Elles  se  lèvent  la  nuit  pour  dire  matines. 
Laudes  et  primes,   qu'elles  disent   le   matin, 
sont    suivies    d'une    demi-heure    d'oraison 
meniale;  elles  en  font  encore  une  autre  de- 
mi-heure après  compiles.  Quatre  fois  la  se- 
maine, il   leur  est  permis  de  manger  de  la 
viande;   mais  l'abstinence  du   mercredi  est 
inviolable.  Elles  jeûnent  tous  les  vendredis 
de  l'année,  toutes  les  veilles  des  fêtes  de  la 
Vierge, de  plusieurs  saints, et  encore  l'avent, 
outre  les  jeûnes  ordonnés  par  l'Eglise,  aux- 
quels elles  ne  mangent  aucun  laitage.  Elles 
prennent   la  discipline  trois  fois  la  semaine 
en  carême.  Elles  ont  beaucoup  de  dévotion 
à  la  sainte  Vierge,  leur  protectrice,  et  il  y  a 
quelques  monastères  où  les  religieuses  di- 
sent tous  les  jours  son  office,  le  chapelet  et 
ses  litanies.  Quelques-unes  ont  retenu  l'an- 
cien bréviaire  de  l'ordre,  comme  dans  les 
deux   monastères    de    Sainte-Catherine    de 
Brera  et  de  Sainte-Madeleine  al  Cerchio  à 
Milan;  les  autres  l'ont  quitte  pour  prendre 
le  bi év  iaire  romain,  mais  apparemment  avec 
répugnance,  car  il  y  a   eu   plusieurs  écrits 
qui  ont  été  faits  à  ce  sujet;  et  de  ces  recueils 
de  manuscrits  concernant  l'ordre  des  Humi- 
liés, qui   se   trouvent  dans   la   bibliothèque 
Ambrosienne,  dont  nous  avons  parlé  dans  le 
paragraphe  précédent,  il  y  en  a  deux  qui  ne 
regardent   presque  que  ce    bréviaire,  dont 
l'un  a 'pour  litre  :  Jocmnis  Pétri  Puricelli 
Mediolani  eollegiatœ  S.  Thomas  theologi  doc- 
toris,  responsio  ad  Italieum  quoddam  scri- 
ptum  sub  hoc  titulo,  nuper  editum,  Ragioni 
per  le   quali  le  monache  dtW  Online  de  gli 
Humiliati    lasciato    l'antico    breviario    deW 
anno  loi8,  devono  pigliare  d  liomano;  et  au 
commencement  de  l'autre  l'on  trouve  écrit 
de  la  main  de  feu  M.  Bosca.  bibliothécaire  : 
In  hoc  libro  continentur  :  Joannis  Pétri  Pu- 
ricelli Laurentianœ  Mediolmi  basilicœ  archi- 
presbiteri  argumenta  quœ   cogunt   moniales 
ordinis  thimiliatorum  psallere  more  liomano. 
Il  y  a  encore  dans  un  autre  recueil  une  con- 
sultation du  même  Puricelli  au  sujet  de  ce 
bréviaire,  qui    est  sons  ce   titre   :  Consulta 
del  Puricelli  per  le  monache  intorno  ail'  uf/i- 
cio  ,  avec  un  traité   particulier  de   l'office 
divin. 

L'habillement  de  ces  religieuses  consiste 
en  une  robe  et  un  scapulaire  de  drap  blanc; 
et,  pour  conserver  quelque  chose  de  l'ancien 
habillement,  elles  portent  par-dessous  une 
petite  tunique  de  couleur  de  cendre.  Il  y  a 
même  un  des  trois  monastères  de  Milan  où 
elles  mettent,  l'hiver,  par-dessus  l'habit  blanc 
une  tunique  de  couleur  cendrée.  Leurs  voi- 

10 


m 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


492 


les  sont  blancs  dans  la  plupart  des  monastè- 
res, et  ils  doivent  l'être,  selon  l'esprit  de 
l'ordre;  mais  dans  quelques  monastères, 
comme  dans  ceux  de  Rome  et  de  Verceil,  ils 
sont  noirs.  On  leur  en  donne  pour  la  profes- 
sion un  de  soie,  qu'elles  portent  aussi  à  la 
communion  et  d;ins  les  grandes  cérémonies. 
Leurs  pantoufles  sont  blanches  aussi,  et  elles 
ne  portent  point  de  manteau;  il  n'y  a  que  le 
seul  monastère  de  Sainte-Marlhe,  à  Florence, 
où  les  religieuses  en  portent.  Les  sœurs  con- 
verses ont  retenu  le  nom  de  Berretines,  et 
elles  sont  encore  habillées  de  couleur  cen- 
drée, ayant,  comme  les  religieuses,  une  tu- 
nique, un  scapulaire  et  un  voile  de  toile 
blanche  (1).  Elles  disent  pour  leur  office  cer- 
tain nombre  de  Pater  et  d'Ave-. 

Il  y  a  encore  dans  le  Milanais  d'autres  re- 
ligieuses du  même  ordre  qui  observent  la 
même  règle;  mais  leur  habillement,  leurs 
constitutions  et  leurs  pratiques  sont  diffé- 
rents, principalement  dans  le  bourg  de  Va- 


rèse,  situé  sur  les  confins  de  l'Etat  de  Milan, 
où  il  se  trouve  un  monastère  fort  ancien 
appelé  Saint-Martin,  parce  que  apparem- 
ment l'église  est  consacrée  à  l'honneur  de  ce 
saint.  Leur  habillement  consiste  en  une 
robe,  une  ceinture  et  un  scapulaire  fort  lar- 
ge, qui  tombe  depuis  les  épaules  presque 
jusqu'au  bord  de  la  robe.  Elles  ont  deux 
voiles  pour  couvrir  leur  tête.  Tout  cet  habil- 
lement est  blanc,  aussi  bien  que  les  deux 
voiles.  Nous  en  donnons  ici  un  dessin  (2)  tel 
que  nous  l'avons  trouvé  dans  le  P.  Bonannij 
Jésuite.  Ce  monastère  de  Saint-Martin  a  été 
soumis  au  général  de  l'ordre;  mais  dans  la 
suite  les  religieuses  en  furent  soustraites,  et 
se  gouvernèrent  par  elles-mêmes. 

Mémoires  envoyés  de  Milan  par  Vabhesst 
du  monastère  de  Saint-Erasme  en  1709,  et 
par  d'autres  personnes  en  1710,  tant  de  Rome 
que  de  Milan.  Phil.  lîonanni ,  Calai,  de  yli 
Ordini  religiosi,  parte  a. 


INDIENS.  Voy.  Carmes  de  l'Etroite  Ob- 
servance. 
INFIRMIERS  MINIMES.  Voy.  Obregons. 

IRLANDE  (Anciens  ordres  d')  utils  à  celui 
des  Chanoines  Réguliers. 

La  vie  monastique  est  aussi  ancienne  en 
Irlande  que  la  religion  chrétienne,  puisque 
ceux  qui  ont  travaillé  à  y  planter  la  foi 
étaient  engagés  dans  la  vie  monastique,  et 
qu'ils  bâtirent  un  grand  nombre  de  monas- 
tères qui  furent  remplis  d'un  si  grand  nom- 
bre de  religieux  qui  se  sont  rendus  recom- 
mandâmes par  la  sainteté  de  leur  vie,  que 
l'on  a  donné  par  excellence  à  l'Irlande  le 
nom  d'Ile  des  Saints.  Les  Chanoines  Régu- 
liers prétendent  avoir  fourni  les  premiers 
Pères  de  la  vie  monastique;  mais  c'est  sans 
aucun  fondement  qu'ils  oi.t  mis  au  nombre 
des  saints  de  leur  ordre  saint  Patrice,  patron 
et  apôtre  de  l'Irlande,  puisque  ce  sainl  avait 
appris  les  observances  régulières  dans  les 
monastères  de  Marmoutier  et  de  Lérins 
avant  que  de  passer  eu  Irlande,  et  que  ces 
monastères  n'ont  jamais  appartenu  aux 
Chanoines  Réguliers,  qu'on  ne  connaissait 
pas  même  du  temps  de  saint  Patrice.  11  en 
est  de  même  des  autres  fondateurs  de  la  vie 
monastique  en  celte  île, dont  il  y  a  quelques- 
uns  que  les  Bénédictins  réclament  ;  mais  ils 
n'ont  jamais  été  ni  Bénédictins  ni  Chanoines 
Réguliers;  et,  si  nous  en  parlons  ici,  ce 
n'est  qu'à  cause  que  ces  ordres  différents 
d'Irlande,  au  moins  la  plus  grande  partie, 
ont  été  confondus  dans  la  suite  dans  celui 
des  Chanoines  Réguliers,  et  que  ces  anoiens 
inouaslères>au  temps  du  malheureux  schisme 
dont  nous  avons  parlé  à  l'article  Angle- 
terre, ét.-'^nt  |  )ssédés  par  des  Chanoines 
Réguliers. 


TJssérius,  archevêque  d'Armach,  dans  son 
Histoire  de  l'Antiquité  des  Eglises  de  la 
Grande-Bretagne,  fait  mention  d'un  ancien 
manuscrit  où  l'on  voit  que  les  anciens  saints 
d'Irlande  étaient  partagés  dès  le  commence- 
ment en  trois  ordres  réguliers;  que  le  pre- 
mier était  appelé  très-saint  et  était  du  temps 
de  saint  Patrice,  qui  en  était  reconnu  emme 
chef;  que  cet  ordre  était  composé  de  trois 
cent  cinquante  évêques  de  différentes  na- 
tions, tous  saints,  qui  n'avaient  tous  qu'une 
même  tonsure  et  une  même  liturgie;  qu'ils 
convenaient  dans  le  temps  de  la  célébration 
delà  pâque;  qu'il  parlaient  aux  femmes, et 
que  cet  ordre  dura  sous  le  règne  de  quatre 
rois  d'Irlande. 

Le  second  ordre  n'était  pas  si  saint  que 
le  premier.  Les  moines  qui  en  dépen- 
daient étaient  presque  tous  prêtres,  au 
i  ombre  d'environ  trois  cents.  11  y  avait  peu 
d'évêques  dans  cet  ordre,  où  il  y  ai  ail  dif- 
férentes liturgies;  ainsi  ils  célébraient  la 
messe  et  l'olfice  divin  différemment  les  uns 
des  autres;  c'est-à-dire  (selon  le  sentiment 
de  M.  Allenian)  qu  ils  suivaient  diffère  nies 
règles  ou  qu'ils  formaient  plusieurs  congré- 
gations. Il  les  compare  aux  différentes  con- 
grégations de  l'ordre  de  Saint-Augustin  ou 
de  Saint-Benoît,  qui,  par  la  diversité  de 
leurs  habits  ei  la  différence  de  leurs  maniè- 
res de  vivre,  semblent  être  des  ordres  sépa- 
res, quoiqu'il  soit  vrai  de  dire  qu'ils  sont  de 
l'ordre  de  Saint-Benoît  ou  de  Sainl-Au- 
guslin. 

Ce  second  ordre  avail  cela  de  commun 
qu'il  célébrait  la  pâque  comme  le  premier. 
1!  y  avait  une  même  tonsure,  on  n'j  parlait 
jamais  aux  femmes,  et  il  dura  encore  pen- 
dant quatre  règnes. 

Enfin  le  troisième  ordre  était  saint  aussi, 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  121, 


(2)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n"  122. 


493 


iRL 


IRL 


■404 


mais  il  l'était  moins  que  les  deux  autres.  Il 
comprenait  encore  plusieurs  sainls  moines, 
au  nombre  de  cenl,  qui  étaient  presque  tous 
pi  èlres,  dont  il  y  en  avait  aussi  quelques-uns 
d'évéqnes.  Leurs  couvents  étaient  bâtis  dans 
des  bois  et  dans  des  déserts.  Ils  ne  buvaient 
que  de  l'eau  cl  ne  mangaienl  que  des  herba- 
ges qu'ils  cultivaient  eux-mêmes.  Ils  sui- 
vaient encore  des  règles  différentes  qui 
avaient  chacune  leur  liturgie  et  leur  ton- 
sure; caries  uns  avaient  des  couronnes,  et 
les  autres  laissaient  croître  leurs  cheveux. 
Ils  différaient  encore  dans  la  pàque;  car  les 
uns  la  célébraient  le  quatorzième  jour  de  la 
lune,  les  autres  le  treizième,  et  les  autres 
le  seizième.  Les  uns  la  célébraient  en  tris- 
tesse et  les  autres  en  joie.  Cet  ordre  dura  en- 
core sous  le  règne  de  quatre  rois. 

La  différence  qu'il  y  avait  donc  entre  ces 
trois  ordres  est  ainsi  rapportée  par  Ussérius  : 
Primus  ordo  erat  sanctissitnus  ,  secundus 
sanctior,  tertius  sanctus  :  primus  sicut  sol 
oriens ,  secundus  sicut  luna,  tertius  siciit 
stellœ;  et  le  temps  de  ces  douze  règnes  a  été 
depuis  433  jusqu'en  06i. 

Les  sainls  dont  nous  allons  parler  sont 
reconnus  pour  les  fondateurs  de  ces  ordres 
particuliers,  qui  avaient  des  règles,  et  nous 
.suivrons  le  rang  que  M.  Alternas  leur  a 
donné,  à  l'exception  de  saint  Patrice,  qui 
doit  passer  le  premier  pour  avoir  été  l'apô- 
tre d'Irlande,  n'étant  pas  certain  que  saint 
Ailbe,  saint  Moctée,  saint  Kieran  et  quel- 
ques autres  y  aient  prêché  l'Evangile  avant 
lui,  comme  onl  prétendu  quelques  histo- 
riens irlandais. 

Tous  les  auteurs  ne  reconnaissent  pas 
saint  Patrice  pour  être  le  fondateur  d'un  or- 
dre particulier,  quoiqu'il  le  soit  de  plusieurs 
monastères;  mais  ce  qui  a  fait  peut-être  que 
quelques-uns  lui  ont  donné  cette  qualité, 
c'est  à  cause  de  ce  manuscrit  rapporté  par 
Ussérius,  où  il  est  qualifie  chef  de  cet  or  re 
très-sainl  dont  nous  avons  parlé.  M.  Alle- 
man  prétend  qu'il  est  l'instituteur  d'un  or- 
dre particulier  dont  la  principale  abbaye 
était  à  Sabal.  Ml  Bnlteau  semble  être  aussi 
de  cet  avis,  lorsqu'il  dit  qu'outre  Sabal,  il 
fonda  plusieurs  autres  monastères  et  y  éta- 
blit une  sainle  observance;  que  les  novices 
faisaient  leurs  vœux  à  l'âge  de  vingt  ans; 
qu'il  introduisit  parmi  eux  la  tonsure  ro- 
maine en  forme  de  cercle;  qu'il  portait  un 
scapulaire  blanc,  et  qu'à  son  imitation  les 
autres  religieux  irlandais  se  revêtaient  de 
robe  de  laine  de  couleur  naturelle  et  sans 
teinture,  et  qu'enfin  il  mourut  dans  son  ino- 
naslère  de  Sabal  vers  l'an  460. 

L'ordre  de  Saint-Colomb,  que  Bède  appelle 
aus-i  Colouiban,  était  un  des  plus  étendus, 
car  il  avait  plus  de  cent  abbayes  ou  monas- 
tères qui  m  ùépandaient  dans  toutes  les  lies 
Britanniques.  La  principale  maison  ou  chef 
de  l'ordre  était,  selon  quelques-uns,  à  Dair- 
mag;  selon  d'autres,  à  Derry,  aujourd'hui 
Londondéry;  et,  selon  la  plus  commune  opi- 
nion, dans  l'île  de  Hu,  Hi,  ou  de  Jona,  qui 
depuis  a  été  appelée  du  nom  de  ce  saint 
Ycolrnkil,  et  est  située  au  nord  de  l'Irlande. 


et  peu  distante  d'Ecosse.  Ce  saint,  ayant  été 
prêcher  la  foi  aux  Pietés,  en  convertit  un 
grand  nombre  et  bâtit  des  églises.  Il  fut  eu 
si  grande  vénération  comme  apôtre  de  ce 
pays,  que,  du  temps  de.  Bède,  c'e^t-à-dire 
vers  l'an  731,  par  une  discipline  tout  extra- 
ordinaire, tous  les  évêques  de  la  province 
des  Pietés  étaient  sous  la  juridiction  et  la 
dépendance  du  prêlre  qui  était  abbé  du  mo- 
nastère d'Ycolmkil,  à  cause  que  saint  Co- 
lomb, apôtre  de  la  nation,  avait  été  seule- 
ment prêtre  et  religieux.  Sa  mort  arriva 
vers  l'an  598.  Il  se  trouve  une  règle  en  vers 
hibernois  qu'il  avait  dictée,  et  qui  fut  en 
usage  non-seulement  dans  l'île  de  Hi,  mais 
dans  les  autres  monastères  d'Ecosse  qu'il 
fonda  ou  qui  furent  bâtis  par  ses  disciples. 
Saint  Colomb  portait  une  tunique  blanche 
et  uni1  tonsure  l'aile  en  demi-cercle.  Cet  ordre 
était  compris  dans  celui  qu'on  appelait  Sanc- 
tior,  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus;  mais 
le  nombre  des  moines  de  Saint-Colomb  de- 
vait excéder  celui  du  second  ordre  en  géné- 
ral, puisqu'il  est  marqué  dans  ce  manuscrit 
que  le  nombre  des  moines  de  ce  second  or« 
dre  n'était  que  de  trois  cents,  presque  tous 
prêtres.  Il  y  avait  plus  de  cent  monastères 
de  celui  de  Sainl-Colomb,  et  nous  verrons 
dans  la  suite  plus  de  trois  mille  moines  sous 
la  conduite  de  saini  Congall.  C'est  une  diffi- 
culté qu'Ussérius,  Colgan  et  les  autres  his- 
toriens d'Irlande  n'ont  point  expliquée  lors- 
qu'ils en  ont  parlé.  L'on  pourrait  dire  que 
ce  manuscril  n'a  seulement  entendu  parler, 
par  ce  nombre  de  trois  cents,  que  des  abbés 
ou  supérieurs  des  monastères  qui  compo- 
saient ce  second  ordre,  qu'il  appelle  Sanc- 
tior. 

Après  l'ordre  particulier  de  Saint-Colomb 
suit  celui  de  Saint- Al  bée  ou  Ailbe,  au  moins 
selon  le  rang  que  lui  donnent  Ussérius  et 
M.  Alleman,  lorsqu'ils  ont  parlé  de  ces  or- 
dres, quoique  saint  Albée  soit  compris  dans 
le  premier  ring  des  sainls  d'Irlande,  c'est- 
à-dire  dans  le  premier  ordre  appelé  Sanclis- 
simus;  aussi  bien  que  saint  Declan,  saint 
Moctée  et  saint  Kieran,  dont  nous  parlerons 
ci-après.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'ordre  de  Saint- 
Albêe,  quoique  des  plus  anciens,  était  le 
moins  étendu.  Sa  principale  abbaye  était 
celle  d'Emely  dans  le  comté  de  Triperari 
en  Momonie,  et  celle  abbaye  a  été  depuis 
érigée  en  évèché  qui  est  uni  à  l'archevêché 
de  Casshel.  Ussérius  fait  mention  d'une  rè- 
gle en  vers  irlandais  qu'il  composa  pour  ses 
disciples. 

Saint  Declan  ,  selon  Golgan  ,  avait  aussi 
fondé  un  ordre  particulier  dont  la  principale 
abbaye  était  à  Ardimore,  sur  les  côtes  de 
Momonie,  et  il  était  peu  étendu. 

L'ordre  de  Saint-Congall  était  plus  consi- 
dérable. Ce  saint  menait  une  vie  si  austère 
avec  ses  disciples,  qu'il  y  en  eut  sept  qui 
moururent  de  faim  et  de  froid.  Ou  lui  con- 
seilla de  modérer  cette  austérité;  il  suivit 
cet  avis,  permettant  à  ses  disciples  de  vivro 
comme  le  commun  des  religieux;  mais  pour  lai 
il  ne  diminua  rien  de  sa  pénitence.  Il  bâtit' 
le  célèbre   monastère  de    Benchor  daus  le 


495 


comté  de  Doune,  et  on  dit  qu'il  eut  sous  sa 
conduite  jusqu'à  trois  mille  religieux.  11 
mourut  dans  cette  abbaye  l'an  601.  Il  com- 
posa aussi  une  règle  pour  ses  disciples,  qui 
se  trouve  en  vers  hibernois. 

Saint  Mochude,  qui  a  été  appelé  Cartage, 
excella  en  sainteté  et  bâtit  le  monastère  de 
Rathen  dans  la  Médie  occidentale  ou  West- 
meaih,  où  il  eut  plus  de  huit  cents  religieux 
qui  vivaient  fort  auslèrement.  Il  fonda  aussi 
l'église  de  Lismor  en  Monionie,  dont  il  fut 
le  premier  évéque.  Sa  règle  se  trouve  encore 


écrite  en  très-ancien  langage  hibernois, 
Une  des  pratiques  de  ses  religieux  était 
que  ceux  qui  avaient  été  envoyés  hors  le 
monastère  allaient  à  leur  retour  se  mettre 
à  genoux  devant  l'abbé,  et  lui  marquaient 
qu'ils  avaient  tâché  d'exécuter  ses  ordres. 

Saint  Luan,  ou,  comme  quelques  autres 
l'appellent,  saint  Molua,  avait  été  disciple 
de  saint  Congall.  Il  était  si  exact  à  obser- 
ver les  devoirs  de  l'obéissance,  qu'elle  fut 
souvent  honorée  de  plusieurs  miracles  pour 
relever  le  mérite  de  ce  saint  religieux;  car 
pour  exécuter  plus  promptement  les  ordres 
de  saint  Congall,  il  mania  un  fer  ardent 
sans  se  brûler,  et  s'étanl  prosterné  le  long 
de  la  mer,  parce  qu'on  1  avait  repris  d'une 
faute,  l'eau,  montant  dans  le  temps  du  re- 
flux, n'inonda  point  la  place  où  il  était.  11 
fonda  un  grand  nombre  de  monastères,  et 
même  jusqu'à  cent,  selon  le  témoignage  des 
Irlandais  rapporté  par  saint  Bernard  (Vil. 
S-  Mulach.  cap.  6).  Le  principal  fut  celui  de 
Cltiainferl  dans  la  Lagenie,  ou,  selon  d'au- 
tres, Clonfestdans  le  comté  de  Galway  en 
Connacie,  qui  est  aujourd'hui  un  évêché. 
On  dit  que  l'abbé  Dagan,  allant  à  Rome, 
préseuta  à  saint  Grégoire  la  règle  qu'il  avait 
donnée  à  ses  disciples,  et  que  ce  saint  pape, 
rayantlue,ditenpiésencedetontlemondeque 
lesaint  abbéqui  l'avait  composéeavait  envi- 
ronné sa  communauté  d'une  haie  qui  s'éle- 
vait jusqu'au  ciel.  Il  ne  laissait  point  entrer 
de  femmes  dans  son  monastère  ;  et,  se  voyant 
près  ne  mourir,  il  exhorta  ses  disciples  à  la 
persévérance  dans  le  service  de  Dieu,  leur 
recommandant  entre  autres  choses  la  stabi- 
lité et  le  silence;  et,  après  avoir  reçu  la 
sainte  communion  des  mains  de  saint  Cro- 
nan,  qui  l'était  venu  voir,  il  mourut  proche 
de  la  cellule  de  saint  Stellan,  son  d.sciplc, 
l'an  62-2. 

L'oid  redeSai  n  l-Moclée  n'était  pas  des  moins 
considérables,  au  rapport  de  Colgan.Ce  saint 
fonda  plusieurs  abbayes,  dont  la  principale 
était  celle  de  ternes,  où  il  résidait,  et  dont 
il  fut  ensuite  évéque,  lorsque  Férues  fut 
érigée  en  évêché. 

Saint  Finian  ou  Finnen  naquit  dans  la  La- 
génie et  fut  baptisé  par  saint  Alban.  Etant 
en  âge  d'étudier,  il  se  retira  auprès  de  saint 
Forcliène,  abbé  de  Roscur,  qui  lui  apprit 
les  devoirs  de  l'état  religieux.  A  l'âge  de 
trente  ans,  il  passa  en  France  et  alla  à  Tours 
pour  y  continuer  sr-,  études.  Liant  de  retour 
en   Irlande,   il   enseigna    les  lettres   saintes 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  496 

dans  une  des  maisons  dont  il  fut  le  fonda- 
teur, et  ensuite  dans  l'abbaye  de  Clonard, 
qui  est  reconnue  pour  avoir  été  le  chef  de 
cet  oidre.  Il  eut  plusieurs  disciples  qui  fu- 
rent depuis  illustres  par  leurs  vertus  et  par 
leurs  emplois.  Sa  nourriture  ordinaire  n'é- 
tait que  du  pain,  des  légumes  et  de  l'eau. 
Aux  jours  de  fêles,  il  mangeait  un  peu  de 
poisson  et  buvait  du  petit  lait  ou  de  la  bière. 
La  terre  lui  servait  de  lit,  et  une  pierre  de 
chevet.  EnGn  une  maladie  contagieuse  qui 
affligea  le  pays  l'an  548  l'emporta  avec  plu- 


sieurs autres,   et  le  Gt  passer  dans  la  gloire 
des  bienheureux. 

Saint  Kiaran  ou  Keran  avait  eu  pour  maî- 
tre dans  l'élude  des  lettres  saint  Finiau. 
Ussérius  dit  que  son  ordre  reçut  l'approba- 
lion  des  papes.  Les  deux  principales  mai- 
sous  de  cet  ordre  étaient  Seir-Keiran  en  Est- 
mealh  ou  Médie  orientale,  et  CluanMicnois, 
Clunes  ou  Kiloom  eu  Westmeath  ou  Médie 
occidentale,  qui  a  été  érigé  en  évêché  et  est 
présentement  uni  à  celui  de  Médie.  Colgan 
dit  que  cette  abbaye  fol  comblée  de  bienfaits 
par  les  princes  d'Irlande,  et  qu'elle  eut 
quantité  d'autres  églises  ou  prieurés  sous  sa 
dépendance.  Ce  saint  mourut  l'an  549,  étant 
âge  seulement  de  trente-trois  ans.  11  est  dif- 
férent d'un  autre  saint  Keirau,  évéque  de  Sa- 
gir,  qui  mourut  vers  l'an  520. 

Enfin  l'ordre  de  Sainl-Brendan  avait  pour 
sa  principale  maison  l'abbaye  de  Port-Pur 
dans  la  ville  de  Clonferl,  au  comté  de  Gal- 
way en  Connacie,  qui  depuis  a  été  érigée  en 
cathédrale.  On  dit  qu'un  ange  iui  dicta  la 
règle  qu'il  prescrivit  à  ses  disciples  el  qu'il 
en  eut  deux  ou  trois  mille  sous  sa  conduite. 
Il  mourut  fort  âgé,  selon  quelques-uns  vers 
l'an  577;  d'autres  mettent  sa  mort  dix  ans 
après. 

Les  historiens  irlandais  mettent  encore 
l'ordre  ds  Saint-Colomban  et  celui  de  Sainte- 
Birgitte;  mais,  comme  le  premier  regarde 
l'ordre  de  Saint-Benoit,  dans  lequel  il  a  été 
incorporé,  nous  n'eu  dirons  rien  ici, en  ayant 
parlé  à  l'article  Colomban,  outre  qu'il  n'a 
point  fondé  de  maison-  en  Irlande.  L\>rdro 
de  Sainte-Birgilte  a  eu  aussi  son  article  spé- 
cial. 

Voyez  Ussérius,  de  Antiquil.  EccUs.  Bri- 
tanicar.  Colgan,  Vit.  SS.  Hibernur.  Bulleau, 
Hist.  de  l'ordre  de  Suint-Benoît.  Alleman, 
Hist.  monastique  d' Irlande;  et  Joau.  Mabill. 
Annal.  Ord.  S.  Bened.  tom.  I. 

ISAIE  (Des  Règles  de  saint),  de  saint  Ma- 
CAinE  et  de  quelques  autres  Pères  de  la  vie 
monastique  en  Orient. 

Après  avoir  parlé  des  ordres  de  Saint-An- 
toine et  de  Saint-Basile,  et  avant  que  de  dé- 
crire l'origine  el  le  progrès  de  celui  deSaint- 
Pa chôme,  nous  dirons  un  mol  de  quelques 
autres  Pères  de  la  vie  monastique  d'Orient, 
dont  quelques-uns  ont  été  disciples  de  saint 
Antoine  et  de  saint  l'achome,  et  dont  les  rè- 
gles ont  été  recueilles  par  saint  Benoit  d'A- 
niane  (11.  Il  s'en  trouve  une  sous  le  nom  de 


(1)  Cad.    Regnl.  ;  et  Guhean,   Hist.  Monasl.  d'Orient. 


497 


ISA 


ISA 


49S 


l'abbé  Isaïe  qui  est  propre  pour  les  Ermites, 
principalement  pour  les  novices,  mais  on  ne 
tait  quel  était  son  monastère;  l'on  conjec- 
ture que  cet  abbé  pourrait  bien  avoir  vécu 
daus  l'Egypte  ou  la  Thébaïde.  Il  y  en  a  en- 
core une  dans  le  Code  des  Règles  composée 
par  deux  saints  Macaire,  par  saint  Sérapion, 
par  saint  Paphnuce  et  par  trente-quatre  au- 
tres abbés.  Cet  abbé  Sérapion  est  Sérapion 
de  Nitrie,  ou  Sérapion  d'Arsinoé.  Saint 
Paphnuce  était  celui  qui  gouvernait  un  mo- 
nastère situé  près  d'Héraclée ,  ville  de  la 
basse  Thébaïde,  ou  plutôt  Paphnuce  Bubale, 
prêtre  du  désert  de  Scétis.  Les  deux  Macaire 
sont  sans  doute  lus  disciples  de  saint  An- 
toine, et  l'Ancien  ou  l'Egyptien,  el  sont  dif- 
férents d'un  autre  Macaire  l 'Alexandrin  ou 
le  Jeune,  dont  on  voit  aussi  une  règle.  Celui- 
ci  était  d'Alexandrie,  lequel,  ayant  quitté 
l'emploi  qu'il  exerçait,  embrassa  la  vie  reli- 
gieuse, el  fut  un  prodige  de  mortification  et 
d'abstinence.  Pour  repousser  les  attaques  de 
la  volupté,  il  s'exposa  nu  dans  un  lieu  plein 
de  mouches,  et  y  demeura  pendant  six  mois, 
de  sorte  qu'il  eu  sortit  tout  défiguré  comme 
un  lépreux.  11  alla  une  fois  à  Tabenue  vêtu 
comme  un  artisan  ;  et,  sans  se  faire  connaî- 
tre, il  fut  admis  dans  la  communauté.  Mais 
ensuite  saint  Pachome  le  reconnut  par  ré- 
vélation, et  fut  surpris  de  la  rigueur  de  sa 
pénitence;  car  il  se  tint  debout  pendant  le 
carême,  mangea  seulement,  ou  plutôt  il  fit 
semblant  de  manger  un  peu  de  légumes 
chaque  dimanche.  Il  retourna  en  Egypte  et 
continua  d'y  servir  Dieu.  11  avait  diverses 
cellules  et  demeurait  tantôt  dans  le  désert  d  ■ 
Nitrie,  tantôt  dans  celui  de  Scétis  et  encore 
ailleurs.  EnGn  sa  mort  arriva  vers  le  com- 
mencement du  V  siècle,  et  l'on  prétend  qu'il 
avait  sous  sa  conduite  cinq  mille  moines. 
Quelques-uns  croient  que  la  règle  qui  est 
sous  son  nom  n'a  point  été  écrite  ni  dictée 
par  lui ,  mais  que  c'est  seulement  un  recueil 
de  ses  maximes  et  de  l'observance  régulière 
qui  se  pratiquait  dans  ses  monastères,  et 
que  l'auteur  de  cette  règle  n'a  vécu  qu'après 
saint  Jérôme.  Ou  attribue  encore  une  règle 
mouasliqueà  saint  Posthume, abbé  dePisper, 
qui  succéda  à  saint  Macaire  daus  le  gouver- 
nement des  moines  dont  saint  Antoine  lui 
avait  laisse  la  conduite;  et  le  diacre  Vigile 
fil  une  collection  des  maximes  et  des  coutu- 
mes des  anciens  moines  sous  le  nom  de  Règle 
Orientale. 

il  y  a  eu  sans  doute  d'autres  règles  dont 
on  n'a  point  de  connaissance;  car  eu  Orient 
aussi  bien  qu'en  Occident,  il  y  avait  presque 
amant  de  règles  que  de  monastères,  selon  ce 
que  dit  Cassien  [lib.  n  Institut.,  c.  2j.  La  plu- 
pari  eu  avaient  d'écrites,  quelques-uns  obser- 
vaieui  seulement  ce  qu'ils  avaient  appris  de 
leurs  anciens  el  qu'une  suite  de  temps  sans 
interruption  y  avait  fait  recevoir  comme  loi; 
d'autres  n'avaient  pour  règles  que  la  volon- 
té de  leurs  supérieurs  (1).  Comme  toutes 
ces  règles,  soit  écrites  ou  verbales,  tendaient 
toutes  à  une  même  fiu,  qui  était  de  ne  songer 


uniquement  qu'à  Dieu  et  de  ne  s  occuper 
qu'aux  choses  spirituelles  en  se  débarrassant 
de  loul  ce  qui  pouvait  y  apporter  quelque  ob- 
stacle, c'est  ce  qui  faisait  que  chaque  mo- 
nastère n'était  pas  si  attaché  à  une  règle, 
qu'il  n'en  observât  encore  quelques  atitres, 
selon  que  l'abbé  le  jugeait  à  propos  :  de  sorte 
que  dans  un  même  monastère  l'on  observait 
plusieurs  règles  écrites,  auxquelles  on  re- 
tranchait ou  l'on  ajoutait  ce  qui  semblait 
plus  convenable  à  ce  monastère,  eu  égard 
au  lieu  où  il  était  situé  et  au  temps  auquel  , 
on  introduisait  celle  règle.  Cependant,  parmi  h 
une  si  grande  diversité  de  règles,  il  y  avait 
une  si  grande  union  entre  les  moines,  qu'ils 
semblaient  ne  former  qu'une  même  congré- 
gation par  rapport  aux  observances  et  aux 
vêlements,  qui  étaient  uniformes;  c'est  pour- 
quoi on  passait  aisément  d'un  monastère 
en  un  autre,  non-seulement  des  Lalins  aux 
Latins,  des  Grecs  aux  Grecs,  mais  encore 
des  Latins  aux  Grecs,  et  des  Grecs  aux 
Latins. 

De  ces  règles  orientales  dont  nous  avons 
parlé  ci-dessus,  celle  de  saint  Macaire  fut 
introduite  dans  le  monastère  de  Lérins  en 
Provence,  et  daus  celui  de  lléomay  ou 
Monstier-Saint-Jean  en  Bourgogne,  aussi 
bien  que  dans  celui  de  Saint-Seine.  Le  mo- 
nastère de  Sainl-Mémin,  proche  d'Orléans, 
reçut  celle  de  saint  Antoine,  ou  du  moins 
celle  qui  se  trouve  sous  son  nom,  qui  fut 
observée  aussi  avec  celle  de  saint  Pachome 
et  celle  de  saint  Benoit,  dans  un  monastère 
de  filles  fondé  sous  le  titre  de  Sainte-Colombe 
et  de  Sainte-Agathe  (Ibid.,  lib.xm,  et  wup- 
pendice),  comme  il  paraît  par  les  lettres 
apostoliques  du  pape  Jean  IV,  qui  confirment 
celle  foudation  à  la  recommandation  de  Clo- 
vis  11,  roi  de  France.  Celle  du  diacre  Vigile 
sous  le  titre  de  Règle  Orientale (Cod.  Regnl.), 
fut  reçue  dans  quelques  monastères  du  dio- 
cèse de  Trêves.  Enôn  celle  de  saint  Basile 
dont  nous  avons  parlé  à  l'article  de  ce  nom, 
fut  reçue  dans  presque  tous  les  monastères 
d'Italie,  après  qu'elle  eut  été  traduite  en  la- 
lin  par  Rufin  (Annal.  Benedict.  lib.  î  et  vi). 
Elle  fut  aussi  introduite  en  France  dans  quel- 
ques monastères,  entre  les  autres  dans  l'ab- 
baye bâtie  par  saint  Yrier,  proche  de  Limo- 
ges, qu'on  appelle  présentement  de  son  nom 
Saiut-Yrier-la-Perche.  Ce  saint  y  fit  obser- 
ver cette  règle,  conjointement  avec  les  Insti- 
tutions de  Cassien  et  les  règles  de  tous  les 
abbés  qui  avaient  été  les  fondateurs  de  lu 
vie  monastique,  selon  le  témoignage  de  Gré- 
goire de  Tours  [lib.  x,  c.  29). 

L'on  doit  mettre  au  nombre  des  régies 
d'Orient  les  Institutions  de  Cassien,  puisqu'il 
ne  les  rédigea  par  écril  qu'à  la  prière  de 
Castor,  évéque  d'Apt,  qui  avait  fondé  un 
monastère  dans  le  diocèse  de  Nîmes,  dans 
lequel  il  souhaitait  faire  observer  les  mêmes 
manières  de  vivre  que  celles  que  Cassien 
avait  vu  pratiquer  aux  moines  d'Orient,  et 
qu'il  avait  établies  dans  les  deux  maisons 
qu'il  avait  fondées  à  Marseille.  Ce  ne  fut  pas 


(l)Joanu.  Mmill.,  Annal.  Uenedicf.,  tom.l.Ub,  I. 


490 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


MX) 


seulement  en  France  que  ces  Institutions  , 
auxquelles  plusieurs  écrivains  ont  donné  le 
nom  tle  règle,  lurent  observées,  mais  elles 
le  furent  encore  en  plusieurs  monastères 
d'Espagne  (1),  où,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre  d'Arlanee,  il  se  trouve  un  manuscrit 
sous  le  titre  de  Iiegulœ  Patrum,  qui  renferme 
les  règles  de  saint  Macaire,  de  saint  Pachome, 
de  saint  Basile,  de  saint  Cassien,  de  saint 
Benoît, de  saint  Isidore  et  desainl  Fructueux, 
qui  se  trouvent  encore  avec  celle  de  saint 
Posthume  dans  un  autre  manuscrit  sous  le 
même  lilre  de  R<anlœ  Patrum,  dans  le  mo- 
nastère de  Saint-Pierre  de  Cardagne  au  dio- 
cèse de  Burgos.  D'où  l'on  doit  conclure  qu'a- 
vant que  la  règle  de  saint  Benoît  lût  reçue 
eu  Espagne,  on  y  observait  les  règles  de  saint 
Basile  ou  de  Cassien,  et  peut-être  les  deux 
ensemble. 

A  la  vérité  les  écrits  de  Cassien,  et  surtout 
ses  Conférences,  qui  contiennent  les  maxi- 
mes et  les  instructions  qu'il  avait  apprises 
de  la  bouche  di'S  plus  célèbres  d'entre  les 
Pères  ou  abbés  des  déserts  d'Egypte,  ne  fu- 
rent pas  exempts  d'erreurs.  Il  y  avait  quel- 
ques sentiments  qui  ne  s'accordaient  pas  avec 
la  foi  touchant  le  libre  arbitre  et  la  grâce. 
Saint  Prospcr  écrivit  contre  lui,  et  ne  laisse 
pas  de  reconnaître  sa  sainteté,  quoiqu'il  com- 
batte ses  erreurs,  qu'il  ne  défendit  pas  avec 
opiniâtreté.  Victor,  évéque  de  Martyrit  en 
Afrique,  et  quelques  autres,  ont  purgé  ces 
ouvrages  de  Cassien  deserreurs  qu'il  y  avait; 
c'est  pourquoi  le  célèbre  Cassiodre ,  ayant 
bâli  le  monastère  de  Vivieïs  dans  la  Calabre, 


près  deSqnilare,  ordonna  à  ses  religieux  de 
garder  la  règle  des  Pères  et  de  s'appliquer 
avec  grand  soin  à  la  lecture  des  irailés  de 
Cassien  pour  l'instruction  des  moines;  mais 
il  les  avertit  de  les  lire  avec  précaution  et 
d'y  joindre  les  corrections  qu'y  avait  faites 
Victor,  évéque  de  Martyrit. 

C'est  dans  la  règle  de  Cassien  ou  ses  Insti- 
tutions monastiques  qu'on  apprend  quel 
él;.il  l'habillement  des  anciens  moines  d'O- 
rient. Ils  avaient  de  petites  tuniques  de  lin 
dont  les  manches  ne  venaient  que  jusqu'aux 
coudes.  Ils  portaient  un  capuchon  ou  froc 
qui  leur  descendait  de  la  tète  sur  le  haut  des 
épaules.  Ils  avaient  deux  bandes  de  laine 
qui,  descendant  du  haut  des  épaules,  se  sé- 
paraient el  venaient  se  joindre  sur  l'estomac 
en  serrant  l'habit  et  le  pressant  sur  le  corps, 
fffin  qu'ils  eussent  les  bras  libres  pour  s'a- 
donner plus  facilement  à  toute  sorte  de  tra- 
vail. Leur  manteau  était  d'une  matière  fort 
grossière  qui  leur  couvrait  le  cou  et  les 
épaules.  Ils  portaient  une  robe  de  peau  de 
chèvre  ou  de  brebis  et  marchaient  toujours 
nu-pieds  ;  maisdans  le  besoin  ilsse  servaient 
de  sandales,  qu'ils  quittaient  lorsqu'ils  s'ap- 
prochaient des  S.  S.  mystères  (-2).  La  célèbre 
abbaye  de  Saint-Victor  à  Marseille  nous 
donnera  encore  occasion  de  parler  deCassien 
à  l'article  Victor. 

ISIDORE  (Saint-).  Voy.  Césaire  (Saint-). 

ISTRIE  (Congrégation  du  Tiers-Ordrk 
de  Saint-François  en).  Voy.  Sicile  (Congré- 
gation de). 


JACOBINS.  Voy.  Dominicains. 

JACOBITES  (Moines). 

Les  Jacobites,  que  l'on  devrait  plutôt  ap- 
peler Monophysites,  puisque  ce  nom  convient 
particulièrement  à  ceux  qui  croient  qu'il  n'y 
a  qu'une  nature  en  Jésus-Christ,  font  pro- 
fession de  suivre  la  doctrine  de  Dioscore, 
patriarche  d'Alexandrie,  de  Sévère  d'Antio- 
che,  et  de  Jacques  surnommé  Zanzale  (3).  Ils 
disent  anathème  à  saint  Léon  et  au  concile 
de  Chalcédoine,  el  ne  reconnaissent  qu'une 
nature  en  Jésus-Christ ,  comme  une  seule 
personne  et  une  seule  volonté.  Ils  ont  pris 
leur  nom  de  ce  Jacques  dont  nous  venons  de 
parler,  parce  qu'il  a  le  plus  contribué  à 
maintenir  celte  hérésie  et  à  l'étendre  en 
Orient.  Le  surnom  de  Zanzale,  ou  de  Bardai, 
selon  les  Arabes,  et  que  les  Grecs  expriment 
par  celui  de  Daradat ,  lui  fui  donné  à  cause 
qu'il  n'était  ordinairement  habillé  que  de 
haillons  ou  de  pi  ces  de  ces  grosses  étoffes 
dont  on  couvre  les  chameaux.  11  fut  secrè- 
tement ordonné  archevêque  par  les  évéques 
de  sa  secte,  qui  étaient  en  prison  en  exécu- 
tion des  édils  des  empereurs  contre  les  hé- 
rétiques; ci,  après  avoir  reçu  d'eux  une  en- 
tière autorité,  il  alla  dans  toute  la  Syrie,  la 

(1)  Rufy.ffîs/.  de  Marseille.  Joatui.  Mabillon..  An- 
tifli,Beneà.kt.l  lib.  in. 


Mésopotamie  et  d'autres  provinces.  Partout  où 
il  ne  trouvait  point  d'évéque,  il  en  ordonnait 
ainsi  que  des  préires  et  des  diacres,  et  il  en  or- 
donna un  si  grand  nombre  ,  que  le  nom  de 
Jacobites  demeura  à  ceux  de  sa  communion, 
qui  l'onl  toujours  en  en  si  grande  vénération, 
qu'ils  l'ont  même  inséré  dans  leur  calendrier. 
Mais,  comme  il  y  a  quelques  auteurs  qui 
disent  qu'il  était  disciple  et  conlemporain  de 
Sévère,  patriarche  d'Anlioche,  qui  vivait  à 
la  On  du  ve  siècle,  et  qui  soutenait,  à  ce  qu'ils 
prétendent  ,  les  erreurs  d'Eulychès  et  de 
l)ioscore,  le  P.  Du  Solier,  de  la  compagnie  do 
Jésus,  dans  son  Traité  historique  des  Pa- 
triarches d'Alexandrie ,  prétend  que  ce  ne 
fut  que  dans  le  vu*  siècle  que  ce  Jacques 
Zanzale  employa  tous  ses  soins  a  rassembler 
et  à  réunir  les  restes  dispersés  des  sectateurs 
d'Eulychès  et  de  Dioscore,  divisés  en  plu- 
sieurs branches  connues  sous  les  noms  de 
Sévériens  ,  de  Théodosiens  ,  de  Gaïnaites  et 
de  Julianisles,  et  fort  affaiblis  par  les  persé- 
cutions qu'avaient  excitées  contre  eux  les 
Melchites  ou  orthodoxes  ,  sous  l'empire  de 
Justinien,  de  Justin  dit  le  Jeune,  de  Tibère 
et  de  Maurice,  et  que  des  débris  de  ces  héré- 
tiques il  forma  un  nouveau  parti  sous  son 
nom.  11  avoue  que  ce  Jacques  Zanzale  peu! 

(2)  Voi) ,  à  la  fin  du  vol.,  ir  I2ô. 

(5)  Rcuaudoi,  l'erpéluité  de  la  foi,  t.  IV,  HV.  i,  c.  7. 


501 


JAC 


JAC 


C«2 


être  appelé  disciple  de  Sévère ,  patriarche 
d'Antioche  ,  qui  certainement  viviit  à  la  fin 
du  V  siècle,  niais  seulement  en  ce  sens,  qu'il 
étaii  un  des  plus  zélés  défenseurs  des  dogmes 
soutenus  parce  patriarche,  et  qu'il  ne  s'en- 
suit nullement  de  là  qu'ils  aienl  été  con tem- 
po rai  >  s. 

Comme  il  y  en  a  qui  prétendent  encore 
que  Sévère  et  Jacques  Zanzale  eommerieè- 
renl  à  brouiller  en  Oiient  sous  l'empire 
d'Anaslase,  et  que  ce  sentiment  es!  appuyé 
sur  l'aulor  lé  d'Anaslase  le  Sinaïle,  qui,  dans 
le  livre  intitulé  Le  Guide  ou  te  Conducteur, 
en  spécifiant  les  divers  sectateur-  d'Eulychès 
et  de  Dioscore  ,  n'oublie  pas  Jacques  et  ses 
Jacobites ,  le  P.  Du  Solicr  répond  que  c'est 
à  tort  qu'on  a  fixé  l'époque,  de  ce  livre  à 
l'année  550,  auquel  temps  viva:t  à  la  vérité 
un  Anaslase,  patriarche  d'Antioche  ;  mais 
qu'il  y  a  eu  trois  Anaslase  qu'on  a  conl'on- 
dus  ensemble  pour  n'en  faire  qu'un  seul  ; 
qu'il  y  en  a  eu  deux  patriarches  d'Antioche, 
et  que  le  dernier  et  le  plus  jeune  des  trois 
était  moine  du  mont  Sinaï  et  auteur  de  ce 
livre,  où  il  raconte  des  faits  arrivés  depuis 
l'an  60fc  et  vers  l'an  630,  après  les  commen- 
cements du  mahométisme  ;  d'où  le  P.  Du  Sorier 
conclut  que  ce  moine,  n'ayant  parlé  de  Jac- 
ques et  des  Jacobites  que  dans  un  livre  éent 
vers  le  milieu  du  vu*  siècle,  on  ne  peut  pas 
tirer  de  là  un  avantage  pour  prouver  que  les 
Jacobites  aient  été  avant  le  vu"  siècle. 

Quoique  le  P.  Du  Solier  prétende  que  Jac- 
ques Zanzale  ait  rassemblé  les  restes  disper- 
sés des  sectateurs  d'Eutychès  et  de  Dioscore, 
divises  en  plusieurs  branches  connues  sous 
les  noms  de  Sévériens,  de  Tbéodosiens  ,  de 
Gaïnailes  et  de  Julianisles,  ce  sentiment  n'est 
pas  approuvé  par  M.  l'abbé  Kenaudot,  puisque, 
selon  cet  illustre  écrivain,  les  Jacobites  di- 
sent aualhème  à  Eutychès;  qu'ils  regardent 
comme  hérétiques  les  disciples  de  Julien 
d'Halicarnasso,  qui  disait  que  le  corps  dans 
lequel  Jésus-Christ  avait  pris  chair  était  in- 
corruptible; et  que  clans  leurs  prières,  ils 
louent  Sévère  d'Antioche  d'avoir  détruit  les 
imaginations  de  Julien. 

La  principale  erreur  des  Jacobites  est 
donc  de  n'admettre  qu'une,  nature  en  Jésus- 
Christ.  On  leur  en  a  imputé  d'autres  dont  ils 
résout  nullement  coupables,  comme  de  nier 
la  Trinité,  et,  parcelle  raison,  de  ne  faire  le 
signe  de  la  croix  qu'avec  un  doigt.  Le  peu 
d'erreurs  où  ils  sont  présentement  engagés  a 
beaucoup  contribué  à  la  réunion  de  plusieurs 
personnes  decellesecteàl'Eglise  romaine(l). 
L'an  16C2,  André,  archevêque  d'Alep,  qui 
était  déjà  catholique,  et  avait  envoyé  sa 
profession  de  foi  au  pape  Alexandre  VII, 
après  avoir  abjuré  ses  erreurs,  fut  élevé  au 
patriarcat  d'Antioche  pour  la  nation  iaco- 
bile.  11  n'accepta  cette  dignité  que  pour  tra- 
vailler plus  efficacement  à  reunir  les  Jaco- 
bi;es  à  l'Eglise  romaine,  et  y  réussit  en  par- 
lie,  malgré  les  persécutions  que  lui  suscitè- 
rent les  hérétiques.  Mais,  après  la  mort  de 

(I)  Lettre  du  P.  Verseau  au  P.  Fleuriau,  dans  le 
IV1  Recueil  des  Lettres  édiliames  des  Missions  de  la 


ce  patriarche,  qui  arriva  le  28  juillet  1G77, 
un  nommé Abd-Elmésich  se  mit  en  possession 
du  patriarcat  à  fane  d'argent,  et  persécuta 
fort  les  catholiques  ;  ce  qui  fil  que  les  plus 
fervents  et  lespluszélésfnent  si  bien  par  leur 
adresse,  qu'ils  trouvèrent  moyen  de  le  faire 
déposer  et  de  mettre  en  sa  place  l'évêque  de 
Jérusalem, Ignace-Pierre,  zélé  catholique.  On 
employa  le  crédit  de  l'ambassadeur  de  France 
à  la  Poile  pour  avoir  un  commandement  du 
Grand-Seigneur,  qui  confirma  son  élection, 
avec  ordre  à  tous  ceux  de  sa  nation  de  lui 
obéir.  Il  fut  installé  dans  son  siège  patriar- 
cal par  huit  archevêques  et  évêques,  savoir: 
un  Maronite,  trois  Jacobites  catholiques, 
deux  Grecs  et  deux  Arméniens.  Il  envoya 
ensuite  sa  profession  de  foi  au  pape  Inno- 
cent XI,  qui  lui  envoya  le  paltium.  Cepen- 
dant les  hérétiques  jacobites  ayant  employé 
beaucoup  d ■■  fourberies  pour  l'aire  confirmer 
par  le  grand  visir  et  le  mufti  d'Alep  l'élec- 
tion qu'ils  firent  en  1687  d'un  patriarche  de 
leur  cabale,  leur  faisant  accroire  que  le  pa- 
triarche Ignace-Pierre  était  mort,  ils  réussi- 
rent dans  leur  entreprise.  Mais,  en  1693,  le 
patriarche  catholique  fut  rétabli  dans  son 
siège  à  la  sollicitation  du  roi  de  France,  et  le 
patriarche  Ignace-Pierre  choisit  pour  coad- 
juleur  un  ai  chevèque  jacobite  catholique,  qui 
fut  reconnu  en  cette  qualité  par  les  catholi- 
ques de  cette  nation. 

Cependant  une  furieuse  persécution  s'éleva 
en  1701  conlre  le  patriarche  Ignace-Pierre 
(2).  Le  Grand-Seigneur  Mustapha  II,  prei  se 
par  le  mufti,  grand  ennemi  des  catholiques, 
qui  en  était  sollicité  par  les  hérétiques,  en- 
voya un  commandement  pour  obliger  les 
Jacobites,  qui  fai-aient  profession  de  la  reli- 
gion catholique,  de  retourner  à  l'hérésie  de 
leurs  ancêtres.  Le  patriarche,  l'archevêque 
d'Alep  et  les  principaux  du  clergé  de  la  na- 
tion surienne  ou  jacobite,  n'ayant  pas  obéi 
à  cet  ordre,  après  avoir  reçu  plusieurs  mau- 
vais Irai  emenls  et  une  rude  bastonnade, 
furent  condamnés  à  être  renfermés,  le  reste 
de  leurs  jours,  dans  le  château  de  la  ville 
d'Adané.  Le  patriarche  el  l'archevêque  d'Alep 
eurent  le  bonheur  d'y  mourir  pour  la  défense 
delà  foi.  Mais  les  révolutions  arrivées  dans 
l'empire  ottoman,  en  1703,  le  Grand-Seigneur 
Mustapha  ayant  été  déposé,  et  le  mufti  ayant 
subi  une  mort  honteuse,  ramenèrent  pour  un 
temps  la  paix  dans  les  Eglises  jacobites  ca- 
tholiques, ou  plutôt  dans  les  Eglises  su  Tien- 
nes, car  les  Jacobites  ,  après  avoir  abjuré 
leurs  erreurs,  prennent  le  nom  de  Suri  eu  s, 
et  quittent  celui  de  Jacobites  comme  un  nom 
infâme.  Celui  qui  succéda  au  mufti  se  mon- 
tra plus  favorable  à  leur  égard  ;  mais  les  per- 
sécutions ont  été  renouvelées  quelque  temps 
après,  ce  qui  est  cause  que  la  religion  catho- 
lique ne  fait  pas  parmi  les  Jacobites  schisma- 
tiques  tout  le  progrès  qu'on  pourrait  atten- 
dre du  zèle  des  prélats  qui  sont  toujours  de- 
meurés fermes  dans  la  loi  catholique  malgré 
les  persécutions. 

Comp.  de  JésiK,  ei  l'epître  dédie,  du  même  Recueil. 
("2)  lbid.  Lettre  du  P,  Verze.au  au  I'.  do  la  Chaise. 


«05 


DICTIONNAIRE  t)ES  ORDRES  RELIGIEUX. 


504. 


Quoique  parmi  les  séculiers  il  y  ait  grand 
nombre  de  catholiques,  la  plus  grande  partie 
des  religieux  sont  néanmoins  toujours  dans 
l'erreur.  Leur  principal  monastère  est  à  Der- 
zapharam,  proche  la  ville  de  Mardin  en  Mé- 
sopotamie, dans  lequel  le  patriarche  fait  sa 
résidence  lorsqu'il  est  schismatique.  11  y  en 
a  encore  un  autre  proche  de  la  même  ville; 
deux  à  une  journée  de  la  ville  de  Damas  ; 
deux  à  une  journée  de  la  ville  de  Ninive  ;  un 
à  Tauris,  sur  le  chemin  de  Mardin;  un  autre 
àEdesse,  et  quelques  aulres  en  différents 
lieux;  mais  presque  tous  abandonnés,  et  où 
il  y  a  peu  de  religieux.  Ils  ne  mangent  ja- 
mais de  viande,  non  pas  même  à  l'extrémité 
de  maladie,  aussi  bien  que  le  patriarche  et 
les  évèques,  et  ils  observent  les  mêmes  ca- 
rêmes et  les  mêmes  jeûnes  que  les  Maroni- 
tes, excepté  la  veille  de  saint  Maron,  qu'ils 
ne  reconnaissent  point,  et  auquel  ils  sub- 
stituent Jacques  Zanzale,  qui  les  a  perver- 
tis. Je  parle  seulement  des  schismatiques; 
car  il  y  a  de  l'apparence  que  les  catholiques 
jeûnent  la  veille  de  saint  Ephrem,  qu'ils  ont 
pris  pour  patron  de  leur  Eglise  de  Home. 

Conformément  au  rite  que  suit  cette  na- 
tion, ils  chaulent  l'office  en  langue  syriaque, 
ont  les  mêmes  instruments  de  musique  que 
les  Arméniens,  et  consacrent  avec  du  pain 
levé,  de  même  que  les  Grecs,  contre  la  pra- 
tique des  Maronites  et  des  Arméniens;  uuais 
ils  ont  ceci  de  particulier  qu'ils  niellent  de 
l'huile  et  du  sel  dans  leur  hostie,  qui  est  si 
grande  et  si  épaisse,  qu'on  en  peut  facile- 
ment communier  plus  de  cent  personnes. 
L'habillement  (1)  des  religieuxest  assez  sem- 
blable à  celui  des  Maronites.  Il  n'y  a  point 
de  monastères  de  religieuses  de  cette  nation, 
et  celles  qui  se  consacrent  à  Dieu  par  la  pro- 
fession religieuse  demeurent  chez  leurs  pa- 
rents. 

M.Saphar,  évêque  de  Mardin,  qui  demeure 
depuis  quelques  années  à  Rome,  où  il  était 
venu  reconnaître  le  souverain  pontife  comme 
chef  de  l'Eglise  universelle  de  la  part  des 
Eglises  catholiques  suriennes,  a  acheté  un 
hospice  dans  celte  capitale  de  l'univers  pour 
les  evèques  et  les  aulres  personnes  de  sa  na- 
tion. Il  en  prit  possession  le  18décembre  1690, 
ayant  aussi  obtenu  la  permission  de  célébrer 
à  certains  jours  de  l'année  dans  l'église  de 
cet  hospice,  conformément  à  leur  rite;  ce 
qu'il  fit  pour  la  première  fois  le  9 février  1697, 
jour  de  saint  Ephrem  de  Syrie,  dont  la  fête 
avait  été  transférée  à  ce  jour. 

Frances.  Quaresm.  Etuci'l.  Terr.  Sanclœ. 
Joann.  Bapl.  Du  Solier,  T raclât,  hist.  de  pa- 
triarch.  Alexand.  Le  Fèvre,  Théâtre  de  la 
Turquie.  Le  AJ onde  de  Davity.  Eugène  Roger, 
Voyage  de  la  Terre  Sainte;  et  Mémoires  ma- 
nuscrits. 

JACQUES  DE  SALOMON  a  Venise  (Domi- 
nicains DE  LA  CONGRÉGATION  DE  ).  V Otj .  LûM- 
1IA11LME. 

JACQUES  DU  HAUT-PAS    ou  de  LUQUES 
(Chanoines  hospitaliers  de  Saint-). 
Le  P  du  Breuil,  dans  ses  Antiquités  de  Pa- 
(1)  Voy.,  à  la  fui  du  vol.,  i»°  124. 


ris,  donne  le  nom  de  chevaliers  aux  cha- 
noines hospitaliers  dont  nous  allons  parler. 
De  tous  les  ailleurs  néanmoins  qui  ont  traité 
des  ordres  militaires,  il  n'y  en  a  aucun  qui 
ait  fait  meniion  de  celui  de  Saint-Jacques  du 
Haut- Pas;  peut-être  aussi  ont-ils  cru  qu'il 
élait  le  même  que  celui  de  Saint-Jacques  de 
l'Epée.  Il  y  en  a  d'autres  qui  leur  donnent 
le  nom  de  chanoines  réguliers;  mais  aucun 
ne  rapporte  l'origine  de  cet  ordre.  Il  est  cer- 
tain cependant  qu'il  y  a  eu  un  ordre  de  Saint- 
Jacques  du  Haut-Pas,  dont  il  y  a  une  pa- 
roisse à  Paris,  qui  en  a  retenu  le  nom  à  cause 
que  Guillaume  Violle,  évêque  de  Paris,  du 
consentement  du  commandeur  d'un  hôpital 
dépendant  de  cet  ordre,  et  qui  était  silué  au 
faubourg  Saint-Jacques,  érigea  la  chapelle 
de  cet  hôpital  en  église  succursale  pour  le 
secours  des  paroisses  de  Saint-Benoit,  de 
Saint-Hippolyte  et  deSaint-Médard,  l'an  1506  ; 
ce  qui  dura  jusqu'en  l'an  15*72,  que  les  reli- 
gieux bénédictins  de  Saint-Magloire,  qui 
demeuraient  où  sont  présentement  les  filles 
Pénitenles  en  la  rue  Saint-Denis,  furent  trans- 
férés par  ordre  du  roi  Charles  IX  en  cet  hô« 
pilai.  Ils  se  trouvèrent  incommodés  d'avoir 
une  paroisse  dans  leur  église,  et  les  parois- 
siens, d'un  autre  côté,  étant  bien  aises  d'a- 
voir une  église  dont  ils  fussent  les  maîtres, 
en  firent  bâtir  une  à  côté  de  cet  hôpital,  la- 
quelle fut  achevée  l'an  1574.  et  a  toujours 
retenu  le  nom  de  Saint-Jacques  du  Haut-Pas, 
que  l'hôpital  quitta  pour  prendre  celui  de 
Saint-Magloire,  à  cause  du  corps  de  ce  saint 
que  les  Bénédictins  y  apportèrent  avec  eux. 

Le  P.  du  Breuil,  faisant  mention  de  cet 
hôpital  qui  fut  fondé  par  le  roi  Philippe  la 
Bel,  qui  commença  à  régner  l'an  1286,  dit 
qu'il  fut  nommé  du  Haut-Pas,  non  pas  à 
cause  de  la  situation  du  lieu,  ni  parce  qu'il 
faille  monter  des  degrés  pour  y  entrer,  mais 
parce  qu'il  était  membre  et  dépendant  du 
grand  hôpital  de  Saint-Jacques  du  Haut-Pas 
de  Luques  en  Italie,  aux  dépens  duquel  on 
entretenait  un  passage  sur  la  rivière  d'Ar- 
gue-le-Blanc  dans  l'Etat  de  Florence,  sur  le 
,  grand  chemin  de  Home,  où  l'on  avait  accou- 
tumé de  payer  de  grands  tributs  et  exactions, 
qui  furent  affranchis  par  ceux  de  cet  hôpi- 
tal et  des  aulres  qui  y  étaient  unis,  de  sorte 
que  les  pèlerins  y  passaient  librement  sans 
rien  payer.  Il  a  voulu  sans  doute  parler  de 
l'Arno,  n'y  ayant  point  de  rivière  qui  porte 
le  nom  d'Argue-le-Blanc. 

Outre  le  grand  maître  général  de  cet  or- 
dre, qui  résidait  en  Italie,  il  y  avait  un  com- 
mandeur général  pour  le  royaume  de  France, 
comme  il  paraît  par  l'épitaphe  d'un  com- 
mandeur qui  était  contre  le  mur  de  l'église 
de  l'hôpital  de  ce  nom  à  Paris,  avant  que 
les  Pères  de  l'Oratoire,  qui  le  possèdent  pré- 
sentement sous  le  nom  de  Saint-Magloire, 
et  qui  ont  succédé  aux  Bénédictins,  eussent 
fait  embellir  le  chœur.  Nous  la  rapporte- 
rons ici. 

L'an  mil  cinq  cens  vingt-six  davantage 

Par  mort  certaine  an  dernier  héritage, 


S05 


JAC 


JAC 


506 


Fut  mis  et  clos  en  ce  dévot  séjour 
D'octobre  prins  le  quinzième  jour, 
Religieuse  ethonneste  personne 
Dont  renommée  rn  plusieurs  places  sonne, 
Publiquement,  frère  Antoine  Canu 
Qui  par  bon  droit  lui  vivant  advenu, 
Fut  commandeur  de  ce  ne  doute  pas 
En  gênerai,  Saint-Jacques  du  Haut-Pas, 
Et  par  mérite  exempt  de  maléfices 
H  posséda  autres  trois  bénéfices, 
Sens  naturel  montra  en  tout  endroit 
Par  sens  acquis  il  fut  en  chacun  droit 
Licentié,  et  après  tous  ses  titres 
Vertu  en  lui  déclara  par  registres, 
Que  l'hospital  en  très-belle  devise 
Fit  faire  neuf,  et  grand  part  de  l'église, 
Semblablement  comme  on  a  évidence 
Le  corps  d'hostel  estant  en  décadence 
De  charité  fut  le  vrai  exemplaire 
Pauvre,  repeut  pour  à  Jésus  complaire, 
Et  sans  cesser  prenoit  la  cure  et  soin 
De  les  panser  quand  il  estoit  besoin, 
Priez  pourluf,  dites  dessus  sa  lame 
Ci  gist  le  corps,  en  paradis  suit  lame.  Amen. 
Au  bas  de  ce  mur  il  y  a  une  lombe   sur 
laquelle  il  y  a  cel  autre  épitaphe  du  même 
commandeur: 

Ci  gist  vénérable  religieux  et  discrète  per- 
sonne F.  Antoine  Canu  en  son  vivant  licentié 
en  chacun  droit  et  commandeur  gênerai  de 
l'hospital  de  Saint-Jacques  du  Haut-pas  en 
roïaume  de  France,  qui  trépassa  le  15  jour  d'oc- 
tobre l'an  152G.  Priez  Dieu  pour  son  ame. 
L'on  voit  encore  celle-ci  sur  une  autre  lombe. 
Ci  gist  noble  homme  Révérend  Père  en  Dieu, 
F.  Jean  Dimanche  de  Lucques  autrement  De- 
pesse,  jadis  grand  maistre  gênerai  de  l'ordre 
de  Suint-Jacqties  du  Haut-pas  qui  trépassa 
l'an  de  grâce  li03,  le  quatrième  jour  du  mois 
de  janvier.  Dieu  en  ait  l'ame. 

Il  paraît  par  l'épitapbc  de  ce  grand  maî- 
tre Dimanche,  qui  y  est  qualiGé  de  Révérend 
Père  en  Dieu,  et  par  celle  du  commandeur 
Canu  licencié  en  l'un  et  l'autre  droit  et  qui 
possédait  trois  bénéfices,  aussi  bien  que  par 
les  figures  qui  sont  représentées  sur  les 
lombes  que  l'on  voit  encore  dans  cite  église, 
et  qui  out  toutes  la  lête  rasée  en  forme  de 
couronne  comme  la  portent  les  ecclésiasti- 
ques, que  ces  hospitaliers  se  firent  ordonner 
prêtres  dans  la  suite,  quoique  dans  leur 
origine  ils  ne  fussent  que  des  frères  lais  qui 
faisaient  eux-mêmes  les  bacsoùils  passaient 
les  pèlerins  sur  les  rivières,  selon  leur  pre- 
mier institut,  au  moins  ceux  qui  avaient  des 
établissements  sur  les  bords  des  rivières  où 
il  n'y  avait  point  de  ponts.  Car,  pour  ceux 
quidemeuraientàParis,  ils  élaient  bien  éloi- 
gnés de  la  rivière,  et  n'avaient  été  établis 
dans  celle  ville  que  pour  exercer  l'hospita- 
lité envers  les  pèlerins.  Mais,  comme  les  au- 
tres religieux  de  cet  ordre,  ils  portaient  sur 
leurs  manteaux  des  marteaux  qui  avaient  le 
manche  pointu  par  le  bas,  comme' pour  faire 
des  trous, afin  de  faireenlrerplusaisémeni  les 
clous  dans  le  bois.  Ces  religieux  portaient 
ces  marteaux  de  différentes  formes,  comme 

(1)  Voy.}  à  la  fin  du  vol.,  u°  125 


l'on  remarque  aussi  sur  les  tombes  qui  sont 
restées  dans  l'église  de  Saint-Magloire,  où 
l'on  voit  de  ces  hospitaliers,  dont  les  uns  ont 
le  marteau  en  forme  de  maillet  de  tonnelier, 
d'autres  dont  les  marteaux  ont  deux  pointes 
à  chaque  côté,  d'autres  qui  ont  des  marteaux 
dont  les  travers  sont  en  forme  de  haches, 
tous  ces  marteaux  ayant  le  manche  pointu. 
Quant  à  la  couleur  de  leur  habillement  (1), 
elle  était  blanche,  et  non  pas  noire,  comme 
dit  le  P.  Athanase  de  Saint-Agnès  dans  son 
Chandelier  d'Or,  qui  prétend  que  cet  haldl- 
lement  consistait  en  une  tunique  et  un  man- 
teau noirs,  avec  un  capuce  rouge.  Le  P.  du 
Breuil  donne  la  qua'ité  de  chevaliers  à  ces 
hospitaliers  ;  il  y  en  a  d'autres  qui  leur 
donnent  celle  de  chanoines  réguliers.  Il  se 
peut  faire  qu'ils  étaient  chanoines  hospita- 
liers comme  ceux  du  Saint-Esprit  de  Mon- 
pellier  ou  in  sassia,  et  ceux  de  Saint-An- 
toine de  Viennois,  qui,  quoique  chanoines, 
sont  aussi  hospitaliers,  et  à  qui  quelques- 
uns  donnent  aussi  sans  aucun  fondement  le 
titre  de  chevaliers. 

L'ordre  de  Saint-Jacques  du  Haut-Pas  fut 
du  nombre  de  ceux  que  le  pape  Pie  II  suppri- 
ma, et  dont  il  appliqua  les  revenus  à  l'ordre 
deNolre-Damedr  Bethléem,  qu'il  institua  par 
sa  bulle  de  l'an  1459,  dont  nous  avons  parlé 
à  l'article  Bethléem.  Il  subsista  néanmoins 
longtemps  en  France  depuis  cette  suppres- 
sion, comme  fait  foi  l'épitaphe  du  comman- 
deur Canu  mort  en  15*26  ;  et  il  y  avait  même 
encore  quelques-uns  de  ces  religieux  dans 
le  même  hôpilil  de  Paris  lorsque  les  Béné- 
dictins de  Saint-Magloire  y  furent  transférés, 
l'an  1572,  par  ordre  du  roi  Charles  IX.  Cet 
ordre  est  aussi  énoncé  dans  l'édit  de  Louis 
XIV  de  l'an  1672,  par  lequel  Sa  Majesté 
avait  uni  à  l'ordre  de  Saint-Lazare  les  biens 
de  plusieurs  ordres  militaires  et  hospitaliers, 
que  l'on  regarda  comme  supprimés,  du 
nombre  desquels  était  celui  de  Saint-Jacques 
du  Haut  -Pas. 

Voyez  Du  Breuil,  Théâtre  des  Antiquités  de 
Paris,  liv.  n,  pag.  579,  et  les  mêmes  par 
Malingre,  liv.  n,  pag.  W7. 

JACQUES  DE  L'ÉPÉE  (Moines  de  Saint-). 
Voy.  Épée. 

JACQUES  en  Hollande  et  de  SAINT- 
ANTOINE  en  Hainaut  (Chevaliers  de 
Saint-). 

Aubert  le  Mire,  dans  ses  Origines  des  Or- 
dres militaires,  dit  que  Florent  V,  comte  de 
Hollande,  Zélande  et  Frise,  institua  à  la 
Haye,  l'an  1290,  un  ordre  militaire  sous  le 
nom  de  l'apôtre  saint  Jacques.  Schoonebeck, 
qui,  étant  hollandais,  devrait  avoir  mieux 
élé  instruit  de  cet  ordre  que  les  écrivains 
étrangers,  s'en  rapporte  néanmoins  au  té- 
moignage d'Aubert  le  Mire  et  à  celui  de  M. 
Ashinole,  qui  disent  que  l'on  trouve  dans  les 
archives  de  Hollande  un  manuscrit  authen- 
tique de  l'institution  de  cet  ordre.  Il  y  a  bien 
de  l'apparence  gue  M.  Ashinole  et  l'abbé 
Giustiniani,  qui  ilit  encore  la  même  chose,  ne 
parlent  aussi  qu'après  Aubert  le  Mire,  qui 


£>07 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


508 


assure  avoir  tiré  Gdèlement  ce  qu'il  dit  de 
cet  ordre  d'un  ancien  registre  en  langue  alle- 
mande, nommé  Reqister  der  Ridderscnp,  et 
l'avoir  traduit  en  latin.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce 
comte  île  Hollande,  selon  Aubert  le  Mire,  fit 
chevaliers  de  cet  ordre  douze  seigneurs,  en- 
tre lesquels  furent  Lancelol,  comte  d'Hamil- 
ton,  ambassadeur  du  roi  d'Ecosse;  Godard 
deBotsi  hols,  envoyé  de  Westplialie,  et  Hen- 
ri, comte  d'Henneherg,  envoyé  de  Cologne, 
et  leur  donna  pour  marque  de  leur  ordre  une 
chaîne  d'or  sur  laquelle  il  y  avait  six  coquil- 
les, avec  une  médaille  pendante  au  bas  du 
collier,  où  était  l'image  de  l'apôtre  saint  Jac- 
ques (1),  le  tout  pesant  un  marc  et  demi;  et 
chaque  chevalier,  après  avoir  fait  serment 
sur  les  saints  Evangiles  entre  les  mains  de 
l'évéque  d'IUrecht.  donna  à  Jean  Payporl, 
héraut  de  Hollande,  son  écu,  où  étaient  les 
armes  de  sa  maison,  que  l'on  attacha  dans  la 
salle  du  pilais  de  la  Haye  pour  eu  conserver 
la  mémoire. 

Florent  V,  instituteur  de  cet  ordre,  ayant 
corrompu  la  femme  d'un  gentilhomme  nommé 
Gérard  de  Velsen,  ce  gentilhomme  et  sou 
beau-père  conspirèrent  contre  lui  l'an  1936, 
le  prirent  et  le  menèrent  au  château  de 
Mude.  Ayant  appris  qu'on  levait  contre  eux 
une  armée  en  Hollande,  ils  mirent  ce  comte 
sur  un  cheval,  croyant  l'emmener  en  Angle- 
terre ;  mais  Gérard,  se  voyant  pressé  de  trop 
près,  lui  donna  vingt  coups  d'épée  et  le  laissa 
mort  dans  un  fossé.  Ce  qu'il  paya  bien  chè- 
rement peu  de  temps  après,  car  quelques 
auteurs  rapportent  qu'il  fut  exécuté  à  Ley- 
den,  ayant  été  mis  dans  un  tonneau  plein 
de  clous,  dans  lequel  on  le  roula  par  toute  I a 
ville. 

L'ordre  militaire  de  Saint-Antoine  fut  in- 
stitué en  1382  par  Albert  de  Bavière,  qui,  par 
la  mort  de  Guillaume  dit  l'Insensé,  son  frère, 
hérita  des  comtés  du  Hainaut,  de  Hollande, 
Zélande  et  Frise,  qu'il  avait  gouvernés  en 
qualité  de  tuteur  pendant  la  détention  de  ce 
même  Guillaume,  que  ses  su;ets  avaient  été 
obligés  d'enfermer  à  cause  de  ses  frénésies , 
qui  éla  enl  quelquefois  si  excessives,  qu'il 
tua  de  sang  froid  un  gentilhomme  d'un  mai- 
son très-illustre. 

Vinchent,  qui  a  fait  les  annales  du  Hai- 
naut, et  le  P.  Ruleau  de  l'ordre  des  Minimes, 
«lui  les  a  augmentées,  disent  (chap.  23)  que 
le  motif  qui  porta  ce  prince  à  instituer  cet 
ordre  fut  que  le  Hainaut  étant  affligé  de  la 
maladie  que  l'on  appelait  feu  sacré  ou  feu  de 
Saint-Antoine,  et  eeux  qui  en  étaient  atta- 
qués ne  trouvant  point  de  meilleur  remède 
et  plus  assuré  que  de  visiter  une  chapelle 
dédiée  à  ce  saint,  située  dans  le  bois  d'Hauré, 
proche  Mons,  Albert  de  Bavière  institua  un 
ordre  de  chevalerie  en  l'honneur  de  ce  saint 
pour  témoigner  la  dévotion  qu'il  lui  portail, 
et  fil  cette  Institution  de  chavaliers  confor- 
mément à  celle  qui  en  avait  été  faite  par  le 
pape  Boni  face  \  III,  dès  l'an  1298,  par  une 
huile  qui  poilail  enlre  autres  choses  que 
l'on  ne   recevrait  daus  cette   chevaleiie  que 

(I)  Yoy.,  à  la  lia  du  vol.,u°  12G. 


des  personnes  de  la  première  noblesse  qui  en 
auraient  fait  preuves,  et  Ie9  docteurs  qui  se 
seraient  rendus  nobles  p  sr  leur  science;  et 
que  les  chevaliers  porteraient  un  collier  d'or 
auquel  devait  pendre  un  T  d'or  ou  d'argent,  ■ 
selon  leur  noblesse,  avec  une  clochette  d'ar-j 
gent  (2). 

Ces  auteurs  ajoutent  que  le  duc  Albert, in- 
stituteur de  ces  chevaliers  d  •  Saint-Antoine' 
dans  le  Hainaut,  ayant  résolu  d'envoyer  une 
armée  en  Prusse  au  secours  des  chevaliers 
Teuloniques,  établit  dans  l'ordre  des  cheva- 
liers de  Saint-Antoine  un  connétable  et  un 
maréchal  de  camp;  que  les  seigneurs  d'An- 
toin,  de  Ligne,  d  Hauré,  dcLougueval  et  de 
Bossu,  s'engagèrent  dans  celte  milice;  que 
Gérardd'Enghien,  seigneur  d'Hauré,  et  Jean, 
seigneur  de  Ligne,  chevaliers  de  cet  ordre, 
étant  allés,  l'an  1390,  à  la  guerre  d'Afrique 
avecplusieurs  seigneurs  ducomlédu  Hainaut, 
et  se  trouvant  la  même  année  à  Rhodes  avec 
quelques  seigneurs  français  qui  étaient  aussi 
chevaliers  de  l'ordre  de  Saint-Antoine,  ils 
leur  firent  un  récit  si  avantageux  des  miracles 
que  ce  saint  faisait  dans  la  chapelle  dédiée 
en  son  honneur  dans  le  bois  d'Hauré,  que 
ces  seigneurs  français  leur  conseillèrent  de 
faire  venir  en  ce  lieu  des  religieux  de  l'ordre 
de  Saint-Antoine  ;  ce  qu'ils  exécutèrent  dans 
la  suite,  lecornte  d'Ostrevaut  enayant  obtenu 
sept  de  l'abbaye  de  Saint-Antoine  en  Dau- 
pliiné,  qui  furent  établis,  l'an  l'i-15,  dans  cette 
chapelle,  et  auxquels  on  fit  bâtir  un  monas- 
tère et  un  hôpital  pour  y  loger  les  pauvres 
pèlerins  ;  qu'enfin  les  chevaliers  de  Saint- 
Antoine  e:i  Hainaut  choiirent  ce  monastère 
pour  le  lieu  de  leur  assemblée,  qu'ils  y  met- 
taient leurs  portraits  avec  leurs  armes  en- 
tourées d'un  collier  d'or  fait  de  corde  à  nœuds 
avecleTetuneclochetle.commePonen  voyait 
encore  de  leur  temps.  Aubert  le  Mire,  parlant 
de  cet  ordre  [Orig.  ord.  etju.  cap.  12),  dit 
aussi  que  le  collier  était  fait  en  forme  de 
corde  d'ermite,  auquel  pendait  un  bâton  à 
s'appuyer  et  une  clochette.  Tous  les  auteurs 
qui  ont  traitédes  ordres  militait  es  disent  aussi 
que  le  collier  de  l'ordredeSaint-Antoinc  était 
composé  d'une  ceinture  d'ermite,  qu'ils  ont 
représentée  comme  uneceinture  de  cuir  avec 
une  boucle;  mais  nous  aimons  mieux  nous 
en  rapporter  aux  auteurs  des  annales  du 
Haiuaulet  à  Aubert  le  Mire,  qui  ontété  mieux 
instruits  de  ce  qui  concernait  cet  ordre. 
(Juaul  à  sou  institution,  dont  ces  annalistes 
du  Hainaut  font  auteur  le  pape  Bonifacc  VIII 
en  citant  sa  bulle  de  l'an  1298,  je  n'ai  trouvé 
aucun  autre  historien  qui  en  ait  parlé. 

JARRETIÈRE  (Chevaliers  de  la)  en  Angle- 
terre. 

Presque  tous  les  historiens  conviennent 
qu'Edouard  111,  roi  d'Angleterre,  n'institua 
l'ordre  de  la  Jarretière  qu'à  l'occasion  de 
celle  que  la  comtesse  de  Salisbury  ,  qu'il 
aimait,  laissa  tomber  dans  un  bal,  et  que  ce 
prince  releva  ;  ce  qui  ayant  donné  occasion 
de  rire  aux  courtisans  et  causé  duckagriu  à 

12}  Voij.,  à  la  lin  du  vol.,  n°  127. 


5C9  JAR 

la  comtesse,  le  roi,  pour  témoigner  qu'il  n'a- 
vait point  eu  de  mauvais  dessein,  dit,  en  lan- 
gage de  ce  temps-là,  Honnij  soit  qui  mal  y 
prime,  le  mol  lioiiny  signifiant  maudit  ;  et  Dt 
un  serment  que  tel  qui  s'était  moqué  de  celte 
jarretière  s'estimerait  heureux  d'en  porlcr 
une  semblable.  Cet  ordre  lut  institué  dans  le 
cbâteau  de  Windsor  et  fut  mis  sous  la  pro- 
tection de  saint  Georges.  Mais  ces  historiens 
ne  s'accordent  point  sur  le  temps  de  cette 
institution.  Les  uns  prétendent  que  ce  fut 
l'an  1344,  et  les  autres  l'an  1350. 

Froissant  donne  à  connaître  qu'il  fut  in- 
stitué l'an  1347,  en  disant  qu'après  qu'E- 
douard 111  eu'  choisi  quarante  chevaliers  de 
cet  ordre,  dont  la  l'été  se  devait  célébrer  tous 
les  ans,  et  auquel  il  donna  le  nom  du  bleu 
jarretière,  et  qu'ils  se  furent  engagés  par  ser- 
ment d'observer  les  statuts  qui  en  avaient 
élé  dressés,  ce  prince  envoya  publier  une 
fête  par  ses  héraut;',  en  France,  en  Ecosse, 
en  Bourgogne,  en  Hainaut,  en  Flandre,  en 
lîrabanl  et  en  Allemagne,  pour  le  jour  de  Saint- 
Georges  suivant  de  l'an  1348.  Mais,  quoique 
cet  auteur  parle  de  l'amour  qu'il  avait  pour 
la  comtesse  de  Salisbury  et  qu'il  fasse  la  des- 
cripiion  d'un  tournois  qu'il  fit  faire  à  Lon- 
dres à  sa  considération  et  où  elle  se  trouva, 
il  ne  dit  point  qu'elle  laissa  tomber  sa  jar- 
retière ni  que  ce  fut  le  motif  qui  porta  Ce 
prince  à  instituer  cet  ordre. 

Huker,  dans  sa  description  du  royaume 
d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Irlande,  attribue 
l'institution  de  cet  ordre  au  rétablissement 
de  Pierre  le  Cruel  sur  le  trône  de  Caslille  par 
les  troupes  auxiliaires  d'Angleterre,  com- 
mandées par  le  prince  de  Galles  ;  mais  il  s'est 
trompe,  puisque  cela  n'arriva  que  l'an  13C6, 
seize  ans  après  l'instii ulion  de  l'ordre.  Cet 
auteur  ne  laisse  pas  de  dire  que  la  marque 
de  cet  ordre  fut  une  jarretière  bleue,  à  cause 
de  celle  que  la  reine  avait  perdue;  sur  quoi 
le  roi  l'ayant  raillée  et  lui  ayant  dit  qu'il  l'avait 
donnée  aux  chevaliers,  cl'e  lui  répondit, 
Honny  soit  qui  mal  y  penne,  ce  que  ce  prince 
6t  ajouter  en  lettres  d'or  sur  la  jarretière. 

Le  peu  d'intelligence  que  Joseph  Michieli 
avait  apparemment  de  la  langue  latine  lui  a 
fait  croire  que  quelques  auteurs  avaient 
trouve  un  autre  motif  de  l'institution  de 
l'ordre  de  la  jarretière,  car  il  dit  que  quel- 
ques-uns prétendent  qu'Edouard  institua  cet 
ordre  en  considération  de  Périsselide  ,  reine 
de  la  Jarretière  :  Algunos  dizen  haver  insti- 
tuido  esta  ordena  contemplacionde  Periselicle 
reyna  de  la  Guarliera,  ayant  pris  le  mot  pe- 
riscelis,  qui  signifie  jarretière  pour  le  nom 
d'une  reine,  et  la  jarretière  pour  le  nom  d'un 
royaume.  Enfin  il  y  en  a  qui  ont  fait  remon- 
ter l'oiigine  de  cet  ordre  jusqu'au  temps  de 
Richard  1",  roi  d'Angleterre, et  qui  prétendent 
qu'Edouard  n'ena  éléque  le  restaurateur. Tels 
ont  été  les  différents  senlimenls  des  écrivains 
sur  l'origine  et  l'institution  de  l'Ordre  de  la 
Jarretière. 

M.  Ashmole,  héraut  de  cet  ordre, qui  en  a 
donné  une  ample  histoire,  en  attribue  l'insti- 
tution àEdouard  111;  mais,  regardant  comme 
fable  l'histoire  de  la.  jarretière  de  la  com- 


,l\R 


.MO 


(esse  de  Salisbury,  relevée  par  ce  prince,  il 
prétend  qu'il  l'institua  par  un  autre  motif, 
et  que  ce  fut  la  vingt-troisième  année  de  son 
règne  :  ce  qui  revient  à  l'an  1349,  puisqu'E- 
douard  monta  sur  le  trône  d'Angleterre  l'an 
1326.  En  effet,  au  commencement  des  statuts 
de  cet  ordre ,  qui  furent  dressés  par  ce 
prince,  et  même  dans  ceux  qui  furent  réfor- 
més par  ses  successeurs,  il  est  marqué  qu'il 
avait  institué  un  ordre  militaire  en  l'honneur 
de  Dieu,  de  la  sainte  Vierge  et  de  saint  Geor- 
ges, martyr,  la  vingt-troisième  année  de  son 
règne:.4</  honotem  omnipotenlis  Dei,  sanetœ 
Mariœ  Vïrginis  gluriosœ  et  >ancti  Georqii 
tnartyris, Dominus  nbster  supremus  EdunnJus 
ter  tins  rex  Angliœ  anno  règni  sui  post  con- 
questum  xxm,  ordinavit,  slabilivit,  et  funda- 
vit  quamdaiii  socielatem  sive  ordinem  mili- 
tai em. 

Le  roi,  avant  que  d'instituer  cet  ordre, 
avait  fait  achever  l'église  de  Windsor,  com- 
mencée par  ses  prédécesseurs,  comme  il 
paraît  par  ses  lettres  du  6  août  de  la  vingt- 
deuxième  année  de  son  règne,  c'est-à-dire  de 
l'an  1348, par  lesquelles  il  déclare  que  ses  pré- 
décesseurs ayant  commencé  à  Windsor  une 
églisesous  le  titre  de  Saint-Eilouard,  dans  la- 
quelle il  avait  été  régénéré  par  les  e  iux  du 
baptême,  et  où  ils  avaient  établi  huit  cha- 
noines, il  avait  fait  achever  celle  église  en 
l'honneur  de  Dieu,  de  la  sainte  Vierge,  do 
saint  Georges,  martyr,  et  de  saint  Edouard, 
confesseur;  et  que,  voulant  augmenter  le 
nombre  des  chanoines  et  des  autres  ministres 
de  cette  église,  il  ordonnait  qu'on  ajouterait 
encore  aux  huit  chanoines  qui  y  étaient  déjà, 
un  custode  pour  être  leur  chef,  quinzcaulres 
chanoines  et  vingt-quatre  pauvres  chevaliers 
qui  n'avaient  pas  de  quoi  vivre,  avec  des 
chapelains  qui  obéiraient  au  custode  et  qui 
seraient  entretenus  sur  les  revenus  qu'il 
assigna  à  celte  église. 

Le  pipe  Clément  VI,  par  une  bulle  du  30 
novembre  de  la  même  année,  donna  pouvoir 
aox  évêques  de  Salisbury  et  de  Winchester 
d'ériger  l'église  de  Windsor  en  une  collé- 
giale de  chanoines,  de  prêtres,  de  clercs,  de 
pauvres  chevaliers  du  royaume,  et  d'autres 
minisires  qui  devaient  y  faire  le  service  di- 
vin, et  d'en  fixer  le  nombre  conformément 
aux  revenus  qui  leur  avaient  été  assignés; 
et,  par  une  autre  bulle  du  12  février  de  l'an- 
née suivante,  il  exempta  cette  collégiatc  de 
toute  juridiction  de  l'ordinaire,  la  mellant 
sous  la  protection  du  sainl-siige,  voulant 
que  le  custode  eût  tout  juridiction  sur  les 
chanoines,  les  prêlres,  les  clercs,  les  pauvres 
chevaliers,  et  les  autres  ministres  de  l'église; 
et  que,  pour  ce  qui  regardait  lacondui:edes 
âmes,  il  reconnût  l'autoriiéde  l'évéque  de 
Salisbury,  dont  il  recevrait  le  pouvoir.  Ce 
custode  et  cette  collégiale  étaient  obligés,  en 
verlu  de  celte  même  bulle,  à  payer  tous  les 
ans  au  sainl-siége  un  marc  de  sterling,  le 
jour  de  la  fêle  de  saint  Georges,  en  l'hon- 
neur duquel  cette  église  avaii  été  fondée. 

Il  païaît  par  le  quatrième  article  des  sta- 
tuts de  cet  ordre  qu'il  ne  devait  y  avoir  que 
treize  chauoio.es  daus  celle  église,  cl  autant 


511 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


512 


de  vicaires,  faisant  en  tout  le  nombre  de 
vingl-six,  auquel  fut  aussi  fixé  le  nombre  des 
chevaliers  de  la  Jarrelière,  et  non  pas  à  celui 
de  quarante,  comme  Froissard  a  avancé; 
lesquels  vingt-six  chevaliers,  y  compris  le 
roi,  qui  était  chef  et  souverain  de  l'ordre, 
devaient  présenter  chacun,  pour  la  première 
fois  seulement,  un  de  ces  treize  chanoines 
et  un  de  ces  treize  vicaires,  dont  la  nomina- 
tion devait  appartenir  dans  la  suite  au  chei 
de  l'ordre,  aussi  bien  que  celle  des  pauvies 
chevaliers,  qui,  par  les  mêmes  statuts,  ayant 
été  augmentés  jusqu'au  nombre  de  vingl-six, 
devaient  aussi  être  présentés  par  chaque 
chevalier  de  l'ordre,  pour  la  première  fois 
seulement.  Les  treize  chanoines  devaient 
porter  un  manleande  pourpre,  avec  un  rond 
sur  le  côlé  gauche,  dans  lequel  élaient  les 
armes  de  saint  Georges,  savoir,  une  croix  de 
gueules  en  champ  d'argent;  et  les  vingt-six 
pauvres  chevaliers  devaient  aussi  porter  un 
manteau  rouge,  et  sur  le  côté  gauche  un 
écusson  aux  armes  de  saint  Georges,  sans 
jarretière  autour.  Chaque  chevalier  de  la 
Jarretière,  à  sa  réception  dans  l'ordre,  devait 
donner  en  aumône  pour  l'entretien  des  cha- 
noines et  des  pauvres  chevaliers,  savoir  :  le 
roi, quarante  marcs  d'argent,  un  roi  étranger 
vingt  livres,  le  prince  de  Galles  vingt  marcs, 
chaque  duc  dix  livres,  chaque  comie  dix 
marcs,  chaque  banneret  cent  sous,  et  chaque 
bachelier  cinq  marcs. 

Quant  à  l'habillement  des  chevaliers  de 
l'ofdre,  il  consistait  en  un  manteau  bleu,  sur 
lequel  il  y  avait  du  côté  gauche  une  croix 
rouge  entourée  d'une  jarretière  :  ils  devaient 
aussi  porter  toujours  à  la  jambe  gauche  une 
jarretière  bleue,  où  ces  mots  étaient  en  bro- 
derie d'or  :  Honny  soil  qui  mal  y  pense,  et 
ceux  qui  étaient  trouvés  sans  celte  jarretière 
devaient  payer  un  demi-marc.  Il  y  a  des  sta- 
tuts en  français  qui  portent  qu'un  chevalier 
était  dispensé  de  la  porter,  quand  il  estoit 
housé  pour  chevauchier,  et  que  pour  lors  il 
était  obligé  de  porter  sous  son  houzeau  en  si- 
gnifiance  du  jarretier,  un  fil  bleu  de  soye.  Les 
chevaliers  devaient  avoir  ce  manteau  bleu 
depuis  les  premières  vêpres  de  la  fêle  de  saint 
Georges  jusqu'après  le  souper;  le  jour  de  la 
fêle  en  entrant  dans  la  chapelle  jusqu'au  dî- 
uer,  et  depuis  les  secondes  vêpres  jusqu'au 
souper,  et  cela  en  quelque  lieu  qu'ils  fus- 
sent, comme  s'ils  avaient  été  présents  à  la 
fêle.  Ils  n'avaient  point  pour  lors  de  colliers, 
n'ayant  commencé  à  en  porter  que  sous  le 
règne  d'Henri  VIII,  n'y  ayant  que  les  statuts, 
qui  lurent  réformés  par  ce  prince  en  1522, 
qui  en  fassent  mention  ;  et  cela  dans  le  troi- 
sième article,  où  il  est  marqué  que  depuis  les 
premières  vêpres  de  la  lêle  de  saint  Georges 
jusqu'après  les  secondes,  et  même  jusqu'au 
souper,  tous  les  chevaliers  porteront  le 
manteau,  la  robe,  l'huméral  et  le  collier;  et 
daus  le  trente-huit  et  dernier  article  de  ces 
statuts,  ce  prince  déclare  que  du  consente- 
ment des  chevaliers  il  a  ordonné  qu'à  l'ave- 
nir tous  les  chevaliers  porteront  un  collier 
d'or  du  poids  de  trente  onces,  qui  sera  com- 
posé de  jarretières,  dans  lesquelles  il  y  aura. 


deux  roses  ;  que  dans  une  jarrelière  la  rusa 
de  dessus  sera  blanche,  et  celle  de  dessous 
rouge,  et  que  dans  une  autre  jarrelière  la 
rose  de  dessus  sera  rouge,  et  celle  de  dessous 
blanehe  ;  qu'au  bas  du  collier  il  y  aura  une 
image  de  saint  Georges;  que  ce  collier  sera 
porté  dans  les  grandes  solennités  ;  mais 
qu'aux  autres  jours  on  portera  seulement 
l'image  de  saint  Georges  attachée  à  une  pe- 
tite chaîne  d'or,  à  moins  qu'on  ne  soil  obligé 
d'aller  à  la  guerre,  que  I  on  soit  malade,  ou 
que  l'on  entreprenne  un  grand  voyage,  aux- 
quels cas  il  suffira  de  porter  l'image  de  saint 
Georges  attachée  à  un  petit  cordon  de  soie. 
Par  les  mêmes  statuts,  le  roi  Henri  VIII  ré- 
duisit à  treize  le  nombre  des  pauvres  cheva- 
liers de  l'église  de  Windsor,  dont  il  augmen- 
ta le  nombre  des  ecclésiastiques,  ordonnant 
qu'il  y  aurait  à  perpétuité  un  doyen  et  douze 
chanoines,  treize  autres  prêtres,  d>ut  une 
parlie  serait  appelée  petits  chanoines,  et  l'au» 
Ire  vicaires,  et  que  s'ils  n'étaient  pas  prêtres 
en  entrant,  ils  fussent  au  moins  en  âge  de 
l'être  dans  l'année  ;  qu'il  y  aurait  outre  cela 
treize  clercs  et  autant  de  choristes,  qui,  avec 
les  petits  chanoines  et  le-*  vicaires,  chante- 
raient au  chœur  et  feraient  l'office  divin.  Le 
nombre  des  pauvres  chevaliers  a  élé  aug- 
menté dans  la  suite  jusqu'à  dix-huii. 

Ce  prince  par  ses  statuts  n'avait  rien 
changé  touchant  les  prières  auxquelles  les 
chevaliers  de  l'ordre  étaient  obligés  envers 
ceux  qui  étaient  décédés.  Il  y  est  encore 
marqué,  aussi  bien  que  dans  les  anciens,  que 
le  roi  d'Angleterre  devait  faire  dire  pour 
chaque  chevalier  défunt  mille  messes,  un  roi 
étranger  huit  cents,  le  prince  de  Galles  sept 
cents,  un  duc  six  cent  s,  un  marquis  quatre  cent 
cinquante,  un  comte  trois  cents,  un  vicomte 
deux  cent  cinquante,  un  baron  deux  cents, 
et  un  écuyer  cent.  Mais,  après  que  ce  prince 
eut  introduit  l'hérésie  dans  son  royaume,  il 
changea  cet  article  des  statuts,  et  ordonna 
que  lorsqu'un  chevalier  décéderait,  tous  les 
autres  donneraient  de  l'argent  pour  être 
employé  en  œuvres  pieuses  :  savoir,  le  roi 
d'Angleterre  8  liv.  6  sous  8  den.,  un  roi 
étranger  6  liv.  13  s.  4  d.,  un  prince  5  1.  16  s. 
8  d.,  un  duc  5  1.,  un  marquis  3  I.  15  s.,  un 
comte  2  1.  10  s.,  un  vicomte  2  1.  1  s.  8  d., 
un  baron  1 1.  13  s.  k  d.,  el  un  écuyer  16  s.  8  d. 

11  y  a  eu  daus  la  suite  du  changement  à 
l'habit  et  au  collier.  Présentement,  le  man- 
teau, qui  d'abord  n'était  que  de  drap  bleu, 
est  de  velours;  l'on  a  changé  la  robe  en  un 
justaucorps  de  velours  cramoisi  ;  el  les  che- 
valiers portent  un  bonnet  de  velours  noir 
autour  duquel  il  y  a  un  cercle  d'or  garni  de 
pierreries,  avec  des  plumes  blanches  el  une 
aigrelte  noire.  Sur  le  côté  gauche  du  man- 
teau, il  y  a  une  croix  rouge  entourée  d'une 
jarretière  au  milieu  d'une  étoile,  dont  les 
rayons  sorlent  (oui  autour  de  la  jarretière. 
L'abbé  Giusliniani  dit  que  les  chevaliers  ne 
portent  celte  étoile  que  depuis  l'an  1626,  par 
une  ordonnance  de  Charles  II  ;  mais  il  y  a 
bien  de  l'apparence  qu'ils  la  portaient  déjà 
auparavant,  comme  il  parait  par  le  tombeau 
de  Guillaume  llallon,  chancelier  d'Angle- 


515 


JAR 


JAR 


514 


terre  et  chevalier  de  cet  ordre,  décédé  l'an 
1591,  qui  est  dans  l'église  de  Saint-Paul  de 

Londres,  où  il  est  représenté  avec  le  man- 
teau de  cérémonie,  ayant  sur  le  côté  gauche 
la  croix  entourée  de  la  jarretière  au  milieu 
de  cette  étoile  :  ce  que  l'on  peut  voir  dans  la 
description  de  cette  église  que  Dugdale  a 
donnée  en  1658. 

Les  chevaliers  portent  encore  sur  l'épaule 
droite  un  chaperon  d'écarlate  comme  les 
présidents  et  les  conseillers  de  nos  parle- 
ments de  France.  Le  collier  est  présentement 
composé  de  jarretières  au  milieu  desquelles 
il  y  a  une  rose,  et  ces  jarretières  sont  entre- 
lacées de  nœuds  faits  de  cordons  d'or  avec 
des  houppes, quequelques-uns  prennent  pour 
des  chardons,  et  au  bas  du  collier  il  y  a  l'i- 
mage de  saint  tîeorges,  armé  de  toutes 
pièces,  sur  un  cheval  émaillé  de  blanc.  Cette 
image  est  ordinairement  garnie  de  diamants. 
La  jarretière  est  de  velours  bleu  garnie  de 
perles  qui  forment  les  paroles  qui  sont  des- 
sus. La  boucle  et  le  fermail  sont  garnis  de 
diamants  (1).  Tel  est  l'habit  de  cérémonie 
qu'ils  portent  dans  les  solennités  ;  mais,  aux 
autres  jours,  outre  la  jarretière,  ils  portent 
un  cordon  bleu  en  forme  d'écharpe,  depuis 
l'épaule  gauche  jusqu'à  la  hanebe  droite,  et 
au  bas  de  ce  ruban  il  y  a  une  médaille  d'or 
où  d'un  côté  est  l'image  de  saint  Georges 
dans  un  cercle  d'or  garni  de  diamants,  et  de 
l'autre  quelques  ornements  au  milieu  d'un 
cercle  d'or  garni  aussi  de  diamants  :  c'est  ce 
qu'on  appelle  le  Georges.  Cette  médaille  est 
néanmoins  comme  une  petite  boîte  qui  s'ou- 
vre et  où  quelques  chevaliers  conservent  le 
portrait  de  leurs  maîtresses,  selon  la  repré- 
sentation de  cette  médaille  que  nous  a  don- 
née M.  Ashmole,  et  qu'il  a  l'ait  graver  avec 
les  habits  et  les  ornements  de  cet  ordre. 

Lorsque  les  rois  d'Angleterre  donnent  cet 
ordre  à  quelque  prince  étranger,  ils  lui  en- 
voient tous  ces  ornements,  selon  qu'il  est 
ordonné  par  les  statuts  et  qu'il  paraît  par 
cette  lettre  du  roi  Charles  II  à  Fridéric-Guil- 
laume,  marquis  de  Brandebourg,  lorsqu'il 
lui  envoya  l'ordre  de  la  Jarretière  l'an  165i  : 
Mon  Frire,  l'assurance  que  j'ai  de  votre  ami- 
tié par  plusieurs  témoignages  que  vous  m'a- 
vez donnez,  m'oblige  à  rechercher  tous  les 
tnoîens  qui  seront  capables  de  l'entretenir  et 
de  la  conserver.  Pour  ce  sujet  fay  trouvé  à 
propos  comme  souverain  du  très  ancien  et  du 
très  noble  ordre  de  la  Jarretière,  de  vous  élire 
l'un  des  chevaliers,  pairs  et  compagnons  dudit 
ordre,  estimant  par  là  de  faire  une  plus  étroite 
amitié  avec  vou<,  et  d'augmenter  le  bien  et  la 
prospérité  de  cette  très  noble  société,  laquelle 
par  plusieurs  siéiles  a  eu  non  seulement  les 
rois  d'Angleterre  nos  prédécesseurs  pour  sou- 
verains, mais  aussi  l'honneur  d'avoir  plu- 
sieurs empereurs,  rois  et  princes  étrangers 
pour  compagnons  ;  comme  aussi  de  vous  don- 
ner par  là  une  marque  évidente  de  mon  affec- 
tion et  de  la  hante  estime  que  j'ay  de  vos  mé- 
rites et  de  votre  personne  ;  et,  pour  confirma- 
tion de  ladite  élection,  je  vous  envoyé  par  le 


sieur  chevalier  de  Walher  jarretière  roi  d'ar- 
mes, la  médaille  dite  le  Georges,  la  jarretière 
et  l'étoile,  pour  les  porter  à  la  manière  accou- 
tumée, à  sçaioir  ta  médaille  autour  du  corps, 
la  jarretière  èi  la  jambe  gauche,  et  l'étoile  sur 
le  côté  gauche  de  la  casaque  ou  du  manteau. 
Ledit  sieur  de  Walker  vous  assurera  de  ma 
part  que  je  désire  aiec  passion  de  vous  témoi- 
gner que  je  suis,  mon  frère,  votre  bien  affec- 
tionné frère  et  cousin  C.  R.  Cette  lettre  fut 
écrite  de  Paris  l'an  1654.  Mais  les  habits  de 
l'ordre  ne  furent  envoyés  au  marquis  de 
Brandebourg  que  l'an  1663,  comme  il  paraît 
parla  lettre  suivante  du  chevalier  Walker, 
écrite  de  Londres  au  prince  d'Orange  :  Mon- 
seigneur, j'ay  reçu  avec  les  lettres  de  Sa  Ma  - 
jesté  le  roi  mon  maître,  tout  l'habit  du  très 
noble  ordre  de  ta  Jarretière  pour  Son  Altesse 
le  prince  électeur  de  Brandebourg,  avec  ordre 
de  les  envoier  à  Votre  Altesse,  que  par  vos 
tnoîens  soient  adressez  à  Son  Altesse  Electo- 
rale. C<la  contient  un  juste-au-corps  de  ve- 
lours cramoisi,  un  manteau  de  velours  bleu, 
le  grand  collier  du  très  noble  ordre,  d'or,  avec 
l'image  de  saint  Georges  émaillé  poisunt  30 
onces,  et  un  bonnet  de  velours  noir.  Comme 
on  se  doit  porter,  le  papier  donra  plus  de  sa- 
tisfaction à  Son  Altesse  Electorale,  quoique 
l'habit  n'est  jamais  porté  sinon  qu'à  la  fête  de 
saint  Georijes ;  mais  te  grand  collier  est  porté 
par  le  souverain  et  compagnons  pendant  les 
prières  du  matin,  sur  tous  les  jours  mentionez 
dans  te  papier.  Pour  te  livre  des  statuts  de 
l'ordre,  quand  ils  seront  reformez,  je  tâcherai 
avec  tout  soin  de  les  envoier,  en  attendant 
j'ai  envoie  tout  l'habit  à  mon  cher  ami  te  che- 
valier Guillaume  Uavison ,  de  les  encoier  à 
Votre  Altesse,  de  qui  vous  recevrez  cela  et  la 
lettre  de  Sa  Majesté  ;  et  je  n'en  doubte  point 
bien-tôt  tout  le  reste,  et  puis  je  prie  humble- 
ment Votre  Altesse  de  les  adresser  à  Son  Al- 
tesse électorale  avec  les  très  humbles  et  obéis- 
sons services  de  celui  qui  sera  toute  sa  vie  de 
Sa  Sercnissime  Altesse  électorale,  et  de  votre, 
Monseiqneur,  le  très  humble  et  obéissant  ser- 
viteur Éd.  Walker.  Garter.  Chaque  prince 
étranger,  après  avoir  reçu  ces  marques  et 
ornements  de  l'ordre,  est  obligé  d'envoyer 
un  procureur  au  château  de  Windsor  pour 
être  reçu  et  installé  à  sa  place  avec  les  so- 
lennités requises,  et  doit  donner  un  manteau 
de  l'ordre,  son  heaume,  timbre  et  épée,  pour 
demeurer  toujours  dans  l'église  de  Windsor. 
Lorsque  ce  procureur  est  installé,  le  souve- 
rain de  l'ordre  ou  celui  à  qui  il  en  a  donné 
commission,  lui  attache  le  manteau  sur  le 
bras  droit,  et  après  celte  installation  il  ne  le 
doit  plus  porter  en  aucun  temps  pour  celui 
qui  l'a  envoyé.  Henri  IV,  roi  de  France, 
ayant  reçu  l'ordre  de  la  Jarretière  de  la  reine 
Elisabeth,  l'an  1596,envoja,l  an  600,  à  Wind- 
sor le  sieur  de  Chastres,  chevalier  de  l'ordre 
de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  gouverneur  de 
Dieppe  et  l'un  de  ses  lieulenanls  généraux 
en  Normandie,  comme  son  procureur  pour 
être  installé  à  sa  place,  ce  qui  fut  fait  après 
que  le  dit  sieur  de  Chastres  eut  promis  au 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  128. 


515 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


516 


nom  du  roi  de  France  d'observer  les  statuts 
de  l'ordre,  selon  la  forme  et  teneur  que  Sa 
Majesté  l'avait  déjà  juré  l'an  1596,  lorsqu'il 
recul  l'ordre,  el  dont  voici  la  leneur  :  Nous 
Henri,  pur  la  grâce  de  Dieu  roi  de  France  et 
de  Navarre,  jurons,  vouons  et  promettons  so- 
lennellement sur  notre  honneur  en  parole  de 
roi,  que  nous  observerons  et  miiinlimdrons  les 
statuts  et  ordonnances,  du  très-noble  ordre  de 
Monsieur  saint  Georges,  nommé  la  Jarretière, 
en  ce  qu'ils  ne  se  trouveront  contraires  à  no- 
tre religion  catholique,  grandeur  el  majesté 
roiale,  ni  aux  statuts  et  ordonnances  de  nos 
dnioc  ordres  du  benoît  Saint-Esprit  et  Mon- 
sieur suint  Michel.  Eh  témoin  de  quoi  nous 
avons  signé  la  présente  de  notre  main  et  icelle 
fait  sceller  de  notre  scel  secret.  A  Rouen,  le  2 
octobre  1506.  François  1er,  Henri  II,  Char- 
les IX  el  Henri  111,  aussi  rois  de  France,  ont 
reçu  pareillement  cet  ordre,  qui  a  clé  encore 
donné  à  cinq  empereurs,  à  plusieurs  rois 
d'Espagne,  de  Portugal,  de  Pologne,  de  Na- 
ples,  de  Danemark,  et  de  Suède,  à  des  ducs 
île  Bourgogne  de  Savoie,  de  Milan,  de  Fer- 
rare,  d'Urbin  el  à  plusieurs  princes  souve- 
rains d'Allemagne,  donl  il  y  en  a  cinq  ou  six 
de  la  maison  Palatine. 

Le  nombre  des  chevaliers  n'a  point  été 
augmenté  depuis  l'institution  de  l'ordre , 
ayant  toujours  été  fixé  â  vingt-six,  y  com- 
pris le  souverain  et  chef  de  l'ordre.  La  reine 
Elisabeth  fit  sous  son  règne  vingl-trois  che- 
valiers, parmi  lesquels  ils  y  eut  trois  rois  de 
France,  deux  empereurs  et  un  roi  de  Dane- 
mark. M.  Asbuiole  a  fait  graver  l'ordre  de  la 
marche  d'une  procession  de  ces  chevaliers 
qui  se  fit  à  une  fête  de  saint  Georges,  sous 
le  règne  de  celle  princesse,  au  commence- 
ment du  dernier  siècle,  où  elle  est  représen- 
tée avec  l'habit  et  le  grand  collier  de  l'ordre. 
11  y  a  cinq  officiers  de  cet  ordre  ,  savoir  :  le 
prélat  ,  le  chancelier,  le  greffier,  le  héraut 
appelé  Jarretière  roi  d'armes  d'Angleterre, 
et  l'huissier  appelé  de  la  Verge  noire,  à  cause 
qu'il  en  lient  toujours  une  a.  la  main.  L'évê- 
<;ue  de  Wiucester  est  prélat-né  de  l'ordre. 
L'office  de  chancelier  lut  créé  par  le  roi 
Edouard  IV  en  faveur  de  Richard  de  Bcau- 
chauip,  évêque  de  Salisbury,  et  ce  prince 
ordonna  que  les  successeurs  de  ce  prélat 
exerceraient  toujours  cet  office.  Cependant 
il  n'y  en  eut  que  six  de  suite  qui  l'exercè- 
rent, ayant  été  donné  après  cela  à  d'autres. 
Les  évéques  de  Salisbury  firent  de  temps  en 
temps  des  tentatives  pour  rentrer  dans  la 
possession  de  cet  office  ,  mais  ce  fut  inuti- 
lement :  cependant  Selhward ,  évêque  de 
Salisbury,  fil  de  nouvelles  poursuites  auprès 
du  roi  Charles  II  et  obtint  sa  demande.  Ces 
deux  officiers,  c'est-à-dire  le  prélat  et  le 
chancelier,  ont  un  manteau  de  satin  bleu 
doublé  de  taffetas  blanc, sur  le  côté  droil  du- 
quel il  y  a  la  croix  de  l'ordre  entourée  d'une 
jarretière;  et  le  chancelier  porte  outre  cela 
sur  l'estomac  une  médaille  d'or  entourée 
d'une  jarretière  au  milieu  de  laquelle  il  y  a 
une  rose.  Le  greffier,  le  héraut  et  l'huissier 
oui  aussi  chacun  un  manteau  de  même  que 
ceux  du  prélat  et  du  chancelier,  à  la  diffé- 


rence qu'ils  portent  sur  le  côlé  gauche  l'é- 
cusson  de  l'ordre  sans  jarretière.  Le  héraut 
porte  sur  L'estomac  une  médaille  entourée 
d'une  jarretière,  sur  laquelle  médaille  est  un 
écusson  parli  aux  armes  de  l'ordre  et  aux  ar- 
mes d'Angleterre,  surmonté  d'une  couronne 
royale  d'or,  el  il  tient  un  bâlon  d'argenldoré 
aux  extrémités  el  au  haut  duquel  il  y  a  les 
armes  de  l'ordre  et  d'Angleterre.  L'huissier 
à  la  verge  noire  a  une  médaille  aussi  entourée 
d'une  jarretière  au  milieu  de  laquelle  il  y  a  un 
nœud  pareil  a  ceux  du  collier  de  l'ordre,  et 
lient  à  la  main  une  verge  noire  garnie  d'ivoi- 
re, au  milieu  el  aux  extrémités  de  laquelle 
il  y  a  un  lion.  L'office  de  greffier  est  annexé 
depuis  longtemps  à  la  dignité  de  dojen  de 
Windsor,  et  Marc- Antoine  de  Dominis,  ar- 
chevêque de  Spalalro,  si  connu  par  son  apo- 
stasie, ses  écrits  et  sa  fin  Iragiijue  ,  a  clé 
greffier  de  cet  ordro,  en  celle  qualité  de 
doyen  de  Windsor. 

Elias  Ashmole,  The  institution  Laws  et 
cérémonies  of  The  Most  noble  Order  of  the 
Garler.  Bollaud  ,  Act.  SS.  tom.  III  Aprilis, 
pag.  158.  Mondon  Belvalel,  Catechism.  Ord. 
l'eriscelidis.  Froissard  ,  Chronique  de  Fraw 
ce,  d'Angleterre  et  d'Ecosse.  Bernard  Giusti- 
niani,  tlist.  di  tuât.  gli.  Ord.  milit.  Joseph 
Michieli,  Tesoro  milit.  di  Cavaleria. 

JEAN -BAPTISTE  en  France  (Ermites  de 
Saint-)   de  la  Porte  Angélique  a  Rome, 

ET  DE  MuNT-LucO. 

La  congrégation  des  Ermiles  de  Saint- 
Jean-Bapiiste  eu  France  reconnaît  pour  fon- 
dateur le  frère  Michel  de  Sainte-Sabine, 
qui  en  jeta  les  fondements  vers  l'an  1630. 
C'était  un  prêtre  d'une  grande  piélé  et  d'une 
vie  fort  austère  ,  à  qui  Dieu  avait  donné  un 
zèle  tout  particulier  pour  la  vie  solitaire. 
Il  s'y  consacra  tout  entier  dès  son  bas  âge, 
cl  s'y  rendit  si  parlait,  que,  voyanl  les 
grands  abus  qui  s'y  étaient  glissés  et  le  peu 
de  rapport  qui  était  enlre  les  Ermiles  des 
premiers  siècles  el  ceux  de  son  temps,  il 
entreprit  de  les  réformer.  H  fit  pour  cela 
pendant  quinze  ou  seize  ans  plusieurs  voya- 
ges, consulta  les  plus  habiles  maîtres  eu  la 
vie  éréniitique,  et,  après  avoir  surmonté  par 
sa  patience  tous  les  obstacles  qui  s  opposè- 
rent à  l'exécution  de  son  dessein  ,  il  dressa 
des  statuts  pour  celle  réforme  à  laquelle  il 
donna  le  nom  de  Saiut-Jean-Baptisie.  Ces 
statuts  contiennent  vingt-deux  articles,  aux- 
quels il  ajouta  des  annotations  également 
doctes  el  judicieuses,  qu'il  avait  Urées  des 
conciles,  des  Pères  et  des  plus  savants  auteurs, 
et  ils  furenl  approuvés  du  vivant  de  ce  ré- 
formateur par  l'évéque  de  Madaure,  Martin 
Mûrisse ,  suffragaut  d'Henri  de  Bourbon, 
évêque  de  Metz,  l'an  1633,  et  par  l'archevê- 
que de  Cambrai,  François  de  Wanderburch, 
l'an  163'i ,  qui  en  ordonnèrent  la  pratique  à 
lous  les  Ermites  des  diocèses  de  Cambrai  et 
de  Melz;  et  après  sa  mort  ils  furent  encore 
approuvés  par  l'évéque  du  Puy  en  Velay 
Henri  de  Maupeas  du  Tour,  l'an  1653,  et  par 
plusieurs  docteurs. 

Ce  réformateur  les  obligea  cuirs  aulres 


517  JEA 

choses  de  s'assembler  tous  les  ans  en  cha- 
que diocèse  pour  conférer  ensemble  des 
choses  qui  regardent  l'institut  et  procéder  à 
l'élection  d'un  visiteur.de  quatre  majeurs 
et  d'un  secrétaire,  auxquels  il  appartient 
d'examiner  ceux  qui  se  présentent  pour  en- 
tier dans  la  congrégation.  Ceux  qui  ont  été 
examinés  et  trouvés  capables  doivent  rece- 
voir l'habit  de  l'évé-iue  diocésain  sous  la 
juridiction  duquel  sont  ces  Ermites,  ou  de 
celui  qu'il  ;iura  commis  ;  et  après  avoir  reçu 
I  iiabit  ils  doivent  être  sous  la  conduite  d'un 
maître  qui  les  instruise  des  observances  de 
l'institut.  L'office  du  visiteur  est  de  faire 
les  \isites  des  Ermites,  les  corriger,  leur 
donner  des  avis  salutaires ,  et  lui  seul  peut 
leur  donner  la  permission  de  faire  des  voya- 
ges et  de  changer  de  demeure.  Les  majeurs 
sont  les  assesseurs  du  visiteur,  qui  lui  ser- 
vent de  conseillers  dans  toutes  les  affaires 
qui  concernent  l'institut;  et  ce  qu'ils  ont  dé- 
terminé doit  être  inviolabiement  observé. 
Ces  visiteurs  et  majeurs  peuvent  aussi  chas- 
sée les  incorrigibles,  vagabonds  et  désobéis- 
sants. Si  quelqu'un  quille  l'habit  de  l'institut 
ou  sort  du  diocèse  pour  aller  dans  un  autre 
et  y  demeurer,  il  ne  peut  retourner  ni  être 
de  nouveau  reçu  dans  celui  d'où  il  est  sorti, 
sans  le  consentement  du  visiteur  et  des  ma- 
jeurs. Quand  ils  ont  atteint  la  quarante- 
cinquième  année  de  leur  âge,  et  qu'ils  ont 
demeuré  vingt-cinq  ans  dans  l'institut  ,  ils 
doivent  l'aire  profession  entre  les  mains  des 
évéques  et  en  présence  des  visiteurs,  du 
secrétaire  et  de  deux  témoins,  en  ces  termes  : 
Je  N.  en  présence  de  toute  la  cour  céleste  et 
de  tous,  Messieurs  ,  voue  et  promets  à  Dieu, 
à  la  bienheureuse  Vierge,  à  saint  J°an-Bapti- 
ste  notre  patron,  à  tous  les  saints,  et  à  vous, 
Monseigneur,  perpétuelle  chasteté ,  pauvreté, 
obéissance  et  stabilité  en  l'institut  des  Ermi- 
tes, restauré  sous  l'invocation  de  Saint-Jean- 
Bap  liste. 

L'habillement  que  le  F.  Michel  de  Sainle- 
Siibine  prescrivit  à  ces  ermites  consistait  en 
une  tunique,  une  cuculle  ou  chaperon  et  un 
manteau  de  couleur  tannée  avec  un  scapu- 
laire  noir  et  une  ceinture  de  cuir  (1). 

Le  F.  Jean-Jacques,  qui  | > ri l  dans  la  suite 
le  nom  de  Jean-Baptisle,  et  dont  on  a  donné 
la  vie  au  public  eu  1699  sous  le  nom  d'un 
solitaire  inconnu  mort  en  Anjou,  a  été  le 
propagateur  de  cette  réforme,  qu'il  embrassa 
l'an  1632.  l'eu  après  qu'il  eut  pris  l'habit,  il 
se  retira  dans  l'ermitage  de  Saint-Bodille  au 
diocèse  de  Vienne  en  Dauphiné,  d'où  il  fut 
tiré  pour  aller  établir  un  ermitage  dans  le 
diocèse  du  Puy;  où  ayant  demeure  un  an,  il 
retourna  dans  celui  de  Saint-Bodille,  qu'il 
quitta  encore  vers  l'an  1653  pour  aller  à 
Annecy,  où  il  fut  appelé  par  l'évëque  de  Ge- 
nève, Charles-Auguste  de  Sales,  qui  le  char- 
gea du  soin  de  réformer  les  Ermites  de  son 
diocèse.  Il  reçut  ensuite  commission,  l'an 
1657,  des  archevêques  de  Lyon  et  de  Vienne, 
et  de  l'évéque  du  l'uy,  pour  visiter  les  ermi- 
tages de  leurs  diocèses,  et  dans  le  cours  de 

(i)  Voy.,  à  la  (in  du  vol.,  n°  129. 


JEA 


513 


ses  visites  il  donna  l'habit  à  plusieurs  no- 
vices et  établit  de  nouveaux  ermitages.  Les 
Ermites  de  ces  trois  diocèses,  voyant  que  la 
régularité  commençait  à  fleurir  parmi  eux, 
furent  tentés  de  se  soustraire  à  la  juridiction 
de  ces  prélats;  mais  frère  Jean-Baptiste,  qui 
en  prévoyait  les  conséquences,  s'y  étant  op- 
posé inutilement,  se  ùemit  de  sa  charge  de 
visiteur. 

11  fit  ensuite  un  voyage  en  Italie,  et  à  son 
retour  il  alla  en  Lorraine,  où,  après  avoir 
demeuré  quelque  temps,  il  bâtit  un  nouvel 
ermitage  à  Oisilly  dans  le  diocèse  de  Lan- 
gres.  11  en  établit  encore  d'autres  en  Bour-' 
gogne  et  dans  le  même  diocèse,  et  fit  quitter! 
a  ses  Ermites  leur  habit  tanné,  qu'il  changea 
en  un  blanc,  pour  les  distinguer  de  certains 
ermites  vagabonds  qui,  vivant  d'une  manièro 
scandaleuse,  faisaient  la  quèledans  les  vil- 
lages du  diocèse  de  Langres,  sous  le  nom  et 
l'habit  des  Ermites  réformés  de  Saint-Jean- 
Baptiste,  qu'ils  savaient  être  en  grande 
estime  dans  le  monde.  Il  fut  élu  visiteur  ou 
vicaire  général  de  tous  les  Ermites  du  dio- 
cèse de  Langres  l'an  1673,  et  son  élection  fut 
confirmée  par  l'évéque  du  même  diocèse 
Loui  -Armand  de  Simiane  de  Gcrdes,  qui 
l'obligea  d'accepter  cet  emploi,  dont  il  s'ac- 
quitta si  dignement,  qu'il  allait  tous  les  ans 
visiter  les  ermitages  de  son  district,  qui 
étaient  au  nombre  de  quatre-vingts.  Ce 
même  prélat  fit,  l'an  16S0,  des  règlements 
pour  tous  les  solitaires  de  son  diocèse,  qui 
sont  à  peu  près  les  mêmes  que  ceux  qui 
avaient  été  dressés  par  le  P.  Michel  de 
Sainte-Sabine,  ordonnant  de  plus  qu'ils  au- 
raient un  visiteur  ou  vicaire  général  trien- 
nal, qui  aurait  la  direction  de  tous  les  Er- 
mil  s  de  cet  institut,  et  qui  visiterait  tous  les 
ans  les  ermitages;  qu'il  y  aurait  encore 
quatre  visiteurs  particuliers  qui  auraient 
soin  de  veiller  sur  les  quatre  détroits  ou 
cantons  du  diocèse,  savoir  le  Langrois,  Di- 
jonnais,  Tonnerrois  et  Chaumonois,  lesquels 
visiteurs  seraient  élus  par  les  Ermites  dans 
leurs  synodes  généraux ,  qu'ils  tiendraient 
tous  les  trois  ans,  et  que  le  visiteur  géné- 
ral, conjointement  avec  le  visiteur  du  canton, 
nommerait  un  surveillant  dans  chaque  er- 
mitage, dont  il  aurait  la  conduite  et  le  gou- 
vernement, sans  avoir  égard  à  l'âge,  aux  an- 
nées de  réception,  ni  même  à  la  prêtrise, 
mais  seulement  à  la  prudence,  à  l'expérience 
et  à  la  bonne  conduite;  et  l'an  1687  le  même 
prélat  approuva  le  changement  d'habit  qui 
avait  ete  l'ait,  de  tanné  en  blanc. 

Dès  l'an  1676,  le  frère  Jean -Baptiste  avait 
quitté  le  diocèse  de  Langres  pour  deux  rai- 
sons :  la  première  fut  le  bruit  qui  se  répan- 
dit qu'il  était  le  comte  de  Moret,  fils  naturel 
d'Henry  IV,  roi  de  France,  que  l'on  avait 
cru  tué  à  la  bataille  de  Castelnaudary  ;  ce 
qui  était  appuyé  sur  ce  qu'il  ressemblait 
parfaitement  à  Henri  IV  et  sur  ce  qu'il  avait 
avoué  qu'il  s'était  trouvé  à  la  bataille  de 
Castelnaudary,  et  qu'il  avait  été  élevé  dès  sa 
jeunesse  au  château  de  Pau,  en  JJéaru;  la 


519 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


SU) 


seconde  raison  furent  les  guerres  du  comté 
de  Bourgogne,  qui,  troublant  la  tranquillité 
de  sa  solitude,  l'obligèrent  de  se  retirer  en 
Anjou,  où  il  bâtit  l'ermitage  de  Gardelles, 
proche  l'abbaye  d'Anières,  où  il  donna  en 
peu  de  temps  l'habit  à  sis  novices.  Son  âge 
et  ses  infirmités  ne  lui  permettant  plus  d'as- 
sister à  tous  les  exercices  de  sa  commu- 
nauté, il  se  démit  de  sa  charge  de  supérieur, 
et  pria  l'évéque  d'Angers  d'en  mettre  un  au- 
tre en  sa  place.  Enfin,  au  commencement  de 
l'avent  de  l'année  1691,  étant  allé  avec  ses 
novices  à  la  paroisse,  il  en  revint  avec  une 
fluxion  sur  la  poitrine.  Averti  par  celte  ma- 
ladie de  se  préparer  à  la  mort,  il  recul  les 
sacrements  avec  de  grands  sentiments  de 
piété,  et  le  24.  décembre,  veille  de  la  fête  de 
Noël,  il  rendit  son  âme  à  Dieu  avec  une 
grande  tranquillité  d'esprit  et  une  parfaite 
soumission  à  la  volonté  de  Dieu.  Après  sa 
mort,  cet  ermitage  des  Gardelles  lut  presque 
abandonné,  jusqu'en  1093 ,  que  l'évéque 
d'Angers  y  fit  venir  deux  saints  solitaires  de 
Bourgogne,  auxquels  Dieu  envoya,  en  1698, 
un  troisième  compagnon  natil'  de  Sens.  Les 
Ermites  qui  demeurent  en  ce  lieu  mènent 
Une  vie  très-édifiaute  et  très-austère. 

Grandet,  Vie  d'un  solitaire  inconnu  mort 
en  Anjou. 

A  ces  Ermites  de  la  congrégation  de  Saint- 
Jean-Baplisle,  en  France,  nous  enjoindrons 
quelques-uns  qui  sont  aussi  en  grande  estime 
en  Italie.  Les  premiers  sont  ceux  qui  de- 
meurent à  Rome  à  la  porte  Angélique  (1).  Ils 
ont  ou  pour  fondateur  un  certain  Albenze, 
Calabrois,  qui,  ayant  servi  longtemps  de 
quêteur  au  monastère  de  Sainte-Catherine 
de  la  Rose  ou  des  Cordiers,  et  à  l'archicon- 
fraternité  des  Courtisans,  et  ne  croyant  pas 
faire  son  salut  dans  cet  état,  se  relira,  vers 
l'a n  1588,  dans  ce  lieu,  proche  la  Porte  An- 
gélique à  Rome,  où,  avec  les  aumônes  qu'il 
reçut  de  plusieurs  personnes  charitables,  il 
jeta  les  fondements  d'un  hôpital  pour  y  loger 
les  Ermites  qui  venaient  à  Rome  visiter  les 
tombeaux  des  saints  apôtres,  el  y  faire  trai- 
ter ceux  qui  tombaient  malades.  I!  eut  en 
peu  de  temps  plusieurs  compagnons  qui  se 
joignirent  à  lui,  et  qui  vivaient  des  aumônes 
qu'ils  allaient  chercher  parla  ville,  en  criant 
tout  haut  :  Fuites  du  bien  présentement  que 
vous  en  avez  le  temps.  Ils  étaient  velus  d'une 
toile  blanche,  n'avaient  rien  pour  couvrir 
leur  tête  et  marchaient  les  pieds  nus  sans 
sandales.  Leur  vie  était  si  exemplaire,  que 
plusieurs  personnes,  touchées  de  l'esprit  de 
Dieu,  ayant  embrassé  leur  institut,  accru- 
rent leur  communauté,  qui  devint  fort  con- 
sidérable. Ils  bâtirent  dans  la  suite  une  pe- 
tite église  sous  le  litre  de  l'Ascension  de 
Noire-Seigneur,  où  ils  faisaient  célébrer  tous 
les  jours  un  grand  nombre  de  messes  ;  mais, 
en  1618,  une  image  de  la  sainto  Vierge  que 
le  fondateur  de  ces  Ermites  avait  apportée 
de  la  terre  sainte  et  qu'il  avait  mise  dans 
leur  chapelle,  ayant  commencé  à  faire  des 
miracles,  y  attira  -un  si  grand  concours  de 

(1)  Voy.,  à  la  tin  du  vol.,  n°  130. 


peuple,  que,  par  le  moyen  des  grandes  au- 
mônes qu'on  leur  fit,  ils  firent  bâtir  une 
belle  église  et  augmentèrent  considérable- 
ment les  bâtiments  de  leur  maison  et  de 
l'hôpital,  où  ils  vivent  sous  la  prolecliou 
d'un  cardinal  qu'ils  élisent. 

Celte  maison  a  servi  de  retraite  aux  nou- 
veaux convertis  à  la  foi,  jusqu'à  ce  qu'ayanl 
été  transférés  en  un  autre  lieu  sous  le  pon- 
tificat de  Clément  X,  on  laissa  aux  Ermites 
leur  maison  libre.  Ils  sont  présentement  ha- 
billés de  drap  blanc  sans  capuce,  ayant  pour 
couvrir  leur  tête  un  chapeau  blanc.  Leur 
robe  est  ceinte  d'une  ceinture  de  cuir  sans 
scapulaire  ,  et  ils  vont  nu-pieds  avec  des 
sandales  de  cuir. 

Proche  la  ville  de  Spolelte  en  Ombrie,  il 
y  a  une  congrégation  d'Ermites  sur  le  mont 
Luco,  qui  prétendent  faire  remonter  leur 
origine  jusqu'au  commencement  du  ivc  siè- 
cle, et  avoir  été  établis  par  saint  Jean  d'An- 
tioche,  évéque  de  Spolelte,  qui  fut  martyrisé 
sous  l'empire  de  Maximien.  Ces  Ermites 
vivent  dans  des  cellules  séparées  les  unes  des 
autres,  comme  celles  des  Camaldules.  Us 
font  un  an  de  noviciat,  après  lequel  ils  sont 
reçus  dans  la  congrégation,  sans  néanmoins 
faire  de  vœux.  Us  font  leurs  exercices  spiri- 
tuels en  commun,  après  lesquels  chacun 
travaille  en  son  particulier  selon  son  talent. 
Ils  peuvent  posséder  des  fonds  et  des  reve- 
nus, el  sont  libres  de  sortir  de  la  congréga- 
tion quand  bon  leur  semble.  Ils  élisent  tous 
les  ans  un  supérieur.  Leur  habit  est  presque 
semblable  à  celui  des  Minimes,  et  la  plupart 
portent  des  sandales. 

Pliilipp.  Bonanni ,  Cataloo.  Ord.  relig. 
part.  ni. 

JEAN -BAPTISTE  DE  COVENTRY  hn  An- 
gleterre   (Chanoines     hospitaliers     db 

Saint-),  et  de  quelques  autres   Uospitaliers 
dans  ce  royaume. 

Les  religieux  Porte-Croix  des  Pays-Bas  et 
de  Fiance  ne  reconnaissent  point  ceux  d'Jr- 
lande  pour  avoir  élé  de  leur  ordre  ,  ce  qui  a 
fait  que  M.  Allemau  les  a  attribués  à  ceux 
d'Italie  ;  mais,  comme  la  plupart  des  maisons 
que  les  religieux  Porte  -  Croix  d'Irlande 
avaient  étaient  aussi  des  hôpitaux  dédiés 
à  saint  Jean-Baptiste,  je  crois  qu'ils  pour- 
raient avoir  été  semblables  aux  chanoines 
hospitaliers  de  Saint-Jean-Baplisle  deCoven- 
try,  en  Angleterre,  dont  Dodsworlh  et  Dug- 
dale  ont  fait  mention  dans  leur  Histoire  mo- 
nastique d'Angleterre,  et  que  la  croix  noire 
qu'ils  portent  sur  leurs  robes  et  leurs  man- 
teaux leur  a  fait  peut-être  donner  le  nom  de 
Porle-Croix. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Dodsworlh  et  Dugdale 
nous  onl  donné  l'habillement  d'un  de  ces 
chanoines  hospitaliers  deSainl-Jean-Baptiste 
de  Covenlry,  telque  nous  le  donnons  aussi  (2j. 
Ils  n'ont  point  marqué  le  temps  de  leur  éta- 
blissement ;  mais  cet  hôpital  était  desservi 
par  des  religieux  et  des  religieuses,  et  avait 
été  fondé  par  le  prieur  el  les  moines  de  la  ca- 

(-2)  Voy.,  à  h  fin  du  vol.,  n*  131. 


521  ,  JEA 

tbédrale    de    Coveulry    Je   l'ordre  de  Saint- 


JEA 


52t 


H      )     il    uni        iriiiiv       u    ll'invi   il»j     -i         ut      i         "i      ■ 1 

adressée  au  recieur  el  aux  frères  de  cet  hô- 
pital, par  laquelle  ce  pape  les  reçoit  sous  sa 
protection, leur  accorde  des  privilèges  et  con- 
firme toutes  les  donations  nui  leur  avaient 
été  faites.  Une  semblable  protection  leur  fut 
aussi  accordée  par  le  roi  Henri  III;  mais  il 
y  a  bien  de  l'apparence  que  cette  bulle  causa 
un  procès  entre  les  moines  de  Coveniry  et 
les  hospitaliers,  qui  dura  près  de  deux  cents 
ans,  puisque  ce  ne  fut  que  le  29  mars  de  l'an 
1425  qu'il  fut  terminé  par  des  arbitres  qu'ils 
avaient  choisis,  et  qui  ordonnèrent  que  cette 
bulle  d'ilonorius  II!  n'aurait  aucun  effet  et 
serait  de  nulle  valeur,  à  cause  des  divisions 
qu'elle  avait  causées  ;  que  le  prieur  et  le  cha- 
pitre de  Coveutry  étaient  les  véritables  fon- 
dateurs de  cet  hôpital,  et  seraient  reconnus 
à  l'avenir  pour  tels;  que  pour  ce  sujet  le 
maître  ou  recieur,  sitôt  qu'il  serait  élu  et 
installé,  leur  prêterait  obéissance  et  fidélité, 
et  leur  payerait  les  dîmes  des  champs  seule- 
ment, et  non  de  leurs  jardinsel  des  animaux, 
dont  ils  étaient  exempts  comme  religieux  ; 
que  le  prieur  accompagné  de  huit  personnes 
visiterait  tous  les  ans,  s'il  le  trouvait  à  pro- 
pos, le  recieur,  les  frères  et  les  sœurs  de 
l'hôpital,  qui  seraient  tenus  de  faire  profes- 
sion entre  ses  mains,  selon  la  formule  énon- 
cée par  cet  acte,  qui  conlieui  plusieurs  rè- 
gle i  ents  el  statuts  pour  ce-  hospitaliers, 
comme  aussi  la  manière  dont  ils  doivent  être 
habilles  :  savoir,  tant  les  frères  que  les 
sœurs,  d'une  robe,  d'un  scapulaire  par-des- 
sous la  robe,  et  d'un  manteau  de  couleur 
brune,  sur  lesquels  devait  être  attachée  une 
croix  noire.  Les  religieuses  avaient  un  voile 
blanc.  Apparemment  qu'elles  assistaient  au 
chapitre  avec  les  frères,  puisqu'il  y  est  aussi 
marqué  que  le  maître  ou  recteur  tiendrait 
tous  les  vendredis  le  chapitre,  pour  punir  les 
fautes  des  frères  et  des  sœurs,  qui  se  de- 
vaient aussi  trouver  aux  processions  géné- 
rales et  aux  entenements  des  prieurs  et  des 
moines  de  la  cathédrale. 

H  y  avait  grand  nombre  de  ces  sortes 
d'hospitaliers  en  Angleterre;  et,  quoique 
Dodsworlh  et  Dugiiale  les  aient  mis  au  nom- 
bre de  ceux  qui  suivaient  la  règle  de  saint 
Augustin,  il  parait  néanmoins  qu'ils  avaient 
des  règles  particulières,  et  qu'ils  dépendaient 
des  évéques  des  lieux  où  leurs  hôpitaux 
étaient  situes,  comme  on  peut  voir  dans  les 
règlements  de  quelques-uns  de  ces  hôpitaux 
qui  sont  rapportes  par  ces  auteurs,  el  qui 
font  assez  connaître  que  ces  hospitaliers 
étaient  véritablement  religieux;  car  les  frè- 
res et  les  sœurs  de  l'hôpital  de  Sainl-Léonard 
d'Vork,  s'ils  avaient  commis  quelque  péché 
«outre  la  chasteté  et  la  pauvreté, ne  pouvaient 
être  absous  que  par  le  maître  de  l'hôpital,  si 
i'.e  n'était  à  l'article  de  la  mort;  auquel  cas 
ils  pouvaient  recevoir  l'absolution  de  quel- 
que prêtre  que  ce  fût  ;  niais,  s'ils  retournaient 
en  sauté,  ils  devaient  se  présenter  au  maître 
Actions «ire  oes  Ordres  religieux.  11. 


pour  la  recevoir,  et  si  quelqu'un  d'eux  mou- 
rail  propriétaire,  il  était  privé  de  sépulture. 
Vautier  de  Grey  ,  archevêque  d'York  , 
dressa  aussi  une  règle,  l'an  1241,  pour  les 
frères  et  les  sœurs  de  l'hôpital  de  Sainl-Jean- 
liaplisle  de  Dolingham,  adressée  à  Alwin.qui 
en  était  maître  ou  recteur.  Il  ordonna  entre 
autres  choses  que  la  propriété  serait  bannie 
entre  eux,  el  que  si,  sept  jours  après  la  pu- 
blication de  son  ordonnance,  il  se  trouvait 
quelqu'un  qui  fùl  propriétaire,  il  serait  ex- 
communié, et  mourant  en  cet  état,  qu'on  ne 
lui  donnerait  pas  la  sépulture  en  terre  sainte. 
Les  frères  et  les  sœurs  de  cet  hôpital 
avaient  des  tuniques  grises  tirant  sur  le 
roux,  avec,  des  manteaux  noirs,  ne  man- 
geaient delà  viande  que  trois  fois  la  semaine, 
gardaient  un  étroit  silence  au  réfectoire,  s'as- 
semblaient toutes  les  semaines  au  chapitre 
pour  s'accuser  de  leurs  failles  el  en  recevoir 
la  collection  ;  ils  y  devaient  lire  uae  fuis  le 
mois  le  règlement  de  cet  archevêque  en  lan- 
gue anglaise  ou  française ,  et  les  frères 
laïques  el  les  sœurs  récitaient  un  certain 
nombre  de  Pater,  pour  chaque  heure  de  leur 
office. 

Il  y  avaiten  Angleterre  plusieurs  hôpitaux 
destines  pourles  lépreux,  et  qui  s'engageaient 
par  vœu  à  la  pauvreté,  à  l'obéissance  et  à  la 
chasteté.  L'on  trouve  à  la  lin  des  œuvres  de 
Matthieu  Paris  les  statuts  de  l'hôpital  de 
Saint-Julien,  où  il  est  dit  que.  les  frères 
qu'on  recevra  dans  cet  hôpital  ne  seront 
poin:  mariés,  et  que,  s'il  s'en  présente  quel- 
qu'un qui  le  so:t,  il  fera  vœu  solennel  de 
chasteté  enlre  les  mains  de  l'archidiacre  de 
l'abbaye  de  Saint-Alban,  dont  cet  hôpital  dé- 
pendait ;  que,  si,  après  sa  réception  et  après 
avoir  fait  ce  \œu,  il  le  transgresse,  il  sera 
chassé  de  l'hôpital,  selon  l'ancienne  pratique 
de  cette  maison,  el  renvoyé  à  sa  femme,  'i  elle 
est  encore  en  vie,  comme  étant  pour  lors  li- 
bres tous  les  deux  ;  et  que  si  elle  est  morte,  il 
sera  puni  sévèrement. 

Ils  ne  s'engageaient  pas  à  une  pauvreté 
fort  exacte,  car,  par  un  des  articles  des  mê- 
mes statuts,  il  est  dit  que,  comme  ce  qu'on 
leur  donnait  dans  l'hôpital  ne  suftisait  pas 
pour  leur  entrelien,  il  leur  était  permis  d'a- 
voir des  effets  mobiliers  qui  se  pouvaient 
acquérir  honnêtement,  à  condition  que,  ve- 
nant a  mourir  ou  à  sortir,  les  biens  appar- 
tiendraient à  l'hôpital  pour  être  distribués  en 
commun.  Ils  pouvaient  néanmoins  disposer 
par  testament  de  ia  troisième  paitiedeces 
effets,  pourvu  que  ce  fût  avec  la  permission 
du  maître  ou  recteur,  autrement  le  testa- 
ment était  nul. 

On  éprouvait  pendant  un  temps  celui  qui 
devait  faire  profession,  et,  s'il  avait  lait  pa- 
raître une  conduite  réglée  et  qu'il  eût  été  de 
bon  exemple,  on  le  recevait  eu  chapitre; 
après  quoi  il  faisait  profession  entre  les 
mains  de  l'archidiacre  de  Saint-Alban.  Par 
cette  profession  il  promettait  et  jurait  sur 
les  sainis  Evangiles  d'obéir  en  loules  choses, 
pendant  tout  le  temps  de  sa  vie,  à  l'abbé  de 
Saint-Alban,  pourvu  qu'il  ne  lui  commandât 
rien  contre  la  loi  de  Dieu;  de  ne  commettre 
17 


*sw 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


VU 


point  de  vol,  do  ne  batlre  point  aucun  frère, 
de  ne  point  violer  le  vœu  de  chasteté,  de  ne 
point  s'approprier  et  de  ne  laisser  par  tes- 
tament que  des  choses  dont  les  frères  pou- 
vaient disposer,  d'éviter  tonte  sorle  d'usure, 
de  ne  procurer  par  aucune  voie  qu'aucun 
autre  que  celui  qui  aurait  été  nommé  par 
l'alibé  de  SainUAlban  fût  maître  ou  recteur 
de  l'hôpital;  de  se  contenter  de  ce  i|iie  ce 
maître  lui  donnerait,  sans  murmurer,  et  de 
ne  point  sortir  des  In; nies  qui  étaient  pres- 
crites. Que,  s'il  transgressait  aucune  de  ces 
choses,  il  consentait  qu'on  le  punit  sévère- 
nu  ni  selon  la  qualité  ou  la  grandeur  du 
crime,  et  même  qu'on  le  chassât  de  la  con- 
grégation comme  ..postal,  sans  aucune  espé- 
rance de  retour,  à  moins  que  ce  ne  lut  par 
une  grâce  spéciale  de  l'abbé. 

Leur  habillement  cons  slail  en  une  robe 
et  capuce  de  couleur  tannée,  et  lorsqu'ils 
allaient  au  chœur  ou  parla  ville,  ils  avaient 
une  chape  en  forme  de  manteau  et  un  ca- 
pucr  de  drap  noir.  Leurs  robes  et  capuces 
pouvaient  être  fourrés  de  peau  d'agneau. 
L'habillement  des  prêtres  était  noir  et  sem- 
blable, quant  à  la  forme,  à  celui  des  lépreux. 
Cet  hôpital  de  Saint-.! ulien  lut  fondé  vers 
l'an  1140,  sous  le  règne  d'Henri  1",  par 
Geoffroi,  seizième  abbe  de  Sainl-Alban,  qui 
était  Français  et  avait  pris  naissance  dans  le 
pays  du  Maine  ;  et  les  statuts  et  règlements 
dont  nous  venons  de  parler  avaient  été  dres- 
sés par  l'abbé  Michel  l'an  1344. 

Dodsworlh  et  Dugdale  ont  aussi  inséré, 
dans  leur  Histoire  monastique  d'Angleterre, 
les  règlements  de  l'hôpital  des  lépreux  d'EI- 
leford  dans  le  comté  d'Essex,  qui  avait  ai  - 
trefois  été  fondé  par  l'abbes>  •  elles  religieu- 
ses du  monastère  de  Berkyog.  Ces  règlements 
furent  dressés  l'an  1340  par  Radulphe  de 
Bahlok,  évéque  de  Londres,  du  ronscnlement 
de  Malhildede  Montaigu,  pour  lors  abbesse 
de  [Jerkyng,  et  on  j  leniarque  que  ces  lé- 
preux promettaient  et  juraient  sur  les  saints 
Évangiles  de  garder  la  fhstelé.  de  n'avoir 
rien  en  propre,  et  d'obéir  à  l'abbesse  du  mo- 
nastère de  Bei  kyng. 

Comme  il  j  avait  d'autres  hôpitaux  de  ces 
lépreux,  sous  'e  litre  de  Sainle-Marie-Made- 
leineel  de  ï-ainl- Laza<e,  c'est  ce  qui  a  pvut- 
êlre  douné  lieu  à  Adrien  i  annian  et  à  quel- 
ques autresd'avoir  supposéun  ordrede  samle 
Madeleine  el  de  saint  Lazare. 

Voyez     Roger    Dodsworlh,    et    Guillelm. 
Dugdale,    Moncslicon   Anglicanum,  tom.  II. 
JEAN-BAPJTSTE  DE  LA  PÉNITENCE  (Eu- 
mites  de  Saint-).   Voy.  Gonzague. 
JEAN  DE  BICLARE.  Yotj.  Césaire  {Suint-}. 

JEAN  DE  CHARTRES  (Chvnoines  réguliers 
de  Saint-),  des  Del x  Amants,  de  Saint-Lo 
de  Rouen,  et  de  Saint-Martin  d'Eper- 
nay,  présentement  unis  à  lu  Congrégation 
de  France  ou  de  Sainte-Génevièpe. 
Après  que  la  réfoi  me  eut  étéintroduitedans 
l'abbaye  de  Saint-Vincent  de  Seulis  par  les 
soiusdu  R.P.  Faute,  celle  de  Saiut-Jean  de 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  152. 


Chartres  suivit  bienlôlson  exemple  et  s'unità 
elle,  ayant  été  la  première  à  embrasser  la 
réforme  parles  soins  de  Léonore  d'Étampes, 
évèque  de  Chartres,  qui  y  fit  venir  des  reli- 
gieux de  Saint-Vincent,  l'an  1024.  Ce  mo- 
nastère de  Saint-Jean  eut  pour  fondateur  le 
bienheureux  Yves,  prévôt  de  Saint-Quentin 
de  Beauvais,  qui,  ayant  été  élu  évéque  de 
Chartres,  lit  venir  en  sa  ville  épiscopale  des 
chanoines  de  son  monastère  de  Saint-Ouen- 
tin,  l'an  1097  ,  qu'il  établit  en  l'église  da 
Saint-Jean  en  Vallée,.  Il  leur  donna  des  re- 
venus considérables  pour  leur  subsistance, 
entre  autres  le  pr  euré  de  SainlE-tienne,  qui 
étai(  dans  l'enceinte  de  la  ville,  et  les  anna- 
les des  prébendes  des  chanoines  qui  vien- 
draient à  décéder,  qui  est  un  droit  dont  les 
chanoine?  régulier*  (selon  le  P.  Du  Moulinet) 
jouissent  eu  plusieurs  cathédrales  de  France. 
Celle  abbaye  aya;;l  été  minée  l'an  15(32  par 
les  éiétiques,  elle  fut  depuis  transportée  au 
prieuré  de  Saint-Etienne  dan-;  l'enceinte  de 
la  ville,  où  elle  a  été  rebâtie  par  les  chanoi- 
nes réguliers  de  la  Congrégation  de  France, 
lorsqu'ils  )  furent  établis.  L'habillement  de 
ces  chanoines  consistait  en  une  soutane  de 
serge  blanche  avec  un  rocliel  et  un  chaperon 
noir  sur  l'épauleau  lieud  aumusse(l),ce  qui 
leur  é,  la.il  commun  avec  les  chanoines  régu- 
liers ds  Saint-Acheul  d'Amiens,  de  Sainte- 
Barbe  en  Auge  el  quelques  autres  qui  ont 
été  aussi  unis  dans  la  suite  à  la  Congréga- 
ti   n  de  Fiance. 

L'abbaye  de  Saint-Denis  de  Reims,  à  la 
réquisition  d'Henri  de  Maupas,  évèque  de 
Lavaur,  qui  en  était  abbé,  reçut  aussi  la  ré- 
forme et  fui  unie  à  la  même  congrégation  le 
13  août  lb33.  Cette  abbaye  avait  été  fondée 
par  le  grand  Hincmar,  archevêque  de  Reims, 
sous  le  règne  de  Charles  le  Chauve  ;  mais  ce 
monastère,  qui  était  hors  l  enceinte  de  la 
ville,  ayant  été  ruine  par  les  gu  ries,  Ger- 
vaise,  qui  était  arehevéque  en  1007,  voulut 
le  rétablir  en  sa  première  splendeur,  et  le 
transférer  dans  la  ville,  où  il  y  mit  des  cha- 
noines réguliers  sous  la  règle  de  saint  Au- 
gustin, qui  ont  retenu  les  derniers  l'ancien 
habit  des  chanoines,  savoir  le  grand  surplis 
descendant  jusqu'à  terre,  et  l'hiver  la  chape 
par-dessus  sans  aucune  ouverture  pour  pas- 
ser les  mains  (2),  ce  qui  était  incommode  ; 
aussi  les  anciens  qui  s'en  servaient  ont-ils 
quille  ces  babils  pour  se  conformer  aux  cha- 
noines de  la  Congrégation  de  Fiance  lors- 
qu'ils furent,  introduits  dans  cette  abbaye. 

L'an  103'o,  le  parieine.it  de  Rouen  obligea 
les  chanoines  réguliers  du  prieuré  de  Sainl- 
Lô  de  Rouen  d'embrasser  aussi  la  réforme 
de  la  Congrégation  de  France;  el,  a)ant  fait 
venir  à.cei  effet  des  religieux  de  Paris,  il  les 
mil  en  possession  de  ce  prieuré,  qui  avait 
été  autrefois  bâti  par  saint  Melon,  archevê- 
que de  celte  ville  ,  sous  l'invocation  de  la 
sainte  Trinité.  Mais,  les  Normands  s'élant 
établis  dans  ia  Neuslrie,  à  laquelle1  ils  don- 
nèrent leur  nom,  faisant  de  grands  rav 
dans  celte  province,   principalement  dans  la 

(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  155. 


885  JF.A 

basse  Normandie,  les  reliques  de  saint  Lu  el 
de  saint  Romphard,  ê^èqoe  de  Coutances, 
furent  apportées  à  Rouen  et  déposées  dans 
cette  église  delà  Trini  é,  qui  depui-  ce  temps 
a  retenu  le  nom  de  Sainl-Lô.  Rollo,  duc  des 
Normands,  s'étant  l'ait  chrétien,  accorda  en 
leur  considération  l'église  où  ces  saints  re- 
posaient, à  Thierry,  évèquede  Coutances,  et 
à  ses  chanoines  pour  leur  servir  de  cathé- 
drale et  y  faire  le  service  divin  jusqu'à  ce 
qu'ils  fussent  rétablis  dans  leur  propre  ville. 
Quatre  é\èques  de  Coutances  consécuti  s  y 
tinrent  leur  siège  pendant  plus  de  cent  vingt 
ans, et  ils  y  laissèrent,  en  se  retirant  en  basse 
Normandie,  un  collège  de  chanoines,  les- 
quels, étant  tombés  dans  le  dérèglement,  lu- 
rent remplacés  par  des  chanoines  réguliers 
qu'Algare,  évèque  de  Coutances  fit  venir  de 
Sainte-Barbe  en  Auge  en  llik;  qui,  ayant 
aussi  abandonné  la  vie  régulière,  furent  unis 
à  la  Congrégation  de  France,  l'an  1G39, 
comme  noua  avons  dit  ci- dessus.  Ils  étaient 
en  possession  de  porter,  I  hiver  à  l'église,  la 
cliape  violette,  el  en  été  l'aunlusse  d'étoffe  de 
même  couleur  doublée  et  bordée  de  lourrure 
blanche  (1). 

Le  prieuré  des  Deux  Amants,  au  même 
diocèse  de  Rouen,  embrassa  aussi  la  même 
réforme  le  2k  niai  Ki48.  Il  y  a  eu  plusieurs 
opinons  louchant  l'u-ig  ne  de  ce  nom.  La 
tradition  du  pays  est  qu'un  jeune  genli  - 
homme  ayant  recherche  en  mariage  une  de- 
moiselle des  environs  de  ré  lieu,  ses  parents 
ne  crurent  pas  ce  parti  avantageux  pour  elle 
cl  refusèrent  son  alliance.  Ce  gentilhomme 
ne  se  rebuta  point  de  ce  refus,  au  contraire 
il  ledoubla  ses  poursuite;  jusqu'à  se  rendre 
importun,  de  soi  te  que  le  père  de  la  fille, 
croyant  se  défaire  de  lui  en  lui  demandant 
quelque  chose  d'impossible,  lui  promit  si 
fille  s'il  la  p  uva't  porter  jusqu'au  haut  de 
la  montagne  où  le  monastère  est  présente- 
ment si  né,  laquelle  est  fort  roide  el  de  diffi- 
cile accès.  Il  accepta  la  condition  et  la  porta 
heureusement  jusqu'au  l?â\il  de  celle  mon- 
tagne, mais  si  las  it  si  épuisé,  qu'il  expira 
sur-le-champ.  Cet  accident  toucha  si  sensi- 
blement la  fuie,  qu'elle  mourut  aussi  de  dé- 
plaisir, de  sorte  que  les  parents  de  l'un  et  de 
l'autre  les  firent  inhumer  ensemble  au  même 
lieu  ,  qui  a  gardé  depuis  le  nom  des  Deux 
Amants. 

Comme  cetle  hisloire  approche  du  roman, 
c'est  pour  cela  que  d'autres  ont  cru  que  ce 
nom  avait  élé  donné  à  ce  monastère  en  con- 
sidéraiion  d'un  mari  et  d'une  femme  d'Au- 
vergne dont  parle  Grégoire  de  Tours  au  li- 
vre xxxii  De  Gloria  Confessorum.  Lesquels 
ayant  gardé  loule  leur  vie  la  virginité  da'is  le 
mariage, etayant  étéinlerrés  aprèsleur mort 
l'un  après  l'autre  dans  deux  sépulcres  diffé- 
rents de  pierre,  on  trouva  le  lendemain  qu'ils 
étaient  si  bien  joinlsensemble, qu'il  n'en  pa- 
raissait qu'un  :  c'est  pourquoi  ils  furent  hono- 
rés dans  tout  le  pays  sous  le  nom  des  Deux 
Amans. Mais  il  y  en  a  d'autres  qui  ont  estimé 
qu'il    ne   fallait  point   chercher  d'autre  ori- 

(1)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n*  Vii. 

(i)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  il*  l?ïï. 


IEA 


sa 


ginc  que  l'amour  saint  et  réciproque  de 
tre-Seigneur envers  la  Madeleine,  qui  est  la 
patronne  de  cetle  église.  Les  chanoines  ré- 
gul.ers  de  ce  lieu  avant  la  réforme  portaient 
l'aumusse  ur  la  télé  et  avaieut  un  rochel 
par-dessus  leur  robe  (2). 

L'abbaye  de  Saint-Mariin  d'Epcrnay  en 
Champagne  fut  du  nombre  de  celles  qui, 
étant  tombées  dans  le  relâchement,  voulu- 
rent embrasser  la  vie  régulière  en  s'utïissant 
à  la  Congrégation  de  France  ou  de  Sainte- 
Geneviève.  Elle  avait  élé  fondée  dès  le  c  >m- 
mencement  du  xn*  siècle  par  les  comtes  de 
Champagne,  et  fut  toujours  des-er  ie  pardes 
chanoines  séculiers  jusqu'en  l'an  lli8,  que 
Gallerand  ou  Vallerand,  quatrième  aUtiè, 
ayant  élé  louché  par  les  prédications  de 
saint  Bernard,  résolut  de  quitter  le  monde 
pour  se  faire  religieux  à  Clairvnùx  ;  mais 
avant  d'exécu'er  son  dessein,  il  fit  venir,  par 
le  conseil  de  ce  saint)  et  du  consentement  de 
Thibaut,  comte  de  Champagne,  des  chanoi- 
nes réguliers  à  Saint-Marlin  d'Ep  rnay. 
Foulques,  religieux  de  Saint-Léon  de  Toul, 
fut  élu  abbé  et  fut  béni  par  Renaud,  arche- 
vêque de  Reims,  en  présence  de  saint  ïler- 
nard,  du  comte  de  Champagne,  et  de  Josse- 
lin  ,  évèque  de  Soissons.  Ces  chanoines, 
avant  leur  union  avec  la  Congrégation  de 
France,  portaient  une  robe  blanche  à  l'an- 
tique, et,  par-dessus,  une  espèce  de  petit 
rochel  que  quelques-uns  appelle- 1  (selon  Je 
P.  Du  Moulinet)  sarrocium  ou  scorliiium  (3). 
Les  chanoines  réguliers  de  la  prévôté  de 
Beaumont,  au  diocèse  de  Vabres,  en  ont  un 
qui  consiste  en  une  pièce  ou  bande  de  linge 
à  l'entour  du  cou,  qui  descend  en  poinle  sur 
l'estomac. 

L' s  chanoines  réguliers  de  la  Congréga- 
tion de  France  onl  aussi  réformé  ceux  de  la 
cathédrale  'l'Usez,  q'  i  est  un  •  des  plus-  an- 
cienne' de  France,  puisque  le  catalogue  de 
ses  évéques  remonte  jusqu'au  V  siècle.  11  y 
a  de  l'apparence  que  le  clergé  ou  chapitre  de 
celte  église  fut  d'abord  comme  celui  île  tou- 
tes les  autres  églises  épiscopales  de  France, 
où  les  chanoines  pratiquaient  la  vie  com- 
mune selon  les  règles  des  canons.  Depuis  il 
devint  régulier  et  suivit  la  règle  de  saint 
Augustin,  lorsque  la  plupart  des  chanoines 
qui  vivaient  en  commun  prirent  le  nom  de 
réguliers,  et  se  glorifièrent  d'avoir  eu  saint 
Augustin  pour  Père.  Les  églises  épiscopales 
de  Languedoc  el  de  Provence  qui  firent  la 
même  chose,  formèrent  avec  celle  d'Usezune 
espèce  de  congrégation.  Elle  avait  des  sta- 
tuts communs.  On  y  tenait  des  chapitres  gé- 
néraux, et  on  y  élisait  des  visiteurs;  m  lis 
l'on  ne  peut  dire  le  temps  que  cette  congré- 
gation lui  délruite,  et  que  toutes  ces  églises 
lurent  sécularisées.  Il  n'y  a  eu  que  celles 
d'Uzès  et  de  Pamiers  qui  jusqu'à  présent 
oni  été  égulières,  et  les  désordres  des  guer- 
res, joints  à  l'hérésie  qui  a  dominé  si  long- 
temps en  ce  pays,  ayant  fait  souvent  aban- 
donner aux  chanoines  les'observances  régu- 
lières, elles  ont  eu  besoin  de  temps  en  temps 

(.")  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n"  136. 


5*7 


DICTIONNAIRE  DLS  OKuKES  RELIGIEUX. 


!>28 


de  réforme.  Nicolas  Grillet,  évèque  d'Uzès, 
fit  venir,  l'an  1640,  les  chanoines  réguliers  de 
la  Congrégation  de  France  pour  renouveler 
dans  son  Eglise  le  premier  esprit  de  l'ordre 
canonique.  Ils  y  ont  demeuré  pendant  quel- 
ques années,  et  vivaient  selon  les  observan- 
ces delà  Congrégation  de  France,  dépendant 
du  général  de  cette  congrégation,  <iui  y  en- 
voyait des  religieux  et  les  rappelait  lorsqu'il 
lu  jugeait  à  propos;  mais  le  concordat  qui 
ava.t  été  passé  entre  l'évêque  d'Uzès  et  les 
chanoines  réguliers  de  la  Congrégation  de 
France  a  été  cassé,  il  y  a  environ  quarante 
ans,  par  un  arrêt  contradictoire  du  conseil 
d'Etat  du  roi,  qui  a  remis  celte  Eglisc.dans 
l'état  où  elle  est  aujourd'hui.  M.Michel  ion- 
cet  de  la  Rivière,  qui  est  présentement  évè- 
que d'Uzès,  donna  des  constitutions  parti- 
culières à  ses  chanoines  ;  mais  il  n'a  pu  les 
obliger  à  vivre  en  commun,  ce  que  prati- 
quent ceux  de  Pamiers.  L'habillement  des 
chanoines  d'Uzès  consiste  en  une  soutane 
blanche  avee  un  rabat  comme  les  ecclésias- 
tiques, et  lorsqu'ils  sortent,  ils  ont  un  man- 
teau noir  (1).  Ceux  de  i'amiers  sont  habillés 
de  noir,  et  ont  une  banderole  de  lin  qu'ils 
portent  eu  écharpe,  et  les  uns  et  les  autres 
ont  au  chœur  un  surplis  avec  une  aumusse 
grise  sur  le  bras.  Anciennement,  ceux 
d'Uzès  portaient  un  surplis  tout  fermé  sans 
manches,  à  la  manière  des  anciennes  cha- 
subles, et  qui  était  commun  aux  chanoines 
de  Saint-Laon  de  Touars,  et  ils  avaient  sur 
l'épaule  une  espèce  de  chaperon  noir. 

Le  P.  Du  Moulinet,  entre  les  différents  ha- 
billements du  chanoines  réguliers  qu'il  a 
donnés,  a  mis  celui  d'un  chanoine  régulier 
de  Closterneuburg  en  Allemagne ,  qui  a 
aussi  un  surplis  à  la  manière  des  anciennes 
chasubles,  et  une  aumusse  sur  la  tête,  mais 
carrée  par  le  haut,  comme  on  peut  voir  dans 
la  figure  d'un  de  ces  chanoines  que  nous 
avons  fait  graver  (2).  Le  monastère  de  Clos- 
terneuburg fut  fondé  à  huit  lieues  de  Vienne 
en  Autriche,  et  bâti  avec  beaucoup  de  ma- 
gnificence en -l'honneur  de  la  sainte  Vierge, 
par  Léopold,  marquis  d'Autriche,  qui  y  mit 
des  chanoines  réguliers  du  temps  d'Inno- 
cent 11,  environ  l'an  1140.  Ordinairement  ils 
portent  la  chape  à  l'église,  mais  aux  jours 
des  grandes  fêtes  ils  la  quittent  et  mettent 
sur  la  tête  une  aumusse  grise  pour  se  con- 
former à  la  cathédrale. 

Cette  façon  de  quitter  la  chape  aux  jours 
des  grandes  fêles  n'est  pas  nouvelle  (selon 
ce  que  dit  le  P.  Du  Moulinet),  puisque  dans 
l'ordre  romain,  qu'on  ti«nt  avoir  été  fait  il 
y  a  pus  ue  huit  cents  ans,  il  est  dit,  par- 
lant du  service  qui  se  fait  par  Pevéque  aux 
jours  solennels,  et  de  la  manière  que  les 
chanoines  y  doivent  assister,  que  ceux-ci 
viendront  au  chœur  à  l'heure  de  tierce,  re- 
vêtus d'aubes  et  d'aumusses  :  Ciun  tintinna- 
bulant ad  tertiam  sonuerit,  omiies  simul  in 
chorum  ordinatim  convenire  debent,  humera  - 
libus  et  albu  induti;  le  P.  Du  Moulinet  pré- 
tendant que  par  le  mot  i' humer alia  l'on  en- 


tend l'aumusse  ou  camail,  à  cause  qu'il  cou- 
vrait non-seulement  la  tète,  mais  aussi  les 
épaules. 

11  ajoute  que  la  raison  qu'on  peut  donner 
pour  laquelle  les  chanoines  otent  leurs  cha- 
pes aux  jours  des  grandes  fêtes,  c'est  que  la 
chape  noire  étant  un  habit  de  deuil  et  de  pé- 
nitence, il  est  convenable  qu'ils  la  quittent 
aux  jours  que  l'Eglise  destine  aux  solennités 
et  aux  réjouissances. 

Voyez  Du  Moulinet,  Figures  des  différents 
habits  des  chanoines  réyul.;  Sammarlh,  Gall. 
christiana;  Schoonebek,  llist.  des  Outres  re- 
lig.,  et  Philipp.  Bonanui,  Catulog.  omn.  Ord. 
relig. 

JEAN  DE  DIEU  (Hospitaliers  de  Saint-). 

Des  religieux  hospitaliers  de  l'ordre  de  Saint- 
Jean  de  Dieu,  appelés  en  France  les  Frères 
de  la  Charité,  en  Espagne  de  l'Hospitalité, 
et  en  Italie  Faie  ben  Fratelli;  avec  la  vie 
de  saint  Jean  de  Dieu,  leur  fondateur. 

Les  religieux  dont  nous  allons  parler  ont 
différents  noms  selon  les  différents  pays  où 
ils  sont  établis;  car  en  Espagne,  où  ils  ont 
pris  leur  origine,  on  ne  les  connaît  que  sous 
le  nom  de  Frères  de  l'Hospitalité,  à  cause 
de  l'hospitalité  qu'ils  exercent  envers  les 
malades,  et  qui  est  le  propre  de  leur  institut  ; 
en  Italie  ils  ne  sont  connus  que  sous  celui 
des  Frères  Fate,  ben  Fratelli,  ou  par  abré- 
viation Ben  Fratelli,  à  cause  qu'autrefois  ils 
avaient  coutume  de  demander  ainsi  l'aumône, 
comme  ils  l'avaient  appris  de  leur  fondateur, 
et  qu'eu  traitant  de  frères  ceux  à  qui  ils  de- 
mandaient l'aumône,  ils  les  exhortaient  à 
bien  faire  et  à  avoir  compassion  pour  les 
pauvres  malades;  et  enfin  ils  sont  appelés 
en  France  les  Frères  de  la  Charité,  à  cause 
que  le  roi  Henri  IV,  voyant  que  les  malades 
étaient  traités  avec  un  soin  extraordinaire 
dans  leur  hôpital  du  faubourg  Saint-Ger- 
main, donna  à  cette  maison  le  nom  de  Cha- 
rité de  Jean  de  Dieu,  et  ce  nom  est  demeuré 
en  France  à  tous  les  religieux  de  cet  ordre 
et  à  tous  leurs  hôpitaux,  quoique  le  véri- 
table nom  de  celle  congrégation  soit  celui  de 
la  congrégation  de  Saint-Jean  de  Dieu,  ainsi 
qu'il  a  été  déterminé  par  le  pape  Sixte  V. 

Saint  Jean  surnommé  de  Dieu,  fondateur 
de  cet  ordre,  naquit  â  Monte-Major-el-N'ovo, 
petite  ville  du  royaume  de  Portugal,  de  l'ar- 
chevêché d'Evora,  le  8  mars  14-93,  de  parents 
d'une  médiocre  fortune  et  peu  distingués 
parmi  le  peuple.  Son  père,  André  Ciudad,  et 
sa  mère  dont  on  ne  sait  point  le  nom,  l'été— 
vèreut  d'abord  dans  tous  les  exercices  de 
piété  dont  son  enfance  était  suscept.ble. 
Leurs  soins  ne  furent  point  inutiles,  car  leur 
fils  profita  de  jour  en  jour  de  leurs  instruc- 
tions, et  reçut  sans  peine  les  sentiments  de 
piété  qu'ils  voulurent  lui  inspirer. 

A  peine  eut-il  atteint  l'âge  de  neuf  ans, 
qu'ils  le  perdirent  par  un  accident  imprévu. 
Comme  ils  étaient  portés  l'un  et  l'autre  à 
l'hospitalité,    ils   reçurent   et  logèrent  chez 


(1)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n°t">7. 


(2)  Voy.,  ii  la  li 1 1  du  vol.,  h"  158. 


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Jl  A 


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530 


eux  un  prêtre  oui  voyageai!  et  allait  du  côté 
de  Madrid.  !l  parla  dans  la  conversation  île 
la  piélé  qui  régnait  dans  cette  \ilie  capitale 
de  l'Espagne,  et  des  églises  célèbres  qu'on  y 
voyait,  ce  qui  fit  une  si  forle  impression  sur 
l'esprit  du  jeune  Jran.  qu'il  voulut  suivre  ce 
prêtre.  11  se  déroba  à  son  père  et  à  sa  mère, 
et,  étant  sorli  à  leur  insu  de  leur  louis,  il  se 
mit  aussitôt  en  chemin  ;  our  aller  droit  à 
Madrid.  Sa  mère,  après  beaucoup  de  perqui- 
sitions inutiles,  ne  l'ayant  pu  trouver,  en 
mourut  de  regret  au  bout  de  \  i n iri  jouis,  et 
son  père,  n'ayant  pas  moins  è  é  louché  de 
son  absence,  se  retira  à  Lisbonne,  où  il  se 
fit  religieux  rie  l'ordre  de  Saint-François. 

Le  prêtre  qui  s'était  chargé  de  Jean  ne  le 
conduisit  pas  jusqu'à  Madrid,  car,  étant  ar- 
rivé à  Oropesa,  ville  de  Castiile,  il  se  sépara 
de  lui  et  l'abandonna  entièrement.  Jean,  se 
voyant  seul  dans  un  pays  étranger,  fut  se- 
couru par  quelques  personnes  de  piété  qui, 
ayant  compassion  de  sa  misère,  lui  donnè- 
rent retraite.  Il  s'adressa  à  un  berger  nommé 
François,  que  l'on  appelait  simplement  le 
mayoral,  c'est-à-dire  le  maître  berger, 
mayoral  tl°  ganado  en  espagnol  signifiant 
un  berger  qui  a  intendance  sur  les  autres 
bergers.  Jean  passa  une  partie  de  sa  jeu- 
nesse à  son  service.  Il  lut  d'abord  employé  à 
la  garde  des  troupeaux,  et  il  avait  le  soin  de 
porter  à  manger  aux  autres  bergers.  Le 
mayoral,  ayant  quitté  sa  profession  pour  se 
faire  geôlier  de  la  prison  d'Oropesa,  ne 
voulut  pas  se  défaire  de  Jean,  dont  il  avait 
éprouvé  la  fidélité.  Il  l'envoya  à  une  maison 
de  campagne  pour  avoir  le  soin  des  trou- 
peaux, et  au  bout  de  quelque  temps  il  lui 
donna  la  charge  de  veiller  sur  les  domesti- 
ques de  cette  maison,  et  l'établi!  l'économe 
de  ses  biens. 

Dieu  bénit  les  soins  et  le  travail  d  :  Jean,  car 
les  biens  de  sou  ma.it re  s'augmentèrent  entre 
ses  mains,  les  troupeaux  se  multiplièrent,  et 
la  prospérité  régna  dans  la  maison; ce  qui  lit 
que  son  maître,  ppnr  l'attacher  davantage 
dans  ses  intérêts  et  lui  ôter  la  pensée  de  se 
retirer  eldes'i  ngager  ailleurs,  lui  offrit  sa  fille 
en  mariage  ;  mais  il  n'y  voulut  point  cou  sentir, 
el,  comme  son  maître  le  pressait  d'accepter 
ce  parti,  il  se  relira  de  chez  lui  et  s'engagea 
parmi  les  troupes  que  l'empereur  Charles- 
Quint  levait.  11  s'enrôla  dans  une  compagnie 
d'infanterie  que  faisait  don  Jean  Feruz,  qui 
était  un  gentilhomme  dont  son  maître  avait 
été  le  mayoral  avant  qu'il  fût  geôlier,  et  qui 
avait  eu  ordre  du  comte  d'Oropesa  Ferdi- 
nand Alvarès  de  Tolède,  de  marcher  au  siège 
de  Fontarabie,  ville  de  Biscaye,  sur  les  con- 
fins de  France.  Elle  avait  été  prise  en  dix 
jours  sur  les  Espagnols  l'année  précédente, 
par  le  roi  Frauçois  I,r  ;  et  l'empereur  Charles- 
Quint,  ayant  entrepris  de  la  reprendre,  y 
faisait  venir  des  troupes  de  tou--  côtés  pour 
en  couvrir  le  siège  et  pour  empêcher  le  se- 
cours que  les  Français  y  envoyaient. 

Le  tumulte  des  armes,  les  mauvais  exem- 
ples des  soldats  et  la  \ie  licencieuse  que  l'on 
mène  ordinairement  à  la  guerre,  firent  ou- 
blier à  Jean  ses  exercices  de  piété,  il  s'ac- 


coutuma insensiblement  à  faire  comme  U  * 
antr>s;  et,  perdant  peu  à  peu  la  crainte  qu'il 
eue  d'offenser  Dieu,  il  eut  honte  de 
par  litre  meilleur  que  les  autres  soldats.  Mais 
Dieu,  qui  veille  sans  cesse  sur  ses  élus,  et 
qui  ne  permet  qu'ils  tombent  dans  quelques 
!  éebés  qu'afin  que  la  manière  dont  ils  se  re- 
lèvent serve  à  édifier  les  fidèle  et  à  leur  ap- 
prendre à  faire  pénitence ,  ne  laissa  pas 
longtemps  Jean  dans  le  désordre,  et  lui  fit 
bientôt  connaître  sa  f  ute.  11  arriva  un  jour 
que  lui  et  ses  compagnons  manquant  de 
vivres  et  n'étant  pas  éloignés  d'un  village 
où  ils  espéraient  en  trouver,  Jean,  comme 
le  plus  jeune  de  la  bande,  fut  destiné  pour 
y  aller.  Il  monta  sur  une  jumeni  qui  avait 
été  nouvellement  prise  sur  les  Français,  et 
s'avança  du  côté  où  ils  étaient  occupés  à 
tenter  le  secours  des  assiégés.  La  jument  se 
reconnut  dans  les  lieux  où  les  Français  l'ar 
vaient  souvent  menée,  elle  courut  à  toute 
bride  comme  pour  retourner  à  leur  camp. 
Jean  la  voulut  retenir,  elle  se  cabra  et  le 
précipita  avec  violence  sur  des  pierres  et  des 
roches,  et  lui  froissa  tellement  le  corps,  qu'il 
demeura  longtemps  sans  mouvement  et  sans 
paroles.  Mais  enfin, étant  un  peu  revenu  à 
lui  et  voyant  le  danger  où  il  était  de  perdre 
la  vie,  parce  qu'il  était  sur  le  point  de  tomber 
entre  les  mains  des  ennemis,  qui  étaient 
proches,  il  se  releva  avec  beaucoup  de  peine 
et  se  jeta  à  genoux,  implorant  le  secours  de 
la  sainte  Vierge  et  la  priant  de  le  délivrer  de 
ce  péril  et  de  ne  pas  permettre  qu'il  tombât 
entre  les  mains  des  ennemis.  Sa  prière  étant 
Unie,  il  sentit  revenir  ses  force*,  rentra  en 
lui-même  et  regarda  cet  aceident  comme 
une  punition  de  ses  péchés.  Il  se  traîna  le 
mieux  qu'il  put  vers  le  camp  des  Espagnols, 
où  il 'pleura  ses  désordres  et  promit  à  Dieu 
d'être  plus  fidèle  à  son  service.  De  cet  acci- 
dent il  tomba  dans  un  autre  malheur.  Son 
capitaine  lui  ayant  confié  la  garde  de  quel- 
que butin  qu'il  avait  fait  sur  l'ennemi,  des 
voleurs  l'enlevèrent,  et  le  capitaine  l'accu- 
sant d'infidélité  et  d'avoir  eu  part  au  larcin, 
le  voulut  mettre  entre  les  mains  de  la  justice, 
après  l'avoir  maliraité  extraordinairement. 
Plusieurs  personnes  s'intéressèrent  pour  lui, 
et  obtinrent  sa  grâce,  à  condition  qu'il  re- 
noncerait à  la  profession  des  armes. 

Il  retourna  à  Oropesa,  où  il  alla  trouver 
son  ancien  maître,  qui  le  reçut  avec  beau- 
coup de  tendresse.  11  lui  rendit  son  premier 
emploi,  lui  confiant  de  nouveau  le  soin  de 
tous  ses  biens.  11  s'acquitta  de  celte  commis- 
sion avec  encore  plus  d'exaclilude,  et  se 
comporta  de  telle  sorle.  que  son  maître, 
ayant  toujours  dessein  de  le  choisir  pour  son 
gendre,  lui  en  fit  encore  la  proposition.  Il 
n'y  voulut  point  consentir,  et,  pour  se  déli- 
vrer de  ses  poursuites,  il  prit  une  seconde 
fois,  en  se  retirant ,  le  parti  des  armes  , 
croyant  que  la  guerre  que  l'empereurCharles- 
Quint  soutenait  alors  contre  le  Turc  était 
sainte  et  qu'il  y  pouvait  souffrir  quelque 
chose  pour  Jésus-Christ.  11  évita  tous  les 
désordres  où  il  était  tombé  dans  la  première 
guerre,  il  s'y  comporta  avec  toute  sorte  de 


55Î 


DICTIONNAIRE  DF.S  ORDRt  S  RELIGIEUX. 


retenue  et  de  modestie,  et,  bien  loin  d'inter- 
rompre ses'exercices  de  piété,  il  les  augmenta. 
La  guerre  étant  finie  et  les  troupes  ayant 
été  licenciées,  Jean  vint  en  Portugal  et  vou- 
lu! aller  revoir  ses  parenis  à  Vonlc-Mayor. 
11  y  apprit  d'un  de  ses  oncles  que  son  père 
cl  sa  mère  étaient  morts,  et,  avant  ;u  que 
sa  fuite  avait  été  la  cau-e  des  malheurs  de 
sa  famille,  il  voulut  entièrement  abandonner 
son  pays  pour  aller  servir  Dieu  dans  un  au- 
tre endroit.  1!  passa  pour  cet  effet  dans  l'An- 
dalousie, où  il  se  mit  au  service  d'une  dame 
riche  du  terri  oire  de  S<  ville,  et  entra  chez 
elle  en  qualité  de  lier:  er.  I!  commença  à 
passer  les  jours  et  les  nuits  dans  les  exerci- 
ces de  la  pénitence  et  à  pleurer  sa  vie  pas- 
sée, à  prier  et  à  implorer  la  miséricorde  de 
Dieu.  Croyant  faire  quelque  chose  qui  lui 
sérail  plus  agréable,  il  passa  en  Afrique  afin 
d'y  irouver  l'occasion  d'y  souffrir  le  martyre. 
Ii  fut  pour  ce  sjjii  I  à  Ceula;  mais,  par  l'avis 
de  , son  confesseur,  il  repassa  en  Espagne,  et 
ayant  délai  que  à  Gibraltar,  il  s'occupa  à 
vendre  îles  images  et  des  petits  livres  de  dé- 
vot on. 

De  Gibraltar  il  passa  à  Grenade,  où  il  éta- 
blit d'abord  une  p>  !ite  boutique  sous  la  porte 
d'Eivire,  et,  sachant  qu'on  avait  coutume  de 
célébrer  la  fête  de  saint  Sébastien  à  Grenade, 
dans  l'ermitage  de  son  nom,  qui  était  au 
quartier  le  plus  élevé  de  1  ■•:  ville,  il  y  fut  et 
y  entendit  prêcher  le  docteur  Jean  Avila,  le 
plus  célèbre  prédicateur  d'Espagne  et  sur- 
nommé l'apôtre  de  l'Andalousie.  I!  en  fut  si 
touché,  que,  fondant  en  larmes,  il  remplit 
l'église  de  cris  et  de  lamentations  qui  le 
firent  prendre  pour  un  homme  forcené  :  il  se 
frappait  la  poitrine,  se  déchirait  le  visage, 
s'arrachait  la  barbe  et  les  cheveux,  se  rou- 
lait dans  la  boue,  courait  d'.une  manière  ex- 
travagante par  les  rues,  ne  faisant  autre 
chose  que  crjer  à  Dieu  de  toute  sa  force  : 
Miséricorde.  Chacun  jugea  ■  u'il  avait  l'esprit 
troublé.  La  populace  s'attroupa  autour  de 
lui,  les  enfants,  la  canaille  le  poursuivirent 
à  coups  de  pieires.  11  arriva  chez  lui  tout  en 
sang,  et  ayant  continué  le  lendemain  à  faire 
la  même  chose,  on  le  conduisit  au  docteur 
Avila  afin  de  voir  s'il  ne  pourrait  pas  guérir 
cet  esprit  que  son  sermon  avait  si  étrange- 
ment blessé.  Ce  saint  prêtre,  après  avoir 
écouté  Jean  dans  la  confession,  reconnut 
l'esprit  de  Dieu  dans  les  mouvements  du 
cœur  de  ce  pénitent  qui  ne  contrefaisait  l'in- 
sensé que  pour  se  procurer  des  humiliations  ; 
il  l'encouragea  dans  ses  sainte^  résolutions, 
et  lui  promitde  l'assister  dans  toutes  les  ren- 
contres. 

Jean,  consolé  par  un  si  saint  homme, 
crut  qu'il  ne  pouvait  pas  assez  s'humiiier. 
Il  recommença  ses  extravagances  et  ses  fo- 
lies apparentes.  On  l'enferma  dans  l'hôpital 
des  insensé  ,  où,  après  les  remèdes  qa'on 
lui  fit  prendre  et  qui  furent  inutiles,  on  crut 
que  le  plus  efficace  pour  le  guérir  était  de  le 
fouetter  tous  les  jours  jusqu'au  sang,  jus- 
qu'à ce  que  son  esprit  lût  revenu.  Ce  sup- 
plice, qu'il  avait  soin  d'augmenter  en  irri- 


tant continuellement  ceux  qui  en  étaient 
les  exécuteurs,  le  mit  à  deux  doigts  du  tom- 
beau. Avila  en  fut  averti, e!,  l'étant  venuvoir, 
il  lui  dit  qu'il  était  temps  de  mettre  fin  à  ses 
foies  volontaires  et  de  s'appliquer  désormais 
âdesjphoses  plus  utiles  poûrluî  et  pour  lé  pro- 
chain. Jean  obéit,  les  administrateurs  furent 
surpris  d'un  changement  si  soudain;  ils  le 
firent  traiter  avec  beaucoup  d'  soin,  et 
en  peu  de  teni;  s  il  recouvra  la  santé  et  les 
forces.  Il  demeura  quelque  temps  à  servir 
les  malades  du  même  hôpital;  il  en  sortit  au 
mois  d'octobre  de  l'an  1539,  qu'il  voulut 
exécuter  le  vœu  t; u'il  avait  fait  de  servir 
Dieu  dans  es  pauvres. 'Il  forma  le  plan  du 
de  sein  qu'il  avait  de  leur  procurer  des  ali- 
ments, des  habits,  et  des  ielr  ites  assurées, 
à  son  retour  d'un  pèlerinage  qu'il  fit  à  No- 
tre-Dame de  Guadaloupe  pour  remercier  la 
sainte  Vierge  de  sa  protection  et  lui  recom- 
mander le  succès  de  ses  entreprises.  Il  com- 
inenç  par  nourrir  quelques  pauvres  du  tra- 
vail de  ses  main  ;  il  allait  pour  cet  effet  cou- 
per du  bois  dans  la  forêt,  et  le  vendait  à  la 
ville  pour  les  faire  subsister;  et  son  exem- 
ple oint  à  ses  exhortations  anima  tellement 
les  personnes  chariiables  de  la  ville  de  Gre- 
nade, que.  par  le  moyen  de  quelques  quêtes 
qu'il  fit,  il  se  vit  en  étal,  l'an  15*0,  de  louer 
une  maison  pour  y  retirer  les  pauvres  ma- 
laiies  et  de  les  y  assister. 

Voilà  quels  furent  les  commencements  de 
l'hôpital  de  Grenade,  et  proprement  les  pre- 
miers fondements  de  son  ordre.  Son  premier 
soin,  après  avoir  loué  cette  maison,  fut  de  la 
fourn  r  des  meubles  qu'il  crut  être  absolu- 
ment nécessaires  ;  et,  sans  perdre  de  temps, 
il  alla  dans  toute  la  ville  chercher  des  mala- 
des, des  estropiés,  des  impotents,  pour  rem- 
plir son  hôpital.  La  plupart  de  ceux  qui  le 
virent  agir  ainsi  le  blâmèrent,  l'accusant 
d'indiscrétion  ,  le  régardant  comme  un 
homme  entreprenant  et  qui  s'engageait  à 
une  chose  qui  lui  était  absolument  impossi- 
ble; mais  sa  fermeté  les  étonna,  sa  foi  les 
cli  rgea  de  confusion,  et  l'ardeur  de  sa  cha- 
rité les  fit  rentrer  en  eux-mêmes.  Ils  voulu- 
rent avoir  part  à  l'établissement  qu'il  faisait, 
ils  lui  mirent  quelques  aumônes  eulre.  les 
mains  pour  fournir  aux  besoins  les  plus  pres- 
sants de  ses  pauvres,  et  leur  exemple  en  attira 
d'autres  à  lui  faire  aussi  quelques  libérali- 
tés. Les  pauvres  ne  manquaient  de  rien; 
après  que  Jean  de  Dieu  les  avait  assistés 
pendant  le  jour  et  leur  avait  procuré  tous 
les  biens  spirituels  dont  ils  pouvaient  avoir 
besoin,  leur  faisant  venir  des  confesseurs  et 
autres  personnes  pieuses  qui  leur  faisaient 
souvent  des  instructions  familières,  il  allait 
le  soir  vers  les  huit  à  neuf  heures  quêter 
pour  eux  :  il  marchait  dans  les  rues  avec 
une  hotte  sur  son  dos  et  deux  marmites  à 
ses  bras.  La  pluie,  le  vent  et  les  autres  in- 
jures du  temps  ue  l'arrêtaient  point,  et,  lors- 
qu'il voulait  demander  l'aumône  pour  les 
malades,  il  criait  à  haute  voix  :  Mes  ckers 
frères,  faites-vous  du  bien  pour  l'amour  de 
Dieu.  Celte  manière  extraordinaire  de  de- 
mander l'aumône  attirait  tout  le  monde  aux 


533  JEA 

fenêtres,  et  on   lui  donnait  abondamment  de 
quoi  nourrir  ses  pain  re  . 

Le  siège  épiscopal  de  Grenade  était  oc- 
cupé pour  lors  p;ir  dom  Pierre  Guerrero. 
Ce  prélat  crut  qu'il  était  de  sa  charge  pas- 
torale de  prendre  connaissance  de  ce  nou- 
vel établissement  el  d'examiner  comme  tou- 
tes choses  s'y  passaient.  Il  en  fut  si  satisfait, 
que,  non  content  de  lui  donner  sa  protec- 
tion, il  donna  des  sommes  considérables 
pour  fournir  aux  frais  de  cet  hôpital,  ce  que 
plusieurs  |n  r  ointes  de  la  ville  tirent  à  l'exem- 
ple de  leur  pasteur.  L'approbation  que  l'ar- 
chevêque de  Grenade  venait  de  donner  à 
tel  -hôpital  le  mil  en  gratte  crédit,  les  pau- 
vres y  accouraient  de  toutes  parts,  de  sorle 
que  la  maison  qu'il  avail  d'abord  prise  se 
trouvant  trop  petite ,  il  l'ut  obligé  d'en 
louer  one  pius  grande  et  plus  com- 
uiod«,  afin  d'y  pouvoir  admettre  tous  ceux 
qui  se  présenteraient.  Tout  \  élail  admiré, 
la  propreté  des  lieux,  l'ordre  du  service,  Vr- 
bondance  des  vivres  et  des  meubles,  la  cha- 
rité, la  modestie,  la  p  .lience  des  minisires 
qui  travail!  ie.it  ^ous  notre  saint  ;  et  on  s'é- 
tonnait comnicn  an  homme  sans  crédit  et 
sans  autorité,  n'a  ant  ni  biens  ni  revenus, 
avait  pu  établir  un  si  bel  hôpital. 

Comme  notre  saint  élail  entièrement  mort 
au  monde,   1  ne  désirait  point  de  lui  pi  ire. 
et  paraissait  toujours  avec  des  habits  très- 
inéehants  cl  tout  déchirés;   car,  s'il  rencon- 
trait un  pau  i  rcda-sla  rue  qui  lût  plus  mal  velu 
que  lui,  il   prenait  son  habit  et  lui   donnait 
le    sien.    Ma  s    l'extérieur    méprisable     et 
dégoûtant    que    les    gen;    du  monde   trou- 
vaient dans  sa  mine  el  dans  ses  habits  n'em- 
péchait  pas  quelques  personnes  de  considé- 
ration de  marquer  toujours  beaucoup  d'em- 
pressement pour  l'avoir  chez  elles  dans  le 
cours  de  ses  quêtes.  L'évèque  de  Tuy,  pré- 
sident de  la  chambre    royale  de  Gré  ade, 
l'ayant  un  jour  retenu   à  dîner,  el  lui  ayant 
demandé  son  nom,  notre  saint  lui  répondit 
qu'il  s'appelait  Jean  :  Vous  vous  appellerez 
à  l'avenir  Jean  de  Dieu  (dit  le  prélat)  ;  et  de- 
puis ce  temps-là   ce    surnom  lui  demeura. 
François  de  Castro,  administrateur  de  son 
hôpital  de  (irenale,   qui   rapporte  ainsi  la 
cause  de  ce   surnom,  et  qui  le  premier  écri- 
vit la  vie  de  saint  Jean  de  Dieu,  environ 
vingt-cinq  ans  après  si  mort,  doit  être  plu- 
tôt cru  qu'Antoine  Goëva,  évéque  de  Cyr, 
qui  n'écrivit  la  même  vie  que  quatre-vingts 
ans  après,  et   qui   dit  que  ce  fut  Notre-Sei- 
gneur  qui,  s'etant  appai  u  à  lui  sous  la  forme 
d'un  enfant,   comme  il  se  reposait  sous  un 
arbre,  lui  montra  une  grenade  ouverte,  du 
milieu  de  laquelle  formait  une  croix,  et  qui 
lui  dit  :  Jean  de  Dieu,  grenade  sera  ta  croix, 
ce  qui  serait  arrivé,  selon  cet  auteur,  dans 
le  temps  que  notre  saint  demeurait  à  Gibral- 
tar, et  qu'il  s'était  mis  en  chemin  pour  al- 
ler dans  les   lieux   des    environs   de  cette 
ville  pour  y  vendre  ses  images  et  ses  livres. 
L'évèque  de  Tuy  lui  dit  encore  que,  puis- 
qu'il lui  avait  donné  son  surnom,  il  voulait 
aussi  lui  donner  uu  habit,  lui  représentant 
que  l'humilité  et  la  simplicité  dont  il  faisait 


JEA 


K34 


profession  ne  le  dispensaient  pas  de  garder 
une  bienséance  honnête,  et  <\u ■•  celui  qu'il 
portait  était  dégoûtant  et  empêchait  que 
plusieurs  honnêtes  gens  ne  le  fréquentas- 
sent :  c'est  pourquoi  il  envoya  sur  l'heure 
acheter  de  l'étoffe  pour  lui  faire  un  habit 
dont  il  prescrivit  iui-mêine  la  forme,  et  il 
l'eu  revêtit  lui-même  de  sa  main,  lui  ordon- 
nant d'en  donner  un  semblable  à  ceux  qui 
s'uniraient  avec  lui. 

Le  saint  ni  le  prélat  n'avaient  aucune  in- 
tention d'é'ablir  uu  nouvel  ordre  religieux 
dans  l'Eglise;  mais  il  y  a  bien  de  l'apparence 
qu'ils  avaient  dessein  de  former  une  société 
ou  congrégation  de  personnes  séculières 
pour  avoir  soin  de  l'hôpital  de  Grenade,- et 
que  ces  personnes  devaient  être  distinguées 
des  autres  séculiers  par  des  habillements  dif- 
férents. 

Jean  ne  fut  pas  plutôt  revêtu  de  cet  habit, 
que  plusieurs  personnes  s'offrirent  à  lui  pour 
éire  de  ses  disciples.  Les  premiers  furent 
Antoine  Martin  et  Pierre  Yelasco,  qui  se 
portaient  une  haine  mortelle.  Le  premier 
accusait  l'autre  d'av  'ir  tué  son  frère,  et  était 
venu  exprès  à  Grenade  pour  le  poursuivre 
en  justice-,  mais  Jean  de  Dieu  les  réconcilia 
si  bien  ensemble  que,  pour  vivre  dans  une 
plus  grande  union,  ils  voulurent  être  disci- 
ples de  noire  sair.t,  et  furent  les  premiers  à 
qui  il  donna  l'habit  de  sa  congrégation,  selon 
la  forme  qui  lui  avait  élé  prescrite  par  l'évè- 
que de  Tuy. 

Son  hôpital  se  trouva  encore  trop  petit  , 
et  il  fallut  le  (ransfrer  pour  la  troisième 
fois.  L'archevêque  de  Grenade,  dom  Pierre 
Guerrero,  sollicita  les  principaux  île  la  ville 
à  contribuer  à  l'achat  d'un"  maison  fort 
vaste,  qui  avait  été  autrefois  occupée  par 
des  religieux,  et,  pour  donner  l'exemple, 
il  fournit  pour  sa  part  quinze  cents  ducats. 
Ce  fut  encore  à  la  sollicitation  de  ce  prélat 
que  notre  saint  entreprit  un  voyage  à  Val- 
ladolid,  où  la  cour  d'Espagne  était  pour  lors, 
afin  d'obtenir  un  secours  pour  ses  pauvres. 
Il  y  fut  favorablement  reçu  de  Philippe  II, 
qui  n'avait  pas  encore  le  litre  de  roi ,  el 
qu'on  nommait  le  prince  des  Espagnes , 
parce  que  l'empereur  Charles  V  ne  lui  avait 
pas  encore  cédé  ses  Etats,  ce  qu'il  ne  fit  que 
l'an  1555.  Jean  de  Dieu  reçut  de  grandes 
libéralités  de  ce  prince  et  des  seigneurs  de 
sa  cour 

Sa  charité  ne  se  bornait  pas  seulement  aux 
malades  et  aux  pauvres  de  son  hôpital,  il  se- 
courait encore  les  pauvres  honteuxde  la  ville, 
retirait  une  infinité  de  femmes  et  de  filles  de 
la  débauche,  et  non-seulement  pourvoyait  à 
leur  subsistance,  mais  en  mariait  encore 
quelques-unes.  Enfin  ses  forceg  se  trouvè- 
rent entièrement  épuisées  par  sa  charité  et 
sa  pénitence;  et,  dans  le  temps  que  l'on  se 
promettait  qu'il  travaillerait  plus  que  jamais 
pour  les  pauvres,  il  se  trouva  presque  hors 
d'état  d'agir.  11  ne  laissait  pas  néanmoins 
de  continuer  ses  exercices  ordinaires,  de 
laire  ses  quêtes,  de  veiller  el  de  s'occuper 
au  dedans  de  la  maison  ;  mais  enfin  un  acci- 
dent imprévu  lui  causa,  l'an  1550,  la  umla- 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


53C 


ilie  dont  il  mourut.  Les  eaux  du  Xénil 
élaient  exlraordinairement  grosses  celte  an- 
née-là, el  entraînaient  avec  elles  quantité 
de  bois.  Noire  saint  fondateur,  voulant  en 
retirer  pour  l'usage  de  son  hôpital,  et  étant 
entré  dans  ce  torrent,  le  froid  le  saisit  telle- 
ment, qu'il  fut  d'abord  allaqué  d'une  vio- 
lente maladie  qui  s'augmenta  lorsque,  par 
un  excès  de  sa  charilé,  il  se  jeta  encore  dans 
le  fleuve  pour  secourir  un  jeune  homme 
qui  y  était  entré  trop  avant,  et  que  la  rapi- 
dité des  eaux  entraînait.  Il  se  mit  au  lit,  où 
il  fut  visilé  par  l'archevêque  et  les  plus 
qualifiés  de  la  ville,  du  nombre  desquels  fut 
la  dame  Anne  Osoria,  épouse  de  do  m  Gar- 
das de  Pise  ,  qui  fit  tant  d'instances  pour 
qu'on  l'amenât  à  son  logis,  afin  qu'il  fût 
mieux  assisté  dans  sa  maladie,  que  l'on  ne 
put  lui  refuser  cette  grâce  ;  et  ce  fut  dans  la 
maison  de  cette  dame  qu'il  mourut ,  le  8 
mars  1550,  âgé  de  55  ans. 

Comme  il  n'y  avait  qu'une  petite  cha- 
pelle dans  son  hôpital,  on  ne  put  pas  l'en- 
terrer dans  ce  lieu.  Il  fut  inhumé  dans  l'é- 
glise des  Minimes,  et  enseveli  dans  i'iiabit 
des  religieux  de  cet  ordre  avec  une  pompe 
funèbre  où  la  magnificence  se  trouva  jointe 
à  la  piété  publique  ;  l'archevêque  même  y 
officia  pontificalement.  Ces  religieux  pos- 
sédèrent les  précieuses  reliques  de  ce  saint 
jusqu'en  l'an  1664-,  qu'ils  les  rendirent  à  ses 
enfants  pour  les  transférer  à  l'hôpital  de 
Grenade.  Les  grands  miracles  qui  se  firent 
à  son  tombeau  portèrent  le  pape  Urbain  VIII 
à  le  béatifier  par  une  bulle  du  21  septembre 
1630.  Innocent  XI,  par  un  décret  du  13  juin 
1679,  déclara  qu'on  pouvait  procédera  sa 
canonisation  ;  mais  il  se  passa  encore  quel- 
ques années  sans  qu'on  en  fît  la  cérémonie; 
ce  ne  fut  que  sous  le  pontificat  d'Alexan- 
dre Vil,  l'an  1690,  le  16  octobre,  qu'on  lui 
rendit  <  et  honneur. 

Saint  Jean  île  Dieu  ne  donna  point  de  son 
vivant  d'autre  règle  à  ses  disciples  que 
l'exemple  de  ses  vertus  avec  l'ordre  qu'il 
leur  prescrivit  pour  l'assistance  corporelle 
et  spirituelle  des  malades.  Après  sa  mort, 
ils  obéirent  à  un  supérieur  qu'ils  nommaient 
majeur;  ce  fut  en  cette  qualité  qu'ils  re- 
connurent le  frère  Antoine  Martin,  à  qui 
saint  Jean  de  Dieu  av;iit  donné  en  mourant 
l'administration  de  son  hôpital.  Comme  ce 
saint  fondateur  avait  reçu  de  grandes  au- 
mônes de  Philippe  II  lorsqu'il  était  à  Valla- 
dolid,  le  frère  Antoine  fut  trouver,  pour  le 
même  sujet,  ce  prince,  qui  était  pour  lors  à 
Madrid,  à  qui  il  persuada  aussi  de  faire  bâ- 
tir dans  celle  capitale  d'Espagne  un  hôpital 
sur  le  modèle  de  celui  qui  avait  été  bâti  à 
Grenade  par  saint  Jean  de  Dieu  ;  ce  que  ce 
prince  exécuta  ,  et  cet  hôpital  a  été  appelé 
pendant  un  long  temps  l'hôpital  d'Antoine 
Martin,  à  cause  de  ce  frère,  qui  en  avait 
procuré  l'établissement,  et  qui,  après  avoir 
reçu  des  aumônes  considérables  de  ce  prince 
pour  l'hôpital  de  Grenade,  y  retourna  pour 
rendre  compte  à  l'archevêque  de  ce  qu'il 
avait  fait  à  Madrid,  où  il  alla  encore  quel- 
que temps  après,  avec  la  permission  de  ce 


prélat,  pour  prendre  l'administration  de  ce 
nouvel  hôpital,  dans  lequel  il  mourut  le  24 
décembre  de  l'année  1553,  n'ayant  survécu 
que  trois  ans  au  saint  fondateur. 

A  l'exemple  de  ces  deux  hôpitaux,  on  en 
établit  d'autres  en  Espagne,  comme  à  Cor- 
doue,  à  Lucène  et  en  d'autres  endroits.  Celui 
de  Grenade  était  le  plus  fameux,  il  était 
gouverné  par  le  frère  Rodrigue  de  Siguença, 
qui  s'acquit  une  si  grande  réputation,  que 
les  communautés  de  ces  autres  hôpitaux 
voulurent  être  unies  à  la  sienne  el  le  recon- 
naître pour  supérieur.  Siguença  les  reçut  et 
les  incorpora  à  sa  société,  qui  se  trouva  par 
ce  moyen  assez  nombreuse,  il  crut  qu'avant 
toutes  choses  il  fallait  faire  approuver  par 
le  saint-siége  leur  institut  ;  il  en  conféra  avec 
dom  Pierre  Guerrero,  qui  loua  son  dessein  ; 
c'est  pourquoi  il  choisit  le  frère  Sébastien 
Arias  pour  aller  à  Rome  avec  une  supplique 
adressée  au  pape,  qui  contenait  ce  qui  s'était 
passé  dans  la  société  depuis  son  établisse- 
ment. Sébastien  Arias,  étant  à  Naples,  y  ren- 
contra dom  Juan  d'Autriche  ,  qui  allait  à 
Rome  comme  eu  triomphe  ,  après  la  vic- 
toire de  Lépante,  qu'il  avait  remportée  sur 
les  Turcs.  Ce  prince  s  engagea  de  l'intro- 
duire auprès  de  Sa  Sainteté,  de  présenter 
lui-même  la  supplique,  et  d'eu  solliciter 
l'expédition.  Pie  V,  qui  était  |  our  lors  assis 
sur  la  chaire  de  saint  Pierre,  approuva  cet 
ordre  par  une  bulle  du  premier  janvier  1572, 
et  donna  à  ces  religieux  la  règle  de  saint 
Augustin.  Il  leur  prescrivit  <ie  plus  la  forme 
de  fur  habillement,  leur  donna  pouvoir 
d'élire  un  supérieur,  sous  le  nom  de  ma- 
jeur, dans  chaque  hôpital,  et  leur  permit  de 
faire  promouvoir  aux  ordres  sacrés  un 
d'entre  eux  aussi  dans  chaque  hôpital,  pour 
leur  administrer  les  sacrements  aussi  bien 
qu'aux  malades ,  les  soumettant  à  la  juri- 
diction des  évêques  des  lieux  où  leurs  mai- 
sons seraient  situées. 

Le  frère  Sébastien  Arias,  qui  avait  logé, 
pendant  son  séjour  à  Rome,  dans  le  palais  de 
dom  Juan  d'Autriche,  reçut  en  partant  de 
nouvelles  faveurs  de  ce  prince,  qui  lui  mil 
entre  les  mains  cinq  mille  ducats,  afin  qu'en 
passant  à  Naples  il  y  fondât  un  hôpital  sous 
le  nom  de  Notre-Dame  de  la  Victoire.  Pen- 
dant qu'il  était  occupé  à  la  construction  de 
cet  hôpital,  les  bourgeois  de  Milan  le  priè- 
rent de  venir  faire  aussi  un  établissement 
dans  leur  ville.  Il  ne  put  alors  satisfaire  à 
leur  demande,  parce  qu'il  était  pressé  de 
retourner  en  Espagne  pour  y  rendre  compte 
de  ce  qu'il  avait  fait;  mais,  étant  retourné 
une  seconde  fois  à  Rome,  il  fonda  à  Milan 
un  grand  hôpital,  qui  est  aujourd'hui  très- 
célèbre  et  très-magnifique. 

Grégoire  XIII  ayant  succédé  à  Pie  V,  le 
frère  Sébastien  Arias  lit  un  troisième  voyage 
à  Rome  par  le  commandement  de  ses  supé- 
rieurs, afin  d'obtenir  du  pape  la  confirma- 
tion de  leur  ordre  ;  non-seulement  il  le  con- 
firma et  lui  donna  plusieurs  privilèges,  mais 
il  choisit  Sébastien  Arias  pour  aller  secou- 
rir les  Flamands  qui  étaient  affligés  de  ma- 
ladie contagieuse.  Il  voulut  même  fonder  à 


S57 


JKA 


JEA 


558 


Rome  une  maison  pour  y  établir  des  reli- 
gieux de  ret  ordre  :  c'est  pourquoi  il  lit 
écrire  au  frère  Rodrigue  de  Siguença  afin 
de  lui  en  envoyer.  Il  leur  donna,  l'an  1582, 
l'église  de  Saint-Jean  Galibite,  et  fit  con- 
struire à  ses  frais  l'hôpital  joignant,  où  il  y 
a  ordinairement  soixante  lits. 
Le  nombre  des  hôpitaux  s'étant  augmenté 

jusqu'au  n bre  de  dix-huit,  tant  en  Espagne 

qu'en  lialie,  le  pape  Sixte  V,  l'an  1386,  leur 
permit  de  tenir  un  chapitre  général  à  Rouie 
et  de  dresser  des  constitutions,  érigeant  leur 
ordre  sous  le  litre  de  Congrégation  de  Jean 
de  Dieu.  El  Grégoire  XIV,  en  confirmant 
leurs  privilèges,  leur  donna  poux  prolecteur, 
l'an  1591,  le  cardinal  Rusticucei,  du  titre  de 
Sainte-Susanne  et  vicaire  de  Kome.  Jusque- 
là  toutes  choses  avaient  heureusement  pros- 
péré dans  cet  ordre  ;  mais,  comme  le  pape 
Grégoire  XIV  leur  avait  accordé  la  commu- 
nication des  privilèges  de  l'hôpital  du  Saint- 
Esprit  en  Saxe,  qui  avait  été  exempt  de  la 
ju:  Million  des  ordinaires  par  le  pape  Nico- 
las V  ,  l'an  14-36,  et  que  ces  religieux  de  la 
congrégation  de  Saint  Jean  de  Dieu  préten- 
daient jouir  du  même  privilège  :  le  pape 
Clément  VIII,  sous  prétexte  qu  ils  s'étaient 
relâchés  de  leurs  observances,  et  que,  ne 
songeant  qu'à  parvenir  aux  ordres  sacrés, 
ils  s'occupaient  à  l'élude  et  négligeaient  le 
soin  des  malades,  soumit  entièrement  ,  ette. 
congrégation  à  l'autorité  et  juridiction  des 
évèques  ,  ordonna  qu'ils  ne  seraient  plus 
gouvernes  à  l'avenir  par  un  majeur,  leur 
défendit  de  prendre  les  ordres  sacrés  ei  de 
faire  profession  solennelle  ,  voulant  qu'à 
l'avenir  ils  ne  fissent  qu'un  seul  vœu  de 
pauvreté  et  d'hospitalité,  ainsi  qu'il  est  porté 
par  le  bref  de  ce  pape  du  13  février  1392. 
Cependant  ce  pontife,  à  la  prière  du  cardinal 
Rusticucei ,  leur  protecteur,  qui  lui  repré- 
senta que  les  hôpitaux  d'Italie,  ainsi  séparés 
et  sans  <hef,  souffraient  considérablement 
de  celte  désuni  n,  remit  ces  religieux  dans 
le  droit  qu'ils  avaient  d'élire  un  général,  par 
son  bref  de  l'an  1596.  Il  y  en  a  qui  ont  cru 
qu'il  leur  avait  permis  aussi  de  taire  pro- 
mouvoir aux  ordres  sacrés  un  de  leurs  frères 
dans  chaque  hôpital,  pour  administrer  aux 
malades  les  secours  spirituels  dont  ils  avaient 
besoin. 

Le  P.  Henschenius  (Apud  Boll.  tom.  1, 
Aprilis,  p.  812,  n.  12),  qui  est  de  ce  nombre, 
n'avait  pas  vu  sans  doute  la  bulle  de  Clé- 
ment VIII,  puisqu'il  s'étonne  que  le  pape 
Paul  V  ait  été  prié  par  ces  religieux  de  leur 
permettre  de  faire  promouvoir  quelques-uns 
de  leurs  frères  aux  ordres  sacrés,  pour  ad- 
ministrer dans  chaque  hôpital  les  besoins 
spirituels  tant  aux  religieux  qu'aux  mala- 
des, comme  si,  dit  ce  savant  homme,  le  pape 
Clément  VIII  ne  s'était  pas  expliqué  assez 
formellement  en  leur  faveur  en  leur  accor- 
dant cette  permission,  et  pour  cet  effet  il 
rapporte  l'endroit  de  la  bulle  où  il  veut  que 
cette  permission  leur  est  accordée,  et  qui  est, 
à  ce  qu'il  prétend,  énoncée  en  ces  termes: 
Ut  confrulres  ad  sacerdotium  sacris  ordini- 
bvs  initiari  possint,  modo  juxta  primum  eo- 


rum  institution  in  simplicitale  pauperibus  in- 
firmis  insermant.  On  lit  néanmoins  tout  le 
contraire  dans  cette  bulle, où  il  est  expressé- 
ment défendu  à  ces  religieux  de  prendre  les 
ordres  sacrés.  Voici  en  quels  termes  ce  pape 
s'est  expliqué  -.Quodre  confralres  kujus  con- 
gregalionis,  sacerdotes,  oui  suivis  ordimbus 
constituti  esse  non  possint,  nrc  ad  liujusmndi 
sarros  nrdines  promoveri  vnleant,  sed  juxta 
primœrum  eorum  institutum  m  timpticitate 
pauperibus  infirmis,  ut  prœfertur,  inservire 
ilebeant  (  Bull.  Roman.,  tom.  III.  Const. 
Clem.  VIII,  kk,  g  10  ). 

Les  religieux  de  cet  ordre  eurent  donc  rai- 
son de  s'adresser  l'an  1609  au  pape  l'aul  V  , 
et  de  lui  représenter  que  le  pape  Clément  VIII 
leur  avait  défendu  de  faire  promouvoir  aux 
ordres  sacrés  aucun  de  leurs  frères,  et  de  le 
prier  de  leur  accorder  celte  grâce,  puisque 
les  prêtres  séculiers  dont  ils  se  servaient  s? 
contentaient  le  plus  souvent  dédire  la  messe, 
ne  paraissaient  plus  le  reste  du  jour  dans  les 
hôpitaux,  et  qu'ils  n'y  demeuraient  pas  aussi 
le  plus  souvent  la  nuit;  ce  qui  faisait  que 
les  pauvres  manquaient  de  secours  spirituels. 
Paul  V  leur  permit  donc  de  faire  prendre  les 
ordres  sacrés  à  quelques-uns  de  leurs  frères, 
qui  ne  pourraient  exercer  aucune  charge 
afin  d'être  plus  en  état  de  vaqueraux  besoins 
spirituels  des  malades.  Le  même  pape,  par 
un  autre  bref  du  7  juillet  1611,  sur  la  repré- 
sentation que  lui  firent  les  religieux  de  cet 
ordreenEspagne,  que  le  bref  de  Clément  VIII 
du  13  février  1592,  qui  défendait  aux  reli- 
gieux de  cel  ordre  de  faire  à  l'avenir  la  pro- 
fession solennelle  des  trois  vœux  de  pauvre- 
té, de  chasteté  et  d'obéissance,  n'avait  eu 
aucun  lieu  dans  leurs  hôpitaux  d'Espigue, 
et  qu'ils  y  avaient  toujours  fait  ces  trois 
vœux,  en  y  ajoutant  un  quatrième,  de  servir 
les  malades,  leur  permit  de  faire  ainsi  leur 
profession  après  l'année  de  probation  ;  il  leur 
permit  de  plus  d'avoir  deux  prèlres  de  leur 
ordre  dans  chaque  hôpital,  et  déclara  qu'ils 
étaient  véritablement  religieux.  Il  accorda  la 
même  grâc  •  à  ceux  de  France,  d'Allemagne, 
de  Pologne  et  d'Italie  par  un  autre  bref  du 
13  lévrier  1617,  et  il  les  déclara  encore 
exempts  de  la  juridiction  des  évoques  par 
un  aulre  bref  du  16  mars  1619  ;  niais  le  pape 
Urbain  VIII  modéra  cette  exemption  l'an 
1638,  et  déclara  que  les  évêques  auraient 
droit  de  visite  dans  les  hôpitaux  où  il  n'y 
aurait  pas  douze  religieux,  et  qu'ils  exami- 
neraient les  recettes  et  les  dépenses  conjoin- 
tement avec  les  provinciaux  et  les  autres 
supérieurs  de  cet  ordre.  Cela  n'empêcha  pas 
l'archevêque  de  Cagliari,  en  1659,  de  préten- 
dre ledroitde  visitedans  tous  les  hôpitaux  qui 
étaient  dans  son  diocèse,  quoiqu'il  v  eût  plus 
de  douze  religieux  ;  mais  le  pape  Alexandre 
Vil,  par  un  brel  du  3  novembre  de  la  même 
année,  ordonna  que  celui  d'Urbain  VIII  serait 
exécuté,  et  que  l'on  s'en  tiendrait  à  ce  que  ce 
pontife  avait  décidé. 

Depuis  le  bref  de  Clément  VIII  de  1'au.la'jA 
dont  nous  avons  parlé  ci-dessus,  les  religieux 
d'Espagne  ont  toujours  été  sépa 
gieux  des  autres  hôpitaux  siiu 


l\.V 


SfrN 


&\A 


539  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 

royaume;  de  sorte  qu'il  y  a  eu  depuis  ce  temps 
deu x  généraux, l'un  pour  l'Es pagneet  les  Indes 
occidentales,  et  d'autre  pourla  France,  l'Alle- 
magne, la  Pologne  et  l'Italie,  qri  faiiordinair,  - 
meut  sa  résidence  à  Rome. Les  hôpitaux  d'Es- 
pagne sont  divisés  en  deux  provinces,  l'une 
sous  le  nom  d'Andalousie,  l'autre  sous  .clui 
de  Caslille  ;  et  comme  l'ordre  a  "ail  de  plus 
grands  progrès  dans  les  Indes,  il  y  est  divisé 
en  quatre  grandes  provinces,  qui  sont  celle 
do  Pérou, deda  Nouvelle-Espagne,  delà  Terre- 
Fcriuc,  fll  «les  Philippines. 

Les  autres  hôpitaux  qui  reconnaissent  le 
gênerai  de  Rouie  so  I  avisés  en  six  provin- 
ces. Ce  ne  .fut  que  i'an  iCOl  que  ces  religieux 
passèrent  en  France  par  le  moyen  de  la  reine 
Marie  de  Médicis,  qui  y  mena  avec  elle  le 
fr.èie  Jean  Bonelli  et  quelques  autres  reli- 
gieux d'une  piété  exemplaire ,  à  qui  elle 
donna  uue  maison  au  faubourg  Saint-Ger- 
main ,  où  ils  ont  bâti  un  hôpital  qui  s'e-l 
rendu  célèbre  dans  la  suite  par  la  magnifi- 
cence lie  ses  bâtiments.  Au  mois  de  mars  ito 
l'année  1602,  Henri  IV  leur  accorda  des  let- 
tres patentes  pour  leur  établissement,  avec 
permission  de  faire  bâtir  et  construire  des 
hôpitaux  dans  toutes  les  villes  et  les  lieux  de 
sou  royaume  où  ils  seraient  appelés.  Lous 
XIII,  l'an  1617,  leur  en  accorda  d'autres  qui 
confirment  l'étahlisseiiieot  de  leur  ordre  en 
France,  érigé  en  vraie  religion  par  le  pape 
Pie  V,  et  qui  veut  que  ces  religieux  soient 
reconnus  pour  tels.  Lis  oui  un  vicaire  géné- 
ral résidant  à  Paris,  Iequei  a  droit  de  visiter 
tous  les  hôpitaux  du  royaume,  qui  sont  au 
nombre  de  vingt-quatre.  Ces  religieux  fran- 
çais ont  aussi  traversé  les  mers,  et  ont  éta- 
bli trois  liô|  i:aux  considérables,  un  dans 
l'Amérique,  un  dans  J'ile  de  la  Guadeloupe, 
et  le  trisième  dans  celle  de  Saint-Christophe. 
Les  religieux  de  Pologne  ontaussi  un  vicaire 
général. 

Leurs  constitutions  furent  approuvées  par 
le  pape  Paul  V  l'an  1617.  Ils  se  lèvent  deux 
heures  avant  le  jour  depuis  la  fête  de  tous 
les  suints  jusqu'à  Pâques,  pour  aller  à  l'ora- 
toire ou  à  l'église,  où,  après  leur  office,  qui 
consiste  pour  ceux  qui  ne  sont  pas  prêtres 
en  un  certain  nombre  de  Pâte)-  el  d'Ave,  iis 
font  oraison  mentale  deux  fois  par  jour,  l'une 
le  matin  et  l'autre  avant  le  souper;  mais 
depuis  Pâques  jusqu'à  la  Toussaint  ,  l'o- 
raison du  malin  est  remise  à  une  heure  après 
dîner.  Le  matin  au  sortir  de  l'oraison,  et  le 
soir  à  l'issue  du  réfectoire,  ils  vont  à  l'hôpital 
pour  y  visiter  les  pauvres  et  les  consoler,  et 
ils  y  restent  le  malin  jusqu'à  la  messe,  et  le 
soir  jusqu'à  l'heure  du  silence.  Ouire  les 
jeûnes  prescrits  par  l'Eglise,  ils  jeûnent  en- 
core Pavent,  les  vendredis,  la  veille  de  la 
Nativité  de  la  sainte  Vierge,  de  Saint-Augus- 
tin, et  du  patron  de  leur  église.  Ils  prennent 
la  discipline  tous  les  vendredis  (  excepté  le 
temps  pascal  )  et  pendant  l'avenl  el  le  carê- 
me, les  lundis,  mercredis  et  vendredis.  Tous 
les  six  ans  ils  tiennent  le  chapitre  général, 
dans  lequel  ou  élit  le  majeur  général,  el  tous 


les  trois  ans  le  chapitre  provincial,  dans  le- 
quel chaque  province  élit  soli  provincial, 
dont  l'office  ne  dure  que  trois  ans,  el  celui 
du  général  six  aits.  Quant  à  leur  habille- 
ment, il  consiste  en  une  robe  de  drap  brun 
avec  un  scapulaire  de  même  et  un  capuce 
rond,  la  (unique  ou  robe  élant  serrée  d'une 
ceinture  de  cuir  noir  (1).  Ils  n'ont  que 
des  (  liemiscs  de  serge,  et  ne  couchent  aussi 
que  dans  des  linceuls  de  serge.  Les  rm  5 
de  cel  ordre  sont  d'azur  à  une  grenade  d'or 
surmontée  d'une  croix  de  même,  l'écu  tim 1 1  é 
d'une  couronne. 

Je  m'étonne,  que  M.  Hermant,  dans  son 
Hisloire  de  l'Etablissement  des  ordres  reli- 
gieux, parlant  de  saint  Jean  de  Dieu,  ait  dit 
que  c'fisl  le  pape  Innocent  XII  qui  l'a  mis  au 
catalogue  des  saii>ls,  puisque  sa  canonisa- 
lion  s'est  faite  de  nos  jours,  et  que  personne 
n'ignore  qu'elle  a  été  faite  par  le  pape 
Alexandre  VIS!  ;  et  qu';!  ail  encore  mis  que 
ce  fut  Léon  X  qui  approuva  son  ordre  comme 
une  société,  l'an  1520,  et  qui  donna  la  règle 
de  saint  Augustin  pour  les  sœurs  converses, 
puisque,  l'an  1520,  saint  Jean  de  Dieu  n'a- 
vait pas  encore  songé  à  prendre  soin  des  pau- 
vres  malades  ;  qu'il  s'enrôla  dans  l'armée  de 
l'empereur  l'an  1522,  qu'il  retourna  peu  de 
temps  après  au  service  de  son  premier  maî- 
tre, où  ayant  encore  demeuré  environ  dix 
ans,  il  alla  pour  la  seconde  fois  à  la  guerre 
l'an  1532  ;  qu'il  ne  commença  à  se  convertir 
qu'en  1536,  que  sou  parfait  renoncement 
au  monde  n'arriva  qu'en  1539,  et  qu'enfin  il 
ne  commença  son  premier  hôpital  qu'en 
1540.  Quant  aux  religieuses  converses,  à  qui 
U  même  pape  donna  la  règle  de  saint  Au- 
gustin (selon  M.  Hermant),  elles  n'étaient 
pas  sans  doute  de  l'ordre  de  Saiul-.!ean  de 
Dieu,  puisqu'il  n'y  a  jamais  eu  de  religieu- 
ses de  cet  ordre.  Il  a  suivi  apparemment 
Schoonebck,  qui  dit  la  même  chose  ;  mais  on 
s'égare  souvent  e.i  le  prenant  pour  guide. 

François  de  Castro,  Antoine  Gœva,  de 
Loyac,  de  Ville-Thlery,  Bailletet  Giry,dans 
la  Vie  de  saint  Jean  de  /Heu.  Henschen., 
npnd  Boiland,  tom.  III,  Aprilis.  Silveslr. 
Maurol.  Mar.  océan  di  tutt.  gl.  Rclig.,  lib. 
v,  pag.  430.  Barbosa,  de  Jur.  eccies.  Ascng. 
Tain ,.ur.,  de  Jur.  abbnt.  Bonanni,  Calulog. 
Ord.  relig.  Hermant,  Etaldiss.des  Ord.  relig. 
Schoonebek,  Hist.  des  Ord.  relig.  ;  et  les 
Constitutions  de  cet  ordre. 

A  l'époque  où  le  P.  Hélyol  écrivait  l'his- 
toire de  l'ordre  de  la  Cbarité,  cet  institut 
pouvait  se  glorifier  d'un  avantage  que  notre 
auteur  n'aurait  pas  manqué  de  signaler  sans 
doute,  s'il  l'avait  connu.  Les  PP.  Norbert, 
Hippolyte,  Anselme  et  Eustache,  avec  dix- 
huit  confrères,  tous  religieux  de  l'ordre  de 
Saint-Jean  de  Dieu,  souffrirent  le  martyre 
en  1656,  les  uns  à  Varsovie,  les  aulres  à 
Lublin,  et  les  autres  à  LoviU.  Un  artiste  bo- 
lonais, J.  Fabbri,  a  consacré  son  burin  à  r,  - 
présenter  cette  -cène  louchante  et  pfrécreusé 
à  Tordre  de  la  Charité  dans  une  gravure  qui 
porte  celle  inscription  :  Yenerabilet  servi  Dei 


(i)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n°  159. 


■,il 


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IEA 


S42 


Norbertus,  Hippolytus,  ânsehnus  et  Husta- 
chius  ordinis  S.  Joannis  de  Iho,  qui  nna  cum 
octoit  fini  soilalibus  ut  Clnisfi  p.hm  lueren- 
tttr,  annu  1656,  ab  hmretieit  partim  Ungaris, 
par  tint  Sutds,  purlim  Mosets,  qui  Yarsoviœ, 
qui  l.itblini,  qui  Lot  icii  diverso  tormcntorum 
génère  ad  moptem  acti,  ultimam  in  :Kmino 
<  bierunt  dirai. Nous  ignorons  si  l'ordre  a  fait 
des  démarches  pour  amener  la  constat  lion 
de  leur  martyre  et  l'autorisation  de  leur 
culte. 

Au  dernier  siècle,  l'institut  des  FF.  de 
Saint-Jean  de  Dieu  continua  de  se  rendre 
utile  et  de  s'étendre.  Les  souverains  pontifes, 
depuis  saint  P:e  V  jusqu'à  Léon  Xll  (peut- 
rire  jusqu'à  ses  deux  successeurs),  l'ont  en- 
richi par  des  bulle*,  lirefs  et  décrets  nom- 
bn  ux  de  plusieurs  privilèges  et  des  trésors 
de  l'Eglise. 

Le  P.  Bernard,  si  connu  par  ses  œuvres 
de  charité,  fut  inhumé  (et  après  lui  MM.  Le- 
gnuffre  et  Lejuifs,  très-dignes  prêtres,  ses 
d  sciples)  dans  l'église  de  l'hôpital  de  la  Cha- 
rité de  la  rue  des  Saints-Pères,  à  Paris. Celle 
maison,  si  importante  par  le  nombre  de  s  s 
religieux  et  de  ses  malades,  le  fût  devenue 
bien  davantage  si  elle  eût  vu  réaliser  tous 
les  projets  qu'.:vait  formés  sur  elle  le  cardi- 
nal de  Richelieu,  qui  la  protégeait  tout  par- 
ticulièrement. C'est  lui  qui  fit  construire  la 
salle  dite  de  la  Vierge,  ou  étaient  les  bles- 
sés, du  lemps  des  Frères.  Il  voulait  eu  con- 
struire d'autres  pour  y  contenir  jusqu'à  cinq 
cents  lits.  La  mort  arrêta  ses  projets. 

Au  milieu  du  dernier  siècle,  il  y  tvait  deux 
cents  lits  pour  les  pauvres  malades,  qui  y 
étaient  parfaitement  soignés,  sans  compter 
les  secours  qu'ils  recevaient  dans  la  maison 
des  convalescents,  rue  du  Bac. 

Cette  maison  des  convalescents,  où  l'on 
consolidait  la  sanlé  d'un  certain  nombre  de 
malades  sortant  de  l'hôpital  de  la  Charité 
(on  en  recevait  douze  chaque  semaine),  était 
due  aux  bienfails  de  dame  Angélique  de 
Faure,  veuve  de  Claude  de  Bullion,  mar- 
quis de  Gallardon,  et  garde  des  sceaux.  Elle 
datait  de  l'année  1652  et  élait  desservie  par 
quatre  religieux. 

L'église  de  l'hôpital  de  la  Charité,  que  l'on 
voit  encore  rue  des  Saints-Pères,  et  qui  sert 
aujourd'hui  de  vestibule,  fut  entièrement 
terminée  en  1733,  et  on  y  mit  la  dernière 
main  en  y  faisant  construire  le  port.iil 
d'assez  bon  goût  qu'on  y  \oit  encore,  et  qui 
fut  élevé  sur  les  dessins  de  Cotte,  architecte. 
Eu  17o8,  les  religieux  acquirent  une  portion 
de  terrain  aliénée  peu  de  temps  auparavant 
par  l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés,  et 
sur  cet  emplacement  ils  firent  bâtir  des  salles 
plus  vastes  pour  y  recevoir  un  plus  grand 
n  nibre  lie  malades.  M.  Antoine,  architecte 
de  l'hôtel  des  monnaies,  donna  le  dessin  et 
dirigea  la  construction  d'une  de  ces  salles, 


disposa  la  cour  sur  un  nouveau  plan  ci  dé- 
cora l'entrée  de  l'hôpital  d'un  petit  porche  à 
colonne  sans  bases,  d'un  très-bon  style.  Ce 
porche  a  été  gravé,  et  préservera  ainsi  de 
tomber,  au  bout  de  quelques  années,  dans 
l'erreur  qui  confondn.il  ce  portique  avec 
celui  qu'on  vient  de  terminer  récemment  à 
l'entrée  du  même  établissement,  rue  J.icob. 
Au  portail  de  M.  Antoine,  cet  architecte  vou- 
lut faire  un  essai  de  l'ordre  dorique  grec,  et 
donner  une  légère  idée  de  ces  propylées  cé- 
lèbres qu'alors  les  professeurs  d'architec- 
ture commençaient  à  faire  connaître  dans 
les  leçons  académiques.  Les  connaisseurs 
trouvèrent  qu'il  avait  trop  francisé  son  genre 
grec.  Au  reste  ces  propylées  sont  mis  de  nos 
jours  presque  à  tous  les  établissements  pu- 
blies. 

La  maison  de  Paris  élait  le  chef-lieu  de 
toutes  celles  du  même  orde  établies  dans  lé 
royaume  et  dans  les  colonies.  C'était  aussi  le 
seul  noviciat  et  la  retraite  des  religieux  hors 
de  service.  Cet  hô; -ital  r.-yal  élait  administré 
non  comme  les  autres  hôpitaux  de  malades , 
par  des  séculiers,  mais  par  l'ordre  même  des 
relui;  ux  qui  s'y  consacraient.  Le  bien  n'y 
souffrait  donc  point  les  entraves  apportées 
trop  souvent  au  zèle  des  aumôniers  et  des 
religieuses  dans  les  établissements  du  même 
genre.  On  avait  mal  à  propos  répandu  dans 
le  monde,  par  une  erreur  populaire  qui  s'é- 
tait introduite  jusque  chez  les  personnes  do 
condition,  qu'il  y  avait  dans  cette  maison  des 
chambres  particulières  dans  lesquelles  on 
élait  reçu  en  payant.  La  chose  n'était  pas 
vraie,  mais  les  fondateurs  et  les  bienfaiteurs 
avaient,  par  rappori  à  ceux  pour  qui  sis  «in- 
téressaient, des  préférences  et  des  ficililés 
.que  leurs  libéralités  leur  avaient  acquises. 
.Lors  lie  l'expulsion  des  frères  de  Saint-Jean 
de  Dieu,  l'hôpital  pouvait  recevoir  environ 
deux  cent  trente  malades  (1),  «  qui  y  étaient 
soignes,  dit  un  historien  distingué,  avec  un 
soin,  un  zèle  et  une  charité  qu'on  ne  pouvait 
trop  admirer.  »  Les  infirmeries,  tenues  par 
les  religieux  de  France,  passaient  pour  des 
modèles  dans  l'ordre.  Quand  on  voulut  bâtir 
l'hôpital  de  Milan, c'est  eu  France  qu'on  vint 
eu  effet  se  modeler.  Les  religieux  de  l'hôpi- 
tal de  la  Charité  de  Paris  possédaient  une 
pharmacie,  un  jardin  botanique  et  un  cabi- 
net d'histoire  naturelle.  On  remarquait  dans 
Durs  salles  et  dans  leur  église  plusieurs  ta- 
bleaux et  monuments  bien  exécutés.  Nous 
citerons  seulemenl  la  statue  du  Pauvre  Prê- 
tre (le  P.  Bernard),  en  terre  cuite,  qui  avait 
été  faite  par  un  sculpteur  nommé  Benoît.  Ils 
avaient  chez  eux  un  religieux  fort  habile,  le 
P.  Corne,  qui  était  surtout  très  adroit  dans 
l'art  d'extraire  la  pierre,  avant  que  la  litho- 
trilie  moderne  fût  connue.  Ailleurs,  quelques 
confrères  se  faisaient  remarquer  par  leurs 
connaissances  chirurgicales,  et  nous   pou- 


(1)  L'hospice  des  convalescents  avait  aussi  pris  de  que  cette  maison  avait  eu  pour  propriétaire  l'ami  de 

l'extension,  et,  vers  les  derniers  temps,  on  comptait  S.  François  de  Sales,  Le   Camus,  évoque  de  Belley, 

dans  cette  maison  vingt-un  dis  pour  les  convale-cents,  qui  la  vendit  au  gérant  de  la   fondatrice.  Elle  esi  dfe- 

qui  pouvaient  y  rester  huit  jours.  Nous  dirons  ici  venue  depuis  une  fabrique  d'ouvrages  en  cuivre, 
pour  ceux  que  ce  génie  de  renseignements  intéresse, 


545 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  REI.ICIEI'X. 


SM 


vous  citer  surtout  un  religieux  île  la  maison 
Je  Senlis,  qui  a  survécu  à  la  tourmente  ré- 
volutionnaire. 

Lorsque  le  P.  Hélyot  écrivait  ,  ou  peu 
d'années  après,  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Dieu 
comptait  en  France  et  dans  nos  colonies 
trenle-qnalre  établissements,  dont  voici  la 
liste  alphabétique  :  Avon  près  de  Fontaine- 
bleau, Brest,  Cadillac,  Celles,  Charenton, 
Château-Thierry,  Clermont,  Condom,  la  mai- 
son des  Convalescents  (à  Paris),  Effiat,  Fon- 
tainebleau ou  Avon,  Fort-Royal  à  la  Marti- 
nique, Fort-Saint-Pierre  à  la  Martinique, 
Gayette,  Grainville-la-Teinturière  (diocèse 
de  Rouen),  Grenoble,  la  Guadeloupe,  le  Cap- 
Français  j  île  Saint-Domingue) ,  La  Rochelle, 
Lester  (quartier  do  Léogané,île  Saint-Domin- 
gue), Louis-Bourg  (île  Royale,  au  Canada), 
Metz,  Moulins,  Niort,  Paris,  Poitiers,  Pontor- 
son  ,  Romans,  Roye,  Saint-Martin,  Saintes, 
Senlis,  Vesins,  Vitry-le-Français,  Vizilles. 
Mais  dans  le  cours  du  dernier  siècle  le  nom- 
bre en  était  augmenté;  car,  suivant  un  cal- 
cul que  nous  croyons  basé  sur  des  rensei- 
gnements exacts,  l'institut  de  Saint-.lean  de 
Dieu  desservait,  dans  le  royaume  et  ses  co- 
lonies, environ  quarante  hôpitaux  contenant 
trois  cents  religieux  et  quatre  mille  lits.  Le 
dernier  établissement  qu'il  eût  formé  était 
sans  doute  l'hospice  qui  se  voit  encore  près 
de  la  barrière  d'Enter,  à  Paris.  Le  duc  de  la 
Rochefoucault  ,  désireux  d'acquérir  deux 
maisons  que  les  religieux  de  la  Chanté  pos- 
sédaient dans  la  rue  de  Varennes,  obtint 
cette  acquisition  de  leur  comp'aisance.  Par 
reconnaissance  et  par  un  effet  de  la  bienfai- 
sance habituelle  de  cette  généreuse  famille, 
il  contribua  aux  frais  de  la  fondation  que 
firent,  en  conséquence  de  la  vente  île  leurs 
maisons,  et  de  leurs  propres  deniers,  les  re- 
ligieux de  la  Charité,  d'un  hospice  destiné 
aux  malades  d'une  classe  élevée.  Par  grati- 
tude, ces  religieux  donnèrent  au  nouvel  éta- 
blissement le  nom  d'hospice  de  la  Rochefou- 
rault,  qui  lui  est  resté.  Cet  hospice,  fondé 
quelques  années  seulement  avant  la  révolu- 
tion française,  était  destiné  à  recevoir,  en 
payant,  des  malades  à  qui  le  séjour  de  Paris 
était  nécessaire  et  qui  ne  pouvaient  décem- 
ment loger  dans  les  hôpitaux,  car  c'étaient  îles 
prélats,  des  militaires  en  grade,  etc.,  etc.  Un 
établissement  analogue,  tenu  par  les  mêmes 
religieux,  existe  aujourd'hui,  m;:;s  sur  de 
moindres  proportions  peut-être,  dans  la  rue 
Plumet ,  à  Paris.  Notis  en  parlerons  dans  no- 
tre quatrième  volume. 

L'ordre  avait  au  dernier  s:ècle  deux  mai- 
sons à  Rome  :  l'hôpital  de  Saint-Jean-Cali- 
bile  et  l'hospice  de  Spagnuoli  ou  des  Espa- 
gnols. Et,  en  178!),  le  supérieur  général,  ou, 
plus  régulièrement  parlant,  le  vicaire  géné- 
ral, en  France,  était  le  P.  Romuald  Vincent, 
résidant  à  Paris. 

Comme  cet  ordre  vénérable  a  eu  une  sorte 
de  création  nouvelle  en  se  rétablissant  en 
France,  où  d'ailleurs  un  bref  de  Léon  XII 
lui  a  donné  une  légère  modification  adaplée 
à  la  législation  de  notre  pays,  nous  consa- 
crerons un  article  spécial  à  l'histoire  de  sa 


renaissance  en  France.  Voy.  Jean  ve  !)iec 
(Ordre  de  Sain(-),  au  Supplément. 

Recueil  des  Indien  et  des  brefs  qui  concer- 
nent l'ordre  de  la  Charité  en  Franc  ,  vol. 
in-4",  1723.  Suite  du  Recueil  des  bulles  et  des 
brefs  qui  concernent  l'ordre  de  la  Charité  en 
France,  1 7aV7.  Tableau  historique  et  pittores- 
que de  Paris,  8  vol.  in-8°.  par  J.-B.  de  Saint- 
Victor.  Etat  ou  Tableau  de  la  ville  de  Paria, 
pnr  de  Beaumont,  in-8°,  1702.  Notes  fournies 
par  les  religieux  de  la  maison  de  Paris  Notes 
recueillies  passim.  B-n-E. 

JEAN  DE  LA  PÉNITENCE  (  Religieuses 
de  Saint-L  Von.  Noli. 

JEAN  DE  JÉRUSALEM  (  Saint- 1.  Voy. 
Malte. 

JEAN  DE  LA  PUÉBLA  (Réforme  des  Fran- 
ciscains nu  bienheureux). 

Le  bienheureux  Jean  de  la  Puébla  est  re- 
connu pour  le  premier  auteur  de  ceUe  étroite 
observance,  que  tant  de  religieux  de  l'ordre 
de  Saint-François  ont  emhrasséo  à  son  exem- 
ple. Il  était  comte  de  Bellocazar,  iils  d'Al- 
phonse de  Soio-Major  et  d'Elvire  de  Zuniga, 
l'un  cl  l'antre  des  plus  nobles  maisons  d'Es- 
pagne et  alliés  à  la  maison  royale.  Jean  de 
la  Puébla,  méprisant  tous  ces  avantages,  se 
fit  religieux  de  l'ordre  des  Ermites  de  Saint- 
Jérôme,  vers  l'an  1476,  dans  le  couvent  de 
Notre-Dame  de  Guadaloupe  ;  mais,  quatre 
ans  après,  voulant  embrasser  une  vie  plus 
austère,  il  alla  a  Rome,  où  ayant  été  reçu 
favorablement  du  pape  Sixte  IV,  il  lui  de- 
manda permission  de  passer  dans  l'ordre  des 
Frères  Mineurs  de  l'Observance,  ce  que  ce 
pontife  non-seulement  lui  accorda,  mais  il 
voulut  lui  donner  lui-même  l'habit  de  cet 
ordre,  et  après  lui  avoir  fait  faire  profession, 
il  l'envoya  proche  Assise,  au  couvent  des 
prisons,  au  mont  Subaze  ,  de  la  province  de 
Saint-François,  ayant  à  cet  effet  adressé  un 
bref  au  vicaire  de  cette  province,  daté  du  24 
janvier  1480,  par  lequel  il  lui  ordonnait  de 
le  recevoir. 

Jean  de  la  Puébla  y  demeura  pendant  sept 
ans,  après  lesquels  il  fut  obligé  de  le  quitter 
par  ordre  du  pape  Innocent  VIII,  qui,  à  la 
sollicitation  de  ses  parents,  lui  ordonna  de 
retourner  en  Espagne  pour  prendre  la  con- 
duite et  la  tutelle  de  son  neveu,  le  jeune 
comte  de  Bellacazar,  devenu  orphelin  par  la 
mort  de  son  père,  qui  avait  été  tué  dans  la 
bataille  de  Grenade.  Il  obéit  aux  ordres  du 
pontife,  et  arriva  en  Espagne  l'an  1487; 
mais  l'obéissance  qui  lui  avait  fait  laisser  la 
province  de  Saint-François  ne  lui  ôta  pas 
l'estime  et  l'amour  qu'il  avait  pour  les  ob- 
servances qu'il  y  avait  pratiquées;  car,  à 
peine  fut-il  arrivé  en  Espagne,  qu'il  songea 
à  y  établir  une  pareille  réforme  et  même 
plus  austère  au  sujet  de  la  pauvreté,  ayant 
obtenu  pour  cet  effet  quatre  religieux  de  la 
même  province  de  Saint-François,  qui  lui 
furent  envoyés  par  le  pape  en  1488,  afin  qu'ils 
lui  aillassent  dans  l'établissement  de  sa  ré- 
forme ,  qu'il  commença  l'année  suivante, 
sous  la  protection  de  la  reine  Isabelle,  avec 
autant  d'édification  pour  le  public  que  de   . 


Îii5 


iE.\ 


JEA 


546 


jalousie  pour  les  Conventuels  et  les  Obser- 
vants d'Espagne,  qui  no  manquèrent  pas  de 
le  traverser  dans  ses  pieux  desseius.  Mais, 
ayant  eu  recours  au  chapitre  général  de 
l'Observance,  qui  se  tenait  l'an  HS9  à  La 
Rochelle,  il  obtint  du  vicaire  général  Jean 
Croïii  et  des  Pères  du  •  hapitre  la  permission 
de  fondei  deux  couvents  sons  le  titre  de  cus- 
todie,au  mont  de  Muréna,  communément 
appelé  Sierra  de  Muréna.  Muni  de  cetie  per- 
mission, il  se  relira  dans  cette  solitude,  où  il 
jeia  les  Fondements  de  sa  réforme  sous  le 
titre  de  l'Etroite  Observance,  et  y  bâlii  un 
pauvre  couvent  l'ait  de  branches  d'arbres  et 
de  joncs,  dont  les  murailles  étaient  revêtues 
de  boue  et  de  paille  mêlées  ensemble. 
Nonobstant  celle  grande  pauvreté,  tant  dans 
ce  bâtiment  que  dans  les  autres  choses  de  la 
vie,  les  religieux  qui  y  demeuraient  étaient 
très-contents.;  mais  le  démon,  jaloux  de  leur 
repos  et  envieux  du  bonheur  do  l  ils  jouis- 
saient dans  celte  solitude,  ayant  excité  un 
cinbiasement  dans  un  bois  voisin  du  mona- 
stère, y  poussa  les  flammes  avec  tant  de 
violence,  que  ces  saints  religieux  eurent 
bien  de  la  peine  à  en  retirer  le  saint  sacre- 
ment, toul  le  reste  ayant  élé  réduit  en  cen- 
dres en  un  moment.  .Mais  ils  ne  perdirent  pas 
courage  pour  cet  accident,  et  en  peu  de  temps 
ils  rebàtiienl  un  autre  couvent  au>si  pauvre, 
qui  fut  dédié  en  l'honneur  de  Notre-Dame 
des  Anges,  comme  le  premier  l'avait  été. 

Jean  de  la  Puebla  eut  eu  li93  un  second 
couvent  à  Bellacazar,  dont  Alphonse  ,  son 
pupille,  le  mil  en  possession  ,  afin  qu'il  fût 
plus  près  de  lui,  ayant  obligé  d'autres  reli- 
gieux de  l'ordre,  qui  y  avaient  été  établis 
dès  l'an  1474,  de  le  leur  céder.  La  vie  que  ce 
saint  réformateur  menait  était  si  austère, 
qu'il  allait  toujours  nu-pieds  sans  sandales. 
Il  n'était  velu  que  de  pauvres  habits  tout  ra- 
pièces :  sa  nourriture  n'était  que  de  viandes 
insipides,  el  quoique  -on  c  rps  fut  tout  atté- 
nué par  les  mortifications  ,  il  en  inventait 
tous  les  jours  de  nouvelles.  Enfin,  tout  atté- 
nué par  la  pénitence  ,  il  mourut  dans  son 
couvent  de  Bellacazar,  l'an  1W3.  Soixante 
ans  après  sa  mort ,  on  ouvrit  son  tombeau, 
dans  lequel  on  trouva  son  corps  encore  tout 
entier,  qui  rendait  une  odeur  agréable.  L'on 
porta  sa  tète  à  son  premier  couvent  de  Notre- 
Dame  des  Anges;  les  religieuses  Clarisses  de 
Bellacazar,  où  ses  deux  sœurs  Elisabeth  et 
Eléonore  de  Soto-Major  avaient  pris  l'habit, 
eurent  pour  partage  de  ses  sainte-  dépouilles 
sa  pauvre  tunique  el  son  cilice.  Sou  neveu, 
le  comle  Alphonse,  après  avoir  perdu  sa 
femme,  Philippe  de  Portugal,  se  fil  religieux 
de  celle  réforme,  et  mourut  en  odeur  de  sain- 
teté dans  ce  couvent,  qui  fut  agrandi  l'an 
1510,  et  bâti  de  pierres  par  les  soins  du  Père 
François  des  Auges  ,  qui  a  élé  dans  la  suite 
général;  et  à  quelque  distance  du  couvent, 
il  fit  faire  quatre  ermitages,  où  les  religieux 
se  retirent  tour  à  lour.  Ils  n'y  peuvent  pas 
demeurer  plus  d'une  semaine.  Le  samedi,  on 
nomme  les  quatre  religieux  qui  doivent  aller 
dans  ces  solitudes.  Le  dimanche  matin,  après 
avoir  entendu  la  messe  au  couvent,  ils  de- 


mandent la  bénédiction  au  supérieur,  et  vont 
en  silence  à  l'ermitage  qui  leur  a  été  destine. 
Ceux  qui  en  reviennent  après  avoir  entendu 
la  messe  à  l'ermitage,  entendent  encore  au 
couvent  la  conventuelle  ,  et  lorsque  l'on  a 
sonné  le  dîner,  ils  se  prosternent  à  la  porte  du 
réfectoire  pour  baiser  les  pieds  à  tous  les  reli- 
gieux qui  y  entrent.  Ils  gardent  toujours  un 
étroit  silence  dans  leurs  solitudes.  Jamais  ils 
n'y  mangent  rien  de  cuit  ni  qui  ait  eu  vie,  et 
ils  se  contentent  de  racines,  d'herbes ,  de 
fruits,  de  pain  et  d'eau,  s'abslenanl  même  de 
laitage.  Ils  peuvent  néanmoins,  s'ils  veulent, 
assaisonner  leurs  herbes  d'huile  et  de  vinai- 
gre. Ils  prennent  trois  fois  la  discipline  en 
vingt-quatre  heures,  tant  de  jour  que  de 
nuit.  Ils  ne  sont  point  obliges  au  travail  ma- 
nuel ,  alin  de  vaquer  plus  longtemps  à  la 
médilation,  et,  hors  le  temps  de  l'oraison  et 
de  i'oiiice  divin,  ils  doivent  s'appliquer  à  la 
lecture  spirituelle. 

Ce  couvent  fut  encore  brûlé  en  1543;  il 
n'y  resta  pas  pierre  sur  pierre;  les  arbres 
mêmes  qui  étaient  aux  environs  furent  aussi 
consumés,  en  soi  te  que  ce  lieu  fut  réduit  en 
un  désert.  Mais  les  religieux  ne  voulant  point 
pour  cela  l'abandonner,  un  novice,  frère  du 
duc  de  Véjar,  qui  n'avait  pas  encore  renon- 
cé à  son  patrimoine,  le  fil  rebâtir  plus  soli- 
dement qu'il  n'était  auparavant.  Philippe  li, 
roi  d'Espagne,  augmenta  la  dévotion  et  la 
beauté  de  ce  lieu  lorsqu'il  y  passa  en  allant 
faiie  la  guerre  contre  les  Maures.  Il  y  laissa 
une  grosse  aumône  pour  faire  un  dortoir  et 
embellir  l'église,  et  donna  à  ces  religieux  un 
bois  qui  était  dans  leur  voisinage,  avec  un 
grand  pâturage  do  deux  milles  de  tour. 
Quatorze  couvents  s'étant  joints  à  ceiui-ci, 
on  en  a  formé  une  province  sous  le  litre  des 
Anges,  qui  fut  érigée  l'an  1518  el  qui  fut  in- 
corporée dans  la  suite  avec  la  Régulière  Ob- 
seivance.  Leur  habillement  est  semblable  à 
celui  que  nous  avons  donné  à  cet  article. 

Francise.  Gonzag.,  de  Ortg.  Seinph.  relu]., 
Luc  Wading.  ,  Annal.  Minor.  ,  tom.  Vil  ; 
Dominic.  de  Gubernatis,  Orb.  Seraph.  lib.  v  ; 
Marian.,  (la  on.  Observ.  strtclior.  etrefonn., 
lib.  î,  cap.  1  ;  el  And.  de  Guadaloupe,  Hist. 
de  la  Provinc.  de  los  Angelos. 

JEAN  DKS  VALLÉES  ET  DK  GENTIL  DE 
fcPOLETTE  f  Réforme  des  Franciscains 
de). 

Sous  le  généralal  de  Géraud  de  Odonis,  qui 
fut  élu  dans  le  chapitre  général  qui  se  tint  à 
Paris  l'an  1329,  les  religieux  de  l'ordre  de 
Saint-François,  qui  étaient  portés  au  relâ- 
chement ,  trouvèrent  un  protecteur  en  la 
personne  de  ce  général,  qui,  loin  de  i  eformer 
les  abus  qui  s  étaient  glissés  dans  l'ordre 
cl  de  maintenir  les  règlements  qui  avaient 
été  faits  par  ses  prédécesseurs  pour  l'obser- 
vance de  la  règle,  porta  au  contraire  le  pape 
Benoît  XII  à  laire,  l'an  1336,  d'autres  règle- 
ments, qui  tendaient,  selon  son  inclination, 
au  relâchement  de  la  pauvreté  et  des  autres 
austériiôs  de  l'ordre,  les  Gt  recevoir  l'année 
suivante  dans  le  chapitre  général  qui  se  tint 


547 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


548 


à  Cahors,  et  les  envoya  ensuite  dans  foules 
'les  provinces;  et  c'est  ce  qui  donna  lieu  à 
l'établissement  de  la  reforme  de  Jean  des 
Vallées,  car  Géraud  de  Odonis,  dès  l'an  £33S, 
avant  d'entreprendre  le  dessein  qu'il  avait 
d'affranchir  l'ordre  de  toutes  ses  austérités', 
jng^atit,  par  une  politique  mondaine  et  une 
prudence  de  la  chair,  qu'il  était  nécessaire 
de  se  défaire  de  ceux  qui  pourraient  apporter 
quel  ;  ne  obstacle  à  l'exécution  de  son  projet, 
donna  permission  à  ce  réformateur,  dont' il 
craignait  le  zèle  et  la  piété,  de  se  retirer  dans 
quelque  lieu  solitaire  avec  quelques  autres 
religieux  qui  dési"aienl  comme  lui  d'obser- 
ver la  règle  dans  toute  sa  pureté.  Le  frère 
Jean  des  Vallées,  muni  de  cette  permission, 
se  retira  à  Bruliauo,  proche  le  mont  Floride, 
entre  Camérino  et  Fnligni  ,  o'û  il  bâtit  un 
petit  couvent  qui  avait  plus  l'air  d'une  pau- 
vre chaumine  que  d'une  maison  religieuse1, 
et  là,  avec  ces  religieux  zélés,  il  vécut  dans 
une  grande  pauvreté  e(  dans  la  pratique  des 
austérité s  de  sa  rfe'glè  et  de  toutes  les  vertus 
évangéliques  ,  ce  qu'il  continua  jusqu'à  sa 
mort,  qui  arriva  l'an  1351. 

Fortanier  Vassal,  qui,  dans  le  chapitre 
général  tenu  à  Marseille  l'an  1343 ,  avait 
succédé  à  Géraud  de  Odonis  (que  le  pape 
Clément  VrI  avait  l'ail  patriarche  d'Anlioehe 
l'année  précédente),  se  montra  favorable  à 
ces  réformés,  leur  accordant  toute,  les  grâ- 
ces qui  dépendaient  de  lui  ;  mais  l'envie  et  la 
jalousie  ne  lardèrent  guère  à  s'y  opposer,  en 
excitant  les  murmures  des  non  réformés,  ou 
pour  mieux  dire  d  s  relâchés  ,  qui  se  plai- 
gnirent ouverlement  de  la  conduite  l  du 
gouvernement  du  général ,  sous  prétexteque, 
favorisant  ces  s  inls  religieux  et  leur  accor- 
dant tant  de  grâces  et  de  privilèges,  il  leur 
donnait  les  moyens  de  se  séparer  de  l'ordre. 
Le  pape,  craignant  que  ce  ne  fût  une  occa- 
sion de  faire  renaître  la  division  dans  l'ordre, 
défendit  au  général  de  leur  accorder  aucune 
exemption  ou  grâce  parlicu  iére  jusqu'à  ce 
que  lé  saint-siège  fût  mieux  informé  de  leur 
manière  de  vie,  el  qu'il  eût  ordonné  ce  qu'il 
jugerait  à  propos  sur  ce  sujet. 

Celle  défense  ayant  été  publiée,  ces  s  inls 
religieux  ne  perdirenl  pas  pour  cela  l'esprit 
de  leur  vocation,  et,  s'abandonnait  entière- 
ment aux  dispositions  de  la  divine  providence 
sur  eux,  ils  n'en  furent  pas  um:  s  M  les 
à  l'observance  de  leur  règle  el  à  la  pratique 
des  vertus  capables  de  les  rendre  ag 
à  Dieu,  qui,  voulant  réCompehsèf-céUê  con- 
fiance et  cette  conformité  à  sa  sainte  volonté, 
leur  donna  la  consolation  de  voir  croître  leur 
petite  congrégation  ,  non-seulement  par  l'ar- 
rivée de  plusieurs  i  cligieux  qui  ,  quittant  les 
non  réformés,  où  le  désordre  augmentait  de 
jour'en  jour,  venaient  se  joindre  à  eux  dans 
leur  solitude  pour  y  observer  la  règle  dans 
toute  sa  pureté,  mais  encore  par  l'augmen 
tation  de  quelques  couvents  qui  leur  furcn 
donnés  par  les  soins  du  frère  Gentil  de  Spo 
lette,  qui,  après  la  mort  de  Jean  des  Vallées, 
étant  regardé  comme  chef  de  cette  même  con- 
grégation, quoiqu'il  ne  fûl  que  frère  laïque  , 
obtint,  l'an  looJ,  dn  pape  Clément  VI,  à   la 


sollicitation  de  quelque?  seigneurs,  quaîre 
petits  couvents  de  la  province  de  Saint-Fran- 
çois ,  qui  furent  ceux  dès  Prisons  ,  de  Monl- 
Luci ,  de  l'Ermitage  et  de  Jani ,  où  il  demeura 
avec  ses  religieux,  et  où  il  eut  permission  de 
recevoir  des  novices  et  les  autres  religieux 
qui  seraient  portés  à  l'observance  exacte  de 
la  règle,  et  ce  ponlife  fit  défense  aux  supè 
rieurs  de  l'orde  de  les  troubler  en  aucune 
manière. 

Les  supérieurs  ne  purent  néanmoins  souf- 
frir cette  séparation.  Ils  appréhendèrent  que 
celte  congrégation  naissante  n'augmentât  et 
qu'elle  ne  causal  une  plus  grande'  division 
que  celles  qui  avaient  été  pacifiées  sous  les 
papes  Clément  V  el  Jean  XXII  ;  c'est  pour- 
quoi ils  pensèrent  aux  nioyens.de  la  détruire 
avant  qu'elle  fît  un  plus  grand  progrès.  Ce 
qui  les  y  excita  encore  davantage  fut  que 
ces  religieux  prenaient  des  habits  différents 
des  autres  et  semblable-  à  ceux  des  premiers 
réformateurs  deNarbonne,  qu'ils  ne  vou- 
laient avoir  rien  de  commun  avee  le  resle 
de  l'ordre,  et  qu'ils  s'étaient  presque  enliè- 
remenl  soustraits  de  son  obéissante.  L'affaire 
fut  proposée  dans  le  chapitre  général  qui  se 
tint  l'an  13oi  à  Assise:  la  plupart  des  vocaux 
furent  d'avis  qu'on  exposât  au  pape,  en  plein 
consistoire,  que  la  cunduite  de  ces  solitaires 
menaçait  l'ordre  d'un  nouveau  schisme,  et 
qu'on  suppliai  Sa  Sainteté  d'ordonner  qu'on 
les  traitât  comme  ou  avait  fait  des  sectaleurs 
de  Pierre-Jean  Olive;  mais  le  général  Guil- 
laume Farinier.  qui  dès  l'an  1245  avait  suc- 
cédé à  Fortanier  Vassal  (que  le  pape  avait 
fait  archevêque  de  Hàvenne),  s'opposa  à  ce 
dessein,  leur  faisant  connaître  que  si  l'on 
faisait  éclater  cette  affaire,  le  peuple  en  pour- 
rail  être  scandalisé,  et  que  cela  exciterait 
plus  de  bruit  parmi  ies  religieux.  L'on  défé- 
r  à  son  avis  et  l'on  remit  à  sa  prudence  le 
soin  de  dissiper  celle  nouvelle  congrégation. 
11  était  de  son  honneur,  après  une  déférénc'é 
si  soumise,  de  réussir  dans  celte  affaire  ;  ainsi 
il  commença  à  en  rechercher  les  moyens, 
mais  le  frère  Gentil  lui  en  fournit  l'occasion 
peu  de  temps  après  par  son  imprudence  ;  car 
ce  général  ayant  voulu  coin  a  auder  quelque 
chose  à  un  de  ses  religieux,  le  frère  Gentil 
fit  retirer  le  religieux  et  dit  hardiment  au 
général  qu'il  n'avait  'aucune  juridiction  sur 
ceux  qui  élaienl  sous  sa  conduite.  Les  reli- 
gieux qui  accompagnaient  le  général  le  por- 
taient à  punir  ce  léméraire  qui1  méprisait 
ainsi  son  autorité;  mais  il  aima  mieux  tem- 
poriser eue  >re  quelque  temps  pendant  lequel 
il  fit  examiner  secrètement  la  conduite  que  te- 
naient Gentil  et  ses  religieux.  11  trouva  qu'ils 
avaient  retenu  chezeuxduranlquelque  temps 
des  hérétiques  ;  et,  quoique  ce  lui  dans  le  des- 
sein de  les  convertir,  néanmoins  comme  ils 
n'y  avaient  pas  réussi,  il  se  servit' de  cela 
pour  lès  rendre  odieux  aU  pape  en  les  accu- 
sant d  avoir  communiqnéavec  ces  hérétiques 
dans  leurs  propres  maisons  en  mangeant  en- 
semble et  en  leur  donnant  retraite,  comme 
aussi  de  les  avoir  laissééchapper  sans  correc- 
tion ni  châtiment,  faute  d'en  avoirdonné  avis 
aux  inquisiteurs.  Il  n'en  fallut   pas   davaii- 


54!) 


JEA 


tage  que  dttc  accusation,  qui,  tonte  fausse 
qu'elle  était',  eut  tout  le  succès  qu'il  pouvait 
eu  attendre  :  car  le  pape,  qui  était  pour  lors 
Innocent  VI,  sans  aulre  ex.men  de  cause, 
révoqua  par  une  bulle  de  la  même  année 
1353  ce.le  que  Clément  VI  leur  avait  accor- 
dée ;  les  quatre  couvents  qui  leur  avaient  été 
donnés  turent  remis  sou*,  l'obéissance  des 
supérieurs  de  l'ordre,  avec  un  commande- 
ment exprès  à  l'rère  Gentil  et  ses  religieux 
de  se  conformer  aux  autres  pour  l'habille- 
ment (1).  Le  cardinal  Albornoz,  légat  du 
saint-siège  en  Italie,  pressé  par  les  sollicita- 
lions  du  général,  fil  mettre  en  prison  l'rère 
Gentil  dans  Orviéto,  avec  deux  de  ses  com- 
pagnons qu'il  menait  à  Rome.  Ainsi  le  chef 
é'anl  arrêté,  el  le  frère  Martin,  aussi  l'rère 
laïque,  son  principal  coadjuleur  et  religieux 
d'une  éminenle  verlu,  reconnue  même  par 
des  miracles,  élanl mort  l'année  suivante,  la 
congrégation  fut  aisément  dissipée. 

LucWading,  Anval.  Minor.  lom.  III  et  IV. 
Dominic.  de  Gubernalis,  Orb.  Serapltic.  , 
tom.  II. 

JEAN  DES  VIGNES   (Chanoines  réguliers 
de  Saint-),  à  Soissons. 

L'abbaye  de-'Sai .il-Jean  des  Vignes  à  Sois- 
sons  fut  fondée  pr  Hugues,  seigneur  de  Châ- 
teau-Thierry, l'an  1076,  sous  le  règne  de 
Philippe  I",  roi  de  France.  Ce  Hugues, 
ayant  usurp;- p.u«ienrs  églises  avec  les  biens 
qui  en  dépendaient,  louché  de  repentir,  alla 
trouver  Thibaud,  e\èq«e  de  Soissons,  pour 
les  lui  remettre  entre  les  mains,  à  condilio  i 
que  l'église  de  Saint-Jean,  qu'on  appelait 
pour  lors  du  Mont,  située  dans  la  ville  de 
Soissons,  et  qui  était  celle  qu'il  avait  injus- 
tement retenue, serait  desservie  par  des  cha- 
noines vivant  en  commun,  et  que  les  autres 
églises  avec  les  biens  qui  en  dépondai  ni.  et 
dont  il  avait  aussi  eu  la  jouissance,  y  seraient 
unis.  Le  roi  approuva  celle  fondation  la 
même  année;  et,  l'an  1088,  Hugues,  croyant 
n'avoir  pas  assez  satisfait  à  sa  conscience 
touchant  son  usurpation  sitnoiiiaquc,  fit  don 
au  monastère  de  Siinl-Jeai  de  trente  ar- 
pents de,  vignes  qui  étaient  aux  environs, 
d'où  est  venu  le  nom  de  Saint-Jean  des  Vi- 
gnes que  ce  monastère  a  porté  jusqu'à  pré- 
sent. Celte  fondation  fat  approuvée  par  l'é- 
véque  Henri,  qui,  voulant  encore  favoriser 
ces  chanoines  réguliers,  leur  donna  une  pré- 
bende dans  l'église  cathédrale,  du  --consente- 
ment de  ses  I  lirti.oines. 

Odon  fut  le  premier  abbé;  après  avoir 
gouverné  ce  m  )iias  ère  pendant  treize  ans,  il 
mourut  l'an  1088,  el  eut  pour  successeur  Ko- 
ger,  auquel  Urbain  II  adressa  l'année  sui- 
vante un  bref  par  lequel  il  le  reçut  lui  et  ses 
chanoines  sous  la  protection  du  saint-siège, 
et  approuva  les  constitutions  qui  avaient  été 
dressées  p>'Ur  cette  abbaye,  ordonnant 
qu'elles  y  seraient  inviolaiilemcnt  observées. 
H  confirma  ternies  les  donations  qui  leur 
avaient  été  fanes,  el  on  leur  en  fit  plusieurs 
dans  la  suile.  Hugues,  seigneur  de  !a  Ferlé- 
Milon,  et  Hclmide,  sa  femme,  leur  donnèrent 

(1)  Vu;/.,  à  la  ûu  du  vol.,  n°  140. 


JLA  550 

la  chapelle  de  Sainl-Vulgis  dans  leur  châ- 
teau, à  condition  qu'il  y  aurait  toujours  pour 
le  moins  trois  chanoines  pour  la  desservir. 
Thibaut,  comte  de  Champagne,  leur  fil  don 
aussi,  l'an  1122,  du  prieuré  d'Ouehv,  après 
en  avoir  fait  soitir  les  chanoines  se  uliers. 
Buchard,  évoque  de  Meaux,  (il  aussi  sortir 
des  chanoines  séculiers  du  prieure  de  la  Fer- 
té-Gaucber  pour  le  donner  à  l'abbaye  de 
Saint-Jean  des  Vignes.  Ils  ont  encore  deux 
autres  prieurés,  savoir  Monlmirel  et  la  Fer- 
lé-sous-Jouarre,  et  plus  de  trente  paroisses; 
et,  quoique  les  ben  fiées  qui  sout  possédé; 
par  les  chanoines  réguliers  soient  appelés 
prieurés,  il  n'en  est  pas  de  même  parmi  les 
chanoines  de  Saint-Jean  des  Vignes,  qui, se- 
lon l'ancienne  tradition  de  l'abbaye,  n'ont 
que  cinq  prieurés  qui  lui  soient  annexés,  et 
auxquels  ils  donnent  ce  nom  à  cause  qu'an- 
ciennement ils  étaient  possédés  par  des  cha- 
noines séculiers.  On  ne  laisse  pas  néanmoins 
de  donner  le  titre  de  prieurs  aux  curés  qui 
de  .servent  les  paroisses. 

Le  pape  Lucius  III,  par  un  bref  adressé  à 
l'abbé  Hugues,  leur  permit  de  mettre  dans 
chacune  ue  ces  paroisses  trois  ou  quatre 
chanoines  pour  le  moins;  le  même  abbé  Hu- 
gues ayant  voulu  révoquer  à  sa  volonté  les 
chanoines  qui  étaient  pourvus  de  cures,  et 
en  ayant  fait  revenir  quelques-uns  dans  le 
cloître,  l'évéque  de  Soissons,  Nivellon,  s'y 
opposa,  à  cause  qu'en  qualité  d'évèque  dio- 
césain, il  leur  avait  confié  le  soin  des  âmes 
dont  ils  devaient  lui  rendre  compte.  Ils  re- 
in ren!  leurdiiïérend  -entre  les  mains  du  pape, 
el  firent  tous  deux  à  cet  effet  le  voyage  de 
Home.  Urbain  III,  qui  gouvernait  pour  lois 
1  K;lise  universelle,  leur  donna  des  commis- 
saires qui  décrièrent  en  faveur  de  l'abbé: 
mais  les  chanoines  de  Saint-Jean  des  Vignes 
appelèrent  de  leur  jugement  au  pape,  disant 
que  leur  abbé  n'avait  pu  sans  leur  consen- 
tement l'aire  cette  innovation,  qui  elait  con- 
traire aux  privilèges  qui  leur  avaient  été  ac- 
cordés par  plusieurs  souverains  ponlifes  qui 
leur  avaient  permis  de  resler  trois  ou  quatre 
religieux  dans  ces  cures,  dont  l'un  serait 
seulement  présenté  à  l'évéque  pour  avoir  la 
conduite  des  âmes,  et  lui  en  rendrait  compte, 
et  qu'à  l'égard  de  la  discipline  régulière,  ils 
devaient  l'obéissance  à  l'abbé.  Hugues  était 
ami  d'Etienne  de  Tournai,  qui,  étant  de 
même  sentiment,  écrivit  en  sa  faveurà  Rome. 
.Mais  la  recommandation  de  ce  savant  homme 
n'eut  aucun  effet,  et  les  chanoines  furent 
maintenus  dans  leurs  droits,  el  on  ne  peut 
les  (aire  sortir  de  leurs  bénéfices,  ni  les  rap- 
peler dans  le  cloitre,  que  pour  de  grands 
crimes.  Ce  qui  est  de  singulier  dans  celte 
congrégation,  c'est  que  ces  mêmes  béuéli- 
ciers  assistent  à  l'éleelion  du  grand  prieur 
de  l'abbaye  de  Sainl-.lean  des  Vignes,  n'y 
ayant  plus  présentement  qu'un  abbe  commeii- 
dalaire,  et  qu'ils  pérorent  même  être  élus; 
mais  celle  supériorité  ne  dure  que  trois  ans, 
après  lesquels  ils  retournent  à  leurs  béné- 
fices. 

Les  peines  qu'on  imposait  aux  apostat»; 


5àl 


DICTIUNNAili;:  DLS  ORDRES  RELIGIEUX. 


552 


qui  sont  rapportées  dans  les  chroniques  de 
cette  abbaye,  font  bien  connaître  quelle  était 
l'observance  étroite  que  l'on  gardait  dans 
cette  congrégation.  Sous  le  gouvernement 
de  l'-ibbé  Matthieu  de  Cuizy,  un  religieux 
apostat  s'étant  présenté  pour  subir  la  peine 
vie  son  crime,  il  vint  à  la  porte  de  l'église 
dans  l'habit  qu'il  avait  porté  dans  le  inonde  ; 
l'ayant  dépouillé  jusqu'à  la  chemise,  il  mar- 
cha nu-pieds,  la  lèic  découverte,  et  tenant 
une  baguelte  a  la  main  ,  traversa  toute  la 
cour,  et,  étant  arrivé  au  chapitre,  il  se  mit 
â  genoux,  demandait!,  les  larmes  aux  yeux, 
pardon  à  l'abbé  en  présence  des  religieux, 
et  suppliant  qu'on  lui  donnât  la  discipline. 
Ce  qui  ayant  été  fait  par  le  prieur,  on  lui  en- 
joignit pour  pénitence  qu'il  recevrait  lous 
les  jours  la  discipline,  et  qu'il  se  présente- 
rait à  cet  effet,;  que  pour  toujours  il  serait 
privé  de  voix  dans  le  chapitre  ;  qu'il  n'aurait 
place,  soil  au  chœur  ou  ailleurs,  qu'après 
les  novices,  et  au  dernier  lieu;  qu'il  ne  cé- 
lébrerait point  ia  messe;  qu'il  mangerait  à 
genoux  sur  un  petit  banc  au  réfectoire; 
qu'on  ne  lui  présenterait  que  du  pain  noir 
et  du  viniouge,  avec  un  potage,  à  moins 
que  le  prieur  ne  voulût  bien  lui  envoyer 
quelque  chose  de  ce  qu'on  lui  aurait  présen- 
té. Il  fut  dispensé  au  bout  de  six  mois  de 
manger  à  lerre;  mais,  tant  qu'il  vécut,  il  ne 
mangea  qu'à  ia  troisième  table,  qui  était 
celle  des  corners.  Au  bout  de  deu*  ans,  on 
lui  permit  de  dire  la  messe  en  particulier, 
mais  jamais  eu  public,  et  les  autres  peines 
lui  fuient  imposées  pour  toujours. 

Cette  abbaye  souffrit  beaucoup  de  domma- 
ges par  les  hérétiques  calvinistes,  l'an  1368, 
lorsqu'ils  prirent  la  ville  deSoissons:  ils  rui- 
nèrent entièrement  le  monastère  et  l'église, 
emportèrent  les  vases  sacrés  et  lous  les 
meubles,  et  contraignirent  les  religieux  de 
sauver  leur  vie  par  la  fuite.  Ces  c  lanoines 
vendirent  ensuite  beaucoup  de  biens  pour 
rebâtir  l'église.  Le  parlement  de  Paris  or- 
donna que  la  quatrième  partie  du  revenu  de 
l'abbé  serait  employée  à  cet  effet  ;  elle  fut 
achevée  l'an  1586.  Durant  cette  guerre,  un 
des  chanoines  nommé  Savreux  s'etanl  retiré 
de  celte  abbaye,  ayant  été  chercher  un  asile 
en  Espagne  ,  lut  dans  la  suite  chapelain  du 
roi,  qui  le  pourvut  d'une  abbaye  en  Sicile. 
Cet  abbé  lit  bâtir  un  hôpital  à  Madrid  pour 
les  Français,  dont  il  donna  le  gouvernement 
aux  chanoines  de  Saint-Jean  des  Vignes,  qui, 
à  sa  réquisition,  envoyèrent  deux  chanoines. 
Ils  ont  été  longtemps  en  possession  de  cet 
hôpital. 

Dans  les  tilres  de  la  fondation  de  Saint- 
Jean  des  Vignes,  et  dans  les  lettres  du  roi 
Philippe  l"  et  de  l'évêque  de  Soissons  Thi- 
baut, qui  confirment  celle  fondation,  il  esl 
marqué  que  le  prêtre  cardinal  du  lieu  est 
tenu  de  rendre  raison  du  soin  qu'il  aura  eu 
de  ses  paroissiens  à  l'évêque  de  Soissous  et 
à  son  archidiacre,  comme  il  faisait  aupara- 
vant. L'origine  de  ces  cardinaux ,  selou 
Pierre  le  Cris,  chanoine  de  celle  abbaye, 
vient  de  ce  qu'un  pape  étant  venu   en  celle 

(i)  Dut.  Iliblur.  dernière  édil.,  lom.  Il,  pug.  91*2. 


ville,  choisit  douze  curés,  tant  de  la  ville 
que  des  environs  pour  lui  servir  d'assist.inis, 
et  que  dès  ce  temps-là  ils  commencèrent  à 
s'appeler  cardinaux.  Ils  s'assemblaient  le 
jour  de  Saint-Tliomas  pour  choisir  un  d'en- 
tre eux  pour  supérieur,  et  l'installaient  dans 
cette  (ligniié  le  jour  île  Saint-Etienne,  a  fui 
que  pendant  celte  année-là  i!  présidât  à  leurs 
assemblées,  qui  se  faisaient  pour  le  moins 
aux  qualre-temps  de  l'année  dans  quelque 
église,  où  l'on  chantait  l'office  des  défunts, 
y  ayant  des  revenus  annexés  à  cet  effet, 
dont  ces  douze  curés  ou  cardinaux  jouis- 
saient. Berlin,  qui  a  fait  les  Antiquités  de 
Soissons,  dit  que  ces  cardinaux  avaient  été 
ainsi  crées  alin  d'assister  l'évêque  de  Sois- 
sons  aux  fêles  solennelles,  ce  qui  est  bien 
vraisemblable.  Dans  l'ancien  pontifical  écrit 
a  la  main,  qui  servait  aux  évéques  de 
Troyes  (1),  il  y  a  plus  de  quatre  cent  cin- 
quante ans,  il  est  aussi  fait  mention  de  prê- 
tre* cardinaux,  qui  ne  sont  autres  que  les 
treize  curés  dénommés  au  Rituel  manuscrit 
de  la  iiiéuie  église,  lesquels  doivent  encore 
aujourd'hui  assister  l'évêque  qu.md  il  con- 
sacre le  chrême  et  les  sainles  huiles  le  jeudi 
saint,  et  à  la  bénédiction  solennelle  des 
fonts,  les  veilles  de  Pâques  et  de  Pentecôte. 
Paquier  rapporte  sur  ce  sujet  qu'eu  un  con- 
cile tenu  à  Metz  sous  Clnrlem;igne,  il  est 
ordonné  que  les  évoques  déposeront  cano- 
niqueoient  des  tilres  de  cardinaux  établis 
dans  les  villes  et  dans  les  faubourgs,  c'est-à- 
dire  des  cures  ;  et,  dans  l'abbaye  de  Sainl- 
Remi  de  Reims,  il  y  a  eu  de  tout  temps  quatre 
religieux  cardinaux  appelés  principaux, 
parce  que  ce  sont  ceux  qui  officient  au  grand 
autel  dans  les  lëtes  solennelles. 

Les  chanoines  de  Saint-Jean  desAigius 
avaient  autrefois  la  direction  d'un  collège  à 
Soissons,  qui  avait  été  fondé  par  Auberl, 
doyen  de  la  caihedrale  ;  mais  cette  maison 
fut  cédée  aux  Minimes  l'an  1583.  Le  collège 
de  Reauvais  à  Paris  a  été  tonde  parle  cardi- 
nal Jean  de  Dormait,  à  condition  que  l'abbé 
de  Saint-Jean  des  Vignes  auiait  soin  de  ce 
collège  et  aurait  droit  d'y  nommer  les  bour- 
siers, de  les  corriger,  de  les  ôter,  d'avoir 
soin  que  la  fondation  fût  exécutée  ;  et  parmi 
les  vingt-quatre  boursiers  il  peut  y  avoir  un 
chanoine.  Il  y  a  eu  trente  et  un  abbés  régu- 
liers. Après  la  mort  de  Pierre  Bazin,  qui  fut 
le  dernier,  le  cardinal  Charles  de  Bourbon 
fut  nommé  par  le  roi;  depuis  ce  temps-là  il 
y  a  toujours  eu  des  abbés  commendataires. 
L'an  1566,  la  mense  abbatiale  fit  séparée  de 
la  conventuelle  ;  l'abbe  est  premier  chanoine 
de  l'église  cathédrale  de  Saint-Cervais  de 
Soissons.  Celle  maison  a  toujours  regardé 
les  évoques  de  Soissous  comme  supérieurs  ; 
elle  n'a  jamais  été  unie  à  aucune  congréga- 
tion, et  n'a  point  souffert  de  réforme  étran- 
gère; elle  fut  enfermée  daus  la  ville  en  1551, 
sous  le  règne  d'Henri  II;  elle  a  donné  un 
sulfragant  à  l'évéché  de  Soissons  et  treize 
abites  réguliers  à  d'autres  abbayes,  tant  en 
France  qu'en  Flandre  eieu  Sicile. 

Le  conseil  de   la   maison  esl  composa  de 


555 


JEA 


JEA 


5Si 


quatre  anciens  ou  semeurs,  qui  sont  élus 
dans  les  chapitres  généraux;  ils  sont  pris 
tant  du  corps  des  hénéficiers  que  de  ceux 
qui  composent  la  communauté.  Tous  les  ans 
à  la  Saint-Martin  d  hiver,  ils  se  trouvent  à 
Saint-Jean  des  Vignes  pour  y  recevoir  les 
comptes  du  procureur,  tant  des  receltes  que 
des  mises  de  tous  les  revenus  de  la  maison, 
comme  aussi  ceux  du  trésorier  des  recettes 
cl  mises  du  revenu  de  l'église,  et  dans  cette 
assemblée  ils  remédient  aux  abus  qui  peu- 
vent s'être  glissés  dans  les  observances  ré- 
gulières. 

Matines  se  disent  toujours  à  minuit  dans 
cette  abbaye  ,  et  l'office  canonial  s'y  fait 
pendant  tout  le  jour  avec  beaucoup  d'édifi- 
cation ;  on  n'y  mange  de  la  viande  que  trois 
fois  la  semaine,  le  dimanche,  le  mardi  et  le 
jeudi;  l'abstinence  )  est  observée  depuis  le 
jour  de  Saint-Martin,  11  novembre,  jusqu'à 
l'Avent,  et  depuis  l'Avent  jusqu'à  Nuél  on 
jeune  ;  l'abstinence  recommence  à  la  Sepiua- 
gésime,  et  le  jeûne  le  lundi  d'après  la  Quin- 
quagésime  jusqu'à  Pâques.  Les  jours  de 
jeûne,  lant  de  l'Eglise  que  de  la  règle  sont 
égaux  pour  la  collation.  Autrefois  on  ne 
prenait  rien  le  soir,  à  présent  on  va  au  ré- 
fectoire, après  avoir  entendu  lire  aux  pupi- 
tres qui  sont  dans  le  cloître  un  chapitre  de 
l'Imitation  de  Jésus-Christ;  on  y  enlre  en 
habit  de  chœur  ;  chacun  se  met  selon  son 
rang,  et  le  dernier  novice,  après  avoir  fait 
une  profonde  inclination  au  grand  prieur, 
lui  demande  en  latin  la  permission,  au  nom 
tle  toute  la  communauté,  de  manger  du  pain  ; 
on  en  sert  à  chacun,  et  on  boit  un  peu  devin 
une  fois  seulement  ;  on  ne  sert  ni  nappes 
ni  serviettes,  ni  portion  de  vin  à  ces  colla- 
lions,  et  en  quelque  temps  que  ce  soit  il  n'y 
h  jamais  de  récréation. 

On  lient  tous  les  tiois  ans  le  chapitre  gé- 
néral vers  la  fête  de  la  Pentecôte.  Quand  le 
temps  approche,  le  grand  prieur  de  Saint-Jean 
envoie  un  mandement  à  tous  les  bénéfieicrset 
vicaires  de  la  campagne  pour  se  trouver  au 
chapitre.  Ils  s'y  rendent  !a  veille  du  jour  indi- 
qué pour  les  premières  vêpres  ;  ils  se  trouvent 
tous  à  matines  à  minuit.  Le  lendemain  ils 
assistent  à  la  procession  en  chapes;  la  messe 
du  Saint-Esprit  est  ensuite  chaulée  solen- 
nellement,  àlafin  de  laquelle  on  se  trouve  au 
chapitre  où,  après  les  prières  accoutumées, 
un  chanoine  fait  un  discours  en  latin  sur  un 
point  de  la  règle.  Le  grand  prieur  parle  en- 
suite sur  le  sujet  du  chapitre,  après  quoi 
l'on  procède  à  l'élection  d'un  nouveau  grand 
prieur,  qui  est  ensuite  conduit  au  palais 
épiscopal  pour  avoir  la  conGrmalion  de  l'é- 
voque de  Soissous.  Ce  grand  prieur  est 
triennal,  et  fait  régul.èrement  la  visite,  pen- 
dant ces  trois  ans,  dans  tou^  les  bénéfices 
réguliers  qui  dépendent  de  l'abbaye.  11  y  en 
a  (rente-trois  dans  l'évéché  de  Soissons,  et 
deux  dans  celui  de  Meaux,  qui  ne  peuvent 
Être  possèdes  que  par  des  chanoines  régu- 
liers profès  de  cette  maison  ,  et  qui  ne  sont 
point  sujets  aux  induits  et  aux  grades, 
comme  il  a  été  jugé  par  arrêt  du  grand  con- 
seil du  dernier  décembre  1683. 

Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  II. 


Quant  à  l'habillement  de  ces  chanoiues, 
l'on  verra  les  changements  qui  ont  été  faits 
de  temps  en  temps  dans  cet  habillement  et 
celui  qu'ils  portent  présentement,  dans  la 
lettre  qui  suit,  qui  m'est  tombée  entre  les 
mains,  et  que  j'ai  insérée  tout  au  loug  dans 
cette  histoire,  puisque  cette  lettre  est  une 
espèce  de  dissertation  sur  l'habillement  de 
tous  les  chanoiues  réguliers  en  général:  elle 
est  de  M.  de  Louen,  chanoine  de  cette  abbaye, 
et  prieur  curé  de  Latilly,  de  qui  j'ai  reçu 
des  mémoires  touchant  les  obseryances  ré- 
gulières qui  se  pratiquent  à  Saint-Jean 
des  Vignes,  dont  j'ai  parlé  ci-dessus. 

Lettre  de  m.  de  loden,  chanoine  régulier 
de  Saint-Jean  des  Vignes  et  prieur  curé  de 
Latilly,  sur  l'habitdes  chanoines  réguliers 
de  cette  abbaye,  écrite  en  1708. 

Monsieur, 

Pour  m  acquitter  de  la  parole  que  je  vous 
ai  donnée  de  vous  faire  voir,  1°  quel  est  l'ha- 
bit que  nous  devons  porter  dans  la  maison  de 
Saint-Jean;  2°  dans  nos  bénéfices  ;  3°  lorsque 
nous  sommes  en  voyage,  et  résoudre  en  peu 
de  mots  les  scrupules  que  vous  avez  pu  avoir 
sur  celte  matière,  je  vous  dirai  que  l'habit  que 
nous  portons  dans  la  maison  et  partout 
ailleurs  est  par-dessous  un  habit  noir,  c'est- 
à-dire  des  bas  noirs  ou  bruns,  une  culotte  et 
une  veste  de  même  couleur ,  et  par-dessus 
nous  portons  une  soutane  blanche.  Celle  sou- 
tane n'était  point  fermée  autrefois  par-devant, 
et  c'est  pour  celte  raison  que  quelques-uns  de 
nos  confrères  hénéficiers  la  portent  encore 
fei  mée  avec  des  boutons  ;  mais  l'usage  d'aujour- 
d'hui le  plus  régulier,  c'est  de  la  porter  fermée 
sans  boutons. 

Cette  soutane  a  toujours  été  de  couleur 
blanche,  car  nous  n'avons  aucune  preuve  du 
contraire.  Il  est  vrai  que  les  chanoines  régu- 
liers ont  droit  de  porter  des  soutanes  rouges, 
comme  la  portent  ceux  de  Saint- Maurice  en 
Suisse,  et  comme  en  portaient  autrefois  ceux 
de  l'abbaye  de  Saint-Y incenl  de  Senlis,  fondée 
en  1061  par  Anne,  reine  de  France,  femme 
d'Henri  I"  qui  y  mit  des  chanoines,  et  ordonna 
qu'à  la  différence  des  autres  ils  portassent  des 
robes  et  capuchons  rouges  de  couleur  de  s  mg, 
en  mémoire  de  saint  Vincent  martyr;  d'autres 
portent  la  soutane  violette,  comme  ceux  de 
^aint-Auberl  de  Cambray  et  de  Sainl-Eloy 
d'Arras,  et  comme  la  portaient  les  frères  con- 
vers  dans  notre  maison  de  Saint-Jean,  lorsque 
l'usage  était  d'y  en  recevoir.  Vautres  la  por- 
tent noire  cou. me  les  chanoines  réguliers  de 
Cantipré  en  Flandre,  et,  en  Lorraine,  ceux  de 
la  congrégation  de  Suint-Sauveur,  instituée 
par  le  B.  Pierre  Fourrier,  curé  de  Matin- 
court,  et  confirmée  par  une  bulle  du  pape  Ur- 
bain VI II  de  l'an  1628.  Mais,  dès  qu'une  com- 
munauté a  pris  une  couleur  d'habit,  il  ne  lai 
est  pas  permis  de  changer  une  couleur  en  une 
autre,  à  moins  que  de  prendre  la  blanche,  que 
les  anciens  chanoines  réguliers  ont  portée 
plus  qu'aucune  autre.  Cet  te  vérité  est  incontes- 
table, puisque  Benoit  XII,  qui,  après  avoir 
été  moine  de  Citeaux,  fut  élu  à  la  dignité  de 
18 


m 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


85f. 


cardinal.  ■:'.  ensuite  à  elle  de  souverain  pon- 
tife en  133i,  dans  les  constitutions  qu'il  fit  en 
1339  pour  la  réforme  des  chanoines  réguliers 
de  Saint  Jean  de  Latran,  qui  avait  commencé 
à  s'établir  en  Italie  en  10IJ3,  sous  Alexandre 
II,  dit  ces  paroles  :  Quilibel  coD  r  seuiel  as- 
smnplus  non  potest  mutari  nisi  in  album. 

Par- dessus  celte  soutane  blanche  nous 
portons  un  rochel.  Le  rocket  est  un  surplis  à 
manches  étroites  comme  celles  d'une  aube  ;  il 
est  plus  court  aujourd'hui  qu'il  ne  l'était  au- 
trefois; car  le  rochel  est  ce  qu'on  appelait 
tunica  talari  >  linea;  il  tombait  jusqu'aux  ta- 
lons, comme  les  aubes  que  nous  portons  à 
l'autel.  Ce  rocket  ou  citte  aube  était  l'orne- 
ment que  portaient  autrefois  les  prêtres  par- 
dessus leurs  soutanes,  comme  l'on  voit  encore 
dans  beaucoup  de  cathédrales,  et  particuliè- 
rement dans  celle  de  Soissons,  où  les  chanoi- 
nes mineurs  et  les  enfants  de  chaur  en  por- 
tent une. 

Nous  voyons  dans  la  conciles  de  France 
qu'un  évéque  de  Soissons  nommé  Ricuiphe  or- 
donna dans  ses  statuts  synodaux  de  l'an  880, 
A  tous  les  prêtres  de  son  diocèse,  d'avoir  deux 
aubes,  une  qu'ils  ne  devaient  jamais  quitter, 
et  une  autre  de  toile  plus  fine  qu'ils  mettaient 
par-dessus  quand  ils  célébraient  les  divins 
mystères:  Prohibemuspresb;.  teris  nostris  uli 
eadem  alba  in  sacris  mysteriis  qua  utunhir 
foris  in  quolidiano  et  exteriori  cuilu  ;  et  c'est 
apparemment  pour  garder  et  observer  cet  an- 
cien statut  du  diocèse  qu'il  est  ordonné  aux 
doyens  ruraux  de  se  trouver  au  synode  de  l'é- 
véque  revêtus  d'une  aube,  comme  il  est  mar- 
qué dans  un  ancien  cérémonial  imprimé  en 
1532  par  ordre  de  Symphorien  de  Bullion, 
évéque  de  Soissons. 

Cette  aube  dont  nous  parlons  a  été  dimi- 
nuée de  sa  longueur,  et  on  l'appelle  rochel, 
que  les  évéques  portent  encore  dans  toutes  les 
fonctions  épiscopales,  aussi  bien  quelesabbés, 
les  aumôniers  du  roi  et  les  doyens  des  cathé- 
drales de  Noyon  et  d'Auxerre,  qui  le  portent 
par-dessus  le  surplis  quand  ils  vont  à  l'église, 
comme  aussi  tous  les  chanoines  des  cathédra- 
les de  France  dessous  leurs  chapes  pendant 
l'hiver. 

La  plupart  des  chanoines  ont  retenu  l'u- 
sage de  ce  rochet,  et  on  s'en  est  toujours  servi 
dans  notre  maison.  En  effet  le  rochet  est  le 
propre  et  véritable  habit  des  chanoines  régu- 
liers, comme  le  montre  fort  bien  M.  de  Sainte- 
Beuve  dans  ses  Résolutions  morales,  cas  kk, 
1. 1  ;  et  Benoît  XII  était  tellement  persuadé 
que  le  rochet  était  l'habit  essentiel  des  cha- 
noines réguliers,  qu'au  chapitre  M)  des  cons- 
titutions qu'il  a  faites  pour  la  réforme  des 
chanoines  de  Saint-Jean  de  Latran,  il  or- 
donne que  si  quelqu'un  d'eux  est  assez  hardi 
de  paraître  en  public  sans  cet  habit  de  lin,  ou 
s'il  est  assez  téméraire  de  le  cacher  ;  si  après 
avoir  été  averti  il  ne  se  corrige  pas,  qu'il  soit 
suspendu  de  son  bénéfice  pendant  quatre  mois, 
s'il  est  bénéficier,  et  s'il  ne  l'est  pas,  qu'il  soit 
déclaré  inhabile  pendant  le  même  temps  d'en 
posséder  aucun  :  Qui   aulem  se  exbibens   in 


publico,  habitum  (superindumenta  scilicet 
linea)  temere  occultaveril,  si  monilus  emen- 
dare  noluerit,  juxta  prœmissam  persunaruin 
dislinctiotieai,  dictas  suspensionis  et  inbabi- 
litatis  pœnas  per  idem  (emplis  incurrat. 

Après  vous  avoir  parlé  des  habits  que 
nous  portons  pour  couvrir  le  corps,  il  faut 
vous  parler.  Monsieur,  de  celui  que  nous  por- 
tons sur  la  tête.  Nous  n'avions  point  autre- 
fois d'autre  couverture  de  tête  que  notre  au- 
musse.  Cette  aumusse,  comme  celle  que  por- 
tent encore  aujourd'hui  nos  novices  improfès, 
nous  servait  de  couverture  de  tête  pendant 
l'hiver  dans  la  maison,  et  pendant  l'été  au 
chœur  et  ailleurs. 

Nous  portons  aujourd'hui  dans  la  maison 
un  camail  pendant  l'hiver,  c'est-à-dire  depuis 
la  veille  de  la.  Toussaint  après  vêpres,  jusqu'à 
la  veille  de  Pâques  à  compiles  exclusivement. 
Ce  camail  ou  mozette  est  un  ornement  fait  d  é- 
toff'e  noire,  qui  sert  pour  couvrir  la  tête  et 
les  épaules.  Les  évéques  s'en  servent  encore 
aujourd'hui,  à  la  réserve  que  ce  camail  ne 
leur  couvre  plus  la  tête,  depuis  que  l'on  a 
trouvé  l  usage  des  bonnets  carrés.  On  ne.  pre- 
nait autrefois  le  camail  à  Saint-Jean  depuis  la 
Toussaint  jusqu'à  Pâques,  qu'après  les  secon- 
des vêpres  de  la  Toussaint  ;  on  le  quittait  le 
matin  tous  lei  autres  jours,  et  on  portait  le 
bonnet  carré  jusqu'à  vêpres. 

Voilà  quel  est  l'habit  que  nous  portons 
dans  la  maison  ;  nous  allons  montrer  à  pré- 
sent quel  est  celui  que  nous  portons  au  chœur 
pendant  l'été  et  pendant  l'hiver.  Pendant  l'été, 
c'est-à-dire  depuis  la  veille  de  Pâques  d  com- 
piles, jusqu'aux  premières  vêpres  de  la  Tous- 
saint exclusivement,  nous  portons  au  ciiœ.ir 
sur  1 1  soutane  blanche  et  le  rochet,  un  su*  plis 
à  manches  longues,  une  aumusse  noire  sur  le 
bras  gauche,  et  un  bonnet  carré  sur  la  tête  (1). 
Le  surplis  avait  autrefois  les  manches  rondes, 
comme  les  portent  encore  aujourd'hui  les  cha- 
noines de  Notre-Dame  de  Reims.  Nous  n'a- 
vons changé  cette  forme  de  surplis  qu'en  1693, 
pour  nous  conformer  aux  chanoines  delà  callié- 
drule  de  Soissons,  comme  nous  avions  fait 
pour  nos  chapes  d'hiver  en  1676. 

Le  surplis  s'appelle  en  latin  supcrpelli- 
ceum,  à  cause  que  les  chanoines  le  portaient 
par -dessus  des  robes  fourrées  appelées 
pellicium,  pour  se  garantir  du  froid  pendant 
l'hiver,  particulièrement  dans  les  pays  septen- 
trionaux. On  voit  encore  un  reste  de  cette  an- 
cienne coutume  dans  l'abbaye  de  Saint-Eloi 
d'Arras  ,  où  les  novices  portent  des  robes 
fourrées  pendant  leur  noviciat .  On  en  portait 
aussi  dans  notre  maison  de  Saint-Jean,  puis- 
qu'il est  dit  dans  nos  constitutions  que  nous 
aurons  des  habits  fourrés  pour  aller  à  mati- 
nes à  minuit. 

Les  surplis  dont  nous  parlons  avaient  la 
même  forme  que  tes  aubes,  puisqu'ils  étaient 
de  pareille  longueur , et  descendaient  jusqu'aux 
talons.  Ils  ont  été  raccourcis  par  Benoît  XII 
dans  les  constitutions  qu'il  fit  pour  lu  réforme 
des  chanoines  de  Saint-Jean  de  Latran  en  133!), 
dans  lesquelles  il   ordonne  que  le  surplis  ne 


(I)  Voi/.,àla  lin  du  vol.,  n*  iil. 


557  JEA 

passera  pas  par  su     ongueur  la    mut:. 
jambe  :  ulira  mediam  Ubiam  vol  circa. 

Le  surplis  aussi  bien  que  le  rochet  ouïes 
aubes  qui  serraient  pour  l'autel,  n'étaient 
point  plissés  aufour  du  cou.  On  a  retenu  ce! 
usage  à  Notre-  Dame  de  Paris,  i  u  les  minis- 
tres de  l'autel  portent  des  aubes  q ■<■  ne  sont 
point  plissées  autour  du  U,  uni  plus  que 
celles  des  enfants  de  chœur  île  celle  métrop  te. 
Dans  notre  maison  de  Saint-Jean,  nos  novi- 
ces portent  encore  des  rochets  qui  ne  sont 
p  in!  plissés  autour  du  c  u. 

Pendant  l'été',  nous  portons  au  chceur  une 
aumusst  noire  sur  le  !><  as  gauche.  Mous  dernns 
regardtr  cet  habit,  dans  notre  maison  de  Saint - 
Jean,  comme  un  habit  que  l'on  y  portait  en 
été  et  en  hiver,  puis  iu'avant  l'usage  des  bon- 
nets carrés  on  le  portait  loujo  irs  sur  la  télé  , 
et,  quand  on  le  mettait  sur  le  brus,  l'extré- 
mité d'en  haut,  qui  servait  à  couvrir  la  télé, 
se  mettait  toujours  en  dehors,  comme  le  por- 
taient les  chanoines  réguliers  de  Saint-Il  mi  de 
Reims,  ainsi  qu'on  le  jieut  voir  dans  lafîg  re 
qu'en  adonnée  au  public  le  R.  P.  du  Mouli- 
net, chanoine  régulier  de  Sainte-Geneviève  de 
Paris,   en   1C6G. 

Nous  avons  gardé  longtemps  à  Saint- 
Jean  l'usage  de  porter  tournasse  sur  l  bras 
dans  la  maison,  même  pendant  l'hiver  ; 
ne  prenait  le  camail  que  le  s  ir  après  repris  , 
comme  nous  avons  dit  ci-dessus.  Le  change- 
ment du  coi  traire  ne  s'est  fait  qu'en  l(>7(j. 
Auj  urd'hui.  //en  tant  l'été,  nous  portons  l'au- 
musse sur  lé  bras  gauche,  non-seulement  au 
chœur,  mais  encore  partout  dans  la  maison  , 
tant  la  nuit  que  le  jour. 

L'aumusse  que  nous  portons  est  noire  au 
dehois  et  blanche  en  dedans,  c'est-à-dire 
qu'elle  est  faite  de  patte*  d'agneau  de  Lom- 
bard e  de  couleur  noire  au  dehors  et  fourrée 
de  peaux  d'agneau  blanc  en  dedans.  Nos  no- 
vices la  portent  encore  noire,  mais  d'éto/Je 
fourrée  de  peaux  d'agneau  blanc  en  dedans, 
et  ils  la  mettent  sur  la  tête  ù  l'église  et  ailleurs, 
Il  semble  que  les  aumusses  noires  soient  celles 
qui  aie  ut  été  le  plus  i  n  vogue  dans  l'antiquité, 
et  dont  l'usage  a  été  plus  universellement  eçu, 
même  dans  les  cathédrales,  c'est  ce  que  nous 
apprenons  d'un  concile  tenu  a  Paris  ,  où 
il  est  dit  :  Staluimus,  ce  sont  les  Pères  du  con- 
cile qui  parlent,  et  provisione  concilii  clixi- 
m(is  statuenduni,  quod  canonici  calhedra- 
liuui  et  colkgiatarum  ecclesiarum  maniai' 
almutàs  nigris. 

Aujourd'hui  que  l'aumusse  n'est  plus  en 
usage  pour  couvrir  la  tête,  mais  que  les  ch  i- 
noiues  la  portent,  les  uns  sur  le  bras  gauche, 
qui  est  l'usage  le  plus  universellement  reçu,  et 
les  autres  sur  les  épaules,  l'on  se  sert  du  bon- 
net carrépour  couvrir  la  tête  pendant  l'été. 
Le  bonnet  était  fait  d'abord  en  forme  de  ca- 
lotte, à  la  réserve  qu'il  était  plus  large  en  haut 
qu'en  bas.  La  coutume  est  venue  ensuite  de  les 
faire  encore  plus  amples,  mais  ronds  et  plus 
petits,  presque  semblables  à  ceux  que  portent 
encore  aujourd'hui  les  novices  des  RR.  PP. 
Jésuites.  On  appelait  autrefois  ces  bonn,  ts  du 
mot  latin  i>irretum,  et  c'est  encore  aujourd'hui 
l'usage  en  France  de  dire  que   le  pape  a  en- 


JEA 


vugé  la  barrett.  ù  quelqu'un  de  ses  nonces  ou 
autre-,  lorsqu'il  lui  enrôle  le  bonnet  de  car- 
dinal. Enfin  or  ■  donné,  il  g  a  plus  de  deux 
cents  uns,  à  ces  bonnet*  I  figure  curée.  <  tant 
tous  tiss\ts  de  laine,  et  ayant  quatre  espèces 
de  cornes  qui  paraissaient  fort  peu  au-dessus. 
Pour  ce  qui  est  de  ceux  qui  sont  faits  de 
carte,  couverts  d'étoffe,  et  qui  sont  tout  car- 
rés, l'invention  en  est  assez  moderne. 

Voilà,  Monsieur,  quel  est  l'habit  que  nous 
portons  au  chœur  pendant  l'été;  voyons  pré- 
sentement celui  dont  nous  sommes  revêtus  au 
chœur  pendant  l'hiver.  Nous  portons  au  cloi. 
tre  en  hiver,  par-dessus  la  soutane  blanche  et 
le  rochet  ,  une  chape  d'étoffe  noire.  Cette 
chape  dont  nous  allons  parler  est  aussi  un 
habit  essentiel  aux  chanoines  comme  le  rochet. 
La  chape  est  un  vêlement  qui  prend  à  la  tête 
et  va  jusqu'aux  pieds.  Ce  vêtement  a  toujours 
été  en  usage  parmi  les  chanoines,  et  nous  ap- 
prenons d'un  ancien  ordinaire  ou  cérémonial 
de  N  vire-Dame  de  Paris  que  l'on  ne  recevait 
aucun  chanoine  au  chapitre  qui  ne  fût  revêtu 
d'un  habit  canonique,  c'es  -à-dire  d'une 
chipe,  ainsi  qu'il  est  marqué  dans  ce  c  rémo- 
nial ,  où  il  est  dit  que.  quand  un  chanoine  se 
présentera  en  chapitre  pour  être  reçu,  il  sera 
revêtu  d'une  aub  sur  la  soutane,  et  aura  itte 
chape  d'étoffe  noire  par-dessus  avec  le  capu- 
chon. Le  même  01  dinaire  porte  qu'on  n'enter- 
rera pas  un  chanoine  sans  chape.  Nous 
Voyons  même  encore  aujourd'hui  que  le  doyen 
des  enfants  de  chœur  de  cette  métropole  porte 
une  aube  sans  plis  autour  du  cou  sur  sa  sou- 
tane, et  une  chape  noire  en  été  et  en  hiver  à 
tous  les  offices  du  jour  et  de  la  nuit. 

On  commençait  autrefois  à  prendre  cette 
chape  dans  notre  maison  de  Saint-Jean  le 
premier  jour  d'oclobie,  comme  il  est  marqué 
dans  un  ancien  ordinaire  écrit  du  temps  ite 
nos  abbés  réguliers.  Elle  était  différent'  pour 
la  figure  de  celle  que  nous  portons  aujourd'hui; 
car  le  chaperon  e!  le  manteau  tenaient  m  ta- 
ble, et  elle  était  semblable  à  celle  que  portent 
les  chauvines  de  Notre-Dame  de  Reims  ,  à  la 
réserve  que  le  manteau  descendait  plus  bas  et 
n'était  point  fourré.  Nous  avons  changé  la  fi- 
gure de  cette  chape  en  1670,  et  nous  en  avons 
pris  de  semblables  à  celles  que  p  r  enl  les 
chanoines  de  la  cathédrale  de  Soissons. 

Après  vous  avoir  fait  voir,  Monsieur,  quel 
est  l'habit  que  nous  portons  dans  la  mais  ni  et 
au  chœur  en  été  et  en  hiver,  il  faut  vous  par- 
ler de  celui  que  nous  devons  por  er  à  la  cam- 
pagne lorsque  nous  sommes  en  voyage.  On  a 
vu  dans  les  siècles  passés  plusieurs  chanoines 
réguliers  d'ailleurs  très-réglés  dans  leur  con- 
duite, porter  ihabit  noir  tout  simple,  c'est-à- 
dire  sans  aucune  marque  de  chanoine  régulier, 
lorsqu'ils  étaient  hors  de  leur  maison.  Il  est 
vrai  que  les  chanoines  réguliers  qui  S'>nt  élevés 
à  l'épiscopat  peuvent  quitter  l'ha'dt  de  leur 
profession  qu'ils  portaient  dans  le  cloître,  et 
prendre  l'h  bit  noir  ou  violet,  comme  le  por- 
tent nos  seigneurs  les  ivéques,  à  la  différence, 
des  moines,  qui,  quoiqu'élevés  à  cette  haute  et 
sublime  dignité  de  l'Eglise,  même  à  lapourpre, 
ne  peuvent  quitter  l'habit  de  leur  profession, 
ainsi  qu'Innocent  III  l'a  défini  dans  le  con- 


5.VJ 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


560 


eile  de  Latran  Van  1215.  Voici  comme  parle 
ce  concile  :  Monachos  ad  episcopatum  evec- 
tos  gerere  debere  suum  habituai  uionacha- 
Iem.  Mais  le  même  pape  n'a  pas  pigé  de  même 
à  l'égard  des  chanoines  réguliers,  quia  régu- 
lai inserviunt  laxiori,  ut  pronunliavit  Inno- 
cent. III,  cap.  Quod  Dei  limorem  in  causa 
Zacharia;  Silii.  Cette  décision  du  concile  de 
Latran,  auquel  présidait  Innocent  III,  ne.  se 
pratique  plus  en  France  à  l'égard  des  moines 
élevés  à  l'épiscopat ,  depuis  que  le  clergé  de 
France,  en  1665,  les  en  a  dispensés,  comme 
remarque  M.  Godeau  dans  son  Histoire  de  l'E- 
glise, en  exposant  le  règlement  du  huitième 
concile  œcuménique. 

La  difficulté  est  de  savoir  si  les  chanoines 
réguliers  pourvus  de  bénéfices,  ou  les  cloîtriers 
mêmes,  lorsqu'ils  sont  envoyés  par  leurs  supé- 
rieurs dans  les  universités  pour  y  étudier,  ou 
en  campagne  pour  se  promener,  peuvent  quit- 
ter tout  à  fait  l'habit  de  cloître,  et  s'habiller 
tout  de  noir  comme  font  les  séculiers.  Nous 
ne  voyons  point  non  plus  de  stotxit  dans  notre 
maison  qui  l'autorise,  ni  de  décision  d'aucun 
docteur  qui  l'approuve.  Il  est  vrai  que  l'on 
garde,  dans  le  cartulaire  de  l'abbaye  des  cha- 
noines réguliers  de  Saint-Barthélémy  de 
Noyon,  un  privilège  de  Martin  IV,  qui  vivait 
en  1296,  par  lequel,  sur  la  requête  de  l'abbé 
et  de  su  communauté ,  il  leur  accorde  la  per- 
mission de  porter  l'habit  noir  hors  de  la  mai- 
son, et  même  aux  bénéflciers  qui  en  dépendent. 
Voici  ce  privilège  : 

Martinus  episcopus,  servus  servorum  Dei, 
dilectis  ûliis  abbali  et  canonicis  monasterii 
Sancli  Barlholomœi  prope  Noviodunum,  or- 
dinis  Sancti  Augustini,  salulem  et  aposloli- 
cain  benedictionem.  Sincerœ  devotionis  af- 
fectus,  quem  ad  nos  et  Romanam  geritis 
Ecclesiam,  prorneretur  ut  petilionibus  ve- 
slris,  quantum  cum  Deo  possumus,  favora- 
bililer  annuamus.  Hinc  est  quod  nos  ve- 
stris  supplicationibus  inclinati,  ut  abbas  et 
reliiiiosi  monasterii  veslri,  eliam  parrochia- 
lium  ecclesiarum  rectores,  qui  ex  dicti  ordi- 
nis institutis,  vestem  superiorem  albam 
gestare  consueverant,  quoties  ipsos  pro  trac- 
i. imlis,  procurandis  et  peragendis  monaste- 
rii et  parochialium  ecclesiarum  negoliis, 
aliisque  ralionabilibus  ethomstiscausis  mo- 
naslerium  praifatum  exire  contigerit,  veste 
superiori  nigri  coloris,  donec  in  prœfalum 
j  monasterium  sinl  reversi,  libère  et  li  ci  te  uti 
•  valeant,  conslitutionibus  et  ordinationibus 
i  aposlolicis,  nec  non  sialutis  et  consuetudi- 
nibus  monasterii  et  ordinis  pr^dicii,  cœteris- 
que  contrariis  nequ.iquam  obslintibus,  au- 
ctorilale  apostolica  tenore  prœsentiuui  in- 
dulgemus.  Datum  (îcnesiani  Pr;eneslinensis 
Diœces.  iv  id.  Augusti,  pontificatus  nostri 
an no  secundo. 

Erusme ,  qui  était  chanoine  régulier  de 
l'abbaye  de  Sion,  et  qui  n'ignorait  pas  le  pri- 
vilège accordé  aux  chanoines  réguliers  de 
Sainl-Uarthélcmy  de  Noyon,  se  fit  néanmoins 
un  scrupule  de  s'en  servir.  En  effet,  comme  il 
Huit  obligé  d'être  souvent  à  la  cour  des  prin- 
ces et  parmi  les  personnes  de  distinction  de 
son  temps,  qui  cherchaient  sa  compagnie  avec 


empressement ,  et  que  son  habit  blanc  l'in- 
commodait, il  écrivit  au  supérieur  de  son  mo- 
nastère, qui  trouvait  mauvais  de  ce  qu'il  por- 
tait un  habit  noir,  et  lui  manda  qu'il  en  avait 
obtenu  la  permission  de  Jules  II,  qui  la  lui 
avait  accordée  à  condition  qu'il  garderait 
toujours  dans  ses  habits  quelque  marque  de 
celui  de  sa  profession  :  Ul  pro  aibitrio 
quodeunqué  signum  instituli  verc  gesla- 
rem.  En  effet  il  n'est  pas  permis  à  un  cha- 
noine régulier  de  cacher  de  telle  manière  son 
habit,  qu'il  ne  paraisse  point  du  tout  :  c'est 
pour  cette  raison  cl  dans  cette  vue  que  nos 
Pères  assemblés  dans  un  chapitre  général  au 
mois  de  juin  de  l'an  1623,  parlant  de  l'habit 
que  nous  devons  porter  quand  nous  allons  en 
campagne,  ordonnent  que  nous  aurons  des  bas 
noirs  ou  bruns,  une  culotte,  une  veste  noire, 
et  par-dessus  un  petit  rochet  de  toile  avec  une 
soutanelle  noire  par-dessus.  Ce  statut  et  cHic 
ordonnance,  faits  pendant  que  le  siège  épisco- 
pal  de  Soissons  était  vacant  par  la  mort  de 
Mgr  Charles  de  Hacqueville,  furent  ensuite 
confirmés  par  Mgr  Simon  le  Gras, son  succes- 
seur, en  1626,  dans  une  visite  qu'il  fit  pour 
exercer  les  droits  que  les  évéques  de  Soissons 
ont  sur  notre  maison.  On  dira  peut-être  qu'un 
prêtre  ni  un  clerc  ne  doivent  jamais  quitter 
ta  soutane,  et  que  quand  ils  vont  en  campagne 
ils  la  doivent  trousser  ,  mais  jamais  la 
quitter. 

Il  est  vrai  que  les  souverains  pontifes  et  les 
conciles  obligent  tous  les  clercs  à  porter  tou- 
jours l'habit  clérical;  mais  il  est  aussi  ci  re- 
marquer que  les  clercs  doivent  avoir  trois 
sortes  d'habits,  l'un  pour  le  ministère,  l'autre 
pour  l'usage  ordinaire,  et  le  troisième  pour  la 
campagne.  Celui-ci  peut  être  porté  plus  court 
que  les  autres  ,  selon  que  saint  Charles  Bor- 
romée  l'a  décidé  dans  un  de  ses  conciles  de 
Milan,  dont  il  était  archevêque,  en  1568,  où 
il  est  dit  :  Clericis  iter  babentibus  quovis 
vestilu  contraction  uti  lii  ebit,  et  decentem 
tamen  illum  atquc  hujusnmdi  esse  oporlel, 
ex  quo  eos  esse  ecclesiaslici  ordinis  homincs 
facile  possint  agnosci.  Cum  vero  eo  venerint 
quo  pervenire  contendunt ,  talarem  logaui 
induant. 

Cette  soutanelle  est  aussi  approuvée  par 
Son  Eminence  Mgr  le  cardinal  le  Camus, 
évéque  de  Grenoble,  dans  ses  statuts  syno- 
daux, à  la  page  3k,  article  k.  D'où  l'on  peut 
conclure,  1°  que  ce  n'est  que  dans  les  voyages 
qu'il  est  permis  de  porter  un  habit  court,  et 
en  second  lieu  que  cette  soutanelle  ne  doit  rien 
avoir  que  de  modeste.  Il  est  aisé  de  conclure 
de  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  que  n  -ws 
devons  dans  nos  voyages  nous  tenir  à  l'ordon- 
nance de  notre  chapitre  de  l'an  1623,  oit,  il  est 
dit  que  nous  aurons  toujours  un  rochet,  qui 
est  notre  habit  essentiel,  avec  une  soutanelle 
noire  par-dessus. 
Je  suis,  elc. 

Celle  décision  en  faveur  du  rochet  seul, 
que  M.  de  Louen  regarde  comme  la  seule 
marque  essentielle  de  l'habit  des  chanoines 
réguliers,  n'a  pas  plu  à  tous  ses  confrères  ; 
car  j'ai  une  lellre  d'un  chanoine  de  Saiut- 
Jean  des  Vignes,  qui,  ayant  lu  celle  disserta- 


S64 


JEA 


JEA 


si» 


(ion,  marque,  qu'il  n'iipprouyc  nullement 
cette  décision,  et  que  la  soutane  est  encore 
l'habit  essentiel  des  chanoines  réguliers  ;  en 
effet  ils  ne  doivent  pas  se  conformer  aux  ec- 
clésiastiques en  toutes  choses,  et  si  ceux-ci 
portent  des  soulanelles,  ce  n'est  pas  une 
conséquence  que  les  chanoines  réguliers  en 
doivent  porter,  ou  du  moins  en  porter  par- 
dessus le  rochet  sans  avoir  encore  leur  sou- 
tane sous  le  même  rochet  :  c'est  ce  que  pra- 
t'quent  les  religieux  de  la  Congrégation  de 
France  et  les  plus  réformés  d'entre  les  cha- 
noines réguliers.  Nous  ajouterons  encore  que 
M.  de  Louen  s'est  trompé  lorsqu'il  dit  que  la 
réforme  que  fit  le  pape  Benoît  XII  ne  regar- 
dait que  les  chanoines  réguliers  de  Latran, 
puisqu'il  n'y  avait  point  de  congrégation  de 
Latran  en  1339,  et  qu'elle  n'a  commencé 
que  plus  de  cent  ans  après,  ou  plutôt  que 
celle  de  Sainte-Marie  de  Frisonaire  fut  éta- 
blie à  Saint-Jean  de  Latran,  dont  elle  prit 
pour  lors  le  nom,  qui  lui  fut  donné  pur  Eu- 
gène IV  l'an  1445.  Cette  réforme  de  Benoît 
XII  regardait  tout  l'ordre  canonique,  puis- 
que ce  pape  ordonna  à  tous  les  chanoines, 
en  quelque  lieu  qu'ils  fussent,  de  tenir  des 
chapitres  provinciaux  tous  les  quatre  ans. 

Voyez  le  P.  le  Gris,  Chronic.  abb.S.  Jounn. 
ud  Vineas.  Sammarlh.  Gall.  Christian. 

JEAN  ET  DE  SAINT-THOMAS  (  Ordre  mi- 
litaire de  Saint-). 

M.  Hermant,  curé  de  Maltol,  parlant  de 
cet  ordre,  dit  que  la  noble  ville  d'Ancône, 
ville  épiscoi  aie  et  port  de  mer  en  Italie,  si- 
tuée dans  l'Etat  ecclésiastique,  vante  parmi 
ses  antiquités  d'avoir  donné  naissance  à  un 
ordre  militaire  qui  portait  le  nom  de  Saint- 
Jean-Bapliste  et  de  Saint-Thomas,  et  que  le 
zèle  et  la  piété  de  quelques  gentilshommes 
de  celte  ville  en  commencèrent  l'établisse- 
ment par  le  secours  qu'ils  donnèrent  aux 
pauvres  malades,  qu'ils  reçurent  charita- 
blement, et  auxquels  on  bâtit  des  hôpitaux 
qui  se  changèrent  bientôt  en  commanderies 
par  les  biens  qu'on  y  fit  et  les  privilèges  que 
leur  accordèrent  les  souverains  pontifes, 
qui,  les  ayant  élevés  à  la  dignité  d'ordre 
militaire  dans  l'Eglise,  sous  les  heureux 
auspices  de  saint  Jean-Baptiste  et  de  saint 
Thomas,  les  oblgèrent  de  faire  la  guerre 
aux  bandits,  pour  faciliter  le  passage  aux 
pèlerins  que  la  dévotion  portait  à  visiter  les 
saints  lieux. 

D'un  autre  côté,  l'abbé  Giusliniani  et 
Schoonebek,  parlant  aussi  de  cet  ordre,  di- 
sent qu'entre  les  monuments  d'antiquité  dont 
la  ville  d'Acre  en  Syrie,  anciennement  Pto- 
lémaïde,  se  glorifie,  on  compte  l'institution 
des  chevaliers  de  Saint-Jean  et  de  Saint- 
Thomas.  11  s'agit  de  voir  qui  de  ces  auteurs 
a  raison.  11  est  certain  que  M.  H<  rmanl  s'est 
trompé,  puisque  les  papes  Alexandre  IV  et 
Jean  XXII,  qui  ont  approuvé  cet  ordre, 
comme  il  en  convient,  ont  adressé  leurs 
bulles  au  grand  maître  de  l'ordre  de  Saint- 

(\)  Tostst,  in  Josue,  cap.  xv,  et  in  lib.  IV  Reg., 
cap.  i. 


Thomas  d'Acre  et  non  pas  d'Ancône,  Magi- 
stro  et  fratribus  militiœ  liospitalis  S.  Thomœ 
martyr.  Canluarien.  Accon.  C'est  ainsi  que 
parle  celle  d'Alexandre,  et  celle  de  Jean  est 
courue  aussi  en  ces  termes  :  S.  Thomœ  ma- 
gistru  et  frulribus  liospitalis  S.  Thomœ  mar- 
tyris  Acconen.;  et  c'est  ce  qui  fait  croire  à 
Mennénius  que  l'ordre  de  Saint -Thomas 
pourrait  être  séparé  d'un  autre  sous  le  nom 
de  Saint-Jean  d'Acre,  puisque  ces  papes  ne 
parlent  que  de  l'ordre  de  Saint-Thomas  ;  il 
ne  laisse  pas  néanmoins  de  les  joindre  en- 
semble sous  le  nom  de  Saint-Jean  d'Acre  et 
de  Saint-Thomas  :  Ordo  equeslris  S.  Joan- 
nis  Acronensis  et  S.  Thomœ. 

Toslat,  dans  ses  commentaires  sur  Josué,  I 
parlant  de  la  ville  d'Accaron,  où  le  roi  Ocho- 
sias  envoya  consulter  Beelsébub,  dit  que  l'on 
appelle  présentement  cette  ville  Acre ,  et 
qu'elle  a  donné  son  nom  à  un  ordre  de  che- 
valiers appelés   de  Saint-Jean   d'Acre  :  Ista 

civitas  vocatur  nnne  vulgariter  Acre 

rt  ub  hoc  loco  nominatur  quidam  ordo  mili- 
tum  qui  fuit  in  Ecclesia,  cum  obtinucrunt 
Terrain  Sanclam,  scilicet  ordo  Beati  Joann. 
de  Acre,  vel  de  Acharon.  11  dit  encore  la 
même  chose  dans  ses  Commentaires  sur  le 
quatrième  livre  dis  Bois  :  Est  autem  Acca- 
ron  famosa  civitas  in  terra  Philistinorum 
circa  mare  Méditer raneum,  in  qua  postea  fuit 
ordo  quorumdam  militum  qui  vocantur  de  S. 
Joanne,  et  illa  civitas  vocatur  vulgariter  de 
Acre,  .lccnron(l). 

Ce  n'est  point  ici  le  lieu  d'examiner  si 
Toslat  a  eu  raison  de  croire  que  la  ville 
d'Acre  ou  Ptolémaïde  fût  l'ancienne  ville 
d'Accaron,  que  plusieurs  auteurs  prétendent 
n'être  qu'un  méchant  village  ruiné;  mais  au 
moins  Tostat  et  tous  les  écrivains  qui  ont 
parlé  de  cet  ordre  militaire,  à  l'exception  de 
M.  Hermant,  disent  qu'il  a  pris  son  origine 
dans  la  ville  d'Acre.  L'on  ne  sait  point  l'an- 
née de  sou  institution,  mais  plusieurs  au- 
teurs conviennent  qu'il  fut  approuvé  par  le 
pape  Alexandre  IV,  qu'il  lui  donna  la  règle 
de  saint  Augustin,  et  qu'il  fut  dans  la  suite 
confirmé  par  le  pape  Jean  XXII.  Alphonse 
le  Sage,  roi  de  Castille,  ayant  fait  venir  de 
ces  chevaliers  dans  ses  Etats  pour  les  dé- 
fendre contre  les  incursions  des  Maures,  les 
combla  de  bienfaits,  et  leur  laissa  encore 
par  son  testament  de  grandes  richesses; 
mais  cet  ordre  ayant  été  beaucoup  affaibli 
par  les  pertes  qu'il  fit  dans  la  Syrie,  il  fut 
uni  à  celui  de  Malte.  Ceux  qui  s'opposèrent 
à  cette  union  prirent  toujours  le  nom  de 
chevaliers  de  Saint-Thomas,  et  conservèrent 
la  croix  rouge  au  milieu  de  laquelle  était  uç 
ovale  où  était  l'image  seule  de  saint  Thomas 
au  lieu  qu'auparavant  ils  yjoignaienl  celle 
de  saint  Jean  Baptiste  (2). 

Voyez  Mennénius,  Giusliniani ,  Schoone- 
bek et  Hermant,  dans  leur  Hist.  des  Ordres 
militaires;  et  Ascag.  Tanibur.  DeJur.  Abbat. 
disp. 

(i)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  142. 


563 


ACTIONNAIRE  DES  ORURES  RELIGIEUX. 


564 


JEAN  L'ÉVANGÉLISTK    (Chanoines   .sécu- 
liers df.  Saint-). 

Des  chanoines  séculiers  de  la  congrégation  de 
Saint-Jean  VEvangêlistè  en  Portugal,  avec 
la  vie  de  dorn  Jean  de  Yicenz-,  évêque  de 
Lamego  el  ensuite  de  Yiseu,  lur  fonda- 
teur. 

Connue  la  congrégation  des  chanoines  sé- 
culiers do  Saint-Jean  l'Evangéliste  en  Portu- 
gal subsisie  encore  avec  éclat  dans  ce  royau- 
me, n'ayant  pas  eu  le  même  soit  que  celle 
de  S  ■inl-Georges  ïi?  Algha.  quoiqu'elle  suive 
le  Biêmi  institut,  et  que  ces  chanoines  re- 
connaissent aussi  saint  Laurent  Justinien 
pour  leur  patriarche  et  leur  Père,  ;:insi  qu'il 
est  porté  parle  bref  de  Clément  VIII,  du  27 
septembre  1598,  dont  nous  avons  déjà  parlé 
à  l'article  Georges  in  Algha,  par  lequel  il 
leur  ne  met  d'en  rénier  l'office,  c'est  ce  qui 
fait  que  nous  traiterons  d[  leur  origine  en 
particulier. 

Sous  le  règne  de  Jean  Ier,  roi  de  Portugal, 
il  y  avait  à  Lisbonne  un  fameux  médecin  et 
professeur  de  belle  .lettres .  nommé  Jean 
Vicenze,  notif  de  cette  ville,  qui,  dégoûte  d'^s 
vanités  d'i  :;r  nd'  et  désirant  se  do  ni  r  à 
Dieu,  s'associa  avec  Martin  Laurent,  .'■  e 
prédicateur,  et  Alphonse  Nogùeyra,  gentil— 
homme  et  fi's  du  grand  prévôT  d  •  Lisbonne, 
qui  avaient  conçu  le  même  dessein.  Ils  réso- 
lurent de  vivre  ensemble  nn  commun  ,  et 
pour  cet  effet  ils  se  retirèrent  pour  faire 
leurs  exercices  spirituels  et  leurs  prières 
dans  l'église  de  Sainle-Marie  des  Olh  es 
che  Lisbonne,  avec  le  consentement  du  curé 
de  ce  lieu,  qui  approuva  leur  sain'c  résolu- 
ti  n.  Mais  dom  Vaquez,  évoque  de  Porto,  et 
qui  était  ami  de  Jean  Vice  ze,  ayant  appris 
sa  retraite,  l'engagea  d>  venir  ave;-  ses  com- 
pagnons dans  son  diocèse,  et  leur  offrit  l'é- 
glise de  Sainte-Marie  de  Comp  anhaan  (éloi- 
gnée de  cette  ville  d'environ  -eux  lieues), 
comme  un  endroit  retiré  du  monde,  où  ils 
pourraient  tranquillement  vaquer  à  h  urs 
exercices  et  songer  à  l'éternité  bienheu- 
reuse. Ce  prélat,  à  quelque  temps  de  là, 
ayant  été  transféré  à  l'évèché  d'Evora,  ils 
ne  trouvèrent  pas  dans  son  successeur  des 
inclinations  aussi  favorabies  à  leur  égard, 
et  ils  lurent  même  obligés  d'abandonner  ce 
lieu.  Alphonse  alla  à  Rome,  et  les  autres 
retournèrent  dans  leur  pays. 

Jean  ne  se  rebuta  point  pour  cela;  il  souf- 
frit patiemment  cette  disgrâ  e,  et  persévé- 
rant toujours  dan--  le  de-sein  de  ne  servir 
uniquement  que  Dieu,  il  distribua  tout  son 
bien  auxpauvres,  et,  ayant  pris  avec  luiJean 
Rodriguez  et  Pierre  Alvarez,  ils  se  revêti- 
rent d'habits  noirs  fort  simples,  et  parcou- 
rurent comme  pèlerins  tout  le  Portugal.  Ils 
arrivèrent  à  Brague,  où  dom  Ferdinand  de 
Guerra,  qui  en  était  archevêque,  les  reçut 
très-humainement;  el ,  y  ayant  demeuré 
quelques  jours,  il  fut  si  charmé  de  leurs 
entretiens,  qu'il  résolut  de  ne  les  point  lais- 
ser sortir  de  son  diocèse.  Jean,  qui  avait 
renoncé  volontairement  à  tous  les  biens  du 
(1)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  ne  143. 


inonde,  et  qui  se  souciait  peu  où  il  demeurât, 
pourvu  qu'il  y  pût  servir  Dieu,  accepta  avec 
ses  compagnons  l'offre  de  l'archevêque  de 
Brague.  L'abbé  du  monastère  de  Saint-Sau- 
vetir  de  Villa  de  F  rades,  de  l'ordre  de  Saint- 
Benoît,  étant  mort,  et  la  régularité  étant 
entièrement  bannie  de  ce  monastère,  il  était 
tombé  en  commende.  C'est  pourquoi  cet  ar- 
chevêque, de  son  autorité,  leur  donna  ce 
monastère,  el  ils  en  prirent  possession  l'an 
l'i25.  Martin  Laurent  revint  joindre  Jean 
Vicenze,  et  leur  société  se  multiplia  en  peu 
de  temps. 

Pendant  ce  temps-là,  Alphonse,  qui  était 
allé  à  Borne,  y  entendit  parler  de  la  vie 
exemplaire  des  chanoines  séculiers  de  Saint- 
Georges  in  Algha,  dont  la  réputation  se 
répandait  par  toute  l'Italie,  et  qui  augmen- 
tait davantage  par  les  vertus  écl  itantes  qu'on 
voyait  briller  dans  les  personnes  des  cardi- 
naux Corrario  et  (ïondeluiaire,  qui  étaient 
des  principaux  fondateurs  de  cette  congré- 
gation. Il  alla  exprés  à  Venise  pour  voir  ces 
hommes  apostoliques,  et  fut  si  louché  de  leur 
conversation  et  de  la  vie  qu'ils  menaient, 
qu'il  résolut  d'embrasser  leur  institut.  C'est 
pourquoi,  ayant  appris  que  l'archevêque  de 
Brague  avait  donné  un  monastère  à  Jean 
Vicenze  et  à  ses  compagnons,  il  transcrivit 
la  règle  et  les  constitutions  de  ces  chanoines 
de  Saint-Georges,  qu'il  porta  avec  lui  en 
Portugal.  S'étant  rendu  au  monastère  de 
Saint-Sauveur  de  Villar  de  Frades,  il  fit 
récit  à  Jean  et  à  ses  compagnons  de  la  ma- 
nière de  vivre  de-  chanoines  séculiers  de 
Saint- Georges  in  Algha,  el  les  persuada 
d'embrasser  cet  institut;  ce  qu'ils  firent  et 
changèrent  leurs  habits,  qui  étaient  noirs, 
en  d'autres  de  couleur  céleste  et  conformes  à 
ceux  des  chanoines  de  Saint-Georges,  ex- 
cepté qu'ils  ont  un  camail  (1). 

Leur  réputation  se  répandit  bientôt  par 
tout  le  royaume,  et  ils  furent  en  si  grande 
estime  auprès  du  roi.  que  ce  prince  confia  à 
Jean  Vicenze  et  à  Martin  Laurent  l'infante 
Isabelle,  sa  fille,  pour  la  remettre  entre  les 
mains  de  Philippe,  duc  de  Bourgogne,  à  qui 
elle  avait  été  promise  en  mariage,  et  ils  par- 
ti eut  avec  cette  princesse  l'an  1430,  ayant 
laissé  pour  supérieur  au  monastère  de  Saint- 
Sauveur  Rodrigue  Arnaud. 

Après  avoir  exécuté  leur  commission,  ils 
allèrent  à  Borne  pour  obtenir  la  confirma- 
tion de  leur  congrégation.  Le  cardinal  Gon- 
delmaire  se  trouvant  pour  lors  fort  malade 
et  abandonné  des  médecins,  Jean,  qui,  com- 
me nous  avons  dit,  avait  exercé  cetle  pro- 
fession et  s'y  était  rendu  très-habile,  rendit 
la  santé  au  cardinal,  ce  qui  augmenta  beau- 
coup l'estime  qu'on  avait  conçue  de  lui  ;  et  le 
pape  Martin  V  confirma  leur  congrégation 
sous  le  litre  des  Bons-Hommes  de  Villar  de 
Frades,  et  la  donation  qui  leur  avait  été  faite 
du  mon  istère  de  Saint-Sauveur,  ayant  com- 
mis cette  affaire  à  l'évéque  de  Visou  et  à 
Loup  d'Olmedo,  général  de  l'ordre  de  Saint- 
Jérôme. 

Leur  congrégation  ayant   pris  le  non  de 


S6K 


JEA 


JRA 


50d 


ce  monastère.,  on  les  appela  les  Bons-Hom- 
mes de  Saint-Sauveur  "de  Villar  de  Frades. 
Mais  la  reine  Isabelle,  femme  d'Alphonse  V, 
leur  ayant  fait  bâtir  un  monastère  hors  les 
murs  de  Lisbonne,  sous  le  titre  de  Sain'- 
Jeao  l'Evangéliste,  celle  princesse,  qui  avait 
grande  dévotion  à  ce  saint  apôire,  obtint  du 
pape  Eugène  IV  que  cette  congrégation  ne 
s'appellerait  plus  à  l'avenir  de  Saint-Sau- 
veur de  Villar  de  F  rades,  mais  de  Saint  Jean 
l'Evangéliste. 

Ils  oui  quatorze  monastères  en  Portugal, 
dont  l'un  des  plus  considérables  est  celui  de 
Saàit-Eloi  à  Lisbonne,  qui  a  été  autrefois  un 
hôpital  et  oratoire  fondé  par  Isnrd  ,  évêque 
de  celte  \  ille,  sous  l'invocation  de  saint  Paul, 
de  saint  Clément  et  de  saint  Eloi ,  ayant  re- 
tenu le  nom  de  ce  dernier.  Ce  prélat  avait  in- 
séré une  clause  dans  la  fondation  ,  qui  por- 
tait qu'en  cas  qu'il  s'établît  une  congrégation 
de  personnes  pieuses  qui  vécussent  en  com- 
mun, on  leur  pourrait  donner  cet  hôpital 
pour  avoir  soin  des  malades  et  leur  adminis- 
trer les  sacrements.  C'est  pourquoi  l'infant 
dom  Pierre,  qui  gouverner!  le  royaume  pen- 
dant la  minorité  d'Alphonse  V,  son  neveu, 
obtint  une  bulle  d'I'ugène  IV,  i'an  1440,  qui 
accorda  cet  hôpital  à  ces  chanoines,  et,  à 
cause  qu'il  porte  le  titre  de  Saint-Eloi,  le 
peuple  appelle  aussi  ces  chanoines,  en  ce 
royaume,  Loyos,  quoique  leur  véritable  nom 
soit  celui  de  Saint-Jean  l'Evangéliste. 

Jean  Vicenze  ,  qu'on  a  toujours  reconnu 
pour  fondateur  de  cette  congrégation,  fut 
évéque  de  Lamego,  et,  en  faisant  la  visite  de 
ce  diocèse,  voyant  qu'il  n'y  a\  ait  plus  de  ré- 
gularité dans  le  monastère  de  Saint-Georges 
de  Récia,  à  cause  du  peu  de  religieux  qui  y 
étaient,  il  les  dispersa  dans  d'autres  monas- 
tères, et  donna  celui-ci  aux  chanoines  de  sa 
congrégation.  Il  fut  ensuite  transfé.é  à  1  évê- 
cbé  de  Viseu  ,  où  il  mourut  l'an  14...  Al- 
phonse Noguera  fut  aussi  évéque  de  Conim- 
bre  et  ensuite  de  Lisbonne.  Ces  chanoines 
avaient  autrefois  le  soin  de  tons  les  hôpitaux 
du  royaume  de  Portugal  ;  mais  Thomassini 
dit  qu'ils  ont  quitté  cet  emploi  pour  se  don- 
ner à  l'étude  et  à  la  prédication. 

Il  y  a  aussi  des  chanoinesses  de  cet  insti- 
tut, comme  à  Redoc.deila,  dans  le  royaume 
de  Galice  ;  mais  elles  ne  sont  point  soumises 
aux  chanoines,  parce  qu'il  leur  est  défendu 
par  leurs  constitutions  de  prendre  ia  direc- 
tion des  religieuses.  0u°'(iue  Pie  V  ait  obligé 
ceux  d'Italie  à  faire  des  vœux  solennels, 
ceux  de  Portugal  ne  s'y  sont  point  soumis. 
Après  deux  ans  de  noviciat,  ils  font  seule- 
ment entre  les  mains  du  supérieur  une  sim- 
ple promesse  d'observer  la  règle  et  les  cons- 
titutions de  la  congrégation,  et  vœu  de  chas- 
teté, de  pauvreté  cl  d'obéissance,  tant  qu'ils 
demeureront  dans  la  congrégation  ,  dont  ils 
peuvent  sortir  quand  bon  leur  semble  ,  et  on 
les  renvoie  aussi  s'ils  font  quelques  fautes, 
mais  cela  est  arrivé  rarement.  Ils  sont  fort 
riches  et  ont  plus  de  soixante  mille  écus  de 
revenu. 

Leur  vie  est  très-austère.  Ils  se  lèvent  à 
une  heure  après  minuit  pour  dire  matines, 


ne  portent  que  des  chemises  de  laine  ,  fout 
l'oral  son  mentale  pendant  certaines  heures 
du  jour,  et  personne  n'en  est  exempt.  Ils 
commencent  le  carême  au  lundi  de  la  (Juin- 
quagésime,  et,  outre  les  jeûnes  commandés 
par  l'Eglise  ,  ils  jeûnent  encore  l'avent  Irès- 
élroileinent,  et  tc-us  les  mercredis  et  vendre- 
dis de  l'année,  excepté  depuis  Pâques  jusqu'à 
la  l'culecôle,  qu'ils  ne  jeûnent  que  lu  ven- 
dredi. Tous  les  mercredis  et  vendredis  de  l'an- 
née et  les  lundis  pendant  le  carême,  ils  pren- 
nent la  discipline,  comme  aussi  tous  les  jours 
de  la  semaine  sainte,  et  ils  jeûnent  au'painetà 
l'eau  le  jour  du  vendredi  saint.  Les  novices  ne 
sont  point  reçus  avant  l'âge  de  dix-huit  ans, 
et  sont  habillés  de  noir  en  mémoire  de  l'ha- 
bit que  portaient  les  premiers  fondateurs. 

Le  roi  Jean  III  leur  donna  le  soin  de  tous 
les  hôpitaux  de  Portugal  qui  étaient  de  fon- 
dation royale.  Le  premier  fut  celui  de  Tous- 
les-Sainls  à  Lisbonne,  qui  est  très-considé- 
rable, et  dans  lequel  il  y  a  une  vingtaine  de 
salles  qui  peuvent  contenir  six  mille  malades; 
le  second,  celui  de  Jésus-Chri-t  de  Sanlarem; 
le  troisième,  de  Moote-Mor-o-Novo,  et  le  qua- 
trième, du  Sar  t-Espril  d'Evora. 

Le  roi  D.  Emmanuel  se  servit  d'eux  pour 
aller  prêcher  aux  Indes  et  en  Ethiopie.  L'é- 
vêque  de  Viseu  ,  leur  fondateur  ,  réforma 
l'ordre  de  Christ.  Didace  Gonzalve  ,  confes- 
seur de  la  reine  Eléonore,  femme  de  Jean  il, 
réforma  l'ordre  de  Saint-Paul,  premier  er- 
mite, en  Portugal,  et  les  chanoines  de  Saint- 
Georges  in  Algha  en  Italie  ,  dont  ils  avaient 
appris  les  observances  régulières  ,  les  ayant 
eux-mêmes  abandonnées,  le  pape  Pie  V  or- 
donna ,  l'an  1 J68  ,  au  général  des  chanoines 
de  Saint-Jean  l'Evangéliste ,  d'en  envoyer 
sept  ou  huit  pour  réformer  ceux  de  Saint- 
Georges.  Toutes  les  grâces  et  privilèges  que 
ces  deux  congrégations  ont  obtenus  des  sou- 
verains pontifes  ont  été  imprimés  à  Lisbonne 
en  1594,  et  les  papes  Innocent  XI  et  Alexan- 
dre VIII  en  ont  encore  accordé  en  particulier 
à  la  congrégation  de  Portugal  ,  depuis  que 
celle  d'Italie  a  été  supprimée. 

Ceux  de  Portugal  ont  aussi  eu  parmi  eux 
des  personnes  qui  se  sont  distinguées  par 
leur  science,  comme  François  de  Sainte-Ma- 
rie, évéque  suffragant  de  Brague  ;  Vincent  de 
la  Hésurreetion,  qui  mourut  étant  général  eu 
1636  ;  Michel  du  Saint-Esprit,  morl  en  1644, 
après  avoir  été  aussi  général  ;  Emmanuel  de 
Saint-Paul,  mort  en  1643  ;  Emmanuel  de  la 
Résurrection,  et  plusieurs  autres. 

Le  nom  de  Bons-Hommes  de  Saint-Sau- 
veur de  Villar  de  Frades  qu'on  donna  à  ces 
chanoines  est  peut-être  ce  qui  a  donné  lieu 
à  Crcscenze  de  dir  que  Richard,  comte  de 
Cornouaille,  frère  d'Henri  III ,  roi  d'Angle- 
terre, avait  fondé  certains  religieux  sous  le 
nom  de  Bons-Hommes,  et  qu'ils  avaient  été 
de  cette  congrégation  ;  mais  M.  Huet,  évêque 
d'Avranches,  dans  ses  Origines  de  la  ville  de 
Caen,  dit  que  c'étaient  des  religieux  Sachets, 
dont  nous  parlerons  à  l'article  de  ce  nom,  et 
qui  étaient  aussi  habillés  de  bleu. 

Voyez  Franci  co  de  S.  Maria,  Ifist.  das  sa- 
g rodas  Congregacon-s  dos  conegos  secularcs 


567  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIÇIEUX, 

île  S.  Jeorge  em  Alga  de  Veneta,  et  de  S.  Joao 
Evangclisia  em  Portugal.  Jacques-Philippe 
Thomasini,  Annal.  Congreg.  Canonic.  Secul. 
S.  Georg.  in  Algha.  D.  Nicoln.  de  S.  Maria  de 
Lisboa  ,  Chronic  da  Orden  dos  Conrgos  Re- 
tirantes, lib.  i.  Gio  Pieii-o  Crescenzi, Presidio 
Romano  hb.  il,  pag.  28.  Emmanuel  Rodrig., 
Quœst.  Rrgul.,  tom.  I,  guœst.  3,  art.  1. 

JEAN  PASCHASE  ET  DE  JÉRÔME  DE 
LANZA  (Frères  M.neurs  de). 

Jean  Pasf  hase  ,  surnommé  A'Aouila  ,  qui 
avait  élé  disciple  du  bienheureux  Jean  de 
Guadaloupe,  et  l'avait  beaucoup  aidé  dans 
rétablissement  de  sa  réforme  ,  voyant  après 
sa  mort  toutes  les  oppositions  que  l'on  con- 
tinuait à  faire  contre  la  province  do  Saint- 
Gabriel,  que  l'on  voulait  supprimer  dans  sa 
naissance,  entreprit  le  voyage  de  Rome  pour 
les  faire  lever  dans  le  chapitre  généralissime 
qui  s'y  tint  l'an  1517.  Mais  ,  y  ayant  trouvé 
plus  de  difficulté  qu'il  ne  croyait ,  et  crai- 
gnant que  l'autorité  de  ses  adversaires  ne 
l'emportât  enfin  sur  la  justice,  il  résolut 
d'entreprendre  une  nouvelle  réforme  avec 
le  consentement  du  général  des  conventuels, 
qui  lui  accorda  la  permission  d'ériger  des 
couvents ,  de  recevoir  des  novices  ,  et  même 
les  conventuels  qui  voudraient  se  mettre  sous 
sa  conduite.  Ce  fut  en  vertu  de  cette  permis- 
sion ,  qui  fut  confirmée  par  le  pape  Léon  X, 
qu'il  commença  la  custodie  qui  fut  appelée, 
de  son  nom  ,  des  Pascliasites.  Son  premier 
couvent ,  qui  était  situé  dans  une  île  proche 
Redondella  ,  fut  dédié  aux  apôtres  saint  Si- 
mon et  saint  Jude.  La  réputation  de  Jean 
Paschase  commençant  à  se  répandre,  le 
nombre  de  ses  disciples  augmenta  :  ce  qui 
lui  donnant  bonne  espérance  pour  l'agran- 
dissement de  sa  réforme  ,  il  alla  à  Rome  en 
153+,  pour  demander  au  pape  Paul  III  la  per- 
mission de  recevoir  des  Frères  de  l'Obser- 
vance, afin  que,  multipliant  le  nombre  de  ses 
disciples,  il  eût  le  moyen  d'étendre  davan- 
tage cette  même  réforme.  Mais  il  ne  trouva 
pas  le  pape  disposé  en  sa  faveur  :  ce  qui 
n'empêcha  pas,  malgré  le  refus  qu'il  en  re- 
çut ,  de  persister  dans  son  dessein  pendant 
sept  ans,  au  bout  desquels  il  obtint  enfin  un 
bref  du  même  pape,  le  10  niai  1541 ,  par  le- 
quel il  lui  fut  permis  de  recevoir  tous  ceux 
qui  voudraient  embrasser  sa  réforme,  soit 
qu'ils  fussent  de  l'Observance  ou  de  quelque 
autre  ordre,  quand  même  ils  n'auraient  pas 
la  permission  de  leurs  supérieurs  ,  pourvu 
qu'ils  l'eussent  demandée  ;  mais,  comme  cela 
tirait  à  conséquence,  et  qu'il  en  arrivait  tous 
les  jours  des  inconvénients,  sur  ce  que  ceux 
des  Observants  qui  étaient  tombés  en  faute 
passaient  dans  la  réforme  de  Paschase  pour 
éviter  la  correction  que  leurs  supérieurs  leur 
pouvaient  faire  ,  le  pape  ,  en  étant  informé  , 
révoqua  son  bref  et  défendit  aux  Observants 
de  passer  chez  les  Pascliasites,  à  moins  qu'ils 
n'en  eussent  obtenu  la  permission  de  leurs 
supérieurs  ou  du  saint-siége. 

Ce  zélé  réformateur  fit  un  second  établis- 
sement à  Rayonne,  bourg  de  Castille,  et  un 
autre  à  Vigo  l'an  1551.  Dans  ce  temps-là  Al- 


568 

phonsede  Mazanette,  qui  faisait  aussi  une  ré- 
forme particulière  au  couvent  de  Mazanette, 
lieu  de  sa  naissnnce,etqui  en  avait  aussi  ob- 
tenu la  permission  du  général  des  conven- 
tuels, ayant  entendu  parler  du  P.  Paschase,  le 
fut  voir,  et  Irouva  sa  manière  de  vivre  si  con- 
forme à  telle  qu'il  faisait  pratiquer  à  ses  re- 
ligieux, qu'il  unit  le  couvent  de  Mazanette 
à  ceux  du  P. Paschase, etle  reconnut  pour  su- 
périeur. Paschase  étant  mort  quelque  temps 
après,  les  conventuels  firent  ce  qu'ils  purent 
pour  s'emparer  de  ses  couvents,  et  s'opp  ■- 
sèrent  à  ce  que  cette  réforme  s'augmentât; 
mais,  nonobstant  leurs  oppositions  ,  on  en 
fit  une  custodie  sous  le  nom  de  Saint-Joseph, 
et  ils  furent  ensuite  unis  avec  les  pauvres 
couvents  de  la  réforme  de  Saint-Pierre  d'Al- 
cautara,  comme  nous  le  dirons  à  l'article  de 
ce  nom. 

Dominic.de  Gubernatis,  Orb.  Seraphic, 
tom.  I,  lib.  v,  cap.  5,  §  9.  Francise. Gonzag., 
De  Orig.  Seraph.  Relig. 

A  celle  réforme  des  Paschasites  nous  join- 
drons celle  du  P.  Jérôme  Lanza ,  qui,  vou- 
lant imiter  les  Pères  des  déserts,  se  retira 
dans  une  solitude,  où  ayant  assemblé,  l'an 
1545,  quelques  personnes  qui  voulurent  vi- 
vre avec  lui,  ils  le  reconnurent  pour  maître 
et  supérieur.  Ayant  lenu  conseil  entre  eux 
sur  le  genre  de  vie  qu'ils  embrasseraient,  ils 
prirent  la  résolution  de  former  une  congré- 
gation particulière,  dans  laquelle  on  obser- 
verait à  la  lettre  et  sans  glose  ni  interpré- 
tation la  règle  de  saint  François,  dans  de 
pauvres  ermitages  séparés  les  uns  des  au- 
tres, au  milieu  desquels  ils  bâtirent  une 
église.  Ils  s'engagèrent  à  observer  conti- 
nuellement la  vie  quadragésimale,  à  jeûner 
tous  les  mercredis  et  jeudis  de  l'année  ,  et 
convinrent  entre  eux  qu'ils  recevraient  tous 
les  frères  et  les  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
Dominique  qui  voudraient  entrer  dans  leur 
congrégation  ,  et  que  ceux  qui  y  seraient 
reçus  seraient  obligés  de  reconnaître  Jé- 
rôme Lanza  pour  supérieur.  Ils  obtinrent  à 
ce  sujet  une  bulle  du  pape  Jules  III  l'an 
1550.  Le  bienheureux  Renoît  de  Païenne, 
surnommé  le  Noir,  dont  on  poursuit  la  ca- 
nonisation en  cour  de  Rome,  fut  un  des  pre- 
miers qui  entra  dans  cette  congrégation  : 
elle  fut  supprimée  l'an  15G2  par  le  pape 
Pie  IV. 

Dominic.  de  Gubernatis  ,  Orb.  Serapkic, 
tom.l,  lib.\,  §  9  et  10. 

JÉRÔME  (Ordre  de  Saint-). 

SECTION   PREMIÈRE. 

ERMITES  DE  SAINT-JEROME. 

§  Ier.  Des  religieux  Ermites  de  Sainl-Jérômeen 
Espagne,  appelés  communément  Jéronymi- 
tes,  avec  la  vie  du  vénérable  Père  Pierre 
Ferdinand  de  Guadalajura,  leur  fondateur. 

Outre  les  Jésuates  de  Saint-Jérôme  dont 
nous  parlerons  à  l'article  de  ce  nom,  il  y  a 
encore  quatre  ordres  religieux,  ou  différen- 
tes congrégations,  qui  se  sont  mis  sous  la 
protection  de  ce  Père  de  l'Eglise  et  qui  out 
pris  les  noms  d'Ermites  de  Saint-Jérôme  de 


SR9  JEP. 

l'Observance  ou  de  Lonibardic,  d'Ermites  de 
Saint-Jérôme  de  la  congrégation  du  H.  Pierre 
de  Pise,  et  d'Ermites  de  Saint-Jérôme  de  la 
congrégation  de  Fiésoly;  et  quoique  ces 
quatre  ordres  soient  entièrement  différents 
les  uns  des  autres,  ceux  d  Espagne,  de  Lom- 
bardie  et  du  li.  Pierre  de  Pise,  ont  été  néan- 
moins confondus  ensemble  par  M.  Hermant, 
qui  n'en  fait  qu'une  seule  congrégation. 
/Jette  congrégation,  dit-  il  (llist.  des  Ont.  re- 
litj.  tom.  11,  pag.  3J2)  est  assez  célèbre  en  Ita- 
lie et  en  Espagne.  Le  II.  Pierre  de  Pise,  dit 
Ganibacurta,  y  travailla  avec  un  zèle  extrême 
en  Italie,  et  un  certain  Thomas  en  Espagne, 
où  il  était  passé  arec  quelques-uns  de  ses  com- 
pagnons vers  l'an  1380.  Quelques  historiens 
les  appellent  les  Ermites  de  Suint-Jérôme  : 
ils  portent  une  tunique,  un  scapulairc  et  un 
capuce  minime,  avec  une  ceinture  de  cuir. 
Dans  leur  premier  établissement,  ils  ne  fai- 
saient point  de  vœux,  et,  vivant  du  travail  de 
leurs  main*,  leur  but  principal  était  de  s'em- 
ployer au  soulagement  des  pauvres.  Le  pape 
Grégoire  XL  confirma  cet  institut  en  1373  ou 
1374,  sous  la  règle  de  saint  Augustin.  Le 
chef  de  l'ordre  est  ù  Lupiana,  dans  le  diocèse 
de  Tolède.  La  congrégation  de  Saint-Isidore, 
dont  le  monastère  ist  à  Séville,lui  appartient, 
avec  celui  de  Saint-Laurent  â  Lescurial,  bâti 
par  les  libéralités  de  Philippe  II;  et  celui  de 
Saint- J us t,  où  Charles-Quint  se  relira  sur  la 
fin  de  ses  jours.  Il  y  en  a  plusieurs  en  Italie 
suas  divers  noms.  Lupo  d'Olmedo  ,  religieux 
espagnol,  avait  composé  une  règle  tirée  des 
cents  de  saint-Jérôme  qu'il  voulut  faire  re- 
cevoir à  son  ordre,  mais  cela  n'eut  point  de 
suite.  Il  fonda  la  congrégation  de  Saint-Isi- 
dore, qui  se  sépara  du  reste  de  l'ordre;  mais 
enfin,  par  les  soins  de  Philippe  11,  ils  se  réu- 
nirent pour  ne  faire  qu'un  seul  corps.  Lupo 
d'Olmedo  mourut  à  Roms  en  li33.  Pic  V 
obligea  ces  religieux  de  faire  des  vœux  solen- 
nets,  et,  s'élant  adonnés  à  l'élude,  ils  ont  tra- 
vaillé comme  les  autres  congrégations  de  l'E- 
glise à  1'inslruclion  des  fidèles,  et  ci  la  prédi- 
cation de  l'Evangile. 

il.  Hermant  se  trompe,  premièrement  en 
ce  que  ces  trois  différentes  congrégations 
n'out  jamais  été  unies  ensemble,  et  ont  tou- 
jours eu  des  observances  différentes  et  des 
habillements  différents  dès  le  commencement 
de  leur  institution.  Ce  que  cet  auteur  dit 
qu'un  certain  Thomas  travailla  beaucoup 
à  la  fondation  de  cet  ordre  en  Espagne,  où 
il  était  passé  avec  quelques-uns  de  ses  com- 
pagnons vers  l'an  1380,  ne  peut  pas  avoir 
été,  puisque  ce  même  Thomas,  qui  par  la 
sainteté  de  sa  vie  a  acquis  le  litre  de  bien- 
heureux, mourut  à  Foligny  l'an  1377,  selon 
Juste  Hoseo,  le  premier  écrivain  de  sa  vie; 
Jacques  Jacobilli,  qui  l'a  insérée  dans  ses 
Vies  des  Saints  de  Foligny  ;  Wadingh,  dans 
ses  Annales  des  Mineurs  ;  le  P.  Jean-Marie 
deVernon,  dans  ses  Annales  du  Tiers  Ordre 
de  Saint-François;  le  P.  Arthus  du  Mous- 
tiêr, dans  lu  Martyrologe  des  Saints  des  trois 
ordres  de  Saint-François,  au  15  septembre, 
et  généralement  tous  ceux  qui  ont  fait  men- 
tion de  ce  bienheureux  Thomas,  outre  que 


JI<R 


:;7n 


M.  Hermant  reconnaît  que  .  ordre  de  Saint- 
Jérôme  en  Espagne,  auquel  à  la  vérité  les 
disciples  du  bienheureux  Thomas  donnè- 
rent commencement,  fut  confirmé  en  1373 
ou  1374. 

Ce  qu'il  ajoute,  que  Loup  d'Olmedo  com- 
posa une  règle  iirée  des  écrits  de  saint  Jé- 
rôme qu'il  voulait  faire  recevoir  à  son  or- 
dre, mais  que  cela  n'eut  point  de  suite,  n'est 
pas  conforme  à  l'histoire;  car,  comme  nous 
le  prouverons  dans  la  suile,  Loup  d'Olmedo 
ne  composa  cette  règle  tirée  des  écrils  de 
saint  Jérôme  que  pour  les  religieux  de  sa 
congrégation,  qui  était  celle  des  Moines  Fr- 
mites  de  l'Observance  ou  de  Lombardie;  et 
il  ne  pouvait  pas  obliger  ceux  d'Espagne  à 
la  recevoir,  puisqu'il  n'avait  plus  pour  lors 
aucune  juridiction  sur  eux.  11  est  vrai  que 
celte  congrégation  de  Lombardie  a  été  ap- 
pelée par  quelques-uns  la  congrégation  de 
Saint-Isidore,  et  que,  par  les  ordres  de  Phi- 
lippe II,  les  couvents  que  les  religieux  de 
cette  congrégation  avaient  en  Espagne  ont 
été  unis  à  celle  des  Ermites  de  Saint-Jérôme, 
plus  connus  sous  le  nom  de  Jéronymites  ; 
mais  cette  congrégation  des  Moines  Ermites 
de  1  Observance  a  toujours  subsisté  en  Ita- 
lie, où  elle  a  encore  à  présent  dix -sept  cou- 
vents. Fnfin  ce  que  dit  M.  Hermant,  que  tous 
les  religieux  de  Saint-Jérôme  ne  faisaient 
point  de  vœux,  et  que  ce  fut  le  pape  Pie  V 
qui  les  obligea  à  faire  des  vœux  solennels, 
ne  doit  regarder  que  ceux  delà  congrégation 
du  bienheureux  Pierre  de  Pise,  qui,  à  la  vé- 
rité, n'ont  commencé  à  en  faire  qu'en  1569, 
quoiqu'ils  eussent  été  établis  dès  l'an  1380. 
Mais  les  autres  congrégations  d'Espagne  et 
de  Lombardie  en  ont  toujours  l'ait  dès  leur 
origine.  Peut-être  que  cet  établissement  des 
Ermites  de  Saint-Jérôme  de  la  congrégation 
du  bienheureux  Pierre  de  Pise,  fait  en  1380, 
a  fait  croire  â  M.  Hermant  que  le  P.  Thomas 
était  passé  cette  année  en  Espagne  pour  faire 
l'établissementdesJéronymilesdece  royaume. 

M.  Hermant,  parlant  de  ces  Jéronymites, 
n'a  rapporté  presque  que  ce  qu'en  avait  déjà 
dit  Muréri  dans  son  Dictionnaire.  Ceux  qui 
l'ont  augmenté  ont  ajouté  que  les  Jéronymi- 
tes suivirent  d'abord  la  règle  de  saint  Augus- 
tin; mais  que  Loup  d'Olmedo,  leur  général, 
dressa  une  règle  composée  des  sentiments  de 
saint  Jérôme,  laquelle  fut  approuvée  par  le 
pape  Martin  V,  qui  dispensa  les  Jéronymites 
de  garder  celle  de  saint  Augustin;  et  qu'on 
doit  observer  que  les  Ermites  de  la  congré- 
gation de  Saint-Jérôme  en  Italie  suivent  au- 
jourd'hui la  règle  de  saint  Augustin.  Comme 
il  y  a  eu  encore  deux  différentes  congréga- 
tions de  Saint-Jérôme  en  Italie,  ces  conti- 
nuateurs de  Muréri  devaient  faire  observer 
eux-mêmes  que  ce  sont  les  Moines  de  Saiut- 
Jérôme  en  Italie  qui  ont  autrelois  suivi  la 
règle  que  Loup  d'Olmedo  avait  dressée,  et 
qu'ils  suivent  présentement  celle  de  saint 
Augustin.  AL  Buiteau(//<s<.  de  l'ord.  de  Suint- 
Benoît,  liv.  i,  cli.  6,  p.  72)  s'est  aussi  trom- 
pé lorsqu'il  prétend  que  ce  sont  les  Ermites 
de  Saint-Jérôme  en  Espagne  qui  prirent 
celte  règle  que  Loup  d'Olmedo  avait  compo- 


571 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


872 


sée,  puisque,  comme  nous  avons  dil  (  i-tie— 
vaut,  il  ne  pouvait  obliger  les  Ermites  d'Es- 
pagne à  la  recevoir,  et  qu'au  contraire  ils 
s'y  opposèrent  fortement.  Enfin  nous  donne- 
rons des  preuves  convaincantes  dans  la  suite, 
comme  il  y  a  eu  plusieurs  congrégations  de 
l'ordre  de  Saint-Jérôme  qui  n'ont  eu  aucune 
relation  les  unes  avec  les  autres,  et  qui  ont 
toujours  été  différentes,  et  nous  allons  com- 
mencer par  la  congrégation  des  Jéronymiles 
d'Espagne. 

Le  troisième  ordre  de  Sainl-Francois  se 
glorifie  avec  raison  d'avoir  donné  naissance 
à  celui  des  Ermites  de  Saint-Jérôme  en  Es- 
pagne, puisque  ce  furent  quelques  disciples 
du  bienheureux  Thomas  de  Sienne  ou  Tlio- 
masuccio,  proies  du  Tiers  Ordre  de  Saint- 
François,  qui  passèrent  en  Espagne  et  s'y 
retirèrent  d'abord  dans  divers  ermitages  qui 
lurent  en  peu  de  temps  peuplés  d'un  grand 
nombre  de  personnes  qui  les  voulurent  imi- 
ter, et  qui  tous  ensemble  formèrent  quelque 
temps  après  un  ordre  religieux  qui  fut  ap- 
prouvé par  le  pape  Grégoire  XI  sous  le  nom 
de  saint  Jérôme,  qu'ils  avaient  choisi  pour 
leur  prolecteur  et  leur  modèle,  ayant  voulu 
imiter  la  vie  pénitente  et  retirée  que  ce  saint 
docteur  pratiqua  dans  le  monastère  de  Beth- 
léem. 

On  ne  peut  pas  disconvenir  que  ces  pre- 
miers ermites  qui  passèrent  en  Espagne  ne 
fussent  du  troisième  ordre  de  Saint-François, 
puisque  le  bienheureux  Thomas  de  Sienne, 
leur  maître,  en  était,  selon  ce  que  disent  non- 
seulement  tous  le.  historiens  de  l'ordre  de 
Saint-François,  mais  encore  saint  Anlonin, 
archevêque  de  Florence,  Jacobilli,  et  plu- 
sieurs autres.  Jos  pli  Siguença,  qui  a  fait 
l'hisUme  de  l'ordre  de  Saint-Jérôme,  en  de- 
meure même  il'ac  ord,  s'en  rapportant  au 
témoignage  de  saint  Antonin,  lorsqu'il  dit: 
Aqnien  llatna  S.  Antonio  de  Florencia  en  su 
Bistoria  Thomas  Succio,  y  dize  que  ara  de  la 
tercera  régla  de  S.  Francisco,  y  que  tenian 
espiritu  prophetico.  Mais  Cresceaze,  qui, 
comme  nous  avons  dil  dans  la  préface,  se 
qualifie  de  patricien  de  Plaisance,  et  se  fait 
néanmoins  assez  connaître  pour  religieux 
de  l'ordre  de  Saint-Jérôme,  n'est  pas  de  ce 
sentiment.  Il  prétend  au  contraire  que  ce 
bienheureux  Thomas  et  ses  disciples  étaient 
de  l'ordre  même  de  ^amt-Jéroine,  qui,  selon 
lui,  a  pris  son  origine  au  temps  des  prophè- 
tes, a  été  établi  pur  saint  Antoine,  dilaté  par 
saint  Jérôme,  étendu  par  tout  l'univers,  tan- 
tôt se  maintenant  île  lui-même,  tantôt  chan- 
geant de  nom,  el  s'unissant  à  d'autres  sans 
cesser  d'être  toujours  l'ordre  de  Saint-Jé- 
rôme. Ecco  i 'ordine Gieronimiauo ,  dit-il  dans 
un  endroit  (Présid.  romano,  part,  i,  pag. 
363  ),  original o  da  propheti,  ristorato  daS. 
Anionio,  dilatatu  da  S-  Gironamo,  dijj'uso 
nell  unii  erso,  hur  de  se  slesso  matiensi,  hor 
muta  nome  et  ad  altri  si  unisce  senza  mularji 
d'essere.  On  peut  bien  s'imaginer  qu'il  dis- 
pute aux  Carmes  l'antiquité  et  la  préséance  : 
en  effet,  il  met  non-seulement  au  nombre  dés 
religieux  de  l'ordre  de  Saint-Jérôme  le  bien- 
heureux. Albert,   législateur  des  Carmes,  et 


tous  ceux  qui  ont  habité  le  mont  Carme!  ; 
mais  il  y  met  aussi  saint  Paul  premier  ermite, 
saint  Antoine,  saint  Pacôme,  les  premiers 
Pères  de  la  vie  solitaire,  et  les  antres  fonda- 
teurs des  ordres  religieux  qui  les  ont  suivis, 
comme  saint  Basile,  saint  Augustin,  saint 
Benoît,  et  par  Conséquent  leurs  disciples.  Cet 
auteur,  ne  croyant  pas  que  le  grand  nombre 
de  religieux  qui  sont  sortis  de  ces  ordres  fût 
suffisant  pour  former  l'ordre  de  Saint-Jé- 
rôme,  y  a  encore  fait  entrer  une  infinité  do 
saints  qui  n'ont  jamais  été  disciples  de  ces 
saints  fondateurs  d'ordres,  et  qui  la  plupart 
même  n'ont  jamais  été  religieux.  Il  en  a  été 
chercher  dans  lous  les  pays,  et  il  a  cru  trou- 
ver en  France  (sans  parler  des  autres  royau- 
mes)  saint  Mai  tin,  évêque  de  Tours;  saint 
Bemi  ,  archevêque  de  Beims;  saint  Eloi, 
évêque  de  Noyon;  saint  Loup,  évêque  de 
Troyes  ;  saint  Fiacre  et  plusieurs  autres. 
Ainsi  il  ne  faut  pas  s'étonner  s'il  dit  que  le 
bienheureux  Thomas  de  Sienne  était  de 
l'ordre  de  Saint-Jérôme,  avant  même  qu'il 
fut  établi. 

Siguença  se  trompe  lorsqu'il  donne  à  ce 
saint  le  surnom  de  Suclio  ou  Succo,  et  qu'il 
dit  que  saint  Anlonin  lui  a  donné  celui  de 
Succio.  Ce  saint  archevêque  à  la  vérité  l'a 
appelé  Thoniasuccius,  comme  tous  les  histo- 
riens qui  en  ont  parlé;  mais  ce  n'est  qu'un 
seul  mot,  (jui  veut  dire  en  italien  Thomasuc- 
cio  ou  le  petil  Thomas,  parce  qu'il  voulut 
prendre  ce  nom  par  humilité.  11  eut  un  grand 
nomure  de  discipl  s,  qui  demeuraient  en 
divers  ermitages  sur  un  ■  montagne  des  Al- 
pes ;  et,  si  on  en  veut  croire  les  historiens 
de  l'ordie  de  Saint-Jérôme,  ce  bienheureux 
Thomas,  qui  avait  le  don  de  prophétie,  dis- 
courant plusieurs  fois  avec  ses  disciples  des 
choses  qui  devaient  arriver,  leur  disait  tou- 
jours qu'il  voyait  descendre  le  Saint-Esprit 
sur  l'Espagne  ;  c'est  ce  qui  donna  lieu  à 
quelques-uns  d'entre  eux  de  quitter  l'Ilalie 
pour  passer  en  Espagne.  Siguença  dit  qu'ils 
étaient  sept  ou  huit,  et  n'en  nomme  qu'un, 
qui  était  un  frère  Vasco  de  Portugal,  qui 
avait  demeuré  près  de  trente  ans  avec  le 
bienheureux  Thomas.  Ils  arrivèrent  en  Es- 
pagne sous  le  règne  d'Alphonse  XI,  père  de 
Pierre  dil  le  Cruel.  Ils  se  retirèrent  d'abord 
en  deux  différents  ermitages,  les  uns  à  Notre- 
Dame  de  Villacscua,  proche  d'un  lieu  appelé 
Orusco.  sur  la  rivière  de  Taxunna,  et  les 
autre,  à  Notre-Dame  de  Castunnal,  dans  les 
montagnes  de  Tolède.  Leur  nombre  augmen- 
tant, ils  multiplièrent  leurs  ermitages:  il  y 
en  eut  qui  allèrent  dans  le  royaume  de  Va- 
lence, proche  de  la  ville  de  (îandia,  et  d'au- 
tres passèrent  en  Portugal ,  n'ayant  tous 
qu'un  même  dessein,  d'imiter  saint  Jérôme  , 
qu'ils  prirent  dès  lors  pour  leur    protecteur. 

Entre  les  personnes  qui  se  joignirent  à 
eux,  il  y  en  eut  quelques-unes  de  distinction, 
dont  les  principales  furent  Pierre-Ferdinand 
Pécha,  chambellan  du  roi  dom  Pierre;  son 
frère  Alphonse  Pécha,  évêque  de  Jaen,  qui 
renonça  à  celle  dignité  pour  le  suivre  dans 
la  solilude,  el  dom  Ferdinand  Yanez  de  Fi- 
guera,  chanoine  de  Tolède  et  chapelain  ma- 


57» 


im 


JRR 


574 


jeur  de  la  chapelle  des  anciens  rois.  G'esi  ce 
Pierre-Ferdinand  Pécha  qui  est  reconnu 
puur  le  fondateur  des  Ermites  de  Saint-Jé- 
rôme, tant  pour  avoir  obtenu  la  confirmation 
de  cet  onlre  et  y  avoir  prescrit  des  règle- 
ments, que  pour  avoir  fait  le  premier  les 
vœux  solennels  enlre  les  mains  du  pape.  Il 
était  fils  de  Ferdinand  liodriguez  Pécha, 
chambellan  du  roi  Alphonse  XI,  et  d'Elvire 
.Martine/.  11  succéda  à  son  père  dans  la 
charge  de  chambellan  du  roi,  et,  après  la 
mort  de  ce  prince,  il  eut  le  même  emploi 
auprès  du  roi  dom  Pierre,  qui,  à  cause  de 
son  esprit  farouche,  qui  n'aimait  que  le  sang 
el  le  désordre,  fut  surnommé  le  Cruel.  Les 
cruautés  que  ce  prince  exerçait  tous  les 
jours  sut  les  personnes  mêmes  qui  le  lou- 
chaient i.e  plus  près,  obligèrent  Pierre-Ferdi- 
nand à  quitter  la  cour  et  à  renoncer  à  toutes 
les  vanités  du  monde»,  pour  se  retirer  dans 
l'ermitage  de  Notre-Dame,  de  Villaescua. 
Ferdinand  Yanez,  qui  n'eut  pas  moins  d'hor- 
reur que  lui  des  eruautés  du  roi,  dont  son 
propre  frère  le  prince  Frédéric  et  deux  in- 
fants d'Aragon  n'avaient  pu  être  à  l'abri, 
suit  il  bientôt  Ferdinand  Pécha  dans  sa  soli- 
tude ;  el,  peu  de  temps  après,  le  frère  de  Fer- 
dinand Pécha,  dTm  Alphonse  Pécha,  évêque 
de  Jaen,  s'élant  démis  de  son  évéché,  se  vint 
joindre  à  eux. 

Il  y  avait  proche  de  cet  ermitage  une 
église  sous  le  nom  de  Saint-Barthélémy,  qui 
avait  été  bâtie  depuis  environ  quarante  ans 
par  dorn  Pidace  Martinez,  qui  était  aussi 
chambellan  du  roi  Alphonse  XI  et  oncle  des 
deux  Pécha.  Ils  y  allaient  souvent  faire  leurs 
prières,  et  même  entendre  la  messe,  à  cause 
qu'ils  n'avaient  pas  de  chapelle  à  Villaescua. 
La  situation  de  celte  église,  qui  était  dans 
un  lieu  relire,  et  où  l'on  pouvait  bâtir  des 
ermitages  aux  environs,  leur  lit  concevoir  le 
dessein  d'y  demeurer.  Comme  c'était  un  de 
leurs  oncles  qui  en  avait  été  le  fondateur,  ils 
crurent  qu'ils  pourraient  en  obtenir  facile- 
ment la  permission.  En  effet,  les  consuls  et 
le  conseil  de  Lupiana,  à  qui  le  fondateur 
avait  donné  le  droit  de  nommer  aux  chapel- 
lenies,  y  consentirent,  aussi  bien  que  l'ar- 
che» éque  de  Tolède,  qui  était  pour  lors  dom 
Gomez  Menrique.  Non-seulement  ils  leur 
donnèrent  cette  église,  mais  encore  les  cha- 
pellenies  et  les  revenus  qui  en  dépendaient, 
et  ils  en  prirent  possession  l'an  1370.  Ils  bâ- 
liivnl  plusieurs  cellules  aux  environs  de 
cette  église,  où  ils  demeuraient  séparés  les 
uns  des  autres  ;  el  ce  fut  pour  lors  qu'ils  tâ- 
chèrent d'imiter  la  vie  solitaire  et  retirée  que 
saint  Jérôme,  qu'ils  prirent  pour  modèle  , 
avait  pratiquée  dans  la  Palestine.  Mais  quel- 
ques personnes  malintentionnées,  jalouses 
de  ce  que  les  sainls  Ermites  commençaient  à 
êlre  en  réputation,  et  que  le  peuple  des  en- 
virons avait  de  l'estime  pour  eux,  les  décriè- 
rent, en  publiant  qu'ils  étaient  infectés  des 
erreurs  des  Béghards,  et  que  leur  manière 
de  vie  n'était  pas  approuvée  par  le  saint- 
siége.  C'est  pourquoi  ces  Ermites  convinrent 
entre  eux  que,  pour  se  mettre  à  couvert  de 
ces  calomnies,  il  fallait  aller  trouver  le  pape 


et  obtenir  la  confirmation  de  leur  nouvel 
ordre,  en  approuvant  aussi  le  résolution 
qu'ils  prirent  pour  lors  de  changer  la  \  ie  so- 
litaire et  érémitique  en  cénobitique,  nomme 
étant  la  plus  assurée  el  celle  où  on  est  moins 
exposé  aux  périls  et  aux  tentations,  se  re- 
mettant à  la  volonté  du  pape  pour  leur  pre- 
scrire telle  règle  qu'il  voudrait  leur  donner. 
Ils  jetèrent  pour  ce  sujet  les  yeux  sur  Pierre- 
Eerdinand  Pécha,  à  qui  ils  donnèrent  pour 
compagnon  Pierre  de  Rome,  qui  était  un 
des  premiers  Ermites  qui  avaient  passé  d'I- 
lalie  en  Espagne.  Ils  allèrent  à  Avignon,  où 
le  pape  faisait  pour  lors  sa  résidence.  C'était 
Grégoire  XI  ,  qui  leur  accorda  ce  qu'ils  sou- 
haitaient par  une  bulle  du  18  oclobre  1373, 
ayant  confirmé  leur  ordre  sous  le  titre  de 
Saint-Jérôme,  et,  outre  la  règle  de  saint  Au- 
gustin, qu'il  leur  prescrivit,  il  leur  donna 
encore  les  constitutions  que  l'on  observait 
dans  le  monastère  de  Sainte-Marie  du  Sépul- 
cre, hors  des  murs  de  Florence,  qui  était  de 
l'ordre  de  Saint-Augustin. 

Le  !'.  Hermenegilde  de  Saint- Paul,  reli- 
gieux de  l'ordre  de  Saint-Jérôme,  fâché  de 
ce  que  Siguença  n'avait  pas  sagement  donné 
dans  les  opinions  peu  raisonnables  de  ceux 
qui  prétendent  que  tous  les  ordres  de  Suint- 
Basile,  de  Saint-Benoît  el  de  Saint-Augustin, 
ne  sont  que  des  branches  de  celui  de  Saint- 
Jérôme,  a  fait  un  volume  entier  pour  prou- 
ver que  l'ordre  de  Saint-Jérôme,  fondé,  à 
ce  qu  il  prétend,  par  ce  Père  de  l'Eglise  à 
Bethléem  ,  a  toujours  subsisté  jusqu'à  pré- 
sent. Ainsi,  parlant  de  ce  monastère  de 
Sainte-Marie  du  Sépulcre,  près  de  Florence, 
dont  les  religieux  de  Saint-Jérôme  prirent 
les  constitutions  par  les  ordres  du  pape 
Grégoire  XI,  il  avance  hardiment  qu'il  ap- 
partenait à  des  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
Jérôme,  et  que,  comme  le  B.  Thomas  de 
Sienne,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  avait 
beaucoup  de  disciples,  c'était  sans  doute  l'un 
des  couvents  où  ils  demeuraient.  Pour  prou- 
ve;' ce  qu'il  avance,  il  dit  que  c'est  à  tort 
que  l'on  préleud  que  ce  bienheureux  Tho- 
iuas  a  été  du  Tiers  Ordre  de  Saint-François, 
et  que  si  Jacobilli  en  a  parlé,  ce  n'a  été  qu'à 
cause  qu'il  a  dédié  la  vie  de  ce  i>.  à  l'évéque 
de  Foligny,  qui  était  religieux  de  l'ordre  de 
Saint-François,  et  que,  du  temps  du  bien- 
heureux Thomas ,  les  religieux  du  Tiers 
Ordre  de  Saint-François  ne  pouvaient  pas 
avoir  des  couvents,  puisqu'ils  n'ont  com- 
mencé à  en  avoir  que  l'an  14-21.  Ceci  se  dé- 
truit par  ce  que  nous  avons  dit  en  parlant 
de  l'ordre  des  Hospitaliers  de  la  Charilé  de 
Notre-Dame,  où  nous  avons  rapporté  une 
bulle  de  Clément  VI  de  l'an  1346,  qui,  eu 
leur  permettant  de  quitter  la  règle  du  Tiers 
Ordre  de  Saint-François,  qu'ils  avaient  sui- 
vie jusqu'alors,  pour  prendre  celle  de  saint 
Augustin,  lait  menlion  de  plusieurs  de  leurs 
monastères  et  hôpitaux,  el  entre  autres  de 
ceux  de  la  Charité  sur  la  rivière  de  Roignou, 
des  Billelles  à  Paris,  et  de  Saint-Louis  à 
Senlis.  Avant  l'an  1323;  il  y  avait  des  reli- 
gieux du  Tiers  Ordre  dans  le  diocèse  de 
Liège,  puisque   l'on    trouve  des  lettres  de 


575 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


57C 


l'évoque  Adolphe,  qui  leur  ordonnent  d'élire 
eulre  eux  un  supérieur  qui  les  corrige  de 
leurs  fautes,  seulement  des  légères,  les  plus 
grièvos  étant  réservées  au  visiteur,  et  qui 
leur  défendent  de  sortir  sans  sa  permission 
et  sans  avoir  un  compagnon,  de  manger  hors 
du  réfecloire,  de  coucher  hors  du  dorloir,  de 
parler  à  des  femmes  en  particulier  et  à  des 
heures  indues,  etc.  Nous  pourrions  en  citer 
encore  de  plus  anciens  au  P.  Hermenegilde 
de  Saint-Paul,  si  nous  roulions  parcourir  les 
provinces  ;  mais,  bien  loin  que  ce  monastère 
de  Sainte-Marie  du  Sépulcre  ait  élé  de  l'or- 
dre de  Saint-Jérôme,  et  qu'il  ait  appartenu 
au  bienheureux  Thomas  et  à  ses  disciples,  le 
pape  dit  positivement  qu'il  était  de  l'ordre  de 
Saint-Augustin,  ne  pouvant  pas  faire  men- 
tion d;  celui  de  Saint-Jérôme,  qui  était  en- 
core inconnu  ;  d'ailleurs  le  bienheureux 
Thomas  n'a  jamais  demeuré  avec  ses  disci- 
ples dans  aucun  monastère, ces  Ermites  ayant 
toujours  vécu  dispersés  dans  différents  ermi- 
tages, comme  firent  ceux  qui  passèrent  en 
Espagne,  où  ils  allèrent  d'abord  dans  ceux 
de  Notre-Dame  de  Villaescua  et  de  Notre- 
Dame  de  Castannal,  que  les  religieux  de 
Saint-Jérôme  ne  regardent  pas  sans  doute 
comme  des  couvents,  puisqu'ils  conviennent 
que  le  premier  fut  celui  de  Saint-Barthélémy 
de  Lupiana,  qui  est  encore  aujourd'hui  le 
chef  de  cet  ordre,  et  où  le  général  l'ail  sa  ré- 
sidence. 

Le  pape  Grégoire  XI,  ayant  donc  donné  à 
ces  religieux  île  Saint-Jérôme  les  constitu- 
tions du  couvent  de  Sainte-Marie  du  Sépul- 
cre, avec  la  règle  de  saint  Augustin,  leur 
prescrivit  encore  quelle  serait  la  forme  el  la 
couleur  de  leur  habillement,  qui  consistait 
en  une  tunique  de  drap  blanc,  un  scapulaire 
couleur  tannée,  un  petit  capuce  et  un  man- 
teau de  même  couleur,  le  tout  de  couleur  na- 
turelle et  non  teinte,  et  d'un  prix  \il  et 
médiocre.  Ce  pontife  ne  se  contenta  pas  d'a- 
voir ainsi  prescrit  l'habillement  de  ces  nou- 
veaux Ermites  de  Saint-Jérôme,  il  le  voulut 
encore  donner  de  ses  propres  mains  à 
Pierre-Ferdinand  Pécha  et  à  Pierre  de  Rome; 
et,  comme  ils  furent  les  premiers  revêtus  de 
l'habit  de  la  religion,  ils  firent  aussi  les  pre- 
miers les  vœux  solennels  entre  les  mains  du 
pape,  qui  ordonna  de  plus  que  l'église  de 
Saint-Barthélémy  de  Lupiana  avec  les  ermi- 
tages qui  étaient  aux  environs  serait  érigée 
en  monastère  de  cet  ordre,  dont  il  fil  premier 
prieur  Ferdinand  Pécha,  que  nous  appelle- 
rons dorénavant  Ferdinand  de  Guadalajara, 
ayant  quitté  le  nom  de  sa  famille  pour  pren- 
dre celui  du  lieu  de  sa  naissance,  ce  qui 
s'est  toujours  pratiqué  dans  cet  ordre,  où  les 
religieux,  aussi  bien  que  dans  plusieurs  con- 
grégations, quillent  leurs  noms  pour  pren- 
dre celui  de  quelque  saint,  ou  du  lieu  où  ils 
sont  nés.  Le  pape  voulut  encore  que  l'on  re- 
çût dans  ce  monastère  autant  de  re  igieux 
que  les  re\enus  seraient  suffisants  pour  les 
entretenir,  et  que  les  prieurs  seraient  trien- 
naux. 11  accorda  encore  à  Ferdinand  de  Gua- 
dalajara la  permission  de  fonder  quatre  au- 
tres monastères  du    même  ordre  de  Saint- 


Jérôme,  de  les  unir  à  celui  de  Saint-Bar- 
thélemy  de  Lupiana  ,  et  de  recevoir  à  la 
profession  solennelle  les  autres  ermites  de 
sa  congrégation  qui  étaient  restés  en  Es- 
pagne. 

Ferdinand  de  Guadalajara,  numide  toutes 
ces  permissions,  s'en  retourna  en  Espagne 
avec  son  compagnon  Pierre  de  Rome,  et  ar- 
riva à  Saint-Barthélémy  de  Lupiana  le  pre- 
mier février  137V.  Il  reçut  à  la  profession 
les  autres  Ermites,  lit  travailler  à  la  con- 
siruclion  d'un  monastère,  et  proscrivit  des 
règlements  pour  le  maintien  de  l'observance 
régulière,  tels  qu'ils  ont  toujours  élé  obser- 
vés dans  la  suite.  En  moins  d'un  an,  les  bâ- 
timents  furent  achevés,  à  quoi  contribuèrent 
beaucoup  les  parents  de  Ferdinand,  qui, 
pour  les  grands  biens  qu'ils  y  firent,  en  ont 
toujours  été  reconnus  comme  principaux 
bienfaiteurs.  Après  ce^i  Ferdinand  de  Gua- 
dalajara, qui  n'avait  accepté  l'office  de  prieur 
que  pour  obéir  au  pape,  qui  lui  avait  en 
même  temps  permis  de  s'en  démettre  quand 
il  le  jugerait  à  propos,  renonça  à  cette  di- 
gniié,  et  fit  élire  en  sa  place  Ferdinand  Ya- 
nez  de  Caceres,  qui  était  pour  lors  le  seul 
prêtre  qui  fût  dans  l'ordre  :  car,  avant  la 
confirmation  du  pape  Grégoire  XI,  Alphonse 
Pécha,  évêque  de  Jaen,  avait  quitté  l'Espa- 
gne pour  aller  en  pèlerinage  à  Rome,  où  il 
fit  une  cession  de  tous  ses  biens  en  faveur 
du  monastère  de  Sain  l-Barthélemy  de  Lupiana. 
Après  cette  élection,  Ferdinand  de  Guada- 
lajara alla  fonder  d'autres  monastères.  Le 
premier  fut  celui  de  Notre-Dame  de  la  Syssa. 
proche  de  la  ville  de  Tolède  ;  et,  pendant 
qu'il  faisait  travailler  aux  bâtiments,  il  se 
fit  encore  deux  ou  trois  établissements  à 
Guilando,  Corral,  Ruccio  et  Sainte-Anne  de 
la  Oliva;  e(,  ne  pouvant  y  aller  en  personne, 
il  envoya  les  pouvoirs  nécessaires  pour  les 
incorporer  à  l'ordre  en  vertu  de  la  bulle  de 
Grégoire  XI  qui  lui  permettait  de  fonder 
cinq  monastères  de  cet  ordre. 

Ces  premiers  Ermites  venus  d'Italie,  qui, 
comme  nous  avons  dit,  avaient  passé  dans 
le  royaume  deValence,  voyant  que  ceux  qui 
étaient  restés  en  Castille  avaient  pris  la  vie 
commune  et  qu'ils  avaient  fondé  l'ordre  de 
Saini-Jérôme,  voulurent  aussi  les  imiter  en 
quittant  la  vie  solitaire  pour  prendre  la  vie 
cénobitique  selon  leurs  mêmes  observances. 
Ils  en  obtinrent  aussi  la  permission  du  pape 
Grégoire  XI,  qu'ils  furent  trouver  à  Avi- 
gnon l'an  137 'i  ;  et,  après  avoir  fait  les  vœux 
solennels,  ils  songèrent  de  leur  côlé  à  fon- 
der des  monastères  dans  le  royaume  de  Va- 
lence. Le  premier  fut  à  Gandia  ;  mais,  ayant 
été  obligés  peu  de  temps  après  de  l'aban- 
donner, ils  firent  une  autre  fondation  à  Ca- 
talua.  Ferdinand  Yanez,  prieur  de  Saiut- 
Rarlhélemy  de  Lupiana,  obtint,  l'an  1389,  le 
célèbre  monastère  de  Notre-Dame  de  Guada- 
loupe  dans  l'Estramadure ,  qui,  à  cause  de 
la  sainteté  de  ce  lieu,  où  les  pèlerins  abor- 
dent de  tous  côlés  pour  y  révérer  une  image 
miraculeuse  de  la  sainle  Vierge,  tient  le  se- 
cond rang  dans  cet  ordre,  quoiqu'il  v  en  ait 
d'uulres  déplus  ancienne  fondaliou. 


577 


JiK 


JER 


576 


§    II.   Continuation   de  l'origine   et  progrès 
de  l'ordre  des  Ermites  de  Saint-Jérôme. 

Nous  ayons  parlé  dans  ie  paragraphe  pré- 
cédent   d'un    frère   Vasco,  ie   seul  que  Si- 
guença  nomme  des  Ermites  venus  d'Ilalie  en 
Espagne.  A  peine  y  fut-il  arrivé,  qu'il  passa 
en  Portugal,  où  il  avait  pris  naissance,  et  il 
fit  sa  demeure  avec  quelques  autres  dans  un 
ermitage  nommé  Penalonga;  mais,  voyant 
que  ses  compagnons  avaient  embrasse  en 
Espagne  la  vie  cénobitique,  il  en  voulut  faire 
de  même  avec!  ceux  qui  s'étaient  jointe  à  lui 
en  Portugal.  Il  s'adressa  pour  cet  effet  à  Bo- 
nifiée IX,  qui  était  reconnu  pour  pape  légi- 
time  eu    ce   royaume    dans    le    temps    du 
schisme,  cl  il  en  obtint  la  permission  d'éri- 
ger son  ermitage  de  Penalonga  en  monastère 
de  l'ordre  de  Saint-Jérôme  sous  la  règle  de 
saint  Augustin,   et  de  jouir  des  mêmes  pri- 
vilèges qui  avaient  été  accordés  par  le  pape 
Grégoire  XI  à  ceux  de  Castille  et  de  Valence. 
Dans  le   même  temps,  d'autres  Ermites  qui 
demeuraient  en   Catalogne  firent   la   même 
chose  en  1393,  avec  la   permission  de  l'anti- 
pape Clément  VII,  qui  y  était  reconnu  pour 
souverain  pontife,  et  qui   en  avait  été  solli- 
cité par  la   reine  Yolande  d'Aragon,  qui  fil 
bâtir  à  ces  religieux  le  monastère  de  Valhe- 
bron.  L'an  139b,  cet  ordre  fut  augmente  par 
le  don  qui  lui  fut  fait  du  monastère  de  Sainl- 
Blaise  de  Villaviciosa,  qui  appartenait  à  des 
chanoines    réguliers    qui  ,  ne   portant  que 
le  nom   de  réguliers     et   vivant    dans    un 
grand  désordre,  en  furent  chassés  par  l'ar- 
chevêque de    Tolède   dom    Pierre   Tenorio. 
Comme    le   Tiers   Ordre   de   Saint-François 
avait   donné    commencement    à    l'ordre    de 
Saint-Jérôme,  il  lui  donna   aussi  un   nouvel 
accroissement,  les  religieux  du  monastère  de 
la  Mejorada,  qui  étaient  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-François  ,   ayant   embrassé   celui    de 
Saint-Jérôme.  Leur  supérieur  Ferdinand  de 
Villalobos  avec  deux  autres  religieux  furent 
trouver  Ferdinand  de  Guadalajara,  qui  était 
regardé  comme  premier  fondateur  de  l'ordre 
de  Saint-Jérôme,  pour  recevoir  de  ses  mains 
l'habit  de  son  ordre  ;  et,  après    l'avoir  reçu, 
ils  retournèrent  à  la  Mejorada,  où  ils  donnè- 
rent le  même  habit  à  ceux  qui   le  voulurent 
recevoir,  et  obi  gèrent  d'en  sortir  ceux  qui 
s'opposaient  à  ce  changement;  ce  qui  arriva, 
selon  Siguença,  vers  l'an  1397,  ayant  obtenu 
la  confirmation  de   cette  translation  d'ordre 
de  l'antipape  Benoît  XIII,  qui  était  reconnu 
pour  lors  comme  légitime  en  Espagne.  Ainsi 
les  religieux  du  Tiers  Ordre  de  Saint-Fran- 
çois avaient  des  couvents  longtemps  avant 
l'an  1441,  contre  ie  sentiment  du  P.  Hermene- 
gilde  de  Saint-Paul,  de  l'aveu  même  des  his- 
lorieus  de  son  ordre.    Ferdinand  de  Guada- 
lajara eut  encore  part  à  l'établissement  d'un 
autre  monastère  qui  se  fit  la  même  année  à 
Talavera,  qui  est  le  dernier  qui  se  fit  de  son 
vivant. 

Il  avait  éléfait  prieur  du  couvent  de  Notre- 
Dame  de  la  Sysla  après  sa  fondation,  et  il 
exerça  cet  emploi  pendant  ving't-deux  ans. 
Sou  humilité  était  si  grande  que,  quoiqu'il 


fût  très-versé  dans  la  langue  latine  et  dans 
la  science  de  l'Ecriture  sainte,  il  ne  voulut 
jamais  prendre  les  ordres  sacrés,  quelques 
instances  qu'on  lui  en  fil.  Ses  austéiités 
étaient  très-grandes,  il  ne  dormait  jamais 
qu'à  terre  sur  un  peu  de  paille,  il  portait 
continuellement  la  haire  et  le  cilice,  et  ses 
abstinences  et  ses  jeûnes  étaient  presque 
continuels.  Sa  sœur  Mayor  Ferdinande  Pé- 
cha, qui  avait  épousé  Arias  Gonsalve  de 
Voldes,  seigneur  de  Velcna,  étant  veuve, 
prit  la  résolution  d'exécuter  le  dessein 
qu'elle  avait  pris  depuis  longtemps  de  se 
consacrer  entièrement  au  service  de  Dieu. 
Elle  avait  une  singulière  dévotion  à  Notre- 
Dame  de  Guadaloupe  ;  c'est  pourquoi  elle 
voulut  se  retirer  dans  cette  sainle  maison, 
pour  y  servir  Dieu  en  qualité  d'oblate,  et  y 
finir  ses  jours.  Elle  vint  pour  cet  effet  trou- 
ver son  frère  à  Notre-Dame  de  la  Svsla,  qui 
non-seulement  la  fortifia  dans  son  dessein, 
mais  voulut  encore  l'imiter.  Ce  fut  pour  lors 
qu'il  se  démit  de  son  office  de  prieur  de  ce 
monastère  pour  aller  finir  aussi  ses  jours 
dans  celui  de  Notre-Dame  de  Guadaloupe, 
dans  la  compagnie  de  Fer  linand  Yanez,  son 
ancien  ami,  qui  en  était  prieur.  11  y  fut  reçu 
avec  sa  sœur,  et  y  demeura  encore  quelques 
années.  Nonobstant  ses  grandes  infirmités  et 
sou  grand  âge,  il  était  toujours  le  premier  à 
tous  les  exercices  réguliers,  tant  de  jour  que 
de  nuit  ;  et  ce  fut  dans  ces  saints  exercices 
qu'il  termina  sa  vie  par  une  mort  glorieuse 
l'an  1402.  Sa  sœur  le  suivit  peu  de  temps 
après,  et  fut  enterrée  avec  lui  revêtue  de 
l'habit  de  l'ordre  de  Saint-Jérôme,  comme 
oblale  et  comme  principale  bienfaitrice, 
ayant  beaucoup  contribué  à  l'édifice  du  cou- 
vent de  Saint-iJarthélemy  de  Lupiana. 

Après  la  mort  de  Ferdinand  de  Guadala- 
jara ,  l'ordre  fit  encore  de  nouveaux  établis- 
sements; de  sorte  que,  l'an  1415,  lorsque  l'on 
tint  le  premier  chapitre  général,  il  y  avait 
vingt-cinq  monastères  tant  en  Espagnequ'en 
Portugal.  Jusque-là  ils  avaient  toujours  été 
soumis  à  la  juridiction  des  évêques  des 
lieux  où  les  monastères  étaient  situés;  et 
s'ils  avaienleu  recours  quelquefois  au  prieur 
de  Saint-Barthélémy  de  Lupiana,  ce  n'était 
pas  pour  lui  obéir  en  qualité  de  supérieur, 
mais  seulement  pour  le  consulter  et  prendre 
ses  avis,  reconnaissant  ce  monastère  comme 
le  premier  de  l'ordre,  lis  n'avaient  poiut  en- 
core tenu  d'assemblées  générales  ,  les  cou- 
vents avaient  élu  leurs  supérieurs,  et  les 
coutumes  et  les  observances  commençaient 
déjà  à  être  différentes  en  quelques-uns  de 
ces  monastères  :  c'est  pourquoi,  pour  main- 
tenir une  uniformité  et  une  même  obser- 
vance partout ,  ils  prirent  la  résolution  de 
s'unir  tous  ensemble  sous  un  seul  chef,  et 
de  faire  des  assemblées  générales,  où  l'on 
ferait  des  règlements  pour  le  maintien  de  la 
discipline  régulière  à  l'exemple  des  autres 
congrégations  régulières.  Le  schisme  divi- 
sait encore  l'Eglise,  on  y  voyait  trois  papes, 
deux  faux  et  un  véritable  :  les  deux  faux 
étaient  Grégoire  XII  et  Benoît  XIII,  et  le  vé- 
ritable était  Jean  XXIII  ;  mais  les  royaume» 


879 


DICTlONNAlKli  DES  OKDHES  RELIGIEUX. 


586 


de  Caslille  et  d'Aragon  obéissant  a  Benoit, 
les  religieux  de  Sainl-Jérônïe  eurent  recours 
à  lui  pour  obtenir  l'union  qu'ils  souh  litaient, 
et  la  permission  d'élire  un  général.  Cet  an- 
tipape, par  sa  bulle  du  18  octobre  1414,  don- 
née à  Saint-Mathieu  au  diocèse  de  Torlose, 
ordonna  que  tous  les  prieurs  et  les  procu- 
reurs des  monastères  s'assembleraient  à  l'a- 
venir dans  un  lieu  convenable  pour  tenir  le 
chapitre  général;  mais  que  pour  la  première 
fois  ils  le  tiendraient  au  monastère  de  Notre- 
Dame  de  Guadaloupe  ,  donnant  p  lùvoir  au 
prieur  de  ce  monastère  d'envoyer  des  lettres 
circulaires  aux  autres  prieurs  pour  leur  in- 
diquer le  jour  que  se  tiendrait  celle  assem- 
blée générale,  à  laquelle  deux  religieux  de 
l'ordre  des  Chartreux  devaient  présider  pour 
cette  fois-là  seulement.  11  exempta  en  même 
temps  tous  les  prieurs  et  les  monastères  de 
cet  ordre  de  la  juridiction  des  évèques. 

En  vertu  de  celle  buile,  ils  tinrent  leur 
chapitre  à  Notre-Dame  de  Guadaloupe  le 
26  juillet  1415,  où  se  trouvèrent  les  prieurs 
et  les  procureurs  de  vingt-cinq  monastères, 
qui  élurent  pour  premier  général  le  P.  Di- 
dace  de  Alearon,  prieur  de  Saint-Barthélémy 
de  Lupiana,  et  depuis  ce  temps-là  les  prieurs 
de  ce  monastère  ont  toujours  élé  généraux. 
Ils  y  font  leur  résidence,  et,  s'ils  en  sortent 
quelquefois,  ils  ne  peuvent  pas  s'en  éloigner 
plu  de  cinq  lieues.  Ils  tinrent  le  second  cha- 
pitre général  eu  1416,  le  troisième  en  1418  : 
dans  la  suite  ils  les  ont  tenus  lous  les  trois 
ans.  Comme  en  1417  l'antipape  Benoît  Xilï 
avait  été  déposé  pour  la  seconde  fois  dans  le 
concile  de  Constance,  et  que  Martin  V  y  fut 
élu  et  reconnu  pour  souverain  ponlife  par 
toute  la  chrétienté,  ils  firent  approuver  par 
ce  moyen  tout  ce  que  l'antipape  Benoit  avait 
fait;  ce  qui  fut  confirmé  quelques  années 
après  par  le  pape  Innocent  VIII. 

Le  pape  Nicolas  V  eut  quelque  dessein, 
l'an  1447  de  réunir  en  un  seul  corps  tous  les 
différents  ordres  religieux  qui  portaient  le 
nom  de  Saint-Jérôme,  tant  celui  des  Jésua- 
tes  de  Saint-Jérôme  (Voyez  Jésuates),  que 
ceux  dont  nous  parlerons  dans  la  suite.  Il  lit 
pour  ce  sujet  défense  aux  religieux  de  Saint- 
Jérôme  d'Espagne  d'y  tenir  leur  chapitre  gé- 
néral, et  leur  ordonna  de  venir  à  Rome,  où 
il  convoqua  ce  chipitre  pour  le  jour  de  la 
Pentecôte  de  l'an  1448.  Mais  tous  les  monas- 
tères d'Espagne  ne  députèrent  que  douze  re- 
ligieux pour  laire  en  leur  nom  tout  ce  qu'ils 
trouveraient  de  plus  à  propos  ,  leur  recom- 
mandant sur  toutes  choses  d'empêcher  cette 
union.  En  effet,  ils  firent  si  bien  parleurs 
remontrances,  que  le  pape  laissa  les  choses 
dans  l'étal  où  elles  étaient.  Sous  le  règne  de 
dom  Emmanuel,  roi  de  Portugal,  les  reli- 
gieux de  ce  royaume  se  séparèrent  des  Es- 
pagnols, et  formèrent  une  congrégation  qui 
était  gouvernée  par  un  provincial;  mais  Phi- 
lippe 11,  roi  d'Espagne  et  de  Portugal,  solli- 
cita auprès  du  pape  Clément  VIII  la  réunion 
i,e  Co,s..)|!rux  ui»(ions;  ce  que  le  pape  accorda 
1  an  lo95,  ordonnant  qu'il  n'y  aurait  qu'un 
même  général  pour  les  Espagnols  et  les  Por-  \ 
tugais.  Ils  soin  très-puissants  dans  l'un  et  i 


l'autre  de  ces  royaumes,  où  ils  ont  de  riches 
et  superbes  monastères.  Celui  qui  est  ie  plus 
fréquenté   pour  la  dévolion  et   qui   lient  le 
premier  rang    dans   l'ordre   après  celui   de 
Saint-Barthélémy   de  Lupiana,   est    Notre- 
Dame,  de  Guadaloupe,  qui  ne  le  cède  en  rien 
aux  autres  pour  les  richesses.    La   maison 
est  si  grande  et  si  spacieuse,  que  Philippe  il, 
y  passant  l'an  1560  pour  .i lier  à  la  guerre  de 
Grenade  avec  l'archiduc  Rodolphe,  qui   fut 
ensuite  empereur,  et  l'archiduc  Ernest,  ces 
princes  y  demeurèrent  avec  toute  leur  cour 
pendant  vingt  jours,  sans  que  les  religieux, 
qui  sonl  au  nombre  de  six  vingts,  en  lussent 
incommodés.  Le  même  roi  fil  don  à  l'autel 
de  la  sainte  Vierge  d'une  lampe  d'or.  La  sa- 
cristie de  ce  monastère  est  une  des  plus  ri- 
ches de  l'Europe.  Les  aumônes  qu'on  y  re- 
çoit sont  très-considérables,  et  c'esl  en  par- 
lie  ce  qui  sert  à  l'entretien  de  ce  grand  nom- 
bre de  religieux,  d'un  séminaire  de  quarante 
jeunes  clercs,  à  qui  l'on  apprend  les   huma- 
nités el  les  exercices  de  la  vie  cléricale;  de 
deux  hôpitaux  joignant  le  monastère,  l'un 
pour  les  hommes,  l'autre   pour  les   femmes, 
et   d'un    grand    nombre  de   domestiques   et 
d'ouvriers  de  toutes  sortes  de  métiers.  L'hô- 
pital des  hommes  est  servi  par  plus  de  qua- 
rante serviteurs,  et.  celui  des   femmes  par 
des  Oblates    qui  sont  en  pareil  nombre;  el, 
sans  compter  le  grand  nombre  de  pèlerins, 
qui  y  arrivent  quelquefois  par  jour  jusqu'au 
nombre    de   deux  mille,    et   qui  sont    reçus 
pendant  trois  jours  dans  ce  couvent,  il  nour- 
rit tous  les  jours  plus  de  sept  cenls   person- 
nes. Les  aumônes  qu'on  distribue  aux  pau- 
vres à  la  porte  sonl  considérables.  On  y  dis- 
tribue par  an  plus  de  deux   cents  moulons  , 
outre  le  pam  que  l'on  y  donne  tous  les  jours, 
et  un  grand  nombre  de  souliers  :  l'on  dit  que 
le   8  septembre,    fête  de   la  Nativité   de   la 
sainle  Vierge,  on  en  distribue  ordinairement 
jusqu'à  huit  cents  paires.  On  y  fait  des    le- 
çons publiques  de  médecine  et  de  chirurgie. 
Ce  monastère  a  été  quelquefois  d'un  grand 
secours  aux  rois  d'Espagne,  auxquels  il  a 
souvent  donné  de  grosses  sommes  pour  sub- 
venir aux  besoins  de  l'Etat. 

Saint-Laurent  de  l'Escurial,  célèbre  pour 
être  la  sépulture  des  rois  d'Espagne,  n'a  pas 
tant  de  revenu  que  celui  de  Notre-Dame  de 
Guadaloupe,  mais  il  le  surpasse  par  la  ma- 
gnificence de  ses  bâtiments,  qui  furent  com- 
mencés l'an  1557  par  Philippe  II,  et  qui,  jus- 
qu'à sa  mort,  qui  arriva  l'an  1598,  y  em- 
ploya cinq  raillions  deux  cent  soixanle-dix 
milie  ducats,  tant  en  bâtiments  qu'eu  pein- 
tures et  sculptures,  et  plus  d'un  million  en 
ornements  d'Eglise.  Philippe  IV  fit  faire  la 
chapelle  des  tombeaux,  nommée  le  Pan- 
théon, à  cause  que  sa  structure  est  prise  sur 
le  dessein  du  Panthéon  de  Rome,  appelé  au- 
trement Noire-Dame  de  la  Rotonde.  Tout  le 
dedans  de  cette  chapelle  est  de  marbre  noir, 
à  la  réserve  de  quelque»  ornements  de  jaspe, 
de  marbre  rouge  et  de  bronze  doré.  L'église 
est  d'une  belle  structure,  ornée  de  quantité 
de  figures  de  bronze  doré  d'un  travail  admi- 
rable; l'autel,  qui  fait  l'un  des   plus  beaux 


5«1 


JER 


JF.R 


?>82 


ornements  de  cette  église,  est  estimé  un 
million  ;  il  est  élevé  de  seize  degrés  au-des- 
sus du  pavé  de  l'église  ;  ces  degrés  sont  de 
porphyre,  et  l'autel  est  embelli  de  quatre 
rangs  de  colonnes  de  jaspe;  l'on  voit  dans  le 
tabernacle,  qui  est  estimé  plus  de  deux  mil- 
lions, briller  l'or  de  U.utes  parts  aussi  bien 
que  les  pierreries,  qui  sont  si  transparentes, 
qu'on  voit  au  travers  le  saint  sacrement 
qui  repose  dans  un  vase  d'agate.  Le  dessus 
de  la  custode  où  l'on  lient  le  saint  sacrement 
est  enrichi  d'une  émeraude  de  la  grosseur 
d'un  œuf  et  d'un  prix  inestimable.  La  cus- 
tode est  de  la  hauteur  d'un  homme,  et  de 
l'épaisseur  de  deux  brasses  :  elle  est  faite 
d'une  pierre  plus  riche  que  le  porphyre,  es- 
timée cinq  cent  mille  écus.  La  sacristie  est 
l'une  des  plus  riches  de  l'Europe;  l'on  y 
voit  une  infinité  d'ornements  en  broderie 
d'oret  deperles  dont  la  plupart  uni  été  donnés 
par  le  roi  l'hilippe  IV,  aussi  bien  que  des  cali- 
ces d'un  grand  prix, des  vases  etdes  chande- 
liers d'or  et  d'argent.  À  côté  de  cet  le  sacristie  il 
y  a  une  chambre  oùl'on  voit  deux  vases:  l'un 
esl  d'un  seul  saphir  enrichi  d  •  perles  et  de 
pierres  précieuses ,  au  milieu  desquelles 
brille  un  gros  rubis  ;  l'autre  est  de  fonte  en- 
richi aussi  de  pierreries,  qu'on  dit  avoir  été 
fait  de  la  propre  main  de  l'empereur  Maxi- 
milien  IL  Ces  deux  vases  servent  à  porter  le 
saint  sacrement.  Généralement  tout  ce  qui 
sert  à  la  décoration  et  au  service  de  l'église 
a  coulé  de  grosses  sommes  ;  car  les  formes  ou 
stalles  du  choeur  où  s'asseyent  les  religieux 
sont  d'un  bois  venu  des  Indes,  et  ont  coûté 
|>lus  de  vingi-qualre  mille  écus,  et  l'archi- 
tecture des  orgues,  vingt-sept  mille  ducats. 
11  y  a  dans  le  chœur  deux  cent  seize  livres 
pour  l'usage  des  religieux,  qui  ont  coûté 
quarante-cinq  mille  écus,  et  l'armoire  où  ou 
les  enferme  sept  mille  écus.  Ce  monastère,  y 
compris  le  quartier  du  roi  et  celui  des  éco- 
liers, contient  dix-sept  cloîtres,  vingt-deux 
cours,  onze  mille  fenêtres,  huit  cents  co- 
lonnes, et  plus  de  cent  vingt  religieux,  qui 
ont  plus  de  quarante  mille  écus  de  revenu. 
Il  y  a  toujours  jour  et  nuit  deux  religieux 
devant  le  saint  sacrement  ;  ils  entretiennent 
uu  séminaire  de  cent  quatre-vingts  jeunes 
ecclésiastiques,  auxquels  ils  apprennent  les 
humanités  et  la  philosophie,  et  ces  clercs 
assistent  avec  eux  au  chœur  en  surplis.  Ou 
voit  .aussi  dans  ce  monastère  une  riche  bi- 
bliothèque qui  contenait  plus  de  cent  mille 
volumes,  tant  manuscrits  qu'imprimés,  mais 
une  partie  de  celle  bibliothèque  fut  consu- 
mée par  un  incendie  l'an  1671. 

Le  couvent  de  Saint-Jérôme  de  Juste,  que 
plusieurs  de  nos  écrivains  français  appellent 
Saint-Just,  a  été  célèbre  à  cause  que  l'empe- 
reur Charles-Quint  le  choisit  pour  le  lieu  de 
sa  retraite,  lorsqu'il  eut  céilé  ses  Etats  d'Alle- 
magne à  Ferdinand,  son  frère,  et  qu'il  eut 
remis  les  autres  à  Philippe  11,  sou  fils,  le  25 
octobre  1555,  à  Bruxelles.  L'on  peut  juger  de 
ses  grands  revenus  par  les  aumônes  qu'il  fait 
aux  pauvres  des  environs  ;  car  on  distribue 
par  an  à  la  porle  du  couvent  six  cents  mesu- 
res de  froment,  chaque  mesure  valant,  selon 


quelques-uns,  six  boisseaux  de  Paris,  et 
selon  d'autres,  un  boisseau  et  demi,  ce  qui 
est  plus  vraisemblable.  Lorsque  c'est  dans 
des  années  de  cherté,  on  en  donne  mille,  et  on 
en  a  vu  donner  jusqu'à  quinze  cents.  Le  jour 
de  Noël  on  en  donne  cinquante  mesures  à  des 
pauvres  honteux  ;  le  jour  de  Pâques-,  quatre 
moutons;  le  prieur  peut  donner  à  qui  bon 
lui  semble,  pourvu  que  ce  soit  à  des  person- 
nes qui  sont  dans  la  nécessité,  trente  mesu- 
res de  blé,  six  mesures  d'huile,  et  douze 
ducats  en  argent;  et,  lorsqu'  il  y  a  quelque 
pauvre  malade,  on  lui  envoie  chaque  jour 
ce  dont  il  a  besoin. 

Le  couvent  de  Madrid  distribue  aux  pau- 
vres par  mois  douze  mille  maravédis,  et  une 
grande  quantité  de  pain  tous  les  jours,  outre 
ce  qui  sort  de  la  table  des  religieux  ;  ildonne 
«u  prieur  vingt  ducats  pour  distribuer  aux 
pauvres,  comme  il  le  juge  à  propos,  et  ce 
prieur  jouit  de  quantité  de  beaux  droits.  Il 
est  maître  avec  son  couvent  de  l'hôpital  de 
Sainte-Catherine  de  los  Dunados.  II  fait  dis- 
tribuer par  an,  à  six  pauvres  delà  paroisse 
de  Saint  André,  douze  mesures  de  froment 
et  quatre  mille  maravédis.  Il  nomme  con- 
jointement avec  un  gouverneur  de  police 
quelques  filles  qui  doivent  recevoir  des  dots 
pour  se  marier,  selon  l'intention  de  quelques 
fondateurs  qui  lui  en  ont  donné  la  nomi- 
nation. 

Le  prieur  deSéville  jouit  aussi  de  plusieurs 
droits  :  il  est  maître  conjointement  avec  le 
prieur  de  la  Chartreuse,  de  l'hôpital  du  car- 
dinal dom  Jam  Cervantes,  et  de  celui  des 
blessés,  fondé  par  la  marquise  de  Tarifa  et 
la  duchesse  de  Alcala.  Il  esl  prolecteur  de 
l'université  de  cette  ville;  il  donne  de  qua- 
tre ans  en  quatre  ans  une  dot  de  treize  cents 
ducats  pour  une  pauvre  demoiselle  qui  veut 
se  faire  religieuse  dans  le  monastère  de 
Saint-Clément  ou  de  Sainle-Paule.  Il  distri- 
bue lous  les  ans  d'autres  dots  de  quatre 
cents  réaies  chacune ,  et  cinquante  mille 
maravédis  pour  les  pauvres,  les  captifs  et 
les  prisonniers;  douze  mille  maravédis  à  de 
pauvres  orphelins  qui  sont  dans  la  néces- 
sité ;  et  le  jeudi  saint  il  lave  les  pieds  à 
dix-neuf  pauvres,  auxquels  il  donne  des  ha- 
bits et  à  dîner.  Le  couvent,  outre  les  au- 
mônes qu'il  l'ait  à  toute  heure, donne  aussi  à 
manger  à  dix-neuf  pauvres  dans  un  réfec- 
toire destiné  pour  ce  sujet.  11  donne  encore 
lous  les  ans  au  même  prieur  cinquante  me- 
sures de  froment,  douze  mesures  d'huile, 
chaque  mesure  d'huile  pesant  vingt-cinq 
livres,  et  douze  mille  maravédis  pour  dis- 
tribuer aux  pauvres  selon  qu'il  le  juge  à  pro- 
pos. Les  autres  couvents  de  cet  ordre  en 
Espagne  font  aussi  de  grandes  aumônes. 

Ceux  de  Portugal  ne  sont  pas  moi  us  considé- 
rables. Celui  de  Belem,  sépulture  ordinaire 
des  rois  de  ce  royaume,  esl  le  plus  célèbre. 
Il  fut  fondé  par  le  roi  dom  Emmanuel,  (au 
1497.  L'église  esl  bâtie  en  forme  de  croix 
sur  une  longueur  et  largeur  très-considéra- 
bles. Elle  reçoit  la  clarté  du  soleil  par  beau- 
coup de  fenêtres,  ce  qui  est  contraire  aux 
autres  églises  qu'où  bâtit   en  Portugal  ,  ou 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


581 


l'on  en  fait  fort  peu,  afin  d'être  moins  ex- 
posé à  la  chaleur.  Cette  église  reçoit  une 
offrande  bien  singulière,  car  à  chaque  jour 
qui  se  passe  sans  que  le  soleil  paraisse  dans 
la  ville  de  Lisbonne,  la  ville  de  Tomar  est 
obligée  d'envoyer  une  brebis  à  la  reine,  qui, 
par  un  pieux  sacrilice,  l'envoie  à  l'église  de 
Belem  (1).  Le  maître  autel  est  au  bout  de 
l'enfoncement  de  l'église,  dans  une  grande 
chapelle  qui  lient  lien  de  chœur.  A  chaque 
côté  de  l'autel  il  y  a  dans  le  gros  mur  trois 
enfoncements  ou  petites  retraites  dont  le  des- 
sus est  tourné  en  cintre,  et  sous  chaque 
cintre  il  y  a  un  tombeau  de  marbre  blanc  et 
noir  attaché  contre  la  muraille.  Les  tom- 
beaux sont  soutenus  par  des  éléphants  de 
marbre  noir,  et  sont  séparés  les  uns  des  au- 
tres par  de  petites  colonnes.  A  chaque  ex- 
trémité de  la  traverse  ou  croisée  de  l'église, 
il  y  a  aussi  une  représentation  de  tombeaux 
faite  de  menuiserie  et  couverted'un  dais  noir 
et  blanc,  que  l'on  ne  change  que  lorsqu'on 
enterre  un  roi  ou  quelqu'un  de  la  maison 
royale.  Le  tour  du  c!oître  de  ce  monastère  est 
composé  d'un  double  portique  l'un  au-des- 
sus de  l'autre  ;  ce  portique  environne,  un 
parterre  coupé  par  des  canaux  d'eau  vive, 
où  l'on  nuurrit  quantité  de  poissons 


II,  en  Espagne,  les  Jéronymites  furent  aussj 
députés  par  le  nonce  apostolique  pourlaré- 
formedes  Prémontrés, et  le  premier  hôpital  que 
fonda  saint  Jean  de  Dieu  fut  des  aumônes  des 
religieux  jéronymites,  qui  ont  eu  aussi  parmi 
eux  plusieurs  personnes  distinguées  par  leur 
science  et  par  les  dignités  qu'elles  ont  oc- 
cupées ;  et,  sans  remonter  aux  temps  les  plus 
reculés,  Antoine  Augustin  était  évêque  d'Al- 
barazin  en  1665;  Baltazar  de  los  Reyes, 
évêque  d'Orence  en  1668;  Manuel  de  Naci- 
miento,  évêque  de  S.  Thomé  aux  Indes  orien- 
tales en  1678  ;  et,  l'an  1705,  Jean  de  Saint- 
Istevan,  prieur  de  l'Escurial,  fut  nommé  à 
l'évêché  de  Mondonendo  par  le  roi  d'Espagne 
Philippe  V.  Les  religieux  de  Saint-Jérôme 
étaient  gouverneurs  de  l'île  de  Saint-Do- 
mingue, lorsque  Corlez  fit  la  conquête  du 
Mexique  (Hist.  du  Mexique,  liv.  ni,  ch.  1). 

Ces  religieux,  comme  nous  avons  dit, 
étaient  autrefois  habillés  de  blanc  avec  un 
scapulaireet  une  chape  de  couleur  tannée.  Ils 
ont  conservé  la  robe  blanche,  mais  ils  ont 
pris  un  scapulaire  noir  fort  étroit  avec  un 
capuce,dont  la  mozelteest  ronde  par-devant 
et  en  pointe  par  derrière.  Lorsqu'ils  sortent 
ils  mettent  une  chape  aussi  noire,  traînant 
jusqu'à  terre  et  lort  plissée,  et  leur  robe  est 


Les  religieux  jéronymites,  tanlenEspagne      ceinte  d'une  ceinture  de    cuirai).  Quant   à 


qu'en  Portugal,  ont  toujours  été  en  si  grande 
estime,  que  l'on  s'est  servi  d'eux  pour  la  ré- 
forme de  plusieurs  congrégations  religieu- 
se.-, et  de  plusieurs  ordres  militaires.  Le  P. 
Loup  d'Olmédo,  fondateur  des  Moines  de 
Saint-Jérôme,  dont  nous  parlerons  dans  la 
suite,  et  qui  a  été  troisième  général  des  Er- 
mites de  Saint-Jérôme  en  Espagne,  dressa  les 
premiers  règlements  de  la  congrégation  des 
chanoines  séculiers  de  Saint-Jean  l'Evangé- 
liste  en  Portugal;  c'est  pourquoi  le  pape 
Pie  II,  l'an  l'iGl,  leur  communiqua  les  privi- 
lèges dont  jouissaient  les  religieux  de  Saint- 
Jérôme  dans  le  xvi*  siècle.  Le  P.  Hector 
Pinto,qui  était  aussi  religieux  de  Saint-Jé- 
rôme, fut  lait  visiteur  de  celte  congrégation, 
et  y  apporta  quelque  réforme.  Sous  le  règne 
des  rois  catholiques  Ferdinand,  et  Isabelle 
en  Espagne,  les  chevaliers  et  les  chanoines 
de  Saint-Jacques  de  l'Epée  furent  réformés 
par  le  P.  Jean  de  Soria.  Jean  H  ,  roi  de 
Portugal,  et  les  députés  apostoliques  pour  la 
réforme  des  chanoines  réguliers  en  ce  royau- 
me, se  servirent  pour  cela  du  P.  Alphonse 
de  Léon,  qui  était  pour  lors  frère  convers 
dans  l'ordre  de  Saint-Jérôme,  mais  qui  dans 
le  monde  était  docteur,  et  avait  rempli  plu- 
sieurs emplois  distingués. Sousle  roiJean  lli, 
en  Portugal,  les  chevaliers  de  l'ordre  de 
Christ  reçurent  pour  réformateur  au  monas- 
tère de  Tomar  le  P.  Antoine  Monniz,  pro- 
vincial des  Jéronymitesde  Portugal.  Sous  le 
même  roi,  Biaise  de  Barros  réforma  les  cha- 
noines réguliers  de  la  congrégation  de  Co- 
nimbre,  et  s'acquitta  si  bien  de  cet  emploi, que 
ce  prince  lui  fit  encore  donner  la  commission 
pour  réformer  les  Trinitaires.  Sous  Philippe 

(1)  Manness.  Malet.  Descript.  de  l'univers,  lom.IV, 
pag.  324. 


leurs  observances,  ils  se  lèvent  a  minuitpour 
dire  matines,  et  ont  tous  les  jours  une  heure 
d'oraison,  demi-heure  avant  vêpres  et  autant 
après  les  compiles.  Outre  les  jeûnes  ordon- 
nés par  l'Eglise,  ils  jeûnent  pendant  Pavent 
entier,  le  lundi  et  le  mardi  d'après  la  Quin- 
quagésime,  tous  les  vendredis  de  l'année,  et 
même  le  jour  de  Noël  ,  s'il  arrive  à  pareil 
jour;  les  trois  joursdes  Rogations, avec  cette 
différence  que  le  lundi  ils  peuvent  manger 
des  œufs,  du  lait,  du  fromage,  et  le  mardi  ils 
doivent  s'en  abstenir.  Ils  jeûnent  aussi  les 
veilles  des  fêtes  de  la  Nativité  et  de  la  Puri- 
fication de  la  sainte  Vierge  et  de  saint  Jé- 
rôme. Le  vendredi  saint  ils  jeûnent  au  pain 
et  à  l'eau,  et  ils  ne  mangent  jamaisde  viande 
le  mercredi,  même  hors  le  monastère.  Tous 
les  (rois  ans  ils  tiennent  leur  chapitre  géné- 
ral le  troisième  dimanche  d'après  Pâques. 
Tous  les  prieurs  s'y  trouvent  avec  un  député 
de  chaque  maison,  et  le  général  et  les  autres 
supérieurs  demandent  d'être  absous  de  leurs 
olfices.  Ils  ont  des  donnés  et  desdonnées,  dont 
l'habit  consiste  en  une  robe  blanche,  avec 
un  manteau  tanné  sans  scapulaire. 

Voyz  Joseph  de  Siguença  et  Francisco  de 
los  Sanios,  Hist.  de  la  orden  de  S.  Geronimo. 
Hermenegildo  de  S.  Pablo,  Origen  y  Conti- 
nuation de  cl  Instilulo  y  relig.  Gerunimiana. 
Conslituliones  y  extravagantes  de  la  orden 
del  glorioso  Padr.  S.  Geronymu.  Silvest. 
Maurol.  Mar.  Océan,  di  tutt.gl.  relig., lib.  ni. 
Piet.  Crescenz.  Presid  Roman o.  lib.  i.  Ascag. 
Tambur.,  de  Jur.  Abbat.  tom.  Il,  Disp.  2Ï, 
guœst.  k,  num.  39.  Hermant,  Hist.  des  ordres 
religieux;  et  le  P.  Bonanui ,  Catalog.  Ord. 
religios.  pari.  î. 

(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n03  144  et  145. 


Sfco 


ji;r 


JER 


580 


§  III.  Des  Religieuses  de  l'ordre  de  Suint- 
Jérôme,  avec  la  vie  de  Marie  Gardas,  leur 
fondatrice. 

Les  religieuses  de  l'ordre  de  Saint-Jérôme 
étant  soumises  aux  religieux  Ermites  de 
Saint-Jérôme  en  Espagne  ,  où  elles  ont  pris 
naissance,  et  n'élant  point  sorties  de  ce 
royaume,  nous  parlerons  d'elles  dans  ce  pa- 
ragraphe avant  que  de  passer  en  Italie,  où  il 
y  a  eu  Irois  différents  ordres  qui  ont  porté 
le  nom  de  Saini -Jérôme,  el  dont  il  en  reste 
encore  deux.  Ces  religieuses  reconnaissent 
pour  leur  fondatrice  une  sainte  fille  nommée 
Marie  Garcias,  qui  eut  pour  père  dom  Dida- 
cc  Garcias  de  Tolède,  et  pour  mère  Constance 
de  Tolède.  N'étant  encore  qu'enfant,  elle  fai- 
sait déjà  paraître  tant  d'amour  pour  Dieu, 
que  ses  parents  d'un  commun  consentement 
la  lui  offrirent,  en  faisant  vœu  de  la  consa- 
crer à  son  service.  Ils  eurent  un  si  grand 
soin  de  l'entretenir  dans  cette  dévotion,  qui 
lui  était  comme  naturelle,  qu'ayant  atteint 
l'âge  de  raison,  et  sachant  le  vœu  que  ses 
parents  avaient  fait,  et  qui  aurait  été  nul 
sans  son  consentement,  elle  le  renouvela  et 
prit  la  résolution  de  demeurer  toujours  vier- 
ge, et  de  n'avoir  jamais  d'autre  époux  que 
Jésus-Christ.  Elle  n'avait  que  du  mépris  pour 
le  monde.  Les  honneurs,  les  richesses,  les 
pompes,  les  vanités,  les  divertissements  et 
tout  ce  que  les  personnes  de  son  sexe  recher- 
chent avec  tant  d'empressement,  n'étaient 
pour  elle  que  de  vains  objets  qui  lui  faisaient 
au  contraire  désirer  avec  plus  d'empresse- 
ment la  retraite  el  la  solitude.  Et,  pour  évi- 
ter ces  objets  fatals  qui  causent  la  perte  de 
tant  de  filles  mondaines,  elle  se  retira  dans 
un  monastère  appelé  Saint-Paul  de  las  Duen- 
nas,  où  sa  sœur  était  prieure,  et  où  il  y  avait 
beaucoup  de  religieuses  d'une  éminente  ver- 
tu. Sa  sœur  crut  qu'elle  n'y  venait  que  pour 
en  augmenter  le  nombre  ;  mais  Dieu,  qui 
avait  d'autres  desseins  sur  cette  sainte  fille, 
ne  permit  pas  qu'elle  prît  l'habit  dans  ce 
monastère,  elle  y  apprit  seulement  toutes  les 
observances  régulières  qu'elle  fit  pratiquer 
dans  la  suite  à  d'autres  saintes  vierges,  et 
elle  les  pratiqua  dans  ce  monastère  avec  tant 
d'exactitude  et  tant  d'édification,  que  sa  ré- 
putation ne  se  répandit  pas  seulement  dans 
la  ville  de  Tolède,  mais  qu'elle  pénétra  en- 
core dans  le  monastère  de  Sainte-Claire  de 
Tonlesillas,  d'où  les  religieuses  lui  écrivirent 
pour  la  prier  de  vouloir  embrasser  leur  règle, 
et  les  venir  gouverner  en  qualité  de  supé- 
rieure. Mais  c'était  assez  de  lui  proposer  la 
supériorité  pour  qu'elle  ne  consentît  pas  au 
désir  de  ces  religieuses. 

Après  avoir  demeuré  quelques,  années  à 
Saint-Paul  de  las  Duennas ,  elle  retourna, 
dans  la  maison  de  ses  parents,  où  à  peine 
fut-elle  arrivée,  qu'une  sainie  veuve  nom- 
mée MayorGomez  se  joignit  à  elle  pour  pra- 
tiquer ensemble  plusieurs  œuvres  de  piété. 
Pour  montrer  le  mépris  qu'elles  faisaient  du 
monde,  elles  sortaient  tous  les  jours  ayant 
chacune  une  besace  sur  l'épaule,  pour  aller 
de  porte  en  porte  par  la  ville  demander  l'au- 

DlCTIONNAIRE  DES  ORDRES  HELIGIEUX. 


mône  pour  les  pauvres  prisonniers  et  les 
pauvres  honteux  ;  et  lorsque  leurs  besaces 
étaient  pleines  de  pain,  elles  allaient  le  dis- 
tribuer aux  pauvres  prisonniers  et  à  ceux 
qu'elles  savaient  être  dans  la  nécessité.  Cette 
manière  de  vivre  déplut  fort  à  ses  parents,  ce 
qui  lui  attira  quelques  reproches.  Mais  cela 
ne  l'empêcha  pas  de  continuer:  elle  allait 
même  les  dimanches  et  les  fêtes  dans  l'église 
cathédrale,  et  y  demeurait  pendant  tout  le 
jour,  en  demandant  l'aumône  pourlesmêmes 
pauvres,  el  comme  ses  parents  virent  que 
leurs  remontrances  étaient  inutiles,  touchés 
de  l'esprit  de  Dieu,  ils  laissèrent  leur  fille 
dans  la  liberté  de  continuer  cette  œuvre  cha- 
ritable, et  ils  tirèrent  dans  la  suite  une  gloire 
de  ce  qu'ils  avaient  d'abord  regardé  comme 
un  affront. 

Dans  le  même  temps,  le  roi  dom  Pierre  vint 
à  Tolède,  et  comme  ce  prince  n'était  pas 
moins  impudique  que  cruel,  Marie  Garcias  ', 
qui  était  aussi  belle  qu'elle  était  vertueuse 
et  chaste,  voulant  éviter  les  amours  déshon- 
nêtes  du  roi,  qui  avait  jeté  les  yeux  sur  elle 
pour  contenter  ses  désirs,  se  retira  secrète- 
ment avec  sa  compagne  à  Talavera  dans  un 
bien  qui  appartenait  à  ses  parents.  Elles  y 
demeurèrent  quelques  jours,  mais  elles  n'y 
furent  pas  si  bien  cachées  que  le  roi  n'en  eût 
avis,  lly  envoya  desgens  pour  les  enlever,el 
elles  évitèrent  ses  poursuites,  étant  sorties  de 
Talavera  par  un  chemin  détourné  qui  les  con- 
duisit dans  l'ermitage  de  la  Sysla,  où  elles  de- 
meurèrent encore  cachées  jusqu'à  ce  que  le 
roi  eût  quitté  la  ville  de  Tolède;  et  ainsi  elles 
s'échappèrent  de  ses  mains.  Elles  trouvèrent 
cette  solitude  si  agréable,  qu'elles  y  firent  un 
plus  long  séjour;  elles  lâchèrent  d'imiter  dans 
ce  lieu  les  anciens  solitaires  de  l'Egypte,  et 
elles  y  reslèrent  jusqu'à  la  mort  du  roi  dom 
Pierre,  qai  rassura  une  infinité  d'âmes  chas- 
tes qui  fuyaient  ses  impudicités. 

Ces  deux  saintes  compagnes  ayant  su  que 
pendant  leur  absence  il  s'était  formé  à  Tolède 
une  congrégation  de  filles  pieuses  qui  étaient 
en  grande  réputation,  et  qui  étaient  gouver- 
nées par  une  supérieure  qui  menait  une  très- 
sainte  vie,  elles  prirent  la  résolution  d'eu- 
Irer  dans  celte  communauté,  elles  y  furent 
reçues,  et  y  vécurent  quelque  temps  dans 
les  exercices  de  l'humilité  el  de  l'obéissance; 
mais  la  supérieure,  qui  était  l'unique  appui 
et  le  soutien  de  cette  communauté  naissante, 
et  les  père  et  mère  de  Marie  Garcias  élant 
morts  en  même  temps,  cette  sainte  fille,  qui 
avait  hérité  des  biens  considérables,  acheta 
une  grande  maison  dans  Tolède,  où  elle  alla 
demeurer  avec  sa  compagne  Mayor  Gomez 
et  quelques  autres  filles  de  cette  première 
communauté,  qui  avail  été  dissipée  par  la 
morl  de  la  supérieure, et  elles  prirent  la  réso- 
lution de  n'en  point  sortir  de  leur  vie.  Une 
dame  de  la  même  ville,  qui  depuis  quelques 
jours  avait  aussi  assemblé  dans  sa  maison 
sept  ou  huit  personnes  de  son  sexe,  avec 
lesquelles  elle  vivait  dans  une  grande  ré- 
colleclion,  ayant  appris  le  nouvel  établisse- 
ment de  Marie  Garcias,  entra  dans  sa  com- 
munauté avec  ses  compagnes  :  ainsi  celle 
II.  19 


587  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 

communauté  devint  d'abord  assez  considéra- 
ble, et  elles  pratiquèrent  les  observances  ré- 
gulières. Pour  élre  entièrement  distinguées 
des  séculières,  elles  prirent  un  habit  reli- 
gieux tel  que  le  portaient  les  religieux  de 
Saint-Jérôme,  savoir  :  une  robe  blanche  et  un 
seapalaire  de  couleur  tannée  (1),  après  quoi 
elles  élurent  d'un  commun  consentement 
pour  supérieure  Marie  Garcias  qui  n'accepta 
celte  charge  qu'avec  beaucoup  de  dil'li- 
tiilté.  Tel  fut  le  commencemenldu  célèbre 
monastère  de  Saint-Paul  de  Tolède,  qui  est 
le  premier  des  religieuses  jéronymites,  et  où 
elles  ont  pris  naissance. 

Pierre-Ferdinand  Pécha  ou  deGuadalajara 
élant  venu  presque  dans  le  môme  temps  pour 
fonder  le  second  monastère  de  son  ordre  à 
Nol 


588 

pompe  dans  leur  église  proche  le  grand  au- 
tel. Us  lui  firent  élever  un  tombeau  de  mar- 
bre, où  ell  ■  était  représentée  en  relief  avec 
ses  habits  de  religieuse. 

Quoique  les  religieuses  de  ce  monastère 
eussent  été  d'abord  sous  la  juridiction  de 
Ferdinand  de  Guadalajara,  auquel  elles  s'é- 
taient soumises,  il  y  a  de  l'apparence  qu'elles 
n'obéirent  pas  aux  autres  prieurs  de  la 
Sysla ,  puisque  ce  ne  fut  que  l'an  1510 
qu'elles  furent  incorporées  à  l'ordre  de 
Saint-Jérôme  dans  le  chapitre  général  où 
le  P.  Michel  d'Ocanna  fut  élu  général,  et 
qu'elles  demandèrent  à  quitter  le  nom  de 
béates  pour  prendre  celui  de  religieuses,  en 
embrassant  la  clôture  et  faisant  les  vœux 
solennels.  On  reçut  aus-.i  dans  le  même  cha- 
pitre un  autre  monastère  de  ûlles  du  même 


iotre-Dame  de  la  Sysla,  où  Marie  Gardas  et      pitre 

.a  compagne,  MayorGomez,  avaientdemeuré  ordre  qui  avait  été  fondé  à  Madrid  sous  le 
quelque  "temps,  elles  se  soumirent  à  lui  nom  de  la  Conception  jéronyme  par  Beatrix 
comme  à  leur  supérieur,  et  elles  ne  faisaient      Galindo,  en  1501.  Le  second  monastère  de 

ces  religieuses  avait  été  fondé  dès  l'an  1173 
par  une  certaine  femme  de  la  ville  de  Sé- 
ville  nommée  Anne  de   Santilla,    veuve  de 


rien  que  par  ses  avis  et  ses  conseils,  et  dès 
lors  elles  tâchèrent  d'imiter  les  religieux  de 
Notre-Dame  de  la  Syslà  dans  toutes  leurs  ob- 
servances. Files  ne  furent  néanmoins  vérita- 
blement religieuses  et  ne  firent  des  vœux 
solennels  que  longtemps  après.  Fn  effet,  ce 
monasièic  a  été  appelé  pendant  un  temps 
considérable  Saint-Paul  des  Béates  de  Marie 
Garcias,  S.  Pablo  de  las  Beatas  de  Maria 
Garcia  ,  le  nom  de  béate  signifiant  une  fem- 
me ou  fille  dévote  qui  porte  un  habit  de  re- 
ligieuse. 

Cette  communauté  s'augmenta  de  jour  en 
jour  et  devint  considérable,  plusieurs  per- 
sonnes y  étant  entrées,  attirées  par  la  sain- 
teté de  vie  de  la  fondatrice,  qui  était  la  pre- 
mière dans  toutes  les  occasions  qui  se  pré- 
sentaient pour  pratiquer  quelque  vertu  ,  et 
surtout  celle  de  l'humilité.  Elles  récitèrent  le 
grand  office  par  ordre  de  Ferdinand  de  Gua- 
dalajara, prieur  de  la  Sysla.  Files  se  levaient 


Pierre  de  Ortiz,  l'un  des  consuls  de  cette 
ville,  et  avait  été  dédié  à  sainte  Paule.  Le 
pape  Sixte  IV,  qui  en  avait  permis  la  fonda- 
tion, avait  mis  les  religieuses  sou9  la  juri- 
diction des  religieux  de  Saint-Jérôme ,  et 
leur  avait  donné  les  constitutions  d'un  mo- 
nastère de  Sainte-Marthe  à  Cordoue  ;  mais  le 
pape  Léon  X  les  en  dispensa  en  1514.,  et 
leur  ordonna  de  prendre  celles  de  l'ordre  de 
Saint-Jérôme.  L'an  1521,  il  y  eut  encore 
une  autre  fondation  de  religieuses  de  cet 
ordre  à  Grenade  sous  le  nom  de  Sainle- 
Paule.  On  fit  sortir  des  religieuses  de  Madrid 
pour  faire  ce  nouvel  établissement;  il  s'en 
est  encore  lait  quelques  autres  dans  la  suite  ; 
et  il  y  a  plusieurs  religieuses  de  cet  ordre 
qui  sont  mortes  en  odeur  de  sainteté.  Anne 
de  Zuuiga,  religieuse  du  monastère  de  To- 


à  minuit  pour  dire  matines,  après  lesquelles  lède,  a  donné  les  vies  de  soixante-quatorze 
Marie  de  Garcias  ne  retournait  point  à  sa 
chambre,  employant  le  reste  de  la  nuit  en 
oraison,  coutume  qu'elle  a  même  pratiquée 
dans  de  grandes  iuûrmités  où  l'avaient  ré- 
duite sur  la  fin  de  ses  jours  ses  grandes  aus- 
térités et  ses  mortifications  ;  et  lorsqu'elle 
prenait  un  peu  de  repos,  ce  n'était  que  sur  la 
terre  nue.  File  ue  laissa  pas  malgré  ses  aus- 
térités de  parvenir  à  un  âge  fort  avancé  ;  et, 
voyant  sa  fin  approcher,  elle  fit  un  excellent 
discours  à  ses  sœurs  pour  les  exhorter  à  la 
persévérance.  Elle  prédit  à  plusieurs  ce  qui 
devait  leur  arriver,  et,  après  avoir  reçu  les 
s,acremep,ls  de  l'Eglise,  elle  rendit  son  âme 
à  Dieu  le  10  février  1420.  Elle  avait  ordonné 
que  son  corps  fût  porté  au  monastère  de 
Noire-Dame  de  la  Sysla,  parce  qu'elles  n'a- 
vaient pas  encore  d'église  ;  ses  parents  vou- 
laient néanmoins   qu'elle  lût  enterrée   dans 

la  grande  église;  mais  les  religieuses,  voulant  pauvres  Brèrts  pour  l'amour  de  Jésus-Christ, 
exécuter  les  dernières  volontés  de  leur  Mère,  ensuite,  Les  poutres  Ermites  de  Saint  Jé- 
donnèrent  son  corps  aux  religieux  de  Saint-  rôm<;e\.ce  n'a  été  qu'après  il  mort  du  bien- 
Jérôme,  qui  le  reçurent  avec  beaucoup  de  heureux  Pierre  de  Fisc,  leur  fondateur,  que 
respect,   et  l'euterrèrent  avec  beaucoup  de     l'on  a  donné  son  nom  aux  religieux  de  sa 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n"  li6. 


religieuses  de  ce  même  monastère,  où  le 
corps  delà  bienheureuse  Marie  d'Ajofin  est 
eu  grande  vénération.  Les  religieuses  de 
Saint-Jérôme  ont ,  comme  les  religieux , 
quitté  le  scapulaire  et  la  chape  de  couleur 
tannée  pour  en  prendre  de  noirs. 

Voyez  Joseph  Siguença  et  Francisco  de 
los  Santos,  llistor.  de  VOrden  de  S.  Gero- 
nimo  ;  et  Fier.  Crescenz.,  Presid.  Rom. 

SECTION    DEUXIÈME. 

DIVERSES    CONGRÉGATIONS   DES   ERMITES 
DE   L'ORDRE  DE   SAINT-JEROME. 

§  I«.  Des  Ermites  de  Saint-Jérôme  de  la  con- 
grégation du   bienheureux  Pierre  de  Pise, 
avec  la  vie  de  ce  saint  fondateur. 
Les  religieux  dont  nous  allons  parler  ont 

été  appelés   dans    le   commencement  ,    Les 


580 


JER 


JER 


590 


congrégation,  pour  les  distinguer  dos  autres, 
nïii  prennent  aussi  le  uired'Hrmiies  de  Sainl- 
Jérôme.  Ce  saint  fondateur  naquit  à  l'ise  le 
!ti  février  de  l'an  l'iJ'i,  dans  le  temps  que 
son  père  ,  i  ierre  Gambacorti,  avait  la  sou- 
veraine autorité  à  Pie  et  à  Lucques  ;  et  sa 
mère  se  nommait  Niève  Gualandi.  A  peine, 
eut— il  en  naissant  lait  connaître  par  ses  lar- 
mes que  nous  ne  sommes  ici-bas  que  dans 
une  yajlée  de  misères  ,  qu'il  expérimenta 
aussi  presque  en  même  temps  que  nous  n'y 
a\  us  aucune  ville  permanente  ;  car  ses  pa- 
renls,  ayant  été  obligés  de  eé  1er  à  la  for- 
lune  qui  leur  était  contraire,  se  retirèrent 
de  Pi>e,  y  ayant  élé  contraints  par  la  vio- 
lence de  leurs  ennemis  ,  et  emmenèrent 
avec  eux  le  petit  Pierre,  qui  n'avait  encore 
que  trois  mois,  Di  u  l'accouiumant  de  bonne 
h  me  à  la  croix  et  aux  souffrances. 

il  fut  élevé  dans  tous  les  exercices  de  la 
noblesse.  Il  s'en  acquittait  à  la  satisfaction 
de  ses  parents;  maison  même  temps  il  pra- 
tiquait ceux  qui  conviennent  à  un  véritable 
chrétien,  et  ne  résista  po  nt  aux  mouv<  ments 
intérieurs  que  lui  dict.;it  le  Saint-Esprit,  et 
gai  lui  faisaient  concevoir  du  dégoût  et  du 
mépris  pour  les  vanités  de  la  Ierre.  Comme 
un  navire  prêt  à  mettre  à  la  voile,  il  n'atten- 
dait qu'un  vent  favorable  pour  sortir  du  tu- 
multe et  de  l'embarras  du  monde,  et  pour 
abandonner  sa  patrie  et  ses  parents.  Dieu 
ne  l'appela  point  à  la  suli:ude  dès  l'enfance, 
comme  saint  Jean-Baptiste,  ni  au  commen- 
cement de  l'adolescence,  comme  saint  Paul, 
le  père  des  solitaires  ;  mais  il  attendit  qu'il 
fût  dans  un  âge  mûr  et  avancé.  Ce  fut  la 
mort  de  sn  mère  qui  le  détermina  à  dire  un 
dernier  adieu  au  monde  :  à  l'âge  de  vingt- 
cinq  ans,  il  renonça  aux  grandes  espérâmes 
qu'il  pouvait  avoir  pour  suiv  re  Jésus-Christ  : 
et,  dans  le  temps  que  son  père  avait  plus  de 
pouvoir  dans  Pise,  où  il  était  retourné  pour 
reprendre  le  gouvernement  de  la  république, 
il  le  quiita  et  se  revêtit  d'un  habit  pauvre  et 
méprisable  pour  aller  chercher  quelque  soli- 
tude où  il  pût,  inconnu  aux.  hommes,  me- 
ner une  vie  austère  et  pénitente. 

C'est  ainsi  qu'un  religieux  de  la  congréga- 
tion du  bienheureux  Pierre  de  Pise  déci  il  les 
premières  années  de  la  vie  de  ce  saint  fonda- 
teur, dans  l'histoire  qu'il  en  a  donnée  en 
1695  ;  mais  le  P.  Papebroch  ne  prétend  pas 
qu'il  se  donna  sitôt  à  la  piété,  il  dit  au  con- 
traire que,  l'an  1377,  avec  le  secours  de  son 
frère  aine  André  Gambacorti,  il  enleva  par 
force  sa  sœur,  la  bienheureuse  Claire,  d'un 
monastère  où  elle  s'était  retirée  pour  y  ser- 
vir Dieu  ;  et  qu'après  l'avoir  retenue  dans 
une  espèce  de  prison  pendant  cinq  mois,  ce 
fut  peut-être  la  persévérance  de  cette  sainte 
fille  qui  le  loucha  vivement  et  lui  fit  conce- 
voir le  dessein  de  se  donner   aussi  à   Dieu. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  fut  vers  l'an  1375  ou 
1377  que,  s'etant  revêtu  d'un  habit  de  péni- 
tent, et  ayant  abandonné  sa  patrie.  Dieu  la 
conduisit  dans  l'Oi.bcie,  où  il  trouva  sur 
les  confins  de  Cessana  une  montagne  nom- 
mée Montébello,  belle  à  la  vérité,  tant  pour 
ïou  agréable  situation,  qui  fait  découvrir  une 


grande  étendue  de  pays  et  toute  la  mer  Adria- 
tique,  que  pour  un  vallon  qu'on  y  trouve 
environné  d'une  multitude  de  chênes  cl  de 
sapins  qui  forment  un-  charmante  solitude. 
Ce  lut  ce  lieu  que  notre  bienheureut  choisit 
pour  sa  demeure.  Il  était  obligé  .le  descen- 
dre tous  les  jours  de  celle  montagne  pour 
aller  dans  les  villages  cireonvoisins  deman- 
der l'aumône  pour  si  subsistance  :  non-seu- 
lement on  lui  donnait  du  pain,  mais  encore 
de  l'argent,  de  sorte  qu'il  amassa  une  somme 
assi'z  considérable  pour  bâtir  dans  sa  soli- 
tude une  église  qui  fut  achevée  l'an  1380  et 
dediee  en  l'honneur  de  la  Sainte-Trinité  ;  et, 
joignant  cette  ég!ise,  il  (it  faire  des  bâtiments 
pour  contenir  plusieurs  ermites,  prévoyant 
bien  qu'il  devaii  être  fondateur  d'une  nou- 
vel e  congrégation.  En  effet,  peu  de  temps 
après  il  eut  douze  compagnons,  que  l'ou 
prétend  avoir  été  aulantde  voleurs  qui  étaient 
venus  dans  sa  solitude  dans  le  dessein  de  lui 
prendre  tout  ce  qu'il  avait  et  pour  le  mal- 
traiter; mais  il  sut  les  gagner  à  Jésus-Christ 
par  ses  discours  et  par  ses  remontrances  ,  et 
ils  suivirent  si  bien  l'exemple  de  leur  maître, 
et  profilèrent  de  ses  instructions  avec  tant  de 
fruii.  que  quelques-uns  ont  eu  le  do  i  des  mi- 
racles, et  ont  élé  honores  comme  bienheu- 
reux après  leur  mort,  tels  que  les  bienheu- 
reux Pierre  Gualcerano  el  Barthélémy  Xla- 
ierba  de  Césène  ,  qui  étaient  de  ce  nombre. 

Notre  saint  fondateur,  qui  avait  un  grand 
mépris  de  lui-même,  et  qui,  pour  éviter  tout 
ce  qui  pouvait  lui  donne  r  quelque  vaine  u  loi  re 
et  le  faire  ressouvenir  de  la  grand  ur  de  sa 
famille,  avait  voulu  être  appe'é  seulement 
Pierre  de  Pise,  et  non  pas  Gambacorti,  ne 
voulut  pas  aussi  que  sa  congrégation  portât 
son  nom  ;  mais  il  donna  à  s-s  ermites  celui 
de  saint  Jérôme,  qu'il  prit  pour  patron  et 
pro'ecteur,  parce  que  ce  saint,  ayant  visité 
tous  les  saints  ermiles  et  anachorètes  île  la 
Syrie,  de  l'Egypte  et  de  la  Thebaïde,  avait 
pratiqué  l'austérité  des  uns,  le  silence  des 
autres,  avait  appris  de  ceux-ci  à  être  doux 
et  humble,  de  ceùx-lààétre  patient  el  chaste; 
et,  comme  Pierre  tendait  au  plus  haut  degré 
de  la  perfection,  il  le  choisit  pour  son  maître 
et  son  guide  ;  el  surtout  il  imita  tellement  son 
humilité  e!  sa  pauvreté,  que,  se  confiant  en 
la  seule  Providence,  il  ne  possédait  rien  et 
ne  souhaitait  rien,  et  mérita  parce  moyeu 
que  souvent,  lorsque  les  charités  des  fidèles 
manquaient,  des  anges  lui  apporiassout  ce 
qui  était  nécessaire  pour  faire  vivre  sa  com- 
munauté, qui  devint  dans  la  suite  fort  nom- 
breuse. 11  fuyail  pareillement  les  honneurs, 
et  en  avait  un  si  grand  mépris,  que  ce  fut  ce 
qui  lui  fil  choisir  saint  Jérôme  pour  patron, 
dont  il  voulut  que  ses  ermites  portassent  le 
nom,  afin  qu'ils  ne  prissent  pas  le  sien;  mais 
ce  qu'il  a  \oulu  empêcher  pendant  sa  vie  est 
arrivé  après  sa  mort,  puisque  sa  congréga- 
tion n'est  connue  que  sous  le  nom  du  B. 
Pierre  de  P  se. 

Après  avoir  ainsi  donné  commencement  à 
sa  congrégation,  le  démon  lui  livra  ur.  furieux 
combat,  lî  avait  déjà  été  vaincu  car  ce  saint 
homme,    lorsqu'il  lui   avait  représenté   les 


591 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


!M 


honneurs,  les  biens  et  les  rtenesses   qu'il 
avait     quittés  ,   et   lorsqu'il     l'avait    solli- 
cité d'abandonner  sa  solitude  pour  les  re- 
prendre. Il  fit  un  nouvel  effort  en  sollicitant 
derechef  notre  saint  ermite  d'aller  venger  la 
mort  de  son  père  et  de  deux  de  ses  frères, 
qui  furent  assassinés  le  21  octobre  1393  par 
Jacques   Appiani,  secrétaire  de  son    père; 
mais  il  fut  inébranlable  contre  cette  nouvelle 
secousse,  il  se  contenta  de  prier  Dieu  et  d'a- 
dorer  les  ordres  de  sa  providence,  et,  pour 
braver  le  démon,  il  affligea  son  corps  par  de 
rudes  pénitences  et  de  grandes  austérités.  Il 
mil  en  usage  les  haires,  lescilices,  les  dis- 
ciplines, il  redoubla  ses  jeûnes  et  ses  veilles, 
et,   lorsqu'il  était  accablé  de  sommeil,   il  se 
jetait  sur  un  peu  de  paille,  le  plus  souvent 
sur  la  terre  nue.  Outre  quatre  carêmes  qu'il 
observait  dans  l'année,  savoir  depuis  le  jour 
des  Cendres  jusqu'à  Pâques,  depuis  le  lundi 
des  Rogations  jusqu'à  la  fêle  de  la  Pentecôte, 
depuis  le  premier  jour  d'août  jusqu'à   l'As- 
somption  de  la  sainte  Vierge,  et   depuis    le 
premier  novembre  jusqu'à  Noël,  il  jeûnait 
tous  les  lundis,   mercredis  et  vendredis  de 
l'année,  et  il  observa  toujours  cette  pratique 
jusqu'à  la  mort.  C'était  aussi  une  partie  des 
observances   qu'il   ordonna    à   ses  enniles, 
auxquels  il   prescrivit  encore  de  prendre  la 
discipline   tous  les  jours  pendant  le  carême, 
et  pendant  le  reste  de  l'année  seulement  les 
lundis,  mercredis  et  vendredis,  afin,    disait- 
il,  d'imiter  Jésus-Chrisl,   qui  avait   élé  fia 
gellé  pour   leurs  péchés.  Il  défendit  par  les 
constitutions  de  recevoir  ceux  qui  se  présen- 
teraient   pour  prendre   l'habit,  s'ils   avaient 
moins  de  dix-huit  ans  et   plus  de  cinquante, 
de  peur  qu'ils  ne  fussent  pas  en  état  de  sup- 
porter les  austérités  et  les  rigueurs  de  la  pé- 
nitence qui   sont  prescrites  par  ces  constitu- 
tions. Ils  se  levaient  à  minuit   pour   réciter 
matines,  après  lesquelles  ils  restaient   deux 
heures  au  chœur  pour  faire  oraison  l'été,  et. 
l'hiver    ils   y   employaient  trois  heures.  Ils 
faisaient  encore  une   heure  d'oraison    pen- 
dant  l'été,  et   deux  heures    pendant  l'hiver 
après  compiles.  C'était  la  règle  générale  pour 
tous  ses  ermites;  mais  l'on  pouvait  dire  que 
le  bienheureux  fondateur  était  continuelle- 
ment en  oraison,   car  il  y    employait  très- 
souvent  le  temps  qui  restait  depuis  les  deux 
ou  trois  heures  d'oraison  commune  d'après 
matines  jusqu'au    jour,  et  une  bonne  partie 
de   la  journée.    Leur   nourriture    ordinaire 
était  un  peu  de  pain  avec  des   fruits  ou    des 
herbes  cuites  en  petite  quantité,  à  la  volonté 
du  supérieur.  Ils  devaient  reconnaître   tous 
les  jours    leurs    fautes    dans    le    réfectoire 
avant  que  de  se  mettre  à  table,  et  accomplir 
fidèlement  les  pénitences  qui  leur  étaient  en- 
jointes. Si   au   milieu  du    repas    quelqu'un 
commettait  quelque  faute,  il  devait  se  lever 
pour  s'en  accuser,  et  devait  demeurer  tou- 
jours debout  jusqu'à  ce  qu'on  lui  eût  fait  si- 
gne de  s'asseoir.  Quant    à   la  pauvreté,  elle 
était    exactement   observée    :   loul  était    en 
commun, et  le  supérieur  avait  soin  de  distri- 
buer à  un  chacun  ce  dont  il  avait  besoin  (1). 
(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  Ul. 


Une  vie  si  austère  leur  attira  l'estime  des 
personnes  vertueuses  ;  mais  les  libertins 
s'en  scandalisèrent.  Ils  répandirent  de  faux 
bruits  contre  la  réputation  de  ces  saints  Er- 
mites ,  et  publièrent  que  ce  qu'ils  faisaient 
n'était  que  pour  abuser  de  la  simplicité  du 
peuple;  que  c'étaient  des  loups  couverts  de 
peaux  d'agneaux;  qu'ils  faisaient  à  l'exté- 
rieur profession  d'être  austères  cl  de  mé- 
priser les  honneurs  et  les  richesses  ,  mais 
que  ce  n'étaient  que  des  ruses  et  des  stratagè- 
mes dont  ils  se  servaient  pour  s'attirer  de 
l'estime  et  de  la  gloire.  Ces  libertins,  croyant 
que  de  si  grandes  austérités  étaient  au-des- 
sus des  forces  humaines, accusèrentaussi  ces 
saints  Ermites  de  sortilège,  attribuant  à  l'art 
magique  celte  grâce  surnaturelle  de  Dieu 
qui  les  soutenait  et  leur  donnait  la  force  et 
le  courage  pour  supporter  ce  genre  de  vie  , 
qu'ils  avaient  embrassé  pour  sa  gloire.  Sur 
ces  faux  rapports  ,  les  inquisiteurs  firent 
des  informations.  Les  Ermites  furent  con- 
traints de  sortir  de  temps  en  temps  de  leur 
solitude  :  c'est  pourquoi  le  bienheureux 
Pierre  de  Pise  ,  pour  faire  cesser  celle  per- 
sécution, eut  recours  au  pape  Martin  V,  qui, 
persuadé  de  la  sainteté  de  ce  fondateur  et 
de  la  vie  exemplaire  de  ses  disciples  ,  leur 
accorda  une  bulle  le  21  juin  1421  qui  les 
exemptait  de  la  juridiction  des  inquisiteurs, 
déclarant  nulles  les  sentences  d'excommuni- 
cation qui  pouvaient  avoir  été  données  ,  et 
toutes  les  procédures  qui  pouvaient  avoir  été 
faites  contre  eux.  De  cette  manière  la  persé- 
cution cessa,  ce  saint  et  ses  disciples  furent 
en  plus  grande  estime,  et  on  leur  offrit  des 
établissements  en  plusieurs  endroits. 

Ils  avaient  déjà  des  couvents  à  Venise  ,  à 
Pesaro,à  Talachio,  Fano,  Trévise,  Crispano 
et  l'adoue;  mais  l'an  1422  ils  furent  reçus  à 
UrLin,  et  firent  un  nouvel  établissement  à 
Venise.  Comme  le  lieu  qu'ils  avaient  déjà 
dans  cette  ville  était  trop  petit  pour  conte- 
nir le  grand  nombre  d'Ermites  qui  y  demeu- 
raient ,  Luce  Contarini ,  femme  du  noble 
Henri  Delphiuo,  accorda  au  bienheureux 
Pierre  de  Pise  el  à  ses  compagnons  l'hôpital 
de  Saint-Job,  qu'elle  avait  fait  bâtir,  ce  qui 
se  fil  du  consentement  d'Henri  DelpLiino,  qui 
se  rendit  lui-même  disciple  du  bienheureux 
Pierre  de  Pise,  à  qui  cet  établissement  servit 
de  nouveau  motif  pour  exercer  sa  charilé  , 
servant  les  malades  et  leur  donnant  lous  les 
secours  spirituels  et  corporels  donl  ils 
avaient  besoin.  On  lui  donna  en  142V  l'église 
de  Sainl-Marc  de  Barocio.  L'an  1425  ,  il  alla 
à  Rome,  où  il  fit  amitié  avec  le  bienheureux 
Nicolas  de  Fourque-Palène  ,  qui  était  chef 
d'une  congrégation  d'Ermites  qui  fut  unie  à 
la  sienne,  comme  nous  dirons  dans  la  suile  , 
aussi  bien  que  celle  du  frère  Ange  de  Corse, 
qui  donna  à  notre  saint  fondateur  quatre  ou 
cinq  couvents  qu'il  avait.  Enfin  ce  saint  fon- 
dateur ,  ayant  été  appelé  à  Venise  pour  les 
affaires  de  sa  congrégation  ,  y  mourut  âgé 
de  quatre-vingts  ans  ,  le  1"  juin  de  l'an 
1433. 

Le  P.  Pierre  Bonnacioli,    général   de    cet 


595 


JER 


JEU 


894 


ordre  ,  dans  un  petit  livre  intitulé  Pisana 
Eretnus  ,  etc.,  imprimé  à  Venise  en  1692  ,  et 
qui  roniient  les  vies  en  abrégé  des  princi- 
paux saints  de  celte  congrégation  ,  parlant 
du  bienheureux  Pierre  de  Pise  ,  dit  qu'il  fut 
enterré  dans  le  même  hôpital  de  Saint-Job  , 
qui  fut  depuis  cédé  à  des  religieuses  de  l'or- 
dre de  Saint-Augustin.  Cela  semble  contraire 
à  ce  que  dit  le  P.  Papebroch  ,  que  le  bien- 
heureux Pierre  de  Pise  ,  étant  retourné  de 
Rome  à  Venise,  abandonna  ce  lieu,  les  amé- 
liorations qu'il  y  avait  faites  ayant  été  esti- 
mées afin  que  le  prix  lui  lût  rendu  pour 
l'employer  aux  bâtiments  qu'il  faisait  faire 
au  premier  couvent  qu'il  avait  eu  à  Venise 
dans  la  paroisse  de  Saint-Raphaël  ,  lequel 
couvent  s'appelle  aujourd'hui  Saint-Sébas- 
tien. Peut-être  aussi  que,  quoique  les  Er- 
mites de  Saint-Jérôme  aient  eu  des  raisons 
pour  abandonner  cet  hôpital ,  notre  saint 
fondateur  ne  laissait  pas  d'y  aller  pour  y 
continuer  ses  services  charitables  envers  les 
malades,  et  qu'étant  tombé  lui-même  mala- 
de ,  il  voulut  y  mourir  et  y  être  enterré  , 
parce  que  les  religieux  de  cette  congrégation 
n'avaient  pas  encore  d'église  ouverte  à  Ve- 
nise en  1435  ,  s'il  est  vrai,  comme  le  dit  l'a- 
nonyme qui  a  écrit  la  vie  de  ce  bienheureux 
en  1695  ,  que  ce  fut  le  pape  Calixle  III  qui 
leur  accorda  la  permission  d'en  avoir  une 
publique,  sur  l'appel  qu'ils  avaient  interjeté 
à  ce  pontife  d'une  sentence  rendue  par  saint 
Laurent  Justinien,  pour  lors  patriarche  de 
Venise  ,  qui  leur  défendait  d'en  avoir.  Cet 
auteur  s'est  néanmoins  trompé  en  citant 
cette  sentence  de  saint  Laurent  Justinien  de 
l'an  14-14,  puisqu'il  ne  fut  évêque  de  Venise 
que  l'an  1433,  et  premier  patriarche  de  la 
même  ville  que  l'an  1451;  mais  il  se  peut 
faire  que  ce  fut  sur  la  fin  de  l'année  1454 
qu'il  donna  cette  sentence,  puisqu'il  mourut 
le  7  janvier  1455  ;  ces  religieux  ont  pu  avoir 
appelé  de  sa  sentence,  non  pas  à  Calixte  111, 
mais  au  pape  Nicolas  V,  qui  vivait  au  com- 
mencement de  la  même  année  1455;  et, 
comme  il  mourut  aussi  au  mois  de  mars,  et 
qu'au  mois  d'avril  de  la  même  année  Ca- 
lixte III  lui  succéda,  rien  n'empêche  de  croire 
que  ce  fut  ce  pape  qui  leur  accorda  cette 
permission  d'avoir  une  église  publique,  que 
Nicolas  V,  auquel  ils  avaient  appelé  d'abord 
de  la  sentence  de  saint  Laurent  Justinien  , 
n'avait  pu  leur  accorder,  ayant  été  prévenu 
par  la  mort. 

Le  P.  Papebroch  dit  qu'il  peut  avoir  été 
enterré  dans  le  monastère  de  ces  religieuses, 
l'ayant  ainsi  désiré  ,  ou  peut-être  par  ordre 
du  sénat,  et  qu'il  y  en  a  aussi  qui  préten- 
dent qu'il  est  enterré  dans  l'église  de  Saint- 
Marc  ;  mais  qu'il  croit  qu'on  y  fit  plutôt  la 
cérémonie  de  ses  obsèques.  Ce  qui  est  cer- 
tain, c'est  que  les  religieux  de  son  ordre 
n'ont  pu  jusqu'à  présent  découvrir  l'endroit 
où  il  a  été  enterré  ,  soit  à  S  linl-Marc  ,  soit 
dans  ce  monastère  des  religieuses  de  l'ordre 
de  Saint-Augustin,  qui  demeurent  dans  cet 
ancien  hôpital  de  Saint-Job  ,  et,  quelques  di- 
ligences que  le  cardinal  Delei  ,  qui  était 
uonce  du  pape  auprès  de  la  républ  que  de 


Venise  en  1550,  y  apportât  pour  le  décou- 
vrir, elles  lurent  inutiles.  Comme  plusieurs 
papes,  principalement  Pie  V  et  Clément  VIII, 
ont  donné  à  eu  fondateur  le  litre  de  bienheu- 
reux, les  religieux  de  son  ordre  poursuivirent 
auprès  du  pape  Alexandre  VIII  la  permis- 
sion d'en  faire  l'office  ou  d'en  célébrer  la 
messe  dans  tout  l'ordre.  Le  pape  souscrivit 
la  commission  pour  sa  béatification  et  sa  ca- 
nonisation, et  nomma  pour  ponent  le  cardi- 
nal Casanalc,  protecteur  de  cet  ordre;  mais, 
comme  les  affaires  vont  fort  lentement  en 
cour  de  Rome,  ils  n'ont  pu  encore  obtenir  co 
qu'ils  souhaitaient. 

Après  la  mort  du  bienheureux  Pierre  de 
Pise.jle  bienheureux  Barthélémy  Malerba  de 
Césène  fut  le  premier  général  qui  prit  le  gou- 
vernement de  sa  congrégation,  comme  il  pa- 
rait par  une  bulle  d'Eugène  IV  du  22  février 
1437.  Il  avait  été  du  nombre  des  douze  pre- 
miers disciples  de  ce  saint  fondateur  ,  et , 
pendant  près  de  quinze  ans  qu'il  fut  général, 
il  fit  plusieurs  établissements,  dont  les  prin- 
cipaux furent  ceux  de  Vicence  et  de  Man- 
lone.  De  son  temps ,  la  congrégation  des  Er- 
mites du  bienheureux  Nicolas  de  Fourque- 
Palène  fut  unie  à  celle  du  bienheureux  Pierre 
de  Pise  ,  et ,  outre  les  privilèges  qu'il  obtint 
du  pape  Eugène  IV  pour  cet  ordre,  ils  eurent 
permission  de  pouvoir  prendre  les  ordres 
sacrés,  et  de  tenir  tous  les  ans  le  chapitre 
général.  Nicolas  V  ordonna  l'an  1453  qu'il 
se  tiendrait  à  l'avenir  tous  les  trois  ans  ,  et 
leur  permit  d'y  élire  un  général,  des  provin- 
ciaux et  quatre  définiteurs.  L'an  1476 , 
Sixte  IV  confirma  ce  qui  avait  été  ordonné 
par  Eugène  IV  et  Nicolas  V  touchant  la  te- 
nue des  chapitres  généraux;  mais  ,  comme 
par  les  constitutions  de  l'ordre  on  élit  pre- 
mièrement un  vicaire  général  ,  entre  les 
mains  duquel  le  général  elles  prieurs  se  dé- 
mettent de  leurs  offices,  et  qu'ensuite  tout  le 
chapitre  élit  quatre  Pères  qui  doivent  faire 
seuls  tous  les  prieurs  ,  et  que  ces  prieurs 
nouvellement  élus  par  ces  quatre  députés  du 
chapitre  doivent  élire  ensuite  le  général  , 
Sixte  IV  approuva  cette  manière  d'élection  , 
ordonnant  seulement  que  le  chapitre  élirait 
six  députés  pour  élire  les  prieurs;  mais  ce 
nombre  n'a  pas  toujours  é^éfi^e,  car  par  un 
autre  bref  d'Alexandre  VI  du  14  avril  1496  , 
il  est  permis  au  chapitre  d'en  élire  six  , 
quatre  ou  cinq  ,  comme  il  le  jugera  à  pro- 
pos. 

L'an  1444,  soifs  le  généralat  du  même  Bar- 
thélémy de  Césène,  on  y  dressa  les  premières 
constitutions  de  l'ordre,  qui  furent  impri- 
mées à  Venise  en  latin  et  en  italien  l'an  l'i88, 
et  on  commença  déjà  à  y  retrancher  quel- 
que chose  des  grandes  austérités  que  le  bien- 
heureux Pierre  de  Pise  avait  prescrites.  El- 
les furent  corrigées  et  mises  en  meilleure 
forme,  l'an  1540,  par  le  P.  Bernard  de  Vé- 
rone, qui  était  pour  lors  général,  et  reçues 
dans  le  chapitre  général  qui  se  tint  à  Bimini 
l'an  1549,  après  que  tous  ceux  qui  formaient 
cette  congrégation  eurent  protesté  qu'ils  ne 
prétendaient  pas  qu'elles  les  obligeassent  à 
aucun  péché  mortel,  ui  qu'on  les  nût  cou« 


69S  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX 

traindre  à  faire  des  vœux  solennels.  Dans  le 
chapitre  général  de  l'an  1629,  on  approuva 
de  nouvelles  conslilulions  qui  furent  reçues 
dans  celui  de  l'an  1638  et  derechef  publiées 
diins  le  chapitre  général  de  l'an  1041 -,  elles 
lui  eut  imprimées  en  latin  à  Pesaro,  et  on  fit 
encore  quelques  déclarations  et  quelques 
éclaircissements  sur  ces  constituions  dans 
le  chapitre  de  l'an  1644  :  ce  sont  ces  derniè- 
res conslilu  ions  qui  sonl  présentement  ob- 
servées dae.s  cet  ordre,  où  entre  autres  cho- 
ses on  a  retranché  l'abstinente  perpétuelle. 

Ces  religieux  ne  faisaient  que  des  vœux 
simples  et  pouvaient  disposer  de  leurs  biens, 
jusqu'en  l'an  1508,  que  le  pape  Pie  V.par  un 
bref  du  15  novembre  de  la  même  année,  leur 
ordonna  de  faire  des  voux  solennels.  En 
vertu  de  ce  bref,  le  cardinal  Louis  Cornelr, 
qui  était  protecteur  de  cet  ordre t  se  trans- 
porta au  couvent  de  Sainl-Onuphre  à  Rome, 
qui  appartient  à  cet  ordre,  et  j  reçut  la  pro- 
fession des  religieux  qui  y  étaient,  ce  qui  se 
fit  aussi  dans  les  autres  couvents,  laquelle 
profession  ils  firent  selon  la  règle  de  saint 
Augustin,  que  le  pape  leur  donna  aussi.  Le 
même  l'ie  V  confirma  leur  congrégation,  et 
leur  accorda  l'an  1507  tous  les  privilèges  des 
ordres  mendiants.  Il  confirma  derechef  leurs 
privilèges  l'an  15~1  et  leur  accorda  indul- 
gence plénière  en  forme  de  jubilé  le  qua- 
trième dimanche  de  carême,  laquelle  indul- 
gente le  pape  Grégoire  XIII  étendit  l'an 
1583  pour  toutes  les  personnes  qui  visite- 
raient leurs  églises  ce  jour-là,  ayant  aussi 
Confirmé  par  un  autre  bref  de  l'an  1581  tous 
les  privilèges  qui  leur  avaient  été  accordés 
par  ses  prédécesseurs.  Mais  Paul  V  leur  6la 
celui  que  leur  avait  accordé  Martin  V  qui 
les  exemptait  de  la  jmidiction  des  inquisi- 
teurs, Paul  V  ayant  voulu  qu'ils  y  fussent 
soumis.  Innocent  X  ne  leur  fut  pas  favora- 
ble, caril  leur  défendit,  l'an  1650,  de  recevoir 
des  novices  et  d'admettre  à  la  profession 
ceux  qui  étaient  déjà  reçus,  ce  qui  dura 
jusqu'en  l'an  1659,  que  le  pape  Alexan- 
dre VII,  à  la  prière  du  cardinal  Fagnani,  pro- 
tecteur de  l'ordre,  leur  permit  de  recevoir 
des  novices  et  de  les  admettre  à  la  pro- 
fession. 

Le  pape  Alexandre  VII  ayant  supprimé, 
l'an  1056,  l'ordre  des  chanoines  réguliers  du 
Saint-Esprit  à  Venise,  qui  était  réduit  à  n'a- 
voir qu'un  seul  monastère,  et  celui  des  Croi- 
siés  ou  Porte-Croix,  qui  de  vingt-cinq  mai- 
sons n'en  avaient  plus  que  quatre,  les  Ermi- 
tes de  Saint-Jérôme  de  la  congrégation  du 
bienheureux  Pierre  de  Pise  appréhendèrent 
pour  leur  ordre  :  c'est  pourquoi,  afin  de  faire 
connaître  que,  quoiqu'ils  n'eussent  que  deux 
provinces,  ils  avaient  néanmoins  plus  de 
quarante  maisons,  et  que  l'observance  régu- 
lière y  était  exactement  observée,  le  P.  Eu- 
sèbe  Jordau  de  Vicence,  religieux  de  cet  or- 
dre ,  docteur  en  l'université  de  l'adoue  et 
cousulteur  du  Saint-Office  dans  la  même 
ville,  fil  une  espèce  de  chronologie  de  ce 
même  ordre  sous  le  nom  de  Spicilége  hiato- 


51)0 

rique,  elc.  laquelle  fui  imprimée  à  Venise  en 
1050,  qui  est  l'année  où  finit  celte  chronolo- 
gie. Le  P.  Papebroch  croil  que  ce  fut  la  rai- 
son pour  laquelle  cet  ordre  ne  fut  pas  seu- 
lement compris  dans  la  liull°  de  Clément  IX 
de  l'an  1608,  qui  supprimait  les  congréga- 
tions dos  chanoines  séculiers  de  Saint-Geor- 
ges Jn  Alga  à  Venise,  des  Jésuates  de  Saint- 
Jérôme  ef  des  Ermites  de  Saint-Jêfônic  de 
Fiesoly  ;  mais  qu'il  a  été  encore  augmente 
dans  la  suite,  et  qu'il  a  reçu  dé  nouvelles  grâ- 
ces et  de  nouveaux  privilèges,  comme  il  pa- 
raît par  un  autre  spicilége  corrigé  et  aug- 
menté en  lo'Ji  par  le  P.  Pierre  Bonnacioli, 
général  de  cet  ordre,  que  le  P.  Papebroch 
n'a  pas  voulu  joindre  à  celui  du  P.  Eusèhc 
Jordan,  qu'il  a  inséré  dans  le  troisième  tome 
du  mois  de  juin  de  la  continuation  des  Actes 
des  Saints  de  Bollandus,  afin ,  dit-il ,  de  ne 
pas  prévenir  l'histoire  générale  de  cet  ordre, 
qu'il  espère  qu'on  donnera  un  jour  au  pu- 
blic. Il  est  vrai  que  l'an  1026  on  résolut  dans 
le  chapitre  général  qui  se  tint  à  Hyspida  au 
territoire  de  Padoue ,  de  travailler  à  celte 
histoire,  et  pour  cet  effet  on  nomma  deux 
cuslodes  auxquels  on  donna  le  soin  de  l'aire 
un  recueil  de  ce  qui  s'était  passé  dans  l'or- 
dre; mais  depuis  ce  temps-là  l'histoire  n'a 
point  paru,  et  ces  offices  de  custodes  ont  été 
supprimés  dans  la  suite  comme  inutiles.  C'est 
pourquoi  je  me  suis  servi  de  ce  dernier  spi- 
cilége, qui  m'a  élé  envoyé  par  les  religieux 
de  cet  ordre  qui  sont  à  Rome,  avec  la  vie  de 
leur  fondateur  imprimée  à  Venise  en  1695, 
qui  est  plus  ample  que  celle  que  le  P.  Ber- 
nardin Pucei  avait  donnée  et  que  le  P.  Pape- 
broch a  insérée  dans  la  continuation  de  Bol- 
landus au  Iir  juin. 

Cet  ordre  est  divisé  en  deux  provinces, 
qui  sont  celles  d'Ancône  et  de  ïrévise,  qui 
comprennent  environ  quarante  maisons, 
sans  compter  celle  du  Tyrol  et  de  Bavière, 
qui  appartenaient  à  certains  Ermites  qui  se 
joignirent  en  1095  à  ceux  du  bienheureux 
Pierre  de  Pise,  et  donl  nous  parlerons  dans 
le  paragraphe  suivant.  L'habillement  d r*  ceux 
d'Italie  consiste  en  une  robe  et  un  capuc  •  de 
couleur  tannée,  avec  une  ceinture  de  cuir,  la 
niozetle  du  capuce  étant  en  pointe  par  der- 
rière et  descendant  jusqu'à  la  ceinture;  mais 
ils  ne  mettent  point  le  capuce  sur  la  tête, 
ayant  toujours  un  bonnet  carré  dans  la  mai- 
son, et ,  lorsqu'ils  sortent,  ils  mettent  une 
chape  plissée  par  le  haut  et  qui  a  un  coilel 
assez  élevé,  el  portent  un  chapeau  noir  (i). 
Leurs  armes  sont  d'azur  à  six  petites  mon- 
tagnes surmontées  d'une  croix,  le  tout  d'or 
et  accompagné  de  quatre  étoiles  aussi  d'or, 
l'écu  timbré  d'une  couronne. 

Quant  à  leurs  observances,  ils  se  lèvent  à 
minuit  pour  dire  matines.  Ils  font  abstinence 
les  lundis  et  mercredis  à  la  volonté  du  supé- 
rieur, et  outre  les  jeûnes  rie  l'Kglise,  ils  jeû- 
nent depuis  le  premier  dimanche  de  l'avent 
jusqu'à  Noël.  Ils  prennent 'la  discipline  tous 
les  jours  pendant  le  carême,  excepté  les  sa- 
medis el  les  dimanches  ;  el  en  a  veut  le  lundi, 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  148  et  140. 


597 


JER 


JER 


508 


mercredi  et  vendredi,  lorsqu'il  n'arrive  poinl 
de  fêle  double  ces  jours-là.  Depiis  Pâques 
jusqu'à  la  fêle  de  l'Exaltation  de  la  sainte 
croix,  ils  font  l'oraison  après  noue,  qui  se 
dit  à  midi ,  cl  dans  un  autre  temps  ils  la  font 
;iprès  complies.  Tous  les  trois  ans,  le  troi- 
sième dimanche  d'après  Pâques,  il>  tiennent 
leur  chapitre  général  où  ils  élisent  leurs  su- 
périeurs qui  peuvent  être  continués  pour 
trois  autre*  années  dans  un  autre  chapitre. 
Si  le  générai  meurt,  le  provincial  de  la  pro- 
vince où  il  demeurait  gouverne  l'ordre  jus- 
qu'à l'élection  d'un  nouveau  général ,  qui  se 
fait  pour  lors  seulement  par  les  prieurs  de 
Rome  ,  de  Pesaro  ,  de  Venise  et  de  Padotie 
avec  l'autre  provincial.  Le  chef  de  cet  ordre 
est  à  Montebcllo.  Ils  ont  une  maison  consi- 
dérable à  Naples,  et  une  autre  à  Rome  sous 
le  nom  de  Saint-: 'nuphre  au  Mont-.îanus, 
dont  l'église  fut  érigée  par  Léon  X  en  une 
diaconie  cardinale,  et  que  Sixte  V  changea 
en  titre  d^  cardinal  prêtre.  C'est  dans  celte 
église  que  le  fameux  Torquato  Tasso  est  en- 
terré, aussi  bien  que  Guillaume Rarclai,  gen- 
tilhomme anglais  auteur  de  l'Argenis.  On 
voit  dans  la  même  église  une  épitaphe  assez 
particulière,  et  qui  f  lit  allusion  à  celui  qui 
est  enterré  dessous. 

D.  0.  M. 

Jacel  hic  jactus,  ictus  ariele  fali ,  Barlho- 
lomœus  Arietes  de  S<tbaudia,  ab  ejus  filio  Pâ- 
tre César e,  huj as  cœnobii  ricari  >,  hoc  lapide 
rectos,  suique  tegendi  quos  fatum  sic  arietabit. 
\  i.tit  annos  lxxii,  obiil  die  cxlix,  ante  a;  ic- 
Cis  rignum  mdcxxii. 

11  y  a  eu  dans  cet  ordre  plusieurs  person- 
nes d'une  éminente  sainteté,  comme  les  bien- 
heureux Pierre  Qualcérano, Nicolas  de  Four- 
que-Palène,  Rarlhélemi  de  Césène,  Laurent 
l'espagnol,  Paul  Quirino,  Philippe  de  Sainte- 
Agathe,  Marc  de  Manloue,  Bertrand  de  Fer- 
rare  el  plusieurs  autres ,  dont  les  vies  se 
trouvent  dans  le  livre  dont  nous  avons  déjà 
parlé ,  intitulé  Pisana  Eremus  ,  etc.  Le  P. 
François  Coccalini ,  qui  fut  élu  général  de 
cet  ordre  en  16i",  lui  ensuite  évêque  de 
Trau  en  Dalmalie  et  mourut  à  Venise  l'an 
1661. 

Rernardin  Pucci ,  Vit.  B.  Pétri  de  Pisis. 
Eusèbe  Jordan  ,  Spicilegium  histiricum  Be- 
/(/.  Pctr.  de  Pitis.  Pelr.  Ronnacioli,  Pisnna 
Eremus  etSpicileg.  historié.  Polyd  >r.  Virg. , 
De  Berum  inventoribus.  lib.  \n,  cap.  5.  Paul 
Morigia,  Orig.  de  Belig.,  lib.  i.  chap.  43.  Sil- 
veslr.  Maurol.,  Mar.  Océan,  di  luit.  gl.  Be- 
lig., lib.  vu.  Thadaeus  Bongiantinus,  de  Bea- 
tis  Pisanis;  et  Bollandus,  tom.  III ,  Junii  17. 
Philip.  Bonanni.  Catalog.  Ord.  reUg.,  tom  I, 
png.  121  et  122;  et  les  Constitutions  de  ce 
ordre. 

§  II.  Des  Ermites  des  congrégations  des  bien- 
heureux Ange  de  Corse  et  Nicolas  de  Four- 
gue-Palène,  de  Pierre  Malerba,  du  Tyrol, 
de  Bavière,  et  autres  unies  présentement 
à  celle  du  bienheureux  Pierre  de  Pise. 

Je  ne  suis  pas  du  sentiment  du  P.  François 
Htturdon,  religieux  du  Tiers  Ordre  de  Saint- 


François  ,  qui  prétend  que  la  congrégation 
des  Ermites  de  Saint-Jérôme  du  bienheureux 
Pierre  de  Pise  a  pris  son  commencement  el 
reçu  les  premières  instructions  des  obser- 
vances régulières  du  frère  Ange  de  Corse, 
proIVs  du  Tiers  Ordre  de  Sainl-Franç  is.  ni 
que  le  bienheureux  Pierre  de  I'i>e  U<  fut 
trouver  dans  l'ermitage  de  la  Seolca,  pi 
Rimini,  pour  ce  sujet,  puisqu'il  est  ce  l  in 
que  le  bienheureux  Pierre  de  Pise  comn 
sa  congrégation  à  Montebcllo  dès  l'an  1389, 
et  que  le  frère  Ange  de  C'>rse  ne  vint  demeu- 
rer à  la  Scolea,  comme  le  P.  Bourdon  en  de- 
meure d'accord,  que  l'an  1393,  où  il  bâtit  un 
ermitage  dans  un  lieu  qui  lui  fut  donné  par 
Charles  de  Malatesta,  seigneur  de  Rimini. 
Mais  si  ce  frère  Ange  de  Corse  n'a  pas  donné 
c  mmencement  à  "l'ordre  des  Ermites  de 
Saint-Jérôme  du  bienheureux  Pierre  de  Pise, 
il  a  ;;u  moins  procuré  ('accroissement  de 
cette  cong  égation  ,  ayant  remis  entre  les 
mains  du  seigneur  de  Rimini  l'ermitage  de 
la  Scolea  pour  le  donner  au  bienheureux 
Pierre  de  Pise  et  à  ses  disciples,  et  ayant 
aussi  cédé,  tant  en  son  nom  qu'en  celui  de 
ses  disciples  (tous  du  Tiers  Ordre  de  Saint- 
François  ,  qui  formaient  une  congrégation 
qui  portait  le  nom  du  frère  Ange  de  Corse  ) 
les  autres  couvents  qu'ils  avaient  au  nombre 
de  quatre,  outre  celui  de  la  Scolea,  savoir,  un 
à  Venise  dans  le  quai" ici-  de  Saint-Raphaël, 
un  sous  le  nom  de  Saint-Jérôme  proche  Ur- 
bin,  un  au're  appelé  Notre-Dame  des  Anges 
à  Novillara,  au  diocè.-e  de  Pêsa'ro,  el  le  qua- 
trième sous  le  nom  de  Notre-Dame  de  Misé- 
ricorde dans  le  diocèse  de  Ferrare. 

L'on  ne  sait  rien  de  la  vie  de  ce  frère  Ange 
de  Corse  ;  il  parait  par  une  bulle  d'Eugène  IV 
de  l'an  li32  qu'il  était  déjà  mort,  et  qu'il  ne 
restait  plus  aucun  de  ses  disciples  qui  sunis- 
sent  la  troisième  règle  de  saint  François.  Se- 
lon toutes  les  apparences,  ils  avaient  ton. 
embrassé  l'instilul  du  bienheureux  Pierre 
de  Pise,  qui,  appréhendant  qu'on  ne  l'inquié- 
tât à  l'avenir  dans  la  possession  des  cinq 
couvents  qui  avaient  appartenu  à  la  congré- 
gation du  frère  Ange  de  Corse  ,  à  cause  que 
par  les  contrats  d'acquisition  il  était  dit  que 
le  frère  Ange  les  acquérait  pour  lui  et  ses 
compagnons,  qui  étaient  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-François,  il  eut  recours  au  pape  Eu- 
gène IV  pour  approuver  la  cession  qui  lui 
avait  été  faite,  tant  par  le  comte  de  Rimini 
de  celui  de  la  Scolea,  que  des  quatre  autres 
par  le  frère  Ange  de  Corse  ,  ce  que  le  pape 
lui  accorda  par  cette  bulle  de  l'an  li32,  at- 
tendu qu'il  ne  restait  plus  aucun  des  disci- 
ples du  frère  Ange  de  Corse  qui  fissent  pro- 
fession du  Tiers  Ordre  de  Saint-François, 
déclarant  que  ces  maisons  appartenaient  au 
bienheureux  Pierre  de  Pise  et  à  ses  disciples, 
et  que  les  religieux  du  Tiers  Ordre  de  Saint- 
François  n'y  pouvaient  rien  prétendre. 

La  congrégation  du  bienheureux  Nicolas 
de  Fourque-Palène,  qui  était  aussi  du  Tiers 
Ordre  de  Saint-François,  fut  encore  unie  à 
celle  des  Ermites  du  bienheureux  Pierre  de 
Pise  l'an  Jii6.  Ce  bienheureux  Nicolas  do 
Fourque-Palène  fut  ainsi  nommé  du  lieu  do 


599 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


fiOO 


sa  naissance,  qui  esl  un  bourg  de  l'Abruzze 
du  diocèse  de  Sulmone,  au  royaume  de  Na- 
ples.  Il  était  prêtre  et  vécut  plusieurs  années 
dans  son  pays,  dans  une  grande  estime;mais, 
voulant  se  donner  à  Dieu  plus  parfaitement 
et  passer  le  reste  de  ses  jours  dans  la  péni- 
tence, il  prit  l'habit  du  troisième  ordre  de 
Saint-François,  et,  étant  fort  âgé,  il  vint  à 
Rome,  où  il  demeura  d'abord  dans  une  pe- 
tite maison  avec  un  compagnon  nommé  Re- 
naud de  Pièdmont.  Le  pape  Eugène  IV,  in- 
formé de  ses  vertus,  lui  donna  le  soin  d'une 
petite  église  sous  le  nom  du  Sauveur,  qui 
était  pour  lors  fort  fréquentée  par  la  dévo- 
tion des  fidèles.  Il  y  eut  encore  cinq  person- 
nes de  différentes  nations  qui  se  joignirent  à 
lui  dans  ce  lieu  avec  lesquelles  il  s'adonna  à 
diverses  œuvres  de  piété,  jusqu'à  ce  que 
Dominique  Zurlo  de  la  noble  famille  des  Ca- 
pèce  de  Naples,  s'étanl  joint  à  lui,  il  fut  dans 
ce  royaume  pour  y  visiter  certains  ermites 
qui  demeuraient  dans  une  solitude  de  la  pro- 
vince de  Labour  ;  mais,  ne  les  y  ayant  pas 
trouvés,  parce  qu'ils  étaient  allés  à  ISaples,  il 
s'y  rendit  aussi,  où,  avec  le  secours  de  ces 
ermites  et  de  ses  autres  compagnons,  qui 
vinrent  aussi  à  Naples,  il  fonda  un  monas- 
tère sous  le  nom  de  Notre-Dame  des  Grâces, 
qu'il  fit  bâtir  des  aumônes  qui  furent  don- 
nées au  frère  Dominique  Zurlo,  son  compa- 
gnon, par  les  personnes  les  plus  illustres  de 
la  ville,  qui  lui  étaient  alliées.  Le  bienheu- 
reux Nicolas  en  fut  le  premier  supérieur,  et, 
comme  il  venait  souvent  à  Rome,  il  y  rencon- 
tra le  bienheureux  Pierre  de  Pise,  avec  le- 
quel il  fit  amitié.  Ce  que  le  P.  Pierre  Ronna- 
ciolj  dit  dans  la  vie  de  ce  bienheureux,  que 
l'an  1425  il  se  fit  avec  ses  compagnons  dis- 
ciple du  bienheureux  Pierre  de  Pise,  ne  s'ac- 
corde pas  avec  ce  qu'il  dit  dans  son  Spicilége, 
que  ce  ne  fut  que  l'an  1446  que  sa  congréga- 
tion fut  unie  à  celle  des  Ermites  du  bienheu- 
reux Pierre  de  Pise  ;  ni  pareillement  avec  ce 
qu'il  dit  aussi,  que  le  bienheureux  Nicolas 
ne  fut  à  Naples  qu'après  avoir  quitté  l'église 
de  Saint-Sauveur,  que  le  pape  Eugène  IV  lui 
avait  donnée  ;  qu'il  ne  retourna  à  Rome  qu'a- 
près avoir  fondé  le  couvent  de  Notre-Dame 
des  Grâces,  et  que  c'est  dans  ce  temps-là 
qu'il  se  fit  disciple  du  bienheureux  Pierre  de 
Pise,  puisque  le  pape  Eugène  IV  ne  succéda 
à  Martin  V  que  l'an  1431. 

Il  n'y  avait  donc  seulement  qu'une  amitié 
réciproque  entre  les  bienheureux  Nicolas  de 
Fourque-Palène  et  Pierre  de  Pise,  qui  étaient 
tous  deux  chefs  de  deux  congrégations  dif- 
férentes, celle  du  bienheureux  Nicolas  fai- 
sant profession  de  la  troisième  règle  de  saint 
Eraoçois,  et  celle  du  bienheureux  Pierre  de 
Pise  ayant  seulement  quelques  constitutions 
ou  règlements  particuliers  que  ce  saint  fon- 
dateur lui  avait  prescrits.  Après  que  le  bien- 
heureux Nicolas  eut  vécu  quelques  années  à 
Rome  dans  une  grande  réputation  de  sain- 
teté, le  pape  Eugène  IV  lui  donna  le  couvent 
et  l'église  de  Notre-Dame,  proche  Florence  ; 
mais,  sur  ce  qu'on  lui  en  contesta  la  posses- 
sion ,  il  aima  mieux  l'abandonner  que  d'être 
exposé  à  l'envie  de  ceux  qui  la  lui  dispu- 


taient, quoique  l'évêque  de  Recanati,  que  le 
pape  avait  nommé  pour  juge  de  ce  différend, 
eût  prononcé  en  sa  faveur  par  une  sentence 
du  premier  mai  1435.  Le  pape  trouva  bon 
qu'il  retournât  à  Rome,  où  on  lui  donna,  l'an 
1439,  l'église  de  Saint-Onuphrc,  sur  le  mont 
Janus,  qu'il  céda  aux  Ermites  de  la  congré- 
gation du  bienheureux  Pierre  de  Pise,  l'an 
1446,  avec  le  monastère  de  Notre-Dame  des 
Grâces  de  Naples  et  les  autres  ermitages  j 
qu'il  avait  ailleurs.  11  y.  a  de  l'apparence  que  J 
ce  couvent  de  Notre-Dame  des  Grâces  n'était  ^ 
pas  grand'chose  pour  lors;  il  y  aurait  même  ' 
à  douter  si  véritablement  les  Ermites  de  la 
congrégation  du  bienheureux  Pierre  de  Pise 
le  possédèrent  dès  ce  temps-là  ;  car  Pompeio 
Sarnelli  ,  évêque  de  Riseglia  ,  dit  (Guid.  de 
forest.di  Napol.p.  153)  que  c'était  ancienne- 
ment une  petite  église  qui  appartenait  à  la 
famille  des  Grassa,  et  que  l'an  ISOOelle  fut 
accordée  au  bienheureux  Jérôme  de  Rrindisi, 
qui  fut  le  premier  qui  amena  de  Naples  des 
religieux  de  la  congrégation  du  bienheureux 
Pierre  de  Pise,  et  que  dans  ce  lieu  il  fit  bâ- 
tir un  monastère  et  amplifier  l'église  qui  est 
fort  belle  ;  mais  l'on  peut  croire  qu'il  a  aug- 
menté le  monastère  avec  plus  de  magnifi- 
cence qu'il  ne  l'était  du  temps  du  bienheureux 
Nicolas  de  Fourque-Palène,  comme  il  l'a  été 
aussi  dans  la  suite  par  les  religieux  de  cet 
ordre,  ainsi  que  le  rapporte  pareillement  le 
P.  Ronnacioli  dans  son  Spicilége,  où  il  mar- 
que que,  l'an  1447,  ce  fut  le  bienheureux 
Benoît  de  Sicile,  prieur  de  ce  monastère,  qui 
commença  à  faire  bâtir  l'église.  Le  P.  Pape- 
broch  rapporte  dans  toute  sa  teneur  le  brel 
que  le  pape  Eugène  IV  fit  expédier  pour  l'u- 
nion de  ces  deux  congrégations;  mais  il  y  a 
à  corriger  dans  la  date  de  ce  bref,  qui  est  des 
calendes  de  janvier  1440,  dans  la  vingt-uniè- 
me année  de  son  pontificat,  puisqu'il  fut  fait 
pape  le  3  mars  1431,  et  qu'il  ne  gouverna 
l'Eglise  que  quinze  ans;  ainsi  ce  ne  pour- 
rait être  que  la  quinzième  année. 

Quant  au  bienheureuxNicolas  de  Fourque- 
Palène,  deux  ans  après  l'union  de  sa  con- 
grégation avec  telle  du  bienheureux  Pierre 
de  Pise,  il  mourut  à  Rome  le  29  septembre 
1448,  étant  âgé  de  cent  ans.  Il  se  fit  plusieurs 
miracles  à  son  tombeau  qui  obligèrent  les 
religieux  de  sou  ordre  de  le  transférer  dans 
un  lieu  plus  décent  avec  la  permission  de  la 
congrégation  des  Rites,  l'an  1606;  et,  l'an 
1647,  les  habitants  de  Fourque-Palène,  lieu 
de  sa  naissance,  ayant  souhaité  avoir  de  ses 
reliques,  le  P.  Rémi  Landau,  qui  était  pour 
lors  général,  leur  donna  une  côte,  pour 
l'exposera  la  vénération  des  fidèles,  à  con- 
dition que  si  un  jour  on  faisait  un  établisse- 
ment de  religieux  à  Fourque-Palène,  leur 
ordre  serait  préféré  aux  autres,  et  que  la  re- 
lique du  bienheureux  Nicolas  serait  déposée 
dans  leur  église. 

L'an  1531,  les  ermites  de  Saint-Jérôme  de 
la  congrégation  du  frère  Pierre  de  Malerba, 
qui  demeuraient  dans  les  couvents  de  Sainte- 
Félicité  de  Romano  du  diocèse  de  Padoue, 
et  de  Saint-Fauslin  de  la  Tour  du  diocèse  de 
Vérone,  exposèrent  au  pape  Clément  VU 


COi 


JER 


JEP 


602 


que  leurs  couvents  et  les  lieux  qu'ils  habi- 
taient, qui  étaient  gouvernés  par  un  vicaire 
général,  dépérissaient  tous  les  jours  plutôt 
que  d'augmenter  ;  c'est  pourquoi  ils  dési- 
raient embrasser  l'institut  du  bienheureux 
Pierre  de  Pise  et  être  unis  à  sa  congrégation, 
s'il  voulait  y  consentir.  Le  pape  accorda  leur 
demande  par  un  bref  du  -2C>  janvier  1531; 
ainsi  ils  prirent  l'habit  des  Ermites  du  bien- 
heureux Pierre  de  Pise,  et  le  bienheureux 
Bertrand  de  Ferrare  fut  envoyé  par  les  supé- 
rieurs pour  leur  apprendre  les  observances 
de  cette  congrégation.  On  ne  sait  rien  de  la 
vie  de  ce  Pierre  Malerba.  Il  est  fait  mention 
dans  un  aclepassé  l'an  1465, qui  concerne  les 
religieux  de  la  congrégation  de  Fiesoli,  d'un 
Pierre  Malerba  de  Venise,  qui  y  servit  de  té- 
moin et  qui  y  est  qualifié  prêtre.  Il  pourrait 
peul-élre  avoir  été  le  fondateur  de  cette  con- 
grégation. 

Une  autre  congrégation,  sous  le  nom  des 
Ermites  du  Mont-Ségestre,  fut  aussi  unie  à 
celle  du  bienheureux  Pierre  de  Pise,  l'an 
1579.  Ces  Ermites  reconnaissaient  pour  fon- 
dateur le  bienheureux  Laurent,  espagnol  de 
naissance,  qui,  voulant  imiter  les  anciens 
ermites,  s'était  retiré  en  Italie  sur  le  mont 
Ségestre,  proche  Gènes,  où  il  avait  bâti  plu- 
sieurs cellules  séparées  les  unes  des  aulres 
pour  plusieurs  personnes  qui  voulurent  vivre 
sous  sa  conduite  et  qui  y  menaient  une  vie 
très-austère;  il  les  gouverna  jusqu'à  sa 
mort,  dont  on  ignore  l'année.  Il  y  a  de  l'ap- 
parence qu'elle  arriva  avant  l'an  1351,  car 
ce  fut  celle  année  que  les  frères  Jacques, 
aussi  espagnols,  Itapbael  d'Orgio  et  Jacques 
Galesio,  qui  étaient  du  nombre  de  ses  disci- 
ples, firent  bâtir  au  même  lieu  une  église 
sous  le  nom  de  Notre-Dame  de  l'Annoncia- 
tion de  la  Côte  de  Ségestre  de  Ponent,  avec 
un  monastère  qui  fut  amplifié  l'an  1450  par 
un  frère  Nicolas ,  qui  en  était  pour  lors 
prieur.  Quoique  les  religieux  de  ce  monas- 
tère et  les  autres  de  la  congrégation  du  bien- 
heureux Laurent  eussent  été  agrégés  l'an 
1579  à  celle  du  bienheureux  Pierre  de  Pise, 
ce  ne  fut  néanmoins  que  l'an  1581  que  le 
P.  Jean-Baptiste  de  Monte-Silice,  qui  en  était 
général,  prit  possession  de  ce  monastère  au 
nom  de  l'ordre.  L'on  ne  sait  autre  chose  de 
la  vie  du  fondateur  de  cette  congrégation  du 
Mont-Ségestre,  sinon  qu'il  paraît  par  des 
actes  publics  de  l'an  1520  qu'on  lui  donnait 
le  litre  de  bienheureux.  Le  martyrologe  ro- 
main fait  mémoire  d'un  saint  Albert  de  Gê- 
nes, que  les  religieux  de  la  congrégation  du 
bienheureux  Pierre  de  Pise  prétendent  avoir 
été  de  celle  du  Mont-Ségestre,  et  qui  mourut 
l'an  1450. 

Enfin,  l'an  1695,  plusieurs  ermites  du  Tyrol 
et  de  Bavière,  qui  vivaient  dans  différents 
endroits  et  en  commun,  demandèrent  aux. 
religieux  du  bienheureux  Pierre  de  Pise  as- 
semblés le  2  avril  de  la  même  année  dans 
leur  chapitre  général  à  Borne,  dans  le  cou- 
vent de  Saint-Onuphre,  d'être  unis  à  leur 
congrégation,  de  porter  le  même  babille— 

(1)  Voy.,  à  la  Ou  du  vol.,  u°  130, 


ment,  quant  à  la  forme, de  professer  la  même 
règle,  et  de  jouir  de  leurs  privilèges,  pro- 
mettant obéissance  aux  supérieurs  de  cet 
ordre;  ce  qui  leur  fut  accordé,  à  la  prière  de 
l'empereur  Léopold  I",  qui  avait  écrit  en 
leur  faveur  au  cardinal  Casanate,  protecteur 
de  l'ordre,  ce  qui  fut  confirmé  par  le  pape 
Innocent  XII.  Ils  se  sont  depuis  multipliés 
dans  ces  provinces,  où  ils  ont  fait  de  nou- 
veaux établissements.  Ils  observent  les  an- 
ciennes constitutions  de  l'ordre  dans  toute  la 
vigueur,  ne  mangent  jamais  de  viande,  vont 
nu-pieds,  sont  vêtus  de  gros  drap  et  portent 
la  barbe,  mais  non  pas  longue  (1).  Quant  à 
la  forme  de  l'habillement  et  à  la  règle,  ils  se 
conforment  à  ceux  d'Italie. 

Voyez  Vila  del  Bealo  Pielro  Gambacorti, 
pag.  48.  Pelr.  Bonnacioli,  Pisun.  Erem.  Eu- 
seb.  Jordan.,  Spicileq.  hist.;  et  Bolland.  tum. 
III  Junii. 

§  [III.  Des  ermites  de  Saint-Jérôme  de  Fie- 
soli, avec  la  vie  du  bienheureux  Charles  de 
Monlegrancli,  leur  fondateur. 

^  Nous  avons  dit,  en  parlant  des  Jéronymites 
d'Espagne,  qu'ils  avaient  tiré  leur  origine 
des  disciples  du  bienheureux  Thomas  de 
Sienne,  ou  ïhomasuccio  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-François;  nous  avons  aussi  montré 
dans  le  paragraphe  précédent  que  la  congré- 
gation des  Ermites  du  bienheureux  Pierre  de 
Pise  avait  reçu  son  accroissement  par  l'union 
des  congrégations  du  frère  Ange  de  Corse  et 
du  bienheureux  Nicolas  de  Fourque-Palèue, 
qui  étaient  pareillement  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-François.  Voici  encore  un  ordre  qui  a 
porté  le  nom  de  Saint-Jérôme,  qui  a  toujours 
été  distingué  de  ceux  d'Espagne  et  d'Italie, 
et  dont  le  fondateur  était  aussi  du  troisième 
ordre  de  Saint-François.  Il  y  en  a  qui  ont 
cru  que,  lorsque  les  disciples  du  bienheureux 
Thomasuccio  passèrent  en  Espagne,  l'ordre 
de  Saint-Jérôme  de  Fiesoli,  qui  est  celui  dont 
nous  allons  parler,  était  déjà  établi,  et  le 
P.  Papebroch  a  suivi  ce  sentiment  {ApudBol- 
land.,  loin.  IlIJun.,  p...),  mais  cela  ne  peut 
pas  être,  puisque  les  disciples  du  bienheu- 
reux Thomasuccio  passèrent  en  Espagne 
sous  le  règne  d'Alphonse  XI,  roi  de  Caslille, 
selon  le  témoignage  des  historiens  de  l'ordre 
de  Saint-Jérôme,  lequel  Alphonse  mourut 
Tan  1350,  et  que  l'ordre  des  Ermites  de  Saint- 
Jérôme  de  Fiesoli  ne  fut  commencé,  ou  plu- 
tôt que  le  bienheureux  Charles  de  Monte- 
graneli,  son  fondateur,  ne:se  retira  dans  la 
solitude  que  l'an  13C0. 

Quelques-uns  ont  prétendu  que  le  bien- 
heureux Charles  de  Montegraneli  était  gen- 
tilhomme florentin-;  il  est  sûr  au  moins  qu'il 
était  de  la  famille  des  comtes  de  Montegra- 
neli, qui  est  une  terre  dont  il  ne  reste  plus 
que  les  vestiges  entre  Sainte-Sophie  de  la 
Romagne  et  Saint-Pierre  de  Bagno,  dans  les 
Etals  du  grand-duc  de  Toscane;  et  il  se  peut 
faire  que  celte  famille  ait  été  agrégée  parmi 
les  citoyens  de  Florence,  comme  plusieurs 
autres  familles  nobles  de  cet  Etat.  Il  s'adonna 


003 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


m 


à  la  piété  dès  ses  plus  tendres  années,  car  il 
fréquentait  souvent  les  églises  et  s'appliquait 
à  la  prière  et  à  l'oraison;  il  avait  henucoup 
de  compassion  pour  les  pauvres  e!  les  mi-é- 
raliles,  et  autant  qu'il  le  pouvait  il  les  secou- 
rut   et  leur  donnait  libéralement  l'aumône. 
Quand    il  fut  en  âge  de  choisir  l'état   où  il 
(levait   passer  sa  vie,  il  prit  le  parti  de  l'E- 
glise et  reçut  les  ordres  sacrés  de-  mains  de 
l'évêque;  mais,  tendant  toujours  de  plus  en 
plus  à  la  perfection,  il  quitta  ses  parents,  ses 
amis,  et  tout  ce  qu'il  avait  de  plus   cher  au 
monde   pour  embrasser  le   Tiers  Ordre   de 
Saint-François,  et,  s'élant  associé  le  bien- 
heureux Gautier  de  Marzo,  qui  était  aussi 
du  môme  ordre,  il  se  relira  dans  la  solitude. 
Fiesoli,  autrefois  l'une  des  douze  premières 
villes  de  la  Toscane  et  le  séjour  des  augures 
et   des   devins   toscans,   était   si    puissante, 
qu'avec  le  secours  de  ses   habitants  Stilicon 
défit   Radag*aise,  roi  des  Golhs,  et  l'on  pré- 
tend qu'il  resta  plus  de  cent  mille  de  ces  bar- 
bares sur  le  champ  de  bataille;  mais  d;ms  la 
suite  des  temps,  les  Florentins  étant  devenus 
plus  puissants  que  les  Fiesolans,  ils  détrui- 
sirent Fiesoli,  l'an  10G0,  p'mr  accroître  Flo- 
rence,  et  il  n'en   reste  plus  que  les  ruines. 
Ce  fut  dans  ce  lieu  que  le  bienheureux  Charles 
se  retira  l'an  13G0.  Il  y  en  a  qui  lui  donnent 
d'abord  un  troisième  compagnon,  qu'ils  ap- 
pellent Redon  de  Mim'.egraneli;  mais  d'.iutrps 
croyent   que  ce  Redon  it  notre  saint  fonda- 
teur ne  sont  que  le  même,  et  que  Redon  pou- 
vait être  son  surnom.  Quoi  qu'il  en  soit,  à 
peine  fut-il  arrivé  à  Fiesoli,  qu'il  commença 
par   bâtir  une  petite  église  sous  le  nom  de 
Notre-Dame  du   Saint-Sépulcre,   que  quel- 
ques-uns  prétendent    lui   avoir  été  donnée 
par  l'évêque  de  Fiesoli.   Là   il  commença  à 
mener  une  vie  très-austère  et  pénitente  avec 
son   compagnon;    ils    employaient    presque 
tout   le  jour  et  une  partie  de  la  nuit  à  la 
prière  et  à  l'oraison;  leurs  jeûnes  et   leurs 
abstinences  étaient  presque  continuels,  un 
peu  d'herbes  ou  de  racines  avec  un  peu  de 
pain  faisait  toute  leur  nourriture,  et  ils  ne 
buvaient  que  de  l'eau.  Ils  ne  crurent  pas  ces 
austérités  suffisantes  pour  châtier  leur  corps, 
ils  y  ajoutèrent  encore  la  haire,  le  cilice,  les 
disciplines,   et  ils  inventaient  tous  les  jours 
de  nouvelles  mortifications.  Cela  n'empêcha 
pas  qu'il  n'y  eût  en  peu   de  temps  plusieurs 
personnes  qui   se  joignirent  à  eux  pour  les 
imiter  dans  ce  genre  de  vie;  de  sorte  que  le 
grand  Côme  de  Médicis,   qui  fut  honoré  du 
nom  de  Père  du  peuple,  et  de  Libérateur  de 
la  patrie,  leur  fit  bâtir  dans  un  lieu,  un  peu 
au-dessns  de  celui  où  ils  demeuraient,  un 
monastère  suffisant  pour  les  loger,  avec  une 
église  qui  fut  dédiée  sous  le  nom  de  Saint- 
Jérôme  ;  et,   charmé  de  la  beauté  de  ce  lieu, 
d'où  l'on  découvre  toute  la  ville  de  Florence 
et^une  grande  étendue  de  pays,  il  fit  encore 
bâtir  pour  lui   un  palais  au  pied  de  ce  mo- 
nastère. 

Le  premier  établissement  que  fit  notre 
saint  fondateur  après  celui  de  Fiesoli  fut  à 
Vérone,  où  ayant  été  appelé,  on  lui  donna 
l'église  de  Saint-Jean  du  Mont.  11  y  demeura 


quelque  temps,  et,  après  l'avoir  pourvu  d'un 
nombre  suffisant  de  religieux,  il  alla  à  Ve- 
nise, où  il  bâtit  un  couvent  sous  le  nom  de 
Notre-Dame  des   Grâces,  et  quelque  temps 
après  il  en   eut  un  autre  à  Padone  sous  le 
nom  rie  Saiot-.lérômc.  Voulant  affermir  sa 
congrégation,  il  en  demanda  la  confirmation 
au  pape  Innocent  VII,  l'an   14-06,   qui  la  lui 
accorda;  mais  la  mort  l'ayant  prévenu,  il  ne 
put  signer  les  lettres  qui  en  furent  dressées: 
c'est   ce  qu'on  apprend   par  un   bref  de  son 
sucre-seur,  Grégoire  XII,   daté   de    Monle- 
Fiore ,   au   diocèse   de   Rimini,  le  8  juillet 
1415,  qui  déclare  que  la  confirmaiiou  de  cet 
ordre  aura   lieu  du  jour  que  son  prédéces- 
seur  l'avait   accordée  ,  quoique   les   lettres 
n'en  eussent  pas  été  expédiées  à  cause  de  là 
mort  qui  l'avait  prévenu  ;  Ipsoque  praedecés^ 
sore  nostro,  sicut  Domino  plaçait,  super  i>u- 
jusmodi  concessionis  gratia  litteris  non  con- 
feclis  sublato  de  medio,  dit  le  pape  Grégoire 
XII  dans  sa  bulle,  nos  divina  favenle  démen- 
tiel ad  apicem  summi  apostolatns  assumpli, 
ne   ipsi  Carolus  et  socii  hujusmodi  conces- 
sionis frustreuentur  c/fectu,  roluimus  et  apo- 
stoliea  auctoritate  decrevinnis  quod  concessio 
ipsa  perinde  a  die  datée  ipsius  concessionis 
valeret   et  plenam  obtineret  roboris  firmita- 
tem,  ac  si  super  en    eiusdem  prœdecessoris 
lilterœ  sub  ipsius  diei  data  confectœ  fuissent. 
C'est  en  vertu    de  ce   bref,  qui   se  trouve 
dans  le  bifilaire  de  LaerlioChcrubini,  qu'As- 
cagne  Tamburin,  qui  l'a  rapporté  dans  louto 
sa  teneur,  met  rétablissement  de  l'ordre  de 
Saint-Jérôme  de  Fiesoïi  l'an  1406,   sous  le 
pontificat  d'Innocent  VU,  ce  qu'ont  fait  aussi 
Paul  Morigia  et  Loelius  Zecchius.  Mais  le  P. 
Gonon,  dans    ses  Vies  des  Pères  d'Occitenl, 
n'attaque  que  ce  dernier,  et   prétend   qu'il 
s'est  évidemment  trompé,  par  le  témoignage 
de  Casarubios,  Philippe  de  Rergame  et  d'une 
infinité  d'auteurs  qui  ont  mis  ce!   étah'issc- 
menl  l'an  1405.    Ce  sont  plutôt  ces  auteurs 
et  le  P.  Gonon  qui  se  sont  trompés,  puisque 
le  pape  Grégoire  XII  déclare  que  son  prédé- 
cesseur Innocent  VII  avait  accordé  la  con- 
firmation de  cet  ordre,  qu'il  en  avait  fait  ex- 
pédier les  lettres;  niais  que  la  mort,  qui  le 
prévint,  l'empêcha  de  les   signer.  Or,  il  est 
certain   qu'Innocent  VII  est  mort   en  1406, 
et  qu'il  ne  fut  pas  même  longtemps  malade, 
puisqu'il    fut    attaqué    d'apoplexie    dont    il 
mourut  le  6  novembre  de  la  même  année.  H 
y  a  bien  de  l'apparence  que  cet  ordre,  ayant 
obtenu  ce  bref  de  Grégoire  XII,  le  reconnais- 
sait encore  pour  souverain  ponlile,  quoiqu'il 
eût  été   déposé  dans   le  concile  de  Pise  le  5 
juin  1409;    mais,  comme    nous    l'avons    dit 
ailleurs,   l'on  voyait   pour  lors    trois   papes 
dans  l'Eglise.  Il  ne  faut  pas  s'étonner  si  Ché- 
rubin a  inséré  celte  bulle  dans  le   bullaire 
romain,  quoique  ce   pipe    ait    été   déposé; 
puisque  le  concile  de  Constance   approuva 
et  autorisa  tout  ce  qu'il  avail  fait,  non-seu- 
lement jusqu'au  jour  de  sa   renonciation  au 
pontificat,  qui  fut  faite  dans  la  quatorzième 
session  de  ce  concile,  qui  se  tint  le  quatre 
juille;  de  l'an  1415,  par  Charles  de  Alala- 
tesla,  seigneur  de  Rimini,  au  nom  de  ce  pim- 


605 


JEU 


m\ 


Ce6 


tife,  en  verdi  du  pouvoir  qu'il  en  avait  re- 
çu ,  mais  encore  jusqu'à  ce  que  celle  renon- 
cialion  eut  élé  noliliée  à  tout  le  inonde,  le 
concile  avant  pour  ce  sujet  donné  ternie  d'un 
mois. 

Après  que  le  bienheureux  Charles  de  Mon- 
icgrnneli  eut  obtenu  celle  bulle  de  Grégoire 
XII,  il  travailla  à  augmenter  sa  congréga- 
tion, à  laquelle  il  donna  le  nom  de  Société 
de  Saint-Jérôme.  11  eut  enfin  envie  d'aller  à 
Jérusalem  pour  y  visiter  le  saint  sépulcre  et 
les  autres  lieux  de  la  terre  sainte;  mais, 
pendant  qu'il  était  à  Venise  et  attendait  une 
occasion  favorable  pour  faire  ce  voyage,  il 
tomba  malade,  et  mourut  le  5  septembre 
1417,  après  avoir  recommandé  sa  société  au 
P.  Pierre  de  Gênes,  qui  en  fut  le  premier  gé- 
néral après  lui,  et  au  P.  Jacques  Filibcrli 
d'Alexandrie.  Il  fut  enterré  dans  son  couvent 
de  Venise,  et  son  chef  fut  transporté  plu- 
sieurs années  après  dans  celui  de  Fiesoli, 
où  il  a  élé  en  grande  vénération. 

Innocent  VII  avait  approuvé  cet  ordre 
sous  une  règle  et  des  conslitutions  de  saint 
Jérôme  tirées  apparemment  des  écrits  de  ce 
Père,  et  leur  avait  permis  de  faire  des  vœux 
solennels,  ce  que  Grégoire  XII  avait  con- 
firmé ;  mais  Eugène  IV,  l'an  144-1,  leur  don- 
na la  règle  de  saint  Augustin,  leur  permet- 
tant de  retenir  toujours  le  nom  de  Saint-Jé- 
rôme et  l'habit  qu'ils  avaient  accoutumé  de 
porler  dans  leur  société,  qu'il  voulut  qu'on 
appelât  à  l'avenir  la  Congrégation  de  Saint- 
Jérôme  de  Fiesoli,  établissant  le  couvent  de 
Fiesoli  pour  chef  de  celte  congrégation.  II 
ordonna  aussi  qu'ils  y  tiendraient  leurs  cha- 
pitres généraux  tous  les  ans,  où  ils  éliraient 
leurs  généraux  et  les  supérieurs  des  mai- 
sons, qui  pourraient  être  continués  tant  et 
si  longtemps  qu'ils  jugeraient  à  propos;  et 
que  dans  ces  chapitres  généraux  ils  pour- 
raient faire  des  constitutions  pour  le  bon 
gouvernement  de  cet  ordre.  11  les  obligea  à 
faire  les  vœux  solennels  d'obéissance,  de 
chasteté  et  de  pauvreté.  Il  les  soumit  à  la 
règle  de  saint  Augustin,  et  déclara  que  le 
P.  Jacques  Filibcrli  d'Alexandrie,  pour  lors 
général  de  cet  ordre,  serait  tenu  de  renouve- 
ler ainsi  sa  profession  entre  les  mains  de 
l'évêque  d'Ostie,  et  les  autres  religieux  de 
l'ordre  entre  les  mains  de  ce  général. 

L'habit  qu'ils  portaient  dans  cet  ordre,  et 
que  le  pape  Eugène  IV  leur  avait  permis  de 
retenir,  était  celui  du  Tiers  Ordre  de  Saint- 
François  que  le  bienheureux  Charles  de 
Moutegraneli  et  la  plupart  de  ses  premiers 
disciples,  qui  étaient  de  ce  Tiers  Ordre, 
avaient  voulu  toujours  porler  pour  se  res- 
souvenir de  leur  premier  élat;  mais  le  géné- 
ral et  quelques  religieux  de  cet  ordre  s'a- 
dressèrent l'an  1160  au  pape  Pie  II  pour  leur 
permettre  de  quitter  cet  habit,  afin  d'être 
distingués  des  religieux  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-François,  ce  que  le  pape  leur  accorda 
par  un  bref  du  20  mars  de  la  même  année, 
comme  il  parait  par  un  autre  bref  du  20août 
suivant,  où  ce  pape  fail  mention  de  ce  pre- 
mier bref:  Dudum  siquidem,  videlicet  sub 
(fatum  xm  calend.  Apr.,  pontificalus  nostri 


anno  seeundo,  dileelis  filiis'Jacobo  de  Alexan- 
drin tune  priori  generali  et  nniversis  fratri- 
bus  Socie'atis  Saneti  Hieronymi,  ordinis ejui- 
diin  saneti,  et  eorum  suceesuribns  ejusdem 
Suiieiatis  prwsrnlibus  et  ftttitris,  tune  ah  eo- 
rum primœvu  institution?  talem  habit um  qua- 
lem  Fratres  Tertii  Ordinis  Saneti  Francisci 
de  Pœniientia  nuncupati  et  nunnulli  Ëremitee 
gerunt  deferentibus,  et  ab  ipsis  Fremitis  et 
Fralribus  Tertii  Ordinis  hujusmodi  in  habita 
differentiam  habere  cupientibus  ili/ferentem 
habit  um  ad  cautelam  duntaxat  nb  eisdem 
Eremitis  et  Fratribus  Tertii  Ordinis  ejusdem 
coluris  reeipiendi  et  reeeptum  perpétua  ge- 
slandi  per  alias  noslras  concessimus,  etc. 
Mais  il  y  en  eut  plusieurs  qui  ne  voulurent 
point  quitter  cet  babil,  que  quelques-uns 
d'entre  eux  portaient  depuis  plus  de  quarante 
ans  :  c'est  pourquoi  ce  même  pape  permit 
à  ceux-là  de  retenir  toujours  cet  ancien  ha- 
bit, et  leur  accorda  deux  maisons  qui  appar- 
tenaient à  cet  ordre  pour  y  demeurer,  savoir 
Saint-Jérôme  de  Padoue  et  Saint-Pierre  de 
Vicencc,  les  ayant  absous  de  l'obéissance 
qu'ils  devaient  au  général  de  cet  ordre,  et 
les  soumettant  aux  ordinaires  des  lieux  où 
ils  auraient  des  maisons.  Il  ordonna  que  les 
religieux  qui  demeureraient  avec  l'ancien 
habit  s'appelleraient  les  Frères  de  Sainl- 
Jè, -à  me  de  la  congrétjalion  de  Frère  Charles 
de  Montegraneli,  leur  fondateur,  qu'ils  joui- 
raient des  mêmes  privilèges  de  tout  l'ordre, 
et  qu'ils  pourraient  faire  la  quèle  dans  les 
lieux  où  ils  demeuraient,  accordant  six  mois 
de  temps  à  tous  les  religieux  de  cet  ordre 
pour  faire  choix  de  cet  habit  et  de  la  con- 
grégation. Ainsi  ayant  divisé  cet  ordre  en 
deux  congrégations,  il  ordonna  qu'en  cas 
que  l'une  dis  deux  vînt  à  manquer,  soit  du 
nouveau,  ou  de  l'ancien  hatiit,  les  couvents 
et  les  biens  qu'elle  posséderait  appartien- 
draient à  celle  qui  resterait;  ce  qui  fui  con- 
firmé par  le  pape  Paul  II  l'an  1465;  et  pour 
lors  les  religieux  du  nouvel  habit  cédèrent 
ces  deux  couvents  de  Padoue  el  de  Vicencc 
à  ceux  qui  retinrent  l'habit  du  Tiers  Ordre 
de  sj.iiiit-Fiaiiçois,  comme  il  paraît  par  l'ado 
qui  en  fut  passé  par-devant  Ange  de  I'asa- 
lo,  évê  |ue  de  Feltri,  lequel  acte  est  rap- 
porté tout  au  long  dans  le  bref  dePaul  II,  du 
20  juin  de  la  même  année  1405.  Mais,  soit 
que  la  congrégation  de  ceux  de  l'ancien  ha- 
bit à  qui  le  pape  Pie  11  avait  donné  le  nom 
de  leur  fondateur  eût  été  éteinle,  et  que  les 
autres  du  nouvel  babil  fussent  entrés  dans 
la  possession  de  leurs  biens  el  de  leurs  cou- 
vents, cet  ordre  n'était  point  divisé  en  deux 
congrégations  différentes,  lorsqu'il  fut  sup- 
primé l'an  1068  par  le  pape  Clément  IX,  qui 
accorda  aux  prêtres,  pendant  leur  vie,  qua- 
rante écus  romains  par  an,  et  aux  frères 
laïques  vingt  écus.  Ils  avaienl  autrefois  plus 
de  quarante  maisons  ;  mais  ce  nombre  était 
bien  diminué  lorsqu'ils  furent  supprimes 
Ils  en  avaienl  une  à  Kome,  sous  le  litre  de 
Saint-Vincent  el  de  Saint-Anastase,  paroisse 
papale  que  Paul  V  leur  avait  donnée  en  1612, 
el  qui  depuis  leur  suppression  a  été  donnée 
aux  Clercs  Réguliers  Mineurs.  Le  cardinal 


007 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


60» 


Jules  Mazarin,  qui  avait  été  baptisé  dans 
celle  église,  l'avait  fait  rebâtir  avec  un  très- 
beau  portail.  Si  on  en  veut  croire  M.  Hcr- 
mant  dans  son  Histoire  des  Ordres  religieux, 
ces  Ermites  de  Fiesoli  subsistent  toujours, 
et  ont  encore  trente  ou  quarante  maisons  ; 
mais,  s'il  avait  lu  la  bulle  de  suppression 
de  r' ordre  des  Jésuates,  qu  il  reconnaît  avoir 
été  supprimé  par  le  pape  Clément  IX,  il  au- 
rait vu  que  ce  pontife  supprima  aussi  par  la 
même  bulle  les  Ermiles  de  Saint-Jérôme  de 
la  congrégation  de  Fiesoli,  et  les  chanoines 
de  la  congrégation  de  Saint  -  Georges  in 
Algha. 

Leur  habillement  consistait  en  une  tuni- 
que grise  serrée  d'une  ceinture  de  cuir,  un 
capuce  attaché  à  une  grande  mosette  et  une 
chape  plissée  par  le  cou  aussi  de  la  même 
couleur.  Ils  avaient  aussi  autrefois  des  san- 
dales de  bois  (1),  mais  ils  les  quittèrent  vers 
la  fin  du  xvr'  siècle. 

Voyez  Silvano  Razzi,  Vite  de  Santi  du 
Toscana,  pag.  G23.  Francesco  Cattani  da  Dia- 
cetto,  Vite  di  SS.  di  Fiesoli.  Gonon,  Vit. 
PP.  Occident.,  lib.  vi,  pag  386.  Wading., 
Annal.  Minor.,  tom.  V,  ann.  1405,  num.  18  ; 
tum.  VI,  ann.  1460,  ri.  43;  et  ann.  14-05,  m. 
7.  Francise.  Bordon.,  Chronolog.  Fratrum 
Tertii  Ord.  S.  Fruncisci.  Joan.  Max.  Vern., 
Annal,  cjusd.  Ord.  Silvestr.  Maurol.,  Mar. 
Océan,  di  tut.  gl.  Relig.  Paul  Morigia,  Tlist. 
de  toutes  les  Relig.  Ascag.  Tambur.,  De  Jur. 
Abbat.,  tom.  II,  disp.  24,  guœst.  4,  n.  72  ; 
Bullar.  Rom.  Polydor.  Virgil.,/>e  Rerum  In- 
ventoribus,  lib.  vu,  cap.  3.  Philipp.  Bergom., 
Supplem.  Chronic.  lib.  siv,  pag.  345.  Bo- 
nanni,  Catalog.  Ord.  relig.  part.  i. 

SECTION  TROISIÈME. 

MOINES    ERMITES    DE    SAINT -JEROME    DE 
L'OBSERVANCE,  OU   DE   LOMBARD1E, 

Avec  la  vie  de  Loup  d'Olmédo,  leur  fondateur. 

Siguença,  parlant  de  Loup  d'Olmédo,  in- 
stituteur des  moines  Ermiles  de  Saint-Jé- 
rôme, dit  que  ce  sont  des  ignorants  qui  ont 
écrit  qu'il  avait  réformé  l'ordre  de  Saint-Jé- 
rôme, et  qu'ils  devaient  savoir  ce  que  veut 
dire  le  mot  de  réformer,  qui  ne  signifie , 
selon  lui,  que  remettre  en  son  premier  état 
ce  qui  avait  élé  perdu  ou  corrompu  par  né- 
gligence :  Los  ignorantes  gue  dizen  en  sus 
cscritns  gue  fray  Lope  reformo  la  orden  de 
San-Geronimo,  no  deven  de  saper  de  guiere 
dezir  reformar.  Reformar  es  reduzir  una  cosa 
à  la  primera  forma  gue  se  ha  perdilo.  o  estra- 
gndo  par  negligencia  (llist.  de  la  Orden.  de 
San-Geràn.).  Je  veux  croire  que  l'ordre  de 
Saint-Jérôme  était  pour  lors  dans  toute  sa 
ferveur,  et  que  les  religieux  étaient  de  fidè- 
les observateurs  de  leur  règle  ;  mais,  comme 
le  mot  de  réformer  signifie  aussi  donner  une 
meilleure  forme,  on  aurait  pu  donner  en  ce 
sens  à  Loup  d'Olmédo  le  nom  de  Réforma- 
teur, puisqu'il  prétendait  changer  quelques 
anciennes  observances  des  Ermites  de  Saint- 


croynit  plus  convenables  à  leur  état,  et  qu'eu 
effet  il  donna  aux  religieux  de  sa  congréga- 
tion une  règle  tirée  des  écrits  de  saint  Jé- 
rôme, parce  qu'il  nécrosait  pas  que  celle  de 
saint  Augustin  fût  propre  pour  des  moines 
tels  qu'il  prétendait  que  les  religieux  de 
Saint-Jérôme  devaient  être.  Peut  êirc  que  le 
titre  de  Resuscitator  ordinis  S.  Hiéronymi 
qu'on  a  joint  à  celui  de  Reformator  dans  l'é- 
pitaphe  de  Loup  d'Olmédo  est  ce  qui  a  cho- 
qué Siguença,  el  qui  lui  a  fait  dire  que  cette 
épitaphe  n'était  pas  assez  modeste,  non  muy 
modesto.  Mais  je  ne  veux  point  entrer  dans 
leur  dispute,  et,  si  quelquefois  le  mot  de  ré- 
forme m'échappe  en  parlant  dans  la  suite 
des  moines  de  l'observance  de  Loup  d'Ol- 
médo, c'est  que  je  suivrai  les  historiens  de  sa 
vie  et  les  mémoires  qui  m'ont  été  donnés 
par  le  R.  P.  Antoine  Bonacina,  moine  de  la 
même  congrégation.,  ancien  lecteur  en  théo- 
logie, et  très-versé  dans  l'histoire  de  son 
ordre. 

Loup  d'Olmédo  naquit  l'an  1370  au  bourg 
d'Olmédo,  au  diocèse  d'Avila  en  Espagne, 
d'où  il  a  pris  son  nom.  Les  historiens  de  sa 
vie  ne  sont  point  d'accord  touchant  ses  pa- 
rents; les  uns  le  font  sortir  de  la  famille  des 
Gonzalez,  les  autres  des  Ferrari  de  Valence, 
et  d'autres  disent  qu'il  était  frère  de  saint 
Vincent  Ferrier,  qui  s'appelait  Ferreri.  Dès 
ses  plus  tendres  années,  il  méprisa  les  petits 
plaisirs  qui  sont  permis  aux  jeunes  gens  ;  il 
s'appliqua  à  former  sa  vie  sur  le  modèle  des 
plus  excellentes  vertus;  il  s'adonna  entière- 
ment à  l'étude  des  sciences,  et,  comme  Pé- 
rouse  était  pour  lors  le  lieu  où  florissaient 
les  belles-lettres  en  Italie,  il  y  fut  et  lia  une 
étroite  amitié  avec  dom  Odou  Colomne,  qui 
fut  élevé  dans  la  suite  au  souverain  pontifi- 
cat sous  le  nom  de  Martin  V,  et  qui  y  étu- 
diait aussi. 

Ayant  fini  ses  études,  il  retourna  en  son 
pays,  où  il  s'acquit  bientôt  l'estime  de  Fer- 
dinand, roi  d'Aragon,  qui,  le  jugeant  capable 
d'affaires  importantes,  l'envoya  auprès  de 
l'antipape  Benoît  XI11,  que  l'Aragon  recon- 
naissait pour  légitime  successeur  de  saint 
Pierre,  et  auprès  de  la  république  de  Cènes 
et  de  quelques  princes  d'Italie.  A  son  retour, 
il  voulut  l'élever  à  de  hautes  dignités,  mais 
il  les  refusa  courageusement  pour  se  retirer 
dans  le  monastère  de  Notre-Dame  de  Gua- 
daloupe  de  l'ordre  de  Saint-Jérôme,  dans  la 
province  d'Estramadure,  où  il  prit  l'habit 
religieux.  Il  n'abandonna  pas  pour  cela  le 
soin  de  ses  éludes,  il  les  associa  de  telle 
sorte  avec  la  prière  et  l'oraison,  que  l'un 
succédait  à  l'autre,  et  ces  exercices  n'étaient 
interrompus  que  par  le  peu  de  temps  qui 
lui  étail  nécessaire  pour  prendre  un  peu  de 
repos  el  de  nourriture. 

Ses  vertus  le  firent  en  peu  de  temps  pas- 
ser par  toutes  les  dignités  de  l'ordre  jusqu'à 
celle  de  général,  où  il  fut  élevé  l'an  1422, 
quoique  son  humilité  y  apportât  beaucoup 
d'opposition.  Ce  fut  dans  cet  emploi  qu'il  lé- 


Jérôme,  el  leur  en  donner  de  nouvelles  qu'il     moigua  son  grand  zèle  oour  l'observance 


fifi» 


JER 


JER 


CîU 


régulière.  Selon  les  historiens  de  sa  congré- 
gation, quoique  ceux  des  Ermites  d'Espa- 
gne disent  le  contraire,  il  apporta  tous  ses 
soins  pour  corriger  des  abus  qu'il  préten- 
dait être  dans  l'ordre.  Il  exhortait  les  ab- 
sents par  lettres,  il  sollicitait  les  présents  par 
ses  discours  à  la  pratique  des  vertus  et  à 
l'observance  de  leur  règle;  et,  afin  que  son 
exemple  les  animât  davantage,  il  se  retirait 
de  temps  en  temps  dans  la  solitude,  où  il 
gardait  une  perpétuelle  abstinence.  11  voulut 
bannir  du  réfectoire  l'usage  de  la  viande,  et 
inspirer  aux  religieux  l'esprit  de  retraite  et 
de  solitude  qu'ils  s'étaient  proposé,  et  où  ils 
vivaient  dans  les  commencements,  comme 
nous  avons  vu  dans  les  paragraphes  précé- 
dents; mais,  voyant  les  oppositions  qu'ils  y 
apportaient,  et  qu'ils  voulaient  toujours  per- 
sister dans  leur  manière  de  vie,  il  se  démit 
de  son  office,  et  se  retira  pour  quelque  lemps 
chez  les  Chartreux,  afin  de  former  sur  les 
exercices  de  ces  saints  religieux  la  réforme 
de  son  ordre  qu'il  méditait  toujours. 

Etant  assuré  de  quelques  religieux  qui 
voulaient  seconder  ses  pieuses  intentions,  il 
vint  à  Rome  l'an  lk2k,  sous  le  pontilical  de 
Martin  V,  qui,  à  cause  de  leur  ancienne  ami- 
tié, comme  nous  avons  dit,  lui  fit  un  accueil 
d'autant  plus  favorable,  qu'il  ne  venait  pas 
aux  pieds  de  Sa  Sainteté  pour  rechercher  sa 
propre  gloire,  mais  celle  de  Dieu,  qu'il  sou- 
haitait être  mieux  servi  dans  son  ordre.  11 
lui  exposa  donc  le  dessein  qu'il  avait  de  ra- 
mener les  religieux  à  l'état  monacal  et  à  la 
solitude,  ou  d'établir  un  ordre  nouveau  de 
moines  sous  le  litre  de  Saint-Jérôme  et  la 
protection  de  ce  Père  de  l'Eglse,  si  les  reli- 
gieux d'Espagne  persistaient  à  s'opposer  à 
ses  bons  desseins.  Le  pape  Ut  venir  d'Espa- 
gne les  définiteurs  de  l'ordre  pour  écouler 
leurs  raisons,  et  ils  lui  firent  de  si  humbles 
remontrances  pour  qu'il  ne  changâl  rien  de 
leur  manière  de  vie,  que  ce  pontife  le.i  ren- 
voya dans  leur  monastère  en  leur  accordant 
leur  demande. 

.  Mais,  ne  voulant  pas  que  les  desseins  de 
Loup  d'Olmédo  fussent  sans  effet,  il  lui  ac- 
corda une  bulle  datée  de  la  même  an- 
née 1 4-24,  par  laquelle  il  lui  permit  de  fon- 
der une  congrégation  sous  le  titre  de  moines 
Ermites  de  Saint-Jérôme,  dans  les  monta- 
gnes de  Cazalla,  au  diocèse  de  Sévill  ,  en 
Espagne,  l'établissant  gênerai  perpétuel  de 
celte  nouvelle  congrégation,  avec  un  pou- 
voir absolu  sur  ses  religieux  ;  il  lui  accorda 
d'autres  bulles  qui  contiennent  plusieurs 
privilèges,  et  la  communication  de  ceux  dont 
jouissaient  les  autres  Ermites  de  Saint-Jé- 
rôme, a^ec  la  confirmation  de  ce  nouvel  or- 
dre sous  la  règle  de  saint  Augustin. 

Il  retourna  donc  en  Espagne  muni  de  ces 
bulles,  et  jeta  les  fondements  de  sa  congré- 
gation dans  le  monastère  de  Saint-Jérôme 
de  l'Acella  au  mont  Cazalla  ;  et.  alin  que  ce 
nouvel  édifice,  étant  bâti  sur  des  fondements 
fermes  et  solides,  pût  être  élevé  plus  haut, 
il  ajouta  à  la  règle  de  saint  Augustin  des 


constitutions  très-austères  et  très-rigoureu- 
ses tirées  en  partie  de  celles  des  Chartreux. 
Elles  portaient  entre  autres  choses  que  les 
religieux  ne  pourraient  étudier  dans  le  cou- 
vent, et  ne  pourraient  en  sortir  pour  aller 
étudier  dans  les  universités,  selon  la  prati- 
que des  Chartreux,  alléguant  ce  passage  de 
l'Apôtre,  que  la  science  enfle,  et  que  la  charité 
édifie;  que  les  femmes  ne  pourraient  pas  en- 
trer dans  leurs  églises,  et  encore  moins  dans 
l'enclos  du  monastère  :  qu'on  ne  mangerait 
jamais  de  viande;  qu'on  ne  porterait  du 
linge  que  dans  les  maladies,  et  qu'ils  jeûne- 
raient depuis  la  fêle  de  saint  Jérôme  jusqu'à 
Pâques.  Loup  d'Olmédo  changea  encore  quel- 
que chose  de  l'habillement  des  religieux  de 
Saint-Jérôme  ;  car,  comme  il  fit  porter  aux 
religieux  de  sa  congrégation  le  nom  de  moi- 
nes, il  voulut  qu'ils  en  portassent  l'habit, 
leur  ayant  fait  prendre  une  coule  à  la  ma- 
nière des  moines  bénédictins,  qu'ils  portent 
au  chœur  et  lorsqu'ils  sortent  (1). 

l'eu  de  temps  après  qu'il  eut  fondé  son 
premier  monastère  de  Saint-Jérôme  de  l'A- 
cella, l'on  en  bâtit  encore  cinq  autres  dans 
ces  mêmes  montagnes,  et  ces  solitudes  se 
changèrent  en  des  colonies  de  moines.  Le 
pape  l'ayant  fait  venir  à  Rome,  lui  donna, 
l'an  1420,  le  monastère  de  Saint-Alexis  au 
mont  Avenlin,  qui  avait  été  occupé  jusque- 
là  par  des  Premontrés.  Ce  souverain  pon- 
tife, voulant  entretenir  la  paix  et  l'union 
entre  celle  congrégation  et  celle  des  Ermi- 
tes, donna  une  buile,  l'an  1428,  par  laquelle 
il  ordonnait  que  Loup  d'Olmédo  pourrait  ti- 
rer de  l'ordre  des  Ermites  d'Espagne  les  re- 
ligieux qui  voudraient  passer  dans  le  sien, 
et  que  les  biens  qu'ils  avaient  apportés  en 
entrant  dans  celui  des  Ermites  retourne- 
raient à  celui  des  moines  de  Loup  d'Olmédo  ; 
que  tous  les  couvents  d'Espagne  qui  vou- 
dra.eut  recevoir  les  constitutions  de  Loup 
d'Olmédo  le  pourraient  faire  après  en  avoir 
demandé  et  obtenu  la  permission  des  supé- 
rieurs ;  que  quand  les  Ermites  d'Espagne 
iraient  dans  les  cou\ents  des  moines  de 
Sainl-Jerôme,  et  réciproquement  les  moines 
dans  ceux  des  Ermites  de  Saint-Jérôme,  ils 
y  seraient  reçus  et  traités,  tant  en  santé 
qu'en  maladie,  comme  s'ils  n'étaient  tous 
que  d'un  même  ordre  et  d'une  même  cou- 
giegution;  et  qu'enfin  dans  les  deux  ordres, 
l'on  dirait  réciproquement  des  suffrages 
pour  les  religieux  qui  y  décéderaient.  Mais 
celte  bulle  n'apporta  pas  la  paix  dans  ces 
deux  ordres,  qui  n'entretinrent  pas  une 
trop  bonne  correspondance  entre  eux. 

Les  couvents  de  Loup  d'Olmédo  se  mul- 
tiplièrent cependant  en  Italie.  Le  second 
qu'ils  eurent  lui  a  Casleliacio,  à  un  mille 
de  la  ville  de  Milan,  qui  avait  été  fondé  par 
Jean  Galéas,  duc  de  Milan,  pour  les  Ermites 
de  Saint-Jérôme  d'Espagne,  et  qui  deman- 
dèrent d'être  unis  aux  moines  de  l'Obser- 
vance: c'est  ainsi  qu'ils  sont  nommés  dans 
les  bulles  de  plusieurs  papes.  L'on  ne  doit 
pas  passer  sous  silence  que  Philippe-Marie, 


(1)  Foi/.,  à  la  fin  du  vol.,  n03  15-2  et  155. 


Cil 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


612 


duc  deMilan.fils  de  Jean  Galéas,  ayant  offert 
à  Loup  d'Olmédo  de  gros  revenus  pour  ta  sub- 
sistance de.-,  religieux  de  ce  monastère,  il  les 
refusa,  disant  que  la  pauvreté  ne  pouvait  pas 
s'accorder  avec  le  superflu.  Après  avoir  ré- 
glé toutes  choses  dans  ce  monastère,  et 
après  avoir  fait  renouveler  à  ces  religieux 
le  vœu.  de  vivre  dans  l'observance,  il  alla  à 
Gènes  pour  prendre  possession  d'un  autre 
monastère,  d'où  il  retourna  à  Home,  où  il 
forma  le  dessein  de  composer  une  régie  tirée 
des  éciils  de  saint  Jérôme,  ne  trouvant  pas 
celle  de  saint  Augustin  propre  pour  des 
moines.  H  y  travailla,  et,  après  l'avoir  ache- 
vée, il  la  présenta  au  pape  pour  y  donner 
son  approbation,  ce  qu'il  lui  accorda,  l'an 
1429,  avec  la  permission  de  la  faire  observer 
à  ses  religieux,  au  lieu  de  celle  de  saint  Au 
gustin,  dont  il  les  dispensait.  Ainsi  ce  ne 
fut  point  parce  que  Loup  d'Olmédo  voulut 
faire  recevoir  celle  règle  tirée  des  écrits  de 
saint  Jérôme,  que  les  Ermites  d'Espagne  ne 
voulurent  point  embrasser  la  réforme, 
comme  quelques-uns  ont  écrit,  puisque 
le  pape  .Martin  approuva  d'abord  la  congré- 
gation de  Loup  d'Olmédo  sous  la  règle  de 
saint  Augustin,  et  que  ce  ne  fut  que  l'an 
1429  qu'il  permit  aux  religieux  do  cette  con- 
grégation île  prendre  la  règle  qui  avait  été 
tirée  des  écrits  de  saint  Jérôme  par  leur  fon- 
dateur. 

Siguença,  qui  en  quelqe.es  occasions  pa- 
raît peu  favorable  à  Loup  d'Olmédo,  ne 
peut  pas  néanmoins  s'empêcher  de  louer 
celle  règle.  Il  dit  qu'elle  est  écrite  avec  es- 
prit el  fidèlement  recueillie,  que  ce  sont  les 
plus  beaux  ce  nions  qu'il  ait  vus,  et  qu'ils 
méritent  plus  de  louanges  que  ceux  que 
Proba  Falconia  composa,  tués  d'Homère  et 
de  Virgile,  et  qui  sont  si  estimés  dans  le 
monde  :  Estuta  ordencula  con  buen  ingénia, 
diligeiiciu,  y  fielmenle  eugida,  y  los  mas  bien 
atados  centimes  que  yo  vislo,  dignos  de  mas 
estima  que  los  que  hizo  de  las  obrai  de  Virgi- 
lio  y  d'Homero  Prvba  Falconia,  tan  ulaba- 
dos  en  el  mondo. 

Loup  d'Olmédo,  pour  s'acquitter  de  son 
office  de  général,  résolut  après  cela  de  re- 
tourner en  Espagne  pour  y  faire  la  visite  de 
ses  monastères.  11  y  avait  pour  lors  quel- 
ques divisions  entre  les  évèques  de  Caslille, 
et  l'Eglise  de  Se  ville  élait  aussi  sans  pasteur. 
Après  la  mort  de  dom  Alphonse  de  Exéca, 
qui  en  élait  archevêque,  qui  arriva  l'an 
1417,  dom  Didace  Maldunat  de  Annaya  lui 
avail  succédé;  il  gouverna  son  diocèse  pen- 
dant quinze  ans;  mais  ayant  eu  différend 
avec  sou  chapilre  au  sujet  de  quelque  ré- 
forme qu'il  voulait  introduire  parmi  ses  cha- 
noines, ceux-ci  recherchèrent  sa  vie,  et  en 
firent  des  informations  peu  favorables  qu'ils 
envoyèrent  au  pape  Martin  V.  Ils  lui  repro- 
chaient entre  autres  choses  qu'etanl  au  con- 
cile de  Constance  en  qualité  d'envoyé  des 
rois  de  Caslille  el  de  Léon,  il  y  avait  favorisé 
l'antipape  Benoit  XIII.  Le  pape  en  élait  con- 
vaincu, et  avail.loujours  conservé  contre  ce 
prélat  quelque  ressentiment;  de  sorte  que 
ceci  joint  à  d'autres  faits   importants  dont 


on  l'avait  informé,  fit  que  ce  pontife  le 
priva  de  son  archevêché,  et  lui  donna  seule- 
ment le  titre  d'archevêque  de  Tarse.  Comme 
Loup  d'Olmédo  se  disposait  à  retourner  en 
Espagne,  lé  pape,  qui  le  connaissait  pour  un 
homme  expérimenté  dans  les  affaires,  lui 
donna  l'administration  de  cet  archevêché,  et 
un  pouvoir  pour  accommoder  les  différends 
qui  étaient  entre  les  évêijues  de  Caslille.  Il 
arriva  à  Séville  l'an  1429  ;  il  prit  d'abord  le 
gouvernement  de  cetle  Eglise,  et,  après  y 
avait  (ail  quelques  règlements,  il  alla  en 
Cas  ille  pour  s'acquitter  de  sa  commission.  Il 
réussit  si  bien  par  sa  sagesse  et  par  sa  pru- 
dence, que  tous  les  évêques  se  réunirent  en 
peu  de  t  mps,  et  vécurent  dans  la  suite  en 
parfaite  intelligence.  Etant  retourné  à  Sé- 
ville,  il  lit  un  autre  établissement  pour  sa 
congrégation.  H  y  avait  prêche  de  la  ville 
une  abbaye  sous  le  nom  de  Saint-Isidore  del 
Campo,  qui  était  extrêmement  riche  et  de  la 
fondation  des  comtes  de  Gusman.  Elle  avait 
été  possédée  par  les  moines  de  Cîteaux  ;  mais 
l'observance  régulière  en  ayant  élé  bannie, 
elle  fut  offerte  à  notre  fondateur,  qui  l'ac- 
cepta :  ce  qui  a  fait  donner  à  cette  congré- 
gation, par  quelques-uns,  le  nom  de  Saint- 
Isidore.  Il  y  lit  un  plus  long  séjour  que  dans 
le  palais  archiépiscopal;  et,  après  avoir  fait 
la  visite  de  ses  autres  monastères,  il  s'adonna 
entièrement  au  gouvernement  de  cette 
Eglise,  qu'il  quitta  pour  un  temps,  ayant  élé 
encore  envoyé  par  le  pape  pour  aller  l'aire 
la  visite  de  la  nouvelle  congrégation  des 
chanoines  séculiers  de  Saint-Jean  l'Evangé- 
lisle  en  Portugal,  dont  nous  avons  parlé. 
Etant  de  retour  à  Sév ille,  il  continua  à  gou- 
verner celle  Eglise  ;  mais  le  désir  qu'il  avait 
de  relouruer  dans  sa  solitude  fit  qu'il  remit 
entre  les  mains  d'Eugène  IV ,  qui  avait  suc- 
cédé à  Martin  V,  l'administration  de  l'Eglise 
de  Séville.  il  vint  quelque  temps  après  à 
Rome,  ou  en  ayant  rendu  compte  à  Sa  Sain- 
teté, il  se  relira  dans  le  monastère  de  Saint- 
Alexis,  dont  il  ne  sortit  plus.  11  y  mena  une 
vie  très-austère  jusqu'à  la  mort.  11  jeûnait 
six  ou  sept  mois  de  l'année,  et  le  plus  sou- 
vent au  pain  et  à  l'eau.  11  portait  continuel- 
lement le  cilice,  et  prenait  de  sanglantes 
disciplines.  Sou  lit  était  une  planche,  quel- 
quefois un  peu  de  paille.  Il  ne  vivait  plus 
que  pour  Dieu,  il  souhaitait  d'être  uni  avec 
lui,  il  soupirail  sans  cesse  après  celte  union; 
el  enfin,  accable  par  ses  austérités,  il  tomba 
malade  el  fui  attaqué  d  une  fièvre  violente 
qui  peu  de  jours  après  le  réduisit  à  la  der- 
nière extrémité;  c'est  pourquoi,  voyant  la 
mort  approcher,  il  demanda  avec  beaucoup 
d'humilité  les  sacrements  de  l'Eglise,  et, 
après  en  avoir  été  muni,  il  rendit  son  âme  à 
son  Créateur  le  13  avril  1433,  en  présence 
de  lous  ses  frères,  qui  fondaient  en  larmes, 
étant  âgé  de  soixante-trois  ans.  S  n  corps 
fut  euterré  dans  l'église  de  ce  monastère,  où 
on  lit  celte  épitaphe  sur  sou  tombeau. 

llic  jiiceC  R.  in  Chrislo  P.  F.  Lupus  dt 
Oliii'do  nations  Hispanus,  Resusciintor  el 
Reformafor,  ac  primus  Ueneralis  Prœposilus 
ordmis    Motitichuruin    Sancti    Jlieronymi, 


613 

Priarquehujus  monasterii,  qui  obiit  die  XIII 
Aprilis,  nnn.  M  CCCCXXX1JI,  Ponti/icatus 
Domini  Eugenii  Papœ  IV  ann.  III. 

Philippe  11,  roi  d'Espagne,  ûl  réunir  les 
monastères  que  cel  ordre  avail  eu  Espagne 
au  nombre  de  sept,  à  celui  des  Ermites  ou 
Jérony  miles,  l'an  1305.  Il  leur  en  reste  en  Ita- 
lie encore  dix-sept,  dont  le  principal,  et  qui 
est  chef  d'ordre,  est  celui  de  Sainl-Pierro  de 
l'Ospilali  tlo,  au  diocèse  de  Lodi  ;  les  autres 
sont  ceux  de  Saint-Alexis  à  Home,  où  réside 
ordinairement  le  procureur  général;  Saint- 
Paul  à  Albano,  Saiul-Jérômc  de  Caslellacio, 
Sainl-Cônie  et  Saint-Damicn  à  Milan.  Sainl- 
Carpofore  proche  de  Côine,  Saint-Jérôme 
proche  de  Novare,  S  ;inl-Jérôme  de  Biella, 
Sainte-Marie  de  Caramagna,  Saint- B;.r- 
bacien  à  Bologne,  Saint-Savin  à  Plai- 
sance, Siiinl-.M ictiel  à  Bremliio,  Sainl-Sigis- 
mond  à  Crémone,  Sainte-Marie  à  Hiadena, 
Saint-Jérôme  proche  de  Mantoue,  Saint-Mar- 
tin à  Pavie,  et  Saiuls-Oervais  et  Protai,  à 
Montébello,,  Le  général,  qui  prend  le  litre 
de  comte  de  l'Ospilaletlo,  l'ait  ordinairement 
sa  résidence  dans  ce  lieu  ;  il  porle  le  man- 
telel  et  le  camail  comme  les  prélats  de  Rome, 
et  se  sert  d'ornements  pontificaux  par  une 
concession  du  pape  Paul  V;  et  Urbain  VIII  lui 
permit  de  donner  les  ordres  mineurs  à  ses 
religieux. 

Ils  suivirent  d'abord  la  règle  de  saint  Au- 
gustin, comme  nous  avons  dit  ;  ils  prirent 
ensuite  celle  qui  leur  avail  été  prescrite  par 
leur  fondateur  Loup  d'Olmédo,  qu'il  avait 
tirée  des  écrits  de  saint  J.rôm,';  mais,  ap: es 
sa  mort,  ils  quittèrent  cette  règle  pour  pi  ca- 
dre celle  de  saint  Augustin,  qu'ils  suivent 
encore  aujourd'hui.  Il  y  a  cependant  des  au- 
teurs qui  ont  avancé  qu'ils  suivent  celle  que 
Loup  d'Olmédo  leur  a  donnée:  mais  lec/ii- 
traire  se  prouve  par  l'ordinaire  ou  rituel  de 
cette  congrégation,  qui  a  éle  réformé  dans 
le  chapitre  général  tenu  l'an  1014,  où,  en 
pailanldans  le  chapitre  deuxième  des  saints 
dont  ils  doivent  l'aire  l'office,  il  est  marqué 
que  le  28  février  ils  feront  l'olfi  e  double  de 
la  Translation  de  saint  Augustin,  dont  ils 
suivent  la  règle:  Die  28  Februarii  Translq- 
tionis  sancti  Augustini  episcopi  ac  EccLsiœ 
doctoris,  duplex,  sub  cujus  régula  nos  quoque 
mililamus.  11  en  est  aussi  fait  mention  dans 
la  formuledes  vœux,  ta  ut  des  moines  que  des 
frères  c  invers, qui  est  conçue  en  ces  termes: 
Moi  F.  N-,  d'un  tel  lieu,  promets  obéissance 
à  Dieu  tout-puissant,  à  lu  glorieuse  Vierge 
Marie,  à  notre  Pire  S.  Jérôme,  et  à  vous 
dom  N.,  prieur  de  ce  monastère  du  diocèse  de 
N.,  et  à  vos  successeurs  [sauf l'obéissance  due 
au  général  et  au  chapitre  général),  de  vivre 
sans  propre  en  chasteté,  selon  la  règle,  de  saint 
Augustin,  et  de  conformer  mes  mœurs  selon 
les  statuts  apostoliques  de  l'ordre  jusqu'à  ma 
mort.  Donné,  elc. 

Il  y  a  aussi  d  ans  cet  ordre,  outre  les  frères 
convers,  des  frères  commis  et  des  donnés 
qui  l'ont  des  vœux  en  celte  manière  :  Moi 
F*  N  ,  natif  de  .Y.,  pour  l'amour  de  Dieu  et  le 
êulut  de  mon  âme,  j'abandonne  et  donne  ma 
propre  personne  et  tous  mes  biens  présents  et 


JFR 


i;u 


à  venir,  droits  et  actions  qui  peuvent  m'uppar- 
tenir  présentement  ou  qiti  pourront  m'appar- 
tenir  à  l'avenir,  à  Dieu  totit-pnissant,  <1  la 
bonne  vierge  Marie,  à  notre  Père  saint  Jérô- 
me, et  à  vous,  don  S.,  qui  êtes  ici  présent 
pour  recevoir  mon  abandon  et  ma  donation, 
et  promets  obéis»  ince  à  vous  et  à  vos  succes- 
seurs (sauf  celle  que  je  dois  au  chapitre  géné- 
ral et  au  général)  ;  et ,  s'il  arrive  (ce  qu'il  Dieu 
ne  plaise)  que  je  sorte  d  ici  sans  permission, 
il  sera  permis  aux  serviteurs  de  Dieu  du  même 
ordre,  de  leur  pleine  autotité,  de  me  pour- 
suivre et  de  me  contraindre  par  force  de  re- 
tourner à  leur  service.  Il  n'y  a  p  int  de  reli- 
gieuses de  cet  ordre,  les  statuts  défendant 
expressément  d'en  recevoir.  La  règle  de  Loup 
d'Olmédo  défendait  aussi  aux  religieux  d'é- 
tudier, afin  d'être  plus  en  état  de  remplir  les 
devoirs  de  leur  étal,  dont  un  des  principaux 
était  d'élre  toujours  dans  la  retraite  et  dans 
la  solitude;  mais  les  statuts  qui  ont  été  dres- 
sés après  la  mort  de  Loup  d'Olmédo  ont  ré- 
tabli les  études.  Ils  tiennent  leurs  chapitres 
généraux  tous  les  trois  ans.  On  y  élit  le  gé- 
néral, les  définiteurs,  les  visiteurs  et  les  su- 
périeurs particuliers  des  maisons.  Us  se  lè- 
vent à  minuit  pour  dire  matines,  et  ils  ne 
mangent  point  de  viande  dans  leurs  maisons, 
si  ce  n'est  dans  celle  de  Saint-Alexis  à  Home, 
à  cause  qu'elle  est  située  en  mauvais  air. 
Outre  les  jeûnes  prescrits  par  l'Eglise,  il  y 
eu  a  encore  plusiem  s  qui  leur  sont  ordonnés 
par  les  statuts,  et  depuis  le  premier  octobre 
jusqu'à  Pâques  on  ne  leur  donne  aucune 
pitaii'  e  ie  soir,  les  lundis,  les  mercredis  et 
le>  samedis.  Leurs  constituions  furent  ap- 
prouvées par  le  pap;  Paul  V  l'an  1611. 

Quant  à  l'habillement,  les  moines  ont  une 
tu-mque  blanche  serrée  d'un  ceinture  de  cuir, 
un  scapulaire  de  couleur  tannée  auquel  est 
attaché  un  petit  capuce,  dont  ils  ne  se  ser- 
vent point  pour  se  couvrir  la  tête;  car,  lors- 
qu'ils n'ont  que  la  rolœ  et  le  scapulaire,  ils 
portent  un  bonnet  carré;  mais,  lorsqu'ils 
sont  au  chœur,  excepté  pendant  sexte, 
noue  et  compiles,  ils  metlent  par-dessus  la 
robe  une  coule  de  couleur  tannée,  qu'ils 
portent  aussi  allant  par  la  ville.  Ils  n'ont 
point  les  pieds  nus,  et  ne  portent  point  de 
sabols,  comme  dit  M.  Hermantdans  son  His- 
toire des  Ordres  religieux  ;  ils  n'en  ont  même 
jamais  porté.  Les  frères  convers  ont  pareil- 
lement une  tunique  blanche  et  un  scapulaire 
de  couleur  tannée,  et  au  lieu  de  coule  un 
manteau.  Les  frères  commis  ont  une  tunique 
de  couleur  tannée  et  un  manteau  de  même, 
et  les  frères  donnés  ou  oblals  qui  demeurent 
dans  les  monastères  ont  une  petite  tunique 
aussi  de  couleur  tannée  qui  ne  descend  que 
jusqu'aux  genoux;  mais  ceux  qui  sont  hors 
le  monastère  sont  vêtus  comme  les  séculiers. 
Cette  congrégation  a  pour  armes  d'azur  à 
des  nues  en  chef,  un  bras  issant  du  côté 
gauche  de  l'écu  en  partie  nu  et  en  partie  re- 
vêtu d'une  m  nche  de  couleur  tannée,  tenant 
à  la  main  une  pierre,  une  croix  de  bois  bro- 
chant sur  ie  tout,  et  un  lion  couché  au  pied 
de  la  croix  sur  une  terrasse  de  sinople,  l'écu 
timbré  d'un  chapeau  de  cardinal. 


613 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


f.lG 


Siguença,  Hist.  de  la  Ord.  de  S.  Geron. 
Herménégilde  de  S.  Pablo,  Origen  et  Con- 
tinuation de  rinst.  y  relig.  Geronim.  Silvest. 
Maurol.,  Mar.  Océan,  dilut.  gl.  Relig.  Pietr. 
Cresçenz.,  Prœsid.  Rom.  Pielro  Uossi,  Vil.di 
Lup.  d'Ohr.cdo.  Ascagn.  Tambur.,  De  Jur. 
Abbat.,  tom.  11.  Philip.  Rergam.  Supplem. 
Cluoni.,  lib.  xiv,  et  Statut,  et  Ord.  Mona- 
clior.  Erem.  Cong.  S.  Jeronymi. 

JÉRÔME  DE  LANZA.  Voy.  Jean  Paschase. 

JÉRONYMITES.  Voy.  Jérôme  (Ordre  de 
Saint-). 

JÉSUATES  (Ordre  des). 
§  lPr.  De  l'ordre   des   Clercs  apostotigues  ou 
Jésuates  de  Saint-Jérôme,  avec  la  vie  de 
saint  Jean  Colombin,  leur  fondateur. 

Si  les  provinces  se  glorifient  d'avoir  donné 
naissance  à  des  hommes  illustres  qui  se  sont 
fait  admirer  par  leur  science  ou  qui  ont  ex- 
cellé dans  quelque  art,  à  plus  forte  raison  se 
doivent-elles  estimer  heureuses  quand  elles 
produisent  des  personnes  qui  se  rendent  re- 
commandables  par  la  sainteté  de  leur  vie, 
accompagnée  d'une  grande  innocence  de 
mœurs,  qui  leur  font  mériter  le  culte  et  la 
vénération  des  fidèles.  La  Toscane  a  fourni 
des  personnes  illustres  de  toutes  les  façons, 
et  elle  a  l'avantage  qu'entre  les  saints  qu'elle 
a  donnés  à  l'Eglise  on  y  compte  plus  de  fon- 
dateurs d'ordres  que  dans  les  autres  provin- 
ces. Car,  outre  le  bienheureux  Etienne  Cioni 
de  Sienne,  fondateur  des  chanoines  réguliers 
de  la  Congrégation  de  Bologne,  et  les  sept 
fondateurs  de  l'ordre  des  Servites,  dont  nous 
donnerons  les  vies  à  l'article  de  ce  nom, 
nous  parlerons  dans  la  suite  de  saint  Jean 
Gualbert  de  Florence,  instituteur  de  l'ordre 
de  Vallombreuse;  du  bienheureux  Charles 
Granelli  de  Florence,  qui  a  donné  commen- 
cement à  la  congrégation  des  Ermites  de 
Saint-Jérôme  de  Fiesoli  ;  du  bienheureux 
Pierre  Gambacurti  de  Pise,  père  des  Ermites 
de  Saint-Jérôme,  présentement  surnommés 
du  bienheureux  Pierre  de  Pise,  leur  fonda- 
teur ;  du  bienheureux  Bernard  Ptolomei  de 
Sienne,  fondateur  dos  moines  du  Mont-Oli- 
vet;  de  saint  François  d'Assise,  patriarche 
des  Frères  Mineurs,  né  dans  l'Ombrie,  que 
les  géographes  regardent  comme  une  partie 
de  la  Toscane;  de  saint  Bernardin  de  Sienne, 
propagateur  de  l'observauce  du  même  or- 
dre; et  enfin,  en  rapportant  l'origine  des 
Clercs  apostoliques  ou  Jésuates  de  Saint- 
Jérôme,  nous  allons  donner  la  vie  de  saint 
Jean  Colombin  de  Sienne,  leur  fondateur. 

Ce  saint  tirait  son  origine,  du  côté  de  son 
père,  de  la  maison  des  Colombini,  et  du  côté 
de  sa  mère,  des  Tommasi,  toutes  deux  des 
plus  nobles  et  des  principales  de  la  ville  de 
Sienne,  qui  était  alors  une  république.  11  fut 
d'abord  engagé  dans  le  mariage,  et  épousa 
une  demoiselle  de  qualité  nommée  Biaise 
Bandinelli,  qui  sortait  aussi  d'une  famille 
encore  plus  illustre  que  celle  des  Colombini, 
pour  avoir  donné  à  l'Eglise  un  pape,  qui  fut 
Alexandre  III,  et  plusieurs  rardinaux,  et 
q.u'on  nommait  encore  de  Cerrélani,  à  cause 


de  la  terre  de  Cerréto,  qui  appartenait  à 
cette  famille. 

La  naissance  distinguée  de  Jean ,  jointe  à 
ses  grands  biens,  le  fit  passer  par  toutes  les 
charges  de  la  république  ,  dont  il  devint 
même  gonfalonier  ;  mais  il  n'en  était  pas 
plus  libéral  :  au  contraire,  son  cœur  était  si 
attaché  aux  richesses,  qu'il  était  uniquement 
occupé  des  moyens  de  les  augmenter  par 
toutes  sortes  de  voies  justes  et  injustes.  Un 
jour,  étant  venu  chez  lui  avec  un  grand  ap- 
pétit, et  ne  trouvant  point  le  diner  prêt  à 
l'heure  ordinaire,  il  se  mit  dans  une  colère 
étrange  contre  son  cuisinier,  et  s'emporta 
même  contre  sa  femme,  comme  si  c'eût  été 
sa  faute.  Celle  dame,  qui  était  fort  vertueuse, 
lâcha  de  l'adoucir;  et,  afin  qu'il  eût  de  quoi 
s'occuper  pendant  qu'on  apprêterait  le  dî- 
ner, elle  lui  mit  entre  les  mains  la  Vie  des 
Saints;  mais  Jean  la  rebuta  el  jeta  brusque- 
ment le  livre  par  terre.  Sa  femme  se  retira 
sans  lui  répondre,  et  Jean,  se  trouvant  seul, 
ramassa  le  livre.  Dieu  permit  qu'en  l'ou- 
vrant il  tombât  sur  la  vie  de  sainte  Marie 
Egyptienne;  elle  plaisir  qu'il  prit  à  la  lire  lui 
fil  oublier  le  repas  pour  lequel  il  avait  eu 
tant  d'impatience.  Il  fut  si  louché  de  cette 
lecture,  qu'il  commença  à  mépriser  ce  qu'il 
avait  le  plus  airné  jusqu'alors.  D'avare  qu'il 
était,  il  devint  fort  libéral  envers  les  pau- 
vres. Il  jeûnait  presque  lous  les  jours,  fré- 
quentait les  églises,  châtiait  son  corps  par 
des  austérités  et  des  mortifications  surpre- 
nantes ;  et  son  zèle  croissant  de  jour  en  jour, 
il  fit  la  proposition  à  sa  femme  de  garder  la 
continence  et  de  vivre  à  l'avenir  comme  frère 
et  sœur.  Cette  dame  était  encore  jeune  ;  mais, 
comme  elle  s'était  déjà  exercée  dans  toutes  les 
vertus,  elle  n'eut  pas  de  peine  à  consentir  à 
une  séparation  de  corps,  et  elle  n'eut  plus 
avec  lui  d'autre  liaison  que  celle  du  cœur. 

Jean  quitta  pour  lors  ses  riches  habits  et 
se  revêtit  de  l'étoffe  la  plus  vile  qu'il  put 
trouver,  se  souciant  peu  de  ce  que  le  monde 
eu  dirait.  Il  fit  de  sa  maison  un  hôpital  pour 
y  recevoir  les  pauvres,  les  étrangers  et  les 
malades.  Il  leur  lavait  les  pieds,  leur  donnait 
de  bons  lits  et  des  nourritures  en  abondance, 
les  servait  lui-même,  et  n'oubliait  rien  de  ce 
que  sa  charité  lui  pouvait  suggérer.  Il  s'as- 
socia dans  ses  saints  exercices  un  gentil- 
homme siennois  de  ses  amis,  nommé  Fran- 
çois de  Mino  Vincenti ,  qu'il  disposa  à  faire 
avec  lui  un  généreux  mépris  du  monde. 

Jean,  étant  tombé  malade,  et  voyant  que 
sa  femme  et  son  compagnon  le  traitaient 
avec  trop  de  délicatesse,  se  leva  de  son  lit 
lorsqu'ils  étaient  absents,  et  alla  au  plus 
pauvre  hôpital  de  la  ville  pour  s'y  faire  trai- 
ter avec  les  pauvres.  Sa  femme  et  François 
le  cherchèrent  inutilement  pendant  deux 
jours  chez  leurs  parents  et  leurs  amis;  el 
ayant  été  ensuite  dans  tous  les  hôpitaux,  ils 
furent  fort  surpris  de  le  trouver  dans  le  plus 
pauvre  de  tous.  Ils  le  firent  consentir  à  re- 
tourner chez  lui,  mais  ce  fut  à  condition 
qu'ils  ne  le  traiteraient  plus  avec  tant  de  dé- 
licatesse et  qu'ils  ne  lui  donneraient  que  de? 
aliments  grossiers, 


017 


IES 


JES 


018 


Etant  retourné  en  santé,  et  continuant  ses 
exercices  île  charité  avec  son  compagnon,  ils 
trouvèrent  à  la  porte  de  la  grande  église,  où 
ils  allaient  pour  entendre  la  messe,  un  pau- 
vre lépreux  toul  couvert  de  plaies.  Jean  le 
chargea  sur  ses  épaules  et  ne  rougit  point 
de  le  porter  chez  lui  à  travers  la. place  et  les 
rues,  devant  tout  le  momie.  Sa  femme  en  eut 
horreur  et  ne  put  souffrir  l'infection  de  ses 
ulcères;  elle  fit  même  ce  qu'elle  put  pour 
obliger  son  mari  à  le  faire  sortir  de  la  mai- 
son, mais  il  persista  à  le  vouloir  garder.  Il 
lui  lava  ses  plaies,  et  but  même  de  l'eau 
dans  laquelle  il  les  avait  lavées.  Il  retourna 
avec  son  compagnon  à  l'église  poury  entendre 
la  messe,  priant  sa  femme  de  rendre  quel- 
ques visites  à  ce  pauvre  pour  voir  s'il  n'au- 
rait point  besoin  de  quelque  chose  pendant 
leur  absence;  mais  elle  lui  déclara  qu'elle  ne 
pouvait  pas  lui  promettre  ce  qu'il  souhaitait, 
à  cause  de  la  grande  répugnance  qu'elle  res- 
sentait pour  ce  pauvre.  Cependant  elle  eut 
honte  île  sa  faiblesse,  et,  voulant  avoir  part 
au  mérite  de  cette  sainte  action,  elle  voulut 
entrer  dans  la  chambre  du  malade;  mais  elle 
sentit  à  la  porte  une  odeur  agréable  au  lieu 
de  l'infection  et  de  la  puanteur  dont  elle 
avait  eu  d'abord  de  l'horreur,  et  elle  fut  sai- 
sie d'un  si  grand  respect,  qu'elle  n'osa  passer 
outre.  Peu  de  temps  après,  Jean  et  François 
revinrent  de  l'église  avec  quelques  douceurs 
qu'on  leur  avait  données  pour  leur  malade. 
Cette  dame  leur  dit  ce  qu'elle  avait  senti.  Ils 
respirèrent  eux-mêmes  cette  odeur,  et  fu- 
rent encore  plus  surpris  lorsque,  étant  en- 
trés dans  la  chambre,  ils  n'y  trouvèrent  pus 
le  malade,  qni  était  Jésus-Christ  lui-même 
qui  avait  pris  la  forme  du  lépreux  :  ce  que 
Nolre-ScigiKur  confirma  à  Jean  dans  une 
vision  qu'il  eut  quelque  temps  après. 

Cet  événement  surprenant  fortifia  nos 
deux  saints  dans  la  résolution  qu'ils  avaient 
prise  de  tout  abandonner  pour  suivre  Jésus- 
Christ  pauvre.  11  leur  restait  à  chacun  une 
fille  de  leur  mariage.  Celle  de  Jean  était 
âgée  de  treize  ans,  et  celle  de  François  seu- 
lement de  cinq  ans.  Us  les  mirent  dans  un 
monastère  de  l'ordre  de  Saint-Benoit  dédié  à 
saint  Abundius,  et  que  le  vulgaire  a  toujours 
appelé  par  corruption  Sainte- Bonde.  Jean, 
ayant  déjà  distribué  une  grande  partie  do 
son  bien  aux  pauvres,  fit  trois  parts  de  ce 
qui  lui  restait.  11  en  donna  une  au  grand 
hôpital  de  Sienne,  une  autre  au  monastère 
de  Sainte-Bonde,  et  l'autre  à  l'hôpital  de 
Notre-Dame  de  la  Croix,  a  condition  qu'ils 
donneraient  une  certaine  somme  à  sa  femme 
tant  qu'elle  vivrait.  Pour  François,  il  donna 
tous  ses  biens  au  même  monastère,  à  condi- 
tion que  l'abbesse  serait  obligée  de  recevoir 
six  pauvres  filles  qui  voudraient  embrasser 
la  vii'  religieuse,  sans  qu'elles  fussent  obli- 
gées de  donner  aucune  dot.  H  mit  ensuite  sa 
tille  sur  l'autel  pour  l'offrir  à  Dieu,  et,  s'of- 
frant  encore  lui-même,  il  fit  vœu  de  chasteté, 
de  pauvreté  et  d'obéissance  en  présence  de 
tout  le  monde,  en  disant  qu'il  ne  prétendait 
point  que  le  monastère  fût  obligé  en  aucune 
façon  à  lui  rien  donner,  et  qu'il  ne  voulait 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  II. 


recevoir  de  lui  que  quelques  morceaux  de 
pain  dans  la  distribution  qu'il  avait  accou- 
tumé d'en  faire  aux  pauvres,  dont  il  voulut 
passer  un  acte  par-devant  notaire. 

Ces  deux  serviteurs  de  Dieu  commencè- 
rent pour  lors  à  ne  plus  vivre  que  d'aumô- 
ne-, allant  de  porte  en  porte  demander  du 
pain.  Ils  se  revêtireiil  d'un  habit  de  bure  et 
encore  tout  rapiécé,  cl  tant  l'hiver  que  l'été, 
et  quelque  temps  fâcheux  qu'il  fit,  ils  allè- 
rent toujours  nu-pieds  et  ne  couvraient  point 
leurs  (êtes.  Outre  les  cilices  et  les  disciplines 
dont  ils  déchiraient  leur  corps,  ils  inven- 
taient tous  les  jours  de  nouvelles  mortifica- 
tions. Pour  être  les  parfaits  imitateurs  de 
Jésus-Christ  ,  ils  voulurent  être  méprisés 
dans  le  lieu  même  où  ils  avaient  reçu  le 
plus  d'honneur.  Us  avaient  tous  les  deux 
exercé  les  principales  charges  de  la  républi- 
que; et,  comme  pendant  les  deux  mois  qu'ils 
avaient  été  du  nombre  des  neuf  prieurs  de 
la  ville,  ils  avaient  été  considérés  et  traités 
avec  beaucoup  de  respect  et  de  déféienco 
dans  le  palais,  aussi  voulurent-ils  pendant 
deux  mois  exercer  dans  le  même  lieu  les  of- 
fices les  plus  vils  et  les  plus  méprisables.  Il 
n'y  avait  pas  pour  lors  de  fontaine  dan*  le 
palais;  ils  allaient  tous  les  jours  à  celle  de  la 
place  puiser  de  l'eau  pour  y  en  porter,  et 
chargeaient  encore  sur  leurs  épaules  le  bois 
et  les  autres  choses  nécessaires;  ils  aidaient 
le  cuisinier  dans  son  office ,  lavaient  les 
écuelles,  balayaient  les  salles  et  la  place  qui 
est  devant  le  palais  ;  et ,  pendant  toul  le 
temps  qu'ils  s'employèrent  à  ces  actions 
d'humilité,  ils  n'y  voulurent  jamais  manger, 
mais  ils  allaient  demander  l'aumône  dans  la 
ville  pour  vivre. 

Une  manière  de  vie  si  surprenante  leur  at- 
tira beaucoup  de  railleries.  Quelques-uns  les 
regardèrent  connue  des  fous;  mais  il  y  en 
eut  aussi  plusieurs  qui  en  furent  vivement 
touchés,  et  qui,  voyant  le  nierais  qu'ils  fai- 
saient des  honneurs  et  des  richesses,  voulu- 
rent les  imiter.  Les  uns  entrèrent  dan-  des 
ordres  religieux  ;  d'autres  ,  eu  demeurant 
dans  leurs  propres  maisons,  se  contentaient 
d'y  mener  une  vie  chrétienne  et  reiirée; 
d'autres  enfin  se  joignirent  à  eux.  Ce  ne  fut 
néanmoins  quedeux  ans  après  leur  entier  re- 
noncement au  monde,  c'est-à-dire  l'an  1365, 
qu'ils  commencèrent  à  avoir  des  compa- 
gnons, et  on  les  voyait  souvent  tous  en- 
semble aller  par  les  rues  chantant  des  canti- 
ques, ayant  sans  cesse  le  nom  de  Jésus  à  la 
bouche  et  exhortant  les  pécheurs  à  faire  pé- 
nitence. 

Us  ne  recevaient  ceux  qui  voulaient  en- 
trer dans  leur  société  qu'après  de  rudes 
épreuves.  Le  plus  souvent,  au  rapport  de 
Alorigia,  qui  a  été  général  de  cet  ordre,  ils 
conduisaient  le  novice  par  les  ru  s,  ayant 
une  couronne  d'oliviersur  la  tête,  le  faisaient 
monter  sur  un  âne,  quelquefois  le  visage 
tourné  vers  la  queue;  et  ceux  qui  l'accom- 
pagnaient avaient  aussi  des  couronnes  d'o- 
livier en  tète  et  des  rameaux  en  main,  et 
criaient  sans  cesse ,  Vive  Jésus-Clirisl,  et 
loué  soit  à  jamais  Jésus-Christ.  D'autres  fois 

20 


6id 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


C20 


ils  le  conduisaient  nu  jusqu'à  la  ceinture,  les 
mains  liées  derrière  le  dos,  en  lui  disant  des 
injures,  et  exhortant  le  peuple  à  prier  Dieu 
pour  ce  misérable  pécheur;  mais  la  plupart 
du  temps  et  la  manière  la  plus  ordinaire 
parmi  eux,  c'était  de  conduire  le  novice  de- 
vant une  image  de  la  Vierge  qui  était  dans 
la  grande  place  de  la  ville,  et  là  ils  le  dé- 
pouillaient de  ses  habits  pour  le  revêtir  de 
méchants  haillons,  et  lous  avec  des  couron- 
nes d'olivier  en  tète  et  des  rameaux  en  main 
chaulaient  des  cantiques  spirituels.  Celte 
pratique  de  porter  des  couronnes  et  des  ra- 
meaux d'olivkr  était  particulière  à  ce  saint 
fondateur,  et  il  s'en  servait  dans  toutes  les 
cérémonies  d'éclat,  comme  nous  verrons  dans 
la  suite. 

Tant  de  mortifications  et  de  si  rudes  épreu- 
ves que  saint  Jean  Colombin  exerçait  envers 
ceux  qui  voulaient  être  ses  disciples,  n'em- 
pêchèrent pas  qu'en  moins  de  deux  ans  il 
n'en  eût  plus  de  soixante  et  dix,  parmi  les- 
quels il  y  en  avait  qui  étaient  des  principa- 
les noblesses  de  la  province.  Son  zèle  pour 
le  salut  des  âmes  ne  se  bornait  pas  seule- 
ment à  la  ville  de  Sienne,  il  parcourut  en- 
core les  bourgs  et  les  villages  de  la  Toscane 
pour  porter  les  pécheurs  à  la  pénitence,  et 
fit  beaucoup  de  fruits  dans  tous  les  lieux  où 
il  passa.  Comme  il  allait  un  jour  avec  trois 
ou  quatre  de  ses  disciples  à  Monlichellio, 
dans  le  territoire  de  Sienne,  et  qu'il  était 
obligé  de  passer  dans  une  terre  qui  lui  avait 
appartenu  et  où  il  avait  commis  beaucoup 
de  vexations,  il  se  dépouilla  tout  nu  jusqu'à 
la  ceinture,  se  fit  lier  avec  des  cordes,  et 
pria  ses  compagnons  de  le  tirer  avec  vio- 
lence, en  disant  tout  haut  aux  habitants  de 
ce  lieu  :  Vroilà  celui  qui  voulait  vous  faire 
mourir  de  faim,  et  qui  n'avait  point  de  com- 
passion des  pauvres,  qui  vous  prêtait  de 
mauvais  grain  dans  1 1  nécessité  pour  en  ti- 
rer de  bon  au  temps  de  la  récolle,  et  au  dou- 
ble de  ce  qu'il  avait  prêté,  et  qui  souhaitait 
que  le  blé  lût  bien  cher  aiin  de  s'enrichir. 

Le  nombre  des  disciples  de  ce  saint  fon- 
dateur augmentant  de  jour  en  jour,  il  vou- 
lut faire  approuver  son  ordre  par  le  pape 
Urbain  V,  qui  venait  d'Avignon  à  Rome;  il 
alla  au-devant  de  ce  pontife  avec  un  grand 
nombre  de  ses  disciples.  Ils  s'arrosèrent 
quelque  temps  à  Vilerbe,  en  attendant  sou 
arrivée;  et,  sachant  qu'il  devait  débarquer 
à  Cornéto,  ils  s'y  rendirent  et  se  trouvèrent 
au  port  avec  des  couronnes  d'olivier  sur 
leurs  têtes  et  des  rameaux  en  main;  et  lors- 
que le  pape  mit  pied  à  terre,  ils  s'écrièrent  : 
Lodaio  siâ  Gicsu  CKrîsto  et  viva  il  sanciis- 
urno  Pculie.  Ce  poiitifé,  les  voyant  habftléi 
d'une  manière  extraordinaire,  et  ayant  su 
ce  qu'ils  demandaient,  admira  leur  simpli- 
cité et  les  reçut  favorablement.  11  interrogea 
Jean  Colombin  sur  leur  manière  de  vie;  et, 
comme  ils  avaient  de  méchantes  robes  toutes 
rapiécées,  et  que  parmi  eux  il  y  avait  plu- 
sieurs gentilshommes  el  personnes  lettrées, 
il  leur  dit  qu'il   leur   donnerait  des    habits, 


qu'ils  devaient  avoir  de  quoi  couvrir  leurs 
têtes,  et  qu'il  consentait  qu'ils  allassent  nu- 
pieds,  mais  qu'il  voulait  qu'ils  portassent 
des  sandales  de  bob.  Lç  pape  alla  ensuite  à 
Viterbe,  où  ces  bons  religieux  l'accompagnè- 
rent. Mais  à  peine  y  furent-ils  arrivés,  que 
des  personnes  malintentionnées  les  calom- 
nièrent auprès  de  Sa  Sainteté,  les  accusant 
d'être  infectés  des  erreurs  des  fratricelies  ; 
de  sorte  qu'Urbain  V  donna  commission  au 
cardinal  Guillaume  Sudre,  évoque  de  Mar- 
seille, d'examiner  leur  doctrine.  Leur  inno- 
cence ayant  élé  reconnue,  le  pape  approuva 
leur  institut  l'an  1367,  et  donna  de  sa  pro- 
pre main,  à  ceux  qui  étaient  présents,  1  ha- 
bit qu'il  voulait  que  l'on  portât  à  l'avenir 
dans  cet  ordre,  savoir  :  une  tunique  blanche 
serrée  d'une  ceinture  de  cuir,  avec  une 
chausse  ou  chaperon  blanc  pour  couvrir  leur 
tète,  qu'ils  avaient  accoutumé  de  porter  sur 
l'épaule  lorsqu'ils  avaient  la  lêle  découverte, 
ordonnant  de  plus  qu'ils  porteraient  des  san- 
dales de  bois  (1)  ;  et  le  cardinal  Anglic  Gri- 
moard,  frère  du  pape  et  non  pas  neveu, 
comme  quelques  auteurs  ont  avancé,  et  qui 
était  aussi  évêque  d'Avignon,  leur  fil  faire  des 
manteaux  de  couleur  tannée  qu'ils  ont  aussi 
toujours  portés  depuis.  Il  n'est  pas  vrai  que 
ce  pape  leur  donna  la  règle  de  saint  Augus- 
tin, comme  plusieurs  historiens  ont  ilit  : 
Morigia,  qui  a  élé  général  de  cet  ordre,  doit 
ê're  cru  lorsqu'il  dit  que  ces  religieux  fai- 
saient les  trois  vœux  essentiels  de  religion 
sous  la  protection  de  saint  Augustin ,  et 
qu'ils  avaient  une  règle  que  leur  écrivit  un 
religieux  de  leur  ordre  qui  fut  fait  évêque 
de  Ferrare  ;  el  le  même  auteur,  parlant  des 
ordres  qui  suivent  la  règle  de  saint  Augus- 
tin, dit  encore  que  les  Jésuates  observaient 
la  profession  de  saint  Augustin,  mais  non 
pas  sa  règle,  parce  qu'ils  en  avaient  une 
qui  leur  avait  élé  donnée  par  un  de  leurs 
fri  res  qui  fut  fait  évêque,  laque'le  fut  con- 
firmée par  le  saint-siége.  Ce  lut  le  bienheu- 
reux Jean  de  Tossignan  qui  dressa  cette  rè- 
gle. Il  fui  fait  évêque  de  Ferrare  l'an  1431, 
et  mourut  l'an  143'J.  Us  ont  néanmoins  vé- 
ritablement suivi  la  règle  de  saint  Augustin 
dans  la  suite,  el  elle  est  à  la  tête  de  leurs 
dernières  constitutions  qui  furent  imprimées 
à  Ferrare  l'an  1641,  après  avoir  été  approu- 
vées l'année  précédente  par  le  pape  Urbain 
YJ1I,  qui  par  sa  bulle  appelle  leur  congré- 
gation la  congrégation  des  Jésuates  de  Saint— 
Jérôme  sous  la  règle  de  saint  Augustin,  et 
ces  constitutions  lurent  tirées  de  la  règle  de 
saial  Augustin,  de  celle  du  bienheureux  Jean 
de  Tossignan,  et  des  règlements  qui  avaient 
clé  faits  dans  leurs  chapitres  généraux. 

Le  nom  de  Jésuates  fut  donné  à  ces  reli- 
gieux, parce  qu'iis  avaient  toujours  le  nom 
de  Jésus  à  la  bouche;  et,  comme  dans  le 
commencement  ils  eurent  une  grande  dévo- 
tion à  saint  Jérôme,  ils  résolurent  de  le 
prendre  pour  leur  protecteur  et  avocat,  et 
dédièrent  en  son  honneur  la  plus  grande 
partie  des  églises  et  des  oratoires  qu'ils  pos- 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  u*  IS4. 


02! 


JES 


sellaient.  Ce  ne  fut  néanmoins  que  longtemps 
après,  l'an  1V92,  que  le  pipe  Alexandre  VI 
ordonna  que  les  religieux  de  cet  ordre  ne 
s'appelleraient  plus  simplement  Jésuates, 
niais  les  Jésuates  de  Saint-Jérôme,  ctdéfen- 
dil  à  toutes  les  congrégations  qui  bâtiraient 
dorénavant  des  églises  de  les  dédier  à  l'hon- 
neur de  saint  Jérôme,  dans  les  lieux  où  il  y 
en  avait  déjà  de  ce  nom  appartenant  aux  Jé- 
suates, et  que  dans  les  processions  publiques 
où  ils  avaient  droit  d'assister,  aucune  église 
ne  pût  porter  une  bannière  avec  l'image  de 
saint  Jérôme.  Depuis  ce  leinps-là,  cet  ordre 
a  toujours  été  appelé  les  Jésuates  de  Saiul- 
Jérôme  par  les  papes  successeurs  d'Alexau- 
dreVl;  le  nom  de  Clercs  apostoliques  leur 
fut  aussi  donné  à  cause  de  la  vie  apostolique 
qu'ils  menaient. 

Saint  Jean  Colombinne  survécut  pas  long- 
temps à  la  confirmation  de  son  ordre.  Comme 
il  retournait  à  Sienne  avec  ses  compagnons, 
il  fut  attaqué  d'une  grosse  fièvre  à  Bolscnne. 
On  le  mena  à  Aquapendcnte,  eu  l'on  espé- 
rait trouver  plus  de  secours  qu'à  Bolsenne; 
il  y  reçut  le  saiut  viatique;  et,  comme  ses 
disciples  souhaitaient  qu'il  pût  mourir  dans 
l'abbaye  de  Sainte-Bonde,  ils  le  conduisirent 
encore  plus  loin.  Ils  furent  cependant  con- 
traints, la  maladie  augmentant,  de  s'arrêter 
au  bourg  de  l'abbaye  Sainl-Sauveur,où  saint 
Jean  Colombin,  aprèsuvoir  reçu  le  sacrement 
de l'extrème-onction,  mourut  un  samedi, der- 
nier jour  de  juillet  de  l'an  13G7.  Les  reli- 
gieux n'exécutèrent  pas  ses  dernières  vo- 
lontés, car  il  avait  ordonne  qu'un  le  portât 
après  sa  morldansl'abb aye  de  Sainte-Bonde, 
pour  y  être  enterré  au  pied  de  la  muraille 
du  monastère,  et  qu'on  l'y  conduisit  les 
mains  liées  derrière  le  dos,  enseveli  dans 
un  linicul  et  porté  sur  un  âne;  mais  ils  le 
portèrent  sur  leurs  épaules  dans  une  caisse 
de  buis  avec  un  grand  nombre  de  flambeaux, 
et  les  peuples  des  lieux  où  ils  passaient  ac- 
couraient en  foule  puur  révérer  ce  saint 
corps;  plusieurs  même  par  dévotion  voulu- 
rent l'aecompagner  jusqu  à  l'abbaye  de 
Sainte-Bonde,  où  il  fui  enterré  avec  beau- 
coup de  pompe.  Il  fit  plusieurs  miracles 
qui  obligèrent  dans  la  suite  le  pape  Gré- 
goire X1ÎI  à  insérer  son  nom  dans  le  Marty- 
rologe romain  ,  et  le  pape  Sixte  V  a  ac- 
cordé indulgence  plénière  à  ceux  qui  le 
jour  de  sa  fêle,  laquelle  est  de  précepte  à 
Sienne,  visiteraient  l'église  de  son  ordre. 

Ce  saint  avait  nomme  pour  son  successeur 
dans  le  gouvernement  de  >on  ordre  le  bien- 
heureux François  Mino  Viucenli,  son  pre- 
mier compagnon;  mais  la  mort  ne  put  désu- 
nir que  pour  un  peu  de  temps  ces  deux  ser- 
viteurs de  Dieu,  qui  avaient  été  si  unis  sur  la 
terre  du  lien  de  la  charité.  Le  bienheureux 
François  ne  survécut  que  de  quinze  jours 
à  saint  Jean  Colombin,  et  alla  être  dans  le 
ciel  le  compagnon  de  sa  gb.ire,  comme  il 
avait  été  ici-baslccompagnon  de  seslravaux. 
Iltombamuladeles!  ptième  jour  après  la  mort 
de  ce  saint  fondateur  ;  cl,  étant  décédé  dans 
l'abbaye  de  Sainle-Boinle  le  l.'i  a  oui  de  la 
même  année,  il  fut  enterre  à  côte  de  saint 


JES  62lJ 

Jean  Colombin  dans  l'église  de  celte  abbaye. 
Ainsi  il  ne  prit  point  le  gouvernement  de 
l'ordre,  puisqu'il  fallut  bien  employer  six 
jours  à  porter  le  corps  de  saint  J<  an  Colom- 
bin du  lieu  où  il  était  mort  à  Sainte-Bonde, 
et  à  lui  rendre  les  derniers  devoirs  :  ainsi 
ceux  qui  ont  dit  que  cet  ordre  avait  fait  de 
grands  progrès  sous  le  gouvernement  du  B. 
François  Mino  Vincenti  se  sont  visiblement 
trompés. 

Ce  fut  le  P.  Jérôme  Dasciano  qui,  après  la 
mort  de  ces  deux  serviteurs  de  Dieu,  fut  le 
chef  de  ce  nouvel  ordre,  qu'il  étendit  en  plu- 
sieurs lieux  pendant  trente  et  un  ans  qu'il 
le  gouverna.  11  lit  des  établissements  à  San- 
Léonardo,à  CasUldurante,  à  Cilta  di  Cas- 
lello,  à  Arezzo,  à  Florence,  à  Pisloie,  à  Luc- 
ques,  à  Pise,  à  Sambuca  et  à  Bologne.  Cet 
ordre  fit  de  nouveaux  progrès  sous  le  P.  Spi- 
nello  de  Sienne,  qui  succéda  au  bienheureux 
Jérôme  l'an  1398,  et  qui  fui  général  pendant 
trente-quatre  ans,  aussi  bien  que  sous  le 
P.  Antoine  de  Venise,  qui  exerça  cette 
charge  pendant  vingt-cinq  ans.  Ce  fut  sous 
le  généralat  du  P.  Spinello  que,  l'an  1426, 
l'on  tint  le  premier  chapitre  général  de  cet 
ordre  dans  le  couvent  de  Bologne,  où  il  fut 
résolu  que  toute  l'autorilé  pour  le  gouver- 
nement de  l'ordre  serait  dans  la  personne  du 
P.  Spinello,  qui  était  déjà  chef  de  tout  l'or- 
dre, el  dans  celle  de  deux  autres  Pères  qu'on 
élut  pour  définitcurs.  Ce  fut  aussi  dans  ch 
même  chapitre  qu'on  reçut  la  règle  qui  avait 
élé  dressée  par  le  bienheureux  Jean  de  Tos- 
signan,qui  était  pour  lors  prieur  du  cou- 
vent de  l'errare,  et  qui  fut  dans  la  suite  évé- 
que  de  la  même  ville,  comme  nous  avons  dit. 
Le  second  chapitre  général  ne  se  tint  que 
i'an  liV2.  Dans  la  suite,  on  en  tint  un  loua 
les  quatre  ans  ;  et  dans  celui  qui  se  tint  l'an 
1458.  où  le  P.  Nicolas  de  Monlépulciano  fut 
é'u  général,  il  fut  ordonné  que  le  général 
ne  serait  plus  à  vie,  et  qu'à  chaque  chapitre 
on  en  élirait  un,  ce  qui  a  élé  observé  dans  la 
suite. 

Plusieurs  papes  ont  accordé  des  privilèges 
à  cet  ordre,  et  le  bienheureux  Pie  V,  en  le 
confirmant  derechef,  le  mil  au  nombre  des 
mendiants,  et  lui  accorda  les  mêmes  privU 
léges  dont  jouissaient  ces  ordres.  Pendant 
plus  de  deux  siècles,  les  religieux  jésualct 
n'étaient  que  des  frères  lais  qui  n'étaient 
ob'i^és  qu'à  réciter  par  jour  cent  soixante- 
cinq  Paler  et  autant  d'.lte.  Ils  se  trouvaient 
trois  fois  le  jour  à  l'oratoire  pour  en  di;  e  3 
chaque  fois  un  certain  nombre.  Ils  avaient 
cinq  à  six  heures  d'oraison  par  jour.  Après 
la  prière  du  matin,  le  supérieur  leur  faisait 
une  exhortation.  Tous  les  jours,  le  malin  et  U 
£oir,  ils  prenaient  la  discipline;  ils  récitaient 
aussi  l'office  de  la  sainle  Vierge,  mais  sans 
aucune  obligation;  el,  après  avoir  satisfait  à 
leurs  exercices  de  religion,  ils  allaient  aux 
hôpitaux  senir  les  malades,  ou  ils  travail- 
laient manuellement.  Mais  dans  la  suite  le 
pape  Paul  V,  par  un  bref  de  l'an  1G00,  leur 
permit  de  recevoir  les  ordres  sacrés,  et  de  re- 
nier le  grand  office  dj  l'Eglise,  selon  l'usage 
de  l'Eglise   romaine.  Le  pape  Urbain  VÎ1I, 


C2Ô 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


l'an  1624,  leur  Al  a  ce  te  chausse  ou  chaperon 
dont  ils  se  (ouvraient  la  lêle ,  et  leur  or- 
donna de  porter  un  polit  c.ipure  de  la  cou- 
leur de  leurs  manteaux.  Ce  fut  ce  même  pon- 
tife qui,  comme  nous  avons  dit,  approuva 
l'an  1610  leurs  nouvelles  constitutions,  qui 
ne  diminuaient  rien  de  leurs  anciennes  aus- 
térités, car  elles  les  obligeaient  à  prendre  en- 
core deux  fois  le  jour  la  discipline  pendant 
l'espace  d'un  Miserere,  d'un  iJe  profundis  et 
d'un  Pater,  avec  quelques  oraisons.  Depuis 
la  fêle  de  l'Ascension  jusqu'à  celle  de  la  Pen- 
tecôte, ils  ne  devaient  avoir  que  des  viandes 
quadragésitnales.  Depuis  ia  fêle  de  lous  les 
saints  jusqu'à  celle  de  saint  Grégoire  Thau- 
maturge, ils  faisaient  le  soir  une  plus  grande 
abstinence;  mais  pendant  l'aveut  ils  s'abste- 
naient de  viandes  permises  aux  jours  ordi- 
naires de  la  règle,  et  n'usaient  que  de  vian- 
des quadragésimales.  Ils  jeûnaient  aussi  de 
même  tous  les  vendredis  de  l'année  et  les 
veilles  de  quelques  fêles,  et  tous  les  lundis 
et  mercredis  ils  faisaient  abstinence,  ne  man- 
geant ces  jours-là  à  diner  qu'un  potage  et  du 
fromage,  et  le  soir  une  salade  et  du  fromage  ; 
quant  aux  collations  des  jours  déjeunes,  ils 
pouvaient  seulement  boire  un  coup  et  man- 
ger un  peu  de  fruit  sans  pain. 

Ces  religieux  s'occupaient,  dans  la  plupart 
de  leurs  maisons,  à  la  pharmacie,  et  dis! ri— 
buaieut  gratuitement  aux  paovres  des  médi- 
caments. II  y  en  avaitd  autres  où  ils  faisaient 
le  métier  de  distillateurs  et  faisaient  trafic 
d'eau-de-vie,  ce  qui  faisait  que  dans  quelques 
lieux  on  les  appelait  les  Pères  de  I  eau-dc- 
vie,  gli  Padri  dtli uqua  vita  ;  mais  dans  l'Etat 
de  Venise  ils  étaient  assez  riches,  ce  qui  fit 
que  la  république  demanda  leur  suppression 
à  Clément  IX,  afin  de  profiter  de  leurs  biens, 
qui  furent  employés  à  soutenir  la  guerre  que 
cette  république  avait  contre  les  Turcs  qui 
assiégeaient  pour  lors  Candie; ce  que  le  pape 
accorda  l'an  1668,  ayant  fait  subir  le  même 
sort  à  l'ordre  de  Saint-Georges  in  Alglia, 
dont  nous  avons  parlé  à  l'article  qui  porte 
ce  nom,  et  à  celui  des  Ermites  de  Sait) (-Jé- 
rôme de  Fiesoli,  qui  furent  aussi  supprimés 
par  la  même  bulle.  Ce  pontife  accorda  aux 
piètres  de  ces  ordres  pendant  leur  vie  qua- 
rante écus  romains ,  et  aux  frères  lais 
vingt  écus.  Le  général  des  Jésuates,  qui 
était  pour  lors  le  P.  Urbain  d'Aviano,  fut 
fait  curé  de  la  paroisse  de  Saint-Jean  de 
Malva,  à  Ruine,  qui  était  une  des  églises  que 
cet  ordre  possédait  dans  cette  ville.  L'autre, 
dédiée  aux  saints  Jean  et  Paul,  qui  est  un 
litre  de  cardinal,  a  été  donnée  dans  la  suite 
aux  prêlres  de  la  Mission  de  la  congréga- 
tion de  Al.  Vincent  de  Paul  par  le  pape  In- 
nocent  XII,  ayant  été  occupée  auparavant 
pendant  quelque  temps  par  des  Jacobins 
anglais  que  le  cardinal  de  Norfolck,  Anglais, 
y  avait  fait  venir,  et  qu  il  entretenait.  Les 
Jésuates  l'avaient  possédée  depuis  l'an  I'i48, 
que  le  pape  Nicolas  V,  à  la  prière  du  cardi- 
nal latin  des  Ursius,  la  leur  avait  accordée, 

(1)  Cari.  Barlhol.Piazza,  Opcr.  pie.  di  Romu,  tract. 
0,  tip.  5. 


021 

ce  cardinal  leur  ayant  aussi  donné  une  par- 
tie de  son  palais,  qui  était  joignant  cite 
église,  et  dont  ils  firent  leur  monastère. 

Cet  ordre  a  produit  beaucoup  de  person- 
nes illustres  tant  par  leur  sainteté  que  par 
leur  science;  car,  quoiqu'ils  ne  fussent  pen- 
dant les  premiers  siècles  de  leur  établisse" 
ment  que  des  frères  lais,  il  y  avait  ce- 
pendant parmi  eux  plusieurs  personnes  sa- 
vantes et  que  leur  mérite  éleva  dans  la  suite 
aux  dignités  de  l'Eglise,  comme  le  bienheu- 
reux Jean  de  Tossignan,  qui  fut  évoque  de 
Ferrare,  et  le  bienheureux  Antoine  de 
Sienne,  évêque  de  Foligny,  qui  fut  employé 
en  plusieurs  négociations  par  le  pape  Pie  11. 
Les  bienheureux  Jérôme  de  Venise  elJan- 
nette  de  Vérone  étaient  en  si  grande  estime, 
que  le  doge  de  Venise  Nicolas  Marcelle  vou- 
lut être  couronné  par  eux.  La  cérémonie  de 
ce  couronnement  se  voit  encore  peinte  à 
fresque  dans  le  réfectoire  du  couvent  de 
Saint-Barthélémy  de  Vérone,  qui  appartenait 
autrefois  à  cet  ordre,  et  qui  est  présente- 
ment occupé  par  les  religieux  du  Tiers  Or- 
dre de  Saint-François.  On  lit  au-dessous  de 
cette  peiniure  :  Serenissimus  V enetiarum 
prineeps  Nicolaus  Marcellus  a  B.  P.  Hicro- 
nymo  Venetoela.il.  P.Janelo  1  erone.nse,coro- 
nari  voluit,  anno  DominiMCCCC LXXII I  (1). 
Avant  leur  abolition,  l'archiconfraternilé 
du  Sauveur  au  Sancla  Sanctorum  de  l'Ëchelle- 
S.iinle,  à  Home,  donnait  le  jeudisaiutà  dînera 
six  religieux  de  cet  ordre  du  couvent  des 
saints  Jean  et  Paul,  et  à  six  autres  de  l'ordre 
de  Saint-Ambroise  ad  Nennis  du  couvent  de 
Saint-Clément,  et  après  le  dîner  on  leur 
donnait  à  chacun  une  paire  de  souliers,  un 
jule  (2)  et  un  pain.  Paul  Morigia,  qui  a  été 
général  de  cet  ordre  avant  que  le  pape  Paul  V 
eût  permis  à  ces  religieux  de  prendre  les 
ordres  sacrés,  a  donne  les  vies  de  soixante 
religieux  du  même  ordre,  morts  en  odeur  de 
sainteté.  Il  a  fait  encore  une  histoire  des  or- 
dres religieux,  celle  de  Milan,  et  soixante  et 
un  traités  sur  différents  sujets,  dont  il  est  fait 
mention  dans  l'épitapheque  George  Trivulce, 
comte  de  Melfe,  lui  fil  élever  après  sa  mort, 
qui  arriva  l'an  1604-,  et  qui  est  dans  l'église 
de  Saint-Jérôme  de  Milan,  qui  appartenait  à 
son  ordre. 

Ces  religieux  avaient  pour  armes  un  nom 
de  Jésus,  avec  des  rayons  d'or  en  champ  d'a- 
zur, et  au-dessous  une  colombe  blanche  par 
allusion  à  leur  fondateur  saint  Jean  Colom- 
bin.  M.  de  la  Faille  dang  ses  Annales  de  Tou- 
louse (I,  pag  187),  dit  qu'au  mois  d'avril  de 
l'an  1425  il  y  en  eut  cinq  qui  vinrent  dans 
cette  ville, et  s'adressèrenlauxcapiloulspour 
avoir  la  permission  de  s'y  établir,  ce  qu'ils 
leur  accordèrent  de  leur  autorité  et  sans 
assembler  les  bourgeois,  qui  s'y  opposèrent  ; 
mais  que  deux  capilouls  s 'étant  présentés 
au  parlement  pour  lui  demander  qu'il  lui 
plût  autoriser  leur  délibération,  cela  leur 
fut  accordé  par  un  arrêt  du  18  du  même 
mois.  Cet  auteur  ajoute  que  les  cellules  de 

(i)  Petite  pièce  d'argent  valant  sept  sous  et  demi 
d«  France. 


62a 


JES 


JES 


626 


ces  religieux  étaient  polîtes  et  basses,  ri 
devaient  élre  à  rez-de-chaussée,  à  certaines 
distances  le*  mies  des  autres,  COUltne  celles 
des  Camaldulcs  Cet  établissement  de  Tou- 
louse est  le  seul  que  je  sache  qu'ils  aient 
fait  hors  de  l'Italie. 

Voy.  Morigia,  Hisl.  des  Ord.  relit/.,  !iv. 
I,  chni>.  38,  39,  kO  ;  et  llist.  de  (jl.  Huomini 
Mus  t.  Giesuati.  Jo.  B.  Hossi,  Triumphus  di- 
vinœ-gratiœ  per  R.  Joann.  Colwnbinum. 
Anto.  Cortelli,  De  Paup.  Jesual.  confirmât. 
Leurs  Constitutions  imprimées  à  Ferrnre  en 
lii'il.  Silvest.  Maurol.,  Mar.  Océan,  di  hit  t. 
yl.  Relig.  Crescenz.,  Prend.  Rom.  Philip. 
Rnnanni,  Catulog.  omn.  relig.  Ord.  Giri  et 
Baillet,  Vies  des  Saints,  31  juillet. 

§  11.  Des  religieuses  Je  suai  es  de  Saint-Jérô- 
me, aree  la  vie  delà  bienheareuse  Catherine 
Cclombin  de  Sienne,  première  religieuse  de 
cet  ordre. 

Les  religieuses  Jésuates  de  Sainl-Jérômc 
n'ont  pas  eu  le  même  sort  que  les  religieux 
du  même  ordre,  rar  elles  ne  furent  pas  com- 
prise* dans  la  bulle  de  Clément  IX  de  l'an 
1668,  qui  supprimait  seulement  les  religieux 
de  cet  ordre,  sans  faire  mention  des  religieu- 
ses ;  c'est  pourquoi  il  en  reste  encore  quel- 
ques monastères  en  Italie.  Elles  ont  été  aussi 
instituées  par  saint  Jean  Colombin,  ce  qui 
ne  peut  pas  élre  arrivé  l'an  1357,  comme 
quelques  auteurs  ont  avancé,  puisque  Mo- 
rigia  dit  que  ce  ne  fut  qu'après  que  ce  saint 
fut  de  retour  des  missions  qu'il  fit  dans  la 
Toscane,  où  il  convertit  une  infinité  de  per- 
sonnes par  la  force  de  ses  prédications,  dont 
il  y  en  eut  plusieurs  qui  voulurent  être  de 
ses  disciples  :  ainsi,  comme  ce  saint  ne  se 
dépouilla  de  tous  ses  biens  et  qu'il  ne  com- 
mença sa  vie  apostolique  que  l'an  13(33,  et 
qu'il  ne  reçut  des  disciples  que  deux  ans 
après,  on  peut  mettre  le  commencement  des 
religieuses  Jésuates  un  peu  avant  la  confir- 
mation de  l'ordre  que  saint  Jean  Colombin 
obtint  du  pape  Urbain  V,  l'an  1367. 

Comme  le  zèle  de  ce  saint  fondateur  pour 
le  salut  des  âmes  s'étendait  indifféremment 
sur  toutes  sortes  de  personnes,  voyant  que 
le  nombre  de  ses  disciples  augmentait,  il 
voulut  aussi  établir  une  congrégation  de 
filles  qui  servissent  Dieu  dans  une  pauvreté 
aussi  grande  que  celle  qu'il  faisait  pratiquer 
à  ses  disciples.  Il  jeta  les  yeux  sur  une  de 
ses  cousines  pour  donner  commencement  à 
celle  congrégation.  Elle  s'appelait  Cathe- 
rine Colombin,  et  était  fille  du  seigneur 
Thomas  Colombin,  chevalier  de  l'ordre  de 
la  Sainte-Vierge  mère  de  Dieu,  que  le  vul- 
gaire appelait  les  Frères  Joyeux,  à  cause 
que  ces  chevaliers  étaient  mariés  et  vivaient 
a\ec  beaucoup  de  splendeur.  Cette  sainte 
fil  e  était  résolue  de  garder  sa  virginité,  et 
n'avait  jamais  voulu  entendre  à  toutes  les 
proposilionsqu'on  lui  avait  faitesdu  mariage. 
Elle  voulait  bien  se  consacrer  au  service  de 
Dieu,  mais  la  vie  pauvre  et  austère  que  me- 
nait saint  Jean  Colombin  l'épouvanta  d'a- 
bord à  la  première  proposition  que  le  saint 
lui  fit  de  l'embrasser  ;  et,  riche  qu'elle  était, 


elle  ne  pou  ail  s<  baodon- 

ner  piiui  a  >ei    ■''■>',■,,.  .   ,;..'.!.- 

demander  s  n  i  aio  île  p  >r  e  eô  ;  <>.  te,  comme 
faisaient  les  ilisei  les  de  s  i rit  Jean  Colom- 
bin. Cependant  ce  saint  demanda  si  forte- 
ment a  Dieu  qu'il  lui  plût  loucher  le  rieur 
de  sa  parente,  que  ses  prières  lurent  exau- 
cées, et  Catherine  se  soumit  à  toul  ce  qu'il 
voulut  lui  ordonner.  Elle  commença  d'a- 
bord par  distribuer  ses  biens  aux  pauvres 
sans  se  réserver  aucune  chose,  mettant 
toute  sa  confiance  dans  la  divine  providence. 
Elle  se  fit  ensuite  un  gros  habit  de  bure, 
dont  elle  voulut  être  revêtue  par  notre  saint 
fondateur  ;  et,  comme  il  y  avait  déjà  plu- 
sieurs tilles  et  femmes  veuv<  s  qui,  touchées 
par  ses  prédications,  menaient  en  leur  par- 
ticulier une  vie  retirée,  il  n'eut  pas  de  peine 
à  leur  persuader  de  suivre  l'exemple  de  la 
bienheureuse  Catherine,  et  elles  voulurent 
aussi  recevoir  le  même  habit  de  ses  mains. 
Ce  saint  leur  accorda  leur  demande,  et,  après 
les  avoir  revêtues  de  cet  habit  pauvre  et  mé- 
prisable aux  yeux  des  hommes,  il  leur  donna 
encore  un  voile  blanc  pour  couvrir  leur  léte. 
Elles  choisirent  la  maison  de  la  bienheureuse 
Catherine  pour  y  faire  en  commun  leurs 
exercices,  et  elles  élurent  pour  supérieure 
celte  sainte  fille,  qui  quelque  temps  après 
fil  bâtir  le  premier  monastère  de  cette  con- 
grégation à  Valpiatla,  ce  qui  n'arriva  ap- 
paremment qu'après  la  mort  de  saint  Jean 
Colombin. 

Il  est  difficile  d'exprimer  avec  quel  zèle  et 
quelle  ardeur  ces  saintes  religieuses  servi- 
rent Dieu  dans  celle  communauté  naissante. 
Elles  avaient  leurs  heures  marquées  pour  la 
prière,  l'oraison  et  les  lectures  spirituelles, 
auxquelles  elles  employaient  même  une 
bonne  partie  de  la  nuit.  Apres  leurs  exer- 
cices spirituels,  elles  s'occupaient  au  tra- 
vail des  mains  ;  et  pendant  ce  temps-là  il  y 
en  avait  toujours  une  qui  faisait  la  lecture 
ou  bien  toutes  ensemble  chantaient  quelques 
cantiques  spirituels,  ou  s'entretenaient  de 
saints  discours  qui  pouvaient  les  porter  à 
l'amour  de  Dieu  et  à  l'avancement  de  leur 
salut,  et  de  celle  manière  leur  vie  était  une 
continuelle  oraison.  Celait  une  chose  ad- 
mirable de  voir  leur  modestie  et  leur  rete- 
nue. On  n'entendait  jamais  chez  eles  le 
moindre  bruit,  tant  était  grande  leur  union. 
Tout  y  était  en  commun,  r,en  ne  fermait  à 
clef,  et  personne  n'avait  rien  en  propre,  puis- 
qu'elles n'admettaient  aucune  fuie  parmi 
elles  qui  ne  se  fût  auparavant  dépouillée  de 
tout  ce  qu'elle  avait  en  faveur  des  pauvres. 
Ainsi  elles  ne  vivaient  que  du  travail  de 
leurs  mains;  et,  si  le  gain  qu'elles  en  reli- 
raient n'était  pas  suffisant  pour  leur  en- 
tretien, elles  allaient  par  la  ville  demander 
l'aumône  le  visage  couvert,  ne  s'arrélant 
avec  personne  pour  parler  ;  et  à  leur  retour 
il  ne  leur  était  pas  permis  de  s'entretenir 
de  ce  qu'elles  avaient  vu  dans  la  ville. 

Non-seulement  ces  saintes  religieuses,  qui 
étaient  la  plupart  filles   ou  veuves  d 
tilshommes  et    des  plus  qualifiés  de" 
cauc,  étaient   revêtues   de  gro*  b 


627 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


C3Ô 


luire,  niais  ollt-s  marchaient  encore  nu-pieds 
sans  sandales,  elles  prenaient  deux  fois  la 
discipline  pendant  la  nuit,  dormaient  sur 
des  paillasses,  et  la  plupart  portaient  des 
liaires,  des  cilices,  des  ceintures  de  fer.  La 
bienheureuse  Catherine  surpassait  touti  s  les 
autres  en  vertu  et  en  austérités,  car  elle 
leur  servait  d'exemple  d'humilité,  de  pa- 
tience et  de  charité,  et  elle  était  vêtue  plus 
pauvrement  que  les  autres.  Elle  couvrait  sa 
paillasse  d'un  rude  cilice,  elle  faisait  de  plus 
grandes  abstinences,  el  toutes  les  fois  qu'elle 
communiait,  elle  ne  mangeait  rien  du  toute 
la  journée.  Elle  jeûnait  la  veille  de  ces 
jours-là  au  pain  et  à  l'eau,  le  plus  souvent 
elle  passait  la  nuit  en  prière  et  en  oraison. 
Elle  avait  encore  le  don  de  toucher  les 
cœurs  par  ses  discours,  et  elle  persuada  à 
plusieurs  personnes  de  son  sexe  de  vouer  à 
Dieu  leur  virginité  ,  et  de  finir  leurs  jours 
dans  la  retraite  et  la  pénitence. 

Un  jour  que  le  démon  la  tenta,  et  qu'il 
voulut  salir  son  imagination  par  quelques 
pensées  d'impureté,  elle  arma  son  bras  d'une 
discipline  de  fer,  et,  s 'étant  recommandé*  à 
Dieu,  elle  se  déchira  le  corps  pendant  toutle 
temps  qu'elle  récita  les  sept  psaumes  de  la 
pénitence,  el  de  celle  manière  elle  résista  à 
la  tentation.  Le  démon  l'attaqua  encore  en 
plusieurs  rencontres,  mais  il  se  déclara  tou- 
jours vaincu  par  notre  sainte,  qui,  le  mépri- 
sant, le  défiait  quelquefois  au  combat,  où  elle 
n'employait  pour  armes  que  la  prière  et  l'o- 
raison. 

Après  avoir  ainsi  persévéré  dans  le  service 
de  Dieu  pendant  vingt-deux  ans,  sans  s'èlre 
jamais  relâchée  en  aucune  chose,  elle  tomba 
malade,  et  sainte  Catherine  vierge  et  mar- 
tyre, sa  patronne,  s'étant  apparue  à  elle 
pour  l'avertir  que  sa  fin  était  proche,  eUe  se 
prépara  à  la  mort  par  la  réception  d»s  sacre- 
ments de  l'Eglise.  Elle  fit  un  excellent  dis- 
cours à  ses  religieuses  pour  les  exhorter  à 
la  persévérance,  et,  en  prononçant  ces  paro- 
les :  Domine,  dilexi  decorem  domus  tuw  et 
locum  Itabilalionis  gloriœ  txiœ,  elle  rendit 
«on  âme  au  Seigneur  le  20  octobre  1387.  L'on 
fut  surpris  en  la  dépouillant  de  lui  trouver 
sur  le  corps  un  rude  cilice  et  une  ceinture 
de  fer  qui  était  entrée  si  profondément  dans 
sa  chair,  qu'on  eut  de  la  peine  à  la  re- 
tirer. 

Après  sa  mort ,  la  Mère  Simone  Galléroni 
prit  le  gouvernement  du  monastère,  et  par 
son  nmypii  les  religieuses  se  multiplièrent 
en  plusieurs  endroits.  Elles  firent  d'abord  un 
nouvel  établissement  à  Florence,  et  ensuite 
à  Pisloie,  à  Lacques,  à  Pise,  à  Bologne  el  en 
d'autres  lieux.  Elles  ont  le  même  habille- 
ment qu'avaient  les  Jésuates,  savoir,  une  tu- 
nique de  drap  blanc,  avec  une  ceinture  de 
cuir,  un  manicau  de  couleur  tannée  et  un 
voile  blanc  (1).  Il  y  a  de  l'apparence  qu'elles 
prirent  cet  habillement  après  que  l'ordre  eut 
été  confirmé  par  le  pape  Urbain  V,  l'an 
1367. 

Voyez  Morig.  Hist. rffe  $1.  Huom'tni  illust. 

(1)  Voij.,  ;i  la  fui  du  vol.,  n'  155. 


BicsWHÏi;  in  vit  S.  Giovan.  Colomb.,  cap.  34, 
et  Ilist.  de  toute*  les  lielig.  Philip.  Bonanni, 
Catalog.  Ord.  rclig. 

JÉSD1TES  (Ordke  des). 

§  1".  Des  clercs  réguliers  de  la  Société  ou 
Compagnie  de  Jésus,  avec  la  vie  de  saint 
Ignace,  leur  fondateur. 

H  s'est  élevé  de  temps  en  temps  des  héré- 
sies dans  l'Eglise,  et  Dieu  a  toujours  suscité 
de  saints  personnages  remplis  de  son  esprit 
pour  les  combattre  et  en  arrêter  le  progrès, 
par  leurs  écrits,  leurs  prédications  et  autres 
travaux  évangéliques,  et  pour  maintenir  la 
foi  catholique  dans  sa  pureté.  Ainsi  il  a  op- 
posé saint  Alhanase  aux  ariens,  saint  Au- 
gustin aux  pélagiens  et  aux  manichéens, 
saint  Cyrille  aux  nestoriens,  saint  François 
et  saint  Dominique  aux  albigeois,  et  enfin 
saint  Ignace  de  Loyola  et  ses  compagnons 
aux  luthériens  et  aux  calvinistes.  Un  cé- 
lèbre écrivain  de  la  vie  de  ce  saint  a  remar- 
qué que  dans  le  temps  que  Luther  sou- 
tint publiquement  son  apostasie  dans  la 
diète  de  Worms,  et  que,  s'étant  retiré  dans 
la  solitude  d'Alstat,  il  composa  un  livre 
contre  les  vœux  monastiques,  qui  fit  une  in- 
finité d'apostats,  saint  Ignace  se  consacrait 
à  Dieu  dans  l'église  de  Mont-Serrat,  et  écri- 
vait dans  sa  retraite  de  Manrèze  les  Exerci- 
ces spirituels,  qui  servirent  à  former  sou 
ordre  et  à  repeupler  tous  les  autres  ;  que 
lorsque  Calvin  commença  à  dogmatiser  et  à 
se  faire  des  disciples  à  Paris,  saint  Ignace, 
qui  y  était  venu  étudier,  assembla  de  son 
côté  des  compagnons  pour  déclarer  la  guerre 
aux  ennemis  de  la  foi  ;  et  qu'enfin  dans  le 
temps  qu'Henri  Vlll  se  fit  nommer  chef  de 
l'Eglise  anglicane  et  qu'il  ordonna  sous 
peine  de  mort  à  ses  sujets  d'effacer  le  nom 
du  pape  de  tous  les  papiers  et  de  tous  les  li- 
vres qu'ils  avaient  entre  les  mains,  saint 
Ignace  jeta  les  fondements  de  son  ordre,  qui 
fait  profession  particulière  d'obéissance  aux 
souverains  pontifes  par  rapport  aux  mis- 
sions dans  les  pays  étrangers. 

Ce  saint  naquit  l'an  1491,  au  château  de 
Loyola,  dans  une  partie  de  la  Biscaye  espa- 
gnole qui  porte  aujourd'hui  le  nom  de  11 li i— 
puscoa  ,  et  fut  le  dernier  d'onze  enfants 
qu'eurent  dom  Bertrand,  son  père,  seigneur 
d  Ognez  et  de  Loyola  ,  el  Martini!  Saez  de 
Bable.  Us  rélevèrent  dans  les  sentiments  que 
pouvait  leur  inspirer  l'amour  du  siècle.  Son 
père,  le  jugeant  propre  pour  la  cour,  l'y  en- 
voya de  bonne  heure,  et  le  lit  page  du  roi 
catholique  Ferdinand  V.  Mais  Ignare,  qui 
avait  une  passion  ardenle  pour  la  gloire,  se 
dégoûta  bientôt  de  la  cour,  et,  suivant  l'exem- 
ple de  ses  frères,  qui  se  signalaient  dans 
l'année  de  Naples,  il  voulut  prendre  le  parti 
des  armes.  Il  s'en  déclara  au  duc  de  Najare 
dom  Antonio  Manrique,  son  parent  et  ami 
particulier  de  sa  maison,  qui  approuva  son 
dess  in.  Il  lui  fit  apprendre  ses  exercices, 
_  s'appliqua  lui-même  à  le  former,  et  le  rendit 


649 


JES 


JES 


C30 


en  peu  de  temps  capable  de  servir  son  prince 
dans  ses  armées.  11  se  signala  dans  sa  pre- 
mière campîignc  au  siège  de  Naj  ire  même, 
petile  \ille  située  sur  la  frontière  de  Biscaye, 
dont  la  prise  fut  alliibuée  en  parlie  à  sa 
bravoure.  Quoique  celle  ville  eût  élé  aban- 
donnée au  pillage,  il  ne  voulut  point  y  avoir 
de  part,  et  se  contenta,  pour  toute  récom- 
pense, de  la  gloire  d'avoir  fait  une  belle  ac- 
tion, jugeant  qu'il  était  indigne  d'un  grand 
cœur  de  profiler  de  la  disgrâce  des  m  allie  u- 
reux.  Sa  conduite  alors  n'était  pas  fort  lé- 
gulièrc  :  plus  occupé  de  la  galanterie  et  de 
la  vanité  que  de  toute  autre  chose,  il  ne  sui- 
v.it  guère  dans  toutes  ses  actions  que  les 
fausses  maximes  du  monde,  et  il  vécut  de 
la  sorte  jusqu'à  l'âge  de  vingt-neuf  ans,  que 
Dieu  lui  ouvrit  les  yeux. 

Le  moyen  dont  la  Providence  se  servit 
pour  lui  toucher  le  cœur  fut  l'accident  qui 
lui  arriva  lorsque,  défendant  en  1521  le  châ- 
teau de  Pampcîune,  capitale  de  la  Navarre, 
contre  les  Français  qui  l'assiégeaient,  il 
fui  blessé  d'un  éclat  de  pierrj  à  la  jambe 
droile  et  d'un  boulet  de  canon  à  la  gauche, 
dont  elle  fut  cassée.  Les Navarrois,  le  voyant 
blessé,  perdirent  courage,  et  se  rendirent  à 
discrétion  ;  mais  les  Français,  usant  bien  de 
la  victoire,  transportèrent  Ignace  au  quar- 
tier du  général,  où  ils  prirent  soin  dé  le  faire 
panser;  et,  quand  sa  jambe  eut  élé  remise 
et  que  l'étal  de  sa  plaie  lui  permit  de  chan- 
ger de  lieu,  ils  le  firent  porter  en  litière  au 
château  de  Loyola,  qui  n'est  pas  éloigné  de 
Paihpeldne. 

A  peine  y  ful-il  arrivé,  qu'il  >enlit  de 
grandes  douleurs.  Les  chirurgiens  qu'on  ap- 
pela jugèrent  que  les  os  de  sa  jambe  n'étaient 
pas  remis  dans  leur  situation  naturelle,  et 
lui  dirent  que  pour  les  remettre,  il  lui  fallait 
casser  la  jambe  de  nouveau.  Ignace  les  crut, 
et,  s'étant  mis  pour  cet  effet  entré  leurs 
mains,  il  ne  fit  paraître  aucune  faiblesse 
dans  une  si  cruelle  opération.  Li  douleur 
qu'il  en  ressentit  lui  causa  une  fièvre  si  vio- 
lente, qu'elle  le  réduisit  à  l'extrémité.  11  re- 
çut ses  sacrements  la  veille  de  la  fêle  des 
apôtres  saint  Pierre  et  sainl  Paul,  mais  avec 
tant  de  faiblesse  et  d'abattement,  qu'on  ne 
crut  pas  qu'il  pût  passer  la  nuit.  Saint  Pierre 
la  même  nuit  lui  apparut  en  songe,  et  le 
touchant  de  la  main  le  guérit  de  la  fièvre  ; 
en  sorte  qu'à  son  réveil  on  trouva  ses  dou- 
leurs cessées,  ses  forces  revenues,  et  qu'il 
était  hors  de  danger.  Celle  guérison  mira- 
culeuse ne  lui  fit  pas  perdre  l'esprit  du 
monde.  Sa  jambe,  qu'on  avait  cassée  une 
seconde  fois  ne  fut  pas  si  bien  rétablie,  qu'il 
n'y  restât  une  dilïormilé.  Celait  un  os  qui 
avançait  trop  au-dessous  du  genou,  et  qui 
empêchait  que  sa  botte  ne  fût  bien  tirée. 
Comme  il  aimait  la  bonne  grâce  et  la  pro- 
preté, la  vanité  le  porta  à  se  faire  seier  cet 
os,  opération  qui  ne  se  fit  pas  sans  d'exlrê- 
mes  douleurs.  Cela  ne  l'empèiha  pas  de  su- 
bir volontairement  une  nouvelle  torture , 
plutôt  que  d'avoir  rien  de  difforme  en  sa 
personne  ;  car  une  de  ses  cuisses  s'étant  re- 
tirée depuis  sa  blessure,  et  craignant  étran- 


gement de  paraître  boiteux,  il  se  fit  tirer 
très-violemment  la  jambe  durant  plusieurs 
jours  avec  une  machiné  de  fer;  mais  sa 
jambe  droite  demeura  toujours  plus  court;; 
que  l'autre. 

Durant  celte  longue  cure,  Ignace,  qui  était 
obligé  de  garder  le  lit  ou  la  chambre,  avait 
tout  le  temps  de  s'ennuyer.  Il  demanda  un 
roman  pour  se  divertir  ;  mais,  ne  s'en  trou- 
vant point  dans  la  mai-on,  on  lui  apporta  la 
Vie  de  Jésus-Christ  el  celle  des  saints.  Il  les 
lui,  précisément  pour  s'amuser,  et  n'y  trouva 
d'abord  aucun  plaisir;  mais  la  grâce  de  Dieu 
agissant  sur  ce  cœur  mondain,  il  su  laissa 
loucher  par  la  douceur  de  ses  attraits,  prjl 
ge.ût  insensiblement  à  celle  lecture,  et  fut  si 
charmé  et  si  édifié  des  exemples  de  vertu 
qu'il  y  trouva,  qu'il  forma  au  même  temps  le 
dessein  de  les  imiter.  Il  se  proposa  pour  cela 
de  visiter  les  saints  lieux  et  de  s'enfermer 
dans  un  ermitage  ;  mais  ces  bons  mouve- 
ments duraient  peu,  étant  combattus  parla 
passion  qu'il  avait  pour  la  gloire  et  par  l'a- 
n.our  qu'il  portail  à  une  dame  de  la  cour  de 
Caslilleetdes  premières  maisons  du  royaume. 
Ainsi  oubliant  en  un  moment  les  projets 
qu'il  venait  de  faire,  il  n'avait  l'esprit  oc- 
cupé que  de  la  guerre  el  de  l'amour,  se  for- 
mant des  chimères  de  vanité  et  de  plaisir, 
dont  les  folles  idées  l'enchantaient  à  un  Ici 
point,  qu'il  ne  comprenait  pas  qu'on  pût 
vivre  sans  une  grande  ambition,  ni  élre  heu- 
reux sans  un  grand  attachement. 

Lorsqu'il  élaii  las  de  rêver,  il  se  remettait 
à  la  lecture,  qui  enfin,  pairie  secours  de  la 
grâce,  l'éclaira  si  bien,  que,  n'estimant  plus 
que  les  véritables  honneurs  et  les  plaisirs 
du  ciel,  il  commença  à  connaître  la  vanité 
de  la  gloire  du  momie  à  laquelle  il  aspirait, 
el  le  danger  où  il  s'exposait  en  suivant  ses 
maximes;  c'est  pourquoi  prenant  la  résolu- 
tion de  le  quitler  entièrement  et  de  se  con- 
sacrer à  Jésus-Christ,  il  se  proposa  d'entre- 
prendre le  pèlerinage  de  la  terre  sainte  , 
pieds  nus  et  revêtu  d'un  sac  ,  résolu  à  son 
retour  de  se  cacher  dans  quelque  solitude, 
où,  inconnu  aux  hommes,  i.l  put  penser  uni- 
quement à  son  salut,  et  passer  le  reste  da 
ses  jours  dans  les  exercices  de  la  pénitence. 
Mais,  comme  sa  jambe  n'était  pas  encore 
tout  à  fait  guérie,  il  ne  put  pas  exécuter  si- 
tôt ces  projets  ;  et  il  se  contentait  pour  lors 
de  se  lever  toutes  les  nuits,  et  d'en  passer 
une  parlie  la  face  prosternée  contre  terre, 
pleurant  amèrement  ses  péchés.  Lorsqu'il 
lut  en  élat  de  marcher,  ne  songeant  plus 
qu'à  suivre  la  voix  qui  l'appelait  à  la  per^  j 
lection,  il  sortit  de  Loyola,  résolu  d'aller  en.  I 
pèlerinage  au  monaslèrc  de  Mont-Senat,  fa-  ; 
ineux  par  la  dévotion  des  pèlerins  qui  du 
tous  les  endroils  du  monde  y  viennent  im- 
plorer le  secours  et  honorer  l'image  mira- 
culeuse de  la  sainte  Vierge,  dont  nous  avons 
déjà  parlé  ailleurs.  Mais,  pour  mieux  ca- 
cher son  dessein,  il  alla  à  Navarcl,  sous  pré- 
texte de  rendre  visite  au  duc  de  Najare,  qui 
avait  souicnl  envoyé  demander  des  .nouvel- 
les de  sa  santé.  Sa  visite  étant  faite,  il  ren-- 
voya  les  deux  valets  qui  l'avaient  accompa- 


Col                                            DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.                                          C:>2 

gné  jusqu'alors,  et  prit   seul  le   chemin  de.  stère  de   l'ordre  do  Saint-Dominique  et  un 

Mont-Serrat!   En   sortart  de  Navarel,    il  fit  hôpital  pour  les  pèlerins  et   les  malades.  Le 

vœu  de  chasteté  perpétuelle,  pour  se  rendie  saint  enlra  dans  cet  hôpital,  qu'on  appelait 

plus   agréable   à  la  s.iinle  Vierge,   sous    la  pour  lors   l'hôpital  de  Sainte-Luce,  fort  con- 

protection   de  laquelle  il  allait  se  mettre,  et  lent  de  se  voir  au  nombre  des  pauvres,  et  en 

se  disposa  à  se  réconcilier  avec  Dieu  par  une  état  de   faire   pénitence   satis  être  connu.  Il 

sincère  confession  de  tous  ses  péchés.   Dom  commença  par  jeûner  toute    la    semaine  au 

Jean    Chavonnes ,  Français   de   nation,    qui  pain  et  à  l'eau,  excepté   le  dimanche,  qu'il 

avant    sa    retraite  à   Mont-Serrat   avait   été  mangeait   un  peu   d'herbes   cuites,  encore  y 

grand  vicaire  de    l'évoque  de  Mirepoix,   fut  mettait-il  de  la  cendre.  Il   ceignit   ses    rein) 

le  religieux    auquel   Ignace  s'adressa  pour  d'une  chaîne  de  fer  et  prit  un  ciliée  sous  l'ha- 

fairç  une  confession  générale  de  ses  péi  liés,  billement  de  toile  dont  il  était  revelu,  il  pre- 

q*  'il  é:  rivit  avec,  toute  L'exactitude  possible.  liait  la   discipline  trois  fois  le  jour,  dormait 

Il  la  fi    avec  Une  douleur  si  vive  et  une  telle  peu  et  couchait  à  terre.  Outre   le  servi  e  di- 

abondance   de  larmes,   qu  il    fut   obligé  de  vin,  qu'il   entendait   tous  les  jours  av<  c  une 

l'i    lerromprc   souvent;    ce  qui   la  fit  durer  pié  é  et  une  dévotion   toute    singulière,    il 

trois  jours    II  lui  découvrit  toutes  ses  peu-  faisait  sept  heures  de  prières;  il  visitait  sou- 

sres,   et  surtout   il  lui  fit  le  plan  de  la  vie  vent  l'église  de  Notre-Dame   de  Villadordis, 

aus  ère  qu'il  vou'ait  mener.  Ce  saint  homme,  qui  n'e-t  qu'à  une  demi-lieue  de  Manrèze,  et 

qui    vivait    lui-même    très-auslèrement,   le  dans  ces   petits   pèlerinages   il  ajoutait  d'or- 

confirma   dans  son  dessein,  en  lui  prescri-  dinaire  au  cilice  et  à   la  chaîne  de  fer  qu'il 

Tant  néanmoins  dos  règles  de  prudence  pour  portait,   une   ceinture   de   certaines    herbes 

sa  conduite,  et  pour  éviter  les  pièges  que  le  très-piquantes. 

malin  esprit  pouvait  lui  tendre  dans  ses  pre-  Le  démon,  ne  pouvant  supporter  celte  fer- 
mières ferveurs.  veur,  employa  tous  ses  efforts  pour  l'en  dé- 
Ignace fit  présent  de  son  cheval  au  1110-  tourner,  en  lui  représentant  la  dureté  de  sa 
nastère,  pendit  son  épée  à  un  pilier  proche  pénitence  et  la  difficulté  qu'il  y  avait  d'y 
l'autel  ,  pour  marque  qu'il  renonçait  à  la  persévérer,  le  désagrément  d'être  dans  un 
milice  séculière,  et  n'emporta  avec  lui  que  hôpital,  la  honte  qu'il  y  avait  pour  un  homme 
les  instruments  de  pénitence  qu'il  avait  de-  de  sa  qualité  d'être  toujours  avec  des  pau- 
mandés  à  son  confesseur.  Puis,  revêtu  de  vres,  et  le  grand  profil  qu'il  ferait  à  la  cour, 
l'habit  d'un  pauvre,  auquel  il  avait  donné  le  où  ,  par  la  régularité  de  sa  conduite  et 
sien,  jusqu'à  si  chemise,  il  sortit  de  Mont-  l'exemple  de  ses  vertus,  servant  de  modèle 
Serrai  le  bourdon  à  la  main,  la  calebasse  au  aux  courtisans,  il  les  allirerait  insensible- 
côté,  la  tête  et  un  pied  nus  (car  pour  l'autre,  ment  au  service  do  Jésus-Christ  et  à  la  pra- 
qui  se  sentait  de  i-a  blessure,  et  qui  s'enflait  tique  des  verlus  chrétiennes.  C'était  prendre 
toutes  les  nuits,  il  jupea  à  propos  de  le  le  nouveau  soldat  de  Jésus-Christ  par  des  eu- 
chausser),  et  il  marchait  avec  une  vigueur  droits  bien  sensibles;  mais,  ayant  reconnu 
qui,  surpassant  la  force  d'un  homme  élevé  la  malice  de  l'esprit  tentateur,  il  repoussa 
aussi  délicatement  qu'il  l'avait  été,  ne  puu-  ses  suggestions  par  la  pratique  des  venu?; 
vait  ven  r  que  d'eu  haut,  fort  consolé  de  ne  qui  leur  étaient  opposées.  Bien  loin  de  fuir 
plus  porter  les  livrées  du  monde  et  tout  glo-  les  pauvres,  il  se  familiarisa  avec  eux  plus 
rieux  d'être  revêtu  de  celles  de  Jésus-Christ,  que  jamais.  Non  content  do  demeurer  dans 
A  peine  eut-il  fait  une  lieue,  qu'il  entendit  cet  hôpital,  il  s'attacha  aux  malades  les  plus 
derrière  lui  un  cavalier  qui  courait  à  bride  dégoûtants;  et.au  lieu  de  retourner  à  la 
abattue;  c'était  un  officier  de  la  justice  de  cour,  il  résolut  de  se  cacher  encore  plus  aux 
Mont -Serrât  qui  venait  lui  demander  s'il  yeux  des  hommes.  Cependant,  nonobstant 
était  vrai  qu'il  eût  donné  de  riches  habits  à  toutes  les  diligences  qu'il  prit  pour  réussir 
un  gueux;  parce  qu'étant  soupçonné  de  les  dans  celte  dernière  résolution,  le  bruit  courut 
avoir  volés,  on  l'avait  mis  en  prison,  jusqu'à  dans  Manrèze  que  ce  pèlerin  qu'on  ne  con- 
ce  qu'on  en  connût  la  vérité.  Ignace  à  ces  naissait  point  était  un  homme  de  qualité  qui 
paroles  fut  pénétré  de  douleur,  et,  se  repro-  faisait  pénitence.  Ce  que  l'on  conjectura  par 
chant  à  lui-même  d'avoir  été  cause  de  la  la  nouvelle  qui  s'y  répandit  de  l'aventure 
disgrâce  de  ce  pauvre  homme,  il  le  déchar-  du  pauvre  de  Mont-Serrat,  auquel  il  avait 
gea  du  crime  dont  on  l'accusait,  sans  néan-  donné  ses  babils  :  c'est  pourquoi  on  com- 
moins  vouloir  dire  qui  il  était.  Après  cette  mença  à  le  regarder  avec  d'autres  yeux  dans 
aventure  il  poursuivit  son  chemin  vers  Man-  l'hôpital  et  dans  la  ville.  On  le  venait  voir 
rèze,  où  il  avait  résolu  de  se  cacher,  en  at-  par  curiosité,  et  on  l'admirait  d'autant  plus, 
tend:, nt  que  la  peste  cessât  à  Barcelone,  et  qu'on  l'avait  traité  avec  mépris.  Le  saint 
que  le  port  lût  ouvert,  espérant  y  trouver  s'en  aperçut,  et,  prenant  ce  changement  pour 
quelque  bâtiment  sur  lequel  il  pût  monter  un  nouveau  piège  que  le  démon  lui  tendait, 
pour  commencer  son  \ orage  de  la  terre  et  qu'il  devait  éviier,  il  se  retira  pour  cet 
s-ainte.  eiïel  dans  une  caverne  qui  était  au  pied  d'une 
Manrèze  est  une  petile  ville  à  trois  lieues  montagne  éloignée  de  six  cents  pas  de  la 
de  Mont-:  errai,  laineuse  aujourd'hui  par  la  ville.  Peu  degensconnaissaienl  celle  caverne, 
pénitence  de  s.iint  Ignace  et  par  la  j  ielé  des  et  personne  n'avait  osé  y  entrer,  tant  elle 
peuplés  qui  y  viennent  de  tous  côtés  en  pè-  paraissait  affreuse;  mais  Ignace,  jugeant  que 
lerinage,  mais  alors  de  peu  de  conséquence,  ce  lieu  en  était  d'autant  plus  propre  à  se  ea- 
ji'ayanl  rien  de  considérable  qu'un  mona-  cher  aux  yeux  des  hommes,  perçu  les  brous- 


G.-,- 


JES 


sailles  qui  en  fermaient  les  avenues  el,  s'y 
étant  coulé  au  travers  des  ronces,  il  y  éta- 
blit sa  demeure.  L'horreur  de  ce  lieu  lui 
in-pira  un  nouvel  esprit  de  pénitence,  à  la- 
quelle il  s'adonna  avec  lanl  de  rigueur, 
qu'on  le  trouva  un  jour  évanoui  à  l'entrée 
de  sa  caverne  :  ce  qui  ayant  découvert  le 
lieu  de  sa  retraite,  on  le  ramena  malgré  lui 
à  l'hôpital  de  Manrèze,  où  il  fut  attaqué  de 
nouveau  par  la  tentation  de  changer  le 
genre  de  vie  austère  qu'il  avait  embrassé; 
mais  une  lièvre  maligne  dont  il  fut  attaqué 
si  violemment  que  l'on  désespérait  de  sa  vie, 
le  délivra  de  colle  tentation,  qui  fut  immé- 
diatement suivie  d'une  autre  de  présomption. 
qui  le  port  il  à  se  regarder  comme  un  grand 
saint.  Il  se  délivra  de  celle-ci  en  rappelant 
dans  sa  mémoire  les  péchés  de  sa  vie  passée; 
mais  il  en  conçut  tant  d'horreur,  qu'il  tomba 
dans  un  étal  beaucoup  plus  funeste  que  celui 
dont  il  sortait.  A  peine  eut-il  recouvré  la 
sanlé  du  corps,  qu'il  perd.l  la  tranquillité 
dont  son  âme  avait  joui  depuis  qu  il  s'était 
donné  à  Dieu.  Toutes  les  joies  spirituelles 
qu'il  avait  goûtées  jusqu'alors  el  les  conso- 
lations dont  Dieu  l'avait  favorisé  se  changè- 
rent en  amertume  et  en  tristesse  par  les 
scrupules  dont  il  se  sentit  accablé.  On  eut 
beau  lui  défendre  de  s'arrêter  à  ses  doutes 
el  d'écouler  ses  scrupules,  tout  cela  ne  ser- 
vait de  rien.  Plus  il  s'efforçait  de  s'en  débar- 
rasser, plus  il  était  accable  d'inquiétudes;  et, 
s'imaginant  qu'il  ne  recevait  plus  aucun  se- 
cours du  cii  1,  il  crut  que  Dieu  l'avait  dé- 
laissé et  que  sa  damnation  était  certaine. 
Dans  cetle  pensée,  il  se  trouva  agité  de  plu- 
sieurs mouvements  de  désespoir,  auxquels  il 
aurait  infailliblement  succombé,  si  Dieu  par 
un  effet  de  sa  miséricorde  ne  l'eût  soutenu 
contre  ces  attaques  de  l'esprit  tentateur,  qui, 
ne  pouvant  réussir  de  ce  côté-là,  le  tenta 
avec  plus  de  succès  du  côté  de  la  présomp- 
tion. Il  lui  persuada  de  ne  prendre  aucune 
nourriture  jusqu'à  ce  qu'il  eût  recouvré  la 
paix  de  son  âme.  Il  jeûna  effectivement  sept 
jours  entiers,  sans  boire  ni  manger  :  il  au- 
rait même  poussé  ce  jeûne  plus  loin,  si  son 
confesseur,  qui  était  un  religieux  de  l'ordre 
de  Saint-Dominique,  ne  lui  eût  ordonné  de 
l'interrompre.  Enfin  ses  troubles  se  calmè- 
rent, et  il  ne  fut  pas  seulement  délivré  de 
loas  ses  scrupules,  mais  il  obtint  encore  le 
don  de  guérir  les  consciences  scrupuleuses, 
et  r<  çul  diverses  faveurs  du  ciel,  qui  le  dé- 
dommagèrent du  passé. 

Jusque-là  il  ne  s'était  proposé  dans  toutes 
ses  pratiques  de  piété  que  sa  perfection  par- 
ticulière; mais  la  Providence,  qui  le  desti- 
nait au  ministère  évangélique,  et  qui  l'y 
avait  d'abord  préparé  sans  qu'il  le  sût,  par 
le  mépris  du  monde  qu'elle  lui  avait  inspiré, 
par  la  retraite  et  la  mortification,  lui  donna 
d'autres  vues  et  d'autres  desseins  :  elle  lui 
inspira  de  s'appliquer  à  la  conversion  et  à 
la  sanctification  des  âmes  :  dans  ce  dessein, 
quelque  chère  que  lui  fût  sa  solitude,  ii  en 
sortit.  11  corrigea  ce  que  son  extérieur  avait 
d'affreux  el  de  rebutant,  afin  de  ne  pas  éloi- 
guer  ceux  qu'il   voulait  attirer  à  Dieu.  11 


JES  G5* 

modéra  ses  austérités,  et  prit  un  habillement 
de  eros  drap,  mo  teste  et  propre.  Il  parlait 
publiquement  des  choses  du  ciel  ;  cl,  pour 
se  mieux  faire  entendre  du  peuple  qui  l'en- 
vironnait, il  montai:  sur  une  pierre  qu'on 
montre  encore  aujourd'hui  dans  l'ancien 
hôpital  de  Sainte-Luce.  Quelques  personnes 
furent  si  touchées  de  ses  exhortations  , 
qu'elles  renoncèrent  hu  siècle  pour  em- 
brasser une  vie  pénitente.  Les  réflexions 
fréquentes  qu'il  fit  sur  la  force  des  maximes 
évangéiiques  qu'il  enseignait  le  portèrent  à 
composer  >on  livre  des  Exercices  spirituels, 
pour  le  profil  des  âmes  mondaines.  Le  pape 
Paul  111  l'a  approuvé  depuis  comme  un  livre 
auquel  on  ne  saurait  donner  trop  d'éloges, 
el  qui  renferme  une  méthode  admirable  pour 
retirer  les  âmes  du  désordre  el  pour  les 
conduire  à  la  perfection  du  christianisme. 

Après  ce  travail,  se  sentant  a^sez  fort  pour 
entreprendre  son  voyage  de  la  terre  sainte, 
et  sachant  que  la  pesle  était  cessée  à  Barce- 
lone et  le  commerce  rétabli,  il  quitta  Man- 
rèze, où  il  était  depuis  plus  de  dix  mois.  11 
s'embarqua  à  Barcelone,  sans  autre  provi- 
sion qu'un  peu  de  pain  qu'il  avail  mendie, 
et  il  arriva  en  cinq  jours  au  port  de  llaïrlte. 
d'où  il  prit  la  roule  de  Borne,  seul,  à  pied, 
jeûnant  tous  les  jours,  et  mendiant  à  son 
ordinaire.  Il  y  arriva  la  veille  du  dimanche 
des  Hameaux,  l'an  1323,  et  en  parlii  huit 
jours  après  Pâques  pour  aller  à  Venise.  11 
était  fort  tard  lorsqu'il  entra  dans  celle  ville; 
el,  ne  sachant  où  se  retirer,  il  alla  se  meltro 
sous  un  portique  de  ta  place  de  Saint-Marc, 
pour  y  prendre  un  peu  de  repos  ;  mais  Dieu 
ne  voulut  pas  que  son  serviteur  y  passât  la 
nu;t.  Il  y  avait  parmi  les  sénateurs  de  la  ré- 
publique un  homme  d'un  mérite  extraordi- 
naire, nommé  Marc-Anlome  Trévisani,  que 
sa  vertu  éleva  depuis  à  la  dignité  de  doge. 
Ce  sénateur,  qui  logeait  da  is  la  place  de 
Saint-Marc,  s'étant  couché  et  endormi,  il  lui 
sembla  entendre  une  ^ix  qui  lui  disait  que 
tandis  qu'il  était  à  son  aise,  dans  son  iit,  le 
serviteur  de  Dieu  était  sous  un  portique  de 
la  place.  Un  songe  si  extraordinaire  l'éveilla 
aussitôt,  et,  ne  pouvant  s'imaginer  que  le 
hasard  en  fût  la  cause,  il  se  lewi  el  alla  lui- 
même  chercher  celui  que  la  voix  du  ciel  lui 
indiquait,  le  conduisit  à  son  logis  avec  hon- 
neur, el,  après  lui  avoir  rendu  tous  les  de- 
voirs de  charilé,  il  lui  procura  uue  audience 
du  doge  André  Gritli,  dout  il  obtint  une  place 
dans  laCapilane  de  la  république,  qui  allait 
dans  1  iledeChypre.  lls'y  embarqua, el, après 
quarante  huit  jours  de  navigation,  il  arma 
enfin  le  dernier  jour  d'août  de  la  même  an- 
née au  port  de  Jaffa,  d'où  il  prit  le  chemin 
de  Jérusalem  par  terre,  et  s'y  rendit  le  '* 
septembre.  Son  dessein  était  de  s'arrêter  en 
Palestine  pour  travailler  à  la  conversion  des 
peuples  de  l'Orient;  mais  le  provincial  des  re- 
ligieux de  Sainl-François,  qui  avait  un  pou- 
voir du  saint-siége  de  renvoyer  les  pèlerins 
ou  de  les  relenir,  selon  qu'il  jugerait  à  pro- 
pos, ne  le  lui  permit  pas,  ce  qui  l'obligea  de 
revenir  en  Europe.  11  arriva  heureusement  à 
Venise  sur  la  iîu  de  janvier  152+,  après  uue 


635 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


636 


navigation  de  plus  do  deux  mois,  pendant 
laquelle  il  oui  tout  le  temps  de  faire  des  ré- 
flexions Il  conçut  que,  pour  travailler  à  la 
conversion  des  âmes,  il  fallait  avoir  des 
connaissances  qui  lui  manquaient  ;  et,  ju- 
geant qu'il  ne  pourrait  jamais  rien  faire  de 
solide  sans  le  fondement  des  lettres  humai- 
nes, il  prit  la  résolution  de  retourner  à  Bar- 
celone pour  s'y  appliquer  à  l'élude.  11  n'eut 
point  de  honte,  quoiqu'âgé  de  trente-trois 
ans,  d'étudier  les  premiers  principes  de  la 
langue  latine,  et  de  se  trouver  tous  les  jours 
en  classe  avec  des  enfants,  sous  la  conduite 
de  Jérôme  Ardebale,  qui  y  enseignait  pu- 
bliquement la  grammaire.  Il  fit  un  si  gran  I 
progrès  dans  l'étude  de  la  langue  latine 
pendant  doux  ans,  que  son  maître  lui  con- 
seilla d'aller  faire  son  cours  de  philosophie 
dans  l'université  d'Alcala,  qui  avait  été  fon- 
dée depuis  peu  parle  cardinal  Ximenès.  Il  sui- 
vit ce  conseil,  cl  y  mena  avec  lui  trois  disci- 
ples qu'ilavait  failsdurantsonséjour  à  Barce- 
lone. Y  étant  arrivé,  il  y  commença  ses  élu- 
des, et  y  fil  un  quatrième  disciple  d'un  jeune 
Français  qui  avait  été  page  de  dbm  Martin 
de  Cordoue,  vice-roi  de  Navarre.  Quoiqu'ils 
ne  demeurassent  pas  ensemble  (Ferdinand 
de  Para  et  André  d'Àrze  en  logeaient  deux 
par  charité,  et  Ignare  avait  une  chambre  à 
l'iiôpital  d'Antezena),  ils  étaient  néanmoins 
tous  cinq  habillés  de  même  façon,  portant 
un  habit  long  de  drap  gris,  avec  un  chapeau 
de  même  couleur,  et  ne  vivaient  que  d'aumô- 
nes. L'impatience  qu'il  avait  de  se  donner  à 
la  conversion  des  âmes  lui  fit  embrasser 
l'élude  avec  une  extrême  ardeur;  et,  croyant 
avancer  beaucoup  en  abrégeant  les  matières, 
à  peine  cut-il  commencé  son  cours,  qu'il  se 
jeta  dans  la  physique  et  la  théologie  scolas- 
lique.  On  expliquait  aux  écoles  la  Logi- 
que de  Solo,  la  Physique  d'Albert  le  Grand 
et  la  Théologie  du  Maître  des  Sentences;  il 
prenait  ces  trois  leçons  l'une  après  l'autre, 
et  étudiait  sans  relâche  jour  et  nuit  ;  mais 
ces  différentes,  éludes  lui  mirent  tant  de  con- 
fusion dans  l'esprit,  que  lout  son  travail  ne 
produisit  pas  ce  qu'il  en  espérait.  Uebulé  du 
peu  de  progrès  qu'il  faisait  dans  les  sciences, 
il  s'appliqua  entièrement  avec  ses  quatre 
disciples  aux  bonnes  œuvres  et  à  l'explica- 
tion de  la  doctrine  chrétienne,  à  servir  les 
malades  de  l'hôpital,  à  soulager  les  pauvres 
honteux,  et  particulièrement  à  réformer  les 
mœurs  des  écoliers  débauchés. 

La  conversion  surprenante  qu'il  fit  d'un 
prélat  qui  corrompait  les  jeunes  gens  de 
l'université  par  ses  mauvais  exemples,  ses 
libertés  et  ses  caresses,  lit  du  bruit  par  lout 
le  pays,  surtout  lorsqu'on  vit  qu'elle  lut 
suivie  de  celle  d'un  grand  nombre  d'écoliers, 
que  le  prélat  lui-même  entreprit  de  retirer 
du  libertinage  où  il  les  avail  jetés.  Le  peuple 
eut  d'étranges  idées  d'Ignace;  quelques-uns 
le  prenaient  pour  un  enchanteur,  et  disaient 
que  sans  magie  on  ne  pouvait  faire  ce  qu'il 
faisait;  et  d'autres,  que  c'était  un  hérétique 
qui,  sous  prelexte  de  porter  les  jeunes  gens 
à  la  vertu,  leur  inspirait  des  erreurs.  Les 
inquisiteurs  do  Tolède  en  voulurent   pren- 


dre connaissance  ;  mais,  voyant  qu'il  n'était 
ni  hérétique  ni  visionnaire,  ils  remirent  le 
reste  de  l'information  au  grand  vicaire,  qui 
traita  saint  Ignace  très-favorablement,  et  lui 
permit  de  continuer  ses  fonctions  pour  le 
service  du  prochain;  il  l'avertit  que  lui  et 
ses  compagnons  n'étant  pas  religieux,  on 
n'approuvait  pas  qu'ils  fussenl  lous  habillés 
de  la  même  sorte;  ce  qui  était  une  distinc- 
tion dans  laquelle  il  y  avait,  selon  le  senti- 
ment de  plusieurs  personnes,  beaucoup  d'af- 
feitalion.  Le  saint,  qui  ne  le  faisait  que  par 
un  bon  motif,  ne  voulant  point  donner  aucun 
sujet  de  plainte,  s'habilla  de  noir  avec  un 
autre,  laissa  un  habilgris  au  Français,  et  en 
lit  prendre  un  de  couleur  minime  aux  deux 
autres  Espagnols,  et  prit  des  souliers,  pour 
obéir  au  même  grand  vicaire,  qui  le  lui  or- 
donna. L'indiscrétion  de  deux  dévotes  riches 
et  de  qualité  qui  suivaient  ses  conseils,  et 
qui  entreprirent  alors  sans  sa  participation 
quelques  pèlerinages,  vêtues  en  pèlerines,  à 
pied  et  demandant  l'aumône,  donna  lieu  à  de 
nouvelles  plaintes  contre  lui,  comme  étant 
l'auteur  d'un  zèle  si  outré  et  si  peu  conforme 
à  leur  sexe;  on  le  mit  en  prison  avec  ses 
compagnons,  d'où  il  ne  sortit  qu'au  retour 
de  ces  dévotes,  au  bout  desix  semaines,  après 
qu'elles  curent  avoué  que  saint  Ignace  n'a- 
vait point  eu  de  part  à  leur  pèlerinage, 
qu'au  contraire  il  les  en  avait  détournées. 
On  les  crut,  cl  le  saint  fut  élargi  par  une 
sentence  du  premier  juin  1527.  Ce  jugement, 
lui  rendant  sa  liberté,  ne  laissa  pas  de  lui 
donner  du  chagrin.  11  fut  ordonné  en  même 
temps  que  lui  et  ses  compagnons  prendraient 
l'habillement  ordinaire  des  écoliers,  et  que, 
n'élant  pas  théologiens,  ils  s'absliendraient 
d'expliquer  au  peuple  les  mystères  de  la 
religion  ,  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  étudié 
quatre  ans  en  théologie. 

Ignace,  peu  satisfait  de  ce  jugement,  rendu 
par  le  grand  vicaire  d'Alcala,  alla  trouver 
l'archevêque  de  Tolède,  qui  lui  conseilla  de 
quitter  celte  université  el  d'aller  étudier  à 
Salamanque;  et,  l'exhortant  fortement  à 
continuer  ses  fonctions  de  piété  envers  le 
prochain,  il  lui  promit  sa  protection.  Noire 
saint  y  alla,  cl,  en  attendant  qu'il  pût  rc- 
picndrc  le  cours  de  ses  éludes  ,  il  commença 
par  travailler  au  salut  des  âmes  avec  d'autant 
plus  de  ferveur  et  de  liberté,  que  sa  mission 
semblait  être  autorisée  par  l'archevêque. 
Mais  on  y  trouva  encore  à  redire  :  il  fut  mis 
derechef  en  prison  avec  ses  compagnons, 
et,  aptes  y  avoir  été  retenus  pendant  trois 
semaines,  ils  lurent  renvoyés  absous  par 
une  sentence  qui  permettait  à  Ignace  d'in- 
struire le  peuple,  a  condition  que,  dans  ses 
catéchismes  et  dans  ses  entretiens ,  il  ne  se 
mêlerait  point  de  vouloir  marquer  la  diffé- 
rence qu  il  y  a  entre  le  péché  mortel  et  le 
péché  véniel.  Ignace,  surpris  de  ce  dernier 
article  de  la  sentence,  vit  bien  que  c'était  un 
piège  qu'on  lui  tendait,  d'autant  plus  qu'il 
sut  que  ses  ennemis  l'avaient  fait  mettre 
afin  d'avoir  lieu  de  le  chicaner  et  de  lui  faire 
une  querelle  quand  ils  voudraient  :  c'est 
pourquoi,  persuadé  de  leur  malice,  qui  lui 


C57 


JES 


JES 


r.5R 


Ataii  les  moyens  de  satisfaire  son  zèle,  il  prit 
la  résolution  de  quitter  Salamanque ,  et 
même  de   sortir  de  l'Espagne.    Il  forma  le 

dessein  d'aller  en  France,  pour  continuer  ou 
plutôt  pour  recommencer  ses  études  dans 
l'université  de  Paris,  qui  était  depuis  long- 
temps la  plus  célèbre  de  l'Europe. 

Ses  compagnons  n'étant  pas  disposés  à  le 
suivre,  il  partit  seul  sur  la  lin  de  décembre, 
arriva  à  Paris  au  commencement  de  février 
de  l'an  1528,  et  se  logea  au  quartier  de  1T- 
niversité  avec  des  écoliers  espagnols.  Pour 
mieux  posséder  la  langue  latine,  il  reprit  ses 
humanités  au  collège  de  Montaigu  ;  mais, 
ayant  été  volé  par  un  de  ses  compagnons, 
auquel  il  avait  confie  une  somme  d'argent 
que  ses  amis  lui  avaient  donnée  en  parlant 
d'Espagne  pourla  continuation  de  ses  études, 
il  fut  contraint  de  se  retirer  à  Saint-Jacques 
de  l'Hôpital,  où  les  Espagnols  étaient  reçus. 
H  n'y  avait  que  le  couvert,  et  il  fallait  que 
pour  vivre  il  mendiât  son  pain  de  porte  en 
porte.  Comme  il  demeurait  loin  du  collège 
de  .Montaigu,  perdant  du  temps  à  chercher 
des  aumônes,  il  aurait  bien  voulu  servir  un 
des  professeurs  ;mais,  quelque  diligence  qu'il 
fit,  ii  ne  put  jamais  l'obtenir.  Quoique  sa  mi- 
sère fût  grande,  il  ne  laissait  pas  d'exc, tô- 
les gens  de  sa  connaissance  à  faire  la  charité 
aux  pauvres,  auxquels  il  faisait  donner  ce 
qu'il  aurait  pu  demander  pour  lui.  Ses  paio- 
les  firent  tant  d'impression  sur  l'esprit  de 
trois  Espagnols,  qu'ils  vendirent  d'eux-mê- 
mes leurs  meubles  et  en  donnèrent  l'argent 
aux  pauvres,  après  quoi  ils  se  retirèrent 
aussi  a  Saint-Jacques  du  l'Hôpital,  où  ils  vi- 
vaient d'aumônes  comme  lui. 

Cette  nouvelle  société  rendit  encore  notre 
saint  suspect.  Il  fut  déféré  à  l'inquisiteur 
Matthieu  Ory,  religieux  de  l'ordre  tie  Saint- 
Dominique  et  prieur  du  grand  couvent  de  la 
rue  Saint-Jacques.  (Quoique  le  tribunal  de 
l'inquisition  n'ait  jamais  été  établi  en  France 
de  la  manière  qu'il  l'est  en  Espagne  el  en 
Italie,  il  y  a  eu  néanmoins  dans  de  certains 
temps  des  inquisiteurs  délégués  du  pape 
pour  y  conserver  la  pureté  de  la  foi  et  tenir 
les  peuples  dans  l'obéissante  de  l'Eglise;  el 
cette  qualité  avait  été  déférée  à  Matthieu 
Ory  par  le  pape  Clément  Vil,  à  l'occasion 
des  hérésies  d'Allemagne.)  Cet  inquisiteur, 
ayant  donc  pris  connaissance  de  celle  affaire; 
el  ayant  reconnu  l'innocence  d'Ignace  par 
les  perquisitions  qu'il  lit,  le  renvoya  absous. 
Ayant  étudié  les  humanités  près  de  dix-huit 
mois  au  collège  de  Monlaigu,  il  commença 
son  cours  de  philosophie  au  collège  de 
Saiute-Barbe.  Le  docteur  Govea,  Espagnol, 
principal  de  ce  collège,  prévenu  contre 
Ignace  par  les  faux  rapports  qu'on  lui  en 
avait  faits,  voulul  d'abord  l'enchâsser  ;  mais, 
ayant  examiné  avec  diligence  la  conduite  de 
noire  saint,  et  n'y  ayant  rien  trouvé  qui  lût 
digue  de  répréhension  et  qui  ne  méritai  au 
contraire  l'estime  et  l'approbation  de  tout  le 
monde,  lui  fit  Satisfaction  publique  devant 
tous  les  écoliers,  et  rendit  justice  a  sa  vertu 
par  l'éloge  qu'il  en  fit.  Le  professeur  l'egna, 
qui  avait  été  la  cause  de  celte  préyenli'  n, 


voulant  aussi  réparer  l'injure  qu'on  lui  avait 
faite,  lui  donna  pour  répétiteur  un  garçon 
fort  capable,  nommé  Pierre  Lefèvre ,  sa- 
voyard, qui  demeurait  au  même  collège  avec 
François  Xavier,  gentilhomme  navarrois  , 
peu  accommodé ,  el  presque  aussi  pauvre 
que  Lefèvre.  lunace  se  mit  avec  eux  pour 
la  commodité  de  ses  études,  el  avança  telle- 
ment par  le  soin  que  Lefèvre  prit' de  lui, 
qu'à  la  fin  de  son  cours,  qui  fut  de  trois  ans 
et  demi,  selon  l'usage  de  ce  temps-là,  il  lui 
reçu  maître  ès-arts,  et  continua  ensuite  sa 
théologie  aux  Jacobins.  Ce  fut  alors  que, 
sentant  croître  en  lui  le  zèle  pour  le  salut 
des  âmes  à  proportion  qu'il  avançait  dans  la 
connaissance  des  mystères  de  la  foi  et  des 
vériles  evangéliques,  il  forma  le  dessein  d'é- 
lablir  une  compagnie  d'hommes  apostoliques 
qui  pussent  l'aider  à  porter  et  étendre  ce 
même  zèle  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre. 
Ne  doutant  point  que  le  penchant  qu'il  se 
sentait  pour  l'instruction  des  peuples  et  la 
conversion  des  infidèles  ne  fût  un  secret 
mouvement  de  la  grâce  de  Dieu,  qui  le  desti- 
nait à  un  si  noble  emploi  et  si  digne  do 
l'ambition  d'un  véritable  chrétien  ,  et  ne 
comptant  plus  sur  ses  anciens  compagnons 
qu'il  avait  laissés  à  Barcelone,  où  ils  avaient 
pris  différents  partis,  il  s  en  associa  quel- 
ques autres  qui  étaient  de  l'université.  Le 
premier  qui  se  joignit  à  lui  fut  ce  Pierre  Le- 
fèvre, qui  avait  é:é  son  répétiteur;  il  gagna 
ensuite  François  Xavier,  et  peu  de  temps 
après  il  eut  quatre  nouveaux  compagnons, 
qui  furent  Jacques  Lainez ,  d'Almazau,  au 
diocèse  de  Siguença;  Alphonse  Salmeron, 
d'auprès  île  Tolède;  Niculas  Alphonse,  sur- 
nommé Bobadilla,  du  lieu  de  sa  naissance, 
village  proche  de  Palenze,  au  royaume  do 
Léon;  et  Simon  Bodriguez  d'Azendo,  gentil- 
homme portugais. 

Quoique  le  choix  de  ces  six  personnes 
parût  venir  de  la  main  de  Dieu,  et  qu'I- 
gnace, persuadé  de  leur  zèle  pour  l'agran- 
dissement du  royaume  de  Jesus-Christ,  n'eût 
aucun  lieu  de  douier  de  leur  fidélité  et  per- 
sévérance dans  le  dessein  qu'ils  se  propo- 
saient ;  cependant ,  se  ressouvenant  de  l'in- 
constance de  ceux  qui  s'étaient  joints  à  lui 
en  Espagne,  el  faisant  réflexion  sur  la  lé- 
gèiete  de  l'esprit  humain,  il  se  persuada 
que,  quelque  bonne  que  lût  la  volonté  de 
ses  nouveaux  disciples,  ii  étail  nécessaire  de 
les  fixer  par  des  engagements  indispensa- 
bles. Le  jour  de  l'Assomption  de  Notre- 
Dame  de  l'an  153i,  après  les  avoir  pré- 
parés sur  son  dessein  ,  il  les  mena  dans 
l'église  de  l'abbaye  de  Montmartre  près  Pa- 
ris, où  Pierre  Lefèvre,  qui  avait  été  l'ait 
prêtre  depuis  peu  ,  leur  ayant  dit  la  messe 
et  les  ayant  communies  dans  la  chapelle 
souterraine,  ils  firent  tous  sept  ensemble, 
d'une  voix  haute  el  distincte,  vœu  d'entre- 
prendre le  voyage  de  Jérusalem  pour  la 
conversion  des  infidèles  du  Levant  ;  de  quit- 
ter tout  ce  qu'ils  avaient  au  motf.de,  hors  ce 
qu'il  leur  faudrait  pour  aller  en  terre  sainte; 
et,  en  cas  qu'ils  ne  pussent  y  entrer  ou  y 
.:•.  er,  de  s'aller  jeter  aux  pieds  du  pape, 


639                                          DICTIONNAIRE  DES  ORDRFiS  RrLIGIEUX.  640 

pour  lui  offrir  leurs  services,  et  aller  sous  Le  nonce  examina  l'affaire  avec  son  asses- 

ses  ordres  parlerai  où  il  voudra  t  les  envoyer,  seur,  et,  ne  trouvant. rien  qui  pût  donner 

Connue  il  y  en  avail  parmi  eux  qui  n'a-  lieu  aux  bruils  qui   couraient,  il  porta  en 

vaient  pas  fini  leur  théologie,  il  leur  laissa  f;iveur    du    saint    une   sentence   juridique, 

continuer  celte  élude  jusqu'au   25  janvier  qui  le  disculpait  de  ces  fau-ses  accusations; 

1537,  cl   en   les  attendant  il  travailla  à  ar-  Pierre  Car.ffe,  qui  fut  élevé  au  souverain 

rêler   le   coûts   et   les    désordres  que  eau-  pontifical  sous  le  nom  de  Paul  IV,  et  qui 

s  ient  en  France  les  nouvelles  hérésies,    il  auparavant  d'archevêque  de  Théa'e,  s'étaut 

avait   coutume   de   se    retirer,  ou  à  Notre-  fait  compagnon  de  saint  Gaëlan  de  Tyenne  , 

Dame   des   Champs,    qui    était   le   lieu    où  avait    été    l'un    des    fondateurs    de    l'ordre 

l'on   a    bâti   depuis  le  couvent  des  Carme-  des  Théalins,  du  nom  de  l'archevêché  qu'il 

liles  du    faubourg  Saint-Jacques,  ou   dans  quitta,   ne  contribua   pas   peu  à   confondre 

les   carrières   de  Montmartre,  qui,  lui   re-  ces   calomnies,  par  l'estime  et  les  liaisons 

présentant   .'a   caverne   de   Manrèze,    l'ex-  qu'il  eut  avec  Ignace  dans  le  séjour  qu'il  fit 

citèrent  à   reprendre  des   exercices   de    pé-  à  Venise,  où  enlin  il  eut  La  consolation  de 

nitence  ;  mais  ses  nouvelles  austérités  ayant  voir  ses  compagnons  plus  tôt  qu'il  ne  l'es- 

ruiné  ses    forces,   le   réduisirent  dans   une  pérait  et  qu'ils   n'en  étaient   convenus.   La 

langueur,  qui  ne  lui  permettait  pas  même  de  guerre  se  rallumant  plu;  que  jamais  entre 

s'appliquer  aux  exercices  de  piété.  Comme  François  I*r,  roi  de   France,  et  l'empereur 

les   remèdes  ne    le    soulageaient   pas,    les  Charles  V,  par  la  mort  de  François  Sforze, 

médecins   lui    persuadèrent   d'aller  repren-  duc  de   Milan,   sur  l'Etat  duquel  ces  deux 

dre   l'air   de   son    pays.   Il   se   détermina   à  princes  avaient  des  prétentions ,  au  premier 

ce  voyage;   mais,  avant  son   départ,  qui  bruit  que  ces  fi. lèles  dis  iples  en  eurent,  ils 

fut   au   commencement  de  janvier   fie    l'an  se  résolurent  d'avancer  icur  voyage  et  de 

1535,    il    convint    avec   ses    disciples    qu'il  sortir  du  royaume  avant  que  les   passages 

irait  les  attendre  à   Venise  ,  et  qu'ils  par-  fussent  fermés.  Ils   partirent  de  Paris  le  15 

tiraient  le  25  janvier  1537  pour  l'y  venir  novembre  de  l'année  1536, trois  mois  plus  tôt 

trouver.  Sa  faiblesse  ne  lui   permit  pas  de  qu'ils  n'étaient  convenus  avec  leur  saint  fon- 

faiic    le    voyage    à    pied;    il   le    lit   sur   un  dateur,  sans  autre  équipage  qu'un  bâton  à 

cheval  que  ses  compagnons  lui  achetèrent;  la  main  et  une  petite  valise  sur  le  dos,  où 

et  à  peine  eut-il  passé  les  Pyrénées  et  res-  chacun  avait  ses  écrits.  Ils  prirent  leur  che- 

piré  l'air  de  Guipuscoa  ,  qu'il  recouvra  sa  min  par  la  Lorraine  pour  éviter  la  Provence, 

santé  et  sentit  revenir  ses  forces.  et  arrivèrent  à  Venise  le  8  janvier  de  l'an 

Pendant  le  séjour  qu'il  fil  en  Espagne,  1537.  Ignace  les  reçut  avec  beaucoup  de 
ses  compagnons,  qu'il  avait  laissés  à  P.i-  jivie,  et  leur  donna  un  autre,  compagnon, 
ris,  poursuivirent  leurs  éludes.  Lefèvre  nommé  Jacques  Hozez,  qui  fut  le  onzième  de 
les  gouvernait  en  son  absence  et  augmenta  la  Compagnie.  En  attendant  qu'ils  pussent 
leur  nombre  de  trois  autres  théologiens,  aller  ensemble  recevoir  la  bénédiction  du 
dont  le  premier  fut  Claude  le  Jay  d'An-  pape  pour  le  voyage  de  Jérusalem  ,  le  saint 
necy ,  Jean  Codure  et  Paquier  Brouet ,  fondateur  les  occupa  dans  les  hôpitaux  à 
tous  deux  Français,  l'un  du  diocèse  d'Em-  instruire  les  ignorants,  à  servir  les  malades, 
brun  et  l'autre  du  dioc^e  d'Amiens.  Ces  à  assister  les  mourants  et  à  ensevelir  les 
trois  derniers  firent  à  Montmartre  le  même  morts.  Ils  s'occupèrent  de  la  sorte  jusque 
vœu  que  les  autres  y  avaient  fait  et  qu'ils  vers  la  mi-cârème,  que  tous  partirent  pour 
firent  encore  pour  la  seconde  fois.  Ces  neuf  Rome,  hors  Ignace,  qui  ne  jugea  pas  à  pro- 
disciples d'Ignace,  qui  avec  lui  firent  les  fou-  po>  de  parailie  dans  un  lieu  où  sa  présence 
déments  de  la  Compagnie  de  Jésus,  étaient  eût  pu  faire  tort  à  ses  compagnons  :  car  Ca- 
lellement  unis  ensemble,  que,  quoique  dif-  ralïe,  que  Paul  111  avail  fait  cardinal,  sem- 
féienls  et  de  nation  et  d'humeur,  ils  sem-  blait  alors  loti  contraire  aux  desseins  du 
Liaient  néanmoins  n'avoir  qu'un  cœur  et  saint,  soit  par  ressentiment  de  ce  que  lui  et 
qu'une  âme;  ce  qui  était  d'une  grande  conso-  Hozez  n'avaient  pas  voulu  entrer  parmi  les 
lalion  pour  ce  saint  fondateur.  Ignace, après  Théalins,  ou  soit  qu'il  eût  ajoute  foi  aux 
avoir  demeuré  quasi  un  an  en  Espagne,  en  bruits  qu'on  avait  semés  à  Venise.  Les  com- 
parai pour  aller  à  Venise,  où  il  arriva  sur  pagnons  de  notre  saint  étant  arrivés  à  Ko- 
la fin  de  l'année  15;i5.  Son  zèle  ne  lui  donna  me,  furent  reçus  si  favorablement  du  pape, 
pas  de  relâche  dans  celle  \ille,  où  il  ne  fut  que,  sur  le  lé'cil  qu'on  lui  avail  fait  de  leur 
pas  plutôt  entré,  qu'il  s'y  occupa  à  gagner  savoir  et  de  leur  piété,  non-seulement  il 
des  âmes  â  Dieu.  Mais  ce  qui  lui  devait  atli-  leur  accorda  ce  qu'ils  lui  demandèrent  , 
rer  de  l'estime  fut  le  sujel  d'une  nouvelle  per-  mais  même  ,  après  leur  avoir  donné  sa  bé- 
séculion.  Llle  lui  fut  suscitée  par  les  liber-  nédiclion,  il  leur  donna  de  l'argent  pour 
lins,  qui,  ne  pouvant  souffrir  la  censure  leur  voyage,  et  permit  à  ceux  qui  n'étaient 
qu'il  faisait  de  leur  vie,  firent  courir  le  bruit  pas  prêtres,  du  nombre  desquels  était  Igna- 
qu'lgnace  était  un  hérétique  déguisé,  qui ,  ce,  qui  quoique  absent  fut  compris  dans  celle 
après  avoir  infecté  la  France  et  l'Espagne,  permission,  de  recevoir  les  ordres  sacrés 
venait  gâter  l'Italie.  Dès  que  le  saint  sut  ce  de  quelque  évèque  que  ce  fût  ,  el  accorda 
que  l'on  disait  lubliquemeni  de  lui,  il  alla  une  dispense  d'âge  pour  Alphonse  Salme- 
Irouver  Jérôme  Veralli  ,  nome  du  pape  ron  ,  afin  qu'il  reçût  l'ordre  de  la  préirise 
Paul  111  vers  la  république,  pour  le  prier  avec  les  autres  de-,  qu'il  entrer. lit  dans  sa 
de  lui  faire  son  procès,  s'il  était  coupable.  vingtième  année.  Etant  retournés  à  Venise, 


m                            JES  JES                              C42 

ils  firent  vœu  de  pauvre'é  et  de  chasteté  la  fin  dû  carême  de  l'an  1538  ,  i's  logèrent 
perpétuelle  entre  les  mains  du  nonce  Va-  tous  ensemble  chez  un  gentilhomme  romain 
relli,  et  le  jour  de  la  Nativité  de  saint  Jean-  nommé  Qtiirino  Garzonio,  qu'Ignace  avait 
B;ipliste,  ceux  qui  n'étaient  pas  prêtres  fu-  gagné  à  Dieu.  Le  saint  leur  ayant  déclaré  le 
rent  ordonnés  par  Vincent  Nigulali,  évèque  motif  pour  lequel  il  les  avaii  fait  venir  ,  ils 
d'Arbe.  La  ligue  qui  fut  conclue  dans  ce  l'approuvèrent  et  convinrent  qu'il  fallait  éri- 
t  mps-là  entre  l'Empereur  et  la  républi-  ger  leur  société  en  religion,  et  que  pour  cela 
(|ue  contre  le  Turc,  ayant  rompu  le  coin-  il  falla  t  préparer  l'esprit  du  pape  ,  qui  sem- 
merce  du  Levant,  les  empêcha  de  faire  leur  blait  fort  éloigné  des  nouveaux  établisse- 
voyage  île  Jérusalem  :  c'est  pourquoi,  après  menls  ;  mais, comme  le  pape  arlait  de  Rome 
être  restés  un  an  entier  sur  les  terres  île  la  pour  aller  à  Nice,  celle  affaire  fut  retardée, 
république,  comme  ils  s'y  étaient  obligés ,  Eu  attendant  le  retour  de  Si  Sainteté  ,  saint 
et  n'y  ayant  nulle  apparence  que  la  navi-  Ignace  et  ses  compagnons  >  traitant  souvent 
galion  fût  libre  de  longtemps,  Ignace  les  du  projet  de  l'institut ,  résolurent  dans  une 
rassembla  tous  à  Vicenze  ,  où  il  leur  fit  de  leurs  assemblées,  suivant  les  propositions 
entendre  que,  puisque  la  porte  de  la  l'aies-  dn  saint  fondateur,  qu'outre  les  vœux  de 
tine  leur  était  fermée,  ils  ne  devaient  pas  pauvreté  et  de  chasteté  qu'ils  avaient  faits  à 
différer  d'accomplir  l'autre  partie  de  leur  Venise,  ils  eu  feraient  un  d'obéissance  per- 
vœu,  qui  était  n'aller  offrir  leur  service  au  pétuelle  à  leurs  supérieurs,  et  delerminè- 
pape.  Il  fut  résolu  que  le  saint  fondateur,  rent  dans  une  autre  que  ceux  qui  feraient 
Lefèvre  et  Lainez  iraient  les  premiers  à  profession  dans  leur  Compagnie  ajouteraient 
Rome,  pour  exposer  à  Sa  Sainteté  les  in-  aux  trois  vœux  de  pauvreté,  de  chastelé  et 
tentions  de  toute  la  Compagnie.  Avant  que  d'obéissance,  un  \œu  exprès  d'aller  partout 
de  se  séparer,  ils  se  prescrivirent  une  ma-  où  le  vicaire  de  Jésus-Christ  les  enverrait, 
nière  de  vie  uniforme  et  des  règles  qu'ils  pour  travailler  au  salut  des  âmes  ,  et  d'y  al- 
s'obliïèrent  de  suivre.  Comme  on  leur  de-  1er  sans  viatique  et  en  demandant  l'aumône, 
mandait  souvent  qui  ils  étaient  et  quel  était  s'il  le  jugeait  à  propos.  Ils  eurent  encore 
leur  institut,  saint  Ignace  leur  dit  qu'ils  d'autres  conférences,  et  ils  déterminèrent 
devaient  répondre  qu'ils  étaient  de  la  Com-  que  les  proies  ne  posséderaient  rien  ni  en 
pagnie  de  Jésus,  puisqu'ils  étaient  unis  en-  particulier  ni  en  commun  ;  mais  que  dans 
semble  pour  combattre  les  hérésies  et  les  les  universités  on  pourrait  avoir  des  collèges 
vices  sous  la  bannière  de  Jésus-Christ.  Le  avec  des  revenus  et  des  rentes  pour  la  sub- 
saint fondateur,  Lefèvre  et  Lainez  arrivé-  sistance  de  ceux  qui  y  étudieraient, 
renl  à  Home  sur  la  tin  de  l'année  1537.  Us  Au  milieu  de  ces  projets,  il  s'éleva  contre 
eurent  dès  les  premiers  jours  audience  du  eux  une  tempête  qui  pensa  renverser  leur 
pape,  qui,  recevant  avec  joie  leurs  offres,  plan  et  leurs  espérances  ,  pour  avoir  aila- 
employa  aussitôt  Lefèvre  et  Lainez  à  en-  que  un  prédicateur  célèbre  accusé  de  luthé- 
scigner  la  théologie  dans  le  collège  de  la  ranisme.  Celui-ci  eut  l'adresse  de  rejeter  sur 
Sapience  à  Rome,  et  Ignace  à  la  réforma-  saint  Ignace  le  soupçon  d'hérésie,  et  gagna 
lion  des  mœurs  par  la  voie  des  exercices  trois  Espagnols  qui  avaient  un  air  de  sagesse 
spirituels  et  des  exhortations,  qu'il  faisait  et  de  probité  tout  propre  à  autoriser  une  ca- 
d'une  manière  si  pathétique  et  si  édifiante,  lomnie.ll  corrompit  encore  .Michel  Navarre, 
qu'il  y  eut  plusieurs  personnes  de  grand  qui  avait  été  à  Paris  compagnon  de  François 
uiérite  qui  se  mirent  sous  sa  conduite.  Xavier,  et  qui  haïssait  saint  Ignace  à  cause 
Pendant  que  ces  trois  hommes  apostoli-  qu'ayant  voulu  être  de  ses  disciples  ,  il  ne 
ques  travaillaient  si  utilement  dans  Rome  ,  l'en  avait  pas  jugé  digue.  Sainl  Ignace  fut 
Xavier  et  Bobadilla  s'employaient  dans  Bo-  dénoncé  devant  le  gouverneur  de  Rome 
logne  au  salut  des  âmes,  le  Jay  et  Rodnguez  comme  un  hérétique  et  un  sorcier ,  qui  avait 
faisaient  de  même  dans  Ferrare  .  Rrouet  et  été  brûlé  en  effigie  à  Alcaia,  à  Pat  is  et  à  Ve- 
Saimeron  dans  Sienne,  Codure  et  Hozez  dans  nise.  Sur  celte  accusation,  le  peuple  se  sou» 
Padoue  ;  mais  ce  dernier  étant  mort  quelque  leva  contre  lui  et  ses  compagnons  ;  mais  leui 
temps  après ,  saint  Ignace  retrouva  presque  innocence  fui  reconnue  et  leurs  accusateurs 
aussilôl  un  autre  compagnon,  qui  fut  Fran-  furent  contraints  de  se  dédire  et  d'avouer 
çois  Strada.  Jusqu'alors  Ignace  n'avait  point  leurs  impostures.  Le  gouverneur,  par  ordre 
eu  d'autre  vue  que  ceile  île  travailler  au  sa-  du  pape  ,  rendit  une  sentence  qui  contenait 
'ut  des  âmes  de  concert  avec  ses  conipa-  l'éloge  des  accusés  et  les  justifiait  entière- 
gnons,  et  cela  sans  aucun  engagement  parti-  ment.  Us  parurent  de  nouveau  en  public  ,  et 
culier  ;  mais  Dieu  ,  qui  l'avait  destine  à  être  recommencèrent  leurs  exercices  de  charité  , 
le  chef  d'un  corps  qui  devait  être  si  utile  à  tant  en  soulageant  les  pauvres  dans  une  l'a- 
son  Eglise  ,  lui  donna  des  notions  plus  dis-  mine  qui  alfligea  dans  ce  temps-là  la  ville  de 
tincles  de  l'institut  dont  il  devait  être  le  fou-  Rome,  qu'en  les  instruisant  des  devoirs  du 
dateur,  et  une  forte  pensée  de  l'établir  au  christianisme  :  ce  qui  leur  attira  l'estime  du 
plus  tôt.  11  en  communiqua  avec  Lefèvre  et  peuple,  qui  leur  donna  autant  de  bénédic- 
Lainez  ,  et  manda  les  autres  qui  étaient  dis-  lions  qu'il  leur  av  il  souhaité  de  mal  au  su- 
perses  en  Italie ,  afin  que  convenant  avec  jet  des  accusations  susdites. 
eux  ils  pussent  faire  un  établissement  solide.  Sainl  Ignace  crut  qu'il  devait  profiter  d'uuo 
A  peine  ces  ouvriers  évangéliques  eurent-ils  si  heureuse  conjoncture  pour  l'exécution  do 
reçu  l'ordre  du  saint ,  qu'ils  quittèrent  tout  sou  dessein.  Ayant  fait  un  abrégé  de  l'insli- 
pour  se  rendre  à  Rome,  où  étant  arrives  sur  lui,  que.  lui  et  ses  compagnons  avaient  cou- 


G5Ô 

cerlé  ensemble  ,  il  le  présenta  au  pape  Paul 
111  par  l'entremise  du  cardinal  Gaspard  Con- 
larini.  Le  s .int-père  reçut  cet  écrit,  et  le 
donna  aussitôt  à  examiner  au  maître  du  sa- 
cré palais ,  Thomas  Badia  ,  qui  fut  depuis 
cardinal.  Badia  le  retint  deux  mois ,  après 
lesquels  il  le  rendit  à  Sa  Sainteté,  lui  protes- 
tant qu'il  n'y  trouvait  rien  que  de  Irès-luua- 
ble  ,  et  le  pape  l'ayant  lu  lui-même  ,  ap- 
prouva de  vive  voix  cet  institut.  Ignare  le 
pria  de  le  confirmer  aulhentiquement;  mais, 
quoique  ce  souverain  pontife  s'y  sentît  por- 
té ,  il  ne  voulut  rien  faire  que  par  l'avis  de 
trois  cardinaux  ,  dont  le  piemier,  qui  fut 
chargé  de  l'affaire  ,  se  nommait  Barthélémy 
Guidiccioni.  Cela  n'empêcha  pas  ,  en  atten- 
dant, que  Sa  Sainteté  ne  demandât  à  Ignace 
quelques-uns  de  ses  disciples  pour  réformer 
un  monastère  de  religieuses  qui  était  dans 
un  grand  désordre  ,  et  qu'elle  n'en  destinât 
d'autres  à  d'autres  emplois  qui  ne  leur 
étaient  pas  moins  honorables.  Le  Jay  alla  à 
Brcscia  pour  extirper  l'hérésie  que  des  pré- 
dicateurs peu  catholiques  y  avaient  semée. 
Bohadilta  fut  envoyé  à  l'île  d'Ischia,  vers  les 
côles  de  Naples ,  pour  accorder  les  princi- 
paux du  pays  ,  qui  se  haïssaient  mortelle- 
ment. Lninez  et  Lcfèvre  accompagnèrent  le 
cardinal  de  Saint-Ange  dans  sa  légation  de 
Parme.  Lainez  resta  à  Plaisance,  et  Lelè- 
vre  demeura  à  Parme  ,  d'où  il  fut  retiré  en- 
suite pour  aller  à  Worms  assister  à  un  col- 
loque qui  se  devait  tenir  entre  les  catholi- 
ques et  les  protestants.  Enfin  Uodriguez  et 
Xavier  partirent  pour  les  Indes  ,  sur  la  de- 
mande que  Jean  III ,  roi  de  Portugal  ,  avait 
faite  de  ces  nouveaux  missionnaires. 

Il  est  difGcile  d'exprimer  la  joie  que  saint 
Ignace  eut  de  voir  ses  compagnons  engagés 
dans  les  emplois  de  l'apostolat;  mais  elle  fut 
un  peu  troublée  par  les  oppositions  que  fi- 
rent les  trois  cardinaux  à  son  grand  dessein. 
Il  continua  ses  poursuites  auprès  du  pape 
avec  plus  de  chaleur  que  jamais  ,  et  redou- 
bla ses  prières  auprès  de  Dieu  avec  d'autant 
plus  de  confiance  ,  que  ,  ne  doutant  point  du 
succès  de  son  entreprise  ,  il  lui  promit  trois 
mille  messes  en  reconnaissance  et  en  action 
de  grâces  de  cette  faveur  qu'il  espérait  ob- 
tenir de  sa  divine  majesté.  Son  espérance  ne 
fut  pas  trompée  ,  Dieu  permit  que  les  héré- 
sies qui  se  multipliaient  en  France,  en  Alle- 
magne ei  en  Angleterre,  et  qui  avaient  mê- 
me pénétre  jusqu'en  Italie,  laisant  juger  aux 
Ci  ois  cardinaux  que  cette  nouvelle  religion 
serait  nécessaire  pour  en  arrêter  le  cours , 
les  firent  changer  de  sentiments.  Le  pape, 
approuvant  les  conversions  merveilleuses 
que  faisaient  les  disciples  d'Ignace  dans  les 
lieux  où  ils  étaient  employés  hors  de  Rome, 
se  détermina  enfin  à  confirmer  le  nouvel  in- 
stitut: ce  qu'il  fit  par  une  bulie  du  27  sep- 
tembre de  l'an  1540  ,  donnant  à  ce  nouvel 
ordre  le  nom  de  Compagnie  de  Jésus,  et  per- 
mettant à  saint  Ignace  et  à  ses  compagnons , 
qu'il  fixa  au  nombre  de  soixante  proies  ,  de 
Presser  des  constitutions  telles  qu'ils  le  juge- 
raient à  propos. 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  644 

§  IL  Continuation  de  Vllistoire  de   la  Com- 
pagnie de  Jésus  et  de  la  vie  de  saint  Ignace 

de  Loyola. 

Dès  que  le  saint-siége  eut  approuvé  la 
Compagnie  de  Jésus,  saint  Ignace  jugea  qu'il 
fallait  commencer  par  lui  donner  un  chef. 
Pour  cet  effet ,  il  rappela  à  Borne  ,  avec  la 
permission  du  pape,  ceux  de  ses  compagnons 
qui  se  pouvaient  trouver  à  l'élection.  Il  ne 
s'y  en  trouva  que  six  ;  car  Xavier  et  Uodri- 
guez étaient  en  Portugal ,  en  attendant  l'oc- 
casion de  passer  aux  Indes;  mais  ils  avaient 
laissé  en  parlant  de  Borne  leurs  suffrages 
par  écrit.  Lcfèvre  envoya  le  sien  de  Worms, 
où  il  assistait  à  la  diète  qui  s'y  tenait,  il 
n'y  eut  que  Bobadilla  qui  ne  concourut 
pas  à  l'élection,  étant  resté  à  Naples  par  or- 
dre du  pape  et  n'ayant  point  envoyé  son  suf- 
frage ;  mais  il  confirma  à  son  retour  le  choix 
que  firent  l  s  aulres ,  et  qui  tomba  sur  saint 
Ignace.  Le  saint,  quoiqu'il  eût  toutes  les 
ne  pouvant  consentir  à  accepter  cette 


voix  , 

charge, les  obligea  à  recommencer  l'élection; 
mais, ayant  encore  eu  toutes  les  voix  dans  cette 
seconde  élection,  et  après  avoir  fait  de  nou- 
veaux elîorts  pour  ne  point  accepter  cet  em- 
ploi, il  y  fut  enfin  déterminé  par  l'avis  du  P. 
Tnéodore  ,  religieux  de  Saint-François ,  qui 
était  son  confesseur. 

Il  prit  donc  le  gouvernement  de  la  com- 
pagnie de  Jésus  le  jour  de  Pâques  de  l'an 
loil,  et  le  vendredi  suivant,  27  avril,  tous 
ceux  de  ses  disciples  qui  étaient  à  Rome  ti- 
rent dans  la  basilique  de  Saint-Paul,  hors 
les  murs  de  la  ville,  leur  profession  solen- 
nelle, par  laquelle  ils  s'engagèrent  tous  à 
garder  une  pauvreté,  une  chasteté  et  une 
obéissance  perpétuelles,  selon  la  forme  de 
vie  contenue  dans  la  bulle  de  leur  institu- 
tion. Ils  firent  pareillement  le  vœu  d'une 
obéissance  spéciale  au  souverain  pontife,  à 
l'égard  des  missions,  marqué  dans  la  même 
bulle,  et  s'obligèrent  d'enseigner  aux  enfants 
la  doctrine  chrétienne.  La  différence  qu'il  y 
eut  entre  la  profession  du  saint  fondateur  et 
celle  des  autres,  c'est  qu'il  fit  sa  promesse 
immédiatement  au  pape,  et  que  ses  compa- 
gnons lui  firent  la  leur  à  lui-même,  comme 
à  leur  général  et  à  leur  chef. 

Ce  nouveau  général  commença  sa  charge 
par  faire  le  catéchisme ^aus  l'église  de  Sain- 
te-Marie de  Si  rata,  qui  fut  ensuite  donnée;! 
sa  Compagnie.  11  continua  cet  exercice  peu- 
dant  quarante-six  jours;  et  c'est  à  son  exem- 
pb'  que  les  supérieurs  de  son  institut  l'on! 
quarante  jours  le  catéchisme  quand  ils  en- 
trent en  charge.  Il  dressa  ensuite  quelqiei 
règlements  pour  le  gouvernement  de  cet!» 
société  naissante,  dans  laquelle ,  outre  lei 
six  proies  qui  avaient  concouru  à  son  élec- 
lion,  douze  autres  personnes  étaient  entrées, 
et  furent  suivies  peu  de  temps  après  d'un 
plus  grand  nombre,  entre  autres  de  deux 
Espagnols,  dont  l'un,  parent  d'Ignace,  se 
nommait  Emilien  de  Loyola.  Nous  avons  dit 
que  Xavieret  Rodriguez  étaient  en  Portugal. 
Le  roi  procura  au  premier,  sans  qu'il  le  sût, 
un  bief  de  légat  apostolique  aux  Indes.  11 


m 


JES 


ms 


(MO 


partit  de  Lisbonne  la  même  année,  y  ayant  • 
laissé  tlodriguez.  Bohadilla  cl  le  Jay  allèrent 
prendre  à  Vienne  et  à  Ratisbonne  la  place  de 
LefèTre,  qui  fut  envoyé  à  Madrid.  Le  pape 
envoya  au^si  en  Irlande  Salmcron  cl  Brouet, 
avec  "le  caractère  de  nonces,  pour  maintenir 
la  foi  catholique  parmi  ces  peuples,  qui, 
nonobstant  les  éclits  d'Henri  VIII,  étaient 
demeurés  fidèles  au  saint-siége  ,  et  l'année 
suivante  1542,  la  république  demanda  Lai- 
nez.  Saint  Ignace  envoya  étudier  à  Paris 
quelques-uns  de  ses  nouveaux  disciples,  qu'il 
joignit  à  d'autres  qui  y  étaient  dès  l'année 
précédente,  et  qui  demeuraient  au  collège 
des  Lombards,  au  nombre  de  seize.  Ce  fut 
celle  même  année  que  le  premier  collège  de 
la  Compagnie  de  Jésus  fut  fondé  à  C  mimbre 
par  Jean  III,  roi  de  Portugal,  pour  être  le  sé- 
fninaire  des  apôtres  du  nouveau  monde,  (le 
collège  se  trouvacomposé  de  vingt-cinq  sujets 
dès  l'année  suivante  loi3,  el  le  1'.  Rodriguez 
écrivit  à  saint  Ignace  que  l'intention  du  roi 
était  d'y  en  entretenir  cent. 

La  nouvelle  compagnie  était  déjà  compo- 
sée de  quatre-vingts,  répandus  en  divers 
pays  ;  el,  comme  ce  nombre  surpassait  celui 
qui  avait  été  limité  par  la  buflc  du  pape,  le 
saint  fondateur  alla  trouver  Sa  Sainteté  pour 
lui  représenter  la  nécessité  qu'il  y  avait 
d'augmenter  leur  nombre!  Paul  111.  convain- 
cu du  grand  profil  que  ces  hommes  apostoli- 
ques avaient  fait  pour  le  salut  des  âmes,  ôla 
la  restriction  qu'il  avait  mise  dans  sa  pre- 
mière bulle,  permit  à  cet  ordre  de  s'  Ire 
sans  limitation  de  personnes  et  Je  temps,  el 
le  confirma  de  nouveau  par  une  autre  bulle 
le  15  mars  de  l'an  1543.  Ce  pontife  donna 
aussi  la  même  année  à  ces  religieux  l'église 
de  Sainl-André  de  Phraeta,  qui  n'était  pas 
éloignée  de  celle  de  Sainte-Marie  de  Slrata, 
donl  nous  avons  parlé,  où  ils  jetèrent  dès  la 
même  année  les  fondements  de  leur  maison 
professe,  qui  fui  en  état  d'être  habitée  Pan- 
,  née  suivante.  C'est  celle  même  maison  qui  a 
été  tellement  agrandie  dans  la  suite,  qu'elle 
est  entourée  de  quatre  rues.  L'église,  s  >us  le 
nom  de  Jésus,  a  été  bâtie  avec  beaucoup  de 
magnificence,  par  les  libéralités  du  cardinal 
Alexandre  Farnèse,  qui  en  fit  jeler  les  fon- 
dements l'an  1568. 

Dans  le  temps  qu'on  travaillait  aux  bâti— 
menls  de  celte  maison,  Ignace,  dont  le  zèle 
était  sans  relâche  pour  le  salut  des  âmes, 
songea  aux  moyens  de  procurer  une  retraite 
pour  des  filles  el  des  femmes  que  la  nécessité 
avait  jetées  dans  le  désordre.  Il  y  avait  déjà 
un  monastère  de  filles  et  femmes  repen- 
ties, sous  le  titre  de  Sainte-Madeleine  ;  mais 
on  n'y  recevait  que  celles  qui  voulaient  être 
religieuses.  Notre  saint,  considérant  que  la 
grade  qui  excite  les  pécheresses  à  quitter  le 
vice  ne  les  porte  pas  toujours  à  quitter  le 
monde,  et  que  l'élat  du  mariage  ne  s'accorde 
pas  avec,  celui  de  la  religion,  forma  le  des- 
sein de  fonder  une  autre  maison  où  des  per- 
sonnes séculières  tant  femmes  que  filles  fus- 
sent admises  indifféremment.  Il  s'en  ouvrit  à 
plusieurs  seigneurs  romains,  qui  approuvè- 
rent sou  dessein,  el  fournirent  de  grosses 


sommes  pour  cet  établissement  :  de  sorte 
qu'en  peu  de  temps  on  bàlil  une  maison  pour 
ces  pécheresses  ,  sous  le  lilre  de  Sainte- 
Marthe.  11  eut  encore  soin  des  jeunes  filles 
qui  sont  exposées  à  de  grands  périls,  ou 
faute  d'éducation  ou  faute  de  biens  :  il  fit 
fonder  pour  elles  un  autre  monastère  sous  le 
nom  de  Sainte-Catherine  dclli  Funari,  où  il 
y  a  ordinairement  cent  filles  qui  y  sont  en- 
tretenues sous  la  conduite  de  quelques  reli- 
gieuses qui  suivent  la  règle  de  saint  Augus- 
tin, dont  nous  avons  déjà  parlé  en  un  autre 
lieu. 

Pendant  que  le  saint  fondateur  s'employait 
ainsi  dans  Home  à  de  bonnes  œuvres,  et  qu'il 
travaillait  aux  constitutions  de  son  ordre, 
plusieurs  villes  d'Cspagne,  d'Italie,  d'Alle- 
magne et  des  Pays-Bas,  lui  demandèrent  de 
ses  disciples,  et  lui  offrirent  des  collèges  ; 
suivant  en  cela  l'exemple  de  Jean  111,  roi  de 
Portugal,  qui  avait  fondé  le  premier  collège 
de  la  Compagnie  à  Conimbre,  cl  un  séminaire 
à  Goa.  Alcala,  Valence,  Candie,  Cologne , 
Louvain  et  Padouc  furent  les  premières  vil- 
les qui  voulurent  en  avoir,  el  dont  l'exem- 
ple lui  bientôt  suivi  de  plusieurs  autres  villes 
de  différents  Liais  et  royaumes  ;  en  sorte  que 
cette  compagnie  s'étendit  en  fort  peu  de 
temps  dans  tous  les  pays  catholiques,  à  l'ex- 
ception de  la  France,  où,  quoiqu'elle  y  eût 
pris  naissance,  elle  ne  fut  pas  reçue,  dans  ses 
Commencements,  soit  parce  que  les  béréti- 
ques  qui  commençaient  à  s'établir  dans  ce 
royaume,  la  rendaient  odieuse,  soit  par  o 
que  la  guerre  s'étant  renouvelée  entre  Char- 
les-Quinl  et  François  1  ',  on  n'aimât  pas  une 
société  dont  le  chef  el  les  principaux  mem- 
bres étaient  espagnols  :  de  sorie  que,  bien 
loin  d'être  recherchés  des  villes  de  France, 
ceux  de  celle  compagnie  ,  qui  étudiaient  à 
Paris  et  qui  n'étaient  pas  Français,  furent 
contraints  de  sortir  du  royaume,  pour  obéir 
à  l'édit  qui  bannissait  les  sujets  de  l'Empe- 
reur. 

De  si  heureux  commencements  annon- 
çaient les  progrès  de  cette  société.  Plusieurs 
savants  personnages  de  toutes  sortes  de  na- 
tions, el  même  des  Français,  vinrent  à  Home 
pour  se  mettre  sous  la  conduite  du  saint  fon- 
dateur, et  pour  embrasser  son  institut.  Il  les 
reçut  avec  d'autant  plis  de  joie,  qu'il  recon- 
nut qu'ils  étaient  d'un  mérite  distingué  et 
d'un  caractère  à  remplir  dignement  I  esprit 
de  leur  vocation  ;  en  quoi  il  ne  se  tro  pa 
pas,  excepté  en  la  personne  de  Guillaume 
Poslel.  Ce  dernier,  né  à  Barenton  en  Nor- 
mandie, sur  le  bruit  que  faisait  la  Compagnie 
de  Jésus  dans  toute  l'Furope,  lut  exprès  à 
Rome  en  loi5  pour  voir  le  fondateur  de  ce 
nouvel  ordre  :  et,  charmé  de  ses  manières  et 
de  la  beauté  de  son  institut,  fit  vœu  d'y  en- 
trer. 11  sollicita  si  fortement  le  saint  de  l'y  re- 
cevoir, qu'il  ne  put  le  lui  refuser  ;  mais  ce  fut 
pour  fort  peu  de  temps  ;  car  le  saint,  recon- 
naissant dans  son  novice  un  fond  d'impiété  et 
d'erreur,  le  renvoya,  nonobstant  les  grands 
talents  dont  il  était  doué,  puisque,  sans  par- 
ler de  la  connaissance  qu'il  avait  de  tous  les 
secrets  des  rabbins  et  des  oabalistes  (ce  qui 


647 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


G*S 


aurait  été  tm  grand  avantage  pour  les  con- 
fondre, s'il  eût  voulu  en  faire  un  bon  usage)  : 
il  savait  les  langues  latine,  grecque,  hébraï- 
que, chaldaïq  e  et  syriaque  ,  el  il  parlait  et 
entendait  si  bien  celles  qui  sont  vivantes, 
qu'il  se  vantail  de  pouvoir  faire  le  lour  du 
momie  sans  truchements.  Il  était  bon  mathé- 
maticien, el  il  possédait  quasi  toutes  les 
sciences.  Ii  s'étaii  tellement  acquis  l'estime 
de  François  1",  qui  aimait  les  belles-lettres, 
que  ce  prince  l'envoya  ea  Orient  pour  y  re- 
chercher des  manuscrits,  et  lui  donna  une 
chaire  de  professeur  dans  le  collège  royal 
qu'il  avait  fondé  ci  Paris.  Postel  s'y  distingua 
[dus  que  jamais.  La  reine  de  Navar  e,  sœur 
du  roi,  l'estimait  singulièrement.  Les  plus 
grands  seigneurs  de  la  cour,  el  surtout  les 
cardinaux  de  Tournon,  de  Lorraine  et  d'Ar- 
magnac, recherchèrent  son  entretien.  Postel 
enfin  faisait  l'admiration  des  plus  savants. 
Heureux  si,  doué  de  tant  de  science,  il  se  fût 
attaché  à  celle  des  saints;  mais  la  lecture  des 
ouvrages  des  rahb.ns  lui  ayant  mis  des  chi- 
mères el  des  illusions  dans  la  tète,  il  ne  put 
si  bien  cacher  ses  sentiments  au  aujet  d'un 
nouvel  avènement  de  Jésus-Christ,  qui  devait 
être,  selon  lui,  dans  peu  de  temps,  que  le 
saint  fondateur  ne  s'en  aperçût;  ce  qui  l'o- 
bligea à  le  chasser  de  la  Compagnie,  après 
avoir  tenté  toutes  sortes  de  voies  pour  le  i  c- 
tiier  de  ses  erreurs  ;  mais  ce  fut  toujours  si 
inutilement,  que,  dès  qu'il  fut  sorti,  il  se  mit 
à  dogmatiser  dans  Rome.  Il  se  relira  ensuite  à 
Venise,  où  il  se  crut  pi  us  en  sûreté.  Il  s'y  in  fa  tua 
tellement  d'une  certaine  re  igieuse  appelée  la 
Mire  Jeanne, qu'il  osadire  que  dans  le  nouvel 
avènement  de  Jésus-Christ  elle  serait  la  ré- 
demptrice des  femmes,  de  même  que  Jésus- 
Christ  avait  été  le  rédempteur  des  hommes, 
et  composa  sur  ce  sujet  un  livre  intitule 
Vii go  Veneta.  On  lui  attribue  aussi  d'autres 
erreurs  grossières,  qui  l'ont  fait  mettre  au 
nombre  "es  hérétiques,  et,  entre  autres,  d'a- 
voir publie  que  l'ange  Raziel  lui  avait  révélé 
les  secrets  divins  ;  qu'il  n'y  avait  que  six  sa- 
crements, et  que  ses  écrits  étaient  les  écrits  de 
Jésus-Christ  même.  Il  se  reconnut  néanmoins 
sur  la  On  de  ses  jours,  et  mourut  dans  la 
communion  de  l'Eglise,  au  monastère  de 
Saint-Martin  des  Champs  à  Paris,  l'an  1581, 
dans  un  â^e  fort  avancé. 

La  fermeté  que  le  saint  fondateur  fit  pa- 
raître en  chassant  Guillaume  Postel  de  sa 
Compagnie  lut  une  preuve  si  convaincante  de 
son  attachement  à  la  foi  catholique  ,  que  le 
pape  lui  demanda  deux  de  ses  théologiens 
pour  assister  en  son  nom  avec  ses  légats  au 
concile  général  qui  deyait  se  célélirar  à 
Trente.  Le  saint  choisit  Lainez  etSaltneron, 
et  leur  donna  des  instructions  pour  remplir 
dignement  leur  ministère  dans  une  si  célè- 
bre assemblée.  Le  P.  le  Jay  y  vint  aussi 
d'Allemagne,  comme  théologien  de  l'évêque 
d'Ausbourg,  et  le  P.  Lefôvre  y  fui  aussi 
envoyé  dans  la  suite.  La  première  session 
du  concile  commença  le  13  décembre  de  l'an 
1345,  et  la  dernière  ne  finit  que  dix-huit 
ans  après.  Le  P.  le  Jay  y  arriva  le  premier, 
cl  gaçna  d'abord  la  bienveillance  el  t'estime 


du  cardinal  de  Trente  ,  qui  le  constipa  sur 
des  affaires  épineuses.  Le  P.  Salmeron  pro- 
nonça un  discours  lalin  devant  les  PP.  du 
concile  ,  qui  mérita  l'applaudissement  de 
rassemblée.  Le  P.  Lainez  se  fit  admirer  dès 
la  première  fois  qu'il  parla  ,  et  tous  trois 
firent  paraître  une  érudition  si  profonde  , 
que  les  légats  du  pape  les  chargèrent  de  re- 
cueillir toutes  les  erreurs  des  hérétiques  an- 
ciens et  modernes,  avec  les  autorités  de  l'Ecri- 
ture el  des  Pères  capables  de  les  confondre. 

Quoique  le,  Jésuites  eussent  déjà  plusieurs 
collèges  ,  ils  ne  s'employaient  pas  encore  à 
l'instruction  de  la  jeunesse,  excepte  dans  le 
séminaire  de  Goa  ,  où  le  P.  Nicolas  Lenci- 
loti,  italien,  avait  commencé  à  enseigner  aux 
enfants  les  principes  de  la  langue  latine; 
mais  l'an  1546  ils  eurent  des  écoles  publi- 
ques pour  enseigner  toutes  sortes  de  scien- 
ces. Le  premier  collège  où  ils  commencèrent 
cet  exercice  si  utile  lut  celui  de  Gandie  ,  ijue 
saint  François  de  Uorgia,  duc  de  Can- 
die ,  leur  fonda  avanl  que  d'entrer  dans 
cette  Compagnie,  dont  il  fut  le  troisième  gé- 
néral. Son  dessein  étant  que  ce  collège  de- 
v  î til  célèbre,  li  obtint  du  pap a  et  de  l'Empe- 
reur qu'on  ('érigerait  eu  université  ,  et  que 
les  écoliers  qui  y  prendraient  les  degrés  au- 
raient tous  les  privilèges  dont  jouissaient  les 
gradués  d'Alcala  et  de  Salamanquc.  Ce  duc 
avait  fait  vœu  à  Grenade  d'embrasser  L'état 
religieux,  sans  se  déterminer  à  aucune  reli- 
gion en  particulier;  mais  enûa,  s'étanl  résolu 
a  exécuter  son  vœu,  il  choisit  la  Compagnie 
de  Jésus  el  écrivit  à  saint  Ignace  pour  lui 
demander  la  grâce  d'y  être  reçu.  Le  saint 
fondateur  ia  lui  accorda  avec  joie,  mais  à 
condition  qu'avant  son  entrée  il  pren- 
drait du  temps  pour  mettre  ses  enfants  eu 
étal  de  n'avoir  plus  besoin  de  sa  conduite  ni 
de  ses  soins  paternels.  Le  duc,  qui  avait  une 
sainte  impatience  d'entrer  dans  la  Compa- 
gnie avant  l'exécution  des  choses  qui  lui 
avaient  été  prescrites  ,  écrivit  une  seconde 
lettre  au  saint  fondateur,  dans  laquelle  il  e- 
mandait  cette  grâce  avec  tant  d'ardeur,  qu'il 
lui  obtint  du  pape  l'an  1547  la  permission  o 
faire  les  vœux  des  proies  ,  sans  quitter  le 
monde,  avec  le  puuvoir  de  garder  ses  biens 
pendant  trois  années  :  en  sorte  que  ce  ne 
lui  que  l'an  iooi,  après  avoir  cède  sou  du- 
ché de  Gandie  à  son  fils  aîné,  qu'il  pi  il  l'ha- 
bit de  la  Compagnie  dans  le  collège  d'Ognale, 
à  quatre  lieues  de  Loyola. 

LaCompagnieavaildejà  l'ail  pour  lors  beau- 
coup de  progrès  ;  elle  était  divisée  en  quatre 
provinces,  qui  étaient  celles  d'Italie, d'Espa- 
gne, de  Portugal  el  des  Indes.  Celled'Espagne 
lut  même  divisée  en  deux  l'année  suivante, 
et  en  trois  l'an  1554  II  n'y  availque  la  France 
où  les  Jésuites  n'avaient  point  encore  d'éta- 
blissements, quoique  leur  ordre  y  eût  pris 
naissance.  Ils  avaient  toujours  été  renfermés 
dans  le  collège  des  Lombards  où  ils  étaient 
au  nombre  de  treize  ,  soit  en  qualité  de 
pensionnaires,  soit  en  qualité  de  boursiers  : 
encore  ne  se  vantaient-ils  pas  d'être  mem- 
bres de  la  Société  ;  mais  ils  se  déclarèrent 
enfin  l'an  154'J.  Le  P.  Viole  ,   qui  était  leur 


649 


JES 


JES 


630 


supérieur,  voyant  que  dans  ce  collège  ils  ne 
pouvaient  pas  s'acquilter  des  exercices  qui 
conviennent  à  des  religieux,  obtint  de  Guil- 
laume Duprat,  évéque  de  Clermont,  son  hô- 
tel pour  les  loger.  Ils  y  allèrent  tous  à  l'ex- 
ception de  trois,  qui  ri  slèrent  au  collège  des 
Lombards  jusqu'à  l'année  suivante  ,  que 
saint  Ignace  leur  ordonna  d'aller  demeurer 
avec  ceux  qui  étaient  à  l'hôtel  de  Clermont. 
Ce  saint  fondateur  fit  une  sévère  réprimande 
au  P.  Viole  de  ce  qu'il  avait  accepté  la 
charge  de  proviseur  du  collège  des  Lom- 
bards, rt  voulut  qu'il  la  quittât  incessam- 
ment, quoique  cet  emploi  ne  l'obligeât  po.nt 
d'aller  à  ce  collège.  Comme  il  n'y  avait  point 
de  proies  en  France,  il  lui  ordonna  quelque 
temps  après  de  faire  ses  vœux,  selon  la  for- 
mule qu'il  lui  envoya  de  Rome,  et  pria 
l'évèque  de  Clermont  de  vouloir  les  rece- 
voir. 

A  peine  les  Jésuites  firent-ils  entrés  dans 
l'hôtel  de  Clermont,  qu'ils  trouvèrent  beau- 
coup d'oppositions  à  leur  établissement; 
mais  ils  ne  manquèrent  pas  de  protecteurs. 
Le  cardinal  de  Guise  ,  qu'on  nomma  le  car- 
dinal de  Lorraine  après  la  mort  de  son  on- 
cle, fut  un  des  principaux.  Ce  prince  fit 
connaître  au  roi  Henri  H  saint  Ignace  et  ses 
enfants,  et  leur  fit  obtenir  des  lettres  de  ré- 
ception, qu'on  leur  avait  refusées.  Elles  fu- 
rent expédiées  l'an  1550.  Le  roi  leur  permet- 
tait par  ces  lettre-  d'avoir  un  collège  à  Paris, 
et  de  s'établir  dans  son  royaume.  Le  parle- 
ment refusa  d'enregistrer  ces  lettres;  mais 
le  roi,  persuadé  par  le  cardinal  de  Lorraine 
et  par  les  commissaires  qu'il  avait  lui-même 
nommés  pour  examiner  l'institut  des  Jésui- 
tes, qu'il  ne  contenait  rien  de  contraire  au 
bien  de  l'Etat  et  de  l'Eglise,  donna  de  secon- 
des lettres  avec  ordre  au  parlement  de  les 
enregistrer  ,  sans  avoir  égard  aux  remon- 
trances de  son  procureur  général.  Le  parle- 
ment ,  pressé  par  des  ordres  réitérés  de  la 
cour,  donna  un  arrêt  le  3  août  looi  portant 
que,  comme  l'affaire  des  Jésuites  regardait 
principalement  la  religion  ,  les  bulles  qu'ils 
avaient  obtenues  du  saint-siége  seraient 
communiquées  à  l'évèque  de  Paris  et  au 
doyen  de  la  faculté  de  théologie,  et  que 
l'un  et  l'autre  en  rendraient  compte  à  la 
cour. 

L'évèque  de  Paris  ,  par  son  rapport ,  fut 
entièrement  opposé  à  leur  établissement,  et 
entre  autres  choses  fit  entendre  que  leur  in- 
stitut blessait  les  droits  des  évèques  et  les 
concordats  faits  entre  les  papes  et  les  rois 
de  France.  Le  doyen  de  la  faculté  de  théo- 
logie poussa  l'affaire  plus  loin;  il  assembla 
les  docteurs,  qui  firent  le  décret  suivant  :     • 

Que  la  nouvelle  Société ,  qui  s'attribue  le 
nom  de  Jé.-us,  reçoit  sans  nul  choix  toutes 
sortes  de  gens,  quelque  crime  qu'ils  aient  com- 
mis et  quelque  infâmes  qu'ils  soient;  quelle 
ne  diffère  en  rien  des  prêtres  séculiers,  n'ayant 
ni  i 'habit ,  »i"  le  chœur,  ni  le  silence  ,  ni  les 
jeûnes  ,  ni  les  autres  observances  qui  distin- 
guent et  qui  maintiennent  l'état  religieux; 
quelle  semble  violer  la  modestie  de  la  profes- 
sion monastique  par  tant  d'immunités  et  de 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux. 


libertés  qu'elle  a  dans  ses  fonctions  ,  surtout 
dans  l'administration  des  sacrements  de  péni- 
tence et  d'eucharistie  ,  sans  nulle  distinction 
des  lieux  ni  des  personnes  ,  dans  le  ministère 
de  la  parole  de  Dieu  et  dans  l'instruction  de 
la  jeunesse,  au  préjudice  de  l'ordre  hiérarchi- 
que, des  autres  religieux  et  même  des  princes 
ou  des  seigneurs  temporels,  i  outre  les  privilè- 
ges des  universités  et  à  la  charge  du  peuple  ; 
qu'elle  énerve  le  saint  usage  des  vertus  ,  des 
pénitences  et  des  cérémonies  de  l'Eglise  ; 
qu'ell '■■■  donne  occasion  d'apostasier  librement 
des  autres  sociétés  religieuses;  qu'elle  refuse 
aux  ordinaires  l'obéissance  qui  leur  est  due  ; 
qu'elle  prive  injustement  de  leurs  droits  les 
seigneurs  ecclésiastiques  et  les  seigneurs  tem- 
porels :  qu'elle  introduit  partout  des  divisions, 
des  jalousies,  des  querelles  et  des  schismes; 
enfin  que  ,  pour  toutes  ces  raisons  ,  cette  So- 
ciété semble  être  périlleuse  en  matière  de  foi  , 
ennemie  de  la  paix  de  l'Eglise,  fatale  à  la  re- 
ligion monastique,  et  plutôt  née  pour  la  ruine 
que  pour  l'édification  des  fidèles. 

Les  Pères  de  Home,  à  qui  le  général  com- 
muniqua cet  écrit,  furent  tous  d'avis  qu'on 
y  répondit  dans  les  formes  pour  désabuser 
la  France  et  pour  instruire  les  docteurs  de 
Paris,  qui  semblaient  n'avoir  nulle  connais- 
sance de  l'institut  des  Jésuites  ;  mais  le  saint 
fut  d'un  autre  sentiment.  Outre  qu'il  hono- 
rait la  Sorbonne,  qu'il  regardait  comme  une 
des  plus  fortes  colonnes  de  l'Eglise,  il  crut 
que  ce  qu'on  leur  imposait  dans  ce  décret 
était  trop  outré  pour  faire  aucun  mal,  et 
qu'une  réponse  publique,  quelque  modeste 
qu'elle  pût  être,  ne  servirait  qu'à  irriter  da- 
vantage les  esprits,  les  assurant  que  malgré 
tous  les  obstacles  qui  semblaient  faire  déses- 
pérer de  leur  réception  en  France,  la  Com- 
pagnie s'y  établirait,  et  que  le  collège  de  Pa- 
ris serait  un  jour  très-célèbre.  Il  eut  soin 
néanmoins  de  faire  venir  de  tous  les  lieux 
où  sa  Compagnie  était  établie  des  témoigna- 
ges authentiques  de  la  bonne  conduite  qu'y 
tenaient  ses  enfants  et  des  fruits  qu'ils  y  fai- 
saient. De  plus  il  permit  au  P.  Martin  Otave, 
qui  enseignait  la  théologie  dans  le  collège 
Romain  et  qui  était  docteur  de  Sorbonne, 
d'envoyer  à  ses  confrères  une  réponse  mo- 
deste et  solide  à  tous  les  articles  de  leur  dé- 
cret. La  publication  de  ce  décret  ne  laissa  pas 
d'émouvoir  tout  Paris  contre  les  Jésuites. Les 
professeurs,  les  prédicateurs  et  les  curés  at- 
taquèrent publiquement  leur  institut  et  en 
donnèrent  d'horribles  idées.  On  afficha  aux 
carrefours  de  la  ville  des  papiers  très-inju- 
rieux pour  décrier  leur  doctrine  et  leur  con- 
duite, et  le  peuple  leur  fit  diverses  insultes. 
Il  semblait  alors  que  le  meilleur  parti  qu'ils 
eussent  à  prendre  était  celui  de  se  retirer 
de  celte  grande  ville;  mais,  dans  le  temps 
qu'il  paraissait  y  avoir  le  moins  à  espérer, 
l'orage  se  dissipa,  et  la  Compagnie,  restant 
tranquille,  eut  un  libre  exercice  de  ses  fonc- 
tions. Elle  commença  à  enseigner  dans  la 
ville  de  Rillom,  où  le  même  Guillaume  Du- 
prat, évéque  de  Clermont,  fonda  un  collège 
en  attendant  qu'on  ouvrit  celui  de  Paris. 
Ce  n'était  pas  seulement  en  France  que  la 
11.  21 


651  DICTIONNAIRE  DES 

Compagnie  était  maltraitée  :  Jean  Silic,  ar- 
chevêque de  Tolède,  se  déclara  contre  elle, 
sous  prétexte  que  les  Jésuites  entreprenaient 
sur  les  droits  de  l'épiscopat,  par  la  liberté 
qu'ils  se  donnaient  d'administrer  les  sacre- 
ments en  tous  lieux  sous  ombre  de  leurs 
privilèges.  11  n'y  avait  dans  son  diocèse  qu'un 
collège  de  ces  Pères,  qui  était  celui  d'Alcala; 
ils  les  interdit  tous  en  un  jour  et  fulmina  une. 
sentence  d'excommunication  contre  toutes 
les  personnes  qui  se  confesseraient  à  eux: 
ordonnant  aux  religieux  et  aux  curés  de  son 
diocèse  de  ne  laisser  ni  prêcher  ni  dire  la 
messe  dans  leurs  églises  à  aucun  de  la 
Compagnie,  défendant  même  la  confession  à 
tous  les  prêtres  qui  auraient  fait  sous  leur 
conduite  les  exercices  spirituels.  Ce  n'élait 
qu'une  suite  des  oppositions  qu'ils  avaient 
déjà  trouvées  dans  le  royaume  d'Espagne, 
où  dès  l'an  1548  on  avait  employé  plusieurs 
moyens  pour  les  détruire  dans  l'esprit  du 
peuple.  Entre  les  autres,  Melchior  Canus,  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique  et  docteur  de  Sa- 
lamanque,  y  avait  publié  tant  de  choses  à 
leur  désavantage,  que  le  peuple,  qui  comp- 
tait beaucoup  sur  les  paroles  de  ce  docteur, 
traita  d'imposleurs  ceux  qui  lui  avaient 
paru  auparavant  des  hommes  descendus  du 
ciel.  On  croyait  peut-être  en  cela  faire  plai- 
sir à  l'empereur  Charles-Quint,  qui  a\ait 
chassé  de  l'Empire  le  P.  Bobadilla,  parce 
qu'il  s'était  opposé  à  la  formule  de  foi  que 
l'on  appela  Vlnterim,  que  ce  prince,  par 
condescendance  pour  les  hérétiques  d'Alle- 
magne, avait  fait  puhlier  dans  la  diète 
d'Augsbourg.  Ce  qui  consolait  les  Jésuites 
dans  leurs  peines,  était  que  leur  fondateur 
n'en  avait  pas  été  exempt  :  car  dès  l'an  1553 
il  en  avait  souffert  beaucoup  au  sujet  de  son 
\ï\  re  des  Exercices  spirituels,  que  l'on  taxait 
d'hérétique,  nonobstant  l'approbation  qu'il 
avait  eue  de  Paul  III  en  1546;  en  sorte  qu'il 
y  aurait  peut-être  succombé,  si  plusieurs 
théologiens ,  et  entre  autres  Barthélemi 
Tories,  qui  fut  dans  la  suite  évéque  des 
Canaries,  n'eussent  pris  sa  défense  et  celle 
du  saint-siège,  que  l'on  attaquait  indirecte- 
ment, cl  si  les  inquisiteurs,  entre  les  mains 
desquels  on  avait  mis  ce  livre,  n'en  fussent 
devenus  les  apologistes,  après  avoir  fait  con- 
naître la  mauvaise  loi  de  l'accusaleur. 

Tant  d'oppositions  n'étaient  que  trop  ca- 
pables de  dégoûter  ces  nouveaux  hommes 
apostoliques;  mais  Dieu  les  soutint  toujours 
dans  leurs  peines.  Tandis  qu'on  s'opposait  à 
eux  en  France  et  dans  une  partie  de  l'Es- 
pagne, ils  avaient  la  consolation  de  se  voir 
faire  un  grand  progrès  dans  l'Italie.  Outre  la 
nouvelle  confirmation  que  le  saint  fondateur 
obtint  de  son  institut  en  1550,  on  lui  fonda 
des  collèges  et  des  maisons  à  Home,  à  Lo- 
rette,  à  Naples,  à  Florence,  à  Bologne,  à 
Venise,  à  Pérouse,  à  Modène  et  en  d'autres 
endroits  :  sans  parler  de  l'établissement  du 
collège  Germanique,  qu'il  procura  en  1552 
pour  l'éducation  des  enfants  de  la  pauvre  no- 
blesse étrangère.  Ignace  fit  des  statuts  pour 
cette  maison,  et  les  Pères  de  laCompagnie  en 
eurent  la  conduite. 


ORDRES  RELIGIEUX.  n"i2 

La  piix  dont  celle  société  jouissait  en  Ita- 
lie et  principalement  à  Home  fut  troublée 
par  le  pape  même,  qui  en  1553  s'irrita  con- 
tre les  Jésuites.  I!  crut  que  ceux  d'Espagne, 
qui  étaient  à  la  cour  de  Castille,  s'étaient 
rangés  du  côté  de  Charles-Quint  contre  les 
intérêts  du  saint-siège;  mais  ces  soupçons 
se  dissipèrent  par  les  bons  offices  de  Ferdi- 
nand, roi  des  Romains,  et  le  pape  donna  do 
nouvelles  marques  de  son  affection  à  la 
Compagnie.  Son  successeur  Marcel  II  n'eut 
pas  moins  de  bienveillance  pour  elle;  mais 
son  pontificat  n'ayant  duré  que  trois  semai- 
nes, les  Jésuites  tombèrent  dans  de  nouvel- 
les appréhensions  lorsqu'ils  virent  en  sa 
place  le  cardinal  Caralïe,  qui  prit  le  nom  de 
Paul  IV.  Ils  le  croyaient  irrité  contre  eux, 
tant  à  cause  que  saint  Ignace  avait  refusé 
d'unir  son  ordre  à  celui  des  Théatins,  dont 
•Carafl'e  était  l'un  des  fondateurs,  que  parce 
qu'il  avait  fait  casser  par  le  pape  Paul  III 
une  sentence  que  le  même  Caraffe,  étant  ar- 
chevêque do  Naples,  avait  donnée  contre  lui 
pour  l'obliger  de  rendre  un  jeune  Napolitain 
qui  avait  été  reçu  dans  sa  Compagnie,  et 
que  ses  parents  redemandèrent;  mais  ils  re- 
connurent bientôt  qu'ils  s'étaient  trompés. 
Paul  IV  leur  fut  si  favorable,  que  dès  les 
premiers  jours  de  son  pontificat  il  voulut 
faire  le  P.  Lainez  cardinal,  si  saint  Ignace 
ne  s'y  fût  opposé  fortement,  comme  il  avait 
déjà  faii  lorsque  P.,ul  111  voulut  revêtir 
saint  François  de  BorgL:  de  la  même  dignité, 
et  lorsque  Ferdinand,  roi  des  Romains, 
nomma  le  P.  Le  Jay  à  l'évèché  de  Triesle. 
Le  saint  fondateur  ne  consentit  jamais  quo 
S.és  enfants  reçussent  aucune  prélalure,  si 
ce  n'est  dans  les  pays  étrangers,  où  il  man- 
que de  pasteurs  capables  de  retirer  les  peu- 
ples des  ténèbres  de  l'erreurel  de  l'idolâtrie; 
comme  les  PP.  Nugnez,  Carnero  .  t  Oviédo, 
qui  furent  envoyés  en  Ethiopie,  le  premier 
en  qualité  de  patriarche,  le  second  comme 
évêque  de  Nicée,  et  le  troisième  comme  évé- 
que de  Hiérapolis;  auxquels  on  donna  dix 
c  impagnons  pour  les  aider  dans  leurs  mis- 
sions. Enfin  saint  Ignace,  après  tant  de  Ira- 
vaux  pour  la  gloire  de  Jésus-Christ  et  pour 
le  salut  des  âmes,  mourut  à  Rome  le  31  juil- 
let de  l'an  1556,  âgé  de  65  ans,  trente  cinq 
ans  après  sa  conversion,  et  seize  ans  après 
la  fondation  de  sa  Compagnie.  H  eut  la  con- 
solation de  la  voir  avant  sa  mort  répandue 
par  tout  le  monde  et  divisée  eu  douze  pro- 
vinces, qui  toutes  ensemble  avaient  au 
moins  cent  collèges  ;  il  la  vil  même  honorée 
du  martyre  en  la  personne  du  P.  Antoine 
Criminal  et  en  celles  des  frères  Pierre  Cor- 
rea  et  Jean  de  Fosa,  qui  furent  mis  à  mort 
par  les  barbares,  le  premier  dans  les  Indes, 
et  les  deux  autres  au  Brésil.  Le  corps  du 
suint  fondateur  fut  enterré  à  Rome  dans  l'é- 
glise de  la  maison  professe,  au  pied  du  grand 
autel,  du  côté  de  l'évangile,  où  il  demeura 
jusqu'en  l'année  1508, qu'on  l'en  relira  pour 
jeter  les  fondements  de  la  nouvelle  église 
que  le  cardinal  Farnèse  (il  bâtir,  et  ce  sacré 
dépôt  fut  porté  en  un  autre  endroit  de  l'au- 
eiennc    gli-e.  Lorsque  la  nouvelle  fut  enliè- 


6~ 


JES 


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654 


renient  bâtie,  le  P.  Aquaviva,  l'an  LJ87,  pour 
lors  général,  je  lran9téra   'Sans  celle  église; 
cl  après  que  le  pape  Grégoire  XV  l'eu!  cano- 
ni  é  en  16±s,  on  érigea  en  son  honneur  une 
chapelle,  qui  a  élé   embellie  sur  la   (in  du 
dernier  siècle  avec  beaucoup  de  magnificence. 
Après  la  mort  de  saint  Ignace,  on  fut  deux 
ans  sans  lui  donner  de  successeur.  La  guerre 
qui  survint  entre  le  pape  Paul    IV  et  Phi- 
lippe II,  roi  d'Espagne,  ayant  ferme  les  pas- 
sâmes aux  Espagnols,  on  ne  tint  point  la  con- 
grégation générale.  Les  Italiens  pendant   ce 
temps-là  élurent  pour  vicaire  général   le  P. 
jaques  Lainez  :  elles  Espagnols,  qui  igno- 
raient ce  que  les  Italiens  avai  ni  fait,  élurent 
de  leur  côté  le  P.  Nalal  ;   mais  celui-ci    par 
huini  ité    céda   à    Lainez   la    supériorité.  11 
n'eu  fui  pas  de  même  du  P.    Uobadilla,   qui, 
comme    un    des    premiers    compagnons    de 
saint  Ignace,  prétendit  avoir  paît    au    gou- 
vernement de  l'ordre,  mais  il  lut    oblige  de 
céder  à  Lainez,  qui  indiqua  la  i ■ongrégalion 
générale.  Elle  se  lin}  l'an  looo\  et  il  y  fut  élu 
général.  Après  son  éleclioi  ,  le  cardinal    de 
Trana  lui  déclara  de  la  part  du  pape  que  Sa 
Sainteté  trouvait  deux  choses  à  redire  dans 
l'institut  de  la  Compagnie  :  la    première,  de 
ce  que  l'on  n'y  récitait  point  l'office  canonial 
au  chœur;  la  seconde,  de  ce  que   le  général 
n'était  point  triennal,  mais   perpétuel.    La 
congrégation  ayaut  délibéré  sur  les  difficul- 
tés que  le  pape  proposait,  chargea  le  ï'.  L  i 
liez  d'aller  trouver  Sa  Sainteté  et  de  iui  pré- 
senter une  lettre  signée  de  toute  l'assemblée, 
par  laquelle  on  lui  faisait  connaître  la  né- 
cessiié  qu'il  y  avait  que  le  général  fût  per- 
pétuel,  sans  parler  des   heures   canoniales. 
Le  pape  les  reçut  très-mal,  et  leur  déclara 
avec  des  expressions  très-fortes  qu'il  voulait 
que  le  général  fût  triennal,  et  qu'ils  chantas- 
sent au  chœur  les   heures   canoniales,    n'en 
exceptant  que  le  général  eleeux  quiseraient 
occupes.  Le  P.  Lainez  apaisa  le  pape  par  un 
discours  qu'il  luilil;  mais  le  pontife  persista 
à  vouloir  que  le  général  lût  triennal  el  que 
l'on  récitât  au  chœur  les  heures  canoniales. 
Il  fil  faire  un  décret  par  lequel  il  fut  ordonné 
que  dans  les  collèges  ou  chanterait  la  messe 
el  les  vêpres,  les  dimanches  et  les  fêtes,  et 
que  daus  les  maisons  professes  on  y   d.rait 
toutes  les  heures   canoniales.    Les  Jésuites 
souffrirent  avec  peine  qu'on  les  assujettit  à 
ces  obligations,  si  contraires  aux    missions, 
confusions   et   prédications    auxquelles  ils 
étaient  conliuuellenienl  occupés  ;  mais  ils  se 
consolèrent  lorsque  le  cardinal del  Pozzo  ou 
du  Puis,  qui  elail  un   savant  in  erprè  e,    les 
a  sura  que  le  décret  du  pape,  n'elanl  qu  un 
simple  commandement,    n'aurait  de  val  ur 
que  pendant  la  vie   de   ce  ponlife.  Pie  V  les 
obligea  encore  l'an  1561  de   réciter    l'office 
au  chœur,  et  leur  défendit  de  faire  promou- 
voir au  sacerdoce  aucun  de  leurs  Pères  qui 
ne  fût  profès  et  n'eût  prononcé  ses  vœux  so- 
lennels;  mais  Grégoire  Xlll,  par  une  bulle 
de  l'an  1573,  rétablit  la  Compagnie  dans  son 
premier  élat,  dispensant  ies  Jésuites  de  réci- 
ter leur  office  au  chœur  et  en  commun;   et 
permit  à  ceux  qui  n'auraient   fait  que  les 


vœux   simples  de   recevoir  la  prêtrise.  La 
Compagnie  fil  de  nouveaux  progrès  sous  le 
gouvernement  du  P.  Lainez.  principalement 
en  Europe.  Il  se  trouva  en  1561  au  colloque 
de  Poissy,  où  son  ordre  obtint  enfin  la  per- 
mission de  s'établir  en  France  dans  le  col- 
lège de  Clermont.  Ce  collège  s'est  beaucoup 
augmenté  dans  la  suite  par  les  libéralités  des 
rois    de   France  Henri   IV,   Louis   Xlll,   et 
principalement  de  Louis  XlV,    qui  déclara 
l'an  1683  ce   collège  de  fondation  royale;   et 
en  reconnaissance  des  grands  bienfaits  de  ce 
prince,  on  lui  a  donné   son  nom,   étant  pré- 
sentement   connu  sous  le  titre  de  Collège  de 
L   uis-le-Grand.  Après  que  le  P.  Lainez  eut 
gouverné  cet  ordre  pendant  huit  ans,  il  mou- 
rut l'an  1564,   et  eut  pour  successeur  saint 
François   de  Borgia.   La    Compagnie   avait 
pour    lors  cent  treille  maisons  ou  collèges, 
divisés  en  dix-huit  provinces,  qui  furent  en- 
core beaucoup  augmentées  par  les   soir.s  de 
ce  saint,  qui  fil  plusieurs  établissements  tant 
en  Europe  que  dans  l'Amérique.  Les  Jésuites 
avaient  déjà  cinq  maisons  à  Rome,  savoir  la 
maison  professe,   le  noviciat,  le  collège  Ro- 
main, le  collège  Germanique  et  le  séminaire 
Romain,   lorsque    saint  François  de  Borgia 
obtint  du  pape  Pie  Vr,  l'an  1570,  le  collège 
des  Pénitenciers  de  Saint-Pierre.  Les  collè- 
ges  des  Grecs,   des  Maronites,   des  Anglais, 
des  Ecossais  et  des  Irlandais,   leur  ont  été 
donnés  depuis:  ce  qui  marque  1  estime  que 
les    souverains  pontifes  ont   eue  pour  cette 
Compagnie. 

Après  la  mort  de  saint  François  de  Borgia, 
qui  arriva   l'an  1572,  le  P.  Mercurien,  Fla- 
mand,  fut  élu  général   de  cet  ordre.  11  eut 
pour  successeur  l'an  1581  le  P.  Aquaviva, 
de  la  maison  des  ducs  d'Atri ,  au  royaume 
de  Naples,  qui  occupa  celte  place  jusqu'en 
l'an  1615,  qu'on   lui  donna  pour  successeur 
après  sa  mort  le  P.  Vitelleschi,  qui    mourut 
l'an  1645.  Ce  fut  sous  ce  général  qu'on  so- 
lennisa  avec  beaucoup  île  pompe  et  de  ma- 
guilicence  à  Rome,  en  Allemagne  et  en  plu- 
sieurs provinces, l'année  séculaire  île  l'ordre. 
Cette  cérémonie    fui   d'abord   connu  niée  à 
Rome  dans   le  collège  Romain,  l'an  161'.),  le 
25  septembre,    fête  des  saints  martyrs  Côme 
et  Damien;  auquel  jour,  cent  ans  aupara- 
vant, l'ordre  avait  reçu  de  vive  voix  sa  pre- 
mière approbation  du  pape  Paul  III.   Hélait 
pour  Sors  si  multiplié  par  toutes  les  parties 
du    monde,   que,  suivant  le  catalogue  des 
maisons,   qui  avait  élé  publié  l'an   LI26,    il 
s'en  trouvait  plus  de  huit  cents,  tant  collèges, 
maisons  professes  et  de  prubation,  que  lési- 
dences;  le  tout  divisé  en  trente-six  provin- 
ces ,     dans    lesquelles    il    y    avait   plus    de 
quinze  mille  Jésuites.   La  Compagnie  a   lait 
depuis    ce    temps-là    de  nouveaux   progrès 
sous  les  généraux  qui  ont  succédé  au  P.  Vi- 
telleschi qui  sont  les  PP.  Nickel,  Oliva,  Gon- 
zalès  et  Tamburin. 

Les  constitutions  que  saint  Ignace  dressa 
pour  sa  Compagnie  sont  divisées  en  dix  par- 
lies,  qui  sont  précédées  de  l'examen  qu'on 
doit  faire  de  ceux  qui  se  présentent  pour  y 
être  reçus,  auxquels  on  doit  faire  plusieurs 


655 


demandes,  dont  il  fait  un  grand  détail.  Après 
leur  réception,  il    veut  qu'on   les   éprouve 
pendant  un  mois  dans    la  maison,   en    leur 
faisant   faire  le;  exercices  spirituels  el  une 
confession  générale,  après  laquelle  ils   doi- 
vent prendre  l'habit  ordinaire  de  la  Compa- 
gnie ;    que   le    noviciat   soit   de   deux   ans, 
et  qu'ils  apprennent  tous  les  jours   quelque 
chose  par  cœur  pour  cultiver  la  mémoire, 
sans  néanmoins  leur  permettre  l'étude.  Il  or- 
donne de  plus  qu'ils  serviront  les  malades 
l'espace  d'un  mois  dans  un   hôpital,   et  que 
pendant  un  autre  mois  ils  feront  un  pèleri- 
nage de  dévotion  à  pied,  sans  viatique,   en 
demandant  l'aumône.  Après  les  deux  années 
de  noviciat,  il  veut  que  les  jeunes  gens  de  la 
Compagnie  soient  appliqués  aux   études,   et 
détermine  les  sciences  qu'ils  étudieront;  et 
dans  la  crainte  qu'il  avait  que  l'amour  de  là 
science  n'affaiblit  peu  à  peu  l'esprit  de  piété, 
il  a  prescrit  les  pratiques  qui   peuvent  l'en- 
tretenir pendant  le  temps  des  études  ;  après 
lesquelles  il  ordonne  un  second  noviciatd'un 
an,  où  l'on  ne  s'applique  qu'aux  exercices 
de  la  vie  spirituelle,   pour  apprendre  à  pra- 
tiquer ce  que  l'on  doit  enseigner  aux  autres. 
Le  saint  fondateur  mitdans  son  ordre  trois 
différents   degrés,  l'un  de  profès,  l'autre  de 
coadjuteurs  formés,  et  l'autre  d'écoliers  ap- 
prouvés, outre  les  novices.  Parmi  les  proies 
il  y  en  a  de  deux  sortes,  les  uns  de   quatre 
vœux,  les  autres  de  trois  seulement.  Il  y  a 
aussi  de  deux  sortes  de  coadjuteurs,  les  uns 
spirituels  et  les  autres  temporels.  Les  vœux 
des  profès  sont  solennels,  ceux  des  coadju- 
leurs  sont  publics,   mais  simples.  Ceux  des 
écoliers  sont  seulement  simples ,  ils  ne  se 
font  qu'en  présence  des  domestiques,  et  per- 
sonne n'est  député  du  général  pour  les  rece- 
voir; au  lieu  que  ceux  des  profès  et  des  coad- 
juteurs formés  se  font  entre  ses  mains,  ou  de 
personnes  qu'i.l  a   députées    pour  cet  effet. 
Voici  la  formule  des  vœux  des  profès. 

Moi  N.  fais  profession  el  promets  à  Dieu 
tout-puissant,  en  présence  de  la  très-sainte 
Vierge,  de  toute  la  cour  céleste,  et  de  tous  les 
assistants,  et  à  vous,  Révérend  Piregénéral  de 
la  compagnie  de  Jésus,  tenant  la  place  de 
Dieu,  et  à  vos  successeurs,  pauvreté,  chasteté 
et  obéissance,  et,  selon  cette  obéissance,  d'avoir 
un  soin  particulier  pour  ce  qui  regarde  ce  que 
l'on  doit  enseigner  aux  jeunes  gens,  selon  la 
forme  de  vivre  contenue  dans  les  lettres  apo- 
stoliques de  la  Compagn  e  de  Jésus  et  dans  ses 
constitutions.  Fait,  elc.  Ceux  qui  font  les 
quatre  vœux  ajoutent  :  Et  en  outre  je  pro- 
mets spécialement  obéissance  au  souverain 
pontife  pour  ce  qui  regarde  les  missions, 
comme  il  est  porté  par  les  mêmes  lettres  apo- 
stoliques et  les  constitutions.  Les  coadjuteurs 
ne  disent  point,  je  fais  profession,  mus  seu- 
lement, je  promets  à  Dieu;  et  les  coadjuteurs 
temporels  retranchent  ce  qui  regarde  l'in- 
struction de  la  jeunesse. Les  écoliers  approu- 
vés, qui  font  seulement  des  vœux  simples 
et  non  publics,  s'engagent  à  la  Compagnie, 
promettant  d'y  uvre  el  mourir  dans  l'obser- 
vation des  vœux  de  pauvreté,  de  chasteté  et 
d  obéissance  ;  et  s'obligent  par  vœux  exprès 


WCTIOINNAIKK  HLS  OUDItES  RELIGIEUX. 


650 

d'accepter  le  degré  qu'on  trouvera  dans  la 
suite  leur  être  plus  convenable.  Comme  ce9 
vœux  ne  sont  que  simples,  sous  le  bon  plai- 
sir du  pape,  saint  Ignace  laissa  à  la  Com- 
pagnie le  droit  d'en  dispenser  pour  de  justes 
causes,  laissant  par  là  aux  écoliers  le  do- 
maine et  la  propriéléde  leurs  biens,  quoiqu'il 
leur  ô(e  le  pouvoir  d'en  jouir  et  d'en  disposer 
indépendamment  des  supérieurs;  et  c'est  un 
usage  reçu  en  Italie,  en  Espagne,  en  Flandre 
et  en  tous  les  autres  pays,  excepté  en  France 
où  ces  écoliers  et  ces  coadjuteurs  ne  peuvent 
disposer  de  leurs  biens,  tant  qu'ils  sont  dans 
la  Compagnie  ;  mais,  s'ils  en  sortenl,  ils  peu- 
vent redemander  partage  des  biens  dans  leurs 
familles.  Les  profès,  avant  que  de  faire  pro- 
fession, et  les  coadjuteurs  formés,  avant  que 
de  prononcer  leurs  vœux,  doivent  faire  la 
quête  et  mendier  de  porte  en  porte  pendant 
trois  jours;  et  il  est  à  la  volonté  des  supé- 
rieurs d'y  obliger  les  écoliers  avant  qu'ils 
soient  réputés  approuvés.  Quoique  les  coad- 
juteurs ne  soient  pas  profès,  ils  ne  laissent 
pas  d'être  recteurs  des  collèges  et  régenls; 
ils  peuvent  être  quelquefois  élus  pour  as- 
sister à  la  congrégation  générale;  mais  ils 
n'ont  point  voix  dans  l'élection  du  général 
et  ne  peuvent  précéder  les  profès  de  quatre 
vœux. 

Saint  Ignace  veut  que  le  général  soit  per- 
pétuel et  maitre  absolu  dans  toute  la  Com- 
pagnie ;  il  veut  même  que  ce  soit  lui  qui  fasse 
les  provinciaux,  les  supérieurs  de  maisons 
professes  et  de  probalion  et  les  recteurs  des 
collèges;  et,  afin  qu'il  connaisse  tous  les  su- 
jets quisont  propres  pour  remplir  les  postes, 
les  provinciaux  de  loule  l'Europe  lui  écri- 
vent une  fois  tous  les  mois  ;  les  recteurs,  les 
supérieurs  des  maisons  et  les  maîtres  des 
novices  tous  les  trois  mois;  et  ceux  des  Indes, 
lorsque  la  commodité  de  la  navigation  se 
présente,  lui  rendent  compte  en  général  de 
leurs  inférieurs.  On  lui  envoie  de  trois  en 
trois  ans  les  catalogues  de  chaque  province, 
dans  lesquels  on  marque  l'âge  de  chaque  re- 
ligieux, ses  forces,  ses  talents  naturels,  son 
avancement  dans  les  lettres  et  dans  la  vertu, 
et  toutes  ses  qualités  bonnes  ou  mauvaises. 
Saint  Ignace  donne  au  général  quatre  assi- 
stants, qui  sont  comme  ses  ministres;  mais 
on  en  a  ajouté  depuis  un  cinquième  pour  la 
France  :  ainsi  les  cinq  assistants  du  général 
sont  présentement  d'Italie,  de  France,  d'Es- 
pagne, d'Allemagne  et  de  Portugal,  et  sont 
élus  par  la  congrégation  générale  ,  comme 
tous  les  autres  supérieurs.  Outre  ces  as- 
sistants, il  a  encore  auprès  de  lui  un  admo- 
niteur,  aussi  élu  parla  congrégaiion  géné- 
rale ,  qui  est  en  droit  de  représenter  au 
général  ce  que  lui  ou  les  assistants  auraient 
remarque  d'irrégulier  dans  son  gouverne- 
ment ou  en  sa  personne. 

Comme  saint  Ignace  aimait  fort  la  pau- 
vreté, il  la  recommande  en  plusieurs  endroits 
de  ses  constitutions.  Il  ne  veut  pas  que  les 
maisons  professes  aient  aucun  revenu,  il  n'y 
a  que  les  collèges  et  les  maisons  de  proba- 
lion qui  en  peuvent  avoir.  Il  défend  de  rece- 
voir des  fondations  pour  des  messes  à  perpé- 


657 


JES 


JES 


658 


tuité,  ni  aucune  rétribution,  soit  pour  les 
messes,  les  confessions,  les  prédications,  les 
visites  des  malades,  pour  enseigner,  ou  pour 
quelque  autre  emploi  de  ceux  que  la  compa- 
gnie est  obligée  d'exercer  selon  son  institut. 
11  ne  donne  point  d'autre  habillement  à  ses 
religieux  que  celui  des  ecclésiastiques.  11 
ordonne  qu'il  sera  honnête  selon  l'usage  du 
pays,  sans  avoir  néanmoins  rien  de  contrai- 
re à  la  pauvreté  religieuse.  Cet  habit  con- 
siste en  une  soutane  et  un  manteau  long, 
comme  celui  des  ecclésiastiques  ;  niais  ils 
n'ont  point  de  rabat,  parce  qu'au  temps  de 
leur  établissement  les  ecclésiastiques  n'en 
portaient  pas  (1).  Les  écoliers  approuvés 
portent  aussi  en  France  le  manteau  long;  et 
en  Italie,  au  lieu  de  manteau,  ils  ont  une 
robe  à  peu  près  semblable  à  celle  qui  est  re- 
présentée à  l'article  Jérôme  (  en  Italie  ).  Le 
dessein  que  le  saint  fondateur  avait  de  con- 
vertir  tous  les  hommes,  s'il  était  possible, 
lui  fit  juger  que  la  Compagnie  ayant  à  traiter 
souvent  avec  les  hérétiques  et  tes  libertins, 
qui  se  moquent  de  l'habit  des  religieux,  elle 
n'en  dev.iii  point  prendre  de  singulier,  pour 
avoir  plus  d'accès  partout.  On  voit  ici  (2) 
l'habit  qu'ils  ont  été  obligés  de  prendre  dans 
les  pays  infidèles,  où  ils  annoncent  la  foi. 
Enfin  le  saint  fondateur  règle  le  logement, 
la  nourriture  et  le  reste,  conformément  à 
l'habit,  selon  les  lois  de  la  bienséance  et  de 
la  pauvreté,  et  il  ne  prescrit  aucuneaustérité 
d'obligation. 

Cette  Compagnie  a  eu  une  infinité  d'illus- 
tres écrivains  en  toutes  sortes  de  genres  de 
science.  Le  P.  Alegambe  en  a  donné  le  cata- 
logue, qui  a  été  augmenté  depuis  par  le  P. 
Bonanni.  Elle  aurait  fourni  un  grand  nom- 
bre de  prélats  à  l'Eglise,  si  saint  Ignace  n'eût 
point  oblige  ses  religieux  par  vœu  à  renon- 
cer aux  prélatures  et  à  les  refuser  quand  on 
les  leur  offrirait  :  c'est  encore  un  vœu  sim- 
ple que  les  profès  font  après  leur  profession. 
11  y  a  eu  néanmoins  quelques  cardinaux  de 
cet  ordre,  qui  sont  les  cardinaux  Tolet,  Bel- 
larmin,  de  Lugo  ,  Palavicin,  Pasmanni ,  qui 
fut  aussi  archevêque  de  Strigonie;  Nitard  et 
Ptoloméi,  nommé  par  Clément  XI,  auxquels 
il  a  fallu  un  précepte  de  Sa  Sainteté  pour  ac- 
cepter le  chapeau.  Les  Jésuites  mettent  en- 
core au  nombre  des  cardinaux  de  leur  ordre 
Alexandre  des  Ursins  ,  qui  fit  seulement  les 
vœux  simples  de  la  Compagnie,  étant  cardi- 
nal, sans  quitter  pour  cela  sa  dignité.  Enfin 
cet  ordre  a  eu  trois  saints  canonisés,  qui  sont 
saint  Ignace,  fondateur,  saint  François  Xa- 
vier, surnommé  l'Apôtre  des  Indes,  et  saint 
François  de  Borgia.  Trois  autres  béatifiés,  sa- 
voir :  les  bienheureux  Stanislas  Koske,  Louis 
de  Gonzague,  et  Jean-François  Régis.  Trois 
martyrs  reconnus  pour  tels  par  l'Eglise,  sa- 
voir, les  saints  Paul  Michi,  Jean  de  Golho,  et 
Jacques  Chisaï,  sans  parler  d'un  grand  nom- 
bre d'autres  qui  ont  répandu  leur  sang  dans 
les  différents  p.iys  où  ils  ont  porté  la  foi. 
Cet  ordre  a  piiur  armes  un  nom  de  Jésus  d'or 
entouré  de  rayons  de  même  en  champ  d'azur, 
avec  cette  devise  :  Ad  majorent  Dei  gloriam. 

(i)  Vu!/.,  à  la  fin  du  vol.,  nos  156,  157  et  158. 


Orlandin.  Sachin.  et  Possevin.  Hist.  So- 
ciet.  Jesu.  Imago  primi  sœcuii  Societ.  Jesu. 
Jacob  Dauiian.  Synops.  primi  sœculi  Societ. 
Jes.  Mathias  Tanner,  Societ.  Europ.  Barthe- 
lem.  t'elez,  Chronic.  de  la  Companhia  de  Jesu 
na  Provinc.  de  Portugal.  P.  de  Hybadeneira, 
Vide  de  S.  Ignazio.  Bouhours  ,  Vie  de  saint 
Ignace.  Euseb.  Nieremberg,  Cl  iros  Varones 
de  la  compannia  di  Jésus.  Philip.  Alegambe, 
Mortes  illustres  Societ.  Jes-  Herman  ,  Uist. 
des  (Ird.  religieux,  tom.  III.  Baillel  et  Giri  , 
Vie  des  saints.  Regul.  Cornm.  Constitut.  Litter. 
Aposlol.  et  privi'lrg.  Soc  Jesu. 

Le  P.  Hélyot  s'est  borné  à  raconter  l'his- 
toire de  l'origine,  de  l'extension  prodigieuse, 
de  la  Compagnie  de  Jésus;  il  a  donné  un  ex- 
posé succinct  de  son  régime  et  des  services 
immenses  qu'elle  a  rendus  à  l'Eglise,  mais  il 
s'est  très-peu  étendu  sur  les  luttes  auxquel- 
les elle  a  été  exposée,  sur  les  combats  qu'elle 
a  dû  soutenir  contre  les  novateurs.  Nous  de- 
vons, eu  continuant  son  travail,  suivre  son 
plan;  il  l'avait  d'ailleurs  suivi  lui-même 
dans  tout  ce  qu'il  a  écrit  sur  les  autres  or- 
dres religieux.  Néanmoins  elle  s'est  trouvée, 
après  ia  mort  de  notre  auteur,  mêlée  de  tant 
de  façons  aux  maux  qu'asoufferisla  religion, 
elle  a  été  elle-même  en  butte  à  tant  d'injus- 
tes attaques,  l'objet  de  tant  de  calomnies, 
que  le  peu  que  nous  en  allons  dire  sera  sous 
certains  rapports  le  récit  des  combats  livrés  à 
l'Eglise  même. 

Quand  le  P.  Hélyot  mourut,  la  bulle  Uni-* 
genitus  venait  de  paraître.  Sollicitée  par  l'E- 
glise de  France,  elle  devait  être  le  remède 
aux  maux  que  cette  Eglise  ressentait  depuis 
l'apparition  du  jansénisme.  L'hérésie  sut  pa- 
ralyser longtemps  les  effets  de  ce  remède  sa- 
lutaire. La  philosophie  profita  des  troubles 
qu'elle  fomentait  pour  jeter  du  ridicule  sur 
tout  ce  que  la  religion  et  la  morale  avaient 
de  plus  sérieux.  Les  parlements  se  mirent 
au  service  de  la  philosophie  et  du  jansénis- 
me, et  tous  fii  eut  de  la  Compagnie  de  Jésus 
leur  point  de  mire,  cachai::  sous  son  nom 
celui  de  la  religion  catholique,  à  laquelle  ils 
en  voulaient  réellement.  Les  Jésuites  de- 
vaient succomber  sous  le  poids  de  coups  si 
nombreux  et  si  puissants,  car  les  rois,  dans 
leur  aveuglement,  se  firent  l'écho  des  cla- 
meurs de  leurs  ennemis,  et  hâtèrent  leur  pro- 
pre chute  en  sollicitant  et  extorquant  celle 
des  religieux  les  plus  utiles  à  l'Eglise  dans 
les  dures  circonstances  où  elle  se  trouvait 
alors. 

Les  Jésuites,  zélés  pour  la  doctrine  catho- 
lique, se  soumirent  aux  décisions  du  saint- 
siége,  et  propagèrent  autant  qu'ils  purent 
l'adhésion  aux  décrets  venus  de  Home.  Nous 
devons  avouer  ici  que  quelques  membres  de 
leur  Compagnie,  alors  missionnaires  dans  les 
contrées  d'Orient, ne  montraient  pas  une  obéis- 
sance aussi  ponctuelle  aux  prescriptions  du 
souverain  pontife.  On  sait  toutes  les  difficul- 
tés élevées,  toutes  les  disputes  occasionnées 
par  les  cérémonies  religieuses  de  la  Chine. 
Depuis  plus  d'un  demi-siècle,  les  religieux 
de  divers  instituts  ,  missionnaires  dans  ces 

(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n09 150,  100,  1(11  et  162. 


659 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


(.560 


contrées  lointaines,  étaientdivisés  sur  le  sens 
qu'on  attachait  à  certains  mots,  sur  l'objet 
de  certaines  cérémonies.  La  plupart  con- 
damnaient l'expression  par  laquelle  les  indi- 
gènes nommaient  le  ciel,  n'y  voyant  que  le 
ciel  matériel  ;  le  plus  grand  nombre  des  Jé- 
suites, et  même  quelques  prélats  y  recon- 
naissaient l'invocation  do  Seigneur  du  ciel. 
La  même  division  exislait  sur  le  sens  moral 
des  cérémonies  dont  nous  avons  parlé.  Ro- 
me, consultée,  envoya  tin  légat,  M.  de  Totir- 
non,  patriarche  d'Antioche,  qui  ne  fut  pas 
reçu  de  tous  tes  catholiques  avec  le  respect 
que  lui  méritaient  son  caractère  et  son  titre. 
Il  est  juste  de  ne  pas  laisser  peser  sur  les  Jé- 
suites seuls  le  tort  de  ce  manque  de  respect 
et  de  soumission.  Nous  donnons  sur  eux  un 
aperçu  historique  ;  notre  impartialité  nous 
oblige  à  dire  que  le  plus  grand  nombre  d'en- 
tre eux  se  montra  récalcitrant  aux  ordres  du 
pape.  Le  légat  condamna  les  cérémonies  chi- 
noises ;  les  Jésuites,  s'appuyant  trop  sur  leurs 
connaissances  étendues  et  plus  approfondies 
de  la  langue  et  des  usages  du  pays,  sur  le 
maintien  des  intérêts  du  christianisme  dans 
ces  contrées,  ajournèrent  leur  soumission  et 
appelèrent  au  pape  mieux  informé.  (Nous 
voulons  appuyer  sur  la  différence  de  cet  ap- 
pel d'avec  celui  des  appelants  français.)  Ils 
euret  tort  ;  mais  si  le  légat  eut  à  se  plain- 
dre de  leur  conduite,  il  eut  bien  plus  à  se 
plaindre  des  vexations  des  Portugais,  de  l'ar- 
chevêque de  Goa,  de  l'évéque  de  Macao.  Les 
fautes  de  ceux-ci  n'excusent  pas  celles  des 
autres,  sans  doute,  mais  elles  les  explique- 
raient peut-être  un  peu,  et  devraient  obli- 
ger les  ennemis  des  Jé-uites  à  plus  de  discré- 
tion dans  leurs  attaques  fondées  sur  ce 
point.  Au  reste,  le  11  juillet  llhl  et  le  12  sep- 
tembre 174ï,  Benoît  XIV,  par  ses  bulles 
Ex  quo  tingulari  et  Omnium  sollicitudinum, 
trancha  toutes  les  difficultés  en  parlant  dans 
le  sens  de  ses  prédécesseurs.  Les  Jésuiies 
cessèrent  leurs  résistances,  qui  dans  un 
grand  nombre,  et  peut-être  dans  tous,  n'a- 
vaient été  que  conditionnelles.  Dès  avant  ce 
temps,  en  1735,  les  Jésuites  duMaduré;  en 
1741,  les  Jésuites  de  la  Chine  et  des  Indes 
avaient  fait  leur  soumission,  et  la  distance 
des  lieux  avait  retardé  l'arrivée  de  leurs  let- 
tres à  Rome.  Au  milieu  rie  ces  malheureuses 
divisions,  les  Jésuites  de  ces  contrées  loin- 
taines faisaient  honneur  à  leur  Compagnie 
et  à  la  religion,  si  on  peut  parler  ainsi,  par 
l'éclat  dont  ils  brillaient  dans  les  sciences  , 
dans  des  missions  diplomatiques  et  délicates, 
et  les  noms  des  PP.  Parrenin,  Gaubil,  etc., 
sont  restés  chers  aux  lettres,  suivant  le  té- 
moignage même  de  ceux  qui  ne  semblent  pas 
faits  pour  comprendre  et  pour  dire  combien 
aussi  ils  sont  demeurés  chers  à  la  mémoire 
des  hommes  de  foi. 

A  la  même  époque,  et  pendant  tout  le  reste 
de  son  existence,  la  Société  de  Jésus  rendait 
àl'aulre  extrémité  du  monde  des  services,  si- 
non aussi  éclatants  ,  du  moins  plus  étendus 
et  peut-être  plus  solides  et  plus  utiles.  Nous 
ne  faisons  point  ici  un  panégyrique,  mais 
seulement  de  l'histoire,  et  dans  l'impossibi- 


lité où  nous  laisse  l'espace  rétréci  destiné  à 
raconter  ses  travaux,  de  les  montrer  en  dé- 
tail, nous  nous  bornerons  à  dire   que  si  le 
christianisme  a  fait    des  progrès   si  surpre- 
nants  dans    l'Amérique  du  Nord  depuis  un 
siècle,  ces  progrès  sont  dus  en  grande   partie 
aux  travaux  des  Jésuites.  Ces  évêchés  nom- 
breux qui  semblent,  surgir  comme  par  en- 
chantement  dans  les    Etats-Unis,   nous  ne 
craignons  pas  de  le  dire,  ont  leurs  basrs   et 
leurs  racines  dans  cette  terre  que  les  Jésui- 
tes plus  que  tous   les  autres    missionnaires 
avaient  défrichée  et  arrosée  de  leurs  sueurs. 
Les  Puraxis,  les  Manacica-i,  les  Quiriquicas, 
les    Lutles,  les    Puizocas,  les    Alocabis,   les 
Abipones,   les  Mataguyos    et   vingt   autres 
peuplades  ou  tribus  sauvages,  dans   l'autre 
partiedu  nouveau  monde  sont  amenés  par  les 
Jésuites  à  la  connaissance  de  la  vérité  et  aux 
usages  de  la  vie  civile.  Toutes  ces  nations,  dont 
les  noms  étranges  ne  nous  seraient  peut-être 
pas  connus  si  elles   n'avaient  été  l'objet  du 
zèle  des  Jésuites,  furent  amenées  à   l'état  de 
Réduction, c'est-à-dire  à  ce  genre  de  gouver- 
nement  moitié  monarchique,  moitié  théo- 
cratique,  où  les  établissaient  leurs  apôtres 
pour  les  soustraire  aux  horreurs  de  la  vie 
sauvage.  De  toutes  ces  Réductions,  celles  du 
Paraguay  ont  été  les  plus  célèbres  :  tout  le 
monde  connaît  jusqu'à  quel  point  les  Jésui- 
tes parvinrent  dans  cette   république  chré- 
tienne à  rendre  agréable  à  des  êtres  abrutis 
le  joug  de  l'obéissance,  du  travail  et  de  la 
famille.  Comme  si   les  difficultés   sans  nom- 
bre qu'avaient  demandées  ces  conquêtes  mé- 
ritoires avaient  surexcité  le  zèle  des  Jésui- 
tes, l'Amérique  méridionale  vit  de  nouveaux 
Pères  de  l'institut  marcher  à   la   découverte 
de  nouvelles  peuplades.  On  leur  disait  qu'elles 
étaient  encore  plus  sanguinaires,  plus  disso- 
lues que  celles  dont  ils  avaient  comprimé  les 
instincts.  Ces  récits  furent  pour  eux  un   sti- 
mulant. On  ne   peut  dissimuler  que   toutes 
ces  conquêtes  faites  aux  lumières   de  la  foi, 
ne  fussent  aussi  à  l'avantage  de  l'Espagne  et 
du  Portugal, qui  favorisaient  les  missionnai- 
res; il  faut  en   même  temps   rappeler  com- 
bien ces    services  nombreux  et   importants 
rendus   à    la   mère  patrie  étaient    souvent 
payés  d'ingratitude,  de  calomnies  et  de  per- 
sécutions. La  France  n'était  pas  moins  in- 
téressée aux  conquêtes  spirituelles  des  Jésui- 
tes dans  l'Amérique  du  Nord.    Les  Hurons, 
les  Esquimaux,  les  Algonkins,  les  Abenakis, 
les  Illinois  et   les  Mi  ami  s  acceptèrent  avec 
joie  l'Evangile.  De   l'état  sauvage  ils  étaient 
p  u  :'t  peu  arrivés  à  une  condition  heureuse. 
Ils  apprenaient  à  confondre  dans  leur  amour 
Jésus-Christ  et  la   France.  Après  leur  avoir 
donné  un  culle,  des  mœurs,  une   famille,  on 
leur  offrait  une  patrie  qui   les  protégeait,  et 
si  le  nom  de  robes  noi/es  réveille  encore  de 
nos  jours  les  sentiments  de  la  reconnaissance 
chez    les  sauvages    et  chez   les  Canadiens, 
n'oublions  pas  que  ce  nom,  devenu  commun 
à  tous  les  missionnaires  catholiques,  fut  pri- 
mitivement  donné  aux  seuls  Jésuites.  Une 
partie  des   œuvres  dont  DOUS   ra   pelons  ici 
l'effet    miraculeux  avait    commencé    sans 


664 


JES 


JES 


062 


doute  à  une  époque  antérieure  à  celle  qui 
nous  sert  de  date  dans  ces  additions,  mais 
elles  se  continuèrent  et  quelques-unes  com- 
mencèrent au  xvnr  siècle.  Il  en  est  de  même 
dis  œuvres  plus  difficiles  et  peut-être  plus 
méritoires  que  la  charité  des  Jésuites  leur 
faisait  suivre  alors,  en  Guinée,  à  la  Séné- 
gambie,  au  Congo,  à  Angola  et  sur  d'autres 
poinls  meurtriers  des  côtes  et  des  habitations 
île  l'Afrique  ;  et  si  jamais  l'institut  écrit  un 
martyrologe  do  famille,  il  trouvera  dans  les 
missions  que  nous  avons  indiquées,  pour  en- 
richir sa  nomenclature,  le*  noms  de  Soli.  os, 
Rnnu  ro,  de  Arcé ,  de  Blende,  Baraze  ,  Ri- 
chltT,  Gravier*  Dupoisson,  Sénat,  douze  Pè- 
res massacrés  sur  les  bords  du  Xingu,  et 
cinquante  autres,  dont  la  mort  date  à  peu 
pr  s  de  l'époque  sur  laquelle  nous  écrivons; 
et  tous  ne  périrent  pas  sous  les  flèches  ou  la 
hache  des  sauvages,  plus  d'un  mourut  sous 
le  fer  des  protestants  anglais. 

Nous  abandonnons  à  regret  les  missionnai- 
res jésuites  dans  leurs  travaux  du  nouveau 
monde  et  des  autres  contrées  lointaines,  pour 
reprendre  leur  histoire  en  Europe,  où  nous 
les  voyons  en  proie  à  la  calomnie  et  aux  per- 
sécutions de  l'hérésie  et  de  l'impiété.  En 
France  comme  da  s  le  reste  du  continent, 
partout  où  ils  étaient  établis,  les  Jésuitessou 
tenaient  avec  honneur,  continuaient  avec  zèle 
le  bien  qu'avaient  fait  leurs  devanciers  dans 
la  prédication,  la  direction  des  consciences, 
des  congrégations  pieuses,  etc.  ;  ils  soute- 
naient aussi  la  réputation  littéraire  et  scien- 
tifique de  leur  ordre,  soit  en  formant  toujours 
des  élèves  dislin  ués,  soit  par  des  ouvrages 
remarquables  dans  tous  les  genres.  Couime, 
au  milieu  de  tant  de  richesses  intellectuelles, 
nous  ne  pouvons  rien  citer  dans  notre  abré- 
gé, nous  nommons  à  peine  ici  le  Journal  de 
Trévoux  et  son  immense  action;  nous  omet- 
tons aussi  à  regret  tant  de  noms  que  !a 
France  même  seule  pourrait  ici  nous  four- 
nir. Encore  une  fois,  nous  n'avons  envie  de 
faire  ni  dans  le  fond  ni  dans  la  forme  un 
é!oge  des  Jésuites;  notre  tâche  serait  pour- 
tant alorsd'autant  plus  facile, si  l'espace  nous 
était  laissé,  que  nous  n'aurions  qu'à  prendre 
les  paroles  arrachées  par  la  force  de  la  vérité 
delà  bouche  de  leurs  plus  célèbres  ennemis, 
pour  les  justifier  des  principaux  reproches 
qu'on  leur  a  faits.  S'agit-il  du  régicide,  par 
exemple,  dont  on  n'oserait  plus  parler  au- 
jourd'hui, mais  qui  a  servi  de  thème  à  tant 
d'hypocrites  amis  du  21  janvier  1793,  on  se 
rappelle  cette  lettre  de  Voltaire  à  Damila- 
vi Ile  :  «....  Vous  devez  voir  que  je  n'ai  pas 
ménagé  les  Jésuites  ;  mais  je  soulèverais  la 
postérité  en  leur  faveur,  si  je  les  accusais 
d'un  crime  dont  l'Europe  et  Damiens  les  ont 
justifiés.  »  Un  homme  dont  le  nom,  la  posi- 
tion, la  patrie  (il  était  de  la  religieuse  pro- 
vince de  Bretagne),  auraientdû  arrélerlapiu- 
me,  quand  il  eût  été  capable  d'écrire  de  lui- 
même,  LaCba!otais,quis'était  fait  par  orgueil 
le  méprisable  copiste  ou  le  vil  écho  de  d'AIem- 
bert,  avait  porté  l'expression  de  l'ignorance 
jusqu'à  dire  que  les  Jésuites  n'avaient  pas 
produit  de  mathématiciens.  El  h  cette  occa- 


sion l'astronome  Lalande,  qui  écrivait  dans 
le  Bulletin  de  l'Europe  :  «  Le  nom  de  Jésuite 
intéresse  mon  cœur,  mon  esprit  et  ma  recon- 
naissance. On  a  beaucoup  parlé  Je  leurré- 
tablissemeni  dans  le  Nord;  ce  n'est  qu'une 
chimère;  mais  elle  m'a  rappelé  tous  mes  re- 
grets sur  l'aveuglement  des  gens  en  place  en 
1762...  Carvalho  et  Choiseul  ont  détruit 
sans  retour  le  plus  bel  ouvr  âge  des  hommes, 
dont  aucun  établissement  sublunaire  n'ap- 
prochera jamais..,»  l'astronome  Lalande  , 
qui  malheureusement  n'était  pas  incité  par 
le  sentiment  :eligieux,  disait  aussi  :  «  L'es- 
pèce humaine  a  perdu  pour  loujours  cette 
réunion  précieuse  et  étonnante  de  vingt  mille 
sujets  occupés  sans  relâche  et  sans  intérêt, 
de  l'instruction,  de  la  prédication  ,  des  mis- 
sions ,  des  conciliations ,  des  secours  aux 
mourants,  c'est-à-dire  des  fonctions  les  plus 
chères  et  les  plus  utiles  à  l'humanité...  Par- 
m;.  les  calomnies  absurdes  que  la  rage  dés 
protestants  et  des  jansénistes  exhala  contre 
eux,  je  remarquai  La  Chalotais,  qui  porta 
l'ignorance  et  l'aveuglement  jusqu'à  dire  que 
les  Jésuites  n'avaient  pas  produit  de  mathé- 
maticiens. Je  faisais  alors  la  table  de  mon 
Astronomie;  j'y  mis  un  article  sur  les  Jésui- 
tes astronomes  ;  le  nombre  m'étonna;  j'eus 
occasion  de  voir  La  Chalotais  à  Saintes  en 
1773,  je  lui  reprochai  son  injustice,  et  il  en 
convint.  » 

Et  ce  La  Chalot  ai  s  lui-même  n'était-il  pas 
obligé  de  convenir  de  bien  d'autres  avanta- 
ges dans  la  Compagnie  de  Jésus  ?  «  Si  les  Jé- 
suites, dit-il,  n'avaient  enseigné  que  les 
maximes  d'une  morale  corrompue  et  relâ- 
chée, loin  de  se  soutenir,  ils  eussent  été  chas- 
sés de  tous  les  royaumes  ;  mais  ils  joignaient 
les  arts  aux  mœurs  régulières;  il  se  trouvait 
chez  eux  du  bien  et  du  mal.  Leur  institut  n'a 
point  eu  de  modèle,  et  vraisemblablement  il 
n'en  servira  jamais  à  aucun  ordre.  »  (LaCha 
lolais  se  trompe  en  cela,  connue  quand  il  dit 
que  les  constitutions  et  les  mœurs  des  Jé- 
suites ne  peuvent  s'accorder  avec  les  lois  et 
les  mœurs  des  Etals  républicains.  La  règle 
des  Jésuites,  comme  toutes  les  règles  monas- 
tiques, s'accorde  avec  tons  les  régimes  poli- 
tiques possibles  ,  puisqu'elle  n'est  que  l'ex- 
pression de  la  perfection  évangélique,  possi- 
ble partout.)  Les  évéques  réclamèrent  pres- 
que tous  en  faveur  de  la  Compagnie  de  Jésus. 
De  Filz-James,  évê  ;ue  de  Soissons,  jansé- 
niste connu,  fut  le  seul  à  s'élever  ouverte- 
ment contre  eux,  et  néanmoins  il  déclara 
que  leurs  mœurs  étaient  pures  :  «  On  rend 
volontiers  aux  Jésuites  (écrivit-il)  la  justiee 
de  reconnaître  qu'il  n'y  a  peut-être  point 
d'ordre  dans  l'Eglise  dont  les  religieux  soient 
plus  réguliers  et  plus  au  tères  dans  leurs 
mœurs.  »  Sur  le  même  sujet,  Voltaire  a  dit 
aussi  :  «  Pendant  sept  années  que  j'ai  vécu  dans 
la  maison  des  Jésuites,  qu'ai-je  vu  chez  eux? 
La  vie  la  plus  laborieuse  et  la  plus  frugale; 
toutes  les  heures  partagées  entre  les  soins 
qu'ils  nous  donnaient  et  les  exercices  de  leur 
profession  austère  :  j'en  atteste  des  milliers 
d'hommes  élevés.comme  moi.  » 

Après  avoir  lu  de  tels  témoignages,  on  est 


cor» 


FUCTlONN'AlliKUES  ORDRES  KEL1GIEUX. 


6G4 


peu  surpris  de  voir  les  évêques  de  France  dé- 
clarer à  Louis  XV  que  «  la  suppression  des 
Jésuites  porterait  un  notable  préjudice  à 
leurs  diocèses  et  à  l'inslruction  de  la  jeunes- 
se, et  qu'il  serait  très-difficile  de  les  rempla- 
cer avec  la  même  utilité.  » 

Cependant  celte  suppression  eut  lieu;  il 
nous  reste  à  racnter  comment  elle  fut  défi- 
nitivement amenée. 

L'orage  éclata  d'abord  contre  elle  en  Por- 
tugal, ou  elle  eut  pour  ennemi  déclaré  un 
homme  qu'elle  s'é'ait  pourtant  attaché  par 
les  liens  de  la  reconnaissance.  Cet  homme 
est  le  fameux  Pombal,  comte  d'OEyras,  né 
d'une  famille  noble  mais  pauvre.  Deux  ma- 
riages avantageux  l'avaient  mis  sur  la  voie 
de  la  fortune,  et  la  protection  du  P.  Morcira, 
confesseur  du  roi  Joseph  Ier,  plus  que  tout 
autre  soutien  peut-être,  l'avait  fait  nommer 
ministre  secrétaire  d'Etat  des  affaires  étran- 
gères. Ce  P.  Moreira  était  un  Jésuite  qui  fut, 
ainsi  que  quelques-uns  de  ses  confrères, 
trompé  par  l'hypocrisie  de  Pombal.  Pour  les 
remercier  de  leur  intervention  bienveillante 
en  sa  faveur,  le  ministre  trouva  des  prétex- 
tes de  vexations  contre  la  Compagnie  de  Jé- 
sus, fit  exiler  quelques-uns  de  ses  membres, 
fil  expulser  les  autres  des  missions  du  Para- 
guay, etc.  C'est  surtout  à  partir  de  l'attentat 
contre  la  vie  du  roi  que  Pombal  se  montra 
sans  relenue  contre  les  Jésuites,  dont  la  pré- 
sence, le  zèle  et  les  succès  l'auraient  empê- 
ché de  parvenir  à  ses  fins.  Le  3  septembre 
1758,  le  roi  Joseph  I"  revenait  d'un  rendez- 
vous  coupable  avec  la  jeune  marquise  de  Ta- 
vora,  on  attenta  à  ses  jours.  Plusieurs  per- 
sonnes delà  cour.  le  duc  d'Aveiro,  le  mar- 
quis et  la  marquise  de  Tavora,  le  comle 
d'Antognia  furent  accusés  d'avoir  pris  part  à 
ce  crime  et  subirent  la  peine  capitale.  On  a 
dit  que  cet  assassinat  était  une  fiction  inven- 
tée par  Pombal;  cela  est  possible,  néanmoins 
la  conjuration,  ou  supposée  ou  plus  proba- 
blement véritable, a  été  depuis  considérée  en 
Porlugal  comme  un  fait  incontestable.  Au 
milieu  des  lortures  qu'on  lui  fit  souffrir,  le 
duc  d'Aveiro  compromit  quelques  Jésuites 
comme  instigateurs,  et  se  rétracta  dès  qu'il 
ne  fut  plus  violenté  par  les  tourments.  Néan- 
moins trois  Jésuites  lurent  impliqués  dans 
le  procès;  mais  Pombal,  quoique  tout-puis- 
sant, n'osa  pas  les  faire  juger  en  même  temps 
que  les  ;<utres  prévenus  ,  et  l'un  d'eux,  le  P. 
Malagrida,  fut  déféré  trois  ans  plus  tard, 
pour  hérésie,  au  tribunal  de  l'inquisition, 
présidé  par  le  frère  de  Pombal,  sur  le  refus 
île  l'inquisiteur  général,  et,  condamné  à 
morl  comme  sorcier,  fut  brûlé  vif  dans  un 
auto-da-fé,  le  21  septembre  17(>l.Un  éditdu 
19  janvier  1759  avait  déclaré  tous  les  Jésui- 
tes portugais  complices  de  l'attentat;  en 
conséquence,  ils  furent  enfermés,  puis  dé- 
portés par  mer  en  Italie,  et  leurs  biens  fu- 
rent séquestrés.  11  est  inutile  que  nous  cher- 
chions à  établir  ici  leur  innocence  en  ce 
complot;  elle  est  reconnue  et  avouée  par 
tous  les  écrivains  sérieux, à  quelque  commu- 
nion qu'ils  appartiennent.  Les  Jésuites  ne 
doutaient   plus  depuis    très-longtemps  des 


dispositions  du  ministre  à  leur  égard,  et  au 
milieu  des  persécutions  nombreuses  dont  il 
les  avait  déjà  rendus  victimes,  ils  avaient  dû 
plus  vivement  sentir  le  bref  étonnant  arra- 
ché à  la  faiblesse  de  Benoît  XIV  mourant, 
lequel  bref  ordonnait  visite  et  réforme  de 
leur  institut  en  Portugal,  et  confiait  celte 
mission  étrange  cl  inutile  au  cardinal  Sal- 
danha,  protégé  de  Pombal.  Cette  Eminence, 
qui  s'élait  entourée  des  plus  violenis  enne- 
mis de  l'institut,  exécuta  sa  singulière  mis- 
sion en  1758.  L'année  suivante  le  nouveau 
pape,  Cément  XIII,  mû  par  des  sentiments 
de  justice,  avait  en  janvier  donné  un  bref 
d'approbation  et  de  confirmation  des  Jésui- 
tes. Pombal,  qui  venait  de  les  chasser  du 
Portugal,  irrité  de  ce  bref,  renvoya  le  nonce 
du  souverain  pontife.  D'où  venait  donc, 
dans  Pombal,  celte  haine  des  Jésuites  ,  qui 
allait  non-seulement  à  la  cruauté  mais  au 
fanatisme  et  au  ridicule?  Imprégné  des  idées 
jansénistes  qui  régnaient  alors  en  France, 
il  étail  en  oulre  le  serviteur  caché  des  An- 
glais; il  voulait  chasser  le  catholicisme  du 
Portugal,  y  établir  une  Eglise  nationale  et 
changer  l'ordre  de  succession  au  trône.  Ici 
nous  ne  devons  pas  omettre  un  fait  à  la  louan- 
ge d'une  corporation  religieuse  qui  se  distin- 
gua par  ses  procédés  envers  les  Jésuites, 
expulsés  du  Portugal.  Embarqués  sur  le 
Tage  en  1759 ,  ils  furent  contraints  de  faire 
relâche  en  plusieurs  villes  où  on  les  reçut 
avec  respect.  Le  24-  octobre  1759,  ils  débar- 
quèrent à  Civita  Vecchia,  au  nombre  de  cent 
trente-trois.  Magistrats,  corps  religieux, 
tout  dans  celte  ville  tint  une  conduite 
digne  d'éloge  envers  ces  nobles  exilés  ; 
mais  les  Dominicains  surpassèrent  loul 
le  monde  en  cordialité  et  en  générosité. 
Ils  voulurent  consacre!',  par  une  inscription 
dans  leur  église,  le  souvenir  du  passage  de 
ces  premières  victimes  d'une  attaque  qui  al- 
lait bientôt  devenir  générale  contre  les  or- 
dres monastiques.  Celte  conduite  est  belle 
dans  une  société  qui,  par  sentiment  du  ta- 
lent el  du  zèle  plutôt  que  par  jalousie  peut- 
être,  s'élait  souvent  montrée  l'émule  des  Jé- 
suites. D'autres  navires  chargés  des  Pères  de 
la  Compagnie  partirent  à  différentes  époques 
pour  les  Etals  ecclésiastiques.  Celte  expédi- 
tion plaisait  infiniment  aux  jansénistes  fran- 
çais, et,  ce  qui  n'a  peut-être  été  remarqué 
par  aucun  historien,  ajoutant  l'ironie  à  la 
cruauté  et  à  l'insulte,  ils  consacrèrent  par  le 
burin  la  mémoire  de  cette  expulsion  et  de  ! 
cette  translation  en  Italie.  Nous  avons  vu 
nous-mème  des  gravures  secrètes  faites  par 
le  parti  pour  s'amuser  de  cette  catastrophe 
des  Jésuites.  Le  cardinal  Saldanha,  il  faut  le 
dire  à  sa  honle,  s'arrogeait  le  pouvoir  de 
dispenser  de  leurs  vœux  les  jeunes  Jésuites. 
Il  y  eut  quelques  défections;  mais  les  huées 
du  peuple  et  des  soldais  en  firent  justice,  l.e 
plus  grand  nombre  résista  aux  flatteries  et  à 
l'intimidation.  On  fit  dans  les  missions  les 
mêmes  expulsions  qu'au  sein  de  la  métro- 
pole. Bornons  ici  le  récit  de  la  persécution 
île  Pombal,  qui  fut  la  plus  calculée  et  la  plus 
cruelle  peul-être  contre  les  Jésuites.  Nous 


6G5 


JES 


JES 


00  C 


lui  avons  donné  une  certaine  étendue.  On 
sait  qu'avant  sa  mort,  Pombal,  disgracié  et 
traduit  en  justice,  vit  réhabiliter  toutes  les 
victimes  qu'il  avait  chargées  du  crime  de 
lèse-majcslé.  A  part  ses  procédés  contre  les 
Jésuites,  il  n'est  aucun  historien  qui  ait  pu 
dissimuler  l'exécration  ou  si  l'on  veut  la 
haine  dont  le  poursuit  déjà  la  postérité.  Il 
était  un  de  ces  hommes  que  le  crime  ne  re- 
tient pas  quand  ils  veulent  parvenir  aux 
honneurs  et  à  la  fortune.  La  franchise  nous 
oblige  à  ajouter  qu'il  trouva  grand  nombre 
d'ecclési;isliques  et  d'évèques  qui  le  servi- 
rent avec  bassesse. 

En  France,  les  choses  se  passèrent  autre- 
ment. On  blâmait,  sans  en  excepter  Choiseul, 
les  cruelles  préventions,  les  procédés  de 
Pombal  ;  mais  tout  le  monde  sait  qu'on  ten- 
dait au  même  but  et  qu'on  y  parvint  par  la 
calomnie  et  le  sarcasme.  Il  nous  suffit  donc 
de  le  rappeler  ici,  en  rappelant  aussi  la  cir- 
constance malheureuse  qui  porta  un  coup 
si  terrible  à  l'ordre  des  Jésuites.  Nous  par- 
lons du  fuit  du  P.  Lavaleltc,  que  tant  de 
gens  allèguent  sans  le  connaître.  On  a  quel- 
quefois reproché  aux  Jésuites  leur  immix- 
tion dans  le  commerce,  contre  les  disposi- 
tions des  saints  canons  qui  Tinter  lisent  aux 
clercs  et  aux  religieux  ;  or,  ce  n'étaient  pas 
ceux  qui  étaient  chargés  de  veiller  sur  l'ob- 
servation des  règles  ecclésiastiques  qui  for- 
mulaient ce  reproche.  Chargés  des  intérêts 
de  leurs  néophytes,  les  missionnaires  jésui- 
tes ont  quelquefois,  comme  l'ont  pu  faire 
d'autres  corporations,  dirigé  l'exploitation 
de  leurs  possessions  et  l'exportation  de  leurs 
produits  :  c'était  là  un  acte  de  charité,  et  non 
une  profession  ni  une  pratique  de  commerce 
qui  consiste  à  acheter  pour  revendre.  Le  P. 
de  Lavalelte,  doué  de  zèle  pour  le  prochain 
et  d'habileté  pour  le  maniement  des  affaires, 
étant  devenu  supérieur  des  missions  de  l'A- 
mérique du  Sud,  loin  de  ses  supérieurs  ma- 
jeurs, alla  peu  à  peu  trop  loin,  contracta  des 
emprunts  auxquels  la  guerre  et  des  événe- 
ments imprévus  l'empêchèrent  de  satisfaire. 
A  une  autre  époque  que  celle  où  éclata  ce 
désastre,  dans  une  autre  France  que  la 
France  du  xvnr  siècle,  les  Jésuites,  secon- 
dés même  de  quelques  créanciers,  auraient 
réussi  à  faire  agréer  leurs  offres  ou  à-comp- 
tes généreux  (  ils  ai  aient  même  déjà  soldé 
près  de  800,000  fr.  )  ;  mais  la  disposition  des 
esprits,  les  animosités  de  madame  de  Pom- 
padour,  les  persécutions  hypocrites  du  duc 
de  Choiseul  secondant  alors  si  favorablement 
la  haine  des  jansénistes,  des  philosophes  et 
des  parlements,  tout  salut  était  impossible, 
parce  que  l'on  pouvait  employer  avec  vérité 
ces  paroles  du  livre  des  Juges  :  11  n'y  avait 
point  en  ce  temps-là  de  roi  en  Israël.  On  sait 
que  les  Jésuites  furent  condamnés  à  solder 
les  dettes  du  P.  La  Valette.  Mais  ce  qu'on  ignore 
généralement,  c'est  le  désaveu  de  la  conduite 
du  Jésuite  coupable,  par  ses  supérieurs,  et 
sou  expulsion  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Cet 
épisode  malheureux  de  l'histoire  de  sa  destruc- 
tion se  trouve  rapporté  d'une  manière  plus 
lucide  et  plus  véridique  que  partout  ailleurs 


dans  le  LXX*  volume  de  la  Biographie  um- 
verselle.  Le  procès  intenté  aux  Jésuites  à  l'oc- 
casion de  la  faillite  du  P.  de  Lavalette  ame- 
na devant  les  parlements  la  révision  etl'exa- 
men  de  leurs  constitutions.  On  blâma  l'es- 
prit de  leur  institut  et  on  les  accusa  eux- 
mêmes  d'y  être  trop  attachés  et  trop  fidèles. 
En  Portugal,  Pombal,  dans  son  hypocrisie, les 
accusait  de  s'en  être  écartés  et  prétextait  vou- 
loir les  ramener  à  leur  régularité  primitive'. 
Mentit  a  est  iniquitas  >ibi.  La  commission  du 
conseil  que  le  roi  avait  chargé  de  la  révision 
des  constitutions  des  Jésui!es,  convoqua  une 
réunion  du  clergé,  et  lui  adressa  quatre 
questions.  Le  30  novembre  1701,  cinquante- 
un  cardinaux,  archevêques  et  é\éques,  s'as- 
semblèrent sous  la  présidence  du  cardinal  de 
Lu  y  nés,  et,  a  près  un  mûr  examen,  tous,  moins 
six  voix,  prononcèrent  en  faveur  des  Jésui- 
tes sur  les  quatre  questions  ;  et  même  il  n'y 
eut  que  l'évèque  de  Soissons  qui  demanda 
l'entière  expulsion  de  la  Compagnie  de  Jésus. 
Le  premier  coup  que  frappa  le  parlement 
fut  un  arrêt  d'interdiction  et  de  suppression 
lancé  en  17G0  contre  les  congrégations,  dans 
lesquelles  depuis  deux  siècles  les  Jésuites 
faisaient  un  bien  inappréciable.  La  faillite  du 
V.  de  Lavalette  n'avait  été  qu'un  prétexte 
heureux  pour  saisiiToccasion,  depuis  si  long- 
temps désirée,  de  sévir  contre  la  Compagnie 
de  Jésus  tout  entière.  On  examina  les  consti- 
tulions  ;  l'un  des  commissaires  chargés  de 
ce  soin,  l'abbé  de  Chauvelin,  janséniste  systé- 
matique, se  montra  plus  forcené  que  les  au- 
tres peut-ê  re.  Les  Jésuites  demeurèrent  fer- 
mes devant  les  coucessions  qu'on  leur  de- 
mandait relativement  à  leurs  relies,  mais  ils 
en  accordèrent  d'autres  qui  ne  devaient  pas 
plus  les  sauver,  et  entre  celles-ci  il  ne  faut 
pas  omettre  de  remarquer  l'acceptation  des 
quatre  articles  de  1682.  Aux  évéques  qui 
avaient  donné  des  déclarations  si  favorables 
à  la  Compagnie  de  Jésus,  soixante-dix  au- 
tres se  joignirent  bientôt  en  écrivant  dans  le 
sens  de  cette  manifestation,  et  le  23  mai  1T62, 
le  clergé,  par  l'organe  du  cardinal  de  la 
Roche-Aymon  ,  archevêque  de  Narbonne , 
demanda  au  roi,  en  termes  pressants  et  élo- 
gieux,  la  conservation  des  Jésuites  au  nom 
des  intérêts  de  la  religion.  Tout  fut  inutile  1 
Nous  n'avons  qu'à  constater  l'arrêt  définitif, 
puisque  les  détails  n'entrent  ni  dans  notre 
but  ni  dans  noire  plan.  Mais,  si  nous  avons 
omis  à  dessein  de  rappeler  ces  noms,  ces 
mots  alors  si  calomnieusement  sonores,  î).a- 
miens,  régicides  ;  extrait  des  assertions,  etc., 
nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  signaler 
avec  douleur,  entre  les  parlements  qui  s'as- 
socièrent aux  injustes  violences  du  parle- 
ment de  Paris,  celui  de  Uennes  !  L'arrêt  du 
parlement  de  Bretagne  renchérit  sur  l'exa- 
gération des  autres.  Il  déclara  privés  de  tou- 
tes fonctions  civiles  et  municipales  les  pa- 
rents qui  enverraient  leurs  enfants  étudier 
chez  les  Jésuites  à  l'étranger  ;  ces  enfants,  à 
leur  retour,  se  trouvaient  dans  la  même 
exception  1  1  Ne  croirait-on  pas  lire  par 
anticipation  l'arrêt  porté  par  quelques  ra- 
dicaux frénétiques  de  France  ou  de  Suiaseï  M 


667 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


milieu  du  xix'  siècle?  A  qui  était  due  une  telle 
exagération  ou  une  (elle  folie,  si  ce  n'est  sans 
doute  à  l'influence  qu'avait  obtenue  un  hom- 
me dont  le  nom  est  resté   hideux  en  face   de 
l'équité  de  l'histoire,  et  qui  cause  sans  doute 
autant  de  regrets  qu'il  a  causé  de  malheurs  à 
son  honorable  famille.  Ah  1  si  du  moins  cette 
récrimination  innocente,  arrachée  par  l'indi- 
gnation à  la  plume  d'un  compatriote,  pouvait 
être  un  désaveu  suffisant  !  Il  esl  bon  cepen- 
dant d'ajouter  qu'il  n'y  eutdans  la  décision  du 
parlement  breton  que  majorité  de  trente-deux 
voix  contre  ringt-neuf.  La  sentence    inique 
du  parlement,  contre  laquelle  réclamèrent  la 
conscience  des   honnêtes  gens,   l'instruction 
pas  I  orale  de  M.  l 'archevêque  de  P. tris,  le  cri  de 
la  religion,  amena  Ledit  du  mois  de  novembre 
176i,  portant  suppression   de  la  Société  des 
Jésuites  en  France.  Cet  édit  laissait  du  moins 
aux  religieux  supprimés  la  faculté  de  rester 
en  France  ^ous  la  juridiction  des  évéques. 
Le  1er  décembre,  le  parlement  mit  au    bien- 
fait de  cette  disposition   les    restriclions   les 
plus  lyranniques  contre  ce  qu'il  appelait,  par 
une  expression  aussi  inconséquente   qu'elle 
est  sotte  et  ridicule,  les  ci-devant   soi-disant 
Jésif  tes.  Deux  serments  déshonorants  avaient 
été  imposés  aux  religieux  (  le  G  août  17G2  et 
le  22  février  1764  )  ;  en  1767,  un  arrêt  de   la 
même  cour  expulsa  du  royaume  ceux  qui  ne 
l'auraient  pas  prêté!  Cinq  tout  au  plus  jurè- 
rent, et  quaire  mille  religieux  furent  réduits 
au  sort  le  plus  cruel.  On  leur  avait  accordé 
une  pension  ridicule  par  son  exiguïté;  et, 
contradiction  singulière  ,  si  elle  n'était  pas 
dans  la  nature  des  procédés  libéraux!  le  par- 
lement refusait  cette  pension  aux  Jésuies  qui 
n'étaient  que  scolustiques ,    c'est-à-dire  qui 
n'avaient  pas  fait  les  quatre  vœux,  ne  les  re- 
gardant pas  comme  véritablement  religieux 
apparemment,  et  néanmoins  on  leur  enlevait 
le  droit  de  rentier  dans  leur  patrimoine  et  la 
faculté  d'hériter  1  Dans  un  grand  nombre  de 
diocèses,  sinon  dans  tous,  les  Jésuites  conti- 
nuèrent  néanmoins   pendant  longtemps  ,  et 
quelquefois   sous  des  noms   déguisés,  à  faire 
le  bien  que  les  véritables  Qdèles  avaient  tou- 
jours désiré  et  reçu  d'eux.  Terminons  ce  qui 
concerne  les  Jésuites  de  France  par  ce  pas- 
sage d'une  lettre  adressée  à  Voltaire  pard'A- 
lembert ,  qui,  sans  être  prophète   ni  fils  de 
prophète,  prédisait  par  ses  veux  ce  qu'il  ne 
vit  pas  ,   mais  ce  qui  se  fil  trente  ans  après 
l'arrêt  du  parli  ment  :  Pour  moi,\qui  vois  tout 
en  ce  moment  couleur  de  >  ose,  je  vois  d'ici  les 
jansénistes  mourant  l'année  prochaine  de  leur 
belle  mort,  après  avoir  fait  périr  cette  année- 
ci  las  Jésuites  de  mort  violente;  la  tolérance 
s'établir,  les  prolestants  rappelés,  les  prêtres 
mariés ,  la  confession  abolie  et  le  fanatisme 
écrasé  sans  qu'on  s'en  aperçoive.  On  sait  quel 
est  ici  le  synonyme  de  fanatisme. 

En  1765,  la  Compagnie  de  Jésus  recevait 
une  consolation  bien  touchante.  Le  pieux 
pape  Clément  XIII,  élevant  la  voix  en  sa  fa- 
veur, disait  à  l'univers  catholique:  que  l'in- 
stitul  de  la  Compagnie  île  Jésus  respire  Air 

plus  haut  dëghé  la  piété  et  la  sainteté 

Dans  le  uiémc  temps ,  la  catholique  Espagne 


se  disposait  pourtant  à  lui  porter  aussi  le 
dernier  coup.    «Choiseul,  dit  le  protestant 
Sismondi  dans   son    Histoire  des  Français, 
tome  XXIX,  faisait  pour  lui-même  une  af- 
faire personnelle  de  la  persécution  contre  les 
Jésuites.    Il   s'attachait   surtout  à  les   faire 
chasser  de  tous   les    Etats  de  la  maison  de 
Bourbon,  et  il  profita  ,  dans  ce  but ,  de  l'in- 
fluence qu'il  avait  acquise  sur  Charles  III.  » 
Ce  prince  était  pourtant  vertueux  et  habile, 
dévoué,  à  la  Compagnie  de  Jésus,  au   point 
qu'il  fut  le  premier  à  flétrir  les  calomnies  of- 
ficielles de  la  cour  de  Lisbonne.  Néanmoins  , 
par  la  perfidie  de  son   indigne  ministre  d'A- 
randa,  il  fut  amené,  en  17G6 ,  à  les  regarder 
avec  suspicion  et  jalousie  dans  une  circons- 
tam  e  où  i!  ne  devait  les  voir  qu'avec  recon- 
naissance ;  ils  avaient  apaisé  une  émeute,  on 
lui   fit  conclure  qu'ils  l'avaient  donc  exci- 
tée.   On   acheva  de  l'indisposer  contre  eux, 
en  fabriquant  et  mettant  sous  ses  yeux  une 
lettre  qu'on  disait  venir  du  général  des  Jé- 
suites ,  et  où  l'honneur  de   sa  propre  mère 
était  attaqué.    Avec   des  circonstances  qui 
tiennent   plutôt  de  la  folie  que  de  la  ven- 
geance  d'un   homme   ordinaire,   le  2  avril 
1767,  à  la  même  heure,  par  suite  des  dispo- 
sitions  prises  par  d'Aranda  ,    les  Jésuites, 
dans    les   possessions   espagnoles  des  deux 
mondes  ,  furent  embarqués.  «  Si  après  l'em- 
barquement, ajoutait  l'ordre  du  monarque 
aveuglé  ,   il  existait   encore  un  seul  Jésuite  , 
même  malade  ou  moribond,  dans  voire  dépar- 
tement, vous  serez  puni  de  mort.  »  Six  mille 
religieux  furent  victimes  :  on  les  entassa  sur 
des  vaisseaux,  on  les  transporta  vers  l'Italie, 
où  une  sage  politique  de  Clément  XIII  récla- 
mait en  vain  pour  eux  auprès  de  Charles  III; 
on  les  débarqua  enfin  ,  à  la  prière  du  pape  , 
dans  Tile  de  Corse,  d'où  Choiseul  les  fil  bien- 
tôi  chasser.  Par  suite  d'une  fascination  dont 
l'aveugle  maison  de  Bourbon  a  été  et  sera  en- 
core providentiellement  punie,  les  auteurs  de 
tant  d'injustices  réussirent  à  les  faire  parta- 
ger par  les  deux  princes  de  cette  famille  dont 
les  Etals  él  lient  en  Italie.  Tanucci,  ministre 
de  Ferdinand   IV,  roi  de  Naples  ,  Tanucci  , 
créature  de  Charles  111,  dans  la  nuit  du  3  no- 
vembre 1767,  chassa  les  Jésuites  de  la  ma- 
nière la  plus  barbare.  Le  jeune  duc  de  Parme, 
pclit-fils  de  France  et  infant  d'Espagne,  fut 
sollicité  par  Choiseul  et  d'Aranda  d'entrer 
dans  la  coalition  contre  les  Jésuites.  Us  réus- 
sirent, et,  au  commencement  de  1768,  ces  re- 
ligieux  furent   renvoyés    de  Parme.    Pinto, 
grand  maître  de  Malte,   était  feudataire   du 
royaume  de  Naples  ;  par  suite  des  mêmes  in- 
trigues, il  fut  amené,  en  17G8,  à  bannir  les 
Jésuites  de  son  île.  L'année  suivante,  la  Com- 
pagnie de  Jésus  perdit  son  dernier  et  son  plus 
ferme  appui;    le   pieux   pape  Clément  XIII 
mourut.  On  sait  que  Clément  XIV  lui  suc- 
céda, et  l'histoire  commence  à  éclaircir  l'in- 
trigue qui  l'amena  à  abolir  les  Jésuites.  Le 
21  juillet  1773  ,  il  se  rendit  aux  instances  et 
peut-èire  aux   promesses  qui  l'obligeaient  à 
lancer  le  décret  de  dissolution  de  la  Compa- 
gnie de  Jésus.  Ce  décret  est  étendu,  et  com- 
mence par  rappeler  l'extinction  de  plusieurs 


669  JES 

ordres  religieux  dans  les  siècles  précédents  , 
tels  que  les  Franciscains  de  la  réforme  dos 
Convenltiels ,  les  Humiliés  ,  les  religieux  de 
Saint-Ambroise  ad  Nnnus  ;  les  Rasiliens  Ar- 
méniens, les  Jésuates,  les  chanoines  de  Saint- 
Georges  in  Alt/ha,  etc.  Il  finit  par  prononcer 
l'extinction  de  l'ordre  de  la  Compagnie  de 
Jésus  ,  dont  il  rend  les  membres  à  Total  sé- 
culer,  les  remettant  sous  la  juridiction  des 
ordinaires  des  licu\. 

L'institut  avait  été  gonrerné  nu  dernier 
siècle  paries  Pères  Michel-Ange  Tambnrini, 
François  Rfelz,  Ignace  Visconti,  Louis  Cenlu- 
rioni*  Le  8  mai  1758,  la  dix-neuvième  et  der- 
nière enngrégn  lion  générale  se  rénuit  auGésu, 
et  élut,  le  21.  pour  général  do  la  Compagnie, 
le  P.  Lanrenl  Ricci  ,  hé  à  Florence  et  alors 
âgé  de  55  ans.  C'élait  un  homme  d'esprit, 
rempli  de  piété,  mais  qui  n'avait  point,  dit- 
on  ,  ce  qu'il  eût  fallu  d'énergie  de  caractère 
dans  le  cruel  com!>at  où  se  trouvait  engagée 
sa  Compagnie.  Il  la  gouvernait  quand  elle 
fut  éteinte.  Dans  le  bref  de  dissolution,  Clé- 
ment XIV,  rappelant  les  extinctions  des  ins- 
tituts dans  les  siècles  précède  ls,  disait:  On 
leur  assigna  un<-  pensinn  honnête;  mais  il  ne 
pouvait  citer  romme  précédent  ce  qu'il  crut 
devoir  faire.  Par  son  brdrfe  ,  le  général  Lau- 
rent Rirri  fut  enfermé  au  château  Saint-Ange, 
où  il  resta  jusqu'à  la  mort  du  pape.  Pie  VI 
succéda  a  Clément  XIV  ;  il  aimait  et  estimait 
les  Jésuites,  et  pourtant  il  ne  rendit  point  la 
liberté  à  Ricci,  qui  mourut  dans  sa  prison,  le 
23  novembre  1775  ,  dans  les  sentiments  de 
piété  et  de  résignation  dont  il  n'avait  jamais 
cessé  de  donner  l'exemple.  Tout  l'intérêt  de 
Pie  VI  se  borna  donc  à  accorder  des  funé- 
railles honorables  au  malheureux  général  ! 
Pourquoi  ? 

Quand  la  Compagnie  de  Jésus  fut  éteinte, 
elle  comptait,  dit-on,  dans  l'Assistance  d'Ita- 
lie :  la  province  Romaine  ayant  848  religieux, 
dont  425  prêtres  ;  la  province  de  Sicile,  où  il 
y  avait  775  personnes,  dont  317  étaient  prê- 
tres ;  la  province  de  Naphs,  où  sur  607  reli- 
gieux, 296  étaient  prêtres:  la  province  de 
Milan,  ayant  625  sujets,  dont  298  prêtres  ;  la 
province  de  Venise  ,  riche  de  707  religieux , 
dont  357  prêtres.  Dans  V Assistance  de  Por- 
ta ni  :  la  province  de  Portugal  ayant  861  Jé- 
suites, dont  38V  prêtres  ;  la  province  de  Goa, 
150  Jésuites,  103  prêtres  ;  la  province  de  Ma- 
labar, 47  religieux,  dont  4-6  prêtres  ;  la  pro- 
vince du  Japon,  57  religieux  ,  dont  41  prê- 
tres ;  la  vice-province  de  la  Chine  ,  avec  54 
Jésuites,  dont  37  prêtres  ;  la  province  du 
Brésil,  445  Jésuites,  dont  228  prêtres  ;  la  vice- 
province  du  Maragnon,  145  Jésuites,  dont  88 
prêtres.  On  a  remarqué  que,  lors  de  l'expul- 
sion, en  1759,  l'A-sManec  du  Portugal  comp- 
tait précisément  1759  Jésuites,  autant  qu'on 
comptait  d'années  depuis  la  naissance  du 
Sauveur.  Dans  l'Assistance  d'Espagne  :  la 
pro\incede  Tolède,  où  il  y  avait  059  J.  suites. 
dont 288  prêtres  :  la  province  de  C  istille,  718 
Jésuites,  dont  360  prêtres  ;  la  province  d'Ara- 
gon, 604  Jésuites  ,  dont  272  p.  êtres  ;  la  pro- 
vince d'Andalousie  ,  662  religieux  ,  dont  308 
prèlres  ;  la  province  de  Sardaigne,  300  reli- 


JES 


fi70 


gieuv.  dont  114  prêtres  ;  la  province  du  Pé- 
rou, 526  religieux,  dont  306  prêtres  ;  la  pro- 
vince du  Chili,  24-2  religieux,  dont  130  prê- 
tres; la  province  du  Nouveau-Roy;  unie,  193 
Jésuites,  dont  100  piètres  ;  la  province  du 
Mexique,  572  Jésuites,  dont  330  prêtres  ;  la 
province  des  Philippines,  126  Jésuites,  97 
prêtres  :  la  province  du  Paraguay,  où  il  y 
avait  303  religieux,  dont  20s  prêtres  ;  la  pro- 
vince de  Quito  ,  209  Jésuites,  dont  107  prê- 
tres. Dans  ['Assistance  de  Franc',  on  voyait 
la  province  de  Franco  ,  où  il  y  avait  918  Jé- 
suites,  dont  495  prêtres  :  la  province  de  Bor- 
deaux, 437  religieux,  dont  240  prêtres;  la 
province  de  Lyon,  773  Jésuites,  dont  405 
prêtres  ;  la  province  de  Toulouse ,  655  Jé- 
suites ,  donl  344  prêtres  ;  la  province  de 
Champagne,  594  Jésuites,  donl  292  prêtres  ; 
la  province  d'Outre-Mer  'ou  vice-province), 
en  l'Amérique  méridionale,  54  Jésuites  ;  en 
l'Amérique  septentrionale,  50  Jésuites.  Dans 
les  missions  d'Orient  :  25  Jésuites  en  Grèce, 
17  en  Syrie,  7  en  Perse  ;  aux  Indes  orien- 
tales, 23  Jésuites.  Dans  {'Assistance  d'Alle- 
magne, on  voyait  la  provint  e  d'Allemagne 
supérieure,  où  il  y  av.:it  1060  religieux,  dont 
496  prêtres  ;  la  province  du  Bas-Rhin,  772 
Jésuites,  dont  398  prêtres  ;  la  province  du 
Haut-Rhin,  497  Jésuites,  dont  240  prêtres  :  la 
province  d'Autriche,  1772  Jésuites,  dont  751 
piètres;  la  province  de  Bohême  ,  dont  nous 
ignorons  le  chiffre  ;  la  province  de  1^  Bel- 
gique flamande,  542  Jésuites  ,  dont  232  prê- 
tres ;  la  province  de  Belgique  Walonne,  471 
Jésuites,  dont  266  prèlres  ;  la  province  de 
Pologne,  1050  Jésuites,  dont  553  prêtres  ;  la 
province  de  Lilhuanic,  1047  religieux,  dont 
475  prêtres  ;  la  province  d'Angleterre  (dont 
plusieurs  maisons  en  France,  en  Flandre,  en 
Amérique),  299  religieux,  dont  208  prêtres. 
Il  faut  plutôt  reporter  cet  état  à  l'époque  des 
diverses  suppressions  locales,  où  l'abolition 
de  tant  de  noviciats,  les  suites  de  tant  de  per- 
sécutons, avaient  bien  décimé  le  chiffre  que 
nous  venons  de  donner  d'après  Dénisart,  qui 
résume  ainsi  son  énumération  :  39  provinces; 
22,589  Jésuites,  dont  11,293  prêtres.  Nous 
croyons  que  l'Assistance  d'Allemagne  avait 
élé,  sur  la  fin,  subdivisée,  et  qu'on  avait  for- 
mé une  province  de  Pologne. 

Par  une  disposition  toute  particulière  de 
la  Providence  ,  deux  souverains  séparés  de 
l'Eglise,  le  roi  de  Prusse  et  l'impératrice  de 
Russie ,  voulurent  garder  les  Jésuites  dans 
leurs  Etats,  et  préparèrent  ainsi  les  voies  à 
l'exécution  des  desseins  de  Dieu  sur  le  réta- 
blissement de  la  Compagnie  de  Jésus.  Des 
autorisations  secrètes  furent  données;  les 
Jésuites  trouvèrent  moyen  d'accorder  les  de- 
voirs de  l'obéissance  aux  décisions  du  pape 
et  les  désirs  de  Frederick  et  de  Catherine  ,  si 
conformes  aux  leurs!  Dans  l'article  consacré 
à  l'histoire  de  la  Compagnie  de  Jésus  dans 
notre  volume  supplémentaire,  nous  aurons  à 
la  montrer  cachée  ,  mais  agissante  et  fruc- 
tueuse dans  les  contrées  du  Nord,  passant 
en  Sicile,  désirée  à  Parme  (car  un  mouve- 
ment favorable  aux  Jésuites  s'était  établi, 
même  daus  l'esprit   du    peuple ,    jusqu'en 


France),  et  enfin  rendue,  par  l'Eglise  déso- 
lée aux  demandes  des  princes  délrompés  et 
à  tout  l'univers,  en  1814.  Voyez  Jésuites  au 
Supplément. 

Histoire  religieuse,  politique  et  littéraire 
de  la  Compagnie  de  Jé<us,  5  vol.,  par  J.  Cré- 
lineau-Joly.  Noies  fournies  par  le  R.  P.  De 
Monlezon,  S.J.  Dictionnaire  de  Droit  cano- 
nique, par  Durand  de  Maillanc,  tom.  III. 
Histoire  des  Ordres  religieux  ,  par  M.  Jlen- 
rion,  tom.  II.  Biographie  universelle.  Mé- 
moires ecclésiastiques  ,  par  Picot.  Notes  re- 
cueillies passim.  B-d-e. 

JÉSUITESSES  (Religieuses). 
Des  Jésuilesses,  et  de  leur  suppression. 

Pendant  le  séjour  que  saint  Ignace  fit  à  Bar- 
celone, il  fui  entretenu  paries  aumônes  d'une 
dame  très-vertueuse  qui  se  nommait  Isabelle 
Rozel,  et  qui  lui  en  procurait  aussi  d'autres. 
Celte  dame  ayant  appris,  quelques  années 
après,  que  le  saint  avait  fondé  sa  Compa- 
gnie, elle  alla  le  trouver  à  Rome  l'an  1545,  et, 
étant  pour  lors  veuve,  elle  forma  le  dessein 
de  se  retirer  du  monde  et  de  vivre  selon  les 
conseils  évangéliques  sous  l'obéissance  de  la 
Compagnie.  Elle  se  joignit  à  deux  dames  ro- 
maines et  obtint  du  ;>ape  Paul  III  la  permis- 
sion d'embrasser  ce  genre  de  vie.  Quoique 
saint  Ignace  vît  bien  que  ces  sortes  de  direc- 
tions ne  convenaient  guère  à  son  institut,  la 
reconnaissance  qu'il  avait  pour  sa  bienfai- 
trice et  le  petit  nombre  de  ces  nouvelles  reli- 
gieuses le  déterminèrent  néanmoins  à  pren- 
dre soin  d'elles;  mais  il  s'en  repentit  bientôt, 
avouant  que  le  gouvernement  de  trois  dévo- 
tes lui  donnait  plus  de  peine  que  toute  la 
Compagnie;  car  ce  n'était  jamais  fait  avec 
elles,  et  il  fallait  à  toute  beure  résoudre 
leurs  questions,  guérir  leurs  scrupules, 
écouler  leurs  plaintes  et  même  terminer 
leurs  différends.  C'est  ce  qui  l'obligea  de  re- 
présenter au  pape  combien  une  telle  charge 
nuirait  à  la  Compagnie  et  de  quelle  impor- 
tance il  était  que  Sa  Sainteté  l'en  délivrât,  ju- 
geant bien  que  si  celle  petite  communauté 
de  filles,  qui  n'était  que  de  trois  personnes, 
devenait  plus  nombreuse  dans  la  suite  et  se 
multipliait  dans  les  autres  villes,  il  n'en  se- 
rait que  plus  embarrassé.  Le  pape  lui  ac- 
corda  sa  demande  et  délivra  en  1547  la  Com- 
pagnie du  gouvernement  des  religieuses. 
Ainsi  celle  communauté,  qui  voulait  vivre 
selon  les  lois  prescrites  par  saint  Ignace,  fut 
détruite  en  peu  de  temps. 

Mais,  sous  le  pontificat  d'Urbain  VIII  ou 
sur  la  lin  de  celui  de  Grégoire  XV,  son  pré- 
décesseur, certaines  femmes  ou  filles  en  quel- 
ques endroits  d'Iialie  et  en  d'autres  provin- 
ces prirent  le  nom  de  Jésuilesses,  et  s'assem- 
blèrent en  communauté  ,  sous  prétexte  de 
mener  une  vie  religieuse,  quoiqu'elles  n'en 
eussent  pas  eu  la  permission  du  saint-siège. 
Elles  prirent  un  habit  particulier,  avaient 
des  édifices  accommodés  en  forme  de  collèges 
et  des  maisons  de  probatiou,  et  élurent  une 
supérieure  générale  à  qui  elles  donnaient  le 
nom  de  préposée.  Elles  faisaient  entre  ses 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  G74 

mains  les  vœux  de  pauvreté,  de  chasteté  et 
d'obéissance  à  la  manière  des  vœux  solen- 
nels de  religion,  sans  être  astreintes  à  au- 
cune loi  de  la  clôture.  Elles  allaient  de  côté 
el  d'autre  sous  prétexte  de  procurer  le  salut 
des  âmes  et  de  faire  plusieurs  autres  choses 
qui  ne  convenaient  point  à  la  faiblesse  de 
leur  sexe  et  de  leur  esprit,  entreprenant  des 
choses  que  des  hommes  d'une  grande  expé- 
rience, savants  dans  les  letires  saintes  et  re- 
commandables  par  l'innocence  de  leur  vie, 
n'entreprennent  que  difficilement  et  avec 
beaucoup  de  circonspection.  Outre  la  géné- 
rale elles  avaient  encore  des  visitatrices,  des 
rectrices  et  d'autres  noms  de  dignités  selon 
les  différents  offices  qu'elles  exerçaient. 

Urbain  VIII  les  fit  avertir  par  son  nonce 
dans  la  basse  Allemagne  et  par  quelques 
évêques  des  autres  lieux  où  elles  s'élaient 
établies,  de  se  désister  de  leur  entreprise. 
Mais  ces  Jésuilesses  n'ayant  eu  aucun  égard 
à  toutes  les  remontrances  qu'on  leur  lit,  et 
ayant  même  osé  enseigner  des  choses  con- 
traires à  la  saine  doctrine,  le  pape,  par  un 
bref  du  21  mai  1631,  supprima  celte  préten- 
due congrégation,  priva  de  leurs  offices  la  gé- 
nérale, les  visitatrices,  les  rectrices  et  les  au- 
tres officières,  les  absout  de  tous  vœux  et  pro- 
messes auxquels  les  femmes  et  filles  de  celle 
congrégation  s'élaient  engagées,  leur  or- 
donna en  vertu  de  sainte  obédience  et  sous 
peine  d'excommunication  encourue  ipso  fac- 
to, de  sortir  incessamment  des  collèges  et 
des  maisons  où  elles  avaient  demeuré  jus- 
qu'alors, et  de  vivre  séparément  les  unes 
des  autres.  11  leur  commanda  aussi  de  ne 
s'assembler  jamais  pour  délibérer  ensemble 
sur  quoi  que  ce  soit,  et  de  quitter  leur  habit 
de  Jésuitesses  sans  pouvoir  le  reprendre  et 
encore  moins  de  le  donner  ni  admettre  au- 
cune femme  et  fille  à  le  recevoir. 

Ce  pontife  déclara  encore  lous  les  vœux 
qu'elles  avaient  faits  nuls,  comme  si  elles  ne 
les  avaient  jamais  faits,  permit  à  celles  qui 
en  avaient  fait  de  vivre  dans  le  monde,  sé- 
parément toutefois  des  aulres  de  la  même 
congrégation,  sous  l'obéissance  de  leur  évo- 
que, avec  l'usufruit  mais  non  pas  le  domaine 
de  leurs  biens,  leur  accordant  la  permission 
d'en  pouvoir  disposer  pendant  leur  vie  et  à 
leur  mort  en  œuvres  pieuses,  ordonnant  que 
ces  biens  retourneraient  à  leurs  parents  ou  à 
ceux  qui  devaient  naturellement  leur  succé- 
der, si  «lies  n'en  avaient  pas  disposé  par  testa- 
ment. Il  leur  permit  aussi  de  se  marier  en 
cas  qu'elles  le  voulussent;  mais  il  les  ex- 
horta d'entrer  plutôt  dans  quelque  ordre  ap- 
prouvé et  de  s'y  consacrer  à  Dieu  par  des 
vœux  solennels,  se  ressouvenant  toujours  du 
désir  sincère  qu'elles  avaient  eu  de  se  faire 
religieuses. 

Je  m'étonne  que  M.  Richard  Simon  dans 
sa  Bibliothèque  critique  (tom.  I,  pag.  298) 
ait  avancé  que  c'est  inutilement  que  l'on 
cherche  dans  le  bullaire  romain  la  suppres- 
sion de  cet  ordre,  et  qu'il  dise  qu'on  ne  peut 
pas  l'y  trouver,  parce  que  le  pape  Urbain  VIII 
n'a  point  donné  de  bulle  sur  ce  sujet,  mais  un 
simule  bref.  Serait-il  possible  que  ce  savant 


073 


JF.S 


JES 


674 


critique  n'eût  jamais  lu  le  bullaire  romain, 
et  pouvait-il  ignorer  que  la  plus  grande  par- 
tie des  constitutions  apostoliques  qu'il  con- 
tient ne  sont  point  des  bulles,  mais  des  brefs? 
Quiconque  voudra  se  donner  la  peine  de  lire 
le  bullaire,  il  y  trouvera  certainement  la 
suppression  de  ces  Jésuitesses  au  tome  qua- 
trième de  l'édition  de  llome  de  l'an  1638, 
pag.  115. 

JÉSUS  (Chevaliers  de  la  société  de).  Yoy. 
Bethléem. 

JESUS  (Clercs  réguliers  de  la  compagnie 
de).  Voy.  Jésuites. 

JÉSUS  (Clercs  Régtjliehs  du  Bo\-). 

Des  clercs  réguliers  du  Bon-Jésus,  avec  les 
vies  des  BB.  Marguerite  et  Gentille  de 
Ruvenne  ,  leurs  fondatrices,  et  du  V.  P. 
dom  Jérôme  Mal.iselli  de.  Alensa  ,  aussi 
fondateur  et  premier  religieux  du  même 
ordre. 

Nous  avons  fait  voir,  en  parlant  des  clercs 
réguliers  Barnabites  ,  que  c'est  à  tort  que 
quelques-uns  leur  ont  donné  pour  fondateur 
dom  Séraphim  de  Ferme,  chanoine  régulier 
de  la  congrégation  de  Lalran.  Voici  encore 
un  ordre  sous  le  nom  du  Bon-Jésus,  dont  on 
a  prétendu  qu'il  était  aussi  londateur,  quoi- 
que cet  honneur  soit  attribué  aux  BU.  Mar- 
guerite et  Gentille  de  Ruvenne,  et  au  P.  Jé- 
rôme Maluselli.  Si  c'est  à  cause  que  le  P.  Sé- 
raphim a  dressé  les  règles  de  l'ordre  du  Bon- 
Jésus  que  l'on  a  cru  qu'il  en  était  fondateur, 
on  s'est  trompé,  puisque,  parle  liire  de  ces 
règles,  il  reconnaît  lui-même  qu'il  n'a  fait 
que  rédiger  par  écrit  ce  que  Marguerite  de 
Ravenne  avait  prescrit  de  vive  vois  à  ceux 
qui  avaient  embrassé  l'ordre  du  Bon-Jésus, 
qu'elle  avait  institué  :  Régulée  uliquot  e  do- 
cuments Margaritœ  Ravennatis  virginis,  gui- 
bus  illa  ordinem  suum  titulo  Boni  Jesu  in- 
signitum  instituit.  Et  à  la  fin  de  ces  règles  il 
dit  encore  qu'il  ne  les  a  recueillies  que  sur 
les  paroles  de  cette  vierge  :  Has  régulas  e 
verbis  divince  hujus  virginis  collegi.  De 
croire  aussi  que  ces  règles  n'eussent  été 
dressées  par  le  P.  Séraphim  que  pour  les 
seuls  prêtres  de  la  congrégation  du  Bon-Jé- 
sus, il  n'y  a  nulle  apparence,  puisque  par  le 
quinzième  article  il  est  marque  que  ceux  de 
cet  ordre  se  doivent  contenter  de  leur  étal  ; 
que,  s'ils  sont  mariés,  ils  doivent  observer 
ce  qui  convient  à  ce  genre  de  vie,  et  que, 
s'ils  sont  prêtres,  ils  ne  doivent  désirer  au- 
cune dignité  ni  aucun  bénéfice,  mais  se  con- 
tenter seulement  de  leurs  revenus,  sans 
chercher  les  moyens  de  les  augmenter.  Le 
seizième  article  ne  convient  nullement  aux 
prêtres,  car  il  porte  que  les  filles  seront  hum- 
bles et  chastes,  non-seulement  de  corps,  mais 
encore  d'esprit  ;  que  les  veuves  demeureront 
dans  l'etal  de  viduilé,  et  que  les  femmes  ma- 
riées conserveront  la  paix  dans  leurs  famil- 
les et  obéiront  à  leurs  maris. 

Il  est  vrai  aussi  que  Marguerite  de  Ra- 
venne n'a  pas  directement  institué  la  con- 
grégation desClercs  Réguliers  du  Bon -Jésus, 
■•.  m  u'aélé  établie  que  vingt  ans  après  sa  mort  ; 


mais  il  est  au  moins  certain  qu'elle  a  institué 
une  société  séculière  sous  le  nom  du  Bon- 
Jésus,  et  que  quelques  prêtres  qui  en  étaient 
embrassèrent  la  vie  commune  l'an  1538 , 
sous  la  conduite  du  V.  P.  Jérôme  Maluselli, 
qui  dressa  des  constitutions  pour  ces  prêtres, 
tirées  des  règles  de  la  B.  Marguerite,  dont  il 
retrancha  ce  qui  n'était  propre  que  pour 
ceux  qui  vivaient  dans  le  siècl ,-.  C'est  de 
cette  manière  qu'elle  a  été  la  fondatrice  des 
clercs  réguliers  du  Bon-Jésus;  ce  qui  sem- 
ble être  eu n firme  par  le  même  Séraphim  de 
Ferme,  qui,  en  parlant  de  celle  sainte  vierge 
et  de  la  B.  Gentille,  dont  il  a  écrit  le-.  \ies, 
dit  que  le  pape  Paul  111  nomma  des  commis- 
saires l'an  1537  pour  examiner  les  miracles 
qui  se  faisaient  à  leurs  tombeaux  ,  et  qu'il 
approuva  la  société  que  la  B.  Marguerite 
avait  instituée.  Jérôme  de  Rubéis,  dans  son 
Histoire  de  Ravenne,  parle  aussi  des  infor- 
mations qui  furent  faites  par  ordre  de  ce 
pape,  et  ajoute  qu  il  approuva  aussi  la  con- 
grégation des  Prêtres  du  Bon  Jésus,  que  le 
P.  Séraphim  de  Ferme  a  sans  doute  confon- 
due avec  celte  société  séculière.  Mais,  comme 
ce  n'est  pas  seulement  la  B.  Mai  guérite  de 
Ravenne  que  les  Clercs  Réguliers  du  Bon- 
Jésus  ont  reconnue  pour  fondatrice,  et  qu'ils 
ont  aussi  regardé  en  la  même  qualité  la  B. 
Gentille  de  Ravenne  et  le  P.  Jérôme  Malu- 
selli ,  dont  le  P.  Simon  Marini  ,  général  de 
cet  ordre  ,  donna  pour  cette  raison  les  vies 
en  1017,  c'est  ce  qui  fait  que  nous  en  donne- 
rons aussi  un  abrégé. 

Marguerite,  à  qui  Ferrarius,  dans  son  Ca- 
talogue des  saints  d'Italie,  donne  le  nom  de 
bienheureuse,  fut  surnommée  de  Russi  à 
cause  du  lieu  de  sa  naissance,  qui  est  un  pe- 
tit village  entre  Faënza  et  Ravenne,  et  lut 
encore  appelée  de  Ravenne  à  cause  du  long 
séjour  qu'elle  Gt  en  celle  ville,  et  qu'tlle  y 
mourut,  lïlle  perdit  la  vue  à  l'âge  de  trois 
mois,  Dieu  ayant  permis  que  celle  qui  n'é- 
tait née  que  pour  contempler  les  choses  cé- 
lestes fût  privée  de  la  vue  des  choses  terres- 
Ires.  A  peine  eut-elle  atteint  l'âge  de  5  ans, 
que,  voulant  de  bonne  heure  châlier  son 
corps,  elle  s'accoutuma  à  marcher  nu  pieds, 
ce  qu'elle  a  toujours  continué  de  faire  dans 
quelque  saison  fâcheuse  que  ce  fût  et  quel- 
que rigoureux  que  fût  le  froid.  A  sept  ans 
elle  augmenta  sa  vie  pénitente  par  des  jeû- 
nes et  des  abstinences;  elle  ne  prenait  son 
repos  que  sur  la  terre  nue  ou  quelquefois 
sur  un  peu  de  sarment;  et,  voulant  imiter 
la  pauvreté  de  celui  qu'elle  avait  choisi  pour 
époux,  elle  reuonça  à  tout  ce  qu'elle  pou- 
vait posséder  et  prétendre  ,  et  ne  reçut  que 
sous  le  litre  d'aumône  tout  ce  qui  était  né- 
cessaire pour  l'entretien  de  la  vie. 

Après  avoir  demeuré  quelques  années  à 
la  campagne,  elle  vint  à  Ravenne,  où  Dieu 
voulant  éprouver  sa  patience  comme  il  avait 
fait  celle  du  saint  homme  Job,  il  l'affligea 
l'espace  de  quatorze  ans  par  diverses  mala- 
dies, pendant  lesquels  elle  ne  reçut  aucune 
consolation  des  hommes  ;  et  ,  comme  les 
amis  de  Job  ,  le  voyant  couvert  d'ulcères  et 
couché  sur  un  fumier,   venaient  insulter  à 


675 


DICTIONNAIRE  DE?  ORDRES  RELIGIEUX. 


G"  6 


ses  maux,  il  yeut  aussi  un  grand  nombre  de 
personnes  qui  ne  venaient  visiter  celte  sainte 
fille  dans  ses  maladies  que  pour  s'en  mo- 
quer et  lui  reprocher  que  ses  maux  ne  lui 
élaient  arrivés  que  pour  ses  péchés,  et  parce 
que  sous  une  fausse  apparence  de  sainteté 
elle  trompait  les  peuples,  n'étant  dans  le 
fond  qu'une  hypocrite;  mais,  au  milieu  de 
ces  persécutions,  son  esprit  ne  perdit  point 
le  calme  et  la  tranquillité  :  plus  on  l'offen- 
sait, plus  elle  témoignait  de  joie,  croyant 
qu'on  la  traitait  encore  doucement  et  qu'elle 
méritait  de  plus  grands  opprobres.  Cependant 
Dieu,  qui  avait  permis  qu'elle  fût  ainsi  mé- 
prisée, permit  aussi  que  ceux  mêmes  qui  en 
élaient  les  auteurs  fussent  les  premiers  à  pu- 
blier ses  louanges.  Les  discours  qu'elle  leur 
tenait  de  temps  en  temps  étaient  si  vifs  et  si 
touchants,  qu'ils  rentrèrent  en  eux-mêmes 
et  se  convertirent  entièrement,  et  il  y  eut 
plus  de  trois  cents  personnes  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe  qui,  étant  persuadées  de  la  sain- 
teté de  sa  vie,  la  voulurent  avoir  pour  maî- 
tresse et  pour  guide  dans  les  voies  de  leur 
salut.  C'est  ce  qui  lui  donna  occasion  d'éta- 
blir la  sociélé  du  Bon-Jésus ,  à  laquelle  elle 
prescrivit  des  règlements  qu'elle  ne  put  ré- 
diger par  écrit,  ayant  été  privé;'  delà  vue 
dès  l'âge  de  trois  mois  ,  mais  qui  le  furent, 
comme  nous  avons  dit,  par  le  P.  dom  Séra- 
phin! de  Ferme  ,  chanoine  régulier  de  la 
congrégation  de  Latran. 

Ils  sont  compris  dans  vingt-quatre  arti- 
cles qui  font  connaître  quel  et;:it  l'esprit  de 
celle  bienheureuse,  puisque  les  enseigne- 
ments qu'elle  y  donne  à  ses  disciples  el  à 
quoi  elle  les  oblige  consistent  principalement 
à  avoir  sur  toutes  choses  un  grand  amour 
pour  Dieu  ;  qu'elle  leur  recommande  la  sim- 
plicité de  cœur,  l'humilité,  le  mépris  de  soi- 
même  ;  qu'elle  les  exhorte  à  conserver  la 
paix,  l'union,  la  concorde  entre  eux,  à  fuir 
les  jugements  téméraires,  à  fréquenter  sou- 
vent les  sacrements  el  à  châtier  leur  corps 
par  les  jeûnes  et  les  abstinences  qui  sont 
marqués  dans  le  vingt-quatrième  article  : 
savoir,  de  jeûner, outre  les  jours  prescrits  et 
ordonnés  par  l'Église,  pendant  tout  l'avent, 
tous  les  mercredis,  vendredis  et  samedis  de 
l'année,  et  au  pain  et  à  l'eau  les  veilles  des 
fêles  de  l'Annonciation  de  la  sainte  Vierge  et 
le  vendredi  saint  (1).  Elle  survécut  encore 
quelques  années  à  l'établissement  de  cette 
sociélé,  et  mourut  le  23  janvier  1305,  étant 
âgée  de  G3  ans. 

Enlre  les  disciples  de  celle  sainte  vierge, 
il  y  eut  une  veuve  nommée  Gentille,  qui  a 
acquis  aussi,  par  la  sainteté  de  sa  vie,  le  li- 
tre de  bienheureuse.  Elle  naquit  à  Ravenne 
l'an  1471.  Son  père,  qui  était  un  orfèvre,  se 
nommait  Thomas  Giusti,  ou  Jusle,  et  éla.t 
véritablement  un  homme  jusle  et  craignant 
Dieu  ,  aussi  bien  que  sa  femme  Dominique. 
Ils  eurent  un  grand  soin  de  l'éducation  de 
leur  fille  Gentille  a  et  elle  profita  si  bien  des 
bonnes  instructions  qu'ils  lui  donnèrent 
que,  dès  sa  plus  tendre  jeunesse,  elle  fit  pa- 


raître de  grandes  marques  de  sainteté.  C'est 
ce  qui  l'attira  de  bonne  heure  dans  la  so- 
ciété de  la  bienheureuse  Marguerite  de  Ra- 
venne,  dont  elle  fut  une  des  premières  disci- 
ples, et  elle  fit  sous  sa  conduite  de  si  grands 
progrès  dans  la  vertu,  qu'après  la  mort  de 
cette  sainte  fille,  elle  devint  la  maîtresse  des 
autres. 

Ses  parents  l'ayant  eng?gée  dans  le  ma- 
riage ,  elle  épousa  un  Vénitien  nommé  Jac- 
ques Pianella,  tailleur  d'habils,  homme  cruel 
et  farouche,  qui ,  non-seulement  la  traitait 
comme  une  esclave,  la  frappant  souvent  et 
la  maltraitant  cruellement,  mais  la  dénonça 
même  un  jour  à  l'archevêque  de  Ravenne 
comme  une  sorcière  et  une  magicienne.  Son 
innocence  ayant  été  reconnue  et  son  mari 
ne  pouvant  plus  supporter  l'éclat  de  sa  sain- 
teté, il  l'abandon na dans  un  temps  de  famine, 
ne  lui  laissant  rien  pour  sa  subsistance; 
mais  cette  sainte  femme,  ayant  mis  toute  sa 
confiance  en  la  divine  providence,  en  res- 
sentit souvent  les  effets  merveilleux.  Elle 
demeura  plusieurs  années  ainsi  abandonnée 
de  son  mari,  qui  retourna  enfin  à  sa  maison 
tout  changé,  et  qui,  d'homme  cruel  et  bar- 
bare qu'il  était  auparavant ,  devint  doux 
comme  un  agneau  et  n'eut  plus  que.  de  l'es- 
time et  de  la  vénération  pour -sa  femme, 
avec  laquelle  il  vécut  encore  quelque  temps 
et  mourut  ensuite  de  la  mort  des  justes, 
ayant  réparé  par  les  bons  exemples  qu'il 
donna  les  scandales  qu'il  avait  causés  par 
ses  brutalités. 

C'est  aux  prières  de  cette  sainte  femme 
que  l'on  peut  allribuer  la  conversion  de  son 
mari  ;  mais  ce  ne  fut  pas  la  seule  qu'elle  pro- 
cura. 11  y  avait  dans  Ravenue  un  jeune 
homme  âgé  de  vingt-cinq  ans  qui,  après  la 
mort  de  ses  père  el  mère,  s'était  abandonné 
à  toutes  sortes  de  licences  et  étail  Le  scandale 
de  la  ville  :  il  y  avait  même  plusieurs  années 
qu'il  n'avait  approché  des  sacrements;  mais 
ayant  été  sollicité  par  sa  sœur  d'aller  voir 
la  bienheureuse  Gentille,  il  lui  si  touché  par 
ses  discours  et  par  les  avis  qu'elle  lui  donna, 
qu'il  se  convertit  entièrement.  Ce  fut  le  V. 
P.  Jérôme  Maluselli,  principal  fondateur  des 
Prêtres  de  l'ordre  du  Bon-Jésus,  nalif  de 
Mensa  au  territoire  de  Céséna,  qui,  après 
avoir  été  ainsi  converti  par  la  bienheureuse 
Gentille,  devint  l'un  de  ses  disciples  et  mena 
dans  la  suite  une  vie  si  sainte  et  si  exem- 
plaire, qu'ayant  pris  les  ordres  sacrés  et 
étant  parvenu  au  sacerdoce,  celle  sainte 
veuve  le  prit  pour  son  directeur.  Comme  il 
lui  était  resté  de  son  mariage  un  fils  nommé 
Léon,  qui  étail  aussi  prêtre  el  qui  demeurait 
chez  elle  avec  une  de  ses  cousines,  elle  en- 
gagea Jérôme  Maluselli  à  venir  aussi  de- 
meurer avec  eux,  el  ils  pratiquèrent  ensem- 
ble les  règles  qui  avaient  été  laissées  par  la 
bienheureuse  Marguerite,  observant  exacte- 
ment les  jeûnes,  les  abstinences  el  les  autres 
exercices  de  piélé  qu'elle  avait  prescrits  à 
ses  disciples. 
Le  démon,  voyant  le   progrès  qae   celle 


(I)  Yoy;,  à  In  tin  du  vol.,  n*  103. 


677 


JES 


JES 


r.78 


sainte  compagnie  faisait  dans  la  vertu,  et 
combien  leur  exemple  lui  enlevait  tous  les 
jours  de  pécheurs  qui  se  convertissaient  à 
Dieu,  suscita  des  personnes  dans  la  ville  qui 
les  accusèrent  auprès  de  l'archevêque  de 
mener  une  vie  pleine  de  superstitions  sous 
une  fausse  apparence  de  sainteté.  Mais  la 
vérité  ayant  été  reconnue,  et  le  démon 
trempé  dans  ses  artifices,  il  leur  suscita  une 
nouvelle  persécution  et  réussit  enfin  à  les 
faire  chasser  de  Kavenne.  La  peste  ayant  af- 
fligé cette  ville  l'an  1512,  la  bienheureuse 
(lentille,  Léon  son  fils,  sa  parente  ei  Malu- 
selli,  furent  envoyés  hors  de  la  ville,  quoi- 
qu'ils n'eussent  aucun  mal  et  qu'ils  eussent 
été  préservés  de  la  contagion,  et  ils  ne  r<  tour- 
né: enta  Ravenne  que  lorsque  celle  ville  fut 
entièrement  délivrée  de  ce  fléau.  La  sainteté 
de  la  bienheureuse  Gentille  augmentait  tous 
les  jours,  et  l'estime  que  l'on  en  faisait  était  si 
grande,  que  le  pape  lui  permit  de  faire  célébrer 
la  messe  dans  sa  chambre,  ne  pouvant  aller 
l'entendre  à  l'église  à  cause  de  ses  infirmités 
continuelles.  Elle  perdit  sou  iils  l'an  1528, 
mais  Jérôme  Maluselli  lui  tint  lieu  de  fils,  et 
elle  le  fit  même  héritier  de  ses  biens  à  sa 
mon,  qui  arriva  l'an  1530,  le  28  janvier. 
Elle  lui  laissa  entre  autres  choses  une  mai- 
son qu'elle  lui  ordonna  de  changer  en  une 
église,  l'assurant  que  D.eu  susciterait  plu- 
sieurs personnes  pieuses  qui  par  leurs  au- 
mônes contribueraient  à  cet  ouvrage. 

Jérôme  Maluselli  exécuta  la  même  année 
les  dernières  volontés  de  la  bienheureuse 
Gentille,  et,  avec  la  permission  de  l'arche- 
vêque de  Kavenne  Pierre  Ferretti,  il  jeta  les 
fondements  de  celle  église  le  23  septembre 
153),  quoiqu'il  n'eut  en  main  qu'une  somme 
foi  l  médiocre;  mais  ce  que  Gentille  avait 
prédit  arriva,  les  aumônes  de  ceux  qui  con- 
tribuèrent à  cet  édifice  se  trouvèrent  suffi- 
santes pour  le  conduire  à  sa  perfection,  et  il 
fut  consacré  l'an  1531,  le  premier  jour  d'août, 
par  le  même  archevêque. 

Mais  une  nouvelle  persécution  s'éleva 
aussitôt  contre  le  saint  fondateur  :  quelques 
prêtres,  ay  nt  conçu  de  la  jalousie  contre 
lui,  cherchèrent  les  moyens  de  lui  ôter  celle 
église.  11  y  en  eut  quelques-uns  qui,  pour 
soulever  le  peuple  contre  lui,  prêchèrent 
publiquement  que  c'était  un  hérétique,  un 
trompeur  et  un  sup  rslili  us,  et  l'on  voyait 
déjà  accourir  le  peuple  pour  raser  celle 
église,  mais  il  ne  s'en  trouva  aucun  assez 
hardi  pour  l'entreprendre;  et  le  pape  Clé- 
ment VU,  en  ayant  eu  avis,  envoya  es 
commissaires  à  Kavenne  pour  prendre  con- 
naissance de  cette  affaire,  qui  fut  décidée  à 
l'avantage  de  Maluselli  et  à  la  confusion  de 
Ses  ennemis. 

Ce  saint  fondateur,  se  voyant  paisible 
dans  la  jouissance  de  son  église,  dressa  les 
règlements  de  la  eOngrég  lion  de  prêtres 
qu'il  projetait  d'établir,  et  il  les  tira,  comme 
nous  avons  dit,  de  ceux  qui  avaient  été  dic- 
tés par  la  bienheureuse  Marguerite,  dont  il 
retrancha  ce  qui  n'était  propre  que  pour 
les  personnes  qui  vivaient  dans  lu  monde.  Ce 
fut. dans  ce  même  temps  que  le  duc  de  Man- 


toue  Frédéric  de  Gonzague  II  et  la  duchesse 
Marguerite  Paléologue,  son  épouse,  qui 
avaient  beaucoup  de  dévotion  pour  les  15B. 
Marguerite  et  Gentille,  dont  ils  avaient  fait 
écrire  les  vies  par  dom  Séraphin)  de  Ferme, 
demandèrent  des  cammissaires  au  pape 
Paul  111  pour  inform  t  des  miracles  qui  se 
faisaient  à  leurs  tombeaux,  afin  de  travail- 
ler à  leur  canonisation.  Le  pape  accorda  leur 
demande  et  envoya  commission  au  gouver- 
neur de  ltavcnne,  l'an  1537,  pour  faire  ces 
informations,,  et  l'année  suivante  1538  il  ap- 
prouva aussi,  à  la  prière  du  même  duc  de 
Mantoue,  les  règles  qui  avaient  été  dressées 
par  le  P.  Jérôme  Maluselli,  auquel  il  permit 
de  donner  l'habit  de  son  ordre  à  ceux  qui  se 
présenteraient  pour  le  recevoir.  Les  premiers 
qui  le  reçurent  furent  dom  Simon  Crespoli 
de  Kavenne,  dom  Philippe  Solavolo,  et  dom 
Zacharie  Perduecini,  qui  avait  été  l'un  des 
disciples  de  la  bienheureuse  Gentille.  MaLi- 
selli  fut  1  ■  premier  supérieur  de  cet  ordre, 
qu  il  gouverna  jusqu'en  l'an  1541,  qu'il 
mourût  le  20  août. 

Le  nombre  des  Prêtres  du  Bon-Jésus,  qui 
s'éiaitdéjà  augmenlédeson  vivant,  au  un  nia 
encore  après  s;;  mort,  cl  les  princes  de  la 
maison  de  Gonzague  continuant  à  protéger 
cet  ordre  à  cause  des  Bii.  Marguerile  et  Gen- 
tille, pour  lesquelles  ils  conservèrent  tou- 
jours beaucoup  de  vénération,  Guillaume, 
duc  de  Mantoue,  demanda  au  pape  Jules  III 
la  confirmation  de  cet  ordre,  ce  que  ce  pon- 
tife accorda  l'an  1551.  Il  fut  derechef  ap- 
prouvé par  le  pape  Paul  IV,  qui  permit  à  ces 
Prêtres  du  Bon-Jésus  de  faire  des  vœux  so- 
lennels. Cetordre  ne  fitpas  de  grands  progrès, 
et  il  fut  supprimé  par  le  pape  Innocent  X  l'an 
1051.  L'on  prétend  qu'il  n'y  avait  pas  pour 
lors  plus  de  dix  religieux  de  cet  ordre.  Mau- 
rolic  dit  qu'oulre  leur  maison  de  Kavenne, 
ils  en  avaient  encore  une  à  Rome  et  une  au- 
tre en  Toscane. 

Ils  suivaient  la  règle  de  sainl  Augustin 
avec  les  règlements  qui  avaient  clé  dressés 
par  le  fondateur.  Ils  se  levaient  à  minuit 
pour  dire  matines,  officiaient  selon  l'us  ge 
de  l'Eglise  romaine.  Us  étaient  assidus  au 
confessionnal,  assistaient  les  malades  à  la 
mort,  et  s'adonnaient  à  la  prédication  et  aux 
autres  exercices  qui  concernent  le  salut  du 
prochain.  Outre  l'avent  1 1  le i  jeûnes  ordon- 
nés par  l'Eglise,  ils  jeûnaient  encore  toutes 
les  semaines  le  mercredi,  le  ve.dredi  et  le 
samedi  et  plusieurs  autres  jours  ordonnés 
par  leur  règle.  C'est  ainsi  que  le  P.  Simon 
AJarini  qui  a  été  général  de  cet  ordre,  décrit 
les  observances  qui  y  éla  eut  en  pratique,  et 
il  doit  être  plutôt  cru  que  Morigia,  qui  dit 
qu'ils  ne  confessaient  et  ne  prêchaient  point. 
Ce  qu'il  ajoute  encore,  qu'ils  ne  possédaient 
aucune  chose,  n'est  pas  conforme  à  ce  que 
dit  aussi  le  P.  Marini,  que  le  duc  de  Man- 
toue leur  donna  un  palais  dans  Ravenne; 
que  Julie  Sfondrate  leur  donna  aussi  des 
maisons,  des  teires  et  des  renies  ;  et  qu'An- 
gèle  Louatelli  fut  leur  principale  bienfaitrice, 
par  les  biens  considérables  qu'elle  leu'f 
donna.  Quanta  leur  habillement,  il  était  as- 


079 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


(580 


sez  semblable  à  celui  des  ecclésiastiques,  et 
au  lieu  de  bonnet  carré,  ils  en  portaient  un 
qui  avait  une  forme  ronde  (1):  tous  les  trois 
ans  ils  tenaient  leur  cbapilre,  dans  lequel 
ils  élisaient  leur  supérieur  général. 

Augustin  Barbota  parlant  de  ce  Prêtres 
du  Bon-Jésus,  leur  donne  pour  fondatrice  la 
bienheureuse  Marguerite  de  Ravenne:  mais 
il  se  trompe  lorsqu'il  dit  que  les  premiers 
qui  reçurent  ses  règles  l'an  1501  ou  1508,  et 
qui  les  donnèrent  aux  autres,  furent  Léon 
et  Jérôme;  car  elle  ne  pouvait  pas  avoir 
donné  ses  règles  en  1501  à  Léon  qui  n'était 
pas  encore  prêtre,  puisque  sa  mère  Gentille 
n'avait  pas  pour  lors  plus  de  Irente-trois  ans; 
et  .Marguerite  ne  pouvait  pas  non  plus  avoir 
donné  ses  règles  à  Jérôme  en  1508,  puis- 
qu'elle mourut  en  1505. 

Schoonebek  parlant  aussi  de  ces  Prêtres, 
dit  que  ce  fut  le  P.  Séraphim  de  Ferme  qui 
les  fonda  environ  l'an  1326  ;  nous  croirions 
volontiers  que  c'est  une  faute  d'impression, 
s'il  ne  l'avait  copiée  de  Maurolic  où  elle  se 
trouve  aussi:  ainsi  nous  excusons  Maurolic, 
mais  Schoonebek  ne  peut  être  excusé,  et  il 
devait  prendre  garde  que  c'était  une  faute 
d'impression  qui  s'était  sans  doute  glissée 
dans  Mauiolic,  puisque  dom  Séraphim  de 
Ferme  vivait  en  1526,  et  non  pas  en  1326. 
Lorsqu'il  donne  a  ces  mêmes  Prêtres  la  bien- 
heureuse Marguerite  pour  fondatrice  l'an 
1506  il  devait  faire  attention  à  sa  mort  qui 
ariiva  l'an  1505,  et  elle  n'a  point  fonde  de 
religieuses  comme  il  prétend.  Cet  auteur  dit 
néanmoins  dans  la  préface  de  sa  dernière 
édition  que  l'on  y  a  réformé  plusieurs  dates 
qui  n'étaient  paj  dans  l'ordre  et  qu'on  les 
a  corrigées;  c'est  de  quoi  on  ne  s'aperçoit 
pas  beaucoup,  et  on  a  sans  doute  corrigé  des 
fautes  par  d'autres  fautes  (2). 

BoWaod.,  Act.SS.,et23et  28 Jan. Simon Ma- 
rini,  Vit.  dell.  BB  Margarit.  et  Gentil.,  et 
det  P.  Gieronimo  fundatori  délia  relig.  de  Pa- 
dri  del  Buon  Giesu.lacob.  Morand.,  tom.  VII 
Add.  adSurium  23  Jan.  Jéronim.  de  Rubéis, 
Hist.Raienn.lib.ii.  Silvcstr.  Maurol.,  Mar. 
océan,  di  lut  t.  gli  Retig.,  lit),  v,  pag.  398. 
Bail).,  DeJur.  ecctes.  ïambur.,  De  Jur.  abb. 
Morigia,  Hist.dell.  Relig. Schoonebek,  Hist. 
des  Ord.  relig.  Philipp.  Bonanni,  Catalog. 
Ord.  religios.,  part,  m  ;  et  Hermant,  His- 
toire des  Ordres  relig.,  tom  11. 

JESUS-CHRIST  ET  DE  SA  PASSION.  Voy. 

DR  kGON   RENVERSÉ. 

JESUS  ET  MARIE  (Chevaliers  de).  Voy. 
Bethléem. 

JESUS  ET  MARIE  (Congrégation  de). 
Voy.  Eudistes. 

JOSKPH  (Congrégation  de  Saint-)  à  Rome. 
Voy.  Clou  (Sacré-). 

JOSEPH  (Congrégation   des  missionnaires 

de  Saint-). 
Des  prêtres  missionnaires  de  la  congrégation 


de  Soint'Joseph  avec  la  vie  de  M.  Crétenet, 

leur  fondateur. 

Il  n'est  pas  extraordinaire  que  Dieu,  qui 
dit  dans  ses  saintes  Ecritures  qu'il  perdra 
la  sagesse  des  sages  et  qu'il  réprouvera  la 
prudence  des  prudents,  se  serve  quelquefois 
de  ce  qu'il  y  a  de  plus  faible  pour  enseigner 
ses  voies  à  ceux  qui  se  croient  les  plus  spi- 
rituels et  les  plus  éclairés.  Mais  que  sa  di- 
vine majesté  confie  à  des  laïques  le  soin  de 
conduire  dans  le  chemin  de  la  perfection 
les  ministres  de  ses  autels,  c'est  ce  qui  serait 
sans  exemple  si  elle  ne  s'était  servie  dans  le 
dernier  siècle  de  M.  Crétenet,  laïque  et  chi- 
rurgien de  profession,  pour  établir  une  con- 
grégation de  missionnaires  et  diriger  des 
préires  dans  tout  ce  que  la  vie  spirituelle  a 
de  plus  saint  et  de  plus  relevé.  Ce  serviteur 
de  Dieu  naquit  au  hourg  de  Chamlite,  dans 
le  comté  de  Bourgogne,  l'an  1603,  et  reçut 
le  nom  de  Jacques  sur  les  fonts  du  baptême. 
Ses  parents  étaient  d'une  condition  médiocre, 
mais  recommandables  par  leur  vertu.  Ils 
eurent  de  leur  mariage  six  garçons  et  trois 
filles.  Jacques,  de  qui  nous  parlons  ,  était  le 
sixième  et  le  dernier  de  ces  garçons.  Ils  né- 
gligèrent assez  son  éducation  dans  le  com- 
mencement, mais ,  l'ayant  reconnu  dans  la 
suite  d'un  bon  naturel  et  porté  à  la  vertu, 
ils  prirent  le  dessein  de  le  faire  étudier,  dans 
la  pensée  que  Dieu  le  destinait  au  sacerdoce. 
Il  apprit  d'un  de  ses  oncles  les  rudiments 
de  la  grammaire  en  très-peu  de  temps  et 
avec  une  facilité  qui  fit  bien  voir  qu'il  n'au- 
rait pas  été  moins  éminent  par  sa  doctrine 
qu'il  l'a  été  par  sa  piété ,  si  ses  parents  ne 
l'avaient  empêché  de  poursuivre  ses  études 
pour  substituer  un  de  ses  frères  en  sa  place: 
ce  qui  ne  réussit  pas  néanmoins  comme  ils 
s'en  étaient  flattés,  Dieu  \oulant  par  là  don- 
ner à  connaître  le  tort  qu'ils  avaient  de 
changer  les  dispositions  de  sa  divine  provi- 
dence,  qui  réservait  l'auguste  dignité  du 
sacerdoce  à  celui  pour  qui  elle  leur  en  avait 
inspiré  la  première  pensée,  et  qu'elle  retira 
pour  cet  effet  comme  un  autre  Abraham  du 
sein  de  ses  parents  et  du  lieu  de  sa  naissance 
pour  le  conduire  peu  à  peu  à  l'exécution  de 
ses  desseins.  Il  sortit  donc  de  son  pays  à 
lâge  de  quinze  ans,  sans  argent  et  sans  sa- 
voir où  il  irait  s'établir,  mais  avec  l'espé- 
rance que  Dieu  ne  l'abandonnerait  pas.  11 
s'arrêta  à  Langres,  où  il  apprit  la  chirurgie, 
et  s'y  comporta  toujours  avec  tant  de  sa- 
gesse et  de  piété,  que  la  sainte  Vierge,  pour 
laquelle  il  avait  une  singulière  dévotion,  le 
préserva  de  plusieurs  dangers  où  il  se  trouva 
engagé,  et  pour  l'àme  et  pour  le  corps,  lant 
dans  le  temps  de  son  apprentissage  que 
pendant  la  course  qu'il  lit  après,  selon  la 
coutume  de  ceux  qui  veulent  se  rendre  par- 
faits dans  cette  profession.  Ayant  achevé  ses 
courses  ,  et  étant  arrivé  à  Lyon,  il  se  trouva 
sans  argent  et  sans  emploi;  mais  Dieu,  qui 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  164. 

(2)  M.  Hermant,  curé  de  Maltoi,  a  copié  aussi 
Schoonebek  en  attribuant  la  fondation  de  cet  ordre  à 
dom  Sérapliim  de  Ferme,  l'an  152G;  et  il  parle  de 


ces  clercs  réguliers  comme  s'ils  subsistaient  encore, 
quoiqu'ils  aient  été  supprimés  par  le  pape  Innocent  X 
l'an  1651. 


C81 


JOS 


JOS 


082 


veillait  sur  lui,  ne  l'abandonna  pas ,  car, 
s'élant  mis  en  chemin  pour  aller  de  Lyon  à 
Grenoble,  il  rencontra  le  baron  de  la  Hoche, 
qui,  d'abord  qu'il  le  vit,  se  sentit  touché  de 
tant  d'affection  pour  lui,  qu'ayant  su  dans 
la  conversation  qu'ils  eurent  ensemble  qu'il 
était  chirurgien,  il  lui  offrit  sa  maison  et  de 
l'emploi  sur  ses  terres.  M.  Crélenet  admira 
la  bonté  de  Dieu  sur  lui,  et,  après  l'en  avoir 
remercié  intérieurement,  il  accepta  les  offres 
de  ce  seigneur,  qui  dans  la  suite  fut  si  salis- 
fait  de  ses  services ,  qu'il  le  mena  peu  de 
temps  après  au  château  d'Amnistie,  qui  est 
entre  Nîmes  et  Uzès  ,  où  il  était  envoyé  par 
le  roi  pour  réprimer  les  huguenots  révoltés. 
Ce  fut  là  que  ladouceur  et  les  autres  bonnes 
qualités  de  M.  Crélenel  le  firent  aimer  de 
tous  ceux  qui  le  conversaient,  cl  qu'il  acheva 
de  gagner  le  cœur  de  son  mailrc,  qui  le  fit 
manger  à  sa  table,  sans  que  cela  donnât  la 
moiudre  jalousie  à  ses  compagnons,  parce 
qu'ils  l'aimaient  tous  tendrement,  et  qu'ils 
admiraient  l'humilité  et  la  charité  qu'il  avait 
pour  supporter  les  faiblesses  de  son  prochain. 
Pendant  quelques  années  qu'il  fut  dans  ce 
château,  il  traitait  les  malades  du  voisinage  ; 
et,  comme  il  avait  pour  le  moins  autant  de 
soin  et  d'empressement  de  la  santé  de  leurs 
âmes,  il  ne  les  quittait  jamais  sans  leur  avoir 
parlé  de  Dieu  et  lâché  de  leur  insinuer  quel- 
ques maximes  de  piété. 

Ce  zèle  si  rare  dans  les  jeunes  gens  de  sa 
profession,  non-seulement  lui  acquit  l'estime 
de  tous  ceux  qui  avaient  quelque  disposition 
à  la  vertu,  mais  même  le  fil  aimer  d'une  jeune 
fille  de  la  meilleure  famille  d'Amnistie.  Il  ne  fut 
pasabsolument  insensibleaux  amitiés  qu'elle 
lui  témoigna.  11  y  répondit,  et  ils  s'aimèrent 
tous  deux,  mais  d'une  amitié  si  réglée,  qu'il  ne 
se  passa  rien  ni  dans  leurs  entretiens  ni  dans 
leur  fréquentai  ion  qui  ne  lût  de  la  dernière 
retenue,  et  d'une  modestie  toute  chrétienne, 
quoiqu'ils  s'aimassent  dans  le  dessein  de  se 
marier  ensemble.  Mais,  comme  il  n'entre- 
prenait nen  sans  avoir  auparavant  recours 
à  Dieu,  il  Ut  dire  plusieurs  messes  afin  qu'il 
lu»  fil  la  grâce  de  lui  déclarer  sa  sainte  vo- 
lonté. Ce  qui  ne  fut  pas  sans  effet;  car, 
priant  un  jour  avec  ferveur  pour  ce  sujet,  il 
entendit  intérieurement  une  voix  qui  lui  dit: 
Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  où  je  le  veux,  je  te 
montrerai  où  tu  iras  pour  ma  gloire. 

C'en  fui  assez  pour  obliger  ce  serviteur 
de  Dieu  à  suspendre  la  poursuite  de  ce  ma- 
i  iage,  quelque  avantage  qu'il  y  trouvât,  et  à 
renoncer  à  l'inclination  qu'il  avait  pour  celte 
personne,  dont  il  estimait  encore  plus  la 
vertu  que  la  beauté  et  les  autres  qualités 
naturelles  dont  elle  était  douée.  Néanmoins, 
comme  ses  amis,  qui  ne  savaient  encore  rien 
de  ce  qui  se  passait  dans  son  cœur,  avaient 
pris  jour  avec  les  parents  de  la  fille  pour 
passer  le  contrat  et  convenir  du  jour  du 
mariage,  il  se  rendit  au  château  d'Amnistie 
à  l'heure  assignée;  mais  à  peine  y  fut-il  en- 
tré, que,  se  sentant  plus  pressé  que  jamais 
de  suivre  la  voix  de  Dieu  qui  l'appelait 
ailleurs,  il  remercia  la  compagnie  de  t'hon- 
ueur  qu'on  voulait  lui  faire,  sous  prétexte 
Dictionnaire:  des  Ordres  religieux. 


qu'il  avait  un  frère  à  Paris,  et  qu'il  serait 
bien  aise  de  le  consulter  sur  cette  affaire 
avant  que  de  la  conclure.  11  demanda  ensuite 
son  congé  au  baron  de  la  Roche,  qui  n'ou- 
blia rien  pour  le  retenir  et  ne  consentit  qu'à 
regret  à  son  éloignement. 

11  arriva  à  Lyon  l'an  1G28,  dans  le  temps 
que  Dieu  y  faisait  sen'ir  la  pesanteur  de  son 
bras  par  la  peste,  qui  y  causait  des  ravages 
si  funestes,  que  cette  grande  ville,  autant 
célèbre  par  son  commerce  que  par  le  grand 
nombre  de  ses  habitai. Is  ,  se  vit  en  peu  de 
jours  changée  en  un  désert,  tant  par  la  fuite 
de  ceux  qui  l'abandonnèrent  que  par  la  mort 
d'un  grand  nombre  de  personnes,  il  ne  fut 
pas  plutôt  arrivé  dans  cette  ville,  qu'il  se 
mit  chez  un  maître  chirurgien  ,  où  le  démon 
lendit  des  pièges  à  sa  pureté  par  le  moyen 
d'un  de  ses  compagnons ,  qui  lui  découvrit 
que  leur  maître  entretenait  une  fille  dont  il 
pourrait  aussi  jouir  quand  il  voudrait,  lui 
conseillant  de  profiter  de  l'occasion.  Mais  lo 
saint  jeune  homme,  s'élant  aperçu  de  lu  ma- 
lice de  l'esprit  tentateur,  sortit  de  celle  mai- 
son pour  s'exposer  au  service  des  pestiférés, 
ce  qui  lui  procura  un  établissement  de  la 
manière  suivante. 

La  peste  était  si  enflammée  à  Lyon,  que 
presque  tous  les  garçons  chirurgiens  i,ui 
pansaient  les  pestiférés  étaient  morts,  et  la 
plupart  des  maîtres  s'étaient  retirés  à  la 
campagne  pour  se  mettre  à  couvert  de  ce 
lléau  terrible.  Les  magistrats ,  pour  obliger 
les  garçons  chirurgiens  qui  étaient  encore 
dans  la  ville  à  s'exposer  au  danger,  firent 
publier  partout  que  ceux  qui  serviraient  les 
pestiférés  gagneraient  1.  ur  maîtrise.  M.  Cré- 
tenet,  qui  avait  quitté  s  u  maître  pour  évi- 
ter le  péché,  embrassa  le  parti  que  Dieu  lui 
présentait,  et  se  donna  de  bon  cœur  au  ser- 
vice des  pauvres  malades  abandonnés.  Ce 
fut  au  mois  d'avril  de  l'année  1029  qu'il 
commença  cet  exercice  charitable.  La  pre- 
mière personne  qu'il  traita  de  la  peste  fut 
une  jeune  veuve, qu'il  servit  avec  tant  d'hon- 
nêteté et  d'affection,  que  sa  mère  la  lui  pro- 
m  t  en  mariage  s'il  pouvait  la  guérir  et  se 
faire  recevoir  maître  chirurgien.  Dieu,  qui 
lui  avait  destiné  cette  veuve,  bénit  tellement 
le  soin  qu'il  prit  d'elle,  qu'ayant  élé  guérie 
en  peu  de  temps,  on  ne  pensait  plus  qu'à 
l'exécution  de  la  promesse  qu'on  lui  avail 
faite.  Lorsque  la  peste  cessa,  les  maîtres 
chirurgiens  revinrent  de  la  campagne  ,  et 
s'opposèrent  à  l'eulérinement  des  lettres  que 
leurs  garçons  avaient  obtenues  des  magis- 
trats :  ce  qui  étant  un  obstacle  au  projet  du 
mariage  de  M.  Crélenet,  lui  lui  un  nouveau 
sujet  d'adorer  les  dispositions  de  Dieu  sur 
lui  et  de  redoubler  ses  prières  pour  obtenir 
la  grâce  de  connaî  re  sa  volonté  et  de  s'y 
conformer  en  toutes  choses,  mais  principa- 
lement dans  ce  mariage  ,  qu'il  ne  souhaitait 
qu'autant  qu'il  serait  agréable  à  sa  divine 
m  jcslé  et  utile  au  salut  de  son  âme  :  ce 
qu'il  dem  inda  avec  une  si  parfaite  soumis- 
sion aux  ordres  du  ciel,  que,  nonobstant  cet 
obstacle,  qui  paraissait  invincible,  il  eu  ob-> 
II,  22 


083 


DICTIONNAIRE  DCS  ORDRES  it i  l.ir.lEUX. 


G84 


lint  la  conclusion  de  son  mariage,  cl  reçut 
la  bénédiction  nuptiale  le  20  novembre. 

Ayant  obtenu  des  lettres  de  maîtrise  quel- 
que temps  après,  il  régla  tellement  sa  mai- 
son, que,  l'on  y  vivait  comme  dans  un  mo- 
nastère le  plus  régulier,  prenant  lui-même  le 
soin  de  conduire  ses  dom  stiques  dans  le 
chemin  du  salut  et  de  les  former  à  la  \  ie 
chrétienne  par  les  saintes  maximes  de  l'Evan- 
gile, qu'il  leur  enseignait.  Souvent  il  leur 
faisait  des  entreliens  particuliers  pour  leur 
inspirer  l'horreur  du  péché  et  l'amour  de  la 
venu.  La  prière  se  faisait  en  commun  le  soir 
et  le  malin,  et  il  voulait  qu'ils  y  assistassent, 
qu'ils  allassent  tous  les  jours  à  la  messe, 
qu'ils  fissent  des  lectures  spirituelles  et  qu'ils 
fréquentassent  souvent  les  sacrements.  Non 
content  de  bannir  de  sa  maison  toutes  sortes 
de  jeux,  de  débauches,  de  jurements  et  de 
paroles  libres,  il  tilde  sages  règlements,  el 
les  y  fit  observer  indispcnsablement. 

Pour  ce  qui  est  de  ses  enfants,  il  n'épar- 
gna ni  son  bien  ni  ses  peines  pour  les  élever 
dans  la  piété.  Outre  les  instructions  qu'il 
leur  donnait  lui-même,  il  leur  choisit  des 
maîtres  pour  veiller  de  plus  près  à  leur  con- 
duite :  ce  qui  leur  réussit  si  heureusement, 
que  les  deux  enfants  qui  lui  restèrent,  dont 
l'un  était  gnrçon  et  l'autre  fi i le,  se  consa- 
crèrent au  service  de  Dieu  :  le  garçon  entra 
dans  la  congrégation  des  missionnaires  dont 
son  père  fut  dans  la  suite  l'instituteur,  et  la 
fille  se  fit  religieuse  du  Tiers  Ordre  de  Saint- 
François  de  la  plus  étroite  observance  dans 
le  monastère  de  Rouane,  où  elle  vécut  avec 
tant  de  sainteté,  qu'elle  fut  choisie  pour  faite 
rétablissement  du  troisième  monastère  de 
cet  ordre  à  Lyon. 

Une  londuite  si  sainte  et  si  utile  au  pro- 
chain ne  pouvait  être  que  fort  agréable  à 
Dieu,  qui,  prévenant  son  serviteur  de  ses 
bénédictions,  lui  donna  un  si  ardent  désir 
d'arriver  à  la  perfection,  qu'il  rechercha 
avec  empressement  la  conversation  des  per- 
sonnes capables  de  lui  en  enseigner  les  voies. 
Il  demanda  à  la  divine  majesté  par  de  ter- 
ventes  et  continuelles  prières  qu'elle  voulût 
bien  lui  procurer  cette  grâce  par  le  moyen 
de  quelques-unes  de  ces  âmes  choisies  qui, 
quoique  dans  un  corps  mortel,  vivaient  dans 
le  monde  comme  si  elles  n'y  étaient  pas,  et 
dont  toute  la  conversation  était  dans  le  ciel. 
La  Mère  Madeleine  de  Saint-François  , 
première  supérieure  du  premier  monastère 
du  Troisième  Ordre  de  Saint-François  dans 
la  ville  de  Lyon,  à  laquelle  plusieuis  per- 
sonnes s'adressaient  pour  apprendre  à  faire 
l'oraison  el  à  pratiquer  les  autres  exercices 
de  la  vie  spirituelle,  fut  celle  donl  Dieu  se 
servit  pour  l'accomplissement  du  désir  de 
M.  Crétenet,  qui,  par  les  soins  de  celle  sainte 
fille,  fit  un  si  grand  progrès  dans  la  pratique 
de  toutes  Us  verlus  qui  conduisent  a  la  per- 
fection évangélique,  que,  se  trouvant  en  état 
de  marcher  seul  dans  les  voies  les  plus 
étroites  du  salut,  il  se  résolut  d'y  servir  de 
guide  au  prochain  en  enseignant  aux  igno- 
rants les  obligations  de  la  vie  chrétienne  et 
en  conduisant  ceux  qui  en  étaient  instruits 


à  une  vie  plus  parfaite,  selon  les  règles  qu'il 
en  avait  reçues  de  cette  charitable  maîtresse, 
que  Dieu  récompensa  enfin,  la  faisant  pas- 
serdecette  vie  à  une  meilleorele  23 juin  1GV2. 
Apre,  la  mort  de  ce'le  sainte  fille.,  dix  ou 
douze  de  ses  disciples  dans  la  vie  spirituelle, 
se  joignant  à  M.  Crétenet,  se  mirent  sous  la 
conduite  du  R.  P.  dora  Arnaud,  pour  lors 
prieur  des  Feuillants  de  Lyon,  donl  Dieu  se 
servit  pour  faire  connaître  le  mérite  de  son 
serviteur.  Car  ce  zélé  directeur,  étant  foi  t 
occupé,  soil  dans  son  couvent  el  dans  les 
autres  de  son  ordre,  dont  il  ét;iit  toujours 
ou  prieur  ou  provincial,  soil  à  prêcher  des 
avepts  et  des  carêmes  dans  la  ville  de  Lyon 
el  ailleurs,  renvoyait  à  AI.  Crétenei  les  per- 
sonnes qui  venaient  à  lui  pour  le  consulter 
dans  leurs  besoins  spirituels,  comme  à  celui 
qu  il  connaissait  le  plus  capable  de  les  sou- 
lager dans  leurs  peines  :  ce  qui  élablil  si 
bien  sa  réputation,  que  tous  ceux  qui  lui 
étaient  ainsi  envoyés,  non  contents  de  la 
consolation  qu'ils  trouvaient  dans  ses  dis- 
cours 1 1  ses  entretiens  particuliers,  ne  man- 
quaient pas  dans  la  soile  aux  conférences 
spirituelles  qu'il  faisait  une  fois  la  semaine 
dans  sa  maison  ou  dans  quelque  autre,  afin 
d'allumer  dans  le  cœur  de  ses  auditeurs  le 
feu  de  l'amour  divin  el  un  ardent  désir  d'ar- 
river à  la  perfection.  Mais  dans  le  temps 
qu'il  ne  songeait  qu'à  continuer  ces  saints 
exercices  d'une  charité  véritablement  chré- 
tienne, Dieu  les  interrompit  en  lui  fournis- 
sant de  nouvelles  occasions  d'exercer  son 
zèle  et  son  amour  pour  le  prochain  :  car  la 
ville  de  Lyon  ayant  été  affligée  une  seconde 
fois  de  la  pesle  en  1613,  sa  divine  majesté 
lui  donna  de  si  fortes  inspirations  de  ne 
point  abandonner  les  pauvres  malheureux 
qui  étaient  attaqués  de  ce  mal,  qu'il  se  ren- 
ferma avec  eux  pour  leur  administrer  les  re- 
mèdes nécessaires.  Il  les  consolait  par  des 
paroles  de  piété  et  d'édification,  les  encou- 
rageant à  souffrir  patiemment  pour  l'amour 
de  Jésus-Christ  ;  et,  parce  que  celle  maladie 
esl  presque  toujours  suivie  île  la  mort,  il  les 
disposait  par  des  instructions  chrétiennes  à 
recevoir  les  sacrements,  el  n'oubliait  rien 
de  lout  ce  qui  pouvait  les  préparer  à  bien 
mourir.  Lorsqu'ils  approchaient  de  ce  der- 
nier moment,  il  redoublait  .son  zèle  pour 
leur  salut,  les  exhortant  à  se  confier  en  la 
miséricorde  de  Dieu  et  à  faire  un  sacrifice 
de  leur  vie  à  sa  justice.  Il  leur  enseignait  à 
faire  des  actes  de  conlrilion,  d'amour  de 
Dieu  et  de  résignation  à  sa  volonté.  Il  fai- 
sait des  prières  en  particulier  et  en  public 
pour  eux,  et  engageait  ceux  qui  étaient  pié- 
senls  à  leur  donner  le  même  secours. 

En  s'appliquanl  de  la  sorte  au  salut  des 
moribonds,  il  ne  négligeai!  pas  le  soin  des 
autres  malades,  qu'il  catéchisait  tous  les 
jours,  leur  enseignant  à  se  bien  confesser  et 
à  manger  dignement  le  pain  des  anges  :  ce 
qui  produisit  un  tel  effet  dans  le  cœur  des 
malheureux  qui  étaient  renfermés  dans  ce 
lieu  de  misère,  que,  changeant  de  vie,  ils 
retournaient  à  Dieu  par  une  véritable  et  sin- 
cère pénitence. 


C»5 


JOS 


JUS 


08a 


Le  P.  dom  Arnaud,  qui,  comme  nous 
l'avons  dit,  dirigeait  M.  Crélenet  cl  ceux  des 
disciples  de  la  Mère  Madeleine  de  Saint- 
François  qui  avaient  fait  avec  lui  une  sainte 
société,  ayant  été  choisi  dans  un  chapitre  de 
son  ordre  tenu  à  Paris  pour  aller  l'aire  un 
établissement  à  Marseille,  les  en  avertit,  afin 
qu'ils  fissent  choix  d'un  autre  directeur  ou 
supérieur  qui  continuât  à  'es  conduire  dans 
la  voie  de  la  perfection,  M.  Crélenet,  qui 
é  ait  le  plus  zélé  de  telle  petite  troupe,  pria 
ce  Père  de  recommander  relie  affaire  à  Dieu 
et  de  dire  à  celte  intention  la  messe  pendant 
DCtaf  jours,  afin  que  sa  majesté  divine  leur 
fil  connaître  fa  sainte  volonté,  qui  leur  fut 
enfin  manifestée  par  la  bo  che  de  ce  mr'me 
religieux,  qui,  après  avoir  fini  celle  neu- 
vaine,  leur  conseilla  de  rester  unis  ensemble 
et  de  choisir  entre  eux  quelqu'un  capable  de 
les  gounrncr.  lis  reéurenl  cette  réponse 
comme  venant  de  Dieu  même ,  et,  ayant 
augmenté  leurs  prières ,  leurs  j  unes  et  leurs 
mortifications,  i'.s  se  senlire  t  inspires  de 
choisir  M.  Crélenet,  qui  dès  lors  fut  regardé 
comme  leur  maire  et  leur  supérieur. 

Ce  choix  d'uu  laïque  et  même  engagé  dans 
le  mariage  pour  conduire  celle  nouvelle 
compagnie  de  serviteurs  de  Dieu,  dans  la- 
quelle il  y  avait  trois  ecclésiastiques,  parut 
si  extraordinaire,  que  1  on  traita  d'illusion, 
d'ambition  et  de  icmérilé  l'acceptation  que 
M.  Crél-cnet  fit  de  cet  emploi.  Mais,  non- 
obsiant  toules  ces  <  onlradictions,  le  nombre 
de  ses  disciples  augmenta  par  un  grand 
nombre  d'écoliers,  qui,  s'élaut  mis  sous  sa 
conduite,  devinrent  la  bonne  odeur  de  Je- 
sus-Chrisl  et  portèrent  pariout  les  fruits  de 
sainteté  et  de  grâces  que  Ce  saint  m.iilie 
avait  semés  dans  leur  cœur  par  ses  instruc- 
tions el  ses  bons  exemples. 

Le  zèle  qu'il  avait  pour  la  gloire  de  Dieu 
et  le  salut  des  âmes  était  trop  vasle  pour 
être  borné  au  seul  avancement  spinlui  1  de 
ceux  dont  il  avait  la  conduite.  Comme  il 
poi  tait  ioul  le  monde  dans  son  cœur ,  el  que 
sa  charité  s'étendait  sur  tous  les  hommes, 
non-seulement  il  priait  avec  fervi  ur  pour  la 
conversion  des  infidèles,  hérétiques  et  mau- 
vais chrétiens;  mais,  dans  l'impossibilité  où 
il  était,  à  raison  de  son  état,  d'ail  r  lui-même 
chercher  ces  brebis  égarées,  il  tâchait  d'en- 
gager ceux  qui  avaient  choisi  Jésus-Christ 
pour  leurpaitage  d'enircprendre  un  si  saint 
exercice  :  ce  qui  lui  réussit  enfin  selon  ses 
désirs.  Car,  un  jour  qu'il  donnait  à  manger 
à  quelques-uns  de  ses  disciples,  la  conver- 
sation tomba  insensiblement  sur  l'ignorance 
des  peuples  de  la  campagne,  et  particulière- 
ment du  grand  besoin  d'instruction  qu'avait 
le  village  de  Marlignat  dans  le  Bugey,  dont 
un  prêtre  de  la  compagnie  qui  avait  dit  sa 
premièie  messe  le  même  jour  était  natif. 
Ce  saint  homme  profita  de  cette  occasion 
pour  leur  découvrir  le  dessein  qu'il  avait 
depuis  plus  eurs  années  de  les  engager  à  se 
dévouer  au  service  du  prochain,  el  les  y  ex- 
horta d  une  manière  si  efficace,  que,  ne 
pouvant  résister  à  la  force  de  ses  discours, 
ils  prirent  la  résolution  d'aller  instruire  les 


pauvres  gens  de  ce  lieu  silôt  que  les  vacan- 
ces seraient  arrivées,  la  plupart  élu  liant 
pour  lors  en  théologie.  Ce  temps  étant  ar- 
rivé, ils  allèrent  recevoir  leur  mission  du 
grand  vicaire  du  cardinal  de  Richelieu,  ar- 
chevêque de  Lyon,  qui,  louant  leur  zèle  et 
les  encourageant  à  souffrir  généreusement 
toutes  les  peines  el  les  faligues  qu'ils  au- 
raient à  soutenir,  leur  donna  tout  le  pouvoir 
qui  leur  était  nécessaire.  M.  Crélenet  four- 
nil aux  frais  de  leur  voyage  et  de  la  mission, 
à  laquelle  ils  se  disposèrent  par  le  pèleri- 
nage de  Saint-Claude,  qu'ils  entreprirent  à 
pied,  jeûnant  au  pain  el  à  l'eau,  afin  d'obte- 
nir par  l'intercession  de  ce  saint  archevêque 
les  lumières  et  les  grâces  dont  ils  avaient 
besoin  dans  leur  ministère  apostolique.  Ils 
l'exercèrent  enfin  dans  le  village  de  Marli- 
gnat avec  tant  de  satisfaction  par  rapport  aux. 
grands  fruits  qu'ils  y  firent  ,  qu'ils  réso-. 
lurent  de  consacrer  à  la  mission  lout  le 
temps  des  vacances  qu'ils  auraient  à  la  fin 
de  chaque  année  de  théologie,  et  de  s'y  em- 
ployer entièrement  lorsqu'ils  auraient  achevé 
leurs  études. 

M.  Crélenet,  ayant  connu  par  les  fruits 
des  premières  missions  que  ses  disciples 
avaient  fa  les  combien  il  était  important  pour 
le  salut  des  âmes  de  les  continuer,  s'appliqua 
avec  beaucoup  de  soin  à  former  les  ecclé- 
siastiques qu'il  croyait  cire  appelés  de  Dieu 
à  ecl  emploi;  dont  le  nombre  s'augmenlant 
tous  les  jours,  il  leur  conseilla  d'entrepren- 
dre toules  les  misions  qui  se  présenteraient 
el  d'aller  dans  tous  les  lieux  où  on  les  de- 
manderait. Le  Bugey,  la  Bresse  el  le  Dau- 
pbiné,  furent  les  premiers  champs  qui  eu- 
rent le  bonheur  d'èlre  défrichés  par  ces  bons 
missionnaires,  qui,  dans  une  mission  qu'ils 
firent  à  V'erjon,  au  mois  d'octobre  161-8,  tou- 
chèrent si  vivement  par  leurs  prédications 
le  marquis  de  Coligni  et  sa  femme,  qu'ils  ré- 
solurent dès  lors  de  se  donner  entièrement  à 
Dieu  par  un  généreux  renoncement  à  toutes 
les  choses  de  la  terre.  Depuis  ce  temps-là,  ce 
seigneur  s'élant  mis  sous  la  conduite  de  ces 
missionaires  et  ayant  réglé  sa  maison  par 
leurs  avis,  il  commença  de  mener  une  vie  si 
chrétienne,  qu'après  avoir  l'ail  l'admiration 
de  tout  le  monde,  il  mourut  très-saintement 
en  luGi.  Ce  qui  ne  fut  pas  le  premier  ni  le 
seul  fruit  de  leurs  tiavaux  évangéliques  : 
car,  sans  parler  d'une  infinité  de  personnes 
de  lous  âges,  sexes  et  conditions  qui  leur 
étaient  redevables  de  leur  conversion,  ils 
avaient  eu  le  bonheur,  dès  l'an  16V7,  de  ga- 
gner à  Jésus-Christ  le  baron  d'Altiguat.  qui 
mourut  en  1650  dans  sa  quarante-deuxième 
année,  après  avoir  donné  des  preuves  d'une 
véritable  conversion  el  d'une  singulière 
piété. 

De  si  heureux  progrès  semblaient  devoir 
mettre  ces  zélés  missionnaires  à  couvert 
de  la  persécution  ;  mais  Dieu,  qui  veut 
éprouver  les  justes,  permit  qu'il  s'élevât  con- 
tre eux  trois  bourrasques  en  trois  différen- 
tes années,  non-  culement  par  la  malice  des 
méchants,  dont  ils  combattaient  les  vices, 
mais  même  par  la   trop  grande  facilité  de 


G87 


DICTIONNAIRE  DES  OP.DKES  RELIGIEUX. 


088 


quelques  personnes  de  pieté,  qui,  mnl  infor- 
mées de  leur  conduite  et  prévenues  contre 
M.  Crétcnet,  sur  qui,  comme  sur  leur  chef, 
tombait  le  plus  gros  de  la  tempête,  crurent 
qu'ils  feraient  un  grand  service  à  Dieu  et  à 
l'Eglije,  s'ils  pouvaient  contribuer  à  détruire 
cette  société  naissante  avant  qu'elle  augmen- 
tât. Dans  l'une  de  ces  persécutions,  l'arche- 
vêque de  Lyon  publia  un  mandement  par  le- 
quel il  déclarait  excommunié  un  certain  chi- 
rurgien qui  se  mêlait  de  gouverner  des  prê- 
tres, et  défendait  à  ces  mêmes  prêtres  de  se 
conduire  à  l'avenir  par  bs  conseils  de  ce 
laïque,  leur  ordonnant  de  comparaître  au 
plus  tôt  devant  lui  pour  être  interrogés  sur 
ce  fait.  Mais  ce  prélat,  après  les  informa- 
tions qu'il  fit,  ayant  été  désabusé  des  mau- 
vaises impressions  qu'on  lui  avait  données, 
révoqua  tout  ce  qu'il  avait  fait  contre  les 
missionnaires,  leur  permit  de  consulter  M. 
Crétcnet  comme  auparavant,  et  leur  donna 
même  des  pouvoirs  beaucoup  plus  amples 
que  ceux  qu'ils  avaient  reçus  de  son  grand 
vicaire,  afin  qu'ils  pussent  sans  aucun  obs- 
tacle continuer  leurs  missions  dans  son  dio- 
cèse. 

Dans  une  autre  persécution  qui  s'éleva 
contre  eux  au  même  diocèse  et  dans  celui 
du  Puy  en  Vel  y,  on  prêcha  pub.iquement 
contre  leur  doctrine;  on  les  traita  de  caba- 
listes  et  de  sectaires,  qu'il  fallait  éviter 
comme  hérétiques.  L'on  distribua  partout 
des  libelles  diffamatoires;  l'on  fit  même  gra- 
ver à  Lyon  une  estampe  qui  représentait  les 
hérétiques  vaudois,  qui  avaient  eu  pour  chef 
un  marchand  de  celte  ville,  et  au-dessous 
de  l'estampe  on  avait  mis  des  discours  inju- 
rieux contre  M.  Crétenct  et  contre  ses  mis- 
sionnaires pour  les  rendre  odieux  :  ce  qui  fil 
qu'on  les  insultait  partout  et  qu'on  les  char- 
geait d'injures,  principalement  M.  Crétenet, 
contre  lequel  on  fit  des  vers  satiriques  ,  qui 
furent  imprimés  et  affichés  au  coin  des  rues, 
et  qu'on  venait  insulter  jusque  dans  sa  mai- 
son. Mais  enfin  cet  orage  cessa  l'an  1G56  : 
la  vérité  prévalut  sur  le  mensonge,  et  lama- 
lire  des  ennemis  de  M.  Crétenet  et  des  mis- 
sionnaires fut  confondue  par  le  témoignage 
authenliquequ'unc  infinité  de  gens  de  bien 
rendirent  en  leur  faveur  :  en  sorte  que  l'on 
commença  à  honorer  ceux  qu'on  avait  mé- 
prisés ;  et  Dieu,  pour  récompenser  la  patience 
de  ses  serviteurs,  leur  procura  d'illustres 
protecteurs  et  de  puissants  amis.  Monsieur 
le  prince  de  Couti  lut  de  ce  nombre,  et  les 
employa  aux  missions  qu'il  fit  faire  dans 
son  gouvernement  de  Languedoc. 

Quelques  années  après,  l'archevêque  de 
Lyon,  persuadé  du  bien  qu'ils  faisaient  dans 
son  diocèse  pour  l'instruction  des  peuples, 
consentit  qu'ils  fissent  un  établissement  à 
Lyon.  Pour  cet  effet,  M.  le  prince  de  Conli 
leur  obtint  des  lettres  patentes  du  roi  qui 
leur  permettaient  de  s'établir  dans  cette 
ville,  à  l'Ile-Adam  dans  le  diocèse  de  Beau- 
vais,  et  à  Bagnols  en  Languedoc;  et  le  mar- 
quis de  Coligni,  dont  nous  avons  parlé,  et  sa 
femme,  fournirent  aux  frais  de  la  fondation 
deL>on  avec  tant  de  générosité  et  d'humi- 


lité, qu'ils  ne  voulurent  pas  même  pren- 
dre le  nom  ni  la  qualité  de  fondateurs,  quoi- 
qu'ils en  fissent  toutes  les  dépenses.  Un  si 
heureux  succès  donna  bien  de  la  joie  à  M. 
Crétenet,  il  en  remercia  Dieu  et  le  pria  de 
protéger  celte  communauté  naissante,  de  bé- 
nir les  sujets  qui  la  devaient  composer  et  de 
verser  abondamment  ses  grâces  sur  tous 
leurs  travaux.  Cette  nouvelle  maison  étant 
achevée,  ce  zélé  fondateur  proposa  aux  mis- 
sionnaires de  l'aire  une  retraite  spirituelle 
avant  que  d'y  aller  demeurer,  ce  qu'ils  ac- 
ceptèrent avec  joie,  et  voulurent  même  la 
faire  l'un  après  l'autre  dans  sa  maison.  Lors- 
qu'elle fut  finie,  ils  allèrent  dans  leur  mai- 
son, où  ils  commencèrent  leur  établisse- 
ment et  continuèrent  à  suivre  les  règlements 
qu'ils  avaient  observés  depuis  si  longtemps 
par  les  conseils  de  M.  Crétenet,  qu'ils  ont 
toujours  reconnu  comme  leur  père  et  le 
véritable  instituteur  de  leur  congrégation, 
à  laquelle  ils  donnèrent  le  nom  de  Saint-Jo- 
seph, quoique  dans  quelques  lieux  on  les 
appelât  les  Crétenistes. 

Quelque  temps  après,  ces  missionnaires 
prièrent  leur  instituteur  de  prendre  un  ap- 
partement dans  leur  maison,  mais  il  ne  se 
prévalut  point  de  cet  avantage,  et  voulut 
payer  le  loyer  des  chambres  qu'il  occupait, 
comme  s'il  eût  été  un  étranger;  et  son  hu- 
milité fut  si  grande,  q.u'il  ne  discontinua 
point  l'exercice  de  sa  profession,  quelqu'ins- 
tanceet  quelque  sollicitation  qu'on  lui  en  fît, 
afin  qu'il  eût  plus  de  facilité  et  de  temps  pour 
continuer  à  conduire  ces  missionnaires  et 
toutes  les  personnes  qui  allaient  à  lui,  dont 
le  concours  fut  plus  grand  qu'il  n'avait  en- 
core été. 

Sa  femme,  avec  laquelle  il  y  avait  plus  de 
vin"!  ans  qu'il  vivait  en  continence,  étant 
morte  l'an  1605,  il  se  sentit  inspiré  de  se 
consacrer  à  Dieu  dans  l'état  du  sacerdoce. 
Il  redoubla  ses  prières,  ses  jeûnes  et  ses 
mortifications,  il  fit  dire  plusieurs  messes 
pour  connaîtie  la  volonté  de  Dieu,  et  con- 
sulta ce  qu'il  y  avait  de  plus  habiles  gens 
dans  Lyon,  qui  tous  lui  conseillèrent  de  se 
faire  prêtre,  l'assurant  queDieul'appelait  in- 
failliblement à  cet  état.  Il  commença  d'espé- 
rer que  Dieu  lui  ferait  la  grâce  d'y  arriver, 
et  cela  avec  tant  d'assurance  que  toutes  les 
contrariétés  du  monde  ne  furent  pas  capables 
de  lui  faire  changer  de  sentiment.  Un  jour, 
étant  en  prières  dans  l'église  de  Saint-Ro- 
main, où  le  saint  sacrement  était  exposé 
pour  la  fête  de  ce  saint,  qu'on  y  solennisait 
le  18  novembre  1605 ,  il  fût  si  fortement 
pressé  par  des  mouvements  intérieurs  de  se 
faire  prêtre,  qu'il  ne  puls'empêcher  d'en  faire 
le  vœu,  à  condition  que  l'archevêque  de 
Lyon  le  trouverait  bon.  Ce  prélat,  qui  con- 
naissait la  sainteté  de  ce  serviteur  de  Dieu, 
y  consentit,  nonobstant  son  peu  d'étude;  il  le 
dispensa  même  du  séminaire,  et  lui  accorda 
un  dimissoire  pour  aller  prendre  les  ordres 
où  il  voudrait,  ne  pouvant  les  lui  donner  lui- 
même,  parce  qu'il  était  pour  lors  à  Paris.  M. 
Crétenet,  pourvu  de  ce  dimissoire  et  d'une 
permission  de  Rome  pour  recevoir  tous  le» 


689  JOS 

ordres  hors  les  (enips  prescrits  par  les  saints 
canons,  partit  pour  les  aller  recevoir  à  liel- 
ley,  où  il  .irriva  le  6  août  1666.  L'évéque, 
qui  connaissait  aussi  sa  vertu,  lui  donna  la 
tonsure  et  les  quatre  mineurs  dès  le  lende- 
main ,  qui  était  un  samedi;  le  dimanche  il 
lui  donna  le  sous-diaconat;  le  mardi,  fête 
de  saint  Laurent,  le  diaconat  ;  et  le  jour  de 
l'Assomption  de  Notre-Dame,  la  prêtrise. 
M.  Crélenet  la  reçut  avec  de  si  saintes  et  de 
si  humbles  dispositions,  que,  quoiqu'il  lût 
venu  à  l'église  dès  cinq  heures  du  matin,  il 
y  resta  jusqu'à  une  heure  après  midi  pour 
remercier  Pieu  de  la  faveur  qu'il  lui  avait 
faite.  Etant  sorti  deBelley,  il  prit  la  roule  de 
Lyon  pour  y  retourner;  mais  ,  en  passant  à 
Montluet,  où  il  arriva  le  19  du  même  mois, 
il  tomba  le  lendemain  en  défaillance  après 
avoir  eulenJu  la  messe,  à  laquelle  il  com- 
munia; el  cette  défaillance  fut  suivie  d'une 
grosse  fièvre,  qui,  augmentant  tous  les  jours, 
l'enli  va  de  ce  momie,  le  premier  jour  de 
septembre  de  la  même  année.  Son  corps  fui 
intiumé dans  une  chapelle  de  l'église  collé- 
giale de  iMontluet,  dont  une  partit-  des  cha- 
noines avaient  été  ses  disciples.  Son  cœur, 
une  partie  de  son  foie  et  ses  poumons  furent 
embaumes  et  portés  au  troisième  monastère 
des  religieuses  du  Tiers  Ordre  de  Saint-Fran- 
çois à  Lyon,  où  il  avait  mis  sa  fille  ;  et  dit 
ans  après,  l'an  1677,  les  enanomes  de  Mont- 
luet accordèrent  encore  une  partie  de  ses  os- 
sements à  ces  religieuses. 

Ce  saint  homme  avail  prédit  sa  mort  six 
ans  auparavant,  et  il  semble  que  c'était  pour 
cela  qu'il  souhaitait  de  recevoir  si  prompte- 
ment  les  ordres,  n'ignorant  pas  que  pour 
peu  qu'il  eût  différé,  il  serait  mort  sans  celte 
consolation  ,  après  laquelle  il  soupirait 
comme  éant  la  consommation  de  toutes  les 
grâces  qu'il  avait  reçues  de  Dieu  dans  cette 
vie. 

Ces  missionnaires  sont  habillés  comme  les 
autres  ecclésiastiques  el  sont  gouvernés  par 
un  général. 

N.  Orame,  Vie  de  M.  Crétenet,  instituteur 
de  la  congrégation  des  Prêtres  Missionnaires 
de  Saint-Joseph. 

joseph  (congrégatiok  des  soeurs  de 

Saint-). 

La  congrégation  des  sœurs  ou  filles  de 
Saint-Joseph  a  pris  son  origine  dans  la  ville 
du  Puy  en  Velay,  où  elle  fut  érigée  par  Henri 
de  Maupas  du  Tour,  évêque  et  comte  de 
celte  ville,  l'an  1650,  à  la  sollicitation  du 
P.  Jean-Pierre  Médaille  de  la  Compagnie  do 
Jésus.  Ce  saint  homme,  qui  a  employé  sa  vie 
à  faire  la  mission  non-seulement  dans  le  dio- 
cèse du  Puy,  mais  encore  dans  ceux  de  Sainl- 
Flour,  de  Hodez  et  de  Vienne,  ayant  trouvé 
dans  le  cours  de  ses  missious  plusieurs  veu- 
ves et  filles  qui,  ne  voulant  point  se  marier, 
avaient  dessein  de  quitter  le  monde  pour  va- 
quer plus  librement  au  service  de  Dieu  el  du 
prochain,  et  ne  pouvaient  pas  entrer  dans 
des  monastères  pour  n'avoir  pas  de  quoi 
fournir  leur  dot.  proposa  à  l'évéque  du  Puy 
d'établir  uue  congiégaùon  dans  laquelle  ces 


JOS 


690 


filles  et  veuves  pourraient  se  retirer  pour  y 
travailler  à  leur  salut  et  vaquer  à  tous  les 
exercices  dont  eles  seraient  capables  pour 
le  service  du  prochain.  Ce  prélat,  qui  avait 
beaucoup  de  zèle  pour  la  gloire  de  Dieu  et 
l'avancement  du  salut  du  prochain, approuva 
ce  dessein  du  P.  Médaille,  et  fit  venir  auPuy 
les  filles  qu'il  avait  disposées  à  la  retraite. 
Elles  logèrent  toutes  ensemble  pendant  quel- 
ques mois  chez  une  demoiselle  fort  vertueuse 
nommée  Lucrèce  de  la  Planche,  femme  de 
M.  de  Joux,  gentilhomme  de  Taner,  laquelle 
demeurait  pour  lors  au  Puy,  et  qui  ne  con- 
tribua pas  seulement  de  tout  son  pouvoir  à 
l'établissement  de  ces  filles,  mais  travailla  en- 
core jusqu'à  sa  mort  avec  un  zèle  et  une  cha- 
riié  extraordinaires  à  l'avancement  de  leur 
congrégation.  Enfin  toutes  choses  ayant  été 
disposées  par  l'évéque  du  Puy  pour  l'exécu- 
tion d'un  si  pieux  dessein,  ce  zélé  prélat  as- 
sembla toutes  ces  tilles  dans  l'hôpital  des 
orphelines,  dont  il  leur  donna  la  conduite, 
et,  le  15  octobre,  fêle  de  sainte  Thérèse,  de 
l'an  1G50,  après  leur  avoir  fait  une  exhorta- 
lion  pour  les  animer  à  l'amour  de  Dieu  et  à 
la  plus  parfaite  charité  du  prochain,  il  les 
mil  sous  la  protection  de  saint  Joseph,  et  or- 
donna que  leur  congrégation,  qu'il  confirma 
par  ses  lettres  du  10  mars  1631,  porterait  le 
nom  de  ce  saint  patriarche.  11  leur  prescrivit 
des  règles  pour  leur  conduite  et  une  forma 
d'habillement,  et  eut  pendant  toute  sa  vie  un 
soin  si  particulier  de  l'avancement  de  cette 
congrégation,  qu'il  en  fit  plusieurs  établisse- 
ments dans  son  diocèse,  dont  le  premier  fut 
à  Monlferrand.  Après  sa  mort,  M.  de  Bé- 
Ihune,  qui  lui  succéda  sur  le  siège  épisco- 
pal  de  celle  ville,  ayant  été  convaincu  par 
expérience  et  par  plusieurs  témoignages  di- 
gnes de  foi  des  services  que  les  sœurs  de 
celte  congrégation  rendaient  dans  son  dio- 
cèse, la  confirma  de  nouveau  et  approuva 
leurs  conslitutions  et  règlements  le  -23  sep- 
tembre 1665.  Le  roi,  par  ses  lettres  patentes 
de  l'an  1666,  autorisa  lous  leurs  établisse- 
ments ;  et  Dieu  a  répandu  tant  de  bénédi- 
ctions sur  celte  congrégation,  qu'elle  s'est 
étendue  dans  les  diocèses  de  Clermont,  de 
Vienne,  de  Lyon  ,  de  Grenoble ,  d'Embrun, 
de  Cap,  de  Sisleron,  de  Viviers,  d'Uzès,  et 
plusieurs  autres.  Henri  de  Villars,  archevê- 
que de  Vienne,  avait  établi  ces  filles  dans  le 
grand  hôpital  de  celle  ville  l'an  1668,  et  ce 
fut  par  ses  ordres  que  leurs  constitutions 
furent  imprimées  à  Vienne  l'an  169Ï-. 

Ces  servantes  de  Jésus-Christ  embrassent 
lous  les  exercices  de  charité  et  de  miséri- 
corde ;  car  elles  prennent  la  conduite  et  le 
soin  des  pauvres  dans  les  hôpitaux,  la  direc- 
tion des  maisons  de  refuge,  pour  ramener  à 
la  pénitence  les  filles  égarées,  et  le  soin  des 
maisons  des  pauvres  orphelines  pour  les 
élever  à  la  pieté  el  leur  apprendre  à  travaiU 
1er.  Elles  tiennent  des  écoles  pour  l'instruc- 
tion des  petites  filles  dans  les  lieux  où  les 
religieuses  qui  y  sont  établies  n'en  prennent 
pas  le  soin.  Elles  visitent  tous  les  jours  les 
malades  et  les  prisonniers  une  fois  ou  deux, 
plus  ou  moins,  selon  qu'il   est  nécessaire . 


cyi 


DICTIONNAIHt  DES  OKDKES  RELIGIEUX. 


692 


les  exhortant  à  la  pénitence  et  à  la  patience; 
elles  prient  pour  eux,  leur  procurent  des  au- 
mônes, les  assistent  corporellemenl  en  fai- 
sant leurs  bouillons  et  les  remèdes  que  les 
médecins  ordonnent,  selon  leur  pouvoir,  en- 
treienant  pour  cet  effet  dans  la  plupart  de 
leurs  maisons  une  pharmacie  où  elles  tien- 
nent les  drogues  les  plus  communes  et  les 
plus  nécessaires.  Elles  veillent  soigneuse- 
ment au  salut  des  pauvres  filles  qui,  pour 
n'avoir  personne  qui  les  gouverne,  ou  pour 


Joseph,  el  ce  entre  vos  mains.  Monsieur,  qui 
tenez  la  place  de  Monseigneur  noire  évéque  et 
li ès-honoré  supérieur;  et  je  promets,  si>lon 
les  règles  de  ladite  congrégation,  de  professer 
moyennant  votre  grâce  ta  plus  profonde  hu- 
milité en  toutes  choses  ri  la  pins  cordiale  cha- 
rité envers  le  prochain,  que  je  désire  servir 
par  l'exercice  de  toutes  les  ccvvres  de  miséri- 
corde, tant  spirituelles  que  corporelles  por- 
tées par  notre  institut.  Mon  Dieu,  recevez 
celte    offrande    en   odeur    de  suavité.    Ainsi 


être  dans  la  nécessité,  courent  risque  de  per-  soit-il.  Lorsque  les  sœurs  sortent  de  la  con- 

dre  leur  honneur,  lâchant  de  les  loger  ou  de  grégation  ou  qu'elles  en  sont  chassées  pour 

leur  procurer  du  travail  pour  gagner  leur  leur  incorrigibililé,   l'évêque    du    lieu  d'où 

vie.  Elles  ont  aussi  un  soin  particulier  d'at-  elles    sorienl  les  dispense  de   leurs  vœux; 

tirer  les  jeunes  filles  qui  commencent  à   fré-  mais,  conformément  aux  constitutions,  il  ne 

quenter  le  monde  et  les  compagnies  où  les  doit  accorder  celte  dispense  qu'après  avoir 

hommes  se    trouvent,   afin   de  leur  inspirer  pendant  un  long  temps  employé  les  voies  de 

la  crainte  de  Dieu  et  leur  enseigner  la  mo-  douceur,  et  ensuite  de  rigueur,  pour  rame- 

destie  et  les    autres  vertus   qu'elles  doivent  ner    l'e-prit    faible  ou    incorrigible    de   ces 

pratiquer.  Pour  cet  effet  elles  leur  permet-  sœurs,  qui  s'exposent  au  malheur  de  quitter 

tentde  venir  travailler  chez  elles  et  leur  ap-  leur  vocation  ;  et,  s'il  arrive  que  quelqu'une 

prennent   toutes  sortes   d'ouvrages  propres  sorte   furtivement  de  la  congrégation,  il  la 


aux  personnes  de  leur  sexe.  Elles  doivent 
établir  îles  congrégations  de  la  Miséricorde 
dans  les  lieux  où  il  n'y  en  a  point,  et  y  rece- 
voir les  femmes,  les  veuves  et  les  filles.  Ou- 
I s  o  l'assemblée  des  dames  qui  se  l'ait  une  fois 
le  mois,  pour  pourvoir  à  la  visite  et  au  se- 
cours des  pauvre-  malades  de  leurs  paroisses, 
il  y  a  encore  tous  les  dimanches  et  les  fêtes 
des  assemblées  particulières,  de  veuves,  de 
femmes  mariées  et  de  filles,  séparées  les 
unes  des  autres,  pour  y  traiter  non-seulement 
des  œuvres  de  miséricorde,  mais  aussi  de 
leur  direction  particulière  et  de  la  manière 
dont  elles  doivent  vivre  en  qualité  de  chré- 
tiennes. 

Chaque  maison  est  gouvernée  par  une  su- 
périeure qui  a  le  litre  de  prieure,  par  une 
intendante  et  une  coadjutrice.  Il  y  a  encore 
une  économe,  une  admonilrice,  une  inten- 
dante des  pauvres,  une  directrice  de  l'assem- 
blée de  la  Miséricorde,  et  quelques  autres 
olficières.  Tous  les  dimanches  et  fêles,  elles 
disent  en  commun  le  petit  olfice  de  la  Vierge 
dans  leur  chapelle,  et  tous  les  jours  le  petit 
office  du  Saint-Esprit,  les  litanies  du  saint 
nom  de  Jésus,  de  la  sainte  Vierge,  de  saint 
Joseph,  et  le  chapelet.  Elles  fuit  deux  fois 
le  jour  l'oraison  mentale,  une  lois  le  malin 
et  une  fois  le  soir.  Elles  jeûnent  tous  les  sa- 
med  s  et  prennent  ce  jour-là  la  discipline. 
Elles  assistent  au  chapitre  le  vendredi,  et  les 
dimanches  à  la  conférence  spirituelle.  Elles 
l'ont  deux  ans  de  noviciat,  après  lesquels 
elles  prononcent  leurs  vu  ux  simples  et  leurs 
promesses  eu  celte  manière:  Mon  Dieu  tout 
puissant  et  éternel,  Je  N.,  voire  indigne  fille 
et  striante,  désirant  de  vivre  toute  pour  vous 
il  dëpi  ivjre  absolument  de  la  conduite  de  vo- 
tre ijrdce,  en  présence  de  Jésus-Christ  votre 
Fils  et  de  lu  glorieuse  Vierge  Marie,  de  notre 
patriarche  sa, ni  Joseph  et  de  toute  la  cour 
céleste,  fais  vœu  à  votre  divine  majesté,  de 
pauvreté,  de  chasteté  et  d'obéissance  perpé- 
tuelle en  la  congrégation  des  Sœurs  de  Suint- 


doit  faire  reconduire  à  la  maison  d'où  elle 
est  sortie,  ou  à  une  autre  où  elle  doit  être 
enfermée  durant  quelqucsjnurs,  pendant  les- 
quels on  fera  tout  ce  que  l'on  pourra  pour 
la  Lire  rentrer  dans  son  devoir,  soit  par  des 
remontrances  charitables,  soit  par  des  cor- 
rections sévères  ;  et  si  après  cela  elle  persé- 
vère dans  son  obsiinalion,  l'évêque  doit  ac- 
corder la  dispense  de  sesvœux  et  la  renvoyer 
dans  le  monde. 

Leur  habillement  est  honnête  et  modeste, 
d'une  étoffe  commune  de  laine  noire,  qui  ne 
doit  point  avoir  é:é  pressée  ni  lustrée  ;  le 
corps  de  l'habit  doit  êtres  ms  taille,  les  man- 
ches simples  et  d'une  largeur  médiocre,  dont 
la  longueur,  quand  elles  sont  étendues,  va 
jusqu'au  bout  delà  main;  la  longueur  des 
jupes  ne  doit  point  toucher  à  terre,  et  leurs 
souliers  doivent  être  noirs  el  sans  faç'n. 
Elles  portent  un  bandeau  de  toile  blanche 
sur  le  front,  une  coiffe  toile  simple  aussi  de 
toile  blanche  qui  se  joint  avec  une  épingle 
sous  le  menton,  une  autre  petite  coiffe  de 
taffetas  noir  qu'elles  ont  toujours  dans  la 
maison,  en  l'orme  de  pelil  voile-)  et  quand 
elles  sortent,  elles  incitent  une  grande  coiffe 
de  taffetas  noir  comme  les  dames  du  monde. 
Elles  ont  sur  les  épaules  un  mouchoir  sim- 
ple de  toile  blanche,  et  portent  sur  la  poi- 
trine une  croix  de  bois  noir  avec  un  christ 
de  cuivre  jaune,  el  à  la  ceinture  un  chapelet 
noir.  Les  sœurs  servantes  sont  habillées  de 
même  façon,  excepté  que  leurs  habits  sont 
d'une  étoffe  plus  grossière  el  qu'elles  ne  per- 
lent ni  coiffes  de  taffetas,  ni  bandeaux,  ni 
crucifix  (1). 

Gomme  il  y  a  d,;ns  plusieurs  villages 
quantité  de  p. ;. livres  lî lies  qui  sont  appelées 
de  Dieu  à  une  vie  pure  et  retirée  du  monde, 
les  sœurs  de  Saint-Joseph,  avec  la  permis- 
sion de  l'évêque  el  de  lavis  du  Père  spirituel, 
peuvent  agréger  à  leur  congrégation  ces 
sortes  de  pauvres  filles, et  en  établir  dans  ces 
mêmes  villages  de  petites  communautés  de 


(I)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n"  163. 


693 


JOS 


JOS 


«94 


trois  ou  quatre  seulement.  On  1rs  appelle  les 
sœurs  abrégées,  et  dépendent  de  la  supé- 
rieure de  la  plus  prochaine  maison  des  sœurs 
de  Saint-Joseph,  laquelle  doit  veiller  sur  elles 
cl  sur  leur  conduite,  les  corriger  et  donner 
avis,  s'il  est  nécessaire,  des  choses  qui  se 
passent  entre  elles,  au  l'ère  spirituel  qui  les 
doit  visiter  au  moins  une  fois  l'année,  aussi 
bien  que  les  sœurs.  Ces  agrégées  sont  habil- 
lées de  la  méffli'  façon  que  les  sœurs  de  la 
congrégation,  à  la  réserve  que  tant  dedans 
que  dehors  la  maison  elles  ne  portent  qu'une 
simple  coiffe  de  toile  blanche  et  jamais  de 
noires,  et  leur  crucifix  doit  être  un  peu  plus 
petit  que  celui  des  sœurs  de  la  congrégation. 
Avant  que  de  prendre  l'habit,  elles  demeu- 
rent au  moins  trois  mois  dans  la  maison  des 
sœurs  agrégées,  après  lesquels  la  supérieure 
de  celte  maison  les  fait  examiner  par  la  su- 
périeure des  sœurs  de  la  congrégation,  et,  si 
elles  sont  reçues  ,  on  leur  donne  l'habit  de 
sœur  agrégée  sans  aucune  cérémonie.  Elles 
font  aussi  deux  ans  de  noviciat,  après  les- 
quels elles  font  seulement  trois  vœux  sim- 
ples de  pauvreté,  de  chasteté  et  d'obéissance 
perpétuelle,  tant  qu'elles  demeureront  parmi 
les  sœurs  agrégées,  en  soite  que  soit 
qu'elles  en  veuillent  sortir,  ou  qu'elles 
en  soient  expulsées  pour  quelque  faute  con- 
sidérable, elles  sont  absolument  libres  de 
leurs  vœux  sans  autre  dispense.  Elles  doi- 
vent observer  autant  qu'il  leur  est  possible 
les  règles  prescrites  par  les  constitutions  des 
sœurs  de  la  congrégation  ;  mais  elles  ne  sont 
point  obligées  comme  elles  à  dire  l'ofGce  du 
Saint-Esprit  ni  celui  de  la  Vierge  ,  non  plus 
que  les  litanies  de  Jésus,  de  la  sainte  Vierge 
el  de  saint  Joseph.  Néanmoins  si  elles  savent 
lire,  et  qu'elles  aient  le  temps,  on  leur  per- 
met de  dire  en  commun  ou  en  pàrliculii  r 
l'office  de  la  Vierge.  Il  n'y  a  point  dans  leurs 
communautés  d'assistanles  ;  mais  en  l'ab- 
sence des  supérieures,  les  plus  anciennes  de 
profession  tiennent  le  premier  rang  et  gou- 
vernent les  maisons. 

Constitutions  pour  la  Congrégation  des 
Sœurs  de  Saint-Joseph. 

JOSEPH  (Filles   séculières  hospitalières 

de  Saint-). 

Des  fdles  séculières  Hospitalières  de  la  so- 
ciétéde  Saint-Joseph  pour  le  gouvernement 
des  filles  orphelines,  comme  aussi  des  reli- 
gieuses de  la  même  société,  dites  les  Filles  de 
la  Triniié-Créée. 

Le  cardinal  François  d'Escouhleau  de  Sour- 
dis,  archevêque  de  Bordeaux,  qui  non-seu- 
lement avait  procuré  à  son  diocèse  l'établis- 
sement des  Uisulines  dans  sa  ville  métropo- 
lilaine,  mais  avait  encore  contribué  à  la 
fondation  de  l'ordre  des  filles  de  Notre-Dame, 
qui  avait  pris  naissance  dans  la  même  ville, 
d'otit  l'inslilul,  aussi  bien  que  celui  des  Ur- 
sulincs,  est  d'instruire  les  jeunes  ûlles., 
comme  nous  dirons  à  l'article  qui  porte  ce 
nom  ;  voyant  que  ces  religieuses  ne  pou- 
vaient étendre  leurs  exercices  et  leur  tra- 
vail jusqu'aux  pauvres  orphelines  de  père  et 


de  mère,  abandonnées  cl  délaissées  sans 
aucun  appui  pour  être  élevées  chrétienne- 
ment, approuva  le  zèle  de  quelques  filles  et 
veuves  qui,  s'étant  unies  ensemble,  s'em- 
ployaient à  l'instruction  de  ces  filles  orphe- 
lines, et  conçut  dès  lois  la  pensée  de  former 
une  société  de  ces  filles  et  de  ces  veuves, 
qui  vivraient  en  commun  et  recevraient 
charitablement  les  filles  orphelines  pour  les 
élever  dans  la  piété  chrétienne  et  dans  la 
pratique  de  toute  sorte  de  vertus;  mais  ce 
pieux  cardinal  étant  mort  l'an  1628,  son 
dessein  ne  put  être  entièrement  exécuté  de 
son  vivant. 

Ce  fut  son  frère  et  son  successeur  dans 
l'archevêché  de  Bordeaux,  Henri  d'Escou- 
bleau  de  Sourdis,  qui  acheva  ce  qu  il  avait 
commencé.  Une  sainte  fille  nommée  Marie 
Delpech  de  l'Estang  était  celle  qui  avait  reçu 
dans  une  maison  ces  filles  orphelines,  dont 
elle  prenait  soin,  avec  quelques  filles  et 
quelques  veuves  qui  s'étaient  jointes  à  elle 
pour  cette  œuvre  charilable  ;  mais  cette 
maison  n'étant  pas  suffisante  pour  contenir 
le  grand  nombre  d'orphelins  qui  se  présen- 
taient elle  acheta  trois  autres  maisons  joi- 
gnantes pour  l'agrandir,  et  elle  en  fit  dona- 
tion aux  orphelines  le  17  avril  1(333,  par  un 
contrat  qui  fut  accepté  en  leur  nom  par  les 
grands  vicaires  de  l'archevêque.  Ce  prélat, 
par  un  acte  du  16  juin  de  la  même  année, 
approuva  cetle  donation,  el  érigea  cette 
maison  en  société  ou  congrégation  de  filles 
et  de  veuves  sous  le  litre  de  Société  des  sœurs 
de  Saint-Joseph  pour  le  gouvernement  des  or- 
phelines, voulant  qu'elles  s'employassent 
non-seulement  à  l'instruction  de  ces  pau- 
vres filles,  mais  qu'elles  pourvussent  à  leur 
entretien  et  à  leur  nourriture.  Il  voulut  aussi 
que  ces  sœurs  vécussent  en  commun  sous 
son  autorité  et  sa  direction  en  faisant  un 
vœu  simple  d'obéissance,  et  il  leur  prescrivit 
des  règles  et  des  constitutions  qu'elles  sui- 
virent jusqu'en  l'an  1632  ,  que,  pour  l'avan- 
cement de  cette  société,  on  en  dressa  de 
nouvelles,  qui  furent  ei;eore  approuvées 
par  le  même  prélat  el  confirmées  par  l'un  de 
ses  successeurs,  Louis  d'Anglure  de  Bourle- 
mont,  l'an  1694. 

Cet  établissement  fut  autorisé  par  lettres 
patentes  du  roi  Louis  XIII  du  mois  de  mai 
1639,  par  lesquelles  Sa  Majesté  permit  aux 
sœurs  de  cette  sociéié  de  recevoir  loutes 
sortes  de  donations,  legs  et  aumônes,  tant  en 
meubles  qu'en  immeubles,  pour  être,  les 
deniers  ou  revenus  en  provenant,  employés 
à  l'instruction,  nourriture  et  entretien  des 
filles  orphelines,  comme  les  autres  hôpitaux 
el  communautés  pourraient  faire;  ce  qui  fut 
confirmé  par  le  roi  Louis  XIV  par  d'aulres 
lettres  patentes  du  mois  de  mai  1673,  qui  fu- 
rent enregistrées  en  l'hôtel  de  ville  de  Bor- 
deaux par  un  arrêt  du  parlement  de  la  même 
ville  du  27  avril  1674. 

D'abord  il  ne  pouvait  y  avoir  dans  cette 
maison  plus  de  sepl  sœurs  pour  l'instruction 
des  orphelines  ;  mais  le  nombre  de  ces  pau- 
vres filles  étant  augmenté,  on  a  aussi  aug- 
menté celui  des  sœurs  ;  et   présentement  il  y 


cas 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


C9G 


ru  a  douze  du  chœur  et  sept  sœurs  domesti- 
ques. Los  unes  sont  destinées  à  apprendre  à 
lire  et  à  écrire  aux  orphelines,  les  autres  à 
leur  apprendre  tous  les  ouvrages  qui  con- 
viennent aux  personnes  de  leur  sexe,  et  le 
profit  que  la  maison  retire  de  ce  travail  est 
son  revenu  le  plus  liquide,  n'ayant  que  très- 
peu  de  rentes  fixes,  la  plupart  même  prove- 
nant des  dots  que  les  sœurs  ont  apportées 
en  entrant  dans  celte  maison  :  c'est  ce  qui 
les  a  aussi  obligées  à  recevoir  de  jeunes  fil- 
les pensionnaires,  qui  sont  élevées  chez  elles 
dans  toutes  sortes  de  vertus. 

Présentement  ces  sœurs  de  Saint-Joseph 
ne  reçoivent  plus  de  veuves,  et  elles  ont 
ajouté  le  vœude  chasteté  àcelui  d'obéissance, 
auquel  elles  étaient  seulement  obligées  dans 
le  commencement  de  leur  établissement; 
mais,  quoiqu'elles  ne  fassent  pas  celui  de 
pauvreté,  aucune  sœur  néanmoins  ne  peut 
rien  avoir  en  particulier,  et  ne  peut  rien 
donnera  l'insu  de  la  supérieure,  qui  doit 
pourvoira  toutes  leurs  nécessités.  Elles  di- 
sent en  commun  tous  les  jours  le  petit  office 
de  la  Vierge.  Elles  ont  demi-heure  d'oraison, 
le  malin  avant  prime  etautanl  l'après-dîuée  ; 
avant  le  souper,  après  la  récréation  du  diner, 
clle>  vont  devant  le  saint  sacrement,  où  elles 
récitent  les  litanies  des  s;tinls;  elles  travail- 
lent ensuite  en  commun  jusqu'à  trois  heu- 
res, et  elles  gardent  toutes  ensemble  le  si- 
lence pendant  une  heure.  A  sept  heures 
trois  quarts  du  soir,  elles  disent  matines  et 
laudes  pour  le  jour  suivant,  et  ensuite  elles 
f ■ml  l'examen  de  conscience,  et  disent  les 
litanies  de  saint  Joseph.  Outre  les  jeûnes 
ordonnés  par  l'Kglise,  elles  jeûnent  encore 
tous  les  samedis  et  les  veilles  des  l'êtes  so- 
lennelles de  la  sainte  Vierge.  Tous  les  ans 
elles  font  une  retraite  de  huit  ou  dix  jours, 
et  elles  renouvellent  aussi  une  fois  i'an 
leurs  vœux,  dont  voici  la  formule  :  Je  N. 
donne  d  dédie  ma  personne  ù  la  Société  de 
Saint-Joseph,  pour  l'instruction  et  pour  l'é- 
ducation des  filles  orphelines,  pour  y  vitre  et 
mourir;  et  fais  vœu  à  Dieu  de  chasteté  et  d'o- 
béissance en  icelle,  conformément  à  notre 
institut  ;  lesquels  vœux  je  garderai  moyen- 
nant sa  sainte  grâce,  suppliant  la  divine 
bonté  que  ce  soit  à  sa  plu*  grande  gloire  et  à 
mon  salut.  Ainsi  soil-Û.  Quant  à  leur  ha» 
billement,  il  est  noir  en  la  forme  que  l'on 
peut  voirdans  la  figure  qui  représente  une 
de  ces  sœurs  de  Bordeaux  (1),  qui  a  été  gra- 
vée sur  un  dessin  qui  m'a  été  envoyé  par 
la  sœur  Jean  Berland,  supérieure  de  celle 
maison.  Les  sœurs  domestiques  sont  habil- 
lées de  même  que  les  sœurs  du  chœur  :  ce 
qui  les  dislingue  seulement,  c'est  que  le 
mouchoir  de  cou  des  sœurs  du  chœur  est 
rond  par-devant  et  par  derrière,  et  que  ce- 
lui des  sœurs  domestiques  esl  en  pointe  par 
derrière. 

Quoique  cette  maison  de  Bordeaux  ait 
produit  celles  de  l'aris,  de  Rouen,  de  Tou- 
louse, d'Agen,  de  Limoges  cl  de  la  Rochelle, 
qui    reconnaissent    aussi    pour    fondatrice 

(')  Voji.,  ù  la  linilti  vol., ii"  166. 


mademoiselle  Delpech  de  l'Estang,  néan- 
moins, comme  ces  maisons  sont  situées  dans 
différents  diocèses,  elles  ont  toutes  des  cons- 
titutions différentes  qui  leur  ont  été  données 
par  les  prélats  de  ces  diocèses.  Les  sœurs 
de  cet  institut  dans  ces  différents  diocèses 
sont  distinguées  aussi  les  unes  des  autres 
par  des  habillements  différents.  Celles  de  la 
Bochelle  et  de  Limoges  ont  même  embrassé 
l'état  régulier  sous  la  règle  de  sainl  Augus- 
tin, et  celles  de  Rouen  se  sont  contentées 
d'en  prendre  l'habit,  sans  s'engager  par  des 
vœux  solennels.  Nous  ne  parlerons  ici  que 
de  celles  de  Paris  et  de  la  Rochelle,  de  qui 
nous  a\ons  reçu  des  mémoires. 

Après  que  la  maison  de  Bordeaux  eut  été 
érigée  en  société,  et  que  cet  inslitul  eut  été 
autorisé  par  lettres  patentes  du  roi  Louis  XIII, 
comme  nous  avons  dit  ci-devant,  mademoi- 
selle Delpech  fut  appelée  à  Paris  pour  y 
faire  un  pareil  établissement  au  faubourg 
Saint—  Germain,  près  de  Bellechasse  ;  et, 
comme  elle  avait  éprouvé  les  effets  de  la  di- 
vine providence  dans  l'établissement  de  la 
maison  de  Bordeaux,  elle  donna  à  la  maison 
de  Paris  le  titre  de  Divine  Providence,  et  les 
sœurs  de  cette  maison  ont  toujours  été  ap- 
pelées, depuis  ce  lemps-là  jusqu'à  présent, 
les  filles  de  Saint-Joseph,  dites  de  la  Provi- 
dence. La  duchesse  de  Mortemart,  Diane  de 
Grandseigne,  contribua  beaucoup  par  ses 
aumônes  et  par  ses  libéralités  à  cet  établis- 
sement, el  la  marquise  de  Montespan  sa  fille, 
ayant  choisi  celte  maison  pour  retraite,  y  a 
fait  faire  de  beaux  bâtiments.  Ce  fui  dans  ce 
lieu  que  mademoiselle  Delpech  de  l'Estang 
mourut  le  21  décembre  1671,  dans  un  âge 
très-avancé,  après  avoir  eu  la  consolation 
de  voir  toutes  les  maisons  de  son  institut 
solidement  établies, 

Les  sœurs  de  celle  maison  suivent  pré- 
sentement les  constitutions  qui  ont  clé  ap- 
prouvées par  l'archevêque  de  Paris  Fran- 
çois de  Harlay  de  Çh  lUipvaloa,  l'an  1691. 
Conformément  à  ces  constitutions,  elles 
doivent  avoir  soin  des  filles  nobles  ou  d'hon- 
nele  famille  qui,  étant  pauvres  ou  orphe- 
lines, n'ont  pas  le  moyeu  de  se  donner  une 
bonne  éducation  et  de  se  former  dans  le 
travail  ;  c'est  pourquoi  en  leur  apprenant 
les  principes  du  christianisme,  à  lire,  à 
écrire,  et  en  les  élevant  uans  la  pratique  de 
toutes  sortes  de  vertus,  on  leur  apprend 
aussi  tous  les  ouvrages  qui  conviennent  à 
leur  sexe,  afin  d'avoir  par  leur  travail  une 
ressource  contre  la  pauvrelé  el  une  honnête 
occupation  pendant  leur  vie.  Les  sœurs  s'en- 
gagent à  celte  instruction  par  des  vœux  sim- 
ples après  deux  ans  de  noviciat.  La  commu  - 
nauté  peut  renvoyer  néanmoins  une  sœur 
après  sa  profession  pour  certaines  fautes 
marquées  dans  les  constitutions;  mais  cel- 
les qu'on  est  obligé  de  congédier  ne  peuvent 
rien  prétendre  par  forme  de  récompense  ou 
de  salaire  pour  les  services  qu'elles  ont  ren- 
dus pendant  le  temps  qu'elles  ont  élé  dans 
la  maison.  On  leur  lit  cet  article  des  consti- 


m 


JOS 


JOS 


898 


tutions  devant  leur  profession,  auquel    elles 

iiromeltent  de  se  soumettre,  et  on  l'insère 
lans  l'acte  qui  est  dressé  par-devant  notai- 
res pour  leur  association  à  la  maison. 

Tous  les  jours  elles  disent  en  commun,  au 
chœur,  le  petit  ofOce  de  la  Vierge  ;  elles  ont 
demi-heure  d'oraison  mentale  le  matin  et  au- 
tant l'après-dînée.  Avant  la  messe  de  com- 
munauté, qui  sedit  tous  les  jours  à  six  heu- 
res ,  elles  chantent  le  Veni  Creator  avec 
quelque  antienne  du  saint  sacrement  à  l'élé- 
vation et  au  temps  de  la  communion.  Après 
la  messe,  elles  chantent  VExaudiat  pour  le 
roi,  et  elles  disent  les  litauies  de  saint  Jo- 
seph. Tous  les  jours  uue  des  sœurs  de  la 
communauté  communie  pour  madame  de 
Montespan,  leur  bienfaitrice  ;  et  tous  les  ans 
elles  doivent  faire  une  retraite  de  six  jours  , 
pour  le  moins.  Voici  la  formule  de  leurs 
vœux  :  Au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint- 
Esprit,  Je  N.,  de  la  ville  et  du  diocèse  de  N., 
promet*  à  Dieu  mon  créateur  et  mon  sauveur, 
de  garder  la  chasteté ,  la  pauvreté  et  l'obéis- 
sance, tant  que  je  demeurerai  dans  cette  com- 
munauté des  Sœurs  de  Saint-Joseph,  établies 
dans  le  faubourg  de  Saint-Germain  des  Prés, 
d  laquelle  je  m'engage  selon  les  constitutions 
de  celte  communauté  approuvées  par  monsei- 
gneur notre  archevêque,  entre  les  mains  de 
N.  supérieur  ,  et  en  la  présence  de  ma  sœur 
N.,  supérieure,  et  de  toute  la  communauté.  Ce 
que  j'ai  signé  de  ma  main  ce  N.  du  mois  de  N. 
de  l'an  N. 

Les  sœurs  de  cette  communauté  ont  voulu 
faire  approuver  leur  institut  par  autorité 
apostolique;  elles  ont  même  obtenu  à  cet 
effet  une  bulle  du  pape  Innocent  XII.  Mais  , 
soit  que  la  bulle  ne  fût  pas  confirme  à  la 
supplique  qu'elles  avaient  présentée,  ou  pour 
quelque  autre  raison  ,  elles  n'ont  pas  reçu 
cette  bulle,  qui  jusqu'à  présent  n'a  eu  aucun 
lieu  (i;. 

Vers  l'an  1661 ,  les  sœurs  du  même  insti- 
tut de  la  maison  de  La  Rochelle,  qui  avaient 
été  établies  dans  cette  ville  dès  l'an  1659 , 
voulurent  embrasser  l'état  régulier;  et  ap- 
paremment que  ceux  qui  eu  avaient  la 
conduite,  en  leur  inspirant  de  faire  des 
vœux  solennels,  voulurent  qu'elles  jetassent 
les  fondements  d'un  ordre  tout  particulier 
dans  l'Eglise  dont  ils  formèrent  le  projet,  et 
dressèrentdes  règles  et  des  constitutions,  qui 
furent  imprimées  à  Paris  la  même  année 
1664,  sous  le  titre  d'Institut,  Règle  ou  Cons- 
titutions des  Filles  de  la  Trinité-Créée,  dites 
Religieuses  de  la  Congrégation  de  Saint-Jo- 
seph, instituées  pour  l'éducation  des  filles  or- 
phelines dans  la  ville  de  La  Rochelle. 

Ce  qui  regarde  l'institut  est  compris  dans 
cinquante  paragraphes.  Dans  le  premier,  il 
est  parlé  de  la  Gn  de  cet  institut,  qui  est 
d'avoir  soin  de  l'éducation  des  pauvres 
orphelines  et  de  les  élever  dans  la  perfection 
et  la  pratique  de  toutes  sortes  de  vertus,  de- 
puis l'âge  de  huit  à  neuf  ans  jusqu'à  quinze 
et  seize ,  qu'elles  sont  placées  en  service. 
Dans  le  second,  il  est  dit  que  les  filles  de 


cette  congrégation  seront  sous  la  protection 
de  Jésus,  de  Marie,  et  de  Joseph  ;  que  pour 
cette  raison  elles  seront  nommées  les  Filles 
de  la  Trinite-Créée;  qu'elles  en  porteront  les 
marques  dans  leurs  babils;  que  la  robe  re- 
présentera celle  de  saint  Joseph  ,  et  qu'elle 
sera  violette  pour  marque  de  son  humilité  ; 
que  le  scapulaire  sera  de  pourpre  pour  si- 
gnifier la  robe  de  pourpre  de  Noire-Sei- 
gneur, et  que  le  manteau  et  le  voile  seront 
de  couleur  céleste  ,  à  cause  de  la  sainte 
Vierge,  qui  est  reine  du  ciel. 

Le  nombre  de  trente-trois  filles  est  fixé 
pour  chaque  maison  ,  en  l'honneur  des 
Irente-trois  ans  que  Jésus-Christ  a  vécu  sur 
la  terre.  11  ne  leur  était  permis  d'avoir  que 
deux  cents  livres  de  rente  chacune  pour  leur 
nourriture  et  pou#  leur  entrelien  ,  et  sur  le 
total  des  pensions,  cinq  sœurs  converses  de- 
vaient passer  pour  les  offices  pénibles  de  la 
maison.  On  devait  faire  un  fonds  solide  qui 
ne  pouvait  être  employé  à  autre  chose  que 
pour  leur  subsistance,  quelque  besoin  et 
quelque  nécessité  qu'il  y  eûl. 

Le  nombre  des  trente-trois  filles  étant 
rempli,  elles  pouvaient  recevoir  d'autres  fil- 
les ou  veuves  sur  le  pied  de  quatre  cents  li- 
vres de  pension  ,  dont  deux  cents  pour  leur 
nourriture  et  leur  entretien  ,  et  les  autres 
deux  cents  pour  les  orphelines  ,  auxquelles 
elles  devaient  en  laisser  le  fonds  par  donation 
simple  trois  jours  avant  de  prononcer  leurs 
vœux,  et  on  les  recevait  ainsi  comme  bien- 
faitrices. Il  leur  était  permis  aussi  de  rece- 
voir des  séculières  associées  à  l'ordre,  enga- 
gées aux  mêmes  obligations  que  les  religieu- 
ses, à  l'exception  des  vœux  solennels  et  Me  la 
clôture  ,  et  elles  devaient  faire  donation  de 
la  moitié  de  leurs  biens  aux  orphelines  trois 
jours  avant  que  de  faire  leurs  vœux  simples. 
Quoique  ces  associées  ne  fissent  pas  vœu  de 
clôture,  elles  ne  devaient  pas  néanmoins 
sortir  sans  la  permission  de  la  supérieure  , 
elles  devaient  pratiquer  la  pauvreté  aussi 
exactement  que  les  sœurs  de  la  communauté, 
elles  devaient  avoir  soin  de  placer  en  condi- 
tion ou  en  service  les  orphelines  qui  avaient 
été  élevées  dans  la  maison  ,  elles  devaient 
rendre  visite  aux  bienfaiteurs  et  aux  amis  , 
et  elles  ne  devaient  sortir  qu'avec  une  com- 
pagne. Leur  habillement  devait  être  sembla- 
ble à  celui  des  séculières,  elles  devaient  être 
reçues  comme  les  sœurs  de  la  communaulé 
à  trois  mois  de  probation  et  deux  ans  de  no- 
viciat, et  à  l'âge  de  vingt  ans ,  elles  pou- 
vaient faire  les  vœux  simples  de  chasteté,  de 
pauvreté  et  d'obéissance. 

Toutes  les  maisons  de  cet  ordre  ne  de- 
vaient faire  qu'un  même  corps,  et  s'enlr'ai- 
der  les  unes  les  autres  dans  les  besoins  tem- 
porels ;  et,  afin  de  conserver  le  même  esprit 
partout,  elles  devaient  être  gouvernées  pour 
le  spirituel  (sous  la  dépendance  néanmoins 
des  ordinaires)  par  des  prêtres  qui  devaient 
aussi  former  une  congrégation  du  même  in- 
stitut, qui  s'y  devaient  donner  par  vœu  et  s'y 
consacrer  en  y  donnant  leurs  biens  et  leurs 


(')  Voy-t  à  la  fin  du  vol.,  n°  167. 


699 


DICTIONNAIRE  DES  GRDKES  RELIGIEUX. 


70O 


possessions  trois  jours  avant  leur  engage- 
ment. Ils  ne  pouvaient  pas  aussi  être  plus 
de  trente-trois  dans  chaque  maison  ;  mais 
ils  pouvaient  associer  et  recevoir  à  leur  con- 
grégation des  bienfaiteurs  autant  et  de  même 
que  les  filles  ,  et  aux  mêmes  conditions. 
Etant  formés  dans  une  solide  vertu  ,  on  de- 
vait les  envoyer  dans  les  maisons  de  filles 
pour  en  prendre  la  conduite  en  qualité  de 
supérieurs  et  de  confesseurs ,  et  ils  ne  pou- 
vaient p;is  cire  continués  plus  de  six  ans 
dans  la  même  maison,  après  lesquels  ils  de- 
vaient retourner  à  leur  communauté  où  ils 
demeuraient  au  moins  trois  ans  sous  l'obéis- 
sance, et  on  pouvait  ensuite  les  renvoyer 
dans  la  même  maison  de  filles  dont  ils  étaient 
sortis.  Enfin  ces  prêtres  devaient  avoir  un 
général  et  les  filles  une  générale  dont  l'office 
aurait  été  à  vie,  et  ce  général  et  cette  géné- 
rale pouvaient  nommer  celui  ou  celle  qui 
devait  leur  succéder.  L'un  et  l'autre  devaient 
demeurer  dans  la  même  ville  pour  agir  tou- 
jours de  concert  dans  les  affaires  de  l'ordre  , 
et  ils  devaient  faire  la  visite  des  maisons. 
Tels  étaient  les  principaux  articles  qui  re- 
gardaient l'institut  en  général. 

Les  constitutions  sont  divisées  en  six  par- 
lies.  11  est  encore  parlé  dans  la  première  de 
la  fin  de  l'institut ,  de  la  Mère  générale  et 
des  .Mères  supérieure  ,  adjulrice,  directrice, 
assistantes  ou  conseillères  ;  de  la  maîtresse 
et  sous-maîlresse  des  noviees  et  des  sœurs 
bienfaitrices.  Dans  la  seconde,  on  parle  des 
vœux  en  général  et  en  particulier,  de  la  pau- 
vreté, de  la  chasteté  ,  de  l'obéissance  ,  de  la 
clôture  ,  du  noviciat  ,  de  la  profession  ,  des 
novices  et  des  jeunes  professes.  Voici  la  for- 
mule des  vœux  :  Cinix,  écoutez  ce  que  je  dis, 
que  la  terre  entende  le  propos  de  ma  bouche  ; 
c'est  à  vous  ,  ô  mon  aimable  Sauveur,  à  qui 
mon  cœur  parle,  bien  que  je  ne  sois  que  pou- 
dre et  cendres.  Je  Sœu<  N.  donne  et  dédie  ma 
personne  à  la  Congrégation  des  Sœurs  de 
Saint-Joseph  établie  pour  l'instruction  et 
éducation  des  filles  orphelines  ,  pour  y  vive 
et  mourir,  et  fais  vœu  de  pauvreté  ,  de  chas- 
teté, obéissance,  et  d'instruire  et  cliver  les 
pauvres  filles  orphelines  en  gardant  la  clô- 
ture, conformément  à  notre  institut.  Lesquels 
vœux  je  promets  à  mon  Dieu  et  à  vous  iV.  de 
garder  tout  le  tem/is  de  ma  vie  moyennant  sa 
sainte  grâce,  suppliant  sa  divine  bonté  que  ce 
soit  à  sa  plus  grande  gloire  il  à  mon  salut. 
Ainsi  soit-il. 

Dans  la  troisième  partie  de  ces  constitu- 
tions, il  est  parlé  des  sœurs  en  général,  de  la 
charité  mutuelle  ,  des  ji  unes,  des  abstinen- 
ces, de  la  discipline,  de  l'oraison  ,  de  l'of- 
fice divin,  des  prières  vocales,  de  l'usage  des 
sacrements,  des  confesseurs  extraordinaires, 
de  la  retraite  ,  de  la  rénovation  des  vœux  , 
du  silence  et  des  autres  pra  iques.  Les  jeû- 
nes et  les  abstinences  à  quoi  ces  constitu- 
tions les  obligeaient  n'élaient  pas  considéra- 
bles :  outre  les  jeûnes  ordonnés  par  l'Eglise, 
elles  devaient  encore  jeûner  les  \  cilles  des 
fêles   de  Notre-Seigneur  ,  de  la  Vierge  ,  de 

(1)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n*  1GS. 


saint  José,  h,  de  saint  Augustin.  Quoiqu'elles 
ne  fussent  pas  obligées  de  jeûner  les  ven- 
dredis ,  elles  ne  pouvaient  pas  néanmoins 
avoir  de  pitance  le  soir,  et  ne  devaient  faire 
que  collation.  Tous  les  samedis  elles  devaient 
prendre  la  discipline  en  communauté,  et  tous 
les  vendredis ,  les  veilles  des  fêles  de  la  sainte 
Trinilé,  de  sainl  Joseph,  et  le  vendredi  saint, 
elles  devaient  recevoir  des  mains  de  la  supé- 
rieure en  esprit  de  pénilence  cinq  coups  de 
discipline  ,  pour  honorer  en  ces  jours  la  fla- 
gellation de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 
Ces  constitutions  ne  les  obligeaient  qu'au 
petit  office  de  la  Vierge,  et  les  sœurs  conver- 
ses devaient  réciter  seulement  certain  nom- 
bre de  Pater  et  d'Ave.  Les  dimanches  et  les 
fêtes,  elles  devaient  chanter  la  messe  et  l'offi- 
ce, et  aux  autres  jours  seulement  psalmodier. 

Dans  la  quatrième  partie,  il  est  parlé  des 
lieux  réguliers,  du  chapitre,  de  la  coulpe,  de 
la  distribulion  des  ouvrages,  des  cellules,  do 
l'habillement  ;  dans  la  cinquième  ,  des  offi- 
cières  en  particulier;  et  dans  la  sixième,  de 
l'ordre  et  de  l'emploi  de  la  journée,  tant 
pour  les  sœurs  que  pour  les  orphelines  et 
les  pensionnaires.  Telles  furent  les  constitu- 
tions de  cet  ordre,  qui  n'a  fait  aucun  pro- 
grès, n'y  ayant  que  les  religieuses  de  la  Ro- 
chelle qui  suivent  présentement  ces  consti- 
tutions, et  qui  obtinrent,  le  21  juillet  1664-, 
un  déciet  du  cardinal  Eabio  Chi^i,  légat  en 
France  ,  pour  avoir  permission  de  faire  des 
vœux  solennels.  Mais,  comme  il  fallut  que 
ce  décret  fût  autorisé  par  lettres  patentes  du 
roi ,  enregistrées  au  parlement  de  Paris  et 
dans  les  jusiiees  de  la  Rochelle,  et  que  ces 
religieuses  eurent  encore  besoin  du  consen- 
tement de  l'évêque,  ce  qui  ne  se  fit  pas  sans 
oppositions ,  elles  ne  firent  leurs  vœux  so« 
lennels  que  l'an  1672. 

Elles  avaient  pris  d'abord  l'habit  prescrit 
par  les  constitutions  ,  savoir  une  robe  vio- 
lette avec  un  scapulaire  de  pourpre,  un  man- 
teau bleu  traînant  jusqu'à  terre,  une  guimpe 
et  un  voile  blanc,  sur  lequel  elles  en  niel- 
laient un  bleu  de  toile  claire  (S);  mais,  en 
faisant  leurs  vœux  solennels,  elles  oui  quitté 
cet  habillement  pour  eu  prendre  un  noir, 
qui  consiste  en  une  robe,  un  scapulaire  et  un 
manteau  noir,  avec  un  grand  voiie  qui  est 
noir  aussi  (2).  Le  projet  d'établir  une  géné- 
rale s'est  évanoui,  aussi  bien  que  I  établisse- 
ment de  la  Congrégation  de  prêtres  et  de 
leur  général.  Les  filles  de  Limoges  font  aussi 
des  vœux  solennels,  et  sont  habillées  comme 
les  religieuses  de  la  Visitation  ;  mais  elles 
n'ont  puint  de  croix. 

(elles  de  Rouen  ont  seulement  pris  l'habit 
religieux,  mais  elles  ne  font  que  des  vœux 
simples.  Elles  reconnaissent  aussi  pour  fon- 
datrice mademoiselle  Delpech  de  l'Eslang. 
Madame  de  liiébion  ,  sœur  de  M.  Hanivelle 
de  Mènevillette,  receveur  général  du  clergé 
de  France,  et  femme  de  M.  de  Brébion,  mai- 
Ire  en  la  chambre  des  comptes  à  Houen, 
donna  de  grands  biens  à  cette  maison,  et, 
non  contente  de  cela  ,  elle  s'y  consacra  au 

(2)  Voy.,  à  la  On  du  vol.,  uos  169  et  170. 


701 


JOS 


JOS 


702 


service  des  pauvres  orphelines  du  vivant  et 
du  consentement  de  son  mari.  M.  de  Mène- 
villelte,  président  à  mortier  au  parlement  de 
Rouen,  en  a  été  aussi  un  des  principaux  bien- 
faiteurs, et  lui  adonné  la  terre  et  seigneurie 
de  Néauville,  à  une  lieue  de  celte  ville,  qui 
a  près  de  2,000  livres  île  revenu.  L'an  1654, 
le  mi  accorda  à  cette  maison  d'orphelines  des 
lettres  palenies  où  il  est  parlé  des  autres 
établissements  du  même  institut  faits  à  Bor- 
deaux, à  Paris  et  à  Agen. 

Les  sœurs  de  Saint-Joseph  de  Rouen  sui- 
vent présentement  les  constituions  qui  leur 
ont  été  données  l'an  1695  par  l'archevêque 
de  celte  ville  Jacques-Nicolas  Colbert,  et, 
conformément  à  ces  constitutions,  outre  les 
jeûnes  ordonnés  par  l'Eglise,  elles  jeûnent 
encore  tous  les  samedis  de  l'année  et  tous 
les  vendredis  de  l'avent,  les  veilles  des  fêles 
solennelles  de  Notre-Seigneur,  de  la  sainte 
Vierge,  des  apôtres  et  de  saint  Michel;  mais 
quand  ces  fêles  arrivent  un  vendredi  de  l'a- 
vent ou  un  samedi  de  l'année,  elles  sont  dis- 
pensées de  jeûner  ces  jours-'à,  s'il  est  jeûne 
d'Eglise  les  veilles  de  ces  fêles.  Elles  disent 
au  chœur  le  petit  office  de  la  Vierge.  Elles 
ne  vont  poii, l  aux  parloirs  pendant  l'avent 
ni  pendant  le  carême;  et,  dans  un  autre 
temps,  elles  n'y  vonl  qu'iiccompagnées  d'une 
écoule.  Le  nombre  des  sœurs  est  limité  à 
seize,  et  ne  peut  être  augmenté,  à  moins  que 
le  nombre  des  orphelines  n'augmente.  Elles 
font,  comme  nous  avons  dit,  lt>  vœux  sim- 
ples de  pauvreté,  de  chasteté,  d'obéissance 
en  cette  ma  n  ère  :  Je  N.  sœur,  me  confiant 
enta  grâce  de  Notre-Seigneur  Jésus  -Christ, 
de  lu  très-sainte  Vierge,  de  saint  Joseph,  pa- 
tron et  protecteur  de  cette  maison;  de  tous  les 
anges  et  des  saints  de  paradis,  fais  vœu  à  Dieu 
de  pauvreté ,  de  chus  été  et  d'obéissance,  pour 
m' employer  au  service  des  pauvres  orphelines, 
suivant  les  constitutions  de  la  Congrégation 
de  Saint-Joseph,  dont  je  déclare  avoir  eu  une 
particulière  et  parfaite  connaissance,  en  pré- 
sence de  notre  supérieur.  En  foi  de  i/uoi  j'ai 
écrit  et  signé  le  présent  acte,  elc.  Quant  à  leur 
habillement ,  il  cons  sle  en  une  robe  de  gris 
obscur,  ouverte  seulement  jusqu'à  la  cein- 
ture, el  fermée  par  des  agrafes;  elles  ont  pour 
coiffure  un  petit  voile  blanc,  el  par-dessus 
un  autre  voile  noir  d'eiamine.  Elles  ont  aussi 
un  bandeau  el  une  guimpe  carrée,  el  au  bas 
de  celle  guimpe  une  médaille  d'argent  où 
d'un  colé  esl  l'image  de  saint  Joseph  tenant 
l'enfant  Jésus  par  la  main,  et  de  l'autre,  l'i- 
mage de  la  sainte  Vierge  tenant  le  même  en- 
fani  entre  ses  bras  (1). 

Voyez  l'Institution  de  la  Société  des  Sœurs 
de  Saiiit^Joseph  pour  le  gouvernement  des  fil- 
les orphelines  de  la  ville  de  Bordeaux,  impri- 
mée en  1708.  Constitutions  des  Filles  de  Saint- 
Joseph  dites  de  la  Providence.,  imprimées  à 
Parts  en  1691.  Institut,  Règles  et  Constitu- 
tions îles  Filles  de  la  Trini.  é-Créée,  imprimées 
à  Paris  en  lOOi.  Constitutions  des  Filles  Hos- 
pitalières de  la  Congrégation  de  Saint-Joseph 
pour  l'instruction  des  orphelines,  imprimées  à 


Rouen  en  1690;  et  Mémoires  envoyés  parles 
religieuses  de  la  Rochelle  en  1709. 

JOSEPH  (Hospitalières  de  Saint-). 
L'ordre  des  Hospitalières  de  Saint-Joseph 
a  commencé  par  une  communauté  de  filles 
séculières  établie  par  les  soins  de  mademoi- 
selle de  la  Ferre,  fille  d'une  grande  piété  et 
d'une  famille  distinguée  de  la  ville  de  la  Flè- 
che en  Anjou.  Comme  elle  avait  un  attrait 
singulier  pour  l'oraison,  et  que  Dieu  lui  com- 
muniquait beaucoup  de  grâces,  ses  directeurs 
lui  conseillèrent  de  se  relirer  dans  un  mo- 
nastère pour  y  faire  profession  de  la  vie  re- 
ligieuse; mais,  étant  tombée  malade  jusqu'à 
qu.it ie  Pis  lorsqu'elle  avail  voulu  exécuter 
ce  dessein,  elle  connut  que  Dieu  l'appelait 
ailleurs.  La  charité  la  porta  l'an  16i2à  pren- 
dre le  soin  des  pauvres  de  l'hôpital  de  la 
Flèche.  Dans  le  même  temps,  mademoiselle 
de  Hi Itère,  fille  d'honneur  de  madame  la  prin- 
cesse de  Coudé,  étant  tombée  dangereuse- 
ment malade  à  Paris,  le  P.  Bernard,  dit  le 
Pauvre  Prêtre .  en  qui  elle  avait  beaucoup 
de  confiance,  lui  dit  que  si  elle  faisiit  vœu 
de  quitter  le  monde,  elle  recouvrerait  la 
santé.  Elle  le  fil  et  elle  fut  guérie.  Pour  exé- 
cuter son  vœu,  elle  vint  dans  un  monastère 
assez  proche  de  la  Flèche  pour  s'y  consacrer 
à  Dieu;  mais,  ne  se  sentant  point  d'inclina- 
tion pour  y  demeurer,  on  lui  proposa  de  se 
joindre  à  mademoiselle  de  la  Ferre,  dont  la 
vertu  el  les  emplois  lui  étaient  connus.  Elle 
ne  crut  pas  pouvoir  mieux  accomplir  son 
vœu  qu'en  suivant  son  exemple.  Une  troi- 
sième fille  s'associa  à  elles,  et  elles  allèrent 
toutes  trois,  le  jour  de  la  Sainte-Trinité,  de- 
meurer à  l'hôpital  pour  prendre  soin  des 
pauvres.  La  même  année,  elles  eurent  dix 
autres  compagnes  ,  et  leur  communauté 
s'augmentant  a.nsi  tons  les  jours,  l'évéque 
d'Angers,  Claude  de  Ruiil,  leur  donna  des 
constitutions  qu'il  approuva  le  25  octobre 
16i3.  Leur  nombre  devait  être  fixé  par  ces 
constitutions  à  trente  filles  hospitalières  et 
six  sœurs  domestiques.  Tous  les  trois  ans, 
elles  devaient  élire  une  supérieure  le  22  jan- 
vier,  fêle  des  Epousaille-  de  la  sainte  Vierge. 
Après  avoir  demeuré  huit  ans  dans  la  con- 
grégation, elles  faisaient  des  vœux  simples 
de  chasteté,  de  pauvreté  et  d'obéissance,  et 
de  s'employer  au  service  des  pauvres;  mais 
elles  ne  s'engageaient  que  pour  trois  ans, 
pour  un  an,  ou  pour  quelque  autre  espace 
de  temps,  après  lequel  elles  renouvelaient 
leurs  vœux  pour  un  autre  temps.  Leurs  ha- 
bits étaient  simples  et  modestes,  el  consis- 
taient en  une.  robe  fermée  par-devant  avec 
des  crochets  el  des  porles,  en  forme  de  sou- 
tane un  peu  ample,  serrée  sur  les  reins  avec 
une  ceinture  de  laine,  un  corsel  el  une  jupe 
par-dessous,  le  loul  de  serge  noire.  Les  tilles 
hospitalières  portaient  une  coiffe  noire  avec 
un  mouchoir  de  cou,  cl  les  sœurs  domesti- 
ques, un  capot  d'eiamine  avec  un  mouchoir 
de  cou,  dout  la  toile  était  plus  grosse  que 
ceux  des  filles,  et  l'on  donnait  aux  unes  et 


-II)  Yoy.,  à  lu  lin  du  vol-,  n°  1" 


703 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


704 


aux  autres,  lorsqu'elles  avaient  prononcé 
leurs  vœux,  une  bague  d'argent,  où  il  y  avait 
en  écrit  autour  :  Jésus, Marie,  Joseph,  qu'el- 
les portaient  au  petit  doigt  de  la  main  gau- 
che (1). 

A  peine  celte  congrégation  fut-elle  établie, 
qu'elle  reçut  un  grand  avantage  par  la  pré- 
sence de  la  princesse  d'Epinoy,  Anne  de  Me- 
lon* fille  de  Guillaume  de  Melun.  Celte  prin- 
cesse avait  été  pendant  plus  de  vingt  ans 
chanoines^e  de  Mons.  Elle  se  relira  après  la 
mort  de  son  père  et  à  l'insu  de  ses  parents, 
chez  les  filles  de  la  Visilalion  de  Saumur, 
sous  un  nom  déguisé;  mais  elle  y  fut  bientôt 
découverte,  et,  comme  on  parlait  de  faire  un 
établissement  du  même  institut  en  Flandre, 
et  que  l'on  proposa  à  mademoiselle  de  Melun 
d'en  aller  jeter  les  fondements,  elle  regarda 
l'honneur  qu'on  lui  faisait  comme  une  ten- 
tation du  démon,  qui,  jaloux  de  son  bonheur, 
voulait  déjà  lui  faire  perdre  le  fruit  de  sa 
solitude  en  la  retirant  de  sa  vie  cachée,  dont 
elle  commençait  à  goûter  les  douceurs  ;  c'est 
pourquoi  elle  pensa  aux  moyens  de  sortir  de 
ce  monastère  sans  que  l'on  sût  où  elle  devait 
aller.  Elle  communiqua  son  dessein  au  P.  du 
deuil,  de  la  compagnie  de  Jésus,  qui  lui 
ayant  proposé  les  Hospitalières  de  la  Flèche, 
dont  la  congrégation  ne  faisait  que  de  naî- 
tre, et  dont  les  religieux  de  cette  compagnie 
avaient  la  direction,  elle  se  sentit  intérieure- 
ment portée  à  embrasser  cet  institut,  et, 
pour  n'être  point  connue,  elle  entra  dans 
cette  congrégation  sous  le  nom  de  mademoi- 
selle de  la  Haye.  Mais  ces  Hospitalières,  qui 
étaient  prévenues  d'estime-  et  de  considéra- 
tion pour  elle  sur  le  récit  que  le  P.  du 
Breuil  leur  avait  fait  de  son  mérite,  furent 
extrem.  ment  surprises  de  la  voir  entrer 
chez  elles  en  équipage  de  servante;  car  elle 
avait  un  gros  habit  de  bure,  un  bonnet  de 
laine  sur  sa  tête  et  des  clous  sous  ses  sou- 
liers ;  et  quelqu'une  lui  ayant  demandé  son 
nom,  elle  répondit  qu'elle  s'appelait  Anne  de 
la  Terre.  Tout  cela  n'empêchait  pas  qu'on 
n'aperçût  à  travers  cet  extérieur  si  pauvre 
un  air  de  grandeur  et  des  manières  aisées  , 
qui  la  faisaient  distinguer  du  commun  ;  et, 
quoiqu'elle  s'étudiât  à  se  cacher  avec  beau- 
coup de  soin,  elle  ne  put  si  bien  faire,  qu'on 
ne  vit  dans  sa  valise  quantité  de  linge  de 
toile  de  Hollande  très-fine,  qu'elle  donna 
ensuite  à  l'église  pour  faire  des  nappes  d'au- 
tel et  des  aubes,  priant  la  supérieure  de  lui 
faire  donner  du  linge  et  des  chemises  de  la 
communauté  ,  comme  on  faisait  chaque 
semaine  à  toutes  les  sœurs ,  et ,  lors- 
qu'elle pouvait  choisir  sans  qu'on  la  vit,  elle 
prenait  toujours  les  plus  grossières  et  aux- 
quelles il  y  avait  le  plus  de  pièces. 

Mademoiselle  de  Melun  ayant  été  reçue 
dans  cette  congrégation  d'hospitalières,  on  en 
demanda  quelques  années  après  pour  aller 
faire  de  pareils  établissements.  La  ville  de 
Laval  fut  la  première  qui  en  demanda,  l'an 
1052,  et  la  même  année  elles  furent  appelées 
à    Baugé.   Mademoiselle  de    Melun    fut  du 

(1)  Voy.,  à  la  Un  du  vol.,  n"3  17-2  cl  173. 


nombre  de  celles  qui  furent  destinées  pour 
ce  dernier  établissement  ;  elles  y  furent  con- 
duites par  la  Mère  Marie  de  la  Ferre,  pre- 
mière supérieure  et  fondatrice  de  celle  con- 
grégation, et  dans  l'obédience  qu'elles  reçu- 
rent de  l'évêque  d'Angers,  Henri  Arnaud  , 
mademoiselle  de  Melun  est  appelée  sœur 
Anne  de  la  Haye.  Mais,  quoiqu  elle  fût  re- 
connue pour  la  princesse  d'Epinoy  quelques 
années  après,  lorsque  son  frère  le  vicomte 
de  Gand,  sachant  qu'elle  était  à  Baugé,  l'y 
vint  trouver,  elle  retint  toujours  le  nom  de 
la  Haye  jusqu'à  sa  mort. 

Après  avoir  été  découverte,  et  ne  pouvant 
plus  cacher  sa  qualité,  le  désir  qu'elle  avait 
de  faire  du  bien  à  son  hôpital  l'emporta  sur 
celui  qu'elle  avait  de  passer  le  reste  de  ses 
jours  dans  la  solitude.  Trois  de  ses  frères 
la  vinrent  prendre  à  Baugé  pour  la  conduire 
à  Paris,  afin  d'assister  au  partage  des  biens 
du  prince  d'Epinoy  leur  père.  Elle  ne  demeura 
que  deux  mois  dans  cette  ville,  et  les  biens 
qui  lui  échurent  en  partage  servirent  non- 
seulement  à  faire  faire  des  bâtiments  à  son 
hôpital  de  Baugé  et  à  lui  assigner  des  rentes 
pour  son  entrelien  ;  mais  elle  fonda  encore 
dans  la  suite  celui  de  Beaufort.  Nous  ne  nous 
étendrons  pas  davantage  sur  les  vertus  et  les 
actions  de  celle  princesse,  qui  n'est  pas  la 
fondatrice  de  la  congrégation  des  hospitaliè- 
res dont  nous  parlons,  et  qui  ne  peut  être 
regardée  que  comme  fondatrice  et  bienfaitri- 
ce des  hôpitaux  de  Baugé  et  de  Beaufort  du 
même  institut  ;  l'on  peut  voir  sa  Vie  qui  fut 
donnée  au  public  l'an  1C87  ;  et  nous  pas- 
sons à  ce  qui  regarde  cette  congrégation. 

Les  hôpitaux  de  Baugé  et  de  Laval  ayanl 
été  fondés,  comme  nous  venons  de  dire,  ces 
hospitalières  firent  encore  d'autres  établisse- 
ments. Elles  furent  appelées  à  Moulins  en 
Bourbonnais,  l'an  1651.  Cet  établissement  se 
fit  encore  par  la  Mère  de  la  Ferre,  qui  y  mou- 
rut ;  et  en  1659  ellespassèrent  les  mers  pour 
aller  dans  le  Canada,  où  elles  s'établirent 
dans  la  ville  de  Montréal.  Jusque-là  elles  n'a- 
vaient fait  que  des  vœux  simples,  et,  comme 
elles  pouvaient  sorlirde  la  congrégation  avec 
dispense  de  l'évêque,  plusieurs  l'avaient  de- 
mandé et  l'avaient  obtenu.  Ce  qui  avait  cau- 
sé des  procès  dans  leurs  familles, lorsqu'elles 
avaient  voulu  entrer  en  paitage  des  biens  : 
c'est  pourquoi  la  plupart  de  ces  hospitaliè- 
res se  déterminèrent  à  prendre  la  stabilité  e( 
à  s'y  engager  par  des  vœux  solennels.  La 
maison  de  Laval  commença  l'an  1663,  et  fut 
la  première  à  prendre  la  stabilité  ;  et  dans  le 
même  temps  elles  furent  demandées  pour 
aller  faire  un  établissement  à  Nîmes,  où  elles 
furent  fondées  par  l'évêque  de  ce  lieu  N... 
Cochon.  Les  maisons  de  Moulins,  Baugé  et 
Montréal  dans  le  Canada  prirent  ensuite  la 
stabilité,  et  le  pape  Alexandre  VII,  par  un 
bref  du  19  janvier  1666,  vérifié  au  parlement 
de  l'aris  le  30  août  1667, approuva  cet  insti- 
tut, et  déclara  que  les  hospitalières  sorties 
de  l'hôtel-dieu  de  la  Flèche  pour  aller  à  La- 
•val,  à  Nîmes,  à  Baugé,  à  Moulins  et  à  Mont- 


703 


I.AT 


réal  dans  le  Canada,  étaient  véritablement 
religieuses,  ayant  fait  les  trois  vœux  solen- 
nels et  embrassé  la  clôture  sous  la  règle  de 
saint  Augustin.  Leurs  consiituiions  furent 
dressées  l'an  1685,  par  l'évéque  d'Angers 
Henri  Arnaud. 

Celte  congrégation  fit  ensuite  de  nouveaux 
progrès.  La  ville  d'Avignon  fil  venir  de  ces 
religieuses  l'an  1670,  pour  leur  donner  le 
soin  du  grand  hôpital.  Celui  de  Beauforl  fut 
fondé  par  mademoiselle  de  Melon  en  1671. 
Elles  furent  appelées  en  1683  dans  la  ville  de 
l'Isle  au  comté  Venaissin,  et  en  161)3,  la 
Mère  des  Essarts,  première  religieuse  de  la 
maison  de  Laval,  et  qui  avait  fait  l'établisse- 
mentde  Beaufort,  fut  rappelée  par  un  arrêt  du 
conseil  à  la  Flèche,  comme  y  ayant  fait  ses 
premiers  vœux,  l'arrêt  portant  que  les  pre- 
mières filles  qui  en  étaient  sorties  y  revien- 
draient pour  y  mettre  la  stabilité.  Mais , 
comme  les  autres  étaient  mortes,  elle  mena 
avec  elle  quatre  religieuses  de  Beaufort,  qui 
établirent  la  stabilité  à  la  Flèche,  et  celle 
maison,  qui  avait  donné  naissance  à  la  con- 
grégation, élant  la  première  de  l'institut,  fut 
la  dernière  à  prendre  l'état  régulier.  Les 
hospitalières  de  Nîmes  ont  fait  encore  un 
autre  établissement  à  Bivire  dans  le  Lan- 
guedoc, en  1700. 

Les  religieuses  de  cette  congrégation  ont 
toutes  les  mêmes  observances,  elles  n'ont 
changé  que  fort  peu  de  choses  à  leurs  pre- 
mières constitutions  ;  elles  ont  aussi  conservé 
le  même  habillement,  sinon  qu'au  lieu  de 
coiffe,  elles  ont  pris  le  voile  noir,  et,  au  lieu 
de  mouchoir  de  cou,  la  guimpe  comme  les 
autres  religieuses.  L'essentiel  de  leur  insti- 
tut, c'est  le  service  des  pauvres  ;  à  quoi  elles 
s'obligent  par  un  quatrième  vœu,  et  quel- 
ques monastères  donnent  à  la  mort  de  cha- 
que religieuse  professe  trois  cents  livres. 
Elles  ne  sont  obligées  qu'aux  jeûnes  ordon- 
nés par  l'Eglise  et  à  réciter  lous  les  jours  le 
petit  office  de  la  sainte  Vierge.  Les  diman- 
ches et  les  fêtes,  elles  chantent  seulement  les 
vêpres.  Voici  la  formule  de  leurs  vœux  : 
Dieu  tout-puissant,  mon  créateur  et  souverain 
Seigneur,  Je,  /V.,  quoique  indigne  de  me  pré- 
senter devant  vous  ,  toutefois  me  confiant  en 
votre  miséricordieuse  bonté,  et  poussée  du  dé- 
sir de  vous  servir  de  ma  pure,  franche  cl  dé- 
libérée volonté,  en  présence  de  toute  la  cour 
céleste  et  de  cette  communauté,  fais  vœu  pour 
toute  ma  vie  à  votre  divine  majesté,  de  pau- 


LAT  70r» 

vreté,  de  chasteté  et  d'obéissance  ,  et  de  m' em- 
ployer au  service  des  pauvrrs  en  uvinn  de 
charité,  selon  la  règle  de  saint  Augustin  et  let 
constitutions  de  cette  congrégation,;  vous  sup' 
pliant  très-humblement,  6  mon  Dieu,  par  let 
mérites  de  Jésus-Christ  votre  Fils,  de  sa  sainte 
mère  ,  de  saint  Joseph  et  de  saint  Augustin, 
que,  comme  il  vous  plaît  me  faire  la  grâce  de 
me  consacrer  à  vous  pur  ces  vœux,  il  vous 
plaise  me  la  continuer  abondante  pour  m'en 
acquitter  fidèlement.  Ainsi  soil-il. 

Tous  les  ans,  le  22  février,  fête  du  Maria- 
ge de  la  sainte  Vierge  avec  saint  Joseph, 
elles  renouvellent  leurs  vieux  en  cet'e  ma- 
nière :  Je,  N.,  confirme  et  renouvelé  à  mon 
Dieu  tes  vœux  que  je  lui  ai  faits  pour  toute 
ma  vie,  de  pauvreté,  de  chasteté  et  d'obéissan- 
ce ,  et  de  servir  les  pauvres  en  union  de  cha- 
rité en  cette  congrégation,  au  nom  du  Père, 
du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  Ainsi  soit-il. 

Si  quelque  maison  de  l'institut  devient 
pauvre  et  en  nécessité,  les  autres  doivent 
l'assister,  préférablement  à  toute  autre  cha- 
rité, selon  leur  pouvoir,  plutôt  que  de  faire 
un  établissement  nouveau  ;  et,  pour  empê- 
cher que  cette  union  entre  les  maisons  de  la 
congrégation  ne  diminue  par  succession  de 
temps,  toutes  les  maisons  doivent  s'écrire  de 
temps  en  temps  pour  s'exciter  à  agir  dans  un 
même  esprit  et  pour  la  même  fin.  Outre  les 
sœurs  destinées  pour  le  chœur  et  les  sœurs 
domestiques  ou  converses,  chaque  maison 
peut  encore  recevoir  des  sœurs  associées ,  qui 
sont  des  filles  ou  des  veuves  qui,  par  infirmité 
ou  autrement,  ne  pouvant  ê;re  reçues  à  la 
profession  religieuse ,  désirent  néanmoins 
passer  le  reste  de  leurs  jours  dans  celle  mai- 
son, pour  y  vivre  avec  les  religieuses,  sans 
être  obligées  à  leurs  observances.  Ces  asso- 
ciées doivent  faire  des  vœux  simples  et  porter 
un  habit  simple  et  modeste. 

Règle  et  Constitutions  pour  les  religieuses 
Hospitalières  de  Saint-J <  seph  Mémoires  en- 
voyés par  les  religieuses  de  la  Flèche  ;  et  l'on 
peut  consulter  la  Vie  de  mademoiselle  de  Me- 
lun,  imprimée  à  Paris  en  1687.  Cette  prin- 
cesse ne  fut  point  religieuse,  et,  après  avoir 
demeuré  trente  ans  dans  l'hôpital  de  Baugé, 
elle  y  mourut  le  13  août  1679. 

JOYEUX.  Yoy.  Frères  Joyeux. 

JULIEN  DU  P01B1EB.  Yoy.  Alcantara. 

JUSTINE  DE  PADOUE  (Sainte-).  Yoy. 
Mont-Cassin. 


K 


KIARAN  (Saint-).  Yoy.  Irlande. 


LANFRANC  (Saint-).  Yoy.  Augustin(Con- 

OBÉGAT10N  DE  SAINT-). 

LANGRES     (  Hospitalières   de  ).     Yoy. 
Dijon. 
LATBAN  (Chanoines  de  Saint-Sauveur  de). 

§  1".  Origine  des  Chanoines  Réguliers  de  Saint- 


Sauveur  de  Latran,  avec  la  vie  du  Y.  P. 

Barthélémy  Colomne,  leur  réformateur. 

Lorsque  le  grand  Constantin  eut  donné  la 
paix  à  l'Eglise  et  qu'elle  commença  à  jouir 
de  la  liberté,  après  laquelle  elle  soupirait  de- 
puis  trois  cents  ans,  il  fit  bâtir   plusieurs 


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DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


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églises  en  divers  lieux  ,  principalement  à 
Rome,  où  les  églises  de  Sainl-Jean,  de  Saint- 
Pierre,  de  Saini-Paul,  de  Sainte-Croix  et  de 
Sainte-Agnès  hors  des  murs,  sont  encore  à 
présent  des  marques  de  la  piété  de  cet  em- 
pereur. 

Entre  ces  églises,  celle  qui  lient  le  premier 
rang  non-seulement  dans  cette  ville,  mais 
qui  est  encore  reconnue  pour  la  mère  de 
loules  les  églises  du  monde,  est  celle  qu'il  fit 
bâtir  dans  le  palais  de  l'impératrice  Fansta, 
sa  femme,  auparavant  nommé  la  maison  de 
Latran,  du  nom  de  Plautius  Laleranus  ,  sé- 
naieur  romain,  à  qui  elle  appartenait  lors- 
que l'empereur  Néron  le  fit  mourir  comme 
un  des  chefs  de  la  conjuration  qui  s'était  for- 
mée contre  lui  l'an  65.  Ses  biens  ayant  été 
confisques,  cet  empereur  et  ses  successeurs 
l'ont  toujours  possédée  jusqu'au  temps  de 
Constantin,  qui  la  donna  à  saint  Sylvestre. 
Ce  prince  y  ayant  fait  bâtir  une  église,  elle 
lut  appelée  de  son  nom  Constanlinienne,  au- 
trement l'église  du  Sauveur,  à  cause  que 
pendant  que  saint  Sylvestre  en  faisait  la  dé- 
dicace, l'image  du  Sauveur  du  monde  appa- 
rut sur  la  muraille  ;  et,  comme  cet  empereur 
fil  faire  proche  de  celle  église  un  baptistère, 
et  que  les  baptistères  avaient  l'image  de 
saint  Jean-Bapt  ste,  on  lui  donna  aussi  le 
nom  de  Sainl-Jean  de  Latran,  qui  lui  est 
resté,  quoique  son  véritable  nom  soit  celui 
de  Saint-Sauveur,  puisque  c'est  sous  ce  nom 
que  l'Eglise  solennise,le  9  novembre,  la  dédi- 
cace de  cette  église. 

Les  papes  l'ont  toujours  reconnue  pour 
leur  cathédrale, el  depuis  saintSylvestre  ils  y 
ont  toujours  fait  leur  demeure,  à  l'exception 
dedeux  ou  trois,  jusqu'au  temps  que  le  saint- 
siège  fut  transféré  à  Avignon.  Grégoire  XI 
l'ayant  transporté  à  Rome  après  soixante  et 
dix  ans  d'absence,  comme  le  palais  de  La- 
tran, coutigu  à  cette  église,  était  tombé  pres- 
que en  ru; ne,  les  souverains  pontifes  ont 
fait  depuis  ce  temps  leur  résidence  au  Vati- 
can ou  à  Monte-Cavallo. 

Doin  Gabriel  Penot,  Chanoine  Régulier  de 
la  congrégation  de  Lalran,  qui  en  a  fait 
l'histoire,  prétendant  qu'il  y  a  eu  une  con- 
tinuation sans  interruption  de  clercs  qui  ont 
Técu  en  commun  depuis  les  apôlres  jusqu'au 
temps  de  saint  Sylvestre,  ditque  ce  lut  ceux- 
là  que  ce  pape  établit  dans  cette  église;  mais, 
comme  celle  prétention  est  disputée  et  que 
la  véritable  origine  des  communautés  de 
clercs  n'est  attribuée  qu'à  saint  Augustin, 
nous  croyons  plus  aisément  ce  qu'ajoute  cet 
auteur,  que  saint  Léon  I"  se  servit  vers  l'an 
4'*0  île  Gé.ase,  qui  lut  dans  la  suite  un  de  ses 
successeurs,  et  qui  était  disciplede  saint  Au- 
gustin, pour  réformer  les  eleresde  cette  église 
el  les  faire  vivre  selon  les  règles  que  ce  grand 
docteur  de  l'Eglise  avait  prescrites  à  ceux  de 
son  Eglise  d'H  ppone,  qui  ne  contenaient  que 
ce  que  les  apôtres  et  les  premiers  fidèles  de 
l'Eglise  de  Jérusalem  avaient  pratiqué. 

En  efiel  le  clergé  de  Rome  avait  besoin 
de  réforme,  puisque  saint  Jérôme  se  plaignait 
dès  l'an  383  des  dérèglements  des  clercs  de 
celte  ville,  qui,  n'ayant  pu  supporter  les  re- 


proches de  ce  grand  homme,  déchirèrent  sa 
réputation  par  lant  de  calomnies  et  de  médi- 
sances ,  que,  pour  céder  à  leur  envie, 
il  fut  obligé  de  quitter  Rome  pour  retourner 
dans  la  Palestine. 

Ce  fut  donc  sous  le  pontificat  de  saint 
Léon  1er  que  les  clercs  de  l'église  de  Saint- 
Jean  de  Latran  vécurent  en  commun.  Ils  de- 
meurèrent pendant  plusieurs  années  dans 
l'observance  des  canons  apostoliques;  mais 
le  relâchement  s'étant  introduit  peu  à  peu 
parmi  eux,  Alexandre  M,  qui  avait  été  Cha- 
noine de  la  congrégation  de  Saint-Frigdien 
de  Lucques,  fit  venir  des  Chanoines  de  celte 
congrégation  l'an  1061, pour  réformerl'Eglise 
de  Latran,  et,  ayant  fait  assembler  un  con- 
cile à  Rome  l'an  1063,  où  l'on  traita  de  la 
réforme  des  Chanoines,  il  assujettit  ceux  de 
Lalran  à  l'ohservance  de  ce  qui  avait  été 
ordonné  dans  ce  concile.  Il  déclara  aussi  cette 
Eglise  chef  de  plusieurs  maisons  de  Chanoi- 
nes qui  en  dépendaient,  et  qui  tous  ensem- 
ble formèrent  une  congrégation  qui  dès  ce 
(emps-là  prit  le  nom  de  Lalran,  et  était  sépa- 
rée de  celle  de  Sainl-Frigdien  de  Lucques. 

Ils  possédèrent  celle  église  pendant  plus 
de  huit  cenls  ans,  depuis  saint  Léon  I"  jus- 
qu'à Boniface  VIII,  qui,  ayant  été  élevé  sur 
la  chaire  de  saint  Pierre  l'an  1294,  les  obli- 
gea d'en  sortir  pour  mettre  des  séculiers  à 
leur  place.  Pour  lors  la  congrégation  de  La- 
tran commença  à  diminuer,  et  s'éteignit  peu 
de  temps  après,  ayant  perdu  tous  les  monas- 
tères qu'elle  possédait,  les  uns  ayant  été 
sécularisés,  les  autres  ayant  été  donnés  à 
d'autres  ordres,  comme  celui  de  Grotta-Fer- 
rala  aux  moines  de  Saint-liasile. 

Penot  dil  que  les  autres  actions  de  Boni- 
face  VIII  rapportées  par  Platine  et  les  autres 
historiens  de  sa  vie,  font  assez  connaître  les 
raisons  qui  le  portèrent  à  leur  ôler  l'église 
de  Lalran.  Il  semble  qu'il  veuille  accuser 
s^n  avarice,  qui  le  voulait  faire  profiter  des 
grands  biens  qu'ils  possédaient,  et  qui  peut- 
être  servirent  à  augmenter  ces  trésors  im- 
menses qu'on  lui  trouva  lorsque  Nogaret  , 
gentilhomme  français,  avec  quelques  che- 
vaux du  duc  de  Valois,  accompagné  des  Co- 
lomnes  et  de  quelques  autres  gentilshommes 
de  la  faction  des  Gibelins,  se  saisit  de  sa  per- 
sonne à  Anagnie.  Nous  verrons  dans  un  au- 
tre endroit  l'adresse  dont  il  se  servit  pour 
parvenir  à  la  papauté,  et  la  manière  dont  il 
agit  envers  son  prédécesseur,  qui  s'était  dé- 
mis de  cette  dignité,  et  que  l'Eglise  honore 
comme  un  saint;  mais  il  ne  faut  pas  nous  éloi- 
gner des  Chanoines  Réguliers,  qui  furent  réta- 
blis cent  cinquante  ans  après  dans  cette  mémo 
église  de  Lalran  par  Eugène  IV  ;  et,  comme 
la  congrégation  Frigdionienne  ou  de  Sainte- 
Marie  de  1-  risonaire  fut  celle  sur  laquelle  ce 
pape  jeta  les  yeux  pour  en  tirer  ces  Chanoi- 
nes, et  qu'il  voulut  qu'elle  fût  appelée  dans  la 
suite  de  Saint-Sauveur  ^le  Lalran,  il  est  à 
propos  de  rapporter  son  origine. 

La  congrégation  Fiigilionienne  ou  de 
Sainte-Mari''  de  Frisonaire  est  différente  de 
celle  de  Sainl-Frigdien  de  Lucques  ,  dont 
nous  parlerons  au  §  IIP,  quoique  ce  ne  soit 


7(1!» 


LÀÎ 


LAT 


710 


qu'à  cause  de  ce  saiut  qu'elle  ait  élé  appelée 
Frigdionienne  ;  car  l'on  prétend  qu'étant 
évêqne  de  Lucques,  il  lit  bâtir  à  trois  milles 
de  cette  ville  une  église  sous  le  nom  de  Notre- 
Dame,  qui  par  succession  de  temps  a  élé  ap- 
pelée, à  cause  de  son  fondateur,  Sainte-Marie 
Frigdionienne,  et  par  corruption  l'risonaire. 
Celte  égli-e  avait  toujours  ele  desservie  par 
des  clercs  vivant  en  commun,  qui  devinrent 
Chanoines  Réguliers,  lorsqu'on  eut  obligé  les 
clercs  qui  vivaient  en  commun  à  la  désappio- 
prialion.  Ils  se  rendirent  recommanda  blés 
par  la  sainteté  de  leur  vie  ;  mais  leurs  succes- 
seurs au  xiv°  siècle  s'étaient  bien  éloignés 
de  leur  esprit.  A  peine  trouvait-on  cbez  eux 
des  traces  de  la  discipline  régulière,  le  tem- 
porel était  aussi  mal  administre  que  le  spiri- 
tuel, <t  cequi  restait  des  revenus,  qui  avaient 
été  autrefois  considérables,  ne  suffisait  pas 
pour  l'entretien  de  trois  religieux,  qui  s'y 
trouvaient  en  1382. 

L'évêque  de  Lucques,  y  ayant  fait  la  visite 
celle  même  année,  aval  tâché  d'y  apporter 
quelque  réforme.  Les  religieux  y  ava;ent 
consenti  et  avaient  même  tenté  plusieurs  fois 
d'exécuter  un  si  bon  dessein  ;  mais,  bien  loin 
d'y  pouvoir  réussir,  les  fréquents  |  assages 
des  armées  et  plusieurs  partis  qui  étaient 
souvent  venus  pillei'  le  monastère  les  avaient 
contraints  de  l'abandonner  pour  se  réfugier 
dans  la  ville. 

Comme  ils  persistaient  ton  jours  dans  leur  ré- 
solution, Dieu  envoya  à  leur  secoursun  saint 
homme  qui  a  élé  le  réformateur  des  Chanoi- 
nes Réguliers  en  Italie,  et  à  qui  l'on  a  donné 
le  litre  de  fondateur  de  la  congrégation  de 
Sainte-Marie  de  Frisonaire.  Il  s'appe'ait 
Barthéle.nv  Colomne.de  celle  ancienne  famille 
des  Colomnes  en  Italie  si  connue  par  sa  no- 
blesse, par  les  grands  hommes  qu'elle  a 
donnés  à  l'Eglise  et  dans  les  armées,  et  par 
la  charge  de  grand  connétable  du  royaume 
de  Naples,  qui  lui  est  héréditaire.  Parmi  ceux 
qui  en  sont  sortis,  il  s'en  est  tromé  beau- 
coup qui  ont  préféré  l'humilité  et  une  vie 
pauvre  et  retirée  à  tous  ces  avantages  que  les 
gens  du  inonde  estiment  tant.  L'ordre  de 
Saint-François  se  glorifie  d'en  avoir  eu  trois, 
qui  s'y  sont  rendus  célèbres  par  la  sainteté  de 
leur  vie,  qui  sont  les  bienheureuses  Catheri- 
ne, Marguerite  et  Séraphine  Colomne  ;  et, 
sans  parler  des  autres  ordres,  celui  des  Cha- 
noines Réguliers  a  eu  dom  Barthélémy  Colom- 
ne, qui,  étant  né  de  parents  si  illustres,  ne 
manqua  pas  d'être  élevé  dans  tous  les  exer- 
cices qui  regardent  la  noblesse  ;  mais  il  ne 
s'appliqua  qu'à  ceux  qui  conviennent  vérita- 
blement à  un  chrétien.  La  grandeur  de  sa 
maison  ne  l'éblouit  pas.  11  ne  se  flatta  pas  de 
l'espérance  de  pouvoir  posséder  un  jour  ces 
premières  dignités  dont  ses  ancêtres  avaient 
élé  revêtus  ;  et,  s'il  embrassa  l'état  ecclé- 
siastique, ce  ne  lut  que  pour  servir  Dieu 
plus  parfaitement.  II  se  contenta  à  cet  effet 
d'un  simple  canonicat,  dont  il  reui]  lit  les  de- 
voirs avec  une  fidélité  irréprochable. 

Quoique  Dieu  lui  eût  donné  île  grands  ta- 
lents pour  la  prédication,  il  fut  néanmoins 
un  assez  long  temps  sans  les  faire  valoir, 


pendant  lequel  il  s'appliqua  à  l'étude  de  l'o- 
raison et  de  la  méditation.  Mais,  considé- 
rant l'état  déplorable  où  l'Eglise  était  réduite 
par  le  schisme  qui  la  désolait  depuis  plu- 
sieurs années,  et  qui  était  continué  par  l'an- 
tipape Benoît  XIII  contre  le  véritable  suc- 
cesseur de  saint  Pierre,  RoniTace  IX;  et,  pour 
me  servir  des  mêmes  termes  de  Nicolas  de 
Clamengis  dans  la  remontrance  qu'il  fit  au 
r  h  Ch  ries  VI  au  nom  de  l'université  de 
Pi  ris  louchant  ce  schisme,  voyant  que  l'E- 
glise  était  toute  défigurée,  que  les  choses  sa- 
crées étaient  foulées  aux  pieds,  que  les  vices 
se  multipliaient,  que  les  crimes  demeuraient 
impunis  par  la  tolérance  de  cc\ix  qui,  pour 
se  maintenir  dans  la  ppaulé,  appréhen- 
daient qu'en  les  punissant  leur  parti  ne  di- 
minuât ;  et  enfin  que  la  barque  de  saint 
Pierre  au  milieu  de  la  tempête  était  près  de 
périr,  il  quitta  son  pays,  ses  parents,  ses 
amis  ,  et,  s'armant  du  zèle  de  l'amour  de 
Dieu  et  du  salut  des  âmes,  il  entreprit  de 
combattre  les  vices  qui  régnaient  si  forl,  en 
prêchant  la  parole  de  Dieu,  faisant  partout 
des  conversions  merveilleuses,  et  exhortant 
tous  les  fidèles  à  s'unir  ensemble  sous  un 
même  chef. 

11  vint  premièrement  en  Toscane;  delà 
passant  par  l'Emilie,  il  s'arrêla  longtemps 
dans  la  Marche  trévisnne  ,  où  il  fit  un  assez 
long  séjour,  aussi  bien  qu'à  Padoue  et  à  \"i— 
cenze.  Non-seulement  plusieurs  pécheurs, 
touchés  vivement  par  la  force  de  ses  prédi- 
cations, changeaient  entièrement  dévie  et  se 
convertissaient  à  Dieu  par  une  sincère  pé-< 
nilence;  mais  même  plusieurs  ecclésiasti- 
ques, désirant  embrasser  un  état  de  vie  plus 
parfait,  entrèrent  d.ms  des  ordres  religieux 
ou  en  établirent  de  nouveaux. 

Entre  les  autres,  dom  Gabriel  Gondel- 
maire,  dont  nous  avons  déjà  parlé  sous  le 
nom  d'Eugène  IV,  qu'il  prit  lorsqu'il  fut  élevé 
au  souverain  pontificat,  et  dom  Antoine  Cor- 
raire,  nobles  Vénitiens,  tous  deux  neveux 
de  Grégoire  XII,  furent  du  nombre  des  fon- 
dateurs de  la  congrégation  des  Chanoines  de 
Saint-Georges  iaAlgha  ;  et  Louis  Barbo,  aussi 
noble  Vénitien,  qui  fut  dans  la  suite  évêque 
de  T  révise,  entra  dans  l'ordre  de  Sainl-Be- 
noît,  où  ayant  rétabli  la  discipline  monasti- 
que, qui  avait  souffert  beaucoup  de  relâche- 
ment en  Italie,  il  fonda  la  célèbre  congréga- 
tion de  Sainte-Justine  de  Padoue.  Nous  ne 
devons  pas  oublier  le  fameux  jurisconsulte 
Albéric  Avogadri,  gentilhomme  deBergame, 
qui,  renonçant  à  toutes  les  vanités  du  siècle, 
se  fit  religieux  dans  l'ordre  de  Saint-Domi- 
nique, et,  n'osant  pas  espérer  de  pouvoir 
parvenir  aux  ordres  sacrés  à  cause  qu'il 
élait  bigame,  il  se  contenta  de  l'humble  con- 
dition de  frère  lai  ;  mais,  comme  il  était  rede- 
vable de  sa  conversion  à  Barthélémy  Co- 
lomne, il  recul  peu  d'années  après  par  ses 
mains  l'habit  de  Chanoine  Bégulierdans  le 
monastère  de  Sainte-Marie  de  Frisonaire, 
aussitôt  qu'il  y  vit  la  réforme  établie  par  les 
soins  du  P.  Barthélémy,  qui  dans  le  cours  de 
sa  mission  élaut  venu  à  Lucques,  où  il  ap- 


7U 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


in 


prit  \es  bonnes  intentions  de  ces  Chanoines, 
qui,  comme  nous  avons  dit,  souhaitaient  em- 
brasser une  vie  plus  régulière,  visita  leur 
monastère,  dont  la  situation,  qui  se  trouvait 
au  milieu  d'un  bois,  lui  parut  si  favorable 
au  dessein  qu'ils  avaient  de  vivre  dans  la  re- 
traite et  dans  la  solilude,  qu'il  les  exhorta  à 
la  persévérance,  tandis  que  de  son  côté  il 
irait  leur  chercher  des  compagnons  pour  les 
aider  dans  leur  entreprise. 

C'est  pourquoi  il  retourna  dans  la  Marche 
trévisane,  et  passa  ensuite  dans  la  Lombar- 
die,  ne  cessant  point  de  prêcher  partout  la 
pénitence.  H  tilde  si  grands  fruits, que  parmi 
ceux  qui  se  convertirent  à  Dieu,  il  y  eut  plu- 
sieurs personnes  religieuses  qui  résolurent 
d'embrasser  la  réforme  qu'il  s'était  proposée. 
De  ce  nombre  furent  Léon  de  Carat,  Mila- 
nais, et  Thadée  de  Bonasco,  tous  deux  Cha- 
noines Réguliers  de  Saint-Pierre  au  Ciel-d'Or 
de  Pavie,  qu'il  envoya  à  Sainte-Marie  de  Fri- 
sonaire pour  y  commencer  cette  réforme, 
ce  qui  a  fait  dire  à  quelques  auteurs  qu'ils 
étaient  les  fondateurs  de  cette  congrégation. 

Etant  arrivés  à  Lucques,  ils  trouvèrent 
d'abord  de  grandes  difficultés ,  tant  à  cause 
que  ce  monastère  était  dépourvu  de  tout  ce 
qui  était  nécessaire  pour  l'entretien  des  re- 
ligieux, que  parce  qu'étant  depuis  quelques 
années  suus  la  juridiction  de  l'évêque,  ils  ne 
pouvaient  y  entrer  ni  rien  entreprendre  sans 
sa  permission;  mais,  l'ayant  à  la  fin  obtenue, 
ils  jetèrent  les  premiers  fondements  de  celte 
réforme  sous  le  pouliGcal  de  Bonil'ace  IX, 
l'an  1401. 

L'année  suivante,  Barthélémy  vint  dans  ce 
monastère  de  Frisonaire  avec  un  compa- 
gnon, et  y  ayant  reçu  l'habit,  il  fut  aussitôt 
élu  prieur.  11  y  eut  ensuite  plusieurs  person- 
nes qui  reçurent  l'habit  par  ses  mains, entre  les- 
quelles fut  le  frère  Jacques  Avogadri.nommé 
auparavant  Albéric,  dont  nous  avons  parlé; 
qui  non-seulement  en  avait  obtenu  la  per- 
mission de  son  général,  mais  avait  encore 
été  dispensé  de  son  irrégularité  par  le  pape 
jusqu'au  diaconat.  Barthélémy  n'eut  pas  plu- 
tôt lini  le  temps  de  sa  supériorité,  qu'il  le  prit 
avec  lui  pour  être  son  compagnon  dans  le 
cours  de  ses  prédications. 

Pendant  son  absence,  les  religieux  se 
trouvèrent  dans  une  si  grande  pauvreté, 
que,  manquant  de  tout  ce  qui  était  nécessaire 
à  la  vie,  ils  avaient  résolu  d'abandonner  ce 
monastère  ;  mais  les  Jésuales,  qui  avaient  un 
couvent  à  Lucques,  en  ayant  eu  connais- 
sance, les  exhortèrent  à  la  persévérance, 
s'offrant  d'aller  chercher  l'aumône  pour  eux 
par  la  ville  et  les  lieux  circonvoisins;  ce 
qu'ils  firent  avec  tant  de  succès  en  donnant 
à  connaître  à  tout  le  monde  la  sainteté  de 
ces  bons  religieux,  que  non-seulement  ils 
eurent  abondamment  pour  leur  subsistance, 
mais  que  par  le  moyeu  de  ces  aumônes  ils 
rétablirent  entièrement  le  monastère,  dont 
les  bâtiments  tombaient  en  ruine,  et  en  très- 
peu  de  temps  les  revenus,  qui  n'étaient  pas 
a  peine  suffisants  pour  l'entretien  de  trois 
religieux,  s'augmentèrent  de  telle  sorte, 
qu'il  y  en  avait  assez  pour  trente, 


La  réputation  qu'ils  s'acquirent  par  la 
sainteté  île  leur  vie  fil  qu'on  les  souhaita  dans 
plusieurs  endroits,  tant  pour  y  faire  de  nou- 
veaux établissements  que  pour  réformer 
d'anciens  monastères.  L'an  1403,  un  bour- 
geois de  Milan  ayant  dessein  d'en  fonder  au 
dans  une  maison  qu'il  avait  proche  de  cette 
ville,  en  un  lieu  appelé  Caroselle,  il  y  fit  ve- 
nir de  ces  Chanoines.  Le  pape  Grégoire  XII, 
l'an  1407,  leur  donna  l'abbaye  de  Saint-Léo- 
nard proche  de  Vérone  ;  ils  eurent  en  1409 
celle  de  Notre-Dame  de  la  Charité  à  Venise, 
et  en  1412  celle  de  Sainte-Marie  de  Tremiti 
avec  toutes  ses  dépendances,  dont  les  îles  qui 
lui  ont  donné  le  nom  font  partie,  et  qui  ap- 
partiennent à  ces  Chanoines,  qui  y  ont  toute 
juridiction  spirituelle  et  temporelle.  Le  nom- 
bre des  monastères  s'augmenta  dans  la 
suite,  et  il  y  en  avait  déjà  quinze  qui  étaient 
unis  à  cette  congrégation  lorsque  D.  Barthé- 
lémy mourut. 

Quoique  ses  fatigues  jointes  à  ses  austéri- 
tés l'eussent  tellement  affaibli  qu'il  en  était 
devenu  aveugle,  il  ne  discontinua  pas  pour 
cela  ses  prédications.  11  allait  toujours  à  pied 
dans  ses  voyages,  son  compagnon  le  condui- 
sant par  la  main.  Enfin,  Tan  1430,  étant 
parti  de  Venise  pour  aller  dans  le  Monlfer- 
rat,  il  tomba  malade  dans  le  fameux  mona- 
stère de  Saint-Benoit  pioche  de  Mantoue,  où 
il  avait  demandé  l'hospitalité,  et  la  fièvre 
dont  il  avait  été  attaqué  l'ayant  emporté  en 
peu  de  jours,  il  alla  dans  le  ciel  recevoir  la 
récompense  de  ses  travaux. 

11  parak  par  l'épitaphe  qu'on  a  mise  sur 
son  tombeau  qu'il  n'était  que  prêtre  séculier 
et  qu'il  n'avait  pas  été  religieux,  mais  il  y  a 
bien  de  l'apparence  qu'il  a  été  Chauoine  Ké* 
gulier,  puisqu'il  a  été  prieur  du  monastère 
de  Sainte-Marie  de  Frisonaire,  qu'il  a  assisté 
à  des  chapitres  généraux  et  qu'il  y  a  donné 
sa  voix,  ainsi  qu'il  parait  par  les  actes  au» 
thentiques  qui  sont  cités  par  Penol. 

§  IIe.  Continuation  de  l'histoire  des  Chanoines 
Réguliers  de  la  congréaation  de  Sainte-Sau- 
veur de  Latran. 

Entre  les  monastères  que  la  congrégation 
de  Sainte-Marie  de  Frisonaire  a  possédés,  le 
plus  recommandable  a  été  sans  doute  celui 
qui  était  attaché  à  l'église  de  Saint-Sauveur, 
que  l'on  appelleplus  communémentde  Saint- 
Jean  de  Latran,  puisque  cette  église  est  la 
mère  et  le  chef  de  toutes  les  églises  du  monde, 
comme  nous  avons  dit  dans  le  parag>aphe 
précédent;  laquelle  leur  fut  accordée  par  le 
pape  Eugène  IV  l'au  1442. 

Soit  que  ce  pape  eût  naturellement  de  l'in- 
clination pour  les  Chanoines  Réguliers  à 
caiiie  qu'il  était  lui-même  l'un  des  fonda*- 
leurs  de  la  congrégation  des  Chanoines  de 
Saint-Georges  in  Ali/ha,  ou  que,  comme  dit 
Penot,  cette  église  fût  dépouillée  de  tous  ses 
ornements,  abandonnée  par  ses  minisires, 
et  que  le  service  divin  y  fût  entièrement  né~ 
gligé,  à  peine  eut-il  succédé  à  Martin  V, 
qui!  fit  venir  des  Chanoines  Réguliers  de  la 
congrégation  de  Frisonaire  pour  réformer 
cette  Eglise  j  mais  il  ne  put  exécuter  pour 


713 


LAT 


LAT 


714 


lors  son  dessein,  à  cause  de  la  sédition  qne 
les  Coiomne  parents  de  son  prédécesseur 
excitèrent  contre  lui,  et  des  différends  qu'il 
eut  avec  le  concile  de  Bâle ,  qui  durèrent 
quelques  années  et  qui  lui  donnèrent  d'au- 
tres occupations. 

Une  autre  sédition  des  Romains,  qui,  sol- 
licites par  le  duc  de  Milan,  voulaient  se  sai- 
sir de  sa  personne,  l'obligea  de  songer  plutôt 
à  sa  sûreté  qu'à  la  réforme  de  l'Eglise  de 
Latran.  Il  eut  même  de  la  peine  à  gagner 
l'embouchure  du  Tibre  pour  s'embarquer  à 
Ostie  sur  une  galère,  d'où  il  vint  première- 
ment  à  Pise,  el  ensuite  à  Florence,  où  il  fut 
honorablement  reçu  ,  lorsque  les  Romains 
pillaient  ses  biens  et  emprisonnaient  son 
neveu  le  cardinal  Gondelmaire. 

Enfin,  l'an  14i2,  après  qu'il  eut  heureu- 
sement terminé  le  concile  de  Florence,  où 
assistèrent  Jean  Paléologue  ,  empereur  de 
Conslaiiliuople,  son  frère  Démétrius  et  le 
patriarche  de  la  même  ville,  avec  plusieurs 
é^êques  grecs,  qui  se  réunirent  à  l'Eglise 
romaine,  aussi  bien  que  les  Arméniens  et 
plusieurs  autres  schismaliques  ;  étani  encore 
à  Florence,  il  ordonna  aux  Chanoines  Fri- 
sonaires,  qui  tenaient  pour  lors  leur  chapitre 
général  à  Ferrare,  d'envoyer  à  Rome  trente- 
deux  de  leurs  religieux  pour  réformer  l'E- 
glise de  Latran.  Us  n'en  envoyèrent  que 
cinq,  qui  logèrent  d'abord  dans  le  palais 
conligu  à  l'église  même;  et,  lorsqu'ils  se 
disposaient  à  bâtir  un  monastère,  ils  tom- 
bèrent tous  malades  ;  il  y  en  eut  même  qui 
moururent,  ce  qui  fit  abandonner  aux  autres 
celte  entreprise  pour  retourner  dans  les  cou- 
vents de  leur  congrégation. 

Le  pape  cependant ,  persistant  dans  son 
dessein,  envoya  l'année  suivante  des  lettres 
adressées  à  leur  chapitre  général,  datées  de 
Sienne,  où  il  était  pour  lors,  par  lesquelles 
il  commandait  aux  supérieurs  d'envoyer  à 
Rome  trente  Chanoines  avec  un  prieur.  Ils 
obéirent  à  cet  ordre,  el  furent  encore  reçus 
dans  le  même  palais  de  Latran,  jusqu'à  ce 
que  le  monastère  fût  achevé.  Mais  les  cha- 
noines séculiers  qui  desservaient  cette  église 
el  qui  n'étaient  qu'au  nombre  de  douze,  pro- 
filant de  l'absence  du  pape  el  de  la  fête  du 
saint  sacrement  ,  auquel  jour  on  fait  une 
procession  solennelle  qui  attire  à  Rome  tous 
les  pajsans  des  environs,  prirent  avec  eux 
une  troupe  de  ces  paysans  ,  et  quelques-uns 
des  plus  malintentionnés  d'entre  le  peuple 
attaquèrent  les  religieux  dans  le  palais  de 
Latran,  lorsqu'ils  y  pensaient  le  moins  et 
qu'ils  rendaient  grâces  à  Dieu  à  l'issue  de 
leur  dîner;  et,  ayant  rompu  les  portes,  ils 
en  contraignirent  quelques-uns  de  se  jeter 
en  bas  par  les  fenêtres;  ils  en  prirent  d'au- 
tres, à  qui  ils  firent  mille  outrages,  donnè- 
rent lous  leurs  meubles  à  cette  canaille  pour 
les  emporter,  et  il  y  en  aurait  eu  même 
quelques-uns  de  tués,  sans  les  conservateurs 
du  peuple  romain,  qui,  étant  accourus  à  leur 
secours,  les  tirèrent  de  leurs  mains  el  les 
conduisirent  au  Vatican,  où  ils  restèrent 
jusqu'à  ce  que  le  tumulte  fût  apaisé  et  qu'ils 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux,  il. 


pussent  en  sûreté  retourner  dans  leurs  cou- 
vents. 

Celle  nouvelle  ayant  été  portée  au  pape, 
qui  était  encore  à  Sienne,  il  en  l'ut  fort  ir- 
rité. Il  attendit  à  son  retour  pour  punir  les 
coupables,  il  avança  même  son  voyage  pour 
ce  sujet;  et,  élanl  arrivé  à  Home  sur  la  fin 
de  septembre  1443,  il  ordonna  pour  la  troi- 
sième l'ois  à  ces  religieux  de  renvoyer  à  Rome 
trente  Chanoines  avec  un  prieur.  Us  furent 
fâchés  de  cet  ordre;  ils  s'imaginaient  que  le 
pape,  après  tant  de  difficultés,  se  désisterait 
peut-être  de  son  dessein.  Néanmoins,  pour 
obéir  à  Sa  Sainteté,  l'année  suivante,  dans 
leur  chapitre  général  qu'ils  avaient  accou- 
tumé de  tenir  lous  les  ans,  ils  composèrent 
une  famille  de  trente  religieux  qu'ils  desti- 
nèrent pour  Saint-Jean  de  Latran,  auxquels 
ils  donnèrent  pour  prieur  D.  Nicolas  de  Bo- 
logne, et  qui  devaient  se  mettre  en  chemin 
au  premier  ordre  qu'ils  recevraient  du  pape, 
auquel  cependant  ils  envoyèrent  le  prieur 
seulement  avec  deux  religieux  pour  lui  faire 
d'humbles  remontrances  sur  l'impuissance 
où  ils  étaient  de  pouvoir  surmonter  toules 
les  difficultés  qui  se  rencontreraient  dans 
l'exécution  du  dessein  qu'il  avait  pris,  et 
dont  ils  le  suppliaient  de  vouloir  bien  se  dé- 
sister. 

Le  pape  reçut  très-mal  ces  remontrances, 
et  fut  plus  d'un  mois  sans  les  vouloir  admet- 
tre à  son  audience.  Cependant  ayant  été 
fléchi  par  le  moyen  de  leurs  amis, qui  avaient 
parlé  en  leur  faveur,  il  les  fit  venir,  et  leur 
témoigna  beaucoup  de  tendresse  lorsqu'il 
apprit  que  la  famille  de  Latran  avait  été  dé- 
signée dans  leur  chapitre,  et  qu'il  n'y  avait 
que  le  danger  où  ils  avaient  élé  exposés 
l'année  précédente,  qui,  les  ayant  intimidés, 
les  avait  empêchés  de  venir. 

Dans  cet  intervalle,  les  chanoines  séculiers 
lâchaient  sous  main  de  soulever  le  peuple  en 
lui  faisant  accroire  que  ce  pontife  voulait 
chasser  les  Romains  île  Saint-Jean  de  Latran 
pour  introduire  en  leur  place  des  étrangers 
qui  n'avaient  autre  dessein  que  d'emporter 
les  têtes  des  saints  apôtres  qu'on  conserve 
dans  celte  église.  Le  pape,  en  ayant  eu  con- 
naissance, les  fit  venir  en  sa  présence,  em- 
ploya toutes  les  voies  de  douceur  pour  paci- 
fier ces  esprits  qui  étaient  si  fort  animés 
contre,  les  Chanoines  Réguliers;  el,  voyant 
que  les  caresses  et  les  promesses  qu'il  leur 
faisait  étaient  inutiles,  il  assembla  les  cardi- 
naux dans  un  consistoire,  auxquels  il  pro- 
posa le  dessein  qu'il  avail  de  réformer  l'E- 
glise de  Saint-Jean  de  Latran  en  y  mettant 
des  Chanoines  Réguliers  à  la  place  des  sé- 
culiers, qui  s'acquittaient  mal  de  leur  de.\  oir. 
Il  y  en  eut  quelques-uns  qui  ne  furent  pas 
de  cet  avis;  mais  la  plus  grande  partie  ap- 
prouva le  zèle  du  pape  et  consentit  qu'il 
nommât  deux  cardinaux  pour  faire  la  visite 
de  celte  Eglise,  qui  furent  Thomas,  évéque 
de  Bologne,  qui  lui  succéda  sous  le  nom  de 
Nicolas  V,  et  Pierre  Barbo,  Vénitien,  qui 
succéda  à  Pie  II  sous  le  nom  de  Paul  11. 

Ces  cardinaux,  ayanl  trouvé  parmi  ces 
chanoines  séculiers  plus  de  désordre  qu'on 
23 


?15  DICTIONNAIRE  DES 

ne  s'était  imaginé,  les  crurent  tout  à  fait  indi- 
gnes d'occuper  cette  église,  qui  est  la  mère 
de  toutes  les  autres;  et  ces  chanoines  ne 
pouvant  rien  avancer  pour  leur 'justification 
lorsqu'ils  furent  en  présence  du  pape,  ils  se 
démirent  volontairement  entre  ses  mains  de 
tous  leurs  bénéfices.  Sa  Sainte^  fit  eu  même 
temps  expédier  une  bulle  par  laquelle  elle 
accordait  aux  Chanoines  Réguliers  la  basi- 
1  que  de  Saint-Jean  de  Latran  avec  tous  les 
canonicats,  les  bénéfices  ,  les  chapelles,  les 
biens  et  les  droits  temporels  et  spirituels  qui 
en  dépendaient.  Il  créa  par  la  môme  bulle, 
qui  est  du  mois  de  janvier  lii-5,  tous  les 
Chanoines  de  la  congrégation  Frigdio- 
nienne  ou  de  Sainte-Marie  de  Frisbnairè, 
Chanoines  de  Saint-Sauveur  de  Latran,  vou- 
lant que  dans  la  suite  ils  en  prissent  le  nom. 
L'année  suivante  il  leur  en  accorda  une 
autre,  par  laquelle,  en  leur  confirmant  le 
litre  de  Clianoines  de  Saint-Sauveur  de  La- 
tran, il  les  déclarait  originaires  de  cette 
église,  en  conséquence  de  leurs  anciens 
titres  et  privilèges,  qu'il  avait  fait  exami- 
ner. 

Les  Chanoines  Réguliers  ne  furent  pas 
longtemps  paisibles  possesseurs  de  celle 
église,  car,  deux  ans  après,  le  pape  Eugène 
étant  décédé,  les  chanoines  séculiers,  \  oulant 
profiler  de  ia  vacance  du  saint-siége,  se  li- 
guèrent ensemble  pour  les  en  chasser.  Les 
cardinaux  ,  qui  craignaient  les  suites  que 
pouvait  avoir  cette  affaire  pendant  le  con- 
clave ,  les  apaisèrent  en  leur  promettant 
qu'ils  y  seraient  rétablis  immédiatement 
après  qu'ils  auraient  donné  un  chef  à  l'E- 
glise. Ce  fut  Nicolas  V  sur  qui  tomba  l'élec- 
tion, l'an  \kk~t  :  qui,  à  la  sollicitation  des 
cardinaux,  les  remit  en  possession  de  cette 
église  conjointement  avec  les  Réguliers,  à 
condition  néanmoins  qu'ils  ne  se  mêleraient 
point  dans  les  affairés  de  ceux-ci  et  n'assis- 
teraient point  au  chœur  avec  eux. Mais  il  était 
impossible  que  des  e-piils  qui  étaient  si  fort 
aigris  les  uns  contre  les  autres  pussent  vivre 
longtemps  en  bonne  intelligence  et  dans  une 
parfaite  union.  Les  différends  qu  ils  avaient 
toujours  ensemble  obligèrent  ce  pape  à  don- 
ner d'autres  bénéfices  aux  chanoines  sécu- 
liers, il  y  en  cul  même  quelques-uns  qui 
furent  faits  éVéqtfes.,  et  il  n'en  resta  qu'un 
avec  quatre  bénéficiées  pour  la  garde  des 
reliques,  auxquels  on  assigna  un  revenu 
annuel. 

Les  choses  ne  demeurèrent  pas  longtemps 
en  cet  état,  car  Nicolas  V  étant  mort  en  libo, 
et  Alphonse  lîorgia  ,  Espagnol  de  nation,  lui 
ayant  succédé  sous  le  nom  de  Calixle  III  : 
comme  il  était  étranger,  il  voulut  d'abord 
s'attirer  l'amitié  des  Romains  en  renvoyant 
les  Chanoines  Réguliers  dans  leurs  monas- 
tères, il  rétablit  les  chanoines  séculiers  et 
cassa  tout  ce  qu'Eugène  IV  avait  fait. 

Il  semblait  après  tant  de  révolutions 
qui  étaient  arrivées  à  ces  Chanoines  Régu- 
liers, qu'ils  ue devaient  plus  penser  à  rentrer 
dans  la  possession  de  cette  église  :  néanmoins, 
l'an  146k,  leurs  espérances  se  renouvelèrent 
lorsqu'ils  virent  qu'après  la  mort  de  ï  ie  il, 


ORDRES  RELIGIEUX.  710 

qui  avait  succédé  à  Calixle  III,  les  cardi- 
naux avaient  choisi  lierre  Barb'o  pour  sou- 
verain pontife,  qui  pril  le  nom  de  Paul  II.  En 
eiïel,  comme  il  avait  été  l'un  des  commissai- 
res nommés  par  Eugène  IV  pour  faire  la 
visite  de  l'église  de  Latran,  et  qu'il  avait  été 
témoin  de  la  négligence  des  chanoines  sécu- 
liers pour  le  service  divin,  il  rendit  au  com- 
mencement de  son  pontifical  cette  église  aux 
Chanoines  Réguliers,  ordonnant  à  leur  gé- 
néral d'envoyer  trente  relig  eux  à  Rome; 
qui, y  étant  arrivés  et  croyant  apparemment 
qu'ils  ne  devaient  plus  sortir  de  l'église  de 
L  ilran,  voulurent  que  tout  Rome  fût  témoin 
de  leur  prise  de  possession;  car  ils  y  furent 
en  procession,  accompagnés  des  principaux 
officiers  du  pape  et  suivis  d'une  grande  foule 
de  peuple,  qui  fut  aussi  témoin  de  leur  sor- 
tie sept  ans  après,  lorsqu'ils  y  lurent  con- 
traints par  la  violence  des  chanoines  sécu- 
liers, qui,  l'an  1471,  immédiatement  après 
le  décès  de  Paui  11,  étant  entrés  par  force 
dans  leur  monastère  avec  un  grand  nombre 
de  gens  armés,  les  en  chassèrent  pour  la 
dernière  fois,  pillèrent  tous  leurs  nu  utiles 
et  s'emparèrent  de  tous  leurs  papiers. 

Ils  présentèrent  plusieurs  requêtes  à 
Sixte  IV,  successeur  de  Paul  II,  pour  avoir 
justice  de  ces  violences  et  être  rétablis  dans 
Saint-Jean  de  Latran.  Mais  ce  fut  inutile- 
ment, car  le  pape  appréhendait  lui-même 
pour  sa  personne,  après  ce  qui  lui  était  ar- 
rivé en  allant  prendre  possession  de  cette 
même  église,  qui  esl  le  siège  des  papes 
comme  evêques  de  Rome,  lorsqu'il  fui  en 
danger  de  sa  vie  par  les  pierres  dont  il  pensa 
êire  accablé  par  quelques  Romains  qui 
claienl  poursuivis  par  ses  gardes  achevai, 
avec  lesquels  ils  avaient  pris  querelle.  Il  se 
contenta  seulement  de  leur  donner  une  bulle 
au  mois  de  mai  1V72  par  laquelle  il  leur  con- 
firmait le  titre  de  Chanoines  Réguliers  de 
Saint-Sauveur  de  Latran,  avec  les  privilè- 
ges qui  leur  avaient  été  accordés  par  ses  pré- 
décesseurs lorsqu'ils  é:aient  en  possession 
de  cette  église,  prétendant  qu'ils  en  joui- 
raient comme  s'ils  étaient  encore  du  corps 
de  ce  chapitre.  Il  leur  en  accorda  une  autre 
en  1480  par  laquelle  il  érigeait  en  abbaye 
plusieurs  monastères  qui  avaient  perdu  ce 
litre  lorsqu'ils  embrassèrent  ia  réforme  dont 
nous  avons  parlé;  et  enlin,  l'an  14-83,  voyant 
toute  l'Iialie  en  paix,  il  lit  bâtir  au  milieu  de 
Rome  une  église  sous  le  nom  de  Notre-Dame 
dé  la  Paix,  suivant  le  vœu  qu'il  en  avait  fait. 
Il  y  fit  mettre  une  image  de  la  sainte  Vierge 
qui  avait  rendu  beaucoup  de  sang,  ayant  été 
Ir  ppéé  de  plusieurs  coups  de  poignard  par 
un  soldat  impie  qui  avait  perdu  son  argent 
au  jeu,  el  donna  celle  église  à  ces  Chanoines 
Réguliers,  qui  y  sonl  resiés  jusqu'à  présent; 
Le  cardinal  Olivier  Caralïe  leur  fit  bâlir  un 
monastère  el  leur  laissa  par  son  testament 
sa  bibliothèque  avec  une  maison  de  plaisance 
hors  de  Rome. 

Cette  église  de  la  Paix  est  présentement  un 
titre  de  cardinal,  et  Alexandre  VII,  l'ayant 
fait  réparer  sous  son  poiviûcal,  fit  mettre  sur 
un  des   côtés  de  la  laçade  son  portrait  avec 


747 


I.AT 


re  verset  du  psaume  71  :  Orielur  in  diebus 
ejtts  jiiKlitiaetabundiintia  Pacis.  Mais,  comme 
ce  pape  ne  manquait  pas  d'ennemis,  on  lit 
parler  Pusquin,  on  ajout. i  un  M  au  commen- 
cement et  on  changea  le  c  de  Paris  en  n  : 
de  sorte  qu'on  lisait  :  Morietur  in  diebus  ej  us 
justifia  et  abundantia  partis. 

A  l'égard  des  chanoines  séculiers,  ils  ont 
toujours élédepuis  ce  temps-là  paisibles  pos- 
sesseurs de  la  basilique  de  Saint-Jean  de  La- 
tian,  qui  est  depuis  plusieurs  siècles  sous  la 
protection  de  nos  rois,  qui  l'ont  enrichie  de 
'plusieurs  présenls  ;  et  Henri  IV,  surpassant 
'  ses  prédécesseurs,  a  donné  l'ahhave  de  Clé- 
rac  en  Languedoc  à  ces  chanoines,  qui,  pour 
témoigner  leur  reconnaissait  e  envers  leur 
bienfaiteur,  lui  ont  érigé  une  magnifique 
statue  de  bronze  qui  est  sous  le  portique  de 
cette  église,  et  tous  le-,,  ans  le  13  décembre, 
fête  de  sainte  Luce,  ils  font  chanter  une  messe 
avec  une  superbe  musique  pour  te  roi  et  le 
royaume  de  Fiance,  à  laquelle  l'ambassa- 
deur, les  cardinaux  et  les  prélats  de  cette 
faction  assistent. 

Les  Chanoines  Réguliers  n'ont  pas  laissé 
néanmoins  de  faire  encore  quelques  tenta- 
tives pi'iir  y  rentrer,  l'enol  prétend  que  Pie  IV 
les  voulait  rétablir  dans  cette  église,  que 
les  bulles  en  avaient  été  dressées,  mais  que 
la  mort  l'empêcha  d'exécuter  son  dessein. 
11  avait  aussi  érigé  seiz*'  de  leurs  prieurés 
en  abbayes,  dont  les  lettres  ne  purent  pas 
être  aussi  expédiées  avant  sa  mort,  el  elles 
ne  le  furent  que  sous  le  pontifie  it  de  Pie  V, 
son  successeur.  Ce  fut  aussi  sous  celui  de 
Pie  IV,  l'an  1964-,  qu'ils  gagnèrent  le  procès 
qu'ils  avaient  avec  les  moines  du  Mont-Cas- 
sin,  dont  nuis  parlerons  à  l'article  de  ce 
nom  ;  et  en  reconnaissance  des  bienfailj 
qu'ils  avaient  reçus  de  ce  pape,  ils  ordonnè- 
rent dans  un  chapitre  général  que  l'on  fe- 
rait tous  les  ans  son  anniversaire  dans  tous 
les  monastères  de  la  congrégation. 

Ces  Chanoines  Réguliers  avaient  autrefois 
quarante-cinq  abbayes,  cinquante-six  prieu- 
rés, vingt-une  prévôtés  et  deux  archiprê- 
trises,  outre  les  monastères  des  Ch'ânoines- 
ses  qui  leur  élaient  soumis.  Ils  sont  sei- 
gneurs des  îles  d  •  Tremili  dans  la  mer  Adriati- 
que, et  de- dépendances  du  royaume  de  Naples. 
lis  ont  un  beau  monastère  avec  une  église 
dédiée  à  Notre-Dame,  dans  la  principale  de 
ces  îles,  appelée  Santa-Marii  dt  Tremili. 
Plusieurs  personnes  y  vont  en  dévotion  à 
cause  des  miracles  fréquents  qui  s'y  fonl.  Il 
n'y  a  aucun  capitaine  de  vaisseau  qui  ose 
passer  devant  sans  saluer  la  Vierge  de  trois 
coups  de  canon.  Celte  église  et  le  monas- 
tère ont  de  fort  bonnes  murailles  et  une 
forme  de  forteresse.  La  seconde  de  ces  îles 
se  nomme  San-Domino,  et  la  troisième  Ca- 
prara. 

11  est  sorti  de  cette  congrégation  quelques 
cardinaux,  el  elle  a  fourni  à  l'Eglise  des  ar- 
chevêques et  des  évèques.  Barthélémy  Co- 
lomne,  qui  est  reconnu  pour  lé  Père  et  le 
réformateur  de  cette  congrégation,  a  acquis 
par  sa  sainteté  le  titre  de  bienheureux,  aussi 
bien  que  Léon  de  Caralte  et  Marliu  de  Ber- 


LAT  7ic 

game,  qui  ont  été  du  nombre  des  Chanoines 
de  cette  reforme.  Peuot  fait  encore  mention 
des  bienheureux  Théodore  ne  Plaisance, 
Franciscain  de  Casai,  Biaise  de  Vicenze  ot 
André  de  Novarre:  il  a  fait  le  catalogue  des 
écrivains  de  cette  congrégation,  dont  ou 
pourrait  retrancher  sainlLéon  l"pape,  saint 
Prosper  d'Aquitaine,  et  quelques-autres  qu'il 
y  a  insérés  comme  ayant  été.  Chanoines  Ué- 
guliers  de  cette  congrégation,  à  ce  qu'il 
prétend. 

Mais  si  elle  a  eu  l'avantage  d'avoir  pro- 
duit un  grand  nombre  de  personnes  illustres 
par  leur  science  et  par  leur  piété,  elle  a  eu 
aussi  le  chagrin  d'avoir  nourri  dans  son  sein 
un  des  plus  grands  ennemis  de  l'Eglise, 
Pierre  Yermili,  plus  connu  sous  le  nom  de 
Martyr,  qu'il  avait  pris.  Il  excellait  en  esprit 
et  en  science,  et  avait  une  éloquence  natu- 
relle qui  le  lit  considérer  comme  le  plus  grand 
prédicateur  de  son  temps  en  Ilalie.  Il  fut  fait 
visiteur  général  de  son  ordre  en  1554,  et  en- 
suite prieùrde  Lucques.  Queiqu.'  tempsaprès, 
la  lecture  des  livres  de  Zuin^le  el  de  Bucer 
commença  à  le  pervertir,  et,  s'étant  tout  à 
fait  jeté  dans  le  sentiment  des  protestants, 
il  pervertit  aussi  quatre  religieux  de  su  con- 
grégation, savoir,  Emman  lel  Tre  nel,  Fer- 
rarais;  Celse  Mariiugot  elPaul  Lascio,  tous 
trois  professeurs,  le  premier  en  langue  hé- 
braïque le  second  en  langue  grecque,  le 
troisième  en  langue  latine;  et  le  quatrième 
fut  Jérôme  Lancius  de  Berganv- ,  qui  le  sui- 
virent dans  son  apostasie,  aussi  bien  que 
Bernard  Ochin,  vicaire  général  des  Capucins, 
qui  fut  aussi  perverti  par  cet  impie. 

FerrantePalaviciniélaitdela  même  congré- 
gation et  est  recommand.ible  dans  l'histoire 
par  ses  écrits  et  par  sa  fin  tragique.  Il  publia 
diverses  pièces  contre  le  saint-siège  ei  la  mai- 
son des  Barbet  ins,  en  faveur  d'Odoart  Far- 
nèse,  duc  de  Panne,  son  souverain,  qui  était 
en  guerre  avec  le  pape  Urbain  VIII:  ce  qui 
fit  que  ce  pontife  mil  sa  tété  à  trois  mille 
ducats.  Il  fut  trahi  par  le  fils  d'un  libraire  de 
Paris,  qui  se  disait  de  ses  amis, et  qui,  au  lieu 
de  le  conduire  à  Orange,  où  il  voulait  se  re- 
tirer, le  fit  passer  sur  le  Pont  de  Sorgues 
dans  le  Comté  Venaissin,  pour  le  faire  tom- 
ber entre  les  mains  des  ofiiciers  de  justice  du 
pipe,  qui  le  conduisirent  à  Avignon,  où  ou 
lui  Ira  icha  la  tête  après  quatorze  mois  de 
prison,  l'an  1644,  n'étant  que  dans  la  viugt- 
neuvième  année  de  son  âge.  Celui  qui  l'avait 
trahi  reçut  quelque  temps  après  la  récom- 
pense de  sa  perfidie,  ay  int  été  tué  par  un  des 
amis  de  Palavicini,  loisqu'il  se  croyait  en  sû- 
reté dans  P. iris. 

Les  Chanoines  de  celte  congrégation  de  La- 
Iran  jeûnent  pendant  l'avent  et  tous  les  ven- 
dredis de  l'année,  excepté  dans  le  temps  pas- 
cal. Ils  font  abstinence  tous  les  mercredis  ; 
et,  depuis  la  fêté  de  l'Exaltation  de  la  sainte 
croix  jusqu'à  Pâques,  ils  jeûnent  encore  les 
lundis,  les  mercredis  et  les  samedis  ;  niais  il 
est  permis  au  supérieur  de  donner  quelque 
chose  le  soiravec  le  pain  et  le  viri.  Us  fonl  un 
quatrième  vœu  deue  recevoiraucun  bénéfice 
sans  la  permission  du  chapitre  général.  Voici 


m 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


7rï0 


la  formule  deleursvœux  :  dn.no  Domini N.,(Ue 
N.,mensisN.,  EgodownusN..  in  sœculo  rnca- 
tus  N.,  (ilius  Ar.,  voveo,  confiteor  il  promilto 
Deo.B.  Maria-  Virgini  et  R.Augustino,  et  tibi 
Pairi  domno  N.,  abbati  (  seu  priori  )  ejus  mo- 
tiasterii  Sancli  N.,  ordinis  Canonicoritm  R<- 
gularium  S.  Augustin),  congregationis  Sal- 
vatoris  Lateranerrsis,  recipienti  nomme  et  vice 
rei  erevdissimi  l'alris  N.  ejusdem  cougrcga- 
tionis  abbtiiis  generalis,  or  succcssorum  (jus 
canonice  intrantium,  obedientiam,  castilalem, 
et  vivere  in  communi  sine  proprio,  usque  ad 
mortem,  secunditm  régulant  suncti  Augustini, 
el  quod  nunquam  absque  licentia  capituli  ge- 
neralis  dicta'  congregationis,  vel  ejus  aucto- 
ritate  fungrntis,  aliquod  cum  cuva  vel  sine 
cura  beneficium  acceptubo,intus  vel  extra  or- 
dinem  nostrum,renuntiando  omnibus  juribus, 
privilegiis  et  consuètudïnibus ,  vel  quomodo- 
libet  competituris.  Ego  domnus  N.  sapradi- 
C  tus  manu  p<  opria  scripsi,  et  ore  proprio  pro- 
nuntiavi.  Leur  habillement  consiste  en  une 
soutane  de  serge  blanche,   avec  un    rochet 

fiar-dessus  fort  plissé,  el  un  bonnet  carré 
orsqu'ils  sont  dans  la  maison  ;  ils  ajoutent 
un  surplis  par-dessus  le  rochet  sans  aumus- 
ses  lorsqu'ils  vont  au  chreur  tant  l'éié  que 
l'hiver;  et  quand  ils  sortent,  ils  portent  un 
manteau  noir  à  la  manière  des  ecclésias- 
tiques (1). 

Ils  ont  pour  a' mes  d'azur  à  l'image  de  la 
sainte  Vierge  tenant  l'enfant  Jésus  entre  ses 
bias,  ayantà  sa  droite  saint  Jean  Pévarigé- 
lisle,  el  à  sa  gauche  saint  Augustin,  à  ses 
pieds  un  aigle  de  sable,  et  au-dessus  de  sa 
télé  la  sainte  face  de  Noire-Seigneur,  l'écu 
orné  d'une  milre  il  d'une  crosse,  dont  se  ser- 
venl  les  abbés  de  celte  congrégation,  qui  dans 
les  jours  de  cérémonie  se  revêlent  d'habits 
pontificaux. 

Quelques  auteurs  ont  avancé  que  les  Cha- 
noines Réguliers  de  l'abbaye  de  Saint-Michel 
proche  Pise,  qui  sont  au<si  de  la  congréga- 
tion de  La  Ira  u,  étaient  déchaussés  depuis 
l'an  1590,  qu'ils  inlroduisirenl  une  réforme 
particulière  dans  celle  abbaye;  mais  ils  ont 
été  mal  informés.  11  est  vrai  que  dans  une 
calamité  publique  ces  Chanoines  firent  une 
procession  où  ils  allèrent  nu-pieds,  et  que 
depuis  re  temps-là  on  les  a  appelés  Sctilzi, 
les  Déchaussés;  mais  ils  n'ont  point  pour 
cela  introduit  d'aulre  réforme  dans  celle 
abbaye  que  celle  des  Chanoines  de  Lalran, 
auxquels  ils  furent  unis  l'an  1463,  et  ils  ont 
les  mêmes  observances  que  les  autres  de  la 
congrégation  de  Latran. 

Penot  ,  Ilist.  Tripart.  Canonic.  Regul. 
lndulla  et  privileg.  pontif.  Canonicot 
ejusdem  Congreg.  Ordinatiques  el  Constitut. 
ejusd.  Le  Paige,  Bibliofh.  Prœmonsi.  lib.  i, 
sea.  15.  Tambur.,  Dejur.  abu  lom.  11,  disp. 
24,  quœsl.  4.  Emmanuel  Hodrig.,  quœst.  3, 
art.  13.  Nicolao  de  S.  Maria,  Chronic.  de 
Ord.  dos  Conegos  Regrantes.  Joann.  Baptist. 
Sign.  de  Ord.  ac  statti  canonico.  Morigja, 
Hist.  de  toutes  les  Relig.  Sylvesl.  MaruL, 
Mar.   Océan,   di   tutt.  gl.  Relig.  Pietro  Cre- 


scenzi,  Presidio  Romano  ;  et  Philipp.  Rouan- 
ni,  Calalog.  omnium  Ordinum,  part.  i. 

§  III.  Des  rnngregations  de  Sainte-Marie  du 
Port  Adriatique,  de  Celle-Volane,  de  Mor- 
taré,  de  Crescenzago  et  de  Saint-Frigdien 
de  Lucques,  unies  à  celle  de  Saint-Sauveur 
de  Latran, 

Nous  avons  dit  dans  le  paragraphe  Ier  que 
les  Chanoines  de  Sainte-Marie  de  Frisonaire 
ayant  été  réformés,  s'acquirent  une  si  grande 
eslime,  que  non-seulemenl  on  les  appela  en 
plusieurs  endroits  pour  y  faire  de  nouveaux 
établissements,  mais  que  plusieurs  anciens 
monastères  voulurent  embrasser  leur  ré- 
forme. Celui  de  Sainte-Marie  au  Port  Adria- 
tique fut  de  ce  nombre  ;  il  avait  élé  ainsi  ap- 
pelé à  cause  qu'il  avait  élé  bâti  sur  le  bord 
de  la  mer  Adriatique  auprès  de  Ravcnne,  et 
que  l'église  avait  été  consacrée  en  l'honneur 
de  la  sainte  Vierge.  Jérôme  de  Rubeis,  dans 
son  Histoire  de  Ravenne  (Lib.  v,  p. 263),  dit 
que  Pierre  de  Honestis  surnommé  de  Ra- 
venne, lieu  de  sa  naissance,  en  fut  le  fonda- 
teur; que,  se  trouvant  dans  un  naufrage  et 
près  de  périr,  il  fit  voeu  de  faire  bâtir  une 
église  en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge,  s'il 
échappait  de  ce  péril;  et  que  ce  fut  pour 
exécuter  son  vœu  qu'il  fit  jeter  les  fonde- 
ments de  ce  monastère,  qui  esl  devenu  dans 
la  suite  chef  d'une  congrégation  de  Cha- 
noines réguliers;  car  Pierre  de  Honeslis 
ayant  assemblé  plusieurs  clercs,  avec  les- 
quels il  vécut  en  commun  dans  ce  monastère, 
il  leur  prescrivit  des  règles  ou  constitutions 
qui  furent  approuvées  par  le  pape  Pascal  II. 
Elles  fuient  trouvées  si  bonnes,  que  plu- 
sieurs monastères  qui  s'établirent  dans  la 
suite  les  voulurent  observer,  et  quelques- 
uns  se  soumirent  à  celui  du  Port  Adriatique, 
qu'ils  reconnurent  pour  leur  chef. 

Quelques  aulcurs  ont  voulu  attribuer  ces 
constitutions  au  cardinal  Pierre  Dauiien; 
mais  Penot  et  d'aulres  écrivains  prouvent 
que  cet  abbé  du  Porl  était  différent  de  Pierre 
Damien  cardinal,  qui  mourul  en  1072  el  s'ap- 
pelait aussi  de  Honeslis.  Ainsi  il  ne  faut  pas 
ôter  la  gloire  à  Pierre  de  Honestis  d'en 
avoir  été  l'auteur,  ce  qui  lui  a  fait  donner  le 
litre  de  réformateur  des  ChanoinesRéguliers. 
Ce  saint  homme,  après  avoir  gouverné  le 
monastère  du  Porl  pendant  quelques  années, 
y  mourut  le 29  juillet  1119.  Ce  monastère  fut 
donné  dans  la  suite  en  commende  à  Ange, 
cardinal  du  litre  rie  Sainle-Polentienne,  que 
Cregoire  XII  priva  de  celle  dignité  pour  ses 
mauvaises  mœurs.  Il  fut  presque  détruit  et 
ruiné,  el  ses  biens  vendus  el  dissipés,  ce  qui 
fil  que  la  congrégation  de  Sainte-Marie  du 
Port,  qui  consistait  en  huit  couvents,  se 
voyant  sans  chef,  se  désunit. 

Cependant  Obizon  Polentanr,  seigneur  de 
Ravcnne,  obligea  ce  cardinal  de  rtmellrc  ce 
monastère  entre  les  mains  du  pape,  qui  ne 
peut  pas  avoir  élé  Innocent  VIII ,  comme 
l'enoi  a  avancé,  puisque  ce  pontife  ne  fut 
élu  une  l'an  1484  ;  mais  ce  fut  ou   le  même 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°»  174  el  175. 


72J 


LAT 


Grégoire  XM  ,  ou  Alexandre  V,  on  Jean 
XXIII,  qui,  sur  la  démission  de  ce  cardinal, 
donna  le  monastère  du  Porl  à  Pierre  Mini  de 
Bagna-Cavallo,  Chanoine  ftégulb  r,  a  lin  qu'il 
y  i établit  l'observance  régulière,  en  conser- 
vât les  droits  et  pût  rentrer  dans  les  biens 
qui  avaient  été  usurpés.  Mais  il  n'exécuta 
pas  ce  qu'il  avait  promis  au  pape,  et  le  nom- 
bre des  religieux  de  ce  monastère  ne  consis- 
tait que  dans  le  seul  prieur  et  son  compa- 
gnon, lorsque  le  même  Opizon  Polen'ani  et 
les  bourgeois  de  Ravenne  lui  persuadèrent 
de  faire  venir  les  Chanoines  de  Sainte-Marié 
de  Frisonaire  ,  auxquels  il  céda  ce  monas- 
tère l'an  1Ï20  ;  ce  qui  fut  confirmé  la  même 
année  par  le  pape  Martin  V,  qui  leur  rendit 
les  monastères  de  Saint-Barthélémy  près  de 
Mauloue  ,  de  Sainte  Marguerite  de  Ferrare  , 
de  Sainte-Marie  de  la  Slrndella  proche  de 
Faenza,  et  de  Saint-Auguslin  de  Forly,  qui 
avaient  appartenu  à  la  congrégation  du  Port. 
Mais  ,  l'an  14-32,  la  guerre  que  le  p  ipe  Eu- 
gène IV  eut  avec  les  Vénitiens,  qui  assié- 
gèrent Ravenne,  ayant  obligé  les  Chanoines 
Réguliers  d'abandonner  le  monastère  de 
Sainle-Marie  du  Port,  ce  pontife  le  donna  en 
commende  à  son  neveu  Laurent,  patriarche 
d'Antioche,  et  les  Chanoines  Réguliers  n'y 
retournèrent  qu'après  la  mort  de  ce  prélat, 
qui  ne  le  posséda  que  pendant  deux  ans. 
Comme  ce  monastère  éiail  seul  en  pleine 
campagne,  à  trois  milles  deRavenne,et  qu'il 
avait  été  ruiné  plusieurs  fois  par  les  guerres, 
les  Chanoines  Réguliers  le  transférèrent  dans 
la  ville  l'an  1503.  Le  P.  Syl\ain  Moroceni, 
qui  en  était  prieur,  fit  jeter  cette  année  les 
fondements  d'une  magnifique  église  et  d'un 
monastère,  qui  ont  été  beaucoup  enrichis 
p;ir  les  libéralités  et  les  aumônes  des  ci- 
toyens de  Ravenne.  Le  P.  Philippe  Bonamii, 
dans  son  Catalogue  des  Ordres  religieux,  a 
donné  l'habil  émeut  d'un  ancien  Chanoine 
de  la  congrégation  du  Port  Adriatique,  tel 
qu'il  est  représenié  dans  quelques  tableaux 
à  Ravenne,  et  que  nous  avons  fait  graver 
aussi.  Cet  habillement  consistait  en  une  robe 
blanche,  un  roche t,  un  manteau  noir,  et  ils 
avaient  pour  couvrir  la  lèteune  aumusse  de 
serge  grise  (1). 

La  seconde  congrégation  qui  fut  unie  à 
celle  de  Sainle-Marie  de  Frisonaire  était  peu 
considérable  par  rapport  au  petit  nombre 
i  des  monastères  qu'elle  a  possédés,  et  on 
I  ignore  même  l'année  de  sa  fondation.  Elle 
fut  appelée  de  Saint-Jacques  de  Celle-Vo- 
lane,  à.  cause  de  son  premier  monastère,  qui 
fut  bâti  sous  le  titre  de  Saint-Jacques  dans 
Un  lieu  appelé  Celle-Volane,  dont  la  situa- 
tion ,  se  trouvant  au  milieu  d'un  bois  et  en- 
toure d'un  marais  qui  rendait  l'air  trop  mau- 
vais, causait  des  maladies  fréquentes  aux 
religieux,  qui  les  obligèrent  à  l'abandonner. 
Un  saint  homme  nommé  Biaise  de  Novelli  y 
était  néanmoins  resté  en  qualité  de  prieur  ; 
et,  désirant  y  établir  les  observances  régu- 
lières, il  ne  trouva  point  d'auiie  moyen  que 
de  le   céder   aux   Chanoines   Réguliers  de 

(1)  Voy.,  il  la  fin  du  vol.,  n*  176. 


LAT  72Ss 

Sainte-Marie  de  Frisonaire,  ce  qui  se  fil  l'an 
1424  ci  fut  confirme  par  le  cardinal  Gabriel 
Gondelmarre,  légal  de  Bologne. 

Les  Chanoines  Frisonaires,  ne  pouvant 
pas  non  plus  y  demeurer  à  cause  du  mau- 
vais air,  le  transférèrent  dans  un  des  fau- 
bourgs de  Ferrare,  avec  ses  revenus,  dans 
une  maladrerie  que  Nicolas,  due  de  Fer  are, 
leur  donna,  du  consentement  de  Martin  V.  11 
fut  ruiné  l'an  1505  lorsqu'on  voulut  agran- 
dir la  ville  et  la  fortifier,  et  on  le  transféra 
encore  dans  la  vil!e,  où  l'on  bâtit  une  église 
en  l'honneur  de  saint  Jean-Baptiste,  qui  fut 
érigée  en  abbaye  par  Pie  V  l'an  1566. Eugène 
IV,  l'an  ikkk  ou  14V7,  leur  accorda  aussi  le 
monastère  de  Sainl-Laurent  à  Bavenne,  qui 
avaitété  aussi  membre  de  cette  congrégation, 
et  qui  eut  le  même  sort  que  son  chef,  ayant 
été  aussi  abattu  lorsqu'on  fortifia  celte  ville. 
Ces  Chanoines  de  Celle-Volane  avaient  des 
habillements  différents  pour  la  forme  et  la 
couleur  de  ceux  que  portaient  les  Chanoines 
de  Frisonaire,  comme  il  paraît  par  les  lettres 
d'union  ;  mais  on  ne  trouve  point  quelle  était 
la  couleur  de  cet  habillement.  11  est  sorti  de 
celle  congrégation  quelques  evéques,  comme 
Biaise  et  l'ite  Novelli,  qui  l'ont  été  d'Agria, 
et  Daniel  d'Arnuli  de  Forli.  Thomas  et  Bar- 
thélémy Garzoni,  frères,  qui  ont  donné  des 
écrits  au  public,  étaient  de  la  même  congré- 
gation. 

Les  Chanoines  de  Sainte-Marie  de  Friso- 
naire ,  ayant  pris  en  14i5  le  titre  de  Cha- 
noines Beguliers  de  Saint-Sauveur  de  La- 
fran,  c  mine  nous  avons  dit  ailleurs,  leur 
congrégation  se  vit  augmentée  quelques  an- 
nées api  es  de  celle  de  Morlare,  qui  y  fut 
unie.  Elle  avait  pris  le  nom  de  son  premier 
monastère  situé  à  Morlare,  qui  est  un  bourg 
proche  de  Pavie.  Ce  lieu  était  autrefois  très- 
agréable  à  cause  des  bois  et  des  forêts  qui 
l'environnaient  el  qui  lui  avaient  fait  donner 
le  nom  de  Belle-Forêt  ;  mais  après  que  l'em- 
pereur Charlemagne  eut  vaincu  Didier,  roi 
des  Lombards,  qui  perdit  en  ce.  lieu  et  son 
royaume  et  sa  liberté,  le  nom  de  Morlare  lui 
est  resté. 

Un  saint  homme  natif  de  ce  lieu,  qui  était 
fort  riche,  nommé  Adam,  à  qui  les  histo- 
riens donnent  le  litre  de  clerc,  fit  bâiir  sur 
ses  terres,  l'an  1180,  une  église  magnifique 
sous  le  nom  de  Sainte-Croix,  qu'il  donna  d'a- 
bord à  des  moines  qui  ne  la  possédèrent  que 
trois  ans  ;  après  lesquels  les  Chanoines  Ré- 
guliers l'occupèrent.  Us  furent  gouvernés  par 
D.  Gandulphede  Garlasco,  qui  mourut  quel- 
que temps  après  et  eut  pour  successeur  dom 
Ayralde,  qui  fut  dans  la  suite  archevêque  de 
Gènes.  Ce  fut  sous  son  gouvernement  que 
celte  congrégation  s'augmenta,  el  elle  devint 
même  si  considérable  qu'elle  a  possédé  qua- 
rante-deux   monastères   et   plusieurs  cures. 

Les  Rénédiclins  avaient  possédé  l'église  de 
Saint-Pierre  au  Ciel  d'Or  de  Pavie  depuis  le 
commencement  du  viue  siècle,  que  Luit- 
prand,  roi  des  Lombards,  y  avait  fait  mettre 
le  corps  de  saint  Augustin,  docteur  de  l'E- 


713 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


721 


glise.  Mais,  ayant  eu  besoin  de  réforme  au 
commencement  du  xnr  siècle,  le  pape  Ho- 
norius  III  leur  ôta  celle  église  l'an  1222.  Il 
la  donna  aux  Chanoines  Réguliers  de  la  con- 
grégation de  Morlare;  et,  à  cause  que  le 
corps  de  saint  Augustin  y  reposait,  il  voulut 
qu'à  l'avenir  ce  monastère  fût  chef  de  leur 
congrégation  et  qu'on  y  lînt  les  chapitres 
généraux.  Les  Chanoines  Réguliers  qui 
étaient  restés  à  Mortare  eurent  de  la  pein;'  à 
consentir  que  le  chef  de  leur  congrégaiion 
fût  transféré  au  monastère  de  Saint-Pierre 
au  Ciel  d'Or;  ils  prétendirent  retenir  ce  droit 
de  supériorité  après  la  mort  du  pape  Hono- 
rine. Mais  Grégoire  IX,  l'an  1228,  leur  or- 
donna d'obéir  à  l'abbé  de  Saint-Pierre  au 
Cie!  d'Or  comme  à  leur  chef:  et,  sur  les 
plaintes  que  formaient  toujours  ceux  de 
Mortare,  il  ordonna,  l'an  1238,  que  les  cha- 
pitres générant  se  tiendraient  à  l'alternative 
à  Morta:e  <t  à  Pavie.  Il  y  a  cependant  de 
l'apparence  que  ceux  de  Mortare  ne  furent 
pas  encore  satisfaits,  et  que  dans  la  suite  les 
couvents  qui  dépendaient  de  la  congrégation 
de  Mortare  ne  furent  plus  soumis  à  la  juri- 
diction de  l'abbé  de  Saint-Pierre  au  Ciel 
d'Or  de  Pavie,  et  reconnurent  le  monastère 
de  Mortare  pour  leur  chef;  car,  quand  les 
Chanoines  de  Lalran  en  prirent  possession 
et  qu'on  leur  eut  accordé  en  1451  tous  les 
monastères  qui  en  dépendaient ,  celui  de 
Saint-Pierre  au  Ciel  d'Or  n'y  fut  point  com- 
pris, et  ils  n'en  furent  les  maîtres  que  l'an 
1583.  y  ayant  été  appelés  pour  le  réformer 
par  le  cardinal  Itaphaê'l  Riairc. 

Le  monastère  de  Mortare  avait  eu  le  même 
sort  que  plusieurs  autres  qui  étaient  tombés 
dans  le  relâchement,  et  les  guerres  qui  trou- 
blèrent le  Milanais  pendant  plusieurs  années 
lui  c.  usèrent  beaucoup  de  dommage,  tant 
dans  le  spirituel  que  dans  le  temporel.  Vers 
l'an  1Vi8,  le  P.  Raphaël  Salviali  de  Calabre, 
de  l'ordre  de  Saint-Dominique,  par  le  moyen 
de  son  frère,  qui  était  secrétaire  de  Louis  do 
Saint-Séverin,  seigneur  de  Morlare  ,  obtint 
du  pape,  à  la  recommandation  de  ce  seigneur, 
la  prévôté  de  Morlare  ;  il  prit  l'habit  de  Cha- 
noine Régulier,  et,  profitant  du  crédit  de  son 
fière,  il  rentra  dans  la  jouissance  de  plu- 
sieurs blette  rtûi  avaient  appartenu  à  ce 
rftonastére  e!  qui  avaient  été  usurpés  par  des 
séculieis.  Il  fit  ensuite  assembler  le  chapitre 
général  à  Torlone  le  10  avril  de  la  même  an- 
née, p  >ur  introduire  quelque  réforme  dans 
les  monastères  qui  en  dépendaient.  Mais 
Louis  de  Saint-Séverin  étant  mort  sur  ces 
entrefaites,  et  François  Sforzc  s'élant  em- 
paré de  Mortare  par  la  force  des  armes,  le  P. 
Salviati  appréhenda  pour  sa  propre  per- 
sonne ;  voyanl  que  les  habitants  avaient 
chassé  son  frère  de  leur  ville,  il  se  relira  à 
Gênes  ,  dans  le  monastère  de  Saint-Théo- 
dore, qui  dépendait  de  celte  congrégaiion. 
Le  désir  qu'il  avait  de  retourner  dans  son 
pays  et  dans  son  premier  ordre,  joint  à  l'ap- 
préhens'on  qu'il  avait  que  la  prévôté  de 
Mortare  ne  tombât  en  commende,  comme 
c'était  la  coutume  de  ce  lemps-là,  fit  qu'il 
transigea  avec  les  Chanoines  Réguliers  de 


Latran,  pour  l'union  du  monastère  de  Mor- 
tare à  leur  congrégation  ,  moyennant  une 
pension  annuelle  de  cent  ducats,  ce  qui  fut 
approuvé  par  le  pape  Nicolas  V,  par  ses  let- 
tres du  13  février  H'i9.  Ce  pontife  en  donna 
d'autres  le  23  juillet  1451,  par  lesquelles  il 
leur  accordait  tous  les  monaslères  qui  dépen- 
daient de  celte  congrégation,  ce  qui  n'a  pas 
empêché  qu'il  n'y  en  ait  eu  quelques-uns 
qui  aient  passé  à  quelques  autres  ordres. 

Cette  congrégation  a  fourni  plusieurs  per- 
sonnes illustres  par  leur  sainteté,  leur  nais- 
sance et  les  dignités  qu'elles  ont  occupées, 
comme  Guarin,  évêque  de  Palestrine  et  car- 
dinal ;  Ayrald  et  Jacques,  archevêques  de 
Gènes  ;  Rernard,  évêque  de  Pavie;  Obert  de 
Tortone ,  Radole  de  Plaisance,  un  autre 
Obert  de  Bobio,  et  Albert,  patriarche  de 
Jérusalem  ,  législateur  des  Carmes.  Penot 
met  encore  un  autre  Albert,  évêque  de  Ver- 
ceil  ;  mais  il  peut  s'être  trompé  :  cet  Albert 
est  sans  doute  le  même  que  le  patriarche  de 
Jérusalem,  qui  a  été  aussi  évêque  de  Ver- 
ceil  après  avoir  été  nommé  à  î'évêché  de 
JJobio,  dont  il  ne  prit  pas  possession,  n'ayant 
pas  encore  été  sacré  lorsqu'il  fut  élu  pour 
celui  de  Yerceil. 

La  congrégation  de  Crescenzago,  ainsi  ap- 
pelée à  cause  de  son  premier  monastère,  situé 
dans  le  beurg  de  ce  nom,  à  trois  milles  de 
Milan,  a  été  autrefois  <  onsidérable.  Ce  mona- 
stère fut  bâti  l'an  11V0,  et  l'église  fut  dédiée 
sous  le  nom  de  la  sainte  Vierge.  Le  premier 
prieur  fut  un  noble  Milanais  nommé  Otton 
de  Morbi,  sous  le  gou\ernement  duquel  et  de 
ses  successeurs  la  discipline  régulière  fut  si 
bien  observée,  que  ce  monastère  devint  chef 
de  plusieurs  autres,  qui  se  joignirent  à  lui 
et  formèrent  une  congrégation  qui  avait  des 
statuts  qui  lui  étaient  particuliers  :  les  supé- 
rieurs s'assemblaient  tous  les  ans  dans  un 
chapitre  général  qui  se  tenait  au  monastère 
de  Crescenzago,  dont  les  revenus  se  mon- 
taient à  plus  de  quinze  mille  écus.  Ce  mona- 
stère n'avait  que  le  titre  de  prévôté,  et  le 
cardinal  de  San  Sévérino  le  possédait  en 
commende,  lorsque  l'an  1502  il  transigea 
avec  les  Chanoines  de  Lalran  pour  y  intro- 
duire leur  réforme,  n'y  ayant  pour  lors  qu'un 
seul  chanoine  dans  ce  monastère.  Mais  il  ne 
leur  abandonna  pas  les  revenus,  qu'il  retint 
pour  lui  et  pour  les  prieurs  cominenilataires 
qui  lui  succéderaient,  ce  qu'avait  fait  aussi 
trois  ans  auparavant  Antoine  de  Slangi, 
proionolaire  apostolique  ,  en  leur  celant 
aussi  lu  monastère  de  Saint-Georges  de  Rri- 
mate,  qui  avait  élé  membre  de  celte  congré- 
gation, dont  il  est  sorti  deux  cardinaux,  qui 
sont  Thomas  et  Albin  de  Milan,  comme  aussi 
plusieurs  évoques. 

Enfin  la  congrégation  de  Saint-Frigdien  de 
Lucques,  qui  avait  autrefois  servi  ,  sous  le 
pontificat  d'Alexandre  II,  à  réformer  l'Iîglise 
de  Saint-Sauveur  de  Latran,  eut  besoin  elle- 
même  de  réforme  dans  le  xvif  siècle,  et  se 
soumit  à  celle  de  Lalran.  Elle  avait  pris  le 
nom  de  saint  Frigdien,  évoque  de  Lucques, 
qui  fitbâliren  celle  ville,  l'an  5G6, une  église 
en  l'honneur  des  saints  diacres  Etienne,  Lau. 


725 


LAT 


rent  etVincent.il  y  mit  des  clercs  avec  lesquels 
on  prétend  qu'il  vécut  en  commun  jusqu'à  sa 
mort;  el  ayant  été  enterré  dans  cett 
les  miracles  continuels  qui  se  firent  à  Bon 
tombeau  furent  cause  qu'un  donna  à  cette 
église  le  nom  de  son  fondateur',  qu'elle  a  re- 
tenu jusqu'à  présent.  Mais  la  congrégation 
dont  elle  a  aussi  porte  le  nom  n'a  commencé 
que  sous  ie  p  niilicat  d'Alexandre  II  ;  car  ce 
pape,  qui  avait  aussi  élé  évéqtie  de  Lacques, 
cl  qui  e  ijinaissait  la  piéle  des  Chanoines  de 
celte  Eglise,  en  lit  venir  à  Rome  pour  réfor- 
mer l'Église  de  Latran  et  celle  de  Sainte- 
Croix  de  Jérusalem.  Celle  de  La  Ira  ta  ne  fut 
p  s  un  îles  membres  de  celte  congrégation  ; 
ce  pontife  voulut  qu'elle  fut  immédiatement 
soumise  au  saint— àege.  Elle  devint  chef  d'une 
autre  congrégation,  qui  fut  éteinte  lorsqu'on 
les  obligea  à  abandonner  cette  église,  comme 
nous  avons  dit  dans  le  paragraphe  1".  Ainsi 
l'église  de  Sainte-Croix  de  Jérusalem  à  Rome 
fut  la  première  qi  i  fut  unie  à  la  congréga- 
tion de  Saint-Frigdien  de  Lucques,  avec  Iq 
monastère  de  Sainte-Mari  -la-Neuve  ,  situé 
aussi  dans  l'enceinte  de  Rome,  et  douze  au- 
tres monastères  conventuels',  sans  compter 
un  très-grand  nombre  de  prieurés  e  de  cures. 
Mais,  l'an  loOT,  le  prieur  de  Saint-Frigdien 
de  Lucques  et  ses  religieux,  voyant  que  leur 
congrégation  diminuait  tous  les  j  >urs  cl  que 
la  plupart  de  leurs  monastères  avaient  é!é 
donnés  en  commende,  ils  firent  union  avec 
ceux  de  Saint-Sauveur  de  Lalran.  et  cédèrent 
à  celle  congrégation  le  monastère  de  Saint-- 
Frigdien  de  Lucques  avec  les  prieurés  qui 
en  dépendaient,  qui  étaient  au  nombre  de 
dix  ,  à  condition  que  ceux  de  Latran  qui 
viendraient  demeurer  dans  le  monastère  de 
Lucques  se  conformeraient  à  eux  pour  l'ha- 
billement, qui  consistait  en  une  chape  noiro 
avec  le  capuce  par-dessus  le  surplis;  que 
l'ancien  prieur  de  Saint-Frigdien  conserve- 
rail  cette  dignité  pendant  sa  vie,  et  que  celui 
qui  lui  succéderait  jouirait  de  ses  mêmes 
privilèges ,  qui  consistaient  enlre  autres 
choses  à  se  servir  d'ornements  pontificaux 
les  fêtes  solennelles  et  à  quelques  autres 
conditions  exprimées  dans  la  bulle  du  pape 
Léon  X,  qui  confirma  celte  uni. m. 

Le  pape  Lucius  II  avait  été  de  cette  con- 
grégation. Ce  fut  lui  qui  ordonna  qu'aucun 
cardinal  ne  pourrait  prétendre  au  titre  de 
l'église  de  Sa  nie-Croix  de  Jérusalem  ,  s'il 
n'était  du  corps  des  Chanoines  Réguliers  de 
la  congrégation  de  Saint-Frigdien.  Le  pape 
Innocent  II  avait  aussi  ordonné  la  même 
chose  à  l'égard  du  titre  de  Sainte-Marie-la- 
Neuve,  ce  qui  lut  confirmé  par  les  papes  Cé- 
leslin  11,  Eugène  111,  Adrien  IV  et  Alexan- 
dre III  ;  et  c'est  peut-être  ce  qui  a  obligé  les 
papes  qui  leur  ont  succédé  dans  la  suite 
d'ôler  ces  deux  églises  aux  Chanoines  Régu- 
liers. Elles  sont  présentement  possédées  par 
les  moines  de  Citeaux  et  du  Munt-Oiivet. 

Penot  ,  Hist.  Triparti  Canonicor.  Regul.; 
Silvestr.  Maurol.,  Mar.  Océan,  di  tutt.  gl. 
Relig.;  le  Pai,;e,  Biblioth.  Prœmomt.  lib. 
i,  sect.  15;  Tanibur. ,  De  Jur.  Abbal. ,  tom. 
Il,  disput.  i. 


LAT  «G 

Not-i.  Ici  nous  voyons  les  Chanoines  do 
Lalran  appelés  par  le  P.  Hélyot  Chanoines 
de  Saînl  !  an  eur  de  Lalran.  Néanmoins, 
dans  le  Ci     a  nai  h    officiel  de  Rom  j 

dn  dernier  s  ècle.  on  trouve  désignes  d'abord  : 
les  Chanoines  Réguliers  de  Latran,  à  Sainte- 
Marie  de  la  Paix  ;  puis  les  Chanoines  Régu- 
liers de  Saint-Sauveur,  aux  trois  établisse- 
ments suivants  :  Sainl-hcrre-ès-Eieps  ; 
s  i  ile-Agnès-nors-dr-s-Murs;  Saint-Laurent? 
hors-des-Murs.  Dans  le  Ciara<  actuel,  ou  ne 
M'roqve  point  cette  distinction,  m  is  seulement 
l'indication  des  Chanoines  Réguliers.  dcSaint- 
Squveur  de  Latran,  ayant  ,  our  ,ibbé  gé- 
néral le  R.  P.  Alexandre  Gozzi,  et  pour  vice- 
procureur  général  le  P.  Vincent  Tizzani. 
R-d-b. 

LATUaN  (Chanoines  Régulikrs  de)  en  Po- 
logne et  en  Moravie. 

Penot,  parlant  des  Chanoines  Réguliers  de 
Pologne,  dit  qu'il  semble  que  du  temps  d6 
Benoît  X!l  cet  ordre  était  peu  considéra- 
ble en  ce  royaume  ,  puisque  par  la  bulle  de 
ce  pape  de  l'an  1339  pour  la  réforraafion  gé- 
nérale des  Chanoines  Réguliers  il  s  psi  parlé 
de  toutes  les  provinces  où  il  y  avail  des  Cna- 
noines  Réguliers,  et  qu'il  n'y  csl  fait  men- 
tion d'aucune  province  en  Pologne.  Le  P.  du 
M  ulinet  dit  au  contraire  ,  sur  la  relation  du 
P.  Hyacinthe  Libéri,  prévôt  di  monastère  du 
Sainl-Sacremen!  de  Cracovie  ,  que  la  pre- 
mière abbaye  fui  fondée  l'an  ÏI70  au  bourg 
deTremesse,  au  diocèse  de  Gnesue,  par  Mie- 
cislàs ,  roi  de  Pologne.  Ainsi  cet  ordre  y 
serait  au^si  ancien  que  la  religion  chrétienne, 
puisque  Miecislàs  fut  le  premier  prince  polo- 
nais qui  fut  éclairé  des  lumières  de  la  foi.  Le 
P.  du  Moulinet  dit  encore  qu'il  fit  venir  des 
Chanoines  Réguliers  de  Vérone  en  Italie; 
mais  il  devait  retrancher  le  mot  de  régulier 
et  ajouter  seulement  que  ces  chanoines  vi- 
vaient en  commun  ,  puisque  l'on  ne  com- 
mença à  parler  de-  Chanoines  Réguliers  que 
dans  le  xr  siècle, etles  Chanoines  que  le  roi 
Miecislàs  fit  venir  de  Vérone  vivaient  appa- 
remment selon  les  règles  qui  avaient  été 
prescrites  au  concile  d'Aix-la-Chapelle. 

Ce  qui  est  vrai,  c'est  qu'on  ne  sait  pas  le 
temps  que  l'ordre  canonique  lut  introduit  en 
Pologne  ;  mais  il  y  est  présentement  floris- 
sant. Il  y  a  cinq  sortes  de  Chanoines  Régu- 
lier-, sa^ir  :  de  Latran,  du  Saint-Sépulcre, 
des  Prémonlrés,  du  Sainl-Fsprii  in  Sajcia  et 
de  la  Pénitence  des  Martyrs.  Nous  parlerons 
des  quatre  derniers  selon  leur  ordre  alpha- 
bétique, el  nous  traiterons  dans  cet  anicle 
des  Chanoines  de  Lalran  apiès  avoir  pyrié  de 
ceux  d'Italie ,  suivant  ce  que  nous  nous 
sommes  proposé,  de  mettre  de  suite  toutes 
les  congrégations  qui  portent  le  même  nom 
et  qui  suivent  la  même  règle,  ou  qui  out 
rapport  les  unes  avec  les  autres. 

Les  Chanoines  de  Lalran  en  Pologne  sont 
divisés  en  trois  congrégations  ou  provinces. 
La  première  et  la  plus  ancienne  est  ceile  de 
Trzemeszno  ou  Tremesse  au  diocèse  de 
Gnesue.  L'abbaye  dont  nous  avons  parlé  ci- 
dessus  ,  et  qui  lui  a  donné  son  uom ,  en  est 


T27 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


728 


chef.  Elle  csl  très-noble  et  très-riche,  mais 
elle  est  en  commende  et  a  quelques  monas- 
tères qui  en  dépendent  ,  aussi  bien  que  quel- 
ques cures.  C'est  dans  cite  abbaye  que  re- 
pose le  corps  de  saint  Adalbert  martyr,  ar- 
chevêque de  Gnesne. 

La  seconde  congrégation  se  nomme  Czer- 
kénène,  au  diocèse  de  Posnan  ,  et  non  pas 
Plozko,  comme  dit  le  P.  du  Moulinet;  l'ab- 
baye qui  lui  donne  aussi  son  nom  est  pareil- 
lement en  commende,  et  élail  possédée  l'an 
1704.  par  D.  Nicolas  Nyzyki  ,  évéque  de 
Chi'lmno,  Chanoine  Régulier  de  la  congréga- 
tion deCracovie  dont  nous  allons  parler.  Ce 
prélat  fut  nommé  à  cet  évêché  et  à  celle  ab- 
baye par  le  roi  de  Pologne  Jean  Sobieski ,  et 
celle  abbaye  a  aussi  quelques  monastères 
qui  en  dépendent. 

La  troisième  congrégation  est  celle  de  Cra- 
covie ,  qui  reconnaît  pour  fondateur  D.  Mar- 
tin Kloezynski,  docteur  en  l'un  et  l'autre 
droit ,  qui  a  élé  prévôt  de  Cracovie  et  qui  a 
donné  de  gros  biens  à  cette  congrégation. 
Elle  est  gouvernée  par  un  prévôt  claustral 
qui  prend  la  qualité  de  général  des  Chanoines 
Réguliers  dans  le  royaume  de  Pologne  cl 
dans  le  grand  duché  de  Lilhuanie.  Cette  pré- 
vôté ne  cède  point  en  dignité  aux  deux  ab- 


ri! t  pendant  ce  temps  à  ses  concitoyens  au 
milieu  des  nues.  Les  BB.  Nicolas  de  Biecz, 
Jean  de  Lesblin,  Jean  de  Nissa,  Kiienne  Smo- 
lenski  et  plusieurs  autres  ,  se  sont  aussi  ren- 
dus célèbres  par  leur  sainteté.  Enfin  D.  Jac- 
ques Mrovinski  ,  sous-diacre,  et  Jcan-Bip- 
tisle  Malonouski  ,  prévôt  de  Kranistaw  ,  ont 
répanda  leur  sang  pour  la  défende  des  biens 
de  ce  monastère  ,  le  premier  ayant  été  tué  par 
les  Suédois  ,  et  l'autre  par  les  Cosaques. 

Il  y  a  aussi  eu  dans  cette  congrég  '.lion 
plusieurs  personnes  qui  se  sont  rendues  re- 
commandâmes par  leur  science,  cl  que  leur 
mérite  a  fait  choisir  par  d'aulres  monastères 
qui  n'étaient  pas  de  la  même  congrégation  , 
pour  les  gouverner  ,  comme  D.  Nicolas  Ny- 
zyki ,  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus,  qui, 
avant  que  d'avoir  été  nommé  à  l'évéché  de 
Chelmno,  fut  demandé  pour  prévôt  par  les  Cha- 
noines Réguliers  de  Mstiono,  aussi  bien  que 
D.  André  Strembosk.  Ceux  de  la  prévoie  de 
Slemberg  en  Moravie  ,  dont  le  prévôt  a  droit 
de  se  servir  d'ornements  pontificaux,  appe- 
lèrent D.  Mathias  Gaszynski  pour  remplir 
celle  dignilé;  les  Chanoines  Réguliers  de 
Clodaviensko  choisirent  D.  Martin  Ciecierski 
pour  leur  prévôt ,  et  ceux  de  Louxbranic  , 
D.  Paul  Nolenski.  Enfin  il  y  en  a  plusieurs 
autres  qui  ont  été  considérés  par  leur  insigne 


bayes  dont  nous  avons    parlé  ,  elle  a  même 

plus  de  prérogatives  ,  puisqu'elle  conserve  le  piété  jointe  à  leur  noblesse,  comme  D.  Jac- 

droit   d'élection   que  les  autres  ont   perdu,  qu<  s  Bleniski,  D.  Jean  Chrysostome  Korsale, 

Cettecongrégalioii  devrait  plulôts'appeler  de  D.  Derslas  de  Borznisko,  chanoine  et  archi 


Cazimir  ,  puisque  son  principal  monastère 
est  situé  à  Cazimir,  qui  est  une  des  quatre 
■villes  qui  divisent  Cracovie  ,  dont  Cazimir 
n'est  séparée  que  par  la  Vislule.  Ce  monas- 
tère fut  fondé  par  le  roi  Ladislas  II  l'an  1402, 
sous  le  titre  du  Saint-Sacrement.  C'est  pour- 
quoi ces  Chanoines  ont  pour  armes  un  calice 
surmonté  d'une  hostie.  Il  y  a  cinq  autres 
monastères  en  Pologne  qui  en  dépendent ,  et 
plusieurs  dans  la  Lilhuanie,  dont  les  princi- 
paux sont  celui  de  Vilna,  qui  est  trèsmagni- 
fique  ,  et  fut  bâti  par  le  grand  général  de 
Lithuanie  Michel  Palz,  et  celui  de  Bichou  par 
Charles  Kolievicz  ,  qui  était  aussi  grand  gé- 
néral du  même  duché. 

Cette  congrégation  a  produit  beaucoup  de 
saints  personnages.  Celui  qui  tient  le  premier 
rang  est  le  B.  Stanislas  surnommé  de  Cazi- 
mir, à  cause  du  lieu  de  sa  naissance.  Il  avait 
été  religieux  du  mona  1ère  du  Saint-Sacre- 
ment de  celte  ville  ,  où  il  mourut  l'an  1489  , 
le  3  mai  ;  et  depuis  ce -temps-là  ,  il  y  a  tou- 
jours eu  une  grande  affluence  de  peuple  à  son 
tombeau,  où  il  se  fait  encore  tous  les  jours 
plusieurs  miracles.  Le  corps  du  B.  Adam 
Sibonius ,  qui  a  élé  autrefois  prieur  du 
même  monastère  ,  repose  aussi  dans  cette 
église  ,  où  Oieu  a  fait  connaître  sa  sainteté 
par  la  vertu  qu'il  a  accordée  à  ses  saintes 
reliques  de  chasser  les  démons  des  corps  des 
possédés.  Les  corps  des  BB.  Nicolas  Siekierki 
et  Gelasc  Zoratiski  se  sont  conservés  jusqu'à 
présent  sans  corruption.  Le  bienheureux 
Nicolas  de  Radomsco  délivra  sa  palne  d'un 


diacre  de  l'église  cathédrale  de  Cracovie; 
Martin  Kloezynski,  fondateur  de  celte  con- 
grégation, et  1). Hyacinthe  Librorius,  docteur 
en  l'un  et  l'autre  droit ,  censeur  des  livres  du 
diocèse  de  Cracovie  et  prévôt  du  monastère 
de  la  même  ville. 

L'habit  de  ces  chanoines  consiste  en  une 
soutane  blanche  avec  une  espèce  de  rochet 
sans  manches  ,  en  forme  de  scapulaire  des- 
cendant jusque  sur  les  reins  ,  où  il  s'élargit 
et  entoure  le  corps.  Par-dessus  ce  rochet , 
qu'on  nomme  sarracium ,  ils  mettent  un 
mantelet  noir  descendant  jusqu'aux  genoux, 
à  la  manière  des  prélats  de  Rome  ;  et  dans 
les  fonctions  publiques  ,  à  Cracovie  ,  ils  se 
servent  du  surplis,  qu'ils  mettent  par-dessus 
le  sarracium ,  avec  une  moselle  ou  camail 
noir  :  en  d'autres  lieux,  au  lieu  du  surplis 
ils  mettent  un  rochet  (1).  Il  se  peut  faire  qu'ils 
portaientauirefois  une  aumussesur  les  épau- 
les ,  comme  il  paraît  par  la  figure  de  l'h  bil- 
lement  d'un  de  ces  Chanoines  qu'a  donnée  le 
P.  du  Moulinet  sur  la  relation  ,  à  ce  qu'il 
dit,  des  personnes  qui  ont  voyagé  en  ce  pays, 
d'autant  plus  que  Peuot  dit  que  ceux  du  mo- 
nastère du  Saint-Sacrement  à  Cracovie  por- 
taient des  surplis  et  des  aumussus  violelt'  s  ; 
mais  ils  ont  sans  doule  quitté  cet  hubil'.emeut 
pour  prendre  celui  dont  nous  avons  donné  la 
description ,  conformément  aux  mémoires 
qui  nous  ont  été  envoyés  de  Pologne  datés  du 
17  août  1704  et  attestés  par  le  II.  P.  D.  Agui- 
liu  Michel  Gorezynski ,  docleur  en  théologie 
et  en  droit  canon  ,  commi  saire  général  des 


iucendie  qui  la  menaçait  de  ruine,  et  appa-     Cbanoiues  Réguliers  dans  la  petite  Pologne 


(1)  Voy.,  à  la  fui  du  vol.,  n°  177. 


7i!) 


LAT 


L\T 


730 


el  legrand-duché  de  Lilhuanie.  On  peut  con- 
sulter Penot  ,  Hst.  Tripart.  Canonicor.  lîr- 
gu!.,  lib.  ii  ,  et  du  Moulinet,  Habillement  des 
Chanoines  Réguliers. 

La  congrégation  de  Tous  les  Saints  d'Ol- 
mulz en  Moravie  fut  fondée  au  commence- 
ment du  xvi'  siècle,  el  le  monastère  d'Ol- 
mutz  sous  le  tilrc  de  Tous  les  Saints,  qui  en 
est  le  chef,  fut  fondé  par  les  Chanoines  Ré- 
guliers sur  les  ruines  de  celui  de  Langstron, 
qui  avait  été  ravagé  par  les  hérétiques  peu 
de  temps  avant  nue  le  pape  Alexandre  VI 
parvînt  au  souverain  pontificat,  l'an  1W-2. 
Jean  Sliakoka,  quien  fut  le  premier  prévôt, 
et  les  autres  Chanoines,  le  firent  bâtir  à  leurs 
propres  frais.  Ce  monastère  étant  t)âti,  la  pré- 
vôté de  Steinherg  et  quelques  autres  monas- 
tères firent  union  ensemble  el  reconnurent 
celui  d'Olmulz  pour  leur  chef,  ce  qui  fut  ap- 
prou\é  par  le  pape,  qui  accorda  à  ces  Cha- 
noines le  litre  de  Chanoines  Réguliers  de  La- 
tran  et  l-^s  privilèges  dont  jouissaient  ceux 
d'Italie.  11  les  exempta  de  la  juridiction  des 
ordinaires  el  les  reçut  sous  la  protection  im- 
médiate du  saint-siège.  Le  roi  Uladislas  leur 
accorda  beaucoup  de  privilèges  ,  el  les  mit 
aussi  sous  sa  protection  l'an  iolO.  Le  pré- 
vôt d'Olmulz  se  s.  rt  d'habits  pontificaux  el  a 
voix  el  séance  dans  les  Etats  de  Moravie. 
Le  prévôt  de  Slemberg  a  aussi  l'usage  de  la 
mitre  el  de  la  crosse.  Mais  il  y  a  apparence 
que  celte  congrégation  ne  subsiste  plus, 
puisque  les  Chanoines  Réguliers  de  Slemberg 
et  de  quelques  autres  monastères  de  la  con- 
grégation d'Olmulz  ont  eu  recours  plusieurs 
lois  aux  Chanoines  Réguliers  de  Pologne 
pour  les  gouverner,  et  que  l'évéque  de 
Chemno  ,  qui  vit  ait  encore  l'an  tTOi,  a  été 
prévôt  de  Slemberg  ,  quoiqu'il  fût  Chanoine 
Régulier  de  la  congrégation  de  Cracovic  :  le 
prévôt  du  monastère  d'Olmulz  était  autre- 
lois  général  de  la  congrégation  de  ce  nom 
lorsqu'elle  subsis  ait. 

Penot,  Uist.  Tripart.  Canonic.  llegul.  lib. 
Il,  cap.  kO  el  06. 

LATRAN  (Chanoinesses  Régulières  ,  et  en 

PARTICULIER  CELLES  DE). 

Avant  que  de  parler  des  Chanoinesses  Ré- 
gulières de  Latran,  il  e.4  à  propos  de  rappor- 
ter l'origine  de  toutes  les  Chanoinesses  Ré- 
gulières en  général.  Nous  reconnaissons  bien 
que  saint  Augustin  a  élô  l'instituteur  des 
Chanoines  Réguliers  ,  puisqu'il  est  le  pre- 
mier qui  ail  fait  vivre  les  clercs  en  commun 
selon  la  règle  des  canons  et  l'exemple  des 
apôtres;  mais  nous  ne  pouvons  pas  dire 
qu'il  ait  établi  des  Chanoinesses  telles  que 
nous  en  voyons  à  présent.  Il  est  vrai  que  les 
religieuses  qu'il  établit  à  Hippone  peuvent 
avoir  été  appelées  Chanoinesses  aussi  bien 
que  celés  qui  étaient  avant  lui  répandues 
dans  plusieurs  provinces,  tantehez  les  Grecs 
que  chez  les  Lutins  ;  mais  les  noms  de  Cha- 
noines et  de  Chanoinesses  ,  comme  nous 
avons  dit  en  parlant  de  l'origine  des  Chanoi- 
nes, étaient  donnés  indifféremment  autrefois 
aux  ecclésius  iques ,  aux  moines  ,  aux  reli- 
gieuses et  aux  vierges  ,  aux  plus  bas  officiers 


de  l'Eglise,  aux  domestiques  des  monastères, 
el  généra!  menl  à  Ions  ceux  qui  é  aient  cm- 
pioyés  dans  la  malr  cule  ou  Catalogne,  in  ca- 
ittitir.  Le  P.  le  Large  ,  Chanoine  Régulier  de 
la  cqngrégalio  de  France,  avoue  que  c'était 
l'usage  parmi  les  (ir^cs  ;  mais  il  soutient  que 
depuis  le  vi'  s  ècle  il  y  a  eu  en  Occident  des 
Chanoinesses  qui  ont  été  différentes  des  rnoi- 
nesses,  et  il  apporte  pour  preuve  la  fonda- 
tion d'un  monastère  faite  par  saint  Fri  loin 
dans  1  île  de  Seking  surle  Rhin,  près  de  Itâle, 
où  il  mit  des  Chanoinesses.  Comme  il  ne 
parle  que  sur  le  témoignage  deBailer,  moine 
de  Seking,  qui  n'a  écrit  que  dans  le  %'  siècle, 
en  partie  sur  ce  qu'il  se  souvenait  d'avoir 
lu  dans  une  Vie  de  ce  saint,  el  eu  p  irlie  sur 
ce  que  l'on  en  savait  à  Seking  par  tradition, 
celle  preuve   n'est  pas  suffisante. 

Les  Chanoinesses  n'étaient  point  connues 
au  commencement  du  vin'  siècle,  puisque  le 
concile  assemblé  en  Allemagne  l'an  742  or- 
donna que  les  religieux  et  les  religieuses  se 
conformeraient  à  la  règle  de  saint  Benoît 
pour  la  conduite  de  leurs  mœurs  et  le  gou- 
vernement des  monastères  el  des  hôpitaux  : 
car  dans  ce  temps-là  il  n'y  avait  aucun  mo- 
nastère, soit  d'hommes,  soit  de  filles,  qui 
n'eût  un  hôpital,  ou  pour  y  recevoir  les  pè- 
lerins ,  ou  pour  y  avoir  soin  des  pauvres  ma- 
lades. Les  décrets  de  ce  concile  furent  confir- 
més dans  celui  qui  se  tint  à  Lesliue  l'année, 
suivante  7i0.  Le  cinquième  canon  de  celui 
de  Yerneuil  ,  selon  le  P.  Manillon  il'om.  111 
Annal.  Bened.,  p.  117),  et  que  d'autres  nom- 
ment de  Vernon,  tenu  sous  le  roi  Pépin  l'an 
753, ordonne  que  dans  les  monastères  de  l'un 
et  de  l'autre  sexe  on  vivra  régulièrement  se- 
lon l'ordre,  c'est-à-dire  selon  la  règle  de  saint 
Benoît,  et  je  ne  crois  pas  que  les  Chanoines- 
ses voulussent  appliquer  pour  elles  ce  que 
dit  le  sixième  canon  du  même  concile,  lors- 
qu'il défend  à  une  abbesse  d'avoir  deux  mo- 
nastères ,  et  de  sortir  du  sien  à  moins  que  ce 
ne  soit  pour  cause  d'hostilité  ou  étant  man- 
dée par  le  roi  ,  et  que  la  môme  défense  do 
sortir  est  pour  les  autres  religieuses  qu'il 
appelle  moinesses:  Monachœ  vero  extra  »io> 
nasterium  non  exeant,  puisque  ce  serait  faire 
une  grosse  injure  aux  Chanoiuesses  Réguliè- 
res de  les  appeler  moinesses. 

Elles  ne  trouveront  pas  qu'il  soit  parlé 
d'elles  dans  le  capitulaire  que  fit  l'empereur 
Charlemagne  à  Héristal  l'an  779.  Il  y  est  seu- 
lement ordonné  (Capitul.,  tum.  I,  p.  193)  que 
les  moines  y  vivront  selon  la  règle,  et  les 
religieuses  selon  le  saint  ordre  ,  c'est-à-dire 
la  règle  et  l'ordre  de  Saint-Benoit  ;  qui'  cha- 
que abbesse  demeurera  dans  son  monastère, 
et  qu'elle  n'en  pourra  avoir  deux.  A  la  fin  du 
capitulaire  il  y  a  une  ordonnance  p  mr  des 
prières  publiques  et  des  aumônes  à  cause 
de  la  sécheresse  et  de  la  famine  de  celle  an- 
née 779.  Chaque  évéque  devaii  chanter  trois 
messes  et  Mois  psautiers  ,  pour  le  roi ,  pnur 
l'armée  de  France  et  pour  la  calamité  p  bli- 
que  ;  les  prêtres,  trois  messes;  les  moines, 
les  moinesses  et  les  Chanoines,  trois  psau- 
tiers ;  et  tous  devaient  jeûner  trois  jours  d 
suite.  Chaque  évêque,  abbé  ou  abbesse,  " 


731 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


Vait  aussi  nourrir  jusqu'au  temps  de  la  mois- 
son quatre  pauvres,  ou  au  moins  trois, 
deux  on  un,  selon  ses  facultés;  et  dans  ce 
capitulairc  il  n'est  fait  aucune  mention  des 
Chanoinesses  ,  parce  qu'il  n'y  en  avait  point 
dans  ce  temps-là. 

Ce  n'est  qu'à  la  fin  du  même  siècle 
que  l'on  commence  à  découvrir  quelques 
vestiges  de  Chanoinesses  ;  car  dans  le  canon 
47  du  concile  de  Francfort,  tenu  sous  le 
règne  de  Charlemagne,  l'an  79i,  il  est  porté 
qu'à  l'égard  des  abbesses  qui  ne  vivraient 
pas  cariôniq'uement  ou  régulièrement,  on  en 
donnerait  avis  au  roi,  afin  qu'elles  fussent 
déposées.  On  trouve  encore  quelque  trace 
de  Chanoinesses  au  commencement  du  ix* 
siècle.  Le  môme  empereur  ayant  convo  jué 
une  assemblée  de  tous  les  ordres  à  Aix-la- 
Chapelle  l'an  802,  les  évêques  et  les  abbés 
s'y  trouvèrent,  et  on  les  sépara  en  deux  ban- 
des, chacune  dans  un  lieu  différent.  Les  évê- 
ques examinèrent  en  particulier  si  les  clercs 
vivaient  selon  tes  canons,  et,  afin  de  les  ra- 
ment r  à  leur  devoir,  ils  firent  lire  les  dé- 
crets des  souverains  pontifes.  Les  abbés  de 
leur  côté  se  proposèrent  la  règle  de  saint 
Benoît  pour  modèle,  et  examinèrent  s'il  y 
a\  ail  des  abl;és,  qui  s'en  éloignassent  et  vé- 
cussent en  Chanoines, et  si  dans  les  monastè- 
res où  on  avait  promis  de  la  garder,  elle 
était  obsenée;  car  il  y  avait  déjà  des  mo- 
nastères qui  avaient  secoué  le  joug  de  celte 
sainte  règle,  et  où  l'on  ne  connaissait  plus 
ni  cette  règle,  ni  même  les  canons.  Enfin  on 
examina  aussi  si  dans  les  monastères  de  fil- 
les on  y  observait  la  règle  de  saint  Benoît, 
ou  si  on  y  vi\  ail  canoniquement,  c'est-à-dire 
à  la  manière  des  Chanoines,  dont  la  plupart, 
comme  nous  venons  de  dire,  avaient  quitté 
la  règle  de  saint  Benoît,  qui  n'avaient  que 
le  nom  de  Chanoines,  et  qui  apparemment 
avaient  été  imites  par  des  religieuses,  qui  de 
Bénédictines  élaient  devenues  tout  d'un  coup 
Chanoinesses ,  sans  savoir  à  quoi  elles 
étaient  engagées  ni  quelles  étaient  leurs  ob- 
servances. C'est  pourquoi  le  concile  de  Clià- 
lons-sur-Saône,  l'an  81'i,  se  crut  obligé  de 
prescrire  des  règlements  à  ces  filles  qui  se 
disaient  Chanoinesses  :  iis  sàriclimvnialibus 
quœ  se  Canonicas  vacant,  ce  qui  l'ait  voir  que 
le  concile,  en  se  servant  de  ces  termes,  re- 
gardait eel  institut  comme  une  nouveauté, 
qui  ne  s'était  pas  introduit  dans  les  formes, 
et  que  ces  filles  prenaient  le  nom  de  Chanoi- 
nesses sans  un  pouvoir  légitime.  Ces  règle- 
ments regardent  principalement  la  clôture, 
le  sibnee,  la  récitaiiou  de  l'office  divin,  et 
la  régularilé  des  abbesses  ,  mais  il  r'ordonna 
rien  pour  les  autres  religieuses,  parce  qu'el- 
les trouvaient  dans  la  règle  de  saint  Benoît 
toutes  les  pratiques  saintes  de  la  vie  mo- 
nastique. Ce  concile  avait  été  encore  assem- 
blé par  les  ordres  de  Charlemagne,  qui  dans 
le  même  temps  en  fil  tenir  quatre  autres,  à 
Mayence,  à  Reims,  à  Tours  et  à  Arles,  mais 
il  n'y  a  que  ceiui  de  Mayence  où  il  soit  aussi 
parlé   de  Chanoinesses  ;   car  daus  le   canon 


(1)  Mabill.,  Annal.  Bened.,  lom.  II,  pag.  450. 


732 

13e  il  ordonne  que  les  religieuses  qui  fai- 
saient profession  de  la  règle  de  saint  Benoit 
vivraient  régulièrement,  el  que  celles  qui  n'en 
faisaient  pas  profession  vivraient  canonique- 
ment :  Qua?  vero  professinnem  sanctœ  regulœ 
J'enedicti  fecerunt,  régulai iter  vivant;  sin 
autem,  canonice  vivnm  pleniter. 

Ce  n'étaient  pas  les  Chanoines  qui  pou- 
vaient les  instruire  de  leurs  obligations, 
eux  qui  n'avaient  que  le  nom  de  Chanoines 
et  ne  connaissaient  nullement  les  canons;  c'est 
pourquoi  l'empereur  Louis  le  Débonnaire 
ayant  l'ait  assembler  le  comité  d'Aix-la-Cha- 
pelle, l'an  81G,  il  y  fit  dresser  par  le  diacre 
Amalarius  des  règles  pour  ces  Chanoines  ot 
Chanoinesses,  afin  de  les  ramènera  une  vie 
réglée.  On  ne  les  connaissait  point  pour 
enfants  de  saint  Augustin  ;  car  dans  l'une 
el  l'autre  de  ces  règles  on  ne  fait  point  men- 
tion de  re  sainl  doeleur,  au  contraire  celle' 
des  Chanoinesses  est  tirée  des  écrits  de  saint 
Jérôme,  de  saint  Cyprien,  de  saint  Alhanase 
et  de  saint  Césaire,  el  il  n'y  est  point  parlé 
de  la  règle  que  saint  Augustin  avait  donnée 
aux  religieuses  d'Hippoue,  et  qu'on  ne  pro- 
posa point  aux  Chanoinesses.  Comme  par 
celle  que  leur  prescrivit  ce  concile  d'Aix-la- 
Chapelle  on  leur  permettait  de  garder  leur 
bien,  à  la  charge  de  passer  procuration  par 
acte  public  à  un  parent  ou  à  un  ami  pour 
l'administrer  et  défendre  leurs  droits  en  ju- 
stice, et  qu'on  leur  permettait  aussi  d'avoir 
des  servantes,  cet  abus  fut  condamné  dans  le 
concile  de  Rome  où  présidait  le  pape  Nico- 
las II,  l'an  10G0,  ce  qui  n'avait  jamais  élé 
permis  à  aucune  religieuse  depuis  le  temps 
de>  apôtres  jusqu'à  Louis  leDéhônnaire,  qui 
avait  l'ait  assembler  ce  concile  d'Aix-1  i-Cha- 
pelle. 

Le  concile  de  Rome  (1)  reconnaît  que  jus- 
qu'à celte  année  1000  l'institut  de  ces  sor- 
tes de  Chanoinesses  n'avait  été  reçu  dans 
aucun  endroit  de  l'Asie,  de  l'Afrique  et  de 
l'Europe,  sinon  dans  un  petit  coin  de  l'Alle- 
magne, et  dit  qu'il  était  certain  qu'avant  cet 
empereur  toutes  les  religieuses,  en  quelque 
endroit  qu'elles  fussent,  n'avaient  point  eu 
d'autre  règle  que  celle  de  saint  Benoit.  Il  y 
a  eu  toujours  cependant  des  religieuses  en 
Asie  qui  ont  suivi  la  règle  de  saint  Basile.  Il  y 
en  avait  même  enOccident  du  temps  de  ce  con- 
cile, il  y  en  a  eu  aussi  qui  ont  suivi  d'autres 
règles;  mais  il  est  vrai  que  les  monastères 
qui  faisaient  profession  de  la  règle  de  saint 
Benoit  étaient  en  plus  grand  nombre,  et  ap- 
paremment que  le  concile  prit  la  plus  grande 
partie  des  monastères  pour  le  tout,  parce 
qu'en  eiïet  dans  quelques  provinces  d'Italie 
il  n'y  avait  que  des  religieuses  bénédictines, 
et  le  concile  qui  s'était  tenu  à  Pavie  l'an  855, 
sous  l'empereur  Louis,  fils  deLothaire,  n'ad- 
mit (tue  deux  règles,  l'une  de  saint  Benoit 
pour  les  moines  et  moinesses ,  et  l'autre  des 
canons  pour  les  Chanoines ,  et  ne  parla 
point  des  Chanoinesses,  quoiqu'il  y  en  eût 
pour  lors. 

Penol  prétend  faire  remonter  l'antiquité 


733 


LAT 


LAT 


734 


de  ces  Chanoinesses  jusqu'au  temps  de  la 
primitive  Eglise  aussi  bien  que  celle  des 
Chanoines  Réguliers,  et  dil  <|ue  dès  ce  temps- 
là,  ou  au  moins  du  temps  de  sain  Augustin, 
les  uns  et  les  au  res  étaient  distingués  des 
moines  par  leurs  habits  blancs,  et  apporte 
pour  garant  de  ce  qu  il  avance  la  règle  de  ce 
saint,  qui  ordonne  à  ses  religieuses  de  faire 
laver  leurs  habits  par  des  foulons,  ou  de  les 
laver  elles-mêmes. Mais  celte  preuve  n'est  pas 
convaincante:  car,  outre  que  l'on  porte  aux 
foulons  toutes  sortes  de  draps  de  quelque  cou- 
leur qu'ils  soient,  pour  les  laver  et  les  rendre 
plus  fermes  et  plus  unis,  et  que  nous  voyons 
encore  aijourd'hui  des  Chanoines  Réguliers 
et  des  Chanoinesses  Régulières  habillés  de 
différentes  couleurs;  c'est  que  les  actes  du 
même  conei  e  d'Aix-la-Chapelle  de  l'an  816 
marquent  précisément  (Ca)i.  10)  que  les  ha- 
bits lies  Chanoinesses  étaient  noirs.  Les  Bé- 
nédictines des  abbayes  de  Saint- Pierre  de 
Re  ms,  de  Montmartre  près  de  Paris,  de 
Xaintes,  de  la  limité  de  Caen  et  quelques 
autres,  auraient  pu  à  plus  juste  tilre  se  qua- 
lifier Chanoinesses,  si  on  avait  égard  à  la 
couleur  et  à  la  forme  des  habits,  car  elles 
ont  porté  des  habits  blancs  avec  des  surplis 
jusqu'à  ce  qu'elles  aient  été  réformées  vers 
le  commencement  du  dernier  siècle.  Celtes 
de  Reims  assistaient  même  aux  processions 
avec  les  Chanoines  de  la  cathédrale, les  Cha- 
noines formant  un  rang  et  les  r<  ligieuses  nu 
autre;  et  sans  rapporter  un  grand  nombre 
de  religieuses  bénédictines  qui  ont  porté  des 
habits  blancs,  et  même  des  habits  noirs  avec 
des  surplis,  il  y  a  encore  l'ordre,  de  FonU- 
vraull,  où  les  religieuses  sont  habillées  de 
blanc  avec  des  surplis  ou  des  rochets,  et 
dans  les  congrégations  du  Monl-Olivet,  du 
Moul-Viei  g.-  ei  dis  Camaldules,quoiqu'aus<-i 
sous  la  règle  de  saint  Benoit  les  religieux 
sont  néanmoins  habillés  de  blanc. 

H  parait  donc  par  ce  que  nous  avons  dit 
qu'on  ne  doit  mettre  rétablissement  des  Cha- 
noinesses qu'à  la  lin  du  vin"  siècle  ou  au 
commenceme  il  du  i\',  et  quoique  les  Cha- 
noines aient  pris  le  nom  de  Réguliers  et  la 
qualité  d'entants  de  saint  Augustin  vers  la 
tin  du  xr  siècle,  lorsqu'on  les  eut  obligés  à 
la  ilesap,  roprialiun,  il  parait  néanmoins  que 
ce  n'.  -I  que  vers  le  milieu  du  xir  siècle  que 
les  Chanoinesses  furent  so  nuises  à  la  règle, 
de  ce  saint  docteur  de  l'Eglise,  puisque  le 
deuxième  concile  de  Latran  tenu  sous  le 
pape  Innocent  11,  l'an  1139,  défend  (Caii.lti  ) 
aux  religieuses  de  demeurer  dans  des  mai- 
sons séparées,  sous  prétexte  d'hospitalité, 
cornue  étan;  contraire  aux  règles  de  saint 
Basile,  de  saint  Benoit  et  de  saint  Augustin  ; 
et  le  concile  de  Reims  sous  le  pape  Eu- 
gène 111,  l'an  1148,  oblige  les  Chauoinesses 
qui  vivent  sous  la  règle  de  saint  Augustin 
de  renoncer  a  toute  propriété.  C'est  à  l'occa- 
sion de  ces  deux  conciles  que  le  P.Thomas- 
sin  dit  qu'il  se  peut  faire  que  c'étaient  les 
mêmes  Chauoinesses  du  concile  d'Aix-la- 
Chapelle,  dont  les  dérèglements  scandaleux 

(1)  loi/.,  à  la  fin  du  vol.,  nos  178  et  179. 


obligèrent  enfin  les  papes  et  les  conciles  de 
leur  prescrire  une  information  qui  en  fil  des- 
Chanoinesses  Régulières,  elles  obligeât  à  la 
désappropriation. 

Comme  dans  le  même  temps  il  se  forma 
des  congrégations  de  Chanoines  Réguliers 
qui,  pour  se  maintenir  dans  l'observance, 
dressèrent  des  règlements  et  des  constitu- 
tions, il  y  a  de  l'apparence  que  quelques 
Chanoinesses  se  soumirent  à  leur  dire  I  ori 
et  embrassèrent  les  mêmes  règlements.  Les 
Chanoines  de  la  congrégation  e  Latran  s'é- 
taient imposé  une  loi  de  ne  se  point  irtgi  rer 
dans  le  gouvernement  des  religieux  s  il  de 
n'en  point  prendre  la  conduite  :  ils  ne  pu- 
rent néanmoins  résister  aux  sollicitations 
des  souverains  pontifes  et  des  seigneurs  qui 
fondèrent  des  monastères  de  Chanoinesses. 
11  y  en  a  environ  trente  qui  sont  soumis  à 
des  abbés  de  cette  congrégation,  dont  la  plu- 
part sont  considérables.  Dans  celui  deSainte- 
Mario  de  l'Etoile  à  Spoletle,  il  y  a  ordinaire- 
ment cent  religieuses.  Le  corps  de  la  R. 
Marine  s'est  conservé  sans  corruption  dans 
le  monastère  de  Saint-Matthieu  de  la  même 
ville.  Le  corps  de  la  bienheureu  c  Euphro- 
sine  est  en  vénération  à  Vicenze  dans  un 
monastère  de  Chanoinesses.  La  Mère  Bap- 
tiste Venace,  religieuse  professe  de  celui  de 
Sainte-Marie  des  Grâces,  a  donné  au  public 
plusieurs  ouvrages  de  piété  qui  sont  renfer- 
més en  quatre  volumes  imprimés  à  Venise 
et  à  Vérone.  Il  y  avait  autrefois  un  plus 
g  and  nombre  de  ces  monastères  qui  dépen- 
daient de  cette  congrégation,  et  que  les  Cha- 
noines Réguliers  ont  abandonnés  ,  tomme 
celui  du  Saint-Esprit  à  Rome,  qui  est  main- 
tenant sous  la  protection  des  rois  de  France, 
Il  était  soumis  à  l'abbé  de  Notre-Dame  de  la 
Paix  de  la  même  ville,  qui  en  remit  la  direc- 
tion au  cardinal  vicaire  l'an  1606.  C.  s  Cha- 
noinesses de  Latran  sont  habillées  de  serge 
blanche  avec  un  rochet  de  tuile  par-dessus 
leur  robe,  et  elles  mettent  encore  un  surplis 
par-dessus  le  rochet  quand  elles  assistent  au 
chœur  (1).  La  congrégation  de  Wimleseim 
en  Flandre  a  aussi  plusieurs  monastères  de 
Chanoii. esses  qui  sont  habillées  de  même.  11 
v  en  a  au*si  en  France  qui  ne  sonl  d'aucune 
congrega'.ion,  comme  celles  de  Saint-Etienne 
de  Reims,  de  Notre-Dame  de  la  Victoire  à 
Picpus  près  Paris,  de  Sainte-Périne  de  la 
Villette  et  en  plusieurs  autres  lieux,  qui  ont 
le  même  habillement  que  celui  des  Chanoi- 
nesses de  Latran,  aussi  bien  que  celles 
d'Espagne,  et,  s'il  y  a  quelque  différence,  ce 
n'est  que  dans  les  manches  de  la  robe  et  du 
rochet,  qui  sont  ou  plus  larges  ou  plus 
étroites,  et  la  plupart  de  ces  Chanoinesses 
portent  aussi  dans  les  cérémonies  et  au 
choeur  pendant  l'hiver  un  grand  manteau 
noir  (-2).  Eu  Languedoc  et  en  Guienne,  il  y  a 
des  Chanoinesses  qui  sont  habillées  de  noir 
avec  une  bande  ou  banderole  de  toile  blan- 
che lar.-e  de  quatre  doigts  qu'el  es  niellent 
en  écharpe  ou  bandoulière,  ce  qui  leli'f  sert 
aussi  d'Iiabilleuieul  de  chœur;  mais  il  v  en  a 

(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n'  180. 


Ï55 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


730 


quelques-unes  qui  mettent  encore  des  sur- 
plis par-dessus  lorsqu'elles  y  vont.  Enfin  il 
y  en  a  beaucoup  d'autres  qui  ont  des  habil- 
lements différents,  nous  parlerons  d'elles  en 
traitant  des  congrégations  auxquelles  elles 
sont  soumises  ou  auxquelles  elles  ont  quel- 
que rap'  orl. 

On  n'est  pas  surpris  de  voir  ces  Chanoi- 
nesses  en  roc  h  et  et  en  surplis,  et  même  avec 
une  bande  ou  banderole  de  toi!e,  puisque, 
comme  nous  avons  dit  en  parlant  des  Cha- 
noines Réguliers,  ces  rochcls,  surplis  et  ban- 
des étaient  dans  leur  origine,  et  avant  qu'on 
les  eût  accourcis  et  élrécis ,  une  aube  qui 
était  commune  à  tout  s  sortes  de  personnes 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  même  aux  laï- 
ques; mais  on  esi  surpris  de  voir  que  quel- 
ques Chanoinesses  aient  pris  des  aumusses, 
puisqu'il  n'y  avait  autrefois  que  les  hommes 
qui  s'en  servaient  pour  couvrir  leurs  têtes, 
et  que  les  religieuses  ont  eu  toujours  des 
voiles  pour  cet  usage.  A  la  vérité  ces  sortes 
de  Chanoinesses  avec  des  aumusses  sont  ra- 
res. Les  religieuses  prémonlrées  en  portent 
en  quelques  provinces,  et  on  ne  trouve  que 
lesChanoinesscs  deChaillot  près  Paris  (parmi 
celles  qui  se  disent  purement  et  simplement 
Chanoinesses)  qui  les  aient  imitées,  à  la  dif- 
férence que  les  aumusses  des  religieuses  pré- 
monlrées sont  blanches,  et  que  celles  des 
Chanoinesses  de  Chaillot  sont  noires,  mou- 
chetées de  blanc  (1).  Elles  s'établirent  d'a- 
bord à  Nanterre  en  104-7.  Ce  furent  de.s  reli- 
gieuses de  Saim-Etienne  de  Reims,  d'où  sont 
aussi  sorties  celles  de  Picpus,  qui  firent  cet 
établissement  ;  mais  les  guerres  civiles  émnt 
survenues  peu  de  temps  après,  cette  commu- 
nauté naissanie  fut  obligée  de  s'approcher 
plus  près  de  Paris,  et  vint  demeurer  à  Chail- 
lot, qui  est  regardé  comme  un  des  faubourgs 
de  celle  grande  ville,  et  qu'on  appelle  en 
effet  le  faubourg  de  la  Conférence. 

Nota.  Au  dernier  siècle  les  Chanoinesses 
de  Latran  avaient  à  Rome  la  Communauté 
du  Saint-Esprit.  Elles  existent  encore,  et 
sont  aujourd'hui,  comme  autrefois,  sous  la 
direction   d'ecclésiastiques  séculiers. 

B-D-E. 

LAURENT  D'OULX  (Chanoines  Réguliers 

DE  LA  CONGRÉGATION  DK  SaINT-). 

Le  monastère  de  Saint-Laurent  situé  pro- 
che d'Oulx,  qui  est  un  bourg  du  Dauphiné 
dans  le  Briançonnais,  et  du  diocèse  de  Turin, 
a  donné  le  nom  à  cette  congrégation.  Selon 
l'ancienne  tradition,  on  prétend  qu'il  a  été 
bâti  avilit  la  naissance  de  saint  Benoit  et 
qu'il  fui  habité  dès  ce  temps-là  par  de  saints 
moines.  Sa  situation,  qui  se  trouve  au  milieu 
de  plus  eurs  montagnes  escarpées  qui  pa- 
raissent inaccessibles  ,  avait  donné  lieu  à 
pli  si.  urs  fidèles  de  s'y  réfugier  pour  éviter 
la  lureur  des  Vandales.  Mais  ces  barbares, 
après  avoir  ravagé  I  Italie,  ne  laissèrent  pas 
d'y  passer  et  de  faire  mourir  tous  ceux  qui 
se  trouvèrent  sous  'leurs  mains  ;  et,  à  cause 
du   grand  nombre  qui  souffrirent  le  uiur- 

(l)  Foi/.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  181. 


tyre  en  cette  occasion,  l'église  de.  Saint- 
Laurent  lut  surnommée,  de  la  Populace  des 
Martyrs. 

Depuis  la  retraite  des  Vandales,  ce  lieu 
demeura  inhabile  pendant  plusieurs  siècles, 
jusqu'à  ee  que  Dieu  inspira  à  un  saint  hom- 
me nommé  Gérard  Charbn  rius,  natifd'Oulx, 
de  s'y  retirer.  Il  bâtit,  l'an  1050,  une  petite 
cellule  proche  de  cette  église  ,  et  quelques- 
uns  l'ayant  voulu  suivre  dans  sa  retraite,  ils 
résolurent  d'embrasser  l'ordre  canonique. 
Gérard  fut  à  cet  ellel  trouver  Cunibert,  évé- 
que  de  Turin,  de  qui  il  obtint  la  permission, 
tant  pour  lui  que  pour  ceux  qu'il  recevrait 
dans  sa  communauté,  de  vivre  selon  cet  ins- 
titut. 

Il  paraît  par  un  cartulaire  de  l'an  1057, 
qui  est  dans  les  archives  de  Turin,  et  rap- 
porté par  Guichenon  dans  son  Histoire  de  la 
Généalogie  de  la  maison  de  Savoie, qu'Odon, 
comte  de  Savoie  et  de  Maurienne,  la  com- 
tesse Adélaïde  sa  femme  et  leurs  enfants,  fi- 
rent donaiion  à  Gérard  et  à  ses  Chanoines 
de  ladite  église  de  Saint-Laurent,  de  celle  de 
Saint-Just  de  Suze  (que  la  comtesse  Berlhe, 
mère  d'Adélaïde,  avait  commencé  à  faire  bâ- 
tir) ;  de  celle  de  Sézanne  d'Oulx  et  de  Selle- 
bertrand,  avec  les  décimes,  les  prémices  et 
les  oblalions.  Voici  les  termes  de  la  fonda- 
tion, qui  prouvent  que  dans  ces  commence- 
ments ils  ne  suivirent  pas  la  règle  de  saint 
Augustin,  non  plus  que  ceux  de  la  cathé- 
drale de  Turin,  de  qui  ils  avaient  pris  la 
manière  de  vivre.  Hanc  donationem  jacimus 
ad  clericos  qui  in  eodem  loco  vivunl  régula- 
riter,  quorum  nomina  scripta  videntur  adesse  : 
nomina  autemhœc  sunt  :  Girardus  et  Uldari~ 
eus,  Aicardus  et  Martinus  et  Lantelmus,  e!c, 
qui  modo  ibi  sunt  et  fuluri  erunt  in  eodem 
loco  ,  ut  isti  et  tlli  habeant  potestalem  le- 
nendifhubendi  et  possidendi ,  secundum  regu- 
lam  ceinonicam.  Et  celte  règle  était  sans 
doule  celle  qui  avait  été  ordonnée  dans  le 
concile  d'Aix-la-Chapelle. 

Cunibert,  évèque  de  Turin  ,  non-seule- 
ment confirma  celle  donaiion  l'an  1065,  mais 
il  donna  encore  à  ces  Chanoines  près  de  qua- 
rante autres  églises,  dont  la  plus  considéra- 
ble fut  celle  de  Sainte-Marie  de  Suze,  dont  la 
juridiction  comme  épiscopale  s'étendait  dans 
tout  le  marquisat  de  Suze.  Cet  évéque,  pour 
témoigner  l'estime  qu'il  faisait  de  celle  con- 
grégation ,  lui  donna  encore  un  canonicat 
dans  sa  cathédrale  de  Turin,  voulut  que  le 
prévôt  d'Oulx  en  fût  toujours  pourvu,  et  en- 
fin que  l'église  de  Saint-Laurent  de  la  Popu~ 
lace  des  Martyrs,  chefde  celle  congrégation, 
fût  exemple  de  la  juridiction  des  évêques 
de  Turin  tant  qu'il  y  aurait  des  Chanoines 
qui  y  demeureraient  et  v  vivraient  régulière- 
ment. 

La  comtesse  Adélaïde  de  Suze  et  la  com- 
tesse Agnès  sa  bru  donnèrent  aussi  à  ces 
Chanoines,  l'an  1083,  une  aulre  église  avec 
tous  les  revenus  qui  en  dépendaient  ;  le 
comte  Ame  ou  Améilée  imita  la  piéle  de  son 
«ère;  l'an  1107,  Humberl  111  prit  l'église  de 


an 


LAU 


Saint-Laurent  snus  sa  protection ,  et  donna 
encore  à  ces  Chanoines  en  1170  un  hôpital 
et  une  église  avec  les  revenus  qui  y  él;iient 
annexés.  Les  souverains  pontifes  n'ont  pas 
moins  favorisé  celle  congrégation,  qui  a 
reçu  beaucoup  de  privilèges  des  papes 
Alexandre  11  el  III,  Urbain  11,  Eugène  III, 
Adrien  IV  el  Lucins  III.  Il  y  avait  environ 
trente  prieurés  qui  en  dépendaient  ,  dont 
quelques-uns  sont  possèdes  présentement 
par  les  Chanoines  Réguliers  de  la  congréga- 
tion de  Latran  ;  et  celui  de  Saint-Laurent, 
qui  en  était  le  chef,  sul>si>te  encore  sous  le 
titre  de  prévôté.  Le  prévôt  exerce  une  juri- 
diction spirituelle  dans  l'étendue  de  sa  pré- 
vôté. Il  ne  reconnait  que  le  pape,  dont  il  re- 
lève immédiatement.  Il  confère  les  bénéfices 
et  fait  toutes  les  fonctions  qui  ne  sont  point 
attachées  au  caractère  épiscopal.  L'habille- 
ment de  ces  Chanoines  ne  diffère  de  celui 
des  ecclésiastiques  que  par  un  petit  sca- 
pulaire  de  lin  de  la  largeur  de  deux  doigts, 
qu'ils  mettent  sur  leur  soutane.  Au  chœur 
ils  portent  pendant  l'été  un  surplis,  el  l'hi- 
ver un  rocbel  avec  un  camail  noir  par-des- 
sus (1). 

Quanl  à  Gérard  Charbrérius,  fondateur  de 
celle  congrégation, il  fut  peu  de  temps  après 
élu  évéque  de  Sisleron  dans  un  synode  de 
plusieurs  évèques  assemblé-  à  Avignon  par 
Hugues,  légal  du  pape  Nicolas  IL  11  y  avait 
près  de  dix-sept  ans  que  ce  siège  élail  va- 
cant. Rambaud,  qui  était  un  seigneur  très- 
riche  et  parent  des  comies  de  Forcalquier, 
ayant  acheté  cet  évéché  pour  son  fils,  qui 
élait  encore  jeune,  en  avait  dissipé  les  n  ve- 
nus, et  même  avait  vendu  tout  ce  qu'il  avait 
pu;  de  sorte  qu'il  ne  restait  pas  seulement 
un  lieu  qui  appartînt  à  l'é\êque  et  où  il  pût 
demeurer  une  nuit,  selon  ce  que  diienl  les 
anciennes  chartes  de  celle  église  :  ce  qui 
fit  que  le  fils  de  Rambaud,  élant  devenu 
grand,  trouva  encore  des  simoniaques  qui 
lui  vendirent  l'évèché  de  Vaison,  dont  il  prit 
possession  l'an  10C0.  C'est  ce  qui  donna  aussi 
lieu  à  l'assemblée  de  ces  évèques  à  Avignon, 
où  Gérard  fut  élu  évéque  de  Sisteron.  Son 
humilité  l'empêcha  d'abord  d'accepter  celle 
dignité;  mais  le  légat  l'ayant  envoyé  au  pape 
avec  des  temoignagnes  de  sa  probité,  il  en 
reçut  un  accueil  favorable,  el  ce  pontife, 
l'ayant  obligé  de  consentir  à  son  élection,  il 
le  sacra  lui-même. 

Etant  de  retour  en  France  ,  il  trouva  son 
église  tellement  ruinée,  qu'il  n'y  avait  pas 
un  hospice  où  il  pût  se  retirer  ;  et,  outre  les 
maux  que  Rambaud  lui  avait  causes,  Pierre 
Roslan  el  Pouce,  frères  et  seigneurs  de  Sisie- 
ron,  avaient  usurpé  la  plus  grande  partie  des 
biens  de  celle  église;  mais  il  sut  si  bien  leur 
représenter  le  crime  qu'ils  commettaient  eu 
retenant  ainsi  les  biens  d'église,  qu'ils  re- 
connurent leur  faute  el  restituèrent  tout  ce 
qu'ils  avaient  pris.  L'église  de  Forcalquier 
avait  élé  réunie  à  celle  de  Sisleron;  niais 
Gérard  les  sépara,  transféra  son  siège  à  For- 


LAZ  738 

calquicr  avec  tous  1rs  honneurs  dont  ce!lo 
de  Sisleron  avait  toujours  joui,  el  autant 
qu'il  fit  de  bien  à  celle  de  Forcalquier,  au- 
tant fit-il  de  mal  à  celle  de  Sisteron  ,  disent 
aussi  ces  anciennes  chartes.  Après  sa  mort, 
ses  successeurs  rapponèrenl  le  siège  épisco- 
pal à  Sisteron.  et  depuis  ce  temps-là  l'église 
colégialede  Forcalquier  a  élé  concathédralc 
avec  celle  de  Sisteron. 

Penot ,  llist.  triparl.  Canonicor.  Regul. 
lib.  il,  cap.  33.  Sammarth.,  Gall.  Christ, 
tom.  11.  Guicbenon,  Hist.  Généalng.  de  la 
maison  de  Savoie  ad  calcem  ,  pag.  2 ,  20 
et  i2.  Le  Large,  de  Ord.  Canonic.  disqu., 
pag.  340; 

LAZARE  (Chf.valiers   de   Saint-).    Voy. 

MONSr-C  ARMEL. 

LAZARE    DE    JÉRUSALEM     (chevaliers 

HOSPITALIERS  DE  SaINT-). 

Quoique  l'ordre  militaire  de  Saint-Lazare 
ait  été  soumis  à  la  règle  de  saint  Augustin  et 
qu'il  soil  encore  soumis  en  Savoie  à  celle  de 
saint  Benoît,  néanmoins,  comme  il  y  a  plu- 
sieurs historiens  qui  rapportent  son  origine 
à  sainl  Basile,  dont  les  chevaliers  de  cet  or- 
dre (à  ce  qu'ils  prétendent)  onl  suivi  la  règle 
pendant  plusieurs  siècles  ,  nous  ne  pouvons 
pas  nous  empêcher  d'en  pirleren  cet  en- 
droit, en  attendant  que  nous  en  parlions  ena 
core  en  traitant  de  l'origine  des  oidres  mili- 
taires de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  et  de 
Saint-Maurice,  auxquels  il  a  été  uni  dans  la 
suite.  Mais,  si  nous  en  parlons  présente- 
ment, ce  ne  sera  pas  pour  lui  accorder  une 
origine  si  éloignée,  que  de  Belloy  a  rendue 
encore  pins  chimérique  a\  la  faisant  remon- 
ter jusqu'à  l'an  72  île  Jésus-Chrisl ,  ajou- 
tant que  ret  ordre  avait  d'abord  été  insti- 
tué pour  la  défense  des  ch :  étions  persécu- 
tés après  la  mort  de  Jésus-Christ,  par  les 
scribes,  les  pharisiens,  les  saducéens  et  les 
Romains  (2). 

Il  est  certain  que  saint  Basile  fit  bâtir  un 
hôpital  magnifique  dans  l'un  des  faubourgs 
de  Césarée,  qui  peut  avoir  été  commencé 
vers  l'an  370  ou  371 ,  et  que  saint  Grégoire 
de  Nazianze,  après  en  avoir  fait  la  descrip- 
tion [Orat.  20),  compare  à  une  ville.  Quoi- 
qu'on y  reçût  indifféremment  toutes  sortes 
de  personnes  à  qui  la  faiblesse  el  les  incom- 
modités rendaient  nécessaire  le  secours  des 
autres,  et  qu'il  servit  même  pour  recevoir 
les  étrangers  qui  passaient  par  Cèsarée,  il 
n'y  a  pas  de  doute  néanmoins  qu'il  ne  fut 
spécialement  établi  pour  y  recevoir  les  lé- 
preux, puisque  le  même  sa.nl  Grégoire  do 
Nazianze  dii  aussi  que  l'on  ne  voyait  plus 
dans  Césarée  ce  triste  et  misérable  spectacle 
des  lépreux,  qui  avaient  été  interdits  de  la 
conversation  de  leurs  proches  et  du  com- 
merce de  tous  les  hommes  ,  et  dont  l'abord 
causait  auparavant  plus  d'horreur  que  de 
pitié. 

C'est  ce  qui  est  confirmé  par  Théodoret 
(Lib.  iv,  cap.  16),  qui  remarque  que  sainl 


(1)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n*  182. 

(2)  De  Belloy,  de  l'origine  de  Chevalerie,    eliap.  9,  pag.  126. 


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DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


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liasile  prenait  d'eux  un  soin  tout  particulier, 
et  que  l'empereur  Valens  ,  tout  arien  qu'il 
était,  donna  aux  pauvres  lépreux  dont  ce 
saint  avait  soin  les  plus  belles  terres  qu'il 
eût  en  ces  quartiers.  Ceux  qui  prétendent 
que  l'ordre  de  Saint-Lazare  tire  son  origine 
(le  cet  hôpital  disent  que  le  zélé  de  saint  Ba- 
sile fut  imité  par  plusieurs  villes,  qui  à  son 
exemple  i  âtirent  aussi  des  hôpitaux;  et  que, 
comme  les  lépreux  étaient  fort  communs  eu 
ce  l'emps-Jà  el  pouvaient  communiquer  leur 
mala  'ie  par  la  fréquentation,  les  hôpitaux 
qu'on  leur  deslina  furent  nommés  léprose- 
ries et  maladreries  sous  le  litre  de  Saint- 
Lazare  ,  et  que  ceux  qui  eurent  soin  de 
ces  hôpitaux  embrassèrent  la  règle  de 
sainl  liasile  et  formèrent  un  institut  diffé- 
rent de  sou  ordre  sous  le  nom  de  Saint-La- 
zare ,  qui  fut  approuve  par  le  pape  saint 
Damase. 

M.  Maimbnurg,  dans  son  Histoire  des  Croi- 
sades (Liv.  nt,  pag.  254),  confond  les  che- 
valiers de  Saiut-Lazare  avec  ceux  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem  appelés  communément  de 
Malte;  ou  du  moins  il  semble  insinuer  que 
Ci  ux-ci  ont  pris  leur  origine  des  chevaliers 
de  Saint-Lazare,  car  il  dit  que  les  chevaliers 
de  Saint-Lazare  sont  les  plus  anciens  hospi- 
taliers qui  s'établirent  à  Jérusalem  ;  que 
lorsque  les  princes  chrétiens  conquirent  la 
terre  sainte,  il  y  avait  à  Jérusalem  des  hos- 
pitaliers dont  les  uns  recevaient  les  pèlerins, 
et  les  autres  avaient  soin  des  malades,  et  par- 
ticulièrement des  lépreux  ;  que  ceux  qui  re- 
cevaient les  pèlerins  n'ont  commencé  que 
longtemps  après  les  hospitaliers  île  Saint-.Lâr 
2are;  que  ce  qui  y  donna  lieu  Eut  qui;  Certains 
marchands  d'Amalphi,  au  royaume  de  Na- 
ples,  qui  trafiquaient  dans  la  Syrie,  ayant  ob- 
tenu d'un  calife  d'Egypte  la  permission  de  bâ- 
tir un  monastère  proche  le  saint  sépulcre,  ils 
y  ajoutèrent  un  hôpital  avec  un  oratoire  dé- 
dié en  l'honneur  ue  saint  Jean  l'Aumônier 
pour  y  recevoir  les  pèlerins  et  les  pauvres 
malades,  et  qu'alors  i!  s'y  fit  une  commu- 
nauté qui,  outre  ceux  qui  s'employaient  au- 
paravant à  traiter  les  malades  el  les  lépreux, 
comprenait  aussi  ceux  qui  étaient  destinés 
parlicul  èiemenl  au  service  des  pèlerins,  et 
que  les  uns  i  (  les  autres  s'appelaient  indiffé- 
remment hospitaliers.  Il  ajoute  qu'ils  vé- 
curen!  lougt  mps  dans  cet  exercice  de  cha- 
rité sous  un  supérieur  que  l'on  appelait 
maître  de  I  hôpital,  jusqu'à  ce  qu'après  la 
conqué'e  de  la  Palestine  par  les  princes 
croises,  ils  prirent  les  armes,  non-seulement 
pour  la  défense  des  pauvres  pèlerins,  mais 
aussi  pour  servir  les  rois  de  Jérusalem,  aux- 
quels ils  fuient  d'un  grand  secours  dans  tou- 
tes les  guerres.  Pour  lors,  dit-il,  ils  partagè- 
rent leur  communauté  en  trois  étals  diffé- 
rents, dont  le  premier  fut  celui  des  cheva- 
liers, qui  allaient  à  la  guerre;  le  second  des 
frères  servants,  qui  avaient  soin  des  malades 
et  des  pèlerins,  el  le  troisième  était  celui  des 
ecclésiastiques'  et  des  chapelains,  qui  leur 
administraient  les  sacrements;  el  celle  com- 
pagnie fut  érigée  eu  ordre  utilitaire,  que  ie 
pape  Pascal  11  continua. 


Il  parle  ensuite  de  l'institution  des  autres 
ordres  militaires  du  Saint-Sépulcre,  des  Tem- 
pliers et  de  Notre-Dame  des  Allemands  ouTeu- 
lonique;  el, revenant  à  celui  deSaii.t-Lazare, 
il  dit  :  Mais,  pendant  que  ces  ordre»  militaires 
commençaient  ainsi  presquen  même  temps  à 
s'établir  peu  ù  peu  dans  Jérusalem  ,  celai  des 
hospitaliers.  nci(ns  el  modernes,  que  l'on  peut 
direaioir  été  le  modèle  des  autres,  luisait  île 
grands  progrès  dans  la  Palestine  et  s'aHirait 
beaucoup  de  considération  par  les  grands  ser- 
vices qu'il  rendait  en  paix  et  en  guerre.  C'est 
pourquoi  le  nombre  des  pèlerins  aussi  bien  que 
erlui  des  soldats  et  des  gentilshommes  qui  en- 
trèrent dans  cet  ordre,  croissant  tous  les  jours, 
le  B.  Géiard  Tung,  Provençal  de  l'île  de  Mar- 
tigues,  qui  était  maître  des  hospitaliers  lors- 
que Jérusalem  fut  prise  sur  tes  Sarrasins,  bâ- 
tit, environ  l'an  1112,  un  troisième  héritai 
sous  le  nom  de  Suint-Jenn-Baptiste,  et  y  lo- 
gea ses  nouveaux  chevaliers  ,  qui  commencè- 
rent peu  de  temps  après  à  former  le  dessein  de 
suivre  une  conduite  et  une  forme  de  vie  plus 
sévères  encore  et  plus  parfaites  que  celles  de 
leurs  anciens  confrères.  En  effet,  comme  après 
la  mort  de  Gérard  on  élut  à  la  pluralité  des 
voix  frère  Boyant  Roger  pour  grand  maître 
dis  hospitaliers,  les  nouveaux  chevaliers  de  ce 
troisième  hôpital  de  Suint-Jean- Baptiste,  per- 
sistant dans  leur  première  résolution  de  me- 
n  r  une  lie  plus  parfaite  et  d'ajouter,  comme 
les  chevaliers  du  Temple,  à  leurs  autres  vœux 
celui  de  chasteté,  se  séparèrent  de*  anciens 
hospitaliers  et  choisirent  pour  leur  chef  frère 
Raymond  du  Puy,  gentilhomme  de  Dauphiné... 
Quant  aux  anciens  chevaliers  qui  furent  ainsi 
séparés  des  nouveaux,  avec  lesquels  ils  ne  fai- 
saient auparavant  qu'un  seul  ordre  sous  un 
même  grand  maître,  ils  retinrent  leur  ancien 
nom  de  Saint- Lazeire. 

Il  parait  par  ce  discours  de  M.  Maimbourg 
que  l'hôpital  de  Saint-Jean-Ba;;tiste  était  dif- 
férent de  celui  de  Saint-Jcan-PAumônier,  qui 
avait  été  bâti  proche  le  monastère  que  ces 
marchands  d'Amalphi  avaient  fait  construire 
aux  environs  du  sainl  sépulcre  ,  et  que  l'on 
nommait  de  Sainte-Marie  de  la  Latine.  Ce- 
pendant Guillaume  de  Tyr,  auquel  on  doit 
ajouter  foi,  témoigne  que  de  son  temps  et 
lorsqu'il  écrivait  son  Histoire  (  Lib.  xvuï, 
c.  5  et  G),  en  1183,  ce  monastère  s'appelait 
encore  de  la  Latine:  Et  quoniam  viri  Lulini 
erant  quilocum  fundaverant  el  qui  religionem 
conservabanl,  ideirco  ab  ca  die  usque  in  pres- 
sens locus  ille  monasterium  de  Latin  i  dicitar. 
H  ne  distingue  point  l'hôpital  de  Saint-Jeau- 
l'Aumônier  d'avec  celui  de  Saiul-Jean-Bap - 
tiste,  que  M.  Maimbourg  dit  que  le  B.  Gérard 
fil  bâtir  ;  il  ne  parle  que  d'un  seul,  dont  l'é- 
glise avait  été  dédiée  à  saint  Jean  l'Aumô- 
nier: Ercxerunl  eliatn  in  eodem  loco  altare 
in  honore  B.  Joannis  Eleemos.  C'est  dans  cet 
hôpital  qu'il  dit  que  le  B.  Gérard  mourut 
après  y  avoir  servi  les  pauvres  pendant  un 
temps  considérable  sous  les' ordres  de  .'abba 
et  des  religieux  du  monastère  de  la  Latine, 
et  que  Raymond  lui  succéda  :  El  in  xenodo- 
cliio  similtlcr  reperlus  est  quidam  Gerardus, 
vir  probatœ  conversationis,  qui  pauperibus  in 


741 


LAZ 


LA  2 


7*2 


eodcin  loco  tempnre  hostilitalis  de  mandat o 
aiibatis  <t  ntonaoAvTunii  multo  t empore  devotp 
tttmebat  s  nit  postea  successit  Haymundus 
iste  de  (juo  no  bis  urtno  in  prœsenti.  Il  se 
plaint  ensuite  que  ce  Raymond  el  ses  hovpi- 
laliers,  qui  n'avaient  eu  que  de  faibles  com- 
mencements, se  voyant  extrêmement  riches, 
s'étaient  d'abord  soustraits  à  la  juridiction 
de  l'abbé  du  monastère  de  la  Lat  ne,  et  avaient 
obtenu  des  bulles  du  pape  ,  qui  les  exemp- 
taient aussi  de  celle  du  patriarche  de  Jéru- 
salem :  Sic  erijo  de  tam  modico  incrcinen/iim 
Itabentes  prœ  iicl/r  domas  fratres,  pria?  a  ju- 
risdiclione  se  subtraaerunt  abhatis ;  deinde 
muliijilicalis  in  iinmensttm  divitiis.  per  Ecclc- 
siam  Romanama  manu  et  poteslaie  domini  pa- 
triarchœ  sunt  émancipait.  Ce  n'est  unique- 
ment que  des  chevaliers  de  Saint- Jean  de  Jé- 
r:ia  ilem  dont  cet  auteur  parle  ;  d'où  l'on  doit 
conclure  que  c'est  sans  aucun  iondement  que 
M.  Maimbourg,  qui  cite  même  Guillaume  de 
Tyr,  a  avancé  que  les  chevaliers  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem  et  ceux  de  Sainl-Lazare 
avaient  été  unis  et  n'avaient  fait  pendant  un 
temps  qu'un  même  orJre. 

il  est  vrai  que  le  grand  maître  Raymond 
du  Puy,  de  l'ordre  dé  Saint-Jean  de  Jérusa- 
lem, changea  le  tiire  de  son  hôpital  qui  avait 
été  dédié  a  saint  Jean  l'Aumônier  ,  ta  celui 
de  saint  Jea:. -Baptiste,  qu'il  prit  pour  protec- 
teur de  son  ordre,  ayant  voulu  imiter  la  pé- 
nitence de  ce  précurseur  du  Sauveur  du 
monde,  et  l'ayant  proposé  pour  modèle  à  ces 
chevaliers.  C'est  peut-être  ce  qui  a  donné 
lieu  à  M.  Maimbourg  de  croire  qu'il  avait 
bâti  à  Jérusalem  un  troisième  hôpital  sous  ce 
nom,  comptant  apparemment  pour  le  pre- 
mier de  ceux  qui  étaient  en  celle  ville  celui 
de  S  lint-Jean-l'Aumônier  proche  le  monas- 
tère de  Sainte- Marie  de  la  Latine,  et  pour  le 
second  celui  que  les  Allemands  avaient  fait 
bâtir  sous  le  litre  de  Notre-Dame  des  Alle- 
mands ou  des  Tentons,, 

Quant  à  ce  frère  Boyant  Roger,  que  le 
même  auteur  dit  qu'on  élut  à  la  pluralité 
des  voix  pour  grand  maître  des  hospitaliers 
après  la  mon  du  IL  Gérard,  je  ne  sais  si  les 
chevaliers  de  Saint-Lazare  le  mettent  au 
nombre  de  leurs  grands  maîtres  ;  mais,  quoi- 
que Bosio,  dans  son  Histoire  de  l'Ordre  des 
Chevaliers  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  ait 
dit  que  ce  frère  Boyant  Roger  fut  élu  pour 
grand  maître  de  cet  ordre  après  la  mort  du 
B.  Géiard,  il  ne  se  trouve  pas  néanmoins  au 
nombre  des  grands  maîtres  dont  le  comman- 
deur Naberat  nous  a  donné  un  abrégé  des 
Vies  dans  les  privilèges  de  cet  ordre  qu'il  a 
recueillis.  Le  commandeur  Maruli  ,  dans  ies 
Aies  des  mêmes  grands  maîtres  (1),  mais 
plus  amples  que  celles  que  Naberat  avait 
données,  n'y  met  point  aussi  ce  Boyant  Ro- 
ger. Il  avoue  bien  qu'il  en  est  fait  mention 
dans  une  donation  de  l'an  1120,  que  lit  à 
l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  Otlon, 
comte  d'Abruzze  ,  où  il  déclare  avoir  fait  ce 
Roger  gouverneur  de  l'hôpital  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem  ;  mais  le  commandeur  Maruli 


prétend  que  l'on  ne  doit  pas  conclure  de  là 
que  ce  Roger  hit  été  recteur  où  préfet  de  l'hô- 
pital, qui  sont  des  titres  qui  ne  conviennent 
qu'à  un  supérieur,  et  non  pas  celui  de  g  u- 
V .  rneur,  et  qu'il  se  peut  faire  qu'il  ait  été 
établi  gouverneur  du  l'hôpital  en  l'absence 
de  Itayinond  du  Puy,  qui  succéda  a  Gérard, 
il 'aula.it  plus  qu'il  n'y  a  aucun  lilre  dans  la 
chancellerie  de  l'ordre  où  il  soit  parlé  de  ce 
Roger  en  qualité  de  supérieur  ou  de  maître. 

D'ailleurs,  s'il  é  ait  vrai  qui;  \es  cb  valers 
de  Saint-Jean  de  Jérus  ileiu  et  de  Sainl-La- 
zare ne  se  L.s^ent  séparés  qu'après  l'élection 
de  ce  frère  Boyant  Roger,  il  s 'ensuivrai,  que 
cette  séparation  n'aurait  clé  fa  te  qu'après 
l'an  1120,  puisqu'il  es!  fait  mention  de  ce  Ro- 
ger en  qualité  de  gouve:  neur  de  l'hôpital  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem  dans  la  donation 
du  comte  d'Abruzze  dont  non?  avons  parlé, 
ce  qui  est  contraire  aux  prétentions  de  M.  de 
Guéuég  ud  ,  ci-devant  chancelier  de  l'ordre 
de  Saint-Lazare,  qui,  dans  un  de  ses  fac  ums 
contre  M.  le  marquis  de  Dangeau,  grand 
maître  de  cet  ordre,  s'est  déjà  déclaré  en  fa- 
veur de  l'union  des  deux  ordres  de  Saint-Jean 
et  de  Saint-Lazare  de  Jérusalem,  et  ilit  qu'ils 
fuient  séparés  dans  le  xr  siècle.  Peut-être 
que  AL  de  Guénégaud,  dans  l'Histoire  de  son 
ordre,  et  qui  n'a  rien  épargné  pour  recou- 
vrer les  titres  de  cet  ordre,  a  apporté  des  té- 
moignages plus  convaincants  que  eus  que 
M.  Ai  a  im  bourg  a  donnés,  pour  prouver  l'uni  >n 
de  ces  deux  ordres  de  Saint-Jean  et  de  Sainl- 
Lazare  de  Jérusalem. 

Ce  que  l'on  peut  dire  de  plus  certain  tou- 
chant les  chevaliers  de  Saint-Lazare,  c'est 
qu'ils  ont  commencé  d'abord  par  exercer  la 
charité  envers  ies  pauvres  lépreux  dans  des 
hôpitaux  destinés  pour  les  recevoir  ;  qu'ils 
prenaient  le  nom  d'hospitaliers  ,  et  que  dans 
la  suite,  à  l'exemple  des  autres  hospitaliers, 
il  y  en  eut  une  partie  qui  pri t  les  arme  pour 
le  service  des  princes  chrétiens  qui  conqui- 
rent la  terre  sainte  ,  sans  abandonner  pour 
cela  l'hospitalité  ;  ce  qui  ne  peut  être  arrivé 
que  dans  le  xn  siècle. 

Ils  recevaient  même  dans  leur  ordre  des 
lépreux,  apparemment  pour  avoir  soin  des 
autres  lépreux,  qui  se  reliraient  volontaire- 
ment dans  leurs  hôpitaux,  ou  que  l'on  obli- 
geait par  force  d'y  entrer;  et  ce  qui  est  re- 
marquable, c'est  qu'ils  ne  pouvaient  élire 
pour  grand  maître  qu'un  chevalier  lépreux 
de  l'hôpital  de  Jérusalem,  ce  quia  duré  jus- 
que sous  le  pontificat  d'Innocent  IV,  c'est-à- 
dire  vers  l'an  1233,  qu'ayant  élé  obligés  d'a- 
bandonner la  Syrie,  ils  s'adressèrent  à  ce 
pontife  et  lui  remontrèrent  qu'ayant  toujours 
élu  pour  leur  grand  maître  depuis  leur  insti- 
tution un  chevalier  lépreux,  ils  se  trou- 
vaient dans  l'impossibilité  d'en  élire  un, 
parce  que  les  inhdôles  avaient  tué  tous  les 
chevaliers  lépreux  de  leur  hôpital  de  Jérusa- 
lem. C'est  pourquoi  ils  prièrent  ce  pontife 
de  leur  permettre  d'élire  à  l'avenir  pour 
grand  maître  un  chevalier  qui  ne  fût  pas  at- 
taqué du  mal  de  lèpre  et  qui  fût  en  bonne 


(1)  Geroniru.  Maruli.   Vil.    He  Grand.    Maett.  di  Mattu. 


745 


DICTIONNAIUK  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


7U 


santé,  et  le  pape  les  renvoya  à  l'évêque  de 
Frascali,  pour  qu'il  leur  accordai  celle  per- 
mission après  avoir  examiné  si  cela  se  pou- 
vait faire  selon  Dieu.  C'est  ce  qui  est  rap- 
porié  par  le  pape  Pie  IV  dans  sa  bulle  de 
l'an  15(55,  si  étendue  et  si  favorable  à  l'ordre 
de  Saint-Lazare,  par  laquelle  il  renouvelle 
lous  les  privilèges  et  toutes  les  grâces  que 
ses  prédécesseurs  lui  ont  accordés  et  lui  en 
donne  de  nouveaux.  Voici  comme  il  parle 
de  l'élection  que  les  cbevaliers  de  cet  ordre 
devaient  faire  d'un  grand  maître  lépreux  (1)  : 
Et  Jnnucentius  IV,  per  eum  accepto  quoi!  li- 
cet  de  anliqua,  «pprobata  et  eatenui  pacifiée 
observatn  consueludine  obtentum  esset  ut  tui- 
les leprosus  douais  Sancti  Lazari  llierosohj- 
mitani  in  ejus  magistium  assumeretur  :  ve- 
rum  quia  (ère  ownes  milites  leprosi  dictœ  do- 
rmis ab  inimicis  fidei  miserabiliter  inte> fecti 
fueranl,  et  hujusmodi  cnnsueludo  nequibat 
commode  obserrari ,  idcirco  tune  episcopo 
Tusculnno  per  qwisdam  commis  rat ,  ut,  si 
sibi  secundum  Ueum  visum  foret  expedire, 
fratribus  ipsis  lieentiam  ali  juem  militem  sa- 
num,  et  fratribus  prœdictœ  dotnus  Sancti  La- 
zari in  ejus  magislrum  (non  obviante  consue 
tudine  hujusmodi)  de  cwtero  eligendi  auclori- 
tate  aposlolica  concederet. 

Les  chevaliers  qui  n'étaient  point  lépreux 
et  qui  étaient  en  étal  de  porter  les  armes 
rendirent  de  signalés  services  aux  princes 
chrétiens  dans  la  Palestine,  ce  qui  obligea 
les  rois  Baudouin  II.  Fouques,  Amauri  111  et 
IV  et  les  reines  Mélisinde  et  Théodore,  à 
prendre  leur  ordre  sous  leur  protection  et  à 
faire  beaucoup  de  bien  aux  maisons  qu'ils 
avaii'iit  dans  la  Syrie.  Ils  reçurent  aussi  plu- 
sieurs privilèges  des  souverains  pontifes; 
et,  étant  passés  en  Europ  •,  les  princes  leur 
donnèrent  de  riches  possessions. Clément  IV 
ordonna  sous  peine  d'excommunication  à 
tous  les  prélats  de  l'Eglise,  que,  lorsque  les 
chevaliers  de  Saint-Lazare  s'adresseraient  à 
eux  pour  obliger  les  lépreux  de  se  retirer 
dans  leurs  hôpitaux,  ils  eussent  à  donner 
main  forte  à  ces  chevaliers  el  à  contraindre 
les  lépreux  de  se  retirer  chez  eux  avec  leurs 
biens  meubles  et  immeubles.  Alexandre  IV, 
par  une  bulle  de  l'an  1255,  leur  permit  de 
suivre  la  règle  de  saint  Augustin,  qu'ils  as- 
suraient avoir  suivie  jusqu'alors,  connue  il 
est  marqué  dans  la  bulle  de  ce  pontife,  où  il 
n'est  point  fait  mention  de  la  règle  de  saint 
Basile,  ce  qui  fait  voir  que  c'est  sans  raison 
que  quelques-ans  disent  qu'ils  ont  autrefois 
suivi  la  règle  de  saint  Basile.  Le  même  pape 
les  mit  sous  la  protection  du  saint-siège  l'an 
1257,  el  confirma  les  donations  que  l'empe- 
reur Fridéric  11  leur  avait  faites  dans  la  Si- 
cile, la  Pouille,  la  Calabre  el  quelques  au- 
tres provinces.  Henri,  roi  d'Angleterre,  duc 
d'Anjou  et  de  Normandie;  Thibaut,  comte  de 
Blois  ,  et  plusieurs  autres ,  augmentèrent 
leurs  revenus. 

Mais  de.  tous  les  princes  chrétiens  il  n'y 
en  a  point  dont  ces  chevaliers  aient  reçu  de 
plus  grands  bienfaits  que  des  rois  de  Frauce; 

(ï)Bull.  Rom.,  loin.  Il,  const.  95  Pii  IV,  §  4. 


car,  ayant  été  chassés  de  la  (erre  sainte  l'an 
1253,  ils  suivirent  le  roi  saint  Louis,  qui,  en 
reconnaissance  des  services  qu'ils  lui  avaient 
rendus  en  Orient,  confirma  les  donations 
que  ses  prédécesseurs  leur  avaient  faites, 
les  mit  en  possession  de  plusieurs  maisons, 
commanderies  et  hôpitaux  que  ce  prince 
fonda,  cl  leur  accorda  plusieurs  priv.léges. 
Pour  lors  ils  établirent  le  chef  de  leur  ordre 
à  Boigny  près  d'Orléans,  qui  leur  avait  été 
donné  dès  l'an  1154  par  Louis  VU  dit  la 
Jeune,  el  le  grand  maître  pril  le  titre  do 
grand  maitre  de  l'ordre  de  Saint-Lazare, 
tant  deçà  que  delà  les  mers,  sa  juridiction 
s'étendant  non-seulement  sur  les  cheva  iers 
qui  étaient  en  France,  mais  même  sur  tous 
les  étrangers.  C'est  pourquoi  Jean  de  Cou- 
ras,  qui  avait  été  pourvu  de  cette  charge  l'an 
1342  par  Philippe  de  Valois,  donna  pouvoir 
l'an  135V  à  frère  Jean  Hallidei,  Ecossais,  de 
gouverner  en  son  nom,  tant  au  spirituel 
qu'au  temporel,  tout  ce  qui  appartenait  à 
l'ordre  en  Angleterre  el  en  Ecosse,  à  la 
charge  de  faire  tenir  par  chacun  an  à  la 
grande  commanderie  de  Boigny  irenle  marcs 
sterling  d'argenl.Le  roi  Charles  V,  surnommé 
le  Sage,  ayant  pourvu  de  la  grande  maîtrise, 
l'an  1377,  Jacquesde  Beynes.cc  gr;ind  maitre 
donna  à  frère  Dominique  de  Saint-Boy  la 
commanderie  de  Seringon  en  Hongrie,  et 
l'établit  son  vicaire  général  dans  tout  ce 
royaume,  avec  obligation  de  se  trouver  aux 
chapitres  généraux  à  Boigny,  el  d'y  appor- 
ter quatre  marcs  d'argent  fin.  L'on  trouve 
un  F.  P.  Potier  dit  Conflans,  prêtre  de  cet 
ordre,  commandeur  de  la  Lande- Daron, 
mort  en  1450,  qui  prenait  la  qualité  de  vi- 
caire général  du  grand  maître  C.  Desmares, 
La  grande  maîtrise  fut  encore  donnée  par 
Charles  VII  à  Pierre  Buaux  l'an  1441,  et 
par  Louis  XI  à  Jean  Cornu  l'an  1481. 

Mais,  comme  les  lépreux  étaient  rares  et 
que  l'on  voyait  peu  de  personnes  attaquées 
de  celte  maladie,  il  semble  que  ces  cheva- 
liers hospitaliers,  qui  d'ailleurs  s'étaient 
beaucoup  relâchés  de  leur  premier  institut, 
principalement  ceux  d'Italie,  étaient  deve- 
nus inutiles  :  c'est  ce  qui  obligea  le  pape  Iu- 
nocent  VIII  de  supprimer  leur  ordre  el  de 
l'unir  avec  tous  les  biens  qui  lui  apparte- 
naient à  l'ordre  de  Saini-Jean  de  Jérusalem, 
par  une  bulle  de  l'an  1490.  Mais  cette  bulle 
ne  fut  poinl  reçue  en  Fiance,  où  il  y  a  tou- 
jours eu  des  grands  maîtres  de  l'ordre  de 
Saint -Lazare  de  Jérusalem,  qui  ont  reçu 
des  chevaliers  auxquels  ils  ont  conféré  les 
commanderies  qui  en  dépendent,  et  ont  tou- 
jours été  maintenus  dans  ce  droit.  Le  grand 
prieur  d'Aquitaine  de  l'ordre  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem  ayant  pourvu  un  de  ses  cheva- 
liers de  la  commanderie  de  Saint-Thomas  de 
Fonlenay,  appartenant  à  l'ordre  de  Saint- 
Lazare,  le  grand  maître  de  cet  ordre  et  ses 
chevaliers  s'y  opposèrent,  il  y  eut  à  ce  sujet 
procès  au  parlement  de  Paris,  qui  fui  décidé 
l'an  1547  en  faveur  du  grand  maître  de  l'or- 
dre de  Saint-Lazare,  qui  fut  maintenu  dans 


745  LAZ 

lo  droit  de  conférer  loutcs  les  commanderies 
de  son  ordre  à  ses  chevaliers,  et  les  cheva- 
liers de  Saint-Jean  de  Jérusalem  furent  dé- 
boutés de  leurs  prétentions.  Le  roi  Louis 
XII  donna  la  grande  maîtrise  à  Aignan  de 
Mareuil.  Son  frère,  Claude  de  Mareuil,  en  fut 
aussi  ponnu  par  François  I",ct  Henri  II  y 
nomma  Jean  de  Conty,  qui  assembla  un  cha- 
pitre général  à  Boigny,  où  il  donna  à  bail 
emphytéotique  pour  drux  cent  vingt  florins 
par  an,  tous  les  biens  appartenant  à  l'or- 
dre au  territoire  de  Sussano,  dans  la  pro- 
vince de  la  Fouille,  à  un  chevalier  de  Cala- 
hre  qui  était  présent.  Le  même  roi  pourvut 
de  la  grande  maîtrise,  après  la  mort  de  Jean 
de  Conly,  Jean  de  Lévi,  qui  assembla  aussi  le 
chapitre  général  à  lioigny  l'an  155S,  où  il 
se  trouva  un  grand  nombre  de  chevaliers 
de  toutes  les  parties  de  l'Europe.  Michel 
de  Seurre  fut  encore  fait  grand  maître  par 
le  roi  François  II,  et  François  Salviati  par 
Charles  IX.' 

S'il  est  vrai  ce  que  dit  le  P.  Toussaint  de 
Sainl-Lue  dans  son  Abrégé  historique  de 
l'Institution  de  l'ordre  de  Saint-Lazare,  que 
le  grand  maître  Salviati  fit  chevalier  de  cet 
ordre  Jeannot  de  Casli'lon  cl  Octave  Frégose, 
à  la  recommandation  du  pape  Pie  IV  et  de  la 
reine  de  France  Catherine  de  Médicis,  ce 
pontife  aurait  reconnu  le  grand  maître  de 
l'ordre  de  Saint-Lazare  en  France  ,  quoi- 
que cet  ordre  eût  été  supprimé  par  Innocent 
VIII.  Mais  ce  que  le  P.  Toussaint  ajoute  en- 
suite me  rend  cette  réception  à  l'ordre  de 
Jeannot  de  Caslillon,  à  la  recommandation 
du  pape  Pie  IV,  forl  suspecte;  car  il  dit  en- 
core que  le  grand  maître  Salviati  donna  à  ce 
Jeannot  de  Caslillon  l'administration  du 
grand  hôpital  de  Saint-Lazare  de  Capoue, 
rétablissant  son  vicaire  général  et  grand 
maître  de  l'ordre  en  Italie.  Le  titre  de  grand 
maître  donné  par  un  grand  m  litre  à  son  vi- 
caire généra),  commissaire  ou  délégué,  n'a 
jamais  été  en  pratique  dans  aucun  ordre.  Les 
grands  maîtres  ou  généraux  qui  sont  chefs 
d'ordre  peuvent  bien  donner  à  leurs  vicaires 
ou  commissaires  leur  autorité  et  leur  pou- 
voir, mais  ils  ne  leur  donnent  jamais  les  li- 
tres qui  ne  conviennent  qu'à  leurs  propres 
personnes  comme  chefs.  L'intention  du  P, 
Toussaint  a  été  d'insinuer  par  ce  moyen  que 
Jeannot  de  Caslillon,  nommé  grand  maître 
de  l'ordre  de  Saint-Lazare  dans  la  bulle  de 
Pie  IV  de  l'an  I5G5,  dont  nous  avons  parlé, 
n'était  que  le  vicaire  général  du  grand  maî- 
tre de  cet  ordre  en  France;  mais,  s'il  n'a- 
vait été  que  vicaire  général  du  grand  maître 
de  France,  comment  ce  pontife,  dans  celle 
bulle  si  ample  et  si  étendue,  aurait-il  pu  ou- 
blier le  grand  maître  de  France,  dont  il  ne 
fait  aucune  menlio  i,  voulant  au  contraire 
qu'après  la  mort  du  grand  maître  Jeannot 
de  Castillan  cl  de  ses  successeurs,  ou  sur 
leur  démission  volontaire,  les  chevaliers 
procédassent  à  l'élection  d'un  autre  grand 
maitre  en  tel  lieu  que  bon  leur  semblerait? 
Jeannot  de  Caslillon  ne  se  prétendait  pas 
seulement  grand  maitre  île  l'ordre  de  Saint- 
Lazare  en  Italie,  mais  il  se  disait  grand  mai- 

DlCTIOSNAIRE  DES  OkDI>ES  UËLIG1EUX.  il 


LAZ 


74« 


(re  de  cet  ordre  par  toul  le  monde.  C'est  co 
qu'on  lit  à  la  un  des  privilèges  de  cet  ordre 
qui  furent  imprimés  à  Home  l'an  1566,  chez 
Antoine  Iliade,  imprimeur  de  la  chambre 
apostolique, où  il  y  a:  Auspiriis  illiutriititni 
et  reverendissimi  jeannotti  CastHlionei  Me- 
diolannsis,  religionis  et  mililiœ  Sancti  La- 
zari  Hierosolymilàni  per  tolum  orbem  qene- 
ralis  magisiri,  Vincentius  Merenda  in  lucem 
edidit.  Ainsi  il  est  plus  vrai  de  dire  que  ce 
Jeannot  de  Caslillon  qui  était  commandeur 
de  l'hôpital  de  Capoue  avait  usurpé  le  t. ire 
de  grand  maître,  qui  n'appartenait  qu'au 
commandeur  de  la  maison  de  Boigny  en 
France,  dont  François  Salviati  était  pour 
lors  pourvu,  celle  commanderie  étant  an- 
nexée à  la  dignité  de  grand  maître. 

Mais  il  n'était  pas  le  premier  qui  avait 
usurpé  ce  titre,  il  y  avait  en  avant  lui  Mulio 
de-Azzia,  qui  se  disait  aussi  grand  maître 
général  de  l'hôpital  de  Saint-Lazare  de  Jéru- 
salem, comme  il  paraît  par  une  autre  bulle 
du  même  Pie  IV  de  l'an  1561,  où  ce  pontife 
lui  donne  ce  titre  :  Dilecto  filio  Mutio  de 
Azzia,  magistro  gênerait  hôspitalis  Sancti 
Laziri  Hiérosolymitani  ordinis  s  neli  Au- 
gustini  (Privileg.  Ord.  S.  Lazari,  png.  28). 
L'on  trouve  encore  en  1530  un  Pyrrhus- 
Louis  Caraffa,  qui  prenait  le  litre  de  maître 
ou  commandeur  général  de  Saint-Lazare  de 
Jérusalem,  dans  l'une  et  l'autre  Sicile  deçà 
et  delà  le  Phare,  ce  qui  fait  voir  que  ceux- 
là  se  sont  trompés  qui  ont  écrit  que  Pie  IV 
avait  rélabli  l'ordre  de  Saint-Lazare,  qui 
avait  été  supprimé  par  Innocent  VIII.  et  qu'il 
eu  avait  accordé  la  grande  maîtrise  à  Jean- 
not de  Caslillon  par  sa  bulle  de  l'an  1565, 
puisque  outre  les  grands  maîtres  Caraffa  et 
d'Azzia,  qui  avaient  précédé  de  Caslillon, 
celui-ci  était  déjà  grand  maître  lorsque 
Pie  IV  lui  accorda  celte  bulle  si  ample  et  si 
favorable  à  cei  ordre,  l'an  1365.  Pour  s'en 
convaincre,  il  n'y  a  qu'à  lire  celte  bulle,  où, 
parlant  de  Jeannol  de  Caslillon,  il  dit  :  Nos 
igitur  vôlentes  dilectum  filium  Jeannottum 
CastiUioneum  modernum  hôspitalis  <t  militiœ 
prwdictum  magnum  magistrum,  ejusque  snc- 
cessores  magnos  ipsius  hospilalis  magistrat 
p:  o  tempore  exis tente*,  ac  hospitale  et  mi- 
litiam  hujusmodi  eorwnque  convention 
etinm  amplioribus  quam  quispiam  nôstro- 
ritm  prœdecessorum  prœdictorum  eos  pro- 
seculi '■  fuerint ,  favoribus  cl  gruliis  prosequi. 
Cet  hôpital  et  couvent  dont  parle  ce 
pape  était  l'hôpital  et  couvent  de  Saint-La- 
zare de  Jérusalem,  qui  était  chef  de  l'ordre 
avant  que  les  chevaliers  eussent  été  obligés 
d'abandonner  la  terre  sainie,  el  ce  n'est  point 
ce  pape  qui  transféra  ce  chef  d'ordre  à  l'hô 
pital  de  Capoue,  comme  ont  écrit  aussi  plu- 
sieurs ailleurs.  Voici  comme  ce  pontife  s'en 
explique  dans  la  même  bulle  :  Muta  proprio 
non  ad  Jeannot li  nul  priorum,  prœceptorum, 
mititum,  fratrum,  vel  personarum  seu  alio- 
rum,  pro  eis  nobis  super  hoc  oblatœ  petilionis 
insimiliam,  sedmera  liberalitate,  et  ex  certa 
scieruia  nostra,  ac  de  apostolica  /  otestatis 
pleniludine,  inslilulionem  et  erectionem hôspi- 
talis et  militiœ  hujusmodi,  ejusque  trunslatio^ 
24 


m 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


item  olim  ad  prœceptoriam,   vel  domum  Cu- 

piianam  prœdictam  faclam approbamus, 

confirmamus. 

C'élail  le  pape  Léon  X  qui  avait  reconnu 
l'hôpital  do  Capoue  pour  chef  de  l'or. Ire, 
l/uisqu'à  la  prière  de  l'empereur  Charles  V 
il  avait  rendu  à  l'ordre  de  Saint-Lazare  les 
hôpitaux  de  Saint-Jean  de  Païenne  et  de 
Sainte-Agathe  de  Messine,  et  les  avait  sou- 
mis, comme  au  chef,  au  commandeur  de 
l'hôpital  de  Capoue,  à  qui  il  donne  le  litre 
de  grand  maître,  comme  il  est  encore  mar- 
qué dans  la  bulle  de  Pie  IV.  Il  paraît  donc 
par  cette  bulle  que  ce  fut  Léon  X  qui  réta- 
blit l'ordre  de  Saint-Lazare,  et  que  i'ie  IV  le 
remit  dans  tous  ses  droits  et  lui  accorda  de 
uouveaux  privilèges. 

Pie  V,  par  une  autre  bulle  de  l'an  1567, 
révoqua  quelques-uns  des  privilèges  que  sun 
prédécesseur  avait  accordés,  et  en  modéra 
quelques  autres.  Mais,  après  la  mort  de 
Jeannot  de  Caslillon,  qui  arriva  à  Yerccil 
l'an  1572,  Grégoire  XIII  unit  l'ordre  de  Saint- 
Lazare  à  celui  de  Saint-Maurice  et  en  ac- 
corda la  grande  maîtrise  à  Emmanuel  Pluli- 
bei  t,  duc  de  Savoie,  sous  prêt  xle  que  celle 
grande  maîtrise  était  yacanle  :  Ac  pratereu 
cernei  tes  miliiiam  hospitalis  S-  Lazuri  Ilie- 
rosolymitani  sub  régula  sancti  Auijualini  j<un- 
pridem  mugistri  regimine  desiitutam...,.  C'est 
ain  i  que  le  pape  parle  dans  la  bulle  d'union 
de  ce-»  deux  ordres.  Cependant  François  Sal- 
viali  était  grand  maître  en  France  de  l'ordie 
de  Saint-Lazare;  ainsi  l'on  peut  dire  que  le 
pape  ne  fil  cette  union  que  sur  un  faux  ex- 
posé. En  effet  le  grand  maître  Salviati  fit  des 
protestations  et  des  oppositions  à  la  qualité 
que  le  duc  de  Savoie  prenait  de  grand  maître 
de  l'ordre  de  Saint-Lazare,  et  aux  bulles  du 
pape  Grégoire  Xlll  ;  il  lit  assembler  le  cha- 
pitre général  à  Boigny  l'an  1578,  et  les  che- 
valiers de  Fiance  se  maintinrent  toujours 
dans  la  possession  des  commanderies  qu'ils 
avaient  en  ce  royaume.  Après  la  mort  de  ce 
grand  maitre,  le  roi  Henri  111  donna  la 
grande  maîtrise  à  Aimar  de  Chattes.  Jean  de 
(iajan  lui  succéda,  et,  sur  la  démission  vo- 
lontaire qu'il  donna  de  cette  charge  à  Henri 
IV  l'an  1G04,  ce  prince  en  pourvut  Pliillicrt 
de  Nerestaug,  qui  fut  aussi  premier  grand 
maître  de  l'ordre  de  Notre-Dame  de  Mont- 
Carmel,  auquel  l'ordre  de  Saint-Lazare  fut 
aussi  uni  en  France,  comme  nous  dirons  à 
l'article  Mont-Caiuiel. 

Celle  succession  de  grands  maîtres  de  l'or- 
dre de  Saint-Lazare  en  Franc  depuis  que  le 
pape  Innocent  Ylll  supprima  cet  ordre  en 
Italie  l'an  1490,  fait  voir  que  c'est  à  tort  que 
le  P.  Bonanni  de  la  compagnie  de  Jésus,  dans 
son  Catalogue  des  Ordres  militaires  qu'il 
donna  au  public  l'an  1712,  dit,  qu'après  la 
suppression  de  cet  ordre,  sa  mémoire  fut 
obscurcie  peu  à  peu  en  France  :  Sic  puulatim 
ejus  sodalitii  memoria  tum  apud  Callos  tum 
npud  Jtalos  est  obscurata;  puisqu'il  a  tou- 
jours subsisté  en  France,  où  il  n'a  rien  di- 
minué de  son  ancienne  splendeur,  qui,  bien 
loin  de  s'obscurcir,  a  même  augmenté. 

(I)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n"  185. 


Ces  chevaliers  faisaient  autrefois  des  vœux 
solennels.  Il  y  avait  même  des  religieuses  de 
cel  ordre,  et  il  en  reste  encore  un  monastère 
en  Suisse.  Le  P.  Bonanni  a  donné  l'habille- 
ment d'un  de  ces  chevaliers  tel  que  nous 
l'avons  fait  graver  (I);  mais  cel  habillement 
est  supposé,  et  n'a  été  dessiné  apparemment 
que  sur  une  simple  idée.  Les  chevaliers  de 
Saint-Lazare  n'ont  commencé  à  porter  la 
croix  à  huit  pointes  qu'à  la  fin  du  xv  siècle 
ou  au  commencement  du  svr,  et  celte  croix 
a  toujours  été  verte,  à  la  différence  de  celle 
des  chevaliers  de  Saint-Jean  de  Jerusal  m, 
qui  est  blanche.  Le  plus  ancien  monument 
qui  puisse  faire  connaître  quel  é  ail  le  véri- 
table habillement  de  ces  anciens  chevaliers 
se  trouve  dans  la  commandeiie  de  H  rate- 
mont,  nù,  au  pied  d'une  image  de  saint  An- 
toine en  relief,  posée  sur  une  espèce  de  co_- 
lonne,  l'on  voit  cinq  chevaliers  de  Saint- 
Lazare  à  genoux,  ara. es  de  curasse,  el  un 
chapelain  du  même  ordre,  ayant  tous  un 
manteau  long,  sur  lequel  il  y  a  une  croix 
simple,  seulement  un  peu  palée  aux  extré- 
mités. Celle  qu'ils  ont  sur  la  poitrine  est 
néanmoins  différente  en  ce  qu'elle  est  un 
peu  plus  longue  par  le  pied,  qui  se  termine 
en  pointe.  L'on  y  lit  que  ce  fut  Pierre  Poli  r, 
commandeur  de  cet  ordre,  qui  fil  faire  celle 
image;  et,  comme  elle  a  quelque  chose  do 
singulier,  c'est  peut-être  ce  qui  a  obligé  des 
curieux  de  la  faire  graver  :  car  saint  An- 
toine est  au  milieu  des  flammes,  ayani  à  ses 
pieds  plusieurs  pourceaux  dans  le  mémo 
feu,  qui  font  des  sauts  en  l'air:  et  ce  saint 
n'a  point  un  Tau  sur  son  habit  comme  les 
peintres  le  représentent  ordinairement,  nuis, 
au  lieu  du  Tau  on  lui  a  mis  une  couronne. 
J'ai  vu  deux  différentes  estampes  de  celte 
image,  et  une  autre  où  est  gravé  le  tombeau 
de  ce  F.  Pierre  Potier  avec  son  épi  la  plie, 
qui  fait  voir  que  celte  image  a  pu  être  faite 
vers  le  milieu  du  xv*  siècle,  puisque  ce  com- 
mandeur mourut  l'an  1450.  Voici  cette  épi— 
laplie  : 

Ci-devant  ce  grand  autel  gît  noble  homme 
el  religieuse  personne  F.  Pic  re  Potier  dit 
Confluas,  frère  prestre  en  l'Ordre  el  Chevale- 
rie Saint  Ladre  de  Jérustdcm,  commandeur  de 
céans  et  de  la  Lande  Dur  an,  en  son  vivant 
pieguaire  gênerai  de  noble  et  puissant  Sei- 
gneur F .  G.  Desmares  chevalier  grand  maitre 
gcnmal  de  toute  la  susdite  Ordre  et  Chevalerie 
deçà  et  delà  la  mer,  commandeur  de  la  maison 
conventuelle  de  Boigni  près  Orléans,  qui  tré- 
passa l'an  mil  quatre  cent  L. 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  ce  ne  fut 
qu'à  la  fin  de  ce  siècle  ou  au  commencement 
du  xvi°,  après  que  Léon  X  eut  rétabli  l'ordre 
de  Saint-Lazare  en  Italie,  que  les  chevaliers 
de  cel  ordre  prirent  la  croix  à  huit  pointes 
comme  la  portaient  les  chevaliers  de  Malle; 
car,  dans  les  privilèges  de  l'ordre  de  Saint- 
Lazare,  iinprimésàBome,  comme  nous  avons 
dit,  en  louO,  il  y  a  une  vignette  où  l'on  voit 
plusieurs  chevaliers  ayant  tous  la  barbe  lon- 
gue el  recevant  la  croix  de  l'ordre  avec  une 
épee,  des  inams  d'un  pape  (peut-être  a-t-ou 


-tt 


LAU 


I.Ali 


7K0 


voulu  repré<enter  Léon  X,  qui  rétabli!  cet 
ordre),  et  ces  chevaliers  ont  une  robe  noire 
à  grandes  manches  avec  la  croix  à  huit 
pointes  sur  la  poitrine.  Il  y  a  aussi  à  la  bi- 
hliathèquedn  roi  une  estampe  de  l'an  1525, 
qui  représente  les  différents  ordres  qui  sui- 
vent la  règle  de  saint  Augustin,  où  l'on 
trouve  un  chevalier  de  Saint-Lazare  avec 
une  pareille  robe  ;  c'est  pourquoi  nous  avons 
fait  graver  cet  habillement  et  celui  que  por- 
taient les  mêmes  chevaliers  dans  le  xv  siè- 
cle  (1),  tel  qu'il  est  représenté  au  bas  de 
l'image  de  saint  Antoine  dont  nous  avons 
parlé. 

Vey.  le  P.  Toussaint  de  Saint-Luc,  Mé- 
moires en  forme  d'abrégé  historique  de  l'Or- 
dre de  Noire-Dame  de  Mont-Carmel  el  de 
S  int-Lnz-are  de  Jérusalem.  Plusieurs  Vac- 
tums  el  Mémoires  concernant  cet  ordre. 
Bullar.  Rom.  loin.  Il  et  111.  Maimbourg, 
IJist.  des  Croisades.  Bernard  Giustiniani, 
lîi&t.  Chronolog.  de  gli  Ordini  militari.  De 
Belloy,  de  l'Origine  de  Chevalerie.  Philippe 
Bonanni,  Calalog.  Ord.  milit.  num.  6o  :  et 
Schoonebcck.  Histoire  des  Ordres  militaires, 
loin,  premier.  Yoy.  Mont-Carmel  ci-dessous, 
col.  lOiO. 

LAURES  DE  LA   PALESTINE   (Anciennes). 

L'on  peut  regarder  encore  comme  des  in- 
stituts particuliers  ces  anciennes  laures  qui 
ont  été  si  célèbres  en  Orient.  L'on  entend 
par  le  mol  de  laure  une  demeure  de  solitaires 
qui  logeaient  dans  des  cellules  éloignées  les 
unes  des  autres  par  une  distance  raisonna- 
ble, et  vivaient  en  société  sous  l'obéissance 
d'un  supérieur.  La  première  de  ces  laures 
fut  fondée  par  saint  Charilon.  Ceux  qui  ont 
donné  la  vie  de  ce  saint  disent  qu'il  était  d'I- 
cogne,  capitale  de  Lycaonie  ;  qu'ayant  em- 
brassé le  christianisme,  il  en  accomplit  si 
bien  les  devoirs,  que  sa  piété  le  distingua  du 
commun  des  fidèles  et  l'exposa  davant ago 
aux  violences  des  païens,  qui  se  saisirent  de 
lui  pendant  la  persécution  excitée  sous  l'em- 
pire d'Aurélien;  qu'il  souffrit  de  cruels 
tourments  avec  beaucoup  de  constance  ;  et 
qu'ayant  été  jeté  en  prison,  il  en  sortit  après 
la  mort  d'Aurélien,  qui  fut  tué  l'an  275; 
qu'étant  en  liberté  il  alla  à  Jérusalem,  où  il 
fonda  à  six  miiles  de  cette  \ î I le  la  laure  de 
Pharan,donl  l'église  fut  dédiée  par  saint 
Macaire,  évèque  dé  Jérusalem;  qu'il  fonda 
ensuite  deux  autres  laures,  l'une  vers  Jéri- 
cho, et  l'autre  dans  le  désert  de  Theuca,  dans 
lesquelles  il  eut  plusieurs  disciples  ;  et  qu'en- 
fin il  mourut  vers  l'an  340. 

Mais,  quoique  le  cardinal  Baronius  (2) , 
dans  ses  Annales  ecclésiastiques,  dise  que 
les  actes  de  ce  saint  soient  fidèles,  néanmoins 
M.  de  Tillemont  (•'!)  ne  les  croit  pas  d'une 
grande  autorité,  se  persuadant  que  Méla- 
phraste,  qui  est  le  premier  auteur  de  celte 
vie,  et  qui  déclare  que,  n'ayant  point  eu  de 
mémoires    pour  l'écrire,  il  ne    l'avait  corn- 

(I)  Voy..  à  la  fin  du  vol.,  n"s  181  et  185. 
(2|  Baronius,  ad  unit.  275,  §  !». 
(5)  De  TiUein.,  llisi.des  Emp.,  loin.  111,  p.  718,  et 
Hist.  Eccles.,  toni.'lV,  pag.  68-2. 


posée  que  sur  la  simple  tradition,  avait  con- 
fondu, aussi  bien  que  les  autres  (îrecs,  deux 
Charilon  ,  l'un  confesseur  ou  martyr  du 
temps  des  persécuteurs,  l'autre  fondateur  de 
plusieurs  monastères. 

Une  des  principales  raisons  sur  lesquelles 
ce  savant  critique  s'appuie,  c'est  que,  s'il 
était  vrai  que  saint  Chariton  eût  fondé  ses 
laures  dans  la  Palestine  après  la  mort  d'Au- 
rélien ,  qui  arriva,  comme  nous  avons  dit, 
l'an  273,  cela  ne  pourrait  s'accorder  avec  ce 
que  dit  saint  Jérôme,  que  saint  Hilarion  a 
été  le  premier  instituteur  des  moines  de  la 
Palestine,  où  l'on  n'en  avait  aucune  connais- 
sance avant  lui,  c'est-à-dire  après  la  mort 
de  Dioclétien,  qui  arriva  l'an  313.  L'église  de 
la  première  laure  de  saint  Chariton,  dédiée 
par  saint  Macaire  de  Jérusalem,  qui  ne  fut 
évèque  qu'en  314,  quarante  ans  après  la 
mort  d'Aurélien,  fournit  une  autre  difficulté 
à  cet  auteur,  ce  temps  lui  paraissant  trop 
considérable  pour  croire  que  saint  Chariton 
eût  vécu  assez  pour  fonder  encore  deux  au- 
tres laures  et  passer  ensuite  quelque  temps 
dans  une  entière  solitude.  Ainsi  il  aime 
mieux  distinguer  deux  Charilon,  l'un  qui  a 
souff.'  rt  la  persécution  du  temps  de  l'empe- 
reur Aurélien,  et  l'autre  fondateur  des  pre- 
mières laures  de  la  Palestine,  après  que 
saint  Hilarion  y  eut  introduit  la  vie  monas- 
tique. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  deux  Chariton, 
celui  qni  fonda  les  premières  laures  de  la 
Palestine  fut  imité  dans  le  vc  siècle  par  saint 
Eulhyme  le  Grand,  qui  bâtit  aussi  une  laure. 
Elle  fut  foi  t  renommée,  et  était  éloignée  de 
quatre  ou  cinq  lieues  de  la  ville  de  Jérusa- 
lem ;  mais  le  saint  abbé  n'y  voulait  point  re- 
cevoir de  jeunes  gens  qui  n'eussent  point 
encore  de  barbe,  c'est  pourquoi  saint  Sabas 
et  saint  (Juiriace  s'etant  présenté;  pour  être 
du  nombre  de  ses  disciples,  il  envoya  saint 
Sabas  au  monastère  de  saint  Théoclisle,  et 
saint  Ouiriace  à  celui  desaintGérasime,  parce 
qu'ils  n'avaient  point  encore  de  barbe  (4)  ; 
et,  à  son  imitation,  saint  Sabas  ayant  bâti  la 
cél  bre  laure  quia  porté  son  nom,  il  n'y  re- 
cevait point  non  plus  de  jeunes  gens  et  les 
envoyait  d'abord  dans  d'autres  monastères. 
Saint  Sabas  (5)  naquit  au  bourg  de  Muta- 
lasque  en  Cappadpce,  dons  le  diocèse  de  Ce- 
ntrée, vers  Tan  'riO.  Dès  l'âge  de  huit  ans  il 
se  retira  dans  le  monastère  de  Flaviane,  à 
une  petite  lieue  de  Mutalasquc.  11  y  demeura 
dix  ans,  alla  ensuite  à  Jérusalem  avec  la 
permission  de  son  abbé,  et  passa  l'hiver 
dans  le  monastère  de  Saint-Passarion,  alors 
gouverné  par  Elpide.  Ensuite  il  se  rendit 
auprès  desant  Euthyme  pour  vivre  sous  sa 
conduite;  niais  le  saint  abbé,  le  jugeant  trop 
jeune  pour  demeurer  parmi  les  ermites  de  sa 
laure,  l'envoya  au  monastère  d'en  bas,  dont 
était  abbé  saint  Théoclisle. 

Le  relâchement  s'étant  glissé  dans  ce  mo- 
nastère, saint  Sabas  le  quitta  et  s'établit  dans 

(4).  Cyrill.  Vit.  S.  Euih.  apud  Bolland.  20  janv., 
pag.  303. 

(5)  Cyrill.  l'ii.  S.  Sub.  apud  Corlel.  monum.  Eccl. 
Crac.  ton).  111. 


7M  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  7S* 

la  solitude  du  désert  de  saint  Gérasime,  assez  rieur,  ne  voulut  pis  seulement  qu'ils  s'y  rc- 
près  du  Jourdain.  !1  avait  pour  lors  trente-  posassent  en  qualité  d'hôtes.  Quelques  col- 
cinq  ai:s;  et,  après  en  avoir  demeuré  quatre  Iules  abandonnées  qui  étaient  près  du  lor- 
dans  ce  désert,  il  quitta  le  séjour  de  celte  so-  rent  de  Thécoé  leur  servirent  de  retraite.  Us 
litede  po  r  aller  habiter  une  caverne  dans  en  firent  encore  d'autres  au  même  lieu,  et 
les  roches  d'une  montagne,  au  pied  de  la-  commencèrent  ainsi  ce  qu'on  appela  depuis 
quelle  passait  le    torrent  de  Cédron,  à    trois  la  nouvelle  laure. 

lieues  de    Bethléem   et  à  cinq  de  Jérusalem.  Le  zèle  que  le  saint  abbé  avait   pour  ces 

Il   y    vécut   seul   pendant  cinq  an-,  occupé  moines  révoltés  le  tenait  dans  une  sainte  in- 

uuique.ment   du   soin    de   sou  salut,  lorsque  quiétude.  Sachant  qu'ils  étaient  dans  la  né- 

JJicu  lui  inspira  le  désir  de  travailler  au-si  à  cessilé,  il  leur  lit  tenir  une  somme  d'argent, 

procurer  celui   des  autres.  Il  y  bâtit  une  fa-  obtint  pour  eux    la   propriété   des    cellules 

meuse  laure,  et  y  assembla  soixante  -dix  so-  qu'ils  occupaient,  entreprit  un  voyage  cx- 

litaircs   qui   se  mirent    sous   sa  conduite;  le  près  pour  leur  porter  lui-même  diverses  eho- 

nombre  s'augmenta  jusqu'à  cent   cinquante,  ses  dont  ils  avaient  besoin,  et  leur  bâtit  une 

Mais,  quelque  grandes  que    fussent  l'union,  église.  Par  ce  moyen  il  sut  les  vaincre  et  ils 

la  charité  et  la  bonne  intelligence  qu'il  en-  se  soumirent  à  son  obéissance.  Il  l  ur  donna 

trelenait  parmi  eux,  il  ne  put  empêcher  que  pour  abbé  Jean,  le  premier  de  tous  ses  dis- 

quelques-uns  n'y  apportassent  du  trouble,  et  ciples.II  bâlitencore  d'autres  monastères,  où 

ils   furent   même  assez    hardis   pour  entre-  il  mit  des  supérieurs  d'une  grande  sainteté  ; 

prendre  de  le  priver  de  sa  charge  d'abbé.  Ils  et,  comme  il  n'avait  pas  moins  de  zèle  pour 

allèrent  pour  cet  effet  trouver  Sallusle.pa-  la  pureté  de  la  foi  que  pour  l'exacte  obser- 

triarche  de  Jérusalem,  et  lui  représentèrent  vance  de  la  discipline   régulière,   il  veillait 

que  saint  Sabas  était  un  homme   d'un'   sim-  sans  cesse   pour  empêcher  que  le  venin  de 

p  licite    grossière,   imprudent,   incapable   de  l'hérésie  ne  se  gli-sâl  dans  tous  ses  monas- 

gouveruer  un  si  grand  nombre  de  solitaires,  lères.  Il  convertit  même  quelques   solitai  es 

et   scrupuleux   jusqu'au  point  de  ne  vouloir  nestoriens  et  travailla  depuis  avec  le  même 

pas   être  prêtre   ni  permettre  que  l'on  con-  succès  à  faire  revenir  ceux  qui  suivaient  les 

féràt   cet  ordre   aux  religieux.  Salluste,  in-  erreurs  d'Kutychès  et  de  Dioscore.  Enfin  ce 

formé  du    mérite  de  saint  Sabas,  feignit  d'é-  saint  abbé,  étant  âgéde  plusde  quatre-vingt- 

couier  leurs  plaintes,  mais  il  ordonna  prêtre  douze  ans,  mourut  dans  sa  principale  laure 

le  saint,  et  dit  à  ces  faux  frères  :  Voila   votre  le  5  décembre  de  l'an  5J1. 
supérieur  ;  ce    n'est  point    par   le  choix  des  L'on   prétend  que  la   liturgie  qui  est   au- 

hommes,   m  .is  par  l'élection  de  Dieu  même  jourd'hui  en  usage  parmi  les  Grecs  est  celle 

qu'il   est   établi    dans  cette  charge.  Il  les  ra-  que  l'on  observait  dans   les   monastères  do 

mena  tous  à  la  laure,  où  il  consacra,  l'église  saint  Sabas,  qui  l'avait  reçue  de  ses  maîtres 

que  saint  Sabas  y  avait  construite.  saint  Eulhymc  et  saint  Thcoclisle  (1).  A  son 

Ce  saint  fonda  aussi  un  monastère  sur  la  exemple,  il  y  eut  plusieurs  de  ses  disciples 
colline  de  Cartel,  à  une  petite  lieue  de  sa  qui  fondèrent  aussi  des  laures,  dont  les  plus 
laure.  Il  bàlit  encore  un  cloitre  à  une  demi-  remarquables  furent  Jacques  (2) ,  qui  fonda 
lieue  de  cette  laure.  où  il  faisait  instruire  auprès  du  Jourdain  la  laure  des  Pyrges,  ou 
les  novices  ;  et  si  c'étaient  des  jeunes  gens,  des  Tours;  le  15.  Firmin,  qui  bàiit  la  laure 
il  les  envoyait  à  une  lieue  et  demie  de  là,  de  Malische,  connue  depuis  pir  son  nom  ; 
dans  le  monastère  de  l'abbé  saint  Théodose,  Sévérien  qui  en  fonda  aussi  une  dans  un  lieu 
son  ami,  pour  les  former  et  les  mettre  un  nommé  Mariche,  et  Julien  qui  bâtit  près  du 
jour  en  état  d'entrer  dans  sa  laure  ,  qui  Jourdain  la  laure  d'Elcérabe. 
était  le  séjour  des  parfaits.  Ayant  été  fait  Nous  avons  ci-devant  parlé  du  monastère 
exarque  ou  supérieur  général  de  tous  les  so-  de  saint  Gérasime,  où  saint  Quiriace  fut  en- 
litaires  qui  étaient  dans  les  déserts,  les  er-  voyé  par  saint  Eulhyme.  Il  était  au  milieu 
mitages  et  les  laures,  il  veillait  toute  l'année  d'une  laure  que  saint  Gérasime  avait  bâtie  à 
pai  sa  présence  avec  beaucoup  d'application  an  quart  de  lieue  du  Jourdain,  à  peu  près 
sur  ces  solitaires  qui  avaient  été  commis  à  dans  le  même  temps  que  saint  Sabas  vint  au 
ses  soins;  mais  depuis  l'épiphanie  jusqu'au  monde.  Elle  était  composée  de  soixante-dix 
dimanche  des  Rameaux,  il  se  relirait  dans  le  cellules.  Les  novices  et  les  jeunes  gens  de- 
fond  du  désert,  accompagné  d'un  seul  disci-  mouraient  dans  le  monastère,  et  y  prati- 
ple,  et  s'y  préparait  à  solenniser  la  fêle  de  quaient  les  exercices  ordinaires  des  commu- 
niques, naulés,  et   la  laure   n'était  que   pour   ceux 

Les  religieux  rebelles  de  sa  laure  lui  ten-  qui,  étant  avancés  et  bien  affermis  dans  la 

dirent  tant  de  pièges,  que,  pour  céder  à  leur  vertu,  pouvaient  supporter   une  plus  exacte 

malice,   il  résolut  de  les  quitter  et  se  retira  solitude  et  une    plus   austère  pénitence  (3). 

dans  différentes  solitudes  ;  mais  le  patriarche  lis  se  tenaient  seuls  dans  leurs  celluies  cinq 

de  Jérusalem  ayant  oblige  les  religieux  se-  jours  de  la  semaine,  n'ayant  pour  toute-  nour- 

ditieux  de  la  laure  de  l'y  recevoir,  ils  aimé-  riture  que    du    pain,   de   l'e  iu   et   quelques 

rent  mieux  s.'  retirer  eux-mêmes.  Ils  étaient  dattes.  Le  samedi  et  le  dimanche,  ils  venaient 

au   nombre  de  quarante   qui   allèrent  à   la  au  monastère,  où,  après  avoir  participé  aux 

laure  de  Suça  dans  l'espérance  qu'on  les  y  sacrés   mystères  ,   ils    mangeaient    quelque 

recevrait  ;  mais  Aquilin,  qui  en  était,  supé- .-  chose  de  cuit  et  buvaient  un  peu  de  vin. 

(1  )  Bulleau,  llhl.  Mon.  d'Orient,  p.  CU8.  (5)  VU.  S.  Euth.  apud  Rolland.  20  jan.,  p.  516. 

(2)  Ibi<L,  piig.  649. 


ÎS5  LAZ 

Après  les  vêprcn  du  dimanche,  ils  retour- 
naient dans  leurs  cellules,  emportant  avec 
eu\  du  pain,  de  l'eau  el  des  dalles,  pour  se 
nourrir  pendant  ies  cinq  jours  qu'ils  y  devaient 
rester  seuls.  Ils  s'y  occupaient  au  travail  et 
à  la  prière.  Ils  n'y  po  vaient  pas  allumer 
lie  feu,  non  pas  même  de  lampe  pour  faire 
la  lecture;  el  c'élaii  une  loi  parmi  eux  que 
lorsqu'ils  sortaient  de  leurs  cellules,  ils  en 
devaient  laisser  la  porte  ouverle  pour  mar- 
quer par  là  qu'ils  n'avaient  rien  eu  propre 
el  que  les  autres  pouvaient  disposer  de  leurs 
pelils  meubles  (1).  Saint  Gérasime  mourut 
l'an  4-75.  Il  y  eut  encore  d'autres  laures  aux 
environs  du  Jourdain  ,  el  celle  qui  lut  bâlie 
par  un  saint  solitaire  nommé  Antoine  fut 
nommée  la  laure  des  Elioles.  Nous  donnons 
ici  l'habillement  d'un  moine  deSainl-Charilon 
et  celui  d'un  moine  de  Saint-Sabas  tels  que 
le  P.  Bonanni,  Odoarl  Fi  ilelti  et  Sehoonc- 
beck  les  ont  l'ail  graver  (2).  Il  y  a  bien  île 
l'apparence  que  du  temps  des  fondateurs  de 
ces  laures,  ils  n'étaient  pas  ainsi  habillés  ; 
mais,  comme  les  laures  de  ces  deux  saints 
ont  subsisté  pendant  plusieurs  siècles,  ceux 
qui  ont  habité  ces  laures  ont  pu  prendre 
dans  la  suite  de  pareils  habillements.  Quant 
à  la  couleur,  il  parait  que  la  robe  des  moines 
de  Saint-Chariton  était  blanche,  la  chape  et 
le  capuce  noirs,  et  que  lhabillemenl  des 
moines  de  Saint-Sabas  elait  entièrement  noir. 
On  voit  encore  aujourd'hui  des  vestiges  de 
la  laure  de  ce  saint  dans  un  monastère  de 
moines  grecs,  qui  a  toujours  reienu  le  nom 
de  laure  de  Saint-Sabas. 

LAURÉTANS  PARTICIPANTS.   Voy.   Be- 
thléem. 

LAZARISTES. 

Des  Lazaristes  ou  de  la  congrégation  des  Prê- 
tres de  la  Mission  ,  avec  la  vie  de  saint 
Vincent  de  Paul,  leur  instituteur. 
Les  désordres  causés  par  l'hérésie  et  la  li- 
cence des  armes  durant  les  guerres  civiles 
dont  la  France  fut  affligée  sur  la  lin  du  xvr 
siècle  et  au  commencement  du  xvn',  étaient 
trop  grands  pour  que  les  Prêtres  de  l'Ora- 
toire pussent  seuls  y  remédier,  soit  en  fai- 
sant refleurir  dans  l'étal  ecclésiastique  les 
vertus  cléricales  el  sacerdotales,  soit  en  ai- 
llant les  pasteurs  à  ramener  au  bercail  les 
brebis  que  l'hérésie  ou  le  libertinage  en 
avait  fuit  sortir.  C'est  pourquoi  Dieu,  qui, 
connaissant  les  besoins  de  son  Eglise,  ne 
manque  jamais  de  lui  donner  les  secours 
qui  lui  sont  nécessaires,  suscita  encore  dans 
ce  royaume  d'autres  samls  personnages,  qui, 
animés  de;  son  esprit  et  fortifiés  par  sa  grâce, 
fondèrent,  à  l'exemple  au  cardinal  de  Bérulle, 
des  congrégations  dont  le  principal  but  est 
de  travailler  aux  missions  et  d'inspirer  aux 
jeunes  clercs  i'esprit  de  piété  et  de  dévotion 
«I ui  leur  est  nécessaire  pour  s'acquitter  di- 
gnement des  fonctions  de  leur  ministère.  Tel- 
les sont  les  congrégations  <ies  Piètres  de  la 
Mission,  des  Eudisles  du  Saint-Sacrement, 
des   .Missionnaires  do  Lyoa,  el  quelques  au- 

(1)  Bulleau,  Him.  Monml.  d'Orient,  pag,  796. 


LAZ 


754 


très  dont  il  est  parlé  aux  articles  de  ces  dif- 
férents noms. 

La  congrégation  des  Prêtres  de  la  Mission 
a  eu  pour  fondateur  M.  Vincent  de  Paul.  Il 
naquit  au  village  de  Poui  près  de  Dax,  petite 
ville  épiscopale  située  aux  contins  des  Lan- 
desde  Bordeaux,  vers  les  monts  Pyrénées.  Ses 
parents  vhaienl  de  leur  travail.  Son  père  se 
nommait  Jean  de  Paul,  et  sa  mère  B  rlrande 
de  Moras.  Ils  avaient  une  maison  el  quel- 
ques pelils  héritages,  qu'ils  la  s  ,ient  valoir 
par  leurs  mains,  étant  aidés  par  leurs  enfants, 
qui  furent  six,  savoir:  quatre  garçons  et  deux 
filles.  Vincent,  qui  était  le  troisième,  fut  dès  t 
son  enfance  employé  comme  les  autres  à 
travailler,  et  particulièrement  à  mener  paî- 
tre et  garder  les  troupeaux  de  son  père,  qui, 
jugeant  par  la  vivacité  d'esprit  que  Vincent 
faisait  paraître  dans  toutes  ses  paroles  et  ses 
actions,  qu'il  pourrait  faire  quelque  chose 
de  meilleur  que  de  mener  paître  des  bes- 
tiaux, prit  li  résolution  de  le  faire  étudier, 
dans  l'espérance  «.'en  tirer  un  jour  quelque 
avantage  poursa  famille.  Pour  cet  effet  il  Içmit 
eu  pension,  vers  l'an  1588,  chez  les  Pères  Coi- 
deliersdeDax,  moyennant  soixante  livres  p  r 
an.  Il  y  fit  un  tel  progrès  dans  la  langue  latine, 
que,  quatre  ans  après,  le  sieur  Commet,  avo- 
cat de  Dax  et  juge  de  Poui,  l'ayant  retiré  du 
couvent  des  Cordeliers,  le  reçut  en  sa  mai- 
son pour  être  précepteur  de  ses  enfants,  afin 
que,  prenant  soin  de  leur  instruction  et  da 
leur  conduite,  il  pût  continuer  ses  éludes 
sans  être  à  charge  à  son  père  :  ce  qui  lui 
donna  le  moyen  de  se  perfectionner  dans  la 
connaissance  des  belles-lettres,  auxquelles 
il  employa  neuf  ans,  au  bout  desquels  le 
sieur  Commet,  qui  était  une  personne  de 
piété,  satisfait  du  service  qu'il  lui  avait  rendu 
en  la  personne  de  ses  enfants  el  jugeant  qu'il 
sérail  un  jour  utile  à  l'Eglise,  lui  fit  prendre 
la  tonsure  et  les  quatre  mineurs  le  19  sep- 
tembre 15'JG,  étant  alors  âgé  de  vingt  ans. 

Se  voyant  ainsi  engagé  au  ministère  da 
l'Eglise,  et  ayant  pris  Dieu  pour  son  partage, 
il  quitta  son  pays  du  consentement  de  son 
père,  qui  lui  donna  quelque  petit  seeours 
pour  aller  étudier  en  théologie  à  Toulouse, 
où  il  prit  les  ordres  de  diacre  et  de  sous- 
diacre  en  1598,  el  la  préirise  en  1G00.  Peu  de 
temps  après  on  lui  donna  la  cure  de  Tilh  au 
diocèse  de  Dax  ;  mais,  lui  ayant  été  contestée 
par  un  compétiteur,  il  ne  voulut  point  avoir 
de  procès  et  lui  en  laissa  la  possession,  Dieu 
le  permettant  ainsi  afin  qu'il  ne  fût  point 
oblige  d'abandonner  ses  éludes.  11  employa 
sept  ans  à  celle  de  la  théologie,  après  les- 
quels ayant  été  reçu  bachelier  dans  l'uni- 
versité de  Toulouse,  il  lui  fut  permis  d'ensei- 
gner publiquement  dans  la  même  université. 
Jusque-là  tout  avait  réus-i  selon  les  souhaits 
de  M.  Vincent;  mais  une  personne  l'ayant 
institué  son  héritier  l'an  1005,  et  ayant  élé 
obligé  d'aller  à  Marseille  pour  se  faire  payer 
une  dette  de  cinq  cents  écus  qui  était  de  la 
succession,  il  tomba  dans  une  disgrâce  dans 
laquelle  il  ne  put  pas  douter  de  la  protection 

(2)  Voy.,  à  la  lia  du  vol.,  u«»  186  et  187, 


755 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


750 


de  Dieu  sur  lui  par  la  manière  dont  il  s'en 
relira.  Car,  comme  après  avoir  terminé  son 
affaire  à  Marseille  il  se  disposait  à  retourner 
par  terre  à  Toulouse,  un  gentilhomme  du 
{Languedoc  l'ayant  engagé  de  s'embarquer 
avec  lui  jusqu'à  Narbonne ,  ils  rencontrer 
rent  trois  brigantins  turcs  qui  les  prirent  et 
les  menèrent  en  Barbarie  ,  où  Vincent  de 
Paul  fut  vendu  à  un  pêcheur,  qui  n'ayant 
pu  se  servir  de  lui  à  cause  qu'il  ne  pouvait 
souffrir  la  mer,  le  revendit  à  un  médecin; 
et,  celui-ci  étant  mort,  il  devint  esclave  d'uu 
renégat  de  Nice  en  Savoie,  qui,  bien  loin  d'i- 
miter ses  semblables,  qui  ordinairement  per- 
sécutent le  plus  Jésus-Christ  dans  ses  mem- 
bres qui  ont  le  malheur  de  tomber  dans  l'es- 
clavage, fut  au  contraire  l'instrument  dont 
Dieu  se  servit  pour  rendre  la  liberté  à  son 
serviteur  en  lui  rendant  à  lui-même  celle  de 
l'âme;  car,  se  repentant  de  son  apostasie,  il 
se  sauva  avec  lui  d'une  manière  d'autant 
plus  admirable  et  miraculeuse,  qu'ils  passè- 
rent toute  la  mer  Méditerranée  dans  un  es- 
quif que  la  moindre  vague  était  capable  d'a- 
bîmer; mais  Dieu  ,  qui  les  conduisait ,  leur 
ayant  fait  éviter  {es  dangers  auxquels  les 
plus  gros  vaisseaux,  sont  exposés,  ils  arrivè- 
rent à  Aiguesmortes  le  28  juin  1607,  d'où  ils 
furent  à  Avignon,  où  le  vice-légal  reçut  l'ab- 
juration du  renégat.  M.  de  Paul,  étant  allé  à 
Paris  l'année  suivante,  y  lia  amitié  avec  M. 
de  Bérulle,  qui,  songeant  pour  lors  à  établir 
sa  congrégation,  le  sollicita  de  se  charger  de 
la  cure  de  Clichi,  dont  M.  Bourgoin  voulait 
se  défaire  pour  entrer  dans  la  congrégation 
des  Prêtres  de  l'Oratoire,  et  de  prendre  le 
soin  des  enfants  du  corne  de  Joigny,  Emma- 
nuel de  Gondy,  général  îles  galères  de  Fiance, 
et  cela  en  qualité  de  précepteur,  dont  il  s'ac- 
quitia  si  bien,  que  Françoise  de  Silly,  épouse 
de  ce  comte  et  mère  de  ces  enfants,  damo 
d'une  piété  singulière,  édifiée  de  sa  modes- 
tie, de  sa  discrétion  et  de  sa  charité,  jugea 
ù  propos  de  lui  confier  la  conduite  de  son 
âme. 

Le  séjour  qu'il  fit  dans  la  maison  du  comte 
de  Joigny  fut  cause  de  l'établissement  de  la 
congrégation  de  la  Mission.  Car,  environ  l'an 
1G10,  étant  allé  avec  la  comtesse  dans  une  de 
ses  terres,  qu'on  nomme Folleville.au diocèse 
d'Amiens,  où  il  s'occupait  pendant  son  séjour 
àdcsœuviesde  miséricorde, on  ie  vint  un  jour 
prier  d'aller  au  village  de  Canne,  éloigne  de 
Fulleviilc  de  deux  lieues,  pour  confesser  un 
paysan  qui  était  dangereusement  malade. 
Cet  homme  avait  toujours  vécu  en  réputa- 
tion d'un  homme  de  bien;  néanmoins  M.  de 
Paul,  L'étl>nt  allé  voir,  et  lui  ayant  fait  faire 
une  confession  générale,  trouva  sa  cons- 
cience chargée  de  plusieurs  péchés  mortels 
qu'il  avait  toujours  retenus  par  honte,  et 
dont  il  ne  s'était  jamais  accusé  en  confession, 
comme  il  le  déclara  lui-même  en  présence  de 
plusi.  urs  personnes,  et  même  de  la  comtesse 
deJoigny,  qui,  épouvaniée  de  tant  de  confes- 
sions sacrilèges  et  des  péchés  énormes  de  sa 
vie  passée,  et  appréhendant  qu'il  n'en  fût  de 
même  de  la  plupart  de  ses  vassaux,  exhorta 
M.  de  Paul  à  prêcher  dans  l'église  de  Folle- 


j  ville  le  jour  de  la  conversion  de  saint  Paul 
de  l'an  1G17,  pour  exhorter  1rs  habitants  à 
faire  une  confession  générale.  Il  le  fil,  et  leur 
en  représenta  l'importance  et  l'utilité  avec 
des  paroles  si  efficaces,  que  ces  bonnes  gens 
vinrent  tous  à  lui  pour  leur  confession  géné- 
rale; et  la  presse  fut  si  grande,  qu'il  fut  obligé 
d'appeler  à  son  secours  les  Jésuites  d'Amiens, 
qui  conjointement  avec  lui  firent  un  si  granit 
profit  dans  celte  première  mission,  que  cezélî 
fondateur  l'a  toujours  regardée  comme  la  se» 
mence  de  toutes  les  autres  qu'il  a  faites  de- 
puis, et  par  conséquent  comme  l'origine  de 
sa  congrégation;  et  tous  les  ans,  le  même  joue 
2a  janvier,  i!  en  rcmlait  grâces  à  Dieu  et  rc« 
commandait  à  ses  disciples  de  faire  la  même 
chose  :  c'est  pourquoi  les  prêtres  de  cet  ins- 
titut célèbrent  avec  une  dévotion  particu- 
lière la  fête  de  la  Conversion  de  saint  Paul, 
en  mémoire  de  ce  que  leur  fondateur  com- 
mença heureusement  en  ce  jour  sa  première 
mission  qui  a  été  suivie  de  tant  d'autres,  qui 
ont  causé  la  conversion  d'un  très-grand  nom- 
bre de  personnes. 

Madame  la  comtesse  de  Joigny,  ayant  re- 
connu par  ce  premier  essai  qui  réussit  avec 
tant  de  succès,  la  nécessité  des  missions,  par- 
ticulièrement pour  le  peuple  de  la  campagne, 
conçut  dès  lors  le  dessein  de  donne,  un  fonds 
de  seize  mille  livres  à  quelque  communauté 
qui  voudrait  se  charger  J'en  faire  de  cinq 
ans  en  cinq  ans  dans  toutes  ses  terres.  Elle 
en  fit  parler  aux  Jésuites  et  aux  Prêtres  de 
l'Oratoire,  qui,  ne  voulant  pas  s'en  charger, 
lui  firent  prendre  la  résolution  d'insérer  dans 
son  testament  un  article  par  lequel  après  sa 
mort  die  donnait  ces  seize  mille  livres  pour 
fonder  celte  mission,  au  lieu  et  en  la  manière 
que  M.  de  Paul  lé  jugerait  à  propos. 

Quoique  ce  servileur  de  Dieu  fût  dans  la 
maison  de  M.  de  Gondy  comme  dans  un  sé- 
minaire, tant  par  rapport  à  la  liberté  qu'il  y 
avait  de  pratiquer  les  exercices  de  la  plus 
grande  piélé,  que  par  rapport  à  la  régula- 
rité avec  laquelle  on  y  vivait  par  les  soins  cl 
l'exactitude  de  madame  de  Gondy,  néan- 
moins le  grand  désir  qu'il  avait  de  se  donner 
plus  parfaitement  au  service  de  Dieu  et  à 
l'instruction  du  prochain  lui  ayant  fait  pren- 
dre la  résolution  d'en  sortir,  il  prit  le  pré- 
texte d'un  peiil  voyage  qu'il  avait  à  faire,  et 
sortit  de  Paris  au  mois  de  juillet  1G17,  sans 
avoir  déterminé  aucun  lieu  où  il  dût  s'arrê- 
ter. Mais  M.  de  Bérulle,  qui  le  voyait  résolu 
de  sortir,  lui  ayant  proposé  d'aller  travailler 
en  quelque  lieu  de  la  Bresse  où  il  y  avait 
disette  d'ouvriers  évangéliques,  cl  particu- 
lièrement dans  la  paroisse  de  Chàlillon-les- 
Dombes,  il  suivit  cet  avis  et  alla  cri  ce  lieu  , 
où  étant  arrivé,  une  des  premières  choses 
qu'il  fil  fui  de  porter  cinq  ou  six  ecclésiasti- 
ques qu'il  y  trouva  à  se  mettre  ensemble  et 
former  une  espèce  de  communauté  pour  se 
donner  plus  parfaitement  à  Dieu  et  au  ser- 
vice de  sou  Eglise  :  ce  qu'ils  firent  à  sa  per- 
suasion, s'estimant  trop  heureux  d'être  as- 
sociés à  un  si  saint  prêtre  pour  un  sujet 
aussi  louable  et  aussi  utile.  Mais  la  joie 
qu'ils  avaient  de  le  posséder  ne  dura  que  forJ 


■;:,-                                LAZ  LAZ                                  75h 

peu  île  temps  ;  car  madame  de  Gondy,  qui,  cinal  de  ce  Collège  eh  f tveur  de  M.  de  Paul, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,   avait  mis  la  auquel   M.    ri  madame  de  Gondy  donnèrent 
conduite  de  sa  conscience  entre  les  mains  de  quarante  mil I >>  livres  en  argent  comptant  pour 
M.  de  Paul,   souffrant  avec  peine  son  éloi-  commencer  la    londalio  i,    avec   pouvoir   d  • 
gnement,  lit  tout  ce  qu'elle  put  pour  !e  faire  choisir   tel  nombre  d'ec  lésiastiqtlds  que   le 
revenir,  employant  l'autorité  du  cardinal  de  revenu  de  la  fon  Inllon  p  lurrait  entretenir,  et 
Kelz,  pour  lots  evèquc   de  Paris,  qui,  étant  qui  se:  aient  sous  sa  direction  sa  vie  durant  : 
son  beau-frère,    voulut  bien  écrire  pour  ce  à  condition  néanmoins  que  nonobstant  celle 
sujet.  M.   de  itérulle  s'intéressa  aussi  pour  direction   il  resterait  dans  leur  maison    pour 
cela  ;  ou  lui  envoya  même  exprès  un  de  ses  leur  continuer  cl  à  leur  f  imille  l'assistance 
plus  intimes  amis,  qui,  appuyant  les  lellres  spirituelle  rju'il   leur  avait   rendue  jusqu'a- 
par  lesquelles  on  le   priait  de  donner   cette  lors.   Après    celte  fondation,  comme  s',1   ne 
consolation  à  madame  de  Gondy,  le  déler-  restait   plus    rien  à   madame  de   Gondy  que 
mina  à  revenir  à  Paris,  où  il  arriva  au  mois  d';il'er  ;:u  ciel  recevoir  la   couronne  qui  lui 
d    décembre  de  la  même  année  1617,  et  la  était  préparée  pour  ions  les  services  Qu'elle 
veille  de  Noël    il  rentra  dans  la  maison  de  avait  lâché  de  rendre  à   D.c-u,  élan!  tout  at- 
Gondy.  Il  y  fut    reçu  comme  un  ange   venu  ténuée  parles  maladies,  les  peines  et  les  l'i- 
du    ciel,   particulièrement    de    madame    de  ligues  que  son  zèle  et  sa  charité  lui  avaient 
Gondy.  qui,  dans  la  crainte  qu'il  ne  la  qu'il-  fait  entreprendre,   elle  mourut  la   veille  de 
lâl  une  seconde  fois,  lui  fit  promettre  qu'il  Saint-Jean-Baplistc  de  1 1  même  année.  Après 
l'assisterait  jusqu'à  la  mort,  comme  il  le  lit,  que  son  corps   eut  élé  porté  aux  Carmélites 
Dieu  l'ayant  voulu  ainsi  pour  donner  corn-  de  la  rue  Chapon,  dû  elle  avait  choisi  sa  sé- 
mcncemenl  à  la  congrégation  do  la  mission,  pulture,  M.  de  Paul  sortit  de  Paris  pour  al- 
par  le  moyen  de  celle  sainte  dame,  qui,  per-  1er  porter  cette   tr.ste  nouvelle  à  son  mari, 
gistant  toujours   dans  la    résolution   qu'elle  qui  était  en  Provence,   et  afin  de  lui  dem  in- 
avait prise  de  faire  une   fondation  p  uir  l'en-  der  son   agrément  pour   qu'il   se  retirât  au 
trelien  et   la  subsistance  de  quelques   bons  collège  des   Bons-Smfauts  :  ce  qui  lui  ayant 
prêtres  ou   religieux   qui  allassent  de  temps  éié  accordé,  il   revint  à  Paris,  où  il   mit   la 
en  lemps  faire  des  missions  dans  Ses  terres,  dernière    main  à  l'établissement  de  la  cott- 
et  ayant  cherché  par  le  moyen  de  H.  de  Paul  grégilion  de  la   Mission,  qui  fut  approuvée 
tous  les  moyens  pour  exécuter  son  dessein  par  l'arch-'vêque   de  Paris  le  -2ï  avril  1G2G. 
sans  avoir  pu  réussir,  par  le  refus  qu'en  fi-  M.  Portail,  qui  avait   déjà  demeuré  quinze 
renl  pp  sieurs    supérieurs  de  communautés  ans  avec   lui,   ne  le  voulut  point  quitter  eu 
auxquels  on  en  parla,  fit  enfin  réll  xion  que  une  si  belle  occasion.  Deux  bons  prêtres  de 
plusieurs  docteurs  el  autres  vertueux  ecclé-  Picardie,  nommés  l'un  du  Coudrey  et  l'autre 
siastiques   qui  se  joignaient  ordinairement  à  de  la  Salle,  s'offrirent  ensuite  à  ce  saint  fon-* 
M.  de  Paul  pour  ira»  ailler  aux  missions  qu'il  daleur,  qui  les  associa  lois  trois  à  lui,  eu 
n'avait   pas  discontinue  de  faire  depuis  son  exécution  de  la  fondation  par  un  ace  passé 
retour,  n'auraient  peut-être  point  de  difficulté  par-devant   notaires    le    V  septembre  de   la 
de  faire  une  congrégation  particulière  dont  même  année.  Quatre  autres  prêtres  les  sui- 
l'obligalion  principale  serait  de  faire  les  mis-  virent  peu  de  temps  après,  el  leur   cotnmu- 
sions,  si  elle  leur  fondait  une  maison  à   Pa-  naulé  s'élant   augmentée  considérablement 
ris  dans  laquelle  ils  pussent  se  reiirer  et  vi-  dans  la  suite,  le  pape  Urbain  VIII,  par   une 
vie  en  communauté  :  ce  qui  serait  justement  bulle  du  mois  de  janvier  de  l'an  1(3)2,  érigea 
l'exécution  de   son    pnux  dessein.    Elle    en  celte  compagnie  en  Congrégation  sous  le  ti- 
pa?  la  au  comte  de  Joigny,  son  mari,  qui  non-  Ire  de  la  Mission,  et  permit  au  fondateur  de 
seulement  approuva  son  dessein,  mais  aussi  dresser  des  règlements  pour  le  bon  ordre  de 
voulût  s'en  rendre  fondateur  conjointement  elle  même  congrégation.  Pour  autoriser  da- 
avec  elle.  Ils  en  communiquèrent  tous  deut  vautage    cet  institut,    le    roi  Louis  XIII  fit 
avec  Jean-François  de   Gondy,    leur   frère,  expéher  des    lellres    patentes    au   mois    de 
premier  archevêque  de  Taris,  q  ii  non-seule-  mai  1642,  et  elles  furent  vérifiées  au   parle- 
ment approuva  leur  zèle,  mais,  considérant  nient  de  Paris  au  mois  de  septembre  de  la 
que    son    diocèse    eu   pourrait    recevoir    de  même  année. 

grands  biens,  voulut  aussi  c  mlribuer  à  celle  Dans  le  lemps  que  l'on  poursuivait  la  bulle 

fondation  eu  destinant  le  collège  des  Bons-  d  nt  nous  venons  de   parler,  les   prêtres  de 

Enfants,  qui  était   à  sa  disposition,  pour  le  cette  congrégation  cnlr  rent  dans  le  prieuré 

logement  de   ces  prêtres.  Us  en  parlèrent  à  de   Saint-Lazare    à   Paris,    qui    appartenait 

M.  de  Paul,  qui   consentit  à  la   proposition  pour  lors  aux  Chanoines    Réguliers  de   la 

qu'on   lui  fit,  premièrement,  de  recevoir  ce  congrégation  de  Saint-Victor,  qui  voulurent 

collège  avec  la  direction  des  piètres  qui   s'y  bien  consentir   à  la   cession  qui   en  fut  faite 

retireraient  avec   lui,  et  des  missions  aux-  par  leur  prieur  aux  conditions  portées  par 

quelles    ils    s'appliqueraient;    secondement,  le  concordat  fait  entre  eux  le  7  janvier  1632. 

d'accepter  la  fondation  au   nom  de  ces  pré-  En  suite  de  ce  concordat  et  de  la  démission 

très;  el  en  troisièuiclieu,  de  choisir  lui-même  du  prieur,  l'archevêque  de  Paris  fit  l'union 

ceux    qu'il    trouverait  .propres   et    disposés  de  ce  prieuré  comme  d'un  bénéfice  qui  était 

pour  ce  |  ieux  dessein.  La  chose  ainsi  reso-  à  sa  collation,  à  la  congrégation   de  la  Mis- 

lue  fut  exécutée  le  1"  mars  162b,  et  l'arche-  sion,  ainsi  qu'il  parait  par  ses  lellres  du  der- 

véque  de  Puis   fit  expédier,  le  17  avril  de  nier  décembre  1633,  et  elle  fut  confirmée  par 

l'année  suivante  1623,  les  provisions  de  prin-  le  pape  Urbain  V1I1  par  une  bulle  du  mois 


759 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELiGIEUX. 


7fi0 


de  mars  de  l'an  1635.  Celte  maison,  par  sa 
vaste  étendue,  la  grandeur  de  ses  bâtiments, 
le  nombre  des  prêtres  et  dis  séminaristes  qui 
y  demeurent  et  la  résidence  que  le  général  y 
fait,  est  de\  enue  chef  de  cette  congrégation, 
qui,  se  rendant  de  plus  en  plus  nécessaire  à 
l'Eglise,  a  fuit  dans  la  suite  de  fort  grands 
progrès  tant  dans  celte  même  ville  de  Paris, 
où  elle  a  obtenu  le  séminaire  de  Saint-Char- 
les, que  dans  le  reste  du  royaume  aussi  bien 
que  dans  les  pays  étrangers.  Le  premier  de 
ces  établissements  fut  à  Toul  en  1635.  On 
leur  donna  en  1637  la  maison  de  Notre-Dame 
de  la  Rose  en  Guienne.  Le  cardinal  de  Riche- 
lieu les  établit  l'an  1638  à  Richelieu  el  à  Lu- 
çon.  Ils  obtinrent  un  autre  établissement  à 
Annecy  en  Savoie  l'année  suivante.  Ils  pas- 
sèrent l'an  1642  en  Italie,  où  la  duchesse 
d'Aiguillon  Marie  de  Vignerod  leur  fonda 
une  maison  à  Rorne;  elle  en  fonda  aussi 
dans  son  duché  d'Aiguillon  et  dans  son  comté 
d'Age  nais  aussi  bien  qu'à  Marseille.  Ils  fu- 
rent appelés  à  Gènes  l'an  Kj45  par  le  cardi- 
nal Durazzo,  qui  leur  fonda  une  maison 
en  celle  ville.  Ils  furent  reçus  en  Pologne 
l'an  1631,  où  la  reine  Marie  de  Gonzague  les 
établit  à  Varsovie  ;  enfin  elle  fit  un  si  grand 
progrès  el  en  si  peu  de  temps,  que  M.  de  Paul 
eut  la  satisfaction  pendant  son  généralat  de 
voir  établir  vingt-cinq  maisons  de  son  insti- 
tut, dont  la  dirnière  fut  fondée  à  Turin 
l'an  1654. 

Outre  le  bien  que  ce  saint  instituteur  a 
procuré  à  l'Eglise  en  lui  donnant  tant  d'ou- 
vriers évangéliques  par  rétablissement  de 
sa  congrégation,  il  s'est  encore  di-tingué  par 
plusieurs  autres  saintes  inslilutions  tant  pour 
le  soulagemeï.i  corporel  des  pauvres  que 
pour  le  salut  de  leurs  âmes.  Car,  on L  e  les 
confréries  de  lâchante  dans  chaque  paroisse, 
qui  lui  sont  redevables  de  leur  commence- 
ment, il  a  encore  établi  les  filles  de  la  Cha- 
rité, servantes  des  pauvres  malades,  et' con- 
tribué à  l'établissement  de  celles  de  la  Croix, 
dont  nous  avons  parlé  à  leurs  articles.  C'est 
lui  qui  a  donné  origine  aux  compagnies 
des  dames  pour  le  service  de  l'Hôlel-Dieu  de 
Paris,  aux  exercices  de  ceux  qui  doivent  re- 
cevoir les  ordres,  aux  retraites  spirituelles 
de  toutes  sorles  de  personnes  qui  veulent, 
ou  choisir  un  état  de  vie  ou  faire  des  confes- 
sions générales  ;  aux  conférences,  ecclésias- 
tiques, à  plusieurs  séminaires,  et  enfin  à 
quantité  d'hôpitaux,  comme  à  ceux  des  en- 
fants trouvés,  des  pauvres  vieillards  de  Paris, 
cl  des  galériens  de  Marseille. 

Il  assista  Louis  Xlll  à  la  mort,  et  fut  en- 
suile  nommé  par  la  reine  régente  pour  un 
de  ceux  qui  composèrent  le  conseil  royal  des 
affaires  ecclésiastiques  et  bénéficiales,  dont  il 
eut  lui  seul  presque  toul  le  poids  pendant  dix 
ans.  Au  milieu  de  ces  emplois  et  des  fonctions 
indispensables  de  sa  charge  de  général,  il 
sut  se  conserver  dans  une  égalité  peu  com- 
mune ;  toujours  uni  à  Dieu,  il  marcha  en  sa 
présence  plein  d'un  esprit  de  zèle  pour  sa 
gloire  et  de  charité  pour  le  prochain  auquel 
il  voulut  assurer  les  secours  qu'il  lui  avait 
toujours  donnés,  eu  mettant   la   dernière 


main  à  se;  règles  et  constitutions,  paF  les- 
quelles il  obligea  ses  disciples  à  continuer 
pour  le  salut  des  âmes  ce  qu'il  leur  avait  en- 
seigné par  son  exemple  :  c'est  pourquoi  il  fit 
assembler  en  1658  la  communauté  de  Saint- 
Lazare,  el,  après  avoir  fait  à  tous  ceux  qui 
la  composaient  un  discours  fort  affectif  et 
paternel,  sur  le  sujet  des  observances  de  ces 
règles,  il  les  fil  approcher  tous,  et  leur  don- 
na à  chacun  un  petit  livre  imprimé,  conte- 
nant ces  règles,  qu'ils  reçurent  avec  beau- 
coup de  respect  et  une   dévotion  sincère. 

Quoique  ses  grands  travaux  l'eussent  ré- 
duit dans  un  grand  allaitement  et  lui  eussent 
causé  une  longue  maladie,  il  ne  laissait  pas 
toujours  de  s'occuper  non-seulement  au  bien 
et  à  l'avancement  de  sa  congrégation,  mais 
encore  au  salut  du  prochain,  sans  oublier  le 
sien  propre,  dans  la  crainte  qu'après  avoir 
prêché  et  enseigné  les  autres,  il  ne  fût  lui- 
même  réprouvé.  C'est  pourquoi,  afin  d'é- 
viter ce  malheur  dont  il  avait  retiré  tant  d'â- 
mes, plus  il  avançait  en  âge,  plus  il  se  ren- 
dait exact  à  l'observance  de  ses  règles,  et 
particulièrement  à  satisfaire  à  l'obligation  de 
son  office  :  ce  qui  obligea  le  pape  Alexan- 
dre Vil,  qui  connaissait  combien  la  conser- 
vation de  ce  grand  serviteur  de  Dieu  était 
importante  à  toute  l'Eglise,  à  lui  faire  expé- 
dier un  bref  à  son  insu  pour  le  dispenser 
de  l'office  Mivin  ;  et  en  même  temps  les  car- 
dinaux Durazzo,  archevêque  de  Gênes; 
Ludovisio,  grand  pénitencier,  et  Bagni,  qui 
avait  été  nonce  en  France,  lui  écrivirent 
pour  l'exhorter  à  se  soulager  et  à  se  conser- 
ver. Mais  le  temps  auquel  Dieu  avait  déter- 
miné de  lui  donner  la  récompense  de  tous 
ses  travaux  étant  venu,  il  mourut  le  27  sep- 
tembre de  l'année  16l>0,  âgé  de  85  ans,  après 
s'être  disposé  à  ce  dernier  passage  par  un 
renouvellement  de  ferveur  et  de  piété.  Il  fut 
enterré  au  milieu  du  clueur  de  Saint-Lazare, 
où  ses  obsèques  se  firent  avec  un  grand 
concours  de  plusieurs  seigneurs  et  dames, 
mais  particulièrement  du  prince  de  Conti  , 
du  nonce  du  pape  M.  Picolomini,  et  de  la  du- 
chesse d'Aiguillon.  Quelques  jours  après  l'on 
fit  pour  lui  un  service  solennel  dans  l'église 
de  Saint-Germain-l'Auxerrois  ,  où  l'évéque 
du  Puy  prononça  son  oraison  funèbre.  On  a 
depuis  fait  les  informations  juridiques  de  sa 
vie,  de  ses  vertus  et  de  ses  miracles,  pour 
poursuivre  à  Home  le  procès  de  sa  béati- 
fication. 

Cette  congrégation  a  été  beaucoup  aug- 
mentée après  la  mort  de  ce  saint  fondateur  , 
étant  présentement  composée  d'environ  qua- 
tre-vingt-quatre maisons,  divisées  en  neuf 
provinces,  qui  sont  celles  de  France,  Cham- 
pagne, Aquitaine,  Poitou,  Lyon,  Picardie, 
de  Rome,  Lombardie  et  Pologne.  Outre  ces 
maisons,  madame  la  duchesse  d'Aiguillon 
leur  fit  une  fondation  pour  l'entretien  de 
quelques  missionnaires  en  Afrique,  pour 
l'assistance  spirituelle  el  corporelle  des  pau- 
vres esclaves  île  Barbarie,  ou  ils  sont  établis 
depuis  l'an  1645,  et  le  pape  Innocent  XII  en 
enyoya  l'an  io'J7  à  la  Chine  pour  travailler  à 
la  conversion  de  cette  nation. 


761 


LAZ 


LAZ 


762 


L'on  peut  juger  de  l'exactitude  de  M.  Her- 
nianl  dans  le  dénombrement  qu'il  fait,  dans 
son  Histoire  des  Ordres  religieux,  des  mai- 
sons régulières  et  des  communautés  séculiè- 
res, par  ce  qu'il  y  dit  des  Pères  de  la  Mission, 
auxquels  il  retranche  non-seulement  deux 
de  leurs  provinces,  qui  sont  celles  de  Picar- 
die et  de  Lnmbardie,  mais  encore  plusieurs 
maisons  considérables,  comme  Notre-Dame 
de  Buglosse,  dans  la  paroisse  de  Poui,  lieu 
de  la  naissance  de  M.  Vincent  de  Paul,  qui 
fui  donnée  aux  missionnaires  de  la  province 
d'Aquitaine,  l'an  170(5,  par  M.  Bertrand  d'A- 
badie  d'Arborave,  évéque  de  Dax,  et  par  M. 
l'abbé  deBelbedcr,  curé  de  Poui,  qui  unirent 
cette  cure  à  la  congrégation  ;  le  petit  sémi- 
naire de  Saint-Charles  dans  la  ville  de  Poi- 
tiers, où  il  a  été  établi  l'an  1710,  par  M.  Jean- 
Claude  de  la  Poype  de  Vertrieu  ;  la  maison 
de  Florence,  fondée  l'an  1703  par  le  pape 
Clément  XI  et  le  grand-duc  de  Toscane;  celle 
de  Fermi),  fondée  la  même  aînée  par  le  car- 
dinal Cinei  ;  celle  de  Barcelone,  fondée  en 
170+  par  deux  chano  nés  de  la  cathédrale  ; 
et  celle  de  Forli,  fondée  par  le  cardinal  Pau- 
lucci  l'an  1709,  toutes  quatre  de  la  province 
de  Rome;  celle  de  Ferrare,  fondée  par  la 
marquise  de  Villa-Camille  Bcrilaqua,  l'an 
16%;  celle  de  Crémone,  fondée  l'an  1702 
par  M.  Malossi,  chanoine  de  la  cathédrale  et 
grand  vicaire  de  l'évéque  de  celle  même 
ville;  et  celle  de  Casai,  fondée  par  plusieurs 
personnes  de  piéié  l'an  1710,  toutes  trois  de 
la  province  de  Lombardie  ;  et  enfin  dans  la 
province  de  Pologne,  la  maison  de  Xowicz  , 
au  diocèse  de  Gnesne,  fondée  l'an  1089  par 
le  cardinal  Radziewouski. 

Le  roi  Louis  XIV  les  a  établis  aussi  en 
1001  à  Fontainebleau  p  ur  avoir  soin  de  sa 
paroisse;  à  Versailles  l'an  107'r  p  ur  desser- 
vir pareillement  la  paroisse  et  avoir  soin  de 
la  chapelle  du  château  ;  à  l'hôtel  royal  des 
Invalides  à  Paris,  l'an  107a,  pour  y  desser- 
vir aussi  la  cure,  qui  comme  les  deux  précé- 
dentes est  unie  à  la  congrégation  ;  el  enfin  Sa 
Majesté  les  a  établis  à  Saini-Cyr  l'an  1090,  à 
la  sollicitation  de  madame  la  marquise  de 
Mainienon,  pour  être  directeurs  des  dames 
el  demoiselles  de  Saint-Louis  et  faire  des  mis- 
sions dans  les  terres  de  la  mense  abbatiale 
de  Saint-Denis  en  France,  unie  a  la  commu- 
nauté de  ces  dames.  Ils  furent  aussi  appelés 
à  Saint-Cloud  l'an  1688,  par  M.  le  duc  d'Or- 
léans, frère  unique  du  roi,  pour  y  avoir  soin 
de  la  chapelle  de  son  château  et  de  l'hôpital 
de  ce  bourg. 

Ils  fireni  un  second  établissement  dans 
Home  l'an  1697,  qui  est  encore  un  de  ceux 
omis  dans  le  Catalogue  de  M.  Uermanl, 
quoique  la  seconde  édition  de  son  Histoire 
n'ait  paru  qu'en  1710.  Le  pape  Innocent  XII 
leur  accorda  le  monastère  de  Sainl-Jeao  et 
Saint-Paul,  sur  le  mont  Célio ,  qui  avait 
autrefois  appartenu  aux  religieux  jésuites 
avant  leur  suppression.  Les  religieuses  Phi- 
lippines (Voy.  ce  mot)  l'avaient  ensuite  oc- 
cupé ;  el  ces  religieuses  ayant  été  transférées 
en  uu  autre  lieu,  Clément  X  l'avait  donné  à 
des  religieux  anglais  de  l'ordre  de  Saint-Do- 


minique. Alexandre  VIII  l'érigea  en  abbaye 
l'an  1689,  et  la  conféra  à  son  neveu  le  cardi- 
nal Otlohoni,  en  y  conservant  ces  religieux 
anglais,  qui,  ayant  été  obligés  de  l'abandon- 
ner, furent  cause  que  le  cardinal  Otlohoni  se 
détermina  à  remettre  cette  abbaye  entre  les 
mains  du  pape  Innocent  XII,  qui  supprima 
le  titre  abbatial  et  donna  ce  monastère  aux 
Prèlres  de  la  Mission,  qui  y  ont  établi  le  sé- 
minaire interne  et  les  études  de  la  province 
romaine. 

Oulre  l'approbation  que  celle  congréga- 
tion a  reçue  du  pape  Urbain  VIII,  elle  a 
été  encore  confirmée  par  les  papes  Alexan- 
dre VII  et  Clément  X.  Les  prêtres  qui  la 
composent  ont  pour  lin  principale  de  tra- 
vailler à  leur  propre  perfection,  de  s'em- 
ployer au  salut  des  pauvres  gens  de  la 
campagne  par  le  moyen  des  missions,  et 
de  s'appliquer  à  procurer  l'avancement  spi- 
rituel des  personnes  ecclésiastiques. 

Pour  parvenir  à  la  première  fin,  la  con- 
grégation a  un  règlement  qui  prescrit  entre 
autres  choses  une  heure  d'oraison  menla'e 
le  matin  ,  trois  examens  de  conscience  cha- 
que j  >ur,  la  lecture  spirituelle  aussi  chaque 
jour,  quelques  conférences  spirituelles  cli  i- 
que  semaine,  la  reiraite  annuelle  de  huit 
jours,  et  l'observance  du  silence  hors  le 
temps  de  la  conversation. 

Pour  la  seconde  fin  ,  elle  vaque  huit  mois 
de  l'année  aux  missions  de  la  campagne. 
Les  missionnaires  demeurent  quinze  jours, 
trois  semaines  ou  un  mois,  et  quelquefois 
(dus  en  chaque  lieu,  selon  qu'il  est  à  pro- 
pos, pendant  lequel  lemps  ils  instruisent 
tous  les  jours  le  peuple  par  des  catéchismes 
el  des  prédications  familières,  entendent  les 
confessions  générales,  accommodent  les  pro- 
cès ou  autres  différends,  reconc. lient  les  en- 
nemis, et  procurent  aux  nécessiteux  ,  parti- 
culièrement à  ceux  qui  sont  malades,  tous 
les  soulagements  possibles,  s'efforçant  d'éia- 
blir  où  cela  se  pcul  les  confréries  de  la  Cha- 
rité,  et  terminent  enfin  toutes  ces  bonnes 
œuvres  par  la  communion  générale,  à  la- 
quelle ils  invitent  tout  le  monde. 

Pour  la  troisième  tii\ ,  celle  congrégation 
s'applique  à  la  direction  des  séminaires,  dans 
lesquels  ceux  qui  se  disposent  aux  saints  or- 
dres ou  qui  les  ont  déjà  reçus  demeurent  re- 
tirés pend. ml  un  temps  notable  pour  éire  for- 
més dans  les  vertus  et  les  fonctions  de  leur 
vocation  par  les  exercices  suivants.  Ils  font 
chaque  jour  en  ce  lien  l'oraison  mentale  en 
commun,  récitent  ensemble  l'office  divin  , 
entendent  la  sainte  messe,  ou  la  célèbrent 
s'ils  sont  prêlres,  font  l'examen  particulier 
sur  chaque  vertu  avant  le  repas,  el  en  fout 
un  aulre  général  le  soir.  O.i  leur  fait  des  le- 
çons de  théologie  deux  fois  le  jour,  et  une 
lois  l'exercice  du  plaiu-chaut.  lis  font  à  leur 
lour  la  lecture  durant  le  repas,  el  à  la  sortie 
de  l  ible  ils  ont  environ  une  heure  de  conver- 
sation sur  divers  sujets  utiles,  comme  de  cas 
di?  conscience, de  quelques  passages  de  l'Ecri- 
ture sainte,  etc.,  mais  d'une  manière  a  dé- 
lasser honnêtement  l'esprit.  Chaque  seiuaiua 
ils  exercent  à  certains  jours  les  cerémouies 


7G3 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


704 


ils  l'église,  tant  de  la  messe  liasse  que  de  la 
inesse  haule,  el  des  autres  offices  divins, 
comme  aussi  la  manière  d'administrer  les 
sacrements.  On  les  exerce  pareillement  de 
temps  en  temps  à  la  prédication ,  au  prône, 
au  catéchisme ,  etc.  Les  dimanches  et  les 
fêtes  ils  chantent  la  messe  el  les  vêpres  ,  ou 
ils  sont  employés  tour  à  tour  en  quelque  of- 
fice ,  selon  leurs  ordres:  ils  se  confessent  el 
communient  les  même-  jours. 

La  même  congrégation  s'applique  à  dis- 
poser dans  ses  maisons  les  nrdiuands  à  re- 
cevoir dignement  les  saints  ordres,  par  une 
retraite  de  huit,  de  dix  ou  de  douze  jours, 
avant  l'ordination  générale.  Pendant  ce 
temps-là,  outre  la  plupait  des  exercices 
communs  aux  séminaristes  ,  on  leur  fait 
deux  entretiens  chaque  jour,  l'un  de  la  théo- 
logie morale,  qu'on  leur  explique  toute  en 
abrégé  durant  leur  retraite,  et  l'autre  en 
forme  d'exhortation  sur  les  sujets  les  plus 
importants  à  leur  état .  Elle  fait  encore  pour 
la  même  fin  des  conférences  spirituelles  avec 
les  ecclésiastiques,  qui  s'assemblent  chaque 
semaine  dans  ses  maisons,  pour  y  traiter  des 
vertus  et  des  fonctions  propres  à  leur  étal. 
Enfin  celte  congrégation  employé  encore  un 
autre  moyen  tant  pour  la  sanctification  el  la 
perfection  des  personnes  ecclésiastiques  que 
des  laïques  :  savoir,  les  retraites  spirituelles 
de  cinq  ,  six  ou  huit  jours  qu'elle  accorde  a 
tous  ceux  qui,  sous  la  conduite  d'un  direc- 
teur) veulent  s'appliquer  à  l'oraison  men- 
tale et  vocale ,  à  la  lecture  spirituelle,  à  une 
confession  générale  ou  annuelle,  et  à  dres- 
ser un  règlement  de  vie,  etc.  Alexandre  VU 
ordonna  par  un  hrel  do  l'an  1662  que  tous 
ceux  qui  recevraient  les  ordres  à  Rome 
et  dans  les  six  évéchés  suffraganls  seraient 


missionnaires  est  semblable  à  celui  des 
ecclésiastiques,  n'étant  distingués  que  par 
un  collet  de  loile  large  de  quatre  doigts 
et  par  un  petit  toupet  de  barbe  qu'iis 
portent  (1).  Ils  ont  pour  armes  Noire-Sei- 
gneur  prêchant. 

Louis  Abelly,  évêque  de  Rodez,  Vie  de 
M.  Vincent  de  Paul.  Giry,  Vies  des  Saints, 
tnm.  Il,  aux  additions  El  septemb.  Herinan, 
Hist.  des  Ord.  relig.,  totn.  IV.  Carlo  Bar- 
tliol.  Piazza  ,  Eusevolog.  Roman,  part,  i, 
trait.  5,  cap.  29,  et  part,  u  ,  Trait.  11, 
cap.  13.  Régule  Communes  ejusd.  coin/- ct/a- 
tionis  ;  et  Mémoires  manuscrits  donnés  par 
les    prêtres   de  celle  congrégation. 

Le  P.  Helyot  dit  ci-dessus  que  depuis  la 
mort  du  saint  fondateur  des  Prêtres  de  la 
Mission,  on  a  fait  les  informations  juridiques 
de  sa  \ie,  de  ses  vertus  et  de  ses  miracles, 
pour  poursuivre  à  Rome  le  procès  de  sa  béa- 
tification. On  sait  aujourd'hui  quelle  a  été 
l'issue  de  ces  poursuites.  Tout  ayani  été  exa- 
miné rigoureusement  à  Rome,  Vincent  fut 
béatifié, en  1729,  par  Benoit  XIII.  D.eu  conti- 
nua de  manifester  la  gloire,  de  son  serviteur 
par  les  miracles  qu'il  accordait  à  son  inter- 
cession, et,  en  1737,  Clément  XII  mit  Vin- 
cent au  rang  des  saints.  La  Pête  de  la  cano- 
nisation de  saint  Vincent  de  Paul  fut  célébrée 
partout  avec  pompe  et  solennité.  Sans  entier 
dans  1rs  détails,  nous  devons  du  moins  rap- 
peler ici  le  dépit  que  manifesta  le  jansénisme 
en  celte  occasion.  Un  gran  I  nombre  de  curés 
de  Pans  mettaient  opposition  à  la  vérifica- 
tion de  toutes  lettres  patentes  surprises  ou 
à  surprendre  en  faveur  de  la  bulle  de  cano- 
nisation, cl  parmi  eux  nous  voulons  nommer 
l'abbé  Goy,  curé  de  Saitile-Marguerite,  qui 
mourut  avant  d'avoir  la  satisfaction   de    se 


obligés  de  faire  les  exercices  spirituels  de  joindre  à  ces  zélés  confrères ,  mais  qui  dé- 
clara s'unir  à  leurs  efforts.  Suivant  les  jan- 
sénistes, en  un  mot,  monsieur  Vincent  avait 
élé  canonisé  à  force  de  calomnies.  Leurs 
diatribes  furent  inutiles,  et  ils  eurent  surtout 
le  dépit  de  voir  installer  avec  grandes  céré- 
monies les  reliques  de  saint  Vincent  dans 
l'église  de  Saint-Hédard,  où  elles  lurent  ex- 
posées à  l'une  des  chapelles  de  cette  enlise 
qui  donnaient  sur  le  petit  cimetière  du  diacre 
Paris  (2).  La  fête  de  saint  Vincent  de  Paul  a 
élé  fixée  au  19  de  juillet,  et  son  culte  est  au- 
jourd'hui [dus  répandu  que  jamais. 

Oui  le  croirait  aujourd'hui,  si  l'histoire  ne 
l'attestait,  et  qui  l'aurait  cru  alors,  si  de; 
faits  nombreux  ne  l'avaient  prouvé!  La  cri- 
tique et  la  persécution  qu'éprouvèrent  la 
bulle  de  la  canonisation  el  même  la  béatifi- 
cation de  saint  Vincent  de  la  part  des  jansé- 
nistes n'empêchèrent  pas  l'esprit  de  nou- 
veauté de  s'immiscer  dans  cette  congrégation 
cl  de  gagner  un  grand  nombre  de  ses  mem- 
bres aux  erreurs  d'une  secte  qui  était  son 
ennemie  acharnée.  Grâces  à  Dieu,  la  société 
des  Lazaristes  fut  pendant  le  x\  uie  siècle  gou- 
vernée par  des  supérieurs  qui  ne  négligèrent 


dix  jours  chez  les  Prêtres  île  celle  con- 
grégation ,  sur  peine  de  suspension  ,  dont 
ils  ne  pourraient  être  relevés  que  par  lui 
ou  ses  successeurs;  el  Clément  IX,  en 
considération  de  ces  exercices  que  cette 
congrégation  fait  faire,  lui  accorda  plu- 
sieurs  grâces   et   privilèges. 

11  est  à  remarquer  que  celle  congréga- 
tion est  du  corps  du  clergé  séculier,  quoi- 
que les  particuliers  qui  y  entrent,  y  fassent 
après  deux  ans  de  probalion  quatre  \œux 
simples,  de  pauvreté,  de  (  hasleté  ,  d'obéis- 
sance et  de  stabilité,  dont  ils  ne  peuvent 
être  dispensés  que  par  le  pape  ou  par  le 
supérieur  général.  Elle  fait  toutes  ses  fonc- 
tions à  l'égard  du  prochain  ,  avec  l'ap- 
probation el  la  permission  des  ordinaires 
des  lieux,  et  ne  l'ail  rien  dans  les  mis- 
sions sans  l'agrément  des  curé-.  Enfin  elle 
exerce  ces  mômes  fonctions  gratuitement; 
c'est  pourquoi  elle  n'accepte  aucun  établis- 
sement s'il  n'y  a  une  fondation  suffisante 
pour  l'entretien  des  ouvriers  qu'elle  en- 
voyé. Elle  esl  gouvernée  par  un  général 
qui    est   perpétuel.    L'habillement    de    ces 


(I)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  188. 
(-2)  Aujourd'hui  le  petit  eimatière  existe  en  partie; 
il  est  éliangé  eu   parterfej  el  l'autel  de  la  suinte; 


Vierge  couvre   une   portion  du   terrai 
tombe  du  dincre. 


où  était  la 


765 


LAZ 


LAZ 


7CG 


rien  pour  maintenir  dans  son   soin  la  doc- 
trine catholique.  En  171V,  M.  Je;in  Bonn  et 
fut  élu  général.  Quoique  d'une  santé  délicate 
el  frêle,  il  déploya  le  plus  grand   zèle  dans 
son  administration-,  qui   dura   vingt-quatre 
ans.  C'est  un  «les  successeurs  de  saint  Vin- 
cent de  Paul  qui  ait  le  plus  travaille  à  con- 
solider  et  développer  les  œuvres    du    pie   \ 
fondateur.  Il  eut  surtout  à  cœur  de  préserver 
la  compagnie  dont  il  était  le  chef  et  l'organe, 
îles  atteintes  funestes  de  l'hérésie  qui  s'insi- 
nuait alors  partout  et  qui  y  fit  pourtant  plu- 
sieurs conquêtes.  Le  zèle,  quand  il  est  véri- 
table, donne    à   la    charité    des   conseils   de 
rigueur,  et  M.  Bonnet,  en  homme  charitable 
et  prudent,  ne  recula  pas  devant  des  mesures 
extrêmes*  quand  il  les  crut  nécessaires  ou 
avantageuses  au  corps  tout  entier.  Il  retran- 
cha plusieurs  membres,  très-capables  d'ail- 
leurs  par  leurs  talents  et  leur  instruction  do 
rendre  des  services  sensibles.  Entre  ceux  qui 
durent  céder  à   la   vigilance  et  à  la  fermeté 
de  leur  supérieur,  nous  nommerons  un  abbé 
Levmt,  sous-diaere,  et  l'abbé   Gloris,  assis- 
tant du   séminaire  des  Bons-Enfants  ,  tous 
deux  opposés  forrtieHement  à  la  bulle  L'ni- 
genitus.   Le  séminaire  de  Bayeux  fut   deux 
ans   fermé,  el  M.  Bonnet  y  lit  introduire  un 
autre  enseignement   en   y   faisant  suivre  la 
Théologie  de  Poitiers.  A  l'autre  extrémité  du 
royaume,  il  se  voyait  dans  le  même  temps 
(1730)  obligé  à  destituer  et  placer  dans  une 
autre  maison   l'abbé  Hcruiont,  supérieur  du 
séminaire  de  T<  ulouse.  Dans  les  peines  qu'il 
éprouvait,  M.  Bonnet   trouvait  des  consola- 
tions, non-seulement  dans  le  témoignage  de 
sa  conseil  nce.  mais  aussi  dans  la  coopération 
de  ses  vénérables  confrères,  et  nous  citerons 
les  abbés   Plaguart,   Jacquemart  et   Orlau, 
entre  autres,  qui  attestèrent    de  leur  zèle 
pour  la  saine  doctrine  dans  une  mission  quï!s 
donnaient  à  Eselaron,  au  diocèse  de  Chàlons- 
suc- Marne.    A   M.    Bonnet,   qui   mourut  en 
1735,  succéda  M.   Jean  Gonty,  élu  en  1736, 
lequel  gouverna  jusqu'à   l'année  17V6;son 
administration  ne  fut  pas  non  plus  à  l'abri 
des  orages  que  lui  occasionnèrent  les  nova- 
teurs cache-  dans  le   sein  de  l'institut.  Il  lui 
lallui  bientôt,  el  dès  l'année  dS  son  élection, 
expulser  l'abbé  Bary,  qui,  entré  dans  la  con- 
grégation  en  1707,  ayant   élé  professeur  du 
théologie,  successivement  à  Sarlat  el  a  An- 
goulème,  missionnaire, curé  de  Bichelieu,  ne 
fut  reconnu  pour  janséniste  dangereux  que 
par  l'abbé   Bourrel,  excellent  calhuliqtic   et 
curé  de  Fontainebleau,  on  Barry  était  alors. 
11  faut  se  rappeler  que  presque  (ous  les  or- 
dr.  s    religieux   étaient   à  la    même  époq au 
exposés  aux  mêmes  désagréments.  La  con- 
grégation de  la  Mission  en  senlail  plus  vive- 
ineul  les  coups  depuis    l'année  172V  ,  à   la 
suite  d'une  assemblée  générale  dans  laquelle 
M.  Bonnet  avait  donné   des  preu.es  de  ce 
zèle  dont  nous   avons  parlé,  el  employé  ses 
soins  pour  faire  accepter  la  bulle  el  préparer 
la  canonisation  de  saint  Vincent.    L'opposi- 
tion qu'il  avait  éprouvée  l'avait  .porté  dès  ce 
temps   à   faire  des    expulsions   dont    lurent 
frappés   les  abbéi   Lcfèvre,  Himbert,  Philo- 


pold,  etc.  La  relation  de  celle  assemblée  fut 
publiée  dans  le  temps.  M.  Conly  mourut  en 
1746, el  eut  pour  successeur, l'année suù  anle, 
M.  Louis  Debras  ,  qui  mourut  en  1761. 
M.  Debras  fut  lui-même  amené  à  des  mesu- 
res de  rigueur  et  forcé  d'expulser  l'abbé 
Charmet  et  peut-être  d'autres  confrères  ; 
mais  hâtons-nous  de  dire  que  la  r.  mgréga- 
tion  de  Saint-Lazare  se  distinguait  alors  par 
son  zèle  pour  la  doctrine  orthodoxe  et  par 
les  épreuves  qu'elle  subissait  en  consé- 
quence, par  exemple  à  Auxerre,  où  tous  les 
directeurs  do  séminaire  furent  interdits  par 
le  fougueux  cvêque  de  Caylus,  et  rétablis 
par  M.  de  Coridorcet,  son  successeur.  Dans 
les  missions  qu'ils  donnaient  sur  d  vers 
points  de  la  France,  les  Lazaristes  s'appli- 
quaient aussi  à  dissiper  les  erreurs  jansé- 
niennes  et  à  faire  disparaître  les  livres  du 
parti. 

M.  Antoine  Jacquier  fut  élu  général  en 
1762,  et  mourut  en  1787.  Ce  fut  durant  son 
administration  que  le  souverain  pontife,  de 
concert  avec  le  gouvernement  français,  con- 
fia à  sa  congrégation  les  missions  de  la 
Chine  et  du  Levant,  que  la  suppression  dès 
Jésuites  rendait  vacantes.  A  M.  Jacquier 
succéda  M.  Jean-Félix-Joseph  Cayla  de  la 
Garde,  élu  en  1788. 

Dès  celte  année,  les  élections  pour  les  étais 
généraux  ayant  eu  lieu,  il  ne  s'en  fallu'  que 
de  quelques  suffrages  pour  que  M.  de  Cayla 
fût  nomme  un  des  dépulés  du  clergé  ne  Pa- 
ris: il  fut  du  moins  nommé  premier  sup- 
pléant. 

Eu  1789,  la  maison  de  Saint-Lazare  fut 
une  pie  uière  fois  pillée  par  la  populace,  que 
les  factieux  avaienl  excitée.  La  perte  el  les 
dommages  s'élevèrent  à  plus  d'un  million. 
M.  de  Cayla,  qui  se  trouvait  à  la  maison  en 
ce  moment  critique,  fut  admirable  de  sang- 
froid,  de  calme  et  de  dignité. 

Lorsque  les  états  généraux  furent  conver- 
tis en  assemblée  nationale,  tin  député  du 
cler.é  de  Paris  s'étant  retiré,  M.  Cayla  n'hé- 
sita pas,  malgré  les  alarmes  et  les  représen- 
tations de  ses  .-mis,  à  prendre  sa  place  et  à 
assister  aux  séances  de  l'assemblée,  où  il 
défendit  courageusement  les  droits  de  la  re- 
ligion. Il  voulut  aussi  être  présent  au  jour 
fixé  pour  prêter  serment  à  la  constitution 
civile  du  clergé,  et  on  sait  qu'il  se  rangea 
du  côté  des  prêtres  fidèles  qui  refusèrent  ce 
serment  impie.  Cet  exemple  du  chef  dé  la 
congrégation  fut  généralement  suivi  par  les 
confrères  de  Paris  cl  de  la  province.  Sur 
plusieurs  mille  prêtres  de  la  Missi  n  qui 
étaient  alors  en  France,  il  n'y  eut  qu'un  pelil 
nombre  à  trahir  leur  conscience.  Il  y  eut 
donc  en  effet  quelques  défections,  et  ce  corps 
vénérable  eut  la  douleur  de  voir  deux  évo- 
ques constitutionnels  sortis  de  son  sein:  l'Un 
était  Jean-BapliStc-Gûillaùme  Gralien,  Pié- 
inonlais supérieur  du  sém  naire  deChiirtres, 
qui  fut  sacré  en  1792  pour  le  siège  métropo- 
litain de  la  Seine-lnferieure  (Kouen),  el 
mourut  en  1799;  l'autre  lut  Adrien  Lamou- 
rctt*',  supérieur  du  séminaire  de  Tours,  et 
directeur  de  retraite  à  Saint-Lazare,  sacré 


•707 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


768 


en  1791  évoque  métropolitain  de  Rhône  et 
Loire- (Lyon),  et  guillotiné  à  Paiis  en  1794-, 
après  avoir  rétracté  son  serment  et  ses  er- 
reurs. En  compensation,  la  congrégation  vil 
plusieurs  de  ses  membres  sceller  de  leur 
sang  leur  attachement  à  la  foi  de  l'Fglise. 

En  1792,  le  2  septembre,  eut  lieu  en  même 
temps  qu'aux  Carmes  le  fameux  massacre 
au  séminaire  de  Saint-Firmin ,  rue  Saint- 
Victor,  dans  lequel  saint  Vincent  de  Paul 
avait  jeté  les  premiers  fondements  de  sa  con- 
grégation. M.  François,  supérieur  de  celte 
maison,  périt  dans  cette  journée. 

Dans  la  même  année  eut  lieu  la  seconde 
spoliation  de  Saint-Lazare.  Tous  les  mem- 
bres de  la  congrégation  qui  se  trouvaient 
dans  celle  maison  Furent  dispersés.  M.  Cayla 
fut  forcé  de  fuir;  il  passa  d'abord  en  Alle- 
magne et  de  là  à  Rome,  où  le  pape  Pie  VI 
lui  offrit  un  asile.  C'est  là  qu'il  mourut  au 
mois  de  lévrier  1800,  pleurant  sur  la  disper- 
sion des  membres  de  sa  congrégation,  et 
n'osant  espérer  sans  doute  l'état  prospère 
que  la  Providence  lui  a  rendu. 

L'institut  de  la  Mission  a  de  tout  temps 
compté  des  hommes  distingués  par  leur  sa- 
voir Ihéologique.  Nous  indiquerons,  à  l'épo- 
que fixée  pour  ces  additions  historiques  , 
M.  Victor-Amédée  Soardi,  né  à  Turin,  mais 
professeur  au  séminaire  Saint-Firmin,  à 
Paris.  Il  publia  quelques  ouvrages  tr.ès- 
eslimés,  entre  autres  celui  qui  est  intitulé  : 
De  romani  pontifias  auctorilale,  im;  rimé  à 
Avignon  en  1747.  L'auteur  y  veut  prouver 
que  le  clergé  de  France  reconnaissait  l'in- 
faillibilité du  pai  e.  Son  livre  lut  supprimé 
par  arrêt  du  parlement  de  Paris  en  date  du 
25  juin  1748  (lj.  Il  y  a  eu  une  seconde  édition 
de  cet  ouvrage  à  Heidelberg  eu  1793. 

Nous  citerons  aussi  M.  François,  supé- 
rieur de  Saint-Firmin,  auteur  d'un  ouvrage 
de  discussion  philosophique  remarquable, 
dit- on,  par  sa  logique  et  sa  clarté.  Nous 
rappellerons  surtout  Pierre  Collet,  continua- 
teur de  Tournely.  Les  ouvrages  de  ce  célèbre 
théologien  sont  connus  et  estimés  de  tout  le 
monde:  mais  on  !e  connaît  peu  lui-même,  et 
nous  recueillons  sur  sa  vie  des  renseigne- 
ments qui  puissent  suppléer  au  laconisme 
des  dictionnaires  historiques  à  l'article  de 
cei  homme  si  laborieux  et  si  instruit.  A  la 
nomenclature  des  établissements  de  Laza- 
ristes, donnée  par  Héljol,  nous  joignons 
ici  la  liste  alphabétique  des  séminaires  diri- 
gés par  celle  congrégation:  Agen  ,  Albi, 
Amiens,  Angoiilémc,  Arles,  Arras,  Avignon, 
Anxerre,  Bayeux,  Beauvais,  Helley,  Béziers, 
Bordeaux,  Boulogne,  Saiot-Brieuc  ,  Cabors, 
Cambrai,  Châlons  -sur-  Marne  ,  Chartres 
(grand  cl  petit  séminaire),  Sainl-Flour,  Saint- 
Pol-de-Léon,  Pau  (pour  le  diocèse  de  Lescar), 
Luçon,  Saint-Malo  (deux  séminaires  dans  ce 
diocèse,  l'un  à  Sainl-Meen,  l'autre  à  Sainl- 
Servan);  le  Mans,  Marseille,  Metz  (deux  sé- 
minaires, celui  de  Sainte-Anne  el  celui  de 
Saint-Simon),  Monlauban, Nancy,  Narbonne, 


Noyon,  Pamiers,  la  Rochelle,  Rodez,  Saintes, 
Sarlal,  Sens,  Sisleron  (deux  séminaires  dans 
ce  diocèse,  à  Manosque  et  à  Lurs)  ;  Soissons 
(grand  et  petit  séminaire),  Toul,  Tours,  Tré- 
guier,  Troyes  et  Vannes;  en  toul  quarante- 
sept  grands  séminaires  et  deux  petit  s.  Aucune 
autre  congrégation,  pas  même  celle  de  Saint- 
Sulpicc,  ne  dirigeai  alors  aillant  de  maisons 
de  ce  geure.  Le»Lazarisles  devaient  cette  con- 
liance  au  respect  porté  à  leur  saint  fonda- 
teur, qui  a  le  premier  établi  les  séminaires 
sur  le  pied  où  ils  sont  aujourd'hui. 

La  maison  de  Saint-Lazare,  dont  la  nation 
s'est  emparée,  est  actuellement  une  prison 
de  femmes.  Ce  fut  Edme  Joly,  troisième  gé- 
néral de  la  congrégation,  qui  fil  construire  la 
pluparldes  vastes  édifices  qui  composent  celle 
maison  el  qu'on  voil  encore  de  nos  jours. 
L'enclos  de  cette  communauté  était  le  plus 
grand  qu'il  y  eûl  à  Paris  et  dans  les  fau- 
bourgs. On  y  a  bâti  l'église  de  Saint- Vincent 
de  Paul,  qui  a  été  placée  sous  ce  vocable,  à 
cause  de  l'ancien  ne  destin  a  lion  de  ces  lieux;  on 
y  a  constroit  aussi  l'embarcadère  du  chemin 
de  fer  du  Nord,  et  on  y  bâtit  en  ce  moment  un 
vaste  hôpital  ou  hospice.  Nous  croyons  de- 
voir consacrer  ces  souvenirs,  qui  s'efface- 
raient bientôt,  lorsque  ces  lieux,  encore  si 
solitaires  de  nos  jours,  deviendront,  ce  qui 
sera  en  peu  d'années,  couverts  d'édifices 
comme  les  autres  quartiers  de  Paris.  On 
voyait  dans  l'égiise  plusieurs  beaux  tableaux, 
représentant  quelques  traits  de  la  vie  de 
saint  Vincent  de  Paul.  Nous  croyons  que 
plusieurs  de  ces  tableaux  sont  ceux  qu'on 
voil  aujourd'hui  dans  les  deux  chapelles  la- 
térales de  l'église  Sainte-Marguerite,  au  fau- 
bourg Saint-Antoine,  où  M.  Dubois,  ancien 
Lazariste,  a  élé  curé.  Au  fond  du  réfectoire, 
où  le  général  de  la  congrégation  mangeait 
toujours  au  milieu  de  deux  pauvres,  qui  par- 
tageaient les  mets  qu'on  lui  servait,  était  un 
grand  tableau  représentant  le  déluge  univer- 
sel. Ce  réfectoire  pou i ail  contenir  plus  de 
deux  cents  personnes. 

A  Saint-Lazare  on  gardait  des  personnes 
ecclésiastiques  ou  laïques  qui  y  étaient  ren- 
fermées par  lettres  de  cachet  ou  condamnées 
à  un  temps  de  retraite.  Ou  y  renfermait  aussi, 
croyons-nous,  quelques  aliénés. 

Lorsque  les  rois  voulaient  faire  autrefois 
leur  entrée  dans  Paris  avec  solennité,  ils  se 
rendaient  à  Saint-Lazare,  où  ils  recevaient 
le  serment  de  fidélité  et  d'obéissance  de  lous 
les  ordres  de  la  ville.  L'usage  était  aussi  de 
déposer  dans  celle  maison  les  corps  des  rois 
el  des  reines  de  France  lorsqu'on  les  condui- 
sait à  Saint-Denis  pour  être  inhumés.  L'ar- 
chevêque de  Paris  recevait  le  convoi  entre 
les  deux  portes  du  prieuré,  et,  après  les  cé- 
rémonies accoutumées,  le  corps  élait  porté 
à  Saint-Denis  par  les  Hannouars  ou  vingt— 
quatre  porteurs  de  sel  jurés  de  la  ville. 

D'après  le  cracas  du  dernier  siècle,  les 
Prêtres  de  la  Mission  avaient  à  Rome,  et  Hé- 
lyol  le  rapporlc,  deux  établissements,  celui 


(1)  En  date  du  20  juin  1749,  suivant  les  renseignements  qui  nous  ont  élé  fournis  par  M.  l'abbé  Salvaire, 
Lazariste. 


7(>9 


LER 


L\ÙR 


770 


do  Sainte-Trinité  à  Monte-Citorio,  et  relui  de 
Saint-Jean  et  Saint-Paul. 

Pour  entrer  à  Saint-Lazare,  il  fallait,  au 
dernier  siècle,  accéder  aux  conditions  sui- 
vantes :  la  postulance  durait  autant  qu'on  le 
jugeait  convenable  pour  le  sujet.  On  prenait 
pour  le  noviciat  et  l'habillement  cinq  à  six 
cents  li\n's.  On  faisait,  dit  de  lîeaumonl,  en 
cela  différent,  de  Hélyot,  doux  ans  de  sémi- 
naire avant  d'être  admis  aux  vœux,  et  on  de- 
vait être,  pour  l'admission  aux  ordres,  pourvu 
d'un  litre  clérical  de  la  valeur  prescrite  dans 
le  diocè-e  où  l'on  était  né. 

A  l'extrémité  de  l'enclos  de  Saint-Lazare 
et  sur  la  rue  du  faubourg,  était  une  grande 
maison  appelée  le  séminaire  de  Saint-Char- 
les ;  c'était  une  dépendance  de  celle  des  Prê- 
tres de  la  Mission  destinée  pour  les  mi  mbres 
convalescents  et  pour  \a  retraites  de  quel- 
ques ecclésiastiques. 

La  dénomination  de  Lazaristes  n'a  point 
éié  employée  par  Hélyot,  qui  ne  l'a  peut- 
être  pas  connue,  et  qui  a  donné  à  l'Institut 
dont  nous  parlons  son  nom  réel  de  congre- 
galion  des  Prêtres  de  la  Mission.  Néanmoins 
l'autre  avait  prévalu;  et  il  est  tellement  at- 
taché aujonrd  bui  à  la  société  de  Sainl-Vin- 
cent  de  Paul,  que  c'est  sous  ce  nom  seul 
qu'elle  est  connue,  et  c'est  aussi  sous  ce  nom 
que  dans  notre  dernier  volume  nous  pla- 
cerons l'histoire  du  rétablissement  et  des 
progrès  de  celte  société  vénérable,  dont  nous 
ferons  connaître  l'état  actuel,  voyez  Laza- 
ristes, au  Supplément. 

Etat  ou  Tableau  de  la  Ville  de  Paris,  par 
de  Beaumont,  m-8°,  1762.  Tubleni  historique 
et  pittoresque  de  Paris,  par  J.-B.  de  Saint- 
Victor,  2e  édition,  tome  II,  première  parti i*. 
Nouvelles  ecclésiastiques,  in-h\  passim.  L'Ami 
de  la  Religion,  tome  XVIII.  Mémoires  pour 
servir  à  l'histoire  ecclésiastique,  par  Picot, 
tome  IV.  Notes  manuscrites  dues  à  l'exquise 
obligeance  de  M.  l'abbé  Sali  aire,  prêtre,  se- 
crétaire général  de  la  congrégation  des  La- 
zaristes. B-D-E. 

LÉANDRE  (Saint-).  Voy.  Césaire  (Saint-). 

LÉRINS  (  Congrégation  de). 

De  la  congrégation  de  Lérins  ,  où  il  est  parlé 
des  religieuses  de  Saint-Ilonorat  de  Taras'- 
con  et  de  celles  de  Marmunster  ou  Moise- 
vaux. 

L'abbaye  de  Lérins  ,  l'une  des  plus  célè- 
bres et  des  plus  anciennes  de  France,  qui  a 
été  un  séminaire  de  saints  prélats  et  d'abbes, 
qui  ont  gouverné  la  plupart  des  églises  et 
des  monastères  de  ce  royaume  ,  lie  reçut  la 
règle  de  saint  Benoit  que  dans  le  ur  siècle  : 
encore  y  fut-elle  observée  d'abord  conjointe- 
ment avec  celle  de  saint  Colomban.  Celle 
fameuse  abbaye,  autrefois  chef  de  congréga- 
tion ,  fut  fondée  ,  non  pas  l'an  373  ,  connue 
quelques-uns  l'ont  avancé,  mais  l'an  4-10, 
par  saint  Honorai,  qui  lui  dans  la  suite  évê- 
que  d'Arles.  On  ignore  le  lieu  de  la  nais- 
sance de  ce  saint  fondateur;  on  croit  qu'il 
était  d'une  famille  noble  et  qu'il  avait  même 
eu  l'honneur  du  consulat.  Quoique  son  père 


s'opposât  à  sa  conversion  ,  il  reçut  le  bap- 
lènie  aussi  bi'  n  que  son  frère  Venant,  qui 
se  joignit  à  lui;  et  ,  ayant  résolu  tous  deux 
de  ne  vivre  que  pour  Dieu,  ils  embrassèrent 
la  profession  monastique  sous  la  conduite 
de  saint  Capraise  ,  qui  était  ermite  dans  une 
île  proche  de  Marseille.  Ils  al  èrenl  ensuite 
dans  l'Achaïe;  mais  Venant  étant  mort  à 
Moudon,  saint  Honorât  revint  en  Provence, 
où  étant  attiré  par  Léonce  ,  êvéquc  de  l-'ré- 
jus  ,  il  s'établit  dans  son  di  cèse  et  choisit 
pour  sa  retraite  l'île  de  Lérins,  qui  était  dé- 
serte et  où  personne  n'abordait  à  cause  de 
la  quantité  de  serpents  dont  elle  était  rem- 
plie. Mais  Honorât ,  ayant  chassé  ces  ani- 
maux ,  y  bâtit  un  monastère  qui  fui  bientôt 
habité  p,  r  un  grand  nombre  de  religieux  de 
toutes  sortes  de  nations.  Il  était  d'abord 
composé  de  cénobites  ei  d'anachorètes,  sem- 
b'able  à  une  laure  où  l'on  voyait  une  infi- 
nité de  cellules  séparées  les  unes  des  autres. 
L'île  de  Léro  ,  qu'i.n  appelle  présentement 
Sainte-Marguerite,  qui  louche  presque  à 
celle  de  Lérins  ,  était  aus--i  habitée  par  de 
saints  solitaires  qui  ne  faisaient  avec  ceux 
de  Lérins  qu'une  même  congrégation,  gar- 
dant les  mêmes  observances.  Il  ne  faut  point, 
dit  le  P.  .Malii  Ion.  recourir  aux  Institutions 
de  Cassien  et  dire  qu'elles  servaient  de  rè- 
gle à  ces  solitaires  ,  puisqu'elles  n'étaient 
pas  encore  écrites,  il  est  vrai  qu'on  ne  peut 
parler  que  par  conjecture  ,  mais  il  e>l  plus 
probable  qu'i  s  observaient  la  règle  de  saint 
Macaire. 

Saint  Honorai  ayant  été  élevé  sur  le  siège 
épiseppai  d'Arles,  Maxime  lui  succéda  ilans 
le  gouvernement  de  Lérins  ,  et  Fausle  à 
Maxime,  qui  furent  Ions  deux  étéques  de 
Riez.  Fausle,  étant  encore  abbé,  eui  un  dif- 
férend avec  Théodore  ,  évéque  de  Fréjus, 
au  sujet  de  la  juridiction  que  ce  prélat  pré- 
tendait avoir  sur  cet  e  abbaye,  qui  était 
encore  pour  lors  du  diocèse  de  Fréjus,  et 
qui  n'a  elè  que  dans  la  suile  de.  celui  de 
Grasse.  Saint  Honorai,  en  jetant  les  fonde- 
ments de  ce  monastère  ,  était  convenu  avec 
l'évêque  Léonce  que  les  clercs  et  ceux  qui 
approchaient  des  autels  ne  seraient  ordon- 
nés que  par  l'évêque  ou  par  celui  à  qui  il 
en  aurait  donné  la  permission  ,  et  que  lui 
seul  donnerait  le  saint  chrême;  mais  que 
tout  le  corps  des  autres  moines  laïques  serait 
sous  la  dépendance  de  l'abbé  qu'ils  auraient 
élu.  Théodore  cependant  prétendait  avoir 
une  juridiction  absolue  sur  tout  le  monas- 
tère. Pour  remédier  au  scandale  que  ce  dif- 
férend causait,  Ravennius  ,  évéque  d'Arles  , 
convoqua  un  concile  de  treize  évêjues,  dans 
lequel  il  fui  résolu  que  Théodore  serait  prié 
de  recevoir  la  satisfaction  de  Fausle,  qu'il 
oublierait  le  p  issé  ,  qu'il  lui  rendrait  son 
amiiié,  qu'il  continuerait  à  lui  donner  les  se- 
cours qu'il  avait  promis,  et  qu'il  ne  pourrait 
s'attribuer  sur  ce  monastère  que  ce  que 
Léon  son  prédécesseur  s'était  attribué,  c'est- 
à-dire  que  'es  clercs  et  les  minisires  de  l'au- 
tel ne  seraient  ordonnés  que  par  lui  ou  par 
celui  auquel  il  eu  aurait  donné  commission; 
que  lui  seul  donnerait  le  saint  chrême  et 


771  DICTIONNAIRE  DES 

confirmerait  les  néophytes,  s'il  y  en  avait  • 
que  les  clercs  étrangers  ou  passants  ne  se- 
raient point  admis  sans  son  consentement 
ni  à  la  communion  ni  au  ministère,  mais 
que  la  multitude-  des  laïques  (c'est-à-dire  le 
Teste  des  moines)  serait  sous  la  Conduite  de 
labbe,  sans  que  l'évéqué  s'y  attribuât 
aucun  droit  ,  ni  qu'il  pût  en  ordonner  au- 
cun pour  clerc  ,  si  ce  n'était  à  la  prière  de 
labbe. 

C'est  au  sujet  de  ce  concile,  qui  se  lint 
1  an  450,  selon  quelques-uns,  ou,  selon  d'au- 
tres, l'an  453,  et  qui  ,  selon  M.  Fleury,  ne 
peut  pas  avoir  été  tenu  plus  tard  que  l'an 
461  ,  que  le  P.  Mabillon  fait  remarquer  que 
pour  lors  les  clercs  n'étaient  pas  ainsi  appe- 
lés à  cause  de  leur  lons.ure  ,  mais  à  cause 
des  ofiiee,  ecclésiastiques  qu'ils  exerçaient 
comme  île  chantre,  de  sacristain,  d'économe' 
de  notaire  ou  de  défenseur }  et  qu'ils  étaient 
appelés  ministres  de  l'autel  lorsqu'ils  avaient 
reçu  les  ordres   majeurs  ou  mineurs;   qu'à 

I  égard  des  simples  moines,  qui  n'avaient  ni 
ordres  ni  offices,  ils  étaient  appelés  laïques  , 
et  que  pour  les  distinguer  des  séculiers  on  les 
appelait  quelquefois  laie*  majorù  proposili. 

II  ajoute  que  ce  concile  d'Arles,  parlant  de 
ces  moines  ,  les  avait  appelés  une  multitude 
de  laïques,  parce  que  leur  nombre  était 
beaucoup  plus  grand  à  Lérins  que  celui  des 
clercs  ;  mais  que  dans  la  suite  le  nombre  des 
clercs  engagés  dans  les  ordres  majeurs  sur- 
passa celui  des  simples  moines  ,  comme  il 
parait  par  la  lettre  que  saint  Grégoire  le 
Grand  écrivit  à  l'abbé  Etienne  ,  où  il  le  con- 
gratule de  ce  que  les  prêtres  ,  les  diacres  et 
toute  la  communauté  vivaient  dans  une  tirande 
union.  Saint  Fructueux  ,  évêque  de  Prague  , 
distingue  dans  le  dernier  chapitre  de  sa  rè- 
gle les  moines  de  son  monastère  d'avec  les 
laïques;  mais  ces  sortes  de  laïques  n'étaient 
pas  des  séculiers  ,  ils  étaient  de  véritables 
moines  tels  que  ceux  que  l'on  nomme  pré- 
sentement convers.  Ainsi,  conclut  ce  savant 
homme,  lorsque  le  concile  d'Arles  parle  de 
celle  multitude  de  laïques  qui  étaient  à  Lé- 
rins ,  il  n  entendait  pas  parler  de  séculiers 
mais  de  moines  qui  n'étaient  pas  clercs, 
puisque  celait  à  eux  que  l'élection  de  l'abbé 
appartenait.  Ouanl  aux  néophytes  (  dont  il 
est  aussi  parlé  dans  ce  concile)  qui  étaient  à 
Leims,  il  faut  remarquer  qu'autrefois  les  ca- 
téchumènes élaient  instruits  dans  les  monas- 
tères avant  que  de  recevoir  le  baptême 

Après  que  Fauste  eut  été  fait  évéque  de 
liiez,  Nazare  fut  ai  bé  de  Lérins.  Ce  fut  lui 
qui  ht  balir  pour  des  tilles  le  monastère  d'Ar- 
lue,  1  an  kl±  Les  autres  abbés  qui  succédè- 
rent a  tNazare  eurent  soin  de  maintenir  l'ob- 
servance régulière;  mais  il  y  a  bien  de  l'ap- 
parence qu'elle  s'aiïaiblit  dans  la  suite  sur 
la  hn  du  vi  siècle,  du  temps  même  de  l'abbé 
Etienne,  que  saint  Grégoire  avait  félicité  par 
une  lettre  de  la  grande  union  qui  était  dans 
son  monastère  ,  puisque  ,  .par  une  autre  let- 
tre de  ce  pape  écrite  à  Conon  ,  successeur 
a Mienne,  il  !e*horle  de  corriger  les  mœurs 
ue  bes  religieux. 

Le  relâchement  augmenta  dans  la  suite  et 


ORDRES  RELIGIEUX. 


m 


produisit  une  grande  division  entre  les  reli- 
gieux, qui,  ne  pouvant  s'accorder  sur  l'élec- 
tion d'un  abbé,  demandèrent,  l'an  CGI,  Ai- 
gulfe,  moine  de  Saint-Benoît-sur-Loire'  qui 
y  avait  apporté  du  Monl-Cassin  le  corps  de 
saint  Benoît,  et  l'élurent  pour  abbé.  Aigulfe 
ayant  accepté  celle  dignilé,  travailla  aussitôt 
a  rétablir  dans  ce  monastère  la  paix  et  l'ob- 
servance. Les  exhortations  jointes  au  boa 
exemple  qu'il  donna  furent  si  efficaces  ,  que 
les  esprits  se  réunirent  enfin  ,  et  ceux  qui 
élaient  sortis  du  monastère  v  revinrent  et 
reprirent  les  observances  régulières.  Il  s'en 
trouva  néanmoins  deux  ,  Arcade  et  Colomb  , 
qui  conçurent  une  si  grande  aversion  contre 
le  saint  abbé  et  contre  ceux  qui  suivaient 
ses  maximes  ,  qu'ils  cherchèrent  les  moyens 
de  leur  Citer  la  vie.  Quelques-uns  s'élant 
aperçus  de  leur  mauvaise  volonté, voulurent 
échappera  leur  fureur  en  se  retirant  dans 
1  église  de  Saint-Jean;  mais  les  autres  ne 
voulurent  point  abandonner  leur  abbé  ,  qui 
représenta  aux  rebelles  l'énormité  de  leur 
crime,  dont  ils  se  repentirent  et  demandè- 
rent pardon.  Mais  un  an  après,  craignant 
que  le  bruit  de  leur  conspiration  n'allât  jus- 
qu'aux oreilles  du  roi  et  qu'il  ne  les  fît  pu- 
nir, Arcade  sorlil  du  monastère  pour  aller 
chercher  de  la  proleclion  au  dehors  ,  et  Co- 
lomb resta  pour  cabalcr  au  dedans.  Arcade 
voulut  ensuite  rentrer,  feignant  de  se  repen- 
tir, mats  Aigulfe  lui  fil  fermer  la  porte.  Ce 
méchant  homme  eut  pour  lors  recours  à  un 
seigneur  voisin  nommé  Mommol,  et  lui  per- 
suada d'aller  à  Lérins  ,  l'assurant  qu'il  y 
trouverait  de  grands  trésors.  Il  y  vint,  con- 
duit par  cet  Arcade,  qui  prit  l'abbé,  le'char- 
gea  de  coups  de  bâton  ,  et  le  mit  en  prison 
avec  les  religieux  qui  lui  élaient  le  plus  sou- 
mis. Le  lendemain  Arcade  les  alla  voir  ,  et , 
feignant  qu'il  n'était  point  l'auteur  de  cette 
violence ,  leur  fil  apporter  à  manger.  Mais, 
quoique  dans  les  liens,  ils  ne  crurent  pas 
pouvoir  transgresser  la  règle;  et,  comme  c'é- 
tait uti  jour  déjeune  et  qu'il  n'était  encore 
que  I  heure  de  tierce,  ils  différèrent  à  man- 
ger jusqu'à  none. 

Apiès  que  Mommol  ent  emporté  ce  qu'il 
put  du  monastère,  Arcade  fit  sortir  les  pri- 
sonniers au  bout  de  dix  jours  et  les  mit  sur 
un  vaisseau.  Colomb  les  voulut  accompagner 
après  leur  avoir  fait  couper  la  langue  et 
crevé  les  yeux  ,  de  peur  qu'ils  ne  fissent 
connaître  les  auteurs  d'une  telle  cruauté ,  et 
leur  donna  de  méchants  babils  afin  qu'ils  ne 
fussent  pas  reconnus  pour  religieux  Ils 
abordèrent  à  l'île  Capraria,où  il  y  avait  une 
grande  multitude  de  moines,  avec  lesquels 
ils  célébrèrent  la  cène  du  Seigneur  ,  y  étant 
arrivés  le  jeudi  saint:  le  jour  de  Pâques 
Colomb  eut  la  hardiesse  de  faire  l'office  dé 
diacre  à  la  messe,  et  avant  la  communion, de 
donner  le  baiser  de  paix  à  ses  frères  qui  por- 
taient des  marques  de  sa  cruauté,  et  donl  les 
plaies  étaient  encore  toutes  saignantes.  Il 
sortit  ensuite  de  ce  monastère,  y  laissant 
sainl  Aigulfe  avec  ses  compagnons,  et  s'en 
alla  à  Ephèse  pour  quelques  affaires  sécu- 
lières qu'il  y  avait.  Il  retourna  à  Capraria 


116 


LLR 


deux  ans  après, où  il  lit  rembarquer  les  saints 
mailtrs  Aigulfe  et  ses  frères;  et,  les  ayant 
conduits  dans  une  ile  qui  est  entre  celles  de 
Corse  et  de  Sardaigne,  il  les  y  lit  massacrer 
l'an  G"Ï5.  L*on  ilit  i|ue  le  roi  Thierri  lit  porter 
à  ce  malheureux  la  peine  que  méritait  un  si 
grand  cri  i  s< 

La  réforme  qui1  saint  Aigulfe  avait  établie 
à  Lérins  ayant  été  comme  arrosée,  de  son 
sang ,  refleurit  et  porta  une  abondance  de 
fruits  eu  piété  et  en  vertus.  Ce  monastère 
fut  si  célèbre  et  l'observance  y  était  gardée 
si  exactement,  que  l'on  y  venait  de  toutes 
paris  s'y  consacrer  à  Dieu  :  l'on  dit  même 
que  le  bienheureux  Amand ,  qui  pouvait 
gouverner  cette  abbaye  vers  le  commence- 
ment du  fin*  siècle,  eut  sous  sa  conduite 
jusqu'à  trois  mille  sept  cents  religieux.  Sil- 
vainj  i  succéda,  et  saint  Poreaire  à  Silvain. 
Ce  fût  du  temps  de  saint  Poreaire  que  les 
Sarrasins  attaquèrent  celte  île.  Ce  saint, 
ayant  connu  par  révélation  qu'ils  devaient 
venir,  cacha  dans  un  lieu  secret  les  reliques 
des  saints  qui  étaient  dans  son  église, et  per- 
suada à  trente-six  religieux  qui  étaient  à  la 
Heur  de  leur  âge  et  à  seize  enfants  qu'on  éle- 
vait dans  ce  monastère  de  sauver  leur  vie 
par  la  fuile  en  se  réfugiant  en  Italie. 

Il  parla  ensuite  à  sa  commun  1 1» té,  compo- 
sée d'eutiron  cinq  cents  religieux,  et  les  ex- 
horta à  mourir  généreusement  pour  Jésus- 
Chrisl.  Mais  ses  exhortations  ne  pouvant 
rassurer  deux  religieux  :  l'un  nunimé  Co- 
lomb,  l'au're  Eleuîhère  ,  il  leur  commanda 
de  saler  cacher  dans  une  grotte  voisine. 
Les  barbares  élant  descendus  dans  f  ,1e  l'an 
730  ou  731  ,  renversèrent  les  églises  et  tous 
les  bâtiments,  tuèrent  tous  les  religieux,  du 
nombre  desquels  fui  Colomb  ,  qui ,  condam- 
nant sa  timidité  ,  sortit  de  sa  grotte  ,  et,  se 
rejoignant  à  ses  frères  ,  eut  le  bonheur  de 
mourir  avec  eux.  Ces  barbares  épargnèrent 
néanmoins  quatre  jeunes  religieux  qu'ils  se 
contentèrent  de  faire  prisonniers.  lis  les  ti- 
rent monter  sur  un  de  leurs  vaisseaux  qui 
aborda  au  port  d'Agat  en  Provence  ,  où  on 
leur  permit  de  descendre  à  terre  pour  un 
peu  de  temps  :  mais ,  voyant  qu'on  ne  les 
obsertail  pas  et  qu'ils  liaient  proche  d'une 
forêt,  ils  s'y  cachèrent  jusqu'à  ce  que  les 
barbares  eussent  mis  à  la  toile.  Alors  ces 
religieux  vinrent  à  Arlue,  où,  ayant  trouvé 
une  petite  barque  ,  ils  s'en  sertirent  pour 
repasser  à  Lérins,  c  ù  ils  aidèrent  Elcuthère 
à  donner  la  sépulture  aux  corps  des  saints 
martyrs.  Ils  allèrent  ensuite  trouver  en  Ita- 
lie ies  jeunes  religieux  que  saint  Poreaire  y 
avait  envoyés  ,•  et ,  lorsqu'on  n'eut  plus  rien 
à  craindre  de  la  part  des  sarrasins  ,  ils  re- 
tournèrent à  Lérins  sous  la  conduite  d'Eleu- 
tbère  ,  qui  répara  l'abbaye  dont  il  fut  fait 
abbé. 

Il  y  a  de  l'apparence  qu'elle  eut  encore  be- 
soin de  réforme  lorsque  saint  Odilon  ,  abbé 
de  Cluui,  qui  réforma  tant  de  monastères  en 
France  ,  en  fut  abbé,  en  997.  Mais  celte  ab- 
baye ne  fut  jamais  plus  florissante  que  sous 

(1)  Voy.,  à  la  lia  du  vol.,  n°  189. 


LEIt  77  1 

le  gouvernement  de  l'abbé  Adelbert,  qui  fut 
élu  l'an  1066  et  qui  gouverna  celte  abbaye 
pendant  trente-six  ans;  car  l'auteur  do  Cata- 
logue des  abbés,  rapporté  par  Vincent  Iiarale, 
dit  qu  du  temps  de  cet  abbé  il  n'y  avait  pas 
un  seul  jour  que  l'on  n'enrichit  cette  maison 
par  quelques  donations.  Ce  fut  de  sou  temps 
que  Raymond,  comte  de  Barcelone,  et  sa 
lemme,  donnèrent  à  celle  abbaye  le  monastère 
de  Saint-Barlhélcmi  en  Catalogne.  Elle  en 
avaitaussi  d'autres,  non-seulement  en  France, 
mais  encore  en  Italie  dans  l'evè  he  de  Keg- 
gio,  dans  l'Etat  de  Gènes  et  dans  l'île  de  Cor- 
se ,  qui  tous  étaient  soumis  à  la  correelion 
de  l'abbé  de  Lérins;  cardans  ce  Catalogue 
des  abbes  l'on  voit  que  l'abbé Tournefort,  qui 
fut  élu  l'an  136!},  ordonna  au  prieur  de  Saint- 
Antoine  de  Gènes,  qui  était  de  sa  dépendan- 
ce ,  de  défendre  par  sainte  obédience  à  ses 
religieux  de  sortir  hors  du  monastère  sans 
sa  permission  et  sans  être  revêtus  de  leur 
coule  ou  flocs  (1);  et  que  si  quelqu'un  ne 
voulait  pas  obéir,  que  l'on  en  donnât  aussi- 
tôt avis  à  l'abbé  de  Lérins.  Il  semble  que  ce 
prieuré  ait  étéchange  dans  la  suite,  enabbaye; 
car  dans  un  chapitre  général  qu'André  de 
Fonlana  tint  l'an  liai,  tous  les  moines  de 
Lérins  y  assistèrent  avec  les  prieurs  des 
prieurés  de  la  dépendance  de  l'abbaye  ;  et 
Benoit  Négroni,  abbé  de  Saint-Antoine  de 
Gènes,  n'ayant  pas  pu  y  venir,  y  envoya  un 
procureur  pour  tenir  sa  place.  C'était  la  cou- 
tume de  celte  abbaye  de  tenir  ainsi  des  cha- 
pitres généraux  ,  où  l'on  faisait  des  ordon- 
nances pour  maintenir  la  discipline  régulière. 
Il  y  avait  encore  des  monastères  de  filles  qui 
en  dépendaient  ,  comme  ceux  d'Arlue,  do 
Saint-Honorat,  de  Taraseon,  etc. 

Ce  monasière  de  Taraseon  fut  fondé  l'an 
1358  par  Jean  Gantelmi,  originaire  de  Naplcs, 
grand  sénéchal  de  Provence.  11  fixa  le  nom- 
bre des  filles  à  trente,  toutes  demoiselles,  sous 
l'autorité  d'une  abbesse.  Il  doM  richement  ce 
monastère,  lui  ayant  donné  beaucoup  de  re- 
venus, tant  dan-;  la  ville  de  Taraseon  el  aux 
eut  irons,  que  dans  celle  d'Arles,  outre  trois 
terres  seigneuriales,  avec  toute  juridiction  et 
plusieurs  droits  et  privilèges,  dont  l'abbesse 
jouit  encore  présentement.  Ce  monastère  est 
sous  la  juridiction  de  l'.ibbé  de  Lérins  et  ne 
dépend  point  de  l'ordinaire.  L'abbesse  est  do 
nomination  royale,  et  Sa  .Majesté  choisit  or- 
dinairement des  filles  de  grande  qualité.  Celle 
qui  est  abbesse  aujourd'hui  est  de  l'illustre 
maison  de  la  Baume  de  Suze  en  Dauphinc. 
Nous  donnons  ici  l'habillement  de  ces  reli- 
gieuses, que  nous  avons  fait  graver  sur  le 
dessin  qui  nous  a  été  envoyé  en  171+  ;2). 

Outre  ces  monastères  de  l'ordre,  il  y  en 
avait  encore  un  de  Chanoines  Réguliers  qui 
lui  élait  soumis.  Giraud,  étant  abbé  en  12ii<>, 
donna,  du  consentement  de  sa  communauté, 
à  des  Chanoines  Réguliers  thaulsous  la  rè- 
gle de  saint  Augustin  ,  les  églises  de  Samt- 
Mamert  et  de  Sainte-Marie  de  Fontaine-Vi- 
neuse, avec  leurs  dépendances,  à  condiliou 
qu'ils  reconnaîtraient  Lérins  pour  leur  chef; 

{i)  V pu-,  ibid.,  n°  190. 


775 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


770 


et  que  pour  marque  qu'ils  lui  étaient  soumis, 
ils  porteraient  des  ca puces  nuits  sur  leurs  sur- 
plis; q  l'outre  cela  ils  payeraient  à  l'abbé  de 
Lérins  et  à  ses  successeurs  deux  besans  d'or, 
M  que  le  prieur  assisterait  tous  les  deux  ans 
au  chapitre  général  de  l'abbaye  de  Lérins. 

Enfin  Augustin  Grimaldi,  évêque  de  Gras- 
se, étant  abbé  de  Lérins  eu  1505,  voyant  que 
la  discipline  monastique  n'était  plus  en  vi- 
gueur dans  ce  monastère,  le  soumit  à  la  con- 
grégation des  Bénédictins  de  la  réforme  du 
Mont-Cassin  et  de  Sainte-Justine  de  l'adoue. 
Elle  en  prit  possession  l'an  1515,  et  depuis 
ce  temps-là  les  abbés  n'ont  plus  été  perpé- 
tuels. Le  pape  Léon  X  approuva  celt.-  union 
la  même  année;  le  roi  François  I'r  y  consen- 
tit par  ses  let  rcs  du  li  avril  aussi  de  la  mê- 
me année,  qui  furent  vérifiées  au  parlement 
d'Aix.  Celle  union  fut  dans  la  suite  confir- 
mée par  la  reine  Louise,  mère  de  François I", 
régente  du  royaume  en  son  absence,  le  7  août 
1525;  par  le  roi  Henri  H  l'an  15V7,  par  le 
pape  Clément  VIII  l'an  1501  ,  et  par  le  roi 
Henri  IV  l'an  1597.  Quoique  dans  le  Catalo- 
gue des  abbés  dont  nous  avons  parlé  il 
soit  marqué  que  la  congrégation  du  Mont- 
Cassin  a  depuis  celle  union  établi  les  abbés 
dans  ce  monastère  ,  il  paraît  néanmoins  que 
les  religieux  se  sont  toujours  conservé  le 
droit  de  les  élire  et  de  les  choisir  du  corps  de 
la  communaulé.  Chopin  rapporte  à  ce  sujet 
un  procès  qu'il  y  eut  au  conseil  privé  entre 
dom  Hilaire  d'Antibes,  religieux  de  celle  ab- 
baye (qui  avait  été  élu  abbé  d'un  commun 
consentement  de  la  communauté,  et  pour  le- 
quel le  même  Chopin  plaidait),  et  un  Italien 
qui  en  avait  été  pourvu  par  le  roi,  qui  avait 
interjeté  appel  comme  d'abus  de  celle  union 
de  Lérins  avec  la  congrégation  du  Mont-Cas- 
sin. Par  l'arrêt  qui  fui  rendu  le  8  novembre 
1599,  celle  abbaye  fut  adjugée  au  religieux 
qui  avait  elé  élu  par  la  communaulé,  et  ce 
en  conséquence  de  l'union  faite  avec  la  con- 
grégation du  Mont-Cassin. 

Nous  avons  dit  ci-devant  que  cette  abbaye 
était  un  séminaire  d'évéques.  Elle  a  donné  à 
l'Eglise  douze  archevêques,  autant  d'évéques, 
dix  abbés  ,  quatre  moines  ,  mis  au  nombre 
des  saints  confesseurs ,  et  une  infinité  de 
martyrs,  sans  parler  d'un  très-grand  nombre 
d'hommes  illustres  qui  en  sont  sortis.  Toute 
l'île  est  de  la  dépendance  du  monastère.  Les 
Espagnols  la  surprirent  au  mois  de  septem- 
bre 1635  et  en  furent  chassés  en  1637.  Ce  sont 
eux  qui  désolèrent  ce  lieu,  coupant  des  forêts 
de  pins  ,  qui  y  fournissaient  une  ombre 
agréable  contre  les  ardeurs  du  soleil,  que  la 
nature  avait  disposés  en  allées,  au  bout  des- 
quelleson  Irouvaildes  oratoires  bâtisen  l'hon- 
neur des  saints  abbés  ou  religieux  de  celte 
ile.  Celte  forêt  si  agréable  lui  avait  fail  don- 
ner le  nom  d'Aigrette  de  la  mer. 

Les  mémoires  que  nous  avons  du  monas- 
tère de  Masmuuster  sont  si  succincts,  que, 
ne  suffisant  pas  pour  en  faire  -un  artiele 
particulier,  nous  l'avons  inséré  à  la  fin  de 
celui-ci,  suivant  le   temps  et  l'année  de  sa 


fondalion,  qui  fut  en  "720.  Ce  monastère  est 
situé  à  Moisevaux,  dans  leSuntgaw,  à  cinq 
lieues  de  Malhanson.  11  fut  fondé  par  Mason, 
duc  de  Suève ,  qui,  ayant  perdu  son  fils  uni- 
que ,  qui  s'était  noyé  dans  la  rivière  de  Tol- 
der,  qui  passe  à  Moisevaux,  y  fit  bâtir  celte 
abbaye  ,  dans  laquelle  il  mit  des  religieuses 
de  l'ordre  de  Saint- Benoît,  qui,  quoique  dé- 
chues de  leur  premier  institut  et  de  la  pure- 
té de  la  règle  de  ce  saint  fondateur,  n'ont 
pas  laissé  de  le  conserver  jusqu'à  présent. 
Ce  sont  présenlement  toutes  filles  nobles, 
cl  pour  y  êlre  reçue  il  faut  faire  preuve  de 
seize  quartiers  de  noblesse  tant  du  côté  pa- 
ternel que  du  côté  maternel.  Leur  église  est 
dédiée  en  l'honneur  de  saint  Léger,  martyr, 
évêqued'Autun. Elles  sont  sous  la  juridiction 
de  l'évêque  de  Bâle,  et  sont  collalrices  d'en- 
viron quinze  cures,  dont  elles  tirent  de  gros- 
ses décimes,  lanl  en  grain  qu'en  vin.  Leur 
habillement,  qui  est  noir,  est  semblable  à 
celui  des  séculières.  Files  ont  au  chœur  un 
manteau  traînant  à  terre,  et  leur  coiffure  est 
particulière,  comme  on  le  peut  voir  dans  la 
figure  que  nous  en  avons  fait  graver  sur  le 
dessin  qu'elles  nous  ont  envoyé  avec  les  mé- 
moires concernant  leur  abbaye  (1).  Il  y  a  en- 
core quelques  autres  monastères  de  Bénédic- 
tines, fondés  environ  dans  le  même  temps  et 
dans  le  même  pays;  mais,  comme  elles  ont 
secoué  le  joug  de  la  règle  de  saint  Benoit 
pour  se  séculariser  ,  nous  en  parlerons  aux 
articles  qui  portent  les  différents  noms  sous 
lesquels  elles  sont  présenlement  désignées  , 
tant  de  celles  qui  ont  conservé  la  foi  que  de 
celles  qui  ont  embrassé  l'hérésie. 

Voyez  Vincent  Baral,  Chronol.  insul.  Lfri- 
nensis.  Sainte  Marthe,  Gall.  Christ.,  tom.  IV. 
Bulleau,  llist.  de  l'ord.  de  Saint- Reno'il.  Ma- 
billon.  Annal.  Bened.  Fleury,  Hist.  eccles., 
tom.  V  et  VI  ;  et  le  Dict.  hist.  de  Moréry. 

Nota.  Il  y  a  quelques  années,  il  fui  ques- 
tion de  racheter  l'île  célèbre  de  Lérins,  qui 
fut  mise  en  vente.  L'évêque  de  Fréjus,  no- 
nobslanlla  modicité  du  prix  demandé  (30,000 
francs,dil-on)  et  ses  bons  désirs,  ne  pul  faire 
l'acquisition  de  ce  lieu  dont  le  souvenir  est 
si  cher  à  la  religion  et  aux  lettres,  et  qu'il 
eût  probablement  enrichi  de  quelque  établis- 
sement pieux.  B-d-e. 

LÉVRIER  (Chevaliers  nu)  au  duché  de  Bar. 

L'an  1116,  plusieurs  seigneurs  du  duché  de 
Bar  s'unirent  ensemble  et  formèrent  une  so- 
ciété dont  la  marque  était  un  lévrier  ayant  à 
son  cou  un  collier  où  étaient  écrits  ces  mot9 
tout  un,  qu'ils  devaient  porter.  Ils  promirent 
de  s'aimer  les  uns  les  autres  ,  de  garder  leur 
parole,  de  défendre  celui  d'entre  eux  dont  ils 
entendraient  dire  du  mal,  et  de  l'en  avertir. 
Tous  les  ans  ils  élisaient  entre  eux  un  roi,  et 
s'assemblaient  au  mo  s  de  novembre,  le  jour 
de  saint  Martin,  et  au  mois  d'avril,  le  jour  de 
saint  Georges;  et,  si  quelqu'un  avait  fait 
quelque  faute  ,  il  en  était  repris  par  le  roi  et 
par  cinq  ou  six  autres  de  la  société.  Ils  de- 
vaient se  trouver  à  ces  assemblées  sous  peine 


(i)  Voy.,à  la  fin  du  vol.,  n°  l'JG 


777 


LEV 


I.F.V 


77!? 


d'un  marc  d'argent,  à  moins  qu'ils  n'eussent 
une  excuse  légitime.  Personne  ne  pouvait 
être  reçu  dans  la  compagnie  que  par  le  roi  et 

huit  ou  dix  des  plus  distingués,  et  avec  l'agré- 
ment du  duc  de  Bar,  qui  promit  de  protéger 
et  d'aider  ces  chevaliers  de  toutes  ses  forces. 
Si  quelqu'un  faisait  tort  ou  causait  quelque 
dommage  à  l'un  de  ces  chevaliers  ,  celui  qui 
avait  éié  offensé  devait  en  demander  justice 
au  duc  de  Bar,  s'il  était  sou  sujet,  et,  s'il  ne 
l'était  pas,  il  devait  la  demander  à  son  sei- 
gneur naturel,  avant  que  de  venir  aux  voies 
de.  fait;  et,  eu  cas  de  refus,  ils  étaient  obligés 
de  prendre  la  défense  de  celui  qui  avait  reçu 
du  dommage,  comme  il  est  plus  amplement 
spécifié  dans  les  Lettres  de  l'établissement  de 
celte  société,  dont  voici  la  teneur  : 

A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  ver- 
ront. Nous  Thibaut  de  Bl  amont,  Philbert,  sei- 
gneur de  Bejfroymtnl,  Eustache  de  Conflans, 
Richard  de  Hermoises,  Pierre  de  Beffroi/mont, 
seigneur  de  Ru f fin,    Regnaut  du   Chastelel , 
Evrard   du  Chaslelet  son   fils,    Mansart   de 
Sus,  Jean,  seigneur  d'Orne,  Philippes  de  No- 
veroy,  Ovy  de  Lendes,  Jean  de  Luire,  Jean  de 
Seroncourt,  Erlart  d'Oultenger,  Jean  de  Bef- 
froymont ,  seigneur  de  Sontois,  Jean  de  Ma- 
teetz,  et  Joffrog  de  Bassompière,  chevaliers, 
Jean,  seigneur  de  Rodemars,  Robert  de  Sar- 
rebruche,  seigneur  de  Commercy,  Edouard  de 
Grandprey,  Henry  de  Breul,  Mery  de  la  Vaux, 
Jeoffruy  d'Aspremont  ,  Jean  des  Hermoises  , 
Robert  des  Hermoises,  Simon  des  Hermoises, 
Franque  de  Leuze,  Aubry  de  Boulanges,  Hen- 
ry Despeneaut,  François  de  Xorbcy,  Jean  de 
Lou,   Hugues  de  Mandres,  Bttart  de  Man- 
dres,  Philibert  de  Doncourt,  Jean  de  Sampi- 
gny,  Colin  de  Sampigny,  Arnoul  de  Sampi- 
gny,  Alardin  de  Monsey,  Hanse  de,  Neuelin, 
le  Grand  Richard  d'Aspremont,  Thierry  d'An- 
nols,  Thomas  d'Oulanges,  Jaquenin  de  Niccy, 
et  JaquenindeVillars,  escuyers, salut.  Sçavoir 
faisons  que,  nous  regardons  et  désirons  vivre  en 
honneur  et  en  paix,  avons  avisé  que  nous  fe- 
rons ensemble  une  compagnie  durant   l'espace 
de  cinq  ans  entiers,  commençons  à  la  datte  des 
présentes  :  c'est  à  sçavoir  que  nous  tous  dessus 
nommez  avons  juré  aux  saints  Evangiles  de 
Dieu,  et  sur  nos  honneurs,  que  yious  nous  ai- 
merons et  porterons  foy  et  loyauté  les  uns  en- 
vers les  autres,  et  se  nous  sçavons  le  mal  ou 
domage  l'un  de  l'autre,  que  nous  le  détourbe- 
rons  à  nos  pouvoirs,  et  le  feront  sçavoir  les 
uns  aux  autres,   ledit    tems  durant,   et  cette 
présente  alliance  et  compagnie  avons  juré  en- 
vers tous  et  contre  tous,  excepté  nos  seigneurs 
naturels  et  nos  amis  charnels,  et  durera  cinq 
ans  entiers,  comme  dit   est,   et   se   nul  vou- 
toit  quelque  chose  demander  et  requérir,  nous 
en  venrions  à  jour  et  à  droit  par  devant  notre 
très  R.  P.  en  Dieu,  notre  1res  redouté  seiqneur 
le  cardinal  duc  de  Bar,  marquis  du  Pont,  sei- 
gneur de  Cassel,  lequel  notredit  seigneur  nous 
a  promis  loyaumenl  en  parole  de  principie  de 
noas  ailler  et  conforter  de  toute  sa  puissance 
et  de  son  pays  et  de  toutes  les  choses  dessus, 
envers  et  contre  tous  ceux  qui  à  jour  et  à  droit 
ne  voulronl   venir  là  où   il  appartientdroit 
par  raison,  et  ferons  un  roi  de  cette  compa- 

DlCTWNAlRË  DES  ORDRES  RELIGIEUX.    II, 


gnie,  qui.  durera  un  an  entier,  et  nous  tous 
qui  serons  de  cette  compagnie,  porterons  au 
Lévrier  qui  aura  en  son  col  un  collet,  auquel 
sera  escript,  Tout  ung,  et  tous  les  ans  tien- 
rons  deux  journées,  la  première  à  la  Saint- 
Martin  d'yver,  et  l'autre  à  ta  Saint-George* 
en  avril,  pour  sçavoir  s'il  y  auroit  aucune 
faute  en  ladite  compagnie  ;  et  se  aucune  faute 
il  y  acoit,  elle  seroit  amande e  par  le  roy  et  par 
six  des  autres  alliez,  et,  convema  que  chacun 
soit  auxditcs  journées,  sous  puinc  de  payer  un 
marc  d'argent,  auxquelles  journées  on  devroii 
envoyer  se  on  avait  excusalion  ,  soy  excuser 
et  payer  sa  part  des  dépens,  et  se  tenra  la  pre- 
mière journée  à  Saint-Michel ,  et  ne  peut  on 
mettre  aucun  en  cette  compagnie  que  ce  ne.  soit 
par  V ordonnance  de  mondit  seigneur,  et  par 
le  roi  d'icelle,  ensemble,  huit  ou  dix  des  ]>las 
grands  d'icelle,  lesquels  seront  nommez  es  let- 
tres de  celuy  qui  sera  commis  pour  sçavoir 
ceux  qu'ils  auroient  élu.  Et  se  aucun  faisait 
tort  ou  domage  à  l'un  de  cette  compagnie ,  il 
devroit  requérir  notredit  seiqneur  qu'il  l'eut 
à  jour  et  à  droit  s'il  estoit  son  sujet,  et  s'il 
n'estoit  son  sujet  ,  devra  requérir  le  seigneur 
de  qu'il  seroit  sujet  qu'il  l'eut  à  jour  et  à  droit 
devant  que  on  fit  œuvre  de  fait,  et  en  cas  de 
refus,  notredit  seigneur  devroit  aider  la  com- 
pagnie jusijues  à  droit.  Et  nous  tous  serons 
tenus  de  servir  à  nos  dépens  celui  à  qui  on  fe- 
rait domage,  qui  ainsi  auroit  requis  tant  que 
le  pays  du  duché  de  Bar  et  marquisat  du  Pont 
durant  et  pour  le  tems  avenir:  car  se  para- 
vent la  datte  des  présentes,  ou  paravent  ce  que 
aucun  fut  mis  de  celte  compagnie  aucune 
guerre  estoit  commencée,  nous  ne  serons  point 
tenus  d'en  aider  l'un  l'autre,  comme  dit  est 
par  la  manière  qui  s'ensuit  :  c'est  à  sçavoir  un 
bannerel  à  truis  hommes  d'armes  ,  un  simple 
chevalier  à  deux  ,  cl  un  escuger  à  ung  ,  huit 
jours  après  que  celui  à  qui  on  feroit  domage. 
Tauroit  fait  sçavoir  au  roy  de  cette  compa- 
gnie, et  que  ledit  roi  en  aurait  requis;  et  se 
plus  grand  force  y  convenoit  ou  se  devroit 
renforcer  au  regard  du  roy  et  de  six  de  ladite 
compagnie,  et  toutes  ces  dites  alliances,  nous 
tous  avons  faites  et  passées  par  le  consente- 
ment dudit  seigneur  et  en  sa  présence  ,  et  ice- 
luy  notredit  seigneur  nous  a  promis  que  se 
nous  avions  débat  les  uns  aux  autres  de  nous 
oir  et  garder  le  droit  de  chacune  partie  sans 
longs  procès,  comme  bon  seigneur  doit  faire, 
à  ses  sujets,  et  nous  lui  devons  garder  son 
bien,  état  et  honneur  et  proffît  de  toutes  nos 
puissances,  comme  bons  vassuux  doivent  faire 
à  leurs  bons  seigneurs ,  sans  fein.tise  ne  entre- 
pos  aucun,  et  ne  pourra  aucun  de  cette  com- 
pagnie prendre  ne  accepter  aucune  autre  com- 
pagnie ou  alliance  au  préjudice  de  cette  com- 
pagnie icelle  durant,  sinon  par  la  volonté  et 
consentement  de  notredit  seigneur.  En  tc- 
moing  de,  ce  nous  tous  avons  mis  nos  scels  à 
ces  présentes,  et  avons  supplié  et  requis  notre 
dit  seigneur  que  pour  plus  grande  approba- 
tion de  cette  luy  plut  mettre  son  scel  à  ces 
présentes.  Et  nous  Loys  par  la  grâce  de  Dieu 
cardinal  duc  de  Bar,  marquis  de  Pont ,  sei* 
gneur  de  Cassel,  ci  la  requeste  des  dessus  nom- 
mes, avons  fait  mettre  notre  scel  à  ces  pre- 
25 


770 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


780 


sentes.  Donné  à  Bar  le  derrain  jour  de  may 
l'an  lfelG. 

Communiqué  par  M.  de  Clérambaut. 

LINDAW.  Voy.  Cologne. 

LION  (Chevaliers  du), 

Des  chevaliers  des  ordres  du  Lion  et  de  la 
Couronne  en  France. 

Enguerrand  l,r,  seigneur  de  Coucy,  qui 
vivait  en  10SO,  ayant  lue  un  lion  dans  la  fo- 
ret de  Coucy  qui  faisait  beaucoup  de  ravages 
aux  environs  ,  pour  en  conserver  la  mémoire 
l'on  fit  faire  en  pierre  la  figure  de  ce  lion, 
que  l'on  plaça  dans  la  cour  du  chûteau  de 
Coucy,  et  l'on  instiiua  des  féleset  des  réjouis- 
sances qui  se  renouvelaient  tous  les  ans;  cl 
les  fondateurs  de  l'ab'b'aye  de  Nogent ,  qui 
étaient  de  la  maison  de  Coucy  ,  obligèrent 
l'abbé  de  ce  monastère  d'offrir  du  pain  et  des 
rissoles  an  seigneur  de  Coury  dans  la  cour 
où  ce  lion  était  placé  ;  ce  qui  se  faisait  de  la 
manière  suivante.  Avant  quede  présent)  r  ce 
pain  et  ces  rissoles,  l'abbé  était  obligé,  rê- 
vé r.d'un  habit  de  laboureur, avec  un  semoir, 
et  monté  sur  un  cheval  harnaché  comme 
po  r  aller  au  labour,  de  faire  plusieurs  (ours 
dans  la  cour,  en  faisant  cïaçjùer  un  fouet 
qu'il  tenait  à  la  main.  On  visitait  ensuite  son 
éqiïipàgè  pour  voir  s'il  était  en  bon  étal,  et 
si  l'on  trouvait  qu'il  manquât  seulement  un 
clou  aux  fers  du  cheval,  il  était  confisqué  , 
après  quoi  l'abbé  éiait  reçu  à  faire  ses  pré- 
sents :  ce  qui  se  réitérait  trois  lois  l'an,  aux 
fêles  de  Noël ,  de  Pâques,  et  de  la  Saim-Jean- 
Baptiste.  Lalouète,  qui  a  fait  en  1576  l'his- 
toire généalogique  de  la  maison  de  Coucy  , 
dit  avoir  vu  celle  cérémonie,  qui  s'observe 
encore  à  présent  avec  d'ai'tres  circonstances, 
que  cet  auteur  a  omises,  et  qui  consistent 
en  ce  que  ce  n'est  plus  l'abbé  qui  rend  cet 
hommage  en  personne  ,  se  contentant  d'y 
envoyer  un  des  officiers  de  l'abbaye  ,  qui  a 
dans  son  semoir  une  certaine  quantité  de  blé, 
et  qui  mène  avec  lui  un  chien  qui  a  deux  ris- 
soles à  son  cou.  S'il  les  gâte  ou  les  mange, 
qu'il  fasse  ses  ordures  dans  la  place  et  le 
eheval  aussi,  l'abbé  est  condamné  à  une 
amende.  Celui  qui  rend  l'hommage  embrasse 
aussi  deux  lions  de  pierre  qui  sonl  à  la  porte 
de  l'hôîel  de  ville  ,  où  l'on  a  transporté  celui 
qui  étaitdans  la  cour  du  château.  Cethommage 
se  rend  présentement  dans  la  place  de  la 
Ville. 

Lalouète  ajoute  que  ce  fut  à  l'occasion  de 
celte  action  d'Enguerrand  1"  que  fut  institué 
l'ordre  du  Lion,  qu'Enguerrand  II  renouvela 
au  commencement  du  règne  de  saint  Louis, 
comme  Belleforêt  l'a  remarqué  dans  son  His- 
toire de  France  ;  ce  qu'il  fil  avec  une  magni- 
ficence royale,  mais  il  y  a  plus  d'apparence 
que  ce  seigueur  a  été  l'insliluleur  de  cet 
ordre.  L'on  donnait  pour  marque  à  ceux  qui 
y  entraient  une  médaille  d'or  où  élait  repré- 
senté un  lion. 

Il  y  a  eu  encore  un  autre  ordre  sous  le 
nom  de  la  Couronne,  qui  a  été  institué  par 
Enguerrand  VII,  seigneur  de  Coucy  et  comte 
de. Soissons.,  dont  il  est  fait  mention  dans  des 


lettres  de  confirmation  que  Louis,  duc  d'Or- 
léans, accorda  aux  Pères  Célcslins  de  Ville- 
neuve, après  qu'il  eut  acheté  la  terre  de 
Coucy  et  le  comté  de  Soissons.  (les  lettres, 
qui  sont  insérées  dans  un  cartulaire  de  la 
Chambre  des  Comptes  de  Blois  de  l'an  139'], 
fol.  3V  v,  commencent  ainsi  : 

Loys  fils  de  roi  de  France,  duc  d'Orlédrtè, 
comte  ds  Blois,  de  Beaumont  et  de  Soissons 
et  seigneur  de  Coucy,  sçab'oir  faisons  à  tous 
présents  et  avenir.  Nous  avons  vu  les  tel  tri  s 
de  notre  cher  amé  cousin  messire  E r.guerrund, 
jadis  seig  eur  de  Coucy  et  comte  de  Soissons, 
contenant  la  forme  uni  s'ensuit.  Énguerrain. 
sire  de  Coucy,  comte  de  Soissons  cl  haro-  de 
Marie,  sçavoir  faisons  à  toits  presens  et  ave- 
nir, qu  nous  torisiderans  que  le  pèlerinage  et 
les  biens  tempore's  et  mondaine  de  cette  vie 
transit  ire,  sont  ordonnes  à  un  cfiaçitin  qui 
bien  en  vent  et  sc<t  user,  à  édifier  et  /t. ire 
trésor  envers  Dieu  qui  tous  biens  âpprestez 
meus  par  vraye  dévotion  ci  honneur  de  Dieu 
le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  un  Dieu 
vraye  et  Sainte  Trinité,  del  glorieuse  Vierge 
Marie,  de  Ions  les  s  int's  e!  saintes  de  paradis, 
et  pour  or  >ir  prières  pérpettielfes  pour  nous, 
nos  devanciers  ci  successeurs  de  notre  très 
chère  ci  ainée  compagne  Isabel  de  Lonaiue  à 
présent  notre  ferhmè,  pour  tous  les  chevaliers 
et  dànïes  les  eculers  et  dumoiseltes  qui  ont 
esté,  sont  et  seront  de  noire  ordre  de  la  Cou- 
ronné, pour  la  sin  <ur  et  affection 
que  nous  àvoiis  envers  la  dévote  et  sainte  ordre 
des  Cele.lins  et  l'de  rois  :  et  augmenta- 
tion  du  service  divin,  pour  consacrer  te  corps 
r  Seigneur  en  saint  sacrement  de  l'au- 
tel.  que  il  par  sa  grâce  ordonna  à  faire  en  la 
rèfnenibrance  et  commémoration  de  lui,  de  sa 
sainte  digne  mort  et  passion  qu'il  voult  so  f- 
frir  pour  tous  les  chrétiens,  et  pour  eslre  ac- 
compagnez à  tous  les  bienfaits  de  charité ,  de 
prière,  et  de  dévotion  qui  ont  esté,  sonl  et  se- 
ront finis  par  les  lits  religieux  de  ladite  ordre 
des  Celestins,  eslre  fait  et  construit,  édifié  et 
èslabli  au  lieu  et  en  la  place  de  notre  maison 
de  Villeneuve  auprez  Soissons,  etc.  Celte  lou- 
dalion  est  du  2b'  avril  1390,  et  les  lettres  du 
duc  d'Orléans  sont  données  à  Beaulé-sur- 
Marne,  au  mois  de  novembre  iW*.  Il  se 
trouve  un  sceau  de  ce  prince  à  la  Cha  nbre 
des  Comptes  de  Blois,  où  il  est  représenté  à 
cheval  ayant  une  couronne  renversée  atta- 
chée au  bras  droit  à  une  courroie  passée  dans 
une  boucle.  L'on  voit  aussi  ses  armes  au 
château  de  Blois  et  à  l'hôtel  de  ville,  au 
bas  desquelles  il  y  a  aussi  une  couronne  ren- 
icrsée.  Celle  couronne  pourrait  être  la  mar- 
que de  l'ordre  de  la  Couronne  insliiué  par 
Enguerrand  de  Coucy,  que  le  duc  d'Orléans 
aurait  conservé  étant  devenu  seigneur  de 
Coucy  et  de  Soissons. 

Mémoires  communiqués  par  M.  de  Clai- 
rambaud. 

LIONNE  (  Chevaliers  de  la).  Voy.  Crois- 
sant. 

LIS  (CnEVAUKRS  du),  dans  les  royaumes  de 
Navarre  et  d'Aragon. 

Si  nous  voulons  ajouter  foi   à  Faviii,  à 


781 


LIO 


LIO 


782 


L'abbé  Giustiniani  et  à  quelques  autres  ail- 
lent*, Garcias  VI,  ri'i  de  Na  arre,  institua 
i  01  ■  !r>-  du  Us.  Ce  prince,  selon  c  •  que  (li- 
sent ees  auteurs,  étant  tombé  dangereus  - 
meut  malade  l'an  1048,  envoya  à  Sainl-Sau-, 
\eur  d  •  Leira  el  à  quelques  autres  lieux,  de 
dévotion  faire  des  prières  el  des  vœux  pour 
le  recouvrement  de  sa  saule.  En  effet,  il  la 
recouvra,  et  ce  qu'il  crut  y  avoir  le  plus  con- 
tribué fut  la  dévotion  qu'il  eut  à  une  image 
miraculeu  e  de  la  sainte  Vierge,  sortant  d'un 
lis  et  tenant  son  Fils  entre  ses  bras,  qui  fut 
trouvée  dans  le  même  temps  à  Nagera,  où 
il  tenait  ordinairement  sa  cour  et  où  il  avait 
toujours  demeuré  dès  sa  jeunesse  :  ce  qui 
lui  fit  donner  le  surnom  de  nagera.  Ce  t 
pourquoi,  la  même  année  104S,  il  fit  bâtir  en 
action  de  «races  une  église  magnifique  que 
l'on  appelle  aujourd'hui  Sainte-Marie-  la- 
Ho  y  nie  de  tfagera,  qu'il  accompagna  d'un  su- 
perbe monastère,  où  il  mit  des  moines  de 
de  Saint-Ben  it.  Non  content  de  cela, 
et  pour  témoigner  davantage  la  dévotion  qu'il 
portait  à  la  sainte  Vierge,  il  institua  en  son 
honneur  un  ordre  militaire  sous  le  nom  de 
Sainte-Marie  du  L:s,  dont  il  retint  pour  lui 
et  pour  ses  successeurs  la  qualité  de  chef  et 
de  grand  maître.  Cet  ordre  était  composé  de 
trente-huit  chevaliers,  tous  genlilhommes  ti- 
rés de  l'ancienne  nobl  ss  ■  de  Biscaye,  de  la 
Vieille-Castille  et  e  la  Navarre,  qui  en  le  re- 
cevant faisaient  vœu  et  serment  solennel  en- 
tre les  mains  du  roi  d'exposer  leurs  vies  et 
leurs  personnes  pour  la  conservation  de  la 
couronne  de  Navarre  et  l'expulsion  des 
Maures.  Chaque  chevalier  portail  sur  l'es- 
tomac un  lis  d'argent  en  broderie,  el  aux 
jours  solennels  une  Chaîne  d'or  entrelacée 
de  lettres  AI  gothiques,  au  bas  de  laquelle 
pendait  une  médaille  d'or  en  ovale  où  était 
un  lis  ém  lillé  de  blanc  sort. au  d'une  terrasse 
et  surmonté  d'une  AI  gothique  couronnée. 
Ils  ei,n  nt  l  nus  dédire  tous  les  jours  cer- 
taines prières  qui  leur  furent  prescrites, 
a.ec  une  règle,  parles  moines  du  monas- 
lère  de  Sainie-Alarie-la-Royale  de  Nagera. 
Selon  le  même  Favin,  cet  ordre  a  été  floris- 
sant sous  les  successeurs  de  (iarcias  VI,  et  on 
voit  encore  leurseffigies.aussibien  que  celles 
de  plusieurs  chevaliers  de  cet  ordre,  tant  au- 
dit Nagera  qu'à  Saint-Sauveur  de  Leira,  à 
Saint  Je  in-Baptiste  de  la  Roche,  au  monas- 
tère de  Roncvaux,  en  l'église  cathédrale  de 
Pampelune,  et  en  d'autres  lieux,  avec  le  col- 
lier de  l'ordre. 

Il  est  vrai  qu'Yépèz,  dans  sa  Chronique  de 
l'Ordre  de.  Saint-Benoît,  parlant  du  monas- 
tère de  Sainte-Marie-la-Royaïe  de  Nagera, 
dit  aussi  que  Garcias  VI,  après  avoir  fait  bâ- 
tir ce  mon  is  ère,  in  titua  un  ordre  militaire; 
mais  il  di:  que  ce  fut  l'ordre  de  la  Terraça 
ou  du  Vase  du  I>>,  et  en  met  la  fondation, 
aussi  bien  que  celle  du  monastère,  l'an  1052. 
Le  motif  qui  poria  ce  prince  à  faire  ces  deuv 
fondations,  selon  ce:  a  iteur,  f  '  fa  décou- 
I  u'ii  fit  dans  ce  temps-1  : 

de  la  Vierge;   mais  ce  fut  étanl 
qu'il  trouva  cotte   image,   ci' 

Peut  po.ut  à  ce  que  dit  Favin,  que 


Garcias  était  malade  lorsque  celte  image  fut 
trouvée.  11  y  a  d'autres  auteurs  qui  disent 
en  ore  que  ce  ne  fut  point  ce  prince  qui  in- 
stitua cet  ordre,  mais  son  père,  Sanche  le 
Grand,  l'an  1023.  Ils  ne  conviennent  point 
non  plus  sur  la  marque  qui  distinguait  ces 
chevaliers.  Favin,  comme  nous  avons  dit, 
prétend  qu'ils  portaient  un  lis  d'argent  en 
broderie,  etquele  collier  était  c  mposé  d'une 
double  chaîne  entrelacée  d'Aï  gothiques,  au 
bout  duquel  pendait  une  médaille  dans  la- 
quelle il  y  avait  un  lis  surmonté  dune  AI  go- 
thique couronnée.  Yépèz  dit  que  ce  collier 
était  composé  de  chaînes  d'or  et  d'argent,  au 
bout  duquel  il  y  avait  un  vase  plein  de  lis, 
cl  que  l'on  nomma  cet  ordre  de  la  Terraça 
ou  ou  Vase  de  Lis,  à  cause  que  le  roi  de  Na- 
varre trouva  aussi  un  vase  plein  de  lis  à  côté 
de  1  image  de  la  sainte  Vierge.  Alichieli  et  le 
P.  Alendo,  qui  sont  deux  autres  auteurs  es- 
pagnols, disent  que  ces  chevaliers  portaient 
sur  un  habit  blanc  l'image  de  l'Annonciation 
de  la  sainte  Vierge  entre  deux  lis.  Yépèz 
ajoute  que  cet  ordre  fut  éteint  après  la  mort 
de  Garcias  VI,  son  inslituteur,  et  Favin  pré- 
tend qu'il  fut  beaucoup  florissant  sous  s^es 
successeurs.  Ces  contrariétés  qui  se  trouveitf 
entre  ces  auteurs,  qui  n'apportent  aucun  ti- 
tre ni  aucun  témoignage  pour  appuyer  leurs 
sentiments,  nousportentà  ne  rien  croire  de  ce 
qu'ils  disent,  étant  persuadés  d'ailleurs  qu'il 
n'y  a  eu  aucun  ordre  militaire  avant  le  xir 
siècle.  Ainsi,  ni  Sanche  le  Grand  ni  Garcias  VI 
n'ont  point  été  les  insliiuteurs  de  cet  ordre  ; 
et,  s'il  a  subsisté,  il  ne  peut  avoir  élé  fondé 
que  par  quelques-uns  de  leurs  successeurs, 
sans  qu'on  sache  en  quel  temps  il  a  com- 
mencé. Il  a  eu  le  même  sort  de  plusieurs 
autres  qui  ont  été  abolis:  ce  qui  n'a  pas  em- 
pêché l'abbé  Giustiniani  et  Shoonebeck  de 
dire  que  les  rois  de  France  et  d'Espagne  s'at- 
tribuent chacun  la  qualité  de  grand  maître 
de  cet  ordre  ;  el  Giustiniani  a  même  donné 
une  chronologie  de  ses  grands  maîtres,  qui 
commence  à  Garcias  VI,  roi  de  Navarre,  et 
finit  à  Louis  XIV,  roi  de  France,  conjointe- 
ment avec  Charles  II,  roi  d'Espagne. 

11  y  a  bien  de  l'apparence  que  cet  ordre  du 
Lis,  qu  '  l'on  prétend  avoir  été  institué  dans 
le  royaume  de  Navarre,  est  le  même  que  ce- 
lui du  Vase  de  Lis  de  la  sainte  Vierge  insti- 
tué par  Ferdinand,  infant  de  Castille  sur- 
nommé d'Autiguera,  pour  avoir  conquis  celte 
place  sur  les  Maures  l'an  1410.  Il  y  a  des 
écrivains  espagnols  qui  prétendent  que  ce 
prince  ne  fil  que  renouveler  celui  du  Lis,  qui, 
selon  eux,  avait  été  institué  par  Garcias  VI 
et  qui  fui  éteint  par  sa  mort.  Jérôme  Roman, 
cité  par  Yépèz,  est  de  ce  nombre,  et  met  l'in- 
stitution de  celui  du  Vase  de  Lis  par  l'infant 
de  Castille  l'an  14-03,  préten  ianl  que  le  mo- 
Lf  qui  porta  ce  prince  à  i'insliiuer  fut  la  dé- 
vo  on  qu'il  parlait  à  la  sai  :te  Vierge,  et  que 
ce  fut  le  jour  de  son  ass  mplion  qu'il  fit  des 
el  ordre  dans  1  :  ville  de  Mé- 
dina  del  Cumpo.  Mais  i'  liire  de  roi  que  cet 
auteur  atlribuê  à  ce  prince  donne  lieu  da 
croire  que  cet  ôi'drc  ae  peut  pas  avoir  été 
institué  l'an  1403,  puisqu'il  ne   fut  élu  roi 


785 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


784 


d'Aragon  qu'en  1410.  Ceux  qui  ont  dit  que 
ce  fui  l'an  1413  se  son!  aussi  trompés,  puis- 
que Médina  del  Campo,  où  se  fil  celle  insti- 
tution, est  de  la  Vieille-Castillc,  qui  appar- 
tenait à  Henri  Iil  ,  roi  de  Castille,  frère  de 
Ferdinand.  Ainsi,  il  y  a  bien  de  l'apparence 
que  ce  dernier,  ayant  été  élu  roi  d'Aragon 
en  1410,  fit  la  cérémonie  de  l'institution  de 
cet  ordre  dans  la  ville  de  Médina  del  Campo, 
où  il  avait  pris  naissance  et  faisait  son  séjour 
ordinaire, lorsqu'il  fut  fail  roi  d'Aragon.  (Jnoi 
qu'il  en  soit,  l'on  prétend  que  le  collier  de  cet 
ordre  était  composé  de  vases  remplis  de  lis 
enlrelacé  de  griffons,  au  bout  duquel  pen- 
dait une  médaille  où  était  l'image  de  la  sainte 
Vierge  (i). 

Yépèz,  Chronica  de  la  Orden  de  San-Benito. 
Favin,  Histoire  de  Navarre,  et  Théâtre  d'hon- 
neur et  de  chevalerie.  Le  P.  Anselme,  Le  Pa- 
lais de  V honneur.  Mennenius,  Deliriœ  eyuest. 
Ord.  Andr.  Mendo,  De  Ord.  milit.  Joseph  Mi- 
cbielli,  Thesor.  milit.  de  cavaler.  Bernard 
Giustiniani,  Oist.  di  tutt.  gl.  Ord.  milit.  et 
Schoonebeck,  Hist.  des  Ord.  militaires. 

L1VONIE  /  Chevaliers  de).  Voy.  Tecto- 
nique. 

LOCHES  (Religieuses  Hospitalières  de) 
et  autres  du  même  institut. 

La  ville  de  Loches  en  Touraine,  située  sur 
l'Indre  ,  à  sept  lieues  d'Amboise  et  dix  de 
Tours,  a  donné  naissance  à  des  religieuses 
hospitalières  qui  ont  f;iit  plusieurs  établisse- 
ments en  France.  L'hôpital  ou  hôtel-Dieu 
de  Loches  doit  en  quelque  manière  son  éla- 
blisscmcnt  à  la  sœur  Susanne  Dubois,  reli- 
gieuse de  l'hôtel-Dieu  de  Senlis.  Nous  ne 
savons  point  les  raisons  qui  l'obligèrent  d'al- 
ler à  Loches  ;  mais,  y  élaut  arrivée,  elle  se 
retira  dans  un  hospice  proche  les  Cordeliers, 
où  elle  recevait  les  pauvres,  qu'elle  faisait 
coucher  sur  la  paille  et  auxquels  elle  don- 
nait seulement  le  couvert,  ne  vivant  elle- 
même  qu'avec  beaucoup  de  peine  des  aumô- 
nes que  les  personnes  dévotes  lui  envoyaient 
chaque  semaine. 

le  maire  et  les  éehevins  de  la  ville,  édifiés 
de  la  charité  que  celle  bonne  sœur  exerçait 
envers  les  pauvres,  prièrent  le  cardinal  de 
la  Rochefoucault ,  évéque  de  Senlis,  de  per- 
mettre à  la  sœur  Susanne  de  s'établir  à  Lo- 
ches. Ce  prélat  y  conseil  til,  à  coud  il  ion  qu'elle 
viviait  en  communauté  avec  d'autres  filles 
qui  feraient  comme  elle  profession  de  la  rè- 
gle de  saint  Augustin,  ainsi  qu'il  est  porlé 
par  l'obédience  que  cette  Eminence  lui  en- 
voya le  14  juillet  1021. 

La  sœur  Susanne  étant  morte  l'an  1626, 
le  duc  d'Epernon,  gouverneur  et  seigneur 
engagiste  de  Loches,  se  joignit  au  maire  et 
aux  éehevins  de  cette  ville  pour  demander  â 
Bertrand  Deschaud,  archevêque  de  Tours, 
l'établissement  d'un  monastère  de  religieu- 
ses hospitalières  dans  l'hospice  où  la  sœur 
Susanne  avait  demeuré.  Ce  prélat  accorda 
leur  demande,  il  consentit  que  le  saint  sa- 
crement fût  gardé  dans  la  chapelle  de  l'hos- 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  192. 


pice,  et  commit  M.  Paquier  Bourré,  prêtre, 
natif  de  Saint-Germain-sur-Indre  proche 
Loches  ,  pour  administrateur  spirituel  et 
temporel  de  cet  hôpital  naissant.  Ce  bon  prê- 
tre y  donna  cent  sols  de  rente  ,  et,  pour  le 
surplus  de  l'entretien  des  religieuses  et  des 
pauvres,  il  se  donnait  lui-même  la  peine 
d'aller  quêter  de  maison  en  maison. 

L'on  fit  venir  l'an  1629  une  religieuse  de 
l'Hôtel-Dieu  de  Paris  pour  établir  la  régula- 
rité dans  cet  hôpital.  Elle  y  donna  l'habit  à 
trois  filles  ;  mais  étant  morte  avant  qu'elles 
eussent  fini  leur  année  de  probalion,  l'ar- 
chevêque de  Tours  y  envoya  de  l'hôtel-Dieu 
de  cette  ville  une  autre  religieuse  qui  reçut 
leur  profession,  et  s'en  retourna  ensuite  à 
Tours. 

Le  zèle  de  ces  nouvelles  professes  à  servir 
les  pauvres  attirant  une  infinité  de  malades 
dans  cet  hôpital ,  et  leur  petit  nombre  n'é- 
tant pas  sulfisant  pour  résister  au  travail  et 
à  la  fatigue,  l'archevêque  de  Tours,  qui 
avait  permis  cet  établissement,  consentit 
aussi  que  ces  religieuses  reçussent  un  plus 
grand  nombre  de  filles.  Il  s'en  présentait 
beaucoup,  mais  le  terrain  trop  resserré  qu'el- 
les occupaient  était  un  obstacle  à  la  récep- 
tion des  filles  qui  se  présentaient  ;  c'est 
pourquoi  le  roi  accorda  deux  arpents  de  pré 
dans  la  prairie  qu'on  nomme  eneore  aujour- 
d'hui la  prairie  du  Roi  ,  afin  de  pouvoir 
agrandir  les  bâtiments  ;  et  parce  moyen  cette 
maison  ayant  été  augmentée  est  devenue 
plus  commode,  ayant  une  église,  un  chœur 
et  tous  les  lieux  réguliers  qui  conviennent  aux 
maisons  religieuses,  principalement  à  celles 
où  l'on  exerce  l'hospitalité. 

L'exactitude  avec  laquelle  elles  observè- 
rent la  règle  de  saint  Augustin  et  les  consti- 
tutions qui  leur  furent  prescrites  leur  ac- 
quirent beaucoup  de  réputation,  ce  qui  les 
fit  souhaiter  dans  plusieurs  villes  du  royau- 
me. Les  premières  qui  en  demandèrent  fu- 
rent celles  de  Clermont  et  de  Riom  en  Au- 
vergne, où  M.  Bourré  mena  des  religieuses 
pour  y  faire  des  établissements.  Il  sortit  en- 
suite d'autres  religieuses  de  l'hôpital  de 
Clermont  pour  fonder  ceux  d'Arles  vl  de 
Guéret.  L'hôpital  de  Riom  fonda  aussi  celui 
de  la  Palisse,  et  l'hôpital  de  la  Palisse  celui  de 
Grenoble.  11  se  fil  enore  d'aulres  établisse- 
ments à  Amboise,  à  Cbinon,  à  Poitiers,  à 
Niort,  à  Vierzon,à  Aubigny,àlieaucaire  et  on 
d'autres  lieux,  jusqu'au  nombre  de  dix-huit. 

Ces  religieuses,  outre  les  vœux  de  pau- 
vreté, de  chasteté  et  d'obéissance,  en  font 
un  quatrième  de  servir  les  pauvres  sous  clô- 
ture. Elles  disent  tous  les  jours  au  chœur  le 
polit  office  de  la  Vierge,  et  font  mémoire  des 
têtes  qui  arrivent  selon  l'Ordre  du  bréviaire 
romain.  Aux  fêles  annuelles,  à  celles  de  No- 
tre-Seigneur,  de  1 1  sainte  Vierge,  et  de  plu- 
sieurs autres  de  l'ordre  de  Saint-Augustin, 
comme  aussi  à  celles  des  patrons  particu- 
liers de  leurs  hôpitaux,  elles  disent  le  grand 
offire  du  bréviaire  romain. 

Elles  font  abstinence  lous  les  mercredis  et 


785 


LOM 


LOM 


78« 


pemlant  I  avcnt,  qu'elles  commencent  .tu  25 
novembre.  Elles  jeûnent  tous  les  vendredis  de 
l'année,  les  veilles  des  fêles  de  Noire-Sei- 
gneur et  de  leurs  patrons.  Elles  prennent  la 
discipline  une  fois  la  semaine,  font  oraison 
mentale  soir  et  malin,  et  tous  les  ans  elles 
renouvellent  leurs  vœux  le  jour  de  la  Pré- 
sentation de  la  sainte  Vierge  au  temple, 
après  s'y  être  préparées  par  une  retraite  de 
trois  jours,  qu'elles  font  aussi  pendant  la  se- 
maine sainte,  trois  jours  avant  les  fêtes  de 
la  Pentecôte  et  quelques  autres  jours  de 
l'année. 

Leur  habillement  ordinaire  consiste  en 
une  robe  de  serge  blanche  serrée  d'une  cein- 
ture de  cuir,  et  un  scapulaire  blanc.  Les 
jours  des  grandes  fêtes,  auxquels  on  dit  le 
bréviaire  romain,  elles  portent  une  robe 
noire,  et  encore  les  jours  de  cérémonies, 
comme  de  véturcs  et  de  professions,  avec  la 
ceinture  de  cuir  sans  scapulaire  et  un  crucifix 
au  côté  gauche  passé  dans  la  ceinture  de 
cuir  (1).  Elles  sont  enterrées  avec  une  robe 
noire,  et  on  leur  met  la  couronne  d'épines 
qu'elles  ont  portée  le  jour  de  leurprofession. 

Leur  coiiïure  est  à  peu  près  semblable  à 
celle  des  au'res  religieuses,  si  ce  n'est  qu'el- 
les ont  un  double  bandeau  et  une  guimpo 
carrée,  et  que  les  jours  de  communion,  de 
chapitre  des  coulpes,  de  l'élection  de  la  su- 
périeure et  autres  cérémonies,  elles  portent 
des  voiles  de  deux  aunes  et  demie  de  long 
qui  traînent  jusqu'à  terre  (2).  La  vêture  et 
la  profession  se  font  avec  l'habit  noir  ,  et  le 
lendemain  elles  prennent  le  blanc.  Les  sœurs 
converses  portent  des  voiles  de  toile  noire, 
des  rochels  pendant  l'été,  et  pendant  l'hiver 
la  robe  blanche'  (3).  Elles  ne  portent  jamais 
l'habit  noir  qu'à  leur  vêture  et  à  leur  pro- 
fession, et  elles  sont  enterrées  aussi  avec 
l'habit  noir  et  la  couronne  d'épines,  comme 
les  religieuses  du  chœur. 

11  y  a  néanmoins  des  hôpitaux,  comme 
dans  ceux  de  Clermont,  de  Riom,  et  les  au- 
tres du  diocèse  de  Clermont,  où  les  religieu- 
ses portent  des  rochets  sur  leurs  habits  blancs 
pendant  l'été,  et  où  les  su-urs  converses 
sont  habillées  comme  les  religieuses  du 
chœur,  n'étant  distinguées  que  par  uu 
voile  blanc  qu'elles  portent  toujours.  Les 
religieuses  de  ce  diocèse  ont  des  constitu- 
tions particulières,  qui  ont  été  approuvées 
l'an  1(391,  par  M.  François  Boc  hait,  évêque 
de  Clermont,  et  imprimées  à  Paris  la  même 
année. 

Mémoires  envoyés  de  Loches  en  1712,  et 
les  constitutions  de  la  congrégation  des  reli- 
gieuses Hospitalières  de  l'ordre  de  Sahil-Au- 
gustin. 

LOMBARDIE.  Voy.  Augustins. 
LOMBARDIE.   Voy.  Jérôme  {Ermites  de 

Saint-). 

LOMBARDIE  (Dominicains  de  la  congréga- 
tion de  )  et  de  plusieurs  réformes  faites 
dans  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs,  sous  le 

(1)  Voy.,  à  la  un  du  vol.,  n°«  l!Jô  et  194. 
(S)  Voy.,  ibid.,  a'  195. 


nom  de  congrégations,  gouvernées  par  des 
vicaires  généraux. 

L'ordre  de  Saint-Dominique,  non  plus  que 
la  plupart  des  autres  ordres,  n'a  pas  pu  se 
garantir  du  relâchement.  Quelques  couvents 
s'étant  éloignés  de  l'observance  régulière,  les 
généraux  ont  employé  leur  autorité  pour  la 
rétablir  et  la  faire  observer.  Mais  le  premier 
de  ces  généraux  à  qui  l'on  peut  donner  le  ti- 
tre de  réformateur  de  cet  ordre  est  le  bien- 
heureux Conrad  de  Prusse  ,qui  vers  l'an  1389 
fut  le  réparateur  de  l'observance  régulière 
dans  tous  les  couvents  d'Allemagne,  d'où  elle 
avait  été  bannie  dès  l'an  1349,  lorsque  la 
peste  fit  de  si  grands  ravages  dans  la  plupart 
des  provinces,  que  presque  toutes  les  villes 
étaient  désertes  et  inhabitées.  A  son  imitation, 
le  bienheureux  Barthélémy  de  Saint-Domi- 
nique de  Sienne,  qui  fut  dans  la  suite  évê- 
que de  Coronne,  fut  le  réformateur  des  cou- 
vents d'Italie  vers  l'an  1402.  Le  P.  Barthélé- 
my Texier,  Français,  général  de  cet  ordre, 
animé  du  même  zèle,  employa  son  autorité 
pour  maintenir  l'observance  régulière  dans 
tous  les  couvents,  et  y  portait  les  religieux 
par  son  exemple;  ce  fut  lui  qui  institua  la 
congrégation  d'Aragon,  qui  a  subsisté  pen- 
dant 91  ans. 

Une  des  plus  considérables  réformes  fut 
celle  de  la  congrégation  de  Lombardie,  qui 
fut  commencée  vers  l'an  1418  par  le  P. 
Matthieu  Boniparti  de  Navare,  qui  pour  la 
sainteté  de  sa  vie  fut  choisi  par  le  pape  pour 
remplir  le  siège  épiscopal  de  Mantoue.  Le 
P.  Joachim  Turriani,  trente-cinquième  géné- 
ral, lui  accorda  beaucoup  de  privilèges;  elle 
fut  néanmoins  démembrée  sous  son  gouver- 
nement, et  on  lui  ôta  les  couvents  de  Rome, 
de  Pise,  de  Saint-Gémiuien  ,  de  Viterbe,  da 
Sienne  et  Saint-Marc  de  Florence,  pour  les 
unir  à  une  nouvelle  réforme  sous  le  nom  de 
congrégation  de  Toscane ,  commencée  l'an 
1493  par  les  soins  de  Jérôme  Savonarolle, 
dont  la  fin  a  été  si  malheureuse.  Il  naquit  à 
Ferrare  sur  la  fin  du  xve  siècle;  il  avait  beau- 
coup d'éloquence  et  de  piété,  et  fut  l'un  des 
plus  habiles  prédicateurs  de  son  temps.  11  prê- 
cha avec  trop  de  véhémence  contre  la  con- 
duite du  pape  Alexandre  VI,  la  chaire  lui  fut 
interdite,  mais  il  ne  laissa  pas  de  parler  avec 
la  même  liberté;  de  sorte  qu'ayant  été  pris  à 
l'âge  de  quarante-six  ans,  il  fut  pendu  et  brûlé 
avec  deux  de  ses  compagnons  à  Florence, 
dans  une  sédition  suscitée  par  ses  ennemis 
le  23  mai  1498.  Cette  congrégation  ne  dura 
que  cinq  ans  séparée  de  celle  de  Lombardie  ; 
car  après  la  mort  de  Savonarolle  elle  se  réu- 
nit à  celle  de  Lombardie,  qui  subsista  jus- 
qu'en l'an  1531,  que ,  sous  le  généralal  de 
Paul  Bottigella  de  Pavie,  qui  en  avait  été 
deux  fois  vicaire  général,  elle  fut  éteinte  e'. 
érigée  en  province  par  autorité  du  pape  Clé- 
ment VU,  qui  abolit  aussi  la  congrégation 
de  Calabre  et  l'érigea  pareillement  en  pro- 
vince. 
Une    autre   réforme  avait  commencé  eu 

(3)  Voy.,  ibid.,  n°  llJC. 


787 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


788 


Hollande  sous  le  premier  généralat  de  Mar- 
tial Auribelle  de  Provence,  et  comprenait 
vingt- huit  maisons,  dont  quelques-unes 
avaient  été  soustraites  de  la  c  ngregation  de 
Lombardie,  qui  avaient  formé  une  congréga- 
tion qu'on  appel. ;it  de  Hollande,  à  qui  les  pa- 
pes avaient  acordé  beaucoup  de  privilège*. 
Mais,  l'an  151A,  le  pape  Léon  X,  sur  les  in- 
stances du  roi  de  France  L  >uis  XH,  ordonna 
au  général  Thomas  Cajelan  de  séparer  les 
couvents  réformés  en  France  de  la  congré- 
gation de  Hollande,  de  laquelle  ils  dépen- 
daient, et  d'en  faire  une  congrégation  nou- 
velle qui  s'appellerait  la  congrégation  Galli- 
cane, voulant  qu'elle  jouît  des  mêmes  privi- 
lèges, grâces  et  exemption-:,  que  celle  de  Hol- 
lande ;  et,  par  un  autre  bref  de  l'an  1518,  en 
renouvelant  et  en  augmentant  les  mêmes  pri- 
vilèges à  la  congrégation  de  Hollande,  il  dé- 
clare qu'il  les  octroie  de  nouveau  à  la  con- 
grégation Gallicane,  et  approuve  l'autorité 
du  vicaire  général.  Les  religieux  de  France 
avaient  néanmoins  des  statuts  plus  austères 
que  ceux  de  Hollande. 

Vers  la  fin  du  même  siècle,  le  P.  Paulin 
Bernardini  de  Lucqnes  commença  une  autre 
réforme  dans  le  royaume  de  Naples,  sous  le 
litre  de  congrégation  de  l'Abruzze  de  Sainte- 
Catherine  de  Sienne,  qui  a  produit  plusieurs 
religieux  d'une  émiuenle  vertu,  et  qui  sont 
morts  en  odeur  de  sainteté,  comme  le  P.  Pau? 
lin  Bernardini,  auie  r  de  cette  réforme,  dont 
la  vie  a  été  écrite  par  un  religieux  de  cet  or- 
dre. 11  mourut  en  1585,  après  avoir  beau- 
coup étendu  sa  congrégation.  Le  P.  Nicolas 
Masio  de  Pérouse  lui  aida  beaucoup  dans  ré- 
tablissement de  cette  réforme,  et,  lui  ayant 
survécu  de  plusieurs  années,  il  travailla  aussi 
beaucoup  à  l'étendre  et  à  la  maintenir  dans 
l'observance  régulière.  1!  mourut  vers  l'an 
1611,  en  répulatiou  de  sainteté,  dans  le  cou- 
vent de  Saint-Dominique  de  Ciiiesi,  et  fut  vi- 
caire général  de  cette  congrégation. 

Le  P.  Sébastien  Miehaélis  introduisit  pres- 
que dans  le  même  temps  une  seconde  ré- 
forme en  France  sous  le  nom  >!e  congréga- 
tion Occitaine,  dont  il  fut  le  premier  vicaire 
général.  11  avait  pris  l'habit  de  l'ordre  de 
Saint-Dominique  au  couvent  de  Marseille, 
où.,  après  avoir  mené  une  vi  exemplaire-,  il 
fit  un  tel  progrès  dans  l'étude  de  la  tbeol 
qu'il  recul  avec  beaucoup  de  réputation  et 
d'applaudissement  le  deg.c  de  docteur.  Il 
commença  sa  reforme  à  Toulouse  l'an  1596, 
qui  fut  approuvée  par  le  pape  Pau!  V,  l'an 
1608;  do  la  il  vint  à  Paris,  où,  sous  l'autorité 
du  roi  Henri  IV,  il  bâtit  ie  couvent  de  i  An- 
nonciation de  la  sainte  Vierge  dans  la  rue 
Saint-Honoré,  où  il  mourut  le  5  mai  1618, 
âgé  de  74  ans.  Ce  le  congrégation  ne  sub- 
siste plus,  ayant  été  érigée  en  province  l'an 
1669  par  le  pape  Clément  IX.  -ous  le  litre  de 
Saint-Louis,  qui  est  la  quarante-cinquième 
et  dernière  de  l'ordre.  Les  congrégations  do 
Raguze,  de  l'Abruzze  et  quelques  autres,  ont 
aussi  été  érigées  en  provinces;  il  ne  reste 
plus  que  les  suivantes  qui  subsistent,  et  qui 
ont  des  vicaires  généraux,  savoir: 

La  congrégation  de  Saint-Vin -eut  Ferrier 


ou  de  Bretagne,  dans  la  province  de  Paris, 
qui  a  quatorze  couvents;  la  congrégation 
des  Anges  en  Provence,  qui  a  six  couvents; 
régatioo  d'Alsace,  qui  a  quatre  cou- 
vents d'hommes  et  huit  monastères  de  filles; 
la  congrégation  du  Saint-Nom  de  Jésus  aux 
îles  Antilles  de  l'Amérique,  qui  a  un  cou- 
vent et  vingt  cures  ;  la  congrégation  de  Saint- 
Dominique  dans  File  de  Saint-Domingue,  qui 
;  deux  couvents  et  dix  cures;  la  congréga- 
tion de  Sainte-Sabine  à  Home,  qui  a  huit 
couvents  ;  la  congrégation  de  Saint-Marc  de 
Florence,  qtli  a  six  couvents;  la  congréga- 
tion de  Saint-Jacques  de  Salomon  à  Venise, 
qui  a  sept  cou.  en  s;  la  congrégation  de  No- 
tre-Dame de  la  santé  à  Naples,  qui  a  treize 
couvents;  la  congrégation  de  Saint-Domini- 
que de  Soriano  en  Sardaigne,  qui  a  dix  cou- 
vents et  un  monastère  de  fuies ,  et  la  congré- 
gation de  Saint-Marc  de  Gavoli  au  royaume 
de  Naples,  qui  a  treize  couvents. 

Dans  les  congrégations  d  ■  France,  de  Bre- 
tagne, des  Anges  et  de  Saint-Marc  de  Gavoti, 
les  prieurs  des  couvents  qui  en  dépendent 
ont  voix  aux  chapitres  provinciaux  des  pro- 
vinces dont  ils  portent  le  nom  ,  et,  après 
qu'ils  ont  donné  leurs  suffrages  pour  l'élec- 
tion d'un  provincial ,  ils  s'assemblent  le  len- 
demain et  élisent  entre  eux  leur  vicaire  gé- 
néral. La  congrégation  de  Suinte-Sabine  ne 
va  point  au  chapitre  de  la  province  de  Lom- 
bardie, dont  elle  dépendait  autrefois,  et  le 
provincial  de  cette  province  n'a  aucun  droit 
de  visite  dans  cette  congrégation.  Le  vicaire 
général  d'Alsace  ne  dépend  d'aucune  pro- 
vince, non  plus  que  celui  de  Sardaigne  ;  ils 
sont  institués  tous  dans  par  le  général,  qui 
nomme  aussi  ceux  de  l'Amérique.  La  congré- 
gation de  Venise  ne  va  point  au  chapitre  pro- 
viicial,  mais  lç  provincial  delà  province  de 
Venise  a  droit  de  visite  honoraire  dans  cette 
congrégation.  Tous  ces  vicaires  généraux 
n'ont  aucune  autorité  qu'après  qu'ils  ont 
clé  confirmés  par  le   général  de  tout  l'ordre. 

Les  réformes  de  ces  congrégations  ne  con- 
sistent guère  que  dans  l'abstinence  de  la 
viande,  qu'ils  observent  fort  régulièrement 
dans  leurs  couvents,  mais  elles  n'oul  poin! 
renoncé  aux  renies  et  aux  possessions. 

LOMBARDIE  (Tertiaires  de  ShntFrançois, 

U.TS   DE  LA  OONSttÉGATiaH    DE) 

§  1".  Oiigine  de  la  congrégation. 

Si  le  tiers  ordre  de  Saint-François,  institué 
d'abord  pour  des  séculiers,  fit  tant  de  pro- 
grès, qu'il  n'y  eut  presque  point  de  provin- 
ces où  il  ne  s'étendit  et  <<ù  on  ne  vil  des 
personnes  engagées  dans  le  mariage  se  sou- 
mettre aux  lois  que  le  saint  instituteur  avait 
prescrites  à  ceux  qui  voudraient  pratiquer 
la  pénitence,  ilnefilpasmoinsde  progrès  lors- 
qu'il se  trouva  de  ces  pénitents  qui,  aspirant 
à  une  plus  haute  perfection,  s'engagèrent  à 
cet  étal  par  des  vœux  solennels.  Les  différen- 
tes congrégations  religieuses  qu'il  y  a  eu  de 
cet  ordre,  en  France,  en  Allemagne,  en  Es- 
pagne, eu  Flandre,  en  Italie  et  dans  les 
autres  provinces,  el  qui  avaient  chacune  leur 


789 


LO.M 


LOM 


790 


général  ,  en  sont  une  preuve  incontestable  ; 
et  il  y  a  lieu  de  s'étonner  qu'après  1rs  ;  er- 
sécutions  qui  lui  ont  été  suscitées,  tant  de 
la  part  de  quelques  catholiques  jaloux  de  son 
-,  que  par  les  hérétiques,  qui  ont 
renversé  et  ruine  entièrement  un  grand  nom- 
bre de  ses  monastères,  il  suit  encore  aussi 
florissant  qu'il  l'est.  L'on  ne  voit  plus  à  la 
vérité  toutes  ces  congrégations  q,ui  étaient 
gouvern  es  chacune  par  un  gênerai,  dont 
quelques-unes  ont  été  entièrement  éteintes 
dans  le  sang  de  leurs  religieux,  que  la  fu- 
reur des  hérétiques  sacrifiait  à  l'erreur  et  au 
mensonge;  d'autres  réunies  à  ce, le  de  Lom- 
bardie,  qui  a  conserve  le  droit  d'avoir  un 
gênerai ,  et  les  autres  i  afin  soumises  au 
général  de  tout  l'ordre  de  Saint-François; 
mais  cela  n'empêche  pas  qu'il  ne  soit  encore 
fort  étendu  et  Ion  recommandante  u  r  la 
science  et  par  la  piété  de  ses  sectateurs. 

La  piovince  de  Loiakardie,  dont  nous  trai- 
tons dans  cet  article  préféra blement  à  toutes 
les  autres,  tant  à  raison  de  son  antiquité  que 
du  généralal  qu'elle  a  conservé  jusqu'à  pré- 
sent, commença  de  la  m  n  ère  suivante.  Les 
premiers  religieux  d'ilali  <  demeurant  dans 
le  désert ,  a.va  eut  plusieurs  maisons  éloi- 
gnées du  commerce  du  monde,  qui,  bien  que 
régulières,  Déformaient  point  de  congréga- 
tion et  n'étaient  point  unies  ensemble;  elles 
avaient  seulement  quelquefois  des  visiieurs, 
selon  le  conseil  de  Nicolas  IV,  et  elles  avaient 
chacune  un  supérieur  local.  Ce  manquement 
de  chef  pour  les  unir  venait  de  leurs  adver- 
saires, qui,  n'ayant  pu  empêcher  la  profes- 
sion soleonelie  de  i  et  ordre,  s '.efforçaient  d'eu 
arrêter  le  progrès  par  .a  désunion  des  m  ca- 
bres. Mais  le  |  ape  Nicolas  V,  par  une  bulle 
de  l'an  1447,  le  voulant  affermir  et  amplifier, 
accorda  à  ces  religieux  d'Italie  la  permis- 
sion de  conserver  les. ornent  qui  étaient 
déjà  bâtis,  d'en  fonder  de  nouveaux,  d'y  ad- 
ministrer les  sacrements,  ce  céÛ  . 
chapitres  généraux,  et  d'y  élire 4Je  le»». corps 
un  vicaire  généra!  et  quatre  aciiuiteurs  pour 
dresser  des  sla  u'.- ,  avec  pouvoir  de 
leur  habit  éréroi tique  et  d'en  prendre  an  au- 
tre tel  qu'ils  jugeraient  à  ,  ropos,  afin  qu'ils 
pussent  éire  distingues  des  Ermites;  et  Sa 
Sainteté  nomma,  pour  faire  exécuter  celte 
bu. le,  les  eveques  d'Ëuguiùo  et  de  Crémone, 
avec  l'abbe  de  Saint-Paul  hors  des  murs  de 
llome.  L'évéque  d'Eugubio,  en  conséquence 
de  sa  commission,  fit  assembler  le  premier 
chapitre  général  à  Monlefalco  l'an  144-8,  où 
le  P.  Barthélémy  de  Booamatis  fut  élu  pour 
premier  vicaire  général.  Celle  congrégation 
n'avait  pas  eu  encore  le  pouvoir  d'élire  ua 
général,  ce  qui  ne  se  til  que  dans  le  chapitre 
qui  se  tint  à  Caiisbulano,  au  diocèse  de  Cré- 
mone, l'an  14-58.  où  on  élut  pour  premier 
général  le  P.  Ugoliu  de  Plaisance  :  ce  qui 
continua  jusqu'en  l'an  15G8,  que  le  pape  Pie 
V,  sous  prétexte  de  réforna  r  le  tiers  ordre  de 
Saint-François,  soumit  tous  les  religieux  et 
religieuses  de  cet  ordre  à  la  juridiction  du 
ministre  général  des  Frères  -Mineurs  de  l'Ob- 
servance et  de  ses  commissaires  généraux. 
Eu  1585,  le  cardinal  Ferdinand  de  Médicis, 


qui  était  protecteur  du  troisième  ordre,  ayant 
assemblé  un  chapitre  général  .  Home  dans 
Le  couvent  de  Sain  t-Cômi  etde   aiol-Damien, 

afin  que  les  religieux  tertiaires  |  ivceda-sent 
à  l'élection  d'an  supérieur  général  liréde  le.  r 
corps,  suivant  la  permission  qu'il  en  avait 
obtenue  du  pape,  ils  ne  purent  s'accorder 
entre  eu-.,  ce  qui  lit  que  Grégoire  XIII  li  ur 
donna  j  o.,r  commissaire  ou  visiteur  aposlp- 
1  que  un  religieux  du  même  ordre.  Enfin, P  in 
158(3,  Sixte  V  les  rétablit  dans  le  même  élat 
qu'ils  étaient  avant  la  suppression  de  leur 
général,  faite  par  autorité  de  Pie  V,  et  leur 
permit  d'en  élire  un  :  ce  qu'ils  ont  l.oujo  rs 
fait  jusqu'à  présent.  D'abord  ce  général 
n'exerçait  son  oliice  que  pendant  trois  ans; 
mais  dans  le  chapitre  général  qui  se  tint  à 
Bologne  l'an  1047,  il  l'ut  ordonné  qu'à  l'a- 
venir les  généraux  exerceraient  leur  . 
peu  a  ;  six  ans  ;  ce  qui  fut  approuvé  par  le 
unuc.nl  X. 

i.es  religieux  de  celle  congrégation  sui- 
vaient d'abord  la  règle  que  Nicolas  IV  avait 
confirmée,  y  ajo  t  al  les  statuts  et  règlements 
que  Jean  XXU  avait  accordés  aux  religieux 
du  même  ordre  en  Fland  e,  cl  qui  furei  t 
confirmés  dans  la  suite  par  Martin  V.  Ils  en 
tirent  ensuite  de  particuliers  pour  leur  con- 
grégation, qui  furent  dresses  dans  le  chapi- 
tre général  qui  se  tint  à  Florence  l'an  1409, 
et  ils  les  confirmèrent  dans  celui  qui  se  tint 
l'an  14-75  dans  ie  couvent  de  la  Forêt  du  Ma- 
lin, au  diocèse  de  Spolette  ;  mais  l'a.,  184-9, 
le  P.  Bonavcnturc  de  V:c  .  nze  étant  général, 
en  dressa  de  nouveaux,  qu;  conlienn  nt  en 
snbstance  la  ré. le  confirmée  p  tr  Nicolas  IV, 
dont  il  retrancha  ce  qui  ne  convenait  qu'aux 
séculiers  et  aux  personnes  engagées  dans  le 
monde.  Ces  statuls  fur  ni  d'abord  approuvés 
par  ;e  cardinal  del  Carpio,  protecteur  de 
l'ordre;  elle  pape  Pie  V  ordonna  ensuite,  l'an 
.  que  cette  règle  ou  statuts  ainsi  approu- 
ves par  ce  cardinal  seraient  observes  dans 
l'ordre  :  ce  qui  a  toujours  été  exécuté  par 
celle  congrégation,  qui  dans  la  suite  y  a  fait 
quelques  additions,  qui  n'ont  pas  été  moins 
fidèlement  observées  ;  et  c'est  conformément 
à  ces  statuls  et  à  la  règle  de  Nicolas  IV,  qui 
y  est  insérée  en  substance,  qu'ils  prononcent 
leurs  vœux  en  celle  manière  : 

Moi  ;Y.  voue  et  promets  à  Dieu  tout-puis- 
sant, à  ta  bienheureuse  Vierge  Marie,  à  saint 
François,  à  tous  les  saints,  et  à  vous,  mon 
R.  P.  A'.,  de  garder  tout  le  temps  de  ma  vie 
les  commandements  de  Dieu  et  de  satisfaire 
selon  la  volonté  de  mes  supérieurs,  comme  il 
convient,  aux  transgressions  et  aux  fautes 
que  je  commettrai  contre  les  constitutions  et 
les  ttaluis  du  troisième  ordre  de  Saint-Fran- 
çois dit  de  la  Pénitence  et  de  la  Régulière 
Observance,  et  contre  la  règle  de  Nicolas  IV, 
de  li  manière  qu'elle  se  trouve  insérée  dans  ces 
statuts  et  constitutions ,  vivunt  en  obédience, 
sans  propre  et  en  chasteté  conformément  aux 
privilèges  apostoliques  de  cet  ordre. 

Cette  congrégation  était  autrefois  divisée 
en  vingt  provinces,  mais  les  guerres  surve- 
nues en  Italie  ayant  ruiné  entièrement  plu- 
sieurs monastères,  et  quelques-uns  où  il  y 


791 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


m 


avait  peu  de  religieux  ayant  été  supprimés, 
elle  n'a  plus  présentement  que  quatorze  pro- 
vinces, y  compris  celle  de  Flandre,  qui  for- 
mai! autrefois  la  congrégation  de  Zepperen  , 
dont  nous  parlerons  dans  la  suite,  et  qui  y 
fut  unie  par  autorité  du  pape  Innocent  X. 
.  Ces  religieux  ont  deux  maisons  à  Rome,  l'une 
h  de  la  province  de  Kome  sous  le  litre  île  Saint- 
Côme  et  de  Saint-Damien,  et  l'autre  de  la 
province  de  Sicile  sous  le  litre  de  Saint  Paul 
au  quartier  de  la  Regola.  L'Eglise  de  Saint- 
Côme  et  de  Saint-Damien  était  autrefois  un 
temple  dédié  à  Rémus  et  à  Ilomulus,  d'autres 
disent  à  Castor  et  à  Pollux.  Le  pape  Félix  II 
consacra  ce  temple  en  l'honneur  des  sainls 
martyrs  Corne  et  Damien.  Saint  Grégoire  le 
Grand,  voyant  qu'il  tombait  en  ruine,  le  fit 
réparer.  Le  pape  Adrien  l"  y  fit  apporter 
de  Pérouse  les  portes  d'airain  qu'on  y  voit.  11 
y  a  deux  églises,  l'une  esl  souterraine  et  très- 
ancienne;  celle  qui  est  supérieure  a  été 
mise,  l'an  1GS3,  en  l'étal  où  on  la  voit,  i<ar 
la  magnificence  du  pape  Urb;iin  VIII.  Elle 
est  titre  de  cardinal  ei  une  des  plus  grandes 
dévolions  de  Home,  à  cause  du  grand  nombre 
de  corps  saints  qui  s'y  trouvent.  Les  reli- 
gieux de  ce  couvent  portent  par  privilège  le 
dais  sur  la  crèche  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  lorsque  les  chanoines  de  Sainte-Ma- 
rie-Majeure la  transfèrent  tous  les  ans  la 
nuit  de  Noël,  de  la  sacristie  où  elle  est  gar- 
dée, sur  le  maître  autel  de  cette  même  église, 
où  elle  reste  exposée  à  la  dévotion  des 
fidèles  ce  jour-là  et  les  deux  fêles  qui  le 
suivent. 

Celte  congrégation  a  produit  plusieurs  per- 
sonnes recommandables  par  la  sainteté  de 
leur  vie,  dont  quelques-uns  ont  mérité  le 
titre  de  bienheureux,  comme  le  bienheureux 
Jérémie  de  Cerme,  dont  le  corps  s'est  con- 
servé jusqu'à  présent  sans  aucune  corrup- 
tion dans  le  couvent  de  Forli ,  et  le  bienheu- 
reux Mire  de  Canzo.  11  en  est  sorti  aussi  de 
célèbres  écrivains,  dont  les  principaux  sont, 
le  P.  Antoine  Colton  de  Nicosia  en  Sicile, 
professeur  dans  l'université  de  Padouc  ;  le 
P.  François  Bordon  de  Parme,  qui  a  donné 
au  public  plus  de  vingt  volumes,  la  plupart 
de  droit  canon,  et  une  chronologie  du  tiers 
ordre  de  Saint-François  ;  Jean  Alberghin  de 
Palerrne  ;  Jean  Antoine  Brandi  de  Salemi  en 
Sicile,  cl  plusieurs  autres. 

L'habillement  de  ces  religieux  consiste  en 
une  robe  de  serge  grise  serrée  d'une  corde 
blanche,  avec  un  capuce  attaché  à  une 
grande  mozelte  ou  camail,  se  terminant  en 
pointe  par  devant  et  par  derrière  (1).  Lors- 
qu'ils sortent  du  monastère  par  un  mauvais 
temps,  ou  qu'ils  vont  en  campagne,  ils  ont 
un  manteau  de  même  couleur,  à  la  manière 
des  ecclésiastiques,  avec  un  chapeau  noir. 
Ils  portent  pour  armes  fascé  de  trois  pièces, 
la  première  aux  armes  de  l'ordre  de  Saint- 
François,  qui  est  d'azur  à  une  croix  de  bois 
et  deux  bras  croisant  sur  la  croix,  l'un  nu, 
l'autre  vêtu  d'une  manche  grise  ;  la  seconde 
d'or  à  une  couronne  d'épines  ;    la  troisième 

(1)  Voi/.,  à  la  lin  du  vol.,  n°  L)7. 


d'argent  à  ces  trois  lettres  d'azur  0.  P.  C, 
qui  veulent  dire  Opus  Passionis  Christi,  et 
les  trois  clous  de  la  passion  en  pointe  ,  l'écu 
timbré  d'une  couronne  ducale,  entrelacés 
d'une  couronne  d'épines,  avec  celte  devise  r 

POENITENTIâ  COU0NAT. 

Anton.de  Sillis,  Studio,  origin.  provectum 
et  complément,  tôt.  ord.  S.  Francisci  con- 
cernentia.  Francise.  Bordon, Chronolog.  Frut. 
et  Soror.  ter  t.  ord.  S.  Francise.  Joaii.  Maria 
Vernon,  Annal,  ejusd.  ordinis  ;  et  Elzeart  de 
Dombes,  Académie  de  perfection. 

§  II.  Des  religieux  pénitents  du  tiers  ordre 
de  Saint-François  de  la  Régulière  Obser- 
vance des  congrégations  de  Sicile,  de  Dal- 
matie  et  d'Istrie,  présentement  unies  à  celle 
de  Lombardie. 

Les  monastères  des  Religieux  Pénitents  du 
tiers  ordre  de  Saint-François  en  Sicile,  qui 
présentement  ne  forment  qu'une  province 
unie  à  la  congrégation  de  Lombardie  ,  ont 
formé  aussi  une  congrégation  séparée  avant 
celle  union.  Dès  l'an  1520,  ces  religieux,  qui 
lui  donnèient  commencement,  eurent  deux 
couvents  en  Sicile,  l'un  au  bourg  de  Siclo, 
l'autre  dans  la  ville  de  Salémi.  Ils  en  obtin- 
rent encore  un  à  Gergenti,  l'an  1523,  où,  se 
conlentanl  de  pratiquer  exactement  la  règle 
de  Nicolas  IV  sans  y  ajouter  d'autres  austé- 
rités ,  ils  demeurèrent  dans  cet  état  sans 
s'agrandir  davantage,  jusqu'à  ce  que,  quel- 
ques années  après,  ces  trois  couvents  s'uni- 
rent à  ceux  qui  furent  fondés  par  le  P.  Jac- 
ques d'Eugubio,  religieux  du  premier  ordre, 
qui  établit  en  ce  royaume  une  réforme  très- 
austère  du  tiers  ordre  de  Saint-François. 
Ce  P.  Jacques  d'Eugubio  avait  fait  profes- 
sion parmi  les  Pères  de  l'Observance;  mais, 
dans  le  désir  d'une  plus  grande  perfection 
et  d'une  plus  exacte  pralique  de  la  règle  de 
saint  François,  il  se  joignit  aux  premiers 
fondateurs  de  la  congrégation  des  Capucins. 
Les  persécutions  qui  furent  suscitées  à  ces 
derniers  par  le  provincial  des  Frères  Mineurs 
de  la  province  de  la  Marche  d'Ancône,  pour 
empêcher  le  progrès  de  cette  réforme,  obligè- 
rent plusieurs  religieux  de  l'Observance  qui  y 
étaient  entrés  de  l'abandonner,  du  nombre 
desquels  fut  le  P.  Jacques  d'Eugubio,  qui  ren- 
tra parmi  les  Pères  de  l'Observance.  Leur  vie 
ne  lui  paraissant  pas  assez  austère,  et  peu 
conforme  au  grand  désir  qu'il  avait  de  la 
pénitence  et  des  mortifications,  il  obtint  peu 
de  temps  après  du  pape  Paul  III  et  du  cardi- 
nal François  Quignonez,  pour  lors  prolec- 
teur de  l'ordre  de  Saint-François  et  qui  en 
avait  été.  général,  la  permission  d'aller  prè^ 
cher  parmi  les  infidèles,  où  il  espérait  rem- 
porter la  couronne  du  martyre;  mais  Dieu 
en  ayant  disposé  autrement,  il  s'arrêta  en 
Sicile,  où  il  prêcha  dans  la  ville  de  Trepani 
avec  tant  de  ferveur  et  de  zèle,  que  plusieurs 
personnes ,  touchées  de  ses  discours,  vou- 
lant renoncer  aux  vanités  du  siècle,  le 
prièrent  de  leur  marquer  l'institut  qu'ils 
devaient  embrasser,  pour  y  servir  Dieu  loin 


793  LOM 

de  tout  commerce  avec  le  monde.  Ce  zélé 
prédicateur  de  la  pénitence  leur  proposa 
celui  du  tiers  ordre  de  Saint-François,  dont 
il  n'y  a^ ait  que  trois  couvents  en  Sicile,  et, 
pour  leur  servir  d'exemple ,  il  fit  lui-même 
profession  de  cet  ordre  ,  auquel  il  ajouta 
plusieurs  austérités,  après  en  avoir  obtenu 
la  permission  de  ses  supérieurs. 

Après  cette  profession,  que  ce  nouveau 
propagateur  du  troisième  ordre  ne  voulut 
pas  faire  sans  l'agrément  de  ses  supérieurs, 
il  jeta  les  fondements  de  sa  réforme  dans 
une  solitude  appelée  la  Trope,  sur  une  mon- 
tagne escarpée  proche  de  l'ancienne  ville 
d'Eyrix,  dans  la  vallée  de  Mazara,  où  entre 
antres  il  fit  prendre  à  ses  disciples  un  liabit 
rude  et  grossier,  dont  il  se  revêtit  aussi,  et 
el  les  lit  aller  nu-pieds,  ce  qui  lui  cause  qu'on 
les  appela  gli  Scalzi  ou  les  Déchaussés  du 
tiers  ordre  de  saint-François.  Après  que 
celte  reforme  eût  été  approuvée  par  le  pape 
Paul  111,  l'an  loiO,  ils  demeurèrent  encore 
cinq  ou  six  ans  dans  <e  lieu  champêtre;  mais 
ayaul  été  obligés  de  l'abandonner,  tant  à 
cause  du  mauvais  air  qu'à  cause  que  le  cou- 
vent était  trop  petit  pour  recevoir  tous  ceux 
qui  se  présentaient  pour  embrasser  ce  genre 
de  vie  et  faire  des  fruits  de  pénitence  dans 
la  compagnie  de  ces  saints  religieux,  qui 
étaient  la  bonne  odeur  de  Jésus-Christ  ,  ils 
obtinrent  la  permission  du  même  pontife, 
eu  15i6,  de  se  retirer  au  pied  du  mont  Saint- 
Julien,  proche  la  ville  de  Trapani,  dans  un 
lieu  appelé  Martogua,  où  le  chevalier  André 
deFradelle,  de  la  même  ville,  leur  fit  bâtir 
un  couvent  dont  les  bâtiments  ont  été  depuis 
augmentés  avec  beaucoup  de  magnificence. 
La  beauté  de  ses  jardins,  sa  vue,  qui  s'élend 
sur  la  mer,  le  voisinage  d'une  forêt  et  l'eloi- 
gnemenl  de  la  ville,  rendent  cette  solituile  si 
agréable  el  m  commode  pour  ceux  qui  veu- 
lent s'adonner  à  la  contemplation,  que  le 
pape  Clément  Vill  ordonna,  l'an  1600,  que 
l'on  y  établirait  le  noviciat. 

Le  P.  Jacques  d'Eugubio,  après  avoir  soli- 
dement fondé  ce  monastère,  alla  continuer 
ses  predicaiious  dans  la  ville  de  Trapani  , 
où,  avec  les  aumônes  qui  lui  furent  données 
par  les  bourgeois  de  celte  ville,  il  fonda, 
sous  le  nom  de  la  Sainte-Trinité,  un  mo- 
nastère de  religieuses  du  même  ordre.  Ce 
même  monastère  est  devenu  si  considérable, 
qu'on  l'appelle  présentement  la  Grande- 
Abbaye.  Quoiqu'il  n'y  eût  rien  que  de  tres- 
sailli dans  la  conduite  de  ce  zélé  fondaleur, 
el  que  le  seul  motif  de  la  gloire  de  Dieu  l'eût 
porté  à  fonder  ce  monastère  et  à  entre- 
prendre la  direction  des  filles  qui  s'y  étaient 
consacrées  au  service  de  Dieu,  cependant  il 
ne  fut  pas  à  l'abri  de  la  calomnie  et  des  per- 
sécutions que  les  ennemis  de  la  reforme  lui 
suscitèrent;  mais  le  cardinal  dcl  Carpio, 
protecteur  de  l'ordre,  qui  connaissait  son 
merile  el  la  pureté  de  ses  intentions,  prit 
toujours  sa  défense.  Ce  cardinal  ctant  mort 
l'an  1561,  le  cardinal  saint  Charies  Borro- 
înèe  lui  ayant  suceedé  dans  cette  protection, 
le  P.  Jacques  d'Fugubio  alla  à  Rome,  où  il 
obtint  du  pape  Pie  IV"  que  tous  les  moaa- 


LO.M 


704 


stères  de  sa   congrégation,  tant  d'hommes 
que  de  filles,  seraient   toujours  soumis   au 
cardinal  protecteur,  et  qu'ils  ne  pourraient 
être  visilés  que  par  le  provincial  des   con- 
ventuels. Pie  IV  étant  mort  l'an  1563,  et  son 
successeur  saint   Pie  V  ayant  ordonné  que 
tous    les   religieux   et    religieuses    du    tiers 
ordre  de  Saint-François  par  tout  le    monde 
seraient  soumis   aux    religieux  de  l'Obser- 
vance, le  provincial  de  Sicile  voulut,  en  ve;  ta 
de  la  bulle  de  ce  pontife,  réduire  les  reli- 
gieux du  tiers  ordre  de  Saint-François  de  ce 
royaume    sous    son    obéissance  ;    mais    le 
P.  Jacques  d'Eugubio  s'y  étant  opposé,  pré- 
tendant que   celle  bulle  ne  dérogeait   point 
à  celle  que  Pie  IV  lui  avait  accordée,   pai 
laquelle   ce  pontife  les   mettait   immédiate- 
ment sous  la  juridiction  du  cardinal  protec- 
teur, ce  provincial,  irrité,  fit  mettre  le  ré- 
formateur en  prison  et  excommunia  les  reli- 
gieux et  les  religieuses  de  cet  ordre  qui  ne 
voudraient   pas  se  soumettre   à  son  obéis- 
sance. Mais  ceux-ci  ayant  eu  recours  au  tri- 
bunal de  la  justice,  l'excommunication  fut 
déclarée  nulle  :  on  leur  envoya   néanmoins 
pour  visiteur  un  religieux  de  l'Observance, 
qui  fut  délégué  comme  commissaire  aposto- 
lique, en  vertu  de  1 1   bulle  de  Pie  V  ;  mais 
ce    visiteur,    n'ayant    rien    trouvé   de    ré- 
préhensible  dans   la   conduite  des  religieux 
et  des  religieuses  de  cet  ordre,  fit  délivrer  de 
prison  le  P.  Jacques  d'Eugubio.  il  fut  seule- 
ment ordonné  dans  cette    visite  que,   pour 
oter  tout  sujet  de  soupçon,  les  religieux  du 
troisième  ordre  qui  demeuraient  dans  l'hos- 
pice   pour    administrer    les    sacrements    et 
rendre  les  servues   spirituels  dont  les  reli- 
gieuses avaient  besoin,  ne  pourraient  pas  y 
coucher,   quoiqu'il  fût  assez  éloigné  du  mo- 
nastère ,   et  iraient   coucher  tous  les  jours 
dans  leur   couvent,   qui  était  hors  des  murs 
de  la  ville.   Mais  Dieu,  dont  les  jugements, 
sont  bien  différents   de  ceux  des   hommes, 
confondit  la    malice  de    leurs-  ennemis,    se 
servant  pour  cet  effet  des  bourgeois  de  cette 
ville,   qui,   convaincus  de  la  sainteté  de  ces 
bons  religieux,  leur  donnèrent,  en  io'tk,  un 
couvent   dans   celte  même   ville,   où  ils  no 
furent  pas   plutôt  établis  qu'ils  y  donnèrent 
une    preuve    signalée  de   leur  détachement 
pour  les  biens  de  la  terre  ;  car,  voulant  imi- 
ter la  pauvreté  de  saint  François  en  renon- 
çant à    loules  leurs  possessions,  ils  firent  à 
ces    religieuses    une    donation   de  tous   les 
biens  et  revenus   qu'ils  avaient.  Mais  saint 
Charles    llorromée  ,  leur  protecteur,   cassa 
cette  donation  el  modéra  leur  zèle,  les  obli- 
geant à  reprendre  leurs  biens,  donl  ils  pi  u- 
vaient  jouir  en  sûreté  de  conscience,  puisque 
le  tiers  ordre  de  Saint-François  peut  possé- 
der en  commun. 

Le  cardinal  de  la  Uouvère,  qui  fut  protec- 
teur de  l'ordre  après  sainl  Charles  Borro- 
mée,  étant  persuadé  de  la  vie  exemplaire 
que  ces  religieux  menaient  sous  la  conduite 
du  P.  Jacques  d'Eugubio,  et  voyant  qu'il  y 
en  avait  plusieurs  qui  étaient  venus  à  Bouie 
pour  fuir  la  persécution  des  religieux  de 
l'Observance  et  implorer  la  prolecliou  du 


793 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


796 


saint-siége  contre  ceux  qui  les  inquiétaient 
louihaut  leur  institut,  les  renvoya  en  leur 
pays  et  leur  accorda  la  permission  de  tenir 
un  chapitre  à  Marlogna  i  our  y  élire  un 
provincial  :  ce  qu'ils  firent  en  élisant  pour 
premier  provincial  le  P.  Jérôme  Ricci,  des 
premières  et  des  plus  nobles  familles  de  la 
ville  de  ïrapani,  et  qui  était  un  religieux 
d'une  éminente  vertu. 

Nonobstant  toutes  ces  traverses,  le  troi- 
sième ordre  ne  laissa  pas  de  faire  beaucoup 
de  progrès  dans  ce  royaume,  tant  par  la  vie 
édifiante  de  ses  religieux,  qui  détruisait  la 
malice  et  l'envie  de  ses  adversaires,  que  par 
le  zèle  et  la  piété  du  P.  Jacques  d'iiugubio, 
qui,  a;  iès  y  avoir  demeuré  plus  de  trente- 
trois  ans,  pendant  lesquels  il  travailla  non- 
scuieuienl  à  maintenir  l'observance  régu- 
lière dans  sa  congrégation,  mais  encore  à 
procurer  aux  habitants  de  ïrapani  et  des 
lieux  circonvoisins  loules  sortes  de  secours 
spirituels,  reçut  enfiu  ordre  du  pape  Pie  V 
de  quitter  l'habit  du  tiers  ordre  de  Saint- 
François  pour  reprendre  celui  des  Capucins, 
dont  il  avait  d'abord  embrassé  la  réforme,  et 
parmi  lesquels  il  mourut  à  Home. 

Après  que  les  religieux  du  tiers  ordre  eu- 
rent perdu  leur  saint  fondateur,  ils  ne  lais- 
sèrent pas  de  fonder  de  nouveaux  monas- 
tères en  plusieurs  endroits,  comme  à  Pa- 
lerme,  où  ils  en  ont  trois;  à  Catane,  à  Ter- 
mni,  à  Itaguse,  à  Marsala,  à  Calalagirone, 
à  Trapano  del  monte  et  en  d'autres  lieux, 
dont  il  en  reste  encore  à  présent  trente-cinq, 
y  compris  celui  de  Rome  au  quartier  de  ta 
Regola,  qu'ils  obtinrent  l'an  1(519,  où  ils  s'é- 
tablirent avec  la  permission  du  pape  Paul  V. 
Quoique  le  pape.  Clément  VIII  eût  réuni  tous 
leurs  monastères  à  la  congrégation  de  Lom- 
baidie,  ils  ietinrenl  néanmoins  l'habit  de 
leur  réforme  après  cette  union  ;  mais  le  car- 
dinal protecteur  ordonna  premièrement  à 
ceux  qui  demeuraient  à  Rome  au  quartier 
de  la  Régula,  de  se  conformer  pour  l'habille- 
ment aux  religieux  de  la  province  de  Rome, 
qui  avaient  aussi  un  couvent  eu  celte  ville, 
ce  qu'ils  firent  ;  et  les  autres  couvents  suivi- 
rent dans  la  suite  leur  exemple.  Leur  habit 
n'est  pas  néanmoins  si  ample  que  celui  des 
religieux  des  autres  provinces.  La  discipline 
régulière  ne  s'est  point  relâchée  parmi  eux, 
et  ils  sont  en  grande  estime  parmi  le  peuple. 

Le  pape  Clément  VIII,  qui  avait  uni  les 
monastères  de  Sicile  à  la  congrégation  de 
Lombardie  et  les  avait  soumis  à  la  juridic- 
tion du  général  de  cet  ordre  en  Italie,  y  unit 
aussi  ceux  de  Dalmatie  et  d'istrie  l'an  1002. 
Ces  monastères  étaient  au  nombre  de  qua- 
torze, et  dépendaient  immédiatement  du 
saint-siége.  Wading,  parlant  de  celui  de 
Zara,  qui  fut  donné  aux  religieux  du  tiers 
ordre  l'an  lk'6k,  les  appela  les  premiers  Er- 
mites de  l'ordre  de  Saint-François  de  la  Pé- 
nitence. 

Francise.  Bordon.  Chronolog.  FF.  et  So- 
ror.  terl.  ord.  S.  Francise.  Joann.  Maria 
Vernoncns.,  Annal,  cjusd.  ord;  et  Elzcarl.de 
Dombes,  Académie  de  perfection. 

(1)  Foi;.,  à  la  lin  du  vol.,  u»  108. 


§  III.  Congrégation  des  Begqhards  unieà 
celle  de  Lombardie.  Voy.  Beguuards. 

LORETTE  (Chevaliers  de  Notri:-Damk 
de).  Voy.  Bethléem. 

LOUIS  (Chevaliers  de  l'ordre  de  Saint-) 
en  France. 

Le  roi  de  France  Louis  XIV,  qui  par  ses 
actions  glorieuses  et  éclatantes  s'est  acquis 
avec  jm  lice  le  surnom  de  Grand,  ne  (  royant 
pas  que  les  récompenses  ordinaires  lussent 
suffisantes  pour  témoigner  sa  reconnaissance 
envers  les  officiers  de  ses  armées  qui  s'é- 
taient signalés  dans  les  victoires  et  les  con- 
quêtes, chercha  de  nouveaux  moyens  pour 
récompenser  leur  zèle  et  leur  fidélité  ;  et, 
dam  celte  vue,  ce  qui  lui  parutje  plus  con- 
veuable  pour  cela  fut  L'institution  qu'il  fit  en 
lC93duu  ordre  militaire  s  us  le  nom  de 
Saint-Louis  ;  auquel,  outre  les  marques 
d'honneur  extérieures  qui  y  sont  attachées, 
il  assura  en  faveur  de  ceux  qui  y  feraient 
admis  des  revenus  et  des  pensions  qui  aug- 
menteraient à'  proportion  qu'ils  s'en  ren- 
draient dignes  |  ar  leur  conduite,  voul  nt 
qu'on  ne  reçût  dans  cet  ordre  que  des  offi- 
ciers de  ses  troupes,  et  que  la  vertu,  le  mé- 
rite et  les  services  rendus  avec  distinction 
dans  ses  armées,  fussent  les  seuls  titres  pour 
y  entrer. 

Par  l'édit de  l'institution  de  cet  ordre,  le 
roi  s'en  déclara  chef,  souverain  et  grand 
maitre,  voulant  que  la  grande  maîtrise  fût 
pour  toujours  unie  et  incorporée  à  la  cou- 
ronne. Il  doit  être  composé  de  la  personne 
de  Sa  Majesté  el  de  ses  successeurs  en  qua- 
lité de  grands  maîtres, du  dauphin  deFrance, 
ou  du  prince  héritier  présomptif  de  la  cou- 
ronne ;  de  huit  grands  croix,  de  vingt-quatre 
commandeurs,  du  nombre  de  chevaliers  qu'il 
plaira  au  roi  et  à  ses  successeurs  d'y  ad- 
mettre, et  de  trois  officiers  qui  sont  le  tré- 
sorier, le  greffier  et  l'huissier.  Tous  ceux 
qui  composent  cet  ordre  portent  une  croix 
d'or  sur  laquelle  il  y  a  l'image  d  !  saint 
Louis;  les  grands  croix  la  portent  attachée 
à  un  ruban  large  de  quatre  doigts,  de  cou- 
leur de  feu,  qu'ils  niellent  en  éebarpe,  et 
onl  encore  une  croix  en  broderie  d'or  sur  le 
justaucorps  et  sur  le  manteau  (i).  Les  com- 
mandeurs portent  seulement  le  ruban  en 
échappe  avec  la  croix  qui  y  est  attachée,  et 
les  simples  chevaliers  ne  peuvent  port  r  le 
ruban  en  écharpe,  mais  seulement  la  croix 
d'or  a4iacb.ee  surl'estomac  avec  un  pelil  ru- 
ban couleur  de  feu. 

Le  roi,  voulant  honorer  cet  ordre  le  plus 
qu'il  lui  serait  possible  ,  déclara  que  lui, 
M.  le  dauphin,  les  rois  ses  successeurs,  les  dau- 
phins ou  héritiers  présomptifs  de  la  cou- 
ron  ne,  porteraient  la  croix  de  cet  ordre  avec 
celle  de  tordre  du  Saint-Esprit;  el  qu'il  en- 
tendait aussi  deconr  de  l'ordre  de  Saint- 
Louis  les  maréchaux  de  France,  comme 
principaux  officiers  de  ses  armées  de  terre  ; 
l'amiral  de  France,  comme  principal  officier 
de  la  marine  ;  le  général  des  galères,  comme 


7  7  LOU 

principal  officier  des  galères,  et  ceux  qui 
leur  succéderaient  dans  ces  charges  :  et  Sa 
Majesté  déclara  aussi  les  ordres  de  Saint- 
Michel,  du  Saint-Espril  et  de  Saint-Louis 
ci  mpatihles  dans  une  même  p  r  son  ne,  sans 
que  l'un  pûl  servir  d'exclusion  à  L'autre,  ni 
les  deux  au  troisième. 

Les  grands-croix  ne  peinent  être  tirés 
que  du  nombre  des  commandeurs,  et  les 
commandeurs  du  nombre  des  chevaliers  :  et 
tant  les  grands-croix  que  les  cominand  ni  s 
et  chevaliers,  liiés  du  pwmbre  des  offi- 
ciers des  Iroupes  de  terre  el  de  mer.  Il  y  a 
toujours  u:i  des  huit  grands-croix  ,  lr  ris  des 
vingt-quatre  commandeurs,  e.t  le  huitième 
du  nombre  des  chevaliers,  employés  dans 
les  élats  des  r«  venui  et  pensions  affectés  à 
l'ordre  et  lires  du  nombre  des  officiers  de  la 
marine  et  des  galères. 

Per«o:  ne  ne  peut  être  reçu  dans  pet  ordre 
s'il  ne  l'ait  profession  di>  la  religion  rtiholi- 
que,  a])ostoluiue  et  rom  iine,  el  s  1  a'  servi 
sur  terre  ou  sur  mer  en  qualité  d'officier 
pendant  dix  années.  Le  chevalier  pourvu 
doit  se  présenior  devant  le  roi  pour  prêter 
serment.  Pour  cet  effet ,  il  se  met  à  genoux, 
jure  et  promit  de  vivre  el  mourir  dans  La  re- 
ligion catholique  .  apostolique  et  romaine  ; 
d'être  fidèle  au  roi  ;  de  ne  se  déparer  jamais 
de  l'obéissance  qui  lui  est  due  et  à  ceux  qui 
commandent  sous  ses  ordres  ;  de  garder,  dé- 
fendre et  soutenir  de  tout  son  pouvoir  l'hon- 
neur de  Sa  Majesté  ,  son  autorité,  ses  droits 
et  ceux  de  la  couronne  envers  et  contre  tous  ; 
de  ne  jamais  quitter  son  service  ni  passer  à 
celui  d'aucun  prince  étranger  sans  sa  per- 
mission; de  révéler  tout  ce  qui  viendra  à  sa 
ruinais  ance  contre,  la  personne  sacrée  de 
Sa  Majesté  et  de  l'Etat,  de  garder  exacte- 
ment les  statuts  et  ordonnances  de  l'ordre,  et 
de  s'y  comporter  en  tout  comme  un  bon, 
sage  et  \ertueux  chevalier  doit  faire. 

Après  que  le  chevalier  a  prêté  serment 
en  cette  forme,  le  roi  lui  donne  l'accolade  et 
la  croix;  après  quoi  il  est  obligé  de  faire 
présenter  à  l'assemblée  qui  se  lient  le  jour 
de  s  int  Louis  roi  de  France,  en  l'honneur 
duquel  cet  ordre  a  été  institué,  ses  provi- 
sions, pour  y  en  être  fait  lecture,  è  re  enre- 
gistrées dans  les  registres  de  l'ordre,  et  ren- 
dues ensuite  au  roi  par  le  greffier.  Les  che- 
valiers qui  ont  obtenu  des  lettres  pour  mon- 
ter aux  places  de  commandeurs,  et  les  com- 
mandeurs qui  eu  ont  obtenu  pour  monter  à 
celles  de  grands-croix,  d  ivent  aussi  les  pré- 
senter à  l'assemblée.  L'on  procède  dans  la 
même  assemblée  à  l'élection,  qui  se  l'ail  à  la 
pluralité  des  voix  de  deux  grands-croix  , 
quatre  commandeurs  et  six  chevaliers,  pour 
avoir  la  couduite  et  prendre  soin  des  affaires 
concernant  l'ordre  pendant  l'année.  Cette 
assemblée,  où  se  trouvent  les  grands-croix, 
les  commandeurs  et  les  chevaliers  qui  ont 
assisté  le  malin  avec  le  roi  à  la  messe  qui; 
l'on  dit  p  iur  demander  à  Dieu  qu'il  lui 
plaise  répandre  ses  bénédictions  sur  la  p  r- 
sonne  sacrée  de  Sa  .Majesté,  sur  la  maison 
royale  el  sur  le  royaume,  se  tient  le  jour  de 
lu  fêle  de  saint  Louis,  après  diuer. 


LOU 


7()8 


Cet  ordre  jouit  de  trois  cent  mille  livres  de 
rente,  dont  il  y  a  quarante- huit  mille  livres 
affectées  aux  finit  grands-croix,  à  raison  de 
six  mille  livres  chacun  ;  trente-deux  mille  li- 
vres à  huit  commandeurs,  à  raison  de  qua- 
tre mille  livres  chacun  ;  quarante-huit  mille 
livres  aux  seize  autres  c  ininan  leurs,  à  rai- 
son de  trois  mille  livre-  chacun  ;  pareille 
somme  de  quarante-huit  mille  livres.:  vin^t- 
quatre  chevaliers,  à  raison  de  deux  mille  li- 
vres chacun  ;  tr  nlc-si\  miile  livres  à  vingt- 
quatre  autres  <  hevaliers,  à  raison  de  quinze 
cents  livres  chacun;  quaranle-huil  mille  li- 
vres à  quarante-huit  autres  chevaliers,  à 
raison  de  mille  livres  chacun  ;  et  vingl-cinq 
mille  six  cents  livres  à  trente-deux  cheva- 
liers, à  raison  de  huit  cents  livres  chacun. 
Quatre  mille  livres  au  liésorier,  trois  mille 
livres  au  greffier,  quatorze  cents  livres  à 
l'huissier  pour  leurs  gages,  frais  de  comptes,  . 
registres  et  autres,  le  tout  par  chacun  an  ; 
el  les  autres  six  mille  livres  restantes  sont 
destinées  pour  les  croix  et  autres  dépenses 
impré)  h  's. 

Le  dixième  jour  de  mai,  le  roi  nomme  les 
grands-croix,  les  commandeurs  et  les  che- 
valiers de  ce  nouvel  ordre.  Les  grands-croix 
tirés  des  officiers  des  armées  de  terre  furent 
le  marquis  de  la  Rablière,  le  marquis  de  Ri- 
I,  le  comte  de  Montchevreuil,  les  sieurs 
de  Vauban  et  de  Rosen ,  qui  ont  été  depuis 
maréchaux  de  France;  le  marquis  de  la 
Feu  liée  ,  le  sieur  Polastron,  et  le  sieur  de 
Château-Renaud  ,  lieutenant  général  et  de- 
puis maréchal  de  France,  qui  lut  tiré  des 
officiers  de  marine.  Les  commandeurs  lires 
des  officiers  tant  de  terre  que  de  mer  furent 
les  sieurs  de  Valtcville  ,  de  Saint-Sylveslre  , 
d'Avejan,  Mas  sot,  de  la  Grange,  de  Louba- 
ni.\  de  Chamlay  Panelié ,  Coslellas,  Pres- 
ch  -,  d'Arbon,  a  Bouch  .rdière,  Casleja,  du 
Lue,  Bellegarde,  Guillcrville,  i-'ourille  ,  Da- 
lou,  Laumont,  De&alleurs,  des  Bordes,  Dam- 
blim  ..ni  et  Bezons. 

La  croix  de  cei  ordre  est  d'or  à  huit  pointes 
comme  celle  de  Tordre  du  Saint-Esprit  , 
av<  ■  des  fleurs  de  lis  aux  quatre  angles:  au 
milieu  ii  y  a  un  cercle  dans  lequel  est  d'un 
côté  l'image  de  saint  Louis  arme  de  cuirasse, 
ayant  par-dessus  le  manteau  royal ,  tenant 
dans  sa  maia  droite  une  couronne  de  laurier 
el  dans  la  gauche  une  couronne  d'épines  et 
les  clous  de  la  passion,  avec  cette  légende 
tout  autour:  Licdovicus  Magnus  insliiuit 
lùJ't  ;  et  de  l'autre  côté  du  cercle  il  y  a  une 
épée  dont  la  pointe  perce  une  couronne  de 
laurier,  et  qui  est  attachée  avec  un  ruban 
blanc,  avec  celte  légende  tout  autour  :  Bel- 
Ucœ  virtulis  prœm'um. 

Voyez  l'Edit  du  roi  pour  la  création  de  cet 
ordre.  Herman  et  Schoonebeek,  dans  leurs 
Histoires  des  Ordres  militaires. 

jusqu'aux  premières  années  du  xvnr  siècle, 
Pondre  militaire  de  Saint-Louis  ne  jouissait 
en  effet  que  d'un  reienu  de  300,000  livres, 
ainsi  que  l'a  dit  Hélyot  ci-dessus;  mais,  par 
un  e  lit  du  mois  d'avril  1719,  le  roi  Louis  XV 
attribua  à  cet  ordre  p.ar#supplément,  150,000 
livres  de  rente,  pour  compléter  un  revenu  de 


799 


DICTIONNAIRE  DES  OKDKES  RELIGIEUX. 


800 


4.r>0,000  livres.  Le  nombre  des  grands-croix, 
qui  était  lise  à  huit  par  l'édit  du  mois  d'avril 
1693  ,  fui  augmenté  de  deux  ,  avec  jouis- 
sance  de  6,000  livres  de  rente  chacun.  Celui 
des  commandeurs  à  4,000  livres,  qui  élait 
pareillement  de  huit,  lut  augmenté  jusqu'à 
dix;  celui  des  commandeurs  à  3,000  livres, 
fut  de  dix-neuf  au  lieu  de  seize.  A  l'égard  des 
pensions  des  chevaliers  à  2,000  livres,  le  roi 
en  créa  trente  au  lieu  de  vingt-quatre.  Les 
pensions  de  1 ,000  livres,  dont  le  nombre  était 
de  quarante-huit,  fut  arrêté  à  soixante-cinq, 
et  les  pensions  de  800  livres,  fixées  pour 
trente-deux  chevaliers,  lurent  augmentées 
jusqu'au  nombre  de  cinquante-quatre.  Le 
roi  se  réserva  à  lui  seul  et  à  ses  successeurs 
la  nomination  des  grands-croix  ,  des  coui- 
mandeurs  et  des  chevaliers,  pour  être  admis  à 
l'avenir  en  chacun  de  ses  rangs,  et  ordonna 
que  les  grands-croix,  les  commandeurs  et  les 
chevalieis  seraient  à  perpétuité  tirés  du 
nombre  des  officiers  servant  actuellement 
dans  les  troupes  de  terre  ou  de  mer.  Il  érigea 
en  litre  d'offices  héréditaires  un  grand-croix 
chancelier  et  garde  des  sceaux  dudit  ordre, 
un  grand-croix  grand  prévôt  et  maître  des 
cérémonies,  un  grand-croix,  secrétaire  et 
greffier,  un  intendant  de  l'ordre ,  trois  tré- 
soriers généraux  pour  exercer  par  année  , 
trois  contrôleurs  desdits  trésoriers ,  un  au- 
mônier, un  receveur  particulier  et  agent  des 
affaires  de  l'ordre,  un  garde  des  archives  et 
deux  hérauts  d'armes.  11  ordonna  que  le 
chancelier,  le  grand  prévôt  et  le  secrétaire 
greffier  jouiraient  des  mêmes  privilèges  que 
les  grands  officiers  de  l'ordre  du  Saint-Esprit, 
et  que  l'intendant  et  les  trésoriers  auraient, 
sans  aucune  exception,  tous  les  privilèges 
dont  jouissent  les  commensaux  de  la  maison 
de  Sa  Majesté,  qui  ordonna  que  les  titulaires 
ne  pourraient  disposer  de  leurs  offices,  qu'en 
faveur  de  ceux  qui  sont  agréés  par  Sa  Ma- 
jesté. Le  roi  ordonna  aussi  que  la  somme  de 
8,400  livres  serait  distribuée  outre  par-dessus 
les  gages  ci-dessus,  partie  à  l'intendant,  au 
trésorier  en  exercice,  au  contrôleur  en  exer- 
cice, à  l'aumônier,  au  receveur  particulier 
agent,  au  garde  des  archives  et  aux  deux  he- 
rauls;  que  l'ordre  de  Saint-Louis  serait  com- 
posé du  roi,  de  l'héritier,  présomptif  de  la 
couronne,  de  dix  grands-croix  ,  de  vingt-neuf 
commandeurs,  du  nombre  de  chevaliers  qui 
y  étaient,  et  qui  y  seraient  admis  dans  la 
suite,  et  des  officiers  créés  par  cet  édit;  que 
les  grands-croix  porteraient,  outre  le  ruban, 
une  croix  en  broderie  d'or  sur  le  justaucorps 
et  sur  le  manteau;  que  les  commandeurs 
porteraient  le  ruban  sans  broderie;  que  les 
simples  chevaliers  porteraient  seulement  la 
croix  d'or  attachée  avec  un  petit  ruban;  que 
le  chancelier  garde  des  sceaux  de  l'ordre,  le 
grand  prévôt  et  le  secrétaire  greffier  auraient 
la  broderie  et  le  cordon  rouge;  que  l'inten- 
dant et  les  trois  trésoriers  porteraient  la 
croix  pendante  à  leur  cou  et  n'apuraient  point 
de  broderie;  que  les  autres  officiers  porte- 
raient la  croix  sur  l'estomac,  et  que  ,  pour 
les  ornements  des  armoiries,  lesdils  officiers 
se  conformeraient  à  l'edil  du  mois  de  mars 


1694;  que  le  roi  et  ses  successeurs  porte- 
raient la  croix  dudit  orilre  de  Saint-Louis 
avec  la  croix  du  Saint-Esprit;  que  Sa  Majesté 
entend  décorer  dudit  ordre  de  Siint-Louis  les 
maréchaux  de  France,  l'amiral  de  France,  le 
général  des  galères  et  ceux  qui  leur  succéde- 
ront auxdites  charges  ;  que  les  ordres  de 
Saint-Michel,  du  Saint-Espiit  et  de  Saint- 
Louis  seront  compatibles  dans  une  même 
personne;  que  dans  les  cérémonies,  ceux  qui 
seront  honorés  de  l'ordre  du  Saint-Esprit  et 
de  celui  de  Saint -Louis  précéderont  les 
grands-croix  ,  commandeurs  et  chevaliers 
qui  n'auraient  que  ce  dernier  ordre;  qu'on 
ne  recevra  aucun  chevalier  dans  l'ordre  de 
Saint-Louis,  qu'il  n'ait  servi  sur  terre  ou  sur 
nier  en  qualité  d'officier  pendant  dix  années, 
et  qu'il  ne  soit  encore  actuellement  en  acti- 
vité de  service  ,  qu'il  ne  professe  la  religion 
catholique,  apostolique  et  romaine,  et  ne 
prouve  son  service  de  dix  années  actuelles 
par  les  brevets  et  certificats  des  comman- 
dants des  troupes  de  terre  et  de  mer;  que  les 
gr. inds-croix, commandeurs ctchevaliers,  qui 
auraient  commis  quelque  acte  indigne  de 
leur  profession  et  de  leur  devoir,  ou  un  crime 
emportant  peine afflictive  ou  infamante,  éga- 
lement ceux  qui  sortiraient  du  royaume  sans 
permission  pir  écrit,  signée  de  l'un  des  secré- 
taires d'Etat,  seraient  privés  et  dégradés  du- 
dit ordre;  et  que  tous  les  grands-croix  ,  etc., 
qui  ne  >.eraient  pas  retenus  par  maladie  ou 
autrement,  seraient  tenus  à  se  rendre  tous 
les  ans  au  jour  de  saint  Louis  auprès  de  la 
personne  du  roi,  pour  accompagner  Sa  Ma- 
jesté à  la  messe  dans  le  palais  où  elle  sera 
célébrée,  et  pour  se  trouver  à  l'assemblée 
générale  dudit  ordre,  qui  se  tiendra  l'après- 
midi. 

Le  20  juin  1790,  l'assemblée  constituante 
supprima  les  ordres  de  chevalerie,  titres,  li- 
vrées et  armoiries.  L'ordre  de  Saint-Louis 
fut  donc  aboli.  Il  faut  remarquer  que  cet 
ordre,  ainsi  que  plusieurs  autres,  était  sim- 
plement militaire  et  honorifique,  n'ayant  pas 
reçu,  comme  quelques  ordres  dont  nous  par- 
lerons et  dont  nous  avons  déjà  parlé,  d'ap- 
probation du  souverain  pontife. 

Les  choses  restèrent  sur  ce  pied  jusqu'à  la 
restauration  des  Uourhons,  en  1814;  alors 
l'ordre  des  chevaliers  de  Saint-Louis  reprit 
ses  décorations  ,  son  rang  et  ses  honneurs. 
Pendant  le  temps  de  l'émigration,  on  avait 
fait  des  promotions;  il  n'y  eut  pas,  croyons- 
nous  ,  de  solennités  pour  l'ordre  de  Saint- 
Louis  comme  il  y  en  eut  pour  les  ordres  de 
Saint-Michel  et  do  Saint-Esprit;  tout  se  borna 
à  des  nominations  privées.  Plusieurs  furent 
faites  avec  justice,  en  faveur  de  quelques  ser- 
viteurs fidèles  de  la  royauté  dans  les  temps 
d'épreuves.  Nous  avons  vu  nous-mèaie  la 
croix  de  Saint-Louis  sur  la  poitrine  de  ceux 
qui  avaient  servi  dans  les  rangs  de  la  chouan- 
nerie ,  lorsque  les  déparlements  de  l'ouest 
étaient  livrés  aux  malheurs  de  la  guerre 
civile.  Ainsi  en  fut-il  pour  les  Vendéens 
distingués,  les  hommes  qui  s'étaient  fait  re- 
marquer dans  les  rangs  de  l'armée  de  Con- 


801 


MAP 


M.\n 


«02 


dé, etc., et  plusieurs  de  ces  décorations  furent 
accordées  dans  l'émigration. 

Les  conseils  de  Tordra  se  tenaient,  avant  in 
révolution  ,  à  l'hôtel  des  Invalides,  dans  la 
salle  des  archives  de  l'ordre.  Le  garde  des 
sceaux  île  France  avait  aussi  les  sceaux  de 
l'ordre  ;  il  en  a  été  de  même  après  la  restau- 
ration. Une  ordonnance  du  roi ,  du  ;it)  mai 
1816,  étahlissail  cette  disposition;  l'admini- 
stration de  l'ordre  fut  confiée  au  minisire  île 
la  guerre,  qui  en  dirigeaiiel  surveillai!  toutes 
les  parties,  la  perception  des  revenus ,  les 
payements  et  les  dépenses.  Dans  les  cérémo- 
nies publiques,  les  grands-croix  .  comman- 
deurs et  chevaliers  prenaient  rang  concur- 
remment avec  les  membres  de  la  Légion- 
U'Honneur ,  par  ancienneté  de  nomination, 


savoir  :  les  grands-croix  avec  les  grands- 
croix  de  la  Légion:  les  commandeurs  avec 
les  grands  officiers  de  la  Légion;  les  cheva- 
liers après  les  commandeurs  de  la  Légion  , 
mais  avec  les  officiers  et  avant  les  chevaliers 
de  la  Légion.  Le  roi  éiait  chef  souverain  et 
grand  mailre  de  l'ordre. 

A  la  révolution  de  juillet  1830,  l'ordre  mi- 
litaire de  Saint-Louis  a  de  nouveau  cessé 
d'exister  en  France. 

Dictionnaire  historique  de  M oréri,  VI*  tome, 
17o9;  Dictionnaire  portatif  des  Ordres  reli- 
gieux et  militaires,  par  !/.  C.  M.  D.  P.  D.  S. 
J.  D.  M.  E.  G.;  l'Art  de  vérifier  les  dates  de 
la  révolution  ;  Almanach  royal,  tn-8°. 

B-D-E. 

LUAN  (Saint-).  Voy.  Irlande. 


M 


MACA1RE  (Règle  de  Saint-).  Voy.  Isaïe 
(Saint-). 

MADELEINE  (Chevaliers  de  la). Foy. Pas- 
sion de  Jéscs-Christ. 

MADELEINE  (Religieux  et  religieuses  de 
l'ordre  de  la  Pénitence  delà),  tant  en 
France  qu'en  Allemagne. 

Vers  l'an  127:2,  un  bourgeois  de  .Marseille 
nommé  Bertrand  ,  qui  vivait  dans  une  grande 
réputation  de  sainieté  ,  étant  animé  du  zèle 
de  la  gloire  de  Dieu  et  voyant  que  les  mœurs 
de  son  temps  étaient  fort  corrompues,  que 
le  libertinage  était  arrivé  ci  un  tel  excès, 
que  la  plupart  des  femmes  prostituaient  leur 
honneur,  et  que  relies  qui  avaient  conservé 
quelque  resle  de  pudeur  ne  faisaient  que  de 
faibles  efforts  pour  la  défendre,  entreprit  la 
conversion  de  ces  pécheresses  ;  et  ses  exhor- 
tations, tout  embrasées  du  feu  de  la  cha- 
rité, eurent  i>n  succès  si  heureux,  qu'il  ra- 
mena dans  le  chemin  de  la  vertu  un  grand 
nombre  de  brebis  égarées  ,  qu'il  renferma 
dans  des  monastères.  Plusieurs  personnes, 
voyant  le  fruit  que  faisait  le  bienheureux 
Bertrand  ,  se  joignirent  à  lui  pour  une  œu- 
vre si  sainte  ;  leur  nombre  s'augmenta  con- 
sidérablement ,  et  ils  formèrent  ensemble 
une  société  qui  fut  érigée  en  ordre  régulier 
sous  la  règle  de  saint  Augustin  par  le  pipe 
Nicolas  III.  Leur  habillement  (1)  était  sem- 
blable à  celui  que  les  Augustins  Déchaussés 
ont  depuis  porté  en  France,  sinon  que  ces 
religieux  de  la  Madeleine  avaient  des  san- 
dales de  bois.  Ils  avaient  aussi  pour  armes 
un  vase  plein  de  charbons  ardents,  pour 
^montrer  le  désir  qu'ils  avaient  d'imiter  la  pé- 
f'Jnitence  de  la  Madeleine  et  de  couvertir  les 
,.■  femmes  pécheresses.  Le  P.  Gesnay,  qui  rap- 
'  porte  ainsi  l'établissement  de  cet  ordre,  dit 
que  ces  religieux  donnèrent  à  ces  Pénitentes 
I;  leurs  mêmes  observances  ,  et  que  les  reli- 
1 1  gieuses  Pénitentes  de  Marseille  sont  du  même 
institut.  Et,  comme  il  ajoute  que  le  bien- 
heureux Bertrand  envoya  plusieurs  de  ses 
religieux-en  France  et  en  Allemagne  qui  y 


firent  des  établissements  en  différents  lieux, 
c'est  peut-être  ce  qui  a  donné  lieu  à  quel- 
ques écrivains  de  croire  que  les  monastères 
de  l'ordre  de  la  Madeleine  en  Allemagne, 
dont  quelques-uns  ont  même  subsisté  an  mi- 
lieu de  l'hérésie,  étaient  de  l'institut  du  bien- 
heureux Bertrand.  Il  y  en  a  d'autres  aussi 
qui  se  sont  persuadé  que  ces  monastères 
d'Allemagne  ont  tiré  leur  origine  de  celui 
des  filles  Pénitentes  de  la  Madeleine  à  Pa- 
ris ,  dont  nous  parlerons  dans  la  suite  , 
peut  être  à  cause  que.  ces  religieuses  d'Al- 
lemagne sont  habillées  de  blanc  et  que 
celles  de  Paris  ont  aussi  porté  un  habit 
blanc   avant    leur   réforme. 

Mais  les  religieuses  Pénitentes  de  la  Ma- 
deleine en  Allemagne  étaient  établies  plus 
de  cent  cinquante  ans  avant  que  le  bien- 
heureux Bertrand  eût  commencé  son  ins- 
titut, et  plus  de  deux  cent  soixante-dix  ans 
avant  la  naissance  des  filles  Pénitentes  de 
Paris.  Nous  ne  savons  pas  positivement  en 
quel  temps  cet  ordre  a  commencé  en  Al- 
lemagne, ni  qui  en  a  été  l'instituteur  ;  mais 
il  est  au  moins  certain  qu'il  y  subsistait  dès 
le  commencement  du  xnr  siècle,  comme  il 
parait  par  les  lettres  d'Otton,  cardinal  du 
titre  de  Saint-Nicolas  in  carcere  Tulliano 
et  légat  apostolique  en  Allemagne,  de  l'an 
1229,  par  lesquelles  il  accorde  des  indul- 
gences plénières  à  ceux  qui  voudront  con- 
tribuer de  leurs  aumônes  à  la  subsistance 
des  sœurs  Pénitentes  de  la  Madeleine  en 
Allemagne,  qui  étaient  dans  une  grande 
pauvreté  et  qui  n'avaient  pas  pour  lor^ 
des  revenus  pour  leur  entretien.  Ces  let- 
tres se  trouvent  dans  la  Chronique  du  mo- 
nastère de  Frankenberg  à  Goslar,  du  même 
ordre  ,  et  nous  les  rapporterons  ici  telles 
qu'elles  sont   dans  cette   chronique. 

Otto  miseratione  divina  Sancti  Nicolai  in 
carcere  Tulliano  diaconus  cardinalis,  aposto- 
licœ  sedis  égalas,  universis  Cliisti  fiit-libus 
présentes  has  litteras  inspecturis  snlutem  in 
Doviitto.  Quoniam,  ut  ait  Apostolus,  omnes 
stabimus    unie   tribunal    C/iristi,   recepturi , 


(1)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  n°  1U9. 


8«3 

prout  in  corpore  gessimus,  sive  fuerit 
sien  malum,  oportel  nos  diem  messiunis  ex- 
trême misericordie  aperibtts  prermire,  et  eler-  , 
norum  intu'tu  srminare  in  terri*,  qnod  red- 
dente  Domino  cum  mitltiplicato  frurtu  recol- 
ligere  debcamus  in  Celis ,  firmam  spem  ftdu- 
ciamque  lenenles,  i/uod  qui  pure  -séminal, 
parce  et  nftet,  et  qui  semiihU  tn  ben  diclio- 
rtibus,  de  benedictt^nibus  mêle'  ri:  -ni  eter- 
'  nam.  Cum  igitur  dilecte  in  Christo  pauperes 
sorores  Pénitentes  S.  Mar.  Magdal.  in  Alc- 
maçfn  i  proptias  non  habeant  facilitâtes  unde 
vdleant  sustenlari,  unirersitnlem  rriram  ro- 
gamus,  mmemtis  et  hortamur  in  Donvn  > ,  et 
in  remissionem  vobis  injungimus  peceami- 
num,  quittants  de  bonis  a  Deo  vobis  collalis 
pias  elemosinSs  e  gratu  eis  caritatis  subsidia 
erogatis,  ut  per  suboencionem  vestram  earum 
inopie  consulatur,  ut  vos  per  hec  cl  alia  bo- 
na,  que  Deo  inspirante  feceritis,  ad  eterna 
possitis  gaudia  pervenire.  Nos  enim  de  omni- 
potentis  bei  mhericordia  et  BB.  Pétri  et 
!'i:,l  ujitist'ilortnii  merilis  et  intercessione 
confiai,  omnibus  qui  ad  lora  ipsaritm  accese- 
rint  xl  dies  de  ut'uncta  sibi  peniteneia  legar- 
cionis  auctoritute  qua  fungimur,  misericor- 
diter  relaxa/nus,  Datum  Conslcncie  anno  Do- 
mini  MCCMXIX.  Ind.  ii,  xiv  k'dend.  Januar. 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  l'ordre  de 
la  Madeleine  en  Allemagne  était  déjà  institué 
avant  le  concile  général  de  Lalran  qui  se 
tint  l'an  1215-,  puisque  le  pape  Grégoire  IX, 
par  une  bulle  qu'il  accorda  aux  religieuses 
de  cet  ordre  en  Allemagne,  les  exe 
payer  les  dîmes  de  ce  qu'elles  faisaient  va- 
loir par  leurs  mains,  et  qu'elles  possédaient 
déjà  avant  le  concile  général.  Le  même 
pontife  le  ir  accorda  beaucoup  de  privilèges 
qui  furent  confirmés  l'an  1-248  par  le  pape 
Innocent  IV,  et  la  plupart  des  monastères  se 
sont  tellement  enrichis  dans  la  suite,  qu'ils 
n'ont  plus  eu  besoin  de  recourir  aix  chari- 
tés des  fidèles  pour  avoir  de  quoi  subsister. 

il  y  avait  aussi  des  religieux  du  même 
ordre  qui  avaient  un  général  et  des  pro- 
vinciaux, auxquels  les  religieuses  étaient 
soumises  ;  et  outre  cela  elles  avaient  un 
prévôt  qu'elles  élisaient,  mais  qui  devait 
être  confirmé  par  le  provincial  :  quelque- 
fois ce  prévôt  était  un  religieux  ,  et  quel- 
quefois c'était  un  séculier,  comme  il  pa- 
raît par  la  confirmation  du  prévôt  du  mo- 
nastère de  Frankenberg  de  l'an  1303,  que 
nous  rapporterons  aussi  :  Nos  [rater  Çon- 
radus,  prior  provinciales  monastertorum  B. 
Mur.  Magdal.  ordinis  S.  Augustini ,  pre- 
positus  in  Stateim  dilectis  suis  ni  Christo 
filiabu:  M.priorisse  totique  conventui  san- 
climonialtum  duli  ordinis  Frankenberqen- 
sis  ecclesie  in  Goslar  cum  prima  dile- 
ctione  orucioncs  in  Domino.  Dominum  Alcx- 
andrum ,  exhibitorem  presencium ,  que.n 
vos  rua  cum  parocluulibtts  vestris  unanimi 
ciitix.iisi  ci  ennonica  ekelione,  ac  nostro 
nie  censensu  in  pr  situm  et  pro- 
visorem  eoneorditer  elegis  vobi 
miniums  ,    preeipiendo    qu  s   . 

dienciam  ut  fralri  nostri 

(!)  Voit.,  ù  lu  lia  du  vol.,  u 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  804 

nerimini  et  reverenciam,  débitant  in  omnibus 
faciatis,  in  nomine  Domini  auforiiate  n<>- 
si  a  eumdem  Alexundrttm  in  seeulari  habita, 
quamdiu  ipsi  placueril  ,  manentem  presen- 
tibus  confirmatnts.  Duntcs  sibi  pleitarium 
potestatem  confessioncs  a  diendi,  exroru- 
municandi  et  absolrendi,  intra  et  extra  ex- 
cessus  spvritualium  et  (emporalium  débile 
corrigendi  ,  omnia  et  singnla  faciendi,  que 
per  fratrim  nostri  ordinis  electum  ante- 
cessorem  siium  rite  fiiri  consuet  runt.  Ni- 
hilomitius  ratas  hnbere  volumus  et  fermas  om- 
îtes sentencias  et  processus"  et  penas ,  quas 
idem  Un.  Alexande.r  juxlaconstilut  iones et  re- 
gutam  nostri  ordinis  rite  tulcrit  in  r  bel- 
les. Insuper  noltimus  ipsuni  per  nos  mit  per 
nostros  successores  gneralem  sive  provin- 
ciales, seu  per  alignas  frivolas  occasiones 
tel  accusuliones  indebitas ,  t/ue  aliquando 
fiunt ,  qnod  absit ,  aliqualitet  destitu 
inreniretar  manifeslis  aliquibus  delictis  re- 
ctums, et  quibus  esset  ipso  jure  seeunctum 
sacros  canones  desli tutus.  Noll  mus  elinm 
pretaclum  Dn.  Alexandrum  et  restruni  mo- 
nasterium  oncrare  per  nos  sire  per  nostros 
successores  aligna  persona  seu  personis  no- 
stri ordinis  apud  vos  locandis,  nisi  de  bona 
ipsius  A  exaitdri  et  veslri  conventus  unanimi 
voluntale.  Dut.  anno  Domini  MGCCIII,  in 
i  A  sumptionis  B.  Mariœ   Yirginis. 

Nosquoquefrater  Geroldus B.  Mar.  Magdal. 
riorum  generalis  prepositus,  omnia  et 
singuta  pnscripla  rata  s  rvannu  et  sigilli 
nostri  '-!'  nine  confinnamus.  Anno  Do- 
mini MCCCXI  ,  m  die  undecim  mille  Vir- 
gin 'in    sigillum  est  appensum. 

Il  es!  lait  mention  de  ces  généraux  dès 
l'an  1-2VS;  car  le  pape  Innocent  IV,  ayant 
confirmé  tous  les  privilèges  que  ses  pré- 
décesseurs avaient  accordés  aux  monastères 
de  l'ordre  de  la  Madeleine  en  Allemagne, 
Hilmar,  pour  lors  général  de  cet  onlie  en 
Allemagne,  envoya  des  copies  collalionnées 
de  la  bulle  de  ce  pontife  à  tous  ces  mo- 
nastères, lesquelles  copies  étaient  datées 
de  Cologne  du  jour  de  l'Exaltation  de  sainte 
Croix  de  la  même  année. 

Tous  ces  litres  que  nous  avons  rapportés 
prouvent  assez  l'antiquité  de  cet  ordre  en 
Allemagne,  et  qu'il  était  différent  de  celui 
que  le  1>.  Bertrand  institua  à  Marseille,  puis- 
qu'il subsistait  plusieurs  années  avant  la 
naissance  de  ce  dernier,  et  ces  monastères 
ont  encjre  moins  tiré  leur  origine  de  celui 
des  Pénitentes  de  la  Madeleine  à  Paris,  qui 
ne  parut  que  plus  de  deux  cents  ans  après 
que  le  B.  Bertrand  eut  institué  son  ordre.  Il 
y  a  encore  beaucoup  de  monastères  de  reli- 
gieuses de  l'ordre  de  la  Madeleine  en  Alle- 
magne. Celui  de  Strasbourg  est  un  de  e  as 
qui  ont  subsisté  au  milieu  de  l'hérésie,  avant 
que  celte  \ille  fût  venue  sous  la  domina- 
tion do  France.  Abraham  Bruin,  Michel Go- 
lyn  et  .iosse  Ammanus  nous  ont  donné  l'ha- 
billem  nt  d'un  religieux  de  cet  ordre  qui  est 
eniièrem  nt  tel  que  imus  l'avons 

:    s    eiait 
:  s  -  i  avec  un  scapulaire   el  un  inan- 


8*8 


MAD 


M  AD 


Ru'i 


tenu,  comme  on  peut  voir  ilnns  la  figure  qui 
représente  une  religieuse  madelonnette  île 
Metz  à  la  lête  de  l'articlarfe  ce  nom.  Plu- 
sieurs monastères  de  cet  ordre,  qui  étaient 
en  Saxe  et  en  d'autres  pays  hérétiques;  ont 
été  supprimés.  I  'n  appelait  ces  religieuses 
en  plusieurs  lieux,  les  Blanches  Dames,  ap- 
paremment à  cause  de  leurs  habits  blancs. 
Mais,  quoique  leur  ordre  ait  été  établi  pour 
servir  de  refuge  aux  pécheresses  publiques, 
il  y  ,;  longtemps  que  dans  la  plupart  de  leurs 
monastères  l'on  ne  reçoit  que  des  Glles 
d'honneur. 

Ce  que  dit  aussi  le  P.  Gesnay,  que  les  re- 
ligieuses de  la  Pénitence  de  la  Ma  'eleine  à 
Paris,  communément  appelées  les  Filles  l'é- 
nilentes.  embrassèrent  l'insiilut  du  bu 
re  il  Bertrand,  n'est  pas  eonforme  à  la  fon- 
dation de  <e  iiio  a  le:  e  r,  selon  le  P.  du 
Brésil  dans  s  ■  t!  ris,    ce   fut 

par  les  prédicat*  ns  du  P.  Jean  Tisserand, 
religieux  de  l'ordr  de  Saint-François,  que, 
l'an  1492,  plu  aes  et  filles 

ques  se  convertirent,  e',  voulant  faire  péni- 
tence de  leurs d  règlements,  Lotris,  duc  d'Or- 
léans, leur  donna  son  hôtel  pour  U  conver- 
tir en  monastère  sous  le  titre  de  Filles  '.  étii- 
tente-,  où  elles  furent  enfermé*  s  el  où  elles 
ont  demeuré  pendant  quatre-vingts  ans,  jus- 
qu'en l'an  Iô12,  qu'elles  lur.  ni  transférées 
dans  la  chapelle  de  Saint-Gè<  rgeft,  en  la  rue 
Saint-Uenis,  que  possédaient  les  Bénédictins 
deS  linl-Magloive.  qui  forent  demeurer  à  l'hô- 
pital de  Saim-Jacques  du  Haut-Pas,  comme 
nous  avons  di;  en  un  autre  lieu. 

Ce  fut  l'an  1497  que  Jean-Simon,  cin- 
qul  me  de  ce.  nom,  évêque  de  Paris,  en 
vertu  d'un  'refdu  pape  Alexandre  VI,  leur 
prescrivit  dis  statuts  el  leur  donna  la  règle 
de  saint  ABgustin,  qu'elles  suivent  encore  à 
préseut.  Le  P.  du  Ereuil  ajouté  que,  lorsque 
ces  statuts  furent  faits,  elles  étaient  déjà 
deux  cent  vingt  religieuses,  m  is  qu'il  n'ose 
pa^  dire  t  utes  pénitentes  ou  converlieâ;  En 
effet ,  il  y  en  avait  peut-être  quel  jues-unes 
qui  y  Étaient  renfermées  contre  leur  volonté, 
à  la  sollicitation  de  leurs  parents, ou  par  au- 
torité de  j:.s:ic  •  ;  mais  elles  ne  pouvaient  pas 
être  admises  à  la  profession  religieuse,  puis- 
que, selon  les  constitutions  de  l'éYêqne  de 
Paris,  qui  furent  dressées  pour  maintenir 
l'observance  régulière  dans  ce  monastère, 
l'on  n'en  devait  recevoir  aucune  malgré 
elle,  el  qu'il  fallait  pour  être  religieuses 
qu'elles  eussent  pioslilue  leur  honneur  et 
qu'elles  ne  fussent  pas  vierges;  car,  par  un 
d  s  articles  de  ces  statuts,  ce  prélat  ordonne 
qu'un  ne  recevra  aucune  fille  dans  ce  mo- 
nastère qu'elle  n'ait  commis  le  péché  de 
la  «  hair,  el  qu'elle  sera  visitée  pour  voir 
si  elle  a  perdu  sa  virginité;  que  celles  qui 
seront  nommées  pour  eu  f  ire  la  visite  feront 
serinent  sur  les  saints  Kvangilcs,  entre  les 
mains  des  Mère  et  sous-Mère,  et  en  la  pré- 
sence des  discrètes;  de  Faire  vrai  et  loyal 
rapport,  et   dire  si  <  nues  et 

ii  ordonne   q  ■  iolaBlë- 

m eut  observé;  car  vous  sçavez  (leur dit-il) 
qu'aucunes  sont    tenues  à  nous  qui  étaient 


vierges,  et  telles  ont  clé  par  vous  trouvées  ■ 
combien  qu'à  la  suggestion  de  leurs  mere<  et 
parens  qui  ne  demandaient  qu'à  s'<n  défaire, 
e'Ies  eussent  a/fermé  être  corrumpucs.  Ml  dans 
un  autre  article  il  ajoute  :  Item  en  outre  or^ 
donnons  que  si  aucune  roulait  entrer  en  votre 
congrégation,  qu'elle  s''it  intérr'egttée  p  r  les 
Mère  et  sous-Mere,  présent  r  Ure  confesseur, 
et  en  la  présence  de  cinq  oit  six,  si  elle  se  dit 
corrumpuc,  et  que  telle  soit  trouvée,  si  aupq- 
racant  qu'elle  fût  corrumpaë,  elle  avait  en 
désir  d'ru(nr  en  tôtre  religion;  et  si  afin  d'y 
eut  er  elle  ne  s'est  point  fdt  corrumj  re.  et 
sera  tenue  faire,  serment  sur  les  saintes  Eran-, 
ailes  en  la  mu'n  de  t&tre  l'ère  confes  eur.  en, 
la  présence  de  Ctitq  ou  i<ke  de  dam-' 

nation  étemelle,  si  elle  ne  t'est  point  fuit  cor- 
r        te  en  intention   d'entrer  en   vôtre  reH- 

leqUél  u:  dec!  r  ra  q  te  p  se  que  le  fût 
prof  s-e  ou  n>  n,  et  que  l'on  fâl   averti    u'elle 

'  fait  corrumpre  en  celle  int-ntioit.  qu'elle 
Hgieusé  de  vôtre  monastère, 

■■e  vœu  qu'fl'e  al  fait.  Puis  donc  qu'il 
I        il    prêter   ces   serments  pour  être  reli- 

•  dans  ce  monastère,  il  y  a  bien  de 
l'apparence  que  des  personnes  que  l'on  y 
av  i'  renfermées  malgré  (lies  n'auraient  ja- 
mais \  rété  le  serment  que  l'on  exigeait. 

Il  paraît  encore  p  ;r  le  préambule  de  ces 
cTmstitalions  que  c'est  le  roi  Charles  VIII 
qui  leur  donna  l'hôtel  appelé  de  Bee baigne 
h.  '"■  n  e),  et  non  pas  le  duc  d'Orléans  : 
J,  l:an  ;  cr  la  ;  omission  divine  évéque  de  Pa- 
ris, à  nos  bien  aimées  et  à  Dieu  données  les 
religieuses  et  courent  des  filles  Pénitente" ,  di- 
tes les  Repenties  de  Paris  à  nous  sujettes  sans 
mo'ien,  salut.  Comme  par  la  grâce  de  Dieu  et 
par  v.cûe  in  p  ration  ,  du  tems  que  avons 
eu  le  ic/jime,  administration  et  jouissance  de 
n  tm  dit  évéchê,  et  par  '-e  moîen  de  gens  de  de- 
VO  i  n  ,  i  :  I  ci:  l'œil  sur  vous  plus  que  vous- 
mêmes,  vous  êtes  assemblées  tellement  q  t'êtes 
t  a  and  n  mire, et  aujourd'hui  environ  onze 
viilgt  et  plus,  et  pourrait  être  chose  ffustra- 
I  tre  as  mblée  el  bon  propos,  sinon 
qu'elle  fût  pureiurable  et  perpétuellement  ob- 
servée et  gardée,  qui  ne  se  peut  faire  sans  sta- 
tu:*, ordonnances  et  constitutions.  A  cette 
eau-!'  en  ensuivant  l'obligation  ci  laquelle  de 
nôtre  office  pastoral  sommes  tenus  et  obligés, 
t:u  conseil  de  plusieurs  koiables  personnages, 
gens  de  religion  et  du  consentement  de  vous 
toutes,  tant  pour  vous  que  vos  succisseresses 
religieuses  qui  sont  autlit  monastère  en  l'hôtel 
q  ii  fui  appelle  de  Bothu'gne  que  le  roi  nôtre 
sire  vous  a  donné,  étant  en  noire  censive,  jus- 
tice el  seigneurie  e]  cause  de  nôtre  dit  évéché, 
avons  stalué  el  ordonné ,  statuons  et  ordon- 
nons les  choses  que  ci-après  setg'rit  déclarées 
être  inviolablemcnt  gardées  et  observées  audit 
monastère. 

Nous  avons  dit  ci-devant  quelles  étaient 
les  conditions  requises  pour  entrer  dans  ce 
monastère;  il  y  a  encore  un  article  de  ces 
constitutions,  qui  ordonne  que  l'on  n'en  re- 
ce\  ra  aùcdnè'qui  aura  passé  trente-cinq  ans, 

Pari-)  que  SÔfts" 
bre  d'êlfè'  reçues  en  cet  ordre,  et  ce.  quelque 
temps  que  ce  soit,  il  n'y  en  eût  qui  voulussent 


C07 


DICTIONN.MRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


808 


conlinuer  dans  leur  péché.  Ces  religieuses 
suivaient  la  règle  de  saint  Augustin  ;  elles 
étaient  obligées  de  dire  l'office  de  la  sainte 
Vierge  au  chœur  ;  elles  se  levaient  à  minuit 
pour  dire  matines;  et  il  y  avait  toujours  deux 
sœurs  qui  veillaient  dans  le  dortoir.  Outre 
les  jeûnes  ordonnés  par  l'Eglise,  elles  jeû- 
naient encore  tuus  les  vendredis  de  l'année, 
et  les  mercredis  et  vendredis  de  l'aven!  ;  elles 
ne  mangeaient  de  la  viande  que  quatre  fois 
la  semaine  ;  elles  tenaient  le  chapitre  les  lun- 
dis, mercredis  et  vendredis,  et  elles  prenaient 
la  discipline  tous  les  vendredis  de  l'année, 
et  en  carême  les  mercredis  et  vendredis,  et 
tous  les  jours  de  la  semaine  sainte.  Comme 
elles  ne  vivaientque  d'aumônes  dans  le  com- 
mencement, elles  allaient  deux  à  deux  par 
ta  ville  pour  les  chercher.  Celles  qui  étaient 
destinées  pour  cet  emploi  ne  pouvaient  boire 
ni  manger  en  ville.  11  n'était  permis  qu'aux 
quêteuses  de  sortir,  car  elles  faisaient  vœu 
de  perpétuelle  clôture,  comme  il  est  encore 
ordonne  par  leurs  constitutions  et  comme  il 
e3t  porté  par  la  formule  de  leurs  vœux, 
quelles  prononçaient  en  celte  manière  :  Je, 
À.,  voue  et  promets  à  Dieu  et  à  la  Vierge  Ma- 
rie, et  à  monseigneur  l'évéque  de  Pan*,  mon 
prélat  et  père  spirituel,  et  à  vous  mère  ,  sous- 
mère,  et  tout  te  couvent,  slabitilé  et  fermeté 
sous  clôture  perpétuelle  en  ce  lieu  ici,  la  con- 
version de  mes  mœurs,  chasteté,  pauvreté  et 
obéissance,  selonla  règle  de  monseigneur  saint 
Augustin  et  selon  les  statuts,  réformation  et 
modification  faits  et  à  faire  par  i».  P.  en  Dieu, 
monseigneur  Jehan,  évêque  de  Paris,  l'an 
1497.  Quant  à  leur  habillement,  il  était  blanc, 
aussi  bien  que  leur  voile. 

11  y  avait  aussi  des  religieux  qui  avaient 
été  pareillement  institués  dans  ce  monastère 
par  le  même  évêque,  desquels  le  P.  du  Breuil 
n'a  point  parlé.  Ce  prélat,  par  ses  constitu- 
tions, ordonne  qu'il  y  aura  dans  ce  monas- 
tère des  religieux  qui  suivront  aussi  la  règle 
de  saint  Augustin,  qui  auront  des  chaperons 
et  des  robes  grises,  et  une  autre  robe  de 
laine  blanche  par-dessous.  Ils  devaient  faire 
un  an  de  noviciat,  après  lequel  ils  faisaient 
leur  profession  à  la  grande  grille  de  ce  cou- 
vent, entre  les  mains  de  la  supérieure  et  du 
Père  confesseur  en  ces  termes  :  Je,  N. ,  pro- 
mets et  voue  à  Dieu  et  ci  monseigneur  l'évé- 
que de  Paris,  mon  prélat ,  à  vous  mère,  à  tout 
le  couvent,  et  à  vous,  beau-père  confesseur, 
chasteté,  pauvreté  et  obédience,  principale- 
ment à  mon  prélat  monseigneur  l'évéque  de 
Paris  et  au  couvent  des  sœurs  de  ce  monastère, 
ce  qui  fait  voir  que  le  P.  Gesnay  s'est  trompe 
lorsqu'il  a  dit  que  les  religieuses  Filles-Péni- 
tentes à  Paris  avaient  embrassé  l'institut  du 
bienheureux  Bertrand,  puisque  les  religieux 
d.'  son  ordre  étaient  habillés  de  noir,  et  que 
ceux  qui  étaient  au  monastère  de» Filles— i  e- 
nitentes  étaient  habillés  de  gris,  et  avaient 
été  institués  par  l'évéque  de  Paris.  Les  reli- 
gieuses devaient  pourvoir  à  toutes  les  néces- 
sités des  religieux,  tant  pour  le  vivre  que 
pour  l'habillement  et  les  études.  Files  en 
élisaient  un  pour  confesseur,  et  il  en  devait 
choisir  d'autres  pour  le   soulager.  Ces  reli- 


gieux étaient  obligés  de  dire  l'office  selon 
l'usage  de  l'Eglise  romaine  ;  ils  le  récilaient 
à  voix  basse,  et  se  levaient  aussi  à  minuit 
pour  dire  Matines. 

Voilà  quelle  a  été  la  véritable  origine  du 
monastère  des  filles  Pénitentes  de  la  rue 
Saint-Denis  à  Paris,  où  l'on  recevait  encore 
des  filles  Repenties  vers  le  milieu  du  dernier 
siècle,  comme  il  paraît  par  la  Vie  de  la  Mère 
Marie  Alvéquin,  réformatrice  de  ce  monas- 
tère, donnée  par  M.  Biesse  en  1649,  et  par 
la  relation  de  la  naissance  et  du  progrès  de 
celui  des  Madelonnettes,  qui  fut  aussi  impri- 
mée en  1649  ;  mais  depuis  plus  de  cinquante 
ans  l'on  n'y  reçoit  plus  que  des  filles  d'hon- 
neur, et  nous  ne  croyons  pas  faire  tort  à  ces 
chastes  épouses  de  Jésus-Christ  si  nous  ne 
nous  conformons  pas  à  ce  qu'en  a  écrit  de- 
puis quelques  années  M.  de  Marivaux  dans 
une  nouvelle  Vie  de  la  même  réformatrice, 
puisque  nous  aurions  cru  aller  contre  la  vé- 
rité de  l'histoire. 

Cet  auteur,  parlant  de  l'origine  de  ce  mo- 
nastère des  filles  Pénitentes,  dit  que,  le  P. 
Tisserand  prêchant  avec  succès,  un  grand 
nombre  de  différentes  personnes  et  de  diffé- 
rent sexe, distinguées  par  leur  vertu,  vinrent 
le  trouver,  lui  protestant  qu'elles  voulaient 
servir  Dieu  toute  leur  vie;  qu'elles  s'aban- 
donnèrent sous  sa  conduite,  qu'il  se  trouva 
plus  d,'  deux  cents  demoiselles  qui  prirent 
cette  résolution,  et  qu'il  les  renferma  dans 
un  monastère.  Pour  lever  l'illusion  populaire 
(à  ce  qu'il  prétend]  sur  le  nom  de  Pénitentes, 
qu'elles  ont  toujours  eu,  il  ajoute  que  ce  nom 
leur  fut  imposé  parce  Père  en  considération 
des  changements  qu'elles  firent  d'une  vie 
douce  et  délicieuse,  telle  qu'est  celle  des  fil- 
les de  qualité  dans  le  monde,  quelque  ver- 
tueuses qu'elles  soient,  à  la  vie  austère  qu'el- 
les embrassèrent  si  généreusement  dans  sa 
nouvelle  religion.  M.  de  Marivaux  convient 
que  l'évéque  de  Paris  Jean-Simon  leurdonna 
des  constitutions  qui  furent  observées  de 
toutes  les  religieuses  avec  une  exactitude  et 
une  fidélité  inviolables.  Mais  ce  prélat  n'au- 
rait-il pas  été  digne  de  blâme,  si,  voyant  plus 
de  deux  cents  lilles  chastes  et  vertueuses  qui 
se  mettaient  en  congrégation  pour  y  vivre 
séparées  du  monde  et  se  donner  pour  épouses 
à  Jésus-Christ,  il  les  avait  obligées  dans  le 
commencement  de  leur  retraite  de  ne  rece- 
voir parmi  elles  que  des  lilles  prostituées  qui 
devaient  faire  serment  sur  les  saints  Evangi- 
les qu'elles  ne  s'étaient  point  fait  corrompre 
en  intention  d'entrer  dans  cet  ordre,  où  l'on 
ne  pouvait  être  reçu  qu'après  avoir  commis 
lepechéde  la  chair?  Peut-on  croire  M.  de 
Marivaux,  lorsqu'il  dit  qu'il  n'a  rien  avancé 
que  de  vrai,  et  que  ce  n'est  qu'après  avoir 
examiné  les  litres  originaux  de  la  fondation? 
ei  a-t-il  pu  s'imaginer  que,  quoique  les  rcli 
gieuses  Pénitentes  aient  peut-être  supprimé 
leurs  anciennes  constitutions,  il  ne  s'en  trou- 
vât encore  des  exemplaires  dans  quelques 
bibliothèques,  comme  en  effet  il  s'en  trouve 
dans  celles  du  roi  et  dans  celle  du  collège 
des  11.  P.  de  la  compagnie  de  Jésus  à  Paris 
et  dans  linéiques  autres,  où  l'on  peut  les  cou- 


80'J 


MAD 


MAD 


810 


sultor.  Elles  sont  toutes  en  lettres  gothiques, 
re  qui  fait  voir  qu'elles  sont  des  premières 
éilitions  qui  furent  laites  du  temps  de  l'évê- 
quo  Simon. 

Ces  daines  de  Saint-Magloire,  comme  elles 
Teulent  êire  appeléesà  présent,  suivant  l'ins- 
cription qu'elles  ont  fait  mettre  depuis  peu 
au-dessus  de  leur  porte,  ne  doivent  point 
roujirde  porterie  nom  de  Pénitentes,  puis- 
qu'elles se  sont  consacrées  à  Dieu  p  r  la  pé- 
nitence en  entrant  en  religion.  Elles  doivent 
imiter  tant  d'hommes  et  de  filles  qui  ont  pris 
ce  nom,  et  ont  formé  un  ordre  re  igieux, 
où,  pour  me  servir  des  termes  de  M.  de  Ma- 
rivaux, ces  enfants  innocents  se  sont  con- 
sacrés pour  imiter  Jésus-Christ,  qui,  tout 
innocent  qu'il  était,  a  voulu  être  le  premier 
et  le  plus  illustre  des  pénitents,  établissant 
son  royaume  dans  les  douleurs,  faisant  son 
sceptre  et  son  trône  de  la  croix,  comme  son 
diadème  d'épines.  Quoique  le  public  donne 
encore  le  nom  de  Pénitentes  à  ces  dames  de 
Saint-Magloire,  et  quoiqu'ellrsaient  toujours 
conservé  beaucoup  de  dévotion  pour  Made- 
leine pénitente,  on  ne  tire  pas  de  là  une  con- 
séquence qu'elles  aient  auparavant  suivi 
Madeleine  pécheresse,  puisqu'elles  ne  sont 
pas  les  seules  dont  les  monastères,  ayant  été 
bâtis  d'abord  pour  servir  de  refuge  à  des 
pécheresses  publiques,  sont  devenus  dans  la 
suite  des  sanctuaires  de  saintes  vierges, 
comme  on  en  voit  un  exemple  dans  l'article 
suivant. 

La  Mère  Marie  Alvéquin,  ayant  été  tirée 
du  monastère  de  Montmartre  avec  sept  reli- 
gieuses pour  réformer  celui  des  filles  Péni- 
tentes de  Paris,  y  entra  le  2  juillet  1016,  et 
mourut,  le  23  janvier  1648,  dans  une  grande 
réputation  de  sainteté,  étant  âgée  de  quatre- 
vingt-deux  ans.  Li  s  désordres  de  la  guerre 
avaient  causé  dans  ce  monastère  beaucoup 
de  relâchement;  mais  elle  y  rétablit  en  peu 
de  temps  les  observances  régulières,  et  leur 
fit  prendre  un  habillement  différent  de  celui 
qu'elles  portaient,  leur  ayant  donné  un  ha- 
bit de  couleur  minime,  avec  un  scapulaire 
de  même,  et  leur  ayant  au>si  donné  un  voile 
noir.  Je  ne  sais  si  l'on  doit  compter  au  nom- 
bre des  réformes  qu'elle  Gt  en  ce  monastère 
l'adoucissement  qu'elle  apporta  dans  les  aus- 
térités, si  l'on  doit  ajouter  foi  à  M.  de  Mari- 
vaux ;  car,  selon  cet  auteur,  elle  leur  fit  dire 
matines  à  huit  heures  du  soir,  au  lieu  qu'el- 
les se  levaient  à  minuit  ;  elle  leur  lit  quitter 
les  chemises  de  serge  pour  en  prendre  de 
toile,  et  leur  fit  mangerde  la  viande  le  lundi, 
au  lieu  qu'elles  n'eu  mangeaient  pas.  Nous 
voyons  de  pareilles  réformes  s'ériger  tous  les 
jours  dans  les  monastères,  contre  I  intention 
des  fondateurs. 

Voyez,  pour  les  Filles  Pénitentes  de  Paris  : 
du  Breui!,  Antiquités  de  Paris  ;  les  anciennes 
Constitutions  de  ces  religieuses  imprimées  à 
Par. s  en  LjOO;  Biesse,  Vie  de  la  Mère  Marie 
Alvéquin,  leur  réformatrice  ;  et  de  Marivaux, 
Vie  de  la  même  réformatrice.  Pour  les  reli- 
gieux de  la  Pénitence  de  la  Madeleine  à  Mar- 
seille :  Gesnay,  Hist.  M  assit.;  et,  pour  Tor- 
dre de  la  Madeleine  en  Allemagne  :  Chroni- 

DlCTlOXNAlRE  DES  OkîHIES   REUUICUX.    il. 


con  cœnahii  Montis  Francorum  Goslnriœ,  et 
Joann.  Buschius ,  De  Reformât.  Monast., 
apud  Leibnitz;  Hist.  Brunsvic,  loin.  11. 

M  A  DELONNETTF.S(RELiGiErsES  de  la  Ma- 
deleine, oc)  à  Metz  et  à  Naples. 

Les  religieuses  du  monastère  de  Saint-Ma- 
gloire à  Paris,  et  que  le  peuple  api  elle  com- 
munément filles  Pénitentes,  ne  sont  pas  les 
seules  à  qui  le  nom  de  Pénitentes  semble  en 
quelque  façon  odieux.  Celles  de  la  Made- 
leine à  Metz  étaient  aussi  appelées  sœurs 
Pénitentes,  comme  il  parait  par  une  sentence 
de  l'évèque  Conrad  Bayer  de  Boppart,  rendue 
l'an  1432  en  faveur  des  chanoines  de  l'ég!  se 
colîégiale  de  Saint-Thibaut  de  la  même  ville, 
par  laquelle  ce  prélat,  pour  satisfaire  à  un 
bref  du  pape  Nicolas  V,  érigea  le  monastère 
de  Sainte-Madeleine  de  Meiz  des  soeurs  Péni- 
tentes, en  une  église  col.égiale  sons  le  litre 
de  la  sainte  Vierge  et  de  saint  Thibaut,  et  la 
chapelle  de  Sainte-Elisabeth  en  un  monas- 
tère de  ces  religieuses  :  Ecclesiam  ri  mo'nas- 
terium  II.  Marim  Magdalenœ  Metensis  soro- 
ruin  Pœnitentium,  in  collerjititam  sub  nom  ne 
et  vocabilo  B.  et  glurios:r  Virginis  Mariœ  et 
sancti  Theobaldi,  et  capellcm  Sanctœ  Elisa- 
beth (alias  Vetris  fermeteri  )  in  monasterium 
sororum  Pœnitentium  ereximus et erigimus per 
prœsentis,  etc.  Cet  acte  esl  rapporté  par  Mû- 
risse ,  évêquede  Madaure,  dans  son  Histoire 
des  Evrques  de  Met/.  Il  tire  de  là  une  consé- 
quence que  ces  religieuses  de  la  Madeleine, 
à  qui  le  peuple  a  donné  le  nom  de  Madelou- 
notles,  étaient  déjà  établies  à  .Metz,  et  dit  qu'il 
n'a  pu  trouver  précisément  le  teirps  de  leur 
établissement. Mais  ces  religieuses  prétendent 
avoirété  établies  plusde  quatre  cent  cinquante 
aïs  auparavant,  et  fout  remonter  leur  origine 
à  l'an  1003,  ce  qu'elles  auraient  sans  doute 
bien  de  la  peine  à  prouver,  il  se  peut  faire 
que  cette  chapelle  dédiée  à  sainte  Elisabeth, 
mère  de  saint  Jean-Baptiste,  dans  son  origine, 
et  où  ces  relideuses  ont  été  transférées  en 
1432,  ait  été  bâtie  en  1005  ;  mais  le  nom  de 
sœurs  Penilen  e*,  qui  leur  est  donné  dans  la 
sentence  de  l'évèque  de  Metz,  les  religieuses 
d'Huys  du  même  ordre  selon  les  Mémoires 
qui  m'ont  été  envoyés)  cl  qui  vinrent  pour 
rétablir  cette  maison,  quiavail  été  abandon- 
née pendant  les  guerres,  et  où  il  n'était 
resté  qu'une  sœur  converse  ;  les  monastères 
de  l'ordre  de  la  Madeleine  qui  sont  encore  ca 
Allemagne,  et  où  les  religieuses  sout  habil- 
lées de  même  qu'à  Metz,  me  font  roi  e  que 
celles-ci,  à  qui  le  p  uple  a  donné  le  nom  do 
Madelonnetles,  sont  du  même  orure  que  les 
r.  ligieuses  de  la  Madeleine  en  Allemagne,  et 
cettesentence,  rendue  l'an  1452  par  l'évèque 
Conrad,  fait  connaître  qu'elles  ne  peuvent  pas 
avoir  tiré  leur  origine  du  monastère  des 
Filles-Pénitentes  à  Paris,  qui  ne  lurent  éta- 
blies que  l'an  1492,  comme  nous  avons  déjà 
dit. 

Cependant  les  Madelonnetles  de  Metz  se 
disent  présentement  chanoinesses ,  ce  qui 
parait,  disent-elles,  par  les  anciens  mon'j- 
ments  qui  sont  dans  leur  monastère  et  par 
les  figures  des  anciennes  religieuses;  et  que 
2G 


m 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


s;2 


si  11  is  portent  présentement  une  robe  blan- 
che et  un  scapulaire  de  même,  ce  n'est  qu'à 
cause  de  la  dévotion  que  leurs  anciennes 
portaient  à  saint.  Do  inique,  ayant  voulu 
prendre  l'habit  des  religieuses  de  son  ordre, 
lorsque,  vers  l'an  1221,  il  établit  le  couvent 
de  ses  religieux  à.  Metz  ;  et  que  dans  la  suite, 
pour  se  distinguer  des  religieuses  de  cet  or- 
dre, elles  quittèrent  le  scapulaire  et  la  chape 
noirs  pour  en  prendre  de  blanc?,  le  scapu- 
laire et  la  chipe  noirs  étant  restés  à  leurs 
scears  converses.  Mais  je  n'ajoute  pas  beau- 
coup de  foi  à  ces  mémoires,  d'autant  plus 
que  ces  religieuses  Madelonnettes  sont  mal 
informées  de  l'habillement  des  religieuses  de 
l'ordre  de  Saint-Dominique,  qui  ne  portent 
point  de  scapulaire  noir,  si  ce  n'est  les  sœurs 
converses;  d'ailleurs,  dans  le  temps  que  ce 
saint  fonda  son  ordre,  ou  plutôt  avant  qu'il 
l'eût  fondé,  il  avait  établi  les  religieuses  du 
monaslère  de  Prouille,  auxquelles  il  donna 
pour  habillement  une  robe  blanche  et  un 
manteau  de  couleur  laanée.  Nous  donnons 
l'habillement  des  re  igieuses  Madelonnettes 
de  Metz  tel  qu'elles  le  portent  présent- 
aient (1).  11  est  vrai  qu'il  y  a  quelque  union 
entre  l'od  e  de  Saint-Dominique  et  celui  de 
la  Madeleine, puisque  l'ordre  de  la  Madeleine 
suit  les  constitutions  de  l'ordre  de  Saint-Do- 
minique :  au  moins  il  y  avait  en  Allemagne 
plusieurs  mona  tères  qui  suiva'ent  ces  consti- 
tutions, ce  qu'ont  pu  faire  aussi  les  Madelon- 
nclles  de  Melz. 

Mémoires  manuscrits  envoyés  eu  1T0S  ;  et 
l'on  peut  consulterMurisse  dans  son  Histoire 
des  Evêques  de  Metz. 

Les  monastères  des  religieuses  de  la  Ma- 
deleine et  de  Sainle-Marîe-Ègyptienrie  à  Na- 
ples  sont  du  nombre  de  ceux  qui,  ayant  été 
destinés  d'abord  pour  servir  de  retraite  aux 
pécheresses  publiques,  sont  devenus  dans  la 
suite  des  sanctuaires  de  saintes  vierges  pa- 
reils à  ceux  don!  nous  avons  déjà  parle. Celui 
de  la  Madeleine  fut  fondé  l'an  132V,  et  doté 
par  la  r  ine  Sanche  d'Aragon,  femme  de  Ro- 
bert, roi  de  Naples,  pour  des  pécheresses 
publiques  q  ai,  touchées  de  repentir,  avaient 
de  -cin  de  faire  pénitence. Celte  pieuse  reine 
avait  un  si  grand  zèle  pour  le  salut  de  .es 
pauvres  créatures,  qu'elle  allait  tous  les 
joursdans  ce  monastère  avec  son  confesseur, 
le  P.  Philippe  Agueiro,  de  l'o  dre  de  Saint- 
François,  pour  leur  faire  faire  des  exhorta- 
tions' <;ui  furent  si  efficaces,  que  dix  ans 
apr  s  la  fond  tion  de  ce  monastère,  de  cent 
qu  tre-vingt-deux  de  ces  pécheresses,  qui, à 
la  sollicitation  de  celte  princesse,  étaient  en- 
trées dans  cette  maison,  il  y  en  eut  cent 
soixante-six  qui  ûrent  les  vœux  solennels 
entre  les  mains  de  l'archevêque  de  Naples, 
doui  plusieurs  moururent  en  odeur  de  sain- 
teté.Celle  princesse  voulut  aussi  que  ce  mo- 
nastère lût  soumis  aux  religieux  de  l'ordre 
de  Saint-François ,  ce  que  l'archevêque  ac- 
corda, l'ao  l.'JÙ,  à  condition  que  les  religieu- 
ses seraient  obligées  de  donnerions  les  ans  à 
l'église  métropolitaine  un  cierge  d'une  livre. 


If  y  avait  déjà  pour  lors  trois  cents  religieu- 
ses dans  ce  monastère;  mais  dans  la  suite 
on  n'y  a  plus  reçu  que  des  filles  d'honneur 
et  vertueuses,  qui  sont  présentement  au  nom- 
bre de  quatre-vingts.  Elles  ont  la  règle  de 
saint  Augustin  et  un  habit  noir,  et  pour 
ceinture  une  corde  bl  mche,  comme  les  re: i— 
gieuses  de  l'ordre  de  Saint-François.  Les  re- 
ligieux conventuels  de  cet  ordre  en  ont  eu  la 
direction  jusqu'en  l'an  1368,  que,  par  ordre 
du  pape  Pie  V,  les  religieux  de  l'Observance 
prirent  leur  place  et  eurent  aussi  la  direction 
des  religieuses  du  monastère  deSainte-Maric- 
Egyptienne,  que  les  conventuels  leur  aban- 
donnèrent aussi. 

•  Ce  monastère  fut  aussi  fondé  par  la  reine 
Sanche  d'Aragon  pour  des  filles  et  des  fem- 
mes repenties,  à  cause  que  celui  de  la  Ma- 
deleine ne  se  trouvait  pas  assez  grand  pour 
contenir  le  nombre  de  elles  qui  quittaient 
leur  mauvaise  vie.  L'archevêque  de  Naples, 
qui  avait  consenti  que  les  religieuses  de  la 
Madeleine  fussent  sous  la  direction  des  reli- 
gieux de  l'ordre  de  Saint-François,  accorda 
la  même  grâce  à  celles  deSainte-Marie-Egyp- 
tienne,  l'an  1342,  à  condition  qu'elles  donne- 
raient aussi  tous  les  ans  un  cierge  d'une 
livre  à  la  cathédrale.  Elles  furent  soumises 
pareillement  aux  religieux  conventuels  ; 
mais  par  ordre  du  p  >pe  Pie  V  elles  furent 
mises  sous  la  direction  des  Pères  de  l'Obser- 
vance de  Saint-François.  Elles  ont,  comme 
les  religieuses  du  monastère  de  La  Madeleine, 
la  régie  de  saint  Augustin  et  l'habit  de  son 
ordre  avec  la  cord  blanche  de  celui  de 
Sa  nl-François. 

Voyez,  pour  c  s  deux  monastères  :  Franc. 
Gonzag.  De  Oricjine  Scraph.  rclig.;  Wading. 
Anna'.  Minor. 

MADELONNETTES  (Relig  ibdshs  oe  l'ororh 

DE     LA    MaDELEITE  ,      APPELÉES      COMMUNÉ- 
MENT)  à  Pans,  à  Ko uen  et  à  Bordeaux. 

Les  religieuses  de  l'ordre  de  la  Madeleine 
ou  Mad'lon nettes,  dont  noiis  allons  parler, 
sont  différentes  de  celles  dont  nous  avons 
parlé,  dans  l'article  précédent;  elles  ont 
pris  leur  origine  à  Paris  au  commencement 
du  dernier  siècle.  Celle  ville  est  si  grande 
et  si  peuplée ,  qu'il  ne  faut  pas  s'éton- 
ner s'il  y  a  un  si  grand  nombre  de  filles  et 
de  femmes  qui,  s'oub'.iant  de  leur  devoir, 
prostituent  leur  honneur,  et  s'il  y  a  tant  do 
maisons  pour  les  recevoir  lorsqu'elles  veu- 
lent se  convertir,  ou  pour  les  enfermer  de 
force  lorsquelles  ne  veulent  point  quitter  le 
vice,  telles  que  sont  le  monastère  des  Made- 
lonnetles  et  les  communautés  du  Bon-Pasteur, 
du  Sauveur,  de  Sainte-Pélagie,  de  Saiule- 
ïl.éodore  et  quelques  autres.  Mais,  comme 
la  plupart  de  ces  communautés  ne  sont  que 
séculière'-,  nous  ue  parlerons  ici  que  des 
Madclonneltes,  dont  la  plus  grande  partie 
de  la  communauté  est  composée  de  religieu- 
ses qui  forment  un  ordre  particulier,  puis- 
qu'il y  a  encore  des  maisons  du  même  iusti- 
tut à  Rouen  et  à  Bordeaux;  et  que  ces  trois 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vul.,n»  201. 


813 


MAD 


monastères  suivent  les  mêmes  constitutions, 
qui  ont  été  dressées  par  l'ordre  du  pape  Ur- 
bain VIII. 

Ce  fut  l'an  1G1S  que  ce!  ordre  prit  nais- 
sance à  Paris,  par  le  moyen  du  R.  P.  Alha- 
naseMulé,  capucin,  frère  de  M.  Mole,  pro- 
cureur général  du  parlement;  d'un  riche 
marchand  de  vin  de  celle  ville  nommé  de 
Monlry,  et  de  M.  du  Fresne,  officier  dans 
les  gardes  du  corps  du  roi,  qui  tous  trois, 
animés  du  zèle  de  la  gloire  de  Dieu  et  du  sa- 
lut du  prochain,  s'employaient  conlinuelle- 
menl  à  la  conversion  des  pécheurs  et  des  hé- 
rétiques, et  au  soulageaient  des  pauvre  ,  cl 
des  malades.  Ce  fut  donc  l'an  1018  que  ces 
personnes  charitables  ayant  relire  quelques 
filles  du  vice  ou  elles  s'éla  <>nt  plongées  par 
leur  prostitution,  on  leur  loua  d'abord  des 
chambres  au  faubourg  Saiat-Uonoré  ;  niais 
ce  lieu  ne  se  trouvant  pas  propre  p  > n r  la  re- 
traite qu'elles»,  embrassaient,  le  sieur  de 
Monlry  leur  céda  sa  propre  mais  m  situé;;  à 
Fa  Croix-Rouge,  au  faubourg  Saint-Germain, 
et  en  loua  une  autre  pour  lui  à  côté,  pre^ 
nanl  soin  de  ces  pauvres  créatures,  tant 
pour  la  nourriture  que  pour  les  secours  spi- 
rituels qu'il  leur  procurait;  et  en  peu  de 
temps  elles  se  trouvèrent  jusqu'au  nombre 
de  vingt.  Les  Bénédictins  de  l'abbaye  de 
Saint-Germain  des  Prés  leur  permirent  d'a- 
voir une  chapelle  chez  elles.  La  première 
messe  y  fut  célébrée  le  25  août  de  la  même 
année  1618,  et  peu  de  temps  après  elles  em- 
brassèrent la  clôture,  ne  parlant  aux  per- 
sonnes du  dehors  qu'à  Iravers  une  grille  à 
la  manière  des  religieuses,  et  ne  sortant 
point  de  leur  maison.  Deux  ans  après,  saint 
Franco  s  de  S  îles,  évéque  de  Genève,  ayant 
pu  lie  dans  leur  chapelle  le  jour  de  sainte 
Madeleine,  donna  à  quelques-unes  de  ces 
Diles  un  ha  il  religieux;  et,  comme  le  nom- 
bre de  ces  GUes  augmentait  considérablement, 
on  les  transféra  dans  une  maison  plus  ample 
proche  le  Le  m  pie.  La  marquise  de  Maigne- 
lay  se  déclara  fondatrice  de  cette  nouvelle 
maison,  et  cette  communauté  ayant  été  so- 
lidement établie,  comme  les  personnes  qu'on 
y  recevait  avaient  plus  besoin  d'è  re  con- 
duites elles-mêmes  que  de  conduire  les  au- 
tres, n'ayant  ni  l'expérience  ni  les  qualilés 
requise  s  ,on  leur  donna,  pour  avoir  soin  d'el- 
les, des  religieuses  de  l'ordre  de  la  Visitation 
de  Notre-Dame.  Il  y  en  eut  quatre  da  pre- 
mier :i  onasfère  de  Paris,  qui  furent  desti- 
nées pour  cela.  Elles  entrèrent  l'an  1629 
dans  celui  de  la  Madeleine,  el  remplirent  les 
premières  charges,  comme  de  prieure,  sous- 
prieure,  portière,  tourière;  et  de  temps  en 
temps  on  les  changeait  pour  les  soulager  du 
grand  travail  qui  se  rencontrait  dans  la 
conduite  de  ces  Repenties,  dont  quelques- 
unes  y  étaient  malgré  elles  et  par  auto- 
rité de.  justice.  La  conduite  de  ces  religieu- 
ses de  la  Visitation  a  été  accompagnée 
de  laul  de  bénédiction,  qu'elles  ont  éta- 
bli un  très-bon  ordre  dans  celte  commu- 
nauté, qui  est  ordinaireme.it  de  cent  ou 
cent  vingt  personnes.  Mais  enfin  elles  se 
Sont  lacées  de  ces  o  à  upalions,  el  elles  ont 


MAD  81  ï 

mieux  aimé  rester  dans  leurs  monastères. 
Les  religieuses  Ursuliues  leur  ont  succédé, 
et  n'ont  pas  fait  moins  de  fruil  pendant  en- 
viron trente  ans  qu'elles  ont  eu  la  direction 
el  la  conduite  de  ce  monastère;  et  enfin  de- 
puis quelques  années  M.  le  cardinal  de  No  ail- 
les, archevêque  de  Paris,  a  mis  à  la  place 
des  Ursulines  des  religieuses  hospitalières 
de  l'ordre  de  la  Miséricorde  de  Jésus.  Les 
constitutions  que  l'on  observe  dans  ce  mo- 
nastère furent  dressées  l'an  1637  et  approu- 
vées par  Jean-François  de  Gondy,  archevê- 
que de  Paris,  le  7  juillet  16i0,  suivant  le 
pouvoir  qu'il  eu  avait  reçu  du  pape  Ur- 
bain VIII,  qui  érigea  cette  maison  en  mo- 
nastère, el  elle  en  a  produit  deux  autres, 
l'une  à  Bordeaux,  l'autre  à  Rouen. 

Conformément  à  ces  constitutions,  l'on  ne 
doit  recevoir  dans  les  maisons  de  cet  institut 
que  des  filles  ou  femmes  qui  ont  mené  une 
vie  déréglée;  el  il  est  défendu  sur  peine 
d'excommunication  d'en  admettre  d'autres. 
Si  néanmoins  quelque  tille  se  trouvait  en 
danger  de  se  perdre,  on  ne  laisse  pas  de  la 
recevoir,  étant  présenté'  par  s  "s  pareuis, 
quoiqu'elle  n'ait  pas  encore  fait  faute,  mais 
elle  ne  peut  demeurer  que  pour  un  temps 
da  s  le  monastère  parmi  les  religieuses  pro- 
fesses. 

Trois  sortes  de  congrégations  se  trouvent 
dans  ces  sortes  de  monasières.  La  première, 
sous  le  titre  de  la  congrégation  de.  la  Made- 
leine, est  destinée  pour  celles  qui  sont  ad- 
mises à  faire  les  vœux  solennels,  après  qu'el- 
les s'en  sont  rendues  dignes  par  leur  bonne 
conduite.  La  seconde  congrégation,  sous  le 
titre  de  Sainte-Marthe,  e4  de  celles  que  l'on 
ne  juge  pas  encore  capabes  d'être  religieu- 
ses, ou  qui,  pour  quelques  considérations, 
comme  de  mariage ,  ne  peuvent  préten- 
dre à  faire  les  vœux  solennels.  Enfin  la  troii 
sième  congrégation,  sous  le  titre  de  Saint- 
Lazare,  est  destinée  pour  celles  qui  ne  sont 
nullement  disposées  au  bien  :  et  lotîtes  ces 
différentes  congrégations  ont  leur  quartier 
sépiré;  nous  a  Ions  voir  maintenant  quels 
sont  leurs  exercices  el  observances. 

La  clôture  esi  étroitement  g  idée,  et  les 
sorties  interdites  aux  professes  de  la  pre- 
mière el  de  la  seconde  :  ongrégation  (  sinon 
au  cas  permis),  sur  peine  d'excommunica- 
tion; mais  aux  autres  du  troisième  rang,  sur 
peine  de  châtiment  exemplaire.  Elles  ne 
parlent  point  seules  aux  personnes  du  de- 
hors, et  jamais  à  personnes  suspectes  ou 
qu'elles  auraient  connues  dans  ta  pratique 
du  mal;  elles  ne  vont  point  aussi  au  parloir 
pendant  i'avenl,  le  carême  et  certains  au- 
tres jours  marqués  dans  les  constitutions. 

Celles  du  premier  rang  se  lèvent  en  tout 
temps  à  cinq  heures,  font  uni!  heure  d'o- 
raison mentale  chaque  jour,  demi-heure  le 
matin  et  autant  après  complies  ;  elles  récitent 
tous  les  jours  le  petit  office  de  la  Vierge,  et 
le  grand  office  de  l'Eglise  à  certains  jours  de 
l'année.  Elles  font  trois  jours  de  retraite  spi- 
ritu  Ile  avant  la  fête  de  la  Madeleine,  autant 
avant  celles  de  Pâques,  de  la  Pentecôte  et  de 
Noél,  et  un  jour  avant  celles  de  l'Assomptiou 


M5 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX 


816 


et  de  In  Purification  de  Notre-Dame,  «Je  saint 
Augustin  et  de  sainte  Marthe.  Outre  les 
jeûnes  commandés  par  l'Eglise,  elles  jeûnent 
encore  l'avent  et  tous  les  vendredis  de  l'an- 
née, exceplé  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Pen- 
tecôte. Elles  font  abstinence  tous  les  mer- 
credis, à  moins  qu'il  n'arrive  un  jeûne  dans 
la  semaine,  hors  le  vendredi  et  le  samedi. 
Tous  les  vendredis  elles  prennent  la  disci- 
pline, et  tous  les  mercredis  pendant  l'avent 
et  le  carême,  et  les  veilles  des  fêtes  de  sainte 
Madeleine  et  de  saint  Augustin,  et  ces  deux 
jours,  aussi  bien  que  celui  du  vendredi  saint, 
elles  n'ont  qu'un  mets  d'herbes  ou  de  légu- 
mes au  dîner;  on  ne  leur  donne  aussi  ces 
jours-là  à  la  collation  que  du  pain,  et  elles 
mangent  à  terre  ces  trois  jours-là.  Après 
avoir  quille  la  congrégation  de  Sainte-Mar- 
the, elles  font  deux  années  de  noviciat  dans 
celle-ci,  après  lesquelles  elles  font  leur  pro- 
fession solennelle  en  prononçant  leurs  vœux 
selon  celle  formule. 

Au  nom  de  la  très-sainte  Trinité,  Père, 
Fils  et  Saint-Esprit,  et  en  l'honneur  de  la 
glorieuse  Vierge  Marie  et  de  sainte  Madeleine, 
moi,  sœur  N.,  devant  toute  la  cour  céleste  et 
à  la  face  de  notre  mère  sainte  Eglise,  épouse 
de  Jésus-Christ,  voue  et  promets  à  Dieu  obéis- 
sance, pauvreté  et  chasteté  entre  vos  mains, 
mon  R  P.  commis  et  député  supérieur  de  cette 
maison,  par  Monseigneur  l'illustrissime  et 
révérendissime  N.;  en  présence  de  vous,  ma 
révérende  Mère  prieure,  selon  la  règle  de  saint 
Augustin  et  les  constitutions  de  celte  maison 
et  monastère  de  Sainte-Marie-Madeleine, 
données  et  approuvées  par  H.  P.  en  Dieu 
M.  Jean  Franc  is  de  Gondij,  premier  arche- 
vrque  de  Paris,  et  de  l'autorité  du  Saint-Père 
le  pape  Urbain  Y 111,  suivant  lesquelles  je 
m'oblige  d'aider,  recevoir  et  retenir  en  cette 
maison,  les  filles  et  femmes  de  la  qualité  et 
condition  pariée  par  lesdites  constitutions,  ce 
i)ue  je  garderai  moyennant  la  grâce  de  i\otre- 
Seigneur  jusqu'à  la  mort. 

Après  qu'elles  ont  prononcé  leurs  voeux  et 
reçu  le  voile  noir,  elles  se  prosternent  par 
terre,  on  les  couvre  d'un  drap  mortuaire; 
l'on  récite  les  prières  des  morts  avec  l'orai- 
son, Absolve,  guœsumus;  laquelle  étant  finie, 
les  sœurs  jettent  de  l'eau  bénite  sur  les  pro- 
fesses; et,  lorsqu'elles  sont  relevées,  on  leur 
met  une  couronne  d'épin;  ssnr  la  tète.  Je  passe 
sous  siience  tous  les  autres  exercices  qui 
leur  sont  communs  avec  les  religieuses  des 
autres  orores,  et  plusieurs  autres  qui  leur 
sont  particuliers  et  de  peu  de  conséquence. 
L'on  remarquera  seulement  que  leur  pau- 
vreté est  très-rigoureuse  il  leur  obéissance 
très-exacte.  Leur  habillement  consiste  en 
une  robe  et  seapulaire  de  couleur  minime  , 
serrée  d'une  corde  blanche,  et  leur  guimpe 
est  pareille  à  celle  des  religieuses  de  la  Visi- 
tation ;  au  chœur  et  dans  les  cérémonies  elles 
ne  se  servent  point  de  manteau  (1). 

Quant  aux  sœurs  de  la  congrégation  de 
Sainte  Marthe  ,  elles  se  lèvent  en  tout  temps 
à  cinq  heures  et   demie.  A  six  heures  elles 


vont  au  lieu  destine  pour  faire  leurs  prières, 
où  elles  demeurent  environ  trois  quarts 
d'heure  ,  tant  pour  faire  les  exercices  du 
malin  que  pour  l'oraison  mentale  ei  réciter 
leurs  prières  accoutumées,  étant  obligées  de 
dite  sur  peine  de  péché  le  petit  office  de  la 
Vierge,  et  celles  qui  ne  savent  lire,  certain 
nombre  de  Pater  et  d'Ave;  et  les  jours  que 
celles  du  premier  rang  disent  le  grand  of- 
fice, outre  l'office  de  la  Vierge,  celles-ci  sont 
obligées  de  réciter  encore  un  tiers  du  rosai- 
re, comme  aussi,  lorsque  les  autres  disent  le 
grand  ollice  des  morts  ,  el  lorsqu'on  ne  dit 
qu'un  Nocturne  ,  elles  ne  disent  que  trois 
dizaines.  Au  sortir  des  prières  elles  vont  re- 
cevoir l'obéissance  Oe  leur  Mère  maîtresse  , 
qui  leur  ordonne  ce  à  quoi  elles  doivent 
s'occuper  tout  le  jour.  Elles  dînent  à  la  même 
heure  que  celles  du  premier  rang,  mais  dans 
un  réfectoire  séparé  ,  demeurant  aussi  dans 
un  quartier  séparé,  comme  nous  avons  dit. 
Elles  font  les  mêmes  abstinences  de  viande, 
mais  elles  ne  jeûnent  que  trois  fois  la  se- 
maine pendant  l'avent,  et  les  autres  trois 
jours  elles  n'ont  qu'un  mets  au  souper  , 
comme  aussi  les  vendredis  depuis  Pâques 
jusqu'à  la  saint  Michel.  Quant  aux  vendredis 
depuis  la  fête  de  saint  Michel  jusqu'à  Pâques, 
elles  jeûnent,  mais  la  supérieure  leur  doit 
accorder  aisément  la  dispense  des  jeûnes  et 
des  abstinences.  A  cinq  heures  un  qua  telles 
quittent  leurs  ouvrages  pour  aller  faire  l'o- 
raison mentale  pendant  une  demi-heure  , 
après  laquelle  elles  vont  au  réfectoire  pour 
souper;  la  recréation  dure  jusqu'au  premier 
coup  de  matines,  que  commence  le  grand  si- 
lence qui  dure  jusqu'au  lendemain.  Pendant 
les  matines  des  sœurs  du  premier  rang  , 
celles-ci  se  tiennent  dans  la  chambre  du  tra- 
vail, où  leur  maîtresse  lit  ou  l'ail  lire  quelque 
bon  livre,  et  elles  travaillent  jusqu'au  Te 
Ueum,  qu'elles  vont  au  chœur  pour  dire  leur 
office  et  taire  leur  examen,  aptes  lequel  elles 
se  retirent  pour  élre  aussitôt  couchées  que 
les  sœurs  du  premier  rang. 

Elles  ne  lont  que  des  vœux  simples,  et  si, 
avant  que  de  les  avoir  fails,  elles  sont  bien 
affermies  dans  la  vertu  el  se  trouvent  re- 
chen  liées  en  mariage  par  quelque  personne 
exempte  de  tout  soupçon,  le  supérieur  el  la 
Mère  prieure  y  peuvent  consentir,  et  même 
fournir  quelque  chose  pour  la  dot,  si  la 
maison  a  reçu  quelque  chose  pour  cet  effet. 
b'il  se  trouve  aussi  quelque  d.ime  qui  en 
veuille  prendre  à  son  service  et  s'en  charger, 
on  la  lui  peutdoiiinr,  poun  u  qu'elle  ail  quitté 
ses  mauvaises  habitudes  au  mal.  Leur  ha- 
billement est  semblable  à  celui  des  religieu- 
ses du  premier  rang,  sinon  qu'elles  n'ont 
point  de  seapulaire,  et  qu'elles  ne  portent 
qu'un  voile  blanc. 

Il  y  a  aussi  des  règlements  pour  celles  de 
la  congrégation  de  Saint-Lazare  ,  destinée 
pour  les  filles  et  femmes  que  l'on  renferme 
malgré  elles  ,  et  où  l'on  met  pour  un  temps 
celles  du  second  rang  qui  ont  fait  des  fautes 
considérables    ou   donné  quelque    mauvais 


(t)  Vey.,  à  la  lin  du  vol.,  n"  202. 


817 


MAD 


MAD 


SI8 


exemple  ,  afin  d'y  faire  la  pénitence  qui  leur 
est  enjointe,  soit  pour  y  être  renfermées 
durant  certain  temps,  soil  pour  y  faire  quel- 
ques autres  mortifications  proportionnées  à 
leurs  faules.  Comme  celles  qui  sont  dans 
cette  congrégation  ne  sont  pas  portées  au 
bien,  aussi  ces  règlements  ne  sont  pas  exac- 
tement observés;  on  leur  fait  faire  néanmoins, 
aulant  qu'il  est  possible,  les  mêmes  exercices 
qu'à  celles  du  second  rang  qui  n'ont  point 
fait  de  vœux  ,  comme  sont  les  femmes  ma- 
riées et  autres,  soit  pour  les  prières,  soit 
pour  les  ouvrages.  Si  elles  ne  sont  point 
soumises,  on  les  renferme  plus  étroitement, 
on  les  prive  de  vin,  on  leur  retranche  leur 
pitance  et  on  leur  ordonne  quelque  antre 
modification;  ce  qui  se  doit  entendre  de  celles 
qui  sont  mises  dans  ce  monastère  contre 
leur  gré;  car,  pour  celles  que  l'on  y  envoiedu 
second  rang, ellesont  pour  règlement  la  forme 
de  la  pénitence  qui  leur  est  imposée;  et,  au 
cas  que  p;ir  obstination  elles  témoignent  d'y 
vouloir  toujours  demeurer  et  de  ne  plus  re- 
tourner à  leur  congrégation,  après  s'être 
servi  de  tous  autres  moyens  ,  on  les  traite 
en  sorte  qu'elles  reconnaissent  leur  aveu- 
glement et  qu'elles  demandent  d'en  sortir. 

Sitôt  que  celles  que  L'on  a  menées  de  de- 
hors contre  leur  gre  témoignent  véritablement 
vouloir  embrasser  le  bien,  on  leur  donne 
pour  un  temps  plus  de  liberté  pour  les  éprou- 
ver et  les  reconnaître,  et,  voyant  qu'elles 
n'en  abusent  pas  et  qu'elles  témoignent  par 
leur  conduite  vouloir  persévérer  dans  le 
bien,  on  les  l'ait  passer  au  second  rang;  mais 
généralement  on  les  tient  toutes  renfermées, 
plus  ou  moins,  selon  les  dispositions  qu'elles 
font  paraître,  et  selon  qu'elles  se  rendent 
plus  ou  miins  dignes  de  quelque  grâce  ,  et 
celles  qui  s'en  rendent  dignes  mangent  au 
petit  réfectoire  avec  les  sœurs  qui  les  gou- 
vernent. Elles  se  lèvent  et  se  couchent  à  pa- 
reille heure  que  celles  du  second  rang,  et 
elles  ont  les  mêmes  prières  et  les  mêmes 
exercices. 

Voyez  les  Constitutions  de  cet  ordre;  la 
Vie  de  M.  Vincent  de  Paul  par  M.  Abelly,  et 
la  relation  de  la  naissance  et  progrès  du  ino- 
naslèrr  des  Madelonnettes  ,  imprimée  à  Paris 
en  ÎGW. 

11  est  surprenant  que  le  P.  Hélyol  n'ait  pas 
donné  dans  son  admirable  ouvrage  un  cha- 
pitre sur  les  religieuses  de  la  Miséricorde  de 
Jésus,  car  ces  hospitalières  ne  lui  étaient  pas 
inconnues,  puisqu'il  les  mentionne  ci-dessus 
comme  ayant  dirigé  pendant  quelque  temps 
la  maison  des  Madelonnettes.  Cet  oubli  ne. 
peut  être  que  l'effet  d'une  erreur  de  rédac- 
tion, ou  une  suite  des  influencés  qu'aua  su- 
bies cette  rédaction  après  la  mort  d'Hélyot. 
Quoi  qu'il  en  soil,  nous  donnerons  dans  le 
Supplément  un  artule  très-étendu  sur  cette 
congrégation  importante. 

Les  hospitalières  de  la  Miséricorde  de  Jésus 
ne  conduisirent  pas  longtemps  la  maison  des 
Madelonnettes  de  Paris. Il  était  d  ffici  e  qu'une 
communauté  composée  comme  l'ttail  celle  de 
la  Madeleine  souffrît  en  paix  l'administration 
d'un  institut  étranger,  et  laissât  quelque  agré- 


ment humain  aux  religieuses  chargées  de  la 
conduire. 

En  l'année  1720,  le  cardinal  de  Noailles, 
archevêque  de  Paris,  devant  changer  les  su- 
périeures qui  gouvernaient  les  111  les  péniten- 
tes de  la  Madeleine,  s'adressa  aux  supérieu- 
res de  plusieurs  maisons  de  Paris,  pour  ob- 
tenir cinq  des  meilleurs  sujets  pour  répondre 
à  ses  vues.  Le  cardinal  reçut  partout  un  re- 
lus ;  et  comme  il  s'en  entretenait  avec  l'abbé 
Vivant,  chancelier  de  Notre-Dame  et  supé- 
rieur de  la  Madeleine,  en  présence  de  l'abbé 
de  Hobieu  el  'le  l'abbé  de  Caumartin,  qui 
était  alors  évêque  nommé  de  Mois,  ces  ecc.  é. 
siasliques  apprirent  au  cardinal  qu'il  y  avait 
dans  l'Rglise  des  religieuses  destinées,  par 
un  quatrième  vœu,  à  travailler  à  l'instruc- 
tion et  à  la  conversion  des  filles  et  femmes 
pénitentes,  et  qu'ils  en  connaissaient  un  à 
Vannes,  en  Bretagne,  qui  faisait  de  grands 
fruits.  Le  cardinal  les  pria  de  lui  procurer 
cinq  ou  six  religieuses  de  celte  communauté 
pour  gouverner  la  maison  de  la  Madeleine, 
qui  avait  été  jusqu'al  rs  conduite  par  des 
reiigieuses  de  différents  ordres.  Les  monas- 
tères de  Vannes,  de  Hennés,  de  Tours,  refu- 
sèrent successivement.  Ce  derniei  indiqua  le 
monastère  de  (itiingamp,  au  diocèse  de  Tré- 
guier.  Le  cardinal,  am:  de  l'évéque  île  Tré- 
guier,  ne  douta  plus  qu'il  obtii  ndr.iit  là  i'ef- 
t'et  de  ses  désirs.  Il  l'obtint;  mais  les  reli- 
gieuses, répugnant  à  cette  obédience,  ne 
l'acceptèrent  qu'à  la  condition  qu'elles  fe- 
raient un  établissement  à  Paris,  établisse- 
ment qui  fut  la  maison  de  Saint-Michel.  d>nt 
nous  parlerons  dans  un  article  prochain. 
Les  religieuses  destinées  à  diriger  les  Made- 
lonnettes arrivèrent  au  nombre  de  cinq  cho- 
ristes et  une  converse,  le  30  avril  1720  au 
soir,  et  furent  aussitôt  installées  à  la  Made- 
leine, où  le  souper  qu'on  leur  servit  leur  fit 
pressentir  tout  ce  qu'elles  auraient  à  souf- 
frir dans  cette  maison.  Leurs  prévisions  ne 
furent  pas  trompées;  mais  elles  y  mirent  du 
zèle  et  y  firent  beaucoup  de  bien.  Un  grand 
avantage  qu'elles  en  retirèrent  fut  leur  éta- 
blissement à  Paris,  où  une  communauté  se 
forma,  rue  des  Postes.  Celles  qui  étaient  à  la 
Madeleine  y  persévérèrent  pendant  quatorze 
années.  Au  bout  de  ce  temps,  victimes  des 
persécutions  et  des  calomnies  dont  elles 
étaient  l'objet,  elles  se  virent  noircies  près  de 
Mgr  de  Vintimille,  archevêque  de  Paris,  qui 
reconnut  bientôt  pourtant  ce  qu'il  y  avait  de 
faux  dans  les  dénonciations  du  grand  vicaire 
supérieur  de  cette  maison  (l'abbé  Robinet)  et 
du  confesseur  des  Pénitentes,  et  surtout  de 
celles-ci.  Mais  les  amies  des  religieuses  de 
Notre-Dame  de  Charité  (car  c'était  cet  ordre, 
fondé  par  le  P.  Eudes,  à  Caeo,  dans  le  xvn° 
siècle,  qui  avait  été  appelé  de  Guinganip) 
firent  connaître  la  chose  au  procureur  géné- 
ral, qui  manda  l'abbé  Robinet  et  lui  reprocha 
l'injustice  des  procédés  dont  on  avait  usé  en- 
vers les  religieuses.  Celles-ci  profitèrent  de 
cette  occasion  pour  di  mander  leur  sortie  de 
celte  maison;  elles  l'obtinrent,  el  elles  allè- 
rent rejoindre  leurs  sœurs  au  monastère  de 
Saint-Michel,  rue  dts  Postes.  Une  de;  causes 


819 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


820 


qui  amenaient  tant  de  désagréments  aux  re- 
ligieuses gouvernant  les  religieuses  Pénitcn- 
tenles  était  la  négligence  qu'avaient  appor- 
tée les  Visitandines  à  garder  une  renie  im- 
portante destinée  aux  religieuses  gardien- 
nes,  et  qu'elles  avaient  laissé  confondre  avec 
le  bien  des  religieuses  Pénitentes. 

Au  bout  de  neuf  ans,  Mgr  de  Vintimille 
manda  chez  lui  deux  religieuses  de  Saint- 
Michel,  les  pria  de  l'aider  à  réparer  un  pé- 
ché morlel  qu'il  avait,  disait-il  eu  souriant, 
commis  il  y  avait  neuf  ans,  en  étant  trop 
crédule  (il  est  bien  à  désir,  r  que  les  supé- 
rieurs ne  le  soient  ni  trop,  ni  trop  tôt)  et  en 
les  laissant  partir  de  la  Madeleine,  où  il  vou- 
lait qu'elles  rentrassent.  11  .jouta  que  depuis 
qu'elles  en  étaient  sorties,  il  avait  donné  aux 
religieuses  Pénitentes  deux  gouvernements; 
que  le  premier  n'avait  pu  durer  que  trois 
ans,  cl  qu'il  y  en  avait  six  que  M.  Chauvelin 
y  était,  et  qu'il  en  était  fort  mécontent.  Lui- 
même  reconduisit ,  en  compagnie  de  plu- 
sieurs ecclésiastiques,  les  dames  de  Saint- 
Michel  aux  Marionnettes,  le  23  juin  1743, 
et  le  cortège  arriva  à  la  rue  des  Fontaines  à 
quatre  heures  après  midi.  Les  filles  de  la  mai- 
son, qui  s'étaient  flattées  que  Mgr  venait 
pour  les  mettre  en  possession  de  leur  propre 
gouvernement,  n'ayant  point  ouï  dire  qu'on 
leur  en  donnerait  d'autre  ,  s'empressèrent 
d'ouvrir  la  porte.  Mais  qu'  Ile  surprise  quand 
elles  \irent  les  daines  de  Saint-Michel  !  Elles 
se  révoltèrent  toutes  et  avec  un  ton  qui  en- 
gagea l'archevêque  à  te  fâcher  et  à  les  me- 
nacer de  les  envoyer  en  des  maisons  de  pé- 
nitence. 11  se  rendit  au  chœur,  où  il  les  fit 
appeler  toutes.  Quelques-unes  des  plus  vio- 
lentes élevèrent  la  voix  et  s'écrièrent  qu'el- 
les protestaient  contre  Alonseigneur.  Le  pré- 
lat, reprenant  son  air  de  douceur,  leur  dit  : 
Mais  que  voulez-vous  que  je  vous  fasse?  Ell<  s 
répondirent  avec  arrogance  qu'elles  ne  vou- 
laient pas  les  Mers  blanches  (les  dames  de. 
Saint-Michel  >ont  vêtues  de  blanc  et  suivent 
la  règle  de  saint  Augustin).  Mais,  leur  dil-i!, 
je  vous  en  ai  donné  de  noires  :  qu'en  avez- 
vous  fait?  Aujourd'hui  je  veux  jouer  au 
blanc  avec  vous.  .Mais,  ajoutèrent-elles,  n  us 
ne  voulons  pas  les  religieuses  de  Saint-Mi- 
chel. Eh  bien!  reprit  le  prélat,  je  vous  don- 
nerai des  sœur.-,  grises.  Ah!  Monseigneur, di- 
rent-elles,  nous  sommes  religieuses.  Oue 
voulez-vous  donc,  dit-il?  Nous  aimerions 
mieux,  reprirenl-eiles,  perdre  quatre  mille 
cinq  cents  livres  de  fente  en  faveur  de  l'Hôlel- 
Diu,  et  nous  gouverner  nous-mêmes.  Le. 
prélat  répondit  qu'il  n'aimait  point  à  perdre, 
mais  à  gagner.  Voyant  leur  révolte  conti- 
nuer, il  partit,  plaignant  les  religieuses  qu'il 
amenait,  et  priant  la  supérieure  de  lui  faire 
avoir  le  lendemain  les  suites  de  cette 
•  >  uruée. 

L'abbé  Renault,  I<  ur  supérieur,  resta,  et 
*a  supérieure  l'obligea  à  faire  l'installation 
prescrite  par  la  règle,  cérémonie  qu'il  vou- 
lait différer  de  deux  ou  trois  jours,  et  le  Te 
Deum  fut  chanté  au  chapitre.  Les  religieuses 
Pénitentes  ne  voulurent  ;  oint  faire  le  f  u  de 
SaLt-Jean,  selon  l'habitude  du  temps,  ni  al- 


ler à  matines.  La  supérieure  obtint  ce  point 
de  la  règle  et  même  l'exécution  de  l'autre  ré- 
création d'usage,  à  laquelle  on  chanta  comme 
à  l'ordinaire. 

On  dit  aux  religieuses  arrivantes  qu'on  no 
les  attendait  pas;  qu'il  n'y  avait  rien  de  prêt 
pour  elles,  pas  même  des  lits.  Celles-ci  ré- 
pondirent qu'elles  allaient  volontiers  coucher 
sur  des  ebai-es.  Mais  tout  se  calma,  el  les 
principales  vinrent  trouver  les  religieuses  et 
leur  dire  que  tout  était  arrangé  et  qu'elles 
n'auraient  pas  d'autre  gouvernement  que 
cilui  des  religieuses  de  Saint  -Mi  hel  ;  qu'el- 
les voyaient  bien  que  c'était  la  volonté  de 
Dieu,  puisqu'elles  s'étaient  épuisées  à  faire 
dire  des  messes  et  à  faire  prier  Dieu  dans 
toutes  les  communautés  de  Paris  pour  qu'el- 
les n'eussent  pas  les  Mères  blanches.  Ces  lits 
se  trouvèrent  tout  neufs.  Les  religieuses  bran- 
ches y  sont  en  effet  restées  jusqu'à  la  disso- 
lution de  la  communauté. 

A  ce  qu'a  dit  le  P.  Hélyol,  oous  ajouterons 
quelques  mots.  Apre-;  les  Visitandines ,  en 
1671  la  direction  de  la  Madeleine  fut  confiée 
à  des  Bénédictines  de  l'abbaye  de  Bi>al,  en 
Normandie,  qui  ne  la  gardèrent  que  cinq 
ans,  et  la  quittèrent  le  31  mars  1C77.  Les 
Ursulines,  qui  gouvernèrent  après  elles,  fu- 
rent celles  de  la  maison  de  Sainte-Avoie 
(pendant  trente  ans), jusqu'au  18  juillet  1707, 
puis  celles  de  Saint-Denis  en  France,  qui 
s'en  allèrent  au  bout  de  trois  ans.  Les  reli- 
gicuse"  de  la  Miséricorde  de  Jésus  dem  nrè- 
rent  dix  ans,  et  s'en  allèrent  le  2  mai  17:20, 
pour  faire  place  aux  religieuses  de  Notre- 
Dame  de  Charité, dont  nous  venons  de  parler. 

L'église  du  couvent  était  sous  l'invocation 
de  la  sainte  Vierge  el  aval!  été  dédiée  le  2 
septembre  1685.  En  1647,  on  avait  construit 
dans  cette  maison  une  chapelle  semblable  à 
celle  de  Notre-Dame  de  Loretle,  et  sous  le 
même  titre.  Ce  monastère  était  dans  la  cen- 
sive  du  prieuré  de  Saint-Mai  tin  des  Champs, 
et  payait,  outre  la  redevance  a'iiueile,  cent 
souo  à  chaque  mutation  de  prieur  de  Saint- 
Martin  des  Champs  ,  que  les  religieuses 
avaient  choisi  pour  leur  homme  vivant  et 
mourant.  La  maison  des  Madelonnettes  sert 
aujourd'hui  de  prison. 

Anm  les  manuscrites  de  la  maison  de  Saint- 
Michel  de  Puris,  communiquées  par  Madame 
la  supérieure  de  ce  monastère.  Tableau...  de 
Paris,  pur  M.  de  Saint-Victor,  tome  11,  in-8*. 

6-D-E. 

MAITRE  (Règle  do). Voy.  Césaire  (S.ust-) 
MALERBA.    Voyez   Jérôme  (  Ermites  de 
Saint-),  §  IL 

MALTE  (Ordre  de). 
§  1.  Oriyine  des    Hospitaliers  de  l'ordre  de 

Saint-Jean  de  Jérusalem,  appelés    dans   la 

suite  chevaliers  de  Rhodes,  it  présentement 

chevaliers  de  Malte. 

L'ordre  des  Hospitaliers  de  Sainl-Jean  de 
Jérusalem  a  été  très-faible  dans  ses  com- 
mencements. Environ  l'an  1048,  des  mar- 
chands de  la  ville  d'Amalfi  au  royaume  de 
Naples  qui  trafiquaient  e  n  Sy;ie  et  Visitaient 
ordinairement  les  saints  lieux  de  Jérusalem, 


m 


.11  AL 


snuhailèn  ni  .]',,voir  une  église  où  l'on  put 
célébrer  l'office  divin  selon  le  rile  rie  1  Eglise 
romaine  ,  parce  que  les  églises  des  autres 
chrétiens  y  étaient  desservies  tant  par  les 
Grecs  que  p  r  les  différentes  sectes  qui  sont 
encore  dans  le  Levant.  Ils  acquirent  parleur 
adresse  et  leurs  présents  la  faveur  de  Bo- 
niensor  de  Mouslesaph  ,  qui  était  |iour  lors 
calife  d'Egvple.qui  leur  permit  de  bâtir  une 
église  dans  la  v  die  de  Jérusalem,  au  quartier 
des  chrétiens,  devant  le  temple  de  la  Résur- 
rection. Ils  la  dédièrent  en  l'honneur  de  la 
sainte  Vierge,  et  y  fondèrent  un  monastère 
de  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Benoit,  qui 
eurent  soin  de  recevoir  les  pèlerins.  Cette 
église  fut  appelée  Sainte-Marie  de  la  Latine, 
pour  la  distinguer  de;  autres  églises  où  l'on 
ne  suivait  uas  le  rite  latin. 

Comme  le  nombre  des    pèlerins  augmenta 
dans  la  suite,  et  que  le  i  lus  souvent  ils  n'ar- 
rivaient à  Jémisalem  qu'accablés  de  misères 
et  de  maladies,  tant  pour    es  mauvais  trai- 
tements  qu'ils  avaient    ieçus   d.  s   infidèles 
que  par   les    fatigues    d'un   long  et    pénible 
voyage,  on  bâtit  encore  près  de  l'église    de 
Sainte-Marie  de  h   Latine  un    hôpital    pour 
y  recevoir  les  hommes  ,  tant  sains  que  ma- 
lades ,  sous  la  direction  d'un  mailre  ou  rec- 
teur   qui   «'evail    être   à   la    nomination   de 
l'abbé  de  Sainte-Marie,    et   on  y  fonda   une 
chapelle  en  l'honneur  de  saint  Jean-Baptiste. 
Un  certain  Cérard,  surnommé  Tom,  natif  de 
l'ile  de  Martigues  en  Provence,    fut    le  pre- 
mier  qui   en  eut  la  direction;   et,  quelques 
années  après ,    Godefroi  de  Bouillon,  ayant 
pris    a  ville  de  Jérusalem  e  15  juillet  1099  , 
tut  si  édifié  de  la  charité  que  l'on  exerçait 
dans  i'bôj.i  al  de  Sainte-Marie  de  la  Latine, 
qu'il  lui  donna  qu  Iques  domaines  qu'il  avait 
en  Franee.  D'autres  personnes    ayant  imité 
ce  prince  dans  ses  libéralités,  et  les   reve- 
nus de  l'hôpital  augmentant,  Gérard,  qui  en 
avait  l'administration,  jugea  à  propos,  con- 
jointement avec  les  frères  hospitaliers,  de  se 
séparer  de  l'abbé  et  des  religieux  du  monas- 
tère de  Sainte-Marie  de  la  Latine,  et  de  faire 
une  congrégation  à   p;>rt  sous  la  protection 
et  en    l'honneur  de   saint  Jean-Baptiste  :  ce 
qui  fut  cause  qu'on  le*  appela  depuis  Hospi- 
taliers ou  Frères  de  l'hôpital  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem.    Gérard  obtint  du  pape  Pascal  II 
la  confirmation  des  donations  qui  avaient  été 
faites  à  cet  hôpital,  par  une  bulle  de  l'an 
1113,  par  laquelle  ce  pontife  mit  aussi  sous 
la  protection  du  saint-siége  le  même  hôpital, 
et  ordonna  qu'après  la  mort  de  Gérard  les 
recteurs  seraient  élus  par   les  frères  hospi- 

Gérard  décéda  l'an  1118.  Son  corps  fut 
transporté  dans  la  suite  en  Provence,  et  mis 
dans  la  chapelle  du  bourg  de  Mouosque,  qui 
est  une  commandeiie  de  l'ordre.  Il  y  a  des 
auteurs  qui  ont  dit  qu'il  eut  pour  successeur 
un  nommé  Boyanl  Roger,  à  cause  qu'il  en 
est  fait  mention  dans  une  donation  de  1  au 
1120  que  fit  à  cet  ordre  Otton,  comte  de 
lAbruzze.oùil  déclare  avoir  fait  ce  Roger 
gouverneur  de  l'hôpital  de  Sa. ni- Jean  de 
Jérusalem.   Mais   le    commandeur  Maruli, 


mal  m 

dans  les  Vies  des  grands  maîtres  de  cet  or- 
dre, prétend  que  l'on  ne  doit  pas  conclure  de 
là  que  ce  Roger  ail  été  recteur  ou  préfet  de 
l'hôpital,  qui  sont 'les  litr.  s  qui  appartien- 
nent à  un  supérieur  plutôt  que  celui  d  •  gou- 
verneur ,  et  qu'il  se  peut  faire  qu'il  ail  été 
établi  gouverneur  de  l'hôpital  en  l'absence 
de  Raymond  du  Puy.  qui  succéda  à  Gérard  , 
d'autant  plus  qu'il  n'y  a  aucun  titre  dans  la 
chancellerie  de  l'ordre  où  il  soit  parlé  de  ce 
frère  Roger  en  qualité  de  supérieur  ou  de 
mailre. 

Ce  fut  donc  Raymond  du  Pu  v,  natif  de  Dau- 
phi  é,  qui   succéda  à  Gérard   et  qui   prit   le 
premier  la  qualité  de  maître.  Ju-que-la  les 
Hospitaliers  n'avaient  eu   aucune  règl  >  par 
écrit  ;  Gérard  s'était  contenté  d'inspirer  a  ses 
frères   des  senti. nenls  d'iium. lit  -  et    e  cha- 
rité; mais  Ravmnnd  du  Puy  leur  donna  une 
règle  par  laqïi  lie  il  les  obligea  de  faire  les 
trois  vieux,   solennels,  de  pauvreté,  de  chas- 
teté et  d'obéissance.   Il   leur  défendit  d'aller 
seuls  par  les   villes   et  bourgades,  mais  ils 
devaient  é:re  deux  ou    Irois  ensemble.  Les 
prêtres  et  les  laïques  ,   allant    chercher   les 
aum5u.es  pour  les  pauvres,  devaient  deman- 
der l'hospitalité,   se   contenter  de  ce   qu'on 
leur    donnai  et    ne  rien    acheter.  S'ils  ne 
trouvaient  personne  qui  les  reçut  par  cha- 
rité, ils  pouvaient  pour  lors  acheter  quelque 
chose  po  ir  vivre,  mais  ils  devaient  se  con- 
tenter d'un  seul  mets.  Si  quelque  Irère  avait 
commis  le  péché  de  la  chair,  si  la  faute  avait 
été  cachée,  il  devait  recevoir  la  pénitence  en 
secret:  mais  si  la  faute  avait  été  publique  , 
le  dimanche  après  la  messe,  lorsque  le  peu- 
ple  était  sorti  de  l'église,  l'on  dépouillait  e 
coupable  en  présence  de  tous  les   Ir  res,   le 
mailre  le  fouettait  rudement  avec  des  verges 
ou  avec  des  courroies,  et  on   le  chassait  de 
l'oidre.   Ils   ne   devaient    point  manger  de 
viande  les  mercredis  et  les  samedis  ,   et  de- 
puis la  Sepluagésime  jusqu'à  Pâques.  Si  un 
des  frères,  étant   en    danger  de    mort,   était 
trouve  propriétaire  et  avoir  de  l'argent,  s  il 
revenait  en  santé  on  lui  attachait  son  argent 
au  cou.  il  devait  être  fouetté  rudement  par 
un  des  frères,  faire  pénitence  pendant  qua- 
rante jours,  et  jeûner  au  pain  et  à  l'eau  les 
mercredis  et  les  vendredis.  Si  un  frère  avait 
eu  différend  avec  un  autre,  et  que  les  plaintes 
en  eussent  été  portées  au  procureur  de  la 
maison  ,  le  coupable  devait  jeûner  pendant 
<ept  jours,  et  manger  à  terre  au  pain   et  a 
l'eau,  sans  nappe  ni  serviette,  le  mercredi  et 
le  vendredi.  S'il  avait  frappé,  il  devait  taire 
la  même  pénitence  pendant  quarante  jours. 
S'il  était  sorti  sans  permission  du  mailre,  il 
devait  manger  à  terre  pendant  quarante  jours. 
Le  mercredi  et  le  vendredi  il  jeùnaïf  au  pain 
et  à  l'eau,  et  devait  être  dans  un  lieu  séparé 
autant  de    temps  qu'il  avait  été   dehors  ,  a 
moins  que  le  chapitre  ne  diminuai  le  temps 
de   sa  pénitence.  Après  la  mort  de  quelque 
frère  les  autres,;!  la  première  messe  que  1  on 
disait  pourledéfunt, devaient  offrir  un  cierge 
avec  un  écu,  qui  était  distribué  aux  pauvres 
avec  les    babils  du  défunt.   Chaque   prêtre 
devait  dire  une  messe,  les  clercs  le  Psautier, 


fcS 


DICTIONNAIRE  DES  OI'.DRES  RELIGIEUX. 


m 


et  les  laïques  150  Paler.  Voilà  ce  que  con- 
tient en  substance  la  rèiile  que  Raymond  du 
Puy  prescrivit,  par  laquelle  il  ordonna  en- 
core que  tous  les  frères  porteraient  des 
croix  sur  leurs  habits  et  sur  leurs  manteaux. 

Celte  règlo  fut  premièrement  approuvée 
par  le  pape  Calixte  II,  l'an  1120,  et,  si  on  en 
veut  croire  quelques  historiens,  elle  l'avait 
déjà  été  par  son  prédécesseur,  Gélase  II,  l'an 
1118;  elle  fut  confirmée  par  Honorius  II, 
Innocent  II,  Eugène  III,  Lucius  III,  Clé- 
ment III,  Innocent  III,  Boniface  VIII  et  plu- 
sieurs antres  souveraine  pontifes.  Comme 
Raymond  du  Puy  avait  mis  dans  telle  règle 
différentes  choses  iirées  de  celle  de  saint  Au- 
gustin, c'est  ce  qui  fait  que  l'on  a  toujours 
mis  l'ordre  des  Hospitaliers  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem  au  nombre  de  ceux  qui  sui- 
vent la  règle  de  saint  Augustin. 

Ce  premier  grand  maître,  voyant  que  les 
revenus  de  l'hôpital  de  Jérusalem  surpas- 
saient de  beaucoup  ce  qui  était  nécessaire 
pour  l'entretien  des  pauvres  pèlerins  et  des 
malades,  crut  qu  il  ne  pouvait  pas  mieux 
faire  que  d'employer  ce  sur-plus  à  la  guerre 
que  l'on  faisait  en  terre  sainle  contre  les  in- 
fidèles. Il  s'offrit  avec  ses  Hospitaliers  au 
roi  de  Jérusalem  pour  combattre  contre  ces 
infidèles.  Il  n'y  avait  eu  parmi  ces  Hospita- 
liers que  dis  clercs  et  des  laïques  ;  mais  il 
les  sépara  en  trois  classes  :  la  première  fut 
des  nobles,  qu'il  destina  à  la  profession  des 
armes  pour  la  défense  de  la  foi  et  pour  la 
protection  des  pèlerins  ;  la  seconde  fut  des 
prêtres  ou  chapelains  pour  faire  le  service 
divin  dans  l'église  conveutui  Ile,  et  la  troi- 
sième des  frères  servants  qui  n'étaient  pas 
nobles,  et  qui  furent  aussi  destinés  à  la  pro- 
fessiondes  armes.  L'on  introduisit  après  dans 
cet  ordre  la  manière  de  recevoir  les  cheva- 
liers avec  les  cérémonies  qui  s'observent 
encore  à  présent,  et  que  nous  décrirons  dans 
le  paragraphe  suivant.  Cela  fut  approuvé 
l'an  1130  par  le  pape  Innocent  II,  qui  or- 
donna que  ces  chevalier  auraient  pour  éten- 
dard à  la  guêtre  une  croix  blanche  pleine 
en  champ  de  gueules,  qui  sont  présentement 
les  armes  de  cet  ordre.  Quoiqu'il  eût  été 
ainsi  érigé  en  ordre  inililaiie  et  de  chevale- 
rie, les  Hospitaliers  néanmoins  retinrent 
toujours  leur  nom,  et  on  ne  leur  donna  ce- 
lui de  Chevaliers  que  lorsqu'ils  eurent  con- 
quis l'île  de  Rhodes  :  pour  lors  on  les  appela 
les  Chevaliers  de  Rhodes,  et  enfin  Cheva- 
liers de  Malle,  après  que  cette  dernière  Ile 
leur  eu'  été  donnée  par  l'empereùrCharles  V. 
Cependant  leur  véritable  nom  est  celui  de 
Chevaliers  de  l'ordre  de  Saint- Jean  de  Jéru- 
salem, et  leur  grand  maître  dans  ses  litres 
prend  celui  de  mailre  de  l'hôpital  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem  et  gardien  des  pauvres  de 
Noire-Seigneur  Jésus-Christ. 

La  première  preuve  de  valeur  que  ces 
Hospitaliers  donnèrent  fut  lorsque  le  calife 
d'Egypte  vintaltaquer.l'an  11 18, Baudouin II, 
roi  de  Jérusalem.  1  s  allèrent  à  son  secours 
ayant  à  leur  lêle  leur  grand  oiailre  Raymond 
du  Puy,  qui  le  garantit  aussi  des  embûches 


(1)  Guillel.Tyr.,  Eut.  Belli  saai,  lib.  xvui,  cap.  3  ei  seq. 


que  lui  avait  dressées  Gassi,  prince  turc, 
dont  les  troupes  furent  taillées  en  pièces. 
Le  même  Baudouin,  par  le  moyen  des  Hos- 
pitaliers, mit  aussi  en  fuite,  l'an  1122,  Dol- 
dell.win,  roi  de  Damas.  Les  sièges  de  Tyr  et 
d'Assa  iurent  longtemps  soutenus  par  leur 
valeur;  et,  ayant  encore  été  appelés  par 
Baudouin,  qui  était  en  guerre  aveu  le  roi  do 
Damas,  ils  attaquèrent  ce  dernier  à  Magisfar, 
le  défirent  et  remportèrent  une  illustre  vic- 
toire l'an  1126. 

Le  granit  maître  reçut,  l'an  1133,  de  Foul- 
ques d'Anjou,  la  ville  de  Bersabée  pour  ré- 
compense de  ses  services  à  la  défense  de 
cette  même  place,  et  les  revenus  eu  devaient 
être  appliques  au  profit  de  l'ordre.  Alphon- 
se Ier,  roi  d'Aragon,  étant  mort  sans  enfants, 
laissa  ses  Etats  aux  Hospitaliers,  aux  Tem- 
pliers et  aux  Chevaliers  du  Saint-Sépulcre; 
c'est  ce  qui  obligea  Raymond  du  Puy  de  faire 
un  voyage  en  Espagne  muni  de  procuration 
de  ses  religieux  et  de  ceux  des  Templiers  et 
du  Saint-Sépulcre  ;  mais  à  son  arrivée  il 
trouva  que  le  comte  de  Barcelone  s'était 
emparé  d'une  partie  des  Etats  d'Alphonse, 
et  le  roi  de  Castille  de  l'autre  ;  c'est  pour- 
quoi, ne  se  voyant  pas  en  étal  de  soutenir 
une  guerre  contre  ces  princes,  il  fil  un  ac- 
cord avec,  le  comte  de  Barcelone  le  16  sep- 
tembre 1H0,  par  lequel  il  céda  à  ce  prince 
toutes  les  prétentions  que  son  ordre  pouvait 
avoir  dans  la  succession  d'Alphonse,  à  con- 
dition que  si  le  comte  de  Barcelone  mourait 
sans  enfants,  ses  Etats  appartiendraient  à 
l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  ,  et  que 
cet  ordre  aurait  à  Saragosse,  à  Huesca,  à 
Barliasle,  à  Daroga,  à  Cdlatayul,  et  dans 
toutes  les  places  que  l'on  pourrait  conqué- 
rir sur  les  Manies,  deux  vassaux  exempt-,  de 
la  juridiction  royale,  qui  seraient  seulement 
obligés  d'aller  à  la  guerre  contre  les  Mau- 
res, avec  le  prieur  de  l'ordre,  qui  y  ferait 
pour  lors  sa  résidence.  Les  Chevaliers  du 
Temple  et  du  Saint-Sépulcre  firent  un  pareil 
accord  du  consentement  île  Foulques  d'An- 
jou, ce  qui  lut  dans  la  suite  confirmé  par  le 
pape  Adrien  IV.  Raymond  du  Puy  retourna 
ensuite  à  Jérusalem,  où  il  aida  Baudouin  111 
à  recouvrer  la  Vallée  de  Moïse,  à  délivrer 
les  chrétiens  de  Mésopotamie  du  joug  de3 
infidèles,  et  à  faire  le  siège  d'Ascalon.  En 
considération  de  ces  services,  le  roi  donna  à 
l'ordre  plusieurs  terres  et  possessions.  Le 
pape  Anaslase  lVr,  imitant  ses  prédécesseurs, 
lui  accorda  aussi  beaucoup  de  privilèges  par 
une  bulle  du  21  octobre  115V. 

Le  patriarche  de  Jérusalem  et  les  autres 
évoques  de  la  Palestine  ne  purent  souffrir 
que  cet  ordre  fût  soustrait  de  leur  juridic- 
tion ;  qu'en  un  temps  d'interdit,  les  Hospita- 
liers lissent  célébrer  publiquement  l'office 
divin  el  sonner  leurs  cloches,  el  qu'il  fussent 
exempts  de  payer  les  dîmes.  Ces  prélat» 
s'opposaient  en  toutes  choses  aux  Hospita- 
liers ,  et  ces  différendsallèrent  si  avant,  qu'on 
eut  recours  aux  armes  cl  qu'on  en  vînt  aux 
voies  de  fait.  Guillaume  de  Tyr  (1)  dit  même 
avoir  vu  plusieurs  paquets  de  flèches  qu'on 


B-25  MAL 

avait  amassées  de  celles  que  les  Hospilaliei  s 
avaient  tirées  sur  les  prélats,  et  que  l'on 
avait  attachées  devant  le  lieu  où  Jésus-Christ 
avait  été  cruciGé  :  c'est  ce  qui  fait  que  cet 
historien,  prenant  le  parti  d.  s  évêques,  dé- 
clame fort  contre  les  Hospitaliers.  Le  pape 
Anastase étant  mon  l'an  lloo,  et  Adrien  IV 
lui  ayant  succédé,  le  patriarche  de  Jérusa- 
lem, accompagné  de  quelques  évèques,  vint 
trouver  ce  pontife  pour  lui  faire  des  plain- 
tes des  Hospitaliers  et  le  prier  de  révoquer 
les  privilèges  qui  leur  avaientété  accordés  ; 
mais  ils  ne  purent  rien  obtenir,  et  s'en  re- 
tournèrent en  Orient  fort  méconienls  de  la 
cour  de  Rome.  C 'pendant  les  Hospitaliers 
ne  perdaient  aucune  occasion  de  combattre 
contre  les  infidèles.  Le  sultan  Nuradin  ayant 
assiégé  la  grotte  de  Seutie,  cette  plaie  se 
défendit  vigoureusement,  jusqu'à  ce  que  les 
chrétiens  ayant  assemblé  leurs  troupes,  dont 
le  grand  maître  Haymond  commandait  i'a- 
vant-garde,  ils  obligèrent  les  infidèles  de  le- 
ver le  siège,  ce  qui  arriva  l'an  1137.  Ce  fut  la 
dernière  expédition  où  se  trouva  ce  premier 
grand  maître  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  qui  mourut  l'an  1160 ,  après 
avoir  gouverné  cet  ordre  pendant  V2  ans. 

Nous  ne  rapporterons  point  toutes  les  ac- 
tions de  ces  braves  Hospitaliers,  sous  cha- 
que grand  maître,  dans  les  différentes  guer- 
res où  ils  se  sont  trouvés  eu  s' unissant  aux. 
autres  puissances  chrétiennes,  tantôt  à  la 
France,  tantôt  à  l'Espagne  et  à  la  républi- 
que de  Venise,  puisqu'elles  sonti  n  trop  grand 
nombre,  et  que  cela  nous  conduirait  trop 
Ion;  mm.  nous  contenterons  déparier  de 
ce  qui  r  garde  plus  particulièrement  cet  or- 
dre. Après  que  les  chrétiens  eurent  perdu  la 
ville  de  Jé>  usalem,  qui  lut  prise  l'an  U87 
par  Saladin,  calife  d'Egypte,  qui  quelques 
jours  auparavant  s'était  aussi  emparé  de 
Ptolémaïde  ou  Acre,  belle  et  florissante  ville, 
Kmeugard  Darps,  dixième  grand  maître  des 
Hospitaliers,  transfera  son  couvent  et  l'hôpi- 
tal dans  la  forteresse  de  Margat  en  Phénicie, 
qui  leur  appartenait,  et  qu'ils  perdirent  l'an 
1285.  Ils  y  demeurèrent  quatre  ans,  jus- 
qu'à ce  que  la  ville  de  Ptolémaïde  étant  re- 
tournée en  la  puissance  des  chrétiens  l'an 
1293,  après  un  siège  de  trois  ans,  le  grand 
maître  y  transféra  de  nouveau  son  couvent 
et  l'hôpital. 

Comme  cette  ville  était  presque  la  seule 
qui  restait  aux  chrétiens  dans  la  Palestine, 
elle  devint  commune  à  foutes  les  nations 
différentes  qui  avaient  eu  part  dans  les  croi- 
sades, et  qui  y  avaient  chacune  leur  quar- 
tier, oùelies  étaient  indépendantes  les  unes 
des  autres.  Ainsi  elle  était  habitée  par  le  roi 
de  Jérusalem  et  de  Chypre,  le  roi  de  Naples 
et  de  Sicile,  et  le  roi  d'Arménie,  le  prince 
d'Anlioche,  le  comte  de  Jaffa,  le  patriarche 
de  Jéi  usalem,  les  Chevaliers  du  Saint-Sépul- 
cre, le  légat  du  pape,  le  comte  de  Tripoli,  le 
prince  de  Galilée,  les  Templiers,  les  Hospi- 
taliers, les  Chevaliers  Teutoniques  et  de 
Saiiu-Lazare,  les  Vénitiens,  les  Génois,  les 
Pisans,  les  Florentins,  le  prince  de  Tarente 
et  le  duc  d'Athènes.  11  était   impossible  que 


MAL 


8*26 


tant  de  souverains  dans  une  même  ville, 
indépendants  les  uns  desautres,  pussents'ac- 
corder:  aussi  formaient-ils  autant  de  partis 
différents,  qui  la  plupart  du  temps  étaient 
armés  les  uns  contre  les  autres.  Mais  ce 
qui  augmenta  la  division  furent  les  préten- 
tions que  Charles  d'Anjou,  roi  de  Naples  et 
de  Sicile,  et  Hugues  111,  roi  de  Chypre, 
avaient  sur  le  royaume  de  Jérusalem.  Cha- 
cun des  princes  qui  demeuraient  à  Ptolé- 
maïde ayant  pris  parli  pour  l'un  des  pré- 
tendants, le  soudan  d'Egypte  Elsis,  surnommé 
Melec-Messor,  voulut  profiter  de  ces  divi- 
sions, et,  jugeant  bien  que  celle  qui  était 
aussi  en  Europe  entre  les  princes  chréiens 
les  empêcherait  de  passer  en  Orient,  il  ré- 
solut de  chasser  les  chrétiens  de  la  Syrie.  11 
mit  sur  pied  une  armée  de  soixanle  mille 
chevaux,  et  de  cent  soixante  mille  hommes 
d'infanterie;  mais,  sortant  d'Egypte,  il  fut 
empoisonné  par  un  de  ses  émirs  :  ce  qui 
n'empêcha  pas  l'exécution  de  son  entreprise; 
car  ses  troupes  ayant  proclamé  après  sa 
mort  pour  soudan  son  fils  Eli,  sous  le  nom 
de  Meiec-Séraph,  ce  prince  voulut  poursui- 
vre le  dessein  de  son  père,  qui  l'avait  con- 
juré en  mourant  de  ne  le  point  faire  enter- 
rer avant  que  d'avoir  pris  Ptolémaïde  et  en 
avoir  chassé  fous  les  chrétiens.  11  assiégea 
cette  ville  le  o  avril  de  l'an  1291,  et  la  bat- 
lit  si  vigoureusement,  qu'elle  fut  emportée 
d'assaut  le  18  mai. 

Après  la  perle  de  celle  ville,  les  Hospita- 
liers, avec  leur  grand  maître,  qui  était  pour 
lors  Jean  de  Villiers,  se  retirèrent  dans  l'île 
de  Chypre,  où  le  roi  Henri  de  Lusignan  leur 
donna  pour  retraite  la  ville  de  Limisson, 
dans  laquelle  ils  demeurèrent  environ  dix- 
huit  ans,  jusqu'à  ce  qu'ils  se  fussent  rendus 
maîtres  de  l'île  de  i'«ho;ies.  Foulques  de  Vil- 
laret,  ayant  élé  élu  grand  maître  en  1308, 
prit  la  résolution  de  transférer  la  demeura 
des  Hospitaliers  hors  du  royaume  de  Chypre, 
à  cause  que  le  roi  avait  quelque  ombrage 
d'eux  ;  et,  afin  d'être  plus  à  portée  de  com- 
battre contre  les  infidèles,  il  jeta  les  yeux 
sur  l'île  de  Rhodes,  pour  lors  occupée  par 
les  Sarrasins,  qui  y  avaient  élé  appelés  par 
la  noblesse  du  pays,  qui  s'était  révoltée  con- 
tre Andronique,  empereur  d'Orient  ,  son 
souverain ,  à  qui  celte  ville  appartenait. 
Foulques  de  Villaret  alla  trouver  ce  prince 
à  Couslantinople,  qui  lui  accorda  l'investi- 
ture de  l'île  de  Rhodes  pour  lui  et  pour  son 
ordre,  en  cas  qu'il  pût  s'en  rendre  maître.  II 
passa  ensuite  en  France,  où  il  obtint  du  pape 
Clément  Y,  qui  était  à  Avignon,  la  confirma- 
lion  de  la  donation  de  celte  île.  Il  lui  donna 
même  les  moyens  et  les  forces  pour  l'aider  à 
exécuter  celte  enlreprise,  et  lui  accorda  pour 
toujours  le  droit  de  nomination  à  l'archevê- 
ché de  Rhodes. 

Ce  grand  maître  exécuta  si  heureuse- 
ment son  dessein  ,  qu'il  se  rendit  maître 
de  cette  île  le  13  d'août  1309.  11  y  en 
a  qui  prétendent  qu'il  joignit  le  stratagè- 
me à  la  bravoure,  et  que  quelques  Cheva- 
liers, en  marchant  sur  les  pieds  et  les  mains 
couverts  de  peaux  de  moulons  au   milieu 


827 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


d'un  troupeau,  étaient  outrés  dans  la  ville 
de  Rhodes  à  la  faveur  d'un  brouillard,  s'é- 
taicni  saisis  d'une  porte,  dont  ils  avaient  tué 
les  gardes  ,  et  avaient  donné  lieu  par  ce 
moyen  à  l'armée  chrétienne  d'y  entrer.  Quoi 
qu'il  en  soit,  ces  Hospitaliers  prirent  ie  nom 
de  Chevaliers  de  Rhodes  après  la  prise  de 
celle  île,  qui  les  rendit  maîtres  quelque  temps 
après  de  sepi  autres  îles  voisines. 

Les  Turcs,  indignés  de  cette  perte  et  vou- 
lant s'en  venger,  vinrent  l'année  suivante 
pour  reprendre  Celte  île  ;  et,  comme  les  brè- 
ches de  la  vile  n'étaient  pas  encore  lépa- 
rées,  ces  infidèles,  profilant  de  celle  occa- 
sion, l'assiégèrent  avec  une  puissante  armée 
l'an  1310.  Mais  Amédée  V,  comte  de  Sa- 
voie, surnommé  le  Grand,  vint  au  secours 
des  Chevaliers  avec  une  autre  armée,  et 
obligea  les  Turcs  de  lever  le  siège  el  de  faire 
une  retraite  honteuse.  Plusieurs  écrivains 
ont  avancé  qu'en  mémoire  de  celte  victoire  , 
le  comte  de  Savoie  prit  pour  sa  devise  ces 
quatre  letiies  F.  E.  U.  T.,  auxquelles  ils 
ont  donné  celle  explication,  Fortitudo  ejus 
liltodum  lenuil,  et  que  dans  ses  armes  il 
changea  l'aigle  de  Savoie  en  la  croix  de  la 
religion  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  qui  est 
d'argent  en  champ  de  gueules  Mais  celte 
histoire  n'i  st  qu'une  laide  ;  car  Louis  de 
Savoie,  baron  de  V;iU\,  qui  mourut  l'an  1301, 
portait  celle  devise  dans  sa  monnaie  ;  et 
l'on  voit  encore  aujourd'hui  en  l'église  ca- 
lliédrale  d'Aousle,  sur  la  sépulture  de  Tho- 
mas de  Sa1. oie,  IL  du  nom,  comte  de  Mau- 
rienne  et  de  Piémont ,  père  d'Amédée  le 
Grand,  un  chien  aux  pieds  de  ce  prince,  qui 
a  un  collier  où  est  ce  mot  FERT,  en  carac- 
tères golh  ques,  sans  ponctuation  ni  sépara- 
tion. Pour  la  croix,  les  prédécesseurs  d'A- 
niédée  le  Grand  l'ont  portée  aussi  au  lira  de 
l'aigle,  ou  en  qualité  ue  coojtes  de  Pi.  mont, 
dont  les  armes  sont  une  croix  ;  ou  à  l'imi- 
tation d'Amédée  111,  comte  de  Savoie,  qui  se 
croisa  l'an  1147,  et  qui  garda  la  croix  au 
retour  de  la  Paies  ine  pour  marque  de  son 
expédition  d'oulre-mer.  Amédée  le  Grand 
la  portait  lui-même  dès  l'an  1304,  ainsi  qu'il 
paraît  dans  un  traite  que  fil  ce  prince  avec 
Etienne  de  Coligny,  seigneur  d'Andelol,  dont 
le  P.  Bouhours  de  la  compagnie  de  Jésus  , 
dans  son  Iîisloire  du  Grand  Maître  d'Aubus- 
Bon,  dit  avoir  sa  l'original  scellé  du  sceau 
des  armes  de  ce  prince. 

Ce  l'ut  aussi  s  us  le  gouvernement  du  mê- 
me grand  m  titre  de  Viliarel  que  se  fit  l'union 
de  l'ordre  de  Sainl-SanasoB  de  Conslan'ico- 
ple  et  de  Corinlhe,  et  de  tous  les  biens  qui 
lui  appartenaient ,  à  celui  de  Saint-Jeau  de 
Jérusalem,  ce  qui  se  fil  du  consentement  du 
grand  maître  et  des  frères  de  l'ordre  de  Saiut- 
Samson  ,  qui  étaient  aussi  Hospitaliers,  et 
nraienl  des  maisons  à  Constant*  uople  et  à 
Cormthe.  L'or  ne  sait  point  le  temps  de  l'in- 
slitulion  de  ces  Hospitaliers,  il  y  a  néanmoins 
de  l'apparence  que  ce  lut  sous  le  pontificat 


slaluts  de  ce!  institut,  qui  avaient  été  dressés 
par  I>  noîl,  cardinal  de  Sain!e-Suzanne,  lé- 
gat à  Constanlinople  ;  et  l'an  1211  ce  pape 
confirma  la  donation  qui  leur  avait  été  faite 
par  l'empereur  Henri  du  château  de  Garelle, 
et  la  possession  de  tous  les  autres  biens  qui 
leur  appartenaient.  L'union  de  ces  Hospita- 
liers avec  ceux  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  fut 
aussi  confirmée  par  une  bulle  de  Clément  V 
du  8  août  1303,  et,  quatre  ans  après,  le 
même  pape  unit  encore  à  l'ordre  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem  celui  des  Templiers,  qui 
fut  aboli  dans  le  concile  général  de  Vienne  , 
dont  l'ouverture  se  fit  l'an  131 1. 

Ces  avantages  enflèrent  le  cœur  du  grand. 
maître  de  Villaret,  qui,  ayant  voulu  gouver- 
ner l'ordre  d'une  manière  despotique,  se  ren- 
dit odieux  aux  Chevaliers,  qui  voulurent  se 
saisir  de  sa  personne  ;  mais  il  se  relira  dans 
le  château  de  Lindo,  où  ils  l'assiégèrent,  lis 
tinrent  ensuite  un  chapitre  ,  ils  y  citèrent  le 
grand  mai  Ire  pour  y  venir  rendre  compte  de 
sa  conduite;  mais  il  ne  voulut  pas  s'y  trou- 
ver, et  il  en  appela  au  pape  :  c'  st  pourquoi 
on  le  déposa  ,  et  on  élut  à  sa  place  Maurice 
de  Pagniic.  Le  pape  envoya  à  Rhodes  des 
commissaires  pour  informer  de  ce  différend, 
et  fit  venir  à  Rome  les  deux  grands  maîtres, 
après  avoir  nommé  pour  vicaire  général  de 
l'ordre  Gérard  de  Pins,  chevalier  d'une  gran- 
de expérience. 

Les  infidèles  voulurent  profiler  de  ces 
brouilleries  ,  el  armèrent  l'a  a  1321  quai  rc- 
vingls  vaisseaux  de  guerre  pour  assiéger 
Rhodes;  mais  le  vicaire  général  ne  jugea  pas 
à  propos  d'attendre  l'ennemi.  !1  fil  armer  en 
diligence  quatre  galères  et  quelques  vais- 
seaux, qu'il  envoya  avec  six  galères  génoises 
qui  se  trouvaient  dans  le  port  de  Rho  les  au- 
devant  de  l'armée  ennemie.  Les  Chevaliers, 
nonobstant  leur  petit  nombre  ,  a  laquèrent 
les  infidèles-ci  remportèrent  la  victoire, ayant 
coulé  à  fond  presque  tous  leurs  vaisseaux. 
Sur  ces  entrefaites,  Maurice  de  Pagnac  étant 
mort,  Foulques  de  Villaret  fut  rétabli  d  ns 
sa  dignité  par  le  pape  Clément  V,  et  deux 
ans  après  il  s'en  démit  entre  les  mains  de 
Je:m  XXII ,  qui  avait  succédé  à  Clément. 

L'île  de  Rhodes  ayant  été  de  nouveau  me- 
nacée par  les  infidèles  ,  le  grand  maître  An- 
toine Flavian  fit  lortiiier  toutes  les  places,  et 
les  enneuiis,  en  ayant  été  avertis,  abandon- 
nèrent leur  dessein  ;  mais  l'an  Wi'i,  sous  le 
grai.d  maître  Jan  de  L  slie  ,  le  soud.-n  d'E- 
gypte assiégea  Rhodes  avec  une  armée  do 
dix-huit  mille  hommes,  et,  après  plusieurs 
assauts  qui  furi  ni  donnés  par  les  imi  èles  et 
généreusement  soutenus  par  les  Chevaliers 
pendant  cinq  années  de  suite,  ils  furent  con- 
traints de  lever  le  siège. 

Mahomet  11,  empereur  des  Turcs,  crut 
que  la  fortune  lui  serait  plus  favorab  il 
mit  le  siège  devant  Rhodes  l'an  14-80  avec 
une  armée  de  cent  mille  combattants  el  cent 
soixante  voiles.  La  ville  fui  battue  par  seize 


d'Innocent  111,  qui,  l'an  1208  (1),  les  mit  sous      canons  d'une  grosseur  extraordinaire,  qui  li 
la  protection  du  saint-siège  el  approuva  les     rèrenl  des  boulets  proportionnés  a  ceLc  gros 

(l)EpiH.  Innocent,  lib.  xi,  ep.   1-23;  el  lib.  xiu,  ep.  17. 


829 


MAL 


MAL 


850 


seur,  dont  trois  mille  cinq  cents  portèrent 
contre  les  murailles,  sans  compter  un  nom- 
bre infini  de  pièces  de  batteries  plus  petites. 
|  Il  y  eu!  en  plusieurs  assauts  9000  Turcs 
situés  et  15,000  blesses:  et  enfin,  par  la  valeur 
du  grand  maître  d'Auhusson  et  de  ses  Che- 
valiers, le^  Turcs  turent  aussi  obliges  de  se 
retirer. 

Après  I)  mort  de  Mahomet  II,  ses  deux  en- 
fants Bajazclet  Zizime,  ne  se  pouvant accor- 
der  sur  ie  partage  de  l'empire  ottoman,  se 
firent  la  guene  l'un  à  l'autre.  Zizime.  comme 
le  plus  faible,  cèd  nt  à  la  force,  se  mit  sous 
I  ;  protection  du  grand  maître  de  Rhodes  cl 
1%  son  ordre,  et  arriva  à  Rhodes  le  24  juil- 
let 1182,  où  il  fut  reçu  comme  roi,  ce  qui 
obligea  Bajazet  de  f sire  la  paix  avec  l'ordre, 
et  de  se  rendre  comme  son  tributaire  ,  en  lui 
payant  tous  les  ans  Irenlc-cinq  mille  ducats 
pour  la  nourriture  et  l'entretien  de  son  frère, 
et  dix  mille  ducats  en  particulier  au  grand 
maître  pour  le  dédommager  en  quelque  fa- 
çon  des  dépenses  excessives  que  la  dernière 
guerre  l'avait  obligé  de  faire. 

Z  zime  s'imagina  que  son  frère  ne  faisait 
la  paix  que  pour  avoir  une  occasion  favora- 
ble de  le  perdre;  que  quand  le  commerce  se- 
rait libre  entre  les  Rhoiiens  et  les  Turcs  ,  il 
y  aurait  tous  les  jours  à  craindre  pour  sa  per- 
sonne, et  que  les  Grecs  renégats,  accoutumés 
aux  trahisons  et  aux  meurtres,  ne  ménage- 
raient rien  pour  servir  utilement  Bajazet. 
Dans  ces  pensées  il  demanda  au  grand  maître 
d'aller  trouver  le  roi  de  France,  comme  ce- 
lui qu'il  connaissait  le  plus  capa  ;  le  de  !e  pro- 
téger contre  la  tyrannie  de  sou  frère.  Sa  de- 
mande lui  fut  accordée;  il  partit  de  Rhodes 
le  1er  septembre,  ac.ompagné  de  plusieurs 
Chevaliers  qui  furent  nommés  par  le  grand 
m  ;itie  pour  lui  servir  d'escorte  ;  mais,  étant 
arrivé  en  France,  il  fut  reçu  assez  fr<  id  - 
ment  du  roi  Charles  VIII,  ou  parce  que  les 
Français  ne  voulaient  point  se  brouiller  avec 
la  Porte,  ou  parce  qu'ils  craignaient  qu'une 
réception  honorable  ne  fût  une  espèce  d'en- 
gagement pour  l'entretien  de  ce  prince.  Ainsi 
il  demeura  fort  peu  de  temps  à  la  cour,  et  les 
Chevaliers  le  conduisirent  dan<  la  comman- 
derie  de  Bonrgneuf,  sur  les  confins  du  Poitou 
et  de  la  Marche,  où  les  grands  prieurs  d'Au- 
vergne faisaient  leur  demeure. 

Malhias,  roi  de  Hongrie;  Ferdinand,  roi 
de  Castrfle  et  d'Aragon,  qui  l'était  aussi  de 
Siciie  ;  et  Ferdinand,  roi  de  Naples,  firent 
tous  trois  dans  la  suite  d'instantes  prières  au 
grand  maître  pour  avoir  Zizime  en  leur  dis- 
position. Il  ne  leur  accorda  pas  ce  qu'ils  de- 
mandaient, mais  il  leur  promît  que  ,  tandis 
qu'il  aurait  le  sultan  entre  ses  mains  ,  il  em- 
pêcherait le  Grand-Seigneur  de  rien  entre- 
prendre sur  leurs  Etats.  Bajazet  compta  ce 
refus  comme  un  service  signalé,  et  se  sentit 
si  obligé  au  grand  maître,  que  par  recon- 
naissance il  lui  envoya,  l'an  Ti8i,  la  main 
droite  de  saint  Jean-Baptiste,  qu'il  lit  mettre 
dans  une  petite  cassette  de  bois  de  cyprès, 
revêtue  au  d  dans  d'u.i  beau  veiours  cra- 
moisi, et  enrichie  au  dehors,  d'une  infinité  de 
pierreries.  Il  1  envoya  par  .'un  de  ses  favoris 


avec  une  lettre  dont  l'inscription  était  en  ces 
termes  :  Bajazet,  roi  de  l'Asie,  empereur  des 
empereurs,  au  très-sage  et  très-illuslre  grand 
maître  de  Rhodes,  l'i  rrt  d'Âubusson,  prince 
très-généreux  et  père  d'un  très-glorieux  em- 
pire. 

Après  la  mort  de  Sixte  IV,  le  cardinal  Cybo, 
Génois,  originaire  de  Rhodes  où  même  son 
père  était  né,  fut  élevé  au  souverain  ponti- 
ficat sous  le  nom  d'Innocent  VIII.  Ce  pape 
aceorda  plusieurs  grâces  et  privilèges  aux 
Chevaliers  de  Rhodes,  et  entre  autres  il  re- 
nonça au  droit  que  ses  prédécesseurs  avaient 
de  pourvoir  à  plusieurs  bénéfices  de  la  re'.i- 
g  on  de  Rhodes.  Il  y  renonça  par  une  bulle 
censisloriale  ,  signée  de  tous  les  cardinaux 
assemblés,  ôtant  au  saint-siége  le  pouvoir  de 
conférer  jamais  aucune  commanderie  .  de 
l'ordre,  quand  même  le  bénéfice  viendrait  à 
va  nier  en  cour  de  Rome,  et  déclarant  par  la 
même  bulle  que  la  disposition  de  toutes  les 
commanderies  appartenait  entièrement  au 
grand  maître, sans  qu'elle-  pussent  être  com- 
ptes sous  les  bénéfices  que  les  papes  s'é- 
taient réservés  ou  pourraient  se  réserver 
dans  la  suie,  et  il  honora  le  grand  maître 
d'Aubusson  du  chapeau  de  cardinal,  avec  la 
qualité  de  légat  du  saint-siége  en  Asie,  en 
considération  des  services  signalés  que  les 
Chevaliers  de  Rhodesavaient  rendus  à  l'Eglise, 
et  de  ce  quel  grand  maître  lui  avait  accordé 
le  prince  Zizi  ne. 

11  y  avait  longtemps  que  ce  pontife  l'en 
sollicitait.  Ferdinand,  roi  de  Naples,  lui  avait 
idé  de  nouveau  ce  prince,  et  même  le 
Soudan  d'Egypte  le  demandait  aussi.  Mais  le 
grand  maître  se  crut  ■  bligé  de  l'accorder  plu- 
toc  au  pape,  auquel  il  devait  obéir  comme  au 
chef  de  son  ordre,  d'autant  plus  que  ce  pon- 
tife  avait  commence  à  parier  en  maître.  Il 
envoya  donc  à  Borne  le  bailli  de  la  Morée  et 
le  vice- chancelier  de  l'ordre,  avec  un  ample, 
pouvoir  pour  t  rminer  celle  affaire.  Les  am- 
bassadeurs étant  arrivés,  et  ayant  eu  au- 
dience du  pape,  ils  consentirent  a  la  transla- 
tion de  Zizime.  pourvu  que  ie  roi  de  France 
ne  s'y  opposai  point,  et  que  les  Chevalier»  de 
Rhodes  demeurassent  toujours  aupiès  du 
suilan.  Charles  VIII.  qui  a. ail  besoin  du 
pape  pour  la  conquête  du  royaume  de  Na- 
ples, donna  les  mains  à  tout  ce  que  vou  ut 
Si  Sainteté,  el  ie  pape  accorda  sans  peine 
aux  ambassadeurs  ce  qu'ils  demandaient. 
Le  commandeur  de  Blancbeforl,  auq.iel  le 
grand  maître  avait  confié  la  personne  de  Zi- 
zime, et  qui  en  son  absence  avait  été  élu  m  - 
récriai  de  l'ordre  et  grand  prieur  d'Aqui- 
taine, Dt  partir  ce  prince  de  la  commanderie 
de  Bourgneuf  suivant  les  lettres  du  grand 
maître,  et  Zizime  arriva  à  Rome  au  mois  do 
mars  1V89,  où  il  fut  reçu  avec  tous  les  hon- 
neurs dus  à  une  personne  de  son  rang. 

Dès  l'an  l';8o.  Innocent  V1I1  avait  suppri- 
mé les  ordres  militaires  du  Saint  Sépulce 
el  de  Saint-Lazare  de  Jérusalem  .  el  il  ava  t 
uni  les  biens  qui  en  dépendaient  à  l'ordre  d 
Saint-Jean  de  Jérusalem,  ce  qui  fut  con" 
d  an-  la  suite  par  le  pape  Jules  11,  l'an 
m  .is  celte  suppression  et  celte  union 


831  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  852 

rent  point  de  lieu  en  France,  comme  nous  son  fut  déclaré  chef  et  général,  en  plein  eon- 

avons   remarqué  ailleurs.  Innocent  mourut  sistoire,  par  le  pipe  Alexandre  VI.  Mais  les 

l'an  1492,  et  eut  pour  successeur  Rodrigue  fausses  démarches  que  firent  quelques  cupi- 

Borgia,   qui  prit   le   nom  d'Alexandre  VI.  Il  laines  des  troupes  liguées  tirent  bientôt  éva- 

avat  été  protecteur  de  l'ordre  <!e  Saint-Jean  nouir  les  espérances  des  grands  avantages 

de  Jérusalem  é'ant  cardinal.  Après  son  élec-  que   l'on    s'était    proposés   de   celte    ligue, 

lion  au  souverain  pontificat,    il  (émoi   na  ,  Louis  XII,  roi  de  France,  et  Ferdinand,  roi 

par  un  bref  qu'il  envoya  an  grand  maître,  deCastille,  qui  avaient  fait  alliance  entre  eux 

avoir  toujours  de  bons  sentiments   pour  les  contre  Frédéric,  roi  de  Naples,  qu'ils  avaient 

Chevaliers  de  Rhodes  ;  mais  les  effets  ne  ré-  dépouillé  de  ses  Flats,  et  qui  les  avaient  par- 

pundirent  pas  aux  paroles.  Alexandre  com-  la^és  entre  eux,  ne  voulurriit  plus  avoir  de 

mença  presque  SUD  ponificat  par  se  rendre  concurrent  :   chacun    voulut    posséder   tout 

maître   de  la    personne    du    prince   Zizime,  entier  le  royaume  de  Naples  ,  et  ces  [.rinces 

contr"  le  traité  qui  avait  éé  fait  enlre  Inno-  se  firent  une   guerre  sanglante  qui  remplit 

cent  VIII  et  les  Chevaliers.  Il  fit  enfermer  le  l'Italie  de  confusion   et  d'horreur.  Le  pape, 

sultan  dans  le  château  Saint-Ange,  et  ôtant  au  lieu  de  travailler  à  l'accommodement  de 

d'auprès  de  lui  les  Chevaliers  qui  y  avaient  ces  princes  ,  favorisait  ouvertement  le  parli 

toujours  été  ,  il  le  confia  à  ses  neveux,  dont  d'Espagne,  et  ne  songeait  qu'à  l'agrandisse- 

l'un  était  Chevalier  de  Rhodes,  sous  prétexte  ment  de  César  de  Rorgia,  duc  de  Valenlinois, 

qu'une  vie  aussi   précieuse  que  celle  de  ce  son   fils,   qu'il   aimait  passionnément.  C'est 

prince  serait  moins  exposée  aux  embûches  pourquoi   les   Vénitiens,  qui    ne   recevaient 

de  ses  ennemis  dans  une  place  forte.  Zizime  point  les  secours  qui  leur  avaient  été  promis 

demeura  ainsi  enfermé  jusqu'à  ce  que  Char-  de  France  et  d'Espagne  ,  firent  la   paix  avec 

les  VIII,  qui  avait  entrepris  la  conquête  du  les   Turcs  sans  consulter  les   Chevaliers  de 

royaume   de   Naples  ,  et  qui    voulait   porter  Rhodes,  et   Ladislas  ,  roi  de  Hongrie,  suivit 

aussi  ses  armes  jusque  dans  le  Levant,  de-  bientôt  leur  exemple.  Le  grand  maître  d'Au- 

manda  en  passant  à  Rome  le  sultan  Zizime,  busson  fut  pénétré  de  douleur  en  apprenant 

que  le  pape  lui  accorda  ;  mais  ce  ne  fut  pas  ces  nouvelles;  et,  pour  comble  d'affliction,  il 

sans  soupçon  n'avoir  livré  à  Charles  Vlll  ce  apprit  en  même  temps  que  le  pape  conférait 

prince  ottoman  empoisonné,  car.  peu  de  jours  les  commanderies  de  l'ordre  à  des  personnes 

après,  ce  prince  se  sentit  frappé  d'un  mal  séculières,  et  qu'il  avait  promis  le  prieuré  de 

inconnu,  qui  l'emporta  en  fort  peu  de  temps.  Castille  à  don  Henri  de  Tolède ,  sans  avoir 

C'est  ainsi  que  ce  prince  malheureux  finit  sa  égard  ni  au  privilège  accordé   par  Innocent 

vie,  l'an  i'r'Jo.  VIII,   ni  à  la  qualité  de  généralissime  de  la 

Rajazel  et  ses  sujets  n'avaient  osé  rien  en-  ligue,   qu'il   lui  avait  lui-même  donnée.  La 

(reprendre  contre  les  chrétiens  du  vivant  de  rupture  de  la  ligue  et  le  procédé  du  pape  je- 

Zizîme;  mais  après  sa  mort  plusieurs  infl-  lurent  le  grand  inaitre  dans  une  mélancolie 

dèles  qui  habitaient  les  côtes  de  la  Lycie  les  qui  l'abattit  peu  à  peu,  et  qui  lui  causa  enfin 

plus  voisines   de  Rhodes   pillèrent  quelques  une  maladie  dont  il  mourut  au  mois  de  juin 

îles    qui    appartenaient   aux    Chevaliers    de  1503,  étant  âgé  de  plus  de  quatre-vingts  ans; 

Rhodes.  Ils  tirent  même  des  courses  dans  la  il    y    en   avait    vingt-sept   qu'il    gouvernait 

Cane  et  allèrent  braver  les  Chevaliers  jus-  l'ordre. 

qu'aux  portes  du  château  Saint-Pierre.  Le  Aiméric  d'Amboise,  grand  prieur  de  Fran- 
grand  maître  d'Aubusson  fit  armer  contre  ce,  frère  du  grand  cardinal  Georges  d'Ain- 
ces  pirates.  On  en  prit  quelques-uns  qui  fu-  boise,  archevêque  de  Rouen  et  minisire  d'E- 
rent  punis  du  dernier  supplice  ;  mais  les  dés-  tat  sous  Louis  XII,  roi  de  France  ;  de  Jean 
ordres  ne  laissant  pas  de  continuer,  il  eu  lit  d'Amboise,  évêque  de  Limoges  ;  de  Louis 
ses  plaintes  à  la  Porie,  <  t  il  en  reçu!  salis-  d'Amboise,  évèque  d'Albi  ;  de  l'ierre  d'Aui- 
fac  ion  de  Rajazet  ,  qui  ne  voulait  pas  pour  boise,  évèque  de  Poitiers  ,  et  de  Jacques 
lors  se  brouiller  ouvertement  avec  les  Chc-  d'Amboise,  évèque  de  Clermont  et  abbé  do 
Valiers.  Quelque  temps  après,  sur  les  nou-  Cluny  ,  succéda  au  grand  maître  d'Aubus- 
\elles  que  l'on  eut  à  Rhodes  que  ce  prince  sou.  H  signala  sou  gouvernement  par  la  ba- 
levait  une  puissante  armée,  le  grand  maître  taille  qu'il  gagna  contre  le  Soudan  d'Kgypte 
se  tint  sur  ses  gardes  et  arma  de  son  côté.  Il  p  oche  du  port  de  Laiazzo  dans  la  Carama- 
demaud  ;  du  secours  à  plusieurs  princes,  nie,  sur  les  confins  de  la  Syrie,  vers  Monte- 
Louis  XII,  roi  de  France,  lui  emoya  vingt-  Négro.  Les  Egyptiens,  dont  l'armée  était 
deux  gros  navires,  et  l'on  ne  douta  point  que  composée,  furent  presque  tous  défaits,  et  le 
l'armée  navale  ottomane  n'allai  attaquer  neveu  du  Soudan  y  fut  tué.  Le  grand  maître 
Rhodes  ,  lorsque,  ayant  passé  le  détroit  de  ordonna  que  tous  les  ans,  lu  veille  de  la  na- 
Gallipoli,  elle  prit  sa  route  de  ce  côté-là  ;  tivité  de  saint  Jean-Baptiste,  en  mémoire  de 
mais  ce  n'était  qu'une  feinte  de  la  |  art  des  cette  bataille,  on  préparerait  une  collation 
infidèles,  qui  en  voulaient  aux  Vénitiens,  et  au  grand  maître  et  aux  baillis  sous  la  lente 
dans  le  temps  que  leur  armée  navale  passa  qui  couvrait  la  poupe  du  navire  où  avait 
le  détroit,  le  Grand-Seigneur  entra  avec  une  combattu  le  neveu  du  Soudan.  11  mourut  le 
puissante  armée  dans  la  Romanie,  et  une  13  novembre  1312,  et  eut  pour  successeur 
partie  de  sa  cavalerie  alla  ravager  la  Dalina-  Guy  de  Blanchelbrt ,  grand  prieur  d'Aqui- 
lie.  C'est  ce  qui  donna  lieu  à  la  ligue  que  fi-  taine,  neveu  du  grand  maître  d'Aubusson.  11 
rent  les  princes  chrétiens  contre  les  Turcs  fut  élu  quoique  absent,  étant  pour  lors  ea 
l'au  1501,  et  dont  le  grand  maître  d'Aubus-     France,  et  mourut  uu  an  après,  le  13  novem- 


813 


MAL 


MAL 


831 


brci513,en  allant  à  Hhodes  pour  prendre 
possession  de  sa  .lignite.  Il  arriva  dans  cet 
intervalle  une  ciiose  assez  remarquable  :  les 
chefs  des  langues  se  plaignirent  au  conseil 
de  ce  que  le  défunt  grand  m;u(re  d'Amboise 
avait  fait  mettre  trois  fleurs  de  lis  de  mai  lue 
sur  la  porte  qu'il  avait  fait  bâtir  au  boule- 
vard proche  son  palais,  ce  qui  semblait  don- 
ner à  la  couronne  de  France  quelque  supé- 
riorité sur  la  religion,  et  ils  demandèrent 
qu'elles  fussent  ôlées.  Les  Français  souie- 
naicnl  qu'elles  y  devaient  demeurer.  Enfin, 
après  plusieurs  contestations  ,  les  (leurs  de 
lis  furent  portées  par  ordre  du  conseil  sur 
la  muraille  du  quartier  des  Français,  et  il 
fut  permis  aux  autres  langues  d'en  faire  au- 
tant des  armes  de  leur  prince. 

Fabrice  de  Caretto,  chef  de  la  langue  d'I- 
talie et  amiral  de  l'ordre  ,  succéda  à  Guy  de 
Blanchelort.  Il  reçut  l'an  1513  une  ambas- 
sade du  sophi  de  Perse,  avec  lequel  il  lit  li- 
gue contre  Sélim  I",  empereur  des  Turcs. 
L'année  suiva  t<'  il  conclut  la  paiv  avec  le 
Soudan  d'Egypte,  et  filles  préparatifs  nécessai- 
res pour  résister  au  dessein  du  Grand-Sei- 
gneur, qui  semblait  vouloir  assiéger  Rhodes. 
Il  demanda  du  secours  aux  princes  chrétiens. 
Le  pape  Léon  X  lui  envoya  trois  galères 
bien  armées,  et  François  I",  toi  de  France, 
dix-sepl  vai-seaux.  Selim  étant  mort, Gazelle, 
gouverneur  de  Syrie,  se  révolta  contre  Soli- 
man II,  qui  avait  succédé  à  Selim.  11  assem- 
bla une  armée  et  demanda  de  l'artillerie  au 
grand  mailre,  qui  lui  en  envoya;  mais  l'ar- 
mée de  Gazelle  fut  défaite,  cl  il  mouruldans 
le  combat. 

Le  grand  maître  de  Careito  mourut  aussi, 
le  10  j.niv  ier  1521,  et  on  élut  à  sa  place  Phi- 
lippe de  Villiers  de  l'Ile-Adam,  de  la  langue 
de  France,  pour  lors  grand  hospitalier  et 
ambassadeur  de  la  religion  auprès  du  roi  de 
France.  Un  des  premiers  soins  de  ce  grand 
mailre  fut  d'ajouter  encore  de  nouvelles  for- 
tifications à  Rhodes  pour  soulenir  le  siège 
dont  celle  ville  était  menacée.  Elle  le  fut  en 
effel  quelque  temps  après;  mais  les  Cheva- 
liers ne  furent  pas  si  heureux  dans  ce  siège 
qu'ils  l'avaient  été  dans  les  précédents.  Soli- 
man n'ignorait  pas  que  le  grand  maître  île 
Caretto  avait  envoyé  de  l'artillerie  à  Gazelle, 
lorsqu'il  se  révolla  contre  lui,  cl,  ne  poui  ant 
soulïrirqu'après  avoir  subjugue  la  Syrie,  nue 
petite  place  tenue  par  une  poignée  de  gens 
lui  résistât  au  milieu  de  ses  Etats,  ii  résolut 
de  la  forcer.  11  l'attaqua  l'an  1522  avec  une 
armée  composée  de  trois  cent  mille  combat- 
tants ,  deux  cent  quatre-vingts  voiles  et  une 
prodigieuse  artillerie. Peut-être  que  les  Turcs 
auraient  encore  été  contraints  de  lever  le 
siège,  pour  peu  que  les  Chevaliers  eussent 
été  secourus,  et  s'ils  n'avaient  point  été  tra- 
his par  André  d'Amaral ,  Portugais ,  prieur 
de  Castille  et  chancelier  de  l'ordre  ,  qui,  ne 
se  pouvant  consoler  de  n'avoir  pas  été  grand 
icailre  à  la  dernière  élection,  jeta  dans  le 
camp  de  Soliman  une  lettre  attachée  à  une 
flèche,  par  laquelle  il  l'avertissait  qu'il  ne 
pouvait  prendre  la  ville  que  par  un  certain 
endroit  faible  qu'il  lui  indiquait;  à  quoi  il  lui 


serait  aisé  de  réussir  en  comblant  les  fossés 
de  ce  côté  là  avec  la  terre  d'une  montagne 
qui  en  était  proche.  La  trahison  d'Amaral 
lut  découverte,  et  il  eut  la  léte  tranchée  le 
30  octobre;  mais  les  Turcs,  sur  divers  ans 
qu'ils  avaient  reçus  de  lui,  pressèrent  telle- 
ment la  place,  qu'elle  ne  fut  plus  en  elal  de 
se  défendre.  Le  grand  maître  de  Villiers  de 
l'Ile-Adam  ia  rendit  à  Soliman  le  21 .  ccem- 
bre,  après  que  l'ordre  eut  possédé  cette  ville 
pendant  213  année-,  depuis  l'an  1309  jusqu'à 
la  fin  de  ce  siège,  où  les  Turcs  perdirent  cent 
mille  hommes. 

Après  celle  perte,  le  grand  mailre,  avec 
cinquante  bâtiments  qui  portaient  les  Cheva- 
liers et  plusieurs  habitants,  partit  de  Hhodes 
le  1  'janvier  1523,  et  alla  du  côté  de  Candie, 
où  il  prit  terre;  et,  ayant  donné  avis  de  son 
arrivée  au  général  de  l'armée  des  Véni- 
tiens, il  fut  invité  d'aller  à  Castro,  où  il  fut 
reçu  avec  beaucoup  d'honneur.  Il  passa  de 
là  à  .Messine,  d'où  il  alla  à  Rome  trouver  le 
pape  Adrien  VI,  qui  lui  fit  une  réception  ma- 
gnifique, et  ce  pontife  étant  mort  peu  de 
jours  après,  on  donna  au  grand  maître  et  à 
ses  Chevaliers  ia  garde  du  conclave.  11  prit 
cependant  c,  nseil  des  ambassadeurs  des  pi  in 
ces  el  de  ses  Chevaliers  sur  Je  lieu  où  l'ordre 
pourrait  établir  sa  résidence.  Comme  il  ne 
voulait  point  de  place  en  terre  ferme,  l'île  de 
Malle,  à  cause  de  ses  beaux  ports  et  de  sa  si- 
tuation sur  les  côles  d'Afrique,  lui  parut  à 
sa  bienséance.  11  envoya  vers  l'empereur 
Charles  V  le  prieur  de  Castille,  le  bailli  de 
Sainte-Euphémie  et  le  commandeur  Bosio, 
pour  lui  en  faire  la  demande  el  lui  représen- 
ter qu'il  acquerrait  par  ce  mojen  l'honneur 
d'avoir  préservé  l'ordre  de  sa  perte  et  de  sa 
ruine  entière,  d'en  être  le  principal  protec- 
teur, el  de  l'avoir  comme  fondé  de  nouveau. 
Ils  étaient  aussi  chargés  de  lui  demander  Sa- 
ragouse  en  Sicile  pour  y  demeurer  pendant 
les  trois  ou  quatre  ans  que  l'on  bâtirait  à 
.Mal le  des  logements  et  les  fortifications  né- 
cessaires. 

Pendant  que  les  députés  du  grand  mailre 
négociaient  celle  affaire,  le  cardinal  Jules  de 
Médicis ,  Chevalier  de  Rhodes  et  grand 
prieur  de  Capoue,  fui  élu  pape  sous  le  nom 
de  Clément  VU.  Il  accorda  aux  Chevaliers 
de  Rhodes  la  ville  de  Viterbe  pour  leur  de- 
meure, et  le  grand  mailre  el  son  couvent  y 
allèrent  faire  leur  résidence.  Les  Chevaliers 
qui  avaient  été  envoyés  vers  l'empereur  rap- 
portèrent que  ce  prince  voulait  bien  accor- 
der l'île  de  Malle  à  l'ordre  ,  mais  à  certaines 
conditions  qui  parurent  trop  onéreuses  :  c'est 
pourquoi  le  grand  mailre  voulut  temporiser 
jusqu'en  l'an  1530,  qu'il  accepta  avec  ses 
Chevaliers  la  donation  que  l'empereur  leur 
fil  de  celte  île,  du  Goze  et  de  Tripoli,  pour 
ies  posséder  en  toute  propriété  el  souverai- 
neté, et  le  tenir  en  tief,  à  la  charge  d'un  fau- 
con payable  tous  les  ans,  le  jour  de  !  i  Tons- 
saint,  au  vice-roi  de  Naples,  e.  que  l'évéché 
de  Malle  serait  à  la  nominal. on  de  Sa  Ma- 
jesté Impériale  et  de  ses  successeurs  au 
royaume  de  Naples.  Le  grand  maître  de  l'Ile» 
Adaui  et  ses  Chevaliers  arrivèrent  à  Malte 


833 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


830 


pour  dernière  retraite  le  26  octobre  1330, 
où  les  Chevaliers  de  Rhodes  ont  toujours 
rc-ié  jusqu'à  présent,  ayant  élé  appelés  de- 
puis ce  teKij>s-là  Chevaliers  de  Malte. 

Cependant,  l'an  154-7,  sous  le,  gouverne- 
ment du  grand  maître  Jean  de  Homèdes,  l'on 
proposa  dans  un  chapitre  d'établir  la  rési- 
dence de  l'ordre  à  Tripoli,  à  cause  que  l'on 
serait  plus  à  portée  de  s'étendre  en  Barbarie, 
suivant  les  intentions  du  grand  maître  du 
nie-Adam  :  .Malte  étant  d'ailleurs  un  lieu 
malsain,  spécialement  en  été,  et  fort  stérile, 
au  lieu  que  Tripoli  était  dans  un  lieu  agréa- 
ble et  fertile.  Mais  l'on  y  trouva  tant  de  dif- 
ficultés, que  l'on  abandonna  ce  dessein,  et 
l'ordre  ne  posséda  celle  place  que  jusqu'en 
l'an  1550,  que,  sous  le  gouvernement  du 
même  grand  maître  de  Homèdes,  Soliman  H 
s'en  rendit  encore  maître,  y  ayant  envové 
une  armée  commandée  par  Sinain  bâcha. 

Ce  prince,  ne  se  croyant  pas  assez  dédom- 
magé, par  la  prise  de  celle  p  ace  el  de  l'île  de 
Riiodes,  des  perles  que  les  galères  el  les 
vaisseaux  de  l'ordre  causaient  tous  les  jours 
à  ses  sujets  en  leur  enlevant  plusieurs  bâti- 
ments, el  ayant  pris  même  loul  récemment 
un  gros  galion  qui  appartenait  au  capigi  ou 
chef  du  sérail,  sur  lequel  les  sultanes  avaient 
des  cffels  dont  elles  faisaient  de  grosses 
plaintes,  il  résolut  d  assiéger  Malte,  espérant 
qu'il  serait  plus  heureux  dans  celle  ex;  édi- 
tion qu'il  ne  l'avait  été  douze  ou  treize  ans 
auparavant,  lorsqu'il  avait  voulu  tenter  la 
même  chose,  y  ay.  nt  envoyé  une  armée  sous 
la  conduite  de  Sinam  bâcha,  qui  fut  obligée 
de  se  r<  tirer.  Ce  fut  donc  l'an  1565,  vers  le 
milieu  du  mois  de  mai,  que  loule  l'armée 
ottomane  se  trouva  au  Navarin  composée  de 
cent  cinquante-huit  galères,  onze  grands  na- 
vires, el  douze  autres  bâtiments,  avec  plus 
de  cent  mille  combattants.  La  ville  de  Malte 
fut  puissamment  attaquée  pendant  quatre 
mois,  et  encore  plus  vaillamment  défendue 
par  le  grand  maître  Jean  de  la  Valette  Pari- 
sol  et  par  ses  Chevaliers.  Les  infidèles  y  per- 
dirent pli. s  de  vingt  mille  hommes,  et  après 
avoir  lire  inutilement  plus  de  soixanle-dix- 
huit  mille  coups  de  canons,  ils  furent  enfin 
contraints  de  se  retirer. 

Le  pape  Pië  IV  écrivit  au  grand  maître  un 
bref  pour  le  féli<  iler  sur  la  délivrance  de 
Malle,  el  lui  offrit  môme  un  chapeau  de  Car- 
din I,  qu'il  relusa.  L'empereur  Charles  V 
lui  envoya  une  épée  et  un  poignard  à  gardes 
d'or  émailiées  et  enrichies  de  pierreries. 
Tous  les  ans,  en  action  de  grâces  de  celle  \  ic- 
toire,  on  l'ail  à  Maile  une  procession  solen- 
nelle le  jour  de  la  nativité  de  la  sainte  Vierge, 
qui  lut  le  jour  de  la  levée  du  siège.  Le  grand 
maître  s'y  trouve  à  la  lele  de  tous  les  Che- 
valiers, ayant  à  sa  droite  un  Chevalier  qui 
porte  l'étendard  de  la  religion,  et  à  sa  gau- 
che un  page  qui  porte  celle  épée  nue.  Lors- 
qu'on commence  l'évangile,  le  grand  maître 
la  prend  des  niaïus  du  p  ige  el  la  lient  toute 
droite  pendant  le  temps  de  l'évangile.  C'est 
la  seule  occasion  ou  l'on  lient  l'épée  nue  à 


(1)  Instructions  sur  les  devoirs  des  Chevalieis  de  Malle,  pag.  535. 


l'église  :  il  n'y  a  que  le  seul  grand  maître  qui 
le  fait,  et  c'est  une  erreur  populaire  de 
croire  que  quand  les  Chevaliers  de  Malle  en- 
tendent la  m-  sse  en  cérémonie  dans  une 
église  de  leur  ordre,  ils  tiennent  l'épée  nue 
pendant  l'évangile  et  à  l'élévation  du  corps 
de  Jésus-Christ  après  la  consécration,  pour 
faire  voir  la  disposition  où  ils  sont  de  com- 
battre pour  la  défense  de  la  foi  (t). 

Comme,  après  la  levée  du  siège  de  Malte, 
les  Turcs  menaçaient  d'y  retourner  avec  de 
plus  grandes  forces,  l'on  fortifia  la  ville  et 
l'île  ;  e!  l'an  1506  le  grand  maître  de  la  Va- 
lette posa  la  première  pierre  de  la  Cité,  qui 
porte  encore  son  nom.  Plus  de  huit  mille 
ouvriers  y  furent  employés;  el,  afin  d'avan- 
cer plus  aisément  les  travaux,  le  pape  Pie  V 
commanda  qu'on  y  travaillât  sans  disconti- 
nuer, même  les  jours  de  fête.  La  ville  fut 
achevée  l'an  1371,  après  la  mort  du  grand 
maître  de  la  Valette,  qui  arriva  le  21  août 
1008,  et  le  grand  maître  del  Monte,  de  la 
langue  d'Italie,  son  successeur,  y  transporta 
le  couvenl  et  y  fit  son  entrée  avec  toute  la 
religion  le  18  mars  de  la  même  année  1571. 

Ce  fut  du  temps  de  ce  grand  n  ailre  que  se 
donna  la  fameuse  bataille  rie  Lépanle,  la  plus 
célèbre  que  les  chrétiens  aient  jamais  gagnée 
sur  mer,  et  où  l<  s  Chevaliers  de  Malle  eurent 
part  et  acquirent  beaucoup  de  gloire.  Elle  fut 
donnée  la  même  année  1571,  dans  le  détroit 
qui  est  entre  les  petites  îles  de  Cursolan,  au- 
trefois les  Echiuades,  et  la  terre  ferme,  envi» 
ron  à  soixante  milles  du  promontoire  Actium, 
si  renommé  par  la  bataille  qui  décida  de 
l'empire  romain  entre  Jules  César  et  Marc- 
Antoine.  Les  Turcs,  ayanl  mouillé  à  Lépanle, 
apprirent  que  les  chrétiens,  en  quittant  Cor- 
l'ou,  venaient  sur  eux  à  pleines  voiles.  Ils 
avaient  si  mauvaise  opinion  de  la  fiolte  chré- 
tienne, qu'ils  ne  crurent  pas  qu'elle  eût  as.-cz 
de  hardiesse  pour  leur  présenter  le  coml  al. 
La  flotte  ollomane, commandée  par  Hali  bâ- 
cha, élail  composée  de  deux  cents  galères  et 
de  près  de  soixante-dix  frégates  el  brigan- 
tins.  Celle  des  chrétiens,  commandée  par 
don  Juan  d'Autriche,  frère  naturel  de  Phi- 
lippe II,  roi  d'Espagne,  n'avait  que  cent  dix 
galères  et  vingt-huit  gros  navires  d'équipa- 
ges, avec  six  galéasses  garnies  de  grosse  ar- 
tillerie. Le  7  octobre,  les  deux  armées  étant 
à  la  portée  du  canon,  on  fil  un  si  grand  feu 
de  partel  d'autre,  que  l'air  fut  loul  obscure. 
On  se  batlit  pendant  trois  heures  avec  un 
avantage  égal,  mais  la  victoire  se  déclara 
ensuite  pour  les  chrétiens.  Les  Turcs  perdi- 
rent plus  de  trente  mille  hommes  dans  celte 
bataille.  Les  chrétiens  firent  plus  de  cinq 
mille  prisonniers,  entre  lesquels  se  trouvè- 
rent les  lieux  fils  de  Hali,  et  se  rendirent 
maîtres  de  cent  trente  galères  ottomanes. 
Puis  de  quatre-vingts,  tant  galères  qu'autres 
bâtiments,  se  brisèrent  contre  la  terre  ou  fu- 
rent couiés  a  fond  ou  consumés  par  le  l'eu. 
Près  de  vingt  mille  esclaves  ciirétiens  recou- 
vrèrent la  liberté,  et  le  butin  l'ut  irès-consi- 
derable,  parce  que  ces  infidèles  venaient  de 


657  MAL 

piller  les  îles  et  de  prendre  plusieurs   vais- 
seaux marchands. 

L'an  ée  uivanle,  le  grand  maître  del Mon- 
te « . ij ut  mo:i,  on  lui  donna  pour  successeur 
TLvéque  lie  la  Cassière,  de  la  langue 
rergne,  qui  quelques  années  ;;près  fut 
^  -  endu  (te  sa  dignité  par  le  conseil  de  Tor- 
il, e,  qui  nomma  pour  sun  lieutenant  Maurice 
il  l'Escu, surnomme ftomégas-.  Cehii-ci  mou- 
rut l'an  :")Si,  et  après  sa  mort  le  grand  m  i- 
tre  de  l .  Cassière  fut  rétabli  par  le  pape  Gré- 
goire v  111.  i  e  gouvernement  d'Alof  d  «  Vign  i- 
court,  de  la  tangue  de  France,  qui  fui  élu  l'an 
1601.  fui  heureux  en  ce  que,  pendant  plus 
il  vingt  ans  qu'il  tint  la  dignité  magistrale, 
les  l'urcs  n'eurent  pas  le  moindre  avantage 
sur  ies  Chevaliers  de  Malte,  e:  que  ceux-ei  au 
contraire  prirent  les  forteresses  de  Lépante, 
de  Lango ,  de  Châleauroux  en  Grèce,  et 
quelques  autres  qui  fuient  saccagées  et  pil- 
lé s,  et  où  ils  Grmt  un  grand  nombre  d'es- 
claves. Les  iusutes  contin.  elles  que  ces  Che- 
val.ers  faisa  eut  aux  i nfi.sèles  portèrent  le 
Grand-Seigneur  à  entreprenire  encore  la 
conquête  de  Malte.  11  fit  équiper  une  armée 
navale  de  quatre-vingt-dix  voiles,  i  t  l'en- 
voya secrètement  à  Malte,  où  elle  aborda  la 
nuit  proche  de  Marsa  Sirocco.  Dans  ce  dan- 
ger, que  la  surprise  augmentait,  le  grand 
maître  de  Viguacourt  ajant  donne  ses  or- 
dres avec  une  présence  d'esprit  et  uneatli- 
vité  merveilleuse,  tout  se  trouva  bieuicV.  en 
état  de  défense,  et  après  diverses  escarmou- 
ches, les  ii. fidèles  furent  repousses  et  obligés 
de  se  rembarquer.  L'an  16U5,  ce  grand  maî- 
tre envoya  à  la  faculté  de  théologie  ù  Paris  la 
relique  du  pied  gauche  de  sainte  Euphemie, 
vierge  et  martyre,  dont  le  corps  fut  apporté 
de  Chalcédoine  à  Rhodes,  puis  à  Malte  dans 
l'église  de  Saint-Jean.  Celle  relique  lui  avait 
élè  demandée  par  l'université  et  par  la  fa- 
culté de  théologie  de  Paris,  qui  a  choisi  celle 
sainte  pour  une  île  ses  patronnes.  La  céré- 
monie se  fit  le  28  décembre,  jour  des  saints 
Innocents,  l'an  1606,  en  présence  de  tous 
les  commandeurs  et  des  Chevaliers  qui  se 
trouvèrent  à  Paris. 

Le  grand  maître  de  Vignacourt  étant  mort 
l'an  1622,  Louis  de  Mendès  Vasconcellos  lui 
succéda  dans  le  gouvernement  de  l'ordre  , 
qu'il  ne  tint  pas  longtemps,  eiant  mort  au 
mois  de  mars  de  l'année  1023.  Antoine  de 
Paulo  prit  sa  place,  et  comme  sous  son  gou- 
vernement  les  Chevaliers  se  trouvaient  fort 
incommodés  par  les  vaisseaux  des  'l'urcs  de 
Saiine-Aiaure,  qui  croisaient  sans  cesse,  ils 
attaquèrent  celte  place  et  s'en  rendirent  mai- 
Ires.  Mais  ils  ne  la  gardèrent  pas  longtemps, 
car  les  corsaires  de  Barbarie,  qui  étaient 
alliés  de  ceux  de  Saint-Maure,  se  liguèrent 
ensemble.  Ils  armèrent  six  galères  et  plu- 
sieurs  vaisseaux  el  se  mirent  en  mer  pour 
chercher  les  Maltais  ;  el,  les  ayant  rencontrés, 
ils  leur  livrèrent  le  combat,  qui  lut  fort  rude 
et  0|inià;re  :  les  Chevaliers,  ayant  perdu  leur 
amiral  et  deux  vaisseaux,  et  en  ayant  eu 
d'autres  hors  de  combat ,  furent  contraints  de 
prendre  la  fuite,  el  furent  quelque  temps 
hors  d'èiat  de  rien   entreprendre.  Mais  leur 


MAL 


833 


armée  navale  s'étanl  rétablie, ils  prirent,  l'an 
1029,  le  hacha  Osaïm,  qui  fut  fait  esclave,  et 
l'an  1031  ils  enlevèrent  encore  un  gros  na- 
vire el  firent  d'autres  prises  c  nsidérables  du 
vivant  de  ce  grand  maître. 

Ils  se  rendirent  .aussi  redoutables  aux  in- 
fidèles sous  le  gouvernement  du  urand  maî- 
tre Paul  de  Lascaris.  Mais  de  toutes  les  prises 
qu'ils  firent  sur  eux,  celle  qui  fil  le  plus  de 
bruit  fut  le  vaisseau  qui  al  ait  à  la  Mecque 
et  qui  portait  une  sultane  avec  son  fils  qu'elle 
avait  eu  d'Ibrahim  I'r,  empereur  des  Turcs.  Le 
vaisseau  était  si  richement  chargé,  qu'on  l'es- 
timait deux  millions,  et  es  richesses  appar- 
tenaient, selon  !e  bruit  commun,  à  un  eunu- 
que qui  avait  été  capi-ag  à  ou  grand  maître 
du  sérail.  La  sultane  mourut  quelques  jours 
après  son  arrivée  à  Malte,  et  son  fils  y  fut 
élevé  com'me  un  des  entants  du  Grand-Sei- 
gneur. Mais,  sur  le  bruit  qui  se  répandit  dans 
la  suite  que  eet  enfunt  n'était  que  le  fils 
adoptif  de  l'eunuque,  Ton  prétend  que  le 
grand  maître  persuada  à  ce  jeune  homme, 
qui  avait  renonc  •  à  la  religion  de  Mahomet, 
de  se  taire  religieux.  Kn  effe  ,  il  prit  l'hai  il 
de  Tordre  de  Saint-Dominique  Tan  1658,  et 
fut  nommé  le  P.  Ottoman. 

Mais  qu'il  eût  été  véritablement  fils  d'Ibra 
him  ou  seulement  fils  adoptif  de  l'eunuque, 
il  est  certain  que  le  Grand-Seigneur  avait 
aimé  cet  entant  evec  beaucoup  de  tendresse. 
11  résolut  d'abord  de  s'en  venger,  et  jura  la 
ruine  de  Malle.  11  fit  aussi  paraître  beaucoup 
d'emportement  contre  les  Vénitiens,  parce 
que,  sui\anl  le  traité  fait  avec  eux.  ils  de- 
\  ient  garder  la  mer  et  en  chasser  ses  enne- 
mis, ou  du  moins  remettre  ses  vaisseaux  en 
liberté.  Le  grand  maître  pourvut  à  la  sûreté 
de  ce  t'  ile.  Les  Vénitiens  se  tinrent  aussi 
sur  la  défensive;  mais  l'orage  tomba  sur  eux, 
et  Tannée  suivante  1645,  le  Grand-Seigneur 
commença  la  guerre  de  Candie,  qui  ne  finit 
que  Tan  1669,  lorsque  les  infidèles  se  furent 
rendus  maîtres  de  celte  ile.  Lès  Chev  aliers  de 
Malte  n'abandonnèrent  poinlles  Vénitiens  et 
leur  donnèrent  secours.  L'ordre  entretint 
même  à  >-es  frais  une  compagnie  .'e  cavale- 
rie dans  la  ville,  et  la  défense  du  bastion  de 
Saint-André  fut  commise  aux  Chevaliers. 

Après  la  prise  de  Candie,  Nicolas  Cottoner, 
qui  était  pour  lors  grand  maître,  voyant  qu'il 
y  avait  toulà  craindre  pour  Malle,  fit  réparer 
et  augmenter  les  ouvrages  des  forteresses, 
afin  qu'elles  fassent  plus  en  état  de  soutenir 
un  assaut,  il  fil  même  construire  un  nouveau 
fort,  qui  fut  appelé  de  son  nom  la  Cotlonière, 
el  qui  ne  fui  mis  dans  sa  perfection  qu'a- 
près sa  mort  ,  qui  arriva  Tan  1680 ,  et 
Grégoire  Carulïa,  Napolitain,  fui  élu  à  sa 
place. 

La  ligue  que  firent  ensemble  l'Empereur, 
le  roi  île  Pologne  et  les  Vénitiens  contre  les 
Turcs,  qui  avaient  porte  la  guerre  en  Hon- 
grie Tan  1083,  fut  une  nouvelle  occasion  aux 
Chevaliers  Ue  donner  des  preuves  de  leur 
valeur.  L'an  1684,  les  Vénitiens  firent  la  con- 
quête de  Sainte-Maure  avec  les  secours  d?s 
Chevaliers,  et  prirent  eusuite  Piévésa.  L'an- 
née suivante,  ils  aidèrent  à  [-rendre  Coron; 


859 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


8)0 


ils  n'abandonnèrent  point  les  Vénitiens  pon- 
dant toute  la  guerre,  qui  ne  finit  que  l'an 
1699  par  In  Iraité  de  paix  de  Carlowitz,  et  de- 
puis ce  temps-là  les  Chevaliers  n'ont  point 
discontinué  de  faire  des  courses  sur  nier 
pour  donner  la  chasse  aux  corsaires  infi- 
dèles. 

La  profession  des  armes  n'a  point  em- 
pêché ces  Chevaliers  d'exercer  l'hospita- 
lité suivant  leur  première  institution.  Vers 
l'an  1218,  André,  roi  de  Hongrie,  leur  en 
donna  un  témoignage  avantageux  dans  une 
donation  qu'il  fila  leur  profit.  Il  dit  qu'étant 
logé  chez  eux  à  Acre,  il  avait  vu  nourrir 
chaque  jour  une  multitude  innombrable  de 
pauvres,  les  malades  couchés  dans  des  Mis 
et  trailés  avec  soin,  les  morts  enterrés  avec 
la  décence  convenable,  en  un  mot,  que  les 
Chevaliers  étaient  occupés,  tantôt  à  la  con- 
templation comme  Marie,  tantôt  à  l'action 
comme  Marthe,  et  surtout  à  combattre  con- 
tre les  ennemis  de  la  croix.  Ce  prince  donna 
à  l'ordre  cinq  cents  marcs  d'argent  à  pren- 
dre tous  les  ans  sur  ses  salines  de  Saloch  en 
Hongrie.  Etant  encore  logé  chez  ces  Cheva- 
liers en  passant  à  Margat,  il  donna  aussi 
cent  marcs  d'argent  à  l'ordre  à  prendre  sur 
les  salines  de  Zolaslha,  tous  les  ans,  pour  la 
défense  de  la  forteresse  de  Margat;  cent  au- 
tres marcs  d'argent  pour  la  défense  de  celle 
de  Crac,  et  fit  aussi  plusieurs  autres  dona- 
tions à  l'ordre,  qui  furent  confirmées  par  le 
pape  Honorius  III.  Enfin  il  voulut  être  asso- 
cié à  l'ordre,  et  il  en  portait  publiquement 
la  croix. 

C'est  toujours  un  Chevalier  grand-croix 
qui  est  grand  hospitalier,  et  il  y  a  d'autres 
Chevaliers  prud'hommes  pour  voir  si  les  ma- 
lades sont  bien  soignés,  qui  font  distribuer 
les  médicaments,  qui  arrêtent  les  comptes 
de  l'infirmier  tous  les  mois  ;  et,  atin  d'éviter 
la  confusion  et  que  les  Chevaliers  n'allas- 
sent pas  tous  ensemble  pour  servir  les  ma- 
lades, le  chapitre  général  de  l'an  1G31  or- 
donna que  chaque  langue  tour  à  tour,  par 
semaine,  enverrait  à  l'infirmerie  autant  de 
Chevaliers,  de  servants  d'armes  et  de  novi- 
ces qu'il  en  faudrait  pour  le  service  des  ma- 
lades, et  que  tous  les  jours,  malin  et  soir, 
il  ne  pourrait  pas  y  en  avoir  moins  de  sept. 
Le  grand  hospitalier  et  les  prud'hommes  ont 
aussi  le  soin  des  enfants  exposés,  qui  sont 
nourris  et  élevés  aux  dépens  du  commun 
trésor,  jusqu'à  l'âge  de  huit  ans. 

§  IL  Etat  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusa- 
lem ou  de  Malte  au  dernier  siècle,  et  lu  ma- 
nière de  recevoir  les  Chevaliers. 

L'ordre  de  Malle  ne  possède  plus  présen- 
tement en  toute  souveraineté  que  l'île  de 
Malle  et  quelques  autres  petites  aux  envi- 
rons. Ellea  vingt  milles  de  longueur  et  douze 
de  largeur.  11  y  a  deux  villes  considérables, 
qui  sont  la  Vieille-Ville  ou Civila  Vccchia,  et 
celle  qui  porte  le  nom  de  la  Valette,  qui  est 
présentement  la  capitale,  et  l'une  des  plus 
lorles  places  de  l'univers,  avec  environ  cin- 
quante bourgs  ou  villages.  Le,  plus  considé- 
rables des  autres  îles  aux  environs  de  Malle, 


et  qui  dépendent  du  grand  mailre,  sont  le 
Goze  et  Comino,  où  il  y  a  aussi  des  forts 
avec  quelques  bourgs  et  villages. 

Le  gouvernement  e->t  monarchique  el  aris- 
tocratique ;  car,  pour  ce  qui  regarde  la  mo- 
narchie, le  grand  maître  est  souverain  sur 
le  peuple  dans  l'île  de  Malte  et  ses  dépen- 
dances ;  il  fait  battre  monnaie,  il  accorde  des 
grâces  et  des  rémissions  aux  criminels,  et  il 
donne  les  provisions  des  grands  prieurés, 
des  bailliages  et  des  commanderies.  Tous  h  s 
Chevaliers  de  l'ordre,  quelque  autorité  qu'ils 
aient,  lui  doivent  obéir  en  tout  ce  qui  n'est 
point  contraire  à  la  règle  et  aux  statuts  de  la 
religion.  Quant  à  l'aristocratie,  c'est  dans 
les  affaires  importantes  qui  regardent  les 
Chevaliers  et  la  religion,  que  le  grand  maître 
et  le  conseil  exercent  ensemble  une  autorité 
absolue,  el  le  grand  maître  y  a  seulement 
deux  voix  pour  sa  prééminence.  Le  conseil 
est  ordinaire  ou  complet.  Au  conseil  ordi- 
naire, assistent  le  grand  maître,  comme  chef, 
et  les  grands-croix,  qui  sont  l'évêque  de 
Malte,  le  prieur  de  l'église,  les  baillis  con- 
ventuels, les  grands  prieurs  el  les  baillis 
capitulaires.  Le  conseil  complet  est  composé 
de  grands-croix  et  des  deux  plus  anciens 
Chevaliers  de  chaque  langue. 

Les  langues  sont  les  différentes  nations 
dont  l'ordre  est  composé.  Il  y  en  a  huit,  qui 
sont  :  Provence,  Auvergne,  France,  Italie, 
Aragon,  Allemagne,  Castillc  et  Angleierre. 
Ces  huit  langues  ont  leurs  chefs  à  Malte,  que 
l'on  nomme  piliers  et  baillis  conventuels. 
Le  chef  ou  pilier  de  la  langue  de  Provcneo 
à  cause  que  Uaymon  I  du  Puy,  qui  a  dressé 
les  règlements  de  l'ordre,  était  Provençal,  a 
la  charge  de  grand  commandeur;  le  pilier 
de  la  langue  d'Auvergne  est  grand  maréchal  ; 
celui  de  France  est  grand  hospitalier.  Le 
chef  de  la  langue  d'Italie  esl  grand  amiral  ; 
la  langue  d'Aragon  a  pour  pilier  le  grand 
conservateur  qu'on  nommait  autrefois  dra- 
pier ;  celle  d'Allemagne  a  pour  pilier  ba 
grand  bailli  ;  celle  de  Caslillc  le  grand  chan- 
celier; et  la  langue  d'Angleterre,  qui  ne 
subsiste  plus  à  cause  de  I  hérésie  dont  co 
rojaume  a  été  infecté,  avait  [jour  chef  le  lur- 
copolier  ou  général  d'infanterie. 

Dans  chaque  langue,  il  y  a  plusieurs 
grands  prieurés  et  bailliages  capitulaires, 
savoir  :  dans  la  langue  de  Provence  ,  1  s 
prieurés  de  Saint-Ciliés  de  Toulouse  et  lo 
bailliage  capitulaire  de  Manosquc  ;  dans  la 
langue  d'Auvergne,  les  prieurés  d'Auvergne 
el  le  bailliage  capitulaire  de  Lurol,  appelé 
dans  la  suite  de  Lyon,  et  enfin  de  Devessel  ; 
dans  la  langue  de  France,  les  prieurés  do 
Frae.ce,  d'Aquitaine  el  de  Champagne,  avec 
le  bailliage  capillaire  de  la  Morée  el  la  tré- 
sorerie générale,  auxquels  sont  annexés  , 
savoir,  au  bailliage  île  la  Morée,  la  com- 
manderie  de  Saint-Jean  de  Latran  à  Paris, 
el,  à  la  grande  trésorerie,  la  commanderie 
de  Saint-Jean  en  l'île  de  Corbeil  ;  dans  la 
langue  d'Italie,  les  prieurés  de  Home,  d« 
Lonibardie,  de  Venise,  de  Pise,  de  Barlcttc, 
de  .Messine  el  de  Capoue,  et  les  bailliages 
capitulaires  de  Saiulc-Euphémie  et  de  Saint 


•:.! 


MAL 


MAL 


843 


Etienne  près  de  Monopoli,  de  la  Sainle-Tri- 
nité  de  \  enosa  et  de  Saint-Jean  de  Naples  : 
dans  la  langue  d'Aragon  ,  qui  comprend 
aussi  la  Catalogne  et  la  Navarre,  la  Châlel- 
lenie  d'Emposle,  les  prieurés  de  Catalogue 
et  de  Navarre,  et  les  bailliages  capilulaires 
de  Majorque  et  de  Caspe  ;  dans  la  langue 
d'Allemagne,  les  prieurés  d'Allemagne,  de 
Bohême,  de  Hongrie,  el  il  y  avait  aussi  celui 
de  Danemark  el  le  bailliage  capilulaire  de 
Brandebourg,  avant  que  l'hérésie  eût  été 
introduite  dans  ces  provinces  ;  dans  la  lan- 
gue de  Castille,  qui  comprend  aussi  Léon 
et  Portugal,  les  prieurés,  de  Castille  el  de 
Léon,  et  celui  de  Portugal  avec  les  bail- 
liages capilulaires  de  Lango  ou  de  Leza  et  de 
las  Nneves- Villas  ;  et  dans  la  langue  d'An- 
gleterre lorsqu'elle  subsistait,  il  y  avait  les 
prieurés  d'Angleterre  et  d'Hibernie,  el  le 
bailliage  caj  itulaire  d'Aquila.  Quant  au 
prieuré  de  l'église  de  l'ordre  et  à  la  com- 
inanderie  de  Chypre,  tous  deux  bailliages 
capilulaires,  ils  sont  communs  à  toutes  les 
langues,  et  le  bailliage  de  Négrepont  est 
commun  aux  deux  langues  d'Aragon  et  de 
Castille. 

L'hôtel  de  chaque  langue  est  appelé  au- 
berge, à  cause  que  les  Chevaliers  qui  dépen- 
dent de  ces  langues  y  vont  manger  et  s'y 
assemblent  d'ordinaire.  Plusieurs  chapitres 
généraux  ont  fait  des  règlements  qui  con- 
cernent la  manière  dont  les  Chevaliers  >>e 
doivent  comporter  dans  ces  auberges,  et  qui 
font  connaître  combien  esl  grande  l'obser- 
vance régulière  qui  se  pratique  à  Malle.  Les 
ordonnances  du  chapitre  général  tenu  sous 
le  grand  maître  Antoine  de  Paulo,  Toulou- 
sain, l'an  1631,  portent  que  les  piliers  don- 
neront tous  les  jours  à  chaque  Chevalier  un 
rotolo,  c'est-à-dire  environ  trente-six  onces 
de  bœuf,  mouton  et  veau,  qui  doit  être  fourni 
par  le  trésor  commun,  et  lorsque  l'on  donne 
du  porc  frais  ou  du  salé,  les  deux  tiers  du 
rololo;  les  jours  maigres,  du  poisson,  et,  au 
défaut  de  poisson,  quatre  œufs  pour  pi- 
tance ;  chaque  jour  six  petits  pains  et  un 
quaTtucçio  de  vin  sans  eau,  c'est-à-dire  la 
valeur  de  trois  chopines.  El,  afin  qu'on  ne 
fasse  point  de  dégât  et  de  consommation 
inutile,  il  est  défendu  aux  Chevaliers  de  me- 
ner des  chiens  à  l'auberge,  et  si  les  maîtres 
auxquels  ils  appartiennent  voulaient  empê- 
cher qu'on  ne  les  chassât,  ils  seraient  punis  de 
la  septaine,  qui  leur  serait  aussi  imposée,  si 
les  jours  qu'ils  mangent  à  l'auberge  ils  em- 
portaient du  pain,  du  vin  et  autres  choses  à 
manger. 

Trois  fois  la  semaine,  el  non  davantage, 
encore  faut-il  qu'il  y  ait  de  jusles  raisons, 
les  piliers  doivent  fournir  la  pitance  aux 
Chevaliers  hors  de  l'auberge,  lorsqu'ils  la 
demandent  ;  mais  ceux  qui  l'envoient  cher- 
cher ne  doivent  pas  avoir  déjeuné  ce  jour-là 
à  l'auberge,  autrement  la  pitance  leur  peut 
être  refusée,  et  lorsque  le  maitre  de  la  salle 
a  mangé,  on  ne  peut  plus  la  demander.  Le 
pilier  doit  donner  à  déjeuner  tous  les  malins 


entre  les  deu\  messes.  Si  les  Cheval. ers  ne 
sont  pas  contents  de  la  pitance,  ils  ne  doi- 
vent pas  faire  leurs  plaintes  au  maitre  de  la 
salle,  ni  au  cuisinier,  ni  nu  dépensier,  mais 
seulement  au  pilier;  et,  si  les  plaintes  sont 
injustes,  ils  sont  punis  de  la  septaine.  Si  un 
Chevalier  a  frappé  un  serviteur  du  pilier 
sans  effusion  de  sang,  il  est  condamné  pour 
la  première  fois  à  la  quarantaine,  la  seconde 
à  six  mois  de  prison  dans  la  tour,  et  la  troi- 
sième à  perdre  deux  ans  d'anciennelé;  et, 
s'il  y  a  du  sang  de  répandu,  il  est  puni  plus 
rigoureusemenl.  Enfin,  lorsque  le  pilier  fait 
quelqu-s  plaintes  de  quelque  Chevalier,  il 
esl  cru  sur  sa  parole,  sans  que  l'on  fasse  des 
informations,  et  le  conseil  procède  contre  le 
Chevalier  qui  est  accusé.  La  peine  de  la 
septaine  consiste  en  ce  que  celui  qui  est  con- 
damné doit  jeûner  sept  jours  de  suite  ,  et,  la 
quatrième  et  la  sixième  férié,  manger  seule- 
ment du  pain  et  boire  de  l'eau,  se  soumet- 
tant ces  jours-là  à  la  discipline,  c'est-à-dire 
à  recevoir  des  coups  de  houssine  de  la  main 
d'un  prêtre  de  l'ordre  pendant  le  psaume. 
Dens  misereattir  no  s  tri,  etc.  La  peine  de  la 
quarantaine  est  de  jeûner  quarante  jours  de 
suite,  et  la  quatrième  et  la  sixième  lérie  ,  au 
pain  et  à  l'eau  ;  ils  reçoivent  ces  deux  jours- 
là  la  dbeipline  pendant  le  psaume  Miserere 
mei,  Deus,  el  pendant  ces  quarante  jours  ils 
ne  doivent  point  porter  d'épée  ni  soi  tir  que 
pour  aller  à  l'Eglise. 

Chaque  grand  prieuré  a  un  nombre  do 
commanderies,  dont  les  unes  sont  destinées 
aux  chevaliers  de  justice,  et  les  autres  indif- 
féremment aux  chapelains  et  aux  servants 
d'armes.  Voici  ce  qu'un  savant  homme  (1) 
a  écrit  depuis  peu  touchant  l'origine  des 
commanderies  de  cet  ordre.  L'origine  des 
commanderies,  dit-il,  vient  de  ce  qu'ancienne- 
ment les  biens  de  l'ordre  étaient  en  commun, 
et  que  pour  les  faire  valoir  on  commettait  des 
séculiers  qui  en  étaient,  ou  les  fermiers  ou  les 
receveurs,  et  qui  en  rendaient  compte.  Mais 
le  grand  éloignement  faisant  qu'on  était  sou- 
vent trompé  et  que  les  comptes  étaient  peu 
fidèles,  on  donna  l'administration  de  tous  ces 
revenus  aux  grands  prieurs  à  chacun  dans 
son  département.  Ceux-ci  ne  s'en  ucqu  Itèrent 
pas  mieux  :  de  sorte  que,  quoique  les  revenus 
de  l'ordre  fussent  très-considérables,  â  peine 
trouvait-on  de  quoi  soutenir  la  dépense  qu'on 
était  obligé  de  faire.  On  eut  donc  recours  à 
un  autre  expédient,  qui  fut  de  commettre  et 
députer  un  frère  pour  régir  et  administrer 
chaque  commanderie  pour  autant  de  temps 
qu'on  le  jugerait  el  propos,  à  condilio.i  que 
tous  tes  ans  il  payerait  entre  les  mains  d'un 
receveur  de  l'ordre  établi  pour  cela  une  cer- 
taine somme  proportionnée  au  revenu  de  la 
commanderie.  Cette  imposition  fut  nommé:: 
Kesponsion;  c'est  ce  qui  a  été  pratiqué  jusqu'à 
présent. 

Au  reste,  on  n'envoyait  pas  ces  Chevaliers 
seuls.  On  leur  donnait  pour  aides  quelques 
autres  Chevaliers,  et  tous  ensemble  avec  quel- 
que prêtre  de  l'ordre  qu'ils  avaient  ordinaire- 


(1)  Instructions  sur  les  devoirs   des  Chevaliers  de  Malte,  chnp.  4,  p.  G3. 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux,  II, 


21 


813 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


844 


ment  avec  eux,  formaient  mie  communauté. 
Celui  gui  était  à  la  télé  fut  nommé  comman- 
deur, et  la  maison  où  était  assemblée  la  com- 
munauté Commanderie,  nom  qui  signifie  moins 
un  commandement  qu'une  administration,  et 
pour  ainsi  dire  une  commande.  On  voulut 
faire  comprendre  aux  Chevaliers  par  ce  nom 
même  qu'ils  n'étaient  que  les  économes  et  les 
administrateurs  de  cette  portion  des  biens  de 
l'ordre,  qui  ne  leur  était  confiée  que  pour  au- 
tant de  temps  gu'on  le  jugerait  à  propos,  et 
sur  laquelle  ils  devaient  prend' e  une  portion 
pour  être  envoyée  annuellement  au  receveur, 
te  reste  devant  être  employé  à  nourrir  et  en- 
tretenir la  communauté  de  chaque  comman- 
derie et  à  soulager  les  pauvres  du  lieu.  Ainsi 
l'ordre  était  secouru,  tous  IcsChevaliers  étaient 
nourris  et  entretenus  à  ses  dépens,  et  les  pau- 
vres étaient  assistés.  Mais  la  division  s  étant 
mise  dans  la  suite  parmi  ces  Chevaliers  qui 
vivaient  ensemble  dans  une  même  commande- 
rie, on  fut  obligé  de  les  séparer  et  de  laisser 
le  soin  de  la  commanderie  à  un  seul,  en  le. 
churgeant  de  payer  clrs  pensions  à  quelques- 
uns  de  ses  confrères,  au  lieu  qu'il  les  entrete- 
nait et  nourrissait  auparavant,  et  c'est  de  là 
aussi  qu'est  venue  l'origine  des  pensions  que 
plusieurs  Chevaliers  possèdent  sur  des  com- 
manderies  ou  sur  d'autres  biens  de  l'ordre. 

Les  commanderies  sont  appelées  magis- 
trales, de  justice  ou  de  grâce.  Les  magistrales 
sont  celles  qui  sont  annexées  à  la  dignilé  de 
grand  maître,  afin  que  celui  qui  en  est  revélu 
la  puisse  soutenir  avec  plus  d'éclat.  11  y  en 
a  une  dans  chaque  grand  prieuré,  savoir  : 
au  prieuré  de  Saint-Gilles  la  commanderie 
dePézénas,  au  prieuré  de  Toulouse  la  com- 
manderie de  Puy-Soubran,  au  prieuré  d'Au- 
vergne la  commanderie  de  Salins,  au  prieuré 
de  France  la  commandeiie  de  Hainaut ,  au 
prieuré  d'Aquitaine  la  commanderie  du  temple 
de  la  Rochelle,  au  prieuré  de  Champagne  la 
commanderie  de  Metz,  au  prieuré  de  Lom- 
bardie  la  commanderie  d'!nverno,au  prieuré 
de  Rome  la  commanderie  de  Mugnano,  au 
prieuré  de  Venise  la  commanderie  de  Tré- 
cuzo,  au  prieuré  de  Pise  la  commanderie  de 
Prato,  au  prieuré  de  Capouc  la  commanderie 
de  Siciano,  au  prieuré  de  Barlelte  la  com- 
manderie de  Brindizi,  au  prieuré  de  Messine 
la  commanderie  de  Polezzi,  au  prieuré  de 
Catalogne  la  commanderie  de  Masdeu,  au 
prieuré  de  Navarre  la  commanderie  de  Cal- 
clielas,  en  la  châtellenic  d'Emposle  la  com- 
manderie d'Aliaga,  au  prieuré  de  Castille 
les  commanderies  d'Olmos  et  de  Yiso,  au 
prieuré  de  Portugal  la  commanderie  de  Vil- 
lacova,  au  prieuré  d'Allemagne  la  comman- 
derie de  Buez,  au  prieuré  de  Bohème  la  com- 
manderie de\Vadislau,etautrefois  au  prieuré 
d'Angleterre  la  commanderie  de  Pescens,  au 
prieuré  d'Hibernie  les  commanderies  de  Kel- 
bary,  de  Killurye  et  de  Crobe,  et  la  comman- 
derie de  Sinica  au  royaume  de  Chypre. 

Les  commanderies  de  justice  ou  de  grâce 
sont  ainsi  appelées  selon  la  manière  de  les 
ubtenir.  On  les  nomme  commanderies  de  jus- 


lire  quand  on  les  possède  par  droit  d'ancien- 
neté ou  par  a  ni  liorisscment.  L'ancienneté 
se  compte  du  temps  de  la  réception;  mais  il 
faut  que  celui  qui  prétend  une  commanderie 
ait  fait  cinq  années  de  résidence  à  Malle,  et 
qualre  caravanes  ou  voyages  sur  mer,  et  l'a- 
méliorissement  est  lorsqu'après  avoir  fait 
des  réparations  dans  une  commanderie  dont 
l'on  jouit,  on  en  prend  une  autre  d'un  plus 
grand  revenu.  Karouenou  caravanna  est  un 
mot  arabe  qui  signifie  une  assemblée  d'hom- 
mes qui  s'unissent  pour  faire  quelque  trafic 
ou  quelque  voyage  (i).  On  se  servait  de  ce 
mot  lorsque  les  Chevaliers  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  étant  dans  la  Syrie,  choisissaient 
les  frères  qui  étaient  destinés  pour  la  garde 
des  forteresses  ou  pour  servir  sur  les  galères; 
el  l'on  s'est  toujours  depuis  ce  temps-là  ser- 
vi du  même  mot  pour  marquer  les  voyages 
que  les  Chevaliers  de  Malte  font  sur  les  ga- 
lères ou  sur  les  vaisseaux  au  service  de  leur 
ordre.  11  faut  qu'ils  fassenl  ces  quatre  cara- 
vanes par  eux-mêmes,  et  il  ne  leur  est  pas 
permis  de  les  faire  faire  par  d'autres.  Mais, 
quoiqu'ils  soient  obligés  à  cinq  années  de  ré- 
sidence et  à  quatre  caravanes,  néanmoins, 
s'ils  ont  été  employés  au  service  du  grand 
maître  ou  de  la  religion,  ils  ont  quelques 
exemptions,  et  on  leur  compte  pour  une  ca- 
ravane deux  années  complètes  de  service  en 
personne.  Les  Chevaliers  qui  sont  esclaves 
des  Turcs  ont  aussi  des  exemptions,  et  on 
leur  compte  une  caravane  pour  chaque  an- 
née de  captivité,  ainsi  qu'il  est  ordonné  par 
les  ordonnances  du  chapitre  général  de  l'an 
1031,  qui  prescrivent  aussi  l'âge  de  vingt 
ans  pour  commencer  les  caravanes,  excluant 
de  tous  emplois,  bénéfices  et  commanderies 
de  l'ordre  ceux  qui,  ayant  atteint  l'âge  de  50 
ans,  n'auraient  pas  fait  les  quatre  caravanes 
qui  ne  sont  que  de  six  mois  chacune. 

Les  commanderies  de  grâce  ont  ce  nom 
quanti  elles  sont  données  par  le  grand  maî- 
tre ou  par  les  grands  prieurs  par  un  droit 
qui  app  irlient  à  leurs  dignités,  et  ils  en  don- 
nent une  de  cinq  ans  en  cinq  ans.  On  ne 
prend  point  garde  si  la  commanderie  va- 
cante est  de  celles  qui  sont  affectées  aux  Che- 
valieis  ou  de  celles  qui  appartiennent  aux 
chapelains  ou  servants  d'armes.  Le  grand 
maître  ou  le  grand  prieur  la  peut  donner  à 
Ici  frère  qu'ii  lui  plaît,  de  quelque  rang  qu'il 
soil,  cela  étant  indifférent,  lorsque  la  pro- 
motion est  de  grâce. 

Quoiqu'à  proprement  parler  il  n'y  ail  que 
ceux  qui  sont  laïques  et  nobles  d'extraction 
qui  puissent  porter  la  qualité  de  Chevalier, 
parce  qu'il  n'y  a  qu'eux  à  qui  on  donne 
l'ordre  de  chevalerie,  si  ce  n'est  par  quelque 
grâce  particulière,  néanmoins,  comme  sous 
le  nom  de  Chevaliers  de  Malte  on  entend  or- 
dinairement tous  ceux  qui  composent  cet 
ordre,  on  peut  dire  qu'il  y  en  a  de  quatre 
sortes.  Les  premiers  sont  ceux  qu'on  nomme 
les  Chevaliers  de  justice  ;  ils  sont  obligés  do 
faire  preuve  de  noblesse,  et  il  n'y  a  que  ceux- 
là  qui  peuvent  parvenir  aux  dignités  de  bail- 


li) Instructions  des  Chevaliers  de  Malte,  pag.  50o. 


845 


MAL 


lis,  grands  prieurs  et  grands  maîtres.  Les 
seconds  sont  les  Chevaliers  de  grâce,  qui, 
n'étant  pas  nobles  d'extraction,  ont  mérité 
par  quelque  action  de  valeur  ou  par  quelque 
service  considérable  rendu  à  l'ordre,  d'être 
mis  au  rang  des  nobles  et  de  jouir  des  mêmes 
:  honneurs.  Les  troisièmes  sont  les  frères  ser- 
vants ;  il  y  en  a  de  deux  sortes,  les  frères  ser- 
vants d'armes  qui  sont  employés  dans  les 
mêmes  fonctions  que  les  Chevaliers,  tant  à 
la  guerre  qu'au  service  de  l'hôpital,  et  les 
frères  servants  d'église,  dont  toute  l'occupa- 
tion est  de  chanter  les  louanges  de  Dieu  daas 
l'église  conventuelle  et  d'aller  chacun  à  son 
tour  servir  d'aumôniers  sur  les  vaisseaux  ou 
sur  les  galères  de  la  religion.  Les  quatrièmes 
enfin,  qui  sont  nommés  frères  d'obédience, 
sont  les  prêtres  qui,  sans  être  obligés  d'aller 
jamais  à  Malle,  prennent  l'habit  de  l'ordre, 
en  font  les  vœux,  et  s'attachent  au  service 
de  quelques-unes  des  églises  de  l'ordre  sous 
l'autorité  de  quelque  grand  prieur  ou  de  quel- 
que commandeur,  auquel  ils  demeurent  sou- 
mis; et  ils  jouissent  de  plusieurs  privilèges 
qui  leur  ont  été  accordés.  Il  y  a  aussi  des 
donnés  ou  demi-croix  qui  ne  peuvent  por- 
ter la  croix  d'or  sans  une  permission  ex- 
presse ;  et,  quand  on  leur  accorde  cette  per- 
mission, ce  ne  doit  être  qu'une  demi-croix 
d'or  à  trois  branches;  mais  ils  peuvent  por- 
ter une  demi-croix  de  toile  blanche  cousue 
sur  leurs  habits,  laquelle  ne  doit  pas  passer 
les  deux  tiers  d'un  palme  de  Sicile. 

Personne  ne  doit  être  présenté  pour  être 
reçu  dans  cet  ordre  ni  demander  des  commis- 
saires pour  faire  se*  preuves,  qu'il  n'ait  au 
moins  seize  ans  accomplis,  à  l'exceplion  des 
pages  du  grand  maître,  qui  peuvent  être  re- 
çus depuis  douze  ans  jusqu'à  quinze,  et  à 
l'exceplion  aussi  des  ecclésiastiques,  qui 
peuvent  être  reçus  depuis  dix  ans  jusqu'à 
seize.  Cependant  l'usage  d'obtenir  des  dis- 
penses du  pape  pour  faire  recevoir  des  en- 
tants depuis  qu'ils  sont  nés  jusqu'à  dix  ou 
douze  ans ,  est  devenu  commun,  et  l'ancien- 
neté de  ces  enfants  commence  du  jour  au- 
quel le  grand-maître  a  reçu  et  approuvé 
cette  dispense,  pourvu  qu'on'  paye  ponctuel- 
lement dans  l'année  ce  qu'on  appelle  droit 
de  passage.  Cet  usage  de  recevoir  des  Che- 
valiers de  minorité  est  récent.  Ce  qui  y  donna 
lieu,  c'est  que  dans  le  chapitre  général  tenu 
l'an  1(531,  on  résolul  d'exécuter  ce  que  le 
conseil  avait  ordonné  par  un  décret  du  7 
janvier  1G29,  qui  était  de  faire  un  collachio 
ou  cloître  pour  y  mettre  un  noviciat  pour 
les  Chevaliers  et  servants  d'armes  ,  et  un  sé- 
minaire pour  les  ecclésiastiques;  et,  comme 
il  fallait  un  fonds  de  cent  mille  écus  pour 
l'exécution  de  ce  dessein,  le  Trésor  ne  se 
trouva  pas  pour  lors  en  état  de  faire  ce  fonds 
à  cause  des  grandes  dépenses  qui  l'avaient 
épuisé.  C'est  pourquoi  on  résolul  pour  y 
pourvoir  d'accorder  cent  dispenses  pour  re- 
cevoir dans  l'ordre  cent  enfants  en  minorité 
qui  donneraient  chacun  mille  écus  pour 
être  admis.  Les  cent  dispenses  fuient  bientôt 
remplies.  Le  Collachio  pour  le  noviciat  et 
pour  le  séminaire  ne  se  Ut  pas  néanmoins  : 


mai.  «46 

on  crut  alors  devoir  employer  la  somme  à 
d'autres  besoins  ;  et,  comme  il  n'y  a  point  eu 
de  chapitre  général  pour  accorder  de  pareil- 
les dispenses,  on  a  eu  recours  au  pape  pour 
les  obtenir  par  son  autorité  :  ainsi  l'usage 
de  ces  dispenses  s'est  insensiblement  intro- 
duit, et  est  devenu  très-commun.  D'abord  il 
fallait  avoir  au  moins  huit  ans,  ensuite  six  , 
et  la  coutume  est  présentement  que  l'on  peut 
être  reçu  en  quelque  bas  âge  que  ce  puisse 
être.  Les  derniers  règlements  faits  à  Malte 
sur  le  droit  de  passage  de  ceux  qui  sont  ainsi 
reçus,  portent  qu'ils  doivent  payer  trois  cent 
trente  pistoles  et  un  tiers  au  prix  courant 
des  pistoles  d'Espagne,  sans  y  comprendre 
quelques  autres  menus  droits.  L'origine  et 
le  nom  du  droit  de  passnge  viennent  du  droit 
que  payaient  autrefois  aux  capitaines  des  ga- 
lères ou  des  v  aisseaux  de  la  religion  ceux 
qui  se  mettaient  dessus  pour  passera  la  terre 
sainte,  et  dans  la  suite  des  temps  à  l'île  de 
Rhodes  pour  y  être  reçus  Chevaliers.  Ils 
payaient  une  somme  pour  leur  nourriture 
et  entretien  pendant  le  voyage,  et  cela  s'ap- 
pelait droit  de  passage.  Ce  droit  a  continué 
de  se  payer  jusqu'à  présent  à  l'Ordre  ;  il  a 
toujours  retenu  l'ancien  nom,  et  est  confir- 
mé par  des  statuts.  Quoique  ce  droit  de  pas- 
sage doive  être  pajé  dans  l'année,  néan- 
moins le  grand  maître  peut  accorder  deux 
ans  au  lieu  d'un  pour  payer  ce  droit ,  mais  il 
ne  peut  pas  accorder  un  terme  plus  long. 
Une  des  conditions  de  la  grâce  de  minorité 
est  que  dès  le  moment  que  le  droit  de  passa- 
ge est  payé,  cet  argent  est  entièrement  ac- 
quis à  l'ordre,  sans  que  sous  quelque  pré- 
texte que  ce  soit  on  puisse  jamais  en  pré- 
tendre la  restitution. 

L'on  ne  peut  être  reçu  page  du  grand 
maître  que  depuis  douze  ans  jusqu'à  quinze, 
et  on  n'y  peut  demeurer  que  trois  ans  au 
plus,  et  souvent  moins,  suivant  l'âge  qu'on 
a  quand  on  y  entre.  Mais  comme  le  grand 
maître  ne  peut  avoir  que  seize  pages,  il  faut 
pour  y  entrer  qu'il  y  ait  une  place  vacante. 
C'est  pourquoi,  avant  qu'on  ail  l'âge  pour  y 
entrer,  on  obtient  du  grand  maître  une  let- 
tre de  page,  et  lorsqu'on  a  les  onze  ans  com- 
plets et  qu'il  y  a  une  place  vacante,  le  plus 
ancien  de  ceux  qui  ont  eu  des  lettres  de  pago 
est  reçu,  après  avoir  fait  ses  preuves  de  no- 
blesse et  de  légitimation.  La  différence  qu'il 
y  a  dans  les  formalités  qui  s'observent  dans 
la  réception  de  ceux  qui  sont  reçus  de  mino- 
rité et  de  ceux  qui  sont  reçus  comme  pages , 
c'est  que  les  premiers  ne  sont  pas  obligés  do 
se  présenter  à  l'assemblée  de  la  province  ni 
d'aller  à  Malte  qu'à  vingt-cinq  ans,  au  lieu 
que  les  pages  doivent  se  présenter  à  l'assem- 
blée de  la  province  et  aller  à  Malte  après 
leur  réception,  et  ne  peuvent  payer  leur  pas- 
sage que  lorsqu'ils  présentent  eux-mêmes 
leu:  s  preuves  à  Malle.  Le  droit  qu'ils  payent 
est  de  deux  cent  cinquanteécus  d'or,  chaque 
écu  d'or  pris  pour  une  demi-pistole,  selon  c« 
qu'elle  vaut,  outre  quelques  autres  menus 
droits. 

Les  Chevaliers  de  majorité  sont  ceux  qui 
sont  reçus  à  seize  ans  accomplis.  Us  payent 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


847 

le  même  droit  que  les  pages  du  grand  maî- 
tre, et  ne  sont  pas  obligés  de  porter  eux-mê- 
mes leurs  preuves  à  Malle.  Autrefois  ils  y 
étaient  obligés,  et  sans  cela  leur  ancienneté 
ne  courait  point,  quoique  ces  preuves  eus- 
sent été  rrçues  pour  bonnes  au  chapitre  ou 
à  rassemblée  de  la  province,  et  qu'ils  eus- 
sent payé  leur  passage.  .Mais  ,  par  un  décret 
du  conseil  de  lti88,  confirmé  par  un  bref  du 
pape  Innocent  XI,  il  a  élé  ordonné  qu'il  suf- 
firait à  l'avenir  que  celui  qui  a  présenté  ses 
preuves  au  chapitre  provincial  ou  à  l'assem- 
blée les  envoyât  au  couvent  à  la  vénérable 
langue  dans  laquelle  il  e^  né,  et  qu'il  serait 
dispensé  d'y  venir  en  personne  jusqu'à  l'âge 
de  vingt  ans,  sans  que  cela  puisse  nuire  à 
son  ancienneté  ,  qui  commencera  à  courir 
du  jour  que  ses  preuves  auront  élé  présen- 
tées eu  langue. 

Pour  ce  qui  esl  des  frères  servants  d'ar- 
mes, le  chapitre  général  de  l'an  1631  avait 
seulement  défendu  à  la  langue  d'Italie  d'en 
recevoir,  comme  il  esl  porté  par  l'article 
vingt-cinquième  du  titre  de  la  Réception  dis 
frères.  Depuis  par  un  décret  du  conseil  la 
même  défense  a  été  faite  aux  autres  lan- 
gues, jusqu'à  ce  qu'il  en  eu l  été  autrement 
ordonné;  mais  celte  défense  a  élé  levée  de- 
puis quelque  temps.  Les  chapelains  ne  peu- 
vent être  reçus  que  depuis  dix  ans  jusqu'à 
quinze,  après  quoi  il  faudrait  obtenir  un 
bref  de  Rome}  mais,  jusqu'à  lo  ans,  il  suffit 
d'obtenir  du  grand  maître  une  lettre  de  dia- 
cot.  En  vertu  de  celle  lettre  le  postulant  se 
présente  au  chapitre  provincial  ou  à  l'assem- 
blée; on  lui  donne  des  commissaires  pour 
faire  ses  preuves,  qu'il  doit  porter  lui-même 
au  couvent,  après  quoi  on  le  renvoie  pour 
continuer  ses  études.  Ils  sont  seulement  obli- 
gés de  faire  voir  qu'ils  sont  nés  de  gens 
honnêtes,  pratiquantes  arts  libéraux,  qu'ils 
n'ont  jamais  exeicé  aucun  art  vil  et  mécani- 
que, ni  servi  personne,  et  que  ni  eux  ni 
leurs  pères  et  mères  n'ont  jamais  travaillé  à 
aucune  chose  méprisable:  et  de  plus  qu'eux, 
leurs  pères  et  mères,  leurs  aïeuis  et  aïeules 
paternelset  maternels  sontnésenlégilime  ma- 
riage. Ledroil  de  passage  des  jeunes  diacots  ou 
ecclésiastiques  depuis  dix  ans  jusqu'à  quinze 
est  de  cent  écus  d'or,  chaque  ecu  d'or  valant 
une  demi-pislole  d'Espagne  en  espèce,  selon 
la  valeur  courante,  et  autres  menus  droits. 
Les  autres  diacots  ou  ecclésiastiques,  reçus 
par  brefs  dans  un  âge  plus  avancé,  doivent 
payer  douze  cent  cinquante  livres  pour  droit 
de  passage  el  quclqm  s  autres  droits,  à  la  ré- 
serve néanmoins  de  ceux  qui  par  leur  capa- 
cité et  leur  mérite  auraient  été  honorés  du 
bonnet  de  docleur,  lesquels  par  un  privilège 
particulier  sont  reçus  à  tout  âge  el  sans 
payer  aucun  droit  de  passage. 

Quoique  la  couluuie  dans  l'ordre  soil  de 
faire  les  preuves  de  noblesse  par  l'arbre  de 
consanguinité,  en  remontant  seulement  de- 
puis les  Chevaliers  jusqu'à  ses  bisaïeuls  pa- 
ternels et  maternels,  néanmoins  le  prieuré 
d'Allemagne  exige  davantage  ;  il  faut  p  o:i- 
ver  seize  quartiers  des  aïeuls.  Ceux  qui  dé- 
pendent de  ce  prieuré  sont   dispeusés  d'alle«- 


à  Malte  faire  leur  noviciat,  il  suffit  seule- 
ment qu'ils  le  fassent  auprès  du  grand  prieur 
d'Allemagne;  et  ceux  du  prieuré  de  Bohême 
ne  sont  obligés  qu'à  six  mois  de  noviciat  à 
Malte,  à  compter  du  jour  qu'ils  y  sont  arri- 
vés. Les  Chevaliers  du  prieuré  d'Allemagne 
ont  encore  un  autre  privilège,  qui  est  que 
les  deux  tiers  de  l'argenterie  d'un  comman- 
deur demeurent  après  sa  mort  au  profit  de 
la  commanderie,  l'autre  tiers  seulement  ap- 
partenant à  l'ordre;  en  sorte  que  le  Cheva- 
lier qui  succède  à  la  commanderie  est  obligé 
de  payer  à  l'ordre  la  valeur  de  cette  troi- 
sième partie  à  raison  de  huit  florins  par 
marc,  et  de  donner  caution  pour  les  deux 
autres  tiers.  Quoique  les  Chevaliers  des  au- 
tres prieurés  de  l'ordre  ne  fassent  pas  diffi- 
culté d'admettre  les  enfants  naturels  des 
rois  et  des  princes  souverains,  néanmoins  le 
prieuré  d'Allemagne  n'en  reçoit  point,  de 
quelque  naissance  distinguée  que  soit  le 
présenté;  il  faut  absolument  qu'il  soit  né  de 
légitime  mariage. 

La  profession  se  faisait  autrefois  dans  cet 
ordre  aussitôt  qu'on  avait  fini  l'année  de  no- 
viciat, comme  on  le  fait  dans  tous  les  autres 
ordres  religieux  ;  mais  cetle  coutume  n'est 
plus  en  usage,  et  il  n'y  a  que  ceux  qui  sont 
reçus  en  minorité  qui  aient  un  temps  fixé 
pour  leur  profession.  Ils  doivent  se  rendre 
au  couvent  dans  la  vingt-cinquième  an- 
née pour  faire  leur  année  de  noviciat  , 
et  ensuile  leur  profession  dans  la  vingt- 
sixième  année  ,  à  faute  de  quoi  ils  per- 
dent en  faveur  de  leurs  cadets  l'ancien- 
neté que  leur  minorité  leur  avait  procurée. 
Cependant  il  y  a  beaucoup  de  Chevaliers  re- 
çus en  minorité  qui  ne  font  profession  que 
plusieurs  années  après  les  vingt-six  ans, 
sans  que  cela  leur  porte  aucun  préjudice; 
mais  il  faut  pour  cela  qu'ils  aient  un  bref  ou 
une  dispense,  qu'où  obtient  aisément  pour 
des  raisons  particulières  qu'on  expose. 

Voici  les  cérémonies  qui  s'observent  en 
donnant  l'habit  et  faisant  faire  profession 
aux  Chevaliers.  Le  postulant  ayant  reçu  du 
grand  maître  et  du  conseil  la  permission  de 
prendre  l'habit  et  de  faire  profession,  et  le 
jour  ayant  élé  choisi,  il  se  trouve  à  l'église, 
où  étant  à  genoux  devant  l'autel,  vêtu  d'une 
longue  robe  cl  d'un  manteau  à  bec,  qui  est 
l'habit  de  l'ordre,  et  ayant  à  la  main  un  flam- 
beau allumé,  il  offre  au  prê're  son  épée  nue 
pour  cire  bénite.  Le  prêtre  la  lient  toute  nue 
en  disant  quelques  oraisons  ,  et,  après  avoir 
jeté  de  l'eau  bénite  sur  l'épée  el  sur  le  Che- 
valier, il  lui  met  en  main  celle  épée  nue  en 
lui  disant  :  Recevez  celle  sainte  épée  au  nom 
du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit,  ainsi 
soit-il,  et  servez-vous-en  pour  vôtre  défense, 
et  de  la  sainte  Eglise  de  Dieu,  à  la  confusion 
des  ennemis  de  la  croix  de  Jesus-Clirist  el  de 
la  foi  chrétienne;  et  prenez  garde,  autant  quel 
la  fragilité  humaine  le  permettra,  de  n'en  ]'a-\ 
mais  frapper  personne  injustement.  Que  la 
grâce  d'en  user  ainsi  vous  soit  accordée  par 
celui  qui  vit  et  règne  avec  le  Père  et  le  Saint- 
Esprit,  dans  tous  les  siècles  des  siècles.  Ainsi 
soil  il.  On  remet  ensuite  l'épée  dans  le  four- 


ts49 


MAL 


MAL 


8:;o 


■reau,  et  le  prêtre  la  met  au  <  ou''  du  Chevalier 
'qui  doit  faire  profession,  en  lui  disant  :  Met- 
tez vôtre  épée  à  vôtre  coté  au  nom  de  Nôtre- 
Seigneur  Jesus-Christ,  et  souvenez-vous  que  ce 
n'est  pus  tant  par  les  armes  que  les  saints  ont 
conquis  des  roiaumes  que  par  leur  grande  foi. 
Cela  étant  fini,  le  prêtre  donne  un  baiser  au 
!  Chevalier  qui  doit  faire  profession,  lequel 
ainsi  orné  de  son  épée  doit  s'y  préparer  avec 
dévotion,  afin  qu'il  puisse  recevoir  la  grâce 
de  cette  sainte  milice.  Pour  cet  effet,  ayant 
eu  soin  de  faire  une  bonne  confession  de  tous 
les  péchés  de  sa  vie  passée  ,  après  avoir  en- 
tendu la  messe  el  reçu  la  très-sainte  commu- 
nion, étant  à  genoux  el  tenant  un  flambeau 
de  cire  blanche  allumé,  auquel  on  attache 
ordinairement  un  écu  d'or,  lequel  flambeau 
marque  la  charité,  qui  est  un  amour  tout  de 
feu,  se  tenant  ainsi  avec  respect  devant  ce- 
lui qui  doit  recevoir  sa  profession,  il  répond 
humblement  aux  interrogations  qu'il  lui  fait. 
Cependant  le  prêtre  peut  avant  cela,  s'il  le 
juge  à  propos  et  si  le  temps  le  permet,  don- 
ner au  profès  des  avis;  et,  après  les  lui  avoir 
donnés,  il  lui  demande  s'il  est  dans  la  dispo- 
sition de  promettre  non-seulement  de  bou- 
che, mais  du  fond  du  cœur,  de  suivre  tous  les 
avertissements  qui  viennent  de  lui  être  don- 
nés. Alors  le  Chevalier  qui  doit  faire  profes- 
sion répond  :  Moi,  N. ,  jure  el  promets  à  Je- 
sus-Christ ,  qui  est  Dieu,  à  la  bienheureuse 
Vierge  Marie,  et  à  suint  Jean-Baptiste,  que  je 
ferai  tous  mes  efforts  pour  observer  ponctuel- 
lement toutes  ces  choses. 


Manière  de  donner  l'ordre  de  Chevalerie. 

Avant  que  le  prêtre  lise  l'évangile,  le  Che- 
valier qui  doit  recevoir  les  vœux  du  profès 
lui  dit  :  Que  demandez-vous  ?  A  quoi  ayant 
répondu  qu'il  demande  l'ordre  de  Chevalerie, 
le  Chevalier  lui  dit  :  L'avez-vous  jamais 
reçu  de  prince  catholique  ou  d'autre  qui  eût 
puissance  de  le  pouvoir  donner?  Le  profès 
ayant  répondu  ce  que  bon  lui  semble, le  Che- 
valier continue  de  lui  dire  :  C'est  chose  noble 
et  salutaire,  servir  les  pauvres  de  Jesus-Christ 
et  accomplir  les  œuvres  de  miséricorde  ,  et  de 
se  députer  au  service  et  défense  de  la  foi.  Tou- 
tefois vous  demandez  une  chose  que  beaucoup 
d'autres  ont  demandée  et  recherchée  d'avoir, 
et  n'ont  pu.  Pourquoi  cet  ordre  de  Chevalerie 
que  demandez  a  coutume  se  donner  à  ceux 
qui  par  l'antique  noblesse  de  leur  lignage  le 
méritent,  ou  vei  itablemcnt  à  ceux  qui  par  leurs 
propres  vertus  s'en  sont  faits  dignes.  A  celte 
cause  vous  connaissant  être  tel  i/ue  requiert 
l'ordre  de  Chevalerie,  consentons  à  vôtre  de- 
mande, vous  mettant  en  mémoire  que  ceux  qui 
ont  de  recevoir  tel  ordre  ont  d'être  défenseurs 
de  l'Eglise,  des  pauvres  femmes  veuves  et  en- 
fans  orphelins.  Promettez-vous  ainsi  faire? 
Le  profès  ayant  répondu  :  Oui,  Monsieur, 
le  Chevalier  lui  donne  l'épée  avec  son  four- 
reau en  la  main  ,  lui  disant  :  A  celle  fui  que 
mainteniez  tout  ce  qu'avez  promis  ,  prenez 
cette  épée  au  nom  du  Père ,  du  Fils ,  et  du 
Sainl-Esvrit.  Ainsi  soit-il.  Le  Chevalier,  ti- 


rant ensuite  !  épée  du  fourreau  el  la  donnant 
en  la  main  du  proies,  lui  dit  :  Prenez  cette 
épée.  Par  son  lustre  elle  est  enflammée  de  la 
foi;  par  la  pointe,  d'espérance,  el  par  ses 
gardes,  de  charité  :  de  laquelle  userez  vertueu- 
sement pour  la  défense  vôtre  et  de  la  foi  ca- 
tholique, et  ne  craindrez  d'entrer  aux  périls 
et  dangers  pour  le  nom  de  Dieu,  pour  le  signe 
de  la  croix  et  pour  la  liberté  de  l'Eglise; 
maintenant  la  justice  el  la  consolation  des 
femmes  veuves  et  des  pauvres  orphelins  ,  car 
c'est  la  vraie  foi  el  justification  d'un  Chevalier. 
C'est  la  vocation  ,  l'élection  et  sanctification 
que  d'offrir  l'âme  à  Dieu,  et  le  corps  aux  pé- 
rils et  dangers  pour  son  service. 

Le  Chevalier  fait  nettoyer  l'épée  au  profès 
sur  son  bras,  puis  la  met  au  fourreau,  lui 
disant  :  Tout  ainsi  que  mettez  celte  épée  nette 
et  polie  dans  son  four  eau  ,  ne  délibérez  aussi 
la  tirer  en  volonté  d'en  frapper  personne  in- 
justement ,  ni  la  maculer,  mais  l'emploier 
comme  dessus:  dont  Dieu  vous  en  fasse  la  grâce, 
Ainsi  soit-il.  Le  profès  étant  toujours  à  ge- 
noux, tenant  l'épée  dans  son  fourreau  ,  le 
Chevalier  la  prend  et  la  lui  met  au  côté,  di- 
sant :  Je  vous  ceins  de  celte  epée  ,  la  mettant 
à  vôtre  côté,  au  nom  de  Dieu  tout-puissant  et 
de  la  glorieuse  vierge  Marie  ,  de  monsieur 
saint  Jean-Baptiste,  nôtre  patron,  et  du  glo- 
rieux saint  Georges  ,  à  l'honneur  duquel  rece- 
vrez l'ordre  de  chevalerie.  Tout  ainsi  qu'avec 
patience  et  vraie  foi  il  fut  victorieux  pour 
nous  impétrer  telle  grâce  envers  Dieu  ,  aussi 
n'avez-vous  de  la  tirer  sans  autre  espérance 
que  de  vaincre.  Le  profès  se  lève  ensuite  , 
tenant  à  la  main  son  épée  nue,  qu'il  ébranle 
trois  fois  ,  et  le  Chevalier  lui  dit  :  Ces  trois 
fois  qu'avez  ébranlé  l'épée  en  votre  main,  si- 
gnifient qu'au  nom  de  la  sainte  Trinité  ,  avez 
de  défier  tous  les  ennemis  de  la  foi  catholique 
avec  espérance  de  victoire.  Dieu  vous  en  don- 
ne la  grâce.  Ainsi  soit-il.  Le  profès  nettoie 
après  cela  l'épée  et  la  remet  dans  le  fourreau; 
le  Chevalier  lui  fait  une  remontrance  sur  les 
vertus  cardinales,  et,  ayant  tiré  l'épée  du 
même  profès,  il  lui  en  donne  trois  coups  sur 
l'épaule,  et  lui  dit  :  Je  vous  fais  Chevalier, au 
nom  de  Die  i,  de  la  Vierge  Marie,  de  monsieur 
saint  Jean-Baptiste,  et  de  monsieur  saint 
Georges,  vigilant  et  pacifique  en  l'honneur  dé 
chevalerie;  puis  remet  l'épée  dans  le  four- 
reau, et,  regardant  le  profès,  il  lui  donne 
doucement  un  petit  soufflet  en  disant  :  Re- 
veillez-vous,  et  ne  dormez  aux  affaires,  mais 
veillez  en  la  foi  de  Jesus-Christ,  et  faites  que 
ce  vous  soit  le  dernier  affront  et  vergogne 
qu'avez  d'avoir  pour  la  cause  de  Jesus-Christ, 
aiant  la  paix  de  Nôtre-Seigneur  en  vous.  Il 
lui  montre  ensuite  les  éperons  dorés  ,  et  lui 
dit  :  Voïez-vous  ces  éperons  ;  ils  vous  signi- 
fient, tout  ainsi  que  le  cheval  les  craint  se  met- 
tant hors  de  son  devoir,  ainsi  devez-vous 
craindre  de  sortir  de  vôtre  rang  et  vœux  et  ne 
faire  mal.  On  vous  les  met  ainsi  dorés  aux 
pieds,  pour  être  l'or  le  plus  riche  métal  qui 
se  trouve,  el  comparé  à  l'honneur.  Un  autre 
Chevalier  les  lui  attache  aux  pieds,  et  il  re- 
tourne à  sa  place  continuer  d'entendre  lo 
reste  de  lu  messe. 


S5t  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 

Manière  de  donner  la  croix  de  l'ordre. 

Après  la  demande  que  le  profès  a  faite 
d'être  reçu  et  admis  dans  la  compagnie  dos 
frères  de  la  sacrée  religion  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  celui  qui  le  reçoit  lui  dit  :  La  de- 
mande que  faites  a  été  à  plusieurs  refusée 
pour  n'être  dignes  d'être  reçus  en  telle  Com- 
pagnie ;  mais  ,  nous  confiant  de  vôtre  pru- 
d'homie  et  suffisance,  sommes  délibérés  la  vous 
octroïer,  espérant  qu'avec  bon  zcle  et  charité 
vous  vous  exercerez  aux  œuvres  de  miséricor- 
des ,  et  totallement  au  service  de  l'hôpital  de 
cette  religion  ,  non-seulement  enrichie  et  am- 
plifiée de  bien  grands  privilèges  ,  libertés  , 
franchises  ,  et  immunités  par  le  saint-sicge 
apostolique,  ain s  encore  par  tous  les  princes 
chrétiens  et  autres  saintes  personnes,  afin 
que  tous  nous  autres  servons  audit  hôpital 
suions  enflammés  de  vraie  foi  ,  espérance  et 
charité  envers  Jesus-C'ltrist.  El  tout  ainsi  que 
l'on  vous  baille  un  cierge  ardent  en  la  main  , 
cela  vous  doit  signifier  que  devez  être  ardent 
en  icelte  charité  ,  qui  est  la  vraie  perfection 
de  cette  vie;  vous  assurant  que  si  l'exercez 
d'un  ardent  cœur  pour  la  défense  de  la  foi  de 
Jesus-Christ,  contre  les  ennemis  d'icelle,  plus 
facilement  il  vous  appellera  en  son  roïaume  ; 
et  â  celle  fin  que  vous  ne  puissiez  excuser  d'i- 
gnorance ,  je  suis  tenu  vous  signifier  ici  en 
présence  .des  assistons  ,  et  demander  si  vous 
avez  parfaite  volonté  d'en  suivre  la  reijle  ; 
c'est  que  dès  celte  heure  soiez  préparé  d'entrer 
aux  peines  et  fâcheries  qu'avez  de  pâlir  au 
service  de  nôtre  religion  ,  et  totallement  vous 
dépouiller  de  vôtre  propre  volonté ,  lu  remet- 
tant aujourd'hui  entre  les  mains  de  tous  supé- 
rieurs élus  en  icelle,  quels  qu'ils  soient;  vous 
commandant  qu'àicz  à  leur  obéir  en  quelque 
manière  que  ce  soit. 

Le  profès  ayant  répondu  qu'il  est  content, 
le  recevant  continue  :  Et  puisqu'étes  con- 
tent vous  dépouiller  de  vôtre  volonté  propre 
et  liberté,  et  la  remettre  à  vos  supérieurs,  tout 
ainsi  que  l'on  fait  de  cette  cire  ,  qui  se  laisse 
manier  à  ce  que  l'on  veut,  ainsi  fera-t-on  de 
vous ,  et  vous  advise  que  serez  contraint  de 
jeûner,  quand  aurez  envie  de  manger,  et  veiller 
quand  aurez  envie  de  dormir  ,  ensemble  plu- 
sieurs autres  peines  contraires  aux  plaisirs  et 
libertés;  et  p  >ur  cela  advisez  bien  si  avez  la 
volonté  de  vous  en  dépouiller  pour  la  met- 
tre es  mains  des  supérieurs  de  nôtre  religion. 
Le  profès  ayant  répondu  qu'il  se  soumet  en- 
tièrement à  la  volonté  des  supérieur-;  et  qu'il 
se  dépouille  de  sa  liberté,  le  recevant  lui  de- 
mande :  1°  s'il  n'a  point  fuit  vœu  dans  une 
autre  religion  ;  2°  s'il  n'a  point  consommé 
mariage  ou  s'il  n'est  point  (iancé  avec 
aucune  femme  ;  3"  s'il  u'a  point  de  dettes 
considérables  auxquelles  il  ne  peut  sa- 
tisfaire ;  h"  s'il  n'a  point  été  homicide 
ou  causé  la  mort  de  quelqu'un  ;  5"  s'il 
n'est  point  de  condition  servile.  Le  proies  ré- 
pond ce  que  bon  lui  semble,  et  le  recevant 
l'atcrlitque  toutes  et  quanti  s  l'ois  qu'il  se 
trouvera  convaincudeces  choses,  on  le  chas- 
sera de  l'ordre  avec  confusion;  et  qu'il  yfasse 
bien  réflexion.  A  quoi  les  profès  ayanl  encore 


852 

répondu,  le  recevant  continue  dédire  :  Don- 

ques  puisque  vous  nous  dites  et  assurez  être 
tel,  et  qu'êtes  prest  et  délibéré  d'être  défenseur 
de  l'Eglise  de  Jesus-Christ,  et  servir  aux 
pauvres  de  l'hôpital  de  nôtre  religion,  vous 
recevons  benignement  selon  les  formes  de  nos 
établissemens,  et  lo'uuble  coxUumes  et  non  au- 
trement, et  ne  vous  promettons  que  pain  et 
eau,  simple  vêtement,  travail  et  peine.  Pour 
lors  il  commande  au  profès  d'aller  prendre 
le  missel  sur  l'autel  et  de  le  lui  apporter  ;  et, 
lui  faisant  mettre  les  mains  sur  le  canon  de 
la  messe,  le  profès  prononce  ses  vœux  en  la 
manière  suivante  :  Moi  N.  jure  et  promets, 
et  fait  vœu  à  Tout-Puissant  [à  la  glorieuse 
vierge  Marie,  et  à  monsieur  saint  Jean-Bap- 
tiste nôtre  patron)  moyennant  sa  grâce,  d'ob- 
server et  garder  vraie  obédience  à  celui  qui 
me  sera  commandé  de  par  Dieu  et  ma  religion, 
de  vivre  sans  propre,  et  de  garder  chasteté, 
ainsi  qu'il  convient  à  tous  bons  religieux 
catholiques.  Le  recevant  lui  dit  ensuite  :  Or 
à  ce  que  commenciez  par  l'obéissance,  je  vous 
commande  de  reporter  ce  messel  sur  l'autel,  et 
qu'après  qu'aurez  baisé  ledit  autel,  retourniez 
ici.  Le  proies  obéit,  et  le  recevant  continue  : 
Maintenant  nous  vous  connaissons  être  l'un 
des  défenseurs  de  l'Eglise  catholique,  et  servi- 
teur des  pauvres  de  Jesus-Christ  de  l'hôpital 
de  saint  Jean  de  Jérusalem. 

Cela  fait,  le  recevant  prend  le  manteau  à 
bec,  et  montre  la  crois  à  huit  pointes  au 
profès,  lui  disant  :  Cette  croix  nous  a  été  or- 
donnée blanche  en  si(/ne  de  pureté,  laquelle 
devez  porter  autant  dans  le  cœur  comme  de- 
hors, sans  macule  ni  tache.  Les  huit  pointes 
que  vous  voiez  en  iceile,  sont  en  signe  des  huit 
béatitudes  que  devez  toujours  avoir  en  vous 
qui  sont  :  1°  avoir  le  contentement  spirituel, 
2°  vivre  sans  malice,  3°  pleurer  ses  péchés, 
4°  s'humilier  aux  injures,  5°  aimer  la  justice, 
G"  être  miséricordieux,  7°  être  sincère  et  net 
de  cœur,  8°  endurer  persécution.  Lesquelles 
sont  autant  de  vertus  que  devez  graver  en  vô- 
tre cœur  pour  la  consolation  et  conservation 
de  vôtre  ame.  El  pour  ce  je  vous  commande 
la  porter  apertement  cousue  au  côté  sencslre 
au  droit  du  cœur,  et  jamais  ne  l'abandonner. 

Le  recevant  fait  ensuite  baiser  la  croix  au 
profès,  et  lui  mettant  le  manteau  sur  les 
épaules,  lui  dit  :  Prenez  cette  croix  et  habit 
au  nom  de  la  sainte  Trinité,  auquel  trouverez 
repos  et  salut  de  vô're  ame,  en  augmentation 
de  la  foi  catholique,  et  défense  de  tous  bons 
chrétiens,  pour  l'honneur  de  nôtre  Sei- 
gneur Jesus-Christ  ;  et  pour  ce  je  vous 
mets  cette  croix  au  côté  senestre  près  du  cœur 
pour  la  parfaitement  aimer,  et  de  vôtre  muin 
dextre  la  défendre,  vous  commandant  de  ja- 
mais ne  l'abandonner,  à  cause  que  c'est  le  vrai 
étendart,  lianniere  de  nôtre  religion,  ni  moins 
vous  éloigner  de  la  compagnie  de  nos  frères 
qui  l'accompagnent.  Autrement  vous  serez 
dejctléel  privé  de  nôtre  compagnie  avec  grand 
vitupère,  cumme  membre  puanl  et  transgres- 
seur  de  nos  vœux,  conformément  â  nos  éta- 
blissemens. Ce  manteau  duquel  nous  vous 
avons  velu,  est  la  figure  du  vêlement  fait  de 
poil  de  chameau,   duquel  étoit  vêtu  nôtre  pa- 


8  ■* 


MAL 


MU. 


854 


Iran  suint  Jean-Baptiste,  étant  aa  désert.  Et 
partant  prenant  ce  manteau,  vous  financez 
aux  pompes  et  vanité*  de  ce  monde,  et  vous 
commande  le  porter  en  teins  requis,  aussi  pro- 
curez que  vôtre  corps  soit  enseveli  en  icelui, 
afin  qu'il  vous  souvienne  d'ensuivre  nôtre  pa- 
tron saint  Jean-Baptiste,  et  que  vous  mettiez 
toute  espérance  pour  laremission  de  vos  péchés 
à  la  passion  de  nôtre  Seigneur  Jésus-Christ, 
laquelle  est  signifiée  par  ce  cordon,  duquel  il 
fut  lié  par  les  Juifs.  Ceci  est  la  figure  de  la 
colomne  où  il  fut  lié.  Ceci  est  lu  couronne 
d'épines.  Ceci  est  la  lance  de  laquelle  il  eut  le 
côte  percé.  Ceci  sont  les  paniers  pour  donner 
l'aumône  aux  pauvres,  et  dans  lesquels  Virez 
chercher  pour  eux  quand  vôtre  bien  ne  pour- 
ra satisfaire.  Ceci  est  l'éponge  quand  on  l'a- 
breuva de  fiel  et  de  vinaigre.  Ceci  sont  les 
fouets  desquels  il  fut  battu.  Ceci  est  la  croix 
sur  laquelle  il  fut  crucifié.  Je  vous  l'ai  mise 
sur  l'épaule  çn  remembrance  delà  passion  sous 
laquelle  trouverez  le  repos  de  votre  ame.  Ce 
joug  est  fort  doux  et  suave,  et  par  ainsi  je 
vou<  lie  ce  cordon  au  col  en  signe  de  servitude 
par  vous  promise.  Nous  vous  faisons, et  tous  vos 
païens  participons  de  tous  les  biens  spii  ituels 
qui  se  font  et  se  front  en  nôtre  religion  par 
toute  la  chrétienté.  Vous  serez  obligé  de  dire 
et  réciter  chacun  jour  cent  cinquante  Pater 
noster,  ou  bien  les  heures  de  ISôtre-Dame,  ou 
les  vigiles  des  morts.  Vous  serez  pareillement 
obligé  reciter  une  des  trois  formes  de  prières 
ci-dessus  pour  chacun  de  nos  frères  trépassés. 
Vous  demeurerez  la  tête  nue  jusques  à  ce  que 
le  maître  vous  commande  de  la  couvrir,  et 
après  l'oraison  et  bénédiction  du  prêtre  vous 
embrasserez  lotis  les  frères  avec  vôtre  habit. 
Avant  que  de  manger  irez  foire  l'obédience  à 
l'auberge.  Le  prêtre  de  l'ordre  qui  a  célébré 
la  messe  dit  ensuite  plusieurs  oraisons  sur 
le  nouveau  profès.  qui  est  à  genoux;  après 
lesquelles  le  proies  va  faire  l'obédience  à 
l'auberge  avec  du  pain,  de  l'eau  el  du 
sel,  etc. 

Mais  peut-être  qu'il  n'y  a  jamais  eu  dans 
cet  ordre  de  réception  plus  solennelle  que 
celle  de  César,  duc  de  Vendôme  ,  fils  natu- 
rel d'Henri  IV,  roi  de  France  ,  qui  le  fit  re- 
cevoir Chevalier  de  cet  ordre  dans  son  bas 
âge  (1).  La  cérémonie  se  lit  à  Paris  dans 
l'église  du  Temple, qui  était  magnifiquement 
ornée.  Le  roi ,  l.i  reine  ,  les  princes  et  les 
princesses  ,  les  prélats  et  les  ambassadeurs 
qui  étaient  à  la  cour  s'y  trouvèrent.  L'évê- 
que  de  Nevers  célébra  pontificale  ment  la 
messe,  et  fil  une  exhortation  au  duc  de  Ven- 
dôme sur  l'ordre  qu'il  prenait.  Il  fut  ensuite 
présenté  au  grand  prieur  de  France,  qui  lui 
fit  les  demandes  ordinaires;  mais,  ne  pou- 
vant répondre  à  cause  de  son  bas  âge,  le 
roi  descend  t  de  son  trône  ,  et  s'approcha 
pour  l'aider  à  répondre.  La  messe  étant 
achevée,  le  nouveau  Chevalier  se  présenta 
pour  faire  sa  profession.  Le  roi  s'avança  et 
promit  que  lorsqu'il  aurait  atteint  l'âge  de 


seize  ans,  il  ferait  les  vœux  ordinaires  de  pau- 
vreté, de  chastetéct  d'obéissance  ;  mais  comme 
il  avait  apparemment  une  expectative  du 
grand  prieuré  de  France,  le  grand  prieur  lui 
attacha  devant  l'estomac  la  grande  croix  de 
l'ordre.  La  cérémonie  se  termina  par  le  son 
d'un  grand  nombre  de  trompettes  et  de  haut- 
bois. Le  duc  de  Vendôme  donna  à  dîner  au 
grand  prieur,  aux  commandeurs  et  aux 
Chevaliers  qui  avaient  assisté  à  sa  réception, 
et  le  roi  alla  dîner  chez  M.  Zamct.  Le  duc 
de  Vendôme  ne  lit  pas  néanmoins  sa  profes- 
sion, et  épousa,  l'an  1609,  Françoise  de  Lor- 
raine ,  duchesse  de  Mercœur.  Charles  de 
Valois,  qui  fut  dans  la  suite  duc  d'Angou- 
lême,  fils  naturel  de  Charles  IX  ,  aussi  roi 
de  France  ,  avait  d'abord  pareillement  été 
destiné  pour  l'ordre  de  Malte.  Henri  III,  qui 
avait  succédé  à  Charles  IX  ,  obtint  pour  ce 
prince  du  grand  maître  une  expectative  pour 
le  grand  prieuré  de  France,  qu'il  posséda 
dans  la  suite,  et  qu'il  quitta  pour  épouser 
Charlotte  de  Montmorenci  ,  fille  d'Henri  I", 
duc,  pair  et  connétable  de  France. 

Tous  les  Chevaliers  de  quelque  rang,  qua- 
lité, ou  dignité  qu'ils  soient ,  sont  obligés 
après  leur  profession  de  porter  sur  le  man- 
teau ou  sur  le  justaucorps,  du  côté  gauche, 
la  croix  de  toile  blanche  à  huit  pointes,  qui 
est  le  véritable  habit  de  l'ordre,  la  croix  d'or 
n'étant  qu'un  ornemenlextérieur,  el  lorsque 
les  Chevaliers  vont  combattre  contre  les  in- 
fidèles, ou  qu'ils  font  leurs  caravanes  (2), 
ils  portent  sur  leur  habit  une  S'pra-veste  ou 
casaque  rouge  en  forme  de  dalmatique,  ornée 
par-devant  et  par  derrière  d'une  grande  croix 
blanche  pleine,  qui  est  celle  des  armes  de  la 
religion.  L'habit  ordinaire  du  grand  maître 
(3)  est  une  soutane  de  labis  ou  de  drap,  ou- 
verte par-devant,  et  scirée  d'une  ceinture 
où  pend  une  bourse  ,  pour  marquer  la  cha- 
rité envers  les  pauvres;  et  par-dessus  cette 
soutane  il  porte  une  espèce  de  robe  de  ve- 
lours sur  laquelle  il  y  a  au  côté  gauche  et 
'sur  l'épaule  la  croix  de  l'ordre,  qu'il  porte 
aussi  sur  la  poitrine.  Le  manteau  à  bec  (4) 
dont  nous  avons  déjà  parlé,  qui  est  celui 
qu'on  donne  à  la  profession,  est  noir,  et 
s'attache  au  cou  avec  le  cordon  de  l'ordre, 
qui  est  de  soie  blanche  et  noire,  où  sont  re- 
présentés les  mystères  de  la  passion  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ,  entrelacés  de  paniers 
qui  représentent,  comme  il  a  été  dit,  la  cha- 
rité qu'ils  doivent  exercer  envers  les  pau- 
vres. Il  y  a  à  ce  manteau  deux  manches 
longues  de  près  d'une  aune,  larges  au  haut 
d'environ  demi-pied,  qui  se  terminent  en 
pointes,  lesquelles  se  rejetaient  autrefois  sur 
les  épaules  el  se  nouaient  ensemble  sur  les 
reins.  11  parait  par  une  monnaie  d'or  du 
grand  maître  Déodat  Gozon  qui  l'ut  élu  l'an 
1346,  el  par  le  sceau  du  grand  maître  Phil- 
berl  de  Naillac,  qui  succéda  à  Ferdinand  de 
Hérédia  l'an  1306  ,  qu'il  y  avait  ancienne- 
ment à  ce   manteau  à  bec  un  capuce  qui  y 


(1)    .1/ss-,  de  Brienne,  à  la  bibliothèque  du   roi,         ("i)  Voy.,  ibid.,  n°204. 
v.l.  CC1AXIV.  (4)  Vo'y.,  ibid.,  n    £0* 

(■2)  Yoy.,  à  la  fin  du  vul.,  n*  2  ô. 


855 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


856 


était  attaché)  comme  on  peut  voir  dans  la 
figure  qui  représente  un  ancien  Chevalier 
avec  ce  manteau  à  bec  (1). 

L'habit  des  Chevaliers  grand-croix  (2), 
quand  ils  sont  à  l'église  ,  est  une  espèce  de 
robe  noire  appelée  clociaoa  cloche,  ouverte 
par-devant ,  ayant  des  grandes  manches, 
sur  laquelle,  dû  côlé  gauche,  sur  la  poitrine 
et  sur  l'épaule  ,  est  la  croix  de  l'ordre  avec 
le  grand  cordon  ,  et  une  épée  à  leur  côté. 
Quand  ils  vont  au  conseil  (3),  ils  ont  une 
pareille  robe  noire,  mais  fermée  par-devant, 
n'ayant  que  la  grande  croix  sur  la  poitrine, 
et  ils  n'y  portent  point  l'épée  ni  le  cordon. 
Les  frères  chapelains  allant  par  la  ville  (h) 
sont  habillés  comme  les  ecclésiastiques, ayant 
seulement  sur  leur  soutane  et  sur  le  man- 
teau au  côté  gauche  la  croix  de  l'ordre  ;  à 
l'église  (5)  ils  ont  un  rochet  de  toile,  et  par- 
dessus un  camail  noir,  où  est  aussi  la  croix 
de  l'ordre.  Clément  XI,  à  la  sollicitation  du 
grand  maître  Raymond  de  Perellos  de  Ro- 
cafult ,  qui  gouverne  présentement  l'ordre, 
a  accordé  à  soixante  chapelains  de  cet  ordre 
la  permission  de  porter  le  camail  violet  ; 
mais  il  n'y  a  que  ceux  qui  résident  à  Malle 
qui  se  servent  de  ce  privilège;  quelques-uns 
en  France  ayant  voulu  porter  ce  camail  vio- 
let, l'archevêque  d'Aix  fui  le  premier  qui  s'y 
opposa.  Nous  donnons  aussi  l'ancien  habil- 
lement de  ces  chapelains  ,  et  celui  que  por- 
tait Raymond  du  Puy,  premier  grand  maître 
de  cet  ordre  ,  comme  il  est  représenté  dans 
d'anciennes  peintures  à  Malte  (G). 

11  y  a  eu  jusqu'à  présent  soixante-trois 
grands  maîtres,  parmi  lesquels  il  y  a  eu 
Pierre  d'Aubusson  et  Hugues  de  Loubens  de 
Verdale  qui  ont  élé  cardinaux.  Le  pape  Ur- 
bain VIII,  en  donnant  le  titre  d'Eminence 
aux  cardinaux  le  donna  aussi  aux  grands 
maîlresde  l'ordre  deSaint-Jean  de  Jérusalem. 
Les  résidents  de  cet  ordre  auprès  des  têtes 
couronnées  prennent  la  qualité  d'ambassa- 
deurs, et  celui  qui  réside  à  Rome  ajoute  à 
celle  qualité  celle  de  procureur  général  en 
cour  de  Rome. 

Quoique  toutes  les  commanderies  de  l'or- 
dre de  Saint-Jean  de  Jérusalem  soient,  ou 
de  justice,  lorsqu'on  les  obtient  par  droit 
d'ancienneté  de  réception,  ou  de  grâce,  lors- 
qu'elles sont  accordées  par  le  grand  maître 
ou  par  les  grands  prieurs  en  vertu  du  droit 
attaché  à  leurs  dignités ,  comme  nou9  avons 
dit  ci-devant,  néanmoins  la  commanderie 
de  l'Ile- Verte  à  Strasbourg,  affectée  à  des 
chapelains  de  l'ordre,  est  élective,  et  le  com- 
znandeur  a  droit  de  porter  la  mitre,  la  crosse 
et  les  autr«=,  ornements  pontificaux.  Dès 
l'an  S 150,  Wernerus,  maréchal  de  Hune- 
bourg,  qui  était  un  puissant  seigneur  qui 
avait  causé  plusieurs  maux  aux  bourgeois 
de  Strasbourg,  touché  de  repentir,  et  vou- 
lant se  convenir  à  Dieu,  se  réconcilia  avec 
ces  bourgeois,  et  obtint  d'eux  un  lieu  ap- 
pelé l'Ile-Verle,  hors  des  murs  de  la  ville, 
où   il  fil  bâtir  une  église  sous  le  nom  de  la 

(1)  Voi/.,  à  h  lin  du  vol.,  n*  2CG. 
(■J.)  Voij.,  iliid.,  n"  207. 
(.5}  Voy.,  ibid.,  n"  i  s. 


Sainte-Trinilé.  Pendait  près  de  deux  siècles, 
le  service  divin  ne  fut  point  interrompu  dans 
cette  église;  mais  vers  l'an  13G7,  elle  était 
abandonnée   et  tombait  en   ruine  ,   lorsque 
Rusman   Merswin,   d'une   famille    noble  de 
Strasbourg,  l'acheta,  la  fit  rebâtir,  y  joignit 
des  bâtiments  et  des  jardins  ,  et  y  mit  pour 
la  desservir  quatre  prêtres   séculiers  ,  avec 
la   permission    du  pape   et  de  l'évêque   de 
Strasbourg.  Quelque  temps  après  il  la  donna 
à  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  à  con- 
dition que  des  frères  chapelains  de  cet  ordre 
y  feraient  à  perpétuité  l'office  divin.  Cette 
donation  fut  acceptée  par  Conrad  de  Bruns- 
berg,  grand  prieur  d'Allemagne,  l'an  1371,  et 
confirmée  dans  la  suite  par  le  grand  maître 
Raymoud  Bérenger,  et  par  le  chapitre  géné- 
ral.  Ce   grand  pripur,  par  ordre  du   grand 
maîlre,  donna  l'habit  de  l'ordre  et  la  croix  à 
Rusman   Merswin  et  à  ses  compagnons,  qui 
furent  reçus  au  nombre  des  religieux  de  cet 
ordre.  Merswin,  selon  Bosio  dans  son  His- 
toire de  l'Ordre  de   Malle,  prit  néanmoins 
un  habit  différent  de  celui  des  chapelains  de 
l'ordre;  car  il  dit  que  celui  des   novices  élait 
semblable,   quant  à  la   forme,  à  celui  des 
avocats    consistoriaux  et  des   cubiculaires 
apostoliques  à  Rome,  et  qu'à  leur  profession 
on  leur  en  donnait  un  semblable  à  la  clocia 
ou  robe  que  portent  les   chevaliers  grands- 
croix  de  l'ordre  ;  que  sur  cette  robe  ils  met- 
taient un  manteau,  et  sur  ce  manteau  une 
mozelte.    Rusman   Merswin  ajouta  à  l'église 
de  la  Sainte-Trinité  une  autre  église  qu'il 
fit  bâtir,  et  qui  fut  dédiée  en   l'honneur  de 
saint  Jean-Bapiiste.  Il  mourut  l'an  1382,  le 
18  juillet,  étant  âgé  de  soixante-quatorze 
ans.  Le  grand  prieur  Conrad  de  Brunsberg 
choisit  aussi   sa  demeure  ordinaire  à  l'Ile— 
Verte,  dont  il  est  reconnu  le  principal  bien- 
faiteur, les   revenus    les   plus  considérables 
dont  jouit  encore  celte  commanderie  prove- 
nant de  ses  libéralités  ;   mais  il   mourut  à 
Cologne  le  10  décembre  1390,  et  fut  enterré 
dans  l'église  de  la  commanderie  de  Saint- 
Jean  et  de  Sainte-Cordule. 

La  piété  des  fidèles  augmenta  les  revenus 
de  la  commanderie  de  l'Ile-Verle,  qui  de- 
vaient être  autrefois  très-considérables,  puis- 
que, nonobstant  les  pertes  qu'elle  a  souffer- 
tes par  les  guerres  et  par  l'hérésie  que  la 
ville  de  Strasbourg  avail  embrassée,  ils  se 
montent  encore  à  présent  à  près  de  douze 
mille  livres.  Quelques-uns  ayant  voulu  dé- 
membrer quelque  chose  de  la  fondalion  , 
Hugues  de  Sari,  grand  prieur  de  France,  qui 
avait  été  nommé  avec  quelques  chevaliers 
par  le  grand  maîlre  Antoine  Fluvian  pour 
faire  la  visite  de  l'ordre  en  Allemagne,  as- 
sembla à  nie-Verte  le  chapitre  de  la  pro- 
vince l'an  1454,  et  ordonna  que  la  fondalion 
de  celte  commanderie,  qui  était  du  nombre 
des  maisons  exemples,  demeurerait  en  son 
entier,  de  peur,  dit  ce  grand  prieur  dans  lo 
décret  qu'il  fit,  que  cet  unique  signe  de  l'ob- 
servance de  la  religion  de  Saint-Jean  de  Jé- 

(i)  Voi/.,  ibid.,  n«209. 
(  \  Vo'ij.,  iliid.,  n"  210. 
(li)  Voy..  ibid.,  ii°B  ail  ei2!2. 


857  MAL 

rusalem  ne  fût  obscurci.  Cet  orage,  étant 
dissipé,  la  réputation  des  religieux  de  celle 
comthanderie  se  répandit  de  tous  cotes  ;  plu- 
sieurs personnes  ecclésiastiques  et  laïques, 
et  même  des  Chevaliers  de  l'ordre  voulurent 
demeurer  avec  eus,  l'on  augmenta  les  bâli- 
;nients,  qui  étaient  très-spacieux. 

Plusieurs  cardinaux  légats  ,  des  nonces 
apostoliques,  des  archiducs,  des  princes,  et 
même  l'empereur  Maximilicn  Ier,  qui,  l'an 
1501,  et  dans  les  années  suivantes,  vint  plu- 
sieurs fois  à  Strasbourg  avec  une  suite  nom- 
breuse, y  ont  fait  aussi  leur  séjour  pendant 
le  temps  qu'ils  ont  demeuré  à  Strasbourg. 
L'empereur  Maximilicn  confirma  la  fonda- 
tion de  cette  commanderie,  ce  qu'a  fait  aussi 
l'empereur  Charles  V  et  quelques-uns  de  ses 
successeurs. 

Le  sénat  de  Strasbourg,  dans  une  lettre 
qu'il  écrivit  au  grand  maître  de  l'ordre,  l'an 
1Ï78,  lui  parla  avec  éloge  de  l'observance 
régulière  que  l'on  pratiquait  dans  celle  com- 
manderie, et  le  pria  de  ne  pas  souffrir  que 
l'on  en  diminuât  rien;  mais  les  magistrats 
qui  composaient  le  même  sénat,  vers  l'an 
1523.  furent  d'un  sentiment  bien  contraire  à 
celui  de  leurs  prédécesseurs.  La  ville  de 
Strasbourg  ayant  embrassé  l'hérésie  de  Lu- 
ther et  les  opinions  des  nouveaux  sectaires, 
ils  voulurent  contraindre  tous  les  ecclésias- 
tiques et  les  religieux  à  suivre  leur  perni- 
cieux exemple.  Pour  y  obliger  les  chapelains 
de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  de  la 
commanderie  de  l'Ile-Verte,  ils  les  chargè- 
rent de  grosses  impositions,  ils  leur  défendi- 
rent de  recevoir  des  novices,  ils  voulurent 
les  empêcher  de  dire  la  messe  et  de  prêcher; 
et,  afin  que  les  catholiques  ne  pussent  pas 
entrer  dans  leur  église,  ils  mirent  des  soldais 
aux  portes,  obligeant  les  religieux  de  leur 
payer  leur  solde,  et  de  nourrir  à  leur  table 
les  officiers.  Nonobstant  ces  persécutions,  ces 
religieux  ne  laissèrent  pas  de  faire  l'office 
divin  dans  leur  église;  ils  établirent  le  no- 
viciat à  la  commanderie  de  Schélestadl,  qui 
dépend  de  celle  de  l'Ile-Verte,  et  les  anciens 
furent  réduits  à  deux  seulement,  n'y  ayant 
plus  que  le  commandeur  et  le  sacristain  qui 
restèrent  à  l'Ile-Verte.  Cette  persécution 
fut  modérée  ;  les  catholiques  de  Strasbourg 
et  les  étrangers  eurent  permission  de  faire 
l'exercice  de  leur  religion  dans  la  comman- 
derie de  l'Ile-Verte,  n'y  ayant  que  cette  seule 
église  qui  leur  fût  accordée;  mais  on  limita 
le  pouvoir  des  religieux,  qui  n'y  purent  ad- 
ministrer les  sacrements  de  baptême  et  de 
mariage  ;  on  leur  défendit  de  faire  le  caté- 
chisme, et  ii  ne  leur  était  pas  permis  de 
porter  le  saint  viatique  aux  malades,  même 
secrètement  ,  sans  s'exposer  à  de  grosses 
peines  et  à  être  mis  en  prison. 

Ils  furent  plus  perséculés  l'an  1633  :  les 
magistrats  signifièrent  le  lu'  janvier,  vieux 
sty  le,  un  ordre  au  commandeur  d'aller  de- 
meurer le  même  jour  avec  les  religieux  et 
les  domestiques  dans  la  maison  de  la  prévôté 
de  Sainl-l'ierre-le-Jeune  ,  avec  permission 
ie  faire  l'exercice  de  la  religion  catholique 
laus  1  église  du  monastère  de  la  Madeleine 


MAL  858 

des  sœurs  Pénitentes,  qui  étaient  les  seules 
religieuses  que  l'on  avait  tolérées  dans  la 
ville  de  Strasbourg,  et  qui  étaient  fort  éloi- 
gnées de  Saint-Pierre  le-Jeune.  On  leur  dé- 
fendit de  rien  emporter  de  la  commanderie 
de  l'Ile-Verte,  et  on  leur  promit  que  tout 
ce  qu'ils  laisseraient  leur  serait  fidèlement 
gardé.  L'ordre  pour  faire  sortir  ces  religieux 
le  même  jour,  fut  exécuté  avec  beaucoup  de 
rigueur.  Ils  furent  conduits  à  SaintPierre- 
le-Jeune  au  milieu  d'une  troupe  de  soldats 
et  insultés  par  la  populace;  mais  la  pro- 
messe qu'on  leur  avait  faite  de  garder  fidè- 
lement ce  qu'ils  laissaient  à  l'Ile- Verte  ne 
fut  pas  tenue;  car,  le  18  mars  de  la  même 
année,  l'on  commença  à  démolir  la  com- 
manderie et  le  couvent,  et  la  veille  de  la  fêle 
de  saint  Jean-Baptiste,  l'église  fut  entière- 
ment abattue,  les  meubles  furent  abandon- 
nés au  pillage,  et  les  magistrats  refusèrent 
aux  religieux  quelques  tuiles  qu'ils  deman- 
daient pour  réparer  la  couverture  de  quel- 
ques maisons  qu'ils  avaient  hors  leur  com- 
manderie. On  ordonna  au  commandeur  de 
remettre  entre  les  mains  des  échevins  les 
clefs  des  archives,  et  on  lui  fil  une  nouvelle 
défense  de  recevoir  des  novices.  Le  comman- 
deur en  porta  ses  plaintes  à  la  cour  impé- 
riale et  à  la  diète  de  l'Empire;  mais  ses 
sollicitations  et  la  recommandation  même 
du  roi  de  France  Louis  XIV,  qui  demandait 
pour  eux  quelque  dédommagement  aux  ma- 
gistrats, furent  inutiles.  Ce  ne  fut  qu'après 
la  paix  de  Westphalie,  qui  fut  conclue  l'an 
16i8,  qu'on  leur  permit  de  retourner  à  l'Ile- 
Verle,  où  ils  firent  réparer  le  peu  de  bâti- 
ments qui  y  restait;  mais,  n'ayant  point 
d'église,  ils  furent  toujours  obligés  d'aller 
faire  l'office  divin  dans  celle  du  monastère 
de  la  Madeleine,  qui  était  éloignée  d'une 
demi-lieue. 

Enfin,  l'an  1681,  la  ville  de  Strasbourg 
s'élant  soumise  à  l'obéissance  du  roi  de 
France,  le  commandeur  de  l'Ile-Verte  fil  as- 
signer les  magistrats  au  conseil  supérieur 
d'Alsace  pour  être  dédommagés  des  torts 
qu'on  leur  avait  faits,  à  quoi  les  magistrats 
lurent  condamnés  par  un  arrêt  du  11  juillet 
1685.  Mais  ces  magistrats  ayant  eu  recours 
au  conseil  d'état  du  roi,  Sa  Majesté  porta  les 
uns  et  les  autres  à  un  accommodement  qui 
fut  fait  entre  eux  par  l'entremise  de  M.  de  la 
Grange,  intendant  d'Alsace;  et,  par  la  tran- 
saction qui  fut  passée  l'an  1687,  les  magis- 
trats donnèrent  au  commandeur  et  aux  reli- 
gieux de  l'Ile-Verte  l'église  et  le  monastère 
de  Saint-Marc,  qui  avaient  autrefois  appar- 
tenu à  des  religieuses  de  l'ordre  de  Saint- 
Dominique,  situés  dans  un  des  faubourgs  de 
Strasbourg,  et  réciproquement  le  comman- 
deur et  les  religieux  cédèrent  aux  magistrats 
l'Ile-Verle  et  le  reste  des  bâtiments  qui  sub- 
sistaient. Cette  transaction  fut  confirmée  par 
le  grand  maître  ,  et  par  ce  moyen  les  reli- 
gieux de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem 
sont  en  possession  du  monastère  de  Saint- 
Marc,  et  on  leur  a  donné  le  soin  d'une  euro 
pour  tout  le  faubourg  de  la  Porte  de  Saint- 
Pierre. 


SS9 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


SGU 


Nous  avons  dit  que  la  commanderic  de 
Schélestadt  dépendait  de  celle  de  f  Ile-Verte. 
C'était  autrefois  une  commanderie  qui  devait 
être  possédée  par  un  chevalier;  mais  elle  se 
trouva  tellement  endettée  dans  le  xive  siècle, 
que  le  grand-prieur  et  le  chapitre  provincial 
d'Allemagne  qui  se  tinta  Heimbach  proche 
Landau,  l'an  1399,  la  donnèrent  au  comman- 
deur et  au  couvent  de  File-Verte,  à  condi- 
tion qu'ils  y  entretiendraient  deux  chapelains 
pour  y  faire  l'office  divin  ;  ce  qui  fut  confirmé 
par  le  grand  maître  Philbert  de  Naillac  l'an 
lil7.  Le  commandeur  et  le  couvent  de  l'Jle- 
Verte,  après  en  avoir  acquitté  les  dettes,  la 
firent  rebâtir.  Elle  souiïnt  beaucoup  lors- 
que la  ville  fut  assiégée  par  les  Suédois  ,  et 
les  religieux  en  ont  cédé  depuis  une  partie 
pour  faire  les  nouvelles  fortifications. 

Le  commandeur  de  l'Ile-Verle  est  élu  par 
les  religieux  de  la  commanderie.  11  se  sert 
d'ornements  pontificaux  par  un  privilège 
qui  lui  a  été  accordé  par  le  Pape  Clément 
VIII  l'an  1596,  et  il  donne  la  tonsure  et  les 
quatre  mineurs  à  ses  religieux.  II  a  séance 
dans  les  chnpilres  provinciaux  d'Allemagne 
immédiatement  après  le  grand-prieur  ;  et, 
lorsqu'il  n'y  peut  aller  en  personne,  le  pro- 
cureur qu'il  y  députe  prend  son  rang  après 
le  dernier  chevalier  au-dessus  des  autres 
chapelains  de  la  province.  II  y  a  ordinaire- 
ment neuf  chapelains  dans  la  commanderie 
de  l'Ile- Verte  av<  c  le  commandeur  ,  et  deux 
dans  celle  de  Schélesladt.  Ils  sont  présente- 
ment habilles  comme  les  autres  chapelains 
de  l'ordre.  Le  grand  prieur  d'Allemagne  a 
droit  de  visite  tous  les  dix  ans  dans  ces  deux 
commanderies  :  M.  Kebel  en  est  présente- 
ment commandeur,  et  c'est  lui  qui  nous  a 
envoyé  les  mémoires  dont  nous  nous  sommes 
servis,  et  qui  nous  ont  été  procures  par  M. 
de  Corberon,  premier  président  du  conseil 
d'Alsace. 

Voyez  Giacomo  Bosio.  Hist.  ciel  Orcl.  di 
S.  Giovanni  Gierosolimitano,  secuncl.  eclit. 
Là  même  traduite  par.  Baudouin.  Juan  Au- 
gust.  De  Runes,  Cltronica  de  la  Religion  de 
Saint-Juan  de  Jérusalem.  Henric.  l'enlaleo, 
Hist.  Milit.  Ord.  jp'annitarttm.  Rltod.  et 
Melit.  Equit.  Girolarno  Maruli.  Vit.  de 
Grand-Maestri  di  M  alla.  Francisco  Abela, 
Descrittion  di  Mal  ta.  Jacob  Fonlaiius,  De 
Bello  Rliodio.  Matthieu  de  Goussancourl, 
Martyrologe  de  Malte.  Naberaî,  Privilèges 
octroyés  à  l'ordre  de  Malle.  Le  chevalier 
Lambert ,  Recueil  des  mêmes  privilèges.  Le 
commandeur  Descluseaux,  Recueil  des  mânes 
Privilèges.  Gaspar  de  Montoya,  Stabilimenta 
Miiilum  saeri  ord.  de  Sancio  Joanne  Jeroso- 
lijm.  De  Pougé ,  Instructions  sur  les  devoirs 
des  Chevaliers  de  Malte.  Fav  in ,  Théâtre  d'hon- 
neur et  de  chevalerie.  Bernard  Giusliniani , 
Hist.  Chronolog.  de  gli  Ord.  milit.  Scliooue- 
beck,  llist.  des  Orcl.  militaires. 

Dans  le  cours  du  xvnr  siècle,  l'ordre  de 
Malte  figura  de  plusieurs  façons,  soit  dans  les 
choses  religieuses,  soit  en  politique,  etc.  Nous 
citerons  quelques  traits  que  nous  allons  indi- 
quer, plutôt  que  détailler:  nous  commençons 
oar  les  démêles  de  l'ordre  avec  l'iiuiuisition. 


Ces  troubles  arrivèrent  sous  le  grand  maître 
Baimond  Pérellos,  en  1711. 

Le  tribunal  de  l'inquisition,  introduit  dans 
l'île  de  Malle  par  le  pape  Grégoire  X1I1,  y 
fut  d'abord  souffert  en  paix,  et  la  commis- 
sion fut,  en  premier  lieu,  conGée  à  l'évêque. 
Quelque  temps  après ,  l'inquisiteur  fut  un 
officier  de  la  cour  de  Borne,  auquel  on  avait 
prescrit  de  ne  procéder  que  conjointement 
avec  le  grand  maître,  l'évêque,  le  prieur  de 
l'église  et  le  vice-chancelier.  On  ne  prévit 
pas  que  les  inquisiteurs  pourraient  dans  la 
suite  se  rendre,  pour  nous  servir  des  termes 
du  Mémoire  présenté  à  Louis  XIV,  se  rendre 
non-seulement  indépendants,  mais  insuppor- 
tables à  une  milice  formée  du  sang  le  plus  no- 
ble du  monde  chrétien,  et  dont  l'ordre  est  re- 
vêtu du  caractère  de  souverain  sur  ses  sujets. 
L'inquisiteur  Delci,  qui  avait  porté  ses  pré- 
tentions jusqu'à  demander  que  le  carrosse  du 
grand  maître  s'arrêtât  à  la  rencontre  du  sien, 
ne  crut  pas  devoir  souffrir  que  Vinfirmerie  de 
la  religion  fût  plus  longtemps  exempte  de  sa 
juridiction.  Il  faut  que  nous  rappelions  ou 
que  nous  apprenions  au  lecteur  que  l'inûr- 
merie  de  la  religion  était  le  lieu  le  plus  pri- 
vilégié de  l'ordre;  le  maréchal  de  l'ordre  lui- 
même  n'y  pouvait  entrer  sans  laisser  à  la 
porte  son  bâton  de  commandant.  Ce  lieu  pri- 
vilégié et  confié  à  la  garde  des  Chevaliers 
français  les  plus  zélés  pour  leur  liberté,  na 
reconnaissait  d'autre  autorité  que  celle  du 
grand  hospitalier.  Tout  autre,  de  quelque 
qualité  qu'il  soit,  ne  peut  y  entrer  sans  lais- 
ser à  la  porte  les  marques  de  sa  dignité.  Les 
officiers  de  l'inquisition  y  entrèrent  par  sur- 
prise, le  7  décembre  1711,  et  commencèrent 
à  y  faire  des  actes  de  visite.  Le  commandeur 
d'Avernes  de  Bocage,  infirmier,  averti  de 
celte  entreprise,  vint  promptement  s'y  op- 
poser, les  lit  sortir  sur-le-champ,  et  protesta 
de  nullité  contre  tout  ce  qu'ils  avaient  pu 
faire  en  son  absence. 

Le  grand  maître  envoya  le  grand  prieur 
Zondondari  en  qualité  d'ambassadeur  de  la 
religion  pour  représenter  au  pape  les  pré- 
tentions de  l'inquisiteur  qu'ils  qualiûentd'in- 
justes.  L'infirmier  lui-même  vint  en  Franco 
pour  instruire  le  roi,  qui  en  écrivit  vivement 
au  pape  pour  l'engager  à  désavouer  les  en- 
treprises du  député  romain.  L'inquisiteur  in- 
culpé ne  parut  pas  très-affecté  de  ces  ru- 
meurs et  de  ces  plaintes ,  car  dès  l'année 
suivante,  Zondondari,  ambassadeur  extraor- 
dinaire à  Borne,  renouvela  l'expression  de 
ses  griefs  contre  cet  inquisiteur,  qui  par  des 
patentes  accordées  à  un  grand  nombre  de 
Mallais,  prétendait  les  exempter  de  l'obéis- 
sance due  à  leur  souverain,  chose  en  quoi 
nous  ne  pouvons  l'excuser  comme  dans  la 
première. 

Pendant  le  cours  de  ce  siècle,  la  religion, 
expression  consacrée  pour  designer  l'ordre 
de  Malle,  montra  son  zèle  accoutumé  poul- 
ie service  de  la  chrétienté  et  la  libération  des 
esclaves.  Elle  en  rendit,  à  diverses  reprises, 
un  gr.md  nombre  à  leurs  familles,  eut  plu- 
sieurs avantages  sur  les  vaisseaux  ou  les 
corsaires  algériens,  et  conclut  avec  Coustun- 


S61 


MAL 


MAL 


S02 


tinople  une  trêve  de  vingt  ans,  basée  sur  six 
articles  fort  avantageux  aux  Maltais,  aux 
esclaves  et  à  l'Eglise. 

ïn  1725,  Benoit  XIII  voulut  donner  au 
grand  maître  et  à  tout  l'ordre  de  .Malte  une 
preuve  éclatante  de  son  affection.  Il  dépêcha 
•à  Malte  un  de  ses  camériers  d'honneur  pour 
'présenter  au  chef  de  la  religion  l'estoc  et  le 
casque  bénits  solennellement  à  la  fête  de 
Noël.  L'estoc  est  une  épée  d'argent  doré, 
longue  d'environ  cinq  pieds.  Le  casque  est 
une  espèce  de  bonnet  de  velours-pourpre, 
brodé  d'or,  garni  d'une  figure  du  Saint-Es- 
prit, en  perles.  Ce  noble  présent  fut  reçu 
comme  il  le  méritait,  et  le  grand  maître  y  vit 
un  encouragement  à  la  vertu  et  à  l'esprit  de 
son  ordre. 

Quoique  les  chevaliers  de  Malte  eussent 
gardé  en  général  l'esprit  de  leur  institut,  on 
peut  facilement  soupçonner  qu'il  avait  été 
néanmoins  un  peu  altéré  par  l'esprit  du 
temps  au  dernier  siècle.  On  en  put  voir  la 
preuve  dans  une  circonstance  que  nous  allons 
mentionner  ici.  On  sait  combien  l'archevêque 
de  Paris,  M.  de  Beaumont,  eut  à  souffrir  des 
entreprises  de  la  philosophie,  de  l'irréligion 
et  du  jansénisme  L'ordre  de  Malte  lui  donna 
un  sujet  de  peine,  en  secondant,  d'une  ma- 
nière indirecte  du  moins,  une  momerie  ou 
singerie  des  cérémonies  religieuses.  Crébillon 
mourut  en  1762.  Les  comédiens  français,  en 
dépit  de  l'archevêque,  qui  n'eût  point  donné 
l'autorisation  qu'ils  auraient  voulue,  Grentcé- 
lébrer,  le  6  juillet,  un  service  solennel  pour 
le  défunt,  dans  l'église  de  Saint-Jean  de  La- 
tran,  à  Paris,  dont  le  curé  n'était  point  sujet 
de  l'archevêque,  mais  sous  la  juridiction  de 
l'ordre  de  Malte.  Tout  Paris  s'amusa  de  celte 
farce  indécente.  L'archevêque  fil  îles  repro- 
ches à  l'ordre  de  Malle  de  ce  scandale  donné 
dans  une  église  de  l'ordre.  Il  se  tint,  le  jeudi 
15  juillet,  un  consistoire  chez  l'ambassadeur 
de  l'ordre;  on  y  dévida  que,  pour  éviter  de 
perdreundroiidontM.de  Beaumont  faisait 
des  plaintes  amères,  le  curé  de  Saint-Jean  de 
Latran,  quoique  soustrait  à  l'ordinaire,  par 
les  privilèges  de  l'ordre,  recevrait  une  puni- 
tion du  scandale  donné  à  l'Eglise  de  Paris,  en 
communiquant  avec  des  histrions,  foudroyés 
tous  les  huit  jours  au  prône  sous  le  bras  ec- 
clésiastique. En  conséquence  ce  curé  fut  con- 
damné à  trois  mois  de  séminaire  et  à  deux 
cents  francs  d'amende  envers  les  pauvres. 

Nous  avons  dit  à  l'article  des  religieux  de 
Saint-Antoine  de  Viennois  [Voy.  Antonins, 
tome  1",  205),  que  cet  institut,  pour  éviter  la 
ruine  dont  il  était  menacé  au  dernier  siècle, 
s'était  réuni  canoniquemenl  à  l'ordre  de 
Malte,  en  1775.  Cette  réunion  fut  fort  blâmée 
dans  l'assemblée  du  clergé  de  France,  avant 
qu'elle  fût  effectuée. 

Les  chevaliers  de  Malte  abusèrent  de  leur 
puissance  après  celte  réunion,  en  dépouillant 
l'abbaye  chef-lieu  de  Saint-Antoine.  Les  An- 
tonins  virent  l'imprudence  qu'ils  avaient 
commise,  s'en  repentirent  et  se  plaignirent, 

(1)  Lacroix  des  frères  servants  d'armes  différait 
ile  celle  îles  Chevaliers;  nous  eu  donnerons  la  ligure, 
lians  l'article  que  notre  volume  de  supplément  cou- 


le 20  juillet  1780,  au  clergé  de  France  alors 
réuni  et  qui  signa  une  réclamation  contre  la 
réunion  des  deux  ordres.  Plaintes  et  récla- 
mations, tout  fut  inutile.  L'ordre  de  Malto 
resta  pauvrement  enrichi  des  quarante-deux 
maisons  données  par  les  Antonins;  la  révo- 
lution vint  bientôt  tout  engloutir. 

Dès  le  commencement  du  dernier  siècle, 
le  nombre  des  servants  d'armes  était  bien  di- 
minué; il  intervint  même  un  décrel  qui,  jus- 
qu'à nouvel  ordre,  en  suspendait  la  réception. 
Nous  ignorons  si  ce  nouvel  ordre  fut  jamais 
donné  (i). 

Au  commencement  de  17G8,  les  Jésuites 
furent  chassés  de  Parme.  Pinto,  grand  maî- 
tre de  Malle,  était  feudataire  du  royaume  de 
Naples.  Les  cours  d'Espagne  et  de  France 
obligèrent  celle  des  Deux-Sicilcs  à  poursui- 
vre l'institut  proscrit  jusque  sur  le  rocher  qui 
servait  de  boulevard  aux  plus  célèbres  che- 
valiers de  la  chrétienté.  Le  lâche  et  miséra- 
ble ministre  napolitain,  Tanucci,  s'empressa 
d'obtempérer.  Le  22  avril  17(58,  le  grand 
maître,  sous  l'influence  de  la  peur,  rendit  un 
décret  par  lequel,  cédant  aux  sollicitations 
du  ministre  napolitain,  il  bannissait  de  l'île 
la  Compagnie  de  Jésus.  Les  Chevaliers  en  fu- 
rent, hélas  I  bientôt  bannis  eux-mêmes  et 
peut-être  pour  toujours.  Voici  en  abrégé 
l'histoire  de  leur  expulsion  due  aux  mesures 
iniques  de  Buonaparte  et  à  la  trahison  du 
dernier  grand  maître  qui  ait  régné  à  Malte. 

Ce  grand  maître,  Ferdinand  de  Hompesch, 
naquit  à  Dusseldorf,  le  9  novembre  17i'i-, 
vint  à  Malte  à  l'âge  de  douze  ans,  et  fui  suc- 
cessivement page  du  grand  maître,  grand- 
croix,  minisire  de  la  cour  de  Vienne  auprès 
de  son  ordre,  et  succéda,  en  1797,  au  su« 
périeur  général  de  son  ordre.  Il  fut  le  pre- 
mier All/mand  qu'on  eût  vu  à  la  tète  de 
l'ordre  de  Malte.  Les  idées  révolutionnaires 
avaient  fait  irruption  jusque  dans  celte  île. 
Hompesch  était  loin  de  les  approuver,  mais 
la  faiblesse  de  son  caractère  l'empêcha  de  les 
éloigner  des  emplois  que  la  nullité  de  son 
prédécesseur  leur  avait  abandonnés.  Aussi, 
lorsque  Buonaparte,  en  juin  1798,  se  pré- 
senta devant  l'île,  ce  boulevard  de  la  chré- 
tienté était  dans  les  mains  de  Chevaliers  par- 
jures, gouvernant  au  nom  du  souverain  le 
plus  faible  qui  eût  encore,  porté  le  barre  to  ne. 
Des  complots  de  trahison,  que  partageai  nt 
les  Chevaliers,  et  surtout  le  commandeur  lios- 
redon,  secrétaire  du  trésor,  amenèrent  celui- 
ci  à  se  rendre  auprès  du  général  Buonaparte 
et  à  signer  pour  son  ordre  une  honteuse  ca- 
pitulation. Le  grand  maître,  qui  avait  tout 
laissé  faire,  n'eut  plus  qu'à  se  soumettre. 
Quelques  jours  après  celle  capitulation,  Buo- 
naparte, se  promeuant  autour  des  remparts 
de  la  Valette  ,  en  admirait  la  construction 
et  la  force.  «  Il  faut  convenir,  lui  dit  un  de 
ses  aides  de  camp,  que  nous  avons  ôle  bien 
heureux  qu'il  se  soil  trouvé  du  monde  dans 
cette  ville  pour  nous  en  ouvrir  les  portes.  » 
On  ne  peut  se  figurer  quelie  bassesse  le  grand 

saciera  aux  Chevaliers  île  Malte  dans  leur  étal  actuel, 
ainsi  que  la  ligme  de.  la  bannière  de  l'ordre. 


803 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


maître  destitué  mit  à  écrire  et  à  témoigner 
sa  soumission  et  même  sa  reconnaissance  au 
citoyen  Ruonaparle.  Tout  fut  inutile,  le  vain- 
queur fit  disparaître  tous  les  insignes  de  l'or- 
dre; le  grand  maître  partit  et  mourut  mal- 
heureux en  1803.  Malte,  aujourd'hui  soumise 
aux  Anglais,  doit  sa  chute  à  Buonaparte. 
L'ordre  ne  fut  pas  éteint  par  cette  défection. 
Voici  la  liste  chronologique  de  ses  grands 
maîtres. 

1.  Gérard  (le  bienheureux),  natif  de  Mar- 
tigues,  en  Provence,  directeur  de  l'hôpital 
établi  a  Jérusalem,  après  la  conquête  de  celte 
ville  par  Godefroi  de  Bouillon,  en  1099,  est 
regardé  communément  comme  le  premier 
grand  maître  de  l'ordre  des  Hospitaliers  au- 
jourd'hui nommé  ordre  de  Malle;  il  meurt 
en  1118. 

2.  Brocard-Roger,  omis  dans  l'histoire  de 
Malle,  meurt  en  H31. 

3.  Raymond-dù-Puy,  ou  Dclpuech,  cru  du 
Dauphiné,  meurt  en  1160. 

4.  Auger  de  Balben,  aussi  du  Dauphiné, 
meurt  en  1103. 

5.  Arnault  de  Comps,  compatriote,  meurt 
en  1167. 

6.  Gilbert  de  Sailly,  ou  selon  d'autres  de 
Sully,  d'une  maison  de  Picardie,  a  abdiqué 
en  1169. 

7.  Gaston  (  inconnu  )  n'a  rien  fait  de  re- 
marquable, meurt  à  la  même  année,  1169. 

8.  Joubert,  né  en  Syrie,  meurt  en  1179. 

9.  Roger  do  Moulins  ou  des  Moulins, 
meurt  en  1187. 

10.  Gantier  de  Napoli,  en  Syrie,  meurt  en 
1188.  J 

H.  Ermengard  d'Apt  ou  de  Daps,  meurt 
en  1192.  l 

12.  Geoffroy   de  Duison,   meurt  en   1194. 

13.  Alphonse  de  Portugal  a  abdiqué  la 
même  année,  1194. 

1'*.  Geoffroy  le  Rai,  Français,  meurt  en 
1206. 

15.  Guérin  de  Montaigu,  de  l'Auvergne, 
meurt  en  1250. 

16.  Bertrand  de  Texis ,  -ou  peut-être  Le 
Texier,  décédé  en  1240. 

17.  Guérin  ouGuarin  (inconnu),  meurt  en 
1213.  ' 

18.  Berlrand  de  Comps ,  du  Dauphiné  , 
meurt  en  1244. 

19.  Pierre  de  Willebride,  meurt  en  1251. 

20.  Guillaume  de  Châteauneuf,  Français 
d'origine,  meurt  en  1260. 

21.  Hugues  deRevel,  du  Dauphiné,  meurt 
en  1279,  ou  selon  d'aulres  en  1278. 

22.  IVïcolas  de  l'Orgue,  meurt  en  1288. 

23.  JeandeVilliers  ou  de  Villers,  Français, 
meurt  en  1294. 

24.  Odon,  ou  Hugues,  ou  Eude  de  Pins,  Pro- 
vençal, meurt  en  1298. 

25.  Guillaume  de  Yillaret,  anciennement 
'de  Villeroc,  de  la  Provence,  meurt  en  1308. 

A  Rhodes,  après  la  conquête  de  l'île. 

26.  Fouques  de  Villaret,  sous  qui  se  fait  la 
conquête  de  l'île  de  Rhodes,  le  15  août  1310, 
abdique  en  1323. 

27.  Maurice  de  P  ignac,  1323  à  1326. 


8C4 

28.  Hélion  de  Villeneuve,  Provençal,  meurt 
en  1348. 

29.  Adeodad  Gozon,  meurt  en  décembre 
1353. 

30.  Pierre  de  Cornillon,  Provençal,  meurt 
en  1355. 

31.  Roger  de  Pins,  de  la  province  de  Lan- 
guedoc, meurt  en  1365. 

32.  Raymond  Béranger,  du  Dauphiné, 
meurt  en  1373. 

33.  Robert  de  Juliac,  Français  d'origiue, 
meurt  en  1376. 

34.  Jean-Ferdinand  de  Heredia  ,  Arago- 
nais,  meurt  en  1379. 

35.  Richard  Cararcioli,  Napolitain,  1383. 

36.  Philibert  de  Nuillar,  Gascon,  meurt  en 
1421. 

37.  Antoine  Flurian,  ou  de  la  Rivière,  Ca- 
talan, meurt  en  1431. 

38.  Jean  de  Lassie,  Auvergnat,  meurt  en 
mai  1454. 

39.  Jacques  de  Milly,  compatriote,  meurt 
en  1457. 

40.  Pierre  Raymond  Zacosta,  Castillan, 
meurt  en  1476. 

41.  Jean-Baptiste  Orsini,  Romain,  meurt 
le  8  juin  1486. 

42.  Pierre  d'Aubusson  de  la  maison  de  la 
Feuillade,  et  depuis  C....d,  meurt  le  30  juil- 
let 1503. 

43.  Emery  d'Amboise,  frère  du  cardinal, 
meurt  le  3  novembre  1512. 

44.  Guy  de  Blanchefort,  Limousin,  meurt 
le  24  novembre  1513. 

45.  Fabrice  Caretlo, Italien, meurt enl521. 

A  Malte. 

46.  Philippe  de  Villiers  de  l'Ile-Adam, 
Parisien,  sous  qui  l'ordre  perd  Bhodes  en 
1522,  et  s'établit  à  Malle  en  1530,  meurt  la 
21  aoûl  de  l'an  1534. 

47.  Perrin  du  Pont,  Piémonlais,  meurt  en 
1535. 

48.  Didier  de  Saint-Taille,  Toulousain  , 
meurt  en  153G. 

49.  Jean  de  Homèdes,  Aragonais,  meurt  l« 
6  septembre  1553. 

50.  Claudedela  Sangle,  neFrançais,  meurt 
en  1557. 

51.  Jean  Vallet  de  Parisot,  appelé  à  tort  do 
la  Valette,  Languedocien,  meurt  le  21  aoûl 
1568. 

52.  Pierre  Guidalotti  de  Monté,  Italien, 
meurt  en  1572. 

53.  Jean  L'Evèque  de  la  Cossière,  Auver- 
gnat, meurt  le  20  décembre  1581. 

54.  Hugues  de  Loubens  de  Verdale,  Pro- 
vençal, et  depuis  C...,  meurt  le  12  mai  1595. 

55.  Martin  de  Garzez,  Aragonais,  meurt 
en  1601. 

56.  Alphonse  de  Wignacourl, Champenois» 
meurt  le  14  septembre  1622. 

57.  Louis  .Mandes  de  Wasconcellos,  Por- 
tugais, meurt  le  6  mars  1623. 

58.  Antoine  de  Paule,  Provençal,  meurt  le 
10  juin  1636. 

59.  Paul  de  Viniimille-Lascaris,  Caslilla», 
meurt  le  14  août  1657. 


SCS 


MAL 


MAL 


.son 


!  GO.  Martin  de  Reling,  Navarais,  meurt  le 
6  février  I GGO. 

61.  Annet  de  Clermont-Chaltes  de  Gcssan, 
Dauphinois,  mort  le  2  juin  16G0. 

G2.  Raphaël  Cotoner  (de  l'île  Mayorque  ), 
meurt  en  octobre  1063. 

G3.  Nicolas  C.  Cotoner,  frère  du  précédent, 
meurt  en  1G80. 

64.  Grégoire  CaralTe,  Napolitain,  meurt  le 
21  juillet  1690. 

65.  Adrien  de  Wignacourt,  neveu  d'Al- 
phonse, meurt  le  4  février  1G97. 

66.  Remond  Percllos  de  Hocafull,  Arago- 
nais,  meurt  en  1720. 

67.  Marc-Antoine  Zondondari,  Siennois, 
meurt  le  16  juin  1722. 

68.  Antoine-Manuel  de  Vilhena,  Portugais, 
meurt  le  12  décembre  1736. 

69.  Remond  d'Espuig,  de  l'île  Mayorque, 
meurt  le  18  lévrier  1741. 

70.  Emmanuel  Piuso ,  Portugais  ,  né  en 
1681,  élu  en  1741,  meurt  en  1774. 

71.  François-Emmanuel  de  Rohan,  de  la 
vénérable  langue  de  France,  né  le  19  avril 
1725,  élu  grand  maître  le  12  novembre  1775. 

72.  Hompesh,  sous  qui  Malte  capitule  en 
1798,  abdique  en  1799. 

Ce  dernier,  arrivé  à  Trieste,  fit  d'inutiles 
protestations  contre  une  capitulation  qu'il 
n'avait  ni  stipulée  ni  ratiliée,  mais  à  laquelle 
il  n'avait  pas  eu  le  courage  de  s'opposer. 
Quelques  mois  plus  lard,  cédant  aux  instan- 
ces de  la  cour  de  Vienne,  pressée  elle-même 
par  la  Russie,  il  abdiqua  en  faveur  de  Paul  Pr, 
empereur  schismatique,  comme  si  la  politique 
pouvait  disposer  ainsi  d'un  ordre  religieux. 

L'ordre  ne  fut  pas  aboli  par  la  mort  obs- 
cure de  Hompesch  ou  Hompesh,  il  eut  un 
successeur  en  Sicile.  Après  la  restauration 
des  divers  Etals  en  Europe,  à  la  paix  conti- 
nentale de  1814,  des  vues,  des  plans,  furent 
formés  sur  l'ordre  de  Malle.  Nous  lui  consa- 
crerons un  article  dans  notre  supplément  et 
nous  ferons  connaître  son  état  de  régénéra- 
tion, ou,  si  l'on  veut,  d'humiliation  actuelle. 
VuyezMA.LiK  au  Supplément. 

Mémoires  secrets  pour  servir  à  l'histoire  de 
la  république  des  lettres...,  tom.  1";  Mémoire 
sur  l'état  religieux  et  sur  la  commission  éta- 
blie pour  les  Réguliers.  —  Histoire  des  cheva- 
liers Hospitaliers...  de  Malte,  par  M.  l'abbé 
deVertot. — Histoire  des  Chevaliers.. .de  M  aile, 
tome  Vlll,  par  Lefèvre,  avocat,  1832.     B-d-e. 

MALTE  (Des  Religieuses  Hospitalières 
de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem, 
dites  de). 

§  Ier  Leur  origine. 
L'institution  des  Religieuses  Hospitalières 
de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  est 
aussi  ancienne  que  celle  des  Hospitaliers  du 
même  ordre  dont  nous  avons  parlé  dans  les 
articles  précédents  ;  car  dans  le  même 
temps  que  l'on  bâtit  à  Jérusalem  l'hôpital 
proche  l'église  de  Sainte-Marié  la  Latine, 
qui  était  destiné  pour  les  hommes,  et  dont 
Gérard  eut  la  conduite,  on  en  bâlit  aussi  un 
nuire  pour  les  femmes  à  côté  de  la  même 
église,  et  on  le  dédia  eu  l'honneur  de  saiule 


Marie-Madeleine.  La  bienheureuse  Agnès, 
dame  romaine,  en  était  supérieure,  lorsque 
la  ville  de  Jérusalem  fut  prise  par  les  chré- 
tiens sur  les  infidèles,  l'an  1099,  et  on  y  ob- 
servait les  mêmes  règlements  que  dans  celui 
des  hommes.  Les  historiens  de  cet  ordre 
n'ont  point  marqué  ce  que  devinrent  ces  re- 
ligieuses après  que  la  ville  de  Jérusalem  eu, 
été  reprise  par  Saladin,  soudan  d'Egypte, 
l'an  1187.  Mais  l'année  suivante  la  reine 
Sanche,  fille  d'Alphonse,  roi  do  Caslille  ,  qui 
se  disait  empereur  des  Espagnes,  et  femme 
d'Alphonse  11,  roi  d'Aragon,  surnommé  le 
Chaste,  fonda  à  Sixène  un  monastère  de  cet 
ordre  pour  de  pauvres  demoiselles  qui  y 
devaient  être  reçues  sans  dot.  Ce  lieu,  qui  est 
situé  entre  Saragosse  et  Lérida,  appartenait 
à  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  et  dé- 
pendait de  la  châtellenie  d'Emposte.  Cette 
princesse  l'obtint  de  dom  Garcias  de  Lisa 
pour  lors  châtelain  d'Emposte,  à  qui  elle 
donna  en  échange  des  terres  dans  le  terri- 
toire de  Tarragone.  Elle  fil  faire  de  superbes 
bâtiments  qui  furent  achevés  l'an  1190,  et 
les  religieuses  y  ayant  été  établies,  elle  leur 
donna  la  règle  des  Hospitaliers  de  cet  ordre, 
à  laquelle  elle  ajouta  beaucoup  de  choses 
tuées  de  celle  de  saint  Augustin  ;  ce  qui  fut 
approuvé,  non  sans  beaucoup  de  difficulté, 
à  cause  des  additions  qui  avaient  été  faites  à 
la  règle  par  Raymond  Bérenger  ,  proviseur 
de  l'ordre,  et  confirmé,  l'an  1193,  parle 
pape  Célestin  III,  par  une  bulle  dans  laquelle 
il  semble  insinuer  que  ces  religieuses  suivent 
la  règle  de  saint  Augustin  ;  car  on  y  lit  ces 
paroles  :  lmprimis  siquidem  statuenles,  ut 
ordo  Canonicus,  qui  secundum  Deum  et  beati 
Augustini  régulant  in  eodem  loco  noscitur  in- 
stituais, perpetuis  ibi  ttmporibus  inviolabili- 
ter  observetur. 

Ce  monastère  est  comme  une  forteresse  où 
il  y  a  un  très-beau  palais  pour  la  prieure.  II 
y  a  au  fond  de  la  salle  où  elle  donne  ses  au- 
diences une  eslrade  élevée  sur  plusieurs  de- 
grés et  couverte  de  lapis,  avec  vingt-cinq  ou 
(rente  carreaux  de  velours  cramoisi  pour 
asseoir  ses  dames  assistantes.  Il  y  a  près  de 
soixante  religieuses  dans  ce  monastère,  qui 
ont  chacune  leur  apparlement  séparé  pen- 
dant le  jour,  mais  elles  mangent  en  com- 
mun, et  dorment  dans  un  même  dortoir.  11  y 
a  aussi  un  grand  nombre  de  servantes  d'of- 
fice qui  ne  font  point  de  vœux,  et  quinze 
données  qui  portent  la  demi-croix,  à  cause 
des  services  qu'elles  ont  rendus. 

La  reine  Sanche,  après  la  mort  du  roi  son 
mari,  se  retira  dans  ce  monastère  avec  la 
princesse  Douce,  sa  fille,  et  elles  y  prirent 
toutes  deux  l'habit,  avec  quelques  autres 
princesses  du  sang  royal.  La  princesse  Blan- 
che, fille  de  Jacques  II,  roi  d'Aragon,  y  prit 
aussi  l'habit ,  et  en  fut  prieure;  et  comme 
elle  était  encore  fort  jeune  ,  on  lui  donna 
sept  religieuses  pour  être  toujours  avec  elle  : 
l'une  était  la  custode,  qui  recevait  les  étran- 
gers ,  et  faisait  les  honneurs  et  les  affaires 
particulières  de  la  prieure  ;  une  autre  était 
la  camérière,  qui  la  servait  dans  sa  chambre; 
Une  était  coupière,  qui  lui  servait  à  boire; 


SG7 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


8GB 


une  aulrc  avait  la  qualité  de  repotteria  ou 
sommelière,  el  les  attires  la  servaient  à  lable 
et  aux  autres  t.fiïces  de  la  maison  :  ce  qui  a 
depuis  passé  eu  coutume,  les  prieures  de 
Sizène  ayant  toujours  eu  les  mêmes  offi- 
cières. 

La  sous-prieure  gouverne  le  chœur,  le 
dorloir,  et  a  soin  des  revenus  et  des  distri- 
butions. L'égard  ou  conseil  est  composé  de 
religieuses  que  l'on  appelle  las  senoras  del 
Esguartt,  et  qui  portent  la  croix  un  peu  plus 
grande  que  les  autres,  l'une  desquelles  est  la 
sous-prieure  ;  mais  la  plus  ancienne  y  pré- 
side. Lorsque  la  prieure  meurt,  on  lui  fait 
des  obsèques  fort  solennelles  pendant  sept 
jours  ,  après  lesquels  on  rompt  le  sceau  de 
ses  armes,  et  les  religieuses  élisent  une  autre 
prieure.  Le  châtelain  d'Lmposte,  ou  un  com- 
mandeur de  l'ordre  se  trouve  au  temps  de 
l'élection:  Il  mène  la  nouvelle  prieure  dans 
son  siège,  et  la  met  en  possession  de  l'église 
et  de  son  palais.  Les  filles  qui  sont  reçues 
sont  obligées  de  faire  preuves  de  noblesse 
comme  les  Chevaliers,  ce  qui  se  pratique 
aussi  parmi  les  religieuses  de  quelques  au- 
tres monastères  de  l'ordre;  mais  il  faut  que 
celles  d'Aragon  et  de  Catalogne  soient  de 
maisons  si  notoirement  nobles  et  illustres  , 
qu'elles  n'aient  pas  besoin  de  faire  de  preu- 
ves. Elles  sont  reçues  par  l'égard  sans  dot, 
el  la  prieure,  à  son  avènement,  en  reçoit  une 
qui  s'appellede  grâce.  Les  jeunes  ont  le  nom 
d'écolières,  et  les  anciennes  celui  de  maî- 
tresses. Elles  ont  dix  prêtres  et  un  prieur, 
auxquels  elles  donnent  l'habit  de  l'ordre. 
Ejles  font  le  service  divin  avec  beaucoup  de 
pompe  et  de  majesté,  particulièrement  les 
jours  de  fêtes  doubles;  ces  jours-là  elles 
portent  des  rochets  de  toile  fine,  et  tiennent 
a  la  main  un  sceptre  d'argent  :  elles  ont  un 
bréviaire  particulier,  et  se  lèvent  à  minuit 
pour  dire  matines.  La  prieure  pourvoit  aux 
bénéfices  vacants,  et  donne  l'habit  d'obé- 
dience aux  prêtres  qui  les  desservent.  Elle 
visite  ses  terres  avec  ses  dames  assistantes  , 
et  se  trouve  aux  chapitres  provinciaux  de 
l'ordre  en  Aragon,  et  y  a  voix  et  séance  après 
le  châtelain  d'Emposte,  et  lors-que  le  chapi- 
tre se  lient  à  Saragosse,  la  cathédrale  lui 
envoie  sa  portion  canoniale ,  comme  pré- 
bendière  de  celte  église. 

Vers  l'an  1+70,  ces  religieuses  s'étant  sous- 
traites à  l'obéissance  du  grand  maître,  elles 
reconnurent  immédiatement  le  saint-siège. 
Mais  cent  ans  après ,  l'an  1509,  l'évêque  de 
Lérida  les  voulant  soumettre  à  sa  juridiction, 
parce  qu'elles  n'avaient  pas  de  supérieur, 
Jéronime  d'Oliuo,  qui  était  pour  lors  prieure, 
donna  procuration  au  P.  Alphonse  de  Stu- 
dilto  de  l'ordre  de  la  Rédemption  des  captifs 
etminislre  du  couvent  de  saint-Sauveur  en 
Aragon  ,  pour  prêter  en  son  nom,  en  celui 
de  l'égard,  et  en  celui  du  couvent  de  Sixène, 
le  serment  de  fidélité  et  d'obéissance  au 
grand  maître ,  et  sur  quelques  demandes 
qu'elle  fit  ,  et  qui  lui  furent  accordées,  elle 
s'engagea  par  reconnaissance  de  donner  à 
chaque  changement  de  grand  tuaitre  un  vase 
ù'argcnl  au  commun  tré  or. 


Comme  l'air  de  Sixène  est  fort  mauvais, 
le  pape  Grégoire  XIII  permit,  l'an  1575,  aux 
religieuses  qui  seraient  malades  ,  de  sortir 
du  monastère  pour  aller  chez  leurs  parents 
se  faire  traiter  ,  et  y  demeurer  jusqu'à  ce 
qu'elles  eussent  recouvré  leur  santé  ;  et 
comme  il  est  porté  par  leurs  règles  qu'elles 
doivent  être  enterrées  dans  le  cimetière  du 
monastère  ,  si  une  religieuse  meurt  chez  ses 
parents  ,  on  apporte  son  corps  au  monas- 
tère pour  y  être  enterré  :  pour  lors  toutes  les 
religieuses  sortent  processionncllemenl  hors 
de  la  clôture  jusqu'à  un  lieu  fixé  pour  le  re- 
cevoir; et  là  on  découvre  le  visage  de  la 
morte,  et  l'on  fait  jurer  ceuxqui  l'ont  portée, 
que  c'est  le  corps  de  la  religieuse  décédée.  A 
l'exemple  de  ce  monastère  de  Sixène  il  se  fit 
d'autres  établissements  en  différents  pays. 
Celui  de  Saint-Jean  de  Carraria  eu  la  villede 
Pise  fut  fondé  environ  l'an  1200,  celui  de 
Notre-Dame  d'Algaira  en  Catalogne  l'an  1212, 
par  Saurine  de  Jorba  et  Eisa  de  Sagardia, 
dames  catalanes;  celui  de  Gênes  l'an  1230  ; 
celui  de  Florence  sous  le  nom  de  Saint-Joan- 
nin  l'an  1392,  par  le  grand  prieur  Caraccioli; 
celui  de  Notre-Dame  de  Caspe  en  Espagne, 
par  le  grand  maître  Ferdinand  d'Hérédia  ; 
celui  de  Séville  l'an  1490,  par  Isabelle  de 
Léon  qui  y  prit  l'habit  et  en  lut  prieure  ;  ce- 
lui d'Evora  en  Portugal  par  Isabelle  Fernan- 
dez  l'an  1509  ;  celui  de  Civita  de  Penna  par 
Julien  Ilidolphi  l'an  1523.  L'an  15i0,  l'infant 
de  Portugal,  doin  Louis,  administrateur  du 
grand  prieuré  de  Portugal,  après  avoir  fondé 
un  collège  de  trente  chapelains  de  cet  ordre 
à  Fior-de-lloses  ,  fit  aussi  bâtir  un  autre 
monastère  du  même  ordre  pour  des  demoi- 
selles en  la  ville  d'EsIremos,  et  il  y  a  aussi  à 
Malte  un  monastère  de  religieuses  de  cet  or- 
dre, qui   no  font  point  preuves  de  noblesse. 

Les  religieuses  de  cet  ordre  avaient  autre- 
fois cinq  ou  six  maisons  en  Angleterre  ;  mais 
des  chanoines  réguliers  qui  demeuraient  à 
Rukland,  vivant  dans  le  relâchement, et  ayant 
même  assassiné  un  parent  de  leur  fondateur, 
le  roi  Henri  II  les  chassa  de  leur  monastère, 
et  le  donna,  l'an  1180,  à  Garnier  de  Naples 
pour  lors  prieur  de  l'hôpital  de  Saint-Jean  à 
Londres,  pour  y  réunir  toutes  les  religieu- 
ses de  cet  ordre,  à  condition  qu'elles  ne 
pourraient  point  s'établir  dans  d'autres  mai- 
sons, et  qu'elles  ne  pourraient  avoir  que  celle 
de  Bukland  qu'elles  ont  aussi  perdue,  lorsque 
le  schisme  et  l'hérésie  ont  été  introduits  dans 
ce  royaume.  La  France  possède  aussi  de  ces 
religieuses  ;  mais  comme  elles  sont  réfor- 
mées, nous  en  parlerons  en  particulier  dans 
le  paragraphe  suivant. 

Voici  les  cérémonies  qui  s'observent  à  la 
véture  el  à  la  profession  des  religieuses  de 
cet  ordre.  Après  que  le  prêtre  a  dit  l'offer- 
toire de  la  messe,  cl  qu'il  a  béni  les  habits  de 
celle  qui  doit  faire  profession,  celui  qui  a 
droit  de  la  recevoir,  lui  dit  :  Sœur,  que  de- 
mandez-vous?  Elle  répond  :  Je  demande  d'être 
reçue  en  la  compagnie  des  sœurs  religieuses  de 
l'hôpital  de  Saint-Jean  de  Jérusalem.  Il  lui 
demande  encore  si  elle  a  reçu  déjà  cet  ordre 
de  quelque  aulrc  personne,  et  ayaut  répondu 


30'J 


MAL 


MAL 


870 


(jue  non,  il  continue  de  lui  dire  :  Rien  que  ce 

que  vous  demandez  soit  chose  de  grande  im- 
portance, et  qui  ne  s'accorde  pas  à  tous;  peut- 
être  que  cette  votre  demande  viendra  en  effet, 
lorsque  vous  nous  promettrez  observer  tout  ce 
que  par  nous  vous  sera  ordonne',  et  première- 
ment nous  désirons  que  vous  soyez  diligente 
au  service  de  Dieu  et  de  la  religion.  Me  pro- 
mettez-vous cela  ?  La  postulanle  ,  Oui,  Mon- 
sieur. Le  recevant  :  Puisque  vous  nous  pro- 
mettez cela,  prenez  ce  rosaire  au  nom  de  Dieu, 
Père,  Fils  et  Saint-Esprit,  avec  lequel  vous 
prierez  pour  l'augmentation  de  celte  sacrée 
religion,  pour  la  prospérité  de  Monseigneur 
l'éminenttssime  grand  maître,  et  de  tous  les 
frères  chevaliers  et  autres  religieux  de  celte  sa- 
crée religion,  pour  la  victoire  contre  lesTtircs 
et  infidèles,  persécuteurs  de  l'Eglise  de  Dieu, 
offrirez  l'âme  à  Dieu,  et  le  corps  aux  fatigues 
de  ce  monde  pour  le  service  de  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  ;  et  Dieu  vous  en  fasse  la  grâce. 
La  pureté  de  ce  rosaire  signifie  que  la  bonne 
religieuse  doit  être  pure  et  nette  de  tous  vices, 
et  principalement  être  honnête,  car  l'honnê- 
teté est  toujours  accompagnée  de  quatre  ver- 
tus. La  première  est  la  prudence,  par  laquelle 
vous  vous  souvenez  du  passé,  ordonnez  le  pré- 
sent, et  pourvoyez  nu  futur.  La  seconde  est  la 
justice,  aiec  laquelle  vous  conservez  les  choses 
publiques.  La  troisième  est  la  force,  avec  'laquelle 
vous  supporterez  les  travaux  de  ce  monde, 
comme  a  fait  saint  Jean-Baptiste,  sous  le  nom 
et  enseigne  duquel  vous  ornerez  et  décorerez 
votre  vie,  afin  que  comme  il  a  vaincu  le  monde, 
le  diable  et  la  chair,  ne  craignant  point  de  prê- 
cher la  vérité ,  de  même  à  son  imitation  devez 
suivre  la  volonté  divine,  avec  laquelle  au  be- 
soin témoignerez  et  démontrerez  votre  cou- 
rage et  magnanimité.  La  quatrième  est  la  tem- 
pérance, avec  laquelle  vous  modérerez  toutes 
choses,  afin  que  loin  puissiez  être  appelée  par- 
faite religieuse,  si  bien  que  vous  vous  munirez 
et  ornerez  de  ces  vertus,  les  prisant  et  les  te- 
nant toujoiws  en  la  mémoire.  Réveillez-vous, 
ma  sœur,  et  ne  dormez  point  aux  vices  ;  mais 
soyez  vigilante  à  la  foi  de  Jésus-Christ,  en  la 
bonne  et  louable  renommée,  et  attentive  aux 
bonnes  prières  et  oraisons.  11  lui  donne  ensuiie 
un  flambeau  allumé,  en  lui  disant  :  Prenez 
ce  flambeau,  et  avec  la  grâce  du,  Saint-Esprit, 
allez  ouïr  le  reste  de  la  messe. 

Le  prêtre  ajant  fini  la  messe  où  celle  qui 
doit  faire  profession  a  communié,  elle  re- 
tourne vers  celui  qui  la  doit  recevoir,  et  qui 
lui  dit  encore  :  Sœur,  que  demandez-vous? 
Elle  répond  :  Je  demande  la  société  et  compa- 
gnie des  sœurs  de  la  sacrée  religion  de  l'hôpi- 
tal de  Saint-Jean  de  Jérusalem.  Le  recevant 
lui  dil  :  Votre  demande  est  de  grande  impor- 
tance, et  qui  ne  s'octroie  pas  à  tous,  et  qui 
peut-être  ne  vous  sera  pas  refusée,  nous  con- 
fiant qu'avec  amour  et  charité,  vous  voiis  exer- 
cerez aux  œuvres  de  miséricorde,  au  service  de 
l'hôpital  et  de  votre  religion,  à  laquelle  te 
saint-siége  apostolique  et  les  prijices  chré- 
tiens ont  donné  de  très-grandes  libertés,  pri- 
[viléges  et  revenus,  afin  que  les  serviteurs  de 
)Dieu  et  de  la  religion,  enflammés  de  vraie  cha- 
rité, mère  de  toutes  les  vertus,  s'efforcent  avec 


double  service  de  servir  l'hospitalité  et  milice 
pour  la  défense  de  la  sainte  foi  catholique  con- 
tre ses  ennemis,  afin  que  la  servant  avec  affe- 
ction et  fidélité,  elle  donne  la  récompense  de 
la  vie  éternelle,  ainsi  comme  en  observant  les 
commandements  de  Dieu,  de  l'Eglise  et  de  no- 
tre religion,  vous  sera  appareillé  et  préparé 
le  paradis.  Il  serait  long  à  vous  raconter  les 
travaux  qu'endurent  les  sœurs  de  notre  reli- 
gion; mais  seulement  en  une  chose  on  conclut 
le  tout  :  c'est  que  vous  avez  à  vous  dépouiller 
de  votre  liberté,  et  la  donner  et  mettre  es  mains 
de  celle  qui  vous  sera  députée  pour  super  ieui  e, 
laquelle  seru  femme  comme  vous,  et  pourrait 
bien  être  qu'elle  fût  différente  à  votre  condi- 
tion, à  laquelle  vous  avez  d'obéir  ;  >n  étes- 
vous  contente?  La  novice  répond  :  Oui,  Mon- 
sieur, j'en  suis  contente.  Le  rece\anl  conti- 
nue :  Puisque  vous  vous  dépouillez  de  voire 
liberté,  nous  voulons  savoir  si  vous  l'avez,  et 
prenez  bien  garde  à  répondre  avec  vérité  à  tout 
ce  que  par  nous  vous  sera  requis  et  demandé. 
Il  lui  demande  si  elle  n'est  point  obligée  par 
quelque  vœu  à  d'autre  religion,  si  elle  n'a 
point  contracté  mariage,  si  elle  n'est  point 
obligée  à  de  grandes  sommes,  et  si  elle  n'a 
point  commis  d'iiomicide,  à  quoi  ayant  ré- 
pondu négativement,  il  lui  dit  :  Ma  sœur,  pre- 
nez bien  garde  ;  car  trouvant  le  contra  re 
en  quelque  temps  que  ce  soit  de  ce  qu'avez 
nié,  avec  très-grande  infamie  et  déshon- 
neur vous  sera  levé  l'habit,  et  comme  meml  re 
pourri  serez  chassée  de  notre  compagnie.  De 
façon,  qu'étant  comme  vous  dites,  vous  rece- 
vons bénignement,  et  selon  la  forme  de  nos 
statuts  ne  vous  promettons  autre  que  pain  et 
eau,  et  humble  vêtement. 

Les  religieuses  chantent  ensuite  l'antienne 
Yeni,  sponsa  Christi,  et  font  la  procession 
autour  du  cloitre,  conduisant  la  novice  qui 
lient  une  palme  à  la  main,  et  est  à  côté  de  la 
prieure.  Au  retour  de  la  procession  et  en  la 
présence  des  assistants,  on  la  dépouille  &t 
ses  riches  habits  qui  sont  ordinairement  or^ 
nés  de  pierreries  et  autres  bijoux  qu'elle  lient 
enlre  ses  mains  lorsqu'on  lui  a  ôté  ses  beaux 
habits  ;  et  se  tenant  debout,  e!!e  dit  à  haule 
vois  par  deux  différentes  fois  :  Yanitas  vani- 
tatum,  ei  à  la  troisième  fois,  haussant  encore 
sa  voix,  et  disant  :  Vanilas  vunitatum  et  om- 
nia  tanitas,  elle  les  jelle  dans  un  bassin  à  ses 
pieds.  La  prieure  assistée  de  la  sous-prieure 
lui  coupe  ensuite  les  cheveux,  on  lui  donne 
l'habit  de  religion,  et  la  novice  en  étant  ré- 
volue prononce  ses  vœux  en  la  manière  sui- 
vante, ayant  les  mains  sur  le  crucifix  du 
canon  de  la  messe  qui  est  dans  le  missel.  Je 
N.  promets  et  fais  vœu  à  Dieu  tout-puissant, 
el  à  la  Yierge  Marie,  sa  mère  immaculée,  et  à 
saint  Jean-Baptiste  notre  patron,  d'observer 
perpétuellement  obédience  a  quelque  religieuse 
de  l'ordre,  qui  par  la  religion  me  sera  donnée 
pour  supérieure,  vivre  sans  propre,  et  être 
chaste,  selon  la  règle  de  ladite  religion. 

Le  recevant  lui  dit  ensuite  :  A  cette  heure 
je  vous  connais  vraiment  reçue  au  nombre  de 
nos  sœurs  religieuses.  Elle  répond  :  Je  m'es- 
lime  et  répute  telle.  Le  recevant  contenue  de 
dire:  Dorénavant  nous   vous  faisons  et  vos 


871 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


872 


parents  participants  de  toutes  tes  indulgences 
et  grâces  concédées  à  notre  religion  par  le 
saint-siége  apostolique,  et  par  prciw ère  obé- 
dience, je  tous  commande  de  porter  ce  missel 
sur  l'autel,  puis  me  le  reportez.  Elle  obéit,  et 
le  recevant  lui  dit  après  qu'elle  a  reporté 
le  missel  :  Nous  voulons  encore  que  soyez  at- 
tentive à  l'oraison,  et  pour  ce,  direz  chaque 
jour  le  grand  office  selon  l'ordre  de  la  sainte 
Eglise,  du  concile  de  Trente,  usage  et  coutume 
de  ce  couvent,  et  cent  cinquante  Pater  noster, 
oit  le  petit  office  de  Notre-Dame,  ou  des  morts 
pour  chaque  sœur  ou  frère  qui  viendra  à  mou- 
rir. En  lui  montrant  le  manteau  :  C'est  votre 
propre  habit,  c'est  la  forme  de  votre  pénitence. 
Ceci  vous  représente  la  très-dure  et  âpre  vie 
de  notre  patron  saint  Jean-Baptiste.  Ceci  re- 
présente son  habit,  lequel  était  de  peau  de 
chameau,  signifiant  que  nous  devons  laisser  le 
temps  de  péché,  et  sans  empêchement  suivie  la 
vertu.  En  lui  monlrant  les  bras  du  manteau  : 
Ce  sont  les  bras  qui  vous  restreindront  et  lie- 
ront, signifiant  que  vous  serez  restreinte  et  liée 
de  la  vraie  obédience  de  votre  supérieure,  et  à 
l'observance  des  œuvres  de  l'hospitalité,  et  au- 
tres, comme  vous  a  été  dit.  En  lui  montrant 
la  crois  du  manteau  :  C'est  le  signe  et  l'habit 
de  la  vraie  croix,  lequel  je  vous  commande  de 
porter  continuellement  sur  vos  habits  toute 
votre  vie  :  cette  croix  blanche  signifie  que 
toutes  nos  œuvres  doivent  être  pures,  nettes  et 
blanches.  Ces  huit  pointes  signifient  les  huit 
béatitudes  qui  nous  sont  promises,  si  nous 
portons  ce  signe  au  cœur  avec  ardeur  et  fer- 
veur, à  cet  effet  la  vous  mettons  sur  le  côté 
gauche,  afin  que  l'ayez  toujours  dans  votre 
cœur,  et  avec  icelui  vous  (lever,  être  ensevelie. 
En  lui  montrant  le  cordon  :  Ce  cordon  repré- 
sente que  souvent  nous  nous  devons  souvenir 
de  la  très-âpre  mort  et  passion  de  notre  Sau- 
veur Jésus-Chris  t.  Ce  qui  serre  le  manteau 


pulaire  ;  dans  d'autres  elles  n'ont  que  la  robe 
sans  scapulaire  avec  une  petite  croix  blan- 
che à  huit  pointes  sur  le  côté  gauche.  Dans 
les  cérémonies  et  au  chœur  quelques-unes 
portent  le  manteau  à  bec  avec  les  cordons, 
où  sont  représentés  les  mystères  de  la  pas- 
sion de  Notre-Seigneur  (1).  Elles  ont  eu  quel- 
ques saintes  de  leur  ordre,  comme  sainte 
Flore  décédée  au  monastère  de  Beaulieu  en 
France,  sainte  Ubaldesque  décédée  dans  le 
monastère  de  Pise  en  Italie,  et  sainte  Toscane 
morte  à  Vérone. 

Giacomo  Bosio,  llist.di  S.  Giovanni  Gie- 
rosolomit.  tom.  III,  edit.  de  l'an  168i.  Anne 
de  Naberat,  Privilèges  de  l'ordre  de  Malte. 
Matthieu  de  Goussancourt ,  Marlyrolog.  des 
Chevaliers  de  Malle,  et  Philip.  Bonanni; 
Catalog.  Ordin.  religios.  part.  u. 

§  II.  Des  Religieuses  Hospitalières  et  Cheva- 
lières Réformées  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem  en  France,  avec  la  vie  de  la  véné- 
rable Mère  Galliotle  de  G ourdon-G enouil- 
lacet  Vaitlac  dite  de  Sainte-Anne,  leur 
réformatrice. 

Dès  le  troisième  siècle  il  y  avait  en  France 
des  religieuses  Hospitalières  de  l'ordre  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem  ,  qui  turent  établies 
dans  l'hôpital  de  Beaulieu  en  Quercy  au  dio- 
cèse de  Cahors.  Cet  hôpital  ne  lut  pas  d'abord 
bâti  pour  ces  religieuses:  ce  n'était  qu'un 
petit  hospice  que  Guibert  de  Thémines,  che- 
valier, du  consentement  de  Ponce  d'Antaiac, 
évèque  de  Cahors,  fonda  vers  l'an  1235  pour 
y  recevoir  les  pauvres  pèlerins.  Guibert  de 
Thémines,  sou  fils,  augmenta  les  revenus  de 
cet  hôpital ,  où  il  exerça  lui-même  l'hospita- 
lité avec  son  épouse  Angline  de  Baras.  11 
lui  donna,  l'an  1245,  du  consentement  de 
Géraud  de  Baras,  évèque  de  Cahors,  la  dîme 
de  l'église  d'issendolus  dont  il  était  seigneur; 


signifie  la  corde  avec  laquelle  Jésus-Christ  fut  cette  paroisse  étant  située  dans  la  terre  de 

lié.  Ce  sont  les  fouets,  ceci  est  la  colonne,  ceci  Thémines,  qui  a  depuis  été  érigée  en  mar- 

est  l'éponge,  et  ceci  est  la  croix,  en  laquelle  quisat  par  le  roi  Louis   XIII  en    faveur   de 

pour  l'amour  de  vous  il  prit  mort  et  passion.  Ponce  de  Lauzières  de  Thémines,  maréchal 

En  lui  liant  le  cordon  au  cou  :  Prenez  donc,  de  France  ,   qui  descendait  par  les  femmes 

ma  sœur,  le  joug   de  Notre-Seigneur  Jésus-  de  ces  pieux  fondateurs.  Emeric  de  Goudour, 

Christ,  lequel  est  beaucoup  léger  eldoux, et  qui  Chevalier,  donna   aussi  à  cet   hôpital,   l'an 

vous  conduira  à  la  vie  éternelle  au  siècle  des  1259,  les  dîmes  de  la  paroisse  de  Diéges  ,  et 

siècles.  Ainsi  soit-il.  En  lui  mettant  le  voile  la  même   année  Guibert  de  Thémines  céda 


noir  sur  la  tête  :  Recevez,  ma  sœur,  le  suint 
voile  de  la  virginité  qui  vous  conduise  à  la  vie 
éternelle  dans  tous  les  siècles  des  siècles.  Ainsi 
soit-il.  La  professe  retourne  ensuite  à  l'autel 
pour  recevoir  la  bénédiction  tlu  prêtre  qui 
dit  sur  elle  quelques  oraisons,  après  les- 
quelles elle  embrasse  les  religieuses,  et  avant 
que  de  manger,  elle  va  faire  obédience  au 
réfectoire  avec  du  pain,  de  l'eau  et  du  sel. 

Anciennement  ces  religieuses  avaient  pour 
habillement  une  robe  rouge  avec  un  man- 
teau à  bec  qui  était  noir,  et  sur  lequel  était 
la  croix  blanche  à  huit  pointes  ;  mais  depuis 
la  prise  de  Bhodes  elles  ont  pris  l'habillement 
entièrement  noir  en  signe  de  deuil.  Dans 
quelques  monastères  les  religieuses  de  cet 
ordre  portent  une  robe  noire,  avec  un  sca- 


cet  hôpital  avec  toutes  les  dépendances  aux 
Hospitaliers  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jé- 
rusalem, qui  y  mirent  des  religieuses  de  cet 
ordre ,  dont  Angline  de  Baras  ,  épouse  de  ce 
Guibert  de  Thémines  ,  fut  première  prieure, 
ayant  pris  l'habit  de  cet  ordre  du  consente- 
ment de  son  mari.  Ce  ne  fut  pas  la  seule 
marque  d'estime  qu'il  fit  paraître  envers 
l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  ;  car  il 
fonda  aussi  un  autre  hôpital  à  Fieux  dans  le 
même  diocèse  de  Cahors  ,  où  l'on  mit  encore 
des  religieuses  du  même  ordre,  auquel  par 
reconnaissance  ce  Guibert  fut  associé  l'arj 
1298.  Il  mourut  peu  de  temps  après,  et  fui 
enterré  dans  l'église  de  l'hôpital  de  Beaulieu  , 
comme  il  l'avait  ordonné  par  son  testament 
de  l'an  1287  ,  par  lequel  il  fonda  une  messe 


(1)  Voy.,  »  la  fin  du  vol.,  les  n<"  213  à  218. 


873 


MAL 


MAL 


871 


à  perpétuité  dans  celte  église  pour  le  repos 
de  son  âme. 

Telle  a  été  l'origine  du  célèbre  hôpital  de 
Beaulieu,  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusa- 
lem ,  dont  Angline  de  Baras,  épouse  de  Gui— 
berl  de  Tliémines,  fut  la  première  prieure. 
Elle  le  gouverna  jusqu'en  l'an  1296  ,  qu' An- 
gline de  Tliémines  ,  sa  fille  ,  lui  succéda,  File 
se  trouva  au  chapitre  provincial  de  l'ordre 
qui  se  tint,  l'an  1298,  dans  la  commanderie 
de  la  Tronquière  ,  où  le  grand  maître  Guil- 
laume de  Yillaret ,  qui  était  grand  prieur  de 
Saint-Gilles,  lorsqu'il  fut  élu  l'an  1296,  fut 
présent.  Il  soumit  les  deux  hôpitaux  de 
Beaulieu  et  de  Fieux  à  la  visite  et  correction 
du  grand  prieur  de  Saint-Gilles  et  de  ses  suc- 
cesseurs. Il  accorda  plusieurs  privilèges  à 
celui  de  Beaulieu,  ordonnant  entre  autres 
que  la  prieure  de  ce  monastère  serait  grande 
prieurede  tous  les  autres  monastères  de  filles 
de  cet  ordre  en  France  ,  et  qu'ils  lui  payeraient 
chacun  un  écu  de  redevance.  Il  fixa  le  nom- 
bre des  religieuses  de  cet  hôpital  à  quarante, 
y  compris  la  prieure,  et  à  douze  celles  de 
Fieux.  Il  ordonna  que  lorsque  la  prieure 
serait  décédée  ,  les  religieuses  procéderaient 
à  l'élection  d'une  autre  prieure  dans  le  terme 
de  quarante  jours,  et  que  l'élection  serait 
confirmée  par  le  grand  prieur  de  Saint-Gilles, 
ce  qui  fut  autorisé  dans  la  suite  par  une  dé- 
claration du  roi  Louis  X1U,  du  6  juin  1625, 
homologuée  au  grand  conseil  la  même  année. 
Ce  grand  maître  étant  à  Limisson  dans  l'île 
de  Chypre,  où  l'ordre  faisait  pour  lors  sa  ré- 
sidence, tint  un  chapitre  général  l'an  1301  , 
dans  lequel  il  confirma  tout  ce  qu'il  avait 
fait  dans  le  chapitre  provincial  de  lu  Tron- 
quière de  l'an  1298,  touchant  ces  deux  hôpi- 
taux de  Beaulieu  et  de  Fieux.  Plusieurs  per- 
sonnes ont  dans  la  suite  enrichi  par  leurs 
libéralités  celui  de  Beaulieu.  Les  prieurés 
de  Sainl-Médard,  de  Fonlènes,  de  Martel  et 
de  Barbaroux,  y  furent  unis,  et  même  l'hô- 
pital de  Fieux  y  fut  aussi  uni  au  commence- 
ment du  dernier  siècle,  avec  tous  les  biens 
qu'il  possédait.  D'abord  ce  ne  fui  plus  qu'une 
annexe  de  celui  de  Beaulieu,  mais  il  fut 
quelques  années  après  entièrement  suppri- 
mé ,  et  ses  biens  unis  à  l'hôpital  de  Beaulieu. 

Ce  fut  dans  cet  hôpital  de  Beaulieu  que  la 
vénérable  mère  Galliolte  de  Gourdon-Ge- 
nouillac  et  Vaillac  prit  l'habit  de  l'ordre  de 
Sainl-Jean  de  Jérusalem.  Elle  était  fille  de 
Louis  de  Gourdon-Genouillac,  comte  de  Vail- 
lac.elde  sa  première  femme,  Aune  deMonbe- 
ron,  qui,  étant  enceinte  d'elle,  en  fit  une  of- 
frande à  Dieu,  et  aussitôt  qu'elle  l'eut  mise 
au  monde,  qui  fut  le  5  novembre  1589,  elle 
renouvela  le  don  qu'elle  en  avait  fait.  Etant 
âgée  de  cinq  mois  elle  fui  portée  dans  l'hô- 
pital de  Beaulieu  pour  y  être  nourrie;  et  à 
l'âge  de  sept  ans  elle  y  prit  l'habit  de  novice. 
Elle  a  tait  déjà  pratique  dans  un  âge  si  ten- 
dre les  vertus  les  plus  excellentes  et  les  plus 
relevées,  et  entre  autres  l'humilité  en  ren- 
dant des  services  et  des  respects  aux  reli- 
gieuses, comme  si  elle  eût  été  leur  servante; 
mais,  se  voyant  revêtue  de  l'habit  de  religion, 
elle  s'adonna  entièrement  à  la  pratique  des 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  II. 


vertus  convenables  à  l'état  qu'elle  avait  em- 
brassé. Quatre  ou  cinq  ans  après  qu'elle  eut 
pris  l'habit,  son  père  voulut  qu'elle  fit  pro- 
fession, quoiqu'elle  n'eût  pas  encore  douze 
ans  accomplis.  Elle  ne  savait  pas  que  le  con- 
cile de  Trente  avait  déterminé  que  les  pro- 
fessions faites  avant  l'âge  de  seize  ans  se- 
raient nulles,  et  n'auraient  point  de  force 
pour  obliger;  mais  comme  si  elle  en  eût  eu 
connaissance  par  un  mouvement  secret  du 
Saint-Esprit, elle  s'y  opposa.  Cependant, com- 
me on  lui  reprochait  que  ce  n'était  que  pour 
quitter  la  religion  afin  de  se  marier,  elle  fit 
profession  dans  ce  bas  âge,  pour  montrer 
qu'elle  ne  voulait  point  d'autre  époux  que 
Jésus— Christ. 

Le  monastère  de  l'hôpital  de  Beaulieu  n'é- 
tant pas  réformé,  comme  il  l'a  été  depuis  par 
son  moyen,  on  n'avait  pas  voulu  lui  couper 
les  cheveux  à  cause  de  leur  beauté;  mais 
c'était  un  coup  de  la  Providence,  qui  voulait 
qu'elle  eût  elle-même  le  mérite  de  cette  ac- 
tion généreuse,  car  elle  se  les  coupa  elle- 
même  quelque  temps  après  sa  profession,  et 
les  jeta  au  feu  pour  en  laire  un  sacrifice  à 
Dieu.Yoyantquela  règle  de  l'ordre  de  Saint- 
Jean  de  Jérusalem  n'était  point  observée  dans 
son  monastère,  elle  prit  la  résolution  de  le 
quitter  pour  entrer  dans  celui  des  Feuillan- 
tines nouvellement  établies  à  Toulouse;  mais 
n'ayant  pu  exécuter  son  dessein,  à  cause  que 
le  comte  de  Vaillac  son  père  s'y  opposa,  elle 
s'adonna  aux  pratiques  de  l'oraison  et  de  la 
mortification.  Elle  employait  ordinairement 
quatre  heures  par  jour  à  la  méditation,  les 
genoux  en  terre,  et  demeurait  une  demi- 
heure  en  prières,  le  visage  prosterné  contre 
terre.  Elle  récitait  tous  les  jours  le  chapelet 
de  la  sainte  Vierge,  et  n'avait  point  déplus 
grande  passion  que  de  rendre  quelque  nota- 
ble service  à  cette  reine  des  anges.  Tout  ce 
qu'elle  pouvait  faire  pour  son  honneur  lui 
semblait  peu  de  chose,  par  rapport  à  l'amour 
qu'elle  lui  portait,  et  le  plus  souvent  elle  al- 
lait nu-pieds  visiter  l'église  de  Rocmadour, 
dédiée  eu  son  honneur,  et  éloignée  de  Beau- 
lieu  de  deux  lieues. 

Avant  la  réforme  de  son  monastère,  la 
coutume  était  que  les  hommes  qui  rendaient 
visite  aux  religieuses  les  baisaient  en  les  sa- 
luant; mais  elle  ne  voulut  jamais  permettre 
à  aucun  homme  de  la  saluer  de  cette  ma- 
nière; et  sa  plus  grande  peine,  après  qu'elle 
eut  établi  sa  réforme,  était  de  se  voir  obligée, 
en  qualité  de  supérieure,  d'entretenir  des 
hommes  au  parloir.  Elle  jeûnait  tous  les  ven- 
dredis et  les  jeudis  de  l'année,  ce  qu'elle  ob- 
servait avec  une  abstinence  si  sévère  et  une 
austérité  si  grande,  que  l'on  s'étonnait  com- 
ment elle  pouvait  vivre.  Si  avant  la  réforme 
elle  traitait  son  corps  si  rudement,  l'on  peut 
s'imaginer  qu'elle  l'affligea  encore  davan- 
tage lorsqu'elle  voulut  1  introduire,  afin  de 
donner  exemple  aux  autres  religieuses. 

A  l'âge  de  quinze  ans  elle  fut  faite  contre 
son  gré  coadjutricc  de  la  prieure  de  Beaulieu. 
Ei:e  prit  à  cette  occasion  la  grande  croix  île 
l'ordre  que  les  prieures  portent  pour  marque 
de  leur  diguité  ;  mais  elle  ic  fit  avec  tant  de 
28 


875 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


87C 


confusion  de  se  voir  supérieure,  qu'elle  ne 
voulut  jamais  prendre  aucun  avantage  sur 
les  autres.  Un  an  après  elle  fut  faite  prieure 
du  monastère  de  Fieux,  charge  qu'elle  ac- 
cepta volontiers  et  avec  joie,  puisqu'elle  lui 
procurait  le  moyen  de  vivre  en  solitude  ;  car 
ce  monastère  était  fort  retiré  et  peu  fréquen- 
té. Elle  eut  tout  lieu  d'y  pratiquer  aisément 
ses  grandes  pénitences,  et  ce  fut  dans  celle 
maison  qu'elle  commença  à  jeûner  les  carê- 
mes entiers  au  pain  et  à  l  eau,  encore  ne 
mangeait-elle  qu'une  fois  le  jour  quelques 
morceaux  de  pain  d'orge  cuit  sous  la 
eendre. 

A  peine  eut-elle  demeuré  quatre  ans  dans 
cette  solitude,  qu'elle  fut  obligée  de  retour- 
ner à  Beaulieu  pour  faire  cesser  les  murmu- 
res de  plusieurs  personnes  qui  s'étonnaient 
qu'une  jeune  fille,  qui  avait  tant  de  beauté, 
accompagnée  de  jeunes  religieuses  comme 
elle,  se  hasardât  de  demeurer  dans  une  mai- 
son si  peu  assurée  que  celle  de  Fieux,  située 
au  milieu  d'un  bois.  C'est  ce  qui  lui  lit  pren- 
dre la  résolution  d'abandonner  celte  maison, 
et  d'unir  ses  revenus  à  ceux  de  la  maison  de 
Beaulieu.  Elle  eut  pour  lors  le  dessein  d'eu- 
"i'er  dans  l'ordre  de  Sainte-Claire;  mais  ses 
directeurs  et  le  visiteur  de  son  ordre  l'en 
détournèrent  et  lui  conseillèrent  de  travail- 
ler plu'ôt  à  la  réforme  de  son  monastère.  ï.lla 
y  consentit;  mais  comme  elle  n'était  que 
coadjulrice  de  la  pri  ure  qui  vivait  encore, 
et  qui  s'opposait  à  ses  bons  desseins,  elle  eut 
beaucoup  de  peine  à  réussir  dans  sou  entre- 
prise, et  de  quarante  religieuses,  il  n'y  en 
eut  que  six  qui  se  joignirent  à  elle,  telles 
prirent  ensemble  le  vo;le  noir,  renouvelèrent 
leurs  vœuV  et  le  serment  de  clôture  perpé- 
tuelle entre  les  mains  du  visiteur  de  l'ordre, 
qui  leur  donna  la  règle  que  les  aulns  mo- 
nastères du  même  ordre  pratiquaient  et 
qu'elles  suivirent  exactement;  elles  voulurent 
même  renoncer  au  nom  de  leur  fa;i:ille,  et  la 
mère  de  Vaillac  prit  celui  de  Sainte-Anne. 
Comme  il  y  avait  longteuij  s  que  la  régula- 
rité était  bannie  de  son  monastère,  elle  alla 
avec  la  permission  de  ses  supérieurs  dans 
celui  des  religieuses  de  Sainte-Claire  de  Tul- 
le, pour  y  apprendre  les  observances  régu- 
lières. Elle  y  séjourna  quelque  temps,  après 
quoi  elle  revint  à  Beaulieu,  où  elle  établit  de 
beaux  règlements  pour  celles  qui  voulurent 
pratiquer  la  régularité.  Elle  donna  des  ins- 
tructions salutaires  aux  religieuses  qui  s'é- 
taient jetées  un  peu  trop  dans  la  liberté,  et 
lâcha  par  sa  conduite  et  par  son  exemple 
d'attirer  à  ce  changement  celles  qui  s'y  op- 
posaient le  plus.  Mais  eile  ne  vécut  pas  assez 
longtemps  pour  donner  la  perfection  à  sa 
reforme  et  pour  ia  rendre  solide  ;  car  ies  pé- 
nitences excessives  qu'elle  avait  pratiquées 
sur  son  corps  dès  son  bas  âge  l'avaient  ren- 
due fort  infirme,  sans  qu'elle  interrompît 
pour  cela  ses  mortifications  continuelles.  Elle 
fui  attaquée  à  l'âge  de  vingt-neuf  ans  d'une 
violenlemaladie.aontelle  futaflligée  pendant 
dix  mois,  et  à  laquelle  eile  succomba  enfin, 
étant  morte  l'an  1618,  le  2i  juin,  jour  que 
l'on  solennisa.il  la  fête  de  saint  Jean-Baptiste, 


patron  et  protecteur  de  son  ordre,  ayant  à 
peine  atteint  l'âge  de  trente  ans. 

Comme  la  plupart  des  religieuses  de  ce  mo- 
nastère n'avaient  pas  voulu  embrasser  la  ré- 
forme de  la  mère  de  Vaillac,  et  qu'elles  étaient 
autorisées  par  l'ancienne  prieure  qui  s'y 
était  toujours  opposée,  celles  qui  s'étaient 
soumises  à  la  régularité  se  virent  persécutées 
par  celles  qui  voulurent  vivre  dans  le  relâ- 
chement. Elles  furent  contraintes,  pour  se 
mettre  à  l'abri  de  la  persécution,  de  se  disper- 
ser de  côté  et  d'autre  chez  leurs  parents, 
croyant  y  trouver  un  asile  et  de  la  protec- 
tion; mais  il  semblait  que  tout  le  monde  les 
abandonnait  :  leurs  propres  parents,  de  con- 
cert avec  les  religieuses  relâchées ,  em- 
ployèrent toutes  sortes  de  mauvais  traite— 
me. ils  pour  leur  faire  quilter  la  résolution 
qu'elles  avaient  prises  de  mourir  dans  la  ré- 
forme, et  ils  leur  refusèrent  tous  les  secours 
dont  elles  avaient  besoin  :  il  y  en  eut  même 
quelques-unes  qui  furent  enfermées  dans  des 
prisons. 

Ces  persécutions  durèrent  pendant  près  de 
quatre  aus,  jusqu'en  l'an  1623,  qu'elles  trou- 
vèrent le  moyen  d'écrire  toutes  ensemble  au 
grand  maître  Antoine  de  Paulo,  pour  lui  de- 
mander sa  protection,  cl  leur  permettre  do 
persévérer  dans  la  réforme.  Nou-seuiemenl 
il  approuva  leur  résolution;  mais  il  les  as- 
sura qu'il  contribuerait  à  leur  établisse  eut 
en  quelque  lieu  qu'elles  voulussent  aller, 
mais  qu'elles  lui  feraient  plaisir  de  cb  à  ir 
la  ville  de  Toulouse.  Elles  y  vinrent  toutes 
six  l'an  162k,  et  choisirent  pour  supérieure 
la  mère  de  Mirandol,  religieuse  qui  avait 
beaucoup  de  capacité  et  beaucoup  >"e  zèle 
pour  ies  observances  régulières.  Elle  avait 
cl  faite  prieure  de  Fieux  après  la  mort  de  la 
mère  de  Vaillac.  On  ne  sait  si  celle  réforma- 
trice lui  avait  résigné  ce  prieuré;  ce  qui  est 
certain,  ('est  q  >e  la  mère  de  Mirandol  en 
était  prieure  depuis  la  mort  de  la  Mère  du 
Vaillac,  et  qu'elle  espérait,  par  le  moyen  des 
revenus  de  ee  prieuré,  venir  plus  facilement 
à  bout  de  leur  établissement  dans  Toulouse. 
A  peine  y  furent-elles  arrivées,  que  lo 
commandeur  de  Montugu  de  Fromigières 
leur  donna  un  jaidin,  une  grange  cl  loule 
l'étendue  d'une  place  que  l'on  appelait  la 
Cavalerie  de  Saint-Cyprien.  La  donation  fut 
faite  ie  7  septembre  1(327,  et  fut  approuvée 
par  ie  grand  maître  de  Paulo  le  1er  juil- 
let 1625.  Non-seulement  il  voulut  se  char- 
ger de  leur  établissement,  en  faisant  bâtira 
ses  frais  leur  monastère;  mais  il  leur  assigna 
à  chacune  cent  écus  de  rente  pour  leur  en- 
tretien, à  prendre  sur  le  trésor  commun  do 
l'ordre,  dont  la  Religion  s'est  depuis  reùi- 
mée  en  payant  le  fonds  de  cette  rente.  Ainsi 
le  grand  maître  de  Paulo  est  reconnu  pour 
fondateur  de  ce  monastère,  dont  la  mère  de 
Mirandol,  avec  sa  petite  communauté  de  cinq 
religieuses,  fut  mise  en  possession  par  le 
chevalier  de  Tourelle  le  13  septembre  162S. 
Le  grand  maiire  de  Paulo,  pour  témoigner 
davantage  son  affection  à  celle  communauté 
naissante,  voulut  être  leur  supérieur,  et  que 
pa.r  u.;  privilège  particulier  elles  dépendis- 


877 


MAL 


MAL 


878 


sent  à  l'avenir  des  grands  maîtres  ses  succes- 
seurs, au  lieu  que  les  aulrrs  monastères  de 
cet  ordre  dépendent  des  grands  prieurs  du 
rassort  dis  lieux  où  ils  sont  établis,  et  à  cau- 
se de  lYloignement  c|u*il  y  a  de  Toulouse  à 
Malle,  il  leur  nomma  pour  protecteur  le 
commandeur  de  la  Hillière-l'olalron,  afin 
q  :  r  les  pussent  s'adressera  lui  dans  les  af- 
faires qui  ne  pourraient  souffrir  de  délai;  <  e 
qui  a  élé  continué  jusqu'à  présent,  qu'elles 
ont  toujours  eu  un  protecteur  nomme  par  le 
grand  mailre. 

Ces  religieuses  pleines  de  ferveur,  sachant 
que  l'hospitalité  est  l'esprit  de  l'ordre  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem  aussi  bien  que  la 
défense  de  la  foi  contre  les  ennemis  de  l'E- 
glise, voulurent  établir  un  hôpi'.al  pour  y  re- 
etoir les  malades;  mais  le  conseil  de  la  Reli- 
gion s'y  opposa,  et  on  leur  répondit  qu'il 
suffisait  qu'elles  participassent  à  la  charité 
que  les  Chevaliers  pratiquaient  avec  tant  d'é- 
dification dans  l'hôpital  de  .Malte.  Mais  com- 
me elle-  n'avaient  point  de  constitutions, elles 
jugèrent  que  les  règles  qu'elle-;  s'étaient 
prescrites  conformément  aux  instructif  s 
qu'elles  avaient  re.ues  de  la  Mère  de  Vaillac 
p  miraient  à  l'avenir  cire  facilement  altérées; 
c'est  [jourqtioi  i  lies  demandèrent  au  grand 
maître  des  constitution- ,  et  le  prière,  t  en 
même  temps  coordonner  que  les  supérieures, 
qui  étaient  perpétuelles  ,  seraient  à  i'av<  nir 
triennales,  ce  qui  lenr  fut  accordé;  mais  ce 
ne  fut  que  sous  le  grand  maître  Jean-Paul 
de  Lascaris,  qui  succéda  l'an  l€  6  à  Antoine 
de  Paulo ,  que  leurs  constitutions  furent 
achevées,  et  ce  nouveau  grand  maître  les  ap- 
prouva par  une  bul  e  du  li  juin  16H. 

Ces  cou>ti(utions  conlienncntdix  chapitres. 
Le  quatrièm  ,  où  il  est  parlé  de  l'élection  des 
prieures,  ordonne  qu'elles  ne  seront  plus  per- 
pétuelles, mais  triennal  9,  et  qu'elles  seront 
confirmées  par  le  grand  maître  de  l'ordre.  Le 
si \jl m  ,  qui  traite  de  la  réception  des  novi- 
ic?,  parle  de  tr  is  sortes  de  personnes  que 
l'on  doit  recevoir  dar.s  cet  ordre,  et  de  condi- 
tions différentes.  Les  unes,  destinées  pour  le 
chœur,  et  qu'on  appelle  sœurs  de  justice,  doi- 
vent faire  leurs  preuves  de  noblesse  comme 
les  CheK.lieis,  et  ont  seules  voix  active  et 
passive;  d'autres,  sous  le  nom  de  sœurs  ser- 
vantes d'office,  doivent  faire  les  mêmes  preu- 
ves que  les  irères  servants  d'armes  ,  et  les 
troisièmes  sont  les  sœurs  converses,  qui  sont 
destinées  pour  les  pins  bas  offices. 

Avant  que  de  faire  la  relation  des  pieu, es, 
il  laui  avoir  assurance  de  ia  dot  ou  passage 
de  la  prétendante,  qu.  doi;  être  de  mille  écus 
pour  les  sœurs  de  justice,  et  de  cinq  cents 
écus  pour  les  sœurs  servantes  d'office,  dans 
lesquelles  sommes  ne  sont  point  compris  l'a- 
meublement de  la  chambre,  les  linges  ordi- 
naires, les  habits  de  noviciat,  et  le  premier 
habit  de  profession  que  chacune  doit  appor- 
ter aussi.  Les  sœurs  eonverses,  en  Considé- 
ration du  service  qu'elfes  rendent  au  monas- 
tère, -ont  dispensées  de  la  doi  ;  mais  el.es 
doivent  se  fou  ;i  .•     e  ha 

l'ameublement  ,  el  elles  ne  sont  point  obli- 
gées a.  d'autres    preuves   qu'à  donner  une 


bonne  attestation  de  leurs  vie  et  mœurs,  et 
qu'elles  sont  nées  de  légitime  mariage.  La 
prieure  et  le  conseil  peuvent  néanmoins  dis- 
penser les  sœurs  servantes  d'office  de  la 
somme  de  cinq  cents  écus  pour  leur  doi  ou 
passage,  lorsque  l'on  connaît  qu'elles  ont  de 
bonnes  qualités  et  qu'elles  peuvent  rendre 
de  b  ms  services  à  la  communauté  ,  et  en  ce 
cas  on  peut  se  contenter  de  trois  cents  écus 
pour  le  passage. 

Les  sœurs  de  justice  sont  obligées  de  réci- 
ter en  leur  particulier  le  grand  office  selon 
le  bréviaire  romain  ,  lorsqu'elles  ne  peuvent 
assister  au  chœur,  et  les  autres,  soit  servan- 
tes d'office  ou  converses,  doivent  dire  au  lieu 
des  heures  canoniales  ,  en  une  ou  plusieurs 
fois  ,  trente  Pater  et  autant  d'.tre.  Pour  ce 
qui  regarde  les  jeûnes  et  mortifications,  elles 
prennent  toutes  ensemble  la  discipline  tous 
les  vendredis  de  l'année,  s'il  n'arrive  une  fête 
solennelle  ces  jours-là.  Elles  jeûnent  aussi 
tous  les  vendredis,  excepté  dans  le   temps 

s  al,  les  trois  jours  des  Rogations, les  veil- 
les des  fêtes  de  la  sainte  Vierge,  du  très-saint 
■meut  lie  la  Décollation  de  saint  Jean- 
Baptiste  ,  de  l'Exaltation  de  la  sainte  croix, 
et  le  jour  de  saint  Marc.  Pendant  l'avent  o( 
tous  les  mercredis  de  i'année,  hor-  le  temps 
pascal,  elles  font  seulement  abstinence.  Elles 
ont  1  trrs  heures  marquées  pour  le  silence  et 
le  trav.il  en  commun.  Eiies  ne  vont  au  par- 
loi"  qu'accompagnées  d'une  écoule  et  le  voile 
baissé,  el  elles  doivent  s'abstenir  d'y  aller 
pendant  l'avent  et  le  carême  et  aux  fêtes  so- 
lennelles. 

Quant  à  l'habillement,  les  constitutions 
ordonnent  que  leurs  robes  ou  soutanes  se- 
ront de  lougueur  couvrant  les  piads  sans 
(rainer  à  terre,  que  les  manches  seront  assez 
1  irgés  pour  que  les  mains  y  puissent  entrer 
commodément,  que  la  matière  en  sera  lé"ère 
pour  l'été,  et  plus  pesante  pour  l'hiver,  pen- 
da  t  lequel  elle  pourront  porter  par-dessous 
un  habit  plus  fort  d'étoffe  blanche,  mais  que 
la  soutane  sera  nuire,  si  les  chapitres  géné- 
raux n'en  disposent  autrement  à  l'avenir,  et 
que  la  ceinture  sera  de  laine  noire.  La  prieu- 
re porte  ia  grande  prpjx  de  toile  fine  sur 
IV  i  miac  par-dessus  la  robe,  les  autres  n'en 
ont  qu'une  petite  au  coté  gauche  sur  le  cœur. 
Mais  pour  distinguer  les  sœurs  de  justice  des 
sœurs  servantes  d'office,  les  premières,  à 
l'exemple  des  Chevaliers,  portent  une  croix 
d'or  émaillée  de  blanc  de  la  valeur  de  quinze 
é'  us  ,  sans  qu'il  soit  permis,  de  les  enrichir 
d'aucunes  pierreries;  et  il  est  permis  aux 
sœurs  servantes  d'office  de  porter  au  doigt, 
aussi  bien  que  les  saurs  de  justice,  un  petit 
anneau  d'or  de  la  valeur  d'une  deuii-pistole, 
où  au  lieu  de  pierreries  il  y  a  une  croix 
éma'llée  de  blanc,  et  afi  i  que  les  sœurs  ne 
soient  jamais  sans  leur  habit,  elles  doivent 
cucher  avec  un  petit  scapulaire,  sur  lequel 
est  çou.sqe  une  peljlc  croix.  Les  manteaux  à 
bec  son;  en  la  forme  ordinaire  avec  I .,  gran  e 
croix  de  tuile  blanche  sur  le  coté  gauche,  et 
le  cordon  où  sont  les  instruments  de  la  pa  - 
sion  de  Noire-Seigneur.  Les  sa>  ..s  d  j  isji  e 
portent  ce  manteau  à  là  communion, a  l'pl 


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DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


580 


divin,  et  quand  la  prieure  officie,  mais  seu- 
lemeul  à  la  messe  et  à  vêpre9,  et  la  prieure 
porte  ces  jours-là  dans  les  cérémonies  ,  et 
lorsqu'elle  donne  l'habit,  ou  fait  faire  profes- 
sion à  quelque  novice,  la  cloche,  qui  est  une 
espère  de  robe  à  grandes  manches,  ouverte 
par-devant  avec  la  grande  croix  sur  la  poi- 
trine, et  le  cordon  de  l'ordre.  Les  sœurs  de 
justice  peuvent  aussi  porter  leurs  manteaux 
à  bec  au  chœur  pendant  l'hiver,  pour  se  ga- 
rantir du  froid,  et  celle  qui  est  hebdomadière 
le  porte  en  tout  temps  ;  les  sœurs  converses 
ont  un  habit  plus  grossier,  mais  de  la  même 
forme  que  celui  des  autres,  et  sont  distin- 
guées par  le  voile  blanc. 

Il  est  permis  à  la  prieure  et  au  chapitre 
ou  conseil ,  de  donner  la  demi-croix  à  des 
donnés  qui  soient  âgés  de  près  de  trente  ans. 
Ils  doivent  faire  le  même  serment  que  les  au- 
tres donnés  de  l'ordre,  mais  ils  sont  dispensés 
de  donner  actuellement  quelque  chose  ,  en 
considération  des  services  qu'ils  doivent  ren- 
dre à  la  communauté,  qui  est  oblige  de  les 
nourrir  et  de  les  entretenir.  Enfin  le  grand 
maître  de  Lascaris  dans  ces  constitutions  re- 
commande à  ces  religieuses  de  se  souvenir 
de  la  Mère  Galliotle  de  Sainte-Anne  de  l'illus- 
tre maison  de  Vaillac,  leur  réformatrice;  ce 
qui  fait  voir  que  le  P.  Bonanni,  dans  son  Ca- 
talogue des  Ordres  religieux,  s'est  trompé, 
lorsqu'il  dit  qu'elle  établit  en  France  une 
congrégation  particulière  de  pieuses  filles, 
auxquelles  clic  donna  le  nom  d'hospitalières 
de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  puisqu'elle  n'a 
été  que  la  réformatrice  de  cet  ordre  en  Fran- 
ce ,  qui  y  était  déjà  établi  dès  le  treizième 
siècle. 

Les  religieuses  de  l'hôpital  de  Beaulieu,qui 
n'ont  pas  voulu  recevoir  la  réforme  de  la 
Mère  de  Vaillac,  se  sont  soumises  dans  la 
suite  aux  observances  régulières,  et  ne  dé- 
pendent plus  du  grand  prieur  de  Saint-Gil- 
les, étant  présentement  sous  la  juridiction  de 
l'évéque  de  Cuhors.  Ce  qui  donna  lieu  à  ce 
changement ,  lurent  quelques  désordres  qui 
arrivèrent  dans  cette  maison  pendant  la  visite 
d'un  Chevalier  de  l'ordre  envoyé  par  le  grand 
prieur  de  Saint-Gilles.  M.  Sévin  ,  pour  lors 
évéque  de  Cahors,  en  porta  ses  plaintes  au 
roi,  qui  nomma  de9  commissaires  pour  in- 
former de  cette  affaire,  et,  sur  leur  rapport, 
le  grand  prieur  de  Saint-Gilles  et  la  prieure 
de  Beaulieu  furent  assignés  au  conseil  de  Sa 
Majesté.  Il  n'y  eut  que  la  prieure  qui  y  com- 
parut, et,  par  un  arrêt  du  même  conseil  du  3 
septembre  1678,  contradictoiremenl  rendu 
entre  la  prieure  et  |  ar  défaut  contre  le  grand 
prieur,  l'on  ôta  la  juridiction  ordinaire  dans 
cette  maison  au  grand  prieur  de  Saint-Gilles, 
et  elle  fut  attribuée  à  l'évéque  de  Cahors;  on 
laissa  seulement  au  grand  prieur  de  Saint- 
Gilles  un  droit  honorifique  qui  consiste  à 
oouvoir  visiter  cette  maison  une  fois  seule- 
ment à  chaque  mutation  de  grand  prieur,  ou 
par  lui-même  ,  ou  par  commission  donnée  à 
quelque  Chevalier,  mais  qui  ne  peut  faire  la 
visite    qu'accompagné    d'un    ecclésiastique 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  les  n»»  219  à  224, 


nommé  par  l'évéque  de  Cahors.  Le  grand 
prieur  de  Saint-Gilles,  nonobstant  cet  arrêt, 
ayant  donné  commission  à  un  Chevalier  pour 
visiter  cette  maison  suivant  les  anciens  usa- 
ges, sous  prétexte  qu'il  n'avait  point  de  con- 
naissance de  ces  arrêts  ,  M.  de  Briqueville 
de  la  Luzerne,  qui  fut  depuis  évéque  de  Ca- 
hors, obtint  un  autre  arrêt  le  30  avril  1703, 
qui  fit  défense  au  grand  prieur  de  Saint-Gil- 
les d'user  à  l'avenir  de  pareilles  entreprises, 
et  qui  attribua  de  nouveau  toute  juridiction 
à  l'évéque  de  Cahors  sur  celte  maison 

Ces  religieuses  ont  des  prieures  perpé- 
tuelles ;  elles  suivent  les  constitutions  qui 
leur  lurent  données  par  le  grand  maître 
Guillaume  de  Villaret.  Elles  portent  sur  leur 
soutane  une  croix  d'or  sur  celle  de  tuile 
blanche,  comme  les  religieuses  de  Toulouse, 
mais  elles  ne  portent  point  le  cordon  de  l'or- 
dre sur  leur  manteau  à  bec  :  il  n'y  a  que  la 
prieure  seule  qui  ait  droit  de  le  porter  :  leur 
habillement  est  d'ailleurs  presque  semblable 
à  celui  des  religieuses  de  Toulouse.  C'est 
dans  ce  monastère  de  Beaulieu  que  mourut 
sainte  Flore,  religieuse  de  cet  ordre,  l'an 
1299.  Les  anciennes  peintures  la  représen- 
tent avec  une  soutane  rouge,  sur  laquelle  il 
y  a  une  grande  croix  blanche,  avec  un  man- 
teau noir,  sur  lequel  il  y  a  au  côté  gauche 
une  croix  blanche  à  huit  pointes.  C'était  là 
l'ancien  habillement  des  religieuses  de  ce 
monastère,  et  de  celui  de  Fieux  avant  la 
prise  de  Rhodes;  mais  dans  la  suite  il  y  a  eu 
du  changement  dans  cet  habillement,  que 
la  vanité  avait  sans  doute  introduit,  puisque 
le  manteau  était  aussi  rouge  doublé  d'her- 
mine, comme  on  peut  voir  dans  la  figure  que 
nous  avons  fait  graver  d'après  le  portrait  de 
Gabrielle  de  Turenne  d'Aynac,  commanda- 
trice  ou  prieure  du  monastère  de  Fieux,  dé- 
cédée l'an  1524  (1).  Cet  habillement  fut  en- 
core changé  après  la  prise  de  Rhodes  quant 
à  la  couleur  et  à  la  forme,  comme  on  peut 
voir  dans  la  figure  que  nous  avons  aussi  fait 
graver  d'après  le  portrait  de  la  Mère  de 
Vaillac  (2). 

Il  s'est  fait  encore  depuis  quelques  années 
un  autre  établissement  de  religieuses  du 
même  ordre,  à  Martel  dans  le  Quercy.  Les 
Mères  de  Mirandol,  religieuses  du  monastère 
de  Toulouse  et  nièces  de  la  Mère  de  Miran- 
dol, dont  nous  avons  ci-devant  parlé,  ont 
commencé  cet  établissement.  Ces  religieuses 
dépendent  immédiatement  du  grand  maître, 
de  même  que  celles  de  Toulouse  dont  elles 
ont  pris  aussi  les  constitutions  et  l'habille- 
ment. Toute  la  différence  qu'il  y  a  entre  el- 
les, c'est  que  la  supérieure  de  Martel  est 
perpétuelle,  et  que  celle  de  Toulouse  est 
triennale. 

Matthieu  de  Goussancourl,  Martyrolog. 
des  cheval,  de  Malte.  Le  Père  Thomas  d'A- 
quin,  Vie  de  la  Mère  Galttolte  de  Sainte- 
Anne.  Hilarion  de  Coste,  Eloge  des  femmes 
illustres,  loin.  I.  Constitutions  des  religieuses 
de  Toulouse,  Mémoires  communigués  par 
M.  l'abbé  de  Turenne  d'Aynac,   et  Mémoires 

(2)  Voy.  i'bid, 


8Si  mai; 

envoyés  par  les  religieuses  de  Toulouse   en 

1713. 

MANTOUE  (Congrégation  de).  Yoy.  Car- 

u  i  s  de  l'Etroite  Observance. 

MARBACH  ET  D'AROUAISE  (Des  Chanoi- 
nes   RÉGULIERS    DES    CONGRÉGATIONS    DE). 

Les  différends  que  l'empereur  Henri  IV  eut 
avec  le  pape  Grégoire  VU,  el  auxquels  la 
conduite  tyrannique  et  scandaleuse  de  ce 
prince  donna  lieu,  eurent  des  suites  égale- 
ment funestes  pour  l'Eglise  et  pour  l'Empire. 
Ce  prince,  mécontent  du  pape  qui  avait  mal- 
traité ses  ambassadeurs,  et  qui  lui  avait  en- 
voyé uu  nonce  qui  lui  avait  parlé  avec  me- 
naces, se  laissa  aisément  persuader  par  le 
cardinal  Hugues  et  par  des  é\éques  ennemis 
de  Grégoire,  de  le  faire  déposer  dans  une  as- 
semblée qu'il  fit  à  Worms  l'an  1070,  où  se 
trouvèrent  un  grand  nombre  d'évéques  avec 
ce  cardinal,  qui  peu  de  jours  auparavant 
avait  été  déposé  lui-même  et  excommunié 
par  le  pape.  Ce  fut  lui  qui,  conjointement 
avec  Guibert,  évêque  de  Ravenne,  avança 
plusieurs  choses  contre  la  vie,  la  conduite, 
l'élection  et  les  constitutions  de  ce  pontife; 
sur  cette  accusation  l'assemblée  déclara  qu'il 
ne  pouvait  être  reconnu  pour  pape  légitime, 
et  tous  les  évoques  souscrivirent  à  sa  con- 
damnation. Le  pape, de  son  côté,  après  avoir 
excommunié  Sigel'roy,  archevêque  deMayen- 
ce, et  suspendu  les  autres  évéques  d'Allemagne 
qui  avaient  eu  part  à  cette  entreprise  ,  dé- 
clara Henri  déchu  des  royaumes  d'Allemagne 
et  d'Italie,  et  ses  sujets  quittes  du  serment 
de  fidélité,  et  prononça  anathème  contre  ce 
prince.  Ce  fut  là  l'origine  du  schisme  qui  ne 
finit  que  par  la  mort  de  cet  empereur,  qui 
arriva  l'an  1106,  aprèsavoir  été  dépouillé  de 
l'empire  par  son  propre  fils. 

Quoique  cette  excommunication  eût  fait 
impression  sur  quelques  esprits,  et  que  la 
plupart  des  évèques  d'Allemagne  eussent  re- 
connu leur  faute,  et  se  fussent  réconcilies 
avec  Grégoire,  néanmoins  Olhon,  évêque 
deStrasbourg,  n'entra  pas  d'abord  dans  leurs 
sentiments  ;  il  persista  dans  le  schisme  jus- 
que sous  le  pontificat  d'Urbain  11,  et  les  peu- 
ples deson  diocèse,  suivant  le  mauvais  exem- 
ple de  leur  bon  pasteur,  ne  reconnaissaient 
point  non  plus  Grégoire  pour  chef  de  l'E- 
glise. La  religion  en  souffrait,  et  elle  était 
presque  éteinte  dans  l'Alsace,  lorsque  Dieu 
suscita  un  saint  homme,  nommé  Manegolde 
de  Lutembach,  pour  la  faire  revivre  en  ces 
quartiers.  Ce  fut  environ  l'an  1093  qu'il 
commença  à  prêcher  publiquement  conire 
le  schisme,  exhortant  le  peuple  à  rentrer 
dans  la  bonne  voie  et  à  se  soumettre  au  chef 
de  l'Eglise. Quoique  ses  discours,  qui  étaient 
animés  d'un  grand  zèle,  fissent  impression 
sur  les  cœurs  des  scliismaliques,  une  mor- 
talité qui  arriva  dans  ce  temps-là,  et  qui 
enleva  en  peu  de  temps  une  infinité  de 
monde,  les  toucha  plus  sensiblement;  la 
plupart  changèrent  véritablement,  ils  accou- 
raient eu   foule  pour   rece\oir   l'absolution 

{!)  Voy.,  à  lu  fin  du  vol..  n°  225, 


MArt 


882 


de  l'excommunication,  et  Manegolde,  suivant 
le  pouvoir  qu'il  en  avait  reçu  d'Urbain  II,  la 
leur  donnait  et  leur  enjoignait  une  péni- 
tence ;  ainsi  on  vit  en  peu  de  temps  de  grands 
changements,  et  presque  toute  la  province 
se  soumit  à  l'obéissance  du  pape. 

Comme  le  clergé  était  tombé  dans  un  grand 
relâchement  pendant  le  schisme,  il  se  trouva 
plusieurs  prêtres  qui  après  leur  conversion 
se  retirèrent  dans  les  bois  et  les  solitudes, 
tant  pour  y  mener  une  vie  pénitente  el  reti- 
rée, que  pour  ne  point  communiquer  avec 
ceux  qui  persistaient  d'obéir  à  l'empereur. 
Mais  Manegolde  en  rassembla  quelques-uns 
avec  lesquels  il  voulut  vivre  en  commun, 
suivant  l'exemple  des  apôtres  et  des  chré- 
tiens de  la  primitive  Eglise  ;  il  fit  à  ce  sujet 
bâtir  un  monastère  à  Marbach,  qui  est  une 
ville  d'Alsace,  ayant  été  aidé  dans  celte 
sainte  entreprise  par  un  gentilhomme  du 
pays,  nommé  Burchard  de  Gebeloisler,  qui 
contribua  beaucoup  par  ses  libéralités  à  l'é- 
difice de  ce  monastère,  dont  Manegolde  fut 
premier  prévôt. 

Ils  renoncèrent  à  toute  propriété,  ne  man- 
geaient point  de  viande,  ne  portaient  point 
de  linge,  gardaient  un  étroit  silence  et  pra- 
tiquaient beaucoup  de  mortifications  :  ce  qui 
les  rendit  si  recommandables,  que  plusieurs 
autres  monastères  s'étant  joints  à  celui  de 
Marbach,  il  devint  chef  d'une  congrégation 
très-considérable,  qui  commença  à  suivie  la 
règle  de  saint  Augustin  dans  le  douzième 
siècle,  à  l'exemple  des  autres  communautés 
de  chanoines  qui  avaient  embrassé  la  désap- 
proprialion  ;  mais  je  doute  fort  qu'il  y  ait  eu 
près  de  trois  cents  monastères  qui  en  dépen- 
daient, comme  Mauburne  el  quelques  autres 
l'ont  avancé  ;  et  supposé  que  cette  congréga- 
tion ait  été  si  florissante,  il  ne  reste  plus  de 
mémoire  d'aucun  de  ses  monastères  ;  elle  est 
présentement  sur  le  pied  de  celle  de  Saint- 
Victor  à  Paris  et  de  quelques  autres  qui 
sont  désunies  el  dont  il  ne  reste  plus  que 
l'abbaye  qui  en  était  le  chef,  qui  ait  consen  é 
les  anciennes  pratiques  et  constitutions  de 
l'ordre,  et  d'où  dépendent  quelques  prieurés 
qui  ne  sont  que  de  simples  cures.  L'abbaye 
de  Marbach  en  a  plusieurs,  et  est  en  posses- 
sion, conjointement  avec  les  Chanoines  Ré- 
guliers de  la  congrégation  de  Lorraiue,  de. 
la  cure  de  Saint-Louis  à  Strasbourg.  Ils  sont 
habillés  de  noir  avec  une  banderole  de  lin 
lorsqu'ils  ne  sont  point  dans  l'abbaye;  mais 
dans  l'abbaye  ils  ont  une  soutane  blancha 
avec  un  rochet  par-dessus.  Us  portent  l'été 
au  chœur  une  aumusse  noire  sur  les  épau- 
les, qui  pend  en  pointe  derrière  le  dos  et 
descend  un  peu  plus  bas  que  la  ceinture, 
s'altachanl  par-devanl  avec  un  ruban  bleu, 
el  ils  ont  pour  armes  d'azur  à  un  cœur  de 
gueules  couronné  d'or  (1). 

Quant  à  Manegolde  de  Ltiltembacli,  après 
avoir  fondé  celle  congrégation,  il  ne  discon- 
tinua pas  ses  prédications  pour  ramener  les 
schématiques  au  sein  de  l'Eglise  :  ce  qui 
lui  attira  beaucoup  do  persécution,  priuci- 


883 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


..; 


paiement  de  la  part  de  l'empereur,  qui  le  fit 
mettre  en  prison  l'an  1098.  C'est  tout  ce  que 
nous  savons  de  la  vie  de  ce  saint  homme  qui, 
au  rapport  d'Yves  de  Chartres,  passait  pour 
lin  des  plus  savants  hommes  du  onzième 
siècle. 

Voyez  Francise.  Guilliman.  Hist.  de  Epi- 
scopis  Argentincnlibus  in  Vita  Othonis,  epi- 
svop.  xliii.  Yv.  Carnot.  episi.  40,  apud  Du 
Chesne,  Vêler.  Hist.  Franc.  tom.\V,png.89. 
Disquisit.  de  nrd.  Canonicor.  Rcgid.  pag. 
863  H  30(>.Penot,  Hist.  Iripart.  Canon.  Regul. 
lib.  n,  cap.  60.  Tambur.  de  Jur.  abb.  disp. 
24,  quœst.  4,  art.  9. 

Si  la  congrégation  de  Marbach  eut  pour 
fondateur  un  homme  zélé  pour  la  gloire  du 
sainl-siége  et  qui  s'opposa  fortement  au 
schisme  causé  par  l'empereur  Henri  IV,  la 
congrégation  d'Arouaise  eut  aussi  pour  un 
de  Ses  fondateurs  un  saint  homme  qui  ne 
fut  pas  animé  d'un  moindre  zèle,  et  qui, 
ayant  été  élevé  au  cardinalat  par  le  pape 
Pascal  II  et  fait  évêque  de  Palestrine,  fut 
employé  par  ce  pontife  en  plusieurs  léga- 
tions pour  soutenir  l'intérêt  de  l'Eglise  con- 
tre le  même  empereur. 

Arouaise,  situé  proche  Bapaume  en  Ar- 
tois, était  un  lieu  qui  servait  de  retraite  aux 
voleurs  ;  mais  environ  l'an  1090  il  fut  sancti- 
fié par  la  demeure  de  trois  saints  ermites, 
savoir  :  Heldemar  de  Tournay,  Conon  ou. 
Conrad,  qui  fut  depuis  cardinal,  et  Roger 
d'Arras,  qui  bâtirent  en  ce  lieu  une  cellule 
ou  oratoire  qu'ils  dédièrent  en  l'honneur  de 
la  sainteTrinité  et  de  saint  Nicolas.  Lambert, 
évêque  d'Arras,  confirma  cet  établi  sèment 
par  ses  lettres  du  21  octobre  1097,  adressées 
à  Conon.  C'est  ce  qui  fait  que  plusieurs  ne 
mettent  le  commencement  de  cette  congréga- 
tion qu'en  celte  année  ;  mais  il  parait  par 
ces  mêmes  lettres  qu'Hebiemar  était  déjà 
mort,  et  il  est  marqué  comme  premier  pré- 
vôt établi  par  Conon  en  1090  dans  le  catalo- 
gue des  abbés  de  cette  ab'naye, donné  par 
MM.  de  Sainte-Marthe,  qui  ont  aussi  rap- 
porté sonépitaphe,  où  il  est  qualifié  de  fon- 
dateur de  cette  abbaye,  qui  fut  gouvernée 
par  des  prévôts  jusqu'au  temps  de  saint  Ber- 
nard, que  Gervais,  qui  était  le  troisième  pré- 
vôt, et  qui  avait  succédé  en  1124  à  Richer, 
prit  la  qualité  d'abbé,  qui  a  été  aussi  don- 
née à  ses  successeurs. 

Ce  Gervais  est  qualifié  instituteur  de  la 
congrégation,  peut-être  à  cause  que  sous 
son  gouvernement  cette  abbaye  devint  chef 
de  vingt-huit  monastères  ;  mais  il  y  a  long- 
temps qu'elle  ne  subsiste  plus,  et  le  dernier 
chapitre  général  se  tint  l'an  1470.  Les  mo- 
nastères de  Hennein  Leïlard  à  trois  lieues 
de  Douai,  de  Suint-Nicolas  à  Tournay,  de 
Choques  et  de  Marcles  en  Artois,  en  dépen- 
daient, aussi  bien  que  ceux  de  Werneslon, 
Zunebeck  et  Seelendal  en  Flandre,  de  Saint- 
Jean  à  Valenciennes,  de  Saint-Crépin  et  de 
Saint-Léger  àSoissons.  Elle  avait  aussi  qua- 
tre prieurés  en  Irlande,  deux  à  Dublin,  un 
àRalhoy  dans  le  comté  deKéri.el  à  Kalhkèie 
dans  le  couilé  de  Limôrik,  et  quelques  au- 
tres en  Auulclerrc. 


Ils  étaient  habillés  de  blanc,  et  .lu  rapport 
du  cardinal  de  Vitry  ils  étaient  austères,  ne 
mangeaient  point  de  viande,  ne  portaient 
point  de  linge  et  gardaient  nn  étroit  silence. 

Voyez  Sammarth.  Gril.  Christian,  tom.  IV, 
7x1.7.95.  Penot,  Hist.  triiiart.Canonic.  Regul. 
lib.  il,  cap. 62. Lemiré,  Origine  et  institution 
de  direrses  congrén.  sous  la  règle  de  saint 
August.  Tambur.  de  Jure  abb.  tom.  Il,  tlisput. 
24,  quœst.  4,  art.  7.  Cardinalis  de  Vilriaco, 
Hist.  Occident,  cap.  23. 

Quand  la  congrégation  d'Arrouniro  s'éta- 
blit, elle  eut  frne  particularité  qui  nous  pai  aîl, 
semblable  au  droit  que  les  quatre  premières 
Glles  de  Cîteaux  gardaient  sur  le  général  de 
leur  ordre  (  Voy.  Cîteaux).  /Vin=i  l'abbé  d'ïïé- 
nin-Liétard,  qu'on  qualifiait  de  prieur  de 
l'ordre,  l'abbé  de  Rnisseauville,  qu'on  appe- 
lait le  sous-prieur,  avaient,  conjointement 
avec  l'abbé  de  Sainte-Marie  de  Boulogne,  à 
qui  on  aurait  pu  donner  le  litre  de  tiers- 
prieur,  une  sorte  de  juridiction  sur  !e  géné- 
ral de  toute  la  congrégation.  Hélyot  a  nommé 
neuf  des  monastères  ou  ehanoinics  qui  s'agré- 
gèrent à  cel  institut.  Voici  la  nomenclature 
des  principales  maisons  qui  entrèrent  dans 
celte  congrégation,  suivant  le  rang  de  leur 
agrégation  :  1°  Arrouaise;  2°  Hénin-Lié- 
tard,  diocèse  d'Arras;  2°  Snin'e-Marie-au- 
Bois,  ou  Rnisseauville,  diocèse  de  Boulogne; 
3°  Saint-Marie  de  Boulogne;  V°  S  untCrépiii- 
en-Chail  ,  sous  les  murs  de  Soissons;  5° 
Chatiny,  dit  plus  lard  Sairit-Ëioi-Fôotainé, 
diocèse  do  Noyon;  6°  Saint-Volmer  de  Bou- 
logne; 7°  Cysoing,  diocèse  de  Tom  nay;  8°  Saint- 
Léger,  à  Soissons;  9°Saint-Mard  de  Tournay  ; 
10°  Mazoul,  diorèse  d'Arras;  il'  Beaulicu, 
diocèse  de  Boulogne;  12°  ClaiiTai,  diocèse 
d'Amiens;  13J  Choques,  diocèse  de  Saint- 
Omer;  14"  de  Warneton  ,  diocèse  d'Ypres; 
15°  Sombcck,  diocèse  u" Yprcs;  10°  Châtillon, 
diocèse  de  Langres;  17  Chatrices,  diocèse  de 
Châlons;  18°  Do,;deauville,  diocèse  de  Bou- 
logne; 19°  Saint-Jean  de  Valenciennes, 
diocèse  de  Cambrai;  20°  Phalempin,  diocèse 
de  Tournay  ;  2I„  Saint-Barthélémy  de  Bruges, 
ou  d'Eckiul;  22'  Aùlrey,  diocèse  de  Toul; 
23°  Soetendacl,  diocèse  de  Bruges. 

En  peu  de  temps,  non-seulement  la  Flan- 
dre, mais  l'Angleterre,  l'Ecosse,  la  Bour- 
gogne et  les  pays  les  plus  éloignés,  comme  la 
Pologne,  reçurent  de  l'institut  d'Air  uaise 
des  colonies  <le  religieux,  les  prélats  de  ces 
nouvelles  maisons  s'ohligeant  à  se  rendre 
chaque  année  dans  celle  d'Arrouaise,  et  d'y 
assister  au  chapitre  général  de  l'ordre. 

Par  une  bulle  datée  de  Lalran,  le  15  d'a- 
vril 1139,  et  adressée  à  tout  l'ordre  d'Ar- 
rouaise, le  pape  Innocent  II  approuve  les 
constitutions  de  cet  institut  et  rétablissement 
de  la  règle  de  saint  Augustin  dans  les  mai- 
sons qui  le  composent.  Gervais,  fondateur  de 
la  congrégation,  reçut  de  saint  Bernard  le 
plan  de  sa  réforme  ;  c'est  une  preuve  de  plus 
de  l'influence  de  saint  Bernard,  que  les  his- 
toriens de  sa  vie  ne  devraient  pas  oublier. 
(ii  vais  avait  puisé  les  principes  de  son  gou- 
vern  iment  dans  l'ordre  de  Cîteaux.  11  avait 
des  frères  convers  qu'il  faisait  travailler.  Il 


MAK 


M  AH 


88C 


avail  aussi  on  nombre  égal  do  converses 
répondues  dans  les  habitations  dépendantes 
du  monastère;  car,  comme  le  dit  Gantier,  qui 
a  écrit  l'histoire  des  commenc.  m  nts  de 
l'ordre,  il  recevait  à  la  conversion  presque 
toutes  les  personnes  des  deux  sexes  qui  se 
présentaient  pour  vivre  sous  ses  loi-.  C'était 
l'esprit  du  temps,  dit  Gosse,  qui  nous  four- 
nit res  détails,  et  nous  y  trouvons,  nous,  un 
exemple  de  plus  a  ajouter  à  ceux  de  Fonte- 
vranll,  de  Saint-Sulpiee,  etc.,  <ù  il  y  a^ ait 
les  deux  sexes.  Sans  faire  comme  Robert 
d'Arbrissel,  Gervais,  ainsi  que  saint  "  orbert, 
reçut  toutes  les  femmes  qui  se  donnèrent  à 
lui;  il  les  plaçait  dans  un  cloitre  séparé, 
quoique  dans  un  même  monastère.  Ce  mé- 
lange singulier  orcasionn:i  dans  la  congré- 
gation d'Arrouaise  les  mémos  abus  que  <  ans 
l'ordre  te  Prémontré.  On  fut  o  lige  dans 
celui-ci, vingt  ans  a;  rè-  sa  fondation, de  b:;lir 
pour  les  religieuses  des  maisons  Séparé  s  : 
les  Arrousicunes  ne  furent  supprimées  que 
dais  le  siècle  suivant.  Un  chapitre  général 
et  un  concile  provincial  en  ordonnèrent  suc- 
cesspvMneirl  l'extinction.  Au  reste,  Hélyot 
n'ayant  \  as  connu  ces  religieuses,  no  is  leur 
consacrerons  un  article  dans  le  Supplément. 
Les  chapitres  nombreux  des  constitutions 
d'Arrouaise  contiennent  plusieurs  belles 
prescriptions  qui  ont  beaucoup  de  rapport 
aux  usages  monastiques.  Les  psaumes  se 
chantaient  parcrenr,  cl  cet  usage  dura  jus- 
qu'au xvir  siècle.  Tous  les  chanoines  tant 
lettrée  que  non  ieltrés  devaient  assister  au 
choeur,  exre  té  les  infirmes,  qui  se  tenaient 
dans  l'arrière-chœur  in  reiro  choro.  Le  ré- 
loimatcur,  qui  s'attacha  spécialement  à  ré- 
gler ce  qui  concerne  l'office  divin,  établit 
une  liturgie  pariiculière.  qui  devint  célèbre, 
mais  qui  n'i  st  plus  connue  aujourd'hui.  Le 
genre  de  ne  fut  tel  à  Arrouaise,  que  Cara- 
i.uel.  abbé  de  l'ordre  de  Cileaux,  appelant  les 
religieux  de  cette  congrégation  Geri-tisi  n*, 
du  nom  du  réformateur,  prétendait  que  ces 
religieux  n'étaient  ni  moi. .es  ni  chanoines, 
mais  quelque  chose  entre  les  doux,  qu'il  ex- 
primait par  le  mot  Canonïc-J-Cislcrci'  ns,  ex- 
pression singulièie  et  peut-être  ridicule. 
Avant  et  après  la  ré'ormc  de  Servals,  les 
bulles  des  papes,  ies  dé  rets  des  évoques,  ele  , 
concernant  les  religieux  d'Arrouaise,  leur 
ont  toujours  donné  le  litre  de  Chanoines. 
G  '.vais,  qui  n'avait  pas  été  élu  en  li2V, 
comme  le  dit  Hélyot,  nuis  en  1121,  donna, 
malgré  la  réclamation  de  tout  l'ordre,  sa  dé- 
mis-ion  de  son  abbaye  et  du  généra'al,  sur 
la  :.n  de  l'année  lliT.  II  vécut  encore  dans 
l'exercice  de  toutes  les  vertus  jusqu'au  18 
septembre  1171.  Pour  maintenir  l'esprit  re- 
ligieux dans  les  chanoines  qu'il  chargeait 
des  cures,   il   y   mettait   plusieurs  confrères 

I  ensemble,  avec  l'obligation  d'y  \ivre  com  ,e 
dans  la  maison  mère.  Gervais  vit  ;ainl  Ma- 
li'hie  d'Armach  et  sa:nt  Laurent  de  Du- 
blin, embrasser  sa  réforme,  qui  a  produit 
plusieurs  hommes  remarquables,  tels  que 
Baudouin,  évéque  deNoyon  ;  Milon, deuxième 
du  nom,  évéque  de  Térouanue,  etc.  Dans  le 
xuc  siècle,  sous  Fulbert,  troisième  abuo,  il 


s'éleva  un  peu  de  trouble  et  un  schisme  dans 
l'ordre.  Le  général  abdiqua  l'an  11C1 ,  et 
m  urut  cinq  ans  après,  le  2  octobre.  C'était 
un  homme  de  mérite.  Lambert,  son  succes- 
seur, homme  savant  r1  de  mœurs  honnêtes, 
n'avait  point  la  vigilance  nécessaire  à  sa 
position  et  il  laissa  dépérir  la  discipline.  Ce 
fut  dans  la  première  année  de  son  adminis- 
tration que  les  reliques  de  sainte  Monique 
furent  transférées  d'Ostie  à  l'abba  e  d'Ar- 
rouaise. Ce  supérieur  laissa,  après  treize  ans 
de  gouvernement,  le  temporel  de  son  abbaye 
dans  un  état  déplorable. Sous  l'abbé  Pierre  I", 
élu  en  l'an  1227,  il  y  eut  une  réforme  de 
l'o  die. 

Les  religieux  d'Arrouaise  ,  sous  l'abbé 
Gervais,  portaient  un  scapulaire  semblable  à 
relui  îles  Cisterciens  pour  le  travail,  mais 
ni  le  travail  des  mains,  ni  le  scapulaire  ne 
f  ir  e.-  èw  Bsage  dans  tontes  ies  maisons  dé 
l'oidre.  Au  reste,  dans  l'institut  d'Arrouaise, 
oh  ne  fil  usage  du  scapulaire  qu'autant  que 
dura  la  loi  du  travail  des  mains,  et  que  le 
[dus  grand  nombre  des  religieux  fut  composé 
de  frèr.  s  lais.  Les  chanoines  arrouaisiens  ne 
portaient  le  surplis  qu'à  certains  jours,  à 
certaines  fêtes,  et  même  à  certaines  h  mes. 
Ainsi  ils  ne  portaient  pas  le  surplis  à  mati- 
nes ni  aux  jours  de  travail.  Au  xv°  siècle, 
l'abbaye  d'Arrouaise  fut  léduiie  eu  Cendrés 
par  une  armée  (probablement  celle  de  Louis 
XI,  qui  ravagea  l'Artois  en  li75).  Les  reli- 
gieux firent  une  quête  pour  la  réparer,  et 
portèrent,  suivant  l'usage  c  nnu  ,  leurs  re- 
liques de  localités  en  localités,  pour  se  pro- 
curer des  aumônes,  en  excitant  la  piéle  des 
fidèles;  mais  les  filèles  eux-mêmes  étaient 
dans  la  misère,  la  quête  produisit  peu.  Dans 
ce  siècle  les  chapitres  généraux  n'avaient 
[lus  lieu,  mais  la  congrégation  subsistait 
encore,  et  l'abbé  d'Arrouaise  conservait  sa 
juridiction,  du  moins  sur  quelques  membres 
de  son  institut.  Au  xvr  siè  le.  il  en  coûtait 
beaucoup  pour  être  reli  gie  x  à  Arrouaise, 
cl  pour  donner  la  preuve  des  exigences, 
nous  citerons  ni  ou  deux  articles  des  obéis 
demandés.  Ainsi  le  novice  devait  fournir: 
«  à  ung  chacun  religieux,  ung  couteau  ar- 
genté de  la  valeur  de  vin  s.  —  A  M.  l'abbé 
une  paire  de  couteaux  de  la  valeur  d'ung 
noble.  --.Vu  prieur  (t  an  maître  des  enfants, 
à  chacun  une  paire  de  xvi  s.  —  Au  page  de 
M. l'abbé,  vin  s. — Au  i  alefrenierdeMonsieur, 
vi  s.  Tous  les  valets,  jusqu'au  dernier,  étaient 
coucliés  n:r  ['état  de  ces  dons  à  faire,  et  cet 
{t  :  se  terminait  par  cette  phrasé  d'un  sérieux 
ridicule  :  «Avec  tout  cela  il  faut  que  le  nô- 
vi  .  ^oit  bon  enfant.»  il  y  avait  encore  d'au- 
tres impôts  de  cette  espèce,  un  par  exemple 
pour  être  assis  sur  le  banc  de  pierre,  au 
cloi're  et  en  chapitre.  Ces  usages,  condam- 
nables en  quelques  choses,  et  surtout  dans 
les  monastères  rentes,  restèrent  pouiiant 
dans  quelques  maisons  jusqu'à  la  révolution 
de  1789. 

Dans  le  même  siècle;'en  15G0  ,  les  religieux 
d'Arrouaise  furent,  pour  la  première  fois, 
gênés  dans  l'élection  de  leur  abbé,  parle 
gouvernement  espagnol,  maître  alors  des 


S.S7 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


888 


Pays-Bas  et  de  la  Flandre,  et  qui  imposèrent 
le  nom  de  celui  qu'ils  voulaient  voir  abbé. 
Celle  élection  influencée  eut  lieu  en  effet. 
Bientôt  l'abbaye  d'Arrouaise  elle-même  re- 
tourna sous  la  juridiction  de  l'évéque  d'Ar- 
ras.  et  peu  à  peu  s'en  allait  cette  belle  et 
édifiante  congrégation  1  Les  malheurs  de  la 
guerre  avaient  réduit  les  Chanoines  à  un 
petit  nombre  dans  la  maison;  les  autres 
étaient,  les  uns  çà  et  là  ou  chez  leurs  pa- 
renls,  les  autres  entrés  dans  quelque  aulre 
institut,  ou  autre  maison  d'Arrouaisiens. 
Vers  la  fin  du  xvir  siècle  et  au  commence- 
ment du  xvnr,  il  y  eut  une  sorte  de  réforme 
et  de  résurrection  de  la  congrégation  avec 
un  certain  succès.  Ces  tentatives  édifiantes 
étaient  dues  à  l'abbé  Halle,  qui  expira  dans 
les  sentiments  de  la  plus  vive  piété  le  27 
juillet  1710.  Il  eut  pour  successeur  un  nommé 
Dambrinnes,  nommé  par  le  roi,  et  qui  se  fit 
pourvoir  à  Rome,  car  les  religieux  refusaient 
de  le  nommer.  Après  la  mort  de  Dambrinnes, 
le  roi  donna  l'abbaye  en  commende  au  car- 
dinal de  Gesvres,  archevêque  de  Bourges; 
mais  on  refusa  à  Rome  d'accorder  des  bulles 
de  commendalaire  pour  une  abbaye  chef 
d'ordre,  et  en  1725  on  fit  à  Arrouaise  l'élec- 
tion (influencée  par  la  nomination  du  roi) 
de  Philippe  Lescourchent,  sévère,  économe, 
régulier,  mais  imprudent.  Sous  lui  finit  la 
juridiction  d'Arrouaise  sur  la  maison  de 
Clairfai,  la  dernière  qu'elle  eût  conservée. 
Cet  abbé  vaniteux  Gt  faire  lui-même  l'épilaphe 
pompeuse  que  l'on  voyait  sur  sa  tombe  et 
que  nous  avons  lue.  Les  autres  abbés,  nom- 
més par  le  roi,  furent  tous  des  abbés  régu- 
liers et  bénits.  Sous  l'abbé  Tabary,  l'église 
d'Arrouaise,  en  reconstruction  depuis  plus 
d'un  siècle,  fut  enfin  terminée.  La  première 
pierre  de  la  nef  et  de  la  tour  fut  posée  en 
17S0.  Tabary  était  encore  abbé  en  1788,  et 
vraisemblablement  fut  le  dernier  supérieur 
de  celte  congrégation,  ne  desservant  plus 
alors  que  trois  cures  régulières,  et  qui  avait 
pour  prieur  F.  Gosse,  religieux  instruit  et 
laborieux,  qui  a  donné  une  Histoire  intéres- 
sante de  son  abbaye  et  de  son  institut.  Telle 
fut  la  congrégation  d'Arrouaise,  qui  a  élé 
gouvernée  par  cinquante  supérieurs,  dont 
les  trois  premiers  portèrent  le  litre  de  prévôt, 
el  dont  le  second,  Conon,  devint  évéque  et 
cardinal  ;  congrégation  qu'Hélyot  avait  peu 
connue,  qui  méritait  de  l'être  davantage  el  à 
laquelle  nous  aurions  dû  réserver  un  article 
étendu  dans  noire  Supplément,  article  que 
nous  lui  consacrerons  peut-être,  sans  nous 
borner  à  faire  connaître  seulement  les  reli- 
gieuses Arrouaisiennes,  dont  aucune  histoire 
des  ordres  monastiques  n'avait  parlé  avant 
nous. 

Histoire  de  l'abbaye  et  de  l'ancienne  con- 
grégation des  Ch  moines  Réguliers  d'Arrouaise, 
avec  des  notes  critiques,  lus  toriques  et  diplo- 
matiques; par  M.  Gosse,  prieur  d'Arrouaise, 
de  1  académie  d'Arras,  1  vol.  in-4\  Lille, 
Danel,  1780.  B-d-e. 


MARC  (Chevaliers   de   Saint-).   Voyet 
Chausse. 
MARC  DE   FLORENCE  (Dominicains  de 

I.A    CONGRÉGATION   DE  SaINT-J.     VoXJ.  LOMBAR- 
D1E,    III. 

MARC  DE  GAVOT1  (  Dominicains  du  la 

CONGRÉGATION  DE).  Voy.  LOMBARDIE,    III. 

MARC   DE  MANTOUE  ET  DU  SAINT-ES- 
PRIT  (Chanoines  Réguliers  de  Saint-) 

à  Venise. 

La  congrégation  des  Chanoines  Réguliers 
de  Saint-Marc  de  Manloue  a  eu  pour  fonda- 
teur un  saint  prêtre  nommé  Albert  Spinola, 
qui,  ayant  conçu  le  dessein  de  fonder  un  mo- 
nastère de  Chanoines  Réguliers,  obtint  pour 
cet  effet  de  l'abbé  de  Saint-André  de  Man- 
toue  une  vigne  proche  de  laquelle  était  une 
chapelle  dont  quelques  bourgeois  de  cette 
ville  étaient  patrons.  Non-seulement  ils  cé- 
dèrent leur  droit  de  patronage  en  faveur  de 
cet  établissement,  mais  ils  firent  don  à  ces 
nouveaux  Chanoines  de  quelques  terres 
tant  pour  la  construction  de  leur  église  et  du 
monastère  que  pour  leur  entretien,  ce  qui 
fut  confirmé  par  le  pape  Célestin  III,  l'au 
1)94.  La  même  année,  Henri,  évéque  de  Man- 
loue, posa  la  première  pierre  de  l'église,  qui 
fut  dédiée  sous  le  nom  de  Saint-Marc;  et 
une  des  principales  conditions  qui  fut  stipu- 
lée par  l'acte  de  donation  qui  fut  faite  par 
les  bourgeois  de  Mantoue  des  fonds  et  des 
terres  pour  la  fabrique  de  cette  église  fut 
qu'elle  ne  relèverait  d'aucune  autre  église, 
et  serait  chef  d'un  ordre  sous  le  nom  de 
Saint-Marc. 

Quelques  clercs  s'y  étant  assemblés  eu- 
rent pour  supérieur  le  même  Spinola,  et  il 
leur  prescrivit  une  règle  qui  fut  approuvée 
par  le  pape  Innocent  111 ,  l'an  1204.  Elle  fut 
confirmée  par  Honorius  III  après  avoir  élé 
corrigée,  ce  que  fit  aussi  Grégoire  IX  par  sa 
bulle  de  l'an  1228,  où  cette  règle  est  insérée 
dans  toute  sa  teneur. GrégoireX,  Jean XXII, 
Calixte  III,  Nicolas  IV  et  plusieurs  autres 
souverains  pontifes  ont  accordé  des  privilè- 
ges à  ces  Chanoines,  qui,  selon  Penot,  ayant 
été  réformés  vers  l'an  14-52,  n'embrassèrent 
qu'alors  la  règle  de  saint  Augustin. 

Dans  le  commencement  de  leur  institution 
ils  menaient  une  vie  austère.  Us  ne  cou- 
chaient que  sur  des  paillasses  avec  des  lin- 
ceuls de  laine.  Ils  jeûnaient  depuis  le  diman- 
che in  Albis  jusqu'au  mois  de  septembre, 
outre  Parent,  les  vendredis  de  l'année,  et 
les  jeûnes  prescrits  par  l'Eglise.  Ils  obser- 
vaient un  élroil  silence,  avaient  deux  heu- 
res de  travail  dans  la  journée,  et  n'admet- 
taient aucun  à  la  profession  qu'il  n'eût 
dix-sept  ans  accomplis.  Leur  habillement 
consistait  en  une  soutane  de  serge  blanche 
et  un  rochet.  Lorsqu'ils  allaient  au  chœur 
ils  avaient  une  mosette  ou  petit  camail  et  un 
bonnet  carré  blanc  avec  une  aumusse  blan- 
che qu'ils  mettaient  sur  le  bras  (1). 

Cette  congrégation  étailcomposéed'envirou 


[\j  Voy.,  à  1»  lin  du  vol.,  ii°  ïî£<. 


889 


MAR 


MAR 


890 


dix-huit  ou  vingt  maisons  d'hommes  et  quel- 
ques-noes  de  filles,  qui  étaient  situées  dans  la 
Lombardie  et  dans  l'Etat  de  Venise,  et  après 
avoir  fleuri  pendant  près  de  quatre  cents 
ans,  elle  diminua  peu  à  peu  et  se  vit  réduile 
à  deux  couvents  où  la  régularité  n'était  pas 
même  observée. Lemonastère  de  Saint-Marc, 
qui  en  était  le  chef,  fut  donné  par  Guillau- 
me, duc  de  Mantoue,  aux  moines  Camaldu- 
Ies,  l'an  1584,  du  consentement  du  pape  Gré- 
goire XIII. 

Quelques-uns  ont  prétendu  que  cet  ordre 
des  Chanoines  Réguliers  de  Saint-Marc  de 
Mantoue  n'avail  jamais  eu  plus  de  deux 
maisons  ;  mais  Scipion  Agnelle  Maffei,  évé- 
que  de  Casai,  dans  ses  Annales  de  Mantoue, 
prouve  le  contraire  par  une  bulle  du  pape 
Grégoire  X,  où  tous  les  prieurs  des  cou- 
vents qu'ils  avaient,  sont  nommés,  et  par 
cette  huile  le  pape  reconnaît  que  la  règle  de 
ces  Chanoines  avait  été  reçue  et  corrigée 
par  les  papes  Honorius  et  Grégoire,  ses  pré- 
décesseurs, et  confirmée  par  Innocent  IV 
avant  le  concile  général  de  Lyon.  Un  ancien 
registre  qui  est  conservé  encore  dans  celle  ab- 
baye de  Saint-Marc  qui  était  de  l'ordre  des 
Chanoines  Réguliers  de  Saint-Marc  de  Man- 
toue, et  qui  contient  les  chapitres  qui  ont  été 
tenus  dans  cet  ordre  depuis  l'anl24l.)jusqu'en 
l'an  13i0,  montre  encore  évidemment  qu'ils 
avaient  plusieurs  maisons,  puisque  dans  le 
chapitre  de  l'an  1249  il  y  eut  seize  prieurs  qui 
y  assistèrent,  et  que  dès  le  temps  que  le  pape 
Honorius  111  confirma  cet  ordre  en  1220,  il  y 
avait  pour  lors  déjà  cinq  monastères.  Celle 
bulle  étant  adressée  aux  prieurs  et  couvents 
des  églises  de  Saint-Marc  de  Manloue,  du 
Saint-Esprit  de  Vérone,  de  la  maison  de  la 
religion  de  Parme,  de  Saint-Eusèbe  de  Sara- 
lico  au  diocèse  de  licence,  de  Sainle-Perpé- 
tue  à  Faenza  et  a  tous  ceux  qui  à  l'avenir 
voudraient  s'unir  à  cet  ordre. 

Voyez  Scipion  Agnell.  Maffei.  Annal,  di 
Muntoua.  Penot,  Hist.  tripart.  Canonic.  Re- 
gul.  Paul  Morigia,  Hist.  de  toutes  les  relig. 
Silvestr.  Maurolic.  Mar  Océan,  di  tut.  gli 
Relig.,  et  Philipp.  Bonanni,  Calalog.  omn. 
relig.  ord. 

Nous  joindrons  aux  Chanoines  Réguliers 
de  Mantoue  une  autre  congrégation  qui  prit 
son  origine  à  Venise  sous  le  nom  du  Saint- 
Esprit,  et  qui  fut  supprimée  par  le  pape 
Alexandre  Vil  l'an  1050.  Elle  avait  eu  pour 
fondateurs  quatre  nobles  Vénitiens,  D.  André 
Bondiméro,  D.  Michel  Maurocini,  D.  Phi- 
lippe Parula  el  I).  François  Contarini,  qui 
tous  quatre,  animés  du  même  zèle  et  ayant 
résolu  d'abandonner  le  monde,  se  transpor- 
tèrent au  couvent  de  Nazareth  situé  dans  les 
lagunes  de  Venise,  qui  était  occupé  par  des 
Ermites  de  l'ordre  de  jsaint-Augusiin,  et  s'é- 
lant  mis  sous  la  conduite  de  Gabriel  de  Spo- 
letle,  qui  en  était  prieur,  ils  reçurent  l'habit 
de  cet  ordre  et  en  firent  profession  ;  mais 
quelque  temps  après,  ayant  obtenu  le  mo- 
nastère de  Saint-Daniel  dans  le  padouan,  qui 
leur  avait  été  donné  par  l'abbé  cominenda- 


taire,  ils  y  allèrent  demeurer  et  l'abandon- 
nèrent presque  aussitôt,  y  ayant  été  con- 
traints par  celui  qui  succéda  â  cet  abbé  qui 
les  y  avait  introduits:  c'est  pourquoi  ils  re- 
tournèrent à  Venise,  où  on  leur  donna  la 
monastère  du  Saint—Esprit,  à  trois  milles  de 
celte  ville.  Ce  fut  là  qu'ayant  quitté  leurs 
habilsd'Ermiles  de  l'ordre  de  Saint-Augustin, 
ils  prirent  celui  de  Chanoines  Réguliers  avec 
la  permission  de  Marlin  V  qui  occupait  pour 
lors  la  chaire  de  saint  Pierre,  et  ils  firent  de 
nouveau  profession  l'an  14-84. Lorqu'Alexan 
dre  VII  les  supprima,  ils  n'avaient  qu'un 
couvent  et  quelques  hospices  où  il  y  avai* 
peu  de  religieux  el  où  ils  vivaient  dans  un 
grand  relâchement.  Morigia  dit  qu'ils  élaient 
fort  riches,  et  qu'ils  étaient  habillés  comme 
les  Chanoines  Réguliers  de  Latran.  D.  An- 
dré Bondiméro,  l'un  des  fondateurs  de  cette 
congrégation,  a  été  patriarche  de  Venise,  et 
Philippe  Paruta,  qui  en  élait  aussi  fondateur, 
a  été  archevêque  de  Crète,  appelé  présente- 
ment Candie.  C'est  dans  celle  abbaye  du 
Saint-Esprit,  qui  forme  une  île  proche  do 
Venise,  que  les  ambassadeurs  des  princes 
souverains  reçoivent  les  compliments  de  la 
République,  avant  que  de  faire  leur  entrée, 
un  noble  accompagné  de  soixante  sénateurs 
allant  trouver  ces  ministres  dans  l'église  de 
celle  abbaye  pour  les  conduire  daus  leurs 
hôtels. 

Voyez  Penot,  Hist.  tripart.  Canonic.  Re- 
gul.  lib.  n;  Morigia,  Hist.  de  toutes  les  relig. 
ïtb.  i. 

MARIE  DE  METZ  (Sainte).  Yoy.  Epinal. 

MARIE  DD  PORT-ADRIATIQUE  (Sainte). 
Yoy.  Latran. 

MARMOUTIEBS  ET  DE  FRANCE  (  An- 
ciennes    CONGRÉGâTIONS     BÉNÉDICTINES     DE). 

Yoy.  France  (Congrégation  de). 
MARMUNSTER.   Yoy.  Lérins. 

MARONITES  (Moines  [1]) 
Quoiqu'il  y  ait  une  règle  sous  le  nom 
de  Saint-Antoine,  nous  avons  déjà  dit  que 
tous  les  religieux  qui  se  disent  de  l'ordre  de 
ce  saint  ne  la  suivent  point.  La  plupart  des 
voyageurs  nous  ont  voulu  persuader  dans 
leurs  relations  que  les  religieux  coptes  sont 
de  l'ordre  de  Saint-Macaire  ;  que  tous  les 
Arméniens  suivent  la  règle  de  saint  Basile, 
el  qu'il  se  trouve  aussi  des  religieux  en 
Orient  qui  suivent  celle  de  saint  l'acôme. 
Schoonebeck,  dans  son  Histoire  des  Ordres 
religieux,  en  met  même  quelques-uns  des 
ordres  de  Sainl-Sabas  el  de  Saint-Carithon. 
Mais  plusieurs  Levantins  dignes  de  loi 
m'ont  assuré  qu'il  n'y  avait  parmi  les  diffé- 
rentes sectes  de  chrétiens  en  Orient,  que 
des  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Anloine  et 
de  celui  de  Saint-Basile  ;  ce  qui  m'a  été  con- 
firmé par  M.  Saphar,  évéque  de  Mardin  en 
Mésopolamie,  que  je  vis  élant  à  Rome  en 
1098,  et  qui  me  dit  que  les  religieux  maroni- 
tes, suriens,  copies  et  quelques  Arméniens 
étaient  de  l'ordre  de  Saint-Antoine,  et  que 
les  Grecs  suivaient  la  règle  de  saint  Basile, 


(I)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  227, 


891 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


802 


aussi  bien  que  les  Melchitos,  les  Géorgiens 
el  la  plus  grande  partie  des  Arméniens. 

C'esl  donc  au  témoignage  de  ce  prélat,  qui 
e  l  lui-même  jacobile  ou  sorien,  que  je  m'en 
rapporte;  et  je  commencerai  par  les  Maro- 
nites, à  qui  l'on  doit  donner  le  premier  r  ng  ; 
puisqu'il  n'y  a  aucun  schismatiquc  parmi 
eux,  et  que  de  tous  ceux  qui  se  sont  séparés 
lie  l'Eglise  romaine,  il  n'y  en  a  point  qui  se 
soient  réunis  à  elle  de  meilleure  foi  el  plus 
sincèrement  que  les  Maronites. 

C'est  un  peuple  de  Pliénicie  qui  habite  le 
mont  Liban,  entre  Biblis  el  Tripoli,  et  qui 
est  encore  répandu  dans  la  Syrie,  la  Syro- 


roni  rapportent  souvent  pour  des  choses  an- 
ci  imcsce  qui  se  passait  dclcur  lempà  elqu'fls 
ont  même  tiré  des  livres  des  Maronites  de- 
pu  s  leur  réconciliation  avec  Rome,  c'esl  ce 
qui  fait  que  ce  que  Naironi  a  donné  pour 
preuves  Convaincantes  n'a  pu  encore  per- 
suader plusieurs  savants,  que  les  Maronites 
aient  toujours  persévéré  dans  la  foi  catholi- 
que, et  n'aient  pas  tiré  leur  origine  de  l'hé- 
rétique Maron,  qui  était  monothélUe.  11  est 
néanmoins  bien  difficile  de  croire  qu'ils 
aient  eu  une  telle  origine;  el  s'il  était  vrai 
qu'ils  eussent  pris  le  nom  de  Maronites  à 
cause  de  cet  hérétique,   ils  l'auraient  sans 


phénicie,   à  Seyde,    Barul,   Tripoli,  Alep  et     doute  quitté  comme   un   nom  infâme  depuis 
dans  l'île  de  Chypre.  Leur  principale  habita-  .   leur  réconciliation  avec  l'iig  ise  romaine;  de 


lion  est  néanmoins  au  mont  Liban,  où  ils  ne 
permettent  à  qui  que  ce  soit  de  demeurer, 
s'il  n'est  catholique.  Plusieurs  auteurs  oui 
prétendu  que  le  nom  de  Maronites  leur  a  été 
donné  à  cause  d'un  certain  hérétique  mono- 
thélite  nommé  Maron,  qui  les  pervertit  et 
dont  iis  ont  suivi  les  erreurs  pendant  près 
do  cinq  cents  ans.  Mais  ils  n'en  demeurent 
pas  d'accord,  cl  ils  soutiennent  qu'ils  oi 
pris  le  nom  de  Maronites  à  cause  de  saint 
Maron,  abbé.  Fauste  Naironi,  qui  a  fait  une 
dissertation  sur  leur  origine,  dit  (  De  orig.  et 
reliq.   Mnronit.)   qu'avant   que  l'hérésie  eût 


même  que  les  nesloriens  qui,  après  avoir  ab- 
juré leurs  erreur.;,  prennent  le  norà  de  chal- 
déens,  et  les  jâcobiles  ceiui  de  suriens,  ci  ni- 
me  dit  encore  Fauste  Naironi,  qui,  pour 
répondre  à  ceux  qui  prétendent  que  les  Ma- 
ronites ont  pris  le  nom  d'un  village  nommé 
Maroiiia,  dit  qu'il  se  peut  faire  que  saint 
M  mu  soit  né  dans  ce  lieu,  et  qu'il  en  ait 
pris  le  nom,  mais  que  pour  eux  ils  ont  pris 
leur  nom  de  saiul  Maron.  Quoi  qu'il  en  soit, 
ils  cél  brciit  la  fêle  de  ce  saint  le  neuvième 
janvier,  àùqUél  jour  il  est  permis  à  ceux  qui 
ont  à  Borne  d'officier   selon  leur  rite,   dans 


infecté  la  Syrie,  il  n'y  a  point  de  doute  que     le  collège  que  Grégoire  &1I1  y  a  fondé  pour 


ceux  qui  y  demeuraient  ne  s'appelassent 
Syriens  ,  Hfiiïs  que  la  plu;  art  àa  Syriens 
ayant  suivi  les  erreurs  de  plusieurs  héré- 
siarques, ils  oui  pris  les  noms  des  sectes 
que  ces  hérésiarques  ont  formées  ;  qu'ainsi 
ceux  qui  ont  suivi  les  erreurs  de  Macédonius 
ont  été  appelés  macédoniens;  ceux  qui  ettt 
suivi  Apollinaire,  apollinaristes;  que  de  Nes- 
lorius  sont  venus  les  ne-loriens,  d'Eulychès 
les  eutychiens  el  de  J;:cob  les  jacobites.  Ce- 


ccux  de  celle  nati  In,  laquelle  n'a  pas  imité 
lés  au'  ies  Orientaux,  qui  pour  la  plupart 
retombent  aisément  dans  les  mêmes  erreurs 
qu'ils  ont  abjurées.  Ma  s  pour  les  Maronites, 
depuis  leur  réunion  avec  l'Eglise  romaine, 
ils  sont  toujours  demeurés  fermes  dans  la 
foi  catholique,  dont  ils  firent  profession  (li- 
tre les  mains  d'ÀTméric,  patriarche  latin 
d'Antioche,  vers  l'an  1183. 

Il  y  a   parïïiî  ces  Maronites  des    religieux 


pi  niant,  lorsqu'il  semblait  que  tou;c  la  Sy-      qui  avaient  autrefois  sur  le  mont  Liban  en 


rie  allait  être  pervertie,  qu'elle  allait  entiè- 
rement embrasser  l'erreur  el  se  diviser  de 
l'Eglise  romaine,  Dieu,  dil-il,  apporta  le  re- 
mède à  un  si  grand  mal,  par  le  moyen  de 
sainlMaron,  abbé,  qui  non-seulement  fortifia 
plusieurs  Syriens  dans  la  foi  qu'ils  avaient 
reçue  des  apôtres ,  mais  persuada  à  un 
grand  nombre  d'embrasser  la  vie  monasti- 
que. Ce  saint,  ajoutc-t-il,  vivait  vers  l'an  4-00, 
et  ses  disciples  ayant  bâti  plusieurs  monastè- 
res dans  la  Syrie,  dont  le  principal,  auquel 
ils  donnèrent  le  nom  de  Saint-Maron  ,  était 
cotre  Apaniée   et  Emesse   sur  I'Orontc, 


viron  quarante  monastères,  dont  la  plupart 
sont  abandonnés  el  ruinés,  et  qui  étaient 
bâtis  sur  des  croupes  de  rochers  si  escarpés, 
qio'  ces  lieux  paraîtrai!  ni  n'avoir  jamais  élé 
habités,  si  l'on  n'y  voyait  encore  les  vestiges 
des  anciens  monastères,  et  si  ceux  qui  sont 
présentement  habités  n'étaient  aussi  situes 
dans  des  lieux  déserts,  entre  des  rochers  af- 
freux qui  inspirent  la  pénitence,  et  où  l'on 
ne  peut  aller  qu'on  ne  soil  sensiblement 
louché  3e  dévol'i  >h. 

Les  uns  sont  comme  suspendus,   spéciale- 
ment celui  q  -'on  appelle  Marsalita,  el  pour 


unirent  les  traces  de  leur  maître,    c'es(-à-      y  entrer  il  faut  monter  avec  une  échelle  de 


dire  qu'ils  fortifièrent  de  plus  en  plus  quel- 
ques Syriens  dans  la  foi  catholique;  c'est 
pourquoi  ceux  d'entre  les  Syriens  qui  n'é- 
taient pas  infectés  du  venin  de  l'hérésie,  et 
qui  suivaient  avec  tes  moines  les  dogmes  de 
ri''glise  catholique,  furent  appelés  Maroni- 
tes, comme  ayant  persévéré  dans  la  foi  par 
leur  moyen  et  par  celui  de  saint  Maron. 
Mais  comme  Fauste  Naironi  prétend  ap- 


vingl-rinq  pieds  de  hauteur.  Les  aulres  ont 
leur  entrée  comme  celle  des  cavernes.  Celui 
que  saint  Hilarion  fit  édifier  en  l'honneur  de 
saint  Antoine  esl  de  difficile  abord,  mais  on 
y  trouve  de  beaux  jardinages  et  des  vignes. 
C'esl  l'endroit  où  les  religieux  font  leur  no- 
viciat, el  lorsqu'ils  sont  profès,  ils  vont  de- 
meurer dans  les  aulres  couvents,  qui  sont 
présentement  au   nombre  de  dix,   où  dans 


payer  ce  qu'il  avance  par  l'aveu  même  des  quelques-uns  ils  ont  plus  la  compagnie  des 
jacobites  et  des  momuhcli  c  ,  p;  incipalement  ligres,  des  ours  i  t  aulres  bêtes  féroces,  que 
d  unThomas,  arcuevéquedekl'artab,  que  cet  celle  des  hommes,  cultivant  là  terré  ci  les 
évéque n'a  vécu  que  vers  le  onzième  siècle,  el  vignes,  nourrissant  des  vers  à  soie,  s'occu- 
pe d'ailleurs,  les  auteurs  que  cilo  encore  Nai-  panl  à  faire  des  Battes,  principalement  les 


«93  MAR 

vieillards  qui  ne  peuvent  plus  faire  tle  gros 
travail. 

Le  plus  affreux  de  tous  ces  couvent;  est 
celui  qu'on  appelle  Marsaqvin.  Il  est  situé 
dans  les  plus  hautes  montagnes  du  Liban, 
sur  un  rocher  fait  en  précipice,  dans  un  dé- 
sert où  il  n'y  a  que  des  bêles  féroces.  Avant 
que  d'y  entrer,  il  faut  monter  à  une  échelle 
fort  haute,  et  passer  pai-d  ssus  un  échafaud 
de  branchages  d'arbres,  qui  conduit  dans  un 
trou  (tue  la  nature  a  fait  à  ce  rocher,  et  qui 
sert  de  porte  etde  fenêtre  pour  donner  quel- 
que clarté  à  une  caverne  au  tond  de  laquelle 
il  y  a  quelques  degrés  taillé»  dans  le  roc  pour 
monter  daus  une  autre  caserne  qui  sert  d'é- 
glise, et  qui  ne  recuit  point  d'au  Ire  lumière 
que  celle  que  rend  une  lampe  qui  brûle  de- 
vant l'autel. 

Le  P.  Eugène  Roger,  llérollet ,  qui  a  fait 
la  des  riplion  de  ce-  couvents  dans  son  Voya- 
ge de  la  terre  sainte,  dit  qu'il  fut  en  celui- 
ci,  où  il  trouva  un  religieux  âgé  de  quatre- 
vingts  ans,  dunl  il  en  avait  passe  plus  de  cin- 
quante eue  lieu,  et  qui  était  devenu  si  faible 
et  si  caduc,  qu'il  ne  pouvait  se  remuer  d'un 
lieu  à  un  autre.  C'é' ail  jour  c;  lie  raison  que 
le  patriarche,  son  parent,  \oniul  le  taire 
venir  au  monastère  où  il  (ai  ait  ordinaire- 
ment sa  demeure,  afin  qu'il  j  fût  soulagé 
dans  sa  vieillesse  :  niais  ce  bon  anachorète  le 
pria  de  lui  laisser  finir  ses  jours  dans  ce  lieu, 
ce  que  le  patriarche  lui  accorda  ;  cependant, 
comme  il  ne  pou\ait  pas  aller  chercher  de 
l'eau  au  torrent  qui  passe  au  bas  de  la  nion- 
tague  ,  cl  qu'il  faut  descendre  plus  de  oéux 
cents  degrés  pour  en  aller  puiser,  il  lu:  d  u- 
na  p;r,;r  l'assister  une  religieuse,  âgée  d'en- 
viron vingt-cinq  ans,  qui  avai  déjà  passe 
quelques  années  dans  ce  désert,  où  elle  avait 
mené tinè  vie  exemplaire,  vivant  en  véritable 
anachorète.  Celle  religieuse,  pour  ré 
P.  l.o.er  et  son  compagnon,  lira  d'une  peau 
de  chèvre  du  bornage  un  p"u  moins  sec  que 
du  plâtre,  qu'elle  émielta  sur  un  morceau  de 
cuir  qui  seivail  de  nappe  et  d'assiette;  elle 
ajouta  à  ce  mets  deux  poignées  d'olives  salées 
et  séciiées  au  soleil  ;  et  ayant  fait  chauffer  de 
l'eau  dans  un  pôï,  elle  y  délaya  dé  la  farine 
de  froment  qui  avai:  trempé  dan»  du  verjus  , 
et  fit  cuire  un  peu  de  pain  sous  la  cendre  ; 
ensuite  elle  leur  donna  du  vin  dans  une  ca- 
lebasse tjûî  tenait  de  verre. 

Les  autres  religieux  n  aronites  ne  vivent 
pas  partout  avec  tant  d'austérité  ;  mais  ils  ne 
mangent  jamais  de  viande  sans  une  dispense 
particulière  de  Home.  Ils  usent  d'oeufs,  de 
laitage  et  de  diverse-  herbes  sauvages,  com- 
me lenouii,  h.sope,  côlôcasê,  malà  insanna, 
et  quelques  e»;  èce  de  chardons,  faisant  con- 
fire tontes  c>  s  e  ose;  aï  ce  du  lait  aiizre  dans 
des  peaux  de  bon  -,  pour  s'en  servir  hors  le 
temps  de  leurs  carêmes,  pendant  lesquels  i^s 
n'usen  point  de  laitage,  mais  bien  de  puis- 
son,  de  :  gl  mes,  de  Fruits,  de  salades,  d'oli- 
ves et  de  raisiné,  : n'iis  assaisonnent  avec  du 
verjus,  du  miei  o  ;  s   r  de  sumac. 

Ils  obseneni  e  nq  carême'  ,  savoir  :  celui 
de  la  résurrection  de  No Ife-Scîghcur,  qu'ils 
cotnuieucent  le  lundi  de  la  QUînquagcsime,, 


MAR  804 

pendant  lequel  ils  ne  mangent  qu'une  fois  le 
j i>;.r,  deux  heures  avant  le  courber  du  soleil, 
el  s'abstiennent  aussi  de  manger  des  oeufs, 
du  fromage  et  du  laitage.  Le  second  com- 
mence quinze  jours  avant  la  fêle  de  saint 
Pierre,  à  laquelle  il  finit  :  el  celui  de  l'As- 
somption de  la  sainte  Vierge  cnmnicn  o  aussi 
quinze  jours  avant  celle  fêle.  Le  quatrième? 
(j  i  n'es!  que  de  huit  jours.  I  :  en  1  o  ■.:::  ur 
de  l'Exaltation  de  la  sainte  crois  :  e'  I  ■  cin- 
quième es!  de  vingl-cinq  jours  aVaat  la 
livité  de  Notre-Seteneur,  pendant  ie-îtruls 
carêmes  ils  s'abstiennent  aussi  de  lait  et 
(i\  nfs,  mais  ils  peuvent  manger  du  froma- 
ge. Ils  jeûnent  aussi  la  veille  de  saint  Mar  n, 
el  se  conforment  pour  les  autres  jeûnes  à 
l'Eglise  romaine. 

Us  récitent  leur  office  en  langue  sjrrinqoe; 
malines  et  laudes  la  nuit ,  prime  .  tierce  el 
sexte,  à  la  poinledujour  :  la  messe  se  dit 
ensuite,  se  servait  comme  les  Latins  de  pain 
sans  levain  pour  la  consécration.  Après  la 
messe  ils  vont  travailler,  oheeùfl  sélrm  son 
latent,  jusqu'au  diner  ;  après  quoi  ils  relour- 
neul  au  travail.  Avant  souper  ils  disent  nono, 
vè|  res  et  compiles  :  ils  vont  ensui:e  au  ré- 
fectoire ;  et  après  le  souper  ils  se  relire;  t 
lous  pour  prendre  leur  repos. 

i  es  novices  sont  en  il.: bit  séculier  pendant 
trois  ou  quatre  mois,  selon  la  volonté  du  su- 
périeur, qui  leur  fait  faire  profession  quand 
bon  lui  semble;  c'est  ordinairement  le  pa- 
triarche qui  <  n  fait  la  cérémonie,  et  en  son 
absence  un  évêqne  ou  le  supérieur  du  mo- 
î  ère.  On  s'assemble  à  l'égli-e.  où  l'on  ré- 
c  te  un  grand  nombre  de  prière;  :  on  deman- 
de au  novice  s'il  veut  faire  profession  et 
s'engager  dans  la  religion,  et  s'il  répond  qu'il 
y  c-u.senl ,  il  est  dès  ce  moment  véritable- 
ment religieux,  les  .Maronites  élanl  persuadés 
que  le  consentement  da  novice  renferme  les 
trois  vœux  de  pauvreté,  de  chasteté  et  d'o- 
béissance.  On  lui  donne  le  petit  capuce  qui 
le  distingue  des  séculi  rs,  et  la  cérémonie  se 
termine  par  quelques  prières.  Ils  ne  p  uvent 
quitter  l'habit  de  religion  sans  éirc  décia;  es 
apostate»  «t  ils  sont"  punis  très-sévèrement 
par  la  prison  ou  p  r  d'autres  peines,  s'ils 
quittent  l'hait,  ils  observent  encore  quel- 
que» règlements,  qui  leur  ont  été  donnés  par 
le  patriarche  Etienne  Aldoën  ,  natif  d'Aden, 
dont  les  religieux  maronites  poursuivaient 
la  confirmation  en  cour  de  Rome,  lorsque  le 
P.  Bonanni  donna  son  Catalogue  des  Ordres 
religieux  ,  en  1T0G.  11  dit  qu'il  y  avait  pour 
lors  à  Rome  le  P.  Gabriel  Hœva,  Maronite, 
qui  y  était  venu  pour  obtenir  cette  confirma- 
tion du  pape  Clément  XI. 

Il  y  a  aussi  des  religieuses  maronites  au 
mont  Liban  ,  où  elles  ont  deux  couvenls,  et 
gardent  la  clôture:  et  i!  y  eu  a  d'autres  qui 
tivent  seules  daus  des  solitudes  et  en  ana- 
chorètes. Il  s'en  trouve  pareillement  à  Alep, 
mais  (lies  ne  gardent  pas  la  clôture  à  cause 
qu'elles  sont  parmi  les  Turcs;  néanmoius 
elles  demeurent  deux  ou  trois  ensemble  chez 
leurs  parents,  ne  permettant  à  aucun  homme 
d'entrer  dans  leurs  chambres,  d'où  elles  ne 
sortent  que  pour  aller  à  l'église  les  fêle»  et 


895 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


89b 


les  dimanches.  Elles  observent  très-rigou- 
reusement  et  à  la  lettre  la  règle  de  saint 
François,  sous  la  juridiction  des  RR.  PP.  Ca- 
pucins, dont  elles  portent  l'habit.  Mais  les 
religieuses  du  mont  Liban  sont  de  l'ordre  de 
Saint-Antoine,  disent  leur  office  en  langue 
syriaque,  aussi  bien  que  les  religieux,  et 
sont  habillées  comme  eux,  portant  une  tuni- 
que de  serge  brune,  avec  une  teinture  de 
cuir  noir  et  une  robe  par-dessus,  qui  est  de 
gros  camelot  de  poil  de  chèvre  de  couleur  de 
fumée  et  ayant  les  jambes  nues  (1).  Toute 
la  différence  qu'il  y  a  entre  ces  religieux  et 
ces  religieuses  de  Saint-Antoine,  c'est  que 
les  religieux  ont  un  capuce  de  drap  noir  et 
ne  portent  point  de  chemises,  et  que  les  re- 
ligieuses en  ont  et  mettent  sur  leur  tète  un 
voile  noir  qui  les  cou\re  depuis  la  tête  jus- 
qu'aux pieds.  Elles  sont  presque  toutes  filles 
des  plus  qualifiées  et  des  plus  nobles  de  leur 
nation  :  ainsi  elles  ne  manquent  de  rien,  leurs 
parents  fournissant  abondamment  a  leurs  be- 
soins. Elles  s'occupent  néanmoins  au  travail 
des  mains,  employant  le  profit  qu'elles  en  reti- 
rent à  l'ornement  de  leur  église;  et  elles  ont 
les  mômes  jeûnes  cl  les  mêmes  observances 
des  religieux. 

M.Simon,  auteur  du  Dictionnaire  de  la 
Bible  (Tom.  I,  pag.  312,  au  mol  Canobin  ), 
imprimé  pour  la  seconde  fois  à  Lyon  en  170.J, 
dit  qu'on  fait  passer  pour  une  chose  sur- 
prenante et  (oui  à  fait  admirable,  que  depuis 
peu  de  temps  il  se  soit  établi  un  couvent  de 
filles  au  mont  Liban  ;  ce  qui  ne  s'était  jamais 
vu  en  Orient.  Il  ajoute  que  la  fondatrice  ou 
institutrice  de  ce  nouveau  monastère  était 
une  pauvre  fille  qui  s'occupait  à  l'éducation 
de  la  jeunesse  de  son  sexe,  leur  apprenait  à 
lire,  à  écrire  et  toutes  les  autres  choses  qu'el- 
les sont  obligées  de  savoir.  «  Elle  fut,  dit-il, 
inspirée  de  Dieu  d'assembler  les  plus  gran- 
des et  celles  qui  seraient  les  plus  propres  à 
la  seconder daus  sa  sainte  entreprise;  elle  n'eut 
pas  beaucoup  de  peine  à  les  faire  entrer 
dans  sa  pensée;  et  quoiqu'elles  n'eussent 
jamais  ouï  parler  de  communauté,  elles  en 
composèrent  une  d'environ  trente  filles  qui 
sont  non-seulement  l'édification  des  chré- 
tiens de  ce  pays-là,  mais  encore  des  Sarra- 
sins. Leur  pauvreté  est  extrême;  leurs  cellu- 
les, qui  ne  sont  que  de  chaume,  sont  bâties 
autour  de  leur  chapelle  ;  et  quoiqu'elles 
n'aient  rien  que  le  travail  de  leurs  mains,  el- 
les tiennent  pourtant  leur  autel  très-propre- 
ment orné,  et  on  ne  peut  rien  voir  de  plus 
décent  que  leur  chapelle.  Elles  éprouvent  la 
vocation  de  celles  qui  veulent  entrer  dans 
leur  compagnie  par  un  noviciat  de  trois  ans  ; 
elles  emploient  la  nuit  à  la  prière  et  à  chan- 
ter les  louanges  de  Dieu,  et  le  jour  à  tra- 
vailler îles  mains,  pour  faire  valoir  le  peu  de 
bien  qu'elles  possèdent  aux  environs  de  leur 
monastère.  Une  autre  fille,  à  l'imitation  de 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  228 

('2)  Tous  les  voyageurs  donnent  à  ce  mouaslère  le 
nom  île  Canobin  parce  qu'ils  l'enlendeni  ainsi  nom- 
mer; mais  il  y  a  de  l'apparence  que  les  Maron'ueS' 
ne  le  nomment  ainsi  quepar  excellence,  comme  étant' 


cette  première,  a  entrepris  le  même  dessein 
à  un  autre  quartier  du  mont  Liban  ;  et  d'au- 
tres filles  se  sont  retirées  dans  des  ermita- 
ges, où  elles  prétendent  passer  le  reste  de 
leurs  jours  dans  la  pénitence.» 

Cet  auteur  paraît  peu  informé  de  ce  qui 
regarde  l'histoire  monastique  d'Orient,  puis- 
qu'il dit  que  l'on  fait  passer  pour  une  chose 
admirable,  et  tout  à  fait  surprenante,  que 
depuis  peu  de  temps  il  se  soit  établi  au  mont 
Liban  un  monastère  de  filles,  ce  qui  ne  s'é- 
tait jamais  vu  en  Orient,  à  ce  qu'il  prétend. 
Les  savants  ne  demeureront  pas  sans  doute 
d'accord  avec  lui,  que  ce  n'est  que  depuis 
peu  que  l'on  voit  des  communautés  de  filles 
en  Orient  ;  puisque  l'histoire  ecclésiastique 
nous  fournit  une  infinité  d'exemples  du  con- 
traire, et  qu'il  y  a  encore  plusieurs  monastè- 
res de  filles,  tant  grecques  qu'arméniennes, 
nestoriennes  et  melchites  en  Orient,  qui  sont 
sous  la  domination  des  Turcs,  comme  nous 
dirons  dans  la  suile.  M.  Simon  a  encore  été 
mal  informé  de  la  règle  que  suivent  les  Ma- 
ronites, lorsqu'il  dit  qu'ils  sont  de  l'ordre  de 
Saint-Basile,  car  il  est  certain  qu'ils  se  di- 
sent de  l'ordre  de  Sainl-Anloine. 

Les  religieux  et  les  religieuses  qui  y  de- 
meurent dépendent  entièrement  du  patriar- 
che, qui  est  aussi  religieux  et  qui  fait  sa  de- 
meure au  monastère  de  Canobin  (2),  situé 
dans  un  affreux  désert,  dans  lequel  il  y  a 
environ  vingt-cinq  ou  trente  religieux.  Son 
revenu  peut  monter  à  vingt  mille  livres  par 
an,  et  consiste  en  vin,  froment,  huile,  foie  et 
bétail  ;  il  paye  environ  mille  livres  au  pacha 
de  Tripoli,  et  a  sous  lui  six  ou  sept  évêques, 
avec  un  abbé  mitre  qui  demeure  au  monas- 
tère de  Mar-Antonois.  11  prend  le  litre  de 
patriarche  d'Antioche,  que  plusieurs  papes 
lui  ont  accordé,  et  est  vêtu  d'une  longue 
veste  ou  soulane  de  bleu  turquin.  11  porte  un 
gros  turban  de  toile  de  même  couleur,  aussi 
bien  que  les  évêques;  mais  quand  ces  pré- 
lats vont  à  l'église  ou  ailleurs,  ils  ont  sur  la 
soutane  une  robe  noire  sans  collet,  avec  un 
capuce  de  même  couleur,  comme  on  peut 
voir  dans  la  figure  du  patriarche  que  nous 
avons  fait  graver  (3).  M.  Richard  Simon  (au- 
Ire  que  celui  dont  nous  avons  parlé),  faisant 
mention  de  l'élection  de  ce  patriarche,  dit 
que  le  peuple  y  a  beaucoup  de  part,  car  elle 
dépend  du  corps  de  leur  république,  qui  doit 
reconnaître  celui  qui  a  été  élu;  mais  que, 
comme  les  ecclésiastiques  tiennent  le  pre- 
mier rang  dans  l'Etat,  aussi  contribuent-ils 
le  plus  à  l'élection.  Douze  des  principaux 
prêtres  s'assemblent  dans  le  monastère  de 
Canobin,  où  ils  procèdent  à  l'élection  du  pa- 
triarche par  la  voie  du  scrutin;  et  quand  ils 
sont  tous  d'accord,  la  république  qui  est  as- 
semblée, c'est-à-dire  les  ecclésiastiques  et  le 
peuple,  donnent  leur  consentement  à  celte 
Meclion.  Comme  il  est  néanmoins  difficile  que 

le  principal   monastère  et  le   plus   considérable  du 
mont   Liban  ;  car  Canobin  en   arabe  veut  dire  mo- 
nastère on  couvent.  C'est  ce  qui  a  été  remarqué  par 
M.  l'abbé  RenauJol. 
(3)  Voi/.,  à  la  fin  du  vol.,  n"  229, 


897  MAI* 

toutes  les  voix  concourent  ensemble  dans  le 
scrutin,  il  y  a  une  seconde  manière  de  pro- 
céder,  qui  est  une  espèce  de  compromis; 
c'est-à-dire  que  de  ces  douze  prèlres  l'on  en 
choisit  trois  au  sort,  et  ces  trois  font  le  pa- 
triarche, qui  est  même  élu  à  deux  voix  ;  en- 
suite le  peuple  confirme  celte  élection  par 
son  consentement,  et  le  patriarche  reçoit  du 
pape  les  bulles  de  confirmation. 

Dans  ce  monastère  de  Cauobin,  aussi  bien 
que  dans  celui  de  Saint-Antoine  et  dans  un 
autre  qui  est  au  désert  de  Saint-Elisée,  où 
demeure  ordinairement  un  évêque,  il  y  a  des 
cloches;  mais  dans  les  autres  couvents,  et 
même  dans  les  paroisses, ils  n'ont  pour  appe- 
ler le  peuple  qu'une  planche  de  bois  suspen- 
due avec  des  cordes  à  quelques  arbres,  con- 
tre laquelle  ils  frappent  avec  des  massues  de 
bois. 

Ce  fut  sur  le  mont  Liban  que  M.  Galaup 
de  Chasteuil,  gentilhomme  de  Provence,  se 
retira,  vers  l'an  1631,  pour  y  mener  une  vie 
solitaire  et  pénitente.  Les  Turcs  troublèrent 
souvent  le  repos  de  sa  solitude  durant  les 
guerres  contre  l'émir  Fecke-Edin;  mais  son 
mérite  faisait  impression  sur  l'esprit  même 
des  barbares.  11  était  si  connu  des  Maronites, 
et  ils  en  faisaient  une  si  grande  estime, 
qu'après  la  mort  de  leur  patriarche  Georges 
Amira,ils  le  prièrent  d'accepter  cette  dignité. 
Il  refusa  cet  honneur,  et  se  relira  ensuite  à 
Mar-Elicha ,  dans  un  monastère  de  Carmes 
Déchaussés,  où  il  redoubla  ses  austérités, 
qui  lui  causèrent  une  maladie  dont  il  mou- 
rut le  15  mai  de  l'an  16ii.  Il  avait  composé 
dans  sa  solitude  quelques  ouvrages  sur  la 
Bible,  qui  restèrent  avec  ses  autres  livres 
aux  Carmes  Déchaussés.  Sa  vie  a  été  donnée 
au  public  en  1666. 

Francise.  Quaresm.  Elucidât.  Terr.  Sanct. 
Davity,  Deseript.  de  l'Asie  et  de  l'Afrique. 
Le  Fèvre,  Théâtre  de  la  Turquie.  La  Croix, 
Turquie  chrétienne.  Eugène  Roger,  Voyage 
de  terre  sainte.  Maimbourg,  Schisme  des 
Grecs.  Jérôm.  Dandini,  Voyage  au  mont  Li- 
ban, avec  les  remarques  de  M.  Richard  Simon; 
et  Philipp.  Bonanni,  Culalog.  Ord.  reliyios., 
part.  i. 

Les  moines  maronites  sont  encore  aujour- 
d'hui au  mont  Liban.  On  voit  actuellement  à 
Rome  trois  monastères  sous  les  désignations 
suivantes  :  1"  Maroniti  Alepini  di  S.  Antonio 
abaie.  R.  P.  abbé  D.  Genaliu  Zucchi,  général, 
résidant  au  mont  Liban.  R.  P.  D.  Basile  Cia- 
babi,  abbé  et  vicaire  général.  2*  Maroniti 
Libanesi  di  S.  Antonio  auate.  R.  P.  D.  Emma- 
nuel Ciababi.  générai,  résidant  au  mont  Li- 
ban. R.  P.  D.  Libeo  Mutaiui,  procureur  géné- 
ral, résidant  a  Rome.  3*  Armeni  (moines  ar- 
méniens) </t  S.  Antonio  abate.  R.  P.  D.  Tiruo- 
thée  Tellal,  abbé  général,  résidant  au  mont 
Liban.  R.  P.  abbé  D.  Arsène  Angiarakian , 
procureur  général,  résidant  à  Rome,  près  du 
Vatican.  Voyez  Arméniens,  tome  Ie*  de  ce 
Dictionnaire,  page  266.  B-d-e. 

MARTHE  '  Aogustines  db  Saintk-)  Voy. 

ACGUSTINES. 

MARTHE   (Des   Filles    Hospitalières    de 


MAR 


808 


Sainte-)  en  Bourgogne,  tant  dans  le  duché 

que  dans  le  comté. 

Il  y  a  un  grand  nombre  d'hôpitaux,  tant 
dans  le  duché  que  dans  le  comté  de  Bour- 
gogne, desservis  par  des  Hospitalières,  qui 
tirent  leur  origine  des  Béguines  de  Malines, 
dont  nous  avons  parlé  précédemment.  Le 
plus  ancien  et  le  plus  considérable  de  ces 
hôpitaux  est  celui  de  Beaune,  dans  le  duché 
de  Bourgogne,  fondé  l'an  1W3  par  Nicolas 
Bolin,  chancelier  de  Philippe  le  Bon,  duc  de 
Bourgogne,  qui  fit  venir  de  Malines  six  Bé- 
guines pour  en  avoir  soin.  Plusieurs  person- 
nes, à  l'exemple  du  fondateur,  y  donuèrent 
des  sommes  considérables,  et  le  pape  Nico- 
las V  confirma  toutes  les  donations  qui  y 
avaient  été  faites.  Cet  hôpital  fut  bâti  avec 
beaucoup  de  magnificence.  11  y  a  une  salle 
fort  longue,  commune  pour  tous  les  pauvres 
malades,  de  quelque  nation  qu'ils  soient, 
qui  y  sont  reçus  avec  beaucoup  de  charité. 
Au  bout  de  cette  salle,  du  côté  de  l'orient,  il 
y  a  une  chapelle  disposée  de  telle  sorte  que 
tous  les  malades  peuvent  commodément  en- 
tendre la  messe  et  voir  le  saint  sacrement 
lorsqu'il  est  exposé.  Derrière  l'autel  il  y  a 
une  autre  salle  pour  ceux  qui  sont  dange- 
reusement malades,  laquelle  a  ses  olfices 
particuliers  qui  y  sont  contigus.  Derrière 
cette  salle  est  un  autre  lieu  destiné  pour  les 
corps  morts,  avec  plusieurs  lavoirs  et  gran- 
des tables  de  pierre.  Le  long  de  la  grande 
salle  ,  du  côté  du  midi ,  l'on  trouve  une 
grande  cour  carrée,  bordée  de  galeries  hau- 
tes et  basses.  Le  long  des  galeries  hautes,  il 
y  a  plusieurs  appartements  pour  recevoir 
les  personnes  de  condition,  les  gentilshom- 
mes de  quatre  ou  cinq  lituesàla  ronde  ne 
faisant  point  difficulté  de  se  faire  porter  à 
cet  hôpital,  où  ils  sont  aussi  bien  traités  et 
soignes  qu'ils  le  pourraient  être  dans  leurs 
châteaux.  Chaque  appartement  est  composé 
de  chambre,  antichambre,  cabinet  et  garde- 
robe.  Ils  sont  richement  meublés,  et  dans 
chaque  chambre  il  y  a  trois  lits,  pour  chan- 
ger le  malade  selon  les  besoins.  Chaque  ap- 
partement u  son  linge  particulier,  ses  usten- 
siles, ses  meubles,  et  n'emprunte  rien  d'un 
autre.  Chaque  chambre  a  aussi  son  nom, 
comme  celle  du  roi,  celle  des  ducs  de  Bour- 
gogne, et  ainsi  des  autres.  Non-seulement  on 
y  reçoit  le^  gentilshommes  ,  mais  encore  les 
bouigeois  les  plus  considérables  de  la  ville. 
Ils  l'ont  apporter  de  chez  eux  la  viande,  le 
pain  elle  vin,  et  payent  les  remèdes  qu'on 
leur  donne  :  il  n'y  a  que  les  meubles  et  le 
service  des  sœurs  dont  on  ne  demande  rien  ; 
mais  il  n'y  en  a  point  qui  en  sortant  ne  laisse 
quelque  aumône  par  reconnaissance.  Il  y  a 
aussi  des  chambres  le  long  des  galeries  bas- 
ses, où  l'on  reçoit  ceux  qui  sont  de  moindre 
condition,  et  qui  y  sont  traités  et  médica- 
mentés  aux  dépens  de  l'hôpital,  de  la  même 
manière  que  les  malades  de  la  salle  com- 
mune; mais  s'ils  veulent  quelque  chose  de 
plus,  comme  bois,  viande  et  le  service  par- 
ticulier de  quelques  femmes,  c'est  à  leurs 
dépens.  L'apothieairerie  est  fort  belle,  et  la 
Bourgeoise,  petite  rivière  qui  a  sa  source  à 


899 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX; 


900 


cinq  cents  pas  de  la  ville,  passe  au  milieu  de 
la  cour,  d'où  elle  se  répand  par  plusieurs  ca- 
naux dans  tous  les  ol'Qces  :  ce  qui  contribue 
à  :a  pi  :.,!i'U'  (Je  cet  Itôplal ,  où  l'on  ne  sent 
point  de  mauvaise  odeur  connue  dans  les  au- 
tres. 

Le  plus  célèbre  bôpilal  du  même  institut, 
ai !iè.  colui  de  Beaune,  est  l'hôpital  de  Châ- 
lons-sur-Saônc.  -I  y  en  avait  eu  un  de  tout 
ii  cette  vil  e  ;  mais  ayant  été  démoli 
par  ordre  du  duc  de  la  Trétuoille,  gouver- 
neur àe  Bourgogne,  sous  prétexte  de  quel- 
qi  es  [or:iiicalîous  que  l'on  lii  au  è.ue  en- 
droit, les  bourgeois  présentèrent  une  requête 
au  roi  François  1",  i'au  152ei,  pour  parier  S  i 
Majesté  de  leur  accorder  une  place  dans 
la  ulle  pour  y  làlir  un  autre  hôpital.  Gc 
prime  leur  en  accorda  une  dans  le  Éuthausg 
Saint-André;  mais  comme  elle  joignait  à  un 
closde  vigneappaileiiasil  àl'c-\ e,f.;e,  qu.se.  - 
hlailvouloii  apporte  r  quelque  opposition  à.  et 
établissement,  on  leur  en  accoida  uncaul.o 
au  faubourg  :  ai  l-Laui  eut,  où  les  Bonde- 
nji  nis  de  cet  bôpilai  lurent  jetés  la  même 
année,  et  la  première  pierre  posée,  p.tr  ies 
écii  vins  L-  19  auùt.  Le  ici  aecotëa  1 
suivant  des  le. 1res  d'amortissement,  vou- 
lant que  tel  hùp  tal  fût  Iqujq  us.  sous  la  j  ri- 
d.ciioii  des  bourgeois  de  :a  v.lle,  e!  !  |  a.  e 
Puai  lilaccotv  a,  l'an  ioo8,  des  indu'. - 
étui  qui  le  visiteraient  et  qui  conlnbue- 
iie  I:  urs  biens  pour  l'entretenir.  Il  est 
al  magnifique  :  ii  y  a  plusieurs  salles 
pour  1.  s  eh  ad.  .-s,  et  on  n'y  est  point  inom- 
ujode  de  la  mauvaise  odeur  qui  a  coutume 
d'iufec  er  les  autres  hôpitaux.  Il  y  a  touj  urs 
pendaul  I  hiver  un  grand  nombre  de  casso- 
lettes et  de  réchauds  parfumés,  et  pendant 
l'été  ou  attache  aux  voûtes  des  vases  qui 
sont  toujours  remplis  de  toutes  sorte;  de 
llcurs.  L'on  admire  dans  cette  maison  quatre 
grandes  chambres  hautes,  tapissées  d  •  hau- 
tes lisses  et  richement  meublées,  comme  dans 
l'hôpital  de  Leaune,  où  des  personnes  de 
qualiie  se  font  porter,  étant  traitées  dans 
leurs  maladies  par  les  Saurs  Hospitalières 
avec  toute  l'adresse,  la  propreté  et  la  dou- 
ceur que  1  on  pourrait  attendre  de  ceux  que 
le  devoir  et  non  pas  la  eharilé  obligerait  à 
ces  exercices.  Ces  chambres  ont  la  vue  d'un 
côté  sur  la  rivière  et  de  l'autre  sur  la  prairie. 
11  y  a  une  cuisine  particulière  pour  ces 
chambres.  Le  dortoir  ces  Sœurs  est  à  côté, 
et  lous  les  olû  es  de  l'hôpital  sont  dessous, 
yussi  bien  que  la  cuisine,  le  réfectoire  et 
i'iniirmerie  des  Sœurs.  11  y  a  aussi  une  belle 
iiuolli.cairerie.  Ou  y  voit  un  jardin  où  il  y  a 
toutes  sortes  de  simples,  et  un  puits  placé  au 
milieu  d'u  1e  cour  ombragée  de  quantité  d'ar- 
bres, qui  fournit  par  des  canaux  suffisam- 
ment u  eau  à  loute  la  maison. 

News  ne  parlerons  point  en  particulier  des 
aul  es  hôpitaux  que  desservant  ces  Hospita- 
lières dans  le  duché  et  comlé  de  Bourgogne, 
où  ils  sont  en  grand  nombre,  et  qui  semul- 
tiplient  tcus  les  jours  ;  nous  nous  contente- 
rons de  dire  que  ces  Hospitalières    y  prati- 


quent partout  également  la  charité  à  l'égard 
des  personnes  le  l'un  et  l'amie  sexe,  Files 
ne  f.mt  q:;c  des  vœux  simples  d'obéissance 
et  de  chasteté,  pour  le  Icmp-seulemenlqu'el- 
Ies  sont  employées  au  service  des  pauvres, 
leur  étant  libre  de  sortir  et  de  quitte*  l'habit 
quand  bon  leur  semble. 

La  différence  qu  il  y  a  entre  celles  du  du- 
ché et  celles  du  comlé,  c'est  que  celles  du 
duché  sont  exemptes  do  la  juridiction  des 
ordinaires,  par  plusieurs  bulles  des  souve- 
rains pontifes;  et  que  celles  du  comte  sont 
soumises  à  l'ordinaire,  à  la  réserve  des  Hos- 
pitalières de  Dole,  qui  se  sont  maintenues 
ur  exemption,  par  un  procès  qu'elles 
ont  gagné  contre  l'archevêque  de  Besançon. 
Les  supérieures  des  exemples  sont  perpé- 
tuelles, el  celles  des  touinises  à  l'ordi..aire 
ue  sont  que  triennales.  Les  exemples  sont 
habillées  l'été  de  blanc  et  l'hiver  de  gris,  et 
les  autres  sont  en  tout  temps  habillées  de 
gris,  il  n'y  a  pas  longtemps  que  l'on  aobli  é 
celles-ri  à  porter  en  tout  temps  le  gris  ;  c  r 
eiles  portaient  le  blanc  pendant  l'été  comme 
I  .  mptes.  Les  unes  el  les  autres  ont  un 
g:-  nd  voile  blanc,  qui  avance  par-d ewiut  de 
la  'longueur  de  quatre  à  cinq  pouces,  ei  est 
soutenu  par  du  carton.  Elles  ont  aussi  un 
bandeau  sur  le  front  et  une  guimpe  qui  des- 
cend jusqu'à  la  c<  in.ure  en  diminuant  et 
faisant  deux  plis  de  chaque  côté.  La  forme 
de  l'un  et  l'autre  habillement  est  toujours  la 
même  ;  et  tant  la  jupe  blanche  de  dessus  que 
la  grise,  qui  est  doublée  de  noir,  sont  tou- 
jours retroussées,  s'attachant  par  derrièro 
avec  un  crochet  d'argent  de  la  longueur  de 
cinq  à  six  pouces,  qui  entre  dans  deux  agra- 
fes aussi  d'argent  (1). 

Jacques  Foderé  ,  Hist.  des  couvents  de 
Saint-François  el  de  Sainte-Claire,  de  la  pro- 
vince de  Swint-Bonaveitture,  pay.  43d.  His~ 
loire  i  cclésiaslique  de  Clidlons,  pag.  \88;  et 
M àiioues  manuscrits. 

MARTIN  (Chanoines  de  Saïnt-)  WBper* 
nay.  Voy.  Jean  de  Chartres  (Saint). 

MARTYRS  DANS  LA  PALESTINE.  Voy. 
Cô.miî  et  Damien  (Saints). 

MATHURINES.  Voy.  Trinité  (  Tiers  or- 
dre de  la  Sainte-) 

M ATHURINS.  Voy.  Tributaires. 

MATTHIASDET1VOLI(Réiokmede).Ko(/. 
Antoine  de  Castel-Saint-Jean. 

MAOBEtJGE.  Voy.  Nivelle. 

MAUil  (Des  Bkkédictins  Réformés  de  la 
congrégation  de  Saint-)  en  France. 
De  toutes  les  congrégations  de  l'ordre  da 
Saint-Benoît,  il  n'y  en  a  point  de  plus  illus- 
tre, plus  féconde  en  personnes  savantes,  et 
qui  rende  plus  de  service  à  l'Eglise,  que 
celle  de  Saint-Maur  en  France.  Elle  doit  ses 
commencements  à  la  congrégation  de  Saint- 
Vanne,  l'ont  la  réputation,  se  répandant  de 
tous  côiés,  invita  plusieurs  abbayes  de 
France  à  embrasser  le  même  genre  de  vie. 
La  première  qui  demandai)  se  soumettre  à 
l'étroite  observance  fut  celle  de  Sainl-Augus- 


(1)  Voy.,  à  la  tin  du  vol.,  a        I 


901  MAI) 

tin  do  Limoges.  Elle  avait  clé  fondée  envi- 
ron l'an  512  par  saint  Rurice  le  Jeune,  évo- 
que de  Limoges,  qui  y  avait  établi  des  cha- 
noines; mais  les  Dano;s  ayant  entièrement 
détruit  ce  monastère,  il  l'ut  rétabli  l'an  90'* 
par  Turpion,  aussi  évèque  de  Limoges,  qui 
au  lieu  de  chanoines  y  mit  des  religieux  de 
l'ordre  de  Saint-Benoît.  L'observante  régu- 
lière s'y  maintint  jusqu'à  ce  que  celle  ab- 
baye étant  t o : 1 1 :  ée  en  commendc,  et  les  re- 
venus en  ayant  été  dissipés  par  le  peu  d'éco- 
nomie, ils  abbés,  le  relâchement  s'y  intro- 
duisit, cl  elle  était  dans  un  élat  déplorable, 
lorsque  Jean  Regnault,  dernier  abbé  com- 
m  ndataire,  la  soumit,  l'an  1013,  à  la  con- 
grégation de  Sainl-Vanne.  Plusieurs  autres 
abbayes  s'y  soumirent  aussi  ;  comme  celles 
de  S;nvut-Faron  de  Meaux,  de  Sainl-Juiien  de 
Noaillé,  de  Saint-Pierre  de  Jumièges  et  de 
Bernav.  Doin  Didier  de  la  Cour  el  lesaut:es 
supérieurs  de  la  Reforme  de  Saint-Vanne  y 
envoyèrent  dos  religieux,  qui  travaillèrent 
avec  succès  à  y  établir  la  relu  me.  Mais  les 
ililficuliés  qu'ils  trouvèrent  à  réunir  sous  une 
même  congrégation  ces  abbayes  el  d'autres 
ph.s  éloignée  -,  qui  demandèrent  aussi  la  ré- 
forme, leur  fit  prendre  la  résolulb  n  d'en 
faire  deux  différentes,  dont  l'une  serait  éri- 
gée en  Fiance  et  à  laquelle  les  monastères 
déjà  réformes  serviraient  comme  de  fonde- 
ment. Ce  projet  fut  approuvé  dans  le  chapi- 
tré général  ;ui  se  tint  à  Saint-Mansuy  de 
Toùl  au  mois  de  mai  1018.  Ils  permirent  d  s 
lors  aux  religieux  qu'ils  avaient  envoyés  en 
France  de  faire  un  nouveau  corps  de  con- 
grégation composé  des  monastères  où  ils 
avaient  porté  la  réforme  et  de  ceux  qui 
voudraient  l'embrasser  dans  la  suite  ;  et  aîiu 
d'entretenir  dans  les  deux  congrégations 
une  union  et  une  auiitié  inviolable,  ijs  dres- 
sèrent  un  acte,  par  lequel  ils  se  promirent 
les  uns  aux  autres  la  participation  aux  priè- 
res ei  aux  autres  bonnes  œuvres,  ce  qui  s'est 
toujours  pratiqué  depuis. 

iJum  Laurent  liénaid,  prieur  du  collège 
de  Ciu.  y,  et  qui  avait  été  à  Saint- Vanne 
dans  l'intention,  ou  d'unir  son  collège  à  celle 
congrégation  ,  ou  de  s'y  faire  religieux, 
ayaul  renouvelé  sa  profession  en  présence 
de  tout  le  chapitre,  conformément  à  celle  qui 
se  pratiquait  deià  dans  telle  congrégation, 
et  s'élanl  soumis  à  l'obéissance  des  supé- 
rieurs qui  la  gouvernaient  ,  retourna  par 
leur  ordre  à  Paris,  afin  d"y  travailler  de  tout 
son  pouvoir  à  l'exécution  du  dessein  qu'on 
avait  formé  dans  ce  chapitre  tenu  à  Sainl- 
Mansuy.  L  était  secondé  par  les  PP.  dom 
Anselme  Rolle,  dom  Coiomban  Régnier,  dom 
Adrien  Langlois  ,  dom  Maur  Tassin,  dom 
Martin  Taisuière  et  dom  Albauase  de  Mou- 
gin,  tous  religieux  de  Saint-Vanne  et  d'un 
mérite  distingué,  lis  obtinrent  au  mois  d'août 
de  la  même  année  1618  des  lettres  patentes 
du  roi  Louis  XUI  pour  l'érection  de  la  nou- 
vel e  congrégation,  à  laquelle  ils  donnèrent 
depuis,  clans  leur  première  assemblée  géné- 
r..ie,  le  nom  de  Sainl-Maur,  aimant  mien:. 
prendre  pour  pair  on  ce  bienheureux  disci- 
yiu  de  saint  Benoît  que  tout  aiiire  saint  lilu- 


MAU 


1)02 


laire  de  quelque  abbaye  particulière,  de  peur 
de  donner  de  la  jalousie  surtout  aux  plus 
grands  monastères  qui  auraient  voulu  peut- 
elre     voir  la  préférence. 

Sitôt  que  les  letires  patentes  du  roi  eurent 
été  expédiées,  plusieurs  personnes  du  pre- 
mii  r  i  ans  s'oiïrircnl  d'elles-mêmes  à  dom 
Laurent  Renard  pnuraccélérerle  suceèsd'uue 
affaire  qu'elles  prévoyaient  bien  (levoir  tour- 
ner à  l'ulililé  de  l'F.glise  et  à  l'honneur  du 
royaume.  Les  principales  de  ces  personnes 
furent  les  cardinaux  de  Retz  et  de  Sourdis, 
les  présidents  Nieolaï  et  Hcnnequin  et  !e 
procureur  général  Mole,  qui  fut  dans  la  suid> 
premier  président  et  garde  des  sceaux,  t  e 
premier  fruit  de  cette  proteetion  fut  l'intro-1 
d  action  de  la  reforme  dans  fe  monastère  des 
Blancs-Manteaux  qui  appartenait  aux  Guil- 
lelmites.  Le  cardinal  de  Retz  le  lit  agréer  au 
roi,  et  les  Bénédictins  en  prirent  possession  le 
5  septembre  i61S.  Comme  dom  Laurent  Be- 
nard,  prieur  du  collège  de  Cluny,  se  mêlait 
de  cette  affaire  c'est  peut-être  la  raison  pour 
laquelle  ces  Bénédictins  Réformés,  qu'on  no 
connaissait  pas  encore  pour  être  de  la  con- 
grégation de  Saint-Maur  qui  n'était  pas  for- 
mée, sont  appelés  de  l'ordre  de  Cluny,  dans 
la  requête  que  le  provincial  des  Guillelmiles 
présen  a  au  roi  pour  rentrer  dans  la  posses- 
sion de  ce  monastère,  aussi  bien  que  dans 
le  plaidoyer  de  du  Bouchel  pour  l'université 
de  Paris,  qui  prit  la  défense  des  Guillelmiles. 
M.  Baillel,  dans  la  Vie  de  saint  Guillaume, 
dit  que  ce  furent  les  religieux  de  Sainl-Vau- 
ne  qui  établirent  la  réforme  dans  le  monas- 
tère des  Blancs-Manteaux.  Il  est  vrai  que  ca 
furent  les  religieux  de  celte  congrégation 
qui  y  furent  introduits  ;  mais  c'était  au  nom 
de  ta  nouvelle  congrégation  de  Saint-Maur, 
qui  n'était  pas  encore  tout  à  fait  formée, 
le  nous  avons  dit,  et  ainsi  ni  les  reli- 
gieux de  Cluny  ni  ceux  de  Saint-Vanne  n'ont 
point  été  en  possession  de  ce  monastère, 
mais  bien  ceux  de  la  congrégation  de  SainU 
Maur,  qui  y  ont  toujours  demeuré  depuis 
qu'on  obligea  les  Guillelmiles  à  L  quitter. 

La  reforme  étant  établie  dans  un  monas- 
tère de  la  capitale  du  royaume,  s'étenoit 
bie  ilôt  par  toules  ses  provinces  ;  on  pour- 
sur,  il  à  Rome  les  bulles  de  confirmation  de 
la  non  .  elle  congrégation.  Le  roi  même  vou- 
lut bien  employer  sa  recommandation  au- 
près du  pape  Grégoire  XV,  qui,  à  la  prière 
de  Sa  .Majesté,  érigea  la  congrégation  de 
Saint-  aur,  lui  accordant  les  mêmes  privi- 
lèges dont  ses  prédécesseurs  avaient  gratifié 
la  congrégation  du  Monl-Cassin,  el  la  fai- 
sa  l  aussi  participante  des  grâces  octroyées 
par  Clément  VIII  à  celle  de  Saint- Vanne. 
Ce  même  pontife  nomma  le  cardinal  de  Retz 
pour  protecteur  de  la  nouvelle  congrégation, 
et  supprima  les  anciens  offices  claustraux  à 
mesure  e.u'iis  viendraient  à  vaquer,  afin 
qu'iis  fussent  désormais  unis  à  la  meuse  con- 
ventuelle. Comme  celle  union  des  ofices 
claustraux  était  un  point  essentiel  pour  affer- 
mir 1  :  re:orme,  elle  fut  encore  confirmée  à 
la  |  rière  de  Sa  Majesté  par  le.  pape  Pi  bain 
VI. i,  qui  accorda  de  nouvelles  giàees  à  celtu 


903 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


904 


congrégation,  comme  il  paraît  par  sa  bulle 
du  21  janvier  1627.  Les  bulles  d'érection  et 
de  coutirmalion  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur  lurent  fulminées  par  l'official  de  l'ar- 
chevêque de  Paris  le  1(5  mai  1629.  Sa  Majesté 
accorda  des  lettres  patentes  des  15  juin  1631 
et  15  mars  1632  pour  l'exécution  de  ces  bul- 
les, et  ces  lettres  patentes  furent  vériflées  au 
parlement  de  Paris  le  21  mars  de  la  même 
année. 

Pendant  qu'on  travaillait  ainsi  à  l'affer- 
missement de  la  nouvelle  congrégation,  elle 
faisait  de  jour  en  jour  du  progrès  :  en  sorte 
qu'il  y  avait  déjà  plus  de  quarante  mo- 
nastères qui  avaient  reçu  la  réforme,  lors- 
qu'elle fut  introduite  dans  la  célèbre  ab- 
baye de  Saint-Denis  en  1633.  Elle  augmenta 
encore  en  1636 ,  par  l'union  qui  y  fut 
faite  de  celle  de  Chezal-Benoîl;  et  elle  est  à 
présent  composée  de  plus  de  cent  quatre- 
vingts  tant  abbayes  que  prieurés  conven- 
tuels, qui  sont  divisés  en  six  provinces  :  sa- 
voir de  France,  Normandie,  Bourgogne, 
Toulouse  ,  Bretagne  et  Chezal-lienoil.  En 
parlant  de  la  congrégation  du  Gluny,  nous 
avons  déjà  dit  que  celle  de  Saint -Maur 
y  fut  unie  en  1634-,  pour  n'en  faire  qu'une 
sous  le  litre  de  congrégation  de  Saint-Benoît, 
autrefois  de  Cluny  et  de  Saint-.Muur,  et  que 
cette  union  fut  cassée  en  164-4  par  le  pape 
Urbain  VIII,  qui  remit  ces  deux  congréga- 
tions au  même  état  où  elles  étaient  aupara- 
vant. Celle  de  Sainl-Maur  a  été  gouvernée 
depuis  ce  temps-là  par  un  général,  deux  as- 
sistants et  six  visiteurs,  qui  sont  élus  tous 
les  trois  ans  dans  un  chapitre  général,  où 
sont  aussi  nommés  les  supérieurs  de  chaque 
monastère;  mais  le  général  peut  être  tou- 
jours continué.  Le  P.  D.  Jean-Grégoire  Ta- 
risse fut  le  premier  général  de  celte  congré- 
gation ;  il  fut  élu  en  1630  et  mourut  en  1648. 
Présentement  la  congrégation  est  gouvernée 
pardom  Charles  de  l'Hostallerie. 

Comme  l'esprit  de  cette  congrégation  dès 
son  origine  a  été  de  faire  revivre  celui  de 
saint  Benoît  par  la  pratique  de  sa  règle,  on 
s'est  appliqué  surtout  à  y  former  les  jeunes 
religieux,  et  pour  ce  sujet  on  a  établi  dans 
chaque  province  un  ou  deux  noviciats,  d'où 
ceux  qu'on  admet  à  la  profession  sont  trans- 
férés immédiatement  après  dans  un  autre 
monastère,  où  l'on  continue  de  les  former  à 
la  piété  et  aux  cérémonies  pendant  deux 
ans.  On  les  applique  ensuite,  pendant  l'espace 
de  cinq  autres  années,  à  l'étude  de  la  philo- 
sophie et  de  la  théologie,  pour  leur  faciliter 
l'intelligence  de  l'Ecriture  sainte  et  des  saints 
Pères.  Après  leurs  éludes  on  leur  fait  faire 
une  année  que  l'on  nomme  de  récollcclion, 
parce  que  ce  temps-là  est  destiné  à  les  pré- 
parer a  la  réception  du  sacerdoce,  par  un 
recueillement  plus  grand  et  par  une  applica- 
tion plus  entière  aux  seuls  exercices  spiri- 
tuels dans  ces  différents  monastères,  par 
lesquels  ils  sont  obligés  de  passer  comme 
dans  tous  les  autres  où  ils  sont  ensuite  en- 
voyés par  ordre  des  supérieurs.  On  garde 
une  exacte  uniformité  dans  tous  les  exerci- 
ces :  mêmes  offices  divins,  tant  de  jour  que 


de  nuit,  même  oraison  mentale,  mêmes 
veilles,  mêmes  jeûnes  et  abstinences,  et  enfin 
même  obéissance. 

Ceux  qui  ont  été  les  auteurs  de  celte  ré- 
forme n'ont  pas  prétendu  tellement  renfer- 
mer son  utilité  au  dedans,  qu'ils  aient  abso- 
lument refusé  de  la  faire  passer  au  dehors 
pour  le  service  de  l'Eglise,  puisque  sans 
parler  des  religieux  de  cette  congrégation, 
qui  s'appliquent  à  la  prédication  et  aux  au- 
tres fonctions  du  sacerdoce,  dans  l'adminis- 
tration des  cures  et  autres  juridictions  ecclé- 
siastiques, dont  jouissent  les  églises  de  plu- 
sieurs de  leurs  abbayes,  il  y  en  a  qui  sont 
destinés  à  l'instruction  de  la  jeunesse,  mais 
principalement  de  la  noblesse  de  campagne, 
ne  pouvant  leur  refuser  cette  assistance  que 
saint  Benoît  accorda  de  son  temps  à  divers 
seigneurs,  par  une  charité  si  universellement 
pratiquée  depuis  dans  l'ordre ,  qu'elle  a 
passé  en  quelque  façon  pour  une  loi;  et  de 
là  se  sont  formés  (  à  l'exemple  des  ancien- 
nes accadémies  ouvertes  autrefois  dans  les 
monastères)  quelques  séminaires  remplis  de 
jeunes  enfants  de  condition  que  l'on  y  envoie 
de  toutes  les  provinces,  même  des  pays  étran- 
gers, comme  sont  ceux  qui  sont  établis  dans 
les  abbayes  de  Tyron,  de  Pont-le-Roi,  de 
Saint-Germer  de  Floix,  au  diocèse  de  Beau- 
vais  et  de  Sorèze  en  Bourgogne.  Dans  ces 
deux  derniers  on  y  élève  et  entretient  un 
nombre  de  gentilshommes  gratis,  et  dans  la 
diète  tenue  l'année  1708  on  en  a  encore  éta- 
bli un  troisième  à  Verlou  en  Bretagne,  par 
la  libéralité  de  M.  le  cardinal  d'Eslrées,  abbé 
de  Saint- Germain  des  Prés.  Outre  la  piété 
qu'on  inspire  à  ceux  qui  y  étudient,  on  les 
instruit  encore  dans  les  belles-lettres ,  et 
comme  ces  séminaires  ou  collèges  sont  situés 
dans  des  lieux  fort  retirés,  les  jeunes  gens  y 
sont  d'ordinaire  plus  assidus  à  l'élude  et 
moins  distraits  que  dans  les  villes. 

Outre  ces  séminaires  ou  collèges,  il  yaen- 
core  plusieurs  monastères  de  la  congréga- 
tion où  il  y  a  grand  nombre  de  jeunes  en- 
fants que  l'on  y  instruit  dans  les  petites 
classes,  qui  servent  à  l'Eglise  et  y  assistent 
eu  surplis  toutes  les  lêtes  et  dimanches, 
sans  parler  des  autres  où  l'on  reçoit  avec  les 
religieux  les  jeunes  gens  de  la  ville  dans  les 
cours  de  philosophie  et  de  théologie. 

La  charité  des  premiers  réformateurs  ne 
s'est  pas  bornée  à  l'instruction  de  la  jeunesse, 
car  en  rappelant  de  plus  en  plus  les  religieux 
aux  exercices  intérieurs  du  cloître,  comme 
à  leur  véritable  centre,  ils  ont  trouvé  le 
moyen  d'en  occuper  un  grand  nombre  très- 
utilement  pour  le  public,  en  ordonnant  dans 
leurs  constitutions  imprimées  en  1646  que, 
outre  les  études  de  philosophie  et  de  théolo- 
gie, on  établira  encore  dans  quelques  mo- 
nastères des  écoles  de  posilive,  de  droit  ca- 
non, de  cas  de  conscience  et  des  langues 
grecque  et  hébraïque  ;  et  c'est  dans  ces  savan- 
tes écoles  que  se  sont  formés  tant  de  célèbres 
écrivains  que  cette  congrégation  a  produits, 
qui  ont  donné  au  public  plus  de  trente  volu- 
mes renfermant  une  infinité  de  pièces  ma- 
nuscrites demeurées  jusqu'alors  ensevelies 


90:s                                H  AU  M\U                                  90C 

iliins  les  bibliothèques,  cl  qui,  par  un  travail  Fui  attaqué  d'une  paralysie,  dont  il  mourut 
qu'on  ne  saurait  trop  louer,  en  s'appliqua  nt  le  19  janvier  1710.  Do  m  Teissier  a  été  chargé 
à  la  révision  des  ouvrages  entiers   des  PP.  de  la  continuation  de  cet  ouvrage.  Nous  no 
grecs  et  latins  et  de  plusieurs  écrivains  ecclé-  parlerons  point  en  particulier  de  tous  les  ou- 
siasliques,  ont  déjà  donne  de  nouvelles  édi-  vrages  que  nous  avons  îles  PP.  dom  Hugues 
lions  de  saint   Irénée,  de  saint   Alhanase,  Ménard,  dom  Luc  d'Achéry,  don»  Jean  Garet, 
d'Eusèbe  de  (lésarèe,   de  saint  Augustin,  de  doinNicolas  le  Nourri,  dom  Jean Marlianay, 
saint  Ambroise,   d'   saint  Jérôme,   de    s  :iut  dom  Denis  de  Sainte-Marthe,   dom  Edmond 
Hilaire,  de  saint  Grégoire  le  Grand,  de  saint  Martène.dom  François  Lami,  et  de  plusieurs 
Bernard,  de  Grégoire  de  Tours,  de  Viclor  de  autres  écrivains   de   cette   congrégation  ;  ce 
Vile,  d'Hildeberl  et  de  Marbodius.  L'on  verra  que  nous  pouvons  dire  en  gênerai,  c'est  que 
encore  paraître  incessamment  de  nouvelles  les    religieux  de    la  congrégation  de  Saint- 
éditions  de  saint  Jean  Chrysoslome,  de  saint  Maur   ont  toujours  su  allier  avec  la  science 
Basile,  de  saint  Grégoire  <ie  Nazianze,   de  la  beaucoup  de  piélé,  de  modestie,   d'Humilité, 
France  chrétienne  et  de  plusieurs  autres  ou-  de   douceur  et  de  simplicité,    et    c'est   là  la 
vrages,    prêts  à  mettre   sous    la  presse,  qui  marque  qui  distingue  les  véritables  enfants 
sont  encore  les  fruits  des  éludes  des  savants  de  cette  congrégation.  Nous  croirions  néan- 
icligieux  de  cette  congrégation ,   aussi   bien  moins  manquer  de  reconnaissance   si   nous 
que  la  paléographie  grecque,  ou  Traité  de  passions  sous  silence  le  P.  dom  Michel  Féli- 
l'Origine  et  du  Progrès  des  lettres  grecques,  bien,   qui   a    fait  l'Histoire    de  l'abbaye  de 
<itie  nous  a  donné  en  1708  le  P.  dom  iiernard  Saint-Denis  en  France,  puisqoe  nous   nous 
de  Monlfaui  on,  qui  a  aussi  travaillé  à  l'édi-  sommes  servi   si    utilement   de   cet    auteur 
lion  du  saint  Alhanasj  et  f.iit  d'autres  e\c  I-  dans  ce  que  nous  avons   dit   de   l'ancienne 
lents   ouviages.  Cette    congrégation  fit   une  congrégation   de  Suint-Denis  et   de  la  plus 
perle  considérable,  le  27  décembre  1707,  par  grande  partie  de  celle  de  Sïint-Maur. 
la   mort   de   dom   Jean    Mabillon,  académi-  11  ne  nous  reste  plus  qu'à  parler  de  quel- 
rien    honoraire    de    l'académie    royale    des  ques   célèbres  monastères   de  cette  illustre 
Inscriptions  et  .Médailles.  Cet  auteur  a  donné  congrégation.   L'abbaye   de   Saint-Germain 
au  public,  pendant  75  ans  qu'il  a  vécu,  plus  des  Prés  qui  y  est  agrégée  est   une  des  plus 
de  trente  volume»,  dont  les   plus  considéra-  considérables    du    royaume.  Elle  fut  fondée 
blés   sont  deux  volumes  in-folio  de   la  nou-  par  Childebert,  fils  du  grand  Clovis,  sous  le 
velle  édition    de    saint  Bernard,  un   \olume  nom  de  saint  Vincent,  et  n'a  pris  le  nom  de 
in-folio  de  la  Diplomatique  ,  le  Supplément  saint  Germain  ,  éveque  de  Paris,  qu'après  la 
de  celte  Diplomatique,  neuf  volumes  in-folio  mort  de  ce   saint,   qui  y  fut   enterré.   Quoi- 
des  Vies  des    saints  de   l'ordre  de  Sainl-Be-  qu'elle  fût  autrefois  hors  de  la  ville,   l'abbé 
noil,  et  quatre  aussi  in-folio  des  Annales  de  ne  laissait   pas  d'y  avoir  quelque  juridiction 
cet  ordre.  Tous  les  savants  de  France  et  des  spirituelle,  qui    s'étendit    bien     davantage 
pays  étrangers  ont   regretté  avec  justice   la  lorsqu'on  eut  agrandi  le  faubourg  où  elle  est 
perte  d'un  si  grand  homme.  située,  et  qu'il  fut  devenu  un  des  plus  grands 
Après  sa  mort, D.  Thierry  Ruinart,  le  fidèle  quartiers    de  Paris,    pouvant  élie  comparé 
compagnon  de  ses  éludes,  de  qui  nous  avons  aux  plus  belles  villes  de  France.  Non -seule- 
une  nouvelle  édition   de  Grégoire  de  Tours,  ment    l'abbé    de  Saint-Germain  avait  toute- 
les  Actes  sincères  des  martyrs,  la  Persécution  juridiction  spirituelle   et  presque  épiscopale 
des  Vandales,  composée  par  Victor  de  Vite,  dans  toute  l'étendue  de  ce  faubourg,  mais  il 
et  plusieurs  autres  ouvrages,  fut  chargé  par  y  avait  encore  haute,  moyenne  et  basse  jus- 
ses  supérieurs  de  continuer  les  ouvrages  im-  lice,    et  y  pouvait  donner  des  lettres  de  mai- 
pirfaiis    de  cet  auteur;    en   effet,  personne  Irisé  à  toute»  sortes  d'ouvriers.  "Présentement 
n'était  plus  capable  que  ce  savant  religieux  les  droits  de  celle  abbaye  sont  bien  diminués. 
de  les  continuer,  puisqu'il  avait  eu  la  prin-  el.par  un  concordai  passé  avec  l'archevêque 
cipale  par!  à  l'édition  des  deux  derniers  vu-  de  Paris,  on  en  a  cédé  à  ce  prélat  toule    la 
lûmes  des  Vies  des  saints  de  l'ordre  de  Saint-  juridiction    spirituelle,    à   condition    que   le 
Benoit,  qu'il  ét;iit  auletir   des  noies    et   des  prieur  de  l'abbaye  serait  grand  vicaire  né  de 
observations  qui  sont  dans  le  corps  de  Fou-  l'archevêque  de  Paris,  ei  que  l'abbe  conser- 
v  rage,  qu'il  avait  aussi  eu  part  aux  quatre  verait  sa  juridiction  spirituelle  dans  l'enclos 
volumes    des  Annales    bénédictines,  dont    il  de  l'abbaye,  qui  contient  quelques  cours  où 
avait  fait  les  tables  des  principales  matières,  il  y  a  des  ouvriers  qui   y  peuvent  travailler 
Mais  la  mort  l'ayant  aussi  enlevé  aux  savants  librement  sans  être  maîtres.    L'abbé  est  sei- 
au  mois  de  septembre  1709,  dans  la  cinquante-  gneurde  Villeneuve-Sainl-tieorges,  Aiitouy, 
troisième  année  de  son  âge,   dix-neuf  mois  lierny,  et  de  plusieurs  autres  villages  aux  en- 
après  la  mort  du  P.  Mabillon,  auquel  il  sera-  virons  de  Paris.  Celle  abbaye  a  plus  de  103,000 
ble  qu'il  n'ait  survécu  que  pour  publier  ses  livres  de  revenu.    Casimir,  roi   de  Pologne, 
vertus  dans  la  Vie  qu'il  en  donna  deux  mois  mort  en  France  en  1672,  en  a  été  abbé  et   y 
avant  sa   mort;   le  P.  dom  René  Massuet,  à  est  enterré:  elle  est  présentement  possédée 
qui  le  public  est   redevable  de  la    nouvelle  par  M.  le  cardinal  de  Bissi. 
édition  de  saint  Irénée,   fut  chargé  par   ses  Celle  de  Fecamp,  qui  fulaussi  unie  à  la  cou- 
supérieurs  de    travailler  à   la  continuation  grégalion  de  S.iinl-M  tur.csi  une  des  plus  bel 
des    ouvrages    de    ces   deux    savants    reli-  les,  des   plus    nobles   el  des   plus  riches  du 
gieux,    et  il  élail  sur  le    point    de  donner  royaume.  lCchard  11,  duc  de  Normandie,   la 
un    nouveau  volume  des  Annales,    lorsqu'il  fit  élever  sur  un  ancien  édifice  qui  était  bas 
DiCTiONSAïaa  des  Ordres  religieux.  11.  29 


DOT                                         DICTIONNAIRE  DKS  ORDRES  RELIGIEUX.  908 

et  obscur  ;  clic  esl  bâtie  dans  l'enceinte  du  grégation.  Celle  de  Saint-Augustin  de  Limo- 

château,  qui  a  ses  fossés  et  pouts-levis.  Ce  ges  jouit  de  ce  privilège  à  cause  que  la  ré- 
prince y  mit  des  Chanoines  Réguliers  en  la  l'orme  de  France  y  a  pris  naissance.  11  lui  fut 
place  des  religieuses  qu'il  y  trouva  et  qu'on  accordé  par  le  roi  Louis  XIII.  Chezal- Benoit 
transféra  à  Montivilliers  :  il  y  fil  faire  un  cer-  et  les  quatre  aulres  jouissaient  de  ce  droit  du 
cueitde  pierre  où  il  voulut  être  inhumé  après  temps  que  la  congrégation  de  Cliezal-Benoit 
sa  mort,  et,  afin  de  mériter  la  grâce  d'en  faire  subsistait,  et  il  a  été  conservé  à  la  congré- 
nne  qui  fût  agréable  aux  yeux  de  Dieu  en  galion  de  Saint-Maur,  qui  a  encore  quelques 
rachetant  ses  péchés  par  les  aumônes,  il  ne  ahbayes  où  les  abbés  sont  réguliers,  mais 
manquait  pas,  tous  les  vendredis  de  l'année,  perpétuels  et  à  la  nomination  du  roi. 
de  le  faire  emplir  de  froment  que  l'on  dislri-  Les  religieux  de  celte  congrégation  sont 
liuait  aux  pauvres  avec  vingt  sols  d'argent  ,  habiles  comme  les  réformés  de  Cluny.  Ils 
ce  qu'il  continua  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  Ro-  ont  une  robe  et  un  scapulaire  noir,  et  par- 
tiert  111,  son  successeur,  augmenta  les  biens  dessus,  quand  ils  sont  au  chœur  ou  qu'ils 
de  cette  abbaye,  et  lit  venir  des  religieux  de  vont  par  la  ville,  ils  mettent  une  coule  qui 
Saint-Bénigne  de  Dijon,  auxquels  il  donna  n*esl  pas  si  ample  que  celle  des  moines  du 
droit  de  haute,  moyenne  et  basse  justice,  il  Mont-Cassin,  ni  de  ceux  de  Saint-Vanne.  Ils 
obtint  même  du  pape  Je. m  XVI  qu'ils  fussent  reçoivent  parmi  eux  des  frères  convers  qui 
indépendants  de  l'archevêque  de  Rouen,  Celle  sont  habillés  de  même,  et  ils  ont  encore 
abbaye  possède  dix  haronnies,  dix  hautes  des  frères  commis  qui  retiennent  leur  habit 
justices  et  dix  sergenleries,  entre  lesquelles  séculi  r.  M.  liuileau,  auteur  de  l'Histoire 
la  baronnic  de  Fécamp  et  celle  de  Virfleur,  monastique  d'Orient  et  de  l'Histoire  de  l'or- 
qui  l'ont  la  mense  abbatiale,  produi  eut  plus  dre  de  Saint-Benoît,  était  frère  commis  dans 
de  soixante  mille  livres  de  renie  à  l'abbé,  cette  congrégation.  Elle  a  pour  armes  une 
Non-seulement  elle  est  exempte  de  la  juii-  couronne  d'épines  au  milieu  de  laquelle  il  y 
diction  épiscopale,  mais  encore  elle  exerce  a  le  mot  Pax,  surmonté  d'une  fleur  de  lis,  et 
une  juridiction  presque  épiscopale  sur  les  trois  clous  de  la  passion  en  pointe. 
dix  paroisses  de  la  ville,  et  sur  seize  autres  Chronic.  générales  cteiord.  deSaint-Benoît , 
situées  dans  le  diocèse  de  Rouen,  suivant  la  loin.  IV,  cent. k, chapitre  12.  Dom  Michel  Fe- 
concession  faite  à  Henri,  abbé  de  Fécamp,  libien,  Hist.  de  l'abbaye  de  Saint- Denis. 
par  Hugues,  archevêque  de  Rouen.  L'ofiici.  1  Sainte-Marthe,  Gall.  Christ.,  tom.  IV.  Her- 
de  Fécamp  a  droit  de  visile  sur  toutes  ces  mant,  Etablissement  des  ord.  religieux,  pag. 
paroisses,  y  peut  tenir  synode  et  assemblée  409. 

Je  curés  et  y  faire  des  règlements.  La  congrégation  de  Sainl-Maur,  qui  con- 

L'abbaye  de    la  Trinité    de  Vendôme   fut  serve  encore  aujourd'hui,   dans    l'Eglise  el 

bndée   l'an   10i2   par  Ceoiïroi  ou  Godefroi,  dans  le  monde  littéraire,  la  réputation   du 

comte  d'Anjou,  en  mémoire  d'une  vision  d  •  corps  le  plus  laborieux  que  la  famille  béné- 

Irois    étoiles  qui    lui    avaient  paru   tomber  dictiue  ait  produit,  continua  sous  ce  rapport, 

dans  une  fontaine  voisine,  il  y  mit  des  reli-  dans  le  xvm*  siècle,  l'éloge  qu'en  a   fait  ci- 

gieux  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  qu'il  fit  ve-  dessus  le  P.  Hélyot.  Néanmoins,  considéréu 

nir  de  Marmouticrs  ,  et  non-si  ulemcnl  il  la  sous  le  rapport  religieux,  cette  congrégation 

gra'ifîa  de  plusieurs  prérogatives,  mais  aussi  était  déjà,  lorsque  notre  auteur  mourut,  bien 

il  l'enrichit  de  la  précieuse  larme  qi;e  Noire-  Ion  de  ces  temps  de  ferveur  et  de  simplicité 

Seigneur   répandit  sur   le  Lazare.  Il   l'avait  qui   l'avaient  distinguée  dans  les  premières 

apportée  d'outre-mer  dans  un  petit  vase  qui  années  de  son  existence,  et  dans  ces  addi- 

n'avait  ni  soudure  ni  ouverture,  et  qui  était  lions  nous  n'aurons  guère  à  dire  d'elle  que 

blanc  par  dehors  comme  du  cristal. Cette  ah-  l'histoire  de  ses    luttes  contre   l'autorité  de 

baye  est  illustre  par  le  privilège  que  le  pape  1  Eglise  et  de  son  relâchement. 

Innocent  111   lui  a  accordé,    que  quiconque  La  bulle  Unigenitus  trouva  un  nombre  in- 

en  serait  pourvu  se  pourrait  qualifier  cardi-  fini  d'opposants  dans  ses  monastères  sur  les 

nal,  du   litre  de  Sainte-l'risce.  Nous  avons  divers    poinis   de    la   France.    Hâtons-nous 

parlé  assez  amplement  des  abbayes  de  Saint-  pourtant  de  (Sire  qu'aussitôt  après  l'apparition 

Denis  en  France,  de  Marmouticrs,  de  Saint-  de  ce  te  constitution,  dom  Lhotallerie,  géné- 

Bénigne    de  Dijon,   de    la   Chaize-Dhu,    de  rai  de    la  congrégation,   quoiqu'il  eût   lui- 

Sauve-M.ijuur,    du  Thon,   toutes    abbayes  même  étudié  sous  le  fameux  P.  Gerberon,  en 

unies  à  la  congrégation  de  Saint-Maur,  et  envoya  des  exemplaires  dans  toutes  les  mai- 

qui  étaient  chefs  autrefois  de  congrégations  sons  de  la  réforme  (en  1 714-},  avec  ordre  do 

auxquelles  elles  avaient  donné  leurs  noms  ;  la  faire  recevoir  au  chapitre.  Si  tous  les  su- 

nous  nous  étendrions  trop  si  nous  voulions  périeurs    généraux   qui    lui   succédèrent  ne 

rapporter    l'origine  el   les  prérogatives  des  furent  pas  aussi  zélés  que  lui  pour  la  vérilé 

autres  monastères  qui  composent  celte  con-  el  l'obéissance  au    pape   (tel   dom   Aaydon, 

grégalion    de   Saint-Maur.   Parmi   ces    mit-  par  exemple),  tous  néanmoins,  et  quelques- 

nastères  il  y  en  a  quelques-uns  qui  ne  sont  uns  avec  grand   dévouement  (tels  dom  Thi- 

point  en  commende,  comme  les  abbayes  de  baud  et  autres}, 'se  montrèrent  soumis  el  tra- 

Saint-Augustin   de  Limoges,  de  Cbezal-Be-  v  allèrent   à  propager  parmi  leurs  religieux; 

noîi,  de  Saini-Sulpice  de  Bourges,  de  Sainl-  l'acceptation    de   la   bulle;  et   coopérèrent, 

Vincent  du  Macs  el  de  Saint-Martin  de  Séez,  plus  ou  moins,  aux  mesures  prises  par  l'au- 

qui  sont  gouvernés  par  des  abbés  triennaux,  torité  ecclésiastique  et  civile  pour  maintenir 

nommés  par  le  chapitre  général  de  la  cou-  la  paix  dans  la  congrégation,   réprimer  el 


'  MAU 

punir  ceux  qui  portaient  10  scandale  en  pro- 
pageant la  résistance. 

il  y  eut,  en  effet,  des  scènes  do  scandale, 
et  nombreuses  et  inconcevables  :à  la  célèbre 
abbaye  de  Saint-Denis  en  France,  Irente- 
deux  religieux,  gagnés  par  dom  Louvard, 
janséniste  des  plus  fanatiques,  et  mort  depuis 
réfugié  en  Hollande,  signèrent  une  requête 
au  chapitre  général,  pour  obtenir  la  permis- 
sion d'adhérer  incessamment  à  l'appel  des 
quatreévêques.Dom  Louvard  appela,  en  effet, 
avec  la  communauté,  peu  de  jours  après,  el 
cet  exemple  fui  suh  i  par  la  plus  grande  par:  ic 
de  la  communauté  de  Saint-Germain  des 
Prés.  Près  de  quinze  cents  Bénédictins,  et 
toute  la  communauté  de  Saint-Denis,  adhé- 
rèrent à  l'a ppel  du  cardinal  de  Noailles. 
quelques-uns  poussèrent  le  fanatisme  jus- 
qu'à écrire  à  l'archevêque  schismatique  d'U- 
Irechl,  ce  qui  était  alors  une  preuve  de  zèle 
à  la  moile  dans  le  pani  jansêuien.  Dans  plu- 
sieurs lieux,  et  en  divers  temps,  plusieurs 
des  jeunes  moines  furent  rejetes  de  l'admis- 
sion aux  ordres  sacrés  par  refus  d'accepta- 
tion de  la  bulle.  On  peut  même  citer  des 
communautés  comme  ayant  été  tout  entières 
dans  un  esprit  de  révolte  :  telles  celles  de 
Sa  nl-Hiquier,  au  diocèse  d'Amiens;  de 
Sainte-Colombe,  à  S'iis,  etc.  Il  faudrait  des 
volumes  pour  renfermer  tout  ce  que  le  jan- 
sénisme lit  faire  de  démarches,  de  rés. stan- 
ces, de  proclamations  ou  déclarations  cou- 
pables dans  ces  temps  malheureux.  Nous  ne 
pouvons,  dans  cet  article,  qu'indiquer  rapi- 
dement quelques-uns  des  faits  au  milieu  de 
faits  sans  nombre.  Ainsi  le  chapitre  général, 
tenu  en  1733  à  Marmouticrs,  fut  une  preuve 
des  plus  tristes  du  mauvais  esprit  régnant 
alors  dans  la  congrégation  de  Saint-Maur  ; 
car,  les  religieux  soumis  aux  décisions  de 
l'Eglise  ayant  été  seuls  admis  aux  opérations 
du  chapitre,  le- nombre  des  votants  fut  réduit 
extrêmement,  et  les  choses  slatuées  dans 
celte  assemblée  furent  loin  de  trouver  dans 
les  volontés  la  soumission  qu'elles  méritaient. 
11  y  eut  mène  dans  ces  temps,  et  depuis, 
des  religieux  prêtres  de  l'institut  qui  donnè- 
rent dans  les  folies  et  les  scènes  ridicules 
des  convulsions,  el  y  prirent  une  part  aciive. 
Cependant  il  ne  faut  pas  omettre  de  rappeler 
ici  qu'il  y  eut  toujours  dans  celte  famille  dé- 
solée des  hommes  qui  cherchaient  à  y  ra- 
mener la  paix  et  y  maintenir  la  soumission 
par  leur  exemple  et  leur  autorité.  C'est  avec 
bonheur  que  nous  citons  des  noms  qui  se 
distinguèrent  par  leur  conduite,  leurs  senti- 
ments catholiques,  dom  Thibault,  dom  Thuii- 
-  lier,  dom  Conrade,  dom  Laprade,  dom  Val- 
lelal.dom  la'i'asle,  etc.,  etc.  En  1734 ou  1735, 
quarante  el  un  religieux,  tous  de  Saint-Ger- 
main des  Près,  croyun^-nous,  écrivirent  au 
pape  pour  assurer  à  la  constitution  de  Clé- 
ment XI  omnimo  ïam  obedienliam. 

Néanmoins,  si  les  chefs  et  la  plus  saine 
partie  de  la  congrégation  étaient  restés  sou- 
mis aux  décisions  de  l'Eglise,  l'esprit  philo- 

(1)  Cette  requête  parut  peu  de  jours  après  impii- 
uiée  en  G  pages  in-i". 
(-)  '  8  pages  in-i". 


M  AU  <)'" 

sophique,  qui  domina  le  xvnr  ti'cle,  secon- 
dant l'esprii  de  révolte  né  du  jansénisme, 
altéra  profondément  l'éspi  itreligieux  de  celle 
reforme,  qui  ava  I  si  fort  édifié  l'Eglise  au 
siècle  précédent.  On  a  peine  à  croire,  même 
aujourd'hui, que  des  Bénédictins  de  la  célébra 
maison  de  Saint-Germain  des  Prés  en  soient 
venus  an  point  de  faire  la  démarche  que 
nous  allons  faire  connaître. 

Le  15  juin  17C5,  fut  signée  une  requête (1) 
par  vingl-huit  Bénédictins  de  l'abbaye  de 
Saint-Germain  des  Prés,  demandant  les  choses 
les  plus  étranges  sous  des  prétextes  spé- 
cieux; peu  de  jours  après,  cette  requête  fut 
présentée  au  roi.  Les  religieux  qui  l'avaient 
signée  demandaient  donc  à  changer  d'habit, 
à  ne  plus  dire  matines  pendant  la  nui:,  à 
n'être  plus  astreints  à  l'usage  du  maigre.  Ces 
moines  relâches  couvraient  avec  art  l'indé- 
cence de  leurs  propositions.  A  entendre  les 
auteurs  de  la  requête,  ils  ne  désirent  que 
rappeler  l'ordre  à  la  règle  primitive.  L'ha- 
billement est,  selon  eux,  singulier  et  avili 
aux  yeux  du  public;  il  leur  en  faut  un  qui 
soit  religieux  et  ecclésiastique,  modeste  et 
décent.  L'esprit  profane  et  mondain  qui  a 
dicté  la  requête  se  trahit  ici  un  peu  trop  ou- 
vertement :  il  se  cache  mieux  dans  les  deux, 
autres  articles.  La  nourriture  est  trop  re- 
cherchée, ils  veulent  qu'elle  soit  simple  et 
commune.  Quint  aux  matines,  qu'elles  soient 
remises  à  une  heure  qui  ne  laisse  à  persqnne 
aucun  prétexte  pour  s'en  dispenser.  D'ailleurs 
des  austérités  aussi  étrangères  à  l'esprit  qu'à 
la  lettre  de  la  règle  ferment  la  porte  à  quantité 
de  sujets,  et  empêchent  les  Bénédictins  de 
vaquer,  comme  autrefois,  à  l'éducalion  de  la 
jeune  noblesse,  etc.  Le  public,  les  évéques, 
les  bons  religieux  furent  scandalisés  d'une 
telle  audace  dans  le  relâchement.  Louis  XV 
chargea  un  de  ses  minisires  de  témoigner 
aux  supérieurs  de  la  c  mgrégalion  son  ex- 
trême mécontentement  et  son  indignation 
de  la  démarche  des  religieux  de  Saint-Ger- 
main, et  de  prendre  des  mesures  pour  pré- 
venir ou  arrêter  les  troubles  qu'elle  com- 
mençait à  causer  dans  les  provinces.  Les 
Bénédictins  de  la  maison  des  Blancs-AIan- 
leaux  firenl  une  vigoureuse  réclamation, 
consistant  dans  une  requête  au  roi  el  une 
dissertation  où  la  discipline  monastique  est 
vengée  des  outrrges  de  la  requête  des  religieux 
de  Saint-Germain.  Pour  transmettre  ce  mo- 
nument de  zèle  à  la  postérité,  les  rel  gieux 
des  Blancs-.Manteaux  le  firent  imprimer  (2). 
Quelque  lemps  après,  il  parut  une  autre  ré- 
clamation au  nom  du  supérieur  général,  du 
régime  et  de  la  plus  nombreuse  partie  delà 
congrégation  (3).  Les  audacieux  ne  se  tinrent 
pas  pour  battus  :  ils  voulurent,  au  premier 
chapitre  général  qui  suivit  leur  requête, 
poursuivre  leurs  projets  et  les  faire  préva- 
loir. Le  roi  les  déconcerta,  en  défendant  au 
chapitre  de  délibérer  sur  aucun  des  points 
qui  étaient  l'objet  de  la  requête. 

Une    innovation    parut   dans   ce    temps   à 

(":)  o3  pages  in-4a,  donl  près  de  la  moitié  est  rem- 
plie par  les  signatures. 


911 

Saint-Germain  des  Prés.  Elle  pouvait  avoir 
son  uiililé  réelle,  comme  elle  avait  un  côté 
brillant  ou  spécieux.  On  établit  un  bureau 
littéraire,  qui  quelquefois  ne  s'harmonisait 
pas  avec  la  \olonlé  des  supérieurs.  Hélas  I 
ces  signataires  de  la  requête,  qui  étaient 
nombreux,  suivaient  déjà,  sauf  l'habille- 
ment, les  dispositions  de  leur  scandaleuse 
requête;  ils  allaient  tout  au  plus  les  diman- 
ches et  fêtes  à  la  messe  et  à  vêpres.  Ouant 
aux  matines,  on  ne  les  y  voyait  que  la  nuit 
de  Noël.  Ils  étaient  habituellement  à  l'infir- 
merie, pour  y  faire  bonne  chère.  Le  relâche- 
ment se  répandit  dans  les  couvents  des  pro- 
vinces. Là  on  abolissait  sans  formalité  l'u- 
sage du  maigre;  ici  on  retranchait  l'ofiice  de 
la  nuit  ;  ailleurs  des  repas,  des  concerts  pro- 
fanaient un  séjour  destiné  à  la  pénitence  et 
à  la  prière.  On  peut  citer  comme  ayant  donne 
les  premiers  le  scandale  d'un  grand  relâche- 
ment, les  monastères  de  Dijon,  d'Auxerre, 
de  Saint-Lomer,  au  diocèse  de  Blois,  etc. 
Dans  cette  dernière  maison  les  choses  allè- 
rent au  point  que  le  roi  y  envoya  des  com- 
missaires et  donna  des  ordres  pour  disperser 
les  religieux  et  leur  en  substituer  d'autres. 
Nous  donnerons  au  reste  une  idée  suffisante 
de  l'état  auquel  était  réduite  une.  partie  de  la 
congrégation  de  Saint- Maur, en  disant  qu'une 
loge  de  francs-maçons  fut,  en  1775,  établie  à 
Glanfeuil,  lieu  du  diocèse  d'Angers,  où  la 
règle  de  saint  lienoît  s'établit  d'abord  en 
France.  Le  vénérable  de  la  loge  fut  le  prieur 
des  Bénédictins  de  Saint-Maur,  et  vraisem- 
blablement cette  loge  était  dans  l'abbaye. 
Le  secrétaire  des  francs-maçons  de  cette 
réunion  était  le  P.  prieur  des  Auguslins  de 
la  communauté  d'Angers;  leur  correspon- 
dant à  Paris  était  un  nommé  Théolon,  qui 
était  en  même  temps  correspondant  de  la 
loge  de  la  ville  de  Fougères  et  autres.  0  tem- 
poral o  mores! 

La  commission  des  réguliers  établie  en 
17G.3,  composée  de  cinq  évêques  et  de  cinq 
laïques,  commission  dont  nous  ferons  con- 
naître, dans  notre  Supplément,  l'occasion,  le 
but  et  les  ravages,  cette  commission  dont 
nous  ne  pouvons  parler  ici  que  sommaire- 
ment, fut  funeste  à  la  congrégation  de  Saint- 
Maur  comme  à  la  plupart  des  sociétés  reli- 
gieuses. Presque  tous  les  corps  en  France, 
après  les  premières  opérations  de  cette  com- 
mission hypocrite,  tinrent  des  assemblées  et 
se  donnèrent  des  constitutions  nouvelles  ou 
modifiées.  Dans  leurs  préfaces,  ces  constitu- 
tions paraissent  quelquefois  avoir  été  rédi- 
gées par  des  religieux  qui  croyaient  bonne- 
ment alors  à  une  palingénésie  de  la  vie  du 
cloître.  Les  Bénédictins  de  la  congrégation 
de  Saint-Maur  nommèrent,  en  17Gi),  une 
commission  pour  rédiger  leurs  conslitutions 
sur  un  nouveau  plan.  Ces  constitutions  pa- 
rurent en  effet  l'année  suivante  en  un  vo- 
lum -  in-8",  sous  ce  titre  :  Régula  S.  P.  Ilcne- 
dicti  et  ennstitutiones  congregatianis  Sancli 
Mauri.  Ces  constitutions  sont  divisées  en 
deux  parties  générales,  dont  la  première  est 
consacrée  à  régler  ce  qui  concerne  le  régime 
ou  la  conduite  générale  des  monastères,  Elle 


DICTIONNMRE  DUS  ÔUDRES  RELIGIEUX.  012 

est  partagée  en  trois  seclions,  dont  les  titres 
rappellent  dans  leurs  termes  la  marche  qu'on 
suit  ordinairement  en  traitant  des  matières 
canoniques.  Ainsi,  la  première  section  parle 
des  exercices  réguliers,  et  par  conséquent 
de  l'Eglise,  de  l'office  divin,  des  vœux,  de  la 
réception  des  sujets  et  des  étrangers,  des 
études,  du  travail,  etc.  Le  22°  et  dernier 
chapitre,  qui  traite  des  t  oulpes  et  des  peines, 
est  composé  de  cinq  articles.  Par  les  nou- 
velles prescriptions  tout  l'office  est  chaulé 
dans  les  monastères  où  il  y  a  vingt-quatre 
religieux,  excepté  compiles  aux  jours  ordi- 
naires. Dans  les  maisons  de  quinze  religieux 
au  moins,  on  chan'ait  tout  aux  grandes  fêtes, 
et  parliedes  heures  auxjours  ordinaires  ;  dans 
les  couvents  où  il  y  avait  moins  de  quinze 
choristes  ,  on  chaulait  encore  moins  que 
dans  l'es  derniers,  etc.  On  continuait  de  réci- 
ter l'office  de  la  sainte  Vierge,  aux  fériés  et 
fêtes  simples.  Les  matines  sont  maintenues  à 
ilt'iix  heures  api  es  minuit.  —  On  peut  encore, 
d'après  ces  constitutions,  recevoir  les  jeunes 
postulants  de  quinze  ans,  mais  on  ne  leur 
fera  prononcer  des  va'ux  qu'à  vingt  et  un 
ans.  Dans  chaque  province,  des  monastères 
sont  assignés  par  les  définileurs  du  chapitre 
général,  les  uns  pour  servir  de  premier  ou 
second  noviciat,  d'autres  pour  maisons  d'é- 
tudes, etc.  La  seconde  section  traite  des  per- 
sonnes, par  conséquent  de  tout  ce  qui  regarde 
les  religieux  choristes  ou  convers;  la  troi- 
sième section,  des  choses  temporelles ,  des 
monastères,  c'est-à-dire  du  chapitre  et  de  ce 
qu'on  y  agite,  des  édifices,  des  habits,  etc. 

La  seconde  partie  des  conslitutions  pres- 
crit ce  qui  regarde  le  régime  général  de  ia 
congrégation  ,  et  est  divisée  en  deux  sections. 
Quarante-deux  chapitres  forment  la  première 
section,  traitant  de  l'assemblée  générale,  des 
élections,  elc.  La  seconde  section  est  destinée 
à  régler  le  régime  de  la  congrégation  hors 
le  temps  du  chapitre  général.  Le  supérieur 
général  doit  élre  nécessairement  profès  de  la 
congrégation  de  Saint-Maur,  Français,  et  il 
reste  soumis  au  chapitre  général.  Il  ne  peut, 
sous  aucun  prétexte,  user  des  insignes  ponti- 
ficaux, ni  accepter  un  bénéfice  dans  le  sein 
de  la  congrégation.  S'il  en  accepte  un  hors 
de  sa  corporation,  par  là  même  sa  démission 
est  donnée.  Il  doit  consigner  dans  un  registre 
les  choses  remarquables  qui  se  passent  dans 
l'année  :  disposition  fort  utile  et  qui  aurait 
bien  dû  élre  pri~e  dans  les  monasières  dès  leur 
origine.  Il  est  élu  pour  Irois  années,  etc.,  etc. 
Une  disposition  sage  de  ces  constituions, 
propre  à  maintenir  la  discipline,  c'est  que 
les  sujets  ne  sont  point  attachés  à  telle  ou 
telle  maison;  ils  restent  à  la  discrétion  du 
supérieur,  qui  peut  les  envoyer  d'un  monas- 
tère à  l'autre,  elc.  La  rédaction  de  ces  consti- 
tutions avait  été  confiée  à  dom  Pernely,  à 
dum  Jamin,  l'auteur  des  Pemées  théologi- 
ques,  à  dom  la  Rivière  et  à  dom  Clémence!. 
On  sait  combien  ce  dernier  était  janséniste. 
Dom  la  Rivière  et  lui  avaient  été  imposés 
aux  capitulants  par  les  commissaires  du  roi 
qui  présidaient  au  chapitre.  Quant  à  dom 
Pernely,  après  avoir  terminé  son  travail,  il 


915                                 MM!  MAU                                 9H 

alla  à  Berlin  et  y  devint  bibliothécaire  du  académie  bien  plus  précieuse  que  le  pré- 
roi  île  Prusse.  Les  constitutions  furenl  ap-  tendu  bureau  littéraire.  Celte  académie  , 
prouvées  au  chapitre  général  tenu  à  Mar-  toute  composée  de  sujets  distingués  par  leurs 

mouliers  en  17(i9,  puis  autorisées  civilement  talents,  et  dirigée  par  un  théologien  habile 

par  lettres  patentes  et  enregistrement.  dans  la   science   ecclésiastique,  avait  pour 

Quoique  les   nouveaux  statuts   n'eussent  objet  l'étude  de  la  théologie,  mais  sans  s'as- 

r.:en. décidé  sur  la  composition  d'un  nouveau  sujeltir  à  la  méthode  de  l'école.  Les  textes 

bréviaire,  la  congrégation  ne  laissa   pas  de  originaux  de  l'Ecriture,  les  conciles,  les  Pè- 

céder  au  goût  ou  à  la  manie  du  siècle,  et  lit  res,    les   historiens  de  l'Eglise  ,  étaient  les 

un  bréviaire  nouveau  pour  son  usage.  On  en  sources   où  ils    puisaient  le  goût  véritable. 

confia  la  rédaction  à  dom  Foulon,  janséniste  Là  brillèrent  dom  Rivet  et  un  grand  nombre 

ardent,  qui  y  mit  des  preuves  nombreuses  de  d'autres.   Avec  la  science  ecclésiastique  qui 

ses  principes.  Le  psautier  y  a  souffert  quel-  régnait  réellement  dans  la  congrégation  des 

que  altération  ;  les  prières  les  plus  autorisées  Mauristes,  nous  croyons   pouvoir   insinuer 

et  les  plus   anciennes  y  sent  changées.  La  que  ne  se  trouvait  point  la  .science  Ihéo'ogi- 

nomenclalure  des  saints  du  calendrier  est  en  que  proprement  dite,  telle  qu'on  la  trouvait 

conséquence  des  idées  du  rédacteur.  Ce  bré-  dans  plusieurs  membres  de   la  congrégation 

viaire   parut  en  1787  ,  en  i  vol.   in-12,  sans  de  Saint-Sulpice,  de  celle  des  Lazaristes,  de 

approbation  du   général,  et  sans  mandement  l'institut  des  Jésuites  ,  de  la  sociélé  des  Eu- 

qui   le  prescrive  dans  la  congrégation.  Oui  distes,  e!c. 

l'avait  donc  commande?  ce  n'était  pas  le  lu-  En  1770,  on  a  publié  l'Histoire  littéraire 
reau  littéraire,  supprimé  depuis  longtemps  de  la  congrégation  de  Snint-Maur,  par  dom 
par  l'autorité  civile.  Ce  bréviaire  ne  fut  point  Prosper  Tassin,  qui  a  mis  dans  ce  livre  des 
régulièrement  adopté.  Un  ancien  prieur  de  preuves  de  ses  préventions  jansénistes,  mais 
l'abbaye  du  Bec,  lequel  en  faisait  usage,  après  qui  fait  bien  connaître  les  travaux  de  sa  cor- 
la  révolution,  nous  a  dit  qu'on  ne  le  récitait  poralion,  à  dater  de  lGISjusqu'à  l'époqueoù 
pas  encore  dans  son  monastère.  Il  parait  ce-  il  livre  son  ouvrage  au  public.  On  peut  con- 
pendanl  qu'on  commençait  à  s'en  servir  dans  sulter  aussi  la  Bibliographie  de  la  congréga- 
quelqucs  maisons  quand  la  révolution  fran-  lion  de  Saint-Maur  qui  se  trouve  à  la  fin 
çaise  éclata.  d'une  Histoire  de  dom  Mabillon,  publiée  par 

Les  six  provinces  dont  parle  ci-dessus  le  P,  M.  Chavin  en  184-3.  Cette  nomenclature, 
Hélyot  étaient  toujours  les  mêmes.  Entre  les  toute  défectueuse  et  incomplète  qu'elle  e-t, 
180  abbayes  ou  prieurés  qui  les  composaient,  peut  néanmoins  donner  une  idée  juste  des 
on  voyait  presque  tous  les  célèbres  monastè-  travaux  de  la  célèbre  congrégation.  Nous 
res  bénédictins  de  France.  Ainsi,  dans  la  pro-  croyons  devoir  dire  ici  que  presque  tous  ces 
vince  de  Normandie,  on  comptait  Jumiéges  travaux  étaient  composés  sous  l'influence  de 
Fécamp,  Saint-Waudrille,  qu'on  eût  pu  jadis  l'esprit  janséniste.  Quand  la  révolution  dis- 
appeler l'asile  des  saints  ;  le  Bec,  jadis  habité  pers  i  les  teligieux  ,  plusieurs  entreprises 
parLaufranc  et  saint  Anselme,  Saint-Etienne  d'un  grand  prix  demeurèrent  inachevées: 
de  Caen,  le  Monl-Sainl-Michel,  eic.  Dans  la  telles  l'Histoire  Littéraire  de  la  France,  l'é- 
province  de  Bretagne,  on  voyait  les  abbayes  dilion  des  OKuvres  de  saint  Grégoire  de 
de  Saint-Melaine,  à  Hennés,  de  Redon,  du  Nazianze,  etc.  — Nous  allons  donner  ici 
prieuré  de  Lehon,  à  Dinan  ,  chef-lieu  d'une  quelques  détails  sur  l'intérieur  de  la  maison 
réforme  particulière,  avant  son  union  ,  etc.  des  Blancs-Manteaux,  la  pins  importante  de 
Dans  la  province  de  France,  on  trouvait  la  la  congrégation  sous  le  lappurt  littéraire, 
fameuse  abbaye  de  Saint-Denis,  maison  d'é-  après  l'abbaye  Saint-Germain  des  Près.  C'est 
tudes  pour  les  religieux,  Marmoulicrs,  Saint-  des  Blancs-Manteaux  que  pariit  celle  ri— 
Germain  des  F'rés  ,  Sainl  Faron,  etc.  Les  Bé-  quête  contre  la  demande  scandaleuse  des 
nédictins  de  la  congrégation  avaient  la  di-  vingt-huit  Bénédictins  dont  nousavons  parlé, 
rection  de  presque  toutes  les  écoles  militaires  ;  Aux  Blancs-Manteaux  les  constitutions  île  la 
ils  avaient  en  nuire  plusieurs  collèges  pour  réforme  étaient  régulièrement  gardées.  Le 
l'instruction  et  l'éducation  de  la  jeunesse,  par  maigre  était  continuel,  et  on  couchait  sur 
exemple  dans  l'abbaye  de  Tiron,  au  Perche,  une  paillasse  piquée.  Dom  Haudiquct  était, 
où  fut  élevé  l'abbé  de Viliefr.oy,  savant  orien-  lors  de  la  suppression,  prieur  de  cette  mai- 
lalisle;  dans  l'abbaye  de  l'ont-Lcvoy,  diocèse  son,  qui  n'était  pas  abbaye.  Là  se  trouvaient 
de  Blois  ;  dans  celles  de  S.iinl-Germer ,  au  plusieurs  religieux  dont  le  nom  est  connu  : 
pays  de  Bray  ;  de  Beauinont-en-Auge  ;  île  tels  dom  Foui  n,  l'auteur  du  bréviaire  que 
Sorèze, dansleLangue.ini  ;dcSaint-Jean-d'An-  nous  avons  mentionne  plus  liant  ;  dom  Clé- 
gely,  en  Sainlonge  ;  de  Hebais  ,  en  Brie;  de  ment,  auteur  de  l'Art  de  vérifier  les  dates. 
Thoissy,  dans  la  principauté  de  Dumbes  ;  Ce  religieux,  qui  ne  manquait  jamais  d'as- 
d'Auxerre....  sans  parler  de  plusieurs  mo-  sister  aux  matines  quoiqu'il  fut  âgé  de  80 
naslères,  surtout  dans  les  campagnes,  où  les  ans  et  qu'il  eût  une  sonde,  jouissait  d'une 
religieux  instruisaient  les  enfants.  grande   réputation;   il  était  lié  avec  Bailly  , 

Dans  tout  le  courant  du   siècle,  les  Béne-  depuis   maire  de   Paris,   reçut   la   visite   du 

diclins  a vaicnlconservé,  malgré  leurs disscu-  prince  Henri,  frère   du  roi  de  Prusse,  etc.  ; 

lions  intestines,  l'habitude  de  leurs  travaux  'i<mi   Def  ris,  qui   avait  commencé  l'édition 

et  de  leurs  publications  précieuses.  1  savaient  d.  s  œuvres   de     Bossue t  ;  dom   de    Cognac 

au    commencement    du    siècle    établi,  dans  (notre compatriote),  qui  travaillait  au  Gaflia 

l'abbaye  de  Saint-Florent  dcSaumur,   une  CitrtSliana  ;  dom   Labat,    qui   a   donne   une 


!>!N                                           DICTIONNAIRE  DES  OIÎD11ES  RELIGIEUX.                                            016 

histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Polycarpe  ;  dom  tulanls.  La  commission  dos  réguliers  lui 
Malherbe,  qui  travaillait  à  une  histoire  du  avait  nui,  ainsi  qu'auv  autres  instituts.  Les 
bas  Languedoc  ;  dom  Caffieri ,  frère  du  seul-  querelles  intestines  delà  congrégation  de 
pleur,  à  qui  sont  ducs  les  statues  des  quatre  Saint-Maur  auraient  peut-être  amené  sa  rui- 
Pères  qui  étaient  aux  Invalides  ;  dom  .Merle,  ne,  si  la  révolution  n'était  venue  hâter  sa 
généalogiste  savant,  consulté  par  les  grandes  dissolution.  Des  troubles  avaient  encore  eu 
familles;  dom  Ouinquet,  qui  cultivait  un  pe-  lieu  peu  d'années  auparavant.  Un  chapitre 
lit  jardin  dans  le  quartier,  s'occupait  des  tenu  à  Saint-Denis  avait  été  orageux,  et  les 
fleurs  et  connaissait  moins  les  livres  que  les  dissentiments,  les  plaintes  en  étaient  venus 
tulipes  et  surlout  les  jacinthes.  Dom  Uris.  ,  au  point  que  le  parlement  lui-même  Gt  trois 
procureur,  n'égalait  aussi  les  autres,  ni  eu  Remontrances  au  roi  sur  ces  malheureuses 
science  ni  en  ferveur.  On  en  peut  dire  autant  affaires.  La  dernière  est  datée  du  1"  février 
de  dom  Malvaux,  religieux  minoré,  qui  vi-  1785.  Toutes  gémissent  et  crient  sur  les  fu- 
vait  pourtant  avec  les  savants  dont  nous  nestes  opérations  de  la  commission  des  ré- 
avons parlé  et  qui  nous  a  fourni  ces  détails  guliers,  qui  en  1780  avait  été  dissoute,  mais 
curieux.  Tous  ces  religieux  laborieux  et  en  créée  de  nouveau  le  même  jour,  sous  un  au- 
apparence  si  réguliers  étaient  malheureu-  Ire  nom.  Cette  fatale  commission  était  alors 
sèment  imbus  des  erreurs  jansénistes.  Celait  composée  de  cinq  évêques  ,  qui  ne  comp- 
d'àns  leur  maison  que  se  faisaient  les  abon-  taient  plus  avec  eux  que  l'un  des  cinq  laï- 
nements  aux  fameuses  Nouvelles  ecclés'asti-  ques  qui  leur  étaient  jadis  adjoints. 
i/ufs  ,  auxquelles  travaillait  dom  Déforis.  Les  Bénédictins  de  Saint-Maur  quittèrent 
fresque  tous  donnèrent  aussi  dans  les  er-  leurs  monastères  en  1792. 
reurs  de  la  Constitution  civile  du  clergé,  et  Dès  l'année  1813,  après  la  première  ren- 
quelques-uns  dans  des  scandales  inconce-  trée  des  Bourbons,  quelques  anciens  reli- 
vables,  comme  dom  Foulon,  l'auteur  du  bré-  gieux  de  cette  congrégation  adressèrent  une 
viaire,  qui  se  relira  à  Montmorency,  près  de  requête  à  Louis  X.VÏ1I;  ils  représentaient 
Paris,  et  s'y  maria  avec  une  femme  qu'il  que  si  on  avait  à  reprocher  à  quelques 
avait  séduite  depuis  longtemps,  ainsi  qu'il  le  membres  de  leur  corps  l'oubli  de  leur  règle, 
déclara  à  la  municipalité.  Là  vint  aboutir  il  y  en  avait  d'autres  qui  n'en  avaient  jamais 
l'austérité  qui  avait  sa  base  dans  lejansé-  perdu  l'esprit  et  les  sentiments,  et  qui,  au 
nisme.  La  maison  des  Rlancs-Mantcaux  était  milieu  des  orages,  s'étaient  conservés  purs 
habitée  par  des  religieux  envoyés  de  toutes  et  fidèles.  Ils  demandaient  à  ressusciter  une 
les  provinces  de  la  congrégation;  les  reli-  corporation  non  abolie  par  l'Eglise,  qui  pou- 
gieux  portaient  le  titre  de  conventuels  ou  vail  être  encore  si  utile  à  la  société,  aux  let- 
modérateurs.  très,  à  l'instruction  publique.  Dom  Groult 
La  célèbre  abbaye  de  Saint-Germain  des  d'Arcy  avait,  nous  a-t-il  dit,  prié  M.  de 
Prés  est  assez  connue;  elle  était  comme  le  Montesquieu  d'obtenir  du  roi  uni;  ordon- 
chef-lieu  de  la  congrégation  de  Saint-Mau^.  nance  qui  rétablît  la  congrégation.  M.  de 
Le  revenu  de  la  mense  abbatiale  et  de  la  Montesquieu  y  consentit,  mais  il  répondit  sa- 
maison  valait  environ  300,000  livres,  dont  gênent  qu'il  fallait  que  les  Bénédictins  fus- 
les  deux  tiers  allaient  à  l'abbé,  qui  était  sent  réunis  avant  que  le  roi  accordât  l'or- 
commendalaire.  On  avait  reconstruit,  dans  dounance,  laquelle  certainement  ne  serait 
le  cours  du  dernier  siècle,  une  partie  du  pas  refusée.  A  la  seconde  rentrée  des  Bour- 
cloître  de  ce  monastère  et  deux  grands  corps  bons,  le  projet  ayant  pris  plus  de  consistance, 
de  logis.  La  b.bliothèque  de  celte  abbaye,  ou  rechercha  par  la  voie  des  journaux 
qui  était  la  plus  nombreuse  après  celle  du  l'adhésion  des  religieux  dispersés  qui  vou- 
roi,  avait  été  commencée  par  le  P.  Dubreul  et  draienl  contribuer  à  le  mettre  à  exécution. 
augmentée  successivement.  Dans  le  xvi  i"  Il  le  fui  en  effet  en  1SIG.  L'association  des 
siècle,  elle  fut  enrichie  des  bibliothèques  de  chevaliers  de  Saicl-Louis  faisait  élever  à  ses 
l'abbé  Jean  d'Estrées  (1718),  de  l'abbé  Ile-  frais  des  enfants.  Les  Bénédictins  furent  au- 
naudot  (1720),  du  chancelier  Séguier,  ma-  torisés  par  le  roi  à  répondre  à  l'invitation 
nuscrits  (en  1732),  du  cardinal  de  Gesvres  des  chevaliers  de  Saint-Louis  qui  leur  pre- 
1744),  de  M.  de  Harlay,  conseiller  d'tëtal  (en  posaient  de  se  charger  de  leur  œuvre  ;  ils  se 
1702).  Le  tout  donnait  un  chiffre  de  100,000  réunirent  à  Senlis,  dans  l'ancien  monastère  do 
volumes    imprimés   et  quinze  à  vingt   m:lle  la  Présentation,  quiavail  éléacquis  à  cet  effet, 

, uscrits,  dans  tontes   les  langues.  On  y  et  reçurent  aussi  d'autres  enfants  avec  ceux 

trouvait  lé  manuscrit  des  Pensées  de  Pascal,  de  l'association.  Une  partie  des  religieux  re- 

qu'on  a  édité  et  dont  on  a  tact  parlé   depuis  prit  les  exercices   monastiques  et  l'autre  se 

peu.  Les  abbés  avaient  autrefois  toute  juri-  livra  à  l'instruction.   Mais  malheureusement 

diction  tant  spirituelle  que  temporelle  sur  le  ils  ne  repèrent  point  leur  babil. 

faubourg  Saint-Germain  ;   le  prieur  de   l'ali-  Dom  Marquet,  ancien  prieur  de  l'abbaye 

baye  était  vicaire  général  né  el  perpétuel  de  et  directeur  du  collège  royal  de  Pout-Levoy, 

l'archevêque  de  Paris,  et  ce,  jusqu'à  la  dis-  fut   le    premier   directeur  de  cette   maison, 

persion.  Le  dernier  général  fui  le  B.  P.  dom  qu'il  n'eut  pas  le  temps  de  former  au  gré  de 

Chevreux.  Les   sujets   n'affluaient  pas  dans  ses  désirs.  Il  mourut  le  2  otobre  1817,  âgé 

les  noviciats  ;  depuis   longtemps   la  congre-  de  73  ans,  el  fut  inhumé  dans  le  cimetière  do 

galion  était  dans  l'usage  de   secourir  les  pa-  Senlis,  où  l'on  voit  son  épitaphe.  Nous  ne  sa- 

rcnls  nécessiteux  de  ses  membres.  Sans  celle  vous  s'il  était  propre  à  son  œuvre;  il  n'avait 

œuvre  de  charité,  elle  eût  eu  fort  peu  de  nos-  réuni   autour  de  lui  nue  quelques  vieillards* 


HIT                                 \\\V  MAI]                                     I  * 

qui  n'avaient  point  celle  ferveur  d'action  <\ui  Toulouse,  où  étaient  les  Ir.ésors  d'AIaric.  Il 
ne  se  trouve  guère  que  dans  des  jeunes  gens,  vint  ensuite  assiéger  Angouléme.  De  là  il 
Do  m  Groult  succéda  à  doni  Marquet,  et  di-  alla  à  Tours,  où,  ayant  reçu  la  robe  consu- 
rigea  rétablissement;  il  n'avait  rien  de  ce  laire  et  les  ornementa  impériaux  que  lui 
qu'il  fallait  pour  celte  restauration, si  ce  n'est  avait  envoyés  l'empereur  Anaslase,  il  s'en 
du  goût  pour  les  établissements  religieux,  revêtit  dans  l'église  de  Saint-Martin.  A  peine 
goût  édifiant  qu'il  garda  jusqu'à  sa  mort,  fut-il  de  reloue  à  Paris,  qu'ayant  appris  la 
L'établissement  de  Senlis  ne  lit  point  de  su-  mort  de  Sigebert,  roi  de  Cologne,  il  alla 
jets  ;  le  collège)  fort  mal  tenu,  se  soutint  pour  s'emparer  de  ce  royaume.  Il  songea 
pendant  dix  ou  douze  ans.  Le  bâliment,  de-  ensuite  à  se  rendre  maître  de  celui  de  Cam- 
venu  la  propriété  de  dom  Groult,  a  élé  laissé  brai,  dont  P.agnaraire  était  en  possession. 
par  lui  à  la  respectable  congrégation  de  Pic-  Toutes  ces  actions  ne  conviennent  point  à 
pus,  qu'il  a  faite  sa  légataire  et  qui  l'a  vendu  une  personne  qui  est  retenue  au  lit  à  Paris 
à  un  habitant  de  Senlis.  Celui-ci  en  loue  ac-  pir  une  fièvre  qui  le  mine  et  le  consume, 
luellement  une  partie  au  pensionnat  de  dit  le  savant  bénédictin,  qui  ajoute  que  ce 
Saint-Vincent  de  Senlis.  C'est  tout  ce  que  saint  Scverin  ne  peut  pa«  non  plus  avoir 
cette  maison,  témoin  de  si  belles  espérances,  guéri  en  allant  à  Paris,  Eulalius  ou  Eula- 
gardeaujourd'huidesonanciennedestination.  ilius,  évêque  de  Nevers,  comme  il  est  mai- 
La  congrégaiion  de  Saint-Maur  avait  pris  que  dans  quelques  manuscrits  de  la  vie  de 
jadis  le  nom  de  Congrégation  Gallicane  ou  ce  saint,  puisque  cet  Eulalius  n'occupait 
de  France.  C'est  aussi  sous  ce  nom  que  s'est  point  pour  lois  le  sié^e  épiscopal  de  Nevers  : 
formée  la  nouvelle  société  de  Bénédictins  éla-  ;iinsi  ce  n'est  point  sur  la  vie  de  saint  Seve- 
blie  à  Solesmcs,  que  nous  ferons  connaître  rin,  écrite  par  Fausle,  que  l'on  doit  s'ap- 
dans  le  volume  de  Supplément.  puyer  pour  prouver  l'antiquité  du  monastère 
Régula  S.  P.  Benedicti  el  constitutiones  d'Agaune,  et  l'on  n'a  aucune  preuve  que  là 
rongregationis  Saticli  Mauri,  in-8n,  Paris,  règle  de  saint  Basile  y  ait  été  observée  dan9 
Desprez.  1770.   Nouvelles   ecclésiastiques.  —  le    vc    siècle,   comme   quelques  auteurs  ont 

Ami  de  la  religion.  —  Tableau de  Paris,  avancé.  11  faudrait  auparavant  prouver  qu'il 

par    M.   de    Saint-Victor.  —  Etat  de  Paris,  y  eût  eu   un    monastère   dès  ce   temps-là   à 

par  de  Beaumont. —  Notes  prises  passi m.  Agaune;  mais  il  y  a   bien    plus   d'apparence 

B-d-e.  oue  la   première  fondation  de  ce  monastère 

u.lmlnr  n>.n.™n   ,r^       „                    «•  tu  t  f,t  1 1  e  p .  ir  le  To  i  S  i  s  i  s  nu)  ii(l ,  et  qu'il  joisnit 

MAUI.ICE  0  AGAUNE  (Des  Chanoines  Re-  ce  monas.ère   à   régljge  ae  Saint-Maurice, 

GUL1ERS  DE  SAINT-)  [t].  qu',!  fil  reparei. 

L'abbaye  de  Saint-Maurice  en  Valais,  au  Ce  prince,  après  la  mort  de  Gondebaud, 

diocèse  de  Sion,  en  Suisse,  est  très-illustre  et  son  [ère,  succéda  au  royaume  de  Bourgogne 

très-ancienne.    Le    corps  de  saint  Maurice,  l'au  515,  et  après  avoir  abjuré  l'hérésie  <i'A- 

qui  y  repose  avec  ses  compagnons,  lui  a  fan  rius,  dont  les  Fourguignons  avaient  été  jus- 

donner  le  nom  <!e  ce  saint   martyr,  et  on  la  qu'ai,  rs  infectés,  il  crut  qu'il  ne  pouvait  pas 

nomme  aussi  d  Agaune,  à  cause    qu'elle  est  donner  des  marques  plus    signalées  de  son 

si  uée  dans  un  bourg  qui  porie  ce   nom.  Si-  attachement  à  la  religion  calh  dique,  que  de 

gismond,  roi  de  liourgogne,  fut  le  fondateur  réparer  avez  beaucoup  de  magnificence  l'é- 

de  cette  abbaye,  ou  pluiôt  il  n'en  fut  que  le  glise  où  reposaient  les  corps  de  saint  Mau- 

restauraleur;  car  il  y  avait  déjà  une  église  rice  et  île  ses  compagnons,  el  d'en  confier  la 

dédiée  en    l'honneur  de  saint   Maurice,   qui  garde  à  des    moines  qui   y  chantassent   les 

avait  été  bâtie  vers  la  Gn  du  y  siècle,  et  même  louanges  de  l>ieu.  Quelques-uns  prétendent 

il  y  aurait  eu  un  monastère,  si  l'on   pouvait  qu'il  lit  cette   fondation   par  un  autre  motif, 

ajouter  foi  à  la  vie  de  saint  Severin,  qui  en  et  que  ce  fut  pour  expier  le  crime  qu'il  avait 

a  élé  abbé,  laquelle  a  été  écrite  par  Fausle,  commis  en  faisant  mourir  son  fils  Sigeric. 

où  il  est  remarqué  que  le  grand  Ciovis  ayant  Ce  prince  avait  épousé  en  premières  noces 

élé  malade  pendant  deux  ans,  el  sa  maladie  Oslrogothe,  l'une  des  filles  de'l'héodoric,  roi 

ayant  commencé  dès  la  vingt-cinquième  an-  d'italie;  dont  il  eut,  entre  autres  enfants,  un 

née  de  son  règne,  il  ne  fut  guéri  que  par  les  lils  nommé  S  geric.   Après   la   mort  de  celle 

prières  de  saint  Severin,  que  l'on  fit  venir  reine,  il  épousa  une  de  ses   servantes,  qui, 

d'Agaune  à  Paris.  Mais  le  docte  P.  dotn  Ma-  ayant  conçu  une  haine  contre  Sigeric,  per- 

bilfui  fait  remarquer  que  cela  ne  peut  être,  suada  à  Sigismond  qu'il  avait  conspiré  co.n- 

puisque,  selon  le  témoignage  de  Grégoire  de  inc  lui    pour   se   mettre  la   couronne  sur  la 

Tours,  ce  prince  régna  trente  ans,  el  mou-  tète.   Sigismond,  trop  crédule,  fil  étrangler 

rut  la  cinquième  année  d'après  la  bataille  de  son  fils  avec  une  serviette,  comme   il  était 

Vouillé   (l'an  514),  qui  n'arriva  que  dans  la  endormi;  mais  aussitôt,  touché  de  repentir  (a 

vingt-cinquième  de  son   règne.  Après   celle  ce  que  disent  ces   historiens)   et  pénétré   de 

bataille,   où  les  troupes   de   Ciovis   rempor-  douleur,  il  fil  bâtir  le  monastère  d'Agaune, 

tèrent  la  vicloire  sur  celles  d'AIaric,  roi  des  l'an  'î>±2.  Mais  ce  m&uaslère   et    l'église  de 

Visigoths,  qui  y  fut  tué  par  Ciovis  (l'an  507),  Saint-Maurice  étaient  bâtis  dès  l'an  515,  et 

ce   prince,   profitant   de  sa   victoire,  lit  plu-  il  t  si  vrai  que  Sigismond,   après   le  meurtre 

si -s  actions  qui  n'étaient  point  d'un  homme  de  son  fils,  se  retira  l'an  5i2  à  Agaune,  où 

malade.  Il  passa  l'hiver  suivant  à  Bordeaux,  j|  passa  plusieurs  jours  en  jeûnes  et  en  lar- 

donl  il  s'était  emparé.  Au  printemps,  il   prit  mes,  au  tombeau  de  .saint  Maurice,  deman- 

(!*  Voij.,  à  la  lin  du  vol.,  n°251. 


S19                                          ACTIONNAIRE  DES  OllDRES  RELIGIEUX.  929 

danl  à  Dieu  d'élre  puni  en  cette  vie  plutôt  dans  ce  dernier  près  de  trois  cents  filles,  qui 
qu'en  l'autre.  Sa  prière  fut  exaucée;  car  étaient  aussi  partagées  par  bandes,  à l'exem- 
l'année  suivante  523,  il  fut  attaqué  par  Clo-  pie  des  moines  de  Sainl-Maurice  d'Àgaune  et 
doinir,  roi  d'Orléans,  et  vaincu.  Il  se  retira  des  religieuses  de  Remiremont.  Les  moines 
secrètement  sur  le  haut  d'une  montagne  in-  de  Sainl-Maurice  étaient  divisés,  comme 
accessible,  et  de  peur  que  ses  sens  ne  le  li-  nous  avons  dit,  en  neuf  bandes;  les  reli- 
vrassent entre  les  mains  des  Français,  il  se  gieuses  de  Remiremont  en  sept.  Les  autres 
coupa  lui-même  les  cheveux  et  se  revêtit  de  en  avaient  plus  ou  moins;  mais  ils  ne  for- 
l'babit  monastique,  dans  l'intention  de  pas-  niaient  tous  qu'un  chœur,  qui  était  relevé 
ser  le  reste  de  ses  jours  dans  le  monastère  par  un  aulre.  Ce  qu'il  y  avait  de  plus  singu- 
d'Agaune,  comme  ceux  qu'il  croyait  ses  plus  lier  dans  l'abbaye  de  Saint-Riquîer,  c'est  que 
fidèles  serviteurs  lui  avaient  conseillé.  Mais  la  communauté  était  composée  de  trois  cents 
à  peine  fut-il  arrivé  à  la  porte  de  ce  monas-  religieux.  Il  y  avait  outre  cela  cent  enfants 
1ère,  qu'ils  le  livrèrent  entre  les  mains  des  qu'on  y  enseignait,  et  qui  portaient  aussi 
Français.  Clodomir  l'emmena  revêtu  de  son  l'habil  monastique.  Ces  trois  cents  religieux 
habit  monastique  avec  sa  femme  et  ses  en-  et  ces  enfants  étaient  partagés  en  trois 
fanls,  et  les  mit  en  prison  près  d'Orléans,  chœurs  qui  psalmodiaient  continuellement 
Il  les  y  garda  jusqu'à  l'année  suivante  52i,  jour  et  nuit  dans  l'église  de  celle  abbaye: 
qu'il  résolut  de  les  faire  mourir.  Saint  A  vit,  cent  à  la  chapelle  de  Saint-Sauveur  avec 
abbé  de  Micy  près  d'Orléans,  dit  à  Clodomir  Irente-quaire  enfants,  cent  à  la  chapelle  ce 
que  s'il  épargnait  ces  princes  dans  la  vue  de  Sainl-Riquier  avec  trente-trois  enfants,  et 
Dieu,  il  sérail  avec  lui  et  remporterait  des  autant  de  religieux  et  d'enfanls  à  la  cha- 
vicloires;  mais  que  s'il  les  faisait  mourir,  il  pelle  de  la  Passion.  Ils  se  trouvaient  tous  à 
périrait  de  même  avec  sa  femme  et  ses  en-  toutes  les  heures  canoniales;  et  lorsqu'elles 
fanls.  Clodomir  se  moqua  de  ce  conseil,  cl  étaient  finies,  nn  tiers  de  chaque  chœur  se 
lit  tuer  Sigismond,  avec  sa  femme  et  ses  en-  retirait  pour  aller  à  ses  affaires  et  à  ses  be- 
finis,  les  lit  jeter  dans  un  puits,  et  marcha  soins,  pendant  que  les  deux  autres  tiers  con- 
en  Bourgogne  pour  aller  faire  la  guerre  à  Go-  linuaient  de  psalmodier  à  voix  basse.  Ceux 
domar,  frère  de  Sigismond,  où  il  fut  tué  lui-  qui  étaient  sortis  étant  retournés  à  l'église, 
mémedans  un  combat  près  d'Aûtun,  l'an  525.  il  en  sortait   de  chaque  chœur   autant  qu'il 

Il  y  en  a  qui  ont  aussi  prétendu  que  c'é-  en  était  entré,  ce  qui  se  pratiquait  de  même 

tait  dans  le  monastère  d'Agaune  qu'on  sui-  lorsqu'il  fallait  aller  au  réfectoire  ou   pren- 

vait  la  règle  deTarnat  ;  mais  nous  parlerons  dre  le  repos. 

en  un  autre  lieu  de  cette  règle  et  de  celle  L'abbaye  d'Airaune  ,  qui  avait  d'abord 
qu'on  suivait  à  Agaune,  en  rapportant  les  une  règle  particulière,  et  non  pas  la  règle 
différentes  règles  qui  ont  eu  cours  en  Occi-  de  saint  Rasile,  comme  quelques-uns  préten- 
dent :  nous  nous  contenterons  dédire  à  pré-  dent  ,  embrassa  dans  la  suite  celle  de  saint 
sent  que  Tarnat  et  Agaune  étaient  deux  mo-  Benoit.  Mais  les  Bénédictins  en  ayant  été 
nastères  différents,  et  que  c'est  à  tort  qu'ils  chassés  par  l'empereur  Louis  le  Débonnaire 
ont  élé  confondus  par  quelques  historiens,  l'an  82»,  on  substitua  à  leur  place  des 
puisque  Tarnat  é'ail  situé  dans  le  Lyonnais  Chanoines  séculiers.  Trente  ans  après,  ou 
proche  Vienne,  et  qu' Agaune  était  dans  le  environ,  celte  abbaye  ayant  é:é  donnée  à 
Valais.  Huberl  ,    frère    de    rhielbe  ge  ,    femme    de 

Le  premierahbé  d'Agaune  fut  Himnemon-  Lolhaire ,    roi   de    Lorraine,    ses    biens    et 

de,  que  le  roi  Sigismond  avait  fait  venir  du  ses   revenus   furent  dissipés    par    la    mau- 

monaslèro  de   Grave;   ce  prince  voulut   que  vaise    vie    de    cet    abbé,    l'office    divin    fut 

les   religieux    chantassent   continuellement  interrompu  ;   ce  qu'on   avait  accoutumé  de 

jour  et  nuit  les   louanges    du   Seigneur.   Ils  donner  aux    ministres  des  dutcls   était  dis- 

étaient  divisés  en  neuf  bandes,  pour  se  suc-  tribué  à  des   courtisanes,   à  des  scélérats, 

céder  les  uns  aux  autres,  et  chanter  les  heu-  et  employé  pour  la  nourriture   d'un    grand 

res     canoniales     ou     nocturnes  ,    matines ,  nombre    de   chiens  ;    il    épousa    même    une 

prime,  tierce,  sexle,  none  et  vêpres;   on  ne  femme    déjà    mariée,    qui,    étant    séparée 

parlait   pas  encore  pour  lors  des  compiles,  de  son  mari  ,  était  entrée  dans   un  monas- 

dont  on  doit  l'institution  à  saint  Benoît.  En-  1ère,  d'où    il   l'enleva.  Charles  le  Chauve, 

viron    cent  ans   auparavant   celle  sorte    de  après  la   mort  de  sa   femme  Hermiutrude  , 

psalmodie  continuelle  avait  été  instituée  en  ayant  épousé,  aussitôt  qu'il  en  eut  reçu  la 

Orient  par  saint   Alexandre,   fondateur  des  nouvel  e  ,  Richihle,  qu'il  entretenait  comme 

Acéinètes  (Voy.  Acémètbs),  mais  le  monas-  concubine,  donna   l'abbaye   de    Sainl-Mau- 

tère  d'Agaune  fut  le  premier  en  Occident  où  rire    au   comte    Boson  ,    frère   de   Richihle, 

elle  lut  établie;   c'est   ce  qu'on  a  appelé  en  lequel  se  lit  couronner  quelque  temps  après 

latin,  Unis  perennis;  plusieurs  autres    mo-  roi   de   Provence  ou   d'Arles.    Mais  dans   le 

nastères  non-seulement  d'hommes  mais  aussi  neuvième  et   le  dixième   siècle,  on    n'élail 

île  filles  imitèrent  celui  d'Agaune.  Entre  les  pas   surpris   de    voir  des  abbayes  entre  les 

hommes,  les  principaux  lurent  ceux  de  Saint-  mains  des  séculiers  et  de  personnes  laïques 

Bénigne  de  Dijon,  de  Saint-Denis  en  France1,  et    mariées.    Souvent   des    hommes    étaient 

de  Saint-Martin  de  Tours,  de  Sainl-Riquier,  abbés  de   monastères   de  filles,  et  des  filles 

de  Luxeuil,  et   quelques  autres.    Parmi    les  ou   femmes  avaient  des  monastères  d'hom- 

monastères  de  filles,  il  y  eut  ceux  de  Rémi-  mes  ,    avec   le   titre  d'abbés  ,   et    même   on 

remonte!  de  Saint-Jean  de  Laon.  Il  y  avait  en  donnait  pour  dot  en  mariage. 


Kl 


MAL1 


MAL' 


9îi 


L'abbaye  île  Saint-Maurice  avail  été  déjà 
ravagée  par  les  Lombards  dès  le  vin  siècle. 

L'empereur  Charlcmagnc  l'avait  fait  répa- 
rer, mais  «'lie  fut  encore  brûlée  par  les  Sar- 
rasins dans  le  \c  siècle:  et  b  s  observances 
n'y  furent  entièrement  rétablies  que  lors- 
qu'on y  eut  mis  îles  Chanoines  Réguliers,  ou 
que  les  Chanoines  Séculiers  qui  y  étaient 
se  furent  soumis  à  la  désapproprialion  el 
eurent  reçu  la  règle  de  saint  Augustin  ; 
ce  qui  ne  peut  être  arrivé  qu'au  commen- 
cement du  xii'  siècle,  ou  sous  le  gouver- 
nement de  l'abbé  Hugues,  qui  avail  fait 
rebâtir  l'église,  qui  l'ut  consacrée  par  le 
pape  Eugène  II!  l'an  liiG.  Ces  Chanoines 
f-rent  en  grand  crédit;  on  en  demanda  en 
plusieurs  endroits  ,  el  ils  formèrent  une 
congrégation  dont  l'abbaye  de  Saint-Mau- 
rice fut  chef.  Ils  portaient  un  camail  rouge 
sur  le  rochel  ;  c'e^t  pourquoi  Guillaume  , 
comte  de  Ponthieu  ,  l'an  1-210,  leur  assigna 
tous  les  ans  treize  livres  de  rente  sur 
la  balle  d'Abbeville,  pour  acheter  vingt- 
aunes    d'écarlale   pour   1<  urs   capuces. 

L'on  trouve  dans  le  trésor  des  Charles 
du  roi  (Begist.'ii,tium.83),  des  le'tres  d>; 
Guillaume  abbé  el  des  religieux  de  celte 
abbaye  ,  de  l'an  1261 ,  qui  portent  que 
l'abbé,  voulant  satisfaire  la  dévotion  que  le 
roi  saint  Louis  avait  de  fonder  des  mai- 
sons de  retordre,  et  le  désir  que  ce  prince, 
étant  dans  son  abbaye,  avait  manifesté  de 
posséder  quelques  reliques  des  saints  mar- 
tyrs de  la  légion  de  saint  Maurice  .  il  en 
avait  à  cet  effel  lire  quelques-unes  du  trésor 
de  son  église,  el  les  avait  envoyées  à  ce 
prince  ,  qui  lis  avait  reçues  solennelle- 
ment en  procession  accompagné  de  plu- 
sieurs piélats  ecclésiastiques  et  séculiers,  et 
les  avait  fait  porter  dans  la  \ille  de  Senlis, 
1  our  les  déposer  dans  l'église  ou  chapelle 
qu'il  voulait  fonder  proche  de  son  château  , 
prétendant  les  disperser  en  plusieurs  églises 
et  monastères  de  son  royaume,  où  il  ins- 
tituerait des  Chanoines.  Et,  de  crainte  que 
dans  la  suite  il  n'arrivât  quelque  différend 
entre  lui  et  l'évéque  de  Senlis  touchant 
l'institut  on  de  ces  Chanoines,  il  était  de- 
meuré d'accord  avec  Robert,  évêque  de  Sen- 
lis, que  les  Chanoines  de  son  ordre  que 
le  roi  mettrait  dans  celte  église  ou  cha- 
pelle qui  serait  dédiée  en  l'honneur  de  la 
sainte  Vierge,  de  saint  .Maurice  et  de  ses 
compagnons,  observeraient  l'usage  et  les 
cérémonies  de  l'Eglise  de  Paris,  en  faisant 
l'office  divin  comme  faisaient  les  chape- 
lains de  la  chapelle  du  roi  ;  que  ces  Cha- 
noines pourraient,  du  consentement  du  ro>, 
en  recevoir  d'autres  sans  eo  demander  per- 
mission à  l'évéque,  qui  ne  pourrait  les 
oler  pour  quelque  raison  que  ce  fui  sans 
le  congé  du  roi  ,  si  ce  n'était  pour  cause 
de  scandale;  que  ces  Chanoines,  après  la 
mort  de  leur  prieur,  en  pourraient  éiire  un 
autre  de  leur  maison  ,  ou  d'une  autre  de 
leur  ordre  sans  sa  permission  ;  que  l  évê- 
que de  Senlis  el  ses  successeurs  y  pour- 
raient prêcher,  confirmer,  donner  les  or- 
dres e;   y   l'are    l'office  divin,   en   donnant 


acte  au  prieur  comme  ils  n'entendent  pas 
par  là  préjudicier  aux  libertés  et  privi- 
lèges de  celte  église;  qu'il"  n'y  pourrait 
laire  la  visite  qu'une  fois  l'année,  du  con- 
sentement du  roi  ;  que  s'il  y  a  quoique 
chose  à  corriger,  il  en  avertira  le  prieur; 
et  si  la  correction  regarde  le  prieur,  il  en 
donnera   avis   à   l'abbé. 

Les  reliques  des  compagnons  de  saint 
Maurice  furent  déposées  d'abord  dans  une 
petite  chapelle  ,  et  saint  Louis  ne  fil  bâtir 
l'église  de  Saint-Maurice  et  le  monastère 
que  l'an  12iï+,  et  y  mil  treize  Chanoines. 
Jl  y  avait  aussi  un  prieuré  de  cet  ordre 
à  Semur,  en  Bourgogne,  sous  le  litre  de 
Saint-Jean  l'Evangéliste.  Il  semble  que  cet 
ordre  n'avait  que  ces  deux  prieurés  en 
France  ;  car,  selon  le  catalogue  des  abbés 
de  ce  monastère  que  MM.  de  Sainte-Mar- 
the ont  donné,  Barthélémy  de  Gorlion  , 
soixante-huitième  abbé,  visita  les  prieu- 
rés de  Semur  et  de  Scn'is  qui  étaient  en 
France  ,  et  les  réforma.  L'empereur  Ar- 
noul  est  marqué  dans  le  nombre  des  ab- 
bés au  même  catalogue  ;  mais  il  n'est  pas 
fidèle  ,  et  on  n'y  peut  pas  ajouter  beau- 
coup  de    foi. 

MAURICE  ET  DE  SAINT-LAZARE  (Des  Che- 
valiers de  l'ordre  de  Saint-)  en  Savoie. 
La  plupart  des  historiens  qui  ont  parlé  de 
l'ordre  de  Saint-Maurice  en  Savoie  en  attri- 
buent l'institution  à  Amédée,  premier  duc  de 
Savoie,  qui  fut  ensuite  antipape  sous  le  nom 
de  Félix  V,  il  disent  que  ce  prince,  ayant 
abandonné  ses  Etats  à  ses  enfants  ,  se  relira 
dans  la  solitude  de  Ripaille  avec  quelques 
seigneurs  de  sa  cour,  où  il  institua  l'ordre  des 
chevaliers  de  Saint-Maurice  ,  voulant  qu'ils 
fussent  velus  d'une  soutane  el  d'un  chaperon 
gris  avec  un  bonnet,  et  les  manches  d'un 
camelot  ronge  et  une  ceinture  d'or  avec  un 
manteau  sur  lequel  il  y  avait  une  croix  pom- 
melée de  taffetas  blanc.  Mais  il  est  certain 
que.  cet  ordre  n'a  commencé  que  l'an  1572, 
qu'il  eut  pour  instituteur  le  duc  Emmanuel- 
Philberl,  et  que  leur  habit  de  cérémonie  con- 
siste aujourd'hui  en  une  grande  coule  ou 
manteau  rouge  cramoisi,  doublé  de  taffetas 
blanc  ,  sur  lequel  il  y  a  une  croix  aussi  de 
taffetas  blanc  pommelé  et  bordé  de  bandes 
vertes  aux  quatre  angles.  Si  l'abbé  Giusli- 
niani  eûl  lu  la  bulle  de  Crégoire  XIII;  'tu  16 
septembre  de  la  même  année,  il  n'aurait  pas 
dit,  dans  son  Histoire  des  Ordres  militaires, 
qu'on  ne  voyait  point  sur  quel  rondement 
Barbosa  avait  mis  l'institution  de  cet  ordre 
en  l'an  1372,  sous  Emmanuel-Pbilbert,  et 
qu'apparemment  il  s'était  trompé,  ayant  pris 
l'union  de  l'ordre  deSaint-Lazare  qui  fut  faite 
la  même  année  avec  celui  de  Saint-Maurice 
pour  l'institution  même  de  celui  de  Sain!- 
Maurice,  Il  est  vrai  que  le  pape  Grégoire  XIII, 
par  une  bulle  du  13  novembre  i372,  unit 
l'ordre  de  Saint-Lazare  à  celui  de  Saint-Mau- 
rice; mais  il  n'y  avait  pas  plus  de  deux  mois 
que  l'ordre  de  Saint-Maurice  avail  été  insti- 
tué par  le  duc  Emnianucl-Philbcrl,  auquelle 
pape  en  avait  accordé  la  permission  par  une 


f)« 


nil'.TIONNAlIlK  DliS   ORDRES  RELIGIEUX. 


02't- 


Outre  bulle  du  1G  septembre  de  la  même  an- 
née, où  il  n'est  l'ait  aucune  mention  qu'il  y  eût 
déjà  eu  en  Savoie  un  ordre  de  Saint-Maurice. 
Le  pape  y  déclare  que  ce  qui  porta  ce 
prime  à  instituer  cet  ordre,  c'était  pour  s'op- 
poser à  l'hérésie  qui  s'introduisait  eu  <e 
temps-là  dans  plusieurs  provinces,  et  dont  les 
frontières  de  Savoie  étaient  menacées  à  cause 
du  voisinage  de  Genève,  qui  était  le  centre 
de  l'hérésie  de  Calvin,  d'où  elle  s'é'ai t  répan- 
due aux  environs,  et  par  la  bulle  d'union  que 
ce  pape  fil  de  l'ordre  de  Saint  Lazare  à  celui 
de  Saint-Maurice,  le  13  novembre  de  la  même 
année,  il  y  répète  l'institution  qui  avait  été 
faite  depuis  peu  de  celui  de  Saint-Maurice 
sous  la  règle  de  Cîteaux  par  le  duc  Emma- 
miel— l'hilbert,  et  dit  qu'il  ne  fait  cette  union 
qu'après  avoir  considéré  que  ce  sérail  un 
grand  avantage  d'unir  l'ancien  ordre  de 
Saint-Lazare,  qui  n'avait  plus  de  grand  maî- 
tre et  qui  était  beaucoup  déchu  de  son  au 
cienne  splendeur,  à  celui  de  Saint-Maurice 
qui  ne  venait  que  de  naître  :  Si  liane  reterem 
(militiam)  illi  novœet  nunc  nascenli  udjange- 
remus. 

On  ne  peut  guère  lire  celte  bulle  qu'on  ne 
jette  en  même  temps  les  yeu\  sur  celle  de 
l'institution  de  l'ordre  de  Saint-Maurice  , 
puisqu'elles  se  trouvent  de  suite  toutes  deux, 
dans  le  Bullaire  romain,  et  par  conséquent 
liarbosa  ,  Tamburin  et  plusieurs  autres  écri- 
vains ont  raison  de  dire  que  l'ordre  de  Saint- 
Maurice  en  Savoie  ne  fut  institué  que  l'an 
1572  par  le  duc  Kmmanuel-Philbtrl.  L'union 
de  celui  de  Saint-Lazare  à  cet  ordre;  ne  fut 
faite  qu'après  la  mort  de  Jannot  de  Castillon, 
qui  en  était  grand  maître,  et  qui  mourut  à 
Verccil  la  même  année  157-!  ,  comme  nous 
avons  dit  ailleurs.  Cet  ordre  a  pris  depuis  ce 
temps-là  le  nom  de  Saint-Maurice  el  de  Saint- 
Lazare. 

Ces  Chevaliers  font  vœu  de  pauvreté,  d'o- 
béissance et  de  chasteté  conjugale.  Ils  sui- 
vent la  règle  de  Cîteaux  ,  doivent  combattre 
pour  la  défense  de  la  foi  catholique,  peuvent 
se  marier  une  fois  seulement  à  une  vierge, 
et  le  pape  Clément  VIII  leur  accorda,  en 
lo!)G,  de  pouvoir  posséder  des  bénéfices  ou 
des  pensions  sur  des  bénéfices  jusqu'à  la 
somme  de  'tOO  éuus.  L'ordre  a  beaucoup  de 
commanderies  el  a  deux  principales  maisons, 
lune  à  Turin  et  l'autre  à  Nice,  où  les  Cheva- 
liers vivent  en  commun.  L'an  1619,  le  duc 
Charles-Emmanuel  ordonna  que  la  croix  de 
l'ordre  serait  blanche  et  pommelée  par  les 
bouts  avec  des  bandes  vertes  aux  quatre  an- 
gles pour  marquer  l'ordre  de  Sa  ni  Lazare. 
Mais  les  Chevaliers  ne  s'élant  pas  mis  eu  pei- 
ne d'exécuter  les  ordres  de  ce  prince  ,  la  du- 
chesse Christine  de  France,  veuve  de  Victor- 
Amédée  el  tutrice  de  son  Gis,  le  duc  Charles- 
Emmanuel  Il  ,  Ot  exécuter  l'ordonnance  du 
duc  Charles-Emmanuel  l°r,  et  marqua  la 
grandeur  des  croix,  défendant  aux  clercs  et 
aux  icligieux  chapelains  de  l'ordre  d'en  por- 
ter d'or  émaillée  de  blanc,  comme  les  Lhe- 
v  »li(  rs, devant  la  poitrine  ;  mais  leur  ordonna 
d'i  n  porter  une  de  laine  blanche  cousue  sur 
!  l   VotJ-,  à  la  fin  i!u  vol.,  n"  2Û2. 


le  manteau,  excepté  les  prélats  de  l'ordre  qui 
seraient  chevaliers  de  justice,  el  auraient  l'ait 
preuve  de  noblesse  (1). 

Lorsqu'on  reçoit  ces  Chevaliers  à  la  pro- 
fession, ils  promettent  d'être  fidèles  au  duc 
de  Savoie  el  à  ses  successeurs,  de  porter 
l'habit  et  la  croix  de  l'ordre,  de  venir  au 
chapitre  lorsqu'il  se  célébrera,  de  dire  cha- 
que jour  le  psautier  abrégé  en  l'honneur  de 
J.  sus-Christ,  de  la  sainte  Vierge  et  des  saints 
Maurice  et  Lazare,  de  jeûner  les  vendredis 
ou  samedis,  de  garder  la  chasteté  conjugale, 
la  charité  et  l'hospitalité  envers  les  lépreux, 
d'observer  les  statuts  de  l'ordre,  de  ne  point 
aliéner  les  biens  dépendants  des  commande- 
ries, el  de  ne  les  point  donner  à  ferme  pour 
un  long  temps,  ni  à  bail  emphytéotique  sans 
le  consentement  du  duc  de  Savoie. 

Bernard  Giusliniani,  Hist.  Chronolog.  de 
gli  Ord.  mil.  Silvest.  MauroL,  Mar.  Océan, 
dt  lui.  glit  elig.  Menuenius,  Herman  et  Schoô- 
nebecli ,  dans  leurs  Hist.  dis  Oïd.  milil.,H 
Bull.  rom. 

MAYEUL  (Saint-).  Voy.  Somasqoes. 
MELCHIIF.S  GÉORGIENS  et  M1NGUÉL1ENS 
(Des  Moines). 
On  appelle  Melchi'es,  dans  le  Levant,  les 
Syi  ièns  ou  Suriens,  les  Coptes  ou  Egyptiens, 
et  les  autres  nations  de  l'Eglise  orientale, 
qui,  n'étant  pas  de  véritables  Grecs,  ont 
néanmoins  embrassé  le  sentiment  commun 
des  Giei's,  et  le  nom  de  Melchites  ,  c'est-à- 
dire  royalistes,  leur  a  été  donné  parce  qu'ils 
ont  obéi  aux  décisions  du  concile  de  Chalré- 
d aine  avec  l'empereur  Mareien.  Ce  furent  les 
sectaires  du  Levant  qui  donnèrent  ce  nom 
aux  orthodoxes  qui  suivaient  la  religion  de 
l'empereur,  le  mol  de  Mi  débite  venant  du 
mot  hébreu  Mclcclt,  qui  signifie  roi  ou  prin- 
ce. Mais  les  Melchites  ne  sont  pas  pour  cela 
présenlementorlhodoxes;  carils  onlembrassc 
les  erreurs  des  Grées  ,  el  il  n'y  a  point  de 
chrétiens  qui  soienl  si  fort  opposés  à  la  pri- 
mauté du  pape.  Il  y  a  parmi  eux  des  religieux 
et  îles  reigieuses  qui  suivent  aussi  avec  les 
moines  grecs  la  règle  de  saint  Basile.  Les  re- 
ligieux ont  deux  beaux  monastères  à  Damas, 
et  les  religieuses  en  ont  aussi  deux  qui  sont 
fort  riches  cl  éloignés  d'une  journée  de  la 
même  ville.  Elles  gardent  la  clôture  et  ne 
sortent  point.  Les  Melchites  officient  en  lan- 
gue arabe.  C'est  ce  que  j'ai  appris  de  plu- 
sieurs Levantins,  entre  autres  de  M.  Mare- 
Joscph,  patriarche  des  nesloriens  ,  cl  de  M. 
Saphar,  évèque  de  Mardin. 

Les  Géorgiens  suivent  en  partie  la  secte 
des  Arméniens,  et  en  partie  celle  des  tirées. 
Le  prince  ,  quoique  mahométan  de  religion  , 
nomme  aux  dignités  ecclésiastiques  ,  cl  y 
é  ève  ordinairement  ses  parents.  Leur  reli- 
gion n'est  guère  différente  de  celle  des  Min- 
u  ri  liens,  et  les  uns  cl  le*  autres  n'ont  seule- 
ment que  le  nom  de  chrétiens,  y  en  ayant  une 
grande  partie  qui  ne  son!  pas  baptisés,  par 
l'ignorance  des  évêques  el  des  prêtres,  qui, 
la  plupart,  ne  savent  pas  la  forme  du  baptê- 
me. C'est  beaucoup  lorsque  le  Catholtcos,  qui 


î>2 >                                 MEL  Mil.                                   i    i 

est  le  chef  du  i  lergé,  sait  lire,  aussi  bien  que  l'élection  ilu  primai,  el  tous  é'isenl  celui 

les  évoques  qui   n'ont  aucun  soin  des  âme<,  qu'il   lear   recomn  and:'.   Ce  prélat  ne  lient 

qui  ne  visitent  ni  leurs  églises,  ni  leurs  dio-  point  le  premier  rang  pour  le  spirituel:  mais 

cèses  ,  et  dont  l'occupation  ordinaire  est  d'ê-  le  prinre  est   le  maître  absolu  pour  le  spi- 

Ire  dans  des  Festins  continuels  elile  s'enivrer  riiuel   et  pour  le  temporel,  quoique  maho- 

presque  tous  les  jours.  Leur  principal  revenu  métan  ;  car  le  roi  de  l'ei  se  l'olilige  d'embras- 

consiste  en  ce  qu'ils  retirent   des  femmes  et  ser  la  religion  de  Mahomet   pour  conserver 

des  enfants  de  leurs  vassaux  qu'ils   vendent  sa  dignité  dans  sa  famille,  el  les  grands  sei- 

aux  Turc*,  gneurs  du  pays  se  servent  des  prêtres  comme 

Ces  peuples  reconnaissaient  autrefois  le  pa-  de  valets,  méprisent  les  é\èiiues  et  les  ehâ- 
triarchc  d'.Vnlioehe;  maintenant  ils  obéissent  lient.  Les  Mingréliens  ont  plus  de  respect 
à  celui  de  Constantinople,  et  ont  néanmoins  pour  les  évoques, mais  ils  ont  aussi  un  grand 
chacun  un  primat  de  leur  nation  qu'ils  appel-  mépris  pour  les  prêtres,  à  cause  de  leur  immo- 
lent Catholicos,  et  qui  ont  aussi  chacun  leur  rance  el  île  leur  ivrognerie,  et  un  prêtre  n'est 
juridiction  particulière.  Il  y  avait  autrefois  respecté  que  quand  il  dit  la  messe, 
douze  évéchés  dans  la  Mingrélie,  dont  il  n'en  Les  religieux  mingréliens  sont  aussi  igno- 
resle  plus  que  six.  Les  autres  ont  été  chan-  rants  que  le  reste  du  clergé,  et  ne  sont  pas 
jjés  en  abbayes,  qui  sont: Ckiaggi,  Gippurias,  mieux  instruits  des  mystères  de  la  religion. 
Copis,  Obburgi,  Sébastôpol,  qui  a  été  ruinée  On  les  appelle  litres,  el  ils  sont  habillés  comme 
par  les  eaux,  et  Anarghia.  les  séculiers,  avec  celle  différence  que   les 

Les  étê:(ues  y  sont  fort  riches  ,   surioul  le  séculiers  ont  peu  de    barbe,  et  se  rasent  le 

Catholicos,  et  la  simonie  est  ordinaire  parmi  sommet  ne   la  tête  en   forme  de  couronne, 

eux  ;  car  le  Catholicos  ne  consacre  point  un  coupant  leurs  cheveux  en  rond  au-dessus  des 

évéqne.  s'il  ne  lui  donne  cinq  cents  écus.  Il  oreilles,  et  que  les  religieux  laissent  croître 

ne  confesse  que  pour  une  bonne  s  "mine  d'ar-  leurs  cheveux  et    Kur  barbe.  L'habillement 

gent  ;  et  il  y  en  eut  un  qui,  aj  ant  été  mécon-  d.'s  uns  el  «les  autres  consiste  en  une  chemise 

lent  de  ce  qu'un  visir  ne  lui  avait  donné  que  qui  descend  jusqu'aux  genoux  et  qu'ils  ren- 

cinquante  écus  pour  s'être  confessé  -i  lui,  ne  ferment  dans   un   caleçon   ou    pantalon  ;   et 

voulut  pas  le  confesser  une  seconde  fo  s  qu'il  par- lesstis  ils  mettent  une  espèce  de   veate 

i  e  lui  eut  payé  auparavant  la  première  con-  fort  courte,  ou   un  feuue  assez  semblable  à 

fession.  Il  ne  célèbre  point  de  messe  qu'il   ne  la  chlamydc  des  anciens,  en  passant  la  tête 

soit  assuré  d'aï  o:r  cent  écus,  el  l'on   double  ded  ms,  et  ils  le  tournent  comme  i's  \  eulent, 

ordinairement  celle  somme  lorsque  t'est  une  du  côté  que  vient  le  vent  ou  la  pluie;  car  il 

inesse  des  morts.  Comme  parmi  les,  évêques  ne  couvre  que  la  moitié  du  corps,  et  ne  des- 

i;  y  en  a  qui   ne  savenl  pas  lire,  ils  appren-  cend  que  jusqu'aux  genoux.  Leurs  souliers 

r.ent  une  messe  par  cœur,  qu'ils  disent  prin-  ne  sont  que  d'une  semelle  de  peau  de  bulfle 

eipalemrtil  aux  enterrements,  après  s'en  être  qui  n'est   point   préparée,  et  cette  semelle 

bien  fait  payer,  à  l'exemple  de  leur  Càtholi-  s'attache  aux    pieds  avec   une   courroie  de 

cos.  Il  y  a  quelques  moines   qui  ont  le  lilre  même  peau  qu'on  lace  par-dessus:  quelques- 

et  le  revenu  d'un  éveché,  qui  leur  est  accorde  uns    disent  qu'il  n'y  a  que  les  religieux  qui 

par  le  prince,   sans   être  consacrés;  mai-,  portent  celte  espèce  de  veste  (1). 

consacrés  ou  non,  ils  ne  laissent  pas  de  faire  L'on  ne  l'ail  pas  grande  cérémonie  pour  la 

des  prêtres  |  our  de  l'argent.  réception    de  ces   religieux.   Leur   vocation 

Ces  prélats  prétendent  néanmoins  être  pins  vient  de  leurs  parents,  qui  les  consacrent 
saints  que  ceux  de  l'Eglise  romaine,  à  dès  leur  enfance  en  leur  niellant  sur  la  tète 
cause  qu'ils  ne  mangent  point  de  viande  -,  de  une  calotte  noire  qui  leur  couvre  les  oreilles, 
même  que  les  évêques  grecs,  et  ils  observent  leur  laissant  croître  les  cheveux,  leur  recoin- 
avec  le  peuple  les  mêmes  carêmes  des  Grecs,  mandant  de  s'abstenir  de  manger  de  la  viande, 
C'est  dans  la  pratique  de  ces  jeûnes,  qu'ils  el  leur  disant  pour  toute  rais  n  qu'ils  sont 
observent  très-mal,  qu'ils  font  consister  lîères.  C'esl  ce  que  les  enfants  observent, 
tous  les  devciiis  du  christianisme.  Les  pré-  sans  savoir  ce  que  c'est  que  d'èire  Bères. 
Ires  ne  sont  pas  plus  éclairés  que  leurs  évê-  On  les  donne  ensuile  à  d'autres  Bères  pour 
ques;  s'ils  savent  lire,  qu'ils  aient  appris  les  eie>er,  et  ceux  qui  les  donnent  à  des  moi- 
une  messe  par  cœur,  et  qu'ils  puissent  don-  nés  gn  es  réussissent  mieux. 
ner  à  l'évêque  la  valeur  d'un  cheval,  ils  sont  Les  religieux  géorgiens  en  savenl  un  peu 
ordonnés  prèlres,  el  se  marient  autant  de  plus  que  les  Mingréliens,  et  la  plupart  des 
fois  que  bon  leur  semble.  L'on  peul  juger  chrétiens  de  la  Géoruio  sont  instruits  des 
si  le  peuple  esl  bien  instruit,  ayant  des  pas-  mystères  du  christianisme  dans  les  monaslè- 
leUrs  si  ignorants  et  si  vicieux  :  aussi  n'a-  res,  où  ils  apprem  eut  aussi  à  lire  el  à  écrive. 
l-il  pas  la  moindre  idée  de  la  foi  et  de  la  re-  Ces  religieux  sont  habillés  comme  les  moines 
ligion,  traitant  de  fables  et  de  rêveries  la  grecs,  e>  se  disent,  aussi  bien  que  les  reli- 
vie  éternelle,  le  jugement  universel  et  la  ré-  jiieux  mingréliens,  de  l'ordre  de  Saint-Basile. 
s;irreciion  des  morts.  L  y  a  aussi  dans  la  Géorgie  et  la  Mingrélie 

Les  Géorgiens   observent   mieux  le  jeùe.e  des  religieuses.  Comme  les  Géorgiennes  sonl 

que  les  Mingréliens  et  font  de  plus   longues  estimées  les  plus  belles  femmes  de  l'Asie, dès 

oraisons.  Le  prince  contraint  les  ecclésiasli-  qu'une  tille  est  un  peu  grande  on  tâche  de  la 

ques, et  même  -les  évêques,  d'aller  à  la.guerrè.  dérober,  el  d'ordinaire  elle  esl  enlevée  par 

Il  lionne  son  suffrage  avec  les  évêques  dans  quelqu'un  de  ses  parcnls  qui  lava  \cudre  en 
v-      -,!...,  .>..  v  l  .  n°  2-j5. 


r.27 


DICTIONNAIRE  DES  OIJHUF.S  RELIGIEUX. 


?2S 


Turquie  ou  en  Perse.  C'est  ce  qui  fait  que 
les  pères  elmères  renferment  de  bonne  heure 
leurs  filles  dansdes  monastères,  où  la  plupart 
s'appliquent  à  la  lecture,  et  y  demeurent  toute 
leur  vie.  L'on  dit  qu'après  la  profession,  lors- 
qu'elles sont  parvenues  à  un  certain  âge, 
elles  ont  permission  de  baptiser  et  même 
d'appliquer  les  saintes  huiles  aussi  bien 
qu'un  évêque.  Leur  habillement  est  sembla- 
ble à  celui  des  autres  femmes  géorgiennes, 
qui  sont  toutes  habillées  à  la  persane.  La 
différence  qu'il  y  a  entre  les  religieuses  et  les 
autres  femmes,  c'est  que  l'habillement  des 
religieuses  est  noir,  ei  qu'elles  ont  un  voile 
et  un  linge  qui  leur  couvre  presque  tout  le 
visage,  de  sorte  qu'on  ne  leur  v oit  que  les 
yeux,  selon  coque  m'a  dit  un  prêtre  géorgien 
à  qui  je  m'en  suis  informé;  ce  voile  est  aussi 
commun  aux  autres  femmes  persanes  qui  en 
ont  de  différents  pour  la  maison  et  lorsqu'elles 
sortent,  y  en  ayant  même  qui  les  couvrent 
depuis  la  léle  jusqu'aux  pieds.  Il  y  a  l'eau- 
coup  plus  de  monastères  de  filles  que  d'hom- 
mes, ce  qui  fait  que  les  femmes  et  les  filles 
sont  mieux  instruites  et  savent  mieux  leur 
religion  que  les  hommes. 

A  l'égai d  des  religieuses  mingréliennes, 
il  y  en  a  de  plusieurs  sortes.  Les  unes  sont  des 
tilles  qui,  ayant  atteint  l'âge  nubile,  ne  se 
soucient  pas  du  mariage.  Les  autres  sont  des 
servantes  qi.i,  après  la  mort  de  leurs  maîtres, 
se  font  Bères  avec  leurs  maîtresses.  D'autres 
sont  des  veuves  qui  ne  veulent  point  se  ma- 
rier. D'autres  sont  des  femmes  qui ,  après 
avoir  trop  goûlé  du  monde,  l'abandonnent 
quand  elles  viennent  sur  l'âge  et  qu'elles  se 
voient  méprisées.  D'autres  sont  des  femmes 
répudiées, et  d'autres  enfin  se  font  religieuses 
par  pauvreté.  Celles-ci  demandent  l'aumône 
dans  les  églises,  et  on  leur  donne  plus  libé- 
ralement, en  considération  de  leur  habit. 
Toutes  ces  religieuses  sont  vêtues  de  noir  à 
la  persane,  ont  la  tête  couverte  d'un  voile  de 
la  même  couleur  et  ne  mangent  jamais  de 
viande.  Elles  ne  gardent  pas  la  clôture  et  ne 
sont  pas  engagées  pour  toujours  à  la  vie  mo- 
nastique, mais  elles  la  peuvent  quitter  quand 
il  leur  plaît. 

Parmi  les  Mingréliens,  il  n'y  a  que  les 
égli-es  cathédrales,  celles  des  abbayes  et  cel- 
les des  Bères  qui  soient  un  peu  propres,  les 
églises  paroissiales  étant  plus  sales  que  des 
élables.  Les  ornements  sacerdotaux  des  évo- 
ques et  des  Itères  sont  aussi  assez  propres, 
étant  de  soie  cl  brodés  d'or;  mais  ceux  des 
pré:res  séculiers,  qu'on  appelle  papas,  n'ont 
aucune  apparence,  le  plus  souvent,  d'habil- 
lements sacerdotaux,  leur  pauvreté  les  obli- 
geant à  se  servir  de  quelque  guenille  déchirée 
en  guise  de  pluvial.  11  y  en  a  même  plusieurs 
qui  disent  la  messe  avec  une  simple  chemise 
de  toile  qu'ils  mettent  sur  leurs  habtts:aussi 
le  peuple  n'a-l-il  guère  de  dévotion  à  leurs 
messes.  On  a  plus  de  respect  pour  la  messe 
des  Hères,  qui  ont  dans  leurs  églises,  en  fort 
bi>n  état,  les  choses  requises  pour  la  célé- 
brer. Les  Géorgiens  entretiennent  assez 
bi  n   leurs  églises  qui  sont  dans  les  villes  ; 

(I)  Voy.    t  la  lin  du  vol.,  les  n0!  -ôi  à  iâii. 


mais  celles  qui  sont  à  la  campagne  ne  sont 
pas  plus  propres  que  les  églises  paroissiales 
des  Mingréliens.  Ceux  qui  demeurent  en 
terre  sainte  sont  unis  et  obéissent  au  patriar- 
che de  Jérusalem.  Ils  ont  abandonné  les 
saints  lieux  qu'ils  possédaient,  savoir  une 
des  chapelles  bâties  sur  le  mont  Calvaire, 
dans  l'endroit  où  fut  plantée  la  croix  de 
ÎSolre-Seigneur  Jésus-Christ,  laquelle  cha- 
pelle ils  avaient  obtenue  lorsque  l'empereur 
Soliman  entra  dans  Jérusalem.  Ils  ont  aussi 
quitté  le  monastère  de  Sainte-Croix  qui  est  à 
demi-lieue  de  Jérusalem,  dont  l'église  fut 
bâtie  à  l'endroit  où  fut  trouvée  la  vraie  croix. 
lis  ont  laissé  ces  églises  en  gage  aux  Grecs, 
qui  avaient  payé  pour  eux  aux  Turcs  et  aux 
Juifs  des  sommes  considérables.  Parmi  les 
monastères  du  mont  Alhos,  celui  qui  porte 
le  nom  des  Géorgiens  est  destiné  pour  re- 
cevoir les  religieux  de  cette  nation,  cl  le 
patriarche  de  Constanlinople  envoie  souvent 
en  Géorgie  des  caloyers  pour  entretenir  le 
peuple  dans  le  schisme  avec  le  pape. 

Le  chevalier  Chardin  et  Tavcrnier,  Voya- 
gea fin  Perse.  Le  P.  Lamberli,  dans  le  Recueil 
de  Thévenol,  et  dom  Joseph  Zanipy.Théatin, 
Relation  de  Mingrélie. 

Au  dernier  siècle,  les  moines  Melchiies 
orientaux  avaient  à  Rome  le  monastère  de 
Sainte-Marie  in  Domnica.  Aujourd'hui  ils  y 
ont  encore  une  maison  gouvernée  par  le  ré- 
vérendissime  P.  Joseph  Ziegeb,  abbé  géné- 
ral et  procureur.  H-o-e. 

MERCI  (Religieuse  de  la).  Voyez  Merci 
(Ordre  i>e  la). 

MLRC1    (Ohdre  de  la)  [1]. 
§  lfr.  Origine  de  l'ordre  de  Notre-Dame  delà 

Merci  pour  la  rédemption  des  captifs,  arec 

la  Vie  de  saiiit  Pierre  iïolasque,  fondateur 

de  cet  ordre. 

Il  y  a  deux  ordres  dans  l'Eglise  dont  la  fin 
principale  est  de  délivrer  des  mains  des  infi- 
dèles les  chrétiens  qui  gémissent  sous  le 
joug  d'une  dure  captivité  :  l'un  est  celui  des 
Trinitaires,  dont  nous  parlerons  en  son  lieu, 
et  l'autre  est  celui  de  Notre-Dame  de  la 
Merci  ,  dont  nous  allons  parler.  Le  premier 
a  l'avantage  d'avoir  eu  Dieu  même  pour 
fondateur,  qui ,  par  des  visions  et  des  signes 
miraculeux,  a  fait  connaître  ses  volontés 
dans  l'établissement  de  cet  ordre  ,  auquel 
toutes  les  personnes  de  la  sainte  Trinité  ont 
eu  part  :  c'est  pourquoi  il  a  pris  le  nom  de 
la  sainte  Trinité.  Mais  ce  l'ère  des  miséri- 
cordes a  voulu  aussi  qu'il  y  en  eût  un  sous 
le  nom  de  la  Irès-sainie  Vierge,  qui  appa- 
rut à  saint  Pierre  Nolasque,  Français  de 
nation  ,  pour  lui  faire  exécuter  cette  entre- 
prise. C'est  pourquoi  la  France  se  do  t  glori- 
fier d'avoir  fourni  à  l'Eglise  les  saint»  per- 
sonnages dont  Dieu  s'esi  servi  pour  exécuter 
sur  la  terre  ce  qui  avait  été  projeté  dans  le 
ciel,  en  choisissant  saint  Jean  de  Matha,  et 
saint  Félix  de  Valois  pour  l'établissement 
de  l'ordre  des  Trinitaires,  et  saint  Pierre 
Nolasque  pour  rétablissement  de  celui  de 
Noire-Daine  de  la  Merci. 


921)                                  ME»  MER                                 930 

Saint  Pierre  y  surnommé  Nolasque  du  nom  l'amour  de  la  justice  et  de  la  vérité,  et  do 

de  son  père,  naquit  au  pays  de  Laur  iguais,  l'accoutumer   à  toutes   les  pratiques  conve- 

en  Languedoc,  vers  l'an  1189,  dans  un  bourg  nables  à  un  prince  chrétien.  Pour  lui,  ni  les 

■du  diocèse   de  Sa i rit- Papou I ,   appelé  le  M<is  divertissements  de  la  cour,  ni  les  faveurs  de 

des  saintes  Puellrs,  à  une  lieue  deCasielnuu-  soi;  prince,  ne  l'empêchèrent  pas  de  s'appli- 

dary.  Il  fut  élevé  dès  sa  jeunesse  dans  tous  qiier  aux  pratiques  de  là  mortification  et  de 

les   exercices    de     la    noblesse,    étant   sorti  la    prière.  11  avait  quatre  heures  d'oraison 

d'une  des  plus  illustres  familles  de  lou'e   la  m  irquées  d'ans   le  jour,  et  deux    la  nuit.  Il 

province;  et  ayant  perdu  son  père  à  l'âge  de  s'occupait  aussi   à    la    lecture  de   l'Ecriture 

quinze  ans,  il  demeura  sous  la  lu  elle  de  sa  sainte,  et  donnait  aux  exercices  de  la  péui- 

mèrc ,  qui  eut  bien   voulu  rengager  au  ma-  lence  le  temps  qu'il  n'était  pas  obligé  d'em- 

riage,  en  lui  faisant  prendre  un  parti  couve-  p  oyer  auprès  du   roi.  Il  se  senlii  dès  lors  si 

nable  à  sa    condition  ,  afin  de   trouver  du  vivement    louché    de    compassion    pour    les 

support  et  de  la  consolation  dans  ce  soutien  pauvres  chrétiens  qui  étaient  captifs  sous  la 

de  sa  famille.  Mais  Pierre,  inspiré   de  Dieu,  puissance  des  Maures  et  des  barbares,  qu'il 

n'avait  déjà  que  du  mépris   pour  les  choses  résolut   de   sacrifier   ses   biens   à  leur  déli- 

de  la  terre  ,  et  avait  pris  la   résolution  de  ne  vrance. 

s'attacher  qu'à  Dieu.  11  s'engagea  néanmoins  Mais  quoi  fut  son  élonm  nient  et  sa  sur- 
à  la  suite  de  Sinon,  comte  de  Monferl. ,  prise,  lorsque,  dans  le  temps  qu'il  prenait 
dans  le  même  temps  que  Pierre  II,  roi  d'A-  les  mesures  nécessaires  pour  exécuter  celle 
ragon  ,  se  voyant  attaqué  de  tous  les  côtés  œuvre' de  miséricorde,  la  sainte  Vierge  lui 
par  ses  ennemis,  confia  le  prince  Jacques,  apparut,  la  nuit  du  premer  jour  d'août  1218, 
son  fils  et  héritier  présomptif,  à  ce  même  pour  lui  dire  que  c'était  la  volonté  de  Dieu 
comte,  afin  qu'il  lui  donnât  asile  pendant  qu'il  travaillât  à  rétablissement  d'un  ordre 
les  troubles  de  la  guerre.  Le  comte,  s'esli-  dont  les  religieux  s'obligeraient  par  vœu 
niant  honoré  de  la  conduite  du  petit  prince,  particulier  de  s'employer  au  rachat  des  cap- 
jeta  les  yeux  sur  Nolasque  pour  avoir  soin  tifs  1  Comme  il  ne  faisait  rien  sans  consulter 
de  son  éducation  et  lui  servir  de  gouverneur,  saint  Raymond  de  Pégnaforl,  son  confesseur, 
Mais  ce  prince,  qui  avait  été  d'abord  le  gage  qui  n'était  encore  que  chanoine  de  Barcelone, 
de  l'estime  que  le  roi  d'Aragon  faisait  de  la  il  le  fut  trouver  pour  lui  communiquer  celte 
personne  du  comte  de  Montlort,  servit  peu  vision.  Sa  surprise  augmenta  lorsqu'il  apprit 
de  temps  après  de  sûreté  à  ce  même  comte  ,  de  ce  saint  qu'il  avait  eu  la  même  vision,  et 
contre  la  perfidie  du  roi  son  père,  qui,  s'é-  que  la  sainte  Vierge  lui  avait  ordonné  de  le 
tant  ligué  avec  les  comtes  de  Toulouse,  de  fortifier  dans  ce  dessein.  Ainsi,  ne  doutant 
Foix  elde  Cominge,  chefs  deshéréliquesalbi-  point  que  ce  ne  lût  la  volonté  de  Dieu,  il  lui 
geois,  vint  assiéger,  l'an  1213,  la  petite  ville  ren. lit  grâces  de  l'avoir  choisi  pour  être  l'ins- 
de  Muret  sur  la  Garonne  av.  c  une  armée  de  trument  de  ce  grand  dessein,  il  le  pria  doter 
cent  mille  hommes,  et  même  de  deux  cent  tous  les  obstacles  qui  pourraient  en  empè- 
mille,  selon  quelques  historiens.  Ce  grand  cher  l'exécution,  et  de  d  un  p  ter  tout  ce  qui 
nombre  néanmoins  n'étonna  pas  le  brave  pourrait  y  apporter  de  la  résistance.  Dès 
comte  de  Montlort,  qui,  n'ayant  au  plus  lors  ces  deux  saints  ne  songèrent  plus  qu'aux 
que  douze  cents  hommes,  ne  craignit  point  moyens  d'en  procurer  l'effet;  mais  comme  il 
d'attaquer  ses  ennemis,  qu'il  mit  en  déroule,  fallait  le  consentement  du  toi  et  de  l'évéque, 
el  gagna  celte  fameuse  bataille  de  Muret  où  ils  allèrent  trouver  d'abord  le  roi,  qui  les 
le  roi  d'Aragon  fut  tué.  Ainsi  ce  prince,  qui  écoula  avec  joie,  et  ne  pouvant  contenir  la 
quelques  mois  auparavant  avait  lui-même  satisfaction  qu'il  ressentait  de  voir  l'explica- 
remporlé  une  victoire  signalée  sur  les  Sar-  lion  de  la  vision  qu'il  avait  eue  comme  eux 
rasins,  dont  cent  mille  étaient  reslés  couchés  la  même  nuil,  il  offrit  de  contribuer  à  celte 
sur  le  champ  de  bataille  ,  et  qui  quelques  sainte  entreprise  par  son 'autorité  et  ses  liber 
jours  après  en  avait  encore  battu  plus  de  ralités  :  il  se  chargea  môme  de  faire  agréer 
cinquante  mille  ,  ne  put  résister  à  une  peti-  ce  nouvel  établissement  à  l'évéque  de  Harce- 
lé armée  de  mille  à  uou/e  cents  hommes  qui  loue,  Berenger  de  la  Palu,  qu'il  envoya  en 
combattaient  pour  la  défense  de.  l'Eglise.  même  temps  prier  de   se   rendre  au  palais. 

Le  comte  de  Monlforl,  qui  d'ailleurs  avait  Ils  conférèrent  ensemble  sur  l'apparition   de 

toujours  élé  ami  du  roi  d'Aragon  ,   ne   put  la  sainte   Vierge    et    sur   les  ordres   exprès 

s'empêcher  de  verser  des  larmes  sur  le  corps  qu'elle  leur  avait  donnés  à  tous  trois   sepa- 

dece  prince.  Quelques  historiens  ont  avancé  i émeut.  L'évéque  trouva  de  la  difficulté  dans 

que  ce  ne  (ut  qu'après  la  mort  de  cet  in  for-  la    fondation  de   cet  ordre,   à  cause  que  le 

tuné  roi  que  le  comte  de  Montlort ,  qui  avait  concile  de  Latrasi  avait  défendu,  il  n'y  avait 

compassion  de  la  faiblesse  et  de  la  minorité  pas  longtemps,  qu'on  n'établit  aucun  ordre  re- 

du  roi  Jacques  son  lils,  âgé  de  six  à  sept  ans,  ligieux    sans   l'approbation  el    le  consente- 

qu'il  retenait  prisonnier  à  Carcassonne,  lui  meut  du  saint-siège;  mais,  prévoyant  d'ail- 

donna    Pierre  Nolasque    pour    gouverneur.  leurs  la  grande   utilité  qui  en  reviendrait  à 

Mai.»  que  ce  soil  avant   ou   après  la  mort  de  l'Eglise,  il  y  consentit,   el  crut  qu'en   cette 

ce  prince,  il  est  certain  qu'il  eut  la  conduite  occasion  on   pourrait  se   servir  d'un   induit 

de  ce  jeune   roi,   et    qu'il  le  suivit  à  liarce-  que   les    papes    Grégoire    VU   et   Urbain   II 

lone   lorsque   le   comte  de   Monlforl  lui  eut  avalent  accordé  au  roi  dom  Sanche  pour  iui 

rendu  la  liberté  l'an  12J5. 11  lâcha  de  lui  nis-  el  pour  ses  succ<  sseurs,  en  considération  des 

piier  la  piété   envers   Dieu    el  sou   Eglise,  grands  services  que  ce  prince  avait  rendus  a 


931                                         DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  952 

l'Eglise,  en  vertu  duquel  ils  pouvaient  ériger  Raymond  de  Montiolou,  Raymond   de  Mon- 

dans  toute  l'étendue  de  leurs  Etats  des    pa-  cada,  Pierre  Guillaume  de  Cervelon,    Domi- 

roisses,  des   confréries,   des  monastères    et  nique  d'Osso,  Raymond   d'Ulrecht,    Guillau- 

mènie  des  ordres    religieux,   sans  qu  il    fût  me  île  Saint-Julien,  Hugues  de   Matha,  Ber- 

besoin  de  consulter  le  saiul-siége.  nard  d'Essonne,  Ponces  S  /lares,  et  Raymond 

Dès  l'an    1192,    plusieurs   gentilshommes  Blancs,  tous  chevaliers    ou   confrères  de  lu 

des  premières  familles  de  Catalogne,  excites  congrégation  de  Noire-Dame  de  .Miséricorde, 

par  l'exemple  de  quelques  personnes  pieuses  qui,  outre  les  trois  vœux  ordinaires,  en  firent 

qui  employaient  leurs  soins  et  leurs  biens  à  aussi  un  quatrième, aussi  hienque  saint  i'ierre 

des   œuvres  de  charité  et  à  racheter  des  es-  Nolasque.  par  lequel  ils  s'obligeaient  den.'a- 

clavës  chrétiens  ,   formèrent  entre  eus    une  gerleur  propres  personnes,  et  de  demeurcren 

congrégation  que  le  roi  Alphonse  V  appelait  captivité,  s'il  était  nécessaire,  pour  la  déli- 

ordiuairenient  son   ouvrage,  non-seulem  ni  vrance  des  captifs. 

pour  en  avo  r  permis  l'établissement,  mais  Comme  ils  étaient  six  prêtres  et  sept  chc- 
pour  y  avoir  donné  des  fonds  considérables,  viliers,  leurs  habits  furent  différents.  Ce  ui 
pour  contribuer  avec  eux  au  secoti  s  des  des  prêtres  consistait  en  une  tunique  ou  sou- 
chrétiens  qui  cl  lient  cap  ils  riiez  les  Maures,  lane  blanche,  avec  un  scipulaire  et  une 
ou  réduits  à  la  nécessite.  L'occupation  de  chape  :  celui  des  chevaliers  était  blanc  aussi, 
ces  gentilshommes  était  de  servir  les  malades  mais  purement  séculier,  à  la  réserve  d'un 
dans  les  hôpitaux,  de  visiter  les  prisonniers,  petit  scapulaire  qu'ils  met  a  eut  sur  leur  ha- 
de  procurer  des  aumônes  pour  le  rachat  îles  bil.  Le  roi,  jour  témoigner  son  amitié  à  ces 
chrétiens,  et  de  garder  les  ci.'tes  de  la  Médi-  nouveaux  religieux,  et  leur  donner  des  mar- 
lerranée  pour  s'opposer  aux.  descentes  des  ques  de  sa  pro.eciion,  voulut  qu'ils  po  las- 
Maures  et  des  Sarrasins.  sent   sur   leur  scapulaire    l'écusson    de  ses 

La  plus  grande  partie  de  ces  gentilhom-  armes,  qui  étaient  de  gueules  à  Irois  pales 
mes  embrassèrent  d'autant  plus  volontiers  d'or,  auxquelles  il  ajouta  en  chef  une  croix 
le  nouvel  ordre  delà  Merci  avec  saint  I'ierre  d'argent,  p  >ur  marquer  le  lieu  de  la  naissance 
Nolasque,  qu'ils  se  sentajent  portés  à-conli-  de  ces  religieux,  qui  étaient  presque  lous 
nuer  ces  œuvres  de  miséricorde  qui  en  français,  à  cause  qu'ils  port  ient  auparavant 
étaient  la  tin.  Quelques  prêtres  qui  éiaie.it  cette  croix  dans  leurs  étendards,  selon  1 1  n'- 
agrégés à  celle  congrégation,  dans  laquelle  marque  de  quelques  historiens,  qui  assurent 
ils  s'étaient  rendus  recommandables  parleurs  que  les  Français  qui  combattaient  en  Espagne 
exercices  de  charité,  sollicitèrent  aussi  saint  contre  les  *  Maures  portaient  une  croix 
Pierre  Nolasque  de  les  recevoir,  ce  qu'il  lit  blanche  dans  leurs  drapeaux,  pour  se  dislin- 
par  le  conseil  de  saint  Raymond  de  Pégna-  guer  des  Espagnols.  Quelques-uns  ont  néan- 
fort,  qui  lui  représenta  que  la  perfection  de  moins  prétendu  que  cette  croix  leur  lui  don- 
letat  religieux  consistait  dans  l'union  insé-  née  par  l'évêque  Bérenger  de  la  Pallu  , 
parable  des  exercices  île  la  vie  aeiive  et  de  comme  étant  les  armes  <!e  son  église  qu'il 
la  contemplative,  l'un  regardant  le  service  avait  voulu  joindre  a  celles  du  roi. 
de  Dieu,  l'autre  celui  du  prochain.  Saint  La  messe  etani  acnevée,  ce  prince  condui- 
Pieire  Nolasque  admit  avec  joie  ces  vertueux,  sil  saint  Pierre  Nolasque  avec  ses  reli- 
prêtres,  qui  composèrent  avec  les  Chevaliers  gieux  à  son  palais,  dans  le  quartier  qu'il 
l'ordre  de  Notre-Dame  de  la  .Merci,  lequel  leur  avait  fait  préparer  pour  leur  servir  de 
fut  d'abord  institué  eu  qualité  d'ordre  mili-  monastère,  quia  été  le  premier  de  l'ordre,  où 
taire;  car  les  laïques  qui  s'y  engageaient  ils  gardèrent  exactement  la  manière  de  vie 
faisaient  profession  de  détendre  la  toi  les  ai-  que  saint  Raymo  id  leur  presirivit,  en  allen- 
mes  à  la  main,  et  de  s'opposer  aux.  courses  danl  que  le  saiul-siége  leur  eût  déterminé 
des  Mauies.  une  règle  particulière,  et  ils  obéirent  a  saint 

Le  jour  de  saint  Laurent  fut  destiné  pour  Pierre  .Nolasque,  que  le  bienheureux  Ray- 
faire  la  cérémonie  de  l'institution  de  cet  or-  moud  éiabiit  aussi  grand  commandeur.  La 
dre.  Le  roi,  accompagné  de  toute  sa  cour  et  chapelle  du  roi  d'Aragon,  dédiée  à  sainte  Eu- 
des échevins  de  la  ville  de  Barcelone,  se  reu-  lalie,  leur  servit  d'église,  qu'ils  possèdent  en- 
dit  dans  l'église  cathédrale,  appelée  Sainte-  core  à  présent,  le  supérieur  de  ce  monastère 
Croix  de  Jérusalem.  L'évêque  Uérenger  ol'ii-  ayant  la  qualité  de  vicaire  de  la  cour,  et  les 
cia  ponliGcalemenl.  Saint  Raymond  monta  religieux  celle  de  chapelains  du  roi. 
en  chaire,  el  après  l'évangile  il  protesta  de-  Ces  religieux  .s'employèrent  d'abord  à  ra- 
vanttoul  le  peuple  que  Dieu  avait  révélé  mi-  cheter  quelques  captifs,  et  ne  sortaient  pas 
rnculeu-emenl  nu  roi,  à  Pierre  Nolasque  et  à  pour  cela  des  terres  sujettes  aux  princes 
lui-même  sa  volonté  touchant  l'institution  de  chrétiens.  Mais  saint  Pierre  Nolasque  leur 
l'ordre  de  Notre-Dame  delà  Merci  pour  la  re-  représenta  que,  pour  la  perfection  de  leur 
demptiondes  captifs.  A  l'issuede  l'ollrande,  le  ordre,  il  fallait  encore  passer  chez  les  inlidè- 
roi  et  sainlRaymond  présentèrent  le  nouveau  les,  et  délivrer  leurs  frères  «le  la  cruelle 
londaleur  à  l'évêque,  qui  le  revêtit  de  l'habit  servitude  de  leurs  ennemis,  au  danger  même 
de  l'ordre.  Saint  i'ierre  Nolasque,  après  l'a-  d'y  demeurer  en  esclavage  en  leur  place, 
voir  reçu,  le  donna  comme  principal  fonda-  suivant  le  vœu  qu'ils  eu  avaient  fait  au 
leur  à  treize  gentilshommes,  qui  furent  Guil-  pied  des  autels.  Il  ne  s'agissait  pas  d'y  aller 
laume  de  Bas,  seigneur  de  Montpellier,  lous  à  la  lois,  mais  de  députer  un  d'entre 
Arnaud  de  Carcassonne,  (ils  de  la  vicomtesse  eux  pour  ces  saintes  négociations  ,  qu'où 
dcNarbonne.soncousii^RernarildcCorbare,  appela  dès  lors,  comme,  un  les   appelle  eu- 


MUR  MER                               93i 

ciire    à   présent,  ré  lempteurs.    Il    lut   lui-  qui  étaient  dispersés  dans  plusieurs  provio- 

inèine  choisi  avec  un   second    pour    frayer  ces  la  confirmation  authentique  de  L'ordre, 

aux  autres  le  chemin  d'un   voyage  si  pé-  et  qu'ils  eussent  à  observer  la  règle  de  saint 

rilleux.  Le  premier  qu'il  fit  au  rojau-  Augustin  qui  leur  avait  été  donnée  par  li- 
me de  Valence,  occupé  pour  lors  parles  pape,  avec  les  constitutions  qui  leur  avaient 
Sarrasins,  fui  fort  heureux.  Il  en  fil  un  se-  été  prescrites  par  saint  Raymond  de  Pégna- 
coud  au  royaume  de  Grenade,  qui  ne  le  fort.  Mais  deux  ans  après  il  jugea  à  propos 
fut  pas  moins,  de  sorte  qu'il  retira  quatre  de  rassembler  tous  les  religieux  à  Barcelone 
cents  esclaves  d'entre  les  mains  des  infidèles  pour  recevoir  la  profession  de  ceux  qui  no 
en  ces  deux  expéditions.  l'avaient  pas  renouvelée.  Ce   fut  donc  dans 

Ces  heureux  commencements  donnèrent  ce  chapitre  général,  qui  se  tint  l'an  1237, 
quelque  réputation  à  l'ordre  de  la  Merci,  qu'il  fut  ordonné  qu'on  recevrait  plus  de  re- 
Ônoique le  pape  Honorius  III  l'eût  ap  rouvé  liijieux  pour  le  chœur  que  de  chevaliers, 
de  vive  voix,  saint  Pierre  Nolas  îue  jugea  à  Comme  ces  derniers  étaient  véritablement 
propos  d'en  poursuivre  la  confirmation,  et  religieux  et  engagés  par  vœu,  ils  assistaient 
pour  l'obtenir  il  employa  le  crédit  de  saint  à  tout  l'office  divin,  tant  de  jour  que  de  nuit. 
Raymond,  qui  allait  à  Rome  où  le  pape  Gré-  Lorsqu'ils  restaient  au  couvent,  ils  mettaient 
goire  IX  l'avait  appelé.  Ce  saint  accepta  vo-  par-dessus  leur  habit,  qui  était  semblable  à 
Ion  tiers  celte  commission,  et  trouva  le  pape  celui  des  séculiers,  à  la  réserve  du  scapu- 
à  Perouse  le  1"  décembre  122i),  auquel  il  laire,  une  chape  comme  les  religieux  prêtres., 
présenta  les  frères  Arnaud  d'Aymeri  et  Les  historiens  de  cet  ordre  prétendent  que 
Rernard  de  Corbare,  que  saint  Pierre  No-  cette  ordonnance  du  chapitre  donna  lieu  à 
lasque  avait  envoyés  pour  solliciter  cette  saint  Pierre  Nolasque  d'exécuter  la  résolu- 
confirmation  ;  le  premier  représentait  les  lion  qu'il  avait  prise  depuis  longtemps  de  se 
chevaliers,  et  l'autre  les  prêtres  de  cet  ordre,  faire  prêtre,  et  qu'il  célébra  sa  première 
Us  obtinrent  du  souverain  pontife,  l'an  1230,  messe  à  Murcie,  après  que  le  roi  Jacques 
ce  qu'ils  souhaitaient,  après  quoi  ils  se  mi-  d'Aragon  en  eut  chassé  les  Maures.  Ce  sen- 
tent en  chemin  pour  retourner  enCa'aiogne.  liment  a   élé   suivi   par   le  P.  Giry,    Minime 

L'ordre  s'augmentant  de  jour  en  jour,    et  (  Vies  des  saint*  ),  pour  les   raisons  qu'en  a 

les  fréquentes  rédemptions,  jointes  à  la  vie  données  le  P.  Marc  Salmeron,  général  de  cet 

exemplaire  des   religieux,    le  rendant   très-  ordre,  qu'il  a  trouvées  convaincantes  :  c'est 

célèbre,  plusieurs  gentilbommes  de  France,  néanmoins  ce  qui  a  persuadé  M.  Baillet  [Vies 

d'Allemagne,  d'Espagne,  d'Angleterre  et  de  des  saints)  que  ce  saint   n'a  pas  été  pièire, 

Hongrie,    embrassèrent    cet    institut.    Leur  parce  que  le  roi  d'Aragon  nu  pr  t  celte  ville 

nombre  fut  si  grand,   nue  saint   Pierre  No-  que  l'an  12G6,  c'esl-à-dirc  dix  ans  au  moins 

lasque,  qui  souhaitait  depuis  longtemps  sor-  après  la   mort  de   notre    saint,  qu'il    met   en 

tir  du  palais  o  i  le  roi  lui  avait  lait  l'honneur  1256.    Mais  ce    n'est  point   celle   raison   de 

de  le  loger  avec  ses  religieux,  prit  occasion  M.  Baillet  qui   nie  détermine   aussi  à  croire 

de  leur  proposer  la  nécessité  où  ils   étaient  que  saint  Pierre  Nolas  jue  n'a  pas  élé  prêtre, 

de  bâtir  un  couvent  régulier  où   ils  pussent  parce   que  ce   saint    aurait    pu    célébrer   la 

vivre  dans  une  plus  grande  récollection,  et  mess-    dans  Murcie   dès  l'an  1241,   lorsque, 

vaquer  avec  plus  d'application  à  leur  pro-  don  Ferdinand,  roi  de  Caslille,  par  le  traité 

fession.  C'est  ce  qui  lit  qu'ils   bâtirent,  l'an  qu'il  lit  avec  Alboaquis,  ou,  selon  quelques- 

12)2,  un  couvent  magnifique  par  les  libéra-  uns,  Aben-Hudiel,  roi  île  Murcie,   l'une  des 

lités  du  roi,  par   les  aumô..es    de    quelques  conditions  fut  que  ce  prince  maure  demeu- 

seigneurs  de  la  cour  et  par  celles  du   peuple  rerait  vassal  du  roi  de  Caslille,  que  les  re-* 

de  ïîarceloue;  c'est  ce  couvent  qui  est  le  chef  venus  de  ce  royaume  seraient  partagés  éga- 

de   leur   ordre,   et   qui    lut  dédie  à    sainte  lemenl,  et  que  la  forteresse  de  Murcie  serait 

Kulalie,   vierge  et   martyre,  patronne   de  la  livrée  à   l'infant  don    Alphonse,  ce  qui   fut 

ville  de  Barcelone.  exécuté.  Ce  qui  me  convainc  donc  que  saint 

Jusque-là  ils  n'avaient  vécu  que  confor-  Piene  Pvolasque  n'a  puiul  élé  prêtre,  c'est 
méinent  aux  règlements  et  aux  statuts  qui  que,  comme  l'oidre  de  la  Merci  a  été  un  or- 
leur  avaient  élé  precrits  par  saint  Raymond  dre  militaire  dans  le  commencement,  il  a  élé 
de  Pégnaforl,  qui  peut  passer  pour  le  second  gouverné  par  dis  commandeurs  laïques,  et 
fondateur  de  cet  ordre,  ce  qui  dura  jusqu'en  Pau  orité  a  loueurs  été  entre  les  mains  des 
l'an  1235,  que,  souhaitant  joindre  à  ces  règle-  chevaliers  jusqu'en  l'an  1317,  que  le  P.  Ray- 
ments  une  des  règles  approuvées  par  l'Eglise,  moud  Albert,  huitième  général,  fut  le  pre- 
saint  Pierre  Nolasque  envoya  saint  Raymond  mur  générai  prêtre  :  d'où  je  conclus  que  si 
Nonat  à  Rome  en  qualité  de  procureur  gêné-  saint  Pie  ire  Nolasque  avait  été  piètre,  et 
rai  de  l'ordre,  pour  en  obtenir  une  du  pape  étant  prêtre  avait  gouverné  l'ordre  en  qua- 
Grégoire  IX,  que  ce  saint  trouva  encore  à  1  :  lé  de  générai,  les  chevaliers  laïques  n'au- 
Pérouse,  et  qui  leur  accorda  celle  de  saint  raient  pas  regardé  comme  une  nouveauté 
Augustin  par  une  bulle  datée  du  S  janvier  l'élection  que  firent  les  prêtres,  dès  l'an  1308, 
1235,  en  confirmant  derechef  cet  ordre.   .  après  la  mort  d'Arnaud  d'Aymeri,  sixième 

Saint   Pierre   Nolasque,  ayant    reçu    celle  général,    de  la    personne   de    ce    Raymond 

bulle,  fil  faire   de  nouveau    profession    nuv  Alberl  p  ur  lui  succéder,  et   ils    n'auraient 

rehg  eux  qui  se  trouvaient  au   couvent,  tu  pas    refusé  de   iui  obéir   en  élisant   de   leur 

faisant  vœu  de  garder  la  règle  de  saint  Au-  cote    Arnaud   Rossignol,    chevalier   laïque; 

çuslÎQ,  se  contentant  de  faire  savoir  à  ceux  et   le  |  ap  •  Clément  V,  qui   cassa    l'élection 


955 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


93C 


de  ce  dernier,  comme  n'étant  pas  canoni- 
que,  ne  l'eût  pas  rétabli  commandeur  gé- 
néral de  tout  l'ordre  par  autorité  aposto- 
lique, s'il  y  avait  eu  jusque-là  un  exemple 
de  quelque  prêtre  qui  eût  été  général,  et  il 
n'aurait  pas  manqué  d'approuver  l'élection 
de  Raymond  Albert,  qui  était  faite  selon  les 
formes  par  le  plus  grand  nombre  des  capitu- 
lants. Mais  le  défaut  que  ce  pape  y  trouva 
apparemment,  c'est  qu'on  avait  choisi  un 
prêtre  contre  la  coutume  de  l'ordre,  et  sans 
en  avoir  consulté  le  saiut-siége  :  c'est  pour- 
quoi il  établit  pour  général  un  chevalier,  et 
il  ordonna  en  même  temps  que,  comme  les 
prêtres  étaient  en  plus  grand  nombre,  on 
élirait  à  l'avenir  un  prêtre  pour  général, 
après  la  mort  d'Arnaud  Rossignol. 

Le  chapitre  général  que  saint  Pierre  No- 
lasque  avait  convoqué  à  Rarcelone  l'an  1237, 
rumine  nous  avons  dit,  ayant  été  terminé, 
il  aurait  bien  voulu  continuer  ses  charita- 
bles fonctions  de  rédempteur;  mais  comme 
le  roi  d'Aragon,  après  la  conquête  de  Major- 
que sur  les  inlidèles,  porta  ses  armes  dans 
le  royaume  de  Valence,  l'interdiction  du 
commerce  et  les  actes  d'hostilités  de  part  et 
d'autre  contraignirent  saint  Pierre  iNoiasque 
d'interrompre  ces  pieux  exercices  durant 
quelque  temps.  Cependant  cela  ne  laissa  pas 
d'être  avantageux  à  la  rédemption  des  cap- 
tifs, tant  par  les  victoires  fréquentes  et  si- 
gnalées que  le  roi  d'Aragon  remporta  sur  les 
inlidèles,  que  par  la  fondation  de  plusieurs 
monastères  de  l'ordre  qu'il  lit  dans  les  pays 
conquis.  Uluidonnalecbàteaud'Unéza,en  re- 
connaissance de  la  victoire  qu'il  avait  plu  à 
Dieu  de  lui  faire  remporter  sur  les  infidèles, 
et  il  y  fit  bâtir  un  beau  monastère,  qui  est  de- 
venu célèbre  dans  la  suite  sous  le  nom  de 
Notre-Dame  de  Puch,  pour  la  dévotion  que 
les  peuples  ont  eue  pour  une  image  de  la 
sainte  Vierge  qu'on  a  trouvée  dans  la  terre 
en  travaillant  aux  fondements  de  ce  monas- 
tère. Le  même  roi  ayant  pris  ensuite  la  ville 
de  Valence,  avec  le  secours  de  la  noblesse 
française,  la  première  action  de  ce  prince, 
après  son  entrée  dans  la  ville,  fui  de  faire 
consacrer  la  grande  mosquée  par  l'archevê- 
que de  Narbonne,  pour  servir  d'église  cathé- 
drale sous  le  litre  de  Saint-André;  et  il  donna 
aux  religieux  de  la  Merci  une  autre  mosquée 
avec  les  bâtiments  joignants  pour  eu  faire 
un  monastère. 

Saint  Pierre  Nolasque,  après  avoir  accom- 
modé celle  maison  et  l'avoir  mise  en  bon  état 
entre  les  mains  de  quelques  religieux,  re- 
tourna à  Rarcelone  ;  mais  il  n'y  fut  pas  long- 
temps sans  se  disposer  à  se  mettre  en  cam- 
pagne pour  s'acquitter  de  son  olfice  de 
rédempteur.  Jusque-là  il  avait  racheté  en 
divers  voyages  plusieurs  captifs  qui  élaient 
entre  les  mains  des  Maures  sur  les  côles 
d'Espagne;  mais  comme  il  avait  été  traité 
partout  avec  beaucoup  d'honneur,  et  qu'il 
ne  cherchait  que  le  inépris  et  l'humiliation, 
il  crut  qu'il  les  trouverait  en  Afrique.  Lu 
effet  les  inlidèles  de  ce  pays-là  lurent  moins 
Iraitatiles  que  ceux  d'Espagne,  et  comme  on 
l'accusa  d'avoir  facilité  l'évasion  de  quelques 


esclaves  chrétiens,  on  le  chargea  de  chaînes, 
on  le  fit  comparaître  en  justice  ,  comme  un 
voleur,  un  séducteur  et  l'auteur  de  la  fuite 
des  esclaves.  Le  caili  ou  juge,  ne  trouvant 
néanmoins  aucune  preuve  contre  lui,  n'osa 
le  condamner  ;  mais  notre  safnl  fondateur, 
désirant  de  souffrir  et  craignant  qu'on  ne  lit 
quelques  mauvais  traitements  aux  autres 
captifs  à  cette  occasion,  s'offrit  d'être  esclave 
à  la  place  des  fugitifs.  Leur  maître,  égale- 
ment avare  et  artificieux,  voulant  avoir  de 
l'argent  et  se  venger,  aima  mieux  retenir  le 
religieux  qui  accompagnait  saint  Pierre  No- 
lasque, témoignant  vouloir  envoyer  le  saint 
en  Espagne  pour  faire  la  somme  qu'il  exi- 
geait. Il  fil  mettre  deux  tartanes  en  mer,  dans 
l'une  desquelles  qui  faisait  eau  de  tous  côtés, 
il  le  fit  embarquer,  avec  ordre  aux  matelots 
que,  dès  qu'ils  seraient  en  pleine  mer,  ils 
abandonnassent  la  tartane  sans  voile  ni  gou- 
vernail, et  qu'au  retour  ils  feignissent  que 
la  tempête  avait  perdu  le  bâtiment  où  Hait  le 
chrétien.  Cet  ordre  fut  exécuté,  mais  non 
pas  avec  le  même  succès  que  prélendail  le 
barbare;  car  Dieu  garantit  saint  Pierre  No- 
lasque du  naufrage,  et  le  fit  heureusement 
aborder  à  Valence,  lui  ayant  servi  de  guide 
dans  le  chemin. 

Etant  arrivé  à  Rarcelone,  il  se  démit  de  l'of- 
fice de  rédempteur,  qui,  comme  nous  avons 
dit,  était  le  nom  qu'on  donnait  à  ceux  qui 
étaient  députés  pour  aller  chez  les  infidèles 
racheter  les  captifs,  et  ayant  assemblé  les 
principaux  de  l'ordre,  on  procéda  à  l'élection 
d'un  autre  rédempteur.  Le  sort  tomba  sur 
Guillaume  de  Ras,  qui,  l'an  1249,  fut  aussi 
élu  général  de  l'ordre,  lorsque  saint  Pierre 
Nolasque  se  démit  pareillement  de  cet  office 
pour  vivre  dans  la  retraite  et  l'obéissance, 
comme  le  dernier  des  religieux.  Le  saint 
fondateur,  se  voyant  libre,  se  réduisit  aux  of- 
fices les  plus  bas  et  les  plus  humiliants  de  la 
communauté.  Use  chargea  volontiers  de  celui 
de  faire  ladistribution  des  aumônes  à  la  porte 
du  monastère,  parce  que  cela  lui  donnait  occa- 
sionde  s'entretenir  avec  les  pauvres  et  de  les 
instruire.  Il  alla  visiter  le  tombeau  de  saint 
Raj  mond  Nonat,  qui  étaii  mort  il  y  avait  déjà 
quinze  ans,  et  qui  faisait  beaucoup  de  mi- 
racles. Les  chanoines  de  Celsonne,  à  qui  ap- 
partenait la  chapelle  où  les  reliques  de  ce 
saint  reposaient,  l'offrirent  à  saint  Pierre 
Nolasque  pour  y  bâtir  un  couvent  de  sou  or- 
dre; il  accepta  leur  offre,  prit  possession  de 
celle  chapelle,  et  fit  travaillera  un  nouveau 
bâtiment  pour  y  loger  les  religieux. 

L'éclat  des  vertus  de  ces  religieux  et  la  bé- 
nédiction que  Dieu  répandit  sur  l'ordre  de  la 
Merci  portèrent  la  réputation  du  saint  lon- 
dalciir  dans  les  lieux  éloignés.  Il  ne  lui  pas 
seulement  honoré  des  rois  chrétiens  d'Es- 
pagne; saint  Louis,  roi  de  France,  louché 
de  ce  qu'il  avait  appris  de  ses  actions  mer- 
veilleuses et  de  la  sainteté  de  sa  vie,  lui  lit 
savoir  qu'il  souhaitait  passionnément  de  le 
voir.  Le  saint,  de  son  côté,  qui  n'avait  pas 
moins  d'empressement  de  voir  ce  prince  si 
vertueux,  prit  occasion  de  l'aller  trouver, 
lorsqu'il  vint  dans  le  Languedoc  ;  our  mcltie 


937 


MER 


MER 


938 


Raymond,  comte  do  Toulouse,  à  la  raison-,  et 
comme  le  roi  tnédiiail  son  voyage  de  lerre 
sainte,  il  convia  sainlPierre  Nolasque  de  vou- 
loir l'accompagner.  Il  reçut  celle  proposition 
avec  d'autant  plus  de  joie,  qu'il  crut  que  c'é- 
tait une  occasion  favorable  pour  retirer  des 
mains  des  inOdèles  un  grand  nombre  de  chré- 
t.cns  qu'ils  retenaient  dans  les  fers,  et  il  se 
disposa  à  ce  voyage,  malgré  son  grand  âge  et 
ses  infirmités  corporelles.  Mais  son  zèle  fut 
arrêté  par  une  maladie  fâcheuse  qui  le  retint 
au  lit;  de  sorte  que  toute  la  communication 
qu'il  eut  avec  ce  saint  roi  et  qui  continua 
jusqu'à  sa  mort,  ne  consista  plus  qu'en  priè- 
res et  en  un  commerce  d'amitié  toute  pure  et 
toute  spirituelle,  que  ce  prince  eut  encore 
soin  d'entretenir  par  lettres  avec  notre  saint, 
après  son  retour  de  la  Palestine.  Enfin  saint 
Pierre  Nolasque  ne  pouvant  résister  à  ses 
maux,  il  y  succomba  et  mourut  la  nuit  de 
Noël  de  l'an  1256,  étant  âgé  de  soixante-sept 
ans.  Ceux  qui  ont  mis  sa  mort  l'an  J 2i9  se 
sont  peut-être  fondés  sur  ce  que  Guillaume 
de  Bas  fut  élu  général  de  l'ordre  la  même 
année,  mais  ce  ne  fut  qu'après  la  démission 
volontaire  du  saint  fondateur.  Son  corps  fut 
mis  dans  la  sépulture  ordinaire  des  religieux; 
mais  il  fut  levé  de  terre  quatre-vingts  ans 
après  par  ordre  du  pape  Benoît  XII  et  trans- 
porté dans  une  chapelle  où  le  peuple  alla  vi- 
siter ses  saintes  reliques  pour  obtenir  son 
intercession.  Le  bruit  de  ses  miracles  et  les 
sollicitations  des  religieux  de  son  ordre  por- 
tèrent le  pape  Urbain  VIII  à  le  canoniser 
l'an  1628,  et  Alexandre  VII  fit  mettre  son 
nom  avec  éloge  dans  le  Martyrologe  romain, 
et  ordonna  que  toute  l'Eglise  en  ferait  l'oN 
Gce  sous  le  litre  de  semi-double,  office  que 
le  p.:pe  Clément  X,  à  la  sollicitation  de  la 
reine  de  France  Marie-Thérèse  d'Autriche,  a 
rendu  double  comme  celui  des  autres  fonda- 
teurs d'ordres. 

Voyez  Alphon.  Bemon.  Hist.  général,  délia 
orcl.  de  Nost.  Signora  de  la  Merced.  Bernard 
de  Vergas,  Chron.  sacr.  et  milit.  ord.  B.  M. 
de  Mer  cède.  Hist.  de  l'ordre  de  Notre-Dame 
de  la  Merci.  Gio.  Francesc.  Olignano,  Vit.  di 
S.  Pietro  Noltisco.  Pedro  de  S.  Cecilia,  An- 
nal, de  N.  S.  de  Cautivos.  L'Atomy,  Histoire 
de  l'ordre  de  Notre-Dame  de  la  Merci.  Filipp. 
de  Guimeian,  Hist.  de  la  ord.  délia  Merced. 
Bullarium  ord.  S.  M.  de  Merc.  et  Conslit. 
ejusdem  ord. 

§  II.   Du  progrès  de  V ordre  de  Notre-Dame 
de  la  Merci  après  la  mort  de  saint  Pierre 
Nolasque,  son  fondateur. 
La  mort  de  saint  Pierre  Nolasque  n'ap- 
porta aucun  changement  dans  l'ordre,  puis- 
que ,  comme  nous  avons  dit,  ce  saint  s'étant 
démis  du  gouvernement  de  l'ordre,  les  reli- 
gieux, qui  s'étaient  assemblés  pour  élire  un 
autre  général ,  choisirent  Guillaume  de  Bas, 
Fiançais    de    nation  ,    comme    celui    qu'ils 
croyaient  le  plus  propre  pour  exercer  cet 
emploi  :  ainsi   Guillaume  de   Bas,  selon   les 
Annales  de  cet  ordre,  en  prit  le  gouverne- 
ment l'an   12i9,  en  qualité  de  commandeur 
général.  Il  commença  les   fonctions  de  sou 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  II. 


généralal  par  les  vigiles  des  couvents  de  Per- 
pignan, de  Montpellier,  <\e  Toulouse,  de  Va- 
lence et  de  quelques  autres,  et  il  fit  élire  dans 
un  chapitre  général,  qu'il  convoqua  à  Barce- 
lone la  même  année, quatre  définileurs  géné- 
raux, savoir  :  deux  prêtres  et  deux  cheva- 
liers, afin  que  le  général  les  pût  consulter 
dans  les  affaires  importantes  de  l'ordre.  Le 
roi  d'Aragon  donna  à  ce  général,  tant  pour 
lui  que  pour  ses  successeurs,  le  litre  de  ba- 
ron d'Algar,  au  royaume  de  Valence,  avec 
voix  délibéralive  dans  l'assemblée  des  états 
du  royaume  ;  et  après  que  les  Maures  eurent 
été  entièrement  expulsés  de  tout  ce  royaume, 
il  lui  fit  don  aussi  du  château  de  Galinara, 
avec  ses  dépendances  et  ses  revenus,  qui 
étaient  considérables  ;  mais  le  roi  ne  ;  ut  dé- 
cider Guillaume  de  Bas  à  l'accepter.  Il  repé- 
senta  à  ce  prince  que  cette  place  était  de 
trop  grande  importance  pour  être  donnée  à 
des  religieux  qui  ne  la  pourraient  pas  gar- 
der. Il  racheta  pendant  son  généralal,  lant 
par  lui  que  par  ses  religieux,  quatorze  cents 
esclaves  chrétiens;  et  se  voyant  âgé  de  plus 
de  quatre-vingts  ans,  il  demanda  qu'on  reçût 
sa  démission  ,  qu'on  ne  voulut  pas  accepter. 
Il  gouverna  encore  l'ordre  pendant  une  an- 
née, après  quoi  il  mourut  au  mois  de  décem- 
bre 1269.  Il  avait  augmenté  l'ordre  de  plu- 
sieurs couvenls,  dont  les  principaux  furent 
Vich  et  Xativa. 

Le  P.  Bernard  de  Saint-Bomnin ,  comman- 
deur du  couvent  d^  Xativa,  succéda  à  Guil- 
laume de  Bas  l'an  1270.  Ce  général  ayant  vu 
dans  les  visites  de  son  ordre  que  les  cou- 
venls avaient  presque  tous  des  observances 
différentes,  il  fit  faire  un  recueil  de  toutes  1rs 
ordonnances  qui  avaient  été  faites  dans  les 
chapitres  généraux  ,  et  les  réduisit  en  forme 
de  constitutions  pour  être  observées  dans 
lous  les  couvents,  afin  d'y  établir  une  unifor- 
mité. Il  mourut  l'an  1272,  et  eut  pour  suc- 
cesseur Pierre  d'Aymeri.  Alphonse  Bemon  et 
quelques  autres  écrivains  de  cet  ordre  ont 
cru  que  c'était  ce  général  qui  avait  dressé 
les  constitutions  de  l'ordre,  et  que  des  an- 
ciennes ordonnances  il  en  avait  fait  un 
corps;  mais  les  Pères  de  Fiance,  dans  les 
Annales  du  même  ordre  ,  prétendent  qu'il  fit 
seulement  recevoir  et  approuver  celles  qui 
avaient  été  faites  par  les  ordres  de  Guillaume 
de  Saint-Romain.  L'ordre  étant  composé  de 
prêtres  et  de  chevaliers,  les  uns  pour  vaquer 
au  service  divin,  et  les  autres  pour  travailler 
au  rachat  des  captifs,  celte  différence  d'em- 
ploi avait  fait  donner  seulement  par  com- 
mission une  autorité  absolue  au  prieur  du 
couvent  de  Barcelone  sur  les  prêtres,  cl  pour 
faire  garder  exactement  ia  clôture,  le  silence 
et  l'observance  régulière  dans  les  maisons. 
Pierre  d'Aymeri  fit  une  entière  séparation  de 
ces  deux  autorités,  et,  sacrifiant  généreuse- 
ment tous  ses  intérêts  à  la  gloire  de  son  or- 
dre ,  il  établit  prieur  général  de  tout  l'ordre , 
pour  le  spirituel,  le  bienheureux  Bernard 
Corbarie,  prieur  de  Barcelone.  La  différence 
des  états  avait  aussi  introduit  une  manière 
d'habils  différents  :  les  prêtres  portaient  l'é- 
cusson  sur  leurs  chapes,  et  les  chevaliers  sur 


039 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


9*0 


-leurs  scapulaires.  Ce  fut  sous  ce  général 
qu'il  fut  ordonné  que  tant  les  prêlres  que  les 
chevaliers  porteraient  l'écusson  sur  le  scapu- 
laire,  tomme  il  avait  été  pratiqué  dans  le 
commencement  de  l'ordre. 

Après  la  mort  de  Pierre  d'Aymeri,  qui  ar- 
riva l'an  1301,  il  y  eul  schisme  dans  l'ordre  : 
car  le  commandeur  du  couvent  de  Barce- 
lone, vicaire  général  établi  par  les  constitu- 
tions de  l'ordre,  envoya  des  lrlires  d'indica- 
tion aux  vocaux  pour  se  rendre  à  Barcelone, 
afin  de  procéder  à  l'élection  d'un  nouveau 
général,  et  le  vicaire  perpétuel  de  Notre- 
Dame  de  Pu;  h  en  envoya  aussi  pour  convo- 
quer le  chapitre  à  Puch.  Le  P.  Pierre  du 
Fourny  fui  élu  dans  le  couvent  de  Barcelono, 
et  le  P.  Arnaud  d'Aymeri  à  Notre-Dame  de 
Puch.  Les  religieux  eurent  recours  au  pape 
Boniface  VI 1  i  p  >ur  terminer  ce  différend,  le 
priant  de  commettre  à  ce  sujet  l'archevêque 
de  Tolède  ou  l'évêque  de  Cordoue;  mais  la 
mort  de  Pierre  du  Fourny,  qui  arriva  quatre 
mois  après,  les  mit  d'accord.  Le  P.  Arnaud 
d'Aymeri  fut  de  nouveau  élu  dans  le  chapitre 
tenu  à  Barcelone,  et  son  élection  fut  confir- 
mée par  le  pape.  Ce  général  fit  paraître 
beaucoup  de  prudeiiee  par  sa  conduite;  il  fil 
de  beaux  règlements  pour  rétablir  la  disci- 
pline régulière  et  l'étroite  observance,  qui 
avait  dé|à  beaucoup  perdu  de  sa  première 
vigueur;  il  dissipa  les  divisions  qui  avaient 
partagé  l'ordre  à  son  élection  ;  mais  après  sa 
mort,  qui  arriva  l'an  1308,  il  y  eut  de  nou- 
veaux troubles  dans  l'ordre. 

Comme  le  nombre  des  prêlres  excédait  ce- 
lui des  chevaliers,  ils  élurent  pour  général 
de  tout  l'ordre  le  P.  Raymond  Albert.  Les 
chevalier-,  surpris  de  celle  élection,  se  reti- 
rèrent du  chapitre  et  allèrent  à  Valence,  où 
ils  élurent  de  leur  côté  Arnaud  Rossignol. 
Le  pape  dément  V  cas  a  l'élection  de  ce  der- 
nier, comme  n'étant  pas  canonique;  néan- 
moins ,  d'autorité  apostolique ,  il  l'établit 
commandeur  général  de  tout  l'ordre  par  une 
bulle  du  mois  de  l'éviier  1308,  qui  portait 
qu'il  n'aurait  qu'une  simple  juridiction  sur 
le  temporel  de  l'ordre,  et  qu'après  sa  mort 
on  n'élirait  plus  pour  général  qu'un  pretie. 
Par  la  même  bulle,  ce  pape  donna  toute  au- 
torité spirituelle  au  P.  Raymond  Albert  pour 
gouverner  l'ordre  dans  les  choses  qui  regar- 
daient le  service  divin  ,  l'observance  des 
constitutions  et  la  vie  régulière. 

Après  la  mort  d  Arnaud  Rossignol,  Albert 
fut  élu  généial  de  loui  l'ordre.  Le  pape  Jean 
XXII  confirma  sou  élection  ;  et  pour  étouffer 
toutes  divisions  dans  l'ordre,  il  imposa  si- 
lence perpétuel  aux  chevaliers  :  ce  qui  dé- 
plut tellement  à  ces  derniers,  que  la  plupart 
quittèrent  l'ordre  de  la  Merci  pour  entrer 
dans  celui  de  Montésa,  que  le  roi  d'Aragon 
venait  d'établir  nouvellement  dans  ses  iiiais 
p'«or  occuper  les  grands  biens  des  chevaliers 
i'enrplîersv  qui  avaient  été  abolis  dans  le 
i  oncile  de  Vienne,  et  le  pape  approuva  cette 
translation.  Peut-être  que  icux  qui  restèrent 
dans  l'ordre  se  séparèrent  entièrement  des 
pretr.  s  et  quittèrent  la  règle  de  saint  Augus- 
tin pour  prendre  celle  de  saisi  Benoij;  car 


Arnaud  Wion,  qui  vi»vait  à  la  un  du  xvr  siè- 
cle et  au  commencement  du  xvir,  assure  que 
ces  chevaliers  suivaient  en  ce  temps-là  la 
règle  de  saint  Benoit  :  ce  qu'il  dit  avoir  ap- 
pris de  ces  mêmes  chevaliers,  Sont  il  rap- 
porte la  formule  de  la  profession  en  ces 
termes  : 

Ego  N-,  Miles  S.  Mariœde  Mercedeel  Rede.n- 
ptione  captiuorum,  facto  piofessionem  elpro- 
miltoobedieittiam,pauperiatem,raslilatem  ter- 
rare,  Deo  vivere,  et  comedere  secundum  i  eju- 
lam  S.lienedicii,  et  in  SaraçenorumjïôïestiUe, 
si  necesse  fuerit,  ad  redem;  tionem  Cliris.'i  /ide- 
lium,   deteuttis  manebo  (Wion,  Lignum  vilœ). 

Ascagne  Tambourin,  de  l'ordre  deVailoni- 
breuse,  rapporte  aussi  ci  Ue  formule  (De  Jur. 
Abbat.,  disp.  24,  quasi.  5,  n.  KO),  après  Ar- 
naud Wion,  et  ajoute  que  l'écusson  qu'ils 
portent  est  différent  de  celui  des  religieux 
de  la  Merci;  en  ce  que  ceux-ci  ont  dans 
l'écusson  une  petite  face  d'or  au  milieu,  sé- 
parant les  pales  d'Aragon  d'avec  la  croix 
d'argent,  et  que  le  même  écu  est  bordé  d'or, 
ce  qui  n'est  point  dans  celui  des  chevaliers  : 
mais  si  cet  écusson  que  Tambourin  a  vu 
était  semblable  à  celui  que  j'ai  vu  aussi  à 
un  de  ces  chevaliers  prétendus,  il  fallait  de 
nécessité  que  dans  cet  écusson  il  y  eût  une 
face  d'or  au  milieu  pour  soutenir  les  pales 
d'Aragon,  et  que  l'ecu  fût  aussi  bordé  d'or, 
puisque  cet  écu  était  de  métal  percé  à  jour. 
Ceux  qui  prétendent  que  les  prêlres  et  les 
véritables  chevaliers,  lorsqu'ils  étaient  unis 
ensemble,  ont  toujours  eu  des  généraux  dif- 
férents, se  sont  trompés.  Il  est  vrai  qu .■  le 
prieur  de  Barcelone  avait  autorité  sur  tout 
ce  qui  r.  gardait  le  spirituel  dans  l'ordre; 
mais  il  y  avait  au-dessus  de  lui  un  chevalier 
laïque  qui  était  commandeur  général  de  tout 
l'ordre.  Aussi  toutes  les  Annales  de  cet  or- 
dre, dans  le  dénombrement  des  généraux, 
ne  mettent  !e  P.  Raymond  Albert,  qui  fut  le 
premier  général  prélre ,  qu'après  Arnaud 
Rossignol,  qui  était  chevalier  et  septième  gé- 
néral de  tout  l'ordre.  L'on  ne  sait  ce  que  veut 
dire  Schoouebeck  (liist.  des  Ord.  miiit.,  tom. 
Il,  p.  139),  lorsque,  parlant  de  Berrrird  de 
Corharie,  il  lui  donne  le  litre  d'instituteur  des 
i.ioines  de  la  Merci,  puisque  dès  le  commen- 
cement de  l'ordre  il  y  a  toujours  eu  des  prê- 
lres et  des  chevaliers,  il  ne  |>arail  pas  mieux 
instruit  de  ce  qui  regarde  cet  ordre,  lorsqu'il 
dit  que  le  huitième  grand  maître,  après  avoir 
gouverné  l'ordre  pendant  six  ans.  passa  dmis 
l'état  ecclésiastique  sous  le  nom  de  général, 
puisque  le  huitième  grand  maître  ou  com- 
mandeur général  fut  le  P.  Raymond  Alberi, 
qui  avait  toujours  été  au  rang  des  prêtres 
avant  son  élection. 

Cel  ordre  fut  cinq  ans  sans  chef  sous  le 
pontiflcal  de  Pie  V,  qui,  à  la  prière  de  Phi- 
lippe 11,  roi  d'E>pagne,  établit  des  visiteurs 
pour  réformer  les  couvents  de  l'ordre.  Mais 
pendant  que  ce  pontife  en  fanait  expédier 
les  brefs  à  Rome,  le  général  de  cet  ordre 
étant  décédé,  les  religieux  élurent,  e;i  1508, 
le  P.  Malhias  Papiol,  dans  un  chapitre  qui  se 
tint  à  Barcelone.  Ce  général,  n'ayant  pu  ob- 
tenir du    pape  la  confirmation  de  sou  élec- 


DU 


MER 


Î1IEU 


942 


lion,  en  mourut  de  chagrin  deux  mots  après, 
au  commencement  de  l'année  loG'.t.  Le  pajw 
de  fen  il  aux  religieux  de  procéder  à  une  nou- 
velle élection,  voulant  qu'elle  ne  se  fît  qu'a- 
près que  la  visite  aurait  été  faite  par  des  re- 
I  i;ieux  de  l'ordre  de  Sainl-Domi  ique,  qu'il 
nomma  pour  commissaires  apostoliques.  Ils 
employèrent  cinq  ans  à  faire  la  visite  de 
tous  les  couvents  de  l'ordre,  après  lesquels 
ils  convoquèrent  le  chapitre  général  à  Gua- 
dalaxara,  l'an  157i,  où  le  P.  François  de 
oiresfutélu  vingt-neuvième  général.  Les 
commissaires  apostoliques  ordonnèrent  que 
les-g  neraux,  quiavaienl  été  jusqu'à  ce  temps- 
là  à  vie,  ne  pourraient  plus  à  l'avenir  exer- 
cer cet  office  que  pendant  six  ans;  et  que 
les  commandeurs  des  couvents  particuliers 
ne  pourraient  exercer  leur  supériorité  que 
pendant  trois  ans  ;  ce  qui  a  été  observé  jus- 
qu'à présent. 

Cet  ordre  s'est  plus  étendu  dans  l'Améri- 
que qu'en  Europe;  il  a  huit  provinces  en 
Amérique,  qui  sont  gouvernées  par  deuv  vi- 
caires généraux  sous  l'obéissance  du  géné- 
ral de  tout  l'ordre,  Irois  provinces  en  Espa- 
gne, et  une  province  en  France,  sous  le  nom 
de  Province  de  Goienne,  de  laquelle  dépen- 
daient autrefois  le  couvent  et  le  <  ollcge  de 
Paris,  et  le  couvent  de  Ghenoisc  en  Brie, 
que  le  cardinal  de  Vendôme  ,  étant  lé- 
gat en  France  ,  sépara,  en  1GG8,  de  cette 
province  de  Guienne  pour  les  ériger  en 
congrégation  sous  un  vicaire  général.  Le 
roi  confirma  l'érection  de  celte  congrégation 
par  ses  lettres  patentes  de  la  même  année, 
ce  qui  fut  aussi  confirmé  par  une  bulle  de 
Clément  X  du  28  novembre  1 612.  Il  est  sorti 
de  cet  ordre  trois  cardinaux,  savoir  :  saint 
Raymond  Nonat,  Jean  de  Lato,  et  le  cardi- 
nal de  Salazar,  qui  fui  promu  à  cette  dignité 
par  ie  pape  Innocent  XI.  H  y  a  eu  encore 
dans  cet  ordre  un  très-grand  nombre  d'ar- 
chevêques et  d'évéques,  ei  il  a  fourni  à  l'E- 
glise plusieurs  saints  canonisés  et  des  bien- 
heureux, dont  quelques-uns  sont  restés  en 
otage  entre  les  mains  des  infidèles  pour  ra- 
cheter un  plus  grand  nombre  de  captifs  et 
avoir  lieu  de  travaillera  la  conyersion  de 
ces  barbare:.  De  ce  nombre  fut  saint  Ray- 
mond Nonat,  qui  demeura  huit  mois  en  capti- 
vité, ayant  enduré  pendant  loatce  lemps  des 
tourments  inouïs,  jusque-là  que  les  infidèles, 
ne  pouvant  l'empêcher  de  prêcher  la  parole 
de  i  leu,  lui  percèrent  les  deux  lèvres  avec 
un  fer  chaud,  et  lui  mirent  ua  cadenas  à  la 
bouche  pour  l'empêcher  de  parler.  Saint 
Piem—iascul,  évèque  ^e  Jaen,  ayant  em- 
ployé tous  ses  revenus  î»  soulagement  des 
pauvres  et  au  rachat  des  captifs,  entreprît 
aussi  la  conversion  des  mahométans  ,  c-1  qui 
le  fit  charger  de  fers  et  eudurer  de  rudes 
traitements.  Le  cleigé  et  le  peuple  de  son 
Eglise  lui  ayant  envoyé  une  somme  d'argent 
pour  sa  rançon,  il  la  reçut  avec  beaucoup 
de  reconnaissance;  mais  au  lieu  de  l'em- 
ployer a  se  procurer  la  liberté,  il  en  racheta 
qua'n  ilé  de  femmes  et  d'eufanls,  dont  la  fai- 
blesse lui  Cuisait  craindre  qu'ils  n'abandon- 
nassent la  religion  chrétienne,  et  il  demeura 


toujours  entre  les  mains  de  ces  barbares,  qui 
lui  procurèrent  la  couronne  du  martyre  l'un 
1300î 

Cel  ordre  a  aussi  eu  plusieurs  écrivains, 
entre  lesqu  ls  il  y  a  eu  Alphonse  Remon  . 
François  Salazar,  Noël  Gravrrius  et  Bernard 
de  Vcrgas,  qui  ont  donné  h  s  Annales  et  les 
Chroniques  du  même  ordre.  Les  PP.  Zumel, 
Merino,  Olignagrio  et  Salmeron  ont  donné 
la  Vie  de  saint  Pierre  No  ;isque,  leur  fonda- 
teur, et  le  P.  d'Av  ril  a  aussi  donné  celle  de  la 
Mère  Marie  du  Secours-,  première  tierciaire 
de  cet  ordre  ,  dont  nous  parlerons  dans  la 
suite. 

Nous  avons  déjà  décrit  l'hab'llement  de 
ces  re  igieux,  qui  ont  pour  armes  les  mêmes 
que  celles  qui  sont  dans  l'écusson  qu'ils  por- 
tent sur  leur  scapulaire  ,  ajoutant  pour 
devise  :  Redemplionem  misil  Dommus  populo 
sua. 

Outre  les  auteurs  que  nous  avons  déjà  ci- 
lés,  voyez  ceux  qui  ont  parlé  des  ordres  mi- 
litaires, comme  Giuslinani  ,  Schoohebeck  , 
Mennenius,  Sausunio,  etc.  Jerom.  Curita  , 
lib.  i  de  Rébus  Arag.,  et  Mariana,  de  Rébus 
Hispaniœ,  lib.  xii,  cap.  8. 

§  III.  Des  religieux  Déchaussés  de  l'ordre  de 
Notre-Dame  de  la  Merci,  app  lés  uussi  de 
la  Récollection;  avec  la  Vie  du  vénérable 
Père  Jean-Baptiste  du  Sainl-Sacrament, 
leur  fondateur. 

Le  P.  Alphonse  de  Monroy,  étant  général 
de  l'ordre  de  la  .Merci,  voulul  y  établir  une 
réforme  sur  la  fin  du  xvi'  siècle,  et  destina 
sept  couvents  à  ce  sujet  dans  la  province  do 
Castille,  afin  que  les  religieux  qui  souhai- 
taient vivre  da.is  une  plus  étroite  obser- 
vante que  celle  qui  se  pratiquait  dans  tout 
l'ordre,  pussent  la  pratiquer  dans  ces  cou- 
vents; mais  il  ne  leur  accorda  celle  permis- 
sion qu'à  condition  qu'ils  ne  changeraient 
point  l'habit  de  l'ordre,  et  qu'il:,  resteraient 
loujours  soumis  à  l'obéissance  des  supérieurs. 
Avec  cette  permission  le  P.  Jean-Baptislo 
Gonzalez,  que  le  général  avait  choisi  pour 
le  chef  et  le  dire:  leur  de  cette  réforme,  se 
retira  au  couvent  de  Hueta,  qui  et  lit  le  piiu- 
cipal  des  sept  qui  avaient  été  déclinés  pour 
y  pratiquer  l'étroite  observance.  Mai*  ou  sa 
lassa  bientôt  de  la  ferveur  de  ce  religieux, 
et  comme  il  avait  attiré  à  ce  nouveau  genre 
de  vie  un  fameux  professeur  de  Salaman- 
que,  et  qu'on  appiéhenda  que  cet  exemple 
d'humilité  n'eut  des  suites  et  n'en  attirât  en- 
core d'autres,  le  général  relégua  le  P.  Jean- 
Ba;)tiste  au  couvent  de  Raizcs  dans  l'Aslurie, 
et  cette  réforme,  qui  av.it  été  commencée 
par  les  ordres  du  général,  ni  presque  dans 
le  même  temps  détruite  aussi  par  ses  ordres. 
C'était  au  zèle  seul  et  à  la  ferveur  du  P  Jean- 
Baptiste  que  Dieu  avail  réservé  l'ouvrage 
de  cette  réforme,  ei  pour  la  commencer  et 
l'étendre,  il  n'eul  pas  besoin  lies  anciens 
couvents,  mais  il  en  fonda  de  nouveaux, 
comme   nous  verrons  dans   la  suite. 

Il  naquit  à  Huela  'lans  le  royaume  île  Cas- 
tille, le  8  février  15b3,  de  parents  nobles  de 
l'ancienne  famille  des  Gonzalez.  11  fut  élevç 


D43 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX 


dès  ses  plus  tendres  années  dans  la  crainte 
de  Dieu,  et  ce  fut  sur  ce  fondement  solide 
qu'il  établit  la  règle  de  sa  conduite  pour  con- 
server la  grâce  parmi  les  dangers  fréquents 
où  les  jeunes  gens  sont  exposés  à  la  perdre 
avec  l'innocence.  11  s'appliqua  de  bonne 
heure  aux  études  :  on  l'envoya  pour  cet  ef- 
fet à  Madrid,  où  il  apprit  les  premiers  princi- 
pes de  la  langue  lutine.  On  ne  vit  jamais 
d'écolier  plus  enclin  à  la  vertu,  et  ses  maî- 
tres le  proposaient  à  ses  compagnons  comme 
le  modèle  qu'ils  devaient  suivre  et  imiter. 
Ses  humanités  étant  achevées,  il  obtint  per- 
mission de  ses  parents  d'aller  étudier  en  phi- 
losophie sous  le  P.  Christophe  Gonzalez,  son 
frère  aîné,  religieux  de  la  Merci,  que  les  su- 
périeurs de  la  province  de  C  istille  envoyaient 
enseigner  au  couvent  d'Olmédu.  Comme  il  ne 
se  proposait  d'autre  fin  dans  ses  éludes  que  de 
s'en  servir  utilement  pour  son  salut,  il  avan- 
çait d'un  pas  égal  dans  la  piélé  et  aux  étu- 
des; il  fréquentait  souvent  les  sacrements, 
il  assistait  les  fêtes  et  dimanches  au  service 
divin,  il  se  rendait  assidu  à  entendre  la  pa- 
role de  Dieu,  et  après  avoir  satisfait  à  ces 
obligations,  il  ne  manquait  pas  d'aller  ser- 
vir les  malades  dans  l'hôpital. 

Ce  fut  dans  ces  saints  exercices  de  piété  et 
de  miséricorde  qu'il  se  sentit  fortement  ap- 
pelé de  Dieu  à  l'état  religieux.  Il  demanda 
instamment  l'habit  de  l'ordre  de  la  Merci  au 
commandeur  du  couvent  d'Olmédo,  qui  le  lui 
donna  avec  d'autant  plus  de  joie  qu'il  con- 
naissait ses  excellentes  qualités.  Il  le  reçut 
l'an  1572,  et  après  l'année  de  noviciat  il  fil 
sa  profession.  Huit  jours  après,  on  l'envoya 
au  couvent  de  Madrid,  d'où  il  sortit  l'an  1575 
pour  aller  gagner  le  jubiié  à  Rome,  avec  la 
permission  de  ses  supérieurs.  Il  n'entreprit 
ce  voyage  que  par  un  esprit  de  pénitence; 
il  le  fit  à  pied,  en  mendiant  son  pain  de  porte 
en  porte  et  dans  un  si  grand  recueillement 
d'esprit,  qu'il  ne  parla  à  personne  dans  tout 
le  chemin  que  de  choses  absolument  néces- 
saires. Etant  de  retour  dans  sa  province,  l'an 
1576,  on  l'envoya  étudier  en  théologie  à  To- 
lède, où,  malgré  toutes  ses  résistances  et  Sun 
humilité,  les  supérieurs  lui  ayant  fait  rece- 
voir les  ordres  sacrés,  il  dit  sa  première 
messe  l'an  1578.  Ce  nouvel  état  lui  fut  un 
nouveau  motif  de  s'avancer  plus  que  jamais 
dans  la  perfection  ;  on  l'engagea  à  prêcher 
et  à  confesser,  et  il  réussit  si  bien  dans  l'une 
et  dans  l'autre  de  ces  fonctions,  qu'il  gagna 
un  grand  nombre  d'âmes  à  Dieu. 

Ayant  appris  que  les  religieux  de  son  or- 
dre avaient  beaucoup  souffert  pour  la  foi 
dans  les  Indes,  principalement  dans  le  Pé- 
rou, et  combien  ils  y  avaient  converti  d  infi- 
dèles, animé  d'une  sainte  émulation,  il  de- 
manda à  ses  supérieurs  la  permission  d'y 
passer,  pour  participer  aux  travaux  et  aux 
peines  de  ses  frères.  Il  y  fil  un  si  grand  pro- 
grès dans  le  salut  des  âmes  par  la  sainteté 
de  sa  vie,  par  son  exemple,  par  ses  rares 
vertus  et  par  ses  prédications  tout  embrasées 
du  feu  de  l'amour  divin,  qu'il  retira  un  grand 
nombre  de  païens  du  culte  des  idoles,  et 
qu'il   les    attira  à   la   connaissance  du  vrai 


944 

Dieu;  mais  ce  qui  est  digne  d'admiration, 
c'est  que  les  richesses  de  ce  pays-là  ne  le 
tentèrent  point,  et  il  ne  fit  pas  comme  un 
grand  nombre  de  religieux  de  différents  or- 
dres qui  en  sont  revenus  chargés  d'or  et 
d'argent.  Après  avoir  employé  le  temps  de 
sa  mission  très-utilement  au  service  de  Dieu 
et  du  prochain,  il  retourna  en  Espagne,  ne 
portant  sous  son  bras  que  son  bréviaire,  et 
tenant  d'une  main  une  télé  de  mort,  sur  la- 
quelle il  jetait  continuellement  les  yeux 
pour  se  faire  ressouvenir  de  ce  qu'il  était  et 
de  ce  qu'il  serait  un  jour. 

Ce  fut  ce  saint  homme,  si  zélé  pour  la 
gloire  de  Dieu  et  si  amateur  de  la  pauvreté, 
que  le  P.  Alphonse  de  Monroy,  général  de 
l'ordre  de  la  Merci,  choisit  pour  être  le  chef 
et  le  directeur  de  la  réforme  qu'il  avait  en- 
trepris d'établir  dans  son  ordre  ;  mais  quni- 
qu'elle  eût  été  détruite  dans  son  commence- 
ment, comme  nous  avons  dit  ci-devant,  le 
P.  Jean-Baptiste  Gonzalez  ne  perdit  point 
l'espérance  de  la  voir  rétablie;  il  chercha 
les  moyens  d'y  parvenir,  il  en  forma  les 
projets,  et  ayant  été  rappelé  du  couvent  de 
Raizes  et  mis  de  famille  au  couvent  de  Ma- 
drid, il  crut  que  Dieu  lui  présentait  les 
moyens  d'exécuter  son  entreprise.  Comme  il 
était  sacristain  de  ce  couvent,  et  que  son 
emploi  l'obligeait  de  parler  souvent  à  la 
comtesse  de  Castellar,  Béatrix  Ramirez  de 
Mendoza,  qui  était  une  dame  d'une  grande 
pieté,  il  prit  la  résolution  de  lui  communi- 
quer son  dessein,  dans  l'espérance  qu'elle 
y  contribuerait  par  ses  libéralités.  11  ne  se 
trompa  point:  il  recommanda  cette  affaire  à 
Dieu,  il  offrit  â  cette  intention  le  saint  sacri- 
fice de  la  messe,  il  parla  à  celte  dame  de  la 
réforme  étroite  qu'il  voulait  établir  dans 
son  ordre,  et  elle  le  fortifia  dans  cette  résolu- 
tion, s'offrant  de  fonder  deux  couven's  de 
cette  réforme  dans  ses  terres. 

Le  général  n'ayant  pas  voulu  donner  sou 
consentement  à  l'établissement  de  ces  deux 
couvents  pour  servir  de  fondement  à  cette 
réforme,  la  comtesse  de  Castellar  s'adressa, 
à  son  refus,  au  pape  Clément  VIII,  qui  lui 
accorda  deux  brefs.  Parle  premier,  il  la  dis- 
pensait du  vœu  qu'eue  avait  fait  de  fonder 
un  couvent  de  religieux  de  l'ordre  de  Saint- 
Jérome,  et  lui  permettait  d'en  bâtir  deux 
aux  leligieux  de  l'ordre  de  la  Merci  ;  et  par 
le  second  bref,  il  érigeait  une  congrégation 
de  religieux  du  même  ordre,  qui  désire- 
raient vivre  dans  l'étroite  observance,  de 
laquelle  il  établit  pour  général  le  P.  Bar- 
thélémy d'Alcala,  religieux  de  l'ordre  de 
Saint-Jérôme,  à  condition  qu'il  quitterait 
l'habit  de  son  ordre  pour  prendre  celui  de 
la  Merci,  avec  une  autorité  absolue  d'y  re- 
cevoir les  religieux  de  cet  ordre,  qui  vou- 
draient embrasser  cette  réforme,  et  les  sé- 
culiers qui  se  présenteraient  pour  recevoir 
l'habit;  qu'il  gouvernerait  cette  congrégation 
jusqu'à  ce  qu'elle  eût  huit  couvents,  il  que 
s'il  voulait  persévérer  dans  l'ordre  de  la  Merci, 
il  exercerait  encore  l'office  de  général  pen- 
dant six  ans. 

Le   P.   Jean-Baptiste,  à  l'insu  duquel  la 


915  MER 

comtesse  de  Castellar  avait  oblcnu  ces  brefs, 
fut  fort  surpris  quand  il  eut  appris  ce  qu'ils 
contenaient.  Il  représenta  à  cetie  dame  qu'il 
n'avait  jamais  eu  (l'autre  dessein  que  d'a- 
voir quelques  couvents,  dans  lesquels  on 
gardât  la  règle  et  les  constitutions  de  l'or- 
dre de  la  Merci  à  la  lettre  et  sans  aucune 
dispense,  sous  l'obéissance  du  général  de  l'or- 
dre, dont  il  ne  se  séparerait  point,  parce  que 
les  re'igieux  qui  voudraient  embrasser  cette 
observance  ne  voudraient  pas  se  soumettre 
à  la  conduite  d'un  étranger.  La  comtesse 
approuva  ses  raisons;  elle  fit  voir  au  géné- 
ral les  brefs  qu'elleavnit  obtenus  sur  le  refus 
qu'il  avait  fait  de  consentir  à  l'établissement 
des  couvents  qu'elle  voulait  fonder  pour 
commencer  la  réforme  que  le  P.  Jean-Bap- 
tiste méditait,  et  rattachement  que.  ce  Père 
avait  à  l'ordre.  Le  général  en  fut  si  touché, 
qu'il  promit  à  la  comtesse  de  favoriser  cet 
établissement,  et  pour  lui  témoigner  sa  sin- 
cérlé,  il  ilressa  lui-même  les  constitutions 
qui  devaient  être  observées  par  les  religieux 
de  cette  réforme. 

La  comesse,  de  son  rô'é,  pour  avancer  ce 
grand  ouvrage,  lui  promit  de  leur  faire  bâ- 
tir incessamment  deux  couvents,  et  de  les 
doter  de  revenus  suffisants  ,  l'un  dans  sa 
terre  de  Viso,  à  quatre  lieues  de  Sévilie,  et 
l'autre  à  Altnorayna,  dans  sa  comté  de  Cas- 
tellar, à  trois  lieues  de  Gibraltar  et  de  l'évé- 
ché  de  Cadix  ,  s'engagennt  encore  de  les  four- 
nir de  meubles  et  d'ornements  d'église.  Elle 
en  passa  contrat,  qui  fut  ratifié  dans  le  chapi- 
tre provincial  tenu  à  Guadalaxara  le  20 
avril  1603.  où  l'on  approuva  aussi  l'établis  - 
sèment  de  celle  étroite  observance  et  les 
constitutions  que  les  religieux  qui  l'embras- 
seraient devaient  suivre.  A  celle  nouvelle, 
le  P.  Jean-Bapliste  et  cinq  compagnons  aux- 
quels il  avait  inspiré  l'esprit  de  la  réforme, 
en  prirent  publiquement  l'habit  le  jour  de 
l'Ascension,  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame 
du  Remède,  dans  l'église  des  religieux  de  la 
grande  observance  du  même  ordre,  et  quit- 
tant en  même  temps  le  surnom  de  leurs  fa- 
milles ,  le  ..P.  Jean-Baptiste  prit  celui  du 
Saint-Sacrement  au  lieu  de  Gonzalez. 

Comme  dans  l'établissement  de  l'ordre,  le 
roi  d'Aragon,  Jacques  I",  donna  un  apparte- 
ment dans  son  palais  à  saint  Pierre  Nolasque 
et  à  ses  compagnons ,  de  même  la  comtesse 
de  Castellar  recul  d'abord  le  P.  Jean-Bap- 
tiste et  ses  compagnons  dans  son  hôtel  de 
Madrid,  où  ils  firent  leurs  exercices  de  dé- 
votion et  pratiquèrent  les  observances  régu- 
lières, pendant  qu'on  bâtissait  les  deux  pre- 
miers couvents  de  cette  étroite  observance. 
Mais  comme  ces  saints  religieux  ne  respi- 
raient qu'après  la  retraite  et  la  solitude,  et 
qu'ils  étaient  trop  exposés  au  grand  monde 
dans  la  maison  de  celte  dame,  elle  les  envoya 
dans  son  château  de  Ribas,  bourg  distant  de 
Madrid  de  trois  lieues,  et  ils  allaient  tous  les 
jours  célébrer  la  messe  dans  une  chapelle 
dédiée  à  sainte  Cécile,  qui  était  dans  le  même 
bourg. 

Quelques  personnes  trop  attachées  à  leurs 
propres  intérêts,  appréhendant  que  ces  reli- 


MER 


915 


gicux  ne  fissent  un  couvent  d'un  lieu  qu'ils 
n'avaient  que  par  emprunt,  leur  tirent  d'é- 
tranges vexations  ;  ils  détachèrent  leur  clo- 
che, renversèrent  l'autel  qui  avait  été  dressé 
pour  célébrer  la  messe:  l'évéqoe  même  se 
joignit  à  eux,  et  défendit  aux  religieux  de  la 
célébrer,  non-seulement  dans  cette  chapelle 
de  Sainte-Cécile,  mais  même  dans  l'église  de 
la  paroisse,  |c  qui  obligea  ces  religieux  de 
retourner  à  Madrid.  Mais  les  habitants  de 
Ribas  furent  si  édifiés  de  leur  vie  exemplaire, 
qu'ils  firent  ce  qu'ils  purent  pour  les  retenir 
dans  leur  bourg.  Ils  prièrent  la  comtesse  de 
Castellar  de  leur  bâtir  un  monastère,  et 
celte  pieuse  dame  leur  accorda  leur  deman- 
de, promettant  que  sitôt  qu'elle  aurait  achevé 
les  deux  couvents  qu'elle  faisait  bâtir  en 
Andalousie  pour  ces  religieux,  elle  ferait 
aussi  commencer  un  nouveau  monastère  à 
Ribas. 

Les  bâtiments  de  ces  deux  premiers  cou- 
vents ayant  été  achevés  avec  le  consenle- 
in r n t  de  l'archevêque  de  Sév 1 1 le  et  de  l'évêque 
de  Cadix,  la  comtesse  de  Castellar  alla  en  An- 
dalousie disposer  toutes  choses  pour  recevoir 
les  nouveaux  réformés,  qui,  s'étant  mis  en 
chemin  pour  aller  prendre  possession  de  ces 
deux  couvents,  reçurent  de  nouveaux  cha- 
grins à  Sévilie  de  la  part  des  religieux  de  la 
grande  observance,  qui,  étant  scandalisés'  de 
l'habillement  de  ces  religieux  réformés,  leur 
firent  malicieusement  entendre  que  le  défini- 
toire  d'Aragon  avait  envoyé  ordre  de  les  ar- 
rêter et  de  les  obliger  à  retournera  la  grande 
observance.  Mais  ces  avis  se  trouvèrent 
faux  ;  le  P.  Jean-Bapliste  et  quelques-uns  de 
ses  compagnons  se  rendirent  à  Almorayna 
pour  prendre  possession  de  ce  nouveau  cou- 
vent, où  ils  entrèrent  l'an  1603;  et  ce  cou- 
vent, qui  fut  dédié  à  Noire-Dame  des  Rois, 
fut  le  premier  de  la  réforme.  Les  autres  com- 
pagnons duP.  Jean-Bapliste,  auxquels  le  géné- 
ral avait  donné  pour  commandeur  le  P.  Jean 
de  Saint-Joseph,  entrèrent  dans  celui  de  Viso 
le  25  janvier  de  l'année  suivante,  160i.  Ces 
deux  nouveaux  couvents  furent  bientôt  rem- 
plis des  principaux  religieux  de  l'ordre,  qui 
s'y  retirèrent  pour  y  vivre  dans  l'étroite  ob- 
servance. Le  nombre  s'étant  augmenté  ,  la 
comtesse  de  Castellar  fonda  un  troisième 
couvent  dans  sa  terre  de  Hiba«,  comme  elle 
l'avait  promis  aux  habitants  de  ce  lieu,  et  la 
même  année  le  P.  Jean-Bapliste  en  fut  pren- 
dre possession.  Il  se  fitencore  d'autres  fonda- 
tions quelques  mois  après,  l'une  à  Sévilie, 
l'autre  à  Rota,  et  dans  la  suite  ce  saint  réfor- 
mateur eut  la  consolation  de  voir  douze  au- 
tres fondations,  dont  les  plus  considérables 
furent  à  Madrid,  à  Salamanque  et  à  Alcala 
de  Hénarez.  11  s'en  fit  même  jusque  dans  la 
Sicile,  où  après  sa  mort  le  nombre  des  cou- 
vents est  devenu  si  considérable,  qu'on  en  a 
formé  une  province  particulière  sous  le  nom 
de  Saint-Raymond,  et  ceux  d'Espagne  ont  été 
divisés  en  deux  provinces. 

Dieu  fil  connaître  par  plusieurs  miracles  la 
saintetédu  P.  Jean-Bapliste,  qui,  après  avoir 
vécu  dans  sa  Réforme  quinze  ans,  mourut  à 
Madrid  dans  le  couvent  de  celle  Réforme,  au 


947 


DICTIONNAIRE  DES 


mois  de  mai  1618.  On  l'enterra  dans  !a  sépul- 
ture ordinaire  des  religieux  ;  mais  l'année 
suivante,  les  supérieurs,  à  la  sollicitation  de 
plusieurs  personnes  qui  avaieni  une  singu- 
lière vénération  pour  ce  serviteur  de  Dieu,  le 
levèrent  de  terre  pour  le  nieilre  dans  un  lieu 
plus  honorable.  L'on  trouva  son  corps  aussi 
entier  et  aussi  flexible  que  s'il  venait  de  mou- 
rir ;  sa  langue  était  encore  vernjeille,  et  Dieu 
permit  que  ce  saint  corps  restât  plusieurs  an- 
nées en  cet  état. 

L'habillement  de  ces  religieux  est  oembla- 
b!e  à  celui  des  Cirmes  Déchaussés,  excepté 
que  le  manteau  est  plus  long  (1  .  Ils  portent 
aus^i,  comme  ceux  de  la  grande  observance 
de  la  Met  ci,  l'écusson  des  armes  d'Aragon  sur 
leur  sr  a  j  >ii  la  ire,  et  leurs  sandales  sont  comme 
celles  des  capucins.  Paul  V  approuva  leur  Ré- 
forme l'an  1106.  Grégoire  XV,  l'an  1621,  les 
sépara  entièrement  de  ceux  de  la  grande  ob- 
SPivance.ct  Urbain  VIII,  la  même  année,  leur 
donna  nn  vicaire  général  de  leur  Réforme, 
qui  fut  le  I'.  Je.,u  Mar.otli,  surnommé  de  Saint- 
Joseph,  qui  a  beaucoup  étendu  celte  Réforme 
par  la  fondation  (le  plusieurs  couvents.  Il  y 
a  aus  i  des  religieuses  de  cette  Réforme  dont 
nous .  !  1 1  ns  parler  dans  le  paragraphe  suivant. 
Le  P.  Pierre  de  Sainte-Gécile  a  lait  l'Histoire 
de  cette  Reforme,  imprimée  à  Barcelone  i'an 
1669. 

Voyez  {'•Histoire  de  l'ordre  de  Noire-Dame 
de  la  Merci.  Bernard  de  Vergas,  Chron.  •ncr. 
et  milït.  ord.  B  M.  de  Mircede,  lom.  H,  §  5 
et  6.  cdro  de  S.  Cecilia,  Annal,  de  l'ord.  de 
Descalcos  de  N-  S.  de  la  Merced.  Redemtion 
de  capiivos. 

§  IV.  Des  religieuses  de  l'ordre  de  Notre- 
Dame  de  la  Merci,  tant  de  la  grande  obser- 
vance gue  Déchaussées. 
Si  on  avaii  égard  au  temps  de  l'établisse- 
ment du  tiers  ordre  de  la  Merci,  il  devrait  élre 
appelé  le  second,  ordre,  puisqu'il  a  é!é  établi 
avant  les  religieuses  du  même  ordre,  qui  for- 
ment néann  (uns  !:-  second  ordre;  mais  il  est 
juste  que  des  personnes  séculières,  qui  ne 
sont  engagées  à  un  étal  que  par  des  vœux 
simples,  cèdent  la  ;  ré-éance  à  ççlles  qui 
sont  consacrées  à  Dieu  par  des  vœux  solen- 
nels. Les  prem  ères  religieuses  de  l'ordre  de 
la  Merci  furent  établies  à  Séville  l'an  1568. 
L'iitvirumi  nt  dont  Dieu  se  ser-.il  pour  ce  su- 
jet fut  le  P.  Antoine  Vt  l.isco,  religieux  du 
même  ordre.  Plusieurs,  personnes  des  pre- 
mières familles  de  la  ville  de  Séville  s'étant 
mises  sous  sa  conduite  et  sa  direction,  il  y 
eut  entre  les  autres  trois  dames,  dans  les- 
quelles il  remarqua  un  si  grand  détachement 
(les  choses  de  la  terre,  une  union  si  grande 
avec  Dieu  et  un  si  violent  désir  d'aspirer  à 
une  vie  plus  parfaite,  qu'il  crut  que  Dieu  les 
avait  choisies  pour  ê|re  les  pierres  fonda- 
mentales d'un  nu  nastèie  de  religieuses  de 
Notre-!  >àme  de  la  Merci,  qu'il  se  sentait  in- 
térieurement inspiré  de  bâtir  pour  servir  de 
retraite  à  quint  lé  de  tilles  vertueuses  qui 
soupiraient  depuis  longtemps  après  celle  oi> 

(1)  Yoy.,  à  la  fin  du  vol.,  g*  257, 


ORDRES  RELIGIEUX.  9 '8 

casion.  Il  recotnmanda  cette  affaire  à  Dieu, 
et  après  avoir  longtemps  jeûné,  prié,  et  pra- 
tiqué de  rigoureuses  pénitences,  et  dans  le 
temps  qu'il  prenait  la  résolution  de  commu- 
niquer son  dessein  à  ces  dames,  qui  se  nom- 
maient Marie  Çapata,  Béatrix  de  las  Roelas 
et  Françoise  Martel,  un  jourde  l'Assomption 
de  la  sainte  Vierge,  elles  le  firent  appeler  à 
l'église,  et  lui  dirent  que  Dieu  leur  avait  in- 
spiré la  pensée  de  fonder  un  monastère  pour 
des  religieuses  de  l'ordre  de  Notre-Dame  de 
la  Merci,  et  de  le  dédier  sous  le  nom  de  l'As- 
sompli  >n  de  Notre-Dame. 

Le  l'ère  connut  pour  lors  que  le  dessein 
qu'il  a1, ail  projeté  venait  de  Dieu;  il  leur  dé- 
clara ce  qu'il  avait  fait  depuis  longtemps 
pour  obtenir  celte  grâce  du  ciel,  il  les  fortifia 
dans  leur  résolution,  et  si;  chargea  de  solli- 
citer les  permissions  nécessaires.  Los  ayant 
obtenues,  tant  du  grand  vicaire  de  l'archevê- 
que de  Séville,  que  du  provincial  de  Castillc  , 
il  crut  que,  pour  rendre  cet  établissement 
plus  solide,  ii  fallait  le  faire  confirmer  par  le 
saint-siège  Ces  dames  dépêchèrent  un  gen- 
tilhomme à  Rome  au  bienheureux  Pie  V,  qui 
gouvernait  pour  lors  f Eglise  universelle, 
pour  le  prier  d'agréer  la  fondation  de  ce  mo- 
nastère. Le  pape  y  consentit  et  fil  expédier 
une  bul  e  au  mois  de  mai  1568,  par  laquelle 
il  l'approuvait  et  y  donnait  son  consente- 
ment. 

Sitôt  qu'elles  eurent  reçu  celle  bulle,  elles 
achetèrent  une  grande  place  proche  le  cou- 
vent des  religieux  de  la  Merci  pour  la  com- 
modité du  confesseur,  et  elles  y  firent  bâtir 
une  église  avec  le  monastère.  Pendant  que  les 
ouvriers  travaillaient  au  bâtiment,  le  P.  Vé- 
lasco  dressa  les  constitutions  que  les  reli- 
gieuses devaient  observer  ;  il  les  envoya  au 
chapitre  général  de  Guadalaxara,  qui  se  tint 
l'année  suivante,  1569.  Lcchapitre  donna  une 
commission  à  quelques  religieux  pour  les 
examiner;  et  le  monastère  étant  achevé,  les 
trois  dames  fondatrices  y  entrèrent  avec 
quelques  jeunes  demoiselles.  Le  P.  Vélasto 
en  fut  établi  vicaire  perpétuel  ;  il  leur  donna 
pudiquement  l'habit  de  l'ordre,  et  deux  ans 
après  le  provincial,  dans  la  visite  qu'il  fil  de 
ce  cornent,  ratifia  et  confirma  les  professions 
de  celles  qi  i  avaient  prononcé  leurs  vœns. 

Il  y  a  eu  dans  ce  monastère  plusieurs  reli- 
gieuses d'une  vertu  éminente,  dont  les  prin- 
cipales ont  été,  la  B.  Aune  de  la  Croix,  qui  >  n 
a  été  première  supérieure;  la  Mère  Antoinette 
de  l'Assomption  de  la  maison  d'Aguilar,  la 
Mère  Augiisliiie.  Menriqucz,  la  Mère  Anne 
des  Rois,  et  la  B.  sœur  Marie  de  la  Résurrec- 
tion. 

Comme,  peu  de  temps  après  que  le  P.  Jean- 
Baptisle  eut  établi  la  Réforme  des  religieux 
de  la  Merci,  on  établit  aussi  des  mon  slères 
de  religieuses  de  cette  même  Réforme,  la 
Mère  Clémence  de  la  Sainte  Trinité  fut  tirée 
du  monastère  de  l'Assomption  deSéville  pour 
aller  fonder  le  premier  monastère  des  re  i- 
gieuses  Déchaussées  ou  de  la  ltcrulleciiun.il 
fut  établi  à  Lora,  qui  en  a  produit  plusieurs 


919                                  MER  MIR                                   g.W 

nuire»,  comme  à  Séville,  où  il  y  en  à  encore  dont  on  peut  voir  là  description  dnns  le  Ta- 

un  de  celte  Héfornie,  deux  à  Madrid,  dont  l'un  bleau  d?   Paris,   de  M.  de  Saint-Victor.  Les 

a  été  fondé  en   DS65,  par  le    roi'  d'Espagne  religieux  étaient  au    nombre  de  trente-,  iinr, 

I'Iiilippe   IV,  eu   l'honneur   de  l'immaculée  vers  le  milieu  du  dernier  siècle,  dans  cette 

Conception.  Il  y  en  a  ni  ore  d'autres  à  Fuen-  communauté,  où  se  faisait  le  noviciat.  Tour 

tes,  à  Arrhos,  à  Marchène.  à  Ezicha  eh  An-  ce  noviciat  et  pour  la  prise  d'habit,  les   reli- 

dalousie,  à  Thoro  et  Sanjaéo  en  t'aslille,  et  gieux  prenaient   500  livres.    Il    fallait,  dans 

en   plusieurs    anlres   lieux.   Ces   religieuses  celte  maison,  que  chaque  religieux   fournit 

sont    habillées   comme    les   religieux  (1),   et  au  moins  150  livres  de  pension  viagère.  Les 

après  avoir  prononcé   les  trois  \reux  éssep-  religieux  avalent,  en  reconnaissance  de  leur 

tiels  rie  religion,  elles  ajoutent  :  Jtproinets,  établissement,   l'honneur    rie   présentera  la 

en  tant  iÈue  mon  état  le  peut  permettre,  de  va-  reine  un   cierge  la  veille  rie  la  Purification. 

quer  eux  chose*  qui  regardent  le  rachat  des  La  maison  de  la  rue  des  Sept-Voies,  qui  ser- 

captifs,  et  de  donner  ma  vie  pour  eux,  s'il  est  vait  de  collège  destiné  aux  éludes  de  la  Sor- 

né'cesgiiire.  Le  P.  Bonanni,  parlant  des  reli-  bonne,  avait  été  fondée,  en  1-250,  par  Àlïain 

gieusés  de  la  Merci  de  la  grande  observance,  d'Albert,  fait  inconnu  à  M.  rie  Saint-Victor, 

les  a  confondues  avec  les  filles  du  tiers  ordre,  Le  général  de  l'or  Ire   a   toujours  été  à  Ma- 

dont  nous  allons  parler  dans  l'article  suivant,  drid,  mais  probablement,  depuis  la  suppres- 

Voyez  les  auteurs  ci-devant  cités,  et  le  P.  sion   faite  cb  Espagne,  la  supériorité  a   é:ô 

Bonanni,  Calahxj.Ord.  retig.,  part.  ir,nng.87.  donnée  au  vicaire  général,  résidant  à  Borne, 

L'ordre  de  la  Merci  avait  pris  une  certaine  qui  était  récemment  le  B.  P.  Thomas  Miquel  ; 

extension,    mais  fait    peu   de    sensation    en  le    procureur   général    était    le     P.    Michel 

France  :  il  y  avail  donc  plusieurs  provinces  Xianco  ,    vivant   peut-être    encore   l'un    et 

où  il  était  presque  inconnu.   M.  Gilles  de  la  l'autre  aujourd'hui. 

Baume  le  Blanc,  évéque  de  Nantes,  les  ap-  Nouvelles  Ecclésiastiques,  année   1738  33. 

pela  dans  sa  ville  épiscopale,  et  leur  donna,  —  Tableatt  de  Paris,  pnr  M.  de  Saint-Victor, 

en  1672,  une  maison  nommée  l'Ermitage  de  tome  IL  —  Etat  de  Paris,  par  M.  de  Benu- 

Saint-Similien  sur  les  Hauts-Pavés.  Ce  prélat  mont.   —  Les   Vies  des  sains  de  Bretagne, 

n'avait  fait  que  répondre  au  vœu  manifesté  tome  VI,  édition  de  M.  l'abbé  Tresvanx. 

par  la  province,  et  .s'était  assuré  du  consen-  B-d-e. 

lenient  des    étals   assembles    à    Nantes,    en  MEBCI   (Du   Tiers   Okdue   de   NoTUE-Dâ»H 

1G03;  mais  cet  établissement,  n'ayant  pas  été  de  la). 

autorisé  par  lettres  patentes  du  roi,  fut  dis-  Vers  l'an  12(15,  deux   femmes  illustres  de 

sous  au  bout  de  quelques  années.  la  ville  de  Barcelone,  veuves  rie  deux  gen- 

Lc  jansénisme  pénétrait  partout,  dans  les  tilshommes  très-con-idérables  de  la  pro- 
lieux surtout  où  les  é^êques  protégeaient  vince,  se  voyant  sans  enfants,  résolurent  do 
cette  erreur.  Quoique  les  Pères  de  la  Merci  triompher  du  monde  en  menant  une  vie  d:- 
n'aient  pas  donné  beaucoup  de  scandales  rectement  opposée  à  ses  fausses  maximes; 
sous  ce  rapport,  cependant  ceux  de  la  maison  l'une  s'appelait  Isabelle  Hcrti,  et  l'autre  Eu- 
de  Montpellier,  sous  l'épisçopat  de  Colbcrt,  lalie  Pins.  E  les  prirent  avec,  elles  quelques 
cédèrent  à  l'esprit  de  nouveauté  et  donné-  filles  qui  aspiraient  au  môme  genre  de  vie, 
rent  quelques  preuves  d'entêtement  sous  son  et  elles  se  logèrent  dans  une  maison  proche 
suceesseur,  M.  de  Charanci,  qui  chercha  à  le  couvent  desreligieux  de  la  Merci,  où,  après 
réparer  les  maux  causés  par  Colbert.  avoir  vaqué  aux  exercices  de  la  prière  et  de 

L'ordre  de  la   Merci  jouissait,  même  dans  l'oraison,  elles  employaient  nu  travail  tout  le 

le  xix'  siècle,  d'une  grande  considération  en  temps  qui   leur  restait,  pour  distribuer  aux 

Espagne.  Néanmoins  il  n'a  point  été  conservé  pauvres  le  profit  qu'elles  en  pouvaient  tirer, 

dans    les    suppressions     presque    générales  Pour   marcher    plus    sûrement    dats    les 

failes  par  les  révolutions  qui   ont   suivi   la  voies  du  ciel,  elles  choisirent  pour  lear  père 

mort  de  Ferdinand  VU,  si  ce  n'est  dans  les  spirituel  et  leur  confesseur,  le  bienheureux 

couvents  rie  femmes.  Bernard  de  Corbarie,  religieux  de  l'ordre  de 

Au  dernier  siècle,  il  y  avait  à  Borne  trois  la  Merci,  pour  lors  prieur  de  leur  couvent 
maisons  de  cet  institut  :  l'une  pour  les  reli-  de  Barcelone,  et  elles  firent  sous  sa  conduite 
gieux  Chaussés,  nommée  Saint-André  in  des  progrès  si  admirables,  que,  embrasées  du 
campo  Vaccino;  les  deux  autres,  nommées  désir  d'un  état  plus  parfait,  ces  deux  dames 
Saint-Jean  in  campo  Mcifzo  et  Sainte-Marie  lui  demandèrent,  au  nom  de  toutes  leurs  corn- 
ai i\Ionterone,  pour  'es  rcl  gieux  Déchaussés,  pagnes,  la  grâce  de  porter  l'habit  du  Tiers 
Les  religieuses 'dé  l'ordie  n'y  avaient  point,  Ordre  de  la  Merci,  à  l'imitation  des  Tier- 
croyons-nous,  d'établissement,  pas  plus  qu'à  ciaires  de  l'ordre  de  Saint-François  et  de 
Paris,  où  les  religieux  avaientrieux  maisons,  celui  de  Saint-Dominique.  Le  bienheureux 
l'une  rue  des  Sept-Voies,  ainsi  qu'un  col-  Bernard  de  Corbarie,  après  les  avoir  éprou- 
léj;e,  mais  qu'ils  furent  obligés  d'abandon-  vées  pendant  quelque  temps  ,  et  voyant 
ner  au  ilernier  siècle,  pressés  par  la  pau-  qu'elles  persévéraient  dans  lenrs  saintes  ré- 
vreté.  L'autre  était  située  rues  de  SJrac  solutions,  regarda  cela  comme  un  moyen 
et  du  Chaume,  et  l'on  voit  encore  les  ruines  que  Dieu  lui  fournissait  d'établir  un  Tiers 
de  cet  établissement,  où  l'on  avait  fait,  sur  Ordre  de  la  Merci;  il  le  proposa  dans  un 
les  dessins  de  Colard,  un  portrait  curieux,  chapitre  général  au  bienheureux  Guillaume 

(I)  Voij.,  à  la  fin  du  vol.,  n»'  238  ei  230. 


951 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


de  Bas,  deuxième  général  de  l'ordre,  qui,  du 
consentement  des  définileurs.lui  donna  com- 
mission pour  faire  cet  établissement,  et  re- 
cevoir publiquement  à  l'habit  ces  vertueuses 
dames  et  leurs  compagnes,  et  de  leur  pres- 
crire une  règle  et  une  manière  de  vie,  ce 
qu'il  exécuta  l'an  1263,  le  jour  que  l'Eglise 
célébrait  la  fêle  de  l'Annonciation  de  la 
sainte  Vierge,  en  présence  d'une  infinité  de 
personnes  de  la  ville  de  Harcelone.  A  l'offer- 
toire de  la  messe  qu'il  célébra,  il  fit  un  dis- 
cours sur  l'excellence  de  l'ordre  de  la  Merci 
et  sur  la  persévérance  que  ces  dames  avaient 
témoignée  pour  s'y  consacrer  au  service  de 
Dieu,  et  après  leur  avoir  donné  l'habit  de 
l'ordre,  il  les  exhorta  d'en  demander  l'es- 
prit à  Dieu  pour  contribuer  par  leurs  au- 
mônes, leurs  prières  et  leurs  larmes,  au  sou- 
lagement corporel  et  spirituel  des  pauvres 
esclaves  chrétiens,  et  de  s'exercer  sans  ré- 
serve aux  œuvres  de  miséricorde  pour  se- 
courir les  pauvres,  assister  les  malades,  vi- 
siter les  prisonniers,  et  pour  soulager  géné- 
ralement tous  ceux  qu'elles  verraient  dans 
la  misère  et  dans  l'indigence.  La  cérémonie 
étant  achevée,  toute  la  ville  les  reconduisit 
de  l'église  chez  elles,  où  elles  menèrent  dans 
les  exercices  de  ce  nouveau  Tiers  Ordre  une 
vie  si  sainte,  que  plusieurs  sont  mortes  ea 
odeur  de  sainteté. 

Entre  les  autres  fut  sainte  Marie  du  Se- 
cours, qui  fut  la  supérieure  de  celte  petite 
communauté,  et  reçut  la  première  l'habit  du 
Tiers  Ordre,  les  autres  lui  ayant  déféré  cet 
honneur  à  cause  de  son  éminente  sainteté. 
Elle  naquit  à  Barcelone,  l'an  1231,  de  pa- 
rents nobles  et  riches,  et  fut  nommée  Marie. 
Elle  commença  dès  son  enfance  à  aimer 
Dieu,  à  le  prier  avec  ferveur,  et  à  châtier 
son  corps  par  des  macérations  presque  in- 
croyables. Elle  fil  vœu  de  virginité  de  bonne 
heure  pour  se  dégager  de  toutes  les  pour- 
suites du  mariage,  et  par  la  protection  de  la 
sacrée  Vierge  sa  patronne,  elle  le  garda  jus- 
qu'à la  mort.  Ses  parents  l'ayant  laissée  hé- 
ritière de  très-grands  biens,  elle  n'en  fut  que 
l'économe  pour  les  distribuer  aux  pauvres, 
aux  prisonniers,  aux  malades,  aux  captifs  et 
à  toutes  sortes  de  nécessiteux.  Et  cette  cha- 
rité sans  bornes  lui  acquit  une  si  haute  ré- 
putation dans  Barcelone,  qu'on  lui  donna 
communément  le  surnom  de  Secours  au  lieu 
de  celui  de  sa  famille  que  les  historiens  ne 
marquent  point. 

Elle  fut  la  première,  comme  nous  avons 
dit,  qui  reçut  l'habit  du  Tiers  Ordre  de  la 
Merci,  et  quoique  les  historiens  de  cet  ordre 
donnent  à  celte  sainte  la  qualité  de  religieuse 
du  Tiers  Ordre,  aussi  bien  qu'à  celles  qui 
reçurent  l'habit  avec  elles,  il  y  a  bien  de 
l'apparence  qu'ayant  demandé  cet  habit  à 
l'imitation  des  Trerciaires  des  ordres  de  Saint- 
François  et  de  Saint-Dominique,  elles  ne 
s'engagèrent  comme  elles  qu'à  des  vœux 
simples,  et  non  pas  à  des  ?œux  solennels 
q"i  font  le  religieux,  et  qui  sont  un  enga- 
gement indissoluble  qui  le  lie  à  l'ordre  qu'il  a 
embrassé  et  l'empêche  de  retourner  dans  le 
monde,  au  lieu  que  le   véritable  esprit  des 


052 

Tiers  Ordres  établis  dans  l'Eglise  n'a  point 
élé  de  lier  ceux  qui  s'y  engageaient,  à  moins 
qu'ils  n'y  fussent  engagés  par  des  vœux  so- 
lennels, comme  il  est  arrivé  dans  les  Tiers 
Ordres  de  Saint-François  et  de  Saint-Domi- 
nique, <ù  il  s'est  trouvé  des  personnes  qui 
s'y  sont  consacrées  a  Dieu  par  des  vœux  so- 
lennels ;  ce  que  sainte  Marie  du  Secours  el 
ses  compagnes  ne  peuvent  pas  avoir  fait, 
puisqu'elles  auraient  été  véritablement  reli- 
gieuses ;  et  en  ce  cas  on  n'aurait  pas  appelé 
leur  ordre  le  Tiers  Ordre,  et  l'on  n'aurait 
pas  donné  le  second  rang  dans  l'ordre  de  la 
Merci  à  celles  qui  furent  établies  dans  le 
monastère  du  l'Assomption,  l'an  1568,  près 
de  trois  cents  ans  après  l'établissement  de  ce 
Tiers  Ordre.  Il  ne  faut  pas  croire  que  les  re- 
ligieuses du  monastère  de  Séville,  et  celles 
qui  les  ont  imitées  dans  ce  genre  de  vie, 
aient  eu  la  préséance  au-dessus  de  celles  du 
Tiers  Ordre,  à  cause  qu'elles  ont  gardé  la 
clôture;  car  il  y  a  un  grand  nombre  de  reli- 
gieuses dans  l'ordre  de  Saint-François  et  de 
Saint-Dominique  qui  sont  du  second  ordre, 
sans  néanmoins  garder  la  clôture,  se  con- 
formant aux  usages  des  pays  où  elles  sont 
établies;  el  si  sainte  Marie  du  Secours  et  ses 
compagnes  ont  vécu  en  communauté,  elles 
ne  doivent  pas  pour  cela  élre  appelées  reli- 
gieuses, puisque  nous  voyons  tous  les  jours 
des  Tierciaires  vivre  en  communauté,  comme 
les  Bons-Fils, qui  sont  duTiersOrdredeSaint- 
François.quiont  des  églises  ouvertes,  qui  pra- 
tiquent toutes  lesobservances  de  la  vie  régu- 
lière, et  qui  néanmoins  ne  sont  pas  religieux. 
Au  reste,  ce  Tiers  Ordre  de  la  Merci  est  peu 
connu  présentement;  nous  ne  voyons  pas 
même  que  les  historiens  de  la  Merci  en  aient 
beaucoup  parlé.  Ils  se  sont  contentés  de 
donner  la  vie  de  sainte  Marie  du  Secours,  qui 
en  areçu  la  première  l'habit,  et  à  qui  ils  don- 
nent sans  fondement  la  qualité  de  religieuse. 
Celle  sainte  mourut  à  Barcelone,  l'an  1281, 
et  fut  enterrée  dans  l'église  des  religic-ux  de 
la  Merci,  où  il  s'est  fait  plusieurs  miracles  à 
son  tombeau.  Ce  sacré  corps  est  encore  tout 
entier,  aussi  bien  que  celui  du  bienheureux 
Bernard  de  Corbarie,  son  directeur,  il  est 
maintenant  dans  une  châsse,  enfermé  sous 
quatre  clefs,  dont  l'une  est  entre  les  mains 
de  l'évêque,  l'autre  dans  le  dépôt  du  courent, 
la  troisième  est  gardée  par  les  députés  du 
comté  de  Catalogne,  et  la  quatrième  à  la 
disposition  des  consuls  de  la  ville. 

Voyez  la  Vie  de  sainte  Marie  du  secours 
par  le  P.  Auvri,  les  Annales  et  les  Chroni- 
que* de  l'ordre  de  la  Merci. 

MÈRE  DE  DIEU  (Clercs  Réguliers  de 
la).  Voy.  Ecoles  pieuses. 

MESSINE.  Votj.  Bourbourg. 

Voyez  la  Fie  de  sainte  Marie  du  Secours, 
par  le  P.  Auvri,  les  Annales  el  les  Chroni- 
ques de  l'ordre  de  la  Merci. 
MÉTRO  DE  LA  PÉNITENCE  DES  MARTYRS 
(Chanoines  Réguliers  de  Notre-Dame  dej. 

Il  y  a  drs  auteurs  qui  ont  confondu  l'ordre 
de  Notre-Dame  de  Métro  de  la  Pénitence  des 
Martyrs,  avec  un  ordre  supposé  de  Sainl- 
Démetrjus  ;  el  d'autres  eu  ont  fait  deux  or- 


955                                     MET  MET                               834 

dres  séparés.  Le  P.  Louis  Torelli,  religieux  de  Prague,  de  Sainl-Barthélemi  de  Poderabi 

de  l'ordre  de  Saint-Augustin,  dans  l'Histoire  et  de  Sainte-Mario   d'Orlitz  au  diocèse  de 

générale  de  S"n    ordre,   qu'il   commença  à  Prague,   d..    Saint  Marc  à    Crncovie,   cl  de 

donner  au  public  en  1675,  parle  de  celui  de  Sainle-Marie   au    diocèse    de  Cracovie.   Ils 

Saint-Déniéirius,   fondé,  à   ce  qu'il   dit,   en  n'ont  néanmoins  qu'une  copie  de  cette  bull:, 

Pologne    par   quelques    personnes    pieuses,  dont  ils  disent  que  l'original  ;i  été  perdu  ; 

vers  l'an  1200,  confirmé  par  le  pape  Alexan-  c'est  ce  qui  obligea  le  général  de  cet  ordre, 

dre  JV,  et  prélcnd  que  ces  religieux  porlent  l'an  1507,  d'avoir  recours  au  pape  Jules  II. 

des  habils  gris,  sur  lesquels  il  y  a  une  croix  duquel  il  obtint  une  bulle  où  celle  de  Boni- 

snriin  cœur.  fice  VIII   est    insérée,   cl   Jules   II  ordonna 

Le   P.   Jérôme  Roman,  aussi  religieux  de  qu'on  y  ajouterait  autant  de  fui  qu'à  l'origi- 

l'ordre   des    Ermites   de  Saint-Augustin,  dit  nal  :  il   ;i voue  néanmoins  que   l'on  n'a  nu- 

qu'il  y  eu  a  un  sous  le  nom  de  la  Pénitence  cune  connaissance  à    Rome  de   celle  église 

des  Martyrs,  fondé  en  Italie  sous  le  pontificat  de  Notre-Dame  de  Métro,  ni  du  lieu  où  die 

de  Clément  V,  l'an   1232,  dont    l'institut  est  élait  située,  cl  que  ce  que  l'on   en   sait,    ce 

de  loger  les  pèlerins,  et  -que  cet  ordre  s'est  n'est  que   par  la  copie  de  la  bulle  de.  Boni- 

lellement  agrandi,  qu'il  a  été  il i visé  en  dix-  face  :  Ucct  de  dicta  ecclesia  Beatœ  Mariœde 

huit  provinces,   ce  qu'il  a  lu,  dit-il,  dans  un  Métro,  prœlerquam  per  dictum  Iransumptum, 

livre  qui  lui  fut  envoyé    en  Espagne  par  un  nulla   penitus  votitia  hahentnr,  et  lotus  ubi 

religieux  de  cet  ordre  ;    il  ajoute  qu'il  y  en  dicta  ecclesia  fundala  fuerat  non  reperiatur. 

avait  deux  monastères  dans  le  royaume   de  Cependant  il  confirme  ces  religieux  dans  la 

Galice,  l'un  à  Sarria  et  l'autre  à  Arzua,  qui,  possession  des  monastères  ci  des  biens  énon- 

par  ordre  du  pape  Pie  V  et  de  Philippe  II,  ces  dans  celle  prétendue  bulle  de  Bonifnce 

roi  d'Espagne,  furent  incorporés,  l'an  1567,  VIII,  et  dans   la    possession  de  ceux  qu'ils 

à  l'ordre  des  Ermites  de  Saint-Augustin.  avaient  acquis  depuis,  dunt  il  fait  le  dénoin- 

Herrera,  qui  est  encore  un  religieux  du  brement ,    qui     n'est    pas    néanmoins    bien 

même  ordre,  dit  aussi  que  celui  de  la  Pén-  grand,  car  il   ne  consiste   que  dans  les  me— 

tence  des  Martyrs  fui  fondé  en  Italie,  comme  naslères  de  Sainte-Croix  de  Bistryka  en   Li- 

il  paraît  par  des  litres  qui    sont  conservés  Ibuanie,  de  la  Saine-Trinité  de  Miedniki,  et 

dans  ces  deux  couvents;   que  ces  religieux  de  la  Sainte-Trinité  de  Twcrcc  au  diocèse  de 

portaient   un   habit   blanc  avec    une    croix  Vilna. 

rouge;  et  que  d'Ilalie  cet  ordre   avait  passé  Quoique  ce  monastère  de  Noire-Dame  de 

en  Espagne,  par  le  moyen  de  deux  religieux  Métro  à  Rome,  qui  était  chef  d'ordre  de  i  es 

qui   y  étaient   venus  visiter  le  corps  de    l'a-  religieux  ,  fût  inconnu  au  pape  Jules  II,  qui 

pôlre  saint  Jacques,  el  y  avaient   fondé  les  avoue   même  qu'on   ne  sait  pas  le  lieu  où  il 

monastères  de  Sarria  et  d'Arzua;  et   Pierre  était  situé,  le  général  qui   s'adressa  à  lui  ne 

Crescenze  dislingue  aussi  l'ordre  de  Saint-  laissa  pas  de  prendre  le  litre  de  prieur  de  ce 

Démélrius  d'avec  celui  de  la  Pénitence  des  couvent,  comme  il  est  porté  par  la   bulle  de 

Martyrs.  ce  pontife  :  Sane  pro  parte  dilecti  filii  Joan- 

II  est  certain  que  ceux  qui  ont  supposé  nis prîùris  ecclesiœ  S.  M.  Demelri  de  Urbe, 
qu'il  y  avait  un  ordre  de  Saint-Démélrius  ordinis  S.  Augustini  et  ejusrtem  ordinis  pe- 
sé sont  trompés,  et  que  celui  qui  a  le  pie-  neralis,  nobis  nuper  exhibita  petitio  covti- 
mier  erré  en  cela  el  fait  tomber  les  aulres  n^bat.  On  aura  peine  à  comprendre  comment 
dans  l'erreur,  aura  sans  doute  pris  S.  M.  De  ce  couvent  de  Rome,  chef  d'un  ordre  si  con- 
Metro  pour  saint  Démélrius.  Car  le  vérita-  sidérable,  qui  était  divisé  en  dix-huit  pro- 
ble  nom  de  l'ordre  de  la  Pénitence  des  Mar-  Vinces,  selon  quelques  auteurs,  ait  tout  d'un 
lyrs  est  celui  de  Sainte-Marie  de  Métro  de  coup  disparu,  sans  qu'il  soit  même  resté  au- 
Romc,  de  la  Pénitence  des  Martyrs.  cune  mémoire   du    lieu  où  il  était   situé,  et 

L'on  ne  peut  ajouter   foi   au    P.   Roman,  que  Jules  II  ail   Ci  u  si   aisément    ce   que  ce 

lorsqu'il  dit    que  cet   ordre    fut  fondé    l'an  général  lui  avait  exposé.    C'est  ce  qui    doit 

1232,  sous  le  pontifical  de  Clément  V,  puis-  rendre  suspecte  celte  bulle  de  Roniface  VIII 

que  le  pape   Grégoire  IX  gouvernait  pour  el  celle  de  Jules   H  où  elle  est  insérée,   et 

lors  l'Eglise,  et  que  Clément  V  ne  succéda  à  dont  j'ai    une  copia  qui  m'a  été  envoyée  de 

Benoît  que  l'an  130i.  On   ne  peut  pas  croire  Pologne. 

non  plus  que  cet  ordre  ait  élé  si  puissant  en  Quoique  ce  soit  le  seul  litre  que  ces  reli- 

lialie  et  divisé  en  dix-huit  provinces  ;  puis-  gieux  puissent  produire,    ils  oui   néanmoins 

qu'il  a  toujours  élé  peu  connu,  et  que  les  bien  d'autres  prétentions  touchant  leuranti- 

iiisloriens  en  ont  fait  peu  de   mention,  n'y  quilé.  Ils  disent ,  aussi  bien  que  les  Croisiers 

ayant  même    présentement   aucun  couvent  ou  Porte-Croix  (  Yoy.  Croisiers),  que  saint 

de  cet  ordre  en  Italie.  S'il  y  en  avait  eu  tant  Ciel,  l'an  78,  a  été  leur  instituteur;  que  sa  ni 

de  maisons  et  qu'elles  eussent  été  divisées  en  Cyriaquc,  évêque  de  Jérusalem,  a  été  le  r.  s- 

dix-huil  provinces,  elles  auraient  été  énon-  lauraleur  de  leur  ordre;  qu'ils  ont   eu    pour 

cées  dans  une  prétendue  bulle  du  pape  Boni-  législateur  saint  Augustin,  dont  la  règle  leur 

face  VIII  de  l'an  1295,  qui  est  le  plus  ancien  a  été  donnée  par  les  souverains  pontifes  ré- 

litre  que  les  religieux  de  cet   ordre  puissent  cents;    que    leur    ancien    habillement    élait 

produire;  et  dans  celle  bulle  il  n'y  est  parlé  celui  des  Chanoines  Réguliers  :  qu'ils  por- 

que  du  monastère  de   Métro  de   la  ville  de  taienl  une  croix  d'argent,  et  que  i.iuelqucs  uns 

Rome,    de  Sainle-Elisabcth  d'Ailesphet,  de  prétendent  que  celle  croix  leur  avait  élé  don- 

Saint-Pierre  de  l'île  de ,  de  Sainle-Croix  née  par  saint  Cyriaquc,  en   mémoire  de  la 


955                                         D1CT10NNAIUE  DLS  I  L'.DUtS  RELIGIEUX.                                         956 

vraie  croix  de  Notre-Seigncur  Jésus-Christ  du  B.  Ladislas,  de  l'ordre  de  Saint-François, 

qu'il  avait  trouvée  :  Institutor  noster  S.  Cle-  H  dans  le  proeès-vèrbal  de  la  translation  du 

lue  papa,   restaurator  S.  Cyriacus  episcopiis  corps  du  B.  Michel   Gedroc   de    leur  ordre  , 

Hierosolymitanus,    et    tandem    legislator  S.  signé  par  tous  les  religieux    de  leur  couvent 

Auguslinus,    cujus    regulam  a   re.centioribus  do  Cracovie,   dont  nous  parierons   dans   la 

pontifeibus    sust  cpimics.  Çrucis   argentea  et  suite. 

universi  canonici  habitus  antiqùissimus  nobis  L'on  ne  peut  donc  rien  dire  de  certain 
usus  :  sunt  etiam  nonnulli  qui  crucem  nobis  a  touchant  l'origine  de  ces  Chanoines  que  l'on 
■S.  Cyriaco,  in  memoriam  inventa  per  eum  appelle  communément  en  Pologne  ,  de  S  iin'« 
erucis  dominicœ,  datam  fuisse  assever-ant.  Marc,  à  cause  que  leur  monastère  de  Cra* 
C'est  ainsi  qu'un  religieux  de  cet  ordre  décrit  covie  ,  qui  est  le  principal  de  ceux  qu'ils  ont 
leur  origine  dans  un  livre  imprimé.)  Yilna,  et  en  ce  royaume,  est  dédié  en  l'honneur  de 
qui  a  pour  titre  :  Opu*  miscremis  Dei.  saint  Mare  l'Evangêliste.  C'est  pourquoi  l'au- 
Nous ne  nous  arrêterons  pointa  réfuter  leur  de  la  Vie  du  B.  Michel  Gedroc  dit  qu'il 
ces  fables,  et  on  peut  voir  ce  que  nous  en  entra  dans  l'ordre  de  Saint-Marc.  Tous  les 
avons  dit  à  l'art.  Croisiers.  Mais  cet  auteur  historiens  polonais'qui  ont  parlé  de  ces  re- 
en  ajouie  encore  de  plus  grossières  pou.  jus-  ligieux  conviennent  qu'ils  furent  reçus  dans 
tiiier  le  litre  qu'on  leur  donne  de  Chanoines  ce  royaume  l'an  1257  ,  et  que  ce  fut  Boleslas 
Béguli  rs  de  Sainte-Marie  de  Métro  de  Borne,  le  Chaste  ,  duc  de  Cracovie  et  de  Sandomir, 
de  la  Pénitence  des  Martyrs.  Il  dit  qu'ils  sont  qui  les  établit  à  Cracovie  ,  leur  ayant  donné 
appelés  Chanoines  Réguliers,  à  la  différence  l'église  de  Saim-Marc,  qu'il  avait  fondée 
des  Moines,  parce  que  leur  ordre  a  paru  le  depuis  peu  ;  et  Dugloz  ajoute  que  ces  reli- 
premier  dans  l'iïglise  après  les  apôues,  et  gieux  avaient  été  institués  par  le  pipe  Ale- 
qu'on  leur  a  donné  la  conduite  des  âmes  ;  xandre  IV,  qui  succéda  à  Innocent  IV  l'an 
que  l'on  ajoute  de  sainte  Marie  Demètri  (il  125V.  Mexanler  papa  IV  nàvafn  relig  omm 
ne  met  pas  de  Métro)  à  cause  du  scapu'aire  Mindicantium  de  Pœnitentia  Martyrum  insti- 
que  la  sainte  Vierge  donna  à  saint  Dcmé-  tuil  ,  cujus  ffatres  et  professores  Cracoriam 
trios,  consul  romain,  qui,  ayant  été  reçu  advenientes,  Boleslaus  Pudicus  Cracoviensis 
dans  l'ordre  par  saint  Clet,  l'amplifia  dans  et  Sandomiriensik  dux  bénigne  appellatns 
sa  propre  maison;  de  Rome,  parce  que  c  t  sus'eipit;  et  ecctesia  in  soncti  Marci  Évange- 
ordre  fut  le  premier  confirmé  pnr  le  sain!-  lista  honorent  de  novo  fundata  tllis  locum 
siège,  et  qu'il  a  été  le  premier  qui  a  eu  des  Crucovia  cotitultt  anuoiï'iT.lly  t\  néanmoins 
monastères  dans  celte  vile  ;  de  la  Pénitence,  quelques  autres  auteurs  qui  disent  que  cet 
tant  à  cause  que  dans  le  temps  de  la  perse-  ordre  fui  insl  tué  l'an  1250  ,  comme  on  lit 
cation  les  religieux  de  cet  ordre  se  cachaient  dans  la  seconde  continuation  de  la  Chroni- 
da  s  les  boisel  dans  les  cavernes, qu'à  cause  que  de  Thierry  d  Engelhusen,  rapportée  par 
que  jusqu'au  temps  de  la  persécution  ils  M.  de  Lciimitz  dans  le  second  tome  de  son 
avaient  été  les  Pénitenciers  du  pape  ;  et  enfin  Recueil  des  écrivains  de  Brunswick. 
des  BB.  Martyrs,  à  cause  du  grand  nombre  de  Outre  le  monastère  de  Saint-Marc  de  Cra- 
ces  religieux  qui  répandirent  leur  sang  pour  covie,  ces  religieux  en  ont  encore  quatre 
la  défense  de  la  foi.  Ces  religieux  avouent  autres  en  l'o'ogne  et  un  plus  grand  nombre 
néanmoins  que  de  ce  grand  nombre  de  m ar-  en  i.itliuanie  ,  dont  les  plus  considérables 
lyrs  ils  n'ont  seulement  connaissance  que  S0l,t  ceux  de  Miedniki,  fondé  par  Jagellon 
de  six,  qui  sont  saint  Démétrius,  consul  ro-  dans  le  palaiinat  de  Vjlna ,  Widzinieiszki , 
main,  saint  idde  ,  saint  Raynauld  ,  saint  Twcrc  cl  Mikaliski.  Ils  en  ont  aussi  quel— 
Li  ère,  saint  Concesse,  saint  Ventura  de  Spo-  ques-uns  en  Bohême,  dont  un  à  Prague.  Le 
leite.ei  saint  Cyriaque,  évoque  de  Jérusalem,  prévôt  de  celui  de  Widzinieiski  adro.l  de  se 
C  est  ce  qui  est  aussi  marqué  dans  ce  livre  servir  d'ornements  pontificaux, 
qui  a  pour  litre  :  Opas  wiserentis  Dei,  que  je  Ces  religieux  ont  aussi  îles  cures  qu'ils 
n'ai  point  vu,  mais  dont  on  m'a  erivqye  un  desserrent.  Leur  habit  consiste  en  une  sou- 
extmit  fidèle,  la  personne  qui  me  l'a  envoyé  la  ne  blanche  et  un  scàpùlaire  de  même  cou- 
ayant  eu  soin  de  marquer  les  pages,  et  elle  leur,  sur  lequel  il  y  a  uneceur  surmonté  d'une 
ajoute  :  Ifœc  retulisse  sufficiat,  super  quibus  croix  rouge.  Lorsqu'ils  sortent  ils  mettent 
vin  pruilentis  ac  eruditi  esto  judicium,  regar-  une  soutane  ou  veste  noire  qui  cache  leur  ha- 
dant  aussi  comme  une  chimère  ces  préten-  bit  blanc,  et  dans  les  fonctions  ecclésiasti- 
lions.  ques  ils  ont  un  surplis  cl  une  mjnzclle  blan- 
C'est  apparemment  à  causo  de  ce  saint  che  ou  camail  par-dessus.  Le  P.  Athanase  de 
Démétrius,  consul  romain,  qui  n'a  jamais  Sainte-Agnès,  le  P.  Torelli  et  Cresïenzè', 
exisié,  n'y  ayant  point  eu  de  consul  de  ce  disent  que  leur  tunique  ou  robe  est  grise, 
nom  sous  les  empereurs  Néron,  lialba,  Us  peuvent  en  avoir  porté  autrefois  de  cette 
Olhon  et  les  autres,  sous  l'empire  desquels  couleur;  mais,  selon  les  mémoires  qui  m'ont 
saint  Clet  a  pu  vivre,  tant  a\ant  que  pen-  clé  envoyés  de  Pologne  en  1704  et  1710, 
dant  snn  pontificat,  que  ces  religieux  pren-  leur  habit  est  tel  que  je  le  décris  (1). 
nenl  dans  leurs  qualités  celle  de  Chanoines  H  y  en  a  qui  doutent  s'ils  sont  véritable— 
Régulirs  de  Sainte-Marie  Demetri,  au  lieu  oient  Chanoines  Réguliers.  Penot  elle  Paige 
do  de  Métro,  comme  ils  sont  appelés  par  des  leur  donnent  néanmoins  ce  titre  ,  et  c'est 
historiens    polonais,   par  1  auteur  de  la   Vie  peut-être    la    qualité    de    mendiants    qu'ils 

(1)   Vûi/.,  à  la  lui  du  vol..  nos  240   ei  -il. 


W  MIC  MIC  958 
prennent,  ou  du  moins  qu'ils  prenaient  au-  ses  volontés,  et  d'ailleurs  il  aurait  attendu 
trefois,  qui  les  aura  l'ait  exclure  par  quel-  un  peu  tard  à  les  suivre,  puisque  ce  ne  fut 
ques-uns  de  l'ordre  canonique.  Celle  qualité  que  l'an  1469,1e  neuvième  (lé  son  règne, 
de  Chanoines  Réguliers,  conjointement  avec  qu'il  institua  cet  ordre  dans  le  château  d'Am- 
ie nom  de  mendiants,  leur  est  cependant  boise.  11  ordonna  qu'il  n'y  aurait  que  trente- 
donnéedans  le  procès-verbal  de  la  transla-  six  Chevaliers:  il  n'en  créa  d'abord  que 
lion  du  corps  du  B.  Michel  Gedroc,  religieux  quinze,  s'étant  réservé  dé  nommer  les  autres 
île  i  et  or. Ire  ,  faite  l'an  H>2V  par  un  éyêque  au  premier  chapitre;  mais  le  nombre  des 
île  Laodicée  suffrigant  de  Cracovie  :  Thomas  trenle-si\  ne  fut  point  rerpnli  sous  son  règne. 
Oborsik  ipiscopus  Laodicensis  suffraganeus  et  Les  quinze  premiers  qu'ii  honora  de  c  l  or- 
Canohieits  Cracoriensis  piw  posteritati.  Ad  dre  furent  Charles  ,  duc  de  doyenne  ;  Jean  , 
l)ei  omnipotent!*  glonam  m  jorem  et  sancto-  duc  de  Bourbonnais  et  d'Auvergne  ;  Louis 
rum  ejus  honorent,  nutum  fucimus  et  lestmnur  de  Luxembourg,  comte  de  Saint-Paul  ,  con- 
nos  rogtitos  fuisse  are!  igiosis  Patribus  ordinis  nétahle  de  France;  André  de  Laval  ,  maré- 
l'anonuorum  ]{■  gnlariuni  Mendicantium  S.  ch  I  de  France  ;  Jean  ,  comte  de  Sancerre  ; 
Alarite  de  Melio  de  Pœnitentin  scinctorttm  Louis  de  Reaumont  ,  seigneur  de  la  Forêl  et 
M  art  if  rum,  ut  ossa  et  cine>es  servi  Dei  li.  du  l'Iessis  ;  Jean  d'Kstouleville  ,  seigneur  de 
Miclutelis  Gedroc  ordinis  prœdicti ,  in  templo  ïoicy  ;  Louis  de  Laval  ,  seigneur  de  Chùlil- 
eorumdem  religiosorum  Craroviœ  S.  Mai  co  Ion  ;  Louis  ,  bâtard  de  Bourbon  ,  comte  de 
dicato  sepulli ,  e  scpulero  veteri  ob  majus  Roussillon,  amiral  de  France  ;  Antoine  de 
fidelium  commodttnt  leraremus,  etc.  (Apud  Cbabannes,  comte  de  Dammartin,  grand  maî- 
Bolland.,  lom.  I  Maii ,  in  Vila  B.  Micltaclis  tre  de  France;  Jean,  bâtard  d'Armagnac, 
Gedroc.)  Ce  B.  Michel  Gedroc  descen  lait  des  comle  de  Cornlnges,  maréchal  de  France  et 
anciens  ducs  de  Lithuanie,  et  mourut  l'an  gouverneur  du  Dauphiué  ;  Georges  de  la  Tri- 
li85.  H  se  fait  tous  les  jours  plusieurs  mira-  mouille,  seigneur  de  Craon  ;  Gilbert  de  Cha- 
cles  a  son  tombeau.  Lorsqu'on  fil  la  transla-  bannes,  seigneur  de  Curion  et  sénéchal  de 
lion  de  son  corps,  le  P.  Jean-Baplisie,  Italien,  Guyenne  ;  Charles,  sire  de  Crussol  ,  sénéchal 
religieux  de  l'ordre  de  Saint-François,  était  de  Poitou  ,  et  Tanneguy  du  Châtel  ,  gouver- 
commissaire  général  de  l'ordre  de  la  Péni-  neur  de  RonsMllon  et  de  Sardaigne.  Il  leur 
lence  des  Martyrs,  comme  il  est  porté  par  le  donna  un  collier  d'or  fait  de  coquilles  enlre- 
mème  procès-verbal  de  celle  translation.  Us  lacé  s  d'un  double  lacs,  posées  sur  une  chaîne 
ont  eu  aussi  le  P.  Jacques  Przir.>usoiechi,  d'or,  ou  pendait  une  nié  laille  représentant 
qui  est  mort  en  odeur  de  sainteté,  l'an  105).  l'archange  saint  Michel  terrassant  le  diable. 
Voyez  Peno',  Hist.  tripart.  Canonic.  lîegul.  Ils  étaient  obligés  de  porter  tous  les  jours  ce 
Le  l'aige  ,  B  blinth.  Prœmonst.  Pietrô  Cres-  collier  à  découvert ,  sous  peine  de  l'aire  dire 
cenzi,  Presid.rom  m.  lib.ui,  jiag.  'io.Crusscn.  une  messe  et  de  donner  une  aumône  de  sept 
Monasticon.  August.  pari,  m,  cap.  1.  Luigi  sols  six  deniers  tournois  ,  excepté  lorsqu'ils 
Torelli,  Secot.  Agostinian.,  tom.  IV.  Botland.  étaient  à  l'armée  ,  en  voyage,  dans  leurs  mai. 
lom.  I  Maii,  in  1/7.  B.  Michuclis  Gedroc.  sons  ou  à  la  chasse.  Ils  portaient  pour  lors 
Tambur.,  de  jure  Abbttum.  disput.  2'i,  qûœst.  seulement  une  nié  laille  attachée  à  une  chaîne 
k.  Athanase  de  Mainte-Agnès,  le  Chandelier  d'or  ouàun  cordonnet  de  soie  noire,  et  ils  ne 
d' or,  et  mémoires  enragés  de  Pologne  en  170V,  pouvaient  là  quitter  dans  les  plus  grands 
et  1710.  dangers  ,   même    pour   c  nserver   leur    vie. 

,,.„..,,,    ,r,       r                             ,  Brantôme  dit  avoir  été  présent  lorsque  le  roi 

MICHEL  (Des   Che.  vliehs    de   l  oudrk    de  i,„. ..,.,;,  i»  <:•  ...     •    >   »                    i     - 

v     c           i         a'  rranenis  rr  lit  une  sévère  réprimande  a  un 

saint- j  en  t  tance.  chevalier  qui  ,  après  avoir  été  pris  dans  un 

Il  y  a  des  auteurs    qui   prétendent    que  combat .  avait  ôte  la  marque  de  son  ordre, 

Charles  VU,  ayant   aboli  l'ordre  de  l'Elu. le  atin  de  n'être  pas  reconnu  pour  chevalier  de 

par  le  mépris  qui    en  fit  en  met  ant  le  col-  cet  ordre  et  ne  pas  payer  une  grande  rançon, 

lier  decet  ordre  au  cou  du  cheval ier  du  guet,  Conformément aiix  statuts  de  cet  ordre,  la 

el  en  ordonnant  que    ses  archers  porteraient  grand  collier  d  ut  être  du  poids  de  deux  cents 

sur  leurs  hoquetons  des  étoiles  ,  eui  dessein  ecus  d'or  et  ne  peut  être  enrichi  de  pierre- 

d'en  instituer  un  autre  sous  le  nom  de  i'ar-  ries.  Les  chevaliers   ne  le  peuvent  ven  ire  ni 

change  saint  Michel ,  protecteur  du  royaume  engager  :  il  ap  artienl  à  l'ordre  ,  et  après  la 

de  France,  auquel  il  avai:   beaucoup  de  dé-  m.ri  d'un  chevalier,  ses  héritiers  sontobli- 

volion  :  eê  que  n'ayant  pu  exécuter,  à  cause  gés  de   le  renvoyer  dans   l'espace  de   trois 

qu'il  mourut  quelque  temps  après.  Louis  XI,  mois  et  le  mettre  entre  les  mains   du  tréso- 

son  fils,  suivant  les  volontés  de   son  père  ,  rier  de  l'ordre.  Ils  ne  peuvent  entreprendre 

avait  institué   cet  ordre.  Mais  nous  avons  aucune  guerre,  ni  s'engager  dans  une  action 

fait  remarquer,  en  parlant  de  l'or. Ire  d    \'E-  dangereuse  ,  sans  en   avoir  donné  avis  à  lu 

toile,  que  Chai  les  Vil  n'avait  point  aboli  cet  plus  grande  partie  des  autres  chevaliers  et 

ordre,  qu'il  avait  subsisté  sous  le  règne  en-  les  avoir  consultes.  Ceux  qui  sont  Efraiie  os 

tier  de  Louis  XI,  et  qu'il  n'av  lit  été  supprimé  ne   peuvent   s'engager  au    serv  ce   d  aucun 

que  sous  Charles  Vlll.  Brantôme  remarque  prince  étranger  ,   ni  faire  de   longs  voyages 

que   Louis  XI  n'avait  pas  eu    tant  d'amitié  sans  la   permission  du  roi  ;  mais   les  étran- 

pour  Charles  VII  ,  son  père,   pour  qu'il  i  ût  gers  le  peuvent  en  le  faisant  seulement    a- 

voulu  en  garder  le  souvenir  après  sa  mort  ,  voir.  Si  le  roi  fait  la  guerre  à  quelque  prince, 

par  l'établissement  de  l'ordre  de  Saint  Mi-  un  chevalier  de  l'ordre  ,  sujet   de  ce  prince, 

chel,  qu'il   n'aurait  fait    que  pour  exécuter  peut   prendre   les   armes  pour  sa    délense; 


959 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


9C0 


mais  si  c'est  ce  prince  qui  déclare  la  guerre 
à  la  France,  le  chevalier  son  sujet  doit  s'excu- 
ser de  servir  contre  la  France,  el  si  son  prince 
ne  veut  pas  recevoir  sou  excuse  et  le  con- 
Iraint  de  servir,  pour  lors  il  peut  prendre  les 
armes  contre  la  France,  mais  ilen  doit  donner 
avis  au  chef  de  l'ordre  et  averlirson  souverain 
que  s'il  fait  prisonnier  de  guerre  un  chevalier 
de  cet  ordre,  son  confrère,  il  lui  donnera  la  li - 
berlé  et  fera  son  possible  pour  lui  sauver  la 
vie  ;  que  si  son  prince  n'y  veut  pas  consen- 
tir, il  doit  quitter  son  service.  Le  roi,  de  son 
côté,  s'engage  envers  les  chevaliers  de  les 
protéger  et  les  mainienir  dans  tous  leurs 
droits  et  privilèges,  de  n'enireprendre  au- 
cune guerre  ni  aucune  affaire  de  conséquence 
sans  les  avoir  auparavant  consuliés  et  pris 
leur  avis,  excepté  dans  les  cas  où  les  affaires 
demandent  beaucoupde  secret  et  une  prompte 
exécution  ;  el  les  chevaliers  promettent  et 
jurent  de  ne  point  révéler  les  entreprises  du 
souverain  qui  auraient  été  mises  en  délibé- 
ration devant  eux.  Selon  les  mêmes  statuts, 
les  chevaliers  doivent  être  privés  de  l'ordre 
pour  cause  d'hérésie,  de  trahison  et  de  lâ- 
cheté ,  pour  avoir  pris  la  fuite  dans  le  com- 
bat. Ils  doivent  à  leur  réceplion  quitter  les 
autres  ordres  qu'ils  peuvent  avoir  reçus 
d'autres  princes,  excepté  les  empereurs,  rois 
et  ducs.  Chaque  chevalier  est  aussi  obligé  , 
à  sa  réceplion,  de  payer  au  trésorier  qua- 
rante écus  d'or  ou  la  valeur,  pour  être  em- 
ployés en  ornements  pour  le  service  de  l'é- 
glise ,  et  à  la  mort  d'un  confrère  il  doit  faire 
dire  vingt  messes  et  donner  six  écus  d'or  en 
aumônes.  Les  statuts  portent  encore  que, 
pour  remplir  la  place  du  chevalier  décédé  , 
ils  doivent  s'assembler  avec  le  souverain  et 
donner  leurs  suffrages  par  écrit,  mais  cela 
ne  se  pratique  plus  présentement. 

L'église  du  Moal-Saint-Michel  en  Nor- 
mandie fut  destinée  par  Louis  XI  pour  y  cé- 
lébrer les  divins  offices  et  recevoir  les  bien- 
faits et  fondations  qui  seraient  faites  en  fa- 
veur de  l'ordre.  Il  semble  cependant  que  ce 
prince  changea  de  dessein  el  qu'il  destina 
pour  les  cérémonies  et  les  fêles  de  l'ordre  la 
chapelle  de  Sainl-Michel  dans  la  cour  du  Pa- 
lais à  Paris  :  car  par  ses  additions  aux  sta- 
tuts faites  aux  Plessis-lès-Tours  le  22  dé- 
cembre 1476,  il  déclare  qu'il  a  fail  vœu  d'é- 
tablir une  collégiale  en  l'honneur  de  Dieu  , 
de  la  sainte  Vierge  et  de  saint  Michel  ,  et 
ayant  créé  par  les  mêmes  additions  aux  sta- 
tuts un  office  de  prévôt  et  maître  des  céré- 
monies de  l'ordre,  il  ordonne  qu'il  aura  soin, 
entre  autres  choses,  de  poursuivre  l'exécu- 
tion de  la  fondation  de  cette  collégiale  ;  qu'il 
eii  obtiendra  les  permissions  nécessaires  , 
tant  des  souverains  pontifes  que  de  l'ordi- 
naire ;  qu'il  aura  l'inspection  sur  les  bâti- 
ments qu'il  prétend  laire  faire  au  lieu  où 
sera  fondée  cette  collégiale  ;  qu'il  aura  soin 
des  réparations  el  veillera  à  ce  que  l'office 
divin  soit  fait  par  les  chanoines,  tant  de  nuit 
que  de  jour;  et  par  ses  lettres  patentes  du 
2'i  du  même  mois,  il  fil  la  fondation  de  celle 
collégiale  pour  dix  chanoines  ,  un  doyen  et 
nn  chanire,  huit  cbaoelains,  six  enfants  de 


chœur,  un  maître  ,  deux  clercs  ,  trois  huis- 
siers ou  bedeaux,  un  receveur  et  un  con- 
trôleur, pour  faire  l'oflice  divin  dans  la  cha- 
pelle de  Sainl-Michel  du  Palais  à  Paris.  Ce 
chapitre  devait  être  immédiatement  soumis 
au  saint-siége  et  de  nomination  royale.  Les 
prébendes  étaient  de  dix  sols  parisis  par 
jour.  Le  doyen  devait  avoir  deux  parts  ,  le 
chanire  une  part  et  demie,  et  les  chapelains 
demi-pari  chacun.  Pour  ce  sujet  le  roi  leur 
donna  et  céda  dix  deniers  tournois  sur  le 
droil  ordinaire  des  gabelles  qui  se  lèverait 
sur  chaque  minot  de  sel.  Le  receveur  devait 
avoir  quatre  cents  livres  parisis  de  gages,  et 
le  contrôleur  deux  cents  livres.  Le  receveur 
devait  payer  aussi  au  chancelier  de  l'ordre 
huit  cents  livres  parisis,  au  prévôt  six  cents 
livres,  au  trésorier  six  cents  livres,  au  gref- 
fier quatre  cents  livres,  et  au  héraut  deux 
cent  cinquante  livres.  Sa  Majesté  voulut 
que  ces  chanoines  ,  chapelains  et  officiers 
eussent  leurs  causes  commises  par-devant  les 
maîtres  des  requêtes,  qu'ils  fussent  exempts 
de  loutes  charges  quelconques  et  impositions 
de  la  part  du  roi,  de  la  ville,  el  de  lous  autres 
privilégiés  et  non  privilégiés,  dont  ils  seraient 
exceptés  et  déchargés.  Mais  celle  fondation 
ne  fut  point  exécutée,  el  il  ne  se  trouve  point 
que  les  assemblées  et  les  fêles  de  l'ordre  se 
soient  faites  dans  celle  église  ,  ni  même  dans 
l'église  du  Mont-Saint-Michel. 

La  veille  de  la  fêle  de  ce  saint,  tous  les 
chevaliers  de  l'ordre  étant  au  lieu  de  l'assem. 
blée  devaient  se  présenter  devant  le  souve- 
rain en  son  palais,  avant  les  vêpres,  et  aller 
ensemble  à  l'église,  revêtus  de  manteaux  de 
damas  blanc  traînant  à  terre,  bordés  d'or 
avec  des  coquilles  et  lacs  d'amour  en  brode- 
rie, et  fourrés  d'hermine,  la  tête  couverte 
d'un  chaperon  de  velours  cramoisi.  Le  len- 
demain ,  ils  retournaient  à  l'église  pour  en- 
tendre la  messe;  à  l'offertoire,  ils  offraient 
une  pièce  d'or,  chacun  selon  sa  dévotion;  et 
après  l'office  ils  allaient  dîner  avec  le  roi. 
Le  même  jour,  ils  allaient  encore  à  l'égliso 
pour  les  vêpres;  mais  ils  étaient  vêtus  de 
manteaux  noirs,  avec  des  chaperons  de  même 
couleur,  excepté  le  roi,  qui  avait  un  man- 
teau violet.  Ils  assistaient  aux  vigiles  des 
morts,  el  le  lendemain  à  la  messe,  à  l'offer- 
toire de  laquelle  chaque  chevalier  offrait  un 
cierge  d'une  livre,  où  ses  armes  étaient  atta- 
chées. Le  jour  suivant,  ils  retournaient  en- 
core à  l'église  pour  entendre  la  messe  que 
l'on  chantait  en  l'honneur  de  la  sainte 
Vierge;  mais  ils  étaient  habillés  comme  bon 
leur  semblait. 

Il  n'y  eut  d'abord  que  quatre  officiers  de 
l'ordre,  savoir  :  le  chancelier,  le  greffier,  le 
trésorier  et  le  héraut,  appelé  Mont-Samt- 
Michel.  Ils  avaient  des  robes  longues  de  ca- 
melot blanc,  fourrées  de  menu  vair,  avec  des 
chaperons  d'écarlale;  et  le  chancelier  devait 
êlre  toujours  ecclésiastique.  Le  prieuré  de 
(jrandmont,  dans  le  parc  de  Vincennes,a  été 
pendant  un  temps  considérable  annexé  à  la 
dignité  de  chancelier  de  l'ordre  de  Saint- 
Michel.  Le  cardinal  de  Lorraine,  le  cardinal 
Gabriel  le  Veneur,  évêque  d'Evreux  ,  et  Pni- 


961 


MIC 


MIC 


962 


lippe  Hurnut,  comte  de  Chiverni,  chancelier 
de  France,  l'ont  possédé  en  celle  qualité.  Ce 
dernier  en  était  prieur  lorsque  le  roi  Henri  III 
fit,  l'an  1584,  un  concordat  avec  François  de 
Neuville,  général  de  l'ordre  d<-  Grandmont, 
par  lequel  ce  prieuré  fut  distrait  de  cet  ordre 
pour  être  transféré  à  tel  autre  qu'il  plairait 
à  Sa  Majesté, qui  donna  en  échange  à  l'ordre 
de  Grandmom  le  collège  de  Mignon,  à  Paris  ; 
ce  qui  (ut  confirmé  par  le  pape  Grégoire  Xill. 
Le  roi  introduisit  d'abord  ,  dans  ce  couvent , 
des  Cordeliers  qui  l'abandonnèrent  la  même 
année,  et  il  mit  en  leur  place  des  Minimes 
qui  y  sont  restés  jusqu'à  présent.  Ainsi  le 
liire  de  prieur  l'ut  supprime,  et  l'office  de 
chancelier  de  l'ordre  de  Saint-Michel  uni  à 
celui  de  chancelier  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit,  que  ce  prince  avait  institué  en  1578. 
Louis  XI  étant  au  Plessis-lès-Tours,  l'an 
1476,  avait  ajouté  à  ces  quatre  offices  un 
prévôt  raailre  des  cérémonies,  comme  nous 
avons  dit  ci-devant.  Louis  XI!,  ayant  con- 
quis le  royaume  de  Naples  avec  Ferdinand  V, 
roi  d'Aragon,  qui  devait  se  contenter  pour 
sa  part  de  la  Pouille  et  de  la  C  alabre,  le 
reste  étant  demeuré  aux  Français,  fil  cheva- 
liers de  l'ordre  de  Saint-Michel  :  Troiano 
Caraccioni,  prince  de  Melphi  et  duc  d'Ali i, 
grand  sénéchal  de  Naples  ;  Bernardin  de 
Sansevcrino,  prince  de  Bisignano  ;  André- 
Matthieu  Aquaviva,  duc  d'Alri  et  prince  de 
Terra  ne  ;  et  Jean-Antoine  Caraffa ,  duc  de 
Madaloni.  Mais  les  Espagnols  ayant  ensuite 
chassé  les  Français  de  tout  le  royaume,  dont 
ils  se  rendirent  maîtres,  ces  seigneurs  napo- 
litains renvoyèrent  le  collier  de  l'ordre  à 
Louis  XII,  l'an  1511. 

François  l"  fil  du  changement  à  ce  collier  : 
il  lit  ôlcr  les  doubles  lacs  pour  mettre  une 
cordelière,  tant  à  cause  qu'il  s'appelait  Fran- 
çois, que  pour  conserver  la  mémoire  d'Anne 
de  Bretagne,  sa  mère,  qui  l'en  avait  prié,  se- 
lon ce  que  dit  Favin.  Le  même  roi  ayant  en- 
voyé Tordre  de  Saint-Michel  à  Henri  V11I, 
roi  d'Angleterre,  ce  prince  lui  envoya  aussi 
l'ordre  de  la  Jarretière;  it  François  l'r, 
l'ayant  reçu,  tint  un  chapitre  des  chevaliers 
de  l'ordre  de  Saint-Michel,  devant  lesquels  il 
fit  lire  les  lettres  d'Henri  VIII,  par  lesquelles 
ce  prince  déclarait  avoir  accepté  l'ordre  de 
Saint-Michel  et  avoir  associé  à  celui  de  la 
Jarretière  François  1"  :  c'est  ie  qui  paraît 
par  les  lettres  de  ce  dernier  que  M.  Ashmole 
a  mises  à  la  fin  de  son  Histoire  de  l'ordre  de 
la  Jarretière,  et  que  nous  rapporterons  ici. 

François  par  la  grâce  de  Dieu  roi  de 
France,  .seigneur  de  Gennes,  souverain  du 
très-noble  ordre  de  Monseigneur  saint  Michel, 
à  tous  ceux  qui  ces  présenlis  lettres  verront, 
Salut,  comme  messire  Artus  Plantaginet,  vi- 
comte de  l'Isle,  chevalier  du  très-digne  ordre 
de  Monseigneur  suint  Genge*,  messire  Jean 
Taillour,  docteur  ez  loix,  archidiacre  de  Bou- 
hingam,  vice-chancelier  a?  Angleterre^  messire 
Nicolas  Carew,  grand  esc  ier  d'Angleterre, 
messire  Antoine  Browne,  chevalier,  et  messire 
Thomas  Wriothcs  Jarretière,  chevalier  pre- 
mier roi  d'armes  dudit  ordre,  ambassadeurs 
commis  et  déléguez  de  la  vart  de  très-haut  et 


très-puissant  prince  Henri  par  la  même  grâce 
de  Dieu  roi  d'Angleterre,  seigneur  d'Uij'ier- 
nic  de/fenseur  de  la  foi,  notre  très-cher  et 
très-amé  frère,  cousin,  perpétuel  allie ,  confé- 
déré, et  bon  compère,  nous  aient  exhibé  et  re- 
présente certaines  lettres  patentes,  duttées  du 
vingt-deuxième  jour  d'octobre  L;27,  signées 
Sampson,  et  scellées  en  cire  rouge  du  sceau 
du  collège  et  d'icelni  très-digne  ordre  de  saint 
Georges,  dit  la  Jarretière  par  la  teneur  des- 
quelles qu'avons  fait  tire  par/levant  nous, et  les 
chevaliers  de  notre  ordre  de  saint  Michel,  nous 
apparoissoit  le*  susd.amb  issadeurs  avoir  plein 
pouvoir,  faculté  et  puissance  de  nous  signifier 
et  présenter  de  la  part  de  notre  dit  très-cher 
f'  ère  et  cousin  souverain  d'icetui  très  digne 
ordre  de  saint  Ge  rges,  et  au>si  de  l'amiable 
association  d'icelui  ,  l'élection  uniquement 
faite  de  nous,  par  iccux  souverain  et  cheva- 
liers d'icelui  très-digne  ordre,  et  de  nous  prier 
et  requérir  icelle  il  clion  accepter  et  prendre 
le  manteau  et  collier  et  autres  insignes  de  che- 
valier dudit  très-digne  ordre,  et  fui  e  le  ser- 
ment selon  les  articles  contenus  au  livre  des 
statuts  dudit  ordre,  et  que  ont  accoutumé  de 
jurer  et  promettre  les  chevaliers  d'icelui,  et  si 
lu  forme  desdils  serments  ne  nous  étoit  pas 
agréable,  leur  étoit  donné  pouvoir  de  nous 
dispenser  de  faire  lesd.  sermens  ou  partie  d'i- 
ceux  tels  qu'il  appartiendrait  ;  soi  contentant 
de  notre  simple  foi  et  parole,  sçavoir  faisons 
que  nous  aïant  egnid  et  considération  à  ta 
très-cordiale  el  très-entière  amour,  alliance  et 
indissoluble  et  confédération  perpétuelle,  gui 
est  entre  notre  dit  très-cher  et  très-amé  frère, 
cousin,  allié  peipetucl ,  et' bon  compère  et 
nous,  et  que  de  sa  part  il  a  accepté  l  élection 
par  nous  et  nos  frères  faite  de  sa  personne  au 
très-digne  ordre  de  saint  Michel  duquel  nous 
sommes  souverains ,  avons  pour  ces  causes  et 
autres  à  ce  nous  mouveans,  accepté  et  accep- 
tons icelui  très-digne  ordre  de  saint  Georges 
dit  la  Jarretière,  et  ce  fait  nous  sommes  revê- 
tus et  affublés  du  manteau  et  autres  insignes 
dudit  ordre  à  nous  présentez  et  livrez  par  les 
susd.  ambassadeurs ,  et  après  les  remercimens 
en  tels  cas  requis,  avons  fait  le  serment  en  la 
forme  et  manière  qui  s'en  suit:  Nous  François 
par  la  grâce  de  Dieu  roi  de  France,  seigneur 
de  Gennes  et  souverain  de  l'ordre  de  saint 
Michel,  promelions  en  parole  de  roi  de  gar- 
der et  observer  et  à  notre  pouvoir  entretenir 
les  statuts  et  ordonnances  du  très-digne 
ordre  S.  Georges  nommé  la  Jarretière  en  ce 
qu'ils  sont  compatibles,  non  contraires,  ne 
derogeans  à  ceux  de  notre  dit  ordre  de  S. 
Michel,  cl  pareillement  des  ordres  que  par  ci 
devant  pouvions  avoir  pris  des  autres  prin- 
ces. En  témoing  de  ce  nous  avons  fait  mettre 
le  sceau  dudit  ordre  aux  présentes  signées  de 
notre  main.  Donné  à  Paris  le  10"  jour  de  no- 
vembre l'an  de  grâce  mille  cinq  cens  vingt-sep! 
et  de  notre  règne  te  treizième. 

Henri  II,  étant  parvenu  à  la  couronne  de 
France,  ordonna,  dans  le  premier  chapiire 
de  l'ordre  de  Saint-Michel,  qu'il  tint  à  Lyon, 
où  il  fit  son  entrée  l'an  1548,  que  les  cheva- 
liers de  cet  ordre  porteraient  à  l'avenir  lo 
manteau  de  toile  d'argent,  brodé  à  l'enlour 


9G3  DICTIONNAIHK  DES  OKDP.ES  RELIGIEUX. 

de  sa  devise,  savoir  :  trois  croissants  d'ar- 
gent entrelacés  de  trophées,  semés  de  lan- 
gues  el  flammes  de  feu,  avec  le  chaperon  de 
velours  rouge  cramoisi  couvert  de  1 1  même 
broderie;  que  le  chancelier  porterait  le  man- 
teau de  velours  blane  et  le  chaperon  de  ve- 
lours cramoisi;  que  le  prévôt  et  maître  des 
cérémonies,  le  trésorier,  le  greffier  et  le  hé- 
raut, auraient  un  manteau  de  satin  blanc  et 
le  chaperon  de  salin  cramoisi,  el  qu'ils  por- 
teraient une  chaîne  d'or  au  bout  de  laquelle 
pendrait  sur  l'estomac  une  coquille  d'or  seu- 
lement. Tous  les  chevaliers  qui  élaienl  pré- 
sents assistèrent  avec  le  roi,  pour  la  solen- 
nité de  l'ordre,  daus  l'égli-e  cathédrale  lie 
Saint-Jean  de  Lyon,  aux  premières  vêpres  de 
la  fête  de  saint  Michel,  el  le  lendemain  à  la 
granil'messe  et  aux  secondes  vêpres. 

Sous  le  règne  des  enfants  de  ce  prince  l'or- 
dre commença  à  s'avilir  par  le  grand  nom- 
bre de  chevaliers  que  l'on  lit  au  delà  de  celui 
porté  par  les  statuts,  qui  n'était  que  de  trente- 
six.  François  il  en  fil  dix-huit  dans  une  seule 
création  à  Poissy  l'an  1560,  dont  on  murmura 
fort.  L'année  suivante  Chai  les  IX  en  fit  quinze 
dans  une  promotion  à  Saint-Germain  cnLayc. 
On  ajouta  àcegrand  nombre  trente-trois  cheva- 
liers dans  une  autre  promotion,  el,  en  1562 
el  1567,  on  en  fit  encore  vingt-deux.  Les 
troubles  de  la  France  obligèrent  depuis  le 
roi  d'en  faire  d'autres,  dont  il  y  eu  avait 
quelques-uns  qui  n'étaient  pas  de  naissance  ; 
car  Brantôme  dit  que  le  marquis  de  Trannes 
fit  donner  cet  ordre  à  son  malice  d'hôtel.  Ces 
fréquentes  promotions  tirent  interrompre  la 
pompe  des  chapitres  et  des  cérémonies  où  le 
roi  assistait  avec  les  chevaliers.  Il  se  fit  plu- 
sieurs réceptions  dans  les  provinces,  avec 
peu  d'appareil,  par  les  chevaliers  de  l'ordre 
à  qui  la  commission  était  adressée.  Le  der- 
nier chapitre  où  se  trouva  Charles  IX  fut  ce- 
lui qui  se  lint  dans  l'église  de  Notre-Dame  à 
Paris,  la  veille  de  saint  Michel  de  l'an  1572: 
le  roi  prit  sa  place  à  main  droite  sous  un 
dais  de  drap  d'or,  et  à  la  gauche  il  y  avait  un 
pareil  dais  sous  lequel  étaient  les  armes  des 
rois  d'lispagne,de  Danemark  et  de  Sué  le,  qui 
étaient  aussi  chevaliers  de  ce  tordre.  M.  le  La- 
boureur dit  qu'Henri  Ni  le  supprima  taeile- 
menl  en  instituant  celui  du  Saint-Espr.it,  au- 
quel il  le  réunit, Cependant  ce  prince,  par  la 
création  de  l'ordre  du  Saint-Esprit,  déclara 
qu'il  voulait  et  entendait  que  l'ordre  de  Saiul- 
Miehcl  demeurât  en  sa  force  et  vigueur,  et 
qu'il  fut  observé  comme  il  avait  été  pratiqué 
depuis  sa  première  institution.  Lu  effet  tous 
les  chevaliers  de  l'ordre  du  Saint-Esprit 
prennent  l'ordre  de  Saint-Michel  la  veille  du 
jour  qu'ils  doivent  recevoir  celui  du  Sainl- 
Espi.it;  c'est  pourquoi  leurs  armes  sont  en- 
tourées des  deux  co  liers,  el  ils  sont  appelés 
chevaliers  de  l'ordre  du  roi. 

Le  roi  Louis  XIV,  ayant  reconnu  qu'il 
s'é  ail  introduit  une  infinité  d'abus  et  de  con- 
traventions aux  anciens  statuts  el  règle- 
ments de  I  or  re  de  Saint-Michel,  qu'il  était 
avili  en  la  personne  de  plusieurs  paiticu- 
liers  qui  se  qualifiaient  chevaliers  de  cet  or- 
dre sans   avoir    fait   preuves   de    noblesse 


9C1 

el  de  services,  el  que  plusieurs  étrangers 
avaient  surpris  des  certificats  de  réception 
sans  ses  ordres  particu  iers,  ordonna,  le  ik 
juillet  1661,  à  lous  ceux  qui  avaient  été  reçus 
dans  cet  ordre,  de  porter  ou  d'envoyer  aux 
commissaires  que  Sa  Majesté  nomma,  les  li- 
tres el  preuves  de  leur  noblesse  et  de  leurs 
services.  Plusieurs  ayant  obéi,  et  les  autres 
ayant  négligé  d'y  satisfaire  par  la  crainte  ne 
faire  connaître  leur  naissance  et  l'impossi- 
bilité où  ils  se  trouvaient  de  donner  des  i  e<- 
tificals  oe  leurs  services,  le  roi  fit,  l'an  1605, 
un  nouveau  règlement  portant  que  lous  les 
slatui.,  ordonnances  el  règlements  faits  lors 
de  l'établissement  de  Tordre  de  Saint-Michel 
par  le  ro!  Louis  XI  etdepuis,  seraient  invio- 
lablement  observés  ;  que  le  nombre  de  ceux 
qui  seraient  admis  à  l'avenir  dans  cet  ordre 
serait  réduit  à  cent,  oulre  les  chevaliers  du 
Saint-Esprit,  parmi  lesquels  il  y  aurait  six 
ecclésiastiques  prêtres  âges  de  trente  ans  et 
constitués  en  dignités  d'abbés  ou  de  ciiar;:es 
principales  des  églises  cathédrales  et  collé- 
giales, et  six  officiers  des  compagnies  souve- 
raines ;  à  condition  loutelois  qu'ils  feraient 
les  mêmes  preuves  de  leur  naissance  et  de 
leurs  services  que  les  chevaliers  militaires, 
lesquels  auraient  seuls  le  droit  oc  porter  l'or- 
dre, de  s'en  qualifier  chevaliers,  et  de  jouir 
des  droits,  privilèges  el  avantages  y  attachés; 
faisant  défenses  très-expresses  à  tous  les  au- 
tres, de  quelque  condition  qu'ils  fussent,  de 
plus  porter  la  qualité  de  chevalier  ni  ledit 
ordre,  nonobstant  lous  les  brevets,  lettres  de 
cachet  et  certificats  de  réception  qu'ils  au- 
raient obtenus,  lesquels  Sa  Majesté  déclara 
nuls  et  de  nul  effet:  qu'à  l'avenir  nul  ne 
pourrait  être  admis  à  l'honn  ur  de  rece- 
voir tel  ordre  qu'il  ne  fût  de  la  religion 
catholique,  apostolique,  et  romaine,  de 
bonnes  mœurs,  âge  de  trente  ans,  noble  de 
deux  races,  et  ayant  servi  Sa  Majesté  et  i'E- 
lal  en  des  emplois  considérables  dans  les  ar- 
mées, au  moins  i'espace  de  dix  ans,  et  ceux 
de.  justice  pendant  le  même  temps,  et  à 
celte  fin  celui  que  Sa  Majesté  trouverait  ca- 
pable  de  recevoir  cet  honneur,  obtiendrait 
une  commission  signée  de  sa  main,  contre- 
signée du  secrétaire  des  ordres  et  scellée  du 
grand  sceau  de  l'ordre  de  Saint -Michel, 
adressée  au  chevalier  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit  que  Sa  Majesté  commettrait  pour  in- 
former des  faits  ci-dessus  et  examiner  les 
preuves  tant  de  la  noblesse  que  des  services: 
lesquelles  étant  faites  seraient  mises  dans 
un  sac  cacheté  et  scelle  nu  cachet  des  armes 
du  commissaire  avec  son  avis,  et  délivrées 
entre  les  mains  du  chancelier  des  deux  ordres, 
pour  en  faire-rapport  à  Sa  Majesté,  laquelle, 
par  l'avis  des  confrères  qu'elle  appellerait, 
ordonnerait  ce  qui  lui  plairai!  sur  la  récep- 
tion ou  exclusion  de  celui  qui  aurait  été  pi  é- 
senlé  ,  et  qu'à  l'égard  de  ceux  que  Sa  Ma- 
jesté jugerait  digues  de  cet  honneur,  elle 
écrirait  au  commissaire  de  leur  donner  le 
collier  en  la  forme  ordinaire  et  accoutumée  : 
qu'atin  de  maintenir  cet  ordre  dans  la  ri  g  e 
et  dignité  convenable,  lous  les  ans,  au  jour 
et  fêle   de   saint  Michel,  tous  les  chevaliers 


s« 


.MIC 


MIC 


C66 


s'assembleraient  en  chapitre  dans  la  salle  de9 
Cordvliers  de  la  ville  île  Paris,  à  laquelle  as- 
semblée présiderait  le  commissaire  nommé 
par  Sa  Majesté,  et  en  son  absente  le  plus 
ancien  des  chevaliers,  où,  après  a\oirassislé 
en  corps  à  la  messe  solennelle  qui  serait  cé- 
lébrée, l'on  proposerait  et  l'on  examinerait 
tous  les  règjem  nts  nécessaires  pour  y  réus- 
sir; que  des  délibérations  il  serait  tenu  re- 
gistre par  celui  qui  serait  commis  par  le  se- 
crétaire des  deux  ordres  ;  et  que  les  frais  qui 
géraient  nécessaires  pour  la  célébration  des 
messes  et  des  assemblées  seraient  payés  sur 
les  deniers  du  marc  d'or,  par  les  ordomn  ih- 
ces  du  chancelier  des  deux  ordres  ;  qu'aucun 
des  confrères  île  pourrait  se  dispenser  d'as- 
sister au  chapitre  général,  s'il  n'avait  une 
excuse  légitime,  auquel  cas  il  enverrait  pro- 
curation à  tel  des  confrères  qu'il  aviserait 
pour  consentir  et  signer  les  propositions  et 
délibérations  qui  seraient  prises  au  chapitre, 
à  la  pluralité  des  voix  ;  que  si,  après  avoir 
été  reçu  dans  cet  ordre,  aucun  des  confrères 
changeait  de  religion,  il  serait  obligé  de  re- 
mettre son  ordre  entre  les  mains  du  doyen 
des  chevaliers  sans  qu'il  pût  continuer  a  le 

ftorler  tant  qu'il  ne  ferait  pas  profession  de 
à  religion  catholique,  apostolique  et  ro- 
maine, sous  peine  d'être  dégradé  de  noblesse; 
comme  aussi  s'il  arrivait  qu'aucun  des  con- 
frères fît  quelque  acte  dérogeant  à  la  no- 
blesse et  à  la  dignité  de  l'ordre  de  chevalerie, 
il  serait  déchu  de  tous  les  honneurs  et  avan- 
tages qui  y  sont  attachés  et  serait  puni  selon 
l.i  rigueur  des  ordonnances;  qu'aucun  des 
confrères  ne  pourrait  se  dispenser  de  porter 
la  croix  de  l'ordre,  qui  serait  de  la  même 
forme  et  figure  et  plus  petite  de  moitié  q:e 
celle  du  Saint-Esprit,  à  l'exception  de  la  co- 
lombe qui  est  au  milieu,  au  lieu  de  laquelle 
serait  représentée  en  émail  l'image  de  saint 
.Michel,  laquelle  serait  portée  enécharpe  avec 
in  ruban  noir;  qu'aux  assemblées  des  céré- 
monies et  autres  occasions  où  Sa  Majesté 
voudrait  appeler  des  confrères  de  cet  ordre, 
ils  seraient  tenus  de  se  rendre  auprès  d  •  sa 
personne  pourl  i  servir  où  il  leur  serait  com- 
mandé; que  lous  les  chevaliers  et  confrères 
seraient  obligés  de  porter  l'épée,  excepté  les 
six  ecclésiastiques  et  les  six  qui  sera. eut  de 
compagnies  souveraines.  Enfin  Sa  Majesté  or- 
donna a  ses  ambas-adeurs  dans  les  royaumes 
et  pays  étranges,  de  s'informer  soigneuse- 
ment du  nom,  des  qualités  et  des  services  de 
ceux  qui  prétendaient  avoir  droi!  de  porter 
les  marques  de  cet  ordre,  pour,  sur  les  mé- 
moires qui  lui  en  seraient  envoyé-,  confir- 
mer ceux  qu'elle  jugerait  en  être  dignes  ;  et 
cependant  elle  déclara  nulles  et  de  nu!  effet 
et  \aleur  les  expédiions  que  les  étrangers 
en  avaient  obtenues,  et  les  dispensa  de  l'ob- 
servation du  serment  qu'ils  pouvaient  avoir 
fait  lorsqu'ils  étaient  entrés  dans  cet  ordre. 
Sa  Majesté  chargea  ses  mêmes  ambassadeurs 
de  l'ii ire  les  instances  convenaliles  auprès  de 
l'empereur,  des  rois,  des  souverains,  répu- 
bliques et  potentats,  dont  ceux  qui  avaient 

(1)  Voy.,  à  la  tin  du  vol.,  u'  Ai'2. 


surpris  de  pareils  certificats  de  réception  se 
trouvaient  sujets,  pour  leur  défendre  de  se 
qualitier  à  l'avenir  chevaliers  de  cet  ordre, 
jusqu'il  ce  qu'avec  connaissance  de  cause 
Sa  Majesté  le  ir  eût  conféré  celle  qualité, 
comme  supernuméraires  et  non  compris  dans 
le  nombre  réglé  de  cent  pour  ses  sujets,  Sa 
Majesté  se  reservant  d'accorder  ces  grâces 
honoraires  sans  limitation  aux  étrangers 
qui  les  auraient  méritées  par  leur  naissance 
et  par  les  services  qu'ils  auraient  rendus  à 
la  couronne.  Quoique  par  ce  nouveau  règle- 
ment il  soit  porté  que  les  chevaliers  de  iW- 
dre  de  Saint-Michel  doivent  s'assembler  tous 
les  ans  en  chapitre  aux  Cordeliers  de  Paris, 
et  que  leur  croix  doive  être  ait  ichée  à  un  ru- 
ban  noir  en  écharpe  ,  ii  y  a  néanmoins  long- 
temps que  les  chapitres  ne  se  sont  tenus,  et  ils 
portent  présentement  par  tolérance  la  croix 
attachée  à  un  ruban  bleu,  à  la  boutonnière 
du  juslaucorps.  Nous  donnons  ici  l'habille- 
ment des  chevaliers  de  cet  ordre,  tel  qu'il  est 
représenté  à  la  S  linte-Chapelle  de  Y  incen- 
nes  (1). 

l'aviii,  Théâtre  d'honneur  et  de  chevalerie. 
Le  Laboureur  ,  Addition»  aux  Mémoires  de 
CnstetnâH.  Bernard  Giusliniani,  Hisi.  di  luit. 
gliOrd.  mitit.  Menncnius, De  Belloy,  Heruiau 
et  Schoonebeek,  dans  leurs  rlisl.  des  Ordres 
militaires.  Mezerav.  Ilit.  de  France  sous 
Louis  XI.  Elie  A  s  h  mole,  sou  Traité  de  l'ordre 
de  la  Jarretière.  Francesco  Caràccioli,  /Vo- 
poli  sucra  ;  Us  statuts  de  l'ordre  de  Saint- 
Michel  ;  et  lés  Retherclies  historiques  de  l'or- 
dre du  Saint-Esprit,  loin.  III. 

Outré  ce  que  fit  Louis  XIV  en  faveur  de 
cet  o.dre,  Lo  lis  XV  lui  donna  aussi  un  nou- 
veau Inslfè,  en  exigeant  que  tous  ceux  qui 
seraient  nommés  chevaliers  du  Saint-Esprit, 
seraient  préalablement  chevaliers  de  Sainl- 
Michei  ;  voi.a  ée  qui  explique  celte  quai. tie.i- 
tion  qu'on  rencontre  de  temps  à  autre  :  c'ne- 
valier  de*  ordres  du  roi,  et  1«  statuts  de  cet 
ordrefurenliéimprimésà  l'imprimerie  royale 
en  1723. 

Louis  XIV,  en  1665,  av ait  limité  le  nom- 
bre des  chevaliers  à  cen  ,  outre  ceux  du 
Saint-Esprit;  Louis  XV1I1  fixa  aussi  ce  nom- 
bre par  une  ordonnance  du  16  novembre 
1816. 

Par  cetie  ordonnance,  qui  relève  cette  di- 
gnité, abolie  comme  les  aaires  chevaleries  en 
juin  1790,  il  est  rappelé  ou  établi  que  l'on//  s 
de  Saint-Michel  est  spécialement  destiné  à 
servir  de  récoaipense  et  d'encouragement 
aux  Franc  lis  qui  se  distinguent  dans  les  let- 
tres, les  sciences  et  les  arts,  ou  par  des  dé- 
couvertes, des  ouvrages  ou  des  entreprises 
utiles  à  i'Eiat.  Il  est  également  statue  que 
toute  demande  d'admission  dans  l'ordre  est 
adressée  au  ministre  de  la  maison  du  roi,  qui 
en  fera  son  rapport  à  Sa  Majesté,  et  propose 
celles  susceptibles  d'être  accueillies. 

Le  grand  collier  de  l'ordre  était  en  or,  et 
se  composait  de  coquilles  d'argent  entrelacées 
l'une  dans  l'autre  par  des  aiguillettes  d'or. 
On  suspeudait  au  milieu  uue  médaille  repre- 


367 

sentant  saint  Michel  foulant  aux  pieds  le 
dragon.  La  décoration  consistait  en  une  croix 
d'or  à  Imii  pointes  entaillées  de  blanc  can- 
tonnées de  quatre  fleurs  de  lis  d'or,  chargées 
en  cœur  d'un  saint  Michel  foulant  aux  pieds 
le  dragon,  le  tout  de  couleur  naturelle.  Les 
chevaliers  portaient  sur  leur  veste  un  grand 
ruban  de  soie  noire,  moiré,  passé  de  l'épaule 
droite  au  côté  gauche  ,  auquel  était  attachée 
la  croix  de  l'ordre. 

L'ordre  de  Sainl-Michel  tenait  comme  le 
milieu  entre  les  ordres  religieux  et  militai- 
res, comme  celui  de  Notre-Dame  du  Monl- 
Carmel  et  de  Saint-Lazare,  et  les  ordres  de 
chevalerie  qui  étaient  simplement  militaires, 
comme  l'était,  par  exemple,  celui  des  cheva- 
liers de  Saint-Louis.  On  distinguait,  dans 
l'ordre  de  Saint-Michel,  les  chevaliers  admis 
des  chevaliers  reçus  ;  il  y  avait  aussi  à  la  fin 
des  chevaliers  honoraires,  lin  1789,  l'année 
qui  précéda  la  suppression,  il  y  avait  soixan- 
te-dix-huit chevaliers  reçus,  dont  le  dernier 
(en  1788)  était  M.  Mathieu,  maître  de  musi- 
que de  la  chapelle,  à  Versailles,  et  le  plus 
ancien  (en  1742)  élait  le  marquis  de  Roux  , 
conseiller  d'Etal,  doyen  de  l'ordre,  et  de- 
meurant à  Marseille.  Il  y  avait  aussi  alors 
douze  chevaliers  simplement  admis.  On  re- 
cul, en  178),  deux  autres  chevaliers  ,  et  on 
avait  admis,  en  1788,  le  baron  Chaptal,  que 
nous  ne  voyons  point  au  rang  des  douze  in- 
diqués ici.  11  y  eutdeux  nominations  en  1790, 
cinq  en  1797,  une  l'année  suivante  et  une 
en  1800,  faites  par  les  Bourbons  en  l'exil.  En 

1815,  au  retour  du  roi,  il  y  eut  une  seule 
nomination,  cl  on  en  compta  trente-trois  en 

1816,  qui  fut  l'année  de  la  restauration  de 
l'ordre,  par  l'ordonnance  dont  nous  avons 
parlé.  Il  y  eut  des  nominations  les  années 
suivantes,  surtout  en  1819  et  1821,  miis  sous 
le  roi  Louis  XYT1I  il  n'y  eut  point  d'admis- 
sions; ce  prince  nomma  aussi  dès  181G  et  de- 
puis des  chevaliers  honoraires  résidant  en 
pays  étrangers.  Après  une  interruption  de 
plus  de  trente-cinq  ans,  il  y  eut  à  Reims  , 
après  le  sacre  de  Charles  X,  une  réception 
solennelle  des  chevaliers  et  commandeurs 
des  ordres  du  roi.  Elle  se  fit  le  lundi  30  mai 
182a,  dans  la  cathédrale.  Avant  lacérémonie, 
M.  le  dauphin  reçut,  suivant  la  règle  et  l'u- 
sage, chevaliers  de  l'ordre  de  Sainl-Michel, 
tous  les  chevalieis  qui  allaient  être  reçus 
chevaliers  du  Saint-Esprit.  En  1820,  il  y  eut, 
le  29  septembre,  jour  de  sainl  Michel,  anni- 
versaire de  la  naissance  d»  duc  de  Bordeaux, 
convocation  du  chapitre  de  l'ordre  de  Saint- 
Michel,  en  la  fêle  patronale  de  l'ordre.  Le 
baron  de  Ballainvilliers  reçut,  en  qualité  de 
commissaire  du  roi,  le  serment  des  chevaliers 
nommés  depuis  la  resiauralion.  On  comptait, 
au  commencement  de  l'année  1830,  95  che- 
valiers reçus  et  dix  chevaliers  honoraires. 
A  la  Pentecôte,  le  roi  Charles  X,  ayant  tenu 
chapitre  de  l'ordre  du  Saint-Esprit  et  reçu 
des  chevaliers,  admit  aussi  préalablement  , 
conformément  auxstatuls,  des  candidalsdans 
l'ordre  de  Saint-Michel.  Cet  ordre  a  été  aboli 
de  fait  par  la  révolution  de  juillet  1830. 

Dictionnaire  des  Sciences  ecclésiastiques  de 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  9l>8 

Richard.  —  Ami  de  la  religion.  Almanahs 
royaux.  B-d-e. 

MICHEL  (Chevaliers  de  Saint-).  Voy.  Am- 
poile  (Sainte). 

MICHEL  DE  MURANO  (Congrégation  de 
Saint-).  Voy.  Camaldules,  §  II. 

MILICE  DE  JÉSUS-CHRIST  (Chevaliers 
de  la).  Voy.  Passion  de  Jésus-Christ. 

MILICE    DE    JÉSUS-CHRIST    OU    DE    LA 

PÉNITENCE  (Ordre  de  la),  Tiers  Ordre 

de  Saint-Dominique. 

L'on  ne  sait  point  l'année  de  l'établisse- 
ment du  Tiers  Orlre  des  Frères  Prêcheurs, 
qui  est  connu  sous  le  nom  de  la  Pénitence  de 
Saint-Dominique.  Tous  les  historiens  con- 
viennent que  ce  saint  patriarche  de  l'ordre 
des  Frères  Prêcheurs  établit  un  ordre  mili- 
taire sous  le  nom  de  Milice  de  Jésus-Christ, 
pour  combattre  les  ennemis  de  la  foi;  mais 
les  écrivains  de  son  ordre  ne  sont  pas  d'ac- 
cord entre  eux  si  ce  fut  du  vivant  de  ce 
sainl  ou  après  sa  mort  que  cette  milice  mit 
les  armes  bas,  et  que  ceux  qui  y  étaient  en- 
gagés, voulant  se  conserver  en  société,  pri- 
rent le  nom  de  pénitents  de  Saint-Dominique 
pour  honorer  la  mémoire  de  leur  saint  inslii 
lu  leur.  C'est  ce  qui  a  formé  le  Tiers  Ordre 
des  Frères  Prêcheurs,  qui  apparemment  a 
été  si  peu  considérable  pendant  les  deux 
premiers  siècles  de  son  établissement,  quo 
l'an  14*22  on  ignorait  même  quelle  élait  la 
règle  que  suivaient  ceux  et  celles  qui  y 
étaient  engagés,  cl  qu'on  ne  savait  peut-être 
pas  quelle  était  l'origine  de  ce  Tiers  Ordre; 
c'est  pourquoi  deux  religieux  du  premier 
ordre,  soit  qu'ils  en  eussent  commission  de 
leurs  supérieurs,  ou  qu'ils  voulussent  réta- 
blir et  faire  connaître  ce  Tiers  Ordre,  firent 
une  recherche  exacte,  en  1422,  de  la  règle 
que  suivaient  les  Frères  et  Sœurs  de  la  Péni- 
tence de  Saint-Dominique,  et  après  avoir 
apporlé  loutes  les  diligences  nécessaires  pour 
cela,  ils  ne  purent  rien  Irouver  qui  ne  lût 
conforme  à  ce  qu'en  avait  déjà  écrit  le  bien- 
heureux Raymond  deCapoue,  vingt-deuxième 
général  de  cet  ordre,  dans  le  huitième  cha- 
pitre do  la  Vie  de  sainte  Catherine,  qui  avait 
été  deceTiers  Ordre. /'a^eai,disenl-ils(r;'ac(. 
de  Reg.Tcrt.  Ord.,in  fine  Consl.  ord.  Prœd.), 
univeisis  fidelilius,  qualiter  ego  F.  Thomas 
de  Senis  utia  cum  M.  F.  Bartholomœo  de  Se- 
nis,  ambo  de  ordine  Prœdicatorum,  anno  Do- 
mini  1422  Venetiis  existentes  et  quantum  va- 
luimus  diligenliis  inquirentes  de  régula  seu 
statu  Fratrum  et  Soiràrum  de  Mi'itta  Jesu 
Christi,  de  Pœnitenlia  B.  Dominiei, invenimut 
quantum  ad  inilium  ejusdem  régula?  taliter  si 
hahere,  sicut  palet  in  legenda  B.  Catharinœ 
de  Senis  supradicla,  capitulo  8,  ubi  sic  dici- 
tur,  elc. 

Après  un  tel  témoignage,  je  ne  crois  pas 
que  les  religieux  de  Saint-Dominique  trou- 
vent mauvais  que  je  me  conforme,  touchant 
l'origine  de  leur  Tiers  Ordre,  à  ce  qu'en  a 
écrit  un  de  leurs  généraux,  le  bienheureux 
Raymond  de  Capoue;  et  si  je  préfère  son 
sentiment  à    celui  d'un  auteur  moderne,  je 


9C9                            MIL  MIL                                070 

veux  dire  l'Anonyme,  religieux  prêtre  do  sain!,  résolurent  de  changer  le  nom  de  Mi- 
grand  couvent  et  royal  collège  des  FF.  Pré-  lice  de  Jésus-Christ  en  celui  d  •  Pénit  nc<  lu 
«heurs  de  la  rue  Saint-Jacques  à  Paris,  quien  Saint-Dominique.  Ce  qui  les  porlaà  ce  chan- 
1G80  a  donné  les  règles  de  et;  Tiers  Ordre,  gemeut  fut  que  leur  milice  ayanl  été  établie 
accompagnées  d'explications  sur  chaque  pour  combattre  à  main  année  contre  les 
chapitre  et  de  quelques  observations  conte-  hérétiques,  et  l'hérésie  étant  presque  éteinte, 
liant  l'histoire  de  re  Tiers  Ordre.  les  armes  matérielles   leur  devenaient  inuli- 

Le  bienheureux  Raymond  de Capoue,  par-  les  pour  combattre  à  l'extérieur,  et  ils  ne 
lanl  donc  de  l'origine  de  ce  Tiers  Ordre,  dit  devaient  plus  combattre  qu'avec  la  pénitence 
que  saint  Dominique,  tant  par  lui  que  par  ses  et  la  mortification  contre  leurs  propres  pas- 
religieux,  triompha  d'un  grand  nombre  d'hé-  sions  ;  ce  fut  donc  la  raison  qui  leur  fit  pren- 
réliqucs,  tant  en  France  qu'en  Lombardie,  dre  le  nom  de  la  Pénitence  de  Saint-Domiui- 
et  que  dans  la  Lombardie  seule  il  y  en  eut  que.  Leur  no  Ire  s'élanl  augmenté,  et  le 
plus  de  cent  mille  qui  lurent  convertis  par  bienheureux  Pierre  Martyr,  qui  fui  lue  par 
sa  doctrine  et  par  ses  miracles,  comme  on  le  les  hérétiques,  étant  entré  dans  Cette  société, 
prouva  en  présence  du  pape  Grégoire  IX,  son  sang,  qu'il  répandit  pour  la  défense  de  la 
dans  le  temps  de  sa  canonisation.  Cet  au-  foi,  acheva  de  détruire  entièrement  l'héré- 
teur  attribue  la  cause  de  tant  d'hérésies  à  la  sie  ;  car  ce  saint  martyr  remporta  plus  de 
pauvreté  où  étaient  réduits  la  p  up  rt  des  signalées  victoires  sur  les  ennemis  de  l'Eglise 
prélats  de  l'Eglise,  dont  les  biens  avaient  élé  .1  près  sa  mort  par  ses  miracles,  qu'il  n'avait 
usurpés  par  des  laïques  et  rendus  heréditai-  fait  pendant  sa  \ie;  ainsi  celie  .Milice  devint 
res  dans  leurs  familles,  ce  qui  faisait  que  les  entièrement  inuii'e,  la  cause  pour  laquelle 
hérétiques  se  souciaient  peu  des  censures  elle  avait  été  établie  ayant  cessé, 
ecclésiastiques  qui  n'étaient  pas  accompa-  Les  hommes  qui  étaient  entrés  dans  celle 
gnées  de  la  force  et  de  la  puissance  pour  les  Milice  étant  décèdes,  leurs  femmes  n'osaient 
faire  exécuter  plus  se  remarier,    et    voulurent    persévérer 

C'étailprincipalementen  Italiequerégnaient  jusqu'à  la  moi  l  dans  l'état  qu'elles  avaient 
ces  désordres;  c'est  pourquoi  saint  Domini-  embrassé.  Quelques  femmes  veuves  qui  ne- 
que,  animé  du  zèle  de  la  gloire  de  Dieu,  vou-  (aient  pas  de  celte  Milice,  et  qui  avaient 
lanl  conserver  les  droits  de  l'Eglise  et  lui  aussi  résolu  de  persévérer  dans  leur  vidui:é, 
faire  rendre  les  biens  qui  lui  avaient  été  en-  se  joignirent  à  ces  Sœurs  de  la  Péni'ence  de 
levés  par  les  hérétiques,  assembla  quelques  Saint-Dominique,  elles  pratiquèrent  les  mê- 
laïques  pieux  et  dévols,  et,  étant  persuadé  de  mes  observances  pour  l'expiation  de  leurs 
leur  vertu  et  de  leur  courage,  il  en  forma  péchés,  et  se  multiplièrent  peu  à  peu  en 
une  milice,  dont  le  principal  soin  devait  être  plusieurs  endroits  d'ita'.ie.  Files  eurent  re- 
de  recouvrer  les  droits  ecclésiastiques  qui  cour-  aux  FF.  Prêcheurs  pour  I  ur  appren- 
avaient  été  usurpés,  de  les  proléger,  et  d'ein-  die  la  manière  de  vivre  qui  avait  é!é  pres- 
ployer  aussi  leurs  armes  pour  la  deslruc-  crile  par  saint  Dominique;  mais  comme  el  e 
lion  de  l'hérésie.  H  faisait  prêter  serment  à  n'avait  pas  été  jusqu'alors  rédigée  par  écrit, 
ceux  qui  s'engageaient  uans  cette  milice,  de  le  P.  Munio  de  Zamorra,  Espagnol  de  nation, 
s'employer  de  loules  leurs  forces  à  ces  bon-  septième  général  de  l'ordre  des  Frères  Prè- 
nes  œuvres,  d'exposer  leur  vie  pour  ce  sujet  cheurs,  mit  par  écrit  la  manière  de  vie  que 
et  même  leurs  biens,  el,  afin  que  leurs  fem-  les  Frères  el  Sœurs  de  la  Pénitence  de  Saint- 
mes  ne  les  empêchassent  pas  d'exécuter  leurs  Dominique  suivent  à  présent,  et  qu'ils  appel 
promesses,  il  les  taisait  aussi  jurer  qu'elles  lent  règle. 

ne  s'opposeraient  pas  aux  bonnes  intentions  C'est  de  cette  manière  que  le  bienheureux 
de  leurs  maris,  el  qu'au  contraire  elles  les  Raymond  de  C  poue  décrit  l'origine  et  le 
assisteraient  de  tout  leur  pouvoir.  Il  donna  progrès  de  ce;te  société  de  la  Milice  de  Jésus- 
le  nom  de  Milice  de  Jésus-Christ  à  celte  so-  Christ,  et  de  celle  de  la  Pénitence  de  Saint- 
ciété  ;  et,  afin  que  ceux  qui  s'y  engageaient  Dominique  à  qui  l'on  a  donné  depuis  le  nom 
fussent  distingués  des  autres  laïques  par  de  Tiers  Ordre  de  Saint-Dominique;  et  il  me 
quelques  marques  extérieures,  il  ordonna  semble  que  l'on  doil  s'en  rapporter  plutôt  à 
lanl  aux  hommes  qu'aux  femmes  de  porter  un  général  de  cet  ordre  illustre  des  Frères 
un  habit  noir  et  blanc,  fait  de  telle  sorte  que  Prêcheurs,  qu'à  un  particulier  du  même  or- 
quelque  forme  qu'ils  donnassent  à  leur  ua-  dre,  qui,  pour  donner  au  Tiers  ordre  de  Saint- 
bill  nient,  ces  ileux  couleurs  y  parussent  Dominique  la  préséance  au-dessus  de  celui 
toujours  (i),  et  il  leur  prescrivit  aussi  certai-  de  Saint-François,  dit  que  ce  fut  du  vivant 
nés  prières  pour  les  heures  canoniales.  Saint  de  saint  Dominique  même  que  les  frères  et 
Dominique,  ayanl  ainsi  établi  cet  ordrc'mili-  sœurs  de  la  Milice  de  Jésus-Christ  quittèrent 
taire,  mourut  quelque  l  mps  après,  el  le  ce  nom  pour  prendre  celui  de  ia  Pénitence 
grand  nombre  des  miracles  qu'il  fit  après  sa  de  Saint-Dominique,  et  qui  rejette,  et  le  lé- 
uiorl  le  fil  mettre  au  catalogue  des  saints  par  moignage  du  bienheureux  Raymond  :e  Ca- 
le pape  Grégoire  IX,  l'an  123'r.  poue,  et  celui  de  ces  deux  religieux,  qui, 
Les  Frères  cl  les  Sœurs  de  la  Milice  de  Je-  après  une  exacte  recherche  qu'ils  firent  en 
sus-Chris! ,  voulant  aussi  honorer  d'une  ma-  1*22  de  l'origine  de  ce  Tiers  Ordre,  certi- 
nière  particulière  la  mémoire  de  leur  instilu-  fient  qu'ils  n'ont  rien  trouvé  qui  ne  fûteon- 
leurque, l'Eglise  venaildereconnailre comme  forme  a  ce  qu'en  avait  dit  ce  général  d;ms  la 

(1)  Voi/.,  à  la  tin  du  vol.,  n°  245. 

Dictionnaire  des  Oumut»  Rnur.iEix..  II.                                                  31 


r-7i 


DICTIONNAIRE  DES  OU  LU  ES  UELIC1EUX. 


972 


Vie  de  suinte  Catherine  de  Sienne.  Cepen- 
dant ces  témoignages  semblent  être  aulori  es 
de  tout  l'ordre  des  FF.  Prêcheurs,  puisqu'ils 
se  trouvent  imprimés  à  la  lin  dus  constitu- 
tions du  premier  ordre  dans  un  p  lit  traité 
qui  a  pour  litre  :  Traclatus  de  initia  et  fun- 
iliitione  Regul.  Fratrum  et  Sororum  de  MilU 
lia  Ghrinti,  de  Poeuitentia  sancli  Dominici, 
sut  Tertii  Ordihis. 

Ce  religieux  anonyme,  parlant  de  plusieurs 
personnes  de  ce  Tiers  Ordre  qui  ont  souffert 
le  m arlyrc  dans  le  Japon  (La  manière  de  sa 
donner  à  Dieu,  etc.,  p.  426),  leur  donne  le 
nom  de  Frères  du  premier  Tiers  Ordre  de  lu 
.Milice  de  Jésus-Christ,  el  dit  qu'il  y  a  lieu 
de    croire   tiu  ils  ont   obtenu   l'honneur   du 


que  relui  de  Saint  -François,  parce  que  i  a 
règle  que  suivent  les  Frères  et  Sœurs  de 
celui  de  Saint-Dominique  est  plus  obscure 
que  celle  des  Frères  ei  Sœurs  d:i  Tiers  Ordre 
île  Saint  François,  comme  le  remarque  en- 
core l'Anonyme,  qui,  apr es  avoir  montré  la 
conformité  de  ces  deux  règles,  lanl  dans  !  ha- 
billement que  dans  les  jeûnes  cl  les  absti- 
nences, ajoute  :  Considérant  ensuit  les  gr  n- 
des  obscurités  de  larègl-e  de  noue  Tiers  Ord  e 
en  certain*  endroit:-,  qui  se  trouvent  nette— 
mr,,i  expliquées  en  telle  du  Tiers  Ordre  de 
Saint-Franc  is,  je  ne  doute  point  q  te,  ces 
deux  choses  considérées,   tout  homme  de  bon 


sens  qui  ne  sera  point  prévenu  ne  court  nue 
arec  moi  que  lu  règle  du  Tiers  Ordre  de  S  <iM- 
inarlyre  de  la  foi,  et  la  gloire  d'élre  Frères  Français  n'ait  été  faite  par  lui-même  ou  par 
du  premier  Tiers  Ordre  de  la  .Milice  de  Je-  d'autres  surlè  modelé  de  lu  nôtre  ahléri  arc, 
sus-Christ  par  le  mérite  de  leurs  mortifica-  avec  les  éclaircissements  de  ce  qu'on  y  <t 
lions    précédentes    dans    le     second    Tiers      trouve  d'obscur  pour  les  paroles  ou  de  difficile 


Ordre  de  laPénilence  de  Saint-Dominique. 
Il  semble  en  cet  endroit  que  cet  auteur,  con- 
trainl  parla  force  de  la  vérité,  reconnaisse 
l'ordre  de  la  Milice  de  Jésus-Christ  el  celui 
de  la  Pénitence  de  Stinl-Dominique  comme 
deux  ordres  différents,  comme  en  effet  ils  le 
sont,  ;  uisque  le  premier  était  un  ordre  mi- 
litaire, die  spcondun  véritable  Tiers  Ordre, 
nommé  de  la  Pénitence,  à  l'imitation  de  celui 
de  Saint-François,  qui  était  déjà  établi.  Ce- 
pendant cet  auteur  témoigne  en  plusieurs 
endroits  que  ce  n'est  pas  son  intention  d'en 
l'aire  deux  ordres  différents,  el  c'est  en   quoi 


pour  l'usage  et  la  pratique. 

Mais  où  était-elle  celte  règle  de  Saint-D  >- 
minique,  pour  qu'elle  Bût  pu  servir  de  mo- 
dèle a  saint  François,  lorsqu'il  a  composé 
la  sienne?  Est-il  possible  que,  dans  l'ordre 
des  Frèrei  Prêcheurs,  on  n'ait  point  con- 
servé l'original  de  celle  règle,  ou  du  moins 
qu'il  ne  se  soit  point  trouvé  un  religieux  qui 
en  ait  fait  une  copie?  .Mais  on  n'avait  garde 
d'en  l'aire  des  copies,  puisque,  bien  loin  que 
saint  Dominique  eût  donné  une  règle  par 
écrit  aux  Frères  et  Sœurs  de  ce  'lier-  Ordre, 
c'est  que  ce  même  ordre  ne  fut  établi  qu'a- 


ie trouve  cette  manière  de  s'expliquer  assez      pies   sa   mort,  et  que    les   règlements  qu'il 
particulière.;  car  on  n'a  jamais  dit,  en  faisant     avait  faiis  pour  ceux  qui  s'engageaient  dans 


un  compte,  un  premier  troisième,  un  second 
tr  isièm:'  ;  et  ce  qu'il  appelle  second  Tiers 
Ordre  devrait  être  appelé  quatrième  ordre; 
car  saint  François  ayant  fondé  son  Tiers  Or- 
uie,  cm   BO    lui*  a  dom  é  ce  nom    que  parce 


l'ordre  de  la  Milice  de  Jésus-Christ  n'avaient 
été  donnés  que  de  vive  voix,  el  ne  consis- 
taient, comme  nous  avons  déjà  dit,  qu'en  un 
certain  nombre  de  prières  q  l'ils  devaient 
dire,  dans  le  serment  qu'ils  devaient   faire, 


qu'il  était  le  troisième,  qu'il  .  tait  précédé  de  et  dans  la  couleur  de  l'habillement  qui  devait 
celui  des  Sœurs  Clarisses,  qui  était  le  second, 
el  qui  n'avait  été  élu  li  qu'après  celui  des 
Frères  Mmeurs,  qui  est  te  premi  r;  c'est 
pourquoi  l'Fglise  chaule  dans  l'office  de  ce 
saint:  Très  ordines  hic  ordinal,  pritnurtfque 
Fratr.  m  nominat  Minorur.,  Pnaperumque 
fi:  Uoiui-iirum  médius,  sed  Pœnileniiuai  ter- 
tius  sexum  cupil  utrumque,  et  s'il  en  avait 
institué  un  quatrième,  on  l'aurait  sans  doule 
appel.'  le  quatrième  ordre,  et  non  pas  Iç  se- 
cond lii  rs  ordre. 

Ce  n'est  point  la  pratique  de  nommer  des 
ord: es  militaires  des  tiers  ordics;  si  cela 
ci;..'.  A  y  aurait  bien  des  tiers  ordres  dans 
les  ordres  de  Saint-Basile,  de  Saint-Augustin 
el  do  Saint-Benoît,  puisqu'il  y  a  plusieurs 
ordre  m  lilaires  qui  ont  suivi  leurs  règles, 
et  quo  que  l'ordre  militaire  de  la  Conception 
de  la  sainte  Vierge  ail  été  sous  la  règle  de 
Saint- Français,  on  ne  le  qua  i.fie  pas  pour 
cela  de  second  tiers  ordre  de  Saint-François. 
Ainsi  le  Tiers  Ordre  de  la  Pénitence  de  Saini- 
Domiuique  n'est  appelé  Tiers  Ordre  que 
pour  avoir  élé  établi  après  celui  des  Frères 
Prêcheurs  el  celui  des  religieuses. 

Je  ne  crois  pas  qu'aucun  bonime  de  bon 
sens  convienne  que  le  Tiers  Orofre  le  la  Pé- 
nitence de  Saint-Dominique  soit  plus  ancien 


être  iiLir  et  blanc  ;  el  lorsque  le  Tiers  Ordre 
se  fut  multiplié  par  le  moyen  des  personnes 
qui  l'embrassèrent,  ces  personnes  deman- 
dèrent aux  religieux  du  premier  ordre  qui 
demeuraient  eu  Italie,  quelle  était  lu  ma- 
nière de  vivre  que  saint  Dominique  aaii. 
prescrite  pour  ce  Tiers  Ordre.  Mais  ils  ne 
purent  pas  le  leur  dire,  puisqu'il  ne  s'en 
trouvait  rien  par  écrit;  c'est  pourquoi  Mu- 
ni© de  Zamorra,  septième  général  de  l'ordre, 
leur  écrivit  une  règle  qui  est  la  même  que 
c  lie  qu'ils  observent  aujourd'hui  ;  c'est  ce 
que  dit  le  bienheureux  Raymond  de  Capoue 
en  ces  termes  (Vit.  S.  Calhar.  cap.  8)  :  Lude 
•paaluiim  creseentes  in  diversis  Italie?  parti- 
bas,  coegerunt  Fratr, s  Prœdieator es  ibidem 
(es  ad  infoimandum  ias  de  modo  Vi- 
vendi qui  a  B.  Domimco  fueral  institutus; 
quia  vero  ille  tuodus  seriptus  non  eral,  qui- 
dam M.  G.  qui  totius  ordinis  curam  gerebat 
septimu<,  vocalus  F.  Munio-,  naliorie  fiispa- 
nus,  mudum  illum  Vivendi  re  Irait  in  sciipiis 
quem  hodie  habent  et  vulgariter  régula  ■■  va- 
cant, il  est  à  remarquer  que  Raymond  de 
Capoue  ne  dit  pas  q  e  le  général  Mu  io  ré- 
digea par  ci  rit  la  manière  de  vivre  el  les 
règlements  qui  avaient  élé  observés  jusque- 
là  daus  ce  Tiers  Ordre,  et  que  saint  Doini- 


0Ï3 


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'>  IL 


07  i 


nique  avait  prescrits,  mais  qu'il  leur  donna 
par  écrit  une  manier* Ae  vivre  qu'elles  ob- 
servent à  présent,  mudum  illum  Vivendi re- 
degil  in  scriptis  quem  liodie  habent  et  vulga- 
riter  régulant  appellanf. 

Mais  peut-être  que  c'est  inutilement  que 
nous  apportons  le  témoignage  ilu  bienheu- 
reux Raymond  de  Capoue,  puisque  l'Ano- 
nyme le  rejette,  aussi  bien  n'était— il  pas  re- 
connu pour  généra!  par  le>  Français,  puis- 
que c'était  durant  le  schisme  ;  c'est  pourquoi 
ii  lui  eu  faut  donner  d'autres  :  c'est  celui  de 
Michel  l'io,  qui,  dans  les  Vies  des  hommes 
illustres  de  l'ordre  de  Saint-Dominique,  par- 
lant du  général  Munio,  dit  qu'il  composa  ia 
règle  que  le  Tiers  Ordre  observe  à  présent, 
compose  la  regola,  chaano  il  présente  guellî 
del  Terzo  Oïdine.  Et  Vincent-Marie  Fon- 
tana,  dans  ses  Monuments  dominicains,  par- 
lant aussi  du  même  général,  dit  qu'il  pres- 
crivit, l'an  1285,  une  règle  aux.  F. ères  du 
Tiers  Ordre  de  Saint-Dominique  :  Frutribus 
Tei  tii  Ordinis  S.  Dominici  Munio  regutam 
preescripsit.  Ainsi  ce  n'est  point  saint  Domi- 
nique qui  a  donné  au  Tiers  Ordre  qui  porte 
son  nom  la  règle  qu'il  suit  à  présent,  c'est  le 
général  Munio  de  Zâmorra  qui  la  composa 
l'an  1285,  et  par  conséquent  elle  n'a  pas  pu 
servir  de  mo;ièle  à  saint  François  pour  com- 
poser la  sienne,  puisqu'il  était  mort  en  122G. 

Les  historiens  de  l'ordre  de  Saint-Domi- 
nique ont  même  bien  de  la  peine  à  accorder 
leurs  propres  sentiments  touchant  l'origine 
de  leur  Tiers  Ordre  ;  car  Michel  l'io  (Hist. 
délia  nobile  prog.  di  san  Domenico),  après 
avoir  rapporté  l'opinion  de  Ca>lillo,  qui  pré- 
tend que  saint  Dominique  ne  l'institua  qu'a- 
p,ès  son  retour  d'Espagne  à  Rome,  ce  qui 
ne  peut  être  arrivé,  dit-il,  que  l'an  1219  ou 
1220,  ajoute  que  c'est  aussi  son  sentiment, 
quoiqu'il  ait  parlé  dans  un  autre  endroit  d'un 
pri  ilége  accordé  par  le  pape  Honora  III, 
I'anl2l7,  aux  Frères  du  Tiers  Ordre  deSaint- 
Dommique.  11  était  donc  inutile  après  cette 
rétractation  de  rapporter  dans  toute  sa  te- 
neur la  bulle  de  Grégoire  îX,  du  in  des  ca- 
lendes d'avril  1228,  qui  confirme  ce  privilège 
accordé  par  Honorius  111,  non  pus  aux  Frè- 
res du  Tiers  Ordre  de  Saint-  Dominique  , 
comme  plusieurs  écrivains  de  cet  ordre  le 
prétendent ,  mais  aux  Frères  du  Tiers  Ordre 
de  Saint-François,  qui  ont  toujours  été  appelés 
absol  u  men  t  par  les  si  un  erain  s  pontifes,  depuis 
leur  première  institution  jusqu'à  présent,  les 
Frères  de  la  Pénitence ,  et  non  pas  les 
frères  de  la  Pénitence  de  Saint-François, 
comme  il  est  marqué  ;  ar  cette  bulle  de  Gré- 
goire IX,  qai  est  adressée  Fratiibus  de  Pœ- 
nitentia  per  Italiam  constitutif.  Et  les  reli- 
gieux lie  la  Pénitence  de  Jésus-Christ,  qui 
avaient  plusieurs  maisons  en  Italie,  auraient 
eu  plus  de  droit  de  s'allribuer  celte  bulle, 
que  n'en  ont  eu  les  Dominicains  de  l'ai  tri- 
bu, r  aux  Frères  de  leur  Tiers  Ordre,  comme 
a  fait  encore  l'Anonyme  du  couvent  de  la 
rue  Saint-Jacques,  qui  la  met  au  rang  des 
privilèges  accordés  à  ce  Tiers  Ordre,  et  qui 
dit  que  le  pape  Honorius  111  accorda  par  ce 
privilège  aux   Frères  et  Sœurs  de  la  l'êni- 


tence  de  Saint  •- Dominique  l'exemption  de 
toutes  charges  publiques,  comme  tailles, 
dîmes  passages  et  logements  de  gens  de 
guerre,  cjans  toutes  les  terres  de  l'Etat  ecclé- 
siastique, tomme  si  l'Italie  ne  comprenait 
que  l'Etat  ecclésiastique  ,  ce  qu  il  entend 
par  ces  mots ,  per  universam  ltalium  con- 
stituas. 

Ne  faut-il  pas  avouer  que  les  Frères  et  les 
Sœurs  de  ce  1  iers  Ordre  de  Saint-Dominique 
jouiraient  d'un  beau  privilège  en  Italie,  s'il 
était  vrai  que  les  papes  ;:ouo,  ius  111  et  Gré- 
goire IX  les  eussent  exemples  de  payer  les 
tailles,  les  dîmes  et  toutes  sortes  d'imposi- 
tions? Toutes  les  vtiles  et  les  villages  d'Italie 
auraient  sans  doute  voulu  être  Se  ce  Tiers 
Ordre,  pour  jouir  du  même  privilège  et  no 
rien  payer.  Mais  es  souverains  pontifes 
n'avaient  garde  d'accorder  un  tel  privilège 
à  ce  Tiers  Ordre  eu  1217  et  1228.  |  uisqu'il 
ne  fui  institué  que  l'an  123i,  après  la  cano- 
nisation de  saint  Dominique; 

Les  Frères  du  Tiers  Ordre  de  Saint-Fran- 
çois à  qui  c  lie  bulle  était  adressée,  Fralri- 
bus  de  Pœmtenlia  p  r  Italiam  constituais , 
n'étaient  pas  de  même  sentiment  que  ceux 
du  Tiers  Ordre  de  Saini-Domini  ;ue,  ils  au- 
raient cru  au  contraire  qu'il  y  aurait  eu  de 
l'injustice  de  demander  de  telles  exemptions, 
puisqu'ils  étaient  tenus  comme  séculi 
ce  n'a. il  pas  dis  iéguliers  qui  étaient  déjà 
établis  qu'il  s'agissait)  de  contribuer  .aux 
impositions  et  aux  charges  publiques;  mais 
comme  on  les  chargeait  plus  que  les  aunes, 
à  cause  du  nouveau  genre  de  vie  qu'ils 
avaient  embrassé,  ils  demandèrent,  en  ce 
qui  regardât  les  impositions,  de  n'en  pas 
payer  plus  que  les  au^ies  habitants  des  lieux 
où  ils  demeuraient  :  c'est  ce  qui  est  marqué 
dans  la  même  bulle,  que  L'Anonyme  n'a  pas 
lue  sans  ;a;ute  :  Unde  nos  humiliter  supplica- 

stis,  ut  vobis  misericorditer  dignaremur 

ne  plus  quant  vestri  cives  impositione  onerum 
aggravari  possitis. 

Il  est  donc  inutile  d'alléguer  des  privilèges 
en  faveur  du  Tiers  Ordre  de  Saint  Domini- 
que avant  l'an  Î2'j'r,  puisqu'il  ne  fut  établi 
qu'après  la  mort  de  saint  Dominique,  lors- 
que le  pape  Grégoire  IX  le  canonisa,  et  qu'il 
a  été  fondé  sur  I  s  débris  de  celui  de  la 
milice  de  Jésus-Christ  qui  était  devenu  inu- 
t.le,  comme  le  rapporte  le  bienheureux  R  ly- 
niond  de  Capoue.  La  règle  que  le  P.  Munio 
de  Zamorra  é  rivii  pour  les  Frères  et  S  .  urs 
de  ce  Tiers  Ordre  ne  fut  approuvée  par  le 
pape  Innocent  VU  que  l'an  liOo,  et  fut  con- 
firmée par  iiu+èm;  IV  l'an  lkSô.  I:  y  a  dans 
ce  Tiers  Ordre  des  filles  qui  fdnt'desvœux 
solennels,  et  sont  véritablement  religieuses  ; 
elles  ont  plusieurs  monastères,  et  leur  ha- 
billement est  semblable  à  celui  du  s  coud  or- 
dre; elles  n'ont  pas  tant  d'austérités,  car  elles 
peuvent  porter  du  linge  et  manger  de  la  viande 
trois  fois  la  semaine.  Selon  la  règle,  elles  ne 
devraient  perler  que  des  voiles  blancs,  mas 
il  y-a  plusieurs  ;nonastères  où  elles  en  portent 
de  noirs,  il  y  a  aussi  plusieurs  villes  d'haie 
où  il  y  a  des  personnes  de  ce  Tiers  Ordre 
habillée-  eu  religieuses,  quoiqu'elle;  deuicu- 


f>7j                                        DICTIONNAIRE  bES  ORDRÈ-S  RELIGIEUX.  (r,Q 

renl  dans  leurs  maisons  particulières.  11  y  a  des  Y  Y.  PP.  Augustin   Adorno,   François 

eu  dans  ce  Tiers  Ordre  deux  saintes  c.ino-  el  Augustin  Caraeçioli,  leurs  fondaieu  s. 

nisées,  savoir,   sainte  Catherine  de  Sienne  K:  ■„   n  ,.„.«-,  ..u        »i- 

•   ,    i>          i     i  •             ,      i     ■  si  IC'-  Clercs  llegul  ers  Mineurs  ne  nenven* 

etsainleRose  de   Lima,   el  plusieurs   bien-  ._:__  ,„--.„i..  i>  p            ■    ,                 '       .. 

.                                      i        -j     'i     o    -  i      ».  laire  remonter  1  or  gtnn  de    eur  congrégation 

lieureuses,    connue  Ingride  de  Suéde,  Mar-  „,.„„_,.„  i„  c  ,   .     °     .    ■■   .        i      " <;ë  j    " 

-,     j     u               c-u  n     j     r>     •       ««  Que  ve,s  'a  "n  du  xvi"  sicc  e,  î  s  prétendent 

guérite  de  Hongrie,  Sibylle  de  Pavie,   Mai-  *.,  „,„•„.  nri>«ii/.  «   ai/         r.\     i        \    ;    . 

„       -,      a      m  *i   1       V  i      i        i      i>-   .■  d;l  niouis  quelle  a  ele  pied  te  p  us  de  trois 

guerue    du    Château  ,     ,obinbe    de    Rieti  ,  „„,,,     •,n„„t.n,a  -.„„   „                  ,             >  \  ù- 

Ozanne  de  Manloue,  Marguerite  de  Savoie  Jo  r|  i  ré^    L  r"   cf^'ï"""       .'  "''   '  h"* 

Luce  la  Chaste,  etc.  v?,',l    n-,V !r  qZ-n       h              r e  q",  "•" 

voulu  par  er,  lorsque,  dans  ses  Commentai  - 

Le  P.  Bonanni,  de  la  compagnie  de  Jésus,  re\  sur  l'Apocalypse,  il  a  dit  :  Simjel  enim 
dans  son  Catalogue  «les  Ordres  religieux  ,  ordo  H^indêtw  noms  et  non  est,  mduli  ni- 
parle  de  certaines  religieuses  Tierciai.es  de  »ns  ™*\)bus,et  accmcli  desuper  zona.  Mais 
Tordre  de  Saint-Dominique,  instituées  par  cPmme' on  n  ajoute  pas  beaucoup  de  foi  aux 
le  P.  Jérôme  Plecini,  Vénitien,  religieux  do-  P™P!"««m  de  1  abbe  Joachim,  nous  passerons 
minicain.  Mais  comme  dans  un  endroit  il  dit  sou.s  sli$n.ce  '  «PPiicalion  que  les  Clerc»  Rc- 
quece  lui  l'an  1683,  el  dans  un  autre  que  ce  fulier,s  Mineurs  font  a  leur  ordre  des  paroles 
fui  l'an  1G78,  nous  ne  pouvons  rien  dire  de  de  ^.r'^'  "us?'  ^L'".1!'ue  certaine  autre 
certain  louchant  le  temps  de  celte  inslilu-  P^'Phelie  d  un  saint  Em.l.en,  prêtre,  qui  vi- 
tion,  sinon  qu'elle  se  lit  à  Conégliano  dans  la  ,vai1  en.fspagne.  a  ce  que  I  on  prétend,  vers 
Marche  Trévisane,  et  que  la  première  reli-  ,e  "  slècle'  1U1'  splon  les  historiens  de  cet 
pieuse  fui  la  .Mère  Hyacinthe  Bossu,  Véni-  °.rdre>  s,e  recommandait  en  esprit  aux  sapé- 
lienne.  Elus  eurent  encore  un  monastère  à  'ieurs  de  ,' ordre  lul,1,r  d,es  Cl"cs  Réguliers 
Macérala,  l'an  1C90,  dont  l'église  lut  dédiée  Mlneurs-  Ics  j™  de  le  vouloir  admettre 
sous  le  titre  du  Saint-Sacrement,  ce  qui  a  Parm'  0UV  ct  c  est  Pour  «Ht*  raison  qu'ils 
fait  donner  aussi  le  même  nom  à  ces  reli-  ^peignent  ce  sain-  avec  leur  habillement, 
gieuses,  quoiqu'elles  n'aient  que  la  règle  du  A,M^  e"  esl-il  de  plusieurs  ordres  qui  pré- 
Tiers  Ordre  de  Saint-Dominiqu,  .  Leurs  cou-  lendenl  av0lr  de'  anliquilM  chimériques, 
slilulions  sont  néanmoins  très-auslèrcs,  car  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  Jean-Augustin 
elles  ne  portent  que  des  chemises  de  serge  ,  Adorne,  de  l'ancienne  famille  des  Adorne 
ne  dorment  que  sur  des  paillasses,  le  plus  de  Gênes,  fut  le  fondateur  de  la  congrégation 
souvent  sur  des  planches  ;  elles  ne  mangent  des  Clercs  Réguliers  Mineurs.  Les  pailicula- 
jamais  de  viande,  sinon  dans  les  maladies  rites  de  la  vie  de  ce  saint  fondateur  de;  uis  sa 
par  ordre  du  médecin  ;  elles  jeûnent  sept  naissance  jusqu'à  l  établissement  de  son  or- 
mois  de  l'année,  elles  ont  deux  heures  do-  dre  nous  sont  inconnues.  C'est  sans  aucun 
raison  mentale.  Chaque  jour  elles  se  lèvent  fondement  que  M.  Hermanl  a  dit,  dans  son 
la  nuit  pour  dire  matines,  et  il  y  en  a  tou-  Histoire  de  rétablissement  des  ordres  reli- 
jours  quelques-unes  en  prières  devant  le  gieux.queJean-Auguslin  Adorne, élanlen  âge 
saint  Sacrement.  (Juoiqu'e  les  ne  s'engagent  .de  se  consacrer  à  Dieu  dans  la  religion,  choisit 
p  .s  par  vœu  à  la  clôture,  elles  l'observent  l'ordre  des  Frères  Mineurs,  dans  lequel  il  en. 
néanmoins  fort  rigoureusement,  et  elles  ne  lia  l'(  d'où  "  sortit  depuis.  Les  mémoires  qui 
parlent  jamais  à  la  grille  que  le  voile  baissé,  m'ont  été  mis  entre  les  mains  avec  le  livre 
Leur  habit  est  semblable  à  celui  des  autres  intitulé:  Délia  venerabile  religione  de  Chieriei 
religieuses  de  l'ordre  de  Saint-Dominique,  Minori,  imprimé  à  Lecoe  en  104-7,  n'en  font 
iinou  qu'elles  ont  des  sandales  de  bois.  Quel-  P0'"1  mention,  et  nous  apprennent  seulement 
ques-unes  mettent  des  bas,  et  d'autres  vont  qu'Adorne  retournant  de  la  cour  d'Espagne 
les  pieds  nus.  el  pas;.ant  par  Valence,  le  bienheureux  Louis- 
_  ,  ,  „  ...  ,  ,  Bertrand,  de  l'ordre  de  Saint-Dominique,  se 
Voyez  Hernando  de  Caslillo,  Juan  Lopez,  je|a  à  genoux  devant  lui,  en  disant  à  eux 
Anton.  Remesel,  Ilist.  île  S.  Dommg.  y  de  su  quj  étaient  présents  qu'il  devait  être  le  fon- 
orden.  1  bornas  Maluend,  Annal.  Prœd.  Gio  dateur  d'un  ordre  qui  serait  très-utile  à  l'K- 
Michel  Pio,  Délia  nobil.  progen.  de  S.  Dôme-  g|ise,  te  oui  pourrait  être  arrivé  vers  l'an 
me.  \  incent  Mar.  l<onl.,  Monument.  Domi-  1583.  Adorne  ne  songeait  point  pour  lors  à 
n  c.  Tractai,  de  mit, 0  et  fund.  Reg.  FF.  et  prendre  l'habit  ecclésiastique,  mais  peu  h  peu 
.->or.  de  Miltti.i  Clinsti  de  Pœmtentta  a.  Do-  )a  grace)  rilisanl  impression  sur  son  cœur,  le 
inimci  seu  Tert.  Ord.  m  fine.  Const.  ord.  porta  à  renoncer  aux  vanilés  du  siècle  pour 
Prœd.  La  manière  de  se  donner  à  Dieu  dans  s'employer  au  service  de  Dieu  et  au  salut  du 
le  siècle,  ou  les  Règles  du  Tiers  Ordre  de  la  prochain  :  il  prit  les  ordres  sacrés  et  fut  h>- 
Pénitmce  de  Saint-Dominique,  par  un  reli-  noré  du  sacerdoce. 

aïeux  mètre  du  grand  couvent  et  royal  col-  ne.           ,                       ■     .             ... 

lége  des  FF.  Prêcheurs,  etc.  Philip.  Bonanni,  ,  Ce.f°  rUr     ''"  -1Ue;,  """i™,1   ren\p1"'  leS 

Catalog.   omnium  ord.  religios.   part.  .1,  m  dev,,,rs  de.  s0!î  ™««Wre,  il   travailla  avec 

el  ly    J                                   j         i  beaucoup  de  zèle  par  ses  exhortations  au  sa- 
lut du  prochain,  et  se  sentant  inspire  de  Dieu 

Nous  dirons  au  Supplément  l'état  du  Tiers  de  fonder  un  nouvel  ordre  religieux,  dont  le 

Ordre  de  Saint-Dominique  actuellement  en  principal  institut  fût  de  mêler   la  vie  active 

France,  où  il  a  élé  modifié  par  le  R.  P.  La-  avec  la  contemplative,  il  se  relira  vers  le  dé- 

cordaîre.                                           B-d-e.  sert  de  Vallombreuse  en  Toscane,   où  pen- 
dant quarante  jouis  il  se  disposa  à  exécuter 

MINEURS  (Cleiics  RtocuEiis),  avec  In  Yie  celle   entreprise  par  des  jeûnes  continuels, 


f<"7                                  MIN  MIN                              973 

des  pénitences  el  îles  mortifications  surpre-  jours;  c.ir,  n'ayant  encore  que  quarante  ans, 

liantes.  Etant  allé  ensuite  à  Naples,  et  priant  il  mourut  à  Naples,  le  -21  septembie  de  l'an 

un  jour  avec  ferveur  dans  l'église  des  Incii-  1591,  après  avoir  vécu  dans  sa  congrégation 

râbles  pour  que  Dieu  lui  Fit  connaître    plus  deux  ans  et  demi. 

particulièrement  sa  volonté,  il  se  sentit  inlé-  Après  la  mort  de  Jean-Augustin  Adorne, 
rieurcmenl  pressé  d'evéc.uter  son  dessein,  et  François  Garaccioli  prit  le  gouvernement  de 
il  lui  sembla  même  que  Dieu  lui  commandait  l'ordre,  qui  s'agrandit  notablement  par  son 
de  le  taire,  et  qu'il  lui  en  prescrivait  les  moyen,  ayant  lait  plusieurs  fondations  en 
moyens.  Il  ne  douta  plus  que  ce  ne  lût  la  Italie  et  en  Espagne.  Il  avait  un  zè'e  inl'a'i- 
voUmté  de  Dieu,  lorsque  deux  personnes  gable,  il  était  toujours  occupé  à  la  prédira- 
d'une  des  plus  illustres  maisons  de  Naples,  lion  ou  à  la  confession,  el  il  (il  un  grand 
qui  furent  François  et  Augustin  Garaccioli,  nombre  de  convergions.  Quoique  élevé  à  la 
se  furent  jointes  a  lui  pour  l'aider  dans  sou  qualité  de  chef  de  son  ordre,  il  se  regardait 
ci.ireprise.  11  alla  à  Home  avec  François  Ga-  comme  le  moindre  de  ses  frères,  el  ce  fut 
raccioli  pour  obtenir  du  pape  Sixte  V  la  per-  celle  humilité  qui  le  fit  renoncer  à  la  snpé- 
mission  de  fonder  sa  congrégation.  Plusieurs  riorité,  quoiqu'il  eût  été  élu  général  perpé 
prêtais  cl  quelques-uns  de  leurs  parents,  sa-  tuel.  Il  s'ex  rçait  aux  emplois  les  plus  vils. 
chant  qu'ils  étaient  proche  de  Home,  envoyé-  Il  aimait  si  fort  la  pauvreté  que  lorsqu'il 
renl  des  carrosses  au-devant  d'eux;  mais,  voyait  quelque  religieux  qui  avait  une  mé- 
pour  éviter  ces  honneurs,  ils  se  détournèrent  chante  robe,  il  la  lui  demandait  aussitôt  pour 
et  entrèrent  dans  celle  ville  par  une  autre  s'en  revêtir,  et  il  lui  en  donnait  une  bonne, 
porte;  ils  allèrent  même  demander  l'aumône  il  inventait  tous  les  jours  de  nouvelles  ;;us- 
aux  Capucins,  et  furent  fort  contents  de  se  léri'és  pour  mortifier  son  corps.  Il  demeura 
trouver  avec  les  pauvres  à  la  porte  de  ce  cou-  plusieurs  mois  sous  un  escalier,  où  à  peine 
vent  el  de  manger  avec  eux.  il  pouvait  s'étendre.  Il  portail  jour  et  nuit 
Le  crédit  qu'ils  avaient  à  Rome  par  le  une  ceinture  de  1er,  il  dormait  sur  des  plan- 
moyen  de  leurs  parents  et  de  leurs  amis  fil  ches,  il  jeûnait  trois  fois  la  semaine, etloutes 
qu'ils  obtinrent  du  papeeequ'ilsdemandaient,  les  veilles  des  fêles  de  la  Vierge  au  pain  et  à 
et  ce  pontife  leur  accorda,  le  1"  juillet  15-8,  l'eau;  et  il  prenait  la  discipline  toutes  les 
un  bref  par  lequ  I  il  leur  permettait  d'ériger  nuits.  Enfin,  après  avoir  été  en  pèlerinage  à 
une  congrégation  de  Clercs  Réguliers,  défaire  Notre-Dame  de  Loretîe,  et  retournant  à  Na- 
des  vœux  solennels,  d'élire  un  supérieur,  et  pies,  il  passa  par  Agnone  dans  l'Ahruzze,  où 
de  prescrire  des  règlements  pour  le  maintien  on  lui  offrit  un  établissement.  I!  y  tomba  ma- 
de  celte  congrégation.  Il  les  reçut  sous  la  lads  chez  les  PP.  de  l'Oratoire  et  mourut  le 
protection  du  saint-siége,  el  comme  ce  pape  ijuinltiOS. 

avait  été  Frère  Mineur,  il  donna  à  ces  Clercs  Le  troisième  fondateur,  Augustin  Carne- 
Réguliers  le  nom  de  Mineurs,  quoique  lin-  cioli,  quiita  une  riche  abbaye  pour  se  join» 
lenlion  d'Adorne  fûl  de  leur  donner  celui  de  dre  aux  deux  autres  fondateurs-  U  les  imita 
Mariant,  à  cause  de  la  dévotion  qu'il  portait  dans  toutes  les  vertus,  principalement  d.-ins 
à  la  saiuie  Vierge.  Ils  retournèienl  ensuite  la  pauvreté.  Son  humilité  était  si  grande,  qu'il 
à  Naples,  où  ils  jetèrent  la  même  année  les  ne  voulut  point  accepter  la  charge  de  général 
fondements  de  cet  ordredans  l'église  de-Sainte-  de  l'ordre;  et, sur  la  proposition  que  lui  fit 
Agnès.  Grégoire XIV  leur  accorda,  l'an  1591,  un  cardinal  d'un  évêché  qu'il  lui  voulait 
tous  les  privilèges  d  ni  jouissaient  les  Théa-  procurer,  il  se  jeta  aussitôt  à  genoux  cl  renou- 
lins, Clément  VIII  les  confirma  dans  la  suite,  vêla  le  quatrième  vœu  qui  se  fait  dans  cet 
Paul  V  les  fil  participants  de  tous  les  privilé-  ordre  de  ne  prétendre  à  aucune  dignité.  H 
ges  qui  avaient  été  accordés  par  ses  prédé-  voulait  toujours  dépendre  d'Un  supérieur. 
cesseurs  aux  autres  ordres  religieux,  et  ils  Ce  fui  l'obéissance  qui  lui  fit  accepter  l'office 
en  oui  encore  reçu  d'autres  dans  la  suite.  de  préfet  el  les  autres  emplois  dont  les  su- 
Adornc,  après  l'établissement  de  sa  congre-  périeurs  le  chargèrent,  el  il  mourut  le  28 
galion,  pratiqua  louies  le*  venus  dans  un  mai  1G15,  étant  âgé  de  soixante  ans. 
degré éminen t.  Ses  austérités  étaient  grandes,  Cet  ordre  a  présentement  plusieurs  mai- 
son humilité  profonde,  son  oraison  presque  sons,  qui  sont  divisées  en  quatre  provinces, 
continuelle,  employant  ordinairement  sept  dont  il  y  en  a  deux  en  Espagne,  sous  le  litre 
ou  huit  heures  à  l'oraison  mentale;  mais  où  de  provinces  de  Casiille  el  d'Andalousie,  et 
il  faisait  paraître  plus  de  dévotion,  c'était  deux  en  lia  ie,  sous  le  titre  de  provinces  de 
lorsqu'il  célébrait  la  sainte  messe, employant  Naples  el  de  Rome.  Le  général  était  d'abord 
aussi  beaucoup  de  temps  à  s'y  préparer  el  à  perpétuel,  ensuite  il  s'élisait  tous  les  six  ans, 
faire  son  action  de  grâces.  Il  essuya  beau-  m  lis  le  pape  Alexandre  Vil  ordonna  qu'il 
coup  de  fat  gués  pour  l'agrandissement  de  serait  à  l'avenir  perpétuel  comme  il  l'avait 
son  ordre.  Il  fui  en  Espagne  pour  y  faire  des  été  dans  le  commencement.  Ces  religieux  ont 
établissements,  mais  ce  fut  in  utilement  à  cause  dans  plusieurs  villes  deux  maisons,  comme 
des  contradictions  qui  s'y  trouvèrent  pour  à  Rome,  à  Cènes  et  à  Païenne  ;  el  dans  d'au- 
lors,  et  cène  fut  qu'après  sa  mort  que  ses  1res  trois,  comme  à  Naplcs  et  dans  quelques 
religieux  y  sont  entrés  et  y  ont  obtenu  plu-  villes  d'Espagne. 

sieurs  maisons  qui  sont  divisées  en  plusieurs  Leur  principal  institut  consiste  dans   les 

provinces.    Comme  il  ne  faisait  ses  voyages  exercices  de  la  vie  active  et  contemplative  ; 

qu'à  pied  cl  en  demandant  l'aumône,  ses  fa-  comme  nous  avons  dit,  ils  font  quatre  vœux 

ligues  joint,  s  à  ses  austérités  abrégèrent  ses  solennels,  de  pauvreté,  de  chasteté,   d'obéi-;- 


970 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


98n 


sance  et  de  ne  prétendre  à  aucune  dignité 
hors  île  la  religion.  A  ces  quatre  voeux  ils 
ajout  en  I  un  s  ■:-:;; e h t  de  no  prétendre  à  au- 
cune dignité  dans  l'ordre,  et  tous  les  ans,  la 
veille  de  l'Epiphanie,  ils  renouvellent  leurs 
Tirus.  Ils  ont  une  heure  d'oraison  par  jour, 
le  matin  et  le  soir,  e!  tour  à  tour  ils  font  une 
heure  d'or  ion  qu'ils  appellent  l'oraison  cir- 
culaire. Deux  foi*  le  jour  ils  font  l'examen 
de  conscience,  ils  s'emploient  à  la  prédica- 
ti„d  et  à  la  confession  dans  leurs  propres 
églises,  et  ils  font  encore  des  missions.  Ils 
visitent  les  prisons  et  les  hôpitaux,  et,  tant  de 
jour  que  de  nuit,  il  y  en  a  toujours  quelques- 
uns  qui  sont  destinés  peur  alier  assister  les 
malades,  lorsqu'ils  y  sont  appelés.  Ils  ne 
njangeul  de  la  viande  que  trois  fois  la  se- 
mai  e,  et,  outre  les  jeûnes  commandés  par 
:  ils  jeûnent  encore  l'avent,  les  deux 

derniers  jour?  du  carnaval  et  tous  les  vendre- 
disde  l'année, et  ilsprenneni  encore  cesjours- 
là  la  discipline.  Outre  ces  mortifications,  ils  ont 
encore  une  manière  de  pénitence  qu'ils  ap- 
pellent au  si  circulaire.  Tous  les  jours,  hors 
les  l'êtes  de  précepte,  il  y  en  a  un  qui  porte 
le  i  ilice,  un  autre  qui  prend  la  discipline,  et 
un  qui  jeûne  au  pain  et  à  l'eau,  lequel  est 
obligé  de  porter  sa  pitance  du  réfectoire  à 
un  pauvre,  auquel  il  doit  faire  quelque  ins- 
truction. 

Ils  ont  des  maisons  de  quatre  sortes.  I!  y 
en  a  qu'ils  appellent  maisons  d'exercices,  où 
l'on  s'occupe  à  procurer  au  prochain  (ouïes 
les  assistances  spirituelles  dont  il  a  besoin, 
d'autres  qui  sont  destinées  pour  l'éducation 
des  novices,  d'autres  sous  le  titre  de  collè- 
ges, où  l'on  enseigne  toutes  sortes  de  scien- 
ces, non-seulement  à  leurs  propre-  religieux, 
mais  encore  aux  personnes  du  dehors  qui 
veulent  venir  à  leurs  leçons.  Enfin  ils  ont 
des  maisons  qu'ils  appellent  ermitages,  où 
ils  vivent  dans  une  grande  retraite  et  dans  la 
pratique  de  l'oraison  et  de  la  pénitence  la 
plu"-  sévère,  et,  afin  de  n'être  point  troublés 
dans  leurs  exercices,  l'église  de  ces  sortes 
d'ermitages  est  d  ins  l'intérieur  de  ta  mai- 
son, et  I  entrée  en  est  interdite  aux  séculiers. 
Les  supérieurs  ne  peuvent  pas  contraindre 
aucun  religieux  à  y  aller  demeurer,  il  n'y  a 
que  le  zè'e,  la  ferveur  et  le  désir  d'une  plus 
grande  perfection  qui  porteut  les  religieux 
à  vivre  dans  ces  solitudes,  et  ils  doivent  en 
«bleuir  la  permission  des  supérieurs.  Il  y  a 
de  ces  sortes  d'ermitages  hors  la  ville  de  Na- 
ples  et  hors  la  ville  de  Lisbonne,  et  il  y  a 
peu  de  bonnes  villes  et  d'universités  en  Es- 
pagne où  ils  n'aient  des  collèges. 
i  Celle  congrégation  s'est  augmentée  encore 
sous  le  gouvernement  du  P.  Pax,  qui  en  a 
lélé  général  et  qui  a  fait  des  établissements 
nouveaux,  deux  en  Italie,  à  Pistoie  dans 
la  Toscane,  et  à  Saiut-Genest  dans  la  Marche 
d'Ancône,  et  d'autres  en  Espagne,  comme  à 
Valence  et  en  d'autres  villes  de  ce  royaume 
où  ces  religieux  sont  fort  estimés.  Le  pape 
Clément  V 111  les  recommanda  à  Philippe  II 
lorsqu'ils  voulurent  faire  leur  premier  éta- 
blissement dans  ses  IUals,et  Philippe  111,  sa- 
chant qu'ils  voulaient  s'établir  dans  le  duché 


d'Urbin,  les  recommanda  au  duc  d'Urbin,  N. 
de  la  Kovère ,  qui  non-seulement  les  établit 
à  Casfel-Duranle  et  à  Pesaro,  mais  leur  donna 
encore  sa  bibliothèque  composée  de  plus  de 
trente  mille  volumes. 

Il  y  a  eu  dans  cet  ordre  plusieurs  écrivains 
célètires,  comme  le  P.Raphaël  Aversa  de 
Saint-Severin  au  royaume  de  Naples.qui, 
sous  le  ponlilicat  d'Innocent  X  et  celui  d'A- 
lexandre VU,  fut  consulleur  des  Rites  et  de 
Y  Index,  et  qualificateur  du  Saint-Office;  il 
refusa  les  ééchés  de  Nocera  et  de  Nardi.  Le 
P.  Philippe  Suadagnoli  enseigna  pendant 
plusieurs  années  l'arabe  dans  le  collège  de 
la  Sa  pi  née  A  Rouie;  il  laissa  quelques  ou- 
vrages en  cette  langue,  qui  furent  imprimés 
par  ordre  d'Urbain  VIII.  Le  P.  Laurent  du 
Pont,  neveu  du  pape  Léon  XI,  a  fait  des 
commenta  res  sur  le  livre  de  la  Sagesse  et 
l'Evangile  de  saint  Matthieu.  Le  P.  Antoine 
Para  a  douné  deux  volumes  de  théologie 
scolastique.  Le  P.  Antoine  Rosendea  travaillé 
sur  la  même  matière.  Les  PP.  Biaise  Vaxen, 
Jérôme  Prado,  Antoine  Vasquez  et  Jérême 
Salccdo  ont  donné  quelques  histoires  ;  le  P. 
Thomas  Hurlado,  Espagnol,  a  laissé  treize 
volumes  de  scolastique  et  de  morale.  Le  P. 
Emmanuel  Peignera  en  a  donné  trois  sur  le 
droit  canon  et  la  théologie  morale,  le  P.  Be- 
noît Remy,  neuf  Volumes  sur  différentes  ma- 
tières, le  P.  Jean  de  Guevara  a  ausM  laissé 
plusieurs  volumes  sur  différentes  matières; 
je  passe  sous  silence  les  autres,  qui  sont  en 
trop  grand  nombre. 

Ily  eu  a  eu  aussi  plusieursqui  se  sont  distin 
gués  par  la  sainteté  de  leur  vie,  comme  le  P. 
Eugène  Hurlado,  Vincent  Siribella,  Joseph 
Imperato,  qui  aida  beaucoup  le  P.  François 
Caraccioli  dans  la  fondation  des  couvents 
d'Espagne  et  refusa  l'archevêché  de  Manfre- 
donia  ;  Barthélémy  Simorili,  Paul  Masio, 
Laurent  du  Pont,  Benoît  Cappello,  Gonzale 
Fernande/,  Pierre  Sousa  et  plusieurs  autres. 

Le  P.  Thomas  Lolli,  confesseur  du  pape 
Innocent  X,  fut  fait  par  ce  pontife  évêque 
de  Cérène  inpnrtibus,  prélat  de  la  congréga- 
tion des  Réguliers,  et  vicaire  de  l'église  de 
Sainte-Mari  •  Majeure  à  Rome.  Sous  le  pon- 
tifical d'Innocent  XI,  le  prince  Ernest  de 
Grouy,  voyageant  en  Italie  et  étant  enlrô 
d  : ns  l'église  de  Notre-Dame  de  Lorette,  fut 
si  louché  de  la  sainteté  de  ce  lieu,  qu'il  re- 
nonça aux  erreurs  de  Luther,  dont  il  faisait 
profession.  Etant  venu  à  Rome,  il  fit  abjura- 
tion entre  les  mains  du  pape  et  entra  dans 
l'ordre  des  Clercs  Réguliers  Mineurs,  où,  peu 
de  temps  après  avoir  été  promu  au  sacer- 
doce, il  mourut  dans  de  grands  sentiments 
de  piété,  ayant  beaucoup  édifié  ces  religieux 
par  son  humilité  et  par  la  vie  austère  qu'il 
avait  menée. 

Ces  religieux,  entre  autres  privilèges,  ont 
une  chaire  au  collège  de  la  Sapience  à  Rome, 
où  ils  enseignent  la  philosophie,  et  il  y  en  a 
toujours  un  qui  est  consulteur  de  l'Index,  ce 
qui  leur  a  été  accordé  par  le  pape  Alexan- 
dre VII  et  confirmé  par  le  pape  Alexandre 
Vlli.  Ily  en  a  encore  un  qui  est  examina- 
teur synodal ,  et  cette  charge  fut  conférée 


981 


MIN 


MIN 


1S2 


par  Innocent  XI  nu  P.  Philippe  Gruthcr,  fa- 
meux théologien  et  procureur  général  de  cel 
ordre. 

Ces  Clercs  Réguliers  son!  habillé-  à  peti 
prèseotnn  elesâu  rès  Clercs  Réguliers(1  - 
rèplé  que  leur  rob'  esl  «erré  ■  d'ui  e  ce  nlnre 
de  cuir,  e'  que  'es  manches  de  celte  robe  ne 
sont  point  serrées  au  p  ignel,  mais  qU'e  les 
v>  i  on  peu  larges.  Ils  ou'  pour  armes  !a 
résurrection  de  Notrè-Seigneur,  ajvec  ciit' 
devise:    ;,'  nia  orem  Resu  qt  'lis  (floriatn. 

Y  ~\  ;  le  livre  intitu  é.  Délia  v.  reli  ione 
de  Pail.  fliim'ri  Rrg  lari  Minori.  IgnaziO  3e 
Vives,  Vita  dtl  P.  Franc  Caraccioti.  Auberl 
le  Mire,  de  Congreg.  Clericorum  in  r  mmuni 
vireniium,  et  ttégufœ  et  çonstihitiones  Cleri- 
corum in  congreg.  vive»t%um, Pjelro  Cresceri. 
Prœsidio  ftom.  Silvest.  Maurol.  Mat.  Océan, 
di  lut.  le  relig.  Ascag.  ïambur.  do  Jure  abb. 
August.  Barbosa,  de  Jure.  Eccl'es.  Hermnnt, 
Schoonebek  etBonaniii.  Bisl.  des  Ordres  Re- 
ligieux. 

Au  dernier  siècle  les  Clercs  Réguliers 
Mineurs  avaient  à  Rome  deux  maisons, 
l'une  à  Saint-Laurent  in  Lucina,  l'autre  à 
Saint-Vincent  et  Saint-Ahastas  ■  a  ■  ; 
Aujourd'hui,  ils  existent  encore  et  ils  ont 
pour  procureur  général  le  P.  Joachim  Sfclî. 
On  attendait  l'élection  du  vicaire  général. 

B-D-E. 

MINEURS   FrerksI.  Voij.  Frasciscaiss. 
M1NGRÉLIENS  (Moïses).  Vov.  Melch<tes. 

.MINIMES  Religieuses.  Yoy.  Minimes  (OR- 
DRE DES),  §  II, 

MINIMES  [Ordre  dés). 

§  I  '.  Des   reli  ieux  Minime*,  avec,  la  Vie    de 
saint  François  de  Poule,  leur  fondateur. 

Les  religieux  Minimes  prétendent  avoir 
quelques  prérogatives  au-dessus  des  au'res 
religieux,  et  1rs  surpasser  par  l'austérité: 
c'est  pourquoi  le  P.  Joseph-Marie  Perimèzzi, 
religieux  Minime,  d  ins  la  "Nie  qu'il  fi  donnée 
de  saint  François  de  Paùle,  fo  idaléur  de  cet 
ordre,  entre  plusieurs  dissertations  qu'il  y 
a  jointes,  tant  sur  Fâgede  ce  saint,  Son  pays, 
sa  famille,  son  érudition  et  s<  n  voyage  eu 
France,  que  sur  d'autres  sujets  qui  regar- 
dait les  ;:rtions  de  sa  vie  et  l'ordre  qu'il  a 
fondé,  en  fail  une  pour  prouver  que  le  vœu 
de  la  vie  quadragésimaTe,  qui  esl  le  dislinc- 
lïfde  cet  ordre,  lui  donne  u  e  supériorité  de 
mort  i  fier,  i  ion  sur  ceux  des  Chartreux  et  des 
ordres  Mend  nuls.  Mais  je  crois  que,  pour 
en  juger  sainement,  il  aurait  fallu  que  le  P. 
Périmezzi  eût  auparavant  éprouvé  l'absti- 
nence de  viande  des  Chartreux,  dans  les  plus 
grandes  maladies,  leur  silence  et  l'usage 
continuel  du  cil  ce,  la  grande  pauvreté  des 
autres,  leurs  voyages  à  l'apostolique  et  la 
nudité  des  pied-;.  On  ne  peut  pas  nier  néan- 
moins que  ce  vœu  d'  la  vie  quadragésimale 
ne  rende  Iput  ordre  fort  austère  et  ne  les  as- 
su;eti  se  à  une  mortification  continuelle  ; 
mais  qu'ils  surpassent  en  cela  lous  les  reli- 
gieux, c'est  ce  qu'on   ne  peut  leur  accorder 


sans  faire  iorl  à  plusieurs  saints  Instituts  et 
r  iformes,  qui  sont  la  bonne  odeur  de  Jésos- 
Chrisl,  et  auxquels  on  ne  peut  disputer  une 
pénitence  beaucoup  plus  austère  que  n'esl 
celle  des  Mini    es. 

Cel  orire  a  eu  pdur  fondateur  saint  Ffan- 
ç  is  de  1'. iule, ainsi  appelé  du  lien  de  sa  nais- 
s  t     •  dans  la  Calabré  citérieure  au  royaume 
dé  Napl  s.  ||  vint  au  monde   vers    l'an    14-16, 
■es  parenl    I  ayant  obtenu  de  Dieu  parl'inter- 
cession  de  saint  François  d'Assise,  au  juel  ils 
firent  vœu  et  dont  ils  1   i  donnèrent   le   nom 
par   reconnaissance.  Son  père   se   nommait 
Jacques  Marlorillc   et    sa    mère   Vienne   de 
Fuse  do,  laquelle  eul  une  sœur  nommé  Bri- 
gitte, mariée  à  Antoine  d'Alesso,  son  cousin 
germain,  dont  dc.:\  enfants  vinrent  en  France, 
l'u       desquels,    Pierre  d'Alesso,    se  lit   reli- 
gieux ('ans  l'ordre  des  .Minimes,   et   l'autre, 
Antoine  d'Alesso.  épofisa  Jacquel  ne  ou  Jue- 
quettë  Môiandrin.  De  ce  mariage  vint  Jean 
d'Alesso,  qui  de  la  sœurde  l'évéque  d'Orléans, 
Mathurin  de  la  Saussaye,  mère  de'l'évéque 
Jean   de   Morvilliers,    garde   des    sceaux   de 
France,  eut  Michclle,   mariée   à   Nicolas  le 
Clerc  de  Courcelle;  Anne,   femme  d'Olivier 
le  Febvre  d'Ormesson  ;  François,  qui  épousa 
Marie  de  Vigni  ;  André,  qui  épousa  Marie  de 
Longueil  ;  Madeleine,  femme  de  Pierre  Chail- 
lou.  qui  lous  ont  eu   des  descendants,  qui, 
quoique  fort  recommandai  les  par  leur  pro- 
bité et   les  grandes   charges    auxquelles   ils 
ont  été  élevés  en  France,  se  sont  tenus  p'us 
honores   d'être  petits  neveux  de   saint  Fran- 
çois de  P  nie,  que  de  la  qualité  de  présidents, 
de  conseillers  d'Etal,  de  maîtres  des  requê- 
tes 1 1  autres  semblables  qu'ils    ont   portées  : 
c'est   pourquoi  le  P.  Claude  du  Vivier,  reli- 
gieux Minime,  ayant  écrit  eu  1620  que  saint 
François  de  Paule  était  fils  unique,  ils  en  fi- 
rent des  plaintes  au   général   de  cet    ordre, 
qui  ordonna  au  P.  du  Vivier  de  se  rétracter; 
et  le  1'.  Chapat  écrivit  ensuite  pour  prouver 
que   saint  François  de   Paule  avait  eu  une 
sœur  mariée  à  André  d'Alesso. 

Ce  saint,  qui  avait  été  reçu  du  ciel  par  ses 
parents,  étant  regardé  par  eux  comme  un 
dépôt  qui  leur  était  confié,  ils  relevèrent 
dans  tous  les  exercices  de  dévotion  capables 
de  le  rendre  agréable  aux  veux  de  Dieu, 
auquel,  en  conséquence  de  leur  vœu,  ils  se 
croyaient  obligés  de  le  restituer.  Comme  il  se 
se  trouva  porté  de  lui-même  à  la  piété,  son 
éducation  leur  coûta  peu  ;  c;ir  dès  son  en- 
fance il  aima  la  solitude,  l'abstinence  et  la 
prière  ;  il  n'eut  point  d'autres  maîtres  qu'eux 
jusqu'à  l'âge  delreizeans,  qu'ils  crurent  qu'il 
était  temps  d'accomplir  ie  vœu  qu'ils  avaient 
fail  pour  sa  naissance  et  qu'ils  avaient  re- 
nouvelé depuis  pour  sa  conservation  :  pour 
lors  ils  le  donnèrent  aux  religieux  de  Saint- 
François,  qui  le  reçurent  dans  leur  couvent 
de  Saint-Marc,  ville  épi-copale  de  la  mémo 
province.  Ce  fut  là  que  le  jeune  François, 
animé  par  les  bons  exemples  de  ces  saints 
religieux,  et  prévenu  des  grâces  du  ciel,  com- 
mença celte  vie  austère  qu'il  pratiqua  jusqu'à 


(I)   Voy.,  à  la  fin  du  vol  ,  n*  214. 


r,8S  DICTIONNAIRE  DES  ORDKES  RELIGIEUX.  984 
la  mort.  Il  surpassa  on  peu  de  temps  les  re-  ers,  et  avant  pris  quelques  autres  religieux 
ligicux  les  plus  robustes  <  t  les  plus  fervents  avec  lui,  il  vint  établir  sa  seconde  colonie  à 
dans  l'exacte  observance  de  la  règle;  il  Palerne  en  1444.  Le  nombre  de  ses  di<ci- 
s'interdit  dès  lors  l'usage  du  linge,  et  s'abstint  pies  augmentant  avec  les  charités  des  per- 
de manger  de  la  viande,  quoiqu'on  en  man-  sonnes  de  pirlé  qui  contribuaient  au  soutien 
geâ,tdans  celle  maison,  selon  l'usage  des  Mi-  de  son  nouvel  institut,  il  prit  la  résolution 
neurs,  auxquels  elle  n'est  pas  défendue  par  en  1152  de  bâtir  à  Paule,  avec  la  permission 
leur  règle.  Il  y  pissa  un  an  sans  faire  pro-  de  Pyrrhus,  son'évéque,  un  monastère  d'une 
fession,  et  ayant  été  rendu  à  se<  parents,  ils  juste  étendue  et  une  Eglise  plus  r.pacieuse. 
lemenèienlensuileen  divers  peler  nages, àAs-  En  quoi  il  fut  aidé  par  saint  François  d'As- 
sise à  Notrè-Dime  des  Anges,  àLorettcelâ  sise,  qui  lui  apparut  dans  le  temps  qu'il  com- 
,  Rome,  visitant  les  p  us  célèbres  monastères  de  mençail  cet  édifice,  et  lui  fi!  prendre  de  nou- 
Jeurroue, elles  lieux  qui  étaient  les  plus  fré-  veaux  alignements.  La  même  année  1453,  il 
I quëntés  par  la  dévotion  des  fidèles.  Etant  fit  un  troisième  établissement  à  Spezano-le- 
|  retournés  à  Paule,  François  se  relira  en  un  Grand,  aussi  du  diocèse  de  Cozensa,  et  jeta 
endroit  solitaire,  éloigné  de  la  ville  de  cinq  encore  les  fondements  d'un  nouveau  cou- 
cents  pas,  où  ves  parents,  qui  avaient  con-  vent  à  Cortone  en  1460. 
seni  a  sa  retraite,  procurèrent  sa  subsistance  Le  saint  visitait  ces  couvenls,  allant  de 
pendant  quelque  temps,  afin  qu'étant  dis-  l'un  à  l'autre  tant  pour  l'avancement  de 
pensé  delà  peine  d'en  aller  cher  her,  il  pût  leurs  édifices  que  pour  le  gouvernement  de 
vaquer  aux  exercices  de  la  retraite  sans  ses  religieux,  qui  n'avaient  pointencore  d'au- 
distraction.  Mais  ce  lieu,  qui  appartenait  à  très  règles  qui;  ce  les  qu'il  leur  donnait  de 
ses  parents,  ne  lui  semblant  pas  assez  éloigné  vive  voix  avec  les  exemples  de  sa  vie  ;  mais 
pour  éviter  la  conversation  des  hommes,  à  il  fut  obligé  de  les  quitter  pour  un  temps.  Le 
cause  des  visites  fréquentes  qu'il  y  recevait,  bruit  de  ses  vertus  et  de  se<  miracles  s'était 
il  ne  s'y  arrêta  pas  longtemps;  et  cherchant  tellement  répandu  en  Sicile,  qu'il  n'y  avait 
une  solitude  plus  écartée,  il  alla  se  cacher  point  de  ville  dans  toute  celle  ile  qui  ne  sou- 
dans  ie  coin  d'un  rocher,  où  il  trouva  moyeu  liaitàt  avec  ardeur  jouir  de  sa  présence; 
de  se  creuser  une  loge.  Quoiqu'il  cûl  à  peine  surtout  les  habitants  de  Milazzo  le  deinan- 
quinzo.  ans  lorsqu'il  s'y  renferma,  il  n'eut  daient  avec  instance  et  lui  envoyèrent  des 
pas  besoin  de  la  conduite  d'aucun  maître  députés  pour  le  prier  de  venir  établir  chez 
paur  régler  sa  vie  dans  la  pénitence  et  les  eux  une  communauté.  Ainsi,  après  avoir 
exercices  spirituels.  Il  n'avait  point  d'autre  donné  ses  ordres  pour  le  gouvernement  de 
lit  que  la  pierre  même  du  roc,  point  d'autres  ses  maisons  de  Calabre,  il  partit  en  1464 
aliments  que  les  herbes  et  les  racines  d'un  avec  deux  de  ses  religieux  pour  aler  en  Si- 
petil  buis  voisin,  ou  ce  que  lui  fournissait  la  cile,  où  il  arriv a  heureusement  à  la  faveur  de 
charité  de  ceux  qui  le  visitaient  en  ce  lieu,  son  manleauqu'il  étenditsnr  la  mer  etqui  lui 
Il  portait  un  rude  ciliée  sous  un  habit  fort  servit  de  vaisseau  età  ses  deux  compagnons, 
vil,  et  menait  une  vie  semblable  à  celle  des  à  la  honte  etaugrandétonnementdequelques 
solitaires  de  la  Thébaïde.  mariniers  qui,  voyant  sa  grande  pauvreté, 
Sa  réputation  se  répandit  bientôt  dans  toute  lui  avaient  refusé  le  passage  dans  leurs  bar- 
la  Calabre  ;  plusieurs  personnes  voulurent  ques.  Etant  donc  abordé  eu  Sicile,  il  alla  à 
être  les  témoins  et  les  imitateurs  de  ses  vertus,  Milazzo,  où  il  fut  reçu  comme  un  ange  des- 
el  il  ne  put  résister  aux  instances  qu'on  lui  fit  cenlu  du  ciel,  et  ou  on  lui  bâtit  en  peu  de 
d  en  recevoir  quelques  uns  et  d'en  prendre  la  temps  un  couvent  qui  fut  le  premier  de  son 
conduite,  quoiqu'il  ne  fût  âgé  que  de  dix-neuf  ordre  en  ce  royaume,  et  qui  donna  bien- 
ans.  Ce  fut  l'an  1435  qu'il  commença  d'avoir  tôt  naissance  à  d'autres  qu'on  y  fonda.  Le 
desdisciples,  avec  lesquels  il  sortitde  cette so-  saint  fonda  eur,  après  y  avoir  demeuré  près 
litude  pour  retourner  auprès  de  Pau'e  dans  un  de  quatre  ans,  retourna  en  1468  en  Ca'ahro, 
lieu  qui  appartenait  à  ses  parents,  où  il  jeta  où  il  assista  les  pauvres  dans  une  extrême 
les  fondements  de  son  ordre.  Ils  y  bâtirent  famine  qui  affligeait  toute  cette  province,  cl 
des  cellules  avec  une  chapelle  où  ils  chan-  peu  de  temps  après  il  fut  invité  d'aller  com- 
taient  ensemble  les  louanges  de  Dieu;  et  mencer  un  nouveau  monastère  de  son  ordre 
comme  celte  chapelle  était  apparemment  dé-  à  Carigliano  dans  le  diocèse  de  Rossane. 
diée  à  saint  François  d'Assise,  on  leur  don-  Cependant  les  actions  prodigieuses  qu'il 
na  le  nom  A' Ermites  de  Saint-François.  Ils  faisait  de  temps  en  temps  faisant  grand  bruit 
vécurent  ensemble  près  de  dix  ans;  mais  les  par  loule  l'Italie,  le  pape  Paul  II  voulut  en 
'îabitanls  de  Paterne,  ville  située  aussi  dans  avoir  des  nouvelles  assurées,  et  envoya  pour 
ii  Calabre  proche  Cariali  et  du  diocèse  de  cela  un  de  ses  camériers  à  l'archevêque  de 
Cozensa  ,  souhaitant  avoir  part  à  la  béné-  Cozensa,  alin  qu'il  s'en  informai  pleinement, 
diction  que  ces  saints  solidaires  attiraient  L'archevêque,  qui  connaissait  la  sainlelé  du 
sur  les  habitants  de  Paule,  supplièrent  le  serviteur  de  Dieu,  parla  avantageusement  de 
saint  de  venir  chez  eux,  et  s'offrirent  de  lui  lui  à  ce  prélat,  et  lui  conseilla  d'aller  à 
donner  un  lieu  pour  y  bâtir  un  couvent.  Paule,  afin  de  l'interroger  lui-même, de  l'exa- 
Pau!  de  Itendac,  gentilhomme  de  cette  ville,  miner,  cl  de  ne  rapporter  au  pape  que  ce 
qu'il  avait  reçu  au  nombre  de  ses  enfants,  qu'il  aurait  vu.  Le  Camérier  le  crut,  et  sans 
joignit  ses  prières  à  celles  de  ses  compatrio-  donner  avis  de  son  voyage,  il  se  rendit  au 
tes  pour  le  faire  consentir  à  leur  accorder  plus  lot  à  Paule.  Dès  qu'il  vit  s.aint  François, 
cette  grâce.  Il  se  rendit  enfin  à  leurs  inslan-  il  voulut  lui   baiser  les  mains  par  respect  ; 


985                                  MIN  MIN                                 986 

mais   le  saint  s'en  défendit  avec   beaucoup  portants  qu'il  lui  avait    fait  donner  pour  lu 

d'humilité,  lui  disant  qu'il  était  plus  à  pro-  bien  de    sa  personne   et  de  son  Etat,  et  qui 

pos    qu'il    lui  rendît   lui-même  ce   devoir,  plurent  encorejmoins  à  ses  enfants,  qui  abu- 

comme  à  celui  qui  était  honore  depuis  trente-  suient   de  son  autorité  et  profitaient  de   ses 

trois  ans  de   la  dignité   sacerdotale  ;    ce  qui  exactions.  Ce   prince,  animé  contre  le  sailli, 

riant  vrai  surprit   le  caméner,  qui,  voulant  sachant  qu'il  était  dans  son  couvent   de  Pa- 

fxécuter  sa  commission,  l'entretint  de  sa  vie  terne,  y  envoya  un  capitaine  de  galère  avec 

<■!  de  celle  de  ses  disciples,  et  commença  à  la  des  soldats  pour  se  saisir  de  lui  et  l'emme- 

Wxerde  rigueur  indiscrète  el  d'une  singula-  ner  prisonnier  à  Naples.    Celle  nouvelle  jeta 

rilé  dangereuse,  sur  quoi  il  s'étendit  fort  au  la  consternation  dans  le  pays.  Les  habitants 

long.  Le  saint  l'écouta  tranquillement,  mais  de   paterne   s'employèrent  avec  zèle  auprès 

Comme  il   s'agissait  de   soutenir  rétablisse-  du  capitaine  pour  le  détourner   d'arrêter  le 

ment  de  la  vie  quadragésin.ale  dont  il  avait  saint,    lui  remontrant  que   ce  sera  l  atli  er 

reçu  l'ordre  du  ciel,  il  prit  des  charbons  ar-  sur  lui  el  sur  toute  la   maison  royale  la  co- 

denls  entre  ses   mains,   el    les   tenant  long-  1ère  de  Dieu  et  le  fléau  de  son  indignation.  Il 

temps  sans  se  brûler,   il  dit  au  prélal  que,  ne  laissa  pas  de  vouloir  exécuter  les   ordres 

puisqu'il   voyait  ce  qu'il  fii  ait  par  la   vertu  qu'il  avait  reçus  ;  mais  lorsqu'il  eut  vu  saint 

île  Dieu,  il  ne  devait  pas  douter  aussi  qu'é-  François  de  Paule  el  qu'il  lui  eut  signifié  la 

lant  assis'é  de  cette  vertu  on  ne  pût  supp  >r-  volonlé  du  roi,  il  fut  si  louché  de  son  humi- 

ter  la  vie  la  plus  austère  el  les  plus  grandes  lilé  et  de  la  d  spositiun  où  il  éiait  de  le  sui- 

rigueurs  de   la   pénitence.  Le  camérier,  ef-  vre,  et  surtout  des  discous  admirables  qu'il 

frayé   de  ce   prodige,    voulut   se  jeter  à  ses  lui  tint,    qu'il    s'en  retourna  à  Naples   sans 

pieds  pour  lui  demander  excuse  et   recevoir  rien  faire.  Il  dii  au  roi   ce  qu'il  avait  vu  et 

sa  bénédiction,   mais  il  en    fut  empêché  par  enlcudn,  et  lui  (il  si  bien  comprendre  le  dan- 

le  saint,  qui   lui   demanda  au    contraire    la  ger  qu'il  y  aurait  eu  d'enlever  le  serviteur  do 

sienne  avec  tant  d'humilité,  que  celui-ci   le  Dieu  au  milieu  des  peuples  qui  le  regardaient 

quitia  autant  édifié  de  la  sainteté  de  ses  dis-  comme  un  saint,  qu'il  le  fit  résoudre  à  le 

cours  et  de  sa   profonde  humilité,  qu'étonné  laisser  en  liberté. 

de  ce  qu'il  lui  avait  vu  faire.  Il  en  informa  Cependant  le  bruit  de  sa  sainteté  et  de  ses 
le  pape  et  toute  la  cour  romaine:  ce  qui  fut  miracles  s'élant  répandu  au  delà  de  l'Italie, 
une  grande  disposition  aux  grâces  que  le  vin  jusqu'à  la  cour  de  France,  où  le  r  >i 
saiul-siége  accorda  depuis  à  l'ordre  des  Mi-  Louis  XI  était  dangereusement  malade  dam 
nimes,  mais  principalement  à  celle  de  son  le  château  du  Plessis-lez-Tours.  Ce  prince, 
approbation  authentique  qu'il  reçut  en  14-73,  qui  avait  un  grand  attachement  pour  la  vie, 
sous  le  pontificat  de  Sixle  IV  qui  avait  suc-  avait  épuisé  l'art  des  médecins  et  usé  de  tous 
cédé  à  Paul  U.  Dès  l'an  1471, Pyrrhus,  arche-  les  remèdes  imaginables  pour  rétablir  sa 
véque  de  Cozens  i ,  avail  ac  ordé  à  saint  santé  ;  ces  secours  ayant  été  inutiles, il  avait 
François  de  Paule  beaucoup  de  privilèges  eu  recours  à  des  moyens  surnaturels  pour 
pour  son  ordre  dans  toute  I  étendue  de  son  l'obten  r  du  ciel  par  des  vœux,  des  neuvai- 
diocèse,  avec  permission  d'y  faire  de  nou-  nés,  des  pèlerinages  et  autres  dévolions; 
veaux  établissements.  Geoffroi,  évéque  de  mais  comme  cela  avait  été  inutile  jusqu'a- 
Saint-Maur.  examina  ces  privilèges  par  ordre  lors,  il  crut  que  saint  François  de  Paule,  qui 
du  pape  Sixte  IV,  l'an  1473,  et  sur  le  rap-  était  le  thaumaturge  de  son  temps,  pourrait 
porl  qu'il  en  fit,  ce  ponlife  approuva  cet  or-  faine  que'que  miracle  en  sa  faveur,  et  oble- 
dre  sous  le  nom  ATErmiles  de  Saint- Fran-  nir  de  Dieu  sa  guér  son  par  ses  prières.  Il  lui 
çois.  Le  même  Sixte,  ayant  examiné  lui-  lit  d'abord  écrire  pour  le  convier  de  le  venir 
même  ces  privilèges,  établit  l'année  suivante  trouver  en  France,  où  il  lui  promit  tous  les 
saint  François  de  Paule  supérieur  général  de  avantages  qu'il  pourrait  souhaiter  pour  l'é- 
sa  congrégation,  qu'il  exempta  de  la  juri-  lablissemenl  de  son  ordre  et  pour  lui-même, 
diction  des  ordinaires.  Le  saint,  qui  était  mortau  monde,  ne  se  laissa 
La  bénédiction  sensible  que  Dieu  répan-  pas  toucher  par  ses  promes-.es,  auxquelles 
dait  sur  cel  ordre,  qui  s'augmentait  de  jour  il  préféra  les  douceurs  et  les  biens  célestes 
en  jour  par  les  nouveaux  établissements  dont  il  jouissait  dans  si  solitude,  dont  il  ne 
qu'on  offrait  à  ce  saint  fondateur,  lui  attirait  voulut  point  sortir  malgré  les  instances  d'un 
l'amour  el  la  vénération  des  peuples,  qui  ve-  si  grand  monarque  ;  c'est  pourquoi  Louis  XI 
naient  à  lui  de  toutes  paris  comme  au  dépo-  en  fit  parler  au  roi  de  Naples  par  son  ambas- 
sitaire  des  grâces  el  des  faveurs  célestes.  Le  sadeur.  Ce  prince  fit  sou  possible  pour  :  er- 
souverain  ponlife  et  lous  les  prêtais  de  Cala-  suader  à  saint  François  de  Paule  de  donner 
bre  n'étaient  pas  moins  persuadés  de  sa  sain-  celle  satisfaction  au  roi  de  France,  mais  ce 
télé  qui  le  rendait  digue  de  l'admiration  de  fut  encore  inutilement.  Enfin  Louis  XI  s'a- 
ient le  monde;  mais  cela  n'empêcha  pas  dressa  au  pape  Six  e  IV,  qui  envoya  deux 
qu'il  ne  fût  persécuté  par  son  propre  prince  brefs  à  ce  saint  homme,  par  lesquels  M  lui 
Ferdinand  1".  roi  de  Naples  et  par  ses  deux  ordonnait  de  se  rendre  pi  ompl  ment  à  la 
fils, le  duc  de  Calabre  et  lecardinal  d'Aragon,  cour  de  France.  Il  n'en  fallut  pas  davantage 
sous  prétexte  de  la  liberté  qu'il  prenait  de  pour  le  déterminer,  cl  la  voix  du  souverain 
bâtir  des  monastères  et  de  faire  de  nouveaux  ponlife  fut  pour  lui  comme  un  ordre  venu  du 
établissements  dans  le  royaume  sans  permis-  ciel.  Après  avoir  réglé  ce  qui  lui  parai  plus 
sion.  L'on  prétend  que  le  saint  avait  choqué  important  pour  l'administrât  on  des  couvents 
aussi  le  roi  FerJiuund  par  quelques  avis  im-  de  Calubre  et  de  Sicile,  il  parlil  le  2  février 


M7                                         DICTIONNAIRE  DLS  ORDRES  RELIGIEUX.  9S8 

L'i82avcc  le  mnître  d'hôte]  du  roi  qui  l'était  entendre  que  la  vie  des  rt  is  aussi  bien  que 

V"nu   quérir.   Il  fut  reçu  à    Naples   avec   la  celle    des   autres    hommes    étant    enlre    les 

môme  pompe  que  m  c'eût  été  un  légal  apos-  mains  de  Dieu,  <] ui  a  compté  tous  nos  jours, 

toliqne  ou  le  roi  même.  Ferdinand,  a-vec  ses  il  fallait  s'adresser  à  lu'  par  la  prière  pour 

enfants  et  ce   qu'il   y  avait  de  grands   sei-  connaître  sa  volonté  et  s'y  soumettre  avu- 

gneurs  à  sa  tour,  alla-an  devant  de  lui,  et  la  glément.  Le  roi  le  fit   loger  dans   la   Imsse- 

foule  du  monde  était  si  grande  que,  sans  la  co;;r  de  son  château,  en    une    petite  maison 

diligence  du   prince  de  Tare n te,   fi's  du  roi,  proche  la  chapelle  de  saint  Malltiieu,  afin  de 

qui  l'avait  été  quérir  jusqu'à  Salcrne,  il  eût  pouvoir  -jouir  plus  facilement  de  son  entretien 

é:é  impossible  de  le  faire  passer.  par  le  moyen  d'un   Homme  Ambroise  Rom- 

A  Rome  le  pape  lui  lit  rendre  des  honneurs  haut,  qui  savait  également  le  latin,  le|frança  s 

que  l'on  n'y  accordait   pas  même  aux  prin-  cl  l'italien,  et  donna  charge  à  deux  officiers 

ces.  Les  cardinaux  le  v i s i ! è r  ni  en  ccrémo-  d'avoir  soin  de  sa  subsistance  et  d'  celle  de 

nie.  et  en  trois  différentes  audit  nées  particu-  ses  religieux  qu'il  avait  amenés  avec,  lui.  La 

lières  qu'il  eut  du  pape,  il  Fut  assis  dans  un  vénération   que  le  roi,  les  princes  et  les  sei- 

lauteuil  égal  à  celui  de  Sa- Sainteté,  qui  l'en-  gneurs  de  la  cour  les   mieux  sensés  avaient 

tretint  chfiqu     f  is  pend  ni  l'espace  de  trois  pour   ce  grand   serviteur  de   Dieu,  n'empê- 

ou  quatre  heures.  Ce  pontife  voulut  l'élever  eha  pas  que  plusieurs  courtisans  plus  versés 

aux    dignités    ecclésiastiques,  mais  le  saint  dans  les  manières  du  monde  que  dans  celies 

s'en    défendit  ave   beaucoup   d'humilité,  et  des  saints  ne  se  moquassent  de  lui  et  ne  l'ap- 

n'accep  a  ,  «le  tous  les  pouvoirs  que  lui  offrit  pelassent  par  dérision  le  bon  homme,  le  tour- 

1    pape,  que  celui  de  bénir  des  cierges  et  des  nant  en  ridicule  sur  ses   habits,  ses  cheveux 

chapelets  pour  faire  ses  présents  en  France,  qu'il  ne  coupait  point,  et  surtout  sur  sou  exté- 

ce  qui  fut  la  soune  d'une  infini  é  de  miracles  rieur  négligé.  Le   médecin  du    roi,  Jacques 

qu'ii  fit  en  ce  roy  :ume.  Il  parla  à  Sa  Sain-  Coclier,  ne  fut  pas  des  derniers  à  le  railler, 

t  té  du  vœu  de  la  vie  quadragesimale  qu'il  y  et  nt  excité  par  sa  jalousie  ;  mais  l'année 

voulait  établir  dans  son  ordre  ;  mais  comme  suivante  il  se  reunit  avec  le  saint  pour  dispo- 

le  pape  faisait  beaucoup  de  dilficul  é  pour  le  ser  enfin  le  roi  à  la  mort  qu'il  appréhendait 

lui  accorder,  le  saint,  sans  insister  davanlage,  tant.  Saint  François  fit  sa  principale  affaire 

[  rit  par  la  main  le  cardinal  de  la  Rovère,  et  de  ce  dernier  de»  oir,  et  il  obtint  par  se>  priè- 

dit  au  pape  que  celui-ci  ferait  ce  que  Sa  S  lin-  res  auprès  de  Pieu  et  par  la  force  de  se.;  ex- 

teté  avait  tant  de  peine  à  fuire,  lui  prédisant  horlalions  le  changement  du  cœur  du  roi,  qui 

par  là  qu'il  serait   pape;    ce   qu'il  confirma  mourut  entre  ses  mains  \ek  août  de  l'an  H83, 

encore  à  ce  cardinal  lorsqu'il  -e  réfugia  en  avec  une  soumission  parfaite  à  la  volonté  de 

France  sous  le  pontificat  d'Alexandre  VI  ;  et  Dieu,  après   lui  avoir  recommandé  ses  trois 

en  effet  il  le   fut  depuis  'ous   le  nom  de  .lu-  enfants  et  le  repos  de  son  âme. 

les  H,  et  il  approuva   la   règle  des  Minimes  Charles  V11I,  ayant  succédé  à    Louis   X!, 

avec  le  quatrième  vœu  de  la  vie  quadragési-  honora    no're    saint   d'une   manière   encore 

maie.  plus  particulière  que  n'avait  fait  le  roi    son 

Peu  de  temps  après,  ce  saint  ambassadeur  père,  ne  voulant  rien  faire  que  par  ses  avis 
alla  s'embarquer  à  Ostie  po-r  prendre  la  dans  toutes  les  choses  qui  regardaient  sa 
route  de  France,  et  dans  presque  ions  les  conscience  et  même  celles  de  l'Etal  :  il  le  vi- 
endrons où  il  passa,  il  laissa  d  s  marqu  s  du  sitait  souvent  et  le  faisait  venir  dans  son  ca- 
pouvoir  qu'il  avait  reçu  de  Dieu,  parles  gué-  hjuet;  il  lui  fit  tenir  le  dauphin  son  fils  sur 
risons  miraculeuses  qu  il  fil.  Le  roi  Louis  XI,  les  fonts  de  baptême,  et  voulut  me  aie  qu'il  le 
apprenant  son  arrivée  en  France,  en  eut  tant  nommât:  il  lui  Ot  bâtir  un  beau  couvent 
de  joie  qu'il  fit  présent  au  porteur  de  celle  dans  le  parc  du  Pies  is,  au  lieu  appelé  les 
nouvelle  d'une  bourse  de  dix  mile  écus,  qui  iVJonlils,  avec  une  pension  suffisante  pour  lui 
était  la  somme  qu'il  f  lisait  donner  tous  les  et  ses  religieux,  el  un  autre  à  Amboise,  sur 
mois  à  son  médecin  depuis  sa  dernière  mala-  la  place  même  où  il  l'avait  reçu  à  son  ani- 
d  e.  Sachant  que  le  saint  approchait  de  la  vée  en  France,  lorsqu'il  n'étail  encore  que 
Touraine,  il  envoya  or  ire  au  dauphin  de  dauphin,  el  voulut  que  les  religieux  de  ce 
F  auce,  son  fils,  qui  fui  depuis  roi  sous  le  monastère  fussent  entretenus  sur  les  revenus 
nom  de  Charles  VIII,  de  l'aller  recevoir  à  annuels  de  ses  finances.  Son  affection  p;.ur 
Amboise  :  ce  qu'il  fit  avec  tous  les  témoigna-  ce  saint  homme  ne  se  borna  point  à  lui  faire 
ges  possibles  d'estime  et  de  respect,  et  de-  du  bien  dans  ses  Fiais.  Etant  à  Romeen  1493, 
puis  ce  temps-là  ce  jeune  prince  l'aima  et  où  il  avait  fait  une  entrée  triomphante,  el  où 
l'honora  comme  son  propre  père.  Le  toi  ne  le  pape  Alexandre  VI  l'avait  proclamé  empa 
s:1  contenta  pas  d'avoir  envoyé  son  fils  le  re-  reur  de  Cunslantmoplc;  il  y  fonda  un  autre 
revoir  :  sachant  qu'il  était  proche  de  Tours,  couvent  de  son  ordre  sous  le  nom  de  la 
il  voulut  aller  lui-même  au-devant  de  lui  Sainte-Trinité  au  Mont-I'incio,  qui,  selon  les 
avec  toute  sa  cour  et  le  reçut  avec  autant  intentions  de  ce  prince,  approuvées  par  no- 
d'honneur  el  de  soumission  que  si  c'eût  élé  le  Ire  saint  et  confirmées  par  les  souverains 
pape.  Il  se  jela  à  genoux  de\ant  lui,  le  con-  pontifes,  n'a  élé  jusqu'à  présent  rempli  que 
jurant  de  faire  en  sorte  que  Dieu  voulût  lui  de  religieux  français,  sans  qu'aucun  autre, 
prolonger  la  vie.  Le  saint  lui  répondit  ce  de  quelque  nation  qu'il  soit,  y  puisse  seule- 
qu'une  ersonne  aussi  humble  el  autant  pé-  ment  coucher  une  nuit,  non  pas  inêine  le  gé- 
nétrée  de  l'esprit  de  D'eu  qu'il  l'était  devait  nérnl,  s'il  n'est  pas  français, 
rcpondie  à  une  pareille  demande,  !ui  Lisant  feu  de.  temps  après  que  ce  saint  fondateur 


980 


MIN 


MIN 


•ion 


eut  établi  son  ordre  en  France,  il  eut  la  con- 
solation de  le  voir  établie  en  Espagne,  sous 
les  rois  catholique*  Ferdinand  et  Isabelle*  y 
envoyant  pour  cet  effet  des  religieux  du  cou- 
vent du  Plessis  -  lez-Tours ,  auxquels  on 
donna  un  couvent  à  Mal  aga,  où  ils  furent 
nommés  les  Frères  de  la  Victoire,  à  cause 
de  la  prise  de  cette  ville  sur  les  Maures,  que 
Ferdinand  attribua  aux  prières  de  saint  Fran- 
çois, qui  enfin  composa  sa  première  règle  en 
i'ii)3,  et  la  lit  approuver  par  le  pape  Alexan- 
dre VI ,  à  la  recommandation  du  roi  de 
France,  et  ce  pontife  changea  le  nom  d'Er- 
mites de  Saint  François  d'Assise,  que  por- 
taient ces  religieux,  en  celui  de  Minimes  des 
F'rères  Ermites  de  François  de  Paule.  Ce  fut 
aussi  la  même  année  qui;  l'on  jeta  les  f  nde- 
ments  du  cou  vont  de  Nigeon  près  Paris,  dont 
la  reine  \nne  de  Bretagne  se  rendit  fonda- 
trice, et  l'on  donna  à  ce  couvent  le  nom  des 
Bons  Hommes,  qui  lui  est  resté  jusqu'à  pré- 
sent, à  cause  du  nom  de  Bon  Homme,  qu'on 
avait  donné  à  leur  fondateur,  comme  nous 
avons  dit  ci-dessus.  Le  même  Alexandre  VI 
confirma  en  l'i93  toutes  les  grâces  que  ses 
prédécesseurs  avaient  accordées  à  cet  ordre, 
et  lui  eommuniqu  )  encore  tous  les  privilèges 
des  religieux  mendiants. 

Deux  ans  après,  c'est-à-dire  en  1497,  le 
saint  f  indateur  envoya  de  ses  religieux  en 
Allemagne,  à  la  prière  de  l'empereur  Maximi- 
lien.  ils  y  établirent  d'abord  trois  couvents 
qui  ont  servi  de  pépinière  aux  autres  que 
l'on  a  depuis  bâtis  dans  le  même  pays.  L'an- 
née suivante  1Ï98,  Louis  XII  étant  parvenu 
à  la  couronne  de  France  par  la  mort  de 
Charles  VIII,  qui  arriva  à  Amboise,  comme 
le  nouveau  roi  avait  toujours  été  éloigné  de 
la  cour,  et  qu'il  ne  connaissait  pas  saint 
François  de  Paule,  il  lui  laissa  d'abord  la  li- 
berté de  s'en  retourner  en  Italie  ;  mais  ayanl 
appris  à  cette  occasion  la  valeur  du  trésor 
qu'il  allait  perdre,  il  révoqua  sa  permission, 
cl  voulut  encore  enchérir  sur  ses  prédéces- 
seurs en  affection  et  en  bienfaits  à  l'égard  du 
saint,  de  ses  religieux  et  de  ses  neveux;  en 
quoi  les  uns  et  les  autres  furent  bien  servis 
par  l'archevêque  de  Rouen,  Georges  d'Am- 
boise,  ministre  d'Etat,  qui  avait  été  fait  car- 
dinal l'année  de  l'avènement  de  Louis  XII  à 
la  couronne. 

(le  prince  non-seulement  agréa  comme 
avait  fait  son  prédécesseur  les  bulles  de 
Sixle  IV  et  d'Innocent  IV  eu  faveur  de  l'or- 
dre des  Minimes,  et  en  ordonna  la  puhlica- 
tion ,  mais  l'un  1500,  pour  donner  plus  de 
force  à  cette  ordonnance,  il  la  confirma  en- 
core par  d'autres  lettres  patentes  et  donna 
pouvoir  au  saint  homme  île  bâtir  des  cou- 
vents dans  tous  les  lieux  de  son  obéissance, 
les  exemptant  de  toutes  sortes  d'impositions, 
de  subventions  et  de  subsides.  L'an  1501, 
saint  François  de  Paule  ayant  perfectionné 
sa  première  règle,  et  ayant  réduit  en  dix  cha- 
pitres les  treize  dont  elle  était  d'abord  corn- 
po  éc,  ayanl  aussi  établi  la  vie  quadragési- 
male  en  vœu,  et  ayant  dressé  une  règle  pour 
les  personnes  de  l'un  et  l'autre  sexe  qui  vi- 
vent dans  le  monde,  il   fil  encore  approuver 


ces  deu-i  règles  par  le  p  ipe  Alexandre  VI,  en 
1302.  Il  retoucha  ensuite  ces  deux  règles, 
auxquelles  il  lit  quelques  changements,  et 
les  présenta  au  sacré  collège  des  cardinaux, 
qui  les  ayanl  trouvées  conformes  aux  sacrés 
canons,  elles  lurent  cou  innées  par  une 
bulle  du  mitwe  Alexandre  VI,  qui,  outre  les 
privilèges  des  quatre  ordres  mendiants  dont 
jouissait  celui  des  Minimes,  le  fit  encore  par- 
ticipant de  ceux  qui  avaient  été  accordés  aux 
Ermites  de  Saint  Jérôme  de  la  congrégation 
du  bienheureux  Pierre  de  Pise,  et  tous  ces 
privilèges  furent  confirmés  en  1505  parle 
p;ipe  Jules  II,  qui  y  en  ajouta  encore  de 
nouveaux  et  nomma  pour  protecteur  de  cet 
ordre  le  cardinal  Bernardin  deCarvajal,  que 
le  saint  fondateur  lui  avait  demande.  Enfin 
l'an  1506 ,  saint  François  île  Paule  ayant 
mis  la  dernière  main  à  ses  deux  règles,  et  en 
ayant  fait-une  troisième  pour  des  religieuses, 
le  même  pape  les  approuva  et  les  confirma 
par  une  bulle  du  25  juillet  de  la  même 
année. 

Le  saint  ajouta  encore  à  ces  trois  règles 
d'autres  ouvrages,  savoir  un  Correcloirc , 
dans  lequel  il  marque  les  pénitences  qu'il 
faut  imposer  dans  son  ordre  pour  les  trans- 
gressions des  commandements  de  Dieu  et  de 
i'F]glise,  et  les  prévarications  de  la  règle  ; 
un  Cérémonial,  dans  lequel  il  prescrit  ce  que 
l'on  doit  observer  dans  la  récitation  des  of- 
fices divins  et  dans  les  fonctions  ecclésias- 
tiques. Le  Correcloire  l'ut  aussi  approuvé  par 
Jules  II,  qui  donna  encore  une  autre  bulle 
l'année  suivante  en  faveur  des  religieux  de 
cet  ordre  contre  ceux  qui  voulaient  les  em- 
pêcher de  j  i u i r  de  leurs  privilèges  ,  et,  pour 
les  y  maintenir,  Sa  Sainteté  leur  donna  des 
con-ervateurs. 

Peu  de  temps  aprè;,  Dieu  fit  connaître  au 
saint  fondateur  qu'il  ne  tarderait  pas  à  le 
retirer  de  ce  monde,  pour  lui  donner  la  ré- 
compense promise  à  ceux  qui  l'aiment  et 
qui  le  servent  fidèlement  jusqu'à  la  fin.  Quoi- 
q  i'il  se  fût  toujours  préparé  à  la  mort  pen- 
dant tout  le  temps  de  sa  vie,  il  voulut  s'y  dis- 
poser d'une  mamère  encore  plus  parfaite, 
car  trois  mois  avant  que  de  mourir,  il  de- 
meura caché  dans  sa  cellule  du  couven;  du 
Plessis-lez-  Tours  sans  se  communiquer  aux 
hommes.  Ce  fut  le  jour  des  Rameaux  de  l'an 
1507,  ou  sur  la  fin  de  l'an  1506,  comme  l'on 
comptait  alors  les  années  en  France,  qu'il 
lui  attaqué  d'une  fièvre  qui  devait  terminer 
sa  vie  mortelle.  Il  ne  voulut  pas  néanmoins 
qu'on  eût  aucun  soin  de  lui,  ni  qu'on  lui 
donnât  aucun  soulagement.  Le  jeudi  saint  il 
assembla,  selon  l'ordonnance  de  la  règ  e,  le, 
religieux  dans  la  sacristie*  qui  tenait  lieu  de 
chapitre,  pour  leur  recommander  l'amour d« 
Dieu,  et  la  charité  en!re  eux,  la  fidélité  è. 
leur  règle,  et  principalement  l'exactitude 
dans  l'observance  de  la  vie  quadragésimale, 
qui  les  distingue.it  d'avec  les  autres  religieux, 
De  là  il  se  fit  conduire  à  l'Eglise,  où,  après 
s'èire  confessé,  il  reçut  la  sainte  eucharistie 
en  la  manière  que  ses  religieux  la  reçoivent 
ce  jour-là,  c'est-à-dire  les  pieds  nus  et  le 
cui'U  in  au  cou.  On  le  reconduisit  ensuite  à  sa 


991 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


002 


cellule,  appuyé  sur  les  bras  de  ses  religieux. 
Un  Frère  lui  demanda  s'il  voulait  qu'on  lui 
lavât  les  pieds  l'après-dinée,  suivant  la  cou- 
tume de  l'Eglise,  il  répondit  que  non,  niais 
que  le  1  ndeuiaia  on  ferait  de  son  corps  ce 
que  l'on  voudrait.  Eu  effet,  il  m  mrut  le  len- 
dem  iin,  qui  était  le  vendredi  saint,  deuxième 
ji'ur  d'avril.  L'opinion  commune esl  que  ce 
saint  avait  pour  lors  près  de  quatre-vingt- 
onze  ans.  Le  P.  (îiry.  provincial  de  son  ordre 
en  la  province  de  France,  a  fait  voir,  dans 
une  disser  alion  qu'il  donna  en  1680,  que  ce 
sentiment  devait  être  suivi  plutôt  que  celui 
du  P.  Papebroch,  qui  dit  qu'il  n'avait  que 
soixante-neuf  ans,  l'ayant  fait  naître  en  1Ï3S. 
Ce  savant  Jésuite  sVst  ensuite  rendu  aux 
raisons  du  1*.  Giry,  et  le  P.  Périmezzi,  aussi 
de  l'ordre  des  Minimes,  qui  a  donné,  comme 
nous  avons  dit.  la  Vie  de  ce  saint,  y  a  joint 
la  dissertalion  du  P.  <iiry,etn'a  pas  manqué 
de  rapporter  la  rétractât  ou  du  P.  Papebroch. 
Le  co  ps  de  saint  François  de  Pauje  fut 
porté  dans  l'église  de  son  couvent,  où  il  de- 
meura pendant  trois  jours  sans  que  l'on  >  ût 
l'enterrer,  à  cause  de  la  grande  affluence  du 
peuple  qui  venait  pour  le  voir  et  l'honorer; 
et  il  ne  fut  mis  en  terre  que  le  lundi  de  Pâ- 
ques. La  duchesse  de  Bourhou,  Tille  de  Louis 
XI,  et  la  comtesse  d'Angnulême,  mère  du 
roi  Françoi-,  I",  ayant  appris  qu'on  l'avait 
mis  en  terre,  n'en  furent  pas  contentes,  à 
cause  principalement  que  ce  lieu  était  fort 
humide  et  sujet  aux  inonda'ions  de  la  rivière 
du  Cher;  c'est  pourquoi  elles  obligèrent,  le 
jeudi  suivant,  les  religieux  de  le  lever  de 
terre:  il  fut  encore  exposé  plusieurs  jours 
sans  se  corrompre,  et  on  le  plaça  ensuite 
dans  une  grotte  de  maçonnerie,  bien  voûtée 
et  ornée,  qui  fut  faite  au  fond  de  la  chapelle 
que  l'on  avait  choisie  d'abord  pour  le  lieu 
de  sa  sépulture.  L'on  commença  dès  lors  à 
rée  amer  son  intercession  el  à  lui  faire  des 
vœux  pour  obtenir  par  son  moyen  les  fa- 
veurs du  ciel.  On  travailla  i  en  de  temps 
après,  même  du  règne  de  Louis  XII,  et  sous 
le  pontificat  de  Jules  II,  à  faire  des  informa- 
tions juridiques  des  actions  saintes  de  sa  vie 
et  de  ses  miracles.  Q  ielqiies-uns  veulent 
que  sa  béatification  ait  été  faite  le  7  juillet 
1513,  mais  on  ne  laissa  pas  de  poursuivre 
depuis  les  mêmes  procédures  eu  France,  en 
Calabre,  et  dans  les  aulres  endroits  où  l'ou 
savait  que  le  saint  avait  été.  Ce  fut  le  p  ipe 
Léon  X  qui  le  canonisa  en  1519.  Son  corps 
fui  conservé  précieusement  dans  l'église  de 
son  couvent  du  Plessis,  jusqu'à  ce  que,  l'an 
15G2.  1rs  huguenots  qui  mettaient  la  France 
en  combustion  y  étant  entrés  les  armes  à  la 
main  pour  le  saccager,  comme  ils  avaient 
fait  en  divers  endroits  du  royaume,  tirèrent 
son  corps  du  tombeau  où  ils  le  trouvèrent 
encore  couvert  de  sa  peau,  quoiqu'il  y  eût 
55  ans  qu'il  fui  mort,  le  traînèrent,  revêtu  de 
ses  haliits  comme  il  était,  avec  une  corde 
qu'ils  lui  mirent  au  cou,  dans  la  chambre 
destinée  pour  recevoir  les  hôtes  et  l'y  iirû- 
lèrenl  avec  le  bois  du  grand  crucifix  de  l'é- 
glise qu'ils  avaient  arraché.  Ses  ossements 
furent  néanmoins  pour  la  plupart  retirés  du 


feu  par  des  catholiques  zélés,  qui  se  mêlè- 
rent parmi  les  soldats  calvinistes  dan<  la 
chambre  où  se  commettait  le  sacrilège;  et 
dans  la  suite  des  temps  ils  furent  distribués 
à  diverses  églises. 

Le  saint  fondateur  ayant  nommé,  quelque 
temps  avant  sa  mort,  pour  vicaire  général  en 
sa  place  jusqu'au  premier  chapitre,  le  P. 
Bernardin  de  Cropulato,  provincial  de  la 
province  de  Touraine,  celui-ci  indiqua  le 
chapitre  général  pour  le  mois  de  décembre 
de  la  même  année  150".  Il  se  tint  à  Rome, 
el  le  P.  François  Minet,  pour  lors  correcteur 
du  couvent  de  la  Trinité  à  Borne,  y  fut  élu 
général  le  premier  janvier  1503.  L'ordre 
était  pour  lors  divisé  en  iinq  provinces,  qui 
étaient  celles  d'Italie,  de  Tours,  de  France, 
d'Espagne  et  d'Allemagne;  mais  co  aune  l'or- 
dre s'est  si  fort  multiplié  dans  la  suile,  qu'.I 
a  présentement  environ  quatre  cent  cin- 
quante couvents,  il  est  divisé  en  trente  et 
une  provinces,  dont  il  y  en  a  douze  en  Ita- 
lie, onze  en  France  et  en  Flandre,  sept  en 
Espagne  et  une  en  Allemagne.  Ces  religieux 
ont  même  passé  dans  les  Indes,  où  ils  ont 
quelques  couvents  qui  ne  composent  pas  de 
provinces,  et  qui  relèvent  immédiatement 
du  général,  aussi  bien  que  les  couvents  de 
la  Trinité  du  mont  Pincio,  de  Saint-François 
de  Paule,  et  de  Saint-François  délie  Fratte 
à  Rome.  Dans  ce  premier  chapitre  général, 
auquel  le  cardinal  de  Senogalia,  de  l'ordre 
des  Mineurs  présidait  en  l'absence  du  car- 
dinal Carvajal,  protecteur,  il  fut  ordonné, 
sur  la  difficulté  que  quelques-uns  faisaient 
de  recevoir  la  règle  de  saint  Françoi <  de 
Paule  et  de  se  soumettre  au  vœu  de  1 1  vie 
quadi agésimale,  que  ceux  qui  s'y  oppose- 
raient et  ne  voudraient  point  accomplir  ce 
vœu,  seraient  privés  de  tous  droits  de  suf- 
frages dans  les  élections  :  ce  qui  produisit 
un  bon  effet,  car  tous  les  vocaux  se  jetèrent 
aux  pieds  du  cardinal  et  firent  de  nouveau 
profession  entre  ses  mains  de  la  quatrième 
règle  de  saint  François  de  Paule  et  du  vœu 
de  la  vie  quadragésimale.  D'abord  les  géné- 
raux ne  furent  que  pour  trois  ans,  et  ils 
commencèrent  à  l'être  pour  six  ans  en  1605, 
par  autorité  du  saint-siege.  Le  premier  qui 
exerça  cet  office  pendant  six  ans  fut  le  P. 
Etienne  Augier,  Français,  qui  fut  élu  dans 
le  chapitre  général  qui  se  tint  à  Gênes,  et  qui 
était  le  trente-troisième  qui  s'était  tenu  dans 
l'ordre.  Ceux  qui  ont  droit  d'assister  à  ces 
chapitres  généraux  sont  le  général,  les  col- 
lègues généraux,  les  provinciaux,  le  zéleur 
ou  procureur  général,  seulement  quand  le 
chapitre  se  tient  à  Rome  ou  aux  environs.! 
Les  vocaux  des  chapitres  provinciaux  qui  se 
tiennent  tous  les  trois  ans  sont  les  provin-  ! 
ciaux,  les  collègues,  les  correcteurs  el  un  ' 
commis  de  chaque  province.  Il  y  avait  autre- 
fois quatre  vigiles  ou  visiteurs  généraux, 
qui  étaient  élus  dans  les  chapitres  généraux 
el  qui'uvaienl  droit  d'y  assister,  aussi  bien 
que  les  collègues  provinciaux  et  deux  com- 
mis de  cli  tque  province,  mais  les  vigiles  ont 
été  supprimés,  et  les   collègues   provinciaux 


0!i5                                MIN  MIN                                fi-n 

n'y  assistent  plus,  chaque   province  y   en-  cérémonies,  selon  l'usage  de  la  même  ligiisr. 

voyant  seulement  un  commis.  Les   Frères  convers     diront    pour    matines 

Nous  avons  dit  que  la  règle  de  saint  Frau-  trente  fois  l'oraison  dominicale  et  la  salu- 
cois  de  l'aul  contenait  dix  chapitres;  el  c  talion  angélique,  dix  pour  laudes,  douze 
commence  par  l'observance  des  préceptes  pour  vêpres,  ajoutant  aux  dernières  saluia- 
e(  des  vœux.  Ainsi,  tous  les  frères  observe-  lions  le  Gloria  Palri;  et,  pour  l'office  des 
ronl les  commandements  de  Dieu  et  les  pré-  morts,  ils  diront  tous  les  jours  dix  Puter  et 
ceptes  de  l'Eglise.  Ils  rendront  obéissance  au  autant  d'/U>«,  ajoutant  à  la  lin  du  dernier  le 
pape,  et  promettront  de  garder  jusqu'à  la  On  Requiem  œternam.  Quant  aux  ohlals,  ils  di- 
de  leur  vie  les  vœux  d'obéissance,  de  chas-  ronl  pour  matines  vingt  Pater,  el  pour  eha- 
teté,  de  pauvreté  et  de  la  vie  quadragésimale.  cune  des  autres  heures  cm  \  et  autant  d'Ave, 
Ceux  qui  voudront  entrer  dans  l'ordre  ne  ajoutant  à  la  fin  du  dernier  le  Gloriu  Patri, 
pourront  y  être  reçus  qu'en  qualité  de  frères  et,  pour  l'office  des  morts, ils  dironteinq  nu- 
clercs,  de  frères  lais,  ou  de  frères  ohlals,  1res  l'ater  tous  les  jours  et  aulini  à' Ave, 
et  demeureront  tout  le  reste  de  leur  vie  dans  ajoutant  au  de  nier  le  Requiem. 
I  état  de  leur  profession.  L'habit  des  frères  Tous  les  frères  s'abstiendront  enlièrenent 
clercs  et  des  frères  lais  sera  long  jus-  de  viandes  grasses  on  pascales;  el,  pour  faire 
qu'aux  talons,  d'une  étoile  vile,  de  laine  ni-  de  dignes  fruits  de  pénitence,  ils  observeront 
lurellemcnl  noire  et  sans  teinture.  Le  cha-  la  vie  quadragésimale  jusqu'à  ce  point  de 
peron  sera  aussi  de  la  même  couleur,  et  des-  ne  point  manger  de  chair  ni  d'aucune  chose 
rendra  devant  et  derrière  jusqu'au  milieu  qui  tire  son  origine  de  lachair;  et  ainsi  non- 
de  la  cuisse  ou  à  peu  près  (11.  ils  auront  en-  seulement  la  etiair  el  la  graisse,  mais  aussi 
core  une  ceinture  de  laine  de  semblable  cou-  les  œufs,  le  beurre,  le  fromage,  et  toutes  sor- 
leur,  nouée  de  cinq  nœuds,  et  ils  ne  pourront  tes  de  laitages,  el  mèm  i  loul  ce  qui  en  est 
jamais  ni  jour  ni  nuit  quitter  le  cordon,  ni  composé  ou  formé,  est  absolument  défendu, 
l'habit,  ni  le  chaperon.  Ils  se  serviront  à  tant  au  dedans  qu'au  dehors  du  couvent  à 
leur  choix  de  socques  ou  de  sandales,  faites  tous  les  frères,  lut  clercs  que  lais  et 
de  genêts  ou  de  feuilles  de  palmier,  ou  de  oblats,  si  ce  n'est  dans  les  grandes  maladies: 
paille,  ou  de  corde,  ou  ce  jonc,  ou  bien  ils  car  si  quelqu'un  tombe  malade,  il  doit  être 
pourront  se  servir  de  souliers  ouverls  par-  eouduit  par  l'infirmier  dans  l'infirmerie  claus- 
dessus,  si  ce  n'esl  qu'une  pressante  néces-  traie,  où  on  doit  le  secourir  avec  beaucoup 
site  ou  la  dispense  des  supérieurs  ne  les  de  soin,  le  nourrissant  des  viandes  de  carême 
exempte  d'aller  nu-pieds  :  il  y  a  plus  de  cent  qui  seront  les  plus  propres  pour  le  soulager: 
ans  que  celle  dispense  leur  a  été  accordée,  mais  si  la  maladie  augmente,  il  doit  être 
cl  ils  sont  présentement  chaussés.  conduit  dans    l'infirmerie  extérieure,    bâtie 

Quant  aux  oblats,  ils  auront  un  habit  de  dans  la  clôture  du  couvent,  ou  on  lui  donne- 
la  même  couleur,  qui  n'ira  que  jusqu'au  ra  tous  les  aliments  propres  pour  rétablir 
gras  de  la  jambe  ou  environ  et  ne  descendra  sa  santé,  qui  seront"  apportés  par  un  autre 
pas  plu>  bas.  Ils  auront  aussi  un  cordon  endr  it  que  par  le  cloilre  du  couvent,  qui 
noué  seulement  de  quatre  nœuds.  Ils  seront  doit  être  éloigné  de  l'iulii mei ie  pour  le 
chaussés,  el  porteront  un  chapeion  honnête  moins  de  cinquante  fias,  el  personne  n'y 
avec  sa  cornette,  ou  bien  un  bonn-t  décent  peut  enirersans  la  permission  du  supérieur, 
et  commode,  suivant  que  la  qualité  du  pays  Quint  aux  jeûnes,  ils  sont  ainsi  prescrits, 
le  requerra.  Il  sera  permis  à  tous  les  frères  Les  Frères  c  ères  et  les  lais  jeûneront 
de  porter  sous  leur  habit,  selon  leurs  besoins,  également  depuis  le  lundi  de  la  Quinquagc- 
des  tuniques  de  vile  étoffe  et  de  petites  lu-  sime  jusqu'au  samedi  saint  inclusivement  , 
niques  de  serge,  comme  aussi  des  hauts-dc-  el  depu.s  la  fêle  de  tous  les  Sa  nis  jusqu'à 
chausses  et  des  bas-de-ch ausses  raisonna-  Noël  exclusivement.  Ils  jeûneront  aussi  lous 
blement  étendus  sur  les  genoux.  Ils  pourront  les  autres  jours  ordonnés  par  I  Eglise,  et 
encore  se  servir  à  leur  volonté  d'un  man-  tous  les  mercredis  et  vendredis  de  l'année, 
teau  qui  sera  de  la  couleur  de  l'habit,  au-  excepié  le  jour  de  Noël ,  quand  il  arrivera 
quel  sera  attachée  une  cuculle  propre  à  cou-  un  vendredi.  Pour  le- oblats,  il-,  jeûueiont 
vrîr  la  tète,  laquelle  cuculle  sera  cousue  seulement  lous  les  vendredis  de  l'année, 
par  derrière.  Les  oblats  se  serviro  t  à  leur  et  depuis  la  fête  de  sainte  Catherine  jus- 
discrétion,  tant  an  dedans  qu'au  dehors  du  qu'à  Noël  exclusivement  ,  et  lous  les  jours 
couvent,  d'un  pelil  manteau  fermé  de  la  Ion-  ordonnés  par  l'Eglise.  Aucun  des  Frères 
gueurde  leur  habit  ou  environ,  sans  capuce  ni  des  ohlals  étant  en  santé  ne  peut  ère 
ni  cuculle.  Ils  pourront  tous  dans  les  voya-  exempt  du  jeûne,  sinon  dans  les  voyages; 
ges  se  servir,  avec  la  permission  du  correc-  néanmoins  les  supérieurs  peuvent,  |.our  de 
leur,  d'un  âne  pour  monture,  el  au  défaut  justes  raisons, dispenser  les  uns  et  les  autres 
d'âne,  le  correctoire  leur  permet  île  se  servir  de  chacun  de  ces  jeûnes  en  particulier, 
de  mulets  et  même  de  chevaux,  s'ils  ne  trou-  L'exercice  de  l'oraison  leur  est  recom- 
venl  point  de  mulets.  mandé,  et,  afin  qu'ils  aient  plus  de  faciiité 

Les  fi  ères   qui  auront   été  reçus   pour  le  pour    s'y    adonner,    ils    do  vent    garder    le 

chœur  suivront  en  tout    l'ordre   et  le  calen-  si  ence   en  tout   temps    dans    l'église,   dans 

drier  de  l'Eglise  romaine,  el  s'acquitteront  le  cloilre,   dans   le  dortoir,   au    réfectoire, 

des  offices  dhius,  en   observant  toutes  Us  durant  la  première  et  la  seconde  table,  el 

(1)  Vuj/.,  à  la  fin  duvoL,  n0'  245  el 246. 


■')', 


DICTIONNAIRE  DKS 


eh  tous  lieux  depuis  l'heure  de  compiles 
jusqu'à  primes  du  jour  suivant.  Les  su- 
périeurs ont  le  nom  de  correcteurs,  afin 
qu'ils  se  corrigent  premièrement  eux-mê- 
mes, et  qu'ensuite  ils  corrigent  les  autres. 
Tous  les  ans,  le  jouir  de  saint  Michel,  ces 
correcteurs  sont  élus  par  les  religieux  de 
iliaque  couvent,  et  ne  peuvent  exercer  cet 
office  que  pendant  un  an  ,  sans  pouvoir 
sortir  du  couvent  pendant  ce  temps-là ,  si 
ce  n'est  pour  de  justes  causes,  après  en 
avoir  donné  connaissance  au  chapitre  et 
demandé  le  consentement  des  anciens  du 
couvent.  Voici  la  formule  des  vœux  de  cet 
ordre. 

Je  Frère  N.  voue  et  promets  à  Dieu  tout- 
puissant  ,  à  la  bienheureuse  Vierge  Marie  ,  à 
toute  la  cour  céleste,  et  à  vous,  mon  révé- 
rend l'ère  N.  et  à  cet  ordre  sacré ,  de  demeu- 
rer ferme,  et  de  persister  tout  le  temps  de 
ma  vie  sous  la  manière  de  vivre  et  lu  règle  des 
Frères  Minimes  de  Saint-François  de  l'aule, 
Inquelle  est  approuvée  par  notre  très-saint 
i'rre  le  pape  Jules  II ,  après  Alexandre  VI, 
d'heureuse  mémoire,  aussi  pontife  de  Rome, 
en  vivant  avec  persévérance  sous  les  vœux 
de  pauvreté,  de  chasteté  et  d'obéissance ,  et 
de  la  rie  de  carême ,  suivant  les  détermi- 
nations et  les  circonstances  marquée-:  et  pres- 
crites dans  la  même  rùjle.  Les  oblats  ajou- 
tent ,  Et  de  plus  je  promets  garder  la  foi 
à  ce  même  ordre ,  et  de  représenter  fidèle- 
ment les  aumônes  qui  lui  seront  faites. 

Cet  ordre  a  produit  plusieurs  personnes 
qui  se  sont  rendues  recommandables  par 
leur  piété  et  par  leurs  écrits;  il  y  en  a  eu 
aussi  plusieurs  qui  ont  été  élevés  aux  di- 
gnités de  l'Eglise.  Les  Minimes  de  France 
ont  donné  des  évêques  aux  Eglises  de  Mar- 
seille, de  Mâcon  et  de  Kiez.  Louis  d'Allichi, 
évéque  de  Kiez,  religieux  du  même  ordre, 
en  a  donné  une  Histoire  en  français;  le 
P.  delà  Noue,  une  Chronique  eu  lalin;  et 
le  P.  de  Montoïa  les  Annales  e:i  espagnol. 
Le  P.  Thuillier  a  donné  une  Histoire  par- 
ticulière de  la  province  de  France  sous  le 
titre  de  Journal  des  religieux  et  religieu- 
ses de  l'ordre  des  Minimes  de  la  province 
de  France  et  une  tradueliou  de  la  Règle  , 
du  Correeloire  et  du  Cérémonial,  avec  des 
remarques  historiques  sur  ces  trois  ou- 
vrages. 

Cet  ordre  a  pour  armes  le  mot  Chauitas 
d'or  entouré  de  rayons  de  même  en  ch  imp 
d'azur. 

Francise.  Lanovius,  Chronieon  générale 
Ord.  Minim.  Louis  Doni  d'Allichi,  Hisl. 
générale  île  l'ordre  des  Minimes,  Luc  de 
Montoïa,  Chronic.  générale  de  la  orden  de 
lus  Miniums.  Ililarion  de  Coste,  Hist.  Ca- 
tholique. Rolland.  Act.  Sanct.,  loin.  1  Api  i- 
lis.  Giry  et  Baillet,  Vies  des  saints,  2  Avril. 
Baltazar  d'Avila,  Manipulas  Minim.  René 
Thuillier,  Tra  ludion  de  la  Règle,  duCorrec- 
toire  et  du  Cérêmoni  d  des  Minimes,  avec  des 
remarques  historiques. 

Au  dernier  siècle,  les  Minimes  avaient  à 
Rome  cinq  maisons,  dont  l'une,  La  Trinité 
du   Mont  ,    appartenait   aux   Français.    Ils 


ORDRES  RELIGIEUX.  996 

comptaient  six  provinces  en  Espagne,  deux 
m  lisons  à  Paris  et  celle  du  Bo'.s  de  Vincen- 
nes  (dont  les  bâtiments  et  l'enclos  sont  con- 
servés jusqu'à  ce  jour).  L'ordre  des  Minimes 
a  donne  en  France  l'exemple  de  la  soumis- 
sion à  la  Huile  Unigenitus  et  s'est  attiré  en 
conséquence  la  critique  des  jansénistes  dans 
leur  Gazette.  Le  réfectoire  de  la  maison  de  la 
Place-Royale,  aujourd'hui  servant  de  caser- 
me  ,  était  immense,  éclairé  par  neuf  croi- 
sées,  décoré  de  belles  peintures.  La  bi- 
bliothèque de  ce  monastère  était  composée 
d'environ  26,000  volumes,  y  compris  plusieurs 
manuscrits.  Les  Minimes  ont  donné  aux  let- 
tres plusieurs  célébrités,  et  nous  comptons, 
parmi  les  Français,  les  PP.  Nicerou,  Mar- 
senne,  Plumier,  Aviïllon  ,  Le  Clerc  ,  De 
Gosle,  Giry,  Monteynard.  Le  noviciat  se 
faisait  à  Paris,  dans  la  28  maiso.i  située 
à  Chaillot  et  nommée  des  lion*  Hommes.  La 
dot  était  de  100)  livres.  Le  général,  à  la 
fin  du  dernier  siècle,  était  le  R.  P.  Séraphin 
Défera.  Aujourd'hui  ces  religieux  ont  sept 
maisons  dans  les  Etats  soumis  à  l'empereur 
d'Autriche,  comprenant  environ  3-VO  indivi- 
dus. L  général  e>t  le  P.  Louis  Conti ,  rési- 
dant à  Rome.  Ce  procureur  général  est  le 
P.  Gaspard  Montenero.  Dans  notre  dernier 
volume  nous  parlerons  des  efforts  (entés  par 
le  P.  Monleynard  ,  et  du  succès  obtenu  par 
M.  l'abbé  lieuf  pour  le  rétablissement  des 
Minimes  français.  Voyez  Minimes  au  Sup- 
plément. R-D-E. 

§  IL  Des  Religieuses  de  l'ordre  des  Minimes. 

Les  historiens  français  de  l'ordre  des  Mi- 
nimes se  plaignent  des  historiens  espagnols 
du  même  ordre,  de  ce  qu'ils  n'ont  donné 
que  fort  peu  de  connaissance  de  l'origine  des 
religieuses  Minimes  qui  ont  pris  naissance 
en  Espagne.  Tout  ce  que  l'on  en  sait ,  c'est 
que  dou  Pierre  de  Lucena  Olit,  ne  s'étant 
pas  contenté  d'avoir  fondé  un  couvent  de 
Minimes  dans  l'a  ville  d'Andujar,  donna  en- 
core sa  propre  maison  pour  y  bâtir  un  mo- 
nastère; de  religieuses  du  même  ordre,  dont 
deux  de  ses  petites-filles  furent  les  pre- 
mières qui  y  prirent  l'habit  de  cet  ordre 
en  1493.  Files  le  reçurent  des  mains  du 
P.  Germain  Lionet,  religieux  français,  que 
saint  François  de  Paule  avait  envoyé  en 
ce  royaume  avec  quelques  autres  pour  y 
établir  son  ordre.  Il  est  certain  qu'il  n'y 
avait  point  pour  lors  de  règles  particuliè- 
res pour  ces  religieuses,  et  que  ce  ne  fut 
qu'en  1506,  c'est-à-dire  au  temps  que  le 
saint  fondateur  changea  quelque  chose  de 
la  première  règle  pour  les  religieux,  qu'il 
songea  à  en  donner  une  aux  religieuses. 
En  effet,  par  la  le.tre  qu'il  écrivit  au  pape 
Jules  II  la  mémo  année,  il  lui  témoigna 
qu'outre  la  règle  de  ses  religieux  qu'il  a 
beaucoup  perfectionnée  ,  et  celle  pour  les 
personnes  de  l'un  et  l'autre  sexe  qui  vi- 
vent dans  le  monde,  il  en  a  composé  une 
troisième   pour  des    religieuses. 

Le  P.  Jean  du  Bois,  aussi  Français,  qui 
fui  le   premier  directeur  de   ce  monastère, 


m  MN  MIN  998 
el  les  autres  qui  lui  succédèrent ,  les  gou-  dujar,  dont  on  ait  connaissance,  est  celui 
vernrcnt  apparemment  jusqu'à  ce  temps-  de  Xérès  de  la  Froutéra ,  qui  fui  Fondé 
là  sur  la  première  et  la  seconde  règle,  l'an  1524-.  Il  se  fil  incore  d'autres  élablis- 
autant  que  leur  sexe  le.  permettait.  Saint  jemenls  en  Espagne,  cq  unie  à  Archùlona 
l'r  nçois  de  Pa  le,  p.»ur  marquer  son  af-  Ba'ïza ,  Cordoue ,  Séville,  Fuentes  de  Léon* 
feelion  envers  telle  nouv  Ile  colonie  de  Anlequera  et  autres  lieux.  Ces  religieuses' 
vierges,  leur  envoya  à  chacune  en  1303  furent  introduites  en  Sicile  par  Hector  Pi- 
on chapelet,  qui  était  le  présent  ordinaire  gnaleiji,  qui  en  était  vice-roi,  et  nui,  ne 
qu'il  faisait  à  ses  amis  el  aux  bienfaiteurs  se  content, ml  pas  d'avoir  fondé  un  cou- 
de l'ordre;  il  n'y  avait  pas  pour  lors  plus  veut  Je  religieux  de  cel  ordre  à  Paler- 
de  huit  religieuses  dans  ce  monastère.  Le  nie  ,  yuulul  être  aussi  fondateur  d'un  cou- 
P.  de  la  Noue,  dans  ses  Chroniques  de  l'or-  vent  de  r  Ijgieuses  Minimes  qu'il  lit  là  ir 
dre,  remarque  que  ces  chapelets  et, lient  de  en  1532  dans  la  même  ville,  et  qui  d.ms 
gui  de  chêne  qui,  étant  travaillé  autour,  la  suile  est  devenu  plus  considérable  par 
représente  dé  tous  Gelés  une  croix  entourée  la  I  béraljtê  et  la  magnificence  do  Phi  • 
de  rayons:  ce  que  les  écrivains  espagnols  lippe  111,  roi  d'Espagne.  Enfin,  en  1  21 
de  ce  même  ordre  on!  publié  comme  une  il  se  fit  un  établissement  de  ces  religieuses 
merveille,  quoiqu'il  n'y  ait  ri  n  que  de  en  France  dans  la  ville  d'Abbevilie;  là  Mère 
naturel;  il  esl  vrai  qu'ils  produisaient  des  Gabrielle  Fouquarl  en  l'ut  fondatrice-  Elle 
offeis  admirables  et  miraculeux,  principa-  éi<iit  (ille  de  François  Fouquarl,  receveur 
lement  dans  la  guérison  des  malades;  mais  des  tailles  de  la  même  ville  et  de  Marié 
c'était  en  vertu  de  la  bénédidiop  que  le  Caisier  ;  elle  ayait  toujours  eu  dessein  d'être 
saint  leur  donnait  en  conséquence  du  pou-  religieuse,  mais  après  la  mort  de  son  père, 
voir  qu'il  en  avait  reçu  di  pape.  Ces  reli-  ayant  éié  obligée  d'obéir  à  s.»n  oncle,  qui 
gieuses  avaient  ete  jusque-là  sous  l'obéis-  avait  conclu  sou  mariage  avec  un  homme 
sauce  du  correcteur  des  Minimes  du  cou-  veuf  qui  était  fort  riche,  ou  la  maria  a 
vent  d'Andujar.  mais  le  saint  fondateur  les  l'âge  de  vingt-six.  ans.  Deux  ans  après,  son 
mit  sous  ce. le  du    provincial  d'Espagne.  m  ;  ri    élaul    mort,    elle    résolut   de   quitter 

La  règle  qu'il  leur  donna  esl  peu  diiïé-  le  monde.  Elle  fut  la  première  qui  reçut 
rente  de  la  quatrième  qu'il  donna  aux  reli-  l'habit  du  Tiers  Ordre  de  Sainl-Francoj  e 
gieux,  ne  s'y  trouvant  point  d'autres  eban-  Pau  le  à  Abbeville  en  160J,  et  fui  pendant 
iiis  que  ceux  que  la  diversité  du  sexe  vingt  ans  correctrice  de  quelques  filles  et 
a  nécessairement  obligé  d'y  faire:  les  më-  femmes  séculières  de  ce  Tiers  Ordre.  Elle 
mes  vœux,  les  mêmes  jeunes,  les  mêmes  vécut  .,u  torze  a;;s  en  communauté  avec 
observances  du  silence  el  de  la  modestie  y  quelques  filles  dévoles  qui  avaient  fait  aussi 
seul  ordonnes,  et  ce  sont  partout  les  nié-  profession  de  ce  Tiers  Ordre,  et  e  le  em- 
UKS  (cimes,  excepté  lorsque  ce  sont  des  ploya  ce  temps-là  à  traiter  de  ï'élabiisse- 
règlemenls  propres  pour  des  filles  et  qui  ment  de  religieuses  .Minimes;  mais  le-,  re- 
né peuvent  pa>  convenir  aux  hommes.  On  ligieux  s'y  opposaient  toujours,  et  ce  ne 
ne  voit  point  qu'on  ail  parlé  de  cette  rè-  fut  que  l'an  1621  qu'elle  ob  inl  le  con- 
gle  dans  le  p  emier  chapitre  général  qui  seulement  du  P.  Rivière,  pour  lors  visi- 
se  tint  à  Home  en  4597,  elle  y  lut  néan-  leur  général  des  Minimes  ,  qui  la  recul 
moins  reçue  avec  clic  des  religieux  ,  puis-  pour  être  religieuse  du  second  ordre,  lui 
que  la  même  bulle  approuve  l'une  et  Pau-  donna  le  voile  el  à  treize  autres  fill  s  de. 
lie.  Tous  les  monastères  des  religieuses  sa  communauté,  après  en  av  ir  obtenu 
Minimes  qui  ont  été  fondés  depuis  ce  temps-  la  perm  ssion  de  i'eiéqne  d'Amiens  :  quel- 
là  ,  tant  en  France  qu'en  Pâlie  et  en  Espa-  ques  religieux  du  même  ordre  y  formè- 
gne  ,  l'ont  été  sous  l'obligation  de  cette  reut  encore  de  nouvelles  oppositions ,  mais 
règle,  qu'on  y  a'toujonrs  observée  fort  exac-  elles  furent  enfin  levées  par  le  pape  Gré- 
lement  :  la  différence  qu'il  y  a  entre  les  gpice  XV,  qui  érigea  cette  maison  en  mo- 
correelrices  de  ces  religieuses  el  les  cor-  nastère  par  une  bulle  du  10  juin  de  l'an 
recteurs  des  religieux  ,  c'est  que  les  cor-  1623.  Elles  firent  profession  en  162+  en- 
recliices  ne  sont  élues  que  tous  les  trois  Ire  les  mains  du  P.  Nicolas  Lesguillier,  qui 
ans,  et  que  les  correcleurs  doivent  être  avait  été  commis  à  cet  effet  par  je  par- 
élus    Lus   les   ans.  dinal    Hippolyie    Aldoljrandin  ,    protecteur 

Le  second  monastère   de  religieuses  Mi-  de    l'ordre,    et    par   le    P.    Cyrille   Camart  , 

iîimes  fut  aussi  fondé  eu  Espagne,   à   Gia  ,  pour  lus  général.  La    Mère  Fouquarl    fut 

au    diocèse    de    Seville   en    1309;    mais    les  établie  correctrice  de    ce   nouveau    mpnas- 

Carmes  s'élani  opposés  à  cet  établissement,  1ère  ,  où,    apiès    avoir    encore    vécu    plu- 

à  cause  que  ce  iiid,  aslère  éiait  trop  proche  sieurs  années  dans  les   exercices   de    pieté 

de    leur   couvent,   et  que    par  un   de  leurs  et    de    morliiieali   n  ,    elle    mourut    sainie- 

privilèges  on  ne  peut  bàlir  des  maisons  re-  meut  en  1639.  ,1  s'est  f.il  depuis   un   autre 

ligieus.es  qu'à  une  distance  de  près  de  cent  établissement    de   ces    religieuses    dans    la 

quarante  toises  de  leurs  couvents  ,  ces  reli-  Y  lie   de  Soissous. 

gieuses  .Minimes  furent  transférées  ailleurs  ;  Comme,  dans  le  temps  que  l'on  faisait  l'ela- 

mais  le.  historiens  espagnols  ne  font   point  bl.sse  ncnt  du  monastère  d'Abbevilie,    le   P. 

m.  .lion    du   lieu    où    elles    furent    lansie-  Louis  1)  ni  d'Aliichi,  depuis  evéque  de  Hiezj 

rées.  Le  plus  ancien  monastère  de  cel  or-  écrivait  son  Histoire  générale  de  l'ordre  des 

dre  au  même   royaume,  après  celui  d'An-  Minimes  ,  il  n'a  pas  parlé  des  religieuses  dt 


903  DICTIONNAIRE  DF.S  ORDRES  RELIGIEUX,  1000 

col  ordre  en  France,  mais  il  a  donné  l es  Vii's  l'usage  cl»'  rEglîss  rom   ine,  et  reux  qui   ne 

de  quelques   religieuses  espagnoles  et   ila-  sont  pas  obliges  de  réciter  le  bréviaire  doi- 

lîennes  qui  sont  mortes  en  réputation  de  sain-  vent  dire  pour  matines  sept  Pater  el  autant 

trié.  Il  du   qu'en  l'année  qu'il  écrivait  .  qui  d'.-li-e,  sept  pour  laudes.  <  inq  pour  vêpres  et 

était  en  1623  ,  il  y  a>ail  trois  cents  religieu-  trois  pour  couiplies  el  pour  chacune  des  au- 

ses  de  cet  o;dre  en  onze  couvenis:  ainsi  avec  1res   heures,  ajoutant  au  dernier  le  (Jloria 

les  deux  d'AbbevïUe  et  celui  de  Soissons,  il  Patri,  et  lous   les  jours   ils  doivent  dire  en- 

y  aurait  qualorze  monastèr  s  de  religieuses  cote  trois  autres  Pater  et  autant  d'.-tie  pour 

Minimes.  Leur   babil  esl  semblable   à   celui  les  défunts,  et  à  la  fin  du  dernier  le  Requiem 

îles  religieux  de  cet  ordre  :  nous  en  donnons  œternam.  Ils  doivent  s'arcuserde  leurs  péchés 

deux  e  lampes,  dont  l'une  représente  uiie  de  aux.  confesseur';  qui  leur  sont  assignes  par 

i  es  religieuses  suis  manteau   el  l'autre  en  le  correc  enr  général  de  l'ordre  des  Minimes, 

uian  eau  et  en  habit  de  ihœnr  (1).  el  communier  le  jeudi  sami  ,  le  jour  de  Pà- 

F rancisc.  Lanovius,  Chronie.  gênerai,  ord.  ques , à  Noë. ,  à  la  Peniec  ite  et  à  la  fêle  de 

Minim.  Lous  Doni  d'Attichi,  Utst.  générale  l'Assomption  de  Notre-Dame.  Ils  assisteront 

de  t  ordre  des  Minimes.   Lucas  de  MontOïa  ,  à  la  messe  avec  beaucoup  de  respect  et  paye- 

Chronic  gêner  ni  de  lu  brden  (te  lus  Minimos.  ront  les  dîmes  qu'ils  doivent  a  leurs  euros. 

Hilarion  de  Coste,  Eloges  des  Dames  illustres,  Ils  d  ivent  fuir  le  monde  et  les  emplois  d.s- 

lom.   11.  Ign  ce  de  Jes   s-Marie,  Hisl.  d' Ah-  honnêtes,  éviter  les  festins  cl    les  vanités  du 

bevillc,  et  René  ThuilILer,  Traduction  des rè-  siècle.  L'abstinence  de  viamie  eux  eslordon- 

gle  ,   eorrectoire  et  cérémonial  des  Minimes  ,  née  depuis  la  lèie  de  sainte  Luce  jusqu'à  Noël 

arec  des  remarques  historiques.  exclusivement,  el  tr  is  jours  avant  les  qua- 

r  -    r         r\  Ire  jours  de  communion  prescrits  par  la  règlp, 

.MINIME»  (  I  iers  Okdre  des).  aussi  bien  que  lous  les  mercred  s  de  l'année. 

Le  T  ers  Ordre  des  Minimes  pour  1  s  per-  Les  confesseurs  peuvent  néanmoins  dispeu- 
soniies  de  l'un  el  l'autre -exe  qui  vivent  dans  s<  r  du  jeune  et  de  l'abstinence  ceux  qu'ils 
le  monde  avait  é'.é  établi  par  saint  François  jngenl  à  propos,  et  peuvent  changer  ces  j  û- 
de  Paule  dans  la  Calabre,  longtemps  avant  nés  en  d'amres  œuvres  de  pieté.  On  accorde 
qu'il  vint  en  France,  car,  par  les  procès  faits  aux  Frères  el  aux  Sœurs  la  liberté  d'ob-er- 
en  Italie  pour  -a  canonisation,  l'on  voit  qu'il  ver  la  vie  quadragésimale  ,  s'ils  ont  assez  de 
recevait  nés  personnes  séculières  en  celte  ferveur  pour  la  pratiquer.  Les  vêlements 
congrégation,  et  qu'il  leur  donnait  le  petit  exiérieurs  seront,  selon  leur  étal  el  !•  urcon- 
cordon  ,  qui  esl  la  marque  de  cet  ordre.  Le  dilion  ,  entièrement  ou  presque  semblables 
procès  même  qui  fui  fait  à  Allilie  porte  que,  pour  la  couleur  aux  habits  des  religieux  Mi- 
lorsqu'il  y  passa  pour  aller  en  France,  il  y  nimes.  I.e^  Frères  et  les  Sœurs  recevront 
laissa  une  communauté  de  Tierciaires,  au  avec  dévolion  d.  s  correcteur-  de  l'ordre,  on 
nombre  de  dix-sept,  qui  avaient  pour  correc-  de  quelqu'un  commis  par  eux,  un  cordon 
Iricc  une  Sœur  nommée  Perne,  et  pour  con-  noue  seulement  de  deux  nœuds,  et  après  un 
fesseur  et  directeur  un  prêtre  qui  s'appelait  temps  convenable,  s'ils  désirent  persévérer 
Serra,  qui  était  aussi  de  ce  Tiers  Ordre.  Mais  dans  l'observance  de  celle  règle,  ils  feront 
il  ne  parait  pas  que  saint  François  de  Paule  aussi  profession  entre  leurs  mains.  Ils  peu- 
ail  dresse  en  Italie  aucune  règle  pour  le  gou-  veut  dès  le  bas  âge  recevoir  le  cordon,  mais 
vernement  et  la  direction  de  ce  Tiers  Ordre,  la  profession  ne  se  doit  faire  qu'à  l'âge  de 
Les  h  ns  exemples  de  sa  vie  et  les  leçons  quinze  ans.  Enfin,  pour  la  conduite  de  celle 
spirituelles  que  lui  et  ses  religieux  faisaient  congrégation  de  fidèles  de  l'un  et  de  l'antre 
assidûment  à  ceux  qui  se  rangeaient  sous  sa  sexe,  les  proiinciaux  de  l'ordre  des  Minimes 
conduite,  leur  tenant  lieu  de  règle  et  de  sla-  ou  les  supérieurs  majeurs  lui  assigneront  en 
tuls  jusqu'à  ce  qu'enfin,  en  1501 ,  lorsqu'il  chaque  lien  un  correcteur  ou  une  correctrice 
retoucha  la  règle  qu'il  avail  l'ai  e  pour  ses  qu'ils  pourront  eux-mêmes  changer  toutes 
religieux  en  1  493 ,  il  en  fit  en  même  temps  les  fois  qu  ils  le  jugeront  à  propos.  Ces  cor- 
nue pour  son  Tiers  Ordre  dont  il  obtint  l'ap-  recteurs  et  correctrices  doivent  s'appliquer 
probalion  du  pape  Alexandre  VI,  l'année  de  toul  leur  pouvoir  a  assoupir  les  procès  et 
suivante  1302.  Cette  approbation  l'ut  rënou-  les  disputes  qui  peuvent  naiire  entre  les  Frè- 
velée  par  le  même  pape,  de  l'avis  et  du  con-  res  <  t  les  Sœurs,  et  à  les  remelire  par  cha- 
sentemenldes  cardinaux  en  suilcde  quelques  rite  dans  la  paix  et  dans  l'union  d'une  ami- 
changements  que  le  saint  fila  ses  règles,  et,  lié  sincère.  Ils  doivent  lous  avoir  un  grand 
l'année  1506,  elle  le  fut  plus  solennellement  a  our  les  uns  pour  les  autres  et  ne  po  nt 
par  le  pape  Jule-  II,  qui,  joignant  en  emble  rougir  de  s'appeler  mutuellement  Frères  et 
1 1  règle  des  religieux,  celle  des  religieuse-  et  Sœurs,  et  comme  tels  ils  don  ent  -e  v  siter  et 
celle  du  Tiers  Ordre,  el  n'en  faisant  qu'un  se  consoler  les  uns  les  auties  dans  leurs  af- 
corps,  les  confirma  toutes  par  une  même  dictions,  leurs  adversités  et  leurs  maladies. 
bulle.  Voilà  en  abrégé  la  règle  que  saint  François 

Cette  règle  du  Tiers   Ordre  des    Minimes  de  Paule  prescrivit  aux  Frères  et  aux  Sœurs 

contient   sept   chapitres.    Elle  ordonne   aux  de  son  Tiers  Ordre.  Nous   avons  dit  que  la 

Frères  et  aux  Sœurs  l'observance  des  coin-  marque  «le  ci;l   ordre  esl  un  cordon  noué  de 

mandements  de  Dieu  et  de  l'Eglise.  Ceux  qui  deux   nœuls.    Quoique   la  ressemblance  que 

sont  clercs  doivent  réciler  l'olïice  divin  selon  leurs  habits  doivent  avoir  avec  ceux  «tes  reii- 

(l)  Voy.,  i.  U  (in  un  vol.,  n0'  247  el248. 


1001 


MIN 


MIN 


4002 


gieux  Minimes  ne  soit  que  par  rapport  à  la 
couleur  et  non  pas  à  la  forme,  il  y  a  néan- 
moins des  pays  ou  les  Tierciaires  de  cet  or- 
dre s'habillent  de  même  que  les  Frères  et  les 
Sœurs  de  ce  même  ordre.  Ils  font  profession 
en  ces  termes  : 

Je,  TV.,  promets  à  Dira  tout-puissant  et  à 
toute  lu  cour  céleste  et  à  vous,  mon  révérend 
Père  N..  d  amenât  r  de  plus  <  n  plus  mes  mœurs 
et  ma  vie  et  d'observer  autant  que  je  le  pour- 
rai 1rs  préceptes  salutaires  de  la  règle  des  fidè- 
les de  l'un  et  l'autre  sexe,  de  l'ordre  des  Mi- 
nimes, confirmée  par  notre  saint-père  le  pope 
Jules  11,  et  d'obéir  aux  successeurs  de  saint 
François  de  Poule,  les  correcteurs  généraux 
de  cet  ordre  des  Minimes,  et  de  suivre  les  lions 
conseils  et  les  instructions  de  ladite  règle  ,  et 
de  procurer  l'honnew  et  l'utilité  dudit  ordre. 
En  foi  de  quoi  fui  signé  et  marqué  de  ma 
main  ce  présent  écrit  pour  témoignage  de  ma 
profession,  en  ce  couvent  des  Frères  Minimes 
de  N.,  etc. 

L'an  1530,  quelques  filles  de  ce  Tiers  Ordre 
qui  vivaient  en  commun  dans  la  ville  de  To- 
lède en  Espagne  depuis  environ  cinq  ans, 
dans  une  maison  particulière  d'où  elles  ne 
sortaient  que  jour  aller  à  l'Eglise  entendre 
la  messe  et  recevoir  les  sacrements,  \oulu- 
rent  changer  leur  maison  en  un  monastère 
et  faire  des  vœux  solennels  sons  la  troisième 
règle  des  Minimes.  Elles  s'adressèrent  pour 
cela  au  cardinal  Pucci,  prolecteur  de  l'ordre, 
qui,  approuvant  leur  dessein,  parla  au  pape 
Paul  III,  qui  érigea  celte  maison  de  Tierciai- 
res en  un  monastère  sous  le  tiire  de  Jésus-et- 
Marie  et  l'observance  de  la  troisième  règle 
des  Minimes  de  Saint-François  de  Paule,  leur 
permettant  de  faire  les  vœux  solennels  de 
chasteté,  pauvreté  et  obéissance,  et  leur  ac- 
cordant tous  les  privilèges  dont  jouissaient 
les  religieux  et  religieuses  du  premier  et  du 
second  ordre.  Ces  religieuses,  quoique  ap- 
prouvées parle  pape,  ne  purent  jamais  obte- 
nir le  consentement  des  supérieurs  de  l'ordre 
pour  y  être  reçues  sous  leur  juridiction.  Elles 
présentèrent  d'abord  pour  ce  sujet  une  re- 
quê!e  au  chapitre  général  assemblé  à  Fréjus 
en  1547;  mais  leur  demande  ne  fut  p > •  i n t  ac- 
cordée non  plus  que  dans  les  chapitres  gé- 
néraux qui  se  tinrent  pneore  à  Fréjus  en 
1556,  et  à  Valence  en  1561;  quoique  la  reine 
d'Espagne,  I->a belle  de  France,  s'intéressât 
pour  elles,  lout  cela  fut  inutile.  Cette  prin- 
cesse les  faisait  subsister  par  ses  aumônes, 
mais  après  sa  mort  la  ville  sevoyanl  chaigée 
de  ce  soin,  demanda  au  cardinal  de  Quiroga, 
archevêque  de  Tolède  ,  d'en  êlre  déchargée. 
Ce  prélat  transféra  ces  rel  gieuse*,  de  leur 
consentement,  dans  un  autre  monastère  ap- 
pelé Nolre-D:me  de  la  Blanche,  où  elles  de- 
meurèrenl  quelque  temps  avec  l'habit  de  Mi- 
nin  es  ,  et  firent  un  si  grand  progiès  dans  la 
vertu  que  quelques-unes  d'entre  elles  sont 
mortes  en  odeur  de  saititeté.  Ce  sont  les  seu- 
les religieuses  Tierciaires  qu'il  y  ait  jamais 
eu  dans  cet  ordre,  qui  ayant  été  abolies  à 
cause  de  leur  grande  pauvreté,  n'ont  jamais 
été  rétablies  :  ainsi  le  Tiers  Ordre  des  Mini- 
mes ne  comprend  que  des  personnes   sécu- 

DlCTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.   II. 


lières  de  l'un  et  l'autre  sexe  parmi  lesquelles 
il  y  a  eu  le  bienheureux  (iràce  de  Valence. 
Les  Minimes  prétendent  que  Louis  XI,  Char- 
les VIII  et  Louis  XII,  rois  de  France,  étaient 
de  cet  ordre  aussi  bien  que  saint  François 
de  Sales,  évèque  de  Genève. 

Francise.  Lanovius ,  Chronicon  générale 
Minimorum.  Louis  Doni  d'Atlichi,  Hist.  Gê- 
ner, de  l'ordre  des  Minimes.  Lucas  de  Mon- 
toïa-,  Chronic  Gêner,  de  la  orden  de  los  Mini- 
mos.  René  Thuillier,  Traduction  des  règles, 
correctoire  et  cérémonial  des  Minimes  avec 
des  remarques  historiques.  François  C-iry, 
Préface  de  la  règle  du  Tiers  Ordre  des  Mini- 
mes; et  Ballazar  d'Avila,  Manipulas  Mini- 
morum. 

MINISTRES  DES  INFIRMES  (Clercs  Régu- 
liers), appelés  aussi  du  bien-mourir,  avec 
la  Vie  du  vénérable  P.  Camille  de  Lellis, 
leur  fondateur. 

Voici  un  orJre  dont  la  fin,  selon  l'inten- 
tion du  fondateur,  était  de  rendre  au  pro- 
chain toutes  sortes  d'offices  de  miséricorde  , 
tant  corporels  que  spirituels.  Les  religieux 
de  cet  ordre  ont  même  pendant  quelque 
temps  eu  le  soin  des  hôpitaux,  donnant  aux 
malades  toute  sorte  d'assistances  en  leur 
administrant  leurs  besoins,  leur  donnant  à 
manger,  faisant  leurs  lits,  les  nettoyant  et 
faisante  leur  égard  les  fonctions  de  servi- 
teurs. Mats  les  ilifférends  qu'ils  ont  eus  avec 
les  administrateurs  des  hôpitaux  dont  ils 
avaient  le  soin,  et  dont  le  plus  souvent  ils 
voyaient  employer  les  revenus  à  d'autres 
usages  qu'aux  besoins  des  malades,  leur  ont 
fait  abandonner  le  soin  des  hôpitaux  pour 
s'appliquer  uniquement  à  la  visite  des  ma- 
lades, s'obligeant  par  un  quatrième  vœu  de 
leur  donner  toute  sorte  d'assistances  spi- 
rituelles et  de  les  assister  à  la  mort,  même 
dans  le  temps  de  peste,  ce  qui  leur  a  fait 
donner  le  nom  de  Ministres  des  infirmes  eu 
du  bien-mourir ,  comme  on  les  appelle  en 
Italie. 

Camille  de  Lells  fut  l'instituteur  de  ce 
saint  ordre.  Il  naquit  à  Bucchianico ,  petit 
bourg  de  la  province  de  l'Abruzze  dans  le 
royaume  de  Naples  et  du  diocèse  de  Tbéate, 
le  -25  mai  15oJ.  Son  père  qui  était  homme 
d'armée  négligea  l'éducation  de  son  !i  s,  dont 
la  naissance  avait  été  en  quelque  faço.i  mi- 
raculeuse, pu  squesa  mère  ne  l'avait  mis  au 
monde  que  dans  une  extrême  vieillesse,  et 
lorsqu'il  n'y  at  ail  aucune  apparence  qu'elle 
dût  avoir  d'enfants,  plusieurs  années  s'était 
même  écoulées  depuis  qu'elle  avait  encore 
mia  au  monde  un  autre  garçon,  qui  mou- 
rut en  bas  âge.  A  la  \éiite  Camille  Eut  en- 
voyé aux  écoles,  mais  tout  le  progiès  qu'il 
y  lit  fut  d'apprendre  à  peine  à  lireel  à  écrire, 
ne  s'appliquaiii  qu'à  jouer  continuellement 
aux  cartes  et  aux  dés. 

A  l'âge  de  dix-huit  ans,  il  suivit  la  profes- 
sion des  armes  comme  son  père,  qui  voulut 
lui  faire  faire  sa  première  campagne  au  ser- 
vice des  Vénitiens,  qui  étaieut  en  guerre 
pour  lors  avec  les  Turcs.  Comme  ils  étaient 
à  Ancône  sur  le  point  de  s'embarquer  pour 
32 


4003 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1D04 


passer  à  Venise,  ils  tombèrent  tous  doux 
dangereusement  malades,  ce  qui  leur  Dt 
aband  mtier  ce  dessein;  et  lorsqu'ils  com- 
mencèrent à  se  mieux  porter,  ils  prirent  la 
résolution  de  retourner  chez  eux  ;  mais  à 
peine  furent  -  ils  arrivés  à  Saint-Lupidien 
proche  Lorelte,  (que  le  père  de  Camille  ,  se 
sentant  plus  mal,  ne  put  passer  plus  avant  et 
mourut  quelques  jours  après,  ne  laissant 
pour  tout  bien  à  Camille  que  l'épée  et  la 
cape  (  comme  l'on  dit  ordinairement  ).  Sa 
mère  était  morte  aussi  quelques  années  au- 
paravant, ce  qui  augmentait  son  chagrin,  et 
pour  comble  de  malheur,  il  lui  vint  un  ulcè- 
re à  la  jambe  gauche,  qui  fui  ci  peine  guéri, 
qu'un  auire  plus  grand  et  qu'il  porta  toute 
sa  vie  parut  à  la  jambe  droite.  11  continua 
néanmoins  Son  chemin  et  passa  par  Fermo, 
où  il  fil  quelque  séjour  à  cause  d'une  petite 
fièvre  dont  il  tut  travaillé  pendant  quelques 
jours. 

Ce  fut  dans  cette  ville  que  Dieu  qui  voulait 
attirer  Camille  à  lui,  commença  à  lui  faire 
concevoir  du  dégoût  pour  le  monde.  La  ren- 
contre qu'il  (il  de  quelques  rel  gieux  de  l'or- 
dre de  Saint-François  fut  ce  qui  y  donna 
lieu.  Il  fut  si  édifié  de  leur  manière  humble, 
modeste  et  retenue,  qui  n'inspirait  que  de  la 
dévotion  et  de  la  piété,  qu'il  résolut  d'entrer 
dans  leur  ordre  ei  de  renoncer  entièrement 
au  siècle.  Il  fut  pour  ce  sujet  à  Aquila,  où  un 
de  ses  oncles  était  gardien  du  couvent  de 
Saint-Bonaventure  ;  il  lui  communiqua  son 
dessein  et  iui  demanda  l'habit  de  son  ordre; 
mais  soit  à  cause  de  ses  incommodités,  soit 
que  ce  Père  ne  lui  trouvât  pas  une  vocation 
assez  forte,  il  ne  voulut  pas  lui  accorder  sa 
demande  ;  en  effet  le  temps  de  sa  conversion 
n'était  pas  encore  arrivé. 

Il  demeura  quelque  temps  à  Aquila  d'où 
il  alla  à  Rome,  pour  se  faire  guérir  de  son 
ulcère,  et  ayant  appris  que  dans  l'hôpital  de 
Saint-Jacques  des  Incurables  il  y  avait  d'ha- 
biles chirurgiens,  il  se  présenta  pour  y  être 
reçu  au  nombre  de  ceux  qui  ont  soin  des 
malades  ,  dans  l'espérance  qu'en  même 
temps  on  aurait  soin  de  sa  plaie;  mais  après 
y  avoir  demeuré  quelques  mois,  il  fut  mis 
dehors  par  l'économe,  à  cause  de  son  humeur 
querelleuse  et  de  son  inclination  pour  le 
jeu,  qui  était  si  grande,  que,  quittant  sou- 
vent le  service  des  malades  ,  il  sortait  de 
l'hôpital  pour  aller  jouer.  Il  y  resta  néan- 
moins sur  les  promesses  qu'il  (il  de  se  rendre 
plus  assidu  à  son  devoir  ;  mais  le  maître  de 
l'hôpital  lui  ayant  trouvé  des  caries  sous  le 
chevet  de  son  lit,  il  lui  renvoyé  et  on  n'eut 
plus  d'égard  aux  promisses  qu'il  fil  qu'Use- 
rait plus  exact  à  remplir  ses  devoirs. 

Comme  la  guerre  ((ne  les  Vénitiens  avaient 
avec  les  Turcs  n'était  pas  encore  terminée  , 
et  qu'ils  faisaient  de  nouvelles  troupes.  Ca- 
mille s'enrôla  à  leur  service,  l'an  lob'J.  .Mais 
celle  guerre  étant  linie  et  les  troupes  ayant 
été  licenciées,  il  eut  le  même  sort  que  les 
autres  soldats  qui  s'en  retournent  les  mains 
vides.  Comme  c'était  en  hiver,  que  le  froid 
était  rude,  qu'il  était  presque  nu  et  qu'il  n'a- 
vait point  d'argent,  il  se  vit  réduit  dans  une 


grande  misère.  Les  capucins  de  la  ville  de - 
Maofrédonia  auxquels  il  demanda  la  charité, 
en  ayant  eu  compassion,  lui  donnèrent  quel- 
ques morceaux  de  drap  de  la  couleur  de 
leurs  h  .bits  pour  le  revêtir  ;  et  comme  ils 
faisaient  travailler  à  la  construction  de  quel- 
ques édifices,  Camille  s'engagea  à  y  servir 
de  manœuvre,  dans  l'espérance  de  gagner 
quelque  argent  pour  se  mettre  un  peu  à  l'a- 
bri de-  rigueurs  de  la  saison  et  retourner 
ensuite  à  la  guerre  au  printemps,  si  l'occa- 
sion s'en  présentait,  sans  perdre  l'inclination 
du  jeu,  qui  était  si  forte  qu'il  jaua  un  jour 
jusqu'à  sa  chemise. 

Le  séjour  que  Camille  fil  chez  les  capu- 
cins fut  un  e Ile t  de  la  Providence  divine  qui 
voulait  le  faire  rentier  en  lui-même  et  l'at- 
tirer à  son  service.  L'hiver  ne  se  passa  pas 
sans  qu'il  Cl  réflexion  sur  sa  vie  déréglée,  il 
enfui  vivement  tou  -hé,  et  lit  vœu  d'entrer  dans 
l'ordre  rie  Saint-François,  pour  y  faire  péni- 
tence de  ses  fautes;  il  demanda  avec  tant 
d'm  -t  in  ces  l'habit  aux  PP.  Capucins  qu'ils  le 
lui  accordèrent, et  ils  le  reçurent  en  qualité  de 
Frère  lai;  mais  son  ulcère  s'élint  rouveit,on 
le  renvoya.  Comme  il  avait  été  guéri  de  cette 
plaie  a  l'hôpital  de  Sainl-Jacques  des  Incura- 
ble-; à  Rome,  il  y  retourna  pour  y  servr  en- 
core les  malades.  Il  s'y  comporta  d'une  autre 
manière  qu'il  n'avait  fait  la  première  fois  ;  il 
avait  entièrement  changé  de  vie,  il  était  de- 
venu un  autre  homme,  el  il  fut  pendant  le 
séjour  qu'il  fit  dans  cet  hôpital  l'exemple  de9 
auir.  s  serviteurs. 

Après  y  avoir  demeuré  quatre  mois,  et  sa 
plaie  s 'étant  refermée,  il  retourna  à  .Maiifré- 
doiiia  pour  reprendre  l'habit  chez  les  PP. 
Capucins  qui  le  lui  donnèrent  pour  la  seconde 
fois  et  le  renvoyèrent  aussi  quelque  temps 
après,  voyant  que  sa  plaie  s'était  encore 
rouverte.  Camille  voyant  donc  qu'il  ne  pou- 
vait être  reçu  dans  cet  ordre,  prit  la  résolu- 
tion de  se  consacrer  entièrement  au  service 
des  malades.  11  retourna  pour  cet  effet  à 
Rome,  il  rentra  dans  l'Hôpital  de  Saint-Jac- 
ques, el  comme  il  n'y  avait  pas  longtemps 
que  l'économe  en  était  sorti,  et  que  les  ad- 
ministrateurs avaient  expérimenté  quelle 
était  la  vertu  de  Camille  la  seconde  fois  qu'il 
était  entré,  ils  lui  donnèrent  cet  emploi. 

Le  vœu  qu'il  avait  fait  d'être  de  l'ordre  de 
Saint-François  lui  (tonnait  du  scrupule,  sou 
esprit  n'était  point  en  repos;  c'est  pourquoi 
il  se  présenla  pour  la  troisième  fois  aux  Ca- 
pucins afin  d'être  reçu  parmi  eux  ;  m  us  son 
ulcère  fut  encore  un  obstacle  à  sa  demande. 
Un  an  après  il  postula  chez  les  Cordeliers.  au 
couvent  d'Aracœli  à  R  nie,  et  la  même  rai- 
son ayant  aussi  empêché  sa  réception,  il  ne 
songea  plus  à  l'ordre  de  Saint-François.  H 
lui  vint  en  pensée  de  former  une  congréga- 
tion de  quelques;  personnes  séculières  qui 
s  unissent  ensemble  pour  s'employer  au  ser- 
vice des  malades.  Ce  fut  l'an  1582  que  cinq 
personnes  se  joignirent  à  lui  pour  cet  effet. 
Ils  s'assemblaient  tous  les  jours  dans  un  pe- 
tit oratoire  qu'ils  avaient  dressé  dans  un  lieu 
retiré  de  cet  hôpital,  où  ils  se  rendaient  tous 
les  jours  pour  faire  ensemble  leurs  prières 


il 


MIN 


MIN 


1006 


et  leurs  oraisons.  Ils  ne  changèrent  point 
pour  cela  leurs  habits  séculiers  ;  mais  le  dé- 
niun  prévoyant  le  progrès  que  celle  congré- 
gation naissante  ferait  un  jour,  el  de  quelle 
uiilité  elle  serait  pour  le  salut  des  âmes  , 
tâcha  de  la  détruire  dans  son  commencement. 
Ceux  qui  présidaient  au  gouvernement  de  cet 
hôp  lai.  n'ayant  pas  assez  examine  les  inten- 
tions de  Camille  de  Lellis,  et  regardant  ce 
qu'il  aval  fait  comme  une  nouveauté,  firent 
ôîer  l'oraoire;  mais  la  nuit  suivante  Dieu 
consola  ce  saint  fondateur,  l'ayant  exhorté 
à  persévérer  dans  son  entreprise  el  lui  pro- 
mettant de  l'aider  en  tout. 

l'amil  e  ayant  été  consolé  par  cette,  vision, 
résolut  de  former  sa  congrégation  hors  de 
l'hôp.lal  ;  i!  prit  conseil  d'un  de  ses  amis  qui 
lui  dit  que  tant  qu'il  serait  dans  l'état  sécu- 
lier il  n'aurait  pas  beaucoup  de  disciples,  et 
qu'il  lui  conseillait  de  se  faire  prêtre.  Il 
suivit  cet  avis,  et  Camille  à  l'âge  de  trente- 
deux  ans  apprit  les  rudiments  de  ia  langue 
latine,  et  n'eut  point  de  honte  à  cet  à^e 
d'aller  au  collège  des  Jésuiies  pour  y  faire 
ses  études  el  de  commencer  par  la  même. 
Il  y  fit  tant  de  progrès  qu'en  peu  de  temps 
on  l'admit  à  la  préirise,  une  personne  de 
pie'e  qui  fut  informée  des  intentions  qu'il 
avait  de  fonder  une  congrégation  lui  ayant 
fait  une  p'iision  de  trente-six  écus  romains 
pour  lui  servir  de  titre. 

Peu  de  temps  après  qu'il  eut  reçu  les  or- 
dres sacrés,  les  administrateurs  de  l'hôoilal 
de  Saint-Jacques  lui  donnèrent  la  desserte  de 
l'église  de  Notre-Dame  des  Miracles  proche 
le  Tibre.  Camille  croyant  qu'il  pouvait  li- 
brement en  ce  lieu  donner  commencement 
à  sa  congrégation,  se  démit  de  son  emploi 
d'économe  de  l'hôpital,  et  au  mois  de  sep- 
tembre 1534 ,  sous  le  pontifical  de  Gré- 
goire XIII,  il  prit  possession  de  cette  église 
et  du  couvent  qui  y  était  contigu,  et  il  ût 
prendre  ;  our  lors  à  ses  c  mpagno  :s  l'habit 
long,  tel  que  le  portent  les  ecclésiastiques  ; 
mais  ils  ne  demeurèrent  pas  longtemps  en  ce 
lieu.  Quelques-uns  ont  écrit  qu'ils  furent 
contraints  d'en  sortir  à  cause  qu  ils  n*en 
avaient  pas  obtenu  la  permission  da  pape, 
et  d'autres  disant,  avec  plus  de  vraisem- 
blance, que  Camille  ne  l'abandonna  qu'à 
cau-e  qu'étant  tombé  ma'ade  avec  ses  com- 
pagnons, il  cr  t  que  le  voisinage  du  Tibre  y 
av  t  pu  contribuer.  En  effet  les  Religieux 
pénitents  du  Tiers  Ordre  de  Saint-François 
de  la  c  mgregal  onde  Franre  appelés  Picpus, 
qui  ont  acheté  depuis  ce  couvent,  ont  expé- 
rimente que  l'air  y  est  très-mauvais,  ce  qui 
leur  a  lait  aussi  quitter  ce  lieu  sans  en  aban- 
donner la  propriété,  et  Camille  de  Leli;  en 
étant  sorti,  loua  une  maison  dan.':  le  quar- 
tier qu'on  appelle  des  Boutii/ue    ohseures. 

S.  congrégation  s'augmentant  de  jour  en 
jour,  il  résolut  d,-  lui  donner  le  litre  de  Mi- 
nistres des  Infirmes,  au  lieu  que  jusque-là 
elle  avait  été  appelée  la  congrégation  du 
P.  Camille.  Le  pape  Sixte  V  PapfM  auva  par 
un  bref  du  S  i.ars  1586,  et  leur  p  rmil  de 
vivre  eu  communauté,  de  faire  des  vœux 
simples  de  pauvreié,  de  chasteté  el  d'obéis- 


sance, et  nn  quatrième  d'assisler  les  ma- 
lades à  la  mort,  même  au  temps  de  péstc. 
11  leur  permit  aussi  d'élire  un  prêtre  entre 
eux  pour  supérieur  (|iii  ne  pourrait  exercer 
son  office  que  pour  Iras  ans,  et  de  eh  rCner 
des  aumônes  par  la  ville.  Ce  fut  en  vertu  de 
ce  bref  que  Camille,  d'une  c  unmiine  voix 
fut  élu  pour  supérieur  le  vingtième  ai  rit  de' 
la  même  année.  Immédiatement  après  son 
élection,  ayant  pris  un  compagnon,  il  fut 
dans  Rome  pour  y  demander  la  charité- 
mais  comme  ils  n'étaient  pas  connus,  on  les 
prit  pour  des  vagabonds  el  ils  ne  rappor- 
tèrent cette  première  fois  qu'un  pain  et  quel- 
ques fruits. 

Le  cardinal  de  Mondovi,  qui  avait  obtenu 
du  pape  la  confirmation  de  leur  congréga- 
tion, obtint  encore  un  second  bref  du  26  juin 
de  la  même  année,  qui  leur  permettait  de 
mettre  sur  leurs  habits  une  croix  tannée 
pour  les  distinguer  des  aufres  cires  régu- 
liers. Ils  n'avaient  pa>  pour  lors  d'église  ni 
d'oratoire  pour  j  pouvoir  célébrer  la  mevse 
el  ils  étaient  obligés  de  sortir  tous  les  jours! 
tant  les  prêtres  que  ceux  qui  ne  l'étaient  pas! 
pour  aller  dire  ou  entendre  la  messe  aux 
Jésuites,  où  il>  avaient  choisi  leur  eonfes 
seur.  C'est  pourquoi  ils  résolurent  de  quitter 
la  maison  qu'ils  ne  tenaient  qu'à  louage  aux 
Boutiques  obscures,  et  ils  obtinrent  à  cer- 
taines conditions  de  la  société  du  Gon/alon 
l'église  de  la  Madeleine  proche  la  Rotonde, 
avec  quelques  maisons  contiguè's,  où  ils  vin- 
rent demeurer  au  nombre  de  douze  ou 
quinze.  Sur  la  fin  du  dernier  siècle,  ces  re- 
ligieux ont  fait  rebâtir  cette  ég  ise  de  fond  en 
comble,  el  elle  est  une  des  plus  belles  de 
Rome,  étant  aussi  accompagnée  d'un  très- 
beau  monastère  qui  esl  regarde  comme  le 
chef  de  cet  ordre. 

Leur  nombre  s'élant  beaucoup  augmenté 
dans  cette  nouvelle  demeure,  Camille  fit  un 
voyagea  Naples  pour)  faire  un  établissement, 
et  y  mena  avec  lui  douze  personnes  de  sa 
congrégation.  Le  cardinal  Palloile,  voyant 
de  quelle  utilité  elle  et  ni,  offrit  à  Camille 
un  autre  établissement  à  Roiogne  dont  11 
était  archevêque.  Cam.lle  refusa  ses  oîTres, 
s'excusa  ni  sur  le  peu  de  préires  qu'il  avait, 
la  plupart  de  ceux  qui  composaient  sa  con- 
grégation ne  pouvant  être  promus  aux  or- 
dres sacrés  faute  de  titres  patrimoniaux; 
mais  ce  prélat  lui  répondit  qu'on  y  pouvait 
remédier  en  érigeant  sa  congregati  m  en 
ordre  religieux.  Il  en  contera  avec  le  car- 
dinal de  Mondovi  qui  en.  était  :e  protecteur, 
et  tous  deus  en  p  fièrent  au  pipe  Gré- 
goire XIII,  qui  rt  h v  ya  cette  affaire  a  h 
congrégation  des  nies.  Ce  pontife  étant  mort 
s  r  ces  enlr.  faites,  celte  c  agrégation  ne  lut 
érigée  en  ordre  religieux  que  par  le  pape 
Grégoire  XIV,  par  un  bref  d  •  l'an  15'Ji,  qu'il 
signa  quelques  heures  avant  que  de  n.ourir. 
Le  brei  approuvait  aussi  leur  manière  de 
vivr  qui  avait  été  dressée  par  Cainill  ■  de 
Lellis,  et  dont  un  des  principaux  arliclesétait 
que  leur  pauvreté  devait  être  semblable 
celle  des  ordres  mendiants  qui  ne  possèdei 
aucun   fonds  ni  revenu,  et  vont  de  piitfte 


1007 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1008 


porte  recevoir  les  aumônes  des  fidèles;  que 
l'on  élirait  un  général  dont  l'office  serait 
perpétuel,  et  qu'il  aurait  quatre  consulteurs 
dont  l'office  serait  aussi  perpéluel  :  qu'aus- 
sitôt qu'il  y  aurait  un  général,  ils  feraient 
entre  ses  mains  les  vœux  solennels  de  pau- 
vreté, de  chasteté,  d'obéissance,  et  un  qua- 
trième d'assister  les  malades  à  la  mort,  qui 
est  le  propre  de  cet  institut  ;  que  le  nombre 
des  Frères  laïques  serait  plus  grand  que 
celui  des  prêtres  :  qu'ils  demeureraient  jour 
et  nuit  dans  les  hôpitaux  pour  avoir  soin  des 
malades  et  qu'ils  n'en  exigeraient  aucune  ré- 
tribution, mais  qu'ils  recevraient  seulement 
ce  que  les  administrateurs  des  hôpitaux  vou- 
draient leur  donner;  qu'afin  d'être  plus  as- 
sidus aux  hôpitaux,  ils  seraient  exempts 
d'aller  aux  processions  et  d'assister  aux  au- 
tres fonctions  publiques  où  les  religieux  se- 
raient appelés,  et  qu'il  y  aurait  une  maison 
particulière  destinée  pour  élever  les  novices. 
Le  pape  les  exempta  par  le  même  bref  de  la 
juridiction  des  ordinaires,  les  soumit  immé- 
diatement au  sainl-siége,  et  les  fil  partici- 
pants des  privilèges  qui  avaient  été  accordés 
aux  oidres  de  Saint-Benoît  et  îles  Mendiants, 
à  ceux  de  la  compagnie  de  Jésus,  des  Cha- 
noines et  des  clercs  réguliers,  leur  défendant 
api  es  leur  profession  solennelle  de  passer 
dans  un  autre  ordre,  excepté  dans  celui  des 
Chartreux.  Innocent  IX  ayant  succédé  à 
Grégoire  XIV,  confirma  cette  congrégation, 
et  commit  l'archevêque  d'E|idaure,  Paul 
Alberi,  pour  recevoir  la  profession  de  Ca- 
mille, qui,  ayant  prononcé  ses  va;ux  entre 
les  mains  de  ce  prélat,  prit  sa  place  et  reçut 
celles  de  ses  confrères  le  8  décembre  de  la 
même  année. 

Après  celte  profession  solennelle,  Camille 
s'employa  au  service  des  malades  avec  plus 
de  zèle  et  de  ferveur;  et  le  feu  de  sa  charité 
s'alluma  davantage,  étant  obligé  de  faire  par 
vœu  ce  qu'il  ne  faisait  auparavant  que  par 
charité.  Clément  VIII  ayant  succédé  à  Inno- 
cent IX,  Camille  appn  henda  qu'il  ne  fût  pas 
favorable  à  sa  congrégation  ,  à  cause  qu'il 
s'é  ait  opposé,  n'étant  que  cardinal,  à  ce 
qu'i  s  fissent  des  vœux  solennels,  l'our  sonder 
quelles  étaient  les  dispositions  de  ce  pontife, 
il  le  supplia  de  vouloir  confirmer  de  nou- 
veau sa  congrégation  et  les  privilèges  qui  lui 
.avaient  été  accordés  par  ses  prédécesseurs. 
(Mais  il  trouva  le  pape  dans  d'autres  senti- 
ments qu'il  n'avait  cru;  non-seulement  il 
Confirma  la  congrégation  des  Ministres  des 
Infirmes  au  mois  de  mais  1392  et  les  privi- 
lèges que  ses  prédécesseurs  lui  avaient  ac- 
cordés, mais  il  lui  en  donna  encore  de  nou- 
veaux. 

Après  que  Camille  de  Lellis  eut  obtenu 
cette  confirmation,  il  retourna  à  Naples  pour 
y  recevoir  la  profession  de  ceux  qui  y  de- 
meuraient, et  il  alla  à  son  lour  en  pèlerinage 
à  Lorelte  pour  rendre  grâces  à  la  sainte 
Vierge  de  la  protection  qu'elle  avait  donnée 
à  sa  congrégation,  et  des  faveurs  qu'il  en 
avait  reçues  en  son  particulier.  Etant  de  re- 
tour à  Rome,  il  était  en  peine  de  trouver  les 
moyens   pour  acquitter  les  dettes  que  leur 


maison  avait  contractées  el  qui  se  montaient 
à  plus  de  neuf  mille  écus  romains.  Ce  qui  lui 
laisail  de  la  peine  était  de  v<>ir  que  la  société 
du  Gonfalon  ,  à  qui  apparlenait  la  plus 
grande  partie  des  maisons  qui  étaient  conti- 
guës  à  l'église  de  la  Madeleine,  et  dont  ils 
avaient  fait  leur  demeure,  ne  se  voyant  point 
payée  des  loyers  qui  lui  étaient  dus,  avait 
l'ait  saisir  ce  qu'ils  pouvaient  avoir,  princi- 
palement une  maison  qu'un  de  leurs  bienfai- 
teurs leur  avait  achetée  pour  agrandir  leur 
demeure.  Dieu  y  pourvut  peu  de  temps 
après;  car  le  cardinal  d  ■  Mondovi  étant  mort 
au  mois  de  décembre  1592,  il  leur  laissa  tous 
ses  biens,  les  ayant  faits  ses  légataires  uni- 
versels. Ce  cardinal  avait  ordonné  par  son 
testament  qu'il  serait  enterré  sans  aucune 
pompe:  mais  les  religieux  qui  étaient  obligés 
de  faire  les  frais  funéraires,  voulurent  té- 
moigner leur  reconnaissance  envers  leur 
bienfaiteur,  et  ils  obtinrent  percussion  du 
pape  de  lui  faire  dis  obsèques  dignes  du 
rang  qu'il  avait  occupé  dans  l'Eglise. 

La  congrégation  s'augmenta  ensuite  par 
deux  établissements  qui  se  firent  à  Milan  et 
à  Gênes  l'an  1094.  Ce  fut  à  Milan  que  Camille 
de  Leilis,  qui  avait  un  désir  ardent  de  se 
dévouer  eniièremeutau  service  des  malades, 
voulut  se  charger  du  soin  de  tout  l'hôpital 
et  y  remplir  avec  ses  religieux  tous  les  em-t 
piois  des  serviteurs  el  autres  personnes  qui 
étaient  établies  pour  le  service  des  malades; 
mais  il  y  trouva  de  la  contradiction  dans 
quelques-uns  de  ses  religieux  qui  ne  pouvaient 
approuver  ce  changement,  comme  contraire 
à  leur  premier  institut,  qui  ne  les  engageait 
qu'à  ia  visite  des  malades  et  à  les  assister 
spirituellement  tant  de  jour  que  de  nuit. 
Cette  contestation  dura  quelques  années  jus- 
qu'en l'an  1600,  qu'elle  fui  terminée  par 
Clément  VIII,  comme  nous  dirons  ci-après. 
Ce  pontife  ayant  envoyé  des  troupes  en  Hon- 
grie l'an  1595,  pour  le  recouvrement  de  Stri- 
gonie  dont  les  Turcs  s'étaient  emparés,  or- 
donna à  Camille  de  Lellis  de  donner  huit  de 
ses  religieux  pour  servir  d'aumôniers  dans 
celte  armée. 

Camille,  nonobstant  l'opposition  de  sa  con- 
grégation, se  chargea  de  l'hôpital  de  Milan, 
et  avait  dessein  de  faire  la  même  chose  dans 
les  autres  villes.  On  assembla,  l'an  1598,  un 
chapitre  général  à  Rome  pour  élire  quatre 
conseilleurs  auxquels  on  donna  le  so:n  de 
dresser  les  constitutions  qui  devaient  servir 
à  l'avenir  de  règlements  à  la  congrégation. 
Camille  (il  ce  qu'il  put  pour  y  persuader  à 
ses  religieux  d'accepter  le  soin  des  hôpitaux, 
mais  il  ne  put  rien  gagner  sur  leurs  esprits, 
et  le  pape  même  lui  imposa  silence  là-dessus, 
lui  ordonnant  de  vive  voix  de  ne  rien  inno- 
ver. Cette  même  année  ce  saint  fondateur  ne 
put  résister  au  cardinal  l'alolte  qui  lui  de- 
mandait des  religieux  pour  faire  un  établis- 
sement à  Bologne,  et  il  lui  eu  envoya  l'an 
1597. 

L'an  1599,  le  second  chapitre  général  se 
tint  aussi  à  Rome.  Le  fondateur  proposa  de 
nouveau  que  l'on  reçût  la  manière  d'assisler 
les  malades  qu'il  avait  établie  à  Milan;  il  y 


1009 


MIN 


MIN 


4010 


trouva  de  nouvelles  difficultés,  mais  se  con- 
flant  que  Dieu  approuvait  son  dessein,  il 
ne  se  rebuta  point,  et  après  avoir  patienté 
pendant  cinq  ans,  les  consulleurs  lui  accor- 
dèrent enfin  sa  demande,  on  dressa  de  non- 
veaux  règlements  par  lesquels  il  était  permis 
de  prendr.e  le  soin  des  hôpitaux:  le  pape 
Clément  VIII  les  approuva  l'an  1600. 

Il  y  eut  celte  année  une  autre  fondation 
à  Mantoue,et  suivant  le  pouvoir  que  les  re- 
ligieux en  avaient  reçu  du  pape,  ils  prirent 
le  soin  de  l'hôpital  «Je  Ferr'are  l'an  1G03.  Au 
commencement  de  l'année  suivante,  ils  se 
chargèrent  des  hôpitaux  de  l'Annonciade  des 
Incurables  et  de  Saint-Jacques  des  Espa- 
gnols d;ins  la  ville  de  Naples  ;  mais  ayant 
quitté  depuis  cet  emploi,  ils  ont  fait  dans  la 
même  ville  trois  établissements  considéra- 
bles. Il  se  fit  encore  la  même  année  plusieurs 
autres  fondations,  et  le  pape  Paul  V  étant 
monté  sur  la  chaire  de  saint  Pierre  au  mois 
de  mai  1605,  il  divisa  celte  congrégation  en 
cinq  provinces,  savoir,  de  Rome,  de  Milan, 
de  Naples,  de  Bologne  et  de  Sicile.  Camille 
de  Lellis  voyant  sa  congrégation  établie  so- 
lidement, se  démit  de  sa  supériorité  dans  un 
chapitre  général  qu'il  convoqua  à  Rome  au 
mois  d'octobre  1607,  et  le  P.  Biaise  Opperti 
fut  élu  en  sa  place  en  qualité  de  vicaire  gé- 
néral et  ensuite  de  général  dans  le  chapitre 
qui  se  tint  l'année  suivante.  En  16|3,  on 
tint  le  quatrième  chapitre  général  où  le  P. 
Antoine  de  Nigrellis  prit  le  gouvernement  de 
cet  ordre. 

Camille  de  Lellis  se  voyant  ainsi  délivré 
de  tout  embarras  prit  de  nouvelles  forces 
pour  marcher  dans  la  voie  de  perfection.  Il 
disait  dans  ce  renouvellement  de  vie  qu'il 
ne  lui  restait  plus  que  de  pleurer  le  temps 
qu'il  avait  passé  sans  faire  aucun  profit,  et 
qu'il  fallait  qu'il  se  remplît  de  bonnes  œu- 
vres, afin  d'être  toujours  prêt  lorsque  Dieu 
l'appellerait  de  te  monde.  Eu  eflVi  il  employa 
les  années  qui  lui  restaient  de  vie  à  l'orai- 
son, à  la  contemplation,  aux  exercices  de 
charité  et  de  moriification,  et  mourut  à  Rome 
plein  de  bonnes  œuvres  le  14  juillet  1614. 
Son  corps  fut  mis  dans  trois  cercueils  enfer- 
més l'un  dans  l'autre, -deux  de  bois  et  l'autre 
de  plomb,  et  fit  enterré  dans  l'église  du  tno- 
nas  ère  de  la  Madeleine  qui  est  la  pv  mière 
maison  de  cet  ordre. 

A  la  mort  du  P.  Camille  de  Lellis,  sa  con- 
grégation était  composée  de  seize  maisons 
en  Italie  et  de  quelques  autres  en  différents 
pays  qui  étaient  divisés  en  cinq  provinces, 
comme  nous  avons  dit  ci-dessus.  Il  y  avait 
envi:  on  trois  cents  religieux,  et  il  en  était 
mnrt  plus  de  deux  cenl  vingt  à  cause  des 
malad  es  qu'ils  avaient  contractées  dans  les 
hôpitaux.  Urbain  VIII,  l'an  1637,  sur  ce  qu'il 
y  eu  avait  dans  la  congrégation  qui  préten- 
daient que  le  chapitre  général  devait  se  tenir 
tous  les  trois  ans,  et  que  les  autres  au  con- 
traire soutenaient  qu'il  ne  devait  se  tenir  que 
tous  les  six  ans,  jugea  en  faveur  de  ces  der- 
niers, ordonnant  qu'il  se   tiendrait  tous  les 


sixans.  InnocentXréduisil  lescinq  province» 
à  deux,  savoir,  à  la  province  de  Naples,  qui 
devait  aussi  comprendre  la  Sicile;  et  la  pro- 
vince de  Rome,  qui  devait  renfermer  toutes 
les  autres  provinces  ;  mais  l'an  1655  Alexan- 
dre VII  changea  encore  cet  ordre,  et  divisa 
leurs  monastères  en  quatre  provinces.  Ces 
Clercs  Réguliers  sont  habillés  comme  les  ec- 
clésiastiques, et  portent,  pour  se  distinguer, 
une  grande  croix  tannée  sur  le  côté  gauche 
de  leur  soutane  et  de  leur  manteau  (1),  et 
dans  la  maison  les  Frères  lais ,  qui  en- 
traient aussi  autrefois  dans  les  charges,  por- 
tent le  bonnet  carré  comme  les  prêtres  et  les 
clercs.  Ces  Frères  lais  prétendaient  même 
avoir  le  pas  au-dessus  des  clercs;  mais  le 
pape  Alexandre  Vil,  par  un  bief  de  l'an  1662, 
ordonna  que,  tant  dans  les  fonctions  publi- 
ques que  dans  les  particulières,  les  clercs 
auraient  toujours  la  préséance. 

Outre  les  quatre  vœux  solennels,  ils  font 
encore  quatre  vœux  simples,  le  premier  de 
ne  rien  changer  ni  consentir  que  l'on  change 
rien  dans  la  manière  qu'ils  gardent  louchant 
le  service  qu'ils  rendent  aux  malades,  à 
moins  que  ce  ne  soit  pour  un  plus  grand 
bien  ;  le  second,  de  ne  point  consentir  qu'ils 
puissent  jamais  rien  avoir  appartenant  aux 
hôpitaux;  le  troisième,  de  ne  se  procurer  au- 
cune dignité  hors  ta  religion,  et  de  n'en  ac- 
cepter aucune  sans  dispense  du  pape  ;  le 
quatrième,  d'avertir  les  supérieurs  s'ils  sa- 
vent que  quelqu'un  se  procure  ces  dignités. 
Us  font  deux  ans  île  noviciat,  ils  ne  sont 
point  obligés  à  réciter  les  heures  canoniales 
au  chœur,  à  cause  de  leur  occupation,  ni 
d'assister  aux  processions.  Ils  font  une  heure 
d'oraison  le  jour,  et  ils  ne  jeûnent  que  les 
vendredis  de  l'année,  outre  les  jeûnes  pres- 
crits par  l'Eglise.  Le  général  et  les  quatre 
consulleurs  ou  assistants  élisent  les  provin- 
ciaux, les  préfets,  les  visiteurs  et  autres  of- 
ficiers. Le  général  et  les  consulleurs  sont 
élus  dans  un  chapitre  général  qui  se  tient, 
comme  nous  avons  dit,  lous  les  six  ans.  Ils 
ont  des  maisons  de  profession,  des  noviciats 
et  des  infirmeries.  Les  maisons  de  noviciat 
et  les  infirmeries  peuvent  posséder  des  ren- 
tes, ce  qui  n'est  pas  permis  aux  maisons 
professes,  qui  ne  peuvent  avoir  qu'une  mai- 
son de  campagne,  afin  que  les  religieux  puis- 
sent y  aller  prendre  l'air  et  se  récréer.  11  y 
a  dans  cet  ordre  des  prêtres,  des  Frères 
convers  et  des  oblats  ;  les  deux  premiers 
sont  obligés  par  vœux  solennels,  les  oblats 
font  seulement  des  vœux  simples,  et  sont 
employés  aux  offices  de  la  maison. 

Cet  ordre  a  passé  d'Italie  en  Espagne,  où 
ces  religieux  ont  quelques  maisons.  11  y  a 
quelques  villes  en  Italie  où  ils  en  ont  plu- 
sieurs, comme  Rome  où  ils  en  ont  deux  , 
Naples  où  ils  en  ont  trois,  etc.  Ils  ont  aussi 
eu  plusieurs  personnes  parmi  eux  qui  se 
sont  distinguées  par  leur  sainteté  et  par 
leurs  écrits.  Le  P.  Jean-Baptiste  Novati,  qui 
a  été  général  de  cet  ordre,  a  donné  plusieurs 
ouvrages  de  piété  au  public.  Le  P.  François 


(!•  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  u"  -249. 


11)11 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


ICI 


del  Giudice,  qui  fut  élu  général  en  1699,  a 
encore  élendu  celle  congrégation  par  plu- 
sieurs établissements  qu'il  lui  a  procurés  : 
elle  porte  pour  armes  d'azur  à  une  croix 
tannée  <<aus  un  ovale  rayonné  d'or,  l'écu 
timbré  d'une  couronne. 

Pet.  Halloix,  Vit.  Cumilli  de  Lellis.  La 
même  par  le  P.  Jean  Baplisle  Rossi.  Çosme 
Lenzo,  Annal.  Rilig.  Cleric.  Regul.  Ministr. 
infirjn.  Memnrie  Isloriclie,  de  J.  Chierici  Re- 
golari  Ministri  de  gli  infirmi.  Ascag.  Tam- 
bur.  de  Jur.  Abbal.,  disp,  24,  <|ikpsI.  ï,  n.  87. 
Bull.  Rom.  Phjlipp.  Bonanni,  Cotalog.  Ord. 
Reltg-  cl  Mémoires  envoyée  de  Rome. 

Le  pape  Benoît  XI.  béatifia  Camille  de 
Lellis  en  1742,  et  le  canonisa  en  1746.  C 's 
religieux  avaient  autrefois  à  Home  les  mai- 
sons de  Saint  ^Marie-Madeleine,  Sainte-Ma- 
rie in  Trevi,  Sainl-.lean  délia  Malva.  Ils  ont 
actuellement  pour  préfet  général  le  R.  P. 
Antoine  Scalabriui,  cl  pour  procureur  gé- 
néral le  P.  Louis  Rogn  .  Les  prétendus  Frè- 
res et  Sœurs  de  Saint-Camille,  qu'on  i  ssa\  a 
d'établir  en  Fr  ne  sous  la  restauration, 
n'ont  jamais  été  canoniquemenl  institués, 
et  leurs  maisons  n'ont  point  eu  l'approba- 
tion ecclésiastique  et  sont  tombées.  Leur 
fondateur  était  un  homme  marié,  qui  se  fit 
ordonner  à  Home  par  supercherie,  el  mourut 
en  Fiance  dans  une  maison  d'aliénés.  R-d-e. 

MIRAMIONES    (Des    filles   de    SaINTE-Ge- 
NEVIEVE  ,     COMMUNÉMENT     APPELÉES     Li:S  ), 

avec  la  Vie  de  madame  de  Miramion,   leur 
fondatrice. 

Quoique  la  communauté  des  Filles  de 
Sainte-Geneviève  à  Paris  ail  été  fondée  dès 
l'an  1636  par  mademoiselle  Blosset,  néan- 
moins l'union  qui  a  élé  faite  de  relie  com- 
munauté avec  une  autre  qui  fut  fondée  par 
madame  de  Miramion,  les  grands  biens  qu:; 
celte  dame  lui  a  procurés,  et  les  règlements 
qu'elle  lui  a  prescrits,  lui  ont.  fait  donner 
avec  justice  le  titre  de  fondatrice  des  Filles 
de  Saiiile-Geiieviève.  Elle  naquil  à  Paris  le 
2  novembre  1629,  et  reçut  le  nom  de  Mare 
sur  les  fonts  de  bai  terne  Elit'  eut  pour  père 
Jacques  Bonne  u,  seigneur  de  Riihcllc,  il 
pour  mère  Marie  d'Yvi  i.  Dès  l'âge  de  neuf 
ans  qu'elle  perdit  sa  mère,  elle  jugea  du  mal- 
heur qu'il  y  a  d'être  séparé  île  Dieu  éter- 
nellement, par  l'affliction  qu'elle  eut  d'être 
séparée  de  celle  qu'elle  aimait  le  plus  ici-ba--. 
C'est  pourquoi,  «fin  de  s'assurer  la  posses- 
sion de  ce  bien  infini,  toute  jeune  qu'elle 
était,  elle  fuyait  les  plaisirs  et  les  divertisse- 
ments autant  qu'il  lui  était  possible,  per- 
suadée qu'ils  étaient  très-préjudiciables  à 
l'âme. 

A  l'âge  de  douze  ans  elle  prenait  soin  des 
malades  de  la  maison  ;  cl,  un  jour  des  Rois, 
un  palefrenier  se  mourant  au  moment  que 
tout  étail  en  joie,  elle  se  déroba  pour  aller  le 
voir  expirer  ;  ce  qui  fil  une  telle  impression 
sur  son  espril  el  sur  ses  sens,  qu'étant  re- 
tournée dans  l'assemblée,  elle  se  dispensa 
de  danser  à  un  bal,  sous  prétexte  qu'elle  ne 
se  portait  pas  bien  ;  ce  qui  paraissait  vérita- 
blemenl  sur  son  visage  qui  était  tout  changé 


par  les  réflexions  que  ce  Iriste  spectacle  lui 
faisait  faire,  réflexions  qui,  suivies  du  cha- 
grin qu'elle  eut  de  la  mort  de  son  père  qui 
arriva  pendant  un  voyage  qu'elle  fit  aux 
eaux  de  Forges  avec  une  de  ses  tantes,  ache- 
vèrent de  la  déterminer  à  prendre  le  parti 
de  la  pic  é  cl  de  la  dévotion ,  dont  elle  com- 
menta dès  lors  à  faire  ses  principales  occu- 
pations. 

Elle  épousa  en  1645  Jean-Jacques  de  Beau- 
harnais,  seigneur  de  Miramion,  conseiller 
au  parlement  de  Paris,  qui,  touché  des  pieux 
exemples  de  sa  femme,  voulut  les  imiter  et 
mourut  dans  celle  heureuse  disposition  à 
l'âge  de  vingt-sept  ans,  la  laissant  grosse  de 
quatre  mois  et  demi,  â}>ée  seulement  de  seize 
ans.  Liant  malade  à  l'extrémité  dans  ses 
couches,  elle  fit  un  veau  à  la  saiire  Vierge, 
afin  que  son  enfant  reçût  le  baptême;  et  elle 
accoucha  heureusement  d'une  lil  e,  qui  fut 
dans  la  suite  mariée  à  M.  de  Nesmond,  Maî- 
tre des  requêtes,  et  qui  depuis  a  été  prési- 
dent à  Mortier.  La  seconde  année  de  son  veu- 
vage, on  lui  fil  des  propositions  de  mariage 
auxquelles  eJe  ne  voulut  point  entendre, 
ce  qui  irrita  si  fort  la  passion  de  celui  qui  la 
recherchait,  que  peu  de  temps  après  il  la  fit 
enlever  lorsqu'elle  allait  faire  ses  dévotions 
au  mont  Valérien,  avec  m  dame  de  Mira- 
mion, sa  belle-mère.  Dès  qu'elle  se  vit  entre 
les  mains  des  ravisseurs,  elle  demanda  à  Dieu 
de  lui  conserver  tout  son  jugement,  de  lui 
donner  du  courage  el  des  f  >rces  pour  se  dé- 
fendre, et  surtout  de  lui  faire  la  nrâce  de  ne 
lepointoffenser.  Eile  fui  plusdequaranlc heu- 
re s  sans  manger,  c'est-à-dire,  depuis  son  en- 
lèvement jusqu'à  ce  qu'elle  fût  arrivée  à 
Launoy,  à  trois  lieues  de  Sens,  au  château 
de  M.  de  Fîussi-Rabulin,  auteur  de  l'enlève- 
ment, à  qui  on  avait  persuadé  qu'el  e  écou- 
lerait les  propositions  de  mariage  qu'il  lui 
ferait  lorsqu'elle  serait  en  son  pouvoir  : 
mais  voyant  sa  fermeté,  et  craignant  les  sui- 
tes de  son  entreprise,  il  cessa  de  la  sollicite; 
et  la  rend  t  maîtresse  de  son  sort  et  de  sa  li- 
berté. On  fit  des  poursuites  contre  M.  de 
Bussi,  mais  elle  lui  pardonna  chrétienne- 
ment, à  la  prière  de  M.  le  Piince,  à  condi- 
tion qu'il  ne  se  présenterait  jamais  devant 
elle. 

Au  retour  de  cet  enlèvement,  elle  fut  ma- 
lade à  la  mort,  et  reçut  l'exlrême-onclion 
avec  lous  les  sentiments  de  piété  que  l'on 
pouvait  attendre  d'une  âme  qui  se  disposait 
à  aller  jouir  de  la  présence  de  Jésus-Christ, 
qu'i  lie  avail  choisi  pour  son  épouv  :  mais  la 
Providence  qui  voulait  s'en  servir  pour  le 
bien  spirituel  et  temporel  du  procha  n,  lui 
ayant  renvoyé  la  santé,  elle  songea  plus  que 
jamais  à  servir  Dieu.  Un  jour  de  l'iipipha- 
nie,  demandant  à  Dieu  ce  qu'elle  pouvait  lui 
offrir,  à  l'exemple  des  rois  qui  eurent  le 
bonheur  de  l'adorer  dans  la  crèche,  elle  se 
sentit  tout  émue  el  crut  entendre  une  voix 
qui  lui  disait  :  C  est  ion  cœur  que  je  veux,  el 
qu'il  soit  à  moi  sans  parlai/e;  ce  qui  eut  pour 
elle  tant  d'attraits  et  du  charmes,  qu'elle  rea- 
ta  en  méditation  quatre  heures,  pendant 
lesquelles  elle  goûtait  do  si  grandes  consola- 


1013 


MIK 


MIR 


10U 


lions,  que  son  âme  en  était  pénétrée  d'une 
joie  toute  sainte  et  salutaire.  Elle  fit  à  l'âge 
de  dix-neuf  ans  une  relraite  chez  les  Sœurs 
de  la  Charité,  pendant  laquelle  elle  conçut  le 
dessein  de  se  f.ire  Carmélite,  mais  son  con- 
fesseur l'en  ayant  empêchée  à  cause  de  sa 
fille  qui  avait  tes»  u  de  ses  soins,  elle  se 
contenta  de  faire  vœu  de  chasteté  dans  une 
autre  retraite  qu  elle  lit  peu  de  temps  après 
celle  dont  nous  vouons  de    arler. 

Sa  charité  pour  le  prochain  était  si  grande, 
qta'elle  nourrissait  une  vingtaine  de  petites 
filles  orphelines  dans  une  maison  proche 
Sainl-Nicolas-des-Champs,  et  leur  fournis- 
sait des  mailles  es  pour  leur  apprendre  à 
sernr  Dieu  et  à  travailler.  Elle  assistait  sou- 
vi  ut  les  malades  île  l'Hôlel-Diru.  afin  de  se 
mortifier  étant  naturellement  délicate.  Son 
directeur  l'engagea  à  une  retraite  d'un  an, 
pour  vaquer  un  quemei  t  à  sa  perfection  , 
sans  s'adonner  aux  œuvres  de  piété  à  d 

d'i  proch  in.  do:. ton  ne  lui  péri  -il  l'exercice 
qu'à  la  fin  de  l'année.  On  la  lit  trésorière  des 
pauvres  de  la  pa  oisse  rie  Saint-Nicolas- 
des-Champs;  et  comme  c'était  d 
des  guerres  civiles,  et  que  le  nombre  'les  pau- 
vres était  fort  grand  dans  Paris,  son  zèle 
trouva  de  quoi  s'exercer,  leui  faisant  distri- 
buer plus  de  d*ux  mille  r  jour, 
sans  parier  des  autres  charités  secrètes 
qu'elle  faisait  aux  pauvres  honteux  avec 
tant  de  générosité,  que  la  misère  augmentant 
et  ses  revenus  n'y  pouvant  pas  suffire,  elle 
vendit  son  collier  de  perles  vingt-quatre  mille 
livres,  et  un  an  après  sa  vaisselle  d'argent, 
dont  le  p? oduil  lui  servit  à  l'aire  des  missions, 
à  établir  des  écoles  pour  la  jeunesse,  et  à  des 
charités  pour  les  pauvres  malad  s  de  la  cam- 
pagne, dont  elle  voulut  prendre  elle-même 
le  soin,  apprenant  pour  cet  effet  à  saigner, 
à  médicamenler  les  plaies,  et  à  co 
des  o  guents  et  autres  choses  néce 
dont  elle  a  ail  un  cabinet  bien  garni,  pour 
tous  ceux  qui  avaient    recours  à  sa  charité. 

Après  qu'elle  eut  marie  madeuio  selle  de 
Miramion  à  .M.  de  Nesmond,  elle  crui  ne  de- 
voir p  us  songer  qu'à  sa  propre  |  e;  ci  n; 
c'est  pourquoi  elle  rechercha  avec  empres- 
sement tout  ce  qui  pouvait  y  roc. 
Elle  retira  chez  elle  eu  1630  vingt  huit  reli- 
gieuses des  Iro  lier  s  de  Picardie,  dont  les 
couvents  avaient  été  ruines  par  les  guerres  : 
elle  les  nourrit  à  ses  dépens  penda  t  plus 
de  six  mois,  et  ne  cessa  celte  héroïque  cha- 
rité qu'après  avoir  trouvé  moyen  de  les  pla- 
cer dans  d'autres  maisons,  ou  de  les  ren- 
voyer chez  elles  lorsqu'elles  purent  y  retour- 
ner sans  aucun  danger. 

Nous  avons  dé  à  rapporté  à  l'art.  Laziris- 
r;  s  de  quelle  manière  elle  contribua  à  l'éta- 
ient des  missions  è  rangères  pour  la 
conversion  des  infidèles,  niai'  sa  charité  n'eu 
demeura  pas  là,  car  les  dé-ordres  de  la 
guerr  et  la  minorité  du  roi  ayant  occasionné 
et  fait  triompher  le  vice,  cette  généreuse 
servante  de  .îésus-Christ  travailla  a  en  dii  i- 
imer  le  progrès,  en  faisant  enfermer  d  us 
ia  communauté  des  Filles  de  Sainte-Pélagie, 
qui  subsiste   encore  aujourd'hui,    quelques 


filles  des  plus  scandaleuses,  dans  l'espérance 
que  les  autres,  intimidées,  se  contiendraient 
davantage,  et  même  pourraient  changer 
de  vie. 

Ce  fut  par  :.n  effet  de  celle  môme  charité 
que,  pour  exécuter  le  projet  qu'elle  avait  fait 
depuis  longlei  ips  l'établir  une  maison  de 
filles  qui  tiendraient  des  petites  écoles  à  la 
campagne,  panseraient  les  blessés  et  assiste- 
raient les  mal  ides,  elle  alla  demeurer  en 
1GG1  dans  ia  rue  Saint-Antoine,  où  avecquel- 
qu  ■■  ii  les  qu'elle  trouva  disposées  à  se  sa- 
crifier pour  le  prochain,  elle  vécu!  en  com- 
munauté sous  la  protection  et  le  titre  de  la 
Sainte-Famille,  et  dans  l'observance  de  quel- 
ques règlements  que  M.  de  Festel,  son  direc- 
teur, leur  avait  faits  quelque  temps  avant  sa 
mort;  ce  qui  dura  jusqu'à  ce  que  ,  étant  al- 
lée demeurer  dans  la  paroisse  de  Saint-Ni- 
colas du  Chardonnet ,  Dieu,  qui  par  ses 
inspirations  était  l'auteur  de  ce  pieux  desr 
sein,  lui  donna  Ii  s  moyens  de  le  perfection- 
ner, ce  qui  arriva  d  •  la  manière  suivante. 

Dès  l'an  1036  ,  une  communauté  de  l'il'es 
sous  le  litre  de  Sainte  Geneviève  avait  été 
établie  par  Mlle  Blosset,  comme  nous  l'avons 
déjà  ili'.Ces  tilles  s'occupaient  an  travail , 
récitaient  le  petit  offi  e  d  :  la  Vierge  en  com- 
mun, fréquentaient  les  sacrements  et  étaient 
assidues  aux  <  filces  divins  de  la  paroisse 
de  Saint-Nicolas  du  Chardonnel  ,  dans  la- 
quelle elles  dénie1  raient.  Elles  visitaient  les 
malades,  s'exerçaient  dans  la  pratique  de 
toutes  les  vertus,  et  lâchaient  d'inspirer  le 
même  esprit  aux  autres  personnes  de  leur 
sexe,  autant  par  les  instructions  charitables 
qu'elles  leur  donnaient ,  que  par  leur  bon 
exemple.  Pour  ce  sujet  elles  prenaient  des 
pensionnaires,  tenaient  les  petites  écoles, 
faisaient  des  conférences  entre  elles  et  étaient 
dans  le  dessein  de  recevoir  aux  exercices 
spirituels  celles  qui  désireraient  seretirerchea 
e.les  lorsqu'elles  auraient  assez  e  logement 
pour  cela,  comme  aussi  d'aider  les  pauvres 
gens  de  la  campagne,  eu  y  .illanl  enseigner 
et  établir  des  maitresses  d'école.  Elles  avaient 
pr  s  si  inte  Geneviève  pour  leur  patronne,  à 
cause  qu'elles  demeuraient  au  pied  de  la 
montagne  sur  laquelle  reposent  les  sacrées 
reliques  de  cette  sainte  bergère, et  elles  étaient 
et  bli  s  en  corps  de  communauté  séculière 
sous  l'autorité  de  l'archevêque  de  Paris  et 
par  lettres  patentes  du  roi.  La  conformité 
qu'il  y  avait  enlre  cette  communauté  et  celle 
de  la  Sainte-Famille  établie  par  madame  de 
Miramion  porta  cette  sainte  femme  à  vou- 
loir unir  sa  communauté  avec  celle  de  sainte 
Geneviève  ;  ei  Dieu  ayant  inspiré  à  plusieurs 
des  filles  de  celle  dernière  communauté  un 
grand  dé-ir  de  s'unir  aussi  à  madame  de  Mi- 
ramion et  à  ses  filles  ,  elles  n •>  purent  s'em- 
pêcher de  lui  en  faire  la  proposition  et  à  M. 
Féret  ,  supérieur  des  deux  communautés  , 
qui  fit  plusieurs  assemblées  pour  conférer 
sur  l'utilité  de  celte  union  et  sur  les  moyens 
de  la  faire  réussir;  après  plusieurs  prières  et 
lionnes  œuvres  que  l'on  fil  pour  obtenir  de 
Dieu  des  lumières  et  la  déclaration  de  sa  vo- 
lonté, elle  fut  enfin  conclue  le  li  août,  veille 


1015 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1016 


de  l'Assomption  de  la  sainte  Vierge,  en  pré- 
sence et  da  consentement  de  M.  Féret.  Le 
contrat  fut  fait  avec  l'agrément  de  l'arche- 
vêque <îe  Paris  ,  Hardouin  de  Péréfixe  ,  le 
14  septembre  1GG5  ,  et  cet  institut  fut  ap- 
prouvé et  confirmé  en  1668  p;ir  le  cardinal 
de  Vendôme,  légal  a  latere  en  France. 

Ces  deux  communautés  ayant  été  ainsi 
réunies, madame  deMiramion  donna  soixante 
mille  livres  pour  fonder  plusieurs  places,  et 
M.  Féret  travailla  à  lies  constitutions  qui, 
outre  qu'elles  renfermaient  les  règlements 
de  l'une  et  de  l'autre  de  ces  communautés 
(excepté  quelques-uns  dans  l'exécution  des- 
quels l'expérience  avait  fait  connaître  beau- 
coup de  difficulté),  étaient  remplies  de  sain- 
tes pratiques  capables  d'entretenir  le  bon 
ordre  dans  la  maison  et  le  bon  exemple  au 
dehors.  Ces  constitutions  furent  approuvées 
par  \I.  de  Harl  ;y  de  Chanvalon,  archevêque 
de  P.-ris,  au  mois  de  février  1G74;  on  les 
présenta  ensuite  au  roi,  qui,  par  de  nou- 
velles lettres  patentes  qui  furent  enregis- 
trées au  parlement  la  même  année,  autorisa 
l'union  qui  avait  été  faite  de  ces  deux  com- 
mu:  .Mités,  et  les  changements  qui  avaient 
été  faits  aux  premiers  règlements.  Madame 
de  Miramion,  qui  avait  été  élue  supérieure 
et  qui  encourageait  les  filles  de  Sainte-Gene- 
viève par  son  exemple  à  la  pratique  exacte 
de  leurs  règles,  leur  iit  acheter,  l'an  1670,  la 
maiso  où  elles  sont  présentemenl,  sur  le 
quai  de  la  Tournelie,  et  leur  donna  encore 
dix  mille  livres.  Jusque-là  elle  avait  fait 
toute  la  dépense  de  la  maison;  mais  voyant 
qu'-  les  filles,  par  leur  économie  et  par  la 
réception  de  relies  qui  avaient  <  mbrassé 
l'institut,  étaient  en  état  de  subsister  par 
elles-mêmes,  elle  ne  leur  donna  plus  que 
quinze  cents  livres  par  an  pour  sa  pension, 
qu'elle  leur  a  toujours  payée  jusqu'à  sa 
mort,  vivant  comme  les  autres  sœurs  et  ne 
voulant  point  de  distinction ,  quoique  sa 
santé  fût  fort  faible  et  sujette  à  de  grandes 
infirmités;  et  elle  leur  déclara  qu'elle  voulait 
exécuter  les  constitutions  en  se  démettant 
de  la  supériorité  perpétuelle.  Mais  ces  fi  les, 
persuadées  qu'elle  leur  était  encore  néces- 
saire, eurent  recours  à  M.  Féret,  leur  supé- 
rieur, et  enfin  à  l'archevêque  de  Paris,  qui 
lui  ordonna  de  n'abandonner  la  supériorité 
qu'avec  I;  vie. 

La  réputation  de  ces  filles  ayant  passé 
dans  les  provinces,  une  communauté  éta  lie 
depuis  longtemps  à  Amiens  députa,  l'an  1670, 
deux  filles  à  madame  de  Miramion  pour  lui 
dema  der  ses  conseils.  Elle  les  retira  chez 
elle  pendant  un  mois  et  les  renvoya  char- 
mées de  ce  qu'elles  avaient  vu.  Il  en  revint 
d'autres  qui  lui  demandèrent  l'union  de  leur 
communauté  avec  celle  de  ses  filles,  leur  ha- 
bit et  leurs  constitutions,  ce  qui  étant  appuyé 
de  la  recommandation  de  M.  l'évêque  d'A- 
miens et  <le  M.  Chauvelin,  intendant  de  Pi- 
cardie, elles  obtinrent  ce  qu'elles  souhai- 
taient; l'union  fut  faite  dans  les  formes,  et 
madame  de  Miramion  alla  à  Amiens,  où  elle 
laissa  dux  illes  de  sa  communauté,  qui  fi- 
rent faire  le  noviciat,  et  reçurent  à  l'institut 


celles  qui  avaient  demandé  l'union.  Une  au- 
tre communauté  établie  à  la  Fetté-sous- 
Jouare  ayant  aussi  demandé  en  1695  l'union 
avec  les  filles  de  Sainte-Geneviève,  madame 
de  Miramion  les  fil  toutes  venir  à  Paris  l'une 
après  l'autre  pour  les  instruire,  et  alla  en- 
suite à  la  Ferlé-sous-Joua  e  les  établir  en 
présence  de  l'évêque  de  Meaux,  M.  Hénigne 
Bossue) ,  qui  prêcha  sur  ce  sujet  avec  beau- 
coup d'éloquence. 

Les  troupes  qui  passèrent  ou  séjournèrent 
à  Melun  l'an  1073  y  ayant  causé  des  maladies 
contagieuses,  personne  n'osait  soulager  les 
mal, des  qui  y  mouraient  au  nombre  de  plus 
de  cent  par  jour,  ei  la  plupart  dans  les  rues 
abandonnes  de  t'Ut  le  monde  et  privés  de 
tout  secours  humain.  Madame  de  Miramion 
en  fut  si  touchée  qu'elle  y  alla  elle-même  ac- 
compagnée de  chirurgiens  et  des  sœurs  de  la 
Charilé  ,  ranima  par  son  exemple  ceux  qui, 
par  leur  condition,  devaient  assister  les  ma- 
lades, engagea  les  magistrats  de  donner  un 
lieu  pour  faire  un  hôpital  dans  lequel  elle  fit 
porter  les  meubles  de  sa  lerre  de  Rubelle  qui 
n'était  pas  éloignée  de  celte  ville,  y  établit 
des  sœurs  de  la  Charité,  et  y  fil  transporter 
les  malades  qu'elle  pansait  elle-même,  les 
exhortant  à  souffrir  patiemment  leurs  maux 
et'à  recevoir  la  mort  avec  soumission  aux 
ordres  de  la  divine  providence,  qu'elle  les 
forçait  en  quelque  façon  d'adorer  par  les 
charitables  soins  qu'elle  avait  d'eux  et  par 
les  secours  qu'ils  recevaient  de  ses  libérali- 
tés. L'hôpital  général  n'en  ressentit  pas 
moins  les  effets  dans  quelques  années  de  di- 
sette, aussi  bien  que  les  pauvres  pour  les- 
quels elle  ranima  son  zèle  dans  le  lemps  de 
la  famine  dont  la  France  fut  affligée  en  169Ï-. 
Car  sans  parler  de  ceux  auxquels  elle  don- 
nait l'aumône,  elle  s'appliqua  avec  une  cha- 
rité héroïque  à  soulager  ceux  qui  étaient 
malades  à  l'Hôiel-Dieu,  dont  le  nombre  se 
montant  à  six  mille  avait  obligé  les  religieu- 
ses de  cet  hôpital  à  en  mettre  plusieurs  dans 
un  même  lit;  attaqués  de  dillérenles  mala- 
dies qu'ils  se  communiquaient,  ils  étaient 
dans  un  état  si  déplorable,  que  celle  sainte 
femme,  pénétrée  de  compassion  pour  eus, 
conseilla  aux  administrateurs  de  cette  mai- 
son des  pauvres  d'ouvrir  l'hôpital  Saint- 
Louis  ;  ce  qui  ayant  été  approuvé,  et  le  soin 
lui  ayant  été  donné  de  préparer  lout  ce  qui 
était  nécessaire  pour  les  y  recevoir,  on  y  en 
transporta  uni1  partie  ,  qui  ,  en  laissant  pus 
de  place  à  ceux  qui  restaient  à  l'Hôiel-Dieu, 
s'en  trouvèrent  eux-mêmes  beaucoup  soula- 
gés et  moins  en  danger  de  perdre  la  vie, 
comme  l'expérience  le  fit  connaître,  par  le 
grand  nombre  de  ceux  qui  en  réchappaient. 
Elle  n'oubliait  pas  pour  cela  les  pauvres 
honteux  de  sa  parois- e,  et  faisait  faire  chez 
elle  île  deux  jours  l'un  du  potage  pour  eux, 
employant  utilement  les  charités  du  roi,  dont 
Sa  Majesté  l'avait  chargée  après  la  morl  de 
mademoiselle  de  Lamoignon  qui  avait  eu 
aussi  le  même  emploi.  L'année  suivante , 
l'hôpital  général  ne  pouvant  soutenir  ses  dé- 
penses, les  directeurs  voulurent  renvoyer  la 
plus  grande  partie  des  pauvres,  mais  madame 


1017 


Mm 


M  Ut 


1018 


de  Miramion  trouva  des  ressources  pour 
l'empêcher  aussi  bien  que  pour  maintenir 
l'hôpital  des  enfants  trouvés,  qui  était  fort 
embarrassé  de  pourvoir  à  la  subsistance  de 
ces  pauvres  innocents. 

Sa  maison  avait  toujours  été  ouverte  aux 
personnes  de  son  sexe  qui  s'y  présentaient 
pour  s'y  retirer  à  dessein  d'y  faire  chacune 
en  particulier  les  exerrices  spirituels,  mais 
ayant  entendu  parler  du  fruit  que  faisaient 
en  Bretagne  les  Maisons  de  retraite  (  Voy. 
cet  article),  et  qui  s'établissaient  aussi  pour 
les  hommes  au  noviciat  des  Jésuites  de  Pi- 
ris,  elle  entreprit  d'exercer  la  même  <  harité 
pour  les  femmes  ;  elle  en  obtint  l'agrément 
du  roi,  quoique  ce  prince  l'eu  refusé  quel- 
ques années  auparavant  à  des  personnes  de 
piété  qui  avaient  eu  le  même  de-sein.  Sa  Ma- 
jesté voulut  même  j  contribuer  en  lui  en- 
voyant six  mille  livres.  L'archevêque  de  Pa- 
ris approuva  aussi  ce  dessein,  nomma  des 
confesseurs  pour  les  relrailes,  et  voulut  qu'à 
l'avenir  la  maison  de  madame  de  Miramion 
fût  honorée  de  la  présence  perpétuelle  du 
saint  sacrement,  et  qu'on  l'exposât  tous  les 
soirs  pendant  le  salai,  tant  que  dureraient 
les  retraites.  Comme  pour  ces  exercices  pu- 
blies il  fallait  agrandir  la  maison,  on  en 
acheta  une  voisine  qui  coûta  soixante-quinze 
mille  livres,  dont  madame  de  Miramion  en 
donna  quinze,  madame  de  Guise  six,  ma- 
dame Voisin  et  madame  Duhoussel  autant, 
et  plusieurs  personnes  inconnues  envoyè- 
rent aussi  des  sommes  considéiables.  La 
maison  lu;  réparée  et  divisée  en  cinquante 
chambres  ou  cellules  séparées.  On  y  Gt  un 
réfectoire,  une  salle  d'exercices  et  autres 
lieux  réguliers,  et  cela  avec  tant  de  propreté, 
queces  réparations  montèrentencoreàplusde 
vingt  mille  livres.  Deuxanss'écoulèreutavant 
que  cette  maison  se  trouvât  prêle.  Madame  de 
Miramion  en  régla  le  spirituel  et  le  temporel, 
et  ordonna  que  les  retraites  des  dames  dure- 
ra eut  sept  jours  pendant  lesquels  elles  cou- 
cheraient toutes  dans  la  maison  où  l'on  po  r- 
rait  en  loger  cinquante,  et  que  le-  retraites 
des  pauvres  ou  des  lemmes  et  des  filles  de 
médiocre  condition  ne  dureraient  que  cinq 
jours;  qu'on  en  pourrait  recevoir  jusqu'à 
six-vingts  chaque  fois,  mais  qu'on  ne  retien- 
drait à  coucher  que  celles  qui  viennent  de  la 
campagne;  qu'à  l'égard  de  celles  de  Paris, 
elles  retournei  aient  tous  les  soirs  chez  elles 
et  reviendraient  les  matins,  et  qu'on  les  nour- 
rirait toutes. 

i  Madame  de  Miramion  paya  toute  seule  les 
premières  retraites  des  pauvres,  et  quelques 
personnes  de  piété  y  contribuèrent  dans  la 
suite.  Il  n'y  a  emore  qu'une  des  quatre  qui 
se  font  par  an  qui  soit  fondée,  mais  en  atten- 
dant qu'elles  le  soient,  le  roi  y  pourvoit  par 
ses  libéralités.  Le-  PP.  Jésuites  et  les  prêtres 
du  séminaire  des  Missions  Etrangères  font  à 
l'alternative  les  retraites  des  dames  deux 
fois  1  année,  et  celles  des  pauvres  quatre  fois. 
Le  profond  respect  que  madame  de  Miramion 
eni  toujours  pour  les  j. relies  lui  fit  f  rmer 
le  dessein  de  travailler  à  rétablissement  de 
diverses  maisons  ecclésiastiques  :  l'une  pour 


renfermer  ceux  qui  ne  seraient  pas  réglés, 
une  autre  pour  ceux  qui  sont  obligés  de  ve- 
nir à  Paris  solliciter  des  affaires,  et  une  troi- 
sième pour  servir  de  retraite  à  ceux  que  l'âge 
et  le  travail  ont  mis  hors  d'état  de  servir  l'E- 
glise. Mais  le  teoips  et  les  moyens  lui  ayant 
manqué,  M.  le  cardinal  de  Noailles,  archevê- 
que de  Paris,  y  suppléa  en  établissant  la 
communauté  de  Saint-François  de  Sales,  qui 
pour  cet  effet  jouit  du  prieuré  de  Saint-De- 
i.i-  de  la  Charte  à  Paris. 

Enfin  madame  de  Miramion,  épuisée  de 
forces  et  succombant  pour  ainsi  dire  sous  le 
p  >ids  de  ses  mortifications,  tomba  malade  le 
19  mars  1G96.  Ses  vomissements  continuels 
l'empêchèrent  d'abord  de  recevoir  le  saint 
viatique,  mais  en  ayant  été  délivrée  par  une 
grâce  spéciale  de  celui  qu'elle  avait  aimé  et 
servi  avec  (ant  de  fidélité,  elle  le  reçut  enfin 
et  mourut  le  2i  mars,  ayant  ordonné  par  son 
testament  qu'on  l'enterrerait  comme  une 
simple  fille  de  Sainte-Geneviève.  Six  pauvres 
portèrent  son  corps  à  la  paroisse,  où  il  fut 
enterré  dans  le  cimetière,  et  son  cœur  fut  mis 
dans  la  chapelle  de  sa  communauté,  où  tou- 
tes les  bonnes  œuvres  que  l'on  y  faisait  de 
son  vivant  ont  été  depuis  continuées  et  même 
augmentées  par  le  zèle  et  la  ferveur  de  ses 
filles,  qui,  faisant  leur  possible  pour  imit-r 
son  amour  pour  Dieu  et  sa  charité  pour  le 
prochain,  se  sont  toujours  conservé  jusqu'à 
présent  l'estime  de  tout  le  monde  et  la  bonfie 
odeur  de  Jésus-Christ  par  la  fidélité  avec  la- 
quell  (lies  s'acquittent  de  toutes  leurs  obli- 
gations et  pratiques  de  piété,  et  par  la  charité 
qu'elles  exercent  envers  le  prochain,  ensei- 
gnant à  lire,  écrire  et  travailler  aux  petites 
filles,  qu'elles  élèvent  en  même  temps  à  la 
connaissance  des  mystères  de  notre  sainte 
religion  et  aux  pratiques  d'une  véritable 
h  recevant  dans  leurs  maisons  les 
maîtresses  d  école  qui  désirent  éprouver 
leur  vocation  et  se  former  à  cet  emploi,  en 
allant  en  campagne,  lorsque  les  évêques  et 
les  curés  le  demandent  pour  établir  et  dres- 
ser des  maîtresses,  en  fusant  da as  leurs  mai- 
sons pour  l'instruction  des  personnes  de  1  ur 
sexe  une  lecture  ou  conférence  familière  sur 
les  choses  nécessaires  au  salut,  sur  les  ver- 
tus et  sur  les  obligations  de-  leur  état  pour 
passer  la  vie  saintement,  en  admettant  chez 
elles  celles  qui  désirent  faire  les  exercices 
spirituels,  en  assistant  spiiiluellemenl  et 
corporellement  les  pauvres  malades  et  les 
blessés  des  paroisses  où  elles  sont  établies, 
qu'elles  saignent  et  pansent,  et  auxquels 
el  es  fournissent ,  autant  qu'elles  en  ont  le 
moyen  ,  les  onguents  et  autres  remèdes 
qu'elles  jugent  nécessaires  pour  leur  gué- 
rison. 

Les  sœurs  ne  sont  reçues  à  la  commu- 
nauté qu'à  vingi  ans  accomplis  et  après  deux 
ans  d'épreuve.  Elles  ne  font  point  de  vœux, 
mais  soit  que  la  prétendante  apporte  quel- 
que chose  en  fonds  ou  en  argent  ou  une 
rent  ■  viagère,  soit  qu'elle  n'apporte  rien,  on 
passe  un  contrat  entre  elle  et  la  supérieure 
avec  ses  conseillères,  par  le  |uel  il  est  porté 
que,  outre  les    autres  ciauses  dont  on  est 


10t!> 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


convenu,  la  prétendante  ayant  lu  et  bien 
entendu  1rs  constitutions,  elle  s'y  soumet  et 
s'oblige  de  les  observer,  et  que  la  commu- 
nauté s'oblige  à  la  nourrir  et  entretenir,  lant 
en  santé  qu'en  maladie,  pendant  tout  le 
temps  qu'elle  sera  du  même  corps*  et  d'ob- 
server réciproquement  les  constitutions  ci  son 
égard,  et  po  ir  lors,  au  jour  marqué,  les  sœurs 
assemblées  dans  leur  oratoire,  lesupé  ieur  y 
étant,  la  prétendante  lui  detuahded'éti  <•  eçue 
au  corps  de  communauté  pour  y  vivre  suivant 
les  constitutions.  Le  supérieur  demande'  si 
elle  a  les  voix  de  la  communauté,  et  !•!  su- 
périenre  l'en  ayant  assuré,  itdé  lare  à  haute 
voix  qu'elle  est  reçu'-.  Tel  est  leur  engage- 
ment et  la  cérémonie  de  leur  réception. 

Ces  filles  disent  lo  ^s  les  jours  en  commun 
le  petit  office  de  la  Vierge  et  font  une  heure 
d'or  ai  on  mentale,  demi-heure  le  matin  et 
demi-heure  après  compiles.  Tous  les  ans 
elles  fonl  une  retraite  de  huit  ou  dix  jours 
au  temps  que  la  supérieure  juge  le  plus  com- 
mode. Elle  peut  aussi  accorder  à  quelques- 
unes  des  sœurs  un  jour  de  retrait" 
mois.  Une  'ois  I  :  semai  e elles  ion  enl s'assem- 
bler pour  s'accuser  de  vanl  la  supérieui  i  ■ 
trois  ou  quatre  fautes  principales  el  exté- 
rieures qu'elles  pourraient  avoir  commises, 
spécialement  contre  les  constitutions.  Leurs 
habits,  linge  et  ameublements  sont  en  com- 
mun. Leur  habit  de  des  us  et  la  seconde 
ji»pe  sont  d'étoffe  de  laine  noire,  et  la  jupe 
de  dessous  de  laine  grise  ou  noire,  le  linge 
de  dessus  simple  et  uni,  celui  de  dessous  de 
toile  commune  forle  et  de  durée.  Tout  le 
reste  doit  être  simple  et  d'un  prix  médio- 
cre (1).  Elles  doivent  avoir  la  gorge  et  les 
bras  si  modestement  couverts  qu'on  ne  les 
puisse  voir.  Leurs  cheveux  ne  doivent  point 
être  abattus,  et  elles  gardent  en  tout  l'uni- 
formité. Les  sœurs  domestiques  ou  servant  s 
sont  habillées  de  gris  S'il  y  a  quelques  filles 
ou  veuves  qui,  ne  pouvant  pas  s'assujettir  à 
tous  les  règlements  de  la  communauté,  ou 
pour  être  trop  faibles  de  corps  ou  pour  quel- 
que autre  raison,  souhaitent  néanmoins  de- 
meurer dans  la  maison  et  s'unir  à  la  co  u- 
munauté  pour  servir  Dieu  plus  parfaitement 
et  aider  à  plusieurs  bonnes  œuvres  que  les 
sœurs  pratiquent  à  l'égard  du  prochain,  elles 
les  peuvent  recevoir  en  qualité  d'associées. 
Ces  associées  i.e  sont  obligées  qu'à  une  an- 
née d'épreuve,  elles  n'ont  point  de  voix  ac- 
tive et  passive,  e:  ne  peuvent  êlre  mises  dans 
les  charges  qui  sont  électives. 

L'abbé  de  Ghoisy,  Vie  de  madame  de  Mi- 
ramion,  el  les  constitutions  des  filles  de 
Sainte-Geneviève.  Il  y  avait  dans  la  maison 
des  Miramiones  cinquante  cellules  destinées 
aux  personnes  du  sexe  qui  désira: 
quelques  jours  dans  la  retraite  et  iu  péniten- 
ce. Celte  maison  n'a  point  été  rétablie,  comme 
le  dit  M.  de  Saint-Victor  dans  la  2"  édition 
de  son  Tableau  historique  et  pittoresque  de 
Paris.  Les  religieuses  de  la  Miséricorde , 
dont  nous  allons  parler  à  l'article  suivant, 
l'ont  tenue  à  loyer  pendant  quelques  années. 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  v.d.,  n°  250. 


1020 

Les  bâtiments  sont  aujourd'hui  une  pharma- 
cie centrale.  B — d— e. 

MISÉRICORDE  (Des  rei.kîieuses  de  Notre 
Dam:  dé),  avec  1rs  Vies  du  vénérable  Père 
Antoine  Yvan,  leur  fondateur,  et  de  lu  vé- 
nérable Mère  Marie-Madeleine  de  la  Tri- 
nité, aussi  fondatrice  et  première  reltgiïtn'i 
de  cet  ordre. 

Le  P.  Antoine  Yvan,  inslituteur  de  l'ordre 
d  s  religieuses  de  Noire-Dame  de  Miséri- 
corde, naquit  à  Rians,  bourg  de  Provence, 
du  diocèse  d'Aix,  le  10  novembre  1570.  Ses 
père  et  mère  ayant  été  mieux  pourvus  d  "S 
bénédictions  de  la  grâce  que  des  biens  de  la 
fortune,  son  ortaient  leur  indigence  avec 
une  granle  résignation,  mangeant  leur  pa  n 
à  la  sueur  de  leur  visage,  et  ne  vivant  que 
du  travail  de  leurs  mains.  Antoine  n'.iv  it 
que  trois  ans  lorsque  son  |  ère  mourut,  el  le 
Seigni  ur  témoigna  dès  iors  qu'il  l'avait  pris 
sous  sa  protection,  le  préservant  de  la  ma- 
ladie contagieuse  qui  av  i  t  enlevé  son  père, 
quoique  sans  aucune  précaution  il  eût  cou- 
ché avec  lui  pendant  tout  e  temps  :e  sa  ma- 
ladie, il  ne  contracta  rien  de  la  bassesse  de 
son  extra:  lion.  Dès  son  enfance  il  ne  fit  pas 
moins  paraître  d'inclination  pour  la  vertu, 
que  d'aversion  pour  le  vice.  Prévenu  des 
bénédictions  île  la  grâce,  il  luisait  i  éjà  con- 
naître ce  qu'il  serait  un  jour  :  o:i  remar- 
quait en  lui  un  airde  piété  qui  le  faisait  dis- 
des  autres,  et  un  grand  amour  p-'ur 
l'austérité  de  la  vie,  les  pénitences  du  corps 
el  pour  tout  ce  qui  donne  aux  autres  enfants 
de  l'horreur  pour  la  religion. 

On  ne  saurait  exprimer  les  soins  qu'il  pri 
el  les  divers  moyens  dont  il  se  servit  dès 
l'àg  i  d  •  six  à  sept  ans  pour  se  port  r  de  lui 
même  à  l'élude.  N'ayant  pu  être  reçu  dans 
les  écoles  à  cause  qu'il  n'avait  pas  de  quo 
payer  ies  maîtres,  il  allait  trouver  les  éco- 
liers dans  leurs  maisons  el  les  priait  d'un» 
manière  louchante  de  lui  montrera  lire;  e 
parce  que  l'enlrée  des  maisons  lui  élaii  enron 
souvent  n  fusée,  à  cause  qu'il  était  mal  vêtu 
u  arrê  ,.it  les  mêmes  écoliers  dans  les  ruet 
lorsqu'ils  sortaient  de  l'ero  e  ou  qu'ils  y  al 
laient,  et  par  le  moyen  de  quelques  fruits 
que  sa  m  re  lui  donnait  pour  son  dîner  e 
dont  il  se  privait,  il  les  engageait  à  lui  don- 
ner quelque  leçon.  De  cette  manière  il  coin 
mença  à  apprendre  a  lire;  mais  ayant  été 
reçu  au  nombre  des  entants  de  chœur  dans 
la  paroisse  du  lieu  de  sa  naissance,  cet  em- 
ploi lui  donna  occasion  d'augmenter  sa  piété, 
et  lui  servit  de  motif  pour  se  portera  l'élude 
avec  plus  de  ferveur;  car,  s'acquillant  de  ses 
fonctions  avec  :i  mod  siie  el  une  e.xacli- 
lu  veilleuses,     il    travaillait   san-    re- 

lâche a  appn  a  !re  à  lire,  avec  d'autant  plus 
d'application  qu  il  était  aide  par  quelques 
préires  de  la  paroisse. 

Après  qu'il  se  fut  appliqué  pendant  quel- 
ques années  aux  fonctions  ecclésiastiques  en 
qualité  d'enfant  de  chœur,  la  divine  Provi- 
dence lui  donna  les  moyens  d'apprendre  les 


1021 


MIS 


MIS 


I02b 


pratiques  des  vertus  religieuses,  le  faisant 
recevoir  au  service  des  PP.  Minimes  du  cou- 
vent de  Pourrières,  éloigné  de  deux  lieues 
du  bourg  de  Hians.  On  reconnut  dans  co 
couvent  qu'il  était  naturellement  porté  à 
graver  et  à  peindre,  et  sans  aucun  maître  il 
apprit  de  lui-même  ces  deux  arts.  Il  se  ca- 
chait souvent  pour  s'y  exercer,  et  y  em- 
ployait le  temps  qu'il  pouvait  dérober  à  ses 
autres  occupations.  Mais  il  lit  m  eux  paraî- 
tre les  aiiraits  île  son  âme  à  la  sol  de  pieté, 
commençant  dès  lors  à  fréquenter  lès  sacre- 
ments. 11  s'adonna  à  l'oraison  mentale,  qui 
fut  depuis  l'exercice  le  plus  ordinaire  de  sa 
vie.  Il  se  perfectionna  dans  la  lecture  et  dans 
l'écriture,  et  ces  Pères  lui  donnèrent  même 
des  commencements  de  la  langue  latine. 
Dans  ce  temps-là  la  Provence  ayant  élé  af- 
fligée d'une  grande  famine,  les  persofmi  -.  s 
plus  riches  furent  contraintes  de  re  voyer 
fèurs  domestiqués,  et  les  PP.  Minimes,  ré- 
duits à  celle  ex'rémité,  renvoyèrent  aussi 
Antoine.  Yvan,  quoiqu'il  leur  fût  très-utile 
et  qu'ils  eussent  beaucoup  d'affection  pour 
lui.  Il  -e  trouva  dans  une  désolation  extrê- 
me, ne  sachant  à  qui  avoir  recours  pour 
pouvoir  subsister  et  continuer  ses  études, 
car  il  n'avait  ni  parents  ni  amis  qui  pussent 
l'assister,  et  sa  mère  qui  était  la  seule  per- 
sonne à  laquelle  il  eût  pu  recourir,  avait 
elle-même  beaucoup  de  peine  à  gagner  sa 
vie. 

Dépourvu  de  toutes  les  commodités  de  la 
vie  et  abandonné  de  toutes  les  créatures,  il 
se  relira  dans  un  bois,  où  pendant  dix  ou 
douze  jours  il  ne  vécut  que  d'herbes  et  de 
racines,  et  il  était  expo-é  tant  de  jour  que 
de  nuit  aux  injures  de  l'air  :  mais  eniin  crai- 
gnant de  mourir  de  faim  ou  d'èUe-  dévoré 
par  quelque  bêle  sauvage,  il  résolut  de  quit- 
ter le  bois  et  d'aller  dans  des  lieux  où  il  pût 
trouver  quelque  retraite  [dus  favorable,  et 
comme  il  ne  voulait  être  à  charge  à  per-> 
sonne,  ayant  anras-é  du  bois,  il  en  lit  un  fa- 
got qu'.l  mit  sur  ses  épaules  dans  le  dessein 
de  le  vendre  et  d'employer  l'argent  à  ache- 
ter du  pain.  Enfin  il  descenditde  la  montagne, 
tout  exténué  par  la  faim  et  les  autres  incom- 
modités qu'il  avail  souffertes,  il  se  trouva 
même  si  faible,  que,  ne  pouvant  porter  son 
bui-,  il  eui  de  la  peine  à  ronlin  >er  son  che- 
min. Pour  lors,  les  larmes  aux  yeux,  il  se 
p'ai.'nit  amoureusement  à  Dieu  de  son  ex- 
trême m  sère,  le  priant  de  ne  le  point  aban- 
donner. Il  entendit  en  même  temps  une  voix 
dans  e  bois,  qui  lui  dil  qu'il  ne  s'attristât 
pas,  que  Hieu  aurait  soin  de  lui.  L'impres- 
sion que  celle  voix  fit  dans  son  cœur  lui  ser- 
vit comme  de  nourriture  :  il  prit  de  nou- 
velles forces,  et  ne  doutant  point  |uc  Dit  n 
n'en  lui  l'auteur,  il  se  confia  entièrement  à 
sa  divine  providence. 

Il  al:a  dans  la  ville  de  Perluis,  où  pendant 
quelques  jours  il  gagna  sa  vie  en  faisant  des 
images  qu'il  vendait  aux  écoliers  «  l  aidant  le 
clerc  de  la  paroisse  à  sonner  les  cloches  et 
à  faire  les  autres  fonctions  de  son  emploi  ; 
mais  il  ne  larda  pas  d'éprouver  ce  que  celte 
voix  qu'il  avait  entendue  daus  le  bois  lui 


avait  dit,  car  on  lui  donna  la  conduite  de 
quelques  jeunes  gentilshommes  pour  leurap- 
prehdre  à  lire.  Il  eut  le  moyen  dans  celle 
ville  de  fréquenter  quelques  peintres  et  il  se 
perfectionna  dans  la  peinture.  Il  s'occupait  à 
l'étude  avec  tant  d'application  et  de  zèle  , 
que  ,  ses  autres  emplois  ne  lui  permettant 
pas  d'y  vaquer  pendant  le  jour,  il  y  passait 
souvent  les  nuits  entières.  Outre  la  fréquen- 
tation des  sacrements,  il  récitait  chaque  jour 
le  petit  office  de  la  Vierge.  11  prenait  souvent 
la  discipline  ,  jeûnait  lous  les  merci'  dis  ,  les 
vendredis  el  les  samedis,  et  continuait  exac- 
tement la  pratique  de  ses  oraisons  mentales 
qu'il  avail  commencée  dans  le  couvent  des 
Minimes  de  Pourrières. 

Comme  l'on  n'enseignait  que  le  commen- 
cement de  la  grammaire  à  Perluis ,  c'esl  ce 
qui  l'obligea  d'aller  à  Arles  pour  y  appren- 
dre la  philosophie  ;  mais  n'ayant  as  pu  trou- 
ver de  quoi  subsister,  il  fut  contraint  d'en 
sortir  pour  venir  à  Avignon  ou  il  s'adressa 
au  P.  César  de  lîtts,  fondateur  de  ia  congré- 
gation des  PP.  delà  Doctrine  ch  étienne,  qui 
connaissant  sa  piété  ,  le  reçut  au  nombre  de 
ses  disciple;  qui  vivaient  pour  lors  sans  au- 
cune obligation  de  vœu,  comme  nous  .avons 
dit  ailleurs.  Mais  il  n'y  resta  pas  longtemps, 
parce  qu'ayant  été  trouvé  propre  pour  les 
services  domestiques  ,  on  ne  lui  permettait 
pas  d'aller  au  collège  pour  y  étudier.  Il  en 
s<  rlit  donc  avec  la  permission  du  P.  César  de 
Bus  et  vint  a  Carpenlras,  où  ii  entra  chez  un 
particulier  en  qualité  de  précepteur  de  sou 
lils,  sans  aucun  autre  salaire  que  la  nour- 
riture. Il  était  si  mal  vêtu  et  ses  habits  étaient 
si  déchirés,  qu'il  n'osait  presque  sortir  de  sa 
chambre  ni  aller  au  collège  ;  mais  le  père  de 
son  écolier  fut  si  content  de  la  bonne  édu- 
cation qu'il  lui  donnait,  qu'il  le  fil  babiller  et 
le  pourvut  de  linge  el  de  toutes  les  autres 
choses  qui  lui  étaient  nécessaires. 

De  Carpenlras  il  alla  à  Lon  où  il  subsista 
quelque  temps  enseignant  à  écrire  ;  mais  ii 
n'y  resta  pas  longtemps ,  car  outre  que  sou 
occupation  ne  lui  donnait  pas  assez  de  loisir 
pour  étudier  ,  l'amour  de  la  pureté  qu'il  ché- 
rissait plus  que  loules  les  scienci  s,  le  fit  sor- 
tir bien  ôl  de  celle  ville.  Il  s'y  était  loge  sans 
y  penser  dans  une  maison  qui  n'était  pas  en 
bonne  réputation.  D'abord  il  ne  s'en  aperçut 
pas,  parce  que,  s'appliquanl  sans  relâche  à 
des  choses  sérieuses  et  bien  contraires  au 
vice,  il  ne  prenait  pas  garde  à  ce  que  l'on 
faisait  dans  cette  maison  ;  mais  enfin  il  en 
fui  averti  et  il  reconnut  lui-même  par  quel- 
ques réllexions  qu'il  fit ,  qu'en  diverses  ren- 
contres on  avait  dresse  des  pièces  à  sa  pu- 
reté et  qu'il  y  était  en  danger  de  la  perdre. 
Il  résolul  d'en  sortir  à  l'heure  même,  el  crai- 
gnant de  courir  le  même  danger  uans  une 
ville  qu'il  ne  connaissait  pas,  il  sorlit  de 
Lyon  pour  retourner  en  Provence. 

Dieu  enfin  récompensa  les  peines  du  P. 
Yvan,  le  faisant  admettre  à  la  dignité  du  sa- 
cerdoce, comme  il  l'avait  désiré  dès  les  pie 
mières  anuées  de  sa  vie,  ce  qui  arriva  l'an 
1636  ,  daiiï  le  trentième  de  son  âge.  11  avait 
reçu  les  quatre  mineurs  ,  le  sous-diaconai  et 


\  23 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1024 


le  diaconat  de  différents  évêques  et  il  fut  ad- 
mis à  la  prêtrise  par  l'évêque  de  Senez.  Dès 
qu'il  fui  prêtre  ,  il  retourna  à  Rians  dans  le 
dessein  d'assister  et  de  consoler  sa  mère,  qui 
dans  les  infirmités  de  son  âge  étant  privée 
des  biens  de  la  fortune  souffrait  de  grandes 
incommodités. Il  prit  soin  des  écoles  de  Rians, 
afin  d'être  plus  en  élat  de  fournir  à  sa  mère 
les  choses  dont  elle  avait  besoin  ,  partageant 
le  resle  en  deux  paris,  dont  l'une  était  pour 
les  pauvres  et  l'autre  pour  ses  pressantes  né- 
cessités. Ses  vertus  étaient  trop  éclatantes 
<3  pour  demeurer  longtemps  cachées  dans  les 
'  classes,  ce  qui  fit  qu'il  ne  tarda  pas  à  avoir 
des  emplois  con  ormes  à  son  zèle.  Ses  supé- 
rieurs lui  i  onnèrent  la  cure  de  la  Verdirc 
qu'il  fut  obligé  de  quitter  peu  de  temps  après 
pour  prendre  celle  de  Couligtiac,  et  il  s'ac- 
quitta de  cette  charge  avec  la  sainteté  ,  le 
zèle  et  la  vigilance  d'un  bon  pasteur. 

Quoiqu'il  fût  très-circonspect  dans  tontes 
ses  actions  et  qu'il  eût  toujours  de  grandes 
appréhensions  d'être  trompé  ,  il  succomba 
néanmoins  à  une  tentation  de  vaine  gloire  et 
d'amour-propre  que  lui  suggéra  le  démon  au 
sujet  de  ses  prédications.  11  s'était  contenté 
de  parler  au  peuple  avec  la  simplicité  du 
cœur  ,  et  ses  discours  pleins  de  zèle  et  d'a- 
mour pour  Dieu  lui  avaient  attiré  une  appro- 
bation générale,  ayant  toujours  eu  un  grand 
nombre  d'auditeurs  à  ses  sermons.  Il  se 
trouva  néanmoins  des  personnes  qui  lui  per- 
suadèrentde  s'appliquer  à  la  composition  de 
ses  sermons  avec  plus  d'étude  ,  d'y  observer 
les  règles  de  la  rhétorique  et  de  ne  pas  né- 
gliger la  politesse  du  langage,  lui  persuadant 
que  p.-ir  ce  moyen  il  serait  plus  estimé,  qu'il 
pourrait  subsister  plus  honorablement  et  ob- 
tenir plus  aisément  quelque  bon  bénéfice  qui 
lui  donnerait  de  quoi  fournir  à  ses  aumônes. 
Il  se  laissa  al  er  à  leur  avis  :  il  se  relâcha 
dans  ses  exercices  de  charité  et  de  dévotion, 
parce  que  donnant  trop  de  temps  à  l'étude  de 
1 .  prédication  ,  il  n'en  avait  pas  assez  pour 
les  autres  pratiques  qui  regatdaient  sa  per- 
fection et  la  conduite  de  sa  paroisse.  Mais  il 
découvrit  hieniôt  le  piège  que  lui  avait  ten- 
du l'ennemi  du  genre  humain,  et  pour  lépa- 
rer  la  faute  qu'il  avait  faite  d'avoir  donné  en- 
trée en  son  cœur  à  la  vaine  gloire  et  à  l'am- 
bition, il  se  démit  de  sa  cure  et  se  relira  dans 
un  ermitage  où  il  demeura  pendant  neuf  ou 
dix  ans,  pratiquant  les  austérités  des  anciens 
anachorète;.  Il  ne  mangeait  que  des  légu- 
mes ,  drs  racines  ,  des  herbes  et  des  fruits  , 
et  jamais  ni  chair,  ni  poisson,  pas  même  des 
œufs  ni  du  laitage;  encore  ne  mangeait-il 
qu'une  fois  le  jour  après  les  quatre  heures 
du  soir.  11  faisait  ordinairement  quatre  ca- 
rêmes l'année  ,  pendant  lesquels  il  ne  man- 
geait que  de  deux  en  deux  jours  et  quelque- 
fois plus  rarement.  Enfin  ,  les  viandes  ex- 
traordinaires dont  il  se  servait  les  dimanches, 
et  les  fêtes  solennelles  n'étaient  que  le  pain, 
le  vin,  l'huile  el  le  sel. 

Lorsqu'il  était  curé  de  Coulignac,  on  l'ac- 
cusa d'être  sorcier  et  magicien,  on  fil  la  mê- 
me chose  lorsque  dans  sa  solitude  on  lui  vit 
pratiquer  des  austérités  qui  semblaient  sur- 


passer les  forces  humaines.  Mais  les  gens  de 
bien  eurent  toujours  beaucoup  d'estime  pour 
sa  vertu.  Le  curé  de  Rrignoles,  qui  était  per- 
suadé  du  grand   talent  qu'il    avait   pour  la 
conduite  des  âmes  ,  voulut  l'avoir  pour  vi- 
caire, et  l'en   pria  avec  tant  d'instance,  qu'il 
y  consentit:  mais  ce  ne   fut   qu'à  condition 
qu'il  continuerait  le  genre  de  vie  qu'il  menait 
dans  son  ermitage  ,  à  l'exception  des  austé- 
rilés  qui  étaient  incompatibles  avec  sa  pro- 
fession. Le  curé  de  Rrignoles  fui  si  édifié  de 
sa    conduite  qu'il  lui  résigna  son  bénélice  ; 
mais  comme  il   fut  contesté  au  P.  Yvan  ,  il 
aima  mieux  l'abandonner  que  de  soutenir  un 
procès.  Il  prit  ensuite  la  direction  de  la  cha- 
pelle de  Notre-Dame  de  Beauvezet  à  Aix,  et 
il   eut   le  soin  de   la  confrérie   de  la  Miséri- 
corde. Ses    pénitences  et  ses    mortifications 
lui  ayant  causé  une  grande  maladie,    il   les 
retrancha  pour  obéir  à  son   prélat;  mais  il 
redoubla  ses  soins  el  ses  travaux  envers  le 
prochain,  el,  la  pesle  ayant  infecté  la  ville 
d'Aix,  il  s'exposa  au  péril  de   la  mort   pour 
le  service  du  peuple.  La  maladie  ayant  cessé 
el  toutes  choses  se  rétablissant  dans  leur  pre- 
mier état ,  l'église  de  la   Madeleine  ,  qui  est 
une   paroisse  de   la   ville,    se   trouva    sans 
pasteur  et  sans  prêtre,  la  maladie  ayant  été 
si  violenle  qu'elle  avait  enlevé  la  plus  grande 
partie  des  paroissiens   el  les  quatre  vicaires 
que  le  chapitre  de  la  cathédrale,  qui  en  est 
curé  primitif,  y  avait  établis  :  c'est  pourquoi 
il  jeta  les  yeux  sur  le  P.  Yvan  pour  en  rem- 
plir  la   première  place  ;  mais  ayant  été  en- 
core  obligé  de  quitter  cet  emploi  ,  il  prit  la 
résolution  de  se  retirer  chez   les  PP.  de  l'O- 
ratoire ,  où  Dieu    l'appelait  pour  un  temps  , 
afin  de  commencer  son  grand  ouvrage  de  l'é- 
tablissement  de    l'ordre  de    Notre  Dame   de 
Miséricorde.  Il  n'y  avait  pas  longtemps  qu'il 
était  chez  ces  PP.  ,  lorsque  Dieu  lui  envoya 
la  première   fille  de  cet  ordre.  Celle  fille  se 
sentant  appelée  à  une  haute  perfection   de- 
mandait depuis  longtemps  un  confesseur  fi- 
dèle qui  fût  selon  le  cœur  de  Dieu  et  qui  l'ai- 
dât à  accomplir  sa  volonté.  D'un  autre  côté, 
il  y  avait  longtemps  que  le  P.  Yvan  désirait 
voir  celte  fille  que  Dieu   lui  avait  fait  con- 
naître dans  ses  oraisons. 

Elle  se  nommait  .Madeleine  Martin  et  naquit 
à  Aix  en  Provence  l'an  1012.  Jusqu'à  cequ'elle 
connût  le  P.  Yvan  ,  toute  sa  vie  n'avaii  été 
qu'une  mortification  continuelle  ;  car  étant 
encore  enfant,  son  plus  grand  plaisir  était  de 
se  faire  attacher  à  une  croix  par  ses  com- 
pagnes qu'elle  défiait  de  se  mortifier  de  la 
manière  qu'elle  le  ferait,  et  courait  nu-pieds 
sur  des  eh  i  dons  qui  lui  mettaient  les  pieds 
el  les  jambes  tout  en  sang.  Ses  jeûnes  el  ses 
oraisons  étaient  presque  continuels  ,  el  elle 
passait  presque  touies  les  nuits  à  prier  Dieu. 
Elle  eut  quelque  amitié  pour  un  jeune  hom- 
me qui  la  recherchait  eu  mariage  avec  em- 
pressement, mais  comme  Dieu  l'avait  desti- 
née pour  être  la  mère  d'un  grand  nombre  de 
vierges  que  son  Fiis  avait  choisies  pour  être 
ses  épouses  ,  un  jour  qu'elle  priait  avec  fer- 
veur dans  la  chapelle  de  Sainle-Marlhe  à 
Tarascon  ,  il  lui  donna  un  si  grand  mépris 


1025 


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1026 


du  monde,  que  celte  sainte  fille  n'eut  plus  à 
l'avenir  aucune  aiïeclion  pour  les  créatures. 
Elle  persuada  aussi  le  mépris  du  monde  à  ce- 
lui qui  la  recherchait  en  mariage,  et  lui  fit 
sur  ce  sujet  un  discours  si  plein  d'onclion  , 
que  le  jeune  homme  prit  1  i  résolution  d'em- 
brasser la  vie  religieuse  et  entra  dans  l'or- 
dre de  Saint-François.  Celte  sainte  fille  ne 
doutant  point  que  Dieu  ne  l'appelât  à  une 
haute  perfection  ,  comme  nous  avons  dit  , 
chercha  un  confesseur  zélé,  et  s'élant  adres- 
sée au  P.  Yvan  ,  sans  le  connaître  ,  elle  fut 
fort  surprise  lorsqu'il  l'appela  par  son  nom 
et  qu'il  lui  découvrit  ce  qu'elle  avait  dans 
son  intérieur,  jusqu'à  la  moindre  de  ses  pen- 
sées et  de  ses  affections.  Elle  connut  par  là 
que  c'était  le  confesseur  que  Dieu  lui  avait 
destiné,  et  dès  lors  ces  deux  personnes  furent 
étroitement  unies  par  le  lien  de  la  grâce  et 
de  la  charité. 

Le  P.  Yvan  prit  un  soin  particulier  de  la 
conduite  de  Madeleine  Martin,  et  il  n'oublia 
ni  peine  ni  travail  pour  la  préparer  à  l'ac- 
complissement ties  desseins  de  la  divine  pro- 
vidence. Quelques  mois  se  passèrent  pendant 
lesquels  il  continua  à  exercer  sa  pénitente 
dans  toute?  les  pratiques  de  la  vie  spirituelle. 
Madeleine  étant  tombée  malade,  tout  le  temps 
de  sa  maladie  ne  fut  presque  qu'un  conti- 
nuel recueillement  où  Dieu  l'attira  pour  l'in- 
struire pleinement  du  dessein  qu'il  avait  que 
l'on  fondât  l'ordre  de  Notre-Dame  de  Misé- 
ricorde, et  des  moyens  qu'elle  devait  employer 
avec  le  P.  Yvan  pour  l'établir.  Enfin  le  temps 
arriva  que  le  P.  Yvan  s'élant  trouvé  dans 
une  assemblée  où  l'on  délibérait  sur  les 
moyens  d'établir  une  congrégation  de  filles 
conforme  à  celle  que  Dieu  lui  avait  inspirée, 
et  ce  bon  prêtre  ayant  dit  qu'il  y  ai  ail  long- 
temps qu'il  avait  conçu  ce  dessein  et  que 
Dieu  l'avait  inspiré  à  quelques  filles  qu'il 
dirigeait,  chacun  eu  particulier  l'encouragea 
à  travailler  à  cet  établissement,  et  peu  de 
jours  après  il  acheta  une  m  ison  pour  y  as- 
sembler les  premières  filles  de  cette  congré- 
gation. 

Ce  fui  donc  vers  l'an  1633,  que  la  Mère 
Madeleine  Martin  aiec  une  compagne  entra 
dans  cette  maison.  Elles  furent  <n  peu  de 
temps  suivies  de  sept  ou  huit  autres  fi. les. 
On  ne  saurait  croire  les  austérités  qu'elles 
pratiquèrent  dans  ce  commencement  ;  'e 
jeûne,  le  cilice,  la  retraite,  l'oraison,  le  tra- 
vail et  les  autres  exercices  que  l'on  pratique 
dans  les  religions  les  plus  reformées,  étaient 
continuels  dans  celle  congrégation  naissante. 
Les  vertus  éminenles  e,ue  le  P.  Yvan  voyait 
pratiquer  à  ses  filles  lui  faisaient  espérer 
que  Dieu  bénirait  son  entreprise  et  la  ferait 
heureusement  réussir  à  sa  gloire.  11  avait 
sujet  de  s'en  réjouir,  mais  peu  de  temps 
après,  sa  joie  fut  changée  en  tristesse  :  touie 
la  ville  d'Aix  se  souleva  contre  sa  congréga- 
tion, ce  fut  un  murmure  universel.  On  atta- 
qua la  réputation  des  filles,  on  ne  parlait 
d'elles  qu'avec  mépris,  on  les  outn.gea  même. 
Les  parents  de  ces  filles  venaient  tous  les 
jouts  'es  trouver  pour  leur  faire  quitter  leur 
vpcalio-i,      ous  prétexte  qu'elles  étaient  la 


fable  de  toute  la  ville.  Elles  ne  furent  pas 
seulement  atlaquées  en  leur  honneur,  elles 
souffrirent  aussi  beaucoup  d'incommodités, 
en  ce  que  la  persécution  fut  cause  que  les 
manquèrent  de  ce  qui  était  nécessaire  à  la 
vie.  Les  filles  n'osaient  s'adresser  à  leurs 
parents,  à  cause  qu'elle*  étaient  dans  la  con- 
grégation contre  leur  volonté.  Une  grande 
disette  dans  la  ville  d'Aix  survint  pour  lors, 
qui  fui  un  nouveau  surcroît  de  peine  dus 
leur  indigence,  tout  ce  qui  était  né  essaire  à 
la  vie  étant  hors  de  prix,  et  ne  recevant  au- 
cun secours,  parce  que  la  calomnie  faisait 
qu'elles  étaient  abandonnées  de  tout  le 
monde. 

Comme  la  Sœur  Madeleine  Martin  était 
reconnue  pour  la  fondatrice  e!  la  pierre  fon- 
damentale de  celte  société,  c'était  elle  que 
l'on  attaquait  plus  particulièrement.  Les  uns 
l'appelaient  folle,  n'auires  une  vagabonde, 
ceux-ci  une  ambitieuse,  ceux-là  une  possé- 
dée, les  enfants  lui  je  aient  des  pierres  quand 
cile  allait  par  la  ville.  On  la  chargeait  d'in- 
jures quand  on  la  rencontrait  dans  les  hôpi- 
taux, on  s'en  prenait  même  à  sa  mère,  en 
lui  disant  qu'elle  devait  l'en  retirer  et  ne  lui 
pas  permettre  de  voir  le  P.  Yvan  ni  de  lui 
parler.  Enfin  on  la  sollicita  si  fortement  de 
détourner  sa  fi  le  du  dessein  qu'elle  témoi- 
gnait avoir,  et  que  tout  le  monde  taxait  de 
folie  et  d'extravagance,  qu'elle  alla  dans 
celte  maison  dans  le  dessein  l'en  retirer  sa 
fille  et  de  l'emmener  ;,vec  elle  dans  sa  mai- 
son, et  par  ce  moyen  de  détruire  la  congré- 
gation, puisque  s"a  fille  en  était  le  principal 
appui.  Mais,  ô  merveille  surprenante!  Dieu 
donna  au  contraire  des  forces  à  la  Sœur  Ma- 
deleine pour  retenir  sa  mère  avec  elle.  Dieu, 
parlant  par  sa  bouche,  loucha  si  vivement 
le  cœur  de  cette  femme,  qu'elle  prit  la  ré- 
solution de  rester  dans  la  congrégation,  où 
elle  apporta  tout  le  bien  qui  lui  restait,  et 
elle  fui  depuis  appelée  dans  l'or  re  Marie  de 
la  Charité,  à  cause  de  la  charité  qu'elle 
avait  exercée  toute  sa  vie. 

L'une  des  plus  grandes  peines  du  fonda- 
teur fut  de  n'avoir  pu  obtenir  la  permission 
de  célébrer  la  messe  dans  la  petite  chapelle 
que  ses  filles  avaient  préparée  dans  leur  mai- 
son, ce  qui  leur  causait  beaucoup  d'incom- 
modités; car  elles  ne  pouvaient  pas  vivre  en- 
lièrement  séparées  du  commerce  du  monde 
el  garder  une  espèie  de  clôture,  étant  con- 
traintes de  sortir  lotis  les  jours  pour  a  1er 
entendre  la  messe.  Un  an  et  demi  s'était  déjà 
éi  ule  depuis  l'établissement  de  cette  con- 
grégation qui  s'était  fait  du  consentement 
du  cardinal  Alphonse-Louis  de  itichelieu, 
archevêque  d'Aix,  qui  s'était  déclaré  le  pro- 
tecteur du  P.  Yvan,  mais  ce  |  rélat  ayant  été 
transféré  à  l'archevêché  de  Lyon,  son  suc- 
cesseur  Louis  de  Bretel  ne  fut  pas  d'abord  si 
favorable  à  notre  fondateur,  el  se  rendit 
très-difficile  à  lui  accorder  les  permissions 
nécessaires  pour  l'affermissement  de  sa  con- 
grégation. Le  P.  Yvan  lui  ayant  demandé 
permission  de  célébrer  la  sainte  messe  dans 
la  chapelle  de  cette  maison, et  ce  prélat  ayant 
été  obligé  de  s'absenter  pour  les  affaires  de 


*n$7 


DICTIONNAIRE  DES  OlibRES  RELIGIEUX. 


son  diocèse,  remit  la  requête  du  P.  Y» an 
entre  les  mains  de  son  grand  vicaire,  qui 
ayant  enfin  accordé  celte  permission  vint 
bénir  la  chapelle  le  jour  de- saint  Thomas 
apôtre,  de  l'an  1 634-,  et  y  célébra  le  premier 
la  messe.  L'archevêque  à  son  retour  vint 
faire  la  visite  de  celle  maison,  et  fut  si  édifié 
de  la  conduite  que  l'on  l  nail  dans  la  con- 
grégation, qu'il  l'approuva  et  ratifia  les  per- 
missions que  son  grand  viraire  avait  don- 
nées; il  en  accorda  même  de  nouvelles, 
offrant  sa  protection  au  P.  Yvan  et  à  ses 
filles.  Quelque  temps  après,  comme  on  cher- 
chait dans  la  ville  d'Ais  des  personnes  d'une 
solide  vertu  et  d'une  piété  éprouvée  pour 
leur  commettre  le  soin  et  la  conduite  des 
filles  Pénitentes  que  l'on  avait  nouvellement 
renfermées  dans  une  maison  particulière, 
l'archevêque  d'Aix  ,  à  la  sollicitation  de 
quelqii<S  personnes  qui  ne  pouvaient  souf- 
frir la  congrégation  du  P.  Yvan,  fit  la  pro- 
position aux  Biles  de  la  Miséricorde  d'ac- 
cep'er  cet  emploi,  el  sur  le  refus  qu'elles  en 
firent  à  cause  qu'il  était  contraire  a  l'esprit 
de  leur  institut,  toute  la  ville  se  souleva  de 
nouveau  cojiire  elles,  et  l'archevêque  vou- 
lait être  obéi;  mais  par  l'entremise  d  l'ar- 
chevêque d'Arles  el  de  l'évéqu-  de  Fréjus, 
la  persécution  cessa,  el  l'archevêque  d'Aix 
permit  mix  filles  i  e  la  Mis.érico  de  i  e  vivre 
dans  la  pratique  <le  leurs  exercices  ordinai- 
res. Ce  prélal  les  attaqua  néanmoins  de  nou- 
veau, il  voulut  savoir  si  elles  avaient  dessein 
de  rester  dans  l'étal  séculier,  ou  si  elles  vou- 
laient s'engager  par  des  vœux  solennels  et 
faire  un  no;.vel  ordre  :_ comme  il  eul  appris 
la  résolution  où  «Iles  élaieut  de  se  faire  reli- 
gieuses, il  les  voulut  obliger  à  faire  choix 
d'un  ordre  déjà  appr  uvé.  Il  ôta  au  P.  Yvan 
la  conduite  de  ces  filles,  quelques  Pères  de  la 
compagnie  de  Jésus  en  furent  chargés  el  en 
rendirent  un  si  bon  témoignage  à  l'archevê- 
que, que  ce  prélal  leur  rendit  son  estime  et 
son  affection, 

Le  P.  Yvan,  pendant  ce  temps-là,  voyant 
que  ses  Filles  étaient  mal  logées,  acheta  une 
place  pour  y  bâtir  un  monastère,  et,  pendant 
que  l'on  travail  il  à  l'édifice  matériel,  les 
PP.  Jésuites,  qui  avaient  été  chargés  de  la 
conduite  de  ces  filles,  s'employaient  à  l'a- 
vancement de  l'édifice  spirituel.  La  confiance 
que  ces  tilles  eurent  en  eux  les  encouragea, 
par  l'avis  du  P.  Yvan,  a  leur  déclarer  le  des- 
sein principal  de  leur  congrégation  qu'elles 
n'avaient  encore  osé  découvrir  aux  supé- 
rieurs, qu1  était  que,  si  Dieu  leur  faisait  la 
grâce  d'être  religieuses,  elles  s'obligeraient 
par  vœu  de  recevoir  dans  leur  ordre  les 
pauvres  demoiselles  et  les  attires  filles  d'une 
condition  honnête,  avec  la  dot  qu'elles  au- 
raient, si  grande  ou  si  petite  qu'elle  pût  ê  re, 
pourvu  qu'elles  connussent  qu'elles  fussent 
bien  appelées.  Ces  Pères  approuvèrent  leur 
résolution,  quoiqu'ils  prévissent  bien  les 
obstacles  et  les  dilfiiultès  qu'il  faillirai! 
vaincre.  En  effet,  lorsqu'ils  l'eurent  proposé 
à  l'archevêque  de  la  part  de  ces  filles,  leurs 
adversaires  aigrissant  de  plus  en  plus  l'es- 
prit de  ce  prélat  contre  elles,  l'empêchèrent 


ut-:  8 
ta 


de  consentir  qu'elles  fissent  ce  vœu.  11  j  r 
deux  évèques  de  voir  le  P.  Yvan  et  ses  fi  les, 
pour  les  dissuader  de  le  f  ire.  Mais  ces  pré- 
lats, après  avo.r  écouté  leurs  raisons,  en  fu- 
rent si  louches,  qu'au  lieu  de  presser  le  P. 
Yvan  et  les  filles  de  sa  congrégation,  de  ne 
plus  songer  à  ce  vœu  et  de  changer  de  sen- 
timent, ils  changèrent  eux-mêmes  de  senti- 
ment, is  devinrent  les  protecteurs  de  la 
congrégation,  et  agirent  depuis  si  puissam- 
ment sur  l'esprit  de  l'arche* êque  d'Aix  , 
qu'encore  bien  qu'ils  ne  pussent  pas  lui  per- 
suader d'approuver  le  vmu  donl  il  était  ques- 
tion, ils  lui  persuadèrent  au  moins  de  lasser 
notre  fondateur  et  ses  tilles  dans  la  pratique 
de  leurs  exercices  ordinaires,  et  de  leur  per- 
mettre la  continuation  de  leur  entreprise, 
jusqu'à  ce  que  le  temps  eût  mieux  fait  con- 
naître la  volonté  du  Seigneur 

Cependant,  le  monastère  étant  achevé,  les 
filles  de  celle  congrégation  y  entrèrent  le 
jour  de  la  sainte  Vierge  de  l'an  1638,  y  ayant 
été  conduites  par  les  princ  pales  dames  de  la 
vide.  11  ne  restait  plus  au  P.  Yvan,  pour  l'ar- 
co  npiisst  ment  de  son  dessein,  que  d'obtenir 
des  supérieurs  le  pouvoir  de  lier  ses  fil  es 
par  des  vœux  solennels  et  de  changer  leur 
congrégation  séculière  en  un  institut  régu- 
lier. C  était  ce  qui  était  le  plus  difficile  et  ce 
qui  demandait  de  pins  grands  soins,  car  l'ar- 
chevêque s'elait  assez  déclaré  qu'il  ne  souf- 
frirait aurun  nouvel  ordre  religieux  dans 
son  diocèse.  Elles  passèrent  un  an  dans  leur 
nouveau  monastère  en  habit  séculier,  mais 
menant  une  vie  retirée  el  autant  régulière 
que  les  religieuses  les  plus  réformées  de 
l'Eglise;  et,  lorsqu'elles  s'y  attendaient  le 
moins,  elles  obtinrent  du  vice-légat  d'Avi- 
one  bulle  par  laquelle  il  leur  donnait 
pouvoir  de  clto  sir  une  règle  approuvée,  de 
foire  les  vœux  de  religion  et  de  dresser  des 
cou'-i  lotions. 

L'archevêque  d'Aix  fut  fortement  sollicité 
par  les  a;  is  de  celte  congrégation  de  rece- 
voir cette  huile;  nais  il  ne  voulut  point  en 
entendre  parler,  et  protesta  qu'il  ne  permet- 
trait j  noais  l'établissement  de  ce  nouvel  or- 
dte.  Cependant  le  comte  d'Âlais,  gouverneur 
de  Provence,  btinl  du  oi  des  lelires  paten- 
tes du  13  novembre  1639,  qui  permettaient/ 
d'ériger  cette  communauté  en  mais  n  reli-  ' 
gieuse.  L'archevêque  d'Aix,  nonobstant  ces 
lettres  patente»,  ne  voula  t  point  donner  son 
consentement  pour  cet  établissement.  Quel- 
ques mois  se  passèrent  e  curé,  et  enfin  il  se 
laissa  lléchir  et  reçut  la  bulle.  Il  donna  l'ha- 
bit de  religion  aux  six  premières  filles  de  la 
congrégation;  la  sœur  Madeleine  Martin  le 
reçut  la  première,  el  changeant  son  nom,  on 
lui  donna  celui  de  Ma:  ie-Madeleiue  <Je  la 
Trinité.  La  cérémonie  de  celte  prise  d'habit 
se  lit  la  seconde  fêle  de  la  Penlecô  e  de  l'an 
1639  ;  quelques  mois  après  ,  l'archevêque 
donna  encore  l'habit  de  novice  à  six  autres 
filles,  et  l'année  suivante  elles  firent  profes- 
sion. Les  constitutions  furent  dressées  par  le 
P.  Yvan  et  approuvées  par  l'archevêque 
d'Aix,  après  que  les  difficultés  touchant  le 
quatrième  vœu  eureni  été  levées.  Le  fonda- 


1029 


MIS 


MIS 


1050 


leur  ayant  ensuite  envoyé  à  Rome  pour  faire 
confirmer  p.ir  le  pape  Urbain  VIII  ce  que 
l'arcbevèque  avait  réglé  dans  cil  institut,  il  y 
eul  encore  de  nouvelles  diflic  liés  louchant 
li-  quatrième  vœu;  mais  enfin  Sa  Sainteté 
l'approuva  par  un  bref  du  -i  juillet  16V2  :  ce 
qui  fui  confirmé  par  un  au  ce  bref  du  pape 
Innotent  X  du  2  avril  lG'iS;  et  U  tout  fut 
aulori  é  par  lettres  patentes  du  roi,  enregis- 
trées au  parle  nent  d'Aix  et  ensuite  à  celui 
de  Paris. 

Il  y  avait  environ  dix  ans  que  cet  ordre 
était  établi  à  Aix  sans  qu'il  eût  lait  aucun, 
progrès;  mais  le  bruii  des  merveilles  que 
Dieu  y  avait  opérées  et  la  haute  estime  des 
vertus  du  P.  Y* an  cl  de  ses  religieuses  exci- 
lèreni  plusieurs  personnes  à  demander  et  à 
procurer  l'établissement  du  même  ordre  en 
d'autres  villes.  La  première  qui  demanda  de 
ces  religieuses  fut  l'a  !. esse  île  Saint-Georges 
d'Avignon,  qui  voulut  se  servir  d'elles  pour 
mettre  la  réforme  dans  son  monastère  et 
embrasser  son  institut  :  ce  qui  ne  réussit  pas 
par  l'op  osition  des  religieuses  de  ce  mo- 
nasière,  qui  ont  pris  dans  la  suite  l'habit  de 
l'ordre  de  la  Visitation  de  Notre-Dame.  Les 
religieuses  de  la  Miséricorde  furent  deman- 
dées par  les  bourgeois  de  .Marseille,  qui  leur 
donnèrent  un  établi  se  ment  dans  leur  ville 
l'an  1643.  Elles  r  tournèrent  la  même  année 
à  Avignon,  où  elles  firent  une  nouvelle  fui 
dation;  et  l'an  1648  elles  furent  appelées  à 
Paris,  où  elles  s'établirent  au  faubourg  Saint- 
Germain,  dans  la  rue  du  Colombier;  mais 
elles  ne  prirent  possession  (te  leur  monastère 
que  l'an  1651.  Ce  fut  là  que  le  fondateur, 
après  avoir  travaillé  si  u  ilement  pour  cet 
ordre,  mourut  le  8  octobre  1653.  11  l'ut  en- 
terré dans  l'épaisseur  du  mur  qui  sépare  le 
chœur  de  l'église,  et  le  P.  Léon,  Carme  des 
Billettes,  prononça  s  m  oraison  funèbre  en 
présence  «le  la  reine  Anne  d'Autriche,  qui  a 
toujours  proiege  ce    ordre. 

Après  la  mort  du  P.  Y  van,  la  Mère  Marie- 
Madeleine  de  la  Trinité  fil  encore  :ciiï  fon- 
da ion»  :  lune  à  Arles,  l'as  1  64,  et  l'autre 
à  Salon,  l'an  1662.  'Font  le  reste  de  sa  vie  se 
pas  a  dans  les  souffrances  et  les  persécutions 
domest  ques  do. il  DiïU  voulut  éprouver  en- 
core sa  vertu.  Liant  de  reloue  à  Paris,  le 
confesseur  de  son  monastère  lit  soulever 
contre  elle  une  paitie  de  sa  communauié,  et 
on  la  contraignit  de  retourner  à  Avignon. 
On  l'accusait  entre  autres  choses  d'avoir 
charge  sa  maison  d'un  trop  ^rand  nombre  de 
pauvres  tilles  de  qualité  qui  n'avaient  pres- 
que rien  apporté  pour  fourn  r  ;i  leur  entre- 
tien. Celle  conduite  si  charitable  lui  suscita 
aussi  des  persécuti  ns  dans  quelques  au  res 
de  ses  monasières.  D'un  autre  côté,  :'ieu  lui 
envoya  plusieurs  maladies  où  elle  lit  paraî- 
tre une  constance  admirable  et  une  parlai  e 
désignation  à  sa  volonté;  mais  la  dernière 
d'  ni  il  voulut  encore  l'éprouver  fut  l'an 
1678.  Etant  en  son  mon  islère  .'Avignon,  elle 
fui  attaquée  le  20  janvier  d'une  hvdropisie 
gangrenée  intérieure  et  ex;erieure,  et  telle 
que  les  chirurgiens  qui  l'ouvrirent  après  sa 
mort,  prolestaient  qu'elle  aurait  dû  mourird  s 


ce  mal  dix  ans  plus  tôt.  Sa  patience  fut  néan- 
moins si  grande,  et  elle  s'estimait  si  heu- 
reuse de  souffrir,  qu'elle  ne  pouvait  assez 
parler  du  bonheur  des  âmes  qui  souffrent 
avec  amour;  el  si  elle  témoignait  quelque- 
fois de  la  joie  dans  le  moment  qu'on  la 
tournait  ou  qu'on  lui  faisait  pren  Ire  une 
auire  posture,  ce  n'était  que  parce  que  ses 
douleurs  augmentaient  extraordinairemeot: 
et  c'était  dans  le  fort  de  ses  douleurs  qu'on 
lui  entendait  dire  nui;  et  jour  qu'elle  ne  vou- 
lait que  l'accomplissement  de  la  volonté  de 
Dieu. 

L'archevêque  d'Avignon  la  visita  trois  fois 
pendant  sa  maladie;  le  vice-lég'l  i'alia  voir 
aussi,  connaissant  sou  mérite  extraordinaire 
et  1  cas  tout  particulier  que  le  pape  Inno— 
c  ni  XI  faisait  d'elle.  Enfin,  après  avoir  reçu 
pour  la  dernière  fois  le  saint  sacrement, 
quelle  avait  déjà  reçu  plusieurs  fois  dans 
celle  maladie,  elle  donna  la  bénédiction  à 
ses  filles  et  à  ses  monastères,  el  rendit  son 
âme  à  Dieu  dans  celui  d  Avignon,  ic  20  fé- 
vrier 1678.  Son  d  rps  fut  \  ose  pendant 
deux  jours  dans  l'église,  pour  satisfaire  a  la 
dévotion  du  peu  le,  et  le  qualorzi  me  jour 
après  sou  décès  le  P.  provincial  des  Pères  dô 
rine  Chrétienne  prononça  son  oraison 
funèbre  en  présence  de  l'archevêque,  nu 
vice-. égal  et  d'un  grand  concours  du  peuple. 
Elle  a  laissé  des  avis  el  de»  in  li  uctions  pour 
ses  religieuses,  qui  ont  é  é  ro  i  i  es  parmi  ses 
écrits,  el  qui  om  été  insérés  dans  sa  Vie, 
écrite  par  le  P.  Piny,  J;.c  .bio. 

La  fin  principale  pour  laquelle  cet  ordre 
de  Noire-Dame  de  .Miséricorde  fut  établi  a  été 
pour  servir  d'asile  aux  pauvres  demoiselles 
el  autres  filles  d'une  coudilioo  honnête,  qui, 
étant  appelées  a  l'elal  religieux,  n'ont  pas 
de  quoi  se  faire  recevoir  dans  les  autres 
monastères,  ni  assez  de  bien  pour  se  m  i- 
rier  selon  leur  qualité  :  de  sorte  que  les 
.es  de  cet  ordre  foui  une  profe  sion 
expresse  de  les  recevoir  avec  ce  qu'elles 
peuven  apporter,  pourvu  qu'on  reconnaisse 
en  elles  le-  qualités  requises,  el  que  le  mo- 
e  ait  de  quoi  suhsisler.  [il  alin  que  cet 
esprit  de  recevoir  les  pauvres  demoiselles 
avec  le  p  u  qu'elles  ont  persévère  dans  cet 
ordre,  et  qu'il  ne  soit  pas  permis  aux  reli- 
gieuses de  .-'en  dispenser  sans  des  causes 
légitimes,  outre  les  Lois  vœux  essentiels  de 
religion,  elles  en  font  un  quatrième,  par  e- 
quel  e  les  s'obligent  de  ne  refuser  jamais 
leur  suffrage  à  une  fille  p  ri  aie  insuffi- 
sance de  sa  dot,  selon  leur  hulie  et  leurs 
constitutions,  c'est-à-dire  selon  les  modera- 
lioas  que  les  supérieurs  y  ont  mises. 

Le  travail  esl  une  des  principales  obliga- 
tions des  filles  de  cet  ordre,  pour  suppléer, 
par  le  gain  qu'elles  en  reçoivent,  à  l'insuffi- 
sance de  la  dot  des  pauvres  filles ,  et  el.es  y 
emploient  toui  le  temps  qui  leur  reste  après 
leurs  exercic*  ie  religion.  Celle  obligation 
du  travail  va  même  plus  loin;  car,  encore 
que  les  maisons  soient  suf.lsammenl  reniées 
pour  pouvoir  recevoir  un  certain  nombre  de 
religieuses  sans  dol,  elles  ne  sont  pas  moins 
tenues  de  travailler.,  et  pour  lors  le  profil  de 


1051  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX 

leur  travail  doit  être  distribué  aux  autres 


1032 


maisons  de  l'ordre  qui  en  ont  besoin,  ou  au 
soulagement  des  pauvres  monastères  des 
auires  ordres,  ou  a  des  familles  indigentes. 

Pour  encourager  les  filles  à  travailler  avec 
moins  d'incommodité,  le  fondateur,  avec  le 
C  'il  enlemenl  il e^  supérieurs,  a  choisi  une 
règle  fort  douce,  qui  est  celle  de  saint  Au- 
gustin, cl  a  dressé  des  constitutions  très-mo- 
dérées louchant  le  vivre,  le  vêtir  et  le  dor- 
mir, et  leur  a  même  donné  un  office  fort 
court  et  facile  à  réciler,  qui  est  le  petit  office 
de  la  Vierge.  A  la  vérité,  la  clôture  y  est 
très-exactement  gardée  :  elles  vont  rare- 
mentaux  grilles,  et  elles  observent  les  pra- 
tiques de  l'oraison,  du  silence  et  des  autres 
vertus  religieuses  qui  leur  sont  nécessaires 
pour  l'accomplissement  de  leur  dessein,  qui 
est  encore  d  imiter  la  vie  que  la  mère,  de 
Dieu  a  menée  sur  la  ierre  après  l'Asc  n-i  m 
de  son  Fils,  laquelle  a  été  très  retirée,  éloi- 
gnée de  la  fréquentation  des  hommes,  et  mê- 
lée d'action  et  de  conlemplatio  i. 

Leur  habillement  consiste  en  une  robe  de 
gris  maur  et  un  scâpula  re  de  serge  blanche, 
sur  lequel  elles  portent  un  crucifix  attaché 
à  un  ruban  noir.  Dans  les  cérémonies  et 
lorsqu'elles  approchent  de  la  sainte  lable, 
elles  mettent  un  manteau  aussi  de  gris-maur 
et  portent  un  voile  noir  el  la  guimpe  comme 
les  autres  religieuses  (I). 

Voyez  la  Vie  du  P.  Yvan  par  Gilles  Gon  - 
dom;  son  Eloge  par  le  P.  Léon,  Carme  des 
Billetles,  le  Recueil  de  ses  lettres,  la  Vie  de  ta 
Mère  Marie-Madeleine  de  la  Trinité,  par  le 
P.  Alexandre  Piny,  Jacobin,  et  celle  qui  a 
été  composée  par  le  P.  Grosez,  de  lu  com- 
pagnie de  Jésus. 

L'ordre  ou  congrégation  de  Notre-Dame 
de  la  Miséricorde  ne  s'élablit  point  hors  de 
France  ,  et  quoique  nous  disions  nous- 
méme.  dans  l'article  de  la  Biographie  uni- 
verselle consacré  au  I'.  Yvan,  tjue  les  reli- 
geuses  de  cet  institut  s'étendirent  principa- 
lement dans  le  midi,  elles  n'eurent  pourtant 
que  six  maisons,  qui  étaient  celles  d'Aix, 
d'Arles,  d'Avignon,  de  Marseille,  de  Paris  et 
de  Sancerre.  Le  xvnie  siècle,  qui  suii  it  e.  lui 
de  la  fondation  ,  n'était  malheureusement 
guère  propensionné  à  propager  des  i  laisous 
de  ce  genre.  L'esprit  du  jansénisme,  qui  s'in- 
sinuait partout, aura  peut-être  fait  quelques 
ravages  dans  l'institut  de  la  Miséricorde. 
Nous  n'en  avons  aucune  preuve  ,  seulement 
nous  savons  que  par  précaution  ou  par  re- 
mède on  lit  pendant  quelque  temps  signer 
une  déclaration  de  soumission  el  de  foi  par 
les  jeunes  professes.  Sans  autre  motif  que 
le  désir  du  changement,  cinq  professes  île 
chœur  el  une  converse  obtinrent  de  Mgr  de 
Juigne,  en  llSi,  des  obédiences  pour  aller 
de  la  maison  de  Paris  à  celle  de  Sancerre. 
Ce  fait  ,  sans  importance  e;;  lui-même,  sera 
jugé  à  sa  valeur  par  le  lectes  ,  qui  aurait 
tort,  peut-être,  d'y  trouver  d'une  manière 
sensible  une  preuve  de  l'esprit  qui  commen- 
çait à  régner  dans  les  communautés. 


Ii  ne  reste  plus  aujourd'hui  des  mona- 
stères de  cet  institut  (jue  la  maison  de  Paris. 
Cet  établissement  de  Paris  était,  avant  la 
révolution  de  1789,  siiué  rue  du  Vieux-Co- 
lombier, sur  la  paroisse  de  Sainl-Sulpice. 
Les  religieuses  qui  le  composai  nt  résisté— 
renl  t  -nies  aux  innovations  du  temps,  et 
demeurèrent  fidèles  jusqu'au  moment  de 
leur  sortie  de  la  maison,  sortie  qui  eut  lieu 
le  3  s-  plembre  1792.  Il  n'y  avait,  dans  la 
chapelle  du  mona-lère  abandonné,  qu'un 
tableau  de  Noire-Dame  des  Sept-Douleurs 
qui  frappât  l'allention  des  connaisseurs,  et 
l'on  ignore  le  nom  du  peintre  à  qui  il  était 
dû.  Quand  les  religieuses  quittèrent  leur 
cloître,  elles  éiaieut  au  nombre  de  quinze 
choristes  et  cinq  converses  professes.  Il  y 
a»  ail  le  même  nombre  de  religieuses  vers  le 
milieu  du  dernier  siècle,  d'après  VEtal  ou 
Tableau  de  Paris,  de  Beaumoul.  Suivant  cet 
auteur,  les  postulantes  fournissaient  800 
livres  pour  les  dix-huit  mois  que  durait  le 
noviciat,  etde  plus  oOOO  livres  pour  la  dol  et 
1000  livres  pour  les  frais  d'habillement  et  de 
profession. 

lin  quittant  la  maison  en  17S2,  les  reli- 
gieuses se  dispersèrent  dans  Paris  ;  mais 
quoique  vivant  séparément,  elles  gardaient 
la  soumission  à  la  supérieure,  el,  au  bout 
de  l'année,  versant  en  commun  le  fruit  du 
travail  de  toutes,  on  reversait  égilement  sur 
la  tête  de  chacune  le  profit  de  toutes.  Elles 
avaient  quitté  leur  habit  monastique,  mais 
elles  portaient  un  uniforme  noir  et  modeste. 
Ce  genre  de  vie  esl,  suivant  nous,  admi- 
rable. Ces  filles  gardaient  l'esprit  religieux, 
et  doivent  eu  cel.i  servir  de  modèle  aux  insti- 
tuts qui  commencent.  Vers  la  fin  du  de  nier 
siècle,  elles  se  réunirent  dans  une  maison 
tenue  à  loyer,  rue  .e  la  Chaise.  Alors  elles 
se  décidèrent,  par  mesure  de  prudence  el 
pour  subvenir  à  leurs  besoins,  à  prendre  des 
élèves,  à  instruire,  ce  qu'elles  ont  continué 
jusqu'à  ce  jour,  car  elles  ont  un  pensionnat, 
ce  qui  n'entrait  pas  dans  les  premières  dis- 
positions de  leurs  statuts.  Vraisemblable- 
ment, elles  continueront  toujours  cette  œu- 
vre fructueuse  pour  elles  et  pour  le  pro- 
chain. 

Eu  quittant  leur'  loyer  de  la  rue  de  la 
Chaise,  les  Religieuses  rie  la  Miséricorde 
allèrent  habit  r  sur  le  quai  de  la  Tournelle, 
paroisse  Saint-Nicolas  du  Chardonnel,  où 
elles  louère  il  la  maison  des  anciennes  Mira- 
mioi.es  ou  fiile>  de  Sainte-tleneviève,  qui  est 
aujourd  nui  la  pharmacie  centrale  d  s  hôpi— * 
taux,  el  qu'elles  occupé. cul  six  ans.  De  à, 
e  les  se  transportèrent  à  la  iue  Neuve-Saint- 
Elienne,  et  y  prirent  en  location  l'ancien 
monastère  des  religieuses  de  la  congrégation 
de  Notre-Dame,  et  y  re-lérent  pendant  neuf 
années.  Enfin  la  restauration  des  Bourbons 
en  France  donnant  à  la  religion  des  espé- 
rances qui,  liélasl  n'ont  pas  été  entièrement 
réalisées,  elles  se  déterminèrent  a  acheter  le 
local  où  est  leur  monastère  actuel,  qui  élait 
une  maison  particulière,  rue  Neuve-Sainte- 


(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  les  il0»  231  et  252. 


1053 


AIOL 


MOL 


1334 


Geneviève,  paroisse  Saint-Médanl,  au  fau- 
bourg Saint-Marcel.  En  1SV8,  elles  comptent 
leur  vingt-huitième  année  de  séjour  dans  cel 
établissement,  qu'elles  onl  changé  en  mo- 
nastère, et  où  elles  ont  bâti  une  chapelle;  11  y 
a  dans  cet  ordre,  en  conséquence  d'une  ap- 
parition faite,  dit-on,  autrefois  à  la  maison 
d'Aix,  une  dévotion  particulière  au  soulage- 
ment des  âaics  du  purgatoire.  On  célèbre 
p  ur  elles  un  salut  tous  les  lundis,  et  le 
p'rcmi  r  lundi  du  mois  \r.  saint  sacrement 
est  exposé  pendant  la  journée  ;  on  l'ail  un 
sermon  au  salut  du  soir.  C'c>l  la  fêle  de  la 
Compassion  de  la  sainte  Vierge  qui  est  la 
titulaire  ou  vocable  de  l'église  de  cette  con- 
grégation. 

Les  religieuses  de  la  Miséricorde  prirent 
des  aspirantes  dès  le  temps  de  leur  réunion 
dans  leur  première  mais. m,  mais  elles  ne 
reprirent  l'habit  de  leur  ordre  que  plusieurs 
années  après  le  concordat  entre  Pie  VII  et  le 
gouvernement  français. 

La  maison  est  aujourd'hui  gouvernée  par 
la  révérende  Mère  Saint-Basile,  qui  remplit 
la  place  de  supérieure  depuis  trente  ans  , 
sauf  les  intervalles  nécessités  par  les  consti- 
tutions. Madame  Saint-Basile  Hubert,  native 
de  Dieppe  en  Normandie,  est  une  des  an- 
ciennes religieuses  de  la  rue  du  Viiux-Ço- 
lomhier,  et  aujourd'hui  octogénaire;  elle  est 
la  plus  âgée  des  deux  qui  restent.  L'ordre 
lui  doit  en  partie  sa  conservation  et  l'état  où 
il  est  actuellement.  La  communauté  est  com- 
posée, au  moment  où  nous  écrivons  ceci, 
de  seize  professes  choristes  et  onze  con- 
verses. Le  régime  est  absolument  le  même 
qu'autrefois,  sinon  qu'elles  ont  des  élèves 
pensionnaires,  comme  nous  l'avons  dit  ci^ 
dessus. 

Renseignements  fourn's  par  la  révérende 
Mère  Saint-Basile  Hubert,  supérieure  de  la 

Miséricorde.  —Etal de  Paris,  in-8%  par 

de  Beaumont.  B-d-e. 

MISSION  (Prêtres  de  la).  Voy.  Laza- 
ristes. 

MOCTÉE.  Voy.  Irlande. 
MODESTES.  Voy.  Dimesses. 
MOLUA.  Voy.  Irlande. 
M01SEVAUX.  Voy.  Limas. 

MOLCR  ET  D'AUTRICHE  (Des  anciennes 
congrégations  de),  o»  i  est  parlé  des  con- 
grégations qui  subsistent  présentement  en 
Allemagne. 

La  célèbre  abbaye  de  Molck,  appelée  vul- 
gairement Milek.  située  en  Autriche  sur  le 
Danube,  et  du  diocèse  de  Passa w,  a  donné 
son  nom  à  une  congrégation  de  Bénédictins 
en  Al.emagne.  Léopold  1er,  marquis  d'Au- 
triche, fui  le  fondaieur  de  celte  abbaye.  Ce 
prince,  après  avoir  pris  possession  de  l'Au- 
triche qui  lui  avait  été  donnée  par  l'empe- 
reur Henri  Ier  l'an  92S,  selon  quelques  au- 
teurs, et  selon  d'autres  l'an  933,  à  condition 
qu'il  s'opposerait  aux  Hongrois  qui  faisaient 
souvent  des  incursions  dans  l'empire,  se  ut 
d'abord  obligé  de  porter  ses  armes  contre 
ses  nouveaux  sujets,  dont  il  y  en  avait  quel- 
ques-uns qui  ne  voulaient  pas  lo  reconnaî- 
Dictionn.  des  Ordres  religieux,  II, 


Ire  pour  souverain.  Lés  habitants  de   Melek, 

qu'on  nommait  pour  lors  Hisenburg,  furent 
de  ce  nombre  ;  mais  le  marquis  d'Autriche 
les  ayant  obliges  par  la  force  des  armes  à  se 
Soumettre  à  son  obéissance,   il  établit  dans 
ce  lieu  la  capitale  de  ses  Etats  et  y  (it  sa  de- 
meure, aussi  bien  i|ue  ses  successeurs,  jus- 
quen   l'an   1110,  que  la  ville  de  Vienne   fut 
reconnue    pour   la    capitale    de    l'Autriche. 
Léopold  fit  bâtir  à  Melek  une  église  qui  lut 
dédiée  en    l'honneur  de    saint   Pierre   et   de 
saint  Paul.  Il  y  mit   douze  chanoines  sécu- 
liers qui  y  demeurèrent  jusqu'en  l'an   1089 
que  Léopold  II,  surnommé  le  Bel,  les  en  ota 
et  substitua  en  leur  place  des   moines  béné- 
dictins, qu'il  lit  venir  de  l'abbaye  de  Sublac, 
en  Italie,  auxquels  on  donna  pour   premier 
abbé  Sigibold.  II  y  en  a  qui   prétendent  que 
par  les   soins  de  cet   abbé   il  se  forma    dès 
lors  une  congrégation  de  quelques  monas- 
tères de  i'ordre  de  Saint-Benoit  en  Allema- 
gne, qui  reconnurent  pour  chef  l'abbaye  de 
Melek;  mais  on  n'en  apporte  aucune  preuve  : 
le  P.  Anselme   Schramb,   religieux   de   cette 
abbaye.qui  en  a  donné  la  chronique  en  1702, 
reconnaît  qu'on  ne  trouve  aucun  titre  qui 
puisse  le  juslilier  nidonner  une  connaissance 
certaine  de   celle   congrégation.  Il  est   vrai 
qu  il  dît  qu'il  croit  qu'elle  a  subsisté;  mais 
il  n  est  londe  en  cela  que  sur  le  témoignage 
de  quelques  auteurs  modernes,  entre  autres, 
de  .Nicolas  Sezygliesçki,  qui,  dans  sou  Aquita 
l'olono-lienedict,na,  a  avancé  que   cette  con- 
grégation avait  été  instituée  par  l'abbé  Sigis- 
hold l'an   1122,  et  qu'elle  avait  fleuri  dans 
plusieurs  monastères  d'Allemagne.  Mais   il 
avoue  en  même  temps  que  cet  auteur  s'est 
trom,  é  en   faisant  Sigishold   instituteur  de 
celle  congrégation  l'an  1122,  puisqu'il   était 
mort  dès  l'an   1110.  Ascagne  Tambourin  et 
quelques  autres  ont  dit  aussi  qu'elle  fut  ins- 
inuée par  Sigishold  l'an  1122,  et  ils  ont  ajouté 
que  l'église  de  Melek  fut  consacrée   par   le 
pape  Calixle  H. C'est  encore  une  erreur  que 
le  P.  Schramb  réfute,  puisque,  selon  lui,  ce 
fui  Uldaric,  évoque  de  Passaw,  qui  la  consa- 
cra l'an  1093,  et  que  dans  l'année  1122,  que 
1  on .prétend  que  cette  consécration  se  lit  par 
Calixte  II,  ce  pontife  continua  à  Home  les 
exemptions  qui  avaient  été  accordées  à  cetlo 
abbaye.   Toutes   ces   contrariétés   l'ont  bien 
voir  qu'on  ne  peut  faire  aucun  Lin  1  sur  l'au- 
torité de  ces  écrivains,  et  que  tout  ce  qu'ils 
disent   ne  peut  donner  aucune  cer'.iiude   de 
celle  congrégation.  Mais,  supposé  que  l'abbé 
Sigisbald  en  eût  véritablement  formé  une  qui 
prit    e  nom  de  Melek,  elle  ne  subsisia   pas 
longtemps  ;  celle  dont  nous  parlons  ici  et  qui 
a  porté  ce  nom,  ne  commença  que  plus  de 
trois  cents  ans  aprè;  la  mort  de  cet  abbé,  au 
temps  du  concile  de  Constance,  qui  fut  ou- 
vert l'an  141<V,  et  elle  doit  son  commence- 
ment au  zèle  et  à  la  piété  d'Albert  V,  archi- 
duc d'Autriche,  qui  fut  ensuite  roi  de  Hon- 
grie et  de  Bohême,  et  enfin  empereur  sous 
le  n  im  d'Albert  11.  Ce  prince,  qui  avait  en- 
vo\é  des  ambassadeurs  au  concile  de  Cons- 
tance, après  lélection  qui  y  fut  laite  de  Mar- 
tin Y  pour  souverain  ponlife,  leur  ordonna 
33 


1035 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


!0B6 


de  le  féliciter  de  sa  part  et  de  lui  demander 
des  commissaires  apostoliques  pour  réfor- 
mer les  monastères  des  ordres  de  Sainl-Au- 
guslin  et  de  Saint-Benoît,  silués  dans  ses 
Etals.  Ce  pape  lui  accorda  sa  demande,  et 
nomma, l'an  1418,pourcommissaires  aposto- 
liques, Nicolas  de  Mazen,  auquel  il  joignit 
cinq  religieux  bénédictins,  profùsdu  monas- 
tère de  Sublac,  en  Italie.  Comme  l'abbaye 
de  Melek  était  la  plus  considérable  de  l'Au- 
triche, ce  fut  par  elle  que  l'on  commença  la 
réforme,  dans  l'espérance  que  l'on  eut  que 
les  autres,  à  son  exemple,  la  recevraient  vo- 
lontiers; et  afin  de  mieux  l'affermir,  le  même 
Nicolas  do  Mazen  fut  élu  abbé  de  Melek  par 
autorité  apostolique,  après  la  démission  vo- 
lontaire de  l'abbé  Jean  de  Flemming;  les 
cinq  religieux  qui  étaient  venus  avec  lui 
pour  établir  celle  réforme,  furent  incorporés 
à  ce  monastère;  et  comme  ils  étaient  proies 
du  monastère  de  Sublac,  et  que  celui  de  Me- 
lek avait  d'abord  été  formé  par  des  reli- 
gieux que  le  marquis  d'Autriche  Leopold  I«r 
avait  fait  aussi  venir  de  celle  abbaye,  le  ré- 
formateur jugea  à  propos  de  faire  observer 
à  Melek  les  mêmes  constitutions  que  l'on 
gardait  à  Sublac,  et  elles  furent  reçues  par 
toute  la  communauté,  composée  de  ces  cinq 
religieux  envoyés  par  le  pape,  de  huit  an- 
ciens religieux,  el  de  quatre  autres  qui  y 
étaient  entrés  pour  y  vivre  dans  une  obser- 
vance plus  régulière.  Plusieurs  monastères 
d'Allemagne  se  soumirent  aux  mêmes  lois, 
et  quelques-uns  eurent  pour  abbés  des  reli- 
gieux qui  furent  tirés  de  celui  de  Melek,  en- 
tre lesquels  furent  ceux  d'Obemburg,  de 
Celle-Marie,  des  Ecossais  de  Vienne,  et  un 
en  Islrie.  Ils  se  disaient  tous  de  la  congréga- 
tion de  Melek,  quoiqu'ils  ne  dépendissent 
point  de  celle  abba}e,  et  qu'ils  ne  fussent 
point  unis  ensemble  sous  un  chef:  ils  se 
conlentaicnl  d'avoir  les  mêmes  observances, 
et  s'ils  avaient  besoin  <:'e  visite,  ils  avaient 
recours  au  pape  pour  avoir  des  visiteurs,  ou 
bien  les  princes  dans  les  Etats  desquels 
étaient  si'ués  ces  monastères  en  deman- 
daient eux-mêmes,  lorsque  le  relâchement 
commençait  à  s'y  introduire.  Ceux  de  l'ab- 
baye de  Melek,  pour-  maintenir  leur  réforme, 
demandèrent  une  visile  apostolique ,  l'an 
1450,  au  pape  Nicolas  V,  qui  leur  donna 
pour  visileurs  l'abbé  de  Celle-Marie,  le  pré- 
vôt de  Samle-Dorothée  de  Vienne  el  le  prieur 
de  la  Chartreuse  de  Maurbach.  Ils  firent  de 
nouvelles  constitutions,  mais  peu  différentes 
des  premières  qu'ils  avaient  reçues  au  corn* 
mène,  ment  de  leur  réforme.  L'on  ne  chan- 
gea rien  de  loul  ce  qui  regardait  le  cérémo- 
nial et  la  récitation  de  l'office  divin,  et  les 
unes  et  les  autres  ne  tendaient  qu'à  faire  ob- 
server la  règle  de  saint  iîenoîl  dans  toute  sa 
purelé,  l'usage  de  manger  de  la  viande  cer- 
tains jours  de  la  semaine  n'ayant  pas  été  en- 
core introduit  dans  les  monastères  de  l'Alle- 
magne, qui  n'obtinrent  ce  privilège  qu'envi- 
ron cent  ans  après.  Cette  visite  de  l'abbaye 
de  Melek  fui  cause  que  le  cardinal  de  Cusa, 
légat  du  même  Nicolas  V  en  Allemagne  , 
voyant  que  l'observance  régulière  était  fort 


relâchée  dans  les  monastères  de  l'ordre  de 
Sain  t-lienoît  du  diocèse  de  Sallz  bourg,  nom  ma 
des  commissaires  l'an  1451  pour  les  réformer. 
Les  visiteurs  dépulés  par  ce  légat  furent  les 
abbés  de  Celle-Marie  et  de  Saint-Martin  des 
Ecossais  de  Vienne,  avec  un  religieux  de 
l'abbaye  de  Melek.  L'année  suivante  on  fit 
aussi  une  visile  dans  l'abbaye  de  Celle-Marie, 
qui  fut  faite  par  l'abbé  de  Melek  el  de  Saint- 
Martin  des  Ecossais  de  Vienne. 

L'abbaye  de  Melek  se  mainlenant  toujours 
dans  la  ferveur  et  dans  l'observance  exacte 
de  la  réforme  qu'elle  avait  embrassée,  plu- 
sieurs abbés  d'Allemagne  résolurent  de  for- 
mer ensemble  une  congrégation  sous  un 
chef,  d'embrasser  les  observances  de  Melek, 
et  de  se  conformer  entièrement,  pour  les  cé- 
rémonies et  la  célébration  de  l'olfiee  divin,  à 
celles  qui  se  pratiquaient  en  ce  monastère. 
Dès  l'an  1460  ils  avaient  fait  quelques  tenta- 
tives pour  procurer  cette  union,  et  ils  l  nrent 
encore  pour  ce  sujet  des  chapitres  provin- 
ciaux en  1464,  1467  et  1470.  Mais  dans  ce 
dernier,  qui  fut  tenu  à  Erphord,  et  où  dix- 
sept  abbés  des  diocèses  de  Saltzbourg,  de  Fri- 
singue,  de  Passaw,  de  Brixen,  d'Augsbourg 
et  de  Constance,  se  trouvèrent  ou  envoyèrent 
leurs  procureurs,  il  fut  résolu  que,  comme  la 
réforme  avait  commencé  dans  le  monastère 
de  Melek,  tous  les  autres  monastères  s'y  con- 
formeraient pour  le  cérémonial  ecclésiasti- 
que et  la  récitation  de  l'office  divin.  Ils  ne 
s'arrêtèrent  qu'à  cet  article,  quoiqu'ils  eus- 
sent proposé  d'abord  les  trois  autres  suivanls: 
1*  de  tenir  des  chapitres  provinciaux  tous 
les  trois  ans  et  non  pas  tous  les  ans,  comme 
il  sepraliquait  dans  la  province  de  Mayence; 
2°queles  Pères  du  chapitre  pourraient  dépo- 
seras abbés  pourdes  fautes  notables  ;  8'  enfin 
que  l'on  établirait  des  visiteurs  pour  tous 
les  monastères  qui  entreraient  dans  l'union. 
Ils  indiquèrent  un  autre  chapitre  à  Passaw 
pour  l'année  suivante;  mais  le  nombre  des 
abbés  et  des  procureurs  des  absents  ne  fut 
pas  si  grand  que  dans  celui  d'Erphord,  et 
ceux  qui  s'y  trouvèrent  résolurent  encore  de 
se  conformer  pour  les  cérémonies  de  l'église 
à  l'abbaye  de  Melek  ;  mais  il  n'y  eut  point 
de  congrégation  formée  et  soumise  à  un  chef 
ou  supérieur  général,  cela  n'ayant  élé  exé- 
cuté que  sous  le  ponlilicat  du  pape  Ur- 
bain Vill. 

G-aspar,abbé  de  Melek,  avait  invité,  dès  l'an 
1618,  les  abbés  d'Autriche  à  venir  à  Melek, 
alin  de  convenir  ensemble  des  moyens  né- 
cessaires pour  former  une  congrégation  dans 
cet  arehiduebé.  Les  abbés  de  Krembs-Muns. 
ter,  Garsten,  des  Ecossais  de  Vienne,  d'Aï- 
tenibourg,Gottwekh  el  Celle-Marie,  s'y  trou- 
vèrent el  résolurent  de  s'unir  ensemble  et 
de  former  une  congrégation  sous  un  chef. 
Le  prieur  de  Garsle.n  avait  déjà  dressé  des 
constitutions  pour  être  observée-,  dans  cette 
nouvelle  congrégation.  Elles  fuient  exami- 
nées dans  l'assemblée,  qui  trouva  qu'elles 
étaient  trop  générales,  el  qu'elles  ne  pou- 
vaient être  également  obsi  rvées  dans  tes  mo- 
nastères. On  chargea  Reînér,  prieur  de  Me- 
lek,  d'en  faire  d'autres  qui   convinssent    ' 


iC-37 


MOI- 


MOL 


U)7,è 


tous  ces  monastères.  Mais  les  Iroublos  que 
les  protestants  avaient  excités  presque  dans 
le  même  temps  dans  la  Bohème  et  dans  l'Au- 
triche, obligèrent  les  abbés  de  différer  réta- 
blissement de  Irur  congrégation  jusqu'à  l'an 
1623,  qu'il  fut  lait.  Gaspar,  abbé  de  Melek, 
était  mort,  et  Rciner,  sous-prieur,  qui  avait 
été  chargé  de  dresser  les  constitutions  de  la 
congrégation,  lui  a»  ait  succédé.  La  première 
cho^e  qu'il  fil  après  avoir  reçu  du  souverain 
poniife  la  confirmation  de  son  élection,  fut 
«l'inviter  les  abbés  d'Autriche  de  se  trouver 
à  Melek  pour  conclure  cél  établissement, 
dont  le  projet  avait  été  dressé  dès  l'an  1GI8. 
11  s'en  trouva  onze  qui  y  donnèrent  les  mains, 
et  qui  reçurent  unanimement  les  constitu- 
tions que  l'abbé  Reinér  avait  dressées.  Ils 
écrivirent  à  Constantin,  abbé  de  Sainl-Ba- 
vont,  de  ta  congrégation  du  Mont-Cassin,  et 
le  prièrent  d'en  demander  la  confirmation 
r.u  pape  Urbain  VIII,  qui  l'accorda  par  sou 
bref  de  l'an  1625.  Ces  constitutions  furent 
imprimées  l'année  suivante.  Celte  congréga- 
tion était  pour  lors  composée  des  abbayes  de 
Melek.Goilweich,Krembs-Munstcr,L  îmhach, 
tles  Ecossais  de  Vienue,  de  Garslen,  d'Al- 
lembouig,  Monsée,  Seittenstaden,  Kleinck 
cl  Ce!lc-.\iarie.  Elle  devait  être  gouvernée 
par  un  président  ou  supérieur  général,  qui 
devait  être  élu  tous  les  deux  uns,  et  qui  pen- 
dant ce  temps-là  devait  fa  re  une  fois  la  vi- 
site de  tous  le-  monastères.  Il  devait  aussi  y 
avoir  un  visiteur  dans  iliaque  province,  qui 
devait  laire  tous  les  ans  la  visite  des  monas- 
tères de  cette  province,  à  moins  que  le  pré- 
sident ne  la  fit  lui-même. 

Peu  de  temps  après  il  se  forma  une  autre 
congrégation  en  Souabe  ;  mais,  l'an  1030,  l'on 
proposa  de  réunir  toutes  les  congrégations 
d'Allemagne  et  de  n'en  faire  qu'une,  et  même 
d'y  faire  entrer  tous  les  monastères  qui  n'é- 
laienl  d'aucune  congrégation.  L'abbé  d  •  Ful- 
des,  qui  était  pour  lors  de  la  congrégation  de 
Bu  rstcld,  conçut  le  premier  ce  dessein.  Il  obtint 
perm  ssion  du  pape  et  de  l'empereur  de  faire 
une  assemblée  générale  de  tous  les  abbés 
d'Allemagne.  Elle  se  fit  à  Batisbonne  au  mois 
de  mars  1630.  L'abbé  de  Fuldes  y  présida  et 
y  assista  au  nom  de  la  congrégation  de  Burs- 
feld ;  l'abbé  de  Iviembs-Munstcr,  au  nom  de 
la  congrégation  d'Autriche;  les  abbés  d'An- 
dechs  et  de  Prufening,  comme  députés  des 
autres  abbés  de  Bavière,  et  le  P.  Romain 
Hay,  comme  procureur  de  la  congrégation  de 
Souabe.  On  y  dressa  seulement  les  prélimi- 
naires; de  celle  union,  et  l'on  convoqua  une 
autre  assemblée  générale  p  iur  l'année  sui- 
vante, qui  devait  se  tenir  encore  à  Ralis- 
bonne.  L'abbé  de  Fuldes  s'y  trouva  aussi, 
avec  les  abbé->  de  Saint-Maurice  et  d'Hasla- 
felJpourla  congrégation  de  Bursfeld.  L'abbé 
d'Ochlenbusen,  visiteur  de  la  congrégation 
de  Souabe,  s'y  trouva  pareillement  au  nom 
de  celte  congrégation.  Les  abbés  de  Garslen 
et  le  piieur  de  Goitweich  furent  députes 
par  la  congrégation  d'Autriche,  et  l'abbé  de 
Sainl-Piene  ue  Sallzbourg  représentait  les 
abbés  de  ces  diocèses.  11  y  fut  résolu  que 
chaque  ruouastère  garderait  ses  observances 


particulières  ou  qu'ils  feraient  un  on  avec  la 
congrégation  de  Bursfeld,  jusqu'à  ce  que  l'on 
eût  pris  d'autres  mesures  dans  la  première 
assemblée  qui  se  tiendrait  et  où  deux  abbés 
de  chaque  province  s?  trouveraient.  On  en- 
voya des  procureurs  à  Borne  cl  à  la  cour  im- 
périale pour  informer  le  pape  et  l'empereur 
de  ce  qui  s'était  fait  et  avoir  leur  consente- 
ment pour  former  celle  congrégation  géné- 
rale de  tous  les  mon  a  stères  d'Allemagne.  Mai» 
dans  le  temps  que  l'abbé  de  Saint-Pierre  de 
Sallzbourg,  qui  a vaitéiédépu té  de  l'assemblée 
pour  aller  dans  tous  les  monastères  solliciter 
les  abbés  d'enirer  dans  celte  union,  se  dis- 
posait à  exécuter  sa  commission,  l'irruption 
que  les  Suédois  firent  dans  l'empire  en  rom- 
pit tous  les  projets.  Elle  n'eut  point  lieu,  et 
tout  ce  que  produisirent  les  assemblées  qu'on 
avait  tenues  fui  l'érection  de  la  congrégation 
de  Sallzbourg,  composée  des  monastè.  es  de 
ce  diocèse,  qui  s'unirent  ensemble,  l'an  16+1, 
dans  un  chapitre  qui  se  lint  à  Saint- Pierre 
de  Sallzbourg,  où  se  trouvèrent  l'abbé  Je  ce 
monastère  a\ec  ceux  de  Saint-Vit  et  de 
Boum.  Les  abbés  d'Ossiak  et  de  Saint-Paul 
y  envoyèrent  leurs  procureurs.  Celte  con- 
grégation subsiste  encore,  ayant  présente- 
ment neuf  monastères.  Celle  d'Autriche  se 
maintenait  encore  l'an  10ii,  comme  il  parait 
par  quelques  bulles  du  pape  Urbain  VIII,  qui 
lui  accorda  celte  année  des  indulgences  : 
mais  il  semble  que  par  la  mort  de  ce  pape, 
qui  l'avait  approuvée,  et  qui  arriva  presque 
dans  le  même  temps,  elle  ait  été  éteinte,  car 
il  n'en  est  plus  fait  mention  depuis  ce  temps- 
là.  Les  congrégations  qui  subsistent  en  Al- 
lemagne pré.-e nteme.it  sont  celles  de  liur^feld, 
dont  nous  avons  rapporté  l'origine  dans  nolrè 
premier  volume;  de  Suissc.de  Sallzbourg,  qui 
ont  chacune  neuf  monaslèr.  s  ;  de  Souabe  au 
diocèse  de  Constance,  qui  a  onze  monastères- 
de  Souabe  au  diocèse  d'Augsbourg,  qui  a  sept 
monastères  ;  d'Alsace  Brisgaw,  quia  cinq  mo- 
nastères, et  de  Bavière,  qui  a  dix-neuf  mo- 
nastères. Celte  dernière  fui  érigée  sous  le 
nom  de  l'Ange  Gardien  ou  des  Exempts,  sous 
le  pontificat  d'Innocent  XI.  Le  président  ou 
supérieur  général  est  élu  tous  les  trois  ans 
et  le  premier  chapitre  se  tint  a  la  fiu  d-  Tau 
1686. 

Quoique  les  monastères  d'Allemagne  qui 
suivaie.it  les  cérémonies  et  observances  de 
Melek,  ue  fissent  point  un  corps  de  congré- 
gation avant  leur  union,  qui  se  fit  en  1023 
(comme  nous  l'avons  dit  ci-devant),  ils  se  di- 
saient cependant  de  la  congrégation  et  de 
l'union  de  Melek:  car  lorsqu'on  voulut  unir 
ensemble  les  réformes  de  Melek,  de  Caslel 
et  de  Bursfeld,  comme  nous  avons  dit  en 
parlaut  de  ces  deux  dernières  congrégation» 
les  monastères  qui  suivaient  les  dittérenles 
observances  de  ces  réformes  envoyèrent  des 
députés  au  chapitre  provincial  qui  se  tint, 
l'an  Ii90,  à  Salgenstad,où  ceux  de  la  réforme 
de  Jleiek  prirent  la  qualité  de  députés  de 
l'union  de  Melek,  aussi  bien  que  ceux  des 
congrégations  de Castel  et  de  Bursfeld,  qui  se 
dirent  députés  de  l'union  de  ces  congréga- 
tions, comme  il  paraît  par  les  actes  de°ce 


1039 


DICTIONNAIRE  DES  OM)»  '.S  RF.LIGIEUX 


1040 


chapitre:  Depulalivero  Patreset  commissarii 
nostri  hi  sunt,  ex  uniane  Mellicensium  re- 
verendissimi  Patres  in  Elchingcn  et  H'iblin- 
gen,  ex  unione  Castellensium  S.  Mgidii  in 
Morimberga  et  S.  Crucis  in  Weraen;  ex 
unione  Burfeldennum  in  monte  S.  Jncobi  ex- 
tra mur osM or/un tinos et  S.  Martini  Snanheim. 

Anselmus  Schramb.  Çhronie.  Mellicense, 
seu  Annales  Monast.  Mellicensis. 

MONS.  Voxj.  Nivelle. 

MONT-CARMEL.  Yoy.  Carmélites  et 
Carmes. 

MONT-CARMEL  (De  l'archiconfraternité 
de  Notre-Dame  du)  à  Eome. 

Si  nous  avons  parlé  à  l'art.  Carmes  de  la 
confrérie  du  Scapulaire  de  !a  sainte  Vierge 
établie  dans  l'ordre  des  Carmes,  où  l'on  donne 
à  ceux  qui  s'y  font  inscrire  un  petit  scapu- 
laire  composé  de  deux  rubans  auxquels  sont 
attachés  deux  morceaux  de  d:ap  de  trois  ou 
quatre  pouces  en  carré,  ce  n'a  été  que  pour 
faire  \oir  l'erreur  où  était  tombé  le  P.  Papc- 
broch,  en  croyant  que  les  religieux  de  Siiiul- 
Franç.ois  ne  donnaient;'!  leur  lieruairrs  qu'un 
cordon,  et  le-  Carmi  s  aussi  à  leurs  t  erciairçs 
ces  sortes  de  scapulaires,  notre  dessein  n'é- 
tant pas  de  parler  des  simples  confréries 
dans  cette  histoire.  Mais  comme  nous  y  fai- 
sons aussi  entrer  les  congi  égalions  et  s  ciélés 
séculières,  il  semble  que  l'on  doit  melire  en 
ce  rang  les  confréries  qui  forment  des  espè- 
ces de  sociétés  el  qui  sont  distinguées  par  des 
babils  particuliers,  qui  ont  des  statuts  cl  des 
règles,  des  églises,  des  cimetières,  qui  font 
publiquement  des  processions  sous  leurs 
croix  particulières,  qui  la  plupart  n'admet- 
tent les  confrères  qu'après  avoir  été  éprou- 
vés pendant  un  certain  temps,  sous  la  con- 
duite d'un  maître  des  novices,  el  qui  sem- 
blent former  un  corps  dans  l'Eglise. 

Telle  est  l'arcbicoufraternilé  de  Notre- 
Dame  du  Mont-Carmel  à  Home.  11  y  en  avait 
autrefois  une  sous  ce  nom  dans  l'église  de 
Sainl-Chrysogone  qui  appartient  aux  Car- 
mes de  la  congrégation,  de  Manloue;  mais 
ayant  été  presque  abandonnée,  on  en  érigea 
une  aulre  dans  la  même  église,  l'an  1543, 
sous  le  litre  du  Saint-Sacrement  et  de  Sainte- 
Marie  mère  de  Dieu  du  Caimcl.  La  confrérie 
de  Notre  Dame  semblant  avoir  élé  supprimée 
par  l'union  qui  en  avait  é'é  faite  avec  celle 
du  Saint-Sacrement,  le  pape  Clément  VIII 
permit  que  l'on  en  instituai  une  autre  sous 
le  nom  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  dans 
l'église  de  Sairite-Marie-dcs-Monls,  qui  ap- 
partient aussi  aux  Carmes,  mais  qui  ne  dé- 
pend d'aucune  congrégation  ni  province, 
étant  immédiatement  soumise  au  général, 
comme  nous  avons  dit  ailleurs. 

Les  confrères  qui  furent  associés  à  celle 
confrérie  curent  d'abord  une  chapelle  dans 
celte  église;  mais  aOn  d'avoir  plus  de  liberté 
pour  faire  leurs  exercices,  ils  ont  depuis  faii 
bâtir  un  oratoire  au  mont  Magnanopoli,  où 
ils  s'assemblent  pour  y  réciter  en  commun 
l'ofQce  de  la  Vierge,  et  et  y  faire  célébrer  les 

(I)  Vej/.,  à  la  fin  du  vol.,  Il"  ToZi. 


divins  offices.  Leur  habillement  consiste  en 
un  sac  de  couleur  tannée,  auquel  est  attaché 
un  eapuce  qui  leur  couvre  le  visage,  descen- 
dant en  pointe  jusqu'à  la  ceinture,  n'y  ayant 
i4 ne  deux  petits  trous  à  l'en  'roit  des  yeux, 
afin  qu'ils  puissent  voir  el  n'être  poinl  vus. 
Leur  sac  esl  lié  d'une  ceinture  de  cuir,  et  ils 
onl  sur  les  épaules  un  camail  ou  mozelte  de 
serge  blanche  ,  1).  Quoique  celte  confrérie  ait 
le  litre  d'archieonfraternité,  eile  ne  jouit  pas 
néanmoins  du  privilège  des  autres  archiron- 
fraternilés  qui  sont  ainsi  appelées  à  cause 
qu'elles  sont  chefs  et  supérieures  générales 
des  confraternités  qu'elles  agrègent  à  leur 
institut,  qui  doivent  observer  les  mêmes  rè- 
gles el  les  mêmes  statuts,  el  parler  leur  ha- 
billement; mais  le  général  «le  l'ordre  dis 
Carmes,  ou  ceux  à  qui  il  en  donne  commis- 
sion, onl  seuls  le  dioi!  d'ériger  de-  archicon- 
fraternités  ou  confraternités  de  Notre-Dame 
du  Mont-Carmel. 

Carol.  Barlhol.  l'iazza,  Opère  pie  di  Roma, 
part.  11,  trait.  6,  cap.  13. 

MONT-CARMEL  ET  DE  SAINT-LAZARE 
DE  JERl'SALEM  (Des  chevaliers  de  l'or- 
dre   ROYAL,    MILITAIRE    ET   HOSPITALIER    DE 

Notre-Dame  du). 

Nous  avons  dit,  en  parlant  de  l'ordre  de 
Saint-Lazare,  qu'il  avail  toujours  subsisté 
en  France,  quoiqu'il  eût  été  supprimé  par 
Innocent  VIII,  l'an  1M0  ;  qu'après  son  ré- 
tablissement par  Léon  X,  il  y  avail  eu  des 
grands  maîtres  de  cet  ordre  en  Italie,  qui  se 
disaient  grands  maîtres  de  l'ordre  de  Saint- 
Lazare  de  Jérusalem  par  tout  le  monde , 
quoiqu'il  y  eût  de  véritables  et  légitimes 
grands  maîtres  en  France  qui  avaient  suc- 
cédé les  uns  aux  aulres  sans  interruption 
depuis  l'établissement  de  l'ordre  ;  cl  qu'enfin 
le  pape  Grégoire  XII!  avait  uni  cet  ordre, 
l'an  1372,  à  celui  de  Saint-Maurice  en  Sa- 
voie, nouvellement  institué  par  le  duc  Em- 
manuel Philbert,  sans  que  cette  union  ail 
porté  préjudice  à  l'ordre  de  Saint-Lazare  en 
France,  dont  le  roi  Henri  IV donna  la  grande 
maîtrise  à  Philbert  de  Nérestang  ,  qui  fut 
aussi  premier  grand  maître  de  l'ordre  de 
Notre- D  une  du  Mon'-Carmel  que  ce  prince 
institua  dans  son  royaume.  Le  P.  Toussaint 
de  Saint-Luc.  dit  [Abrégé  hist.  de  V ordre  de 
Suint-Lazare,  p.  10)  que  le  roi  ne  fil  celle 
institution  de  l'ordre  de  Notre-Dame  du 
Mont-Carmel,  que  pour  faire  fleurir  davan- 
tage celui  de  Saint-Lazare  1 1  lui  faire  resti- 
tuer les  biens  qu'on  lui  avait  usurpés  en 
unissant  l'ordre  du  Mont-Carmel  à  celui  de 
Saint-Lazare.  M.  Herman  pi  étend  qu'Aimar 
de  Chattes,  qui  était  grand  maître  de  ce  der- 
nier, conçut  l'envie  de  le  remettre  dan?  son 
premier  lustre,  mais  qu'ayant  élé  prévenu 
par  la  mort,  Philbert  de  Néiestang  lui  sui- 
céda  dins  ce  dessein,  et  employa  si  heureu- 
sement son  pouvoir  auprès  d'Henri  IV,  que 
ce  monarque  ayant  poursuivi  à  Home  le  ré- 
tablissement de  cet  ordre,  il  obtint  du  pape 
Paul  V  l'effet  de  sa  demande,  par  une  bulle 
fort  avant  igeuse  donnée  l'au  1007;  mais  que, 


10.11 


MON 


connue  re  priece  voulut,  à  l'imitation  du  «Suc 
de  Savoie  j.  indre  aussi  un  autre  ordre  à 
celui  de  Saint-Lazare  pour  lui  l'ouncr  un 
nouveau  relief,  il  établit  celui  de  Notre-Dame 
du  Monl-Carmel.  Le  P.  Bonanni  a  avancé 
(Catalcg.  Ord.  milit.,  n°  b'  >)  qu'Aimar  de 
Chattes,  étant  grand  maître  de  l'ordre  île 
Saint-Lazare  en  France,  conçut  le  dessein  de 
le  rétablir  entièrement  et  de  lui  f.iire  resti- 
tuer tous  les  biens  qui  lui  avaient  été  ôiés, 
niais  qu'étant  mort  avant  que  d'avoir  exé- 
cuté son  dessein,  Philbert  de  Nérest  ing,  qui 
lui  avait  succédé  dans  la  grande  maîtri.-e, 
alla  à  Home,  où  il  obtint  du  pape  Paul  V 
qu'à  l'avenir  son  ordre  serait  appelé  l'ordre 
de  Notre-Dame  du  Monl-Carmel. 

Mais  tous  ces  auteurs,  sans  parler  de  plu- 
sieurs autres,  ont  été  contre  la  véiiié  de 
l'histoire.  Henri  IV  n'institua  l'ordre  île  No- 
ire-Dame du  Mont-Carmel  que  pour  donner 
des  marques  de  sa  piété  ei  de.  sa  dévotion 
envers  la  sainte  Vierge.  Il  écrivit  à  son  am- 
bassadeur à  Rome  pour  obtenir  du  pape 
Paul  V  l'érection  de  cet  ordre  et  sa  confir- 
mation par  autorité  apostolique:  ce  que  ce 
pontife  accorda  par  une  bulle  du  10  février 
1C07,  par  laquelle  il  donna  pouvoir  à  ce 
prince  de  nommer  le  grand  maitre  de  cet  or- 
dre, lequel  pourrait  créer  autant  de  cheva- 
liers que  bon  lui  semblerait.  Il  permit  à  ces 
chevaliers  de  se  marier,  et,  après  la  mort  de 
leur  première  femme,  de  passer  à  de  secondes 
noces,  et  d'épouser  même  une  veuve.  Il  les 
obligea  à  faire  vœu  d'obéissance  et  de  garder 
la  chasteté  conjugale,  et  leur  accorda  la  per- 
mission de  pouvoir  avoir  des  pensions  sur 
toutes  sortes  de  bénéDces  en  France,  quoi- 
qu'ils fussent  mariés  et  même  bigames,  sa- 
voir, le  grand  maître,  jusqu'à  la  somme  de 
quinze  cents  ducats  d'or,  et  les  chevaliers 
jusqu'à  cinq  cents  ducats  d'or  de  la  chambre 
apostolique,  ces  deux  sommes  évaluées  à  six 
mille  livres,  monnaie  de  France.  Et  dans 
cette  bulle  il  n'est  nullement  fait  mention  de 
l'ordre  de  Saint-Lazare  .  non  plus  que 
dans  une  seconde  que  le  même  pape  donna 
au  mois  de  février  de  l'an  160S,  par  laquelle 
il  prescrit  à  ses  chevaliers  leurs  obligations, 
qui  sont  de  faire  leur  profession  de  foi  avant 
leur  réception  à  l'ordre,  de  se  confesser  et 
communier  le  même  jour  qu'ils  recevront 
l'habit,  de  porier  sur  leurs  manteaux  une 
croix  de  couleur  tannée,  nu  milieu  de  laquelle 
il  y  aura  l'image  de  la  sainte  Vierge,  de  faire 
vœu  d'obéissance  et  de  chasteté  conjugale, 
de  porter  les  armes  contre  les  ennemis  de 
l'Eglise,  lorsqu'ils  en  seront  requis  par  le 
saint-siége  et  le  roi  très-chrétien-,  de  réciter 
tous  les  jours  l'office  de  la  sainte  Vierge  ou 
sa  couronne,  d'entendre  la  messe  les  jours 
de  fête  et  les  samedis,  de  s'abstenir  de  viande 
les  mercredis,  de  se  confessor  et  communier 
le  jour  de  la  fête  de  Noire-Dan, e  du  .Mont- 
Carmel  que  l'on  célèbre  le  10  juillet,  de  s'as- 
sembler le  même  jour  pour  céléb  er  celle 
fêle,  et  de  payer  au  trésorier  ie  l'ordre  les 
resnonsions  par  rapport  aux  commanderies 
qu'ils  posséderont. 

Le  roi,  au  uuis  de  juillet    1C08,  voulant 


MON  1012 

doter  ce  nouvel   ordre  de   Notre-Dame  du 
Mont-Carmel  et  pourvoir  à  son  établissement, 
supprima  par  ses  lettres  patentes   l'ofiicc  de 
grand   maitre  de  l'ordre  de  Saint-Lazare,  et 
u.it  toutes  les  commanderies,  prieurés  et  bé- 
néfices   qui    appartenaient    à   cet   ordre    et 
étaient  en  la  collation  de  ce  grand  maître, 
à   l'ordre  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel: 
a  usi  ce  ne  fut  point  ce  nouvel  ordre  qui  fut 
uni  à  celui  de  Saint-Lazare,  comme  ont  écrit 
plusieurs  auteurs,  niais  l'ordre  de  Saint-La- 
zare qui  fut  uni   à  celui   de  Nuire-Dame  du 
Mont-Carmel.  Voici   les  lettres  de  ce  pri   ce. 
Henri,  par  la  grâce  de  D  eu  roi  de  France 
et  de  Navarre,  à  Cous  ceux  qui  ces  présente-: 
lettres  ce,  ront.  Noire  saint-père  le  pape  ayant, 
à  notre  supplication  faite  par  notre  ambassa- 
deur, résident  près  sa  personne,  par  sa  bulle 
du  xiv  des  kalendes  du  mois  de  mars  dernier, 
érigé  et  institué  en  notre  royaume  un  ordre 
à  titre  de  la  Vierge  Marie  ou  Notre-Dame  de 
Mont-Carmel  ,  ainsi  que  le  contient  la  bu'le 
dont  copie  est  ci-alt  tcht'e  sous  le  contre-scel, 
savoir  faisons  que  nous  ayai.t  bien  agréable  le 
contenu  en  icelle,  et  désirant  en  ce  qu'il  nous 
sera    possible   piomouroir    à   {'établissement 
d'icelui,  orner  et   enrichir  de  mciites  conve- 
nablts  àti    splendeur   d'icelui,  pour    l'aug- 
menta.ion  de  la  gloire  de  Dieu  en  celui  notre 
dit  royaume,  que  nous  espérons  devoir  réussir 
à  la  ils  institution,- avons,  de  notre  certaine 
science,  puissance  et  autorité  royale,  éteint  et 
su  primé,  éteignons    et   supprimons  par  ces 
présentes  l'état  de  grand  maitre  de  Saint-La- 
zare,qui  a  eu  ci-devant  lieu  en  notre  dit  royau- 
me, et  en  ce  faisant  avons  toutes  et  chacuncs  les 
commanderies,  prieurés  et  bénéfices,  de  quel- 
que qualité  et  condition  qu'ils  soient,  qui  ont 
été  sous  ledit  litre  et  en  la  collation,  provision 
et  autres  dispositions  du  grand  maître,  unies 
et  annexées  et  attribuées,  unissons  et  annexons 
et  attribuons   audit  ordre  et  milice  de  Notre- 
Dame  de  Mont-Carmel,  pour  dorénavant  être 
tenus,  possédés  et  desservis  par  le  grand  maître 
qui  sera  par  nous  établi;  et  les  commandeurs, 
chevaliers  et  au'  r  es  officiers,  qui  seront  créés  par 
ledit  grand  maitre, en  vertu  du  pouvoir  qui  lui 
sera  donné  pour  cet  ejftl,  nonobstant  tots  sta- 
tuts et  institutions  èi  ce  contraires,  et  nonobs- 
tant   oppositions    ou   appellations    quelcon- 
ques, desquelles  si  aucunes  interviennent  nous 
avons  retenu  et  réservé,  reienons  et  réservons 
la  connaissance  et  juridiction  ànous  et  et  notre 
conseil  d'Etat,  et  icelle  interdite  et  dé  fondue, 
interdisons  et  défendons  à  toutes  nos  cours  et 
juges  quelconques.  Si  donnons  en  mandement 
à  nos  amés  et  féaux  conseillers,  les  gens  te- 
nant notre  grand    conseil,  que  ladite  bulle  et 
ccsililrs  présentes  ils  fassent  enregistrer,  cl  le 
contenu  d'icel  es  'lise:  ver  inviolabiement,sans 
permettre  qu'il  y  soit   contrevenu  en  aucune 
sorte  et  manière,  cor  tel  est  notre  plaisir,  etc. 
Et  afin,  etc.  Donné  à  Fontainebleau  au  mois 
dejiiill.il  l'an  de  grâce  1G08,  et  de  notre  règne 
le  dix-neuvième. 

I.e  roi  donna  ensuite   la  charge  de  grai 
maitre  de  cet  ordre  à  Philbert  de  Nérestan 
gentilhomme   de    la    chambre  et   meslre 
camp  d'un  rcgimcnl  d  infanterie,  qui  a\- 


4043 


DICTIONNAIRE  DF.S    ORDRES  RELIGIEUX. 


1044 


possédé  annaravanl  celle  do  grand  maître  do 
l'ordre  de  Saint-Lazare.  Il  en  prêta  sonnent 
entre  les  mains  de  Sa  Majesté,  qui,  par  un 
acte  du  dernier  octobre  de  la  même  année, 
déclara  de  nouveau  que  les  commanderies, 
prieurés  et  autres  bénéfices  de  l'ordre  de 
Saint-Lazare,  qui  élaienl  en  France  et  dans 
les  lerres  et  pays  soumis  à  l'obéissance  de 
Sa  Majesté,  seraient  affectes  et  appartien- 
draient aux  grand  maître,  chevaliers  et  offi- 
ciers de  l'ordre  du  Mont-Carmel,  et  qu'ils 
en  jouiraient  do  mémo  que  s'ils  étaient  ou 
avaient  été  faits  chevaliers  de  l'ordre  de 
Saint-Lazare  ;  et  Sa  Majesté  ordonna  aussi 
qu'en  conformité  de  la  bulle  de  Paul  V  ces 
chevaliers  jouiraient  des  pensions  dont  il 
lui  plairait  les  gratifier  sur  les  évêchés,  ab- 
bayes ou  autres  bénéfices  consistoriaux  qui 
étaient  à  sa  collation,  quoiqu'ils  fussent  ma- 
riés. Sur  quoi  l'archevêque  de  Bourges,  André 
F remiot,  porlan lia  parole  au  nom  du  clergé  de 
France,  dans  la  remontrance  qu'il  fit  au  roi  la 
même  année,  pria  Sa  Majesté  de  ne  pas  permet- 
tre que  les  chevaliers  de  Notre-Dame  du  Mont- 
Carmel  (qu'il  appelait  chevaliers  de  l'Annon- 
ciade),  engagés  dans  le  mariage,  enveloppés 
dans  les  affaires  du  monde,  et  de  qui  le  bras 
deslinéau  ferdevaitêtreplutôtcouverl  desang 
que  de  la  fumée  des  encens  et  des  sacrifices,  mis- 
sent les  mains  surles  tables  sacrées,  prissent 
les  pains  de  proposition, et  entreprissent  sur 
les  revenus  qui  n'étaient  voués  que  pour  les 
lévites  et  pour  ceux  qui  offraient  à  l'autel.  Le 
roi  répondit  aux  prélats,  pour  ce  qui  regar- 
dait les  chevaliers  de  l'Annonciade  dont  ils 
parlaient,  qu'il  en  avait  institué  l'ordre  sous 
le  nom  de  la  Vierge  Marie  dite  du  Mont-Car- 
mel, à  cause  de  la  particulière  confiance  que, 
à  l'exemple  des  ducs  de  Bourbon  et  VenJô- 
me,  ses  aïeux,  il  avait  toujours  eue  au  se- 
cours et  aux  prières  de  cette  sainte  Vierge; 
qu'il  leur  avait  assigné  non  pas  les  revenus 
ecclésiastiques  ,  mais  seulement  ceux  des 
hôpitaux  et  commanderies  qui  avaient  autre- 
fois appartenu  en  son  royaume  à  l'ordre  de 
Saint-Lazare,  et  que  s'ils  avaient  outre  cela 
quelques  petites  pensions,  c'était  le  papa 
qui  les  leur  avait  accordées. 

Cl, aide,  marquis  de  Nérestang,  fils  de  Phil- 
bert,  fut  reçu  en  survivance  dans  la  charge 
de  grand  inaître  en  1611.  Charles,  marquis  de 
Nérestang,  fils  de  Claude,  la  posséda  en  1039, 
après  le  décès  de  son  père,  sur  les  provisions 
du  roi  Louis  Xlll.  Charles-Achille  de  Né- 
restang, second  fils  de  Claude,  en  fut  aussi 
pourvu,  en  Hïi5,  par  le  roi  Louis  XIV.  Ses 
provisions  lui  donnaient  la  qualité  de  grand 
maître  de  l'ordre  do  Nolrc-Dame  du  Mont- 
Carmel  et  de  Saint-Lazare  de  Jérusalem,  il 
fut  confirmé  dans  celle  charge  par  une  bulle 
d'Innocent  X,  et  depuis  ce  temps-là  le  grand 
maître  et  les  chevaliers  prirent  le  nom  de 
chevaliers  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel 
et  de  Saint-Lazare  do  Jérusalem. 

Le  roi  confirma  encore  l'institution  de  cet 
ordre,  au  mois  d'avril  lfiOY,  et  le  cardinal  de 
Vendôme,  étant  légal  a  Ltitere  en  France  du 
pape  Clément  IX,  donna  une  bulle  l'an  1GG8 


pour  l'union  de  ces  deux  ordres,  confirmant 
tous  les  privilèges  qui  avaient  élé  accordés 
à  celui  de  Saint-Lazare  par  les  papes  Pie  IV 
et  Pie  V.  La  même  année  le  roi  pourvut  lo 
marquis  de  Nérestang,  fils  de  Charles-Achille, 
de  la  charge  de  grand  maître,  il  en  prêta 
serment  de  fidéiilé  entre  les  mains  de  Sa 
.Majesté,  qui  lui  donna  la  croix  de  cet  ordre. 
Il  partit  ensuite  pour  aller  commander  l'es- 
cadre des  vaisseaux  destinés  pour  la  sûreté 
du  commerce  de  l'Océan.  Il  obtint,  en  1672, 
un  édil  du  roi  qui  rétablissait  les  chevaliers 
du  Mont-Carmel  et  de  Saint-Lazare  dans 
tous  les  droits  qui  avaient  appartenu  à  leur 
ordre,  et  qu'ils  pouvaient  avoir  perdus,  qui 
confirmait  l'union  de  ces  deux  ordres,  et 
leur  donnait  l'administration  perpétuelle  des 
maladreries,  hôpilaux,  maisons-Dieu  et  au- 
tres lieux  dans  le  royaume,  où  l'hospitalité 
n'était  pas  observée,  et  qui  unissait  à  l'ordre 
de  Noire-Dame  du  Mont-Carmel  les  biens 
de  quelques  ordres  militaires  et  hospitaliers, 
qui  par  cet  édit  étaient  réputés  éteints  et 
supprimés  en  France,  spécialement  les  or- 
dres du  Saint-Esprit  de  Montpellier,  de  Saint- 
Jacques  de  l'Epée,  du  Sainl-Sépn  cre,  de 
Sainte-Christine  de  Somporl,  de  Notre-Dame 
dite  Teutonique,  de  Saint-Jacques  du  Haut- 
Pas  ou  de  Lucques,  et  de  Saint-Louis  de 
Boucheraumont;  pour  des  b'ens  et  revenus 
de  ces  ordres,  maladreries,  hôpilaux,  mai- 
sons-Dieu et  autres  lieux,  ainsi  réunis  à 
l'ordre  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  et 
de  Saint-Lazare,  en  êire  formé  par  le  roi  des 
commanderies,  desquelles  Sa  Majesté  et  les 
rois  ses  successeurs  auraient,  eu  qualité  de 
chefs  souverains  de  cet  ordre,  l'entière  et 
pleine  disposition  en  faveur  des  officiers  do 
leurs  troupes  qui  se  feraient  admettre  dans 
cet  ordre,  et  sur  ces  commanderies  y  affecter 
telles  pensions  qu'elles  pourraient  et  dé- 
viaient porter.  Sa  Majesté  voulut  aussi  que 
sur  ces  commanderies  l'on  prît,  par  forme  do 
responsion  et  de  contribution,  les  deniers 
nécessaires  pour  aider  cl  subvenir  à  l'entre- 
tien des  hôpitaux  de  ses  armées  et  places 
frontières  on  seraient  reçus  les  officiers  et 
soldats  blessés  et  malados,  ayant  jugé  Cftte 
application  plus  conforme  aux  intentions 
des  fondateurs  des  lieux  pieux,  à  présent 
qu'il  n'y  a  presque  plus  de  lépreux  dans  le 
royaume,  voulant  néanmoins  que  ceux  qui 
seraient  attaqués  do  ce  mal  fussent  tous  lo- 
gés dans  un  même  lieu  aux  dépens  do  l'or- 
dre, conformément  à  son  institution.  El  pour 
l'exécution  de  cet  édit  et  connaître  de  tous 
les  procès  et  différends  qui  naîtraient  pour 
raison  des  choses  y  contenues,  le  roi  réso- 
lut d'établir  une  chambre  composée  d'offi- 
ciers des  plus  considérables  de  son  conseil, 
en  laquelle  chambre  les  procès  et  différends 
seraient  jugés  en  dernier  ressort,  lui  don- 
nant pouvoir  d'enregistrer  toutes  déclara- 
tions et  arrêts,  faire  des  règlements  tels 
qu'elle  jugerait  à  propos,  cl  subdéléguer,  en 
cas  de  besoin,  tant  en  matière  civile  que  cri- 
minelle; laquelle  chambre  durerait  tout  le 
temps  que  Sa  Majesté  jugerait  nécessaire  et 
à  propos  pour  le  bien  des  affaires  de  l'ordre, 


1015 


MO* 


MON 


1046 


se  réservant  de  la  révoquer  et  supprimer 
lorsque  bon  lui  semblerait. 

Le  grand  maître  de  Nérestang,  pour  par- 
venir a  l'exécution  de.  cet  édit,  convoqua 
un  chapitre  général  à  l'.oigny,  qu'il  indiqua 
au  19  lévrier  1673.  Mais  avant  qu'il  se  tint, 
il  se  démit  volontairement  de  sa  charge  du 
grand  maître  entre  les  mains  du  roi.  Les 
chevaliers,  en  ayant  eu  avis,  assemblèrent 
leur  chapitre  général  le  27  janvier  1673,  et 
présentèrent  une  requête  au  roi,  par  laquelle 
ils  suppliaient  Sa  Majesté  d'unir  la  charge 
de  grand  maître  de  leur  ordre  à  sa  couronno 
et  d'agréer  la  postulation  qu'ils  avaient  faite 
de  M.  le  marquis  de  Louvois  pour  gouverner 
l'ordre  en  qualité  de  vicaire  général. 

Le  roi  déclara  qu'il  ne  pouvait  alors  unir 
à  sa  couronne  la  grande  maîtrise,  niais  qu'il 
agréait  l'élection  qui  avait  été  faite  par  pos- 
tulation dans  le  chapitre,  du  marquis  de 
Louvois  pour  régir  les  affaires  de  l'ordre 
sous  son  autorité.  Sa  Majesté  fit  expédier  des 
provisions  de  grand  vicaire  en  faveur  du 
marquis  du  Louvois  le  4  février  1(573.  11  fut 
reçu  dans  le  chapitre  do  l'ordre  en  cette  qua- 
lité et  confirmé  dans  le  chapitre  général  qui 
se  tint  le  19  iiu  mémo  mois  à  Boigny.  On 
poursuivit  en  c.iur  de  Home  les  bullesde  con- 
firmation. M.  Co  ;uelin,  docteur  de  Sorbonne, 
y  lut  envoyé  pour  les  solliciter,  mais  ce  fut 
inutilement;  car  le  pape  Clément  X  ne  les 
voulut  point  accorder,  ce  qui  n'empêcha  pas 
le  marquis  de  Louvois  de  gouverner  toujours 
l'ordre  et  de  recevoir  les  chevaliers. 

L'édit  de  1672,  nonobstant  les  oppositions 
de  Louis-Nicolas  Parnajon,  général  des  Cha- 
noines Hospitaliers  de  l'ordre  du  Saint-Esprit 
de  Montpellier,  et  celles  des  prétendus  che- 
valiers du  même  ordre,  fut  enregistré  au 
grand  conseil  le  20  février  1673.  Le  roi,  con- 
formémenl  à  cet  édit,  ayant  établi  une  cham- 
bre royale  à  l'arsenal  de  Paris  le  8  janvier 
de  la  même  année,  ordonna,  par  ses  lettres 
patentes  du  22  février,  qu'il  y  serait  aussi 
enregistré;  ce  qui  fui  fait  le  23  du  même 
mois.  Cette  chambre  était  composée  d'un 
conseiller  d'Etat  ordinaire,  de  huit  conseillers 
au  grand  conseil,  et  d'un  procureur  général. 
Sa  Majesté,  par  ses  lettres  du  24  mars  1674-, 
déclara  que  dans  l'administration  des  hôpi- 
taux cl  lieux  pieux,  accordée  à  l'ordre  de 
Notre-Dame  du  Mont-Carmcl  et  de  Saint 
Lazare  par  cet  édit  de  1072,  elle  avait  en- 
tendu comprendre  les  hôpitaux  fondés  pour 
la  réception  des  pèlerins  et  des  pauvres  pas- 
sants, et  par  un  autre  édit  du  mois  d'avril 
1675,  elle  déclara  que,  conformément  à  celui 
de  1672  et  à  sa  déclaration  de  1674,  l'ordre 
de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  et  de  Saint- 
Lazare  de  Jérusalem  serait  mis  en  possession 
et  saisine  de  l'administration  de  tous  les  hô- 
pitaux, maladreries,  commanderies  et  autres 
lieux  pieux  qui  lui  avaient  été  accordés, 
même  de  ceux  qui  avaient  été  ci-devant  con- 
cédés et  accordés  par  Sa  Majesté  ou  autres, 
à  quelques  communautés  ecclésiastiques  ou 
laïques,  régulières  ou  séculières,  lors  de  leur 
fondation,  premier  établissement  ou  dotation, 
de  quelque  qualité  et  ordre  qu'elles  fussent. 


Voulant  néanmoins  que  les  hôpitaux,  mala- 
dreries,  commanderies  et  autres  lieux  pieux, 
qui  étaient  actuellement  possédés  par  des 
communautés  tant  séculières  que  régulières, 
et  qui  leur  avaient  été  abandonnés  et  unis 
lors  de  leur  fondation,  dotation,  et  pour 
servir  à  leur  premier  établissement,  conti- 
nuassent de  jouir  comme  par  le  passé  de 
leurs  bâliments,  églises,  chapelles,  lieux  ré- 
guliers, autres  logements,  jardins  cl  clôtures 
y  joignant,  soit  que  lesdits  bâtiments  et  clô- 
tures fissent  partie  des  bâtiments  anciens  de 
ces  hôpitaux,  maladreries  et  lieux  pieux,  en- 
semble de  tous  les  autres  fonds  et  revenus 
que  ces  communautés  pouvaient  avoir  ac- 
quis depuis  leur  établissement,  et  que  sur 
tous  les  biens,  droits  cl  revenus  dépendant 
desdits  hôpitaux,  maladreries,  commanderies 
et  autres  lieux  pieux,  distraction  serait  faite 
au  profil  desdilcs  communautés  de  la  moitié 
de  ces  fonds  et  revenus  (les  charges  ordi- 
naires préalablement  détruites),  pourvu  tou- 
tefois que  lesdits  revenus  n'excédassent  pas 
la  valeur  de  deux  mille  livres  par  an;  et 
qu'au  cas  quo  lesdits  revenus  excédassent 
cette  somme,  il  sérail  fait  seulement  distrac- 
tion du  tiers  au  profit  de  ces  communautés 
pourleurentrelienelsubsistance;  elà  l'égard 
de  l'hospitalité  pour  laquelle  ces  lieux  pieux 
avaient  été  spécialement  fondés,  Sa  Majesté 
voulut  qu'elle  fût  dorénavant  exercée  par 
l'ordro  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  et  do 
Saint-Lazare. 

Il  y  eut,  par  le  moyen  de  ces  édits  et  dé- 
claration ,  un  grand  nombre  d'hôpitaux, 
maladreries  et  lieux  pieux  qui  furent  unis  à 
l'ordre  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel  et 
de  Saint-Lazare,  et  dont  l'on  forma  cinq 
grands  prieurés  et  cent  quarante-cinq  com- 
manderies. Le  roi,  par  ses  lettres  patentes 
du  -28  décembre  1680,  fit  l'érection  de  ces  cinq 
grands  prieurés,  et  Sa  Majesté  dressa  encore 
des  règlements  touchant  la  manière  de  par- 
venir aux  commanderies,  tant  anciennes 
que  nouvelles.  Les  cinq  grands  prieurés  qui 
furent  érigés,  furent  celui  de  Normandie, 
dont  la  résidence  était  au  Monl-aux-Mala- 
des  près  de  Rouen;  celui  de  Bretagne,  dont 
le  chef-lieu  était  à  Auray,  et  avait  pour  an- 
nexe la  commanderie  de  Blois  ;  celui  de  Bour- 
gogne, dont  la  résidence  était  à  Dijon  ;  celui 
de  Flandre,  dont  le  chef-lieu  était  à  Lille; 
et  le  cinquième  était  celui  de  Languedoc.  On 
établit  aussi  un  conseil  de  l'ordre  à  l'Arsenal, 
qui  fut  composé  du  vicaire  général,  du  chan- 
celier, du  procureur  général,  du  grand  mai- 
Ire  des  cérémonies,  du  trésorier,  du  secré- 
taire et  de  cinq  conseillers  de  l'ordre. 

Mais  après  la  mort  du  marquis  de  Louvois, 
arrivée  le  ÎG  juillet  169.1,  les  affaires  de  cet 
ordre  changèrent  de  face.  Sur  les  remontran- 
ces que  firent  au  roi  quelques  ordres  qui 
avaient  été  déclarés  éteints  ou  supprimés  de 
fait  ou  de  droit,  et  dont  les  biens  avaient 
été  unis  à  celui  du  Mont-Carmel  el  de  Saint- 
Lazare  par  ledit  de  1672,  Sa  Majesté  nomma 
des  commissaires  pour  l'examen  de  cet  édit; 
et  après  que  les  commissaires  eurent  écouté 
les  raisons  des  parties  et  en  eurent  fait  rap- 


1047  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  1048 
porl  au  roi,  Sa  Majesté,  par  un  autre  édil  du  tanné  amarante  et  de  sinople,  orlée  d'or,  et 
mois  de  mars  1C!)3,  révoqua  celui  de  1672,  s'étendant  par  les  extrémités  jusqu'aux  bords 
désunissant  de  l'ordre  de  Notre-Dame  du  de  la  daîmalique.  Dessus  celle  daîmalique  il 
Mont-Carmel  et  de  Saint-Lazare,  les  maisons,  porte  un  manteau  long  de  velours  amarante, 
droits,  biens  et  revenus,  qui  étaient  possédés,  doublé  de  satin  vert,  semé  de  fleurs  de  lis 
avant  le  premier  édil,  par  les  ordres  du  d'or  et  de  chiffres  de  doubles  M  pour  l'ordre 
Sàinl-Espritde  Montpellier,  de  Saint  Jacques  du  Mont-Carmel,  et  de  doubles  L  entrelacés 
de  l'Epée  de  Lucqucs,  du  Saint-Sépulcre,  de  d'un  S  pour  l'ordre  de  Saint-Lazare,  avec 
Sainte-Cliristine  de  Somporl,  de  Noire-Dame  une  bordure  autour  du  manteau  composée 
dite  Tcutonique,  de  Saint-Louis  de  Bouche-  du  même  chiffre,  posées  entre  trois  couron- 
raumonl,  et  autres  ordres  hospitaliers,  mili-  nés,  et  un  cariouche  où  est  le  chiffre  du 
tair  s,  séculiers  et  réguliers;  comme  aussi  grand  maître  ,  de  fleurs  de  lis  avec  deux  pâl- 
ies maladrericset  léproseries,  hôpitaux,  ho-  mes  en  sautoir  derrière,  et  de  trophées,  le 
tels-Dieu,  maisons-Dieu,  aumônerics,  con-  lout  en  broderie  d'or.  Le  collet  de  ce  man- 
fréries,  chapel'es  et  autres  lieux  pieux  du  teau  est  de  salin  vert,  sur  lequel  sont  le» 
royaume,  même  ceux  destinés  pour  les  pè-  mêmes  ornements  en  broderie  qu'au  bord  du 
lennsel  les  pauvies,  unis  à  l'ordre  de  Notre-  même  manteau,  et  du  côté  gauche  est  la 
Dame  du  Mont-Carmel  et  de  Saint-Lazare  croix  de  l'ordre  aussi  en  broderie, 
par  I  édil  de  1072  et  déclarations  intervenues  T ,,  ....  ,  ,  ,.  ,,  ,, 
en  conséquence,  soit  que  ces  hôpitaux  ou  .  L  habillement  des  chevaliers  est  semblable 
lieux  [ieux  fussent  possédés  en  tilre  de  béné-  a  celul  du  Sra,nd  maure,  excepte  que  le  man- 
liccs  ou  de  simples  administrations,  et  quoi-  \c,au  cst  seulement  borde  d'un  petit  galon 
que  l'hospitalité  n'y  fût  pas  gardée.  Sa  Ma-  d  or'  sans,  a"cun  c,l,ffre  ni  aulres  or,,l>- 
majes:é  voulut  que  les  biens  et  revenus  pos-  m,e"tsau  bol'd  et  au  reste  du  manteau,  qui 
sédés  avant  cet  édit  de  1672  par  les  ordres  '.'  a,  PonU  DOn,  Plus  de  coilet  S  et  la  cr(,,x  de  la 
du  Saint-Esprit  de  Montpellier  el  les  autres  «almatique  n  est  point  non  plus  orlée  d'or, 
leur  fussent  rendus  el  reslitués,  et  maintint  C01lmie  celle  d"  grand  maître.  Les  chapelains 
les  chevaliers  de  Notre-Dame  du  Mont-Car-  0,"iun8  butane  de  moire  amarante,  avec  un 
melelde  Sainl-Lazare  dans  la  possession  rochel  par-dessus;  el  dessus  ce  rpchot  un 
des  commanderies,  prieurés,  hôpitaux  et  c;"  ,  aussi  ,do  ,no"'°  amarai>le,  au  côté 
aulres  lieux  qui  leur  appartenaient  avant  ga"che  duquel  il  v  a  aussi  la  croix  de  l  or- 
cet  édil.  dre  en  broderie.  L  habillement  des  frères  ser- 

Au  mois  de  décembre  de  la  même  année,  ™nts  consiste  pareillement  en  une  dalmati- 
Sa  Majesté  nomma  pour  grand  mailre  de  cet  que  de  sal'"  blanc'  sur  laquelle  '•  Y  a  ausf' 
ordre  M.  le  marquis  de  Dangeau,  qui  en  une  cro,x  éçartelée  de  tanne  amarante  et  de 
celle  qualité  lui  prêta  serment  de  fidélité  le  s,'n."pU-'  "ia's  qul  "  esl  qu  alaisée-  Sur  ceUe 
18  décembre  1695.  Le  29  janvier  de  l'an-  ««almatiiiue  ils  portent  un  manteau,  seule- 
née  suivante,  10%,  il  se  rendit  dans  l'église  mÈnf,de  draP  amarante,  borde  d'un  peut  ga- 
des  Carmes  des  Billettes,  où  il  jura  sur  les  0I1  d  or;  et  au  côté  gauche  de  ce  manteau  est 
saints  Evangiles  d'observer  et  de  faire  ob-  k'ur  '»edail|e  en  broderie.  Le  héraut  porte 
server  par  les  chevaliers  les  statuts  de  cet  u"e  d;llll)at"iue  de  velours  amarante,  sur 
ordre.  Ensuite  les  ancien-,  chevaliers  lui  pré-  1;,que  le  P.ar  devan'.  Par  dernere  Cl  sur  les 
tèreut  obéissance,  et  après  la  messe  il  en  fit  '"anches,  il  y  a  les  armes  de  1  ordre  en  bro- 
trenle-cinq  nouveaux,  auxquels  il  donna  i'é-  dene  d  or'  l  e<?u  su»nonle  d  une  couronne  a 
pée,  la  croix  elle  livre  des  règles.  anique  ;  sur  la  manche  droite  il  y  a  écrit,  en 

•Jusque-là  ces    chevaliers    n'avaient  point  T1™*  d  °r  l'n  brodcnc  :  0ldre  de Notre-Dame 

eu  d'habits  de  cérémonie,  ils  portaient   seu-  ""  M-ont-Carmel;  et  sur  la  manche  gauche  : 

lement  à  la  boutonnière  du  justaucorps,  com-  (t         '  nl-Lazare. 

me  ils   portent  encore  à  présent,    une   croix  Les  uns  et  les  autres,  à  la  réserve  des  cha- 

d'or  à  huit   raies,  d'un  côlé  émaillée  d'à  ma-  pelains,  qui  ont  un  bonnet  cane,  ont  une  lo- 

rante  avec  l'image  de  la  Vierge  au  milieu,  et  que  de  velours  noir,  >ur  laquelle  il  y  a  une 

de  l'autre  côté  émaillée  de  sinople   avec   l'i-  aigrette  noire,  accompagnée  de  deux  plumes, 

mage  de  saint  Lazare  aussi  au  milieu,  chà-  l'une  amarante  el  l'autre  verte.  Ils  ont  tous 

que  rayon   pommelé  d'or,  avec   une  fleur  de  des  bas  de  soie  amaranlc  el  des  souliers  de 

lis  aus-i   d'or  dans  chacun  des  angles  de  la  velours  de  même  couleur,   dont  les   oreilles 

croix  qu'ils  attachent  à  un  ruban  de  couleur  sont  de  satin  verl  en  broderie  d'or.  Les  novi- 

uinaranle;  el  les  frères  servants  ne  portaient,  ces  ont  un  petit  manteau   de  salin  verl,  au- 

romme  ils  font  encore  à  présent,  qu'une  nié-  1UI'  ''  J  a  une  espèce  de  ca  puce  attaché  par 

ilaille   aux  mêmes    émaux,  attachée    à   une  derrière;  l'huissier  n'a  qu'un  justaucorps  de 

chaîne  sans   ruban.    Mais  M.  le  marquis  de  drap  amarante,  el  précède  dans  les  cérèmo- 

Dangeau  a  ordonné  des  hab  ts  pour  les  céré-  "ies  les  chevaliers,  portant  sur  l'épaule    une 

monics,   et  qui  sont  différents  selon  la  qua-  masse  de  vermeil.  Il  y  a  encore  l'huissier  de 

lilé  des  chevaliers.  l'ordre,  qui  a  seulement  un  justaucorps  vio- 

L'habillement  du  grand  maître  consis'een  'cl  et  porte  une  niasse  de  vermeil  (1). 

une  daîmalique  de  salin  blanc,  sur  laquelle  Ils   s'assemblent  ordinairement  aux  Cir- 

îl  y  a  par  devant   et  sur    les    manches    u;:e  mes  des  Billettes ,  mais  ils  solennisent  la'féte 

croix  large  de  quatre  pouces,   écarlclée  de  de  Noire- Dame  du  Mont-Carmel  et  celle   de 

(I)  V»y.  à  la  lin  du  vol.  n<»  25i  à  -260. 


1049 


MON 


MON 


10«0 


saint  Lazare  dans  l'église  de  Saint-Germain 
des  Prés,  où  ils  se  trouvent  tous  en  habit  de 
cérémonie. 

Pour  être  reçu  dans  cet  ordre,  il  faut  faire 
preuve  de  nolilesse  de  trois  quartiers,  tint 
du  côté  paternel  que  maternel.  Le  grand 
maître  peut  néanmoins  dispenser  de  là  ri- 
gueur d 'S  preuves  de  noblesse  ceux  qui  ont 
rendu  des  services  considérables  au  roi  ou  à 
l'ordre,  et  les  recevoir  cbevaliers  de  grâc?. 
Les  ecclésiastiques  qui  veulent  faire  preuve 
de  nob'esse  tiennent  rang  parmi  les  cheva- 
liers de  justice,  et  il  y  a  encore  des  chape- 
lains et  des  frères  servants  qui  ne  sont  pas 
nobles.  Les  chevaliers,  tant  ecclésiastiques 
que  laïques,  payent  pour  leur  passage  dans 
l'ordre,  mille  livres,  et  les  chapelains  et  les 
frères  servants,  cinq  cents  livres. 

Voici  ce  qui  se  pratique  à  leur  réception 
et  à  leur  profession,  conformément  au  nou- 
veau cérémonial  imprimé  en  1703.  La  messe 
étant  finie  et  le  grand  maître  ou  son  repré- 
sentant étant  assis  dans  un  fiuteuil,  l'offi- 
ciant, revêtu  d'une  chape,  fait  les  bénédictions 
de  la  crois  et  de  l'épée,  après  quoi  le  no- 
vice, qui  a  toujours  été  à  genoux  pendant 
ces  bénédictions,  se  1ère  et  va  se  présenter 
devant  le  grand  maître,  qui  lui  dit  :  Que  de- 
mandez-vous? Le  novice  répond:  Je  vous 
supplie  très-humblement,  Monseigneur,  de  me 
donner  l'ordre  de  chevalerie  de  Notre-Dame 
de  M  ont-Car  mel  et  de  Saint-Lazare  de  Jéru- 
salem. Le  grand  maître  lui  dit  :  Vous  me  de- 
mandez une  (jrdee  qui  ne  doit  être  accordée 
qu'à  ceux  que  le  mérite  en  rend  dignes  autant 
que  la  noblesse  de  leur  naissance,  et  qui  sont 
disposés  à  la  pratique  des  œuvres  de  mis  :ri- 
eorde  envers  les  pauvres  de  Jésus-Christ,  et  à 
verser  leur  sang  pour  la  défense  de  la  religion 
chrétienne  et  pour  le  service  du  roi.  Nous 
avons  appris  par  des  preutes  certaines  que 
les  conditions  et  dispositions  nécessaires  à  la 
grâce  que  vous  nous  demandez  se  trouvent  en 
rous,  ce  qui  nous  a  mus  à  vous  l'accorder. 
Etes-i  ous  disposé  à  vous  servir  île  votre  épée 
pour  la  défense  de  l'Eglise,  le  service  du  roi, 
l'honneur  de  l'ordre  et  la  protection  des  mi- 
sérables? Le  novice  répond:  Oui,  Monsei- 
gneur, avec  l'aide  de  Dieu.  Ensuite  le  grand 
maîirc  lui  dit:  Je  vais  vous  recevoir  dans 
l'ordre  royal,  militaire  et  hospitalier  de  N  i- 
tre-lJame  du  Monl-Carmel  et  de  Saint-Lazare 
de  Jérusalem,  au  nom  du  Père,  el  du  Ftls,  et 
du  Saint-Esprit.  Il  fait,  en  prononçant  ces 
paroles,  le  signe  de  la  croix  sur  le  novice. 
Il  se  lève  de  son  fauteuil,  lire  son  épée  du 
fourreau  et  en  donne  deux  coups,  l'un  sur 
l'épaule  droite,  l'autre  sur  l'épaule  gauche 
du  novice  en  lui  disant  :  Par  Notre-Dame  du 
Mont-Carmel  et  pur  saint  Lazare,  je  vous  fuis 
chevalier. 

Le  nouveau  chevalier  se  met  ensuite  à 
genoux  devant  le  grand  maître,  et  reçoit  de 
lui  l'épée  en  baisant  la  main  du  grand  maî- 
tre, qui, en  lui  donnant  l'épée,  lui  dit  -.Servez- 
vous  de  votre  épée  selon  l'esprit  de  la  religion, 
el  non  pas  selon  le  mouvement  de  vos  pas- 
sions, el  souvenez-vous  que  vous  n'en  devez 
jamais  frapper  personne  injustement.  Cheva- 


lier, soyez  désormais  vigilant  au  service  de 
Dieu  et  de  la  religion,  obéissant  à  vos  sapé- 
rieurs,  soumis  à  leurs  ordres  et  patienta  leurs 
corrections.  Sachez  que  les  lois  de  la  religion 
où  vous  êtes  entré  vous  obligent  à  l'exercice 
de  toutes  les  vertus  chrétiennes  et  momies,  et 
à  les  porter  à  un  /dus  huit  point  que  ne  fait 
le  commun  des  chrétiens. 

Le  grand  maître,  en  donnant  la  croix  au 
nouveau  chevalier,  lui  dit  encore:  Je  vous 
donn-  la  croix  de  notre  ordre;  vous  ta  porte- 
rez toute  votre  vie  au  nom  de  la  sainte  Tri- 
nité, Père,  Fils  et  Saint-Esprit.  Elle  vous  doit 
faire  souvenir  de  la  passion  de  Noire-Sei- 
gneur, etvous  engage  v)  l'observance  des  suintes 
règles  et  des  statuts  de  la  religion.  Elle  est 
ornée  de  /leurs  de  lis,  pour  vous  enseigner  la 
fidélité  que  vous  devez  avoir  pour  le  service 
du  roi,  dont  la  piété  «t  le  zèle  ont  donné  de 
l'appui  et  de  la  gloire  à  notre  ordre.  11  lui 
doune  ensuite  le  livre  des  prières  et  statuts 
de  l'ordre,  en  lui  disant  :  Je  vous  donne 
aussi  le  livre  des  prières  et  des  statuts  de  no- 
tre ordre  ;  tous  y  apprendrez  quels  sonl  vos 
devoirs. 

Après  ces  cérémonies,  le  nouveau  cheva- 
lier, ayant  les  mains  posées  sur  les  saints 
Evangiles  que  tient  le  grand  maître,  pro- 
nonce à  haute  voix  ses  vœux  en  ces  termes: 
Moi  N.  promets  et  voue  à  Dieu  tout-puissant, 
à  la  glorieuse  Vierge  Marie,  mère  de  Dieu,  à 
saint  Lazare,  et  à  Monseigneur  le  grand  maî- 
tre,d'observer  toute  ma  vie  les  saints  comman- 
dements de  Dieu  et  ceux  de  la  sainte  Eglise 
catholique,  apostolique  et  romaine  ;  de  servir 
d'un  grand  zèle  à  la  défense  de  lu  foi,  lors- 
qu'il me  sera  commandé  p  ir  mes  supérieurs, 
d'exercer  lu  charité  et  les  teuvres  de  miséri- 
corde envers  les  pauvres,  et  particulièrement 
les  lépreux  selon  mon  pouvoir,  de  garder  au 
roi  une  inviolable  fidélité;  et  à  Monseigneur 
le  grand  maître,  de  lui  rendre  ime  parfaite 
obéissnice,  et  de  garder  to  ite  ma  vie  la  chas- 
teté libre  el  conjugale.  Ainsi  Dieu  très-bon, 
tris-grand  et  très-puissant  me  soit  en  aide,  et 
les  saints  Evangiles  par  moi  touchés.  Si  l'on 
reçoit  un  étranger  qui  n'est  pas  sujet  du  roi, 
il  dit  seulement,  de  garder  à  Monseigneur 
le  grand  maître  une  fidélité  inviolable,  de  lui 
rendre  une  parfaite  ob  issance,  etc. 

Après  que  le  nouveau  profès  a  prononcé 
se<  vœux,  le  grand  maître  lui  dit:  Venez 
présentement  gucje  vous  embrasse  et  que  je 
vous  reconnaisse  comme  notre  frère  et  cheva- 
lier de  notre  ordre,  et  en  cette  qualité  défen- 
seur de  la  fui.  fidèle  serviteur  du  roi,  protec- 
teur des  pauvres,  et  sujet  et  soumis  à  nos  rè- 
glements. Allez  remercier  Dieu  delà  grâce  qui 
vous  est  fuite  et  signer  votre  profession  et 
vos  verux.  Si  c'e-l  un  étranger.,  on  retranche 
aussi  ces  trois  mots  :  Fidèle  serviteur  du  roi. 
Quoique  l'on  voie  des  armes  de  la  plupart 
de  ces  chevaliers  entourées  d'un  collier,  ils 
ne  le  portent  pas  néanmoins  dans  les  céré- 
monies, ce  collier  n'ayant  pas  été  encore  ap- 
prou\é  p.ir  le  roi,  comme  l'ont  été  les  habits 
que  M.  le  marquis  de  Dangeau  a  ordonnés 
pour  les  cérémonies  aux  fêles  solenuel'es  et 
aux  grandes  assemblées  do  l'ordre  depuis 


1051 


DICT10NNA1KE  DES  OKDRES  RELIGIEUX. 


lu.N* 


qu'il  en  cil  grand  maître.  Ce  collier,  qui  est 
d'or,  est  composé  de  chiffres  qui  désignent  le 
nom  de  la  sainte  Vierge  par  ces  deux  lettres 
M  et  A,  entrelacées  l'une  dans  l'autre  :  entre 
ces  chiffres  il  y  a  trois  giosses  perles,  et  au 
bas  du  collier  pend  la  croix  telle  que  nous 
l'avons  décrite.  Peut-être  que  ce  collier 
pourra  être  autorisé  par  Sa  Majesté  lors- 
qu'elle approuvera  les  nouveaux  staluts  de 
l'ordre  auxquels  l'on  travaille  actuellement  ; 
car  sur  les  différends  survenus  depuis  quel- 
ques années  entre  le  grand  maître  et  lechan- 
celier  de  l'ordre,  qui  ont  donné  lieu  à  plu- 
sieurs faclums  de  part  et  d'autre,  le  roi 
ayant  nommé  des  commissaires  pour  en  con- 
naître, il  a  été  orJonné  que  l'on  tiendrait 
un  chapitre  général,  où  l'on  dresserait  de 
nouveaux  staluts  pour  servir  à  l'avenir  de 
règlements  uniformes  dans  l'ordre,  et  ce  cha- 
pitre s'est  tenu  au  mois  de  décembre  de  l'an- 
née dernière. 

Bernard  Giustiniani,  Hisl.  chronuhg.  di 
tutti  gli  Ordini  militari.  P.  a  Sancto  An- 
dréa, Hist.  gênerai.  Fratrum  Discalceulo- 
rum  ord.  B.  M.  Virg.  de  Monte  Carmelo. 
Toussa  nt  de  Saint-Luc,  Abrégé  hist.  de 
l'institution  de  l'ordre  de  Notre-Dame  du 
Mont-Carmel,  Du  même,  Office  à  l'usage  des 
chevaliers  de  cet  ordre,  avec  leurs  règles  et 
statuts,  cérémonial  de  la  réception  et  profes- 
sion des  mêmes  chevaliers,  et  plusieurs  fac- 
lums et  mémoires  concernant  cet  ordre. 

11  semblerait  qu'après  les  décisions  ou  ar- 
rêts de  deux  souverains  pontifes,  l'ordre  do 
Saint-Lazare  eût  dû  être  regardé  comme 
éteint  en  France  ;  loin  de  là,  il  s'y  est  main- 
tenu, et  après  sa  renaissance,  dans  son  union 
avec  l'ordre  du  Mont-Carmel,  il  est  devenu 
plus  brillant  qu'auparavant,  et  même,  par, 
une  disposition  toute  contraire  à  ce  qui  s'est 
vu  dans  les  autres  ordres,  celui-ci  a  été  plus 

finissant  à  ses  dernières  années  que  dans 
es  siècles  précédents.  11  est  vr.ii  qu'il  n'é- 
tait plus  guère  considéré  que  comme  cheva- 
lerie honorifique ,  au  lieu  d'être  regardé 
comme  ordre  religieux,  ainsi  qu'il  l'avait 
été  à  son  origine. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  surprenant,  c'est  qu'un 
ordre  entièrement  el  uniquement  religieux, 
l'ordre  de  Saint-Kuf,  ail  cherché,  ait  obtenu 
son  union  canonique  à  l'ordre  des  chevaliers 
de  Saint-Lazare  et  du  Mont-Carmel. 

Les  deux  instituts  travaillèrent  à  cette 
réunion  par  des  motifs  convenables  dans 
les  chevaliers  du  Mont-Carmel,  mais  peu 
honorables  dans  les  chanoines  de  Saint-Kuf, 
car  ils  n'y  cherchaient  qu'une  voie  honnête 
pour  quitter  leur  règle  et  leur  sainte  profes- 
sion. Nous  parlerons  plus  longuement  de 
cette  affaire  à  l'article  Rcf  (Saint-),  mais 
nous  devons  en  donner  ici  une  idée  suffi- 
sante; et  cela  se  commença  avant  l'édil  qui 
créa,  en  17G8,  celle  commission  si  funeste 
aux  ordres  monastiques  en  France,  el  dont 
nous  ferons  connaître  l'esprit,  surtout  dans 
notre  Supplément. 

Le  projet  avait  été  formé  par  l'abbé  de 
Saint-Kuf  cl  quelques  membres  de  sa  con- 
grégation. Le  5  janvier  17G0,  il*  passèrent 


un  concordat  avec  les  chevaliers  de  Saint- 
Lazare;  le  11  octobre,  ils  obtinrent  de 
Louis  XV  un  brevet  qui  permit  aux  chanoi- 
nes réguliers  de  Saint-Kuf  de  poursuivre  en 
cour  de  Rome  leur  sécularisation,  etc.,  et 
l'union  de  leurs  biens  à  l'ordre  de  Notre- 
Uarae  du  Mont-Carmel  et  de  Saint  Lazare. 
L'assemblée  du  clergé  de  France,  en  1762, 
blâma  et  réprouva  ce  susdit  concordat  qui 
lui  avait  été  déféré,  et  se  plaignit  à  Home. 
Clément  XIII  ne  voulut  point  accorder  aux 
deux  ordres  ce  qu'ils  demandaient.  Clé- 
ment XIV  fut  moins  difficile,  mais  néan- 
moins n'agit  que  parce  que,  dit-on,  il  se 
laissa  surprendre.  11  donna,  le  1«  juil- 
let 1771,  un  bref  qui  sécularisait  les  mem- 
bres de  l'ordre  de  Saint-Kuf  supprimé,  et 
les  unissait  à  l'ordre  de  Saint-Lazurc.  L'af- 
faire était  déplorable  sans  doute,  mais  de- 
vait être  finie,  puisque  le  pape  avait  pro- 
noncé. Il  n'en  fut  point  ainsi.  Le  clergé  de 
France,  réuni  en  1772,  fit  tous  ses  efforts 
pour  empêcher  l'exécution  du  bref.  Dans 
son  assemblée  du  23  juin,  il  entendit  un 
rapport  admirable  sur  ce  malheureux  inci- 
dent, et,  chose  étonnante  I  cet  excellent  rap- 
port était  de  Btienne,  archevêque  de  Tou- 
louse, qui  devait  bientôt  contribuer  si  lar- 
gement à  la  destruction  de  l'état  religieux 
dans  noire  pays.  Le  bref  fut  révoqué  par  une 
bulle  du  10  décembre  1772,  confirmée  par 
lettres  patentes  du  18  janvier  1773,  enregis- 
trées le  27  février  suivant.  Cette  bulle  ras- 
sura le  clergé  sur  les  projets  d'envahisse- 
ment de  l'ordre  de  Saini-Lazare.  Celui-ci, 
au  moyen  d'un  dédommagement  accordé  par 
le  clergé,  renonça  pour  toujours  non-seule- 
ment à  toute  prétention  sur  les  biens  de 
Saint-Kuf,  des  Céleslins  ou  de  toute  autre 
congrégation,  mais  à  toute  espèce  de  répéti- 
tion des  biens  qu'il  pouvait  croire  lui  avoir 
appartenu  et  dont  jouissaient  les  hôpitaux, 
et  généralement  tous  les  établissements  ec- 
clésiastiques séculiers  ou  réguliers. 

Ce  n'était  pas  seulement  auprès  des  cha- 
noines de  Sainl-Kuf  que  l'ordre  de  Saint-La- 
zare avait  l'ait  des  tentatives  d'invasion, 
mais  il  avait  été  autorisé  par  un  brevet  à 
traiter  avec  les  Célestins  ;  plusieurs  ordres 
avaient  été  tentés,  et  spécialement  les  Anlo- 
nins,  qui  heureusement  résistèrent,  et  qui, 
par  des  motifs  plus  nobles,  s'unirent  aux 
chevaliers  de  Malte,  qui  les  firent  bientôt  se 
repentir  de  cette  union. 

Grands  maîtres  de  l'ordre  de  Saint-Lazare  et 
commandeurs  de  Boigny. 

Frère  Gérard  (suivant  le  P.  de  Saint-Luc). 

Thomas  de  Semville,  maître  et  procureur 
général  de  l'ordre  et  chevalerie  de  Saint- 
Ladre  de  Jérusalem  et  chapitre  de  lioigny. 

Frère  Jean  de  Paris,  mort  en  1304.  —  La 
P.  de  Saint-Luc,  pag.  L'i8,  149,  cite  celte 
inscription  de  la  Sainte-Chapelle  de  Boigny  : 
Ci-git  frère  Jean  de  Paris,  chevalier,  jadis 
maître  de  l'ordre  de  Saint-Lazare  de  Jérusa- 
lem, gui  trépassa  l'an  de  grâce  1304,  le  lundi 
deuxième  jour  du  mois  de  janvier.  Priez  Dieu 
pour  l'âme  du  défunt. 


«053 


MON 


MON 


105i 


Frère  Jean  de  Couras,  chef  maîlrc  de 
tout  l'ordre   de  Sainl-Lazarc  de  Jérusalem. 

Jean  de  Bévues,  chef  général  et  maître  de 
tout  l'ordre  de  Sainl-Lazarc,  tant  deçà  que 
delà  la  mer.  Il  est  enterré  à  Boigny,  et  on 
lit  ce  qui  suit  sur  sa  tombe  :  De  Beïnes, 
chevalier,  jadis  maître  de  l'ordre  de  Saint-La- 
dre de  Jérusalem.  (Tout  le  reste  est  effacé 
jusqu'à  ces  mots  :)  Priez  Dieu  pour  l'âme  du 
défunt. 

Pierre  des  Buaulx,  maître  de  tout  l'ordre 
de  Saint-Lazare  de  Jérusalem. 

Frère  Pierre  Le  Cornu.  —  D;ins  son  ou- 
vrage, Sainl-Luc  dit  que,  dans  un  acte  capi- 
tulaire  du  mardi  des  fériés  de  la  Pente- 
cote  1481,  il  est  fait  mention  que  ledit  Le 
Cornu  avait  succédé  au  grand  maître  des 
Ruaulx,  et  qu'il  prenait  dans  cet  acte  la  qua- 
lité de  chevalier,  grand  maître  de  tout  l'ordre 
et  noble  chevalerie  de  Saint-Lazare  de  Jéru- 
salem, deçà  et  delà  la  mer. 

1488.  Frère  François  d'Amboise,  maître 
et  chef  général  de  tout  l'ordre  de  Saint-La- 
zare de  Jérusalem. 

1494,  1506,  1511.  Frère  Agnan  de  Mareuil. 

1521.  Frère  François  de  Bourbon.  —Sainl- 
Luc  cite  un  aveu  du  18  juin  1521. 

1547.  Frère  Claude  de  Mareuil.  —  Saint- 
Luc  cite  l'arrêt  du  parlement  du  16  fé- 
vrier 1547,  où  ledit  Claude  de  Mareuil  est 
établi  commandeur  de  Hoigny  et  maître  gé- 
néral de  l'ordre  de  Saint-Lazare  de  Jérusa- 
lem. Cet  arrêt  est  aux  archives.  H  y  en  a 
d'autres  du  dernier  janvier  1544,  du  20 
août  1547,  18  août  1548,  15  juin  1549, 
18  millet  1551. 

Frère  Jean  de  Conti.  —  Sainl-Luc  cite  un 
acte  capilulaire  d'un  chapitre  général  tenu  à 
Boigny  aux  fériés  de  la  Pentecôte,  dans  le- 
quel ledit  frère  Jean  de  Conti  est  étal)  i  maî- 
tre général  de  tout  l'ordre  de  chevalerie  de 
Saint-Lazare  de  Jérusalem  deçà  et  delà  la 
mer,  et  donne  à  un  chevalier  natif  de  Cala- 
it re  l'administration  des  biens  dépendant  de 
l'ordre  du  territoire  de  Suessano  dans  la 
Pouille,  à  la  charge  de  220  florins. 

Frère  Jean  de  Lévi.  —  Sainl-Luc  dit  qu'il 
fut  pourvu  de  cette  charge  par  Henri  II, 
qu'il  obtint  des  bulles  en  cour  de  Home,  et 
qu'il  se  démit  de  sa  charge  entre  les  mains 
du  roi.  11  cité*  un  arrêt  du  grand  conseil  du 
10  décembre  15(55,  dans  lequel  ledit  de  Lévi 
est  nommé  [trieur  et  commandeur  du  prieuré 
et  commanderie  de  Boigny,  grand  maître  et 
administrateur  de  l'ordre   de  Saint-Lazare. 

1567.  Frère  Michel  de  Seure.  —  Aux  ar- 
chives ,  arrêts  du  parlement  du  18  jan- 
vier 1571  et  1574,  où  ledit  de  Seure  e»l  établi 
chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusa- 
lem, commandeur  de  la  commanderie  de 
Boigny,  grand  maître  et  administrateur  de 
Saint-Lazare  de  Jérusalem. 

1578.  Frère  François  de  Silviati. — Ar- 
rêts du  parlement  de  Paris,  31  août  1584, 
29  janvier,  8  avril  et  24  mai  1585,  8,  16, 
22  mai,  et  5  août  1586,  9  et  10  mars  1587, 
et  4  juin  1597. 

1604.  Thilipert  de  Néreslang,  grand  maître 
de  l'ordre  de  Saitit-Lazare,  sur  la  démission 


de  Charles  de  Gayanl,  el  grand  maître  de 
l'ordre  de  Notre-Dame  de  Mont-Carmel. 

1612.  Claude  de  Néreslang,  grand  maître 
de  Saint-Lazare  el  de  Notre-Dame  de  Mont- 
Carmel. 

1G39.  Charles-Achille,  marquis  de  Néres- 
lang, reçu  en  survivance,  le  16  août. 

1645.  Ledit  Charles-Achille,  marquis  do 
Néreslang. 

1673.  François  Le  Tellier,  marquis  de 
Louvois,  grand  vicaire  général  de  l'ordre  de 
Noire-Dame  du  Monl-Carmel  et  de  Saint- 
Lazare  de  Jérusalem,  sur  la  démission  vo- 
lontaire de  M.  Charles-Achille,  marquis  de 
Néreslang. 

1693.  Philippe  de  Courcillon,  marquis  do 
Dangeau. 

1721.  Louis,  duc  de  Chartres,  puis  duc 
d'Orléans. 

Après  la  mort  de  M.  le  duc  d'Orléans,  ar- 
rivée en  1752,  le  roi  fut  quelques  années 
sans  donner  de  grand  maître  aux  ordres 
royaux,  militaires  et  hospitaliers  de  Notre- 
Dame  de  Monl-Carmel  et  de  Saint-Lazare  de 
Jérusalem.  Déterminé  enfin  à  en  nommer 
un,  il  fit  choix,  en  1757,  de  M.  le  duc  de 
Berri,  fils  de  France,  et  le  pape  Benoît  XIV, 
mort  en  1758,  accorda  à  ce  prince  les  bulles 
nécessaires,  qui  lurent  enregistrées  la  même 
année  au  grand  conseil.  Et  attendu  la  trop 
grande  jeunesse  dudit  prince,  Sa  Majesté 
nomma,  au  mois  de  juin  de  l'année  susdite, 
M.  Louis  Phelypeaux,  comte  de  Saint-Flo- 
rentin, conseiller  en  tous  ses  conseils,  mi- 
nistre et  secrétaire  d'Etat,  pour  régir,  admi- 
nistrer et  gouverner  lesdils  ordres,  jusqu'à 
ce  que  le  nouveau  grand  maître  fût  en  âge 
d  en  prendre  par  lui-même  l'administration. 
Le  roi,  voulant  aussi  aviser  aux  moyens  les 
plus  propres  pour  que  lesdits  ordres  pus- 
sent se  soutenir  avec  splendeur  ,  jugea  à 
propos  d'expliquer  par  un  nouveau  règle- 
ment ses  intentions  sur  le  nombre  des  che- 
valiers dont  il  veut  qu'ils  soient  à  l'avenir 
composés,  et  sur  les  qualités  des  personnes 
qui  y  seront  admises.  Ce  nouveau  règlement, 
dalé  du  15  juin  1757,  est  compris  en  xv  arti- 
cles, dont  les  principaux  sont  :  Que  nulle 
personne  ne  pourra  être  reçue  et  admise  à 
l'avenir  par  le  grand  maître  desdits  ordres, 
qu'elle  n'ait  fait  ses  preuves  de  la  religion 
catholique,  apostolique  et  romaine,  et  celle 
de  quatre  degrés  de  noblesse  paternelle  seu- 
lement, le  novice  compris  ;  que  le  nombre 
des  chevaliers  sera  fixé  à  l'avenir  à  cent,  y 
compris  les  ecclésiastiques,  qui  ne  pourront 
y  occuper  plus  de  huit  places,  et  qui  seront 
obligés  aux  mêmes  preuves  que  les  cheva- 
liers laïques  ;  qu'on  recevra,  par  préférence 
à  toutes  autres  considérations,  les  person- 
nes qui  seront  ou  qui  auront  été  employées 
au  service  de  Sa  Majesté  dans  l'intérieur  du 
royaume,  près  de  sa  personne,  dans  les  cours 
étrangères  ou  dans  les  places  ou  emplois 
de  confiance;  qu'il  faudra  avoir  l'âge  de 
30  ans  accomplis  pour  être  reçu,  ou  au 
moinsde25ans  accomplis, au  cas  que  quelque 
raison  particulière  oblige  à  admettre  quel- 
qu'un au-dessous  de  l'âge  de  30  aus;  qu'il 


1055 


DICTIONNAIRE  DES    ORDRES  RELIGIEUX. 


io:>6 


ne  sera  plus  reçu  à  l'avenir  dans  lesdils  or- 
dres, des  chevaliers  de  grâce,  commandeurs, 
fondateurs  ni  servants  ;  que  le  droit  de 
passagt:  et  autres  frais  qui  seront  payés  par 
chacun  des  chevaliers  qui  seront  à  l'avenir 
admis  dans  lesdits  ordres,  sera  fixé  à  la 
somme  de  1,000  livres,  et  le  droit  des  officiers 
à  celle  de  120  livres,  pour  être  distribuée 
entre  eux  suivant  l'usage  jusqu'à  présent 
observé,  indépendamment  des  honoraires  du 
généalogiste;  que  les  chevaliers  porteront 
au  cou  la  croix  desdits  ordres  attachée  à  un 
ruban  de  couleur  amarante  ,  et  dans  les 
occasions  de  cérémonie  ils  porteront  la 
croix  ainsi  et  de  la  manière  dont  il  en  a  été 
usé  jusqu'à  présent  ;  que  ceux  des  gentils- 
hommes qui  auront  été  élevés  dans  l'école 
royale  militaire  et  que  Sa  Majesté  jug'ra  à 
propos  d'admettre  dans  lesdits  ordres,  y  se- 
ront reçus,  en  faisant  également  preuves  de 
la  religion  et  de  la  noblesse,  comme  les  au- 
tres; mais  qu'ils  pourront  y  être  admis  quoi- 
qu'ils n'aient  pas  l'âge  présent,  et  que  le 
nombre  de  cent  soil  rempli,  et  aussi  avec 
exemption  du  droit  de  passage  et  de  tous 
autres  droits.  Ces  règlements  ont  été  laits 
et  arrêtés  à  Versailles,  le  roi  y  étant,  le 
15  juin  1757  ,  el  imprimés  à  l'imprimerie 
royale,  in-4°. 

Il  y  eut  encore  une  confirmation  des  or- 
dres du  Monl-Carmel  et  de  Saint-Lazare, 
par  Louis  XV  en  1770.  Lorsque  la  révolu- 
tion, en  1700,  le  20  juin,  abolit  les  ordres  de 
chevalerie,  titres,  etc.,  le  grand  maître  et 
chef  général  de  celui-ci  élail  Monsieur,  de- 
puis Louis  XV11I.  Le  comte  d'Agoult  était 
prévôt  et  maître  des  cérémonies  ;  Gaultier  de 
Sibcrl  était  historiographe,  el  il  a  justifié 
celte  fonction  en  donnant  en  effet  l'histoire 
de  l'ordre.  11  y  eut  un  grand  nombre  de  che- 
valiers nommés  en  1788;  nous  ignorons  s'il 
y  a  eu  des  promotions  postérieures  à  cette 
date.  Dans  un  chapitre  tenu  eu  avril  177i,  il 
fut  ordonné  à  tous  les  chevaliers  el  com- 
mandeurs de  porter  une  croix  verte  à  huit 
pointes,  cousue  sur  l'habit,  el  dans  les  cé- 
rémonies sur  le  manteau,  et  depuis  177S 
cette  croix  élail  en  paillons  d'or  verl. 

A  la  restauration,  cet  ordre  reprit  son  rang 
et  ses  digni  es.  Le  roi  fut  toujours  désigné 
comme  prolecteur,  mais  il  n'y  eut  pas  de 
grand  maître  nommé,  ni  de  promotions  fai- 
tes, quoique  nous  croyions  qu'une  ordon- 
nance royale  ait  été  rendue,  en  novem- 
bre 181G,  en  laveur  de  l'ordre  de  Saint-La- 
zare. M.  Silvestre  reprit  les  fonctions  de 
héraut  d'armes,  qu'il  avait  avant  la  révolu- 
tion. M.  Dacier  lut  historiographe;  les  che- 
valiers curent  un  chapelain  en  litre  à  Ver- 
sailles, AI.  l'abbé  Picot.  Ces  trois  derniers 
vivaient  encore  en  1830,  el  l'ordre  comptait 
alors  quatorzechevaliers.  Louis  XVIII,  étant 
à  Mitiau,  avait  nommé  le  baron  de  Drcisen, 
officier  russe,  à  la  dignité  de  chevalier  d'hon- 
neur de  Tordre  de  Saint-Lazare. 

Presque  tous  les  historiens,  les  Indica- 
teurs t  etc.,  écrivent  Ordres  de  Suint-Lazare 
tl  du  Mont-Carmd  réunis....  C'est  une  er- 
reur ou  un  oubli.  L'ordre  de  Saint-Lazare, 


aboli,  avait  été  absorbé  par  l'ordre  du  Mont- 
Carmel,  sous  la  lettre  duquel  nous  les  avons 
placés  ici.  Il  est  vraisemblable  que  cet  ordre 
religieux  et  militaire  est  pour  toujours  aboli 
en  France,  où  il  a  disparu  par  le  fait  à  la 
révolution  de  juillet  1830.  —  Almanach 
Royal.  —  Mémoire  sur  l'état  religieux  et  sur 
la  commission  établie  pour  les  Réguliers,  in-12 
(par  l'abbé  iMey).  —  Dictionnaire  de  Mo- 
réri,  édition  de  1759.  —  Histoire  des  ordres 
royaux,  hospitaliers  et  militaires  de  Saint- 
Lazare  de  Jérusalem  et  de  Notre- Dr.me  du 
Monl-Carmel;  Liège  el  Bruxelles,  1775,  iu-4% 
par  Gaullisr  de  Sibert,  etc.  I5-d-e. 

MONT-CAHMEL  (Tiers  Ordre  du). 

De  l'origine  du  Tiers  Ordre  des  Carmes  et  des 
Béates  du  même  ordre. 

Le  P.  Papebroch  s'est  trompé  lorsqu'il  dit 
(Respons.  ad  P.  Sebastianum  a  S.  Paulo,  art. 
20,  n.  16)  que  la  marque  que  les  religieux 
de  Saint-François  donnent  à  leurs  tierciaires 
est  un  cordon,  et  que  celle  que  les  Carmes 
donnent  aussi  à  leurs  tierciaires  est  un  petit 
scapulaire  en  forme  de  billeltes.  C'est  ainsi  , 
dit-il ,  que  les  Français  nomment  de  petits 
morceaux  de  drap  longs  et  carrés;  et  c'est 
aussi  pourquoi  l'on  a  donné  à  Paris  le  nom 
de  Billeltes  aux  Carmes  qui  ne  sont  pas  dé- 
chaussés. 

Premièrement  il  n'est  pas  vrai  que  les 
Carmes  de  l'Observance  de  Rennes,  qui  sont 
ceux  qu'on  nomme  Billeltes  à  Paris,  aient 
été  ainsi  appelés  à  cause  du  scapulaire  en 
forme  de  billeties  qu'ils  donnent  aux  per- 
sonnes qui  ont  dévotion  de  le  recevoir,  car 
il  y  avait  déjà  plus  de  trois  cents  ans  que  ce 
nom  était  donné  aux  religieux  hospitaliers 
de  la  Charité  de  Notre-Dame,  qui  cédèrent, 
l'an  1632,  à  ces  religieux  Carmes  le  couvent 
des  Rillettes,  qui  fui  bâti  l'an  1291  en  la  rue 
des  Jardins,  appelée  dans  la  suite  des  Billet- 
ies, à  la  place  de  la  maison  d'un  juif  qui  avait 
fait  plusieursoutrages  à  la  sainte  hostie,  qui 
depuis  ce  temps-là  a  été  conservée  avec  beau- 
coup de  vénération  dans  l'église  de  Saint- 
Jean  en  Grève  ;  et  quoique  les  Français 
donnassent  autrefois  le  nom  de  billeltes  à  des 
pièces  d'étoile  d'or,  d'argent,  ou  de  couleur, 
plus  longues  que  larges,  qui  se  cousaient 
par  intervalle  sur  les  habits  pour  leur  servir 
d'ornement,  et  qu'on  a  depuis  transportées 
surlesécus,  comme  on  peut  voir  dans  les 
armoiries  des  maisons  de  Choiseul  ,  de  Beau- 
manoir  el  de  plusieurs  autres,  néanmoins 
ce  mot  a  eu  plusieurs  significations,  et  se 
prend  encore  pour  une  enseigne  en  forme  de 
barillet  qu'on  met  aux  lieux  où  l'on  doit 
péage  (Dictionnaire  universel  de  Trévoux,  au 
mut  Billettk).  Ainsi  il  y  a  bien  de  l'appa- 
rence que  le  nom  de  Billette,  qui  a  été  donné 
d'abord  au  monastère  que  les  Carmes  occu- 
pent à  préseul  depuis  l'an  1632,  lequel  leur 
fut  cédéel  qui  a  été  bâti ,  comme  nous  avons 
dit ,  dès  l'an  1294,  vient  de  ce  qu'à  la  maison 
du  juif  qui  fut  démolie  il  y  avait  pour  ensei- 
gne trois  ou  quatre  billeltes,  comme  remar- 
que le  P.  du  Breuil  dans   les  An  iquités  de 


«057                                  MON  MON                                r>58 

Paris (liv.  u, pag. 977),sice  n'c  t ,dil ce  Père,  soupe  seulement  à  parler  de  scapulaire  parmi 

que  Tonne  voulût  dériver  ce  nom  du  mol  latin  les  (larmes. 

bilis  ntrn,  delà  colère  et  fureur  de  ce  juif.  Mais  pourquoi  la  confrérie   du  Scnpulaire 

Il  n'esl  pas  vrai  non  plus  que  les  religieux  n'aurait-elle   pas  été  établie  plus  de  quatre 

de  Sainl-François  donnent  à  leurs  tierciaires  cents  ans  avant  i|ue  les  ('.armes  eussent  porté 

un  cordon  ,  et  les  Carmes  un  petit  scapulaire  le  scapulaire ,  puisque  leur  troisième  ordre  a 

composé   de  deux    petits   morceaux  de  drap  été    institué,  selon   quelques-uns     de    leurs 

carrés.  Le  P.   l'apebroch  a  sans  doute  con-  écrivains,  plus  de  deux  mille  ans  avant  que 

fondu  les  confrères  du  cordon  de  Saint-Fran-  l'on  eût  connu  le  premier?  Entre  les  autres 

cois   et  du  scapulaire  des  Cannes  avec    I  s  Didace  Marlinez  Curia,  dans  un  traité  parli- 

tierciaires  de  ces  ordres.  Il  y  a  ce|  endant  une  culierqu'ila  fait  de  ces  tierciaires,  imprimé  à 

grande  différence  entre  les  uns  et  les  autres;  Séville  en  15i>2,  dit  qu'ils   descendent  immé- 

car  quoique  le  mol  deconfrériesoil  fort  hoiso-  dialement  du  prophète  Elie  ,   aussi   bien  que 

rable  ,  et   qu'on  entende    par  là   plusieurs  les  Garnies.  En  effet,  entre  les  grands  hommes 

personnes  unies  ensemble  par  les  liens  de  la  qui  ont  fait  profession,;!  ce  qu'il  dit.  de  ce  Tiers 

charité   pour  s'employer  à  de  bonnes  œu-  Ordre,  il  met  le  prophète  Abdia*,   qui   vivait 

vres,  et  que  ces  sortes  de  confréries  aient  été  huit  cents  ans  avant  la  naissance  de  Jésus- 

approuvées  par   le   saint-siége   ou    par   les  Christ ,  et  il  a  cru  que  cet  ordre  serait  aussi 

évéques  des    lieux    où    elles    sont  établies,  beaucoup  honoré,  si  aux  personnes  de  l'autre 

néanmoins  les  règlements  et  ce  qui  serf  à  y  sexe  qui  en  ont   aussi    fait  profession  il  joi- 

maintenir  une  observance  uniforme  ne  sont  gnait  la  bisaïeule  du  Sauveur  du  monde,  sous 

que  sous  le  nom  de  statuts,  et  il  suffit  pour  le  nom  emprunté  de  sainte  Eméreniicnne. 

y  entrer  de  se  faire  enregistrer  dans  la  liste  Pour  prouver  l'antiquité  prétendue   de  ce 

des  confrères  ;  au  lieu    que  ce   qui    sert  à  Tiers  Ordre,  il  rappoiteles  bulles  Me  Léon  IV", 

maintenir  l'observance  parmi  les  tierciaires  d'Etienne  V,  d'Adrien  11  et  des  autres  papes 

est  sous   le   nom  de   règle,  et  qu'il  faut  que  dont  nous    venons  de   parler,    qui   ont  aussi 

ces  tierciaires  soient  éprouvés  par  un  noviciat  accordé,  à  ce  qu'il  prétend,  la  rémission  de  la 

d'un  an,  au  boul  duquel  ils  font    profession  troisième  partie  de  leurs  péchés  à  ceux  de  cet 

avec  des  vœux  simples.  Quoiqu'on  ne  puisse  ordre  le  jour  qu  ils  prendraient  l'habit:  mais 

pas   dire    qu'ils    soient    religieux,    à   moins  nous  avons  assez  réfuté  ces  prétendues  hul  es 

qu'ils  ne   soient  engagés   par  des  vœux  so-  à  l'article  Carmes  ;  c'est   pourquoi  nous  n'eu 

lennels,   comme  les    religieux  Pénitents  du  parlerons  pas  davantage,   et  nous  nous  con- 

Ti;rs  Ordre  de  Saint-François  elles  religieu-  tenterons  seu.cnienl  de  faire  remarquer  deux 

ses  du  Tiers  Ordre  de  Saint-Dominique,  ce-  contradictions    manifestes    dans     lesquelles 

pendant  leurs  congrégations  sont  de  vérita-  Coria  est  tombé. 

blés  ordres,  parce  que,  dans  le  cas  dont  il  L,i  première,  c'est  que  cet  auteur  parlant 
s'agit,  le  mol  d'ordre  signifie  une  manière  de  d'un  Tiers  Ordre  du  temps  des  prophètes,  on 
vivre  ordonnée  sous  certaines  règles  et  céré-  doit  présumer  qu'il  y  en  avait  deux  autres 
nionies  pratiquées  par  ceux  qui  s'y  engagent,  différents.  Cependant  il  dit  que  lorsque  les 
et  celte  manière  de  vivre  a  été  approuvée  Cannes  eurent  reçu  le  baptême  des  mains  des 
sous  le  nom  d'ordre  par  plusieurs  souverains  apôtres  mêmes,  ils  se  divisèrent  pour  lois  en 
pontifes,  comme  on  peut  \o  r  par  les  bulles  trois  classes  avec  des  manières  de  vie  dilïé- 
deNicolasIVen  faveurdes  lierci  ùresde  Saint-  rentes  :  que  la  première  fut  celle  des  re- 
François, d'Innocent  VU  pour  ceux  de  Saint-  ligieux  qui  vécurent  en  congrégation; 
Dominique,  de  Martin  V  |  our  ceux  des  que  la  deuxième  fut  celle  des  religieu  es  qui 
Servîtes,  d'Eugène  IV  et  Martin  V  pour  ceux  vécurent  aussi  en  congrégation  a\ec  vœu 
des  Àugustins,  de  Sixte  IV  pour  ceux  des  de  clôture,  et  qu'enfin  la  troisième  fut  celle 
Carmes,  et  de  Jules  II  pourceux  des  Mj  ni  mes;  des  tierciaires,  qui  vécurent  avec  leurs  fem- 
et  lorsque  les  papes  ont  parlé  du  cordon  de  mes  et  leurs  parents  dans  leurs  maisons,  les 
Saint-François  ou  du  scapulaire  des  Carmes,  uns  et  les  autres  sous  la  règle  et  les  préceptes 
ce  n'aétéqu3  sous  le  nom  de  confrérie.  du  sacré  ordre  du  Mont-Carmel.   Ainsi  ,  s'ils 

Ce  fut  le  pape  Sixte  V  qui  institua  à  Assise  n'ont  commencé  à  se  séparer  et  à  former  trois 

celle  du  cordon  de  Saint-François  l'an  1380.  différentes  classes  qu'après  avoir  été  baptisés 

Mais  il  n'est  pas  si  aisé   de  savoir  le  temps  par  les  apôtres,    il    s'ensuivrait  que   le  pro- 

que  la  confrérie  du  Scapulaire  a  été  établie,  phèle  Abdias  et  la   bisaïeule  de  Jesus-Clirist 

Lezanedil  que  les  p<;pe->  Etienne  V,  Adrien  11,  n -auraient  pas  été   plutôt  du  Tiers  Ordre  des 

Sergius  III,  Jean  X,  Jean  XI  et  Sergius  IV,  Carmes   que   du   premier  ou   second    ordre, 

ont  remis  la  troisième  partie  de  leurs  péchés  supposé  qu'il  y  en  eût  un,  puisqu'il  n'y  avait 

à  ceux  qui  entreraient  dans  celte  confrérie  :  point  encore  de  séparation, 

île  cette  manière  le  bienheureux  Simon  Si  .k,  La  seconde    couiradiclion    que  je    trouve 

quidux  ans  avant  sa  mort  recul  des  mains  dans  Coria,  c'est  qu'ayant  dit  qu'il  n'esl  pas 

de  la  sainte  Vierge  le  scapulaire  qu'elle    lui  vrai  que  saint  François  soit  le   premier  qui 

ordonna  de  faiie  porter  aux  religieux  comme  ail  institué  un   troisième   ordre,  il   convient 

la  marque  de  leur  ordre,  n'étani  mort  qu'en  ensuite  que  le  pape  Sixte  IV,  l'an  1470,  donna 

1265,  et  Etienne  V  ayant  été  élu  pape  en  816,  permission  au  prieur  général,  aux  provin- 

et  ayant  accordé,  selon  les  Carmes,  des  in-  ciaux,  aux    prieurs    locaux   de    l'ordre   des 

dul^enccs   aux    confrères  du   Scapulaire,   il  Carmes  et  à  ceux  qui  tiendraient  leurs  pla- 

s'ensuivrait  que  la  confrérie   du   Scapulaire  ces  ,  de  pou.voir  donner  l'habit  régulier  et  la 

était  établie  plus  de  ioO  ans  avant  qu'on  eût  règle  de  leur  ordre  aux  personnes  de  l'un  et 


i!)59 


DICTIONNAIRE  DES    ORDRES  R^LICILUX. 


10  ;o 


de  l'autre  «exe  qui  se  présenteraient  pour  le 
recevoir,  de  même  que  les  Mantelées  et  Pin- 
zoches  (1),  ou  les  Frères  de  la  Pénitence  du 
Tiers  Ordre  des  Mineurs,  el  de  ceux  des  Frè- 
res Prêcheurs  et  des  Ermites  de  Saint-Au- 
guslin,  et  d'admettre  aussi  au  même  habit 
les  vierges,  matrones,  veuves  el  femmes  ma- 
riées ;  d'où  l'on  doit  conclure  que  si  le  pape 
Sixte  IV  a  permis  à  l'ordre  des  Carmes  de 
recevoir  ces  sortes  de  personnes  comme  ceux 
qu'on  recevait  dans  l'ordre  de  Saint-Fran- 
çois, c'est  qu'ils  n'en  recevaient  pas  aupara- 
vant, el  par  conséquent  que  le  Tiers  Ordre 
de  Saint-François  est  plus  ancien  que  celui 
des  Carmes. 

Silvera,  fameux  écrivain  de  cet  ordre,  a 
été,  ce  me  semble,  plus  sincère  queCoria,  et 
sans  faire  remonter  leur  Tiers  Ordre  au 
temps  du  prophète  Elie,  il  avoue  de  bonne 
foi  que  non-seulement  il  n'a  commencé  que 
sous  le  pontificat  de  Sixte  IV,  en  vertu  de  la 
bulle  de  ce  pape  de  l'an  1W6,  mais  même 
que  saint  François  est  le  premier  qui  a  ins- 
titué un  Tiers  Ordre  en  1221,  pour  des  per- 
sonnes de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  auxquelles 
le  pape  Nicolas  IV  prescrivit  une  règle; 
qu'ensuite  les  autres  ordres,  à  l'imitation  de 
ce  séraphique  Père,  ont  eu  des  Tiers  Ordn  s 
qu'ils  ont  établis;  et  que  lorsque  l'Eglise 
chante  dans  son  office  celte  antienne  :Tresor- 
dineshic  ordmaf,  elle  entend  qu'il  a  été  le  pre- 
niierqui  ailélabli  trois  ordres  différents;  voici 
ces  paroles  :  liane  facultatem  reeipiendi  ne 
admit ttndi  Tertiarios  habent  ordines  Mendi- 
cantes,  et  primo  sanctiis  Franciscus  hujus 
sacri  ordinis  patriarcha,  instituât  Fralres  et 
Sorores  hujus  ordinis  de  Pœnitentia  anno 
1221.  Ejus  régulant  prœscripsit  Nicolaus  IV, 
anno  2  sui  pontificatus.  Postca  tero  aliœ  re- 
liijionrs  ad  ejus  imitationem  eiiam  Tertiarios 
institueront  ac  habuerunt;  et  Ecclesia,  diun 
canit  de  S.  Francisco  :  Très  ordines  hic  ordi- 
nal, intelligit  quod  ipse  fuit  primus  qui  lios 
très  ordinavit  c\c  instituil  (Silvera,  Opusc. 
var.  resol.  38).  Lezana  dit  aussi  la  même 
chose;  il  trouve  seulement  à  redire  que  Ca- 
sarubios  ait  avancé  que  saint  François  était 
le  seul  qui  eût  établi  un  Tiers  Ordre,  puis- 
que, dil  Lezana,  il  y  en  a  qui  prétendent  que 
saint  Dominique,  à  son  imitation,  en  a  aussi 
institué  un.  Ht  quamvis  ipse  Casarub.  in  com- 
pend.  verb.  Terliarii,  num.  24,  §  Sciendum 
est  ulterius,  dicat  quod  solus  S.  P.  Francis- 
cus Fratres  et  Sorores  Tertii  Ordinis  seu  de 
Pœnitentia  instituent,  ut  propter  ea  de  eo  ca- 
nat  Ecclesia,  Très  ordines  hic  ordinal,  etc., 
alii  tamen  etiam  hoc  tribuant  S.  Dominico, 
et  dicunl  sulum  Ma  de  B.  Francisco  did  ab 
Ecclesia,  quia  ipse  primus  omnium  fuit,  et 
S.  Dominicus  ad  ipsius  imitationem  (Lezana, 
Summ.  qu.  Regul.  t-  I,  cap.  14,  de  Terlianis, 
num.  8).  El  après  avoir  dit  en  un  autre  en- 
droit que  la  règle  des  tierciaires  des  Mineurs 
n'oblige  à  aucun  péché,  il  ajoute  qu'il  en  est 
de  môme  des  lierciaires  des  Carmes,  parce 
qu'ils  n'ont  été  approuvés  qu'à  l'imitation 

(t)  On  appelle  Manielées  et  Pinzoches  en  Italie,  et 
Béates  en  Espagne,  certaines  femmes  li.iuillées  en 
religieuses,  qui  sunt  do  cpielque  Tiers  Ordre  et  de- 


de  ceux  de  Saint-François  el  de  Sainl-Domi- 
nique  :  Idem  dico  de  Tertiariis  nostri  ordi- 
nis, eo  quod  ad  instar  Tertiariorum  Prœclica- 
torum  et  Minorum  approbantur  aSixtoIV 
{Ibid.  num.  20). 

Ce  n'esl  donc  que  l'an  lft/7  que  le  Tiers 
Ordre  des  Carme»  a  commencé  en  vertu  de 
la  bulle  de  Sixle  IV,  qui  est  le  Mare  magnum 
de  l'ordre  des  Carmes.  Les  frères  et  sœurs 
de  ce  troisième  ordre  n'avaient  point  autrefois 
d'autre  règle  que  celle  que  le  patriarche  Albert 
avait  donnée  au  premier  ordre;  mais  ils  en 
eurent  une  dans  la  suite,  qui  fut  dressée 
par  le  P.  Théodore  Slralius  ,  général  des 
Carmes,  vers  l'an  1635,  et  elle  a  été  réformée 
l'an  1678,  par  le  P.  Emile  Jacomelli,  vi- 
caire général  de  cet  ordre,  et  contient  pré- 
sentement dix-neuf  chapitres.  Conformément 
à  cette  règle,  on  peut  recevoir  dans  ce  Tiers 
Ordre  toutes  sortes  de  personnes  de  l'un  et 
de  l'autre  sexe,  ecclésiastiques  et  laïques, 
filles,  veuves  ou  femmes  mariées,  pourvu 
qu'ils  soient  tous  d'une  vie  exemplaire, 
qu'ils  aient  une  grande  dév-lion  envers  la 
sainte  Vierge,  qu'ils  ne  soient  point  déjà  re- 
çus et  proies  dans  un  autre  Tiers  Ordre, 
qu'ils  ne  soient  point  suspects  d'hérésie  ou 
de  désobéissance  à  la  sainte  Eglise  romaine, 
qu'ils  n'aient  point  quelque  notable  diffor- 
mité de  corps,  ni  de  maladie  ou  incommodité 
qui  puisse  donner  aux  autres  une  aversion 
naturelle  poureux,  qu'ils  aient  honnêtement 
de  quoi  vivre,  ou  au  moins  qu'ils  puissent 
gagner  leur  vie  dans  une  vacation  honnête. 
Ayant  été  reçus,  ils  font  un  an  de  noviciat, 
après  lequel  ils  font  profession  en  la  manière 
suivante  :  Moi  frère  N.  ou  sœur  N.  fais  ma 
profession,  et  promets  obédience  el  chasteté  à 
Dieu  tout-puissant  et  à  la  B.  Vierge  Marie 
du  Mont-Carmel,  et  au  récérendissnne  Père 
N.,  général  dudit  ordre,  et  à  ses  successeurs, 
félon  la  règle  du  Tiers  Ordre,  jusqu'à  la  mort. 
Ceux  qui  sont  clercs  doivent  dire  l'office  di- 
vin selon  l'usage  de  l'iiglise  de  Rome  ou  de 
leur  propre  diocèse;  les  laïquesleltrésledoi- 
venl  réci  ter  selon  l'usage  de  l'ordre  desCarmes, 
ou  bien  le  petit  office  de  la  Vierge,  el  ceux 
et  celles  qui  ne  savent  pas  lire  doivent  dire 
pour  matines  vingt  fois  Pater  noster,  et  au- 
tant de  fois  Ave  M  aria,  excepté  qu'aux  di- 
manches et  fêtes  solennelles  ce  nombre  doit 
être  doublé.  Ils  en  disent  sept  pour  prime, 
tierce,  sexte,  none  et  complies,  et  pour  vê- 
pres quinze.  Outre  les  jeûnes  qui  sont  insti- 
tués et  commandés  par  l'Eglise,  ils  doivent 
s'abstenir  de  viande  et  jeûner  durant  l'avent 
et  tous  les  vendredis  de  l'année,  excepté  ce- 
lui de  l'octave  de  Pâques.  Ils  so  ni  encore  obligés 
a  jeûner  les  fêtes  de  l'Ascension,  de  la  Pente- 
côte, du  sa ini  sacrement,  delà  Nativité, Présen- 
tation, Visitation,  Purification,  Assomption  cl 
Commémoration  de.  la  sainte  Vierge  ;  el  de 
tous  les  mercredis  et  samedis,  depuis  la  fêle 
de  la  sainte  croix  inclusivement  jusqu'à 
l'avent,  et  depuis  la  Nalivilé  de  Notre  Sei- 
gneur jusqu'au  carême.  En  lout  temps  et  en 

meurent  dans  leurs  maisons  particulières,  soit  seules 
ou  avec  |eu;s  parents. 


I0G1 


MON 


MON 


lOCi 


tout  lieu,  ils  gardent  l'abstinence  de  viande 
les  mercredis  et  samedis,  excepté  le  jour  ite 
la  Nativtlé  de  Notre-Seignear.  Quant  à  l'ha- 
billement, les  Frères  el  Sœurs  doivent  avoir 
une  robe  ou  tunique  longue  jusqu'aux  talons, 
lirant  sur  le  noir,  ou  rousse  sans  teinture,  et 
pardessus  une  ceinture  de  cuir  noir,  large 
de  deux  doigts.  Ils  doivent  porter  par-dessous 
la  (unique,  selon  la  coutume  du  lieu,  le  sra- 
polaire  de  six  pouces  de  large  el  de  telle  lon- 
gueur qu'il  descende  plus  basque  les  ge- 
noux, ils  doivent  avoir  aussi  une  chipe 
blanche  à  la  façon  d'un  manteau  descendant 
jusqu'à  mi-jambe,  el  its  la  peuvent  même 
porter  en  public  où  la  coutume  le  permet. 
Les  Sœurs  ont  un  voile  blanc  sans  guimpe 
ni  linge  au  front  et  à  la  gorge  ;  néanmoins, 
dans  les  pays  où  ces  sortes  d'habits  ne  sont 
point  en  usage  parmi  les  tierciaires,  ils  peu- 
vent être  habillés  comme  les  séculiers  en  re- 
tenant la  couleur  tannée  (1). 

Coria  prétend  que  les  chevaliers  de  Malte 
dans  leur  origine  ont  été  du  Tiers  Ordre  des 
Carmes.  Il  dit  que  le  B.  Gérard,  leur  fonda- 
teur, était  frère  ron  vers  de  l'ordre  des  Carmes, 
et  que  sous  l'autorité  du  général  il  institua 
un  nouvel  ordre  de  religieux  tierciaires  sous 
l'habit  et  la  règle  de  celui  du  Mont-Carmel, 
pour  combattre  contre  les  ennemis  de  la  fui 
el  gar  ier  la  terre  sainte,  et  qu'on  leur  donna 
un  couvent  qui  appartenait  aux  Carmélites, 
qui  demeuraient  dans  le  saint  sépulcre  et 
qui  fuient  transférées  dans  un  autre.  Saraceni 
Munoz  sont  aussi  de  ce  sentiment  ;  mais  ils 
confondent  ce  B.  Gérard,  instituteur  des  che- 
valiers de  Malte,  avec  un  autre  saint  Gérard, 
évêque  et  martyr,  el  premier  apôtre  de  Hon- 
grie. Allègre,  voyant  que  cette  opinion  n'était 
pas  soulenahle,  puisque  cet  apôtre  de  Hongrie 
est  mort,  selon  le  sentiment  de  presque  tous 
les  écrivains,  l'an  10i2,  et  que  le  B.  Gérard  n'a 
institue  l'ordre  des  chevaliers  de  Saint-Jean 
de  Jérusalem  que  l'an  1099,  il  en  a  fait  deux 
saints  différents,  et  tous  deux  enfants  du  pro- 
phète Elie.  Mais  je  ne  crois  pas  que  les  che- 
valiers de  Malte  soient  de  ce  sentiment,  non 
plus  que  les  bénédictins  qui  reconnaissent 
l'apôlre  de  Hongrie  pour  appartenir  à  leur 
ordre, comme  ayant  été  religieux  delà  célèbre 
abbaye  de  Saint-Georges-le-Majeur  à  Venise. 

MONT-CASS1N  (Congrégation  du),  appelée 
aussi  de  la  Grotte  et  de  Saint-Benoît. 

Quoique,  dès  les  premières  années  de  l'é- 
tablissement de  l'ordre  de  Saint-Benoit  ,  il 
semble  qu'il  ait  été  divisé  en  plusieurs  con- 
grégations, elles  ne  formaient  pas  néanmoins 
de  corps  distincts  et  séparés.  La  première 
qui  ait  pour  ainsi  dire  formé  un  ordre  no  i- 
veac  sorti  de  la  tige  de  celui  de  Saint-Benoit, 
est  celle  de  Cluny,  qui  ne  fut  fondée  que 
1  an  910.  La  plus  ancienne  de  ces  congré- 
gations est  celle  du  Mont-Cassin ,  ainsi 
appelée  du  nom  de  ce  célèbre  monastère, 
chef  de  tout  l'ordre  de  Saint-Benoit.  On  lui 
a  donné  aussi  le  nom  de  la  Sainte-Grotte,  à 
cause  du  monastère  qui  a  été  bâti  où  était  la 

il)  Voy.,i  la  lin  du  vol.,  n"<  £61  cl  2G2. 


grotte  ou  carême  qui  servit  de  première 
demeure  à  saint  Benoît,  lorsqu'il  se  relira  à 
Subiago;  quelques-uns  onl  aussi  donné  a 
celte  congrégation  le  nom  de  saint  Benoît, 
patriarche  de  cet  ordre.  Il  ne  se  passa  rien 
de  considérable  sous  le  gouvernement  de 
l'abbé  Constantin,  quisuccédaà  saint  Benoît. 
Simplicius,  qui  pril  la  place  de  Constantin, 
contribua  beaucoup  à  la  propagation  de  cet 
ordre,  ayant  publié  la  règle  du  saint  fonda- 
teur, qui  n'était  guère  connue  que  dans  les 
monastères  qui  avaient  été  fondés  de  sou 
vivant,  et  il  excita  les  autres  communauté» 
religieuses  à  la  recevoir  et  à  s'en  servir 
pour  perfectionner  leurs  observances. 

Vital  et  Bonit  furent  abbés  du  Monl-Cas- 
sin  après  Simplicius  ;  mais  le  gouvernement 
de  Bonit  ne  fut  pas  tranquille.  Ce  fut  de 
son  temps  que  la  prédiction  de  saint  Benoit 
s'accomplit.  Ce  saint  avait  averti  ses  disci- 
ples que  lous  les  édilices  du  Monl-Cassin 
seraient  renversés  par  les  Lombards.  Il  n'a- 
vait pu  détourner  ce  malheur,  ni  par  ses 
prières,  ni  par  ses  larmes;  il  avail  seule- 
ment obtenu  de  Dieu  que  tous  les  religieux 
échapperaient  des  mains  de  ces  barbares.  La 
chose  arriva  comme  il  l'avait  prédite  l'an 
580;  les  Lombards,  conduits  par  un  de  leurs 
chefs,  attaquèrent  de  nuit  les  monastères  et 
s'en  rendirent  les  maîtres.  L'abbé  Bonit  et 
ses  religieux  ne  laissèrent  pas  de  se  sauver , 
emportant  avec  eux  quelques  meubles  et 
quelques  livres,  entre  lesquels  était  l'auto- 
graphe de  la  règle  et  le  poids  du  pain,  avec 
la  mesure  du  vin  qu  elle  prescr  l  pour  le  re- 
pas. Ils  vinrent  à  Hume,  où  ils  fuient  favora- 
blement reçus  du  pape  Pelage  II,  qui  leur 
permit  de  bâtir  près  le  palais  de  Latran  un 
monastère  sous  le  titre  de  S  lint-Jean-Bap- 
tisle,  de  Saint-Jean  l'Evangéliste  et  de  Sainl- 
Pancrace. 

U ,y  avait  près  de  cent  quarante  ans  que 
les  Bénédictins  demeuraient  dans  ce  monas- 
tère, ayant  presque  perdu  l'espérance  de  re- 
tourner à  celui  l!u  Monl-Cassin,  qui,  selon 
toutes  les  apparences,  devait  demeurer  en- 
seveli sous  ses  ruines.  Il  avait  servi  pendant 
un  temps  de  retraite  aux  bêles  sauvages  ; 
mais  quelques  solitaires  et  anachorètes  y 
avaient  établi  leur  demeure  l'an  720,  lors- 
que le  pape  Grégoire  II,  qui  appliquait  tous 
ses  soins  à  fai:e  lleuiir  l'étal  monastique, 
après  avoir  non-seulement  lait  rétablir  à 
Borne  plusieurs  monastères  ruinés,  en  avoir 
fondé  de  nouveaux  et  changé  même  sa  mai- 
sou  en  un  monastère,  songea  à  relever  les 
bâtiments  de  celui  du  Mont-Cassin.  Pétronax, 
qui  fut  l'instrument  dont  il  se  servit  pour 
exécuter  son  dessein,  étant  venu  à  Borne 
pour  y  visiter  les  saints  heux,  avait  peu> 
étre  eu  dessein  de  fonder  quelque  monastè- 
re ;  mais  le  pape  Grégoire  lui  persuada  d'al- 
ler au  Monl-Cassin,  el  l'engagea  de  travailler 
au  rétablissement  de  ce  monastère.  On  ne 
sait  s'il  élail  déjà  engagé  dans  la  profession 
monastique,  il  est  sur  au  moins  qu'il  était 
originaire  de  Bresse,  et  qu'il  joignait  à  une 


1003                                        DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX.  106* 

noble  extraction  beaucoup  de  piété.  Il  alla  régulières:  Tasic  el  Relrude  bâtirent,  à  qua- 
donc  au  Mont-Cassin  l'an  7^0  ;  il  commença  Ire  milles  du  Mont-Cassin,  le  monastère  de 
à  le  rebâtir,  et  forma  une  nouvelle  commu-  I'iombarolc,  où  elles  se  retirèrent  et  vécurent 
niuléqui  fut  composée  de  quelques  religieux  dans  l'observance  d'une  exacte  discipline, 
qu'il  avait  amenés  de  Rome  et  de  la  plus  La  réputation  de  l'abbé  Pélronax  s'était  ré- 
grande parlie  de  ces  solitaires  qu'il  y  trouva  ;  pandue  dans  les  pays  éloignés.  Saint  Boni- 
il  gouverna  celle  communauté  en  qualité  lace,  archevêque  de  Mayence,  ayant  lait  bâ- 
d'abbé  :  il  y  bâtit  deux  monastères,  le  prin-  tir  la  célèbre  abbaye  de  Fuldeen  Allemagne, 
cipal  sur  la  montagne,  à  l'endroit  même  où  dont  le  prince  Carloman  fut  fondateur,  puis- 
il  était  du  temps  de  saint  Benoit,  l'autre  sous  qu'il  donna  le  lieu  sur  lequel  elle  fut  I  âtic, 
le  titre  de  Saint-Sauveur,  proche  le  château  désigna  pour  premier  abbé  de  ce  monastère 
de  Cassin,  au  pied  de  la  montagne,  aux  en-  saint  Sturme.  Mais  voulant  que  la  règle  de 
viions  duquel  l'on  a  bâti  depuis  la  ville  de  saint  Benoît  y  fût  exactement  observée,  il 
Saint-Germain.  Il  restait  de  l'ancien  monas-  envoya  ce  nouvel  abbé  au  Mont-Cassin  pour 
1ère  une  tour  que  l'on  voit  encore  aujour-  y  remarquer  soigneusement  et  les  observait- 
d'hui,  el  où,  selon  un  ancien  manuscrit,  à  ces  et  les  usages,  afin  de  les  faire  pratiquer 
certaine  fêle  de  l'année  (  peut-être  était-ce  ensuite  à  Fulde.  Gisulphe,  duc  de  Bénévent, 
celle  de  saint  Benoit  )  les  Grecs  el  les  Latins  édifié  de  l'exacte  observance  des  religieux 
faisaient  l'office  :  ce  qui  fait  douter  si  l'abbé  du  Mont-Cassin,  leur  donna  le  territoire  d'a- 
Pétronax  institua  des  moines  grecs  dans  le  lentour.  La  duchesse  Seauniperge,  sa  femme, 
monastère  de  Saint-Sauveur,  ou  s'il  avait  voulant  imiter  sa  piété,  convertit  en  une 
établi  des  moines  grecs  et  des  latins  dans  église,  qui  fut  dédiée  en  l'honneur  de  l'apôlre 
celui  d'en  haut,  ou  si  les  grecs  ne  venaient  saint  Pierre,  un  temple  qui  se  trouvait  dans 
point  d'un  certain  monastère  voisin  pour  lu  château  de  Cassin,  et  qui  y  avait  été  bâli 
célébrer  l'office  dans  celui  du  Mont-Cassin.  par  les  païens  pour  y  honorer  leurs  fausses 
Mais  comi-ie  Léon  d'Ostie  dit  que  les  moi-  divinités.  Un  des  sujets  du  duc  de  Bénévent 
nés  des  deux  monastères  de  Cassin  se  trou-  ofirit  aussi  au  mo.iastère  de  Saint-Benoît  une 
vaient  le  mardi  de  Pâques  dans  l'église  pa-  église  de  Saint-Cassien  qu'il  avait  l'ail  bâtir 
roissiale  de  Saint-Pierre  dans  la  ville  de  à  Cingle,  avec  les  terres  qui  en  dépendaient, 
Saint-Germain,  que  l'on  appelait  pour  lors  ce  que  ce  prince  confirma,  el  l'abbé  Pélro- 
de  Saint-Pierre,  où  ils  célébraient  la  messe  nax,  de  son  consentement,  fil  bâtir  au  même 
avec  un  chant  mêlé  de  giec  et  de  latin  jus-  lieu  un  monastère  pour  des  religieuses.  Le 
qu'à  la  fin  de  l'Evangile  ,  et  que  cette  solen-  pape  Zacharie,  pour  témoigner  au-si  l'estime 
nité  subsistait  encore  du  temps  de  l'abbé  qu'il  faisait  de  cet  abbé  et  de  ces  religieux, 
Théodemare,  comme  il  paraît  par  ses  lettres  les  protégeait  en  toutes  sortes  de  renconlres. 
à  l'empereur  Cbarlemagne,  il  se  peut  faire  II  leur  envoya  la  règle  écrite  de  la  main  de 
que  celle  solennité  ait  été  instituée  par  l'abbé  saint  Benoît  avec  le  poids  du  pain  el  la  me- 
l'étronax.  sure  du  vin  qu'elle  prescrit,  qui  avaient  élé 
Dieu  donna  une  grande  bénédiction  à  ses  autrefois  portés  à  Home.  11  leur  donna  des 
travaux,  et  sa  communauté  devint  fort  nom-  livres  de  l'Ecriture  sainte  et  des  ornements 
breuse  en  peu  de  temps  :  il  y  eut  même  des  pour  leur  église.  Il  exempta  leur  monastère 
princes  qui  voulurent  èlre  de  ses  disciples,  et  les  autres  qui  en  dépendaient  de  la  juri- 
Gomme  Carloman,  duc  et  prince  des  Français,  dVtion  des  évêques,  et  entre  autres  privi- 
fils  du  fameux  Charles  Martel,  maire  du  pa-  leges  il  leur  accorda  la  permission  de  chau- 
lais. Ce  prince,  qui  avait  eu  en  partage  l'Ai-  1er  à  la  messe  les  dimanches  et  les  fêles  le 
lemagne  el  la  Thuringe,  après  avoir  soumis  Uloriain  excelsis,  ce  qui  n'était  pas  pour  lors 
par  la  force  de  ses  armes,  avec  le  secours  de  permis  à  loutes  sories  de  prêtres,  comme  on 
Pépin  son  frère,  ces  peuples  qui  s'étaient  ré-  le  peut  voir  par  la  bulle  de  ce  pape  du  18 
voilés  en  plusieurs  rencontres  ,  renonça  à  février  7V1,  qui  est  insérée  dans  le  Bullairc 
ses  Etats  et  vint  à  Rome,  où  il  reçut,  l'an  7V7,  de  celte  congrégation.  Enfin  l'abbé  Pétro- 
la  tonsure  ciéricale  et  l'habit  monastique  des  nax,  après  avoir  gouverné  celte  abbaye  peu- 
mains  du  pape  Z  icharie.  Il  se  retira  ensuite  dant  trenlc-deux  ans,  mourut  le  30  avril  750. 
sur  le  mont  Soracte,  où  il  joignit  à  une  11  eul  pour  successeur  Oplat,  qui  crut  que 
église  de  Sainl-Silvestre  qui  y  était  déjà,  un  par  le  crédit  du  prince  Carloman,  religieux 
monastère  qu'il  fit  bâtir,  et  où  il  demeura  de  son  abbaye,  il  pourrait  recouvrer  le  corps 
quelque  temps  ;  mais  s'y  trouvant  trop  im-  de  saint  Benoît,  qui  avait  été  porté  eu  France 
portuné  de  visites,  il  alla  au  Mont-Cassin  avec  celui  de  sainte  Scolastique  près  de  cent 
pou;-  y  vivre  sous  l'obéissance  de  l'abbé  Pé-  ans  auparavant,  par  saint  Aigulphe,  queMon- 
tronax.  Trois  ans  après,  l'an  750,  Hachis,  mol,  abbé  de  Fleury,  avait  envoyé  au  Mont- 
qui,  élaul  duc  de  Frioul,  fut  choisi  par  les  Cassin  pour  chercher  ce  précieux  trésur, 
Lombards  pour  succéder  à  leur  roi  Luit-  qu'il  Irouva  enseveli  sous  les  ruines  de  l'é- 
prand,  courut  tant  de  mépris  des  choses  du  glise  du  monastère.  Optai  envoya  de  ses  re- 
monde, que,  su  vant  l'exemple  de  Carloman,  i'gieux  au  pape  Zacharie  pour  lui  demander 
il  alla  trouver  à  Rome  le  pape  Zacharie,  des  lettres  de  recommandation  auprès  du  roi 
dont  il  reçut  la  tonsure  cléricale  et  l'habit  de  France,  et  le  prier  d'employer  son  autorité 
monastique.  Tasie,  sa  femme,  et  sa  lille  Re-  pour  contraindre  les  religieux  de  Fleury  à 
trude,  prirent  aussi  l'habit  de  religion,  et  le  restituer  le  corps  de  leur  saint  fondateur, 
pepe  les  envoya  tous  au  monastère  du  Mont-  Mais  ceux  qui  furent  envoyés  en  France  ne 
Cassin,  où  Rachis  se  soumit  aux  observances  réussirent  pas  dans  leur  ambassade,  quoi- 


1005 


MON 


MON 


106C 


qu'ils  eussent  la  protection  du  roi,  qui  en- 
voya des  personnes  à  Fleury  pour  enlever 
de  force  le  corps  de  saint  Benoît  ;  car  ceux- 
ci,  ayant  élé  couverts  de  ténèbres  en  entrant 
dans  l'église,  en  furent  tellement  troublés, 
qu'ayant  demandé  pardon  à  l'abbé  el  aux  re- 
ligieux, ils  retournèrent  vers  le  roi  ;  et  l'ar- 
chevêque de  Rouen,  qui  était  porteur  des  or- 
dres de  ce  prince,  se  contenta  de  demander 
quelque  peu  des  reliques  du  saint,  pour  les 
envoyer  au  Mont-Cassin,afin  que  ce  lieu, qui 
avait  été  illustré  par  sa  présence,  ne  fût  pas 
privé  tout  à  fait  d'un  si  grand  trésor. 

Les  richesses  de  celte  abbaye  et  les  monas- 
tères de  sa  dépendance  augmentaient  de 
jour  en  jour  par  la  libéralité  de  plusieurs 
personnes  qui  y  donnaient  tous  leurs  biens. 
Sous  l'abbé  Thomichis,  qui  succéda  à  Gra- 
lian  l'an  766,  un  gentilhomme  de  Bénévent, 
nommé  Léon,  se  donna  avec  tous  ses  biens 
au  monastère  du  Mont-Cassin  :  la  donation 
fut  écrite  de  sa  propre  main  el  fut  mise  à 
l'endroit  où  avait  élé  autrefois  le  corps  de 
saint  Benoit.  Elle  contenait  entre  autres  cho- 
ses que  tous  ses  serfs  ou  esclaves,  auxquels 
il  venait  de  donner  la  liberté,  seraient  vas- 
saux de  l'abbaye;  qu'eux  et  tous  leurs  biens 
dépendraient  d'elle,  et  que  tous  les  mois  il  y 
en  aurait  quatre  qui  ne  s'occuperaient  qu'au 
service  des  religieux  et  leur  obéiraient  en 
tout;  qu'ils  ne  pourraient  vendre  qu'entre 
eux  leurs  biens  et  s'en  faire  donation  l'un  à 
l'autre,  el  que  les  biens  de  ceux  qui  mour- 
raient sans  enfants  appartiendraient  au  mo- 
nastère, mais  que  les  moines  ne  pourraient 
vendre  leurs  enfants  comme  esclaves,  les  de- 
vant regarder  comme  personnes  libres. 

Charlemagne,  étant  en  Italie  l'an  787,  alla 
par  dévotion  au  Moni-Cassin,  et  se  recom- 
manda aux  prières  des  religieux  :  il  leur  ac- 
corda des  lettres  pour  les  maintenir  dans  la 
jouissance  de  leurs  biens;  il  confirma  leurs 
privilèges,  leur  en  accorda  de  nouveaux  et 
leur  conserva  le  droit  qu'ils  avaient  d'élire 
leur  abbé.  Théodemar  l'était  pour  lors  :  ce 
fut  dans  ce  voyage  qu'il  demanda  à  Charle- 
magne le  monastère  de  Glanfeuil,  fondé  en 
France  par  saint  Maur,  se  plaignant  à  ce 
prince  et  au  pape  Adrien  Ier  de  ce  que  ce  mo- 
nastère de  Glanfeuil,  qui  dépendait  dans  son 
origine  de  celui  du  Mont-Cassin,  en  avait  été 
distrait,  et  de  ce  qu'il  avait  été  dépouillé  de 
ses  biens  par  l'abbé  Gaïdulfe,  qui  était  un 
Irès-méchanl  homme  Le  pape  el  l'empereur 
eurent  égard  aux  remontrances  de  l'abbé 
Théodemar;  Glanfeuil  fui  restitué  au  Mont- 
Cassin;  et  il  fut  ordonné  que  quand  l'abbé 
serait  mort,  celui  du  Mont-Cassin  en  nom- 
merait un  autre  qui  recevrait  de  lui  la  béné- 
diction et  irait  tous  les  cinq  ans  au  Mont- 
Cassin,  où  il  prendrait  la  place  du  prieur. 
Les  moines  de  Saint-Maur-des-Fossés  près 
Paris,  chez  lesquels  on  porta  le  corps  de 
saint  Maur  l'an  868,  par  les  ordres  du  roi 
Charles  le  Chauve,  dans  la  crainte  des  Nor- 
mands, qui  ravageaient  la  Francedepuis  plu- 
sieurs années,  assujettirent  à  leur  monastère 
celui  de  Glanfeuil  ;  mais  ceux  du  Mont-Cas- 
sin le  réclamèrent  une  seconde  fois  et  portè- 

DlCTIONNAIBE    DES   ORDRES    RELIGIEUX.    IL 


rent  leurs  plaintes  au  pape  Urbain  II,  qui, 
ayant  vu  la  bulle  d'Adrien  1",  leur  fit  resti- 
tuer ce  monastère,  qui  a  été  de  leur  dépen- 
dance pendant  près  de  deux  siècles. 

Tandis  que  les  Normands  ravageaient  la 
France  et  réduisaient  en  cendres  la  plus 
grande  partie  des  monastères,  les  Sarrasins 
en  Italie  ne  causaient  pas  moins  de  maux. 
Ils  pillèrent  le  territoire  de  Rome,  saccagè- 
rent le  bourg  de  Saint-Pierre,  et  l'église  de 
ce  prince  des  apôtres  ne  fut  pas  à  l'abri  de 
leurs  insultes.  Us  allèrent  au  Mont-Cassin 
pour  mettre  encore  ce  monastère  dans  le 
même  état  de  désolation  où  la  fureur  des 
Lombards  l'avait  autrefois  réduit,  n'y  ayant 
pas  laissé  pierre  sur  pierre.  Mais  Dieu  écoula 
les  prières  des  religieux,  qui  se  couvrirent  de 
cendres  et  de  cilices,  et  la  nuit  que  les  bar- 
bares avaient  choisie  pour  ravager  le  mo- 
nastère ayant  été  employée  à  la  prière  et  à 
l'oraison,  il  fut  pour  cette  fois  préservé  de 
leurs  insultes;  car,  par  un  miracle  surpre- 
nant, lorsque  les  Sarrasins  se  disposaient  à 
passer  la  rivière  de  Liris  ou  de  Garillan,  le 
temps,  qui  était  extrêmement  serein  ,  chan- 
gea tout  d'un  coup  :  il  tomba  une  pluie  si 
prodigieuse,  que  cette  rivière  déborda,  et  les 
Sarrasins  furent  obligés  de  s'en  retourner, 
s'élant  contentés  d'avoir  brûlé  deux  prieurés 
des  dépendances  du  Mont-Cassin.  Bassace 
était  pour  lors  abbé  de  ce  monastère.  C'était 
la  coutume  de  tenir,  le  dernier  jour  d'août, 
un  chapitre  général,  où  se  trouvaient  les  re- 
ligieux des  monastères  de  la  dépendance  de 
cette  abbaye.  L'abbé  les  entretenait  des  de- 
voirs de  l'observance,  et  les  exhortait  à  s'en 
bien  acquitter.  Le  jour  suivant  on  faisait  le 
choix  de  ceux  qui  devaient  demeurer  dans 
chaque  prieuré,  où  on  les  envoyait  pour  y 
exercer  les  fonctions  qui  leur  étaient  com- 
mises. 

Bassace,  qui  avait  gouverné  cette  abbaye 
pendant  dix-huit  ans,  étant  mort  l'an  836, 
Berthaire,  l'un  de  ses  disciples,  fut  élu  en  sa 
place;  et  comme  il  voulut  mettre  à  couveit 
son  monastère  de  toutes  insultes,  il  l'envi- 
ronna de  tours  et  de  fortes  murailles,  et  com- 
mença à  bâtir  une  ville  aux  environs  de  ce- 
luide  Saint-Sauveur, au  pied  de  la  montagne. 
Il  fit  d'autant  plus  aisément  cette  dépense, 
que  son  abbaye  augmentait  chaque  jour  en 
richesses  par  les  grandes  donations  que  l'on 
y  faisait.  Mais  ces  précautions  furent  inuti- 
les; car  les  Sarrasins  étant  retournés  au 
Mont-Cassin  l'an  866,  ils  y  firent  quelque 
dégât  et  jetèrent  des  meubles  et  des  orne- 
ments d'église  dans  le  fleuve,  ou  les  brisè- 
rent; mais  ils  épargnèrent  pour  lors  les  bâti- 
ments, moyennant  une  somme  d'argent  qu'on 
leur  offrit.  Attirés  cependant  par  les  grandes 
richesses  qui  étaient  dans  ce  monastère,  ils  y 
retournèrentpourune  troisième  lois,l'an88i. 
Ils  attaquèrent  le  monastère  d'en  haut  le  i 
septembre,  et  le  réduisirent  en  cendres,  et 
six  semaines  après  ils  en  firent  autant  à  ce- 
lui de  Saint-Sauveur  au  bas  de  la  montagne. 
Ils  tuèrent  au  pied  de  l'autel  de  saint  Martin 
l'abbé  Berthaire,  qui  comme  un  bon  pasteur 
s'exposa  à  la  mort  pour  conserver  son  irou- 

34 


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DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1068 


peau,  car  tous  ses  religieux  échappèrent  à 
la  rage  de  ces  barbares,  chacun  emportant 
ce  qu'il  pouvait  du  trésor  de  leur  église  et 
des  autres  meubles.  Ils  se  retirèrent  à  Téane, 
dans  le  prieuré  de  Saint-Benoit,  où  ils  élu- 
rent pour  abbé  Angelar,  qui  était  prieur 
du  Mont-Cassin,  et  que  son  mérite  fit  élever 
sur  le  siège  épiscopal  de  Téane.  Deux  ans 
après,  il  entreprit  de  rétablir  le  monastère 
de  Saint-Sauveur;  ce  qui  ne  lui  fut  pas  diffi- 
cile à  exécuter,  parce  que  les  biens  du  Mont- 
Cassin  s'accrurent  beaucoup  pendant  son 
administration. L'abbé  Léon,  l'an  904,  lit  rebâ- 
tir celui  du  Mont-Cassin,  vingt-sept  ans  après 
sa  destruction.  Un  accident  imprévu  réduisit 
en  cendres  celui  de  Téane,  où  la  plupart  des 
livres  du  Mont-Cassin  furent  brûles,  avec 
l'autographe  de  la  règle  de  saint  Benoît.  Les 
reli  ieux  n'abandonnèrent  pas  pour  cela 
Téane:  ils  y  restèrent  encore  jusqu'en  l'an 
915,  que  l'abbé  Léon  étant  mort,  et  ne  se 
trouvant  personne  parmi  les  religieux  capa- 
ble de  lui  succéder,  Landulphe  et  Anténul- 
phe,  princes  de  Capoue,  prièrent  un  saint 
homme  nommé  Jean,  qui  était  archidiacre 
de  l'Eglise  de  Capoue,  de  prendre  le  gouver- 
nement de  cette  communauté  de  Téane.  Il 
l'accepta,  prit  l'habit  monastique,  et  ayant 
été  élu  abbé  par  les  religieux,  il  les  fit  con- 
sentir à  venir  demeurer  à  Capoue.  Mais 
comme  il  n'y  avait  point  de  monastère  en 
cette  ville,  cet  abbé  acquit,  par  échange  de 
celui  de  Saint-Vincent  de  Vol  tome,  une  petite 
église  à  la  porte  Saint-Ange,  où  trois  moi- 
nes fort  vieux  demeuraient,  dans  une  petite 
maison  qui  n'était  bâtie  que  de  bois.  Il  y  fit 
construire,  par  les  libéralités  de  plusieurs 
personnes,  une  église  en  l'honneur  de  saint 
Benoît,  avec  un  monastère  où  il  assembla 
plus  de  cinquante  religieux. 

Quoique  le  monastère  du  Mont-Cassin  fût 
inhabile,  ilétaiteependant  toujours  reconnu 
pour  le  chef  de  tout  l'ordre.  Le  pape  Ma- 
rin II  luiaccorda  plusieurs  prhiléges  l  an 9.44, 
et  le  maintint  dans  la  possession  de  tous  ses 
biens  et  de  tous  les  monastères  tant  d'hom- 
mes que  de  filles  qui  étaient  de  sa  dépen- 
dance, et  confirma  le  droit  que  les  religieux 
avaient  d'élire  leur  abbé.  Le  P.  Mabillon  dit 
que  ce  pape  accorda  à  cet  abbé  la  permission 
déchanter  à  la  messe, les  fêtes  et  dimanches, 
le  Gloria  in  excelsis;  mais  nous  avons  re- 
marqué ci-dessus  que  le  papeZacharie  avait 
accordé  aux  religieux  de  cette  abbaye  la 
même  grâce  deux  cents  ans  auparavant. 
Peut-être  ce  savant  bénédictin  a-t-il  trouvé 
la  bulle  de  Zacharie  suspecte,  ce  qui  l'a  pu 
empêcher  de  parler  de  ce  privilège  plus  tôt 
qu'en  l'an  944,  et  il  n'a  pas  apparemment 
combattu  cette  bulle  pour  ne  pas  faire  de 
peine  aux  Bénédictins  de  la  congrégation  du 
Mont-Cassin,  qui  comptent  fort  sur  toutes  les 
bulles  insérées  dans  leur  Bullaire,  quoique 
cependant  il  y  en  ait  plusieurs  de  douieuscs, 
principalement  celles  du  pape  Zacharie. 

Comme  les  princes  de  Capoue  avaient  as- 
sujetti le  monastère  de  Saint-Benoît  de  Ca- 
poue à^eur  domination,  ce  qui  avait  été 
cause  que  les  religieux  avaient  abandonné 


les  observances  régulières  ponr  vivre  à  la 
façon  des  séculiers,  le  pape  Agapet  II,  l'an 
946,  à  la  sollicitation  de  l'abbé  Baudouin, 
obligea  ces  religieux  de  retourner  au  Mont- 
Cassin,  pour  y  vivre  dans  les  observances 
régulières.  Ils  n'y  allèrent  néanmoins  que 
sous  l'abbé  Aligcrne,  qui  fut  élu  l'an  940,  et 
ce  monastère,  qui  était  demeuré  pendant 
soixaute  et  dix-sept  ans  comme  désert  et 
abandonné,  depuis  sa  dernière  destruction 
par  les  Sarrasius,  fui  i'e  nouveau  habité  par 
une  nombreuse  coron  miaulé  qui  se  forma 
dans  la  suite,  où  l'on  vit  en  quelque  façon 
revivre  l'esprit  de  leur  fondateur  sous  le  gou- 
vernement d'Aligerne,  qui,  comme  un  autre 
Pétronax,  a  été  le  restaurateur,  non-seule- 
ment des  édifices  malérieis  de  celte  abbaye, 
mais  encore  de  l'observance  régulière.  Il  fit 
achever  les  bâtiments  qui  avaient  été  com- 
mencés par  les  abbés  Léon  et  Jean,  el  re- 
couvra la  plupart  des  biens  qui  avaient  été 
usurpés  par  b's  comtes  de  Téane  et  d'Aquiuo, 
ce  qui  lui  attira  beaucoup  de  persécutions, 
principalement  de  la  pa:  t  d'Adenulphe, 
comle  d'Aquiuo,  qui,  voyant  qu'il  lui  rede- 
mandait ce  qu'il  avait  usurpé  à  son  monas- 
tère, et  que,  sur  le  refus  qu'il  en  avait  tait, 
cet  abbé  en  avait  porté  ses  plaintes  à  Lan- 
dulphe, prince  de  Capoue,  il  en  fut  si  irrité 
qu'il  le  lit  enkver,  et  l'ayant  fait  couvrir 
d'une  peau  d'ours,  il  l'exposa  à  des  chiens 
pour  servir  de  spectacle  au  peuple.  Mais  le 
prince  de  Capoue,  voulant  venger  l'affront 
fait  à  Aligerne,  commanda  à  Adenulphe  de 
le  venir  trouver.  Ce  comte  aima  mieux  se 
révolter  contre  son  prince  que  d'obéir,  ce  qui 
obligea  Landulphe  de  venir  à  Aquinn  avec 
des  troupes.  Adenulphe,  s'y  voyant  assiégé, 
et  ne  pouvant  éviter  de  tomber  entre  les 
mains  de  son  seigneur,  se  mil  une  corde  au 
cou  el  se  fit  ensuite  conduire  par  sa  femme 
en  la  présence  du  prince  pour  implorer  sa 
clémence;  mais  Landulphe  le  livra  ainsi  lié 
entre  les  mains  de  l'abbé  Aligerne,  et  lui  fit 
restituer  tous  les  biens  qu'il  avait  pris  à  son 
abbaye. 

Il  y  a  de  l'apparence  que  l'observance  ré- 
gulière, qui  avait  été  rétablie  au  Mont-Cas- 
sin par  l'abbé  Aligerne,  souffrit  quelque  at- 
teinte sous  le  gouvernement  de  Mansoi,  qui 
lui  succéda  l'an 986,  el  qui,  bien  loinde  suivre 
ses  traces,  mena  au  contraire  une  vie  tout 
opposée,  qui  ressentait  plus  celle  d'un  sécu- 
lier adonné  à  ses  plaisirs,  que  celle  d'un  suc- 
cesseur de  saint  Benoît.  Il  se  faisait  suivre 
ordinairement  par  un  grand  nombre  de  do- 
mestiques vêtus  de  soie:  il  avait  de  grands 
équipages  et  fréquentait  souvent  la  cour  de 
l'empereur.  L'envie  de  dominer  lui  fit  com- 
mencer une  forteresse  où  saint  Thomas  d'A- 
quin  a  pris  naissance  dans  la  suite;  ce  qui 
donna  de  la  jalousie  aux  princes  de  Capoue, 
qui  appréhendaient  qu'il  ne  voulût  se  rendre 
maître  de  loute  la  province.  Alberic,  évéque 
de  Marsico,  qui  avait  envie  de  s'emparer  de 
l'abbaye  du  Mont-Cassin  pour  la  donner  à  un 
fils  qu  il  avait  eu  d'une  concubine,  profilant 
de  la  jalousie  îles  primées  de  Capoue,  con- 
vint d'une  somme  d'argent  avec  quelques 


1069 


MON 


MON 


1070 


bourgeois  de  Capouc  et  quelques  méchants 
moines,  pour  se  saisir  de  l'abbé  et  lui  crever 
les  jeux:  ceux-ci  avant  exécuté  leur  pro- 
messe l'an  996,  ils  mirent  les  jeux  de  cet 
abbé  dans  un  linge  pour  les  parler  à  cet  in- 
digno  prélat,  afin  de  recevoir  de  lui  la  ré- 
compense  de  leur  crime:  mais,  par  un  juste 
jugement  de  Dieu,  ce  méchant  évéque  mou- 
rut à  la  même  heure  que  Mans  ou  avait  été 
privé  de  la  vue. 

Comme  il  est  plus  aisé  de  tomber  dans  le 
relâchement  que  de  s'en  relever,  il  est  à 
croire  que  les  religieux  du  Mont-Cassin  ne 
profilèrent  point  ni  des  avis  ni  de  l'exemple 
que  leur  donna  leur  abbé  Jeau  II,  successeur 
de  Manson,  qui  élait  un  très-saint  homme, 
et  que  ce  fut  ce  qui  l'obligea  à  renoncera 
celte  dignité,  pour  se  retirer  dans  une  soli- 
tude avec  cinq  ou  s-ix  religieux  qui  voulu- 
rent apparemment  éviter  le  relâchement. 
Ceux  qui  restèrent  au  Mont-Cassin  ne  profi- 
lèrent pas  davantage  des  instiuclions  que 
leur  donna  Jean  111,  qui  fut  élu  après  Ja  dé- 
mission volontaire  de  Jean  II.  Cet  abbé  fit 
paraître  beaucoup  de  constance  et  de  gran- 
deur d'àme  dans  toutes  les  adversités  qui  lui 
arrivèrent  pendant  les  douze  années  de  son 
gouvernement:  car  pendant  qu'il  ne  son- 
geait qu'à  embellir  l'église,  à  faire  de  nou- 
veaux bâtiments  et  à  augmenter  le  nombre 
des  monastères  de  sa  dépendance,  un  grand 
tremblement  de  terre,  qui  dura  pendant 
quiuze  jours,  endommagea  notablement  l'é- 
glise. D'an  autre  côté,  les  princes  voisins, 
par  les  vexations  qu'ils  lui  firent,  l'obligè- 
rent de  se  retirer  à  Capoue;  et  ses  moines, 
pendant  son  absence,  lui  ayant  suscité  une 
persécution  domestique,  le  déposèrent  et 
élurent  eu  sa  place  un  aitre  abbé.  Mais  le 
schisme  ne  dura  que  sept  mois,  et  les  trou- 
bles ayant  été  apaisés,  l'abbé  retourna  au 
Mont-Cassin,  où  il  mourut  l'in  1010.  Ce  que 
l'on  pourrait  condamner  dans  la  conduite 
de  cet  abbé,  c'est  d'avoir  de  son  vivant  fait 
reconnaître  pour  son  successeur,  par  une 
partie  de  ses  religieux,  un  de  ses  parents, qui 
n'était  encore  que  novice  ;  ce  qui  causa  un 
nouveau  schisme. 

11  y  eut  un  troisième  schisme  en  1126  et 
un  quatrième  l'an  1138,  et  de  temps  en  temps 
le  monastère  se  trouvait  vexépar  la  tyrannie 
des  seigneurs  voisins.  L'an  1030,  Paudulpbe, 
prime  de  Capoue,  s'empara  de  presque  tous 
les  bourgs  et  villages  qui  lui  appartenaient, 
dont  il  mit  en  possession  les  Normands,  qui 
suivaient  son  parti  et  qui  étaient  pour  lors 
répandus  dans  l'Italie.  Il  enleva  les  vases 
sacrés  et  les  ornements,  et  donna  le  gouver- 
nement de  la  Tille  de  Saint-Germain  et  du 
monastère  du  Mont-Cassin  a  Todin,  l'un  des 
serviteurs  de  celte  abbaye,  qui  traita  les 
moines  avec  tant  de  dureté,  qu'il  fit  manger 
les  serviteurs  dans  le  réfectoire,  où  jusqu'a- 
lors aucun  laïque  n'avait  été  a  lmis.  et  qu'on 
jour  de  l'Assomption  de  la  Vierge  ils  ne  [  u- 
avoir  de  vin  pour  dire  la  rfi 

Richer,  qnî  fut  abbé  en  I0J7,  fut  obligé  de 
lever  des  troupes  pour  recouvrer  les  terres 
qui  avaient  élé  usurpées.  11  dispula  te  pas- 


sage du  Garillan  aux  comtes  d'Aouino  et 
aux  Normands  qui  étaicut  avec  eux;  mais 
ayant  élé  forcé,  il  fut  fuit  prisonnier,  et  p  n- 
danl  quinze  jours  tout  le  territoire  de  Cassin 
fut  en  proie  à  l'ennemi.  L'abbé,  avant  ele  mis 
en  liberté,  alla  en  Allemagne,  d'où  il  ramena 
des  troupes  avec  le  secours  disquelles  il 
contraignit  les  Normands  qui  occupaient 
les  terres  de  l'abbaye  de  lui  prêter  serment 
de  fidélité;  mais  ils  le  violèrent  peu  de  temps 
après,  car  se  voyant  en  grand  nombre,  ils 
bàlireul  te  ciiâteau  de  Saint-André  pour  leur 
servir  de  place  d'armes  et  de  retraite,  sans 
avoir  ég  :rd  aux  défenses  de  l'abbé,  qui  eut 
recours  alors  aux  armes  spirituelles  de  la 
prière,  et  qui,  par  le  secours  de  saint  Benoît, 
fil  plus  qu'il  n'aurait  fait  avec  des  troupes 
réglées:  car  les  Normands  étant  venus  au 
Mont-Cassin  sous  la  conduite  de  Rodolphe, 
sous  prétexte  de  traiter  de  paix,  mais  en  effet 
dans  le  dessein  de  faire  prisonnier  l'abbé  ou 
de  le  tuer,  ils  entrèrent  dans  l'église  comme 
pour  faire  leurs  prières,  ayant  laissé  leurs 
armes  à  la  porte,  suivant  la  coutume  de  ce 
temps-là,  auquel  il  n'était  pas  permis  d'en- 
trer dans  l'église  avec  des  armes.  Les  ser- 
viteurs de  l'abbaye  s'en  étant  aperçus,  se 
saisirent  des  armes  et  des  chevaux  des  Nor- 
mands, sonnèrent  le  tocsin  pour  faire  prendre 
les  armes  aux  habitants  des  lieux  circonvoi- 
sins,  et  se  jetèrent  sur  les  ennemis,  en  tuè- 
rent plusieurs  et  firent  prisonnier  Rodolphe, 
leur  chef,  avec  plusieurs  autres  ;  de  sorte 
qu'eu  un  seul  jour  les  moines  du  Mont-Cas- 
sin recouvrèrent  tous  le^  lieux  qui  avaient 
été  usurpés,  à  la  réserve  des  châteaux  do 
Saint-Victorel  de  Saint-André,  dont  ils  chas- 
sèrent aussi, quelques  jours  après,  les  Nor- 
mands; après  quoi  l'abbé,  ne  se  fiant  plus  à 
leur  serment,  fit  entourer  de  murs  tous  les 
châteaux  qui  dépendaient  de  l'abbaye,  et  y 
mit  garnison. 

Le  monastère  du  Mont-Cassin  prit  un  nou- 
veau lustre  sous  le  gouvernement  de  l'abbé 
Didier,  depuis  pape  sous  le  nom  de  Victor  III, 
qui  est  regardé  comme  un  des  restaurateurs 
de  cette  célèbre  abbaye.  Il  fit  abaltie  l'an- 
cienne église  l'an  1060,  et  en  fit  rebâtir  une 
autre  avec  toute  la  magnificence  possible, 
ayant  fait  venir  de  Rome,  avec  beaucoup  de 
dépense,  des  marbres,  des  colonnes,  des  ba- 
ses et  autres  matériaux.  Il  envoya  même  jus- 
qu'à Constanlinople  pour  faire  venir  d'ha- 
biles architectes.  L'église  fut  achevée  au 
bout  de  cinq  ans,  et  la  dédicace  s'en  fit  avec 
beaucoup  de  solennité  et  un  grand  concours 
de  prélats;  car  il  y  eut  dix  archevêques  et 
quarante-trois  évêques  qui  y  assistèrent  avec 
Richard,  prince  de  Capoue,  son  fils  et  son 
frère,  Gisul|  he,  prince  de  Salerne,  et  Lan- 
dulphe,  prince  de  Bénévent,  et  plusieurs  au- 
tres seigneurs.  L'abbé  Didier  ne  se  contenta 
pas  d'avoir  fait  rebâtir  l'église,  il  ajouta  en- 
core plusieurs  édifices  au  monastère,  dont 
les  richesses  augmentèrent  dans  la  suite  par 
les  grandes  donaiions  qui  lui  lurent  faites.' 

Le  schisme  qui  arriva  dans  l'Eglise  l'an 
1130,  après  la  mort  du  pape  Honorius  11,  pensa 
causer  encore  la  ruine  de  ce  monastère.  Le 


1071 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1072 


même  jour  qu'Innocent  II  fut  élu  canonique- 
ment  pour  successeur  d'Honorius,  le  cardi- 
nal Pierre  de  Léon,  ayant  une  puissante  fac- 
tion dans  Home,  se  Ot  aussi  proclamer  pape 
sous  le  nom  d'Anaclet  II.  La  France,  l'Alle- 
magne et  l'Angleterre  reconnaissaient  Inno- 
cent. L'Italie  suivit  le  parti  d'Anaclet ,  qui, 
pour  y  attirer  Koger,  duc  de  la  Pouille,  et  se 
le  rendre  plus  favorable,  érigea  ses  Etals  en 
royaume  sous  le  nom  de  Sicile.  L'empereur 
Loihaire,  étant  venu  en  Italie  pour  rétablir  le 
pape  Innocent  sur  son  siège  ,  se  lit  couron- 
ner parce  pontife  dans  le  palais  de  Latran  , 
et  sa  présence  pacifia  tous  les  troubles.  Mais 
à  peine  ce  prince  fut-il  parti ,  que  Roger,  s'é- 
tant  mis  en  campagne  avec  une  armée,  s'em- 
para de  presque  toutes  les  terres  du  saint- 
siége.  L'empereur,  qui  n'avait  rien  diminué 
de  son  affection  pour  l'Eglise  ,  retourna  en 
Italie  avec  une  puissante  armée.  Pendant 
qu'il  était  en  chemin  ,  Guarin  ,  chancelier  de 
Koger ,  voulut  contraindre  les  moines  du 
Mont-Cassin  d'abandonner  leur  monastère  en- 
tre les  mains  de  ses  gens  pour  s'opposer  à  l'em- 
pereur ;  mais  ils  n'y  voulurent  pas  consentir 
et  déclarèrent  qu'ils  combattraient  jusqu'à  la 
mort ,  et  qu'ils  souffriraient  plutôt  d'être  ré- 
duits à  manger  la  chair  des  chevaux  ,  des 
chiens  et  des  rais  ,  que  de  consentir  que  leur 
monastère  tombât  entre  les  mains  des  sécu- 
liers. Séniorect,  qui  était  pour  lors  abbé, 
croyant  fléchir  l'esprit  du  chancelier,  lui  en- 
voya douze  de  ses  plus  anciens  religieux  nu- 
pieds,  pour  le  prier  de  leur  accorder  du 
temps,  afin  de  convoquer  le  chapitre  géné- 
ral pour  prendre  l'avis  des  religieux  qui  de- 
meuraient dans  les  monastères  de  la  dépen- 
dance du  Mont-Cassin.  La  communauté  con- 
duisit ces  douze  religieux  à  la  porte  du  mo- 
nastère, fondant  tous  en  larmes  ;  ils  renlrè- 
rentensuile  dans  l'église  en  frappant  leur  tète 
contre  le  pavé,  ils  imploraient  la  miséricorde 
de  Dieu  et  le  secours  de  saint  Benoît.  Us  fi- 
rent des  processions  où  ils  portèrent,  entre 
autres  reliques  ,  du  bois  de  la  vraie  croiv  , 
un  bras  de  l'apôtre  saint  Matthieu  et  un  bras 
de  saint  Maur  :  ce  qui  ayant  irrité  davantage 
le  chancelier,  il  menaça  de  faire  couper  le 
nez  et  les  lèvres  à  tous  les  religieux,  et  leurs 
habits  jusqu'à  la  moitié  des  cuisses. 

L'abbé  Séniorect,  voyant  qu'il  n'y  avait  plus 
d'espérance  de  le  fléchir  ,  mit  son  monastère 
sous  la  protection  de  Landulphe  de  Saint- 
Jean,  qui  tenait  le  parti  de  l'empereur.  11  y 
envoya  des  soldais  et  y  vint  lui-même  peu 
de  temps  après.  Mais  dans  le  temps  que  le 
chancelier  de  Roger  menaçait  de  venir  rui- 
ner le  monastère ,  il  mourut  subitement. 
L'abbé  Séniorect  étant  mort  aussi  l'an  1137, 
il  y  eut  quelque  division  entre  les  religieux 
de  cette  abbaye  au  sujet  de  l'élection  d'un 
nouvel  abbé.  Raynaudde  Toscane,  selon  ce 
que  dit  M.  Ange  de  la  Noce,  fut  élu  lumuliuai- 
rcment,  et  reconnut  d'abord  l'antipape  Ana- 
clel.  Il  se  soumil  cependant  à  l'obéissance 
d'Innocent  II  par  l'entremise  de  l'empereur 
Loihaire,  et  lut  enfin  déposé,  après  que  le 
pape  eut  fait  examiner  son  élection,  qui  ne 
se   trouva,   pas  canonique. 


Les  événements  les  plus  remarquables  qui 
arrivèrent  dans  la  suite  dans  cette  abbaye 
regardent  le  gouvernement  spirituel.  Lors- 
que saint  Célestin  fut  élevé  sur  la  chaire  de 
saint  Pierre,  l'an  1294,  il  vint  au  Mont-Cas- 
sin, et  voulant  l'unir  à  la  congrégation  qu'il 
avail  fondée  et  qui  a  porté  son  nom,  il  per- 
suada aux  religieux  de  quitter  leur  habit 
pour  prendre  celui  de  sa  congrégation,  qui 
était  gris  et  d'une  étoffe  irès-grossière.  II  y 
envoya  près  de  cinquante  religieux  de  celte 
congrégation  nouvelle,  et  y  nomma  pour  ab- 
bé Angelar,  qui  était  de  la  même  congréga- 
tion et  qui  ne  gouverna  que  cinq  mois  ;  car 
le  pape  saint  Céleslin  ayant  renoncé  celte 
même  année  au  pontificat  ,  Boniface  VIII, 
qui  lui  succéda  ,  cassa  tout  ce  qu'il  avait 
fait ,  excepté  les  cardinaux.  Les  Célestins 
sortirent  du  Mont-Cassin,  et  il  fut  rendu  aux 
Bénédictins,  qui  le  possédèrent  et  élurent  leurs 
abbés  jusqu'en  l'an  1318,  qu'après  la  mort 
de  l'abbé  Isuard,  le  pape  Jean  XXII  en  don- 
na l'administration  àOdon,  patriarche  d'A- 
lexandrie; et  après  la  mort  de  ce  prélat,  qui 
arriva  l'an  1323,  le  même  pape  érigea  le 
Mont-Cassin  et  tout  son  territoire  en  évêché, 
et  supprima  la  dignité  d'abbé.  Il  y  eut  neuf 
évêques  de  suite,  et  après  la  mort  d'Ange 
des  Ursins,  qui  fut  le  dernier,  et  qui  mourut 
l'an  1367,  Urbain  V,  considérant  que,  pendant 
près  de  quarante-quatre  ans  que  ce  monas- 
tère n'avait  point  eu  d'abhés,  l'observance 
régulière  en  avait  été  presque  bannie  ,  lui 
restitua  le  titre  d'abbaye,  et  supprima  la  di- 
gnité épiscopale  ;  il  prit  ce  monastère  sous 
sa  protection,  en  fut  lui-même  abbé,  et  le  fil 
gouverner  par  ses  procureurs  jusqu'en  l'an 
1370,  qu'il  mourut.  Après  sa  mort,  Barthé- 
lémy de  Sienne  fut  élu  abbé  l'an  1371.  Mais 
quoique  le  pape  eût  érigé  le  Mont-Cassin  et 
tout  son  territoire  en  évêché,  l'on  peut  dire 
qu'il  ne  fit  pas  un  nouveau  diocèse  ,  puisque 
les  abbés  du  Mont-Cassin  avaient  toujours 
eu  une  juridiction  presque  épiscopale,  comme 
ils  l'ont  encore.  Ce  pontife  ne  démembra  rien 
des  autres  diocèses  pour  former  celui  de  Cas- 
sin  ;  et  lorsque  le  pape  Urbain  V  supprima 
la  dignité  épiscopale,  il  ne  diminua  rien  de 
la  juridiction  de  l'abbé  du  Mont-Cassin,  qui 
assemble  un  synode,  confère  les  ordres  mi- 
neurs, non-seulement  à  ses  religieux,  mais 
aux  séculiers  qui  sont  de  sa  juridiction,  leur 
donne  le  sacrement  de  confirmation,  et  jouit 
de  plusieurs  droits  qui  n'appartiennent 
qu'aux  évêques. 

Après  que  le  pape  Urbain  V  eut  rendu  le 
titre  d'abbaye  à  ce  monastère,  il  fut  toujours 
gouvernépardes  abbés  réguliersjusqu'en  l'an 
1454.  Pyrrhus  Tomacelli,  ayant  été  élu  en 
1419,  gouverna  celte  abbaye  pendanl  dix-huit 
ans;  mais  ayaut  voulu  retenir  le  château  de 
Spolette  contre  la  volonté  du  pape  Eugène  IV, 
ce  pontife  le  fit  enfermer  dans  le  château 
Saint-Ange,  où  il  mourut  l'an  1437,  après 
avoir  été  privé  de  son  abbaye  peu  de  temps 
auparavant.  Elle  demeura  sans  chef  pendant 
huit  ans  et  demi,  jusqu'en  l'an  1440,  qu'An- 
toine Caraffa,  dernier  abbé  régulier  perpé- 
tuel, fut  élu  pour  la  gouverner.   Mais  après 


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sa  mort,  qui  arriva  l'an  i'tàk,  ce  monastère 
fut  donné  en  commende  au  cardinal  Louis 
Scarampi,  patriarche  d'Aquilée.  Le  second 
abbé  comtnendataire  fut  le  pape  Paul  II,  qui 
le  lit  gouverner  par  ses  légats  depuis  l'an 
1VG5  jusqu'à  sa  mort.  Jean  d'Aragon,  (ils  de 
Ferdinand,  roi  de  Naples,  l'obtint  ensuite. 
Enfin  le  cardinal  Jean  de  Médicis,  qui  fut  en- 
suite pape  sous  le  nom  de  Léon  X,  en  avant 
été  pourvu,  s'en  démit  entre  les  mains  du 
pape  Jules  II,  qui  l'unit,  l'an  150i,  à  la  con- 
grégation de  Sainle-Ju*line  de  Padoue,  dont 
nous  parlerons  dans  la  suite.  Mais  avant 
cette  union  il  y  a  de  l'apparence  que  l'an- 
cienne congrégation  du  Mont-Cassin  ne  sub- 
sistait plus,  et  que  les  différentes  révolutions 
arrivées  dans  le  gouvernement  spirituel  de 
cette  abbaye  avaient  empêcbé  la  tenue  des 
chapitres  généraux. 

Si  l'on  veut  ajouter  foi  à  ce  que  disent 
Wion  et  quelques  autres  auteurs,  l'abbé  du 
Mont-Cassin  se  qualifiait  patriarche  de  la 
sainte  religion,  duc  et  prince  de  tous  les  ab- 
bés et  religieux,  vice-chancelier  de  l'empire, 
chancelier  des  royaumes  de  l'une  et  l'autre 
Sicile,  de  Jérusalem  et  de  Hongrie,  comte  et 
recteur  de  la  Champagne,  terre  de  Labour 
et  provinces  maritimes,  vice-empereur  et 
prince  de  la  paix  ;  mais  si  cela  était  vrai, 
M.  Ange  de  la  Noce  n'aurait  pas  manqué 
d'en  parler.  Il  paraît  seulement  par  la  chro- 
nique de  Paul,  diacre  de  cette  abbaye,  que 
l'empereur  Lothaire  donna  à  l'abbé  Gnibalde 
le  titre  de  chancelier  et  de  grand  chapelain 
de  l'empire  et  celui  de  prince  de  la  paix,  et 
M.  Ange  de  la  Noce  dit  qu'il  est  le  premier 
baron  du  royaume  de  Naples.  Ponce,  abbé 
de  Cluny,  s'élant  rencontré  à  Rome  avec 
l'abbé  du  Mont-Cassin  dans  un  concile,  et 
ayant  voulu  s'attribuer  la  qualité  d'Abbé  des 
abbés,  on  lui  demanda  si  Cluny  avait  com- 
muniqué la  règle  de  saint  Benoit  au  Mont- 
Cassin,  ou  le  Mont-Cassin  à  Cluny  ;  et  ayant 
confessé  ce  qu'il  ne  pouvait  nier,  on  inféra 
que  c'était  avec  justice  que  l'abbé  du  Mont- 
Cassin  prenait  ce  titre,  quif  lui  avait  été  ac- 
cordé par  les  souverains  pontifes,  parce  que 
c'était  du  Mont-Cassin  que  la  règle  de  saint 
Benoît  s'était  répandue  par  tout  le  monde. 
C'est  pour  cetle  raison  que  saint  Odilon,  qui 
était  aussi  abbé  de  Cluny,  s'étant  trouvé  au 
Mont-Cassin  et  ayant  été  prié  d'y  célébrer  la 
messe  solennelle  avec  la  crosse  en  main,  ne 
voulut  jamais  paraître  avec  cette  marque  de- 
vant le  chef  des  abbés,  c'est-à-dire  devant 
l'abbé  du  Mont-Cassin. 

Voy.  Léon  d'Oslie,  Chronic.  mona'terii 
Cassin.  cum  notis  Angeli  de  Nuce.  Anton. 
Tornamira,  Orig.  e  Prog.  dtlla  cong.  Cussi- 
nense.  Arnold  Wion,  Lignum  vitœ.  Bulteau, 
Hist.  de  l'or d.  de  Saint-Benoit.  D.  Jean  Ma- 
nillon, Annal.  Dcnedict.  Cornel.  Margarin, 
Bullar.  Cassinense  (1). 

MONT-CASSIN  (Congrégation   i»u),   autre- 
fois de  Sainte-Justine  de  Padoue. 

Les  Bénédictins  de  Clur.y.  dans  le  temps  de 
leur  ferveur,  avaient  rétabli  l'ordre  de  Saiul- 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°»  265-264. 


Benoit  en  Italie  dans  son  ancien  lustre;  on 
les  y  avait  appelés  de  loules  parts  pour  ré- 
former les  plus  célèbres  monastères  et  y 
faire  revivre  les  observances  régulières;  mais 
ils  abandonnèrent  dans  la  suite  ces  obser- 
vances, et  tombèrent  dans  un  si  grand  relâ- 
chement, que,  sur  la  fin  du  xiv1'  siècle  et  au 
commencement  du  xv,  à  peine  trouvait-on 
en  Italie  un  monastère,  soit  de  la  congréga- 
tion de  Cluny,  soit  des  autres  congrégations 
de  moines  Noirs,  où  la  règle  de  saint  Benoit 
fût  suivie  et  où  les  religieux  en  connussent 
même  les  principales  obseï  vances.  Cette  rè- 
gle n'était  plus  connue  que  dans  les  congré- 
gations réformées  ,  où  les  religieux ,  qui 
étaient  dans  leur  ferveur,  s'étudiaient  à  la 
pratiquer  fidèlement;  et  méine  il  est  proba- 
ble que  le  grand  relâchement  où  étaient 
tombés  les  moines  Noirs  en  Italie  obligea 
les  fondateurs  de  ces  congrégations  à  pren- 
dre dans  leurs  habillements  des  couleurs  qui 
les  distinguassent  de  ces  moines  relâchés. 
La  célèbre  abbaye  de  Sainte-Justine  de 
Padoue  fut  du  nombre  de  celles  que  les  reli- 
gieux de  Cluny  possédaient.  Dès  l'an  1316, 
elle  avait  é!é  tellement  ruinée  par  les  guer- 
res qui  désolèrent  l'Italie  ,  qu'il  n'y  restait 
que  trois  religieux  en  1V07,  lorsque  le  pape 
Grégoire  XII  donna  cetle  abbaye  en  com- 
mende  au  cardinal  de  Bologne.  Ce  prélat, 
ayant  compassion  de  l'état  déplorable  de  ce 
monastère,  qui  n'avait  aucune  clôture  el  où 
des  ménages  entiers  d'hommes  et  de  femmes 
demeuraient,  y  fit  venir  des  religieux  du 
Mont-Olivet  pour  y  rétablir  les  observances 
régulières,  ce  qu'il  fil  approuver  par  le  sou- 
verain pontife,  et  les  trois  religieux  de  Cluny 
furent  contraints  d'en  sortir.  Mais  ceux-ci 
eurent  recours  à  l'autorité  de  la  république 
de  Venise,  qui  les  rétablit  dans  ce  monastère 
et  renvoya  les  religieux  du  Mont-Olivet  dans 
ceux  de  leur  congrégation.  Le  cardinal  de 
Bologne,  en  ayant  eu  avis,  se  démit  de  celle 
abbaye  entre  les  mains  du  pape,  et  sollicita 
Sa  Sainteté  de  la  donner  à  un  abbé  régulier 
qu'il  jugerait  propre  pour  réformer  ce  ino- 
nnslèro.  Le  pape  révoqua  la  bulle  qui  unis- 
sait l'abbaye  de  Sainte-Justine  à  l'ordre  du 
Mont-Olivet,  et  la  conféra  à  Louis  rïarbo, 
noble  Vénitien,  qui  était  pour  lors  prieur 
des  chanoines  séculiers  de  Sainl-Georgel» 
in  Algha  à  Venise.  Il  avait  refusé  quelque 
temps  auparavant  l'abbaye  de  Saint-Gypricn 
de  Murano,  que  ce  même  pontife  lui  avait  of- 
ferte, et  cela  par  l'attachement  qu'il  avait 
p;'ur  sa  congrégation  qu'il  ne  voulait  point 
quitter  ;  mais  ayant  été  de  nouveau  pourvu 
de  l'abbaye  de  Sainte-Justine  de  Padoue  l'an 
H08,  et  le  pape  lui  ayant  commandé  de  lac- 
cepter,  dans  l'espérance  qu'il  avait  qu'il  y 
rétabiirailles  observances  régulières,  il  obéit 
aux  ordres  du  souverain  pontife,  prit  l'habit 
de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  et  prononça  ses 
vœux  entre  les  mains  de  l'evéque  rie  Triferno 
ou  de  Castel.qui  lui  donna  aussi  la  bénédic- 
tion abbatiale,  le  3  février  ii-09,  en  ayant  eu 
commission  du  pape. 


1075 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


5076 


Louis  Barbo,  ayant  pris  possession  du  mo- 
nastère de  Sainte-Justine,  commença  par 
faire  rebâtir  les  lieux  réguliers  et  remettre 
la  clôture  ;  mais  comme  il  n'y  trouva  que 
ces  trois  religieux  de  Cluny,  et  qu'il  n'aurait 
pu  avec  un  si  petit  nombre  pratiquer  tout 
ce  qui  est  prescrit  dans  la  règle  de  saint  Be- 
noît, tant  pour  ce  qui  regarde  les  offices  di- 
vins que  les  observances  régulières ,  il  de- 
manda deux  autres  religieux  à  l'abbé  de 
Saint-Miche!  de  Muraim,  de  l'ordre  des  Ca- 
maldules,  et  fit  venir  encore  deux  chanoines 
de  la  congrégation  de  Saint-Georges  in  Al- 
ghn  :  quoiqu'ils  fussent  tous  de  différentes 
congrégations,  et  qu'ils  eussent  aussi  des 
habillements  différents,  ils  convenaient  néan- 
moins ensemble  dans  les  observances  régu- 
lières, qu'ils  pratiquaient  conformément  à  la 
règle  de  saint  Benoît  et  aux  règlements  qui 
furent  dressés  par  Louis  Barbo,  dont  Dieu 
bénit  les  lionnes  intentions  :  car  il  reçut  dans 
la  suite  un  si  grand  nombre  de  novices,  que 
le  monastère  de  Saintc-Jusline  ne  fut  pas 
suffisant  pour  loger  tous  les  religieux  qui  se 
rangeaient  sous  sa  conduite,  de  sorte  qu'il 
se  vit  obligé  de  faire  de  nouveaux  établisse- 
ments. Le  premier  fut  à  Bassano  proche  Pa- 
doue, où  il  acheta  une  église  dédiée  aux 
saints  martyrs  Herningore  et  Fortunat,  à  la- 
quelle et  lit  attaché  un  ancien  monastère  qui 
avait  autrefois  appartenu  à  des  religieuses, 
et  après  en  avoir  fait  relever  les  bâtiments, 
il  destina  ce  lieu  pour  y  élever  les  novices. 

Les  bourgeois  de  Vérone  lui  ayant  offert 
un  établissement  dans  leur  ville,  il  y  fil  aussi 
réparer  un  ancien  monastère  appelé  Notre- 
Dame  de  Caretta.qui  avait  été  ruiné  parles 
guerres  et  par  les  abbés  commendataires; 
mais  l'ayant  abandonné  quelquetempsaprès, 
et  cédé  aux  religieux  de  Saint-François,  il 
fit  bâtir  un  autre  monastère  sur  le  mont 
Agitano,  proche  une  église  qu'on  avait  com- 
mencé à  bâtir  en  l'honneur  des  apôlres  saint 
Jacques  et  saint  Philippe  ;  et  ce  fut  pour  lors 
qu'il  donna  le  nom  de  Sainte-Jusline  de  Pa- 
doue  à  sa  congrégation. 

Les  habitants  de  Milan,  qui  voulaient  ré- 
parer l'abbaye  de  Saint-Denis,  qui  était  toute 
ruinée,  demandèrent  de<  religieux  à  Louis 
Barbo  pour  y  rétablir  la  discipline  monasti- 
que, ce  qu'il  leur  accorda  bien  volontiers. 
La  réputation  de  ce  réformateur  se  ré- 
pandant par  toute  l'Italie,  il  fut  invité  par 
plusieurs  princes  et  plusieurs  seigneurs 
de  leur  envoyer  des  religieux  pour  réfor- 
mer les  monastères  de  moines  Noirs  silués 
dans  les  terres  de  leurs  dépendances  ; 
mais  il  ne  voulut  point  accepter  ceux  qu'on 
lui  offrit,  qu'à  condition  que  les  abbés  com- 
mendataires ne  se  mêleraient  plus  du  spiri- 
tuel, et  qu'après  leur  morl  la  congrégation 
aurait  une  entière  autorité  sur  ces  monas- 
tères, où  elle  mettrait  tel  supérieur  que  bon 
lui  semblerait,  et  que  les  religieux  qui  y  fe- 
raient profession  promettraient  oliéissance  à 
la  congrégation.  Il  en  accepta  quelques-uns 


C'était  un  homme  violent  et  emporté,  qui 
avait  toujours  les  armes  à  la  main  et  qui 
était  à  la  tète  de  plusieurs  scélérats,  compa- 
gnons de  ses  crim  s  ;  mais  ayant  été  touché 
par  les  discours  de  Barbu  dans  une  conver- 
sation qu'il  eut  avec  lui ,  non-seulement  il 
lui  donna  son  abbaye,  mais  il  prit  l'habit  de 
l'ordre  de  Saint-Benoît  et  mourut  saintement 
dans  le  monastère  de  Padoue. 

La  congrégation  augmentanltous  les  jours, 
Louis  Barbo  en  demanda  la  confirmation  au 
pape  Martin  V,  l'an  1417,  lorsque  ce  pontife 
passa  par  Milan,  à  son  retour  du  concile  de 
Constance  oô  il  avait  élé  élu  ;  ce  qui  lui  fut 
accordé  sans  difficulté.  La  congrégation  fit 
ensuite  de  nouveaux  progrès,  on  lui  donna 
la  célèbre  abbaye  de  Saint-Benoit  de  Poli- 
rone  dans  le  duché  de  Manloue.  Les  reli- 
gieux de  Cluny  la  possédaient  et  n'y  vivaient 
pas  avecplusdc  régularitéque  d  insles  antres 
monastères.  Gui  de  Gonzague  en  était  abbé 
commendataire  ;  il  avait  souvent  exhorté  ces 
religieux  à  réformer  leurs  mœurs  corrom- 
pues, mais  ses  exhortations  n'ayant  eu  au- 
cun effet,  il  sollicita  Martin  V  d'unir  ce  mo- 
nastère à  la  congrégation  de  Sainte-Justine 
de  Padoue.  L'union  de  cette  fameuse  abbaye 
lai  donna  beaucoup  de  lustre,  qui  augmenta 
encore  davantage  par  l'union  qui  y  fut  faite 
de  la  basilique  de  Saint-Paul  à  Rome  et  de 
Saint-Georges  le  Majeur  à  Venise,  de  Saint- 
Sixte  à  Plaisance  et  de  plusieurs  autres  fa- 
meux monastères.  Le  nombre  en  étant  beau- 
coup augmenté,  on  tint  le  premier  chapitre 
général,  l'an  1424,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Benoît  de  Polirone,  où  Louis  Barbo  fut  élu 
pour  premier  président  général  de  la  con- 
grégation, et  tous  les  ans  on  lint  de  pareils 
chapitres  généraux  :  ce  qui  fut  encore  ap- 
prouvé par  Marlin  V,  qui  accorda  beaucoup 
de  privilèges  à  cette  congrégation  et  permit 
de  faire  de  nouvelles  constitutions.  Eugène  IV 
lui  accorda  d'autres  privilèges  et  fit  des  rè- 
glements pour  les  chapitres  généraux.  Enfin 
Louis  Barbo ,  appréhendant  qu'après  sa 
mort  l'abbaye  de  Sainte-Jusline  ne  retombât 
encore  en  commende,  se  démit  de  cette  ab- 
baye en  faveur  de  sa  congrégation,  dans  le 
chapitre  général  qui  se  lint  à  Venise  l'an 
1437.  Après  celte  démission,  Louis  lîarbo 
voulut  mener  une  vie  privée  ;  mais  le  pape, 
qui  connaissait  son  mérite,  ne  voulant  pas 
qu'une  si  grande  lumière  restât  cachée  dans 
une  solitude,  lui  donna  l'évêché  de  Trévise. 
Après  avoir  gouverné  ce  diocèse  pendant 
l'espace  d'environ  quatre  ans,  avec  tout  le 
zèle  et  la  vigilance  d'un  saint  pasteur,  il 
mourut  dans  le  monastère  de  Saint-Georges 
le  Majeur  à  Venise  l'an  1443,  et  son  corps 
fut  porté  à  Sainte-Justine  de  Padoue,  comme 
il  l'avait  ordonné. 

Celte  congrégation  a  porté  le  nom  de 
Sainte-Justine  de  Padoue  jusqu'en  l'an  1504, 
que  le  monastère  du  Mont-Cassin  y  ayanl 
élé  uni  après  la  démission  qu'en  fit  le  cardi- 
nal de  Médicis,  qui  en  était  abbé  commenda- 


à  ces  conditions  ;  le  premier  fut  l'abbaye  de  '  taire,  et  qui  fut  pape  dans  la  suite  sous  le 
Sainte-Marie  de  Florence,  dont  un  certain  nom  de  Léon  X,  le  pape  Jules  II  voulut 
Nicolas  Vascon  était  abbé  commendataire.      qu'elle  quittât  le  nom  de  Sainte-Justine  pour 


1077 


MON 


MON 


407S 


pren  Ire  celai  du  Mont-Cassin,  qui  était  chef 
de  tout  L'ordre,  et  qu'on  l'appelât  à  l'avenir 
la  congrégation  du  Mout-Cassiu  autrefois  de 
Sainte-Justine  :  elle  a  environ  quatre-vingt- 
quinze  monastères  célèbres  et  environ  une 
centaine  de  petits  de  la  dépendance  de  ces 
célèbres.  Entre  ces  petits  monastères  il  y  en 
a  environ  une  Iront  ; i ne  où  il  n'y  a  que  des 
abbés  titulaires  qui  n'y  font  pas  même  leur 
résidence.  Tous  ces  monastères  sont  divisés 
en  sept  provinces,  qui  sont  celles  de  Rome, 
de  Napks,  de  Sicile,  de  Toscane,  de  Venise, 
de  Lombardie  et  de  Gènes.  Le  monastère  de 
Lérins  en  Provence  est  aussi  de  celle  con- 
grégation et  de  la  provin  e  de  Toscane.  Il  y 
a  aussi  des  monastères  de  filles  qui  dépeu- 
dcnl  d>  celle  congrégation.  Tous  les  abbés 
se  sen  • ut  d'oruements  pontificaux,  même 
les  abbés  titulaires,  et  donnent  les  quatre 
mineurs  à  leurs  religieux. 

Le  plus  célèbre  monastère  de  celte  con- 
grégation est  celui  du  Mont-Cassin,  dont 
nous  avons  déjà  amplement  parlé  dans  l'ar- 
ticle précédent,  et  qui  surpasse  par  sa  ma- 
gnificence tous  les  autres  monastères  d'Ita- 
lie. Celui  de  Sainte-Justine  de  Padoue  peut 
tenir  le  second  rang.  Il  renferme  six  cloî- 
tres, plusieurs  cours  et  jardins.  L'église,  qui 
est  très-grande,  est  pavée  de  marbre  noir, 
blanc  et  rouge  ;  la  couverture  de  l'église  est 
ebargée  de  neuf  dômes.  Il  ne  se  peut  rien 
voir  de  pins  beau  que  le  maître-autel.  Il  y  a 
dans  celle  église  vingt-quatre  chapelles  de 
marbre  dont  tous  les  dessins  sont  différents, 
et  l'on  prétend  que  cette  abbaye  a  soixante 
mille  ducats  de  revenu.  Celle  de  Saint-Be- 
noît de  Polirone,  à  douze  milles  de  Manloue, 
est  d'une  vaste  étendue.  Il  y  a  un  clos  de 
quatre  milles  de  tour.  Les  religieux  y  sont 
toujours  au  nombre  de  cent  prêtres  el  qua- 
rante frères.  Us  sont  seigneurs  spirituels  et 
temporels  de  plusieurs  villages,  et  curés  pri- 
mitifs de  trente-huit  paroisses,  qu'ils  p  u- 
vent  tenir  eux-mêmes,  aussi  bien  que  celles 
qui  dépendent  des  autres  mo.aslèies  de 
cette  congrégation,  en  vertu  des  privilèges 
qui  lui  ont  été  accordés  par  les  souverains 
pontifes.  Celte  même  abbaye  de  Saint-Be- 
noit possède  autant  de  terres  que  trois  mille 
paires  de  bœufs  en  peuvent  labourer.  Cel  .i 
de  Saint-Sévcriu  de  Naples  est  aussi  très- 
magnifique.  Il  y  a  trois  beaux  cloîtres,  dont 
l'un  est  orné  de  peintures  exquises  à  fres- 
que, el  un  autre  est  de  marbre  blanc  de  Car- 
rare, à  colonnes  d'ordre  dorique.  Le  dortoir 
répond  à  cette  magnificence.  L'église  esl 
aussi  très-belle  Le  maître -autel  est  isolé  et 
entouré  d'une  balustrade  de  marbre.  Le 
pavé  du  chœur  est  aussi  de  marbre;  les 
stalles  des  religieux,  qui  sont  de  b  >is  de 
noyer  à  feuillages,  el  tournées  chacune 
d'une  manière  différente,  ont  coûté  seize 
mille  écus.  Nous  avons  déjà  parlé  du  monas- 
tère de  Cave  el  de  quelques  autres  qui  ont 
été  unis  à  cette  congrégation,  aussi  bien  que 
l'église  de  Montréal  en  Sicile,  où  les  reli- 
gieux de  celle  congrégation  tiennent  lieu  de 
chanoines. 

Leurs  constitutions  furent  de  nouveau  ap- 


prouvées par  le  pape  Urbain  VH1  l'an  16i2. 
Conformément  à  ces  constitutions,  ils  ne  doi- 
vent point  manger  de  viande  au  réfectoire; 
mais  les  supérieurs  en  peuvent  manger 
avec  les  hôtes  de  la  congrégation  et  les  an- 
ciens, el  les  prêtres  de  la  maison  dans  la 
chambre  de  l'abbé  :  ils  en  peuvent  aussi  man- 
ger en  voyage  et  hors  le  monastère  avec  per- 
mission. Il  y  a  néanmoins  quelques  monas- 
tères où  on  en  mang4  trois  fois  la  semaine, 
comme  dans  ceux  de  Saint-Paul  à  Home, 
Sainte-Marie  de  Farfe,  Saiul-Nicolus  du  Liilo 
à  Venise,'  el  dans  celui  d'Ast,  à  cause  du 
mauvais  air  :  ce  qui  est  aussi  permis  dans 
tous  les  monastères  de  la  congrégation  où 
il  n'y  a  pas  douze  religieux  de  communauté. 
Les  supérieurs  doivent  aussi  permettre  d'  :i 
manger  pendant  quelques  jours  dans  loute  la 
i  lion ,  immédiatement  avant  l'avent 
et  le  carême.  Ils  doivent  jeûner  tous  les  ven- 
dredis de  l'année,  et  ils  ne  doivent  point 
manger  ces  jours-là  ni  œufs  ni  laitage,  non 
plus  qu'aux  jeûnes  d'Eglise;  ce  qui  leur  esl 
néanmoins  permis  aux  autres  jeûnes  de  rè- 
gle, qu'ils  commencent  à  la  fête  de  l'Exal- 
tation de  la  sainte  croix,  et  qu'ils  finissent 
au  commencement  du  carême,  qu'ils  fixent 
au  lundi  d'après  lu  Qninquagésime.  Us  sout 
dispensés  du  jeûne  au<  fêles  de  saint  Mat- 
thieu, de  la  Dédicace,  de  saint  Michel,  de 
saint  Placide,  de  sainte  Justine,  le  jour  de 
Noé'l,  les  trois  fêtes  qui  suivent  et  quelques 
autres;  et  les  jours  de  jeûne  dérègle  ils  ont 
le  soir  à  la  collation  du  pain  avec  quelques 
fruits. 

Leur  habillement  consiste  en  une  robe  et 
un  scapulaire  assez  large,  avec  uni  i 
fort  ample,  el  ils  portent  toujours  un  cha- 
peau lorsqu'ils  sortent.  Quoique  l'usage  des 
chemises  de  toile  leur  soit  défendu,  si  ce 
n'est  dans  les  maladies,  on  leurpermet  néan- 
moins de  porter  un  suaire  de  toile  grossière 
sous  le.ur  tunicelle  de  serge.  Ils  donnent  ie 
nom  de  pétition  à  ce  qu'on  appelle  profes- 
sion dans  les  autres  ordres,  et  après  leur  an- 
née de  noviciat  ils  prononcent  leurs  vœiis 
en  ces  termes  :  In  nomine  Domini  N.J.C. 
Amen.  Anno  Natitilntis  cjusdem  N.,  die  /Y"., 
Ego  domnus  N-,  de  tali  loco,  promit  to  i 
latem  imam,  e!  concersinicm  morum  meorum, 
et  obedientiam  secundum  regulam  S.  Bene- 
dicti,  coruiit  Deo  et  omnibus  sanciis  au.jrum 
reliquiœ  habentur  in  hoc  monasterio  S.  '\ . 
de  A*.,  in  prœsenliaR.  P.  D.  A*,  ejuid. 
tterii  aboutis  (vei  prioris)  et  mo.tacliorum 
ejusd.  monasterii  sub  congregationc  Cassi- 
nensi.  Ad  cujus  rei  fidem  liane  petitionem 
manu  propria  subscripsi  die  quo  supra.  Leurs 
frères  convers  sont  appelés  Frères  Commis. 
Il  leur  est  permis  de  sortir  de  la  congréga- 
tion; et,  pendant  qu'ils  y  demeurent,  ils  sont 
obligés  du  garder  la  chasteté,  la  pauvreté  et 
l'obéissance.  Us  ont  pour  habillemeutuae  tu- 
nique et  un  manteau  de  bleu  obscur,  qui  esl 
fermé  de  tous  côtés,  à  l'exceplion  de  deux 
ouvertures  pour  passer  les  bras;  el  ils  por- 
tent sur  l'épaule  un  capuce  en  manière  de 
chausse.  Ce  capuce  ne  leur  sert  qu'après  la 
mort  pour  les  enterrer.  Dans  l'état    ccclé- 


1079 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1080 


giaslique  ils  ont  à  cette  grande  robe  ou  man- 
teau dont  nous  venons  de  parler  deux  man- 
ches de  la  largeur  de  deux  pieds  de  roi  :  ils 
s'en  servaient  autrefois  pour  aller  en  ville  ; 
mais  présentement  ils  seserventde  manteaux 
faits  comme  ceux  des  séculiers,  n'ayant  con- 
servé du  manteau  monacal  que  la  seule  cou- 
leur; ils  n'y  portent  point  le  capuce  sur 
l'épaule  comme  les  autres  (1). 

Le  cbapiire  général  de  cette  congrégation 
se  tient  tous  les  ans,  le  troisième  dimanche 
d'après  Pâques,  auquel  les  supérieurs  et  un 
député  de  chaque  maison  sont  obligés  de  se 
trouver,  excepté  ceux  des  maisons  éloignées, 
qui  n'y  viennent  que  tous  les  deux  ans.  Tous 
les  supérieurs  se  démettent  de  leurs  offices 
dans  ce  chapitre,  et    après   leur  démission 


bulle  delà  condamnation  des  Templiers,  par 
laquelle  il  unissait  tous  leurs  biens  à  l'ordre 
des  Hospitaliers  ;  mais  Sa  Sainteté,  faisant 
attention  à  la  demande  de  ce  prince,  en  ex- 
cepta tous  les  biens  qu'ils  possédaient  dans 
les  royaumes  d'Espagne  ,  et  aûn  de  ne  rien 
faire  sans  connaissance  de  cause,  avant  que 
d'accorder  au  roi  sa  demande,  elle  écrivit  à  tous 
les  princes  qui  possédaient  les  royaumes 
d'Espagne,  qu'ils  lui  envoyassentdes  per>on- 
nes  de  probité,  capables  de  lui  bien  expliquer 
les  raisons  qu'ils  avaient  pour  que  ces  biens 
qui  étaient  dans  leurs  dépendances  ne  fus- 
sent pas  soumis  à  la  loi  générale. 

Le  roi  d'Aragon,  qui  n'avait  puint  d'autre 
motif  que  celui  qu'il  avait  déjà  fait  alléguer 
par  ses  ambassadeurs,  fit  représenter  de  nou- 


on  y  élit  neuf  définiteurs,  dont  il  y  en  a  un  veau  au  pape,  et  dans  des  termes  plus  près 
qui  est  président  du  chapitre.  Pendant  qu'il  sants,  la  nécessité  qu'il  y  avait  d'établir  un 
dure,  toute  l'autorité  sur  la  congrégation  ré- 
side dans  ces  définiteurs,  et  toutes  les  af- 
faires qui  la  concernent  étant  réglées,  les 
neuf  définiteurs  procèdent  à  l'élection  d'un 
président  de  la  congrégation,  qui  doit  être 
ainsi  élu  tous  les  ans. 


nouvel  ordre  militaire  pour  résister  aux 
maures  de  Grenade,  et  afin  que  Sa  Sainteté 
n'eût  aucun  soupçon  sur  la  sincérité  de  ses 
intentions,  il  ordonna  à  ces  mêmes  ambas- 
sadeurs de  lui  dire  que  s'il  voulait  lui  accor- 
der sa  demande,  il    donnerait  à  cet  ordre 


Cette  congrégation  a  pour  armes  d'azur  à     Montésa,  dans  le  royaume   de  Valence,  qui 


trois  montagnes  de  sinople,  surmontéesd'une 
croix  patriarcale,  avec  ce  mot  PAX. 

Jacobus  Cavacius,  Ilisl.  cœnobii  S.  Justi- 
fiée Patavinœ.  D.  Pietro  Antonio  Tornamira, 
Orirjine  e  Prog>essi  délia  eongregatione  Cas- 
sinense.  Bullarium  Cassinense  et  Constitutio- 
nés  ejusd.  ordinis. 

La  congrégation  du  Mont-Cassin  existe 
toujours,  et  se  livre  à  la  culture  des  lettres 
et  à  l'érudition  ecclésiastique.  Elle  avait 
deux  maisons  à  Home  au  dernier  siècle, 
Saint-Calixte  et  Suint-Paul-hors-des-Murs. 
Cette  dernière  maison  est  toujours  habitée 
(et  peut-être  l'autre  aussi)  par  ces  Bénédic- 
tins qu'on  appelle  Cassinesi.  Le  président  ac- 
tuel est  le  R.  P.  abbé  D.  Maur  Bioi,  et  le 
procureur  général  de  la  congrégation  est  le 
R.  P.  abbé  dom  Vincent  Bini.         B-d-e. 

MONT    DE    LA  COURONNE.    Voy.   Ca- 

MALDULES. 

MONTE-CORBULO.  Voy.  Écoliers  de 
Bologne. 

MONTE-ORTONO.   Voy.  Augustins. 

MONTESA  ET  DE  SAINT  -  GEORGES 
D'ALFAMA  (Chevaliers  des  ordres  de). 

Le  pape  Clément  V  ayant  résolu  d'unir  les 
biens  de  l'ordre  des  Templiers  à  celui  des 
Hospitaliers  île  Saint-Jean  de  Jérusalem, 
Jacques,  roi  d'Aragon,  supplia  ce  pontife,  par 
le  moyen  de  ses  ambassadeurs  qu'il  avait 
envoyés  au  concile  de  Vienne,  que  les  biens 
des  Templiers  en  son  royaume  ne  fussent 
point  unis  à  l'ordre  des  Hospitaliers,  mais 
qu'ils  fussent  assignés  pour  la  fondation  d'un 
nouvel  ordre  militaire,  dont  le  principal  ins- 
titut serait  de  faire  la  guerre  aux  maures; 
et  afin  d'exciter  le  pape  à  lui  accorder  sa  de- 
mande, il  l'informa  de  1  état  du  rovaume  de 
Grenade,  et  du  grand  nombre  d'infidèles  qui 
y  étaient.  Nonobstant  celte  demande  du  roi 
d'Aragon,  le  pape  ne  laissa  pas  de  donner  la 
,     (I)  Voy.,  à  la  lin  du  vol.,  losnos  265  et  200. 


était  une  place  forte  et  imprenable;  mais 
qu'en  cas  qu'ils  vissent  qu'il  persistât  dans 
la  résolution  qu'il  avait  prise  d'unir  les  biens 
des  Templiers  situés  dans  son  royaume  ù 
l'ordre  des  Hospitaliers,  ils  lui  déclarassent 
qu'il  serait  obligé,  pour  la  sûreté  de  ses  Etats, 
de  s'emparer  de  dix-sept  places  fortes  qui 
avaient  appartenu  aux  Templiers,  et  de  rete- 
nir les  revenus  qui  en  dépendaient  pour  en- 
tretenir les  garnisons.  Le  pape  mourut  sans 
avoir  rien  déterminé;  mais  son  successeur 
Jean  XXII  accorda  à  ce  prince  ce  qu'il  de- 
mandait, et  l'ordre  de  Monlésa  fut  institué  l'an 
1316,  sous  le  nom  de  Notre-Dame  de  Montésa. 
On  donna  à  cet  ordre  tous  les  biens  que  les 
Templiers  possédaient  dans  le  royaume  de 
Valence,  et  même  ceux  qui  appartenaient  à 
l'ordre  des  Hospitaliers  de  Saint-Jean  de  Jé- 
rusalem, auxquels  on  donna  pour  les  dédom- 
mager les  biens  qui  avaient  aussi  appartenu 
aux  Templiers  dans  l'Aragon.  Ce  furent  dix 
chevaliers  de  l'ordre  de  Calatrava  qui  pri- 
rent les  premiers l'hahitde  l'ordrede  Montésa: 
Alvarez  de  Luria  et  Mcndosa,  aussi  cheva- 
liers de  Calatrava,  en  dressèrent  les  statuts, 
à  la  prière  du  roi  d'Aragon  et  du  grand  maître 
de  l'ordre  de  Calatrava,  dom  Gardas  Lopez 
de  Padilla  :  ce  qui  fait  qu'il  a  toujours  été 
de  la  dépendance  de  celui  de  Calatrava  et 
soumis  à  la  juridiction,  visite  et  correction 
du  grand  maître  de  cet  ordre,  conjointement 
avec  l'abbé  de  Sainte-Croix,  ou  à  son  refus 
avec  celui  de  Valdégna,  tous  deux  de  l'ordre 
de  Cîteaux  ;  et  ces  deux  abbés  ne  voulant  pas 
accompagner  le  grand  maître  de  Calatrava 
dans  cette  visite,  il  la  peut  faire  seul  ou  nom- 
mer des  commissaires. 

Le  premier  grand  maître  de  Montésa  fut 
Guillaume  Eriili.  Il  y  en  eut  quatorze  de 
suite,  et  le  dernier  fut  dom  Pierre-Louis 
GalcerandeBorga;  car  après  sa  mort  Philip- 
pe II,  roi  d'Espagne,  fut  déclaré  par  le  pape 


«081 


MON 


MON 


1084 


administrateur  perpétuel  de  cet  ordre;  ce  qui 
fut  aussi  accordé  pour  ses  successeurs. 

Ces  chevaliers  portent  une  croix  de  gueu- 
les pleine  sur  un  habit  hlanc  (1).  Ils  obtinrent 
do  grands  privilèges  el  immunités  des  papes 
Alexandre  IV,  Sixie  IV,  Jules  11,  Léon  X, 
Clément  VII  et  Paul  III,  mais  particulière- 
ment de  Léon  X,  qui  leur  accorda  les  mêmes 
exemptions,  privilèges  et  immunités  dont 
jouissaient  ceux  de  Calatrava,  et  de  Paul  111, 
(|ui  leur  permit  de  se  marier  et  de  tester. 
Ils  reçurent  la  bulle  de  ce  pape  dans  leur 
chapitre  général  qui  se  tint  l'an  1572. 

L'ordre  de  Saint-Georges  d'AUama  fut  ins- 
titué l'an  1201,  à  Saint-Georges  d'AUama, 
dans  le  diocèse  de  Torlose,  et  fut  approuvé 
par  le  saint-siège  l'an  1363  ;  il  fut  uni  à  celui 
de  Montésa  l'an  1399  par  l'anlip;ipe  Be- 
noit XIII,  qui  était  reconnu  pour  légitime 
pontife  en  Espagne,  el  celte  union  fut  confir- 
mée dans  le  concile  de  Constance. 

Silvest.  Maurol.  Mar.  Océan,  di  tut  t.  gli 
relig.  ,  lib.  u.  Du  Pui,  Histoire  de  la  condam. 
des  Templ.  Mennenius,  Bernard  Giustiniani, 
Herman  et  Schoonebeck,  dans  leurs  llist.  des 
Ord.  milit. 

MONT-FRAC.  Voyez  Mont-Joie. 
MONT-JOIE   (Des    chevaliers    de   l'orduk 
de),  appelés  aussi  de  Montfrac  el  de  Truxillo. 

Après  que  Godefroy  de  Bouillon  eut  con- 
quis la  Terre-Sainte,  on  bâtit  aux  environs 
de  Jérusalem  deux  villes,  dont  la  première, 
qui  n'en  était  pas  fort  éloignée,  était  située 
sur  le  sommet  d'une  montagne,  d'où  les  pè- 
lerins qui  venaient  visiter  les  saints  lieux 
pouvaient  découvrir  cette  sainte  cité.  L'autre 
en  élait  éloignée  d'environ  deux  lieues,  et 
était  aussi  située  sur  une  montagne  proche 
de  Bethléem  et  de  la  Tour  d'Ader,  ou  du  lieu 
où  l'ange  annonça  aux  pasteurs  la  naissance 
du  Sauveur  du  monde,  d'où  les  pèlerins  qui 
allaient  à  Bethléem  pouvaient  aussi  décou- 
vrir celte  ville;  et  ces  deux  nouvelles  villes 
furent  appelées  Mont-Joie,  peut-être  à  cause 
de  l'allégresse  el  de  la  joie  que  faisaient  pa- 
raître les  pèlerins  en  découvrant  de  ces  mon- 
tagnes les  saints  lieux  où  Jésus-Christ  avait 
pris  naissance  et  avait  répandujson  sang  pré- 
cieux pour  notre  rédemption. 

Il  se  forma  dans  le  même  temps  un  ordre 
militaire  pour  la  défense  de  ces  saints  lieux 
et  des  pèlerins  qui  les  venaient  visiter  ;  et 
comme  ces  deux  villes  avaient  le  nom  de 
Mont-Joie,  et  que  les  chevaliers  y  établirent 
leur  première  demeure,  ils  en  prirent  le  nom. 
Alexandre  III  approuva  cet  ordre  l'an  1180, 
à  ce  que  l'on  prétend,  et  donna  aux  cheva- 
liers la  règle  de  saint  Basile.  Ils  portaient 
sur  un  habit  blanc  une  étoile  rouge  à  cinq 
rais,  et  il  y  a  quelques  écrivains  qui  leur 
donnent  une  croix  rouge  semblable  à  celle 
des  Templiers.  Schoonebeck,  qui  est  de  ce 
nombre,  se  contredit  lorsque,  parlaut  de  ces 
derniers,  il  dit  qu'ils  portaient  une  croix 
rouge  pour  marque  de  leur  ordre,  el  qu'en 
parlant  des  chevaliers  do  Truxillo  il  dit  aussi 
que,  tirant  leur  origine  des  chevaliers  de 
Mont-Joie,  lorsqu'ils  furent  chassés  de  la  Pa- 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  u"207, 


lestine,  ils  avaient  la  marque  de  cet  ordre, 
qui  était  une  étoile  à  cinq  rais  (2). 

Les  infidèles  s'élant  enfin  emparés  de  la 
Terre-Sainte,  les  chevaliers  de  Mont-Joie, 
aussi  bien  que  les  autres,  furent  contraints 
de  se  retirer  en  Europe;  et  afin  de  trouver 
un  lieu  qui  leur  fût  commode  pour  y  faire 
leur  demeure,  ils  parcoururent  plusieurs  pro- 
vinces, et  s'arrêtèreni  enfin  d;ms  la  Caslillo 
etdans  le  royaume  de  Valence, où  les  princes, 
qui  avaient  connu  leur  valeur,  leur  firent  de 
grands  dons.  Alphonse  IX  leur  ayant  donné 
le  château  de  Monlfrac,  ils  changèrent  de 
nom  dans  la  Castille,  en  prenant  celui  de 
Monlfrac;  mais  à  Valence  et  dans  les  autres 
lieux  où  ils  s'étaient  établis,  ils  furent  tou- 
jours appelés  de  Mont-Joie.  Enfin,  l'an  1221, 
le  roi  Ferdinand,  surnommé  le  Saint,  voyant 
que  cet  ordre  était  beaucoup  déchu  de  sa 
première  splendeur,  l'incorpora  et  l'unit  à 
celui  de  Calatrava. 

H  y  a  plusieurs  auteurs  qui  parlent  des 
chevaliers  de  Truxillo  comme  d'un  ordre 
séparé  de  celui  de  Mont-Joie,  et  qui  disent 
la  même  chose  de  celui  de  Monlfrac;  mais 
comme  il  y  en  a  d'autres  qui  n'en  font  qu'un, 
nous  les  joignons  aussi  ensemble.  Les  che- 
valiers de  Truxillo  liraient  leur  origine  de 
ceux  de  Monl-Joic,  et  ont  été  ainsi  appelés 
à  cause  que  le  roi  Alphonse  IX  leur  donna 
aussi  dans  la  Castille  la  ville  el  le  pays  de 
Truxillo  avecSanta-Croce,  Albana,  Cabagna 
et  Zaferello.  Ces  places  avaient  été  conquises 
sur  les  maures;  mais  ces  infidèles  les  ayant 
reprises  peu  de  temps  après,  et  les  cheva- 
liers de  Truxillo  n'ayant  plus  de  retraite, 
furent  incorporés  dans  l'ordre  d'Alcaniara. 
Quoique  nous  ayons  mis  celui  de  Mont-Joie 
sous  la  règle  de  saint  Basile, en  suivant  l'o- 
pinion la  plus  commune,  il  y  en  a  néanmoins 
quelques-uns  qui  le  mettent  sous  celle  do 
saint  Augustin,  et  d'autres  qui  prétendent 
qu'il  fut  soumis  à  l'ordre  de  Cîleaux. 

Mennenius,  Deliciœ  equest.  Ordin.  Chry- 
sost.  Henriquez,  Menolog.  Cislert.  Francise. 
Quarcsmo, ÀVuciV/.  Terra  sunctœ,  t.  I,  lib.  u, 
c.  50.  Mendo,  De  Ordinibus  Milit.  Franc. 
Rades,  Citron,  de  Calatrava,  c.  18.  Herman 
et  Schoonebeck,  dans  leurs  llist.  des  Ord. 
Milit. 

MONT-LUCO  (Ermites  de).  Voyez  Jean- 
Baptiste  (Ermites  de  Saint-). 
MONTMARTRE  (Des  Religieuses  Bénédic- 
tines Réformées  ne.), avec  la  Vie  delà  rêvé- 
rende  mère  Marie  de  Beauvilliers,  leur 
réformatrice. 

Ce  serait  trop  entreprendre  de  vouloir 
parler  de  tous  les  monastères  de  filles  do 
l'ordre  de  Saint-Benoît  qui  ont  été  réfor- 
més ;  le  nombre  en  est  trop  grand,  et  il  y  a  si  peu 
de  différence  dans  les  observances  el  dans 
l'habillement,  que  le  récil  en  serait  plus  en- 
nuyant qu'agréable:  c'est  pourquoi  nous 
nous  contenterons  seulement  de  parler  des 
réformes  établies  par  les  révérendes  mères 
Marie  de  Beauvilliers,  al, liesse  de  Montmar- 
tre; Madeleine  d'Escoubleau  de  Sourdis,  ab- 
besse  de  Notre-Dame  de  Saint-Paul  proche 
(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  a"  268. 


1085 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX, 


4084 


Be.iuvais;  et  Marguerite  d'Arhouzze,  nbbcsse 
du  Val-de-Grâce,  comme  les  plus  célèbres 
réformatrices  de  cet  ordre  en  France. 

Sur  la  fin  du  xve  siècle  Jean  Simon,  évo- 
que de  Paris,  avait  commencé  à  travailler  à 
la  réforme  des  monastères  de  Bénédictines 
dans  son  diocèse  ;  l'abbaye  de  Chelles  fut  la 
première  à  se  soumettre  à  la  réforme,  et  la 
clôture  y  fut  établie  en  1V9!).  Jeanne  de  la 
l'.ivi  !  '■,  qui  en  était  abbcsse,  pour  donner 
exemple  à  ses  religieuses,  fut  la  première  qui 
fit  vœudeclôture,  etlesabbesses  nefurent  en- 
suite que  triennales:  ce  qui  dura  jusqu'en 
l'an  I5i3,  qu'elles  recommencèrent  à  être 
perpétuelles.  Etienne  Poncber,  qui  fut  évo- 
que de  Paris  après  la  mort  de  Jean  Simon, 
son  prédécesseur,  voulant  continuer  ce  que 
celui-ci  avait  commencé,  établit  la  réforme 
dans  les  abbayes  de  Montmartre,  Malnoue 
et  quelques  autres,  et  dressa  des  constitu- 
tions pour  les  religieuses  bénédictines  de  son 
diocèse.  Mais  cette  réforme  ne  subsista  pas 
longtemps  ;  car  l'abbaye  de  Montmartre 
étant  tombée  dans  le  relâchement,  aussi  bien 
que  plusieurs  autres,  on  n'y  gardait  plus  au- 
cune observance  régulière,  lorsque  Marie 
de  Bcauvilliers  en  fut  nommée  abbesse 
l'csn  1396. 

Elle  naquit,  l'an  1574,  au  château  de  la 
Ferlé-Hubert  en  Sologne,  et  elle  eut  pour 
père  Claude  de  Bcauvilliers,  comte  de  Sainl- 
Aignan,  et  pour  mère  Marie  Babou  de  la 
Bourdaisière.  Elle  fut  mise  dès  l'âge  de  sept 
ans  dans  l'abbaye  de  Perray  auprès  d'une  de 
ses  tantes,  sœur  de  sa  mère,  qui  en  était 
abbesse.  Elle  n'y  demeura  que  trois  ans  :  car 
sa  tante  étant  morte,  eile  entra  dans  l'abbaye 
de  Beaumont,  où  une  autre  de  ses  tantes 
était  aussi  abbesse.  A  peine  eut-elle  atteint 
lâge  de  douze  ans,  qu'elle  demanda  l'habit 
avec  tant  d'instance,  qu'on  lui  accorda  sa 
demande;  et  étant  arrivée  à  sa  quinzième  an- 
née, elle  commença  s:mi  noviciat,  et  prononça 
ses  vœux  à  l'âge  de  seize  ans,  l'an  1590,  en 
présence  de  plusieurs  personnes  de  qualité, 
qui  admiraient  sa  ferveur  et  qui  s'étonnaient 
qu'une  demoiselle  si  jeune,  et  qui  était  une 
des  plus  belles  personnes  de  son  temps,  mé- 
prisât le  monde  si  généreusement  et  avec 
tant  de  joie  et  de  satisfaction. 

A  peine  eut-elle  achevé  son  sacrifice  qu'elle 
prit  une  forte  résolution  de  se  rendre  fidèle 
à  sa  vocation.ee  qu'elle  exécuta  toute  sa  vie; 
y  étant  excitée  d'un  côté  par  les  bons  avis 
de  sa  tante,  qui  l'exhortait  tous  les  jours  de 
tendre  à  la  perfection  sans  écouter  les  répu- 
gnancesdela  nature  ;  etde  l'autre,  par  L'exem- 
ple de  la  mère  de  Sourdis,  sa  cousine 
germaine,  qui  par  son  grand  mérite  et  ses 
rares  vertus  fut  depuis  abbesse  de  Notre- 
Dame  de  Saint-Paul,  et  réforma  ce  monas- 
tère. C'était  une  religieuse  exacte  aux  obser- 
vances régulières,  ei  donl  les  discours  étaient 
si  pieux  et  si  fervents,  que  la  mère  de  Beau- 
villiers  recherchait  avec  empressement  ses 
conversations,  dans  lesquelles  elles  s'exci- 
taient mutuellement  à  la  pratique  des  vertus. 

L'abbesse  de  Beaumont  exerçait  sa  nièce 
dans  les  emplois  les  plus  humbles  et  les  plus 


laborieux  de  la  maison.  Elle  fut  longtemps 
sous-grènetière,  travaillant  avec  les  sœurs 
converses  à  faire  du  pain,  quoiqu'elle  fût  fort 
délicate  ;  el  ayant  un  jour  voulu  porter  un 
fardeau  trop  pesant,  elle  se  rompit  une  côte, 
qui,  n'ayant  pas  été  bien  remise,  lui  causa 
beaucoup  de  douleurs  le  reste  de  ses  jours.  Elle 
vivait  ainsi  contente  sous  la  conduite  de  sa 
tante,  lorsque  M.  du  Fresne,  conseiller  d'Etat, 
son  beau-frère,  obtint  pour  elle  du  roi  l'ab- 
baye de  Montmarlreproche  Paris,  dont  il  lui 
envoya  le  brevet  pendant  qu'il  faisait  sollici- 
ter à  Rome  l'expédition  de  ses  bulles,  qui  ne 
furent  données  que  deux  ans  après.  Comme 
elle  souhaitait  toujours  vivre  dans  l'obéis- 
sance, elle  fut  ravie  du  retardement  qu'il  y 
eut  dans  l'expédition  de  ses  bulles,  et  pen- 
dant ce  temps-là  elle  ne  voulut  point  écrire 
à  son  beau-frère,  afin  qu'étant  scandalisé  de 
son  silence  et  choqué  du  peu  de  reconnais- 
sance qu'elle  lui  témoignait  de  l'attention 
qu'il  avait  à  lui  faire  plaisir,  il  négligeât  la 
poursuite  de  celte  affaire  et  cessât  de  travail- 
ler pour  elle.  Mais  il  ne  se  rebuta  point  de 
ce  procédé,  étant  persuadé  que  l'éloiguemenl 
qu'elle  faisait  paraître  pour  accepter  cette  ab- 
baye l'en  rendait  plus  digne  ;  elle  y  consentit 
à  la  fin,  quoique  sa  tante  eût  fait  son  possi- 
ble pour  l'en  détourner,  à  cause  que  l'abbaye 
de  Montmartre  était  fort  décriée  par  le  peu  de 
régularité  des  religieuses  qui  y  demeuraient. 

Les  bulles  ayant  été  expédiées  l'an  1598, 
deux  religieuses  de  Montmartre  allèrent  à 
lieaumont  quérir  leur  nouvelle  abbesse. 
Etant  arrivée  à  Paris,  elle  eut  l'honneur  de 
saluer  le  roi,  qui  lui  donna  deux  mille  écus 
pour  commencer  à  réparer  les  ruines  de  son 
monastère,  où  elle  entra  le  7  février  de  la 
même  année,  et  elle  fut  mise  en  possession 
par  le  prieur  de  Saint-Victor,  grand  vicaire 
du  cardinal  de  Gondy,  évéque  de  Paris.  Celle 
cérémonie  fut  le  commencement  de  ses  in- 
quiétudes, se  voyant  chargée  d'une  maison 
pauvre  et  déréglée.  Elle  y  trouva  trente-trois 
religieuses  résolues  de  vivre  à  leur  mode  ci 
de  s'opposer  à  tout  le  bien  qu'elle  voudrait 
procurer,  à  l'exception  de  deux  que  Dieu 
avait  choisies  pour  être  les  pierres  fonda- 
mentales de  la  réforme  qu'elle  y  établit. 

Le  mémoire  qu'on  lui  donna  du  revenu  de 
l'.al'ha  .  e  était  de.  deux  mille  livres,  sur  quoi  il 
faiblit  payer  dix  mille  livres  de  dettes.  La 
grange  était  saisie  pour  ce  sujet,  la  crosse 
engagée  pour  deux  cents  écus,  les  fermes 
données  à  vil  prix  à  cau^e  des  pots  de  vin 
qu'on  avait  exigés,  el  la  maison  tellement 
dépourvue  de  meubles,  qu'on  n'en  trouva 
pas  assez  pour  lui  garnir  une  chambre.  Il 
fallul  que  M.  du  Fresne  meublât  la  nouvelle 
abbesse  depuis  son  lit  jusqu'à  la  batterie;  de 
cuisine  :  entre  ces  meubles  il  fit  tendre  dans 
sa  chambre  une  belle  tapisserie  ;  mais  celle 
vertueuse  fille  la  fit  ôler,  parce  que  cela  res- 
sentait trop  la  vanité,  pour  laquelle  elle  avait 
beaucoup  d'horreur. 

Cette  grande  misère  temporelle  n'était  pas 
ce  qui  inquiétait  la  jeune  abbesse:  sa  grande 
douleur  procédait  des  dérèglements  des  an- 
ciennes religieuses,  et  son  unique  soulage- 


40S8 


MON 


MON 


1080 


ment  était  dans  la  conversation  de  cos  deux 
religieuses  qu'elle  voyait  portées  au  bien  et 
qui  étaient  prêtes  à  donner  les  mains  à  la 
réforme.  Les  désordres  de  eette  maison  al- 
laient à  l'excès.  Il  n'y  avail  ni  clôture,  ni 
pauvreté  observée;  les  entreliens  de  galan- 
teries y  étaient  fort  fréquents  :  s'il  y  en  avait 
quelques-unes  qui  jeûnaient  conformément 
à  la  règle,  c'était  malgré  elles,  parce  qu'elles 
n'avaient  ni  argent  ni  amis,  et  qu'elles  ne 
pouvaient  pas  faire  bonne  chère  comme  les 
autres.  M.  du  Fresne  leur  ayant  donné  douze 
muids  de  vin,  et  leur  envoyant  toutes  les  se- 
maines un  veau  et  un  mouton,  la  n  uvclle 
abbesse  établit  par  ce  moyen  le  souper  en 
commun,  qui  n'était  point  eu  usage,  p  iree 
que  chaque  religieuse  prenait  son  repas  à 
l'heure  qu'il  lui  plaisait,  et  que  1  urs  amis 
leur  eu  procuraient  le  moyen;  mais  celles 
qui  assistaient  à  ce  souper  ne  voulaient  point 
écouler  de  lecture  ni  garder  le  silence. 

Celles  qui  souhaitaient  la  réforme  ne  man- 
geaient que  du  pain  fort  bis,  cuit  avec  du 
chaume  faute  de  bois,  et  les  jours  d'absti- 
nence on  leur  servait  du  potage  sans  beurre 
avec  des  œufs  crus  qu'elles  apprêtaient  au 
réfectoire.  Entin  la  misère  était  si  grande  que 
M.  du  Fresne,  en  ayant  été  averti,  leur  donna 
quatre  mille  cinq  cents  livres  pour  acheter 
du  bois  pour  les  chauffer  et  pour  d'autres 
provisions.  Il  leur  envoya  aussi  beaucoup 
de  choses  dont  elles  avaient  besoin,  et  il  ob- 
tint encore  du  roi  pour  elles  quelques  som- 
mes d'argent,  qui  étant  assez  considérables, 
leur  facilitèrent  les  moyens  de  réparer  un 
peu  le  mauvais  ordre  dans  lequel  était  l'é- 
tat du  monastère,  et  l'on  se  servit  de  l'argent 
que  la  dépositaire  gardait  aux  particulières, 
pour  empêcher  la  vente  du  blequi  était  saKi. 
Les  religieuses  en  murmurèrent  beaucoup, 
il  y  en  eut  même  quelques-unes  qui  atten- 
tèrent à  la  vie  de  l'abbesse,  à  laquelle  elles 
donnèrent  deux  fois  du  poison,  qui,  par  un 
miracle  de  la  puissance  de  Dieu,  n'ayant  pas 
eu  son  effet,  ne  servit  qu'à  les  aveugler  da- 
vantage, en  sorle  qu'elles  résolurent  d'y  em- 
ployer le  fer  en  la  faisant  poignarder  ;  il  y 
eut  pour  cela  des  assassins  apostes  :  ce  qui 
était  fort  facile,  puisque  c'était  l'ordinaire  de 
voir  le»  amis  des  religieuses  passer  une  par- 
lie  de  la  nuit  avec  elles.  Mais  un  d.s  com- 
plices, doul  Dieu  toucha  le  creur,  en  ayant 
averti  une  des  confidentes  de  l'abbesse,  elle 
évita  encore  ce  coup  ;  ce  qui  fit  que  ceux  qui 
avaient  l'administration  de  l'abbaye  l'obligè- 
rent de  sortir  du  dortoir  commun  et  de  se  lo- 
ger dans  une  chambre  où  il  y  avait  double 
porte,  commandant  à  deux  sœurs  converses 
de  probité  d'apprêter  ee  qui  serait  nécessaire 
pour  sa  nourriture,  avec  défense  aux  autres 
d'entrer  dans  la  cuisine.  Et  la  dépositaire, 
qui  était  une  de  ces  anciennes  religieuses  qui 
souhaitaient  la  réforme,  prit  soin  aussi  qu'on 
ne  lui  présentât  rien  qu'elle  n'y  eût  goûté  la 
première. 

Au  milieu  de  tant  de  fâcheux  accidents, 
Dieu  consola  notre  abbesse  par  la  visite  du 
cardinaldeSourdis,  archevêque  de  Bordeaux, 
sou  cousin  germain,  qui  s'intéressa  beau- 


coup pour  elle  et  lui  servit  à  mettre  la  ré- 
forme dans  celte  abbaye  ;  mais  parce  qu'il 
ne  pouvait  pas  être  si  souvent  auprès  d'elle 
qu'il  eût  été  nécessaire  pour  ce  sujet,  il  lui 
donna  pour  directeur  le  P.  Benoit  de  Canfeld, 
capucin,  qui  était  un  religieux  d'une  grande 
vertu.  Le  cardinal  de  Sourdis  informa  cepen- 
dant l'évèque  de  Paris  des  désordres  de  cette 
maison,  et  ce  fut  à  sa  sollicitation  que  ce 
prélatvintà  Montmartre  et  commanda  a  l'ab- 
besse et  à  toutes  les  religieuses  de  ce  plus 
SHilTiirquelaclôturi'  fût  si  mal  observée  chez 
elles,  comme  étant  le  moyen  le  pies  c  ihrl 
pour  retrancher  les  scandales  et  commen- 
cer une  vie  conforme  à  leur  étal.  Ce  discours 
fut  très-mal  reçu  des  religieuses  :  elles  se  le- 
vèrent toutes  ensemble  et  parlèrent  confusé- 
ment, sans  avoir  aucun  respect  ni  pour  le 
lieu  où  elles  étaient,  ni  pour  la  dignité  épi-- 
copale,  et  elles  s'emportèrent  en  des  injures 
qui  firent  horreur  à  rassemblée.  La  conclu- 
sion fut  que  l'évèque  donnerait  ordre  à  son 
grand  vicaire  de  prêter  main  forte  à  l'ab- 
besse; ce  qu'il  n'exécuta  pas  néanmoins, 
Dieu  le  permettant  ainsi  pour  éprouver  de 
plus  en  plus  la  fidélité  et  la  constance  de  l'ab- 
besse. 

Le  P.  Benoît  Canfeld  fut  d'avis  qu'elle 
déposât  la  prieure  et  les  autres  officières  qui 
ne  voulaient  point  de  réforme.  Elle  tint  le 
ch  < pitre  pour  cet  effet  ,  elle  établit  prieure 
l'une  des  deux  religieuses  qui  avaient  désiré 
la  réforme,  et  fit  l'autre  cellerière  et  mai- 
tresse  des  novices.  Elle  donna  la  clef  de  la 
porte  à  la  plus  raisonnable  des  autres,  mais 
elle  s'en  réserva  une,  afin  qu'elle  ne  pût  être 
ouverte  sans  sa  permission.  Toutes  les  an- 
ciennes se  levèrent  avec  grand  bruit;  elles 
chai  gèrent  l'abbesse  d'injures,  protestant 
qu'elles  ne  lui  obéiraient  jamais,  et  peu  s'en 
fallut  qu'elles  ne  la  frappassent. 

Les  choses  étaient  en  cet  état  lorsque  le 
P.  Benoît  ,  s'en  retournant  en  Angleterre  , 
où  le  désir  du  martyre  l'appelait ,  après 
avoirprocuréle  retourdu  P.Ange  de  Joyeuse 
dans  son  ordre,  il  l'obligea  de  servir  de  pro- 
tecteur à  l'abbesse  de  Montmartre  ;  ce  qu'il 
exécuta  avec  beaucoup  de  zèle.  Il  gagna  la 
jeunesse  par  sa  douceur,  de  sorte  qu'il  ne 
demeura  que  huild^s  plus  anciennes  qui  vé- 
curent en  leur  particulier,  sans  vouloir  se 
soumettre  aux  observances  régulières,  étant 
toujours  opposées  aux  desseins  de  l'abbesse. 
La  clôture  et  le  réfectoire  commun  furent 
les  deux  premiers  articles  de  la  réforme; 
peu  à  peu  quelques-unes  des  anciennes  se 
joignirent  à  celles  qui  s'y  étaient  soumises 
les  premières,  et  l'on  commença  à  voir 
beaucoup  de  changement  dans  ce  monas- 
tère. 

Au  mois  de  juillet  1599,  le  roi  accorda  en- 
core à  M.  du  Fresne  l'abbaye  de  Saint-Pierre 
de  Lyon  pour  une  de  ses  sœurs.  11  l'offrit  à 
l'abbesse  de  Montmartre,  croyant  lui  rendre 
service,  en  la  tirant  d'une  maison  ruinée 
pour  l'établir  dans  une  autre  riche  et  magni-i 
tique  i  mais  après  avoir  consulté  le  Seigne 
elle  connut  que  sa  volonté  était  qu'elle  r| 
formât  le  monastère  do  Montmartre  :  ai 


4087 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1088 


elle  préféra  l'exécution  de  la  volonté  de  Dieu 
à  sa  propre  satisfaction.  L'année  suivanle, 
qui  était  celle  du  grand  jubilé,  elle  demanda 
au  pape  Clément  VIII  la  permission  d'élire 
un  visiteur  pour  sa  communauté,  en  rom- 
pant l'association  contractée  avec  six  maisons 
toutes  ennemies  de  la  réforme,  sans  le  consen- 
tement desquelles  on  ne  pouvait  rien  faire. 
M.  de  Silieri  était  pour  lors  ambassadeur  à 
Rome,  où  il  aurait  pu  traverser  cette  affaire, 
ayant  une  tante  et  deux  cousines  germaines 
à  Montmartre;  mais  elle  fut  conduite  avec 
tant  de  secret  qu'il  n'en  eut  aucune  connais- 
sance :  l'abbesse  obtint  du  pape  un  bref  qui 
lui  donnait  pouvoir  de  réformer  sa  maison  et 
d'élire  son  visiteur  en  particulier,  indépen- 
damment des  autres  monastères  desquels  il 
lui  permettait  de  se  séparer.  Elle  n'envoya 
exprès  personne  à  l'élection  du  nouveau  vi- 
siteur des  six  maisons  associées,  afin  de  per- 
dre son  privilège,  ce  qui  fut  un  nouveau  su- 
jet de  murmure  parmi  ses  filles  ;  mais  elles 
furent  bien  surprises  lorsqu'on  leur  fit  la 
lecture  du  bref  du  pape  :  elles  eurent  pour 
lors  un  peu  plus  de  respect  pour  l'autorité 
de  leur  supérieure,  et  l'on  vit  plus  de  dispo- 
sition à  la  réforme  qu'il  n'y  en  avait  eu  jus- 
qu'alors. 

L'abbesse  n'avait  pas  voulu  se  faire  bénir 
pendant  lous  les  troubles  et  les  inquiétudes 
causés  par  la  résistance  et  l'obstination  de 
ses  religieuses;  mais  prévoyant  qu'ils  s'a- 
paiseraient dans  peu,  elle  s'y  prépara  par  la 
retraite,  l'oraison  et  la  confession  générale 
de  tous  les  pécbés  de  sa  vie.  La  cérémonie 
se  fil  le  dimanche  dans  l'octave  des  Rois  : 
elle  fut  bénite  par  le  cardinal  de  Sourdis,  et 
le  P.  Ange  de  Joyeuse  y  prêcha.  Depuis  ce 
jour-là  elle  redoubla  son  zèle ,  croyant 
qu'elle  était  obligée  plus  que  jamais  de  tra- 
vailler à  la  réforme  de  son  abbaye.  Peu 
après  elle  reçut  trois  filles  à  qui  elle  donna 
l'habit,  dont  l'une  était  pour  le  chœur  et  les 
deux  autres  converses. 

Les  religieuses  de  Montmartre  portaient 
pour  lors  des  habits  blancs  comme  les  eba- 
noinesses  (t);  mais  l'abbesse  prit  le  noir  et 
le  donna  à  celles  qui  consentirent  à  ce  chan- 
gement ;  ce  qui  fut  contesté  à  l'ordinaire  par 
les  anciennes,  qui  en  firent  leurs  plaintes  au 
cardinal  de  Retz  :  ce  qui  obligea  cette  étni- 
nence  d'envoyer  son  grand  vicaire  pour 
apaiser  ces  troubles,  en  ordonnant  à  l'ab- 
besse de  ne  rien  faire  de  nouveau  contre  l'u- 
sage de  la  communauté,  nesvoulant  pas  que 
l'habit  fût  différent  entre  elles.  Elle  répondit 
avecassez  de  fermeté  qu'elleétail  résolue  d'o- 
béirà  ses  ordres,  pourvu  qu'ils  ne  fussent  pas 
opposés  aux  vœux  essentiels.  En  effet  elle 
reprit  l'habit  blanc,  non  pas  de  la  manière 
que  ses  religieuses  prétendaient;  car  elle  se 
revêtit  d'une  grosse  serge  de  laine  blanche 
naturelle  sans  avoir  été  blanchie  au  foulon, 
avec  un  surplis  de  toile  pareillement  gros- 
sière; de  sorte  que  les  autres  qui  cherchaient 
la  vanité  dans  leurs  étoffes  bien  blanches  et 
dans  leurs  surplis  de  toile  fine  et  empesée, 
furent  remplies  de  confusion  et  se  virent  con- 

(I)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  261). 


trainles  de  rester  à  l'infirmerie,  où  elles  se 
paraient  avec  de  longs  manteaux  de  futaine 
blanche  attachés  avec  des  rubans  de  couleur, 
n'osant  pas  paraître  en  cet  équipage  en  pré  ■ 
sence  de  leur  abbesse  et  des  autres  reli- 
gieuses, dont  la  simplicité  faisait  honte  à  leur 
ambition  et  à  leur  vanité. 

Deux  des  anciennes  qui  étaient  les  plus 
opposées  à  l'abbesse  s'élant  dans  la  suite  ré- 
conciliées parfaitement  avec  elle,  les  autres 
suivirent  bientôt  leurexemple,de  sortequ'en 
deux  années  de  temps  la  réforme  fut  presque 
établie  dans  Montmartre.  11  se  présenta  un 
si  grand  nombre  de  filles  pour  y  être  reçues, 
que,  pendant  près  de  soixante  ans  que  Ma- 
rie de  Rcauviiliers  en  a  été  abbesse,  on  pré- 
tend qu'elle  a  donné  l'habit  à  deux  cent 
vingt-sept  filles  :  par  ce  moyen  et  par  la 
bonne  conduite  des  abbesses  qui  lui  ont  suc- 
cédé, dont  il  y  a  eu  des  princesses  de' la  mai- 
son de  Lorraine,  celte  abbaye  est  devenue 
une  des  plus  puissantes  et  des  plus  riches  du 
royaume.  Enfin,  celte  pieuse  abbesse  eut  la 
consolation  de  voir  toutes  les  anciennes  qui 
l'avaient  tant  fait  souffrir,  se  prosterner  à  ses 
pieds  pour  lui  demander  d'être  traitées 
comme  les  autres,  en  renonçant  à  toute  pro- 
priété, et  voulant  suivre  la  règle  de  saint 
Benoit  exactement  :  ainsi  elle  n'eut  plus  de 
peine  à  poursuivre  la  réforme. 

L'abbesse  de  Beaumonl  sa  tanle  avait  puis- 
samment travaillé  pour  la  faire  nommer  sa 
coadjulrice  ;  elle  en  obtint  enfin  le  brevet  du 
roi  et  la  confirmation  en  cour  de  Rome.  Il 
était  porté  dans  les  bulles  qu'elle  ne  serait 
point  obligée  de  quitter  l'abbaye  de  Mont- 
martre que  six  mois  après  la  mort  de  l'ab- 
besse de  Beaumont  ;  de  sorte  qu'elle  porta 
cinq  ans  la  qualité  de  coadjutrice  avec  celle 
d'abbesse,  et  pendant  ce  temps-là  elle  fit  tra- 
vailler aux  bâtiments  de  Montmartre;  en 
quoi  elle  fut  aidée  par  M.  de  Fresne,  son 
beau-frère,  qui  donna  encore  deux  mille  écus 
pour  fermer  un  clos  de  vignes  qui  était  entre 
le  Monastère  et  la  chapelle  des  Martyrs  ; 
mais  il  n'eut  pas  la  satisfaction  de  voir  cet 
ouvrage  achevé,  étant  mort  en  l'année  J610. 
H  ordonna  par  sou  leslament  que  sou  corps 
serait  porté  à  Montmartre,  où  il  laissa  en- 
core trois  cent  trente-quatre  livres  de  renie, 
et  deux  mille  livres  en  argent  comptant, 
pour  faire  prier  Dieu  pour  le  repos  de  son 
âme.  On  trouva  dans  son  cabinet  le  dessin 
d'un  bâtiment  qu'il  voulait  faire  à  la  chapelle 
des  Martyrs,  et  qu'il  aurait  exécuté,  si  la 
mort  ne  lui  en  eûl  pas  ôté  le  pouvoir  ;  mais 
madame  de  Fresne,  sa  veuve,  suivit  ses  inten- 
tions quelques  années  après,  et  contribua  à 
la  fondation  d'un  nouveau  monastère  atte- 
nant celte  église  des  Martyrs,  auquel  elle 
donna  deux  mille  sept  cents  livres  de  renie 
pour  la  nourriture  de  dix  religieuses,  à  con- 
dition que  l'abbesse,  sa  sœur,  fournirait  le 
même  nombre,  et  que  cette  église  serait 
toujours  desservie  par  vingt  religieuses. 

Jusqu'à  ce  temps-là  on  avait  porté  l'habit 
blanc  dans  la  maison  avec  un  surplis,  comme 
nous   avous  dit;  mats   l'abbesse   écrivit  à 


108!) 


MON 


MON 


1H00 


Homo  et  obtint  du  pape  un  bref  pour  pren- 
dre l'habit  noir,  ce  qui  se  fit  sans  aucune 
contradiction,  non-seulement  parce  que  tou- 
t  tes  les  anciennes  étaient  décédées,  mais  en- 
•  core  par  la  profonde  soumission  que  la  com- 
)  munauté  avait  pour  ses  ordres.  Elle  s'acquit 
une  si  grande  estime  au  dehors,  que  plusieurs 
monastères  de  France  ,  qui  désiraient  em- 
brasser la  réforme,  lui  demandaient  ses  avis 
.  et  s'estimaient  heureux  d'avoir  des  filles  éle- 
vées de  sa  main  ,  pour  les  conduire,  et  il  est 
sorti  de  Montmartre  ,  du  temps  de  cette  ab- 
besse,  plus  de  cinquante  religieuses  pour  al- 
ler réformer,  établir  ou  gouverner  des  mai- 
sons de  l'ordre.  Le  prieuré  de  la  Ville-1'E- 
vêque  à  Paris,  sous  le  litre  de  Notre-Dame  de 
Grâces  ,  fut  un  de  ceux  à  la  fondation  des- 
quels elle  contribua  ;  elle  y  envoya  ,  l'an 
1013,  huit  religieuses  du  chœur  et  deux  con- 
verses sous  la  conduite  d'une  supérieure,  et 
ce  prieuré  a  été,  pendant  plusieurs  années , 
dépendant  de  l'abbaye  de  Montmartre;  mais 
à  présent  il  n'y  est  plus  soumis,  ayant  obtenu 
de  Rome  des  bulles  de  séparation. 

Après  la  mort  de  l'abbesse  de  Beaumont, 
Marie  de  Beauvilliers,  qui  était  sa  coadju- 
Irice,  fut  obligée  d'y  aller:  elle  partit  de  Pa- 
ris le  2  avril  1614,  et  y  arriva  le  18  du  même 
mois;  mais  elle  n'y  demeura  que  six  mois, 
et  retourna  à  Montmartre,  qu'elle  ne  put  se 
résoudre  d'abandonner,  se  démettant  de  l'ab- 
baye de  Beaumont  en  faveur  d'Anne  Babou 
de  la  Bourdaisière,  sa  nièce,  qu'elle  emmena 
avec  elle  pour  former  son  esprit  sur  les 
exemples  de  ses  filles,  en  attendant  que  ses 
bulles  fussent  expédiées. 

Ayant  réglé  toutes  choses  dans  son  mo- 
nastère, elle  fit  imprimer  ses  constitutions 
pour  affermir  la  réforme,  et  afin  que  les  filles 
qui  se  présentaient  tous  les  jours  pour  être 
reçues  fussent  informées  d'abord  de  leurs 
obligations.  Elle  sépara  ensuite  sa  commu- 
nauté en  deux,  afin  que  l'office  divin  fût  cé- 
lébré dans  l'église  des  Martyrs,  comme  il 
l'était  au  monastère  d'en  haut,  et  elle  fit 
faire  une  belle  galerie  pour  la  communica- 
tion des  deux  monastères;  mais  présente- 
ment les  religieuses  demeurent  toutes  au 
monastère  d'en  bas  et  ne  vont  chanter  l'of- 
fice à  l'église  d'en  haut  qu'à  certains  jours. 
Enfin  Marie  de  Beauvilliers  Saint-Aignan, 
après  avoir  gouverné  l'abbaye  de  Montmar- 
tre pendant  près  de  soixante  ans,  et  y  avoir 
rétabli  les  observances  régulières,  mourut 
le  21  avril  1657,  étant  âgée  de  quatre-vingt- 
trois  ans.  La  princesse  Françoise  de  Lor- 
raine de  Guise  lui  succéda  et  conserva  dans 
cette  maison  la  régularité,  ce  qu'ont  fait 
aussi  les  autres  abbesses  jusqu'à  présent. 

Le  village  de  Montmartre,  où  est  située 
l'abbaye  à  laquelle  il  a  donné  son  nom,  se 
nomme  en  latin  Mons  Martyrum,  à  cause 
que  saint  Denis  et  ses  compagnons  y  souf- 
frirent le  martyre.  On  l'appelait  aneienne- 
<'ment  le  Mont  de  Mercure,  à   cause   qu'il  y 

(1)  Qui  remplissait  les  fonctions  de  diacre,  et  pour 
lous-diacre  le  1$.  Pierre  de  Cluny.  L'église  îles  Bé- 
nédictines esi  aujourd'hui  l'église unroissiale de  Mont- 
martre. Le  iuona6tére  est  presque  tout  détruit;    il 


avait  en  ce  lieu  un  temple  dédié  à  celle  fausse 
divinité.  On  y  a  bâti  depuis  une  chapelle  sur 
le  penchant  de  la  montagne  du  côté  de  Paris, 
en  mémoire  du  martyre  de  saint  Denis.  File 
fui  donnée  avec  ses  dépendances,  par  Guil- 
laume I",  évêque  de  Paris,  l'an  1098,  aux 
religieux  du  monastère  de  Saint-Martin  des 
Champs  à  Paris;  mais,  l'an  1133,  ou  1134, 
Louis  VI  dit  le  Gros,  et  sa  femme  Alix,  leur 
donnèrent,  en  échange  de  cette  église  et  des 
revenus  qui  y  étaient  affectés,  le  prieuré  de 
Saint-Denis  de  la  Chartre,  et  non-seulement 
fondèrent  l'abbaye  dont  nous  venons  de  par- 
ler, mais  firent  aussi  rétablir  la  chapelle  des 
Martyrs.  Le  pape  Eugène  111  dédia  l'église 
des  religieuses  le  21  avril,  et  celle  des  Mar- 
tyrs le  l*r  juin  de  l'année  1146,  ayant  pour 
l'un  de  ses  assistants  dans  cette  cérémonie 
saint  Bernard,  abbé  de  Clairvaux  (1).  L'ha- 
billement de  ces  religieuses  est  semblable  à 
celui  des  autres  Bénédictines  réformées  dont 
nous  avons  donné  le  dessin  au  tome  pre- 
mier. 

Jacqueline  Bouette  de  Blemur,  Eloges  des 
personnes  illustres  en  piété  de  l'ordre  de  Saint- 
Benoit.  Thomas  Corneille,  Dictionnaire  géo- 
graphique, et  Moreri,  Dicl.  historique,  au 
mot  Montmartre. 

MONT-OL1VET  (De  l'ordrk  de  Notre- 
Dame  di),  avec  la  Vie  du  bienheureux  Ber- 
nard Ptolomée  ou  Tolomei,  fondateur  de 
cet  ordre. 

La  congrégation  des  moines  bénédictins  (2) 
du  Monl-Olivet  en  Italie  reconnaît  pour  son 
fondateur  le  bienheureux  Bernard  Ptolomée 
ou  Tolomei,  gentilhomme  de  Sienne,  qui  re- 
çut au  baptême  le  nom  de  Jean.  Il  s'attacha 
a  l'étude  de  la  philosophie,  qu'il  enseigna 
publiquement,  et  il  était  estimé  un  des  plus 
savants  hommes  de  son  temps.  Un  jour  qu'il 
se  préparait  à  expliquer  une  question  diffi- 
cile, dans  le  temps  qu'il  demandait  l'atten- 
tion à  ses  écoliers,  il  devint  tout  d'un  coup 
aveugle;  mais  ayant  recouvré  la  vue  par 
l'intercession  de  la  sainte  Vierge,  il  fit  vœu 
de  se  consacrer  à  son  service  et  de  renoncer 
au  monde.  En  effet,  pour  s'acquitter  de  sa 
promesse,  la  première  fois  qu'il  remonta 
dans  sa  chaire  après  avoir  indiqué  le  jour 
de  la  dispute,  où  il  se  trouva  un  grand  nom- 
bre d'auditeurs,  au  lieu  de  leur  p  irler  des 
sciences  profanes,  il  ne  les  entretint  que  des 
choses  célestes,  et  leur  fil  un  discours  si  pa- 
thétique sur  le  mépris  du  monde  et  sur  le 
bonheur  de  l'éternilé,  que  plusieurs  de  ses 
auditeurs  en  furent  vivement  touchés  et  ré- 
solurent de  changer  de  vie  et  de  renoncer  à 
toutes  les  vanités  du  siècle.  Il  leur  en  donna 
lui-même  l'exemple  l'an  1313;  car,  abandon- 
nant ses  parents  et  ses  amis,  il  se  retira  dans 
la  solitude,  accompagné  d'Ambroise  Picolo- 
mini  et  de  Palricio  Patrici,  tous  deux  séna- 
teurs de  Sienne,  qui,  ayant  eu  le  bonheur 
de  se  trouver  dans  celte  assemblée  où  il  avait 
prouoncéce  discours  sur  le  mépris  du  monde, 

n'en  reste  plus  que  quelques  fragments, et  une  partie 
de  la  place  qu'il  occupait  est  aujourd'hui  le  lieu  où 
sont  les  stations  du  Calvaire.  B-d-e 

(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n"  270. 


1091 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  UEL1CIEUX. 


1092 


lui  étaient  redevables  de  leur  conversion  et 
le  voulurent  suivre  dans  sa  retraite. 

Il  y  avait  un  lieu  nommé  Acona,  éloigné 
d'environ  quinze  milles  de  la  ville  de  Sienne. 
Ce  lieu,  qoi  appartenait  à  Tolomei,  était  fort 
propre  à  leur  dessein  :  car  il  était  désert  et 
inhabité  ;  une  montagne  s'y  élevait  au-des- 
sus de  quelques  autres;  des  précipices  qui 
s'y  trouvaient  en  quelques  endroits  le  ren- 
daient en  quelque  façon  affreux;  mais  d'un 
autre  côté  an  feuillage  épais  d'une  infinilé 
d'arbres  de  toutes  façons,  qui  en  tout  temps 
conservaient  leur  verdure,  joint  au  doux 
murmure  de  plusieurs  petits  ruisseaux,  qui, 
en  se  précipitant  avec  impétuosité,  arro- 
saient ce  lieu  champêtre,  lui  donnaient  des 
attraits  charmants  pour  des  personnes  qui 
voulaient  vivre  dans  la  solitude. 

Ce  fut  au  milieu  de  ces  rochers  que  Tolo- 
mei se  donna  entièrement  à  la  contempla- 
lion  des  choses  divines,  macérant  son  corps 
par  des  veilles  et  des  jrûnes  continuels,  por- 
tant le  cilice  et  couchant  sur  la  dure.  lis  de- 
vinrent en  peu  (Je  temps  un  modèle  de  per- 
fection: ce  qui  lit  que  plusieurs  personnes, 
attirées  par  la  sainteté  de  leur  vie,  renoncè- 
rent aussi  au  monde  pour  se  joindre  à  eux. 
Quoique  ces  saints  solitaires  vécussent  dans 
une  grande  ri  traite  et  s'occupassent  unique- 
ment de  l'affaire  de  leur  salut,  il  y  eut  néan- 
moins des  gens  malintentionnés  qui  formè- 
rent des  accusations  contre  eux  et  les  dénon- 
cèrent au  papo  Jean  XXII ,  comme  des 
novateurs  et  des  personnes  qui  semaient  des 
hérésies.  Le  pape  les  fit  venir  devant  lui 
pour  rendre  compte  de  leur  conduite.  C'était 
l'an  1319;  ce  pontife  tenait  pour  lors  son 
siège  à  Avignon  ;  Tolomei  y  envoya  deux  de 
ses  religieux  pour  informer  Sa  Sainteté  de 
leurs  sentiments  touchant  les  dogmes  de 
l'Eglise  ;  et  ce  pontife,  n'y  ayant  rien  trouvé 
que  de  très-orthodoxe,  consentit  qu'ils  de- 
meurassent ensemble  dans  leur  solitude,  et 
les  envoya  à  Gui  de  Pictramala,  évéqwe 
d'Arezzo,  afin  qu'il  leur  donnât  une  des  rè- 
gles déjà  approuvées  par  l'Eglise.  Ce  prélat 
eut  dans  le  même  temps  une  vision  dans  la- 
quelle il  lui  sembla  voir  la  sainte  Vierge  qui 
lui  mettait  en  main  la  règle  de  saint  Benoît, 
et  lui  ordonnait  de  la  donner  avec  un  habit 
blanc  à  des  personnes  qui  étaient  devant  lui. 
11  connut  peu  de  temps  après  ce  que  signi- 
fiait celte  vision,  lorsque  ces  ermites  qui 
avaient  été  trouver  le  pape  à  Avignon  lui 
présentèrent  les  lettres  de  ce  pontife,  par 
lesquelles  il  lui  ordonnait  de  leur  donner 
une  règle.  Il  ne  douta  point  alors  que  la  vo- 
lonté de  Dieu  ne  fût  qu'ils  suivissent  celle  de 
saint  Benoît,  et  quecenouvelordrcdevailèlre 
sous  la  protection  de  la  sainte  Vierge.  Mais 
avant  que  d'ériger  ce  nouvel  institut  en  ordre 
régulier,  conformément  aux  intentions  du 
pape,  il  voulut  encore  consulter  le  Seigneur, 
et  joignit  à  la  prière  un  jeûne  de  trois  jours, 
après  lesquels,  ne  doutant  plus  que  ce  ne  fût 
la  volonté  de  Dieu,  il  alla,  la  même  année 
1319,  au  V.,1  d'Acona,  où  il  revêtit  d'habits 
blancs  Tolomei  et  ses  compagnons ,  leur 
{i)*Voy.,  à  la  fui  du  vol.,  n°  271. 


ordonnant  de  suivre  la  règle  de  saint  Be- 
noît (1).  11  voulut  que  cette  congrégation  fût 
sous  la  protection  de  la  sainte  Vierge,  et 
comme  il  donna  le  nom  de  Mont-OUvl  à  ce 
Val  d'Acona,  peut-être  à  cause  des  oliviers 
dont  cette  montagne  était  remplie,  peut-être 
aussi  pourfaire  ressouvenir  les  religieux  que 
par  li  mortification  ils  devaient  être  cruci- 
fiés avec  Jésus-Christ,  qui  la  veille  de  sa 
passion  avait  sué  sang  et  eau  dans  le  Jardin 
des  Olives ,  cette  congrégation  fut  fondée 
sous  le  titre  de  Notre-Dame  de  Monl-Olivet, 
et  Tolomei  prit  le  nom  de  Bernard,  au  lieu 
de  celui  de  Jean,  qu'il  avait  reçu  au  bap- 
tême. 

Il  ne  restait  plus  que  de  donner  un  supé- 
rieur à  cette  nouvelle  congrégation  Tous 
les  religieux  jetaient  les. yeux  sur  leur  digne 
fondateur  ;  mais  son  humilité  l'empêcha  d'ac- 
cepter cette  charge,  aimant  mieux  obéir  que 
de  commander.  A  son  refus,  le  premiersupé- 
rieur  et  général  de  cet  ordre  fut  le  P.  Pa- 
trice Patrici,  qui  fut  élu  la  même  année. 
Ambroise  Picolomini  lui  succéda  l'année  sui- 
vante 1320.  Simon  de  Thure  fut  élu  pour 
troisième  général  en  1321  ;  mais  après  son 
année  d'exercice,  il  fallut  enfin  que  le  bien- 
heureux Bernard  Tolomei  cédât  aux  solli- 
citations de  ses  frères,  qui  ne  voulurent 
point  élire  d'autre  supérieur  que  lui  en  13:i*2, 
et  il  exerça  cette  charge  pendant  vingt-sept 
ans,  quoiqu'il  fit  tous  les  ans  de  nouvelles 
tentatives  pour  être  décharg'é  de  cet  emploi, 
afin  de  se  remettre  sous  le  joug  de  l'obéis- 
sance. 

Les  historiens  de  cet  ordre,  parlant  de  la 
ferveur  de  ces  religieux  dans  le  commence- 
ment de  leur  établissement,  disent  qu'ils  ne 
pratiquaient  pas  seulement  des  mortifica- 
tions en  secret,  mais  qu'ils  en  faisaient  plu- 
sieurs en  public.  A  peine  donnaient-ils  un 
peu  de  repos  à  leurs  corps  ;  ils  se  levaient 
la  nuit  pour  dire  matines,  et  croyaient  que 
c'était  une  chose  indigne  de  leur  état  et  trop 
sensuelle  que  de  se  reposer  après  avoir  dit 
leur  office  ;  ils  employaient  à  l'oraison  le 
temps  qui  leur  restait  jusqu'à  prime.  Ils 
éiaienl  extrêmement  sobres  dans  leur  man- 
ger. Outre  les  jeûnes  ordonnés  par  l'Eglise 
et  par  la  règle  de  saint  Benoît,  ils  en  obser- 
vaient encore  beaucoup  d'autres,  ne  se  con- 
tentant ces  jours-là  que  de  pain  et  d'eau.  Us 
ont  été  même  plusieurs  années  sans  boire  de 
vin  ,  et  pour  n'avoir  pas  occasion  d'en 
boire,  ils  arrachèrent  leurs  vignes  et  ôlèrent 
de  leurs  monastères  les  tonneaux  et  les  vases 
destinés  pour  mettre  le  vin.  Mais  cette  grande 
rigueur  leur  ayant  tellementépuiséles  forces, 
qu'ils  tombèrent  tous  malades,  ils  pratiquè- 
rent le  conseil  que  l'apôtre  saint  Paul  donnait 
à  son  disciple  Timolhée,  qui  était  de  pren- 
dre un  peu  de  vin  pour  soulager  son  esto- 
mac :  on  leur  en  servit  donc,  mais  si  faible 
et  si  gâté,  qu'il  ne  pouvait  pas  beaucoup 
contribuer  à  leur  saule.  Us  ont  ûéauw1  i  is 
changé  de  sentiment  dans  la  suite  ;  car  ils 
ont  inséré  dans  leurs  constitutions  que  l'on 
garderait  le  meilleur   vin  et  que   l'on  veu- 


1003 


MON 


MON 


109  i 


tirait  le  plus  mauvais  ;  que  l'abbé  n'aurait 
point  de  vin  particulier;  qu'il  y  mettrait  de 
l'eau  aussi  bien  que  ses  religieux  ;  et  que 
quand  on  serait  obligé  d'acheter  du  vin,  on 
achèterait  toujours  le  meilleur  :  Meîiora  vi- 
na  pro  monachorum  usa  setvetitur.  pérora 
vendantur.  Abbas  une)  eodemque  vinu  bene 
agita  diluto  utntur  otm  suis  monachis,  neque 
titieeat  seorsum  aliquod  vini  duliwn  pro  se 
lantum  sérvare:  Si  vinum  emendum  erit,  emàr 
tur  ilhtd  quod  eftusert'<(Louet,  p;ig.  2,  cap. 
30).  Leur  silence  les  faisait  admirer  de  tout 
le  monde.  Ils  ne  couchaient  que  sur  des 
paillasses  étendues  sur  le  plancher  et  suis 
couvertures  :  leurs  habits  n'étaient  que  d'é- 
toffes grossières,  et  selon  Morigia  ils  por- 
taient des  sandales  de  bois. 

Une  vie  si  extraordinaire  excita  la  curio- 
sité de  plusieurs  personnes  qui  y  venaient 
de  toutes  parts  pour  voir  ces  nouveaux  soli- 
taires, qui  par  leur  modestie  et  douceur 
sembaient  plutôt  des  anges  que  des  hommes 
mortels  ;  les  princes,  les  prélats  et  les  gens 
qui  se  trouvaient  suffisamment  pourvus  des 
biens  de  la  fortune,  s'eslimant  heureux  de 
contribuer  à  l'agrandissement  d'un  ordre  si 
saint  et  si  agréable  à  Dieu,  offrirent  à  Ber- 
nard de  nouveaux  établissements,  dont  il 
en  accepta  quelques-uns.  Le  premier  fut  à 
Sienne,  où  un  bourgeois  de  cette  ville  fit 
bâtir  un  monastère  qu  il  dota  de  revenus 
suffisants  pour  l'entretien  de  plusieurs  reli- 
gieux. Gai  de  Pielramala,  évêque  d'Arezzo, 
en  Gt  bâtir  un  autre  dans  sa  ville  épiscopale. 
Le  troisième  fut  fondé  à  Florence  l'an  13J4. 
Le  quatrième  à  Camprena,  dans  le  territoire 
de  Sienne.  Le  cinquième  à  Volterre ,  par 
Ramnuse,  évêque  de  cette  ville,  l'an  1339. 
Le  sixième  à  Saint-Geminien.  Le  septième  à 
Eugubio,  par  Pierre  Gabrieli,  évêque  de  celte 
vi.ie  ;  et  le  huitième  à  i'oligni.  Ils  en  eurent 
encore  dans  la  suite  à  Home  et  en  d'autres 
endroits.  Le  saint  fondateur,  après  avoir  ac- 
cepté la  fondation  de  Sienne,  avait  fuit  de 
nouveau  approuver  son  ordre  par  Jean  XXII, 
l'an  1324,  et  il  fut  confirmé  dans  la  suite 
par  le  pape  Clément  VI  et  par  plusieurs 
autres  souverains  pontifes. 

La  peste  étant  entrée  en  Italie,  l'an  1 3  i  S  , 
y  fit  un  grand  ravage.  Elle  enlevait  ton-  les 
jours  un  grand  nombre  de  personnes,  qui  la 
plupart  mouraient  sans  assistance.  Bernard, 
animé  du  zèle  tle  la  charité,  exhorta  ses  re- 
ligieux à  secourir  ceux  qui  en  étaient  atta- 
qués; et  pour leurdonner  l'exemple,  il  alla  à 
Sienne,  où  ie  danger  était  plus  évident,  et 
sans  craindre  la  mort,  il  exposa  généreuse- 
ment sa  vie  pour  le  salut  d'une  iulinilé  d'â- 
mes qui  seraient  péries  faute  d'assistance.  Il 
ne  leur  donnait  pas  seulement  les  secours 
spirituels  dont  ils  avaient  besoin,  il  pansait 
encore  leurs  plaies,  les  portait  en  terre,  et 
s'employait  jour  et  nuit  à  ces  actions  de 
chaiité.  Ses  religieux  furent  aussi  frappés 
de  cette  maladie,  comme  il  l'avait  prédit,  et 
plusieurs  en  moururent.  Elle  ne  l'épargna 
pas  lui-même,  et  s'en  voyant  attaqué  il  se 
coucha  sur  un  pauvre  lit,  où  il  se  disposa  à 
la  mort  par  la  réception  des  sacrements  de 


l'Eglise  :  et  après  avoir  fait  un  discours  à 
ses  religieux,  pour  les  exhorter  à  la  persé- 
vérance, il  éleva  ses  yeux  au  ciel,  recom- 
manda son  ;'nne  à  l;ieu,  et  mourut  comblé 
de  mérites  le  20  août  de  la  même  année  1348, 
étant  dans  la  76'  de  son  âge  et  la  35'  de  sa 
conversion.  Sa  fêle  ne  se  fait  néanmoins  que 
le  21  d'août,  auquel  jour  son  nom  se  trouve 
dans  le  martyrologe  romain,  y  ayant  été  in- 
séré par  ordre  du  pape  Innocent  XL  Clé- 
ment X  avait  permis  d'en  réciter  l'office  à 
pareil  jour,  et  Alexandre  Vlllen  a  approuvé 
uu  office  propre,  pour  être  récité  dans  tout 
l'ordre  de  Saint-Benoît. 

Après  la  mort  de  ce  saint  fondateur,  Fran- 
ceschini  Tracozzano  d'Arezzo  lui  succéda  la 
même  année,  et  gouverna  l'ordre  dix-huit 
mois.  Il  eut  pour  successeur  Ray  nier  de 
Sienne,  l'an  1330,  qui  fut  derechef  élu  l'an 
1369.  Il  paraît  par  le  catalogue  des  géné- 
raux qu'ils  commencèrent  pour  lors  à  être 
triennaux  ;  ce  qui  dura  jusque  sous  le  gou- 
vernement de  Jérôme  Miraballi,  qu'ils  fu- 
rent élus  tous  les  deux  ans,  et  continués 
pour  deux  autres  années  :  ce  qui  du;  a  encore 
ju-iqu'en  l'an  1+97,  que  l'on  ordonna  qu'ils 
n'exerceraient  leur  office  que  pendant  deux 
ans  seulement,  et  qu'ils  ne  pourraient  être 
continués  pour  deux  autres  années.  Ils  ob- 
tinrent le  généralat  pour  quatre  ans,  l'an 
1570  ,  sous  le  gouvernement  de  Protais 
Canturi  ,  de  Milan.  11  fut  enfin  réduit  à 
trois  années,  l'an  158V,  sous  le  généralat  de 
Marc  Cappilagerani,  et  on  ordonna  qu'il 
serait  choisi  alternativement  dans  l'une  des 
provinces  de  l'ordre  ;  ce  qui  s'observe  encore 
à  présent  ;  mais  il  y  a  eu  des  généraux  qui 
ont  été  continués  par  autorité  du  pape  , 
comme  il  arriva  à  l'égard  de  Dominique 
Pueroni  de  Crémone,  qui  fut  continué  pour 
trois  ans  par  Urbain  VIII,  l'an  1630. 

Os  religieux  ont  été  appelés  pendant  un 
long  temps  les  frères  ermites  du  Monl-Olivet; 
ma. s  sous  ie  généralat  île  Matthieu  d'A versa, 
le  pape  Paul  III  leur  permit  de  prendre  le 
nom  de  Dom,  conformément  à  la  règle  de 
saint  Benoît.  Pie  II,  parlant  de  cet  ordre  dans 
l'une  de  ses  bulles,  dit  qu'il  a  eu  de  faibles 
commencements,  qu'il  a  été  augmenté  par 
la  dévotion  des  (idoles,  qu'il  a  fait  un  heu- 
reux progrès  et  qu'il  était  répandu  dans 
toute  l'Italie.  En  effet,  il  se  trouve  encore, 
tant  en  Italie  qu'en  Sicile,  quatre-vingts 
monastères  de  cet  ordre  ,  dans  la  plupart 
desquels  il  y  a  grand  nombre  de  religieux. 
Ces  monastères  sont  divisés  en  six  provinces, 
dont  trois  sont  au  delà  et  trois  en  deçà  des 
monts  Apennins,  par  rapport  à  la  ville  de 
Rome  et  au  monastère  chef  d'ordre  du  Mout- 
Olivel,  qui  était  autrefois  du  diocèse  d'Arezzo 
et  présentement  de  celui  de  Pienz.i.  Ce  mo- 
nastère est  si  vaste  et  si  spacieux,  que  l'em- 
pereur Charles  V  y  logea  avec  plus  de  deux, 
mille  personnes  de  sa  suite.  Les  papes  Pic  II 
et  Paul  111  y  ont  aussi  été  reçus,  ayant  avec 
-icurs  cardinaux  et  prélats;  et  lors- 
que Pic  II  y  ait  i,  il  défendit  aux  personnes 
de  sa  suite  U'y  manger  de  la  viande,  quoique 
ce  fut  un  jeudi,  par  respect  pour  la  sainteté 


1095 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


10f)6' 


de  ce  lieu  et  pour  les  observances  des  reli- 
gieux, qui  n'en  mangeaient  pas  pour  lors. 
Les  abbés  généraux  de  cet  ordre  y  font  leur 
résidence,  et  on  y  tient  ordinairement  les 
chapitres  généraux.  L'on  ne  voit  guère  de 
monastères  plus  magnifiques  que  ceux  de 
Sainte-Marie  du  Mont-Olivet  de  Naples,  et  de 
Saint-Michel  in  Bosco  à  Bologne;  celui  de 
Naples  a  plus  de  vingt  mille  écus  romains  de 
revenu,  et  la  communauté  y  est  composée 
ordinairement  de  quatre-vingts  religieux. 
Le  roi  de  Naples  Alphonse  fit  beaucoup  de 
bien  à  ce  monastère.  Il  demeurait  souvent 
avec  les  religieux  et  les  servait  même  quel- 
quefois à  table,  par  un  esprit  de  dévotion  et 
de  respect  qu'il  avait  pour  ces  serviteurs  de 
Dieu.  Il  y  a  encore  beaucoup  d'autres  mo- 
nastères, qui  approchent  de  ceux  de  Naples 
et  de  Bologne  pour  la  richesse  et  la  magni- 
ficence, comme  ceux  de  Saint-Victor  de  Mi- 
lan, de  Sainte-Marie-aux-Bois  en  Sicile,  de 
Saint-Pierre  d'Eugubio,  de  Sainte-Marie  du 
Mont-Olivet  de  Florence,  de  Sainl-Pontien 
de  Lucques,  de  Saint-Georges  de  Ferrare,  de 
Sainte-Marie  in  Organo  de  Vérone,  de  Saint- 
Benoit  de  Padoue,  de  Saint-Nicolas  de  Botin- 
go,  du  Saint-Sépulcre  de  Plaisance,  et  de 
Saint-Laurent  de  Crémone.  Ils  avaient  autre- 
fois deux  monastères  en  Hongrie,  qui  leur 
avaient  été  donnés  par  l'empereur  Sigis- 
mond,  et  qu'ils  ont  abandonnés  dans  la  suite 
à  cause  de  l'éloignement. 

Ces  religieux  ont  été  en  si  grande  estime, 
qu'on  les  a  souvent  choisis  pour  réformer 
des  monastères.  Le  pape  Grégoire  XII , 
voyant  que  l'observance  régulière  avait  été 
entièrement  bannie  de  celui  de  Sainte-Justine 
de  Padoue,  leur  donna  ce  monastère  l'an 
H08,  où  ils  ont  demeuré  jusqu'à  ce  que  la 
république  de  Venise  les  obligea  d'en  sortir 
pour  le  rendre  aux  Bénédictins,  qui  y  ont 
jeté  les  fondements  de  la  célèbre  réforme  qui 
a  pris  le  nom  de  ce  monastère.  Les  papes  et 
les  princes  ont  accordé  beaucoup  de  privilè- 
ges à  cet  ordre.  L'empereur  Charles  V,  étant 
à  Vill'.franche  de  Nice,  le  mit  sous  la  protec- 
tion de  l'empire,  par  ses  lettres  patentes  du 
17  juin  1538.  Jean  XXII  et  Jules  11  le  mirent 
sous  celle  du  saint-siége.  Grégoire  XI 
exempta  ces  religieux  de  la  juridiction  des 
évêques,  et  voulut  que  les  abbés  supérieurs 
des  monastères  exerçassent  leur  office  et  lis- 
sent les  fonctions  d'abbés  de  même  que  s'ils 
avaient  reçu  la  bénédiction  abbatiale.  Les 
mêmes  Jules  et  Pie  11  permirent  aux  reli- 
gieux des  autres  ordres,  excepté  aux  Char- 
treux, de  passer  dans  celui  du  Mont-Olivet. 
Pie  IV  approuva  le  privilège  qui  leur  avait 
été  accordé  d'élire  un  cardinal  protecteur. 
Pie  11  les  fil  encore  participants  de  tous  les 
privilèges,  exemptions  et  immunités  dont 
jouissaient  les  religieux  de  la  congrégation 
du  Mout-Cassin  ,  et  il  y  a  peu  de  souverains 
pontifes  dont  ils  n'aient  reçu  quelques  grâces 
et  quelques  privilèges. 

Ces  religieux  sont  habillés  de  blane.et  leur 
habillement  consiste  en  une  robe  et  un  sca- 
pulaire,  auquel  est  attaché  un  capuce  beau- 

(1)  Voy.,  à  latin  du  vol.,  n°»  272  et 275. 


coup  plissé  par  derrière,  et  lorsqu'ils  sont 
au  chœur  ils  mettent  une  coule  à  la  manière 
des  Bénédictins,  laquelle  ils  portent  encore 
quand  ils  vont  en  ville,  avec  un  chapeau 
blanc  doublé  de  noir  jusqu'aux  bords;  leur 
habit  est  d'une  serge  très-fine.  L'habit  de 
leurs  convers  (1)  est  tout  différent  de  celui 
des  religieux  du  chœur  :  ils  ont  une  petite 
soutane  qui  leur  tombe  jusqu'aux  genoux. 
Ils  portent  dans  le  monastère  un  petit  bon- 
net fait  comme  celui  des  prêtres  séculiers,  à 
la  réserve  qu'il  n'est  que  de  serge  blanche 
sans  carton  :  ce  qui  fait  qu'il  n'a  pas  une 
forme  trop  régulière.  Lorsqu'ils  sont  dehors, 
ils  ont  un  grand  manteau  sans  collet  et  qui 
est  tout  froncé  :  il  est  vrai  que,  dans  plu- 
sieurs maisons,  ils  sortent  avec  un  manteau 
blanc  fait  comme  celui  des  séculiers,  mais 
c'est  un  relâchement;  car  dans  les  monastè- 
res où  il  y  a  soixante  religieux,  ils  n'en  ont 
point  d'aulres  que  les  premiers;  ils  portent 
dehors  un  chapeau  blanc  par-dessus  et  noir 
par-dessous;  ils  ont  un  rabat  de  serge  fait 
comme  celui  des  prêtres  séculiers  ,  qu'ils 
porlent  tant  au  dedans  qu'au  dehors  du  cou- 
vent. 

Les  religieux  de  cet  ordre  font  profession 
de  la  règle  de  saint  Benoit,  mais  mitigée  par 
leurs  constitutions.  Ils  se  lèvent  la  nuit  pour 
dire  matines;  après  laudes  ils  vont  au  cha- 
pitre, où  chacun  se  prosterne  devant  le  su- 
périeur et  ne  se  relève  point  qu'il  ne  leur  ait 
enjoint  une  pénitence  ou  qu'il  ne  leur  ait  or- 
donné de  se  relever.  Tous  les  dimanches, 
après  complies,  ils  se  trouvent  à  une  confé- 
rence de  cas  de  conscience  ou  de  la  sainte 
Ecriture.  Ils  ont,  dans  quelques-uns  de  leurs 
monastères,  des  lecteursd'humanités,  de  phi- 
losophie, de  théologie  et  d'Ecriture  sainte, 
qui,  à  raison  de  leurs  emplois,  aussi  bien 
que  dans  les  autres  ordres,  sont  dispensés 
de  l'office,  mais  ils  doivent  toujours  assister 
à  l'oraison  mentale.  Quoiqu'ils  enseignent 
la  doctrine  de  saint  Thomas,  ils  ne  sont  pas 
tellement  attachés  à  ses  sentiments  qu'ils  ne 
s'en  écartent  quelquefois,  et  ils  ne  sont  pas 
d'accord  en  bien  des  choses  avec  les  tho- 
mistes. 

Ils  jeûnent,  pendant  l'automne,  les  lundis, 
les  mercredis  et  les  vendredis,  aussi  bien  que 
les  samedis  pendant  toute  l'année,  à  cause 
que  leur  ordre  est  sous  la  protection  de  la 
sainte  Vierge.  Ils  mangent  de  la  viande  trois 
fois  la  semaine;  mais  les  novices,  pendant 
leur  année  de  probation  ,  n'en  mangent 
point,  et  ils  ne  reçoivent  parmi  eux  que  des 
personnes  nobles  :  ce  qui  semble  néanmoins 
contraire  à  la  règle  de  saint  Benoit,  qui  ad- 
met également  les  nobles  et  les  roturiers. 

L'ordre  est  gouverné  par  un  général,  qui 
a  pour  assistants  un  vicaire  général  et  six 
visiteurs.  11  y  en  avait  autrefois  huit;  mais 
sous  le  généralat  de  Prolais  Cauoluri ,  de 
Milan,  ce  nombre  fut  réduit  à  six,  pour  ré- 
pondre aux  six  provinces  de  cet  ordre.  Ils 
s'assemblent  tous  les  ans  et  forment  le 
définitoire,  où  on  délibère  des  affaires  de 
la   congrégation    et    où   on    élit    les    supé- 


1087 


MON 


MON 


109  > 


rieurs  des  maisons  et  les  autres  officiers.  Ces 
assistants  sont  61ns  dans  les  chapitres  géné- 
raux par  voix  secrètes,  et  l'on  observe  dans 
l'élection  du  général  et  du  vicaire  général 
l'alternative  pour  les  provinces  ,  en  sorte 
que  la  province  d'où  est  le  général  ne  peut 
en  avoir  un  autre  que  dix-huit  ans  après,  et 
on  n'élit  jamais  pour  général  celui  qui  quitte 
la  fonction  de  vicaire  général, ni  pour  vicaire 
général  un  religieux  de  la  même  province 
que  le  général. 

Les  monastères  sont  gouvernés  par  des 
supérieurs  qui  prennent  le  titre  d'abbés  , 
qu'ils  conservent  toute  leur  vie,  quoiqu'ils 
ne  soient  plus  supérieurs.  Etant  supérieurs 
ils  peuvent  se  servir  d'ornements  pontifi- 
caux, quoiqu'ils  ne  reçoivent  pas  la  bénédic- 
tion abbatiale.  Ces  abbés  sont  élus  dans  le 
définitoire  :  l'abbé  général  en  propose  trois, 
et  lorsqu'ils  ont  été  agréés,  on  les  ballotte 
avec  des  fèves,  et  celui  qui  a  plus  de  voix 
est  censé  élu.  11  faut  qu'ils  aient  été  aupara- 
vant ou  vicaires,  ou  maîtres  des  novices,  ou 
lecteurs,  ou  qu'ils  aient  exercé  quelque  em- 
ploi. Ils  ne  sont  que  trois  ans  dans  leur  of- 
fice, aussi  bien  que  le  général  et  les  visi- 
teurs, mais  ils  peuvent  être  continués  dans 
la  môme  maison  ou  envoyés  pour  supérieurs 
dans  d'autres.  Clément  X  accorda  à  ces  reli- 
gieux douze  abbés  titulaires  ,  c'est-à-lire 
deux  dans  chaque  province;  mais  ils  n'en- 
trent point  dans  le  gouvernement  de  l'ordre 
ni  des  monastères  particuliers;  ils  n'ont  que 
voix  passive  dans  les  chapitres  généraux 
tant  qu'ils  sont  titulaires. 

Le  général  a  toujours  avec,  lui  un  (han- 
celier  et  un  secrétaire  qui  lui  sont  donnés 
par  le  diffinitoire ,  qui  lui  propose  deux 
sujets  pour  chacun  de  ces  ofûces ,  aussi 
bien  que  pour  le  procureur  général  en 
cour  de  Rome  ,  qui  se  fait  aussi  dans  le 
dil'finitoire ,  en  gardant  aussi  l'alternative 
pour  les  provinces.  Le  général  a  dans  le 
diffiniloire  deux  suffrages.  11  doit  avoir, 
pour  être  élu,  au  moins  vingt  ans  de  re- 
ligion ,  le  vicaire  général  et  les  visiteurs 
dix-huit ,  et  les  abbés  quinze.  Le  général 
doit  faire  sa  visite  dans  tout  l'ordre  une 
fois  pendant  son  triennal,  et  tous  les  ans 
par  deux  commissaires  du  nombre  des  vi- 
siteurs ou  des  abbés,  A  la  fin  de  chaque 
triennal,  le  troisième  dimanche  d'après  Pâ- 
ques; le  chapitre  général  se  lient  au  mo- 
nastère du  Mont-Olivet ,  chef  d'ordre,  où 
tous  les  abbés  onl  droit  d'assister,  aussi 
bien  qu'un  discret  de  chaque  maison  ,  qui 
est  élu  sans  avoir  besoin  du  consentement 
du  supérieur,  et,  pendant  tout  le  temps  du 
<  hapilre,  il  n'est  pas  permis  de  manger  de 
la    vi;mde. 

Cet  ordre  a  produit  plusieurs  personnes 
recommandables  par  la  sainteté  de  leur 
vie,  comme  les  bienheureux  Bernard  To- 
lomei ,  foi, dateur,  et  ses  deux  compagnons, 
Patrice  Patrici  et  Ambroise  Picolomini  ;  le 
bienheureux  Bernard  de  Yerceil  ,  qui  fut 
en  Hongrie  pour  y  faire  les  deux  établis- 
sements que  cet  ordre  y  a  eus  ;  le  bien- 
heureux Jérôme  de  Corsica  ,  qui ,  après 
Diction,  des  Ordres  religieux.  II. 


avoir  porté  longtemps  les  armes  ,  se  fil 
oblat  de  cet  ordre,  et  mourut  l'an  1479; 
le  bienheureux  Jérôme  de  Manloue ,  qui 
vivait  aussi  dans  le  quinzième  siècle  ,  et 
dont  !e  corps  fut  trouvé  sans  aucune  cor- 
ruption cent  ans  après  sa  mort;  le  bien- 
heureux Jérôme  Mirabelli  de  Naples,  que 
ses  grandes  vertus  firent  élire  pour  géné- 
ral, quoiqu'il  n'eût  pas  trente  ans;  le 
Père  Jacques  del  Carpo,  dont  Bucelin  fait 
mention  dans  son  ménologe  de  l'ordre  de 
Saint-Benoît  ;  les  Pères  Antoine  de  Bar- 
gue,  Grégoire  Amatisci,  l'abbé  Maure  de- 
Pérouse  ,  et  deux  frères  oblats  ,  dont  l'un 
est  le  frère  François  de  Vérone,  et  l'au- 
tre   le    frère   Daniel   de    Foligni. 

Ceux  qui  ont  été  élevés  aux  dignités  de 
l'Eglise  sont  en  grand  nombre  :  il  y  en  a 
eu  qui  onl  rempli  les  sièges  épiscopaux 
de  Todi  ,  d'Imola,  de  Torlose,  de  Cluse, 
de  Marsicano,  de  Pouzzoles,  d'Aqui  et  de 
quelques  autres.  Nous  nous  contenterons 
d'en  rapporter  les  plus  récents,  comme  dom 
Romuald  Tancredi  de  Sienne,  qui  fut  fait 
évêque  de  Montalcino  en  1694;  dom  Jean- 
François  Rigamonli  de  Rome,  fait  évoque 
de  Cervia,  en  1707,  par  Clément  XI,  qui 
a  encore  donné  les  évêchés  de  Colle  et  de 
Cluse,  le  premier  à  dom  Dominique  Bal- 
lali  de  Sienne,  et  le  second  à  don  Caïe- 
tan-Marie  Bargali,  aussi  de  Sienne.  Ils 
ont  eu  aussi  autrefois  deux  précepteurs  du 
Saint-Esprit  de  Borne  :  le  premier  fut  dora 
Benoît  de  Sienne ,  nommé  par  Alexandre 
VI,  l'an  1503,  et  l'autre  fut  dom  Evangé- 
liste  Tornioli  de  Pérouse,  évêque  de  Citla 
di  Castello,  nommé  par  le  pape  Paul  V, 
l'an  1620.  Cet  ordre  prétend  avoir  aussi 
eu  deux  cardinaux  ,  savoir  :  Georges  Mar- 
linutius,  archevêque  de  Strigonie,  et  Pierre 
Tartaro;  mais  les  Bénédictins  du  Mont- 
Cassin  leur  disputent  celui-ci,  et  l'autre 
appartient  à  l'ordre  de  Saint-Paul  Ermite, 
comme  nous  avons  fait  voir  en  parlant  de 
cet  ordre.  Les  religieux  du  Mont-OIivel 
conviennent  à  la  vérité  que  le  cardinal 
Tartaro  a  été  abbé  du  Mont-Cassin,  mais 
ils  prétendent  que  l'abbé  André  demanda, 
l'an  1370,  à  Rainier,  général  du  Mont-Oli- 
vet, des  religieux  de  cet  ordre  pour  rétablir 
la  discipline  régulière  au  Mont-Cassin,  et 
qu'entre  les  religieux  qui  y  furent  envoyés 
André  Faventini  en  fut  abbé  aussi  bien  que 
le  cardinal  Tartaro,  qui  avait  élé  aupara- 
vant prieur  du  monastère  de  Notre-Dame- 
la-Neuve  à  Rome,  de  l'ordre  du  Mont- 
Olivel.  Ils  prétendent  aussi  que  le  cardinal 
Ardicin  de  Porte  de  Novarre  quitta  la  pour- 
pre pour  prendre  l'habit  de  leur  ordre 
l'an  1-V95.  Nous  ne  rapporterons  pas  non 
plus  U,as  les  écrivains  de  cet  ordre  qui 
sont  en  trop  grand  nombre.  Dom  Second 
Lancelot  de  Pérouse  a  donné  l'Histoire  de 
cet  ordre  qu'il  a  continuée  jusqu'en  1618; 
on  a  encore  de  lui  quelques  ouvrages.  Il 
était  venu  à  Paris  pour  y  en  faire  impri- 
mer quelques-uns,  et  il  y  mourut  le  l'ù 
janvier  1643.  Il  n'est  pas  vrai  qu'il  ait  été 
général  de  son  ordre,  comme  quelques-uns 


ic^y 


hlCTIONNAME  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1i(M 


ont  avancé;  il  n'a  été  qu'abbé.  Dom  Au- 
gustin Lancelot,  son  frère,  aussi  religieux 
du  Mont-Olivet,  a  fait  imprimer  pareii- 
Jement  quelques  ouvrages  à  Rome  ,  l'an 
1639.  Cet  ordre  a  pour  armes  (rois  mon- 
tagnes d'argent ,  surmontées  d'une  croix 
dc^gueules  en  champ  d'or,  accompagnée  de 
deux  rameaux  d'oliviers  sortant  des  mon- 
tagnes. 

Il  y  a  aussi  un  monastère  de  filles  de 
cet  ordre  à  Bitonto,  au  royaume  de  Na- 
ples.  Le  Père  Bonanni  ,  dans  son  catalo- 
gue des  ordres  religieux,  avoue  bien  qu'il 
y  a  des  religieuses  de  cet  ordre,  mais  il 
dit  qu'il  n'a  trouvé  dans  aucun  auteur  le 
temps  de  leur  institution.  Il  ajoute  seule- 
ment que  Lancelot,  dans  l'Histoire  de  cet 
ordre,  rapporte  que  le  bienheureux  Jour- 
dain, qui  en  était  généra! ,  fonda,  l'an  1359, 
deux  monastères  à  Padoue,  l'un  pour  des 
hommes,  l'autre  pour  des  Glles.  On  ne 
trouve  point  cependant  le  nom  de  ce  gé- 
néral dans  le  Catalogue  des  généraux  de 
cet  ordre,  qui,  en  1359,  avait  pour  gé- 
néral Silvius  de  Florence,  qui  le  gouverna 
pour  la  première  fois  pendant  douze  ans, 
jusqu'en  l'an  1369,  et  qui  eut  pour  suc- 
cesseur Rainier  de  Sienne,  qui  fut  élu  pour 
la  troisième  fois.  La  première  religieuse 
de  cet  ordre  fut  la  mère  Françoise  Lé- 
chante de  Palerme,  qui  avait  d'abord  élô 
religieuse  de  l'ordre  de  Sainte-Claire,  mais 
qui,  ayant  fait  bâtir  un  monastère,  em- 
brassa avec  quelques  compagnes  l'ordre 
du  Mont-Olivet,  l'an  1515,  avec  la  per- 
mission du  pape  Léon  X,  qui  la  nomma 
abbessc  perpétuelle  de  ce  monastère,  où 
elle  mourut  en  odeur  de  sainteté.  L'ha- 
billement de  ces  religieuses  consiste  en  une 
robe  blanche,  un  scapulaire  de  même  cou- 
leur et  un  voile  noir.  Au  chœur  elles  ont 
une  coule   blanche  (1). 

Second  Lancelot  ,  Hist.  Olivetana.  Paul. 
Carpentarius ,  Vit.  B.  Bernardi  Ptolomœi  ; 
la  même  en  italien  par  le  P.  Lombardelli , 
de  l'ord.  de  Saint-Dominique.  Constitutio- 
nes  Montis  Oliveti.  Silvest.  Maurol.,  Mar. 
Océan,  di  tutti  (jli  Relig.  lib.  îv.  Paolo  Mo- 
rigia ,  Hist.  di  tut  t.  Relig.  Herman ,  Hist. 
des  Onlres  religieux.  Phjlip.  Bonanni,  Ca- 
talog.  Ord.  relig.  l'art.  î,  et  Mémoires  com- 
muniqués p  ir  les  religieux  de  cet  ordre  du 
monustère  de  Sainte-Marie-la-Neuvc  à  Rome. 
Les  religieux  olivetains  existent  en- 
core, et  ils  ont  à  Rome  et  en  Italie  pour 
général  le  P.  abbé  dom  Rcnoîl  Bellini,  et 
pour  procureur  général  le  P.  abbé  dom 
Bernard  de  Rossi.  Il  y  a  aussi  à  Rome  ac- 
tuellement les  Bénédictines-Olivetaines,  mais 
que  nous  voyons ,  sans  savoir  pourquoi , 
rangées  dans  le  Cracas  au  nombre  des 
Oblates  sans  clôture.  B-d-b. 

MONTPELLIER.   Voyez  Esprit    (Saint-). 
MONT   SAINT-ELOI  (Chanoines   réguliers 
de  la  congrégation  du)  d'Arras,  et  de  Saint- 
Aubert  de  Cambrai. 
Le  mont  Saint-E!oi,  qui  est   une   fameuse 

(i)  Voy.   à  h  fin  du  vcl.,  n"  274  e:  275. 


abbaye  située  près  d'Arras,  a  été  ainsi  ap- 
pelé à  cause  que  sainlEloi,  suivantl'ancienne 
tradition,  s'y    retirait  quelquefois,   lorsqu'il 
se  séparait  du  monde  pour  vaquer  plus  libre- 
ment aux  exercices  del'orai-on  et  de  la  con- 
templation, il  y  en  a  qui  pré'cndent  qu'il  y 
lit  bâtir  une  chapelle.  D'autres  disent  que  ce 
fut  saint    Vindicien,    évoque  de  Cambrai,  à 
cause  de  la  dévotion    qu'il    portail  à   saint 
Eloi;  mais  Gazet,   dans  son   Histoire  ecclé- 
siastique des  Pays-Bas,  rapporte  ainsi  celle 
fondation.  11  dit  que  saint  Eloi  fit  dresser  un 
oratoire    sur  une   montagne   à  deux   lieues 
d'Arras,  qui   retient  encore  le  nom  de  saint 
Eloi,  et  qu'il  y  assembla  dix  ou  douze  per- 
sonnes qui  y  vivaient  comme   des   ermites. 
Saint  Vindicien,  évoque  de  Cambrai,  édifié 
de  leur  conversation,  s'y  relirait  souvent,  et 
voulut  même  être  enterré  dans  cette  église, 
qui,  ayant  depuis  été  brûlée  et  ravagée  avec 
tout  le  pays  par  les  Normands,  environ  l'an 
880,  fut  abandonnée;  en  sorte  que  ce  lieu 
devint  un  désert  plein   d'épines  et  de  ronces, 
dont  la  sépulture  de  saint  Vindicien   fut  cou- 
verte. Elle  demeura  inconnue  jusqu'à  ce  que 
Dieu   l'eût  miraculeusement  découverte  du 
temps  de  l'évêque  Fulbert,  l'un  de   ses  suc- 
cesseurs, qui  y  fit  bâtir  une  nouvelle  église 
qu'il  consacra  en  l'honneur  des  apôtres  saint 
Pierre  et  saint  Paul,  ayant  été  assisté   par 
les  libéralités  de  l'empereur  Othon,  son  pa- 
rent. Et  au  lieu  des  ermites  qui  y  étaient  par 
le  passé,  il  y  mit  huit  chanoines  séculiers, 
qui   y  demeurèrent  jusqu'en   l'an   1066,  ou 
environ,  que  saint  Lietbert,  aussi  évêque  de 
Cambrai,  voyant  qu'ils  s'acquittaient  mal  de 
leur  devoir,  les  en  fil  sortir,  et  substitua  en 
leur  place   des  chanoines  qui    vivaient  en 
commun,   auxquels  il  donna  pour    premier 
abbé  Jean  Robert  le  Frison,  comte  de  Flan- 
dre, augmenta  la  fondation  de   cette  église, 
comme  avaient    fait  l'évêque  Fulbert  et  les 
seigneurs  de  Coucy.  L'abbé  Jean  gouverna 
cette  abbaye  pendant  quarante  ans,  et,  l'an 
1219,  Richard  de  Sassy,  l'un  de  ses  succes- 
seurs, fil  bâtir  l'église  en  l'état  qu'on  la  voit 
présentement. 

Ce  monastère  devint  comme  un  séminaire 
de  saints  evéques  et  de  grands  hommes. 
Hugues,  troisième  abbé,  assista  au  concile 
de  Latran,  tenu  sous  le  pape  Innocent  H. 
Raduiphe,  son  successeur,  assista  à  celui  de 
Tours  sous  le  pape  Alexandre  III.  Jean  II 
obtint  du  pape  Lucius  111  la  permission  de 
pouvoir  porter  la  mitre  et  les  autres  orne- 
ments pontificaux,  et  fut  pourvu  par  le  pape 
Urbain  111  d'uu  évèché  en  Orient.  Etienne 
de  Firmomont,  seizième  abbé,  assista  au 
concile  de  Lyon  et  ne  voulut  point  accepter 
l'évéebé  d'Arras  qu'on  lui  offrit.  Le  pape 
Adrien  IV  fut  élevé  pendant  sa  jeunesse  dan9 
cette  abbaye,  d'où  sont  sortis  Jean,  évêque 
de  Térouanne,  Drsion  de  Verdun,  Gérard  de 
Tournay,  Guillaume  de  Viaison,  et  Pierre  de 
Colmicu,  cardinal,  de  Rouen.  Elle  avait  des 
constitutions  particulières  qui  furent  reçues 
par  plusieurs  autres  communautés  de  cha- 


•t  101 


MON 


MON 


1103 


noincs  réguliers  des  Pays-Bas,  cl  en  France 
par  ceux  île  Saint-Jean  des  Jumeaux,  Us  sont 
habillés  de,  violet,  el  ont  un  rochet  par-des- 
sus leur  soutane;  au  chœur  ils  mettent  une 
aumusse  noire  sur  le  bras  pendant  l'été,  et 
la  chape  noire  pendant  l'hiver  avec  un  grand 
camail  .1  ;.  Les  novices  de  cette,  abbaye  portant 
encore  la  robe  de  peaux,  qui  était  autrefois 
commune  à  tous  les  chanoines,  et  s'appelait 
pellieeum,  d'où  vient  le  nom  superpelliceum 
ou  surplis,  comme  remarque  le  Père  du 
Moulinet. 

La  même  année  10G6,  que  saint  Lietbert 
mit  des  chanoines  vivant  en  commun  et  dans 
une  entière  désappropriation,  au  mont  Saiul- 
Eloi,  il  en  mil  aussi  dans  l'abbaye  de  Sainl- 
Aubert,  située  à  Cambrai,  dont  il  ôta  les 
chanoines  qui  ne  voulurent  point  renoncer 
à  la  propriété  et  vivre  en  commun  :  il 
donna  à  ces  nouveaux  chanoines  Bernard 
pour  premier  abbé,  et  ses  successeurs  de- 
vaient être  élus  et  tirés  du  corps  du  chapitre 
auquel  il  donna  pouvoir  de  conférer  les  pré- 
bendes. Il  y  a  de  l'apparence  que  ces  cha- 
noines avaient  les  mêmes  constitutions  que 
ceux  de  Saint  Eloi,  puisqu'ils  étaient  aussi 
habillés  de  violet  cl  avaient  le  même  fon- 
dateur. 

Sanmarlh.  Gall.  Christian.  Du  Moulinet, 
Hab.  des  chanoin.  Rc'gul.;ei  Gazet,  Hist.  Ec- 
oles, des  Pays-Bas. 

MONT-SEGESTBO.  Voyez  Jérôme  (Ermi- 
tes DE  SAINT-). 

MONT-V1EBGE  (Bénédictins de  l'ordre  ne), 
avec  la  I  iede  saint  Guillaume  de  Verceil, 
fondateur  de  cet  ordre. 
Saint  Guillaume,  fondateur  de  l'ordre  du 
Mont-Vierge,  naquit  à  Verceil  en  Piémont, 
de  parenls  nobles  et  recommandables  par 
leur  vertu.  Les  ayant  perdus  presque  au 
sortir  du  berceau,  il  fut  élevé  par  un  de  ses 
proches  parenls  jusqu'à  l'âge  de  quinze  ans, 
que,  commençant  à  sentir  dans  son  cœur 
un  grand  amour  pour  Dieu  et  un  penchant 
pour  la  retraite,  il  résolut,  dans  un  âge  si 
tendre,  de  soumettre  sa  chair  à  l'esprit, 
avant  qu'elle  lui  livrât  des  assauts  pour  en- 
gager son  cœur  dans  les  liens  d'un  monde 
corrompu,  qu'il  méprisait  avant  même  que 
d'en  connaître  bien  la  vanité,  au  moins  par 
expérience.  C'est  pourquoi,  malgré  les  biens 
que  ses  parents  lui  avaient  laissés  en  mou- 
rant, il  prit  le  parti  d'embrasser  une  vie  pé- 
nitente, de  renoncera  toutes  choses,  et  d'a- 
bandonner jusqu'à  son  pays  pour  l'amour 
de  Jésus-Christ  qui  faisait  tout  l'objet  de  ses 
désirs  ;  il  se  revêtit  pour  cet  effet  d'un  habit 
d'errnite,  et  entreprit  le  voyage  de  Saint- 
Jacques  en  Galice.  La  longueur  cl  la  diffi- 
culté d'un  si  grand  pèlerinage,  la  grossièreté 
de  son  habit,  auquel  il  n'était  pas  accoutu- 
mé, la  pauvieté  volontaire  qu'il  exerça  pen- 
dant toute  la  route,  étaient  sans  doute  une 
pénitence  bien  rude  pour  un  enfant  qui  avait 
clé  élevé  jusqu'alors  d'une  manière  fort  dé- 
licate. Cependant  toutes  ces  peines  ne  furent 

(I)   Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  27ii 


pas  suffisantes  pour  contenter  son  cœur  déjà 
insatiable  de  mortifications;  car  il  voulut 
faire  ce  chemin  nu-pieds,  portant  sur  ;*a 
chair  dcuxcercles  de  ferqui  ne  lui  donnaient 
aucun  relâche  ni  jour  ni  nait.  Quand  il  fut 
de  retour  à  son  pays,  bien  loin  de  songer  à 
se  procurer  quelque  soulagement  en  quill  mt 
ces  cercles,  et  en  se  dédommageant  de  toutes 
les  autres  peines  qu'il  avait  endurées  par  la 
faim,  la  soif  et  les  autres  incommodités,  il 
se  proposa  un  autre  pèlerinage  en  Palestine 
pour  aller  visiter  le  saint  sépulcre  à  Jérusa- 
lem ;  mais  Dieu,  qui  l'avait  choisi  pour  lo 
fondateur  d'un  ordre  religieux,  lui  ôta  la 
pensée  de  faire  ce  voyage  lorsqu'il  s'y  pré- 
parait, et  lui  inspira  celle  de  se  retirer  dans 
une  solitude. 

Pour  le  (aire  avec  moins  d'obstacles,  il 
passa  au  royaume  de  Naples,  et  y  choisit 
pour  retraite  le  Mont-Laceno,  dans  la  pro- 
vince de  la  Pouille,  où  il  trouva  saint  Jean 
de  Malera,  dont  on  parlera  à  l'article  Pcl- 
sano.  Ils  demeurèrent  quelque  temps  en- 
semble, aussi  bien  que  sur  le  Mont-de-Co- 
gno,  où  ils  firent  encore  quelque  séjour. 
Mais  saint  Jean  de  Malera  l'ayant  quitté 
pour  prêcher  dans  Barri,  et  s'étant  retiré  en- 
suis au  Mont-Gargan,  où  il  fonda  l'ordre  de 
Pulsano,  saint  Guillaume  quitta  aussi  le 
Mont-de-Cogno  et  vint  dans  la  principauté 
ultérieure,  où  il  choisit  pour  sa  demeure  le 
Mont-Virgi ien,  qu'on  appelait  ainsi  à  cause 
du  séjour  qu'on  prétend  que  le  poêle  Vir- 
gile y  a  fait;  mais  cette  montagne  changea 
de  nom  après  que  notre  saint  y  eut  Tait  bâ- 
tir une  église  en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge, 
et  fut  nommée  pour  cel  effet  le  Mont-Vierge. 

Il  ne  fut  pas  longtemps  en  ce  lieu  sans  y 
être  visité  d'une  infinité  de  personnes  qui  y 
accoururent  au  bruit  de  sa  sainteté,  les  uns 
pour  lui  demander  des  instructions  salutai- 
res, et  d'aulres  pour  se  recommander  à  ses 
prières.  Il  se  trouva  parmi  ce  grand  nombre 
plusieurs  prêlres  séculiers  des  lieux  voisins, 
qui,  touchés  de  ses  entretiens,  se  jetèrent  à 
ses  pieds  pour  le  supplier  de  leur  permettro 
de  demeurer  avec  lui,  afin  d'être  les  compa- 
gnons de  sa  pénitence.  Il  ne  put  refuser  leur 
demande,  et  leur  fil  bâtir  des  cellules  sur  la 
même  montagne;  et  c'est  ce  qui  commença 
la  congrégation  du  Monl-Vierge,  dont  il  jeta 
les  fondements  l'an  1119,  sous  le  pontificat 
de  Calixle  II. 

Ces  ermites  ne  vivaient  d'abord  que  d'au- 
mônes; ils  pratiquaient  une  grande  absti- 
nence: l'oraison  et  l'union  avec  Dieu  étaient 
leur  principale  occupation.  Ils  macéraient 
leur  corps  par  de  grandes  austérités,  le  tra- 
vail des  mains  élait  en  usage  parmi  eux; 
mais  quelques  mois  s'étant  écoulés  dans  ces' 
sortes  de  pratiques,  ils  murmurèrent  contre 
le  saint  fondateur  sur  ce  qu'étant  prêtres,  il 
les  occupait  à  des  exercices  vils:  ils  voulu- 
rent être  employés  aux  fonctions  de  leur 
ministère,  et  obligèrent  le  saint  à  bâtir  une 
église  où  ils  pussent  célébrer  la  messe  et 
assisler  aux  divins  offices. 


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11C3 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1104 


Le  saint  les  contenta,  et  Ot  bâtir  une 
église  qui  fut  consacrée  en  l'honneur  de  la 
sainte  Vierge  par  l'évêque  d'Avellino.  Ce  fut 
pour  lors  que  le  pape  Calixte  U  approuva 
celle  congrégation,  cl  accorda  beaucoup 
d'indulgences  à  ceux  qui  visiteraient  l'église 
du  Mont-Vierge.  Les  grandes  aumônes  qu'on 
y  faisait,  et  que  saint  Guillaume,  après  en 
avoir  pris  le  nécessaire,  distribuait  ensuite 
aux  pauvres,  excitèrent  de  nouveaux  mur- 
mures parmi  les  religieux,  dont  le  nombre 
élait  beaucoup  augmenté.  Ils  trouvèrent 
mauvais  de  ce  qu'il  était  si  libéral  des  au- 
mônes qui  étaient  données  pour  ieur  entre- 
tien et  leur  subsistance  ;  ce  qui  pouvait  cau- 
ser la  ruine  de  leur  monastère:  ils  se  plai- 
gnirent aussi  de  ce  que  les  règles  qu'il  leur 
prescrivait  étaient  trop  austères  et  imprati- 
cables, lui  demandant  qu'il  eût  à  se  relâcher 
de  la  sévérité  de  son  institut.  Ce  taint  fond  i- 
teur  fit  ce  qu'il  put  pour  arrêter  leurs  mur- 
mures, sans  vouloir  pourtant  rien  changer 
dans  les  pratiques  de  pénitence  qu'il  leur 
avait  prescrites;  mais  voyant  que  toules  ses 
remontrances  étaient  inutiles,  il  prit  le  parti 
de  les  abandonner,  et  leur  donna  pour  su- 
périeur le  bienheureux  Albert,  religieux 
d'une  sainte  vie,  et  qui  sut,  tant  par  sa  pié- 
té que  par  ses  belles  manières,  ramener  à 
leur  devoir  ces  esprits  inquiets,  et  les  faire 
vivre  selon  les  règles  qui  leur  avaient  été 
prescrites.  Le  saint  fondateur,  après  être 
soi  li  du  Mont-Vierge  avec  cinq  religieux  qui 
ne  vc.ulurenl  point  le  quitter,  fonda  de  nou- 
veaux monastères,  dont  le  premier  fut  à  Ser- 
ra Cognata  ;  il  en  bâtit  ensuite  deux  autres 
à  Guglieto,  proche  la  viTe  de  Nusco,  l'un 
pour  des  ho. i, mes,  l'autre  pourdes  filles,  avec 
une  église  commune  pour  les  deux  monas- 
tères, laquelle  fut  dédiée  en  l'honneur  du 
Sauveur  du  monde.  11  rassembla  un  grand 
nombre  de  vierges  dans  le  monastère  destiné 
pour  les  personnes  de  leur  sexe,  qui  y  vi- 
vaient dans  une  grande  abstinence.  Jamais 
elles  ne  buvaient  de  vin,  non  pas  même  dans 
les  maladies,  et  elles  s'abstenaient  en  tout 
temps  de  l'usage  de  la  viande  et  de  t  nies 
sorles  de  laitages  ;  trois  fois  la  semaine  elles 
mangeaient  des  herbes  crues  avec  du  pain, 
et  les  atulres  jours  on  ne  leur  servait  qu'un 
seul  mets  aceoiiaruodé  à  l'huile:  depuis  la 
fête  de  tous  les  saints  jusqu'à  la  Nativité  de 
Noire-Seigneur,  et  depuis  l'a  Septuagésime 
jusqu'à  Pâques,  elles  jeûnaient  tous  les  jours 
au  pain  et  â  l'eau.  Les  hommes  ne  vivaient 
pas  dans  leur  monastère  d'une  manière  moins 
austère;  de  sorte  que  ce  monastère  de  Gu- 
glieto devint  très-considérable  dans  la  suite, 
tant  par  sa  piété  que  par  ses  grands  revenus 
qui  se  montèrent  à  plus  de  vingt  mille  du- 
cats. 

La  sainteté  de  Guillaume  se  répandant  de 
toutes  paris,  Roger,  roi  de  Naples  el  de  Sicile, 
le  lit  venir  auprès  ce  lui  pour  se  servir  de  ses 
conseils.  Le  saint  profila  de  c<  lie  oecasion 
pour  porter  ce  prince  à  bannir  de  sa  cour  le 
dérèglement  et  le  scandale.  Les  courtisans  de 
Hoger,  qui  ne  respiraient  que  les  plaisirs  et 
le  luxe,  appréhendant  que  les  discours  de  ce 


saint  homme  ne  fissent  impression  sur  l'es- 
prit de  ce  prince,  traversèrent  ses  pieux  des- 
seins par  la  calomnie  qu'ils  suscitèrent  con- 
tre lui.  tâchant  de  le  faire  passer  pour  un 
hypocrite,  qui  cachait  sous  un  extérieur  de 
pieté  un  cœur  rempli  de  passions  et  de  viees  ; 
et  afin  de  mieux  réussir  dans  leur  mauvais 
dessein,  ils  firent  venir  une  courtisane  qui 
promit  de  le  l'aire  tomber  dans  les  fil.ts 
qu'elle  lui  tendrait  pour  corrompre  sa  chas- 
teté: le  roi  y  consentit,  et  celte  femme  im- 
pudique alla  Irouver  le  saint  avec  tous  les 
charmes  qu'elle  crut  capables  pour  lui  ins- 
pirer de  I  amour,  et,  par  des  discours  lascifs, 
elle  le  pressa  de  consentir  à  ses  désirs.  11  fei- 
gnit d'y  acquiescer,  à  condition  qu'elle  se 
coucher  :it  dans  le  même  lit  qu'il  préparerait 
pour  lui.  Elle  s'imagina  sur  cette  réponse 
avoir  remporté  la  victoire  :  elle  alla  bien 
joyeuse  en  porter  la  nouvelle  au  roi  ;  mais 
elle  fut  bien  surprise,  lorsque  l'heure  du  ren- 
dez-vous étant  arrivée  et  élant  entrée  dans 
le  lieu  destiné  à  sa  prétendue  conquête,  elle 
n'y  trouva  qu'un  lit  de  charbons  ardents,  sur 
lesquels  le  saint  se  coucha,  l'invitant  à  faire 
la  même  chose;  el  elle  fui  encore  plus  étonnée 
de  voir  que  le  feu  ne  faisait  aucun  mal  au 
serviteur  de  Dieu.  Ce  prodige  la  loucha  si  vi- 
vement qu'elle  résolut  de  changer  de  vie,  et 
ayant  demandé  pardon  au  saint,  elle  voulut 
vivre  sous  sa  conduite.  Elle  vendit  tout  ce 
qu'elle  avait,  et  du  prix  qu'elle  en  relira,  le 
saint  fonda  un  monastère  de  filles  à  Yenosa, 
qui  fut  achevé  par  les  libéralilés  du  roi  Ro- 
ger. Cette  couriisane  y  prit  l'habit  de  l'ordre 
du  saint  fondateur,  et  se  sanctifia  dans  ce 
monastère,  dont  elle  fut  ensuite  supérieure. 
Les  pénitences  et  les  austérités ,  jointes  aux 
actes  des  vertus  les  plus  héroïques  qu'elle 
pratiqua  depuis  sa  conversion,  lui  ont  mé- 
rité après  sa  mort  le  tilre  de  bienheureuse, 
étant  connue  sous  le  nom  de  la  bienheureuse 
Aynès  de  Venosa. 

Après  ce  miracle  le  roi  Roger  eut  une  si 
grande  estime  pour  saint  Guillaume,  qu'il 
lit  bâtir  plusieurs  monastères  de  son  ordre, 
non-seulement  dans  le  royaume  de  Naples, 
mais  encore  dans  celui  de  Sicile.  Le  premier 
qu'il  fonda  fut  à  Palerme  sous  le  nom  de 
Suint-Jean  îles  Ermites,  vis  à  vis  san  palais. 
Il  en  fonda  aussi  un  autre  dans  la  même 
ville  pour  des  vierges,  sous  le  nom  de  Saint- 
Sauveur;  et  la  première  qui  y  prit  l'habit  fut 
la  princesse  Constance,  sa  fille,  laquelle  fut 
tirée  dans  la  suite  de  ce  monastère,  dont  elle 
éiail  supérieure,  et  relevée  de  ses  vouix  par 
le  pape  Celeslin  III,  pour  épouser  Henri  VI, 
fils  de,  l'empereur  Fridéric  ISarbe-Rousse.  Ce 
prince  lit  encore  bâtir  un  autre  monastère 
de  religieuses  à  Messine,  appelé  le  monas- 
tère du  M ont-Y ierije,  et  entre  ceux  qu'il  fonda 
dans  le  royaume  de  Naples,  il  y  eut  celui  de 
Venosa  pourdes  religieuses.  Le  nombre  des 
monastères  de  filles  de  l'institut  de  saint 
Guillaume  fut  si  grand,  qu'il  y  en  a  qui  pré- 
tendent qu'il  y  en  eut  jusqu'à  cinquante; 
mais  à  peine  à  présent  en  irouve-l-on  deux 
ou  Irois,  dont  les  religieuses  ont  même 
quille  l'habit  et  l'institut  du  Mont-Vierge, 


1105 


MON 


MON 


ithG 


quoique  celui  de  Messine  en  reliennc  encore 
le  nom. 

Saint  Guillaume,  après  avoir  demeuré  quel- 
que temps  dans  son  monastère  de  Palerme, 
où  il  avait  fait  venir  des  religieux  de  son 
propre  monaslèro  du  Mont- Vierge,  que  le 
bienheureux  Albert  lui  avaii  envoyés,  quitta 
fa  Sicile  pour  retourner  dans  le  royaume  de 
Naples.  Il  alla  visiter  les  religieux  du  Itonl- 
Vierge,  qui  avaient  été  longtemps  privés  de 
sa  présence:  il  y  fil  quelque  séjour,  et  sen- 
tant par  l'épuisement  de  ses  forces  et  l'ac- 
croissement de  ses  infirmités  qu'il  ne  pouvait 
vivre  longtemps,  il  se  retira  au  monastère  île 
G-glieto,  où  il  mourut  le  2o  juin  lli2,  lais- 
sant une  nombreuse  postérité,  dont  il  donna 
la  conduite  au  bienheureux  Albert,  qui  ne 
voulut  pas  néanmoins  accepter  cet  emploi; 
mais  on  ne  voulut  point  en  élire  un  autre 
qu'après  sa  mort  qui  arriva  l'an  11 W;  ainsi 
il  est  reconnu  pour  le  second  général  de  cet 
ordre. 

H  eut  pour  successeur  le  bienheureux  Ro- 
bert qui  retrancha  quelque  chose  des  gran- 
des austérités  auxquelles  saint  Guillaume 
avait  obligé  ses  religieux  ;  et  comme  ce  saint 
ne  leur  avait  rien  laissé  par  écrit,  il  mit  son 
ordre  sous  la  règle  de  saint  Benoît  par  auto- 
rité du  pape  Alexandre  III.  Ce  pontife  l'ap- 
prouva derechef,  et  prit  sous  la  protection 
du  saint-siège  le  monastère  du  Mont-Vierge. 
Jean, successeur  de  Robert,  Qt rebâtir  l'église 
de  ce  chef  d'ordre  avec  beaucoup  de  magni- 
ficence, et  elle  fut  consacrée  par  le  papeLu- 
cius  111,  en  présence  de  quinze  évéques  et  de 
cinq  abbés,  el  lui  accorda  beaucoup  de  pri- 
vilèges, dont  le  P.  dom  Gabriel,  quatrième 
abbé,  obtint  la  confirmation  du  p;ipe  Célcstin 
111.  Jean,  deuxièmedu  nom  et  huitième  abbé, 
amplifia  l'ordre  par  la  fondation  de  plusieurs 
monastères,  et  il  alla  toujours  en  augmen- 
tant, tant  que  les  religieux  vécurent  en  paix 
<  t  en  union,  et  qu'ils  observèrent  inviolable- 
ment  leur  règle.  Mais  étant  tombés  dans  le 
relâchement,  l'esprit  de  discorde  se  glissa 
parmi  eux,  et  après  la  mort  du  général  Phi- 
lippe, dix-huitième  abbé  du  Mont-Vierge,  ne 
pouvant  convenir  pour  l'élection  d'un  succes- 
seur, chaque  monastère  fut  gouverné  par  des 
doyens  et  des  prévôts,  qui  étaient  absolus  et 
indépendants,  l'ordre  n'ayant  poinldechef. 
Mais  dom  Pierre,  religieux  du  Mont-Vierge, 
alla  trouver  le  pape  Clément  VI  à  Avignon, 
etoblint  de  ce  pontife,  l'an  1319,  l'abbaye  du 
Mont-Vierge  et  le  gouvernement  de  l'ordre, 
qu'il  tint  pendant  quarante  ans  :  ainsi  les  re- 
ligieux perdirent  le  droit  qu'ils  avaient  d'é- 
lire leurs  généraux.  Après  la  mort  du  géné- 
ral dom  Pierre,  arrivée  en  1381,  Barthélémy 
fut  général  jusqu'en  l'an  13'JO,  et  eut  pour 
successeur  Palamides,  qui  permuta  l'abbaye 
du  Mont-Srierge  pour  celle  de  Sainl-Pierre  <;d 
Ara  avec  le  cardinal  Hugues  ,  de  Chypre,  qui 
fut  le  premier  abbé  commendataire  du  Mont- 
Vierge,  et  mourut  l'an  1433.  Le  second  fut 
le  cardinal  Guillaume,  de  Chypre  ;  le  troi- 
sième le  cardinal  Jean  d'Aragon,  fils  du  roi 
Ferdinand  ;  le  qualrièmele  cardinal  OlivierCa- 
raffa,  archevêque  de  Naples,  qui  ôla  à  ce 


monastère  le  riche  trésor  qu'il  conservait  du 
corps  de  saint  Janvier,  dont  ce  cardinal  en- 
richi! son  église.  Enfin  le  cinquième  el  der- 
nier abbé  commendataire  fut  le  cardinal 
Louis  d'Aragon,  neveu  du  roi  de  Naples,  qui 
remit  celle  abbaye  entre  les  mains  du  pape 
Léon  X,  à  condition  qu'elle  serait  unie  pour 
loujou:  s  ài'hôpilalde  l'Annonciade  deNaples  ; 
ce  qui  fut  exécuté  l'an  lalo,  et  les  gouver- 
neurs de  cet  hôpital  en  prirent  possession  le 
18  décembre  de  la  même  année.  Ces  gouver- 
neurs, qui  sont  ordinairement  cinq  genlils- 
hommes  et  quatre  bourgeois,  mirentau  Mont- 
Vierge  un  sacristain,  qui  y  tenait  lieu  d'abbé, 
et  un  de  ces  gentilshommes  disposait  de  tou- 
tes choses,  el  nommait  même  le  supérieur, 
qui  n'avait  que  le  titre  de  vicaire  et  peu  d'au- 
torité sur  les  religieux,  n'ayant  pas  môme  le 
pouvoir  de  les  envoyer  aux  ordres.  Ce  gen- 
tilhomme donnait  les  prieurés  de  l'ordre  à 
ceux  qui  lui  en  offraient  davantage,  et  tout 
se  faisait  au  nom  du  sacristain,  que  les  gou- 
verneurs changeaient  quand  bon  leur  sem- 
blait :  de  sorte  que  le  plus  souvent  c'était  un 
prêtre  séculier,  sans  science  et  sans  expé- 
rience, et  quelquefois  l'évêque  de  Lésina, 
qui  est  une  ancienne  ville  ruinée  qui  appar- 
tient présentement  à  l'hôpital  de  l'Annon- 
ciade. 

L'ordre  du  Mont-Vierge  se  vit  par  ce  moyen 
à  deux  doigts  de  sa  perle;  il  ne  fut  pas  seu- 
lement dépouillé  de  ses  revenus  qui  étaient 
considérables,  puisque  le  seul  monastère  du 
Mont-Vierge  possédait  les  baronies  de  Mer- 
cugliano,Spedaletto,Mugnas;no  et  Quatre! le, 
avec  le  fiel  de  Monle-Fuscoli,  d'où  dépen- 
daient Li-Felici,  San  Jacomo,  Ferlulario, 
Terra  Nova,  San  Martino  el  Pietradelli  Fusi; 
mais  étant  sans  chef,  el  pour  ainsi  dire  sans 
supérieur,  les  religieux  tombèrent  dans  un 
grand  relâchement,  et  les  études  en  furent 
entièrement  bannies. 

Les  gouverneurs  de  l'hôpital  de  l'Annon- 
ciade, pour  faire  consentir  plus  volontiers  ie 
pape  LéonX  à  l'union  qu'ils  demandaient  du 
monastère  du  Mont-Vierge  el  de  ses  dépen- 
dances à  cet  hôpital,  représentèrent  à  Sa 
Sainteté  que  tous  ses  revenus  ne  montaient 
au  plus  qu'à  trois  cents  ducats,  et  qu'aiusi  le 
nombre  des  religieux  ni  l'observance  régu- 
lière ne  diminueraient  pas  dans  ce  monas- 
tère ;  c'est  ce  qui  fit  que  ce  pontife  consentit 
à  cette  union  par  son  bref  de  l'an  1515,  Mais 
les  religieux  du  Mont-Vierge  appelèrent  au 
pape  même  de  ce  bref  qu'ils  supposèrent  sub- 
reptice  et  obreptice;  puisque  les  revenus 
du  Mont-Vierge  se  montaient  à  des  sommes 
bien  plus  considérables  qu'ils  n'avaient  ex- 
posé au  pape.  Ce  qui  leur  fut  d'autant  plus 
facile  à  prouver,  que,  sans  les  revenus  des 
terres  de  Mercughano,  Spedaletto,  Mugnano 
et  les  autres,  on  vendait  tous  les  ans  pour 
Lois  cents  ducals  de  châtaignes  qui  se  re- 
cueillaient sur  la  montagne,  et  pour  p'us  de 
quatre  cents  ducats  de  bois  qu'on  coupait  au 
même  endroit,  et  que  les  religieuxavaient  tou- 
te juridiction  spirituelle  et  temporelle  dans  les 
terres  qui  avaient  été  unies  à  l'hôpital  de 
l'Annonciade,  et  dont  neaumoius  il  n'était 


Hjl  DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX 

fait  aucune  mention  dans  le  bref.  On  n'eut 
aucun  égard  à  leurs  remontrances,  et  ils  se 
virent  dans  la  dépendance  des  laïques,  ce 
qui  dura  jusque  sous  le  pontifical  de  Pie  V. 
Mais  avant  qu'ils  fussent  délivrés  de  celte 
servitude,  Alphonse  Piscicello,  l'un  des  gou- 
verneurs de  l'Annonciade,  s'élant  trouvé  à 
un  chapitre  des  religieux  de  cet  ordre,  et 
voyant  l'ignorance  où  il  était  plongé,  la  plu- 
part des  religieux  ne  sachant  même  ni  lire 
ni  écrire,  il  leur  donna  pour  supérieur,  en 
qualité  de  vicaire  général,  le  P.  dom  Barbato 
Ferralo  délia  Candida,  qui  était  le  moins 
ignorant  de  ces  religieux  et  le  plus  zélé  pour 
les  observances  régulières.  Ce  vicaire  géné- 
ral, avec  l'assistance  de  ce  gouverneur,  éta- 
blit un  séminaire  et  des  éludes  au  Mont- 
Vierge,  d'où  il  est  sorti  dans  la  suite  de  très- 
habiFes  gens,  qui  se  sont  rendus  recomman- 
dabh  s  dans  l'ordre  par  leur  science  et  leur 
piété. 

Jean-Louis  Piscicello,  étant  gouverneur  de 
l'Annonciade  en  1565,  les  exhorta  à  repren- 
dre les  observances  régulières  et  la  règle  de 
saint  Benoît,  qu'ils  avaient  abandonnée.  Ils 
suivirent  son  avis  ;  mais  ne  pouvant  exécu- 
ter ce  dessein,  tant  qu'ils  seraient  gouvernés 
par  des  séculiers,  ils  eurent  recours  au  pape 
Pie  IV  pour  être  affranchis  de  cette  servi- 
tude, et  députèrent  vers  ce  pontife  le  vicaire 
général  dom  Barbato,  qu'ils  élurent  dans 
leur  chapitre  comme  procureur  pour  aller  à 
Rome  avec  quel  lues  autres  religieux,  et  ils 
prirent  pour  leur  protecteur  le  cardinal 
Sforze.  Le  pape  Pie  IV  étant  mort  comme  ils 
sollicitaient  la  restitution  du  Mont-Vierge  et 
de  leurs  revenus,  ils  n'obtinrent  ce  qu'ils  de- 
mandaient que  sous  le  pontificat  de  son  suc- 
cesseur Pie  V,  qui,  nonobstant  les  opposi- 
tions du  procureur  de  l'Annonciade,  délivra 
l'ordre  du  Mont-Vierge  du  gouvernement  des 
séculiers ,  défendant  aux  gouverneurs  de 
l'Annonciade  de  s'en  mêler  à  l'avenir,  et 
cassa  l'union  qui  avait  été  faite  de  ce  mo- 
nastère avec  l'hôpital  de  l'Annonciade  ;  il  le 
Boumit  néanmoins  au  sacristain  de  cet  hôpi- 
tal, pourvu  qu'il  fût  régulier  et  évéque, 
comme  il  paraît  par  le  bref  de  ce  pontife  du 
7  mars  1507;  mais  il  ne  rendit  pas  les  reve- 
nus du  Mont-Vierge  aux  religieux.  Il  ordonna 
:  eulement  que  les  gouverneurs  de  l'Annon- 
<  iade  donneraient  tous  les  ans,  à  chaque  re- 
ligieux pour  son  entretien,  vingt  écus  ro- 
mains, et  que  de  cinquante-trois  prieurés 
qu'il  y  avait  alors  dans  l'ordre,  on  les  rédui- 
rait au  nombre  de  dix-huit  aux  frais  de  l'hô- 
pital, qui  ferait  toutes  les  dépenses  pour 
faire  accommoder  les  lieux  réguliers,  afin 
que  les  religieux  y  pussent  vivre  en  commun 
et  y  garder  les  observances  régulières.  Mais 
les  gouverneurs,  appréhendant  que  la  dé- 
pense des  réparations  de  ces  monastères  ne 
se  montât  trop  haut,  Grent  un  concordat  là 
même  année  avec  les  religieux,  par  lequel 
ceux-ci  abandonnèrent  à  l'hôpital  de  l'An- 
nonciade  environ  trois  mille  ducats  de  rente, 
et  l'hôpital  leur  céda  tout  le  reste  des  reve- 
nus qui  dépendaient  du  monastère  du  Mont- 
Vierge,  lequel  accord  fui  confirmé  par  une 


1108 

bulle  de  Pie  V.  Cependant,  comme  on  n'y 
avait  pas  compris  les  vassaux  des  ter- 
res de  Mercugliauo,  Spedalello,  Mugrano, 
délie  Quadrelle  et  les  autres,  sinon  qu'on 
les  obligeait  à  servir  en  personne  le  Moiil- 
Viergo,  demeurant  au  surplus  sous  la  juri- 
diction temporelle  de  l'hôpital  quidevaitnom- 
mer  les  offleiers  de  justice;  ces  vassaux  ap- 
préhendant de  perdre  leurs  privilèges,  s'adres- 
sèrent à  ce  même  pontife  pour  le  prier  de  leur 
permettre  de  rester  toujours  vassaux  du 
Mont-Vierge;  ce  que  le  pape  leur  accorda, 
ordonnant  qu'ils  ne  pourraient  jamais  être 
vendus  ni  échangés,  et  qu'ils  seraient  tou- 
jours vassaux  du  Mont-Vierge  qui  en  aurait 
le  domaine  direct. 

Le  pouvoir  que  ce  pape  avait  accordé  au 
sacristain  de  l'Annonciade  sur  les  religieux 
du  Mont-Vierge  était  d'assister  à  leur  cha- 
pitre général  pour  l'élection  d'un  vicaire  gé- 
néral, el  les  religieux  qui  se  trouvaient  gre- 
vés par  leur  supérieur,  pouvaient  appeler  de 
leurs  ordonnances  à  ce  sacristain,  qui  en 
jugeait  en  dernier  ressort.  Mais  Sixte  V,  qui 
avait  succédé  à  Pie  V,  croyant  qu'il  ne  con- 
venait pas  que  le  sacristain  de  l'Annonciade, 
quoique  régulier  et  évéque  conformément  à 
la  bulle  de  son  prédécesseur,  se  mêlât  des 
affaires  des  religieux  du  Mont-Vierge,  et 
voyant  mêmequelesacristainqui  y  était  pour 
lors,  n'était  ni  régulier  ni  évoque,  exempta 
tous  les  religieux  de  cet  ordre  de  sa  juridic- 
tion, lui  faisant  défense,  sous  peine  d'excom- 
munication, par  sa  bulle  de  l'an  1588,  de  se 
trouver  à  l'avenir  à  leurs  chapitres,  ni  de  se 
p.ièier  des  affaires  de  l'ordre. 

Tant  de  révolutions  arrivées  en  cet  ordre 
en  avaient  banni  les  observances  régulières, 
et  quoique  le  pape  Pie  V  eût  fait  faire  quel- 
ques règlements  pour  les  y  rétablir,  il  n'y 
avait  qu'un  petit  nombre  de  couvents  qui 
les  avaient  reçus,  et  où  la  règle  de  saint  Be- 
noît était  pratiquée.  Mais,  l'an  1596,  le  pape 
Clément  Vlll  voulut  introduire  une  reforme 
générale  dans  tout  l'ordre.  Pour  cet  effet  il 
nomma  commissaire  apostolique  le  Père  Jean 
Léonardi,  fondateur  des  clercs  réguliers  de 
la  Mère  de  Dieu  de  Lucques.  Il  lui  donna 
pouvoir  de  visiter  tous  les  couvenls  de  cet 
ordre.de  supprimer  ceux  où  on  ne  pouvait 
pas  pratiquer  les  observances  régulières,  et 
de  ne  réserver  que  ceux  qu'il  trouverait  les 
plus  commodes  pour  cela,  et  dans  lesquels 
on  pourrait  mettre  pour  le  moins  douze  reli- 
gieux. 11  lui  recommanda  sur  toutes  choses 
d'en  bannir  la  propriété  et  de  rétablir  la  vie 
commune  dans  les  monastères  où  elle  n'était 
pas  observée. 

Ce  Père  exécuta  les  volontés  du  souverain 
pontife,  et  malgré  les  oppositions  de  quel- 
ques religieux,  il  établit  la  réforme  dans  tout 
l'ordre,  et  dressa  des  constitutions  qui  furent 
approuvées  par  Sa  Sainteté,  el  qui  y  sont 
encore  eu  pratique.  Le  même  réformateur 
assigna  à  ces  religieux  le  Bréviaire  des  Er- 
mites Camaldules  de  la  congrégation  du 
Mont-de-la-Couronne,  qu'il  fit  imprimer  1  an 
1597,  et  leur  ordonna  que,  dans  six  mois,  ils 


UÛ9 


MON 


MON 


il  10 


eussent  à  réciter  l'office  divin  conformément 
à  ce  Bréviaire. 

Paul  V,  confirmant  ce  que  le  Père  Léonardi 
avait  fait  louchant  la  suppression  des  petits 
monastères  de  cet  ordre,  fixa,  par  une  bulle 
de  l'an  1611,  le  nombre  des  couvents  qui  de- 
vaient rester,  et  celui  des  religieux  qui  y  de- 
vaient demeurer.  11  ordonna  qu'il  n'y  aurait 
que  vingt-quatre  monastères; que  dans  celui 
du  Mont-Vierge  il  y  aurait  toujours  cent  re- 
ligieux, dont  la  moitié  seraient  prêtres  ;  dans 
le  monastère  de  Naples,  seize  religieux  ;  dans 
celui  de  C  isamaricana,  quatorze,  et  dans 
ceux  de  Capoue,  de  Terra-Pinta,  de  Terra- 
Candida,  de  Mauriliani,  d'Aversa,  de  Rome, 
de  Guglielo,  de  la  l'ouille,  de  Montefalco  et 
d'Argeuso,  douze  religieux;  et  que  ces  mo- 
nastères seraient  gouvernés  par  des  abbés. 
Onze  autres  sont  nommés  dons  la  même  bulle, 
dans  lesquels  il  ne  pouvait  y  avoir  que  six 
religieux,  gouvernés  seulement  par  des 
prieurs,  qui  pourraient  succéder  aux  abbés 
des  autres  monastères  en  cas  de  décès  :  que 
ces  onze  prieurs  seraient  amovibles,  el  qu'on 
en  élirait  trois  pour  aller  au  chapitre  général, 
auquel  le  doyen,  les  définiteurs,  les  visiteurs, 
le  procureur  général  en  cour  de  Home,  tous 
les  abbés  et  le  maître  des  novices,  auraient 
voix,  et  que  tous  ces  abbés  jouiraient  des 
mêmes  droits,  privilèges, immunités  etexemp- 
tions,  que  ceux   de  l'oidre  des  Camaldules. 

Le  même  pontife  ordonna  encore  que  dans 
vingt-quatre  autres  ma  sons,  nommées  dans 
son  bref,  on  n'établirait  aucune  commu- 
nauté, et  qu'on  y  enverrait  seulement  deux 
religieux,  dont  l'un  serait  prèire  pour  y  dire 
la  messe,  et  l'autre  convers,  pour  avoir  soin 
des  revenus,  lesquels  religieux  seraient  ré- 
putés de  la  famille  du  monastère,  auquel  la 
maison  où  ils  demeureraient  serait  annexée. 
Il  consentit  aussi  qu'on  mit  cinq  religieux 
dans  les  monastères  situés  dans  les  dépen- 
dances du  Mont-Vierge,  et  où  ils  faisaient 
les  fonctions  de  curés,  et  qu'il  y  en  eût  trois 
dans  celui  de  Pouzzoles,  comme  servant 
d'hospice  au  monastère  de  N'aples  :  dans  tou- 
tes les  autres  maisons  de  l'ordre,  on  n'y  de- 
vait envoyer  qu'un  frère  convers  ou  oblat, 
pour  avoir  soin  des  ornements  de  l'église  el 
des  revenus. 

11  y  a  aussi  dans  ce  bref  des  règlements 
concernant  le  gouvernement  de  l'ordre  :  au- 
cun abbé,  prieur  ou  cellérier,  ne  peut  exer- 
cer ces  offices  dans  son  pays.  Le  monastère 
du  Mont-Vierge  ,  chef  d'orJre,  et  celui  de 
Sainte-Agathe  à  Rome,  sont  destinés  pour  y 
recevoir  des  novices,  et  il  ne  peut  y  avoir 
dans  tout  l'ordre  plus  de  trois  religieux  du 
même  pays.  On  doit  établir  deux  monastères 
pour  y  élever  les  jeunes  gens,  jusqu'à  co 
qu'ils  soient  p rêlres,  ou  au  moins  sous-dia- 
cres :  la  forme  de  l'habit  des  convers  et  des 
oblals  y  est  prescrite. 

L'on  voit  par  ce  bref  qu'il  y  avait  encore 
sous  le  pontificat  de  Paul  V  un  grand  nom- 
bre de  monastères  de  cet  ordre,  el  quoiqu'il 
y  en  eût  eu  plusieurs  du  vivant  même  du 
fondateur  dans  le  royaume  de  Sicile,  il  n'en 
restait  alors  que  deux  ou  trois  qui  étaient 


du  nombre  de  ceux  où  on  ne  devait  envoyer 
qu'un  prêtre  et  un  convers  :  tous  les  antres 
en  re  royaume  avaient  déjà  été  supprimés 
ou  donnés  en  rommeude  dès  l'an  1410,  et 
entre  1<  s  autres,  celui  de  Saint-Jean  des  Er- 
mites à  Païenne,  qui  était  un  des  plus  con- 
sidérables de  cet  ordre  en  Sicile,  où  il  n'en 
reste  aucun  à  présent.  L'ordre  du  Mont- 
Vierge  ne  subsiste  plus  à  présent  que  dans 
le  royaume  de  Naples  et  dans  quelques  lieux 
de  l'Etat  ecclésiastique,  où  il  a  au  plus  qua- 
rante-sept maisons. 

Le  général  de  cet  ordre  est  triennal  et 
abbé  du  Mont-Vierge;  il  se  qualifie  seigneur 
spirituel  el  temporel  de  Mercugliano,  Speda- 
letto  et  de  toutes  les  terres  qui  dépendent  do 
son  abbaye.  Il  se  sert  d'ornements  pontifi- 
caux et  donne  les  ordres  mineurs,  non-seu- 
lement à  ses  religieux ,  mais  encore  aux 
clercs  séculiers  qui  demeurent  dans  les  ter- 
res de  sa  dépendance. 

Le  Mont-Vierge  est  fort  élevé  et  couvert  de 
neiges  en  tout  temps.  Le  monastère  n'est  pas 
bâti  au  sommet  de  la  montagne,  mais  dans 
le  milieu.  Il  est  très-magnifique  et  contient 
plusieurs  corps  de  logis.  Les  religieux  n'y 
mangent  jamais  ni  viande,  ni  œufs,  ni  lai- 
tage, ni  fromage,  non  pas  qu'ils  y  soient 
obligés  par  leurs  constitutions,  mais  parce 
que  Dieu  a  consacré  ce  lieu  à  la  pénitence  : 
ce  qui  est  si  manifeste,  que  si  l'on  y  porte  de 
la  viande,  des  œufs,  du  fromage,  même  du 
suif  de  chandelle  ou  quelque  autre  graisse, 
l'air  s'obscurcit  tout  d'un  coup;  il  s'élève 
d^s  tempêtes  et  des  orages  furieux,  mêlés 
d'éclairs  et  de  tonnerre  qui  paraît  prêt  à 
tomber;  ce  que  les  séculiers,  qui  ont  voulu 
porter  de  la  viande  ou  de  la  graisse,  soit  par 
curiosité,  soit  par  ignorance,  ont  expéri- 
menté plusieurs  fois.  C'est  ce  que  rappor- 
tent tous  les  historiens  qui  ont  parlé  du 
Mont-Vierge,  et  dont  le  cardinal  des  Ursins, 
arche* êque  de  Bénévent,  rendit  témoignage 
l'an  170S,  par  un  acte  authentique,  ou, 
après  avoir  parlé  de  l'image  de  la  sainte 
Vierge,  qui  est  révérée  en  ce  lieu,  et  de  la 
manière  qu'elle  y  a  été  portée,  il  finit  par  ces 
paroles  :  Hoc  prœ  cœtcris  memoriœ  dignum 
perltibetur,  quod  ad  hoc  asceterium  nec  caro, 
nec  cascum,  nec  ova ,  nec  op.is  quodeunque 
laclerium,  neque  sebaceœ  candelœ  pir  déco 
milliaria  undique  ver'sum  duci  quzunt;  stalim 
enim  cœlum  fulgurat  ac  tonut  frangore,  i:n~ 
mensœ  erumpunt  pluviœ,  œslitoquc  (empare 
vigere  consuevit  prœ  fat  i  populi  innumeri 
con<  ursus,  mmmœque  devotionis ,  vos  ipsï 
qui  semel  atque  ilerum  congrégation) s  Mon- 
tiS'Virginit  visitatorem  egimus  apostolicum 
et  ad  idem  asceterium  mit  pro  electionc  abba- 
tum  generalium,  summis  ponlificibus  deman- 
dantibus,  vel  pro  eorumdem  solcmni  benc- 
ilictione  plwies  accessimus ,  oculati  testes 
fuimus  :  ac  proinde,  in  horum  omnium  et  s  n- 
gulorum  fidem,  prœsenies  nosira  manu  sub- 
scriptas,  nostroque  sigillo  obprmatas  expe- 
diendas  jussimus.  Dalum  Benevenli  ex  nostro 
arckiepiscopio  Itac  die  9  mensis  Janunrii 
1708.  Il  fait  un  froid  extrême  sur  celte  mon- 
tagne ,  el  aux  mois  de  juillet  et  d'août  les 


iiiî 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1112 


religieux  sont  quelquefois  obligés  de  se 
chauffer.  A  quatre  milles  au-dessous  du 
monastère,  il  y  a  un  lieu  fort  agréable,  où 
toutes  choses  nécessaires  à  la  vie  abondent. 
Ce  lieu  s'appelle  Laurela;  on  y  a  bâli  une 
belle  infirmerie,  qui  pourrait  passer  pour 
an  très-beau  monastère.  On  n'y  peut  pas 
non  plus  porter  ni  viande-,  ni  œufs,  ni  lai- 
tage. Ainsi  les  religieux  et  les  personnes 
séculières,  même  les  étrangers,  quand  ils 
sont  à  l'extrémité  de  maladie,  n'en  mangent 
point.  Ceux  qui  y  meurent  sont  portés  au 
monastère  d'en  haut  pour  y  être  enterrés.  11 
ne  laisse  pas  d'y  avoir  beaucoup  de  fontaines 
sur  cette  montagne,  nonobstant  sa  hauteur. 
Il  s'y  trouve  aussi  beaucoup  de  pâturages  ; 
il  y  a  même  un  pré  qui  a  trois  milles  de 
tour,  et  on  y  recueille  du  blé  et  de  l'avoine. 
Les  religieux  de  cet  ordre  sont  habillés  de 
blanc.  Leur  habit  ordinaire  consiste  en  une 
robe  et  un  scapulaire,  et  ils  portent  au 
chœur  et  dans  les  villes  où  sont  situés  leurs 
monastères,  une  coule  comme  les  Bénédic- 
tins (1).  Silvestre  Maurolic  dit  que  de  son 
temps  ils  ne  portaient  point  de  coules,  mais 
seulement  un  scapulaire  avec  un  capuce  et 
un  manteau  blanc  à  la  manière  des  ermites. 
Quelquefois,  quand  ils  vont  seuls  par  la  ville, 
ils  ont  un  manteau  blanc  à  la  manière  de 
celui  des  ecclésiastiques,  avec  un  chapeau 
blanc  doublé  par  dessous  d'une  toile  noire 
jusqu'aux  bords.  Us  ont  pour  armes  d'or  à 
trois  montagnes  de  sinoples  ,  surmontées 
d'une  croix  de  gueules,  entourée  par  le  haut 
d'un  cercle  de  même  couleur,  et  accostée  de 
ces  deux  lettres  M  et  V.  L'habillement  des 
religieuses  consistait  aussi  en  une  robe 
blanche,  serrée  d'une  ceinture  de  cuir  blanc, 
avec  un  scapulaire;    un    linge  entortillait 


leur  tête  et  descendait  sur  leur  gorge  eu 
forme  de  guimpe,  et  elles  portaient  par-des- 
sus un  grand  voile  noir  fort  délié  ;  et  dans 
leurs  cérémonies  elles  avaient  un  manteau 
traînant  jusqu'à  terre  (2).  Le  principal  mo- 
naslère  de  ces  filles  était  à  Goglieto,  qui  était 
double, comme  nous  avons  dit.  La  supérieure 
y  avait  la  qualité  d'abbesse  ,  et  pouvait  por- 
ter la  crosse,  aussi  bien  que  l'abbé  du  mo- 
naslère  des  hommes,  qui  se  servait  d'orne- 
ments pontificaux.  Ce  monastère  avait  plus 
de  vingt  mille  ducats  de  revenu,  dont  l'hô- 
pital de  l'Annonciade  à  Naples  a  dissipé  une 
grande  partie,  aussi  bien  que  les  abbés  com- 
mcndalaires  :  il  n'y  a  plus  présentement  que 
douze  religieux.  Ce  monastère  porte  le  nom 
de  saint  Guillaume,  à  cause  que  ce  saint 
fondateur  y  a  été  enterré.  Cet  ordre  a  donné 
quelques  prélats  à  l'Eglise  et  quelques  écri- 
vains. 

Silvestr.  Maurol.  Mare  Océan,  di  tut.  gl. 
Belig.  lib.  n.  Thomas  a  Costo ,  Istoria  del 
Sagraliss.  luogo  di  Monte  Vergine.  Giacomo 
Jordano,  Chronic.  di  Monte  Vergine.  Félix 
Renda,  et  Jacom.  Jordano,  Vit.  S.  Guillet. 
Bullar.  Rom.  Baillet,  Vies  des  SS.  et  Mémoi- 
res envoyés  par  les  religieux  de  cet  ordre  du 
couvent  de  Sainte-Agathe  à  Rome  en  1709. 

Les  religieux  de  cet  ordre  avaient ,  à 
Rome  ,  le  monastère  de  Sainte-Agathe  des 
Golhs.  Nous  ne  voyons  pas  qu'ils  aient  au- 
jourd'hui de  maisons  dans  celte  ville. 

B-D-E. 

MORIMONT.  Voyez  Citeaux,  §  II. 
MORT  (Frères  de  la).  Voyez   Paul  (Er- 
mites de  Saint-). 

MORTARE.   Voyez  Latran,  §  III. 
MUNSTER-BELISE.  Voyez  Nivelle. 


N 


NARBONNE  (Des  Frères  Mineurs  de  la 
congrégation  de)  et  des  Spirituels. 
Dès  l'an  1290,  quelques  religieux  de  Pro- 
vence et  de  cette  partie  de  la  France  que 
l'on  nommait  anciennement  France  Narbon- 
naise,  voulant  conserver  l'esprit  de  pauvre- 
té, déclamèrent  fortement  contre  ceux  qui 
étaient  tombés  dans  le  relâchement;  mais 
lorsque  la  congrégation  des  Ermites  Céles- 
tins  eut  été  supprimée,  comme  nous  avons 
dit,  et  qu'une  partie  de  ceux  qui  eh  étaient 
eut  cherché  un  asile  chez  ces  religieux  zélés 
île  France,  non  contents  de  blâmer  et  de 
condamner  une  conduite  si  contraire  à  l'es- 
prit de  leur  saint  fondateur,  se  trouvant  un 
nombre  suffisant  pour  composer  une  con- 
grégation, ils  en  commencèrent  une  qui  prit 
le  nom  de  Narbonne,  à  laquelle  s'unirent 
aussi  certains  autres  religieux  zélés  de  la 
province  de  Toscane,  qui  prenaient  le  nom 
de  Frères  Spirituels.  Le  reste  de  l'ordre,  qui 
formait  la  plus  grande  partie  et  que  l'on  ap- 
pelait la  communauté  ,   se  souleva  contre 

(1)  Voy.,  à  la  Ou  du  vil.,  n«  -277,278,  27?  et  280. 


celte  congrégation  naissante  que  l'on  accusa 
de  suivre  la  doctrine  et  les  erreurs  de  Pierre- 
Jean  Olive,  afin  de  l'étouffer  dans  son 
commencement  en  la  rendant  suspecte  d'hé- 
résie. 

Ce  Pierre-Jean  Olive  était  un  religieux  de 
l'ordre  de  la  province  de  Provence  et  de 
la  custodie  de  Narbonne.  11  avait  toujours 
fait  profession  d'une  grande  pauvrelé,-pour 
laquelle  il  était  si  zélé,  que,  non  content  do 
la  pratiquer,  il  reprenait  librement  ceux  qui 
la  transgressaient,  dont  il  se  fit  par  cet  en- 
droit autant  d'ennemis  ;  mais  comme  la  ver- 
tu ne  peut  s'attirer  la  haine  des  vicieux  sans 
en  même  temps  se  faire  aimer  et  honorer 
des  vertueux,  ce  saint  religieux  eut  de  véri- 
tables amis  qui  lui  furent  attachés  par  les 
liens  d'une  piélé  solide  et  sincère,  et  qui  ne 
servirent  pas  peu  à  le  consoler  dans  les  cha- 
grins qu'il  reçut  dans  la  suite,  dont  le  pre- 
mier fut  l'accusation  qui  fui  faite  contre  lui 
dans  le  chapitre  général  qui  se  tint  à  Stras- 
bourg l'an  1282,  de  blâmer  continuellement 

(2)  Voy.,  à  la  lia  du  vol.,  n"«  231  ei  282. 


1M5 


NAK 


NvR 


111* 


la  communauté,  et  d'avoir  avancé  plusieurs 
hérésies  dans  ses  écrits  ;  le  chapitre  ordonna 
que  le  général,  faisant  sa  visite  en  France, 
informeraitjuridiquementconire  la  conduite 
de  ce  religieux  et  examinerait  ses  écrits.  En 
effet,  le  général,  étant  en  France,  ordonna 
qu'on  lui  mît  en  main  tous  les  écrits  de 
Pierre-Jean  d'Olive,  qu'il  donna  à  examiner 
à  quatre  docteurs  et  à  trois  bacheliers  de 
l'université  de  Paris,  ions  religieux  de  l'or- 
dre, qui  jugèrent,  soit  par  prévention  ou  par 
complaisance  ,  quelques-unes  des  proposi- 
tions que  d'Olive  avait  avancées,  comme 
dangereuses  ,  et  d'autres  comme  j  ouvant 
avoir  un  mauvais  sens  :  ce  qui  fit  qu'Olive, 
dont  les  intentions  étaient  droites  et  soumi- 
ses à  l'Eglise,  se  rétracta  et  acquiesça  à  la 
censure  qui  avait  été  faite  de  ses  ouvrages  ; 
ce  qui  sans  doute  aurait  apaisé  toutes  cho- 
ses, si  quelques  religieux,  soit  par  zèle  in- 
discret, soit  par  un  attachement  outré  à  sa 
personne,  n'avaient  obligé  par  leurs  plain- 
tes réitérées  et  excessives  contre  les  trans- 
gresseurs  delà  pauvreté,  le  pape  Nicolas  IV 
à  donner  ordre,  en  1290,  à  Raymond  Gau- 
fredy,  pour  lors  général,  d'imposer  silence 
et  même  d'agir  contre  les  sectateurs  de 
Pierre-Jean  d'Olive,  comme  perturbateurs  de 
la  paix  par  leur  orgueil  qui  leur  faisait  mé- 
priser et  blâmer  la  conduite  de  leurs  frères 
qu'ils  regardaient  comme  beaucoup  au-des- 
sous d'eux  dans  le  chemin  de  la  perfection. 
En  conséquence  de  cet  ordre,  il  y  en  eut 
plusieurs  qui  furent  arrêtés  et  envoyés  à 
Herlrand  de  Cigotère,  qui  exerçait  l'office 
d'inquisiteur  dans  le  comtat  Vcnaissin  :  il 
s'en  trouva  à  la  vérité  quelques-uns  qui, 
soit  par  entêtement,  soit  pour  se  distinguer 
des  autres  aux  dépens  de  la  foi  et  de  l'hon- 
neur, avaient  des  sentiments  dangereux  ; 
mais  aussi  il  faut  avouer  que  le  plus  grand 
nombre  de  ces  prisonniers  n'étaient  coupa- 
bles que  par  l'attachement  qu'ils  avaient 
peut-être  eu  avec  ceux  qui,  sous  un  extérieur 
composé  et  zélés  en  apparence,  cachaient 
un  venin  dont  ceux-ci  ne  s'apercevaient  pas, 
ne  sachant  pas  même  de  quoi  il  s'agissait,  et 
ne  se  défiant  aucunement  de  leur  malice 
qu'ils  couvraient  d'une  piété  feinte  et  d'un 
zèle  apparent  pour  la  régularité. 

Pierre-Jean  Olive  s'étant  trouvé  au  chapi- 
tre général  qui  se  tint  à  Paris  l'an  1292,  on 
lui  demandaeequ'il  pensaildel'usagedes  cho- 
ses qui  étaient  accordées  aux  frères,  et  s'ils 
étaient  tenus  à  l'étroit  et  pauvre  usage  de  ces 
choses  :  il  reconnut  qu'ils  n'étaient  pas 
tenus  à  un  plus  pauvre  usage  ni  à  une  autre 
manière  de  vie  qu'à  celle  qui  était  énoncée 
dans  la  déclaration  que  le  pape  Nicolas  III 
avait  faite  sur  la  règle,  et  que  la  communauté 
de  l'ordre  pratiquait  ;  qu'il  n'avait  rien  dit  ni 
écrit  qui  y  fût  coutraire,  et  que  s'il  lui  était 
échappé  quelque  chose  à  ce  sujet  (ce  qu'il  ne 
croyait  pas  ),  il  le  révoquait.  Le  chapitre  re- 
çut sa  protestation  qui  semblait  devoir  apai- 
ser toutes  choses.  Mais  il  y  eut  de  ses  secta- 
teurs qui,  au  lieu  d'imiter  sa  soumission  et 
sa  bonne  foi,  lui  firent  un  tort  considérable 
par  leur  entêtement  et  leur  imprudence  ;  car 


quoiqu'il  eût  été  renvoyé  absous  et  déclaré 
innocent  par  le  chapitre  général,  ils  conti- 
nuèrent a  causer  tant  de  divisions  et  de  schis- 
mes dans  sa  province,  que  sa  doctrine,  ou 
du  moins  celle  qu'ils  prétendaient  avoir  ap- 
prise de  lui,  devint  odieuse  à  toute  la  com- 
munauté de  l'ordre.  Enfin,  après  avoir  fait 
encore  une  déclaration  publique  sur  ce  qu'il 
pensait  de  la  pauvreté  et  de  l'usage  des  cho- 
ses, qui  était  conforme  à  celle  qu'il  avait 
faite  dans  le  chapitre  général  de  Paris,  il  mou- 
rut dans  le  coûtent  de  Narbonne  l'an  1297. 
Dieu  voulut  faire  connaître  sa  sainteté  et 
son  innocence  par  les  miracles  qui  se  firent 
à  son  tombeau  ;  mais  cela  n'empêcha  pas 
que  les  religieux  de  la  communauté  ne  le 
persécutassent  encore  après  sa  mort,  l'accu- 
sant d'hérésie  et  condamnant  sa  doctrine  : 
ils  obtinrent  même  du  général  Jean  de  Muro 
que  l'on  défendrait  aux  religieux  la  lecture 
de  ses  ouvrages,  et  que  ceux  qui  en  auraient 
seraient  obligés  de  les  mettre  entre  les  mains 
des  supérieurs.  C'est  ce  qui  fut  cause  de  la 
persécution  que  l'on  suscita  contre  Ponce 
Carbonclle  de  Bottingat,  personnage  illus- 
tre par  sa  science  et  par  la  sainteté  de  sa 
vie,  et  qui  avait  été  le  maître  de  saint  Louis, 
évèquede  Toulouse;  carsur  ce,qu'il  ne  voulut 
pas  donner  quelques  traités  qu'il  avait  de 
Pierre-Jean  Olive,  qu'on  lui  demandait  pour 
les  mettre  au  feu,  il  fut  mis  en  prison  et 
souffrit  beaucoup  de  maux  :  il  y  en  eut 
aussi  plusieurs  autres  qui  furent  chargés  de 
fers  et  enfermés  Irès-élroitemenl  pour  le 
même  sujet;  ce  qui  causa  encore  des  divi- 
sions etdesschismes  dans  d'autres  provinces, 
où  les  religieux,  sous  prétexte  de  réformer 
l'ordre,  se  disaient  «éclateurs  et  disciples  de 
Pierre-Jean  Olive.  C'est  pourquoi  dans  le 
chapitre  général  qui  se  tint  l'an  1302,  les 
supérieurs,  voulant  remédier  à  ces  troubles 
et  prévenir  les  suites  fâcheuses  qu'ils  pour- 
raient apporter  dans  la  suite,  défendirent 
sous  de  grosses  peines  la  lecture  des  ouvra- 
ges de  Pierre-Jean  Olive ,  et  celle  défense 
dura  jusque  sous  le  pontifical  de  Sixte  IV, 
qui,  les  ayant  fait  examiner,  déclara  qu'il 
n'y  avait  rien  dans  ces  écrits  de  contraire  à 
la  foi  ni  aux  bonnes  mœurs. 

Cependant,  malgré  toutes  les  précautions 
et  les  diligences  des  supérieurs,  la  discorde, 
qui  s'était  ainsi  glissée  dans  l'ordre,  éclata 
plus  ouvertement  l'an  1310.  Le  nombre  des 
religieux  delà  communauté  de  l'ordre  était 
bien  plus  considérable  que  celui  des  Frères 
Spirituels  ,  ou  sectateurs  de  Pierre-Jean 
Olive,  et  ceux-ci,  manquant  de  farce  et  d'au- 
torité, se  trouvaient  tous  les  jours  molestés 
par  les  autres  qui  les  voulaient  détruire,  ou 
obliger  de  s'unir  à  eux  ;  mais  les  Spirituels 
aimèrent  mieux  endurer  des  traverses  et  des 
persécutions  que  de  consentira  cette  réunion, 
prétextant  qu'il  ne  leur  était  pas  permis  de 
s'agréger  à  des  personnes  qui  ne  voulaient 
pas  observer  la  règle,  et  péchaient  tous  les 
jours  contre  la  pauvreté.  Comme  c'était  en 
Provence  qu'il  y  avait  le  plus  de  division  , 
Raimond  de  Villeneuve,  Provençal  et  méde- 
cin de  Charles  le  Boiteux,  roi  de  Naples  d 


1115 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


im. 


comte  de  Provence,  poussé  pur  l'affection 
qu'il  portait  à  l'ordre,  employa  le  crédit  do 
.son  maître  pour  prier  le  pape  Clément  V  de 
faire  assembler  les  principaux  et  les  plus 
zélés  de  chaque  parti,  afin  de  trouver  quelque 
remède  à  ces  désordres.  Le  pape  acquiesça 
à  la  demande  de  ce  prince,  el  l'assemblée  fut 
indiquée  à  Malausanne,  dans  le  comtat  d'A- 
vignon, où  se  trouvèrent,  du  côté  des  Spiri- 
tuels, Haimond  Gaufredy,  qui  avait  été  géné- 
ral ;  Uhcrtin  de  Casai,  Raimond  de  Giniac, 
provincial  d'Aragon  ;  Guillaume  de  Corné- 
lion,  custode  d'Arles,  et  quelques  autres  ;  et 
pour  la  communauté  de  l'ordre,  Gonzalve, 
qui  en  était  général  ;  Alexandre  d'Alexan- 
drie,  qui  l'a  été  depuis,  el  plusieurs  autres. 

L'on  tint  devant  le  pape  plusieurs  confé- 
rences à  ce  sujet,  dans  lesquelles  chacun 
avait  la  liberté  de  défendre  sa  cause.  Rai- 
mond Gaufredy  et  libertin  de  Casai  se  plai- 
gnaient des  transgressions  évidentes  de  la 
pauvreté,  qui  étaient  tolérées  par  les  supé- 
rieurs, qui  n'en  faisaient  aucune'correclion. 
Alexandre  d'Alexandrie,  qui  parlait  pour  la 
communauté  de  l'ordre,  disait  que  ceux  qui 
prenaient  le  nom  de  Spirituels  étuient  des 
novateurs,  qui  voulaient  se  distinguer  des 
autres,  et  qui  suivaient  la  doctrine  de  Pierre- 
Jean  Olive,  qu'il  prétendait  avoir  donné  lieu 
à  tous  ces  (roubles.  Ils  alléguèrent  plusieurs 
preuves  pour  appuyer  ce  qu'ils  avaient 
avancé  ;  mais  ces  conférences  ne  servirent  de 
rien,  car  les  choses  parurent  si  brouillées, 
que  le  pape  ordonna  que  les  deux  partis 
mettraient  leurs  raisons  par  écrit,  et  nomma 
six  commissaires  pour  examiner  les  préten- 
tions des  uns  et  des  autres  ;  et  parce  que 
les  frères  qui  se  disaient  de  la  communauté 
avaient  fort  maltraité  les  Spirituels,  cl  qu'ils 
les  menaçaient  encore  ,  le  pape  les  prit  sous 
sa  protection,  exempta  de  la  juridiction  des 
supérieurs  tous  ceux  qui  avaient  été  appelés 
pour  défendre  celte  cause,  tandis  qu'elle  du- 
rerai!, et  défendit  sous  peine  d'excommuni- 
cation de  leur  faire  aucune  peine,  ni  à  au- 
cun autre  de  leur  parti. 

Ces  Frères  Spirituels,  après  avoir  consulté 
ensemble,  composèrent,  conformément  à 
l'ordre  du  pape,  une  requête  dans  laquelle 
ils  citaient  toutes  les  transgressions  qui  se 
commettaient  contre  la  règle,  et  la  présentè- 
rent à  ce  pontife,  qui  l'envoya  au  cardinal 
protecteur  et  au  général,  afin  qu'ils  en  pris- 
sent une  copie,  libertin  de  Casai,  qui  était 
plus  piqué  que  les  autres  dans  cette  affaire, 
parce  qu'on  lui  avait  objecté  plusieurs  cri- 
mes, fil  un  traité  sous  le  nom  de  Raimond 
Gaufredy,  où  il  expliquait  plus  clairement 
vingt-cinq  transgressions  des  préceptes  delà 
régie,  et  dix  qui  étaient  contre  la  déclara- 
tion de  Nicolas  III.  Le  général  cl  ses  adhé- 
rents répondirent  à  ces  deux  écrits,  qu'ils 
regardaient  comme  injurieux  à  l'ordre. 
Uberiin  de  Casai  fit  bientôt  après  une  répli- 
que à  celte  réponse,  sur  laquelle  les  autres 
ne  demeurèrent  pas  dans  le  silence;  en  sorte 
que  deux  ans  s'écoulèrent  dans  ces  contesta- 
tions, sans  que  les  affaires  en  fussent  en 
meilleur  état. 


Cependant  Gonzalve,  général  de  l'ordre, 
ne  voyant  que  trop  la  vérité  des  plaintes  que 
faisaient  les  Spirituels,  et  voulant  prévenir 
les  suites  que  pourrait  avoir  la  connaissance 
qu'ils  donnaient  des  désordres  de  la  com- 
muniiulé,  indiqua,  la  même  année  1310,  un 
chapitre  général  à  Padoue,  dans  lequel  on 
fit  plusieurs  règlements  contre  les  relâche- 
ments qui  s'étaient  introduits,  particulière- 
ment pour  la  réception  de  l'argent,  pour  la 
trop  grande  curiosité  des  bâtiments,  et  pour 
l'usage  de  la  viande,  qu'on  détermina  au  dî- 
ner seulement.  Mais  pendant  que  le  chapitre 
se  tenait  à  Padoue,  et  que  les  conférences 
continuaient  à  Avignon,  les  Frères  Spiri- 
tuels, dont  la  plus  grande  partie  étaient  en 
Provence  et  en  Toscane,  étaient  fort  mal- 
traités. Les  Provençaux  se  pouvaient  plus 
aisément  défendre  de  cette  persécution  quo 
les  Toscans,  parce  qu'ils  étaient  près  du 
pape  :  ce  qui  fit  que  les  Toscans,  voyant  que 
l'ordonnance  que  ce  pontife  avait  donnée  en 
leur  faveur  ne  les  mettait  pas  à  couvert  des 
insultes  de  leurs  adversaires,  se  séparèrent 
de  l'ordre  et  élurent  un  général,  qu'ils  vou- 
lurent faire  confirmer  par  le  pape;  mais  leur 
entreprise  fut  regardée  comme  un  ailcn'at 
qu'on  ne  devait  poinl  souffrir,  el  qui  donnait 
lieu  par  sa  témérité  de  croire  ou  au  moins 
de  douter  que  les  crimes  dont  on  les  accu- 
sait étaient  véritables,  ce  qui  fut  cause  que 
ceux  qui  les  proiégeaient  les  abandonnèrent. 

Le  général  de  l'ordre  voulant  profiler  de 
cette  occasion  pour  maintenir  la  cau>e  de  la 
communauté,  fit  la  visite  de  la  province  de 
Toscane,  et  employa  toute  son  autorité  pour 
les  réduire  à  l'obéissance  et  à  l'exacte  prati- 
que de  cette  pnuvreté,  dont  les  transgres- 
sions leur  étaient  si  sensibles  et  si  insuppor- 
tables dans  les  religieux  de  la  communauté  : 
c'est  pourquoi  il  écrivit  une  lettre  au  pro- 
vincial, avec  ordre  de  la  faire  lire  dans  lous 
les  couvents,  par  laquelle  il  lui  commandait 
de  désapproprier  les  religieux  de  tou'.es  les 
renies,  vignes,  possessions,  et  autres  choses 
qui  pouvaient  av^ir  élé  introduites  contre  la 
pauvreté,  avec  défense  d'en  recevoir  à  l'a- 
venir. 

Quoique  les  Pères  Spirituels  fussent  beau- 
coup déchus  de  l'estime  que  l'on  avait  pour 
eux,  et  nonobstant  l'avantage  que  le  géné- 
ral de  l'ordre  tirait  de  ce  qu'ils  étaient  aban- 
donnés de  ceux  qui  les  avaient  protégés 
avant  l'élection  inconsidérée  qu'ils  firent 
d'un  général  de  leur  corps,  cependant  les  af- 
faires n'en  étaient  pas  plus  avancées ,  et 
restèrent  toujours  indécises  jusqu'à  l'an- 
née 1312,  qu'étant  rapportées  et  examinées 
dans  le  concile  général  de  Vienne,  elles 
commencèrent  à  changer  de  face  par  les  dé- 
cisions de  ce  concile,  qui  furent  en  faveur  de 
la  communauté;  car  le  pape  ayant  tenu  un 
consistoire  secret  le  5  mai,  l'on  y  décréta 
contre  Ubertin  de  Casai  et  ses  adhérents, 
que  la  manière  de  vie  de  la  communauté  de 
l'ordre  était  permise  et  suffisante  pour  la 
vraie  observance  de  la  règle;  et  le  lendemain 
ce  pontife  fit  publier  dan.  la  troisième  ses- 
sion du  concile  une  bulle  par  laquelle  il  dé- 


1117  NAR 

clara,  entre  autres  choses, que  les  Frères  Mi- 
neurs par  leur  profession  ne  sont  pas  plus 
obligés  aux  préceptes  de  l'Evangile  que  les 
autres  chrétiens  :  il  y  marqua  les  endroits  de 
la  règle  qui  obligent  ;  il  défendit  de  quêter 
de  l'argent,  d'a\oir  recours  à  des  amis  spi- 
rituels pour  en  recevoir,  hors  les  cas  portés 
parla  règle  ou  la  déclaration  de  Nicolas  III, 
do  mettre  des  troncs  dans  les  églises,  et  dé- 
clara que  les  Frères  Mineurs  ne  pouvaient 
pas  hériter.  11  défendit  aussi  les  celliers  et 
greniers  dans  les  couvents,  où  le-*  aumônes 
suffisaient  pour  l'entretien  des  religieux  ;  en- 
fin il  résolut  et  termina  la  principale  difli- 
cullé  dont  il  s'agissait,  eu  déclarant  que  les 
religieux,  en  vertu  de  la  règle,  sont  obligés 
à  de  pauvres  usages  qui  sont  contenus  dans 
ce'te  règle,  selon  la  manière  qui  y  est  pres- 
crite. 

Quant  à  la  doctrine  de  Pierre-Jean  0:ivc, 
sur  laquelle  il  y  avait  de  grandes  disputes, 
il  fut  résolu  que  le  pape  censurerait  trois  de 
ses  propositions  :  la  première,  que  l'essence 
divine  engendre  et  est  engendrée;  la  se- 
conde, que  l'âme  de  l'homme,  comme  rai- 
sonnable, n'est  pas  la  forme  de  son  corps  ; 
et  la  troisième,  que  Jésus-Christ  reçut  le 
coup  de  lance  avant  qu'il  fût  mort  ;  et  pour 
le  reste,  l'on  en  remit  l'examen  au  chapitre 
général,  a\ec  pouvoir  d'en  ordonner  ce 
qu'il  jugerait  à  propos.  Les  défenseurs  d'O- 
live, qui  par  ces  décisions  se  voyaient  frus- 
trés de  leurs  espérances,  cherchant  à  cou- 
vrir l'adhérence  et  rattachement  qu'ils 
avaient  pour  les  sentiments  de  cet  auteur 
sous  un  spécieux  prétexte  de  charité  et  de 
justice,  se  plaignirent  de  ce  qu'on  traitait 
avec  trop  de  sévérité  un  homme  qui  s'était 
toujours  soumis  à  la  correction  de  l'Eglise, 
et  disaient  que  si  quelque  point  de  sa  doc- 
trine méritait  la  censure,  il  n'était  pas  juste 
d'en  commettre  le  jugement  des  autres  aux 
supérieurs  de  l'ordre,  qui  s'étaient  déclarés 
ses  parties,  et  qui  l'avaient  persécuté  du- 
rant sa  vie  et  après  sa  mort,  et  que  pour  sept 
ou  huit  articles  que  l'on  n'approuvait  pas, 
il  était  bien  dur  et  extraordinaire  quêM'on 
condamnât  tous  les  autres,  puisqu'il  s'était 
trouvé  de  célèbres  auteurs  qui  ,  s'étant 
trompés  en  quelques  choses,  n'avaient  point 
été  condamnés  dans  tous  leurs  ouvrages. 
Mais  les  adversaires  d'Olive  l'emportèrent 
sur  ses  défenseurs,  et  empêchèrent  qu'on  ne 
changeât  rien  de  ce  qui  avait  été  résolu. 
Bzovius  attribue  encore  d'autres  hérésies  à 
ce  religieux,  mais  sans  aucun  fondement. 

Le  pape,  qui  ne  cherchait  que  la  paix  et 
l'union,  ne  se  contenta  pas  de  faire  ces  rè- 
glements, et  de  recommander  à  tous  les  su- 
périeurs de  l'ordre  de  faire  observer  exacte- 
ment la  règle,  selon  la  déclaration  qu'il  leur 
avait  donnée  ;  il  leur  ordonna  de  plus  de  trai- 
ter avec  un  esprit  de  charité  et  sans  aucune 
distinction  les  religieux  qui  avaient  été  sous- 
traits de  leur  juridiction  pendant  ces  dispu- 
tes, et  même  de  les  élever  aux  charge» 
comme  les  autres,  et  à  ceux-ci  de  se  sou- 
mettre à  l'obéissance,  et  de  s'unir  à  l'ordre 
'Jans  un  esprit  de  paix.  Ubertiu  de  Casai, 


NAl\ 


1118 


qui  craignait  qu'on  ne  lui  fit  de  la  peine, 
parce  qn  il  avait  pris  le  parti  des  Spirituels 
avec  plus  de  chaleur  que  les  autres,  ayant 
entendu  celle  décision  du  souverain  pontife, 
s'écria  :  Père  stiint,  sauvez-moi  selon  voire 
parole;  et  afin  de  se  le  rendre  favorable,  et 
qu'il  lui  accordât  sa  protection,  il  lui  repré- 
senta qu'il  était  venu  par  ses  ordres,  qu'il 
avait  beaucoup  souffert  de  la  part  de  ses  en- 
nemis, qu'il  savait  que  la  persécution  aug- 
menterait, s'il  le  livrait  entre  leurs  mains; 
et  qu'ainsi  il  lui  demandait  la  permission 
pour  lui  et  pour  les  religieux  zélés  pour 
l'observance,  de  se  séparer  d'eux,  afin  d'ob- 
server plus  commodément  et  sans  être  in- 
quiétés la  règle,  selon  les  déclarations  qu'il 
y  venait  de  faire.  Mais  le  pape  lui  refusa  sa 
demande  :  ce  qui  acheva  de  déconcerter  les 
Spirituels,  dont  quelques-uns  retournèrent 
à  l'obéissance  des  supérieurs,  et  les  autres 
se  retirèrent  en  différentes  provinces  pour  y 
vivre  dans  l'indépendance.  Mais  les  censu- 
res que  le  pape  fulmina  contre  eux  les  firent 
revenir  à  l'union  de  l'ordre,  et  ils  reconnu- 
rent leur  faule.  Ubertiu  de  Casai  obtint 
néanmoins  dans  la  suite  du  pape  Jean  XXII, 
l'an  1317,  la  permission  de  passer  dans  l'or- 
dre de  Saint-Benoit,  dont  il  prit  l'habit  dans 
l'abbaye  de  Gemblours  en  Brabant. 

Après  la  mort  de  Clément  V  et  du  général 
Alexandre  d'Alexamlrie,  la  vacancedu  sainl- 
siége  et  du  généralat  de  l'ordre  donna  lieu 
aux  Frères  Spirituels  de  reprendre  leur  pre- 
mier dessein  de  se  séparer  de  la  commu- 
nauté de  l'ordre.  Pour  l'exécuter,  ils  s'as- 
semblèrent au  nombre  de  six-\ingts  dans  la 
Provence  et  le  Languedoc,  et  avec  le  se- 
cours de  plusieurs  séculiers,  ils  s'emparè- 
rent par  force  des  couvents  de  Narbonne  et 
de  Bézicrs,  établirent  un  custode  et  des  gar- 
diens, changèrent  la  forme  de  leurs  habits, 
et  reçurent  indifféremment  ceux  des  autres 
provinces  qui  se  voulurent  joindre  à  eux. 
Les  habitants  de  Narbonne  et  de  Béziers  les 
appuyaient,  les  regardant  comme  les  disci- 
ples de  Pierre-Jean  Olive,  qui  avait  été  no- 
vice à  Béziers,  et  était  mort  à  Narbonne,  où 
l'on  dit  qu'il  faisait  alors  beaucoup  de  mi- 
racles ;  et  ceux  de  la  province  de  Toscane  se 
retirèrent  en  Sicile.  Mais  le  général  Michel 
de  Césène,  qui  ne  fut  élu  que  dans  le  chapi- 
tre général  nui  se  linl  à  Naples  le  dernier 
jour  de  mai  131G,  quoique  son  prédécesseur 
Alexandre  d'Alexandrie  fût  mort  dès  le  mois 
d'octobre  1314-,  pria  le  pape  Jean  XXII  de 
faire  rentrer  dans  l'union  de  l'ordre  ces  re- 
ligieux qui  s'en  étaient  ainsi  séparés.  Ce 
pontife  écrivit  à  Fridéric,  roi  de  Sicile,  pour 
remettre  entre  les  mains  des  supérieurs 
ceux  qui  étaient  dans  ses  Etals,  qui  n'a- 
vaient pas  voulu  se  soumettre  à  l'ordon- 
nance de  son  prédécesseur  Clément  V  ;  et 
pour  ceux  de  Languedoc,  il  leur  envoya 
Bertrand  de  la  Tour,  provincial  de  Guienne, 
afin  qu'il  lâchât  de  les  ramener  à  leur  de- 
voir par  les  voies  de  la  douceur;  mais  ce 
moyen  ayant  été  inutile,  Bertrand  leur  si- 
gnifia de  la  part  du  pape  qu'ils  eussent  à 
quitter  leurs  habits  cour  s  cl  étroits,  avec 


I!  19 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


11 '20 


leurs  petits  capuces  :  ils  répondirent  que  ce 
qu'il  demandait  était  une  des  choses  aux- 
quelles ils  ne  devaient  pas  obéir,  puisque 
l'habit  qu'i's  avaient  pris  était  conforme  à 
IV  s  prit  de  saint  François  et  à  sa  règle,  et 
qu'ils  ne  croyaient  pas  agir  en  cela  contre 
Ll  déclaration  de  Clément  V.  Mais  Bertrand 
persistant  à  dire  que  le  pape  avait  absolu- 
ment désapprouvé  cet  habillement,  el  qu'il 
avait  ordonné  qu'à  l'égard  de  la  qualité  et  la 
forme  d.  s  habits,  les  religieux  devaient  obéir 
à  leurs  supérieurs,  et  leur  ayant  signifié  le 
commandement  que  leur  faisait  ce  pontife  de 
se  réunir  à  l'ordre  et  se  soumettre  à  leurs 
supérieurs  ,  ils  en  appelèrent  au  pape 
futur. 

Jean  XXII,  en  ayant  été  averti,  ordonna 
aux  officiaux  de  Béziers  et  de  Narbonne  de 
les  citer  juridiquement  à  comparaître  en  sa 
présence  dix  jours  après  la  signification  qui 
leur  en  aurait  été  faite.  Il  fallut  obéir  à  un 
ordre  si  précis.  Quarante-six  sortirent  du 
couvent  de  Narbonne,  et  seize  de  celui  de 
Béziers.  Il  y  en  eut  encore  d'autres  qui  sa 
joisrnirenl  à  eux,  et  étant  arrivés  un  peu 
tard  à  Avignon,  au  lieu  d'aller  au  couvent, 
ils  passèrent  la  nuit  à  la  porte  du  palais  du 
pape.  Le  lendemain  ils  furent  introduits  à 
1  audience,  et  écoutés  fort  patiemment  parle 
pontife,  qui,  ajant jugé  leurs  raisons  frivo- 
les, leur  commanda  de  se  soumettre  à  leurs 
supérieurs  ;  el  sur  ce  qu'ils  refusèrent  de  le 
faire,  Sa  Sainteté  les  fit  arrêter,  et  donna 
commission  de  vive  voix  seulement  à  Mi- 
chel de  Monaco,  religieux  de  l'ordre  et  in- 
quisiteur de  la  foi,  de  procéder  contre  eux, 
comme  étant  suspects  d'hérésie  el  rebelles 
à  l'Eglise.  Quelques-uns  reconnurent  leur 
faute  ;  mais  il  y  en  eut  vingt-cinq  qui  persé- 
vérèrent dans  leur  opiniâtreté,  soutenant 
que  le  pipe  offensait  ;Dieu  par  le  comman- 
dement qu'il  leur  faisait.  Ils  ajoutaient  que 
Clément  Vr  s'était  trompé  dans  sa  déclaration 
au  sujet  de  la  forme  des  habits,  des  celliers 
et  des  greniers  qu'il  avait  permis  dans  quel- 
ques couvents  ;  que  ceux  qui  vivaient  selon 
celle  déclaration  se  damnaient  ;  que  la  règle 
de.  saint  François  n'était  pas  différente  de 
l'Evangile,  et  que  le  pape  ne  pouvait  dispen- 
ser personne  des  obligations  qu'elle  conte- 
nait. Le  pape  étant  informé  de  ces  extrava- 
gances ,  fit  expédier  une  commission  en 
Forme  à  l'inquisiteur,  pour  procéder  contre 
eux  comme  hérétiques. 

Les  deux  grands  points  de  ce  différend 
consistaient  Jans  la  forme  de  l'habii,  et  dans 
les  provisions  de  blé  et  de  vin;  les  Frères 
Spirituels  prétendaient  que  ceux  qui  se  di- 
saient de  la  communauté  ne  pouvaient  pas 
porter  des  habits  amples  et  longs  ,  et  de 
bonnes  étoffes,  avec  de  grands  capui  es,  mais 
«eulemenlde  pauvres  habits  courts  et  étroits, 
avec  de  petits  capuces  ;  el  blâmaient  les  pro- 
visions de  blé  et  de  vin,  que  ceux  de  la 
communauté  faisaient  aussi  dans  le  temps 
de  la  moisson  el  des  vendanges,  quoiqu'elles 
ne  provinssent  que  d'aumônes.  C'est  pour- 
quoi le  pape,  afin  de  les  humilier  davantage, 
et  leur  ôter  tout  sujet  d'espérer  de  pouvoir 


jamais  réussir  dans  leurs  prélentions,  fit  une 
nouvelle  déclaration  qui  se  trouve  parmi  ses 
Extravagantes,  De  verbarum  significatione, 
où,  après  avoir  approuvé  celles  de  Nico- 
las III  el  de  Clément  V,  il  ordonna  a  tous  les 
religieux  de  se  soumeilre  pour  ces  deux  ar- 
ticles au  jugement  de  leurs  supérieurs. 

Le  pape  ayant  donc  obligé  les  Frères  Spi- 
rituels de  se  réunir  à  l'ordre,  et  ordonne  à 
Michel  de  Monaco,  inquisiteur,  de  faire  le 
procès  à  ceux  qui  refuseraient  d'obéir,  ceux 
qui  purent  échapper  à  la  recherche  qu'on 
en  fit,  s'enfuirent  en  Sicile,  pour  se  joindre 
à  quelques-uns  de  leurs  compagnons  qui  s'y 
étaient  retirés  auparavant;  et  persistant  à 
ne  vouloir  point  reconnaître  les  supérieurs 
de  l'ordre,  ils  élurent  pour  général  Henri  de 
Ceva,  de  la  province  de  Gênes,  qu'ils  cru- 
rent le  plus  propre  pour  les  soutenir  dans 
leur  rébellion.  Cette  témérité  irrita  leurs 
parties  et  les  juges  :  on  ne  se  contenta  pas 
de  les  poursuivre  comme  désobéissants,  on 
leur  imputa  encore  des  hérésies,  et  des  vingt- 
cinq  Spirituels  qui  avaient  été  arrêtés  à 
Avignon,  il  y  en  eut  quatre  qui  furent  brû- 
lés à  Marseille  comme  hérétiques,  pour 
avoir  toujours  soutenu  que  les  précrples  de 
la  règle  étaient  indispensables.  Un  cin- 
quième se  reconnut  et  fut  con  lamné  à  une 
prison  perpétuelle,  et  les  autres  vingt  désa- 
vouèrent publiquement  ce  qu'ils  avaient 
avancé.  Enlin,  par  une  bulle,  du  23  jan- 
vier 1318,  le  pape  condamna  les  Spirituels 
comme  scandaleux,  apostats,  schismaiiques 
et  hérétiques,  el  les  supérieurs  de  l'ordre  re- 
prirent encore  l'examen  de  la  doctrine  de 
Pierre-Jean  Olive,  et  la  firent  condamner  en 
plusieurs  chefs. 

Luc  Wad\n%.,  Annal,  filinor.,  tom.II  et  III. 
Dominic.  de  Gubernatis,  Orb.  Seraphir. ,[om. 
I,  Iib,  v,  cap.  6.  Marc  de  Lisbonne,  Chroniq, 
de  l'ordre  de  Saint-François,  tom.  11. 

NAVIRE  ou  NEF.  Voyez  Croissant  (Che- 
valiers DC). 

NESTORIENS  (Des  Moïses). 

Les  Nestoriens  sont  les  peuples  d'Orient 
qui  suivent  encore  aujourd'hui  les  erreurs 
de  Neslorius,  évêque  de  Constantinople,  qui 
fut  londatnné  dans  le  concile  d'F.phèse.  De 
toutes  les  hérésies,  c'est  celle  qui  s'est  le 
plus  étendue;  car  non-seulement  les  chré- 
tiens q  i  habitaient  la  Mésopotamie,  et  un 
très-grand  nombre  de  ceux  qui  demeuraient 
au  de.  à  de  l'Euphrale,  en  fuient  infectés, 
mais  elle  si"  répandit  au  delà  du  Tigre,  et 
même  jusqu'aux  Indes  el  aux  extrémités 
de  l'Asie.  Plusieurs  auteurs  ont  écrit  que  les 
Nestoriens  sont  gouvernés  par  deux  patriar- 
ches, dont  l'un  est  le  chef  des  Chaldéens  as- 
syriens orientaux,  et  l'autre  de  ceux  que 
l'on  nomme  absolument  Nestoriens.  Mais 
M.  Henaudot,  dans  son  quatrième  tome  de 
la  Perpétuité  de  la  foi,  fait  remarquer  que 
l'on  ne  doit  point  ajouter  foi  à  ces  auteurs, 
et  qu'il  n'est  pas  vrai  que  le  patriarcat  ait 
été   divisé,    parce   que  les  p.ilriarchcs  des 


1121 


NES 


NES 


112) 


Nestoriens  on!  résidé  tantôt  à  Mosul,  tanlôl 
à  Diarbékir. 

Mais  quoiqu'ils  aient  demeuré   quelqne- 

fois  à  Diarbebir,  leur  séjour  ordinaire  est 
néanmoins  au  monasière  d'Hormoz,  éloigné 
de  la  ville  de  Mosul  d'environ  irois  lieue-: 
c'est  ce  que  j'ai  appris  du  patriarche  Mar- 
Joseph,  que  j'ai  vu  elant  à  Komc  en  1098. 
Ce  prélat  était  autrefois  le  plus  grand  enne- 
mi que  les  catholiques  eussent  en  ces  quar- 
tiers. Mais  Dieu  l'ayant  louché,  il  vint  à 
ltome  pour  se  faire  instruire  et  s'éclaircir 
sur  quelques  difficultés  qu'il  avait.  On  lui 
lit  une  mauvaise  réception,  sur  ce  que  l'on 
croyait  sa  conversion  feinte  et  dissimulée, 
et  on  le  regarda  comme  un  espion  ,  ce  qui 
ne  le  rebuta  point.  11  reconnut  entièrement 
ses  erreurs,  et  étant  retourné  en  son  pays, 
il  témoigna  plus  de  zèle  pour  la  défense  de 
la  religion  catholique  qu'il  n'en  avait  fait 
paraître  pour  la  combattre.  La  cour  de  Home 
en  ayant  été  avertie  par  ses  missionnaires, 
lui  fil  faire  excuse  du  mauvais  accue.l  qu'on 
lui  avait  fait.  Le  pape  lui  envoya  le  pnlliuni, 
et  la  propaganda  fede  lui  assigna  une  pension 
de  cinq  cents  et  us.  Les  ambassadeurs  des 
princes  catholiques  employèrent  leur  crédit 
pour  le  faire  confirmer  patriarche  par  un 
commandement  esprès  du  Grand  Seigneur; 
mais  dans  la  suite  ses  travaux  et  ses  fatigues 
lui  ayant  affaibli  la  vue,  il  fil  élire  en  sa 
place,  pour  patriarche,  un  jeune  homme  très- 
catholique  et  très-savant,  qui  s'appelle  aussi 
Mar-Joseph,  et  qui  s'employe  tous  les  jours 
avec  beaucoup  de  sucrés  à  la  conversion  de 
celle  nation.  L'ancien  patriarche  Mai-Jo- 
seph revint  à  Rome,  où  il  est  mort  depuis 
quelque  temps,  après  avoir  demeuré  plu- 
sieurs années  dans  cette  ville.  11  avait  un 
ne» eu  piètre  à  Paris,  qui  y  esl  mort,  après 
y  avoir  demeuré  pendant  près  de  vingt  an- 
nées. Il  se  nommait  M.  Dominique  ou  Abde- 
labad.  C'est  de  lui  que  j'ai  appris  les  parti- 
cularités suivantes,  pour  ce  qui  concerne  les 
Moines  Nestoriens. 

Ces  religieux  se  disent  tous  de  l'ordre  de 
Sainl-Anloine,  quoiqu'ils  n'en  suivent  pas 
la  règle,  non  plus  que  les  Maronites,  les  Ar- 
méniens, les  Coptes  et  les  autres  dont  nous 
avons  déjà  parlé,  n'ayant  pour  règle  que 
certaines  observances  communes  pour  tous 
les  monastères,  où  elles  sont  fort  mal  gar- 
dées, n'y  ayant  dans  la  plupart  de  ces  mo- 
nastères que  fort  peu  de  subordination,  à 
cause  que  les  supérieurs  n'osent  reprendre 
les  religieux  ni  les  châtier,  dans  l'appréhen- 
sion qu'ils  ont  qu'ils  ne  se  fassent  mahomè- 
tans. 

Les  monastères  de  ces  religieux  Nesto- 
riens sont  en  assez  grand  nombre^  mais  la 
plupart  abandonné*,  principalement  ceux 
qui  sont  le  long^u  Tigre,  et  il  y  a  fort  peu 
de  religieux  dans  les  autres,  excepté  dans 
celui  d'Hormoz,  qui  esl  le  plus  considérable, 
dans  lequel  il  y  a  environ  cinquante  reli- 
gieux. Ce  monastère,  qui,  comme  nous  avons 
dit,  esl  le  séjour  ordin-aire  du   patriarche,- 

(1)  Vot/.,àla  fin  du  vol.,  nu  233. 


lire  son  nom  d'Horsmisdas,  l'un  des  sainti 
des  NestOriens.  Il  y  a  quelques  autres  mo- 
nastères en  Perse,  dont  le  plus  considérable 
esl  proche  de  Tauris.  Il  y  en  a  aussi  dans  le 
pays  de  Karie,  sous  la  domination  des  Turcs, 
dai^  lesquels  il  n'y  a  qu'un  ou  deux  reli- 
gi.ux. 

Parmi  tous  ces  couvents  il  s'en  trouve  en- 
viron une  vingtaine  qui  sont  doubles  pour 
les  religieux  et  les  religieuses,  séparés  néan- 
moins d'habit.ilion,  mais  dont  l'église  est 
commune  pour  les  uns  et  les  autres.  Ce  sont 
les  religieuses  qui  nourrissent  les  Moines. 
Ils  se  lèvent  à  minuit  pour  réciter  leur  of- 
fice, et  font  la  prière  le  soir  ci  le  matin.  Pen- 
dant le  jour,  ils  vont  travailler  à  la  cam- 
pagne, et  les  religieuses  leur  apprêtent  à 
manger  pour  leur  retour.  M.  Abdelahad  m'a 
aussi  assuré  qu'il  se  trouve  parmi  les  Nes- 
toriens des  religieux  de  l'ordre  d'un  saint 
ermite  qui  éla.t  natif  de  Mésopotamie,  dont 
les  couvenls  ont  été  ruinés  par  les  Turcs; 
c'est  pourquoi  ils  demeurent  avec  ceux  de 
l'urdre  de  Saint-Antoine,  qui  oui  presque 
les  mêmes  observances,  n'y  ayant  de  la  dif- 
féreuee  que  dans  leur  olfice,  ceux  de  l'ordre 
de  ce  saint  ermite,  dont  il  ne  m'a  pu  dire  le 
nom,  récitant  plus  de  ps  lûmes  que  les  au- 
tres. Il  y  en  a  d'autres  néanmoins  qui  m'ont 
aussi  assuré  que  parmi  les  Nestoriens  il  n'y 
a  que  des  religieux  de  l'ordre  de  Saint-An- 
toine. 

Quoi  qu'il  en  soit,  tant  les  religieux  Nes- 
toriens que  les  religieuses,  ils  ne  mangent  ja- 
mais de  viande,  ni  beurre,  ni  lai'age  en  tout 
temps,  et  pendant  leurs  carêmes  ils  ne  man- 
gent point  de  poisson  et  ne  boivent  point  do 
vin  ;  ce  qui  leur  est  commun  avec  lous  les 
séculiers  de  cette  secte,  qui  jeûnent  aussi 
tous  les  mercredis  et  les  vendredis  de  l'an- 
née. Ces  carêmes  sont  au  nombre  de  six,  sa- 
voir :  le  grand  carême  de  l'Eglise  universelle, 
qu'ils  commencent  le  lundi  d'après  le  di- 
manche de  la  (Juinquagésime,  et  pendant 
lequel  ils  ne  mangent  qu'au  soleil  couchant,; 
celui  des  Apôtres,  qui  commence  quinze 
jours  avant  la  fête  de  sainl  Pierre;  celui  de 
l'Assomption  de  Notre-Dame,  qui  dure  aussi 
quinze  jours,  aussi  bien  que  celui  de  l'Exal- 
tation de  la  sainte  croix;  celui  d'Elie  ou  des 
Ninivites,  qui  n'est  que  de  huit  jours  ;  et  ce- 
lui de  la  Nativité  de  Noire-Seigneur,  qui 
dure  vingt-cinq  jours. 

L'habillement  de  ces  religieux  consiste  en 
une  soutane  ou  veste  noire  serrée  d'une 
ceinture  de  cuir,  et  une  robe  par-dessus, 
comme  celle  des  Arméniens,  avec  des  man- 
ches assez  amples:  ils  ne  portent  point  de 
capucc,  et  ont  seulement  un  turban  bleu  (1). 
Les  religieuses  sont  habillées  de  même;  elles 
mettent  seulement  des  linges  noirs  autour 
delà  tête,  qui  leur  couvrent  le  menton  jus- 
qu'à la  bouche,  et  ont  par-dessus  ces  linges 
une  espèce  de  voile  noir  fort  petit,  qui  s'at- 
tache sous  le  menton,  comme  on  peut  voir 
dans  la  figure  que  nous  en  donnons  (2).  Il 
'.faut  que  les  religieuses  aient  plus  de  qua- 

(2)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  284. 


MTo 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1124 


raille  ans  pour  recevoir  l'habit  monastique, 
parce  qu'on  appréhende  qu'elles  ne  sortent 
pour  se  marier;  ce  qui  n'empêche  pas  qu'il 
n'y  en  ait  très-souvent  qui  ne  le  fassent, 
aussi  bien  que  des  Moines,  qui  quittent  aussi 
quelquefois  leur  habit  pour  se  marier,  et 
même  quoiqu'ils  soient  prêtres:  ce  que  leurs 
évêques  tolèrent  malgré  eux;  car  s'il  y  en 
a  quelques-uns  qui  s'opposent  à  cet  abus, 
les  religieux  qui  veulent  se  marier  en  de- 
mandent permission  au  pacha  ;  et  pour  lors 
l'évêque  est  obligé  d'y  consentir,  decrain'e 
que  celui  qui  la  demande  ne  se  fasse  turc. 
Voilà  ce  que  cause  l'hérésie,  le  schisme  et 
le  peu  de  discipline  qu'il  y  a  parmi  la  plu- 
part des  religieux  d'Orient,  qui  se  sont  sous- 
traits de  l'Eglise  romaine,  et  qui  sont  plu- 
tôt religieux  de  nom  que  d'effet.  Le  peu  qu'il 
y  a  de  religieux  Nestoriens  dans  les  monas- 
tères, qui  sont  la  plupart  abandonnés,  fait 
qu'on  ne  leur  fait  point  faire  de  noviciat. 
Après  qu'ils  ont  resté  quelques  jours  en  ha- 
bit séculier,  on  leur  donne  l'habit  monasti- 
que, et  ils  déclarent  en  le  prenant  qu'ils  pré- 
tendent être  de  l'ordre  de  Saint-Antoine,  ou 
de  ce  saint  ermite  dont  nous  avons  parlé. 
C'est  en  quoi  consiste  toute  leur  profession, 
celui  qui  leur  donne  l'habit  mettant  le  nom 
d'un  de  ces  saints  dans  les  oraisons  qui  se 
disent  en  ces  sortes  de  cérémonies,  le  tout 
en  langue  syriaque  ou  chaldéenne,  qui  est 
la  langue  dans  laquelle  les  Nestoriens  offi- 
cient. C'est  ce  que  j'ai  appris  de  M.  Abde- 
lahad  qui  était  lui-même  Neslorien,  ou  plu- 
tôt Chaldéen,  nom  que  les  Nestoriens  con- 
vertis à  la  foi  prennent,  en  quittant  celui  de 
Neslorien  comme  un  nom  infâme. 

NEUTRES.  Voyez  Rerbegal. 

NICOLAS  (Saint-)  d'Arennes.  Voy.  Sicile. 

NICOLAS  DE  FOULQUE-PALÈNH.  Voyez 
Jérôme  (Ermites  de  Saint.-). 

NIDERMUNSTER.  Voyez  Cologne. 

NIVELLE  (Chanoinesses  de),  de  Mons,  de 
Maubeuqe,  de  Denain  et  de  quelques  autres 
lieux  en  Flandre. 

11  en  est  de  même  des  chanoinesses  sécu- 
lières de  Flandre  que  de  celles  dont  nous 
avons  parlé,  ayant  été  aussi  religieuses  dans 
leur  origine.  Celles  de  Nivelle  furent  fondées 
par  Itle  ou  Iduberge,  femme  de  l'epin  de 
Landcn,  prince  de  Brabant,  maire  du  palais 
et  ministre  des  rois  d'Auslrasie.  Après  la 
mort  de  son  mari,  qui  arriva  l'an  64-0,  étant 
âgée  de  quarante-huit  ans,  elle  se  consacra 
à  Dieu  et  reçut  le  voile  des  mains  de  saint 
Amand,  évêque  de  Maestricht.  Les  enfants 
qui  lui  restaient  de  son  mariage  é'.aient 
Grimoald,  qui  fut  aussi  maire  du  palais  en 
Austrasie.,  à  la  place  de  son  père;  Beglie, 
qui  épousa  Ansigilde,  fils  de  saint  A  inouï,  et 
Gerlrude  qui  n'avait  que  quatorze  ans  :  mais 
appréhendant  que  celle  jeune  princesse  ne  se 
laissât  entraîner  aux  plaisirs  du  monde,  elle 
lui  coupa  les  cheveux  en  forme  de  couronne, 
pour  lui  faire  recevoir  après  le  voile;  ce  qui 

(1)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°9  ISo  el  280. 


montre  que  c'était  la  coutume  en  ce  temps- 
là  que  l'on  coupai  les  cheveu*  en  forme  de 
couronne  aux  religieuses  et  aux  vierges  qui 
se  consacraient  à  Dieu,  comme  remarque  le 
savant  i'.  Mabillon,  qui  ajoute  que  le  concile 
de  Leplines  ordonna,  au  contraire,  que  l'on 
raserait  entièrement  les  cheveux  des  reli- 
gieuses qui  seraient  tombées  dans  quelques 
crimes.  Gerlrude  eut  autant  de  joie  de  voir 
ses  cheveux  coupés,  que  les  autres  filles  en 
avaient  de  voir  les  leurs  bien  frisés  et  arrangés, 
eï  se  glorifiait  de  porter  une  couronne  pour 
l'amour  de  Jésus-Christ.  Saint  Amand  solli- 
cita ensuiie  ltle  de  bâtir  un  monastère  pour 
s'y  retirer.  Nivelle,  petite  ville  de  Bradant, 
dans  le  diocèse  de  Namur,  entre  Mous  et 
Bruxelles,  lui  parut  favorable  à  ce  dessein. 
Ilte  y  fit  jeter  les  fondements  d'un  monastère, 
el  lorsqu'il  fut  achevé,  elle  s'y  retira  avec  sa 
fille  qui  en  fut  la  première  abbesse,  ayant 
pour  lors  vingt  et  un  ans  ;  car  elle  ne  reçut 
le  voile  que  sept  ans  après  que  sa  mère  lui 
eut  coupé  les  cheveux,  et  elle  ne  prit  le  gou- 
vernement du  monastère  que  l'an  047.  La 
conduite  de  celle  jeune  abbesse  justifia  fort 
avantageusement  le  choix  de  sa  mère,  qui 
mourut  l'an  Gb2,  après  avoir  été  sous  la  dis- 
cipline de  sa  tille  pendant  cinq  ans,  et  Ger- 
trude  se  démit  de  sa  charge  d'abbesse  trois 
ans  avant  sa  mort,  qui  arriva  le  17  mars  de 
l'an  C39. 

Le  chapitre  de  Nivelle  est  composé  de 
quarante  -  deux  chanoinesses  qui  doivent 
avoir  fait  preuves  de  noblesse  de  quatre  ra- 
ces, tant  du  côté  paternel  que  du  côté  mater- 
nel. Le  jour  de  leur  réception,  qui  se  fait 
avec  beaucoup  de  pompe  el  de  magnificence, 
elles  sont  aussi  reçues  chevalières  de  Saint- 
Georges.  On  leur  présente  un  carreau  de  ve- 
lours, sur  lequel  elles  s'agenouillenl  pen- 
dani  la  messe.  A  l'Evangile  elles  tiennent  à 
la  main  une  épée  nue,  et  à  la  fin  de  la  messe 
un  gentilhomme,  après  leur  avoir  donné 
l'accolade,  leur  donne  trois  coups  du  plat  de 
l'épée  sur  le  dos,  et  les  reçoit  ainsi  cheva- 
lières de  Saint-Georges.  Leur  habillement 
consiste  en  un  corps  de  jupe  blanc  avec  des 
bandes  de  velours  noir  par-devant,  des  man- 
ches de  toile  fort  amples,  un  autre  morceau 
de  loi  le  qu'elles  melte  ni  depuis  la  ceinture  jus- 
qu'à mi-jambes,  et  fait  en  façon  desurplis. Elles 
ont  par-dessus  un  manteau  noir  douhléd'hcr- 
minc.  Elles  ont  aussi  une  fourrure  de  petit- 
gris  au  bas  de  leur  jupe,  une  fraise  autour  du 
cou,  etlalête  couverte  d'un  voile  blanc,  de 
soie  (1).  L'abbesse  est  dame  de  Nivelle,  tant 
au  spirituel  qu'au  temporel.  Il  y  a  dans  le 
même  chapitre  des  chanoines  qui  font  leur  ser- 
vice dans  une  église  voisine,  el  en  certains 
jours  de  l'année  ils  viennent  dans  le  chœur 
des  chanoinesses,  où  ils  psalmodient  avec 
elles.  Dans  le  chapitre  l'abbesse  préside  aux 
chanoines  et  aux  chanoinesses,  et  ils  pour- 
v;iy  eut  tous  ensembleaux  bénéfices  vacants  par 
la  mort  ou  par  le  mariage  des  chanoinesses. 

Joan.  Mabill.  Annal,  ord.  S.  Bened.,  tom.  1. 
Yepez,  Chron.  nénéral.  de  l'ordre  de  Saint- 


1123 


NIV 


NIV 


11 20 


Benoit,  (ou).  II.  Modeste  do  Saint-Amable, 

Monarchie saintede  France  ;  cl  Bousaingaut, 
Voyage  des  Pays-Bas. 

Les  chanoinesses  de  Mons  reconnaissent 
sainte  Vaudru  pour  leur  fondatrice.  Elle 
était  fille  du  comte  Walbert,  prince  du  sang 
royal  de  France,  et  de  la  princesse  Bertille, 
cl  fut  mariée  au  comte  Madelgaire,  plus 
connu  sous  le  nom  de  saint  Vincent  des  Soi- 
gnics,  qui  se  sépara  d'elle  pour  se  faire  re- 
ligieux à  Aumonl-sur-Sambre.  La  sainte, 
après  cette  séparation,  demeura, encore  deux 
ou  trois  ans  dans  le  monde  ;  mais  ayant  pris 
la  résolution  d'y  renoncer,  elle  se  retira,  par 
l'avis  de  saint  Guilain,  son  directeur,  en  un 
endroit  solitaire  de  la  montagne  de  Caslril- 
loc.  Elle  fit  acheter  la  place  par  un  seigneur 
nommé  Hidulphe,  qui  est  aussi  honoré 
comme  saint,  et  qui  avait  épousé  sainte  Aïe, 
sa  parente.  Llle  le  pria  d'y  faire  préparer 
une  cabane  où  elle  pût  se  renfermer  pour 
servir  Dieu.  Hidulphe  fit  plus  qu'on  ne  lui 
avait  demandé;  il  bâtit  sur  la  place  qu'il 
avait  achetée  un  monastère  magnifique,  qui 
ne  convenait  point  à  la  pauvreté  que  sainio 
Vaudru  voulait  embrasser.  Elle  ne  voulut 
point  y  loger,  et  le  ciel  favorisant  son  incli- 
nation, il  arriva  peu  de  jours  après  qu'un 
vent  impétueux  renversa  ce  bâtiment.  Saint 
Hidulphe,  pour  se  conformer  au  désir  de  la 
sainte,  lui  bâtit  une  petite  cellule  avec  une 
chapelle,  où  elle  alla  demeurer  après  avoir 
reçu  le  voile  sacré  des  mains  de  saint  Au- 
b:rl,  évoque  de  Cambrai.  Plusieurs  femmes 
noliles  voulurent  se  mettre  sous  sa  conduite. 
Le  lieu  parut  trop  étroit  à  sainte  Aldegonde, 
sa  sœur,  pour  y  recevoir  les  personnes  qui 
se  présentaient  à  sainte  Vaudru;  c'est  pour- 
quoi elle  l'exhorta  de  venir  avec  ses  reli- 
gieuses dans  le  monastère  qu'elle  avait  fait 
bâtir  à  Maubeugc  ;  mais  Vaudru,  qui  n'ai- 
uwiit  que  la  pauvreté,  ne  voulut  pas  quitter 
sa  solitude,  qui  devint  en  si  grande  réputa- 
tion et  si  fréquentée,  qu'on  y  bâtit  une  ville 
considérable  qui  est  aujourd'hui  la  capitale 
du  Hainaul,  et  ce  pauvre  monastère  a  été 
changé  eu  un  riche  chapitre  de  chanoi- 
nesses. Sainte  Vaudru  mourut  l'an  G58,  et  se 
voyant  proche  de  sa  Gn.cn  présence  des  re- 
ligi  ux  et  des  religieuses  (car  ce  monastère 
était  double]  elle  nomma,  pour  lui  succéder, 
Ulfetrude,  sa  nièce,  qui  n'avait  que  vingt 
ans,  mais  qui  avait  toujours  été  élevée  sous 
ses  yeux  depuis  le  berceau. 

Les  comtes  deHainaut  prenaient  autrefois 
la  qualité  d'abbés  séculiers,  avoués,  gardes, 
juges,  protecteurs  et  défenseurs  tant  de  celte 
église  que  des  biens  qui  en  dépendaient, 
mettant  en  leur  place  pour  gouverner  les 
filles  une  abbesse  qui  avait  une  si  grande 
autorité  et  prééminence,  que  c'était  elle  qui 
recevait  et  mettait  en  possession  du  comté 
de  Hainaut  et  de  la  dignité  abbatiale  les  nou- 
veaux comtes.  Ils  faisaient  serment  de  main- 
tenir les  privilèges,  libertés,  exemptions  et 
possessions  de  cette  abbaye;  mais  elle  a 
perJu  depuis  plusieurs  terres  et  juridictions 

(I)  Vos,,  à  la  fin  du  vol.,  nos  "287,  288  et  289. 


qui  lui  ont  éié  olées.  (le  chapitre  csl  composé 
dej  trente  chanoinesses.  Il  y  a  aussi  eu  des 
chanoines  dans  cette  église,  mais  les  chanoi- 
nesses les  en  ont  chassés,  et  ils  n'y  font 
point  de  service,  si  ce  n'est  quelques  prières 
qu'ils  sont  obligés  d'y  venir  dire  tous  les  ans. 
Nous  donnons  ici  trois  différentes  figures  de 
l'habillement  de  ces  chanoinesses  (1):  la 
première  représente  l'habillement  qu'elles 
portent  pendant  la  première  année  de  leur 
réception;  la  seconde,  l'habillement  qu'e  les 
ont  pendant  la  seconde  année;  et  la  troi- 
sième, celui  qu'elles  portent  toujours  après 
ces  deux  premières  années,  pendant  les- 
quelles elles  sont  appelées  écolières.  Elles 
sont  obligées  de  faire  jurer  la  vérité  des 
preuves  de  leur  noblesse  par  deux  gentils- 
hommes ayant  l'epée  nue  à  la  main. 

Sainte  Aldegonde,  sœur  de  sainte  Vaudra, 
voulant  l'imiter  dans  le  renoncement  qu'elle 
avait  fait  au  monde,  et  éviter  les  poursuites 
d'un  seigneur  qui  la  recherchait  en  mariage, 
sortit  secrètement  du  château  de  Gourlsore, 
où  sa  mère,  qui  était  veuve,  demeurait,  et 
se  relira  dans  un  lieu  solitaire  appelé  Mel- 
boJe,  et  aujourd'hui  Maubeugc,  sur  la  Sam- 
bre,  où  elle  demeura  quelque  lemps  cachée. 
Elle  alla  trouver  ensuite  saint  Arnaud,  qui 
était  au  monastère  d'Aumont,  et  saint  Au- 
berl,  de  qui  elle  reçut  le  voile  de  religieuse 
et  l'haliil  monastique.  Etant  retournée  à 
Maubeuge,  elle  vendit  lout  ce  qu'elle  avait 
de  pierreries  et  de  joyaux,  et  en  distribua  le 
prix  à  diverses  églises  el  à  d'autres  lieux  do 
piété,  auxquels  elle  donna  les  biens  qu'elle 
avait  en  fonds  de  terre.  Elle  lit  bâtir  un  mo- 
nastère à  Maubeuge,  el  en  fit  consacrer  l'é- 
glise par  saint  Aubert,  sous  l'invocation  de 
la  sainte  Vierge.  Elle  y  assembla  un  grand 
nombre  de  vierges  et  y  mit  aussi  des  reli- 
gieux pour  leur  administrer  les  sacrements. 
Enfin,  après  avoir  gouverné  sa  communauté 
pendant  plusieurs  années,  elle  mourut  l'an 
083.  Celles  qui  sont  venues  après  elle  ont 
renoncé,  vers  le  douzième  siècle,  aux  vœux 
solennels  pour  se  séculariser  aussi  bien  que 
celles  de  Nivelle  el  de  Mous,  et  ont  formé  le 
chapitre  de  Maubeuge.  Ces  chanoinesses  ont 
le  gouvernement  de  la  ville  et  de  son  terri- 
toire, et  la  juridiction  soit  au  civil,  soit  au 
criminel.  Elles  faisaient  autrefois  baltre  tous 
les  ans  certaines  petites  monnaies  de  plomb 
appelées  Mites,  avec  l'effigie  de  sainte  Alde- 
gonde. Douze  de  ces  petites  pièces  reve- 
naient à  un  denier  ou  gros  de  Flandre,  et 
avaient  cours  dans  tout  le  Hainaul  jusqu'à 
Bruxelles.  Il  ne  suffit  pas,  pour  être  reçue 
chanoinesse  de  Maubeuge,  de  faire  preuve 
de  noblesse  de  seize  quartiers,  il  faut  que  la 
noblesse  soit  si  ancienne  qu'on  n'en  con- 
naisse pas  l'origine  :  l'habillement  que  ces 
chanoinesses  portent  présentement  est  peu 
ou  point  différent  de  celui  des  autres  chanoi- 
nesses de  Flandre.  Ainsi  nous  nous  conten- 
terons de  donner  ici  un  dessin  d'un  habil- 
lement que  portaient  autrefois  les  abbesses 
de  Maubeuge.  tel  qu'il  se   trouve  dans   un 


1127 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


IMS 


ancien  manuscrildel'aîibaye  dcSaint-Amand, 
qui  consis'ait  en  un  voile  blanc  obscur,  un 
manteau  violet  parsemé  de  fleurs,  une  robe 
rouge  boidéede  petit-gris,  tombant  jusqu'à 
mi-jambe,  sous  laquelle  il  y  en  avait  une 
autre  blanche,  qui  descendait  jusqu'aux  ta- 
lons (1).  l'our  ce  qui  regarde  le  manteau,  le 
P.  JMabillon  croit  que  les  fleurs  dont  il  e-t 
semé  sont  de  l'invention  du  peintre;  car  il 
dit  que  Ion  trouve  dans  un  autre  manuscrit 
du  commencement  du  onzième  siècle,  une 
autre  abbessequi  a  le  môme  habit  et  le  même 
manteau,  mais  sans  fleurs,  et  qu'elle  est  ac- 
compagnée d'une  religieuse  qui  n'a  pour  ha- 
billement qu'un  voile  et  une  coule  :  ce  qui 
confirme  que  ces  chanoinesses  ont  été  origi- 
nairement religieuses. 

Voyez  pour  M  on  s  et  Maubeuge,  Juan.  Ma- 
bill.,  Annal,  ord.  S.  Bttied.,  loin.  I.  Yèpes, 
Chroniij.  général,  de  l'ord.  de  Saint-Benoît, 
lom.  11.  Modeste  de  Saint-Amable,  Monar- 
chie sainte  de  France.  Bousingaul,  Voyage 
des  Pays-Bas;  et  Guichardin,  Iltst.  des  Pays- 
Bas. 

SainteBeghe,  qui  élait  aussi  sœurde  sainte 
Gerlrude.se  voyant  veuve  du  duc  Ausigilde, 
qui  avait  été  assassiné,  et  duquel  elle  avait 
eu  Pépin  Hérislal,  qui  fut  père  de  Charles 
Martel,  ne  voulut  point  écouler  les  proposi- 
tions qu'on  lui  fil  de  passer  à  de  secondes 
noces.  Elle  alla  à  Rome  et  obtint  du  pape 
Adéodat  des  reliques  de  quelques  saints, 
avec  un  morceau  de  la  vraie  croix,  des  pier- 
res teintes  du  sang  de  saint  Etienne,  et  une 
partie  des  chaînes  de  saint  Pierre.  Elle  fonda 
à  son  relour,  l'an  696,  le  monastère  d'An- 
denne,  situé  entre  Namur  et  Hui,  proche  la 
rivière  de  Meuse  ;  et  en  mémoire  des  sept 
principales  églises  de  Rome  qu'elle  avait  vi- 
sitées ,  elle  en  fit  bâtir  sept  à  Andenne,  dont 
la  principale  fut  dédiée  en  l'honneur  de  la 
sainte  Vierge,  et  les  six  autres  sous  l'invo- 
cation de  saint  Sauveur,  de  saint  Pierre,  de 
saint  Jean,  de  saint  Etienne,  de  saint  Michel 
et  de  saint  Lambert  ,  et  elle  partagea  à  ces 
églises  les  reliques  qu'elle  avait  apportées 
de  Rome.  Il  ne  lui  restait  plus  qu'à  peupler 
ce  monastère  de  religieuses  d'une  sainte  vie. 
11  ne  lui  en  parut  point  de  plus  parfaites  que 
celles  qui  avaient  été  formées  par  sa  sœur 
sainte  Gertrude.  Elle  fut  à  Nivelle  pour  ce 
suje1,  et  Agnès,  qui  en  élait  pour  lors  ab- 
besse,  lui  en  accorda  six,  et  pour  comble  de 
laveur  elle  lui  donna  des  livres  et  une  partie 
du  lit  de  sainte  Gertrude,  qui  attira  une  nou- 
velle bénedietionsurces  habilantsd'Andenne, 
en  faveur  desquels  Dieu  fit  plusieurs  mira- 
cles, tant  pour  manifester  la  sainteté  de  sa 
servante  que  pour  récompenser  la  dévotion 
de  ceux  qui  l'invoquaient  dans  leurs  besoins. 
Sainte  Beghe  en  fut  la  première  supérieure  : 
ses  religieuses  s'engagèrent  au  service  de 
Dieu  pour  toujours  et  par  une  stabilité  per- 
pétuelle,mais  elle  ne  les  gouverna  pas  long- 
temps, étant  morte  deux  ans  après.  Ce  mo- 
nasière  a  été  changé  en  un  chapitre  de  cha- 
noiuesses  qui  sont  au  nombre  de  trente,  et 

(l)  Voi/.,slafin  d'j  vol.,  n*  290. 


il  y  a  aussi  dix  chanoines  qui  leur  servent 
de  chapelains. Ces  chanoinesses  n'ont  jamais 
eu  d'abbesses  ;  les  comtes  de  Flandre  en  ont 
toujours  éié  les  abbés,  et  en  cette  qualité  ils 
disposent  des  prébendes  lorsqu'elles  vaquent. 
Les  principales  dignités  de  ce  chapitre  sont 
celles  de  prévote  ,  de  doyenne,  d'escolàtre 
et  de  chantre.  Elles  ont  la  collation  de  plu- 
sieurs bénéfices  et  cures.  Ces  chanoinesses 
portent  un  surplis  étant  au  chœur,  a»ec  un 
long  manteau  noir  doublé  d'hermine. 

Joan.  Mabillon  ,  Annal,  ord.  S.  Benecl., 
tom.  I.  Pelr.  Coëns,  Disquisit.  Historié,  de 
origine  Beghinarum  Betgii.  Modeste  de  Sainl- 
Amable,  Monarchie  sainte  de  France. 

Le  chapitre  des  chanoinesses  de  Munstcr- 
Belise,  au  diocèse  de  Liège,  a  été  aussi  dans 
son  origine  un  mouasière  de  religieuses  bâti 
par  sainte  Laudradc.  Elle  était  nièce  ou  pe- 
tite-fille de  saint  Arnould  de  Metz,  et,  selon 
quelques-uns,  fille  d'Ansigilde  et  de  sainte 
Beghe,  et  sœur  de  Pépin  Héristal.  Ayant 
passé  ses  premières  années  avec  beaucoup 
de  piété,  ses  parents  la  voulurent  marier; 
mais  elle  leur  déclara  qu'elle  voulait  rester 
vierge. C'est  pourquoi  ils  lui  donnèrent  toute 
la  liberté  qu'elle  souhaitait  pour  se  consa- 
crer plus  parfaitement  au  service  de  Dieu. 
Elle  se  fit  accommoder  une  petite  cellule,  et 
mena  une  vie  pénitente  et  solitaire,  sans 
quitter  encore  sa  famille  ;  elle  se  revêlit  d'un 
cilice,  et  par-dessus  d'un  habit  fort  simple 
et  semblable  à  celui  des  servantes.  Son 
amour  pour  la  contemplation  la  pressait  fort 
de  se  retirer  dans  le  désert;  mais  elle  était 
retenue  par  la  considération  de  sa  jeunesse 
et  par  la  crainle  d'abandonner  des  pauvres 
qu'elle  assistait.  Quand  elle  fut  plus  âgée, 
elle  se  retira  dans  un  bois  qui  était  si  affreux 
par  la  multitude  de  bétes  farouches  dont  il 
était  rempli,  qu'on  l'appelait  Bellua,  ou  Be~ 
traite  ds  bétes.  Après  la  vision  d'une  croix 
éclatante  qui  lui  apparut  dans  ce  bois,  elle 
y  fit  bâtir  une  église  qui  fut  dédiée  par  saint 
Lambert,  évéqure  de  Maëstricht.  Plusieurs 
filles  et  veuves  se  rendirent  auprès  de  la 
sainte  pour  imiter  ses  vertus,  et  travailler  à 
leur  salut  sous  sa  direction.  Telle  fut  l'ori- 
gine du  monastère  de  Bélise,qui  prit  ce  nom 
après  avoir  quille  celui  de  Bellua  ou  Belraile 
des  bétes,  qu'il  portait  auparavant,  et  l'on  a 
bâti  une  petite  ville  du  même  nom  à  un  quart 
de  lieue  de  ce  monastère.  La  mort  de  cette 
sainte  fondatrice  arriva  vers  l'an  690  ou  691, 
et  ce  monastère  a  été  changé  en  une  commu- 
nauté de  filles  nobles,  qui  ont  renoncé  aux 
vœux  solennels,  pour  se  marier  quand  b<>n 
leur  semble,  à  l'exemple  des  autres  chanoi- 
nesses. L'on  voit  dans  ceUe  abbaye  une  li- 
corne qui  a  six  pieds  cl  demi  de  long  :  on 
tient  qu'elle  y  a  élé  apportée  par  une  fille 
d'un  duc  de  Bretagne,  qui  se  fil  chanoinesse 
en  ce  lieu,  el  qu'à  cause  d'elle  celte  abbaye 
fut  nommée  i' Abbaye  de  Saint-Amour. 

Modeste  de  Saint-Amable, Monarchie  sainti 
de  France;  el  Thomas  Corneille,  Dicl.  géo~ 
graph 


1129 


NOF.U 


NOEU 


U30 


Le  bourg  de  Duonening  ou  Duhcns,  qu'on 
nomme  présentement  Demain,  et  qui  est  sur 
le  chemin  de  Valenciennes  à  Douai,  est  re- 
commandablc  par  une  abbaye  de  chanoines- 
ses  séculières,  que  les  Bénédictins  mettent 
encore  au  nombre  de  celles  qui  étaient  au- 
trefois de  leur  ordre  avant  qu'elles  se  fussent 
sécularisées.  Elle  fut  fondée  par  saint  Adel- 
bert,  comte  d'Estrevan.  et  sa  femme  sainte 
Reine,  nièce  du  roi  Pépin,  vers  l'an  7G4-,  se- 
lon la  plus  commune  opinion,  et,  selon  d'au- 
tres, l'an  750.  Ils  donnèrent  tous  leurs  biens 
à  dix  filles  qu'ils  avaient  eues  de  leur  ma- 
riage; cl  l'aînée,  nommée  Rainfrède,  fut  la 
première  abbesse  de  ce  monastère,  où  ses 
sœurs  firent  vœu  avec  elle  de  chasteté,  et 
ont  toutes  mérité,  par  leur  vie  exemplaire  et 
leurs  grandes  vertus,  d'être  révérées  comme 
saintes.  Après  la  mort  de  saint  Adelberl, 
sainte  Heine,  n'ayant  plus  rien  qui  la  retînt 
dans  le  monde,  se  relira  avec  ses  filles  dans 
le  monastère  de  Denain,  cl  soit  à  cause  qu'elle 
en  est  la  fondatrice,  ou  qu'elle  en  ait  été  vé- 
ritablement abbesse,  les  peintres  ont  accou- 
tumé de  la  représenter  avec  un  voile  blanc 
sur  la  télé  et  une  crosse  à  la  main.  Baudery, 
évoque  de  Noyon,  qui  vivait  au  commence- 
ment du  douzième  siècle,  et  qui  a  écrit  la 
chronique  des  évêques  d'Arras  et  de  Cam- 
brai, parlant  de  celle  abbaye,  dit  qu'elle  fut 
fondée  par  sainte  Hainfrède,  qui  en  fut  ab- 
besse ;  que  quelque  temps  après  ce  monas- 
tère déchut  beaucoup  de  sa  splendeur,  et 
tomba  entre  les  mains  de  certains  chanoines; 
mais  que  le  comte  Baudouin,  par  les  sollici- 
tations de  l'évêque  Gérard  et  de  Leduin, 
abbé  de  Saint-Waast,  le  rétablit  dans  son 
premier  étal,  y  faisant  revivre  la  discipline 
régulière  sous  la  lègle  de  saint  Benoît  et  la 
conduite  de  l'abbesse  Ermentrude. 

Ces  chanoinesses  étaient  autrefois  dames 
du  comté  d'Ostrevan  ;  mais  la  souveraineté 
de  ce  comté  étant  venue  au  roi  comme  comte 
de  Hainaut,  les  chanoinesses  ont  seulement 
conservé  le  litre  de  comtesses  d'Ostrevan. 
Ce  chapitre  est  composé  de  dix-huit  chanoi- 
nesses, qui  doivent  faire  preuves  de  noblesse 
de  huit  quartiers.  Leur  habit  est  assez  sem- 
blable à  celui  des  chanoinesses  de  Nivelle,  à 
l'exception  qu'elles  n'ont  point  de  fraise,  et 
qu'elles  ont  seulement  un  mouchoir  de  cou 
attaché  avec  trois  rubans  noirs  (1)  :  elles  ont 
aussi  à  leurs  corps  de  jupes  quelques  bandes 
de  velours  noir  de  plus  que  celles  de  Nivelle; 
et  quand  elles  sont  hors  du  chœur,  elles 
mettent  par-dessus  leurs  habits  un  ruban  noir 
brodé  d'or,  auquel  est  attachée  une  médaille 
d'or  avec  l'image  de  sainte  Hainfrède,  qui  est 
reconnue  pour  patronne  de  celle  abbaye. 

Joan.  Mabill.,  Annal,  ord.  S.  Bened.  Mo- 
deste de  Saint-Amable,  Monarchie  sainte  de 
France  ;el  Thomas  Corneille,  Diction,  géo- 
graphique. 

NOBLE-MAISON  (  Chevaliers  de  la  ). 
Voyez  Etoile. 

NOEUD  (Chevaliers  du),   ou  du  Saint-Es- 
prit au  droit-désir,  au  royaume  de  Naples. 
Robert  le  Bon  et  le  Sage,  roi  de  Naples,  qui 
(t)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n*  291. 
Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  Il, 


était  de  la  maison  d'Anjou,  ayant  perdu 
Charles  de  Sicile,  son  fils  unique,  voulut  don- 
ner un  mari  aussi  de  la  maison  d'Anjou  à 
Jeanne,  tille  aînée  du  même  Charles.  Dans 
cette  vue  il  lit  venir  à  Naples,  l'an  1333, 
Charles  II .  roi  de  Hongrie,  son  neveu,  et  An- 
dré, fils  puîné  de  ce  prince,  qui  fut  fiancé, 
le  18  septembre,  avec  Jeanne,  sa  cousine 
issue  de  germain.  Cette  princesse  était  pour 
lors  dans  la  neuvième  année  de  son  âge; 
André  en  avait  sept.  Mais  ce  mariage  ne  fut 
point  heureux,  les  inclinations  de  ces  deux 
époux  ne  s'accordant  point.  Le  roi  Robert 
avait  lâché  de  leur  inspirer  des  sentiments 
d'union,  el  il  avait  par  sa  prudence  contre- 
balancé les  divers  mouvements  de  ces  deux 
esprits.  Mais  après  sa  mort,  qui  arriva  l'an 
134-3,  ils  ne  gardèrent  plus  de  mesures  ; 
Jeanne  ne  voulait  point  qu'André  prît  la  qua- 
lité de  roi  ;  et  ces  contestations  durèrent  jus- 
qu'à ce  qu'Elisabeth,  reine  de  Hongrie,  ayant 
fait  un  voyagea  Naples,  persuada  à  Jeanne, 
qui  était  sa  belle-fille,  de  se  faire  couronner 
avec  André  son  mari.  Cette  cérémonie  se  fit 
avec  beaucoup  de  magnificence,  en  présence 
de  quatre  cardinaux  que  le  pape  Clément  VI 
envoya  à  Naples.  Cela  ne  réunit  pas  néan- 
moins ces  deux  esprits;  le  malheureux  An- 
dré fut  étranglé  dans  la  ville  d'Aversa  l'an 
1345,  et  la  reine  fut  soupçonnée  d'avoir  don- 
né son  consentement  à  ce  meurtre. 

Cette  princesse  épousa,  l'année  suivante, 
en  secondes  noces,  Louis  de  Tarente,  qui 
était  aussi  son  cousin;  mais  Louis,  roi  de 
Hongrie,  ayant  passéen  Italie  avec  une  puis- 
sante armée,  pour  venger  la  mort  d'André, 
etks'étant  emparé  de  la  ville  de  Naples,  Louis 
de  Tarente  el  sa  femme  furent  obligés  de  se 
réfugier  en  Provence,  qui  appartenait  aussi 
à  cetle  princesse,  et  ils  ne  retournèrent  à 
Naples  que  l'an  1352,  après  avoir  conclu  la 
paix  avec  le  roi  de  Hongrie,  par  l'entremise 
du  pape.  Ce  fut  pour  lors  que  Louis  de  Ta- 
rente, en  mémoire  de  ce  qu'il  avait  été  cou- 
ronné roi  de  Jérusalem  el  de  Sicile  le  jour 
de  la  Pentecôte,  institua  un  ordre  militaire 
sous  le  nom  du  Siint-Esprit  au  droit-désir, 
plus  communément  connu  sous  le  nom  de 
l'ordre  du  Nœud,  à  cause  que  les  chevaliers 
portaient  pour  marque  de  leur  ordre  un 
nœud  en  forme  de  lacs  d'amour,  ce  prince 
ayant  voulu  exprimer  par  ce  nœud,  comme 
disent  quelques  auteurs,  l'attachement  que 
les  sujets  devaient  avoir  pour  leur  prince,  et 
réciproquement  le  prince  pour  ses  sujets. 
Cependant  le  véritable  nom  de  cet  ordre  était 
celui  du  Saint-Esprit  au  droit-désir,  comme 
il  paraît  par  les  statuts  qui  furent  dressés 
par  l'instituteur,  et  qui  commencent  ainsi: 
Ce  sont  les  chapitres  faits  el  trouvés  par  le 
très  excellent  prince  monseigneur  le  royLoys, 
par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  Jérusalem  et  de 
Sicile,  aile  onneur  du  Saint-Esprit,  trou- 
veur  et  fondeur  de  la  très  noble  compagnie  du 
Saint-Esprit  au  droit-desir,  commencée  le 
jour  de  la  fenlhecoste  l'an  degraceM.CCCI.il . 
Nous  Loys  par  la  grâce  de  Dieu  roi  de  Jéru- 
salem et  de  Sicile,  aile  onneur  du  Saint-Es- 


m 


iisi 


DICTIONNAIRE  DES  OUVRES  RELIGIEUX. 


1132 


prit,  lequel  jour  par  sa  grâce  nous  (usines 
couronnez  de  nos  royaumes,  en  essoucement 
et  acroissement  d'onneur,  avons  ordonné  de 
faire  une  Compagnie  de  Chevaliers  qui  seront 
appeliez  les  Chevaliers  du  Saint-Esprit  au 
droit-desir,  et  les  d.  Chevaliers  seront  en 
nombre  de  trois  cent;  desquels  nous  comme 
trouveur  et  fondeur  de  cette  compagnie,  se- 
ront princeps:  et  aussi  doivent  être  tous  nos 
successeurs  raiys  de  Jérusalem  et  de  Sicile.  Et 
à  tous  ceux  que  nous  avons  es! us  et  esliront  à 
eslre  de  la  dite  compagnie,  faisons  <)  scavoir, 
que  nous  pensons  à  faire,  se  Oieu  plaît,  la 
première  (este  au  chaslél  de  V Eu f  enchanté  du 
merveilleux  péril,  le  jour  de  la  Pcuthecoste 
prochaine  venant,  et  pour  ce  tous  1rs  dessus 
dits  compagnons  qui  bonnement  pourront, 
soient  audit  jour,  audit  lieu,  en  telle  manière 
comme  cy  après  sera  devisé:  et  a  doneques 
sera  plus  a  pluin  à  tous  les  compagnons  parlé 
de  cette  matierre. 

Premièrement  ils  devaient  jurer  qu'ils  don- 
neraient aide  et  secours  à  ce  prince  de  tout 
leur  pouvoir,  soit  à  la  guerre,  soit  en  toutes 
autres  occasions.  Tous  les  chevaliers  de- 
vaient porter  un  nœud  de  telle  couleur  qu'ils 
voulaient  sur  leurs  habits,  en  un  endroit  où 
il  pût  être  vu,  et  dessus  ou  dessous  le  nœû'l 
ils  devaient  mettre  ces  paroles:  se  Dieu  plaît. 
Le  vendredi  ils  devaient  porter  un  chaperon 
noir  avec  un  nœud  de  soie  blanche  sans  or, 
argent  ni  perles.  Si  un  chevalier,  s'étanl 
trouvé  dans  quelque  action,  avait  été  blessé 
ou  avait  blessé  son  ennemi,  et  qu'il  eût  rem- 
porté l'avantage,  il  devait  porter  dès  ce  jour- 
là  son  nœud  délié,  jusqu'à  ce  qu'il  eut  été 
au  saïnt  sépulcre.  Son  nom  devait  être  écrit 
sur  le  nœud,  qu'il  devait  porter  ensuite  lié 
comme  auparavant  avec  ces  paroles,  il  a 
pieu  à  Dieu,  et  dessus  le  nœud  un  ray  ardent 
du  Saint-Esprit;  ce  qui  était  apparemment 
une  de  ces  flammes  eu  forme  de  langue  de 
feu  sous  la  Ggure  desquelles  le  Saint-Esprit 
descendit  sur  les  apôtres  dans  le  cénacle. 
Ils  devaient  porter  aussi  une  épée,  sous  le 
pommeau  de  laquelle  leurs  nom  et  surnom 
étaient  écrits  avec  ces  paroles  :  se  Dieu  plaist. 
Ils  jeûnaient  tous  les  vendredis  de  l'année, 
ou  bien  il  leur  était  libre  de  donner  ce  jour- 
là  à  manger  à  trois  pauvres  en  l'honneur  de 
Dieu  et  du  Saint-Esprit. 

Tous  les  ans  ils  se  trouvaient  à  Naples  le 
jour  de  la  Pentecôte,  au  château  de  l'OEuf, 
et  comme  les  étrangers  et  ceux  qui  éiaient 
de  pays  éloignés  étaient  obligés  de  faire  des 
dépenses  pour  leur  voyage,  le  roi  les  rem- 
boursait des  frais  qu'ils  avaient  faits.  Ils 
avaient  dans  cette  assemblée  des  habits 
blancs.  Ils  y  devaient  porter  par  écrit  tous 
les  faits  d'armes  qu'ils  nvaientaccomplis  dans 
l'année,  et  ceux  que  l'on  trouvait  les  plus 
considérables  étaient  écrits  dans  u:i  livre 
qu'on  appelait  le  livre  des  menements  aux 
chevaliers  de  lu  Compagnie  du  Saint-Esprit 
au  droit-desir.  Si  quelque  chevalier  avait 
fait  une  action  indigne,  il  devait  se  trouver  à 
pareil  jour  au  château  de  l'OEuf,  vêtu  de  noir 
avec  une  flamme  sur  le  cœur  et  ces  mots  en 
gros  caractères:  J'ai  espérance  au  Saint-Es- 


prit de  ma  grande  honte  amender,  il  ne  man- 
geait point  ce  jour-là  avec  les  chevaliers, 
mais  seul  au  milieu  de  la  salle  où  le  prince 
et  les  aulres  chevaliers  mangeaient:  ce  qui 
durait  jusqu'à  ce  que  le  prince  avec  son  con- 
seil l'eût  rétabli  en  son  honneur.  Il  y  av  it 
aussi  dans  le  môme  château  une  table  que 
l'on  appelail  la  table  désirée,  où  mangeaien!, 
le  jour  de  la  Pentecôte,  tous  h  s  chevalins 
qui  pendant  l'amiéc  avaient  délié  ie  ne  m!. 
Ceux  qui  avaient  fait  les  plus  belles  actions 
étaient  assis  à  la  place  la  plus  honorable  de 
la  table;  et  s'il  y  en  avait  quelqu'un  qui  por- 
tât son  nœud  relié  avec  une  flamme,  on  lui 
mettait  snr  la  tête  une  couronne  de  laurier. 
La  fêle  étant  finie,  on  tenait  un  chapitre 
dans  lequel  il  était  permis  de  retrancher  ou 
d'ajouter  aux  statuts  ce  que  l'on  crov.it 
plus  convenable  pour  l'honneur  et  l'avance- 
ment de  l'ordre.  Un  chevalier  qui  avait  dé- 
jà reçu  quelque  ordre  avant  que  d'être  admis 
dans  celui  du  Saint-Esprit  au  droit-désir, 
di  vait  le  quitter,  0'i  ne  le  pouvant  pas  faire 
honnêtement,  celui  du  Saint-Esprit  devait 
êlre  le  premier,  et  dans  la  suite  il  n'en  de- 
vait recevoir  aucun  sans  la  p'e'rtbis'sidn  d:i 
prince;  mais  on  ne  devait  pas  la  lui  deman- 
der qu'on  n'eût  porté  le  nœud  relié  avec  la 
flamme.  Après  la  mort  d'un  chevalier  les  pa- 
rents étaient  obligés  de  porter  son  épée  au 
piinee,  qui,  après  l'avoir  reçue,  faisa-l  dire, 
huit  jours  après,  un  office  solennel  pour  le 
repos  de  l'âme  du  chevalier  décédé.  Tous  les 
aulres  y  assistaient.  Le  plus  proche  parent 
ou  un  ami  du  défunt  prenait  son  épée  par  la 
pointe  et  l'offrait  sur  l'autel,  étant  suivi  du 
prince  et  des  autres  chevaliers  qui  accom- 
pagnaient Celle  épée  jusqu'à  l'autel,  ils  se 
mettaient  ensuite  à  genoux,  priant  Dieu  pour 
Pâme  du  chevalier  décé.ié,  et  après  le  ser- 
vice on  attachait  cette  épée  à  la  muraille  de 
la  chapelle:  on  devait  mettre  dans  l'espace 
de  trois  mois  une  pierre  de  marbre  où 
éiaient  marqués  le  nom  du  chevalier,  le  lieu 
et  le  jour  de  sa  mort.  S'il  avait  porté  la 
flamme  sur  le  nœud,  on  ajoutait  sur  cette 
pierre  de  marbre  une  flamme  d'où  sortaient 
ces  paroles:  Il  acheva  sa  partie  du  droit-de- 
sir, et  chaque  chevalier  était  encore  obligé 
de  faire  dire  sept  messes  puur  le  repos  de 
son  àme. 

Telles  étaient  les  principales  obligations 
des  chevaliers  de  l'ordre  du  Saint-Esprit 
;.u  droit-désir,  prescrites  par  leurs  statuts 
qui  contenaient  vingt-trois  chapitres,  ai  x- 
quels  on  ajouta  cet  autre  l'an  1353,  qui 
marquait  aux  chevaliers  en  quelles  occa- 
sions ils  pouvaient  délier  le  nœud  :  Item, 
il  est  déclaré  par  ce  dernier  chapitre  ajouté 
en  la  première  feste  passée  de  tu  Pentccosle 
l'an  de  grâce  1353,  que  nul  compagnon  du- 
dit  ordre  n'en  peusse  délier  le  neu ,  sinon 
pour  la  manière  qui  s'ensuit:  c'est  à  sca- 
voir que  se  aucun  des  compagnons  dell'ordre 
se  trouvera  en  aucun  fait  d'armes  la  oy,  le 
nombre  de  ses  cr.nem's  seront  cinquante  bar- 
bus ou  autres  et  la  part  du  Chevalier  dell- 
ordre  n'en  s'estenilit  plus  que  le  nombre 
de  ses  adverstrires,  se  ledit  Chevalier  se  pou<- 


H53 


NOI 


NOI 


MU 


voit  pour  son  honneur  tant  avàncier  qu'il 
put  entre  le  premier  à  ferir  et  envayr  les 
ennemis ,  ou  se  il  pvutoiï  jlrtûdr'e  le  ca- 
pitaine do  ses  (nuemis  ,  et  la  /  n  de  la  ba- 
sera honorable  pour  la  paît  dudil 
Cheviller  ddi  ordre  ;  il  pue  t  deli  r  le  ,-cu. 
I  m  se  aucuns  desd.  compagnon:  dill'or- 
<lre  se  troucoient  en  aucuns  fait*  d'à:  mes  la 
ou  te  nombre  de  leu  s  ennemis  fussent  trois 
cent  barbus  ou  j  lus.  el  ta  part  des  Cheva- 
liers deii'ontr-  non  s'eslcndit  outre  le  nom- 
bre des  ennemis  ,  et  les  Chevaliers  ou  Che- 
r  dlt'ordre  fussent  les  pt'emiers  fereous 
en  la  bataille  ou  eschielle  des  ennemis,  et 
que  la  j  n  ''e  la  bataille  sera  honorable  pour  la 
part  desuils  compagnons  del, 'ordre  :  eux  po- 
veni  ile-h  r  le  neu  en  la  tna,  iere  susdite  si 
notoirement  que  chacun  soi!  ler.u  monsïrër 
au  prince,  et  à  son  c<nseil ,  de  son  6i  r 
fait  vmij  s  eus  i  n  -. 

Louis  de  Taré  fi  te  n'ayant  point  eu  d'en- 
fants, cet  ordre  fut  aboli  après  sa  mort 
par  les  désordres  et  les  révolulio  s  qui 
arrivèrent  au  royaume  de  Naples.  L'on 
aurait  ignoré  les  s'alu's  que  re  prince 
av;iil  pnsciit<  aux  chevaliers  de  cet  cr- 
o're  ,  si  l'original  n'élait  tombé  au  pou- 
voir de  la  tépnbliquc  de  Venise ,  qui  en 
Gt  présent  à  Henri  III,  r<  i  de  France  et 
de  Pologne,  lorsqu'il  passa  à  Venise  à  son 
retour  de  Pologne.  M.  Le  Laboureur  les 
a  fait  impiimer  dans  ses  additions  aux 
Mémoires  de  M.  de  Castelnau.  La  mé- 
ruoiie  de  cet  ordre  s'est  I  ujours  conservée 
à  Naples  par  le  moyen  des  armes  et  des 
tombeaux  de  plusieurs  de  ces  chevaliers, 
que  l'on  voit  en  différents  endroits  de  celte 
ville,  et  pailiculièremeut  dans  l'église  ca- 
thédrale, où  e>t  le  tombeau  de  Colluiio 
ftozzulo,  qui  avait  délié  le  nœud  et  l'avait 
relie  à  Jérusalem  ,  comme  il  paraît  par 
l'épi  la  phe  de  re  chevalier,  au  bas  de  d  Ile 
de  sou  |'ère  ,  qui  éiait  chevalier  de  l'or- 
dre ce  I  Etoile.  Hic  jactt  strenuus  miles  Col- 
Huzztdus.  ftlius  ejus.  qui  fuit  de  soci  - 
la'.c  Sodi,  illuslris  Lv.do-  ici ,  régis  Siciliœ  , 
quer.  ttffdltm  in  enn  paît  bello  victoriose  dis- 
solvii ,  et  diction  nodrm  rdigavl  in  Jéru- 
salem; tjtii  ubi  t  ann.  Domini  M.  CCC.  LXX, 
die    VI II   Seplembris ,   IX   i  ulictione. 

Cet  o.dre  était  aussi  sous  la  proleclion 
de  saint  Nicolas,  évèque  de  Mire;  et  snr 
le  tombeau  de  Robert  de  "urgenza,  qui 
est  dans  l'église  de  Sainte-Ciaire  à  Naples, 
l'on  voit  les  armes  de  ce  chevalier  du  Nœud 
entourées  d'un  ruban  au  haut  duquel  il 
y  a  le  nœud  de  l'ordre  et  au  bas  l'image 
de  saint  Nicolas.  Les  d  fférents  habillements 
de  ces  chevaliers  (1)  que  nous  donnons 
ici,  sont,  tires  de  la  bibliothèque  du  roi, 
où   iis    sont    représentés   en    miniature. 

Bernard  Gïusliniàni  ,  Hist.  di  tutti  gli 
Ord.  militari.  Schoonebeck,  Hist.  des  Or- 
dres militaires;  el  Le  Laboureur,  Mémoires 
de   Caslelnau,    tom.   H,  pag.   895. 

NOIRES  (Sozlrs).   Voyez  Ci:llites. 
NOLI  (Cuanoinesses  de),  dans  l'Elut  de  67e'- 
•(i)  Vûij.,  a  la  lin  du  vol  ,  u  -  2  -,  -03  el 


nés,  et  autres  communaule's  de  filles  sou- 
mises à  l'ordre  de  Saint- François. 

Nicolas  des  Ursins  ,  comte  de  Soleto,  ne  se 
contenta  pas  de  faire  réparer,  l'an  t.'i.Y:  .  le 
monastère  de-  religieuses  de  Sainte-Claire  à 
Noli  ,  dans  l'Ktat  Ac  Gênes,  sous  le  titre  de 
S,.ml-Jac  ;aes  •.  mais  par  une  piété  antant 
particulière  que  sainte  ,  il  y  fonda  n  i  :  s  s  i  un 
collège  de  chftD.oiifrèss'es,  auxquelles  il  donna 
le  si  in  d'y  él  ver  de  je.  nés  Allés  dans  la 
I  été,  jusqu'à  ce  qu'elles  fussent  en  àse  d'em- 
r  un  état.  Ce  fondateur  leur  pescri- 
\il  ine  manière  de  vie  par  des  constitutions 
qu'il  dressa,  el  qui  coi  tenaient  quarante  et 
dm  chapitres,  dont  le  cinquième  fait  mention 
d'i  ne  bulle  de  Bonifac  VIII  ,  qui  approuva 
celte  société,  il  divisa  celte  communauté  en 
Irois  classes  :  la  première  fut  rie  chanoinrs- 
ses  (iesl  nées  au  service  divin  ;  la  seconde  fut 
de  filles  séculières  ,  et  la  troisième  de  sœurs 
c  i. verses,  destinées  au  service  des  autres.  Il 
commit  ;  ux  premières  l'éducation  des  filles 
séculières,  jusqu'à  ce  qu'elles  eussent  fait  le 
choix,  ou  de  tester  dans  celte  maison  en  y 
gardant  la  clôture,  ou  de  se  faire  religieuses 
Cla.  issesdans  le  monastère  de  Saint-Jacques, 
ou  d  se  marier.  Ces  chanoinesses  devaient 
réciier  l'office  selon  le  bréviaire  des  Frères 
Mineurs,  solenniscr  toutes  les  fè  es  dessaints 
de  cet  ordre  ,  dont  elles  devaient  avoir  tou- 
jours un  religieux  pour  confesseur.  Leur  ha- 
bit était  aussi  en  quelque  façon  semblable  à 
celui  des  religieuses  de  Sainte-Claire,  n'eu 
étant  distinguées  que  |  ar  un  surplis  qu'elles 
portaient  sur  une  robe  grise,  liée  d'une  corde 
blanche;  et  elles  avaient  pour  chaussure  des 
socques  ou  sandalt  s  de  bois.  Les  filles  sécu- 
lières et  les  sœurs  converses  destinées  pour 
le  service  de  la  maison  ,  avaient  aussi  une 
rohe  grise  avec  un  manteau  de  même  (2); 
lés  sœurs  converses  devaient  réciter  pour 
.  e  aulant  de  Pater  et  d'.-Irc  que  saint 
François  en  a  ordonné  par  sa  règle  pour 
les  frères  lais  de  son  ordre.  Cette  maison 
el  le  monastère  de  Saint-Jacques  ont  été  sou- 
mis d  ns  la  suile  à  la  juridiction  rie  l'évêqué 
de  Noli  ;  mais  les  chanoinesses  el  h  s  reli- 
gieu-es  Clirisses  ne  quittèrent  poinl  le  bré- 
viaire, l'habit  ,  ni  la  direction  des  religieux 
de  Saint-François. 

Luc  Wad.ng!  Annal.  Minor.  lom.  VIII,  ad- 
dit.  ad  ls  m.  IV,  n.  3. 

Entre  les  monuments  de  pic'é  qui  ont  élé 
érigés  en  Esp  gne  par  les  soins  el  les  libé- 
ralités du  cardinal  Ximenès,  archevêque  de 
Tolède,  et  les  religieux  de  l'crdre  de  Saint- 
François  ,  il  y  a  di  u\  monastères  de  reli- 
gieuses du  tiers  ordre  du  même  saint  Fran- 
çois, lous  deux  seus  le  titre  de  Saint-Jean  de 
la  Pénitence.  Le  premier  fui  fondé  à  Alcà'Ia 
par  ce  cardinal,  l'an  loOï,  pour  trente-trois 
religieuses  ,  dont  le  noml  re  ne  peut  être 
augmenté  ,  et  il  y  joignit  une  communauté 
de  p.T.iv;  es  dem.  iseiles  ,  sous  le  nom  de1 
S.trtoè-EliSabclh,  qui  devaie-  t  être  soumises 
à  la  coYr'dml'é  d'  r 's  religieuses; ,  jusqu'à  ce 
qu'elles    fussent   iii   étal   d'eue   i.:;  r  é.s    ou 

(S)  Vcj.,  .,  n  J  '-  o  el  -J  . 


H5B 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1150 


d'être  religieuses,  avec  ordre  que  si  elles  fai- 
saient choix  de  la  vie  religieuse,  le  monas- 
tère serait  obligé  de  les  recevoir  ;  et  que  si 
elles  voulaient  se  marier  ,  il  fournirait  leur 
dol,  ayant  laissé  pour  cet  effet  des  fonds 
suffisants. 

Cette  fondation  ayant  réussi,  il  en  Gt  une 
semblable  à  Tolède  ,  où  il  Ht  bâtir,  en  1511, 
un  monastère  sous  le  même  titre  de  Sainl- 
Jean  de  la  Pénitence,  dans  lequel  il  y  a  ordi- 
nairement plus  de  quatre-vingts  religieuses 
qui  font  profession,  comme  celles  d'Alcala,  de 
la  troisième  règle  de  saint  François  ;  et  pro- 
che ce  monastère  il  fonda  aussi  une  commu- 
nauté de  deux  cents  jeunes  demoiselles,  qu'il 
mit  sous  la  conduite  de  quelques-unes  de 
ces  religieuses.  Le  pape  Léon  X  lui  accorda 
un  bref  pour  cet  effet  en  1511,  par  lequel  il 
lui  permit  qu'outre  les  rentes  ei  les  revenus 
considérables  qu'il  affectait  à  cette  maison  , 
il  y  pût  unir  deux  ou  trois  bénéfices  et  même 
davantage,  soit  qu'ils  fussent  simples  ou  a 
charge  d'âmes  ;  et  cela  non-seulement  pour 
l'entretien  des  religieuses  et  des  jeunes  de- 
moiselles, mais  pour  aider  à  marier  ces  der- 
nières après  qu'elles  auraient  demeuré  six 
ans  dans  la  communauté,  ou  pour  servir  de 
dot  à  celles  qui  voudraient  être  religieuses 
dans  le  monastère.  Philippe  11,  roid'Espagne, 
augmenta  de  quarante  le  nombre  de  ces  de- 
moiselles ,  voulant  que  ces  quarante  places 
fussent  remplies  par  les  filles  de  ses  officiers 
du  second  rang,  ayant  assigné  pour  chacune 
de  ces  demoiselles  cinq  cents  écus  d'or,  soit 
pour  être  religieuses,  soit  pour  être  mariées. 
Cette  communauté  de  jeunes  filles  subsiste 
encore  ;  mais  celle  d'Alcala  fut  transférée 
dans  la  suite  à  Madrid,  et  fut  mise  sous  la  di- 
rection des  Augustines  Déchaussées  du  mo- 
nastère de  Sainle-Elisabeth  ,  et  soumise  à  la 
juridiction  du  grand  aumônier. 

Luc  Wading,  Annal.  Minor.  tom.  VIII,  ad 
ami.  1501,  n,  58;   et  Mémoires  manuscrits. 

A  l'imitation  du  cardinal  Ximenès,  Ferdi- 
nand de  Silva  ,  comte  de  Cifuentes  ,  fonda 
dans  sa  ville  de  Cifuentes,  l'an  1525,  un  cou- 
vent de  religieuses  du  tiers  ordre  de  Saint- 
François,  sous  le  nom  de  Notre-Dame  de 
Bethléem,  pour  les  demoiselles  et  suivantes 
d-e  sa  femme,  qui,  étant  demeurées  sans  maî- 
tresse par  la  mort  de  cette  dame,  témoignè- 
rent à  ce  comte  qu'elles  voulaient  se  consa- 
crer à  Dieu.  H  fit  venir  pour  cet  effet  des  re- 
ligieuses du  monastère  de  Saint-Jean  de  la 
Pénitence  de  Tolède,  qui  demeurèrent  avec 
les  nouvelles  religieuses,  jusqu'à  ce  que  leur 
monastère  fût  achevé  ,  dont  elles  ne  prirent 
possession  que  l'an  1526.  A  côté  de  ce  mo- 
nastère (n'y  ayant  qu'un  mur  de  séparation), 
il  fonda  aussi  une  communauté  de  filles  , 
semblable  à  celle  de  Tolède,  qu'il  soumit  aussi 
à  la  conduite  des  religieuses  :  leur  église  est 
commune  ,  mais  leurs  chœurs  sont  séparés, 
aussi  bien  que  leur  demeure.  Il  y  a  ordinai- 
rement dans  ce  monastère  plus  de  quarante 
religieuses,  qui  sont,  aus.si  bien  que  la  com- 
munauté de  filles  séculières,  sous  la  juridic- 
tion des  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Fran- 
çois. 


Après  que  Ferdinand  Cotiez  eut  conquis 
le  Mexique  pour  le  roi  d'Espagne  ,  Isabelle 
de  Portugal,  femme  de  l'empereur  Charles  V, 
y  envoya  des  religieuses  Clarisses  et  du  tiers 
ordre  de  Saint-François  ,  qui  y  firent  plu- 
sieurs établissements,  comme  à  Zuchimilci  , 
Tetzeuci,  Quausthitlani,  Telmanaci,  Tapea- 
ca,  Thevacana  et  autres  lieux.  L'on  fonda 
auprès  de  leurs  monastères  des  communau- 
tés de  jeunes  filles  indiennes  pour  être  éle- 
vées sous  leur  conduite  ,  et  pour  y  être  ins- 
truites des  mystères  de  la  religion  et  de  lous 
les  ouvrages  qui  conviennent  aux  personnes 
de  leur  sexe.  Ces  communautés  de  filles  in- 
diennes sont  si  considérables  ,  qu'elles  sont 
ordinairement  de  quatre  ou  cinq  cents  filles. 

Luc  VVading,  Annal.  Minor.  lom.  VIII,  ad 
ami.  1530,  n.  2. 

Le  même  Wading  ,  de  Gubernatis  ,  le  P. 
Artus  du  Moustier  et  quelques  autres  histo- 
riens ,  ont  fait  mention  d'un  ordre  sous  le 
nom  de  l'Ascension  de  N«tre-Seigncur  ,  qui 
embrassa  la  règle  des  Frères  Mineurs  ;  mais 
comme  ils  n'ont  point  dit  en  quel  lieu,  pour 
quelle  fin  ,  ni  en  quelle  année  cet  ordre  a  été 
institué,  nous  n'en  pouvons  rien  dire  non  plus. 

Luc  Wading,  tom.  VIII,  ad  ann.  1523, 
n.  \k.  Dominic.  de  Gubernatis,  Orb.  Seraphic. 
tom.  IL  Artus  du  Moustier,  Martyrolog. 
Franciscanum.  Manoel  da  Esperanca,  Hist. 
Serafica ,  part.  i. 

L'annaliste  des  Frères  Mineurs  prétend 
qu'il  y  a  eu  des  recluses  de  l'ordre  de  l'An- 
nonciade  dans  l'église  de  Saint-Pierre  du 
Vatican ,  à  Rome,  se  fondant ,  à  ce  qu'il  dit, 
sur  une  bulle  du  pape  Léon  X,  de  l'an  1515, 
par  laquelle  ce  pontife ,  en  accordant  aux  re- 
ligieuses Annonciades  des  dix  Vertus  les 
mêmes  grâces  qu'il  avait  accordées  aux  re- 
ligieuses Clarisses  ,  déclare  qu'il  veut  que 
les  quatre  recluses  de  l'église  de  Saint-Pierre, 
qui  y  demeuraient  dans  la  chapelle  de  Saint- 
André,  jouissent  des  mêmes  grâces  pendant 
le  temps  qu'elles  y  demeureraient,  ou  dans 
quelques  autres  lieux  où  elles  garderaient  le 
même  genre  de  vie.  Cet  auteur  n'ayant  pu 
trouver  à  quel  dessein  elles  avaient  été  ren- 
fermées dans  celte  chapelle,  quelles  étaient 
leurs  fonctions,  ni  quand  elles  en  sont  sor- 
ties ,  se  contente  dédire  qu'elles  étaient  de 
l'ordre  de  l' A nnonciade;  mais  comme  Léon  X, 
dans  la  même  bulle,  parle  aussi  des  reli- 
gieuses du  lieis  ordre  de  Saint-François  ,  il 
y  a  plus  d'apparence  que  ces  recluses  étaient 
plutôt  de  celui-ci  que  de  celui  des  Annoncia- 
des, puisque  ces  dernières  n'ont  pas  passé 
en  Italie. 

Luc  Wading,  Annal.  Minor.  tom.  VIII,  ad 
ann  1515,  n.  il;  et  Dominic.  de  Gubernatis, 
Orb.  Seraphic.  tom.  11. 

NOM  DE  JÉSUS  (Dominicains  de  la  con- 
grégation du  Saint-).    Voyez  Lommardie. 

NOTRE-DAME.  Voyez  Charité.  —  Com- 
pagnie. —  Congrégation  ,  etc.  —  Voyez  la 
désignation  particulière  des  Instituts  consa- 
crés à  la  sainte  Vierge,  sous  le  litre  :  Noire- 
Dame. 


1 1  "■"  NOT 

NOTRE-DAME    DE    CHARITÉ 


NOT 


1138 


(    RELI- 


GIEUSES   DE    I. 'ORDRE   DE;. 

C'est  avec  justice  que  le  R.  P.  Eudes  , 
frère  de  M.  Mézeray  ,  historiographe  de 
France  ,  doit  être  mis  au  nombre  des  fonda- 
teurs d'ordres,  puisque  non-seulemenl  il  a 
fondé  la  congrégation  des  Prêtres  Mission- 
naires de  Jésus  et  Marie,  communément  ap- 
pelés les  Euilistes,  mais  que  l'ordre  de  Notre- 
Dame  de  Charité  lui  est  aussi  redevable  de 
son  établissement.  Nous  avons  donne  la  Vie 
de  ce  grand  serviteur  de  Dieu  (l 'oy.  Eudes), 
et  nous  allons  rapporter  ici  l'établissement 
de  l'ordre  de  Notre-Dame  de  Charité,  comme 
étant  soumis  à  la  règle  de  saint  Augustin. 

L'ordre  de  Notre-Dame  de  Charité  porte 
aveejustice  ce  nom,  puisque  la  charilémème 
en  a  été  la  fin  principale,  ayant  été  établi 
pour  travailler  à  la  conversion  des  âmes  pé- 
cheresses; l'on  peut  dire  que  c'est  un  ou- 
vrage de  la  grâce,  et  le  fruit  des  prédications 
du  P.  Eudes;  et  suivant  le  sentiment  de  cet 
homme  apostolique  ,  il  a  pris  son  origine 
dans  les  sacrés  coeurs  de  Noire-Seigneur  et 
de  la  sainte  Vierge,  embrasés  du  zèle  du  sa- 
lut des  âmes.  Ce  fervent  ministre  du  Seigneur 
travaillant  aux  missions  dans  les  années 
1633,  1639  et  1610,  avec  un  zèle  infatigable, 
plusieurs  filles  et  femmes,  d'une  conduite 
peu  réglée,  furent  si  vivement  touchées  de 
ses  discours,  qu'elles  le  vinrent  trouver,  le 
priant  de  leur  donner  un  lieu  de  refuge  pour 
y  faire  pénitence  de  leur  vie  déréglée,  et 
quelques-unes  lui  avouèrent  que  la  néces- 
sité était  la  cause  de  leur  desordre.  Ce  saint 
homme  les  ayant  aidées  par  ses  aumônes  , 
et  n'ayant  point  de  lieu  de  retraite  ,  il  les 
commit  aux  soins  de  quelques  personnes  de 
piété. 

Entre  autres  personnes  il  y  engagea  une 
femme  fort  simple  appelée  Madeleine  l'Amy, 
qui,  quoique  pauvre  des  biens  temporels  , 
était  néanmoins  riche  en  piété  et  remplie  de 
charité.  I-  l:e  les  reçut  dans  sa  maison  ,  les 
instruisait,  leur  apprenait  à  travailler  ,  cl 
fournissait  à  tous  leurs  besoins  parle  moyen 
des  aumônes  qu'on  lui  faisait.  Un  jour  que 
cette  bonne  femme  était  à  sa  porte,  elle  vit 
passer  le  P.  Eudes  accompagné  de  M.  de 
IJernières  ,  de  M.  et  de  madame  de  Camilly 
et  de  quelques  autres  personnes  d'une  piété 
dislinguee;elles'écriadansun  transport  plein 
de  zèle  :  Où  allez-vous  ?  sans  duule  vous 
allez  dans  les  éylisesy  manger  Us  images, après 
quoi  vous  croyez  être  bien  dévots;  ce  n'est  pas 
làoù  gît  le  lièvre  .mais  bien  à  travailler  à  fon- 
der une  matson  pour  ces  pauvres  filies  qui  se 
perdent  faute  de  moyens  ei  de  conduite.  Ce 
discours  rustique,  mais  plein  d'ardeur  ,  qui 
ne  fut  d'abord  qu'un  sujet  de  risée  à  la  com- 
pagnie, ne  laissa  pas  de  produire  dans  la 
suite  de  bons  effets  ,  particulièrement  dans 
l'esprit  du  P.  Eudes,  qui  voyait  depuis  long- 
temps la  nécessité  qu'il  y  avait  d'établir  dans 
la  ville  de  Caen  une  pareille  maison.  Il  se 
détermina  à  y  travailler  tout  de  bon,  après 
que  cette  bonne  femme  l'eut  encore  une  fois 


exhorté  à  le  faire,  comme  il  passait  encore 
devant  sa  maison  avec  les  mêmes  personnes 
dont  nous  avons  parlé,  et  qui  concertèrent 
dès  lors  ensemble  des  moyens  qu'il  fallait 
prendre  pour  ce  nouvel  établissement.  L'on 
conclut  qu'il  fallait  prendre  une  maison  à 
louage  :  l'un  promit  de  payer  le  loyer,  l'au- 
tre de  la  fournir  de  meubles.  Il  y  en  eut  aussi 
qui  offrirent  de  donner  du  blé  pour  faire 
subsister  ces  pauvres  tilles.  La  maison  fut 
louée,  et,  le  2.ï  novembre  16il  ,  elles  y  fu- 
rent renfermées  sous  la  conduite  de  quelques 
filles  dévoles. 

Le  nombre  des  pénitentes  s'augmenta  en 
peu  de  temps  ;  Le  P.  Kudes  les  visitait  sou- 
vent, les  consolait,  leur  donnait  de  bonnes 
instructions,  et  ne  négl  geait  rien  de  ce  qu'il 
croyait  nécessaire  à  leur  avancement  spiri- 
tuel et  temporel.  Il  leur  fit  observer  la  clô- 
ture, et  par  la  permission  de  Jean  d'Angen- 
ncs,  pour  lors  évêque  de  Raycux.l'on  érigea 
dans  cette  maison  une  petite  chapelle,  où  le 
P.  Eudes  et  quelques  autres  de  ses  mission- 
naires disaient  tous  les  jours  la  sainte  messe 
et  administraient  les  sacrements  aux  person- 
nes qui  y  demeuraient.  Enfin  les  échevins  de 
la  ville,  voyant  l'utilité  de  cet  établissement, 
y  donnèrent  leur  consentement. 

Le  P.  Eudes  voyant  que  les  filles  dévotes 
qui  s'employaient  à  l'instruction  de  ces  pé- 
nitentes   se  désistaient   facilement  de   celte 
œuvre  de  charité,  à  la  réserve  d'une  de  ses 
nièces,  que  ses  parents,  par  inspiration  divi- 
ne, avaient  associée  dès  l'âge  de  onze  ans  à 
ces  pieuses  dames,  il  jugea  à  propos  de  don- 
ner la  direction  de  ces  pénitentes  à  des  per- 
sonnes religieuses,  soit  que  l'on  en  fît  venir 
de  quelque  monastère  ou  que  l'on  établit  un 
nouvel  ordre,  où   les   personnes  qui  y  fe- 
raient profession,  oulre  les   trois  vœux  de 
religion,  en   feraient  encore  un  quatrième, 
de  s'employer  à  la  conversion  des  péniten- 
tes. Le  dernier  expédient  fut  trouvé  le  plus 
avantageux,  et  l'on  obtint  du  roi  Louis  XIII 
des   lettres  patentes,  au  mois  de  novembre 
1642,  par  lesquelles  Sa   Majeslé   permettait 
d'établir  dans  la  ville  de  Caen  une  commu- 
nauté religieuse  où  l'on  ferait  profession  de 
la  règle  de  saint  Augustin  el  un  vœu  parti- 
culier de  travailler  à   l'instruction  des  filles 
el  femmes  pénitentes  qui  voudraient  s'y  reti- 
rer pour  un  temps.  11  y  a  bien  de  l'apparence 
que   l'on   mit  d'abord  ces   filles    pénitentes 
sous   la  conduite  des  religieuses   de  Notre- 
Dame  du  Refuge;  el  il  semble  que  ce  soit  le 
sentiment  de  M.  Huet  (1),  évêque  d'Avran- 
ches.  Voici  ce  qu'il  en  dit   :   «  Cette  commu- 
nauté pril  d'abord  le  litre  de  Notre-Dame  du 
Refuge.  Après   la   fondation  de  M.  de  Lan- 
grie,  l'on  reçut  des  religieuses  d'un  institut 
particulier,  c'mplojées  à  la  conversion  et  à 
la  conduite  des  filles    el   femmes  aspirant  à 
changer  de  mœurs  el  à  faire  pénitence  de 
leurs  dérèglements  passés.  Au  mois  de  no- 
vembre 16i2,  ces   pènileules   obtinrent  des 
lettres  patentes  qui  leur  permettaient  de  se 
mettre   sous  la  conduite  de  cette  connu u- 


(1)  Huet,  Antiquités  de  la  ville  de  Caen< 


1139 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1U0 


naulé  religieuse.  »  Ce  n'étaient  pns  peut-être 
les  intentions  du  P.  Eudes  :  c'est  pourquoi 
les  mémoires  que  j'ai  en  main  disent  que  les 
lions  desseins  du  P.  Eudes  lurent  d'abord 
traversés,  que  l'on  fit  naître  un  grand  nom- 
bre de  difficultés  qui  paraissaient  insurmon- 
tables, m;iis  que  sa  constance  vainquit  toutes 
ces  oppositions,  et  qu'ayant  dessein  que  les 
religieuses  de  cet  institut  lussent  formées  se- 
lon l'esprit  de  saint  François  de  Sales,  il  tra- 
vailla avec  M.  et  madame  de  Camilly  à  obte- 
nir de  l'évêque  de  Bayeux  des  religieuses  de 
la  Visitation  pour  les  gouverner  d'abord.  En 
effet  ,  la  mère  Françoise-Marguerite  Patin 


encore  qu'en  idée,  qu'elle  résolut  de  l'em- 
brasser. Elle  en  fut  la  pierre  fondamentale, 
ayant  re  u  la  première  l'habit  de  cet  ordre 
au  mois  de  février  Ki45,  et  la  seconde  qui  le 
reçut  fut  la  nièce  du  P.  ludes,  de  laquelle 
nous  avons  déjà  parlé.  Elle  prit  le  nom  de 
sœur  Marie  de  la  Nativité,  et  vécut  toujours 
dans  une  observance  si  exacte  de  ses  règles 
et  de  ses  constitutions,  qu'elle  a  été  supé- 
rieure pendant  cinq  triennaux. 

Lorsque  l'on  délibéra  sur  la  manière  de 
l'habillement  (1)  que  les  religieuses  devaient 
porter,  l'on  conviai  qu'il  serait  blanc,  pour 
signiGer  la  pureté  dont  elles  devaient  faire 


fut  choisie  pour  être  supérieure, et  elle  arriva     profession,  pour  combattre  et  détruire  dans 
on  celle  maison  le  16  août  de  l'année  16.44, 
accompagnée  de  deux  autres  religieuses  du 
même  ordre,  et  tirées  du  monastère  qu'elles 
ont  à  Caen. 

Ce  fut  pour  lors  que  l'on  commença    à 
exercer  dans  les  pratiques  de  la  vie  reli- 


!e  cœur  des  pénitentes  la  vice  qui  y  est  op- 
posé. Cet  habit  consiste  en  une  robe,  un  sea- 
pulaire  e!  un  manteau,  le  tout  de  même  cou- 
leur. Elles  ent  un  voile  noir  pour  couvrir 
leur  tète,  et  portent  su;'  le  scapulaire  un 
cœur  d'argent  où  est  gravée  en  relief  l'image 


gieuse  plusieurs  personnes  de  piété  et  de  de  la  sainte  Vierge  tenant  l'enfant  Jésus  en- 
vertu,  qui  devaient  consacrer  leur  vie  à  Dieu  Ire  ses  bras,  le  cœur  environné  de  deux 
dans  cet  institut.  Le  P.  Eudes  travailla  à  branches,  l'une  de  roses  et  l'autre  de  lis,  et 
dresser  les  règles  et  les  constitutions  de  ces  elles  ne  quittent  point  ce  cœur,  tant  le  jour 
nouvelles  religieuses  conformément  à  celles  que  la  nuit,  pour  se  souvenir  qu'elles  doi- 
de  la  Visitation,  y  ajoutant  seulement  quel-  venl  avoir  gravées  dans  leurs  cœurs  les  irna- 
que  chose  de  propre  à  l'institut ,  suivant  la  ges  de  Jé=us  et  de  Marie. 
fin  pour  laquelle  il  était  établi.  1!  donna  des  La  persévérance  de  la  première  novice  fut 
règles  pour  les  filles  et  les  femmes  pénilen-  éprouvée  pendant  plus  de  sept  années,  per- 
tes, voulant  qu'elles  eussent  un  appartement  sonne  ne  s'étant  déclaré  fondateur  de  ce 
entièrement  séparé,  et  qu'elles  ne  fussent  ja-  monastère  pendant  ce  temps-là.  Mais  ,  l'an 
mais  reçues  pour  être  religieuses,  quoi-  1650,  M.  Leroux  de  Langrie,  président  au 
qu'elles  fussent  parfaitement  converties,  et  parlement  de  Rouen,  s'en  rendit  fondateur, 
quelque  talent  et  capacité  qu'elles  eussent,  et  Edouard  Mole,  évêque  de  Bayeux,  qui  s'é- 
II  ordonna  seulement  que  celles  qui  auraient  tait  toujours  opposé  à  cet  établissement  de- 
vocition  pour  la  vie  religieuse  seraient  en-  puis  qu'il  était  parvenu  à  cet  évêché,  donna 
foyées  en  d'autres  maisons,  où  l'on  pourrait  enfin  son   consentement  l'an  1051,  le  8  fé- 


voyi 

les  recevoir  si  on  les  trouvait  capables  pour 
cela,  comme  il  est  déjà  arrivé  à  plusieurs,  cl 
que  les  autres  seraient  remises  entre  les 
mains  de  leurs  parents,  ou  qu'on  leur  cher- 
cherait quelque  honnête  établissement. 

Le  bon  ordre  et  la  régularité  que  l'on  ob- 
servait en  cette  maison  faisaient  trouver  à 
celles  qui  s'y  étaient  retirées  le  joug  du  Sei- 
gneur doux  et  agréable,  et  elles  éprouvaient 
le  bonheur  de  leur  état.  Mais  cette  paix  et 
celte  tranquillité  furent  troublées  par  l'élec- 
tion que  l'on  fit,  au  couvent  de  la  Visitât. on, 
de  la  mère  Marguerite  Patin  pour  supé- 
rii  ure.  Son  départ  causa  beaucoup  de  dou- 
leur, et  pendant  son  absence  les  difficultés 
de  l'établis-oment  augmentèrent  :  ce  qui 
obligea  les  deux  religieuses  de  la  Visitation 
qui  y  étaient  restées  de  retourner  en  leur 
monastère.  Elles  laissèrent  le  gouvernement 
de  la  maison  à  une  demoiselle  qui  était  pour 
lors  novice,  nommée  sœur  Marie  de  l'As- 
somption de  Taillefer,  qui  avait  eu  la  géné- 
rosité de  quitter  son  pays  et  ses  parents  en 
l'année  1643,  après  avoir  entendu  prêcher  le 
P.  Eudes  et  vu  les  merveilles  que  Dieu  opé- 
rait par  le  moyen  de  cet  homme  apostolique. 
Elle  lui  découvrit  le  dessein  qu'elle  avait  de 
se  consacrer  au  Seigneur;  et  il  ne  lui  eut 
pas  plutôt  parlé  de  cet  institut,  qui    n'était 

(I)  Voy.,  a  la  Un  du  vol.,  n"  207  et  208. 


vrier,  jour  dédié  et  consacré  au  sacré  Cœur 
do  la  sainte  Vierge.  C'est  pourquoi  le  saint 
instituteur  a  voulu  que  l'on  célébrât  tous  les 
ans,  ce  jour-là,  avec  beaucoup  de  solennité, 
l'annivers:iire  de  l'établissement,  et  que  celle 
fêle  fût  aussi  titulaire  de  la  congrégation. 

Se  voyant  assuré  d'un  fondateur  et  du 
consentement  de  l'évêque  ,  il  soliieita  de 
nouveau  pour  avoir  des  religieuses  de  la 
Visitation,  qu'on  eut  beaucoup  de  peine  à 
onlenir;  mais  enfin  la  mère  Marguerite  Pa- 
tin y  retourna  le  14  juin  de  la  même  année, 
et,  le  18  de  ce  mois,  les  cérémonies  de  l'éta- 
blissemcnlfuree.t  faites  parlegrand  vicaire  de 
l'évêque  de  Bayeux.  Le  pape  Alexandre  Vil 
érigea  relie  congrégation  en  ordre  reli- 
gieux par  une  bulle  du  -2  janvier  1666,  à  la 
sollicitation  des  abbés  du  Val-Richer  et  de  la 
Trappe,  qui  étaient  pour  lors  à  Rome  pour 
les  affaires  de  leur  ordre.  L'évêque.  de 
Bayeux,  François  de  Nesmond,  ayant  reçu 
celte  bulle,  témoigna  aux  filles  de  celte  con- 
grégation qu'elles  étaient  libres  de  retourner 
dans  le  monde,  les  vœux  qu'elles  avaient 
faits  jusqu'alors  n'étant  que  simples.  Il  leur 
ordonna  même  de  sortir  de  la  clôture  pour 
être  examinées  de  nouveau  sur  leur  voca- 
tion. Elles  obéirent  à  leur  prélat,  mais  sans 
donner  aucune  marque  d'inconstance  dans 


ti  ;i 


NOT 


NOl 


1 1  12 


le  généreux  dessein  qu'elles  avafertl  entre- 
pris :  fidèles  à  celui  qu'elles  avaient  choisi 
pour  leur  époux,  elles  demandèrent  avec 
empressement  de  faire  les  vœux  solennels. 
Le  jour  de  l'Ascension  fui  choisi  pour  en 
faire  la  cérémonie,  et  ces  innocentes  victi- 
mes s'esiiiiîèreii;  heureuses  de  renoncer  en- 
tièrement à  l,i  lerre  dans,  un  jour  qui'  Notrc- 
Seigncur  I  avait  quittée.  L'évoque  de  Bayeax 
ce  ébra  la  me ;se  en  leur  chiipellc;  le  P.  Eu- 
des y  prêcha  en  présence  de  ce  prélat,  qui 
reçut  les  vœux  $$  ces  nouvelles  religieuses. 
La  mère  Marguerite  Patin  couiinua  de  les 
gouv<  ruer  jusqu'à  sa  mor.',  qui  arriva  l'an 
16G8,  et  depuis  on  a  élu  pour  supérieures 
des  reli^inis  s  de  cet  iu-liust,  qui  s'est  mul- 
tiplié par  1  elablissemcii1.  que  l'on  fit  à  Hen- 
nés l'a.,  i 67  ; .  il  s'en  e  1  luit  un  aulne  à  Guin- 
gamp,  dans  l'évèch  :  ie  '»'■  uiec,  >n  1078,  et 
un  autre  à  Vannes  en  l'.i.  ■  ;. 

Le  P.  Eudes,  a  voulu  que  dans  et  ordre  la 
dévolii  n  aux  Cœurs  de  Jésus  et  de  Marie  fût 
en  pailiculière  vénération.  La  fêle  du  Cœur 
de  la  sainte  Vierge  se  sol  -nuise  le  8  février. 
Llle  ;;  commencé  L'au  1GV3,  et  a  clé  approu- 
vée par  quinze  tant  archevêques  qu'évéques 
de  France,  et  autorisée  par  les  souverains 
pontifes,  qui  ont  acc.rde  beaucoup  d  in  !ul- 
genres  le  jour  de  celle  fêle,  aussi  bien  que 
pour  celle  du  Cœur  de  Jésus,  qui  se  célèbre 
le  20  octobre,  il  y  a  des  offices  propres  pour 
ces  deux  fêles,  qui  ont  été  dcéssés  par  le  P. 
Ludes.  li  y  a  eu  dans  cet  ordre  plusieurs 
personnes  qui  se  sont  rendues  recommanda- 
bles  par  la  sainteté  de  leur  vie,  entre  aulres 
la  mère  Marie  de  l'Enfant  Jé>us  de  Foule- 
1)  eu,  qui,  après  la  mort  de  son  mari,  Jean 
Simon,  chevalier  seigneur  d:'  Bois-David,  ca- 
pitaine aux  gardes  françaises  du  roi,  se  con- 
sacra au  service  des  pénitentes  dans  le  mo- 
nastère  de  Caen,  où  elle  est  décédée  en  odeur 
de  sainteté  le  30  jauvier  1GG0,  avant  qu'il  <  ût 
éjé  établi  en  ordre  religieux  par  le  souverain 
pontife. 

Ces  religieuses  ont  pour  armes  un  cœur, 
sur  lequel  est  l'image  de  la  sainte  Vierge 
ten.inl  entre  ses  bras  l'enfant  Jésus  cl  envi- 
ronnée de  deux  branches,  l'une  de  roses  et 
l'autre  de  lis. 

.'.L  Huet,  évèque  d'Avranches,  Origines  de 
lu  :ille  de  Cccn.  Hermanl,  Histoire  des  Or- 
dres religieux,  tome  IV;  et  Mémoires  envoyés 
par  la  révérende  mère  Mai  ie'-feid'oi  e  iicllouin, 
si»,  érieure  du  monastère  de  Caen. 

Le  P.  Helyot  ne  connaissait  que  quatre 
établissements  de  l'ordre  de  Notre-Dame  de 
Charité,  savoir:  cet!  ;  de  Caen,  de  Henné»  , 
de  Guingamp  et  de  Vannes;  mais  cet  ordre 
s'est  beaucoup  étendu  depuis,  et  il  est  au- 
jourd'hui plus  brilianl  et  plus  répandu  qu'il 
lie  l'a  jamais  été.  Si  l'on  éprouvait  quelque 
élonnement  le  voirun inslitutdcccgeure  éta- 
bli aussitôt  dans  une  ville  (elle que  Guingamp, 
qui  est  au  centre  d?ùn  pays  moral  et  religieux 
et  tenant  un  rang  peu  important  dans  la  pro- 
vince de  Bretagne,  en  devrait  être  encore 
plus  surpris  de  ne  pas  le  voir  appelé  à  Paris, 
où  l'exercice  de  son  zèle  paraîtrait  si  pré- 
cieu\  et  si  facilement  utilisé.  Il  y  fut  appelé 


par  le  cardinal  de  Noailles,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  ci-dessus  à  l' article  M  un -lonnkt- 
tes  ;  nous  donnerons  ici  plus  de  détails,  et 
nous  donnerons  aussi  un  précis  historique 
de  l'établissement  de  la  capital  depuis  son 
oi  i   in.-  jusqu'à  ce  jour. 

Eu  1720.  le  cardinal  de  Noailles  se  trou- 
vant dans  l'embarras  de  changer  les  reli- 
gieus.es  qui  gouvernaient  les  filles  pénitentes 
de  la  Made'ei.ie,  près  du  Temple,  après 
avoir  essuyé  le  refus  de  plusieurs  commu- 
nautés de  Paris,  fut  conseillé  de  dei 
dos  religieuses  de  tordre  ck  Notre-')  me  de 
ÇkavUé,  dévoué  spécialement  au  salut  des 
femmes  pénitentes,  et  d'eu  faire  venir  àa  la 
ville  de  Guingamp,  où  elles  avaient  un  mo- 
nastère, celles  des  maisons  de  Vannes,  de 
lu-nues  el  de  Tours  (  fondation  récente  ) 
n'aya  s!  pu  en  accorder.  Les  liaisons  parti— 
ciili.' ;  es  qui  existaient  entre  te  cardinal  de 
Noailles  et  l'évéque  de  Tréguier  firent  espé- 
rer au  premier  qu'il  réussirait  de  ce  côté-là, 
Guingamp  étant  dam  le  diocèse  de  son 
ami.  En  effet,  sans  même  consulter  la  com- 
munauté, l'évéque  de  Tréguier  promit  ce 
qu'on  lui  deman  iail,  et  eu  Lit  cn-uile  à  ses 
religieuses,  qui  firent  en  vain,  près  de  lui  et 
du  cardinal,  de  nombreuses  représentations 
pour  motiver  un  refus.  L'évéque  donna  des 
obédiences  à  cinq  religieuses  de  chœur,  sa- 
voir :  la  mère  de  La  Grève,  dite  Mariç  du 
Cœur  de  Jé-us,  supérieure  actuelle  de  Guin- 
gamp, pour  être  également  supérieure  à 
Paris  ;  la  mère  Lo: ,  sa  propre  nièce,  dite 
Marie  de  Sainie-Tluvèse,  pour  assistante;  la 
mère  Chevalier,  dite  M. nie  de  l'Ascension  ; 
la  mère  Ledu-Uubnt,  dite  Marie  de  l'Enfant 
Jésus;  la  uièrèBossinot,  dite  Marie  de  Sainle- 
Célesle  ;  et  à  une  converse,  savoir  la  sœur 
Le  Guiader,  dite  Mari  -  de  Sainl- François  de 
Sales.  La  supérieure  ,  en  acceptant  ,  mit 
pour  condition  qu'on  ferait  à  Paris  l'établis- 
sement d'une  maison  de  son  ordre.  Les  six 
religieuses  partirent  de  Guingamp  le  9  avril 
1720,  séjournèrent  quelque  temps  chez  leurs 
sœurs  de  Tours  et  arrivèrent  le  dernier  jour 
du  mois  à  Paris,  où  elles  furent  imn 
ment  conduites  aux  Madelonnelles.  Il  était 
huit  heures  du  soir,  les  deux  communautés, 
religieuses  et  agrégées,  les  reçurent  à  la 
porte,  les  conduisirent  proccs-ionnellement 
au  chœur  et  au  chapitre,  où  l'on  chanta  le 
Te  Deum.  Ccpen  iant  les  religieuses  pénit  ri- 
tes de  c<lle  maison,  surprises  de  les  voir  au 
nombre  de  six  el  ne  s'allendant  point  à  la 
réforme  qui  allait  être  mise  dans  leur  mai- 
son pour  le  spirituel  et  le  temporel,  les  I ris- 
les  mets  qu'on  leur  servit  au  souper  leur 
firent  deviner  la  dureté  qu'elles  devaient  at- 
tendre de  leurs  hôtesses.  Pour  mieux  com- 
prendre leur  position,  il  faut  se  rappeler  que 
la  maison  des  Madelonnelles,  rue  des  Fon- 
taines, àParis,  était  composée  dedeux  classes 
de  pénitentes,  dont  l'une  était  formée  par  de  vé- 
ritables religieuses  professes,  l'autre  par  des 
filles  agrégées,  qui  portaient  un  costume  et 
suivaientunerègle,et  qu'il  y  avait ep outre  les 
pénitentes  ,  qui  n'étaient  là  que  pour  un 
temps  limité.  Toutes  ces  femmes  avaient  eu 


u; 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


11U 


pour  les  diriger  successivement,  les  Visilan- 
dines,  les  Ursulines,  etc.,  dont  elles  suppor- 
taient le  joug  avec  grande  peine,  désirant  se 
gouverner  elles-mêmes. 

La  Providence  ménagea  aux  religieuses 
de  Notre-Dame  de  Charité  deux  amies  qui 
méritent  d'élre  connues  des  lecteurs,  car 
elles  devinrent  leurs  protectrices  et  l'instru- 
ment dont  Dieu  se  servit  pour  établir  la  mai- 
son de  Saint-Michel  à  Paris.  L'une  de  ces 
femmes  vertueuses  était  la  marquise  de 
Cray  ,  restée  veuve  à  l'âge  de  vingt-deux 
ans,  lorsque  son  mari,  lieutenant  général 
d'artillerie,  allait  devenir  maréchal  de  Fran- 
ce. Celte  femme  d'un  grand  mérite,  consa- 
crant sa  viduité  à  la  retraite,  était  pension- 
naire encltambre  au  couvent  des  Madelonnel- 
tos.  lUle  se  lia  bientôt  avec  les  religieuses  arri- 
vées de  Bretagne  et  leur  procura  !a  connais- 
sance^ l'amitié  de  mademoiselle  de  Chausse- 
rais. Celle-ci  avait  aussi  au  couvent  des  Made- 
lonnelles  un  appartement  avec  issue  hors  la 
clôture,  mais  elle  demeurait  ordinairement 
à  sa  maison  de  Madrid,  à  une  lieue  et  demie 
t!e  Paris.  Fille  du  marquis  de  Chausserais  , 
douée  d'un  esprit  supérieur,  édifiante  par  sa 
conduite,  mademoiselle  de  Chausserais  s'était 
concilié  l'estime  de  la  cour  de  Louis  XIV 
et  du  roi  lui-même,  qui  lui  fit  bâtir,  quand 
elle  se  retira,  une  jolie  maison  dans  la  cour 
du  château  de  Madrid,  et  surtout  de  la  du- 
chesse douairière  d'Orléans,  dont  elle  avait 


lettres  patentes  ;  elles  refusèrent  de  se  ren- 
dre à  ce  procédé  indélicat  et  injuste.  Made- 
moiselle de  Chausserais  chargea  son  inten- 
dant et  M.  Legrand,  curé  de  la  Sainte-Cha- 
pelle, de  lui  chercher  nne  maison  pour 
faire  l'établissement,  tandis  qu'elle-même 
demanderait  des  lettres  patentes.  Tout  réus- 
sit, malgré  de  nombreuses  difficultés.  On  i 
acheta  ,  des  deitiers  de  mademoiselle  de 
Chausserais,  une  maison  bourgeoise  dans  la 
rue  des  Postes,  près  de  la  rue  de  l'Arbalète,  à 
gauche  en  quittant  cette  dernière  rue  et 
dans  la  place  occupée  depuis  par  la  commu- 
nauté des  dames  de  l'Immaculée  Conception, 
presque  en  face  de  la  communauté  ac- 
tuelle des  religieuses  de  la  Miséricorde. 
Deux  des  religieuses  venaient  chaque  jour 
de  la  maison  des  Madelonncltes  faire  tra- 
vailler les  ouvriers  qui  mettaient  le  local  en 
état  de  recevoir  celles  qu'on  attendait  de 
(îuingamp.  Le  2i  juin  1724,  elles  arrivèrent 
au  nombre  de  dix.  Dès  le  20,  l'abbé  Dor- 
sanne  avait  béni  la  maison  et  la  petite  cha- 
pelle, qui  fut  dédiée  sous  l'invocation  de 
saint  Michel.  Le  duc  de  Noailles  voulut  titrer 
de  ce  nom  le  nouveau  monastère,  parco 
qu'il  avait  de  la  dévotion  à  saint  Michel,  et 
surtout  parco  que  sous  le  titre  de  Reli- 
gieuses de  la  Charité  on  aurait  pu  confon- 
dre les  Eudistes  avec  des  communautés  ou 
des  Dames  de  la  Charité.  Les  mémoires  ma- 
nuscrits de  la  maison   de   Saint-Michel  rap- 


été  dame  d'honneur,  et  qui   lui  faisait  Irois     portent  une  prédiction  faite,  en   1685,  à   la 


visites  par  semaine  à  Madrid.  On  regardait 
comme  un  avantage  d'être  protégé  par  celte 
femme  remarquable  ,  qui  s'était  donné  le 
droit  de  remontrance  au  régent.  Trois  mois 
après  leur  arrivée,  les  religieuses  de  Notre- 
Dame  de  Charité  virent  à  la  Madeleine  celle 
demoiselle  prévenue  en  leur  faveur  par  la 
marquise  de  Cray.  Le  cardinal  se  trouvait 
en  même  temps  à  la  maison,  mademoiselle 
de  Chausserais  lui  dit  qu'il  fallait  garder 
pour  toujours  les  nouvelles  religieuses  à 
Paris,  et  qu'elle  contribuerait  avec  Son  Emi- 
nence  à  leur  établissement.  La  chose  eut 
lieu  bientôt,  comme  nous  allons  le  voir; 
mais  il  faut  remarquer  auparavant  tout  ce 
qu'eurent  à  souffrir  les  mères  qui  gouver- 
naient la  Madeleine.  Elles  rétablirent  l'ordre 
dans  le  moral  et   le  temporel   de  celle  mai 


jeune  de  La  Grève,  qui  lui  annonçait  qu'elle 
deviendrait  une  pierre  fondamentale  dans 
l'institut,  et  fondatrice  d'une  maison  de  l'or- 
dre à  Paris. 

La  maison  de  la  rue  des  Postes  n'était  que 
provisoire  dans  la  pensée  de  tout  le  monde, 
et  la  communauté  fit  toujours  des  recher- 
ches pour  s'établir  plus  grandement.  Elle  fit 
même  successivement  quelques  acquisitions, 
qui,  résiliées  plus  lard,  lui  occasionnèrent 
des  délies,  dunl  le  malaise  se  fit  toujours  sen- 
tir. Nous  signalerons  surtout  l'achat  irréflé- 
chi de  l'abbaye  de  Sainle-Perrine,  à  la  Vil— 
lette,  abandonnée  par  les  chanoinesses  qui 
se  retiraient  à  Chaillol. 

L'établissement  de  Paris  reçut  plusieurs 
sujets  remarquables,  entre  .autres  la  nièce 
de   mademoiselle  de  Chausserais.   L'intérêt 


son  ;  mais  elles  suscitèrent  contre  elles   leur     que  celte  demoiselle  avait  porté  à  la   fonda- 


propre  confesseur,  que  les  religieuses  et 
agrégées  pénitentes  de  la  maison  avaient  fait 
entrer  dans  leur  complot;  et  même  la  reli- 
gion de  l'abbé  Dorsanne,  grand  vicaire  et 
leur  supérieur,  fui  surprise.  L'affaire  s'a- 
paisa à  leur  justiûcalion  et  à  leur  avantage. 
En  172.J,   elles  demandèrent  leur  retour  à 


tion  des  religieuses  de  Notre-Dame  de  Cha- 
rité élait  d'autant  plus  admirable  qu'elle 
avait  une  sorte  d'aversion  pour  les  religieux 
et  les  religieuses,  au  point  qu'on  n'osail  par- 
ler de  celles-ci  devant  elle.  Cela  venait  sans 
doute  d'un  mélange  de  jansénisme  à  sa  piété 
plus  ou   moins  solide,  cl  nous  le  croirions 


(iuingamp.  Le  cardinal  les  exhorta  à  la  pa-     d'autant   plus   volontiers  que    le   testament 


lience.  Plus  lard,  voyant  la  bonne  volonté  de 
mademoiselle  de  Chausserais  refroidie,  elles 
demandèrent  leur  départ  avec  plus  d'instan- 
ce, pensant  avec  raison  que  ce  serait  le 
moj  en  de  hâter  l'exécution  de  la  promesse 
pour  rétablissement  de  Paris.  Il  en  arriva 
comme  elles  avaient  désiré  et  prévu.  On 
leur  offrit  de  les  introduire  dans  une  des 
maisons  de  Pénitentes  déjà  élablies,u>aissans 


avantageux  dont  elle  avait  flatté  ses  pro- 
tégées fut  changé  à  l'époque  de  sa  mort,  el 
cela  par  l'influence  du  pi  être  janséniste  qui 
la  confessait. 

Quoique  consolidée,  lamaisonde  Saint-Mi- 
chel, qui  avait  des  pénitentes  el  remplissait 
son  quatrième  vœu,  ne  fut  jamais  bien  nom- 
breuse et  éprouva  jusqu'à  lin  la  gêne  causée 
par  les  dettes  dont  nous  avons  parlé. 


1U5 


NOT 


NOT 


il4C 


L'orage  révolutionnaire  vint  frapper  cet 
ordre  comme  tous  les  autres  instituts  reli- 
gieux. Les  commissaires  de  l'assemblée  na- 
tionale, section  de  l'Observatoire,  posèrent 
les  scellés  dans  la  maison  de  Saint-Michel,  et 
signifièrent  aux  religieuses  d'en  sortir  sous 
huit  jours.  Celles-ci  louèrent  une  maison  sur 
la  chaussée  du  Maine,  près  de  la  barrière  , 
et  s'y  réunirent  au  nombre  de  seize;  cinq 
prirent  une  autre  détermination  sous  divers 
prétextes.  Les  religieuses  dans  leur  petit 
établissement obseï  vèrentleurièglele  mieux 
possible.  Elles  étaient  si  pauvres,  qu'elles 
manquaient  de  tout  et  travaillaient  nuit  et 
jour  pour  avoir  de  quoi  subvenir  aux  pre- 
miers besoins  de  la  vie.  Celles  qui  ne  pou- 
vaient coudre,  à  cause  de  leur  grand  âge, 
allaient  dans  la  campagne  ramasser  du  bois 
et  glaner  dans  la  saiou.  Un  homme  chari- 
table, voyant  que  c'étaient  des  religieuses, 
leur  donna  du  blé,  du  pain  et  des  légumes, 
et  leur  dit  de  venir  toutes  les  semaines  en 
chercher  autant. 

11  j  avait  alors  dans  la  communauté  une 
des  mères  nommée  Marie  du  Cœur  de  Jésus, 
de  La  Grève,  vraisemblablement  de  la  même 
famille  que  celle  dont  nous  avons  parlé  au 
commencement  de  la  fondation.  Comme  elle 
était  de  famille  noble,  l'autorité  l'exila  à 
Montrouge,  où  d'ailleurs  une  grande  latitu- 
de lui  lut  laissée,  et  ses  sœurs  prirent  soin 
d'elle.  Au  reste  la  petite  communauté  no- 
made avait  a  peu  près  tous  les  secours  spiri- 
tuels qu'elle  recevait  auparavant  dans  la 
communauté.  En  1799,  ayant  perdu  leur 
supérieur,  M.  l'abbé  Lemoine,  elles  deman- 
dèrent M.  Duclaux  du  Puget,  qui  leur  a  con- 
tinué ses  soins  jusqu'en  1818.  La  même 
année  elles  élurent  pour  supérieure  la 
mère  Duquesne,  dite  Marie  de  l'Enfant  Jé- 
sus, et  cette  élection  lut  confirmée  au  nom 
de  Mgr  de  Juigné.  Dès  le  21  juillet,  trois 
postulantes  prirent  l'habit  dans  la  petite 
communauté,  qui  portait,  à  ce  qu'il  paraît  , 
son  costume  monastique.  L'année  suivante, 
une  autre  postulante  prit  l'habit,  et  depuis 
lors,  des  sujets  turent  reçus,  mais  les  supé- 
rieurs ne  permettaient  à  la  profession  que  des 
vœux  sintptes,  peut-être  veut-on  dire  par  ces 
mots  des  vœux  temporaires. 

Nous  citerons  encore  un  fait  qui,  apparle- 
nautàiel ordreen  particulier,  apprend  néan- 
moins ce  quisepassaitquelquefois  alors  dans 
les  autres  congrégations,  et  fait  épisode  à  I  his- 
toire du  temps.  La  mère  Marie  de  l'Enfant  Jé- 
sus allait  à  la  halle,  portant  un  panier.  Les 
marchandes  de  poissons  lui  donnaient  par  cha- 
rité, l'une  du  merlan,  l'autre  des  morceaux 
d'anguille;  d'autres  marchandes  lui  donnaient 
du  beurre,  des  légumes, et  en  lui  donnant  ces 
diverses  choses,  elles  lui  disaient  tout  bas  : 
«  Priez  pour  nous,  car  nous  voyons  bien  que 
vous  êtes  religieuse.  »  Un  jour  la  petite  com- 
munauté n'avait  que  trente  sous,  et  la  mai- 
son ne  possédait  ni  pain,  ni  beurre,  ni  ab- 
solument rien  pour  le  diner.  La  sœur  Marie 
de  l'Enfant  Jésus,  se  confiant,  en  la  Provi- 
dence, résolut  d'aller  à  la  halle,  et  quoi- 
qu'elle dût  à  diverses  marchandes  et  que  ia 


pauvreté  de  ses  vêtements  ne  fût  pas  capa- 
ble de  lui  obtenir  un  nouveau  crédit,  à  peine 
les  femmes  de  la  halle  la  virent-elles,  qu'el- 
les lui  crièrent:  «  Viens,  ma  cocotte,  il  y 
a  longtemps  que  nous  ne  t'avons  vue.  C'est 
parce  que  lu  n'as  pas  d'argent  pour  nous 
payer,  n'esl-ce  pas  ?  Viens  tout  de  même, 
tu  ne  nous  dois  plus  rien.  Depuis  que  nous 
te  donnons,  nous  vendons  mieux.»  En  parlant 
ainsi,  ces  bonnes  femmes  lui  donnèrent 
tant  de  marchandises,  qu'elle  fut  obligée 
d'en  mettre  la  moitié  chez  une  personne  de 
sa  connaissance. 

Pendant  que  cet  acte  de  charité  bruyante 
avait  lieu  ,  une  personne  charitable  avait 
envoyé  à  la  communauté  du  pain,  de  la 
viande,  du  lait,  de  la  farine,  des  œufs,  du 
beurre.  Un  marchand  de  vin,  voisin  de  la 
maison,  leur  donna  du  vin.  Une  dame  leur 
donna  500  fr.  pour  payer  un  semestre  de 
leur  loyer.  Ainsi  Dieu  console  quelquefois 
ses  amis  avec  abondance  de  faveurs.  Plus 
souvent  il  prolonge  leurs  épreuves  sur  la 
terre. 

En  1802,  le  cardinal  Caprara  et  l'archevê- 
que de  Paris  permirent  à  une  des  religieu- 
ses de  porter  l'habit  séculier  et  de  sorlir  de 
la  clôture  pour  les  affaires  de  la  maison. 
Quelques  jours  étaient  exceptés  de  celte  dis- 
pense. 

La  mère  Duquesne,  après  trois  ans  passés 
dans  les  fondions  de  supérieure,  fut  élue  de 
nouveau  et  continua  jusqu'à  sa  mort  à  jouir 
d'une  grande  considération  dans  une  mai- 
son qu'elle  avait,  plus  que  toute  autre  peul- 
être,  contribué  à  rétablir  et  consolider.  Elle 
fut  cependant  impliquée  dans  une  affaire 
fâcheuse,  qui  devait  amener  nécessairement 
des  préventions  funestes  à  son  monastère. 
Une  conspiration  contre  Buonaparte  avait 
compromis  quelques  personnes,  qui  cher- 
chèrent tous  les  moyens  d'échapper  au  dan- 
ger qui  les  menaçait.  Un  des  principaux 
conjurés  connaissait  une  dame  pensionnaire 
de  la  maison  provisoire  de  Saint-Michel,  qui 
ne  pouvait  encore  être  soumise  à  une  clô- 
ture absolue.  Ce  conjuré  se  cacha  pendant 
vingt-quatre  heures  peut-être  dans  cette 
maison  ,  et  évidemment  la  complaisance 
de  la  mère  Duquesne  se  prêta  à  cet  acte  de 
charité.  La  police  fut  instruite  de  tout.  Plu- 
sieurs des  conspirateurs  furent  arrêtés,  et  la 
mère  Duquesne  elle-même  fut  mise  eu  pri- 
son. L'instruction  et  les  débals  du  procès 
prouvèrent  qu'elle  n'avait  rien  fait  d'illégal, 
l'homme  caché  dans  sa  maison  n'y  ayant 
point  demeuré  le  temps  nécessaire  pour 
qu'on  fil  légalement  la  déclaration  de  son 
séjour,  etc.  La  mère  Duquesne  fut  ac- 
quittée. Le  plaidoyer  remarquable  de  son  dé- 
fenseur a  été  imprimé,  ainsi  que  toutes  les 
pièces  de  ce  procès  qu'on  peut  consulter. 

Dieu  permit  que  la  maison  de  Saint-Michel 
n'en  souffrit  point.  Buonaparte  même  accorda 
son  estime  et  une  sorle  d'attachement  parti- 
culier à  la  mère  Duquesne,  dont  l'établisse- 
ment eut  part  aux  bienfaits  que  le  gouver- 
nement impérial  accorda,  en  1808,  à  un  grand 
nombre  d'établissements  de  charité.  Les  rc- 


1147 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


1I4S 


ligieuses  s'étaient  établies  dans  l'ancien  mo- 
nastère des  Visitnmlines  de  la  rue  Saint- 
lacques,  où  elles  sont  aujourd'hui  et  auquel 
elles  ont  porté  le  nom  de  monastère  de  Saint- 
Michel,  sous,  lequel  seul  il  est  actuellement 
connu.  Elles  étaient  alors  au  nombre  de 
vingt-neuf  et  jouissaient  déjà  d'un  secours 
annuel  de  8000  fr.  donné  par  le  gouverne- 
ment impérial. 

Après  la  révolution  de  juillet  1830,  M.  du 
Quélen,en  bulle  à  la  h  nue  de  l'esprit  irré- 
ligieux qui  régnait  alors,  avait  vu  le  palais 
archiépiscopal  détruit,  et  s'élail  vu  lui-même 
réduit  à  chercher  quelque  part  une  demeure. 
Ce  prélat  logea  surtout  en  deux  communau- 
tés religieuses,  celle  du  Sacré-Cœur,  rue  de 
Vareunes,  et  celle  de  Saint-Michel.  Dans 
celte  dernière  maison,  où  il  a  séjourné  d'a- 
bord et  longtemps  (ce  qui  valut  à  l'établisse- 
ment visite  et  vexation  du  commissaire  de 
police  du  quartier),  i!  était  accompagné  de 
son  vicaire  général,  l'abbé  Desjardins,  qui 
y  mourut,  et  auprès  duquel  nos  affaires  nous 
ont  souvent  appelé  nous-merne  dans  l'iu- 
lérieur  du  couveut. 

Aujourd'hui  la  maison  de  Saint- Michel;, 
toujours  dans  un  état  prospère  et  édifiant,  a 
pour  supérieure  la  révérende  mère  "*,  ap- 
pelée de  retablisseme-.it  de  Sa ■nl-Brieuc. 
C'est  à  cette  dame  pieuse  et  méritante  que 
nous  avons  obligation  d'une  partie  des  fats 
historiques  consignés  dans  c-t  article  addi- 
tionnel. 

La  maison  de  Guingamp,  d'où  était  venue 
la  colonie  de  Paris,  était  connue  sous  le  nom 
de  Monlbareil,  et  elle  continua  ses  œuvres 
charitables  jusqu'à  l'époque  de  la  première- 
révolution  française.  Les  religieuses  qui 
l'habitaient  furent  expulsées  de  cet  établis- 
sement le  2  octobre  1792,  et  reçurent  dé- 
fense de  se  réunir  ailleurs.  Cependant,  après 
quelques  années, oa  permit  à  quelques-unes 
de  se  réunir  à  Quinlin.  Elles  conservaient 
le  désir  et  longtemps  gardèrent  l'espérance 
de  rentrer  dans  la  maison  de  Monlbareil. 
Vivant  sans  clôture,  elles  édifiai  nt  la  ville 
en  convertissant  quelques  filles  égarées  et 
donnant  l'instruction  aux  petits  enfants  des 
deux  sexes  dans  un  local  spécial  à  chacun. 
Les  habitants  de  Qùinlia,  ayant  acquis  par 
souscription  leur  ancien  couvcnld'Ursulines, 
l'offrirent  au?  religieuses  do  Monlbareil,  qui, 
gardant  leurs  espérances,  refusèrent  et  en- 
gagèrent même  les  Ursulines  à  le  reprendre, 
promettant  de  les  seconder  et  d'aller  même 
prendre  leur  demeure  provisoire  dans  leur 
couvent  restauré,  en  y  louant  des  cellules  ; 
ce  que  l'une  fil  immédiatement,  ce  que  les 
autres  auraient  fai!,  si  la  Providence  n'avait 
conduit  ailleurs  leur  existence  et  l'exercice 
de  leur  zèle,  de  la  manière  que  nous  allons 
f.iire  connaître. 

M.  Cafarelli,  évêque  de  Saint  -  Brieuc  , 
voyant  des  commuuauiés  se  restaurer  dans 
son  diocèse,  était  peiné  de  n'en  point  avoir 
dans  sa  ville  épiscopale,  et  fil,  avec  raison, 
des  efforts  pour  y  en  établir.  Ces  efforts  se. 
portèrent  d'abord  du  côté  des  Ursulines,  et 
il  traita  avec  la  H.  M.  Mélanie  de  Ken  .     mi, 


femme  expérimentée,  qui    s'aperçut  bientôt 
que  le  prélat   ne  s'entendait  guère  aux  éta- 
blissements de  religieuse^   et  qui,   pour  ne 
pas  se  compromettre  avec  lui  et  fuir  la  su- 
périorité qu'il  semblait  lui  destiner,   s'abré- 
gea, ainsi  que  sa  sœur,   à  la    communauté 
de  Quimperlé,   déjà   rétiblie.   Néanmoins  le 
prélat,  qui  du  moins  n'était  point  impérieux 
et  conservait  toujours  le  même  désir,  fit 
tentatives  du  calé  des  dames   de    l'aneienne 
maison  de  Monlbareil.  La  maison  des  sœurs 
de  la  Croix  de  Saiut-Brieuc  avait  été  vendu:- 
comme   propriété    nationale.   Un  acquéreur 
était  disposé  à  en  revendre  un  tiers,  qui  fai- 
sait sa  portion;  les  anriennes  propriétaires 
ne  voulaient  et  ne  pouvaient   point  se  cou- 
tenier  de  celte  portion  rétrécie.  Sur  le  refus 
des  sœurs  de  la  Croix  et  même  sur  leur  invi- 
tali  m,  les  religieuses  de  Monlbareil,  de  con- 
cert avec  M.  Cafarelli,  rachetèrent  celle  p  r- 
lion    de    maison  el   s'y    établirent,    voyant 
qu'elles  n'avaient  plus  l'espérance  de  ren- 
trer  dans     leur  ancienne    propriété  ,    qui 
pourl  ial    n'avait    point  été   vendue.     Celle 
acquisition    n'eut    lieu    qu'après     des  diffi- 
cultés    nombreuses     et    au     bout  de   p'u- 
sieurs    années    de    tentatives.     En     atten- 
dant l'achat   de  celte  maison   ou    de    toule 
autre,    les    religieuses    venues    de  Qui111'» 
prirent  à  loyer  une    maison    où    elles  pas- 
sèrent deux  ans  et  firent    leurs    premières 
élections.  Le  Sftseptembre  1808,   elles    s'y 
trouvèrent  au  nombre  de  douze,  les  premiè- 
res étaient  arrivées  quelques  jours  aupara- 
vant; le   11  octobre  leur   oratoire  fut    bénit 
par  M.  Floyd,  el  oa  y  laissa  le  saint  sacre- 
ment. Les  élections  eurent  lieu  le  dimanche 
21  novembre  suivant.  Elles  lurent  précédées 
di  quelques  difficultés  élevées   par  l'évoque, 
q-ii,  croyant,  po;;r  ainsi  dire,  aveu  affaire  à 
des  demoiselles  séculières  pieuses,  qu'il  au- 
rait à   façonner  à  ia  vie  religieuse,   voulait 
leur  donner  un  habit  uniforme,    noir,   avec 
une  petite  coiffure  comme  celle  des  veuves 
du  pays.  Elles  n'y  voulurent  point  consentir 
et  rappelèrent  qu'elles   avaient  un  costume 
de  leur    ordre,    qu'elles   prendraient  quand 
c  les  p  luiraient  garder  la  clôture;  car  elles 
allaient  aux  offices  des  églises,  el  lecoslumc 
mo. iastique    blanc   était    trop    saillant   aux 
yeux  des  habitants  de  Saint-Brieuc,  qui  n'a- 
vaient jamais  eu  de  rel  gieuses  vêtues  ainsi. 
L'évêquc  éleva  d'autres  difficultés  sur  les  rè- 
gles et  la  rénovation  des  vieux,  et  leur  de- 
m  ind.iit  un  abrégé ck leurs  constitutions.  Les 
sœurs  lui  montrèrent  le  livre  même  des  con- 
stat ;ii;, us,  disant  qu'elles  s'y  conformeraient 
en  tout  ce  qui  serait  possible.  Non,  point  cela, 
disait  l'évêque  ;   réduisez-les  à   un    abrégé; 
dites  quel  sera    l'ordre  el    montrez-moi    la 
règle  que  vous  vous  prescrire/,   et  je  l'ap- 
prouverai. Les  sœurs  voyaient  qu'il  no  con- 
cevait pas  ce  que  c'était    que  des   religieu- 
ses. Malgré  la  peine  qu'elles  en  ressentaient, 
elles  firent  un  certain  règlement  des  exerci- 
ces selon  les  constituions,  le  montrèrent  à 
l'évêque,  qui  s'en  conlentael  y  fit  ajouter  une 
formule  de  renouvellement  des  vœux,  qui  le 
reconnaissait  comme  supérieur  •immédiat  el 


1149 


NOT 


NOT 


um 


lui  faisait  promesse  d'obéissance  ;  car  il  vou- 
lait cette  obéissance  des  religieuses.  Celles- 
ci  y  consentirent,  mais  avec  peine,  craignant 
avec  raison  que  l'évéque,  partant  de  celle 
autorité  excessive  entre  ses  mains,  ne  les 
oblgeât  ou  à  quelques  charges  qui  ne  se- 
raient point  de  leur  profession,  ou  à  demeu- 
rer dans  le  petit  local  qu'elles  occupaient 
provisoirement. 

Elles  firent  à  leur  tour  des  objections  et 
représentations  fondées,  nec^nsenlanl  à  faire 
des  vœux  que  pour  un  an,  lesquels  encore 
n'auraient  que  le  sens  donné  par  leurs  con- 
stitutions. L'évéque,  apaisé  par  la  sœur 
Sainte-Scolasliqne,  consentit,  malgré  la  peine 
qu'il  éprouvait.  A  la  cérémonie  des  élections 
le-  religieuses  priicnt  leur  costume  monasti- 
que et  se  tinrent  dans  la  salle  attenant  à 
l'oratoire.  L'évèjue,  entrant  avec  des  ccclé- 
siasliques,  fut  frappédece  spectaeleinatlcndu 
qui  lui  causa  de  la  joie  el  une  sorte  du  res- 
pect pour  les  religieuses.  Les  suffrages  se 
réunirent  en  faveur  d.'  la  mère  Corbel,  dite 
Marie  de  Sainte-Scolaslique.  Celait  elle  qui 
avait  eu  le  plus  de  part  aux.  soins,  aux  dé- 
marches qu'il  avait  fallu  faire  peur  l'établis- 
sement de  l'institut  à  Saint-Brieuc,  el  la  re- 
connaissance de  ses  sœurs  lui  donna,  ainsi 
qu'à  l'autre  triennal,  cette  marque  de  con- 
fiance, quoiqu'elle  n'eût  ni  l'instruction  ni 
l'expérience  nécessaires  pour  cette  haute 
position,  el  elle  s  acquitta  fort  bien  de  ses 
obligations.  La  maison  que  la  petite  com- 
munauté tenait  à  loyer  appartenait  à  l'esti- 
mable famille  Sebert,  qui  montra  les  meil- 
leures dispositions  en  faveur  des  religieuses, 
les  secourut  de  ses  services  et  de  ses  au- 
mônes, leur  donna  une  de  ses  filles  pour  pos- 
tulante (la  deuxième  du  nouvel  établisse- 
ment), el  mérite  d'être  signalée  ici  à  la  re- 
connaissance du  diocèce  île  Saint-Brieuc. 

Cependant  les  religieuses,  logées  étroite- 
ment, soupirant  toujours  aprè^  Monibareil, 
sollicitées  par  leurs  s  rurs  des  maisons  de 
Vannes  (à  la  Chartreuse)  et  de  Renne-,  pen- 
saient à  se  réunir  aux  premières  et  tramaient 
seules  leur  petit  complot,  quand  un  jour  un 
jeune  ecclésiastique  du  diocèse,  M.  l'abbé 
Tresvaûx,  devenu  depuis  grand  vicaire  el 
officiai,  el  actuellement  chanoine  de  Notre- 
Dame  de  Paris,  ayant  eu  communication  de 
leur  projet,  en  prévint  l'évéque,  qui  se  hâla 
d'ouvrir  une  souscription  dans  son  chapitre, 
el  engagea  immédiatement  la  communauté  à 
conclure  l'achat  de  la  maison  des  sœurs  de 
la  Croix,  où  elles  sont  aujourd'hui,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit.  Elles  y  entrèrent  le  lundi 
des  Rogations  de  l'année  1810.  Le  29  décem- 
bre 1812,  elles  donnèrent  l'habit  à  leur  pre- 
mière postulante,  et  ce  jour  est  celui  qu'elles 
prennent  pour  dale  ce  l installation  dans 
l'établissement.  La  veille,  l'évéque  avait  dit 
la  première  messe  à  l'église  qu'oa  venait  de 
racheter  d'un  au'.re  acquéreur.  Tout  ce  jour, 
le  zélé  prélat  n'avait  cessé  d'y  travailler, 
allant  jusqu'à  prendre  le  rabol  pour  faire 
avancer  l'ouvrier  qui  metta  l  (aux  frais  de 
l'évéque  Iui-mcme)«Jes  bagucllcs  dorées  aux 
deux  tableaux  Mu  retable. 


La  maison  de  Rennes,  comme  on  l'a  vu 
dans  le  texte  d'Hélyot.  était  une  des  pre- 
mières fondations  de  l'ordre.  Elle  sera  la 
dernière  dont  nous  rapporterons  la  restau- 
ration avec  i]  elques  dél  ils.  Celle  restaura- 
tion esi  due  au  zèle  de  la  mère  Helliani  d'Au- 
S.erteuil.  dite  Marie  de  Sainte^Eugénie,  et 
connue  à  Rennes  sous  le  nom  de  la  mère 
Eugénie.  Nous  avons  entendu  dire  dans 
celte  ville  que  la  maison  de  Sainf-Cyr  lui 
avaitéléaccordccparBuonaparteà  l'occa  ion 
d'un  berceau  riche  el  précieux,  travaillé  ar 
les  soins  et  les  mains  de  la  mère  Eugénie,  cl 
envoyé  par  elle  au  roi  de  Rome.  Mais  il  esl 
impossible  qu'il  en  ait  été  ainsi,  car  le  pré- 
tendu roi  de  Rome  naquit  en  1811,  et  la  mère 
Eugénie  habitait  dès  lors,  el  depuis  plusieurs 
années,  la  maison  de  Sainl-Cyr.  Cette  mère 
Eugénie,  que  nous  avons  vue  nous-méme, 
n'avait  pas,  dit-on,  tout  ce  qu'il  fallaitde  pru- 
dence et  de  tact  pour  le  succès  de  l'œuvre  à 
laquelle  son  zèle  l'avait  portée,  etqui  a  pour- 
tant réussi.  L'ancien  établissement  des  reli- 
gieuses de  Notre-Dame  de  Charité,  à  Rennes, 
était  celtemaison  ditede  la'J'rnité,  située  près 
de  la  cathédrale,  rue  de  la  Monnaie,  dans  la- 
quelle des  prélres  fidèles  furent  incarcérés 
pendant  les  orages  de  la  première  révolu- 
tion, laquelle  fut  depuis,  jusqu'en  1820,  le 
graud  séminaire  diocésain,  où  nous  avons 
pris  nous-méme  l'habit  ecclésiastique.  Celte 
maison  aujourd'hui  esl  entièrement  détruite, 
et  ie  lieu  qu'elle  occupait  est  une  rue  et  une 
place  publique.  La  maison  de  Saint-Cyr,  à 
l'extrémité  d'un  faubourg  ,  était  l'un  des 
deux  monastères  que  les  Calvairiennes 
avaient  à  Rennes.  La  mère  Eugénie  se  pro- 
cura donc  cette  maison;  mais  ses  anciennes 
compagnes,  effrayées  des  dettes  qu'elle  avait 
contractées  et  choquées  du  titre  de  fonda- 
trice qu'elle  avait  pris  ou  obtenu,  ne  vou- 
laient point  se  réunir  à  elle.  M.  Enoch, évé- 
que  de  Rennes,  pour  consolider  l'établisse- 
ment, s'adressa  et  demanda  une  religieuse  à 
l'im/ératrice  mère  et  au  cardinal  Fcsrh. 
Ceux-ci  voulurent  que  la  religieuse  qu'on 
cm  errait  à  Rennes  lût  tirée  de  la  maison  de 
Paris,  à  laquelle  en  conséquence  l'évéque  eu 
fil  la  demande. 

M.  l'abbé  d'Astroa  donna  obédience  pour 
celte  translation  à  la  mère  d'Epry,  dile  mère 
deSaiule-Pelagie,  qui  reçut  aussi  une  accep- 
tation et  permission  de  l'évéque  de  Rennes, 
qui  la  nommait  supérieure  dans  une  céduic 
do:  t  nous  avons  vu  la  teneur.  La  mère 
Sai  nie-Pélagie  trouva  la  maison  dans  le  plus 
graud  dénuement  el  endettée  de  32,000  IV. 
Elle  ne  perdit  point  courage,  et  s'adressa  au 
préfet  du  département,  qui  lui  alloua  un  se- 
cours. L'impératrice  mère  lui  donna  aussi 
une  aumône,  el  Bunnaparte,  sur  le  vu  d'une 
requête,  alloua  sur  le  budget  des  cultes  uu 
secours  annuel  de  4,000  fr.  ,  continué  jus- 
qu'à ce  jour  el  doublé.  Les  sujels  ne  venaient 
point  augmenter  la  communauté;  la  restau- 
ration des  Bourbons,  qui  fut  une  occasion 
d'élan  à  tant  d'autres  établissements,  ne  Dt 
aucun  mouvement  sensible  ou  stable  à  celui 
de  Reuues,  Cependant,  nous  voyons  dans  le 


1151 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


115Î 


tableau  des  associations  de  charité  qui  dépu- 
tèrent au  chapitre  général  convoqué  par  dé- 
cret du  30  septembre  1817,  que  les  Dames 
du  Refuge  de  Rennes  sont  au  nombre  de 
douze;  qu'elles  demandent  la  ?naison  de  Saint- 
Cyr  pour  leur  établissement  ,  vu  qu'elles 
payent  le  loyer  de  la  maison  qu'elles  habi- 
tent... Quoi  qu'il  en  soit,  les  sujets  man- 
quaient à  cet  établissement.  On  enfit  venir  de 
la  maison  de  Caen,  en  1818,  et  nous  vîmes, 
à  Louvigné-du- Désert,  la  colonie  de  quatre 
religieuses  qu'on  envoyait,  et  qui  se  retirè- 
rent au  bout  de  quoique  temps.  D'anciennes 
religieuses  de  la  maison  de  la  Trinité  con- 
sentirent à  se  réunir  à  Saint-Cyr,  et  propo- 
sèrent à  la  mère  Sainte-Pélagie  de  faire  une 
élection.  Celle-ci  leur  répondit  qu'elle  était 
supérieure  et  qu'il  n'était  pas  nécessaire  de 
faire  une  élection.  L'évêque  de  Rennes,  qui 
était  alors  M.  Charles  Mannay.se  mêla  de 
l'affaire,  et  la  mère  Sainte-Pélagie  demanda 
son  retour  à  Paris,  où  elle  revint  le  20  jan- 
vier 1821.  On  fit  revenir  à  Saint-Cyr  quel- 
ques mères  de  la  maison  de  Caen,  quelques 
anciennes  de  Rennes  se  réunirent  à  elles. 
M.  Mannay  les  installa  solennellement,  re- 
çut la  rénovation  de  leurs  vœux,  et  M.  l'abbé 
Garnier,  son  grand  vicaire,  depuis  évêque  de 
faunes,  fil  un  beau  discours  à  cette  cérémo- 
nie, dont  nous  fûmes  témoin,  et  dans  la- 
quelle nous  remarquâmes  que  la  mère  lui- 
génie  ne  renou\ela  point  ses  vœux.  Les  reli- 
gieuses de  Rennes  élurent  pour  supérieure 
la  mère  Vauquelin,  dite  de  Saint -Am- 
broise,  et  depuis  lors  leur  maison,  qui  nous 
avait  paru  si  dénuée,  a  obtenu  un  étal  pros- 
père. 

Enfin,  la  quatrième  maison  nommée  par 
le  P.  Hélyot  est  relie  de  Vannes.  M.  l'abbé 
Deshayes ,  mort  supérieur  des  Mission- 
naires de  Saint  Laurent-sur-  Sèvre  ,  et  si 
connu  par  son  zèle  et  ses  bonnes  œuvres, 
les  réunit,  après  la  révolution,  à  la  Char- 
treuse près  d'Auray,  où  il  était  alors  curé. 
En  1811,  un  décret  impérial  approuvant  la 
maison  de  Saint-Brieuc  dont  nous  avons 
parlé,  fut  refusé  à  celle  de  la  Chartreuse, 
qui  se  dispersèrent  celte  année-là,  parce  que 
M.  Deshayes,  voulant  que  la  maison  prit 
soinjdes  sourds-muets,  exigeait  que  les  jeu- 
nes religieuses  missent  tout  leur  temps  à 
l'étude  des  sciences  qui  les  rendraient  aptes 
à  cette  bonne  œuvre.  Cinq  des  religieuses 
se  retirèrent  à  Saint-Brieuc.  L'ordre  de  No- 
tre-Dame de  Charité  est  aujourd'hui  bien 
plus  étendu  qu'a:itrefois.  Outre  les  maisons 
de  Caen,  de  Rennes  et  de  Guingamp  (à  Saint- 
Brieuc),  de  La  Rochelle  et  de  Tours,  qui  ont 
été  rétablies,  1'inslilul  a  aujourd'hui  des 
établissements  à  Toulouse ,  à  Nantes ,  à 
Lyon,  à  Versailles,  à  Marseille,  à  Valence, 
à  Besançon,  à  Blois ,  à  Monlauban  et  au 
Mans. 

Nous  croyons  ces  trois  derniers  plus  nou- 
veaux que  ceux  qui  les  précèdent.  Le  mo- 
nastère de  Tours  a  envoyé  une  colonie  à 
Angers  ;  mais  cet  établissement  d'Angers, 
connu  sous  le  nom  de  Maison  du  Bon  Pas- 
leur  d'Angers,  s'est  séparé  des  autres,  s'est 


constitué  chef-lieu  d'une  nouvelle  branche, 
avec  généralat  dans  la  personne  de  la  supé- 
rieure d'Angers,  et  une  légère  modification 
dans  le  costume.  Le  pape  a  approuvé  cette 
congrégation  nouvelle,  qui  a  eu  une  prompte 
extension  et  dont  nous  dirons  l'histoire  dans 
notre  Supplément  ;  mais  les  anciennes  mai- 
sons tiennent  à  ce  qu'on  fasse  bien  la  dis- 
tinction qu'il  y  a  entre  elles  et  la  famille 
d'Angers.  La  nouvelle  fondation  du  Mans 
était  de  la  filiation  d'Angers;  mais  elle  a 
quille  celte  observance  particulière  pour  ren- 
trer dans  la  corporation  des  anciennes  mai- 
sons, avec  lesquelles  elle  a  établi  la  corres- 
pondance commune. 

Cette  correspondance  est  un  usage  qui  de- 
vrait être  établi  entre  les  maisons  des  autres 
ordres.  Les  maisonsdeNolre-Dame  deChariié 
s'écrivent  les  unes  aux  autres  des  lettres 
dont  nous  avons  vu  un  très-grand  nombre, 
et  y  consignent  tout  ce  qui  se  passe  d'inté- 
ressant dans  leurs  maisons.  Le  recueil  de 
ces  lettres,  s'il  était  donné  au  public, forme- 
rait un  volume  à  la  fois  édifiant  et  épiso- 
dique. 

C'est  un  grand  avantage  pour  l'ordre  de 
Notre-Dame  de  Charité  que  d'avoir,  ainsi 
que  les  Eudisies,  propagé  le  premier  la 
dévotion  au  sacré  Cœur  de  Jésus  et  aupara- 
vant la  dévotion  au  sacré  Cœur  de  Marie, 
aujourd'hui  si  répandue  parmi  les  fidèles, 
et  qui  fait  l'espérance  qu'ont  les  hommes 
sensés  et  religieux  de  voir  la  foi  se  mainte- 
nir en  France  au  milieu  «le  tant  d'or.iges. 

Annales  manuscrites  de  l'ancienne  maison 
de  Paris.  —  Item  de  la  nouvelle.  —  Rensei- 
gnements fournis  par  la  révérende  Mère  "*, 
supérieure  de  la  maison  Saint-Michel,  à  Pa- 
ris, professe  de  la  maison  de  Saint-Brieuc. 
—  Mémoires  de  philosophie,  d'histoire,  dt 
morale  et  de  littérature,  tome  IV.  —  Corres- 
pondance de  plusieurs  communautés  de  l'or- 
dre. —  Histoire  manuscrite  de  la  maison  dt 
Saint-Brieuc.  B-d-e. 

NOTRE-DAME  DE  SAINT-PAUL  (Religieu- 
ses Bénédictines  Réformées  de)  ,  prés 
Béarnais,  avec  la  Vie  de  de  la  R.  M.  Made- 
leine d' Escoubleau  de  Suurdis,  leur  réfor- 
matrice. 

L'abbaye  de  Notre-Dame,  communément 
appelée  de  Saint-Paul  à  cause  qu'elle  esl  si- 
tuée dans  un  village  de  ce  nom  à  une  lieue 
de  Beauvais,  est  une  des  plus  anciennes  et 
des  plus  célèbres  de  France.  Elle  fut  fondée 
par  Chilpéric,  roi  de  France,  vers  l'an  580. 
On  ne  sait  rien  des  premières  abbesses  qui 
l'ont  gouvernée  jusqu'en  l'an  662,  si  ce  n'est 
que  sainte  Angadresme  y  fut  envoyée  par 
saint  Onen,  archevêque  de  Rouen,  pour  en 
être  abbesse;  et  on  n'esl  pas  mieux  instruit 
de  ce  qui  est  arrivé  à  cette  abbaye  depuis  la 
mort  de  cette  sainle,  qui  arriva  l'an  697, 
jusqu'en  l'an  860,  qu'elle  fut  entièrement 
détruite  par  les  Normands,  dont  les  reli- 
gieuses évitèrent  la  fureur  et  la  barbarie  en 
se  réfugiant  dans  la  ville  de  Beauvais  avec 
le  corps  de  sainle  Angadresme.  Comme  il  n'y 
avait  point  d'apparence  de  les  yoir  bientôt 


1153 


NOT 


NOT 


1154 


rétablies,  Eudes  I",  évoque  de  Beauvais, 
voyant  que  les  seigneurs  voisins  et  autres 
personnes  séculières  s'emparaient  tous  les 
jours  des  biens  de  cette  abbaye,  demanda  la 
jouissance  de  ces  biens  au  pape  Nicolas  l"' 
et  au  roi  Cbarles  le  Chauve,  alin  qu'ils  fus- 
sent unis  et  incorporés  à  la  mense  épisco- 
pale;  ce  qu'il  obtint  l'an  863,  à  condition 
néanmoins  qu'il  uourrirait  et  entretiendrait 
les  religieuses  sorties  de  ce  monastère,  et  les 
rétablirait  le  plus  tôt  qu'il  lui  serait  possible. 
L'evèque  de  Beauvais ,  ayant  accepté  ces 
conditions,  se  mil  en  possession  du  revenu 
de  cette  abbaye,  sans  aucune  opposition  de 
la  part  des  religieuses.  11  en  disposa  comme 
de  son  propre;  ce  que  firent  aussi  ses  suc- 
cesseurs, sans  songer  à  la  réparation  ni  au 
rétablissement  de  ce  monastère,  quoiqu'ils  y 
fussent  obligés;  mais  Drogon  étant  monte, 
dans  le  xc  siècle,  sur  ce  siège  épiscopal,  fit 
travailler  en  diligence  au  rétablissement  de 
ce  monastère,  et  lui  rendit  tous  ses  biens, 
avec  le  village,  de  Saint-Paul.  La  première 
abbesse  de  ce  nouveau  monastère  fol  une 
sainte  fille  appelée  lierlhe,  qui  y  établit  les 
observances  régulières.  Elles,  y  furent  main- 
tenues par  celles  qui  lui  succédèrent,  et  il 
s'y  présenta  un  si  grand  nombre  de  filles 
dans  la  suite,  pour  y  prendre  l'habit  de 
l'ordre  de  Saint-Benoit,  que  ce  monastère  de 
Saint-l'aul  n'étant  pas  suffisant  pour  les 
contenir  toules,  on  bâtit  qua're  prieurés,  où 
on  envoyait  des  religieuses  qui  étaient  tou- 
jours soumises  à  l'abbesse  de  Saint-Paul.  Le 
premier  fut  fondé  à  Pummereux,  le  second  à 
Ezenuille  près  de  Paris,  le  troisième  à  Sainte- 
Bove-aux-Champs,  et  le  quatrième  à  Eplu- 
ques.  La  clôture  fut  établie  à  Saint-Paul  par 
Pernelle  ou  Petronille  de  Coudrène,  qui  avait 
été  élue  abbesse  l'an  H69;  elle  dressa  aussi 
des  constitutions  qu'elle  fit  approuver  et  con- 
firmer par  Jean  de  Bar,  évèque  de  Beauvais; 
mais  il  y  eut  des  abbesses  dans  la  suite  qui 
négligèrent  de  les  faire  observer.  La  clôture 
ne  fut  plus  gardée,  et  si  de  temps  en  temps 
il  y  avait  quelques  abbesses  qui  rétablis- 
saient les  choses,  il  en  venait  d'autres  qui 
les  détruisaient.  Cependant  les  desordres  ne 
furent  pas  si  grands  dans  cette  abbaye  que 
dans  une  infinité  d'autres,  où  les  religieuses 
menaient  une  vie  toute  séculière.  Mais  sous 
le  gouvernement  d-  Charlotte  dé  Pellevé, 
nièce  du  cardinal  de  ce  nom,  le  monastère 
ayant  beaucoup  souffert  par  la  famine  qui  fut 
presque  universelle  vers  l'an  1580,  et  ayant 
été  brûlé  deux  fois  par  accident  et  une  fois 
par  la  fureur  des  soldats  du  comte  de  Bein- 
grave,  les  religieuses  furent  obligées  d'en 
sortir  pour  aller  chez  leurs  parents,  où  elles 
ne  s'embarrassèrent  guère  des  observances 
régulières.  Mais  Madeleine  d'Escoubleau  de 
Sourdis,  qui  succéda  à  Charlotte  de  Pellevé 
l'an  1596,  rétablit  dans  ce  monastère  la  par- 
faite observance  et  remit  cette  abbaye  pres- 
que dans  le  premier  état  de  sa  fondation. 

Madeleine  d'Kscoubleaiïélait  fille  de  Fran- 
çois d'Escoubleau,  marquis  d'Alluis,  gou- 
verneur de  Chartres,  premier  ecuyer  de  la 
grande  écurie  et  chevalier  des  ordres  du  roi, 


et  d'Isabelle  Babou  de  la  Bourdaisière.  Elle 
naquit  comme  par  miracle,  lorsqu'on  la 
croyait  étouffée  dans  les  entrailles  de  sa 
mère,  qui,  accouchant  au  septième  mois  de 
sa  grossesse  et  épuisée  de  forces  par  ies 
grands  efforts  qu'elle  avait  faits  pour  mettre 
au  monde  une  autre  fille  dont  elle  était 
grosse  en  même  temps,  fit  désespérer  que 
celle-ci  pût  venir  à  bon  terme,  d'autant  plus 
qu'il  y  avait  déjà  un  jour  que  la  première 
était  née  sans  qu'il  y  eût  aucune  apparence 
favorable  pour  la  seconde.  Dès  l'âge  de  sept 
ans  elle  fut  envoyée  à  l'abbaye  de  ISeaumont, 
sous  la  conduite  de  sa  tante  qui  en  était 
abbesse,  et  qui  l'éleva  jusqu'à  l'âge  de  seize 
ans,  qu'elle  fut  nommé  •  pur  le  roi  Henri  IV 
à  l'abbaye  de  Notre-Dame  de  Saint-Paul  près 
de  Beauvais.  11  y  eut  à  ce  sujet  quelques  di- 
visions dans  celte  maison,  où  des  religieuses 
prétendaient  maintenir  le  choix  qu'elles 
avaient  fait  d'une  religieuse  d'entre  elles 
pour  abbesse;  mais  tout  fut  pacifié  à  l'arri- 
vée de  Madeleine  d'Escoubleau  de  Sourdis, 
qui  prit  possession  de  cette  abbaye  le  11 
avril  1596;  elle  y  fut  reçue  avec  beaucoup 
de  joie  par  toutes  les  religieuses  qui  étaient 
naturellement  portées  à  la  parfaiie  obser- 
vance et  aux  exercices  de  leur  profession; 
mais  comme  celte  nouvelle  abtiesse  n'avait 
encore  que  l'habit  de  novice,  elle  ne  prit 
l'administration  du  temporel  qu'au  mois  de 
septembre  suivant,  qu'elle  fit  sa  profession. 
Quoiqu'elle  n'obtint  ses  bulles  que  cinq  ans 
après,  à  cause  de  son  jeune  âge,  elle  ne 
laissa  pas  de  conduire  cette  maison,  lant  pour 
le  spirituel  que  pour  le  temporel,  sous  la  di- 
rection de  l'évéque  de  Beau.vais  :  sitôt  qu'elle 
eut  ses  bulles  et  qu'elle  eut  été  bénie  par 
Henri  d'Escoubleau  de  Sourdis,  évéque  de 
Maillezais,  son  oncle,  elle  travailla,  par  le 
conseil  de  ce  prélat  et  du  cardinal  de  Sour- 
dis, son  frère,  à  remettre  en  vigueur  dans 
celle  maison  la  parfaite  observance  des  rè- 
gles; elle  fut  beaucoup  aidée  dans  celte  en- 
treprise par  les  Pères  Bénédictins  réformés 
de  la  congrégition  de  Saint-Vannes  et  par  le 
P.  Ange  de  Joyeuse,  capucin,  aussi  bien  que 
par  le  P.  Honoré  de  Champigni,  du  même 
ordre.  La  clôture  y  avait  déjà  été  réiablio 
par  ses  soins,  malgré  les  oppositions  tint  du 
dedans  que  du  dehors;  ainsi  il  ne  restait  plus 
qu'à  réiormer  quelques  abus  qui  s'étaient 
glissés  dans  les  observances  régulières.  Elle 
commença  par  remettre  l'usage  des  chemises 
et  des  draps  de  serge  aussi  bien  que  celui 
de  dormir  avec  l'habit  :  elle  rétablit  le  tra- 
vail en  commun,  qui  commença  à  se  faire 
dans  sa  chambre  en  silence,  après  lequel 
elle  ne  manquait  pas  de  leur  faire  une  exhor- 
tation pour  les  animer  à  la  pratique  de  la 
règle.  Elle  établit  les  matines  après  minuit, 
suivant  l'ancienne  pratique  de  celte  maison. 
Elle  s'étudia  surtout  à  faire  célébrer  1  office 
divin  avec  l'honneur  et  la  majesté  convena- 
bles ;  et  elle  ôta  certains  privilèges  d'exemp- 
tion par  lesquels  les  religieuses  prétendaient 
avoir  droit  Je  se  dispenser  certains  jours  de 
matines  et  des  heures  canoniales.  Elle  re- 
trancha aussi  les  abus  des  conversations  se- 


Il: 55 


DICTIONNAIRE  DES  ORDRES  RELIGIEUX. 


11S6 


eulières  dans  les  tours  et  dans  les  parloirs, 
qu'elle  fit  fermer  le  jour  et  la  nuit,  afin  que 
personne  ne  parlât  sans  sa  permi-si ■'•'■ 
Quant  à  l'abstinence  perpétuelle  île  lu  ViaiHÎe, 
eîle  avait  dessein  de  l'introduire;  mais  elle 
on  fut  dfe'WffadfcG  par  l'évéque  de  Beauvais  et 
par  quelques  autres  personnes  qui  lui  con- 
seillèrent d'en  permettre  l'usage  In  is  fois  la 
semaine,  tant  à  cause  de  la  éérictftcsse  et  de 
l'm'Tmité  de  la  plupart  des  religieuses  de  sa 
c  mmunauté,  qui  HvufFrMent  beaucoup  de 
l'air  incommode  et  malsain  de  leur  monas- 
tère, qu'à  cause  de  la  difficulié  qu'il  y  avait 
d'avoir  du  poisson  pour  le  grand  nombre 
qu'elles  étaient. 

Il  y  avait  encore  à  réformer  l'habit  que 
l'-Oft  y  portait  depuis  cent  ou  -iv-viiigts  ans, 
qui  consistait  en  un  surplis  d  toile  noire 
pur-dessus  la  robe  (1).  Quelques  religieuses 
s'opposèrent  fortement  à  ce  changement; 
•l'évéque  île  Beauvais  ne  l'approuvait  pas 
110:1  plus,  mais  elle  suniio.  ta  encore  toutes 
ces  difficultés  et  lit  prendre  à  ses  religieuses 
l'habit  quiest  commun  aux  autres  religieuses 
de  cet  ordre,  qui  consiste  dans  la  robe,  le 
.'capulairc  et  la  coule.  Enfin  elle  n'::utit  rien 
pour  faire  revivre  l'esprit  de  saint  Benoit 
dans  son  abi  aye,  en  en  Retranchant  les  abus 

({)  Voy.,  à  la  fin  du  vol.,  n°  2'j9. 


qui  s'étaient  glissés  durant  le  malheur  des 
guerres.  Elle  fi!  dresser  un  formulaire  d'  s 
constitutions  qu'elle  fit  observer  à  la  lettre, 
après  les  avoir  fait  recevoir  par  la  commu- 
naulé,  qui  s'engagea  à  ne  faire  jamais  aucun 
changement  dans  la  pratique  de  tout  ce  qui 
y  était  <  ont<  nu.  Cette  acceptation  se  fit  le  10 
février  île  l'année  1660.  La  saintelé  de  ces 
religieuses  se  répandit  de  tous  côtés;  plu- 
sieurs supérieures  de  différents  monastères 
prièrent  l'abbesse  de  Sainl-Paul  de  leur  en- 
voyer de  ses  filles  pour  y  rétablir  la  régula- 
rité :  ce  qu'elle  accorda  à  quelques-unes, 
entre  autres  à  celles  de  Sainte-Austreberte, 
près  de  Montreuil,  et  de  Saint-Amand  de 
Bouen.  Elle  envoya  aussi  les  règlements  qui 
avaient  é.é  fails  pour  le  bien  de  son  monas- 
tère aux  âbbesses  de  Ville-Chasson,  de  Neu- 
bourg,  de  Bcllefonds  et  de  quelques  autres 
monastèr.  s  qui  ies  avaient  demandés.  Enfin 
l'abbesse  do  Saint-Paul,  après  avoir  gouverné 
ce  monastère  pondant  soixante-neuf  ans,  et 
y  avoir  établi  une  parfaite  obsenance,  mou- 
rut le  10  avril  IC65,  étant  âgée  de  83  ans. 

Cironiq.  générai,  de  Contre  de  Saint-Be- 
noît, tom.  VI. 

:  OTBE-^AL'VEUR.  Voyez  Sauveur. 

NUYS.  Viycz  Y'al-Verd  et  Vindeseim. 


ARTICLES  ADDITIONNELS. 


BERNARDINES  (Religieuses). 

Les  religieuses  Bernardines  (^.suppri- 
mées (Oniuie  tous  les  au'res  instituts  ,  en 
171)0,  i .nt  mis-,  générait  nient  parlant,  peu 
do  zèle  à  se  rétablir  en  France.  Nous 
aurons  à  par  er  de  la  conservation  do  l'or- 
dre parmi  nous,  puisque  ies  leligieuscs 
de  Port- Royal  et  celles  do  la  Trappe  en 
font  partie;  mais  de  l'observance  lotnmune 
(\^  Cîteaux,  il  n'y  a  tout  au  plus  que  trois 
eu  quatre  maisons,  peut-être  moins  encore, 
qui  se  soient  reconstituées.  Nous  citerons 
celle  qui  existe  à  Saim-Pail-aux-Bois ,  dio- 
cèse de  Soissons,  et  une  autre  au  diocèse 
de  Cambrai.  Celle-ci  a  été  formée  par  1rs 
anciennes  religieuses,  de  l'.ibbayeile  Eliues. 
En  l'année  1824.,  elles  tirent  quelques  tenta- 
tives pour  prendre  la  réforme  de  la  Trappe. 
L'évéque,  quoique  ancien  constitutionnel , 
secondait  leur  désir.  Une  colonie  de  quel- 
ques trappistes  du  monastère  Sainte-Ca- 
therine de  Laval ,  s'y  rendit  sous  la  con- 
duite de  la  mère  Gerlrude,  religieuse  _  et 
sœur  de  la  supérieure  de  cette,  dernière 
maison.  Des  raisons  particulières  empê- 
chèrent celle  réforme,  et  les  Dames  Trap- 
pistes revinrent  à  leur  monastère  de  La- 
val. Les  Bernardines  oui  une  maison  à 
Rome,  dirigée  par  des  prêtres  séculiers; 
elles  en  ont  peu,  croyons-nous,  dans  l'Ita- 


lie; quelques-unes  dans  les  autres  con- 
trées de  l'Europe ,  et  même  en  Angleterre, 
puisque  !e  monastère  des  Dames  Trap- 
pistes appartient  à  cet  institut.  Il  doit  en 
conserver  quelques-unes  dans  les  contrées 
occidentales  de  la  Russie  ,  et  même  dans 
les  Etats  autrichiens  ;  cependant  nous  n'en 
trouvons  aucune  indiquée  dans  la  statisti- 
que des  communautés  de  ce  dernier  pays, 
que  nous  avons  actuellement  sous  les  yeux. 
Nous  terminerons  ces  additions  par  quel- 
ques détails  pailiiuliers  sur  là  maison  de 
Saint-Paul-a  x-Bo  s.  Cette  maison  fut  for- 
mée quelques  années  après  le  concordat, 
par  le  zèle  d'une  ancienne  Bernardine, 
madame  Pauline  du  Castel  ,  qui  s'associa 
plusieurs  de  ses  anciennes  compagnes,  et 
qui  gouverna  sagement  sa  nouvelle  com- 
munauté jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  l'an- 
née 1835.  Madame  Stéphanie  d'Alincourt 
lui  a  succédé  dans  la  place  de  supérieure. 
Cette  communauté  était,  en  1836,  rom-| 
posée  de  seize  religieuses  de  chœur,  huit 
sœurs  converses,  et  quatre  postulantes.  Elle 
suit,  avec  la  règle  de  saint  Benoît,  mitigée, 
des  constitutions  approuvées  par  l'évéque 
de  Soissons,  qui    en   est   le   supérieur. 

(Notes  recueillies  passim,  et  d'un  mémoire 
fourni  pur  fa  révérende  iw're  Stéphanie  a" A.- 
i       \urt.)  B-d-e. 


(\)  Voy.  l'art.  BenB*ftD«es,  i  >■>    I  '.  çai.  ii>3. 


1157 


A'RTiCU  INNELS. 


HSS 


E COLES  CHRÉTIENNES  ,  et:.  (1). 

«  En  1776,  les  Dames  de  Saïnt  Maur 
(  e'o^t  à-dire  les  sœurs  de  l'Enfanl-Jésus 
dont  ii  est  parié  dans  cet  article  )  furent 
chargées  du  pensionnat  (!e  Lévknac ,  au 
diocèse  de  Toulouse,  établi  sur  le  m'odèlb 
de  celui  de  Sàint-Cyr.  L'institut  comptait 
environ  cent  maisons  et  six  crnls  sujets 
en  exercice  à  l'époque  de  1789;  la  mai- 
son chef-lieu  jouissait  alors  de  vingt  mille 
livres  de  renie.  Mais  nous  ne  devons  pas 
omettre  que  la  congrégation  primitive  s'é- 
tait parliigéc  en  deux,  dont  l'une,  sous 
ce  nom  de  Dames  de  raint-Maur ,  s'élait 
propagée  principalement  dans  le  Midi,  et 
nous  en  avons  donné  pour  exemple  leur 
pensionnat  de  Lévignac  ;  l'autre,  dite  de 
la  Providence ,  avait  formé  plusieurs  mai- 
sons en  Normandie  et  en  Picardie.  Mais  , 
en  1791,  les  Dames  de  l'instruction  chari- 
table l'ure:  t  chassées  de  Ions  lenrs  établis- 
sements, »  {Histoire  des  Ordres  religieux, 
par  M.  Henrion ,  tom.  II,  p.  3j5.)  Comme 
celle  mile  congrégation  a  eu  une  existen  e 
nouvelle  et  p. irait  être  sur  un  nouveau 
pied  depuis  l'année  1S35,  nous  lui  con- 
sacrerons un  article  spécial  ,  dans  le  Sup- 
plément, sous  le  titre  de  Dames  de  Saint- 
M<  ur,  qui  lui  semble  plus  convenable 
aujourd'hui,  ou  pins  communément  donné, 
que  le   nom  de  Filles  de  l'Enfaht-Jésus. 

Les  sœurs  de  l' Enfuit-Jésus ,  qui  s'élàîènl 
fort  répandues  dans  tous  les  quartiers  de 
Paris,  étaient  considérées  comme  une  fonda- 
tion de  madame  Bourdin  ,  supérieure  de  tout 
l'institut.  Au  milieu  du  dernier  siècle,  là 
maison  était  composée  de  trente  religieu- 
ses, et  elle  senaitde  noviciat  à  tous  les 
établissements  des  provinces.  On  n'exigeait 
point  de  dot  des  sojels  qui  se  présentaient , 
mais  on  leur  demandait  1200  livres  de 
pension  pour  le  noviciat,  qui  durait  deux 
ans  ,  après  six  mois  de  postulat.     B-d-e. 

Fi; ANC! SC .UNS  en  général  (2). 

L'état  où  se  trouvait  le  corps  vénérable 
de  saint  François  d'Assise  depuis  sa  mort 
est  resté  longtemps  inconnu.  Une  tradition 
erronée  faisait  très-souvent  écrire  que  le 
saint  fondateur  était  debout  ,  les  yeux  fi- 
xés vers  le  ciel ,  et  dans  l'altitude  de  con- 
templation qu'il  eût  pu  prendre  pendant 
sa  vie.  Voici  ce  qu'il  y  a  de  vrai  sur  son 
inhumation  et  sur  l'état  de  ses  précieuses 
reliques.  Le  corps  de  saint  François  avait 
été  mis  duns  une  urne  de  pierre  et  in- 
humé dans  l'église  Saint-George.  En  1230, 
deux  ans  après  sa  canonisation  ,  il  fut 
transféré ,  par  les  soins  du  P.  IUie  ,  qui 
n'éiait  plus  général  alors  ,  mais  qui  don- 
nait à  l'ordre  toute  fon  intelligence  et  tout 
son  zèle;  il  fut  transféré,  disons-nous, 
dans  i'eglise  i  euve  bâtie  sous  son  invo- 
cation. Dans  la  craitvte  de  voir  so;i  ins  ilut 
pri\ é  par  une  spoliation  quelconque  de  ce 

I j  toi/.    Part.   Ecoles  chrétiennes,  ci-dessus, 
i    ,   1-2-2. 


sacré  dépôt  ,  et  de  donner  une  occasion 
d*>  lonnem-nt  aux  esprits  faibles,  qui  sa- 
vaient que  le  corps  de  François  était  (le- 
vé:, u  flexible  au  moment  de  son  décès, 
mais  qui  ignoraient  que  depuis  ce  temps 
il  était  entré  en  putréfaction ,  le  P.  Elie , 
par  une  précaution  étrange  ,  lit  transférer 
le  corps  dans  l'urne,  et  le  fil  enleier,  par 
une  violence  simulée  ,  par  les  bourgeois 
d'Assise ,  qui  expulsèrent  tout  le  momie 
de  l'église  et  l'enterrèrent  si  secrètement, 
qu'un"  très-petit  nombre  connut  la  place 
de  cette  sépulture  dans  l'église,  et  que, 
ceux  qui  la  connaissaient  étant  morts,  per- 
sonne ne  sut  vérit  blemcnt  où  la  cher- 
cher. Le  papei  qu'on  avait  imprudemment 
laissé  dans  l'ignorance  de  la  précaution 
dont  nous  venons  de  parler,  fulmina  con- 
tre les  prétendus  coupables,  mais  on  l'a- 
paisa bientôt  ,  en  lui  expliquant  les  faits 
et  leurs  motifs.  On  doit  en  juger  ainsi  , 
puisque  les  Frères  Mineurs  ne  quittèrent 
pi  efe    église  ,    quoique  le  souverain 

peniife  eût  mis  le  couvent  en  in  erd  t  , 
avec  défense  d'y  tenir  le  chapitre  général 
de  l'orde,  jusqu'à  ce  qu'on  lui  eût  fait 
sa  tsfaction. 

Ces  précautions  tirent  qu'après  la  mort 
du  petit  nombre  de  témoins  qui  avaient 
assisté  à  ces  funérailles  jusqu'à  la  fin  , 
on  perdit  bientôt  la  connaissance  exacte 
du  lieu  où  François  avait  été  inhumé. 
Aussi  les  anciens  historiens  de  sa  Vie  se 
contentent  de  dire  en  général  qu'on  con- 
serve son  corps  dans  l'église  basse  du  cou- 
vent d'Assise ,  sans  rien  désigner  ni  sur 
l'état  ni  sur  le   lieu  où  il  est. 

Il  faut  convenir  qui!  est  bien  surpre- 
nant qu'on  ait  attendu  jusqu'à  nos  jours, 
dans  l'ordre  poissant  et  fameux  des  Fran- 
ciscains, à  rechercher  avec  ardeur  les  reli- 
ques du  saint  fondateur  !  Paul  V,  en  1G07, 
voyant  les  discussions  qui  régnaient  entre 
les  religieux  sur  l'état  de  ces  précieuses 
reliques,  défendit  de  faire  aucune  fouille 
dans  l'église  et  le  couvent  d'Assise  pour 
le^  tr.  uver.  En  1775,  le  P.  Papinio  ,  gé- 
néral des  Conventuels ,  Gt ,  avec  la  per- 
mission du  saint-siége  ,  des  fouilles  qui 
fuient   sans   résultat. 

Après  la  chute  de  Buonaparte  ,  en  1814, 
les  lidèles  d'Italie  reprirent  l'habitude  de 
fréquenter  le  pèlerinage  de  Saint-François 
à  Assise,  et  on  y  en  voit  une  foule  considé- 
rable à  l'époque  de  la  fêle  de  Notre-Dame 
des  Ailles,  qui  se  célèbre  le  2  août. 

En  1818 ,  avec  la  permission  du  sou- 
verain pont.fe  Pie  VII,  le  H.  P.  Joseph- 
Marie  de  Bonis,  supérieur  général  de  son 
ordre,  fit  fouiller  de  nouveau;  el  après  un 
travail  opiniâtre ,  continué  pendant  cin- 
quante-deux nuits  ,  et  ce  en  gardait  le 
plus  grand  secret,  dans  la  nuit  du  12  dé- 
cembre 1818  ,  on  découvrit ,  sous  I  autel 
de  l'église  basse  (  car  il  y  en  a  deux  su- 
perposées,   et   non  trois,  comme  plusieurs 

^2)  Votj.  l'art.  Franciscains ,  ci-dessus,  col.  52G. 


1159 


DICTIONNAIRE  DES 


l'onl  cru  )  ,  le  corps  du  saint  fondateur.  Il 
fallait  une  reconnaissance  authentique  de 
ces  précieux  restes.  Le  pape ,  qu'on  in- 
forma aussilôt  de  la  découverte ,  nomma 
une  commission  composée  de  l'évêquc  d'As- 
sise et  de  quatre  évoques  voisins  de  celte 
ville  ,  pour  examiner  et  prononcer  sur  l'i- 
dentité du  corps  de  saint  François.  L'en- 
quête eut  le  résultat  désiré  et  prévu  ;  deux 
miracles  opérés  par  l'intercession  de  saint 
François,  dans  ces  circonstances,  vinrent 
encore  ajouter  à  la  certitude  qu'on  avait 
constatée ,  et  il  ne  put  rester  douteux 
pour  personne  que  les  reliques  qu'on  avait 
découvertes  sous  l'auiel  d'Assise ,  où  la 
tradition  plaçait  celles  de  saint  François  , 
ne   fussent  les   reliques   de  saint  François. 

On  publia  à  Rome  ,  aussitôt  après  la  fin 
de  l'enquête,  un  mémoire,  format  in-4J, 
d'environ  deux  à  trois  cents  pages.  M.  l'abbé 
Tresvaux  ,  aujourd'hui  chanoine  de  la  mé- 
tropole de  Paris,  ayant  reçu  du  P.  de  Bonis 
un  exemplaire  de  ce  Mémoire,  en  com- 
posa, en  l'année  1820,  une  traduction  abré- 
gée ,  qui  est  restée  manuscrite.  H  est  à 
regretter  qu'elle  n'ait  pas  été  donnée  au 
public  ;  il  est  vrai  qu'une  relation  de  la 
découverte  des  reliques  de  saint  François 
se  trouve  dans  la  dernière  édition  de  l'in- 
téressante Vie  de  ce  saint ,  composée  par 
le  P.  Chalippe. 

L'ordre  de  Saint  -  François  d'Assise  est 
peut-être  celui  qui  a  reçu  dans  l'Eglise  le 
plus  d'extension  même  numérique  ;  il  a 
surpassé,  croyons  -  nous  ,  non  -  seulement 
tous  les  autres  instituts  d'Occident  ,  mais 
même  l'institut  connu  en  Orient  sous  le  nom 
de  Saini-Basile  ;  car  eelui-ci  est  subdivisé  en 
plusieurs  sociétés  qui  n'ont  point  le  même 
lien  commun  que   les   Frères  Mineurs. 

Ce  genre  spécial ,  connu  sous  le  nom  de 
Mendiants ,  a  amené  une  phase  nouvelle 
dans  la  vie  monastique  ,  et  semble  ne  pou- 
voir être  strictement  désigné  que  sous  le 
nom  de  vie  religieuse,  car  il  tient  une  sorte 
de  rang  mitoyen  entre  les  ordres  tout  à  l'ait 
monastiques  et  les  sociétés  régulières  et 
séculières  qu'on  vit  surgir  en  Occident  deux 
ou  trois  siècles  après  lui.  Celte  phase  nou- 
velle est  due  au  zèle  des  fondateurs,  aux 
besoins  des  diverses  époques,  au  mouve- 
ment particulier  de  l'Esprit-Saint,  et  non 
pas  uniquement  à  toutes  les  causes  que 
semble  assigner  ,  en  parlant  des  Frères 
Mineurs  ,  un  auteur  estimable  qui  a  écrit 
dans  ces  derniers  temps  (1).  Nous  ne  sa- 
vons pourquoi  cet  écrivain  instruit  compte 
au  nombre  des  réformes  des  Franciscains 
la  congrégation  des  Silvcatrins  ,  qui  est 
une  réforme  ou  corporation  dans  Tordre 
de   Saint-Benoit. 

Si  l'ordre  de  Saint-François  a  subi  les 
conséquences  naturelles  à  la  faiblesse  hu- 
maine, en  dégénérant  de  sa  première  fer- 
veur, il  est  certain  qu'il  a  dans  tous  les 
temps,  et  même  de  nos  jours,  conservé 
celte    ferveur    primitive   en    quelques  unes 


ORDRES  RELIGIEUX.  llf.O 

de  ses  branches.  Actuellement  encore  les 
Clarisses,  les  Capucins,  les  religieux  de 
la  reforme  de  Saint-Pierre  d'Alcantara,  etc., 
rappellent  ce  qu'était  l'institut  des  Frères 
Mineurs  au  treizième  siècle  ;  et  dans  cha- 
que province  de  l'ordre ,  on  tient  à  con- 
server, dit-on  ,  au  moins  une  maison  de 
récolleclion  ,  où  la  règle  est  observée  avec 
plus  de  ponctualité.  Ainsi,  par  exemple, 
jusqu'à  la  suppression  récente  des  ordres 
religieux  en  Espagne ,  sous  le  règne  d'Isa- 
belle ,  des  quarante-sept  couvents  que  pos- 
sédait la  province  des  Observanlins  de  Mur- 
cie  ou  Carthagène,  il  y  avait  sept  ou  huit 
maisons  de  Kécollectins ,  c'est-à-dire  de 
religieux  destinés  à  mener  cette  vie  de  ré- 
colleclion. 

Il  y  a  encore  dans  la  proiince  de  Gênes, 
en  Italie,  cette  subdivis:on  de  cette  province 
en  custodies,  comme  on  a  vu  dans  le  récit  du 
P.  Hélyot  que  cela  se  pratiquait  autrefois 
dans  les  provinces  trop  étendues.  Cette  pro- 
vince de  Gênes  est  donc  subdivisée  en  quatre 
custodies;  on  assure  que  cette  distinction 
dans  la  même  famille  occasionne  des  intérêts 
de  parti  dans  les  assemblées  provinciales,  ce 
qui  peul  nuire  à  l'esprit  de  charité  et  à  l'in- 
térêt général.  Il  n'en  faut  être  ni  surpris  ni 
scandalisé;  tel  est  le  sort  des  choses  que 
traitent  les  hommes,  et  souvent  cet  inconvé- 
nient est  le  fruit  de  bonnes  intentions. 

Aux  détails  donnés  sur  l'ordre  entier  par 
le  P.  Hélyot,  nous  pouvons  ajouter  que  les 
Frères  Mineurs  eurent  des  établissements 
considérables  en  Angleterre.  Saint  François 
y  envoya,  en  12H),  Ange  de  Pise  avec  huit 
autres  de  ses  religieux.  Ils  arrivèrent  tous  à 
Douvres  en  1220,  et  fondèrent  un  couvent  à 
Caulorbéri  ;  peu  de  temps  après,  ils  en  fon- 
dèrent un  autre  à  Norlhampton,  qui  devint 
fort  célèbre.  Celui  qu'ils  avaient  à  Londres, 
près  de  Newgale,  fut  fondé,  en  1306,  par  la 
reine  Marguerite  ,  seconde  femme  d'E- 
douard I".  11  y  avait  une  magnifique  biblio- 
thèque, qui  avait  été  donnée  aux  religieux, 
en  1429,  par  sir  Richard  Whillinglon,  alors 
maire  de  Londres.  Lorsqu'on  eut  détruit  les 
monastères,  on  lit  de  celui  dont  nous  par- 
lons un  hôpital  où  étaient  élevés  quatre 
cents  enfants  ,  qu'on  appelait  les  enfants 
bleus.  Nous  ignorons  si  ce  grand  hospice 
existe  encore  sur  le  même  pied. 

Les  Franciscains  avaient  en  Angleterre 
environ  quatre-vingts  couvents  ,  indépen- 
damment de  ceux  des  femmes  de  leur  ordre, 
qui,  selon  Tanner,  n'étaient  pas  fort  nom- 
breux. La  principale  maison  des  Clarisses 
était  près  d'Aldgale  ;  elle  fui  bâtie  par  Blan- 
che, reine  de  Navarre,  et  par  Edmond,  son 
mari,  qui  était  fils  de  Henri  III,  frère  d'E- 
douard I",  et  comte  de  Lancasterde  Leices- 
ter  et  de  Darby.  Ces  Clarisses  étaient  du 
nombre  de  celles  qu'on  appelle  Urbanistes. 
Outre  le  nom  de  Clarisses,  on  leur  donnait 
encore  le  nom  de  Minoresses.  On  appelait 
leurs  couvents  Minoriez.  Lors  de  la  destruc- 
tion des  monastères,  celui  des  Clarisses  dont 


(1)  Histoire  des  Ordres  religieux,  par  M.  Ilenrion,  lom.  1er,  liv.  il. 


Il  RI 


,\n u.  t.ns  .lOfiiTiONNELS. 


11(12 


il  s'agit  fut  changé  en  un  na^H-in  d'armes. 
Son  nom  est  roslé  à  la  partie  île  la  ville  où  il 
é>a  t,  et  on  l'a  donné  an\  nouveaux  édifices 
qui  s'étendent   usqu'à  la  campagne. 

Pour  connaître  l'élal  florissant  dont  jouis- 
saient le-  Franciscains  en  Angleterre,  et  le 
nombre  des  grands  hommes  (]ify  produisit 
leur  ordre,  on  peut  consulter  la  bonne  his- 
toire de  la  province  anglaise  de  ces  religieux; 
le  P.  Davenporl  dans  son  Supplem.  Historiée 
provinciw  Ani/licanœ ,  et  Slévens,  Monasd- 
con  Anijlicanuiii,  loin.  I.  Cette  ancienne  pro- 
vince fut  rétablie  par  le  P.  Jean  Jennings, 
i;ui  jeta  les  fondements  du  célèbre  couvent 
des  Franciscains,  à  Douai,  vers  l'an  1617. 
De  tous  les  religieux  de  cet  ordre  qui  ont 
fait  revivre  en  eux  l'esprit  de  saint  François 
dans  'es  derniers  siècles,  ou  peut  citer  avec. 
Godesrard  le  P.  Paul  de  Sainle-Made  eue 
(Henri  Hrarl),  comme  on  peut  le  voir  dans 
sa  Fie,  qui  a  élé  publiée,  et  dans  ses  écrits. 

On  a  vu  le  chiffre  auquel  le  P.  Hélyot  éle- 
vait la  totalité  dis  monastères  de  l'ordre  des 
Franciscains.  Leur  nombre  était  beaucoup 
plus  considérable  avant  la  destruction  des 
monastères  en  Angleterre  et  dans  les  con- 
trées du  Nord.  Sabellicus  comptait  en  13:-0, 
quinze  cents  maisons  de  Franciscains,  et 
90,000  religiei  x.  il  y  a  ici  évidemment  une 
erreur  i  u  moins  dans  le  nombre  des  maisons 
faite  par  le  ciq  >i«fC  de  Salellirus. 

Aujourd'hui  le  nombre  des  maisons  de 
l'ordre  esl  lien  réduit,  et  à  dater  des  inno- 
vations laites  d  n-  le  dernier  siècle  et  sur- 
tout des  i  évolutions  dont  l'Kurope  a  élé  bou- 
leversée dans  ives  derniers  temps,  l'institut  de 
Si-François  a  disparu  de  plusieurs  contrées. 
Il  a  peu  de  couvent-,  même  en  Italie,  compa- 
rativement à  ce  qu'il  yen  possédait  autrefois. 

Fn  France,  il  était  fort  répandu  et  y  pos- 
sédait les  branches  principales  de  l'ordre. 
Leurs  établissements  étaient  faciles  à  comp- 
ter au  moyen  de  diverses  statistiques  qui 
avaient  élé  publiées,  et  M.  Hermant,  dans 
son  Htstoue  des  Ordres  religieux,  ni  a  fait, 
comme  pour  les  autres  ordres  qu'il  a  pu 
connaître  en  délai!  ,  rémunération  cu- 
rieuse, avec  la  date  de  leur  fondation. 

Le  grand  couvenl  de  Paris  n'appartenait  à 
aucune  province,  il  il  dépendait  immédiate- 
ment du  généial.  G«  couvenl  avait  élé  fondé 
vers  l'année  1217.  C'était,  peur  la  France,  le 
collège  général  de  l'ordre.  Les  nations  étran- 
gères y  envoyaient  autrefois  des  jeunes  gens 
pour  les  éludes.  Depuis,  il  n'y  avait  plus  que 
les  -culs  Français  d'admis,  mais  ils  y  ve- 
ndent de  toules  les  provinces  du  royaume. 
On  y  faisait  prendre  le  grade  de  docteur, 
dans  la  faculté  de  théologie,  à  quatre  sujets 
par  chaque  licence,  cl  celle  licence,  comm: 
nous  l'avons  dil  nous-mêfne  dans  plusieurs 
articles  pub  ies  par  les  journaux  ,  durait 
deux  années.  Au  milieu  du  dernier  siècle,  la 
commun  ailé  était  composée  d'environ  cent 
vingt  religieux  ;  ce  nombre  avait  diminué  a 
l'approche  de  la  révolution.  Celle  célèbre 
maison  esl  aujourd'hui  l'hôpital, dil  de  la  Cli- 
nique, rue  et  en  face  de  Nicole  de  Médecine. 
En  conséqui  nce  des  mesures  que  prit  le 
Dictionnaidu  i>î;s  Ordmcf  rum&ieox.   IL 


g  uvernemeul  français  sous  I.  ui<  XV,  me- 
sures qu'avait  amenées  il  que  dnigea  le, 
trop  fameux  l'rienne,  archevêque  de  Tou- 
louse cl  depuis  cardinal,  avec  quelques  au- 
tres évoques  presque  aussi  malintentionnés 
et  ausw  méprisables  que  lui,  plusi  urs  or- 
dres religieux,  menacés  dans  leur  existence 
(plusieurs  périrent),  tirent  de  nouvelles  con- 
stitutions, et  les  diverses  branches  de  Fran- 
ciscains subirent  aus-i  cette  révolution,  qui 
amena  le  re  àchement  dans  les  ordres  qui 
ne  fuient  pis  détruits.  L'effet  le  plus  remar- 
quable de  celle  révolution  funesl-  fut.  dans 
l'ordre  de  Saint  François  ,  la  réunion  des 
Conventuels  el  des  Observantins  en  un  seul 
corps  ;  union  que  demandèrent  les  Obscr- 
vanlins  eux-mêmes,  quoiqu'elle  les  portât 
au  relâchement.  Nous  raconterons  celle 
union  des  deux  observances  avec  quelques 
détails  à  l'article  Observa xtins  ;  nous  nous 
bornerons  ici  à  en  consigner  le  résultat.  Le< 
Observantins  avaient  huit  |  ro vîmes  eu 
F'rance,  et  les  Conventuels,  trois  seulement. 
C'était  aux  Observantins  qu'était  donné  le 
nom  de  Cordeliers;  il  était  général  après  l'u- 
nion. Les  Observantins  se  réunirent  par  dé- 
putés, à  Paris,  en  1709,  et  les  Conventuels  a 
Aix,  l'année  suivante.  L'effet  comme  le  but 
de  ces  chapitres  nationaux  fut  de  faire  inter- 
venir, le  23juin  1770,  un  arrêt  du  conseil  du 
roi,  ordonnant  un  chapitre  national,  com- 
posé d'un  député  de  chaque  province  des 
Observantins,  et  de  six  députés  pour  les 
trois  provinces  des  Conventuels.  Ce  chapitre 
se  tint  en  effet,  la  même  année,  au  grand 
couvent  de  Paris,  le  17  septembre  et  jours 
suivants.  On  y  adopta,  sauf  quelques  chan- 
gements, les  conslitulions  rédigées  à  Aix 
par  les  Conventuels,  et  tirées  des  constitu- 
tions urbaines.  Deux  députés  lurent  envoyés 
à  Home  pour  consommer  l'union  ;  le  P. 
Pourret  de  la  part  des  Convenfucis  ,  le  P. 
Husson,  de  la  part  des  Observantins.  Ces 
deux  députés  furent  parfaitement  reçus  du 
pape  Clément  XIV,  ancien  conventuel,  et  du 
général  des  Conventuels,  qui  \  i  l  finir  h 
temps  de  son  gouvernement  précisément  a 
l'époque  de  leur  séjour  à  Rome.  Son  succes- 
seur, le  P.  Marzoni,  auparavant  p  ocureur 
général,  fut  élu  le  18  mai  1771,  cl  le  pape 
présidi  avec  trois  cardinaux  l'assemblée  où 
se  fit  l'élection.  Par  une  faveur  qui  doit  pa- 
raître singulière,  le  souverain  pontife  nomma 
vocaux  dans  celle  élection  le  P.  Husson  et 
son  secrétaire,  qui  suiïragèrent  en  effet, 
quo:quïls  lussent  encore  Observantins  el 
sous  la  dépendance  du  général  de  leur  ob- 
servance. L'union  fui  consommée  dans  les 
séances  subséquentes  du  chapitre  général, 
et  le  pape  donna  un  bref  confirmalif  le  "J 
août  suivant.  Ainsi  fut  consommée  cette 
réunion  des  Observantins  avec  les  Conven- 
luels,  el  ce  n'étaient  pas  ceux-ci  qui  l'avaient 
recherchée.  Celle  affaire,  qui  montre  a  quel 
point  de  relâchement  étaient  venus  certains 
instituts  en  France,  surtout  sous  l'influence 
de  la  commission  des  malheureux  évoques., 
offrit  plusieurs  incidents  et  détails  curieux; 
nous  en  parlerons,  disons-nous,   plus  Ion- 


II6Ô 


DICTiONNAIlUi  OKS  OllDRIiS  RELIGIEUX. 


IUU 


Kiiuincnl  à  l'article  Obsbrvawtins.  Il  no  s 
suffit  de  dire  ici  que  l'habit  cl  les  coutumes  le 
l'observance  deSt-Françoisavaicnldisparu  en 
France  avani  la  destruction  des  monastères. 

Les  conclusions  de  cette  malheureuse  com- 
mission des  réguliers  dans  l'édit  porté  en 
1708,  et  confirmé  dix  ans  plus  lard,  prest  ri- 
vant que  tous  1-s  monastères  libres  ne  ren- 
fermant pas  seize  religieux  Ce  chœur,  et  les 
monastères  liés  à  des  congrégations  n'en 
renfermant  pas  huit  ou  neuf,  seraient  sup- 
primés, ces  conclusions  disons-nous,  ne  fu- 
ient pas  rigoureusement  suivies,  caràl'o- 
l'i>(|ue  de  la  révolution  plusieurs  maisons, 
dans  tous  les  ordres,  n'avaient  que  trois  ou 
lustre  mij  -Is.  Les  Franciscains,  surtout 
conventuels,  et  même  des  llccollcls,  clc, 
étaient  dans  ce  cas. 

Nous  dirons  tout  de  suito  que  l'assemblée 
naiionale,  Ayant  détruit  1<  s  ordres  religieux, 
décréta,  le  18  février  1790,  que  la  pension 
des  .Mendiants  serait  différente  cl  au-dessous 
de  celle  des  rcii-iicux  non  Mendiants.  Los 
Cordeliers  du  grand  couvent  de  Paris  en- 
voyèrent une  ml.  esse  a  l'assemblée  natio- 
nale. Dans  celle  adresse,  qui  a  été  impri- 
mée, ils  avouaient  qu'ils  se  faisaient  gloire, 
il  e.sl  vrai,  d'ê  rc  de  cette  classe  de  religieux 
qui,  établis  pour  prêcher  l'Fvàngi'e  et  sans 
autres  fonds  que  la  Providence,  n'avaient 
jamais  eu  défense,  par  leurs  constitutions, 
de  posseiler  des  immeubles;  qui  au  con- 
traire en  avaient ,  par  la  succession  des 
temps  ,  suffisamment  amassé  pour  donner 
une  honnête  .subsistance  aux  religieux  et 
l'entretien  des  couvent-..  Mais,  disaient-. Is,  -i 
rassemblée  constituante  appe  lu  Mendiants 
uniquement  les  r  ligieux  qui  vivent  de  quê- 
tes, journalières,  alors  ils  ne  pouvaient,  eux 
Conventuels,  su  reconnaître  dans  cette  caté- 
gorie, puisque  clic/  eux,  comme  chez  I  s 
moines,  chaque  religieux,  avant  l'émission 
de  ses  vœux,  est  affilié  a  une  maison  quel- 
conque, et  ce,  sous  peine  de  nullité  des 
vœux,  chaque  maison  n'en  prenant  que  ce 
qu'el'c  en  peut  nourrir.  Leurs  constitutions 
anciennes  el  modernes,  surtoul  celles  cme- 
gislréesau  parlement,  en  1771,  sont  la  preuve 
de  leur  possession  de  biens  immeubles,  per- 
mise ii'ailieurs  au  concile  de  Trente.  Ils  ajou- 
taient que  dans  la  déclaration  de  leurs  bic  s, 
faite  au  mois  dejanv  or  à  la  municipali  é  de 
Paris,  ils  produisaient  plus  de  trente  mille 
livres  de  rentes  foncières,  sans  compter  I  i 
partie  de  leur  local  occupée  depuis  le  mois 
do  septembre  par  le  bataillon  soldé  du  dis- 
trict qui  p  rie  leur  nom  (District  dis  Vur<e- 
tiers),  cl  dont  le  loyer  pourra. t  ère  évalué 
au  moins  à  six  in  lie  livres,  el  sans  y  com- 
prendre d'autres  rornus,  éventuels  a  la  vé- 
rité, mais  qui  n'ont  rien,  disaient-ils,  de 
commun  avec  le  produit  de  la  quête  cl  de  la 
mon  icité.  C'est  sur  (0  qu  ils  sont  reniés  et 
non  Mendiants,  qu'ils  étaient  compris  au 
nombre  dvs  contribuables  dans  les  imposi- 
tions du  cl  rgé,  et  que  la  ch  imbre  ecclésias- 
tique du  diocèse  les  a  laxés,  ajoulenl-ils.  à 
lu  somme  do  2M3  liv.  15  décimes.  La  maison 
de   Paris  ne  doit  rien,  son  avoir  surpassant 


ses  dettes  de  plusieurs  mille  livres,  etc.  Ce 
raisonnement,  bien  que  contestable  au  point 
de  vue  canonique  peul-êlre,  avait  pourtant 
son  poids  devant  l'assemblée,  nationale. 
Néanmoins  nous  croyons  que  l'assemblée  at- 
tachait au  uo'ii  de  Mendiants  le  sens  qu'on  y 
attache  communément  dans  l'Eglise.  L'a- 
dresse dont  nous  parlons  était  signée  du 
lt.  P.  Claude-Agrèvo  Lacombe,  gardien,  qui 
a  survécu  à  la  révolution,  et  n'est  mort  qu'a- 
près la  restauration  dos  liourbous.  Il  avait 
rétabli  à  Paris  l'arehiconfréric  du  Saint-Sé- 
pulcre, dont  la  légalité  a  souffert  quelque 
contestation.  File  était  également  signée  du 
secrétaire  du  chapitre,  le  P.  Joseph  Bour- 
gade, que  nous  avons  connu  nous-méme,  et 
qui  n'est  mort  qu'après  la  révolution  de  1830, 
élant  aumônier  de  l'hospice  de  Uicêlrc. 

A  l'époque  de  la  révolution,  plusieurs 
Franciscains  cédèrent  au  mouvement  du 
jour,  et  l'histoire  conservera  le  non  scanda- 
leux du  P.  Chabot,  capucin.  Eu  revanche,  on 
trouve,  à  l'art,  de  ces  religieux,  un  exemple 
édifiant, qui  empense  largement  ce  fait  isolé. 

Au  dernier  siècle,  les  Franciscains  oui 
continué  les  servie  s  qu'ils  rendaient  à  l'E- 
glise dans  le  ministère  de  la  prédication,  de 
la  direction  des  consciences,  ilt's  missions  à 
l'intérieur  et  à  l'étranger,  et  même  de  ren- 
seignement. Ils  ont  fourni  aussi  à  l'Eglise 
des  prélats,  des  cardinaux  ;  ils  oui  eu  même 
le  triste  honneur  d'ajouler  un  cinquième 
pape  aux  qualrc  qui  avaient  clé  jadis  lire* 
de  leur  corps,  cl  ce  cinquième  pape  est  le 
P.  tîangauelli,  portant  le  nom  de  Clément  XIV. 
Il  était  de  la  famille  des  Conventuels,  el  il 
eut  la  faiblesse  de  céder  aux  instaures  qu  • 
la  philosophie  et  l'impiété  lui  faisaient  faire 
par  l'organe  des  primes,  surtout  de  la  fa- 
mille des  lt  .m  lion-,  p  mr  l'abolition  dos  Jé- 
suites. Depuis  l'époque  à  laque  le  le  P.  He- 
lyol  s'est  arrêté  dans  leur  histoire,  ils  ont 
conl  nué  de  donner  au  ciel  des  saints  et  des 
bienheureux,  sortis  des  différentes  branches 
de  leurs  familles,  cl  à  la  tenu  des  cxeui]  les 
d'héroïsme  et  do  perfection. 

Ils  avaient  à  Home,  au  dernier  s  ècle, 
trois  mai -uns  d'Obscrvanlins,  cinq  ou  peul- 
êlre  six  maisons  d'Oliservanlins  réformés  ; 
une  maison  de  Capucins  ;  quatre  maison-, 
plus  un  collège  pour  les  missions  d'Orient, 
occupés  par  les  Conventuels  ;  deux  maisons 
de  religieux  du  tiers  ordre;  une  maison  de 
réformé''  du  tiers  ordre;  en  somme  dix-sepl 
ou  dix-huit  maisons  d'hommes  :  une  d'Ur- 
banistes ;  deux  de  Capucines  ;  quatre  de  re- 
ligieuses du  tiers  ordre;  en  lo'al,  sept  mai- 
sons de  fcmme3,  sous  la  direction  de  prêtres 
séi  ulieis  ;  trois  de  Franciscaines  de  IV  ser- 
vancn,  une  de  Capucines  ;  en  tout,  quatre  de 
fe  mues,  dirigées  par  les  religieux  de  l'ordre. 

Lu  sqno  le  calme  se  rétablit  en  Fur.. p.  , 
après  les  secousses  révolutionnaires  arri- 
vées a  la  fin  du  dernier  siècle  et  au  comincn  - 
cernent  de  celui-ci,  un  grand  nombre  de  mai- 
sons de  Franciscains,  qui  avaient  disparu,  se 
rouvrirent  el  reçurent  des  sujets  nouveaux. 

L'ordre  a  des  couvents  actuellement,  non- 
sculemeut  eu  Italie,  mais  en  différents  Éla's 


H05 


sRTii :lks  ajh):t:o'«>lls. 


11C6 


de  l'Allemagne,  du  Nord,  l.U  que  l'Angle- 
terre, l'Irlande,  la  Hollande,  la  Belgique,  etc., 
mais  aussi  en  France  et  dans  toutes  les  con- 
trées méridionales.  Il  a  des  missionnaires 
partout  et  aussi  dans  les  pays  protestants. 
La  Kossie,  dans  ses  actes  brutaux  contre  le 
catholicisme,  snas  l'empereur  actuel,  a  fait 
ressentir  ses  injustices  aux  Franciscains 
comme  aux  autres  ordres  religieux.  Dans  la 
seule  province  do  Moliilow  deux  cent  vingt- 
un  monastères  furent  supprimés  en  1832; 
fur  ce  nomt're,  il  y  en  avait  sept  de  Capu- 
cins, cinq  restèrent;  trente-un  d<*  franciscains 
de  la  commune  observance,  dix  restèrent  ; 
deux  de    Franciscains  réformés,   un   resta. 

Il  y  a  actuellement  7uG  couvents  dans 
les  Etats  de  l'empereur  d'Autrirh",  entre 
lesquels  on  compte  -2V7  maisons  do  Francis» 
eains  ;  98  de  Capucin  .  Il  y  a  aussi  157  cou- 
vents de  femmes,  au  nombre  desquels  sont 
dix  maisons  d'Elisabéthines,  cinq  masons 
de  Franciscaines  sis  de  Clarisses  propre- 
ment dites,  deux  de  Capucines. 

NuMe  part  l'ordre  de  Saint-François  d'As- 
sise n'avait  été  aussi  florissant  qu'en  Espa- 
gne, et,  après  les  bouleversements  dont  nous 
venons  de  parler,  il  s'élail  rétabli  au  point 
qu'on  voyait  dans  ces  derniers  temps  cent 
reliuKux  dans  le  couvent  de  Barcelone.  Il  y 
avait  dernièrement,  si  nous  sommes  bien  in- 
formé ,  quatre  provinces  d'Ob-.ervantins , 
distinguées  chacune  par  la  couleur  de  l'habit 
des  religieux.  Ceux  de  Barcelone,  que  nous 
venons  de  citer,  étaient  vêtus  d'une  tunique 
bleue.  Celte  couleur  parut  nouvelle  en 
France,  lorsque  les  religieux  espagnols  y  fu- 
rent transférés  en  qualité  de  prisonniers, 
snus  le  règne  de  Baonaparte,  car  on  ne  con- 
naissait point  chez  nous  de  Cordeliers  bleus. 

Les  dispositions  insensées  prises  par  Fer- 
dinand VII  mourant  ont  amené  en  Espa- 
gne le  règne  d'Isabelle  et  tous  les  malheurs 
qui  ont  résulte  de  la  régence  lyrannique  et 
impie  'e  la  reine  Christine.  Un  des  coups  les 
plus  sensibles  portés  à  la  religion  a  été  la 
destruction  des  ordres  religieux,  à  l'eicep- 
liufl  des  Ecoles  Pies,  conservées  sans  doute 
paf  le  motif  que  nous  avons  indiqué  ci-des- 
sus à  l'article  de  cet  ins  itul.  Trois  monastè- 
res d'hommes  on  télé  conservés  pour  pépinière 
ou  séminaire  des  missions  étranger  s  ;  or, 
de  ces  Ircis  monastères,  deux  apparl  eonenl 
à  l'ordre  de  Saint- Augustin,  un  a  l'mdre  de 
Saint-Do  ninique.  L'ordre  de  Saint-Fran- 
çois n'a  point  été  appiécié.  Quand  on  chassa 
les  religieux  de  leurs  asiles,  il  y  a  quelques 
années ,  le  syndic  ou  maire  de  la  ville  de 
Zehegin  conserva  encore  pendant  six  ou 
huit  mois  les  Franciscains  de  cette  localité, 
disant  qu'il  répondait  du  mal  qu'ils  pour- 
raient faire.  La  ma. son  qu'il  maintenait 
ainsi  était  de  la  province  de  Carthagène  et 
occupée  par  des  Pères  missionnaires;  elle 
était  une  de  ces  maisons  de  récollection  que 
nous  a\oui  mentionnées  ci-dessus.  Les  M ur- 
ciens  vinrent  brutalement  la  faire  év..cuer. 

L'ordre  de  Saint-François  qui  sert  encore 
1  Eglise  d.m-  les  deux  Amériques,  dans  les 


missions  orientales,  dans  le  Levant,  h  tou- 
jours l'insigne  h  >nneur  de  desservir  l'égli-e. 
du  Sainl-Sepulcre,  ou  le  gardien  a  les  insi- 
gnes pontificaux  pour  célébrer.  Il  a  aussi 
une  maison  à  Bethléem. 

On  voit  aujourd'hui  à  Borne  le»  supérieurs 
des  Observantins  dont  le  corps  est  di>isé  en 
provinces  u'tramontaines  (aujourd'hui  sans 
supérieur,  à  moins  qu'il  n'ait  été  nommé  de- 
puis p'u)  et  provinces  cisraoutaines,  qui  ont 
pour  ministre  général  le  R.  P.  Joseph  Ma- 
rie d'Alexandrie  de  Sicile,  et  pour  procureur 
général,  le  P.  Louis  do  Lorette.  —  Le  supé- 
rieur des  Observantins  réformés,  qui  est  le 
R.  P.  Ange  de  Locara,  procureur  général. 
—  Le  P.  N.,  procureur  général  des  Réformés 
de  Saint-Pierre  d'Alcantara.  —  Le  supérieur 
des  Frères  Mineurs  conventuels,  qui  est  le 
R.  P.  Ange  Rigoni;  et  leur  procureur  géné- 
ra1, qui  est  le  I'.  Jean  Ferrini.  — Le  ministre 
général  des  Capucins,  le  P.  Eugène  de  Ru- 
melly  ou  doRumilli,  et  leur  procureur  gé- 
néral le  P.  Louis  de  Baguaja.  — Le  général 
des  Franciscains  du  tiers  ordre,  le  P.  Ga- 
briel Conlicel  i ,  et  leur  procureur  général, 
le  P.  Sauveur  (lucrri.  L'ordro  a  aussi  ac- 
t  el'cmenl  à  Borne  quatre  maisons  de  fem- 
mes, dirigées  par  des  prêtres  séculiers;  ce 
sont  les  Clarisses  Urbanistes;  les  Francis- 
caines du  tiers  ordre;  les  Capucines;  les 
religieuses  réformées  du  tiers  ordre,  a  Sainl- 
Ambroise  ;  et  deux  maisons,  les  Franci-rai- 
i.es  de  l'observance  et  les  Capucines,  diri- 
gées par  les  réguliers. 

Eu  France,  dans  les  c  mirées  du  midi, 
quelques  ermites  portent  le  costume  du  tiers 
ordre  régulier  de  Saint-François;  le  tiers 
ordre  séculier  eu  conservé  à  Paris  et  en 
plusieurs  localités;  il  y  a  aussi  en  plusieurs 
villes  des  maisons  de  Clarisses  ou  de  reli- 
gieuses du  ti  rs  ordre  ;  nous  avons  vu  à 
l'article  Capicins,  que  cette  édifiante  ré- 
forme est  aujourd'hui  vivante  parmi  nous. 
Ou  a  fait  au  si,  depuis  la  restauration  des 
Bourbons,  diverses  tentatives  pour  rétablir 
des  maisons  d'hommes  des  autres  branches 
de  l'ordre.  Vers  1S18,  le  P.  Humberl,  proje- 
tant la  résurre  lion  des  Conventuels,  publia 
un  petit  prospeelus,  qui  excita  la  critique 
des  jansénistes  dans  le  premier  \olume 
de  la  Chronique  religieuse.  Il  n'avait  pas, 
croyons-nous,  ce  qu'il  fallait  pour  ressusci- 
ter l'institut,  non  plus  qu'un  laïque,  M.  Ti«- 
sot,  dit  P.  Ililarion,  qui  vécut,  jusqu'en  1830, 
avec  quelques  personnes  auxquelles  il  fai- 
sait porter  l'habit  des  Bécollets. —  Actuelle- 
ment, sous  li  bienveillante  protection  do  | 
l'un  des  plus  digues  évéques  de  France,  qui 
comprend  ce  que  vaut  l'état  religieux,  Mgr 
Parisi9,  évéque  de  Langres,  dont  le  nom  es) 
béni  dans  toute  I  Eglise,  ou  essaye  de  réta- 
blir l'ordre  de  Si-François,  à  Montigny.  A  la 
tête  de  cette  entreprise  méritoire  esl  notre 
pieax  ami, lcB.i'. Charles  l'ouzzot,  profès  chei 
les  Conventuels  de  B  me,  en  1846.  Si,  comme 
nous  en  avons  l'espérance,  Dieu  bénit  colle 
palingénésiede  l'ordre,  nous  lui  consacrerons 
un  article  dans  le  Supplément.         B.-i>.-b 


^^hjf^-  -■—  MMM— — ■■ 


I.  —  Ancien  Ilé.ié.iitUn  de  l'aldi.iw 
(!•■    -j.imï-1  :  n  >,   (  it  ;  :;  t!  ni".  :i  ;ni 

.C   la    ll.iliS'M.. 


V  "•!.  — Ancien  Lîénédidin  de  l'aliliavt! 
île  Saiiil-Deilis,  en  lia;  il  de  •  hicur." 


;Y  j.  —  Uns   ilahcrc  il,   D.  u.i 


M    5.  —  UeUgie^Hei «  Mêler-        «-  o.  _  1  icirc  de  la  Doclrine  CJn 

ii  eo  de  la  «.iigiççil  ni.  de  la  Divine  tienne,  en  France. 

I  itu.cnce  cl  de  bainl  liemanl. 


pi*  7.  —  Prêtre  de  la  Doctrine  Clire!- 
li  'iin  >,  en  lia!    . 


y  s  —Religieuse  de  l'ordre  de  hainl-      N'  9.  —  Ucligieuse  de  l'ordre  de  Saîul- 
l)mni'nii|iie,  en  habit  orJ'maire  dans  Dominique,  avec  lu  fihane. 

ia  ma  son. 


ï*i"lû. —  Ancienne  religieuse  île  Tordre  N°ll. —  Religieuse  de  l'ordre  de  Saint- •  y  \i,  __  Ancien  habillement  «les  Re- 
lie Sàîïït  l)oininii|!ie  non  réformée,  Dominique  du  monitsière  de  Mont-  ligieux  île  l'ordre  de  Saint- Douiini- 
rfu  monastère  de  S:iinl  liai  lliclemy,  Il  m  y,  en  liabit  d'hiver,  ijiio,  depnis  leur  établissement  jui- 
à  Xw.  en  Provence.  qu'en  l'an  1 — 1 0 . 


-  \M\&.<  m  de  r..rdreile Saint-      h'U.  —  Itcligifui  île  l'ordre d<-  Saint-      V  1  = 
iquo,  en  i  itbil  .  rdinairc  dais  Dominique,  av.c  la  chape  noire. 


—  Kn'>r  Convers  de  l'orJre  de 
S;ii  i-l>  miuiqw'. 


K.— CheValter du  Dragon  Renversé.      N*  17. —  Chevalier  de  l'Aigle  Blanche.  N*  18.  —  Chevalier  du  Ttnin. 


N*  19.— Religieux  hospitalier  il«  N  >ii 

Dame  de  l'ivjlielle. 


.'  -0  —  iY  ie  d  -  Kcoleg  (  l.réli  i  nca      iV  il.  — ,  Cl  rc  léfciuier  [duvie  «.u  la 
ei  L:.a  itab'es  .    fc  .Vie  <.c  un  u  Uis  Liu  es  l'.m^.. 


;-5sT 


Sainl- 


V  '^ô.  —  Clicvalier  c!e  l'Ecu 


.V  2t.  —  Chevalier  de  PElép''n!ii  .-l  'e 
Dar.cUpi;  li  en  L'a.icuiark 


!N*  2"».  — An.  innue 
onlr.'Sclc   fcaiiu  V 
CelU. 


—  Ilitspitiil  ère  du  nién 

dili-  su  ur  de  la  Fallu 


le  l'Enfant  Jésus. 


In°  28.  —  Cliam.ii 
t'e  Saini-Jaupi 
(le  ville. 


•".nu   r 

n.pn 


'•  r  Ire      l\*  i9.  —  C  anninc  rfjMilier  île  I  uni  e 
h  i).i  île  Saiiil  Jacqu  s  île  IJKpée,  en  habit 


N"  30.  —  lioligif  u.~e  chevalière  île  I'.  r- 
ilre  île  Sninl  Jacques  île  |'K|  é,-,  eu 
babil  ordinaire'. 


N"  31.  —  Religieuse  chevalière  de  l'or-      N"  •>-■ — Chevalier  île  l'ordre  de  Saint-      N"  33. — Chevalier  de  l'ordre  de  Saiot- 
dre  de  Saml-Jacques  de  rEpée,  en  Jacques  île  l'Epée,  eu  Espagne.  Jacques  de  l'Epée,  en  Portugal, 

habit  de  iliœur. 


h*  51.  —  Cheval  er  de  l'Eperon. 


N°  57.  —  Chevalier  ,le  l'ordre  ilu  S;ii»i-      N"  58.  —  Ch  m 
Ks|  rit  en  Fra-ice,  en  liabit  de  eéré  lali 

munie.  || 


M.  -  C    nu une  régi.  1er  çl  liospi        V  59.  _  Chanoine  régulier  et  hospl- 
a  i,;r  .le    ordre  du  Saint  fcsprit,  .  n  l:,1ier  .1-  l'ordre  Jn  Sai.n  Esprit   en 

wi.it  .le  chœur,  en  liai  c.  habit  .e  ville,  e..  II., |  c 


'-  régulier  et  rmspi- 
.1»  S  i.  t-Ks  .il  ru 
i  ''e  cœur  l'Iuver. 


N°'4i.       IWligi  ux  du  même  or  lie  en      N"  12. —  Chanoine  rog  ilieret  hospifa 
France.  I    r  .le  l'ordre   du    S:iin!-F.s;iiil  en 

l'o  ogne,   m    liahi|   île  i'1  inir,  lait 
I  ..    il'  ijuu  le  < . 


N*  tt.  —    LleI}Oeuse  h  .spiiali. rc  .1-      V  41.  —  R.:ji.nVu«c   ImspitaWre  de  N"  45.  —  Religieuse   lin  pilaliè.e  do 
l'ordre  du  Saiiu  Espit   ci  n  ail  ai ,          l'ont  e  du  Saw.l-'fe  ril  d  ms  le  c  itaWS  l'nnlre  du  Sain  -E;pr  t,  en  '  al.u  o.  ■■ 

,  e  Ht»  irgogne,   en   lia'j  i  o  il  iiaite  dinaiiv. 

J  u,  la  niais  ni 


Esp: 
dans  le  coliilè  île  !!  ur 


V  ,0.  —  Religieuse  du  même  ordre. 


•17   —  lU-ligieui  éiliii.jiioii 


V  18.  —  n  -ligicui  éthiopien,  <!;•  '"'"^' 
lî i ii i  Je  l'abbé  EuiiacUgcl 


IV  .9.  —  Religieuse  étliïoj>leiitie. 


N"  50 — Chevalier  de  lordre  de  Saint- 
Etienne,  en  habit  île  cérémonie. 


51.  —  i  hiiprl.iin  >iii  même   or. Ire, 
en  li.iiui  ordùiaire. 


N   !jL   -  hère  servant  île  .'ordre  île      LV  53.— Religieuse  de  Tour  j  de  Saint-      N*5£  —  Religieuse  de  l'ordre  de  Saiii| 

\  Saint- El  e.ine.  Etienne,  en  liabil  ordinaire  dans  la  Etienne,  en  lia!  il  d''  chœur 

maison. 


N"  .'.8.  —  Religii  u\  de  Citraux  de  la       N"  M».  —  Krl'.gïrïix  réfiirura  de  S;iin!-      V  (K).  —  Ke  ig^oiix  < on\ers,  iki  i.  c:uc 
rt  lorme  île  Fcuillnns.  Benii.nl,  m  H.  lie.  ir.Ij> 


N°  CI. —  Religieuse  Feuil'anie.  N*  02.   —  .Moine  de   Foui-Avelano       N°    05.  —  Moine  de   Foni-  Avelane 

avant  le  relâchement.  âpre,  le  relùcii  ment. 


K*  Gi.   —   H, 

COU1 


S.  —  Religieuse  do  FoM.ua,  It,        $'  65.  —  Religieux    de   Fontrvra  II,      N"  00.— Iteligi,  u  c  de  F  nlcv-aull,  e 
JM.e  flic.-,  cDiinu  Biftawjiii  luenl.  c  .t.. me  ils  élaienl  an,  ie:i-  crent.  Iiut>it  ordinaire  dans-  la  maison. 


V70. 


-•Chevalier  .!.•  i'ordrà  ics  Fms.       .V  71.  -  iîabillc.iicnl  de  ^aiui-Fraii-      N°  72.:—  Ancien  liabjl 
i,oi>,  lire  sur  p!u«ieurs  srijm-iu.  ^ers,  du  temps  ■  « 


Br- 


/ 


"75.   —  Chevalier 'tic  l'ordre  île  (a      i\    7t.  -*- Chevalier  stii^iosc  de  ï'm\lr 
glorieuse  Vierge  Marie.  Je  Frise 


N"  76.  —  Ancien  religi  u\  de  Fiililcs,      N*  77.  —  Ancien  religieux  de  Fiihles,      V  78.  —  Chanoine  régulier  ilo  la  Con- 
en  lialùl  ordinaire  dans  la  maison,  eu  habitude  chœur.  grép^lion  de  Franco,   en   habit   de 

chœur  1,'élé. 


V  79.  — Chanoine  régnlierde  la  ('on-      N1  80.  —  Chevalier  de  l'ordre  de  Saint-      N*  81.—  Chevalier  «le  l'ordre  de  Saint 
piégaiimi  de  France,  en  habit  de  Georges  dans  la  Carinthie,  en  habit  George»,  dans  la  Canulhie. 


(lnnir  l'hiver. 


llCg'lSS. 


N"  82.  —  Chevalier  Couronné  de  l'ordre      N"  83.—  Chevalier  supposé  de  i  oiue      N° 
de  Saint  Georges,  eu  Allemagne.  de  Saint  Georges,  a  Rome. 

DlfT  GHNA'.BK  DF«  DRDRtt   M  ï- fl  VVX.     11. 


. — Chevalier  >le  l'ordre  de  isalul- 
Georges,  à  Ravejme. 

38 


iV  85.  _  chevalier  supposé  de  l'ordre      IV  8b\ —   Chanoine  séculier  Ue  la  Con-      N   87.  —  Ancien  chanoine  séculier  d« 
de  Saint-Georges,  a  Gènes.  giégalion de  Saint  Georges inAlglta.  l'ordre  de  Saint-Georges  in  Algha, 

en  Sicile. 


h°  88. — Cheralier  de  l'ordre  de  Saint-      N*  89.  —  Chanoine  régulier  de  l'ordre       IN"  90.  —  Religieuse  de  l'ordredeSainl- 
Glréon.  de   Sainl-Gilhert   de  Simprlngham,  Gilbert  de  Siinpringham,  en  Angle 

en  Ang'elrrre.  terre. 


N"  Ul.  — Sœur  converse  de  l'ordre  de      N°  92,— Ermite  (le  Saint-Jean-Uaulisle      N"  93.  —  Habillement  de  saint  Etienne 
Saint  Gilbert  de  Simpringham,  en  de  la  Pénitence.  de  Grainmonl. 

Anglel  rre. 


N"  9*. — tteligieux  de  l'i  r.lre  de  Grand-      fS"95  — Religieux  de  l'ordre  'le  Grand-      N*  98  —  Religieux  de  Tordre  de  Grand- 
mont,   en    habit  ordinaire   dans  la  mont,  en  habit  de  chœur.  mont  réformé, 
maison. 


.V  f>7.  —  Hospitalière  du  tiers  nrdia       N°  98.  —  Hospilalieie  du  tiers  m  die      N"  99.    —   Ancienne   linsp'talière    du 
de  Sa  ii!-Franç"i-,  <'.\'.e  sœur  Grise.  de  Saint-F;  ai.çois,  di:e  sœcr  Grise.  tiers  ordre  ileSafnt  François,  à  Mon?, 

diie  jceiir  Gr  se. 


N.  «00.  —   U(is|ii  al  ère  lél'nrirée   du  ,V  101.  —  Chevali  re  de  la  H. die. 

lieis  (H-dreili-  Saint  l'i.nn,  ,is,;t  Mous, 
d:Ceïfle<ir  l'.ri-e. 


V  W8.-T!er«  ,te  lh.il.  en  iu.bU  or-        .V  IW.  -  Y,  rgc  .le  Hall,  en  h  .bil<ta  >    "»-  -  Vi"'6«  de  &**■*»". 

dîna  re  d;t  is  la  .,;ai un.  ville. 


N"  109.  —  Religieuse   de   l'ordre  de      N°  i  10.— Religieuse  de  l'ordre  de  l'As-      N*  11 1.— Chevalier  de  1  ordre  del'Ours. 
l'Assomption    de  INolre-Dame  ,    en         soniulioti  de  Nu  ire- Dame,  en  Ualie. 
France. 


N"  112.  —  Colli.r  de  l'ordre  de  l'Her-      N*  1  !">•  —  Collier  de  l'ordre  d 
mine. 


e  l'Epi.      N"    H4.  —  Religieux  hospitalier  de 
l'ordre  de  la  Charité  de  Saint-Hip- 

nolyle. 


h"  H...   —   Ueugieuse  hospitalière  de      lV  116.  —  Ancien  religieux  hospitalier       N    Iw.  —  Uelisicuao  hospitalière   de 
1  Hôtel-Dieu  de  Paris,  en  habit  de  de  l'Hôtel- Dieu  de  Paris:  l'Ilôtel-Dieu  de  Paris,  en  habit  ordi- 

cérémonie.  nair'e  servant  les  malades. 


N"  118.  —  Chevalier  de  Saiiil-Uubeil,       iV  tl'J.  —  K<  Kgieux  tiuiniiie.dit  lier-      N"  120.  —  H 

ret  n  delà  Pénitence  du  premier  ordre. 


N"  121.—  nHi^irusr  limi  ilee.  comme  NM22..-  Kcligi  use  lui    ilide. 

elles  élaiii)'  ancienne  :  enl. 


î\°  ii'o. — Ain  ieu  moine  ili  la  i'alestiu  ■. 


a"  »s*.  —  Mum.:  J.icuIjuc  on  Swi  n.        V  \i">  —  Re'k-HMix |»iln'ier t|c  i'oï-       N  '  i^.j.  -  Qie.uuer  de  &aîm-Jaci|ues. 

tire  île  >a ni-J  n  cines  i!u  lla'll'.-Pas. 


iV  liï . —  ulievalier  ue  baint-Aiilui.ie.  ÎS"  1*8. —  OUevalier  de  lu  Jarn  lé  o.        V  lïil. — l,.  ,..n   ,i,  S  iiul  Jean-B.i 


IS«  150.  —  Kiinili-  tie  la  V  rit-Alig   II-       N"  1J!.  —  Ciian-...,.-  régniier  t-l  lm--.pi 
que,  à  11  nie.  lalier  de  Saini  J-.in-lîa  liste  île  Cou 

veiilrv,  en  AnglekMie.  ' 


M"  153. —  Ancien  Cli. moine  régulier,        N"  134. —  Ancien  Chanoine  régulier      N°  153.  — Ancien  Chanoine  réguler 
de  l'alibayede  Saint-Denis,  à  Reims.  rie  Saint- Lo,  à  Rouen,  du  piieuré  des  Deux-Amants. 


M  'Ma  T  ■fi"K\'i',}jUa""'w  r^u^r,      iV  137.  —   Ancien  Chanoine  régulier      N"  138.  —  Chanoine  régulier  de  Clos. 
de  Sami-Mai  Un-d  Epernay.  de  la  cathédrale  dTscz.  lerneubourg,  en  Allemagne. 


N"  159. —  Religieux  lio>|>ualierde  l'or-      N°  14*).  —  Keiigicux  uo  1.1  icionne  ue      f>°  141.  —  Cuauoiue  régulier  de  Sainl- 
ilie  de  Saint-Jean  de  Dieu.  de  Gentil  de  Spolèle.  Jean  des  Vignes. 


is   142. —  chevalier  ue  i  oruredeSailil- 
Jean  et  de  Saint-Thomas. 


IN   liô.— Clianoineséculier,  iIp  la  Con-      N°  144.  —  Religieux  ermite  de  Sainl- 
pégalion    de  Saiiil-Jean-l'Eiangé-  Jérôme  en  Espagne,  en  liahit   ordi- 

liste,  en  rorlugnl.  naire  dan;  la  maison. 


lY  H...  —  li   l.gieux  e,lnile  de  Salit-       V  1*«.    —   lielitfieuse   de   l'oivuv  lies       i\°  1  ',7.  —  Ancien  li;imll.<siii<-iil  îles  re- 
Jé  ôme  en  Espagne ,  allant  par  la        ermilesde?3ÏRi-?:-rt>rtv,Brir.spagiie.  ligiciix  er:îii'e<  de  SàiiiuJérd:no,  de 

Y  He  la     t.oii^rci; 'tii'ii    du    bicnbeui eu x 

Piorrp  il     i  is.'. 


«  i  .6.  —  Ueligieux  ermite  de  S:iii  t-  N"  119.  —  Ueligieiix  <ru  ile  de  S;nnl-  Nu  li>  .  -   Keiigie  ix  enni.e  il-  Si  il- 

Jerôim-,  ri..  L,  Congrégation  du  tien-  J;rr,inc,  nVIa  Cohgriiga-.ioii  du  bien  Jéi-ame,    IS-l-n  i..ô   }de    la  Ongrégi- 

li.  iiivux  Pu  nedr  Pin;,  eii-habrtw-  huicu  IViru  du  lise.  t"»'1  ,!l1  b'u'iibeuru;;*  l'i.rre  de  Pi.e, 

du  aire.  «•'«  A11«  iao,:e- 


N    loi    -  i  eli  ieux  ermite  «le  Saii.l-      N"  152.  —  Moine  .le  Sainl-Jérôme  en      y  155.— Moine iléSami-Jérôiiie en  Ita- 
J«romc,deluCoi.gr^galiondeFiesoli.  Italie,  e»   babil  ordinaire,  dans   a        |.«.,..v  c  .a  ,oule,  allant  ,.ar  la  v.l:e. 

maison. 


N"  154.  —  R-lisie  ix  Jésuatc  de  Saint-      N*  155.—  Religieuse  J  snaledc  Saint-       N"  156.— iésuile,  en  en  babil  ordinaire 
Jérôme.  Jérôme.  dans  la  maison. 


N"  157.  —  Jésuile,  dans  un  aulre  h.i-         N"  158. 
billemeiit  de  maison. 


Jésuile  eu  habil  de  ville.         N°  159.  —  Missionnaire  Jésuile.  en  lia- 
bit  de  mandarin,  à   a  Cbine. 


N°  1G0.  —  Missionnaire  Jésuite,  en  ha-      N* 161.  —  Missionnaire   Jésuile,   au      N"  162.  — Mssionnaire    Jésuite,   au 
bit  ordinaire,  à  la  Chine.  royaume  de  Tunqniii.  royaume  de  Maduré. 


N»j G3.  —Sœur  delà  société  du  Bon-      N"    16-i.  —  Clerc  régulier   du  Bon-  t»'  165.  —  Sœur  de  Saini  Jose|>i 

Jésus.  Jésus. 


i  V  166 Sœur  de  la  Congrégation  de 

Saint-Joseph  pour  le  gouvernement 
des  orphelines,  à  Bordeaux. 


f>i*  167.  —  Sœur  «le  la  Conurégaliun 
des  filles  de  Saint-Jo-eph,  dites  de  la 
Providence,  a  Paris, 


[>,•  168.—  Ancien  habillement  des  re- 
ligieuses de  la  Congrégation  de  Saint- 
Joseph,  dites  de  la  Trinité  Créée. 


V  16t).  —  lit-iiiii.  use  lie  la  t.i.ngié;a-       N°  170.  —  Religieuse  il*  laCongréga-      iV  171.  —  Sœnrue  la  Congrégation  <la 
tioii de  Saint-Jo-îeph,  diln  de  la- Tri-  lioji.ileSainl-i. >seph,  dite  de  la  Tri-         Saint  Joseph,   p»ur  l'édiiciiion  d" 

itité  Créée,  en  liabii  ordinaire.  ni  te  Créée,  en  lubitde  chueur.  lilles  orphelines,  à  Rouen. 


rV  172.  —  Ancien  habillement  des  re-       N°  173.   —   Religieuse  de  l'ordre  des       V  )7i.— Chanoine  régulier  de  la  Con- 
ligieuses. hospitalières  de   Saint  Jo  hospitalières  de  Saint-Joseph.  gréguion  de  Lalran,  en  habit  onli- 

siph.  tiaiiv. 


IV  175— Ch: e  régulier  de  la  Cun-      N*  176.  —  Chanoine  réguler  de  l'an-       V  I  7.  —  Chanoine   régulier  de  La- 

grégalmnde  {.;itran,  en  habit  de  ville.  '  cienne  congrégation  de  Siiu'e-Mati»  Iran,  en  Pologne. 

du  p>il  Adriatique. 


N'  178.    —  Qianoihésse  régulière  de      IN'  H9.  —  (  linnoinesse  régulière  de       N°  180.   —  Uiauo  nesse  régulière  de 
Latran,  en  habit  ordinaire.  Lairan,  en  hahit  de  chœur,  I  élé.  Lairan,  en  habit  de  chœur,  I  hiver. 

Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  II.  "9 


M"  .M.  —  ouutiutiiuue  régulière  de      N^aSâ.—  Chanoine  régulier, Je  la  Con-      N*J85.—  Ancien  habillement,  supposé 
l'abbaye  de  Chaillol,  prés  Paris.  grégalinn  de  Saini-Laiimu  d'Oui*,  d'un  chevalier  de  l'ordre  de  Saint - 

Lacare. 


K"  \&i. —  Ancien  habiileiiieiu  de-  ché-      N-  ito,    —   Ancien   habillement   des      N"  181J.  — Moine  de  Sainl-Carilon. 
valiers  de  l'ordre  de  Saint-Lazare,  chevaliers  de  l'ordre  de  Sainl-Lazaie, 

dan»  le  su'  siècle.  dans  le  xv  siècle. 


N'  187.  —  Munie  de  Sainl-Sabas.  N°  188-  —  »'cUe  de  la  Mission.  N    i*i»  -  Moiue  ue  l'al.baye  de  Uni.: 


t\'  100.  —  Ueiigieuac  ue  Tarasctm. 


IV  lih.  —  llelinieuse  de  alasmuriiier, 
ou  Moisevaiu. 


N'  i'Ji.  — Chevalier  du  Us. 


"  IV3.  —  Religieuse  hospitalière 
de  Lorhes  ,  ru  liait. I  ordinaire  le* 
jouis  otivriers. 


N"  l'Ji.  —  Religieuse  iio^!>ii:ilière  «le 
Loches,  en  habit  île  élu •,  à  cer- 
tains jours  et  dans  quelques  céré- 
monies. 


N4  195.  —  Iteligieuse  hospitalière  rie 
Loches  avec  un  grand  voile,  dans  le» 
grandes  cérémonies. 


ti*  r^"'.  —  S  riir  Converse  hospitalière 
de  Leeh.es. 


N°  197.  —  Religieux  du  troisième  or-     iV  ly8.  —  Chevalier   grand  croix   de 
dre  de  Saint  François,  de  la  Congre-  l'ordre  de  Saint-Loui-. 

galion  de  Lombardie,  eu  habit  ordi- 
naire dan-  la  maison. 


N' 199.  —  Rçfeieux    de  l'ordre  de  la     N*  300    —Religieux  de  I ordra   de  la      ,V-Ui. 
l'éniience  île  la  Madeleine.  Madeleine,  ei>  Allemagne. 


Religieuse     Al.idrlunell» 
à   Moi*. 


N°  202.  —  Madeloniif  lie  de  la  Congre-      N"  205.  —  Chevalier    de    l'ordre  de      N'  204.  —  Grand  maître  de  P ordre  d« 
galion  de  Sainte-Marie-Madcleiné.  Saint-Jean  dé  Jérusalem,  faisant  ses  Saint  Jean  de  Jérusalem. 

«ctravanes. 


V  2V.ï.   —  Chevalier    Ue    l'ordre  tle       ft"  206. — iiiic.eii  tiievuuei  ue  l'ordre      N"  207.  —  Chevalier   grand   croix    de 
Saint-Jean   de   Jérusalem  ,  avec   le  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  avec  le  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem. 

manteau  à  née,  dans  le   xiv'  siècle. 


!n''îi'.":iii  a   lier 


IN  20tf.  —  Che\auer  grand  croix  de 
;  .pnlre  de  Sàinl-Jeaii  de  Jerusal  m, 
ail.. u.  au  conseil'. 


i\  2. y.  —  Chapelain  de  loi. ne  ue 
Saini-J  a  i  de  J  rusai  mi,  eu  liahil 
de  viile. 


*  i'O.  —  una|.i  i.mi  ue  i  ordre  de 
Sainl-Jean  de  Jérsusalem  .  en  habit 
d'eylibC,  a  Malle,  avec  le  camaJI  vin- 


iViil.  -   Ancien    liabilleiue.il   ues        N' 212.  —  Le  B.kH..y....m  1    duruy,      lN»  ,213.  -  Prieure  du  mou .sierej  .ta 
Chapelains  de  Tordre  de  Sainl-Jein  premier  grand   maftre  ds  Tordre  de  Sîxeu».  des  religieuses  ueji  orure  uu 

do  Jinisalem.  Saint  -Jean  de  Jérusalem.  Siint  J  mm  de  J 'l'iisalcni. 


î^  —  " 

N°  215.  —  Aicieii    habillement    Js 

rHig  piis.»s  iW  Tordre    de  Sa, ni.  .1  .-an 

sJimsa  ein,  iîu  ii.on.is  ère  dé  Tic. 


yr*l7    —  ftelïgieue  de   l'ordre   de    N*  218.  —  Religieuse  de   l'ordre  de 
ï>:i ini- Jt;  ii   de  Jérusalem,  iUi  monas-         Saiiil-Jean  de  Jérusalem, du  monas 


1ère  de  Florence,  en  liai)  1 1 


"  2i9.  —  habillement  des  religieuses 
de  Sainl-Jt-an  de  Jérusalem  de  lïiô- 
lère  de  Horciice,  en  liabil  île  cére-  |ilal  de  Reaulieu,  dans  le  cnnimeu- 

munie,  cément  de  leur  établissement. 


tO. — liabiiJ^*nrnT-B»a  ieuj.iruses  N".2_t. —  in  liseuse  ae  Itiruie  de  tN"  233. — Aneie.i  ha1>illi"metit  des  re- 
lie S.'.ini  Je.^..déjôtu^a'eiii  iV  l'hô-  Saint  Jean  île  Jeresaleni,  <lu  iMcnas-  lisieuse*  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de 
pilai  dèBetfwï^aiXlAri  e  de  1ère  de  Toulôu  c,ni  h&Mtorrftoiire.  Jérusalem,  de  I  hôpital  de  beatllieu 
Rhodes:                          \     |  ;,,,  P.  !;,  .,rise  de  Rhodes. 


<'    ~~^> 


N"  22"».  —  Religieuse  »le  l'ordre   île      N"  224.  —  Prieure  mi  munasu  re  îles 
Saini-Jea»  de  Jérusalem,  du  motias-  religieuses  de  l'ordre  de  Samt^ean 

1ère  de  Toulouse,  en  liabil  de  chœur.  de  Jérusalem  à  Toulouse  ,   eu   liauil 

de  <■<  rémonie. 


.V  2ia 


—  Chanoine  rrgnti«r  JeMar- 

bak,  en  Alsace. 


t    :i 


N'  22(>.  —  Chanoine  lëpulier  de  l'an- 
eienne  congre. alioii  de  Saint-Mare. 
de  Mai.louc, 


i\    -27.  —  AU'iue  Maïuiiiie. 


in"  ï28   —  helwieuse  Maronne 


fs*  ii«.  —  l'ainaiclie   îles  MaroniUs.      N'iSu.  — 


,..=,., taUv-re    ue    aamie-      iV  231.  —  Chanoine  régulier  de  Saint- 
Marthe.  Maurice  il'Agaune. 


IV  252.    —  Chevalier  de    l'ordre    de  N°  235.  —  Moine  Miugrélien.  iN°  234.  —Ancien  chevalier  île  I  ordre- 

Saint-Maurice  et  Saint-Lazare,  de  Notre  Dame  de  la  Merci. 


ï    Ap    l'nnlrp    de       N*  257.  —  Religieux  déchausse  de  l'or- 
*  255.  -  mTT   de    *£*.' de      N   «*£■*£  ^   Merc' °  «le  la  dre  de  muUm  de  la  Merci. 

[Solre-Da.ne  de    la   Merci,  en  liabil  \  A.,P 

ordinaire  dans  la  maison.  '   :' 


N"  238.  —  Religieuse  de  l'ordre  de  NJ  239.  —  Religieuse  déchaussée   de      IN"  2iu. —  i.ii.uioine  i 

Neire  D.nne  de  !a  Merci.  l'ordre  de  Notre-Dame  de  la  Mirci.  de  la  Pénitence  de^a/yr? ,^uV*> 

de  chœur.  /-.  /        %     VCNl 


.V  2 il 


--Chanoine  r<  gniifcr  ,1e  la  lé-       .V  2.2.  _  Chevalier  .le  Saint-Michel.       N"  243.  -  Chevalier  de  l'ordre 
mfence  <les  Martyrs.  AIiUce  de  Jésus-ChrUt. 


de  la 


.V  2ii.  —  i  leic  i-i-jji  lier  mii.eur. 


iY  243    —  Keligieux    Minime 
manteau. 


nu      V  2ftî.  —  Keligieux  Minime,  avec  h 
manteau. 


N  "HT.  —  Religieuse  Minime,  avec  la      N    iiS.  —  Religieuse   .Minime ,   sans      ,\   i»u.  — Uerc  régulier,- uiiiii&lrs des 
tnanit-au.  punira  i.  I   [inné  . 


N*  250    —  File  île  Saiiile-Genièvft.        .V  i51.   —  Hel  gieuse  de   l'ordre   rie      N"  z$2.   —  Religieuse   de    l'ordre  de 

Noire  Dame  de  la  Misirienr  le,  en  Nolre-llame  de  Miséricorde,  en  ha- 

li.diit  ordinaire.  bit  de  cérémonie. 


M"  255.  —  Fi  ère  de   Tarchwonlràter- 
niié  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel. 


N°  254.  —  Grand  niailre  de  l'ordre  de 
Noire-Dame  de  Mont-Carmel,  et  d« 
Saint  Lazare  de  Jérusalem. 


N*  255.  —  Chevalier  de  l'ordre  de  No 
Ire-Dame  de  Mmil-Carmel ,  et  d< 
Saint-Lazare  de  Jérusalem. 


25u.  —  Chevalier  ecclésiastique  de 


Tordre  de  Notre-Dame  de  Mont-Car- 
mel,  etde  Saint  Laiare  de  Jérusalem. 


iV  ao7.  —  Frère  servant  de  l'ordre  de 
N'itre-Oame  de  Mont-Carmel,  et  d*j 
Saint  Lazare  de  Jérusalem. 


N"  258.  — 'Novice  de  l'ordre  de  Notre 
Dame  de  Mont-Carmel,  et  de  Saint 
Laxare  de  Jérusalem. 


N' 259.  —  Ileraul  de  l'ordre  .te  Notre-      N"  ïWk-^iwssier  4b l'ordre  de  tioljth      N    2bl- 
Dame  de  Moi.l-Carmel,  et  de  Saint-  Dame  de  Mnnt-Carmel,  el  de  Saint- 

Lazare  de  Jéru^lem.  Lazare  rie  lértiaalem. 


Fi  ère   du  tiers    ordre  des 
Carmes. 


n  ordre  des      N*  265.  -  Bénédictin  du  M.  nt-Cassin      ;N"  iW.'.-  Bénédictin i  du  Mont-Cassin, 
ïs   2*2.  -  ^J^tli  orare  ues         -  en  hab,l3(le  chaîllr.  ,  en  habit  ordinaire  dans  la  maison. 


N°  21)5.  ~  Frères  con  ers  (tu   Mont-       N"  26ti.  —  Frère  convers  du  Mont  Cas-      iV  2u7.  —  Chevalier    de    l'ordre     d« 
Cissiti,  en  babil  ordinaire  dans  la  sin,  eu  habit  de  ville.  Monlesa. 

uùiscu. 


V  2iJ8.—  Chevalier  de  l'ordre  de  Moni-      N' 239".     -'Aucienne  Bénédictine  de      N'  270.  —  bénédictin  du  Moni-Olivtt, 
Joie.  Montmartre,  avant  la  réforme  en  habit  ordinaire  dans  la  maison. 


N»  271. —Bénédictin  du  Monl-Olivet,      N°  272.  —  Frère  '  convers' du    Mont-      N"   275.  —  Frère   «onvers   du   M  nt- 
en  habit  de  cliœur  et  de  ville.  Olivet,  en    habit  ordinaire  dans  la  Olivet,  en  habit  de  ville, 

maison. 


N*  274    Bénédictine  du  Mont-Olivet ,      N*  27S.  -  Bénédictine  du  Monl-Olivet,      N«  276.  -Chanoine  régulier  de  Saint 
en  habit  ordinaire  dans  la  maison,  en  habit  de  chœur.  woi  a  Arras. 


Dictionnaire  des  Ordres  religieux.  II. 


'.0 


N'277.  —  U  ligicns  du  Mmil-Vierr 
comme  ils  dtaii'jit  anciennement. 


N°  278  —  Religieux  do  Mont-Vierge,      f\°279.  —  Religieux  du  Mont  Vierge 
en  hahit  ordinaire  dans  la  maison,    ;  en  habit  de  chœur. 


S»  580.  —  Religieux  du  Mont  Vierge.      N*  281.  —  Iteligieuse  du  Mont-Vierge,       N"  282.  —  Religieuse  du  Mont- Vierge, 
en  habilde  ville,  lorsqu'ils vontseuls.  en  habit  ordinaire  rlansla  maison.  en  habit  de  cérémonie. 


N"  283.  —  Moine  Nesloriun. 


N"2$i   — Religieuse  Nesiorienne. 


N°  285.  —  Chanoinesse  de  Nivelle  ,  en 
habit  d'église,  comme  elles  éiaieni 
anciennement. 


N"  286.  —  Chanoinesse  de  Nivelle,  en  N*  287.  —  Chanoinesse  de  Mins,  en  N°  288.  —  Chanoinesse  de  Mons  ,  en 
habit  d'église,  connu  elles  soat  pré-  habit  de  chœur,  la  première  année  Inbit  dériveur,  la  deuxième  a^tica 
sentiment-  «le  sa  réception.  do  sa  réception. 


N"2S0. — AbliesredeMaubi  iigj,comiin 
elles  étaient  anciennement. 


291.  —  Chanoinesse^de  Denain  ,  en      y  202.  _  Chevalier  du  Saint-Esprit 
habit  de  chiur.  a"  Droit- Désir  .  ou  du  Nœud,  en  ha- 

bit de  l'ordre  avec  le  Saint  Esprit. 


N°  293.  —  Chevalier  du  Saint  Esprit      N°  2  i4.  —  Chevalier  du  Saint-Esprit 
au  Droit-Désir,  le  chaperon  en  tite  au  Droit  D  sir ,  avec  le  manteau. 

et  le  lia  ud  d'or  sur  la  poitrine. 


Y  295.  — Chanoinesse  de   Noli. 


N'  295.  —  Chanoincsse  de  lions,  en  N*  296.— Sœur  converse  de  Noli.  N*  297.  —  Religieuse  de  1  ordre   de 

habit  de  chu  ur,  la  troisième  année  Notre-Dame  de  Chanté,  en   habit 

de  sa  réception.  ordinaire. 


N"  298.  —  Religieuse  de  l'ordre  de 
Notre  Dame  de  Charité  ,  en  habit  de 
cérémonie. 


N*  299.  —  Ancienne  Bénédictine  de 
Notre-Dame  de  Saint-Paul  de  Beau- 
vais,  avant  la  réforme. 


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