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Full text of "Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle"

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HISTORIQUE 

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DEPI'JS   LK   THP.j;/IKMK   SIKCr.K 


DICTIONNAIRE 


HISTORIQUE 


DES  ARTS,  MÉTIERS 


ET  PROFESSIONS 


EXERCES    DANS    PARIS 


DEPUIS  LE  TREIZIEiME  SIECLE 


PAR 


Alfred  FRANKLIN 


ADMIMSTH.VTEUR    DK    LA    BIBLIOTHEQUK    MAZARINE 


Avec  î0ie  Préface  de  M.  E.  LEVASSEUR,xrnembre  de  V Institut, 
Administrateur  du  collège  de  Fronce  et  Professeur  mi  (Conservatoire  national  des  Arts  et  Métiers 


-i. 


o-o  ^ 


PREMIERh:  PARTIE 


"mMi 


PARLS 
4,  Rue  Bernard- Falissy 


LEIPZIG 

Salonioiistrassc,   Ki. 


H.  WELTEl^;  Editeur. 

19U5. 


DICTIONNAIRE 


HISTORIQUE 


DES  ARTS,   MÉTIERS 


ET   l'RO FESSIONS 


EXKHCKS    DANS    l'ARIS 


DEPUIS   LE  TREIZIEME  SIECLE 


A 


Abat-jour  (Fabricants  d').  Les  abat-jour 
s'appelèrent  d'abord  conserves  Je  tue  et  garde- 
viie.  On  lit  dans  Le  miroir  de  Part,  publié  en 
1691  par  N.  de  Franqueville  :  «  Pendant  la 
nuit,  l'esludiant  met  une  chandelle  allumée 
sur  le  chandelier,  et  au  devant  une  conserve 
de  vue,  qui  doit  être  verte  *.  »  Cet  abat-jour 
ressemblait  donc  à  ceux  dont  nous  nous  ser- 
vons pour  les  pianos,  et  qui  ne  voilent  la 
lumière  que  d'un  côté. 

Au  mot  abajour,  Savary  s'occupe  seule- 
ment des  «  espèces  de  fausse  vue  ou  faux  jour 
que  les  marchands  ont  dans  leurs  boutiques, 
pour  empêcher  que  la  trop  grande  lumière  ne 
diminue  la  beauté  et  l'éclat  de  leurs  étoffes  ^  ». 

Jusqu'au  dix-huitième  siècle,  les  lampes 
jetaient  si  peu  d'éclat  ^  que  l'usage  des  abut- 
jour  paraissait  superflu  ;  on  ne  s'en  servait 
donc  qu'avec  les  chandelles  et  les  bougies.  En 
général,  deux  d'entre  elles,  réunies  sur  un 
même  pied,  étaient  entourées  par  un  vaste 
abat-jour  de  fer-blanc  peint  en  vert.  C'était 
là  un  éclairage  suffisant,  même  pour  les  petits 
travaux,  et  qui  avait  le  mérite  d'être  fort  hygié- 
nique. Aussi,  nos  lampes  modernes,  à  vive 
lumière,  rencontrèrent-elles  pendant  longtemps 
une  forte  opposition  :  «  Depuis  que  les  lampes 
sont  à  la  mode,  écrivait  M™^  de  Genlis  vers 
1818,  ce  sont  les  jeunes  gens  qui  portent  des 
lunettes,  et  l'on  ne  trouve  plus  de  bons  yeux 
que  parmi  les  vieillards  qui  ont  conservé 
l'habitude  de  lire  et  d'écrire  avec  une  bougie 
voilée  par  un  garde-vue  *  ». 

1  Page  98. 

2  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  1. 

3  Voy.  l'art.  Lampistes. 

4  Dictionnaire  des  étiquettes,  t.  I,  p.  310. 


Abattoir  (Garçons  d').  Les  bouchers  de  la 
(Jrande-Boucherie  ^  eurent  d'abord,  vers  le 
parvis  Notre-Dame,  une  tuerie  qui  lut  transpor- 
tée, au  treizième  siècle,  près  du  Grand-Ghàlelet. 
Il  existait  déjà  plusieurs  tueries  particulières. 
L'usage  d'abattre  au  domicile  des  bouchers 
s'établit  peu  à  peu,  et  devint  assez  vite  général, 
malgré  les  efforts  de  la  municipalité. 

Les  lettres  patentes  d'août  1416,  qui  ordon- 
nèrent la  démolition  de  la  Grande-Boucherie, 
prescrivirent  l'établissement  d'abattoirs  hors  des 
murs  de  Paris.  «  Afin,  dit  l'article  6,  que  l'air  de 
nostre    ville    ne    soit     doresnavant    infecté    ne 

corrompu    par    les    tueries    et    escorcheries 

ordonnons  que  toutes  tueries  et  escorcheries  se 
feront  hors  de  nostre  dite  ville  de  Paris  "^  ». 

Cette  sage  prescription,  souvent  renouvelée 
dans  la  suite,  notamment  en  1.567,  était  encore 
méconnue  quatre  siècles  et  demi  plus  tard. 
Croirait-on  qu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle, 
on  refusait  encore  de  s'y  soumettre,  et  qu'un 
ouvrage  très  sérieux  exposait  ainsi  une  des 
raisons  qui  la  lui  faisait  repousser  ?  «  Chaque 
boucher  a  quatre  garçons,  plusieurs  en  ont  six. 
Ce  sont  tous  gens  violens,  indisciplinables  et 
dont  la  main  et  les  yeux  sont  accoutumés  au 
sang.  Ou  voit  qu'il  y  auroit  du  danger  à  les 
mettre  en  état  de  se  pouvoir  compter,  et  que  si 
l'on  en  ramassoit  onze  ou  douze  cents  en  trois 
ou  quatre  endroits,  il  seroit  très  difficile  de  les 
contenir  et  de  les  empêcher  de  s'entre-assom- 
mer  ^  ». 

A  ce  moment,   tous  les  boucliers  opéraient 


1   ^  oy.  l'art.  Bouchers. 
"^  ^  oy.  Di'Iariiarre,  Traité  de  la' polie, 
•î  Encyclopédie    méthodique ,    arts    et 
p.  233. 


,  t.   II,  p.  1201. 
niétirrs,     t.     1, 


ABATTOIR  —  ACADÉMIES  DE  COIFFURE 


encore  les  tueries  dans  leur  propre  cour. 
Séha^(ien  Mercier  écrivait  vers  1780  :  «  Quoi  de 
plus  révultant  et  de  plus  dégoûtant  que  d'égor- 
ger les  bestiaux  et  de  les  dépecer  publiquement. 
On  marche  dans  le  sang  caillé.  Il  y  a  des 
boucheries  où  l'on  lait  passer  le  bœuf  sous 
l'étalage  des  viandes.  L'animal  voit,  flaire, 
recule;  on  le  lire,  un  renlraîne  :  il  mugit,  les 
chiens  lui  mordent  les  pieds,  tandis  que  les 
conducteurs  l'assnnuuent  pour  le  l'aire  entrer  au 
lieu  fatal  '  ».  l'it  Prudhumme  ajoutait  en  1807  : 
<c  Rien  de  pins  affreux  que  de  voir  ruisseler  le 
sang;  vos  .souliers  en  sont  imprégnés....  Il  est 
donc,  urgent  qu'on  établisse  hors  Paris  des 
tueries,  qu'on  n'entende  plus  les  cris  plaintifs  du 
bœuf  et  du  mouton  *  ». 

Nos  tueries  actuelles  datent  d'un  décret  rendu 
le  9  février  1810.  et  qui  ordonne  la  création  de 
cinq  alialluirs,  trois  sur  la  rive  gauclie  et  deux 
sur  la  rivf  droite. 

Abécédaires.  Nom  parfois  donné  aux 
maîtres  des  petites  écoles.  Montaigne  l'a 
employé. 

Voy.  Maîtres  d'école. 

Abeillers.  Eleveurs  d'abeilles.  L'usage  du 
miel  tMi  France  remonte  très  liant.  Sous  les 
Carlovingiens,  le  miel  était  recherché,  et  surtout 
des  moines,  dit-on.  Au  treizième  siècle,  les 
nuirchands  ambulants  le  criaient  dans  les  rues  : 
Or,  au  miel  !  Di''.\  vous  duirist  ■'  siinlé  '  1 

Les  Tailles  de  1202  et  de  1300  citent  chacune 
un  abeiller  sous  cette  dénomination  :  «  X.  {[ui 
vend  le  miel  ». 

En  l'absence  du  sucre,  il  entrait  dans  une 
foule  de  confitures  et  de  pâtisseries.  Au  seizième 
siècle,  on  l'employait  aussi  comme  aliment,  et 
Henri  Etienne  le  représente  connue  un  mets  de 
carême,  une  friandise  de  femmes  ■•. 

La  Provence  et  le  Languedoc  envoyaient  à 
Paris  beîiueoup  de  miel,  dont  le  plus  estimé 
venait  flu  petit  bourg  de  Corbière  près  de 
Narbonne.  Le  déltit  en  était  l'ail  |jar  les  épiciers 
et  les  apothicjiires.  Lorscpie  la  (•orp(»ration  fui 
«livisôe,  les  premiers  vendirent  le  miel  destiné  ii 
hi  nourriture,  les  seconds  celui  ({ui  devait  entier 
dans  lii  confection  des  nȎdic}imenls. 

Les  tonneaux  de  miel  étaient  soumis  à 
l'examen  des  jaugeurs  de  vin. 

Aboivrement  ou  abuvremenl.  .\om> 
pntvrnatit  du  vii-ux  mol  IVam;ais  ubererare,  i\\\\ 
signilinil  abreuver,  désaltérer,  etc.  ".  Légère 
coMnlion  que  devait  oiVrir  à  ses  confrères  le 
compagnon  admis  ii  la  maîtrise,  (^elle  collation 
!M>  Iransfnrnju  bientôi  «n  un  vérilai)le  repas, 
moins  iniporUint  Imilofois  que  hpust.  I,ev  led.-- 


df  Purù.  t.  V,  1».  28. 
-  "  -      ■    I,  i».  301. 


1  |, 

*   '  '  "-  Nt-liv.'.   /   <  rri,r'ir$  dr  Paris. 

^  Aft'ii^ir    /mur    Hrrodul,  ;     t>-lhub<-r,    cliap. 


»   .lii'iuifir    OQ»r    lirrodi 
\\\\\\.  l    II.  p.  2H2. 


^  \.'v    i<>  Glw»»oif>' do  Duiau^jc,  aux  inol.s  «ifrr«v/«/ 

cl  nhHrriutixm. 


vances   étaient  à  peu  près  les  mêmes  que  pour 
ce  dernier.  Ainsi,  chez  les  bouchers,  le  nouveau 
maître  devait  fournir  : 
Au  l'RÉvoT  DE  Paris  : 

1  selier  de  vin. 

4  gâteaux. 

1  maille  d'or. 

Au   .MAITRE  DES   BOUCHERS    ^  : 

1  cierge  d'une  livre. 

I  gâteau  «  tout  pétri  aux  oefs  ». 

1  demi  setier  de  vin. 

2  pains. 

A    LA  MAÎTRESSE  DES    BOUCHERS  : 

4  gélines  ^. 

4  mets  ^. 

12  pains. 

2  setiers  de  vin. 

Au  voYER  DE  Paris,  au  prévôt  du  For- 
l'Evèque,  aucélérier  du  Parlement,  au  con- 
cierge DU  Parlement  : 

A  chacun,  un  demi-setier  de  vin  et  deux 
gâteaux. 

Mais  chacun  des  privilégiés  ci-dessus  nommés 
devait  pa^'er  deux  deniers  au  «  jugleeur  *  » 
qui  jouait  dans  la  salle  où  avait  lieu  le  festin  ^. 

Abouresses.  Femmes   qui  travaillaient  à 

rendjourrer  des  vêtements?  Al>Oîirer,  envieux 
français  signifiait  rembourrer,  et  l'article  34  de 
l'ordonnance  du  5  octobre  1443  cite  les  abou- 
resses avec  les  tisserands,  les  cardeurs,  etc.  •*. 

Aboyeurs.  On  nommait  ainsi  les  individus 
qui,  à  la  porte  des  petits  théâtres,  annonçaient  à 
haute  voix  aux  passants  l'heure  et  la  composition 
du  spectacle.  Le  théâtre  des  ombres  chinoises 
est  un  des  derniers  qui  ait  eu  un  aboyeur. 
Prudhomme  écrivait  en  1807  :  «  On  remarque 
à  la  porte  un  crieur  qui,  depuis  six  heures  du 
soir  jusqu'à  dix,  étourdit  les  oreilles  des  passans 
par  ces  mots  :  «  Entrez,  Messieurs,  l'on  va 
commercer  tout  à  l'heure  '^  ». 

Abréviateurs.  Voy.  sténographes. 

Abuvrement.  Voy.  Aboivrement. 

Académies  d'armes.  Voy.  Armes 
(Maîtres  d'). 

Acadéroiies  de  coiffure.  A  la  Un  du 
dix-huiliènu;  siècle,  les  coiffeurs  de  dames, 
rougissant  d'appai'tenir  à  la  corporation  des 
barbiers- perruquiers ,  voulurent  former  une 
coinnuinauté  indépendante,  créer  une  académie 


1  V.iv.  Tari.  Maître  (I. 'S  Ijouohors. 

2  l>..ul.-s. 

*  L  onloniiancc  ilit  ;  «  de  ciiacun  mes  que  l'on  ineinf, 
ijuati-i'  mes  ».  Li>  mol  mes  ou  tnefs  désignait  à  la  fois  ce 
<|ui'  n 'US  appelons  aujourd'hui  un  service  et  chacun  des 
plais  cumpusant  ce  service. 

*  \  oy.  l'arl.  Instruments  (Joueurs  d'). 

!"•  LeUres  patentes  de  juin  1381,  dans  les  Ordunn. 
royales,  t.  \I,  p,  TiOG. 

"   Orduiiii.  ruyalfs.  t.  XIII,  p.  382. 
"  Miroir  de  Paris,  t.  \ ,  p.  2G1. 


ACADÉMIES  I)K  COIFFURE  —  ACADEMISÏES 


de  coiti'ure.  Un  arrêt  du  25  janvier  1780  repoussa 
cette  prétention  ^. 
Voy.  Coiffeurs. 

Académistes.  Propriétaires  d'une  aca- 
démie. Après  trois  ou  quatre  années  consacrées 
aux  lettres  et  aux  sciences,  les  jeunes  <ji;'ens  de 
qualité  entraient  à  l'académie,  où  l'on  ne  se 
préoccupait  plus  g'uère  (jue  de  les  perfectionner 
dans  les  exercices  du  corps.  Ony  ensei^-nait  bien 
un  peu  d'histoire,  de  mathématiques  et  d'art 
militaire,  mais  ce  que  l'on  y  cultivait  surtout 
c'était  l'équitation,  la  danse  et  l'escrime,  les 
courses  de  bagues  et  de  tètes,  avec  la  lance  et 
l'épée.  L'académie  était  donc  le  complément 
indispensable  de  l'éducation  pour  un  geiilil- 
jiomme.  Au  reste,  avant  même  d'en  être  sorti, 
et  dès  l'êge  de  dix-sept  ans,  l'on  pouvait  acheter 
une  lieutenance. 

L'on  entrait  parfois  au  sei-vice  bien  avant  cet 
âge.  Le  fds  du  duc  de  Crillon  y  débuta  à 
cinq  ans,  etFroiisac  fut  fait  colonel  à  sept  ans  ^. 
Le  fils  du  duc  de  Chaulnes  attendit  aussi  jusqu'à 
sept  ans.  ^<  Il  vint  remercier  le  roi  avec  le  grand 
uniforme  des  chevau-légers  et  des  bottes  3. 
L'oncle  de  Mirabeau  était  aspirant  de  marine  *  à 
douze  ans  ^.  A  douze  ans  encore,  Lauzim  entrait 
dans  les  gardes-françaises,  et  à  quatorze  ans,  il 
était  fait  enseigne  ''.  A  l'âge  de  quatorze  ans, 
écrit  M.  le  comte  d'Haussonville  '',  «  mon  père 
reçut,  pour  ses  étrennes.  un  brevet  de  lieutenant 
dans  le  régiment  d'Armagnac  et  à  quinze  ans  un 
brevet  de  capitaine  de  cavalerie  ».  La  possession 
de  ces  grades  n'empêchait  pas  un  enfant  de 
devenir  pensionnaire  dans  une  académie. 

L'Université  voyait  de  mauvais  œil  l'existence 
de  semblables  établissements  sur  son  territoire. 
En  1661,  quand  Mazarin  fonda  par  testament 
le  collège  qui  porta  son  nom,  il  ordonna  qu'une 
académie  y  serait  annexée.  Le  22  octobre  1674, 
ses  exécuteurs  testamentaires  présentèrent  à 
l'Université  une  humble  requête  pour  les  supplier 
d'admettre  le  nouveau  collège  dans  son  sein. 
Les  doyens  des  quatre  Facultés  et  les  procureurs 
des  quatre  Nations  *^,  délibèrent  en  commun,  et 
rédigèrent  leur  rapport.  Tous  concluaient  à 
l'adoption,  mais  avec  des  réserves  qui  déna- 
turaient les  prévoyantes  intentions  de  Mazarin. 

Au  dix-septième  siècle  encore,  la  noblesse 
manifestait  quelque  répugnance  pour  l'éducation 
universitaire.  Plus  désireuse  de  former  des 
hommes  braves,  intelligents  et  spirituels  que  des 
savants,  elle  voyait  très  bien  à  quel  danger  la 
rie  de  collège  exposait  ses  enfants.  Avec  raison, 

1  8éb.  Mei-ok-r,  Tableau  de  Paris,  t.  II,  ji.  Vn. 

2  Duc  de  I^Uynes,  Mémoires,  14  mars  17" 8,  t.  VIII, 
p.  472. 

3  Une  de  Lujnos,  Mémoires,  10  décembre  1748, 
t.  IX,  p.  146. 

i  On  disait  a'ors  garde  de  l'étendard. 

=>  L.  de  Loménie,  Les  Mirabeau,  t.  I,  p.  158. 

6  fl.  Maugras,  Le  duc  de  Laïuun,  p.  05. 

"  Ma  jeunesse,  p.  27. 

8  Dès  le  treizième  siècle,  les  élèves  de  la  Faculté  des 
arts  s'étaient  divisés,  suivant  leur  pays  d'origine,  en 
quatre  Nations  :  France,  Picardie,  Normandie  et  Alle- 
magne. Chacune  de  ces  associations  nommait  un  jno- 
cureur,  un  censeur,  etc. 


elle  redoutait  pour  eux,  et  l'asservissement  à  une 
règle  inflexible  qui  amollit  le  caractère,  et 
l'influence  d'un  travail  incessant  et  forcé  qui 
enlève  à  l'esprit  sa  spontanéité,  son  originalité 
et  sa  grâce.  D'ailleurs,  l'héritier  du  nom  et  des 
armes  de  la  famille  devait,  avant  tout,  prendre 
les  habitudes,  le  ton  et  les  manières  du  monde 
dans  lequel  il  était  appelé  à  vivre. 

Mazarin  montra  qu'il  avait  senti  tout  cela, 
lorsque  créant  un  collège  exclusivement  destiné 
à  la  noblesse,  il  prescrivit,  tout  cardinal  qu'il 
était,  qu'une  académie  y  serait  annexée,  que 
l'équitation,  l'escrime  et  la  danse  feraient  partie 
intégrante  de  l'éducation  qu'on  y  recevrait. 

Sa  pensée  fut  si  peu  saisie,  que  les  architectes 
prirent  d'abord  sur  eux  de  ne  pas  construire  le 
manège,  puis  vint  l'Université,  qui  se  voila  la 
face,  et  d'un  trait  de  plume  annula  la  volonté 
de  Mazarin.  Sur  ce  point,  il  y  eut  presque 
unanimité  dans  les  rapports  présentés  au  conseil. 
Le  doyen  de  la  Faculté  de  théologie  exigeait 
«  ut  prœdictum  coUegium  nullam  Jiabeat  aca- 
demiam  pala?stricam,  ;>  et  le  procureur  de  la 
Nation  française  <^  ut  academia  palaestrica  remo- 
veatur.  »  Le  procureur  de  la  Nation  de  Picardie 
déclara  «  academiam  gladiatoriam  arcerivelle,  » 
et  celui  d'Allemagne  demanda  simplement  «  ut 
ab  eo  collegio  arceau tur  gladiatores  et  salta- 
lores.  »  Les  autres  membres  de  la  commission, 
sans  parler  aussi  nettement,  avaient  exprimé  le 
même  vœu  ;  il  se  trouvait  compris  dans  une 
formule  générale,  aux  termes  de  laquelle  le 
nouveau  collège  devait  être  soumis  à  tous  les 
règlements  de  l'Université,  sans  exception  ^ . 

Au  dix-septième  siècle,  les  académistes  le  plus 
en  vogue,  ceux  que  l'on  trouve  le  plus  souvent 
cités  dans  les  mémoires  du  temps  étaient  les 
suivants  : 

Benjamin,  établi  à  l'angle  de  la  rue  des  Fossés' 
et  de  la  rue  Neuve-Sain t-Lambert  ^.  Il  compta 
parmi  ses  élèves  le  duc  d'Enghien,  Cinq-Mars, 
etc.  Son  successeur  fut  Arnolfini,  qui  enseigna 
l'équitation  à  Louis  XIV,  et  mourut  en  1657, 
laissant  sa  maison  au  sieur  Bernardi,  comme 
lui  originaire  de  Lucques.  «  Cette  académie, 
écrit  Le  Maire  *,  a  cela  de  particulier  que  tous 
les  ans  l'on  y  donne  à  la  noblesse,  pendant  trois 
mois,  une  idée  véritable  de  tout  ce  qu'on  fait 
aujourd'huy  dans  les  armées  du  Roy.  Proche  les 
murs  du  palais  dOrléans,  autrement  dit  le 
Luxembourg,  l'on  a  fait  bastir  un  fort  à  quatre 
bastions  ",  avec  des  demi-lunes  partout  et  la 
contrescarpe.  Les  gentilshommes  commencent  le 
siège  de  ce  fort  par  les  lignes  de  circonvallations, 
ensuite  on  fait  les  attaques  et  les  approches  par 
des  mines  et  des  logemens,  tout  de  mesme  qu'à 
un  véritable  sièffe  ». 


1  Excriptum  ex  actis  Universitatis  Parisiensis.  Dans  le 
Recueil  de  la  fondation  du  collège  Matarini.  (Biblioth, 
Mazarine,  n»  2770  A.). 

2  Auj.  rue  Monsieur  le  Prince. 

3  Auj.  rue  de  Condé. 

i  Paris  ancien  et  nouveau  (1685),  t.  III,  p.  459. 
5  (^->  fort,    dit    fort    des    académistes,    est    mentionné 
par  Jaillot,  ([uartier  du  Luxembourg,  p.  74. 


ACADÉMISTES  —  ACCORDEURS 


Forestier,  rue  de  la  Sorbonne.  Cet  éta- 
blissement est  indiqué  sur  le  plan  de  Gomboust 
(An.  1647  . 

Del  Campe  ou  Delcamp,  rue  du  Vieux- 
Colunibier.  Lister,  au  cours  de  son  voyage  à 
Paris  en  1650,  y  vit  «  plusieurs  seigneurs 
Ano-lois  et  François  faire  leurs  exercices  devant 
un  monde  de  spectateurs,  hommes  et  femmes  de 
qualité.  La  cérémonie  finit  par  une  collation  ^ 

Du  Plessis,  de  Vaux,  de  Poix,  Memmont, 
que  je  trouve  cités  en  1650  ^  et  en  1657  ^. 

De  Longpré,  carrefour  Saint-Benoît.  Il  avait 
rasseudtlé  une  curieuse  collection  de  médailles. 

RoyUEKORT,  rue  de  l'Université. 

FouBERT.  rue  Sainte-Marguerite. 

CouLON,  rue  Férou. 

De  Vandeuil,  rue  de  Seine  Saint-Germain. 

On  citait  surtout,  au  siècle  suivant,  les  aca- 
démies de  : 

JoLAN.  rue  des  Canettes.  Le  prix  de  la  pension, 
nourriture  et  logement,  était  de  1.500  livres  par 
an.  Chaque  élève  payait  en  outre  :  700  livres, 
pour  la  pension  de  son  gouverneur,  500  livres, 
pour  celle  de  son  valet  de  chambre,  et  400 
livres  pour  celle  de  son  laquais. 

Razade,  rue  des  Vieilles-Tuileries. 

Saint-Denis,  rue  de  Courcelles,  académie 
réservéïî  aux  dames. 

DuGARD,  qui  se  qualifiait  d'écuyer  du  roi. 
Son  immense  manège,  situé  près  des  Tuileries, 
entre  la  It-rrasse  actuflle  des  Feuillants  et  la  place 
Vendôme,  fut  transformé  en  178W,  et  l'Assemblée 
constituante  y  tint  ses  séances. 

A  l'académie  de  DuGARD,  le  prix  de  la  pension 
était  ainsi  réglé  : 

I^geniriit  ol  nourriture l.ôOOliv. 

—                     —       pour  un  gouvorni'ur  700  — 

Loff^fini-nl  et  nourriture  pour  un  lionieslique  400  — 

Droit  li'ik'urie 29  — 

—     jiour  les  {iraules 3  — 

Au  maître  tl'arroes 18  — 

—  (lo  dauiie 15  — 

—  des  exercices  <le  voltige 15  — 

—  de  malhéniatiiiues 15  — 

Au  tA|iis.sier  jtour  locution  des   meubles   et 

du  UufTv 150  — 

Lfs  pensionnaires  qui  n'avaient  pasdedomes- 
li(|ii«'  payaient,  6  livres  par  mois,  un  valet  ([ui 
faisait  leur  clunubre  et  les  servait  ù  table. 

Le  nutrqiiis  de  Houille  y  entra  vers  1756, 
cl  on  lit  (hms  les  Afnnoires  publiés  sous  son 
nom  :  «  Il  exisl(»il  ù  Paris  trois  étiiblissemeiis 
«»ù  la  jeune  noblesse  vouée  aux  armes  s'instrui- 
soil  (huis  lou«.  les  exercices  relatifs  ù  sa  future 
profession.  Chacune  de  ces  académies  réunissoit 
une  fjnnrantaine  «h»  pensionnaires  et  un  nombre 
(hmble  d'externes.  Korlenvogui' sous  Louis  XIV, 
elles  jouissoient  encore  d'une  célébrité  assez 
élentlue  ;  mais  elles  él(»ient  déjà  moins  suivies 
par  les  jfens  de  cour.  (^)uel(|iies  seigneurs 
étrangers,  nnghiis  principalement,  venoient  .se 
former  «  des  écoles  renommées  en  Europe  alors 


•  Pogr  264. 

1  .Veit  iislorifuf  de  Lorel. 

3  .\  -P.  l-'nujrrn-,  Jour^n.  il'uH  royale  à  Purit,    j..    12. 


que  la  noblesse  française  y  donnoit  le  ton  par  la 
grâce  et  l'urbanité  de  ses  manières,  ainsi  que 
par  son  adresse  dans  les  arts  de  l'escrime  et  de 
l'équitation.  Le  point  d'honneur  y  étoit  traité 
avec  une  délicatesse  excessive  ;  rarement  on 
accomplissoit  un  cours  de  dix-huit  mois  de 
durée  au  moins,  sans  avoir  à  soutenir  quelque 
duel  ^  ».  Durant  son  séjour  à  l'académie,  Bouille 
était  entré  dans  les  mousquetaires  noirs. 

Voy.  Armes  (Maîtres  d').  —  Créât.  — 
Équitation  (Maîtres  d').  —  Pages.  — 
Voltigeurs,  etc. 

Accensiers.  Gens  chargés  de  percevoir  des 
cens. 

On  trouve  aussi  acensiers^  assenciers,  etc. 

Accessoires  de  théâtre.  (Commerce 
des).  Le  Livre  commode  pour  1692  nous  apprend 
que  les  sieurs  Baraillon  et  du  Creux  avaient 
alors  pour  spécialité  de  fournir  aux  théâtres  une 
partie  de  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  les 
accessoires  :  masques,  perruques,  jarretières, 
barbes,  etc.  ^.  Les  bijoutiers  en  faux  vendaient 
les  pierres  et  les  perles  fausses  :  diamants  du 
Temple,  du  Médoc,  d'Alençon,  jargons  d'Au- 
vergne, etc.  3. 

Tout  ce  qui  ne  rentrait  ni  dans  la  catégorie  du 
costume,  ni  dans  celle  du  décor,  appartenait 
aux  accessoires.  Un  mémoire  publié  par  la 
société  de  l'histoire  de  Paris  *,  prouve  que  l'on  y 
attachait  déjà  une  grande  importance.  La  prise 
de  Marcilly,  pièce  jouée  vers  1631,  exigeait: 
un  bateau,  des  avirons,  des  rossignols,  des  coqs, 
des  chiens,  une  lance,  etc.  Les  vendanges  de 
Sîiresnes,  comédie  de  Duryer,  représentée  en 
1635,  nécessitèrent  l'emploi  de  :  une  hotte  de 
vendangeur  pleine  de  raisins  et  de  feuilles  de 
vigne  ,  deux  paniers,  deux  échalas,  une  serpette  ; 
et  l'on  lit  en  note  :  «  En  la  saison  du  raisin,  il 
en  faut  avoir  cinq  ou  six  grappes,  pour  la 
feinte  ».  Le  théâtre  devait  fournir  quand  on 
jouait  L'avare:  des  lunettes,  un  balai,  une 
batte,  une  cassette,  une  table,  une  ciiaise,  une 
écritoire,  du  papier,  deux  llambeaux,  etc.  ;  et 
quand  on  jouait  Les  plaideurs  :  une  échelle, 
un  llambeau,  des  jetons,  une  balte,  le  col  et 
les  pattes  d'un  chapon,  un  fauteuil,  des  robes, 
des  petits  chiens  dans  un  panier,  un  oreiller, 
une  écritoire,  etc. 

Voy.  Sculpteurs  sur  carton  et  Théâtre. 

Accordeurs.  Au  dix-septième  siècle,  tout 
facteur  était  accordeur,  et  le  Livre  commode 
pour  1002  fournit  une  assez  longue  liste 
d'ac(;ordeiirs  pour  l'orgue  et  le  clavecin  ^. 
\.' Juiri/rli)j)édie  méthodique  s'exprime  ainsi  :  «  Ce 
scjnt  ordinairement  les  facteurs  de  clavecins  qui 
emplumenl  et  accordent  ces  instrumens  dans 
les  maisons,  et  ce  n'est  point  le  moins  intéressant 


1  Essai  sur    la    vie    du    tnarçuis    de    Bouille ,     édit. 
Barrière,  p.  4. 

*  Tome  I,  j).  271. 

3  Voy.  l'art.  Bijoutiers  en  faux. 

*  Tome  XXVIII  (1901),  p.  104. 
5  Tome  I.  p.  208. 


ACCORDEURS  —  ACHAT  DU  METIER 


(le  leur  art,  lorsqu'ils  veulent  donner  un  emplu- 
ma|j:e  lé<j^er,  tranclianl  et  par-tout  é^al  *  ». 

Sur  le  sens  du  mol emplumaçe,\oy.  ci-dessous 
l'article  Épinetiers. 

Accoucheurs.  Ambroise  l'are,  dès  ir>73, 
avait  publié  son  ouvrag'e  sur  les  accouclienients  ^. 
Trente-six  ans  après,  Jacques  (iuilleini'au,  son 
élève,  faisait  imprimer  un  traité  plus  pratique  ■', 
reproduit  en  1641)  dans  ses  Œuvres.  «  Si  Tentant, 
y  est-il  dit,  est  mal  tourné,  i'oible  ou  lanjji;'uide  *, 
et  que  la  sag-e-iemme  soit  au  bout  de  son 
expérience,  il  faut  pour  le  garantir  de  la  mort, 
et  par  conséquent  la  mère,  qu'on  y  appelle  le  chi- 
rurgien pour  la  délivrer  et  le  mettre  au  monde  ». 

A  l'époque  où  Guillemeau  écrivait  cette  phrase, 
quelques  accoucheurs. s'étaient  fait  une  brillante 
réputation  à  la  Cour  et  dans  la  haute  bourgeoisie  ; 
on  citait  surtout  parmi  eux  Jacques  de  la  Cuisse 
et  son  beau-père  Bouchet  ^.  Anne  d'Autriche, 
ainsi  que  Marie-Thérèse,  eurent  recours  à  des 
sages-femmes  ^  ;  mais  Mlle  de  Lavallière  et  la 
Dauphine  furent  délivrées  par  le  chirurgien 
Julien  Clément.  Il  avait  déjà  d'habiles  confrères  : 
Bonamy  ;  Paul  Portai  ;  Desforges  ;  de  Frades  '  ; 
François  Mauriceau,  qui  avait  donné  en  1668 
la  première  édition  de  son  Traité  des  maladies 
des  femmes  grosses,  ouvrage  resté  classique 
jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle  ;  Philippe 
Peu,  dont  la  Pratique  des  acconchemens  ^  jouit 
aussi  d'une  grande  réputation.  Presque  tous 
avaient  approfondi  leur  art  et  acquis  une  grande 
expérience  comme  chirurgiens  de  l'Hôtel-Dieu  '', 
le  dernier  se  vantait  même  d'y  avoir  assisté  à 
plus  de  cinq  mille  accouchements. 

En  1696,  un  écrivain  allemand  faisait  re- 
marquer que,  dans  cette  spécialité,  les  chi- 
rurgiens français  étaient  plus  habiles  que  tous 
les  autres.  Ce  n'est  point,  ajoutait-il,  qu'ils  soient 
doués  pour  l'obstétrique  de  dispositions  parti- 
culières, mais  ils  ont  très  souvent  l'occasion 
d'assister  des  femmes  en  couches.  C'est  main- 
tenant la  coutume  en  France  que,  même  les 
jeunes  mariées,  mettant  de  côté  toute  honte, 
se  laissent  voir  et  manier  sans  scrupules  par  les 
chirurgiens,  et  que  des  femmes  appartenant 
à  toutes  les  classes  de  la  société  souhaitent 
l'assistance  des  chirurgiens  quand  elles  sont 
prêtes  d'accoucher.  Il  en  est  tout  autrement  chez 
les  autres  nations  ^  "  — 

Cette  innovation  rencontra  un  ardent  adver- 


1  Arts  et  métiers,  t.  IV,  p.  15  et  s. 

2  De  la  génération  de  l'homme.  .  .  .  Ensemble  ce  quil 
faut  faire  pour  la  faire  mieux  et  plustos/  accoucher.  .  .,  in-S". 

3  De  la  grossesse  et  accouchement  des  femmes.  . .,  1609, 
in-8». 

*  Languissant. 

5  G.  Patin,  Lettre  du  3  mai   1650. 

^  P.  Sue,  Essais  histor.  sur  les  accouchemens,  t.  L 
p.  111.  —  Toutefois,  pour  cette  dernière,  le  célèbre 
accoucheur  François  Boucliet  se  tenait  dans  la  pièce 
voisine,  prêt  à  intervenir  si  besoin  était.  Voy.  \  Index 
funereus  de  Devaux,  p.  66. 

7  N.  de  Blégny,  t.  \,  p.  159. 

8  1694,  in-S». 

'  Voy.  Devaux. 

10  Actorum  eruditorum  quœ  Lipsiœ  publicantur  supplc- 
menta,  t.  II  (1696),  p.  470. 


saire  dans  le  dévot  docteur  Hecquet,  qui  fut 
dojen  de  la  Faculté  en  1712.  Il  publia  en  1708 
un  petit  volumi^  intitidé  :  De  rindécrnre  aux 
hommes  d' accoucher  les  femmes.,  et  de  fohligation 
aux  femmes  de  nourrir  leurs  enfans.  Pour  montrer 
par  des  raisons  de  physique,  de  morale  et  de 
médecine  que  les  mères  ti^  exposer  oient  ni  leurs  ries 
ni  celles  de  leurs  enfans  en  se  passant  ordinaire- 
rement  d" accoucheurs  et  de  nourrices. 

Ce  plaidoyer  en  faveur  des  sages-femmes  (il 
grand  bruit,  mais  il  ne  convertit  personne.  Moins 
de  trois  ans  après  son  apparition,  Louis  XIV 
accordait  des  lettres  de  noblesse  à  Clément  ^, 
et  Dionis  écrivait  en  1717  :  «  Les  princesses  et 
toutes  les  dames  de  qualité  choisissent  des 
accoucheurs  ;  les  bonnes  bourgeoises  suivent 
leur  exemple,  et  l'on  entend  dire  aux  femmes 
des  artisans  et  du  menu  peuple  que  si  elles 
avoient  le  moyen  de  les  payer,  elles  les  préfére- 
roient  aux  sages-femmes  ^  ».  Enfin  ,  Prosper 
Marchand  ajouta  en  note  dans  l'édition  du 
Dictionnaire  de  Bayle  qu'il  donna  en  1720  : 
«  La  grande  mode  de  Paris  est  de  se  servir  des 
accoucheurs  et  non  pas  des  sages-femmes.  Le 
temps  viendra  peut-être  que  la  même  mode 
régnera  dans  la  plupart  de  l'Europe  ;  la  honte 
subira  le  sort  de  mille  autres  choses  soumises 
aux  lois  bizarres  et  inconstantes  de  la  cou- 
tume ^  ». 

Pour  Paris,  la  question  était  résolue,  mais  Ton 
s'y  préoccupait  encore  des  conditions  physiques 
qu'il  fallait  rechercher  chez  un  accoucheur. 
Devait-il  être  jeune  ou  vieux,  beau  ou  laid? 
C'était  un  point  controversé.  «  Il  y  a  des  gens, 
écrivait  Mauriceau  *,  qui  disent  qu'un  chirur- 
gien qui  veut  pratiquer  les  accouchemens  doit 
estre  mal  pn)pre  ou  à  tout  le  moins  fort  négligé, 
se  laissant  venir  une  longue  barbe  sale,  afin  de 
ne  pas  donner  aucune  jalousie  aux  maris  des 
femmes  qui  l'envoient  quérir  pour  les  secourir. 
xA  la  vérité,  on  en  voit  qui  croient  que  cette 
politique  leur  peut  faire  donner  beaucoup  de 
pratiques  ;  mais  qu'ils  s'en  désabusent,  car  une 
semblable  mine  ressemble  plutost  à  un  boucher 
qu'à  un  chirurgien,  dont  les  femmes  ont  déjà 
assez  de  peur  sans  qu'il  se  déguise  ainsi  ».  Dionis 
dit  de  son  côté  :  «  Celui  qui  embrasse  les 
accouchemens  doit  être  bien  fait  de  sa  personne, 
n'ayant  aucun  défaut  corporel  ni  rien  de 
choquant  dans  son  visage.  Il  faut  qu'il  soit  fait 
de  manière  qu'une  femme  puisse  se  mettre  entre 
ses  mains  sans  aucune  répugnance.  Il  ne  doit 
être  ni  trop  jeune  ni  trop  vieux  ;  il  faut  qu'il  soit 
dans  la  vigueur  de  son  âge  et  qu'il  ait  de  la  force 
pour  pouvoir  faire  un  accouchement  laborieux, 
qui  le  met  quelquefois  tout  en  sueur  ^  ». 

Acensiers.  Voy.  Accensiers. 

Achat  du  métier.  Voy.  Aspirants  à 
la  maîtrise. 


1  II  avait  mis  au  monde  trois  petits-fils  de  Louis  XIV. 

2  Traité  général  des  accouchemens,  p.  448. 

3  Tome  II,  p.    1468. 

i  Traité  des  maladies  des  femmes  grosses,  p.  266. 
5  Page  413. 


ACHEMERESSES  —  ACTEURS 


Achemeresses.  \oy.  Coiffeurs. 

Acier  Fabricants  d'I.  Les  hiéroglyphes 
tracés  par  les  Égyptiens  dans  les  plus  durs 
granits  ont  fait  supposer  que  ces  peuples 
connaissaient  l'acier.  Son  emploi  parles  Romains 
est  mieux  démontré.  Le  mojen-âge  allait 
perfectionner  leurs  procédés,  l'appliquer  surtout 
aux  armes  et  aux  armures  :  les  lames  de  Tolède 
et  de  Damas  sont  restées  longtemps  célèbres. 

L'acier  est  cité  deux  fois  dans  le  Livre  des 
vie'tiers  ^  qui  nous  apprend  qu'il  payait  les 
mêmes  droits  d'entrée  à  Paris  que  le  ter. 

Olivier  de  la  Marche  écrivait  vers  1490  : 
«  L'acier  est  plus  noble  chose  que  l'or,  l'argent, 
le  plomb  ne  le  fer.  pour  ce  que,  de  l'acier  comme 
du  plus  noble  métail,  l'on  fait  les  armeures,  les 
épées,  les  dagues  et  autres  glaives  '  ». 

On  ne  produisait  pas  encore  d'acier  en  France 
vers  la  fin  du  seizième  siècle.  La  première 
fabrique  quiy  ait  existé  fut  créée  à  Paris  vers  1603 
par  un  sieur  Camus,  qui  l'installa  au  faubourg 
Saint-Victor,  sur  les  bords  de  la  petite  rivière 
des  Cîobelins. 

Paris  était  mal  choi^^i  pour  faire  une  expérience 
de  ce  genre,  et  l'industrie  nouvelle  comprit  vite 
qu'elle  devait  se  rapprocher  des  forges  de  fer,  se 
propager  surtout  dans  les  provinces  fécondes  en 
minerai.  Aussi,  Louis  XIV  accordant  en  1694 
au  sieur  François  Constain  l'autorisation  de 
monter  une  «  fabrique  de  fer  en  acier,  limes  et 
faulx  ^  »,  lui  permet  de  l'établir  où  il  voudra. 

A  cette  époque,  la  limaille  d'acier  était 
employée  dans  la  médecine.  En  1653,  Vallot  en 
fit  prendre  à  Loui>  XIV  *. 

Acomptables,  acomptableurs,  etc. 
Voy.  Comptables. 

Acrobates.  Pendant  bien  des  siècles,  ce 
mot,  qui  >'>[  lire  du  grec,  n'a  guère  désigné  que 
les  danseurs  de  corde,  les  funambules.  En  1740 
seulement,  l'Académie  admettait  dans  son 
«lictionnaire  ce  dernier  mot,  nui  a  une  origine 
latme.  Mais,  entre  temps,  le  sens  du  premier 
s'était  singulièn-meiit  élargi,  et,  en  dépit  de  son 
élymnlogif»,  jl  est  arrivé  à  désigner  à  peu  près 
tous  les  gens  qui  exécutent  en  public  des  tours 
de  force  ou  d'adre.sse  :  saltimbautpies,  gymnastes, 
clowns,  >.Huteurs,  aibriideurs,  éq\nlibristes, 
disloqués,  désiirliculés,  désos.sés,  hercules,  bala- 
ditis.  bateliMirs.  clr. 
\    N    Bateleurs. 

Acteurs.  Il  existai  del.iul  temps  des  troupes 
«Ip  jongleurs,  histrions,  ménétriers,  qui,  de  ville 
en  ville,  (je  ehAteau  en  chAteau,  s'en  allaient 
n  l'aventure,  amusant  peuple  et  seigneurs  par 
leurs  tours  de  force,  leurs  chansons,  leurs  farces. 
Vers  la  lin  du  qualorrièmc  siècle  .seulement,  des 
Irniipes  d'ncleiirs  de  profession  commencèrent 
à   parcourir  la  France,  .se  mirent  parfois  aux 


'  iViuième  partie,   tiln>   II,   art.  41,  et  titr.-  \|\ 
■lin 


50T 
Ip  Unie  .  ; 


wi  .  1    \\s 


o-ao-es  de  quelque  prince.  Dans  les  comptes  delà 
maison  d'Orléans  pour  les  années  1392  et  1.393, 
il  est  fait  mention  de  sommes  payées  à  quatre 
«  joueurs  de  personnages  »  attachés  à  la  maison 
du  duc. 

Les  femmes  n'eurent  pendant  très  longtemps 
aucune  part  dans  les  représentations.  Tous  les 
rôles  de  femmes  étaient  joués  par  de  très  jeunes 
o-ens  que  l'on  choisissait  imberbes,  avec  la  voix 
la  plus  douce  possible.  On  ne  connaît  que  trois 
pièces  antérieures  à  15.50  où  les  rôles  de  femmes 
aient  été  certainement  tenus  par  des  femmes  *. 

Le  métier  d'acteur  prend,  au  dix-septième 
siècle,  une  importance  qu'on  pourrait  trouver 
peut-être  exagérée.  Voyez  ce  qu'écrivait  Samuel 
Chappuzeau  en  1674  :  «  Quoyque  la  profession 
des  comédiens  les  oblige  de  représenter  inces- 
samment des  intrigues  d'amour,  de  rire  et  de 
folâtrer  sur  le  théâtre  ;  de  retour  chez  eux,  ce 
ne  sont  plus  les  mêmes  :  c'est  un  grand  sérieux 
et  im  entretien  solide  ;  et  dans  la  conduite  de 
leurs  familles,  on  découvre  la  même  vertu  et  la 
même  honnêteté  que  dans  les  familles  des  autres 
bourgeois  qui  vivent  bien.  Ils  ont  grand  soin, 
les  dimanches  et  les  fesles.  d'assister  aux 
exercices  de  piété,  et  ne  représentent  alors  la 
comédie  qu'après  que  l'office  entier  de  ces  jours-là 

est  achevé S'il    se    trouve   dans  la   troupe 

quelques  personnes  qui  ne  vivent  pas  avec  toute 
la  régularité  que  l'on  peut  souhaiter,  ce  défaut 
ne  rejaillit  pas  sur  tout  le  corps,  et  c'est  un 
défaut  commun  à  tous  les  estats  et  à  toutes  les 

familles Le  soin  principal  des  comédiens  est 

de  bien  faire  leur  cour  chez  le  Roy,  de  qui  ils 
dépendent,  non  seulement  comme  sujets,  mais 
aussi  comme  estant  particulièrement  à  sa  Majesté, 
qui  les  entretient  à  son  service  et  leur  paj'e 
régulièrement  leur  pension.  Ils  sont  tenus  d'aller 
au  Louvre  quand  le  Roy  les  mande,  et  on  leur 
fournit  de  carrosses  autant  qu'il  en  est  besoin. 
Mais  quand  ils  marchent  à  Saint-Germain,  à 
Camhor^,  à  Versailles  ou  en  d'autres  lieux, 
outre  leiu"  pension  qui  court  toujours,  outre  les 
carrosses,  chariots  et  chevaux  qui  leur  sont 
fournis  de  l'écurie,  ils  ont,  de  gratification  en 
comnmn.  mille  escus  par  mois,  chascun  deux 
escus  par  jour  poiu"  leur  dépence,  leurs  gens  à 
proportion,  et  leurs  logemens  par  fourriers.  En 
représentant  la  comédie,  il  est  ordonné,  de  chez 
le  Roy,  à  chacun  des  acteurs  et  actrices,  à  Paris 
ou  ailleurs,  esté  et  hyver.  trois  pièces  de  bois, 
une  bouteille  de  vin,  un  pain  et  deux  bougies 
blanches  pour  le  Louvre,  à  Sainl-Cîermain  un 
ilambeau  pesant  deux  livres  :  ce  qui  leur  est 
apporté  poucluellement  par  les  (li'ficiers  de  la 
fruiterie,  sur  les  registres  de  laquelle  est  couchée 
une  collation  de  vingt-cinq  escus  tous  les  jours 
que  les  comédiens  représentent  chez  le  Roy, 
estant  alors  commensaux.  II  faut  ajouter  à  ces 
avantages  qu'il  n'y  a  guère  de  gens  de  qualité 
qui  ne  soient  bien  aises  de  régaler  les  comé- 
diens... •'  ». 


<    petit  <\o  in\\v\'\\\t;^  Les  mystères,  t.  I,  p.  357  et  suiv. 

-  A  Chambord,  sans  doute. 

^  Le  Tliéàlre  français,  p.  131,   135  et  162. 


ACTEURS  —  ADJUDICATIONS 


C'est  de  la  Comédie  française  que  Cliappuzea» 
parle  ainsi.  En  ce  qui  concerne  la  queslion  des 
mœurs,  il  me  suffira  de  rappeler  que  fo\ite  tille 
apparlenant  à  l'Opéra  était  regi'ardée  comme 
émancipée  par  ce  fait  seul  ;  elle  devenait  absolu- 
ment indépendante  de  sa  famille  dès  que  son 
pied  avait  touché  les  planches  du  théâtre,  et  cela 
quel  que  fût  son  ùg^e.  I^'Opéra  était  dès  lors 
pour  elle  un  asile  aussi  inviolable  que  l'était 
jadis  le  temple  de  A'esla,  mais  la  comparaison 
doit  s'arrêter  là. 

Si,  descendant  de  ces  hauteurs,  nous  voulons 
savoir  comment  se  faisaient  les  engrayements 
pour  les  théâtres  de  province  à  la  tin  du  dix- 
huitième  siècle,  nous  n'avons  qu'à  ouvrir  le 
Tablemi  de  Paris  de  Sébastien  Mercier  :  «  Rien 
n'égale  ce  qui  se  passe,  pendant  la  quinzaine  de 
Pâques,  dans  un  petit  café  situé  rue  des  Bouche- 
ries *.  Figurez-vous  tous  les  directeurs  de  théâtre 
de  province  accourant  à  une  espèce  de  marché 
public,  pour  composer  leur  troupe,  et  tous  ceux 
qui  foulent  le  sapin  d'un  pas  majestueux 
accourant  aussi  de  leur  côté  par  troupeaux,  pour 
se  vendre  et  s'engager. . .  C'est  un  mélange  confus 
d'acteurs  et  d'actrices  qui  se  reconnoissent,  qui 
rivalisent  en  luxure,  qui  se  croient  tous  supérieurs 
les  uns  aux  autres,  et  qui  le  sont  en  effet  dans 
leur  détestable  jeu.  Mais  la  médiocrité  prend  le 
ton  important,  s'enfle,  se  pavane,  étale  l'orgueil 
et  la  bêtise  du  paon  au  milieu  d'une  basse-cour, 
et  raconte  à  tous  les  oisons  qui  l'entourent 
les  applaudissemens  qu'on  lui  a  prodigués  à 
l'extrémité  du  rojaume,  où  la  langue  françoise 
est  à  peine  connue.  On  enrôle  une  impératrice 
à  cent  quarante  livres  par  mois,  et  le  confident 
soupire   de   n'en   avoir   que  soixante-quinze  et 

d'être  son  souffleur  par-dessus  le  marché Les 

directeurs  se  promènent,  marchandant  les  acteurs 
au  milieu  de  cette  singulière  foire,  aussi  curieuse 
que  celles  où  l'on  voit  des  animaux  de  toute 
espèce.  Les  directeurs  flattent  celui  qu'ils  veulent 
avoir  à  bas  prix,  ils  parlent  surtout  de  faire  des 
avances.  La  mauvaise  actrice  passe  avec  l'acteur 
engagé,  parce  que  celui-ci  est  son  amant  ;  elle 
dévisageroit  le  directeur  s'il  parloit  de  sépa- 
ration... ^  ». 

Voy.  Théâtre, 

Adjudications-  La  procédure  des  adju- 
dications publiques  était  déjà  bien  réglée  au 
quatorzième  siècle.  En  1387,  Raymond  du 
Temple,  architecte  du  roi,  ayant  à  exécuter  des 
constructions  pour  le  collège  de  Beauvais,  se 
rendit  à  la  place  de  Grève,  Ht  publier  et  afficher 
le  cahier  des  charges  et  ouvrit  l'adjudication, 
«  fist  et  devisa  une  cédule  de  quele  forme, 
matière,  ordennance  et  espoisse  se  feroit  ledit 
édifice,  et  y  celle  cédule  fist  doubler  par  son 
clerc,  afin  de  monstrer  ledit  fait  et  toute  la  devise 
à  tous  ouvriers  solvables  et  souffisans  qui  pour 
mendre  pris  le  voudroient  faire  et  accomplir  ;  la 


1  Aujourd'liui  compris<>  dans  le  parcours  du  boule- 
vard Saint-Germain.  Elle  était  la  continuation  de  la  rue 
de  rEcoIe-de-Médccine  actuelle. 

2  Tome  XI,  p.  139. 


quelle  cédule  fu  portée  en  Grève,  veue  et  leue 
en  présence  de  tous  ouvriers,  etc..  '  >>  Le  mode 
d'adjudication  à  la  chandelle  paraît  remonter  au 
milieu  du  quinzième  siècle  ;  c'est  de  cette  façon 
que  la  (Chambre  des  comptes  d'Angers  adjugea 
au  prix  de  .SOO  écus,  à  la  suite  de  plusieurs 
rabais,  la  fourniture  des  pierres  nécessaires  à 
l'érection  du  tombeau  du  roi  René. 

En  1(U2,  on  VDulutà  Paris  remplacer  l'horloge 
de  l'hôtel  de  ville.  I>a  municipalité  désirait  que 
la  nouvelle  horloge  fût  semblable  à  celle  du 
Palais,  «  voire  plus  pesante  de  300  livres  »,  et 
mise  en  place  dès  le  l"  aotit  suivant.  Comme  la 
dépense  devait  être  assez  considérable,  on  décida 
de  mettre  le  travail  en  adjudication  ;  il  fut  donc 
«  proposé  et  publié  ladicte  orloge  esire  à  faire 
et  bailler  au  rabaiz.  »  Plusieurs  horlogers  se 
présentèrent,  et  baissèrent  leurs  prix  de  4. .500  à 
3.300  livres.  Mais  le  Flamand  Jean  Lintlaer, 
qui  venait  d'achever  la  Samaritaine,  accepta  le 
marché  pour  3.000  livres.  Il  lui  fut  adjugé. 
Lintlaer  s'eno-ag'eait  à  établir  une  horlog-e 
semblable  à  celle  du  Palais,  plus  pesante  même 
de  .300  livres,  à  la  rendre  «  assize  en  place  »  au 
l'^''  août  suivant,  et  à  <■<  l'entretenir  à  ses  fraiz  et 
despens  »  pendant  un  an.  La  somme  fixée  devait 
lui  être  soldée  au  fur  et  à  mesure  de  l'avancement 
des  travaux.  Comme  il  était  tenu  de  fournir 
caution,  il  présenta  pour  répondant  un  bourgeois 
de  Paris  nommé  Pierre  Langlois,  qui  possédait 
la  moitié  d'une  maison  dans  le  faubourg  Saint- 
Martin  et  vingt  arpents  de  terre  à  la  Villette.  I^e 
procès-verbal  d'adjudication,  dressé  le  12  janvier 
débute  ainsi  :  «  Comme  suivant  les  affiches  mises 
et  apposées,  tant  à  la  cour  du  Pallais  que  aultres 
lieux  et  places  accoustumées  pour  bailler  à  faire 
au  rabais,  au  Bureau  de  la  ville,  les  mouvemens 
de  l'orloge  qu'il  convient  faire  en  l'hostel  de 
ladicte  ville,  se  seroient  présentez  au  bureau  les 
nommez  Ferrieres,  Martinot,  Volant,  Hebrat, 
Dieu,  et  plusieurs  aultres  m"^  orlogiers  de  ceste 
ville,  et  Jehan  Lintlaer.  maistre  de  la  pompe  du 
Roy  :  ausquelz  a  esté  proposé  et  puljlié  la  dicte 
orloge  estre  à  faire  et  liailler  au  rabaiz.  Laquelle 
sera  de  la  grandeur,  grosseur  et  de  pareilles 
estoffes  que  celle  du  Pallais,  et  la  rendre  bien  et 
deuement  faicte  au  dire  des  gens  ad  ce  congnois- 
sans,  assize  et  en  place  dedans  le  premier  jour 
d'aoust  prochainement  venant.  VA  sur  les 
demandes  excessives  desdicts  maistres  orlogiers 
pour  faire  ce  que  dessus,  les  ungs  de  4.500  livres 
et  les  aultres  de  3.600  livres,  aurions  remis  par 
plusieurs  fois  ladicte  adjudication,  affin  de  les 
faire  venir  à  la  raison,  tellement  que  pas  ung 
desdicts  maistres  orlogiers  de  ceste  dicte  ville 
ne  l'auroient  voullu  entreprendre  à  moins  que 
de  3.300  livres,  fors  ledict  Jehan  Lintlaer  qui  a 
offert  et  entrepris  de  faire  icelle  orloge  pareille 
que  celle  dudict  Pallais,  tant  en  grandeur, 
grosseur,  que  estoffes,  voire  plus  pesante  de 
trois  cens  livres,  et  la  rendre  assize  et  en  place 
dedans   le  dict  jour    premier    aoust    prochain 


1  Voy.  une  [liùce  curieuse  publiée  par  G.  Fagniez, 
Etudes  sur  l'iiidaslric,  p.  347,  et  le  Glossaire  de  V.  Gav, 
p.  6. 


8 


ADJUDICATIONS  —  AFFICHEURS 


venant,  mesme  l'enlrelf-nir  un  an  durant,  le  tout 
moyennant  !<•  pris  et  somme  de  3.000  livres 
tournois.  Au  moyen  de  quoj  et  attendu  qu'il  ne 
s'est  présent»'  aùlcunes  aultres  personnes  pour 
faire  la  condition  de  la  ville  meilleure  que  le 
dicl  Lintlaer,  avons,  en  la  présence  du  Procureur 
du  Roy  de  la  ville,  aiidict  Jehan  Lintlaer  adjug-é 
et  adjufjreons  la  dicte  besonj^^ne  cy  diessus,  à  la 
charfre  que,  suivant  ses  offres,  il  la  fera  de  bonnes 
esloffes  et  mathières.  et  .-•emblable  tant  en 
grosseur,  larj^eur  et  haulteur  que  celle  du  Pallais, 
mesmes  plus  pesante  de  300,  et  la  posera  en 
place,  la  rendra  sonnante  ;  et  le  tout  bien  et 
deuement  faict,  au  dire  de  «jrens  ad  ce  congnois- 
sans,  dedans  le  premier  jour  d'aoust  prochain 
venant;  et  outre  l'entretiendra  un  an  durant  à 
ses  fraiz  et  despens.  Le  tout,  moyennant  le  prix 
et  somme  de  IJOOO  livres  l.iurnois,  qui  luy  sera 
payée  par  maisire  Cilaude  Lestourneau,  receveur 
du  domaine,  dons  et  octrois  de  ladicte  ville,  au 
feur  et  ù  mesure  qu'il  travaillera  et  selon  noz 
ordonnances  et  mandemens...  ^>. 

Cette  horloge  fut  refaite  en  1783  par  Jean- 
l}apli-t(*  Lepaute.  C'était,  dit-on,  lapins  parfaite 
qu'il  y  eût  en  Europe,  car  elle  marchait 
«  souvent  plus  de  six  mois  sans  s'écarter  de 
rii. Mire  vraie  du  soleil  *  ».  L'artiste  s'était  chargé 
de  r<'xécut<'r  pour  24.000  liv.  ;  elle  lui  revint 
ù  près  de  100.000.  qui'  la  ville  refusa  de  payer. 

Il  fallut  donc  aller  devant  les  tribunaux  -. 

A  l'occasion  des  adjudications,  je  rappellerai 
ici  un  curieux  exemple  de  l'esprit  de  fralernité 
qui,  suivant  les  principes  posés  par  le  moyen 
âge,  devait  unir  tous  les  membres  d'une  commu- 
nauté ouvrière.  Lorsqu'im  maître  brodeur  avait 
soumissionné  une  fourniture  pour  les  troupes, 
il  était  tenu  de  partager  avec  les  autres  maîtres, 
de  leur  diuiner  à  exécuter  uiu;  partie  de  la 
comnumde,  au  prix  qu'il  avait  lui-même  accepté, 
di'diirlion  fjiile  seulement  des  frais  de  soumis- 
sion :  f'  Quant  aiicini  maître  iiura  marchandé  ou 
cntrepriiiN  de  faire  saiz  •''.  hauquelons.  casaques 
ou  livn-es  d'aucunes  compagnies  de  gens  de 
guerre,  il  sera  tenu  de  partir  i\  la  communauté 
des  autres  maîtres  d'icelluy  meslier  lesdits  hau- 
quelons, casaques,  etc.,  et  leur  en  faire  part 
a»  prix  et  ù  rai.son  qu'il  aura  marchandé,  sans 
qiio  luy  seul  les  puissi?  faire  ne  prendre...*  » 

Vi.y.  Concurrence  et  Lotissage. 

Adoul)c'Urs.  \  ..y,  Renoueurs. 

Advocaceaux.  advocatuurs.  advo- 
cats.  Voy.  Avocats. 

Advouês.  \o\.  Avoués. 

Aéromanciens  Diseurs  de  bonne  aven- 
ture qui  prétendaient  deviner  l'avenir  au  moyen 
de  l'air  et  «les  phénomoncs  aériens.  «  .\utres 
sont  nommés  Hérnmanciens  ou  pronostiqueurs, 
parce  qu'ils  devinent  par  l'air,  le  vul  desoi.seaux] 


'  1*    B  rit,.w„r  /„  mtturt  titi  trmpi,  t.  1,  p.  257. 
'  février  1783,  XXII,  p.  80. 

»  SU'.uu   k  uuro  1506,  art.  10. 


tourmentes,    orages,    tempestes    et   vents    ^  ». 
Voy.  Devins. 

Aérostats  (Fabricants  d').  Le  ballon  cons- 
truit eu  1782  pour  Etienne  Montgolfier,  sous  la 
direction  de  l'Académie  des  sciences,  fut  exécuté 
par  les  frères  Robert ,  habiles  constructeurs 
d'instruments  ^.  Sur  le  mode  de  fabrication 
employé  à  cette  époque,  voy.  V Encyclopédie 
méthodique  •*. 

Voy .  Instruments  de  Mathénua  - 
tiques. 

Aérostlers.  Ceux  qui  dirigent  les  aérostats. 
Sous  la  Révolution  on  créa,  pour  observer  les 
positions  de  l'ennemi,  un  corps  d'aérostiers, 
qui  rendit  quelques  services,  notamment  à  la 
bataille  de  Fleurus  (1794). 

Afeteeurs  de  toiles.  Voy.  Apprêteurs. 

Afifaineurs ,  manœuvres ,  hommes  de 
peine  *. 

Affaires  (Hommes  d'j.  Voy.  Agents 
d'affaires. 

Afferteurs.  Voy.  Affréteurs. 

Afficheurs.  On  sait  que  tout  acte  officiel 
était  prninulgué  par  la  lecture  qu'en  faisait 
publiquement  le  crieur  du  roi  et  de  la  ville, 
accompagné  de  trois  jurés  trompettes.  Mais  dès 
le  seizième  siècle,  apparaît  une  nouvelle  forme 
de  publicité.  L'ordonnance  relative  à  la  voirie 
q\ii  fut  rendue  en  septembre  1539  ^,  se  termine 
ainsi  :  «  Nous  voulons  que  ces  présentes  ordon- 
nances soient  publiées,  tous  les  mois  l'an,  par 
tous  les  carrefours  de  cette  ville  de  Paris,  ii  son 
de  trompe  et  cry  public  ;  et  néantmoins  qu'elles 
soient  attachées  à  un  tableau,  escrites  en  par- 
chemin, en  grosses  lettres,  en  tans  les  seize 
quartiers  de  ladite  ville,  et  lieux  les  plus  éminens 
et  appareils,  afin  qu'elles  soient  cognues  et 
entendues  par  chacun.  Et  qu'il  ne  soit  loisible 
oster  lesdits  tableaux,  sur  peine  de  punition 
corporelle  ». 

Au  siècle  suivant,  les  particuliers  étaient 
autorisés  à  se  servir  de  l'alfichage.  Le  Livre 
rommnde  potir  1602  mentionne  les  sieurs  La 
Folie  et  Thévenot  qui.  dit-il,  «  affichent  pour 
le  public  ^  ».  Je  trouve,  en  effet,  ces  mots 
imprimés  au  bas  d'une  affiche  officielle  datée  de 
1732  :  «  La  Folie,  afficheur  de  la  police,  rue  de 
la  lluchette,  à  côté  de  la  Cloche  ». 

C'est  du  commencement  de  ce  siècle  que 
datent  les  premières  affiches,  dos  racoleurs 
représentant  des  soldats  en  uniforme  et  des 
scimes  militaires.  De  la  fin,  datent  les  premières 
affiches  de  théâtre. 


•  A.  Pan5,  Œuvres,  édit.  do  1607,  p.  1044. 

'  Voy.  Mémoires  secrets  dits  do  Bachaumont,  t.  XXIII, 
p.  118. 

3  Art.s  et  métiers,  t.  VIII. 

*  \  oy.  Dunango,  Olossarlum.  au  mol,  n/fanatur. 

•'•  Dans  Dflamarro,  Traité  de  la  police,  t.   IV,  n,  208. 
6  Tomo  II,  p.  75. 


AFFICHEURS  —  AGENTS  DE  CHANGE 


9 


Le  corps  des  afficheurs  ne  fut  détinitivement 
organisé  que  par  le  règlement  du  13  septembre 
1722.  Leur  nombre  était  limité  à  quarante.  On 
n'exigeait  d'eux  ni  apprentissage,  ni  maîtrise. 
Ils  étaient  nommés  par  le  lieutenant  général  de 
police  sur  la  présentation  du  s)'ndic  de  la 
librairie.  Une  affiche  imprimée,  collée  sur  la 
porte  de  leur  demeure,  indiquait  leur  nom  et 
leurs  fonctions.  Ils  étaient  tenus  de  savoir  lire 
et  écrire  ;  de  suspendre  bien  en  évidence  à  une 
boutonnière  de  leur  vêtement  une  plaque  de 
cuivre  portant  le  mot  Afficheur  -,  de  déposer  à 
la  Bibliothèque  du  roi  deux  exemplaires  de 
toutes  les  affiches  relatives  à  des  annonces  ou  à 
des  ventes  de  livres.  Il  leur  était  interdit 
d'apposer  aucune  «  affiche  profane  »,  aucune  de 
celles  aussi  qui  annonçaient  des  romans  ou  des 
comédies,  sur  les  murs  des  églises  ou  des 
couvents. 

Voy.  Petites  affiches.  —  Trompettes 
(Jurés).  Et  pour  les  affiches  des  théâtres  le 
mot  Orateurs. 

Affienseurs.  Voy.  Engrais  (Com- 
merce d')- 

Affileurs.  Ouvriers  chargés  de  l'affilage, 
plus  spécialement  chez  les  couteliers. 

Affineurs  de  chanvre.  Ouvriers  qui 
passaient  le  chanvre  dans  un  peigne  de  fer  à 
dents  très  fines. 

Affineurs  de  drap.  Ouvriers  tondeurs 
qui  donnaient  au  drap  la  toute  d'uffmnfje,  la  plus 
fine  et  la  dernière  de  toutes. 

Affineurs  des  monnaies.  Ils  affinaient 
les  parcelles  de  métal  restées  dans  les  casses  et 
les  glettes  ^. 

Affineurs  d'or  et  d'arg-ent.  La  Taille 
de  1202  en  cite  4,  celle  de  1300  en  cite  8.  En 
1553,  un  arrêt  de  la  Cour  des  monnaies  interdit 
l'affinage  aux  orfèvres. 

Le  nombre  des  affineurs-départeurs-e'cachetirs 
fut  réduit  à  4  en  décembre  1614.  Ils  affinaient 
l'or  avec  l'antimoine  et  le  sublimé.  Les  départeurs 
employaient  surtout  l'eau-forte,  dite  alors  eau 
de  départ.  Le  titre  d'écacheurs  appartenait  aussi, 
et  plus  justement,  aux  batteurs  d'or. 

Je  trouve  les  affineurs  nommés  fineurs  au 
seizième  siècle. 

Affineurs  de  sucre,  ^'oy.  Raffineurs. 

Afforag"e.  «  Prix  d'une  denrée,  mis  et  fixé 
par  l'autorité  du  prévôt  des  marchands  et  des 
échevins  2».  L'ordonnance  de  décembre  1672, 
porte  qu'on  ne  pourra  exposer  en  vente  aucuns 
vins  étrangers  avant  que  le  prix  en  ait  été  déter- 
miné par  la  municipalité  ;  «  dont  mention  sera 
faite  en  l'acte  d'aff'orage  '^  ». 


1  Pour  les  détails  du  métier,  voy.  Abotdo  Bazingh^n, 
Traité  des  monnoies,  t.  I,  p.  22  et  suiv. 

2  Savary,  Dictionnaire,  l.  I,  p.  33. 

3  Chapitre  VIII,  art.  24. 


Affréteurs.  On  donne  ce  nom  aux  com- 
merçants qui  louent  un  navire  pour  le  transport 
de  leurs  marchandises. 

Nolisenrs  et  fréteurs  ont  le  même  sens.  L'abbé 
.laubert  écrit  affertetcrs  et  V Encyclopédie  métho- 
dique [relieurs. 

Voy.  Ports  (Sur  les). 

Agences  matrimoniales.  S^i-^.  Appa- 
rieuses. 

Ag-entS  d'affaires.  «  Les  agents  d'affaires, 
négociateurs,  commissionnaires,  etc.  sont  ceux 
qui  se  chargent  de  suivre  des  affaires  juridiques 
et  de  commerce  pour  et  au  nom  d'un  commettant, 
et  d'en  concilier  et  ménager  les  intérêts  *  ». 

Ceci  était  écrit  en  1776  ;  mais  Sébastien 
Mercier,  quelques  années  plus  tard,  se  chargeait 
de  donner  à  ce  mot  le  sens  défavoral)le  qu'il  a 
aujourd'hui  :  «  Les  entremetteurs  d'affaires, 
écrit-il,  sont  d'habiles  prêteurs  qui  favorisent 
les  prodigalités  et  les  fantaisies  d'un  jeune 
homme  et  qui  spéculent  sur  sa  folie  et  sa  crédu- 
lité. Le  péril  est  d'autant  plus  caché  que  c'est 
sous  le  masque  de  l'honneur  et  de  la  générosité 
qu'ils  conçoivent  et  exécutent  le  projet  de 
dépouiller  l'infortuné  qu'ils  feignent  de  plaindre 
et  de  conseiller  ^  ». 

Au  dix-huitième  siècle,  on  les  nommait  aussi 
hommes  de  loi. 

Voy.  Hommes  d'affaires  et  Sollici- 
teurs. 


Ag-ents  de  banque, 
change. 


Vov.  Agents  de 


Agents  de  change.  Henri  IV  créa,  en 
1595,  huit  courtiers  de  change  à  Paris.  Ils 
prirent,  en  1639,  le  titre  (ï agents  de  banque  et  de 
change.  Leur  nombre  fut  successivement  porté 
jusqu'à  116,  puis  réduit  à  40  vers  la  fin  du 
dix-huitième  siècle.  Les  agents  de  change 
étaient  alors  tenus  d'assister  en  corps,  le  jour  de 
sainte  Geneviève,  à  une  messe  haute  dans 
l'église  des  Petits-Pères,  afin  d'appeler  les  grâces 
du  Saint-Esprit  sur  leurs  travaux. 

V  Almanach  Dauphin  ^owv  1111  écrit:  «  Pour 
la  négociation  des  effets,  il  doit  leur  être  payé 
50  sols  par  mille  li\Tes,  sçavoir,  25  sols  par  le 
prêteur,  et  25  sols  par  celui  qui  reçoit.  Il  leur 
est  expressément  défendu  de  faire  aucun  trafic 
pour  leur  compte  ;  vu  que,  par  lesconnoissances 
particulières  qu'ils  ont  de  tout  ce  qui  se  passe, 
ils  pourroient  se  rendre  maîtres  du  commerce,  et 
ruiner  par  contre  une  infinité  de  maisons  et  de 
familles  ». 

L'arrêt  du  26  novembre  1781  •''  respecta  les 
40  offices  existants.  Il  statua  que,  pour  l'avenir, 
les  places  vacantes  seraient  remplies  par  le 
ministre  des  finances,  choisissant  sur  une  liste  de 
dix  noms  présentés  par  la  compagnie  des  agents 
de  chanore.  Le  nouveau  titulaire  devait  fournir  un 


1   Roze  de  Chantoiseau,  Almanach  Dauphin. 
i    Tiililenii  de  Purin,  t.  II,   p.  64. 

■^  Isaniberl ,    .inciennen    lois   fra/içnises,     l.      XX\I1, 
p.  119. 


10 


AGENTS  DE  CHANGE  —  AIDES-APOTHICAIRES 


cautionnement  de  60.000  livres  en  immeubles, 
ou  déposer  au  Trésor  une  somme  de  40.000 
livres. 

La  Déclaration  du  19  mars  1786  '  porta  à  60 
le  nombre  des  agents  de  change.  A  cette  date, 
ils  devaient  «  se  rendre  tous  les  jours,  excepté 
les  fêtes  et  dimanches,  à  la  Bourse,  rue  Vivienne. 
où  le  trafic  des  effets  de  toutes  sortes  se  lait  de 
dix  heures  du  malin  jusqu'à  une  heure  ». 

Les  lois  des  2  mars  et  14  avril  1791  suppri- 
mèrent les  aiyents  de  chan<j^e,  qui  furent 
rétablis  par  celh'  du  28  vendémiaire  an  IV. 

Agréés.  I/édit  de  novembre  1563,  qui  créa 
le  Iribuiial  de  commerce,  obligeait  les  parties  à 
y  «  comparaître  en  personne  ».  Mais  l'ignorance 
(les  uns.  la  timidité  des  autres  ne  permettaient 
guère  de  respecter  cette  prescription.  Malgré 
l'opposition  souvent  renouvelée  du  Parlemeiit, 
les  plaideurs  ne  tardèrent  pas  à  se  faire  repré- 
senter par  des  gens  connai.ssanl  la  procédure  et 
habitués  à  la  parole.  Ceux-ci,  dits  postulants, 
procureurs  -  ilc'fpnsenrs ,  procureurs -anx-constUs, 
priinireurs-soU iciteurs ,  furent  d'abord  tolérés  ; 
puis,  en  1650.  on  se  décida  à  accepter  officiel- 
lement neuf  d'entre  eux  comme  mandataires 
privilégiés  des  parties.  Ils  étaient  fort  occupés  et 
aussi  fort  concis,  s'il  faut  en  croire  Séb.  Mercier, 
(jui  écrivait  vers  1788  :  ^<  Des  procureurs, 
auxqu<'ls  on  donne  le  litre  d'avocats,  plaident 
jusfiu'à  soixante-douze  causes  dans  une  soirée,  à 
vingt-^jualre  sols  pièce  ;  elles  n'en  sont  pas  plus 
mal  expcsées  pour  cela  *  ». 

(it's  avocats  avaient  pris  le  titre  (Pagréés 
en  1747. 

Agréeurs.  C^ux  qui  fournissent  à  un 
lialeau  marchand  tout  ce  qu'il  faut  pour  le 
melln'  en  état  de  prendre  la  mer  :  câbles,  voiles, 
vrpgues,  anirr'>.  >-U\. 

Voj.  Ports  (Sur  les). 

Agréeurs.  Dans  les  tréHleries,  c'étaient  les 
•  luvriors  qui  passaient  \c  fil  par  la  filière. 
On  trouve  aussi  iiijrn/eitrs. 

Agréeurs.  Nom  donné  parfois  aux  Cour- 
tlers-Jaugeurs  d'eau-de-vie. 

Agréments  {.M.m'tkks  i»').  Leur  profession, 
qui    dair   du    dix-liuilièuip   siècle,    consistait   â 
j-niT  aux  j.MMWs   gt-ns    l'art   de    plaire  m 
'■•.    Ils    leur  apprenaient  »i  entrer  dans  un 
a  V  annoncnr  leur  arrivée  «  par  un  joli 
-•.rin..|il  des  breloques,  »   n  sourire  devant 
un  miroir avee  finesse.  «  h  prendre  du  tabac  avec 
grà.'p.  il  donner  un  coup  d'œil,  n  faire  une  révé- 
rence avec  une  sublililé  particulière.  «  parler  gras 
frmime  les  aclours.  à  les  imiter  snns  les  copier,  à 
monlriT  1rs  eleuLs  snns  grimaces,  olc.  '  ». 

Le  coitile  de  Vauhianc  nous  révèle,  en 
effet,   que   le.s  élcganl.s   portaient  alors,   parmi 


'  t,    .\»cin»n    Inis    frimçnitft ,    I.    WVlII 

'i*  Parti,  I.  XII.  p.   Ifl6. 
^ol>    Mcrwcr,  railr^u  de  Pnrù.  t.  H,  p.  216. 


leurs  breloques  «  une  petite  clochette   qui   les 
annonçait  *  ». 

Et  de  la  Mésangère  écrivait  en  1797  :  «  On 
faisait  un  art  de  se  moucher,  il  y  a  quelques 
années.  L'un  imitait  le  son  de  la  trompette,  l'autre 
le  jurement  du  chat  ;  le  point  de  perfection 
consistait  à  ne  faire  ni  trop  de  bruit  ni  trop 
peu  -  ». 

Agréministes.  Nom  que  prirent,  au  dix- 
huitième  siècle,  les  découpeurs.  Séb.  Mercier 
écrivait  vers  1782  :  «  Les  belles  dames  ignorent 
sans  doute  que  les  ouvriers  qui  façonnent  les 
açrémens  dentelles  ornent  leursrobes  se  nomment 
agréministes  -^  ». 

Rétif'  de  la  Bretonne  a  publié  une  nouvelle 
intitulée  La  jolie  agre'ministe  \  plusieurs  de  ces 
ouvrières  sont  représentées  sur  une  gravure  qui 
précède  la  nouvelle  ''. 

On  trouve  très  souvent  agriministes. 

Agréyeurs.  Voy.  Agréeurs. 

Agriculteurs.  Vny.  Agronomes. 

Ag-rier.  Voy.  Champart  (Droit  de). 

Ag^rimenseurs.  Nom  que  Rabelais^ donne 
aux  arpenteurs. 

Agriministes.  Voy.  Agréministes. 

Ag'ronom.es.  \j  agronome  est  le  savant  qui 
étudie  les  lois  de  la  végétation  appliquée  à  la 
production  des  objets  nécessaires  à  l'homme, 
indépendamment  de  la  pratique. 

Le  cultivateur  est  celui  qui,  sur  un  terrain  et 
dans  des  circonstances  données,  applique  des 
règles  toutes  tracées,  dont  il  n'est  pas  tenu  de 
connaître  les  raisons  et  l'enchaînement, 

îJagriculteur  est  l'homme  qui,  pénétré  des 
principes  de  la  science,  sait  les  appliquer  aux 
diverses  circonstances  de  temps  et  de  lieu,  et 
prescrire  au  cultivateur  les  règles  pratiques  qu'il 
doit  suivre. 

Le  cultivateur  est  l'artisan,  l'agriculteur  est 
l'artiste,  l'agronome  est  le  savant  qui  ouvre  la  voie 
dans  laquelle  les  deux  premiers  doivent  marcher.''. 

Je  citerai  seulement,  parmi  un  très  grand 
nombre  de  formes  :  cultiveurs,  cortiveurs,  cou- 
tivenrs,  cousturiers.  cotituriers  et  cultiviers. 

Voy.  Jardiniers. 

Aguilliers.  Nom  que  la  Taille  de  1202 
lionne  aux  aiguilliers.  \  oj.  Aiguilles  (Fa- 
bricants d'). 

Aides-apothicaires.  Quatre  apothicaires 
<"l  (|ualn'  aides-apothicaires  étaient  attachés  à  la 
personne  de  Louis  XIV.  Les  apothicaires  rece- 
vaient seize  cents  livres  de  gages  et  leurs  aides 
environ  sept  cents  livres  '.  Parmi  ces  derniers 


'   Afr moires,  p.  216. 

2  /,(•  toijnficur  à  Paris,  l.  II,  p.  95. 

3  Tableau  de  Paris,  l.  III,  p.  3.32. 

♦  Les  contemporaines,  t.  XXI,  p.  234. 
^    Piiii/nifnief,  liv.  II,  chap.  20. 

*  .\dricn  do  Ga.«parin,  Cours  d'agriculliirc. 
"ï  Klaf  de  la  France  pour  17 12,  p.  246. 


AIDES-APOTHICAIRES  —  AIGUILLETIERS 


11 


je  relève  le  nom  de  Marin  Charcot,  un  ancêtre 
peut-être  de  notre  célèbre  aliéniste. 

Apothicaires  et  aides  royaux  prêtaient  serment 
entre  les  mains  du  premier  médecin,  et  ils 
g'ag'uaient  bien  leur  argent  k  la  Cour,  car  nous 
savons  que  Louis  XIII  prit,  en  un  an,  215 
purgations  et  212  lavements'.  Il  est  probable 
que,  quand  il  s'ag-issait  du  roi  le  maître  apothi- 
caire opérait  en  personne  ;  mais,  pour  la  clien- 
tèle ordinaire,  c'était  l'aide  qui,  presque  toujours, 
le  remplaçait. 

Aides  des  cérémonies.  Ils  servaient 
sous  les  ordres  du  Crrand  maître  et  du  maître  des 
cérémonies.  Ils  portaient  un  bâton  de  comman- 
dement semblable  au  leur. 

Voj.  Cérémonial. 

Aides  de  cuisine.  Voj.  Galopins. 

Aides-garçons.  Dans  les  boulangeries,  on 
nommait  aide-garç(jn,  le  premier  garçon,  celui 
qui  venait  après  le  gindre. 

Aides  des  maîtres  des  ponts.  Il  leur 
était  enjoint  <<  de  faire  résidence  au  lieu  de  leur 
établissement  et  d'obéir  ponctuellement  aux 
ordres  donnés  par  les  maîtres  des  ponts,  à  peine 
de  demeurer  responsables  de  toutes  pertes  causées 
par  leur  désobéissance  ^  » . 

Aides  à  mouleurs  de  bois.  L'ordon- 
nance de  décembre  1672  détermine  ainsi  leurs 
fonctions  :  «  Seront  les  ajdes  à  mouleurs  tenus 
de  mettre  les  bois  par  le  milieu  dans  les  mem- 
brures, et  les  ranger  de  sorte  que  la  mesure  s'j 
trouve  bonne  et  lojale,  sans  j  souffrir  aucun  bois 
courts  ou  si  tortus  que  la  mesure  en  soitdiminuée. 
A  eux  fait  défenses  de  travailler  qu'en  présence 
des  jurez-mouleurs  ^  ».  Ils  étaient  au  nombre  de 
cent  en  1674. 

Voy.  Moiileurs  de  bois. 

Aigriers.  Nom  que  prenai^'nt  parfois  les 
vinaigriers-moutardiers. 

Voy.  Aigrun  (Marchands  d'). 

Aigrun  (Marchands  d').  Titre  qui  appar- 
tint à  la  corporation  des  fruitiers.  Leurs  statuts 
de  juin  1608  débutent  ainsi  :  «  L'on  appelle 
fruict  et  esgrun  à  Paris  toutes  sortes  de  fruicts, 
poires,  pommes,  cerises,  marrons,  citrons,  gre- 
nades, oranges,  et  toutes  autres  sortes  de  fruicts, 
œufs,  beurres  et  formages  qui  se  vendent  aux 
places  publiques...  ».  Les  vinaigriers-moutar- 
diers se  disaient  parfois  aigriers. 

Sur  le  sens  du  mot  aigrun  au  moyen  âge, 
voy.  l'art.  Fruitiers. 

Aig-uilles  (Fabricants  d').  Dès  1292,  il 
existait  à  Paris  seize  fabricants  d'aiguilles  que  la 
Taille  de  cette  année  nomme  aquilliers .  Leurs 
plus  anciens  statuts  datent  du  .30  janvier  1.556. 
L'apprentissage  durait  quatre  ans  et,  pour  res- 


1  Amulot  de  la  Houssaye,  Mémoires  historiques.^    t.   I, 
p.  518. 

2  Ordonn.  de  décembre  1672,  chap.  IV,  art.  6. 

3  Chapitre  XX,  art.  1. 


treindre  la  concurrence,  chaque  maître  ne 
pouvait  avoir  à  la  fois  qu'un  seul  apprenti.  Les 
fils  de  maître  et  les  compagnons  épousant  une 
fille  de  maître  étaient  admis  à  la  maîtrise  sans 
parfaire  le  chef-d'œuvre  exigé  des  autres  ouvriers. 
Toutes  les  aiguilles  devaient  être  confectionnées 
de  bon  acier  bien  trempé. 

Ces  statuts  furent  revisés  le  14  septembre  1599. 
Dans  la  nouvelle  rédaction,  les  maîtres  sont 
qualifiés  de  aigidlliers^  ale'niers^  faiseurs  de 
dîtrins,  carrelets  et  autres  petits  outils  servant  aux 
orfèvres.,  cordonniers.,  bourreliers.,  etc.  ».  Les  dis- 
positions précédentes  sont  confirmées.  Mais  on 
exige  maintenant  cinq  ans  d'apprentissage,  qui 
doivent  être  suivis  de  trois  ans  de  compagnon- 
nage. On  ne  peut  être  admis  à  la  maîtrise  avant 
l'âge  de  vingt  ans.  Chaque  maître  doit  adopter 
une  marque  particulière,  dont  l'empreinte,  repro- 
duite sur  une  plaque  de  plomb,  est  conservée 
par  le  procureur  du  roi  au  Chàtelet.  La  commu- 
nauté est  placée  sous  le  patronage  de  l'Assomp- 
tion de  la  Vierge. 

La  cherté  de  la  main-d'œuvre  à  Paris  ne 
permit  pas  aux  maîtres  aiguilliers  de  soutenir 
avec  avantage  la  lutte  contre  les  fal)ricants  de 
Rouen,  d'Évreux,  d'Aix-la-Chapelle  et  surtout 
d'Angleterre,  en  sorte  qu'à  la  fin  du  dix-septième 
siècle  cinq  ou  six  maîtres  parisiens  seulement 
s'eflforçaient  encore  de  leur  faire  concurrence. 
Les  lettres  patentes  d'octobre  1695  les  réunirent 
aux  épingliers. 

Une  des  petites  voies  qui  donnent  dans  la  rue 
Saint-Denis  portaitle  nomde  rue  de  l'Aiguillerie. 
Cependant,  depuis  le  dix-septième  siècle  jusqu'à 
la  Révolution,  les  aiguilles  les  plus  estimées  se 
vendaient  rue  de  la  Huchelte,  à  l'angle  de  la  rue 
du  Chat-qui-pêche,  dans  une  maison  qui  avait 
pris  pour  enseigne  l'J'.  C'était  une  enseigne  en 
rébus,  comme  il  y  en  avait  tant  alors  à  Paris. 
Les  grègues  ou  hauts-de-chausses  *  étaient  réunies 
au  bas-de-chausses  ^  par  un  lien  devenu  ainsi  un 
lie  qrègue.  Beaucoup  de  commerçants  avaient 
adopté  cette  enseigne,  entre  autres  un  marchand 
d'épingles  du  Petit-Pont,  dont  la  boutique  fut 
détruite  par  l'incendie  de  1718  ;  mais  c'est  le 
mercier  de  la  rue  de  la  Huchette  qui  surtout  la 
rendit  célèbre.  En  1790,  cette  maison  appar- 
tenait au  mercier  Thomas-Charles  de  Lastre  ■'. 

\j\Encyrlopédie  raéthodique  écrit  e'gnilliers. 

L'étui  à  aiguilles  s'appela  pendant  longtemps 
agtùllier  et  aiguillier. 

Aiguilletiers.  Fabricants  d'aiguillettes. 
On  appelait  aiguillette  tout  lien  qui  servait  à 
rattacher  l'une  à  l'autre  diverses  pièces  du 
costume,  et  plus  spécialement  le  haut-de- 
chausses  au  pourpoint.  Afin  de  faciliter  le 
passage  de  l'aiguillette  à  travers  les  œillets 
pratiqués  dans  les  vêtements,  elle  était  munie  à 
chacune  de  ses  extrémités  d'une  tige  de  métal 
dite  ferret.  Les  ou%Tiers  qui  confectionnaient  les 


1  Ou  culotte. 

2  Ou  bas. 

■^  Voy.   le   Liwe  commode,    t.    II,    p.    25,    et    l'abbé 
Lebeuf,  Diocèse  de  Paris,  édit.  Cochcris,  t.  III,  p.  61- 


12 


AIGUILLETIERS  —  ALLIANCE 


aijruillellesse  nommaient  aussi  ferveurs  (F aiguil- 
lettes, mais  les  aiguilletles  ferrées  de  métaux 
précieux  étaient  l'œuvre  des  orfèvres. 

Les  aiguillettes,  déjà  connues  au  treizième 
siècle,  ne  devinrent  d'un  usag-e  général  qu'au 
quatorzième. 

Les  aiguilleliers  étaient  régis  en  1389  par  des 
statuts  que  je  n'ai  pu  retrouver,  mais  je  possède 
ceux  du  19  octobre  1397.  J'y  lis  que  les  aiguil- 
lettes se  faisaient  presque  toujours  de  daim,  de 
rhe\Totin,  de  chamois  «  et  autres  bons  cuirs  ». 
pour  leur  rhef-rp œuvre-  les  ouvriers  briguant  la 
maîtrise  devaient  ferrer  de  laiton  six  douzaines 
d'aiguillettes.  Ce  qui  prouve  la  vogue  dont 
elles  jouissaient,  c'est  que  l'on  comptait  alors 
jusqu'à  vingt-six  fabricants  établis  à  Paris.  Ils 
figurent  dans  l'ordonnance  dite  des  Bannières 
(1467;  sous  le  nom  (T esçjneulletiers . 

A  dater  du  quinzième  siècle,  les  aiguillettes 
jouent  un  grand  rôle,  surtout  dans  le  costume 
masculin.  Lorsque  Jeanne  d'Arc  se  décida  à 
l'adiipler.  son  pourpoint  fut  réuni  à  ses  chausses 
par  vingt  aiguillettes,  «  cum  XX  aguilletis  », 
dit  l'acte  d'accusation  dressé  contre  la  vaillante 
fille  ». 

La  décadence  des  aiguillettes  commença  au 
siècle  suivant.  En  ItitiS.  Harpagon,  irrité  contre 
la  viigue  coûteuse  des  rubans,  trouvait  encore 
qu'  «  une  demi-douzaine  d'aiguillettes  suffisait 
pour  attacher  un  haut-de-chausses,  »  et  Frosine, 
abondant  dans  le  même  sens,  lui  disait  que  sa 
future  serait  «  charmée  de  son  haut-de-chausse.s 
attaché  au  pourpoint  par  des  aiguillettes  ^  ». 
Vingt  ans  après,  Labrujère  parlant  d'un  fat 
ridicule,  qui  «  fuit  la  mode  »  pour  se  faire 
remarquer,  nous  le  montre  ayant  encore  des 
chausses  à  aiguillettes  ^.  La  mode  voulait  à  ce 
nidinetil  que  r<»ii  portât  des  boutons,  et  le 
commerce  ries  passeuientiers-boutonniers  gagna 
tout  ce  que  perdit  celui  des  aiguilleliers.  Les 
slaluls  accordés  aux  premiers  en  1653  les 
autorisiiicnt  à  confectionner  les  aiguillettes  non 
ferrées  ;  les  aiguilletiers  leur  firent  concurrence, 
se  mirent  à  vendre  des  nœuds  d'épaide.  des 
jurrelières,  des  cordons  de  canne  et  de  chapeau, 
Inus  objeLs  non  ferrés  que  les  passenientier.s- 
ImulfuniifTs  regardaient  avec  raison  comme  leur 
Hpécialilé,  et  qu'ils  faisjuent  saisir  chez  les 
niguilJeliiTs.  Ceux-ci  dun'til  renommer  à  la  lutte. 
Ih'venus  trop  pou  nombreux  pour  former  à  eux 
seuls  uni'  corporalinii.  iU  furent  rn  17()4  réunis 
aux  cpinglirrs. 

Avant  de  les  abandoruHT.  rappelons  qu'ils 
jtVlaienl  placés  très  sôrieu.siMuent  sous  le  patro- 
n«pe  do  Miinl  Sél«slien.  dont  ils  célébraient  la 
fiMn  1p  '20  janvier  n  l'église  Saiiit-Eusiache. 
L'époque  ne  répugnai!  pas  ù  ces  s(utes  do  jeux 
lie  luutî».  dont  riiisloiredes  corporations  ouvrières 
offre  de  nombreux  exemples. 

Aig-Uiseurs.   Voy.  AffUeurs. 

AiLliers.  Marchands  d'ail  ou  de  sauce  à  l'ail. 


rtti.Prvtrs  tifjf aune  (C Are,  I.  I,  p.  220. 
.  L'ar«rt,  ad.-  \.  m.  A,  cl aclv  11,  so.  5. 
•*  ii«lii.  bcnoia,  t.  I,  p.  14«. 


Ce  sont  ceux  qui,  au  treizième  siècle,  criaient 
dans  Paris 

.  .  .  L'aillie  à  grant  plonté  1. 

L'ailliée,  sauce  alors  fort  en  honneur,  était 
composée  d'ail,  d'amandes  et  de  mie  de  pain  piles 
ensemble  et  détrempés  avec  un  peu  de  bouillon. 
Elle  avait  la  consistance  de  la  moutarde  et  se 
consei^vait  comme  elle. 

La  Taille  de  1202  mentionne  9  ailliers. 
Pendant  le  seizième  siècle,  c'était  une  coutume 
universelle  de  manger,  au  mois  de  mai,  de  l'ail 
avec  du  beurre  frais.  Ce  mets  ou  plutôt  ce  remède 
était  regardé  comme  affermissant  la  santé 
pendant  toute  l'année. 

Voy.  Mesureurs. 

Aimetiers.  Faiseurs  d'hameçons.  Voy. 
Pêche  (Ustensiles  de). 

Ais  (FÊTE  aux).  Le  jour  où  l'on  célébrait 
la  fête  du  patron  dans  une  paroisse,  les  commer- 
çants qui  l'habitaient  étaient  obligés  de  tenir  leur 
boutique  fermée,  bien  qu'ils  y  pussent  vendre 
comme  à  l'ordinaire.  Ils  nommaient  ce  jour-là  la 
fête  aux  ais,  <.<  donnant  ainsi  à  entendre  que  la 
fête  n'était  pas  pour  eux,  mais  seulement  pour 
les  ais  de  leur  boutique  ^  ». 

Aisseule  i  Couvreurs  d').  Voy.  Couvreurs 
et  Paille  (Marchands  de). 

Ajusteurs.  On  nommait  ainsi,  dans  les 
hôtels  des  monnaies,  les  ouvriers  qui  donnaient 
leur  juste  poids  aux  flans,  en  limant  ceux  qui 
étaient  trop  pesants  et  en  rejetant  ceux  qui 
étaient  trop  légers. 

Les  ajusteurs  transmettaient  leur  office  à  leurs 
fils,  et  leurs  filles  devenaient  tailleresses. 

Voy.  Monnayeurs. 

Aléniers.  Faiseurs  d'alênes  pour  cordon- 
niers. Titre  que  prenaient  les  aiguilliers.  Laffé- 
mas,  en  1600,  écrit  halesniers. 

Alerresses.  Dans  TJ évangile  des  quenouilles 
(quinzième  siècle),  ce  mot,  au  singulier,  désigne 
une  sage-femme  ^.  L'étymologie  latine  *,  indi- 
querait plutôt  une  nourrice. 

Alliance.  Au  treizième  siècle,  toute  entente 
pour  faire  soit  hausser  soit  baisser  le  prix  d'une 
marchandise,  prenait  le  nom  iValliance,  et 
était  sévèrement  défendue  :  «  Nus  toissarens  •• 
ne  nus  tainturiers,  ne  nus  foulons  ne  doivent 
mètre  fueur  *»  en  leurs  mestier  par  nule 
aliancc...  Et  se  aucun  des  mestiers  desus 
diz  faisoient  aucune  aliance,  li  liiestre  et  li 
juré  le  feroient  savoir  au  prevost  de  Paris  '  ». 

Voy.  Concurrence. 


'   En  gramlc  quaiililé.  —  Cri  cri  es  de  Cîuill.  de  la  Ville 

N<MIV"-. 

*  Snvary,  DIclionnaire,  t.  II,  p.  33. 
3  (^uatricmc  journée,  cliap.  IX. 

*  Mire,  manger. 

S  Ti.s.s<THn(is  de  laino,  drapiers. 

fi  ModifuT  li-ur.s  prix. 

■  Litre  des  métiers,  titre  L,  art.  35. 


ALLOUES  —  ALLUMETTIERS 


13 


Alloués.  En  général,  ce  mot  était  synonyme 
d'apprenti.  On  nommait  donc  ainsi  le  jeune 
«j^arçon  qui,  placé  chez  un  maître,  prenait  l'enga- 
gement de  passer  à  son  service  le  nombre  d'années 
exigées  par  les  statuts  pour  devenir  compagnon 
iitlendant  maUrise^  être  admis  ù  l'épreuve  du 
chef-d'œuvre,  et  pouvoir  briguer  le  titre  de  maître. 
Exceptionnellement,  ce  nom  était  donné,  soit  au 
compagnon  embauché  pour  un  laps  de  temps 
déterminé,  soit  au  jeune  homme  qui  désirait 
apprendre  le  métier  et  bornait  son  ambition  à 
devenir  compagnon  ;  ce  dernier,  n'ayant  pas 
l'ait  un  apprentissage  régulier,  n'était  pas  admis 
au  chef-d'œuvre,  et  ne  pouvait  jamais  aspirer  à 
la  maîtrise.  Une  sentence  du  prévôt  de  Paris, 
en  date  du  3  décembre  1633,  défendit  aux 
orfèvres  d'avoir  aucun  alloué  de  ce  genre,  la 
corporation  craignant  que  l'on  en  vînt  à  créer 
ainsi  trop  d'ouvriers  insuffisamment  instruits  ^. 

Voici  comment  était  formulé,  au  dix-septième 
siècle,  le  contrat  d'engagement  d'un  de  ces 
alloués  : 

«  Pardevant  les  conseillers  du  Roy,  notlaires 
au  Chàtelet  de  Paris  soussignez,  fut  présent 
Antoine  Gallien,  chef  de  cuisine  de  madame  la 
marquise  de  la  Vallière,  demeurant  rue  de 
l'Esclielle,  parroisse  Saint-Germain  de  l'Auxer- 
rois.  Lequel,  pour  le  proffit  faire  de  Biaise 
Simon,  son  beau-frère,  aagé  de  vingt-un  ans, 
qu'il  certiifie  fidel,  l'a  par  ces  présentes  obligé 
en  qualité  d'alloué,  de  cejourd'huy  jusques  et 
pour  trois  ans  prochains  ensuivant  finis  et 
accomplis,  avec  sieur  Sanmel  Helot.  maistre 
orlogeur  à  Paris,  y  demeurant  rue  et  parroisse 
Saint-André  des  Arts,  à  ce  présent  et  acceptant, 
qui  l'a  pris  et  retenu  pour  son  alloué.  Et  promet 
pendant  ledit  temps  de  luy  montrer  à  travailler 
à  son  possible  dudit  mestier  d'orlogeur  et  de 
tout  ce  dont  il  se  mesle  et  entremet  en  icelluy  ; 
le  coucher,  nourrir,  loger,  blanchir  et  le  traitter 
doucement  et  humainement  comme  il  appartient. 

Ledit  Simon  s'entretiendra  d'habits,  linge, 
bardes,  chaussures  et  autres  choses  ses  nécessités 
suivant  son  estât  ;  servira  sondit  maistre  en  ce 
qu'il  luy  commandera  de  licite  et  honneste  ; 
l'advertira  desondommages'il  vientà  sa  connois- 
sance  ;  sans  pouvoir  s'absenter  ny  aller  ailleurs 
travailler.  Auquel  cas  d'absence,  ledit  Gallien 
promet  le  chercher  et  faire  chercher  par  la  Ville 
et  banlieue  de  Paris  :  pour  s'il  est  trouvé  le 
ramener  à  sondit  maistre,  à  l'effet  de  rachever 
le  temps  qui  restera  lors  à  expirer  des  présentes. 
Et  en  cas  qu'il  ne  le  puisse  pas  ramener,  il 
s'oblige  à  payer  audit  Helot,  quinze  jours  après 
l'absence  dudit  Simon,  en  sa  demeure  ou  au 
porteur  des  présentes,  la  somme  de  cent  livres, 
à  peine  et  pour  l'indemniser  des  services  qui  luy 
pourroient  estre  rendus  par  ledit  Simon.  Auquel 
ledit  sieur  Helot  promet  luy  payer  la  dernière 
desdites  trois  années,  en  faveur  des  présentes,  la 
somme  de  trente-six  livres,  à  peine  de  tous 
dépens  et  dommages  et  interests. 


^   \  ov.  Leroy,  Sfatu/s  el  privilèges  du  corps  des  orfèvres, 
p.  .50. 


Fait  et  passé  à  Paris  en  l'estude  de  Boucher, 
notaire,  le  seiziesme  mars  mil  six  cents  quatre 
vingt  huit  après  midy.  Et  ont  signé,  fors  ledit 
(îallien  qui  a  déclaré  ne  sçavoir  escrire  ny 
signer,  ainsy  qu'il  est  dit  en  la  minutte  des 
présentes  demeurée  audit  Boucher,  notaire. 
Boisseau,  Boucher  ^  ». 

Alloués,  Nom  qu'ont  porté  les  procureurs. 

AUumettiers .  Faiseurs  d'allumettes . 
Celles-ci  sont  d'abord  représentées  par  le  fusil, 
foisil,  fouesil,  fuzil,  fousil,  feusil,  fuisil,  etc., 
ustensile  de  métal,  qui,  en  frappant  un  silex,  fait 
jaillir  des  étincelles.  Appliqué  plus  tard  à  une 
arme  à  feu,  il  lui  donna  son  nom.  Le  roi 
Charles  V  possédait  un  grand  nombre  de  fusils  2, 
dont  quelques-uns  étaient  très  lux\ieux.  Je 
citerai,  par  exemple,  le  numéro  2172  de 
l'inventaire  de  son  mobilier  ;  on  y  lit  :  «  Ung 
petit  foisil  d'argent  doré,  cizellé  autour,  et  est  le 
couvercle  esmaillé  des  armes  de  France  ».  Les 
fusils  étaient  soit  renfermés  dans  un  étui  à 
couvercle,  soit  suspendus  à  un  cordon,  comme 
celui  que  désigne  le  numéro  3120  :  «  Ung  foisil 
d'argent,  esmaillé  à  fleurs  de  lys,  pendant  à  ung 
laz  de  soye  ». 

Le  Ménagier  de  Paris  (1393)  fournit  la  recette 
très  compliquée  d'une  composition  destinée  à 
tenir  lieu  d'amadou,  il  l'appelle  «  esche  pour 
alumer  du  feu  au  fusil  ^  ».  Mais,  à  ce  moment, 
les  allumettes  souffrées  étaient  déjà  connues,  et 
sous  leur  nom  actuel.  On  trouve,  en  effet,  dans 
un  traité  d'alchimie  du  quatorzième  siècle,  cette 
phrase  :  «  Et  n'est  bon  le  soufre  qu'à  ces 
femmelettes  qui  botellent  les  allumettes  *  ». 

Je  rencontre  seulement  trois  fusils,  tous  en 
argent  doré,  dans  l'inventaire  du  mobilier  de  la 
couronne  en  1418. 

Rabelais  a  pris  soin  de  nous  informer  que 
Panurge  avait  toujours  dans  une  de  ses  poches 
«  ung  fousil  garny  d'esmorche  ",  d'allumettes, 
de  pierres  à  feu,  et  tout  aultre  appareil  à  ce 
requis  ^  ».  Il  aurait  pu  les  acheter  en  pleine  rue, 
car  une  Chanson  de  tous  les  cris  de  Paris  ^ , 
datée  du  seizième  siècle,  commence  ainsi  : 

Voulez-vous  cuir  chansonnette 
De  tous  les  cris  de  Paris  ? 
L'un  crie  des  allumettes, 
L'autre  fusils,  bons  fusils  ! 

Les  Œuvres  de  Bruscambille  nous  apprennent 
que  ce  petit  commerce  faisait  vivre  beaucoup  de 
pauvres  gens  ^  ;  mais  la  fabrication  resta  pendant 
longtemps  concentrée  surtout  en  Allemagne  : 


1  Biblioth.  nationale,  manuscrits,  fonds  français, 
n°  21.795,  f"  193. 

2  Voy.  les  numéros  1986,  2233,  2418,  2729,  etc., 
dans  l'inventaire  de  son  mobilier,  publié  en  1879  par 
E.  Labarte. 

3  Tome  H,  p.  263. 

^  Voy.  V.  Gay,  Glossaire  archéologique ,  p.  25. 

5  Dans  Douét  -  d'Arcq,  Pièces  Inédites  relatives  à 
Charles  VI,  t.  II,  p.  292  et  356. 

6  D'amorce. 

"^  Pantagruel,  liv.  II,  ch.  16.  —  ^"v.  aussi  chap.  30. 

8  Dans  la  collection  Maurepas,  1.  I,  p.  213. 

9  Edition  de  1629,  p.  311. 


14 


ALLUMETTIERS   -  ANCIENS.  JEUNES.  MODERNES 


<•-  La  vieillp.  pcrit  Ch.  Sorel,  tira  du  feu  d'un 
fusil  d'Allema<rne  qu'elle  portoit  toujours,  dont 
elle  alluma  une  chandelle  *  ». 

A  ce  vieux  fusil  succéda,  vers  1806,  \ehiquct 
sulfurique.  et  un  peu  plus  tard  le  briquet 
pimphoriqtœ  auxquels  resta  attaché  le  nom  de 
l'industriel  Fumade.  Les  allumettes  phospho- 
riques  ou  chimiques  vinrent  ensuite,  inventées 
en  Allemagne  vers  1832. 

Allumeurs  de  lanternes.  Voy.  Lan- 
terniers. 

Almanaquiers.  \o\.  Jouets  (Fabri- 
cants de). 

Almosniers.  \  oy.  Aumôniers. 

Alun  iCoMMKRCE  UE  !>').  11  était  fait  par  les 
épiciers  et  les  drog-iiistes.  Le  Livre  des  métiers 
mentionne  l'alun  dans  les  statuts  des  teinturiers, 
des  boursiers  et  des  gantiers  ^. 

Amadoueurs.  Marchands  d'amaduu.  Au 
milii'U  du  dix-huiliéme  siècle,  l'amadou  venait 
encore  presque  exclusivement  de  l'Allemagne. 
A  Paris,  les  épiciers  le  vendaient  en  gros  à  de 
petits  merciers  qui  le  détaillaient. 

Ambleurs.  Officiers  de  la  petite  écurie 
chfz  lerui.  Ils  sont  mentionnés  dans  VJi'tat  de  lu 
France  pour  1087  ■',  dans  VEtat  de  1712  ''  et 
dans  celui  de  1730  ^. 

Je  suppose  que  les  titulaires  de  ces  offices 
étaient  chargés  de  dresser  certains  chevaux  ii 
marcher  l'amble. 

Ameçonneeurs.  Nom  que  les  Tailles  de 
t^'.fj  et  de  l.'iOO  donnent  aux  fabricants 
dhauiecj.iins. 

\  oy.  Pêche  (Ustensiles  de). 

Amidonneurs.  \  oy.  Amidonniers. 
Amidonniers  -  Gretonniers.    Faiseurs 

d'iimidiin  et  do  creturi.  Ils  furent  constitués  en 
corporation  par  lettres  patentes  de  mars  1744, 
•Muv^'islréi's  le  12  janvier  1740.  La  durée  de 
riippn-iifissagc  était  de  deux  ans,  et  l'on 
n  evi^'i'iiil  [joint  de  (■(uupagnoniiage.  Les  fils  de 
maître  étaient  dispensés  du  chef-d'œuvre,  qui 
consistait  à  <,  fnin-  un  cruit  d'amidon  ».  11  était 
int.'niil  aux  maîtres  de  s'établir  dans  l'intérieur 
•l«î  Paris,  <'  ù  cause  de  l'odeur  infecte  de  leurs  eaux 
H  de»  matières  qu'ils  emploient  »,  aussi  presque 
tmiH  hHhilaienl-ils  les  faubourgs  Saint-Victor  et 
.Sainl-Marri'l.  I^  vente  de  la  poudre  à  poudrer, 
cohslituanl  un  des  monopoles  de  la  corporalirm 
de>  i^anlien,,  .•lait  int.Tdilf  aux  amidonniers. 
L'iirlicli-  Xi  de  li'urs  statuts  lour  défendait  de 
v«n<ln«  l'amiflon  en  poudre,  même  «  d'avoiraucun 
outil  ou  uslensih-  propre  à  réduin-  l'amidon  en 
poiidr.'  ...  \u  reste,  un  long, «dit  ibi  19  décembre 


v  r.,,„:y„.  ,u  tr'i'ir  nn.  .•ht.  C-ilmiibeV.   p.   54. 

i.iv.  iAxvii..t  Lxxwm.     • 

I.  |>   V94 

I.  y.  5«0 

II.  p   ar>4 


1778  régla  minutieusement  tout  ce  qui  concer- 
nait la  fiibrication  de  l'amidon  et  du  creton  *. 

A  la  fin  dij  dix-huitième  siècle,  les  amidonniers- 
cretonniers  en  étaient  arrivés  à  utiliser  un  grand 
nombre  de  racines,  les  pommes  de  terre,  les 
marrons  d'Inde  ^  ,  etc.  Ils  étaient  alors  au 
nombre  de  trente-cinq  à  quarante. 

Ils  donnaient  à  leur  atelier  le  nom  de  trempis. 

Vo}'.  Empeseurs  et  Foudriers. 

Amineurs.  ^  oy.  Mesureurs. 

Amirauté  de  France.  Tribunal  du 
grand  amiral  de  France.  Il  connaissait  en 
premier  ressort  de  tout  ce  qui  concernait  le 
commerce  maritime  :  sociétés  commerciales, 
compagnies  de  navigation,  assurances,  échoue- 
ments,  naufrages,  etc.  En  appel,  il  jugeait  les 
sentences  rendues  par  les  amirautés  particulières 
siégeant  dans  certains  ports. 

Même  ressort  que  le  Parlement  de  Paris. 

Le  personnel  se  composait  de  vingt-deux 
men^bres,  tous  nommés  par  le  roi  sur  la  présen- 
tation du  grand  amiral.  Les  audiences  avaient 
lieu  au  Palais  les  lundi,  mercredi  et  vendredi. 

Les  appels  allaient  au  Parlement. 

Amodiateurs.  ^'oy.  Métayers. 
Amparliers.  Voy.  Avocats. 
Ampoulieurs.  Voy.  Poulieurs. 
Anatomie.  Voy.  Cabinets  d'anatomie. 

Anciens,  jeunes,  modernes  (Maîtres). 

Le  commencement  du  seizième  siècle  vit  s'intro- 
duire parmi  les  maîti'es  une  hiérarchie,  peu  à 
peu  acceptée  par  presque  toutes  les  commu- 
nautés. Les  maîtres  furent  alors  divisés  en  trois 
classes  :  les  Jeunes,  qui  comptaient  moins  de 
dix  ans  de  maîtrise  ;  les  Modernes,  reçus  depuis 
plus  de  dix  ans  ;  les  Anciens,  qui  exerçaient 
depuis  vingt  ans  au  moins  ou  avaient  rempli  la 
cliarge  de  Juré. 

En  général,  les  Jewies  ne  prenaient  aucune 
part  à  l'administration  de  la  commummté  :  ils  ne 
pouvaient  être  élus  jurés,  et  n'avaient  même  pas 
en  cette  circonstance  le  droit  de  vote.  Ils 
n'étaient  pas  admis  non  plus  dans  les  commis- 
sions appelées  à  juger  les  chefs-d'œuvre.  En 
réalité,  le  temps  passé  parmi  les  jeunes  était  une 
sorte  de  stage  imposé  au  compagnon  après  sa 
réception  à  la  maîtrise. 

Les  Modernes  eux-mêmes,  bien  qu'éligibles, 
ne  figuraient  pas  tous  parmi  les  électeurs  des 
jurés. 

Les  Anciens  formaient  dans  la  corpt)ratioii 
une  véritable  aristocratie,  très  jalouse  de  ses 
prérogatives.  Au  reste,  chaque  communauté 
avait  sur  ce  point  ses  usages  particuliers.  En 
1(38U,  la  corporation  des  couteliers  se  composait 


'  On  le  Irouvo  dans  V Encyclopédie  méthodique  , 
Sciencos  et  Arts,  t.  J,   p.  20. 

-  Voy.  Duhamel  du  Monceau,  Fabrique  de  l'amidon, 
dans  J.-E.  Hertrand,  Descriptions  des  arts  et  métiers, 
t.  Vin,  i».  453. 


ANCIENS,  JEUNES,  MODERNES  —  ANIMAUX  CURIEUX 


15 


de  qiiatre-vin'j;:l-onze  mailres,  qui  ôtaieul  ainsi 
(^lassés  '  : 
22  Anciens, 

32  Modernes, 

33  Jeunes, 

4  veuves   conliniianl   1<'   commerce   de   leur 
mari. 

Ancres  (Fabricants  d').  Ils  appartenaient 
à  la  corporation  des  taillandiers.  Mais  les  ancres 
destinées  à  la  marine  rojale  étaient  fabriquées 
dans  l'arsenal  de  Cosne  (Nivernais).  Les  labri- 
caiits  se  disaient  ancriers. 

Andouilles  (Faiseurs  d').  Voy.  Boudi- 
niers. 

Aneliers.  Voy.  Annaliers. 

Angles  de  la  Grève .  Voy .  Croche teurs . 

Animaux  curieux  (Montreurs  d'). 
Quand  Henri  III  se  sauva  de  Pologne  ^,  il 
passa  par  Vienne,  où  l'empereur  lui  «  fit  voir 
tout  ce  qu'il  avoit  de  plus  singulier  ^  ,  »  et 
dans  le  nombre  figurait  un  éléphant.  Ce  pachy- 
derme était  donc  regardé  encore  comme  un 
animal  peu  commun.  Dix-sept  ans  après, 
Henri  IV  eut  le  bonheur  d'en  posséder  un,  car, 
le  29  juillet  1591,  étant  au  camp  devant  Noyon, 
il  écrivait  à  son  bureau  des  finances,  alors  séant 
à  Dieppe  :  «  Parce  que  nous  désirons  que 
l'elléphant  qui  nous  a  esté  admené  des  Indes 
soit  conservé  et  gardé  comme  chose  rare  et  qui 
ne  s'est  encore  veue  en  cestuy  nostre  royaulme, 
nous  vous  mandons  faire  marché  avec  quelque 
personne  qui  s'entende  à  le  Iraicter,  nourrir 
et  gouverner...  »  Mais  en  ce  temps-là,  le 
Béarnais  ne  pouvait  consacrer  beaucoup  de 
temps  ni  beaucoup  d'argent  aux  distractions 
zoologiques,  et  puis  une  bête  aussi  extraordinaire 
qu'un  éléphant  était  bien  faite  pour  exciter  des 
convoitises.  Le  gouverneur  de  Dieppe  reçut 
donc,  au  mois  de  septembre  suivant,  une  lettre 
ainsi  conçue  :  «  Ayant  entendu  que  la  Royne 
d'Angleterre  auroit  agréable  ung  éléphant  qui 
est  à  Dieppe,  je  luy  en  ay  faict  présent,  comme 
je  ferois  encores  plus  volontiers  de  chose  plus 
excellente  si  je  l'avois...  »  Ainsi  qu'on  le  voit, 
Henri  IV  croyait  être  le  premier  roi  de  France 
qui  eût  possédé  un  éléphant.  En  quoi  il  se 
trompait. 

Entre  801  et  803,  Haroun  ar  Raschid  envoya 
de  Badgag  à  Gharlemagne  un  éléphant  nommé 
Abulabaz  *,  que  le  juif  Isaac  conduisit  à  Aix- 
la-Chapelle  ^,  et  qui  mourut  subitement  en 
810  **  .  Quatre  siècles  et  demi  plus  tard , 
Louis  IX  revenant  de  la  Terre  Sainte  envoya 


1  liibliothèque  natiuiialr,  uiauu.scrits  Delamarre,   Arts 
ci  métiers,  t.  IV,  p.  59. 

2  En  1.574. 

3  P.    Malliicii,  Histoire  île  France,    t.  I,  p.   390. 

4  Annales  Tiliani^  dans   le  Recueil  des  historiens,  t.  ^^ 
p.  24  et  822. 

»  Éginliard,  Opéra,  édit.  Teulet,   1.    I,   p.   52  et  254. 
Annales  Fiddenses,  dans  le  Recueil,  etc.,  t.  V,  p.   3o2. 
6  Annales  Xa:ariani,  dans  le  Recueil,  etc.,  t.  V,  p.  59. 


«  pro  magno  munere  »  un  éléphant  «  quidam 
elephas  »  à  Henri  III,  roi  d'Angleterre.  Matthieu 
Paris,  qui  a  enregistré  le  fait  dans  sa  grande 
chronique  ',  ajoute:  «  Nous  ne  croyons  pas 
qu'on  eût  jamais  vu  jusque-là  d'éléphant  en 
Angleterre,  ni  même  en  deçà  des  Alpes;  aussi 
les  populations  s'empressaient-elles  autour  d'un 
spectacle  si  nouveau  '^  ». 

Même  sous  Louis  XIII,  l'arrivée  en  France 
d'un  éléphant  constituait  un  événement  notable. 
Au  cours  de  l'année  1626 ,  un  Hollandais 
nommé  Sevender  en  amena  un  à  Paris.  Sur  son 
passage,  il  excita  à  ce  point  la  curiosité  que  le 
gouverneur  de  Montreuil  ordonna  d'élever 
«  quelques  barricades  au  lieu  où  estoit  logée  la 
beste,  »  afin  de  la  conserver  plus  longtemps 
dans  la  ville  •'^.  Louis  XIII  semble  avoir  fait  peu 
de  cas  du  présent,  car  nous  retrouvons  l'animal 
à  Rouen  en  1627  et  à  Toulon  en  1631. 

Au  mois  de  mars  1749,  Paris  fut  mis  en  émoi 
par  l'arrivée  d'un  rhinocéros,  le  premier  paraît-il, 
qui  eût  paru  en  France.  Conduit  à  Versailles, 
toute  la  Cour  alla  le  contempler,  et  il  fallut  l'y 
ramener  encore  après  son  séjour  u  Paris  *. 
Exhibé  à  la  foire  Saint-Germain,  une  foule  avide 
se  succédait  sans  relâche  autour  de  lui,  et 
l'énorme  pachyderme  était  le  sujet  de  toutes  les 
conversations.  On  s'arrachait  une  notice  dans 
laquelle  un  savant  docteur,  J.-B.  Ladvocat, 
bibliothécaire  de  la  Sorbonne,  avait  recueilli  à 
cette  occasion  ce  que  les  naturalistes  et  les 
voyageurs  avaient  raconté  de  plus  curieux  sur 
les  mœurs  de  ces  animaux.  Au  sujet  de  celui 
que  l'on  admirait  alors,  Grimm  écrivait  :  «  On 
prétend  qu'il  pèse  cinq  mille  livres.  Il  a  été 
amené  en  Hollande  par  mer,  de  là  en  Allemagne, 
et  d'Allemagne  en  France.  Pour  le  transporter 
par  terre,  on  s'est  servi  d'une  voiture  couverte, 
traînée  quelquefois  par  vingt  chevaux.  Il  mange 
par  jour  jusqu'à  soixante  livres  de  pain  et  il 
boit  quatorze  seaux  d'eau.  Il  aime  tout,  excepté 
la  viande  et  le  poisson  •"'.  »  L'avocat  Barbier  * 
nous  apprend  que  le  roi  voulut  acheter  ce 
phénomène  ;  il  recula  devant  les  cent  mille  écus 
qu'en  demanda  son  maître,  un  capitaine  hollan- 
dais. Naturellement,  les  femmes  raffolèrent  de 
cet  animal,  qui  unissait,  disait-on,  à  sa  force 
prodigieuse  une  extrême  douceur  de  caractère, 
qui  léchait,  avec  une  langue  douce  comme  du 
velours,  la  figure  de  ses  gardiens  et  la  main  des 
docteurs  de  Sorbonne  ''.  Il  y  eut  des  perruques, 
des  bonnets,  des  coiffures  à  la  rhinocéros  ;  on  vil 

1  Chrunica  majora,  édit.  Luard,  t.  V.  p.   489. 

2  Sur  tout  ceci,  voy.  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des 
chartes,  t.  LIV  (1893),  p.  358.  Deux  fautes  d'impression 
assez  importantes  se  sont  glissées  dans  cet  article. 
L'envoi  de  l'éléphant  à  Gharlemagne  est  daté  de  810, 
au  lieu  de  801  sans  doute.  Pour  l'éléphant  de  saint 
Louis,  on  renvoie  au  tome  W ,  non  au  tome  V  de 
l'édition  Luard. 

3  Voy.  Discours  apologétique  en  faveur  de  rinstinct  et 
naturel  admirable  de  Véléjihant ,  Kouen,   1027,  p.   30. 

4  Duc  de  Luynes,  Mémoires.  19  avril  1749,  t.  IX, 
p.  386. 

3  Grimm  et  Didei'ot,  Correspondance,  édit.  Tourneux, 
t.  \,  p.  2'72. 

6  Journal,  t.  IV,  p.  356. 

''   J.-B.  Ladvocat,  Lettre  sur  le  rhinocéros,  1749,  in-S". 


16 


ANIMAUX  CURIEUX  —  ANIMAUX  FÉROCES 


mAme  un  soir,  à  TOpéra,  une  élégante  arriérée 
qui  «  étoit  coefFée  en  cornète,  lorsque  depuis 
deux  mortels  jours,  on  étoit  en  rhinocéros  *  ». 
Au  mois  de  mai,  l'on  annonça  que  cet  énornie 
personna^re  était  mort  à  Ljon  et  mort  enragé  2. 
La  nouvelle  était  fausse.  En  novembre  seulement, 
un  vaisseau  qui  le  transportait  de  RomeàNaples 
fit  naufrage,  et  la  mer  engloutit  la  grosse  béte 
«  avec  tout  l'argent  qu'elle  avoit  gagné  à  son 
propriétaire  '  ». 

L'année  suivante,  on  produisit  encore  à  la 
foire  Saint-dermain  deux  lions  et  un  tigre. 
«  lesquels  sont  privés  ensemble  et  obéissent  au 
commandement  de  leur  maître  comme  font  les 
chiens  les  plus  dociles  *  »,  disait  l'annonce. 
Mais  ces  fauves,  dont  l'espèce  était  connue 
depuis  longtemps  des  Parisiens,  n'obtinrent 
qu'un  succès  d'estime.  Une  otarie,  arrivée  en 
juillet  1784,  jftuit,  au  contraire,  d'une  grande 
vo<i-ue.  On  se  pressait  à  la  foire  Saint-Laurent 
pour  la  voir  évoluer  dans  un  bassin  d'eau  salée  •'. 

On  exhiba  encore  au  même  endroit  :  En 
1750,  un  pélican  «  lequel  n'a  jamais  paru  en 
France,  el  qui  se  saigne  pour  nourrir  ses  petits  ». 
En  17G3,  un  dromadaire;  en  1765,  un  casoar  ; 
t-ri  1779,  un  plioque  <*,  etc.,  etc.  "^ 

\  Dv.  Plxénoinènes  (Montreurs  de). 

Animaux  dressés  Mo.ntreuks  d'j.  L'art 
de  (ln'»t*r  h-s  animaux  date  de  loin,  et  il  faudrait 
luiil  un  volume  pour  en  résumer,  même  à  grands 
Irails,  l'histoire. 

On  lui  doit,  au  moyen  âge,  l'expression  yywycr 
en  muHHuie  t/e  singe  ' .  Plus  tard,  c'est  à  la  ioire 
Sainl-{  it-rniain  surtout  qin;  se  donnaient  rendez- 
vnus  chaque  aiuiée  les  montreurs  d'animaux 
dressés.  Je  me  bornerai  à  citer  parmi  les 
curiosités  qui  y  furent  exhibées  aux  dix-septième 
et  dix-huitième  siècles  : 

Une  chiennt'  qui  lisait,  calcidait,  disliiiguait 
les  couleurs,  désignait  l'heure  martjuée  à  une 
montre,  etc.  Une  autre  «  lisait  le  français  et 
l'anglais,  el  fuisitit  des  tours  de  physique  ». 

Un  bélier  qui  connais.sail  la  valeur  de^ 
monnaies  et  savait  compter. 

Un  éléphant  qui  se  livrait  à  différents  exer- 
cices el  avalait  une  bouteille  de  punch. 

Un  cerf  ({ui  exécutait  tous  h's  ordres  qu'il 
recevait  de  sou  maître. 

l'n  siiim'  <|iii  jouait  du  violon,  l'n  auln-  joiuiit 
lie  la  vielle. 

Un  chfval  (jui  sivait  les  quatre  règles  de 
l'arithmeliiiui',  tirait  un  coup  de  pistolet,  sautait 
il  travers  un  cerceau.  Un  autre  rapportait  comme 
un  chien. 

Un  lièvre  qui  Lmltnit  du  landiour. 


'   .\bb«   (loyor,  /.eltrt  â  une  dame  anqloise,   dans   li-s 

'  Jotirnal,  30  moi  1710,  t.  V,  p.  485. 

■'   '  ".  21  iiovcmbiv  17'19,  l.  VI,  p.  77. 

»  /,<,  .ijiykf.  de  Parit,  n»  fin  p  JV-vrior  1750. 
S  M—  f.rnflork.  J.,Hmal,  29  juillpl   1784,  p.  69. 

'       '  rJon,    Lrt    tpeelafles    dr    la    foire, 

II,  p.  219  it  1^30. 


Un  singe,  digne  continuateur  de  Fagolin, 
dansait  sur  la  corde. 

Une  guenon  qui  signait  son  nom  :  Marie 
d'Aiigole. 

Huit  rats  qui  dansaient  un  ballet  au  son  des 
violons,  et  en  suivaient  toujours  la  mesure. 

Un  serin  qui  désignait  l'heure,  connais.sait  les 
quatre  règles  et  répondait  à  diverses  questions 
au  moyen  d'un  alphabet. 

Des  abeilles  qui,  au  commandement  de  leur 
maître,  quittaient  leur  ruche  el  allaient  se  réunir 
sur  tel  chapeau  qu'il  leur  désignait,  venaient 
s'entortiller  autour  de  son  bras,  lui  couvraient  le 
visage  comme  d'un  masque  ^. 

Par  arrêté  du  25  octobre  1793,  la  Commune 
décida  que  tous  les  animaux  appartenant  à  des 
montreurs  seraient  saisis,  puis,  soit  tués,  soit 
envoyés  à  la  ménagerie  de  Versailles.  Un  second 
arrêté,  daté  du  3  novembre,  les  attribua  au 
Jardin  des  plantes.  Les  propriétaires  dépouillés 
devaient  recevoir  une  indemnité  qui  les  mît  à 
même  «  de  gagner  autrement  leur  vie  ».  Le 
4  novembre,  on  prit,  chez  un  sieur  Dominique 
Martini,  un  lion  nicU-in,  une  civette  et  un  singe, 
qui  formèrent  le  premier  fond  de  la  ménagerie 
actuelle  du  muséum.  Quelques  jours  après,  une 
autre  confiscation  lui  fournit  un  chat-tigre,  un 
ours  blanc,  deux  singes,  deux  agoutis,  deux 
aigles  et  un  vautour.  Au  milieu  du  mois  d'avril 
1794,  les  survivants  de  la  ménagerie  de  Ver- 
sailles arrivent  enfin  à  Paris,  et  le  10  décembre 
suivant,  Tliibaudeau  lit  à  la  Convention  un  long 
l'apport  qui  approuve  définitivement  la  nouvelle 
organisation  du  muséum  d'histoire  naturelle. 
Des  crédits  sont  demandés  pour  l'aménagement 
de  loges  spacieuses  destinées  aux  bêtes  féroces, 
et  le  rapporteur  termine  par  une  amusante 
critique  de  l'ancienne  ménagerie  royale  : 
«  J\isqu'à  présent,  les  plus  belles  ménageries 
n'étaient  que  des  prisons,  où  les  animaux 
resserrés  avaient  la  physionomie  de  la  tristesse 
et  restaient  presque  toujours  dans  des  positions 
qui  attestaient  leur  langueur.  Pour  les  rendre 
utiles  à  l'instruction  publique,  les  ménageries 
doivent  être  construites  de  manière  que  les 
animaux  jouissent  de  toute  la  liberté  qui 
s'accorde  avec  la  sécurité  des  spectateurs...  ^  ». 

On  montrait  à  Paris,  en  1804,  des  puces 
dressées  à  différents  exercices.  A.  Kotzbue,  qui 
li^s  avait  vues,  raconte  qu'entre  autres  mer- 
V(Mlles,  elles  tiraient  un  carrosse.  11  ajoute  :  «  On 
conçoit  dil'licilement  qu'un  homme  se  soit  donné 
la  peine  de  fabriquer,  avec  une  finesse  admi- 
rable, des  voilures  et  des  chaînes  en  or,  pour  y 
attaclier  une  puce  ».  Le  même  lu)nune  montrait 
deux  mouches,  qui  faisaient  de  l'escrime  avec 
deux  brins  de  paille  ^. 
Voy.  Écuyers. 

Animaux  féroces  (Commerce  des).  Au 
moyen  âge,  les  bêtes  féroces  arrivaient  d'Afrique 

'  Surtout  cri,  voy.  É.  Canipardon,    Le  Ihéàlre  de   la 
foire,  tl  \'.  Fournel,  Le  vieux  Paris. 

*  Moiiitriir  itiiltersel,  n»  du  14  décembre  1794. 
3  Soiirenirs  de  Paris  en  i804,  t.  I,  ji.  74. 


ANIMAUX  FEROCES 


17 


par  l'Egypte,  où  Alexandrie  centralisait  le 
commerce  de  l'Orient.  Il  ne  semble  pas  qu'elles 
fussent  alors  Leaucoup  plus  rares  qu'aujourd'hui. 
Les  princes  entretenaient  volontiers  des  ména- 
geries dans  leur  palais.  Les  comtes  de  Hainaut, 
par  exemple,  pourvoyaient  à  la  nourriture  de 
leurs  fauves  au  moyen  d'un  impôt,  qui,  dit  un 
historien,  paraissait  très  onéreux  aux  pauvres  et 
très  humilianl  aux  riches  ^.  Vers  1108,  Henri  I"-'"" 
d'x\ngleterre,  devenu  maître  de  la  Normandie 
par  la  victoire  de  Tinchebrai,  fit  à  Caeu  un 
séjour  momenlané.  Pour  se  concilier  la  sympa- 
thie de  ses  nouveaux  sujets,  il  leur  donna  des 
spectacles  ;  il  otïrit  notamment  à  leur  admiration 
une  réunion  d'animaux  curieux  dont  le  poète 
Raoul  Tortaire  '^  nous  a  transmis  la  liste.  C'était 
d'abord  un  léopard,  animal  d'une  agilité  merveil- 
leuse -,  puis  un  lion,  le  plus  vaillant  et  le  plus 
généreux  des  quadrupèdes  ;  un  lynx,  dont  la  vue 
pénètre  tous  les  corps  et  n'est  arrêtée  que  par  le 
verre  ;  un  chameau,  qui  vit  cent  ans  au  moins 
dans  les  pays  chauds,  privilège  qu'il  doit  à  sa 
sobriété  ;  et  encore  une  autruche,  énorme  oiseau 
qui  digère  le  fer  aussi  facilement  que  les 
liquides  ^.  Notez  que  huit  siècles  environ  se 
sont  écoulés  depuis  le  jour  où  les  Normands  se 
pressaient  autour  de  cette  exhibition,  analogue 
à  celles  que  nos  dompteurs  promènent  de  ville 
en  ville. 

Il  n'est  nullement  prouvé  que  Philippe- 
Auguste  ait  eu  une  ménagerie  au  château  du 
Louvre.  Celle  qu'il  créa  à  Vincennes  ne  renfer- 
mait guère  que  des  daims  et  des  cerfs  *. 

Au  treizième  siècle,  les  chanoines  de  Notre- 
Dame  avaient  réuni  dans  le  cloître  une  petite 
ménagerie  où  l'on  voyait  des  ours,  des  cerfs,  des 
corbeaux,  des  singes,  etc.  Au  mois  de  novembre 
1245,  Eudes,  légat  du  Saint-Siège,  leur  intima 
l'ordre  de  licencier  tous  ces  pensionnaires,  qu'il 
osa  représenter  comme  nuisibles,  inutiles  et 
ridicules  •''. 

En  1333,  Philippe  VI  transporta  à  l'extrémité 
de  son  jardin  du  Louvre  une  ménagerie  depuis 
longtemps  voisine  du  palais  de  la  Cité.  Charles  V 
en  eut  une  autre  à  l'hôtel  Saint-Paul,  et  il  est 
permis  de  croire  que  les  lions  s'y  repro- 
duisaient ''. 

L'amour  des  fauves  semble  avoir  été  hérédi- 
taire dans  la  maison  de  Bourgogne.  Philippe  le 
Hardi  nourrissait  à  Bruges  un  lion  auquel  on 
servait  chaque  jour  la  moitié  d'un  mouton  ''. 
C'était  bien  la  ration  ordinaire,  puisque  en  1425 
un  jeune  lion  a^-ant  été  envoyé  à  Jean' sans 
Peur,   celui-ci    ordonna    qu'il   lui    fût   attribué 

1  Voy.  E.  Le  Glav,  Histoire  des  comtes  de  Flandre, 
t.  I,  p.  425. 

2  Mort  vers  1120. 

'^  Voy.  Bibliothèque  de  r École  des  chartes,  XVP  année, 
1855,  p.  509. 

4  Rigord,  Gesta  Philippi  Augusti,  cap.  XXI,  éclit. 
Delaborde,  t.  I,  p.  35. 

5  «  Animalia  nociva,  inutilia  .seu  jocosa,  veluti  ursos, 
cervos,  corvos  aut  simias,  vel  luijusniodi  ».  Cartulaire  de 
Notre-Dame  de  Paris,  t.  II,  p.  406. 

«  Sauvai,  Becherches,  t..  II,  p.  273  et  282. 
'^  De  Laborde,    Les   ducs  de  Boto-yogne,  preuves,   t.   I, 
p.  1. 


«  demi  mouton  de  char  ^  pour  son  vivre,  selon 
ce  qui  lui  est  nécessaire  ^  ».  Jaccjues  de  Melle, 
«  bouchier  et  bourgeois  de  Gand,  »  avait  la 
garde  de  quatre  autres  lions  que  le  duc  possédait 
dans  cette  ville.  Il  avait  soumissionné  «  par  cry 
d'église  et  à  rabat  »  la  nourriture  de  ces  animaux  -, 
mais,  effrayé  de  leur  appétit,  il  finit  par  les 
condamner  à  un  régime  si  austère  qu'ils 
faillirent  mourir  de  faim,  et  le  duc,  qui  aimait 
ses  bétes,  dut  augmenter  le  prix  de  leur 
pension  ^.  S'il  donnait  un  festin,  il  voulait  que, 
pour  faire  honneur  à  ses  hôtes,  ses  chers  animaux 
y  assistassent.  Parfois,  il  se  contentait  de  l'un 
d'entre  eux  ;  en  1453,  on  paye  vingt  sous  à 
«  Gilles  le  Cat,  serrurier  demeurant  à  Lille, 
pour  une  chaisne,  une  cheville  de  fer,  deux 
havets  *  et  deux  touretz  ^,  pour  lyer  le  lyon 
en  la  salle  de  Monseigneur,  le  jour  de  son 
banquet  ^  ».  En  1461,  un  Vénitien  fit  présent 
à  Philippe  le  Bon  d'un  lion  apprivoisé  :  «  A 
Berthélemy  Cazal,  demourant  à  Venise,  quand 
il  est  naguères  venu  devers  Monseigneur  à 
Bruxelles  et  lui  a  donné  ung  lion  privé,  qu'il  a 
amené  et  fait  venir  dudit  lieu  de  Venize...  "^  ». 

Comme  le  duc  de  Berri,  il  affectionnait  parti- 
culièrement les  ours.  Dans  un  compte  de  1467, 
on  mentionne  «  le  petit  ours  de  Monseigneur  '^  », 
un  favori  sans  doute. 

C'est  sous  le  règne  de  François  pr  que  fut 
apporté  à  Paris  le  premier  crocodile  qui  ait  été 
vu  en  France  ;  encore  était-il  empaillé  ou  plutôt 
«  bouilly  en  huyle  ».  M.  de  la  Vernade,  ancien 
ambassadeur  près  la  République  de  Venise, 
tenait  d'elle  ce  présent  magnifique.  Il  en  gratifia 
l'église  Saint-Antoine,  qui  «  le  fit  mettre  et 
attacher  contre  la  muraille  où  il  est  de  présent. 
Ce  serpent,  nommé  crocodile,  avoit  esté  prins 
dedans  le  fleuve  du  Nil,  près  du  Quaire  ^  ». 

Henri  II  eut  à  Saint-Germain  une  ménagerie. 
Charles  IX  fit  restaurer  celle  du  Louvre,  et  il 
prenait  plaisir  à  voir  combattre  entre  eux  des 
dogues,  des  lions,  des  ours,  des  taureaux  '*•. 
Mais,  pendant  une  nuit  du  mois  de  janvier 
1583,  Henri  III  rêva  que  ces  animaux  se  retour- 
naient contre  lui  et  le  dévoraient.  11  s'en  alla 
faire  ses  dévotions  dans  un  couvent,  donna 
cent  écus  aux  religieux,  puis  regagna  le  palais, 
«  où  arrivé,  écrit  Lestoile,  il  fit  tuer  à  coups 
d'arquebuze  les  lions,  ours,  taureaux  et  autres 
semblables  bestes  qui  souloit  nourrir  pour  com- 
battre contre  les  dogues  *'  ». 

Louis  XIII ,  qui  méprisait  les  élépliants , 
eut  des  bêtes  féroces  aux  Tuileries,   à  Fontai- 


1  De  chair. 

2  De  Laborde,  t.  I,  p.  221. 

3  De  Laborde,  t.  I,  p.  21G  et  suiv. 
*  Deux  crochets. 

^  Deux  boucles. 
•>  De  Laborde,  t.  I,  p.  427. 
''   Do  Laborde,  t.  I,  p.  477. 
^  De  Laborde,  t.  I,  p.  499. 

9  Journal  d'un  bourgeois  sous  François  /<"■,  année  1517, 
p.   49. 

10  Voy.  Sauvai,  t,  II,  p.  13.  —  Brantôme,  t.  IX, 
p.  390.  —  Et.  Pa.squier,  Œiitr.s,  édit.  de  1723,  t.  II, 
p.  415. 

H  Journal  de  Henri  III,  édit.  Michaud,  p.   15G. 


18 


ANIMAUX  FÉROCES  —  APOTHICAIRES 


nebleau.  à  Saint-Germain,  à  Vincennes  et  même 
à  Versailles.  Dans  cette  dernière  ville,  on  ne 
conservait  plus,  en  1657,  (m'un  lion  et  une 
lionne,  un  léopard,  un  tig-re,  deux  ours,  un  loup 
cervierel  deux  aigles.  Leur  garde  et  leur  nourri- 
ture coûtaient  trois  livres  par  jour  ^  Au  reste. 
le  o-oût  des  bêtes  féroces  commençait  à  diminuer, 
et  *'dans  la  merveilleuse  ménagerie  créée  par 
Louis  XIV  à  Versailles,  elles  étaient  en  grande 
minorité;  on  y  vitpourtant  des  lions,  des  tigres, 
un  rhinocéros."  etc.  ^  Cette  collection  fui  pillé<" 
pendant  les  journées  d'octobre  1789  ;  les  bêtes 
qui  survécurent  furent  amenées  à  Paris  où  elles 
cun>tituèrent  le  premier  fonds  de  la  ménagerie 
actuelle  du  jardin  des  plantes. 

Le  commerce  des  animaux  féroces  n'a  plus 
guère  de  représentants  qu'en  Angleterre,  en 
Hollande  et  en  Belgique.  Les  ménageries 
d'Europe  elles  dompteurs  sont  surtout  alimentés 
par  la  foire  qui  se  tient  du  5  au  lU  septembre. 
dans  le  jardin  zoologique  d'Anvers.  * 

\t)y.  Combats  d'animaux.  —  Domp- 
teurs, etc. 

Anneliers.  Faiseurs  d'anneaux.  La  Tailla 
de  1292  cite  trois  et  celle  de  1300  six  aneliers. 
On  connaissait  très  bien  déjà  les  anneaux 
employés  pour  soutenir  les  rideaux,  les  tentures 
de  tous  genres  ^.  Mais  on  nommait  aussi  animi, 
anel,  annel,  anneau  les  bagues  destinées  aux 
doigts,  et  les  aneliers  de  laiton  en  fabriquaient 
beaucoup,  même  d'assez  riches,  malgré  l'oppo- 
sition des  orfèvres  *.  Les  statuts  accordés  aux 
épingliersen  1002  leur  reconnaissent  le  droit  de 
fabriquer  divers  objets  de  métal,  notamment  les 
annelets. 

Annonces.  Voy.  Publicité  (Entre- 
prises de). 

Annonces  lumineuses.  Elles  datent  de 
loin.  Mathurin  Régnier,  faisant  le  portrait  d'une 
affreu.se  mégère,  dit  qu'elle 

Rfftseiubloit,  transparent!',  une  lanterne  vive 

Dont  quelqiii-  j)alicier  amuse  l<'.s  enfans, 

Uii  (li'b  oy.^oIl.s  briiii'z,  guenucties,  êlélans, 

Cliiens,  chats,  lièvres,  renards  et  mainte  cslrangc  beste 

courent  l'une  après  l'autre  •'. 

Ces  lanternes  étaient  circulaires,  en  toile  ou 
en  papier  huilé.  Entre  eux  et  la  lumière  placée 
au  milieu,  des  ligures  grotescjues,  formées  de 
carluii  découpé,  étaient  fixées  à  un  cercle  mou- 
vant, nuipiel  on  donnait  une  impulsion  (|ui  la 
fui.sail  tourner.  Les  ligures  fonnaient  alors  des 
outbros  mou  vailles".  Ces  sorli's  de  lanternes 
ningiqiii-s  nvuieiil  été  d'abord  en  usage  dans  les 
ropréscMilulioiis  des  m^'stères.  Comme  on  le  voit, 
1«'H  pAlisHicrs  en  conservèrent  l'usage  ju  qti'uu 
dix-»eplièmc  siècle. 


'    Fir.r    •ir^rrnl    ilrt    officiert    Homrsiiqurs,    commriisaux 
Ho^.  1-.  ICI. 

'  /-«y/iM,  •«  «ofti  17Ô0,  t.  X,  p.  an. 

|»ii      I.    '      •>  .  Mrmoirrs,  ji.  'dOO. 
3   iKiiH-t-il  Arri],  C.Duiittrs  Ht  l'argenltrif,  p.  IC. 
*  (i    l''(i(^ni<'i,  Klttiit$  sur  l'induttrit,  p.  299. 
^   Sfltir'-  \1. 
«  MiiUi.  H^ciii'^'".  Œurrrs,  ^mIji.  i.h.'.v  .  p    j  jp 


Annuel  des  marchands.  Droit  annuel, 
établi  à  la  fin  du  seizième  siècle,  et  qui  était 
perçu,  au  profit  du  roi,  sur  tous  les  marchands 
qui  faisaient  le  commerce  des  boissons  ^ 

Août  (Loi  d'),  dite  aussi  Ban  d'août.  Droit 
de  promulguer  le  ban  delà  moisson,  c'est-à-dire 
droit  de  vendre  seul  du  vin  au  détail  durant 
le  mois  d'août.  Ducange  cite  une  charte  de  1244, 
où  on  lit  que  «  les  loix  d'aoust  sont  à  l'Eglise  ^>  ^. 

Août  (Saint-Pierre  en  goule)  ou  Saint- 
Pierre  ENTRANT  AOUT  [in  gulu  utiffusti),  c'est-à- 
dire  au  commencement  d'août.  Dans  les  statuts 
des  métiers  et  dans  les  onloniiances  du  moyen 
âge,  ces  mots  désignent  toujours  Saint-Pierre  es 
liens,  dont  la  fête  tombe  le  I""'  août  :  «  Nul 
talemelier  ^  ne  puet  cuire  en  la  fesle  S.  Père  en 
goule  aoust,  »  dit  le  Livre  des  métiers  *. 

Ce  fut  plus  tard  le  jour  choisi  pour  leur  fête  par 
la  confrérie  des  nattiers  et  par  celle  des  savetiers^. 

Apertises  (Joueurs  d').  Joueurs  de  tours, 
équilibristes,  prestidigitateurs,  etc.  Voy.  Bate- 
leurs. 


Aplaig-neurs. 
neurs. 


Voy.    Foulons    et   Lai- 


Apotécaires.  Voy.  Apothicaires. 

Apothicaires.  Jean  de  Garlande,  qui 
vivait  vers  1250,  nous  apprend  que  de  son  temps 
les  appotecarii  vendaient  des  médicaments  et  des 
électuaires,  des  racines  et  des  herbes,  de  la 
zédoaire,  du  gingembre,  du  poivre,  du  cumin, 
des  clous  de  girofle  et  de  la  canelle,  de  l'anis,  de 
la  graine  de  fenouil,  de  la  cire  et  des  cierges, 
du  sucre  et  de  la  réglisse.  On  trouvait  encore 
dans  leurs  boutiques  des  préparations  de  gin- 
gembre à  l'usag-e  des  constitutions  froides,  du 
diapliénic  excellent  pour  les  phtisiques,  du 
diaprun  et  de  la  gomme  adragante  qui  rafraî- 
chissent, et  de  l'ellébore  qui  facilite  la  diges- 
tion fi. 

h'appotecarius  du  treizième  siècle  représente 
donc  bien  notre  apothicaire  actuel,  nom  qu'il 
portait  déjà  en  français,  car  le  Livre  des  métiers, 
colligé  vers  12G8,  mentionne  deux  fois  les 
apotécaires  ".  Ils  ne  figurent  pourtant  pas  dans 
les  Tailles  de  1292  ei  de  1313  ;  mais  la  première 
cite  vingt -huit  et  la  seconde  soixante-neuf 
espiciers,  désignation  qui  convient  très  bien  aux 
apotécaires,  puisque  tous  les  produits  (pi'ils  vien- 
nent de  nous  offrir  s'appelaient  alors  des  épices. 
On  peut  donc,  je  crois,  avancer  qu'au  treizième 
siècle  les  mots  apotécaire  et  espicier  étaient 
synonymes,  et  qu'ils  s'appliquaient  bien  à  des 
vendeurs  de  substances  employées  à  la  fois 
coiume  condiments  et  comme  médicaments. 


'   .\.  Bailly,   Hialulrc  fiiKincière  (le  la  France,  t.  I,  p.  277. 

*  (llossfirium.  aux  mots  Bannum  auguxti  lA  Lex  aïKjiistl. 
•*  Hi>ulMnn;i'r. 

*  Titre  I,  art.  2ô.  Voy.  au.s.si  titr.'   1,111,   not.'s   aiMi- 
tioniwlb's. 

•*  L'>  Masson,  Calendrier  des  confréries,  \\.  4-1. 

fi  iJiclionarius,  p.  28. 

7   II-  i>arlie,  titre  XVI,  art.  4  el  5. 


APOTHICAIRES 


19 


Apotécaires  et  espiciers  n'en  avaient  point  le 
monopole.  Les  herbiers  fournissaient  des  herbes 
médicinales  ;  les  ciriers  et  les  févriers  débitaient 
la  cire  et  le  poivre  ;  les  regratliers,  revendeurs 
au  détail,  avaient  le  droit  de  tenir  la  cire  en 
pain  et  un  petit  nombre  d'épices  employées 
dans  la  cuisine,  poivre,  cumin,  canelle,  réj^lisse. 
etc.  Quant  à  la  préparation  des  médicaments,  il 
est  certain  que  les  médecins  s'en  chargèrent 
pendant  long-temps.  Ils  avaient  déjà  dû  y 
renoncer  au  treizième  siècle,  par  la  même  raison 
qui  leur  avait  fait  abandonner  aux  barbiers 
les  opérations  chirurgicales  :  c'était  œuvre 
manuelle,  conséquemment  déshonorante. 

Un  mandement  de  Philippe  VI,  daté  du 
22  mai  1336,  veut  que  les  apothicaires,  leurs 
valets  et  les  herbiers  soumettent  leurs  denrées  à 
l'examen  des  médecins  de  la  Faculté  ^.  Les 
statuts  de  celle-ci,  rédigés  en  1350,  placent  sur  la 
même  ligne  les  chirurgiens  et  leschirurgiennes, 
les  apothicaires  et  les  apothicairesses,  les  herbiers 
et  les  herbières.  Ces  trois  métiers,  restés  indé- 
pendants de  l'Université,  pouvaient  donc  être 
exercés  par  des  femmes. 

Au  mois  d'août  1353,  les  épiciers-apothicaires 
reçoivent  du  roi  des  statuts  très  sages  ^. 

Nul  ne  pourra  entreprendre  ce  commerce  s'il 
«  ne  sçait  lire  ses  receptes  ou  s'il  n'a  entour  luy 
personne  qui  le  sache  faire  » . 

Nid  ne  vendra  «  médecines  venimeuses  ou 
périlleuses  ». 

Tout  apothicaire  qui  aura  confectionné  une 
<<;  médecine  de  longue  conservation  inscrira  sur 
le  pot  l'an  et  le  mois  de  la  confection  ». 

Tout  apothicaire  vendra  «  à  loyal,  juste  et 
modéré  prix  ». 

11  est  créé  un  chef  de  la  corporation  sous  le 
nom  de  ^<  maistre  du  mestier  d'apothicaires,  qui 
sera  sur  tous  les  apothicaires  de  Paris  et  des 
suburbes.  «  Assisté  de  deux  médecins  désignés 
par  le  do^^en  de  la  Faculté,  il  fera  au  moins 
deux  fois  l'an  la  visite  de  chaque  officine,  il 
examinera  avec  soin  toutes  les  substances  qui 
s'y  trouveront. 

Il  s'assurera  aussi  que  chaque  apothicaire  a 
chez  lui  «  le  livre  qu'on  appelle  Antidotaire 
Nicolas  ».  C'était  la  pharmacopée  de  Nicolas 
Myrepse,  im  médecin  grec  du  treizième  siècle, 
qui  avait  exercé  à  Alexandrie.  Son  traité, 
embrassant  l'ensemble  des  médicaments  alors 
connus,  contient  2.656  formules,  et  il  fut  de 
bonne  heure  traduit  en  latin.  Au  reste,  il 
existait  déjà  d'autres  ouvrages  sur  cette  matière  : 
Les  Médicament»  simples  et  la  Pratique  du 
médecin  arabe  Jean  Mésué  ;  les  glossaires  phar- 
maceutiques de  Simon  de  Gênes  et  de  Pierre 
d'Abano  ;  les  écrits  confus  d'Albucasis,  médecin 
de  Cordoue,  et  les  fameux  Secrets  d'Albert  de 
Bollstadt.  Mais  les  livres  étaient  encore  trop 
rares  et  trop  chers  pour  que  l'on  pût  demander 
aux  apothicaires  de  posséder  une  si  nombreuse 
bibliothèque  :   V Antidotaire    de    Myrepse    était 


^   Ordonn.  royales,  t.  II,  p.  IIG. 
~  Ordonn.  roi/alfs,  I.   II,  p.  532. 


alors  le  guide  obligé  de  tous,    et  il  restera  le 
Codex  officiel  jusqu'en  1637. 

Jean  de  Jandun  nous  fait  savoir  qu'au  qua- 
torzième siècle  plusieurs  apothicaires  étaient 
établis  sur  le  Petit-Pont,  alors  couvert  de  mai- 
sons. Ils  étalent  avec  complaisance,  dit-il,  de 
beaux  vases  renfermant  les  remèdes  les  plus 
recherchés  ' . 

Beaucoup  d'entre  eux  étalaient  aussi,  paraît- 
il,  une  ignorance  complète  de  leur  métier. 
D'autres  n'hésitaient  pas  à  tromper  le  public, 
en  lui  vendant  des  drogues  vieillies  qui  avaient 
perdu  toute  leur  vertu.  Une  ordonnance  d'août 
1484  *  constate  qu'il  était  fort  difficile  de  se 
procurer  les  épices  les  plus  indispensables. 
Parfois,  dit  le  roi,  elles  sont  rares  même  en 
Orient,  «  elles  sont  chières  même  au  pays  où 
elles  croissent.  Les  marchands  infidèles  laissent 
à  en  amener  en  terre  chrétienne  pour  ce  que  le 
voyage  est  long,  »  de  sorte  que  «  l'on  est  bien 
souvent  deux  ou  trois  ans  sans  en  pouvoir 
recouvrer  ». 

Des  substances  aussi  précieuses,  et  dont 
l'emploi  pouvait  présenter  de  sérieux  dangers 
n'eussent  dû  être  maniées  que  par  des  gens 
expérimentés.  Il  était  donc  nécessaire  d'établir 
une  distinction  entre  le  marchand  qui  se  bornait 
à  les  débiter  telles  qu'il  les  recevait  d'Orient,  et 
l'homme  chargé  d'en  composer  des  médicaments, 
c'est-à-dire  entre  l'épicier  et  l'apothicaire.  C'est 
ce  que  fit  l'ordonnance  d'août  1484.  Les  deux 
métiers  ne  cessèrent  pas  d'être  réunis  et  de  ne 
constituer  qu'une  seule  corporation  ^  ;  mais  si 
tout  apothicaire  put  continuer  à  être  épicier, 
l'épicier  ne  put  se  dire  apothicaire  que  sous 
certaines  conditions,  après  avoir  servi  quatre 
années  comme  apprenti,  avoir  passé  un  examen 
«  estre  approuvé  audit  mestiêr  »,  et  avoir  «  fait 
chef-d'œuvre,  tant  d'ouvraiges  de  cire,  confiture 
de  sucre,  dispensacions  de  pouldres,  comme  de 
composicions  de  receptes ,  cognoissance  de 
drogues  et  autres  choses  concernant  le  fait  desdits 
mestiers  ». 

Les  statuts  de  juin  1514  accentuèrent  plus 
encore  la  distinction  entre  eux  ^.  «  Qui  est 
espicier  n'est  pas  apothicaire  et  qui  est  apotlii- 
caire  est  espicier  »,  dit  clairement  le  préambule. 
Les  deux  commerces  continuent  à  ne  former 
qu'une  seule  corporation,  mais  ils  auront  chacun 
ses  jurés  particuliers  ;  les  jurés  épiciers  ne 
pourront  prétendre  aucun  droit  chez  les  apothi- 
caires et  réciproquement,  etc.,  etc. 

Ces  statuts  furent  confirmés  et  complétés  avant 
la  fin  du  siècle  par  une  foule  de  sages  ordon- 
nances. On  y  signale  les  précautions  à  prendre 
pour  la  préparation  des  médicaments.  On  insiste 
sur  la  visite  des  officines,  qui  sera  faite  au  moins 
deux  fois  chaque  année  par  les  jurés  de  la  corpo- 
ration assistés  de  deux  docteurs  de  la  Faculté  de 


1  De  laiidibiis  Parisius,  V^  partie,  chap.  IV. 

2  Ordonn.  royales,  t.  XIX,  p.  413. 

••     «     Le    me-stier    des    ouvraiges    et    marchandi.se.s 
d'espicerie,  appoticairerie,  ouvrages  de  cire  et  confitures 

Ide  sucre  ». 
'>■   Ordnnii.  roi/nles.  \.  XXI,  Ji.  .'541. 


20 


APOTHICAIRES 


médecine.  (Jn  décide  enfin  que  les  drog-ues  intro- 
duites à  Paris  par  les  marchands  en  gros  seront, 
avant  d'èlre  livrées  au  commerce,  soumises  à 
l'examen  de  deux  médecins  ^ . 

Précautions  inutiles,  car  en  dépit  de  la  surveil- 
lance exercée  sur  eux,  les  apothicaires  falsifiaient 
déjà     de     mille     manières    les     médicaments , 
vendaient  comme  bons  ceux  qui  étaient  avariés, 
et  n'en  exagéraient  pas  moins  les  prix.  Ainsi, 
quand  on  leur  demandait  un  os  de  cœur  de  cerf, 
qui  passait  pour  un  très  puissant  cardiaque,  ils 
n'Iiésilaient   pas   à   fournir    des    os   de    clieval. 
«  pharmacopoles  nous  abusent,  écrivait  Sjnipho- 
rien  Champier  en  1531  :  ilz  nous  vendent  les  os 
(le  cheval  au  lieu  de  os  corde  cervi,   et    en 
trouverez  plus  à  vendre  que  n'a  de  cerfs  en  toute 
la  France ,    Italie   et  Espaigne  -   ».    Dans  les 
C(i(/i(cls  (le  raccouchée  ^,  une  femme  qui  avait 
habité  pendant  longtemps  la  maison  d'un  apo- 
thicaire, raconte  qu'elle  ne  lui  a  jamais  «  veu 
emplover  que  les  herbes  qu'on  racle  souvent  dans 
nos  jardins  ».  Quand  venait  le  moment  de  rédiger 
le  mémoire,  elles  étaient  décorées  des  noms  les 
plus  savants  et  les  plus  étranges.    Noël  du  Fail 
dit.  de  son  côté,  que  les  apothicaires  <;  abusent  le 
pi'uple  et  sa  bourse,  vendant  vingt  sols  ce  qui  en 
vaut  cinq  *  »,  et  Lestoile  raconte   qu'avant   do 
miiurir  un    apothicaire   nommé  Gonnier    «   se 
confessa,  entre  autres  clioses,  de  ce  qu'il  n'estoit 
point  entré  de  bonne  rheubarbe  en  sa  boutique  il 
v  avoil  plus  de  trente  ans  ^   ».   On  disait  déjà 
Mémoire  d'apothicaire  pour  désigner  un  compte 
sur  lequel  il  y  avait  beaucoup  à  ra])attre.  Vers 
la  tin  du  dix-septième  siècle,  l'usage  était  de  le 
réduire  au  moins  de  moitié.   Un  mari,  venant 
disculer  avec  les  marguilliers  de  Saint-Paul  le 
jirix  qui  lui  est  demandé  pour  l'enterrement  de 
sa  femme,  finit  par  Irur  proposer  de  partager  la 
somme  en  deux  : 

J>-  crois  i[u  il  i'>l  iiliis  à  j>ro]io.s, 
Pour  bii'ii  sortir  (W  cctli'  affairt", 
!)<•  n'-ffif-r  tous  li's  friiis  en  {rpos 
Comiii*-  ci-ux  ilun  ajiotliicaire, 
C"«'sl-ù-i!iri'  l'ii  boiiuf  amitié 
H<-tratiflicr  la  Ixllr  moitii';  •>. 

Hii-n  (jue,  depuis  la  dé<;ouverte  de  l'impri- 
merie, les  Imités  de  pharmacie  fussent  devenus 
moins  nires  cl  plus  accessibles  à  tontes  les  i)0urses, 
1(1  grande  majorité  des  apotjiic.jiirt's  était  restée 
lidele  à  VAnUfdiitnire  de  Mvrepsc.  nufl([iies-iins 
V  ajiiulaieiil  lu  Vhnnnaruju'e  (h-  Haiid.  imu  ou  les 
Jhs'.HuIwhx  j)/i'irninrru>ii/iies  df.lean  de  Hen<»u  ', 
mnisc'i.sl  >eulfin.'iii  vers  \{VA'2  (|m-  la  Faculté  se 
préocrupa  de  r<-di}^.T  im  Cix/rj-  comph-l  qui  put 
siTvir  .!-•  .^'uidr  pour  la  prepanilion  des  médi- 
«*"'  ''      ••'»'•'•',  h-  Parlrm.-nt  avait  ordonné 

•'•■  •  i"  '■••  travail,  et  nommé  les  douze 

docteurs  chargés  de  le  mener  à  bonne  fin.  Tous 


•  Dl'Uniarrv,  Trailr  Jt  ta  potlte,  t.  I    p    587 
«  .Vyr..-W   m.n.ir)  rfr,  npp„ll,iquaire,\t  pl,armacopoles. 
i.yon,  i.<Jl.  ffulu.,  sflD.s  [•A^n. 

'  '  '     ^  .  P    103. 

.  «    II,  p.  182. 
''    ■    fV.  12  iiov.  1590. 


•>.  Le  Miiit  britil.  1673,   in- 12 
I.  t    1    |.    24. 


moururent  sans  avoir  beaucoup  avancé  la  besogne. 
Enfin  la  Faculté  loua  à  côté  des  écoles  une 
o-rande  salle,  y  réunit  des  fourneaux  et  des 
alambics,  et  y  rassembla  les  drogues  simples  au 
moyen  desquelles  allaient  être  étudiées  toutes 
les  compo.sitions.  Dix-huit  commissaires  se  parta- 
gèrent cette  lourde  tâche,  qui  ne  fut  achevée 
qu'en  1637  ^ 

Les  apothicaires  durent  dès  lors  avoir  chez 
eux  ce  Codex  officiel.  Leurs  boutiques,  encore 
laides  et  sombres  au  seizième  siècle,  comme 
tontes  celles  de  cette  époque,  prirent  un  aspect 
moins  misérable.  Elles  n'eurent  d'abord  pour 
ornement  que  les  énormes  mortiers  de  fer  destinés 
aux  pulvérisations,  les  lourdes  amphores  de  terre 
cuite  et  les  boîtes  dites  silènes  où  reposaient  les 
médicaments.  Ces  dernières  étaient  couvertes  de 
grossières  peintures,  représentant  des  «  figures 
joyeuses  et  frivoles,  comme  de  liarpyes,  satyres, 
oysons  bridez,  lièvres  cornus  et  aultres  telles 
painctures  contrefaictes  à  plaisir  pour  exciter  le 
monde  à  rire...,  mais  au  dedans  l'on  réservoit 
les  fines  drogues,  comme  baulme,  ambre  gris, 
muscq,  civette,  pierreries,  et  autres  choses 
précieuses  ^  ». 

L'usage  de  conserver  les  médicaments  dans 
(les  boîtes  chargées  de  décorations  bizarres 
subsista  fort  longtemps.  Jean  de  Renou,  qui 
écrivait  vers  1607,  nous  parle  encore  «  des 
boëtes  et  coffrets  embélys  de  toutes  sortes  de 
peintures  récréatives,  comme  peuvent  estre  cerfs 
volans,  viédazes  ^  empennés,  centaures  à  cul 
pelé,  oisons  bridez,  cannes  bastées,  et  autres 
semjjlables,  entre  lesquelles  on  a  accoustumé  de 
laisser  un  petit  vuide  quarré  pour  y  escrire  en 
lettres  d'or  ou  d'azur  le  nom  de  la  drogue  *  ». 
Mais,  peu  à  peu,  les  boutiques  deviennent  plus 
claires  et  plus  vastes  ;  on  les  décore  de  boiseries 
finement  travaillées,  et  les  silènes  sont  remplacés 
par  d'élégants  tiroirs  rangés  méthodiquement 
autour  de  la  pièce  ^. 

Les  apothicaires  étaient  alors  régis  par  des 
statuts  qui  leur  avaient  été  octroyés  le  28  no- 
vend)re  1638,  et  qui  pendant  plus  d'un  siècle 
servirent  de  base  à  tous  les  règlements  concernant 
l'exercice  de  la  pharmacie. 

Les  apothicaires  continuaient  à  former  avec  les 
épiciers  un  seul  et  même  corps,  dont  l'importance 
était  depuis  longtemps  reconnue,  puisqu'il  occu- 
pait le  deuxième  rang  parmi  les  Six-corps  •». 

Bien  que  composant  un  seul  métier  et  soumis 
aux  mêmes  statuts,  distinction  était  faite  entre 
\es  apot/iicaires-ej)iciers  et  les  simples  marchands 
épiciers. 

Lu  durée  de  l'apprentissage  était  de  quatre  ans 
pour  les  premiers,  de  trois  ans  seulement  pour 
les  seconds.  Muni  de  son  brevet  d'apprentissage, 


>  oy.  Hazon,  KIoge  historique  de  la  Faculté  de  médecine, 
\).  57. 

*  Habolais,  Gargantua,  liv.  I,  prologue. 

3  Traduction  du  mot  latin   t.reirum.    Voy.    Ducange, 
aux  mots  trclis  l't  rirga. 

*  Œuvres  pharmaceutiques,  p.  482. 

5  Noy.  larliclc  Houti(iues. 

6  Voy.  col  article. 


APOTHICAIRES  —  APPAREILLEURS 


21 


le  jeune  homme  devait  encore  servir  comme 
compagnon  pendant  six  ans  s'il  voulait  devenir 
apothicaire-épicier,  pendant  trois  ans  seulement 
s'il  bornait  son  ambition  ù  s'établir  marchand 
épicier.  En  ce  qui  touche  ce  dernier,  ses  six  ans 
de  service  accomplis,  il  devait,  comme  dans 
toutes  les  autres  corporations,  suliir  un  examen 
et  parfaire  un  chef-d'ceuvre,  conditions  indis- 
pensables pour  pouvoir  obtenir  la  maîtrise. 

On  exigeait  davantage  de  l'aspirant  au  titre 
d'apothicaire-épicier.  Avant  même  d'être  reçu 
apprenti,  il  lui  fallait  comparaître  devant  les 
jurés  de  la  corporation,  «  pour  connoître  s'il  a 
étudié  en  grammaire,  et  s'il  est  capable 
d'apprendre  ledit  art  ».  Puis,  quand  il  avait 
achevé  ses  quatre  ans  d'apprentissage  et  ses 
six  ans  de  campagnonnage,  il  subissait  un 
examen  en  présence  des  jurés,  du  professeur  de 
pliarmacie  à  la  Faculté  de  médecine  et  de  tous 
les  maîtres  composant  la  corporation.  Cette 
épreuve  durait  trois  heures,  pendant  lesquelles 
le  candidat  était  interrogé  par  neuf  maîtres 
désignés  à  cet  effet.  Ils  rendaient  leur  arrêt  à  la 
pluralité  des  voix.  S'il  était  favorable,  l'aspirant 
était  admis  à  Vacte  des  herbes  :  on  lui  présentait 
une  foule  de  substances  médicinales,  dont  il 
devait  indiquer  le  nom  et  les  vertus.  Venait 
enfin  le  c/ie/'-r/'œKivr  proprement  dit.  Le  candidat 
confectionnait  cinq  préparations  importantes,  et 
dissertait  sur  toutes  les  drogues  qu'il  y  avait  fait 
entrer. 

Comme  dansies  autres  corps  de  métier,  les  fils 
de  maîtres  étaient  privilégiés.  Chez  les  marchands 
épiciers,  on  les  dispensait  du  chef-d'œuvre, 
chez  les  apothicaires-épiciers,  l'épreuve  la  plus 
difficile,  l'acte  des  herbes,  leur  était  épargnée. 

Les  veuves  de  maîtres  pouvaient  continuer  le 
commerce  de  leur  mari,  à  la  seule  condition  «  de 
prendre  et  de  tenir  en  leurs  boutiques  un  bon 
serviteur,  expert  et  connoissant  au  fait  dudit  art 
et  marchandise  ». 

Il  était  défendu  aux  épiciers  comme  aux 
apothicaires  d'  «  employer  en  la  confection  de 
leurs  médecines,  drogues,  confitures,  conserves, 
huiles  et  sjrops,  aucunes  drogues  sophistiquées, 
éventées  ou  corrompues,  ni  mêler  ou  employer 
en  leurs  ouvrages  de  cire  aucune  vieille  cire 
avec  la  neuve,  ni  aux  ouvrages  de  sucres  vieux 
sjrops  ».  Le  délinquant  était  condamné  à 
cinquante  livres  d'amende,  et  la  marchandise 
défectueuse  était  brûlée  devant  la  porte  de  sa 
boutique. 

La  corporation  était  administrée  par  six  gardes 
ou  jurés,  trois  d'entre  eux  choisis  parmi  les 
marchands  épiciers,  les  trois  autres  parmi  les 
apothicaires-épiciers.  Le  mode  de  leur  élection 
varia  sans  cesse.  Tantôt  la  communauté  tout 
entière  y  prit  part,  tantôt  chacun  des  deux  corps 
se  réserva  la  nomination  de  ses  propres  gardes. 

Les  gardes  devaient  être  «  élus  et  choisis 
gens  de  probité  et  d'expérience,  non  notés  ni 
diffamés  ».  Ils  étaient  tenus  de  visiter,  au 
moins  trois  fois  par  an,  la  boutique  de  chaque 
maître.  Ils  procédaient  en  outre,  et  cela  chez 
tous  les  marchands  de  Paris,  à  la  visite  des 
balances  et  des  poids. 


De  temps  immémorial,  la  corporation  était 
dépositaire  de  l'étalon  des  poids.  Elle  comptait 
parmi  ses  privilèges  celui  de  contrôler  les 
ustensiles  de  pesage  employés  par  tous  les 
commerçants  qui  débitaient  des  avoir  de  poids  ^ , 
c'est-à-dire  des  marchandises  vendues  au  poids. 

Une  Déclaration  du  14  mai  1724  reconnut 
implicitement  aux  apotliicaires  le  droit  de  visiter 
les  malades  en  l'absence  d'un  médecin  ^. 
Louis  XVI  fit  pour  eux  plus  encore.  La 
Déclaration  du  25  avril  1777  ^  les  sépara  enfin 
des  épiciers,  et  les  constitua  en  une  corporation 
indépendante,  autorisée  à  prendre  le  titre  de 
collège  de  pharmacie. 

Le  commerce  de  l'épicerie  leur  fut  dès  lors 
interdit.  Ils  furent  «  tenus  de  se  renfermer  dans 
la  confection,  préparation,  manipulation  et  vente 
des  drogues  simples  et  compositions  médici- 
nales ».  Les  épiciers  conservaient  «  le  droit  de 
faire  le  commerce  en  gros  des  drogues  simples, 
sans  qu'ils  puissent  en  vendre  et  débiter  au  poids 
médicinal,  mais  seulement  au  poids  du  com- 
merce ». 

Il  était  désormais  interdit  aux  «  communautés 
séculières  ou  régulières,  même  aux  hôpitaux  et 
religieux  mendiants,  d'avoir  une  pharmacie, 
si  ce  n'est  pour  leur  usage  particulier  ».  Toute 
vente  de  drogue  faite  par  eux  devait  être  punie 
d'une  amende  de  cinq  cents  livres. 

Le  nombre  des  maîtres  apothicaires,  qui  se 
montait  à  108  en  1754,  était  tombé  à  89  en 
1758,  et  à  84  en  1773. 

Séb.  Mercier  écrivait  en  1783  :  «  On  croit 
moins  aujourd'hui  aux  médecins.  Les  apothicaires 
se  ruinent,  on  ne  court  plus  comme  autrefois  aux 
poisons  multipliés  de  leurs  boutiques  meur- 
trières *  ». 

Il  y  avait  cependant  encore  87  maîtres 
pharmaciens  à  Paris  en  1787.  Leur  collège  était 
installé,  depuis  1777,  dans  la  rue  de  l'Arbalète, 
sur  partie  de  l'emplacement  d'un  hôpital  qui 
avait  été  fondé  en  1576  par  Nicolas  Houel, 
apothicaire  royal.  On  y  voyait  plusieurs  salles 
de  cours,  un  laboratoire,  un  cabinet  d'histoire 
naturelle  et  un  très  beau  jardin  botanique. 

La  corporation  avait  pour  patron  saint  Nicolas, 
«  à  cause,  écrit  Sauvai,  que  leurs  marchandises 
viennent  par  mer  et  par  le  moyen  des  pilotes  et 
mariniers  dont  saint  Nicolas  est  encore  le  patron, 
ou  à  cause  du  tombeau  de  saint  Nicolas,  évêque 
de  Mirre  ^,  d'où  il  sort  une  huile  qui  opère  de 
merveilleuses  guérisons  ^  ».  * 

Voy.  Aides  -  apothicaires.  —  Bouti- 
ques. —  Droguistes.  —  Maître  des 
apothicaires.  —  Spécialités  pharma- 
ceutiques, etc. 

Appareilleurs.  Dans  la  langue  spéciale  à 
plusieurs  métiers,  ce  mot  signifiait  apprêlewrs. 

1  Voy.  cet  article. 

2  Dans  Isambert,  Anciennes  lois  françaises,  t.  XXI, 
p.  265. 

3  Deins  Isambert,  Anciennes  lois  françaises,  t.  XXIV, 
p.  389. 

4  Tableau  de  Paris,  t.  IV,  p.  323. 

5  Myre,  dans  la  Lycie. 

•5  Recherches  sur  Paris,  t.  II,  p.  473. 


22 


APPAREILLE  URS  —  APPRENTI 


C'est  ainsi  que  l'emploient  les  bonnetiers  et  les 
chapeliers. 

Mais  l'on  nommait  plus  spécialement  alors, 
et  l'on  nomme  encore  aujourd'hui,  appareilleur 
l'ouvrier  qui  prépare  le  travail  aux  tailleurs  de 
pierre,  choisit  celles-ci.  et  y  indique  le  tracé  à 
suivre  pour  la  coupe. 

Le  mot  appareilleur  semhl»  aussi  avoir  dési«j^né 
une  sorte  d'avoué  ou  d'avocat  intervenant  dans 
les  procès.  C'est  au  moins  ce  que  paraît  révéler 
une  ancienne  coutume  d'Amiens,  dont  un  long 
extrait  a  été  publié  par  Ducange  an  mot  cmnpin. 

La  Taille  de  1292  cite  deux  appareilleurs, 
celle  de  1300  en  mentionne  trois. 

Appareilleuses.  Voy.  Apparieuses. 

Apparieuses.  Femmes  qui  s'occupaient, 
rjratuitpmpnt  ou  non,  de  conclure  des  mariages. 
•<  l'ni^  marieuse  de  gens,  on  appelle  cela 
vulgairement  vme  apparieuse  »,  écrit  Tallemant 
des  Réiiux  '. 

Voir,  dans  Le  rnman  hourgeoU  -,  le  Tarif  ou 
érnlv.alinn  des  parus  sorla/des  pour  faire  faci- 
lement les  mariages. 

On  trouve  aussi  appareilleuses. 

Appariteurs.  Voy.  Bedeaux  et  Mas- 
siere. 

Appétits  (Crieuses  d').  «  Les  femmes  qui 
revendent  par  les  rues  de  Paris  sur  des  paniers 
qu'on  nomme  inventaires  •',  appellent  apétit  les 
harengs  sorez  et  les  raves.  En  criant  les  raves, 
elles  di.sent  simplement  apélis,  et  en  criant  les 
harengs  sorez,  elles  crient  ape'fit ,  crarpcelo! 
npe'til  *  ».  Craquelot  était  un  autre  nom  du 
hareng  saur. 

Voy.  Harangères. 

Applanisseurs.  Nom  donné  aux  catis- 
seurs,  aux  retundinirs  de  drap,  etc. 

Appotiquaires.   \(>y.  Apothicaires. 

Apprenti  Rachat  ue  l').  L'apprenti  se 
nii-hitail  (juand  son  maître  consentait  à  le 
libérer  par  anticipation,  à  le  tenir  quitte  du 
temps  pour  lequel  il  s'était  engagé  a  servir  ; 
mais  jusqu'à  ce  que  ce  temps  fût  entièremenl 
écoulé,  \o  innîlrc  n'avait  pas  le  dinit  de  prendre 
un  nouv'l  appronli. 

Voy.  Apprentissage. 

Apprenti  (\  k.mk  oi;  t:i.;.s.siON  de  l').  Un 
Hiailr.-  vriidfiil  son  appr.'uli  lorsqu'il  le  cédait, 
m..yiMuwinl  une  M.iunu'  del<Tmiuér,  «  mi  autre 
maiire  pour  h-  temps  qu<' Tapprc-nti  restait  devoir. 
I^  vrntr  n'elail  aulorisén  qu,.  dans  quatre  cas: 

l"  Quand  le  matlre  olail  retenu  au  lit  piir  une 
grave  mnlndjp. 

2"  Quand  il  partnilm  pèlerinage  pour  un  lieu 
consacH". 


•  HitlorUtIn.  I.  VI.  p.  Hr. 
'  l-Mil.  rlidvir.,  p.  B3. 

*  RichHct,  tiietionnnirt  frnifoù,  l.  1,  p.  68. 


W"  Quand  il  renonçait  au  métier. 

4"  Quand  il  tombait  dans  l'indigence. 

«  Nus  ne  puet  vendre  son  aprentiz,  se  il  ne 
gist  à  lit  de  langueur,  ou  il  ne  va  outre  mer,  on 
il  ne  lesse  le  mestier  du  tout,  ou  il  ne  le  fet  par 
poverté  ^  ». 

Le  maître  qui  vendait  son  apprenti  ne  pouvait 
en  prendre  un  autre  avant  l'expiration  du  temps 
pour  lequel  il  avait  engagé  le  premier,  lors 
même  que  sa  situation  modifiée  lui  eût  permis 
de  le  l'aire. 

Les  forcetiers  décidèrent  en  1291  qu'un  maître 
ne  pourrait  vendre  son  apprenti  qu'après  l'avoir 
irardé  au  moins  un  an  et  un  jour.  Cette  mesure 
avait  pour  objet  de  mettre  fin  à  une  spéculation 
que  les  statuts  racontent  tout  au  long,  et  qui 
est  intéressante  à  connaître.  Il  était  arrivé, 
paraît-il,  que  des  ouvriers  forcetiers  admis  à  la 
maîtrise  avaient  pris  un  apprenti  et  l'avaient 
vendu  quelques  semaines  plus  tard.  L'argent  de 
la  vente  une  fois  touché  et  joyeusement  dépensé, 
ces  maîtres  abandonnaient  leur  atelier  et  se 
replaçaient  comme  valets  -. 

L'expression  vendre  so?i  apprenti  n'était  plus 
en  usage  au  seizième  siècle.  On  le  cédait,  ce 
qui  revenait  au  même,  et  dans  les  mêmes 
circonstances  qu'auparavant.  Nul,  disent  les 
couteliers,  ne  peut  céder  son  apprenti  «  s'il  ne 
gît  au  lit  malade  en  langueur,  ou  s'il  ne  laisse 
le  métierdu  tout,  ou  s'il  ne  le  fait  par  pauvreté  ^  ». 
Un  siècle  plus  tard,  on  se  bornait  à  prévoir  «  les 
cas  de  nécessité  ou  autre  accident  inopiné  *.  ». 
On  ne  larda  pas  à  abuser  de  cette  tolérance,  et 
les  tabletiers  en  1741  ^  n'autorisent  un  maître  à 
céder  son  apprenti  qu'après  l'avoir  gardé  un  an 
au  moins.  Si  le  maître  abandonnait  le  métier, 
les  jurés  se  chargeaient  de  replacer  l'apprenti. 

Voici  la  formule  d'un  acte  de  cession  au 
dix-septième  siècle  "  : 

«  Pahdevant  nous  conseillers  du  Rov, 
notaires  à  Paris  soussignez,  furent  présens 
Sébastien  Lebrun  et  François  Gandin,  maisires 
savetiers  à  Paris  et  jurez  en  charge  dudit  mestier. 
Lesquels,  en  la  présence  de  Girard  Mercier, 
aussy  maistre  savetier  à  Paris,  ont  par  ces 
préseutes  ceddé  et  transporté  à  Estienne  Cham- 
pagne. i]t\  pareille  profession,  demeurant  rue  de 
Sève  ',  parroisse  Saint-Sulpice,  à  ce  présent,  les 
vingt-un  mois  qui  restent  à  expirer  du  l)revet 
d'apprentissage  de  Jean  Balleux  avec  Guillaume 
le  Roux,  aussy  maistre  savetier,  passé  devant 
Dronel  et  Barbon,  notaires  ài  Paris,  le  vingt- 
deux  janvier  MDC  quatre-vingt-six,  depuis  céddé 
par  les  jurez  diulit  mestier  au  sieur  Mercier,  par 
acte  passé  devant  Valel  et  son  collègue,  no- 
taires, le  troisième  septembre  audit  an.  Pendant 


•  Lirrr  il, s  mr'/icrs,  tiln"  XVII,  art.  3.  —  Voy.  aus.si 
liUv  XXI,  iirt  8  ;  litre  XXX,  art.  0  ;  titre  XLIII,  art.  3  ; 
litre  I.XXXVII,  art.  14. 

*  (î.  Deppinf;,  Ordonniiiicfs,  p.  359. 
•■'  Statut.s  (le  U^m,  art.  3. 

l  Chapeliers,  statuts  de  1658,  arf.  18. 

•"■   Article  9. 

J;  Oripinal  sur  papier  appartenant  à  1  auteur. 

'   Hue  de  Sèvres. 


APPRENTI  —  APPRl^TNÏISSAGl-: 


23 


lesquels  vingt-un  mois  restans,  ledit  Champagne 
promet  luy  enseigner  son  mestier  et  luy  fom-nir 
les  logemens  et  alimens  nécessaires. 

Ce  fait,  en  la  présence  de  Jeanne  Saradin, 
femme  soj  disant  autorisée  de  Jean  Balleux, 
rôtisseur  à  Paris,  père  et  mère  dudit  Jean 
Balleux  apprenty,  et  d'iceluj  Jean  Ballenx  fils. 
Laquelle  Saradin  a  reconnu  que  le  dit  Mercier 
luj  a  rendu  sept  livres  dix  sols,  des  quinze  livres 
qu'il  avoit  receues  en  conséquence  du  transport 
d'apprentissage  :  dont  quittance.  Et  le  surplus 
estant  resté  audit  sieur  Mercier,  pour  son 
dédommagement.  Et  a  esté  convenu  pour  ces 
présentes  à  la  somme  de  dix-huit  livres,  moitié 
de  laquelle  ledit  sieur  Champagne  a  reconnu 
avoir  receu  de  ladite  Saradin,  dont  il  la  quitte. 
Et  quant  à  l'autre  moitié,  elle  promet  et  s'oblige 
la  bailler  et  payer  audit  Champagne  dans  un  an 
d'huy  prochain. 

Fait  et  passé  à  Paris,  es  estudes,  le  vingt-cinq 
avril  MDC  quatre  vingt  sept.  Et  ont  déclaré  ne 
savoir  escrire  ny  signer,  de  ce  enquis,  ainsy 
qu'il  est  dit  en  la  minute  des  présentes  demeurée 
à  Couvreur,  notaire. 

Garxier.  Couvreur  ». 

Voy.  Apprentissage. 

Apprentis  marchands.  Audiger  décrit 
ainsi  les  obligations  qui  leur  incombaient  : 
«  Le  devoir  d'un  apprenti  marchand  est  d'avoir 
soin  d'ouvrir  la  boutique  le  matin  et  de  la  fermer 
le  soir,  la  bien  nettoyer,  y  mettre  les  tapis  et 
autres  étalages  le  matin,  et  les  ôter  le  soir,  bien 
balayer  devant  la  porte,  aller  promptement  où  le 
marchand  l'envoie,  soit  pour  porter  ou  quérir 
des  marchandises  chez  les  ouvriers  ou  chez 
d'autres  marchands  ;  s'étudier  à  bien  connoître 
la  marque  du  marchand,  les  prix  et  numéros  des 
marchandises,  afin  qu'en  son  absence  et  des 
garçons,  il  en  puisse  vendre  à  ceux  qui  viennent 
pour  en  acheter,  et  prendre  garde  de  ne  point  se 
tromper  sur  les  qualités  et  valeurs  d'icelles 

Il  doit  aussi  apprendre  à  bien  auner,  mesurer 
et  peser,  bien  vendre  et  bien  livrer,  et  ne  se 
point  tromper  dans  les  prix  et  dans  le  débit  des 
marchandises,  bien  obéir  à  son  marchand,  et 
s'appliquer  sérieusement  à  tout  ce  qui  regarde 
le  commerce  qu'il  veut  apprendre.  Ne  se  point 
amuser  à  faire  des  bassesses,  comme  de  laver  la 
vaisselle ,  promener  et  amuser  des  enfans. 
nettoyer  les  souliers  et  autres  vilenies  qu'on 
pourroit  lui  faire  faire  ;  car  on  ne  le  met  pas  en 
apprentissage  pour  cela...  *  ». 

Apprentissage. 

I.  Dès  l'origine,  les  corporations  comprirent 
toute  l'importance  de  l'apprentissage.  Il  tient 
une  grande  place  dans  les  statuts  primitifs  de 
chacune  d'elles,  et  l'on  va  voir  avec  quel  soin 
cette  grave  question  fut  réglée  aux  treizième  et 
quatorzième  siècles. 

Aucune  condition  de  naissance  ni  d'âge  n'était 
alors  imposée  à  l'apprenti.   On    n'exigeait   pas 


1   Ln 


rrfjlée  (lOya),  liv.  m,  chap.  4. 


qu"il  fût  enfant  légitime,  et  les  statuts  ne  déter- 
minent ni  au-dessous,  ni  au-dessus  de  quel  âge  il 
pouvait  être  engagé.  Ce  qui  prouve  que  l'on 
commençait  souvent  le  métier  assez  tard,  c'est 
qu'une  règle  invariable  interdisait  d'accepter  un 
apprenti  marié.  Mais  comme  l'apprentissage  était 
long,  il  arrivait  que  l'enfant,  devenu  homme 
avant  d'avoir  achevé  son  temps,  se  mariait  ;  il 
avait  alors  le  droit  de  diner  et  de  souper  dans  sa 
demeure,  et  le  maître  lui  devait  pour  ces  deux 
repas,  «  pour  sa  penture  *,  »  quatre  deniers  -, 
soit  deux  francs  peut-être  de  notre  monnaie. 

Dans  quelques  communautés,  l'apprenti,  avant 
d'être  admis  à  l'atelier,  jurait  solennellement  sur 
les  reliques  des  saints,  «  sus  seinz,  »  de  toujours 
observer  les  statuts  du  métier  qu'il  allait 
apprendre.  C'était  beaucoup  demander  à  un 
enfant  ;  mais  ce  serment  constituait  le  petit 
personnage  membre  de  la  corporation,  et  nous 
allons  voir  que  son  maître  était  tenu  de  le  traiter 
comme  tel. 

Les  statuts  ne  manquent  jamais  d'indiquer  le 
nombre  d'apprentis  que  les  maîtres  avaient  le 
droit  de  posséder,  le  temps  et  le  prix  de  l'appren- 
tissage. 

Quelques  corporations  permettaient  un  nombre 
illimité  d'apprentis  ;  mais  on  n'y  abusait  guère 
de  ce  privilège,  et  en  général  les  statuts  n'admet- 
tent pas  qu'un  maître  puisse  avoir  à  la  fois  plus 
d'un  apprenti.  La  mesure  était-elle  prise  dans 
l'intérêt  de  ce  dernier  ?  Les  liniers  l'affirment  : 
«  Qui  plus  d'aprentices  prendroit  que  une,  ce  ne 
seroit  pas  li  profiz  aus  mestres  ne  aus  aprentices 
meesmes,  car  les  mestreises  sont  assez  charchiées^ 
en  aprendre  bien  une  *  ».  Les  statuts  des  laceurs 
et  des  crépiniers  confirment  cette  assertion. 
Le  maître  laceur  qui  était  célibataire  ou  dont  la 
femme  ne  travaillait  pas  ne  pouvait  avoir  qu'un 
seul  apprenti,  «  mes  se  li  sire  ^  et  la  famé  fesoient 
le  mestier,  ils  pourroient  avoir  deux  aprentis  •*  ». 
Les  crépiniers  le  déclarent  encore  plus  claire- 
ment '^.  On  n'accordait  aux  maîtres  maçons  qu'un 
seul  apprenti,  mais  on  en  permettait  deux  aux 
jurés  ^,  toujours  choisis  parmi  les  maîtres  les 
plus  intelligents  et  les  plus  habiles. 

Ces  témoignages  prouvent  de  la  part  des 
corporations  une  grande  sollicitude  pour  l'ap- 
prenti et  pour  l'apprentissage.  Il  est  cependant 
certain  que,  fidèles  aux  idées  économiques  de 
l'époque,  elles  limitaient  le  nombre  des  apprentis 
afin  de  limiter  celui  des  maîtres,  de  le  maintenir 
dans  une  proportion  à  peu  près  constante,  et  de 
restreindre  ainsi  autant  que  possible  la  concur- 
rence. 

Elles  poursuivaient  encore  et  surtout  un  autre 
but  :  elles  voulaient  favoriser  l'apprentissage  des 
enfants  dans    la    famille,   et  empêcher  qu'une 


1  Sa  pâture,  sa  nourriture. 

2  Litre  des  métiers,  t.  IjXXXIII,  art.  7. 

3  Chargées.    N'ont  pas  trop  de  temps  pour  en  bien 
instruire  une. 

4  Livre  des  me'/iers,  titre  LYII,  art.  4. 
^  Le  maître. 

6  Livre  des  métiers,  titre  XXXIV,  art.  3. 

"î  Livre  des  métiers,  titre  XXXVII,  art.  2  et  3. 

8  Livre  des  métiers,  titre  XLVIII,  art.  6. 


24 


APPRENTISSAGE 


maison  passât  entre  les  mains  d'étrangers. 
En  effet ,  même  dans  les  corporations  qui 
accordaient  deux  et  trois  apprentis  à  chaque 
maître,  les  enfants  de  celui-ci  n'étaient  jamais 
compris  dans  le  nombre.  A  cet  égard,  les  statuts 
s'expriment  ordinairement  en  ces  termes: 
«  Nus  ne  puet  avoir  en  ce  mestier  que...  aprentiz 
tant  seidement,  se  ce  ne  sont  ses  enfans  nez  de 
loial  niaria"-e  ^  ».  Ce  droit  n'appartenait,  bien 
entendu,  qu'aux  enfants  légitimes,  maisla plupart 
des  corporations  retendaient  à  bien  d'autres 
membres  de"la  famille.  Les  fondeurs  d'étain  ^,  les 
alachiers  3,  les  fileuses  de  soie  à  grands  fuseaux  *, 
les  tapissiers  ^,  les  sculpteurs  "î,  les  selliers  ^, 
les  tisserands  ^  pouvaient  avoir  à  la  fois  comme 
apprentis  leurs  enfants  et  ceux  de  leur  femme. 
Les  boucliers  de  laiton  et  les  crépiniers 
apportaient  une  restriction  à  ce  principe,  ils 
n'admettaient  les  enfants  de  leur  femme  que  si  le 
premier  mari  de  celle-ci  avait  été  du  métier  "  ou 
si  elle-même  l'exerçait  ^''. 

Les  charpentiers  vont  plus  loin.  Chaque  maître 
peut  avoir  pour  apprentis  son  iils,  son  neveu  et 
l'enfant  appartenant  à  sa  femme  '^. 

Les  foulons  acceptent  leurs  enfants,  leurs 
frères,  les  enfants  et  les  frères  de  leur  femme  ^-. 
Il  est  interdit  à  tout  maître  drapier  d'avoir 
chez  soi  plus  de  trois  métiers  ;  mais  on  l'autorise 
à  recevoir  sous  son  toit  ses  enfants,  un  frère  et  un 
neveu,  et  ù  confier  à  chacun  d'eux  encore  trois 
métiers.  La  règle  est  stricte  et  les  statuts  insistent 
surce  point  :  «  Ne  pour  nul  âme  ne  les  (les  métiers) 
piiel  il  avoir,  se  il  n'est  ses  fuiz  ou  ses  frères  de 
par  père  ou  de  par  mère,  ou  filz  de  son  frère  ou 
de  sa  seur  de  leau  (lojal)  mariage  '^  ». 

Le  dernier  mot  resloaux  orfèvres,  qui  ne  font 
d  exception  pour  au«un  parent  :  «  Nuz  orfèvres 
ne  puet  avoir  que  un  aprenti  estrange,  mes  de 
son  lignage  ou  du  lignage  de  sa  famé,  soit  de 


•  Litrt  de»  mtliert^  lilre  XXI,  art.  3  ;  titre  XXX, 
nrl.  2;  tiln-  LVll,  art.  1;  tilro  LXVIII,  arl.  2;  titre 
lAM.  arl.  'l  ;  lilre  LXXXIII,  arl.  4  ;  liln>  LXXXVII, 
art.  3  :  ••le,  f>lr. 

'  «  .Sus  moncslrous  (inaîtn.s)  no  puel  ne  ne  doit  avoir 
que  un  a|>r>-nli7.  tant  wiilement,  .se  ce  ne  sont  si  enfant 
f>u  ii  •■nfaut  «le  Ka  famé,  ne  de  loial  iiiariaf,'e  ».  Livre  des 
métiers,  tilr.-  XIV,  nrl.  2. 

'  Litre  dtt  métiers,  titn-  XXV,  nrl.  5.  —  Les  ata- 
ehien*  fitimiient  di  s  unlillons  jiour  U'H  boucles,  do  iielits 
«"'""^    '    '  ■■^-  destines  aux  ceinlure.s. 

•  de  .soie  à  (jj-rnns  fuisenus  ne  |iuet 
"''  '  .  ''"is  njirenlii'e.s  tant  .seulement,  .se 
ce  n>'  i"-i»l  ni  iiifiiiit  DU  Ii  enfnnt  de  «on  .sei^eiir  (mari), 
el  cIp  lenn  (I«ynl)  niariatre  ».  Litre  des  méfier.'!,  titre 
XXXV.  nrl    2. 

»  Litre  des  métiers.  |iir„  I.l,  nrl.  2,  i-t  \i\vr  1,11,  arl.  2. 

'■    ''■-  ■' '  --     titre  I,XI.  art.  A. 

lilr.'  I.XXVIII.  art.  25. 
1  nvtiir  i>u  dit  nn-.slier  ajirenliz  île  sa 

•  '"'  "««r.  d.'  »a  fnmille)   ei  de  ln  char  d.«  sa 
fa"  '>•"!  «•'••'Mtujtdit  ».  D.-i.T.inir,  Orr/oH;;rt«,w, 

9  «  guironquen  .'Hi  bouclirra  de  lolon.  il  pu-l  avoir 
""."'  " "■' '.    P"  P<"  ne  ^ont  .si  .•nfant  nu  ii 

•  "'  que  Hon  si'ipi.ur  ail  esté  du 
"",;                                        '.  litre  XXII,  art.  5. 

«  '"^   '^«  l«iue  est  du  mcstior  ».    Litre  des  métiers, 
U\re  XXW  11.  nrf    2. 

"   '"■■  titr,-  XÎAII,  art.  2. 

"   ''  '  ••  lilr-  1,111,  art.  2  et  4. 

"  .....,,,  lilrn  L,  art.  4  et  6. 


loing,  soit  de  près,  en  puet  il  avoir  tant  corne  il 
Ii  plaist  *  ». 

l<]n  fait,  c'était  là  interdire  le  métier  à  tout 
étranger,  et  en  même  temps  rendre  le  nombre 
des  apprentis  illimité.  Aussi,  dès  1355,  un  édit 
du  mois  d'août  ne  permit  plus  aux  orfèvres 
d'avoir,  en  dehors  de  leur  apprenti  étranger, 
qu'un  parent  du  côté  du  mari  et  un  du  côté  de  la 
femme.  Treize  ans  plus  tard  ^,  on  n'en  autorise 
plus  qu'un  seul.  Chez  les  foulons,  d'abord 
presque  aussi  exclusifs  que  les  orfèvres,  les  statuts 
de  1443  ^  accordent  à  chaque  maître  deux 
apprentis  étrangers,  et  n'admettent  en  outre  que 
son  fils  ou  son  frère.  A  dater  du  seizième  siècle, 
il  n'y  a  plus  guère  de  privilège  que  pour  les 
enfants  du  maître. 

Les  apprentis  appartenant  à  la  famille  étaient 
dispensés  de  presque  toutes  les  redevances 
imposées  aux  autres  membres  de  la  corporation. 
Ils  n'avaient  rien  à  payer  non  plus  au  fisc  s'ils 
prenaient  rétabli.ssement  :  celui-ci  était  censé 
n'avoir  pas  changé  de  propriétaire. 

Au  cours  de  la  dernière  année  de  service  d'un 
apprenti,  le  maître  avait  le  droit  d'en  prendre  un 
nouveau  en  sus  du  noinbre  fixé,  afin  d'être  siir 
de  n'en  point  manquer.  Les  émailleurs  d'orfè- 
vrerie, qui  rédigèrent  leurs  statuts  au  mois  de 
septembre  1309  ^,  fixèrent  la  durée  de  l'appren- 
tissage à  dix  ans,  mais  ils  autorisèrent  les  maîtres 
à  engager  un  second  apprenti  dès  que  le  premier 
aurait  tenuiné  sa  cinquième  année,  ce  qui 
revenait  à  adiuettre  deux  apprentis  au  lieu  d'un. 
Les  statuts  des  selliers  et  ceux  des  chapuiseurs 
nous  révèlent  xine  coutume  fort  touchante,  qui 
semble  n'avoir  pas  été  généralisée.  En  dehors  de 
ses  enfants  et  de  ceux  de  sa  femme,  un  maître 
sellier  devait  se  contenter  de  deux  apprentis  ; 
mais  il  était  autorisé  à  apprendre  le  métier  à  un 
troisième,  un  enfant  pauvre  accepté  par  charité, 
et  à  qui  il  ne  fallait  demander  ni  argent,  ni 
engagement  d'aucune  espèce  :  «  Nus  seliers  ne 
puet  avoir  que  deux  aprentis  à  son  inestier,  se  ce 
ne  .sont  si  enfant  ou  enfant  de  sa  famé,  ou  aucune 
povre  personne  à  qui  il  le  facent  pour  Dieu 
proprement,  sans  convenance  d'argent  ne  de 
service  ^  ». 

Après  les  pestes,  les  famines,  iléaux  qui 
venaient  presque  périodiquement  décimer  la 
population,  la  rareté  des  ouvriers  faisait  hausser 
le  prix  de  la  main-d'œuvre  et  permettait  aux 
commerçants  de  vendre  les  objets  de  première 
nécessité  à  des  prix  exagérés  ;  une  ordonnance 
royale  proclamait  alors  la  lilierté,  et  autorisait  les 
maîtres  à  avoir  un  nombre  illimité  d'apprentis. 
C'est  ce  qui  eut  lieu  en  juillet  1307,  en  janvier 
1322  et  en  janvier  1351.  Mais  le  .plus  souvent 
ces  ordonnances  restaient  à  peu  près  lettre  morte, 
et  lors  même  qu'elles  recevaient  un  commence- 


'    Llrrc  dis  métiers,  litre  XI,  art.  4. 

*  Ordonnance  de  1318. 

y  Dansle.s  Ordonnances  royales,  t.  X^'I,  p.  598,  art.  4. 
Litre  des  métiers,  titre  I,  art.  4. 

*  Dans  Fafrnioz,    Etudes  sur  Pindustrie,  pièces  justi- 
ficatives, p.  381. 

S  Litre  des  métiers,  titre  LXXVIII,  arl.  25,  et  titre 
LXXÎX,  art.  8. 


APPRENTISSAGE 


25 


ment  (rexécution,  on  revenait  aux  anciennes 
coutumes  dès  que  la  crise  était  passée. 

Parfois  aussi,  quand  le  nombre  des  maîtres  ou 
des  ouvriers  paraissait  trop  considérable,  on 
s'efforçait  de  restreindre  celui  des  apprentis. 
Les  teinturiers,  par  exemple,  pouvaient,  sous 
l'empire  de  leurs  premiers  statuts,  fixer  comme 
ils  l'entendaient  la  durée  de  l'apprentissage  ^  ; 
en  1287,  ils  s'engagèrent  à  exiger  désormais  de 
leurs  apprentis  au  moins  cin(j  ans  de  service  : 
«  et  cet  acort  ont  il  fet  por  ce  que  il  estoient  si 
chargié  de  grant  planté  de  vallès  ^,  que  souvente- 
foiz  il  en  demouroit  la  moitié  en  la  place,  qui  ne 
Irouvoient  où  gaagnier  '^  ». 

Dans  les  corporations  où  l'on  permettait  un 
nombre  illimité  d'apprentis  *,  chaque  maître 
réglait  à  sa  volonté  les  conditions  de  l'appren- 
tissage. Dans  les  autres,  le  temps  pour  lequel 
s'engageait  l'apprenti  et  la  somme  qu'il  devait 
payer  à  son  maître  étaient  fixés  par  les  statuts  de 
chacun  des  corps  de  métier. 

Ordinairement,  l'argent  tenait  lieu  de  temps  : 
plus  la  somme  versée  par  l'enfant  était  forte,  et 
plus  la  durée  du  service  était  limitée.  Ainsi,  chez 
les  drapiers,  l'enfant  sans  argent  devait  servir 
sept  ans,  laps  réduit  à  six  ans  pour  l'enfant  qui 
apportait  vingt  sous,  à  cinq  ans  pour  celui  qui 
donnait  soixante  sous,  et  à  quatre  ans  seulement 
pour  celui  qui  versait  quatre  livres  ^ .  Chez  les 
tapissiers  de  tapis  sarrazinois,  l'apprentissage 
était  de  dix  ans  pour  l'enfant  sans  argent,  de 
huit  ans  seulement  pour  celui  qui  pouvait  payer 
cent  sous  à  son  maître  ". 

La  durée  du  service  n'était  donc  pas  propor- 
tionnée à  la  difficulté  que  présentait  le  métier  ^. 

1  Livre  des  métiers,  titre  LIX,  art.   2. 

2  Grand  nombre  d'ouvriers. 

3  Depping,  Ordonnances,  p.  402. 

4  Le.s  corporations  où  chaque  maître  pouvait  régler  à 
son  gré  les  conditions  de  l'apprentissage  étaient  au 
nombre  de  quarante  environ.  Parmi  les  plus  importantes, 
je  citerai  les  archers  (faiseurs  crarcs),  les  batteurs 
d'étain,  les  batteurs  d'or,  les  boursiers,  les  cervoisiers, 
les  cordonniers,  les  fondeurs,  les  fripiers,  les  gantiers, 
les  huiliers,  les  maréchaux,  les  merciers,  les  meuniers, 
les  potiers  d'étain,  les  potiers  de  terre,  les  peintres,  les 
tailleurs,  les  teinturiers. 

^  Litre  des  métiers,  titre  L,  art.  8. 

6  Livre  des  métiers,  titre  LI,  art.  3. 

7  Elle  était  de  : 

2  ans  chez  les  cuisiniers. 

4  ans  chez  les  charpentiers,  les  charrons,  les  eordiers, 
les  couvreurs,  les  menuisiers,  les  tonneliers,  les  tour- 
neurs, etc. 

5  ans  chez  les  fourreurs  de  chapeaux. 

6  ans  chez  les  batteurs  d'archal,  les  chandeliers,  les 
couteliers  de  lames,  les  maçons,  les  pourpointiers,  les 
tailleurs  de  pierre,  etc. 

7  ans  chez  les  chapeliers  de  feutre,  les  crépiniers,  etc. 

8  ans  chez  les  brodeurs,  les  couteliers  de  manches, etc. 
10  ans  chez  les  forcetiers,  les  orfèvres,  etc. 

Les  boucliers  d'archal,  les  chapeliers  d'orfrois.  les 
épingliers,  les  laceurs,  les  liniers,  les  faiseurs  de  peignes, 
etc.,  exigeaient  8  ans  de  l'enfant  sans  argent,  6  ans 
seulement  de  l'enfant  qui  apportait  40  sous. 

Les  gainiers  exigeaient  9  ans  sans  argent,  8  ans  avec 
40  sous. 

liCS  boucliers  de  fer,  les  faiseurs  de  dés  à  coudre,  les 
boutonniers,  les  tabletiers,  les  tisserandes  de  soie,  etc., 
exigeaient  10  ans  sans  argent,  8  ans  avec  40  sous. 

Les  lapidaires,  les  joailliers  exigeaient  12  ans  sans 
argent,  10  an!5  avec  100  sous,  etc.,  etc. 


Les  cristaliers  *,  qui  gardaient  leurs  apprentis 
pendant  dix  ans  au  moins,  déclarent  bien  qu'on 
ne  saurait  en  moins  de  temps  connaître  assez  le 
métier  pour  l'enseigner  à  autrui  ^  ;  mais  au  fond, 
comme  je  l'ai  dit,  on  se  préoccupait  surtout  de 
rendre  l'apprentissage  long  et  cher,  afin  de 
favoriser  les  membres  de  la  famille  et  surtout  les 
fils  de  maître. 

Les  cliiffres  fixés  par  les  statuts  étaient  même 
un  minimum.  Les  maîtres  ne  pouvaient  faire 
à  l'apprenti  de  meilleures  condition»,  mais  ils 
avaient  toujours  le  droit  d'en  faire  de  plus  dures  : 
&  Mes  plus  service  et  plus  argent  puet  il  bien 
prendre  se  avoir  le  puet  •'  »,  telle  est  la  formule 
que  ne  manquent  pas  d'ajouter  les  statuts  après 
avoir  réglé  les  clauses  de  l'apprentissage. 

Ces  règles  présentent  bien  quelques  exceptions, 
que  rien  n'explique  et  qui  se  rattachent  sans 
doute  à  des  coutumes  fort  anciennes.  Ainsi,  chez 
les  boursiers  et  les  chapeliers  de  feutre,  chaque 
maître  ne  devait  avoir  qu'un  seul  apprenti,  et 
pourtant  il  réglait  à  son  gré  toutes  les  clauses  du 
contrat. 

Le  prix  de  l'apprentissage  devait  être  inté- 
gralement soldé  avant  l'entrée  de  l'enfant  dans 
l'atelier,  «  ains  que  il  mete  la  main  au  métier  », 
disent  les  statuts.  Néanmoins,  quelques  métiers 
qui  ne  voulaient  pas  admettre  le  principe  de  la 
gratuité,  avaient  songé  à  faciliter  le  paiement 
des  droits  qu'ils  exigeaient.  Chez  les  braaliers  de 
fil,  l'apprenti  pouvait  s'acquitter  en  remettant 
chaque  année  dix  sous  à  son  maître  ^.  Chez  les 
charpentiers,  où  l'apprentissage  durait  quatre 
ans.  l'enfant  donnait  six  deniers  par  jour  pendant 
la  première  année  ^. 

En  outre,  le  maître  et  l'enfant  versaient 
chacun,  dans  la  caisse  de  la  confrérie,  une 
somme  qui  variait  entre  douze  deniers  et  dix  sous, 
mais  qui  le  plus  souvent  était  fixée  à  cinq  sous. 

IL  Avant  d'aller  plus  loin,  voyons  quels 
changements  les  siècles  apportèrent  à  cette 
organisation. 

Les  principes  sur  lesquels  elle  est  fondée  ne 
varièrent  en  aucun  temps,  mais  l'application 
qu'on  en  fit  rendit  peu  à  peu  dure  et  oppres- 
sive la  condition  de  l'apprenti.  A  mesure  que 
l'industrie  se  développe,  le  nombre  des  ouvriers 
augmente,  et  l'atelier  perd  son  caractère  familial. 
L'apprenti  cesse  d'être  en  rapport  direct  avec 
son  maître.  L'institution  du  compagnonnage, 
qui  crée  un  degré  de  plus  dans  la  hiérarchie 
corporative,  le  soumet  à  l'otivrier,  en  même 
temps  qu'elle  retarde  le  moment  où  il  pourra 
aspirer  à  la  maîtrise.  Puis,  sur  le  chemin  qui  y 
mène,  les  obstacles  s'accumulent  sans  cesse  en 
face  de  r.apprenti  réduit  à  faire  valoir  seulement 
son  habileté  professionnelle.  Je  reviendrai  sur 
tout  cela.  Je  veux  surtout  ici  exposer  les 
modifications  introduites  dans  les  statuts  rédigés 
aux   treizième    et   quatorzième    siècles,    et   ces 


1  Lapidaires. 

2  Livre  des  métiers,  titre  XXX,  art.  5. 

3  Livre  des  métiers,  titre  LL  art.  3. 

4  Livre  des  métiers,  titre  XXX,  art.  4. 

^  Livre  des  métiers,  titre  XL VII,  art.  2. 


26 


appri-:ntissage 


les 


modifications  offrent  une  si  grande  variété 
suivant  les  temps  et  les  corps  de  métier,  qu'en 
pareille  matière  on  ne  saurait  g-énéraliser  qu'aux 
dépens  de  la  vérité.  Force  m'est  donc  de  passer 
encore  une  fois  en  revue  la  nomenclature  très 
aride  des  lois  qui  régissaient  le  contrat  d'appren- 
tissage. 

Les  lapidaires,  au   seizième   siècle,    donnent 

;  mêmes  droits  à  l'enfant  naturel  et  à  l'enfant 
légitime  ^  Les  crieurs,  au  dix-septième,  exigent 
que  l'apprenti  soit  «  naj  en  légitime  mariage  '  ». 
Les  lapi.ssiers  tiennent  en  outre  à  ce  qu'il  soit 
«  de  bonne  famille  et  de  probité-"'  ». 

Au  seizième  siècle  apparaît  la  limite  d'âge. 
Les  orfèvres  ne  veulent  pas  engager  d'apprentis 
au-des.sous  de  dix  ans  ni  au-dessus  de  seize*. 
Au  dix-septième,  un  arrêt  du  Conseil  d'Etat-' 
interdit  aux  limonadiers  de  prendre  aucun 
apprenti  ayant  dépassé  dix-huit  ans.  Au  siècle 
suivant,  une  sentence  de  police^  accorde  quatre 
ans  déplus.  Les  horlogers  fixent  l'âge  maximum 
de  l'jipprt'nli  H  vingt  ans";  les  boulangers*  et 
les  tablt'liers  l'âge  minimum  à  quatorze  ans". 
Les  charcutiers  ne  veulent  les  accepter  ni  avant 
quinze  ni  après  vingt  ans^**. 

L'apprenti  devait  être  français'*.  L'enfant 
étranger  était  engagé  pour  un  temps  moins 
long  que  celui  de  l'apprentissage  normal,  afin 
qu'il  ne  lui  fût  jamais  permis  de  devenir  maître*^. 

Toutes  les  communautés  s'accordent  pour  ne 
pas  accepter  d'apprenti  marié.  Les  lingères. 
qui  d'abord  repoussaient  même  les  veuves  *3, 
Unirent  cepeiKlant  par  les  admettre'*.  En 
revanche,  l'apprenti  qui  épousait  une  fille  de 
maître  (Hait  aifranclii.  e|  pouvait  aussitôt  aspirer 
M  la  maîtrise  '•"'. 

Les  statuts  rédigés  au  dix-septième  siècle 
exigent  en  général  que  l'apprenti  fasse  profession 
de  la  religion  catholique,  <\  crainte,  suivant  les 
plumassiers,  de  quehiue  bruit  en  leur  famille, 
«•t  qu'il  n'eti  survienne  quelque  accident  préju- 
diciable à  la  croyance  tie  leurs  enfans**"'  ». 

Seuls  les  libraires  et  les  imprimeurs  se 
préoccupaient  de  l'instruction  possédée  par 
l'enfant  (|ui  se  présentait  comme  apprenti.  Leurs 
.staluls  exigeaient,  non  seulement  qu'il  sût  lire  et 
écrire,  mais  en<:ore  qu'il  apportât  un  certificat 
du  recteur  <le  rimiversité  prouvant  fpi'il  était 
«  c«ingru  en  langue  latine  '  '    >. 

L«'smiiilres  avaient  acquis  le  (lii.il  de  deliattie 
M  leur  ^ré  Ick  conditions  pécuniaires  du  contrat, 


'   Sinliil.M  fil.  1RH.'>,  nrt    10. 

5  ShiiiilM  ri..  Ifll-^,  nrl.   19. 

1  Sl.iliil.s  (t..  ifian.  mi.   1. 

'   I,'  iti's  |.«U.nlrs  (t..  mai  159» 

5  I»nl«>  ,\n  '27,  si.pl<inl.ri>  H\M. 

*  Unii"'  fin  22  fliiùl  n.l.'i. 

'  ."^Inlut.H  il.-  1707,  nrt    .T 

^  Sifll.ii.s  .1..  nil,  nrt.  7 

9  SliUiil.H  .1..  17,|»',.  nrt    r.l. 

<o  Siniiiis  .!,.  m:,,  nrt.  n. 

<•   M.r.M..,^    .Siniuis  ,|.,  1613,  art.  5 

'2  l..-tin>.|..  nioîtns..  (lo.H  incroirrs,  dix-liiiiliiiii.>  .sipci, 

"  SialiiU  d<.  151)5,  nrt.  I. 

•»  •-;*tmIs  h.-  Ifill.  nrt.  3. 

'la  ejinll.l  lfi71.  lin  27  fcvri-r  1670,  etc. 
^  H"  16.i9,  nrt.  25. 
'     >  vms  dn  1686,  art.  21  et  22. 


mais  les  années  de  service  continuèrent  à  être 
assez  arbitrairement  fixées,  et  le  nombre  des 
apprentis  devint  de  plus  en  plus  restreint.  Il 
fut  en  général  réduit  à  un  seul,  et  aucun  maître 
n'eut  le  droit  d'en  posséder  plus  de  trois.  Les 
orfèvres,  par  exemple,  qui  au  treizième  siècle 
en  engageaient  autant  qu'ils  voulaient*,  n'en 
pouvaient  plus  prendre  que  trois  en  L355^,  que 
deux  en  1378  '  et  qu'un  à  dater  du  quinzième 
siècle  *.  Exceptionnellement  les  horlogers 
obtinrent  en  1646  que  le  nombre  de  leurs 
apprentis  ne  fût  plus  limité,  mais  les  mêmes 
statuts  prirent  soin  '  de  limiter  celui  des  maîtres 
à  soixante-douze,  et  lorsqu'il  se  produisait  parmi 
eux  une  vacance,  les  fils  de  maître  étaient 
toujours  préférés  aux  apprentis.  Vers  la  fin  du 
treizième  siècle,  la  corporation  des  tisserands 
accordait  trois  apprentis  au  lieu  de  deux  au 
maître  qui  avait  passé  cinquante  ans".  Les 
libraires  n'en  devaient  jamais  posséder  qu'un 
seul,  mais  on  en  tolérait  deux  chez  les  impri- 
meurs qui  avaient  plus  de  deux  presses'. 

La  durée  de  l'apprentissage  avait  été  un  peu 
abrégée,  et  à  tort,  car  les  métiers  se  perfec- 
tionnant exigeaient  une  étude  plus  longue,  et 
l'on  n'avait  pas  encore  songé  à  la  simplifier  en 
adoptant  le  système  de  la  division  du  travail. 
Au  milieu  du  dix-huitième  siècle,  quelques 
corporations  se  contentaient  de  trois  ^  ou  quatre  ^ 
ans  d'apprentissage,  le  plus  grand  nombre 
exigeaient  cinq"',  six*'  et  même  huit  ans  *^  ; 
encore  était-ce  là  un  minimum  que  les  maîtres 
avaient  le  droit  de  dépasser. 

Le  treizième  siècle  avait  déclaré  qu'en  cette 
matière  l'argent  pouvait  remplacer  le  temps, 
mais  dans  une  mesure  scrupuleusement  déter- 
minée par  les  statuts.  Au  seizième  siècle,  les 
corps  de  métier  repoussent  le  principe,  et  il 
est  appliqué  plus  que  jamais.  Seuls  les  enfants 
pauvres  sont  soumis  à  la  règle  ;  tous  ceux  qui 
appartiennent  à  des  familles  aisées  et  sont  en 
état  de  verser  une  forte  somme  à  leur  maître 
obtiennent  de  lui  sans  difficulté  remise  d'une 
grande  partie  du  temps  qu'ils  doivent  passer  à 
l'atelier.  Les  statuts  s'etlbrçaient,  mais  en  vain, 
d'arrêter  ce  trafic  honteux,  qui  précipita  la 
décadence  de  l'apprentissage.  On  lit  dans  ceux 
des  relieurs  :  «  Ne  pourront  les  maistres  diminuer 
le  temps  de  trois  années  pour  argent  ou  pour 
quelqne  prétexte  que  ce  soit'"'».  Les  imprimeurs- 
libraires  sont  plus  sévères  encore  ;  ils  interdisent 

1   /-('«;•«  tl,:i  mcllem,  titiv  XI,  ai-l.    1. 

*  Éflil  fl'aoftt,  art.  19. 

•'  Ordonn.  royales,  t.  VI,  p.  386. 

*  P.  Leroy,  p.  45. 
«  .Article  7. 

«  Statuts  (!..  158<>,  art.  22. 

"ï  Statuts  (lo  1598,  art.  24. 

"  Hiniriicrs,  couturières,  fripiers,  savetiers,  luarcciiaux, 
foulons,  etc. 

"  Cordonniers,  Ijoursit^rs,  paiiticrs,  épiuijliiMs,  arqiio- 
liusiors,  etc. 

I"  S.Truri(>rs  ,  taillandiers  ,  couteliers  ,  chapeliers  , 
armuriers,  hi-ossiers,  corroyeurs,  etc. 

'•  S.'lliors  .  fourbi-sseiirs ,  brodeurs,  plumassiers, 
lablelicrs,  mégissic.-rs,  etc. 

•*  Orfèvres,  horlogers,  etc. 

13  Statut.-  .l-  1686,  art.  4. 


APPRENTISSAGE 


27 


«  de  prendre  aucun  argent  pour  rédimer  ou 
ahrég;er  le  temps  de  l'appreniissag'e,  à  peine  de 
mille  livres  d'amende  contre  le  maisire  ;  et. 
auquel  cas  l'apprenti  sera  tenu  <Ie  servir  encore 
le  double  du  temps  qui  lui  aura  esté  remis  '  ». 

Sauf  dans  un  très  petit  nombre  de  corpo- 
rations, les  orfèvres  entre  autres,  les  maîtres 
étaient  encore  autorisés  à  ne  pas  attendre  pour 
reuiplacer  un  apprenti  qu'il  eût  achevé  le  temps 
prescrit.  Chez  les  plumassiers  "^  et  les  selliers  •', 
où  l'apprentissag'e  durait  six  ans,  on  pouvait 
prendre  un  autre  apprenti  qiuind  celui  que  l'on 
possédait  avait  servi  quatre  ans.  Les  teinturiers 
en  soie  et  laine  ag'issaient  de  même  après 
deux  ans  de  service  sur  les  quatre  que  devait 
l'apprenti  *  ;  les  «gantiers  après  trois  ans  sur 
quatre  ^  ;  les  couturières  après  deux  ans  sur 
trois  '^  ;  les  horlogers  après  sept  ans  sur  huit'. 

Revenons  au  treizième  siècle. 

III.  Pour  pouvoir  prendre  un  apprenti,  il 
fallait  exercer  le  métier  comme  maître  depuis 
un  an  et  un  jour  *.  Mais  cela  ne  suffisait  pas,  et 
les  jurés  avant  de  sanctionner  le  contrat  étaient 
tenus  de  prendre  des  informations  sur  le  compte 
du  maître  qui  allait  assumer  cette  lourde 
responsabilité.  Ils  s'assuraient  que  celui-ci  con- 
naissait assez  le  métier  et  que  ses  afïaires  étaient 
assez  prospères  pour  qu'il  fût  en  état  de  g-uider 
utilement  un  apprenti  et  de  lui  donner  les  soins 
auxquels  il  avait  droit.  Le  Livre  des  me'tiers 
s'exprime  parfois  sur  ce  point  avec  une  char- 
mante naïveté.  Nul,  disent  les  boucliers  de  fer, 
ne  doit  prendre  apprenti  «  se  il  n'est  si  saig-e  et  si 
riche  que  il  le  puist  aprendre  et  gouverner  ^  ». 
Les  fourreurs  de  chapeaux  veulent  que  le  maître 
soit  «  ouvrier  souffisant  ^^  ;  »  les  épingliers, 
qu'il  sache  «  monsirer  le  mestier  de  touz 
poinz  '^  ».  Chez  les  corroiers,  le  maître  doit  se 
faire  «  créable  qu'il  est  souffisant  d'avoir  et  de 
sens  que  la  condition  de  l'enfant  soit  toute 
sauve  »,  que  le  père  ne  sacrifie  pas  inutilement 
«  son  argent  et  li  aprentis.  son  tans  ^^  ».  Les 
drapiers  emploient  la  même  formule  ^^ .  Une 
autre  condition  fort  sage  était  encore  imposée  au 
maître  atachier  ;  on  ne  lui  accordait  un  apprenti 
que  s'il  occupait  au  moins  un  ouvrier,  «  un 
vallet  au  mainz  **  »,  afin,  sans  doute,  que 
l'enfant  ne  restât  jamais  sans  surveillance. 

Les  apprentis  devaient  obéissance  à  leur 
maître,  ils  étaient  tenus  «  de  faire  toutes  les 
choses  du  mestier  que  li  mestre  leur  comman- 


1  Statuts  de  1686,  art.  23. 

2  Statuts  de  1659,  art.   9. 

3  Statuts  de  1678,  art.  5. 

4  Statuts  de  1669,  art.  90. 

5  Statuts  de  1656,  art.  4. 
fi  Statuts  de  1675,  art.  7. 

"^  Sentence  de  police  du  19  janvier  1742. 
8  Livre  des  métiers,  titre  XXV,  art.  2  ;  titre  LXXXVII, 
art.  11,  etc.,  etc.  —  G.  Depping,  Ordonnances,  p.  384. 
^  Litre  des  métiers,  titre  XXI,  art.  7. 
10  Livre  des  métiers,  titre  XCIV,  art.  6. 
"Il  Livre  des  métiers,  titre  LX,  art.  14. 
12  Livre  des  métiers,  titre  LXXXMI,  art.  10  et  M. 
'•^  Jjivre  des  métiers,  titre  I^.  art.   17. 
'i  Livre  des  métiers,  titre  XX^',  ;u1.   11. 


dera  '  ».  Mais  dès  que  l'enfant  avait  pris  place 
dans  l'atelier,  il  appartenait  à  la  corporation, 
qui  ne  cessait  dès  lors  de  veiller  sur  lui.  Entre 
lui  et  le  fils  du  patron,  aucune  distinction 
n'existait  plus  ;  les  braaliers  rendent  très  bien 
celle  pensée  quand  ils  disent  que  l'apprenti 
étranger  doit  être  «  gouverné  bien  et  deument 
comme  fds  de  preud'omme  ^  ».  Le  maître  devait 
donc  traiter  l'apprenti  comme  son  enfant,  lui 
assurer  le  logement,  le  vêtement  et  la  nourri- 
ture, être  bon  et  juste  avec  lui. 

Les  peines  corporelles,  que  l'Université  toléra 
dans  les  collèges  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle  '',  étaient  autorisées  -,  mais  le  maître  seul 
pouvait  les  infliger,  il  lui  était  interdit  de  laisser 
sa  femme  battre  l'apprenti  *.  Encore  ne  fallait-il 
pas  que  lui-même  exagérât  la  correction.  En 
1382,  un  épicier  ayant  brutalement  maltraité 
son  apprenti,  dut  lui  faire  des  excuses,  et  le 
jeune  homme  reconnut  par  devant  notaires  qu'il 
pardonnait  à  son  maître  •^. 

Le  maître  prenait  l'engagement  de  surveiller 
sans  cesse  l'apprenti,  de  lui  enseigner  le  métier, 
de  le  garder  à  l'atelier,  de  ne  l'envoyer  au 
dehors  que  pour  servir  d'aide  soit  à  lui,  soit  à  un 
ouvrier.  Et  ce  n'étaient  pas  là  de  vaines  pro- 
messes. Le  petit  bonhomme  savait  bien  qu'au 
besoin  il  trouverait  protection  auprès  des  jurés, 
chargés  d'assurer  la  stricte  obéissance  aux 
statuts.  Les  drapiers  accordaient  plus  encore  à 
l'apprenti.  Celui  qui  avait  à  se  plaindre  de  son 
maître  était  autorisé  à  quitter  l'atelier  et  à  venir 
conter  ses  doléances  au  Maître  des  tisserands, 
chef  particulier  à  cette  corporation.  Quand  les 
torts  étaient  reconnus  réels,  celui-ci  mandait  le 
patron  et  lui  enjoignait  que  «  il  tiegne  l'ap- 
prentiz  honorablement  comme  filz  de  preud'- 
liomme,  de  vestir  et  de  chaucier,  de  boivre  et  de 
mangier  ».  Si  le  maître  n'obéissait  pas,  on 
plaçait  l'enfant  dans  une  autre  maison,  «  et 
s'il  ne  fait,  on  querra  à  l'aprentiz  un  autre 
mestre  "  ». 

Mais  l'apprenti  ne  suivait  pas  toujours  cette 
voie.  Indiscipline  ou  mécontent  de  son  maître, 
il  disparaissait  un  beau  jour,  sans  se  soucier  des 
engagements  qu'il  avait  pris.  Ici  encore,  on 
excusait  l'enfant  dans  une  certaine  mesure.  On 
prenait  en  considération  son  âge  et  son  inexpé- 
rience, on  faisait  la  part  des  mauvais  conseils 
auxquels  il  avait  peut-être  cédé,  et  le  contrat 
qui  le  liait  n'était  en  général  rompu  qu'après 
une  année  d'absence  '  :  «  Et  se  il  avenoit  que  li 
aprentiz  s'en  fouist  d'entour  son  mestre,  li 
mestre  l'atendroit  un  an,  sanz  aprentif  pren- 
dre ^  ».  Chez  les  serruriers  de  cuivre,  il  ne 
pouvait  même  le  remplacer  qu'après  l'expiration 


1  Livre  des  métiers,  titre   LUI,  art.  3. 

2  Livre  des  métiers,  titre  XXXIX,  art.  4. 

3  Voy.  l'art.  Correcteurs. 

i  \oy.  G.  Fagniez,  Études  sur  rindastrie.  p.  69. 

S  Voy.  Douët-d'Arcq,  Pièces  inédites  relatives  au,  règne 
de  Charles  VI,  t.  II,  p.  158. 

*>  Livre  des  métiers,  titre  L,  art.   13. 

"  Voy-  \c  lÂvre  des  métiers,  titre  XI,  art.  10  ;  titre  LX, 

art.  15':  titre  LXXX,  art.  8,  etc.,  etc. 

8  Lii:re  des  métiers,  titre  XXVII,  art.   4. 


28 


APPRENTISSAGE 


du  temps  pour  lequel  l'apprenti  était  engagé  : 
'<  Se  li  aprentiz  s'en  fuit  par  sa  jolivelé  *,  son 
meslre  le  doit  querre  *  une  journée  à  ses  couz  •', 
et  le  père  à  l'aprantiz  une  autre  journée  ;  et  s'il 
ne  le  puent  trouver,  le  mestre  doit  soufrir  de  son 
apprentiz  de  ci  à  la  darrenière  année  de  son 
ser\'ice  ».  Quand  l'enfont  revenait,  il  devait, 
bien  entendu,  à  son  maître  tout  le  temps  qu'il 
avait  perdu  *.  Les  forcetiers  ne  le  reprenaient 
plus  après  trois  mois  ^.  Les  tapissiers  étaient 
tenus  de  le  chercher  pendant  une  journée  seu- 
lement, mais  ils  ne  pouvaient  le  remplacer  qu'à 
l'expiration  du  temps  dû  par  le  fugitif,  et  dans 
cette  corporation  la  durée  de  l'apprentissage 
était  de  huit  ans  au  moins  6.  Chez  les  tabletiers, 
le  maître  attendait  son  apprenti  pendant  vingt-six 
semaines.  Ce  délai  expiré,  l'enfant  repentant 
pouvait  encore  rentrer  à  l'atelier  s'il  n'avait  pas 
été  remplacé,  mais  si  le  maître  avait  pris  un 
autre  apprenti,  comme  les  statuts  ne  lui  permet- 
taient pas  d'en  avoir  deux,  il  fallait  que  l'ancien 
cherchât  une  autre  maison  "  :  il  est  vrai  qu'en 
général  les  jurés  la  cherchaient  pour  lui  **. 

Il  était  de  principe  que  nul  ne  devait  recueillir 
un  apprenti  fugitif.  S'il  trouvait  asile  chez  nn 
maître  haliilant  hors  Paris  mais  venant  vendre 
ses  produil.s  en  ville,  celui-ci  était  mis  en 
quarantaine  ;  on  ne  lui  achetait  rien  «  devant 
qu'il  ail  jeté  d'entour  lui  l'apprenti  au  maistre  de 
Paris"  ».  Après  une  troisième  évasion,  l'apprenti 
ne  pouvait  plus  être  repris  ni  par  son  maître,  ni 
par  aucun  autre  de  la  corporation  i**. 

Le  contrat  d'apprentissage  pouvait  être  annulé 
soil  par  la  renie  soit  parle  rarhal  '  '  de  l'apprenti, 
suit  par  1,1  mort  du  maître.  Cependant,  eu 
général,  la  corporation  se  regardait  comme 
responsjdtle  de  l'enfant  ;  elle  intervenait  et  lui 
chuisis-sait  un  autre  patron. 

Les  années  d'apprentissage  écoulées,  le  jeune 
homme  se  trouvait  affranchi.  S'il  était  pauvre, 
fon-e  lui  était  hieu  d<!  servir  comme  ouvrier, 
mais  s'il  appartenait  à  une  famille  aisée,  rien 
ne  l'einpéchait  plus  d'aspirer  au  titre  de  maître. 

I\  .  Toutes  les  garanties  dont  les  conimu- 
naiil»'s  entouraient  alors  l'apprenti  se  trouvent 
reproduites  dans  les  statuts  rédigés  entre  le 
seizième  et  je  dix-huitièmc  siècle.  On  se  borna 
en  général  à  mettre  les  anciens  usages  en 
harmonie  avec  les  mœurs  et  les  habitudes 
nouvelles,  et  il  en  résulta  dans  la  condition  de 
l'enfanl  quehpies  changemenls  qui  méiilcul 
«l'élre  signalés. 

Ainsi,  chez  les  tisserands,  tout  maître  Agé  de 
indins  d»»  cinquante  ans  no  pouvait  avoir  que 
deux  npprenlis;  pn.sHo  cet  ûge,  ou   lui  ni   per- 


•  .Si  p«^ltil«nrr 
«  Ch-rrh-r 

•'•  Krni!» 

l  l.\rT,  ,/--.  »,r,«,rr<.   nip    XIX,  arl.  G. 

•  <i.   I»■[•|■n^;,   OrdnniwHtrt,  ji,  358. 

•i   l.irrt  Hrs  mftim.  litrr-  Ll,  nr«.  3  et  i 

'   /.irrf  An  milim,  liln>  I.XVIII.  nrt.  10  »  IJ 

"  G    nnppinj^.   OrtfonHaHcn,  it    358. 

»  /.irrf  H,t  m/tirrs.  liln-  I.XXI,  art.  7. 

I"  /.irrf  </«  m* tien,  titro  XVII,  art.  4. 

"   \nv   CCS  mou. 


mettait  trois  ' .  Les  plumassiers  n'en  accordent 
aucun  au  maître  qui  n'a  pas  atteint  sa  seizième 
année  ^.  Les  taillandiers  ^  et  les  gainiers  *  n'ont 
le  droit  de  prendre  apprenti  qu'après  trois  ans 
de  maîtrise  ;  les  vinaigriers  ^  exigent  que  le 
maître  soit  établi  depuis  sept  ans.  La  veuve  d'un 
maître,  quand  elle  continuait  le  commerce  de  son 
mari,  pouvait  conserver  son  apprenti,  mais  il 
lui  était  interdit  d'en  engager  un  nouveau  ^. 

Rien  n'était  modifié  dans  les  rapports  du 
maître  avec  son  apprenti.  Les  couvreurs  déclarent 
qu'il  «  sera  tenu  de  \uy  fournir  boire  et  manger 
feu,  lit,  hostel  "^ ,  chaussure  et  vêture  raisonna- 
blement, et  à  la  fin  luy  laisser  tous  ses  outils  *  » . 
Les  tapissiers  veulent  qu'il  l'instruise  et  le  traite 
comme  son  propre  fils,  «  comme  enfant  de 
prud'homme  ^  ;  »  les  horlogers,  qu'il  «  le  tienne 
sous  son  toit,  à  sa  table  et  à  son  feu  ^^  ».  Ce 
sont  là,  presque  littéralement  reproduites,  les 
règles  posées  par  le  moyen  âge.  Dans  un  article 
dont  la  rédaction  date  du  seizième  siècle,  les 
pâtissiers  rappellent  au  maître  qu'il  a  charge 
d'âme,  qu'il  doit  non  seulement  enseigner  sa 
profession  à  l'enfant,  mais  aussi  veiller  sur  sa 
conduite  et  sur  ses  mœurs.  Il  lui  est  donc 
défendu  d'envoyer  l'apprenti  débiter  des  gâteaux 
par  la  ville,  «  attendu  les  inconvéniens,  fortunes 
et  maladies  qui  en  peuvent  avenir  -,  et  aussi  que 
c'est  la  perdition  desdits  apprentis,  qui  ne 
peuvent  apprendre  leur  mestier,  et  au  lieu  de  ce, 
apprennent  toute  pauvreté  ;  et  ne  peuvent  à  la 
fin  (le  leur  temps  être  ouvriers  de  leurdit  état, 
qui  est  une  grande  charge  de  conscience  aux- 
dits  maîtres  *'.  »  En  raison  sans  doute  des 
dangers  que  présente  le  métier  de  couvreur  on 
interdisait  au  maître  de  faire  travailler  l'apprenti 
tant  que  ses  trois  premières  années  de  service 
n'étaient  pas  écoulées  ^^  ;  encore  lui  fallait-il  alors 
obtenir  l'autorisation  des  jurés,  qui  avant  de 
l'accoriler  faisaient  subir  un  examen  à  l'enfant  *^. 

Si,  «  sans  causes  légitimes  et  raisonnables  », 
le  maître  renvoyait  son  apprenti,  les  jurés  de 
la  corporation  recueillaient  l'enfant  et  se 
chargeaient  de  le  placer  dans  un  autre  atelier. 
L'apprenti  menuisier  pouvait  citer  son  maître 
devant  les  jurés,  «  afin,  disent  les  statuts, 
d'obtenir  d'eux  la  justice  qui  lui  sera  due  '*  ». 
Les  teinturiers  du  grand  teint  vont  plus  loin 
encore  :  ils  n'admettent  pas  que  l'enfant  soit 
renvoyé  «  sans  cause  légitime,  jugée  telle  par  le 
juge  de  police  '■'  ». 


1  Slaluls  di-  1586,  art.  22. 
*  Stflluls  (t.>  1G59,  art.  18. 

•f  Stiiluls  (io  1012.  art.  11,  cl  d»-  lGG3,.arl.  19. 
i  Slaliils  di-  1(588,  arl.  13. 
•'  Slaluls  <!(•  l(;r)8,  art.  4. 
«  IVilissJLT.s,  statuts  do  166G,  arl.  10. 
'   Ijopoinont. 

»  Slaluls  .1.-  1566,  arl.  1. 
'■'  Slatiils  de  1636,  arl.  2. 
»0  Srntpnco  (\r  police  du  19  janvier  1742. 
"   Slaluls  de  1566,  art.  10. 
1*  Laiil)ri'nlis.sa{r(>  durait  .six  ans. 
13  Slaluls  (!,.  15G6,  arl.  2.    Renouvelé   .sans  clianirc- 
ment  en  1635. 

li  Slaluls  de  1743,  art.  89. 
'5  Statuts  de  1669,  art.  47. 


APPRENTISSAGE 


29 


Tout  cela  est  excellent.  Mais  nous  savons  que 
ces  prescriptions  si  sages  restaient  le  plus  souvent 
lettre  morte.  Les  jurés  se  bornaient  à  les 
maintenir  dans  les  statuts,  ils  n'exig-eaient  plus 
qu'on  s'y  conformât,  et  eux-mêmes  ne  les 
respectaient  g-uère.  A  partir  du  dix-septième 
siècle  surtout,  les  maîtres  se  préoccupèrent 
moins  d'enseigner  le  métier  à  l'apprenti  qu'à 
obtenir  de  lui  des  services.  Les  courses  au 
dehors  occupaient  presque  toute  la  journée  de 
l'enfant  ;  de  nombreuses  ordonnances  de  police 
nous  le  prouvent.  J'ai  cité  tout  à  l'heure  un 
touchant  article  extrait  des  statuts  de  pâtissiers  ; 
eh  bien,  une  sentence  qui  vise  précisément  cette 
corporation,  et  qui  fut  rendue  le  4  mars  1678, 
constate  que  les  apprentis  «  consomment  le 
temps  de  leur  apprenlissag-e  sans  rien  apprendre 
de  leur  métier  ;  et,  ce  qui  est  d'une  plus  dange- 
reuse conséquence  pour  eux,  s'adonnent  au  jeu, 
à  la  fainéantise,  à  la  débauche,  et  finalement  à 
toutes  sortes  de  désordres...,  auxquels  incon- 
véniens  les  pauvres  apprentifs,  la  plupart  sans 
aucuns  parens  qui  puissent  veiller  à  leur 
conduite,  sont  sujets  par  le  fait  de  leurs  maîtres, 
qui  contreviennent  impunément  aux  défenses 
portées  par  plusieurs  arrêts  et  règlemens  *  ». 

On  voit  que  le  lieutenant  de  police  s'était  peu 
à  peu  vu  forcé  d'accorder  à  l'apprenti  une 
protection  que  celui-ci  ne  trouvait  plus  auprès 
des  jurés.  Mais  si  l'on  méconnaissait  ses  droits, 
on  ne  négligeait  pas  de  lui  rappeler  ses  devoirs. 
L'apprenti  devait  «  porter  honneur  et  respect  à 
son  maître  ^  ».  Les  statuts  proclament  qu'il  sera 
déchu  du  droit  de  parvenir  à  la  maîtrise,  «  s'il 
commet  une  action  lasche,  honteuse  et  indigne 
du  respect  qu'il  doit  à  son  maistre,  à  sa  famille 
et  aux  personnes  ses  alliez  ■'  ». 

Dans  un  curieux  ouvrage  publié  en  1692, 
Audiger  trace  en  ces  termes  la  conduite  que  doit 
tenir  un  apprenti  chez  son  maître  : 

«  En  termes  généraux,  tous  les  apprentifs 
doivent,  lorsqu'ils  sont  engagez,  bien  nétojer  et 
balayer  la  boutique  et  le  devant  de  la  porte  ; 
bien  ramasser  tous  les  outils  des  compagnons  et 
tout  ce  qui  se  trouve  traîner  d'un  costé  ou  d'un 
autre,  tant  au  maistre  qu'aux  compagnons  ; 
bien  servir  les  compagnons  et  leur  donner  tout 
ce  qu'il  faut  pour  leur  ouvrage,  leur  aller  quérir 
à  manger  et  à  boire,  si  c'est  eux  qui  se 
nourrissent  ;  les  servir  promplement  et  se  faire 
aimer  d'eux,  car  souvent  c'est  d'eux  plus  que  du 
maistre  qu'ils  apprennent  leur  métier,  et  ayant 
leur  amitié  ils  ne  leur  cachent  rien  et  les  rendent 
capables  en  fort  peu  de  tems.  Il  faut  aussi  que 
les  apprentifs  se  lèvent  tous  les  jours  les  premiers 
et  se  couchent  les  derniers,  car  ce  sont  eux  qui 
ouvrent  et  ferment  la  boutique  ;  ce  sont  eux 
aussi  qui  font  les  lits  des  compagnons,  et  ils 
doivent  en  tout  n'être  point  paresseux  ny  déso- 
beïssans,  car  sans  cela  ils  voyent  souvent  leur 
tems  fini  et  n'estre  encore  que  des  ignorans.  Et 


1  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  III,  p.  476. 

2  Avis  du  procureur  du  roi,  27  août  1748. 

3  Fripiers,  statuts  de  1664,  art.  10. 


s'ils  veulent  estre  honnestes  gens  et  de  bonne 
inclination,  après  estre  apprentifs,  ils  deviennent 
compagnons,  et  se  rendent  haljiles  en  leur  arl 
ou  métier.  Si  les  apprentifs  donnent  de  l'argent 
pour  leur  apprentissage,  ils  ne  doivent  point 
souffrir  qu'on  leur  fasse  rien  faire  qui  ne  soit 
point  de  leur  métier,  qui  est  comme  de  ne  point 
laver  la  vaisselle,  promener  ny  amuser  d'enfans, 
ny  autres  choses  que  les  maistres  et  maistresses 
leur  font  faire  :  attendu  que  cela  n'est  point  ny 
dans  leur  engagement,  ny  dans  les  statuts  du 
métier  ou  de  l'art  dont  ils  veulent  faire  pro- 
fession. Et  s'ils  ne  donnent  point  d'argent,  ils 
s'engagent  pour  plus  long-temps  ^  ». 

Tous  les  statuts  prévoient  que  l'apprenti  peut 
disparaître  un  jour,  abandonnant  son  métier  et 
son  maître.  Celui-ci  est  tenu  d'attendre  pendant 
un  certain  temps  ^  le  retour  de  l'enfant  avant  de 
le  remplacer.  Ce  temps  variait  entre  liuit  jours 
et  six  mois.  Les  orfèvres  le  portèrent  à  un  an  en 
1626  ^  et  les  fripiers  à  deux  ans  en  1688,  parce 
qu'il  avait  été  prouvé  que  des  maîtres,  mécontents 
de  leur  apprenti,  provoquaient  sa  désertion. 
Certaines  connuunautés  se  montraient  fort 
sévères  vis-à-vis  de  l'apprenti  fugitif.  Son  maître, 
disent  les  teinturiers  du  grand  teint,  peut  «  le 
faire  arrêter  partout  où  il  se  trouvera,  pour  le 
forcer  à  parachever  son  temps  ».  Chez  les 
pâtissiers,  les  arquebusiers,  les  tisserands,  les 
plumassiers,  les  plombiers,  les  tabletiers,  si 
l'enfant  ne  reparaissait  pas  dans  le  délai  fixé,  il 
ne  pouvait  plus  être  engagé  par  aucun  maître, 
et  dès  lors  il  perdait  tout  espoir  de  jamais 
parvenir  à  la  maîtrise.  Les  imprimeurs-libraires 
et  les  relieurs  lui  pardonnent  une  première 
escapade,  mais  ajoutent  à  la  durée  de  l'appren- 
tissage le  double  du  temps  que  l'enfant  a  passé 
hors  de  l'atelier  ;  en  cas  de  récidive,  il  est  défi- 
nitivement exclu  de  la  corporation.  Les  couvreurs 
sont  plus  indulgents  encore  :  si  l'enfant  revient 
après  que  son  maître  l'a  remplacé,  les  jurés  le 
mettent  dans  une  autre  maison.  Les  couteliers 
prévoient  le  cas  oîi,  après  une  longue  absence, 
l'apprenti  fugitif  reviendrait,  ayant  appris  son 
métier  en  province  ou  à  l'étranger  ;  s'il  «  se 
trouve  bon  ouvrier  »,  disent  les  statuts,  la 
communauté  cessera  de  le  repousser,  mais  il 
devra  servir  pendant  trois  ans  comme  compagnon 
avant  de  pouvoir  aspirer  à  la  maîtrise. 

Au  treizième  siècle,  le  jeune  homme  qui  avait 
servi  comme  apprenti  pendant  le  nombre 
d'années  prescrit,  pouvait  aussitôt  aspirer  à  la 
maîtrise.  Il  n'en  était  plus  de  même  au  seizième 
siècle.  On  exigeait  qu'il  passât  encore  quelques 
années  dans  un  état  intermédiaire,  celui 
d'ouvrier  ou  de  compagnon. 

Au  sein  de  quelques  communautés,  il  lui 
fallait  même  prouver  qu'il  était  digne  de  porter 


1  La  maison,  réglée,  p.  162. 

-  Les  couvreurs  devaient  l'attendre  pendant  six  mois; 
les  couteliers,  les  pâtissiers,  les  arquebusiers  pendant 
trois  mois  ;  les  tabletiers  pendant  vingt-six  semaines  ; 
les  fondeurs,  les  plumassiers,  les  tisserands,  pendant  un 
mois  ;  les  plombiers  pendant  huit  jours,  etc.,  etc. 

3  Leroy,  p.  56. 


30 


APPRENTISSAGE 


ce  titre.  Les  drapiers  de  soie  veulent  que,  huit 
jours  après  la  fin  de  l'apprenlissa<re,  le  maître 
conduise  son  apprenti  au  Bureau  de  la  corpo- 
ration, el  que  là,  en  présence  des  jurés,  on  lui 
fasse  tisser  une  aune  de  velours,  de  salin,  de 
damas  ou  de  brocart:  «  et  ladite  aulne  estant 
bien  travaillée,  sera  ledit  apprentil"  enregistré  au 
livre  des  compagnons  ^  ».  Les  teinturiers 
soumettaient  l'apprenti  à  un  examen  analogue. 
S'il  ne  s'en  tirait  pas  à  son  honneur,  il  devait 
faire  encore  une  année  d'apprentissage.  Ce  temps 
passé,  il  subissait  une  nouvelle  épreuve,  et  si 
elle  n'avait  pas  plus  de  succès  que  la  précédente, 
il  était  «  réputé  incapable  de  parvenir  au 
compagnonnage  -  ». 

Muni  de  sou  brevet  d'apprentissage,  le  jeune 
homme  devenu  ouvrier  pouvait  choisir  son 
maître,  entrer  dans  l'atelier  qui  lui  convenait, 
régler  sa  vie  comme  il  l'entendait.  En  fait,  il 
restait  le  plus  souvent  chez  le  maître  qui  l'avait 
formé.  Mais  s'il  supposait  avoir  plus  d'avenir 
dans  une  autre  maison,  ou  s'il  s'était  élevé  entre 
son  maître  et  lui  quelque  dissentiment,  il  était 
parfaitement  libre  de  se  faire  embaucher  ailleurs. 

FORMULES 
DE  CONTRATS  D'APPRENTISSAGE 

(Dix-septième  siècle), 

i'iirdevant  les  conseillers  du  Roy,  notaires 
ganit-notles  de  Sa  .Majesté  en  son  Ciiastelel  de 
Paris,  soubzignez,  lui  présent  Thomas  Lnhert, 
gaigne-deniers,  ilemeurant  aux  Porclierons, 
parroi.sse  .Saimi-Euslache  :  Lequel  pour  faire  le 
pnjtlil  de  (îeoll'roy  Lubert,  son  iils,  qu'il  certiffie 
de  (idélilé,  a  reconnu  l'avoir  baillé  et  mis  en 
apprentissage  cejourd'huy  jusques  el  pour  cinq 
ans  finis  et  accomplis,  avec  Estienne  Le  Heulre, 
maislre  curdonider.  demeurant  au  fauxbourg  el 
pniclie  la  porte  Sainct-.Marlin,  parroisse  Sainct- 
[.Kiurent,  u  ce  présent,  (|ui  Ta  pris  et  retenu 
avec  \ny  en  ladicte  (pialilé  d'appienli.  Auquel. 
pendant  ledicl  temps,  il  promet  monstrer  el 
enseifriicr,  à  .son  pouvoir,  sondicl  mestier  de 
cordonnier  et  tout  ce  qui  en  dépend,  le  nourir, 
loger,  et  tMilrelenir  d'habits,  chaussures,  lino-es 
et  antres  choses  ses  néce.s.sitez,  selon  sa  condition. 

.\  ce  faire  e.sloit  présent  ledict  apprenti,  qui 
n  e»  ce  que  dessus  pour  agréable,  promet 
apprendre  ledid  uiestier  au  mieux  (|u"il  luj  sera 
pnvsiblo,  el  tideUeiiienl  .servir  sondicl  maislre  el 
en  Uiules  choses  liciUes  el  honnestes,  sans 
pendant  ledicl  leiups  s'absonter  ny  aller  ailleurs 
sen-ir.  .\uquel  cas  d'absence,  ledicl  Thomas 
Luln-rl  pn)UU'l  et  s'oblige  de  le  chercher  el  faire 
chercher  par  In  ville  el  Imidieue  de  Paris  pour, 
s'y  Irouver  le  peul,  le  ramener  a  sondicl  maislre 
pnmchever  le  temps  qui  restera  lors  à  expirer 
des  présentes  ;  qui  ont  esté  faites  sjvns  aucun 


•  Sifttut.H  .!.■  irtoT.  nrt.  20. 

*  Tfinlurien»  «lu  grand  loinl,  statub«  de  lOi.s-,  .1. 
1071  H  de  1737.  —  Teinturiers  on  soie,  fil  d  Inim. 
«talutv  d-  icni» 


denier  payer  ny  débourser  de  part  ny  d'autre. 
Car  ainsy... 

Fait  et  passé  es  esludes,  l'an  mil  six  cens 
soixante  quinze,  le  dixiesme  jour  d'aoust  après 
midy. 

Lesdicls  Luberl  père  et  fils  ont  déclaré  ne 
.sçavoir  escrire  ny  signer,  el  ledict  Le  Heulre  a 
signé  la  minutie  des  présentes  demeurée  vers 
Bourel,  notaire. 

BOURET  ^. 
[Ici,  signature  illisible]. 

(Dix-huitième  siècle). 

Pardevant  les  conseillers  du  Roy,  notaires  au 
Chàtelet  de  Paris  soussignés,  fut  présent  :  Sieur 
Pierre-Jean  Dupasquier,  marchand  mercier  à 
Paris,  y  demeurant  rue  Neuve  des  Petits-Champs, 
paroisse  Sain  t-E  us  tache,  au  nom  et  comme 
tuteur  ad  hoc  pour  l'effet  des  présentes,  de  Jean- 
Jacques  Dupasquier,  âgé  de  vingt-trois  ans  ou 
environ,  son  frère,  élu  à  ladite  charge  par 
sentence  homologative  de  l'avis  des  parens  et 
amis  dudit  mineur  ^,  rendue  par  monsieur  le' 
lieutenant  civil  au  Chàtelet  de  Paris  le  jour 
d'hier  ;  laquelle  charge  il  a  acceptée  à  l'instant 
par  acte  étant  ensuite  de  la  ditte  sentence  ; 
l'original  de  laquelle  duemenl  collationné,  signé 
Minard,  faisant  mention  que  sa  minutie  est  au 
registre  dudit  Minard,  greffier  de  la  chambre 
civille,  a  été  représenté  par  ledit  sieur  compa- 
rant :  ce  fait  à  lui  rendu. 

Lequel  en  sadille  qualité  a  mis  en  appren- 
tissage ledit  Jean-Jacques  Dupasquier,  son  frère, 
qu'il  certiffie  fidèle  et  de  bonnes  mœurs,  pour 
trois  ans,  à  compter  de  ce  jour,  chés  el  avec 
sieur  Nicolas  Vallery,  maître  horloger  à  Paris, 
y  demeurant  cour  du  Palais,  paroisse  Saint- 
Barlhélemy,  à  ce  présent  et  recevant  ledit 
mineur  pour  son  apprentif.  Auquel  pendant  ledit 
temps,  il  promet  et  s'oblige  lui  montrer  el 
enseigner  son  art  et  profession  d'horlogerie  en 
tout  ce  dont  il  se  mesle,  l'instruire  en  ladite 
profession  sans  lui  en  rien  cacher,  le  nourrii'  à 
l'exception  des  festes  el  dimanches,  le  loger, 
chauffer  et  éclairer.  Et  ledit  sieur  tuteur  s'oblige, 
en  sa  ditte  qualité,  de  nourrir  ledit  mineur  les 
fêtes  et  dimanches,  el  de  l'habiller  suivant  son 
état,  el  de  faire  blanchir  ses  otos  et  menus 
linges. 

O  l'ait  en  présence  dudit  apprentif,  demeu- 
rant actuellement  chez  sondit  maître,  lequel  a  eu 
ces  présentes  pour  agréable.  En  conséquence, 
s'oblige  d'apprendre  du  mieux  qu'il  lui  sera 
possible  tout  ce  qui  lui  sera  montré  et  enseigné 
par  sondit  maître  louchant  sa  profession,  lui 
obéir  en  tout  ce  qu'il  lui  commandera  de  licite 
et  honnesle,  faire  son  profit,  éviter  sa  perte, 
l'en  avertir  si  elle  venoit  à  sa  connoissance  ; 
sans  pouvoir  s'absenter  pour  aller  travailler 
ailleurs.  Au  cas  d'absence,  ledit  sieur  tuteur 
s'oblige,   autant  que   faire  se  pourra,  de  faire 


'   <  Miginal  tiiir  parchemin,  appartenant  à  l'auteur. 
2  I,ii    minorité   durait   alors  jusqu'à   l'âge    de    vingt- 
ciini  îiiis. 


APPRENTISSAGE  —  ARBALETRIERS 


31 


chercher  sondit  frère  par  toute  la  ville, 
iauxbourg-s  et  banlieue  de  Paris,  ou  partout 
ailleurs  que  bescjin  sera,  pour  s'il  est  retrouvé 
estre  ramené  chez  ledit  sieur  son  maître  pour  v 
parachever  le  tems  qu'il  auroit  perdu  pendant 
son  absence,  réparer  celui  qui  resîeroit  à  expirer 
des  présentes  ;  qui  sont  d'ailleurs  laites 
moyennant  la  somme  de  trois  cens  livres.  l<]n 
déduction  de  laquelle  sonmie  ledit  sieur  Pierre- 
Jean  Dupasquier  eu  saditte  qualité  [a]  présen- 
tement pa^'é  audit  sieur  Vallery,  qui  le  reconnoil, 
en  espèces  sonnantes  au  cours  de  ce  jour, 
compté,  nombre  et  réellement  délivré,  ù  la  vue 
des  notaires  soussjo^nés,  celle  île  deux  cens  livres, 
dont  d'autant  quittance.  Et  pour  les  cent  livres 
restiint,  ledit  sieur  tuteiu'  s'oblig'e  en  satlitfr 
qualité  de  les  payer  audit  sieur  Vallery,  en  sa 
demeure  ù  Paris  ou  au  porteur,  dans  un  an  de 
ce  jour;  au  payement  de  laquelle  somme  ledit 
sieur  tuteur  oblige  aussy  en  saditte  qualité  tous 
les  biens  meubles  et  immeubles  de  sondit  frère. 

Et  pour  l'exécution  des  présentes,  les  parties 
font  élection  de  domicile  en  leurs  demeures 
susdites;  auxquels  lieux,  nonobstant,  promettant, 
obligeant,  renonçant. . . . 

Fait  et  passé  à  Paris  ez  études,  l'an  mil  sept 
cent  soixante  sept,  le  premier  février.  Et  ont 
signé  la  minutte  des  présentes  demeurée  à  maître 
Tourinot,  notaire  *.  * 

Voy.  Alloués.  —  Apprenti  (Rachat 
da  1').  —  Apprenti  (Venta  de  1').  — 
Apprentis  marchands.  —  Appran  - 
tisses.  —  Aspirant  à  la,  maîtrise.  — 
Attendant  maîtrise.  —  Bienfaisance 
(CEÎuvres  de).  —  Concurrence.  —  Con- 
trat d'apprentissage.  —  Corporations. 
—  Fils  de  maître.  —  Maîtres  des  mé- 
tiers. —  Privilégiés  (Lieux).  —  Veuves 
de  maître. 

Apprentisses.  Dans  les  communautés  de 
femmes,  ce  mot  représentait  celui  d'apprentis 
dans  les  communautés  d'hommes. 

Voy.  Compagnes. 

Apprêteurs.  Voy.  Appareilleurs.  — 
Catisseurs.  —  Feutriers,  etc. 

Apprêteurs.  Titre  qui  appartint  à  la 
corporation  des  bonnetiers  du  faubourg  Saint- 
Marcel,  parce  qu'ils  donnaient  eux-mêmes 
l'apprêt  aux  bonnets,  aux  bas  qu'ils  vendaient. 

Apprêteurs.  Nom  donné  aux  peintres  sur 
verre,  parce  qu'ils  se  servaient  d'une  peinture 
dite  'peinture  d' apprêt. 

Voy.  Vitriers. 

Apprêteurs  de  toiles.  La  Taille  de  i29:3 
en  cite  un,  sous  le  nom  û^afeteeur  de  toiles. 

Aqueresses  .  Nom  donné  ,  dans  les 
fabriques  de  filets,  aux  ouvrières  chargées  de 
réparer  les  lignes. 


1  (^rifriiial  sur  iiai'chrinin,  a[iiiartcnant  à  l'autfur 


Aquitecteurs.  Nom  donné  par  l'abbé 
Jaubert  aux  faiseurs  d'aqueducs  '.  .je  rappelle 
qu'en  février  1623,  Louis  XIII  avait  créé,  en 
faveur  d'un  sieur  Francini,  la  place  d'intendant 
des  eaux  et  fontaines  du  roi,  (grottes,  a(jueducs,  etc. . 
En  1712,  le  sieur  Anceau  était  chai'ge,  au 
château  de  Versailles  de  surveiller  ■<  les  aqueducs 
et  les  conduites  des  eaux  bonnes  à  boire  ^  y>. 

Arbalétriers.  Fabricants  d'arbalètes. 
L'arc  perfectionné  •'  devint  l'arbalète.  L'ai'balète 
à  main  n'est  que  l'arc  placé  sur  un  arhrier 
destiné  à  recevoir  le  projectile. 

Un  passage  du  Dictionnaire  de  Jean  de 
(ïarlande  *  semble  établir  qu'au  milieu  du 
treizième  siècle  l'arc  et  l'arbalète  étaient 
fabriqués  par  une  même  corporation  •'.  Il  n'en 
allait  sans  doute  plus  ainsi  à  la  lîn  du  siècle,  car 
les  Tailles  de  1292  et  de  1300  distinguent  les 
archers  des  arbalétriers  ;  la  première  cite  trois, 
la  seconde  quatre  arhalestiers,  arhaletiers  et 
arbalestriers .  Parmi  les  trois  maîtres  qui  exer- 
çaient ce  métier  en  1292,  il  en  était  un  «  Gautier 
l'arbalestier  »,  qui  demeurait  «  dedenz  le  manoir 
du  Louvre  ^  »,  ainsi  qu'un  fèvre  et  un  fauconnier. 

Un  passage  de  Christine  de  Pisan  '^  nous 
apprend  qu'au  XIV**  siècle  les  meilleures  arba- 
lètes se  fabriquaient  à  Gênes.  Au  siècle  suivant, 
elles  avaient  reçu  de  nombreux  perfection- 
nements. On  avait  d'abord  adapté,  à  l'extrémité 
de  Varbrier,  un  anneau  de  fer  ou  e'trier.  Dès  lors, 
pour  tendre  son  arme,  le  tireur  passe  le  pied 
dans  l'étrier,  en  même  temps  qu'il  saisit  la 
corde  avec  deux  crocs  de  fer  ou  craneqnins,  qui 
sont  fixés  à  une  courroie  attachée  autour  de  ses 
reins  ;  il  se  courbe,  maintient  presque  à  terre  le 
bout  de  l'arme  au  moyen  de  l'étrier,  et  la  corde 
prise  par  les  deux  crocs  se  tend  à  mesure  qu'il  se 
redresse  :  c'est  V arbalète  à  craneqnin.  \] arbalète  a 
moufle,  à  tour  ou  à  tilloles  était  bandée  par  un 
appareil  assez  compliqué  de  poulies  placées  sur 
l'arbrier.  On  lui  substitua,  dans  la  suite,  le  cric 
qui,  mis  au  centre  de  l'arbrier,  agissait  exac- 
tement comme  notre  cric  actuel.  Le  pied  de 
chèvre,  de  chienne  ou  de  bichelui  succéda.  C'était 
une  pièce  de  fer  munie  de  quatre  longues  dents  ; 
deux  d'entre  elles  étaient  retenues  vers  le  milieu 
de  l'arbrier,  tandis  que  les  deux  autres  allaient 
saisir  la  corde  ;  en  abaissant  le  manche  de 
l'arme,  les  deux  dernières  dents  remontaient 
vers  les  deux  premières,  et  amenaient  ainsi  la 
corde  jusqu'à  la  noix. 

A  deux  cents  pas,  l'on  pouvait  compter  sur 
la  précision  de  l'arbalète,  et  cha(jue  soklal 
portait  une  trousse  de  toile  contenant  dix-huit 
traits  au  moins.  Ces  traits,  en  général  terminés 
par  un  fer  presque  carré,  se  nommaient  bouffons, 
carreaux  ou  garrots  ;  ils  étaient  plus  courts  et 
plus  pesants  que  les  flèches,   et  empennés  d'un 


1  Diefio/inaire  des  arts  et  métiers,  t.  \\  p.  117. 

2  Elut  de  la  France  pour  17 12,  t.  1,  p.  357. 

3  Voy.  l'art.  Arêtiers. 
i  Voy.  l'art.  Garlando. 
^  Voy.  l'art.  Arêtiers. 
G  Page  9. 

'  l^dil.  Mieliaïul,  p.   LS. 


32 


ARBALÉTRIERS  —  ARCHITECTES 


côté  seulement.  Le  carreau  qui  ne  dépassait  pas 
vingt-cinq  cenlimèlres  de  longueur  prenait  le 
nom  de  vire  ton. 

Après  la  bataille  de  Pavie,  l'arbalète  fut 
abandonnée,  au  moins  par  les  troupes,  et 
détrônée  par  l'arquebuse,  qui  avait  fait  d'atïreux 
ravages  dans  les  rangs  français.  L'arbalète 
àjalet,  dont  Catherine  de  Médicis  aimait  à  se 
servir  ^  était  une  arme  de  chasse,  qui  lançait 
de  petites  balles  en  plomb  ou  en  terre  glaise  -. 

Je  ne  sais  si  les  arbalétriers  furent  officiel- 
lement réunis  à  la  corporation  des  arquebusiers, 
mais  il  est  certain  que  ceux-ci  héritèrent  de 
It-iir  titre  et  se  dirent,  jusqu'à  la  fin  du  dix-hui- 
tième siècle,  arquebtisiers-arbalétrierfi. 

Les  arbalétriers  avaient  pour  patron  saint 
Denis,  don!  ils  célébraient  la  fêle  le  9  octobre,  à 
l'église  Sainte-Catherine  du  Val. 

Le  cul-de-sac  de  la  Porte-aux-Peintres  ^  s'est 
appelé  jadis  rue  de  l'Arbalète  et  rue  des  Arba- 
létriers. Il  y  avait  là  un  jardin  où  venait  s'exercer 
la  compagnie  urbaine  d'arbalétriers  dont  une 
ordonnance  royale  (il  août  1410)  avait  provoqué 
la  formation.  En  1515,  ils  étaient  au  nombre  de 
00,  et  avaient  à  leur  tête  un  roi  des  arhalétriers, 
un  connétable  et  un  maître.  Ils  devaient 
s'habiller  et  s'équiper  à  leurs  frais,  mais  ils 
étaient  exempts  de  la  plupart  des  impôts,  et 
chaque  liomme  recevait  cinq  sous  par  jour.  Je 
les  trouve  encore  menlioiuiés  dans  un  édit  de 
mai  1090. 

11  y  eut  également  des  compagnies  urbaines 
d'archers  et  d"iir([ue])usit'rs. 

Voy.  Arquebusiers. 

Arboristes.  \  oy.  Herboristes  et  Pé- 
piniéristes. 

Arbres  Mahcmands  d' ).  Voy.  Pépi- 
niéristes. 

Arcaniers.  Nom  sous  lequel  j'ai  trouvé 
nommés  les  ferblantiers.  Je  suppose  qu'ils 
s'appelaient  ainsi  ù  cause  d'un  produit  qualifié 
par  eux  iVarrune,  qu'ils  mêlaient  à  leur  alliage 
et  (h)nt  les  compagnons  s'engageaii'iil  par 
serment  à  garder  le  secret. 

Archaleurs.  \  oy.  Ajchaliers. 

Archaliers.  (^'  nom,  que  me  fournil  la 
Taillf  lie  i:u:i,  peut  désigner  soit  des  haltcurs. 
soil  «les  trt'fi/iers,  soit  des  loudiers  d'archal. 

L'nrrhnl  étnil,  au  moyen  Age,  un  alliage  ou 
un  métal  fort  répandu,  et  dont  on  ne  connaît 
plus  la  composition.  Son  nom  apparaît  presque 
toujours  i\  côté  du  cuivre  el  (hi  laiton,  «M  son 
emploi  semble  b«  uiéme.  LoCJlossaire  de  I)ucan<>"e 
et  le  Dictionnaire  de  Trévoux  disent  i\\\iui.ri- 
rhalntm  signifie  d»;  Toripeau,  c'est-à-dire  des 
feuilles  de  cuivre  battu  très  mince. 

Savnry  *  fournil  de  ce  mol  une  élymologie 
a.ssez  curieuse  pour  être  reproduite  :  «  Le  fameux 


'  Hrnnloiin',  i.  \  li.  j.    ;M(i 

*  !.••   nmsôf   (InrlilliTio  pos-sède   plusieurs   spécimens 
ili>  tous  les  imulpirs  il'arbnlètcs. 

•'•  .\uj.>unl  hiii  iinpnstio  <|i-.s  lVinln>s. 

*  Dtctionitaire  du  cninmercf,  art.  fil  di-  ft/r. 


M.  Ménage,  cet  étymologiste  si  habile,  fait 
venir  ce  mot  de  filum  et  dauricalcum  ;  mais  les 
plus  sensés  de  ceux  qui  en  font  commerce  croient 
simplement,  et  avec  assez  d'apparence,  qu'un 
nommé  Richard  Archal,  ayant  inventé  la 
manière  de  tirer  le  fer  à  travers  le  pertuis  d'une 
filière,  a  laissé  son  nom  à  cette  marchandise, 
que  le  peuple  pour  cela  nomme  assez  commu- 
nément///  (le  Richard  y>. 

Quelques  auteurs  ont  soutenu  que  V uiiricalque 
était  un  alliage  de  cuivre  et  d'or.  Il  est  plus 
probable  que  l'on  donnait  ce  nom,  soit  au  cuivre 
jaune,  soit  aux  fontes  de  bronze  dont  la  couleur 
rappelait  celle  de  l'or. 

On  trouve  aussi  archaleurs. 

Archers.  Faiseurs  d'arcs.  Voy.  Arêtiers. 

Archers  de  l'écuelle.  Voy.  Archers 
des  pauvres. 

Archers  des  pauvres.  Officiers  de  police 
qui  étaient  plus  spécialement  chargés  d'arrêter 
les  mendiants,  les  vagabonds,  et  de  les  mener  à 
l'hôpital. 

On  les  trouve  aussi  nommés  archers  de  Vécuelle, 
chasse-coquins.,  etc.  Ce  dernier  nom  a  été  éga- 
lement donné  aux  bedeaux  des  églises. 

Archers  de  la  Ville.  Ils  étaient  divisés 
en  trois  compagnies,  toutes  trois  commandées 
par  un  colonel  ^ . 

Archets  (Fabricants  d').  Spécialistes  de  la 
lutherie.  C'est  un  luthier  parisien,  François 
Tourte,  qui  donna  à  l'archet  sa  forme  définitive 
et  le  rendit  parfait.  Tourte,  établi  rue  Sainte- 
Marguerite,  réalisa  ses  importantes  transfor- 
mations entre  1775  et  1783.  A  quatre-vingt-cinq 
ans,  il  cessa  de  travailler,  et  il  mourut  en  1835^. 

Archiers.  Voy.  Arêtiers  et  Menui- 
siers. 

Architectes.  Ce  mot  n'apparaît  pas  avant 
le  seizième  siècle.  Jusque-là,  on  ne  connaît  que 
le  maïlre  de  V œuvre,  le  maître  des  œuvres  de  maçon- 
nerie ou  de  charpenterie .  C'est  lui  qui  trace  les 
plans,  fait  les  devis,  achète  les  matériaux,  passe 
les  marchés,  surveille  les  travaux,  toise  el  reçoit 
l'ouvrage,  paye  les  ouvriers  ou  leur  délivre  des 
mandats  de  payement.  Le  maçon  Raimond  du 
Temple,  qui  reconstruisit  le  Louvre  en  1365, 
était  dit  «  maître  des  œuvres  de  maçonnerie  de 
monseigneur  le  roi  ^  »  Son  fils  Jean  fut  maître 
des  œuvres  de  maçonnerie  de  l'église  de  Paris. 
Presque  à  la  môme  date,  Christine  de  Pisan,  énu- 
méranl  les  nombreux  édifices  élevés  à  Paris  par 
Charles  V,  déclare  qu'il  était  «  sage  artiste  et 
vray  architeteur  ^  ».  Le  plus  ancien  document  où 
figure  le  mot  architecte  serait  une  lettre  de  1510, 


1  Voy.     la    pramlc   ordonnance    do    dûcenibre    1G72  , 
chapitre  XXXIII,  art.  21. 

*  Voy.  L.  Giillet,  Les  ancêtres  du  violon,  t.  II,  n.  398 
cl  407. 

3  liibliothèijue     de    Vecule    des    chartes,    3"  série,    t.    II 

(18-it;),  p.  r,9. 

*  Le  tirre  des  fuis  et  bonnes  meurs,  édil.  Michaud,  liv. 
III,  chap.  11. 


ARCHITECTES  -  ARDOISIERS 


33 


relative  à  la  coustrucUon  de  l'ég-lise  de  Brou  -. 
Le  Roux  de  Lincy  a  publié  la  liste  des  maîtres 
des  œuvres  de  la  ville  de  Paris  depuis  1257  ^. 

Voj.  Maître  des  maçons  et  Vérifica- 
teurs de  mémoires. 

Architecteurs.  Voj.  Architectes. 

Archives  des  corporations.  Voj. 
Bureau. 

Archivistes.  Dans  les  couvents,  chez  les 
grands  seig'ueurs,  gens  chargés  de  classer  et  de 
conserver  les  titres  de  la  maison. 

Arçonneurs.  On  nommait  ainsi  les  ouvriers 
qui  l'aisaient  subir  une  dernière  épuration  à  la 
laine  et  au  coton,  au  moyen  de  l'arçon.  L'arçon 
était  une  sorte  d'archet,  long  de  six  à  sept  pieds, 
muni  d'une  corde  de  boyau  bien  tendue  qui,  mise 
en  vibration,  frappait  et  faisait  voler  le  coton  ou 
la  laine  placés  sur  une  claie. 

Les  arçonneurs  furent  réunis,  vers  la  fin  du 
quinzième  siècle,  aux  cardeurs. 

Dans  la  suite,  tous  les  ouvriers  qui  se  servaient 
de  l'arçon,  et  plus  spécialement  les  chapeliers, 
furent  dits  arçonneurs.  Les  cardeurs  et  les  foulons 
se  qualifiaient  officiellement  arçonneurs  de  laine 
et  de  coton. 

Arçonniers.  Voy.  Chapuiseurs. 

Arêtiers.  Jean  de  Garlande,  qui  écrivait 
vers  1250,  les  nomme  architenentes,  et  dit  qu'ils 
vendaient  des  arbalètes,  des  arcs  de  bois  d'érable, 
de  viorne  et  d'if,  des  javelots,  des  flèches  et  des 
carreaux  de  frêne  *. 

Les  arctiers  présentèrent,  vers  1260,  leurs 
statuts  au  prévôt  Etienne  Boileau  ^.  Ils  s'y 
intitulent  archiers,  c'est  à  savoir  feseres  ^  de  ars, 
de  fleiches  et  de  arbalestes.  Ils  jouissaient  de 
tous  les  privilèges  accordés  aux  artisans  qui 
travaillaient  pour  les  hommes  d'armes.  Le 
métier  était  libre.  Ils  pouvaient  avoir  un  nombre 
illimité  d'apprentis  et  travailler  à  la  lumière.  Ils 
n'étaient  pas  astreints  au  service  du  guet,  «  quar 
li  mestiers  l'aquite,  quar  le  mestier  est  pour 
servir  chevaliers  et  escuiers  et  sergens,  et  est 
pour  garnir  chasliaux.  »  Ils  fabriquaient  des 
arcs,  des  carreaux,  des  flèches  en  bois  et  en  corne, 
d'une  ou  de  plusieurs  pièces,  et  empennaient 
carreaux  et  flèches  des  plumes  qu'ils  voulaient, 
mais  plus  généralement,  semble-t-il,  de  plumes 
de  poule. 

La  Taille  de  1292  cite  huit  archiers,  celle  de 
1300  en  mentionne  cinq  seulement.  On  trouve 
aussi  un  fléchier  dans  la  Taille  de  1292. 

\Jarc  des  treizième  et  quatorzième  siècles  était 


2  \'ûy.    Bulleliii    de   la   Société  de   rhistolre  de  Paris. 
t.  II  (1875),  p.  162  ;  t.  III,  p.  22  et  33. 

3  Histoire  de  f  hôtel  de  ville,  p.  237. 

4  «  Faciunt  halistas  et  arcus  de  accre    et  virbuno  et 
taxo,  et  tela  et  sacittas  et  petilia  de  fraxino.  a 

»  Livre  des  métiers,  titre  XCVIII. 
f'  Faiseur.s. 


en  général  de  bois  d'if,  avec  une  corde  en  soie. 
Il  devait  avoir  la  hauteur  de  l'homme  qui  s'en 
servait.  L'arc  dit  anglais  était  plus  long  et  plus 
souple  que  l'arc  français  ;  Varc  tnrqnois,  fort 
court,  se  composait  de  detix  cornes  réunies  par 
un  ressort  d'acier  ;  sous  Charles  V,  les  arsenaux 
renfermaient  encore  des  provisions  de  corne  de 
bœufs  destinées  à  confectionner  des  arcs.  Les 
flèches  avaient  de  50  centimètres  à  un  mètre  de 
long  ;  taillées  dans  des  baguettes  de  frêne,  elles 
étaient  munies  de  trois  pennes,  et  terminées  par 
un  fer  très  pointu. 

Un  bon  archer  tirait  douze  ilèches  à  la  minute, 
et  manquait  rarement  le  but  à  deux  cents  pas. 
Comme  son  carquois  ou  sa  trousse  renfermait 
ordinairement  vingt-quatre  flèches,  il  étaillnen tôt 
vide,  et  l'archer,  armé  soit  du  vouge,  soit  de 
l'épée  à  deux  tranchants,  devait  alors  s'efforcer 
de  blesser  des  chevaux  et  d'achever  les  cavaliers 
démontés. 

L'arbalète  fut  de  bonne  heure  substituée  à  l'arc 
dans  les  troupes,  et  nous  retrouverons  les  arctiers 
sous  le  nom  d'artilliers.  Il  y  avait  cependant  à 
Paris  au  dix-huitième  siècle  un  fourbisseur, 
nommé  Bletterie,  qui  s'iniitxûail arctier-fltr/ner  ' . 

Les  arctiers  avaient  pour  patron  saint 
Sébastien  qui,  comme  on  sait,  fut  percé  de 
flèches  par  ordre  de  Dioclétien. 

Ardoisiers.  Au  quatorzième  siècle,  les 
couvertures  en  ardoises  étaient  déjà  assez 
communes  dans  les  villes  ^  ;  l'adoption  des 
combles  coniques  pour  les  tours  des  châteaux  en 
rendait,  d'ailleurs,  l'emploi  obligatoire.  Dès  le 
treizième  siècle,  les  couvreurs  avaient  remarqué 
que  l'ardoise  donne  lui  reflet  différent  suivant  le 
sens  dans  lequel  on  présente  sa  surface  à  la 
lumière,  et  ils  obtinrent  ainsi  d'assez  jolies 
mosaïques  de  deux  tons.  En  diversifiant  la  taille, 
ils  arrivèrent  aussi  à  produire  des  effets 
inattendus,  écailles,  épis,  quinconces,  et«. 

Notons  en  passant  qu'au  quatorzième  siècle 
déjà,  l'on  emploj^ait  les  ardoises,  en  guise  de 
tablettes  de  cire,  pour  prendre  des  notes.  On  ne 
peut  guère  expliquer  autrement  cette  mention 
de  l'inventaire  dressé  après  la  mort  de  Charles  V: 
«  Deux  ardoises  encliassées  en  deux  aiz 
d'argent  ■*  ». 

Au  quinzième  siècle,  l'ardoise,  mieux  exploi- 
tée, est  livrée  plus  régulière  et  surtout  plus 
mince  :  elle  a  seulement  six  à  huit  millimètres 
d'épaisseur,  tandis  que  celle  du  treizième  siècle 
variait  entre  dix  et  quinze  *. 

Le  chapitre  29  de  l'ordonnance  de  1672  ne 
permet  l'entrée  à  Paris  que  de  deux  qualités 
d'ardoises,  <<  la  quarrée  forte  et  laquarrée  fine  ». 
Tout  bateau  chargé  d'ardoises  devait,  à  son 
arrivée,  subir  la  visite  des  jurés  couvreurs,  qui 
faisaient  à  la  Ville  un  rapport  constatant  la 
quantité  et  la  qualité  des  marchandises  apportées. 


1  Enci/clopédietnéthodiqite,  Arts  et  métiers,  t.  II,  p.  52. 

2  S.  Luce,  Histoire  de  Duifuesclin,  p.  57. 
'■''  N"  2761.  Voy.  aussi  le  N"  1996. 

4  ViolIet-le-Duc,    Dictionnaire   de    Vnrchileetiire,  t.    I, 
p.  453  et  t.  IX,  p.  325. 


'^ 


34 


ARDOISIERS  —  ARMES 


C'est  en  1728  seulement  que  l'introduction  à 
Paris  (le  toute  espèce  d'ardoises  lut  autorisée  ^ . 

A  la  tin  du  dix-huitième  siècle,  les  ardoisières 
d'Anjou  produisaient,  année  commune,  <<  un 
million  de  milliers  d'ardoises  »  de  toute  qualité  -. 

Le  métier  d'ardoisier  n'était  pas  constitué  en 
maili'ise,  mais  les  couvreurs  seuls  avaient  le 
droit  d'employer  l'ardoise  pour  la  couverture 
des  maisons. 

\'ov.  Fendeurs.  —  Perriers.  —  Tail- 
levirs.  —  Tireurs.  —  Toucheurs.  — 
Tuiliers,  tic. 

Argent  bon.  Voy.  Deniers. 

Arg-enteurs.  La  Taille  de  i292  cite  trois 
arpenteurs,  celle  de  1300  en  mentionne  deux. 
Mais  ce  métier  ne  tarda  pas  à  se  confondre  avec 
celui  de  doreur. 

Arg-enteurs.  Voj.  Changeurs. 

Arg'enterie  (Officiers  de  l').  V03'.  Con- 
trôleurs et  Menus. 

Argentiers.  Leurs  fonctions  consistaient  à 
tenir  la  maison  royale  pourvue  de  tout  ce  qui 
était  nécessaire  pour  l'ameublement  et  l'iiabille- 
ment  destinés  au  roi,  à  sa  famille  et  à  ses 
officiers.  L'argentier  devait  donc,  sous  la 
direction  et  la  surveillance  du  maître  de  l'hôtel 
et  des  chambellans,  s'entendre  avec  les  marchands 
et  fournisseurs,  et  conclure  avec  eux  des  marcliés 
qui  étaient  soldés  sur  les  fonds  spéciaux  assignés 
pour  l'argenterie.  Dans  l'origine,  il  eut  sous  lui 
un  clerc  pour  l'aider  dans  ses  fonctions,  dans 
les  écritures  surtout.  Ce  clerc  devint  assez 
promptement  le  contrôleur  de  V argenterie .  ]<]n 
lô.'iiL  Fran(;ois  !*■■  retira  du  département  de 
l'argenterie  tout  ce  qui  concernait  le  linge  et  le 
mobilier,  et  les  attribua  au  maître  de  la  chambre 
aux  deniers.  Il  lais.sa  seulement  à  l'argentier,  dit 
l'ordonnance,  «  les  pajemens  des  ad'aires  con- 
cernant ses  personne,  chambre  etgarderobbe  "*  ». 

Le  trésorier  du  roi  a  aussi  purté  le  titre 
d'argentier. 

l)iins  les  grandes  maisons,  l'argentier  distri- 
buait l'argent  lu'cessaire  aux  dépenses  de  chaque 
jiiur,  et  l'iiregislrait  les  dépenses. 

Le  mot  argentiers  a  désigné  aussi  tous  les  gens 
ayant  le  maniement  de  fortes  sommes,  les 
banquiers,  les  caissiers,  les  changeurs,  etc. 

\'ny.  Clercs  de  l'argenterie. 

Argent  .suc.  \n_v.  Deniers. 

Ari.sm«'>ticiens.  \  <i\ .  Arithméticiens. 

Arithméticiens.  Tilre  qui  appartenait  à 
la  cnrporalion  des  écrivains.  H  fut  surtout 
illustre  par  un  sieur  t'rant.ois  de  Barrème  dont 
le  nom  est  resté  synonyme  de  Comptes  faits. 
Le  Lirre  o/mmode  des  adresses  pour  16li2  nous 


'   Dflamorre,  Traité  lir  la  police.  I.  IV,  p.  02. 
-  Jaubort,  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  l.  I,  p.   141 
•'  Douol-d'Arcq,  Comptes  de  C argenterie,    introduction 
p.  VII,  IX  et  X. 


apprend  que  «  M.  Barème  aritméticien,  devant 
le  Pont-Neuf,  au  bout  de  la  rue  Dauphine,  est 
ordinairement  nommé  par  la  chambre  des 
comptes  pour  les  calculs  et  vérifications  d'écri- 
tures 1  >>.  Les  écrivains  jouaient  alors  devant  les 
tribunaux  le  rôle  dévolu  aujourd'hui  aux  experts 
en  écriture,  et  Barrème  possédait  la  confiance, 
non  seulement  des  juges,  mais  aussi  de  la 
chambre  des  comptes. 

Il  devait  cet  honneur  à  la  publication  faite 
par  lui,  en  1669,  d'un  volume,  cent  fois 
réimprimé  sous  le  titre  de  Comptes  faits,  et  dont 
Colbert  avait  accepté  la  dédicace.  L'édition 
originale,  devenue  très  rare,  porte  un  titre  plus 
compliqué,  que  je  crois  devoir  reproduire  en 
entier  :  Le  livre  des  tarifs,  où,  sans  plume  et  sans 
peine,  on  trouve  les  comptes  faits  divisés  en  trois 
parties.  Savoir  :  les  tarifs  communs,  les  tarifs 
particuliers,  les  tarifs  du  grand  commerce. 
Dédiés  à  monseigneur  Colhert,  ministre  d^ Estât, 
etc.;  par  Barrème,  mathématicien,  lequel  enseigne 
hrieuvement  l^ arithmétique.  Se  vend  chez  luy  à 
Paris,  au  bout  du  Pont-Neuf,  entrant  en  la  rue 
d^Ariphine,  où  il  y  a  des  affiches  sur  la  porte,  et  chez 
Hugues  Senus,  marchand  liurère,  rue  Richelieu. 

François  de  Barrème  mourut  en  1703  ^. 

Les  arithméticiens  ont  été  dits  arisméticiens, 
mat  hé  m  a  t  ic  ie  a  s.  calctda  teurs,  etc. 

Voy.  Écrivains  et  Jetons  (Calcul  par 
las). 

Arméniens.  Nom  par  lequel  on  désigna, 
au  dix-septième  siècle,  les  premiers  propriétaires 
de  cafés. 

Armes  (Maîtres  d').  La  Taille  de  1292  les 
nomme  escremisseeurs  et  en  mentionne  sept. 

Ils  ne  furent  constitués  en  communauté  qu'à 
la  fin  du  seizième  siècle,  et  leurs  pi'emiers 
statuts,  datés  du  mois  de  décembre  1567, 
présentent  des  particularités  assez  curieuses.  Les 
maîtres  y  sont  qualifiés  joueurs  et  escrimeurs 
d^épée.  Les  apprentis  sont  iWi'^ prévôts  ou  gardes- 
salle,  et  doivent  servir  deux  ans  avant  de 
pouvoir  aspirer  à  la  maîtrise.  Ce  stage  terminé, 
le  prévôt  subit  une  épreuve  et  passe  prévôt 
général.  Une  seconde  épreuve,  un  chef-d^œuvre, 
disent  les  stiituts,  lui  est  encore  imposée  quatre  ans 
après,  pour  obtenir  le  titre  de  maître.  Il  peut 
alors  ouvrir  une  salle  où  il  voudra,  sauf  dans  le 
quartier  de  l'Université,  par  crainte  «  que  les 
escholiers  ne  se  divertissent  de  leurs  estudes  », 
au  profit  de  l'escrime.  Les  .salles  devront  être 
i'er'inées  les  dimanches,  les  jours  de  fête,  et  le 
jour  de  la  Saint-Michel,  patron  de  la  corporation. 

(]i's  statuts  furent  révisés  par  lettres  patentes 
de  décendtre  1.585,  qui  donnent  aux  maîtres  le 
nom  de  maistres  au  fuict  d'armes,  puis  en 
novendire  1644.  Je  lis  dans  cette  dernière 
rédaction  qu'aucun  prévôt  ne  sera  admis  à  la 
maîtrise  avant  l'âge  de  vingt-cinq  ans.  Il  devra 
alors  oH'rir  à  la  communauté  «  deux  épées  de  la 
valeur  de   25  livres  chacune,  destinées  à  être 


'    Ton,..  II.  [,.  -.1. 
-   \"V.   A    .);il,  Dicli(j 


maire  critique,  p.   116. 


ARMES 


35 


adjugées  en  prix  »  ;  donner,  en  outre,  à  chaque 
fils  de  maître  ajant  atteint  l'âge  de  18  à  20  ans, 
une  paire  de  gants  de  daim.  L'épreuve  ù  laquelle 
il  sera  ensuite  soumis  consistera  à  lutter  contre 
six  maîtres,  avec  «  l'espadon,  l'épée  seule,  la 
hallebarde  et  le  bâton  à  deux  bouts  ».  (>^s  statuts 
lurent  souscrits  par  les  vingt  maîtres  exerçant 
alors  à  Paris. 

Louis  XIII  avait  à  peine  huit  ans  quand  il 
commença  à  tirer  des  armes  '  ;  son  professeur  se 
nommait  Jeronimo  ^.  Louis  XIV  eut  pour 
premier  maître  Vincent  de  Saint-Ange  dont  les 
gages  étaient  de  2. OOU  livres  ■*.  Vincent  sut  se 
l'aire  aimer  de  son  royal  élève,  et  ses  confrères 
profitèrent  de  la  laveur  dont  il  jouissait  :  les 
lettres  patentes  de  mai  1656  accordèrent  désor- 
mais la  noblesse  héréditaire  aux  six  plus  anciens 
maistres  en  fait  (ïannes,  à  condition  qu'ils 
comptassent  au  moins  vingt  années  d'exercice. 
De  plus,  la  corporation,  limitée  à  vingt  maîtres, 
eut  le  droit  de  prendre  les  armoiries  suivantes  : 
«  D'azur,  à  deux  épées  d'argent  passées  en 
sautoir,  les  poignées  et  les  gardes  d'or,  accom- 
pagnées de  quatre  fleurs  de  lys  de  même,  une  en 
chef,  deux  aux  flancs  et  une  en  pointe  *  ». 

Vers  la  fin  du  dix-septième  siècle,  une  sage 
prescription  des  statuts  de  1567  était  tombée  en 
désuétude,  et,  vers  la  fin  du  dix-septième  siècle, 
presque  tous  les  maîtres  d'armes  habitaient  dans 
les  limites  de  l'Université  ou  dans  le  faubourg 
Saint-Germain-"*.  Robert,  procureur  du  roi, 
dans  une  lettre  du  11  juillet  1695  à  l'agent 
Desgranges,  dit,  au  sujet  d'une  arrestation  qu'il 
devait,  mais  ne  put  opérer  près  de  l'abbaye  : 
«  En  un  moment,  il  s'est  attroupé  en  cet  endroit 
beaucoup  de  gens  d'épée  el  de  bretteurs,  dont 
ce  quartier  est  rempli,  et  il  étoit  impossible 
d'emmener  le  prisonnier,  sans  rendre  un  petit 
combat,  et  faire  tuer  beaucoup  de  monde  ^  ». 

Un  sieur  Rousseau  était  alors  le  maître  le  plus 
en  vogue.  Son  petit-fils,  coupable  d'avoir  été 
«  le  maître  d'armes  des  enfans  de  Capet  »  fut 
guillotiné  en  1793. 

Les  salles  d'armes  portaient  le  nom  d'acadé- 
mies, et  étaient  soumises  à  certains  règlements 
de  police.  Chacune  d'elles  avait,  en  outre,  un 
règlement  particulier,  et  je  trouve  dans  ces 
documents  quelques  articles  bons  à  recueillir. 
Ceux-ci  par  exemple  :  «  Ne  pas  jurer  le  nom  de 
Dieu.  —  Ne  pas  dire  de  paroles  ni  de  cliansons 
indécentes.  —  Ne  point  badiner,  attendu  que 
les  suites  en  sont  ordinairement  fâcheuses.  — 
Ne  railler  personne  sur  le  fait  des  armes.  —  En 
tirant  des  armes,  lorsqu'on  fait  tomber  le  fleuret 
de  son  adversaire,  il  faut  le  ramasser  prompte- 
ment  et  le  remettre  en  main  avec  politesse.  — 
Il  faut  que  l'escholier  prenne  sa  leçon  d'armes 
sans  interruption,  attendu  qu'elle  ne  dure  à  peu 


1  Héroard,   Journal  sur  T enfance   de   Louis  XIII,  t.  I, 
p.  380. 

^  Héroard, /owniff/ i'w?-  Venfinve  de  Louis  XIII,  p.  384. 
>*  Estai  (jénéral  de  la  maison  du  Roy  pour  1657 ,  p.  115. 
i  Voj.  V  Armoriai  général  de  109G,   t.   XXV,   p.    209. 

5  Voy.  le  Livre  commode  pour  1692,  t.  I,  p.  2ô.j. 

6  P.    Clément,    La  police    sous    Louis  XIV,    pièce.s 
iustificative.s,  p.  442. 


près  (jue  le  temps  d'une  affaire  sérieuse.  —  Il 
est  de  l'honneur  de  l'escholier  de  payer  réguliè- 
rement le  prix  convenu  ».  Dans  plusieurs  salles 
d'armes,  qui  ne  jouissaient  pas  d'une  bonne 
réputation,  ce  dernier  article  était  à  peu  près  le 
seul  auquel  on  tint  réellement  la  main. 

J.-C.  Nemeitz  écrivait  vers  1718  :  «  Quand 
un  Anglois  se  bat  contre  un  François,  l'Anglois 
a  ordinairement  le  dessous  ;  tous  deux  s'attaquent 
avec  fureur,  mais  le  François  est  plus  habile. 
En  revanche,  si  le  François  a  pour  adversaire 
un  homme  d'une  autre  nation,  celui-ci  en  fait  ce 
qu'il  veut  s'il  soutient  de  sang  froid  la  première 
attaque,  qui  est  très  chaude  '  ». 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  les  maîtres 
d'armes,  disséminés  dans  tous  les  quartiers, 
étaient  au  nombre  de  seize  seulement '^.  La 
corporation  continuait  à  n'accueillir  un  nouveau 
maître  qu'après  lui  avoir  fait  subir  de  sérieuses 
épreuves.  Ainsi,  en  1772,  un  sieur  Etienne, 
prévôt  du  professeur  de  l'école  militaire,  s'étant 
présenté  à  la  maîtrise  fit  ses  preuves  de  capacité 
en  public,  le  11  mars,  dans  la  salle  du  Colysée, 
qui  pouvait  contenir  huit  à  dix  mille  spectateurs. 
«  Il  y  avoit,  écrit  un  témoin  oculaire,  un  très 
grand  nombre  de  personnes  de  distinction  qui 
furent  introduites  dans  la  rotonde  où  se  faisoit 
l'exercice.  Le  sieur  Lasalle,  maître  en  fait 
d'armes,  tira  le  premier  contre  le  récipiendaire  ; 
il  porta  une  botte  et  en  reçut  une  autre.  Le  sieur 
Menessier,  autre  maître  d'armes,  tira  le  second 
pendant  une  demi-heure,  avec  autant  de  supé- 
riorité que  de  grâce,  et.  sans  avoir  été  touché, 
il  porta  deux  belles  bottes,  qui  furent  admirées 
des  assistans.  11  fil  ensuite  un  second  assaut  de 
l'épée  au  poignard,  et  le  prix  de  l'escrime  lui 
fut  adjugé.  Deux  autres  maîtres  firent  encore 
successivement  assaut  avec  le  récipiendaire,  et  le 
dernier  termina  l'exercice  •'  ».  Notons  que,  s'il 
faut  en  croire  VAlmauacà  Dauphin  * ,  les 
masques  d'escrime  venaient  d'être  inventés  par 
un  épinglier  de  la  rue  Phélipeaux,  nommé  Leroi. 
Un  attribue  aussi  celte  innovation  au  maître 
d'armes  La  Boissière,  vers  1750.  Ces  masques 
étaient  à  peu  près  sendilables  à  ceux  dont  on  se 
sert  aujourd'lmi,  mais  sans  les  côtés.  Plusieurs 
maîtres  refusèrent  pendant  longtemps  de  s'en 
servir,  comme  constituant  une  garantie  indigne 
d'un  bon  tireur.  C'est  au  commencement  de  ce 
siècle  et  à  la  suite  d'accidents  graves,  qu'ils 
furent  rigoureusement  imposés,  dans  les  assauts  ^ . 

L'idée  d'employer  le  pistolet  dans  un  duel 
date  des  dernières  années  du  dix-huitième  siècle. 
«  Depuis  dix  ans,  écrivait-on  en  1826,  phisieui-s 
combats  singuliers  ont  été  livrés  de  cette  manière 
entre  des  officiers  et  même  entre  des  bouru'eois  ''  ». 


1  Édit.  de  1897,  p.  28. 

2  On  trouve  leur  nom  et  leur  adresse  dans  .Jèze , 
État  de  la  ville  de  Paris  pour  1760,  p.  176. 

■i  Affiches,  annonces  et  aris  dirers,  n°  du  25  mars  l'772, 
p.  :i2. 

'*  Supplément  pour  Vannée  1777 ,  p.  21. 

5  Vigeant.  bibliographie  de  V escrime,  p.  ITl. 

•<  Vie  publique  et  privée  des  Français,  t.  II,  p.  258.  — 
Mais  voy.  aussi  Séb.  Mercier,  Tableau  de  Paris  (1782), 
t.  II,  p.  325. 


:j«5 


ARMES  —  ARMOIRIES  DES  CORPORATIONS 


A  la  fin  du  dix-septième  siècle  encore,  on  les 
trouve  nommés  spadassins,  espadassins,  espa- 
dacins,  gladiateurs,  etc.  En  1622.  Jéronimo 
r  «  espadacin  du  R«>v.  »  L'iicliait  pour  cette 
r..nclion  trois  mille  ifvres  '  :  v\  Tall.'Uiant  des 
H.'-aiix  écrivail  vers  1080:  «  Le  conih'  de 
(Iraninionl  s'esfoit  lait  accompa«rner  par  un 
•  rladialiMir  nommé  Termes  2  ». 

\  n\ .  Académies. 

Armoiers.  \o\.  Armoyeurs. 
Armoiries  des  corporations.  On  peut 

l'air.'  n-niduli'i'  jusque  vers  l'an  1200  l\iritrine  des 
ai'inoiiii's  adoptées  par  les  corporations  ouvrières 
(II-  Paris.  La  plus  ancienne  de  toutes,  la  Hanse 
/jarisie/iiie  on  k-s  Marchands  de  Peau,  nous  en 
lournil  le  premier  exemple.  l']n  tète  d'un  cliiro- 
«jpiapliH  •'  qui  tlale  du  comniencemenl  du  treizième 
siècle,  el  qui  est  relatif  à  un  accoi'd  sur  la  vente 
du  sel  conclu  entre  la  Hanse  de  Paris  et  celle  de 
[{nucn,  on  Irouve  appejidu,  sur  double  queue  de 
partlifiuiii,  un  sceau  en  cire  jaune  de  forme 
lundi',  «pii  représeiilc  une  harque  antique  avec 
lui  mal  sdulenu  à  di-uih'  ri  à  «j^ancht'  par  Imis 
cordaj^es.  La  léjf'ende  est  ainsi  courue  : 

SKill.l.t  .M    MKUC.VIORUM    AQIK    PARISIUS 

\  i'r>  It'  milieu  du  quatorzième  siècle,  le  sceau 
d»*s  Marr/iands  de  feau  suhit  (pudques  modili- 
i-alioiis.  Le  mût  se  para  d'une  voile,  et  des  llnnrs 
de  lis  irréj;ulièrement  placées  connuencèrent  à  y 
iig'urer  ;  mais  la  pièce  principale  resta  toujours 
lu  Ijarque  tui  nef.  La  municipalité  de  Paris,  issue 
lie  la  pni.ssante  corporation  des  mercatores  aqtiœ, 
adopta  liicnlôt  un  sceau  semblable,  et  ces 
armoiries,  qui  au  counnencemenl  du  ([uinziènie 
sit'clc  se  (•(iinplétèri'iit  par  un  chef  d'a/.ur  semé 
de  Heurs  de  lis,  devinrent  i-elles  de  la  ;^-rande 
cilé  parisienne. 

.Sans  abandonner  le  treizième  siècle,  nous 
lenconiroiis  encore  un  autre  tjpe  des  armoiries 
|triniitives  des  corporations.  Lero)^  dans  ses 
S'atuts  el  pririlà(/es  du  corps  des  marchands 
tn-fèrres-joya  illier  s  de  la  ville  de  Paris  *,  nous 
fournil  le  dessin  d'un  sceau  '■'  avant  appartenu  à 
la  ciMumunaiilé  des  orfèvres,  el  il  ajoute  :  <■:  Les 
eonnoisseiirs  verroient  aisément,  ii  la  forme  seule 
lies  runirleres  de  ce  inonumenl,  ipril  est  vérita- 
blement (lu  temps  de  saint  Louis,  quaml  les 
ensei|r||,.ii„'iis  de  nos  arcllives  n'en  fourniroient 
pas  d'iiiilres  preuves  ».  Ce  sceau,  qui  avait 
seulem.-nl  onze  lijrnes  de  diamètre,  représente 
sHinI  Kloi  •"'.  hous  ses  vêlements  épisco|)anx  :  il 
est  id.i.e  dans  une  SOI  !<•  i|r  iiiclie  surmontée  d"un 


'   K    Kniiniier,  YorlHfi  kiuhriqurs.  t    \1,  p.  121. 

'  llittiiriflit%,  loîiif  1,  p.  'iWi. 

3  Voy.  co  mol.  —  M.  I^M.pold  l).>lislr  croit  ce  cliiro- 
srrnplii-  (lu  mo«8  iIp  jnnvicr  laU).  Vi.y  Mm  Ciiliiloiiiie 
itrs  acifg  lif  l'kilippr  Augmlt,  p.  213. 

i   Pnris.   IT.M».  iii  -l",  p.  4. 

''       ■    1  .\rci|,  ilfui.s  .wli   iiivi'iitiiirc    cj.'s    srcnu.x 
'  "'  \irliivrs  »mli.iiiiili'j4,  n  en  nientioiinf  oucun 

'!"■  un  il  une  rorporaliou  ouvrière. 

6  Sfliiii  Kl,,,  piaii  1,.  pniroii  »le  tous  les  fètres,  ouvriers 
qui  travaillaient  l»>  nicUus. 


baldaquin,  sa  tête  est  mitrée,  sa  main  gauche 
porte  la  crosse,  sa  main  droite  un  marteau,  et  la 
légende  est  conç;ue  en  ces  termes  :  S.  [Sigillum] 
coNFRARiE  S .  Eligii  aurifabrorum  .  Les 
orfè\Tes  remplacèrent  bientôt  ce  sceau  par  de 
véritables  armoiries,  fort  belles  et  surmontées 
d'une  devise  un  peu  prétentieuse.  «  Une  tradi- 
tion, dit  Leroy,  conservée  d'ancienneté  parmi 
nous,  regarde  le  roy  Philippe  de  Valois  comme 
ayant  concédé  ces  armoiries  à  notre  corps,  et 
en  fixe  l'époque  à  l'an  1330  ».  Faute  de  mieux, 
tenons-nous-en  à  cette  tradition,  à  laquelle  il 
convient,  je  crois,  de  ne  pas  accorder  beaucoup 
de  confiance. 

A  la  fin  du  quatorzième  siècle,  nous  nous 
trouvons  en  présence  d'une  nouvelle  tradition, 
mais  cette  fois  il  est  plus  facile  d'en  indiquer  la 
source.  Les  armoiries  des  pelletiers  étaient 
surmontées  d'une  couronne  ducale,  et  la  corpo- 
ration disait  «  tenir  cette  couronne  d'un  ancien 
duc  de  Bourbon,  comte  de  Clermont,  qui  avoit 
été  leur  protecteur  ».  Cette  assertion  semble 
parfaitement  fondée.  Dès  le  treizième  siècle,  le 
roi  avait  concédé  une  partie  des  revenus  et  la 
juridiction  professionnelle  de  la  conuuunaulé 
des  pelletiers  à  son  grand  chambrier,  privilège 
que  celui-ci  conserva  jusqu'en  octobre  1545. 
(  )r.  de  lemps  immémorial,  les  princes  de  la  maison 
de  Bourbon  avaient  été  titulaires  des  fonctions  de 
chandjrier,  et  sous  Charles  V,  ces  fonctions 
étaient  remplies  par  Louis  P"",  duc  de  Bourbon 
et  comte  de  Clermont.  Les  pelletiers  affirmaient 
donc  avec  raison  qu'un  ancien  duc  de  Bourbon, 
comte  de  Clermont,  avait  été  leur  protecteur  ;  le 
don  d'une  couronne  ducale  faite  par  lui  à  la 
corporation  placée  sous  son  autorité  n'a  rien  d'in- 
vraisemblable, et  prouve  que,  dès  le  quatorzième 
siècle,  les  pelletiers  possédaient  officiellement  des 
armoiries. 

11  faut  néannuiinsatteindi'e  le  quinzième  siècle 
pour  voir  l'usage  des  armoiries,  jusque-là 
réservées  aux  nobles  et  aux  communes,  se 
généraliser  parmi  les  corporations  ouvrières.  Les 
unes  alors  les  obtiennent  du  roi,  les  autres  se  les 
octroient  d'elles-mêmes. 

A  cette  époque,  presque  tous  les  métiers  font 
b'apper  des  nu^reaux  de  plomb  à  l'usage  de  la 
comnmnauté  et  de  la  confrérie,  et  ces  luéreaux 
représentent  en  général  d'un  côté  le  patron  de 
la  corporation,  de  l'autre  soit  les  outils  les  plus 
employés,  soit  les  principaux  objets  fabriqués  par 
elle.  Ainsi  les  méreaux  de  la  corporation  des 
balanciers  portent  sur  une  face  un  saint  Michel, 
sur  l'autre  une  balance  ;  ceux  des  boulangers 
portent  un  saint  Honoré  et  un  boulanger  enfour- 
nant des  pains  ;  ceux  des  chapeliers,  un  saint 
Michel  et  des  coiflures  de  diilérentes  formes  ; 
ceux  des  chandeliers,  un  saint  Jean  el  des 
chandelles  suspendues  à  une  tringle  ;  ceux  des 
bourreliers,  la  Vierge  et  \n\  collier  de  cheval; 
ceux  d«'s  charpentiers,  saini  Biaise  et  une  équerre, 
un  compas,  une  cognée,  etc-,  ceux  des  menuisiers, 
une  sainte  .\une  et  un  vilebrequin,  un  compas,  un 
ciseau  ;  ceux  des  maréchaux,  un  saint  Éloi  et  un 
fer  de  cheval  ;  ceux  des  libraires,  un  saint  Jean 
el  un  livre  accosté  de  deux  palmes;  ceux  des 


ARMOIRIES  DES  CORPORATIONS 


37 


épingliers,  la  Vierge  et  trois  épingles  posées  en 
pal,  etc.  *. 

Voilà  la  véritable  origine  des  armoiries 
choisies  par  les  corporations  ouvrières.  L'ordon- 
nance dite  (Jeu  Bannirres,  rendue  au  mois  de 
juin  1407.  régidarisera  ces  blasons  et  leur 
donnera  une  consécration  légale. 

Au  début  de  dix-septième  siècle,  les  merciers 
se  tirent  octroyer  par  la  nuniicipalité  de  nou- 
velles armoiries,  et  les  Six-Corps,  suivant  cet 
exemple,  en  obtinrent  également.  Dans  toutes  ces 
armoiries  figuraient  un  certain  nombre  de  nefs 
d'argent,  dont  le  nombre  indiquait,  pour  chaque 
communauté,  le  rang  qu'elle  occupait  dans  les 
Six-Corjjs.  Ainsi,  les  armoiries  des  drapiers,  le 
premier  d'entre  eux,  portaient  une  nef,  et  celles 
des  orfèvres  qui  était  le  sixième,  en  portait  six. 

Un  édit  de  1696  ordonna  de  dresser  le  cata- 
logue des  armoiries  possédées  par  les  particuliers, 
les  villes,  les  maisons  religieuses,  les  cjmmu- 
naulés  ouvrières,  etc.  Leur  ensemble  constitua 
V Armoriai  général,  recueil  officiel  qui  est 
aujourd'hui  conservé  parmi  les  manuscrits  de  la 
Bibliollièque  nationale,  et  qui  comprend  environ 
60.000  armoiries.  J'extrais  la  liste  suivante  des 
tomes  XXIII,  XXIV  et  XXV  : 

ARMOIRIES  DES  CORPORATIONS 

d'après 
UARMORIAL  GÉNÉRAL  DE  1696. 

AiGUiLLiERS  ET  ÉpiNGLiERS.  —  D'azur,  seiué 
d'aiguilles  d'argent  et  de  dés  à  coudre  d'or. 

Armes  (Maîtres  en  fait  d').  —  D'azur,  à 
deux  épées  d'argent  passées  en  sautoir,  les 
poignées  et  les  gardes  d'or,  accompagnées  de 
quatre  Heurs  de  lis  de  même,  une  en  chef,  deux 
aux  flancs  et  une  en  pointe. 

Arquebusiers.  —  De  gueules,  à  deux 
pistolets  d'or  passés  en  sautoir,  liés  d'argent  et 
accompagnés  de  trois  étoiles  de  même,  une  en 
chef  et  deux  aux  flancs. 

Balanciers.  —  D'azur,  à  une  lialance  d"or, 
accompagnée  en  chef  d'une  fleur  de  lis  de  même, 
et  en  pointe  d'un  marc  ^  d'or. 

Bas  (Faiseurs  de)  ^.  —  D'or,  à  une  chausse 
de  gueules  posée  en  pal,  accostée  de  deux 
pelotons  de  laine  de  même. 

Bateliers.  —  D'argent,  à  un  croc  de  gueules 
et  une  rame  de  sable  passés  en  sautoir. 

Batteurs  d'or.  —  D'or,  à  un  maillet  de  sable 
couronné  de  gueules. 

Boisseliers-Lanterniers-Souffletiers  .  — 
D'azur,  à  un  chevron  d'or,  accompagné  en  chef 
d'une  lanterne  à  dexfre  de  même  et  d'un  boisseau 
à  senestre  d'argent,  et  en  pointe  d'un  soufflet 
de  même,  le  tuyau  d'or  et  posé  en  pal. 


1  ^ Oy.  A.  Forgeais,  Numismatique  des  corporations 
parisiennes,  (f  après  les  plombs  historiés  trouvés  flans  la  Seine. 

2  On  nommait  marc  un  poids  de  cuivre  qui  contenait 
sept  autres  poids  emboîtés  les  uns  dans  les  autres. 
L'ensemble  pesait  huit  onces,  poids  exact  du  marc. 

3  Faiseurs  de  bas  au  métier. 


Bonnetiers  et  Ouvriers  en  bas.  —  D'argent, 
à  un  ])as  de  chausses  d'azur,  accosté  de  deux 
bonnets  de  gueules. 

Bouchers.  —  D'azui-,  à  un  agneau  pascal 
d'argent,  la  bandei'nli'  di'  même,  chargée  d'une 
croix  de  gueules. 

Boulangers.  —  De  sable,  à  deux  pelles  de 
four  d'argent  passées  en  sautoir,  chacune  chargée 
de  li-ois  pains  de  gueules. 

Boulangers  du  faubourg  Saint-Germain. 
—  D'azur,  à  un  saint  Honoré  d'or,  tenant  de 
sa  main  senestre  une  crosse  de  même,  et  de  sa 
main  dextre  une  pelle  de  four  d'argent  chargée 
de  trois  pains  de  gueules. 

Bouquetières.  —  D'argent,  a  un  houquel  de 
plusieurs  fleurs  au  naturel. 

Bourreliers.  —  D'aziu-,  à  un  collier  de 
cheval  d'or,  accompagné  de  deux  alaines 
d'argent  emmantdiées  d'or,  et  en  pointe  d'un 
marteau  aussi  d'argent  emmanché  d'or. 

Boursiers.  —  Coupé,  au  1  d'or  à  une  gibe- 
cière d'azur,  et  au  2  d'azur  à  wn  braver  • 
d'argent  entourant  une  bourse  d'or. 

BouTONNiBRS.  —  D'azur,  à  deux  aiguilles 
d'argent  passées  en  sautoir,  accompagnées  de 
quatre  boutons  de  même,  un  en  chef,  un  à 
chaque  flanc  et  un  en  pointe. 

Brasseurs.  —  De  gueules,  à  deux  chaudrons 
d'or  en  chef,  et  un  tonneau  d'argent  cerclé  d'or 
en  pointe. 

Brodeurs-Chasubliers.  —  D'azur,  à  une 
fasce  diaprée  d'or,  accompagnée  de  trois  fleurs 
de  lis  de  même,  deux  en  chef  et  une  en  pointe. 

Brossiers-Vergetiers-Raquetiers.  —  D'ar- 
gent, à  un  chevron  de  gueules,  accompagné  en 
chef  d'une  brosse  de  même  à  dextre,  d'une 
vergette  de  sable  à  senestre,  et  en  pointe  d'une 
raquette  de  même,  cordée  de  gueules,  posée  en 
pal.  le  manche  en  bas. 

Cartiers.  —  D'argent,  à  une  croix  dentelée 
d'azur,  cantonnée  aux  1  et  4  d'un  C(pur  et  d'un 
carreau  de  gueules,  et  aux  2  et  3  d'un  pique  et 
d'un  trèile  de  sable. 

Ceinturiers.  —  D'azur,  à  une  ))ande  d  or, 
accostée  de  deux  couteaux  à  pied. 

Chandeliers-Huiliers.  —  De  sa])le,  à  une 
boîte  couverte  d'or,  accostée  de  deux  paquets  de 
chandelles  d'argent. 

Chapeliers.  —  D'or,  à  un  chevron  d'azur, 
accompagné  de  trois  chapeaux  de  cardinal  de 
gueules,  deux  en  chef  et  un  en  pointe,  les 
cordons  de  chacun  houppes  de  trois  pièces. 

Charcutiers.  —  D'or,  à  un  porc  passant  de 
sable,  et  un  chef  d'azur  chargé  de  trois  cervelas 
d'or. 

Chargeurs  de  bois.  —  D'azur,  à  un  vaisseau 
équipé  d'argent,  voguant  sur  des  ondes  de  même. 

Charpentiers.  —  D'azur,  à  un  enfant  Jésus 
tenant  un  compas  et  mesurant  un  dessin  qui  lui 
est  présenté  par  saint  Joseph,  le  tout  d'or. 

'  Bandage  d'acier  destiné  à  contenir  les  hernies. 
Il  était  ordinairement  garni  de  peau  de  chamois. 


38 


ARMOIRIES  DES  CORPORATIONS 


Chakrons.  —  Diirgeiit.  à  quatre  roues  de 
gueules  posées  deux  et  deux. 

Chaudronniers.  —  De  sable,  ù  un  cliaudron 
d'or.  accompa«,'-iit'  en  chef  de  deux  poêlons  de 
même,  et  en  pointe  d'un  réchaud  aussi  d'or 
emmanché  de  sable. 

CumrRdiEN?.  —  D'azur,  à  trois  Ijoîles  cou- 
vertes d'argent. 

Ci.OLTiERS.  —  D'iirgent,  à  un  marteau  de 
sable,  accosté  de  deux  clous  de  même. 

Coi'PRETiers-Malletiers.  —  D"or,  à  un 
coiïre  de  sable,  garni  de  deux  serrures  d'argent. 

Controi.elrs  de  i,a  BUCHE.  —  D'or,  à  trois 
hamaydes  ou  fasces  alaisées  de  sable. 

Cordiers.  —  D'argent,  à  un  pal  de  gueules, 
adextré  d'un  paquet  de  cordes  de  même,  et 
.senestré  d'une  roue  de  sable. 

Cordonniers.  —  D'azur,  à  un  saint  (Irespin 
et  un  saint  Crespinien  d'or,  tenant  l'un  un 
tranchel  d'argent,  et  l'autre  un  couteau  à  pied 
de  même. 

Corroyeurs-Baudroyeurs.  —  De  gueules,  à 
(b'ux  cuuleauxparoirs  passés  en  sautoir  d'argent 
einmancliés  d'or. 

Cdirtiers  en  vin.  —  hargi'iit.  à  une  iasce 
«11-  |)iiui'pre.  accompagnée  i-n  chef  de  deux 
biiuli'illi's  de  gueules,  el  ru  pointe  d(>  deux 
barillets  de  sable  cerclés  il'or. 

CoivpKMERS.  —  D'azur,  a  un  l'asoii'  ouvert 
(["argent  emiiianché  de  sal)le.  un  couteau  aussi 
dargenl  einnianché  d'or  passé  en  sautoir,  une 
pif'rre  à  aiguiser  d'or  coiu-hée  en  chef,  et  une 
paire  de  lancettes  ouvertes  (["argent  clouée  d'or, 
posée  en  pointe. 

Couturières.  —  D'azur,  à  des  ciseaux 
d'argent  ouverts  en  sautoir. 

Couvreurs.  —  D'azur,  à  une  échelle  d'or 
posée  en  pal,  accostée  de  deux  truelles  d'argent 
emmanchées  d'or. 

Criburs.  —  Daziu'.  a  un  (lit'vron  d'or, 
accompagné  en  chef  a  dcxlre  dun  pot  ou 
aigui'-rt'  couviii.  .1  a  seneslre  d'une  lasse  ou 
Cdupo  di-  même,  il  en  pointe  d'une  clochette 
fl'argfMit  balaillée  ^  de  sable. 

(imjiUK.s  DE  VIEUX  KEBS.  —  l)"argcnl.  H  un 
Ironçon  de  f<T  iU-  roue  de  .sable  |)(isc  en  fasce, 
accompagné  df  trois  fers  de  cheval  rompus. 

I)anser  Maîtres  ai  et  .Ioieurs  d'instru- 
MKNS.  —  l)"H/.ur,  Il  d.ii\  anlirls  d'or  cordés 
d  argent,  pas.scs  <>ii  sanldii-,  iiccdiiipngiiés  en 
chef  d'un  vinlmi  d'or,  cl  .-n  pi.iiil.-  dnii  iulli  de 
niéine. 

DoRKliR.-i.  —  |)"a/,iir.  îi  un  |)iiin'aii  ,\\,r  d  un 
riseau  «rnrgrnt  passés  <'ii  saulcur.  ri  une  dent 
d'argent  »  emmanclién  d'rn-  pdséc  .-ii  pal,  bro- 
clianlr  sur  b-  lonl. 

Drapiers.  —  D"(.r.  a  cinq  pièces  do  drap 
d"azur.    do   gumles,    d'argent,    de  .sable  et  de 


'   i'.'       -       .1.'  blason,  un.-  rlorhr  .\st  tlif..  bninillri 
<|ii..nl  .11.  .1  ....n  hntlnnt  .sont  H'un  email  HifTiirruf. 
î  I..- .J-i-iiirs  ».  M-nnirnl,  |M,iir   polir   l.ur  or    cfun. 

.I.nî  .!.•   l...l|.  nu  .{..  rhl.  n  .  nnu..,,,! ^n^  (Jy  b,jj. 


sinople.  posées  en  pile  l'une  sur  l'antre,  sur- 
montées d'une  aune  de  sable  marquée  d'argent, 
couchée  en  chef. 

Drapiers  d'or  et  de  soie.  —  De  gueules, 
à  trois  pédonnées  d'or  posées  deux  et  un,  et  en 
cœur  une  jallerolle  '  d'argent,  et  un  chef  cousu 
d'azur,  chargé  d'un  chiffre  royal  composé  d'une 
H  et  d'une  L  capitales  -  d'or ,  et  accosté  de 
deux  fleurs  de  lis  aussi  d'or. 

Écrivains.  —  D'azur,  à  une  main  de  carna- 
tion posée  en  fasce,  tenant  une  plume  à  écrire 
d'argent,  et  accompagnée  de  trois  billett.es  de 
même,  deux  en  chef  el  une  en  pointe. 

Emballeurs.  —  De  sinople,  à  trois  ballots 
d'or,  cordés  d'argent,  posés  deux  el  un. 

Eperonniers.  —  De  sable,  à  trois  éperons 
d'or,  avec  leurs  sous-pieds  de  même,  posés  en 
pal  deux  et  un,  les  molettes  en  haut. 

Épiciers  et  Apothicaires.  —  D'azur,  à  un 
dextrochère  d'argent,  mouvant  d'une  nuée  de 
même  el  tenant  des  balances  d'or,  coupé  d'or  à 
deux  navires  de  gueules,  équipés  d'azur  semé  de 
fleurs  de  lis  d'or,  posés  l'un  contre  l'autre, 
flottant  sur  une  mer  de  sinople,  et  accompagnés 
de  deux  étoiles  à  cinq  raies  de  gueules. 

Éventaillistes.  —  D'azur,  à  trois  écussons 
d'argent  posés  deux  et  un,  et  une  fleur  de  lis 
d'or  posée  en  cœur. 

Ferreurs  d'aiguillettes.  —  D'azur,  à  un 
marteau  d'argent  emmanché  d'or  posé  en  chef, 
el  en  pointe  une  petite  enclume  de  leur  métier 
aussi  d'argent. 

Foin  (Marchands  de).  —  D'or,  à  trois  bottes 
de  foin  de  sinople,  liées  d'argent,  deux  en  chef 
et  une  en  pointe. 

Fondeurs.  —  D'azur,  à  un  canon  de  sinople 
couché  en  fasce,  accompagné  de  trois  clochettes 
de  même,  posées  deux  en  chef  et  une  en  pointe. 

FouRBissEURS.  —  D'azur,  à  deux  épées 
d'argent  passées  en  sautoir,  les  gardes  et  les 
poignées  d'or. 

Fripiers.  —  D'azur,  chappé  dor,  à  trois 
croissans,  deux  en  chef  et  un  en  pointe,  de  l'un 
en  l'autre. 

Fruitiers-Oranoers.  —  D'azur,  à  une  fasce 
d'or,  chargée  de  trois  pommes  de  gueules,  tigées 
el  feuillées  de  sinople,  el  accompagnées  de  trois 
oranges  d'or  tigées  el  feuillées  de  même,  deux 
en  chef  el  une  en  pointe. 

(tainiers.  —  D'argenI,  à  une  coutelière  "' 
adcxirée  d'un  étui  de  ciseaux,  et  seneslrée  d'un 
étui  à  cure-dents,  le  tout  de  sable  et  ouvert,  cloué 
et  garni  d'or. 

(tAntiers. —  D'azur,  à  un  gant  d'argent  frangé 
d'or  posé  en  pal,  acco.sté  de  deux  be.sans  d'argent. 


'  On  nt\mmm\ prdiinne,  ft  non  pêthnnée,  un  bimion  on 
buis  ou  en  ivoiiv  qui  sciTail  à  la  fabrication  du  velours, 
.l'ignore  ce  (|un  l'on  entendait  par  jallerolle. 

*  V.w  souvenir  do  Henri  IV,  qui  fut  le  véritable 
rrt-ttleur  de  l'industrie  de  la  soie  en  PVance,  et  de 
saint  I.ouis,  patron  de  la  communauté. 

!l  Etui  en  bois  couvert  de  cuir ,  dans  lequel  on 
r.'nfermait  les  couteaux  de.  table. 


ARMOIRIES  DES  CORPORATIONS 


39 


Grainetiers.  —  De  sinople,  à  trois  o^erljes 
d'or,  deux  en  chef  et  une  en  pointe,  et  une 
coquille  de  même  en  abîme. 

Graveurs.  —  D'azur,  à  deux  burins  d'urgent 
emmanchés  d'or  passés  en  sautoir. 

Horlogers.  —  D'azur,  à  une  pendule  d'or, 
accostée  de  deux  montres  d'aroi-ent  marquées  de 
sable. 

Imprimeurs  et  Libraires.  —  D'azur,  à  un 
livre  ouvert  d'arg-ent,  accompag'né  de  trois  fleurs 
de  lis  d'or,  deux  en  chef  et  une  en  pointe. 

Instrumens  de  musique  (Faiseurs  d').  — 
D'azur,  à  une  sainte  Cécile  assise  devant  un 
cabinet  d'orgues,  le  tout  d'argent. 

Jardiniers.  —  De  sable,  à  trois  lis  de  jardin 
d'argent,  tiges  et  feuilles  de  sinople,  posés  deux 
en  chef  et  un  en  pointe,  et  un  chef  d'azur  chargé 
d'un  soleil  d'or. 

.ÏAUtîEURS  DE  VIN  et  EsSAYEURS   d'eAU-DE-VIE. 

—  D'argent,  à  une  fasce  de  sable,  accompagnée 
de  trois  tonneaux  de  vin  de  même,  cerclés  d'or, 
deux  en  chef  et  un  en  pointe. 

Lapidaires.  —  D'azur,  à  une  rose  de  diamans 
d'argent. 

Layetiers.  —  De  gueules,  à  une  cassette  d'or, 
cantonnée  au  1  et  4  d'une  boîte  ronde  d'argent, 
et  au  2  et  3  d'une  boîte  ovale  de  même. 

LiMONADiERS-DiSTi[,LATEURS.  —  De  gueules, 
à  un  alambic  d'argent,  sur  un  fourneau  d'or 
emtlammé  de  gueules. 

LiNGÈRES.  —  D'azur  à  une  fasce  dentelée 
d'argent,  surmontée  d'une  aune  couchée  de 
même,  marquée  de  sable,  et  en  pointe  d'une 
paire  de  ciseaux  camars  d'or,  ouverts  en  sautoir. 

Maçons.  - —  D'azur,  à  une  ascension  du  Fils 
de  Dieu  sur  une  montagne,  le  tout  d'or. 

Maréchaux  ferrants.  —  D'argent,  àunebutte 
de  sable  posée  en  fasce,  accompagnée  de  trois  fers 
de  cheval  de  gueules,  deux  en  chef  et  un  en  pointe. 

Mégissiers.  —  De  sable,  à  une  toison  sus- 
pendue de  même. 

Menuisiers.  —  D'azur,  à  une  verlope  '  d'or 
posée  en  fasce,  accompagnée  en  chef  d'un 
ciseau  d'argent  emmanché  d'or,  et  en  pointe 
d'un  maillet  de  même. 

Merciers.  —  De  sinople,  à  trois  vaisseaux 
équipés  et  les  voiles  enflées  d'argent,  voguant 
chacim  sur  une  onde  de  même,  et  portant  une 
bannière  de  France  au  grand  mât,  et  un  chef 
d'azur  chargé  d'un  soleil  d'or  et  entouré  d'une 
nuée  d'argent,  mouvante  des  deux  angles  du 
chef  et  pendante  en  feston. 

Mesureurs  de  grains.  —  D'or,  à  une  fasce 
de  sable,  accompagnée  de  trois  gerbes  de 
gueules,  deux  en  chef  et  une  en  pointe. 

Miroitiers.  —  D'azur,  à  un  miroir  d'argent 
bordé  d'or,  accosté  de  deux  lunettes  d'argent 
garnies  d'or,  et  surmonté  en  chef  d'une  lunette 
d'approche  couchée  de  même. 


'   La  varlope,  rt  non    verlope,    est   un    rabot   large    et 
très  long,  qui  sert  à  corroyer  le  bois. 


Mouleurs  de  bois.  —  D'argent,  à  un  moule  ^ 
de  sable,  à  un  chef  de  gueules  semé  de  lleurs  de 
lis  d'argent. 

Mouleurs  de  bois  (Aides  a).  —  D'azur,  à  un 
bûcher  d'or  enflammé  de  gueules. 

Oiseliers.  —  D'azur,  à  un  homme  de 
carnation  vêtu  d'or,  un  genou  en  terre  sur  une 
terrasse  de  sable,  tenant  une  cage  à  trébuchet 
d'or  pour  prendre  des  oiseaux  de  même  qui 
volent  en  l'air,  et  un  chef  cousu  de  gueules, 
chargé  d'un  agneau  pascal  d'argent  contourné 
et  couché  sur  un  tertre  de  sinople. 

Orfèvres.  —  De  gueules,  à  une  croix 
engrelée  d'or,  cantonnée  au  1  et  au  4  cantons 
d'une  coupe  couverte  d'or,  et  aux  2  et  3  d'une 
couronne  aussi  d'or,  et  un  chef  d'azur  semé  de 
fleurs  de  lis  d'or. 

Pain  d'épiciers.  —  D'azur,  à  un  gros  pain 
d'épices  d'or,  accompagné  de  quatre  oublies  de 
même  posées  en  croix. 

Papetiers.  —  D'azur,  semé  de  billeltes 
d'argent,  à  un  livre  ouvert  de  même  brochant 
sur  le  tout. 

Parcheminiers.  —  D'azur,  à  une  main  de  car- 
nation vêtue  d'argent,  tenant  un  fer  de  parche- 
minier  aussi  d'argent  emmanché  d'or. 

Patenotriers  en  bois,  Cornetiers  et  Fai- 
seurs de  dés.  —  D'argent,  à  un  chapelet 
arrondi  de  sable,  appuyé  sur  trois  dés  d'or,  posés 
un  et  deux,  et  un  chef  d'azur,  chargé  d'une 
fleur  de  lis  d'or  accostée  de  deux  cornels 
d'argent. 

Patenotriers  en  jais.  —  D'argenI,  à  un 
chapelet  arrondi  de  sable,  enfermant  une  croix 
pattée  de  gueules. 

Pâtissiers.  —  D'argent,  à  une  pelle  de  four 
de  sable,  posée  en  pal,  accostée  de  deux  pâtés 
de  gueules. 

Paumiers.  —  De  sable,  à  une  raquette  d'or 
posée  en  pal,  le  manche  en  bas,  accompagnée 
de  quatre  balles  d'argent,  une  en  chef,  deux  aux 
flancs  et  une  en  pointe. 

Paveurs.  —  D'argent,  à  une  hie  ^  à  battre  le 
pavé  de  gueules,  accostée  de  deux  marteaux  de 
paveurs  de  sable. 

Peaussiers.  —  De  sable,  à  une  lunette  ■* 
d'argent. 

Pécheurs.  —  De  gueules,  à  une  écrevisse  d'or 
adextrée  d'un.verveu  *,  et  sehestrée  d'une  nasse, 
et  sous  l'écrevisse  deux  avirons  passés  en  sautoir, 
le  tout  d'or,  et  un  chef  cousu  d'or,  chargé  d'un 
poisson  d'argent. 

Peigniers-Tabletiers.  —  Echiqueté  d'argent 
et  de  sable,  à  un  chef  d'or  chargé  d'un  peigne 
de  gueules. 

Peintres,  Sculpteurs,  Graveurs  et  Enlu- 
mineurs. —  D'azur,  à  trois  écussons  d'argent 
2  et  1,  et  une  fleur  de  lis  d'or  en  abîme. 


1  Mesure.  Voy.  l'art.  Mouleurs. 

2  Voy.  l'art.  Hieurs. 

3  Instrument  destiné  à  parer  le  cuir. 

4  l'^ilet  de  forme  ronde  et  terminé  en  pointe. 


40 


ARMOIRIKS  DES  CORPORATIONS 


pKLLETiERs- Fourreurs.  —  D'azur,  à  un 
agneau  pascal  (rar<rent  passant  sur  une  terrasse 
de  sinople,  avant  la  tête  contournée  et  couronnée 
d'un  cercle  ile  lumière  d'or,  dont  la  l^anderole 
de  gueules  est  croisée  d'argent. 

Plumassiers.  —  D'azur,  à  une  aigrette 
d'argent,  accompagnée  de  trois  plumes  ou 
panaclies  d'or,  posées  en  pairie,  apointées  les 
bouts  en  dehors. 

Poissons  (Marchands  ue).  —  D'azur,  à  un 
siiint  Pierre  d'or,  marclianl  sur  une  ondée 
d'argent  et  de  sinople,  de  laquelle  sortent  des 
poissons  de  même. 

Porteurs  de  charbon.  —  D'azur,  à  un 
vaisseau  d'argent,  accompagné  de  deux  étoiles 
d'or  au  haut  du  mât. 

Porteurs  de  grains.  —  D'argent,  à  un  saint 
Christophe  de  gueules,  l'enfant  Jésus  qui  est  sur 
sou  dus  de  même,  (enanl  en  sa  main  plusieurs 
épis  de  hlé  dor. 

Porteurs  de  sei,.  —  Dazur,  à  un  saint 
Christophe  d'argent. 

Potiers  d'ktain.  —  Dazur,  à  lui  marteau 
d'argent  emmanché  il'or,  accompagné  en  chef 
de  deux  lasses  d'argent,  et  en  pointe  d'une 
aiguière  de  même. 

Potiers  de  terre.  —  Kcartelé  en  sautoir 
d'azur  et  d'argent,  l'azur  chargé  en  chef  d'une 
fleur  de  lis  et  en  pointe  d'un  pot  à  deux  anses 
d'or  garni  de  tleurs  d'argent,  et  accosté  de  deux 
pots  a  une  anse  chacun  affrontés  de  même,  et 
l'argent  chargé  à  dextre  d'un  carreau  carré  de 
sinople  et  il  senesire  (Tiin  carreau  hexagone  de 
gueules. 

Rôtisseurs.  —  n'argent,  ii  deux  broches  de 
saille  passées  en  sautoir,  accompagnées  de  quatre 
larduires  de  même  posées  en  pal. 

Rouleurs  et  Chargeurs  de  vin,  —  D'or,  à 
ime  roue  de  sable,  accompagnée  <Ie  trois  barils  de 
même,  cerclés  d'iiigtnl,  d<Mix  en  chef  et  un  en 
ptjinle. 

Skli.ieks,  Lohmiers  et  Cakhossiers.  — 
D'azur  ii  un  siiinl  VAoi  velu  en  évéque,  tenant 
un  marteau  en  sa  main  tlexlre,  le  tout  d'or. 

Skrkuriers.  —  De  gueides.  à  deux  clefs,  l'une 
d'argent  et  l'aulre  d'or,  adossées  et  passées  en 
sHUloirs  et  liées  d'un  ruban  d'azur,  el  un  chef 
d'aztn-  senie  de  Heurs  de  lis  d'or,  chargé  d'une 
table  couverte  d'im  lapis  fleurdelisé,  sur  laquelle 
il  y  a  im  scepire  <-t  une  main  de  justice  passés  en 
s^uiloir  el  une  couronne  royale,  le  loul  d'or,  et 
en  chef  soutenu  d'argent,  chargé  de  ce.s  deux 
mots  :  Skcurita.s  imdi.ica  de  sable. 

Taii.i.andikrs-Feriif.antiers.  -  D'a/iir.  h 
d.Mix  ancres  d'or  passées  en  sauldjr.  surmontées 
d'un  fanal  de  vnjsseau  de  mènic. 

Taii.i.kurs.  —  Di-  guoides.  à  dos  ciseaux 
d'argent  (Hiv»tIs  en  sauloir. 

TannKUBS.  —  I)e  sable,  à  deux  rouleaux  de 
revers  d'argent  '  emmanchés  d'or,  posés  en  fasce 
l'un  sur  l'autre. 


I  Ou  couteaux  paroi  rs. 


Teinturiers  du  bon  et  grand  teint  .  —  De 
gueules,  à  un  saint  Maurice  à  cheval  d'argent. 

Teinturiers  ex  soie,  laine  et  fil.  —  De 
sable,  à  un  saint  Louis  tenant  dans  sa  main  dextre 
un  sceptre  et  de  sa  senestre  une  main  de  justice, 
le  tout  d'or,  et  un  saint  Maurice  de  même  tenant 
dans  sa  main  dextre  un  guidon  de  gueules  chargé 
d'une  croix  d'argent,  cantonnée  de  quatre 
croisettes  de  même,  et  de  sa  senestre  un  bouclier 
de  gueules  semé  de  fleurs  de  lis  d'or  et  chargé 
en  cœur  d'une  croix  de  saint  Maurice  d'argent. 

Tireurs  d'or  et  d'argent.  —  D'or,  à  trois 
bobines  d'azur  couvertes  de  lil  d'or,  posées  deux 
et  un. 

Tisserands.  —  D'azur,  à  une  navette  d'argent 
en  pal,  la  bobine  garnie  de  sable. 

Tissutiers-Rubaniers.  —  De  gueules,  à  une 
épingle  d'argent  posée  en  pal,  surmontée  en  chef 
d'une  navette  plate,  accostée  à  dextre  d'un  couteau 
à  couper  le  velours  et  de  pmces  pour  tirer  les 
dents  des  peignes,  et  à  senestre  d'une  paire  de 
ciseaux,  d'une  passette  et  d'une  aiguille,  le  tout 
posé  en  pal  et  d'argent. 

Tondeurs  de  draps.  —  D'or,  à  une  paire  de 
forces  *  de  sable  couchée  en  fasce,  accompagnée 
de  trois  chardons  ^  de  gueules,  deux  en  chef  et 
un  en  pointe. 

Tonneliers  et  Déghargeurs  de  vins.  — 
D'azur,  à  un  saint  Jean-Baptiste  à  dextre  d'or, 
et  un  saint  Nicolas  à  senestre  de  même,  les 
visages  de  carnation. 

Tourneurs.  —  D'or,  à  un  ciseau  d'argent 
emmanché  d'or,  accosté  de  deux  roues  de  même. 

Vanniers-Quincailliers.  —  D'azur,  à  un 
chevron  d'or,  accompagné  de  trois  vanels  ou 
vanes  de  même,  deux  en  chef  et  un  en  pointe. 

Vendeurs  et  Contrôleurs  de  vins.  —  De 
pom-pre,  à  une  fasce  d'or,  accompagnée  en  chef 
de  deux  pots  d'argent,  et  en  pointe  d'un  tonneau 
d'or  cerclé  de  sable. 

Vendeurs  de  poissons  de  mer.  —  D'azur,  à 
un  navire  d'or,  équipé  d'argent,  sur  une  mer  de 
même  ombrée  de  sinople,  dans  laquelle  nagent 
quatre  dauphins  de  gueules. 

Verriers-Faïenciers.  —  D'azur,  à  un 
chevron  d'or,  accompagné  en  chef  de  deux  fleurs 
de  lis  de  même,  el  en  pointe  d'mie  touffe  de 
fougère  3  aussi  d'or,  mouvante  d'une  terrasse 
de  sinople,  et  un  chef  de  vair  de  trois  tires  *. 

Vinaigriers.  —  D'argent,  à  une  brouette  ^ 
de  gueules,  sur  laquelle  est  un  baril  de  sable 
cerclé  d'argent. 

Vins  (Marchands  de).  —  D'azur,  à  un  navire 
d'argent  posé  sur  un  onde  alaisée  de  même,  le 
grand  mal  orne  d'un  bannière  de  France  firangée 


1   Voy.  l'art.    l<'orc«'tier.s. 

*  Enijiloycs  [Miur  le  laina^a"  «lu  drap. 

3  l'cndant  tivs  Innjrteiiips,  on  employa  .surlunt,  pour 
la  fabrication  du  verre,  la  potasse  extraite  des  cendres 
de  fougères. 

*  On  noiiiriie  /irr  rhaque  rangée  d'éehi(]ueté. 

^  Ils  brouettaient  eux-mêmes  leur  vinaigre  dans  les 
rues. 


ARMOIRIES  DMS  CORPORATIONS  —  ARMURIERS 


41 


d'or,  el  surmonlé  d'une  grappe  de  raisin  de 
même,  tigée  el  feuillée  aussi  d'or,  le  loulcoloyé 
de  six  navires  posés  en  pal  trois  el  trois. 

Vitriers  ET  Peintres  SUR  VERRE.  — D'argent, 
à  une  fasce  en  devise  alaisée  de  sahle,  accom- 
pagnée de  trois  losanges  d'azur,  deux  en  clief  et 
un  en  pointe. 

Vov.  Bannières  (Ordonnance  des)  et 
Six-Corps. 

Armoyers.  Voy.  Armoyeurs. 

Armoyeurs.  Nommés  aussi  armniers,  ar- 
moyers et  même  armuriers .  Kn  latin,  armeatores. 
C'étaient  des  peintres  et  des  brodeurs  d'armoiries. 

Armoyer  sijrnitiait,  en  vieux  français,  armo- 
rier, blasonner.  Jean  de  Garlande  dit,  qu'au 
Ireizième  siècle,  les  boucliers  portés  par  les 
genlilslionunes  étaient  ornés  d'armoiries  et  de 
Kgures  endilématiques,  lions,  fleurs  de  lis,  etc.  *. 
Froissart  -,  racontant  l'entrée  d'Isabeau  de 
Bavière  à  Paris,  constate  que  «.  la  fontaine  de  la 
rue  Saint-Denis  était  couverte  de  fin  azur,  el  les 
piliers  qui  l'environnoient  armoyés  des  armes  de 
plusieurs  hauts  et  notables  seig'ueurs  ».  Ce  métier 
était  encore  représenté  dans  l'écurie  royale  au 
seizième  siècle  ^. 

Voy.  Blasonniers  et  Brodeurs. 

Armures  (Marchands  d'i.  Voy.  Ordon- 
nance de  janvier  1351. 

Armuriers.  Il  n'y  a  pas  un  siècle  que  le 
mol  armurier  est  pris  dans  le  sens  qu'on  lui 
donne  aujourd'hui.  Antérieurement,  les  fabricants 
d'armes  se  partageaient  en  Irois  corporations, 
subdivisées  elles-mêmes  à  certaines  époques, 
et  dont  chacune  avait  sa  spécialité  nettement 
déterminée.  C'étaient: 

1"  Les  ARMURIERS,  faiseurs  à\irmes  défensives^ 
telles  que  casques,  écus,  hauberts. 

2°  Les  FOURBISSEURS,  faiseurs  alarmes  Manches 
el  di  armes  (Vhast. 

3"  Les  ARQUEBUSIERS,  faiseurs  (Varmes  défen- 
sives à  longue  portée,  telles  qu'arcs,  arbalètes, 
arquebuses,  pistolets,  etc. 

Naturellement,  il  ne  sera  question  ici  que  des 
premiers. 

On  verra,  à  l'article  tailleurs  qu'il  exista 
d'abord  presque  autant  de  corps  de  métier  qu'il  y 
avait  de  pièces  différentes  dans  le  costume  ;  il  en 
était  de  même  pour  ce  qui  concernait  l'appareil 
défensif  des  gentilshommes.  C'est  ainsi,  que  du 
treizième  au  quatorzième  siècle,  nous  trouvons 
mentionnés,  outre  les  armuriers  proprement  dits, 
des  écuciers,  des  faiseurs  de  gantelets,  des 
trtimeliers,  des  écrevéiciers,  des  hrigandiniers, 
des  hauhergiers  et  des  heatimiers  *. 

Ces  sept  spécialités  représentaient,  à  peu  de 
choses  près,  tout  l'ornement  défensif  des  gens 
de  guerre.  Quelle  était  donc  la  tâche  réservée 
aux  armuriers  ?   Les    plus    anciens   statuts   du 


1  \'ov.  Écuciers. 

2  É.l'if.  Buchon,  liv.  IV,  ch.  I. 

■*  ^  ijy.  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  \\.  442. 
*  A  oy.  tous  ces  mots. 


métier,  ceux  qui  lui  furent  accordés  en  1296 
par  le  prévôt  Jean  de  Saint-Liénart ',  n'éclair- 
cissenl  pas  la  question.  Leur  examen  porte 
cependant  à  conclure  que  les  armuriers  avaient 
alors  le  privilège  de  fabriquer  les  pièces  de  fer 
rigides  qui  commençaient  à  remplacer  la  maille. 

h)n  1409,  les  armuriers  et  les  heaumiers  furent 
reunis  en  une  seule  corporation,  dont  les  maîtres 
prirent  dès  lors  le  litre  iV' armuriers-heaumiers  - . 

Les  troubles  qui  ensanglantèrent  Tlle-de- 
France  pendant  la  démence  de  Charles  VI 
donnèrent  à  l'industrie  des  armes  une  telle 
impulsion  que  la  fa])ricali(in  locale  devint  insuffi- 
sante. Une  ordonnance  du  mois  d'avril  1412  '^ 
déclare  que  les  ouvriers  de  Paris  «  ne  pourroient 
pas  souffire  à  la  centiesme  partie  des  armeures 
qu'il  convient  pour  les  causes  dessusdites  *  ». 
Le  commerce  des  armures  fut  donc  momentané- 
ment proclamé  libre,  tout  le  monde  eut  le  droit 
d'en  fabriquer,  d'en  importer  el  d'en  vendre. 

Aussitôt  que  Charles  VII  eut  pris  possession 
de  son  royaume,  les  armuriers  s'empressèrent 
de  réclamer  leurs  privilèges,  et  sollicitèrent  de 
nouveaux  statuts,  qui  furent  octroyés  le  27  mars 
1451  ^,  aux  «  armuriers,  briyandiniers,  faiseurs 
d'espées,  haches,  guisarmes  ou  voulges,  dagues 
el  autres  choses  ^  louchant  rhabillemenl  de 
guerre  ».  Faut-il  en  conclure  que  tous  ces  corps 
d'étal  formaient  alors  une  seule  corporation  ? 
Ce  qui  tendrait  à  le  faire  admettre,  c'est  que, 
comme  on  va  le  voir,  tous  sont  placés  sous  la 
dépendance  du  même  seigneur,  et  que  la 
surveillance  de  tous  est  confiée  à  deux  jurés 
seulement. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nul,  s'il  nVtait  fils  de  maître 
ne  pouvait  s'établir  avant  d'avoir  payé  60  sous 
parisis  et  d'avoir  été,  après  examen,  déclaré 
«  ouvrier  suffisant  »  par  les  jurés  du  métier.  Les 
armures  étaient  dites  d'épreuve  ou  de  demi-épreuve, 
suivant  leur  qualité,  el  marquées  comme  telles. 
Toute  pièce,  avant  d'être  mise  en  vente,  devait 
avoir  subi  la  visite  des  jurés.  Ceux-ci.^  aussitôt 
élus,  faisaient  serment  «  aux  saints  Evangiles 
de  Dieu,  par  devant  Polon,  seigneur  de  Sain- 
trailles,  premier  escuier  du  corps  du  Roy  el 
maislre  de  son  escuirie,  ou  de  son  commis  de 
par  luy,  de  bien  loyaulment  et  diligemment 
visiter  les  dits  ouvrages  '  ». 

A  l'époque  oOi  furent  rédigés  ces  statuts,  les 
perfectionnements  apportés  aux  armes  à  feu 
avaient  fort  diminué  l'utilité  des  armures^. 
Pourtant,  elles  avaient  gagné  en  souplesse  et 
perdu  de  leur  poids.  Les  armuriers  qui  écrouis- 
saient  le  fer  avec  une  perfection  que  l'on  n'obtient 


Dans  Deppiii{4',  Ordonnances,  p.  370. 

\'ov.   l'^ontanon,  Edils  et  ordonnance^',  t.  I,  [>.  ir28. 

Dhus  les  Ordonn.  roj/atex,  i.  X,  p.  5. 

En  rai-son  «  des  grans  entreprises,  années  et 
■inblées  fie  gens  d'armes  qui  ont  fait  el  font  contre 
s  et  devant  nostre  ville  de  l^aris...   ». 

13iblioth.  nationale,  mss.  français,  n"  21792.  F"  1 1'2^. 

L'art,  o  prouve  que  les  arbalétrii<rs  étaient  compris 
s  l'ordonnance. 

\'oy.  l'art.  Maître  des  armuriers. 

«  Les  grands  pistolets  rendent  ces  bardes  inutiles  », 
vait  Tavannes  au  milieu  du  seizième  siècle.  Me'moires, 
Michaud.  p.   191. 


dan 

7 


ecri 
éd. 


42 


ARMURIERS 


plus  aujounriiui.  observèrent  les  merveilleuses 
carapaces  de  certains  animaux,  et  en  particulier 
le  jeu  des  articulations  dont  est  pourvue  la  queue 
de  l'écrevisse.  Ils  imitèrent  ces  modèles  fournis 
parla  nature,  et  arrivèrent  à  les  reproduire  si 
ingénieusement  qu'une  bonne  armure  permit  au 
chevalier  presque  toute  la  liberté  de  ses  mouve- 
ments, et  ne  le  laissa  guère  vulnérable  que  par 
les  armes  à  feu.  Le  plus  habile  jouteur  ne  parve- 
nait pas  sans  peine  à  faire  pénétrer  entre  les 
jointures  d'acier  la  pointe  de  son  épée,  et 
Tavannes  nous  apprend  qu'en  campagne,  dans 
les  engagements  à  lariue  blanche.  «  hommes  et 
chevaux  estuient  si  bien  couverts,  que  de  deux 
cens  meslez,  ne  s'en  tuoit  quatre  en  deux 
heures'  ».  Le  matin  de  la  bataille  de  Pavie. 
François  P'' essaya  «  un  harnois  merveilleusement 
fait  et  fort  aisé,  tellement  qu'on  ne  l'eust  sceu 
blesser  d'une  esquille  ou  espingle  2  ».  L'armure 
de  la  fin  du  quinzième  siècle  possède  toutes  les 
qualités  qu'un  guerrier  pouvait  lui  demander, 
légèreté  relative,  souplesse,  formes  élégantes  et 
liien  appropriées  au  corps.  (;ar  les  grands 
seigneurs  se  faisaient  alors  pre-ndre  modèle  d'une 
armiu'e  Comme  d'un  pourpoint.  Quelque  liabitués 
que  nous  soyons  aujourd'hui  à  néprouver  aucune 
gène  dans  nos  vêtements,  nous  sommes  surpris, 
si  nous  endossons  une  de  ces  armures,  de  nous 
v  trouver  presqu'à  l'aise;  les  articulations  jouent 
sans  trop  de  difficulté  ;  le  poids  même  qui  ne 
dépasse  souvent  pas  25  à  30  kilos-*,  se  fait  peu 
sentir,  tant  il  est  bien  réparti  sur  tous  les 
muscles.  Mais  ces  qualités  ne  s'obtenaient  pas 
.sans  peine,  et  une  armure  de  ce  genre  coulait 
cher.  In  harnnis  hlanr.  c'est-à-dire  d'acier  poli 
sans  orufinenl.  pour  le  chevalier  et  sa  monture, 
représentait  comme  prix  «mvircm  dix  milh-  francs 
de  notre  monnaie.  Le  jour  où  l'on  voulut  proté- 
ger le  chevalier  (Contre  les  blessures  causées  par 
le  mousquet  ou  le  pistolet,  tous  les  perfection- 
nements apportés  ù  l'armure  depuis  cent  ans 
s'évanrtuirent  :  elle  redevint  ce  qu'elle  était  au 
qualor/iéme  siècle,  une  pesante  carapace  qui  ne 
pt-rnietlait  à  rhf)nnne  qu'un  petit  nombre  de 
mouvements,  et  s'il  se  laissait  démouler,  le 
i-lnuail  il  terre  crimme  une  masse.  Il  restait  là, 
remuiuil  bras  i-l  jambes,  aussi  incapable  de  se 
rt'h'vrr  «|u"iuif'  tortue  placée  sur  le  dos  :  alors,  des 
gens  de  pied  rt'ntouraicnl,  s'acharnaient  après 
lui.  H'j'fTorrflieiil  ditiiroduire  leur  voiige  ou  leur 
piqiio  sons  son  armure,  et  s'ils  n'y  parveiuiienl 
point.  finissiiicMl  par  rassominna  coups  de  hache 
ou  de  Iléati. 

Les  nrmuriers-lif'Hunu'fTs  lin-nl  renouveler 
leurs  .statuts  en  mars  1502.  Ils  représentèrent  au 
roi  que  les  anciens  KlatuLs  n'étaient  plus  observés 
depuis  Inngtomps.  m  sorte  «  qun  le  fait  desdites 
iirnies,  qui  consiste  os  vies  de  plusieurs  princes 
•■I  seigneurs,  est  à  présent,  par  gens  du  ton! 
inrxp.Tls  di>  rnri,  vicié  l'I  corrompu  >.  La  diu-ée 


'    1/. 

-  i'-; 

•'  I.. 
niiisco 
kilos  20 


«■•1.  Miclirtucl.  |,.  191. 
Mrmoirfj.  i.f|.  Michflud.  p.  Ti\ . 

•     '"""t' '    'nniiuro    pom|.lM..    rniaio{;iiô.s    nu 

■   rlarlilleru-  .sous   le   „"  fH  pps.nl   s..-ulfDU'nl   24 


de  l'apprentissage  fut  fixée  à  cinq  ans.  Nul 
apprenti  ne  pouvait  être  admis  à  la  maîtrise  avant 
d'avoir  parfait  le  chef-d'œuvre.  Les  fils  de  maître 
en  étaient  dispensés  s'ils  avaient  appris  le  métier 
pendant  cinq  ans  au  moins  chez  leur  père.  Chaque 
maître  ne  pouvait,  en  dehors  de  ses  enfants,  avoir 
à  la  fois  plus  d'un  apprenti  ;  mais,  dans  toute 
autre  maison  que  celle  de  son  père,  le  fils  de 
maître  comptait  pour  un  apprenti.  Chaque  maître 
flevait  timbrer  d'une  marque  spéciale  les  objets 
fabriqués  par  lui.  La  veuve  pouvait  continuer  le 
conuuerce  de  son  mari  et  garder  son  apprenti 
jusqu'à  ce  -que  les  années  de  service  fussent 
écoulées  ;  mais  si  elle  se  remariait,  la  boutique 
était  fermée,  et  les  jurés  plaçaient  l'apprenti  dans 
une  autre  maison.  Quatre  jurés  administraient  la 
corporation. 

La  décadence  de  l'armure  se  précipitait.  Les 
pièces  qui  la  composaient  allaient  tomber  une  à 
une,  et  faire  place  au  justaucorps  de  buffle  ;  cela, 
en  dépit  des  plaintes  de  Louis  XIII,  qui  se  donna 
la  fantaisie  de  conserver  un  escadron  de  gendariues 
revélus  du  traditionnel  harnais  de  fer.  Sous 
Louis  XIV,  la  cuirasse  n'est  plus  qu'un  oi'nemeni  ; 
elle  donne  au  o-entilhomme  un  air  o-uerrier  et 
lait  bien  dans  un  portrait,  mais  il  la  laisse  au 
logis  quand  il  part  pour  l'armée. 

En  l(î71,  il  y  avait  encore  au  Louvre  un 
arnuirier,  Bertrand  Piraube,  logé  par  le  roi  *.  Il 
représentait  la  corporation,  déjà  à  peu  près  éteinte. 
Des  60  maîtres  qu'elle  comptailau  seizième  siècle, 
deux  seuls  restaient  en  1718,  l'un  fils  et  l'autre 
frère  du  célèbre  Drouarl,  qui  fut  le  dernier  juré 
de  la  comiuunauté.  <■•  Ils  preniieid  toujours, 
dit  Savary  ^,  la  qualité  d'armuriers-heaumiers 
du  Roy  et  des  princes,  et  ce  sont  eux  qui  four- 
nissent de  corps  de  cuirasses  le  B.oy,  les  princes 
et  grands  seigneurs,  soutenant  avec  honneur  la 
réputation  de  leur  père  ;  mais  il  y  a  bien  de 
l'apparence  que  ce  sera  peut-être  bien-tôt  une 
communauté  de  moins  dans  Paris,  n'étant  pas 
mariez  et  n'ayant  pas  même  d'apprenti fs  ».  C'est 
ici.  en  effet,  que  s'arrête  l'histoire  de  la  corpo- 
ration. Je  n'ai  pu  trouver  l'ordonnance  qui 
l'aurait  réunie  aux  arquebusiers,  et  je  doute  fort 
qu'elle  existe.  Les  cuirasses  que  continuaient  à 
porter  certains  régiments  de  cavalerie  étaient 
alors  fabriquées  à  Besançon;  on  en  faisait  aussi 
venir  de  Suisse. 

Les  armuriers  s'étaient  placés  sous  le  patro- 
nage de  saint  George,  et  leur  confrérie  avait  été 
érigée  en  I5I6  à  l'église  Saint-Jacques  la  Bou- 
cherie. Dans  la  chapelle  qui  lui  était  consacrée, 
ou  voyait  une  statue  représentant  saint  George, 
de  granrb'ur  naturelle,  armé  de .  pied  en  cap 
d'ime  arnuu-i'  d'acii-r  pt)li.  et  nu)nté  sur  un  cheval 
(■apara(;onné  à  l'anlique''.  En  1758,  la  confrérie 
n'existai!  plus,  i'\  la  slalue  avait  été  transportée 
hors  de  l'église,  sur  le  porche  situé  rue  des 
Ecrivains. 

Voy.  Centralisation  des  métiers. 


•  Correspondance  de  Colberf,  t.  V,  p.  527. 
2  DicHvnnaire  du  commerce,  t.  I,  p.   153. 
■"•  At)l)é  Vilain,  I/isloire  de  Saint -Jncque.s  la  /huclterie, 
p.   116. 


ÂRPAILLEURS  —  ARQUEBUSIERS 


43 


Arpailleurs .  «  Quflqnes  vocabulaires 
appellent  ainsi  ceux  qui  fravaillenl  à  la  décou- 
verte des  mines,  mais  assez  improprement  ^  ». 

Voy.  Orpailleurs. 

Arpelleurs.  Voy.  Orpailleurs. 

Arpenteurs.  Il  existai  jadis  une  charg'e  de 
rrrand  arpenteur  de  France,  dont  le  titidaire 
avail  droit  de  commissionner,  contre  redevance, 
des  arpenteurs  particuliers.  Ceci,  .sans  préjudice 
du  droit  que  possédaient  les  seig'ueurs  d'instituer 
des  arpenteurs  sur  leurs  terres. 

l'in  lévrier  1554,  Henri  II  nomma  directement 
des  ai'penteurs  dans  chaque  bailliage  ou  séné- 
chaussée de  Bretagne  ;  mais  il  eut  soin  de 
stipuler  qu'il  n'entendait  pas  préjudicier,  en 
principe,  au  privilège  des  seigneurs. 

Nouvelle  création  d'arpenteurs  royaux  en 
1575.  Le  droit  du  grand  arpenteur  est  reconnu  ; 
mais  en  1686,  on  exige  que  tout  arpenteur 
nommé  par  lui  devra  se  taire  commissionner  par 
le  roi  ;  puis,  en  septembre  1688,  sa  charge  est 
supprimée.  Elle  appartenait  alors  à  Adrien  le 
Hardi,  sieur  de  la  Trousse. 

Dès  le  mois  de  novembre  1690,  le  roi  crée 
cinquante  offices  d^arpenteurs,  jrriseurs,  mesti- 
reurs  de  terres,  vignes,  prés,  bois,  eaux,  lies, 
patis  et  communes. 

Par  la  suite,  un  arrêt  de  mai  1702  crée  encore 
dans  chaque  bailliage  de  France  deux  arpenteurs 
jurés,  qui  sont  dits  arpenteurs,  mestireurs,  priseiirs 
de  terres,  pre's,  vignes,  héritages,  bois  et  forêts. 

L'arpent  de  Paris  repré.sentait  environ  3.420 
mètres  carrés. 

On  trouve  les  arpenteurs  nommés  agrimenseiirs, 
arpenHers,  cordeleurs,  gauleeurs,   etc. 

Arpentiers.  Voy.  Arpenteurs. 

Arquebusiers.  Les  arquelmsiers  succé- 
dèrent aux  arbalétriers  comme  l'arquebuse 
succéda  à  l'arbalète. 

Vers  1460  apparaît  le  canon  à  main  qui  prend 
bientôt  le  nom  de  couleuvrine,  puis  de  liacquebute 
et  enfin  d^ arquebuse .  Mais,  à  cette  époque, 
l'arbalète  était  devenue,  de  perfectionnements  en 
perfectionnements,  une  arme  capable  de  rendre 
de  bons  services,  une  arme  de  précision  même 
entre  les  mains  d'habiles  tireurs.  Voici  comment, 
au  début  du  seizième  siècle,  Guillaume  du  Bellay 
jugeait  l'invention  nouvelle  :  «  N'estoit  que  les 
archers  et  arbalestiers  ne  peuvent  porter  sur  eux 
telle  munition  pour  leurs  arcs  et  arbalesles  que 
font  les  harquebuziers  pour  leurs  harquebuzes, 
je  iouerois  autant  les  gens  de  trait,  tant  pour  leur 
promptitude  de  tirer,  qui  est  beaucoup  plus 
soudaine,  qu'aussi  pour  la  seurté  de  leurs  coups, 
lesquels  ne  sont  guères  vains.  L'archer  ou  l'arba- 
lestier  tuera  aussi  bien  un  homme  nud  ^  de  cent 
ou  deux  cents  pas  loin  que  le  meilleur  harque- 
buzier  ^  ».  L'arquebuse  fut  donc  reçue  par  les 
troupes  sans  enthousiasme,  et  la  transformation 


'   Savary,  Dictionnaire,  t.  I,  p.  lôû. 

"^  Sans  armure. 

3  Discipline  militaire,   1092,  in-8°,  p.  21. 


de  l'armement  ne  s'opéra  qu'avec  lenteiu-.  Quand 
Louis  XII  monta  sur  le  trône,  «  nostre  infan- 
terie, dit  Brantôme  '.  ne  se  pouvoit  encore  bien 
accommoder  à  ces  harquebuz,  et  avoit  toujours 
en  singulière  recommandation  les  harballesles  ». 
Montluc,  qui  avait  eu  la  moitié  de  la  figure 
emportée  par  un  coup  d'arquebuse,  regardait 
cette  arme  comme  «  un  artifice  du  diable  ^  >>. 
Il  est  certain  que  les  ouvriers  français  en  IVtur- 
nissaient  de  détestables  ;  les  canons,  inégalement 
vidés,  éclataient  souvent  ;  les  crosses,  mal 
cambrées,  rendaient  Tépatdement  pénible  el  la 
justesse  du  tir  difficile  à  obtenir.  Milan,  au 
contraire,  produisait  des  armes  excellentes,  et 
Brantôme  -^  nous  a  conservé  le  nom  francisé  de 
maître  (îaspard,  qui  forgeait  des  canons  «  si  bien 
forez,  si  bien  lymez  et  surtout  si  bien  vuydez 
qu'il  n'y  avoit  rien  à  redire,  et  estoient  très 
seurs,  car  il  ne  faloit  point  parler  de  se  crever  ». 
Malgré  tout,  ajoute-t-il,  «  il  y  en  avoit  plusieurs 
bien  mouchez  et  ballafrez,  et  par  le  nez  et  parles 
joues,  car  la  crosse  estoit  tort  longue  et  grossièj-e, 
et  n'estoil  comme  aujourd  huy  courte  et  gentile, 
et  bien  plus  aysée  à  manier  >^. 

Il  y  avait  deux  sortes  d'arquebuses,  V arquebuse 
à  mèche  et  V arquebuse  à  rouet. 

La  première  était  pourvue  d'une  sorte  de  chien 
souvent  terminé  par  une  tête  de  serpent  (d'où  son 
nom  de  serpentin)  ;  entre  les  mâchoires  de 
l'animal  on  plaçait  une  mèche  allumée  que  la 
détente  faisait  abaisser  sur  le  l)assinet.  L'arque- 
busier portait  la  mèche  enroulée  autour  du  corps 
pendant  les  marches,  autour  dn  bras  droit  pendant 
le  combat. 

Le  mécanisme  du  rouet,  quoiqu'un  peu  plus 
compliqué,  est  facile  à  comprendre,  même  sans 
figure.  Le  rouet  était  une  petite  roue  d'acier, 
cannelée  à  son  pourtour,  montée  sur  un  essieu  et 
fixée  au  côté  droit  de  l'arme.  On  tendait  le  rouet 
au  moyen  d'une  clef  dite  bandage,  qui  entrait 
dans  la  partie  extérieure  de  l'essieu.  Ce  mouve- 
ment ouvrait  le  bassinet,  en  faisant  glisser  en 
avant  la  coulisse  de  cuivre  qui  le  fermait  ;  en 
même  temps,  il  entortillait  autour  de  l'axe  du 
rouet  une  chaînette  de  1er  attachée  à  un  ressort. 
Un  déclic  maintenait  le  ronel  en  place  dès  qu'il 
était  arrivé  au  bandé.  Avec  la  paume  de  la  main 
droite,  le  soldat  abaissait  alors  jusque  sur  le  rouet 
un  chien  muni  d'un  silex.  Quand  on  pressait  la 
détente  de  l'arme,  le  rouet,  obéissant  à  l'action 
du  ressort,  décrivait  rapiden>ent  une  révolution 
sur  son  axe,  et  le  frottement  des  cannelures  contre 
le  silex  produisait  des  étincelles  qui  enflammaient 
la  poudre.  Comme  ce  mécanisme  était  fort  sujet 
à  se  déranger,  la  même  arquebuse  avail  parfois 
un  rouet  et  lui  serpentin,  l'un  servant  a  delaul 
de  l'autre  V 

Le  diminutif  de  l'arquebuse    lui    (l'abord    le 


I    VA.  I.alamir.  t.  V,  p.   308. 

-  Me'iniiires.  cilil.  Michaud,   p.  9. 

■t  Toiiio  VI,  \,.  70. 

'*  Voir  l'admirable  collection  d'armes  à  rouet  réunie 
au  nm.sée  d'artillerie,  c'est  là  que  j'ai  rédigé  la  descrip- 
tion de  leur  mécanisme.  L'obligeance  du  conservaleur 
m'a  permis  de  constater  avec  quelle  facilité  les  étincelles 
jaillissent  du  silex  sous  Taction  du  rouet. 


44 


ARQUEBUSIERS  -  ARROSEURS  DU  MANÈGE 


poiirînal,  arme  de  l'orl  calibre  dont  on  appuyait 
la  crosse  sur  la  poitrine.  La  pistole,  plus  courle 
encore,  se  tirait  à  bras  tendu.  Le  pistolet  fut 
ensuite  inventé  par  un  chef  de  bande  nommé 
Sébastien  de  Corbion  et  sm-nomraé  Pistollet. 
Par  contre,  on  commençait  à  expérimenter  le 
mousquet,  énorme  arquebuse,  si  pesante  et  si 
lon^rue  que  pour  viser  il  fallait  faire  reposer  le 
canon  sur  une  fourche  fichée  en  terre  et  appelée 
/mrquine.  Vers  1620,  le  rouet  fut  modifié,  et 
l'on  substitua  au  frottement  de  l'acier  contre  la 
pierre  le  choc  sur  la  platine.  Enfin,  vers  1696, 
le  mousquet,  fort  allégé,  prit  le  nom  de  fusil  '. 
Peu  d'années  avant  la  Révolution,  le  fusil 
empliné  par  les  troupes  pesait  9  li\Tes  et  demie, 
et  portait  jusqu'à  200  toises  (400  mètres  env.), 
«  distance  prodigieu-se,  trouvait-on,  et  après 
laquelle  la  balle  peut  encore  faire  un  très  t^rand 
mal  *  ». 

L'invention  de  l'jirquebuse  avait  jeté  un 
cfM-lain  trouble  dans  l'ancienne  corporation  des 
arêtiers.  Les  maîtres  avaient  clianj>;é  leur  nom 
en  celui  d'artilliers,  car  le  moi  artillerie  désignait 
alors  l'ensemble  des  armes  à  longue  portée  '*. 
Puis  la  confection  de  l'arqueljuse  était  devenue 
le  privilège  d'une  nouvelle  corporation,  celle 
dusarqneljusiers.  Erigée  en  1575,  leurs  premiers 
statuts  datent  di\  23  mars  1576.  Le  chef-fPœuvre 
exigé  des  aspirants  à  la  maîtrise  consistait  à 
forger  tin  rouet,  puis  un  canon  d'arquebuse  long 
de  trois  pieds  et  demi.  «  Ce  fait,  sera  ledit  canon 
éprouvé,  y  sera  mis  de  la  poudre  deux  fois  la 
pesanteur  de  la  balle  du  calibre  ordinaire  ». 
L'article  27  de  ces  statuts  suppliait  le  roi 
d'accorder  à  la  communauté  <<  un  certain  lieu  ou 
butte,  à  celle  fin  de-  faire  un  jeu  de  prix  tous  les 
premier>  dimanches  (bi  mois,  la  où  seront  receus 
les  capitaines,  gentilsliommes  et  enfansdela  ville 
pour  y  tirer  ».  L'autorisation  ne  se  fil  pas 
attendre.  Un  terrain  situé  à  gauclie  de  la  porte 
Saint-Antoine  fut  concédé  à  la  corporation,  et 
les  maîtres  se  chargèrent  d'exercer  au  tir  les 
(ifliciers  el  les  jeunes  gentilshommes.  Ce  terrain, 
dit  Jardin  de»  urquehusiers.  figure  sur  tous  les 
anciens  plans  de  Paris,  depuis  cehii  de  (îomljoust 
1 647 1  jusqu'il  celui  de  \'erniqiiel  1 1791). 
Au  mois  de  mai  KilW.  la  corporation  des 
«rqiie|»n>iers  engloba  celle  des  artilliers,  et  de 
nouveaux  slaliils  lui  furent  octroyés.  Les  maîtres 
y  sont  officielleiiienl  désignés  sous  les  noms  de 
nrquelmsiers-nrriiirs-artilliers- artificiers  *.  Ces 
slJilutsdeltTuiinenl  ainsi  les  armes  (|ue  les  maîtres 
elaii-nt  autorises  ji  iiibric|ner.  Ils  «  pourront  faire. 
•  lit  l'arlieie  1"  «  l«iutes sortes  d'arbalètres d'acier, 
garnies  de  leurs  Uindage.s.  arquebuses,  pistolets, 
hallehirdos  et  bAlons  «i  deux  bouts  ^,  les  ferrer 
et  Ips  vendre  V.  On  voit  que  les  arquebusiers 
commençaient  déj«  à  empiéter  sur  la  spécialité 
des  rourbift.sein--. 


'   Voy.  larl    .Vilimii'UuTît. 

-   Kneifclo/HfJif  mrlhodiatu  (1782),  arl.s  el  iuoli.T->    I    I 
p.  86.  '         ' 

■^  Cl.   Fnucht'l,  De  Corijint  des  chrraficrs.  ji.   ô.'j. 

*  \'oy    i.-s    Stntuls.    rrplrmms  el   letlres  palenlfs   il.-  la 
forfH.ifllii.n,  impniiifs  .m  17;Ci  .1  m  1764    iu-l» 

''   HlU.M)  r  iiv  far  I.,  ,l,.iT    K.„,i.. 


A  dater  de  celte  époque,  la  corporation  des 
arquebusiers  parait  avoir  joui  d'un  calme  parfait. 
Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nombre  des 
maîtres  était  de  70  environ  :  l'un  d'entre  eux, 
nommé  Bletlerie,  qui  fut  juré  en  1750,  prenait 
encore  le  titre  (Y ar die r- fléchi er. 

Je  rappellerai  ici  que  la  \  ille  de  Paris 
possédait  le  privilège  de  fournir  au  Dauphin  ses 
premières  armes.  En  1785,  le  futur  Louis  XVII 
en  avait  reçu  un  fusil  et  deux  pistolets  garnis  en 
or,  qui  avaient  été  fabriqués  par  l'arquebusier  du 
roi  Lepage,  établi  rue  Richelieu  '. 

Les  arquebusiers  étaient  placés  sous  le  patro- 
nage de  saint  Eloi.  On  les  trouve  nommés 
harquebnsiers'.  harquehiitenrs.  harquebnfiers,  etc. 

Voy.  Artificiers.  —  Équipement  mi- 
litaire, etc. 

Arrache-persil.  Voy.  Haleurs. 

Ar radieuses.  Ouvrières  qui,  dans  les 
fabriques  de  chapeaux,  étaient  chargées  d'arra- 
cher \p  jarre,  poil  dur  et  luisant  mêlé  à  la  toison 
des  castors. 

On  les  nommait  aussi  Ephicheuses. 

Arroseurs.  Bien  que  l'eau  ait  toujours  été 
rare  à  Paris  '^  on  arrosait  les  principales  prome- 
nades pendant  l'été.  Une  Mazarinade  publiée  en 
1649  *  nous  l'apprend  : 

L'été,  vous  faisit'z  d'oau  de  Seine 
Arrouser  le  cours  de  la  Reine. 

Les  grands  tonneaux  arrosoirs  qui  fonctionnent 
encore  dans  nos  rues,  datent  de  1750.  Le  premier 
que  l'on  vit,  traîné  par  quatre  hommes,  rafraî- 
chir les  allées  des  Tuileries,  excita  une  telle 
admiration  que  Gabriel  de  Sainl-Aubin  s'empressa 
de  le  dessiner  ^.  Quelques  années  plus  lard, 
Pierre  Outrequin,  qui  venait  de  border  nos 
botilevards  de  quatre  rangées  d'arbres,  entreprit 
de  faire  arroser  régulièrement  la  chaussée.  Du 
coup,  il  passa  grand  liomme.  Le  prévôt  des 
marchands  lui  conféra  le  litre  de  directeur  des 
embellissements  de  Paris,  le  roi  le  nomma 
chevalier  de  Saint-Michel,  el  en  1761,  lui 
accorda  des  lettres  de  noblesse.  Enfin,  \'oltaire 
l'immortfilisa  dans  ces  mauvais  vers  : 

Je  conduisois  ma  Laïs  triomphante, 
Les  soirs  d'été,  dans  la  lice  éclatante 
De  ce  reniparl,  a.syle  des  amours, 
Par  Ouln'rjuin   rafraîchi  tous  les  jours  ••. 

Arroseurs  du  manèg-e.  Officiers  de  la 
grande  écurie  du  roi.  Pis  prêtaient  serment  entre 
les  mains  du  grand  écuyer  et  avaient  cent  livres 
(le  gages  '. 


'   Aliiinnnrli  Dauphin  ]i(iur  1789. 

*  Statuts  de  1.-^76. 

•'  En  IT.n,  les  aqueducs  el  les  pompes  fournissaient 
ipK.tidienneni.-nl  M.noO  muids  di;  280  pinte-s  chacun, 
.sc.il  a. fil"). 0(111  lilres  pour  une  population  évaluée  à  près 
de  700.000  hahitants.  Voy.  V Knnjciopêdie  méthodique, 
jurisiirudenee,  t.  X,  p.  71S. 

i  l.eltre  à  Af.  le  cnrdiiiul,  hurleifque,  p.  15. 

•'■>  Son  dessin  a  été  reproduit  dans  le  Maqasin  jntto- 
resoue,  16"  année,  p.  381. 

^  le  pniinre  diaùte  ({"leo),  édit .  lieueh.l,  I.  XIV,  p.  Ifil. 

"  fJfal  de  la  Fronce  pour  1736,  t.  II,  p.  200  et  222. 


ARSENAL  —  ARTILLIL^.RS 


45 


Arsenal  (BAiLLiA(iE  de  l').  Voy.  Salpê- 
triers. 

Artificiels,  Artificiens,  etc.  Motssyno- 
iiyines  d'artisans. 

Artificiers.  Faiseuis  de  IVux  d'artitice. 

Bien  ([lie  l'antiquité  ait  connu,  sinon  la  poudre, 
au  moins  un  niélang'e  de  soufre,  de  charbon  et 
de  salpêtre  qui  y  ressemblait  fort  ;  bien  que  les 
Romains  du  quatrième  siècle  aient  incontesta- 
blement vu  des  feux  d'artifice,  l'usage  de  ces 
spectacles  ne  s'introduisit  en  France  que  vers  le 
milieu  du  seizième  siècle.  A  dater  du  siècle 
suivant,  ils  deviennent  le  principal  attrait  des 
fêtes  populaires. 

Les  artificiers  ne  furent  jamais  constitués  en 
ci>rporation.  Les  maîtres  étaient  commissionnés, 
les  uns  par  la  cour,  les  autres  par  la  municipalité. 
Ils  avaient,  avec  les  merciers,  le  droit  de 
vendre  la  poudre  à  tirer,  le  plomb  de  chasse,  etc. 
Toute  marcliandise  de  cette  nature  trouvée 
ailleurs  que  chez  eux  devait  être  saisie.  Ils 
i-equéraienl,  dans  ce  cas,  le  bailli  de  l'Arsenal, 
dont  la  compétence  s'étendait  sur  tout  ce  qui 
concernait  la  fabrication  de  la  poudre  dans  le 
royaume. 

lOn  1705,  un  incendie  se  déclara  rue  Saint- 
Antoine  dans  les  ateliers  d'un  artificier  ;  celui-ci 
péril  au  milieu  des  flammes,  sa  maison  fut 
consumée,  el  le  feu,  se  communiquant  aux 
édifices  voisins,  faillit  détruire  l'ég^lise  des 
jésuites.  La  police  s'émut,  et  le  15  mai  1706,  un 
arrêt  du  Parlement  défendit  aux  artificiers  de 
s'établir  à  l'intérieur  de  Paris  *.  Un  accident 
tout  semblable  ne  se  reproduisit  pas  moins,  dans 
la  rue  de  Seine  Saint-Germain  en  septembre 
1724  2. 

Au  mois  d'août  1739,  lors  du  mariag-e 
d'Elisabeth,  fille  de  Louis  XV,  avec  l'infant 
d'Espagne,  le  feu  ayant  été  confié  à  un  étranger, 
les  artificiers  de  Paris  osèrent  détruire  plusieurs 
des  pièces  préparées  par  lui.  Ils  furent  mis  en 
prison  ^. 

On  trouve  dans  V Encyclopédie  méthodique  * 
la  liste  des  principaux  feux  d'artifice  tirés  à  Paris 
depuis  le  commencement  du  dix-septième  siècle. 
En  1741,  on  afferma  pour  dix  ans  à  quatre 
maîtres  de  la  capitale  le  feu  qui  était  tiré  chaque 
année  sur  la  Seine  le  jour  de  la  Saint-Louis  ^. 

Parmi  les  artificiers  du  roi  dont  le  nom  a  été 
conservé,  je  citerai  : 

Jumeau,  qui  vivait  vers  1620. 

Thomas  Caresme,  mort  en  1688. 

Denis  Caresme,  mort  en  1700. 

Charles-Nicolas  Guérin,  qui  succéda  à  Denis 
Caresme. 

A  la  fin  du  règne  de  Louis  XVI,  les  frères 
Ruggieri,  artificiers  du  roi,  possédaient  un  vaste 
jardin  dans  la  rue  Blanche.  Ils  y  avaient  établi 


1  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.    144. 

-  Barbier,  Journal,  t.  I,  p.  370. 

3  Barbier,  Journal,  t.  III,  p.  190. 

i  Arts  et  iiiétier.s,  t.  I,  p.  169  et  suiv. 

S  Barbier,  t.  III,  p.  307. 


un  spectacle  pyrrique,   très  fréquenté  durant  la 
belle  saison  ^ . 

Voy.    Capitaine. 
Fondeurs. 


Contrôleurs.    — 


Artificiers.  Vn  des  titres  que  prenait  la  cor- 
poration des  arquebusiers.  Leurs  statuts  les  auto- 
risaient, en  effet,  à  confectionner  les  artifices  ù  feu 
que  les  archers  et  les  arbalétriers  lançaient  au 
milieu  de  la  cavalerie  ennemie.  C'étaient  en 
général  des  dards,  des  flèches,  des  carreaux 
terminés  par  une  fusée  qui  éclatait  en  frappant  le 
but,  effrayait  les  chevaux,  s'attachait  aux  harnais, 
et  jetait  le  désordre  dans  les  rangs.  Les  grenades, 
les  pots  à  feu  employés  par  l'artillerie  se 
nommaient  également  artifices. 

Artilleurs.  Nom  qu'ont  porté  les  fondeurs 
de  canons. 

Artilliers.  Successeurs  des  arctiers.  les 
artilliers  fabriquaient,  de  concert  avec  les  arque- 
busiers, toutes  les  armes  à  longue  portée,  dont 
l'ensemble  était  désigné  sous  le  nom  d^ artillerie. 
«  Tous  les  instrumens  de  ject,  écrit  Claude 
Fauchet,  s'appelloient  engins  et  artillerie,  dont 
est  demeuré  le  nom  d'artilliers  aux  faiseurs  d'arcs, 
flesches  et  arbalestes,  el  d'artillerie  à  tout 
instrument  qui  frappe  de  loing  -  ». 

Les  statuts  accordés  aux  artilliers  le  4  mai 
1576  établissent  encore  plus  clairement  sur  quels 
objets  portaient  leur  monopole  :  «  Et  pourront, 
dit  l'article  26,  les  maistres  dudit  mestier  faire 
toutes  sortes  d'arcs,  flesches,  arbalestes,  garrots  -K 
bandaiges  d'arbalestes,  harquebuzes,  pistolles  et 
pistollets,  piques  et  lances,  affûter  el  monter 
lesdiles  armes,  faire  piques,  basions  à  deux 
bouts  *,  les  ferrer  et  vendre,  et  tous  autres 
basions  ^  ouvrez  en  rond  ou  aux  rabots. . . .  seuls 
el  privativement  à  tous  autres  mestiers  ». 

Les  arcs  devaient  être  faits  «  de  bon  bois  d'if 
ou  autre  bois  suffisant  el  bien  assaisonné.  »  On 
autorisait  la  vente  des  arcs  composés  de  plusieurs 
pièces,  pourvu  que  celles-ci  fussent  «  bien 
assemblées  el  collées  de  bonne  colle  bien  el  suf- 
fisamment ». 

On  était  tenu  de  donner  aux  flèches  une 
longueur  de  «  deux  pieds  el  demy  et  deux 
doigts  ». 

On  devait  employer  pour  les  «  feusts  ^,  du  bois 
de  poirier,  cormier,  noyer,  fresne,  .sapin,  serisier, 
mesirier  ^  el  autre  bois  bon  el  convenable.  »  11 
faut  noter* que  la  fabrication  des  fûts  appartenait 
aux  menuisiers  ^. 

La  durée  de  l'apprentissage  était  de  quatre  ans. 

On  ne  pouvait  être  reçu  maître  avant  d'avoir 
parfait  le  chef-d'œuvre. 


•  Thiéry,   Guide  des  voyageurs  à  Paris,  t.   I,  ]>.  144. 
2  Cl.  Fauchet,  De  l'origine  des  chevaliers,  p.  55. 
•"*  C'était  le  trait  de  l'arbalète. 

i  Hampe  de  bois  ayant  un  peu  plus    de   six  pieds  de 
long,  et  ferrée  en  pointe  à  ses  deux  extrémités. 

5  Toute  arme  offensive  était  dite  alors  un  bâton. 

6  Fûts. 

"'  Merisier. 

8  Voy.  l'art.  78  de  leurs  statuts. 


46 


ARTILLIERS  -  ASPIRANTS  A  LA  MAITRISE 


Le  tils  de  maître  et  l'ouvrier  épousant  ou  la 
fille  ou  la  veuve  d'un  maître  étaient  dispensés 
du  chef-i œuvre  et  tenus  seulement  de  faire 
«  une  expérience  simple  telle  qu'elle  sera 
indiquée  par  les  jurés,  pour  montrer  de  leur 
sulHsance  ».  ... 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  lois  qu  un 
seul  apprenti,  mais  le  lils  de  maître  servant 
chez  son  père  ne  comptait  pas  comme  apprenti. 

La  veuve  d'un  maître  était  autorisée  à  continuer 
le  commerce  de  son  mari  et  à  garder  l'apprenti 
jusqu'à  la  fin  des  quatre  années  ;  mais  si  elle  se 
remariait  à  un  homme  étran<?er  au  métier,  elle 
perdait  tous  ces  droits. 

Le  colportage  dans  les  rues  était  interdit. 

Aucun  maître  ne  pouvait  l'aire  travailler  hors 
de  son  atelier,  «  si  ce  n'est  par  un  paouvre 
maistre  qui  n'a  moien  ni  faculté  de  tenir 
boutique,  pour  luj  donner  moien  de  vivre  et 
subvenir  à  ses  nécessités  ». 

L'achett'in-  avait  toujours  le  droit  d'essayer 
les  armes  qu'il  voulait  acquérir,  «,  d'icelles  tirer 
trois  coups,  si  bon  luy  semble,  en  la  présence 
du  vendeur,  pour  sçavoir  si  elles  sont  bonnes  et 
loyales  ». 

Ouatre  jurés  administraient  la  corporation. 

.Au  mois  de  mai  1634,  la  communauté  des 
.artilliers  fut  réunie  à  celle  des  arquebusiers. 

Le  tiln-  (rartilliers  a  été  porté  aussi  par  les 
fondeurs  de  canons. 

Artisans.  \('.v.  Artistes, 

Artistes,  l'-in  1762  seulement,  ce  mol 
commt'uct'  a  prendre,  dans  le  Dictionnaire  de 
l' Acadniiie.  le  sens  qu'on  lui  attribue  aujourd'hui. 
Jusque-lù,  c'est  un  qiuililicatif  élogieux  qui 
s'applique  aussi  bien  aux  ouvriers  qu'aux 
personnes  cultivant  les  arts.  Quelques  citations 
vunt  nionln-r  conwneiit  ce  mot  a  Uni  par  acquérir 
sa  signification  aclu<dle. 

En  1087,  le  ilocleurN.  deRlégny  s'intitule  lui- 
même,  en  tète  de  l'un  de  ses  ouvrages  '  «  médecin 
artiste  ordinaire  du  Roy  ». 

En  1694,  l'Académie  définit  ainsi  l'artiste  : 
'  (irluy  qui  travaille  dans  un  art.  Il  se  dit 
particulièrement  de  (teux  qui  font  les  opérations 
chyniifpii's.  l'ix.  Il  faut  estre  un  grand  artiste 
pour  préjjariM'  h-  mercure;   ». 

\  ers  lii  même  date,  Talleuiaiil  des  Reaux  dit  du 
peintre  l)unioulit'r  qu'il  «<;  estoil  loge  au  Louvre 
comm*'  un  célèbre  urli.san  -  ». 

l')n  1711).  l'arlisle  est,  pour  Kichel<»l,  «  l'ou- 
vriiT  qui  Iravaillf  iivec  esprit  et  avec  art  •'  ». 

V.u  1740.  r Académie  n-pioduit  lexluelleuient 
SI  detinilion  de  161M. 

Olle-ci  se  modifie  dans  l'édition  de  1762,  où 
on  lit  :  «.  .Vjitistk.  Celui  (pii  travaille  dans  un 
nrl  où  le  génie  et  la  innin  doivent  concom-ir. 
Ex.  V\\  peintre,  un  architecte  .sont  des  artistes, 
il  -••  disoil  autrefois  plus  parlieulièrement  de 
r.ii\    ijiii     fuiil    Ips    opérations    chimiques    ». 


'  HistorittUs.  l.  m.  p.  490. 
3  Xontrati  tiiclioHitaire  fronçais. 


L'artisax   est  alors   V   «   ouvrier   dans  un   art 
mécanique.  Homme  de  métier  ». 

Enfin,  en  1771,  le  Dictionnaire  ih  Trévoux 
s'exprime  ainsi  :  «  Celui  qui  excelle  dans  les 
arts  mécaniques  qui  supposent  de  l'intelligence. 
On  dit  d'un  Ijon  cordonnier  que  c'est  un  bon 
artisan,  et  d'un  habile  horloger  que  c'est  un 
o-rand  artiste  ». 

o 

Ascenseurs  (Constructeurs  d').  Les 
ascenseurs  paraissent  dater  du  XVIP  siècle. 
Une  Mazarinade  célèbre  ^  cite,  parmi  les 
curiosités  du  palais  Mazarin  «  une  chaise  dans 
laquelle  si  quelqu'un  s'assied,  par  des  ressorts 
inconnus  tirant  une  corde,  il  descend  ou  monte, 
les  planchers  étant  percez  pour  cet  effet  ». 

.  Mazarin  ne  tarda  pas  à  avoir  des  imitateurs  -, 
bien  que  la  construction  de  ces  appareils  laissât 
fort  à  désirer  "^  Ils  furent  surtout  perfectionnés 
par  l'ingénieux  Villayer,  un  académicien  qui 
avait  plus  de  goût  pour  la  mécanique  que  pour 
les  lettres.  Saint-Simon  '*  lui  attribue  à  tort 
«  l'invention  de  ces  chaises  volantes,  qui  par 
des  coidre-poids  montent  et  descendent  seules 
entre  deux  murs,  à  l'étage  qu'on  veut,  en 
s'asseyant  dedans,  par  le  seul  poids  du  corps,  et 
s'arrêtent  où  l'on  veut  ».  Il  y  avait  déjà  des 
ascenseurs  de  ce  genre  à  Paris,  à  Versailles,  à 
Cliantilly,  etc. 

Aspirants  à  la  maîtrise.  Jadis  comme 
aujourd'hui,  l'ambition  bien  légitime  de  l'ouvrier 
était  d'arriver  à  travailler  pour  son  compte.  De 
nos  jours,  la  concurrence  est  si  acharnée, 
l'exercice  d'un  commerce  ou  d'une  industrie 
exige  des  capitaux  si  considérables  que  ce  but 
devient  de  plus  en  plus  tlifficile  à  atteindre.  Mais 
aux  treizième  et  quatorzième  siècles,  l'ouviùer 
intelligent,  qui  ne  pouvait  guère,  il  est  \Tai, 
(;aresser  l'espérance  de  faire  une  grande  fortune, 
était  du  moins  à  peu  près  sûr  de  conquérir  son 
indépendance,  de  s'établir. 

Dès  son  entrée  à  l'atelier  comme  apprenti, 
l'enfant  était  membre  de  la  corporation,  qui  lui 
imposait  des  devoirs  et  lui  reconnaissait  des 
droits.  Il  servait  ainsi  pendant  le  nombre  d'années 
fixé  par  les  statuts.  Ce  temps  écoulé,  l'enfant 
devenu  honuiie  n'était  point  tenu  de  travailler 
comme  ouvrier,  rien  ne  l'empêchait  d'aspirer 
aussitôt  à  la  maîtrise,  d'acquérir  à  son  tour  le 
litre  de  maître. 

Encoi'e  bu  l'alliiil-il  prouver  qu'il  était  digne 
de  Ir  porl.T.  Ou  bii  (lemaudait  avant  tout  de 
produire  ce  cpu;  nous  appelons  aujourd'hui  un 
certificat  de  bonnes  vie  el  mœurs,  de  se  faire 
<^  créable  que  il  soil  [n'eud'om  el  joial  •'  ».  En 
général,  il  suffisail  (pie  son  luailre  s'en  poi'lùl 
«rarani  ''. 


'  Invinlnin-  (1rs  mt-rreit/i-x  du  monde  rencontrées  dans 
le  pillais  du  cardinal  Mamrin,  1(549,  in-'f. 

*  'l'ailfiiianl  tlos  liéau.x,  HIsforielles.  t.  VI,  p.  58. 

•'  \oy.  une  anecdote  raconléo  jiar  lr'/'«>W(>/rt»(7,  p.  159. 

i  \ules  sur  le  journal  de  Dnngeau.  1.  III,  p.  295. 

■•  y.icre  des  me'/iers.  titre  I.XXII.  art.   1. 

^  Livre  des  métiers,  titre  XL\II1  ,  art.  9.  — 
G.  Depping,  p.  40G. 


ASPIRANTS  A  LA  MAITRISE 


47 


Trois  conditions  étaient  encore  exigées,  que 
l'on  trouve  clairement  énoncées  dans  les  statuts 
des  cordiers  :  «  Il  puet  estre  cordier  à  Paris  qui 
veut,  pour  tant  que  il  sache  le  meslier,  et  //  a  de 
quoi,  et  pour  tant  que  il  euvre  aus  %s  et  ans 
couiiluuiea  del  meslier  '  ».  Le  candidat  à  la 
maîtrise  devait  donc  comparaître  devant  les 
jurés,  leur  prouver  qu'il  connaissait  bien  le 
métier,  et  qu'il  possédait  un  capital  sut'tisant 
pour  s'étiiblir  ;  eiitin.  prêter  le  serment  d'ol)- 
server  les  statuts  de  la  corporation. 

Pour  s'assurer  de  la  capacité  professionnelle 
du  candidat,  les  jurés  se  Taisaient  souvent  assister 
par  quelques  maîtres  anciens  et  notables.  Eux- 
mêmes  tenaient  leur  charge  de  la  confiance  des 
maîtres  et  desomTiers,  l'examen  présentait  donc 
de  sérieuses  garanties  sous  tous  les  rapports. 
«  Nus,  disent  les  tailleurs,  ne  puet  lever  establie  ^, 
de  ci  adonc  que  ■*  li  mestres  qui  gardent  le 
mesiier  *  aient  veu  et  regardé  s'il  est  ouvi'ier 
souHsant  de  coudre  et  de  taillier  ^,  Et  s'ils  le 
treuvent  soufisant,  il  puet  establie  lever  et  tenir 
ostel  comme  mestre  ^  ».  Quiconque,  disent  les 
drapiers  de  soie,  voudra  s'établir,  <.<  il  conviendra 
que  il  sache  faire  le  mestier  de  touz  poinz,  de 
soj,  sanz  conseil  ou  aj'de  d'autruy,  et  qu'il  soit 
à  ce  examiné  par  les  gardes  du  mestier  ^  ».  Les 
cordonniers  *.  les  tondeurs  de  drap  ^ .  les  cor- 
rojeurs  '"  sont  tout  aussi  explicites. 

Quelques  communautés  indiquaient  aux  jurés 
sur  quel  point  devait  porter  l'examen,  et  quelle 
preuve  d'habileté  ils  devaient  exiger  du  candidat. 
Les  fourreurs  de  chapeaux  veulent  «  qu'il  saiche 
fourrer  de  touz  poins  un  chapel  ^^  »  ;  les 
oublieurs  qu'il  soit  capable  de  faire  en  une 
journée  mille  des  petits  gâteaux  appelés  nielles  : 
«  un  mil  de  nieles  le  jour  au  mains  ^-  ».  Il  faut 
voir  là  l'origine  du  chef-d'' œuvre. 

Dans  la  plupart  des  métiers,  on  n'avait  rien  à 
paver  pour  s'établir.  On  disait  alors  que  le 
métier  était  franc  ou  libre.,  et  les  statuts  s'ex- 
priment alors  le  plus  souvent  ainsi  :  «  Quiconque 
veut  estre  forberes  ^'^  à  Paris,  estre  le  puet 
francliement  ^*  »,  ou  encore  :  «  Il  puet  estre 
chanevacier  à  Paris  qui  veut  franchement  ^■''  ». 
Pour  les  autres  métiers^",  il  fallait  acheter  le 
droit  de  les  exercer  soit  au  roi,  soit  aux  per- 
sonnes à  qui  le  roi  avait  concédé  ou  affermé  ces 
revenus.  Dans  ce  cas,  les  statuts  emploient  la 
formule  suivante  :  «  Nus  ne  puet  estre  poulaillier 


^   Livi'e  des  métiers,  tiln?  XIII,  art.  1. 

^  S'établir.  On  disait  plus  snuvoni  lever  le  nieller. 

■'*  Jusqu'à  ce  que. 

'*  Les  jurés. 

S  C'est  ce  que  nous  apjK.'lons  aujourd'hui  couper. 

*»  Livre  des  métiers,  titre  LVI,  art.  8. 

"^  Livre  des  métiers,  titre  XL,  art.  1. 

8  Livre  des  métiers,  titre  LXXXIV,  art.  10. 

9  Statuts  de  1384,  art.  1. 

10  Statuts  de  1345,  art.  3. 

11  Livre  des  métiers,  titre  XGIV,  art.  7. 

1-  Statuts  de  mai  1270,  dans  G.  Uepping,  p.  350. 
13  Fourbisseur. 

1^  Licre  des  métiers,  titre  XGVII,  art.  1. 
1^  Livre  des  métiers,  titre  LIX,  art.  1. 
16  Ils  étaient  au  nombre  d'une  trentaine  tout  au  plus 
vers  1268.  Voj-.  le  Livre  des  métiers. 


à  Paris,  se  il  n'achate  le  mestier  du  Roy.  Et  le 
vent  cil  qui  l'a  acheté  du  Roy,  à  l'un  plus  et  à 
l'autre  mains,  si  come  il  li  samble  boen  ^  »,  ou 
celle-ci  :  «  Nus  ne  puet  peschier  ^  en  l'iaue  le 
Roy  •',  se  il  n'achate  l'iaue  de  Guerin  du  Bois, 
à  cui  ancisseur  '^  le  roi  Phelippe  •'  le  dona  en 
éritage.  Et  le  vent  cil  Guerin  à  l'un  plus  el  à 
l'autre  mains,  si  come  il  li  sendjle  bon  ^  ».  Le 
prix  d'achat  n'était  pas  toujours  ainsi  laissé  à 
i'arbilrain;  du  vendeur,  el  les  statuts  oui  souvent 
soin  d'indiquer  h'  (;liifire  auquel  il  avait  été  fixé. 
Nul,  disent  les  çavetonniers,  ne  peut  s'établir  «  se 
il  ne  paie  XVI  s.  pour  le  mestier  au  Roy  ;  des 
quex  XVI  s.  li  Rois  a  doué  X  s.  à  son  mestre 
chambellant  et  VI  s.  au  chamberier  de  France  ». 
Ces  sommes  étaient  perçues  soit  par  les  receveurs 
du  domaine,  soit  par  le  mandataire  (hi  conces- 
sionnaire. 

La  troisième  formalité  exigée  des  candidats  à 
la  maîtrise  était  le  serment.  On  le  prêtait  sur 
l'Evangile  ou  sur  les  reliques  d'un  saint,  en 
présence  du  prévôt  de  Paris,  des  jurés  ou  de 
plusieurs  maîtres.  Si  le  candidat  était  «  mal 
renommé  »  ou  soupçonné  «  d'aucune  vilonie  », 
à  ce  moment  encore  la  maîtrise  pouvait  lui  être 
refusée  ^. 

Même  dans  les  métiers  où  la  maîtrise  était 
gratuite,  il  ne  faut  pas  croire  qu'elle  ne  coûtât 
au  candidat  qu'un  serment.  Il  lui  fallait  encore 
donner  des  vingt  sous,  des  cinq  sous,  des  douze 
deniers,  etc.,  destinés  au  service  de  la  confrérie, 
aux  témoins  de  la  réception,  à  former  un  fonds 
de  secours  pour  les  malades,  enfin  à  se  rafraîchir 
un  peu  entre  amis  ^ .  Tout  cela,  sans  préjudice 
de  V aboivrement  et  du  past  ^,  deux  bons  repas 
qu'il  était  forcé  d'offrir  à  ses  nouveaux  confrères. 
Mais  à  ce  moment  l'aspirant  avait  été  reçu 
maître. 

On  découvre,  dès  cette  époque,  l'origine  du 
compagncmnage  dans  l'obligation  imposée  à 
l'apprenti  libéré  de  faire  un  stage  comme  ouvrier 
avant  de  pouvoir  s'établir  et  jouir  de  toutes  les 
prérogatives  accordées  aux  maîtres.  C'est, 
d'ailleurs,  encore  au  treizième  siècle  une  très 
rare  exception.  Les  faiseuses  d'aumônières 
veulent  que  l'apprentie  ne  soit  admise  à  s'établir 
qu'un  an  et  un  jour  après  qu'elle  aura  terminé 
son  apprentissage  :  «  Nulles  des  ouvrières  ne 
pueent  estre  mestresses  oudit  mestier  jusques  à 
tant  que  elle  ait  esté  un  an  et  un  jor  à  lui  puis 
que  elle  aura  fait  son  terme,  pour  ce  qu'elle  soit 
plus  soulille  '  "  de  son  mestierfaire  '^  ».  Il  en  était 
de  même  chez  les  tisserandes  de  soie  ^^  et  chez 


1  A  l'un  jilus,  à  l'autre  moins,  comme  il  lui  seinlilebon. 

2  Pêcher. 

3  La  partie  de  la  Seine  qui  appartenait  au   roi.    \'oy. 
l'art.  Pêcheurs. 

4  A  l'ancêtre  de  qui. 
u  Philippe-Auguste. 

6  Livre  des  métiers,  titre  XCIX,  art.   1. 
''   Voy.  l'art.  Serment. 

8  Voy.  l'art.  Pourboire. 

9  Voy.  ces  deux  mots. 

10  Habile.  —  «  Plus  soutive  »,  disent   les  tisserandes 
de  soie. 

11  Statuts  de  1299,  dans  Depping,  p.  384. 

12  Livre  des  métiers,  titre  XXXVIII,  art.  1. 


48 


ASPIRANTS  A  LA  MAITRISE 


les  épingliersi.  Les  boulangers  exigeaient  de 
l'apprenti  libéré  un  stage  de  quatre  ans,  et  ce 
temps  écoulé  ils  procédaient  solennellement  à 
son  installation. 

L'iinp(jrtance  que  prit  peu  à  peu  la  maîtrise 
en  rendit  l'accès  de  plus  en  plus  difficile.  Si 
l'on  .se  rappelle  les  multiples  formalités  imposées 
à  l'enfant  qui  se  présentait  comme  apprenti, 
puis  au  jeune  homme  voulant  servir  comme 
ouvrier,  on  ne  s'étonnera  pas  de  voir  la  corpo- 
ration se  montrer  exigeante  vis-à-vis  de  celui 
qui  briguait  le  litre  envié  de  maître. 

Il  fallait  être  Français  ou  naturalisé.  Les 
boulangers  excluaient  même  «  les  Suisses  établis 
en  France  ».  Il  est  vrai  qu'ils  excluaient  aussi 
«  les  fils  de  France,  princes  du  sang,  ducs  et 
pairs  *  ».  Mais  cet  article,  qui  pourrait  donner 
une  haute  idée  des  charmes  qu'offrait  alors  le 
métier,  est  certainement  un  souvenir  de  l'auto- 
rité exercée  sur  les  boulangers  par  le  Grand 
panetier.  autorité  à  larpielh^  le  duc  de  Brissac  ne 
renonça  qu'en  1711. 

Le  candidat  devait  être  enfant  légitime  et 
produire  un  certificat  de  bonnes  vie  et  mœurs. 
Les  vergetiers  prennent  soin  de  nous  prévenir 
qu'on  repoussait  tout  compagnon  ajant  attenté 
«  à  l'honneur  des  femmes  de  leur  maistre,  filles, 
parentes  ou  servantes  de  leur  maison  ■*  ».  En 
1594,  les  orfèvres  refusèrent  de  recevoir  un 
fils  de  maître  «  en  raison  du  dérangement  de 
ses  mœurs  *  ».  Le  fait  est  assez  étrange  et  assez 
rare  pour  permettre  de  supposer  que  ce  mauvais 
sujet  avait  alors  perdu  son  père.  Les  lingères 
veulent  (ju'on  repousse  «  d'ores  en  avant  aucunes 
iVmmt's  ou  lilles  blasmées  ou  scandalisées  de  leur 
corps"*  ;  i>  et  les  bouquetières  déclarent  déchue 
de  son  litre  toute  maîtresse  «  convaincue  d'avoir 
l'ail  faille  en  son  honneur"  ».  Ce  que  l'on  sait 
de  l'histoire  de  ces  deux  communautés  prouve 
(|u'ell»»s  eussent  été  à  peu  près  dépeuplées  si 
l'on  eût  olwfTvé  trop  à  h\  lellre  ces  dures  pres- 
criptions. 

L'édit  df  1081  avait  défi'iidu  de  conférer  la 
maîtrise  ii  loiil  candidat  avant  moins  de  vinsrt 
ans  7.  Les  coinmiiiiiiulés  a|>pli(iuèrent  cette  règle 
au  rompagiion  (pii  se  pn-spiilail  ,  mais  ils  se 
ganii-reiit  bien  de  l'opposer  au  fils  de  maître  ; 
celui-ci  éliiit  reçu  à  loiil  âge,  même  à  quinze 
ans  ",  iiii^ine  au-dessous  de  cet  âge,  «  afin  de  lui 
conserver  rélablissemenl  de  ses  père  et  mère  », 
xi  ceux-ci  étuieiil  décèdes".  Les  ferrailleurs 
adnielhiienl  les  lils  de  maîlre  ù  vingt  ans,  les 
i-ompjijçnuiis  il  vingt-cinq  ans  seulement  ;  les 
uns  el  les  iiulres  devaient  être  mariés  ^".  Les 
maréchaux  recevaieni  le  lils  de  maîlre  à  vingt- 
qiinlre  ans    seulement,    si  ses  parents    vivaient 


'  /.irre  Hm  m/titrt,  litrr»  lA,  hpI.  4. 

'  St«lul.H  i\r  I7.tft,  nrl    as). 

^  .Siniiiij.  ,1,.  icr.».  nrl.  aj. 

^  bruy.  |.     82. 

■•  Stnliits  <li<  148"..  nrl.  1 

'■•  Stntiii.H  d,.  ifliK,  nrl.  10 

'  .\rti.-|.<  18. 

"  lt<>urr>>licni,  arrêt  (lu  ir>janvi.r  l~ll 

'•»  (  :iiar<<u(ii<r!<,  slatiils  «l.>  1745,  art.  1  I 

»»  Slatnl-s  ,\r   lrt86,  arl    IV  .1  13 


encore,  dès  dix-huit  ans  s'il  les  avait  perdus  ^ 
Enfin,  l'édit  d'août  1776  fixa  l'âge  minimum 
de  l'admission  à  vingt  ans  pour  les  hommes  et  à 
dix-huit  ans  pour  les  femmes  ^. 

L'article  2  des  statuts  donnés  aux  apothicaires 
en  1353  exige  que  les  maîtres  sachent  «  lire 
leurs  receptes  ».  Henri  II,  par  édit  de  mai  1554, 
défendit  de  recevoir  aucun  orfèvre  qui  ne  sût 
<^<  lire  et  écrire  "^  ».  La  corporation  protesta,  disant 
avec  raison  qu'il  pouvait  se  rencontrer  des  sujets 
très  habiles  dans  leur  art  et  n'ayant  pas  eu  le 
temps  d'apprendre  autre  chose.  Le  roi  céda,  et 
l'on  se  contenta  de  demander  aux  candidats 
qu'ils  sussent  lire.  En  1639,  les  limonadiers  ne 
reçoivent  que  des  compagnons  sachant  lire  et 
écrire  *.  En  février  1651,  sur  vingt-deux  maîtres 
maréchaux  réunis  en  présence  du  prévôt  de 
Paris,  deux  seulement  déclarent  «  ne  sçavoir 
escrire  ny  signer  ^  ». 

hïn  1660,  on  exige  des  jurés  qu'ils  sachent 
«  lire  et  écrire  autant  qu'il  convient  à  ladite 
cliarge  ^  ».  En  1686,  tout  aspirant  imprimeur- 
libraire  ou  relieur  doit  «  estre  congru  en  langue 
latine  et  savoir  lire  le  grec,  dont  il  sera  tenu  de 
rapporter  le  certificat  du  recteur  de  l'Univer- 
sité "^  ». 

Les  boulangers  n'admettaient  un  compagnon 
à  la  maîtrise  qu'après  avoir  constaté  «  qu'il  n'est 
attaqué  d'aucun  mal  dangereux  qui  se  puisse 
communiquer^  ».  Les  vinaigriers  lui  demandaient 
également  d'être  «  sain  de  sou  corps  et  net  dans 
ses  habits  ^  ». 

C'était  une  règle  à  peu  près  générale  de 
n'admettre  à  la  maîtrise  que  les  apprentis  de 
Paris  •".  Un  relieur,  nommé  Pierre  des  Vignes, 
ayant  été  reçu  maître,  bien  qu'il  eût  fait  son 
apprentissage  en  province,  un  arrêt  du  26  mai 
1615,  confirmé  par  sentence  du  prévôt  du 
14  mars  1618,  lui  interdit  d'engager  aucun 
apprenti  et  d'occuper  aucun  ouvrier,  «  et  néant- 
moins,  sans  tirer  à  conséquence,  est  permis 
audict  sieur  des  Vignes  d'exercer  ledict  estât  de 
relieur  ^^.  »  Toutes  les  communautés  ne  se 
montraient  pas  aussi  sévères.  Les  écrivains  se 
bornent  à  exiger  que  le  candidat  «  ait  habité 
Paris  pendant  trois  mois  au  moins  ^^.  »  Les 
couteliers  ^■■',  les  fourbisseurs  ^*,  les  plombiers  ^^, 

I   Statuts  do  1G51,  articles  additionnels. 

i  .\rticle  12. 

•■I  .Vrlicie  1. 

'»  Article  va. 

■'   Miljliotli.   iialionale,   m.ss.   français,  n"  21.790,  f"  .38. 

Ji  'railli'iir.s,  .sliiiiiis  de  ICCO,  art.' 24. 

''   StatiUs,  arl.  40.  —  Pour  le.s  relieurs,   ail.  .". 

>♦  Statuts  de  10.59,  art.   11  ;  de   174fi,  ail.   IC. 

'•'  Statuts  d..  15.^1»,  art.  12;del5«7,  art..  M:  de  Ifi.'S, 
art.  2. 

I»  l'âli.ssiers,  .slatut.s  de  1500,  art.  1.  Lapidaires, 
.statuts  de  l.'JS.'i,  art.  2.  Libraires,  statuts  de  1018, 
art.  17.  Menuisiers,  .statuts  de  104.5,  art.  11.  Horlofi-ers, 
statuts  de  1640,  arl.  8.  Chai)eliers,  statuts  do  10.58, 
art.  4.  (Jouturièros,  .statuts  de  1075,  art.  4. 

"  \  oy.  L.  \^(i\iQ\\o\,  Recueil  des  statuts  elrèylemens  des 
iiiarclwHds  liliraires.  impi-imeurs  el  relieurs  de  Paris, 
ai-t.  22.  j».  23. 

'2  Statuts  de  1570,  art.   10. 

':•  Statuts  de  1505,  ait.   5. 

'*  Statuts  de  1627.  art.  37. 

IS  Statuts  de  1048,  art.   10. 


ASPIRANTS  A  LA  MAITRISE  —  ASTROLOGUES 


49 


etc.,  lui  deiiiaudent  de  servir  un  maître  de  Paris 
pendant  deux  ou  trois  ans. 

L'article  6  de  l'édit  de  décembre  1581  avait 
accordé  aux  maîtres  reçus  à  Paris  le  droit  de 
s'établir  dans  toutes  les  villes  du  royaume.  Ce 
privilèg-e  l'ut  renouvelé  par  un  arrêt  tlu  23  janvier 
1742  qui,  je  ne  sais  pourquoi,  lit  une  exception 
à  l'égard  de   la  ville  de  Rouen. 

Le  compagnon  qui  remplissait  toutes  les 
conditions  que  je  viens  d'énumérer  devait  encore, 
avant  d'être  reçu  maître,  donner  une  preuve  de 
son  habileté  dans  le  métier  qu'il  exerçait.  Il 
otfrait  donc  d'exécuter  le  travail,  quel  qu'il  fût, 
qui  lui  serait  désigné,  et  ce  travail  portait  le 
nom  de  chef-tf  œuvre .  Dès  la  fin  du  quinzième 
siècle,  il  est  exigé  par  presque  toutes  les  corpo- 
rations, et  il  ne  sera  plus  supprimé  que  par 
l'Assemblée  nationale  en  1791.  * 

Voy.  Chef-d'ceuvre.  —  Corporations, 
etc.,  etc. 

Asseeurs  et  Asseieurs  des  Tailles.  Voy. 
Asseyeurs. 

Assenciers.  Voy.  Accensiers. 

Asseyeurs  des  tailles.  Quand  le  roi 
ordonnait  une  levée  de  deniers,  il  fixait  le 
montant  de  la  somme  qu'il  voulait  obtenir,  et  les 
habitants  s'imposaient  eux-mêmes  au  prorata  de 
leur  revenu.  Trente  ou  quarante  bourgeois 
«  bons  et  loiaux,  »  pris  parmi  les  plus  riches  et 
les  plus  considérés,  choisissaient  à  leur  tour  des 
répartiteurs  dits  a*«(?y^«r*,  asseieurs,  asseeurs,  etc. 
Ceux-ci  juraient  «  sur  les  saintes  Evangiles  que, 
bien  et  diligeamment,  ils  asserront  ladite  taille, 
ne  n'espagneront  nul,  ne  n'engraveront  nul  en 
quelque  manière  que  ce  soit  ^  ». 

Assureurs  de  contrebande.  Le  décret 
du  18  octobre  1810  les  assimile  aux  «  entre- 
preneurs de  fraude  en  marchandises  prohibées.  » 
L'article  15  veut  qu'ils  soient  «  punis  de  dix  ans 
de  travaux  forcés  et  de  la  marque  des  lettres 
V.  D.  2  ». 

Assureurs  contre  l'incendie.  C'est  au 
dix-huitième  siècle  seulement  que  l'on  se  préoc- 
cupa sérieusement  de  créer  une  assurance  contre 
l'incendie.  Vers  1770,  une  société  établie  à  Paris 
se  chargeait  de  faire  ramoner  les  cheminées  de 
ses  souscripteurs,  et  «  moyennant  une  modique 
somme  qu'on  paieroit  tous  les  ans  »  proposait 
«  d'indemniser  et  de  se  rendre  garant  envers  les 
propriétaires  des  dommages  qu'ils  auroient 
souiferis  pour  les  incendies  arrivés  à  leurs 
maisons^  ».  L'innovation  n'eut  aucun  succès,  et 
la  société  dut  liquider. 

En  novembre  1786  et  en  novembre  1787,  des 
arrêts  du  Conseil  autorisèrent  l'établissement  de 


1  Voy.    Ducange,    Glossaire ,    au    mot   tallia ,    et    les 
Ordonn.  royales,  t.  1,  p.  291. 

2  M^'I•lin,  Répertoire  de  jurisprudence,  t.  III,  p.  104. 

3  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  IV,  p.  533. 


deux  compagnies  nouvelles  ' ,  qui  ne  survécurent 
pas  à  la  Révolution. 

Assureurs  maritimes.  L'ordonnance 
d'août  1681  sur  la  marine  permet  «  de  faire 
assurer  les  navires,  marchandises  et  autres  effets 
qui  seront  transportés  par  mer  et  rivières  ^  »,  et 
l'édit  du  .31  mai  1686  créa  à  Paris  «  une 
compagnie  générale  des  assurances  ^  ».  Une 
autre  société  de  ce  genre,  datant  de  janvier  1750, 
paraît  avoir  prospéré  ;  au  début  de  la  Révolution, 
son  bureau  était  établi  rue  de  la  .Tussienne. 

Assureurs  sur  la  vie.  Le  3  novembre 
1787,  un  arrêt  du  Conseil  autorisa  la  création 
d'une  compagnie  d'assurance  sur  la  vie  ;  un 
second  arrêt,  daté  du  26  juillet  1788,  confirma  le 
privilège  qui  lui  avait  été  accordé  *. 

Cette  compagnie  sombra  pendant  la  Révo- 
lution. 

Astomates  (Constructeurs  d').  Voy. 
Automatistes . 

Astrologiens.  Voy.  Astrologues. 

Astrologues.  Tous  les  secrets  du  ciel  leur 
étaient  dévoilés,  et  ils  en  vinrent  à  transformer 
le  corps  humain  en  un  véritable  système  sidéral. 
Ainsi,  suivant  la  doctrine  de  Corneille  Agrippa, 
le  célèbre  médecin  de  Louise  de  Savoie  ^  : 

Le  Soleil  préside  au  cerveau  et  au  cœur,  aux 
cuisses,  aux  moelles  et  à  l'œil  droit. 

Mercure  préside  à  la  langue,  aux  mains,  aux 
jambes  et  aux  ne:*fs. 

Saturne  préside  au  sang,  aux  veines,  aux 
narines  et  au  dos. 

Vénus  préside  à  la  bouche,  aux  reins  et  aux 
organes  génitaux. 

La  Lune  s'attribue  tout  le  corps,  mais  plus 
particulièrement  le  cerveau,  l'estomac  et  les 
poumons  "'. 

Marsile  Fi(ùn,  qui  avait  fait  du  zodiaque  une 
étude  approfondie,  nous  apprend  à  son  tour  que  • 

Le  Bélier  préside  à  la  tète  et  à  la  face. 

Le  Taureau,  préside  au  cou. 

Les  Gémeaux  président  aux  bras  et  aux  épaules. 

Le  (lancer  préside  à  la  poitrine  et  à  l'estomac. 

Le  Lion  préside  au  cœur,  au  foie  et  au  dos. 

La  Vierge  préside  aux  intestins. 

La  Balance  préside  aux  reins,  aux  cuisses  et 
aux  fesses. 

Le  Scorpio7i  préside  aux  organes  génitaux 
internes. 

Le  Sagittaire  préside  aux  organes  génitaux 
externes. 


1  Isaiiibert  ,    Anciennes    lois  françaises,    t.    XXVIII, 
p.  269  et  463. 

2  Titre  VI.    Dans  Lsambert,   Anciennes  lois  françaises, 
t.  XIX,  p.  322. 

3  Dans   lsambert,  Anciennes  lois  françaises,    t.    XIX, 
p.  550. 

4  lsambert,    Anciennes    lois   françaises ,    t.    XXVIII, 
p.  463  et  604. 

^  Mère  de  François  I^f,  Agrippa  mourut  en  1535. 
6  C.    Agrippa,    Philosophie  occulte,.   1727,  in8-",  t.  I, 
p.  62. 


50 


ASTROLOGUES 


Le  Capricorne  préside  aux  «genoux. 

Le  Verseau  préside  aux  jambes. 

Les  Poissons  président  aux  pieds  *. 

Les  comètes  tiennent  aussi  les  pauvres  mortels 
dans  leur  dépendance,  et  ag-issent  en  sens  divers 
selon  les  rapports  qu'elles  contractent  avec  telle 
étoile  ou  telle  signe  du  zodiaque.  Le  jour  et 
l'heure  de  notre  naissance  nous  placent  sous  la 
domination  spéciale  d'un  astre,  dont  nous 
sonmies  condamnés  à  partager  la  constitution, 
et  qui  régnera  sur  nous  (ant  que  nous  resterons 
dans  ce  monde. 

Planètes,  signes  du  zodiaque,  comètes  sont 
donc  répandus  dans  l'espace  exclusivement  pour 
nous,  et  ils  usent  de  leur  pouvoir  soit  pour 
nous  protéger,  soit  pour  nous  nuire.  Il  semble 
que  cliacuii  de  nos  organes  soit  lié  à  eux  par  des 
fds,  ([ii'ils  Ibnt  mouvoir  tantôt  à  leur  volonté, 
tantôt  en  vertu  de  lois  précises  dont  les  astro- 
logues oïd  pénétré  les  mystères. 

On  comprend  de  quel  secours  était  une 
pareille  science  dans  le  traitement/ des  maladies, 
par  exemple.  Aussi  tout  médecin  devait-il  être 
doublé  d'un  astronome.  Le  ciel  avait  été  divisé 
par  eux  en  douze  maisons^  correspondant  aux 
douze  signes  du  zodiaque,  et  que  parcouraient 
successivement  les  sept  planètes  alors  connues. 
Il  y  avait  dès  lors  des  conjonctions  fâcheuses  et 
des  conjonctions  favorables  ;  le  grand  art  du 
médecin  était  de  les  déterminer  et  d'en  tenir 
compte  pour  organiser  le  traitement.  Une 
blessure  au  bras  reçue  pendant  que  la  lune 
.séjournait  dans  le  signe  des  (xémeaux  était  par 
cela  seul  très  dangereuse.  Dans  les  mêmes 
conflitions  sidérales,  il  fallait  s'abstenir  de  toute 
saignée.  «  Les  chirurgiens  ont  ob.servé  que  bien 
souvent  il  survient  mal  au  bras  après  que  la  veine 
a  esté  ouverte  duraid  le  temps  que  la  lune  passoit 
sous  le  signe  des  (îémeaux  -  ».  Quand  Louis  XI 
octroie  de  nouveaux  stfituts  aux  barbiers,  méde- 
cins et  chirurgiens,  il  ordonne  que  ciiacun  d'eux 
ail  chez  soi,  en  manière  de  codex,  le  calendrier 
de  l'année  •'*.  Avant  de  prescrire  un  médicament 
ou  de  faire  une  opération,  ils  pourront  ainsi 
s'assurer  ([ue  la  situation  de  la  lune  est  favorable. 

Le  médecin  appelé  auprès  d'un  malade 
commençait  par  ét<iblir  son  diagnostic  puis  il 
étudiait  l'étal  du  ciel.  S'il  se  trouvait,  par 
PXPUJple,  en  présence  d'une  alleclion  de  poitrine, 
et  que  la  lum-  fût  dans  le  signe  du  (lancer,  il 
u't»rdonnail  aucun  IrailcintMit  juscpi'ii  c»-  ([u'clle 
TeiU  (|uillé. 

L<'s  Hsiros  f  xerçaient  aussi  hnir  action  sur  les 
piailles  niédicinnh's,  dont  les  elTels  élaient  tout 

diiïer.-nls.  suivant  qu'elles  avaient  été  récollées  au 
luornenl  cl.«  in  pleine  liuie  ou  durant  li'  premier 
quarlier.  L<'s  plantes  ejh-s-nièmes  témoignaient 
d'alïmiU's  pour  cerlains  organes  déterminés.  Des 
ressendihince.s  imaginaires,  des  particularités 
<!.•  l.iir  couformalion  les  avaient  fait  considérer 


'  Œurrts  lrn<l.  pnr  i|i>  In  Bonlorie.  l.'jKa,  p.  ivn. 
'Cl.  Dori..!,    Dr   la  prrpnrnIioH  des  iiièdifameiis,    1589 
p.  217.  '  '  ' 

«Onlonn.  <lo  janvier  Hfi5,  <lans    l.s  ftniunn.    rouale^ 
t.  XVI,  p.  jr.ît  •'     '' 


comme  efficaces  dans  telle  ou  telle  maladie. 
L'echium  vulgare  étant  tacheté  comme  la  vipère, 
on  le  nomma  vipérine,  et  on  le  prescrivit  contre 
la  piqûre  des  serpents  ;  la  pulmonaire  était  un 
spécifique  des  affections  du  poumon,  et  le  suc 
jaune  de  la  grande  chélidoine  passait  pour  sou- 
verain contre  les  maladies  du  foie.  C'est  ce  que 
l'on  appelait  lu  doctrine  des  signatures  *. 

Le  sage  roi  Charles  \  ne  prenait  aucune 
détermination  sans  avoir  consulté  sou  astrologue 
en  titre  Thomas  de  Pisan,  père  de  la  savante 
Christine.  Ses  successeurs  agirent  de  même. 

Simon  de  Pliarès,  ^<  astrologue  royal  »  de 
Charles  VIII,  a  dressé  une  liste  curieuse  de  ses 
confrères. 

M.  Jal  a  retrouvé  les  noms  de  quelques-uns 
de  ceux  qui  furent  attachés  officiellement  à  la 
personne  de  Charles  VII,  de  Louis  XII  et  de 
Henri  III  -.  Tous  étaient  qualifiés  «  asirologien 
et  médecin  »,  et  recevaient,  outre  leur  émolu- 
ments, d'incessants  témoignages  de  la  faveur 
([ue  leur  accordait  leur  maître. 

Charles  VII  possédait  deux  astrologues  en 
titre. 

Angelo  Cattho,  archevêque  de  Vienne  et 
aumônier  de  Louis  XI,  avait  conquis  les  bonnes 
grâces  du  roi  par  son  habileté  à  prédire  l'avenir. 
Louis  XI  en  consultait  bien  d'autres,  qui  riva- 
lisaient d'influence  à  côté  de  Tristan  l'Hermite, 
d'Olivier  le  Dain  et  de  Coitier.  Pierre  Chomet  et 
Jacques  Lhoste ,  Jehan  d'Orléans,  François 
Patenostre  et  Jacques  Cadot  sont  mentionnés 
dans  les  comptes  royaux,  les  uns  comme 
«  médecins  et  astrologiens,  »  les  autres  comme 
«  astrologiens  et  chirurgiens  »  du  roi. 

Catherine  de  Médicis  ,  nièce  du  pape 
Clément  VII,  accordait  une  confiance  .sans  bornes 
aux  pratiques  de  l'astrologie.  Elle  avait  amené 
en  France  avec  elle  un  sieur  Luc  Gauric,  devin 
de  profession,  qui  tira  l'horoscope  de  Henri  II. 
Le  peu  de  succès  qu'obtinrent  ses  vaticinations 
le  décidèrent  à  regagner  Rome,  oi\  le  pape 
Paul  III  le  fil  évêcjue  de  Civita  Ducale.  Catherine 
lui  donna  pour  successeur  Michel  de  Notre- 
Dame  •',  savant  docteur  de  Montpellier,  cjui 
exerçait  la  médecine  dans  le  midi  avec  autant  de 
désintéressement  que  de  succès. 

Henri  IV  lui-même,  le  fin  et  sceptique 
Béarnais  doit  figurer  sur  cette  liste  des  adeptes 
de  la  science  astrologique.  Au  moment  de  la 
naissance  du  Dauphin,  il  chargea  le  docteur 
i-{och  le  Haillif,  sieur  de  la  Rivière,  de  tirer  son 
horoscope,  et  cette  opération  fut  plus  tard  récom- 
pensée par  le  litre  de  pi-emier  médecin  du  roi. 
Héroard,  ([ui  venait  d'être  nommé  premier 
médecin  du  Dauphin,  n'oublie  pas  de  meidionner 
dans  son  Journal  c[ue  le  petit  prince  est  né  «  le 
27  août  100 1.  quatorze  heures  dans  la  lune 
nouvelle,  ù  ilix  heures  et  demi  et  demi  quart  *  ». 
Il  nous  apprend  aussi  que,  durant  sa  grossesse, 
la  reine  «  tlemandoil  souvent  combien  on  tenoit 


'  tiroiissais,  Doctrines  médicales,  I.  1,   \\.  300. 
*  Dicltonnnlre  crl/l(/iie.  art.  Aslrologfues. 
3  En  latin  Nostradamus. 
i  'r<imc'  I,  p.  2. 


ASTROLOdUKS  —  AT0UKNMHESS1<;S 


51 


d»!  la  lune,  crai^-iianl  «raccoucher  d'une  lille, 
sur  l'opinion  vulii;aire  (|ue  les  femelles  naissent 
sur  le  (lécours  et  les  niàles  sur  la  nouvelle 
lune  ^  ». 

Pendant  très  l()no;lenips  encore,  toutes  les  cours 
de  l'Europe  possédèrent  un  astrolojj^ne  en  titre, 
et  il  ne  naissait  pas  un  personnag'e  de  rpielque 
importance  sans  que  l'astroloo^ue  I'ùl  appelé  à 
tirer  son  horoscope. 

A  la  cour  comme  à  la  ville,  l'aslrolog'ie 
n'avait  rien  perdu  de  son  crédit  sur  la  fin  du 
dix-septième  siècle,  les  astres  continuaient  à 
exercer  ime  action  directe  sur  l'humanité,  qui 
devait  compter  sans  cesse  avec  les  malins  aspects 
des  planètes,  leurs  conjonctions  favorables  ou 
fâcheuses.  En  1058.  François  Thévenin,  chirur- 
g'ien  ordinaire  du  roi,  professait  que  la  saignée 
est  contre  indiquée  «  au  premier  et  au  dernier 
quartier  de  la  lune  ^  ».  En  1688,  le  docteur 
Ant.  Porchon  publiait  son  traité  De  la  nécessité 
de  V astronomie  pour  étudier  la  médecine.  A  cette 
époque,  les  chirurg'iens  croyaient  encore  que 
l'opération  de  la  taille  ne  pouvait  réussir  qu'au 
printemps  et  en  automne.  Les  médecins  esti- 
maient aussi  que  l'usage  des  eaux  minérales 
devait  être  restreint  aux  mêmes  saisons,  «  que 
dans  les  autres  elles  étoient  mortelles.  »  Dionis 
combat  ces  deux  opinions,  mais  il  déclare  que 
l'opération  de  la  cataracte  ne  saurait  être  faite 
sûrement  qu'  *,<  au  printemps  et  à  l'automne,  et 
au  déclin  de  la  lune  ^  ». 

Le  sceptique  Gui  Patin,  l'ennemi  acharné  des 
charlatans,  des  alchimistes  et  des  astrologues, 
n'en  écrit  pas  moins  à  son  ami  le  médecin 
Charles  Spon  :  «  Un  peu  de  soin  que  vous 
apporterez  à  l'éducation  de  votre  petit  nouveau-né 
le  garantira  des  accidens  dont  vous  craignez 
qu'il  soit  menacé  pour  être  né  dans  la  nouvelle 
lune  *  ».  Il  a  soin  de  constater  aussi  que  Scaliger 
est  mort  «  la  veille  d'une  éclipse  ^  ».  * 

Voy.  Devins. 

Astromanclens.  Voy.  Astrologues. 
Atacheeurs.  Voy.  Atachiers. 

Atachiers.  La  Taille  de  1292  cite  sept  et 
celle  de  1300  six  atachiers  ou  atacheeurs.  Leur 
métier  consistait  à  fabriquer  les  petits  clous  à 
tête  décorée  qui,  sur  les  ceintures  de  cuir  ou 
d'étoffe,  fixaient  les  ornements,  la  boucle  et  le 
mordant. 

Le  mordant  ^  était  la  plaque  de  métal  qui, 
placée  à  l'extrémité  de  la  ceinture,  en  facilitait 
l'introduction  dans  la  boucle.  On  laissait  alors 
pendre    parfois    la   ceinture   jusqu'à    terre  ;    le 


1  Tome  I,  1..  4. 

2  II  ajoute  ;  «  Faut  encore  que  le  ventre  ait  vuidé 
ses  superfluitez,  cause  à  que  la  nature  abhorrant  le  vuide, 
les  veines  succeroient  et  se  rempliroient  des  excrémens 
retenus  ».  Œuvres,  1658,  p.  30. 

3  Opérations  de  chirurgie,  édit  de  1714,  p.    157. 
i  Lettre  du  1  mars  1651. 

^'  Lettre  du  8  janvier  1650. 

*>  En  latin  morducium,  mordanhcs,  morsus.  Ducange  se 
trompe  quand  il  traduit  mordacium  par  agrafe. 


mordant,  toujours  large  et  lourd,  l'empêchait 
de  s'enrouler  si  elle  était  en  peau,  de  flotter  si 
elle  était  en  étoffe. 

Les  statuts  des  atachiers  leur  permettent 
seulement  l'emploi  du  fer,  de  l'archal,  ilu  laiton 
et  du  cuivre.  L'apprentissage  durait  huit  ans 
pour  l'enfant  sans  argent,  six  ans  pour  celui  qui 
pouvait  disposer  de  vingt  sous.  Mais  une  très 
sage  disposition,  dont  je  n'ai  pas  trouvé  d'autre 
exemple,  n'autorisait  le  maître  à  prendre  un 
apprenti  que  s'il  avait  en  même  temps  un  ouvrier; 
on  voulait,  qu'en  cas  d'absence  de  son  maître, 
l'apprenti  ne  restât  pas  sans  surveillance.  11  était, 
en  outre,  interdit  d'engager  un  apprenti  avant 
d'avoir  été  établi  pendant  un  mois  et  un  jour  au 
moins  *. 

On  trouve  encore,  dans  la  Taille  de  1292, 
deux  estacheeurs,  que  Géraud  assimile  aux 
atachiers  ^. 

Les  atachiers  ne  figurent  plus  dans  VOrdon- 
7iance  des  Bannières  (1467). 

Voy.  Cloutiers. 

Athlètes.  Voy.  Hercules. 

Atireeurs  de  busches.  Cette  profession 
m'est  fom-nie  par  la  Taille  de  1292.  Il  s'agirait, 
dit  Géraud,  de  gens  qui  se  tenaient  sur  le 
bord  de  la  rivière  lorsque  les  eaux  étaient 
grosses,  et  qui  tiraient  sur  le  rivage  les  bois 
qu'elles  charriaient  ^. 

Atourneresses.  Ce  mot  désignait,  au 
moyen  âge,  des  coiffeuses  de  femmes  *,  et  aussi 
les  ouvrières  qui  confectionnaient  les  atotirs, 
mot  générique  par  lequel  on  désigna,  du 
quatorzième  au  quinzième  siècle,  les  riches 
coiffures  des  dames,  les  escoffions  et  les  hennins 
entre  autres. 

Les  uns  et  les  autres  firent  leur  apparition 
vers  la  fin  du  quatorzième  siècle,  «  et  quelque 
guerre  qu'il  y  eut,  écrit  Juvénal  des  Ursins, 
tempestes  et  tribulations,  les  dames  et  damoi- 
selles  menoient  grand  et  excessif  estât,  et  cornes 
merveilleuses,  hautes  et  larges.  Et  avoient  de 
chascun  costé  deux  grandes  oreilles  si  larges 
que,  quand  elles  vouloient  passer  l'huis  d'une 
chambre,  il  falloit  qu'elles  se  tournassent  de 
costé  et  baissassent,  ou  qu'elles  n'eussent  pu 
passer.  La  chose  desplaisoit  fort  à  gens  de  bien  ^». 
L'escoffion  représentait  une  sorte  de  coussin 
revêtu  d'une  résille  et  presque  toujours  enrichi 
de  joyaux.  Le  cou.ssin  était  souvent  remplacé  par 
des  bourrelets  d'étoffe  ou  même  de  linges  em- 
pesés, ce  qui  permettait  de  varier  la  forme  de 
l'a  tour  ;  on  eut  des  escoffions  en  cœur,  en  trèfle, 
ù  cornes,  etc.  ".  Eustache  Deschamps,  dans  une 
jjallade  célèbre,  reproche  aux  femmes  de  son 
temps     les     continuelles    variations     de     leurs 

1  Litre  des  métiers,  titre  XXV. 

2  Paris  sous  P/iifi/jj)e-le-/lel,  p.  508. 

:t  Bàles  de  la  Taille  de  1292,  p.  485. 

4  ^'oJ.  l'art.  Coiffeurs. 

5  Histoire  de  Charles  VI,  édit.  Michaud,  p.  533. 

S  Voy.  Montfaucon,  Monumens  de  la  monarchie,  t.  III, 
p.  68,  et  t.  IV,  p.  60. 


52 


ATOURNERESSES 


coiffures,  et  leur  fait  observer  que  le  cerf  change 
1h  sienne  seulement  une  fois  par  an  : 

L'en  voit  les  ccrs  nalureleruent  niui-r 

L'an  une  foiz  le  merrien  de  leurs  testes, 

Et  leur  souftist  un  an  cellui  porter 

Sanz  changement.  Mais  les  dames  sont  prestes 

I)  .-ntrechajigier  aux  jours  communs,  aux  festes 

L'abit  des  chiefs  en  estrange  manière  •. 

Le  mol  escoffion  et  son  diminutif  scoffion 
restèrent  dans  la  langue  jusqu'au  dix-huitième 
siècle  -.  En  1654,  Mazarille  dit  encore  à  Célie  : 

D'abord  leurs  seoftions  ont  volé  sur  la  place  3. 

Sous  l'influence   d'Isabeau    de    Bavière,    les 

atours   prirent    un    énorme   développement    en 

liaulf'ur,  préparant  ainsi  l'avènement  du  hennin, 

coiHure    de    dimension    extravagante,    seyante 

pourtant,    et  dont   on  a  peut-être   trop   médit. 

Elle  se  composait,  comme  on  sait,  d'un  cornet 

tf'rminé  soit  en  pointe,  soit  en  cône  tronqué,  et 

MM-   l<-(jiu'l    flottait    un   voile,    dit  flocard,    qui 

descendait  au  moins  jusqu'au  Las  des  reins.  Les 

Jjcjurireoises  se  conleniaienl  d'un  petit  hennin  de 

■  •      1 

cinquante    à    soixante    centimètres  ;     mais    les 

grandes  dames  ne  craignaient  pas  d'arborer  de 

nobles   hennins    élevés    d'un    mètre,    et    aussi 

d'exagérer  la  longueur  du  voile.   «  Les  femmes, 

dit  Louis  Gujon  *  couvroyent  leur  teste  d'un 

haut  bonnet,  pointu  comme  un  pain   de  succre, 

et  il  y  avoit  des  basions  dedans  pour  luy  faire 

garder  sa  forme,  qui  estoit  coustumièrement  de 

couleur  violette  ou  rouge,  de  matière  de  drap 

pour  les  vulgaires,  et  de  taffetas,  de  satin  ou  de 

veloux   pour  les   nobles  et  illustres.  Et  conte- 

noyeul  tous  leurs   cheveux   soubs  ce   chapeau 

p(jintu.  El  y  avoit  une  bride  qui  passoit  soubs  le 

cul  pour  le  faire  tenir,  car  le  vent  l'eust  fait  voler 

à  tout  coup.  Mais  il  avenoit  souvent  que,  passans 

il  cheval  scjubs  des  arbres  ou  lorsqu'elles  vouloient 

entrer  dans   des   logis  où    les   portes    estoyent 

basses,  que  h'iirs  chapeaux  tomboyent,  les  brides 

rompues.  Aussi  quand  leurs  maris  les  baltoyent, 

la    première  cliose  estoit  de    faire    tomber    ce 

l»(iniie(  H  pain  de  sucre». 

Lfs  miniatnres  des  anciens  manuscrits  nous 
pruiivf'ul  néanmoins  que  celte  coiffure  présentait 
assez  de  slal»ililé  pour  permettre  l'exercice  du 
iheval.  \jA  noble  dami'  passait  la  queue  du 
llocanl  sur  son  bras  gauche,  et  pourvu  f[u'elle  ne 
s'engageât  pas  sous  de  trop  jimimcs  jaillis. 
chevauchait  avec  sécurité. 

Les  prédicalein-s  du  quinzième  siècle  se 
(léchainèrtMil  conlre  les  hennins,  leur  déclarèreni 
luir  guerre  implacable.  La  mode  de  ces  clochers 
andinlanls  avait  débuté  dans  le  nord,  dans  les 
Flandres,  l'Artois,  le  (j»m])résis,  le  Ponihieu. 
Elh'  y  fui  nussilAI  altacpiée  par  un  religieux 
(larme,  originaire  de  Rennes,  e|  (pie  l'on  trouve 
nommé  Thomas  (loiielle.  (/uielle,  (>)nnecle,  etc. 
Fr.To  Thomas  qui,  paraîl-il.  était  doué  d'une 
éloquence  très  persuasive,   (luilta  nu  lieaii   jour 


<  É<lil.  Tarbé,  l.  I,  p.  m. 

'  \'.>v.  le  DietioHHnire  tir  Trétoux,  au  mol  esnf/ioH 

3  L'flauriii.  ncle  V,  se.  0. 

»  hitertu  itfoiu,  cdil.  de  lfi2,'.,  t.  H,  ■,.  iu;t. 


son  couvent,  et  se  mil  à  parcourir  le  monde, 
déclamant  avec  véhémence  contre  les  désordres 
du  clergé,  contre  le  luxe  des  femmes  et  surtout 
conlre  leurs  bonnets  démesurés.  Il  réussit  très 
bien.  On  vil  même  des  enfants  poursuivre  et 
abattre  à  coups  de  pierre  d'audacieux  hennins 
dans  les  rues.  Les  femmes,  dit  finement 
Monslrelet  (et  après  lui  Paradin)  agirent  comme 
les  limaçons,  «  lesquels  quand  ils  entendent 
quelque  bruit  retirent  et  resserrent  tout  belle- 
ment leurs  cornes  :  mais  le  Jbruit  passé,  soudain 
ils  les  relèvent  plus  grandes  que  devant.  Ainsi 
firent  les  dames,  car  les  hennins  et  atours  ne 
furent  jamais  plus  grands,  plus  pompeux  et 
superbes  qu'après  le  partemenl  de  frère 
Thomas  '  ».  L'austère  Carme  eut  le  tort  de 
vouloir  étendre  ses  réformes  sur  un  autre  terrain 
que  la  toilette  féminine,  de  sorte  que  ce 
fougueux  adversaire  des  hauts  bonnets  fut  brûlé 
vif  en  1434. 

Dans  l'intervalle,  les  hennins  avaient  conquis 
Paris.  11  se  trouva  bientôt  un  autre  religieux 
pour  les  combattre,  frère  Richard,  un  Cordelier 
qui  fut  confesseur  de  Jeanne  d'Arc.  En  1429,  il 
prêcha  le  carême  dans  le  cimetière  des  Innocents, 
et  autour  du  ^<  hault  eschaffaut  »  qu'il  y  avait 
fait  élever,  se  pressèrent  à  certains  jom's  plus  de 
six  mille  auditeurs.  L'enthousiasme  qu'il  excita 
fut  tel  que  l'on  vit  des  femmes  allumer  un  grand 
feu  au  milieu  de  la  rue  et  y  jeter  pêle-mêle  leurs 
vaniteuses  coiffures  et  leurs  pompeux  ajus- 
tements. «  Et  vraiement,  dit  le  Bowgeois  de 
Paris  dans  son  Journal,  dix  sermons  qu'il  fist 
irournèrent  plus  le  peuple  à  dévocion  que  tous 
les  sermonneurs  qui,  puis  cent  ans,  avoient 
presché  à  Paris  -  ». 

Frère  Richard  ne  fut  pas  brûlé  comme  frère 
Thomas,  et  il  obtint  un  succès  tout  aussi  grand, 
tout  aussi  durable.  Le  carême  à  peine  terminé, 
les  hennins  reparurent  plus  riches  et  plus  hai'dis 
que  jamais. 

Je  fais  it>ver  ces  bonnets  et  atours 

Sy  haultement  iju'ils  ressemblent  à  lours, 

disait  l'AmoiM'  dans  une  satire  du  poète  Pierre 
Michaull  ^.  El  xMonstrelet  écrivait,  Irente-huil 
ans  après  les  sermons  de  frère  Richard  :  «  Les 
femmes  meirent  sur  leurs  testes  bourrelets  à 
manière  de  ])onnet  rond  qui  s'amenuisoil  par 
dessus,  de  la  hauteur  de  demie  aulne  ou  de  trois 
([uarliei's  *  de  long:  tels  y  avoit,  et  déliez 
couvrechiefs  ^  par  dessus,  pendans  par  derrière 
jusques  à  terre  ''  ». 

A  la  fin  du  siècle,  le  Cordelier  Pierre  des 
Gros  présentait  encore  les  hennins  comme  une 
invention  satanique  :  «  Ce  grand  estendard  que 
portent  les  femmes,  écrivait-il,  ce  grand  couvre- 
chief  délié  (jui  leur  pend  jusques  à  leur  derrière, 
c'est  signe  que  le  dyable  a  gaigné  le  chasteau 


'  Mon.slrelet,    Chronique,  t.  IV,   p.  304.   Le  texte  que 
je  reproduis  est  celui  de  Paradin,  liv.  III,  p.  701. 

-  Kdit.  Tuetey,  p.  234. 

•'  La  (lance  aux  aveugles,  édit.  de  1748,   p.  IG. 

*  Trois  quarts  d'aune. 

•'  \'oiles. 

*!  Monslrelet,  édit.  de  1572,  t.  III,  p.  130. 


ATOURNERESSES  —  AUMONIERS 


rv.i 


contre  Dieu.  Quant  les  gens  d'armes  gaignent  une 
place,  ils  mettent  leur  estendart  au-dessus  ^  ». 

Voy.  Chaperonniers. 
Atourneuses.  Voy.  Coiffeurs. 

Atres  (Faiseurs d').  Madame  de  Maintenon, 
n'étant  encore  que  la  veuve  Scarron,  obtint,  en 
septembre  1674,  un  ])revet  d'invention  pour 
«  faire  faire  des  astres  à  des  fours,  fourneaux  et 
cheminées  d'une  nouvelle  invention  ^  ». 

Voy.  Fumistes.  —  Foëliers,  etc. 

Attendant  maîtrise.  On  nommait  ainsi 
l'apprenti  libéré  de  son  service  et  devenu 
compagnon,  qui  s'engageait  chez  un  maître 
pour  le  nombre  d'années  à  l'expiration  desquelles 
il  lui  était  permis  de  devenir  maître.  On  le 
qualifiait  ainsi  afin  de  le  distinguer  des  ouvriers 
dont  le  compagnonnage  légal  était  achevé  et  qui 
ne  recherchaient  pas  la  maîtrise. 

Voy.  Aspirants  et  Compagnonnage. 

Attente  I  Semaine  de  l').  Dans  les  statuts  des 
métiers  et  dans  les  ordonnances  du  moyen-âge, 
ces  mots  désignent  toujours  la  semaine  de  l'Ascen- 
sion, qui  rappelle  l'attente  du  Saint-Esprit. 

Attiseurs.  Chez  les  enclumiers,  ouvriers 
qui  maintenaient  le  charbon  par  dessous 
l'enclume  pendant  qu'on  forgeait. 

Attornés  ou  Attournés.  Noms  qu'ont 
porté  les  procureurs. 

Auberg-istes.  Voy.  Hôteliers. 

Auditeurs-examinateurs  des  comp- 
tes. Deux  offices  jurés  créés  dans  chaque 
communauté  ou\Tière  par  édit  de  mars  1694. 

Aulmuciers.  Voy.  Aumussiers. 

Aulneurs.  Voy.  Auneurs. 

Aulx.  Voy.  Ailliers  et  Mesureurs. 

Aumône.  Dans  le  Livre  des  métiers  et  dans 
les  ordonnances  du  moyen-âge,  ce  mot  désigne 
parfois  un  office  du  soir  :  «  Nulle  fillaresse  de 
soie  ne  doit  ou\Ter...  puis  que  le  aumosne  est 
sonée  à  Saint-Martin  des  Chans  ^  ». 

Aumônières  (Faiseuses  d').  Au  treizième 
siècle,  la  bourse  dont  se  servaient  les  femmes  de 
haute  condition  se  nommait  anmônière.  Elle 
était  en  toile,  en  maroquin,  en  soie  ou  en 
velours,  brodée  et  richement  ornée.  Elle  pendait 
sur  le  côté,  soit  à  droite,  soit  à  gauche,  au  ])out 
d'une  chaîne  ou  d'une  tresse,  qui  elle-même 
s'attachait  à  la  ceinture. 


*  Le  jardin  des  nobles  (inédit).  Extrait  publié  par 
P.  Paris,  dans  Les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  roi, 
t.  II,  p.  156. 

2  Deppins',  Corresnondanee  administrative  sous  Louis 
XIV,  t    I,  p    LIV. 

3  Livre  des  métiers,  titre  XXXV,  art.  3. 


Le  commer(;e  des  aumônières  était  surloul  fait 
par  les  merciers  : 

J'ai  Ii's  diversi\s  aumo.snièn'.s 
Et  de  soie  et  de  cordouan, 
Que  je  vendrai  encor  oan, 
Et  si  en  ai  de  pleine  toile, 

lit-on  dans  le  Dit  iTun  mercier.  Leur  fabrication 
suffisait  po\ir  occuper  toute  une  corporation, 
qui  prenait  le  titre  de  faiseuses  (T aumosnières 
sarrazinoises,  sans  doute  parce  que  les  aumô- 
nières avaient  été,  à  la  suite  des  croisades,  imitées 
du  costume  oriental. 

M.  Depping  a  retrouvé  et  publié  ^  les  statuts 
que  cette  corporation  fit  homologuer  par  le 
prévôt  de  Paris  Guillaume  Thibout  au  mois  de 
mars  1299. 

On  y  voit  que  chaque  maîtresse  ne  pouvait 
avoir  plus  de  deux  «  apprentices  ». 

La  durée  de  l'apprentissage  était  de  six  ans 
pour  l'enfant  qui  apportait  4  livres  (400  fr.  ?), 
de  huit  ans  pour  celle  qui  apportait  40  sous,  et 
de  dix  ans  pour  celle  qui  était  sans  argent. 

Deux  jurés  (hommes),  «  establis  par  la  volenté 
au  prévost  de  Paris  »,  surveillaient  le  métier. 

Ces  statuts  sont  souscrits  par  les  124  «  mes- 
tresses  et  ouvrières  d'aumosnières  sarrazinoises» 
qui  composaient  alors  la  corporation. 

Un  passage  des  miracles  de  saint  Louis  nous 
montre  qu'au  treizième  siècle  les  femmes  du 
monde  et  même  les  religieuses  se  livraient  à  ce 
o-enre  d'ouvraffe.  On  lit,  d'ailleurs,  les  vers 
suivants  dans  le  Roman  de  rEsconffle,  que  je 
trouve  cité  par  M.  Francisque  Michel  ^  : 

Il  sont  jusc'  à  la  chambre  aie 
Où  sa  fille  est  et  ses  puceles... 
Ki  font  orfrois  et  aumosnières 
Et  joiaus  de  maintes  manières. 

On  trouve  plusieurs  aumônières  des  treizième, 
quatorzième  et  quinzième  siècles  reproduites 
dans  le  Dictionnaire  du  mobilier  de  M.  Viollet- 
le-Duc  ^.  Vov.  aussi  le  Glossaire  archéologique 
de  M.  V.  Gay  *. 

Voy.  Boursiers. 

Aumôniers.  Dans  toute  «  maison  de 
qualité  »,  l'aumônier  tenait  le  premier  rang 
parmi  les  «  officiers  et  domestiques  ».  C'est  aussi 
la  place  que  lui  donne  Audiger  dans  sa  Maison, 
réglée  :  »  La  charge  et  le  devoir  d'un  aumônier, 
écrit-il,  regardent  principalement  le  service 
divin  qu'un  grand  seigneur  fait  faire  dans  sa 
maison  ;  et  en  cette  qualité  il  a  la  direction  de  la 
chapelle,  et  le  soin  de  tous  les  ornemens  sacer- 
dotaux. Pour  bien  et  dignement  remplir  cette 
place,  il  faut  qu'il  soit  honnête  homme,  sans 
reproche,  de  bon  exemple,  savant  pour  instruire, 
grave  sans  familiarité  pour  imprimer  le  respect 
et  la  vénération  dus  à  son  caractère.  Il  célèbre 
la  messe  aux  heures  prescrites  ;  fait  la  prière  soir 
et  matin,  oii  tout  le  monde  de  la  maison  doit 
être  appelé,   tant  le  seigneur  que  ses  domes- 


1  Ordonn.  relatives  aux  métiers,  p.  382. 

2  Recherches  sur  les  étoff'es  de  soie,  t.  I,  p.  102. 

3  Tome  III,  p.  26. 

4  Tome  I,  p.  83. 


54 


AUMONIERS  —  AUREURS 


tiques  ;  bénit  les  viandes  au  commencement  des 
repas,  et  rend  grâces  à  la  fin.  Il  doit  aussi 
catéchiser  les  domestiques,  les  instruire  charita- 
blement, veiller  à  leur  conduite,  prendre  garde 
(|u'ils  ne  manquent  point  de  s'approcher  des 
sacremens  aux  quatre  solennités  de  l'année,  les 
corriger  des  paroles  sales  et  déshonnêtes,  leur 
délemlre  de  la  pari  du  seigneur  les  fréquentations 
dangereuses  ;  l'averlir  de  leur  bonne  ou  mauvaise 
conduite '  ». 

A  la  Cour.  le  chef  des  services  ecclésiastiques 
était  le  grand  aumônier  de  France.  Il  avait  sous 
ses  ordres  un  premier  aumônier,  liuil  aumôniers 
(hi  roi  -,  etc. 

On  trouve  souvent  Almosniers. 

Aumussiers.  L'aumusse  ou  aulmuce, 
coiffure  d'hiver  et  ordinairement  fourrée,  res- 
semblait fort  aux  capulets  que  portent  encore  les 
paysannes  des  PjTénées.  Elle  se  composait  d'un 
CJipuchon  pointu  qui  couvrait  la  tête,  tandis  que 
11!  reste  de  l'étoffe  retombait  sur  les  épaules.  La 
Taille  (le  1202  cite  9  anninciem  ou  aumucières, 
celle  (le  1300  en  mentionne  8  seulement.  Le 
jour  dp  Pâques  1387,  le  fou  de  Cliarles  VI  était 
coiffé  (T  «  une  aulmuce  d'escarlate  vermeille  ^  ». 
Dans  le  quinzième  siècle,  l'aumusse,  affectée 
surtout  aux  chanoines,  prit  une  ampleur 
extrême,  et  en  vint  à  ressembler  à  nos  cabans. 
On  en  faisait  encore  au  siècle  suivant,  comme  le 
prouve  ce  passage  d'une  chanson  datée  de  1543  : 

Il  a  la  coqueluchi', 
Dieu  vtieilk'  lo  tuer  ! 
Dont  a  mys  son  ausmuche 
l'uur  tousser  et  liuer. 

Mais  il  V  avait  alors  plus  de  deux  cents  ans 
que  h's  amuMssiers  étaient  réunis  à  la  corporation 
des  chapeliers  de  colon. 

Siu-  les  variations  (|ue  Miliil  la  forme  de 
raumusse,  vov.  Clau(h'  de  N'.tI.  Explication  des 
en-riiKinies  (le  P Eglise.  I.  II.  p.  "257. 

Aune  évent.  ^'ov.  Auneurs  de  draps. 

Auneurs.  L'inslilntion  di'x  auneurs  consti- 
tuait une  des  nombreuses  précautions  destinées  à 
ii>surer  la  loyauté  des  transactions,  l'autorité 
admt'Kiint  toujours  (|ii('  le  vcndcui-  chercherait  à 
Iruniper  l'achetenr. 

Laune  de  Paris  renrésciilait  ini  w\\  plus  de 
1'".  IHS.  '  ' 

\ov.    Mesureurs 
toiles. 


Tisserands    de 


Auneurs  de  drap.  Il-  i.irMii-,nrni  les 
draps  ef  nutres  étolVes  de  hiiiir  lorscprils  en 
etaif-nl  re(|uis  soit  par  le  marchand  soit  par 
rnchclenr.  Ils  étaient  au  ii.nnbre  de  douze. 
Nommés  par  la  corporation  des  drapiers  et  celle 
•  les  merciers,  ils  prêtaient  serment  devant  le 
lieuli'uanf  général  de  police. 

Un  rcgh-inent  d'aoAt  I(l(i9  v.nt  ,|iie  toutes  les 
marchandises  de  laine  soient  auniMîs  «  bois   à 


<  Liv.  1,  cbop.  5. 

\  fy!"'  i'J^K  ''■'"'"/"""•  /''?'?.  I.  I,  p    80  et  suiv. 
Douet-d  Arc<j,.>o»(Cfffiix  cnmptes  lU  l'argenterie,  p.  247. 


bois,  parfaitement  et  sans  évent  »,  à  peine  de 
50  liwes  d'amende  pour  chaque  contravention 
des  auneurs.  Cette  prescription  visait  une  habi- 
tude qui  remontait  pour  le  moins  au  treizième 
siècle.  Jean  de  Garlande,  dans  son  Dictionnaire 
écrit  vers  1250,  nous  apprend  que  les  «  pan- 
narii,  nimia  cupiditate,  fraudant  emptores,  maie 
ulnando  pannos  cum  ulna  curta  et  cum  poUice 
fallaci  *  ». 

M.  Scheler  s'est  trompé,  je  crois,  en  appli- 
quant à  une  des  divisions  de  l'aune  les  mots 
«  pollice  fallaci  ».  Ce  passage  doit  être  expliqué 
par  l'histoire,  et  la  philologie  n'a  rien  à  y  voir. 
Jean  de  Garlande  l'ail  évidemment  allusion  ici  à 
ce  que  l'on  a  appelé  plus  tard  ponce  et  mine  ou 
pouce-event.  Il  était  d'usage,  quand  on  mesurait 
des  draps  ou  des  toiles,  de  placer  le  pouce  au 
bout  de  l'aune  et  d'augmenter  ainsi  la  mesiu-e  ; 
mais  on  comprend  qu'un  auneur  habile  pouvait 
facilement  glisser  le  pouce  en  dessous,  et 
mesurer  «  pollice  fallaci  ». 

Au  mois  de  février  1704,  Louis  XIV  créa, 
pour  se  procurer  de  l'argent,  40  charges 
d'auneurs  jurés,  20  de  courtiers  commission- 
naires, 2  de  concierges  de  la  halle  atix  draps  et 
12  de  forts  à  la  même  halle.  Les  drapiers  et  les 
merciers  durent  racheter  tous  ces  offices  eu 
payant  une  somme  de  400.000  livres.  Cet  édit 
donne  aux  nouveaux  auneurs  le  titre  de  Atmetirs 
(le  draps,  serges,  ratines,  e'tamines,  revêches, 
■moltons  et  autres  e'toffes  de  fils  ou  de  laine. 

Supprimés  en  septembre  1719,  rétablis  en 
juin  1730,  ils  furent  de  nouveau  supprimés  en 
1768. 

Voy.  Mesureurs. 

Auneurs-visiteurs  de  toiles.  Ils  sont 
mentionnés  dans  le  Livre  des  métiers  ^,  où  je  lis 
qu'ils  étai(^nt  alors  au  nombre  de  deux.  Les 
statuts  des  chanevaciers  en  1393  prouvent  que 
Ton  n'en  comptait  encore  que  deux  à  cette  date. 
Les  statuts  accordés  aux  lingères  en  1645  inter- 
disent aux  auneurs  d'  «  aller  boire  ni  manger 
avec  les  marchans  forains,  ni  leur  dire  ce  que 
vaut  la  marchandise  ».  Ils  ne  devaient  non 
plus  «  loger  ni  retirer  les  forains  en  leurs 
maisons  ^  ». 

Au  dix-septième  siècle,  le  nombre  des  auneurs 
avait  été  porté  à  cinquante.  Ils  prêtaient  serment 
devant  le  lieutenant-général  de  police,  et  pos- 
sédaient deux  bureaux,  l'un  à  l'hôtel  des  Fermes, 
l'autre  à  la  halle  aux  toiles.  Souvent  supprimées, 
puis  rétablies,  ces  fonctions  furent  confiées,  en 
1768,  à  de  simples  commis.  L'abbé  Jaubert 
nous  apprend  qu'à  cette  époque,  l'on  devait 
auner  les  toiles  <.<  le  pouce  devant  l'aune  *  ». 
Sur  cet  usage,  voy.  l'art.  Aimeurs  de  drap. 

Auquetonniers.  Non  sous  lequel  la  Taille 
de  1202  désigne  les  hoquetonniers. 

Aureurs.  Voy.  Graveurs. 


'    VAW.  Sch.'lcr,  p.   T,. 

-  'l'iln'  i.lX. 

•''   Dans  L)r|iping,  Ordonnnnces,  p.  392. 

i  Tome  I,  p.    184. 


AURICULARISTES  —  AVALE  IJRS  DE  NEFS 


Auricularistes  et  Auricures.  Voy. 
Auristss. 

Auristes.  Cliinirgiens  spécialistes  pour  les 
oreilles. 

Dès  le  quatorzième  siècle,  les  cure-oreilles 
étaient  devenus  des  objets  sur  lesquels  s'exerçait 
le  luxe,  car  je  trouve  dans  l'inventaire  dressé 
après  la  mort  du  roi  Charles  V,  l'article  suivant  : 
«  Ung  petit  coutelet  d'or,  à  façon  de  furgete  k 
furger  dens  et  à  curer  oreilles  '  ».  Je  rencontre 
encore,  dans  la  Civilité  publiée  par  Erasme  en 
1530 ,  le  conseil  de  ne  pas  «  fouiller  en  ses 
oreilles  »  sans  nécessité.  Mais  il  me  faut  arriver 
au  dix-huitième  siècle  pour  découvrir  un  homme 
faisant  son  métier  de  soigner  la  surdité. 

Dans  son  numéro  du  7  juin  1775,  un  journal 
d'annonces  intitulé  Affiches,  a7inonces  et  avis 
divers  publiait  la  réclame  suivante  :  «  Le  sieur 
Babelin,  liabile  oculiste,  à  Paris,  rue  Ticque- 
tonne,  maison  de  M.  Berger,  fabricant  de 
chapeaux,  seul  possesseur  du  baume  spécifique 
pour  la  surdité,  les  duretés  d'oreilles  et  les  autres 
accidens  de  cette  partie,  que  distribuoit  la  feue 
demoiselle  de  Lussan,  continue  d'opérer,  par  le 
moyen  de  ce  baume,  qui  est  fort  connu,  de  très- 
heureux  effets.  Ce  remède  est  un  topique  spiri- 
tueux et  iloux,  qui  guérit  plus  ou  moins 
promptement,  suivant  le  caractère  et  l'ancienneté 
de  la  maladie.  On  peut  se  purger  avant  d'en 
faire  usage  ;  mais  il  n'exige  d'autre  régime 
que  de  se  garantir  du  vent  et  du  brouillard,  et 
ne  peut  jamais  causer  le  moindre  accident.  Le 
prix  des  boîtes  est  de  12  liv.,  12  sols  ». 

11  existait  même  déjà  des  instruments  destinés 
à  rendre  l'ouïe  plus  facile,  car  je  lis  dans  le  même 
journal,  à  la  date  du  20  septembre  1778,  qu'un 
sieur  Bernard,  qualifié  d'orfèvre-mécanicien  », 
venait  de  perfectionner  les  sondes  flexibles  et 
les  «  conques  »  pour  la  surdité.  Elles  sont, 
disait-il,  faites  d'une  matière  <^  aussi  légère 
spécifiquement  que  le  papier,  et  construites  de 
manière  à  tenir  d'elles-mêmes  et  sans  la  moindre 
apparence  extérieure  ». 

Automatistes.  Constructeurs  d'automates. 

Au  début  du  dix-huitième  siècle,  le  canard 
digérant  et  \e  joueur  r/^/?«/'é?de  Vaucanson  mirent 
à  la  mode  les  automates.  Vers  1720,  le  savant 
Père  Truchet,  religieux  carme  qui  devint  membre 
de  l'Académie  des  sciences,  construisit  pour 
Louis  XIV  un  théâtre  sur  lequel  se  jouait  un 
opéra  en  cinq  actes.  Il  suffisait  de  tirer  une 
petite  boule  pour  animer  toute  la  machine.  Les 
mouvements  des  personnages  étaient  rendus 
avec  une  admirable  vérité,  et  les  décors  chan- 
geaient d'eux-mêmes  quatre  fois  au  moment 
voulu.  «  Quand,  écrit  Fontenelle,  on  voyoit  les 
pièces  désassemblées,  on  étoit  eflfrajé  de  leur 
nombre  prodigieux  et  de  leur,  extrême  déli- 
catesse ^  ». 

Chaque  année,  plusieurs  machines  de  ce  genre 
étaient  exposées  à  la  foire  Saint-Germain.  Parmi 


1  Publié  par  J.  Labarte,  n"  2828  de  l'inventaire. 

2  Suite  des  éloges  des  académiciens,  édit.  de  1733,  p.  270. 


les  constructeurs  ou  montreurs  d'automates  qui 
attirèrent  le  plus  la  foule,  je  citerai  : 

En  1747  ,  Biaise  Lagrelet.  Il  exposait  «  deux 
figures  de  grandeur  naturelle,  représeidant  un 
berger  et  une  liergère  jouant  treize  airs  difîérents 
sur  la  flût(\  Le  berger  battait  la  mesure  avec  les 
pieds  ;  les  deux  figures  remuaient  les  lèvres,  par 
où  passait  le  vent  qui  formait  les  sons  ».  Lagrelet 
n'était  pas  l'auteur  de  celle  pièce,  il  l'avait 
acquise  d'un  aulomatiste  célèbre,  Defrance,  (|ui 
l'année  précédente,  avait  exposé  au  château  des 
Tuileries  des  Auteurs  jouants  et  des  oiseaux 
chantants. 

En  1748,  Bourgeois  de  Chàteaublanc  exposait 
ses  ouvriers  automates^  sept  moulins  desservis  par 
trois  ouvriers. 

En  1750,  un  constructeur  dont  je  ne  sais  pas 
le  nom  montrait  :  1*^  Une  figure  de  la  grandeur 
d'un  enfant  de  huit  ans,  qui  tenait  un  cor  de 
chasse  et  imitait  parfaitement  les  sons  ;  2^  Un 
moulin  à  vent,  où  s'occupaient  un  meunier,  un 
garde-moulin,  une  bergère  avec  son  troupeau  ; 
3"  Une  forteresse,  avec  soldats,  sentinelles,  etc.  '. 

Un  autre  anonyme  exposait,  l'année  suivante, 
un  caméléon  qui  faisait  divers  exercices  et 
changeait  six  fois  de  couleur. 

En  1772,  on  vit  à  la  foire  Saint-Germain  un 
oiseau  mécanique  dont  le  bec  versait,  à  la  volonté 
des  spectateurs,  du  vin  blanc,  rouge  ou  gris. 

Dans  un  journal  d'annonces  de  l'année  1775, 
on  trouve  la  description  de  cinq  automates  très 
compliqués  qu'avait  exécutés  un  habile  méca- 
nicien Suisse,  Henri-Louis-Jaquet  Droz,  origi- 
naire de  La  Chaux  de  Forids  ^. 

Vers  1778,  l'abbé  Mical  produisit  deux  têtes 
parlantes.  Elles  articulaient  quatre  plirases,  en 
imitant  le  mouvement  des  lèvres.  L'une  d'elles 
prononçait  assez  distinctemenl  ces  mots  :  «  Le 
roi  fait  le  bonheur  de  ses  peuples,  et  le  bonheur 
de  ses  peuples  fait  celui  du  roi  •'  » . 

C'est  en  1783  que  fut  exposé  à  Paris  le  fameux 
joueur  d'échecs  qu'avait  créé  un  gentillomme 
hongrois.  Deux  joueurs  connuspar  leur  habileté,  le 
duc  de  Bouillon  et  l'avocat  Bernard  se  mesurèrent 
avec  lui,  et  remportèrent  la  victoire,  mais  non 
sans  peine.  11  paraît  aujourd'hui  démontré  qu'un 
nain,  né  avec  le  génie  de  ce  jeu,  était  dissimulé 
dans  la  boite  qui  était  fixée  sous  l'échiquier  et 
contenait  le  mécanisme  *. 

On  lit  dans  le  Dictionnaire  de  Furetière  ^  : 
«  Plusieurs  personnes  prononcent  aûomates^ 
mais  il  faut  prononcer  automates,  avec  les 
meilleurs  auteurs  ». 

Avainiers.  Marchands  d'avoine. 

Avaleurs  de  nefs.  L'on  nommait  ainsi 
des  mariniers  habiles,  nommés  par  la   munici- 


1  Affiches    de    Paris,    annonces  et  avis  divers,    n"    du 
9  février  1750. 

2  Affiches   de  Paris,    annonces   et    avis    divers,    n°    du 
8  mai  1775. 

3  Mémoires  secrets   dits    de    Bachaumont,    t.    XXVI, 
p.  257 

'*  Voy.   le  Magasin  pittoresque,  i.  II    (1834),  p.    155. 
0  Édition  de  1701,  t.  I,  .sans  pagination. 


56 


AVALEURS  DE  NEFS  —  AVOCATS 


palité,  et  qui  avaient  pour  mission  de  prendre  la 
conduite  des  bateaux  qui  descendaient  la  Seine, 
principalement  entre  les  ponts,  où  la  navigation 
présentait  des  difficultés.  Les  avaleurs  de  nefs 
étaient  à  Paris  au  nombre  de  deux  et  avaient 
quelques  mariniers  sous  leurs  ordres.  Tous  deux 
sont  mentionnés  dans  la  Taille  de  i202  ; 
c'étaient  Hemeri  l'Allemant  et  Pierre  Courrai;  ils 
demeuraient  «  sus  la  rivière  »,  au  commen- 
cement delà  rue  Saint-.Iean-en-Grève  ^  Je  n'en 
ai  trouvé  qu'un  seul  dans  la  Taille  de  1313, 
Jehan  Parein,  qui  demeurait  au  même  endroit  ^. 

Les  avaleurs  ^  de  nefs  devinrent  plus  tard 
maîtres  des  ponts,  c'est  sous  ce  nom  qu'ils  sont 
désignés  dans  l'ordonnance  de  février  1415.  On 
les  a  nommés  aussi  lamaneurs,  pilotes  eilocnians. 

Voj.  F»ort  (Sur  les). 


Avaleurs  de  vin. 
de  vin. 


(IV.  Déchargeurs 


Avant  -  parliers.  Nom  que  portèrent 
d'abord  les  avocats.  Ils  parlaient  pour  leur  client 
et  ne  l'engageaient  que  dans  la  mesure  des 
instructions  qu'ils  avaient  reçues.  «  Celui-ci 
doit  parler  pour  moi  contre  un  tel  »,  disait  au 
Iribuiiidlii  partie  qui  voulait  instituer  un  avocat, 
«  entfiidez-le,  et  autant  ([u'il  aura  dit  pour  moi 
ce  que  je  lui  ai  enjoint,  je  le  garantirai  *  ». 

Aveniers.  Marchands  d'avoine. 

Avertisseurs.  Officiers  de  la  maison 
riijale  appartenant  au  service  de  la  Bouche  du 
roi.  «  L'avertisseur  est  pour  sui\Te  à  cheval  Sa 
Majesté,  tant  dans  ses  campagnes  que  dans  ses 
voyages,  et  sçavoir  immédiatement  du  Roy 
l'heure  à  laquelle  il  veut  dîner  ou  souper;  ce 
qu'il  va  en  diligence  dire  aux  ofliciers  de  la 
BoucJje  •"  ». 

Avictuailleurs.  ^'oy.  Vivandiers. 

Avironniers.  F.iiseurs  d'iivinms.  Ils  pni- 
ployaient  surtout  l'aune,  le  tremble  et  le  tilleul. 

Avocacels,  Avocatels  et  Avocate- 
rr^ls.   \<iy.  Avocats. 

Avocats.  Jus(iu'au  tri'i/ifiiic  sii;cl<',  il  est 
ilifticilc  de  b-s  distinguer  ib.'s  procureurs.  Sous 
»».iinl  Louis  M'ulenu'ut,  les  avocats  commencent  à 
liguriT  dans  b'MicIfs  judiciaires,  et  dès  octobre 
1*274,  le  roi  doit  inti-ncnir  pour  les  tMiipécher 
di"  réclamer  de.s  liononiires  \vop  élevés''. 

On  1rs  trouve  aUtrs  nommés  prnloruleurs. 
ariiuf-i)nrltrr.<t,  nmpnrliers,  t'ui/Ktrlifrs',  etc..  et 
la  Taille  dr  120'J  cite  deux  adrocnts. 


5  IV''  n.-.. 


'  !..<  mol  tirnfrr  sif^iiilio  oncorc  «ujourtllmi  ilrscendre. 

»  .\>l.  Tanlif.  La  prorfiUrr  aux  lrn':ièmr  et  qitntonirmr 
n'irht.  p   2.«V.  ' 

B  hint  df  la  Front*  /Mur  /".V/Ç.  I.   1,  i>.  2in. 

«  Dons  l^inbiTt,  Ann'rMtifx  Inh  françainrs.  t.  II,  p.  «52. 

'  H.  D'iarhcnal,  Hisloirr  dn  nmcals.  1H85,  in -8" 
p.  VII  pt  suir.  —  A.  TnrHif.  Aa  procédure  a „.t  treizième 
tt  çMlorsièmt  titcliê.  p.  24. 


Un  règlement  de  novembre  1340  mentionne 
pour  la  première  fois  le  ro/e  ou /rt^/^«?/ sur  lequel, 
après  avoir  prêté  le  serment  professionnel,  ils 
devaient  êlreinscritsdans  l'ordre  de  leur  réception 
On  y  inscrivait  à  part  les  novi  advocati,  à  qui  un 
stao-e  était  imposé.  Les  distinctions  très  tranchées 
qui  furent  établies  au  seizième  siècle  entre  les 
avocats  anciens,  les  avocais plaidants  et  les  avocats 
nouveaux  n'existaient  pas  encore. 

Pour  obtenir  de  figurer  au  tableau,  il  fallait 
remplir  plusieurs  conditions.  D'abord,  être  au 
moins  dans  sa  dix-septième  année,  n'être  ni 
incapable,  ni  indigne,  ni  sourd,  ni  aveugle,  ne 
pas  appartenir  à  l'Église.  Toutefois,  cette  règle 
ne  fut  guère  observée  :  au  quatorzième  siècle, 
le  barreau  comptait  presque  autant  d'ecclésias- 
tiques que  de  laïques.  Il  fallait  encore  être  licencié 
en  droit  civil  ou  en  droit  canonique,  condition 
qui  ne  fut  sérieusement  exigée  qu'à  partir  du 
seizième  siècle.  Il  restait  encore  .i  prêter  le 
serment  professionnel.  Le  candidat  se  mettait  à 
genoux,  et  jurait  en  étendant  la  main  sur  un 
tableau  oîi  l'on  voyait  «  l'effigie  de  Jésus-Christ 
en  la  croix  et  le  commencement  de  l'évangile 
Saint-Jehan  ».  Ce  serment  était  renouvelé  chaque 
année.  L'ordonnance  de  mars  1345,  permet  aux 
avocats  de  se  faire  seconder  par  des  clercs  qui, 
comme  ceux  des  procureurs,  faisaient  partie  du 
royaume  de  la  Bazoche,  ils  n'étaient  ni  moins 
bruyants  ni  plus  disciplinés. 

En  1562,  le  nombre  des  avocats  inscrits  au 
tableau  était  de  199.  Du  quinzièmeau  dix-septième 
siècle,  divers  édits  régularisèrent  leur  situation 
et  leur  imposèrent  des  devoirs.  En  mai  1413,  il 
faut  encore  contenir  leur  avidité.  Ils  sont  «  cous- 
tumiers,  dit  le  roi,  de  prendre  et  exiger  de  nostre 
povre  peuple  trop  grans  salaires'  ».  Puis,  on 
leur  enjoint  de  plaider  et  de  conclure  briève- 
ment^, de  ne  pas  injurier  leur  partie  adverse  '^, 
de  ne  proposer  que  des  faits  et  moyens  pertinents  *, 
d'accorder  leur  ministère  aux  païuTes  gens  ^,  etc. 

Leur  rapacité  était  depuis  longtemps  prover- 
biale. Rabelais  place  sur  la  même  ligne  «  les 
basauchiens  mangeurs  de  populaire,  officiaux, 
scribes  et  pharisiens  »,  et  Panurge  n'hésite  pas 
à  avouer  qu'il  a  «  ung  estomac  toujours  ouvert 
comme  la  gibecière  d'ung  advocaf'  ». 

Diversesordonnances  modifièrent  les  conditions 
imposées  pour  remplir  les  fonctions  d'avocat.  Au 
dix-septième  siècle,  il  fallait  avoir  étudié  pendant 
trois  ans  dans  une  Faculté  de  droit,  y  avoir 
passé  deux  examens  et  soutenu  unt;  thèse. 

Un  décret  de  septembre  1790  supprima  l'ordre 
des  avocats,  et  autorisa  toute  personne  à  jouer 
lerAle  de  de fensexir  officieux.  Le  Consulat  rétablit 
le  titre  d'avocat,  et  l'ordre  fut  reconstitué  défini- 
tivement par  un  décret  de  décembre  1810. 


1  Dans  Lsanibort,  Anciennes  lois  françaises,  t.  VII, 
.  .352. 

î  Octobre  1446,  juillet  1493,  dans  Lsambert,  t.  IX 
.  ICO,  et  I.  XI,  p.  214. 

"î  Mars  1453,  novembre  1507,  clans  Lsambert,  t.  IX, 
.  224.  et  I.  XI,  p.  496. 

*  Mars  14.^.1.  t.  IX,  p.  226. 

•^'  .\ni-)t  1536.  t.  XII,  p.  515. 

6  (inrifan/u'j,  liv.  I,  chap.  39  et  54. 


AVOCATS  —  BACHOTEURS 


57 


Au  quatorzième  siècle,  les  avocats  s'étaient 
mis  sous  le  patronage  de  saint  Nicolas,  et  orga- 
nisés en  confrérie.  Leur  principal  dignitaire, 
celui  qui,  dans  les  cérémonies  publiques,  portait 
la  bannière  ou  le  bâton  de  la  confrérie,  était  dit 
bâtonnier,  qualification  qni  s'est  perpétuée  jusqu'à 
nos  jours. 

On  irowvQ  iioxwfeni  adrocatenr s.  Les  mots  «r/pfl- 
caceatix,  avocacels,  avocatels,  acocaterels,  etc. 
sont  péjoratifs. 

Avoine  (Marchands  d').  La  Taille  de  1292 
cite  neni  ave7iiers.  On  trouve  aussi  avainiers. 

Avoir  de  poids.  On  désignait  sous  ce  nom 
toute  marchandise  qui  se  vendait  ordinairement 
au  poids,  On  lit  dans  les  statuts  (treizième  siècle) 
des  regraUlers  de  fruits  :  «  Quiconcques  achate 
le  mestier,  il  puet  vendre  tout  avoir  de  pois  *  »  ; 
et  dans  le  règlement  pour  les  chaussées  : 
«  Aulretant  ^  doivent  de  chaucié  ''cuir,  chanvre, 
fer,  pions  et  toute  manière  d'avoir  de  pois  *  ». 


Le  préambule  d'une  ordonnance  de  décembre 
1312  s'exprime  ainsi  :  «  Grans  complaintes  sont 
veniiRs  à  nous  des  fraudes  qui  sont  en  la 
marchandise  d'espicerie  et  d'autres  avoir  de 
poids  *  ».  L'expression  avoir  de  poids  avait  pour 
corrélatifs  les  mots  avoir  de  prix  qui  étaient 
d'ailleurs  beaucoup  moins  employés. 

Avoir  de  prix.  Voj.  Avoir  de  poids. 

Avoués.  Durant  le  mojen-àge,  ce  nom  se 
donnait  aux  chmiipions,  et,  d'une  manière 
générale,  à  tous  ceux  qui  se  chargeaient  de  la 
défense  d'antrui. 

Voy.  Champions  et  Procureurs. 

Aymetiers.  Faiseurs  d'hameçons.  Voj. 
Pêche  (Ustensiles  de). 

Azur  ^Qui  font).  Cette  mention,  qui  figure 
dans  la  Taille  de  1300,  désigne  sans  doute  les 
ouvriers  connus  plus  tard  sous  le  nom  tVindi(/o- 
tiers. 


B 


Baatiers.  Voy.  Bâtiers. 
Babuineurs.  Voy.  Enlumineurs. 

Bacheliers.  On  nommait  ainsi,  dans  la 
plupart  des  corporations,  les  maîtres  qui  étaient 
devenus  anciens  ^,  et  ceux  qui  avaient  passé  par 
les  charges  de  juré,  syndic,  etc. 

Le  titre  de  bachelier  conférait  plusiem"s 
prérogatives.  Chez  les  chapeliers,  par  exemple, 
le  premier  juré  ou  grand-garde  devait  être 
choisi  parmi  les  bacheliers.  Chez  les  brossiers, 
le  plus  ancien  des  bacheliers  avait  tlroit  au  titre 
de  doyen.  Plusieurs  bacheliers  assistaient  les 
jurés  pour  l'examen  des  chefs-d'œuwe.  C'étaient 
eux  aussi  qui  remplissaient  l'office  de  juré  vis-à- 
vis  des  jurés  pour  tout  ce  qui  concernait 
l'examen  des  marchandises. 

Dans  les  communautés  de  feumies,  celles  qui 
avaient  passé  par  la  jurande  étaient  dites 
bachelières. 

Bachoiers.  Voy.  Bachouers. 

Bachoteurs.  C'est  le  nom  que  prenaient 
les  bateliers  qui   exerçaient  en   aval   de   Paris. 


1  Livre  des  métiers,  V^  partie,  titre  X,  art.  12. 

2  Autant. 

•*  Chaussée. 

4  Livre  des  métiers,  II®  partie,  titre  I,  art.   21. 

5  Voy.  cet  article. 


Leurs  bachots  étaient  de  petites  nefs  dans 
lesquelles  ils  ne  devaient  recevoir  à  la  fois  plus 
de  seize  personnes.  Ces  bachots  étaient  numé- 
rotés, et  tous  les  quinze  jours  visités  par  \\n 
officier  de  la  Ville.  Il  était  interdit  aux  lèmmes 
et  aux  enfants  des  bachoteurs  de  se  trouver  sur 
les  ports  pour  aider  leur  mari  ou  leur  père. 
Le  prix  des  places  était  ainsi  réglé  :  Pour  Sèvres 
et  pour  Sainl-Cloud,  4  sous.  Pour  Chaillol  et 
pour  Passy,  2  sous.  Pour  Auleuil,  2  sous 
6  deniers. 

Au  dix-huitième  siècle,  les  bachots  prirent  le 
nom  de  batelets,  et  des  esquifs  moins  primitifs 
leur  firent  concurrence.  Le  hatelel  de  Saint- 
Cloud  partait  assez  régidièrement  de  Paris  le 
matin  à  six  heures,  et  de  Saint-Cloud  à 
cinq  heures  du  soir.  Il  n'avait  pas  fort  bonne 
réputation  :  «  Le  plus  hardi  marin,  écrivait 
Sébastien  Mercier,  craint  plus  de  se  confier  à  ces 
planches  pour  deux  heures,  que  de  monter  à 
bord  d'un  vaisseau  qui  va  toucher  le  nouveau 
monde  -  ». 

La  (jaliote  de  Sèvres  quittait  Paris  le  matin  à 
sept  heures  et  Sèvres  à  six  heures  du  soir.  «  Le 
Parisien,  écrit  encore  Mercier,  le  jour  de  la 
Pentecôte  prend  la  galiote  jusqu'à  Sèvres,  et  de 
là  court  à  pied  à  Versailles,  pour  y  voir  le  roi. 


I    I.^iiiiibrrl,  A/icii'ii/ies  lois  fru/içai.seg,   I.  111, 
-  Tnbtetni,  de  Paris,  t.  I,  p.  341. 


;jo. 


58 


BAGHOTEURS  —  BAIGNEURS 


les  princes,  les  cordons  bleus,  puis  le  parc,  puis 
la  ménag'erie  *  ». 

Ces  deux  services  n'avaient  lieu  qu'en  été,  de 
Pâques  à  la  Toussaint. 

Bachouers.  On  nommait  ainsi  le  valet  qui, 
chez  !•■>  l)(.nlaii;j:ers  et  dans  les  irpandes  maisons, 
avait  pour  ol'tîce  de  conduire  les  chevaux  chargées 
de  pain. 

On  trouve  aussi  bmchoniers,  basconiers, 
huchoiers,  haschouiers. 

Bachoe,  bachoue,  etc..  en  vieux  Iranrais, 
si<i:nifiail  hotte,  baquet,  corbeille  -. 

Baconniers.  Omix  qui  vendeni  du  bacon, 
c'est-à-dire  du  lard,  du  jambon,  de  la  chair  de 
porc. 

Bacqueteurs.  \  <i\ .  Pontonniers. 

Badestamiers.  \ov.  Bonnetiers  du 
faubourg   Saint-Marcel. 

Badi^eonneurs.  \o\.  Peintres  en 
bâtiments. 

Bag-uette  divinatoire.  Voy.  Rhabdo- 
manciens. 

Bag"uettiers.  ^^useurs  de  baji^uelies.  On 
ap[)i'lait  ainsi  di-  petits  bijoux  sans  valeur,  des 
baitioles.  de  menus  afliquets.  Ce  commerce  était 
désin^iié  sous  le  nom  de  baj^uellerie. 

Bahuiers  ei  Bahuriers.  Faiseurs  de 
bahuts. 

Voy.  Bahutiers. 

Bahutiers.  Faiseurs  de  bahuts.  Le  mot 
bahui  a  été  successivement  pris  dans  difîérenls 
sens.  11  semble  avoir  désigné  d'abord  une  enve- 
loppe de  cuir  ou  d'osier  dans  laquelle  on 
renl'ermaii  les  coH'res  ou  les  malles  destinées  à 
être  Iransporlées  ^.  Gomme  les  bahuls  étaient 
parfois  d'im  poids  énorme,  l'on  nommai!  chevnnx 
bnhitliers  les  furies  liêles  (|ui  les  portaient.  On 
disail  aussi  milliers. 

Oiianrl  le  mobilier  devint  fixe  ^,  les  grands 
cnllVes  prirent  place  contre  les  murs  et  y  jouèrent 
le  nMe  de  nos  armoires  •"'. 

Enfin,  à  dater  du  dix-hiiilienie  siècle  et  encore 
an  dix-liuili('nu\  le  imhul  n'est  plus  guère  qu'un 
«  <-oirre  coiiverl  de  cuir,  (huil  le  couvercle  est 
arrondi  *  ». 

\m   TniUe  lie   1202  ntionne  Irois  bahutiers, 

hahurins  el    bnlmiers  :    celle    de    /:iufi    en    cite 
(|UHlre. 

Les  Iwiliuliers  furent,  de  bonne  iieure  réunis 
aux  rollreliers,   et  la  corporation  des  co//'/r^iV/'.9- 


'  'l'.Mii.   IV,  |..  aiu. 

'  I>ucnnp'.  tllotunire,  au  mol  bachointa. 

^  V..y    Doui'l-.IArrq.  Comptes  de  Itirgmlerir.   |i.  31<.t. 

*  \oy.  i'nri.  1)i-iik'iih^>'Ui-.s. 

S  Voy.  Viollcl-lf-Duc,  DiclioHHaire   Hh.   molillirr    l     1 

^  Sflvnr}' ,  DielioHimire  liu  romnirree  (1723),  I.  I, 
'1  V'^~  ^''*'^'  DictloMiuiire,  l.  I,  p  ^Tij.  —  Diclionnaire 
lif  rrrrouj:,  t.  1.  [<    701. 


malletiers-bahlUiers  eut  pour  patron  saint  Jean 
riîlvangéliste. 

Les  ouvriers  de  ce  métier  ne  passaient  pas 
pour  aimer  la  fatigue,  au  moins  s'il  faut  en  croire 
le  proverbe  :  «  faire,  comme  les  bahutiers,  plus 
de  bruil  que  de  besogne  ^  ».  Pourtant,  dès  le 
commencement  du  dix-huitième  siècle,  il  leur 
fut  interdit  de  travailler  avant  cinq  heures  du 
matin  et  après  huit  heures  du  soir,  tant  le  bruit 
qu'ils  faisaient  incommodai!  leurs  voisins. 

Voy.  Voyage  (Articles  de). 

Baigrners.  Voy.  Baniers. 

Baigneurs.  Les  établissements  de  bains 
succédèrent  aux  étuves,  si  fréquentées  du  treizième 
au  quinzième  siècle,  et  héritèrent  de  leur 
mauvaise  réputation.  Maisons  meublées  fort 
suspectes,  endroit  de  luxe  ou  de  débauche,  le 
bain  n'y  figurait  le  plus  souvent  que  comme 
accessoire.  L'hôtel  de  Zamet,  devenu  hôtel  de 
Lesdiguières,  dans  la  rue  de  la  Cerisaie,  avait  eu 
celle  destination  sous  Henri  IV,  qui  le  fréquentai! 
si  assidûmen!  qu'on  l'appelait  sa  «  maison  des 
menus  plaisirs  »  et  son  «  palais  d'amour  -  ».  On 
se  rendait  chez  le  baigneur,  dit  M.  Walckenaer  ^, 
«  par  différents  motifs  ;  c'était  là  que  l'on  prenait 
les  meilleurs  bains,  les  bains  épilaloires,  les  bains 
mêlés  de  parfums  et  de  cosmétiques.  La  maison 
était  pourvue  d'un  grand  nombre  de  domestiques 
soumis,  réservés,  discrets  et  adroits.  On  s'y 
enfermait  la  veille  d'un  départ  ^  ou  le  jour  même 
d'un  retour,  afin  de  se  préparer  aux  fatigues  que 
l'on  alloit  éprouver,  ou  pour  se  remettre  de  celles 
qu'on  avoit  essuyées,  Voulait-on  disparaître  un 
instant  du  monde,  fuir  les  importuns  et  les 
ennuyeux,  échapper  à  l'œil  curieux  de  ses  gens, 
on  allait  chez  le  baigneur.  On  s'y  trouvai!  chez 
soi,  on  était  servi,  choyé,  on  s'y  procurait  toutes 
les  jouissances  qui  caractérisent  le  luxe  et  la 
dépravation  d'une  grande  ville.  Le  maître  de 
l'établissement  et  tous  ceux  qui  étaient  sous  ses 
ordres  devinaient  à  vos  o-estes,  à  vos  reo^ards,  si 
vous  vouliez  garder  l'incognito  ;  et  tous  ceux  qui 
vous  servaient  et  dont  vous  étiez  le  mieux  connu 
paraissaient  ignorer  jusqu'à  voire  nom  ». 

Dans  la  Coquette,  comédie  jouée  vers  1720, 
Baron  nous  montre  le  conseiller  Durcet  sortant 
de  l'audience  et  venani,  encore  en  robe,  voir 
Gidalise.  Marton,  suivante  de  la  belle,  l'accueille 
par  ces  mots  :  «  Monsieur  ne  seroit  pas  de  ces 
gens  qui,  au  retour  d'un  voyage,  vont  descendre 
chez  le  baigneur  pour  ne  pas  dégoûter  leur 
maîtresse  ^  ^■>. 

Prud'homnu'  fonda  une  maison  de  ce  genre 
qui  devin!  surloul  à  la  mode  sous. son  successeur 
La  Vienne.  Sainl-Simon  ^  raconte  que  «  le  Roi, 
du    lemps   de   ses   amours,    s'alloi!    baigner    et 


'  Le  Roux  de  Lincy,  Livre  des  proverbes,  t.  II,  p.  II". 

*  Sauvai,  An/içui/rs  de  Pai-is,  t.  II,  p.  146  el  245. 
•'  .Vrmi)irrx  sur  Madame  de  Sévigiiê,  t.  II.  p.  39. 

*  «  Jo  suis  trop  raisonnable  pour  trouver  étrange  que 
la  veille  <i'uii  déparl,  on  eouche  chez  des  baifjneurs  ». 
Lettre  de  Madame  de  SéDigné,  26  juin  1655. 

^  .\cle  I,  scène  5. 

6  Mémoires,  édition  de  1881,  t.  1,  ji.  VJ'J. 


BAIGNEURS  —  BAINS  FROIDS 


59 


parfumer  chez  lui  ».  Louis  XIV  ne  lui  point 
oul)lieux  :  le  père  de  La  Vienne  devint,  après 
Priuriiomme,  son  premier  barbier,  et  La  Vienne 
fut  nommé  premier  valet  de  chambre.  Le  roi 
n'en  avait  pas  moins  encore  huit  barbiers  servant 
par  quartier.  Leurs  fonctions  étaient  «  de  pei<i;ner 
le  Roy,  tant  le  malin  qu'à  son  coucher,  luy  faire 
le  poil,  et  l'essuyer  aux  bains  et  étuves,  et  après 
qu'il  a  joué  à  la  paume  '  ». 

L'établissement  de  Prud'homme  était  situé 
rue  Neuve-Montmartre.  On  en  trouvait  d'autres, 
célèbres  aussi,  rue  Richelieu,  rue  d'Orléans,  rue 
Vieille-du-Temple  et  rue  des  Marmouzets  ^. 

Les  bourj^eois  qui  voulaient  prendre  tles  bains 
à  domicile  pouvaient  louer,  moyennant  vin<^t 
sous  par  jour,  une  baignoire  en  cuivre  chez  un 
chaudronnier^,  ou  moyennant  dix  sous  par  jour 
une  baignoire  de  bois  chez  un  tonnelier  *. 

Au  dix-huitième  siècle,  les  dames  recevaient 
volontiers  leurs  visiteurs,  femmes  ou  hommes, 
pendant  qu'elles  étaient  au  bain.  Dans  ces 
circonstances,  on  avait  soin  de  blanchir  l'eau 
soit  avec  «  une  pinte  ou  deux  de  lait  "\  soit  avec 
de  l'essence  :  c'est  ce  que  l'on  appelait  un  iain 
de  lait.  M.  le  comte  de  Reiset  possède  une 
baignoire  Louis  XVI,  munie  d'un  couvercle 
canné  qui  empêchait  de  voir  la  personne  dans 
son  bain,  tout  en  permettant  l'évaporation  ^.  Le 
jour  même  du  retour  de  Varennes,  la  reine 
dictait  à  un  des  huissiers  de  sa  chambre  une 
lettre  destinée  à  madame  Campan,  et  qui  com- 
mence ainsi  :  «  Je  vous  fais  écrire  de  mon  bain, 
où  je  viens  de  me  mettre  pour  soulager  au  moins 
mes  forces  physiques''  ».  Marie-Antoinette, 
élevée  dans  les  sévères  principes  de  la  cour  de 
Vienne,  se  baiy-nait  vêtue  d'une  longue  robe  de 
flanelle  boutonnée  jusqu'au  cou,  et  tandis  que 
ses  deux  baigneuses  l'aidaient  à  sortir  du  bain, 
elle  exigeait  que  l'on  tint  devant  elle  un  drap 
destiné  à  la  cacher  à  ses  femmes  ^.  Il  ne  faut  pas 
oublier  qu'à  celte  époque,  les  grandes  dames  en 
aorissaient  souvent  avec  leurs  gens  comme  les 
Romains  avec  leurs  esclaves,  et  regardaient  un 
valet  conuïie  un  animal  eu  présence  duquel  la 
plus  craintive  pudeur  pouvait  tout  se  per- 
mettre ^  ». 

Au  milieu  du  dix-huitième  siècle,  Paris  ne 
comptait  encore  qu'une  dizaine  de  bains  chauds, 
possédant  chacun  de  douze  à  quinze  baignoires, 
quand  un  sieur  Poitevin  imagina  d'en  établir  un 
sur  la  Seine  même.  Ce  projet,  patronné  par  la 
municipalité,  reçut  sa  réalisation  en  1761.  Le 
bateau  organisé  par  Poitevin  fut  amarré  près  du 
Pont-Royal,  en  face  des  Tuileries.  Long  de  cent 


1  Éfa/  de  la  France  pour  1()72,  I.  I,  p.  92. 

2  Le  livre  commode  pour  1692,  t.  I,  p.  182. 

3  Voy.  cet  article. 

4  Hurtaut  et  Magny,  Dictionnaire  de  Paris,  t.  I, 
p.  .513  et  517. 

»  Meurisse,  L'art  de  saigner,  p.  382. 

6  Comte  de  Reiset,  Livre-Journal  de  madame  Eloffe. 
t.  I,  p.  250. 

^  Madame  Campan,  Mémoires,  éclairci-ssements,  t.  II, 
p.  323. 

**  Madame  Campan,  Mémoires,   cli.  IV,  t.  I,  p.    104. 

'J  Voy  Longchamp  et  Wagnière,  Mémoires  sur 
Voltaire,  t.  II,  p.  119. 


([uaranle-et-un  pieds  et  large  de  vingt-huit,  il 
était  divisé  en  deux  étages.  Un  côté  était  réservé 
aux  femmes.  Les  cabinets  ouvraient  sur  un 
couloir  central,  et  l'eau,  puisée  dans  le  lleuve  par 
deux  pompes  n  bras,  était  filtrée  avant  d'arriver 
aux  baignoires.  Un  antre  bateau,  appartenant  au 
même  propriétaire,  et  disposé  de  la  même  façon 
bien  qu'il  n'eût  qu'un  rez-de-chaussée,  station- 
nait pendant  l'été  à  l'extrémitéde  l'île  Saint-Louis 
au  bas  du  quai  d'Anjou^.  Poitevin  eut  pour 
successeur  un  sieur  (luignard,  qui  finit  par 
diriger  plusieurs  établissements  de  ce  genre. 
Dans  un  d'entre  eux,  situé  à  l'angle  du  Pont- 
Royal  et  du  quai  d'Orsay,  les  pau\Tes  étaient 
reçus  gratuitement  sur  un  certificat  du  médecin 
ou  du  curé  de  leur  paroisse. 

Des  bains  plus  complets  occupaient  une 
maison  qui  faisait  le  coin  de  la  rue  de  Bellechasse 
et  du  quai.  Outre  des  bains  de  vapeur  et  des 
douches,  on  y  trouvait  une  vaste  piscine  dans 
laquelle  on  pouvait  se  livrera  la  natation. 

Les  anciens  bains  du  dix-septieme  siècle,  où 
l'on  venait  ordinairement  chercher  tout  autre 
chose  que  de  l'eau,  étaient  représentés  par 
VHôtel  des  bains  de  S.  A.  R.  Mgr  le  duc 
d'Orléans,  situé  au  Palais-Royal,  et  dont  l'entrée 
était  rue  de  Valois.  On  y  trouvait  «  des  appar- 
temens  garnis,  propres  à  recevoir  des  personnes 
de  la  première  distinction  -  ». 

Les  bains  chinois,  établis  un  peu  plus  tard, 
sur  le  boulevard  des  Italiens,  près  du  pavillon  de 
Hanovre,  conservèrent  pendant  longtemps  une 
grande  vogue  ^ . 

Tous  ces  établissements  étaient  tenus  par  des 
maîtres  barhiers-baigneurs-e'tiwistes-perruquiers, 
corporation  qui  avait  été  créée  par  Louis  XI\ 
en  1673.  * 

Voy.  Bains  froids.  —  Barbiers.  — 
Épileurs.  —  Étuvistes,  etc. 

Bailleuls.  Voy.  Renoueurs. 

Bains  froids  (Tenancieks  de).  Pendant 
bien  longtemps,  les  Parisiens  amateurs  de  bains 
froids  les  prenaient  dans  la  Seine,  sans  se  préoc- 
cuper des  exhibitions  dont  ils  gratifiaient  les 
riverains  et  les  passants.  Une  chanson  ''  de 
Coulange  nous  a  décrit  l'effroi  de  la  Précieuse 
qui  passe  en  carrosse,  par  un  chaud  jour  d'été, 
près  de  la  porte  Saint-Bernard  : 

Quel  .spcctable  indécent  .S(;  pre.sente  à  mes  yeux  I 
Des  hommes  vraiment  nuds  au  bord  de  la  i-ivièro 
Me  font  évanouir  !  Ali  !  do  grâce,  ma  chère. 

Evitons  cet  objet  atireu.x, 
Allons  viste,  cocher,  retournons  à  la  ville. 

Il  y  avait  aussi  au  dix-septième  siècle  des 
piscines  où  les  femmes,  à  qui  «  il  n'est  point 
permis  de  se  Ijaigner  dans  la  rivière  ».  pouvaient 
aller  se  plonger  dans  l'eau  froide.  Le  recueil  des 


1  Voy.    Garsault,  Art  du  perruquier,  p.  45,  el  1  Kncij- 
clopédie  méthodique,  arts  et  niétier.s,  t.  VI,  p.  311. 

2  Thiéry,   Guide  des  amateurs,   etc..   t.   I,    p.   28(5,  l'I 
I.  II,  p.  593  et  595. 

3  l'rudhomme,  .Miroir  de  Paris  (1807),  t.  V,  p.    165. 
i  Tome  I,  p.  128. 


60 


BAINS  FROIDS  —  BALANCES  PUBLIQUES 


Caquets  de  V accouchée^,  nous  en  fournil  la 
preuve.  Le  soleil  «  estant  au  û^^wa  du  Cancre, 
je  me  résolus,  avec  quelques-unes  de  mes  voisines, 
d'aller  aux  éluves  pour  me  rafraîchir...  Comme 
je  fus  arrivée  aux  baings  où  d'ordinaire  nous 
avons  couslume  entre  nous  autres  de  rafraîchir, 
je  me  Irouvaj  an  milieu  d'une  bonne  et  ag-réable 
compagnie  de  bourgeoises  et  dames  de  Paris  qui 
esloient  venues  au  mesme  lieu  pour  ce  subject  ». 

Au  siècle  suivant,  nous  trouvons  des  bains 
froids  installés  sur  la  Seine  : 

A  la  Râpée  ; 

I*rès  de  l'archevêché  ; 

Quai  des  Morfondus,  aujourd'hui  quai  de 
l'Horloge  ; 

Port  Saint-Nicolas,  en  face  de  la  rue  des 
Poulies  ; 

Quai  des  Quaire-Nalions,  aujourd'hui  quai 
Conti  ; 

Près  de  la  barrière  des  Invalides  -. 

Ces  bains,  entièrement  recouverts  d'une  loile, 
avaient  douze  toises  de  long  sur  deux  de  large. 
Ils  étaient  formés  par  une  vingtaine  de  pieux 
enfoncés  dans  la  rivière,  et  que  des  planches 
reliaient  ensemble.  On  y  descendail.  au  mojen 
d'une  échelle  attachée  à  un  bateau  dans  lequel 
les  baigneurs  se  déshabillaient  et  laissaient  leurs 
vêtements.  Le  prix  du  })ain  était  de  trois  sous. 
Le  linge  se  payait  à  pari  :  un  sou  pour  une 
serviette  du  côté  des  hommes,  trois  sous  pour 
un<'  chemise  du  côté  des  femmes. 

Ce  n'était  pas  précisément  là  que  se  donnaient 
les  rendez-vous  de  noble  compagnie.  Pour  celle- 
ci,  des  bateliers  avaient  établi  dans  la  rivière, 
au-dessous  et  au-dessus  de  Paris,  de  petites 
cabanes  appelées  yo/r.î.  Elles  se  composaient  de 
quatre  pieux  ondjragés  par  une  toile;  un  autre 
pieu  planté  au  milieu  permettait  de  se  soutenir 
sur  l'eau.  ^  Les  dames,  dit  le  Joiirnal (h  citoyen  •', 
sfint  conduites  et  descendues  dans  ces  irores, 
sûrement,  commodément  et  secreltement.  Les 
femmes  df  mariniers  conduisent  les  baigneuses. 
On  fait  marché  de  gré  ù  gré  pour  se  faire 
ciinduire.  Il  en  cortfe  communément  vingt-quatre 
ou  trente  s(ds  par  heure  du  loyer  d'un  bateau  ». 

Cette  façon  de  se  baigner  sans  bouger,  inspira, 
vers  1781.  inic  idée  assez  étrange  ù  un  sieur 
Turquin.  Sur  le  petit  bras  du  (leuve,  près  du 
pont  di-  la  Tournelie,  il  plaça  dans  un  b;tteau 
plusieurs  baigniiirrs  maintenues  par  un  plancher 
à  um-  cerlaiiH-  |)rnfnMd('ur  ;  leurs  parois  étaient 
percéos  d."  Irons  (pii  laissaient  le  courant  les 
Iravppspr  et  y  renouveler  l'i-au  sans  cesse. 
Cliarjue  Imignoire.  installée  dans  un  cabinet. 
einil  n.ssez  grande  poiu-  recevoir  jusqu'à  trois 
per>onnes.  Cet  elablis.semenl,  qui  subsistait 
enw)re  en  1787  *,  reçut  le  nom  de  Bains  chinois. 
Le  Miccès  qu'il  obtint  décida  'Purquin  à  en 
ouvrir  lui  autre  où  1ns  baignoires  disparurent, 
où  l'on  ne  put  se  montrer  sans  caleçon,  et  où 


'    6dil.  .<l2<?v.,  p.  196. 

-  Jcz.\  F.lat  ON  tabltoH  <h  Paris  (n60\  n.  330 

»  Pnri>.    1751.  p.  187. 

♦  Ttiicrjr,  Gniiie  des  amateurs,  t.  II,  p.  136. 


l'on  disposa  des  cabines  pour  se  déshabiller. 
Turquin  fut  ainsi  le  véritable  créateur  des  écoles 
de  natation  telles  que  nous  les  voyons  organisées 
aujourd'hui.  La  première,  située  près  des  bains 
chinois,  fut  inaugurée  le  16  juillet  1785,  en 
présence  de  plusieurs  membres  du  corps  muni- 
cipal, de  l'Académie  des  sciences  et  de  la  Société 
de  médecine  *.  Turquin  ne  tarda  pas  à  établir 
une  seconde  école  de  ce  genre  à  la  pointe  de 
l'île  Saint-Louis  ;  puis  une  troisième  au-dessous 
du  Pont-RojaP,  sur  l'emplacement  qu'occupe 
aujourd'hui  l'embarcadère  du  Touriste. 
Voy.  Baigneurs. 

Baladins.  Voy.  Bateleurs  et  Maîtres 
de  ballets. 

Balais  (Marchands  de).  On  criait  des  balais 
dans  les  rues  de  Paris  au  treizième  siècle  : 

Al  balais,  .si  com  jo  l'entcn  !  3. 

L'annonce  est  encore  un  peu  succincte,  mais 
elle  se  complète  au  seizième  siècle  : 

J'ay  des  balctz  do  plusifurs  soi'tcs, 
l'^'aitz  de  verges  douces  et  fortes, 
De  janet  *,  do  bicd  ou  bouleau  ' 
J'en  ay  icy  un  jt^ros  fardeau  ^. 

Au  dix-huitième  siècle,  les  balais  de  poils 
étaient  faits  par  les  brossiers  ;  la  fabrication  des 
autres  était  libre.  Les  balais  de  bouleaux  venaient 
en  général  de  la  campagne,  et  ils  étaient  vendus 
à  Paris  par  les  chandeliers,  les  regrattiers  et  les 
fruitiers  ". 

Balances  publiques  (  Entrepreneurs 
de).  Je  ne  crois  pas  que  ce  métier  soit  antérieur 
au  dix-huitième  siècle  ;  je  n'en  ai  du  moins 
rencontré  aucune  trace  avant  l'année  1724.  Le 
16  mai  de  cette  année,  des  lettres  patentes  accor- 
dèrent à  Hugues  Blaisot,  sieur  Desbordes  «le 
privilège  exclusif  d'établir  des  balances  pour 
peser  les  personnes,  sur  les  boulevards  et  hors 
des  portes  de  la  ville  de  Paris,  pendant  le  tems 
de  vingt  années,  avec  faculté  de  recevoir  un  sol 
de  chaque  personne  qui  voudra  se  faire  peser. . , 
A  la  charge  que  lesdites  balances  ne  serviront  à 
d'autre  usage  qu'à  peser  les  personnes  seulement 
et  non  les  mar(;handises  ». 

Cette  innovation  effraya  le  Parlement  qui, 
avant  d'enregistrer  les  lettres  patentes,  demanda 
l'avis  du  lienlenant  général  de  police,  du 
procureur  du  roi  près  la  ville  et  du  prévôt  des 
marchands.  Je  n'ai  pas  l'avis  des  deux  premiers, 
mais  le  prévôt  des  marchands  ne  se  montra  pas 
moins  timoré  que  le  Parlement.  11  répondit: 
«  Nous  ne  connoissons  aucune  nécessité  ni  utilité 
d'établir  des  balances  pour  peser  les  personnes 
sur  les  remparts  et  hors  les  portes  et  barrières  de 

'  \  oy  les  Jfe'muirfs  secrels  dits  de  Hacbauniont,  18 
juin  et   Ui  juillet  1785,  10  septembre  178(). 

*  Thiéry.  t.  II,  p.   133. 

•''  Guill.  lie  la  Ville  Neuve,  Les  crieries  de  Paris. 

*  I)i'  jonc  ou  de  genêt. 

G  Cris  de  Paris  consen-és  à  la  biblioth.  de  l'Ar.senal. 
V(ry.  aussi  A.  Truquet,  Les  cent  et  sept  cris,  etc. 

»  t'iicijclopcdie  métliodiqiie,  Commerce,  t.  I,  p.  180, 
■\v\    hiilays. 


BALANCES  PUBLIQUES  -  BALEINMS 


61 


la  ville  (le  Paris.  Même,  après  avoir  fait  atlention 
aux  iuconvéniens  qui  pourroient  résulter  de 
pareilles  assemblées  publiques  et  tumultueuses, 
des  paris  ou  gageures,  et  des  rixes  et  querelles 
que  ces  assemblées  pourroieut  causer  à  ce  sujet 
sur  lesdils  remparts,  notre  avis  est  qu'un  pareil 
établissement  ne  doit  point  être  permis.,  ». 

Le  Parlement  passa  outre.  J'en  trouve  la 
preuve  dans  une  lettre  du  sieur  Desbordes,  datée 
de  mars  1725,  et  dans  laquelle,  pour  tirer  parti 
de  son  privilège,  il  écrit  à  la  municipalité  de  je 
ne  sais  quel  endroit  :  «  ....  Comme  j'ai  déjà  traité 
à  forfait  avec  quelques  villes,  j'ai  crû  qu'en  vous 
proposant  la  même  chose,  je  vous  donnerois  par 
là  lieu  d'occuper  et  de  faire  gagner  la  vie  à 
quelques  habitans.  C'est  un  amusement  innocent, 
qui  satisfera  la  curiosité  de  plusiem's,  et  dont 
l'tipération  peut  se  faire  facilement  avec  une 
balance  ù  la  romaine,  guniie.d'un  seul  plateau 
ou  d'une  chaise,  que  l'on  peut  rendre  portative 
aux  foires,  à  l'entrée  des  promenades  publiques 
ou  dans  d'autres  lieux  convenables...  ».  Desbordes 
se  contentait,  pour  tout  di'oit,  d'une  somme  de 
quatre-vingts  livres  une  fois  payée. 

Il  serait  plus  intéressant  de  savoir  quel  résultat 
il  obtint  à  Paris,  mais  le  silence  de  tous  les 
chroniqueurs  contemporains  permettrait  de  sup- 
poser que  l'avis  de  la  municipalité  prévalut  et 
que  l'autorisation  fut  accordée  pour  la  province 
seulement. 

J'ai  retrouvé  le  texte  original  du  privilège 
accordé  à  Desbordes  et  de  la  circulaire  émanant 
de  lui,  deux  feuilles  simples  qui  doivent  être  fort 
rares  et  qui  figurent  à  la  bibliothèque  Mazarine, 
dans  le  recueil  coté  A  15,385,  16*  et  17*  pièces. 
L'on  peut  encore  consulter  sur  cette  affaire  la 
Revue  rétrospective,  deuxième  série,  t.  VIII 
(1836),  p.  468. 

Balanciers.  Fabricants  de  balances  et  de 
poids.  Dès  le  neuvième  siècle,  on  connaissait 
notre  balance  actuelle,  formée  d'un  fléau,  d'un 
stjle,  d'une  bielle  et  de  deux  plateaux  *. 

Les  balances  n'étaient  pas  d'un  usage  bien 
général  à  Paris  au  treizième  siècle,  car  la  Taille 
de  1292  mentionne  seulement  deux  balanciers  ; 
on  y  trouve  aussi  un  pessier  que  Géraud  ^  regarde 
comme  étant  un  fabricant  de  poids.  Celle  de  1300 
cite  trois  balanciers  ;  on  en  comptait  dix-huit  en 
1325'^  etleur  nombre  était  réduit  à  six  en  1691  *. 

Leurs  plus  anciens  statuts  datent  du  2  décembre 
1325,  et  présentent  fort  peu  d'intérêt.  En  octobre 
1519,  une  sentence  du  Cliâtelet  leur  interdit  de 
vendre  des  balances  sans  y  joindre  les  poids, 
mesure  prise  contre  les  merciers  et  les  fondeurs, 
qui  s'étaient  ingérés  d'en  fabriquer.  Au  dix- 
septième  siècle,  la  durée  de  l'apprentissage  était 
fixée  à  cinq  ans  et  suivie  de  deux  ans  de  compa- 
gnonnage. Les  maîtres  ne  pouvaient  avoir  à  la 
fois  plus  d'un  apprenti,  et  celui-ci  devait  être  né 


1  Voy.  Viollet-le-Duc,  Dictionnaire  du  mobilier,  t.  II, 
p.  22. 

2  Paris  soua  Philippe-le-liel,   p.  531. 

■-*  Fagniez,  Etudes  sur  l'industrie,  p.  8. 

*  Savary,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  218. 


à  Paris.  Deux  jurés,  élus  puur  deux  ans,  admi- 
nistraient la  corporation,  qui  se  composait  de 
dix  maîtres  en  1717,  de  quinze  maîtres  en  1773 
et  de  .seize  maîtres  en  1779. 

Les  balanciers  étaient  soumis  ù  la  juridiction 
de  la  cour  des  monnaies.  C'est  d'elle  qu'ils 
recevaient  la  maîtrise  ;  c'est  au  gretle  de  cette 
cour  ([u'était  conservée  l'empreinte  du  poinçon 
dont  cluKjue  maître  devait  timbrer  ses  produits, 
et  qui  représentait  en  général  l'initiale  de  son 
nom  surmontée  d'une  couronne  ileurdelysée.  Les 
pt)ids  portaient  en  outre  une  Heur  de  lys,  marque 
de  l'étalonnage  de  la  cour  des  monnaies. 

(Jn  possédait  déjà,  au  commencement  du  dix- 
huitième  siècle,  des  balances  que  la  4,096*  partie 
d'un  grain  faisait  trébucher  '.  Les  fléaux  étaient 
alors  fournis  aux  balanciers  par  les  forgerons,  les 
bassins  par  les  chaudronniers. 

Les  balanciers  avaient  pour  patron  saint  Micliel, 
que  la  liturgie  qualifie  d'introducteur  des  unies 
dans  l'éternité  et  que lesanciennes  représentations 
du  jugement  dernier  montrent  pesant  les  âmes 
devant  le  souverain  juge.  Les  maîtres  célébraient 
la  fêle  de  leur  patron  le  29  septembre,  à  l'église 
des  saints  Innocents,  aux  environs  de  laquelle 
ils  ne  cessèrent  de  demeurer  depuis  le  treizième 
siècle. 

Voy.  Balances  publiques.  —  Poids 
le  roi.  —  Foids  (Fabricants  de),  etc. 

Balanciers  du  roi.  \oy.  Directeur 
du  balancier  du  Louvre. 

Balayeurs.  L'histoire  a  conservé  le  nom 
de  quelques-uns  de  ces  humbles  travailleurs.  Le 
balayage  de  l'Apport-Paris  constituait  un  service 
public,  dont  le  titulaire  fut  nommé  par  le  prévôt 
de  Paris,  d'abord,  puis,  à  dater  de  1512,  par  le 
roi  ^.  En  1490,  le  placier-balayeur  de  l'Apport- 
Paris  était  un  poulailler  appelé  Jean  Gentil  :  en 
1512,  il  avait  été  remplacé  par  un  sieur  Antoine 
Rigault.  Pour  assurer  ce  service,  le  balayeur 
était  autorisé  à  percevoir  une  taxe  sur  les  proprié- 
taires et  les  locataires  des  maisons  qui  entouraient 
la  place,  et  sur  les  nombreux  marchands  qui  y 
étalaient  ^ . 

L'Apport-Paris,  dit  aussi  Porte  de  Paris,  était 
situé  devant  le  Grand-Chàtelel,  et  occupait  une 
partie  de  l'emplacement  représenté  aujourd'hui 
par  la  place  du  Chàtelet.  C'est  là  que  se  trouvait 
la  Grande-Boucherie  et  le  marciié  à  la  volaille, 
autour  desquels  se  pressaient  des  vendeurs  de 
toutes  sortes.  C'était  un  des  endroits  les  plus 
encombrés  de  Paris, 

Baleines  (  Marchands  de  ).  Vincent  de 
Beauvais  trace  un  tableau  très  pittoresque  et  très 
exact  des  opérations  qui,  au  treizième  siècle, 
constituaient  la  pêche  de  la  baleine.  De  nom- 
breuses barques  destinées  à  agir  de  concert 
étaient  rassemblées,  et  les  marins  faisaient  retentir 
l'air  du  son   des    cymbales,   car  la  baleine   a 


1  Je    lai.s.se    la    respon.sabilité    de    ccUl'    assertion    à 
Savary.  Voy.  le  mot  trébuchet. 

2  Ordonnances  ruijules.  I.  XXI,  j>.  476. 

•*  Delamarn',  Traité  de  la  police,  t.  I\  ,  ji.  263. 


02 


BALEINES  —  BANIERS 


l'oreilli'  charméf  par  la  im-lodie  musicale.  Au 
inomeul  où  l'imprudeul  célacé  y  prêtait  toute 
son  attention,  un  pécheur  lui  lançait  une  pique 
que  terminait  une  longue  corde,  et  la  flottille 
s'éloignait  en  grande  liâte.  L'animal  Irappe 
s'ahandonne  alors  ù  des  mouvements  désor- 
donnés, mais  prévus,  puis  s'enionce  dans  les 
flots.  Il  fait  de  vains  eftorts  pour  se  dégager  du 
Ter  qui  le  relient  captif  et  élargit  ainsi  sa 
blessure.  11  reparaît  enfin  ù  la  surface  et  ne  tarde 
pas  à  donner  les  signes  d'une  mort  prochaine. 
Les  matelots  se  rapprochent,  et  l'espoir  du  succès 
conmiunique  du  courage  aux  moins  hardis.  On 
entoure  le  monstre,  il  est  achevé  à  coups  de 
piques  ;  on  le  lie  avec  des  cordages,  et  triompha- 
lement on  ramène  à  terre  au  milieu  d'enthou- 
siastes acclamations  '. 

Alhert  de  Bollsladl  nomme  la  graisse  de  la 
haleine  yraspoù  -,  vocable  (|ui  figure  bien 
souvent  'dans  les  ordonnances  royales  de  cette 
époque.  Le  craspois  ou  lard  de  carême  composait, 
en  ellét,  la  principale  nourriture  des  pauvres 
gens  pendant  les  jours  maigres.  D'autres  parties 
de  son  corps,  la  langue  entre  autres,  étaient  fort 
estimées,  et  l'on  en  faisait  graïul  usage,  surtout 
dans  les  couvents  ■'.  Les  églises  de  Saint-Bertin 
et  lie  Saiiit-(Jmer  percevaient  un  ilroit  de  quatre 
deniers  pour  chaque  queue  de  baleine.  L'abbaye 
de  Caen  prélevait  la  dime  des  baleines  prises  à 
Uives  *,  l'église  de  Coulances  celle  des  langues 
de  baleine  amenées  à  Merri  ^.  Les  fanons  avaient 
leur  emploi  dans  l'industrie  :  Guillaumo  le 
Breton  n(»us  apprend,  par  exemple,  que  sous 
l'hilippe-Auguste  les  guerriers  en  composaient 
dfs  ornements  pour  leurs  casques  ''. 

Au  dou/.ii'me  siècle,  les  Norvégiens  et  les  Islan- 
dais avaient  «  distingué  di'jà  vingt-trois  espèces 
<le  baleines  par  des  noms  différents  ;  et,  bien  ([lie 
la  description  i[u'ils  en  ont  laissée  soit  très  impar- 
faite, on  y  reconnaît  la  plupart  de  celles  que  l'on 
rencontre  aujourd'hui  dans  les  mers  du  Nord  ''  ». 

Le  monopole  des  ouvrages  faits  en  baleine 
api^irlcnail  aux  fabletiers.  Les  jurés  de  la  corpo- 
niti<»n  ayant  siiisi  cliez  un  sieur  MuUol  «  300 
pa(piels  de  lialeiiies  ».  soutenaient  ({ue  leur 
communauté  «  avoil  seide  le  privilège  d'acheter. 
fuçjMMM'r  et  vendre  la  marchandise  de  baleine  et 
les  ouvrages  qni  se  font  avec  icelle  ».  Le  Chàtelet 
leur  donna  raison  e|  j)rescrivil,  au  prolit  de  la 
corporation  *,  la  vente  des  baleines  saisies. 

'    i;ii  nin(!nu  Iripurtio  n.  Spéculum  ua/urale,  102t, 
iii-luh.K 

'  0  HiijuH  yiM-is  innium  i-sl  quod  {;rnt<pois  vocalur  ». 
I/,.!i  .•.•1..-..1  i.lii^  ■••■•\itia\rfii\v\\i  eraspoîs. 

'   î  iiJipiiii-  |M.rlic)iii's  stmtionuii!   (d'i-s- 

"l't'  1'  lii.sci.s  (|un-  i)alrnn  diriliir  abmidc 

iiniii.-'liiilMinti'  ".  Uftfa  abbntuui  Truilonrnsluni.  lib.  XIII. 
Dnii"  l.iif  d'Aohi-rv,  S/n'cilfyiuM.  t.  \l\,   p.  7)1)9. 

'    ''  "-V.    Trini/rt/it    Cadaiiirnsis  {\OC>ii).  Dnii.s  le 

fin-  "'.  1.  XI,  in.strumrnt)),  p.  59. 

ii  ///.  pro    KcrI.sia  Ciiiu/niilienxi  {UiZ). 
n»  irisfiniia,  l    XI.  p.  239 

'■  '  '  11-    Bn-loii.   Philippiilos.  édil.  Dolalx.rde, 

I     II,  p    w7o.  Vtiy.  nii.H.si  pap-  :{;il. 

"    Il  -J.   Noid.  Histoirt  gfnéroU  Het  prchts,  t.  I,  p.  218. 

*  Voy.  Aris  ilf  }f.  Ir  Procureur  du  koy .  qui  fait  défenses 
à  louirs  nulrfs  personnes  que  les  peignirrs-tabieliers  île 
/■„,•„». ,r--/  /•-„,,  r..,„,.„.r.-  ./..  /,„/,.,■..„,     ],,  scpiumbro  1G39. 


Les  boursiers  prétendaient  aussi  avoir  droit  à 
leur  emploi.  Ue  fait,  ils  obtinrent  l'autorisation 
de  confectionner,  comme  les  fabletiers,  des 
parasols  et  des  parapluies.  En  outre,  dans  leurs 
statuts  de  1750*  ils  s'intitulent  faiseurs  de  bustes, 
c'est-à-dire  de  corsets  pour  les  femmes. 

Balestriers.  Voy.  Arbalétriers. 

Ballets  (Maîtres  de).  M.  Jal  a  très  bien 
démontré  que,  dès  le  seizième  siècle,  il  y  avait  à  la 
cour  des  personnages  en  titr.;  d'office  qui  portaient 
le  nom  de  baladins,  et  dont  les  fonctions  consis- 
taient à  régler  des  ballets,  à  composer  les  pas  et 
les  figures,  à  régler  les  bals  et  les  fêtes  où  la 
danse  devait  avoir  sa  part  ' .  Vers  la  fin  du  dix- 
septième  siècle,  ces  baladins  devinrent  maîtres  à 
danser  et  maîtres  de  ballets.  En  1692,  un  sieur 
de  Beauchamp  avait  le  titre  de  maître  des  ballets 
du  Roi/  -. 

Le  règlement  du  19  novembre  1714  déter- 
mina ainsi  les  fonctions  du  maître  de  ballets  à 
l'Opéra  :  «  Il  travaillera  à  la  disposition  des 
danses  et  ballets,  et  indiquera  les  acteurs  et 
actrices  auxquels  il  conviendra  de  distribuer  les 
danses.  Il  sera  tenu  de  montrer  et  faire  répéter 
les  dites  danses  par  lui-même  ou  par  le  maître 
de  salle  sous  ses  ordres.  L'un  et  l'autre  assis- 
teront à  toutes  les  répétitions  et  représentations, 
pour  faire  exécuter  les  danses  dans  le  goût 
qu'elles  auront  été  composées,  ou  pour  contenir 
les  danseurs  et  danseuses  dans  le  devoir  -^ 

Voy.  Chorégraphes. — Danse  (Maîtres 
de).  —  Théâtre  etc. 

Ballonniers.  Faiseurs  de  ballons.  Voy. 
Jouets  (Fabricants  de). 

Banchiers.  Officiers  chargés  de  percevoir 
l'impôt  du  banvin. 

Bandagistes.  Voy.  Herniaires. 

Ban  d'août.  Voy.  A.oût  (Loi  d'). 

Bandes  (îrande  et  petite).  Voy.  Instru- 
ments (Joueurs  d'). 

Baneliers.  Voy.  Banneriers. 

Bangards.  Gardes  d'un  banc,  d'un  terri- 
toire. Voy.  Messiers. 

Baniers.  Voy.  Messiers. 

Baniers.  Officiers  puldics  chargés  de  porter 
les  sommations  td  de  proclamer  les  bans  du 
seigneur. 

Grieurs  du  ban,  porteurs  de  la  semonce  du  roi. 

Hérauts,  sergents,  huissiers  de  justice,  trom- 
pettes, crieurs  publics. 

Gardes  d'un  ban,  d'un  territoire  *. 

On  trouve  aussi  banniers.,  laigners,  etc. 


'    Dictionnaire  critique,  p.  97. 

*  Litre  commode  pour  1692,  t.  1,  p.  206. 
3  .\rlicle  29. 

*  Voy.    Godcfroy,    Dictionnaire    de    l'ancienne    langue 
française. 


BANNERIERS  —  BANNIKHKS 


«3 


Baiineriers.  Porte-bannière.  On  Irouve 
iuissi  Bunehers. 

Bannières  (Ordonnance  dite  des).  ]<]n 
1407,  Louis  XI,  menacé  par  Charles  le  Témé- 
raire et  n'osant  trop  compter  sur  la  fidélité  de  sa 
noblesse,  résolut  de  confier  la  garde  de  Paris  aux 
«  manans  et  habitans  »  de  sa  bonne  ville.  Il 
octroya  de  nouveaux  statuts  à  la  plupart  des 
corporations  ouvrières,  et  une  ordonnance  datée 
du  mois  de  juin  eut  pour  objet  de  les  organiser 
en  milice  urbaine.  «  Pour  le  bien  et  seureté  de 
nostre  bonne  ville  de  Paris,  dit  le  roi,  et  pour  la 
trarde.  tuicion  et  detlense  d'icelle  »,  nous  avons 
«  lait  mectre  sus  et  en  armes  les  manans  et 
habitans  de  tous  estatz  de  nostre  dicte  ville  et 
cité,  et  ordonné  les  gens  de  mestiers  et  marchans 
estre  divisez  et  partiz  en  certaines  bannières, 
soubz  lesquelles  ilz  seront  chascun  selon  la 
qualité  et  Testât  dont  il  est  ». 

Kn  conséquence  les  maîtres  ^,  les  ouvriers  de 
tous  les  corps  de  métiers,  le  Parlement,  le 
Châtelet.  la  Chambre  des  comptes,  les  fonction- 
naires des  aides  et  des  monnaies,  en  un  mot 
tous  les  hommes  de  seize  à  soixante  ans  en  état 
de  porter  les  armes,  durent  se  procurer  «  un 
habillement  soui'fisant  selon  leur  possibilité  », 
une  longue  lance  ou  une  coulevrine  à  main  ^, 
une  brigandine  ^,  une  salade  *  et  un  vouge  ^ . 

Ainsi  équipés  et  armés,  ils  étaient  partagés  en 
soixante  et  une  compagnies  dont  chacune  avait 
pour  chefs  un  principal  et  un  sous-principal, 
çlus  chaque  année  par  les  maîtres  des  métiers 
réunis  au  Chàtelet.  Les  maîtres  seuls  pouvaient 
prétendre  à  ces  grades  :  «  Ne  pourront  estre 
esleuz  aucuns  en  principaulz  etsoubz-principaulz, 
sinon  qu'ils  soient  chiel's  d'hostelz  ^,  bien  receans, 
renommez  et  conditionnez,  et  qu'ils  ayent 
demourez  et  résidé  en  ceste  ville  six  ans  au 
moins  » .  L'ordonnance  donnait  à  tous  le  droit  de 
porter  «  dague  »,  et  autorisait  même  les  nouveaux 
soldats  à  sortir  par  la  ville  «  les  dimanches  et 
aultre  festes  »  avec  leur  costume  et  leurs  armes. 

Elle  faisait  plus  encore,  elle  accordait  officiel- 
lement des  armoiries  à  tous  les  corps  de  métiers. 

Chaque  compagnie  était,  en  efiet,  distinguée 
par  une  bannière  spéciale,  que  l'article  2  de 
l'ordonnance  décrit  ainsi  :  «  Et  en  chascun 
desdicts  mestiers  et  compaignies  y  aura  une 
bannière  armoryée  et  figurée  d'une  croix  blanche 
au  milieu,  et  de  telles  enseignes  et  armoiries  que 
lesdits  mestiers  et  compaignies  adviseront  ». 

On  devine  ce  que  furent  ces  armoiries.  Comme 
sur  les  méreaux,  on  y  vit  certainement  figurer 
ou  le  patron  du  métier,  ou  ses  principaux  pro- 
duits, ou  les  outils  les  plus  employés  par  lui.  Ce 
sont  là,  ainsi  que  le  dit  très  bien  M.  Levasseur  ', 
les  insignes  de  l'artisan,  comme  l'épée  ou  la 
lance  sont  ceux  du  chevalier.  Quand  celui-ci  ne 


'  Commerçants  établis-,  patrons. 

2  Arquebuse. 

3  Pourpoint  recouvert  de  lames  d'acier. 
i  Casque  léger  et  sans  ornement. 

•*'  Sorte  d'épieu. 

6  Chefs  de  maison,  même  sens  que  maîtres. 

"   Histoire  des  classes  ouvrières,  t.  1,  p.  582. 


savait  pas  écrire  il  apposait  au  bas  des  actes  qu'il 
devait  sio-ner  son  sceau  armorié  suivant  les  rèo'les 
(lu  blason,  tandis  que  l'artisan  y  traçait  ti  la  main 
les  instruments  de  son  métier.  Il  existe  un  grand 
nond)re  d'anciens  contrats  souscrits  d'un  marteau, 
d'une  clef,  d'un  fer  à  cheval,  d'une  roue,  à  C(Mé 
(les({nels  le  notaire  a  écrit  le  nom  du  maçon,  du 
serrurier,  du  maréchal,  du  charron  dont  la 
signature  était  ainsi  représentée  '. 

J'ai  vainement  cherché  aux  Archives  et  dans 
les  collections  manuscrites  de  la  Bibliolhècpie 
nationale  la  description  des  bannières  de  1467. 
Elle  nous  eût  appris  d'une  manière  certaine  ce 
([n'étaient  les  armoiries  primitives  des  corpo- 
rations, de  la  plupart  d'entre  elles,  du  moins  -, 
car,  comme  on  va  le  voir,  plusieurs  métiers 
étaient  réunis  sous  la  même  bannière,  et  avaient 
par  consé([uenl  des  armoiries  communes.  Tous  les 
documents  que  j'ai  consultés,  même  les  Registres 
(les  Bannières  '^,  restent  muets  sur  ce  point. 

Mais  les  métiers  étaient  trop  fiers  de  leurs 
armoiries,  ils  les  admiraient  et  les  chérissaient 
trop  pour  les  changer  ;  ils  le  prouveront  bien  au 
dix-septième  siècle.  Les  entrées  solennelles  des 
rois  et  des  princes,  les  réjouissances  publiques, 
les  réceptions  et  les  obsèques  des  maîtres,  les 
élections  des  jurés  étaient  autant  d'occasions  de 
les  produire.  L^lles  figuraient  parfois  sur  les 
vitraux  de  la  chapelle  où  se  réunissait  la  confrérie, 
presque  toujours  sur  les  objets  d'or,  d'argent  ou 
d'étain  à  l'usage  de  la  commiuiauté.  Il  est  donc 
permis  d'affirmer  que  les  symboles  frappés  sur 
les  méreaux  de  chaque  corporation  apparurent 
sur  sa  bannière.  Et  dans  la  suite,  quand  chacun 
des  métiers  réunis  sous  la  même  Imnnière  voulut 
avoir  des  armoiries  particulières,  celles-ci  rappe- 
lèrent toutes  par  plus  d'un  détail  les  armoiries 
communes. 

Ainsi,  la  première  bannière  était  formée  par 
les  tanneurs,  les  baudroyeurs  et  les  corro^'eurs, 
Nous  ignorons  ce  que  représentait  alors  leur 
étendard  -,  mais,  lorsqu'on  voit  ces  trois  métiers 
faire  figurer  plus  tard  dans  leur  armoiries 
le  même  instrument  de  leur  métier,  deux 
couteaux  de  revers  ou  couteaux  paroirs  d'argent 
et  emmanchés  d'or,  n'est-on  pas  en  droit  de 
supposer  que  ces  objets  ornaient  leur  première 
bannière  V  Pour  que  chaque  corporation  ail  son 
blason  spécial,  les  tanneurs  ont  placé  les  deux 
couteaux  en  fasce  ^  ,  les  baudroyeiu-s  et  les 
corroyeurs  *  les  ont  placés  en  sautoirs  ^,  mais 
tous  ont  conservé  précieusement  ce  souvenir  de 
leur  blason  primitif.  On  peut  conclure  de  cet 
exemple  que  les  corporations  changèrent  aussi 
rarement  d'armoiries  que  de  patron,  et  que  les 
armoiries  qu'elles  firent  enregistrer  à  la  fin  du 
dix-septième  siècle  difiéraient  peu  de  celles 
qu'elles  avaient  adoptées  dans  l'origine. 

L'ordonnance  dite  des  BannièresQ.é[é  imprimée 


1   ^  oy.  Michelet,  Origines  du,  droit  français,  p.  220. 
-  Voy.  l'art.  Bannières  (Registres  des) . 

3  Horizontalement. 

4  L'ordonn.    du    21   novembre   1577  les    avait    réunis 
en  une  seule  corpnration. 

3  En  croix. 


04 


BANNIÈRES 


Texte 
(le  M.  Pastoret. 

!'«  Bannière. 

TaiiMt'urs. 

Baiiditiveurs. 

(lormvtnirs. 

Il** 

Saiiiliirit'is. 

Bniirsiers. 

Mesijfissiers. 

IIP 
(  laiitiers. 
K>L'-.iill.-ti^M 


daii>  le  t.Jiiie  XM  '  du  grand  recueil  dit  des 
Ordonnances  des  rois  de  France.  M.  de  Pastoret. 
qui  a  publié  ce  volume  en  1814,  déclare  avoir 
copié  l'ordonnance  dans  le  Livre  rouge  du 
Chàlelet  et  Tavoir  collai ioiniée  sur  le  premier 
volume  des  liegislres  des  Bannières.  Il  indique 
même  exaclemènl  en  note  à  quel  folio  de  ce  ma- 
nuscrit -  elle  se  trouve.  Il  existe  cependant  entre  le 
texte  doiuié  par  M.  de  Pastoret  et  celui  du  registre 
des  Bannières  de  telles  diti'érences,  qu'il  n'est 
o-uère  permis  de  croire  à  l'assertion  du  savant  aca- 
démicien, lime  sui'tira  pour  le  prouver  de  mettre 
eu  reo-ard  le  cummcncement  des  deux  textes  : 

Texte 
du  reijistre  des  Bannières 

P*-'  Bannière. 
Tanneiu's. 
Baudroyeurs. 
Courayeurs. 

IP 
Sainturiers. 
Boursiers. 

Megissiers. 

III'' 
(îantiei's. 
MsgueulU'Iiei's. 
.Siiinlui-ier>    •■!    pareulx  Tainturit-rs  et  pareux  de 
de  peaux.  pcaulx. 

iV  ^  IV-^ 

(^)rduniii«'r>.  Cordouenniers. 

Ainsi,  sans  insister  sur  les  variantes  d'ortho- 
graphe. M.  de  Pastoret  ne  s'est  pas  même 
aperçu  qu'il  faisait  figurer  les  sainturiers  à  la 
fois  dans  la  deuxième  et  dans  la  troisième 
Itanriicre  ;  et,  en  supposant  que  le  Livre  rouge 
renlVrme  celle  erreur,  n'eûl-elle  pas  été  corrigée 
lors  de  la  collation  sur  le  registre  des  bannières, 
qui  place  très  lisiblenu-nt  dans  la  troisième  les 
tiiiiiliiriers  et  non  les  sainturiers  f 

.M.  de  Pasiorel  ne  s'est  pas  aperçu  non  pluscpie 
son  texte,  comme  celui  du  registre  des  Bannières, 
HU  reste,  mentionne  seulement  60  bannières, 
tandis  que  l'article  I"  de  l'ordonnance  dit  for- 
MD-Ilcmeiil  (pie  tous  les  habitants  de  Paris  «  seront 
parliz  \'\  divisez  en  sdixante-une  bannières  '^  et 
(•(»nq>ignit's  ».  La  composition  de  la  soixante 
et  unit'Hi»'  bannii'n^  doit  sans  aucim  doute  être 
cherchée  dans  l'art.  'iW  de  l'ordonnance  ;  il 
pPfscril  l'arint-mt-nl  des  meudjres  du  Parlement, 
du  (ihAlflfl,  de  la  Cluunbre  des  comptes,  etc., 
Imis  pi'rsonuHgfs  imporliints,  (pie  les  rédacteurs 
df  riirdonnuiice  n'ont  pas  voulu  comprenilre 
parmi  l.-s  ••  gens  de  mesliers  et  marchans  ». 

l'our  riiouiuMir  du  licnu-U  des  ordonnances,  si 
prt^cieux  malgré  ses  imperfections,  il  faut  pas.ser 
nipidenuMit  sur   les  quelques   notes   au   moyen 


«   Pnp.'  «71. 

'  Kolio  84. 

•'•  M.  H.  Martin,  qui  a  rpprotluii  ccllr  li.slo  i-n 
ii.lr  Hittoirt  de  FroHcf.  l.  VU,  ji.  21)  annonce  au.s.-i 
(il  biuiiiiiT.>.  t|u'il  pn-nd  mi^nii-  .suin  df  numéroter,  .i 
il  nr-  r.iimr.|ur  pas  non  pin»  i|Ui>  sou  «jnunieratiuii 
.  ..  ..'•1.    •  I  ■  -."ixanlièine. 


desquelles  M.  de  Pastoret  a  pensé  éclaircir  le 
texte  de  l'ordonnance  des  Bannières  ;  elles 
dénotent  une  ignorance  complète  de  l'histoire 
de  nos  corporations  ouvrières. 

Voici,  d'après  le  premier  volume  des  Registres 
des  Bannières^,  la  liste  des  soixante  et  une 
bannières  sous  lesquelles  devaient  marcher  tous 
les  Parisiens. 


V^  Bannière. 
Tanneurs. 
Baudroyeurs. 
Courayeurs  ^. 

IP 

Sainturiers  •''. 

Boursiers. 

Megissiers. 

IIP 

Gantiers. 
EscrueuUetiers  *. 
Tainturiers  et  pareux 
peaulx  ^. 

IVe 
Cordouenniers. 

ye 
Boulengers. 

VP 

Paticiers. 
Musniers  ^. 

VIP 

Fevres. 
Mareschaulx. 

VHP 
Serruriers. 

IX« 

Goustelliers. 
Gueyniers  ''. 
P'ismoleurs  *. 

X« 

Serpiers  ^ . 
Cloustiers  ^'\ 

XP 

Chandeliers. 
Huilliers. 


XIP 

Lormiers  **. 
Selliers. 
Coffriers. 
Malletiers. 

XIIP 

Armuriers. 
Brigandiniers  ^^. 
Fourbisseurs    de    har  - 

noys. 
Lanciers  ^^. 
(Je  Fourbisseurs  d'espées. 

XIV 

Freppiers. 
Revendeurs  **. 

xv« 

Marchans  pelletiers. 
Courayeurs  de  peaux  ^^. 

XVP 
Marchans  fourreux  ^^, 

XVIP 

Pigners  ^"' . 
Artillersi». 

Paliniers*^.  20 

Tourneurs  de  blanc  bo^^s 

XVIIP 
Bouchers    de    la    grant 
boucherie,    et  autres 
boucheries    subjectes. 

XIX« 

Bouchers  des  boucheries 
de  Beauvais,  Gloriec- 
le.  cimetierre  Saint- 
Jehan  et  Nostre-Dame 
des  Champs. 


Archives  nationales  X  7,  f"  84. 

Corro_)-eurs. 

Cointurii-rs. 

.\ii^uili('(iers  ou  forrcurs  d'aiguillette.s. 

'l'eiiiturii-rs  en  cuir  et  pareurs  de  peaux. 

Meuniers. 

(iainier.-i. 

\oy.  Keniuuleurs. 

'I'aillaiidi(>rs. 

(jloutier.s. 

No}',  l'art.  Lormiers. 

Voy.  cet  article. 

l'^abripunls  de  lances. 

Je  cruis  qu'il  faudrait  lii'e  ici  fripiers-revendeurs 

Sans  doute  les  conreeurs  de  robes-vaires. 

l'^ourreurs. 

Fabricants  de  peignes. 

Voy.  cet  article. 

labricant^  de  patins,  chaussure  alois  fort  à  la  iiiodi 

Tourneur.s. 


BANNIÈRES 


65 


Tixerans  de  ling'e  *. 

XXI« 

Foulons  de  draps. 

XXII" 

Faiseurs  de  cardes  el  de 
pigiies  ^. 

Tondeurs  de  <?i'ans  for- 
ces '' . 

XXIIP 

Tainluriers  de  draps. 

XX1V« 

Pluchers  *. 

xxv« 

Cousluriers  ^. 

XXVP 
Bonnetiers. 
Foulons  de  bonnets. 

XXVIP 

Chappelliers. 

XXVIIP 

Fondeurs. 
Chauderonniers. 
Kspingliers. 
Balanciers. 
Graveux  de  seaulx. 

XXIX« 

Potiers  d'estain. 
Bibelotiers  ". 

xxx« 

Tixerans  de  lange  ''. 

XXX  P 

Pourpointiers. 

XXXIP 
Maçons. 
Carriers. 
Tailleurs  de  pierre. 

XXXIIP 

Orfèvres. 

XXXIV« 

Tonneliers. 
Avalleurs  de  vins  *. 


xxxv« 

Pain ires. 
Ymagers  ^. 
Giiasubliers. 
Voirriers  ^^. 
Bi'odeurs. 

XXXVI'' 

Marchans  de  hiiclu:  '  ' . 
Voiluricrs  p;ir  cane. 
Hasielliers. 
Passeurs  ^-. 
Faiseurs  de  basleaulx. 

XXXVII" 

Savetiers. 

XXXVIII" 
Barbiers. 

XXXIX" 

Poullailliers. 
Queux  '"*. 
Rôtisseurs. 
Sauccissiers. 

XL" 

Charrons. 

XLI" 

Lanlerniers. 
Souffletiers. 
Vanniers. 
Ouvriers  d'osier  ■■  * . 

XLII" 
Porteurs  de  Grève. 

XLIII" 
Henouars  *'*. 
Revendeurs  de  foing  et 

de  paille. 
Chauffourniers. 
Estuviers. 
Porteurs  des  halles. 

XLIV" 
Vendeurs  de  bestail  '^. 
Marchans  de  bestail. 
Vendeurs  de  poisson  de 
mer. 

XLV" 

Marchans     de     poisson 

d'eaue  doulce. 
Pescheurs. 


'   Tisserands.  \'o\-.  la  oO''  bannière 

^  Pour  la  lain(?. 

"*  Voy.  l'art.  Forcetiers. 

4  Voy.  l'art.  Menuisiers. 

^  Voy.  cet  article. 

6  Voy.  cet  article. 

"^  Tisserands  de  laine. 

8  Déchargeurs  de  vins. 

3  Peintres  et  sculpteurs. 

10  Verriers. 

^1  Marchands  de  hois  à  brûler. 

1'^  Bateliers  passeurs  d'eau. 

■•3  Cuisiniers. 

li  Voy.  l'art.  Vanniers. 

1^  Porteurs  de  sel. 

16  ^  oy.  l'art.  Vendeurs. 


XLVP 

Libraires. 
Parcheniiniers. 
P]scripvains. 
Knluinineui's. 

XLVII" 

Drappiers  ^ . 
Chausseliers. 

XLVIIl" 
Espiciers. 
Apo  ficaires. 

XLIX" 

Deciers  -. 
Tapiciers. 
Tandeiu's  •'. 
Tainturiersde  fil,  de 
soye  et  de  toilles. 

L" 

Merciers. 
Lunetiers. 
Tapiciers  sarrasinois. 

LI" 
Mareschers. 
Jardiniers. 

LU" 

Vendeurs  d'eufz ,  fro- 
mages et  egrun. 

LUI» 

Charpentiers. 

LIV" 

Hostelliers. 
Taverniers. 


LV" 

Pigneux  et  cardeux  de 
layne. 

LVI" 

Vignerons. 

LVIP 
Cotivreurs  de  maisons. 
Mannouvriers. 

LVIII" 
Cordiers. 
Bourreliers. 

Gorretiers*  de  chevaulx. 
Vendeurs  de  ciicvaulx. 

LIX" 
Buffe  fiers. 
Potiers  de  terre. 
Na  tiers. 
Faiseurs  d'esteufz  ^. 

LX" 

Notaires. 

Bedeaux. 

Et  autres  praticiens  en 
coursd'Eglise, mariez, 
non  estans  de  mestier, 

LXI" 

Cour  de  Parlement. 

Chambre  des  comptes. 

Chatelet. 

Prévôté  de  Paris. 

Prévôté  des  marchans, 
etc.,  etc.,  etc.,  etc., 
«  avec  tous  les  mem- 
bres deppendans  et 
suppostsd'iceulx.gens 
et  serviteurs  ». 


Cette  ordonnance  avait  été  signée  à  Chartres 
au  mois  de  juin  1467.  Le  14  septembre  suivant, 
le  roi  passa  en  revue  cette  nouvelle  milice 
nationale,  et  Jean  de  Roje  nous  a  conservé  le 
souvenir  de  cette  solennité,  qu'il  raconte  avec 
son  enthousiasme  et  son  exagération  ordi- 
naires ".  * 

Voy.  Armoiries  des  corporations.  — 
Bannières  (Registres  des).  —  Guet  des 
métiers,  etc. 

Bannières  (Registres  des).  Les  registres 
du  Chatelet  relatifs  aux  corporations  ouvrières 
ont  été  el  sont  encore  désignés  sous  le  nom  de 
Registres  des  Bannières.  Delamarre  au  dix- 
septième  siècle  ''  et  tous  les  historiens  qui  se 
sont  après  lui  occupés  de  ces  registres  déclarent 
([ue  leur  titre  <.<  vient  de  bamiire,  hannwn^  qui 
signifie  ordre,  mandement,  avis  publié  par  la 


1  Marchands  de  drap. 

2  Fabricants  de  dés  à  jouer. 
■*  Voy.  lart.  Poulieurs. 

i  Courtiers. 

^  Paumiers. 

6  Êdit.  B.  de  Mandrot,  t.  I,  p.  180. 

''    Traité  de  la  police,  t.  I,  p.  261 


00 


BANNIÈRES  —  BARBIERS 


police  *  ».  Mais,  à  ce  compte,  tous  les  recueils 
d'ordonnances  seraient  des  reo^istres  des  ban- 
nières. N'esl-il  pas  plus  naturel  d'admettre  que 
ces  registres,  qui  ont  commencé  à  être  tenus 
préciseinent  en  1467,  bien  qu'on  y  ait  inséré 
quelques  documents  antérieurs,  doivent  leur 
urij^ine  et  leur  litre  à  l'ordonnance  de  1467  ? 
Luin'-temps  après  cette  date,  les  mots  métier  et 
bannière  étaient  encore  pris  l'un  pour  l'autre,  et 
Ton  disait  iuditléremment  :  à  quel  métier  ou  à 
quelle  bannière  appartenez-vous  '{ 

\oy.  Bannières  (Ordonnance  des). 

Banniers.  \  oy.  Baniers  et  Boisse- 
liers. 

Banque  Commissionnaires  de).  «  Ce  sont 
ceux  qui  procurent  l'acceptation  et  le  paiement 
des  lettres  de  change,  ou  qui  en  font  passer  la 
valeur  dans  un  lieu  marqué  -  ». 

Baiiqueteurs.  Nom  donné,  surtout  dans  le 
Nord  de  la  France,  ù  des  ol'ticiers  municipaux 
chargés  du  contrôle  des  draps. 


Banquets. 
Past,  elc. 


\tjv.     Aboivrement. 


Banquiers.  Le  mul  banque  est  d  origine 
ittilifiim-  ;  il  vieul  àebanco,  le  banc  où  s'asseyaient 
les  changeurs  italiens  qu'on  appelail  banquiers  ; 
ban(jueruule  est  dérivé  de  banco  rolto,  banc 
rompu.  Le  commerce  d'argent  que  désignent 
tous  ces  mois  l'ut  d'abord  exercé  en  France  par 
d»'s  étrangers,  par  des  juifs,  des  Lombards,  elc. 
Piiilippe-Augusle  ayant  chassé  les  juifs  de  ses 
étals,  ils  se  réfugièrent  en  Normandie  ;  là  ils 
donnèrent  aux  voyageurs,  aux  négociants  étran- 
gers des  lettres  secrètes  pour  ceux  qui  avaient 
reeu  leurs  richesses  en  dép(M  :  c'est  l'origine  de 
lii  li-tire  tlf  chiuige. 

V.n  1043,  le  cardinal  de  Tournon  persuada  à 
Franeois  i'"''  d'établir  une  banque  à  Lyon,  oii  le 
mouvemeni  commercial  des  foii'es  lu  rendait 
né(;essjure.  D'autres  furent  instituées  en  1549  à 
Toulouse,  en  ir)fiOii  Rouen.  l<]n  1547.  on  proposa 
Il  Hriiri  H  d'en  créer  une  à  Paris,  el  le  plan  fut 
même  soumis  ù  l'exiinien  de  l'échevinage  ;  les 
bizarres  raisons  qui  le  firent  rejeter  prouvent  que 
la  F'rance  n'élail  pas  encore  bien  avancée  dans 
In  .scionce  de  l'économie  politique. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  les  banquiers 
nppnrleiiiiieiil  ù  la  corpornlion  des  merciers  ^. 

Banquiers   expéditionnaires    en 

Cour  ti<'  Rome.  On  apiidail  ainsi  les  ban- 
(|uiers  rpii  nvaieril  h-  privilège  de  solliciter  les 
grùces.  bidies,  dispenses  emiinanl  de  la  Cour  de 
Home.  Ils  se  chargeai. -ni  ..n  ouin'  de  procurer  des 


'    II     Hordicr,  Lf$  architet  de  la  Frnnte,  p.  257.  

«  l..'.s  (louzn  ropislr.'s  dits  llnnnièrrx.  .hi'  iij„|  hannire 
Hipniliant  publier  n  Inrrninire  sommaire  ilrs  fonds 
rvHstrrtt  aux  archiva  nnliunoles,  l.  I,  p.  307, 

'  Jaubcrt,  Dielionnaire  des  arts  el  mrlirrs,  t.  I,  p.  024. 

3  Sur  «otU  ceci,  voy.  A.  tlhémol,  Dictionnaire  des 
tmhtulwHs.  I  I,  p  rtv  —  K  \."\>\ssi-Mr,  Classe,  oiirrières 
tn  France,  t.  II,  |>.  \\. 


expéditions  des  pièces  délivrées  par  la  chancellerie 
el  la  dalerie  romaines. 

Voici,  comme  exemple,  un  certificat  délivré 
par  trois  de  ces  banquiers  :  «  Maistres  Jean 
l'Uylier,  aagé  de  soixante-neuf  ans  ou  environ, 
demeurant  rue  de  la  Harpe  ;  Gilbert  Chapelle, 
aagé  de  soixante  ans,  demeurant  rue  S.  Jacques, 
et  Nicolas  Anroux,  aagé  de  quarante-deux  ans 
ou  environ,  demeurant  rue  des  Noyers,  tous 
trois  banquiers  à  Paris,  solliciteurs  d'expéditions 
de  Cour  de  Rome,  certitions  et  attestons  pour 
vérité  avoir  veu,  leu  el  diligemment  examiné 
certaine  signature  intitulée  Indidtwm  Parisiense, 
commençant  en  ces  mots:  «  Beatiss.  Pater, 
exponunt  humiliter,  etc.  ».  Les  seings  et  escri- 
tures  de  sa  Sainteté  et  de  sesdits  officiers  déclarons 
bien  connoistre,  tant  pour  les  avoir  veu  escrire, 
comme  pour  avoir  fait  expédier  en  ladite  Cour  de 
Rome  plusieurs  autres  signatures  signées,  datées 
et  paraphées  de  seings,  escritures  et  paraphes 
semblables  à  ceux  de  ladite  signature,  qu'asseu- 
rons  eslre  telle  que  sur  icelle  nous  voudrions  bien 
entreprendre  faire  expédier  bulle  sous  plomb  et 
en  forme  probante,  qui  nous  en  voudroit  bailler 
la  charge,  avec  temps  el  délay  nécessaire,  et 
fournissant  aux  frais  à  ce  convenables  ». 

Ces  financiers  furent  déclarés  officiers  publics 
par  édit  de  mars  1673.  D'abord  au  nombre  de 
douze,  un  édit  de  1691  les  porta  à  vingt.  Les 
expéditions  de  lacliancellerie  romaine  devaient 
être  revêtues  de  leur  signature  pour  avoir  un 
caractère  authentique  devant  les  tribunaux 
fraMt;ais. 

Banvin  (Droit  de),  dit  aussi  Droit  des 
VENDANGES.  Droit  que  possédaient  certains 
seigneurs  de  vendre  seuls  du  vin  sur  leurs  terres 
durant  un  temps  déterminé.  Ce  laps  était  parfois 
de  quarante  jours,  parfois  aussi  il  commençait  à 
Pâques  et  finissait  seulement  à  la  Pentecôte  ^ . 

Baquetiers.  Voy.  Cuveliers. 

Barbaricaires.  Nom  donné  aux  tapissiers 
faiseui's  de  tapisseries.  On  écrit  aussi  brambari- 
raires. 

Barbaudiers.  Faiseurs  de  barbaude,  sorte 
de  cervoise. 

Barbeteurs.  Voy.  Barbiers. 

Barbier  du  roi  (Premier).  Il  était  chef 
de  la  corporation  des  barbiers.  \'oy.  Maître 
des   barbiers. 

Barbieurs.  Voy.  Barbiers. 

Barbiers.  Jusqu'au  milieu  du  dix-seplièine 
siècle,  tout  barbier  était  en  même  temps  chirur- 
gien. Dans  sa  boutique,  obscure  et  sale,  il  rasait  et 
saignait,  coupait  les  cheveux  et  posait  des 
ventouses,  pansail  les  plaies,  ouvrait  les  anthrax, 
ne  reculait  même  pas  devant  les  opérations  les 
plus  compliquées  et  les  plus  dangereuses.  Un 
préjugé    persistant    enveloppait  dans  le  même 


'   \  oy.  Ducange,  Glossarium,  v»  Bannum  vint. 


BARBIERS 


67 


dédain  tout  travail  manuel,  qu'il  s'appliquât  à 
un  métier,  à  un  art  ou  à  une  science.  L'ou\Tier 
maçon  et  l'architecte,  le  barbouilleur  d'enseignes 
et  le  peintre  qui  ornait  les  palais  royaux  de  chefs- 
d'œuvre,  le  barbier  et  le  cîiirurg-ien  enfin  appar- 
tenaient l'un  et  l'autre  et  au  môme  titre  à  la  même 
corporation  ouvrière.  A  vrai  dire,  il  n'y  avait 
guère  entre  eux  de  différence,  el  plusieurs  de  nos 
meilleurs  chirurgiens,  Ambroise  Paré  entre 
autres,  n'étaient  que  des  barbiers,  et  furent 
associés  fort  tard  à  la  classe  des  chirurgiens 
proprement  dits. 

Ce  que  l'on  reprochait  aux  barbiers,  gens  fort 
serviables  et  fort  aimés  du  petit  peuple,  qui  ne 
connaissait  guère  d'autre  médecin,  c'était  donc 
surtout  le  mélange  d'attributions  disparates,  les 
opérations  de  chirurgie  et  les  soins  de  toilette  : 
«  Voicy  le  mal  que  le  barbier  ne  se  contente  du 
poil  ^  »,  était  déjà  une  phrase  proverbiale,  au 
seizième  siècle.  Louis  XIII  voulut  donner  satis- 
faction à  un  vœu  si  général.  En  décembre  1637, 
ij  autorisa  l'établissement  d'une  nouvelle  commu- 
nauté de  barbiers,  celle  des  barbiers-barbants,  à 
laquelle  toute  pratique  chirurgicale  était  interdite, 
et  qui  n'avait  dans  ses  attributions  ([ue  les  bains 
et  la  coitîure.  Les  barbiers-chirurgiens  protes- 
tèrent, et  l'affaire  fut  portée  au  Parlement  qui 
procéda  avec  une  sage  lenteur.  Au  mois  de 
décembre  1659,  Louis  XIV  intervint  et  confirma 
la  création  faite  par  son  prédécesseur.  L'édit 
rendu  à  cette  occasion  ne  put  encore  être  exécuté, 
et  fut  renouvelé  le  23  mars  1673  ;  «  Nous  avons 
reconnu  dès  il  y  a  longtemps,  dit  le  roi,  que 
l'usage  de  faire  le  poil  et  de  tenir  des  bains  et 
étuves,  et  les  soins  que  l'on  apporte  à  tenir  le 
corps  humain  dans  une  propreté  honneste,  estant 
autant  utile  à  la  santé  que  pour  l'ornement  et  la 
bienséance,  par  nostre  édit  du  mois  de  décembre 
1659,  nous  aurions  ordonné  l'établissement  d'un 
corps  et  communauté  de  barbiers-baigneurs- 
étuvistes-perruquiers  ^,  réduits  à  deux  cens,  pour 
en  faire  profession  particulière,  distincte  et 
séparée  de  celle  des  maistres  chirurgiens- 
barbiers  3  ».  Ces  deux  cents  charges  étaient 
vendues  par  le  roi,  et  déclarées  héréditaires. 

Ces  barbiers-barbants  reçurent,  en  mars  1674, 
des  statuts  qui  furent  encore  renouvelés  le 
26  avril  1718.  Ces  derniers  se  composent  de 
69  articles  qui  méritent  d'être  analysés. 

Comme  l'ancienne  communauté  des  barbiers- 
chirurgiens,  la  nouvelle  était  placée  sous  l'auto- 
rité du  premier  chirurgien  du  roi,  «chefetgarde 
des  chartes,  statuts  et  privilèges  de  la  barberie  du 
royaume  ».  En  cette  qualité,  il  avait  sur  tous  les 
barbiers  de  France  «  inspection  et  juridiction  ». 
Ne  pouvant  exercer  en  personne,  il  se  faisait 
représenter  par  un  mandataire  ou  lieufenau/,  qu'il 
était  tenu  de  choisir  parmi  les  anciens  jurés  de  la 
corporation. 

Celle-ci  se  composait  du  premier  chirurgien 
du  roi,  de  son  lieutenant,  d'un  greffier,  de  six 

1  Lai'ivey,  Les  tromperies,  scène  4. 

2  Les  actes  officiels  les  nomment  dans  la  suite 
Barbiers-perruquiers-baigneurs-élucistes. 

3  Manuscrits  Delamarre,  t.  II,  p.  112. 


jurés  ou  prévôts-syndics,   des  anciens  syndics 
retirés  du  métier  et  des  maîtres. 

Les  jurés  étaient  élus  pour  deux  ans  par  une 
<lélégation  formée  du  premier  chirurgien  du 
roi,  de  son  lieutenant,  des  six  jurés,  de  tous  les 
maîtres  Anciens  et  de  quinze  Modernes  ^ . 

Les  jurés  avaient  droit  de  visite  chez  les 
barbiers-chirurgiens,  et  ces  derniers  droit  de 
visite  chez  les  barbiers-perruquiers.  Assistés  d'un 
sergent  à  verge,  ils  devaient  faire  au  moins  quatre 
visites  par  an  chez  chaque  maître,  «  pour  voir  si 
les  perruques  et  cheveux  qui  seront  exposés  en 
vente  au  pui)lic  sont  bons  et  marchands  ».  Il  était 
dû  aux  jurés  quinze  sous  par  visite. 

Le  Conseil  de  la  corporation  était  composé  de 
trente  personnes:  le  premier  chirurgien  du  roi, 
son  greffier,  son  lieutenant,  le  doyen,  les  six 
jurés  et  vingt  Anciens.  Il  se  réunissait  tous  les 
mardis,  à  deux  heures,  «  pour  délibérer  sur  les 
affairescommunes,  police  et  discipline  concernant 
les  maîtres,  veuves^,  aspirans,  locataires, 
apprentifs,  garçons,  ouvriers,  et  tous  ceux  qui 
sont  soumis  à  la  communauté. 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  a  la  fois 
qu'un  seul  apprenti.  Il  était  cependant  autorisé 
à  en  prendre  un  second  quand  le  premier  avait 
achevé  sa  deuxième  année. 

Le  fils  de  maître  et  les  compagnons  épousant 
une  fille  de  maître  étaient  tenus  seulement  de 
Vexpérience.  épreuve  facile  pour  laquelle  on  se 
montrait  plus  qu'indulgent.  Les  autres  aspirants 
à  la  maîtrise  devaient  parfaire  le  chef-d'œuvre, 
travail  dont  la  durée  était  limitée  à  deux  jours. 

Il  était  interdit  à  un  maître  d'avoir  plus  d'une 
boutique  dans  Paris.  \jn  apprenti  ne  pouvait, 
durant  les  deux  années  qui  suivaient  son  admission 
à  la  maîtrise,  ouvrir  boutique  dans  le  quartier 
des  maîtres  chez  qui  il  avait  été  soit  apprenti,  soit 
compagnon.  Les  apprentis  ou  compagnons 
changeant  de  maison  ne  pouvaient,  avant  une  " 
année,  se  replacer  dans  le  quartier  du  maître 
qu'ils  venaient  de  quitter. 

Afin  d'établir  une  distinction  bien  apparente 
entre  les  boutiques  des  barbiers-perrucjuiers  et 
celle  des  barbiers  -  chirurgiens  ,  les  premiers 
devaient  avoir  «  des  boutiques  peintes  en  bleu, 
fermées  de  châssis  à  grands  carreaux  de  verre, 
et  mettre  à  leurs  enseignes  des  bassins  blancs  pour 
marque  de  leur  profession  et  pour  faire  différence 
de  ceux  des  chirurgiens  qui  en  ont  des  jaunes  ». 
L'enseigne  devait  être  ainsi  conçue  :  X,  barbier, 
perruquier,  baigneur,  e'tuviste.  Ce'ans  on  fait  le 
poil  et  on  tient  bains  et  étuves. 

Les  barbiers-perruquiers  étaient  autorisés  à 
«  vendre  des  poudres,  opiats  pour  les  dents, 
savonnettes,  pommades  et  autres  senteurs  el 
essences,  pâtes  à  laver  les  mains,  et  généralement 
tout  ce  qui  est  propre  pour  l'ornement,  propreté 
et  netteté  du  corps  humain  ». 

A  eux  seuls  appartenait  «  le  droit  de  faire  le 
poil,  bains,  perruques,  étuves  et  toutes  sortes 
d'ou\Tages  de  cheveux,  tant  pour  hommes  que 


1  Voy.  ces  mots. 

2  Autorisées  à  continuer  le  commerce  de  leur  mari. 


08 


BARBIERS  —  BAROMÈTRES 


pour  femmes,  sans  préjudice  du  droit  que  les 
chirurgiens  ont  de  faire  le  poil  et  les  cheveux, 
et  de  tenir  Lains  et  éluves  pour  leurs  malades 
seulement  ».  Il  était  défendu  à  tous  particuliers, 
ainsi  qu'aux  «  soldats  servans  dans  les  (lardes 
Françoise  et  Suisse,  de  faire  aucuns  ouwages  de 
cheveux,  mais  seulement  la  barLe  aux  soldats 
desdits  rétiniens.   >> 

La  corporation  des  barhiers-baigneurs-étumstes- 
perrur/uiers  vompinil  environ  700  maîtres  à  la  fin 
du  dix-]uiili«'me  siècle.  Elle  avait  pour  patron 
saint  Louis.  Les  mailros  se  sont  parfois  nommés 
harhdev.rs.  ha  rb  leur  s,  etc. 

\uv.  Baigneurs.  —  Chirurgiens.  — 
Épileurs.  —  Étuvistes.  —  Maître  des 
barbiers.  —  Mouches  (Faiseurs  de).  — 
Perruquiers.  —  Poudriers,  etc. 

Bardeurs.  Ouvriers  maçons  employés  au 
transp.irt  des  pierres.  Le  hard  est  une  sorte  de 
civière  :  pour  les  pierres  très  lourdes,  il  est 
remplacé  par  un  charriol  à  roues  nommé  binarâ. 

Barillards.  \  oy.  Barilleurs. 

Barilleurs  'l  Barilliers.  O  n'est  guère 

avant  le  dix-huitième  siècle  que  l'on  s'est  décidé 
il  placer  sur  la  tahle  à  manger  les  flacons  conte- 
nant les  boissons.  .]us([ue-là,  les  pauvres  allaient 
durant  le  repas  remplir  leur  gobelet,  leur  tasse 
ou  leur  écuelle  à  un  tonneau  installé  dans  un 
coin  de  la  pièce.  Chez  les  riches  et  chez  les 
grands,  on  faisait  signe  à  un  échanson,  un  valet 
ou  un  page;  celui-ci  prenait  une  coupe  sur  le 
dressoir,  la  rfmplissait  aux  barils  qui  y  étaient 
à  demeure,  l'apportait  au  convive,  attendait  qu'il 
l'eût  vidée,  puis  la  remettait  où  il  l'avait  prise. 

En  général,  la  partie  supérieure  de  ces  barils 
formait  couvercle  et  était  munie  d'une  serrure; 
on  les  vidait  au  moyen  d'un  robinet.  Ils  étaient 
souvent  d'une  riciiesse  extrême,  construits  en 
bois  précieux,  couverts  d'ornements  de  cuivre, 
d'argent  ou  de  vermeil.  On  y  enfermait,  non 
seulement  des  vins  tins,  mais  des  liqueurs,  des 
eaux  df  senleiirs,  des  sauces,  de  l'huile,  de  la 
muulardf  mtîme,  car  certains  de  ces  barils 
étaient  fort  petits,  assez  légers  même  pour  être 
portés  sous  \i>  bras  ou  sur  l'épaule. 

.\u  In-izicme  siècle,  la  fabrication  des  l>arils 
occupait  il  elle  seule  une  corporation,  qui  jouissait 
de  tous  h's  privilèges  accordés  aux  industries  de 
luxe. 

Le  métier  était  libre  et  le  nombre  des  apprentis 
illimité.  Les  maîtres  avaient  le  droit  de  travailler 
il  la  lumière,  et  étaient  exempts  du  service 
du  guet,  «car  ils  et  leur  mestier  servent  les  riches 
homos  et  les  haus  homes».  Ils  ne  pouvaient 
employer  que  certains  bois  tlt;  choix,  le  cœur  de 
chêne,  lf>  poirier  *,  l'alisier',  l'érable,  le  tamaris 
et  h'  brésil  '.  Les  barils  d'ivoire,  de  cristal,  d'or, 
d'argent  élaienl  l'œuvre  d'autres  corporations. 
A  celte  époque  le  mol  ^anV désignait  aussi  une 


'  «  IVriiT  ». 

'  0  .\lii'r  ». 

3  Litrtiits  métiers,  titr»   \1,\  1 


mesure  de  capacité  pour  les  liquides.  Le  baril 
représentait  à  peu  près  un  sixième  du  muid,  et 
le  muid  contenait  environ  18  hectolitres. 

La  Taille  de  1292  mentionne  six  harrilliers, 
nombre  qui  n'avait  pas  changé  en  1300. 

Je  n'ai  trouvé  aucune  trace  plus  récente  de 
cette  corporation,  qui  se  fondit  sans  doute  de 
bonne  heure  dans  celle  des  tonneliers,  et  ne 
figure  déjà  plus  dans  l'ordonnance  des  Bannières 
(1467). 

La  rue  de  la  Barillerie  ' ,  qui  passait  devant  le 
palais  de  la  Cité,  portait  dès  1280  le  nom  de 
Barilleria,  et  dès  1292  celui  de  Barillerie,  bien 
qu'à  cette  date  un  seul  barilleur  y  demeurât  -. 
La  rue  Traînée,  située  près  de  Saint-Eustache 
s'est  aussi  appelée  riie  de  la  Barillerie  ^ . 

Voy.  Bouteillers. 

Barilliers.  Dans  les  grandes  maisons, 
officiers  de  cuisine  à  qui  incombait  le  soin  des 
caves,  des  tonneaux,  des  barils.  Ils  étaient  d'un 
rang  supérieur  aux  sommeliers.  Charles  VI  et 
Charles  le  Téméraire  entretenaient  deux  barilliers, 
qui  avaient  sous  eux  des  porte-barils  *.  On  les 
trouve  aussi  nommés  maîtres  des  caves  et 
barillards. 

Voy.  Barilleurs. 

Baromètres    et    de    thermomètres. 

(Marchands  de).  On  admet  que  l'invention  du 
baromètre  par  Torricelli  remonte  à  l'année  1643. 
Il  est  moins  facile  de  déterminer  quel  fut 
l'inventeur  du  thermomètre.  Jacques  Rohault 
dit,  dans  son  Traité  de  physique  publié  en  1(571  : 
«  L'on  a  inventé,  de  notre  temps,  un  instrument 
(ju'on  nomme  tliermomèlre  ^  ».  Dans  l'inventaire 
des  meubles  de  Molière,  dressé  en  mars  1073, 
figure  un  «  termamettre  "  »,  et  trois  ans  après, 
M""^  de  Sévigné,  parlant  de  la  chaleur  qui 
éprouvait  les  Parisiens  écrit  à  sa  fille  :  «  Nous 
suons  tous  à  grosses  gouttes  ;  jamais  les  thermo- 
mètres ne  se  sont  trouvés  à  pareille  fête  '  ». 

Les  jardiniers  avaient  depuis  longtemps  ima- 
giné un  ingénieux  procédé  pour  suppléer  d'abord 
à  l'absence,  puis  aux  imperfections  de  cet 
instrument.  Ils  exposaient  à  l'air  libre,  près  de 
leurs  serres,  des  vases  remplis  d'eau,  et  dès  qu'ils 
apercevaient  sur  leur  superficie  la  légère  pelli- 
cule qui  annonce  le  début  de  la  glace,  les 
paillassons  étaient  déployés  et  mis  en  place  *. 

Dans  la  construction  des  baromètres  et  des 
thermomètres,  on  substitua  bientôt  à  la  grossière 
planchette  de  bois  qui  portait  les  degrés  une 
plaque  de  métal  émaillé.  C'est  ce  ([ui  explique 
pourquoi  la  fabrication  de  ces  instruments  appar- 
tenait à  la  communauté  des  émailleurs.  On  lit 


<  .\uj.  bonlovanl  du  l'alais. 

2  Taille  il,- 1292,  p.  136. 

'^  Jaillol,   quart iiM- Sainl-Eustach.',  p.  47. 

*  Olivier  de  ta  Marche.  Mémoires,  édit.  >\>-  1616, 
p.__n81.  —  É lai  de  la  France  pnur  1712.  t.  1,  [..  117. 

^  Première  partie,  chap.  XXIII. 

fi  Eud.  Soulié,  lieeherches  sur  Molière,  p.  268. 

'   /.élire  (In  1"  juillet  1676,  l.  I\',  p.  ,-)()0. 

8  Legrand  d'Aussy,  Vie  pricée  des  Franeais,  t.  I, 
p.  227. 


BAROMÈTRES 


BAS  AU  METIER 


69 


dans  Le  livre  commode  pour  1692  :  «.  Le  sieur 
Hubin,  émailleur  rue  Saint-Denis,  devant  la 
rue  aux  Ours,  fait  et  vend  des  baromettres,  des 
thermometlres  et  des  hidrometlres  d'une  propreté 
particulière.  Le  sieur  Do,  aussi  émailleur,  rue 
du  Harlaj,  aux  armes  de  France,  en  vend  de 
plus  simples  et  à  meilleur  marché  '  ». 

Bien  que  faisant  corps  avec  la  communauté 
des  émailleurs,  ces  industriels  prétendaient  s'en 
séparer,  et  avaient  pris  la  qualité  de  'physiciens, 
marchands  de  baromètres.  «  Ce  sont  eux,  dit 
VAlmanach  Dauphin,  qui  fabriquent  et  vendent 
les  instrumens  qui  apprennent  à  connoître  et  à 
juger  par  des  signes  sensibles  les  degrés  de 
température  de  l'air,  et  qui  s'occupent  à  la 
construction  de  différentes  machines  de  physique 
expérimentales,  telles  que  les  pèse -liqueurs, 
verres  d'optique  ,  microscopes  ,  télescopes  , 
machines  électriques,  pneumatiques,  larmes, 
bombes  et  pétards  de  verre...  ». 

En  ce  qui  concerne  les  baromètres  et  les 
thermomètres,  le  commerce  alors  en  était  presque 
exclusivement  concentré  au  faubourg  Saint- 
Antoine  et  entre  les  mains  des  ignorants  pié- 
montais,  qui  allaient  offrir  leur  marchandise 
«  dans  les  rues,  aux  promenades,  dans  les  cafés, 
dans  les  maisons,  etc.  ^  ». 

Barquerots.  Voy.  Bateliers. 

Barracaniers.  Voy.  Bouracaniers. 

Barrag"e  (Droit  de;.  Droit  de  passage 
perçu  sur  certaines  routes.  Il  tirait  son  nom  de 
la  barre  qui  fermait  le  chemin  jusqu'à  ce  que  la 
marchandise  eût  acquitté  l'impôt.  Une  ordon- 
nance de  mars  1388  ^  veut  que  le  prévôt  de 
Paris  affecte  le  produit  de  cette  redevance  à 
l'entretien  des  chemins,  ponts,  etc. 

Les  préposés  au  barrage  sont  parfois  nommés 
harriers.  barragers  *.  etc. 

Barrag-ers.  Vov.  Barrage. 

Barrière  'DRorr  de).  Sur  les  gravures  qui 
représentent  les  anciens  hôtels  de  Paris,  on  voit 
au-devant  des  demeures  occupées  par  les  hauts 
fonctionnaires  ou  les  grands  officiers  de  la 
couronne,  une  barrière  formée  d'énormes  pièces 
de  bois.  Au  dix-huitième  siècle,  les  seules 
personnes  qui  eussent  encore  droit  de  barrière 
étaient  les  princes  du  sang,  le  dojen  des  maré- 
chaux, le  chancelier  et  le  garde  des  sceaux  ;  mais 
il  était  de  principe  que  ces  barrières  ne  pouvaient 
être  arrachées  et  devaient  pourrir  en  place.  Les 
dernières  qui  aient  existé  défendaient  l'hôtel  de 
Bouillon,  où  avait  habité  le  grand  chambellan, 
et  l'hôtel  d'Armagnac,  ancien  logis  du  grand 
écuyer  ^. 

Cet  article  figure  ici  comme  complément  à 
1  article  conciero-e. 


1  Tome  I,  p.  242. 

2  Hurtaut  et   .Magny,  DIctinnnairp   de  Paris  (17791  , 
t.  I,  p.  531. 

•"*  ^^oy.  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  172. 
4  Encyclopédie  méthodique,  commerce,  t.  I,  p.   218. 
^  \  .  Thiéry,  Guide  du  voyageur  à  Paris  pour  1786.  p.  82. 


Barriers  Sergents).  Voy.  Barrage. 

Barseresses.  Voj.  Berceuses. 

Bas  (Co.MMERCE  des).  Voy.  Bas  au  métier 
(Faiseurs  de).  —  Bonnetiers.  —  Bonne- 
tiers du  faubourg  Saint  -  Marcel.  — 
Chaussetiers.  —  Inspecteurs -contrô- 
leurs.—  Jarretières  (Commerce  des). — 
Visiteurs. 

Bas  (Ouvriers  en).  Voy.  Bonnetiers 
du  faubourg  Saint-Marcel. 

Bas  de  chamois  Taiseurs  de).  Titre  qui 
appartenait  à  la  corporation  des  boursiers. 

Bas  d'estame  (Faiseurs  de).  Voy.  Bonne- 
tiers du  faubourg  Saint-Marcel. 

Bas  au  métier  (Faiseurs  de).  Suivant  une 
tradition  qui  ne  mérite  aucun  crédit  '',  le  métier 
à  bas  aurait  été  inventé,  au  début  du  dix- 
septième  siècle,  par  un  pauvre  compagnon 
serrurier  des  environs  de  Caen.  Avec  plus  de 
raison,  les  Anglais  attribuent  l'invention  de  cette 
admirable  machine  à  un  pasteur  de  Woodbo- 
rough  ^,  nommé  William  Lee.  On  prétend  que 
c'est  en  voyant  sa  fiancée  sans  cesse  absorbée 
par  le  travail  du  tricot,  qu'il  voulut  substituer 
à  l'action  des  doigts  un  procédé  mécanique 
donnant  des  résultats  plus  parfaits  et  plus  rapides. 
Son  premier  métier  fut  construit  en  1.^89  et 
fonctionna  à  Calverton  près  de  Nottingham.  Un 
tableau  classique  bien  connu  représente  Lee  en 
méditation  près  de  sa  fiancée  confectionnant  un 
bas  de  tricot.  En  outre,  la  corporation  des 
bonnetiers  de  Londres  a  conservé  pour  armoiries 
un  métier  à  bas,  supporté  d'un  côté  par  un 
ecclésiastique  et  de  l'autre  par  une  femme  qui 
tient  à  la  main  une  aiguille  à  tricoter. 

William  Lee,  rebuté  par  les  déboires  que  lui 
suscitèrent  les  bonnetiers  anglais,  accepta  les 
offres  de  Sully,  et  vint  s'établir  en  France.  Il  y 
eut  des  alternatives  de  succès  et  de  revers  ;  puis, 
privé  de  la  protection  royale  après  la  mort  de 
Henri  IV,  il  négligea  son  œuvre  et  mourut  dans 
la  misère.  Son  frère  regagna  alors  l'Angleterre 
avec  les  ouvriers  qu'il  avait  formés. 

Cette  fois,  on  ne  se  méprit  pas  un  instant  sur 
l'importance  de  la  découverte.  Les  premiers 
fabricants  qui  l'exploitèren-t  gagnèrent  des 
millions,  et  le  gouvernement  la  prit  sous  sa 
protection  avec  un  soin  si  jaloux  qu'il  fut 
défendu,  sous  peine  de  mort,  d'exporter  des 
métiers  à  bas  ou  même  d'en  montrer  à  un 
étranger  **.  Il  fallut  presque  un  miracle  pour  les 
faire  connaître  en  France.  Un  jSîmois,  nommé 
Jean  Hindret,  passa  en  Angleteri-e,  réussit  à 
examiner  quelques  métiers,  en  saisit  le  méca- 
nisme compliqué,  et  en  grava  tous  les  détails 
dans  sa  prodigieuse  mémoire  avec  une  telle 
fidélité   que,  de  retour  sur  le  continent,  il  put 


t  Voy.  l'art.  Bonnetiers. 

2  A  9  kil.  de  Nottingham. 

3  .Jauberl,  Dictionnaire,  t.  I,  [> 


213. 


70 


BAS  AU  METIER 


faire  reconstruire,  pièce  à  pièce,  la  macliine  qu'il 
avait  vue.  Celle-ci  lut  mystérieusement  renfernnée 
au  bois  de  Boulogrne,  dans  le  château  de  Madrid, 
où  Jean  Hindret  réunit  et  forma  un  petit  nombre 
d'ouvriers.  On  était  alors  en  1656  ^  Les  métiers 
fonctionnèrent  bientôt  avec  un  plein  succès  et, 
peu  d'années  après,  le  roi  autorisa  la  création 
d'une  société  commerciale  qui  devait  administrer 
la  manufcicture  à  ses  risques  et  périls  et  espérait 
lui  donner  une  grande  extension.       .      \ 

Les  bonnetiers  faiseurs  de  bas  au  tricot 
s'effrayèrent  de  la  concurrence  qu'allait  leur 
susciter  le  nouveau  métier,  et  cherchèrent  à 
.s'entendre  avec  lui.  La  Société  avait  établi  à 
Paris  un  magasin  de  détail  pour  la  vente  des  bas 
fabriqués  par  elle,  dont  chaque  paire  portait 
«  la  marque  imprimée  du  chasteau  de  Madrid  >>; 
mais  les  associés  sentaient  bien  que  le  débit  en 
.serait  beaucoup  plus  considérable  si  les  bonne- 
tiers, intéressés  à  déprécier  leurs  produits,  se 
chaj'geaient  au  contraire  de  les  écouler  moyennant 
un  bénéfice  raisonnable.  L^ne  convention,  rédigée 
sur  ces  bases,  fut  signée  le  10  mai  1670  entre 
les  jurés  de  la  bonneterie  el  les  coïntéressés  de 
la  société,  représeniés  par  deux  personnages 
porteiu's  de  noms  célèbres  au  théâtre.  «  Pierre 
tic  Rolnui,  conseiller  (bi  Roy.  receveur  général 
du  taillon  à  Bourges,  denn.Hirant  à  Paris  rue 
Sainte-Avoye.  et  Philippes  Pocquelin,  bourgeois 
(le  Paris,  y  demeurant  rue  Quimquempoix  ». 
]^es  associés,  d'ailleurs,  étaient  mécontents,  ils 
avaient  de  lu  peine  à  trouver  des  ouvriers,  ceux- 
ci  n'ayant  aucun  avenir  dans  la  maison,  puisque 
le  privilège  dont  elle  jouissait  leur  enlevait  tout 
espoir  de  pouvoir  jamais  s'établir.  Le  roi  se  décida 
donc  [février  1672]  à  désintéresser  la  compagnie 
par  le  don  d'une  somme  de  20.000  livres,  et 
à  constituer  la  manufacture  en  corporation.  Il 
lui  accordait  aussi  des  statuts  très  complets  et 
très  sages  dont  voici  l'analyse. 

A  trois  ans  de  là.  on  devait  choisir  parmi  les 
ouvriers  cent  des  plus  capables  et  leur  donner 
des  lettres  de  maîtrise.  Mais  la  cherté  des  métiers 
eiU  été  pour  presque  tous  un  obstacle  insurmon- 
table, aussi  Louis  XIV,  ou  plutôt  Colbert, 
olfrail-il  une  gratification  de  200  livres  aux 
200  premiers  ouvriers  qui  s'établiraient. 

(Chacun  îles  nouveaux  maîtres  avait  le  droit 
d'engager  ù  la  fois  fleux  apprentis.  Lappren- 
tis.s<iL'e  diirail  deux  ans,  el  elail  suivi  de  deux 
ans  de  (•.ompagiionnage. 

Ces  délais  expirés,  le  conipagiKui  pouvait 
aspirer  «I  la  maîtrise,  pourvu  quil  fût  en  état  de 
réussir  le  C/ief-ifanirre,  cpii  consistait  à  «  faire 
un  bas  de  soye  façonné  aux  coins  et  par  derrière, 
avec  une  autre  pièce,  telle  qu'elle  lui  sera 
ordonnée  par  les  jurez  >■>. 

Le  fils  de  maître  était  astreint  seulement  à 
VKj-p/rifnrr,  pour  laquelle  on  lui  demandait  de 
A  monter  un  melir-r  avec  toutes  ses  pièces,  sur 
lequel  il  fera  un  bas  de  soye  tourné  aux  coins  ». 
^  Les  maîtres  reçus  à  p,iris  avaient  la  liberté 
d'exercer  dans  tout  le  rovaume. 


'  Voy.  le  ppéarabulo  des  lettres  pal.'nlos  de  février 
1672. 


Quatre  jurés  administraient  la  communauté, 
qui  avait  saint  Louis  pour  patron. 

Cependant,  en  dépit  de  ces  beaux  statuts,  les 
20.000  livres  accordées  aux  associés  se  faisaient 
attendre.  Le  roi  ne  soldait  pas  non  plus  les 
200  livres  promises  aux  premiers  ouwiers  qui 
s'établiraient.  Or,  la  compagnie  avait  livré  à 
117  d'entre  eux  129  métiers  au  prix  de 
400  livres,  dont  ils  avaient  versé  seulement  la 
moitié,  puisque  pour  le  reste  ils  présentaient  une 
créance  sur  le  roi.  De  là  des  réclamations  réité- 
rées, et  qui  paraissent  avoir  fini  par  amener  le 
pavement  des  sommes  dues  aux  ouvriers.  Quant 
aux  actionnaires,  je  doute  fort  qu'ils  aient  jamais 
été  désintéressés. 

La  plus  importante  fabrique  de  bas  au  métier 
qui  existât  alors  était  celle  du  sieur  Corrozet, 
neveu  d'Hindret,  qui  après  avoir  pendant  vingt- 
cinq  ans  aidé  son  oncle  à  former  des  ouvriers, 
alla  s'établir  avec  vingt  métiers  au  faubourg 
Saint-Antoine. 

Un  arrêt  du  Conseil,  rendu  le  12  janvier  1684, 
autorisa  les  faiseurs  de  bas  au  métiers  à  travailler 
à  toutes  sortes  d'ouvrages  de  soye,  de  fil,  laine 
et  colon,  à  la  charge  néanmoins  de  travailler  en 
ouvrages  de  soye  sur  la  moitié  au  moins  des 
mcsiiers  que  chacun  desdits  maîtres  auroit  chez 
lui  ^.  «  L'étranger  nous  fournissait,  en  etî'et, 
beaucoup  de  bas  de  laine.  En  1662,  on  en 
importa  encore  pour  816.855  livres  -. 

La  communauté  reçut  de  nouveaux  statuts  le 
18  février  1720.  La  durée  de  l'apprentissage  se 
vit  portée  à  cinq  ans,  qui  durent  être  suivies  de 
cinq  années  de  compagnonnage.  Tout  maître 
dut  faire  profession  de  la  religion  catholique. 
Les  fils  de  maître  ne  purent  être  admis  à  la 
maîtrise  avant  l'âge  de  dix-sept  ans.  Six  grands 
jnrés,  nommés  pour  deux  ans,  surveillaient  la 
corporation,  ai  v,ix  petits  jurés  élus  dans  les  mêmes 
conditions  leur  prêtaient  concours  et  assistance 
pour  les  visites.  Le  nombre  de  celles-ci  devait 
être  de  six  par  année,  el  chaque  maître  payait 
pour  chacune  d'elles  une  somme  de  vingt  sous. 

Les  bonnetiers,  toujours  en  guerre  avec  les 
tisseurs  de  bas,  se  montrèrent  fort  irrités  de  ces 
nouveaux  statuts,  qui  confirmaient  les  privilèges 
de  leurs  concurrents.  Les  hostilités  reprirent, 
plus  acharnées  que  jamais,  signalées  par  des 
querelles,  des  saisies,  des  procès  également 
nuisibles  aux  deux  communautés.  Il  fallait  en 
finir.  Le  roi.  «  ayant  esté  informé  qu'il  arrivoit 
journellement  des  contestations  entre  le  corps  des 
marchands  bonnetiers  et  la  coiîimunauté  des 
maîtras  fabriquans  de  bas  au  métier  de  la  Ville 
de  Paris,  qui  en  troublant  les  uns  et  les  autres 
portoient  un  préjudice  considérable  au  public  ; 
et  Sa  Majesté  ayant  jugé  que  le  moyen  le  plus 
propre  pour  y  reinédier  estoit  de  ne  faire  à 
I  avenir  qu'un  seul  et  même  corps  de  bonneterie 
dans  toute  l'étendue  de  la  ville  et  fauxbourgs  de 
Paris  »  :  un  arrêt  du  12  avril  1723  réunit  la 
communauté  des  tisseurs  de  bas  à  la  vieille  corpo- 
ration des  bonnetiers. 


'  Manuscrits  Delamarre,  n»  21.^87,  f"  140. 
2  Correspondance  de  Colbert,  t.  II,  p.  CfiLXIX. 


BAS  AU  METIER  —  BATEAUX  DES  MAISONS  ROYALES 


71 


En  1773,  les  faiseurs  de  bas  possédaient 
environ  2.500  métiers  à  Paris,  1.300  à  Lyon  et 
4.500  à  Nîmes.  "  * 

Voy.  Bonnetiers  et  Inspecteurs-con- 
trôleurs. 

Basclioniers  ei  Basconiers.  Voj.  Ba- 
chouers. 

Basse-lissiers.  Vciy.  Tapissiers. 

Basses-marches.  Ouvriers  tapissiers.  On 
nommait  marche  la  pédale  sur  laquelle  le  tisseur 
appuyait  pour  l'aire  lever  ou  descendre  le  fil  de 
chaîne. 

Basses  œuvres  (Maîtres  de.s).  Voy.  Vi- 
dangeurs. 

Bastelleurs.  Voy.  Bateleurs. 

Bastelliers.  Nom  que  l'ordonnance  des 
Bannières  (1467)  donne  aux  bateliers-passeurs 
d'eau. 

Bastiers.  V03 .  Bâtiers. 

Bateaux.  Voy.  Ports  (Sur  les). 

Bateaux  (^Charpentiers  de].  Voy.  Ba- 
teaux (Constructeurs  de). 

Bateaux  ((Constructeurs  de).  Au  trei- 
zième siècle,  ils  appartenaient  à  la  corporation 
des  charpentiers  et  obéissaient  aux  mêmes  statuts 
que  ceux-ci.  Ils  étaient  donc  placés  sous  l'autorité 
du  premier  charpentier  du  roi ,  et  contribuaient  à 
la  redevance  de  dix-huit  deniers  par  jour  qui  lui 
était  versée.  Ils  ne  pouvaient  avoir  à  la  fois  qu'un 
seul  apprenti,  et  l'apprentissage  durait  quatre  ans. 

Le  Livre  des  métiers ^  qui  me  fournit  ces  rensei- 
g-nements  ^ ,  donne  aux  constructeurs  de  bateaux 
le  nom  de  feseurs  de  tiez  "^.  La  Taille  de  1292  les 
appelle  charpentiers  de  nés,  et  nous  apprend 
qu'ils  étaient  alors  au  nombre  de  deux  seulement  ; 
la  Taille  de  1313  en  cite  un  seul,  ainsi  qualifié  : 
qui  entre  es  nés. 

Le  Livre  des  métiers  cite  dans  le  même  titre  et 
présente  comme  soumis  également  à  l'autorité  du 
premier  charpentier  royal,  les  cochetiers,  dont 
cinq  sont  mentionnés  en  1292.  D'après  les 
éditeurs  du  Livre  des  métiers  ^  et  de  la  Taille  de 
1292  *,  il  faudrait  reconnaître  dans  ces  cochetiers 
des  constructeurs  de  coches  d'eau,  embarcations 
différentes  des  nefs. 

Les  plus  grands  bateaux  qui  vinssent  jusqu'à 
Paris  étaient  les  foncets,  auxquels  on  donnait 
jusqu'à  cinquante  mètres  de  longueur.  Ils  étaient 
lires  par  des  chevaux,  et  l'on  en  attelait  parfois 
vingt-quatre  à  un  seulfoncet. 

L'ordonnance  du  15  a\Til  1689  régla  les 
fonctions  des  maîtres  charpentiers  de  navires.  Ils 
étaient  placés  sous  l'autorité  du  constructeur  qui 
dressait  les  plans  et  en  dirigeait  l'exécution.  Les 


1  Titre  XLVII. 

2  De  nefs. 

3  Page  807. 

4  Page  497. 


charpentiers  de  navires  n'étaient  reclus  maîtres 
qu'après  chef-d^œnvre. 
\'oy.  Ports  (Sur  les). 

Bateaux  (Joueurs  de).  Voy.  Bateleurs. 

Bateaux  -  coches    ou    coches    d'eau 

(Maîtres  de).  On  nomme  bateaux-coches  ou 
coches  d'eau,  écrit  Savary,  «  de  grands  bateaux 
couverts,  tirés  par  des  chevaux,  qui  partent  à 
heure  et  jour  nommés,  pour  la  commodité  des 
voyageurs  et  du  commerce,  et  sur  lesquels  les 
personnes  peuvent  s'embarquer  et  faire  charger 
leurs  bardes,  paquets  et  marchandises.  Tels  sont 
ceux  qui  partent  de  Paris  chaque  semaine  pour 
Sens,  Melun,  Joigny,  Auxerre  ^,  etc.  ». 

Sur  les  règles  de  police  imposées  à  ces  bateaux, 
voy.  l'ordonnance  de  décembre  1672,  chap.  V, 
art.  là  6.  Les  bateaux  étaient  amarrés  au  port 
Saint-Paul  et  à  celui  de  laTournelle.  Il  devait  y 
exister  «  planches  suffisantes  portées  sur  tréfaux 
depuis  le  bord  de  la  rivière  jusqu'aux  dits 
bateaux,  pour  l'entrée  et  la  sortie  de  ceux  qui  se 
serviront  desdits  coches.  Seront  aussi  lesdils 
maîtres  de  bateaux-coches  tenus  avoir  en  iceux 
des  fléaux  pour  peser  les  bardes,  sans  qu'ils 
puissent  rien  prétendre  pour  le  sac  et  bardes  que 
chacune  personne  voudra  porter  avec  soi  qui 
n'excéderont  le  poids  de  six  livres  ■>>. 

Voy.  Ports  (Sur  les)  et  Voitures  d'eau. 

Bateaux  des  maisons  royales  (Ser- 
vice des).  La  construction  des  petits  navires  que 
Louis  XIV  entretenait  sur  le  canal  de  Versailles 
était  commencée  dans  les  ports  et  achevée  à 
Versailles,  en  prenant  pour  type  les  plus  grands 
vaisseaux  de  nos  escadres.  Le  roi  avait  ainsi  sous 
les  yeux  la  fidèle  représentation  de  navires  qu'il 
ne  lui  était  guère  permis  d'aller  voir  '^. 

Les  bateaux  du  canal  avaient  pour  chef  un 
sieur  Pierre  Salicon,  qui  était  qualifié  capitaine 
des  matelots  et  qui  faisait  parfois  manœuvrer 
ceux-ci  devant  la  cour. 

On  voyait  encore  sur  le  canal  de  Versailles 
deux  jolies  gondoles,  menées  par  des  gondoliers 
venus  de  Venise. 

En  outre,  sous  la  direction  de  Chabert,  habile 
constructeur  de  Marseille,  avait  été  construite 
une  galère  que  Philippe  Caffieri  et  Briquet 
ornèrent  de  sculptures. 

Le  personnel  de  cette  petite  flotille  comprenait  : 

A  Versailles  : 
1  commandant  du  canal. 
1  capitaine  des  matelots. 
1  maître  des  matelots. 
1  comité. 

1  marinier  de  rame. 

2  gondoliers. 

3  charpentiers. 
2  calfateurs. 
12  matelots. 

1  garde-magasin  ^. 


1  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  803. 

2  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  1100  et  1260. 

3  État  de  la  France  pour  Ï736,.i.  I,  p.  41*7. 


72 


BATEAUX  DES  MAISONS  ROYALES  —  BATIERS 


A  Fontainebleau  : 

"1  capitaine.  Il  avait  la  garde  des  «  banderolles, 
ornemens  et  autres  meubles  nécessaires  aux 
vaisseaux  *  ». 

Bateaux  de  selles.  Voj.  Lavoirs 
publics. 

Bateeurs.  \'oy.  Batteurs. 

Bateleurs.  Joueurs  de  bateaux.  Celle 
expression  se  rencontre  sans  cesse  dans  les  anciens 
comptes  : 

Année  1380.  «  A  Jehan  de  Paris,  basleleur, 
lequel  avoil  joué  de  son  meslier  devant  le 
Roj...  » 

Année  1381.  «  A  Jehan  le  Picart,  joueur  de 
basleaux,  pour  don...  » 

Année  1.387.  «  A  une  bonne  femme  qui  avoit 
joué  de  basleaux  devant  le  Roy...  » 

Année  1415.  «  Baillé  à  un  joueiu-  de 
basleaux,  nommé  Mathieu  Lesluveur,  qui  avoit 
joué  devant  ladite  dame  -...  » 

Année  1462.  «  De  chaque  batelleur  jouant  de 
baleaulx  passant  par  devant  ledit  prieuré  doivent 
tmg  tour  de  leur  mestier...  » 

Suivant  une  hypothèse  assez  vraisemblalilf,  le 
mol  basleaux  eut  alors  désigné  les  gobelets  ^ 
(hinl  se  servent  encore  aujourd'hui  nos  esca- 
moteurs ;  peut-être  vient-il  du  vieux  mot  français 
Ixtste,  qui  signifiait  tromperie,  foiu-berie,  etc. 

Ijt  mot  entregeleur  pciraîl  avoir  eu  aussi  le  sens 
de  bateleur. 

Bateleurs,  .l'ai  clioisi  ce  mot,  comme 
lernic  géii('Ti([ue,  pour  désigner  tous  les  faiseurs 
de  tours. 

Voy.  Acrobates.  —  Animaux  (Mon- 
treurs d').  -  Apertises  (Joueurs  d').  — 
Astrologues.  —  Bàtonnistes.  —  Boute- 
en-courroie.  -  Buveurs  d'eau.  —  Car- 
tomanciens. Chevaux  de  bois.  — 
Chiromanciens.  Combats  d'ani- 
maux. -  Devins.  -  Disloqués.  — 
Dompteurs.  -  Écuyers. —  Envoùteurs. 
Équilibristes.  -  Femmes  à  barbe. — 
Funambules.  Grimaciers.  Gyro- 
manciens.  —  Hercules.  Hydroman- 
ciens.  Lanterna  magique.  -  Ma,- 
rionnettes.  Marmottes.  —  Nains.  — 
Oniromanciens.  Ours  (Meneui's  d'). 
Faillasses.  Phénomènes.  Fhy- 
Biciens.  Prestidigitateurs.  —  Sa- 
leurs.  Saltimbanques.  —  Sauteurs. 
--    Ventriloques. 

Bateleurs.  \  oy.  Bateliers. 

Bateleurs.  .Nom  donne  [larfois  aux  sonneurs 
de  rliiclit's. 


'   F:'.I  ,i,'  la  Frnnct  pour  1712,  t.  1,  p.  315. 

'  Isaboau  do  Bavièn». 

.1   \  ,..     /.  ■■,.t„„g{„  7,  Pnris.  I.  I,  p     147 


Bateliers.  Ils  étaient  dits  officiellement 
bateliers,  passeurs  (Fewit,,  et  leurs  fonctions 
consistaient  à  faire  passer  les  habitants  de  Paris 
d'une  rive  à  l'autre  de  la  Seine  aux  endroits  où 
n'existaient  pas  encore  de  ponts.  C'étaient  eux 
aussi  qui  organisaient  sur  le  fleuve,  en  face  du 
Louvre,  les  réjouissances  nautiques  destinées  à 
célébrer  les  entrées,  les  unions,  les  naissances 
royales,  etc. 

La  Taille  de  1292  mentionne  ^9  passeeurs,  elle 
cite  aussi  un  batelier.  Leurs  premiers  statuts 
paraissent  dater  de  1297  ;  alors  réduits,  semble- 
t-il,  au  nombre  sept,  ils  prièrent  le  prévôt  de 
Paris  de  leur  nommer  des  jurés,  afin  qu'ils 
pussent  interdire  le  métier  à  ceux  «  qui  ne  sunt 
souffisenz  pour  passer  et  qui  s'entremêlent  de 
passer  '  ». 

Les  points  de  départ  des  bateaux  étaient  à  ce 
moment  la  Grève,  Saint-Landry  et  Saint-Gervais. 
L'ordonnance  de  1415  y  ajoute  le  Louvre, 
Notre-Dame,  Saint-Bernard  et  la  rue  des  Barrés  *^. 
La  même  ordonnance  fixe  à  sept  ans  la  durée  de 
l'apprentissage.  Aucune  traversée  ne  devait  plus 
avoir  lieu  une  fois  la  nuit  tombée,  «  depuis  qu'il 
sera  annuicté,  et  qu'on  ne  verra  à  congnoistre 
un  tournois  d'un  parisis.  »  Le  prix  du  passage 
était  le  même  pour  «  une  personne,  un  cheval 
ou  autre  beste  ». 

Le  chapitre  V  de  l'ordonnance  de  1672 
mentionne  seulement  comme  ports  d'attache 
Saint-Paul  et  la  Tournelle.  L'apprentissage  est 
réduit  à  deux  ans  et  suivi  d'un  examen  subi 
devant  les  maîtres.  Le  prix  de  la  traversée  est 
déterminé  par  la  municipalité  et  «  inscrit  sur 
une  plaque  de  fer  blanc  attachée  au  mât  du 
bateau  ».  Chaque  passager  est  libre  de  trans- 
porter gratuitement  avec  soi  des  sacs  ou  bardes 
ne  dépassant  pas  le  poids  de  six  livres.  Les 
rnaistres  passeurs- d^ eau  sont  tenus  «  d'avoir 
fletles  en  nombre  suffisant  et  en  bon  état  »,  et  de 
«  passer  quand  il  se  trouvera  dans  leur  bateau 
le  nombre  de  cinq  personnes,  sans  qu'ils  puis- 
sent faire  attendre  les  passagers  ». 

En  1760  les  liateaux  parlaient  de  la  Kapée,  du 
Mail,  de  la  (jrève,  du  port  Saint-Nicolas  et  de  la 
(Conférence.  Le  prix  du  passage  était  de  deux  sous 
six  deniers;  une  seule  personne  pouvait  obliger 
le  passeur  à  partir  si  elle  payait  cinq  places  ■'. 

En  aval  de  Paris,  les  passeurs  d'eau  prenaient 
le  nom  de  bacholeurs  *. 

L'ordonnance  des  Bannières  (1467)  porte 
hasfelier.  On  trouve  encore  bateleur,  passagers, 
harqnnols,  roicfurenrs.  roituriers,  elc. 

\'oy.  Ports  (Sur  les), 

Batelleurs.  \'oy.  Bateleurs. 

Bateres.  Voy.  Batteurs. 

Bâtiers.  Faiseurs  de  bals.  Ils  se  distinguaient 
sans  doute  des  chapuiseurs  proprement  dits  en 


'    \oy.  Dfpping,  Ordonn.  relatives  aux  mc'tiers,  p.  422. 

2  Chapiire  LIV. 

3  .Jèze,  Éfat  ou  tableau  de  Paris,  p.  342. 
*  Voy.  cf't  arliclp. 


BATIE RS  —  BATTEURS  I)"OR  ET  D'ARGENT 


73 


ce  qu'ils  fabriquaien  l  les  selles  les  plus  communes, 
destinées  aux  ânes,  aux  mulets,  etc. 

La  Taille  de  1202  cite  quatre  basliers,  celles 
de  1300  et  de  1313  chacune  un  seul  de  ces 
maîtres.  Ils  y  sont  nommés '^«fl/iVrs,  basliers.  et 
l'un  d'eux  chapuisetir  de  bâts. 

Les  bâtiers  appartenaient  très  probablement 
déjà  à  la  corporation  des  bourreliers,  et  leur 
nombre  resta  toujours  à  peu  près  le  même, 
puisque,  suivant  Riclielet  •,  il  n'y  avait  encore  à 
Paris  que  cinq  bâtiers  on  1719. 

Voj.  Harnachement. 

Batiste  (Fabricants  de).  \'oy.  Toiles 
(Commerce  des). 


Bâtonniers.    Voy.    Avocats, 
deaux.  —  Confréries,  etc. 


Be- 


Bâtonnistes.  Bateleurs  joueurs  de  bàlon. 
Au  début  du  dix-neuvième  siècle,  un  bâtonniste 
fort  habile  exerçait  dans  les  rues  de  Paris.  «  Un 
enfant  s'agenouille,  soutenant  une  pièce  de 
monnaie  en  équilibre  sur  son  nez  ou  sur  son 
menton,  et  le  bâtonniste,  en  faisant  le  moulinet, 
emporte  la  pièce  sans  effleurer  la  place.  Tous  les 
spectateurs  sont  libres  d'en  faire  l'épreuve.  Cet 
artiste  procède  à  divers  autres  exercices  au  son 
d'une  oro^ue  portative  jouée  par  son  épouse.  Il 
jette  son  bâton  en  l'air,  et  le  faisant  pirouetter, 
le  ressaisit,  le  rechasse  par  derrière,  par  sous  sa 
jambe  et  toujours  en  mesure  ^  ». 

Voy.  Sateleurs. 

Batterie  (Commerce  de).  Voy.  Chau- 
dronniers. 

Batteurs.  On  nommait  ainsi  dans  les  brique- 
teries, les  ouvriers  qui  préparaient  la  terre,  la 
détrempaient,  la  maniaient,  la  broyaient^. 

On  les  appelait  aussi  de'mêleurs. 

Batteurs  d'airain.  Voy.  Chaudron- 
niers. 

Batteurs  d'archal.  Vers  1268,  les  bateres 
d'arclial  soumirent  leurs  statuts  à  l'homologation 
du  prévôt  Etienne  Boileau*.  Le  métier  était 
libre.  Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois 
qu'un  seul  apprenti,  et  l'apprentissage  durait 
six  années.  Le  travail  à  la  lumière  était  interdit  -, 
les  maîtres  sont  tenus  «  à  laissier  oevre  chascun 
jour  jusques  aus  chandeles  alumans,  pour  ce  que 
leur  mestier  est  trop  pénible  >^.  Deux  jurés 
adiTiinistraient  la  communauté. 

La  Taille  de  1292  cite  deux  batteurs  d'archal, 
celle  de  1300  en  mentionne  dix. 

Voy.  A-rchaliers. 

Batteurs  de  cannes,  dits  aussi  gamim. 
Apprentis  cliargés,  dans  les  verreries,  de  nettoyer 
les  felles  ou  cannes  dont  se  servaient  les  souffleurs. 


*  Dictioniialrp  français,  f.  I,  p.  116. 

2  J.-B.  Gouriet,  Persnnnoqrs  célèbres   dans   les  rues   de 
Paris,  t.  II,  p.  242. 

3  Encyclopédie  viétkodique,  arts  et  métier.s.  f.  I,  p.  306. 

4  Litre  des  métiers,  titre  XX. 


Ces  batteurs  sont  nommés  parfois  porteurs  dedans. 
parce  qu'il  leur  incombait  aussi  le  soin  de  porter 
les  ouvrages  à  la  recuisson  ' . 

Batteurs  de  ciment.  Ouvriers  qui  «  con- 
cassent les  luilots  (h)nt  on  fait  le  ciment^  ». 

Batteurs  de  cuivre.  \ Oy.  Chaudron- 
niers. 

Batteurs  d'écuelles.  ^'om  sous  lequel  la 
Taille  de  1313  désigne  les  batteurs  d'étain. 

Batteurs  d'étain.  Vers  1268,  ils  soumirent 
leurs  statuts  à  l'homologation  du  prévôt  Etienne 
Boileau  ^.  Le  métier  était  libre  ;  chaque  maître 
pouvait  avoir  un  nombre  illimité  d'apprentis,  et 
régler  comme  il  l'entendait  les  conditions  de 
l'apprentissage  ;  le  travail  à  la  lumière  était 
permis  ;  ils  pouvaient  teindre  en  toutes  couleurs 
les  minces  feuilles  d'étain  qui  servaient  à  fabriquer 
et  à  décorer  une  foule  de  petits  objeis.  Il  n'est 
pas  question  de  jurés  dans  ces  statuts,  sans  doute 
parce  que  les  batteurs  d'étain  étaient  déjà  placés 
sous  l'autorité  de  ceux  des  potiers. 

La  Taille  de  1300  cite  une  «  batteresse 
d'estain  »,  et  celle  de  1313  un  «  bateeur  d'escuel- 
les  ».  Cette  corporation  ne  tarda  pas  à  se  fondre 
dans  celle  des  potiers  d'étain. 

Au  dix-huitième  siècle,  on  nommait  batteurs 
d'étain  ceux  des  maîtres  miroitiers  <\  qui  ne 
s'appliquent  qu'à  battre  l'estain  sur  de  grands 
blocs  de  marbre,  pour  le  réduire  en  feuilles  très 
minces,  propres  à  appliquer  derrière  les  glaces  à 
miroirs  par  le  moyen  du  vif  argent  *  ». 

Voy.  Stain. 

Batteurs  en  g-rang-e.  On  nomme  ainsi  les 
<\  hommes  de  journée  qui  frappent  le  bled  avec 
un  fléau  pour  faire  sortir  le  grain  de  l'épi  .». 
Les  batteurs  en  grange  sont  compris  dans 
l'ordonnance  de  janvier  1351. 

Batteurs  à  loyer.  Voy.  Champions. 

Batteurs  de  mesure.  Voy.  Chefs  d'or- 
chestre. 

Batteurs  d'or  et  d'arg-ent.  Dans  les 

statuts  qu'ils  soumirent,  vers  1268,  à  l'homolo- 
gation du  prévôt  Etienne  Boileau,  ils  se  qua- 
lifient de  bateurs  d^ir  et  d^ argent  e7i  feuilles  ^. 
Le  métier  était  libre.  Chaque  maître  pouvait 
avoir  lui  nombre  illimité  d'apprentis,  et  régler 
comme  il  l'entendait  les  conditions  de  l'appren- 
tissage. Le  travail  à  la  lumière  était  interdit, 
«  quar  la  clartés  de  la  nuit  n'est  pas  souffisant  à 
faire  leur  mestier  bon  et  loial  ».  Deux  jurés 
administraient  la  corporation.  Celle-ci  était  déjà 
constituée  au  temps  de  Philippe- Auguste, 
puisque  ce  prince  avait  dispensé  les  maîtres  du 


'    Eitctjclopé<lie  méthodique,    aris    et   luétiers,    I.    A'III, 
p.  545. 

-  Savary,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I.  p.  i'O". 
3  Titre  XXII. 

i   Savary,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I.  p.  .S07. 
S  Livre  des  métiers,  titre  XXXIII. 


74 


BATTEURS  D'OR  ET  D'ARGENT  —  BAZANIERS 


service  du  f^uel.  Ils  font  donc  appel  «  à  la 
noblece  et  à  la  débonnaireté  du  Roy  »,  et  le 
prient  de  leur  rendre  le  privilèf^e  dont  ils  jouis- 
saient «  au  tans  '  le  roj  Phelippe,  son  bon 
avel  -  »,  privilèj^e  qui  leur  a  e(é  enlevé  <.<  puis 
vinf,'t  ans  ença  ».  Ils  ajoutent  que  le  nombre  des 
maîtres  est  de  6  seulement.  C'est  exactement  le 
chiffre  que  fournil  la  Taille  de  1292  ;  celle  de 
1300  mentionne  1  batteur  d'argent  et  14  orbat- 
teurs. 

Leurs  statuts  furent  souvent  révisés  dans  la 
suite,  et  de  nombreuses  ordonnances  •'*  réglemen- 
tèrent l'exercice  de  ce  métier.  Comme  tous  ceux 
qui  travaillaient  les  métaux  précieux,  les  maîtres 
furent  placés,  en  1550,  sous  la  juridiction  de  la 
cour  des  Monnaies.  Leur  nombre  ne  s'éleva 
jamais  au-dessus  de  40,  même  après  le  règle- 
ment du  17  août  1557,  qui  supprima  toute 
distinction  entre  les  batteurs  et  les  tireurs  d'or. 

Au  milieu  du  dix-huitième  siècle,  la  corpo- 
ration avait  pour  litre  officiel  :  batteur  s- fileurs- 
tireiirs-écacheurs  (Por  et  (P argent.  Les  maîtres 
prêtaient  serment  devant  la  cour  des  Monnaies 
et  ne  faisaient  point  d'apprentis  ;  les  fils  de  maître 
seuls  pouvaient  aspirer  à  la  maîtrise,  qui  n'était 
même  pas  acquise  par  le  mariage  avec  une  !ille 
ou  une  veuve  de  maître. 

Le  mot  hateure  se  renc-ontre  fréquemment  dans 
les  inventaires  dressés  au  moven-âge  ;  il  dési- 
gnait le  métal  réduit  en  feuilles  très  minces,  que 
l'on  employait  en  découpures  sur  les  étoffes  ou 
comme  dorure  sur  les  matières  solides.  Etiré, 
aplati,  puis  enroulé  sur  un  fil  de  soie  destiné 
à  broder  des  tissus,  il  portait  le  même  nom. 

Sur  les  38  batteurs  que  cite  VAlmanach  Dau- 
phin pour  1777,  figurent  seulement  5  batteurs 
d'argent.  Tous  avaient   pour  patron  saint  Eloi. 

(  )n  trouveaussi  bnterea,  nrbafmrs,  nrbatfem'S,e\c. 

Batteurs  d'or  et  d'argent  à  filer. 
Voy.  Tireurs  d'or. 

Batteurs  de  plâtre.  Ce  sont  (;eux,  écrit 
Siiviirv.  qui  ■'  b;illeiit  hi  pierre  à  plâtre  après 
qu'elle  a  été  cuite  au  four  *.  Ils  sont  compris 
dans  l'ordonnance  de  janvier  1351. 

Batteurs  de  terre.  On  nommail  ainsi. 
dans  les  iiifi  nu  factures  de  pipes,  les  ouvriers  qui 
préparaient  In  terre,  enlevaient  les  corps 
élrtiMgers.  h  bnltiiient.  etc.  ■''      . 

Haudraicrs.   Voy.  Baudroyeurs. 

Baudroiers.  Nom  (pu-  1.'  Lirre  des  métiers 
donne  ;ni\  liinidroveinN. 

Haiidioyers.   Voy.  Baudroyeurs. 

Baudroyeurs.  On  les  trouve  encore 
uomnM'^'  /iiivdrnyers,  liandroicrs,  buudruiers   etc.. 


'  .Vu  tomp.s. 

î  AiVul. 

•"'  Voy    Ordonn.    royales,  I     III,    ji.  91  et   21"  ;   I.    IV 

'lu  cummercf,  f.  I,  p.  307. 
■  «iz-V/jorf/'y)/^.  art.s  rl  in«itiers,  t.  VI,  p.  377. 


etc.  Dans  les  statuts  qu'ils  soumirent,  vers  1268, 
à  l'homologation  du  prévôt  Etienne  Boileau,  ils 
s'intitulent  :  «  Baudroiers,  ce  est  à  savoir 
conreeurs  de  quir  por  fere  courroieesà  ceindre  et 
por  fere  semeles  à  souliers  *  » .  Les  baudroyeurs 
corroyaient  donc  les  cuirs  épais  destinés  à  faire 
des  ceintures  et  des  semelles  de  souliers,  et  ils 
fournissaient  ce  cuir  tout  préparé  aux  corroiers, 
aux  cordonniers,   aux  lormiers,  etc. 

Dès  le  treiziènfie  siècle,  le  roi  avait  donné  les 
revenus  et  la  justice  professionnelle  de  ce  métier 
à  une  famille  de  bourgeois  ^,  qui  les  transmit 
elle-même  à  une  autre.  Au  treizième  siècle,  ils 
appartenaient  à  la  famille  Marceau  ;  c'est  donc  à 
elle  qu'il  fallait  acheter  le  droit  de  s'établir,  et 
elle  le  vendait  «  à  l'un  plus  et  à  l'autre  meins  ^, 
si  come  il  li  semble  boen  et  corne  il  li  plaist  ». 

Chaque  maître  baudroyeur  ne  pouvait  avoir 
à  la  fois  plus  d'un  apprenti,  en  dehors  de  ses 
«  enfans  nés  de  loial  mariage  ».  La  durée  de 
l'apprentissage  était  de  onze  ans  pour  l'enfant 
sans  argent,  de  neuf  ans  pour  l'enfant  qui 
apportait  soixante  sous.  Parfois,  durant  ce  long 
apprentissage,  l'apprenti  se  mariait  ;  s'il  préférait 
alors  prendre  ses  repas  chez  soi,  son  maître 
devait  lui  fournir,  pour  le  dîner  et  le  souper, 
quatre  deniers  par  jour.  Le  métier  jouissait  du 
haul)an.  Le  travail  à  la  lumière  était  interdit. 
Six  jurés,  «  les  quex  li  prevoz  de  Paris  met  et 
oste  à  sa  volenlé  »,  surveillaient  la  corporation. 

La  Taille  de  1202  mentionne  15  baudroyeurs, 
celle  de  1300  en  cite  36. 

Les  statuts  des  baudroyeurs  furent  modifiés 
par  lettres  patentes  de  juillet  1345  *,  qui 
s'appliquent  à  la  fois  à  eux,  aux  tanneurs  et  aux 
corroyeurs,  et  réduisent  le  temps  de  l'apprentis- 
sage à  cinq  ans. 

L'ordonnance  du  21  novembre  1577,  con- 
firmant des  arrêts  datés  de  1567,  réunit  en  une 
seule  corporation  les  baudro^'eurs  et  les  cor- 
royeurs. Elle  s'exprime  ainsi  :  «  Pour  osier  la 
multiplicité  des  ouvriers  par  les  mains  desquels 
passent  les  cuirs  après  la  tannerie,  dont  provient 
en  partie  la  cherté  des  cuirs,  a  ledit  seigneur 
ordonné  que  les  mestiers  de  baudroyeurs  et 
conroyeurs  seront  confus  en  un  ». 

Les  baudroyeurs  avaient  pour  patron  saint 
Thibaut. 

La  rue  Maubué  actuelle  s'est  appelée,  du 
quatorzième  au  seizième  siècle,  rue  de  la  Bau- 
droirie. 

Bayette  (Manufacture  de).  Ou  nommait 
bayelte  une  sorte  de  flanelle  grossière,  d'un  tissu 
peu  serré  et  non  croisé.  Fabriquée  d'abord  en 
.\ngleterre  et  en  Flandre,  des  manufactures 
s'établirent,  vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle, 
dans  le  midi  de  la  France,  à  Castres,  à  Mont- 
pellier, à  Nîmes,  etc. 

Bazaniers.  Voy.  Savetonniers. 


'   Litre  des  métiers,  titre  LXXXIII. 
*  Vuy.  ii>.s  articl(>s   Cliauffecire,  Maître  des  sueurs   et 
Sucur.'i. 
•^  Moins, 
i  Ordonn.  royales,  t.  XII,  p.  75. 


BAZENNIERS  —  BENOISTIERS 


75 


Bazenniers.  Nom  que  la  T(nlle  de  1202 
donne  aux  savetonniers. 

Bazoche.  .luridiclion  insliluée  parles  clercs 
(le  prociii'tMU's  au  ParlenienI  potu' jug'er  les  dill'é- 
rends  qui  s'élevaient  entre  eux.  On  y  connaissait 
aussi  des  causes  où  un  clerc  était  défendeur 
contre  un  artisan  ou  un  marchand.  Au  civil,  sa 
compétence  était  fort  étendue  ;  en  matière  crimi- 
nelle, elle  se  réduisait  aux  risques  et  mutineries. 

Celle  cour  comprenait  un  chancelier ,  élu 
chaque  aimée,  plusieurs  maîtres  des  requêtes,  un 
<i^rand  audiencier,  un  procureur  général,  un 
avocat  g'énéral,  etc.,  vingt-quatre  personnes, 
toutes  choisies  parmi  les  clercs  de  procureurs. 
Le  chancelier  portait  la  robe  et  le  bonnet,  les 
autres  membres  l'habit  noir  avec  rabat. 

Les  audiences  se  tenaient  au  Palais,  dans  la 
grand' chambre,  les  mercredi  et  samedi  de  midi 
à  une  heure. 

Cette  fantaisiste  juridiction  prit  naissance  dans 
les  premières  années  du  quatorzième  siècle. 
L'arrêt  le  plus  ancien  qu'on  en  connaisse  date 
de  1528.  Le  dernier  document  imprimé  qui 
constate  son  existence  est  un  almanach  publié  en 
1786  1. 

Les  clercs  des  procureurs  à  la  cour  des  Comptes 
avait  créé  une  association  semblable  sous  le 
nom  cVemjm'e  de  Galilée. 

Bêcheurs.  Ouvriers  employés  dans  l'exploi- 
tation d'ime  tourbière.  Au  moyen  d'un  louchet  à 
aile,  ils  enlevaient  la  tourbe  par  pain  ou  par 
quartiers  2. 

Bedels.  Voy.  Bedeaux. 

Bedeaux.  Officiers  subalternes  de  l'Univer- 
sité. Ils  étaient  au  nombre  de  quatoi'ze,  deux 
pour  chaque  Faculté  et  pour  chaque  Nation.  On 
les  divisait  en  grands  et  en  petits  bedeaux.  Le 
premier  bedeau  de  la  Nation  de  France  était  dit 
grand  bedeau  de  France. 

Leurs  fonctions  consistaient  à  proclamer  les 
congés,  les  jours  et  les  heures  des  leçons,  à 
publier  les  décisions  des  Facultés  et  des  Nations 
et  à  en  assurer  l'exécution  matérielle  ;  enfin  à 
précéder  avec  leur  masse  le  recteur,  le  doyen  ou 
le  procureur  dans  les  grandes  cérémonies  ''. 

La  masse  était  un  bâton  à  lourde  tête  d'argent. 
En  1448,  le  grand  bedeau  de  la  Faculté  de 
médecine  portait  une  masse  d'argent  et  le  petit 
bedeau  une  masse  de  bois.  Le  doyen,  écrit 
Hazon,  «  exposa  que  cela  n'étoit  point  honorable 
pour  la  Faculté.  Chaque  docteur  s'imposa  de 
seize  sous  parisis,  et  en  1455  on  remit  au  petit 
bedeau  une  verge  surmontée  d'une  masse 
d'argent,  qui  étoit  estimée  soixante  écus  d'or  *  ». 

Les  bedeaux  prêtaient  serment  entre  les  mains 


'    Ad.    t'abro,    Etudes  historiques   sur   tes   clercs   de   la 
bhzoche,  1856,  in-8°. 

2  Encyclopédie    méthodique,  arts   et   métiers,    t.    MU, 
p.  188. 

•*   Gh.    Thurot,    De  l" organisation  de   renseignement  nu, 
moyen-âge,  p.  25. 
■  *  Eloge  historique  de  la  Faculté  de  médecine,  p.  25. 


du  recteur.  Chaque  nouveau  maître  es  arts 
devait  quatre  livres  aux  grands  bedeaux  et 
quarante  sons  aux  petits  bedeaux. 

Dans  les  cérémonies  publiques,  les  bedeaux 
de  la  Faculté  des  arts  étaient  en  robe  noire, 
ceux  de  la  Faculté  de  théologie  et  de  la  Faculté 
de  droit  en  robe  violette,  ceux  de  la  Faculté  de 
médecine  en  robe  bleue. 

Les  bedeaux  attachés  aux  églises  y  remplis- 
saient les  mêmes  fonctions  qu'aujourd'hui.  Ils 
étaient  vêtus  d'une  longue  robe  de  drap  rouge 
ou  bleue,  et  portaient  sur  la  manche  gauche  une 
plaque  d'argent  ou  un  chitl're  brodé  représentant 
l'image  ou  le  nom  du  patron  à  qui  l'église  était 
dédiée.  Ils  avaient  à  la  main  une  verge  de 
baleine  garnie  d'ornements  en  argent.  Le  Dic- 
tionnaire de  Trévoux  nous  apprend  qu'on  les 
nonuTiait  chasse-coquins  et  chasse-chiens.,  parce 
qu'ils  avaient  «  soin  de  chasser  les  mendians  des 
églises  et  les  chiens  '  ». 

Les  bedeaux  étaient  dits  en  latin  bedelli. 
appnritores,  masserii,  etc.,  et  en  français  i^ffl(!o'«- 
uiers,  bedels.  bideaiix,  massiers,  etc. 

Béguines.  Ce  nom  figure  ici  parce  que  j'ai 
rencontré  un  certain  nombre  de  béguines  parmi 
les  imposées  mentionnées  dans  les  l'ailles  de 
1292  et  de  1313.  On  appelait  béguines,  au 
mojen-àge  des  femmes  qui,  sans  faire  de  vœux, 
sans  même  s'interdire  le  mariage,  vivaient  dans 
une  sorte  de  régularité  monastique. 

Beig'nets  (Marchandes  de).  Sébastien 
Mercier,  nous  a  conservé  le  portrait  suivant  de 
celle  qui,  vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  était 
installée  à  l'une  des  extrémités  du  Pont-Neuf: 
«  Elle  place  sa  poêle  à  frire  sur  un  réchaud  exposé 
en  plein  air,  et  dont,  en  passant,  vous  recevez  la 
fumée  au  nez.  Elle  emploie,  au  lieu  de  beurre, 
d'huile  ou  de  sain-doux,  un  cambouis,  un  vieil 
oing,  qu'elle  semble  avoir  dérobé  aux  cochers 
qui  graissent  les  roues  des  carrosses.  Des  polissons 
déguenillés  attendent  que  le  beignet  gluant  et 
visqueux  soit  sorti  de  la   poêle,  et  le  dévorent 

encore  chaud  et  brûlant  à  la  face  du  public 

Au  reste,  on  distingue  partout  le  Parisien,  en  ce 
qu'il  mange  sa  soupe  presque  brûlante  ^  ». 

Bénitiers.  «  Uans  une  des  églises  de  Paris 
était  un  vieillard,  de  ceux  ([ui  présentent  le 
goupillon  aux  bons  chrétiens  qui  entrent  ou  qui 
sortent,  et  qu'on  nomme  bénitiers. . .  ».  .T'emprunte 
cette  phrase  à  Rétif  de  la  Bretonne  •^,  qui  met 
partout  im  accent  circonflexe  sur  l'î  de  bénitier, 
mais  on  sait  qu'il  avait  adopté  une  orthographe 
un  peu  excentrique. 

D'après  M.  .Tal,  on  écrivait,  au  dix-septième 
siècle,  Benètiers  et  Benoistiers  '* . 

Benniers.  Voy.  Boisseiiers. 

Benoistiers.  Voy.  Bénitiers. 


1  Tome  II,  p.  475. 

2  Séb.  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  V,  p.  253. 

•'  Les  contemporaines,  111^  nouvelle,  t.  XIX,  p.  95. 
i  Dictionnaire  critique,  p.  194. 


76 


BERCERESSES  —  BESTIAUX 


Berceresses.  Voy.  Berceuses. 

Berceuses.  Femmes  attachées  au  service 
d"un  enfant,  et  chargées  de  le  bercer. 

Les  anciens  berceaux  ressemblaient  fort  aux 
nôtres.  On  les  frouve  nommés  d'abord  hers, 
berseil,  biers,  bersouere,  bercexdl,  berceiil,  puis 
bersoire  et  berseau  ' .  Tantôt  ils  reposaient,  comme 
nos  fauteuils  à  bascule,  sur  deux  morceaux  de 
bois  courbés;  tantôt  ils  étaient  portés  par  deux 
tourillons  évoluant  sur  des  montants  fixes  : 
tantôt  encore,  des  anneaux  de  fer  les  suspendaient 
en  Tair.  de  manière  à  rendre  le  bercement  plus 
facile  2. 

Dans  les  familles  bour<i;eoises,  le  berceau 
s'ornait  rarement  de  rideaux  ;  mais,  durant  la 
nuit,  il  était  recouvert  par  les  amples  courtines 
qui  entouraient  le  lit  maternel.  A  la  cour,  la 
berceuse  était  ordinairement  prise  parmi  les 
femmes  de  chambre  de  l'enfant. 

On  trouve  aussi  barseresses,  berceresses,  etc. 

Berchiers.  Nom  que  la  Taille  de  1202 
dniiiit'  aux  berj^ers. 

Berg-erelles.  Berg-erets.  Berg-e- 
rettes.  Bergeronnettes.  Berg-erons. 
Bergerots.  Bergerottes.  Voy.  Bergers. 

Bergers.  La  Taille  de  1292  cite  onze 
berchiers,  que  l'ordonnance  de  janvier  1.'351 
nomme  brrifiers. 

«  Le  berp^er  porte  en  m;iiu  une  houlelle.  qui 
est  un  bâton  emmanché  d'une  pelle  de  fer,  dont 
il  se  sert  Irés  adroitement  pour  lancer  des  pierres 
et  i\<i<,  mottes  de  terre  à  ses  chiens  lorsqu'ils  ne 
sont  pas  dociles  ^  »,  Le  berger  devait  encore 
aider  les  brebis  en  travail,  châtrer  les  agneaux, 
tcmdre  toutes  ses  bètesetles  soigner  dans  leurs 
midiuhVs. 

Audiger  reconunande  au  berger  «  d'ôter  le 
venin  de  sa  bergerie,  en  enterrant  un  crapaud 
loiil  vif  au  milieu  *  ».  .le  ne  trouve  cet  étrange 
procédé  indiqué  ni  dans  le  Théâtre  (F aqri culture 
d  Olivier  de  Serres,  ni  dans  la  Nouvelle  maison 
rustii^ue  de  Liger. 

Li's  biTgers  sont  encore  nommés  bersiers, 
jinstnurs.  etc.  Dans  les  œuvres  littéraires,  les 
diniinuliis  sont  très  nondireux.  .Je  citerai  seule- 
nw'iil,  pour  li's  hftmmes  bcrfjcrets,  beujerons, 
berijerols,  jins/nrels,  pastourels,  pastorim,  pastou- 
rcaux,  proiirs  (-[  proi/ers,  du  vieux  mot  proie, 
priii/K,  (lui  signiliail  troupeau,  et  pour  les  femmes 
bn-fierelh-s,  brryerellcs,  brrr/rm/metles,  ben/eri>tes, 
piislniirr/lifs,  ««le. 

Herbiers  •  t  Bersiers.  \  ..y.  Bergers. 
Bessons.  \ Oy.  Terrassiers. 

n*'."^li;m\  CoMMKiic.K  i.Ks  .  \(iv.  Abat- 
toirs.        BGHtiaux  (Marchands  de).  — 


N">.  '>a>.  liio»ttiirf  aiciriilfiififfiie.  I.    I,  p.   145. 
-  \oy.  \iol|,.t-l<'-D)ic.    nitlionnnire   du    mobilier    1    I 
37  '         ' 

•''  .laiihort,  Dictionnaire,  t.  I,  p.   247. 
*  /.'i  viaisoK  réjlét,  liv.  II.  chap.  IV. 


p.  Al 


Boucheries   hippophagiques.   —    Bou- 
chers.—  Bouviers.  —  Caisse  de  Poissy. 

—  Courtiers.  —  Gardeurs  de  bestiaux. 

—  Grrimelins.  —  Maître  des  bouchers. 

—  Nourrisseurs.  —  Poissonniers.    — 
Porcs  (Comnaerce  des).  —  Toucheurs. 

—  Trayeuses.    —   Trésoriers.   —     Va- 
chers. —  Veelliers.  —  Vendeurs,    etc. 

Bestiaux  (Marchands  de).  Forains  qui 
élevaient  des  bestiaux  et  venaient  les  vendre  à 
Paris. 

Au  moyen-âge,  des  soins  intelligents  étaient 
déjà  prodigués  au  bétail,  et  les  cultivateurs  de 
cette  époque  n'étaient  guère  moins  avancés  que 
les  nôtres.  Pour  n'en  citer  qu'un  exemple,  l'expé- 
rience leiu"  avait  fait  reconnaître  la  valeur 
culinaire  des  moutons  nourris  au  bord  de  la  mer, 
sur  la  côte  orientale  duCotentin.  Dès  le  onzième 
siècle,  la  réputation  du  pré-salé  était  bien  établie, 
et  Robert,  archevêque  de  Rouen  entre  989  et 
1037,  possédait  à  Varreville  des  troupeaux  dont 
il  appréciait  très  bien  les  mérites  ''. 

II  exista  de  très  bonne  heure  deux  marchés 
exclusivement  consacrés  à  la  vente  du  bétail  sur 
pied.  Les  bouchers  achetaient  les  bœufs  et  les 
porcs  aux  Champeaux,  emplacement  actuel  des 
halles  centrales,  et  les  moutons  dans  un  pré  situé 
au  delà  du  Louvre,  sur  le  bord  de  la  Seine. 

Le  MéiuKjier  de  Paris,  écrit  vers  1393,  nous 
apprend  que  cette  ville  consommait  alors  par 
semaine  : 

3.626  moutons,  soit  188.552  par  an. 
.583  bœufs,        —     30.316      — 
377  veaux,       —     19.604      — 
.592  porcs,        —     30.784     —     K 

Dans  les  années  immédiatement  antérieures  à 
la  Révolution,  Paris  consommait  par  an  : 

350.000  moutons. 

78.000  bœufs. 

120.000  veaux  ^ 

L'histoire  a  conservé  le  nom  de  Richard 
Graindorge,  fameux  éleveur  du  pays  d'Auge. 
Avant  même  que  la  royauté  aux  abois  en  fut 
venue  à  vendre  des  lettres  de  Jioblesse  «au 
porteur»,  comme  on  disait,  elle  en  imposait  à 
tout  homme  en  état  de  les  bien  payer.  De  la 
Roque  écrit  dans  son  Traité  de  la  noblesse'. 
«  Gomme  il  y  en  a  qui  inventent  toutes  sortes 
de  ruses  pour  se  prévaloir  du  titre  de  noble,  il  y 
•Ml  a  d'autres  qui  ont  le  goût  si  dill'éi'ent  qu'ils 
ont  refusé  cet  honneur,  préférant  leur  trafic  à 
cette  qualité.  El  nous  en  voyons  qui  ont  été  faits 
nobles  de  force  par  des  édits,  ayant  été  choisis 
comme  riches  et  aisés  pour  accepter  ce  privilège 
moyennant  une  finance.  De  ce  nombre  a  été 
Richard  flraindorge,  fameux  marchand  de  bœufs 
du  pays  d'Auge  en  Normandie,  qui  fut  obligé 


1  ^  iiy-    t..  Dciislc,  A'/utle  xiir  la  condition   de   lu  classe 
agricole  en  Xormandie  au  moyen  âge,  p.  239. 

2  Tonif  IT,  p.  84  Pt  suiv. 

■'  Fagnioz,  Kludes  sur  l'industrie  an.  moyen  nqe.  p.  182. — 
Voy.  aus.si  S.  Mt-rcicr,  Tableau  de  Paris,  t.  ÏX,  p.  304. 


BESTIAUX  —  BIBLIOTHECAIRES 


77 


d'accepter  ce  privilège  et  de  pajer  mille  écus  de 
finance  l'an  1577.  J'en  ai  vu  les  contraintes  entre 
ses  mains  de  Charles  Graindorge,  son  petit-tils, 
sieur  du  Rocher  »  ^. 

\'oy.  Bestiaux  (Commerce  des). 

Beurre  et  œufs  Si'ecialitk  de;.  Voj. 
Coquetiers. 

Beurriers.  Tilre  ([ui  a|)piu-l('ii;iil  ;i  In  corpo- 
nilion  (les  fruitiers. 

Dès  le  treizième  siècle,  on  criait  dans  les  rues 
de  Paris,  du  <^  hurro  Très»  -.  Au  seizième  siècle, 
le  plus  estimé  était  celui  de  Vanves,  qui  se 
débitait  en  petites  mottes  sur  lesquelles  un  moule 
avait  imprimé  les  armes  de  France.  Des  lettres 
patentes  du  16  mars  1668  avaient  autorisé  le  sieur 
Biaise  Gin  à  se  dire  beurrier  royal  de  Vauves  ; 
il  est  le  seul,  y  est-il  déclaré  «  qui  ait  trouvé  la 
perfection  de  faire  du  beurre  de  Vanvres,  dans 
la  bonté  et  l'excellence  qu'il  peut  estre  »  '^ 

Au  siècle  suivant,  on  donnait  la  préférence  au 
beurre  vendu  par  les  religieuses  de  l'Enfanl- 
Jésus,  établies  rue  Notre-Dame  des  Champs. 

La  comédie  d'Alizo)i,  écrite  en  1637,  est 
dédiée  «  à  mesdames  les  beurrières  de  Paris  ^  ». 
Il  y  avait  une  différence  entre  elles  et  les 
beurriers  ;  les  premières  ne  vendaient  qu'au 
détail  et  les  seconds  qu'en  gros  ^.  Les  épiciers 
faisaient  le  commerce  du  beurre  salé. 

Les  fruitiers  avaient  pour  patron  saint 
Léonard,  et  une  confrérie  de  beurriers  était 
placée  sous  le  patronage  de  saint  Christophe. 

Vo^■.  Coquetiers. 

Beuvetiers.  \'oy.  Buffe tiers. 

Bibeloteors.  Vov.  Jouets  (Fabricants 
de). 

Bibelotiers.  Nom  que  l'ordonnance  des 
Bannières  fjuin  14671  donne  aux  bimbelotiers. 
Vov.  Jouets  (Fabricants  de). 

Bibliothécaires.  Au  moyen  âge,  une 
bil)liothèque  est  dite  armaria,  armarimn,  hilAio- 
Oieca,  libraii'ie,  etc.,  et  un  bibliothécaire  arma- 
rius.  hibUothecarùis,  custos  bibliothecœ,  garde  de 
la  bibliothèque,  etc.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier 
qu'au  début  le  mol  bihJiotheca  désigne  presque 
toujours  la  Bible,  tandis  que  le  m.oi  bibliothecarins 
désigne  l'ecclésiastique  chargé,  dans  un  monas- 
tère, d'expédier  les  lettres  et  diplômes,  de  trans- 
crire et  de  conserver  les  actes  des  conciles,  etc. 

De  bonne  heure,  tous  les  couvents  \\\\  peu 
importants  possédèrent  une  bibliothèque  et  un 
bibliothécaire.  La  phrase  célèbre  :  «  claustrum 
sine  armario  quasi  castrum  sine  armamenta- 
rio  ••  »  date  du  douzième  siècle.  A  Kempis,  cité 
par  la  Règle  des  frères  de  Sainte-Croix  de  la 
Bretonnerie,  disait  deux  siècles  plus  tard  :  «  Une 


1  Page  67. 

2  Les  crieries  de  Paris,  par  Guill.  de  la  Ville  Neuve. 
•*  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  214. 

4  Ancien  théâtre  français,  t.  VIII,  p.  398. 

5  Encyclopédie  méthodique,    arts  et  métiers,  t.  I,  p.  245. 

6  Et.  Martène,  Thésaurus  anecdotorum,  t.  I,  p.  511. 


bibliothèque  est  le  vrai  trésor  d'un  monastère. 
Sans  elle,  il  est  comme  une  cuisine  sans 
chaudrons,  une  table  sans  mets,  une  rivière  sans 
poissons,  un  jardin  sans  fleurs,  une  bourse  sans 
argent,  une  vigne  sans  raisins,  une  tour  sans 
gardes,  une  maison  sans  meubles  *. 

Dès  le  treizième  siècle,  l'égli.se  Notre-Dame 
avait  reçu  de  nombreux  legs  de  livres  consti- 
tuant une  bibliollièque.  Ces  livres,  suivant  la 
volonté  de  la  plupart  îles  donateurs,  devaient 
être  tenus  à  la  disposition  des  pauvres  étudiants 

en  théologie:  «   acomodandos  pauperibus 

scolaribus  in  theulogia  sludentibus,  per  manus 
cancellarii  Parisiensis  qui  pro  tempore  fueril^  y>. 
En  général,  ces  livres  sont  légués  au  chancelier 
de  l'église,  mais  celui-ci  semble  avoir  été  chargé 
plutôt  de  la  surveillance  générale  de  la  biblio- 
thèque que  de  la  conservation  matérielle  des 
maïuiscrils.  Celte  dernière  prérogative  appar- 
tenait au  chevecier,  qui  était  ainsi  le  véritable 
bibliothécaire  •'. 

En  1290,  la  bibliothèque  de  la  Sorbo.nne 
renfermait  1017  volumes  *,  et  en  1321  les  deux 
bibliothécaires  de  la  maison  étaient  soumis  à  un 
règlement  assez  sévère.  Elus  par  les  Sorbon- 
nistes,  ils  recevaient  les  clefs  de  la  bibliothèque, 
mais  ne  devaient  les  confier  à  personne.  Ils 
étaient  responsables  des  livres  perdus  ou  détruits 
pendant  le  temps  de  leur  exercice  ;  autrement, 
ajoute-t-on,  leur  titre  de  conservateur  ne  serait 
qu'un  vain  mot,  «  aliter,  frustra  dicuntur  cus- 
todes ».  Ils  doivent  tenir  registre  des  ouvrages 
prêtés  hors  de  la  bibliothèque.  Et  l'on  ne  doit 
pas  .se  contenter  de  reproduire  le  titre  du 
manuscrit,  il  faut  transcrire  aussi  les  premiers 
mots  du  second  feuillet,  afin  que  l'on  ne  puisse 
changer  un  volume  contre  un  autre  de  moindre 
valeur  «  ne  fiai  fraus  in  commutando  librum 
majoris  precii  in  librum  ejusdem  speciei,  minoris 
tamen  precii  ^  ». 

On  sait  que  la  Sorbonne  finit  par  obtenir  la 
magnifique  bibliothèque  de  Richelieu.  Il  l'avait 
léguée  à  son  petit-neveu  Armand  de  Vignerot, 
qui  se  montra  indigne  d'un  tel  don.  Par  son 
testament,  le  cardinal  ordonnait  que  ses  li\Tes 
fussent  confiés  à  un  bibliothécaire  dont  il 
assurait  le  traitement,  et  qui  devait  surveiller 
attentivement  la  collection,  «  la  tenir  en  bon 
estât  et  y  donner  entrer  à  certaines  heures  du 
jour  aux  hommes  de  lettres  et  d'érudition  ». 
Dans  le  cas  où  le  cardinal  n'aurait  pas  nommé 
de  bibliothécaire  avant  son  décès,  il  veut  que  la 
Sorbonne  présente  trois  candidats  à  Armand  de 
Vignerot,  qui  sera  tenu  de  choisir  l'un  d'entre 
eux.  Déjà  gravement  malade,  hors  d'état  même 


1  Lucerna  splendens  super  candefabrum...  Opéra  et  studio 
(lodefrldl  a  Lit,  cruciferorum,  p.  153. 

2  Magnum  pastorale  Eccleslœ  parisiensis. 

3  «  G'estoitle  chancelier  de  l'Église  de  Paris  qui  avoit 
le  soin  de  la  librairie  ;  non  pas  qu'il  la  gardast  luy 
me.sme,  car  elle  esloit  entre  les  mains  du  chevecier, 
comme  l'on  voit  par  un  inventaire  de  Simon  de  Chéri  ». 
Cl.  Joly,  Des  écoles  éplscopales,  p.  242. 

4  Bibliothèque  de  l'Anseiiai,  manuscrit  n»855,  p.  223. 
î>     Bibliothèque  nationale,     manuscrits,    fonds    latin, 

n»  16.574,  p.  9 


78 


BIBLIOTHÉCAIRES 


de  signer  son  testament,  Richelieu  entre  ensuite 
dans  les  détails  les  plus  minutieux  relativement 
à  la  conservation  des  volumes,  au  balayage 
de  la  salle;  il  fixe  le  chiffre  de  la  somme  à 
employer  pour  les  gages  d'un  gardien  el  niênie 
pour  l'achat  des  balais.  Il  ordonne  enfin  que 
mille  livres  soient  consacrées  Ions  les  ans  à  tenir 
la  bibliothèque  au  courant  des  publicalions 
nouvelles  et  veut  que  les  acquisitions  soient 
faites  sur  l'avis  de  trois  docteurs  de  la  Sorbonne. 
A  Saint-Germain-des-Prés,  la  règle  de  la 
con^-ré^ation  de  Saint-Maur  avait  ainsi  résumé 
les  devoirs  du  bibliothécaire  : 

I.  On  préposera  à  la  bibliofhè(pie  nii  religieux 
versé  dans  les  sciences  et  la  bibliographie.  Il 
rassemblera  tous  les  livres  relatifs  au  monastère 
et  y  inscrira  le  nom  du  couvent  ;  il  les  répar- 
tira par  classes.  Lorsqu'il  en  prêtera,  de  l'avis 
du  supérieur,  il  les  inscrira  sur  un  registre 
où  signera  l'emprunteur.  Il  ne  confiera  des 
volumes  aux  étrangers  que  très  rarement,  jamais 
sans  l'ordre  (bi  supérieur  et  le  dépôt  d'une 
caution. 

II.  Les  livres  dangereux  et  défendus  seront 
gardés  par  le  supérieur  dans  une  armoire  fermée 
à  clef,  et  personne  ne  sera  admis  à  les  lire  sans 
.son  autorisation.  On  achètera  tous  les  ans,  selon 
les  ressources  du  couvent,  les  ouvrages  relatifs  ù 
Tt-tMl  t't  aux  éludes  monastiques. 

III.  Lf  bibliothécaire  rédigera  deux  cata- 
logues de  tous  les  livres,  ou  révisera  les  anciens, 
sur  lesquels  il  inscrira  les  volumes  nouvellement 
achetés.  L'un  de  ces  catalogues  sera  rédigé  par 
ordre  de  matières  et  l'autre  par  (jrdre  alpha- 
bétique ^ . 

.\  la  Faculté  de  médecine,  le  doyen  nouvel- 
lement élu  recevait  solennellement  les  livres 
appartenant  à  l'école  et  s'en  reconnaissait 
responsable.  Dans  le  premier  inventaire  de  ce 
genre  qui  nous  ail  été  conservé,  Pierre  Desvallées, 
élu  doyen  i'n  l'.i9h,  déclare  avoir  reçu  les  anciens 
statuts  (le  l'école,  un  registre  contenant  ses 
privilèges,  le  sceau  de  l'Université,  plusieurs 
cb'fs,  dont  dix  à  usage  inconnu,  et  ions  les 
livres,  iiu  iiondiri'  de  quinze,  qui  composaient 
alors  bihliollicquf  -. 

.\u  st'i/ième  siècle,  la  bibliothèque  de  l'abbaye 
(le  Saint-Victor  était  inic  des  plus  considérables 
lit'  Paris,  et  son  pn-niit-r  bibliothécaire,  Claude 
ili' (imm\TUc{C/(iii<lius  Je  Grundicico),  en  avait 
dressé  vers  151  :j  un  catalogui;  très  complet.  Le 
chantre  df  l'abbaye  paraît  avoir  ensuite  rempli 
ces  fondions,  qui  n'étiiienl  pas  oubliées  dans  la 
Rk(H,K  généndi-  de  Saint-Victor.  Le  bibliolhé- 
anrp  y  es|-il  dit,  possed.-ra  la  liste  de  Ions  les 
livres  du  couvent.  11  doit,  au  moins  deux  ou 
trois  fois  par  an,  les  feuilleter,  en  l'aire 
l'inventaire,  et  examiner  soigneusement  s'il  ne 
s'y  trouve  ni  vers  qui  les  ronge,  ni  rien  qui  leur 
nuise.   Il  ..si  diargé  de  la  surveillance  el  de  la 


•  CoHstitulioiirs  roHgregationis  Sniirfl  ,)f,ittri    caii    XII 
p.  22."i.  '       ' 

*  Commenlariu  medicinir  Faenltalis,  l.  I,  p.  2. 


direction  du  scriptoritim  ^  ;  il  choisit  les  copistes, 
leur  fournit  le  parchemin  et  les  autres  objets 
nécessaires  à  l'écriture.  Les  copistes  ne  peuvent 
rien  transcrire  sans  son  consentement  ;  il  les 
établit  dans  un  lieu  spécial,  au  sein  de  l'abbaye, 
mais  tranquille  el  écarté,  afin  qu'ils  se  livrent  au 
travail  loin  du  bruit  et  des  distractions  ;  il  veille 
à  la  pureté  des  textes,  à  la  ponctuation,  à  la 
reliure,  etc. 

Notre  Bibliothè(jue  nationale,  commencée  au 
palais  de  la  Cité  avec  les  douze  volumes 
appartenant  au  roi  Jean,  eut  pour  premier 
bibliothécaire  Gilles  Malet  qui,  en  1373,  dressa 
rinventaire  des  973  volumes  que  Charles  V  avait 
rassemblés  au  château  du  Louvre.  Ce  précieux 
document  a  pour  titre  :  «  Cy  après  en  ce pappier 
sont  escrips  les  licres  de  très  soîiverain  et  très 
excellent  prince  Charles,  le  quint  de  ce  nom,  par 
lu  grâce  de  Dieu  Roy  de  France,  estans  en  son 
chastel  du  Louvre,  en  troiz  chambres  Vune  sur 
l'autre  -.  L'an  de  grâce  m.ccc.ixxiii.  Enregistrez 
de  son  commandement  par  moy  Gilet  Mulet ^  son 
varlet  de  chambre. 

Gilles  Malet  mourut  en  janvier  1410,  et  eut 
pour  successeur  Antoine  des  Essars,  qui  est 
qualifié  «  d'écuyer,  varlel  trenchant  du  Roy, 
garde  des  deniers  de  l'espargne  et  de  la  libraierie 
du  Roy  nostre  seigneur  ».  Deux  ans  après,  des 
iOssars  est  remplacé  par  Garnier  de  Saint-Yon, 
qui  se  dit  «  commissus  ad  cuslodiam  librariœ 
Régis  in  Lupara,  et  aliorum  etiam  librorum 
quocumque  loco  fuerinl  ».  Comme  sou  prédé- 
cesseur, Garnier  fut  destitué  pour  avoir  pris  parti 
contre  la  maison  d'Orléans,  et  sa  place  fui 
donnée  à  Jean  Maulin,  «  clerc  du  Roy,  nostre 
sire,  en  sa  chambre  des  comptes  à  Paris,  et 
garde  de  sa  librairie  estant  au  Louvre  ». 
Franchissons  les  siècles  el  arrivons  à  l'année 
1795.  A  la  suite  d'un  rapport  de  Villiers, 
l'Assemblée  nationale,  considéraid  «  qu'il  existe 
une  place  de  bibliothécaire  créée  par  un  tyran 
que  la  llalterie  a  surnommé  le  restaurateur  des 
lettres...  ;  que  le  mérite,  incapable  de  s'avilir  en 
rampant,  fui  privé  de  cette  position  qui  fut 
réservée  à  quelques  familles  privilégiées  dont  la 
bibliothèque  semblait  être  l'héritage  "^  ;  qu'ainsi, 
dans  les  états  monarchiques,  tout  est  trafic  ou 
prérogatives,  mais  que  le  régime  républicain 
ne  soulire  point  de  charges  aristocratiques  », 
déclara  supprimée  la  place  de  bibliothécaire, 
el  ordonna  que  la  Bibliothèque  nationale 
serait  désormais  administrée  par  un  conser- 
vatoire   composé    de    huit    membres,    et    qui 


1  Voy.  ci-de.ssous  l'art.  Copistes. 

2  l'Jans  la  lour  située  à  l'angle  nord-ouest. 

■'  \'illiers    fait   ici   allusion    à   la  famille  Bignon,    qui 
n'-gna  sur  la    bibliothèque   pondant   plus   d'un   siècle   et 
demi.  Les  Bignon  s'y  succédèrent  dans  cet  ordre  : 
Jérôme      1  VÀ^mm,  maître  de  la  librairie.  .  .    1012-1  C.')l. 

—  n        —  —  ...    10.">1-1C72. 

—  ni        —  —  ...    1072-1084. 

(laniille  Lett^llicr,  bibliothécaire  du  roi 108-1-1718. 

.1.-1'.  Bignon  —       1718-1741. 

Bignon  de  Blanzy,      —       1741-1743. 

A. -J.  Bignon,         —       1743-1772. 

J. -F. -G.  Bignon,       —       1772-1783. 


BIBLIOTHECAIRES  —  BIENFAISANCE 


79 


choisirait  lui-même  dans  son  sein  un  directeur  * . 

Parmi  les  bibliothécaires  qui  ont  laissé  un 
nom  dans  l'histoire,  il  est  dû  une  mention  parti- 
culière au  Père  Guignard,  bibliothécaire  du 
collège  de  Clerniont,  étaldissenient  dirigé  par  les 
jésuites.  Le  Père  Guignard,  compromis  dans 
l'attentat  de  Jean  Chàlel  contre  Henri  IV,  lut 
pendu  et  brillé  en  place  de  Grève  ;  ce  qui,  au 
reste,  lui  valut  l'honneur  d'être  placé  par  les 
jésuites  au  rang  des  martyrs  -. 

Ce  litre  conviendrait  mieux  au  bou  et  savant 
(iabriel  Naudé,  qui  après  avoir  passé  six  années 
à  composer  de  toutes  pièces  la  bibliothèque  de 
Mazarin,  eut  la  douleur  de  voir  cette  admirable 
collection  saisie,  pillée,  vendue  à  l'encan.  Il 
mourut  sans  avoir  eu  la  consolation  de  la  retrouver 
reconstituée  par  les  ex-i'rondenrs  eux-mêmes  qui, 
redevenus  courtisans,  vinrent  au-devant  des 
désirs  du  cardinal,  et  s'empressèrent  d'acquérir 
des  titres  à  sa  reconnaissance  en  restituant  spon- 
tanément tous  les  objets  qiù  étaient  restés  entre 
leurs  mains. 

Par  testament  daté  du  0  mars  1661,  Mazarin 
fondait  un  collège,  auquel  il  léguait,  non  seule- 
ment sa  bibliothèque,  mais  encore  les  boiseries, 
bancs,  tables,  armoires  qui  la  garnissaient.  Des 
lettres  patentes  (mars  1688)  organisèrent  le 
collège  et  réglèrent  ainsi  le  service  de  la  biblio- 
thèque : 

«  Le  bibliothécaire  sera  nommé  par  la  maison 
et  société  de  Sorbonne,  et  choisi,  autaid  qu'il  se 
pourra,  du  nombre  des  docteurs  de  la  maison. 

Il  aura  la  nomination  d'un  sous-bibliothécaire 
et  de  deux  serviteurs  qui  n'auront  d'autre  soin 
que  celui  de  la  bibliothèque  ;  lesquels  il  pourra 
destituer  lorsqu'il  le  jugera  à  propos. 

Le  bibliothécaire  se  chargera  par  inventaire 
des  livres  de  la  bibliothèque,  des  manuscrits  et 
des  meubles  qui  y  doivent  estre  destinés. 

La  bibliothèque  sera  ouverte  au  public  deux 
jours  de  la  semaine,  le  lundi  et  le  jeudi  depuis 
huit  heures  du  matin  jusques  à  dix  heures  et 
demie,  et  depuis  deux  heures  après  midi  jusques 
à  quatre  en  hiver  et  jusques  à  cinq  en  esté. 

Le  bibliothécaire,  le  sous-bibliothécaire  et  les 
deux  serviteurs  seront  tenus  de  se  trouver  dans 
la  bibliothèque  aux  jours  et  heures  ci-dessus 
marqués,  pour  donner  les  livres  qui  seront 
demandés  et  pour  veiller  qu'ils  ne  soient  gastés 
ou  emportés. 

Le  grand-maistre,  le  procureur  ^  et  le  biblio- 
tliécaire  seront  perpétuels,  et  leur  nomination 
appartiendra  à  la  maison  et  société  de  Sor- 
bonne ». 

Ces  prescriptions  furent  rigoureusement 
exécutées,  même  celle  qui  rendait  le  bibliothé- 
caire responsable    des    volumes    commis    à    sa 


1  «  Il  sera  nommé,  dans  le  snin  du  conservatoire  et 
par  les  conser\'ateurs  eixx-mêmes,  un  directeur  tempo- 
raire, dont  les  fonctions  se  borneront  à  surveiller  l'exé- 
cution des  règlemens  et  délibérations  du  conservatoire, 
qu'il  présidera  ». 

-  Par  le  Père  Jouvency  entre  autres.  Voy.  aussi 
Lestoile,  Journal  de  Henri  IV,  30  juin  1610. 

3  Du  collège. 


garde,  et  plus  d'une  fois  l'on  prit  sur  sa  succes- 
sion la  somme  nécessaire  pour  remplacer  quelques 
ouvrages  qui,  durant  sa  gestion  avaient  été 
détruits  ou  éorarés  ^ . 


Bibloteurs. 
de). 


\  oy.  Jouets  (Fabricants 


Bibolle  (Joueurs  dk).  Parmi  les  musiciens 
de  la  chambre  du  roi  en  1584  Hgure  un  sieur 
Fourcatle,  qui  est  qualifié  «  joueur  de  bibolle  ». 
M.  A.  JaP  croit  que  cet  instrument  était  une 
variété  de  notre  tliite. 

Bidaux.  Vuy.  Bedeaux. 

Bienfaisance  (Œuvres  de).  Il  serait,  je 
crois,  facile  de  démontrer  que  la  condition  de 
l'ouvrier  au  moyen  âge  était  supérieure  à  sa 
condition  actuelle,  tout  au  moins  à  celle  qui  lui 
était  faite  encore  il  y  a  un  demi  siècle.  J'entends 
parler  ici,  non  du  plus  ou  moins  de  bien  être 
dont  il  jouissait,  il  avait  participé  aux  progrès 
réalisés  en  ce  sens,  mais  de  sa  condition  morale 
et  suciale. 

S'ensuit-il  que  je  souhaite  le  rétablissement 
des  corporations?  Non  pas.  D'abord,  la  politique 
aujourd'hui  s'en  mêlerait  et  gâterait  tout.  Ensuite, 
on  nous  rendrait  les  corporations  telles  qu'elles 
furent  à  l'époque  de  leur  décadence  ;  car  pour 
ce  qui  est  de  les  reconstituer  dans  l'étal  où  nous 
les  trouvons  au  moyen  âge,  il  n'y  faut  point 
songer.  Rien  ne  saurait  rétablir  l'égalité  presque 
complète  qui  existait  alors  entre  patrons  et 
ou\Tiers,  pas  plus  que  les  sentiments  fraternels 
qui  unissaient  les  patrons  d'un  même  corps  de 
métier.  En  veut-o]i  quelques  preuves? 

Les  meuniers  du  Grand-Pont''',  maîtres  et 
ouvriers,  juraient  de  se  prêter  mutuellement 
assistance  si  la  crue  du  fleuve  devenait  mena- 
çante *. 

Chez  les  boucliers  de  fer  ^  et  les  faiseurs  de 
courroies  ^,  les  fils  de  maître  restés  orphelins  et 
sans  fortune  étaient  mis  en  apprentissage  aux 
frais  de  la  communauté. 

Les  statuts  des  fourbisseurs  interdisent  tout 
colportage  dans  les  rues,  sauf  aux  maîtres  trop 
pauvres  pour  payer  le  loyer  d'une  boutique  "' . 

Dans  les  premières  années  du  quinzième  siècle, 
les  mégissiers  stipulent  que  tout  maître  occupant 
au  moins  trois  ouvriers  ne  pourra  refuser  d'en 
prêter  un  à  son  confrère  «  a3''ant  besongne  haslive 
et  nécessaire,  pourluy  aidier  à  parfaire ycelle  ^  ». 

Chaque  crieur  ne  doit  annoncer  qu'un  seul 
enterrement  par  jour,  «  afin  que  chacun  d'eux 
ait  des  besongnes  par  égale  portion,  au  mieux 
que  faire  se  pourra  ^  ». 


1  ^'oy.  A.  V. ^Histoire  de  la  bibliothèque  Macarine, p.  191 . 

-  Dictionnaire  critique,  p .  221. 

3  I^e  pont  au  Change. 

*  Livre  des  métiers,  titre  II,  art.  8. 

S  Livre  des  métiers,  titre  XXI,  art.  6. 

*>  Livre  des  métiers,  titre  LXXXVII,  art.  7. 

"^  Statuts  de  1290,  dans  G.  Depping,  Ordonn.  relatires 

aux  métiers,  p.  366. 

8  Statuts  de  mai  1407,  art.  11. 

9  Ordonnance  de  février  1415,  chap.  ix,  art.  15. 


80 


BIENFAISANCE 


Au  seizième  siècle,  lorsqu'un  maître  brodeur 
avait  soumissionné  une  lournilure  importante, 
celle  des  troupes,  par  exemple,  il  était  tenu  de 
partager  avec  les  autres  maîtres,  de  leur  donner 
ù  eA.6cutej-  une  pallie  de  lu  conunaude  aux  condi- 
tions que  lui-même  avait  acceptées,  réserve  faite 
seulement  des  Irais  de  soumission  '. 

Les  cordonniers  s'eng-aji;paient  tous  à  pajer  le 
même  salaire  à  leurs  ouvriers  :  le  maître  qui 
aurait  ofierl  davanlag-e  eût  était  soupçonné  de 
vouloir  débaucher  ceux  de  ses  confrères"^. 

Dans  leurs  statuts  de  1G60,  les  tailleurs  pré- 
voient le  cas  où  des  maîtres  pauvres  manqueraient 
d'ouvrage.  Ils  sont  invités  à  se  réunir  dans  un 
lieu  spécial,  où  les  maîtres  plus  heureux  viendront 
les  trouver,  el  leur  fourniront  du  travail,  «.  afin 
qu'ils  puissent  être  tous  occupés  de  leur  métier 

el  (^airiier  leur  vie  '^  ». 

... 
Au  dix-huitième  siècle,  l'amour  dug-ain  avait 

bien  alfaibli  les  principes  de  confraternité  com- 
merciale qui  animait  au  début  les  corporations; 
néiinmoins,  on  punissait  encore  sévèrement  le 
commerçant  convaincu  d'avoir  «  offert  des 
marchandises  à  un  prix  inférieur  à  celui  que 
le.sdites  marchandises  ont  coutume  d'être  vendues 
par  les  autres  marchands*  ».  La  science  écono- 
mique a  changé  tout  cela,  et  je  crois  qu'elle  a 
bien  fait.  Mais  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  le 
règne  de  la  concurrence  à  outrance,  fondement 
actuel  de  l'industrie,  a  transformé  en  ennemis 
acharnés  des  gens  (jui  jadi>  juraient  de  s'aimer 
et  de  s'entr'aider  en  toute  occasion.  El  presque 
toujours  ce  serment  était  tenu.  La  communaulé 
avait  tout  intérêt  à  ce  qu'il  le  fût;  le  prévôt  de 
l'aris,  clu'f  direct  des  corporations,  y  veillait 
aussi,  intervenait  parfois  pour  exiger  le  re.spect 
d»'  statuts  qu'il  avait  révisés  et  sanctionnés. 

Dans  la  corporation  des  cuisiniers,  un  tiers 
des  amendes  était  employé  à  .soutenir  les  maîtres 
el  les  ouvriers  tombés  dans  la  misère  par  suit(;  de 
mauvaises  affaires  ou  pour  cause  de  vieillesse  : 
«  Le  tiers  des  amendes...  soil  pour  soustenir  les 
piivres  vielles  gens  du  mt'slier  qui  seront  decheuz 
[)ar  fait  de  niai'chandise  ou  de  viellece  "'  ». 

(^hi'z  les  orfevn-s,  une  boutique  restait  ouverte 
cliaqiK!  dimanche,  ù  tour  de  rôle.  Le  gain  fait 
ptMidanl  cette  journée  était  mis  de  côté,  el 
••iiiplnvé  il  donner  le  jour  de  Pâques  un  repas 
aux  pauvres  malades  de  l'Hùtel-Dieu  «.  En  l.'JDU, 
les  maîtres  tirent  construire,  dans  une  rue  qui 
«li'vint  la  rue  des  Orfèvres,  une  maison  commune, 
coHipreuant  un  hospice  où  étaient  recueillis  les 
pauvn's,  les  infirmes  el  l.-s  veuves  appartenant  à 
la  corporation  ''. 

l'our  chaqu.'  pi.-ce  dr  (liap  (pfils  achetaient, 
les  drapiers  v»'rsai.Mil  diins  une  cai.sse  spéciale 
un  denier  parisis  destine  ii  acheter  du  blé  pour 
le.s  pauvres.  Quand  se  réunissait  la  confréri.-.   un 


'  Stniiil.s  (|..  l&oo,  art.  10. 
•  ■-'  '"Us  ,1,.  1014.  art.  21. 
12. 
itiaiiw  tlo  [K.lico  du  I"juillii  1734. 
Lif.,e  4rs  iw'fiers.  lilro  LXIX,  art.  M 
••   /.irrf  dfs  métiers,  titii-  XI,  ail.  8. 
'   \<>y.    L'-i-oy.  SlalHls  des  orfèvres,   j..  35,   .-1  Juillet 
quartier  SainU'-Opportuno,  p.  40. 


banquet  suivait  les  exercices  religieux,  et  les 
pauvres  n'y  étaient  pas  oubliés.  A  chacun  de 
ceux  de  l'Hôtel-Dieu,  on  envoyait  un  pain,  une 
pinte  de  vin  el  un  morceau  de  viande.  Les 
prisonniers  du  Cbâtelet  recevaient  à  peu  près 
autant,  et  s'il  se  trouvait  dans  le  nombre  un 
gentilhomme,  il  avait  droit  à  deux  mets.  On 
donnait  encore  un  mets  à  chaque  accouchée  de 
l'Hôtel-Dieu,  un  pain  à  chacun  des  religieux 
Jacobins  et  Gordeliers  et  à  tous  les  mendiants 
qui  se  présentaient  pendant  le  repas*. 

Il  était  interdit  aux  boulangers  de  cuire  le 
jour  des  Morts,  à  moins  qu'il  ne  s'agit  d'échaudés 
destinés  aux  pauvres,  «  ce  ne  sont  eschaudez  à 
donner  por  Dieu  ^  ». 

Chez  les  faiseurs  de  lapis  sarrazinois,  la  moitié 
du  montant  des  amendes  était  appliquée  aux 
pauvres  de  l'église  des  Innocents,  où  la  commu- 
nauté avait  sa  confrérie  ^ . 

La  volaille  et  le  gibier  saisis  en  cas  de  contra- 
vention chez  les  poulaillers  étaient  attribués 
tantôt  aux  malades  de  l'Hôtel-Dieu,  tantôt  aux 
prisonniers  du  (^hàtelet*. 

Mais  voici  qui  est  mieux  encore.  Dès  1319, 
les  fourreurs  de  vair  avaient  formé,  en  dehors  de 
toute  préoccupation  religieuse,  une  véritable 
société  de  secours  mutuels.  Le  10  février,  le 
prévôt  de  Paris  homologua  les  statuts  de  cette 
société  qui  ont  été  retrouvés  et  publiés  par  M.  G. 
Fagniez  '•.  Les  ouvriers  qui  désiraient  participer 
aux  avantages  de  l'association  payaient  un  droit 
d'entrée  de  dix  sous  six  deniers,  et  versaient  une 
cotisation  d'un  denier  par  semaine.  On  cessait 
d'avoir  droit  ù  l'assistance  lorsque  les  versements 
en  relard  dépassaient  dix  deniers.  Six  personnes, 
élues  chaque  année  par  la  communauté,  recevaient 
les  cotisations,  qui  étaient  employées  exclusive- 
ment à  secourir  les  ouvriers  malades.  On  leur 
fournissait  trois  sous  par  semaine  pendant  tout 
le  temps  que  durait  leur  incapacité  de  travailler  ; 
trois  sous  encore  pendant  la  semaine  où  ils 
entraient  en  convalescence  ;  trois  sous  enfin 
«  pour  soy  effoi'cer  »,  c'est-à-dire  pom*  leur 
permettre  de  reprendre  des  forces,  de  se  rétablir 
tout  à  fait.  A  peu  de  choses  près,  c'est  encore  là 
le  procédé  adopté  par  les  sociétés  de  ce  genre. 

En  août  1345,  les  corroyeurs  font  renouveler 
leurs  statuts  ^,  et  ils  y  insèrent  une  clause 
portant  que  tout  maître  avant  de  s'établir  versera 
une  somme  de  cinq  sous,  «  lesquelz  cinq  solz 
seront  distribuez  aux  po\Tes  hommes  dudit 
mestier  qui  ne  pourront  gagnier  leur  pain  ». 

La  grande  ordonnance  de  février  1415,  qui 
réglementa  les  fondions  des  divers  agents  de  la 
numicipalité.  renferme  plusieurs  mentions  de  la 
même  nature. 

Les  vendeurs  ''  el  les  courtiers  de  vin  payaient 
cha(iut'   mois   une   cotisation   de    huit     deniers, 


1  Statuts  de  1309,  art.  4  à  8. 

2  Livre  des  métiers,  titre  I,  art.  28. 

•■'  Livre  des  métiers,  litre  LI,  art.  13. 

*  Livre  des  métiers,  titre  LXX,  art.  11. 

•>  Ktudes  sur  riiulustrie,   \).  290. 

Ji  Ordonnances  royales,  t.  XII,  p.  18. 

'  Intermédiaires  entre  le  marcliand  en  gros  el  l'achc 
leur. 


BIENFAISANCE  —  BIJ0UTII<:RS  KN  FAUX 


81 


«  pour  a^^ler  à  vivre  ausdits,  s'ils  venoient  ou 
cheoient  en  mendicité  '  ». 

Les  crieurs  s'imposaient  une  retenue  de  deux 
deniers  par  semaine,  «  pour  estre  emplctyée  à 
ajder  ceux  d'iceux  crieurs  qui  cherront  en  mendi- 
cité ou  nécessité  de  maladie  ou  de  vieillesse, 
parquoy  ils  ne  puissent  leurs  offices  exercer,  ne 
iïaiurner  leur  vie  ^  ». 

Les  mesureurs  de  bois  s'enn^af>"ent  à  donner 
quatre  sous  par  semaine  à  celui  d'entre  eux  qui 
«  chet  en  nécessité  de  maladie  •*  ». 

Les  porteurs  de  blé  veulent  que  leurs  confrères 
«  vielz,  caducs  et  malades  »  soient  dispensés  du 
service  et  employés  à  l'adminislraiion  de  la 
conniiunauté  *. 

En  1566,  une  partie  des  amendes  prononcées 
contre  les  couvreurs  est  «  appliquée  aux  pauvres 
ouvriers  dudit  mestier,  qui  tombent  ordinai- 
rement de  dessus  les  maisons  ^  ». 

En  1583,  les  tailleurs  décident  qu'il  sera  créé, 
pour  secourir  les  pauvres  de  la  communauté,  une 
caisse  entretenue  par  les  maîtres  et  les  ouvriers 
du  métier,  chacun  «  selon  sa  bonne  volonté  et 
courtoisie  ^  ». 

Pour  finir,  un  article  vraiment  touchant 
emprunté  aux  statuts  d'une  bien  humble  corpo- 
ration, celle  des  faiseurs  de  pain  d'épices  :  <.<  Si 
l'un  des  compagnons  est  en  chemin  et  n'a  de 
quoy  pour  passer  sondit  chemin,  les  autres 
compagnons  seront  tenus  de  luj  bailler  ou  prester 
jusques  à  la  somme  de  deux  escus  '^  ». 

Cette  longue  énumération  s'arrêtera  ici.  Les 
merciers  continuent  bien  à  secourir  les  pauvres  ^, 
les  orfèvres  continuent  bien  à  donner  leur  repas 
annuel  ^ ,  mais  ils  accomplissent  cette  bonne 
œuvre  avec  plus  d'ostentation  que  n'en  permet  la 
charité.  La  corporation  du  moyen  âge  n'existe 
plus  que  de  nom.  La  royauté,  toujours  à  court 
d'argent,  l'a  asservie  à  son  profit.  Qu'elle  ait 
d'abord  cherché  à  lui  infuser  un  peu  de  sang 
nouveau,  à  y  réformer  quelques  abus,  qu'elle  ait 
voulu  en  rendre  l'accès  plus  facile,  et  réagir 
contre  l'esprit  de  routine  inhérent  à  tout  corps 
qui  se  recrute  soi-même,  on  ne  peut  le  nier  ^'^. 


1  Cliap.  V  et  VI,  art.  5. 

2  Chap.  IX,  art.  6. 

3  Cliap.  XIII,  art.  6. 

4  Chap.  II,  art.  15. 
^  Statuts,  art.  17. 

6  Statuts,  art.  29. 

1   Statuts  de  1596,  art.  14. 

8  Voy.  Saint  -  Joanny,  Recueil  des  délibéiations  des 
merciers,  p.  181. 

9  Leurs  registres  mentionnaient  cliacjue  année  le 
nombre  des  pauvres  que  la  corporation  avait  traités  le 
jour  de  Pâques.  Au  seizième  siècle,  ce  nombre  s'éleva 
parfois  à  plus  de  deux  mille.  Voici  quelques  chiffres  : 

En  1537,  il  fut  de  :  1.1,50  En  1568,  il  fut  de  :  1.220 
En  1552,  —  1.897  En  1568,  —  1.800 
En  1555,  —  2.000  En  1586,  —  1.500 
En  155T,  —  2.070  En  1587,  —  1.850 
En  1559,         —         1.140  En  1596,         —         1.200 

10  Ledit  de  décembre  1581  et  celui  d'avril  1597  pres- 
crivent les  meilleures  réformes  que  l'on  put  alors  tenter 
d'introduire  au  sein  des  corporations.  Mais  à  dater  de  ce 
moment,  les  lettres  patentes,  ordonnances  et  édits  qui 
concernent  les  corps  de  métiers  n'ont  plus  guère  pour 
objet  que  de  les  rançonner. 


Mais  en  même  temps,  elle  a  enlevé  à  la  commu- 
nauté son  caractère  familial.  C'est  l'État 
désormais  qui  secourra  les  ouvriers  malades  et 
les  recevi-a  dans  ses  hôpitaux  ;  c'est  lui  qui,  pour 
les  enfants  orplielins,  ouvrira  des  asiles  et  des 
écoles  d'apprentissage.  * 

Voy.  Corporations. 

Bijoutiers.  Fabricants  de  bijoux.  Le  bijou 
dillérait  du  joyau  en  ce  qu'il  n'y  entrait  ni 
tliamants,  ni  perles,  ni  pierres  fines.  D'autre 
part,  le  mot  bijou  avait  un  sens  plus  large 
qu'aujourd'hui  ;  il  comprenait,  en  effet,  «  toutes 
sortes  de  petites  curiosités  qui  servent  à  orner  les 
personnes  et  les  appartemens  :  vases  de  porce- 
laine, pommes  de  cannes,  tabatières,  etc.  ^  », 
en  somme  à  peu  près  ce  que  nous  nommons  des 
bibelots. 

Les  bijoutiers  appartenaient  à  la  corporation 
des  orfèvres. 

Vo) .  Bijoux  (Commerce  des). 

Bijoutiers  en  faux.  Dès  le  treizième 
siècle,  il  existait,  à  côté  de  la  corporation  des 
lapidaires,  iXiis  perriers  de  pierres  natureus  ^,  des 
fabricants  de  faux  diamants,  de  pierres  artifi- 
cielles. Nommés  voirriers,  imrriniers,  perriers 
(le  verre,  etc.,  ils  travaillaient  celui-ci  de  manière 
à  imiter  les  pierres  les  plus  précieuses.  La  Taille 
de  i292  cite  dix-sept  voirriers,  je  n'en  trouve 
plus  ((u'un  dans  la  Taille  de  1300.  Leiu-s  statuts 
de  1340  fixent  la  durée  de  l'apprentissage  à  sept 
ans  au  plus  et  à  cinq  ans  au  moins. 

Les  lapidaires,  qui  travaillaient  les  pierres 
fines,  exigeaient  dix  années  au  moins,  et  tenaient 
à  honneur  de  ne  pas  être  confondus  avec  les 
perriers  de  verre.  Ceux-ci  pourtant,  faisaient 
preuve  d'une  telle  habileté  que  les  «  pierres  de 
voirre  »,  les  «  esmeraudes  de  vouarre  »,  les  «  rubis 
de  vairre  »,  le  verre  teint  en  manière  d'agate 
ressemblaient  fort  aux  «  pierres  natureus  ». 
Souvent,  écrit  Le  propriétaire  des  choses,  «  les 
faulces  pierres  sont  si  semblables  aux  vrayes, 
que  ceux  qui  mieulx  si  cognoissent  y  sont 
deceulx  '^ . 

Les  reines  alors  n'hésitaient  pas  à  se  parer 
d'imitations,  car  Jeanne  d'Évreux  laissa  eu 
mourant  deux  chapeaux  ornés  de  pierres  fausses*. 
On  les  voit  abonder  aussi  sur  les  châsses  où 
reposaient  de  saintes  reliques.  Le  mot  doublet, 
qui  se  rencontre  souvent  à  cette  époque,  désignait 
deux  morceaux  de  verre  ou  de  cristal  réunis  par 
un  paillon  ou  une  couche  de  peinture  ". 

Au  dix-septième  siècle,  l'industrie  des  pierres 
fausses  se  concentra  dans  la  cour  du  Temple. 
«  Il  y  a  un  homme  au  Temple,  écrit  Tallemant 
des  Réaux  ",  cjui  a  trouvé  le  secret  de  teindre  les 
cristaux  ».  11  imitait  les  diamants,  les  émeraudes. 


1  Dictionnaire   de    Trévoux,   t.  I,    p.    901.   —    Encyclo 
pédie  méthodique,  commerce,  t.  I,  p.  250. 

2  \  oy.  lart.  Lapidaires. 

3  Voy.  E.    Babelon,  Histoire  de  la  peinture  sur  gemme, 
p.  78. 

*  De  Laborde.  Notice  des  émaux,  p.  442. 
S  Voy.  Ducange,  Glossaire,  au  mot  doble'.us. 
C  Historiettes,  t.  IV,  p.  364. 


82 


BIJOUTIERS  EN  FAUX  —  BILLONXEURS 


les  lopazes,  les  rubis  '  :  d'où  le  iioni  de  diamants 
ilu  Teiiijtle.  dniiiié  u  toutes  les  l'tiiisses  piei'reries. 
Comme  les  marchands  du  Palais  en  vendaient 
aussi.  Ton  disait  encore  hijonx  ihi  Palais.  La- 
Ibnlaine  emploie  le  mol  happcUmrdc  : 

Toul  i-sl  fin  (liiiiiiant  aux  iiiain.s  il'un  habii''  huiMini-, 
Tout  (It'vient  happelourdc  ciilie  les  mains  d'un  spt?. 

El  je  lis  dans  une  pièce  publiée  en  1622: 
«  C'est  une  feuille  blafarde  que  l'on  met  sous 
une  happelourde  pour  la  faire  passer  pour 
diamant  •'*   >. 

Les  ilia ïii a n ts (FA (ençnn,  \q^  jargons  d' A utergne, 
les  dia'iiiuats  du  Aie  doc  étaieid  des  cailloux 
Iransparenis  qui  brillaient  surtout  sur lescost unies 
de  tliéàtre  *.  et  que  l'on  imitait  tolit  comme  les 
pierres  les  plus  fines  ^ , 

L'édit  de  mars  IG73  nous  apprend  qu'il  existait 
alors  ù  Paris  trente  vendeurs  de  faux  diamants. 
Ils  n'étaient  pas  constitués  en  communauté. 

Le  stras,  qui  jouit  pendant  lonu,-lemps  d'une 
si  «rrande  vo'^ue.  fui  inventé,  à  la  lin  du  dix- 
septième  siècle,  par  un  sieur  Stras,  né  à 
Strasbourg,  et  dont  un  descendant  était  établi  à 
Paris  en  1757  sur  le  quai  des  Orfèvres  ".  Un 
sieur  Cagniard,  qui  demeurait  rue  Neuve  Saint- 
Denis  ■*,  se  disait  marcliand  de  «  pierres  de 
cristal  et  d'estraz  ».  D'autres  prenaient  le  nom 
de  lapidaires-fausseliers  *. 

Les  perles  fausses  sont  mentionnées  déjà  dans 
le  Lirrc  des  métiers.  L'article  G  des  statuts  des 
merciers  '•'  leur  iiderdil  l'emploi  des  «  pelles 
fausses,  blanches  ne  dorées  »,  mais  on  ne  possède 
aucun  renseirriiement  sur  les  procédés  de  fabri- 
cation à  celte  époque.  Les  Tailles  de  1292  et  de 
l'.iUii  citent  chacune  six  peUiers.,  qui  pourraient 
bien  être  des  labncanLs  de  perles.  En  1G84,  un 
sieur  Jacquin  avait  imaginé  d'étamer  du  verre 
avec  une  sorte  de  pâle  composée  d'écaillés 
d'ableiles  '".  Le  Livre  coruriiode  'pour  i692 
déclare  ipie  ces  })erles  «  ressendilent  fort  aux 
nalundles  />,  et  il  nous  apprend  qu'on  en  trouvait 
alors  clie/  trois  marchands  loi^^i-s  rue  du  l'clil- 
Lion  et  rue  Saint-Denis  '  '. 

Les  imitations  de  Vor  étaient  déjà  très  nom- 
lireuses.  Les  plus  en  yuyrwa  èlaienl  ie  similor,  le 
r/n-i/sorale,  le  tombar,  le  piiichbeck,  toutes  compo- 
sitions de  cuivr- jaiuie  uiu  au  zinc,  à  l'élain.  au 
ploudi,  etc. 

Bijoux   CoMMKitct;  oEs).  Voy.   Baguet- 

tlars.         Bijoutiers.  —    Bijoutiers    en 

faux.       Corailleurs.    -  Dami-Caintiers. 

-     Diamantaires.     -    Fermaux    (Fai- 


»   Fnunvrr.  Journnl  ,/*««  onj.nje  à  Paru  ai  tG07,  i».  lir. 

5  hoitrt  XXV,  t    1\.  |,.  21  J. 

^  .WHippée  de  francim,  dons  ICI.  Fouinior.  Vwiétés 
1.  \.   I'    2lH. 

J  Voy.  'InlLninnl  ^\<»  lU-aiix.  t.  H.  |,.  2111. 

•'•  Vi'y-  HnudicMni.r  .1».  HI«iic..iiil,  //,„■/  de  /„  cerrrrie 
liv.  N  .  rlin]..  137  ••l  suiv. 

^  A.  Jnl.  DirlionHaii-e  fiitique.  p.   1152. 

*  Hfvi'iuK-  rui>   Hioiidi'l. 

"  MmiiHiirh  IhHuhiii  iiiitir  l";77 

••'    I  .<...  lAW. 

•"   Ll^t.•|•.    Voffayr  ii  l'nris,  p.   132. 

«'  Toim-  1,  p.  2I«. 


seurs  de).  —  Graveurs  sur  pierres 
fines.  —  Joailliers.  ~  Lapidaires.  — 
Orfèvres.  —  Métaux  précieux.  —  Or 
et  argent  (Marctiands  d').  —  Ordres 
français  et  étrangers.  —  Perles  (Com- 
marce  des;.  —  F»etit-Dunkerque.  — 
Touche  de  Paris.  —  Tréiliers,  etc. 

Billard  (Maîtres  de).  «  ïl..  y,a  au  moins 
soixante  jeux  de  billard  distribués  dans  les 
différens  quartiers  de  Paris.  Ces  jeux  ne  sont 
guère  aujourd'hui  fréquentés  que  par  des  domes- 
tiques ou  des  gens  de  bas  étage  ;  les  maîtres  et 
les  garçons  donnent  des  leçons  à  ceux  qui  veulent 
apprendre  à  jouer  *  ».  Les  propriétaires  de  jeux 
de  billard  appartenaient  à  la  corporation  des 
paumiers. 

Voy.  Billardiers. 

Billardiers.  La  Taille  de  i292  cite  un 
billardier,  industriel  qui  vendait  sans  doute  les 
ùl)jets  nécessaires  pour  jouer  au  billard,  tel  que 
l'on  comprenait  alors  ce  jeu.  Il  avait  beaucoup 
de  ressemblance  avec  notre  crocket,  car  il 
consistait  à  pousser  des  billes  ou  des  boules 
avec  un  manche  de  bois  nommé  billard,  billouer 
ou  quinque.  sous  de  petits  arceaux.  II  se  joua 
successivement  sur  la  terre,  et  il  était  dit  alors 
billard  de  terre,  puis  sur  une  table  disposée  à  cet 
elfet  \ 

Ce  dernier,  peu  à'  peu  transformé,  devint  le 
billard  actuel.  Louis  XIII  à  onze  ans  y  jouait 
déjà  -^  Louis  XIV  l'aimait  fort,  et  y  jouait 
presque  chaque  soir  en  hiver  *  ;  ce  fui  même  là, 
comme  on  sait,  l'origine  de  la  fortune  que  fit 
Chamillard  à  la  Cour. 

En  novendire  1676,  les  paumiers  furent  auto- 
risés à  avoir  chez  eux  un  billard,  et,  au  mois  de 
février  1727,  la  communauté  obtint  le  monopole 
de  ce  jeu  :  «  Et  feront  payer  les  parties  de  billard 

à  tous  également au  moins  six  lilaiics  le  jour 

et  cin(}  sols  à  la  chandelle  ». 

L'ordonnance  du  26  juillet  1777  interdit  «  à 
toutes  personnes  qui  iront  dans  h's  jeux  de  billard 
de  faire  aucun  paris,  même  de  donner  des  avis 
et  conseils  à  ceux  qui  joueront  à  quelque  jeu  que 
ce  soit.  Faisonségalement  défense  aux  maîtres  de 
jeux  de  billard  de  donner  à  jouer  au  billard  passé 
sept  heures  du  soir  en  hiver  et  neuf  en  été  ». 

Marie- Antoinette  et  Madame  Elisabeth 
jouaient  au  biUard.  La  queue  dont  se  servait  la 
reine  était  faite  d'une  seule  dent  d'élépliant  et 
moulée  en  or,  on  l'enfermait  dans  un  étui  dont  la 
reine  portail  la  clef  à  ht  chaîne  de  sa  montre  ". 

Voy.  Paumiers. 

Billonneurs  et  Billonneux.  On  nom- 
mait autrefois  billon  toute  monnaie  dans  laquelle 


'  .léze.  Ktat  ui(.  lahleau  di-  la  ville  de  Paris,  étiit.  de 
ITCO,  p.  l«.l. 

-  I)iican(,^i>,  (llossarlum.  v"  liilla.  —  Dictionnaire  de 
Treruiix.  y  I,  p.  904.  —  Villon,  dans  s.on  Petit  testament 
'S  XXIX)  mentionne  «  ung  Lillai-d  d»;  (juov  on  crosse  »■ 

•*  ./<>«/•««/ d'Héroard,  t.  II,  p.  91. 

i  Sainl-Sinion,  .Wmoirts,  I.  II,  p.  2G1. 

•'  M""-  Cunipaii,  .Urmuires,  t.  I,  p.  283. 


BILLONNEUKS 


BLANC 


83 


entrait  un  alliag'e  trop  considérable,  et  qui  était, 
par  conséquent,  destiné  à  la  relonlo. 

L'altération  des  monnaies,  à  laquelle  nos  rois 
eurent  souvent  recours,  créa  la  monnaie  de  hillon. 
Quand  la  royauté  ordonnait  le  retrait  de  telle 
ou  telle  vieille  monnaie,  des  billonneurs  désignés 
par  l'autorité,  aussi  l)ien  que  d'autres  habitués  à 
ce  métier,  s'etforçaient  de  la  rassembler.  Ces 
derniers  furent  longtemps  établis  dans  la  rue  au 
Feurre  ',  et  l'emplacement  qu'ils  occupaient 
était  alors  nommé  le  hillon.  Vers  le  milieu  du 
quatorzième  siècle,  le  prévôt  de  Paris  voulut  les 
transporter  près  de  la  Grande-Boucherie,  mais 
ils  résistèrent. 

Au  seizième  siècle,  les  billonneurs  parcou- 
raient les  rues  en  criant  : 

Qui  a  des  targes,  des  nicijuetz,  ^ 
Et  aussi  de  vieille  nionnoye?  •* 

On  nomma  plus  tard  billonneurs  les  gens  qui 
se  livTaient  à  un  tratic  illégal  de  monnaies  défec- 
tueuses. Il  était  interdit,  par  exemple,  de  les 
fondre,  de  les  transporter  hors  du  royaume,  de 
les  modifier,  de  les  rogner,  de  les  remettre  en 
circulation.  Au  cours  de  l'année  1720,  après  la 
chute  de  Law,  le  Parlement  prononça  des  peines 
sévères  contre  les  billonneurs*. 

Voy.  Changeurs. 

Bimbloquiers.   Nom  que  le  Dictionnaire 
de  Richelet  ■•  donne  aux  bimbelotiers. 
Voy.  Jouets  (Fabricants  de). 

Bimblotiers  et  Bimbelotiers.  Voy. 
Jouets  (Fabricants  de). 

Bisettiers.  CJuvriers  qui  fabriquaient  la 
bisette. 

On  nommait  bisette.  au  moyen-âge,  un  étroit 
réseau  de  fils  d'or  ou  d'argent,  qui  donna  la 
première  idée  de  la  dentelle. 

On  voit  la  bisette  citée  dans  les  cadeaux  faits 
à  Blanche  de  Bourbon  pour  son  mariage  en 
15.52  6. 

Cent  ans  plus  tard,  la  bisette  n'était  plus 
qu'une  dentelle  commune,  faite  de  fil  de  lin 
blanc.  Paris  en  produisait  fort  peu  ;  presque 
toute  celle  qui  s'y  vendait  était  l'œuvre  des 
paysannes  des  environs,  et  plus  spécialement  de 
Saint-Denis,  de  (xisors,  de  Montmorency,  etc. 

On  trouvait  la  bisette,  connue  les  autres 
dentelles,  chez  les  lingères  et  les  merciers. 

Biseurs.  Voy.  Teinturiers  de  Georget. 

BisouartS.  Nom  donné  parfois  aux  colpor- 
teurs. 

Blaatiers.  Nom  que  la  Taille  de  1202 
donne  aux  marchands  de  blé. 


1  Devenue  rue  aux  Fers,  puis  rue  Berger. 

2  La    valeur   de   la   targe   varia   souvent.    Le   niquet 
Talait  deux  deniers  tournois. 

•^  A.  Truquet,  Les  cricries  de  Paris,  ete. 
*  \oy.  les  Mémoires  de  Mathieu  Marais,  juillet    1720, 
t.  L   P-  316. 

5  Édit.  de  1719,  t.  L  P-  128. 

6  Douët-d'Areq,  Comptes  de  l'artjenterie.    p.   2ii8. 


Bladiers.   Voy.  Blé  (Marchands  de). 

Blaetiers.  N<nu  ([ue  le  Livre  des  métiers 
donne  aux  marchands  de  blé. 

Blaetiers.   Voy.  G-rainiers. 

Blanc  iSpKCULrrii  de).  Expression  toute 
moderne,  qui  désigne  un  commerce  restreint  à 
certaines  étolfes  de  (il  el  de  coton.  11  était  surtout 
représenté  jadis  par  les  chanecaciers.  les  lingères 
et  les  napelenrs,  articles  auxquels  je  renvoie.  Je 
consacrerai  .seulement  ici  quelques  mots  aux  draps 
dt'  lit  et  aux  mouchoirs,  qui  constituent  aujour- 
d'hui la  partie  la  plus  importante  de  ce  négoce. 

Au  moyeu-àge,  les  draps  de  lit  étaient  presque 
toujours  nonunés  draps-liiiges,  p<jur  les  dis- 
tinguer des  draps  de  laine,  et  aussi  linceuls  ou 
lincenx,  parce  que,  comme  de  nos  jours,  ils 
servaient  à  ensevelir  les  morts.  Leur  dimension 
rappelait  naturellement  celle  des  lits  ^ .  Dans  un 
inventaire  de  1387,  je  relève  cette  dépense  : 
«  A  Jehanne  de  Brie,  marchande  de  toilles, 
demourant  à  Paris,  pour  vingt-cinq  aulnes  de 
toille  bourgeoise,  pour  afire  deux  paires  de  draps 
à  lit,  cliascune  paire  de  dix  aulnes  -  ».  Ainsi 
qn'aujourd'lini.  le  drap  de  dessus  se  repliait  sur 
la  couverture.  Christine  de  Pisan,  décrivant 
le  lit  très  luxueux  d'une  accouchée  signale  un 
«  grand  drap  de  lin,  aussi  délié  que  soie,  tout 
d'une  pièce  et  sans  cousture,  qui  est  une  chose 
nouvellement  trouvée  ^  ». 

La  lingerie  d'une  famille  noble  contenait  une 
grande  quantité  de  draps.  Charles  V  paraît  n'en 
avoir  possédé  que  quarante- neuf  paires  *.  S'il 
faut  en  croire  l'inventaire  dressé  après  la  mort 
d'Anne  de  Bretagne,  la  lingerie  royale  en  eut, 
alors  renfermé  sept  à  huit  cents  douzaines  '', 
mais  j'ai  peine  à  croire  qu'il  n'y  ait  pas  là 
quelque  erreur  de  lecture  :  9.600  draps,  c'est 
beaucoup,  même  pour  une  reine. 

Jusqu'au  début  du  dix-septième  siècle,  les 
draps  (le  lit  conservèrent  le  nom  de  linceux  et  de 
linceuls  *>.  Lalbnlaine  même  l'a  employé  '' .  Les 
libertins  avaient  eu  déjà  l'idée  de  garnir  leur  lit 
avec  des  draps  de  tatl'elas  noirs  ".  D'ailleurs, 
blancs  ou  noirs,  ils  étaient  toujours  parfumés  '. 

La  plus  fine  batiste  paraissait  dure  encore  à 
la  peau  délicate  d'Anne  d'Autriche,  et  avant 
qu'elle  consentit  à  s'en  servir,  il  fallait  l'adoucir 
plusieurs  fois  par  des  mouillages.  Le  cardinal 
Mazarin  lui  dit  un  jour  en  plaisantant  «  qiie  si 
elle  alloit  en  enfer,  elle  n'auroit  point  d'autre 
supplice  que  celui  de  coucher  dans  des  draps  de 
Hollande  '*»  ». 


1  \oy .  l'art.  Literie  (Commerce  du  la). 

2  L)ouet-d'Arc(i,  Nouveaux  cumples,  p.  151.  L'aune  de 
Paris  éipiivalait  à  1™,  19. 

■t   Trésor  de  la  cité  des  Dames,  éd.  de  1497,  f"  59. 

i  Inventaire,  p.  38.^),  349,  350  et  352. 

a  liibliolhèque  de  l  Ecole  des  chartes,  an.  1849,  p.  1G3. 

6  ^'ov.  liabelais,  livre  \ .  —  Béroalde  de  Verville, 
chap  \\\. —  Brantôme,  t.  IX,  p.  254. —  Math.  Régnier, 
satire  X I . 

"  L'ermite,  conte  XV. 

8  Brantôme,  t.  IX,  p.  254. 

9  Corrozet,  Blasons,  p.  17. 

•  •>  Motteviile,  Mémoires,  éd.  Michaud,  p.  551. 


84 


BLANC  —  BLANC  D'ESPAGNE 


Je  rappelle  qira  la  mort  de  nos  souverains. 
tout  le  lini^e  royal  était  attribué  aux  religieuses 
de  la  Saus'^aie.  prés  de  VillejuiC  ^  Ce  privilège 
ne  s'étendait  pas  au  linge  laissé  par  la  reine.  Le 
renouvellement  complet  en  était  lait  tous  les 
trois  ans  par  les  soins  el  au  profil  de  la  dame 
d'honneur.  En  janvier  17:^8,  madame  de  Luynes, 
alors  pourvue  de  cette  cliarge,  dépensa  30.000 
li\TPs  pour  renouveler  le  linge  de  Marie 
Leszcinska  -.  Il  lui  renouvelé  encore  en  1741; 
mais  on  décida,  en  1758,  de  ne  plus  procéder  à 
cette  opération  ([ue  tous  les  cinq  ans,  et  Necker 
la  retarda  encore  de  deux  ans  ^. 

L"nsage  du  mouchoir  remonte  très  liaul  ; 
mais.  jiis([u'au  treizième  siècle,  les  pt)clies 
n'existant  pas  *.  on  ne  put  le  mettre  dans  la 
poche.  On  i'altachail  au  hras  gaurhe,  comme  les 
prêtres  l'ont  encore  de  la  hande  «rélotié  appelée 
manipule,  et  qui  dans  l'origine  était  destinée  à 
leur  servir  de  mouchoir  durant  les  offices.  Les 
évêques  portaient  un  mouchoir  attaché  à  leur 
crosse,  les  chantres  à  leur  bâton,  etc.  Cet  usage 
subsistait  au  dix-huitième  siècle  dans  l'église  de 
Saint-Denis  et  dans  plusieurs  églises  de  cam- 
pagne ■"'.  Chez  les  laïques,  le  mouchoir  était, 
pariiît-il.  fréquemment  oublié,  el  en  son  absence 
la  manche  le  remplaçait.  Deux  expressions 
proverbiales  sont  nées  de  cette  coutume.  On  dit  : 
«  Du  temps  qu'on  se  mouchait  sur  sa  manche  », 
pour  rappeler  un  temps  où  les  mœurs  étaient 
d'uni!  grande  simplicité,  et,  dans  un  sens 
opposé  :  «  Ne  pas  se  moucher  sur  sa  manche  ». 
Tontelbis.  je  ne  dois  pas  dissinuder  que, 
longtemps  encore,  bourgeois  et  plébéiens  surent 
très  bien  se  passer  de  mouchoir.  l<in  revanche, 
les  nobles  dames  eurent  de  bonne  heure  des 
mtjuchoirs  fort  luxueux.  Je  vois  figurer  dans 
l'inventaire  de  la  reine  (Clémence  de  Hongrie'', 
veuve  de  Louis  le  lliilin.  «  un  esmouclioir  de 
so  ye  '  » . 

Au  seizième  siècle.  IDn  mangeait  encore  avec 
les  doigts,  aussi  recommandail-on  de  ne  pas  se 
mondier  avec  la  main  qui  prenait  la  viande.  On 
était  libre,  d'ailleurs,  de  se  moucher  dans  ses 
doigts,  pourvu  que  ce  IVil  de  la  main  gauche  : 

l'înfaiit,  sf  ton  ii«z  i-st  morveux, 

Ne  le  toi'clif  fil-  II)  main  nue 

l)c  <|Uoy  la  viande  fsl  tenui;, 

l.e  lait  csi  vilain  cl  lionteux  8. 

On  coiislute  sur  ce  point,  quelques  années  plus 
lard,  im  progrès  sensible.  Jean  Sulpice,  dans 
uno  Ciri/if»''  |)ubliée  en  1545,  conseille  hardi- 
luenl  l'emploi  du  mouchoir  :  «  Si  tu  viens  ù  le 
moticher,  tu  ne  dois  prendre  tel  excrément  avec 
les  doigts,  mais  le  dois  recevoir  dedans  un 
motichoir  ^  ». 


*  J.  (lu  Tillel,  Recueil  îles  rinjs  de  France,  t'Jil  de 
ir.sr..  p.  250. 

*  Due  «le  Luyno.s.  .Vriiivirn,  t.  H,  p.  17. 
•'  M»«  (Inmpan,  Mrmuires,  t.  J,  p.  ats". 

*  Voy.  l'nrl.  Pocln'iins. 

5  CI.  de  \i>rt,  Expliratiim  des  cèirmunies,  ttc  t  H 
p.  31.5,  et  t.  m,  p.  32. 

fi   Morte  .n  1328 

'    UiMifl-irAroti,  XuMtifnux  citiiiftles,  p.  GG. 

"  l.a  cttn/enance  de  la  lubie.  Hibliulti.  national..,  nis.s. 
français,  n»  1181. 

9  ùt  moribut  in  ment  a  strcandit. 


C'était  bien  l'avis  des  princesses,  car  Charlotte 
de  Savoie,  veuve  de  Louis  XI,  laissa  en  mourant 
«  trojs  mouchouers  brodez  d'or  et  de  soye  '  », 
ce  qui  ne  prouve  pas  qu'elle  n'en  eut  d'autres 
plus  simples.  Lors  de  son  mariage  avec 
Charles  VIII  (octobre  1492),  Anne  de  Bretagne 
qui,  comme  nous  l'avons  vu,  possédait  des  draps 
par  centaines,  se  lit  faire  douze  chemises  et 
quatre  douzaines  de  mouchoirs  ^. 

Le  chroniqueur  Lestoile  écrit  dans  son  Jotirual 
à  la  date  du  12  novembre  1594  :  «  On  me  lit 
voir  un  mouchoir  qu'un  brodeur  de  Paris  venoit 
d'achever  pour  madame  de  Liancourt  3,  et  en 
avoit  arresté  le  prix  avec  lui  à  dix-neuf  cens 
écus,  qu'elle  lui  devoit  payer  comptant.  »  Est-ce 
Henri  I\'  qui  en  Ht  les  frais V  (Jabrielle  avait 
beaucoup  d'amis  et  acceptait  de  toutes  mains.  Ce 
qu'il  y  a  de  sûr  c'est  que,  neuf  mois  auparavant, 
le  roi  ne  comptait  dans  sa  garde-robe  que  douze 
chemises  plus  ou  moins  déchirées  et  cinq 
mouchoirs  *. 

Louis  XIV  en  avait  davantage.  Chaque  matin, 
un  maître  de  la  garde-robe  lui  présentait,  sur 
une  soucoupe  de  vermeil,  «  trois  mouchoirs  de 
point  ■''  »,  c'est-à-dire  garnis  de  dentelle. 

Dans  un  livre  resté  célèbre,  le  Père  J.-B.  de 
la  Salle,  pieux  ecclésiastique  qui  fonda  l'institut 
des  Frères  des  écoles  chrétiennes,  donne  aux 
enfant.s,  petits  et  grands,  ces  sages  conseils  : 
«  Il  est  de  la  bienséance  de  tenir  le  nez  fort  net, 
car  il  est  l'honneur  et  la  beauté  du  visage,  et  la 
partie  de  nous-même  la  plus  apparente. 

Il  est  vilain  de  se  moucher  avec  la  main  nue 
en  la  passant  dessous  le  nez,  ou  de  se  moucher 
sur  sa  manche  ou  sur  ses  habits  *•  ». 

En  dépit  de  ces  salutaires  instructions,  la 
grave  question  du  mouchoir,  qui  semble  à  peu 
près  résolue  aujourd'hui,  soulevait  encore  des 
controverses  peu  de  temps  avant,  la  Révolution. 
De  la  Mésangère  écrivait  en  1797  :  «  On  faisait 
un  art  de  se  moucher  il  y  a  quelques  années. 
L'un  imitait  le  son  de  la  trompette,  l'autre  le 
jurement  du  chat.  Le  point  de  perfection 
consistait  à  ne  faire  ni  trop  de  bruit  ni  trop 
peu  ''  ».  * 

OiUre  les  mots  mentionnés  ci-dessus  e!  dans 
les  noies,  voy.  Layettes.  —  Toiles  (Com- 
merce des),  etc. 

Blanc  d'Espag-ne  (Fabricants  de).  Dès 
le  seizième  siècle,  on  employait  pour  nettoyer 
l'or  et  l'argent  la  craie  ou  charbon  blanc,  qui 
n'était  autre  que  du  blanc  dit  de  Troyes,  d'Orléans 
et  même  d'l<lspagne  comme  aujourd'hui.  On  le 
récollait  ii  Villeloup,  près  de  Troyes,  à  Cavereau, 
près  d'Orléans,  et  au  bas  Meudon,  où  ce  commerce 
existe  encore. 


1  lUbliulhèque  de  l- École  des  chartes,   l.    XXVI    (1865), 
p.  354. 

2  Le  Houx  de  Lincy,  Vie  d'Anne  de  Jiretagiie,  t.  IV,  p.  87. 
•'  (labrifllc  d"Eslrées. 

i  Journal,  G  février  1591. 

•j  Ktat  de  la  France  pour  1712,  t.  I,  p.  2C8  et  271. 

*i  Les  règles  de  la  bienséance,  etc. 

"   Le  toyageur  à  Paris,  t.  II,  p.  95. 


BLANC  D'ESPAGNE  —  BLANCHISSEURS 


85 


An  dix-spptiome  siôrle,  (1";iuIi'<'n  procédés  sont 
préférés.  On  reconnnaiide  de  lavfr  les  couverts 
avec  de  l'eau  de  son,  et  de  les  éciirer  avec  de  la 
cendre  de  foin.  Pour  enlever  les  lâches  très 
tenaces  qu'y  laissent  parfois  les  œufs,  il  faut, 
disent  les  traités  spéciaux,  mouiller  l'objet  sali, 
l'entourer  de  cendres  brûlantes,  laisser  reposer, 
puis  écurer  * . 

Voy.  Sablonniers. 

Blancards  ou  Blanchards  iManufac- 
Ti'RES  de).  On  nommait  blancards  ou  blanchards 
des  toiles  de  lin,  assez  fines,  dont  le  Hl  plat  avait 
été  à  demi  blanchi  avant  son  emploi. 

Presque  toutes  étaient  fabriquées  dans  la 
Normandie,  puis  expédiées  en  Améritjue. 

Blanchisseurs.  Ils  lurent  d'abord  appelés 
latandiers,  nom  qu'ils  conservèrent  pendant 
plusieurs  siècles.  La  Taille  (Je  1202  cite  43 
lavandiers  ou  lavandières,  et  je  remarque  dans  le 
nombre  «  Jehanne,  lavendière  de  l'abbaie  ^  »  de 
Sainte-Geneviève  ;  elle  habitait  la  «  rue  du 
Moustier,  »  qui  est  devenue  la  rue  des  Prètres- 
Saint-Etienne  du  Mont.  Cependant  à  cette  époque 
et  dans  la  plupart  des  communautés,  les  relig'ieux 
lavaient  eux-mêmes  leurs  vêtementset  leur  ling'e. 
On  faisait  chauffer  l'eau  à  la  cuisine  ;  les  ol)jels 
blanchis  étaient  ensuite  étendus  soit  dans  le 
cloître,  soit  dans  un  séchoir  spécial  ^.  Il  en  fut  de 
même,  durant  très  longtemps  au  sein  de  la 
bourgeoisie  ;  le  linge  était  lavé  à  la  maison,  et 
avec  les  soins  nécessaires  pour  en  prolonger  la 
durée.  Des  marchands  ambulants  parcouraient  les 
rues,  criant  des  cendres  pour  la  lessive,  et  les 
lavandières  devaient  avoir  à  leur  disposition, 
depuis  bien  des  siècles  sans  doute,  le  fer  destiné  à 
raidir  et  à  plisser  l'étoffe.  Au  seizième  siècle,  on 
conçut  l'idée  de  le  faire  creux,  ce  qui  permettait 
d'introduire  à  l'intérieur,  soit  des  braises  incan- 
descentes, soit  un  saumon  de  métal  porté  au  rouge. 
M.  de  Nieuwerkerke  possédait  un  fer  de  ce  genre, 
que  Viollet-le-Duc  a  reproduit  dans  son  Diction- 
naire du  mobilier  *.  J'en  ai  trouvé  au  musée  de 
Clunv  deux  spécimens,  dont  l'un  est  du  seizième, 
l'autre  du  dix-septième  siècle  ^. 

Vers  la  fin  de  ce  siècle,  les  lavandières, 
devenues  nombreuses,  s'en  allaient  chaque  matin, 
nous  dit-on,  «  battre  la  rivière.  »  Le  lieutenant 
de  police  dut  même  leur  interdire  certains  endroits 
tellement  contaminés  que  l'emploi  du  linge 
imprégné  de  ces  eaux  malsaines  pouvait  présenter 
des  dangers  pour  la  santé  publique.  L'ordonnance 
du  19  juin  1666,  renouvelée  le  8  juin  1667.  le 
15  avril  1669  et  le  28  août  1777,  défend,  «  à 
peine  du  fouet  »,  aux  lavandières  de  laver  en  été 
dans  le  petit  bras  de  la  Seine,  entre  la  place 
Maubert  et  le  Pont-Neuf,  «  à  cause  de  l'infection 
et  impureté  des  eaux  qui  y  croupissent,  capables 
de  causer  de  s-raves  maladies  ^  ». 


'  AudigtM-,  La  maison  réglée  (1692),   liv.  I,    chap.  V. 

2  Page  167. 

3  Consuetudines  Cluniacensis  monasterii.  lib.  II,  cap.  15. 
i  Tome  II,  p.  105. 

»  Nos  6196  et,  6197. 

6  Delaraarre,  Traité  de  la  police,  t.  I,  p.  557. 


Ceci  s'adressait  surtout  aux  blanchisseuses  de 
fin.  Les  autress'inslallaient  plus  bas.  surlcs  berges 
du  Gros-(^aill()U  ou  d(;  la  (ireuouillère  '.  C'est  là 
aussi  que  travaillaient  les  entrepreneurs  qui 
passaient  des  marchés  pour  le  blanchissage  des 
grandes  familles.  En  1639,  Vincent  Leure, 
blanchisseur  à  la  Grenouillère,  s'engageait  à 
blanchir  pendant  un  an  la  Maison  du  duc  de 
Nemours.  Moyennant  cent  trente-cinq  livres  par 
mois,  il  devait  être  lavé  chaque  jour  neuf  nappes 
et  quarante-huit  serviettes,  outre  le  linge  de  corps 
provenant  de  cinquante-quatre  personnes  com- 
posant la  suite  du  prince. 

1*1  n  1643.  le  même  blanchisseur  promettait  à 
Charles-Amédée,  duc  de  Savoie,  et  à  sa  fenune 
de  blanchir  toute  leur  maison,  moyennant  cent 
quatre-vingts  livres  par  mois  ^. 

Au  début  du  dix-huitième  siècle,  on  comptait 
sur  la  Seine  «  quatre-vingts  petits  bateaux  servants 
aux  blanchisseuses,  posez  le  long  du  cours  de  la 
rivière.  »  Ainsi  s'exprime  la  table  du  plan  de 
La  caille  ^  ;  mais  six  seulement  de  ces  bateaux 
figurent  sur  le  plan.  Ils  sont  amarrés,  deux  par 
deux,  à  l'entrée  de  la  rue  des  Rats  *,  à  l'abreuvoir 
Màcon^  et  à  l'entrée  de  la  rue  du  Pavé  ".  En 
1739,  on  voulut  astreindre  les  blanchisseurs  et  les 
blanchisseuses  de  gros,  ceux  de  la  Grenouillère  et 
du  Gros-Caillou,  alors  au  nombre  de  cinq  cents 
environ,  à  laver  également  leur  linge,  non  plus 
sur  la  berge,  mais  dans  des  bateaux  spéciaux. 
Quelques  esquifs  de  ce  genre  furent  disposés  au 
bord  du  fleuve,  et  une  sentence  de  la  Ville  taxa  le 
prix  de  chaque  séance  à  quatre  sous  par  tète, 
auxquels  il  fallait  ajouter  un  sou  pour  la  location 
d'un  baquet  indispensable.  Les  blanchisseuses 
refusèrent  d'obéir,  et  leur  avocat,  maître 
Georgeon,  rédigea  en  leur  faveur  un  curieux 
mémoire  qui,  le  31  août  1740,  fit  obtenir  gain  de 
cause  aux  demanderesses. 

Comme  aujourd'hui,  il  existait  une  foule  de 
blanchisseurs  aux  environs  de  Paris  ;  le  public 
les  accusait  de  remplacer  la  soude  par  de  la  chaux, 
et  de  brûler  ainsi  le  linge,  de  le  rendre  «  dur  et 
désagréable  au  toucher  "^ .  »  On  sait  que,  dès  le 
seizième  siècle,  des  raffinés  faisaient  blanchir 
leur  linge  à  l'étranger,  en  Hollande  surtout  ^, 
luxueuse  coutume  observée  encore  vers  la  fin 
du  dix-huitième  siècle  :  «  les  eaux  qui  filtrent  à 
travers  les  dunes,  disait-on,  étant  parfaitement 
douces  et  claires  ^.  »  Il  y  eut  mieux  encore  : 
«  les  négocians  de  Bordeaux  envoyaient  leur 
linge  à  Saint-Domingue,  comme  ils  faisaient  faire 
leurs  chemises  à  Curaçao  et  raccommoder  leurs 
porcelaines  à   la    Chine.    »   C'est  le   comte   de 


1  Le  quai  de  la  Grenouillère,  devenu  quai  d'Or.'^ay, 
commençait  dijà  à  la  rue  du  Bac.  Le  Gro.s-Caillou  était 
situé  à  la  liauteur  de  notre  pont  des  Invalides. 

2  Ihillelin  de  la  société  de  l  histoire  de  Paris,  année 
1892,  p.  41. 

3  Publié  en  1714. 

*  Auj.  rue  de  l'Hôlel-Colbert. 
3  Près  du  pont  Saint-Michel. 
6   Devenue  rue  des  Grands-Degrés. 
"  .Jaubert,  Dictionnaire,  t.  I,  p.  271. 

8  Voy.  de  Léry,  Histoire  d'un  voyage  fait  en  la  terre  du. 
Brésil,  édit.  de  1600,  p.  200,  éd.  de  1611,  p.  203 

9  Jaubert,  t.  I,  p.  272. 


86 


BLANCHISSEURS  —  BLEU  DE  PRUSSE 


Yaublanc  qui  Taffirme.  Il  ajoute  :  «  Un  g^rand 
nombre  de  personnes  arrivées  par  la  ilotte  avaient 
rempli  Paris  d'hommes  et  de  femmes  qui  portaient 
le  beau  linge  blanchi  à  Sainl-Doming-ue  ;  ce  linge 
attirait  les  regards,  ainsi  qu'il  avait  frappe  mes 
yeux  en  arrivant  au  cap  Français.  La  reine  '  en 
entendit  parler,  et  on  lui  dit  qu'une  jeune  dame, 
madame  la  comtesse  de  ***  était  entièrement 
habillée  de  ce  beau  linge.  Elle  désira  la  voir  en 
particulier,  et  fut  frappée  de  la  beauté  du  linge. 
On  comparait,  sa  blancheur  à  la  couleur  un  peu 
jaune  de  celui  de  Paris  -  ». 

Nos  blanchisseuses,  humiliées  par  la  compa- 
raison, s'efforcèrent  d'obtenir,  elles  aussi,  un 
blanc  irréprochable,  et  elles  ii'v  parvinreni  qu'au 
grand  détriment  du  linge  qui  leur  était  confié. 
«  Il  n'y  a  pas  de  ville,  écrivait  Sébastien  Mercier 
vers  1780,  où  l'on  use  plus  de  linge  qu'à  Paris. 
Telle  chemise  d'un  pauvre  ouwier,  d'un  pré- 
cepteur et  d'un  commis  passe  tous  les  quinze 
jours  sous  la  brosse  et  le  battoir,  et  les  huit  ou 
dix  chemises  du  pau\Te  hère  sont  bientôt  limées, 
trouées,  déchirées,  et  disparaissent  pour  les  manu- 
factures de  papier.  Aussi,  celui  qui  n'en  a  qu'une 
ou  deux,  ne  les  livre  pas  au  battoir  des  blanchis- 
seuses ;  il  se  fait  blanchisseur  lui-même  pour 
conserver  sa  chemise.  b]l  si  vous  en  doutez,  passez 
b^  dimanche  dans  l'été  sur  le  Pont-Neuf,  à  quatre 
heures  du  matin,  vous  verrez  sur  le  bord  de  la 
rivière,  plusieurs  particuliers,  qui  vêtus  à  crud 
d'une  redingolte  •'.  lavent  leur  unique  chemise 
ou  leur  seul  mouchoir.  Ils  étendent  ensuite  cette 
chemise  au  bout  d'une  méchante  canne,  et 
attendent  pour  l'endosser  que  le  soleil  l'ail  séchée. 
Il  n'v  a  pas  de  lieu  sur  la  terre,  je  le  répète, 
où  l'on  use  plus  le  linge  à  force  de  le  frotter.  On 
eulend  à  un  quart  de  lieue  le  battoir  retentissant 
des  blanchisseuses;  elles  font  aller  ensuite  la 
lirosse  à  tour  de  bras  ;  elles  râpent  le  linge  au  lieu 
de  le  savonner;  et  quand  il  a  été  cinq  ou  six  fois 
n  celle  lessive,  il  n'est  plus  bon  qu'à  faire  de  la 
charpie  *  ». 

Les  blanchisseurs  d<-  linge,  les  blanchisseurs 
de  liiine,  les  blanchisseurs  de  toiles  ^,  les  blaii- 
rhisseurs  de  bas  de  s(n"e  •'  ne  furent  jamais 
cousliliu's  en  corporalion  régulière,  el  l'édil  de 
1770  ne  les  nn'iilionur!  pas.  Ils  avaient  cependant 
fondé  (juelqiie.s  coulVérifs.  dont  les  unes  élaii-iii 
placées  sovis  le  palronage  d(!  saint  Maurice. 
d'auln-s  .sous  celui  de  sainte  Marguerite. 

I.t's  blaïK'hisseuses  sont  désignées  parfois  sous 
le  nom  de  hui-irsst's,  Imrrrssrs,  ruvaniUnrs,  elc. 
Le  mol  '/«J«ùV(»s'(ippli(piHil  plus  particulièrement 
H   la   siTvanle   bourgcoist;   clwirgéf    des  lessives. 

* 

Vov.   £mpe8eu,rs  <l  Lavoirs  publics. 


'   Miino-Anliiinrllp. 

'  Mrmoirfs,  6lit.  Harrirro,  p.   Us. 

^  F,n   n-flin^'oln   éUit    aloi-s    un    nnipip    vèlcnuiil    dr 

il«'.s.sus. 

\    T.,h'r.,..  ./,  farit,  l.  V,  y.  117. 

qui  Aortairnt,  encore  jaujie.s,  de.s    mains 

•■  lU   1.  ur    nndaipDt    leur    premier   lustre   et    njtiii.- 
It's  moiraient. 


Blanchisseurs.  Nom  que  prenaient  cer- 
tains ouvriers  ferblantiers. 

Blanquiers  et  Blantiers.  Dans  l'horlo- 
gerie, ouvriers  qui  se  bornaient  à  faire  des 
mouvements  en  blanc,  c'est-à-dire  où  l'œuvre  est 
seulement  ébauchée. 

Blasonniers.  «  Cis  litre  parole  des  bla- 
sonniers,  c'est  à  savoir  de  cens  qui  quirent  seles, 
archons  el  blasons  ».  Tel  est  le  titre  des  statuts 
que  les  blasonniers  soumirent,  vers  1268,  à 
l'homologation  du  prévôt  Etienne  Boileau  ^. 
Dits  aussi  cuireiirs,  cuiriers,  cuirieres,  cuireres, 
qniriers  de  selles,  les  blasonniers  se  chargeaient 
de  recouvrir  de  cuir  les  selles,  les  arçons  et  les 
écus  armoriés  qui  les  décoraient.  Ils  se  bornaient 
d'ailleurs  à  garnir  la  charpente  qu'avait  construite 
les  chapuiseurs  ;  les  selliers  la  rembourraient 
ensuite,  et    lui    donnaient    son  aspect  définitif. 

Au  treizième  siècle,  le  métier  de  blasonnier 
était  libre.  Chaque  maître  pouvait  avoir  tm 
nombre  illimité  d'apprentis  el  régler  à  sa  volonté 
toutes  les  conditions  de  l'apprentissage.  Le 
travail  à  la  lumière  était  interdit.  Il  n'est  pas 
question  de  jurés  dans  ces  statuts,  sans  doute 
parce  cpie  les  lilasonniers  étaient  soumis  à  ceux 
des  selliers,  avec  qui  ils  ne  tardèrent  pas  à  se 
confondre. 

Les  Tailles  de  1292  el  de  1300  cite  chacune 
detix  blazenniers  el  blazoniers. 

Yoy.    Armoyeurs   et  Harnachement. 

Blastiers  et  Blatiers.  Voy.  Blé  (Mar- 
chands de). 

Blavi ers  (Sergents  .  Voy.  Messiers. 

Blazenniers  et  Blazoniers.  Voy.  Bla- 
sonniers. 

Blé  (Marchands  de).  Leurs  premiers  statuts, 
insérés  dans  le  Linre  des  métiers  ^,  les  nomment 
«  lilaeliers,  c'est  à  savoir  venderes  de  blé  et  de 
toutes  autres  manières  de  grains  ». 

Ce  commerce  fui  plus  lard  attribué  aux 
grainiers,  et  le  mol  blatiers  désigna  les  forains 
qui  apportaient  du  blé  à  Paris.  Savary  les  définit 
ainsi  :  «  Marchands  qui  vont  acheter  des  blés  dans 
les  greniers  de  la  campagne,  pour  les  transporter 
el  les  revendre  dans  les  marchez  des  villes  el 
gros  bourgs  ■'  ».  Les  blatiers  avaient  pour  patron 
saint  Nicolas. 

On  les  Irouve  encore  nommés  blaatiers , 
hladiers,  bhisllrrs.  hhielicrs.  elc. 

Voy.  Grainiers  el  Mesureurs. 

Bleu  de  Prusse  dit  aussi  bleu  de 
Berlin  Fabricants  de).  Sa  préparation  est 
due  à  Diesbach,  marchand  de  couleurs  Berlinois, 
qui  la  découvrit  en   1710.    La  composition  en 


'    l.irre  îles  mr'/irrs,  tilw   LXXX 

2  Titre  III. 

■'  Tome  j,  p.  :j(j4.  _  \oy.  l'onlonnance  de  1415, 
ctiaj).  1,  et  celle  de  1672,  ehap.  VI.  —  Delamarre, 
Trailé  de.  la  police,  t.  II,  p.  738. 


mA<]v  \)K  pRUSSM  —  boissi<:likrs 


N/ 


riit   d  aliDi'il  fj^ardée  secrète,  mais  Woodword  l;i 
trouva  et  la  rendit  piddifiue  en  1724. 

La  première  nuinuriicinre  de  l)leu  de  Prii>si' 
que  posséda  la  France  l'ut,  établie  au  Temple  [)fir 
un  sieur  Auleresse.  Il  en  existait  trois  à  la  tin  du 
dix-huitième  siècle;  cidle  du  sieur  d'Heur  on 
Dheur,  au  lauhouro;'  Sainl-Marcfd.  passait  pour 
i'ournir  de  très  beaux  prcuhiits  '. 

Blondiers.  On  nommait  ainsi  les  ouvriers 
(pii  l'alji'i([uai(;nt  la  blonde  ou  dentelle  de  soie.  On 
en  faisait  peu  à  Paris,  mais  cette  industrie  était 
très  prospère  dans  les  environs,  à  Saint-Denis,  à 
Montmorency,  à  Villiers-le-Bel  et  surtout  à 
Louvres. 

Au  dix-builièine  siècle,  les  blondes  les  plus 
recherchées  étaient  le  berg-op<oo)ii,  la  rlienille. 
\e  persil,  la  coideuvre,  etc. 

Le  commerce  des  blondes  apparlenail  aux 
linp^ères  et  aux  merciers. 

Blondiniers.  Titre  ([ue  prenaient  les 
passementiers. 

Bluteurs.  Ils  sont  Jiommés  htdeleres  dans 
les  statuts  accordés  aux  boulangers  vers  la  fin  du 
treizième  siècle  -. 

Bobelineurs.  A^iy.  Savetiers. 

Bobineuses.  Dans  les  manufactures  de  lai- 
nages, ouvrières  qui  «  dévident,  sur  des  bobines 
ou  rocliets,  le  fil  destiné  à  former  des  chaînes  ». 

Boesseliers.  Voj.  Boisseiiers. 

Boileau  Livre  d'Etienne;.  Voy.  Livre 
des  métiers. 

Bois  (CoMMEBGE  DU ).  Vov.  Aides  à 
mouleurs.  —  A-tireeurs  de  busches.  — 
Bois   (Marchands   de).   —    Bûcherons. 

—  Chargeurs.  —  Commissaires.  — 
Cotrets  (Marchands  de).  —  Déchar- 
geurs. —  Fagoteurs.  —  Merreniers.  — 
Mottes  (Marchands  de).  —  Miouleurs. 

—  Porteurs.  —  Vendeurs.  —  Voie. 

Bois  (Marchands  de).  La  Taille  de  1292 
mentionne  21  buschiers  ou  buckiers  ;  dans  celle 
de  1313,  j'en  trouve  22,  établis  sur  le  bord  de  la 
rivière,  aux  environs  de  la  rue  des  Bourdonnais  •' . 
En  effet,  le  bois  qui  arrivait  par  bateau,  de  la 
haute  Seine,  de  TYonne  et  de  la  Marne  devait 
être  déliarqué  et  vendu  aux  ports  de  la  Grève,  de 
la  Bùcherie  ou  du  Petit-Pont  ;  celui  qui  venait 
de  la  basse  Seine  ou  de  l'Oise  se  vendait  au  port 
ou  à  la  place  de  l'Ecole  *.  Là  seulement,  le  bois 
pouvait  être  livré  en  gros  ^  ;  mais  on  le  criait  au 
détail  dans  les  rues  : 

L'autres  crie  la  busche  bone , 
A  ij  oboles  le  vous  le  donne  ! 


1  A  oy.    y Enojclopédii'    lurthodique ,    arts    et    iiictier.s  , 
t.  I,  p. "220. 

2  Livre  des  métiers,  titre  I,  art.  44. 

3  Voy.  pages  10  et  11. 

*  Elle  porte  encore  ce  nom. 

S  Ordonnance  de  février  1415,  cha]).  XII. 


disait  (  Tuillaiinie  de  la  \'ille  Neuve  '  au  treizième 
siècle.  ]<;i  il  en  elait  de  même  au  seizième  : 

S. ni   i-n  ilcliMir  ou  en  eniblisclie, 
(  )ii  va  ei-iaiil  .semjilableiiieni, 
A  j''Ui)  ou  \vre  :  IJu.selic  !  busclie  ! 
l'olir  .^'oy  cliauffer  certaiiiriiiriil  -. 

Si  ces  mauvais  vers  datent  (bj  la  lin  du  siècle, 
les  bûches  ainsi  annoncées  pouvaient  provenir  du 
/loltafje.  dont  l'iiivenlimi  fut  (bie  à  un  sieur 
Rouvct.  H  cul  1  idée  de  jeter  les  bùcbes  dans  les 
petits  toi'iMMits  (pii  drsci'ndeni  (l(\s  monlagncs  du 
Mdi'vaii  :  b'courani  leseinporfait  jns(|n'à  l'Yonne, 
d'où,  reliées  en  radeaux,  elles  descendaient 
jus([u'à  Paris.  Les  premières  tentatives  ne  furent 
pas  heureuses.  Il  failli!  de  mimbrenises  ordon- 
nances pour  assurer  h'  libre  passage,  pour 
empêcher  les  pr()|)rie(aires  riverains  de,  s'a[)pr(i- 
prier  le  bois. 

On  appelait  bois-canards,  ceux  (pi'une  (;ause 
quelconque  entraînait  au  fond  del'fiau.  L'ordnn- 
nance  de  1072  "^  accorde  à  l'expéditeur  qiiaranle 
jours  pour  les  repécher  ;  passé  ce  temps, 
l'opération  était  faite  par  les  riverains,  mais 
le  marchand  devait  les  indemniser. 

Panni  les  bois  flottés,  on  appelail  bois  de 
gravier  celui  f{iii  avait  conservé  toute  son  écorce. 
Lej?W«;v/ avait  abandonné  la  sienne  aux  tanneurs. 

Jusqu'à  la  Révolution,  tous  les  hauts  foiu'lidii- 
naires  faisaient,  durant  l'hiver,  allumer  à  la 
porte  de  leur  hôtel  d'énormes  brasiers  que  l'on 
entretenait  depuis  six  heures  du  soir  jusqu'à  une 
heure  du  mat  in  * .  ^<  Les  pauvres,  les  mains  tendues, 
font  cercle  :  ils  se  chauffent,  puis  emportent  de 
la  braise  et  quehpies  bûches  allumées  •''  >-. 

Les  mots  bois  defouaiboisd^ajidelle  désignent 
le  hêtre,  jadis  appelé  fontcau  ;  le  bois  llott'.' 
originaire  de  l'Andelle,  petite  rivière  de 
Normandie,  passait  pour  le  meilleur  ((ui  vint 
à  Paris.  L'ordonnance  de  décembre  ltj72  écrit 
bois  JJandelles  •'. 

En  1783,  la  consommation  de  Paris  était, 
année  moyenne,  de  six  cent  mille  voies  ',  et 
la  voie  de  bois  représentait  environ  2  stères. 

On  trouve  dans  Sauvai  ^  de  curieux  détails 
sur  les  hivers  rigoureux  que  Paris  eut  à  subir 
depuis  le  qninzii'ine  siècle. 

Bois  de  construction.  ^'oJ.  Merre- 
niers. 

Bois  d'éventails  (Fabricants  de^.  Titre 
qui  appartenait  aux  labletiers.' 

Boisseiiers.  Les  Tailles  de  1292  et  de  1300 
citent  chac'.iiie  un  seul  boisselier,  celle  de  1.313 
en  meidionne  trois. 


1  Les  crierii's  de  Paris,   etc. 

-  Les  cris  des  marchandises,   etc.   A    la  .suite  des  pre- 
mières éditions  de  Corrozet. 

3  Titre  XVII,  art.  9  et  10. 

4  Comtesse  de  Genlis,  Dictionnaire  des  étiquettes,  I.  I, 
p.  349. 

:;   S.  Mercier,   Tableau  de  Paris,  t.  XII,  p.  33ri. 
•!  Titre  X\'II,  ad.  2(i. 

"   Mémoires   secrets,    dil.s   di'    Hacbaumont,    20    février 
1783,  t.  II,  p.  27. 

8  Antiquités  de  Paris,  t.  I,  p.  201  et  suiv. 


88 


BOISSELIERS  —  BONNETIERS 


Au  mois  d'avril  1443,  les  hoisseliers  firent 
homolog:uer  leurs  sUUuts  par  le  prévôt  de  Paris. 
Avant  d'ouvrir  boutique,  avant  «  qu'ils  puissent 
tenir  ouvrouer  »,  ils  devaient  payer  une  somme 
de  vingt-quatre  sous,  dont  seize  revenaient  au 
roi  et  huit  aux  jurés  de  la  communauté.  Un  maître 
ne  pouvait  avoir  à  la  fois  deux  apprentis. 
La  durée  de  l'apprentissage  était  de  six  ans  pour 
l'enfant  qui  apportait  quarante  sous,  de  huit  ans 
pour  l'enfant  sans  argent.  Le  chef-d'œuvre  exigé 
pour  ojjtenir  la  maîtrise  consistait  en  «  deux 
diverses  pièces  d'euvre  dudit  mestier  ».  Deux 
jurés  administraient  la  corporation,  qui  com- 
prenait déjà  les  hoisseliers,  les  lanterniers  et  les 
souffletiers  *.  Ces  statuts  furent  confirmés,  sans 
modifications  importantes,  le  24  juin  1467  ^. 

Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  l'apprentis- 
sage durait  six  ans,  et  la  communauté  réunissait 
environ  70  maîtres,  qui  étaient  dits  officiellement 
hoisseliers-laiiterniers-sovf/Ietiers-criniers-faiseurs 
de  sas  et  tamis  ^.  Leur  privilège  comprenait,  en 
outre,  la  fabrication  d'une  foule  d'objets  de 
ménage,  celle  des  caisses  de  tambour,  et  siu'tout 
celle  de  toutes  les  mesures  en  bois  destinées  aux 
grains.  C'étaient  : 

Le  muid,  qui  représentait  environ  18  hecto- 
litres, et  comprenait  12  setiers. 

Le  setter,  équivalant  à  environ  156  litres,  se 
subdivisait  en  : 

2  mines  ou  hemines  d'onv.  78  litros. 
4  minois  d'env.  39  litres. 
12  boisseaux  d'env.  13  litres. 
A^  quarts  on  picotins  iV env .  3  litres. 

190  litrons  d'env.  82  centilitres. 

Le  selier  destiné  à  l'avoine  contenait  24  bois- 
seaux ,  celui  qui  était  destiné  au  sel  en 
représentait  16,  et  celui  du  charbon  de  bois  32. 

Le  ininot  variait  dans  les  mêmes  proportions. 

Au  quinzième  siècle,  les  étalons  du  boisseau  et 
de  ses  subdivisions  étaient  conservés  à  rhôtel  de 
ville  *. 

Les  hoisseliers  eurent  d'abord  pour  patron 
saint  Éloi,  mais  au  commencement  du  dix-sep- 
tième siècle,  leur  confrérie  était  placée  sous  le 
patronage  de  saint  Clair  ^. 

L'ordonnance  d'avril  1443  et  celle  de  juin  1467 
écrivent  boysseliers.  On  les  trouve  encore  nommés 
boesseliers.  banniers  et  benniers  ;  ces  «leux 
dernières  expressions  proviennent  sans  doute  de 
ce  que  la  Cf)mmunaulé  fabriquait  les  bennes  ou 
banneau-r,  boisseaux  de  bois  dont  on  se  servait 
pour  1(3  transport  des  liquides. 

Boîte.  C'<'sl  le  nom  qui,'  les  statuts  donncnl  à 
la  caisse  de  la  confrérie  ''. 

Boîtes  de  cartes  (Faiseurs  de).  Titre  cpie 
prenaient  les  wirtunniers. 


'  Ordiinnances  royales,  t.  X\'I,  ji.  0:tfi. 
i  Onliiniiaiicr.t  rnijnles.  t.  X\  ],  [i.  GHS). 
■'  \'i>y.  tons  l'es  mois. 

>  (Irc'ionnanc.'  .t-'  fcvri-r  1  11."),  diiii..  XXVll  il  LVll 
^  Li'  Masson,  Calendrier  des  eonfréries,  p.  93. 
^  ^'oy.    !.■    Livre  des    métiers,  tilrr  XI,  art.  8,    '■(  titr< 
LX,  aii.  12. 


Boîtiers.  Nom  que  le  Livre  des  métiers 
donne  aux  serruriers  de  cuivre. 

Boleng"iers.  Nom  que  l'ordonnance  du 
30  janvier  1351  donne  aux  boulangers  *. 

Bondrilles.  Voy.  Drilles. 

Bonne  aventure  , Diseurs  de).  Voy. 
Devins. 

Bonnes  à  tout  faire.  Voy.  servantes. 

Bonnes  d'enfants.  Nom  moderne  d'une 
domestique  qu"Audiger  appelle  Gouvernante 
denfans  et  l'abbé  Jaubert  Femme  denfans. 

«  Le  devoir  d'une  gouvernante  d'enfans  est 
d'avoir  bien  soin  de  ceux  dont  on  lui  donne  la 
direction.  Elle  doit  les  tenir  toujours  bien 
proprement,  avoir  beaucoup  de  douceur  et  de 
complaisance  pour  eux,  sans  pourtant  leur  rien 
souffrir  de  bizarre  ni  de  méchant —  Elle  doit 
pareillemeiil  leur  donner  à  boire  lorsqu'ils  en 
demandent  et  qu'elle  juge  que  cela  ne  leur  peut 
faire  aucun  mal  ;  leur  donner  à  manger  et  les 
coucher  et  lever  à  leurs  heures  réglées  et 
ordinaires.  Il  est  encore  de  son  devoir  de  tenir 
leurs  chambres  bien  propres,  de  bien  faire  leurs 
lits,  bien  nettoyer  leurs  bas  et  leurs  souliers. 
Enfin  d'avoir  bien  soin  de  toutes  leurs  hardes, 
linges  et  habits,  afin  qu'il  ne  s'en  perde  rien. 
Elle  doit  aussi  leur  apprendre  à  prier  Dieu  et  à 
faire  le  signe  du  chrétien  dès  leur  âge  le  plus 
tendre  :  empêcher  qu'ils  ne  se  battent  et  ne 
contractent  aucune  inimitié  les  uns  avec  les  autres  ; 
les  mener  à  la  messe  les  fêtes  et  les  dimanches 
sitôt  qu'ils  y  peuvent  aller,  et  ne  leur  donner  en 
tout  que  de  bons  et  salutaires  exemples^  ». 

L'abbé  Jaubert  écrit  de  son  côté  :  «  Après  que 
les  enfans  ont  été  tirés  du  sevrage,  les  mères 
qui  préfèrent  leurs  plaisirs  aux  soins  importans 
du  ménage,  et  surtout  à  celui  de  réducaiion  de 
leurs  enfans,  s'en  débarrassent  le  plus  qu'elles 
peuvent,  en  les  confiant  à  des  domestiques  qui 
n'ont  d'autre  occupation  que  d'habiller  et  coucher 
les  enfans,  les  faire  manger,  les  tenir  propres, 
les  promener,  etc.  C'est  à  ces  personnes  qu'on 
donne  le  nom  de  femmes  d'enfans  "^  ». 

Bonnetiers.  Pour  retrouver  l'origine  de 
nos  bonnetiers  actuels,  il  faut  remonter  aux 
roiffîers,  aux  aumtissiers,  aux  chaussetiers  et  aux 
chapeliers  de  coton  du  moyen-âge.  Dans  leurs 
statuts  de  1315  ceux-ci  se  disent  chapeliers  de 
ijans  lie  laine  et  de  bonnets^  et  les  statuts  de  1366 
et  de  1380  leur  conservent  ce  titre.  Je  les  trouve 
cités  pour  la  première  fois  sous  le  nom  de 
bonnetiers  dans  l'ordonnance  dite  drS  Bannières  ^, 
qui  fut  rendue  par  Louis  XI  au  nmis  de  juin 
1467. 

Sous  ce  nouveau  nom,  leur  commerce  prit 
une  grande  extension  ;  à  ce  point  que,  peu 
d'années  après,    ils   furent   en  état  d'aspirer  à 


1  Titre  1,  art.  1. 

-  La  maison  réglée  (1692).  liv.  II.  chap.  3. 

•'  .\bbé  .laubtrl,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  191. 

i  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  671. 


BONNETIERS 


89 


l'honneur  Ires  envié  de  faire  parlie  des  Six- 
Corps  '.  En  1514,  lors  de  l'entrée  à  Paris  de  la 
reine  Marie  d'Angleterre,  les  chantifeurs,  bien 
déchus  de  leur  antique  opulence,  déclarèrent 
qu'ils  n'étaient  pas  en  état  de  pourvoir  aux  frais 
qu'entraînaient  pour  les  Six-Corps  ces  sortes  de 
cérémonies.  Les  bonnetiers  offrirent  aussitôt  de 
prendre  leur  place,  et  furent  acceptés.  Tout,  à 
cette  époque,  réussissait  aux  bonnetiers.  En 
même  temps  que  l'admission  dans  les  Six-Corps 
leur  attribuait  le  cinquième  rang-  parmi  les 
représentants  officiels  du  commerce  de  Paris, 
une  découverte  nouvelle,  celle  de  l'application 
du  tricot  ^  à  la  fabrication  des  bas,  allait  donner 
un  g'rand  essor  à  leur  nég'oce  et  doubler 
l'importance  de  la  communauté. 

Avant  la  fin  du  seizième  siècle,  les  chausses  ■* 
avaient  été  abandonnées,  et  toute  personne  un 
peu  aisée  portait  des  bas  tricotés.  En  leur  qualité 
de  travail  à  V aiguille^  tout  semblable  à  celui  qui 
produisait  des  gants  et  des  bonnets,  le  privilège 
de  leiu"  fabrication  fut  attribué  aux  bonnetiers. 

Je  signalerai  ici  un  rapprochement  assez 
curieux,  que  le  hasard  m'a  révélé.  Comme  on 
sait,  les  bonnetiers  d'aujourd'hui  obtiennent  la 
n^esure  du  pied  d'un  client  en  prenant  celle  de 
sa  main  fermée  ;  ceux  du  seizième  siècle 
employaient  un  procédé  à  peu  près  semblable, 
car  voici  ce  que  je  trouve  dans  un  très  rare 
volume  publié  en  1530  : 

«  Si  tu  veulx  sçavoir  de  quelle  grandeur  est 
le  pied  d'ung  homme  ou  d'une  femme,  sans  le 
mesurer,  fais  ce  qui  s'ensujt  : 

Prens  ung  fillet  en  double,  et  le  metz  ou 
attache  au  sommet  du  grand  doigt  de  la  main 
droite  ainsy  en  double,  et  le  faiz  passer  le  long 
de  la  paulme  de  la  main  jusques  à  la  joincture 
de  la  dicte  main.  Et  tu  trouveras  que  le  pied  de 
la  personne  sera  aussi  grand  que  la  mesure  que 
tu  auras  prise.  L'expérience  en  est  facile  *  ». 

Ainsi  que  je  l'ai  dit,  la  légèreté  et  la  souplesse 
des  bas  tricotés  les  firent  presque  aussitôt  adopter 
partout.  Dans  la  classe  riche,  on  les  portait  en 
soie,  dans  les  autres  en  estame  ^,  nom  donné  à 
un  fil  de  laine  très  retors.  Mais  il  n'y  a  pas  en  ce 
monde  de  bonheur  parfait.  Les  bonnetiers 
rencontrèrent  une  concurrence  redoutable  dans 
une  modeste  corporation,  celle  des  bonnetiers- 
appréteîirs-foulonniers-appareiUcti.rs,  qui  s'était 
constituée  au  faubourg  Saint-Marcel  ^. 

Sans  doute  pour  affirmer  leur  privilège  dans 
l'intérieur  de  la  ville,  les  anciens  bonnetiers 
firent  réviser  leurs  statuts  en  l'année  1608.  Aux 
termes  de  cette  nouvelle  rédaction  : 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  lois  plus 
de  deux  apprentis. 

La  durée  de  l'apprentissage  était  fixée  à 
cinq  ans,  suivis  de  cinq  ans  de  compagnonnage. 

1  Voy.  cet  article. 

2  Voy.  l'article  Tricoteurs. 

3  Voy.  l'art.  Chaussetiers. 

i  Traicté  nouceau.  infituté  bastimenf  de  receptes  (1539), 
in-32,  p.  4. 

S  Du  latin  stamen. 
fi  Voy.  l'art,  suivant. 


Tout  aspirant  à  la  maîtrise  devait  parfaire 
le  rhrf-(r œuvre  en  présence  ries  jurés  et  cliez 
l'un  d'eux.  Il  apportait  deux  livres  de  laine, 
avec  lesquelles  il  était  tenu  de  «  faire,  fouler  et 
appareiller  bien  et  deuëment  un  bonnet  ancien- 
nement appelle  aulmuce,  ou  deux  bonnets  à 
usage  d'homme,  appeliez  anciennement  cré- 
mioUes.  Fera  en  outre  un  bonnet  carré  de  bon 
drap  fin,  le  taillera  et  encofinera  et  pressera. 
Fera  aussi  une  tocque  de  veloux  plissé,  et 
brochera  ^  un  bas  d'estame  et  de  soie  ». 

Les  fils  de  maîtres  étaient  astreints  seulement 
à  l'épreuve  nommée  expérience. 

Nul  ne  pouvait  être  reçu  luaîlre  avant  l'âge 
de  vingt-cinq  ans.  Il  fallait  aussi  n'avoir  été 
<,<  repris,  noté  ou  convaincu  par  justice  ». 

Les  bonnetiers  avaient  le  droit  de  confectionner 
des  bonnets  de  laine  et  de  drap,  des  chemisettes, 
mitaines,  calottes,  bas,  chaussons,  «  et  toutes 
autres  marchandises  de  soye,  estame,  laine,  fil 
et  cotton  brochées  sur  grosses  et  menues 
aiguilles  ».  Cependant  la  plus  grande  partie  des 
bas  communs  qu'ils  vendaient  étaient  l'aliriqués 
à  «  Dourdan  et  lieux  circonvoisins  de  la 
Beauce  ». 

Quatre  jurés  administraient  la  corporation, 
dont  les  maîtres  étaient  officiellement  qualifiés 
de  bonnetiers-aumnciers-mitonniers.  Ce  dernier 
titre  signifie  faiseurs  de  mitons  ou  mitaines. 

La  crémiolle  dont  il  vient  d'être  parlé  a  été 
appelée  aussi  carmignoUe.,  cremyolle .,  cramignoUe, 
craymioUe.,  etc.  C'était  une  sorte  de  toque  à 
bords  relevés  qui  fit  son  apparition  vers  le  début 
du  règne  de  Louis  XI,  et  qui  fut  portée  jusque 
sous  Louis  XIII. 

Le  bonnet  de  coton  classique,  avec  sa  pointe 
et  sa  mèche,  était  depuis  longtemps  revenu  en 
faveur.  Celui  du  quinzième  siècle  ressemblait 
tout  à  fait  au  nôtre.  Je  crois  que  l'on  ne  s'en 
servait  guère  que  la  nuit,  et  il  faut  arriver  au 
dix-huitième  siècle  pour  assister  à  son  véritable 
triomphe.  Il  est  alors  accepté,  même  de  jour, 
dans  l'intérieur  des  appartements.  Une  foule  de 
portraits  faits  à  cette  époque  représentent 
d'augustes  personnages  coiflfés  du  bonnet  de 
coton.  Pendant  que  la  perruque  reposait  sur  son 
pied  dans  un  coin  d'honneur,  le  bonnet  la 
remplaçait  modestement  ;  toutefois,  les  élégants 
le  recouvraient  d'une  sorte  de  coiffe  en  toile  fine 
serrée  par  un  large  ruban  de  couleur. 

Les  derniers  statuts  que  jiai  analysés  furent 
confirmés  au  mois  de  mai  1638.  Le  nombre  des 
jurés  ou  gardes  fut  alors  porté  à  six.  Trois  d'entre 
eux  étaient  dits  Anciens  gardes.,  les  trois  autres 
Notiveaux  gardes  \  le  plus  ancien  de  tous  portait 
le  nom  de  Grand  garde . 

Sous  cette  administration,  la  comnninaulé 
allait  avoir  à  traverser  une  rude  épreuve  dont 
elle  devait  sortir  victorieuse  ;  je  veux  parler  de 
sa  lutte  avec  les  faiseurs  de  bas  au  métier.  Le 
métier  à  bas,  «  la  plus  excellente  machine  que 
Dieu  ait  faite  »,  dit  Ch.  Perrault  -,  fut  inventée 
vers  le  milieu  du  dix-septième  siècle,  et  causa  un 

1  Tricotera. 

-  Encyclopédie  méthodique.  art.s  et  métiers,  t.  I,  p.  186. 


90 


BOXXETIERS  —  BONNETIERS  DU  FAUBOURG  SAINT-MARCEL 


o^rand  émoi  parmi  les  honneliers.  La  vente  des 
bas  constituait  le  plus  clair  de  leurs  bénéfices,  et 
il  send)lail  bien  probable  que  le  monopole  de  la 
nouvelle  découverte  serait  attribué  à  l'inventeur. 

De  fait,  celui-ci,  dit  une  légende,  fut  rais  en 
relation  avec  Colbert  ;  il  lui  offrit  des  bas  de  soie 
obtenus  par  le  nouveau  procédé,  et  le  ministre 
promit  de  les  présenter  à  Louis  XI\ .  Les 
boiuietiers  prévenus  ne  reculèrent  pas  devant 
une  infamie  pour  sauveg'arder  les  intérêts  de  leur 
corporation  ;  ils  (ra|^^nèrent  un  valet  du  cbâteau, 
qui  s'empara  des  bas  et  y  coupa  avec  précaution 
quelques  mailles.  Elles  cédèrent  ([uand  le  roi, 
sur  les  instances  de  Colbert,  voulut  essayer  b^s 
nouveaux  bas  tissés  au  métier.  L'inventeur 
honteusement  éconduit  tomba  dans  la  misère, 
vendit  sa  machine  à  un  Anglais  pour  un  morceau 
de  pain,  et  alla  mourir  à  l'Hôtel-Dieu.  "''"■•■ 

Cette  navrante  histoire  paraît  avoir  été  mise 
au  jour  pour  la  prendère  fois  par  Savar^^,  dans 
son  Dictionnaire  dio  commerce  '.  Elle  se  vit 
ensuite  confirmée  par  une  communication  très 
précise,  iiiséi'ée  dans  le  Journal  œconomique  °^,  et 
que  M.  QuichenU  •'  a  eu  le  tort  d'accepter 
comme  véridique,  car  l'examen  des  dates  en 
démontre  l'absolue  invraiseudilance. 

On  ne  ihmis  dit  point  vers  (|uelle  année  le 
serrurier  normand  aiwail  livré  son  secret  à 
l'Angleterre  ;  mais  ce  qui  ne  fait  aucun  doute, 
c'est  que  l'invention  fut,  par  la  suite,  importée 
d'Angleterre  en  France  pendant  l'année  1G5(). 
La  vente  consentie  par  l'inventeur  serait  donc 
forcémeid  antérieure  à  cette  date.  Or,  en  1656, 
Coliiert  n'était  encore  que  l'intendant  diî 
Mazariu  ;  c'est  peu  de  jours  avant  sa  mort, 
arrivée  en  KiHl,  que  Mazarin  le  recommanda  à 
Louis  XI\  .  (Jolbert  n'(;ui  donc  pu,  plusieurs 
années  auparavant,  jouer  dans  cette  histoire  le 
rôle  qu'on  lui  attribue. 

Il  est  probable  que  i  aibniialile  machine  bit 
inventée,  vers  1589,  par  un  pasteur  anglais,  el 
c'est  uu  Nîmois,  Jean  Hindret,  (|ui  l'introduisit 
en  France. 

Les  biuiuetiers  cherchèreni  diibiu'd  à  s'en- 
tendre avec  la  société  qui  venait  d  être  formée 
pour  l'exploitation  ilu  nouveau  métier.  Mais 
celui-ci  st;  trouvait  aussi  aux  prises  avec  de 
gniuili's  diflicidtés.  Eulin,  après  ime  lutte  ([ui 
dur.i  |)ln-  d'un  dcnii-siccle  *,  la  victoire  resta 
aux  !l(l^lH•lil■r.^.  Le  roi,  ^<  ayant  (^sté  informé 
(piil  ai-rivoit  jourmdlemenl  des  contestations 
entre  le  corps  dos  man^hands  bonnetiers  et  la 
conmiunauti-  des  maîtres  fabricans  de  bas  », 
n-unit  iMi  iiiif  seule,  pur  arrêt  du  12  avril  172;L 
la  ciirporaliiiu  des  tisseurs  et  la  vieille  commu- 
nauté des  biiunetiers.  A  cette  epucpie.  ecllr-ci 
ciunptait  envinm  ô40  maîtres,  chiliïv  (|iii  piirail 
s'être  peu  modilié  par  la  suite.  Ils  étaient  flits 
ofticiellemeiit  fio)niel  irrs-inimnssirrs-miton  n  iers- 
faiscurs  t/c  has  uu  Irirot  el  un  métier. 

Molière   a   immortalisé,    dans   Les  précieuses 


'   PMil.  <!«•  1723,  nu  mol  bas. 

-  Joiiriutl  trconomiquc,  ii"  ilo  (li-cembrr  17((7,  [i.  ,jô7. 

•'  Histoire  du  cosfumr.   p.  52U. 

'  Voy.  l'ait.  Bas  au  inélier  (Faiseurs  du). 


ridicules,  le  nom  de  Perdrigeon,  le  plus  fameux 
bonnetier  du  dix-septième  siècle.  Quand  Masca- 
rille  demande  à  Madelon  si  les  rubans  qu'il  porte 
sont  de  bon  goût,  Madelon  exprime  son 
admiration  par  ces  mots  :  «  C'est  Perdrigeon 
tout  pur  '  ».  Les  précieuses  ridicules  furent 
représentées  en  1659.  Trente-trois  ans  plus  tard, 
Perdrigeon  n'avait  encore  rien  perdu  de  sa 
célébrité,  car  dans  VArlequin  phuëton  de 
Palaprat,  joué  en  1692,  le  procureur  dit  à 
Phaëton  :  «  Depuis  Perdigeon  -  jusqu'au 
moindre  mercier,  tous  les  marchands  ont  des 
o-arçons  gagés  exprès  pour  glapir  éternellement 
à  tes  trousses  ^  ».  J'ai  trouvé  cet  illustre 
commerçant  mentionné  aussi  dans  La  révolte  des 
passemens  *,  ainsi  que  dans  le  Mercure  galant 
de  1673,  qui  le  nomme  Périgon  -'.  Ce  grand 
homme  demeurait  rue  de  la  Lanterne,  près  de 
Saint-Denis  de  la  Gharlre,  etavaitpour  enseigne 
Les  quatre  vents.        .  m.|-./:ih,1 

Les  bonnetiers  reconnaissaient  pour  patron 
l'anachorète  irlandais  saint  Fiacre,  qui  passait 
pour  être  l'inventeur  du  tricot.  Ils  célébraient  sa 
fête  le  30  août,  dans  l'église  Saint-Jac([ues 
la  Boucherie,  où  ils  possédaient  une  chapelle 
élégamment  ornée  par  leurs  soins.  «  Sur  la 
frise  du  lambris  qui  l'environne,  dit  Sauvai  ^, 
sont  taillés  '  des  bonnets  de  différentes  manières  ; 
dans  les  vitres  sont  peints  çà  et  là  des  chardons 
et  des  ciseaux  ouverts,  principalement  des 
ciseaux  ouverts  avec  quatre  chardons  audessus, 
qui  sont  leurs  premières  armes  ». 

C'est  dans  la  rue  des  Écrivains  **  touchaid.  le 
cloître  Saint-Jacques,  ([n'était  situé  le  bureau  de 
la  corporation.  Il  se  composait  d'mie  petite 
maison  qui  avait  été  cédée  par  la  fabrique,  et 
que  la  communauté  conserva  jusqu'à  la  Révo- 
lution. * 

Yoy.  Bas  au  métier  (Faiseurs  de).  — 
Inspecteurs-Contrôleurs  cl  Jarretières 
(Commerce  des). 

Bonnetiers    du    faubourg    Saint  - 

Marcel.  Ils  se  (lualibaicut  ofliciellement  de 
bonnetiers  -  apprêteurs-foulonHiers  -  appareilleurs. 
Ctmslitués  en  corporation  par  le  bailli  du  fau- 
bourg Saint-Marcel,  ils  avaient  l'eçu  de  lui.  le 
16  août  1627  '^  .  des  statuts  que  je  n'ai  pu 
retrouver.  D'abord  installés  dans  la  rue  de 
Lourcine,  ils  ne  tardèrent  pas  à  s'étendre  jus- 
(pi'aux  environs  de  Sainte-Geneviève.  C'était  un 
petit  monde  d'ouvriers  très  habiles  et  toujours 
en  guerre  avec  les  écoliers.  On  les  appelait 
aussi  bonnetiers  aie  tricot,  ouvriers  en  bas,  bades- 
tamiers,  faiseurs  de  bas  fTestame,  etc.,  et  tous 
jcui's    produits,    bonnets    (Ui     bas.     étaient     fort 


1  Scène  9. 

i  Sic. 

:i  Acir  11,  sc(.iir  .-,. 

^  Daii.s  Ed.  Foiiniier,    Varivlrs.  t.  1,  ji.  2:30. 

■'  Ti.mc  III,  p.  280. 

6  Sauvai,  Antiquités.,  I.    Il,  |i.  -178. 

'  ScuIpU'.s. 

8  Suiiprimi'-e  en   1851,    Itus    du    jjci-ci'iiinil    de    la  lui 
lie  Hivuli. 

9  Savary,  Dictioitmiirf  du  commerce,  art.   Honiutiers. 


BONNETIERS  DU  FAUBOURG  SAINT-MARCEL  —  BOTTIERS 


\n 


estimés.  La  réputalion  de  ces  derniers  dits  das  iln 
faubourg  Saint-Marceau,  se  nia  in  tint  nièiiie 
pendant  près  de  deux  siècles. 

La  communanté  excellait  dans  la  confection 
des  bas  drapés  ',  et  c'est  à  elle  (jiie  l'on  attribue 
l'honneur  d'avoir  créé  une  mode  qui  dure 
encore,  celle  des  bonnets  carrés. 

A  la  tin  du  seizième  siècle,  les  n^ens  (ri<;n;lise 
et  même  les  gens  de  robe  portaient  encore  le 
bonnet  rond,  un  peu  élevé  de  forme  et  sans 
ornement.  Un  bonnetier  de  Saint-Marcel,  le  sieur 
Patrouillet,  eut  l'idée  de  le  rendre  carré,  en 
donnant  à  chaque  ano;le  une  épaisse  saillie. 
Etienne  Pasquier.  qiu  était  resté  fidèle  à  l'an- 
cienne mode,  raconte  ainsi  comment  s'établit  la 
nouvelle  ^  :  Pour  remplacer  le  chaperon,  dit-il, 
«  on  s'advisa  de  faire  avec  <j;randes  aiguilles  des 
bonnets  ronds,  et  y  avoit  un  petit  monde  de 
peuple  qui  en  vivoit,  en  celte  grande  rue  des 
Cordelières  "^,  aux  faux-bourgs  Sainct-Marceau 
de  Paris.  A  ces  bonnets  ronds,  on  commença  d')' 
apporter  je  ne  sçay  quelle  l'orme  de  quadrature 
grossière  et  lourde,  qui  fut  cause  que,  de  mes 
premiers  ans,  j'ay  veu  que  l'on  les  appeloil 
bonnets  à  quatre  brayettes.  Le  premier  qui  _v 
donna  la  façon  fut  un  nonuué  Patrouillet,  lequel 
se  Ht  fort  riche  bonnetier  aux  despens  de  cette 
nouveauté,  et  en  bastit  une  fort  belle  maison  en 
la  rue  de  la  Savaterie  ^  ».  A  la  lin  du  siècle,  on 
trouvait  aussi  des  bonnets  carrés  fort  coquets 
chez  une  dame  Passavant,  qui  demeurait  dans 
la  cité,  près  de  l'église  de  la  Madeleine  ^. 

Les  statuts  de  la  communauté  furent  révisés 
le  17  mai  1701  ••.  Elle  conservait  son  patron 
saint  Médard,  et  avait  pour  armoiries  :  D'argent, 
h  un  bas  de  chausse  d^azur,  accosté  de  deux  bonnets 
de  laine.  L'activité  de  Colbert,  qui  s'efforçait  de 
créer  d'un  bout  à  l'autre  de  la  France  des  manu- 
factures de  bas  tricotés  ^,  porta  le  premier  coup 
à  la  corporation.  Il  fut  suivi  de  l'édit  de 
décembre  1678,  aux  termes  duquel  toutes  les 
communautés  établies  dans  les  faubourgs  étaient 
supprimées.  Les  ouvriers  en  bas  tentèrent  vaine- 
ment de  résister,  et  un  arrêt  de  28  février  1716, 
confirmé  par  lettres  patentes  du  26  avril,  les 
réunit  à  la  corporation  des  bonnetiers  parisiens. 

Bonnetiers  au  tricot.  Voy.  Bonne- 
tiers du  faubourg  Saint-Marcel. 

Boquillons  et  Boscherons.  Voj.  Bû- 
cherons. 

Bosch  et  (Qui  fait  le).  La  Taille  de  1300 
reproduit  deux  fois  cette  mention.  Le  hochet 
était  une  boisson  composée  d'eau  et  de  miel,  à 
l'usage   des   ouvriers,   des  paysans,  des  valets. 


1  On  nommait  ainsi  des  bas  de  laine  auxquels  on 
donnait  l'aspect  laineux  du  drap,  en  faisant  ressortir  le 
poil  au  moyen  du  chardon. 

-  Recherches  sur  la  France,  t.  I,  p.  397. 

•'  La  rue  de  Lourcine,  auj.  rue  Broca. 

*  Dans  la  Cite. 

5  Le  Livre  commode,  t.  II,  p.  75. 

fi  Manuscrits  Delamarre,  n»  21,792,  f"  I4.S. 

'  Correspondance  de  Colbert,  t.  II,  p.  ô27,  -jtJO,  731 
et  passim. 


pour  obtenir  une  cpialité  supérieure,  il  fallait  y 
ajouler  du  gingend)re.  du  poivre  long,  des  cbms 
de  girolle,  etc.  (Jn  trouve  la  recette  du  hochet 
dans  Le  ménagier  de  Paris,  t.  II,  p.  238. 

Bossetiers.  Titre  que  prenaient  les  fondeurs. 
On  nfinimail  ordinairement  bossettes  les  petits 
oi'nemenis  en  relief  qui  servaient  à  dissimuler 
les  Ictes  de  clous  ou  de  rivets  employés  dans  la 
fabrication  des  armures,  des  harnais,  etc. 

Bossetiers  et  Bossiers.  Ouvriers  verriers. 
Voj.  Paraisonniers. 

Bossiers.  On  nonunait  ainsi,  dans  les 
salines,  ceux  cpii  mettaient  le  sel  en  tonneau. 

Botanistes.  La  Quinlinie  '  nomme  ainsi 
les  jardiniers  «  qui  s'attachent  aux  plantes  rares 
et  médicinales  ».  On  lit,  en  outre,  dans  un 
ouvrage  publié  en  1779  -  :  «  Il  y  a  à  Paris 
un  certain  nombre  d'habiles  médecins  qui  se 
consacrent  à  l'enseignement  de  la  botanique,  et 
en  font  des  cours  publics  chez  eux,  dans  leurs 
jardins.  Il  y  a  dans  les  environs  de  Paris  plu- 
sieurs cantons  qui  sont  très  propres  aux  herbo- 
risations. MM.  les  démonstrateurs  du  Jardin- 
Royal  •'  en  font  ordinairement  sept  dans  la  saison 
des  simples,   en  faveur  des  étudians  ». 

Botteleurs.  Dans  les  forges,  c'étaient  les 
ouvriers  occupés  au  bottelage.  Celui-ci  consistait 
à  redresser  les  verges  de  fer  et  à  les  serrer  par  de 
forts  liens. 

Botteleurs  de  foin.  La  grande  ordonnance 
de  janvier  1351  les  nomme  lyeurs  de  foing.  On 
les  trouve  nommés  plus  tard  relieur s-bottelenrs . 
V,n  1701,  Louis  XIV  les  transforma  en  officiers 
jurés,  puis  les  supprima  l'année  suivante*.  Ils 
avaient  pour  patron  saint  Charlemagne,  qu'ils 
fêtaient  à  l'église  des  Mathurins  •>. 

Le  bottelage  des  foins  destinés  à  Paris  devait 
être  fait  à  trois  liens  du  même  foin,  et  chaque 
botte  devait  être  d'une  seule  et  même  qualité. 

Bottiers.  Faiseurs  débottés.  Dès  le  treizième 
siècle,  on  voit  mentionner  les  bottés,  les  bottines 
et  les  brodequins.  Une  jolie  femme,  dit  le  Roman 
de  la  rose, 

marelie  joliettement 

Sur  ses  élégantes  bottines, 
Qu'elle  aura  fait  faire  si  fines. 
Ses  pieds  moulant  si  bien  à  point 
Que  de  plis  on  n'y  trouve  point  •>. 

Au  siècle  suivant  apparaissent  les  bottes  fauves 
à  l'usage  des  damerets  ;  les  bottes  à  creperon 
[crepitœ],  qui  criaient  sous  le  pied  pendant  la 
marche  '  ;  les  lieuses  ou  huèses  [cruralia,  osa, 
hosa,  Jiossa),  bottes  montant  très  haut. 


I  laslructiuns  pour  les  jardins,  préface,  p.  0. 

-  Hurtaut  et  Magny,  Dictionnaire  de  Paris,  t.  I,  p.  C44. 

•'*  Le  Jardin  des  plantes. 

i  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  IIT,  p.  999. 

^  Le  Mass  n.  Calendrier  des  confréries,  p.  30. 

fi  Édit.  elzév..  1.  III,  p.  240. 

'•  Il  i)mA   crriùlalur    in    andiulando    m,    dit    Dueangi', 
au  mot  crépita. 


92 


BOTTIERS  —  BOUCHERS 


Henri  IV  met  à  la  mode  les  bottes  molles  en 
cuir  (le  Russie  (on  prononçait  roussie).  Elles 
avaient  pour  complément  une  espèce  de  socques, 
que  maintenaient  des  sous-pieds  appelés  ww/^/tes, 
et  ces  soulettes  étaient  dissimulées  sur  le  cou-de- 
pied  par  une  pièce  dite  surpied,  que  l'on  voit  à 
toutes  les  bottes  de  ce  temps. 

Sous  Louis  XIII  apparaissent  les  i5o^/i?^«  É?«i!o«- 
noir,  restées  de  mode  durant  la  minorité  de 
Louis  XIV.  A.  ce  moment,  on  augmenta  la 
dimension  de  l'entonnoir,  et  le  fouillis  de  dentelles 
qui  le  garnit  s'appela  un  rond  de  bottes. 

Les  bottes  destinées  aux  cavaliers  étaient  d'un 
poids  énorme,  figuraient  exactement  celles  que 
portaient  encore,  il  j  a  un  demi-siècle,  nos 
postillons.  L'entonnoir,  peu  ouvert,  qui  les 
terminait,  était  garni  de  poches,  oii  l'on 
pouvait  serrer  des  papiers  et  toutes  sortes  de 
petits  objets.  Van  der  Meulen  a  représenté 
Louis  XIV  les  jambes  enfermées  dans  celte 
lourde  chaussure. 

En  166.'î,  un  cordonnier  de  Bordeaux,  nommé 
Lestage  ^  avait  offert  à  ce  grand  roi  une  paire 
de  bottes  faites  sans  qu'aucune  mesure  lui  eut 
été  prise  et  sans  que  l'on  put  )'  apercevoir  une 
seule  couture.  ()n  les  soumit  à  l'examen  de 
plusieurs  cordonniers,  et  ils  furent  forcés  de 
reconnaître,  paraît-il,  que  Lestage  disait  vrai. 
Lorel  lui  consacra  une  colonne  de  sa  gazette 
rimée  -  et  Louis  XIV  en  fit  son  cordonnier 
ordinaire.  Il  lui  accorda  même  des  armoiries, 
que  je  trouve  blasonnées  ainsi  :  D^azw,  à  %ne 
botte  (For  posée  en  pal,  surmontée  d^iine  couronne 
fermée  de  même  et  accostée  de  detix  fleurs  de  lis 
aussi  (Vor. 

VÀ\  bien,  ce  n'est  pas  tout.  Il  faut  bien  y  croire, 
puisque  j'en  ai  là  sous  les  yeux  la  preuve  maté- 
rielle :  on  réunit  en  un  volume  in-quarto  les 
poésies  inspirées  par  ce  mémorable  événement-', 
quatre-vingts  pièces  latines  et  françaises,  ana- 
grammes, épigrammes,  sonnets,  stances,  qua- 
trains, élégies,  etc.,  que  l'imprimeur  fit  précéder 
d'un  averlissement  où  on  lit  que  lo  chef-d'œuvre 
de  Lestage  c  a  donni'^  de  ladmiralion  prescjue 
dans  tout  l'univers  ». 

.\  propos  de  bottes  sans  couture,  je  rapptdlerai 
que  le  secret  d'une  si  merveilleuse  fabrication 
aurait  été  retrouvé  vers  1804.  L.  Prud'homme 
écrivait,  en  effet,  dans  son  Miroir  de  Paris: 
"  (lolman,  au  l'alais-Royal,  fait  des  bottes  sans 
cnulurc.  La  paire  coûte  six  cents  francs;  on  en 
montre  une  pnire  sous  verre,  coniinc  la  rolie  de 
Notre  Sf'igneur  *  ». 

Il  est  ])robable  (jue  Lestage  mourut  avant 
1699,  car.  à  cclli'  date,  le  bollier  de  Louis  XIV 
était  un  sieur  Reniard  hulliegn v  •'. 

Ia's  bottiers  ap[)arlerwiieiil  i'i  \\\  cirpuiiil  ion  des 
ciirdonniers. 


'  M.  (^uirhf-ral  lo  nomme  par  l'irour  Nicoia.s  Lostranj^p. 
Ifistnire  ilii  ro.tfiiiiir.  y.  515. 

-  .I///.'/-  Iiisloriqur.  il"  ilu  .5  nofll  16fVJ. 

•'  Poésies  Hoiinltts  sur  If  sujet  des  tiottes  sans  couture 
prrsrntérs  nu  Roij  pur  le  sieur  Xicoins  I.estnqe.  ninistre 
ciiri/oiiiiier  de  .Sa  Majesté. 

1|  Tom«'  y,  p.  236,  de  loflilion  publié-'  <n  1807. 

'  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  805. 


Boucheries  hippophag-iques.  Sébas- 
tien Mercier  écrivait  vers  1780:  «  On  a  affiché 
dernièrement  une  sentence  de  police,  qui  con- 
damnoit  un  cabaretier  à  une  amende  pour  avoir 
fait  manger  aux  Parisiens  de  la  chair  d'âne  pour 
du  veau.  La  sentence  ajoutoit  :  «  comme  coutu- 
mier  du  fait  ».  On  «  a  été  obligé  de  préposer  des 
hommes  pour  ensevelir  les  chevaux,  parce  que 
plusieurs  aubergistes  venoient  couper  une  tranche 
de  cheval,  et  la  vendoient  pour  du  bœuf  dans  les 
gargotes  qui  peuplent  les  faubourgs  ^  >■>. 

Au  siège  d'Alexandrie,  puis  durant  la  cam- 
pagne de  Russie,  Larrej  préconisa  l'usage  de  la 
viande  de  cheval  et  en  tira  d'excellent  bouillon 
pour  ses  malades. 

La  vente  de  cette  viande  ne  fut  autorisée  qu'en 
juin  1865,  et  restreinte  aux  boutiques  portant  en 
gros  caractères  les  mots  Boucherie  hippopha- 
gique. 

Boucherons.  Voy.  Bûcherons. 

Bouchers.  Dès  l'année  1146,  ils  étaient 
constitués  en  corporation  ^.  Jean  de  Garlande 
nous  apprend  que  les  carnifîces  vendaient  non 
seulement  du  bœuf  et  du  mouton,  mais  aussi  du 
porc  ;  c'est  en  1513  seulement  que  les  charcutiers 
obtinrent  de  débiter  la  viande  de  porc,  soit  crue, 
soit  cuite. 

La  Taille  de  1202  cite  42,  et  celle  de  1300 
mentionne  72  houchiers^  nom  qu'ils  portent 
encore  dans  des  lettres  patentes  d'août  1418.  Au 
treizième  et  au  quatorzième  siècles,  je  ne 
trouve  nulle  part  mention  du  poids  de  la  viande, 
ce  qui  doit  faire  supposer  qu'elle  était  toujours 
vendue  au  morceau,  à  la  main. 

Les  étaux  de  la  Grande-Boucherie .  située  au 
Ciiàtelet,  appartenaient  à  un  certain  nombre  de 
familles  qui  n'admettaient  parmi  elles  aucun 
étranger.  La  loi  salique  y  était  observée  dans 
toute  sa  rigueur  ;  les  mâles  seuls  succédaient.  La 
famille  qui  ne  laissait  pas  d'héritier  masculin 
cessait  de  faire  partie  de  la  société  ;  ses  étaux 
étaient  achetés  par  un  maître  qui  les  réunissait 
aux  sicuis.  Disons  tout  de  suite  qu'en  1637,  la 
(îrande-Boucherie  était  ainsi  devenue  la  pro- 
priété de  quatre  familles  seulement. 

La  corporation  était  régie  par  le  viaUre  de 
boucher^  chef  éle<;tif  mais  à  vie,  qui  ne  pouvait 
être  deslilué  qu'en  cas  de  prévarication.  Quand 
il  mourait,  les  quatre  jurés  administraient 
pendant  la  vacance.  Avant  qu'un  mois  fut  passé, 
tous  ceux  des  bouchers  (pii  avaient  droit  de 
délibération  au  conseil  se  réunissaient  et 
niunmaient  ])arnii  les  plus  notables  bouchers 
douze  électeurs  ;  ceux-ci  après  av.oirjuré  qu'ils 
«  eslircMil  à  leur  escient  le  plus  souffisant  de 
eulx  louz  »,  choisissaient  le  nouveau  maître.  Ce 
maître  exerçait  la  juridiction  du  métier;  les 
appels  de  ses  jugements  allaient  directement 
devant  le  prévcM  de  Paris  ;  il  avait  le  tiers  de 
toutes  les  amendes,  et  conservai!  une  des  trois 


1  Tablenu  de  Paris,  t.  VU,  p.  53. 

2  Voy.    Luchaiiv  ,    Actes  de   Louis    Vil.   n"    1*0,    ci 
Histoire  des  institutions  monarchiques,  t.  II,  p.  145 


BOUCHERS  —  BOUCHOA'NIERS 


\Ki 


clefs  de  la  cassette  dans  laquelle  étaient 
renfermés  le  sceau  et  les  papiers  de  la  corpo- 
ration. Des  deux  autres  clefs  l'une  était  entre  les 
mains  du  prévôt  des  marcliands.  l'autre  entre  les 
mains  des  jurés. 

Ces  derniers,  au  nombre  de  quatre,  assistaient 
le  maître  quand  il  recevait  un  bouclier  ou  un 
écorcheur  ;  ils  avaient  le  maniement  des  fonds  et 
rendaient  tous  les  ans  compte  de  leur  g'eslion 
devant  le  maître  des  boucliers  et  devant  six  jurés 
choisis  parmi  les  g'ens  du  métier.  Quand  les 
comptes  avaient  été  rég-lés ,  on  procédait  à 
l'élection  de  nouveaux  jurés. 

Le  maître  et  les  jurés  devaient  siéger  trois 
fois  par  semaine,  pour  jug-er  les  contraventions 
et  les  ditlérends  nés  au  sein  de  la  communauté. 
Auprès  de  ce  tribunal,  trois  écorcheurs,  élus 
aussi,  remplissaient  les  fonctions  d'huissiers  et 
de  secrétaire. 

Après  la  défaite  des  Bourguignons  (1416)  le 
comte  d'Armag'nac  voulut  punir  les  bouchers  de 
l'aide  qu'ils  avaient  donnée  aux  Cabochiens.  Il 
fit  démolir  la  Grande  Boucherie  du  Châtelet,  qui 
fut  remplacée  par  quatre  boucheries  nouvelles 
construites  aux  frais  du  Trésor.  Dure  justice,  car 
les  bouchers  empêchaient  l'établissement  de 
toute  nouvelle  boucherie  ou  prétendaient  avoir 
droit  de  juridiction  sur  celles  dont  ils  étaient 
forcés  de  subir  la  concurrence.  A  la  fin  du 
treizième  siècle,  les  Templiers  ayant  sollicité  du 
roi  l'autorisation  d'avoir  une  boucherie  dans 
leur  quartier,  le  roi  le  permit,  mais  la  Grande- 
Boucherie  se  plaig'uit  très  haut  et  la  querelle  se 
termina  en  1282  par  une  transaction  qui  consacrait 
les  privilèg'es  de  la  comnmnauté.  Les  bouchers 
assuraient,  dit  l'ordonnance,  qu'eux  et  leurs 
prédécesseurs  avaient  toujours  été  en  possession 
d'instituer  des  bouchers  pour  couper  et  vendre  la 
viande  dans  toute  la  ville  ...  «  Et  par  la  présente 
concession,  disait  le  roi,  nous  voulons  que  ces 
privilèg'es,  coutumes  et  franchises  demeurent 
dans  toute  leur  rigueur  ».  Ce  fut  donc  du 
consentement  et  sous  la  surveillance  delà  Grande- 
Boucherie  que  dut  exister  celle  du  Temple,  qui 
ne  put  avoir  que  deux  étaux,  larg'es  seulement 
de  douze  pieds,  mais  dont  les  patrons  n'étaient 
pas  forcément  choisis  parmi  les  fils  de  maître. 

La  Grande-Boucherie  fut  reconstruite  en  1418 
et  remise  en  possession  de  tous  ses  privilèges. 
Après  bien  des  vicissitudes,  les  propriétaires  se 
virent  autorisés  à  ne  plus  occuper  leurs  étaux  en 
personne.  Ils  les  louèrent  à  des  étaliers.  Ceux-ci, 
unis  aux  étaliers  d'une  boucherie  située  près  du 
cimetière  Saint-Jean,  demandèrent  au  roi  de 
leur  octroyer  des  statuts.  Ils  imitaient  en  cela  la 
boucherie  dite  de  Beauvais  qui  avait  reçu  des 
statuts  l'année  précédente.  Ceux  de  la  Grande- 
Boucherie  sont  datés  de  février  1587.  L'appren- 
tissag-e  y  est  fixé  à  six  ans.  Nul  ne  peut  être 
reçu  maître  s'il  n'est  «  de  bonne  vie  et  conver- 
sation. »  Il  faut,  en  outre,  qu'il  ait  parlait  le 
chef-d'œuvre  consistant  à  «  habiller  un  mouton, 
un  veau  ou  un  porc.  »  Les  fils  de  maître  sont 
dispensés  du  chef-d'œuvre  et  on  exige  seulement 
d'eux  qu'ils  aient  servi  trois  ou  quatre  ans  chez 
leur  père  ou  leur  mère.  Les  veuves  sont  autorisées 


à  continuer  le  commerce  de  leur  mari  ' .  En  1650, 
les  bouchers  de  Paris  réunis  déclarèrent  accepter 
ces  statuts  comme  règlement  pour  eux  tous. 

Au  siècle  suivant,  le  lieutenanl  général  de 
police  limita  à  240  le  nombre  des  maîtres.  Chacun 
d'eux  opérait  encon;  les  tueries  et  dépeçait  en 
puiilic  dans  sa  cour,  car  il  n'existait  pas  d'abat- 
toirs. Sébastien  Mercier  vers  1780  et  Prudhomme 
en  1807  font  un  répugiianl  tableau  de  ces 
exécutions  :  «  On  entend  les  cris  plaintifs  du 
bœuf  et  du  mouton  ...  le  sang;  ruisselle,  vos 
souliers  en  sont  emprégnés...  » 

La  communauté  des  bouchers  était  placée 
sous  le  patronage  du  Saint  SacrenuMit. 

Voy.  Abattoirs.  —  Aboivrement.  — 
Bestiaux  (Marchands  de)  il  Maître 
des  bouchers- 


Bouchiers.    Voy.  Bouchers 
reaux. 


Bour- 


Bouchon  de  cabaret.  Le  titre  111  de 
la  grande  ordonnance  de  février  1415  exige  que 
tous  les  marchands  de  vin  au  détail  surmontent 
leur  porte  d'un  cerceau.  On  lui  substitua  de 
bonne  heure  un  emblème  plus  compliqué  et 
moins  précis.  Au  dix-huitième  siècle,  le  mot 
bouchon  est  ainsi  défini  :  «  C'est  un  sig-ne  que 
l'on  met  à  une  maison  ou  à  une  cave  pour 
indiquer  qu"on  y  vend  du  vin  au  détail.  11  est 
fait  ordinairement  de  lierre,  de  houx,  de  cyprès 
ou  de  quelque  autre  arbre  qui  conserve  sa  verdure  ; 
quelquefois  tout  simplement  d'un  chou  ^  ».  J'ai 
cependant  trouvé  une  sentence  du  25  février 
1729  qui,  sans  alléguer  aucun  raison,  interdit  aux 
marchands  de  vin  de  faire  figurer  sur  leurs 
enseignes  un  chou.  Le  même  règ'lement  veut 
que  toutes  leurs  boutiques  soient  munies  de 
barreaux  de  fer,  tradition  qui  s'est  conservée 
jusqu'à  nos  jours.  Voici  le  texte  de  cette  pièce  : 
Sentence  de  police,  en  forme  de  règlement,  qui 
ordonne  que  les  marchands  de  vin  auront  à  leurs 
maisons  et  caves  des  enseignes  et  barreaux  pour 
indication  de  leur  commerce,  avec  défense  d'y 
mettre  un  chou. 

Bouchonniers.  Ils  avaient  la  spécialité 
des  objets  en  lièg'e.  Ils  vendaient,  au  cent  ou  au 
millier,  des  bouchons  qui  presque  tous,  venaient 
des  Landes  où  on  les  fabriquait  au  couteau.  Ceux 
d'Angleterre  étaient  beaucoup  moins  estimés. 

On  ne  se  servit  que  fort  tard  de  bouchons  de 
liège  pour  les  bouteilles.  Pendant  longtemps,  on 
se  borna  à  verser  sur  le  liquide  une  légère  couche 
d'huile  qui  surnageait  à  l'entrée  du  vase.  De 
cette  coutume  est  venu  l'habitude  de  verser  dans 
son  propre  verre  les  premières  gouttes  d'une 
bouteille  avant  d'en  offirir.  Parfois  aussi,  on 
employait  un  bouchon  de  chanvre  tordu  et 
imbibé  d'huile  "^ .  Je  trouve  dans  un  compte  de 
1594  cette  phrase  :  «  A  Fousteau  et  la  Serre, 
pour  estoupes  qu'ils  ont  fourny  au  [  service  du] 

1  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  I],  jj.  12"2li. 

2  Encyclopédie  méllwdiqtie,  commerce,  t.  I,  p.  28"). 

3  Voy.  Luui.s  l'errier,  Mémoire  sur  le  vin  de  Cliumpuyne, 
dans  le.s  Mélunyes  publiés  par  la  Sociélé  des  bibliopliiles 
français,  t.  II,  p.  2,  9  et  18. 


94 


BOUCHONMEKS  —  B0UDINI1<:KS 


«•obelet,  pour  faire  bouchons  aux  bouteilles 
dudil  oifice  '  ».  KiiHii,  l'article  23  des  statuts 
accordés  en  février  1059  aux  verriers-bouteillers 
leur  prescrit  de  boucher  leurs  flacons  avec  «  des 
bouchons  faits  de  bon  chanvre  et  d'étoupes  bien 
nettes  ». 

Les  bouchonniers  confectionnaient  aussi  les 
semelles  de  liè^e,  dont  l'emploi  est  beaucoup 
plus  ancien  que  celui  des  bouchons.  En  1545, 
de  petits  marcliands  parcouraient  les  rues  en 
criant  des  : 

Scmf'llf's  à  bouter  dans  It'S  bottes 
Ils  sont  bonne  pour  la  froidure  -. 

Il  paraît  que  depuis  longtemps  l'on  ne 
craij^nail  pas  de  les  multiplier,  car  le  poète 
Coquillart  écrivait  vers  1480  : 

N'oz  mignonnes  sont  si  très  haultes  •* 
Que  pour  sembler  grandes  et  belles, 
Elles  jMjrleiit  |iantlioufles  liaultes 
Hieii  .1  viiigt-ijUHtre  .semelles  *. 

Et  elles  Continuèrent  à  en  porter  juscju'au 
milieu  du  dix-septième  siècle,  car  je  lis  dans  un 
curieux  volume  publié  t;n  ](j'.i'S  :  «  \'ouscoo;-nois- 
sez  bien  cette  noire,  qui  a  un  pied  et  demi  de 
Hèo-e,  et  veut  passer  pour  avoir  belle  taille  ^  ». 

Dans  Le  maître  valet  de  Scarron.  joué  en  1645, 
Jodelet  dit  à  Isabelle  : 

Dites-moi,  ma  maîtresse,  avez-vous  bien  du  liège? 
Si  vous  n'en  avez  point,  vous  êtes  sur  ma  foi. 
Dune  fort  belle  taille,  et  digne  d'être  a  moi  «. 

Ihuis  le  Vir(jile  travesti,  Didon  s'informe 

Si  tlame  Hélène  avait  du  liège, 
De  (|U<,'1  fard  elle  se  servoit, 
Combien  de  dents  Hécube  avoit, 
Si  Paris  étoit  un  bel  homme  "^ . 

Les  patenôtriers  d'os  et  de  corne,  qui  ne 
conqjlaient  plus  guère  que  deux  ou  trois  maîtres 
en  172<).  furent,  par  arrêt  du  24  aoilt.  réunis  à 
la  corporation  des  bouchoimiers.  (^elle-ci  prit 
alors  le  titre  de  j)atenMriers-cornetiers-bonehoii.- 
niers-votantiers,  et  ses  statuts  lui  attribuèrent  le 
droit  de  fabriquer  et  v<'ndre  une  foule  d'objets  : 
patenôtres  (h'  bois  et  de  corne,  écritoires  de  corne, 
bouchons  de  liège  en  carrés  ou  en  planches, 
bouchons  pour  les  carafons  et  bouteilles,  seaux 
de  liège  pour  conserver  la  glace  et  rafraîchir 
vins  et  liqueurs,  volants  à  jouer,  etc.  «  Et  à 
l'esgard  de  l'excédent  do  plumes  qui  entre  dans 
la  confection  des  volans,  pourront  en  faire  des 
cure-dents,  si  bon  leur  semble  ». 

Boucletiers  de  ceintures.  Voy.  Bou- 
cliers. 

Boucliers.  Fabricants  de  b(jucles.  Les 
biiMcles  j.Muiieiil  iiii  grand  rôle  (hms  l'habillement 
au  moyen  ûge.  i>'abbé  Cochet  n'en  a  pas  trouvé 


'  \  "\  .  le  (ilossairg  île  (iay,  I.  I,  p.   IHI. 

*  l.i'S  cent  ri  sept  cria,  etc. 

•'•  ilauUiines,  ou,  par  ironie,  si  petites. 

*  (Kucres,  édil.  elzév.,  I.  1,  |».  157. 

5   /.en  iimuuis.  iiiliiijuis lies  Juiiie.s/ii/ues   des   i/iiiriitts 

iiinisoiis,  p.  XI\  . 
fi  .\cle  II,  .seène  7. 
"   Livre  1,  édil.  de  1720,  (..  t<5. 


moins  de  cent  cinquante  dans  les  tombes  fouillées 
à  Envermeu  :  on  en  a  découvert  ainsi  un  peu 
partout,  de  tous  styles,  de  toutes  formes  et  de 
tous  métaux. 

Les  boucles  d'or  et  d'argent  étaient  l'œuvre 
des  orfèvres,  les  boucles  communes  se  confec- 
tionnaient chez  les  boucliers.  Jean  de  Garlande 
les  nomme  pluscularii  et  pluscarii  ',  et  le  Livre 
des  métiers  ^  nous  apprend  qu'ils  formaient  au 
treizième  siècle  deux  corporations  distinctes, 
ayant  chacune  ses  statuts  particuliers  :  c'étaient 
les  boucliers  Je  fer  et  les  loucliers  (Tarchal  •*,  de 
cuivre  et  de  laiton. 

Chez  les  boucliers  de  fer,  on  demandait  à 
l'apprenti  huit  ans  s'il  apportait  quarante-cinq 
sous,  dix  ans  s'il  était  sans  argent.  Mais  iml, 
disent  les  statuts,  «  ne  doit  prendre  aprenti,  se 
il  n'est  si  saige  et  si  riche  qu'il  le  puist  aprendre 
et  gouverner  ». 

Tout  apprenti,  avant  d'être  admis  à  l'atelier, 
versait  entre  les  mains  des  jurés  une  somme  de 
cinq  sous.  Celle  redevance  formait  un  fonds 
spécial,  destiné  à  l'entretien  et  k  l'instruction 
des  «  povres  enfans  du  mestier  »,  c'est-à-dire 
des  fils  de  maître  restés  orphelins  et  pauvres. 

La  seconde  corporation  exigeait  un  appren- 
tissage moins  long  :  six  ans  avec  quarante  sous 
ou  huit  ans  sans  argent. 

Le  travail  à  la  lumière  était  interdit.  En  été, 
les  ouvriers  quittaient  l'atelier  dès  que  complies 
sonnaient  à  l'église  Saint-Merri ,  autour  de 
laijuelle  presque  tous  étaient  logés  ;  en  hiver,  ils 
étaient  libres  «  .si  tost  come  ils  voient  passer  le 
segont  crieur  du  soir  ». 

La  corporation  était  administrée  par  cinq  jurés, 
dont  trois  pris  parmi  les  maîtres  et  deux  parmi 
les  ouvriers. 

Elle  avait  pour  patron  saint  Léonard,  «  mon- 
seigneur S.  Lienart  ». 

Les  boucliers  ne  figurent  pas,  au  quinzième 
siècle,  dans  l'ordonnance  dite  des  Bannières.  Ils 
étaient  donc  déjà  réunis  à  une  autre  commu- 
nauté. 

Une  pièce  de  1586  les  nomme  boucletiers  de 
ceintures. 

Boucliers  (Faiseurs  de).  Voy.  Scuciers. 

Boudiniers.  Faiseurs  de  boudins.  Les 
statuts  accordés  aux  cuisiniers  en  1268  leur 
interdisent  la  vente  du  boudin  *.  La  Taille  de 
t'^'J2  mentionne  douzt!  boudiniers,  celle  de 
L'iOO  en  cite  six  seulement.  Une  pièce  pidjliée 
par  M.  G.  Fagniez  ^  prouve  qu'en  1409  Paris 
comptait  au  moins  neuf  boudiniers. 

L'ordonnance  de  janvier  1351  les  nomme 
faiseurs  de  boudins  et  andouilles  ^. 

Ils  se  fondirent  dans  la  corporation  des 
charcutiers,  qui  ajoutèrent  alors  à  leurs  titres 
celui  de  boudiniers. 


'   lUclioHiirius,  p.  23. 

'-  Titres  XXI  et  XXII. 

■*  ^^y.  l'art.  Arehaliers. 

l   l.ine  (les  métieis.  titre  LXIX,  art.   13. 

5  Eludes  sur  l'i/idiistrie.  p.  o'SHt. 

6  Article  224. 


BOUKUKS  —  boulan(;eks 


95 


Boueurs.  NOy.  Ordtires  ménagères 
(Binlèvement  des). 

Boueurs  des  ports.  «  Scnnil  les  boueurs 
(les  [jdi'ls  tenus  de  faire  iiello^ycr  cl  enlever, 
par  chacun  jour,  les  bt)ues,  ordures  et  inunou- 
dices  ([ui  se  trouveront  sur  les  ports,  sans  ([ii'il 
leur  soit  loisihle  de  les  jeter  dans  le  licl  de  la 
rivière  »  ' . 

Boueux,  sjnonvnie  popidaii-e  de  lioueurs. 

Boug'eniers.  On  numinail  ainsi  les  ouvi'iers 
([ui  rabri([uaienl  les  yi-os  traits  d'arlialètes  dits 
hmijoiiH  ou  houjons. 

(  )ii  trouve  aussi  hmtjnnniers  '. 

Boug'iers.  Yo.v.  Boulgiers. 

Bougies  (Fabricants  dk).  \'oy.  Oiriers. 

Bougonneurs.  Voy.  Boujonneurs. 

Bougraniers.  Fabricants  de  bouf^ran.  Au 
début,  le  bougran  fut  une  étolFe  de  coton  très 
lég'ère,  orig-inaire  tle  Bulg-arie,  et  qui  se  classe 
avec  les  tissns  les  plus  pivcieux.  Mais,  dès  le 
quatorzième  siècle,  le  mot  bougran  sert  à 
désigner  un  tissu  de  chanvre,  beaucoup  moins 
estimé  que  le  précédent,  car  on  commence  à  en 
faire  des  vêtements  de  dessous  et  des  doublures  ^. 
Enfin,  au  dix-huitième  siècle,  le  bougran  n'est 
plus  qu'une  toile  g'rossière,  qui,  placée  entre 
l'étoffe  et  là  doublure  des  habits,  sert  à  les 
soutenir,  à  leur  conserver  leur  forme.  Il  s'en 
fabrii[uait  beaucoup  à  Paris,  qui  en  recevait  aussi 
de  Caen.  de  Rouen,  d'Alençon,  etc.  *.  Depuis 
long-temps  les  bougraniers  ne  formaient  plus  à 
eux  seuls  une  corporation,  ils  avaient  en  1572 
été  réunis  aux  lingères. 

On  a  appelé  hoiigrain  les  bannes  que  les 
marchands  tendaient  devant  leurs  boutiques  pour 
les  garantir  du  soleil  et  aussi,  disait-on,  pour 
les  assombrir  aux  dépens  de  leurs  clients  ^ . 

Boujonneurs.  Nom  donné  aux  jurés  dans 
quebjues  manufactures  de  drap.  Ils  mesuraient, 
plombaient,  puis  marquaient  les  pièces  au  moyen 
d'un  instrument  appelé  hmijon  ou  bougon. 

(Jn  trouve  aussi  bougonne^irs  et  houjonniers. 

Boujonniers.  Yoy.  Bougeniers  et 
Bouj  onneurs, 

Boulang'erie  (École  de).  Elle  fut  fondée, 
vers  1780,  dans  la  rue  de  la  flrande-Truanderie, 
par  le  lieutenant  de  police  Lenoir,  et  destinée 
à  l'enseignement  technif[ue  des  ouvriers  bou- 
langers. Les  cours  y  étaient  gratuits  et  faits, 
deux  fois  par  semaine,  sous  la  direction  de 
Parmentier  et  de  Cadet  de  Vaux.  Ils  n'étaient  pas 
seulement  théoriques  :  on  fabriquait  là  le  pain 


1   Oiilonn.  df  décembre  1072,  cliap.  1\',  ai-t.  9. 
-  Ducange,  Glossarmm.  au  mut  bohoniis. 
•'   Vy.  Micliel.  Tissus  de  soie  au  muijen-â<je,  t.  II,  ji.  29 
et  suiv. 

4  Savaiy,  Dielioniuiire   du  cidk merci'.    \.    I,  ]i.   432. 
"•>   \  uy.  'Xuel  du  l'^ail,   Cunles.  ]..  :5atî. 


blanc  destiné  à  l'école  militaire  et  le   pain  bis 
destiin''  aux  prisons  ' . 

Boulangers.  Un  roi  antérieur  à  saint  Louis, 
Philippe-Auguste  peut-être,  avait  concédé  les 
revenus  et  la  juridiction  professionnelle  des 
boulangers  à  son  g-rand  panetier,  qui  conserva 
ce  privilège  jusqu'en  1711.  A  cette  date,  le  titre 
de  grand  panetier  appartenait  au  duc  de  Cossé- 
Brissac  -  ;  il  vendit  la  renonciation  à  ses  droits 
plus  de  cent  mille  livres,  qui  furent  payées  par  la 
corporation. 

.Jean  de  Garlande  nous  apprend  qu'au  milieu 
du  treizième  siècle,  les  pistores  vendaient  des 
pains  faites  de  froment,  de  seigle,  d'orge, 
d'avoine,  de  méteil  et  même  de  son  ■^ .  Ils 
prennent  le  nom  de  talemeliers  dans  les  statuts 
très  complets  et  très  curieux  qu'ils  soumirent, 
vers  1268  à  l'homologation  du  prévôt  de  Paris 
Etienne  Boileau  *.  Cliaque  atelier  se  composait 
alors  d'un  gindre  [joindre].,  de  vanneurs  [vaneres), 
de  bluteurs  [buleleres]  et  de  pétrisseurs  [pestri- 
seurs).  On  ne  cuisait  pas  les  jours  de  l'ête,  qui 
représentaient  presque  un  quart  de  l'année,  les 
Parisiens  mangeaient  donc  rarement  du  pain 
frais.  Le  commerce  n'était  pas  interrompu  le 
dimanche,  mais  les  boutiques  restaient  entr'ou- 
vertes  seulement. 

L'ordonnance  du  30  janvier  1351  nomme  les 
maîtres  talemeliers,  talemeniez ,  thalemeniers, 
bolengiers  et  boulengiers  ;  mais  il  ne  serait  pas 
impossible  qu'une  nuance  existât  entre  les  deux 
formes.  La  seconde  viendrait  de  ce  que  les  pains 
de  cette  époque  avaient  en  général  l'apparence 
d'une  boule  ^.  Boulangers  ne  se  rencontre  guère 
avant  le  seizième  siècle. 

Au  début,  l'unité  type  du  pain  était  la  denrée 
ou  pain  d'un  denier,  d'où  l'on  fit  le  douhleau  de 
deux  deniers,  et  la  demie  d'un  demi-denier  ou 
obole.  Le  prix  de  ces  pains  ne  variait  pas  ;  mais, 
sur  l'avis  des  jurés  talemeliers,  on  réduisait  ou 
l'on  augmentait  leur  dimension,  suivant  que  le 
blé  était  plus  ou  moins  cher.  A  dater  de  1439 
seulement,  le  pain  fut  vendu  au  poids,  ce  furent 
alors  les  prix  qui  varièrent.  Les  pauvres  allaient, 
le  dimanche,  au  marché  Saint-Christophe  près 
de  Notre-Dame,  où  l'on  mettait  en  vente  les  pains 
défectueux,  trop  cuits,  trop  levés,  trop  compacts, 
ou  trop  petits  qui,  pendant  la  semaine,  avaient 
été  saisis  ptu*  les  jurés  chez  les  boulangers  de  la 
banlieue.  Quant  à  ceux  qui  étaient  confisqués  pour 
les  mêmes  raisons  chez  les  talemeliers  de  Paris, 
on  les  distribuait  gratuitement  aux  pauvres. 

Pendant  fort  longtemps,  on  appela  pain  de 
cuisson  celui  qui  était  cuit  chez  les  bourgeois, 
par  opposition  au  pain  de  boulanger.   D'autres 


1  Vi>y.  Détail  de  quelques  étublissetiiens  de  la  ville  de 
Paris,  demandé  par  la  reine  de  Jfonqrie  à  M.  Lenoir.  Paris, 
in-8",  p.  50.  —  Tluér\%  (luidedes  amateurs,  t.  I,  p.  475. 
—  S.    Mercier,   Tableau  de  Paris,  t.  VIII,  p.  154. 

2  Voy.  ci-dessous  l'art.  Concessions  de  métiers. 

3  «  Pistores  Parisius  vendunt  panes  de  fmmento,  de 
siligine,  de  ordeo,  de  avena,  de  acere,  item  fréquenter 
de  furfure  »•.  Dictionarius,  édit.  Sclieler,  p.  26. 

*  Livre  des  viéliers,  titre  I. 

S  \  oy.  Uucaniif,  (llossarium.  au  mot  l/olendeyarii. 


96 


BOULANGERS 


expressions,  fréquentes  dans  les  statuts  du 
treizième  et  du  quatorzième  siècles,  demandent 
également  une  explication.  Ainsi,  on  nommait: 

Pain  aliz,  celui  qui  était  fait  avec  des  restes  de 
pâtes,  et  devait  être,  dès  lors,  trop  serré,  trop 
compact.  11  est  cité  dans  le  Livre  des  métiers.     ■ 

Pain  ars  ou  eschaudé,  le  pain  trop  cuit. 

Pain  de  brode,  dit  aussi  pain  faitis,  un  pain 
bis,  mélange  de  seigle  et  de  gruau. 

Pain  de  Chailly.  Pain  de  première  qualité, 
cité  sous  ce  nom  dans  une  ordonnance  de 
décembre  1372.  Il  faudrait  dire  pain  de  Chilly, 
car  il  était  abirs  apporté  à  Paris  de  VJdlly, 
aujourd'hui  Chilly-Mazarin  (Seine-et-Oise). 

Pain  de  chapitre  dit  aussi  choine  et  choesne. 
Les  chanoines  de  Notre-Dame  recevaient  chaque 
matin  un  de  ces  pains  exquis  ^,  d'où  est  venu  le 
proverbe  :  «  Il  a  mangé  son  choine  le  premier  »  ^. 

Pain  coquille.  Pain  dont  la  croûte  formait  de 
nombreuses  boursouilures.  Il  est  cité  sous  ce 
nom  dans  l'ordonnance  de  décembre  1372.  C'est 
celui  que  les  statuts  de  mars  1659  nomment  pain 
de  ménage  et  qui  est  devenu  pain  bourgeois. 

Pain  de  Corbeii..  Il  est  cité  dans  les  statuts 
de  1367. 

Pain  de  Gentili.v.  Celait  un  pain  au  beurre. 

Pain  de  Gonesse.  Il  était  déjà  très  recherché 
au  treizième  siècle,  et  sa  vogue  se  soutint  jusqu'à 
la  Révolution.  Colletet,  dans  ses  Tracas  de 
Paris  •*,  le  déclare  préférable  à  tous  les  autres 
pains,  même  au  pain  à  la  Monlauron,  même  au 
pain  à  la  reine.  Séb.  Mercier  écrivait  encore 
vers  1780  :  «  A  six  heures,  les  boulangers  de 
Gonesse,  nourriciers  de  Paris,  apportent,  deux 
fois  la  semaine,  une  très  grande  quantité  de  pains. 
Il  faut  qu'ils  se  consomment  dans  la  ville,  car 
il  ne  leur  est  pas  permis  de  les  emporter  *  ». 

Pain  de  Melun.  Pain  excellent,  très  estimé 
déjà  au  quatorzième  siècle.  Dans  la  suite, 
quehjui's  g(jurniets  tirent  venir  à  Paris  des  farines 
et  des  boulangers  de  Melun,  sans  pouvoir  obtenir 
d'eux  la  qualité  recherchée  •'. 

Pain  mksciievé.  Pain  vendu  à  un  prix  inférieur 
u  ct'bii  (|ui  était  lixé  pour  sa  dimension  *". 

Pain  mestourné,  «  c'est-à-dire  pain  trop 
petit  '  ». 

Pain  pi.at.  l'iiin  hlanc  de  un  deni(;r  "^ . 
Pain  de  pote.  Pain  de  luxe  don!  le  boulanger 
lixail  If  prix  à  sa  voh)nté  '*. 

Pain  raté.  «  Que  rai  ou  souris  oui  entamé  "^  ». 

Pain  hkhoutis.  I';iin  (iéit'clut'ux.  doiil  la  vente 
t'Iail  inUM-dili'  *  ' . 


'    l)uiJiii(;i\  au  inol  iMiiin  cliuesiiv. 

1  Voy.  (i.  Ménni/'-,  Dictionnaire  élumoloqiaue. 

^  ft.l.l.  .Ir  18r,!.,  |..  i>46. 

*    Tiihlrnn  lie  l'aris.  I.  IV,  p.   153. 

•'  1 1  urt«ut  ot  M/ij^fiiy,  hictiimiiaire  th  Paris.  1 .  111 ,  | >  .".2.' 

•'•  Litre  tirs  inr/iirs.  litrr  I,  a  ri.   40 . 

"   Lierf  (les  métiers,  tilri'  1,  art.  54. 

"  /.e  mènagirr  île  Paris.  (.  Il,  y.   10!>. 

■'  Litre  lies  métiers,  lilri"  I,  art.   41. 

'"  Litre  lies  mrliers.  tiln-   1,  art.  54. 

'•   Litre  des  métiers,  litro  1,  art.  54. 


Pain  de  Saint-Brice.  11  est  cité  dans  les 
statuts  de  1367. 

Pain  de  tranchoirs.  On  appelait  tranchoirs 
d'épais  morceaux  de  pain  bis,  a3'ant  la  forme 
ronde,  et  qui  tenaient  lieu  d'assiettes.  Ils  furent 
en  usage  jusqu'au  début  du  dix-septième  siècle. 
On  disait  aussi  pain  tailloir. 

Un  arrêt  du  13  février  1523  ordonna  aux 
boulangers  de  faire  sans  cesse  des  pains  «  de  trois 
sortes  de  blancheur,  bonté  et  poids,  savoir  : 

Pain  de  Chaillj,  12  onces. 
Pain  bourgeois,  2  livres. 
Pain  de  brode,  6  livres  ». 

Le  règlement  de  police  du  30  mars  1635  leur 
enjoignit  de  cuire  chaque  jour  des 

Pains  de  Chailly,  de  12  onces. 
Pains  de  chapitre,  de  10  onces. 
Pains  bourgeois,  de  16  onces. 
Pains  bis  de  brode,  de  14  onces. 
Tous  au  prix  de   12  deniers.   Mais  il  y  avait 
des  demies  ^ . 

Citons  encore  quelques  noms,  qui  sont  en 
général  postérieurs  au  quatorzième  siècle  : 

Pain  artichaut.  Pain  à  plusieurs  cornes. 

Pain  balle.  Pain  grossier  qui  contenait  encore 
la  halle  ou  enveloppe  du  grain.  Rabelais  l'a 
mentionné  ^. 

Pain  bis-blanc.  Celui  qui  est  fait  de  farine 
blanche  et  de  gruau. 

Pain  de  bouche.  Pain  un  peu  salé,  rempli 
d'yeux,  fait  d'une  pâte  bien  travaillée,  bien  levée. 
Dit  aussi  pain  de  courtisan,  il  se  rapprocliail  du 
pain  de  chapitre. 

Pain  de  brasse.  Pain  comnnui,  destiné  aux 
domestiques. 

Pain  broyé.  Il  n'était  guère  en  usage  que  pour 
le  chef-d^ œuvre  exigé  des  compag-nons  boulangers 
qui  voulaient  être  admis  à  la  maîtri.se. 

Pain  chaland.  Pain  très  blanc  et  très  bien 
fait.  Ce  nom  s'est  donné  à  tous  les  pains  venant 
des  environs  de  Paris,  celui  de  Gonesse  excepté. 

Pain  chapelé.  Celui  dont  on  a  gratté  la  plus 
grosse  croûte. 

Pain  de  citrouille.  Celui  dans  lequel  on 
avait  mêlé  un  peu  de  citrouille  cuite.  U  passait 
pour  très  rafraîcliissanl. 

Pain  de  condition.  Voy.  ci-dessous  Pain 
mollet. 

Pain  cornu.  Celui  (|ui  représenlail  quatre 
cornes. 

Pain  de  courtisan.  Voy.  ci-dessus  Pain  de 
bo^iche. 

Pain  de  deux-couleurs.  Pain  bigarré, 
composé  alternativement  d'une  couclie  de 
froment  et  d'une  couche  de  seigle. 

Pain  de  disette.  Voy.  ci-dessous  Pa^'w  cTory^. 

Pain  a  la  duchesse.  Voy.  Pain  mollet. 

Pain  d'espiotte.  Variété  de  pain  de  seigle. 


'   Dt'lainarre,  Traité  de  la  police,  t.  I,  p.  r22. 
-  Livre  I,  cliap.  25. 


BOULANGERS  —  BOULANGERS  DES  FAUBOURGS 


97 


Pain  d"esprit.  Voy.  Pain  mollet. 

Pain  d'étrennes.  Celui  que  les  paroissiens 
offraient  en  présent  à  leur  curé  vers  les  fêtes  de 
Noël. 

Paln  féodal.  Celui  que  certains  vassaux 
étaient  tenus  de  fournir  à  leur  seig-neur. 

Pain  ferré.  Pain  brûlé  on  dessous  par  suite 
d'une  trop  forte  cuisson. 

Pain  de  festin.  Il  était  fait  de  pâte  légère 
dans  laquelle  entrait  du  lait,  doré  par  dessus  avec 
des  œufs  et  cuit  à  four  ouvert. 

Pain  a  la  Fronde.  Mot  mis  à  la  mode 
pendant  le  soulèvement  contre  Mazarin.  Voj. 
ci-dessous  Pain  de  Paris. 

Pain  grison.  Variété  de  pain  de  gruau. 

Pain  haligourde.  Variété  dans  laquelle 
entrait  beaucoup  de  gruau. 

Pain  a  la  Joyeuse.  Après  le  mariage  du  duc 
de  Joyeuse  avec  la  sœur  de  la  reine  (1581),  tout 
fut,  un  moment,  à  la  Joyeuse. 

Pain  a  la  maréchale.  Voy.  ci-dessous  Pain 
à  la  Montaui'on. 

Pain  a  la  mode.  Voy.  Pain  mollet. 

Pain  mollet.    Petit   pain   de    luxe,  dont  la 
forme,    la   composition   et  le   nom    changèrent 
souvent.  On  peut  citer,  parmi  les  variétés  succes- 
sives de  pains  mollets  : 
Le  pain  blême.  Le  pain  à  la  mode. 

Le  pain  à  café.  Le  pain  à  laMonlauron. 

Le  pain  de  condition.      Le  pain  de  mouton. 
Le  pain  cornu.  Le  pain  à  la  reine. 

Le  pain  à  la  duchesse.    Le  pain  de  Ségovie. 
Le  pain  d'esprit.  etc.,  etc.,  etc. 

Pain  a  la  Montauron,  dit  aussi  à  la  maréchale. 
Pain  au  beurre,  qui  devait  son  nom  au  fastueux 
financier  à  qui  Corneille  dédia  Cinna. 

Pain  moussaut.  Variété  du  pain  de  gruau. 

Pain  mouton.  Pain  mollet,  dont  la  croûte, 
dorée  avec  des  jaunes  d'œufs,  était  en  outre 
saupoudrée  de  quelques  grains  de  blé.  C'était  un 
de  ces  petits  présents  que  les  domestiques 
donnaient  en  étrennes  à  leurs  jeunes  maîtres. 

Pain  de  mumtion.  Pain  destiné  aux  troupes. 
Dans  Les  contens  de  Tournebu  (1581),  Nivelet 
dit  à  Rodomont  :  «  11  me  semble  que  le  pain  de 
munition  n'a  point  si  bon  goust  que  le  pain  de 
chapitre  de  Paris  ■*  ».  A  la  fin  du  dix-huitième 
siècle,  chaque  homme  en  recevait  par  jour  une 
livre  et  demie. 

Pain  de  Noël.  Redevance  que  certains 
vassaux  étaient  tenus  de  payer,  au  moment  de 
Noël,  à  leur  seigneur. 

Pain  d'orge.  Pain  grossier  qui  ne  s'employait 
qu'à  défaut  de  tout  autre.  Aussi  l'appelait-on 
pain  de  disette. 

Pain  Paget.  Ainsi  nommé  du  financier  Paget 
du  Plessis.  Il  remplaça  le  pain  à  la  Montauron, 
après  la  déconfiture  de  ce  dernier  ^ . 


^  Ancien  théâtre  françoia,  t.  ^'11,  p.  124. 
-  Le  livre  commode,  t.  I,  p.  308. 


Pain  de  Paris  (gi'os).  Le  même,  je  crois,  que 
\e  grand  pain  bourgeois,  qui  joua  un  rôle  durant 
les  troubles  de  la  Fronde  ^ . 

Pain  a  la  reine.  Pain  de  luxe,  qui  auiail  été 
mis  à  la  mode  par  Marie  de  Médicis  -. 

Pain  rous.set.  Pain  l'ait  de  méteil. 

Pain  du  Saint-Esprit.  Nom  de  certains  pains 
que  l'on  donnait  en  aumône  aux  pauvres  dans  la 
semaine  de  la  Pentecôte. 

Pain  de  Ségovie  ou  de  Sigovie.  \'ariété  de 
pain  mollet. 

Pain  tortillé.  Nommé  ainsi  à  cause  de  sa 
forme.  Il  est  cité  dans  la  lettre  d'im  Sicilien 
attribuée  à  J.-P.  Marana. 

Les  derniers  statuts  des  boulangers  datent  de 
mai  174(i.  11  failail  pour  passer  maître  avoir 
vingt-deux  ans  accomplis,  professer  la  religion 
catholique,  présenter  un  certificat  de  bonne  vie 
et  mœurs,  n'  «  être  atteint  d'aucun  mal  dange- 
reux qui  se  puisse  communiquer  »,  avoir  fait 
trois  annéesd'apprentissage,  trois  années  decom- 
pagnonnage,  et  avoir  parfait  le  chef-d'œuvre, 
qui  consistait  à  «  convertir  en  diverses  sortes  de 
pâtes  et  de  pains  trois  septiers  ^  de  farine  ».  Les 
fils  de  maîtres  étaient  dispensés  de  la  plupart  de 
ces  formalités.  Pour  Vexpe'rience,  qui  pour  eux 
remplaçait  le  chef-d'œuvre,  on  leur  demandait 
seulement  d'employer  «  une  mine  '*  de  farine  », 
et  cette  épreuve  pouvait  être  faite  en  la  maison 
du  père. 

Chaque  pain  devait  porter  la  marque  du 
maître  chez  qui  il  avait  été  confectionné. 

La  communauté  était  placée  sous  le  patro- 
nage de  saint  Honoré,  et  une  confrérie  était 
dédiée  à  saint  Lazare. 

Outre  les  noms  mentionnés  ci-dessus,  j'ai 
encore  rencontré  les  formes  suivantes  :  boulen- 
gers,  houlenghiers,  boidens,  maîtres  de  la  pelle, 
pisseteurs,  talemeriers.  talemetiers,  tallemeliers, 
talmeliers,  talmelliers,  talmisiers,  tamisiers,  etc., 
etc. 

Voy.  G-allemiches.  —  Maître  des 
boulangers.  —  Mercuriales.  —  Pisse- 
teurs. —  Talsmeliers. 

Boulangers  des  faiibourg-s.  Les  bou- 
langers établis  dans  les  faubourgs  Saint-Cxermain, 
Saint-Michel,  Saint-Jacques,  Saint-Marcel  et 
Saint-Antoine  n'étaient  point  soumis  aux  statuts 
qui  régissaient  la  communauté  parisienne.  Les 
plus  nombreux,  ceux  du  faubourg  Saint-Germain, 
avaient  même  reçu,  en  1659  encore,  des  statuts 
particuliers  ,  où  la  durée  de  l'apprentissage,  la 
nature  du  chef-d'œuvre,  les  privilèges  accordés 
aux  fils  de  maître  ne  différaient  en  rien,  il  est 
vrai,  des  règles  adoptées  dans  Paris. 

Au  mois  de  décembre  1678  un  édit  ordonna 
la  fusion  de  toutes  ces  maîtrises  particulières  avec 


1  Voy.     C.     Moreau,    /libliographie    des    mncnrinades, 
t.  I,  p.  411. 

2  ^'oy.    Di'lamarre,    Traité  de  la  police,  t.   I,  p.   560 
et  566. 

■'  Lf  setier  rcpré.sentait  environ  156  litres. 
4  La  mine  représentait  environ  78  litres. 


98 


BOULANGERS  DES  FAUBOURGS  —  BOUQUETIÈRES 


celles  de  la  ville.  L'exécution  en  fut  retardée  par 
l'opposition  du  duc  de  Cossé-Brissac,  alors  grand 
panetier  ^  Ses  droits  furent  supprimés  en  avrd 
1711,  mais  il  souleva  de  nombreuses  difficultés, 
et  c'est  seulement  en  1720  que  les  boulangers  des 
faubourgs,  ceux  de  Saint-Antoine  excepté,  ne 
formèrent  plus  qu'une  seule  corporation  avec 
ceux  de  Paris. 

Boulangers  des  petits  chiens  blancs. 

Ce  lili-i'.  qui  n'a  sans  doute  pas  sui'véca  au  régne 
de  Henri  II,  était,  en  1547,  le  privilège  du 
boulanger  .\ntoine  Andrault ,  fournisseur  de 
petits  pains  spéciaux  pour  les  chiens  favoris  du 
roi  -. 

Bouleng'ers.  Nom  que  l'ordonnance  des 
Bannières  ^  (1467)  donne  aux  boulangers. 

Boulenghiers.  Voy.  Boulangers. 

Bouleng'iers.  Nom  que  Tordonnance  du 
30  janvier  lUôl  donne  aux  boulangers*. 

Boulens.  Boulangers  ^. 

Boulets.  Voy.  Tailleiirs  de  pierre. 

Boulgiers.  Faiseurs  de  boulges,  bouges  ou 
bougettes,  objets  qui  représentaient  à  peu  près 
notre  .sac  de  nuit  actuel,  et  que  l'on  trouve  cité 
sou.s  ce  nom  jusqu'à  la  fin  du  dix-septième  siècle. 

Les  boulgiers  appartenaient  à  la  communauté 
des  cofïriers. 

Boullengers.  Voy.  Boulangers. 

Bouquetières.  Au  moyen  âge,  le  com- 
merce ili's  ileurs  naturelles  était  fait  par  les 
courtilliers  ou  jardiniers  et  par  les  bouquetières. 
La  Taille  de  1292  cite  cependant  (hiwx  florières , 
anxqiielles  il  est  bien  difficile  d'attribuer  une 
autre  profe.ssion,  et  j'ai  trouvé  dans  la  l'aille  de 
i:H3  deux  mentions  à  peu  près  semblables  : 
Jehanne  la  flenrirre  <;!  Denise  la  /leîircte  ^ . 

Les  fleurs  jouaient  alors  un  grand  rôle  dans  la 
vie  des  Parisiens.  On  en  faisait  d'élégantes 
coiiïures,  dont  hommes  et  femmes  se  paraient 
également  ''  ;  dans  les  festins,  on  en  couronnait 
les  vases  à  boire  et  les  verres  *  ;  on  les  associait 
ù  toutes  les  cérémonies  religieuses.  M.  Cocheris 
a  publié  ^  une  pièce  sans  date  où  l'on  voit  que  la 
l)()U(iueli(Te  attachée  il  l'église  Sainte-Oppoi'tune 
devait  Inurnir  : 

l''  Le  jour  de  Pâques  et  celui  do  sainte 
Opportune,  un  bouquet  des  plus  belles  fleurs  de 
la  saison  ii  la  quêteuse  ; 


'-  Voy.  l'ail.  Conpe.ssi.)n.s  royales. 

*  Voy.  A.  Jai,  DicliuHiiaire  cri/i(/ue.  p.  204. 
•'  Ordonnancis  royales,  \.  W\,  p.  071. 

*  Tilrp  II,  nrl.  4. 

^  Voy.  le  Glossaire  ilf  Ducanj^rc,  au    mot    boUiideqarii. 

Ji  Pag.-s  40  cl  10(5. 

'   \oy.  l'arl.  Chapeliers  de  Heurs. 

»  Voy.  Legrand  d'Aussy  ,  Vie  privée  d,s  français, 
t.  111.  p.  286.  /       i       - 

9  Dans  sa  ri'imprt'ssion  de  VHistoire  du  diocèse  de 
Paris,  de  l'abbé  Lebeuf,  t.  I,  p.  189. 


2»  A  la  Fête-Dieu,  un  chapeau  de  fleurs 
d'orangers  à  trois  rangs  pour  le  Saint-Sacrement  ; 
un  chapeau  pour  le  curé  et  six  autres  chapeaux 
pour  les  diacres,  sous-diacres  et  porteurs  du  ciel; 
trente  chapeaux  avec  du  vert,  pour  les  ecclésias- 
tiques ;  cinq  bouquets  pour  les  marguilliers  ; 
cinq  douzaines  de  bouquets  ronds  pour  les 
Anciens  et  les  porteurs  du  ciel,  et  un  chapeau 
pour  la  croix  ; 

3''  Tous  les  matins  de  chaque  jeudi,  un 
chapeau  de  belles  fleurs  selon  la  saison  pour  le 
Saint-Sacrement. 

Des  femmes  parcouraient  comme  aujourd'hui 
les  rues  de  Paris,  en  criant  les  fleurs  nouvelles  : 

J'ai  joncheure  de  jagliaus, 
Herbe  fresclie  ! 

leur  fait  dire,  au  treizième  siècle,  Guillaume  de 
la  Ville  Neuve  ^.  On  nommait  alors  jagliaii  le 
glaïeul  à  fleurs  violettes  ;  pendant  l'été,  on  en 
jonchait  les  appartements,  les  lieux  publics, 
même  les  rues  les  jours  de  grande  fête. 

Au  seizième  siècle,  le  cri  des  bouquetières  n'a 
plus  besoin  d'explication  : 

A  mon  pot  d'œilletz, 
Il  est  plantureux, 
Pour  faire  bouquefz 
Pour  les  amoureux  !  2 

Une  Déclaration  de  novembre  1539,  relative 
au  nettoyage  des  rues  ^,  nous  montre  à  quel  point 
était  développé  déjà  l'amour  des  Parisiens  et 
surtout  des  Parisiennes  pour  les  fleurettes  et  les 
jardins  suspendus.  L'article  8  s'exprime  ainsi  : 
«  Pour  ce  que  plusieurs  propriétaires,  conducteurs 
et  locatifs  jettent  des  eaux  par  leurs  fenestres, 
èsquelles  y  a  jardins,  pots  d'oeillets,  romarins, 
marjolaines  et  autres  choses,  dont  pourroit 
advenir  inconvénient,  et  aussi  qu'on  ne  peut 
bonnement  voir  d'où  lesdites  eaux  sontjettées: 
défendons  à  toutes  personnes,  de  quelque  estât, 
qualité  ou  condition  qu'ils  soient,  de  mettre  aux 
fenestres  aucuns  pots  ne  jardinets,  sur  peine  de 
cent  sols  parisis  d'amende  ». 

Les  derniers  statuts  de  la  corporation  des 
bouquetières  datent  de  lG77et  1735  ;  ellesy  sont 
qualifiées  de  maîtresses  bouquetières  et  marchandes 
chapelier  es  en  /leurs. 

hllles  avaient  seules  le  droit  d'assortir  et  de 
ven(h'e  toutes  sortes  de  bouquets,  chapeaux, 
couronnes,  guirlandes  de  fleurs  naturelles,  pour 
baptêmes,  mariages,  enterrements  *,  elc.  Elles 
étaient  tenues  de  n'utiliser  que  des  fleurs  nou- 
vellement cueillies,  et  défense  leur  était  faite 
d'employer  celles  de  l'acacia.  l^lUes  ne  devaient 
avoir  à  la  fois  qu'une  seule  apprentie  ;  l'appren- 
tissage durait  quatre  ans  et  était  suivi  de  deux 
ans  de  compagnonnage.  La  communauté  était 
composée  de  femmes  et  de  filles  seulement, 
«  nul  garçon,  disent  les  statuts,  ne  pourra 
parvenir  à  la  maistrise  ny  s'entremectre  dudit 
mestier  »,  qui  avait  pour  patron  saint  Fiacre. 


'  Les  crieries  de  Paris. 

-  Les  cent  et  sept  cris,  etc. 

■*  Dans    Fontanoii,  Edits  et  ordonnances,  t.  I,  p.   877. 

*  On  n'en  voyait  alors  qu'aux  enterrements  des  enfants. 


BOUQUETIÈRES  —  BOURREAUX 


99 


L'édit  de  1776  rendit  le  métier  libre.  Le 
nombre  des  maîtresses  bouquetières  était  alors  de 
80  environ. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  commerce 
des  tleurs  était  exercé  par  trois  corps  d'état  bien 
distincts  : 

1"  Les  jardiniers  fleuristes,  qui  venaient  sur 
le  quai  vendre  des  arbres  à  ileurs  en  pot  avec 
leurs  racines,  des  arbres  à  fruits  et  des  arbustes 
de  tout  genre. 

2°  Les  marchandes  de  la  halle,  qui  vendaient 
des  bottes  de  roses,  de  lilas,  de  jasmin,  des 
œillets,  des  lis,  etc. 

3"  Les  houqxielicres,  ({ui  ne  débitaient  plus 
guère  que  dans  les  rues  des  bouquets  el  des  tleurs 
au  petit  détail. 

Au  dix-septième  siècle,  le  marché  des  ileurs  se 
tenait  près  de  la  halle,  dans  la  rue  aux  Fers  ^  ; 
c'est  là  que  l'indiquent  le  Livre  commode  pour 
1692  ^  el  le  plan  de  Lacaille  ^.  Il  fut  transporté 
ensuite  sur  le  quai  de  la  Mégisserie  ;  puis,  vers 
1806,  sur  le  quai  Besaix,  qui  devint  le  quai  aux 
fleurs  et  est  aujourd'hui  le  quai  de  la  Cité. 

Voy.  Chapeliers  de  fleurs. 

Bouquetiers.  Faiseurs  de  bouquets.  Titre 
qui  appartenait  aux  fabricants  de  ileurs  artifi- 
cielles et  aux  plumassiers. 

Bouquinistes.  Le  Dictionnaire  de  Savary 
(1723)  les  nomme  estaleurs  et  les  définit  ainsi  : 
«  Pauvres  libraires,  qui  n'ayant  pas  le  moyen  de 
tenir  boutique  ni  de  vendre  du  neuf,  étaloient 
de  vieux  livres  sur  le  Pont-Neuf,  le  long  des 
quais  et  en  quelques  autres  endroits  de  la  ville  *  ». 
Nous  allons  voir  pourquoi  Savary  emploie  ici  le 
passé  au  lieu  du  présent. 

Dès  le  seizième  siècle,  ces  humbles  commerçants 
étaient  accusés  d'acheter  à  vil  prix  des  livres  aux 
écoliers,  aux  domestiques  «  et  autres  personnes 
inconnues  »  d'eux.  Un  arrêt  du  27  juin  1577  les 
assimila  même  aux  receleurs  et  aux  larrons.  Il 
faut  bien  dire  que  ces  accusations  étaient  surtout 
formulées  par  des  libraires,  alarmés  de  toute 
concurrence. 

Beaucoup  de  bouquinistes  étalaient  sur  le 
Pont-Neuf,  d'autres  dans  la  rue  Saint-Jacques, 
près  de  la  chapelle  Saint-Yves.  On  reprochait 
d'abord  aux  premiers  de  demeurer  en  dehors  des 
limites  de  l'Université  ^,  etun  arrêt  du  29  janvier 
1628,  renouvelé  le  2  mars,  leur  ordonna  d'aban- 
donner le  Pont-Neuf  et  de  se  réunir  à  leurs 
confrères  de  Saint-Yves  ".  Je  ne  sais  s'ils  obéirent. 
Ce  qui  est  certain  c'est  qu'on  les  retrouve,  vingt 
ans  après,  sur  le  Pont-Neuf,  où  allait  se  centra- 
liser la  vente  des  Mazarinades.  Mais,  s'ils  étaient 
protégés  par  les  Frondeurs,  ils  avaient  contre 
eux  la  Cour,  les  amis  de  Mazarin  et  surtout  les 


'  Auj.  rue  Berger. 
2  Tome  I,  p.  165. 
y  Publié  en  1714. 

4  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  1903. 

5  Voy.  ci-dessou.s  l'article  Libraire. 

C  \oy.    le   Bulletin  de  la  Société  de  F  histoire  de  Paris, 
année  1891,  p.  145. 


libraires.  Un  règlement  de  1649  leur  enjoignit 
de  <,<  .se  retirer  et  prendre  boutiques  ».  Gui  Patin 
écrivait  le  17  septembre  :  «  Le  syndic  des  libraires 
a  obtenu  un  nouvel  arrêt,  après  environ  trente 
auti'es,  par  lequel  il  est  défendu  à  qui  que  ce 
soit  de  vendre  ni  d'étaler  des  livres  sur  le  Pont- 
Neuf.  Il  l'a  fait  publier,  et  a  fait  quitter  ce 
Pont-Neuf  à  environ  cinquante  libraires  qui  y 
éloienl,  lesquels  sollicitent  aujourd'hui  pour  y 
rentrer  ^  ».  Au  fond,  (lui  Patin  ne  les  plaint 
guère  ,  mais  plus  d'une  Mazarinade  prit  leur 
défense  : 

Ces  pauvres  «•('ns  chaque  matin, 
Sui"  l'espoir  d  un  |jetit  butin 
.\vec([ue  toute  leur  famille, 
(îai'çon.s,  apprentifs,  femme  et  fille, 
(chargez  leur  col  (!t  plein.s  leur.s  bras 
D'un  scientifique  fatras, 
Venoient  dres.ser  un  étalage 
Qui  rendoit  plus  beau  le  passage. 

Ils  obtinrent  un  délai  de  trois  mois,  quittèrent 
le  Pont-Neuf,  puis  y  revinrent,  en  furent  de 
nouveau  chassés  en  1686,  en  1697  ^,  en  1717, 
en  1749,  en  1757,  en  1759  \ 

Sébastien  Mercier  vers  1782  confond  encore 
le  bouquineur  et  le  bouquiniste.  «  Le  bouquiniste, 
écrit-il,  est  un  homme  qui  arpente  tous  les  coins 
de  Paris,  pour  déterrer  les  vieux  livres  et  les 
ouvrages  rares.et  celui  qui  les  vend.  Le  premier 
visite  les  quais,  les  petites  échoppes,  tous  ceux 
qui  étalent  des  brochures.  Il  en  remue  les  piles 
qui  sont  à  terre. . .  *  ». 

Bouracaniers.  Fabricants  de  bouracan, 
étoffe  velue,  dont  les  plus  grossières  qualités 
servaient  à  faire  des  couvertures  pour  les  lits  ^. 
Il  se  fabriquait  à  Ptu^is  peu  de  bouracan  ;  Lille, 
Rouen,  Abbeville  et  Amiens  en  eurent  pendant 
longtemps  le  monopole.  —  On  trouve  aussi 
barraccaniers, 

Bourachers.  Voy.  Tapissiers. 

Bourliers.  ^  oy.  Bourreliers. 

Bourreaux  .  Dits  aussi  exécuteurs  ou 
maîtres  des  hautes  œuvres,  exécuteurs  de  la  haute 
justice,  etc.,  sans  doute  parce  que  les  hauts 
justiciers  seuls  pouvaient  condamner  à  mort. 

Outre  ses  émoluments  ,  le  bourreau  percevait 
une  foule  de  revenus,  d'une  nature  parfois  fort 
étranere,  et  dont  il  est  difficile  de  déterminer 
l'origine. 

En  vertu  du  droit  de  havage,  il  prélevait  les 
jours  du  marché,  sur  chaque  étalage  une  pleine 
main  de  chacun  des  légumes  verts  ou  des  grains 
exposés  en  vente  à  la  halle  ^.  Il  touchait  encore 
certaines  redevances  sur  les  fruits,  le  poisson  de 
mer  et  d'eau  douce,  les  balais,  le  foin,  etc.  De 


1  Édit.  Réveillé-Parise  t.  I,  p.  475. 

2  Voy.  la   Bibliothèque  de  l'école  des  chartes,    2"  série, 
t.  y  (1849),  p.  367. 

3  Voy.    Isambert,    Anciennes   lois  françaises,   t.  XXI, 
p.  202:   t.  XXII,  p.  223,  275,  29'7. 

4  Tableau  de  Paris,  t.  II,  p.  128. 

5  \'oy.    Ducange,    Glossaire,    aux  mots    barracana    t-, 
barracanus . 

6  Voy.  ci-dessous  l'article  Havage  [Droit  de). 


100 


BOURREAUX 


plus,  chaque  lépreux  habitant  la  banlieue  de 
Paris  lui  devait  quatre  sous  par  an  ^ . 

Le  prieuré  de  Saint-Antoine  avait  le  privilège 
exclusif  de  nonirir  dans  Paris  des  pourceaux.  Le 
bourreau  était  chnrgé  de  saisir  tous  les  autres 
rencontrés  errants  par  la  ville,  et  il  recevait 
cinq  sous  pour  chacun  de  ceux  qu'il  amenait  à 
l'Hôtel-Dieu  2. 

Pxoutons  maintenant  Sauvai  :  «  Les  religieux 
de  Saint-Marlin  [des  Champs]  doivent  tous  les 
ans,  le  jour  de  la  Saint-Martin,  à  l'exécuteur  de 
la  haute  justice  cinq  pains  et  cinq  bouteilles  de 
vin  pour  les  exécutions  qu'il  fait  sur  leurs  terres  ; 
et  le  bruit  court  que,  ce  jour-là,  ils  le  faisoient 
dîner  avec  eux  dans  leur  réfectoire  sur  une  petite 
table  qu'on  y  voit  :  c'est  un  faux  bruit  dont  on 
ne  sait  rien  davantage. 

Les  religieux  de  Sainte-Geneviève  lui  pajoient 
encore  cin({  sols  tous  les  ans,  à  cause  qu'il  ne 
prend  point  de  droit  de  havée  ^. 

L'abbé  de  Sainl-Cjermain  des  Prés  lui  donnoit 
autrefois,  le  jour  de  saint  Vincent,  patron  de  son 
abbaje,  une  tête  de  pourceau,  et  le  faisoit 
marcher  le  premier  à  la  procession  *.   » 

11  recevait  parfois  une  paire  de  gants.  Cela, 
a-l-on  dit,  pour  que  ses  mains  parussent  sortir 
pures  de  l'exécution  dont  il  était  chargé  ^. 

11  pouvait  s'emparer  de  l'argent  qu'il  trouvait 
sur  les  suppliciés.  «  Kt  est  à  noter  que  quand  un 
homme  est  justicié  pour  ses  démérites,  ce  qui 
est  au  dessous  de  la  ceinture  est  au  bourel,  de 
quelque  prix  que  ce  soit  ^  ».  Celte  phrase  date 
de  1572.  Vingt-cinq  ans  plus  tard,  Lestoile, 
racontant  l'exécution  d'un  espagnol  convaincu 
de  tentative  de  meurtre,  dit  qu'on  lui  trouva 
cent  doublons  cousus  en  un  coing  de  ses  chausses, 
dont  il  y  eusl  procès  entre  M.  Rappin  et  le 
bourreau  à  qui  les  auroil,  souslenant  l'un  et 
l'aulrt'  que  h;  dit  argent  leur  apparfenoit  '^  ».  Ce 
Rapin,  un  des  auteurs  de  la  Satire  ménijipée, 
joignait  à  son  titre  de  poète,  celui  de  lieutenant 
de  la  prévôté. 

Lors  des  exécutions,  ou  à  l'occasion  des  feux 
de  la  Saint-Jean,  le  bourreau  louait  des  places 
aux  curieux  qui  voulaient  contempler  de  près 
tous  les  détails  de  la  cérémonie.  J'ai  trouvé  l'avis 
suivant  dans  un  des  recueils  manuscrits  de  la 
bibli(iihèf|ue  Mazarine  *  :  «  Le  sieur  Bausire, 
mailrt'  ordinaire  des  hautes  et  basses  œuvr(>s  de 
la  ville  fi  banlirui"  de  Paris,  et  le  sieur  Lepautre, 
son  dessignati-ur  efligiaire  »,  advertissent  le 
public  (|ii"ils  loueront  des  places  sur  leurs 
échafaux,  à  un  prix  raisonnable,  pour  voir  le  feu 
que  l'on  fera  à  la  (Irève.  L'on  prendra  les  billets 
au   pilory,   chez   M"  leurs   valets.    Les    places 


*  Voy.    Les  droicis  du  bourvl  de  Paris,    dans    L.'bi  r, 
Dissertations,  t.  XIX,  |i.   173. 

*  I'\)nlniion,  Edils  et  ordonnances,  t.  I,  p.  229  et  869. 
•''  Ou  niii-ux  (lo  liavagc. 

*  Antiquités  de  Paris,  t.  II,  p.  4i',7. 

■>  .Urmoirrs    de    la   société  des   antiquaires    de    France 

VIII  (1820),  p.  A■^•^. 

*>  I,i'biT,  ut.  .supra. 

^  Journal  de  Henri  IV,  lit  janviir  1596. 

8  Coté  .\  15407.  9"  piiVf. 

*  Pour  les  coupables  exécutés  en  effigie. 


seront  marquées  d'une  fleur  de  lys,  et  les  méros 
d'une  croix  de  Saint-Andi'é  ^.  » 

Comme  compensation  à  toutes  ces  prérogatives, 
le  bourreau  devait  fournir  les  cordes,  épées, 
couteaux  et  autres  objets  concernant  sa  profession  ; 
cependant  les  potences,  bûchers  et  cotterets 
n'étaient  pas  à  sa  charge. 

Regardé  comme  chirurgien  ou  tout  au  moins 
comme  habile  rebouteur,  le  peuple  s'adressait  à 
lui  pour  les  fractures  et  les  luxations.  En  mars 
1755,  le  bourreau  de  Fontenay-le-Comte,  fut 
condamné  de  ce  fait  à  dix  livres  d'amende.  11 
offrit  de  subir  lee  examens  exigés  des  chirurgiens, 
et  un  arrêt  rendu  par  le  Parlement  de  Paris 
repoussa  cette  proposition.  En  avril  1761,  les 
chiruro-iens  tirent  encore  infliger  une  amende  de 
500  livres  au  bourreau  du  Mans  qui  avait  pris, 
dans  un  acte  public,  le  titre  de  chirurgien-restau- 
rateur 2.  On  accusa  aussi  des  bourreaux  d'avoir 
voulu  assassiner  un  célèbre  rebouteur,  nommé 
Dumont  et  surnommé  Val-des-Ghoux,  dont  ils 
redoutaient  la  concurrence  ^. 

Au  dix-septième  siècle,  la  graisse  humaine 
passait  encore  pour  un  excellent  remède  contre 
les  rhumatismes,  et  en  ce  qui  la  concerne,  le 
bourreau  faisait  aux  apothicaires  une  concur- 
rence regrettable.  Ecoutons  l'apothicaire  Pierre 
Pomet  :  «  Nous  vendons  de  l'axonge  humaine, 
que  nous  faisons  venir  de  divers  endroits.  Mais 
comme  chacun  sçait  qu'à  Paris  le  maître  des 
hautes  œuvres  en  vend  à  ceux  qui  en  ont  besoin, 
c'est  le  sujel  pour  lequel  les  droguistes  et  les 
apothicaires  n'en  vendent  que  très  peu.  Néan- 
moins, celle  que  nous  pourrions  vendre,  ayant 
esté  préparée  avec  des  herbes  aromatiques,  seroit 
sans  comparaison  meilleure  que  celle  qui  sort  des 
mains  de  l'exécuteur  ^  ». 

Contre  l'apoplexie  et  la  gravelle,  on  employait 
l'usnée  ou  le  magistère  de  crâne  humain.  C'était 
une  sorte  de  mousse  verdàtre  issue  d'une  tête  de 
mort.  Mais,  comme  le  dit  encore  très  bien 
Pomet,  le  plus  savant  apothicaire  du  dix-sep- 
tième siècle,  «  le  crâne  des  criminels  nouvel- 
lement pendus,  vidé  de  sa  cervelle  et  de  tout  ce 
qu'il  contient,  bien  lavé,  bien  séché  vaut 
infiniment  mieux  :  c'est  celui  que  les  droguistes 
vendent  sous  le  nom  de  crâne  humain  ^  ».  Le 
célèbre  Lémery  ne  mettait  pas  en  doute  l'effica- 
cité de  cette  préparation.  Il  écrivait  en  1738  : 
«  Pour  foire  le  magistère  de  crâne  hunijain,  on 
calcine  le  crâne  et  on  le  pulvérise  subtilement. 
Mais  ce  magistère  n'est  qu'une  tête  morte  privée 
de  vertu  ;  on  fera  bien  mieux  d'employer,  en  sa 
place,  du  crâne  d'un  jeune  homme  mort  de  mort 
violente  ^  ». 

On  comprend,  dès  lors,  pourquoi  la  vente  des 
cadavres  constituait  au  bourreau  une  abondante 
source  de  revenu. 


^    Les  inéreaux  ou  jetons  sans  doute.    \  oy.   ci-dessous 
l'art.  Méroaux  de  plomb. 

2  Abbé    Jaubert,   Dictionnaires    des    arts    et    métiers, 
t.  II,  p.  22. 

3  Bachaumont,  20  janvier  1780,  t.  XV,  p.  37. 
*  Histoire  générale  des  drogues,  2"  partie,  p.  7. 
!»  Histoire  générale  des  drogues,  2^  partie,  p.  8. 
6  Pharmacopée  universelle,  p.  350. 


BOURREAUX 


101 


Je  rappelle  que  pendant  plusieurs  siècles, 
l'ouverture  des  corps  humains  lutrcn^ardée  coinnie 
une  profanation.  En  février  1700,  une  bulle 
pontificale  condamne  encore  toutes  les  dissections 
anatomiques  entreprises  sans  l'aveu  du  ÎSaint- 
Siège  ^.  Elles  étaient  mieux  proscrites  par  nu 
préjug'é  qui  fut  fort  difficile  à  déraciner.  Aussi  les 
anatomistes  les  plus  passionnés  se  bornaient-ils  à 
disséquer  des  rats,  des  taupes,  des  veaux  et  des 
porcs.  A  la  fin  du  dix-septième  siècle,  la  Faculté 
de  médecine  de  Paris  accordait  à  ses  étudiants 
deux  cadavres  par  an.  Donc,  deux  fois  au  moins 
par  année,  le  doyen  adressait  requête  au  lieute- 
nant criminel,  qui  s'empressait  de  lui  octroyer 
le  corps  du  premier  coquin  exécuté  pour  ses 
méfaits. 

Les  chirurg'iens,  moins  faciles  à  satisfaire  que 
les  médecins,  avaient  un  autre  moyen  de  se 
procurer  des  sujets  d'étude.  Ils  s'entendaient 
avec  le  greffier  criminel,  avec  le  bourreau,  et 
moyennant  finance  le  cadavre  leur  était  aban- 
donné. Le  bourreau  exigeait  ordinairement  que 
l'on  mît  sa  responsabilité  à  l'abri,  qu'on  lui  fit 
violence.  Alors  les  chirurgiens  se  réunissaient 
soit  à  la  Grève,  soit  aux  halles,  ils  recrutaient 
des  pages,  des  laquais,  des  bateliers,  des  croche- 
teurs,  et  l'exécution  à  peine  terminée,  tous  se 
précipitaient  sur  le  cadavre  encore  chaud, 
l'enlevaient  de  force  et  le  transportaient  dans  la 
boutique  de  quelque  barbier.  De  nombreux 
confrères  avertis  y  attendaient,  ils  déposaient  le 
corps  sur  une  table,  puis  s'empressaient  de 
barricader  la  porte.  Le  célèbre  Vésale  s'en  allait 
pendant  la  nuit  rôder  autour  des  fourches  pati- 
bulaires de  Montfaucon,  et  avec  quelques 
condisciples  y  disputait  aux  oiseaux  de  proie  les 
restes  de  suppliciés.  Parfois  aussi  bravant  les 
peines  terribles  qui  attendaient  les  sacrilèges,  il 
s'introduisit  dans  les  cimetières  pour  y  dérober 
des  cadavres  - . 

On  risquait  moins  à  les  arracher  au  bourreau, 
car  l'arrêt  du  11  avril  1551  menaçait  seulement 
les  coupables  d'une  amende.  On  y  lit  que 
«  aucuns  particuliers  s'efforçoient  de  prendre, 
et  de  fait  prenoient  et  enlevoient  souventesfois, 
plusieurs  corps  par  les  mains  des  exécuteurs  de 
la  haute  justice  et  leurs  valets,  pour  quelque 
argent  qu'ils  leur  donnoient  ». 

Pour  un  cadavre  cédé  à  la  Faculté,  le  bourreau 
recevait  seulement  trois  livres.  Les  chirurgiens 
se  montraient  plus  généreux.  En  1659,  ils 
achetèrent  un  supplicié  cinquante-cinq  livres, 
plus  six  livres  de  bougies,  l'enlèvement  a^'ant 
eu  lieu  pendant  la  nuit.  L'arrêt  du  28  mars 
condamne  solidairement  «  Galliot,  greffier 
criminel  du  Châtelet,  Saint-Germain  et  Dubois, 
exempts,  et  l'exécuteur  de  la  justice,  à  restituer 
les  six  livres  de  bougie  et  les  cinquante-cinq 
livres  mal  pris  et  exigez  pour  avoir  déli\Tance 
d'un  cadavre  supplicié  ^  ». 

La  Taille  de   1292  mentionne,  dans  la  rue 


'   Extravagantes  communes.  De  supulluris. 

2  Portai,  Histoire  de  l'anatomie,  t.  I,  p.  395. 

3  Arrest  portant  défenses... 


(Tuérin-Boucel  '  «  Tevenot  le  bourriau  ^  ». 
Est-ce  à  lui  ([u'a  appartenu  le  badelaire  dont  se 
servait,  au  Ireizièmi;  siècle  le  bourreau  de  Paris 
pour  les  décapitations  et  qui  est  aujourd'hui 
conservé  au  mnsée  de  Cluny  ■*  ? 

Mais  l'histoire  a  recueilli  le  nom  de  bien 
d'autres  bourreaux.  Maître  Guieffroy,  mort  en 
décembre  1411,  eut  pour  successeur  le  féroce 
Capeluche,  qui  a  joué  un  si  grand  rôle  dans  le 
massacre  des  Armagnacs.  Le  Journal  (Tun 
bourgeois  de  Paris  raconte  que,  condamné  à  son 
tour  en  août  1418,  il  indiqua  lui-même  à  son 
successeur  sans  expérience  de  quelle  manière  il 
devait  s'y  prendre  :  «  Et  ordonna  la  manière  au 
nouveau  bourreau  comment  il  devoil  copper 
teste,  tout  ainsi  comme  s'il  voulsist  faire  office 
à  ung  autre  :  dont  tout  le  monde  estoit  esbahi. 
Après  ce,  cria  mercy  à  Dieu  et  fut  décollé  par 
son  varlet  *  ». 

En  1460,  le  bourreau  de  Paris  se  nommait 
Henry  Cousin,  et  il  exerça  jusqu'en  1479  au 
moins.  En  1475,  lors  de  l'exécution  du  conné- 
table de  Saint-Pol,  il  avait  pour  aide  son  fils 
Petit-Jehan.  Celui-ci  fut  assassiné  en  1477  par 
quatre  misérables,  que  Henry  Cousin  pendit 
quelques  jours  après.  Un  autre  de  ses  fils  remplit 
les  fonctions  de  bourreau  à  Arras  ^ . 

En  1523,  Rotillon,  bourreau  de  Paris,  fut 
emprisonné  au  Châtelet,  parce  qu'il  avait  coupé 
maladroitement  la  tête  à  un  gentilhomme 
d'Auvergne.  L'année  suivante,  quand  Saint- 
Vallier  fut  gracié  par  le  roi,  il  était  entre  les 
mains  de  deux  bourreaux,  Rotillon  et  Macé  °. 

Jean  Guillaume,  le  fameux  exécuteur  des 
hautes  œuvres  de  Richelieu,  avait  eu  pour 
prédécesseur  un  sieur  Jean  Rozeau. 

En  1657,  le  bourreau  de  Paris  se  nommait 
Saint-Aubin  "^ . 

C'est  le  bourreau  Carlier  qui  décapita  la 
célèbre  Mme  Tiquet.  «  Elle  a  horriblement 
souffert,  écrivait  la  princesse  Palatine,  cfir  le 
bourreau  l'a  frappée  cinq  ou  six  fois  avant  de  lui 
abattre  la  tête  *  ». 

Le  bourreau  de  la  prévôté  de  Paris  avait  pour 
costume  officiel  des  chausses  et  un  maillot 
couleur  sang  de  bœuf  ;  les  armes  de  la  Ville 
étaient  brodées  sur  la  poitrine.  Il  était  logé 
dans  le  bâtiment  du  pilori,  autour  duquel  il 
avait  fait  élever  plusieurs  échoppes  qu'il  louait  à 
de  petits  marchands.  Il  était  tenu  de  former  des 
apprentis  ou  aides,  car  la  variété  des  procédés 
employés  contre  les  patients  faisait  de  l'office  de 
bourreau  un  métier  compliqué.  Il  fallait  savoir 
faire  sauter  une  tête  d'un  coup  d'épée,  manier  le 
fer  chaud,  percer  la  langue,  arracher  les  oreilles 


1  Rue  Guérin-Boisseau. 

2  Voy.  page-s  60  et  488. 

3  II  a  0,79  de  longueur  et  porto  le  n"  5475. 

4  Édit.  Tuetey,  p.  18  et  110. 

^  Sur  tout    ceci,  voy.  le    Journal  de  Jean  de  Roye, 
t.  I,  p.  5;  t.  II,  p.  58,  83,  et  365. 

6  Journal  d'un   bourgeois   de   Paris  sous    François  I"  , 
p.  167  et  190. 

"  Gui    Patin,    Lettre  du  24    décembre    1658,    t.    II 
p.  445. 

8  Lettre  du  23  juin  1699,  t.  I,  p.  37. 


102 


BOURREAUX  —  BOURRELIERS 


et  les  ongles,  pendre,  nojer,  écarteler,  brûler, 
rouer,  etc.  ;  il  fallait  enfin  savoir  appliquer  la 
torture.  Un  vojageur  anglais  Evelyne,  qui 
visita  Paris  en  1652,  décrit  ainsi  une  séance  de 
torture  à  laquelle  il  assista  :  «  Je  suis  allé  au 
Châtelet  voir  donner  la  question  à  un  malfaiteur 
qui  refusait  de  confesser  ses  méfaits.  On 
commença  par  lui  lier  les  poignets  d'une  forte 
corde  qu'on  passa  dans  un  anneau  de  fer  scellé 
dans  le  mur,  à  quatre  pieds  à  peu  près  de  haut  ; 
puis  on  lia  ses  pieds  d'une  autre  corde  passée 
dans  un  anneau  pris  sur  le  pavé,  à  environ  une 
toise  du  plus  loin  où  ils  pouvoient  atteindre  en 
s'allongeant  le  plus  possible.  Ainsi  suspendu, 
mais  sur  un  plan  incliné,  on  passa  un  chevalet 
de  bois  sous  le  cà])le  qui  lioit  ses  pieds,  ce  qui  le 
lendit  au  point  de  disloquer  misérablement 
toutes  les  articulations  du  patient,  dont  le  corps 
s'allongea  d'une  façon  extraordinaire.  On  en 
pouvoit  juger  d'autant  mieux  qu'il  n'avoit  sur 
lui  pour  tout  vêlement  qu'un  caleçon  de  toile. 
On  l'interrogea  alors  sur  le  vol  dont  il  était 
accusé,  et  comme  il  ne  voulut  rien  avouer,  on 
mit  sous  le  câble  un  second  chevalet  pour  rendre 
la  torture  et  l'extension  plus  douloureuses.  Comme 
cette  agonie  ne  réussissait  pas  à  lui  arracher 
d'aveux,  le  bourreau  lui  fil  entrer  dans  la  bouche 
le  bout  d'une  corne,  et  lui  versa,  tant  dans  le 
gosier  que  sur  le  corps,  la  quantité  de  deux  seaux 
d'eau,  ce  qui  le  fil  enfler  si  prodigieusement  qu'il 
n'est  personne  qui  n'eut  peur  à  la  fois  et  pitié 
de  lui.  Mais  il  persista  à  nier  tout  ce  dont  on 
l'accusait.  On  le  détacha  ensuite  et  on  le  porta 
devant  un  bon  feu,  pour  le  faire  revenir,  car  la 
douleur  l'avait  fait  évanouir  et  il  sembloitmorl^». 

Dans  le  ressort  de  Paris,  on  employait  surtout 
les  brodequins  et  l'eau.  On  vient  de  voir  comment 
se  donnait  la  question  de  l'eau,  on  trouvera  celle 
des  brodequins  décrites  dans  les  Lois  criminelles 
de  Muyart  de  Vouglans,  ouvrage  qui  fut  publié 
en  1780,  huit  années  seulement  avant  la 
suppression  de  la  torture. 

Parmi  les  nombreuses  dénominations  appli- 
quées à  l'exécuteur  des  hautes  œuvres,  je  citerai 
seulement  les  suivantes  :  houchier,  carnacier, 
carnrssier,  carnicier,  gehenneur,  questionnenr , 
palilnleur,  (ormentetir,  tourmetileur. 

Voy.  Fossoyeurs. 

Bourrelets  (Fourmtuke  et  pose  dk). 
L'usage  des  b(jurrelels  destinés  à  calfeutrer  les 
feniHres  est  fort  ancien.  Je  me  souviens  d'en 
avoir  vu  ciier  —  mais  où  'i  —  qui  élaient  consti- 
tués pjir  de  simples  bandes  de  feutre.  Au  début 
du  quaiorzienie  siècle,  les  femmes  du  petit 
Charlfs  VII  en  commandent  à  un  sellier:  «A 
llance,  sellier,  deniourani  à  Paris,  pour  avoir 
fcucslrées  et  mises  «  point  les  fenesires  de  la 
chambre  de  monseigneur  messire  Chiu-les  de 
iM-ancc,  en  l'oslel  du  Petit  Mucc^,  32  sous  pari- 
ais •■•».     Les    selliers,    garnissenrs    de    harnais, 


'    Voi/ûifr  ni  France,  p.  270. 

-   i;ii.M.  I  .Iti  P.'lil-Mu.sr,  .inii.s  la  rue   Saint-Anloinc 

■'•  Extraits   do  comptes   royaux,   dans  Jean   Chartier, 

Chroni(jUf  de  Charles  VII,  éd.  Vallet  de  Viriville   t    IIl' 

p.  257. 


confectionnaient-ils  donc  des  bourrelets  de  feutre 
rembourrés  à  la  façon  des  nôtres  ? 

Au  reste,  c'étaient  là  bourrelets  de  grand 
luxe.  Sous  Louis  XVI  encore  et  même  dans  les 
appartements  royaux,  on  se  bornait  souvent  à 
coller  autour  des  fenêtres  des  bandes  de  papier. 
Ainsi,  lors  de  la  naissance  *,  au  château  de 
Versailles,  de  la  future  duchesse  d'Angoulême, 
Marie-Antoinetle  étant  sur  le  point  de  s'évanouir, 
Taccoucheur  réclama  de  l'air.  «  Les  fenêtres, 
écrit  madame  Campan  -,  avaient  été  calfeutrées  ; 
le  roi  les  ouvrit  avec  une  force  que  sa  tendresse 
pour  la  reine  pouvait  seule  lui  donner,  ces 
fenêtres  étant  d'une  très  grande  hauteur  et 
collées  avec  des  bandes  de  papier  dans  toute  leur 
étendue  ». 

Bourreliers.  Dans  les  statuts  qu'ils  sou- 
mirent, vers  1268,  à  l'homologation  du  prévôt 
Etienne  Boileau,  les  bourreliers  se  qualifient 
ainsi  :  «  feseres  ^  de  coliers  à  cheval  et  de  dos- 
sières  de  seles,  et  de  toute  autre  manière  de 
bourclerie  apartenant  à  chareterie  fête  de  cuir 
de  vache  et  de  chevaux  ».  Strictement  limité 
ainsi,  le  métier  était  libre  ;  mais  tout  bourrelier 
qui  voulait  employer  le  cordouan  *  devait  acheter 
le  métier  au  maître  des  fripiers^,  délégué  lui- 
même  du  grand  chambrier  de  France.  Les 
maîtres  bourreliers  pouvaient  engager  un  nombre 
illimité  d'apprentis  et  fixer  comme  ils  l'enten- 
daient les  conditions  de  l'apprentissage.  Ils 
étaient  autorisés  à  travailler  la  nuit.  On  ne  fait 
pas  mention  de  jurés,  peut-être  parce  que  les 
bourreliers  étaient  soumis  à  ceux  des  selliers  ^. 

La  Taille  de  1292  mentionne  24  bourreliers, 
celle  de  1300  en  cite  23. 

Dès  le  20  février  1404,  les  statuts  de  la  corpo- 
ration des  bourreliers  avaient  été  revus  et  réformés 
par  Charles  VI  ',  à  la  demande  des  vingt-quatre 
maîtres  alors  établis  à  Paris.  Cette  nouvelle 
rédaction  ne  diffère  guère  de  la  première  que  sur 
deux  points  :  le  nombre  des  jurés  est  fixé  à 
quatre,  et  le  die f-d'' œuvre  est  rigoureusement 
exigé  pour  parvenir  à  la  maîtrise. 

De  nouveaux  statuts,  datés  d'août  1578, 
limitent  à  quatre  ans  la  durée  de  l'apprentissage, 
ne  perniellonl  qu'un  apprenti  à  chaque  maître  et 
rédui.sent  à  deux  le  nombre  des  jurés  8. 

Ces  statuts  furent  révisés  encore  en  décembre 
1665^  et  en  octobre  1734'".  L'apprentissage 
fut  alors  étendu  jusqu'à  cinq  ans  el  du!  être  suivi 
de  deux  ans  de  compagnonnage.  Le  chef-d'œuvre 
consista  en  «  un  harnois  de  limon  complet  ». 
Quain' jurés  surveillèrent  le  mélier.  Les  statuts 
de  1734  sont  les  premiers  qui  donnent  aux  maîtres 
de  cette  communauté  le  [Wva  àf"  bov.rrel  iers-hâtiers- 


^  Ltj  19  décembre  1778. 

2  Mémoires,  t.  I,  p.  80. 

3  l'^aisiMins. 

*  \  oy.  l'iirl.   Cofdoiiniers. 
^  Voy.  cet  article. 
6  Livre  des  métiers,   titre  LXXXI. 
"^  \oy.  Statuts,  titres,  édits,  etc.    de  In    communauté  des 
maîtres  bourreliers,  etc.,  1764,  in-4»,  p.  1. 
8  Voy.  Statuts,  titres,  édits,  etc.,  p.  14. 
^  Voy.  Statuts,  titres,  édits,  etc.,  p.  21. 
10  Voy.  Statuts,  titres,  édiù,  etc.,  p.  35. 


BOURRELIERS  —  BOURSIERS 


103 


hongroyeiirs.  En  1716,  ils  avaient  été  autorisés 
à  hongrojer  les  cuirs  dont  ils  se  servaient. 

Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nombre 
des  maîtres  était  de  250  environ.  Depuis  le 
quinzième  siècle  au  moins,  ils  étaient  placés  sous 
le  patronage  de  Notre-Dame  des  Vertus  ^. 

On  les  trouve  aussi  nommés  bourliers. 

Voy.  Harnachement  et  Hongroyeurs. 

Bourserie.  Ce  mot  désii^nait,  au  moyen 
âge,  les  riches  étoffes,  damas,  velours,  etc.,  dont 
on  confectionnait  les  bourses,  lesaumônières,  etc. 
On  trouve,  dans  le  Livre  des  métiers^,  les  statuts 
des  «  ouvriers  de  drap  de  soje  et  de  bourserie  ». 

BourserotS.  Voy.  Boursiers. 

Boursiers.  Les  mérovingiens  se  servaient 
de  bourses  de  cuir,  et  le  mojen  âge  appela  ainsi 
tout  sac  de  petite  dimension,  qu'il  fut  destiné  à 
recevoir  de  l'argent  ou  d'autres  objets,  il  y  avait 
des  bourses  à  bijoux,  à  chapelets,  à  reliques,  etc. 
La  bourse,  attachée  à  la  ceinture  par  une  chaîne 
ou  un  cordon,  pendait  le  long  du  corps  ;  elle 
atteignit,  sous  le  nom  à^aumônicre,  son  apogée 
au  treizième  siècle,  où  sa  fabrication  suffisait 
pour  occuper,  en  dehors  des  boursiers,  une 
nombreuse  corporation.  Au  quatorzième  siècle, 
la  bourse  prit  la  forme  d'une  gibecière  ou  d'une 
escarcelle,  et  le  ceinturon  qui  la  retenait  descendit 
de  la  taille  sur  le  haut  de  la  cuisse. 

A  cette  date,  les  mots  bouge,  bougette,  cuiret, 
boiirsette^  culot  et  bien  d'autres  désignent  presque 
toujours  des  bourses  ^ .  On  rencontre  plus  souvent, 
dans  nos  anciens  chroniqueurs,  la  tasse,  tasque 
ou  tassette  qui  donna  son  nom  à  la  communauté 
des  tassetiers.  Je  citerai  encore  Valoière,  dite 
aussi  aloyère,  alloicre,  allouyère,  allogère,  etc.  : 

Riche  ceinture  et  aloière 

Que  chascun  appelle  gibecière. 

«  Le  suppliant  print  la  gibecière  ou  allojère 
de  petit  Jehan,  en  la  quelle  n'y  avoit  point 
d'argent^  ». 

La  bourse  dite  gemelle  ou  à  cul  de  vilain  est 
restée  célèbre.  Elle  était  formée  de  deux  poches 
ou  hémisphères,  entre  lesquelles  se  trouvait  la 
fermeture.  Les  pauvres,  dont  les  braies  devaient 
être  souvent  en  triste  état,  avaient  fourni  ce  nom 
inconvenant  qui  désignait  parfois  un  objet  fort 
luxueux.  L'inventaire  dressé  à  la  mort  de 
Charles  V  mentionne  deux  bourses  à  cul  de  vilain, 
ornées  de  perles  et  de  saphirs  ^ . 

La  bourse  devient  sachet  au  seizième  siècle, 
et  son  fermoir  ciselé  est  alors  une  œuvre  d'art. 
Au  dix-septième  siècle,  chaque  bonne  ménagère 
porte  au  côté,  suspendus  à  l'extrémité  d'une 
longue  chaîne  d'argent,  des  clefs,  des  ciseaux, 
un  couteau,  une  bourse,  etc.  C'est  le  demi-ceint  ^ . 

Les  boursiers  formaient  une  corporation  dès 
le  douzième  siècle,  car,  en  1160,  Louis  VII  avait 


1  Voy.  Statuts,  titres,  édits,  etc.,  p.  260. 

2  Titre  XL. 

3  Ch.  flo  Ijinas,   Vêlements  sacerdotaux,  p.  25  et  s. 

4  Voy.  Ducange,  au  mot  alloverium. 

5  N^s  607  et  608. 

6  Voy.  l'art.  Demi-ceintiers. 


concédé  la  juridiction  et  les  revenus  de  ce  métier 
à  Thèce,  femme  d'Yves  Lacohe.  La  famille 
Marceau  en  avait  hérité  au  treizième  siècle, 
époque  oii  les  boursiers  soumirent  leurs  statuts 
à  l'homologation  du  prévôt  Etienne  Boileau*. 

On  y  voit  que  le  métier  s'achetait  au  con- 
cessionnaire, qui  avait  le  titre  de  maître  des 
sueurs-. 

Le  maître  boursier  ne  pouvait  avoir  qu'un  seul 
apprenti,  mais  aucune  autre  condition  ne  lui 
était  imposée. 

Les  boursiers  étaient  autorisés  Ix  travailler  à  la 
lumière,  et  ils  jouissaient  du  droit  de  hauban. 

Les  statuts  reconnaissent  que  le  service  du 
guet  était  dû  par  tous  les  maîtres.  Ils  négligent 
de  nous  indiquer  combien  de  jurés  surveillaient 
le  métier. 

La  Taille  de  1292  mentionne  45  boursiers, 
celle  de  iSOO  en  cite  .35  seulement. 

Les  boursiers  employaient  alors  les  cuirs  de 
cerf,  de  cheval,  de  truie  et  de  vache.  Fabriquant 
presque  exclusivement  des  bourses  et  des  braies 
ou  caleçons  de  cuir,  ils  représentent  assez  fidèle- 
ment nos  culottiers  actuels. 

Au  mois  de  féwier  1323,  de  nouveaux  statuts 
leur  furent  octroyés,  à  la  demande  de  16 
«  ouvriers  et  ouvrières  du  dit  métier,  demeurans 
à  Paris».  Leurs  noms  figurent  à  la  fin  de  l'acte. 

Au  quinzième  siècle,  ils  composèrent,  avec  les 
ceinturiers  et  les  mégissiers,  la  deuxième  bannière 
des  métiers  de  Paris  ^ . 

Mais  leurs  attributions  furent  singulièrement 
étendues  dans  la  suite,  et  nous  les  voyons,  au 
dix-septième  siècle,  se  qualifier  de  maîtres 
boursiers,  gibeciers,  coUetiers,  pochetiers,  cale- 
çonniers,  faiseurs  de  brayers.,  mascarines  et 
escarcelles,  énumération  incomplète  encore  de 
tous  les  objets  qu'ils  étaient  autorisés  à  confec- 
tionner, tels  que  sacs,  étuis,  gibernes,  gibecières 
de  toutes  espèces,  calottes,  chaussons  de  chamois, 
de  buffle  ou  de  maroquin,  bourses  à  cheveux, 
parasols,  parapluies,  etc. 

Les  statuts  des  boursiers,  modifiés  et  souvent 
confirmés,  furent  révisés  par  lettres  patentes  de 
décembre  1659.  Mais  les  merciers,  les  doreurs 
sur  cuir,  les  peaussiers,  les  tailleurs  ayant 
prolesté  contre  les  privilèges  nouveaux  qu'ils 
accordaient,  c'est  seulement  en  avril  1664  que 
les  lettres  patentes  furent  vérifiées. 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  qu'un  seul 
apprenti. 

La  durée  de  l'apprentissage  était  de  quatre  ans, 
celle  du  compagnonnage  de  trois  ans. 

Le  chef-d'œ^ivre  était  très  compliqué. 

Les  articles  31  à  48  font  figurer  parmi  les 
objets  dont  la  communauté  avait  le  monopole  : 

Les  bourses  plates. 

Les  bourses  à  jetons,  de  velours  ou  de  taffetas 
doublées  de  cuir  et  brodées  d'or  et  d'argent. 
Les  collets,  chaussons  et  caleçons  de  chamois. 
Les  gibecières  et  fauconnières  en  cuir. 

1  Livre  des  métiers,  tilri-  LXXVII. 

2  Voy.  l'art.  Maître  des  sueurs. 

3  Or'donn.  royales,  t.  XVI,  p.  671. 


104 


BOURSIERS  —  BOUSSOLES 


Les  brajers  *  garnis  de  bon  cuir,  toile  ou 
futaine. 

Les  sacs  de  velours    à  mettre  les  livres  et 

bréviaires. 

Les  ceintures  à  porter  l'or. 

Les  sacs  de  nuit  en  serge  et  autres  étoffes. 

Les  gibecières  de  chasse. 

Les  porte-lettres. 

Les  étuis  à  livres. 

Les  étuis  à  pistolets  el  autres. 

Les  boursiers,  qui  paraissent  avoir  eu  beau- 
coup de  goût  pour  la  réglementation,  firent 
encore  ré\aser  leurs  statuts  en  1750.  C'est  la 
reproduction  presque  littérale  des  précédents; 
cette  fois  pourtant  le  titre  de  la  communauté  est 
un  peu  modifié  el  encore  allongé.  Les  maîtres 
sont  dits  boursiers,  colletiers,  calottiers,  adot fiers, 
caleronniers,  seuls  faiseurs  de  brayers,  bonnets, 
calottes  de,  atir,  bustes,  guêtres,  bas  de  chamois, 
gibecières,  mascarines,  escarcelles. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nombre  des 
maîtres  boursiers  était  de  90  environ.  L'édil  de 
1776  les  réunit  aux  gantiers  el  aux  ceinturiers. 

Mais,  depuis  les  statuts  de  décembre  1659,  la 
spécialité  des  boursiers  s'était  à  la  fois  modifiée 
et  accrue. 

\j  Encyclopédie  méthodique  en  donne  Ténumé- 
ralion  suivante  ^  : 

Bourses  à  jetons. 

Bonnets  et  loquets  d'enfants. 

Bourrelets  pour  enfants. 

Paniers,  bouffantes,  etc.  Ce  sont  les  crinolines 
du  (iix-huilième  siècle  ^. 

Falots.  Lanternes  portatives,  à  armature  de 
fer  recouverte  d'étoffe. 

Bourses  à  cheveux. 

Bonnets  de  courrier  en  maro({uin,  basane, 
velours  ou  drap. 

Bonnets  de  héiduques  *  ,  hauts  parfois  de 
quatorze  pofices. 

Bonnets  carrés  et  ceux  de  docteur. 

]<;charpes  de  coureurs. 

Soufflets  à  poudrer,  en  baleine  recouverte  de 
toile  l)lanche  ou  de  peau  de  gants. 

Sacs  (Instillés  à  renfermer  les  livres  d'église. 

Etuis  de  livres,  de  fiacons,  de  couteaux,  en 
peau  simple,  en  velours  ou  autres  étoffes. 

(îriniaces  ^,  en  forme  de  pelolles  pour  les 
tuilcllcs  (lu  pour  renfermer  les  pains  à  cacheter. 

Signi.'ls  de  livres  en  forme  d'olive  aplatie  ou 
de  petit  carré  long. 

.Lai  gardé  pour  la  fin  les  parasols  et  parapluies, 
qui  formaient  mie  de  leurs  plus  imporlantes 
spécialités.  Mlle  leur  fui  disputée  par  les  labl<>- 
liers  el  <|(;vinl  ainsi  l'origine  d'un  curieux 
procès. 

Los  manches  étaionj  l'œuvre  des  idurncins, 
qui    les   fournissaient   aux    boursiers,    autorisés 


•  Voy.  l'art.  Hrayers  {Fui.s.-ui-s  <ic). 
2  MniiufiicUin-s,  t.  I,  p.  8T. 

•T  Voy.  l'arl.  Pnniens  (Marchand. '.s  di). 

*  V..y.  r.i  arliclf. 

5  On  numniail  ainsi  dos  boîti'.s  rundi-.';,  dont  le  cou- 
vorclo,  double  d'une  glace,  supportait  une  pelote  à 
épingles. 


seulement  à  monter  et  à  vendre  ces  utiles  objets. 
Mais  les  tabletiers  ajant,  en  vertu  de  leurs 
statuts,  la  faculté  de  travailler  la  baleine,  se 
crurent  en  droit  de  fabriquer  des  parapluies. 
L'un  d'eux,  le  sieur  Talon,  osa  même  se  qualifier 
de  tabletier  de  manches,  carcasses,  garnitures  de 
taffetas  de  parasols  à  soleil  et  de  parasols-para- 
pluyes.  Les  tourneurs  virent  là  un  empiétement 
sur  leur  monopole  et  firent  opérer  une  saisie 
chez  Talon.  De  là  un  procès,  qui  fut  perdu  par 
les  tourneurs.  Une  sentence  de  police,  confirmée 
par  le  Parlement  le  31  janvier  1759,  les  con- 
damna à  cent  livres  de  dommages-intérêts  envers 
la  communauté  des  tabletiers  et  à  200  livres 
envers  le  sieur  Talon. 

Ainsi  encouragés,  les  tabletiers  se  mirent  à 
confectionner  el  à  vendre  des  parapluies.  Un 
procès  leur  fut  intenté  trois  mois  après  par  les 
boursiers,  et  ils  eurent  encore  gain  de  cause. 

Un  arrêt  du  16  juillet  1759  mit  d'accord  les 
deux  communautés  en  leur  permettant  «  de 
vendre  et  débiter  par  concurrence  les  parasols 
et  les  parapluies  ». 

Les  boursiers,  dits  aussi  bourserots,  avaient 
pour  patron  saint  Brieuc  i,  dont  ils  célébraient  la 
fête  le  13  novembre,  à  l'église  Saint-Barthélémy. 

Yoy.  Aumônières  (Faiseuses  d*)-  — 
Brayers.  —  Bustes.  —  Caleçonniers. 

—  Calottiers.  —  Colletiers.  —  Culo- 
tiers.  —  Demi-ceintiers.  —  Escarcelles 
(Faiseurs  d').  —  G-ibeciers.  —  Guê- 
triers.   —  Herniaires.   —  Mascarines. 

—  Parapluies.  —  Pochetiers.  —  Tas- 
setiers. 

Bousilleurs.  Ou\Tiers  maçons  qui  avaient 
la  spécialité  du  bousillage.  Celui-ci  consistait  à 
élever  des  constructions  légères  avec  de  la  boue 
et  de  la  paille  hachée. 

Ce  mot  avait  encore  un  autre  sens,  que 
Savary  '^  explique  ainsi  :  «  Mauvais  ouvriers, 
qui  sçavent  mal  leur  métier  et  qui  travaillent 
avec  peu  d'adresse  et  de  propreté  ». 

Boussoles  (Fabricants  de).  «  Le  quadrant 
des  mariniers,  appelé  par  les  Italiens  boussole, 
est  une  invention  admirable  qui  court  sur  mer 
pour  se  recognoistre  lors  que  l'on  a  perdu  tout 
jugement  de  son  adresse  ».  Cette  définition 
pittoresque  est  du  savant  Etienne  Pasquier  ■''. 
y  y  ajouterai  que  le  mol  boussole  vient  bien,  en 
effet,  de  l'italien,  et  que  l'utile  instrument  qu'il 
désigne  s'est  successivement  appelé  quadrant, 
cadran,  marinière,  marinette,  compas  de  route, 
compas  de  mer,  aiguille  de  mer,  etc.  Quant  aux 
ouvriers  qui  les  fabriquaient,  je  les  ai  trouvés 
nommés  quadranicrs,  quadranniers  el  cadra- 
niers.  Ils  se  rattachaient  à  la  classe  des  fabricants 
d'instruments  de  mathématiques,  qui  eux-mêmes 
appartinrent  successivement  à  la  corporation  des 
couteliers  et  à  celle  des  fondeurs. 


'   '^'"y-.  ^'■'^"""-   royales,    t.    VllJ,   |i.   316,  et  Ihdletin 
de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris,  année  1864,  p.  118. 
3  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  454. 
3  Œuvres  complètes,  t.  I,  p.  419. 


BOUSSOLES  —  BOUTIQUES 


105 


Cependant,  au  dix-septième  siècle,  les  quadra- 
niers  formaient  une  conl'rérie  particulière,  placée 
sous  le  patronage  de  saint  Hildevert,  et  qui  se 
réunissait  le  27  mai  à  l'église  Sainte-Croix  de  la 
Cité^ 

On  nommait  dos  Bnttrrfîeld  les  boussoles  en 
argent  fabriquées  par  un  mécanicien  de  ce  nom, 
qui  mourut  en  1724.  Il  eut  le  litre  d'ingénieur 
du  roi  pour  les  instruments  de  mathématiques, 
et  il  demeurait  sur  le  quai  de  l'Horloge. 

Boute-à-port.  Voy.  Débacleurs. 

Bouteiller  de  France  (Grand),  dit 
aussi  Grand  échanson.  (Chargé  de  surveiller  les 
boissons  destinées  à  la  table  royale,  il  jouissait 
de  certains  droits  sur  les  marchands  de  vins  et 
les  cabaretiers.  Ces  droits,  que  le  prévôt  de 
Paris  contestait,  furent  limités  par  lettres 
patentes  du  6  octobre  1311.  Elles  accordèrent 
seulement  au  grand  bouteiller  la  moitié  de  la 
lie  des  vins  vendus  au  détail  ;  mais  pour  recouvrer 
cette  redevance,  il  pouvait  citer  les  cabaretiers 
à  son  tribunal,  les  condamner  à  l'amende  et 
même  les  faire  emprisonner  au  Chàtelet. 

Une  ordonnance  de  1414  est  la  dernière  où 
j'aie  trouvé  mentionné  le  privilège  du  grand 
bouteiller  sur  les  cabaretiers  ^. 

Il  en  possédait  deux  autres  assez  curieux,  et 
que  je  mentionne  ici  pour  mémoire.  Il  touchait 
cent  sous  de  chaque  prélat  qui  venait,  après  sa 
nomination,  prêter  au  roi  serment  de  fidélité  ''. 
Prérogative  plus  étrange  encore,  les  marchands 
étaient  tenus  de  lui  céder  à  bas  prix  le  poisson 
acheté  pour  sa  consommation  personnelle.  «  Il 
avoit,  écrit  du  Tillet  *,  taux  et  prix  particulier 
de  poisson  en  la  ville  de  Paris  pour  la  provision 
de  sa  maison  ^  ». 

Dans  le  personnel  attaché  à  la  maison  de 
Philippe  le  Hardi  ^  en  1285  figuraient  deux 
bouteillers. 

Voy.  Concessions  de  métiers. 

Bouteillers.  La  Taille  de  1292  cite,  dans 
la  rue  des  Rosiers,  un  sieur  «  Macy,  qui  fet  les 
bouteilles  '^  ».  La  Taille  de  1313  cite,  à  la  porte 
Baudoyer,  «  Jehan  de  Saint-Gobain,  qui  fait 
boutailles  ^.  »  Etaient-ce  des  verriers  ?  Le  moyen 
âge  connut  les  bouteilles  en  cuir,  en  acier,  en 
jaspe  et  même  en  verre,  mais  ces  dernières  cons- 
tituaient une  exception. 

Jusqu'à  la  fin  du  dix-juiitième  siècle,  les  vases 
à  boire  ne  figuraient  pas  sur  la  table  ;  ils  restaient 
sur  le  buffet  avec  les  vases,  fontaines  ou  barils 
qui  contenaient  les  boissons.  Quand  on  voulait 
boire,  il  fallait  faire  signe  à  un  valet,  qui  prenait 
un  verre  au  buffet,  le  remplissait,  le  présentait 
sur  une  assiette,  attendait  qu'il  fût  vidé,  et  le 


'  Le  Masson,  Calendrier  des  confréries,  [i.  &!. 

2  Voy.  Dflamarre,  Traité  de  la  police,  t.  I,  p.  150. 

3  Guyot,  Traité  des  offices,  t.  I,  p.  481. 

*  Voy.  Recueil  des  roys  de  France,  p.  291. 
'  Ainsi  jugé  par  Ir  Parlement,  ai-rêt  de   la   Tou.ssaint 
1292. 

6  Recueil  des  roys  de  France,  p.   295. 

7  Page  112. 

8  Page  131. 


rapportait  alors  où  il  l'avait  pris.  Parfois  aussi, 
ce  service  était  fait,  à  gauche  du  convive  par 
deux  valets,  dont  l'un  tenait  le  verre,  l'autre  une 
carafe.  Le  marquis  de  Rouillac,  mort  en  1662, 
est  le  premier  qui  ait  eu  l'idée  de  renvoyer  ses 
gens  et  de  manger  tranquillement  sans  laquais  i. 
On  n'osa  l'imiter,  et  l'usage  de  laisser  sur  la 
table  les  verres  et  les  bouteilles  ne  date  guère 
que  de  1760  2. 

Le  titre  de  bouteillers  appartenait  à  la  corpo- 
ration des  verriers. 

Voy.  Bouchonniers  et  Verriers. 

Bouteillers.  Les  statuts  de  mai  14r)7 
donnent  ce  litre  aux  gainiers,  parce  qu'ils 
avaient  le  privilège  de  fabriquer  des  bouteilles 
en  cuir  bouilli.  L'article  4  s'exprime  ainsi: 
«  Aucun  ne  pourra  faire  bouteilles  que  de  cuir 
de  bœuf  ou  de  vache,  pour  ce  que  autre  cuir  n'y 
est  pas  propice  ».  L'article  12  (lesst«ituts  de  lâ60 
ajoute  qu'elles  devront  être  «  cousues  île  deux 
couslures  à  doubles  chefs  ». 

Boute  -  en  -  courroie,    ei    plus    s(juvent 

BouïB-EN-coRROiE,  coupeurs  de  bourses,  voleurs, 
escamoteurs.  Littré  a  admis  ce  mot,  depuis  long- 
temps hors  d'usage,  et  le  fait  synonyme  d'esca- 
moteur. 

Bouteuses.  Ouvrières  qui  rangeaient  les 
épingles,  par  quarterons,  sur  des  bandes  de 
papier. 

Boutiqiies.  Au  treizième  siècle,  elles  se 
composaient  en  général  d'une  grande  arcade 
divisée  par  un  ou  plusieurs  montants  de  pierre. 
La  porte  d'entrée  se  trouvait,  non  au  milieu, 
mais  à  l'un  des  côtés  de  l'arcade,  le  reste  était 
consacré  à  l'étalage.  Les  volets  de  la  boutique 
s'ouvraient  horizontalement  par  le  milieu  ;  celui 
d'en  bas  s'abaissait  vers  le  mur  d'appui,  et 
dépassant  l'alignement,  recevait  les  marchandises 
exposées  ;  celui  d'en  haut  se  relevait,  était 
maintenu  en  l'air  par  des  crochets,  et  abritait 
l'étalage  ;  souvent  aussi,  glissant  dans  une 
rainure,  on  se  contentait  de  le  remonter,  et  alors 
un  auvent  en  bois  ou  en  tôle  protégeait  la  façade 
du  magasin.  Presque  toutes  les  affaires  se 
traitaient  ainsi  en  pleine  rue  ;  rarement,  dans  la 
boutique,  au  plafond  bas,  assombrie  par  le 
cintre  de  l'arcade  et  par  des  objets  exposés  en 
vente.  De  là,  le  nom  de  fenêtres  donné  aux 
magasins.  Le  mol  boutique  ne  figure  pas  une 
seule  fois  dans  le  Livre  des  métiers,  qui  se  sert 
toujours  des  expressions  fenêtre  ou  ouvroir  : 
VoMvroir,  c'était  l'atelier,  la  fenêtre,  c'était 
l'étalage,  et  nous  verrons  ailleurs  que  tous  deux 
devaient  être  réunis  dans  une  même  pièce.  Il 
était  de  règle  que  chaque  maître  ne  pouvait  avoir 
qu'une  seule  boutique,  et  celle-ci  resta  pendant 
bien  longtemps  conforme  à  la  description  qui 
précède. 

Plus  tard,  les  volets  cessèrent  de  faire  corps 


1  Tallemant  ries  Kéaux,  Historiettes,  t.  VI,  p.   449. 

2  Voy.  Barbier,  Journal,   27  septembre  1760,    t.  VII, 
p.  302. 


106 


BOUTIQUES  —  BOUTONNIERS 


avec  la  devanture  et  durent  être  enlevés  chaque 
malin  ;  les  auvents,  au  contraire,  devinrent  fixes 
et  prirent  parfois  de  vastes  proportions. 

Les  devantures  vitrées  datent  de  la  fin  du  dix- 
septième  siècle.  Jusque-là,  le  marchand  exposé 
à  toutes  les  intempéries  des  saisons,  n'avait  pour 
se  garantir  du  froid  qu'un  réchaud  de  braise. 
Quanta  l'éclairag'e,  il  se  composa  jusque-là  soit 
de  lanternes,  soit  de  chandelles  placées  dans  des 
verres  cjl i  n dri ques . 

Les  boutiques  les  plus  luxueuses,  celles  des 
apothicaires,  par  exemple,  qui,  au  seizième 
siècle,  n'avaient  encore  pour  ornement  que  les 
lourdes  amphores,  les  mortiers  de  fer  et  les 
boîtes  grossièrement  décorées  où  reposaient  les 
médicaments,  prirent  au  début  du  dix-septième 
siècle,  une  moins  misérable  apparence.  Elles 
devinrent  plus  claires  et  plus  vastes,  on  les  garnit 
de  boiseries  finement  travaillées,  et  d'élégants 
tiroirs  furent  rangés  méthodiquement  autour  de 
la  pièce.  Sauvai  nous  a  conservé  une  description 
enthousiaste  de  l'apothicairie  des  Feuillants  qui 
avait  été  installée  dans  ce  couvent  en  1637  par 
le  frère  Christophe  de  Saint-François.  Longue 
de  quatorze  pieds  et  large  de  neuf,  on  lui 
reprochait  seulement  son  plafond  un  peu  bas  et 
la  grosse  poutre  qui  le  traversait  ;  mais  la  pièce 
était  entourée  d'armoires  vitrées  dont  l'enta- 
blement, cliargé  de  beaux  vases,  reposait  de 
distance  en  distance  sur  des  cariatides  sculptées 
dans  le  bois  * . 

Le  médecin  anglais  Lister,  qui  visita  Paris  en 
1698,  constate  que  plusieurs  «  l)outiques  d'apo- 
thicaires sont  fort  ornées  et  ont  même  un  air  de 
grandeur  ».  Il  avait  surtout  remarqué  celle  de 
Mathieu-François  Geoffroy,  qui  fut  échevin  de 
la  ville  en  1685  et  père  du  célèbre  Etienne 
(îeoffroj,  mort  professeur  au  collège  de  France 
et  doyen  de  la  Faculté  de  médecine.  «  Elle  est, 
dit-il,  dans  la  rue  de  Bourgtibourg  -,  l'entrée  de 
la  basse-cour  est  par  une  porte  cochère,  avec  des 
niches  où  sont  de  grands  vases  de  cuivre.  Quand 
vous  êtes  entré,  vous  trouvez  des  salles  ornées 
d'énormes  vases  et  de  mortiers  de  bronze,  qui 
sont  là  autant  pour  la  parade  que  pour  l'usage. 
Les  drogues  et  les  préparations  sont  dans  des 
armoires  rangées  autour  de  ces  pièces  *  ». 

Au  dix-huitième  siècle,  les  chirurgiens  ne 
possédaient  plus  de  boutique  proprement  dite, 
mais  tous  avaient  conservé  au  rez-de-chaussée 
sur  la  rue  une  salle  fermée  par  des  grilles  où  un 
élève  s»!  tenait  en  pormanence.  Sur  la  devan- 
ture s'étalaient  les  afliclu's  indiquant  les  cours  des 
professeurs  et  donnant  l'adresse  de  tous  les 
chirurgiens  •''.  Ces  boutiques  étaient,  en  outre, 
ornées  de  trois  liassins  jaimes,  tandis  que  les 
barl)iers  ne  pouvaient  suspfMidre  aux  leurs  que  des 
bassins  blancs. 

La  police  inter\enait  .souvent.  J'ai  retrouvé 
une  sentence  du  25  février  1729  qui,  sans  allé- 
guer aucune  raison,  interdit  aux  cabaretiers  de 


'    lieckerchcs  sur  Paris,  t.  I,  |i.    185. 
-    Voyage  à  Paris,  p.  212. 

3  yoy.  Quesnay,   Examen   impartial  des  contestations, 
elc,  p.  210. 


faire  figurer  sur  leurs  enseignes  un  chou.  Le 
même  règlement  veut  que  toutes  leurs  boutiques 
soient  munies  de  barreaux  en  fer,  tradition  qui 
s'est  conservée  fort  longtemps  * . 

En  somme,  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle,  les  magasins,  même  le  plus  en  renom 
étaient  d'une  grande  simplicité.  A  part  de  rares 
exceptions,  l'on  n'y  voyait  aucune  décoration, 
ni  peinture,  ni  glaces,  ni  étalage.  Puis,  tout 
changea,  et  les  boutiques  commencèrent  à  afficher 
un  luxe  qui,  selon  toute  apparence,  nous 
paraîtrait  aujourd'hui  bien  mesquin.  Je  lis  dans 
un  ouATage  publié  en  1826  :  «  Voyez  et  admirez 
la  propreté  et  la  recherche  qui  régnent  jusque 
dans  la  boutique  des  cordonniers.  Rien  n'y 
manque  :  glaces,  chaises  à  lyre,  comptoir 
d'acajou,  tablettes  façon  même  bois,  tapis  de 
pied,  vitrages  au  travers  desquels  sont  rangés, 
dans  le  plus  bel  ordre,  des  milliers  de  paires  de 
souliers  de  toutes  les  mesures,  de  toutes  les 
modes,  de  toutes  les  couleurs.  A  ces  ornemens  il 
faut  ajouter  cinq  ou  .six  jeunes  bordeuses  propre- 
ment vêtues,  qui  travaillent  sous  l'inspection  de 
la  maîtresse,  dont  le  costume  rivalise  avec  celui 
des  femmes  d'une  profession  plus  relevée  "^  ». 

Voy.  Échoppiers  et  Étalages. 

Boutonniers.  Du  treizième  an  seizième 
siècle,  le  costume  des  hommes  et  des  femmes 
comporta  une  grande  variété  de  boutons.  Sous 
saint  Louis,  les  manches  de  la  robe,  alors  com- 
mune aux  deux  sexes,  étaient  collantes  jusqu'au 
coude  et  fermées  par  une  rangée  de  boutons.  Le 
saint  roi  porta,  en  Orient,  une  robe  que  le  Soudan 
lui  avait  donnée,  et  où  l'on  admirait  «  grant 
foison  de  noiaus  tous  d'or  ^  ».  Au  commencement 
du  siècle  suivant,  la  chape  des  femmes  est  garnie 
d'une  cinquantaine  de  boutons  *,  et  le  pourpoint 
des  hommes  n'en  exhibe  pas  moins  de  soixante- 
dix-huit,  dont  vingt  pour  chaque  manche  ^. 

Les  boutons  en  métal  précieux  étaient  faits  par 
les  orfèvres  ;  les  moins  riches  étaient  1  "œuvre  de 
deux  corporations,  les  boutonniers  et  les  pate- 
nôtriers  ^.  Toutes  deux  ont  leurs  statuts  dans  le 
Livre  des  métiers. 

Les  boutonniers  "^  fabriquaient  exclusivement 
des  boutons  «  d'archal,  de  laiton  et  de  coivre 
neuf  et  viez  "  »,  et  des  «  dex  ^  à  dames  pour 
coudre  ». 

Le  métier  était  libre.  Après  avoir  accompli 
les  formalités  ordinaires,  chacun  pouvait  ouvrir 
boutique  sans  rien  payer. 

Chaque  maître  ne  devait  avoir  à  la  fois  qu'un 
seul  apprenti,  non  compris  «  son  enfant  né  de 
loial   mai'iage   ».    La  durée   de  l'apprentissage 


'  Sentence  de  police  en  forme  de  règlement,  l'Ic.  1729, 
in-4°. 

2    Vie  publique  et  privée  des  franivis,  t.  II,  \k  213  cl  217. 

^  .loinvillo,  édit.  de  18(38,  l>.  143 

*  Voy.  .I.-M.  Richard,  Maliaut ,  comtesse  d'Artois, 
p.  18.^. 

•''  ^  1)3'.  .1.  (,)uiclierat.  Histoire  du  costume,  p.  231. 

''   Il  V  avail  alors  quatre  corporalion.s  do  natciiôlricrs. 

•J  Titre  LXXII. 

8  Cuivre  neuf  et  vieux. 

9  Dés. 


BOUTONNIERS  —  BRAALIERS  DE  FIL 


107 


était  de  huit  ans  pour  l'enfant  qui  apportait 
quarante  sous,  de  dix  ans  au  moins  pour  l'enfant 
sans  arfi;'ent. 

Tout  ouvrier  avant  d'êlre  admis  dans  un  atelier 
s'eng^ao-eait  par  serment  à  se  conformer  aux  statuts 
du  métier,  et  à  dénoncer  aux  jurés  de  la  commu- 
nauté les  infractions  qu'il  pourrait  découvrir, 
fussent-elles  commises  par  son  propre  maître. 

Le  travail  à  la  lumière  était  interdit,  «  quar  la 
clarlez  de  la  nuit  n'est  mie  souffisans  à  ouvrer  de 
leur  mestier  ». 

Deux  jurés,  nommés  par  le  prévôt  de  Paris, 
surveillaient  la  fahricalion,  qui  était  minutieu- 
sement réglementée.  Il  fallait  que  les  boutons  ne 
fussent  ni  ébréchés,  ni  fendus,  et  qu'on  eût  soin 
de  les  souder  «  bien  et  loialement  ».  Quand  ils 
étaient  inég'aux  «  bescoz  »,  ils  devaient  être  saisis 
et  détruits. 

Les  patenôtriers  confectionnaient  les  boutons 
en  os,  en  corne  et  en  ivoire.  Leurs  statuts  diffé- 
raient fort  peu  de  ceux  des  boutonniers. 

Toutefois,  il  n'y  est  fait  aucune  distinction 
entre  les  apprentis,  qui  devaient  tous  servir 
pendant  neuf  ans  au  moins. 

Les  ou\Tiers  quittaient  l'atelier,  en  été  «  à 
l'eure  de  vespres  sonans  en  la  parroche  ^  où  ils 
demeurent  »,  et  en  hiver  «  au  premier  cop  ^  de 
compile  sonant  à  Nostre-Dame  »,  ce  qui  prouve 
que  le  métier  était  surtout  exercé  aux  environs  de 
cette  ég'lise. 

La  Taille  de  1292  mentionne  seize  boutonniers, 
celle  de  1300  en  cite  treize  seulement. 

Ils  furent  de  bonne  heure  réunis  aux  passe- 
mentiers, qui  prirent  le  titre  de  passementiers- 
boutonniers. 

Voy.  Travail  (Réglementation  du). 

Boutonniers  (Orfèvres).  Voy. Orfèvres. 

Boutonniers  d'émail.  Voj.  Email- 
leurs. 

Bouviers.  «  Ce  sont  ceux  qui  sont  chargés 
d'avoir  soin  des  bœufs,  de  châtrer  les  taureaux 
encore  jeunes,  pour  dompter  leur  fureur,  et  de 
dresser  les  bœufs  à  subir  le  joug. ...  Le  bouvier 
prend  aussi  soin  des  vaches.  Il  les  panse,  il  veille 
au  moment  où  une  vache  est  prête  à  vêler,  afin  de 
lui  donner  les  secours  nécessaires.  Dès  que  le 
veau  est  né,  il  lui  jette  sur  le  corps  une  poignée 
de  sel  et  des  miettes  de  pain,  afin  que  la  vache  le 
lèche  et  le  nettoie,  puis  il  fait  avaler  au  jeune 
veau  un  jaune  d'œuf  qui  ne  soit  point  cuit.. . .  Le 
bouvier  peut  aussi  châtrer  les  verrats  lorsqu'ils 
ont  six  mois  ^  ». 

Au  treizième  siècle,  on  estimait  surtout  les 
bœufs  rouges.  On  voulait  encore  qu'ils  eussent 
les  membres  gros  et  carrés,  de  grandes  oreilles, 
le  front  large,  les  yeux,  les  lèvres  et  les  cornes 
noires,  les  narines  bien  ouvertes  et  les  pieds  petits. 

Les  métiers  qui  employaient  le  plus  de  cuir  de 
bœuf  étaient  les  gainiers  et  les  bourreliers. 


1  La  paroisse,  du  latin  pnrochia. 

2  Coup. 

3  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  I,  p.  316. 


Les   bouviers   ont    été   nommés   Piqueboeiifs, 
Picqtiebosufs,  Piqueurs  de  bœufs,  etc.,  etc. 
Voy.  Vachers. 

Boyaudiers.  Artisans  qui  préparaient  et 
filaient  les  cordes  laites  de  boyaux,  à  l'usage  des 
fabricants  d'instruments  de  musique,  des  raque- 
tiers,  etc.  Ils  n'employaient  guère  que  les  boyaux 
de  moutons  ou  d'agneaux. 

Au  dix-septième  siècle,  les  sept  maîtres  étal)lis 
à  Paris  désirèrent  être  constitués  en  communauté, 
et  Louis  W\  leur  accorda  des  statuts  en 
mai  1676.  Le  nombre  des  maîtres  ne  devait 
jamais  dépasser  huit.  L'apprentissage  durait  trois 
ans.  Les  veuves  avaient  le  droit  de  continuer  le 
commerce  de  leur  mari.  La  corporation,  admi- 
nistrée par  un  doyen  et  un  juré,  était  placée  sous 
le  patronage  de  sainte  Barbe.  A  cette  époque,  les 
maîtres  sont  souvent  nommés  fîleurs  et  retordeurs 
de  boyaux. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  les  boviuidiers 
au  nombre  de  dix,  étaient  tous  établis  aux 
environs  de  Montfaucon.  Les  fils  de  maître  seuls 
pouvaient  aspirer  à  la  maîtrise. 

Le  Dictionnaire  de  Furetière  (1727)  écrit 
boyatitiers.,  et  Delamarre  (1737)  boyotiers. 

Boyautiers  et  Boyotiers.  Voy.  Boyau- 
diers. 

Boysseliers.  Nom  que  les  ordonnances 
d'avril  1443  et  de  juin  1467  donnent  aux  boisse- 
liers. 

Braaliers  de  fil.  Faiseurs  de  braies.  Les 
braies  constituaient  une  sorte  de  culotte.  Pendant 
la  domination  romaine,  la  partie  des  Gaules 
comprise  entre  le  Rhône,  la  Garonne  et  les 
Pyrénées  était  nommée  Gallia  braccata,  parce 
que  tous  les  habitants  de  cette  contrée  portaient 
des  braies.  Celles-ci  descendaient  par-dessus  les 
chausses  *  jusqu'au  cou-de-pied  et  avaient 
beaucoup  de  ressemblance  avec  nos  pantalons 
actuels.  Mais  au  treizième  siècle,  les  chausses 
étant  portées  fort  longues,  montant  presqu'à 
mi-cuisse,  les  braies  s'accourcissent,  deviennent 
une  façon  de  haut  de  chausses,  mot  qui  d'ailleurs 
n'existe  pas  encore. 

Les  braies  étaient  ordinairement  en  toile,  aussi 
les  ouvriers  qui  les  confectionnaient  étaient-ils 
dits  braaliers  de  hl.  On  trouve  pourtant  men- 
tionnées des  braies  en  soie,  en  drap  et  même  en 
peau.  Ces  dernières  étaient  la  spécialité  d'une 
autre  corporation,  celle  des  boursiers  ^. 

Vers  1268,  les  huit  maîtres  braaliers  établis 
à  Paris  soumirent  les  statuts  de  leur  communauté 
à  l'homologation  du  prévôt  Etienne  Boileau  •'. 
On  y  lit  que  chaque  maître  pouvait  avoir  un 
nombre  illimité  d'  «  apprentiz  et  d'apprentisses  ;  » 
ces  dernières  étaient  plus  spécialement  chargées 
de  la  couture.  L'apprenti  s'engageait  pour  six 
ans,  et    payait    chaque    année    dix   sous  à  son 


1  Les  bas. 

-  Voy.   le  Livre  des  métiers,  titre  LXXVIL 

3  Livre  des  métiers,  titre  XXXIX. 


108 


BRAALIERS  DE  FIL  —  BRASSEURS 


maître  ;  l'apprentie  servait  deux  ans  seulement. 
aux  mêmes  conditions. 

Les  braies  se  fixaient  sur  les  hanches  au  moyen 
d'un  cordon  à  coulisse  appelé  braiel,  braier  ou 
brayer  ^  Aussi  les  trouvères  ont-ils  une  formule 
consacrée  lorsqu'ils  veulent  dépeindre  un  com- 
battant pourfendu  par  son  adversaire  :  ils  écrivent 
qu'il  est  «  tranché  jusqu'au  brajer  ».  Dans  La 
chanson  de  Roland,  Olivier  brandit  Halteclere, 
sa  bonne  épée,  et  coupe  en  deux  le  Sarrazin 
Climorin,  ainsi  que  son  cheval  Barbamusche  : 

Tôt  le  porfent  d(;ci  tant  qu'au  braier, 
Par  mi  le  cors  trenche  le  bon  destrier  2. 

Les  braies,  vêtement  essentiellement  masculin, 
passaient  pour  l'attribut  de  la  virilité.  L'on  disait 
des  femmes  maîtresses  au  logis  que,  dans  le 
ménage ,  c'étaient  elles  qui  «  portaient  le 
brayer  »,  expression  venue  presque  intacte 
jusqu'à  nous.  L'origine  de  ce  dicton  paraît 
remonter  au  fabliau  De  sire  Hain  et  de  dame 
Anieuse  ^,  dont  l'auteur  est  un  trouvère  français 
du  treizième  siècle  nommé  Hue.  Il  nous  montre 
les  deux  époux  se  disputant  la  possession  du 
brayer  qui,  après  une  résistance  aussi  longue 
qu'honorable,  lin  il  par  demeurer  aux  mains  de 
sire  Hain. 

Au  seizième  siècle,  le  mot  brayer  a  changé 
de  sens,  il  désigne  un  bandage  herniaire  *  -,  mais 
l'imagination  des  poètes  a  créé  Bigorne,  un 
animal  fantastique  qui  mange  tous  les  hommes  qui 
font  le  commandement  de  leurs  femmes  ^  : 

Bigorne  suis  en  Bigornoys, 

Qui  ne  mange  figues  ne  nnys, 

Car  ce  n'est  mye  mon  usage. 

Bons  hommes  qui  font  le  commant 

De  leurs  femmes  entièrement 

Sont  si  bons  pour  moy  que  c'est  rage. 

Je  les  mange  de  granl  courage. 

L»!  <<  bon  homme  »  demande  grâce,  expose  à 
Bigorne  ses  doléances,  lui  dépeint  le  caractère 
iiiliJiilable  de  sa  femme  : 

Si  je  dis  nuf,  elle  dit  naf, 
Si  je  dis  buf,  elle  dit  baf. 
Toute  malice  en  elle  abonde. 
Elle  est  en  tout  0ial  si  parfondo. 
(^ue  iiuyt  et  j(jur  no  fait  que  braire. 

Mais  Bigorne  ne  connaît  pas  hi  pitié. 

Il  sérail  injuste  d"appli(pier  ce  portrait  à 
luules  l«(s  femmes  (bi  seizième  siècle.  Une  autre 
plaqiKjJte,  contemporaine  de  Bigorne  et  presque 
aussi  rare,  le  A/irouer  des  femmes  vertîieuses, 
nous  Iranquillisesurle  sort  réservé  aux  maris  de 
ce  lemps-li'i.  Jy  découvre  cette  réponse  char- 
manie  l'aile  par  une  femme  «  à  son  seigneur  », 
dil  le  lexle  :  «  .\vanl  f|ue  j'entrasse  en  ta  maison, 
je  desveslis  mes  nthes  et  aussi  mes  voidenlés, 
el  veslis  les  lionnes.  Ouoy  que  lu  veulx,  doncq 


'  Voy.  \r  Glossaire  lïi'  Ducang.-,  aux  mots  iracœ  et 
èriiiel. 

*  /fonciscnU.    publié   [inr   Bourdillon,    p.    73.    Cf. 

L.  (iiiutier,  /,a  chanson  de  Roland,  vers  1509. 

•''  Dans    Bnrbnzan,    Fabliaiij-   et  conics,   édit    de    105G 

I   m,  p.  39. 

^  N  oy.  l'article  Boursiei-s. 

•^  C'est  le  titre  complet  d'ime  plaquette  rari.ssime  qui 
date  des  premières  années  du  seizième  siècle. 


je  vueil  ».  Cette  adorable  soumission  était-elle 
sincère,  ou  n'y  faut-il  voir  qu'une  ruse  destinée 
à  affermir  un  pouvoir  que  de  franches  résistances 
eussent  pu  compromettre  ?  Le  dix-septième  siècle 
eût  sans  doute  penché  vers  cette  seconde  hypo- 
thèse, car  voici  ce  qu'écrivait,  vers  1699, 
l'historien  italien  J.-P.  Marana  pendant  son 
séjour  en  France  :  «  A  Paris,  les  femmes 
commandent  plus  que  les  hommes...  Elles  ont 
le  privilège  de  commander  à  leurs  maris  et  de 
n'obéir  à  personne  *  ». 

Quand  Marana  s'exprimait  ainsi,  il  y  avait 
longtemps  que  les  braies,  détrônées  par  le  haut- 
de-chausses,  étaient  réduites  au  rôle  de  caleçon. 
Jean  Nicot  les  définissait  ainsi  en  1606  : 
«  Chausses  courtes  de  lin  ou  d'autre  toile,  que 
l'on  porte  sous  les  chausses  pai*  netteté  '^  ». 

On  trouve  braeliers,  braieliers,  brayeliers,  etc. 

Voy.  Tailleurs. 

Braceeur.  Nom  que  la  Taille  de  1292 
donne  à  un  brasseur. 

Braeliers  et  Braieliers.  Voy.  Braa- 
liers. 

Brambaricaires.  Voy.  Barbaricaires. 

Brandeviniers.  Débitants  d'eau-de-vie. 
Le  mot  brandevin  n'était  guère  en  usage  que 
parmi  le  peuple  et  les  soldats.  «  K  Paris,  où  les 
petits  marchands  en  débitent  à  petites  mesures, 
depuis  quatre  deniers  jusqu'à  un  sou,  et  dans 
les  armées  où  les  vivandiers  en  font  le  négoce  en 
détail,  ils  disent  plus  ordinairement  bran-de-vin 
qu'eau-de-vie  ^  ». 

Voy.  Eau-de-vie. 

Brandons  (Fête  des).  Dans  les  statuts  des 
métiers,  ce  mot  désigne  toujours  le  dimanche  de 
la  qiiadragésime,  parce  que  le  peuple  avait 
coutume  de  fêter  ce  dimanclie  en  allumant  des 
feux  sur  les  places  publiques.  «  Nus  baudroyers 
ne  puet  ne  ne  doit  ouvrer  entre  les  Brandons  et 
la  S.  Rémi  *  puis  que  ">  conplie  ^  est  sonée  ù 
Nostre  Dame  '  ». 

Brasseurs.  Sous  le  nom  de  cervoisiers,  ils 
onl  des  statuts  dans  le  Livre  des  métiers  ^.  On  y 
litfjue  la  cervoise  était  faite  avec  de  l'eau,  de 
l'orge,  du  méteil  et  de  la  dragée,  c'est-à-dire  de 
menus  grains,  tels  que  vesces,  lentilles  et  avoine; 
en  somme,  c'était  à  peu  près  notre  bière  actuelle, 
moins  le  houblon,  (.omme  saint  Louis  n'aimait 
pas  la  cervoise,  il  en  buvait  pendant  le  carême, 
pour  faire  pénitence  ^. 

La    Taille  de    1292    cite    37    cervoisiers    et 


'    /A'itrcs  d'un  Silicien,  édil.  V.  Dufour,   p.    11  et  20. 

-   TItrésor  de  la  langue  françoyse,  [>.  90. 

3  Savary,  Dictionnaire  du  commerce,  l.  1,  \k  406. 

*  Le  l">r  octobre. 

5  Depuis  que. 

G  Compiles,  que  les  cloches  sonnaient  le  soir  à 
neuf  heui-es. 

■>   Livre  des  métiers,  titre  lAXXllI,  art.  9. 

8  Titre  VIII. 

3  Vie  de  saint  Louis,  par  le  confesseur  de  la  reine 
Marguerite.  Dans  le  Recueil  des  historiens,  t.  XX,  p.  107. 


BRASSEURS  —  BRETELLES 


109 


1  hraceeui\  celle  de  1300  mentionne  seulement 
40  cervoisiers. 

Par  lettres  patentes  du  26  septembre  1369, 
Charles  V  accorda  le  monopole  de  cette  l'abri- 
cation  à  vingt  et  un  cervoisiers.  Il  réserva 
toutefois  à  quatre  hôpitaux  de  Paris  le  droit  de 
brasser  de  la  cervoise  pour  la  consommation  des 
malades  et  des  gens  de  la  maison  ' . 

Les  sliituts  de  1489  et  de  1514  fixent  à 
trois  ans  la  durée  de'  l'apprentissage,  qui  l'ut 
portée  à  cinq  ans  par  ceux  de  janvier  1630. 

Au  dix-septième  siècle,  les  Hollandais,  les 
Anglais  et  les  Allemands  ne  buvaient  guère  que 
de  la  bière  à  leurs  repas,  coutume  rejetée  par 
les  Français.  Nemeitz,  en  1718,  prétendait  que 
la  bière  laite  à  Paris  était  malsaine  ;  le  houblon, 
écrit-il,  y  est  souvent  remplacé  par  des  herbes 
amères  ou  par  du  fiel  de  bœuf^. 

Le  nombre  des  brasseurs  était  d'environ  78  à 
la  tin  du  dix-huitième  siècle.  Ils  avaient  la  Vierge 
pour  patronne,  mais  une  de  leurs  confréries 
était  placée  sous  l'invocation  de  saint  Léonard. 

Au  quatorzième  et  au  quinzième  siècles,  on 
les  trouve  souvent  nommés  servoisiers  et 
cambiers.  Le  mot  cambe  désignait  alors  une 
brasserie  •*.  Savary,  en  1723,  les  appelle  aussi 
cervisiers  '* . 

Brayeliers.  \oy.  Braaliers. 

Brayers  (Faiseurs  ue).  Titre  qui  appar- 
tenait à  la  corporation  des  boursiers.  Le  mot 
brayer  a  eu  successivement  un  grand  nombre 
d'acceptions  différentes.  On  a  nommé  ainsi  : 
les  faiseurs  de  braies  [braaliers  du  treizième 
siècle)  ;  les  braies  elles-mêmes  ;  le  cordon  à 
coulisse  qui  serrait  les  braies  sur  les  hanches  ; 
enfin,  un  bandage  d'acier  destiné  à  contenir  les 
hernies. 

C'est  en  ce  dernier  sens  qu'il  faut  entendre  ici 
le  mot  hrayer.  Un  arrêt  de  septembre  1636  et 
l'art.  36  des  statuts  accordés  aux  boursiers  en 
1659  leur  reconnaissent  le  droit  de  fabriquer  ces 
sortes  de  bandages,  dont  l'armature  d'acier  était 
en  général  recouverte  en  peau  de  chamois. 

Les  maîtres  boursiers  qui  adoptaient  cette 
spécialité  devaient  avoir  subi  un  examen  à 
Saint-Côme.  Désignés  sous  le  nom  de  herniaires^ 
ils  représentaient  nos  bandagistes  actuels. 

Les  boursiers  avaient  le  privilège  des  objets 
en  métal  qui  étaient  garnis  ou  accompagnés  de 
peau.  Outre  les  bandages  herniaires,  ils  confec- 
tionnaient les  ceintures  de  chasteté  devenues 
fort  à  la  mode  au  quinzième  siècle  où  on  les 
appelait  qarde-c.s  ^.  Tallemant  des  Réaux  les 
nomme  plus  poliment  brayers  de  fer  ^.  Brantôme 
raconte  '',  qu'un  qiàncailleur  en  apporta  une 
douzaine  à  la  foire  Saint-Germain.  En  ce  qui 

1  Dans  les  Ordonn.  royales,  t.  V,  p.  222. 

2  Séjour  de  Paris,  t.  II,  p.  474. 

"^  Voy.  Godefroy,  Dictionnaire  de  l'une,  lanyue  fran- 
çaise, t.  I,  p.  772. 

*  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  606. 

•'  Farce  nouvelle  d'ung  mary  jaloux,  clans  l'Ancien 
théâtre  frunçuis,  t.  I,  p.   137. 

«  Historiettes,  t.  VII,  p.  428. 

7   Œuvres,  t.  IX,  p.   133. 


concerne  cet  article,  les  boursiers  avaient  effec- 
tivement pour  concurrents  les  vanniers,  dont  les 
maîtres  étaient  autorisés  à  vendre  un  certain 
nombre  d'objets  fabriqués  par  d'autres  corpo- 
rations et  ajiHitaienl  à  leur  titre  officiel  celui  de 
quincailliers. 

Voy.  Herniaires  et  Vanniers. 

Brelandiers.    Nom    souvent    donné   aux 
paumiers  ({ui  tenaient  des  académies  de  jeux. 
Voy.  Paumiers. 

Brelandiniers.  «  Petits  marcliands  qui 
étalent  leurs  marchandises  dans  les  rues  ^  ». 

Brésil   (Qui   battent   le).    Celte    mention 
m'est  fournie  par  la  Taille  de  1300. 
Voy.  Couleurs  (Marchands  de). 

Breteleurs.  Voy.  Crocheteurs. 

Bretelles  (Fabricants  de).  Le  haut  de 
chausses,  qui'  est  devenu  notre  culotte,  fut 
d'abord  soutenu  par  des  boutons,  ensuite  par  des 
aiguillettes,  puis  on  revint  aux  boutons.  Les 
bretelles  n'apparaissent  que  très  tard  ;  toutefois, 
M.  Quiclierat  les  rajeunit  d'un  demi-siècle  quand 
il  fixe  leur  avènement  à  l'année  1792  ^. 

Le  mot  est  fort  ancien.  Il  désignait  des 
sangles  d'usages  divers,  celles,  entre  autres,  qui 
assujettissent  sur  les  épaules  une  hotte  ou  un 
crochet.  Jean  Nicot,  en  1606,  les  définit  ainsi  : 
«  Bretelles.  En  pluriel  (parce  qu'une  seule 
cordelle  n'auroit  ce  nom,  et  sont  par  couple 
attachées  à  la  hotte  ou  aux  crochets)  sont  deux 
cordelles  attachées  chacune  à  une  corne  de  la 
hotte  ou  crochets,  remontans  par  sus  les  espaules 
duhotteur  oucrocheteur,  et  regagnans,  chascune 
de  son  costé,  le  bas  d'iceux  hotte  ou  crochets, 
pour  les  tenir  fermes  et  arrestez  sur  les  espaules 
de  ceux  qui  les  portent  ^  ». 

Je  n'ai  trouvé,  avant  1731,  aucun  exemple  du 
mot  bretelles  employé  dans  le  sens  actuel.  Mais, 
à  cette  date,  le  Dictionnaire  des  arts  et  des 
sciences  publié  par  Thomas  Corneille  ajoute  aux 
significations  déjà  connues  la  définition  suivante  : 
«  Galons  de  fil,  pour  attacher  le  haut-de-chausses 
aux  enfans  et  aux  vieillards  qui  ont  les  hanches 
basses  ou  aux  hommes  trop  gras  *  ».  Quarante 
ans  plus  tard,  le  Dictionnaire  de  Trévoux  offre 
cette  variante  :  «  Tissu  de  fil  ou  de  soie,  qui  sert 
à  soutenir  les  culottes  des  enfans  ou  des  hommes 
un  peu  gros  ^  ».  En  l'examinant  de  près,  cette 
phrase  nous  révèle  bien  des  choses.  D'abord,  on 
faisait  des  bretelles  en  soie  ;  ensuite  le  haut-de- 
chausse  avait  pris  le  nom  de  culotte  ;  enfin,  ce 
n'étaient  plus  seulement  les  hommes  «  trop  gras  » 
qui  se  servaient  de  bretelles,  c'étaient  aussi  les 
hommes  «  un  peu  gros  ».  De  tout  ceci,  un 
historien  impartial  et  perspicace  doit  conclure 
que  l'usage  de  ces  sangles  gênantes  commen- 
çait à  se  généraliser. 


1  Dictionnaire  de  Trévoux  (1771),  t.  II,  p.  53. 

2  Histoire  du  costume,  p.   629. 

3  Thrésor  delà  langue  françoi se,  p.  90,  col.  2. 

4  Tome  I,  p.   138' 

5  Édit.  de  17T1,  t.  III,  p.  58. 


110 


BRETTEURS  —  BROCHEURS  DE  LIVRES 


Bretteurs.  ^'oy.  Armes  (Maîtres  d"). 
Bricoliers.  ^'ov.  Brouettevirs. 

Brigandiniers.  Faiseurs  de  brigandines. 
La  briji:andine,  souvent  citée  par  les  chroni- 
queurs du  quinzième  siècle,  était  une  cuirasse  de 
fantassin,  excellente,  légère  et  peu  coûteuse, 
p^lle  se  composait  d'un  pourpoint  de  toile  ou  de 
cuir,  que  l'on  recouvrait  soit  de  lames  soit 
d'écaillés  d'acier;  celles-ci  étaient  à  leur  tour 
recouvertes  de  peau  ou  d'étoffe  qui  les  cachait, 
et  ne  laissait  apercevoir  que  les  têtes  des  rivets 
réfidièrement  espacés  destinés  à  réunir  cette 
triple  enveloppe.  Lacée  ou  ag-rafée  sur  le  devant 
ou  sur  les  côtés,  la  bri«^andine  garantissait  le 
torse,  les  hanches,  souvent  même  les  bras,  et 
pesait  de  cinq  à  six  kilos.  Son  nom  vient  de  ce 
qu'elle  l'ut  d'abord  portée  par  les  brigands,  et  ce 
mol  n'était  point  alors  pris  en  mauvaise  part; 
il  désignait  un  soldat  combattant  à  pied  *.  Les 
excès  commis  par  certains  fantassins  mercenaires 
arrivèrent  à  en  moditier  le  sens,  à  lui  donner  la 
signification  qu'il  a  aujourd'hui  -. 

Le  musée  d'artillerie  possède  plusieurs  spéci- 
mens de  la  brigandine,  qui  était  bien  démodée  à 
la  fin  du  seizième  siècte.  La  Chanson  des  cor- 
poriaux  ^,  composée  vers  1562,  en  revêt  un 
bourgeois  ridiculisé  en  ces  termes  : 

Le  sire  Girard  Lien  armé, 
S'étoit  tout  11'  corps  enfermé 
Dans  une  vieille  brigandine  ; 
Et  de  peur  de  ses  ennemis 
Une  salade  il  avoit  mis 
Par  dessus  .sa  teste  badine. 

J'ai  trouvé  les  brigandiniers  mentionnés  pour 
la  première  fois  dans  une  ordonnance  rendue 
par  Charles  VII  le  20  mars  1451  *.  L'organi- 
sation de  leur  communauté  ressemblait  beaucoup 
à  celle  des  armuriers,  avec  lesquels  ils  ne  lar- 
dèrent pas  à  se  confondre.  Toutefois,  les  brigan- 
diniers figurent  encore  dans  l'ordonnance  dite 
des  Bannières  ^  (juin  1467). 

Bri quêteurs.  Dans  les  briqueteries,  on 
ddiiiiiiil  ce  nom  aux  ouvriers  qui  con.slruisaient 
le  fourneau,  dirigeaient  le  feu,  enfournaient  et 
cuisaient  la  brique.  Un  atelier  ou,  comme  on 
disait,  une  main  de  hriqueteurs  se  composait  de 
Innze  hommes  ;  ils  pouvaient  établir,  en  quinze 
ou  seize  jouis,  un  fourneau  de  500.000  briques  ". 

Briquetiers.  Faiseurs  ou  vendeurs  de 
lii-iqurs.  Les  !)ri(|ues  les  plus  estimées  étaient 
fabriquées  en  Houigitgiie  ;  venaient  ensuite 
celles  de  Paris,  de  Melun  et  de  Corbeil.  Celles 
fini  arrivaient  par  eau  devaient  être  déchargées  au 
port  des  Célesiins,  mais  à  pari  celle  prescription, 
le  comnterce  en  était  absolument  libre  '. 


'  \  "\  .   l)iie;inj,''i',  (iinssaire,  v"  lii'igancii. 

2  \'oy.  Il'  Diclioniinire  de  LiUré,  t.  I,  p.  410. 

•'  !,'•  Kou.x  de  Lincy,  Vhanls  historiques,  t.  H,  p.  218. 

*  Ordoiin.  roijnles,  l.  X\  I,  p.  C7SI. 

•"'  Oidonii.  royales.  1.  XVI,  p.  080. 

^  Kncycloprdie  méthudique.  arts  et  métiers,  t.  1,  p.  315. 

"  l^elainarre,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  51. 


Le  Dictionnaire  de  Nicot  (1621)  écrit  bri- 
qniers. 

Voy.  Batteurs.  —  Briqueteurs.  — 
Brouetteurs.  —  Cuiseurs.  —  Enfour- 
neurs.  —  Enhayeurs.  —  Mouleurs,  etc. 

Briquiers.  Voj.  Briquetiers. 

Briseurs  de  chanvre.  Voy .  Broyeurs. 

Briseurs  de  sel.  Officiers  publics,  chargés 
de  briser  les  masses  de  sel  avant  le  mesurage. 
D'abord  au  nombre  de  quatre,  ils  étaient  nommés 
par  la  municipalité,  lui  prêtaient  serment,  puis 
étaient  mis  en  possession  de  leur  office  par  un 
sergent  '. 

L'ordonnance  de  décembre  1672  statue  que 
«  les  jurez-briseurs  de  sel  découvriront  le  sel 
dans  les  batteaux,  le  briseront  et  le  mettront  en 
tas,  et  le  rebrousseront,  tant  dans  les  batteaux 
que  greniers,  pour  faire  le  chemin  aux  jurez- 
mesureurs  et  porteurs,  et  fourniront  les  pelles 
pour  mettre  le  sel  dans  la  trémie  -  ». 

Brizomanciens.Voj.Oniromanciens. 

Brocanteurs.  Au  treizième  siècle,  ils 
constituent  deux  classes  de  la  communauté  des 
fripiers.  Les  uns  parcourent  les  rues,  offrant 
d'acheter  et  de  vendre  de  vieux  habits,  les  autres 
étalent  de  sordides  marchandises  près  du  cime- 
tière des  Innocents  ^. 

Au  dix-septième  siècle,  le  mot  a  changé  de 
sens,  et  désigne  plus  particulièrement  les  com- 
merçants nommés  aujourd'hui  marchands  de 
curiosités  *. 

Au  dix-huitième  siècle,  les  |brocanteurs  ont 
pour  concurrents  les  crieurs  de  vieux  fers,  ils  sont 
redevenus  ambulants  et  obéissent  à  des  règle- 
ments de  police,  que  vient  compléter  la  décla- 
ration du  29  mars  1778.  Les  maîtres  doivent 
solliciter  du  lieutenant  général  de  police  une 
médaille  de  cuivre,  qu'ils  sont  tenus  «  de  porter 
sur  eux  et  en  évidence  ».  Ils  ne  peuvent  faire 
aucun  commerce  en  boutique,  ni  ailleurs  que 
«  dans  les  rues,  halles  et  marchés  ».  Ils  ont, 
au  reste,  le  droit  de  vendre  «  toutes  sortes  de 
marchandises  de  friperie,  meubles  et  ustensiles 
de  hasard,  cpi'ils  porteront  sur  leurs  bras,  sans 
qu'ils  puissent  les  déposer  ni  étaler  en  place 
fixe  ^ .   » 

Brocheurs.   Dans  les  fabriques  d'étoffes, 

ouvri(M"s  cliargés  du  brochage. 

Brocheurs  de  livres,  i'endanl  plusieurs 
siècles,  les  libraires,  réunis  en  une  seule  corpo- 
ration avec  les  relieurs  et  les  imprimeurs, 
pouvaient  être  tout  à  la  fois  libraires-imprimeurs, 
libraires-relieurs  et  doreurs,  et  réciproquement. 
L'édit  du  7  septembre  1686,  (jui  sépara  défi- 
nitivement les  relieurs  des  libraires,   conserva 


'    Ordonnance  de  février  14 Î5,  chap.  XX. 
i  Chap.  XXVI. 
■'  ^'oy.  l'art.   Fripiers. 
^  ^'oy.  l'art.  Curiosités  (Marchands  de). 
^  Déclaration  du  Ruy  portant  règlement  pour  les  fripiers- 
brocanteurs. 


BROCHEURS  DE  LIVRES  —  BROSSIERS 


111 


pourtant  à  ces  derniers  le  droit  de  brocher  eux- 
mêmes  leurs  li\Tes.  L'article  l"''  est  ainsi  conçu  : 
«  La  faculté  de  relier,  dorer  et  orner  les  li\Tes 
appartiendra  aux  seuls  maîtres  relieurs  et  doreurs  ; 
défenses  sont  faites  à  tous  libraires  el  impri- 
meurs et  à  tous  autres  de  relier  eux-mêmes,  ni 
faire  relier  ou  dorer  aucuns  livres  par  d'autres  que 
par  les  maîtres  relieurs  et  doreurs,  à  peine  de 
confiscation  et  d'amende.  Pourront  néanmoins 
lesdits  libraires  et  imprimeurs,  ainsi  qu'il  leur 
a  été  de  tout  temps  permis  et  loisible,  plier, 
coudre,  brocher,  rogner  et  couvrir  en  papier  ou 
parchemin  simple  et  sans  carton,  toutes  sortes 
d'ouvrages  et  de  livres,  sans  qu'ils  soient  obligés 
d'emploj'er  pour  cela  aucun  maître  relieur  ». 

Le  même  édit  fixe  la  durée  de  l'apprentissage 
des  relieurs  à  trois  ans,  suivis  d'une  année  de 
compagnonnage  ;  mais  il  statue  en  même  temps 
que,  pour  restreindre  la  concurrence,  il  ne  sera 
reçu  qu'un  seul  maître  par  année. 

Le  mot  brocheur  est  tout  moderne,  l'Aca- 
démie française  l'admit  pour  la  première  fois 
dans  son  édition  de  1814. 

Les  livres  brochés  étaient  dits  en  blanc  quand 
on  voulait  les  distinguer  des  livres  reliés. 

Brocheuses.  Nom  donné  aux  ouvrières 
tricoteuses.  Brocher  ou  tricoter  un  bas  étaient 
mots  synonymes. 

Brodeurs.  La  Taille  de  1292  cite  quatorze 
bfodeeiirs,  broderesses  et  broudeeurs.  Trois  ans 
après,  maîtres  et  ouvriers  étaient  au  nombre  de 
93.  Chaque  maître  ou  maîtresse  ne  pouvait  avoir 
à  la  fois  qu'un  seul  «  aprenti  »  ou  une  seule 
«  aprentice  ».  L'apprentissage  durait  huit  ans. 

Aux  treizième  et  quatorzième  siècles,  les 
maîtres  se  disent  brodeurs-armeuriers,  hrondeurs- 
armoyeurs,  etc.,  parce  que,  travaillant  presque 
exclusivement  pour  la  noblesse,  ils  avaient  sans 
cesse  l'occasion  de  reproduire  des  armoiries. 

La  corporation  atteignit  son  apogée  au 
seizième  siècle,  et  la  difficulté  de  fournir  à  la 
broderie  des  nuances  et  des  dessins  nouveaux 
devint  l'origine  de  notre  Jardin  des  plantes,  qui 
fut  créé  par  l'horticulteur  Jean  Robin,  associé  à 
Pierre  Vallet,  brodeur  de  Henri  IV. 

Au  dix-huitième  siècle,  la  corporation  comptait 
environ  250  maîtres.  Elle  avait  pour  patron  saint 
Clair,  et  pour  titre  officiel  brodetirs-de'coupeurs- 
égratigHeurs-chaswbliers.  Les  statuts  de  1704  se 
préoccupèrent  surtout  de  restreindre  la  concur- 
rence. Ils  défendaient  de  faire  aucun  apprenti 
tant  que  le  nombre  des  maîtres  n'aurait  pas  été 
réduit  à  200  -,  ce  moment  arrivé,  les  maîtres 
ayant  au  moins  dix  ans  de  maîtrise  étaient 
autorisés  à  engager  un  apprenti  pour  six  ans, 
puis  devaient  rester  encore  au  moins  dix  ans 
avant  d'en  prendre  un  autre. 

On  trouve  aussi  brcmderesses  (statuts  de  1316) 
et  broudaresses. 

Voy.  A-rmoyeurs  et  les  autres  noms  cités. 

Broqueteurs.  Marchands  de  boissons  au 
détail,  vendant  par  brocs.  On  trouve  aussi 
broqneter,  broq%ieterie. 


Broquiers.  Faiseurs  de  brocs,  pichets, 
cuves  à  vin,  etc.  Ce  nom  s'appliquait,  suivant 
les  cas,  aux  potiers  d'étain,  aux  tonneliers,  aux 
orfèvres,  etc. 

Brossiers.  En  janvier  1486,  les  dix-sept 
maîtres  composant  alors  ce  métier  firent  homo- 
loguer des  statuts  qui  en  rappellent  de  plus 
anciens  aujourd'lnii  perdus.  Ceux  de  1486  les 
nonunent  faiseurs  de  venjes  à  nettoyer  robes. 
c'est-à-dire  ù  battre  les  habits  '.  J'y  vois  que  ces 
verges  étaient  composées  ou  de  bruyère  ou  de 
«  soyes  de  pourceau  »,  et  munies  d'un  manche 
en  bois  recouvert  de  cuir^.  Chaque  maître  ne 
pouvait  avoir  à  la  fois  plus  de  deux  apprentis 
et  l'apprentissage  durait  trois  ans. 

En  1659,  le  métier  est  représenté  par  27 
maîtres  et  9  veuves  continuant  le  commerce  de 
leur  mari.  Louis  XIV  leur  accorde  de  nouveaux 
statuts  très  détaillés  qui  cette  fois  les  qualifient 
de  vergetiers-raqnetiers-brossiers.  Afin  de  limiter 
la  concurrence,  ils  ne  doivent  plus  engager  un 
apprenti  que  tous  les  dix  ans,  et  la  durée  de 
l'apprentissage  est  fixée  à  cinq  ans.  Les  fils  de 
maître  sont  dispensés,  non  seulement  du  chef- 
d'œuvre,  mais  de  Vexpe'rience.  Un  doyen  et  deux 
jurés  administrent  la  corporation. 

Le  métier  s'est  développé.  On  a  le  droit  d'y 
fabriquer,  en  concurrence  avec  les  paumiers,  les 
raquettes  pour  jouer  à  la  paume.  Les  verges  sont 
devenues  vergelles.  Les  brosses  sont  en  nombre 
infini  ;  parmi  celles  que  mentionne  un  manuel 
du  dix-huitième  siècle,  je  citerai  : 

Les  brosses  de  carrosse. 

Les  brosses  à  chevaux.  En  poil  de  sanglier. 

Les  brosses  à  chirurgiens.  «  Ainsi  nonnnées  de 
ce  que,  vers  la  fin  du  treizième  siècle,  les  médecins 
de  Paris  ordonnèrent  aux  personnes  attaquées  de 
rhumatismes  de  se  faire  brosser  avec  des  brosses 
laites  exprès,  pour  ouvrir  les  pores  au  moyen 
de  cette  friction  et  faire  transpirer  l'humeur  qui 
est  la  cause  du  mal  ».  Ce  serait  donc  l'origine 
de  notre  gant  de  crin,  mais  je  doute  fort  qu'il 
remonte  si  haut. 

Les  brosses  à  dents. 

Les  brosses  à  trois  faces.  Destinées  aux  tapis- 
series, aux  meubles,  etc. 

Les  brosses  ^imprimerie. 

Les  brosses  à  lustrer.  En  soies  de  sanglier,  et 
employées  surtout  par  les  gainiers  et  les  chape- 
liers. 

Les  brosses  à  morue.  Pour  laver  el  dessaler  la 
morue. 

Les  brosses  à  peintre.  Les  pinceaux  apparte- 
naient au  connuerce  des  épiciers  ;  les  vergetiers 
vendaient  seulement  ceux  qu'utilisaient  les 
peintres  en  bâtiment  ;  elles  étaient  formées  de 
soies  de  porc  ou  de  sanglier. 

Les  brosses  à  plancher.  Munies  d'une  courroie 
qui  recevait  le  pied  du  frotteur. 

Les  brosses  de  relieur. 

Les  brosses  à  tisserand. 


1  De  Laborde,  Glossaire,  p.  536. 

2  Articles  7  à  11. 


112 


BROSSIERS  —  BUISSONNIERS 


Les  brosses  de  toilette. 
Les  brosses  à  décrotter. 
Etc.,  etc.,  etc. 

Par  allusion  à  sa  spécialité,  la  corporation 
s'était  placée  sous  le  patronage  de  sainte  Barbe. 

Broudeurs.  Voj.  Brodeiirs. 

Brouetteurs.  La  brouette,  roulette,  chaise 
roulante,  chaise  volante  ou  vinaigrette  n'est  guère 
que  l'ancienne  chaise  à  porteur  montée  sur  deux 
roues  et  munie  de  deux  brancards  entre  lesquels 
se  place  le  brouetteur,  dit  aussi  bricolier,  tireur, 
trahieur  ou  conducteur  de  brouette. 

Ces  voitures,  mises  en  service  au  commence- 
ment de  l'année  1671,  furent  aussitôt  «  le  jouet 
des  jeunes  gens,  des  cochers  et  des  gens  de  livrée  ; 
il  y  eut  même  des  violences  faites  et  des  excès 
commis  contre  ceux  qui  étoient  employés  à  les 
rouler  ».  Les  sieurs  Dupin,  Chanderolle  et  Paris, 
qui  en  avaient  le  privilège,  obtinrent  (28  avril) 
une  ordonnance  de  police,  défendant  «  à  toutes 
personnes,  de  quelque  qualité  ou  condition  que 
ce  soit,  d'empêcher  l'établissement  dudit  nouveau 
roulage,  par  vojes  de  fait,  insultes,  injures,  huées, 
paroles  ou  autrement,  à  peine  de  cinq  cents  livres 
d'amende  ;  à  tous  cochers,  laquais  et  gens  de 
livrée,  à  peine  de  prison  et  punition  exemplaire  ^  ». 

On  nommait  chaises  à  parasol  des  brouettes 
qui  n'étaient  employées  que  pour  promener  les 
dames  dans  les  jardins.  Seignelay  les  avait  mises 
à  la  mode  hirsqu'il  reçut  le  roi  à  Sceaux,  dans 
le  courant  du  mois  de  juillet  1685.  «  Ce  fut  là, 
écrit  l'abbé  Lebeuf^  qu'on  vit  les  premières 
chaises  tirées  par  des  hommes  pour  se  promener 
dans  les  jardins.  On  les  connaissoit  à  Versailles, 
mais  elles  étoient  plus  simples.  Les  chaises  de 
Sceaux  étoient  à  quatre  personnes  et  quatre 
parasols.  Les  hommes  qui  les  conduisoient  ne 
marchoient  pas  devant,  mais  de  chaque  côté  ». 

(  )ii  nomnvAÛ  soufflet  une  sorte  de  cliaise  roulante 
fort  légère,  dont  le  dessus,  en  cuir  ou  en  toile 
cirée,  se  pliait  ou  se  dépliait  comme  un  soufflet. 
Louis  XIV  s'en  servit  souvent. 

Voy.  Voitures. 

Brouetteurs.  Dans  les  tourbières,  ouvriers 
qui  rt'CL'vaienl  la  tourbe  enlevée  par  les  bêcheurs, 
et  la  transportaient  sur  l'aire,  où  ils  en  construi- 
saient des  pyramides  carrées  nommées  pilel tes  "^ . 

hansli-s  liriquflci'ics,  ouvriers  qui  apportaient 
au  mouleur\i\  Wrw  préparée  par  le  batteur.  Cha({ue 
liroïK'lléc  devait  représenter  80  ù  100  briques*. 
On  les  appeliiil  aussi  raideurs. 

Broyeurs.  Ce  mol,  employé  seul,  désignait 
pres([ne  loujoiirs  les  broyeurs  de  couleurs. 

Broyeurs  de  chanvre.    Ouvriers   qui, 


'   I)elninnn-i',  Traité  de  la  police,  t.  IV',  p.  451. 

2  //isfuire  du  diocèse  de  Paris,  paroissi-  de  «  Ci'aux 
ou,  eonimi'  l'écrivent  le.s  modernes,  de  .Sciaux  m,  l.  IX, 
!..  :}79. 

3  Encyclopédie  méthodique,  arts  rt  niôliers,  I.  \'lll, 
p.   188. 

*  Fiiciirhiiii'ilie  méthodique,  arts  ut  métiers,  t.  I,  p.  301. 


avec  la  broie,  brisaient  le  chanvre  pour  séparer 
la  filasse  de  la  chènevotte. 

On  dit  aussi  briseurs  de  chanvre. 

Quand  ce  travail  était  fait  à  la  main,  brin  par 
brin,  l'ouvrier  prenait  le  nom  de  teilleur  ou 
tilleur,  mots  dérivés  de  tilia  qui  désigne  en  latin 
l'écorce  du  chanvre. 

Brûleurs.  Nom  donné  parfois  aux  distil- 
lateurs. 

Brunisseurs.  Ce  mot  «  ne  se  dit  guères 
que  chez  les  orfè\Tes  de  l'artisan  ou  compagnon 
qui  brunit  la  vaisselle  et  les  autres  ouvrages 
d'orfèwerie  ^  ».  La  Taille  de  1292  n'en  cite 
aucun,  celle  de  1300  en  mentionne  un  seul, 
et  celle  de  1313  en  nomme  huit,  dont  quatre 
brunisseresses. 

Buandiers.  «  Ceux  qui  font  le  blanchiment 
des  tuiles,  ou  qui  veillent  sur  les  buandières, 
c'est-à-dire  sur  les  femmes  qui  font  couler  les 
lessives  dans  les  blanchisseries  ^  ». 

Bûcherons.  «  Ouvriers  occupés,  dans  les 
forêts,  à  abattre  des  arbres  pour  les  débiter,  selon 
leur  qualité,  en  bois  de  charpente  ou  en  bois  de 
chauffage.  Les  instrumens  dont  ils  se  servent 
sont  la  cognée  ou  hache,  la  scie,  les  coins  et  le 
maillet  ^  ». 

L'ordonnance  de  janvier  1351  les  nomme 
boucherons.  On  les  trouve  encore  dits  fagotiers, 
boquillons,  boscherons,  buscherons,  sarteurs,  etc. 

Bûches  (Marchands  de).  Marchands  de  bois 
à  brûler. 

Voy.  Bois  (Commerce  du). 

Bûches  (Porteurs  de).  Voy.  Porteurs. 

Buclneurs.  Voy.  Trompes  (Faiseurs 
de). 

Bueresses.  Voy.  Blanchisseurs. 

Buffetiers.  Titre  qui  appartenait  à  la  cor- 
poration des  vinaigriers. 

En  vieux  français,  le  mot  buffet  signifiait 
vinaigre,  et  une  bufj'eterie  était  une  vinaigrerie. 

La  l'aille  de  1292  mentionne  51  bufetiers. 

On  les  trouve  encore  nommés  beuvetiers. 
bîwetiers,  buvotiers,  etc.,  parce  qu'ils  donnaient 
à  boire,  dans  leur  boutique,  l'eau-de-vie  qu'ils 
étaient  autorisés  à  distiller. 

Les  statuts  de  1493  sont  octroyés  déjà  aux 
buff'etiers-vinuigriers. 

Buinières.  Ce  nom  désignait  parfuis,  dans 
les  maisons  bourgeoises,  les  servantes  chargées 
des  lessives. 

Buisineors.  Voy.  Trompes  (Faiseurs 
de). 

Buissonniers  (Écrivains).  On  nommait 
ainsi   des   iiidivi(his   qui,    sans   appartenir  à  la 


•  Savar}',  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  493. 
-  Savary,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  494. 
•'  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  I,  p.  352. 


BUISSONNIERS  —  BUREAUX  DE  l'LACEMENT 


113 


corporation  des  écrivains,  allaient  donner  en  ville 
des  leçons  d'écrilure  et  de  calcul.  Au  mois  de 
janvier  1691,  la  communauté  demanda  que  l'on 
prit  contre  eux  des  mesures  sévères  ' . 

Buissonniers.  Officiers  jurés,  attachés  au 
service  de  la  naviu^ation.  Seront  les  buissonniers 
tenus  de  taire  savoir  au  prévôt  des  marchands 
«  si  les  vannes,  gors  '^.  pertuis  et  arches  sont  de 
largeur  convenable,  si  les  ponts,  moulins  et 
pieux  sont  en  bon  estât,  etc.  »  •'. 

Buleteres.  Les  bluteurs  S(Mit  ainsi  nommés 
dans  les  statuts  accordés  aux  boulangers  vers  la 
fin  du  treizième  siècle  ^. 

Bliratiers.  Fabricants  de  burals,  buratesou 
buratines,  étoffes  de  laine  qui  se  confection- 
naient surtout  dans  le  Languedoc  et  le  Gévaudan. 

Bureau  académique  d'écriture.  Voj. 
Écrivains. 

Bureau  du  commerce.  Voy.  Conseil 
du  commerce. 

Bureaux  des  corporations.  Presque 
tous  les  corps  de  métier  avaient  à  Paris  un  bureau 
où  les  maîtres  pouvaient  se  réunir,  et  où  siégeait 
en  permanence  le  clerc  chargé  de  tenir  les 
écritures  de  la  communauté.  A  partir  du  seizième 
siècle,  ce  clerc  eut  mission  de  placer  les  ouvriers 
sans  ouvrage  ^.  Un  peu  plus  tard,  tous  les 
compagnons  durent  se  faire  enregistrer  au  bureau 
de  leur  corporation.  Le  clerc  inscrivait  leur  nom, 
prénoms  et  sobriquets,  leur  adresse,  leur  âge, 
leur  lieu  de  naissance,  le  nom  de  leur  dernier 
maître,  et  il  leur  remettait  un  certificat  constatant 
que  celte  formalité  avait  été  remplie.  Aucun 
maître  ne  devait  embaucher  un  ouvrier  qui  ne  fût 
porteur  d'un  certificat  de  ce  genre  ^,  et  les  jurés 
conservaient  en  outre  une  liste  des  ouvriers 
employés  chez  chaque  maître  '^ . 

Les  boulangers  voulaient  que  l'on  tînt  au 
bureau  sept  registres  ^.  Les  charcutiers  se  con- 
tentaient de  trois  ^.  Les  fourbisseurs  se  montrent 
sur  ce  point  très  précis  :  «  11  y  aura,  disent-ils, 
au  bureau  de  la  communauté  des  registres  bien 
et  dûment  paraphés  par  premier  et  dernier 
feuillets  par  le  lieutenant  général  de  police, 
pour  y  enregistrer  les  réceptions  des  maîtres  et 
des  apprentifs,  les  ouvertures  de  boutiques, 
lettres  de  jurande,  poinçons,  transports  de 
brevets,  contrats  passés  au  profit  des  créanciers, 
remboursement  des  dits  contrats,  redditions  de 
comptes,  délibérations,  etc.,  etc.  *'*  ». 

1  Voy.,  à  la  Bibliotlièque  nationale,  le  manuscrit 
français  coté  21,747. 

2  Gords. 

3  Ordonn.  de  décembre  1672,  chap.  I,  art.  8. 

4  Livre  des  métiers,  litre  I,  art.   44. 

»  Pâtissiers,  statuts  de  1566,  art.  31.  Tailleurs, 
statuts  de  1583,  art.  26,  de  1660,  art.  22. 

6  Limonadiers,  sentence  du  17  décembre  1737  . 
Charcutiers,  statuts  de  1754,  art.  9. 

'  Menuisiers,  statuts  de  1743,  art.  90. 

8  Statuts  de  1746,  art.    14. 

9  Statuts  de  1745,  art.  21. 

10  Statuts  de  1707,  art.  4. 


C'est  au  bureau  que  chaque  corporation 
conservait  ses  archives,  ses  «  papiers,  enseigne- 
mens,  pièces,  procédures,  actes,  etc.  »,  disent 
les  ploinbieis  '.  L'armoire  ou  le  coffre-fort  qui 
les  contenaient  fermaient  à  deux  clefs  chez  les 
brodeurs  ^  et  les  plumassiers  ^,  à  trois  clefs  chez 
les  ])ar])iers  ^  et  les  plombiers  *,  à  quatre  clefs 
chez  les  fourbisseurs  ^.  Ces  clefs  étaient 
ordinairement  partagées  entre  les  jurés  et  les 
anciens  jurés.  En  1(385,  la  veuve  de  l'un  des  jurés 
en  charge  brûla  le  ctollre  qui  renfermait  les 
archives  de  sa  communauté. 

On  trouve  dans  le  Dictionnaire  de  Paris 
d'Riirtaut  et  Magiiy  ^  le  nom  des  rues  où  étaient 
situés  les  bureaux  des  principales  corporations. 

Bureaux  de  placem.ent.  Au  douzième 
siècle  déjà,  il  existait  à  Paris  des  bureaux  de 
placement  pour  les  servantes  et  les  nourrices. 
C'étaient  des  sortes  d'hôtelleries  où  les  pauvres 
tilles  en  quête  de  condition  trouvaient  le  vivre  et 
le  couvert.  On  les  accueillait  gratuilemenl  à 
l'hôpital  ou  «  hoslellerie  »  Sainte-Catherine  "' , 
tenue  par  des  l'eligieuses  que  le  peuple  désignait 
sous  le  nom  de  Catherinetles.  Les  établissements 
non  gratuits  étaient  dirigés  par  des  femmes 
dites  commandaresses  ou  commander  esses,  recom- 
mandaresses  ou  recommander  esses  ^.  On  lit 
partout  que  ce  métier  était  privilégié,  et  qu'il 
fui  créé,  vers  1330,  par  Philippe  VI,  en  faveur 
de  quatre  belles  filles  qu'avait  eues  la  nourrice 
de  son  fils  Jean.  Mais  je  n'ai  rencontré  nulle 
part  la  confirmation  de  ce  fait,  et  il  est  bien 
certain  que  les  recommandaresses  existaient 
sous  ce  nom  avant  le  règne  de  Philippe  VI,  car 
la  Taille  de  1292  en  mentionne  deux,  dont 
l'une,  appelée  Ysabel,  habitait  la  rue  aux 
Commanderesses  ^ . 

Jusqu'au  dix-septième  siècle,  les  recomman- 
daresses continuent  à  placer  les  servantes  et  les 
nourrices.  Mais  en  1628  est  créé  le  Bureau  des 
domestiques,  installé  au  Palais,  dans  la  cour  de 
Lamoignon,  et  auquel  s'adjoint,  en  1678,  le 
Bureau  d'adresses  élahli  pour  les  maîtres  qui 
cherchent  des  serviteurs  et  pour  les  serviteurs  qui 
cherchent  des  maîtres. 

Les  recommandaresses  relevaient  du  lieutenant 
criminel,  mais  nne  déclaration  du  29  janvier 
1715  plaça  sous  l'autorité  du  lieutenant  général 
de  police  leurs  quatre  bin"eaux,  alors  situés  rue 
du  Crucifix  *",  rue  de  l'Echelle,  rue  des  Mauvais- 
Garçons-Saint-Germain  '  '     et  '  place    Maubert. 


1  Statuts  de  1648,  art.  11. 

2  Statuts  de  1704,  art.  19. 

3  Statuts  de  1659,  art.  41. 

4  Statuts  de  1648,  art.    11. 

5  Statuts  de  1707,  art.  8. 
G  (1779),  t.  I,  p.   316. 

''  A  l'angle  de  la  rue  des  Lombards  et  de  la  rue 
Saint-Denis. 

8  Jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  tous  les  actes 
officiels  les  nomment  recommaitdaresses . 

9  Voy.  la  Taille  de  1292,  p.  115.  —  La  rue  aux 
Commanderesses  di'vint  rue  de  la  Vannerie  et  rue  de 
la  Coutellerie.    Elle  a  été  supprimée  en  1854. 

tf  Supprimée   en    1852,  son  emplacement  est  aujour- 
d'hui compris  dans  la  place  Saint-Jacques-la-Boucherie. 
1'   Devenue  rue  Grégoire-de-Tours. 


114 


BURKAL'X  DK  l'LACJvMl-LNT  —  BU YSSINKUKS 


Elles  conservaient  le  droit  exclusif  de  recevoir 
et  lo"-er  les  nourrices.  Toute  nourrice  convaincue 
d'avoir  en  même  temps  deux  nourrissons  était 
condamnée  au  louef,  et  son  mari  devait  pajer 
une  amende  de  cinquante  livres.  Si  les  parents 
cessaient  d'envojer  le  prix  convenu  avec  la 
nourrice,  celle-ci  n'en  était  pas  moins  tenue 
de  garder  l'enfant.  Le  curé  de  la  paroisse, 
préwnu  par  elle,  avertissait  le  lieutenant  général 
de  police,  qui,  après  enquête,  pouvait  seul 
autoriser  le  renvoi  du  nourrisson  à  la  famille. 

lOn  1729,  ces  l)ureaux  furent  supprimés,  les 
tenancières  indemnisées  el  (jualre  autres  bureaux 
établis  :  un  rue  de  la  Vannerie,  deux  rue  Sainl- 
Jacque.s-la-Boucherie  et  un  rue  Planche-Mibray. 
Ils  ne  plac;aienl  que  des  nourrices. 

Le  bureau  des  domestiques,  tenu  jusqu'en 
1750  par  une  femme  nommée  Royer,  fut  alors 
reconstitué.  Les  domestiques  entrant  en  place 
versaient  10  sous  ii  l'établissement,  et  les  maîtres 
pourvus  lui  payaient  30  sous;  si,  au  bout  de  dix  à 
douze  joiu's,  ils  n'étaient  pas  satisfaits,  le  bureau 
leur  envoyait  un  autre  sujet  sans  nouveaux  frais. 

La  déclaration  du  24  juillet  1709  réunit  en 
un  seul  les  ({ualre  bureaux  de  placement  pour 
les  nourrices,  e(  mit  à  sa  tête  deux  recomman- 
daresses  et  deux  directeurs. 

Kn  somme,  les  réformes  successivement  intro- 
duites dans  ce  service  l'avaient  fort  amélioré  à  la 
fin  du  dix-huitième  siècle.  On  évaluait  alors  à 
21.000  le  nombre  des  enfants  qui  naissaient 
chaque  année  à  Paris.  Sept  cents  environ  d'entre 
eux  étaient  nourris  par  leur  mère,  et  sept  cents 
autres  par  une  nourrice  habitant  la  maison  pater- 
nelle '  ;  deux  ou  trois  mille,  appartenant  le  plus 
souvent  à  des  bourgeois  aisés,  allaient  en 
nourrice  dans  la  banlieue  ou  les  environs;  tout 
le  reste  était  confié  à  des  femmes  recrutées  en 
province  par  les  meneurs  ^. 

l)in\  bureaux  se  partageaient  l'administration. 

Le  premier,  dit  bureau  de  la  direction,  servait 
d'intermédiaire  entre  les  nourrices  et  les  parents; 
envoyait  à  ceux-ci  des  nouvelles  de  l'eniant  ; 
avançait  à  celles-lii  l'argent  qui  leur  était  dû,  et 
f'M  opérait  ensuite  le  retjouvrement  cliez  les  pères 
t't  nii'res.  S'ils  refusaient  de  s'acquitter,  la  police 
les  [joursuivait.  et  elle  devait  bien  st)uvent 
recoui-ir  à  la  contrainte  par  corps.  Mlle  faisait 
clia([ue  année  cin([  ou  six  cents  prisonniers  de  ce 
geiu'c.  Mais  des  associations  charitables  s'étaient 
fonih'es  pour  venir  h  leur  secours.  En  outre,  lors 
des  grandes  fêles  religieuses  el  dans  toutes  les 
occasions  solennelles,  telles  que  mariage  de 
princes,  naissance  de  Dauphin,  etc.,  la  numici- 
palilé  délivrait  un  certain  nombre  de  ces 
prisonniers  pcnir  mois  de  nourrice. 

Le  second  bureau,  celui  desrecommandaresscs, 
était  siliu';  rue  Neuve  Sainl-Au":uslin.  Les 
nourrices  s  y  tenaient  durant  la  journée,  dans 
ni  H"  grande  pièce  appelée  sal/c  de  lu  location,   où 


'  En  supposant  qu'on  les  gardùl  prndant  trois  ans, 
il  y  iiurail  donr  eu  ;i  l'aris  l'nviion  di'ux  mille  nourrices. 

-  Dflnil  dr  giif/tfiirx  l'Iiihlissemeiils  de  In  rille  dr  Parh, 
J'aris,  demandé  imr  Sa  Majesté  Impériale  la  reinr  de  Hongrie 
à  M.  Lenuir,  lieutenant  général  de  police.  1780,  in-S",  p.  (53. 


les  parents  venaient  faire  leur  choix.  Avant  d'y 
être  admises,  elles  subissaient  la  visite  du  méde- 
cin, qui  dégustait  leur  lait,  et  signait  im  certi- 
ficat constatant  ({u'il  avait  été  trouvé  bon  ou 
insuffisant.  Le  lait  devait  avoir  sept  mois  au 
moins  et  vingt-quatre  mois  au  plus. 

Le  bureau  percevait  trente  et  un  sous  pour  le 
placement  de  chaque  nourrice.  Les  gages  étaient 
de  huit  livres  par  mois,  non  compris  le  sou  pour 
livre  montant  à  quatre  livres  seize  sous  par 
année.  Ces  femmes,  une  fois  revenues  au  village, 
étaient  surveillées  à  la  fois  par  leur  curé  et  par 
les  meneurs,  alors  placés  directement  sous  la 
surveillance  de  la  police,  qui  exigeait  d'eux  des 
rapports  fréquents  et  circonstanciés. 

L'Assemblée  législative  supprima  la  contrainte 
par  corps  pour  les  dettes  de  mois  de  nourrices  '. 
L'Empire  assimila  leur  recouvrement  à  celui 
des  contributions,  el  en  chargea  les  préfets  ^. 
Le  bureau  des  nourrices  était  alors  placé  sous  la 
double  autorité  du  préfet  de  la  Seine  et  du  préfet 
de  police,  organisation  que  confirma  le  décret  du 
30  juin  1806  •'. 

Voy.  Meneurs. 

Burins  (Faiseurs  de).  Titre  que  prenaient 
les  aiguilliers. 

Burresses.  Voy.  Blanchisseurs. 

Buscherons.  Voy.  Bûcherons. 

Buschiers.  Voy .  Bois  (Marchands  de). 

Buses.  Voy.  Bustes. 

Bustes  (F.visEURS  de).  Titre  qui  appartenait  à 
la  corporation  des  boursiers.  Busqué.  Imsc  et  bustes 
avaient  à  peu   pri's  le  sens  de  notre  mot  corset. 

VoA'.  Corsetiers. 

Buterie.  On  nommait  ainsi  l'art  défaire  des 
l>ous,  vaisseaux  à  mettre  du  vin  *. 

Buvetiers.  A  oy.  Buffetiers. 

Buveurs  d'eau.  Le  plus  célèbre  bateleur 
de  c(!  genre  se  montrait  à  la  foire  Saint-Germain 
en  1040.  Il  était  originaire  de  Malte  et  âgé  de 
38  ans.  Une  plaquette  contemporaine  nous 
iipprend  qu'il  ab.sorbait  plusieurs  seaux  d'eau,  et 
faisait  ensuite  «  sortir  de  sa  bouche  force  grands 
jets  d'eau,  égalans  en  hauteur  el  roideur  ceux 
des  plus  vives  fontaines  :  une  partie  en  eau 
commune,  l'autre  paroissanl  convertie  en  toute 
sorte  de  vin,  d'huiles,  de  lait,  d'eau-de-vie, 
d'eau  d'ange,  d'eau  roze,  d'eau  de  fleur  d'orange, 
de  jasmin  el  autres...  »  '^ . 

Buvotiers.  V( 

Buyssineurs. 
seurs  de). 


1  Décret   du   25   aoftt    1792.    Dans   J.-H.    Duver^i.r, 
Collection  de.i  lois,  I.  IV, p.  3.53. 

*  I.oi   du   21  mars  1800.  Dans  Mi'rlin,    Répertoire  de 
jurisprudence,  t.  \'lll,p.   GStî. 

•'   Dans  Duverpcr,  t.  XV,  p.  391. 

*  \  oy.  Ducunjre,  Glossariuin,  aux  mo[>i  //u/eria  ol  iufta. 
^  La    Merveille    du    beuveur    d'eau    de    la    foire    Saint- 
Germain,  jM'tit  in-B"  de  12   pages. 


.  Buffetiers. 

\o\.     Tronapes    (Fai 


CABANASSKUKS  —  CABAKETU^HS 


115 


c 


Gabanasseurs.  \  <n.  Chanevaciers. 

Gabareteurs  et  Gabareteux.  Voy. 
Cabaretiers. 

Gabaretiers.  Ils  vendaient  du  vin  a 
assiette,  tantlis  que  les  taverniers  le  vendaient  à 
pot.  Vendre  du  vin  <'i  assiette,  c'était  le  vendre 
au  détail,  couvrir  la  table  d'une  nappe  avec  des 
assiettes  et  y  servir  certains  mets  * . 

Ces  cabaretiers  finirent  par  représenter  nos 
restaurateurs  actuels.  L'ambassadeur  vénitien 
Lippomano  écrivait  en  1557  :  «  Il  y  a  à  Paris 
des  cabaretiers  qui  vous  donnent  à  manger  chez 
eux  à  tous  les  prix,  pour  un  teston,  pour  un  écu, 
pour  quatre,  pour  dix,  pour  ving'l  même  par 
personne,  si  vous  le  désirez.  Les  princes  et  le  roi 
lui-même  y  vont  quelquefois  ^  ».  Tallemant  des 
Réaux  raconte  en  effet  que  Henri  IV  alla  dîner 
A^ix  trois  mores  avec  Roquelaure  ^ . 

De  nombreuses  ordonnances  défendaient  aux 
cabaretiers  de  servir  à  leurs  clients  tle  la  viande 
durant  le  carême  et  les  ventb'edis  et  samedis  ; 
de  donner  à  boire  le  dimaiiclie  pendant  la  durée 
des  offices.  Celle  du  26  juillet  1777  leur  enjoij^nit 
de  ne  tolérer  chez  eux  aucun  jeu  et  de  fermer 
leurs  portes  à  onze  heures  en  été  et  à  dix  heures 
en  hiver. 

Les  cabarets  jouaient  à  Paris  un  g-rand  rôle 
dans  la  vie  privée,  et  plusieurs  d'entre  eux,  cités 
par  les  poètes,  les  auteurs  dramatiques  et  les 
chroniqueurs  ont  laissé  un  souvenir  dans 
l'histoire.  Rabelais  a  mentionné  la  Pomme  de 
Pin,  situé  rue  de  la  Juiverie,  à  l'extrémité  du 
pont  Notre-Dame  ;  Villon  ^,  Régnier  ^,  Collelet  ", 
Gui  Patin  ^  ont  chanté  ses  louang-es.  Pantao-ruel 
a  célébré  encore  les  cabarets  de  la  Madeleine, 
près  de  l'église  de  ce  nom,  dans  la  Cité  ;  du 
Castel,  de  la  Mule  et  du  Châteati-Festu  ^. 

Une  brochure  publiée  en  1574  s'exprime  ainsi  : 
«  Chacun  aujourd'luii  veut  aller  dîner  chez  le 
More,  chez  Sanson,  chez  Innocent  et  chez 
Hàvard,  ministres  de  voluptez  et  de  despense  ^  ». 
Racine,  Molière,  Lafontaine  et  bien  d'autres 
se  réunissaient  à  la  Croix  de  Lorraine,  place  du 


1  Voy.  l'art.  Taverniers. 

2  Relations  des  ambassadeurs  vénitiens,  t.  II,  p.  601. 

3  Historiettes,  t.  I,  p.  14. 

*  Dans  ses  deux  testaments. 
5  Satire  X. 

^   Tracas  de  Paris,  p.  244. 
~>   Tome  III,  p.  269. 

8  Pantagruel,  liv.  II,  chap.  6  et  17. 

9  Discours  sur  les  causes  de  l'extrême  cherté',  etc.,  p.  36. 


Cimetière  Saint-Jean  '.  Ils  avaicnl  frécjuenté 
d'abord  le  Mouton  Blanc,  dans  la  rue  du  N'ieux- 
Colombier.  Culit'tel  rendit  fameux  la  Croix  de 
Fer,  dans  la  rue  Saint-Denis  ;  Mézeraj  UE'pée 
Royale,  dans  la  rue  Saint-Antoine  -,  Benserade, 
le  Bel  Air,  près  du  Luxembourg  ;  Voiture  et 
Tallemant  des  Réaux,  la  Fosse  aux  Lions,  rue 
du  Pas-de-la-Mule  ;  Ronsard,  le  Sahot,  faubourg 
Saint-Marcel  ;  Marivaux,  VEpée  de  Bois,  rue 
Quincampoix  ;  Chapelle,  la  Croix  blanche,  rue 
de  Bercy  ;  Rousseau  et  Diderot  dînaient  souvent 
ensemble  au  Panier  Fleuri,  rue  Tirechappe. 

Parmi  les  cabarets  dignes  de  mémoire,  il  faut 
citer  encore  :  le  Petit  Panier,  rue  Trousse-^  aclie 
(auj.  rue  de  la  Reynie)  ;  les  Bons  Enfans,  dans 
la  rue  de  ce  nom  -,  la  Petite  Bastille,  au  port 
Saint-Paul  ;  la  Galère,  rue  Saint-Jacques  la 
Boucherie  ;  la  Folie,  rue  de  la  Poterie  ;  la 
Cornemuse,  rue  des  Prouvaires  ;  r Alliance,  rue 
des  Fossés-Saint-Germain  ^,  près  de  la  Comédie- 
Française  ;  c'est  à  sa  porte  qu'en  1701  mourut 
Champmeslé  ;  PEcharpe,  renommée  par  ses 
cabinets  particuliers  -,  le  Plat  d' Etain,  rue  Saint- 
Antoine,  affectionné  par  Villon  '^  ;  la  Coiffier, 
le  premier  établissement,  dit  Tallemant  des 
Réaux  *,  où  l'on  s'avisa  de  traiter  à  tant  par 
tête  ;  la  Boisselière,  près  du  Louvre,  un  des  plus 
chers  de  Paris  ^  ;  le  Petit  Père  noir,  rue  de  la 
Bûcherie  -,  la  Gratid^ Pinte,  rue  des  Porcherons  ^  ; 
la  Bonne  Eau  et  le  Milieu  du  Monde,  à  la 
Grenouillère  ''  -,  V Echiquier ,  la  Licorne,  la 
Table  de  Roland,  dans  la  Cité  ;  la  Morellière, 
rue  du  Temple,  oîi  l'on  pouvait  rencontrer 
Chaulieu,  la  Fare,  Bruejs  et  Palaprat  ;  enfin, 
le  Tambour  royal,  tenu  par  Ramponeau,  et  le 
noble  établissement  de  Henard,  dans  le  jardin 
des  Tuileries. 

Aux  environs  de  Paris,  le  cabaret  le  plus 
célèbre  était  celui  de  la  du  R_yer,  à  Saint-Cloud  , 
Tallemant  a  raconté  l'histoire  de  ses  amours 
avec  Saint-Preuil,  dont  elle  reçut  la  tête  dans  son 
tablier  quand  il  fut  décapité  à  Amiens  **. 

Les  cabaretiers  appartenaient  à  la  corporation 
des  marchands  de  vins. 

Voy.Bouclion. —  Bouteiller  de  France 
(Grand).  —  Restaiu*ateurs,  etc. 


'  Auj.  rue  Bourtibourg. 

^  Auj.  rue  de  l' Ancienne-Comédie. 

"'  Repues  franches,  p.  2.53. 

4  Tome  II,  p.  130,  et  tome  VII,  p.  312. 

î»  ^'oy.  les  Caquets  de  l'accouchée,   p.  28. 

fi  Auj.  rue  Saint-Lazare. 

'"'   Auj.  le  quai  d'Orsay. 

8  Tome  VII,  p.  143. 


116 


CABARTEURS  —  CABINETS  DE  FIGURES  DE  CIRE 


Gabarteurs.  Vov.  Cabaretiers. 

Cabas  f Battre  le).  Voj.  Mule  (Ferrer 
la). 

Cabinets  d'anatomie.  Le  moulao:e  en 
cire  avait  été  Ibrt  à  la  mode  au  dix-septième 
siècle.  Un  sieur  Benoit  s'était  alors  dislinf?ué 
par  des  porirails  d'une  resseinljlance  frappante, 
dont  un  curieux  spécimen  est  celui  de  Louis  XI\  , 
retrouvé  à  Versailles  et  placé  aujourd'hui  dans 
la  chambre  à  coucher  du  roi. 

On  ne  songea  que  plus  tard  à  utiliser  cet  art 
spécial  pour  l'étude  de  l'anatomie.  La  première 
idée  paraît  due  à  un  chirurgien  nommé 
Guillaume  Desnoues.  Pour  la  partie  matérielle 
du  travail,  il  s'associa  avec  un  habile  modeleur 
sicilien  nommé  Gaetano  Zumbo.  qui  tenta  de  le 
supplanter,  et  qui  présenta  en  17U1  à  l'Académie 
des  sciences  une  tète  préparée  pour  les  démons- 
trations anatomiques.  Il  reçut  des  félicitations. 
«  Si  l'on  avoit,  dit  le  procès-verbal,  de  pareilles 
représentations  de  toutes  les  parties  du  corps 
humain,  on  seroit  exempt  de  l'embarras  de 
chercher  des  cadavres,  que  l'on  n'a  pas  quand  on 
veut,  et  l'étude  de  l'anatomie  deviendroit  moins 
dégoûtante  et  plus  familière  '  ».  Zumbo  mourut 
sur  ces  entrefaites,  et  Desnoues  ajan!  complété 
son  œu\Te  ouvrit  dans  la  rue  de  Tournon,  un 
musée  formé  de  nombreuses  pièces  en  cire.  On  y 
admirait  surtout  un  liomme  entier,  une  fille 
d'environ  douze  ans,  une  femme  grosse  de 
unir  mois,  «  avec  l'enfant  couché  encore  dans 
hi  matrice.  Tout  y  est  si  juste  et  Jialurel  qu'il  ne 
manque  rien  jusques  aux  plus  petites  veines  ;  la 
cire  étant  (pielquefois  rouge,  quelquefois  blanche, 
blinc,  mêlée,  suivant  les  diverses  couleurs  des 
parties  charneuses  ou  des  veines  du  corps 
humain  -  ».  Vigneul-Marville,  qui  avait  vu 
tout  cela,  en  fait  aussi  un  faraud  éloffe  •^.  Le 
prix  d'entrée,  assez  cher  pour  l'époque,  était  de 
cinf|uante  soiis. 

Desnoues  moui'ul  vers  1720.  11  avait  pour 
héritier  un  cousin  qui  tira  parti  du  cabinet  en  le 
inonirani  de  ville  en  ville.  Il  le  fil  voir  en 
llnlland»'.  à  Hand)Ourg,  en  Danemark,  puis  en 
Angleterre,  où  peut-être  il  le  laissa. 

Vers  la  lin  du  siècle,  une  demoiselle  BiheiMii. 
fille  d'\m  apothicaire  de  Paris,  réussit,  après  un 
travail  assidu  de  quarante-sept  années,  à  com- 
poser entièrement  en  cire  un  corps  de  femme 
dont  toutes  les  parties  pouvaient  être  déplacées 
et  examinées  à  part.  Mademoiselle  Biheron,  écrit 
la  comtesse  de  Geidis,  «  modeloil  ses  tristes 
imilalions  sur  des  cadavres  qu'elle  avoit  dans  un 
caltinel  vitré  au  inilieu  de  son  jardin  ;  je  n'ai 
jamais  voulu  entrer  dans  ce  cabinet,  qui  faisoit 
ses  délices  et  qu'elle  appeloit  son  petit  boudoir*». 
Elle  finit  par  créer,  dans  la  rue  de  la  Vieille- 
Estrapade,  un  petit    musée  qui  était  ouvert  tous 


*  Hisluire   île    l'Académie    îles    xrieiirex,    année     1701 
|iiii)liée  en  1704,  J».  .">7. 

*  Neineitz,  Séjour  lie  Purin.  \.  I,  p.  ;i7;i. 

•'   Mélanges  d  histoire  el  lie  lit/rnitiiri',    t.   111,    |,.  307. 

*  Mémoires,  t.  I,  ji.  30y. 


les  mercredis.  Mademoiselle  Biheron,  dit  S. 
Mercier,  imite  des  squelettes  si  parfaitement  qu'on 
croit  en  voir  de  véritables.  Les  muscles,  les  nerfs 
sont  rendus  avec  une  vérité  frappante  ^  ».  Malgré 
l'intérêt  que  présentait  ce  musée,  l'auteur,  n'étant 
pas  soutenu  par  le  corps  médical,  finit  par 
traiter  avec  l'ambassadeur  de  Russie,  qui  lui 
acheta    le  tout   pour  l'impératrice  Catherine  IL 

On  songea  aussi,  vers  le  même  temps,  à 
faciliter  l'instruction  des  sages-femmes  au  mo^^en 
de  pièces  anatomiques  factices.  Une  dame  Lenlant 
fabriquait  «  des  fantômes  et  des  mannequins  très 
propres  pour  l'exercice  manuel  des  accouche- 
mens.  Les  proportions  naturelles,  soit  dans  le 
bassin,  soit  dans  le  fœtus  sont  exactement 
o])servées  » ,  disait  une  réclame  publiée  en 
1773  K 

Vers  1780,  le  chirurgien  Jean-Joseph  Sue 
imagina  de  représenter  sur  de  grands  cartons  les 
différentes  parties  du  corps  humain.  Il  posséda 
bientôt  une  collection  de  195  pièces,  qui  fut 
portée  au  nombre  de  364  par  son  fils  ^,  chirur- 
gien comme  lui.  Ce  petit  musée,  ouvert  au 
public,  était  établi  rue  des  Fossés- Saint - 
Germain  l'Auxerrois*,  à  l'angle  de  la  rue  de 
l'Arbre-Sec.  Je  ne  le  trouve  plus  mentionné 
après  1787. 

Trois  autres  cabinets  anatomiques  existèrent 
encore  à  Paris.  Un  professeur  d'accouchement, 
nommé  Bertrand  avait  créé  au  Palais-Royal  le 
Mtiséum  (h  démonstration  de  physiologie  et  de 
pathologie  dont  L.  Prudhomme  a  donné  la 
description  ''.  Un  autre  était  installé  rue  de  la 
Harpe  *•  et  le  troisième  rue  Hautefeuille.  Un 
voyageur  allemand,  qui  visita  Paris  en  1799^ 
nous  fait  ainsi  connaître  la  spécialité  de  ce 
dernier:  «  Afin  de  n'être  pas  trop  tourmenté  par 
le  diable  de  la  volupté  et  de  la  séduction  dans 
Paris,  je  conseille  à  tous  les  jeunes  étrangers 
inexpérimentés,  de  se  faire  passer  leur  envie  dans 
le  cal)inet  anatomique  et  d'histoire  naturelle  du 
(ligne  professeur  Bertrand  (rue  Hautefeuille 
n*'  31.  section  du  Théâtre  français).  C'est  là  qu'ils 
pourront  voir  les  fruits  du  libertinage,  les 
images,  les  scènes  d'horreur  de  la  destruction 
morale!...  On  y  voit  aussi  quantité  de  pièces 
très  rares  el  authentiques.  Tous  les  objets  sent  en 
cire  el  si  bien  imités  qu'on  croit  voir  la  nature. 
Ce  cabinet  est  ouvert  tous  les  jours,  depuis 
neuf  heures  du  matin  jusqu'à  la  nuit.  Le  prix 
d'entrée  est  de  1  liv.  10  s.  '  ». 

Voy.  Figures  de  cire. 

Cabinets  de  figures  de  cire.  V&y. 
Figures  de  cire. 


I    Table:: u  de  Paris,  t.  VIII,  \>.   12.3. 

-  Affiches,  annonces  et  avis  divers,  n»  du  24  février 
1773. 

•'*  C<'  (lernitT  fut  le  p("^r('  du  romancier   Eugène   Suo. 

*  Auj.  rue  Peirautl. 

■■"  Miroir  de  l'ancien  et  du  nouveau  Paris  (1807),  t.  II, 
p.  274. 

^  P.  de  Lamesangcre,  Le  voyaqeur  à  Paris  (1797), 
I.   I,  i>.  '.Ht. 

"   Ht'iiiziiiaiiii,  Mes  matinées  à  Paris   (1800),    p.   367. 


CABINETS  DE  LECTUR1<: 


117 


Cabinets  de  lecture.  Je  rencoulro,  dans 

Le  tracas  de  Paris,  poème  burlesque  publié  par 
François  Colletetvers  1666,  le  chapitre  suivant  : 

Les  liseurs  de  nouvelles 
aux  petites  boutiques  des  augustins. 

Tous  CCS  lecteurs  do  nouvcnutez 
Dans  ces  boutii[Ues  arresd'/, 
L'un  à  son  nez  met  sa  lunette, 
Afin  de  lire  la  Gazette, 
Escrite  en  prose,  eserite  en  vers  ', 
Des  nouvelles  de  l'univers. 
C'est  un  plaisir,  pour  ces  lectures, 
De  voir  les  diverses  postures. 
Parmy  ces  gens,  en  voilà  deux 
Fichez  tout  droits,  comme  dt-s  pieux  ; 
D'autres  rangez  sous  estalages, 
Tout  ainsi  comme  des  images  ; 
Ceux-là  dessus  un  banc  pressez  ; 
Ceux-cy  dans  la  porte  entassez. 
Car  chaque  boutique  est  si  pleine 
Qu'on  n'y  sçauroit  tenir  qu'à  peine. 
Celuy  qui  lit  plus  promptement 
Preste  à  l'autre  un  commencement. 
Un  autre  curieux  demande 
Une  gazette  de  Hollande, 
Et  celuy-cy  celle  d'Anvers  2. 

J'ai  cité  ce  passag'e  entier,  parce  qu'il  cons- 
titue, je  crois,  la  plus  ancienne  mention  d'un 
cabinet  de  lecture,  tout  au  moins  d'un  lieu  qui 
y  ressemblait  fort.  Ces  petites  houtiques  dans 
lesquelles  on  allait  lire  les  livres  nouveaux  et  les 
gazettes  étaient  sans  doute  des  échoppes  adossées 
aux  murailles  du  couvent  desGrands-Augustins, 
sur  le  quai  qui  porte  encore  ce  nom. 

Leur  nombre  augmenta  peu  à  peu,  car  je  vois 
qu'en  1757,  on  li.sait  les  gazettes,  «  moyennant 
un  ou  deux  sous,  à  la  porte  des  Tuileries,  à  celle 
du  jardin  du  Palais-Royal,  à  celle  du  Luxem- 
bourg, dans  les  bureaux  d'écrivains  des  charniers 
des  Saints-Innocens  ^,  au  Palais-Marchand  *, 
hôtel  Soubise,  place  royale,  etc.  ^  ».  Le  petit 
établissement  du  quai  des  Augustins  s'était 
agrandi.  Il  appartenait  alors  à  un  libraire 
nommé  Trudon  et  l'on  y  trouvait,  outre  les 
nouveautés  littéraires,  la  collection  de  la  Gazette 
de  France  depuis  son  origine  (1631)  ;  la  Gazette 
de  Hollande  depuis  1714,  la  Gazette  (FUtrecht 
depuis  1730,  la  Gazette  d'Avignon  depuis  1727, 
la  Gazette  de  Cologne  depuis  1730,  la  Gazette  de 
Berne  depuis  1750,  etc.,  etc. 

Lottin  n'en  écrit  pas  moins  que  le  libraire 
Jacques-François  Quillau  créa,  en  1761,  rue 
Christine,  le  premier  cabinet  de  lecture  qui  ait 
existé  à  Paris  ^.  Il  eut  pour  imitateur,  l'année 
suivante,  le  libraire  Grange,  fondateur  d'une 
salle  littéraire,  disent  les  Mémoires  secrets.  Ils 
annoncent ,  au  mois  de  décembre  1762,  que 
«  pour  trois  sous  par  séance  on  aura  la  liberté  de 
lire,  pendant  plusieurs  heures  de  suite,  toutes  les 
nouveautés  '^  ».  Quillau  et  son  magasin  littéraire 


1  La  Gazette  de  Renaudot  était  écrite  en  prose,    celle 
de  Loret  était  en  vers. 

2  Édit.  de  1859,  p.  279., 

3  Voy.  ci-dessous,  l'art.  Écrivains  publics. 
*  Le  palais  de  justice. 

ï>  .Jèze,  Étnt  de  Paris,  édit.  de  1757,  p.  183. 
6  Catalogue  des  libraires  dç  Paris,  p.  145. 
'  Tome  I,  p.  159, 


prospèrèrenl.  En  1775,  il  annonçait  que,  moyen- 
nant trois  livres  par  mois  ou  vingl-quatre 
livres  par  an,  on  pouvait  «venir  lire  au  magasin 
les  ouvrages  périodiques,  comme  journaux  et 
gazettes,  consulter  les  grands  dictionnaires,  ainsi 
que  les  mémoires  de  l'académie  des  sciences  et 
ceux  de  l'académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  1  ».  En  1778,  il  lui  fut  suscité  une 
concurrence,  le  cabinet  politique  et  iiéoqraphique, 
installé  (|uai  de  l'Horloge,  à  la  descente  du  Pont 
au  (Change  -.  En  1779  apparaît  encore  \e cabinet 
académique  de  lecture.  A  cette  date,  Paris  ne 
comptait  sans  doute  que  trois  autres  maisons  de 
ce  genre.  Je  ne  sais  ce  qu'était  devenu  Truilon  ; 
mais  Quillau  n'avait  pas  quitté  la  rue  Christine  ; 
Grange  avait  transporté  sur  le  Pont  Notre-Dame, 
sa  «  bibliothèque  publique,  où  l'on  donne  lecture 
de  toutes  sortes  de  livres  ».  Enfin,  le  libraire 
Leloup,  tenait,  rue  de  la  Comédie  ^,  un  «  cabinet 
littéraire,  où  l'on  s'abonne  par  an,  par  mois  ou 
par  volume  *  ». 

Ces  établissements  comptaient  déjà  de  nom- 
breux clients,  puisque,  à  l'apparition  de  certains 
ouvrages,  il  fallut  «  couper  le  volume  en  trois 
paris,  afin  de  fournir  à  l'empressement  des 
lecteurs  ^  ».  Sébastien  Mercier,  à  qui  j'emprunte 
ce  renseignement,  a  le  tort  de  ne  citer  aucun  des 
ouvrages  qui  furent  si  recherchés.  C'étaient  des 
romans  sans  doute,  car  la  police  veillait  ;  elle 
défendait  le  prêt  des  traités  de  philosophie,  par 
exemple,  mettait  à  l'index  d'Holbach,  Volney, 
Diderot,  Voltaire,  etc.  En  tête  d'un  catalogue 
de  cabinet  de  lecture,  catalogue  imprimé  et 
qui  est  daté  de  1784,  je  lis  l'avis  suivant  :  «  On 
ne  pourra  demander  aucun  ouvrage  contre  la 
religion,  l'Etat  et  les  mœurs.  Les  journaux  poli- 
tiques ne  pourront  être  lus  et  gardés  longtemps 
et  les  journaux  littéraires  conservés  plus  de  vingt- 
quatre  heures.  Le  prix  d'abonnement  sera  de 
24  livres  par  an  et  de  3  livres  par  mois,  mais 
seulement  pour  les  livres  et  journaux  dont  on 
distribuera  le  catalogue.  On  ne  donnera  un  cata- 
logue qu'à  censses  ^  qui  seront  abonnés  pour  un 
an,  les  autres  le  paieront  12  sous  ». 

Le  plus  achalandé  de  ces  studieux  asiles  était 
celui  de  la  rue  des  Petits-Champs,  à  l'enseigne 
du  Grand-Corneille.  On  citait  encore  celui  de  la 
rue  du  Coq  Saint-Honoré  ^,  où  l'on  trouvait  tous 
les  romans  nouveaux  **.  Enfin,  L.  Prudhomme 
écrivait  au  déljul  de  l'Empire  :  «  Indépen- 
damment des  bibliotlièques  publiques,  il  y  a  à 
Paris  plus  de  cent  cinquante  cabinets  littéraires. 
Cela  prouve  que  le  goût  de  la  lecture  s'est  répandu 
dans  toutes  les  classes  de  citoyens.  On  donne  un 
catalogue  où  l'on  choisit  ce  qui  peut  convenir, 
moyennant    trois    ou   six    francs   par    mois,    et 


*  Mercure  de  France,  n»  de  mars  1775,  p.  219. 

2  Affiches,  annonces  et  avis  divers,    n"  du    18  novembre 
1778,  p.  184. 

3  Auj.  rue  de  l'Ancienne-Gomédie. 

4  Almanach  Dauphin,  art.  Libraires. 

^  S.  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  Y,  p.  63. 
6  Sic. 

'^  Auj.  rue  Marengo. 

8  P.  de   la   Mésangère,  Le   voyageur  à  Paris   (1797), 
t.  I,  p.  34. 


118 


CABINETS  DE  LECTURE  —  CADRANS  SOLAIRES 


douze  francs  de  nantissement  pour  les  livres 
cpi'on  emporte  chez  soi.  Dans  plusieurs,  on  lit 
par  séance,  moyennant  six  sous,  les  journaux. 
L'étrann^er  peut  j  aller,  pendant  l'hiver,  passer 
sa  soirée  ;  il  économise  bois  et  lumière,  et  peut 
dire  le  lendemain  :  j'ai  lu  les  dix  ou  douze 
colonnes  du  Moniteur  et  tous  les  feuilletons. 
L'on  trouve  ordinairement  bonne  société  dans 
les  cabinets  littéraires  ;  il  est  très  agréable  de 
jouir  d'une  bibliothèque  pour  six  ou  quatre  sous 

par  jour Il  y  a  à  Paris  plusieurs  sociétés  qui 

prennent  le  titre  de  cabinet  littéraire,  et  dans 
lesquels  on  trouve  cependant  tout  autre  chose 
que  des  livres  et  des  journaux.  Quelques-unes 
de  ces  maisons  tiennent  jeux  ;  d'autres  possèdent 
de  jolies  femmes,  que  l'on  vous  propose  tout  bas. 
Ceux  qui  ne  sont  point  initiés  d'avance  dans  ce 
myst'>re  trouvent  etrectivement  en  entrant  un 
cabinet  rempli  de  journaux  et  de  livres,  et  selon 
leur  mise  et  leur  physionomie,  on  leur  explique 
l'énigme  '  ». 

Gabrioleurs.  A'oy.  Bateleurs. 

Caché  (Dimanche).  Voy.  Repus. 

Cache-nez  (Fahricants  de).  «  Touret  de 
nez  ou  caclie-nez,  buccula  muliebris  »,  dit  le 
Dictionnaire  de  Nicot  en  1606.  Pour  Furetière, 
c'est  un  ornement,  un  masque  qui  ne  cacliait  que 
le  haut  du  visage. 

Le  vrai  touret  de  nez  se  portait  seulement  en 
hiver  ;  il  s'attachait  aux  oreillettes  du  chaperon, 
et  couvrait  seulement  le  bas  du  visage.  C'était 
bien  notre  caclie-nez  ;  aussi,  des  plaisants  de 
l'école  naturaliste  l'avaient-ils  qualifié  impo- 
liment de  coffin  '^  à  roupies  ■'.  H.  Etienne,  à 
qui  nous  devons  ce  vilain  mot,  nous  dit  (ju'il 
faut  y  voir  l'origine  des  masques. 

Les  lourets  de  nez  étaient  fournis  par  les 
tailleurs. 

Cadraniers.  Voy.  Boussoles  (Fabri- 
cants de). 

Cadrans  solaires.  Dans  la  cour  ou  le 
jardin  des  principaux  hôtels,  des  édifices  publics, 
des  colli'ges,  il  existait  presque  toujours  un 
cadran  solaire,  peint  ou  gravé  en  creux  sur  une 
muijiille,  en  bonne  exposition.  Le  tracé  était 
l'œuvre  des  inatliémaliciens  ou  fabricants  d'ins- 
Irunicrits  (I(!  malh(''matiqiH's  *.  .l'ignore  le  nom 
de  celui  qui  fut  employé,  vers  1670,  par  le 
collège  Mazariii,  mais  je  sais  que  les  deux 
cadrans  solaires  qui  exislenl  encore  dans  les  coiu's 
de  rinslilul  furent  exécutés  par  un  tailleur 
de  pierre  nonuné  Barthélémy  ^. 

Les  cadrans  solaires  de  Paris  étaient   pour  la 

plupart,  fort  peu  consultés.  La  mode  avait  adopté 

'  celui  du  Palais-Royal,  et  vers  midi,  il  recueillait 


'   Miroir  lie  Paris,  3"  ériil.,  t.   II,  p.  'i()7). 

î  (1orbrill(>,  ruffrct,  jinnior. 

•'  Fl<nri  Éliirme,  Dialogues,  I.  I,  \\.  183. 

i  Almniinrlt  Dauphin  pour  1780,  cl  voy.  (M-ilcs.sous 
l'art.  Inslnimcnl.s  di»  mnlliémntinu«s  (Fabricanis  d"). 

S  A.  F.,  Histoire  de  la  bibliothèque  Masarine.  édi\.  dp 
1901,  r-  lfi4. 


les  hommages  d'une  foule  empressée.  Casanova 
écrivait  en  1750  :  «  Je  vois  beaucoup  de  monde 
dans  im  coin  du  jardin,  se  tenant  immobile,  le 
nez  en  l'air.  Je  demande  ce  qu'il  y  avoit  de  mer- 
veilleux. On  se  tient  attentif  à  la  méridienne  ; 
chacun  a  sa  montre  à  la  main  pour  la  régler  au 
point  de  midi  *  ».  Quand  le  duc  d'Orléans 
entreprit,  vers  1782,  de  métamorphoser  son 
palais,  les  Parisiens  s'émurent,  en  songeant  que 
peut-être  ils  allaient  être  privés  de  leur  cher 
méridien.  Ils  furent  bientôt  rassurés.  Non  seule- 
lement  le  prince  le  leur  rendit  remis  à  neuf, 
mais  il  eut  la  délicate  attention  d'y  faire 
pratiquer  «  une  petite  chambre,  qu'on  remplit 
de  poudre,  ce  qui  forme  explosion  dès  que  le 
soleil  y  frappe,  et  avertit  les  promeneurs  et  tout 
le  quartier  que  le  soleil  est  au  milieu  de  son 
cours  -  ».  Ils  en  furent,  un  peu  plus  tard,  avertis 
par  le  canon,  devenu  célèbre,  qui  remplaça  la 
petite  chambre  remplie  de  poudre. 

En  1777,  le  comte  d'Angiviller,  contrôleur 
des  bâtiments  du  roi,  avait  eu  la  pensée  de 
substiluer  à  la  vieille  horloge  de  la  Samaritaine 
l'action  directe  du  soleil.  Sur  la  terrasse  de 
l'édifice,  il  voulait  établir  un  canon,  «  lequel, 
par  le  moyen  d'un  verre  ardent  dirigé  par  un 
conduit  dont  un  bout  répondra  à  la  lumière  du 
canon  et  l'autre  précisément  à  l'endroit  où  le 
soleil  se  trouve  au  milieu  de  sa  course,  prendra 
feu,  les  jours  où  le  temps  sera  serein,  et  par  son 
explosion  annoncera  à  tout  Paris  l'heure  du 
midi  "^  ».  Il  ne  fut  point  donné  de  suite  à  ce 
projet,  mais  le  duc  d'Orléans  d'abord,  comme 
on  vient  de  le  voir,  puis  Buffon,  s'emparèrent  de 
l'idée  et  la  réalisèrent,  sous  des  formes  différentes, 
l'un  au  Palais-Royal,  l'autre  au  Jardin  des 
plantes. 

Avec  l'aide  de  l'architecte  Verniquet,  Buffon 
fit  élever,  au  sommet  du  labyrinthe  qui  domine 
le  Jardin,  un  kiosque  en  fer,  surmonté  d'une 
sphère  armillaire  encore  visible  aujourd'hui,  au 
centre  de  laquelle  était  suspendu  le  globe  figu- 
rant la  terre.  Ce  globe  servait  de  marteau  pour 
annoncer  l'heure  du  midi.  Retenu  en  l'air  par 
un  111  de  crin,  auquel  correspondait  le  foyer 
d'une  forte  loupe,  il  retombait  sur  un  gong 
chinois  dès  que  le  fil,  brûlé  par  le  soleil,  se 
rompait  *. 

Peu  d'années  avant  la  Révolution,  l'on  voyait 
encore,  dans  le  jardin  de  l'Infante  un  appareil  de 
même  nature.  Les  rayons  du  soleil,  concentrés 
sur  une  lentille  formée  de  deux  glaces  concaves 
entre  lescpielles  on  avait  enfermé  cent  soixante 
pintes  d'esprit  de  vin,  développaient  une  chaleur 
telle  qu'un  écu  de  six  livres  y  était,  disait-on. 
fondu  en  quinze  secondes;  l'or  ne  demandait 
guère  plus  di'  temps  ^. 


'   Mémoires,  t.  III,  p.  189. 

2  Mémoires  secrets,  dits  do  Bachaumonl,  8  décembre 
1784,  t.  XXVII,  p.  60. 

•"'  IMélra,  Correspondance  secrète,  15  avril  1777,  t.  IV, 
p.  322. 

^  Voy.  Thicry,  Guide  des  amateurs  et  des  étrangers, 
(1787), "t.  II,  p.  181. 

^  Voy.  Thiéry,  Guide  des  amateurs  et  des  étrangers 
(1786},  p.  .SU. 


CADRATURIERS  —  CAFÉS  CHANTANTS 


110 


Gadraturiers.  Ouvriers  liorlo^crs  qui  ont 
la  spécialilé  des  cadraluivs.  Ou  uomuic  caflniturc 
l'eusemble  des  pièces  plus  direcleuieut  desliuées 
à  faire  mouvoir  les  aig'uilles.  Elles  sont  placées, 
en  g'énéral  entre  la  platine  et  le  cadran. 

Café  (Commerce  du).  Le  22  janvier  1G92, 
un  arrêt  du  Conseil  accorda  pour  six  années  au 
sieur  François  Dainame,  bourgeois  de  Paris, 
le  privilège  de  débiter  seul  «  tous  les  caffez  tant 
en  fèves  qu'en  poudre,  le  thé,  les  sorbecs  et  les 
chocolats  tant  en  pain,  rouUots,  tablettes,  pastilles 
que  de  toutes  inanières  qu'il  soit  mis,  ensemble 
les  drogues  dont  il  est  composé,  comme  le  cacao 
et  la  vanille  '  ».  Il  n'est  accordé  aux  détenteurs 
actuels  qu'un  seul  jour  pour  faire  leur  décla- 
ration. En  outre,  la  Ferme,  représentée  par  le 
sieur  Damame,  se  voit  autorisée  à  envoyer  ses 
commis  perquisitionner  partout,  à  charge  pour 
chacun  d'eux  d'être  accompagné  par  un  commis- 
saire au  Châtelet,  qui  ne  pourra  d'ailleurs  refuser 
en  ce  cas  son  ministère  ^. 

Il  semble  que,  si  bien  soutenue,  l'entreprise 
eut  dû  prospérer;  il  n'en  fut  rien.  Une  énorme 
augmentation  des  prix  avait  ralenti  la  con- 
sommation et  encouragé  la  fraude,  double  cause 
de  préjudice  qui  découragea  le  soumissionnaire. 
Il  se  décida  donc  à  demander  au  roi,  comme  une 
faveur,  de  vouloir  bien  révoquer  le  privilège 
dont  il  jouissait  depuis  l'année  précédente,  et  un 
arrêt  du  12  mai  1693  rendit  libre  le  commerce 
du  café,  du  thé,  du  chocolat,  du  sorbec,  du  cacao 
et  de  la  vanille. 

Le  régime  de  liberté  inauguré  par  cet  arrêt 
ne  fut  pas  de  longue  durée.  En  1723,  la  compa- 
gnie des  Indes  était  sur  le  point  de  faire  faillite, 
et  le  gouvernement,  complice  des  fautes  qu'elle 
avait  commises,  s'efforçait  de  lui  venir  en  aide. 
La  compagnie  possédait  déjà  la  ferme  du  tabac, 
on  lui  accorda  celle  du  café  ^ . 

Une  Déclaration  du  10  octobre  réglementa 
l'exploitation  de  ce  privilège  '* . 

Il  j  est  défendu  à  toute  personne,  de  quelque 
qualité  et  condition  qu'elle  soit,  de  faire  le 
commerce  du  café  soit  en  gros  soit  en  détail, 
même  de  le  transporter  d'un  endroit  à  un  autre 
dans  toute  l'étendue  du  royaume,  sous  peine 
d'une  amende  de  mille  livres. 

Le  café  ne  pourra  être  vendu  plus  de  cent  sous 
la  li\Te.  La  vente  en  sera  faite  exclusivement 
dans  les  bureaux  de  la  compagnie,  par  sacs  de 
deux  livres  ou  d'une  livre  et  demie,  «  cachetez 
des  cachets  de  ladite  compagnie  ». 

L'entrée  du  café  en  France  n'est  autorisée 
que  par  le  port  de  Marseille.  Les  balles  ne  seront 
déchargées  qu'après  déclaration  faite  au  commis 
de  la  compagnie  des  Indes. 

Tout   individu   convaincu   d'avoir  vendu   ou 


'  Arrest  du  Conseil  d' Estât  du  Roy  concernant  la  vente 
du  ca/fé,  du  thé,  du  sorbec  et  du  chocolat,  1692,  in-4''. 

~  Arrest  du  Conseil  d' Estât  du  Roy ,  qui  ordonne 
l'exécution  des  édits.  etc.,  1692,  in-4°. 

3  AiT^t  du  31  août  1723. 

*  Déclaration  du  Roy  qui  règle  la  manière  dont  la 
compagnie  des  Indes  fera  l'exploitation  de  la  vente  exclusive 
du  café,  1723,  in-é". 


possédé  du  café  en  fraude  sera  puni  dune  Muiende 
de  mille  livres.  S'il  se  trouve  hors  d'élat  de  paver 
ladite  amende,  elle  sera  convertie,  «  sçavoir  :  en 
la  peine  des  galères  à  l'égard  des  vagaboiuls  et 
gens  sans  aveu,  artisans,  gens  de  métier,  facteurs, 
messagers,  voituriers,  crocheteurs ,  gens  de 
peine,  gens  repris  de  justice,  matelots  et  autres 
personnes  de  cette  qualité  ;  en  la  peine  du  fouet 
et  du  bannissement  de  la  province  pour  cinq  ans 
à  l'égard  des  femmes  et  fdles  de  pareille  qualité. 
Et  en  cas  cpie  lesdits  condamnez  se  trouvent 
incapables  (le  nous  servir  dans  nos  galères,  ils 
seront  fustigez,  flétris  et  bannis  pour  cinq  ans  ». 

11  est  permis  «  aux  commis  et  gardes  de  la 
compagnie  de  faire  toutes  visites,  perquisilions 
et  recherches  dans  les  magasins,  boutiques, 
hôtelleries  et  maisons  des  négocians  et  mar- 
chands, même  dans  nos  places,  chasteaux  et 
maisons  rovales,  et  dans  celles  des  princes  et 
seigneurs,  couvens,  communautez  et  autres  lieux 

prétendus   privilégiez Et   en    cas   de   refus, 

permettons  de  les  faire  ouvrir  par  un  serrurier 
ou  autre  ouvrier,  en  présence  du  premier  juge 
sur  ce  requis  ». 

Ce  monopole  si  méticuleusement  protégé 
n'enrichit  point  la  compagnie  des  Intles.  Elle 
s'aperçut  bie^rtôt  que  le  produit  n'en  couvrait 
pas  les  fpîïîs.  Il  fallut  revenir  au  régime  de  la 
liberté  •,  mais  des  droits  d'entrée,  assez  faibles 
pour  ne  pas  entraver  la  consommation,  conti- 
nuèrent, bien  entendu,  à  être  perçus  au  profit 
du  Trésor. 

Yoy.  Arméniens.  —  Cafés  chantants. 
—  Cafetiers.  —  Estaminets.  —  Limo- 
nadiers. 

Cafés  chantants.  Ils  sont  originaires  de 
la  Hollande.  Un  certain  anabaptiste,  resté 
longtemps  captif  de  corsaires  en  Orient,  conçut, 
à  son  retour,  une  malencontreuse  idée.  Il  ouvrit 
à  Amsterdam,  ^<  près  de  la  halle  au  blé,  un 
certain  cabaret  où  il  y  avoit,  trois  fois  le  jour, 
musique  de  violon  et  d'orgue.  Cela  atîiroit 
continuellement  du  monde  à  boire  •  ». 

L'innovation  réussit  donc,  et  il  n"y  eut  bientôt 
en  Hollande  ville  un  peu  importante  qui  ne 
possédât  son  musico.  Voltaire  leur  donnait  déjà 
ce  nom  vers  1725,  et  il  leur  consacre  une  phrase 
qui  montre  assez  le  peu  d'estime  qu'on  leur 
témoignait  déjà  :  «  Une  île  enchantée  où  des 
nymphes  caressent  des  matelots  après  un  voyage 
de  long  cours  ressemble  plus  à  un  musico 
d'Amsterdam  qu'à  quelque  chose  d'honnête  ^  ». 

On  ne  sait  qui  introduisit  à  Paris  la  mode  des 
niusicos.  et  il  ne  semble  pas  qu'elle  y  ail  sévi 
avant  la  fin  <\n  dix-huitième  siècle.  Toutefois, 
le  café  (les  nvemjJes  et  le  café  des  nymphes 
charmèrent  les  habitués  de  la  foire  Saint-Ovide 
en  1771  et  en  1772  "^ .  Le  Palais-Royal  succéda 
à  la  foire,  puis  le  boulevard  du  Temple  se  vit 
égayé  par  les  cafés  des  Arts,  tP Apollon,  Alexandre 


'   Sorheriana   (Sam.   SorbiiT  e.st  mort  rn   1670)  ,  édit. 
d.-  1694,  p.  142. 

2  Essai  sur  la  poésie  épique,  édit.  Beuchot,  t.  X,  p.  448. 

3  E.  Campardon,  Les  spectacles  de  la  foire,  t.  I,  p.  187. 


120 


CAFÉS  CHANTANTS  —  CAFETIERS 


et  Goddet.  Je  lis  dans  un  ouvrage  imprimé  en 
1779  :  «  Il  semble  que  l'on  ait  voulu,  depuis 
quelques  années,  imiter  les  cafés  turcs,  qu'ils 
appellent  cavéhanes,  où  l'on  admet  des  joueurs 
d'iiistrumens  que  le  maître  paye  pour  divertir 
ceux  qui  prennent  du  c-afé.  Les  musiciens  ne  sont 
que  passag-ers  dans  les  cafés  de  la  ville,  mais  ils 
sont  à  la  journée  dans  ceux  des  promenades, 
comme  aux  ])oulevards.  On  j  exécute  de  bonnes 
symphonies,  des  bouffons  y  chantent  des  ariettes 
avec  tout  le  burlesque  dont  elles  sont  susceptibles, 
et  des  cantatrices  des  airs  d'opéra-comique. 
Les  voix  sont  passablement  bonnes.  Ils  font  tous 
de  leur  mieux  pour  amuser  le  public,  mériter  ses 
suffrages,  et  en  tirer  quelques  pièces  de  monnoie 
à  la  fin  de  chaque  air  :  il  est  rare  que  l'on  ne 
donne  point  à  chaque  quêteuse  '  ».  On  n'y  était 
point  tenu,  et  ce  qu'il  y  a  d'étrange,  c'est  que 
l'on  pouvait  profiter  de  ces  spectacles  sans  bourse 
délier.'  Voici,  en  effet,  ce  qu'écrivait  Sé])aslien 
Mercier  vers  1780  :  «  L'oisif  qui  n'a  pas  le  sol 
dans  sa  poche  s'assied  dans  ces  cafés,  s'y  chauffe, 
entend  de  la  musique  toute  l'après  dînée,  et  ne 
sort  de  cet  asyle  qu'à  onze  heures  du  soir,  quand 
le  garçon  l'avertit  qu'on  n'y  couche  point. 
Jamais  le  maître  de  ces  maisons  vitrées  ne  lui 
reprochera  d'y  venir  occuper  une  place  éternelle- 
ment gratuite  ;  il  sera  toute  l'année  régalé  de 
musique  et  chauffé  sans  rien  débourser.  Tout 
cafetier  des  boulevards  fait  un  don  gratuit  de  son 
poêle,  de  ses  chaises  et  de  son  orchestre  à  une 
infinilé  de  gens  ^  ». 

Dans  quelques-uns  de  ces  établissements,  l'on 
jouait  même  parfois  la  comédie,  «  sans  autre 
rétrilmtion  que  le  bénéfice  des  raffraichissemens», 
dit  I*.  de  la  Mésangère  ^. 

Cafetiers.  Il  existait  sons  le  Petit-Châtelet 
un  passage  couvert  qui  conduisait  de  la  rue 
Saint-Jacques  au  Petit-Pont;  quelques  boutiques, 
étroites  et  sombres,  s'ouvraient  de  chaque  côté 
de  la  voûte.  Dans  l'une  d'elles  vint,  dit-on, 
s'établir  en  1643  un  Levantin  qui  chercha  à 
débiter,  sous  le  nom  de  cahote  ou  cahmiet^  soit 
du  café  en  grains,  soit  de  la  décoction  de  café. 
Celle  tentative  ne  réussit  point.  Ce  fut  Solimaii- 
Aga,  andiassadeur  de  Mahomet  IV,  qui,  en 
16t)0,  mit  le  café  à  la  mode,  et  moins  de  deux 
iiiis  après,  il  y  avait  à  Paris  «  phisi(!urs  bonliques 
t'ii  Ton  veiutoil  publiquement  du  caffé  ^  ».  lOn 
province,  son  existence  était  encore  ignorée, 
car  ral)bé  de  Choisy,  racontant  un  repas  qu'il 
avait  fait  à  Hourges  vers  1070,  chez  la  marquise 
de  l;i  (irise,  écrivait:  «  A|)rcs  le  (h"ner,  on  but 
un  |)''lil  coup  de  rossoli  ;  nu  ue  connaissoii 
encore  ni  le  café  ni  le  chocolal.  et  le  ihé  com- 
mençoil  à  naître  ^  ». 

l''/ii  1072,  un  arménien  niunuié  Pascal  ouvrit, 
il  la  foire  Saint-tiermain.  un  café  qu'il  transporta 


'    \\w{i\n\  <■\'S\n^^ny^  iJictioiiiiaiie  de  Paris,  \.\\,  [>.   10. 

-    Tahlrnu  de  Paris,  t.  VI,  |i.    10. 

■*   l.r  cot/nijeur  à  Paris,  t.  III,  ji.  207. 

*  Jean  (îirin,  De  /'usage  du  caiilié,  du  thé  ri  du,  clwcn- 
lafe.  p.  23. 

S  Â'isfoire  de  la  comtesse  des  fiarres,  éHil  fl.^  180~ 
p.  97. 


ensuite  .sur  le  quai  de  l'École  * ,  et  qui  n'obtint 
qu'un  succès  de  curiosité.  Ses  successeurs  réus- 
sirent un  peu  mieux.  Ils  débitèrent,  outre  le 
café,  de  l'eau-de-vie,  des  vins  sucrés,  des 
liqueurs,  etc.,  et  leur  nombre  fut  bientôt  assez 
grand  pour  qu'un  édit  de  mars  1696  pût  les 
constituer  en  communauté  régulière  sous  le  nom 
de  limonadiers  2. 

Il  n'existait  pourtant  alors  à  Paris  aucun 
établissement  qui  ressemblât,  même  de  très  loin, 
à  nos  cafés  actuels.  Le  premier  qui  ait  été  décoré 
avec  un  certain  luxe  fut  créé  vers  1702  par  un 
palermitain  nommé  Francesco  Procopio  dei 
Coltelli.  Il  francisa  son  nom,  devint  François 
Procope,  et  créa  dans  la  rue  des  Fossés-Saint- 
Germain  3,  en  face  du  Théâtre  Français,  un 
café  qui  existe  encore.  Il  semble  être  resté 
pendant  longtemps  à  peu  près  le  seul  où  se 
réunît  un  public  honnête.  Une  ordonnance  de 
police  du  16  février  1695  nous  révèle  que 
presque  tous  les  cafés  restaient  ouverts  une  partie 
de  la  nuit  et  servaient  «  de  lieux  d'assemblée  et 
de  retraite  aux  voleurs,  filoux  et  autres  gens 
malvivans  et  déréglés  ».  Elle  veut  qu'ils  soient 
désormais  fermés  à  cinq  heures  en  hiver  et  à 
neuf  heures  en  été  *.  Le  20  octobre  ils  obtinrent 
de  rester  ouverts  une  heure  de  plus  en  chaque 
saison.  Enfin,  une  ordonnance  du  21  mai  1704 
leur  fixa  pour  limite  extrême  dix  heures  en 
hiver  et  onze  heures  en  été  '. 

Mais  à  cette  date,  les  cafés  s'étaient  moralises 
et  élaient  même  devenus  des  centres  littéraires. 
En  1723,  trois  cents  cafés  ouverts  à  la  causerie 
recevaient  une  société  à  laquelle  ne  faisait 
défaut  ni  l'éducation,  ni  l'esprit.  Savary  écrivait 
alors  :  «  Les  cafFez  de  Paris  sont  pour  la 
plupart  des  réduits  magnifiquement  parez  de 
tables  de  marbre,  de  miroirs  et  de  lustres  de 
cristal,  où  quantité  d'honnêtes  gens  de  la  ville 
s'assenddent,  autant  pour  le  plaisir  de  la  conver- 
sation et  pour  y  apprendre  des  nouvelles,  que 
pour  y  boire  de  cette  boisson  qui  n'y  est  jamais 
si  bien  préparée  que  lorsqu'on  la  fait  préparer 
chez  soi.  Les  marchands  de  caffé  en  envoyent 
aussi  par  la  ville  avec  un  cabaret  portatif.  Et 
même  les  dames  de  la  première  ({ualité  font  très 
souvent  arrêter  leur  carrosse  aux  boutiques  des 
caffez  les  plus  fameux,  où  on  leur  en  sert  à  la 
portière  sur  des  soucoupes  d'argent  ^  ».  Un 
ouvrage  imprimé  un  demi  siècle  plus  tard 
constate  que  «  les  cafés  sont  fréquentés  par 
d'honnêtes  gens,  qui  vont  s'y  délasser  des 
travaux  de  la  journée.  On  y  apprend  les  nou- 
velles, soit  par  la  conversation,  soit  par  la 
lecture  des  papiers  publics.  On  n'y  souffre 
personne  de  suspect,  de  mauvaises  mœurs,  nuls 
tapageurs,  ni  soldais,  ni  domestif(ues.  ni  quoi 
que  ce  soit  qui  pourroil  troubler  la  ii'iuujuillité  ".» 


'  Auj.  quai  ilu  Louvre. 

2  Voy.  cet  article. 

•''  Auj.  rue  rie  l'Ancicime-douiôriip. 

^  Di'laiiiarri',  Trnifé  de  la  police,  t.  III,  p.  810. 

i»  I.saniluMt,     Anciennes    lois    françaises,    t.     XXVII, 
p.  412. 

6  Dictionnaire  du  commerce,  au  mot  café. 

'  Hurtaut  ptMapny,  Dictionnaire  de  Paris,  t.  II,  p.  10- 


cafetii<:rs  ^  caleconniers 


121 


En  1807,  il  existait  ù  Paris  environ  quatre 
mille  cafés,  écrit  Prudliomme,  qui  ajoute  :  «  Les 
limonadiers  n'avaient  le  droit,  il  y  a  vingt  ans, 
de  vendre  du  vin,  ni  de  donner  à  man<^(!r  ; 
presque  tous  aujourd'hui  donnent  des  déjeuners 
à  la  fourchette,  principalement  des  côtelettes, 
des  rognons  au  vin  de  Champagne,  etc.  '  ». 

Une  des  Contemporaines  de  Rétif  de  la  Bre- 
tonne est  dite  par  lui  cafetière  ^. 

Voy.  Estaminets. 

Gagetiers.  Faiseurs  de  cages.  Les  oiseliers 
avaient  le  droit  de  fabriquer  les  petites  cages, 
les  épingliers  confectionnaient  les  volières,  les 
vanniers  avaient  la  spécialité  des  cages  en  osier. 
Les  lourds  grillages  qui  protégeaient  les  ver- 
rières des  églises  étaient  l'œuvre  des  serruriers. 

Voy.  Grillageurs  et  Oiseliers. 

Caisse  de  Poissy.  Créée  en  décembre 
1743  ^,  elle  avançait  aux  bouchers  l'argent 
nécessaire  pour  payer  comptant  aux  forains  les 
bestiaux  que  ceux-ci  amenaient  au  marché  de 
Poissy.  Sur  la  demande  des  bouchers,  elle  fut 
supprimée  en  1779.  Rétablie,  puis  supprimée  de 
nouveau,  elle  a  été  réorganisée  en  1802. 

Voy.  Sestiaux  (Commerce  des). 

Galandreurs.  La  Taille  de  1292  cite  deux 
kalendreeurs  et  qualandreeurs,  celle  de  1300  en 
mentionne  six,  et  ime  pièce  du  quatorzième  siècle 
publiée  par  Depping  *  nous  apprend  que  les 
maîtres  calendreurs  étaient  exempts  du  service 
du  guet  bourgeois.  LTne  rue  de  la  Cité  portait 
alors  le  nom  de  rue  de  la  Calandre,  et  elle  le 
devait,  dit  Jaillot  ^,  à  la  présence  de  quelques 
calandreurs  ;  cependant  les  Tailles  de  1202  et 
de  1313  n'en  indiquent  aucun  parmi  les  habitants' 
de  cette  rue. 

Les  statuts  donnés  aux  teinturiers  en  1669 
permettent  aux  seuls  teinturiers  du  bon  teint  de 
posséder  une  calandre  ;  les  autres  devaient  se 
contenter  d'une  presse.  Encore  la  calandre  des 
teinturiers  était-elle  formée  de  tables  en  bois. 

Au  dix-septième  siècle,  on  appelait  calandre 
royale  une  calandre  construite  par  les  ordres  de 
Colbert,  et  qui  était  installée  rue  du  Cimetière 
Saint-Nicolas,  dans  une  maison  qui  passait  pour 
avoir  été  habitée  par  Gabrielle  d'Estrées.  Cette 
calandre  avait  sa  plaque  supérieure  en  cuivre  et 
l'inférieure  en  marbre.  En  1777,  elle  appartenait 
à  une  calandreuse  nommée  Laine  qui  prétendait 
la  faire  remonter  au  règne  de  Louis  XIII  ". 

Une  seconde  calandre  royale,  munie  de  deux 
tables  d'acier  poli,  fut  établie  dans  la  rue  Louis- 
le-Grand  par  lettres  patentes  de  1748. 

Calculateurs.  Voy.  Arithméticiens. 

Cale.  Petite  servante  ou  petit  laquais.  Le 
mot  cale   désignait  un   bonnet   plat,    qui   était 


1  Miroir  de  Paris,  t.  I,  p.  283. 

2  Nouvelle  61. 

•*  Duc  de  Lujnes,  Mémoires,  t.  \  ,  p.  221. 

4  Ordonnances  relatives  aux  métiers,  p.  426. 

^  Quartier  de  la  Cité,  p.  35. 

6  Àlmanach  Dauphin  pour  1777,  2«  partie,  p.  9. 


surtout  à  l'usage  des  ecclésiastiques  et  des  gens 
de  service  '.  Tallemaiit  des  Réaux  écrit  :  «  Gom- 
bauld,  qui  se  piquoil  de  n'aimer  qu'en  bon  lieu, 
cajoloit  une  petite  cale  crasseuse^  ». 

Caleconniers.  Faiseurs  de  caleçons  en 
peau.  (]c  litre  appartenait  à  la  corporation  des 
peau.ssiers  et  à  celle  des  boursiers.  L'arlicle  22 
des  statuts  accordes  aux  boursiers  en  décembre 
1659  mentionne,  parmi  les  objets  qu'ils  étaient 
autorisés  à  confectionner,  les  «  chaussons  et 
caleçons  de  chamois  ». 

Ceux-ci  se  portaient  bien,  comme  les  nôtres, 
«  entre  la  chair  et  les  chaus.ses  ^  ».  Les  caleçons 
de  tricot  étaient  vendus  par  les  bonnetiers,  les 
caleçons  de  toile  par  les  lingères. 

Les  femmes  ne  commencèrent  à  porter  des 
caleçons  qu'à  dater  du  seizième  siècle.  La  mode 
des  jupes  très  amples,  des  vertiigades,  des  vertu- 
gadins ,  ancêtres  de  la  crinoline  *  ,  rendait 
indispensable  ce  complément  de  la  toilette 
féminine.  Béroalde  de  Verville  constate  tout 
crûment  que  les  femmes  ont  adopté  le  mode  des 
«  caleçons  ou  brides  à  fesses  pour  se  garantir  •''  »  ; 
mais  Henri  Etienne  raconte,  avec  toute  la  pré- 
cision désirable,  les  origines  de  ce  vêlement 
intime  :  «  Les  femmes  ont  commencé  à  porter 
une  façon  de  haut  de  chausses  qu'on  appelle  des 
calçons^,  et  ce,  pour  ce  qu'elles  ont  l'honne.steté 
en  grande  recommandation.  Car,  outre  que  ces 
calçons  les  tiennent  plus  nettes,  les  gardant  de 
la  poudre  (comme  aussi  ils  les  gardent  du  froid), 
ils  empeschent  qu'en  tumbant  de  cheval  ou 
autrement,  elles  ne  monstrent...  Ces  calçons  les 
assurent  aussi  contre  quelques  jeimes  gens 
dissolus  ;  car,  venans  mettre  la  main  soubs  la 
cotte,  ils  ne  peuvent  toucher  aucunement  leur 
chair...  "^  ». 

Lorsque,  après  l'assassinat  de  son  mari,  l'on 
vint  arrêter  la  maréchale  d'Ancre,  du  Hallier, 
capitaine  des  gardes,  fut  chargé  de  saisir  tous 
ses  bijoux.  Il  eut  l'infamie  de  la  fouiller,  de  la 
fouiller  jusqu'au  caleçon  :  «  Et  enquise  si  elle 
n'avoit  point  de  bijoux  sur  elle,  elle  haussa  sa 
cotte,  et  monstra  jusques  près  des  tétins.  Elle 
avoit  un  calson  de  frise  rouge  de  Florence.  On 
lui  dit  en  riant  qu'il  falloit  donc  mettre  les  mains 
au  calson  ;  elle  respondit  qu'en  autre  temps  elle 
ne  l'eusse  pas  souifert,  mais  lors  tout  estoit  permis, 
et  du  Hallier  lasta  un  peu  sur  le  calson  **  ». 

Dans  les  dernières  années  du  dix-huitième 
siècle,  ({uand  reparut  la  mode  des  costumes 
collants,  le  caleçon  disparut.  Sébastien  Mercier 
écrivait  vers  1780  :  «  Excepté  les  actrices,  les 
Parisiennes  ne  portent  point  de  caleçon.    S'ils 


1  Furet ière.  Roman  bourgeois,   p.  76. 

2  Historiettes,  t.  III,  p.  349. 

3  Savary,  t.  I,  p.  529.  —  Dictionn.  de  Trévoux,  t.  II, 
p.  169. 

*  ^oy.  ci-dessou.s  les  art.  Paniers  (Marchande.s  de),  et 
Tournures  (Fabricants  de). 

3  Moyen  de  parvenir,  ehap.  XLVI. 

•>  On  les  appelait  aussi  hragues.  \oy.  J.  Nieot,  Thrésor 
de  la  lanque  française  (1600),  p.  88. 

'  Dialogues,  t.  I,  p.  223. 

**  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  à  la  mort  du  mareschal 
d'Ancre,  édit.  Michaud,   p.  470. 


122 


CALECONNIERS  —  CANNAMELISTES 


étoienl  adoptés,  nos  femmes  délicates,  qui  aiment 
à  courir  partout,  se  préserveroienl  d'une  infinité 
de  maux,  que  le  froid  et  l'humidité  leur  occasion- 
nent '  ».  Les  Parisiennes  trouvèrent  sans  doute 
fort  sages  les  conseils  de  Mercier  ;  toutefois,  ne 
voulant  pas  reprendre  les  caleçons,  elles  leur 
substituèrent  les  pantalons,  mode  qui  nous  arriva 
de  Londres.  En  Angleterre,  ils  n'étaient  guère 
utilisés  que  par  lesjeunesfillesà  qui  l'on  enseignait 
la  gymnastique  ;  mais,  au  printemps  de  1809, 
quelques  Parisiennes  s'éprirent  de  ce  vêtement. 
«  On  les  vit  se  promener  en  pantalon  de  perkale 
garni  de  mousseline,  les  unes  sur  les  boulevards, 
les  autres  aux  Tuileries.  Quoique  leur  robe  fût 
longue  et  le  pantalon  très  peu  visible,  elles 
marchaient  les  yeux  baissés  parce  que  tout  le 
monde  avait  les  jeux  fixés  sur  elles  ^  ».  Il  est 
vrai  que  ces  pantalons  primitifs  descendaient 
presque  jusqu'à  la  chaussure. 

Galfateurs  et  Galfatins.  Voj.  Calfats. 

Galfats,  Ceux  qui  réparent  les  bateaux.  On 
trouve  souvent  calfateurs,  et  leurs  apprentis  se 
disaient  calfatins. 

Un  calfateur  était  attaché  à  la  petite  flotille 
installée  à  Versailles  sur  le  grand  canal. 

Galottlers.  Faiseurs  de  calottes.  Au 
seizième  sii-cle,  la  plupart  des  ecclésiastiques  se 
mirent  à  porter  sous  leur  bonnet  une  cale, 
identique  pour  la  forme  avec  la  coiffe  dont  les 
hommes  s'étaient  couvert  la  tête  au  treizième 
siècle  •''.  C'était  une  précaution  contre  le  froid 
glacial  des  églises,  mais  beaucoup  de  prêtres  en 
abusèrent  pour  se  soustraire  à  l'obligation  de 
la  tonsure.  Le  concile  de  Milan  (1569)  interdit 
donc  l'usage  des  cales,  mais  il  autorisa  la 
ralolte  telle  que  la  portent  aujourd'hui  les 
ecclésiastiques. 

\'ers  1649,  un  sieur  Lemaître  imagina  de 
fabriquer  des  calottes  en  cuir  très  léger,  et  cette 
mode  fut  atissilôt  adoptée  par  le  clergé  séculier, 
qui  n'en  porta  point  d'autres  jusqu'à  la  fin  du 
dix-iiuitième  sii-cle.  Le  cierge  régulier  conserva 
les  calottes  d'élollè  et  de  tricot. 

.\u  rjix-seplième  siècle,  les  calottiers  confec- 
tionnaient aussi  les  calottes  de  luile  jaune  et  de 
ratine  qui  se  plaçaient  sous  les  perrucpies  *■. 

Les  calollitM-s  ne  furent  jamais  constitués  en 
corporation.  Les  merciers,  les  bonnetiers,  les 
peaussier^-,  les  tailleui-s  el  surtout  les  boursiers 
faisaient  et  vendaient  les  difierent^s  espèces  de 
calottes.  Les  boursiers,  qui  prétendaient  au 
monopole  des  c^dolfes  eu  c.in'r  eiiienl  .i  ce  sujet 
de  longs  démêlés  avec,  les  tailleuis.  mais  un  arrêt 
du  18  mars  174H  les  déboula  de  leurs  préten- 
tions 5. 

Cambiers.  \ Dy.  Brasseurs. 


'    Tnhlenii  île  Paris.  I.  \|I,  p.  r,.l. 

-  P.  fif  l,j)  Mcsnnf^èro,  lUctionii.  îles  prorerbes  français 
1S2I),  p.  .^.M. 
•'•  Voy.  l'art  Coiffiors. 

'  Le  lirre  commode  pniir  ifi02.  t.  \\,  p.  7,">. 
5  Statuts  des  marchands  tailleurs  d'habits,  p.  1,58. 


Gambistes.  «  Nom  que  l'on  donne  à  ceux 
qui  se  mêlent  du  négoce  des  lettres  et  billets  de 
change,  qui  vont  régulièrement  sur  la  place  ou 
sur  la  bourse,  pour  s'instruire  du  cours  de 
l'argent  et  sur  quel  pied  il  est  par  rapport  au 
change  des  différentes  places  étrangères  ^  ». 

Voy.  Banqiiiers.  —  Changeurs,  etc. 

Gameliniers.  Fabricants  de  camelin.  Le 
camelin  était  une  étoffé  commune,  sans  envers, 
et  dans  laquelle  il  entrait  beaucoup  de  poil  de 
chèvre  ;  mais  on  appliquait  aussi  ce  nom  aux 
draps  de  laine  fauve  sans  teinture.  Un  des 
anciens  commentateurs  de  Jean  de  Garlande  dit 
qu'ils  sont  appelés  «  camelinos,  a  camelo,  quia 
habent  similem  colorem  camelo  ».  Il  y  avait 
cependant  du  camelin  blanc  et  du  camelin  noir, 
comme  le  prouvent  deux  passages  des  Comptes 
de  l'argenterie  ^.  On  lit  dans  Join ville  ■*  que 
saint  Louis  portail  souvent  un  manteau  de 
camelin,  et  dès  le  quatorzième  siècle  on  en 
confectionna  des  chapeaux.  L'expression  cam^^ï^t 
de  bois,  qui  se  rencontre  assez  fréquemment, 
indique  du  camelin  destiné  à  faire  des  habits  de 
chasse. 

Les  camelins  les  plus  estimés  étaient  ceux 
d'Amiens,  de  Cambrai  et  de  Châleau-Landon. 

Gamelote.  ^oy.  Travail  (Réglemen- 
tation du). 

Gampanes  (Faiseurs  de).  Titre  que 
prenaient  les  passementiers. 

Gamphre  (Commerce  du).  A  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle  encore,  tout  le  camphre  du 
commerce  venait  des  Indes  et  du  Japon.  Il  était 
vendu  par  les  épiciers  el  les  apothicaires. 

Le  camphre  artificiel  s'obtenait  par  le  procédé 
suivant.  On  faisait  un  mélange  de  sandaraque  et 
de  vinaigre  blanc  qu'on  mettait  pendant  vingt 
jours  dans  du  fumier  de  cheval.  On  l'exposait 
ensuite,  durant  un  mois,  à  la  chaleur  du  soleil. 


Gandilleurs.  ^'ov.  Chandeliers. 


Ganevassières  en  fil.  Titre 

tenait  aux  lino-ères. 


qui   appar- 


Ganevassiers.  Voy.  Chanevaciers. 

Gannamelistes.  Ce  mot.  queji»  n'ai  trouvé 
dans  auoin  dictioiniaire  ancien  ou  moderne, 
m'est  fourni  par  l'ouvrage  suivant  :  Le  rnnna- 
mcliste  frunrnis,  ou  nouvelle  instruction  pour  ceux 
qui  désirent  d\ipprcndre  V office,  rédiijé  en  forme 
de  dictionnaire,  contenant  les  noms...  de  tout  ce 
qui  .«e  pratique  dans  V office...  avec  la  manière  de 
dessiner  et  de  former  toutes  sortes  de  contours  de 
tables  et  de  dormants.  Par  le  sieur  GilUers,  chef 
d'office  et  distillateur  de  S.  M.  le  roi  de  Pologne. 
Nancy,  17.51,  in-4". 

(lannamelisle  vient  de  cannamelle,    mot   par 


'   Savnry.  Dictionnaire,  t.  I,  p.  .532. 

2  Par  litjiiot-d'Arcq,  p.  8  et  289. 

3  Édit.  rj,.  Wailly,  p.  12. 


CANNAMELISTES  —  CANNES 


123 


lequel  a  été  désignée  la  canne  à  sucre,  dont  le 
g-oût  se  rapproche  de  celui  du  miel  •. 

Cannes  (Marchands  de).  La  première 
canne  fut  certainement  ime  simple  branche 
d'arbre.  Diogène  n'en  possédait  pas  d'autre,  et 
son  bâton  est  resté  presque  aussi  célèbre  que  son 
tonneau. 

Dès  que  la  canne  fut  devenue,  moins  un  ol)jel 
d'utilité  qu'un  accessoire  du  costume,  le  choix  du 
bois  cessa  d'être  indifférent,  et  l'on  y  ajouta  des 
ornements  de  tout  genre.  Un  des  biographes  de 
Charlemagne  nous  apprend  que  cet  auguste 
souverain  portait  ordinairement  une  canne  de 
bois  de  pommier,  remarquable  par  ses  nœuds 
symétriques,  et  surmontée  d'une  pomme  d'or  ou 
d'argent  enrichie  de  fines  ciselures  ^. 

Ce  ne  fut  pas  là  un  privilège  réservé  aux 
hommes.  Dès  le  onzième  siècle,  les  femmes 
sortaient  aussi  avec  une  canne  à  la  main.  Un 
sinistre  épisode  emprunté  à  la  vie  de  Constance 
d'Arles,  femme  du  roi  Roljert,  nous  en  fournit 
la  preuve.  En  1022,  le  concile  d'Orléans 
cnndamna  au  feu  onze  ecclésiastiques  convaincus 
de  manichéisme,  et  parmi  eux  figurait  Etienne, 
confesseur  de  la  souveraine.  Le  roi  et  sa  femme 
devaient  assister  au  supplice.  Ils  avaient  pris 
place  sous  le  porche  de  l'église  d'Orléans,  où  les 
condamnés  avaient  été  jaugés  et  d'où  ils  sortirent 
pour  aller  à  la  mort.  Etienne  marchait  en  tète. 
Dès  que  Constance  l'eut  reconnu  elle  s'élança 
vers  lui  et  lui  creva  un  œil  avec  la  canne  qu'elle 
avait  à  la  main  ■^. 

Au  quinzième  siècle,  les  dames  s'efforçaient 
d'imiter  le  costume  des  hommes.  Ainsi  que  les 
jouvenceaux  du  bon  ton,  elles  portaient  leurs 
gants  dans  la  ceinture  et,  reprenant  la  mode 
mérovingienne,  tenaient  une  badine  *  à  la  main  ^. 

Le  seizième  siècle  mit  en  faveur  la  canne  à 
épée.  Toutefois,  sur  le  portrait  de  Henri  IV  qui 
figure  dans  la  collection  Gaignières,  le  Béarnais 
porte  à  la  main  une  canne  très  légère. 

La  canne  ordinaire  du  roi  Louis  XIII  était  en 
bois  d'ébène  et  surmontée  d'une  pomme  d'ivoire. 
Celle  de  Louis  XIV  présentait  une  grande 
richesse,  disent  ses  historiens.  Parfois  aussi,  elle 
était  de  roseau,  puisqu'il  en  cassa  une  de  ce 
o-enre  sur  le  dos  d'un  valet  *>.  Dans  une  autre 
circonstance,  comme  Lauzun  brisait  son  épée, 
en  lui  déclarant  qu'il  ne  voulait  pas  servir  un  roi 
sans  foi,  Louis  XIV,  transporté  de  colère,  ouvrit 
la  fenêtre  et  jeta  sa  canne  dehors  pour  éviter  de 
frapper  un  gentilhomme,  «  faisant  peut-être 
dans  ce  moment  la  plus  belle  action  de  sa  vie  >^ 
dit  Saint-Simon  "'. 

Colbert  avait  l'habitude  de  porter  une  canne. 


1  G.  Vicaire,  Bililiogrnphie  ijasfronomiqiie,  p.  403. 

-  Monacliu.s  Sanp^allen.sis,  De  gestis  Ctiroli  nuigni^  dans 
lo  Recueil  des  historiens,  t.  V,  p.  121. 

3  (lesta  syiiodi  Aureliaiiensis,  dans  lu  Recueil  des  lusio- 
riens,  t.  X,  p.  539. 

*  "  Un  petit  baston  ». 

3  Martial  de  Paris,  Arrests  d'amour,  édit.  de  1731, 
t.  II,  p.  403. 

*"  Saint-Simon,  Mémoires,  t.  I,  p.  264. 

'  Mémoires,  t.  XIX,  p.  174. 


même  en  présence  du  roi,  et  il  fut  imité  par  les 
contrôleurs  des  finances,  ses  successeurs. 

La  canne  resta  pendant  longtemps  un  signe 
de  distinction  et  de  commandement.  Quelquefois, 
les  grands  personnages  se  faisaient  accompagiïer 
de  valets  de  pied  munis  de  cannes.  Les  maj<irs 
de  régiments  se  servaient  de  la  canne  pour 
commander  à  leurs  soldats.  Les  maîtres  d'hôtel, 
les  exempts  en  portaient  toujours  une  quand  ils 
étaient  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions. 

En  1592.  le  marchand  de  cannes  à  la  mode 
était  un  sieur  Coquarl.  qui  demeurait  rue  Simon- 
ie-Franc ' . 

Au  début  du  dix-huitième  siècle,  la  canne  a 
pris  le  nom  de  rotin,  et  les  ornements  que  l'on  y 
prodigue  varient  à  l'infini. 

Les  cannes  de  Voltaire  et  de  Troncliin  sont 
restées  célèbres.  C'étaient  de  très  longs  bâtons 
à  pomme  d'or  qu'affectionnaient  surtout  les 
vieillards,  les  magistrats,  les  financiers.  Toutefois, 
vers  la  fin  de  sa  vie,  Voltaire  y  substitua  la  canne 
ù  bec  de  corbin  -.  Les  femmes  de  tout  âge  ne 
dédaignaient  pas  les  longues  cannes,  qu'elles 
tenaient  assez  disgracieusement  par  le  milieu. 
Le  fournisseur  en  vogue  à  cette  époque  était  le 
sieur  Granchez,  un  des  bijoutiers  de  la  reine  et 
propriétaire  du  Petit  -  Dunkerque ,  magasin 
fameux  situé  à  l'angle  de  la  rue  Dauphine  et  du 
quai  Conti  ^.  On  y  trouvait,  dit  le  Mercure  de 
France,  de  «  jolies  cannes  de  femme,  en  bambou, 
chiquelées  et  garnies  d'or  *  ».  Les  jeunes  gens, 
les  grands  seigneurs  courant  la  ville  en  chenille 
portaient  à  la  main  une  canne  légère,  souple  et 
pliante  appelée  badine.  Les  femmes  l'adoptèrent 
aussi  pour  la  sortie  du  matin. 

Sous  la  Régence  et  sous  Louis  XV,  l'épée 
était  le  complément  indispensable  de  la  toilette. 
Sauf  chez  soi  et  dans  l'intimité,  il  fallait  toujours 
avoir  l'épée  au  côté.  Sous  Louis  XVI,  les 
Parisiens  se  désarmèrent  d'eux-mêmes,  et  dans 
le  costume  civil,  la  canne  commença  à  remplacer 
l'épée.  Aussi  Sébastien  Mercier  écrivait-il  vers 
1782  :  «  On  court  le  matin  une  badine  à  la  main; 
la  marche  en  est  plus  leste,  et  l'on  ne  connoît 
plus  ces  disputes  et  ces  querelles  si  familières  il 
y  a  soixante  ans,  et  qui  faisoient  couler  le  sang 
pour  de  simples  inattentions...  Les  femmes 
sortent  et  vont  seules  dans  les  rues  et  sur  les 
boulevards,  la  canne  à  la  main  ^  ». 

J.-F.  Sobry,  dans  son  curieux  ouvrage  intitulé 
Le  tiiode  françois,  constate  que  «  les  hommes 
d'une  condition  honneste  ne  sortent  point  de 
leur  maison  sans  avoir  une  épée  à  leur  côté  ou 
quelque  bâton  précieux  à  la  main  '"'  ». 

La  Révolution  trouva  1<î  moyen  d'innover 
même  en  matière  de  cannes  ;  mais  il  faut 
reconnaître  que  sur  ce  point,  comme  pour  tout 
ce  qui  concerne  le  costume,  ses  conceptions  ne 
furent  pas  heureuses.  Les  élégants  de  1790  se 


1  Jje  Livre  commode  pour  1692,   t.  II,  p.  72. 

2  Barhanniimt,  28  mar.s  ]'778,  1.  XI,  p.  170. 
■'*  Baronn^'  d'Obcrkirrli,  Mémoires,  t  I,  ji.  22." 
i  N»  d'août  177.0,  p.  201. 

3  Tableau  de  Paris,  t.  I,  p.  293. 
6  Pagre  417. 


124 


CANNES     -  CAPITAINES  DU  VAUTRAIT 


faisaient  gloire  de  porter  à  la  main  une  grosse 
canne  ficelée  d'une  corde  à  boyau  et  recelant  une 
lame  d'épée.  Plus  tard,  les  Jacobins  adoptèrent 
un  bâton  noueux,  sorte  de  trique  parfois 
onduleuse. 

Voy.  Parapluies  (Fabricants  de). 

Canonniers.  Nom  cpi'ont  porté  les  fondeurs 
de  canons. 

Gantiniers.  Voy.  Vivandiers. 

Caorsins  et  Gaoursins.  Voy.  Chan- 
geurs. 

Caoutchouc  (Marchands  de).  Les  pre- 
iniéros  applications  industrielles  du  caoutchouc 
datent  de  la  fin  du  dix-huitième  siècle.  Jusque-là, 
il  ne  fut  guère  utilisé  que  pour  confectionner  des 
sondes  chirurgicales  et  surtout  pour  remplacer 
la  mie  de  pain,  avec  laquelle  on  effaçait  les  traits 
faits  au  crayon  sur  le  papier.  Vers  1780,  les 
papetiers  vendaient,  sous  le  nom  de  fieau  de 
nègre  des  petits  morceaux  de  gomme  décou[)és 
dans  des  poires  en  caoutchouc  provenant  du 
Brésil. 

Les  oiuTiers  qui  travaillaient  cette  substance 
ont  été  dits  caoutcJwnquiers. 

Gaoutchouquiers.  Voy.  Caoutchouc. 

Gapitaines  des  charrois.  Officiers  de  la 
maison  royale,  au  nombre  de  quatre.  «  Ils 
cornhiisent  tous  les  charrois  des  sept  offices  * 
quand  la  Cour  marche,  ou  les  font  conduire  par 
leurs  aides  ^  ». 

Gapitaines  des  chasses.  Domestiques 
employés  dans  les  propriétés  de  campagne  des 
grands  seigneurs.  «  Il  faut,  écrit  Audiger,  qu'un 
capitaine  des  chasses  prenne  garde  que  le  gibier 
ne  soit  défruit  ni  effaroiiché  par  les  paysans 
ni  par  les  seigneurs  et  les  gens  des  châteaux  et 
terres  circonvoisines.  En  cette  même  qualité,  il 
doit  aussi  empêcher  que  les  forêts  et  autres  bois 
ne  soient  dégradés,  et  prendre  garde  de  même 
aux  étangs  et  rivières  dépendans  de  ladite  terre, 
afin  que  personne  ne  s'ingère  d'y  pêcher  sans 
permission  et  avec  des  harnois  prohibés  •'  ». 

Dans  1ns  maisons  royales,  au  bois  de  Boulogne 
ou  au  cliAleau  de  la  Meute  (de  la  Muette  par 
ext'uqilf,  le  Ccipitaine  des  chasses  cunuilail  ces 
fiiiiclioiis  avec  celles  de grui/er  ^. 

\  <iy.  Chasseurs. 

Gax)itairies  de  château.  Les  châteaux 
riiyaux  flaienl  couiinaudcs  par  un  capitaine,  qui 
cunudait  souvent  ce  litre  avec  celui  de  gou- 
verneur '•>.    Les  grands  seigneurs  avaient  aussi 


1  Voy.    ri-(lfss(.us    l'arl.    Cuisino    royale    (l'.Tsonnel 
.1.'  In), 

2  K/nt  tir   la   France  pour    1712.   t.    1,    ii.   nOV  :  pour 

I7:ir,,  i.  II,  p.  260. 

•'•    /.a  nuiisiiit  rrglr'e.  liv.   II,  rhap.  A. 

*   Klal  fie  In  Fraiire  pour  1736,  t.  I,  p.  447. 

•'  Aux  diàloaux  ili-  Mailrid  i-i  rlo  Sainl-Gnrmain,  par 
•^xorajili".  Voy.  VÉtat  de  la  France  pour  17 12.  t  I  ti 
329  et  330. 


parfois  un  capitaine  de  château!  Audiger  résume 
ainsi  ses  fonctions  :  «  Il  doit  prendre  bien  garde 
que  tous  les  gens  qui  sont  dans  la  maison  fassent 
bien  ce  qu'ils  sont  obligés  de  faire  chacun  en 
particulier,  leur  bien  donner  ses  ordres  et  les 
leur  faire  ponctuellement  exécuter  ^  ». 

Gapitaines  g-énéraux  des  faucon- 
neries du  cabinet  du  roi.  Officiers  de  la 
maison  royale,  et  tout  à  fait  indépendants  du 
grand  fauconnier.  «  La  fauconnerie  du  cabinet 
du  Roy  suit  seule  Sa  Majesté  dans  ses  voyages, 
même  à  l'armée,  et  le  sieur  Forget,  qui  la 
commande,  prend  tous  les  jours  l'ordre  du  Roy 
en  route  ou  à  l'armée  ». 

Le  capitaine  général  avait  sous  ses  ordres  :  les 
autres  capitaines  de  vol  des  oiseaux  du  cabinet, 
savoir  : 

Le  capitaine  du  vol  pour  corneille. 

Le  capitaine  du  vol  pour  pie. 

Le  capitaine  du  vol  pour  les  champs. 

Le  capitaine  du  vol  pour  émérillons  ^. 

Gapitaines-contrôleurs  des  feux 
d'artifice.  Office  créé  par  édit  de  juillet  1702. 
Le  titulaire  <,<  aura  l'inspection  sur  la  construc- 
tion, dessein  et  fourniture  des  feux  d'artifice  qui 
se  font  par  ordre  de  nos  prévost  des  marchands 
et  échevins  ;  aura  soin  de  les  faire  tirer  aux 
jours  et  heures  qui  luy  seront  par  eux  indiquez, 
et  pourra  en  faire  les  entreprises  en  son  propre 
et  privé  nom  ». 

Gapitaines  des  gardes  des  aires. 
Voy.  Gardes  des  aires. 

Gapitaines  des  guides.  Officiers  attachés 
à  la  personne  du  roi.  «  Le  capitaine  des  guides, 
doit  se  tenir  vers  l'une  des  portières  du  carrosse 
du  Roy  marchant  en  campagne,  afin  que,  si  Sa 
Majesté  demande  les  noms  des  lieux,  villes, 
châteaux,  etc.  qui  sont  sur  le  chemin,  il  les  luy 
puisse  nommer  •*  ». 

Capitaines  des  levrettes  et  Gapi- 
taines des  lévriers.  Voy.  Levrettes 
de  la  chambre. 

Gapitaines  des  matelots.  Voy.  Ba- 
teaux des  maisons  royales. 

Gapitaines  de  l'équipage  des  mulets. 
Voy.  Muletiers. 

Gapitaines  des  toiles  de  chasse.  Voy. 
Capitaines  du  vautrait. 

Gapitaines  de  la  varenne  du  Louvre. 
Voy.  Varenniers. 

Gapitaines  du  vautrait.  Ils  étaient  dits 
aussi  capitaines  généraux  des  toiles  de  chasse, 
tentes  et  pavillons  du  roi,    et   de  Véquipage   du 


I    J.a  ))itii.\-i)ii  réijlée,  liv.  II,  ctiap.  4. 

-  Fini  lie  la  France  pour  1712,  t.  I,  p.  213  ;  pour 
1736.  I.  I,  p.  324. 

^  Etat  de  la  France  pour  1687 .  t.  I,  p.  510  ;  pour 
1712,  t.  I,  p.  593  ;  pour  1736,  t.  II,  p.  265. 


CAPITAINES  DU  VAUTRAIT  —  CAPITAINES  DU  VOL  POUR  MILAN         125 


sanglier.  Le  capitaine  du  vautrait  iioniinail  tous 
les  olficiers  de  ce  service,  et  ses  fonctions,  peu 
compliquées,  sont  ainsi  définies  dans  une  publi- 
cation officielle  :  «  Quand  le  roi  esf  à  la  chasse 
du  sanglier  dans  renceinle  des  toiles,  c'est  le 
capitaine  général  de  cet  équipage  qui  présente  à 
Sa  Majesté  l'épée  ou  les  dards  pour  tuer  le 
sanglier.  Le  capitaine  de  cet  équipage  va  ou 
envoyé,  dans  toutes  les  forêts  et  buissons  de 
France  qu'il  juge  à  propos,  prendre  avec  ses 
toiles  de  chasse  des  cerfs,  l)iches,  faisans  et  autres 
animaux,  pour  peupler  ou  repeupler  les  parcs 
de  quelque  maison  royale,  lorsqu'il  en  est 
besoin  '  ». 

Voy.  Vautrait  (Officiers  du). 

Capitaines  du  vol  pour  les  champs. 

Officiers  de  la  maison  royale,  attachés  au  service 
des  oiseaux  de  la  Chambre  du  roi,  et  tout  à  fait 
indépendants  du  grand  fauconnier.  Ils  avaient 
sous  leurs  ordres  : 

Un  maître  fauconnier. 

Un  piqueur. 

Un  acheteur  d'oiseaux. 

Plusieurs  valets  des  épagneuls.  Ces  chiens 
étaient  au  nombre  de  dix-huit. 

Un  autre  service  du  vol  pour  les  champs  était 
attaché  au  cabinet  du  roi  ^. 

Capitaines  du  vol  pour  les  champs. 

Officiers  de  la  maison  royale,  attachés  au  service 
des  oiseaux  du  cabinet,  et  tout  à  fait  indé- 
pendants du  grand  fauconnier.  Le  capitaine  du 
vol  était  sous  les  ordres  du  capitaiyie  général  des 
fmiconneries  du  cabinet  du  roi,  et  avait  sous  les 
siens  : 

Un  lieutenant. 

Un  maître  fauconnier. 

Deux  piqueurs. 

Un  valet  d'épagneuls.  Ceux-ci  étaient  au 
nombre  de  dix-huit,  et  coûtaient  quatre  sous  par 
jour. 

Un  garde-perches  ^. 

Capitaines  du  vol  pour  corneille. 

Officiers  de  la  maison  royale,  attachés  au  service 
des  oiseaux  du  cabinet  du  roi,  et  tout  à  fait 
indépendants  du  grand  fauconnier.  Ils  étaient 
sous  les  ordres  du  capitaine  général  des  faucon- 
neries du  cahinel,  et  avaient  sous  les  leurs  : 

Un  lieutenant. 
Un  maître  fauconnier. 
Six  piqueurs. 
Un  porte-duc. 
Un  garde-perches. 

Deux  autres  services  de  vol  pour  corneille 
dépendaient  du  grand  fauconnier  *. 


1  État  de  la  Fiance  pour  1736,  t.  II,  p.  284. 

2  État   de  lu  France  pour  1687.    t.    I,    p.    168  ;  pour 
1712.  t.  I,  p.  188  ■,pou'-  1736.  t.  I,  p.  296. 

3  État  de   la  France  pour   1712.    t.    I,    p.   2\h  ;  pour 
1736.  t.  I,  p.  328. 

*  État  de  la   France  pour   1712.    t.    I,    p.   214  ;  pour 
1736,  t.  I,  p.  326. 


Capitaines  du  vol  pour  corneille. 

Ofliciers  de  la  maison  roj'ale  placés  sous  les 
ordres  du  grand  fauconnier.  Il  y  avait  deux  vols 
pour  corneille. 

Le  premier  comprenait  : 
Un  capitaine. 
\\n  lieutenant. 
Un  martre  fauconnier. 
Vingt  piqueurs. 

Le  second  : 
Un  capitaine. 
Un  lieutenant. 
Sept  picpieurs. 
Un  porte-duc  ' . 

Capitaines  du  vol  pour  émérillons. 

Officiers  de  la  maison  royale,  attachés  au  service 
des  oiseaux  du  cabinet,  et  tout  à  fait  indé- 
pendants du  grand  fauconnier.  Ils  étaient  sous 
les  ordres  du  capitaine  général  des  fauconneries 
du  cabinet  du  roi,  et  avaient  sous  les  leurs  : 

Un  lieutenant. 

LTn  maître  fauconnier. 

Deux  piqueurs. 

LTn  garde-perches  ^. 

Capitaines  du  vol  pour  héron.  Offi- 
ciers de  la  maison  royale,  appartenant  au  service 
du  grand  fauconnier.  Ils  avaient  sous  leurs 
ordres  : 

Un  lieutenant. 

Deux  maîtres  fauconniers. 

Huit  piqueurs  ^. 

Capitaines  du  vol  pour  le  lièvre. 

Officiers  de  la  maison  royale,  appartenant  au 
service  du  grand  fauconnier.  Ils  avaient  sous 
leurs  ordres  : 

Un  lieutenant. 

Quatre  piqueurs. 

Un  valet  de  lévriers. 

Quatre  pages  *. 

Capitaines  du  vol  pour  milan.  Offi- 
ciers de  la  maison  royale,  placés  sous  les  ordres 
du  grand  fauconnier.  Il  y  avait  deux  vols  pour 
milan,    et  chacun  d'eux  comprenait  : 

Un  capitaine. 

Un  lieutenant. 

Un  maître  fauconnier. 

Cinq  piqueurs. 

Un  porte-duc. 

«  Chaque  année,  pour  le  premier  milan  noir 
que  le  chef  du  second  vol  prend  en  présence 
du  Roi,  le  cheval  de  Sa  Majesté,  la  robe  de 
chambre  et  les  mules  lui  appartiennent  ^  ;  le 
tout  est  néanmoins  racheté  pour  une  somme  de 
cent  écus  ^.   » 


1  État  de  la  France  pour  1736,  t.  II,  p.  295. 

2  État  de  la  France  pour  17 12,  t.  I,  p.  2\1  ;  pour  1736, 
t.  I,   p.  329. 

3  État  de  la  France  pour  1736,  t.  II,  p.  294. 

4  État  de  la  France  pour  1736,  t.  II,  p.  297. 

5  Etat  de  la  France  pour  1736,  t.  II,  p.  293. 


[2i> 


CAPITAINES  DU  VOL  POUR  PIK  —  CARI)IP]RS 


Capitaines  du  vol  pour  pie.  Officiers 
de  la  maison  royale,  attachés  au  service  des 
oùemix  de  la  chambre  du  roi,  et  tout  à  fait 
indépendants  du  g-rand  i'auconnier.  Ils  avaient 
sous  leurs  ordres  : 

Un  maître  fauconnier. 

Deux  piqueurs. 

Un  fauconnier-oiseleur  ou  tendeur,  charo;é  du 
renouvellement  des  oiseaux. 

Il  V  avait  également  un  service  de  vol  pour 
pie  attaché  au  cabinet  du  roi  '. 

Capitaines  du  vol  pour  pie.  Officiers 
de  la  maison  royale,  attachés  au  service  des 
oiseaux  du  cabinet  du  roi  et  indépendants  du 
o-rand  fauconnier.  Ils  étaient  sous  les  ordres  du 
capluine  général  des  fauconneries  du  cabinet  du 
roi,  et  avaient  sous  les  leurs  : 

Un  lieutenant. 

Un  maître  fauconnier. 

Deux  pi({ueurs. 

Un  garde-perche.  Ce  dernier  prenait  soin 
des  «  oiseaux  qu'on  ne  porte  point  aux  champs  ». 
Il  toucha  par  an  d'aliord  273,  puis  29"2  livres,  et 
30  livres  en  sus  pour  ses  souliers-. 

Capitaines    du    vol   pour   rivière. 

Officiers  de  la  maison  royale,  appartenant  au 
service  du  grand  fauconnier.  Ils  avaient  sous 
leurs  ordres.   1  lieutenant  et  3  piqueurs^. 

Caqueurs.  Ceux  qui  apprêtent  les  harengs, 
les  salent  et  les  rangent  dans  de  petits  l)arils 
appelés  caques. 

La  caque,  ancienne  mesure  de  capacité,  servait 
également  pour  les  liquides,  car  l'ordonnance 
de  février  1415  mentionne  les  caques  de 
verjus  *. 

On  trouve- aussi  écaqueurs,  étêtews,  etc. 

Carabins  de  Saint-Côme.  Nom  donm^ 

aux  (-hirurgiens. 

Cardeurs    de    laine    et   de    coton. 

Alexandre  .\eckam,  mort  en  1217,  a  consacré 
aux  cardeurs,  quelques  lignes  de  son  ])e  nomi- 
nihus  usIeusiliuM  •'.  Jean  de  Garlande,  qui  écrivait 
vers  la  même  époque,  les  nonune  pectrices,  et 
nous  les  montre  démêlant  la  laine  floconneuse 
avec  des  cardes  ou  des  peignes  à  dents  de  fer  : 
"  carpunt  lanani  villosam,  quam  pectinihus  cum 
denlihus  ferreis  depilant  allernalim  "  ». 

Ces  vénérables  témoignages  de  leur  zèle  au 
travail  sont  ce  (ju'il  y  a  de  plus  clair  dans 
riiisloir*'  ])rimilive  des  cardeurs.  (|ui  semblent 
avoir  pris  il  lâche  de  ri-mbrouiller.  11  est  proljalile 
(|u'ils  resièreni  pendant  f(jrt  longtemps  unis  aux 
foulons,  et  l'on  ne  saurait  dire  à  quelle  date  ils 


1  t: lai  de  la  France  pour  1687,  t.  1,  p.  170;  imu- 
1712.^  t.  1,  p.   189  ;  pmtr  /730.  t.  J,  p.  29T. 

-  fllat  de  lu  France  pour  1712.  I.  I,  ji.  215  ;  uuiir 
17311,  I.  I,  p.  :J27. 

•1  Etal  de  la  France  pour  1736,  t.  II,  p.  2'J7. 

*  Çbapiliv  VII. 

"i  Édit.  Sch.-ltr,  p.  99. 

•>  Edil.  Si-Lflor,   p.  34. 


commencèrent  à  former  une  communauté  indé- 
pendante ' . 

En  1391,  ils  étaient  au  nombre  de  sept  ^.  En 
1467,  ils  constituèrent  à  eux  seuls  la  55*  bannière, 
sous  nom  de  pigneux  et  car  deux  de  laine  ^. 

Les  vingt-deux  maîtres  cardeurs  exerçant  à 
Paris  en  1688  obtinrent,  au  mois  de  septembre 
de  cette  année,  de  nouveaux  statuts,  les  seuls 
que  j'aie  pu  retrouver.  Ils  y  sont  qualifiés  de 
maîtres  et  marchands  cardeurs,  peigneurs,  arro- 
neurs  de  laine  et  coton,  drapier s-drapans,  cotipeurs 
de  poils,  fîleurs  de  laine,  coton  et  lumignon  et 
cardiers.  On  trouvera  tous  ces  mots  à  leur  place 
alphabétique. 

Chaque  maître  cardeur  ne  pouvait  tenir  à  la 
fois  qu'un  seul  apprenti,  ni  l'engager  sans  le 
consentement  des  jurés.  La  durée  de  l'appren- 
tissage était  de  trois  ans,  suivis  d'une  année  de 
compagnonnage. 

Les  fils  de  maître  étaient  dispensés  du  chef- 
d/ceuvre,  ainsi  que  les  compagnons  qui  épousaient 
une  fille  de  maître. 

La  corporation  était  administrée  par  trois 
jurés,  qui  devaient  chaque  année  faire  au  moins 
quatre  visites  chez  chaque  maître. 

Les  cardeurs  pouvaient  teindre  ou  faire  teindre 
toutes  sortes  de  laines  en  noir.  Mais  il  leur  était 
interdit  de  travailler  le  poil  de  lapin,  même  d'en 
avoir  chez  eux,  parce  que  ce  droit  était  réservé 
aux  chapeliers. 

Le  chef-d'œuvre  devait  porter  sur  l'un  des 
ouvrages  suivants  :  1"  Faire  deux  ou  trois  cardées 
de  laine  ou  de  coton  ;  2"  Arçonner  un  quarteron 
de  laine  ou  de  coton  ;  3"  Peigner  de  la  laine  sur 
le  fourneau  ;  4P  Filer,  avec  le  rouet,  du  lumignon. 

Les  foulons  se  qualifiaient  aussi  de  cardeurs, 
et  les  cardeurs  prenaient  le  nom  de  cardiers, 
parce  qu'ils  étaient  autorisés  à  fabriquer  eux- 
mêmes  leurs  cardes.  Cependant,  ils  les  achetaient 
le  plus  souvent  toutes  faites  aux  cardiers. 

Le  bureau  de  la  corporation  était  situé  rue 
de  la  Vannerie  et  les  maîtres  étaient  placés  sous 
le  patronage  de  saint  Biaise  et  de  saint  Roch. 


Cardeurs  de  matelas, 
siers. 


Voy.  Matelas - 


Cardeux  de  laine.  Voy.  Cardeurs. 

Cardiers.  Fabricants  de  cardes  et  autres 
outils  à  l'usage  des  cardeurs.  Leur  communauté 
était  ancieime,  car  on  les  trouve  menlionnés 
dans  l'ordonnance  des  Bannières  *  sous  ce  nom  : 
Faiseurs  de  cardes  et  de  pignes  ^  pour  la  laine. 

Par  édit  du  30  décembre  1727,  le  roi  imposa 
aux  cardiers  un  règlement  fixant  les  dimensions 
que  devaient  avoir  les  cardes  suivant  la  qualité 
(les  laines  auxquelles  elles  étaient  destinées. 

Les  cardeurs  se  qualifiaient  aussi  de  cardiers, 
parce  qu'ils  étaient  autori.sés  à  fabriquer  eux- 
mêmes  leurs  cardes. 


'   Voy.  ci-dessous  l'art.  Corporations. 

2  G.   I''afrnicz,  Éludes  sur  l'industrie,  p.  344. 

^   Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  071. 

i  .\nnéf  1467.  Ordonn,  roxjales,  t.  X\"I,  p.  G71. 

S  Sic. 


CAHKMK  —  CARKdSSIKKS 


127 


Carême.  Voj.  Charnage. 

Carême -prenant.  Dans  les  sUituts    dos 

iiK'liers,  ci's  mots  dt'sig'iu'iil  toujours  le  mardi 
<^ras.  «  Nus  corroiers  ne  doit  ouvrer  de  nuiz  *, 
se  ce  n'est  entre  la  S.  Rémi  (P""  octobre)  et 
quaresme  prenant  ^  ». 

CariDonneurs.  Gens  habiles  dans  l'art  de 
carillonner,  mais  les  sonneurs  de  cloches 
prenaient  aussi  ce  nom. 

Vov.  Sonneurs. 

Carleurs.  \  tiy.  Carreleurs. 

V 

Carnaciers  ,  Carnessiers ,  Carni  - 
ciers.   Vov.   Bourreaux. 

Carreaux  de  g-rais.  Voy.  Quarreaux 
de  grez. 

Carrelets  (Faiseurs  de).  Titre  que  prenaient 
les  maîtres  de  la  corporation  des  aig-uilliers. 

Carreleurs.  Ce  litre  a  appartenu  aux 
paveurs,  aux  potiers  de  terre  et  aux  marbriers. 
Chacune  de  ces  corporations  posait  les  carreaux 
dont  elle  avait  la  spécialité  :  pierre  de  liais,  terre 
cuite,  marbre,  etc. 

On  les  trouve  encore  nommés  carleurs, 
carreliers,  quarreliers,  etc. 

Voy.  Marcheurs. 

Carreleurs  de  souliers.  Voy.  Save- 
tiers. 

Carreliers.  Voy.  Carreleurs. 

Carriers.  Gens  qui  exploitaient  des  car- 
rières. Le  sol  de  Paris  et  de  ses  environs  abonde 
en  pierres  de  toutes  sortes.  Au  treizième  et  au 
quatorzième  siècles,  on  exploitait  les  carrières 
de  Lourcine,  au  faubourg'  Saint-Marcel  ;  celles 
des  Mureaux,  au  faubourg  Saint-Jacques  ;  celles 
de  Vitry  ;  de  Bicètre  ;  de  Charenton,  d'où  l'on 
tirait  surtout  de  la  pierre  à  chaux  ;  de  Notre- 
Dame  des  Champs,  qui  fournissait  des  pierres  de 
liais  ;  de  Gentilly  et  de  Saint-Germain  des  Prés  ^. 
On  ouvrit  plus  tard  des  carrières  à  Arcueil,  à 
Bagneux ,  à  Montrouge  ,  à  Saint -Cloud,  à 
Meudon,  etc.  C'est  des  carrières  de  Meudon  que 
sont  sorties  les  pierres  qui  forment  la  cimaise  du 
grand  fronton  de  la  colonnade  du  Louvre  ;  elles 
ont  chacune  cinquante-quatre  pieds  de  long. 

La  Taille  dei292c}[e  dix-huii qîiarriers,  celle 
de  1300  n'en  mentionne  plus  que  neuf.  Ils 
fiorurent,  en  iuin  1467,  dans  l'ordonnance  dite 
des  Bannières  ^,  ou  ils  sont  associés  aux  maçons 
et  aux  tailleurs  de  pierre. 

Les  carriers  avaient  pour  patron  saint  .Tean- 
Baptisle  ^.  Je  les  ai  encore  trouvés  nommés 
^erreurs,  perriers,  perrieurs,  pierreurs^  carrieux^ 


'  Df>  nuit,  c'est-à-dire  à  la  lumière  artificielle. 

2  Livre  (les  métiers,  titre  LXXX\'II,  art.  13. 

■*  Voy.  G.  Fagniez,  Efu-des  sur  l'industrie,  p.  203. 

i  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  671. 

»  Le  Masson,  Calendrier  des  confréries,  p.  121  et   137. 


quarriers,  rocheteurs,  rochetiers,  roquiers,  rochiers, 
etc.. 

Voy.  Garçons-compagnons.  —  Ma- 
nœuvres-carriers. —  Moellons  (Mar- 
chands de).  —  Flâtriers.  —  Souche- 
veurs,  etc. 

Carrieux.  Voy.  Carriers. 

Carrossiers.  La  voiture  de  luxe  au  moyen 
âge  fut  le  char,  autrement  dit  la  charrette  enjo- 
livée, peinte  et  couverte.  Le  char  branlant  ou 
suspendu  apparaît  au  seizième  siècle,  et  le  coche 
ou  carrosse  sous  François  I*^. 

Jusque-là,  les  courtisans  les  plus  ral'linés  ne 
pouvaient  éviter  la  boue  qu'en  se  servant  d'un 
cheval  ou  d'un  mulet  ;  ils  se  rendaient  ainsi  à  la 
cour  ayant  souvent  leur  feuune  en  croupe.  On 
voit  dans  les  J/oww»/e/a  recueillis  par  Montfaucon 
«  deux  courtisans  qui  vont  au  Louvre  ^  »,  tons 
deux  montés  sur  le  même  cheval  ;  puis  un  «  cour- 
tisan et  sa  demoiselle  »,  celle-ci  est  en  croupe 
derrière  son  père  et  masquée  ^.  Dans  la  cour  ou  à 
la  porte  des  principaux  hôtels,  on  trouvait  un 
montoir  de  pierre  devant  lequel  les  valets  ame- 
naient l'animal  ;  en  1560,  le  Parlement  en  lit 
encore  établir  un  dans  la  cour  du  palais  de 
justice  ^.  En  1524,  quand  Saint-Vallier  lut 
conduit  à  la  Grève,  il  était  assis  sur  une  mule, 
avec  un  huissier  en  croupe  ;  Anne  du  Bourg,  en 
1550,  alla  au  supplice  dans  une  charrette  *. 

Jusqu'à  la  fin  du  règne  de  François  l''^  une 
haquenée  était  la  monture  ordinaire  des  prin- 
cesses et  des  g'randes  dames. 

L'usage  des  carrosses  fut  importé  d'Italie,  et 
Catherine  de  Médicis  fut  la  première,  croit-on, 
qui  s'en  servit.  En  1550  il  n'y  en  avait  encore 
que  trois  à  Paris,  celui  de  Catherine,  celui  de 
Diane  de  Montmorency  ,  fille  naturelle  de 
Henry  II,  et  celui  de  Jean  de  Laval,  seigneur  de 
Boisdauphin,  qui  ne  pouvait  montera  cheval  à 
cause  de  son  extrême  embonpoint '^.  Ces  carrosses 
étaient  d'immenses  et  grossières  machines, 
couvertes  d'un  toit  très  lourd  soutenu  par  quatre 
ou  huit  colonnes,  et  entourées  de  rideaux  que 
l'on  ouvrait  à  volonté  ;  la  caisse  était  supendue 
au  moyen  de  cordes  et  de  courroies  ;  on  abaissait, 
pour  y  entrer,  une  épaisse  portière  de  cuir,  et  on 
y  montait  au  moyen  d'une  échelle  de  fer.  Chris- 
tophe de  Thon,  tourmenté  de  la  goutte,  se  fit 
faire  un  carrosse  après  qu'il  eut  été  nommé 
premier  président,  mais  il  ne  s'en  servait  que 
pour  se  rendre  à  sa  campagne  ;  c'est  toujours 
monté  sur  une  mule  qu'il  allait  soit  au  Palais, 
soit  au  Louvre.  Sa  femme  ne  sortait  «  jamais 
par  la  ville  qu'en  croupe  derrière  un  domestique  » . 
Dix  ans  auparavant,  le  président  Gilles  Le- 
maître  stipulait,  dans  un  bail  avec  les  fermiers 
d'une  terre  qu'il  possédait  près  de  Paris , 
«  qu'aux  quatre  bonnes  festes  de  l'année  et  au 


1  Tome  V,  p.  314. 

2  Tome  V,  p.  314. 

3  Sauvai,  Recherches  sur  Paris,  t.  I,  p.  188. 

4  Voy.  les  gravures  de  Tortorel  et  Perrissin  (seizième 
siècle). 

5  J.-A.  de  Thou,  Mémoires,  édit.  Petitot,  p.  399. 


128 


CARROSSIERS 


temps  des  vendanges,  ils  lui  amèneroient  une 
charelte  couverte  et  garnie  de  paille  fraîche  pour 
j  asseoir  sa  femme  et  sa  iiUe,  ainsi  qu'un  ânon 
ou  une  ànesse  pour  la  monture  de  leur  cham- 
brière 1  »  ;  le  président  allait  devant,  sur  sa 
mule,  et  accompagné  de  son  clerc  à  pied. 

L'efféminé  Henri  III  se  servait  beaucoup  de 
son  carrosse  -. 

En  1594,  on  comptait  à  Paris  au  moins  huit 
carrosses,  qui  continuaient,  d'ailleurs,  à  faire 
l'admiration  générale  •'.  En  1599,  le  maréchal 
de  Bassoinpierre  ramena  d'Italie  le  premier 
carrosse  garni  de  glaces.  Si  Henri  IV  eût  adopté 
cette  mode  nouvelle,  peut-être  aurait-il  échappé 
au  couteau  de  Ravaillac.  Une  gravure  du  temps, 
qui  représente  la  scène  du  meurtre,  donne  une 
fidèle  image  des  carrosses  de  cette  époque  *. 

Quoi  qu'en  dise  de  Thou  ^,  ils  étaient  rares 
encore  vers  1640,  lorsque  parurent  les  Loix  de  la 
galanterie,  code  du  bon  ton  à  l'usage  des  petits- 
maitres.  A  ce  moment  encore,  la  bourgeoisie  et 
même  la  noblesse  pauvre  allaient  à  pied  ;  on 
marchait  avec  précaution  dans  les  rues  boueuses, 
et  si  l'on  rendait  une  visite  de  cérémonie,  on 
changeait  de  chaussure  dans  l'antichambre 
avant  d'entrer.  On  lit  dans  le  curieux  volume 
que  je  viens  de  citer  :  «  Lorsque  la  mode  a 
voulu  que  les  seigneurs  et  hommes  de  condition 
allassent  à  cheval  par  Paris,  il  estoit  honeste  d'y 
estre  en  bas  de  soje  sur  une  housse  de  velours  et 
entouré  de  pages  et  de  laquais.  Mais  maintenant, 
veu  que  les  crottes  s'augmentent  tous  les  jours 
dans  cette  grande  ville,  avec  un  embarraz  iné- 
vitable, nous  ne  trouvons  plus  à  propos  que  nos 
galands  de  la  haute  volée  soient  en  cet  équipage 
et  aillent  autrement  qu'en  carrosse.  Nous 
sçavons  qu'autrefois,  pour  parler  d'un  qui  parois- 
soit  dans  le  monde  soit  financier  ou  autre,  l'on 
disoit  de  luy  :  il  ne  va  plus  qu'en  housse  !  mah 
maintenant  cela  n'est  plus  guère  propre  qu'aux 
médecins  ou  à  ceux  que  ne  sont  pas  des  plus 
relevez.  De  quehjue  condition  que  soit  un  galaud, 
nous  luj  enjoignons  d'avoii'  un  can-osse  s'il  en  a 
le  moyen,  d'autant  que  lors  que  l'on  parle 
auj(jurd'hui  de  quelqu'un  qui  fréquente  les 
l)(Uines  compagnies,  l'on  demande  incontinent: 
a-l-il  rarrosse  ?  et  si  l'on  respond  ([ue  oùj,  l'on 
en  fait  beiiucoup  plus  d'estime.  Si  les  galands  du 
plus  bas  est<»ge  veulent  visiter  les  dames  de 
condition,  ils  remarqueront  qu'il  n'y  a  rien  de  si 
laid  que  d'entrer  chez  elles  avec  des  bottes  ou 
(les  souliers  crotlez,  spécialement  s'ils  en  sont 
logez  fort  loin  •,  car  quelle  apparence  y  a-l-il  qu'en 
cet  estât  ils  aillent  marcher  sur  un  tapis  de  pied 
et  s'asseoir  sur  un  faut-œil  de  velours?  C'est 
aussi  ime  chose  infâme  de  s'estre  coulé  de  son 
pied  d'im  bout  de  la  ville  k  l'autre,  quand  même 
on  aurtiit  changé  de  soidiers  à  la  porte,  pourceque 
cela  vous  accuse  de  quelque  pauvreté,  qui  n'est 
pas  ujoins  un  vice  aujourd'hui  en  France  que 

'  J.-.\.  ili'  Thou,  Mémoires,  t'dit.  Pt-litot,  ]i.  3'.»!i. 

'  ^  oy.  Lestoile,  Journal,  novembre  1575. 

3  Voy.  Lesloile,  Journal,  13  avril  1591. 

*  Dans  k.  K.,  Journal  du  sièijf  de  Paris  en  1590,  v>    47. 

5  PafX«  399. 


chez  les  Chinois,  où  l'on  croid  que  les  pauvres 
soient  maudits  des  Dieux,  à  cause  qu'ils  ne 
prospèrent  point  ^   ». 

Voici  dans  quel  ordre  se  classaient  les  places 
dans  les  carrosses  : 

P  Le  fond  à  droite. 

2"  Le  fond  à  gauche. 

3"  Le  devant  à  gauche,  parce  que  l'on  y  était 
en  face  du  fond  à  droite. 

4°  Le  devant  à  droite. 

5°  La  portière  à  gauche. 

6"  La  portière  à  droite  2. 

Dans  ces  deux  dernières  places,  l'on  tournait 
le  dos  aux  autres  personnes  et  l'on  était  assez  mal 
assis. 

L'ordre  était  à  peu  près  le  même  dans  les 
carrosses  à  huit  places.  Dangeau  écrivait  le 
6  septembre  1685  :  «  Le  roi,  élantàChâteaudun, 
fait  monter  madame  de  Maintenon  dans  son 
carrosse.  Ils  y  éloient  huit  :  Le  roi,  madame  la 
Dauphine  et  madame  de  Bourbon  dans  le 
derrière  ;  Monsieur,  madame  et  madame  la 
princesse  de  Conty  dans  le  devant  ;  Monseigneur 
et  madame  de  Maintenon  aux  portières  ^  ». 

Dans  les  carrosses  non  fermés,  les  rideaux  de 
cuir  destinés  à  préserver  au  besoin  du  soleil  ou  de 
la  pluie  se  nommaient  mantelets. 

Les  grands  officiers  de  la  couronne,  ceux  des 
maisons  du  roi,  de  la  reine  et  des  fils  de  France 
jouirent  seuls  d'abord  du  privilège  très  envié  de 
draper  * ,  c'est-à-dire  de  faire  recouvrir  leurs 
carrosses  et  leurs  chaises  à  porteurs  de  drap  noir^. 

Lorsqu'étanl  en  carrosse,  l'on  croisait  le  Saint- 
Sacrement,  il  fallait  descendre  de  voiture  et  s'age- 
nouiller sur  la  voie,  fut-elle  boueuse.  Si  l'on 
rencontrait  le  roi,  la  reine,  les  princes,  un  légat, 
un  enterrement,  ou  une  procession,  la  civilité  vous 
ordonnait  de  faire  arrêter  votre  carrosse  et  de 
vous  découvrir  ^ . 

Depuis  longtemps,  les  selliers  se  disaient 
selliers-carrossiers,  et  les  charrons  charrons- 
carrossiers,  mais  l'histoire  des  carrossiers  propre- 
ment dits  ne  commence  qu'au  dix-septième  siècle. 
Les  statuts  accordés  en  1678  aux  sellier s-lormiers- 
carrossiers  leur  reconnaissent  le  droit  de  cons- 
truire, garnir,  orner,  etc.  une  foule  de  voitures, 
parmi  lesquelles  je  relève  les  noms  suivants  : 
coches,  chars,  charriots,  carrosses,  litières, 
chaises  roulantes,  calèches,  chars  triomphants, 
charriots  de  pompes  funèbres,  etc. 

La  mode  des  carrosses  s'élant  répandue  au 
point  qu'on  eu  comptait  à  Paris  plus  de  quinze 
mille  vers  1720  '',  bien  d'autres  corporations 
furent  admises  à  faire  concurrence  aux  selliers. 
Les  charrons  préparaient  le  train  ;  les  maréchaux 
et  les  serruriers  forgeaient  les  essieux,  les  ressorts. 


1   Pag(!  50. 

*  Voy.  A.  (lu  Courtin,  Traité  de  la  civilité,  é<iit.  de 
1672,  p.  1.50. 

•'  Journal,  t.  I,  p.  218. 

4  Saint-Simon,  Mémoires,  t.  XII,  p.  219. 

•'  Sur  ce  sujet,  vo^'.  ci-de.s.sous  l'art.  Selliers. 

''  J.-B.  do  la  Salle,  Règles  de  la  bienséance,  (nhi. 
de  1782. 

"'   Savary,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  689. 


CARROSSIERS  —  CARTOMANCIENS 


121) 


les  ferrures  ;  les  boiirreliers  confectionnaienl  les 
pièces  en  cuir  (soupentes,  bricoles,  etc.)  ;  les 
menuisiers  bâtissaient  la  caisse  ;  les  miroitiers 
fournissaient  les  g'iaces  ;  le^  selliers  g'arnissaienl 
l'intérieur,  et  les  peintres  se  chargeaient  de 
l'extérieur. 

Voy.  Voitures. 

Cartelateurs.    \oy.    Cartomanciens. 
Garteron.  Voy.  Quarteron. 

Cartes  de  visite  (Distribution  des).  Voy. 
Porte-claquette . 

Gartiers.  Leurs  premiers  statuts,  datés 
d'octobre  1594,  \e%  (\\xd\\^en\,àe  cartiers-faiseurs 
de  cartes,  tarots,  feuillets  et  cartons.  L'appren- 
tissage était  de  quatre  années,  suivies  de  trois 
années  de  compagnonnage.  Le  chef-cV œuvre  : 
«  une  demye  grosse  de  cartes  fines  »,  est  déjà 
exigé  des  aspirants  à  la  maîtrise.  Chaque  maître 
ne  devait  avoir  à  la  fois  qu'un  apprenti,  on  lui 
en  accordait  cependant  un  second  quand  il 
occupait  au  moins  cinq  compagnons.  Le  nombre 
des  maîtres  était  alors  de  huit  seulement. 

Ces  statuts  furent  souvent  confirmés  et  révisés 
par  la  suite.  En  161.3,  le  roi  ordonne  aux 
fabricants  de  «  mettre  leurs  noms  et  surnoms, 
enseignes  et  devises  au  valet  de  trèfie  de  chaque 
jeu  ».  Il  leur  interdit  de  «  faire,  contrefaire, 
inventer  ni  falsifier  les  moules,  portraits,  figures 
et  autres  caractères  des  cartes  dont  les  cartiers 
de  Paris  ont  joui  et  usé,  jouissent  et  usent  encore 
de  présent  ».  Défense  est  faite  aussi  de  modifier 
la  dimension  des  cartes. 

L'édit  de  septembre  1661  eut  pour  objet  de 
régulariser  la  confection  des  cartes  à  jouer,  et 
surtout  de  faciliter  la  perception  de  l'impôt  qui 
les  frappait.  La  France  fut  divisée  en  onze 
bureaux  qui  monopolisèrent  la  fabrication  :  Paris, 
Rouen,  Toulouse,  Lyon,  Thiers  ^  ,  Limoges, 
Troyes,  Orléans,  Angers,  Romans  et  Marseille. 
Dans  chacune  de  ces  villes,  un  endroit  était 
désigné,  où  les  cartiers  installaient  leurs  outils, 
moules,  presses,  etc.,  ils  travaillaient  sous  la 
surveillance  d'un  commis  délégué  par  l'Etat,  et 
devaient  employer  un  papier  spécial,  ditjsajym" 
fot  ^.  Je  rappelle  qu'aujourd'hui  encore,  l'im- 
pression des  cartes,  des  figures  •  au  moins,  ne 
peut  se  faire  qu'à  l'imprimerie  nationale  et  pour 
le  compte  de  la  régie  ;  l'enluminure  reste  l'œuvre 
des  cartiers.  Lors  de  la  fondation  de  l'école 
militaire  à  Paris  (1751),  le  roi  aliéna,  en  sa 
faveur,  l'impôt  sur  les  cartes  à  jouer,  alors  fixé  à 
un  denier  par  carte. 

En  1692,  le  cartier  du  roi  se  nommait 
Beaumont  et  demeurait  place  des  Victoires  ^. 
Mais  cette  industrie  ne  fut  jamais  très  florissante 
dans  la  capitale.  A  la  fin  du  dix-septième  siècle, 
le  centre  de  la  fabrication  des  cartes  à  jouer  était 
la    ville   de   Rouen,    qui    en    fournissait    toute 


1  En    Auvergne.    Il    y    avait   là   une    très    ancienne 
fabrique,  que  Montaigne  visita  en  1588. 

2  Et  mieux  au  pot.  Dans  le  filigrane  figurait  un  pot. 
>*  Le  livre  commode  pour  1692,  t.  II,  p.  26. 


l'Europe  et  même  l'Amérique  *.  Ily  eut  pourtant, 
un  peu  plus  lard,  à  Paris  des  maisons  produisant 
jusqu'à  deux  cents  jeux  par  jour. 

Fidèles  à  leurs  statuts  de  1613,  les  cartiers 
conservèrent,  .sans  y  rien  changer,  leurs  types 
primitifs.  Mais  il  y  avait  des  protestations. 
Hurtaut  et  Magny  écrivaient  en  1779  :  «  Il  est 
surprenant  que  nos  François,  qui  se  piquent  si 
fort  de  bon  goiît  et  qui  veulent  le  mieux  jusque 
dans  les  plus  petites  cho.ses,  se  contentent  des 
figures  maussades  dont  les  cartes  sont  peintes.  Il 
est  évident  qu'il  n'en  coûteroil  rien  de  plus  pour 

y     représenter    des    sujets     plus     agréables 

Cependant,  depuis  quelques  années,  le  sieur 
Mitoire  a  fait  passer  de  nouveaux  patrons,  d'une 
composition  plus  nette  et  d'un  dessin  plus 
correct.  En  conservant  la  même  distribution 
d'attributs,  d'accessoires  et  de  couleurs,  il  passe 
pour  être  parvenu  à  ôter  aux  cartes  cette  grossiè- 
reté qui  les  rendoit  rebutantes  ;  mais  elles  n'en 
sont  pas  plus  communes  dans  les  maisons,  le 
goût  antique  paroissant  l'emporter  sur  le 
moderne  -  ». 

On  distinguait  alors  quatre  qualités  de  cartes, 
classées  suivant  leur  finesse,  en  fleurs,  jyremières, 
secondes,  triards.  Toutes  se  vendaient  au  jeu,  au 
sixain  ou  à  la  grosse  composée  de  vingt-quatre 
sixains.  Les  jeux  se  divisaient  ainsi  : 

Jeux  entiers 52  cartes. 

Jeux  d'hombre 40  » 

Jeux  de  piquet 32  » 

Jeux  de  tri 34  » 

Jeux  de  brelan 28  » 

Jeux  de  reversis 48  » 

Jeux  de  comète 96  » 

En  1777,  le  graveur  de  la  régie  des  cartes  à 
jouer  se  nommait  Foex  et  demeurait  rue  Saint- 
Antoine  ^. 

Les  cartiers  étaient  dits  cartiers-tarotiers- 
feuilletiers-cartonniers-doriiinotiers.  Par  allusion 
à  leur  profession,  ils  s'étaient  placés  sous  le 
patronage  des  Rois,  qu'ils  fêtaient  le  jour  de 
l'Epiphanie. 

Cartographes.  Voy.  Enlumineurs  et 
Géographes  (ingénieurs). 

Cartomanciens.  Ceux  qui  prédisent 
l'avenir  au  moyen  des  cartes. 

Le  plus  illustre  de  tous  les  cartomanciens  a 
avoué  qu'il  n'avait  aucune  foi  dans  sa  sorcel- 
lerie, et  qu'il  ne  croyait  pas  lui-même  à  ses 
prédictions.  C'est  un  sieur  Aliette,  garçon 
coiffeur,  qui  publia  en  1770  un  livre  resté 
célèbre  et  cent  fois  réimprimé  :  Etteila,  eu 
manière  de  se  récréer  avec  un  jeu  de  cartes.  Notez 
qu'il  entendait  seulement  offrir  à  ses  lecteurs  une 
innocente  distraction  ;  mais  quand  il  vit  qu'on 
prenait  au  sérieux  ses  fantaisies,  il  voulut  profiter 
de  l'aubaine,  et  de  hauts  personnages  allèrent, 
dit-on,    consulter    ce    devin    malgré    lui,    qui 


1  Boisguillebert,  Le  détail  de  la  France   (1697),    chap. 
XVII,  p.  91. 

-  Dictionnaire  de  Paris,  t.  II,  p.  90. 
3  Almanuch  Dauphin,  2"  partie,  p.  28. 


130 


CARTOMâNCIEXS  —  CEINTURE  DE  LA  REINE 


(loiinait  ses  audiences  dans  un  <i:reiiier  de  la 
rue  Fromenteau.  Il  fallait  bien  tenir  à  être 
trompé,  car  voici  ce  qu'Alielie  avait  dit  dans  sa 
prélace  :  «  Mon  dessein,  en  écrivant  ce  livre, 
n'a  été  que  d'empêcher  bien  des  personnes  d'être 
la  dupe  d'eux-mêmes  et  de  ces  fripons  que  nous 
appelons  devins.  Amusez-vous  donc  de  ma 
science,  ami  lecteur  ;  mais  quand  vous  la  possé- 
derez comme  moi,  ayez  le  bon  esprit  de  ne  pas 
vous  croire  plus  sorcier  que  moi-même  qui.  en 
vérité,   suis  bien   loin   de   me  liât  ter  d'en  être 

un  ». 

Ses  successeurs  n'imitèrent  pas  cette  franchise. 
On  peut  citer  parmi  eux  Martin,  sous  le  Direc- 
toire ;  M"«  Lenormand,  M""'  Villeneuve,  Gomarl, 
etc.  sous  le  premier  Empire. 

Ces  bateleurs  ont  été  encore  nommés  Carte- 
lateiirs,  tireurs  de  caries,  etc. 

Voj.  Bateleiirs. 

Gartonniers.  Fabricants  de  carlon.  Leurs 
premiers  slaluls  dalenl  du  mois  d'avril  1599,  et 
ils  furent  révisés  en  1(560.  L'apprentissage  était 
de  quatre  ans,  suivis  de  quatre  ans  de  compa- 
gnonnage, et  chaque  maître  ne  pouvait  avoir 
à  la  fois  qu'un  seul  apprenti. 

Les  maîtres  s'intitulaient ^«^^i!ïVn,  colleurs  de 
fev.illes,  travaillans  en  cuve,  faiseurs  d'étuis  à 
chapeaux,  boîtes  de  cartes,  colleurs  de  papier  sur 
châssis.  Ils  avaient  pour  patron  saint  Jean 
TEvangéliste,  et  étaient  au  nombre  de  cinquante 
environ  vers  la  tin  du  dix-huitième  siècle. 

Les  cartiers  s'intitulaient  aussi  cartonniers. 

Yoj.  Sculpteurs  en  carton. 

Gartriers.  Voj.  Geôliers. 

Gassetiers.  Voy.  Layetiers. 

Gastag"nettes  (Faiskurs  ue).  Au  dix-sep- 
lit-me  siècle,  un  sieur  Alexandre  Roboam. 
lutliier  demeurant  rue  des  Arcis,  était  renommé 
comme  faiseur  de  castagnettes  ^ . 

G atheri nettes.  Voj.  Bureaux  de  pla- 
cement. 

Gatholicité  (Certificat  de).  A  dater  du 
dix-septit'ine  siècle,  les  statuts  des  communautés 
exigent  en  général  que  l'apprenti  fasse  profession 
de  la  religion  catholique,  «  crainte,  suivant  les 
pluniassiers,  d<'  ([uelque  bruit  en  leur  famille,  et 
qu'il  n'en  s\irvienne  quelque  accident  préjudi- 
cial)le  à  la  cmvance  de  leurs  enfans  -  ».  On  en 
demandait  autant  à  l'ouvrier  qui  aspirait  à 
devenir  maître.  Il  devait,  avant  tout,  disent  les 
chapeliers  «  l'ain-  apparoir  de  sa  lidélité.  preud'- 
iiommit!  et  religion  catholique  pardevant  le  pro- 
cureur de  sa  Majesté  au  Chûlelet  ^  ».  Les  lingères 
se  nionlreul  très  sévtTes  sur  cet  article.  «  Si, 
disent  leurs  slaluls  de  1044,  on  découvre  après 
la  réception  d'une  maîtresse  qu'elle  appartient  à 
la  religion  prétendue  réformée,  elle  sera  chassée 


'    Le  livre  connnode  pour  IGU'J.  •     I.  p    275. 
2  SlaluLs  (l.<  1(559,  art.  25. 
a  Statuts  df  1658,  art.  1. 


de  la  communauté  et  sa  boutique  sera  fermée  ^. 

Le  13  mai  1681,  une  sentence  de  police  avait 
défendu  aux  maîtres  professant  la  R.  P.  R.  de 
prendre  aucun  apprenti,  celui-ci  fùt-il  catho- 
lique. Des  déclarations  ou  des  arrêts,  datés  du 
20  févTier  1680,  des  9  juillet  et  15  septembre 
1685,  leur  interdirent  les  métiers  de  sage-femme, 
de  libraire,  d'imprimeur,  de  chirurgien  et  d'apo- 
thicaire ^.  Le  10  juin  de  cette  dernière  année, 
l'académie  des  Beaux-Arts  accueillit  dans  son 
sein  le  peintre  Blain  de  Fontena^'  avant  qu'il 
eut  terminé  son  tableau  de  réception,  «  pour  lui 
marquer  la  joie  de  ce  qu'il  s'est  nouvellement 
converti  à  la  foi  catholique,  et  exciter  parcelle 
grâce  les  autres  de  la  R.  P.  R.  qui  sont  de  la 
compagnie  à  rentrer  dans  le  giron  de  l'Eglise  ». 
Louis  XIV  les  j  convia  d'une  manière  plus 
pressante  encore  au  mois  d'octobre,  en  révoquant 
l'édit  de  Nantes  ^. 

Les  écrivains,  dans  leurs  statuts  de  1727, 
exigent  encore  du  candidat  à  la  maîtrise,  non 
seulement  qu'il  déclare  pratiquer  la  religion 
catholique,  mais  encore  qu'il  le  prouve  <\  par  un 
certificat  de  son  confesseur  et  de  deux  notables 
bourgeois  *  ». 

En  1746,  les  boulangers  menacent  de  peines 
sévères  l'ouvrier  qui  aurait  «  blasphémé  le  saint 
nom  de  Dieu  ^  ». 

Gatisseurs.  Ouvriers  qui  donnaient  le  lustre 
aux  étoffes.  Pour  le  cati  à  froid,  on  interposait 
dans  chaque  pli  du  tissu  une  planche  bien  unie, 
puis  l'on  mettait  en  presse.  Dans  le  cati  à  chaud, 
des  plaques  de  cuivre  chauffées  remplaçaient  le 
bois. 

Les  catisseurs  sont  aussi  nommés  presseurs, 
applanisseiirs,  apprêteiirs,  etc. 

Gauderliers ,  Gaudreliers  ,  Gau  - 
driers,  Gaudronniers.  Voy.  Chaudron- 
niers. 

Gauponiers.  Voy.  Cabaretiers. 

Gavatiers  et  Çavetiers.  Voy.  Save- 
tiers. 

Çavetonniers  de  petis  soulers  de 
basenne.  Nom  que  le  Livre  des  métiers  donne 
aux  savetonniers. 

Geinture  de  la  reine.  C'était  un  impôt 
destiné  à  l'entretien  de  la  mai.son  de  la  reine  ". 
Ail  treizième  siècle,  on  le  levait,  de  trois  en 
trois  ans,  «  le  jour  de  la  Saint-Remy  »,  .sur  les 
vins  entrant  à  Paris  ;  il  fut  plus  tard  étendu  à 
d'autres  denrées  '.   Sous  une  autre  forme,   cet 


»  Articlo  5. 

2  N  uj.  t..  I^ilatte,  Édils,  déclarations  et  arrêts  concer- 
nant la  relitjion  prétendue  réformée,  p.  49,  81,  204  et  237 
et  pa.ssini. 

•J  Voy.  ci-ilessous  l'art.  Édit  île  Nantes. 

*  Article  1.  Cet  article  n'existe  plus  ilans  leurs 
statuts  (le  1779. 

5  Statuts,  art.  47. 

^  \oy.  Ducaiige,  Glossarium.  \°  rona  reglncp. 

'  ^  oy.  Dt.'pping,  Ordonnances  relatives  aux  métiers, 
p.  430. 


GEINTURl':  1)I<;  LA  RKIXK  —  (:]<:NSEURS  ROYAUX 


ini[)ôt  existait  «'iicore  au  (lix-huilii'iiu'  siècle  cl 
il  fut  perçu  lors  du  maria^'e  de  Louis  XV  *, 
mais  Marie-Antoiuelte  y  renonça  lors  de  son 
avèuenient  à  la  couronne  -. 

Geinturiers.  C'est  vers  la  fin  du  quator- 
zième siècle  que  les  corroiers  clianyèrenl  de  nom 
et  devinrent  ceinturiers  de  cuivre  et  de  laiton.  Va\ 
même  temps  le  métier  cessa  d'être  libre,  le  roi 
en  donna  les  revenus  à  son  chambellan  et  à  son 
chambrier,  et  il  fallut  pour  s'établir  payer 
seize  sous,  dont  dix  au  premier  et  six  au  second. 
De  plus,  on  exig'ea  que  tout  candidat  à  la 
maîtrise  fit  cJief-d^ œuvre  ;  ce  fut  alors,  suivant  la 
mode  du  jour,  «  une  ceinture  de  velours  à  deux 
pendans,  à  huit  boucles  par  le  bas  des  pendans, 
la  ferrure  de  fer  limée  et  percée  à  jour,  à 
feuillag-es  encloués  dessus  et  dessous,  les  clous 
avec  leur  contre-rivet,  le  tout  bien  poli  ». 

L'ordonnance  dite  des  Bannières  ^  écrit 
Sainturiers. 

Vers  le  milieu  du  seizième  siècle,  la  commu- 
nauté comptait  près  de  deux  cents  maîtres.  La 
décadence  des  ceintures  et  la  mode  des  demi- 
ceints  portèrent  à  sa  prospérité  un  coup  dont 
elle  ne  se  releva  point.  Puis,  deux  corporations 
nouvelles,  celle  des  ceinturiers  en  e'tain  et  celle 
des  demi-ceintiers,  leur  créèrent  une  concurrence 
redoutable  :  mais  les  premiers  leur  furent  réunis, 
les  seconds  entrèrent  dans  la  communauté  des 
chaînetiers,  et,  en  mars  1551,  les  ceinturiers 
reçurent  de  nouveaux  statuts,  qui,  révisés  en 
1598,  les  ont  régis  jusqu'à  la  Révolution. 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  qu'un 
seul  apprenti,  et  la  durée  de  l'apprentissage 
était  de  quatre  ans.  Quatre  jurés,  dont  deux 
étaient  pris  parmi  les  ceinturiers  d'étain, 
surveillaient  le  métier. 

A  dater  de  ce  moment,  les  ceinturiers 
modifièrent  un  peu  leur  spécialité.  Ils  confec- 
tionnèrent surtout  des  ceinturons  (d'où  leur  nom 
de  ceintnrontiiers)  en  buffle,  en  maroquin,  en 
veau,  des  courroies  d'éperon,  des  baudriers  et 
autres  objets  de  même  nature  destinés  à  l'équi- 
pement des  troupes.  Mais  ils  ne  retrouvèrent 
jamais  leur  prospérité  primitive,  et  à  la  fin  du 
dix-huitième  siècle,  le  nombre  des  maîtres  était 
de  43  seulement  *. 

Les  ceinturiers  avaient  pour  patron  saint 
Jean-Baptiste. 

Voy.  Chef-d'œuvre. —  Demi-ceintiers 
et  Expérience. 

Ceinturiers  en  étain.  Ainsi  appelés 
parce  qu'ils  ornaient  les  ceintures  de  clous  en 
étain.  A  la  suite  d'un  long  procès,  ils  furent,  en 
mars  1551,  réunis  à  l'ancienne  corporation  des 
ceinturiers. 

Ceinturiers  en  fer.  Cette  spécialité  paraît 
dater  seulement  du  seizième  siècle.  Les  maîtres, 


'   Voy.  le  Journal  de  Barbier,  août  1725,  t.  I,  p.  403. 

2  Mémoires  de  Weier,  édit.  Berville  et  Barrière,    t.    I, 
p.  43. 

3  Juin  1467.  —  Ordonn.  royales,  t.  XVI,   p.  6~2. 

4  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  I,  p.  409. 


après  être  restés  (]url(|iie  temps  indépendants, 
finirent  par  se  fondre  dans  l'ancienne  corporation 
des  ceinturiers. 

Ceinturonniers.  \'oy.  Ceinturiers. 

Celleriers.  On  nommait  ainsi,  ceux  qui, 
dans  un  grand  établissement,  un  couvent  par 
exemple,  avaient  le  soin  des  provisions  de 
bouche.  Le  cellerier  recevait  du  chambrier 
l'argent  nécessaire,  et  devait  pourvoir  à  la 
nourriture  journalière  des  hôtes  et  des  frères.  La 
cuisine,  avec  son  matériel,  ainsi  que  le  jardin 
potager  étaient  sous  son  entière  dépendance  "•. 

On  trouve  aussi  ceveliers,  cheveliers^  etc. 

Gendre  gravelée  (Marchands  de).  Les 
ménagères  et  les  blanchisseuses  faisaient  jadis 
grand  usage,  pour  leurs  lessives,  du  sel  de 
soude  et  de  la  cendre  gravelée,  lie  de  vin 
séchée  et  calcinée.  Les  Tailles  de  1292  et  de 
iSiS  ne  mentionnent  chacune  qu'un  seul 
cendrier.,  mais,  au  seizième  siècle,  ils  sont 
souvent  cités  dans  les  cris  de  Paris  : 

Cendre  à  lavandière,  cendre  à  lavandière  ! 
Hz  sont  à  .six  blancs  le  boi.sseau 
A  la  g-rand'ruf  de  Sainct-Marceau 
Tout  auprès  de  la  Barbodière  2. 

En  1673,  Colbert  voulut  forcer  les  «  mar- 
chands de  cendre  et  de  soute  ^  »  à  se  constituer 
en  communauté.  Ils  étaient  alors  au  nombre  de 
40,  et  on  les  taxa  à  300  liv.,  ce  qui  eût  fait 
entrer  12.000  liv.  au  Trésor,  mais  l'édit  ne  fut 
pas  exécuté,  et  la  cendre  gravelée  devint  le 
monopole  des  vinaigriers. 

Sur  la  manière  dont  on  traitait  la  soude  au 
dix-huitième  siècle,  voy.  V Encyclojjédie  métho- 
dique '*. 

Cendriers.  Voy.  Cendre  gravelée. 

Censeurs  royaux.  On  fait  remonter  au 
seizième  siècle  la  censure  des  livres.  Exercée 
d'abord  par  la  Faculté  de  théologie,  elle  fut 
confiée,  en  1624,  à  (juatre  docteurs  de  Sorbonne, 
docteurs  désignés  par  le  roi  et  recevant  de 
lui  des  honoraires.  Enfin,  en  1653,  il  fut  décidé 
que  le  chancelier  nommerait  les  censeurs  chargés 
d'examiner  les  ouvrages  dont  l'impression  serait 
proposée. 

Aucun  volume  ne  put  plus  être  publié  sans 
avoir  été  soumis  à  un  censeur  royal  qui,  en 
général,  formulait  ainsi  son  approbation  :  «  J'ai 
lu,  par  ordre  de  M.  le  chancelier,  un  manuscrit 
ayant  pour  titre...  et  je  n'y  ai  rien  trouvé  qui 
doive  en  empêcher  l'impression  ». 

Les  livres  devenant  de  plus  en  plus  nombreux, 
le  service  de  la  censure  dut  être  réorganisé  en 
1742.  Les  censeurs,  portés  au  nombre  de  78, 
furent  partagés  en  plusieurs  classes  :  théologie, 
jurisprudence  générale,  jurisprudence  maritime, 


1  Ducanjjce  ,      au     mot     cellarius.     —     ^'albonnais , 
Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  du  Dauphiné,  p.    110. 

2  Ant.  Truquet,  Les  cent  et  sept  cris,  etc. 

3  De  soude. 

4  Tome  VII,  p.  554. 


132 


CENSEURS  ROYAUX  —  CENTRALISATION  DES  MÉTIERS 


médecine,  histoire  naturelle  et  chimie,  chirurgie 
et  anatomie,  mathématiques,  belles  lettres, 
géographie,  navigation  et  voyages. 

Les  affiches,  les  placards,  les  pièces  de  théâtre 
représentées,  les  chansons  et  autres  écrits  de  ce 
genre  qui  ne  dépassaient  pas  deux  feuilles  d'im- 
pression était  sommairement  examinés  par  le 
censeur  de  la  police,  fonctionnaire  dépendant  du 
lieutenant  général. 

On  trouve  dans  l'ouvrage  suivant  :  A. -M. 
Lot  lin.  Catalogue  chronologique  des  libraires. 
etc.  ',  la  liste  des  censeurs  royaux  ayant  exercé 
depuis  1742. 

Centralisation  des  métiers.  Pendant 
plusieurs  siècles,  chaque  profession  resta  centra- 
lisée dans  une  même  rue  ou  tout  au  moins 
dans  un  même  quartier  ;  fabricants,  marchands, 
arlisans  exerçant  un  métier  identique  étaient 
logés  à  côté  les  uns  des  autres  et  appartenaient  à 
une  même  corporation,  à  une  même  confrérie. 
Les  recensements  faits  à  l'occasion  des  tailles 
levées  sur  la  population  fournissent  à  cet  égard 
des  renseignements  très  sûrs  et  1res  curieux. 
Quekjues  rues  onl  conservé  jusqu'à  nos  jours 
le  nom  qu'elles  devaient  à  l'industrie  qui  y  avait 
été  spécialement  représc^itée.  Je  citerai,  comme 
exemple,  la  rue  de  laHeaumerie,  qui  n'a  disparu 
qu'en  1853,  lors  de  la  continuation  de  la  rue  de 
Rivoli,  et  qui  demeura  pendant  plusieurs  siècles 
le  centre  de  la  fabrication  des  armures.  Sauvai 
dit  -  qu'elle  «  emprunta  son  nom  -d'une  maison 
où  pendoil  pour  enseigne  un  heaume,  et  encore 
des  armuriers  qui  occupoient  la  plupart  des  logis 
dans  le  tems  que  nos  pères  donnoienl  le  nom  de 
heaume  à  un  casque  et  aux  armuriers  celui  de 
heaumiers  •*  ».  En  effet,  parmi  les  vingt  contri- 
buables que  mentionne  la  Taille  de  1292  dans 
«  la  Iliauiuerie  »,  je  relève  les  noms  suivants  : 

Fiiiiqurt,  le  lormier  *. 

Marlin,  Varmeurier. 

Rogier  l'Anglois,  lormier. 

Son  compaignon. 

Jehan  le  PTamanc,  trumelier  ^. 

Ja({ues  de  Senliz,  armeurier. 

(îervèse,  le  lormier. 

.b-  Irouve  encore  cités  dans  la  partie  de  la  rue 
Sainl-Denis  qui  allait  du  Châtelet  à  la  rue  de  la 
Heaumerie  : 

Phelipo,  le  fov.rheeur  ^. 
HnJHM-t,  h)  pnirbeeur. 
Nicholas  de  Tours,  armeurier. 
PIi('li[)pot,  son  vallet. 
Ji'jiannot,  son  vallet. 
Jehan  Godin,  hauhergier. 
(înillaume,  armeurier. 


'    l'aiis,  1789,  in-8». 

"  Rrrlii-rchrs  sur  Paris,  l.    I,  p.  l-H. 

•'   \'i>y.   HUSHi  Mi-iia|,'i>,  Diclionnaireélymolonliiiir    l    II 

p   •i:i2. 

i  ils  f«linf|uairnt  drs  ('[HM-ons,  ilos  (îtricrs,  des  mors 
il  la  pluporl  (l.-s  pinits  objrts  de  f.T  (jui  compltitaienl 
riM|iiipcmi'nl  du  cavnliiM-  (>l   le  liarnachcnH-nl  dvi  cheval. 

5  Ils  fabriquaient  les  trumelièri'.s,  tpii  prod'ii'.aient  les 
jambes. 

6  Fourbissfur. 


Henri,  Xe  fourbeeur. 
Guillaume  le  boçu,  armeurier. 
Jehan  Godin,  haubergier. 
Henri,  \e  fourbeeur. 
Raoul  le  Blont,  fourbeeur. 
Raoul  Tire-Veel,  armeurier. 
(iodefroi  l'Alemant,  fotirbeeur. 
Jehan  le  Bourgueignon,  armeurier. 
Michiel,  armeurier. 
Nicholas  de  Roen,  fourbeeur. 
Robert  de  Pontaise,  armeurier  ^. 

Vers  la  fin  du  treizième  siècle,  les  incon- 
vénients de  cette  centralisation  s'étaient  fait 
sentir,  et  les  métiers  avaient  commencé  à  se 
répandre  un  peu  partout.  Je  remarque  pourtant 
encore  dans  la  Taille  de  1292  : 

La  rue  aux  Jugleeurs,  avec  deux  trompeeurs 
et  deux  jugleeurs. 

La  rue  de  la  Petite-Bouclerie,  avec  quinze 
boucliers. 

La  rue  de  la  Sellerie,  avec  vingt-cinq  selliers 
et  quatorze  lormiers. 

La  rue  des  Plâtriers,  avec  un  plâtrier,  deux 
maçons  et  un  tailleur  de  pierres. 

La  rue  de  la  Bùcherie  avec  sept  bùchiers. 

La  rue  aux  Ecrivains,  devenue  un  peu  plus 
tard  rue  de  la  Parcheminerie,  avec  un  écrivain 
et  neuf  parcheminiers. 

La  rue  de  la  Boucherie  Sainte-Geneviève,  avec 
huit  bouchers  et  un  tripier. 

La  rue  de  la  Poulaillerie,  avec  onze  poulail- 
lers, etc.,  etc. 

Au  siècle  suivant,  la  dissémination  est  devenue 
la  règle  générale.  On  rencontre  pourtant  encore 
des  exceptions  ;  la  petite  rue  au  Foin  possédait 
seulement  cinq  contribuables,  dont  quatre  étaient 
faniers  et  le  cinquième  porteur  de  foin  ;  la  rue  de 
la  Saunerie  compte  encore,  sur  dix  imposés,  trois 
sauniers  ;  la  rue  de  la  Tannerie,  vingt-neuf 
tanneurs  sur  quarante-trois  imposés.  La  Heau- 
merie a  conservé  sa  spécialité  ;  parmi  les  trente- 
([ualre  imposés  qui  y  demeurent  figurent  : 

Guiart  de  Pon toise,  armeurier. 

Guillaume  de  Tournay,  lormier. 

Poincet,  le  hiaumier. 

(îuorin,  \ti  hiaumier. 

(luillaume  le  Cauchois,  armeurier. 

Maheut,  famé  feu  Charonne,  armeurier  -. 

Eslienne  le  Bourgoignon,  armeurier. 

Jehan  Vidré,  haubergier. 

.lelian  de  Sanliz,  armeurier. 

Pierre,  le  haubergier. 

Nicolas  de  MeuUant,  trumelier. 

Geoffroy  Petit-Clerc,  armeurier. 

Poincet  de  Baumes,  armeurier^ 

Symon,  le  trumelier. 

Colin  l'hiscot,  qui  fait  gantelez. 

Thomas  le  (Champion,  hyaumier  ^. 

A  la  fin  des  statuts  accordés,  en   1407,  aux 
haubergiers,    on   lit   ces  mots  :     «  Publiés    au 


1    Taille  de  1292,  p.  28  et  97. 

-  Veuve  continuant  le  commerce  de  son  mari. 

3  Taille  de  1313,  p.    102. 


CENTRALISATION  DES  METIERS  —  CHAGRINIERS 


133 


carrefour  de  la  Heaumerie  le  10  mai  1407  »  ;  et 
Guillebert  de  Metz  écrivait  encore  vers  1434  : 
«  rue  de  la  Heaumerie,  ou  l'en  '  fait  armeures  -  ». 

Gepiers.  Voj.  Geôliers. 

Gerceliers  et  Gercliers.  C'étaient  des 
fabricants,  des  marchands  ou  des  plieurs  de 
cerceaux  pour  tonneaux,  peut-être  même  tout 
cela  ensemble.  Dès  le  treizième  siècle,  ils  criaient 
dans  les  rues  les  produits  de  leur  industrie  -. 
Cerciaus  de  bois  vondro  volons  3. 

La  Taille  de  1292  mentionne  un  cercelier,  celle 
de  1300  cite  quatre  plieurs  de  cerceaux.  Ils 
appartenaient  à  la  corporation  des  tonneliers. 

On  trouve  aussi  serquiliers. 

Cercueils  (Commerce  des).  Au  moyen  âge, 
l'écrin  est  parfois  un  objet  de  luxe,  c'est  plus 
souvent  une  boîte,  même  une  boite  de  grande 
dimension,  même  un  cercueil,  et  ceux-ci  sont 
fabriqués  par  les  écriniers.  Les  Chroniques  de 
Saint-Denis,  racontant  la  mort  de  Thibaut,  roi 
de  Navarre  ^,  nous  apprennent  que  son  corps 
«  fu  embasmé,  enveloppé  et  mis  en  un  écrin 
bien  et  gentement  ^  ». 

Les  écriniers  devenus  layetiers  conservèrent 
cette  spécialité,  qu'ils  partageaient  déjà  avec  les 
menuisiers,  ou  du  moins  avec  leurs  ancêtres  les 
huchers.  L'article  4  des  statuts  accordés  à  ces 
derniers  en  décembre  1290  ^  est  ainsi  conçu  : 
«  Que  nus  ne  loue  coflFres  à  gens  mors  ».  Ce  qui 
prouve,  en  outre,  que  dès  cette  époque  les  pauvres, 
transportés  parfois  au  cimetière  dans  une  bière 
louée,  étaient  mis  en  terre  sans  cercueil.  Les 
plombiers  fabriquaient  les  cercueils  de  plomb, 
qui  recevaient  la  dépouille  des  gens  riches.  Au 
dix-septième  siècle  encore,  ceux-ci  devaient 
s'adresser  aux  selliers  pour  une  foule  d'acces- 
soires. Leurs  statuts  de  septembre  1678  les  auto- 
risent à  «faire  chariots  de  pompes  funèbres,  faire 
et  fournir  la  grande  couverture  pendante,  garnir 
le  cercueil  de  velours  et  de  croix  de  satin,  faire 
les  caparaçons  des  chevaux,  et  fournir  tout  ce 
qu'il  conviendra  aux  harnois  et  à  la  selle  '  ».  A 
cette  date,  les  lajetiers  ne  confectionnaient  plus 
que  les  bières  communes  en  sapin. 

Sébastien  Mercier,  qui  écrivait  vers  1780, 
nous  dit  que  l'Eglise  avait  alors  le  monopole  de 
la  fourniture  des  cercueils,  et  il  ajoute  qu'elle  les 
vendait  le  double  de  ce  qu'ils  valaient  *.  Il  nous 
montre  plus  loin  le  lajetier  allant  livrer  une 
bière,  et  la  promenant  sur  son  épaule  au  milieu 
de  la  foule  qui  s'écarte  pour  le  laisser  passer  ". 
Le  pauvre  devait  souvent  encore  se  contenter 
d'un    cercueil    banal    qui,   après    l'avoir    mené 


t  Ofi  l'on. 

2  Description  de  Paris,  édit.  Le  Roux  de  Lincy,  p.  211. 

>*  Guillaume  de  la  Ville  Neuve,  Les  crieries  fie  Paris. 

4  Mort  en  1253. 

5  Édit.  Paulin  Paris,  t.  V,  p.  21. 

6  Dans  Depping,    Ordonnances   relatives  aux    métiers, 
p.  374. 

'  Article  18. 

8  Tableau  de  Paris,  t.  III,  p.   184. 

9  Tahleaii  de  Paris,  t.  XI,  p.  88. 


jusf[ii"aii  bcird  de  la  fosse,  revenait  à  vide,  et 
recevait  ainsi  chaque  jour  un  nouveau  cndavre  '. 
Ces  bières-là  étaient,  du  moins,  à  l'abri  des  profa- 
nations qne  l'on  reprocliait  au  fossoyeurs  -. 

Voy.  Emballeurs.  —  Fossoyeurs.  — 
Fompes  funèbres. 

Gerdeaux.  Voj.  Serdeaux. 

Gérémonial.  Voy.  Aide  des  cérémo- 
nies. —  Grand  maitre  des  cérémonies. 
—  Hérauts  d'armes.  —  Introducteurs 
des  ambassadeurs.  —  Maîtres  des 
cérémonies.  —  Maitres  des  cérémonies 
ecclésiastiques.  —  Rois  d'armes  '• 

Gerenceresses.  Voy.  Filassières. 

Gémeaux  (Marchands  de).  Dès  le  trei- 
zième siècle,  on  criait  des  «  cerniaux  »  dans  les 
rues  de  Paris  ^.  Ils  étaient  devenus  ^<  cerneaux» 
au  seizième  siècle  : 

A  mes  beaux  cerneaux,  à  mes  beaiix  cerneaux  ! 

Tout  cecy  pour  deux  tournois. 

Je  crie  à  si  haute  voix 

Que  j'en  suis  quasi  tout  en  eau  ^. 

Gertificateurs  des  actes  des  no- 
taires. Offices  créés  par  édit  du  28  juin  1627. 
Aux  termes  de  cet  édit,  les  titulaires  devaient 
«  certifier  tous  les  contracts  et  actes  excédans 
cent  livres,  passez  par  ceux  qui  ne  sçauronf  lire, 
écrire,  ne  signer  ». 

Gervisiers  et  Gervoisiers.  Voy.  Bras- 
seurs. 

Geveliers.  Voy.  Celleriers. 

Ghableurs.  Nom  que  portaient,  sur  la 
haute  Seine,  les  maîtres  des  ponts  et  pertuis.  Il  y 
avait  un  chableur  à  Corbeil,  à  Melun,  à  Mon- 
tereau,  au  pertuis  d'Auferne,  à  Pont-snr-Yonne, 
à  Sens  et  à  Villeneuve-le-Roi  ". 

Voy.  Maitres  des  ponts. 

Ghaesniers.  Nom  que  la  Taille  de  1292 
donne  aux  chaînetiers. 

Ghagralniers.  Voy.  Chagriniers. 

Ghagriniers.  OuATiers  qui  préparaient  les 
peaux  de  manière  à  les  rendre  grenues.  On  les 
trouve  aussi  nommés  chagrainiers.,  orthographe 
plus  conforme  à  l'étymologie. 

Au  milieu  du  dix-huitième  siècle,  deux  ou 
trois  tanneurs  avaient  adopté  cette  spécialité, 
mais  presque  tout  le  chagrin  employé  en  France 
venait  encore  de  Constantinople,  de  Tunis, 
d'Alger  et  de  Tripoli. 

Voy.  Maroquiniers. 


1  Tableau,  de  Paris,  t.  III,  p.  187. 

2  Tableau  de  Paris,  t.  I,  p.  2.58. 

3  Cons^ilter  sur  ce  sujet  :  Th.  Godefroy,  Le  cérémo- 
nial françois.  1649,  2  in-folio.  —  Etat  de  la  France  pour 
1687,  t.  I,  p.  521  ;  pour  1712,  t.  I,  p.  644  ;  pour 
1736,  t.  II,  p.  310. 

*  Les  crieries  de  Paris,  par  Guill.  de  la  Ville  Neuve. 
j>  Les  cent  et  sept  cris,  etc.  par  Antoine  Truquet. 
6  Ordonn.  de  février  1415,  art.  616  et  suiv. 


134 


CHAINETIKRS  —  CHAMBRE  ET  CABINET  DU  ROI 


Ghaînetiers.  Faiseurs  de  chaînes.  En  1292, 
il  y  avait  à  Paris  sept  maîtres  chaesniers  ou 
cheesniers.  C'est  à  peu  près  tout  ce  que  l'on  sait 
sur  l'histoire  primitive  de  cette  corporation,  les 
documents  qu'elle  avait  réunis  ayant  été  brûlés, 
en  1685,  avec  le  coffre  où  elles  étaient  conservées. 
La  communauté,  qui  avait  compté  jusqu'à  quatre- 
vino-ts  maîtres,  était  réduite  à  six  en  1718  ;  elle 
ne  faisait  plus  d'apprentis  et,  faute  de  sujets 
capables,  les  mêmes  jurés  restaient  en  fonctions 
cinq  ou  six  ans  de  suite  * . 

On  avait  pourtant  réuni  successivement  à  cette 
communauté  les  haubergiers  ou  haubergeniers, 
les  tréfliers  elles  demi-ceinliers,  aussi  les  maîtres 
étaient-ils  qualifiés  de  chainetiers-hauhergeniers- 
(ré(liers-demi-ceinliers  "^ . 

Des  lettres  patentes  du  21  septembre  1762, 
enresristrées  seulement  en  août  1764,  réunirent 
aux  épingliers  les  chaînetiers,  qui  conservèrent 
pour  patron  saint  Alexis. 

U  Ènajchpédie  'méthodique,  en  1782,  les 
nomme  chaisnettiers  ^. 

Voy.  G-ardes-chaînes. 

Chair  humaine  (Marchands  de).  Voy. 
Recruteurs. 

Ghaircuitiers.  Voy.  Charcutiers. 

Ghaise  (  Conducteurs  ,  Traineurs  et 
Tireurs  de).  Voy.  Brouetteurs. 

Ghaisiers.  Voy.  Tourneurs  en  bois. 

Ghaisnettiers.  Voy.  Chaînetiers. 

Ghalets  de  nécessité.  Voy.  Latrines 
publiques. 

Ghambellan  de  France  ((jrand).  La 
royauté  lui  avait  concédé  une  partie  des  revenus 
provenant  de  cinq  métiers. 

Voy.  Maître  des  cordonniers. 

Ghamberières.  Voy.  Servantes. 

Ghamberiers.  ^'oy.  Valets  de  cham- 
bre. 

Ghamberlans.  Voy.  Chambrelans. 

Ghambre  des  bâtiments  d  Ghambre 
de  la  maçonnerie.  Voy.  Maître  des 
maçons. 

Ghambre  de  la  marée.  Voy.  Marée. 

Ghambre  et  du  cabinet  du  roi  (Peh- 

.sONNEI,  lilO  1,A  . 

Ce  personnel,  dont  le  nombre  varia  sans  cesse, 
se  composait  en  1712  de  : 

I    grand  chambellan. 
4  premiers  gentilshommes. 
24  pages. 
4  gouverneurs  des  pages. 


'  v?avary.  Dictionnaire,  t.  I,  p.  617. 
*  Voy.  tous  c<?s  noms. 
"  Commerce,  t.  I,  p.  389. 


4  sous-gouverneurs. 

1  maître  de  mathématiques. 

1  maître  en  fait  d'armes. 

1  maître  à  danser. 


L'antichambre 


2  huissiers. 


4 

16 
32 
12 
12 
1 
8 
1 
1 
8 
3 
3 
6 
2 
î 
1 
9 
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1 
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2 

9 
9 


La  Chambre 

premiers  valets  de  chambre. 

huissiers. 

valets  de  chambre. 

porte-manteaux. 

porte-arquebuses. 

porte-mail. 

barbiers  valets  de  chambre. 

barbier  ordinaire. 

chirurgien,  opérateur  pour  les  dents. 

tapissiers. 

horlogers. 

renoueurs. 

garçons. 

porte-chaise  d'affaires. 

porte-table. 

frotteur. 

porte-meubles. 

porteur  de  meubles. 

capitaine  des  mulets. 

peintres. 

sculpteurs. 

vitriers. 

menuisiers. 

serruriers. 

coffret  iers-malletiers . 


1  capitaine  des  levrettes  et  lévriers. 
4  valets  et  gardes  des  levrettes. 

2  gardes  des  petits  chiens. 
1  pâtissier  des  chiens. 

1  chef  du  vol  pour  les  champs. 

1  maître  fauconnier. 

1  piqueur. 

1  acheteur  d'oiseaux. 

I  valet  des  épagneuls. 

1  capitaine  du  vol  pour  pie. 

1  maître  fauconnier. 

2  piqucurs. 

1  oisclfMir  ou  tendeur  '. 


1  ^^-rand  inaître  de  la  irarderobe. 

2  maîtres  de  la  garderobe. 
4  premiers  valets. 

17  valets. 

1  porte  malle. 

4  garçons. 

9  tailleurs. 

1  empeseur. 

1  remplisseuse  de  points. 

2  brodeurs. 
2  pelletiers. 
V  lingers. 

8  cordonniers. 

?  chapeliers. 

'   Cf  pensonni'i  fut  fort  augmenté  sous  Louis  XV. 


CHAMBRE  ET  CABINET  DU  ROI  —  CHAMBRELANS 


135 


2  merciers. 

6  chaussât  iers. 

2  lavandiers. 

Le  Cabinet 

2  huissiers  du  cabinet. 

1  huissier  de  l'ordre  du  St-Esprit. 

4  secrétaires  du  cabinet. 

4  courriers  du  cabinet. 

1   gardien  des  livres. 

1   gardien  des  médailles. 

2  lecteurs. 

1  interprète  pour  leslanguesarabeset  syriaques. 

1  interprète  pour  la  langue  latine. 

1   interprète  pour  la  langue  grecque. 

Oiseaux  du  Cabinet 

1  capitaine  général. 

1   capitaine  du  vol  pour  corneille. 

1   lieutenant,  aide. 

1   maître  fauconnier. 

6  piqueurs. 

1   garde-perches. 

1   capitaine  du  vol  pour  pie. 

1  lieutenant,  aide. 

1   maître  fauconnier. 

3  piqueurs. 

1  garde-perches. 

1   capitaine  du  vol  pour  les  champs. 

1   lieutenant,  aide. 

1   maître  fauconnier. 

2  piqueurs. 

1  valet  d'épagneuls. 

1  garde-perches. 

1  capitaine  du  vol  pour  émérillon. 

1  lieutenant,  aide. 

1  maître  fauconnier. 

2  piqueurs. 

1  garde-perches. 

Garde-Meubles 

1  intendant,  contrôleur  général. 

1  garde  général. 

2  garde-meubles. 

11  garçons. 

Musique  de  la  Chambre 

2  surintendans. 

2  maîtres  de  la  musique. 

24  violons. 

2  compositeurs. 

2  hautes-tailles. 

2  haute-contre. 

2  basses-tailles. 

2  basses. 

1   clavessin. 

1  porte-épinette. 

2  petits  luths. 

2  violes. 

1  théorbe. 

1  maître  de  luth,  pour  les  pages. 

1  maître  de  grammaire  pour  les  enfans  de  la 
musique  de  la  chambre. 

2  dessus  de  violon. 
2  basses. 
2  basses  de  viole. 
4  flûtes. 
1    faiseur   de  kilhs   t-t   autres    inslrumens    de 

musique  de  la  chambre. 


MusiouK  du  Cabinet 


21   violons. 

2  bassons. 

3  hautbois. 


1  huissier  des  ballets. 
1  garde  des  instrumens. 

4  trompettes  ordinaires  des  plaisirs  du  roi. 
1   timbalier. 
4  tambours. 
4  fifres. 


1   premier  médecin. 

1  médecin  ordinaire. 

8  médecins  servans  par  quartier. 

1  médecin  de  l'infirmerie  de  la  maison  du  roi. 

1   premier  chirurgien. 

1  chirurgien  ordinaire. 

8  chirurgiens  servans  par  quartier. 

4  apothicaires. 

4  aides-apothicaires. 

2  apothicaires-distillateurë. 
1  opérateur  ordinaire. 

1  herboriste. 

Soit  environ  500  personnes  ^ . 
Presque  tous  les  noms  cités  ici  ont  un  article 
dans  ce  dictionnaire. 

Ghambrelaines.  Nom  donné  par  Rutebeuf 
aux  femmes  de  chambre  du  treizième  siècle. 

Ghambrelans.  Plus  souvent  nommés 
chamherlans.  On  appelait  ainsi  les  ouvriers 
travaillant  en  chambre.  Sauf  très  rares  exceptions, 
les  artisans  étaient  tenus  d'appartenir  à  l'atelier 
d'un  patron ,  et  la  plupart  des  corporations 
faisaient  poursuivre  avec  acharnement  les  cham- 
brelans.  Il  était  interdit  à  tout  ouvrier  non 
embauché  de  posséder  chez  lui  les  gros  outils 
du  métier-,  et  cela  sous  peine  d'amende,  de 
prison  ou  de  punition  corporelle.  Les  menuisiers 
s'expriment  ainsi  :  «  Faisons  très  expres.ses 
défenses  à  tout  compagnon  d'avoir  chez  lui,  en 
sa  chambre,  maison,  auberge  ou  partout  ailleurs, 
un  établi  ou  table  forte  percée  de  trous  pour 
mettre  valet  '*,  sur  quoi  il  puisse  travailler  ;  sous 
peine  d'être  ledit  établi  saisi  et  confisqué, 
ensemble  les  gros  outils  comme  varloppes,  demi 


1  Trabouillet,  État  de  la  France  pour  17 12,  t.  I,  p. 
136  et  suiv. 

2  Horlogers,  statuts   de  1583,  art.  4. 

3  Outil  de  fer  qui  maintient  sur  l'établi  les  pièces  de 
bois  pendant  qu'on  Ips  travaille. 


136 


CHAMBRELANS  —  CHAMPART 


varloppes  i,  valets,  sergens,  2,  rabots,  feuillerets, 
guillaumes  ^,  scie  à  refendre  et  autres,  lesquels 
seront  bien  saisis  chez  l'hôte  ou  le  voisin  dudit 
compagnon,  et  même  partout  ailleurs,  dès  qu'ils 
seront  trouvés  chez  gens  qui  n'ont  pas  la  qualité 
de  maîtres  de  ladite  profession  *  ».  Toute 
contravention  de  ce  genre  coûtait,  outre  la  saisie 
des  outils,  une  amende  de  cent  livres  ^.  Mais  le 
délinquant  n'était  pas  seul  frappé  ;  le  propriétaire 
qui  avait  toléré  chez  lui  cet  atelier  clandestin, 
quand  même  son  locataire  n'j  eût  point  travaillé, 
se  voyait  confisquer  pour  un  an  le  lojer  de  sa 
maison  entière  *". 

En  dépit  de  cette  sévère  répression,  le  nombre 
des  artisans  qui  restaient  indépendants  de  toute 
communauté  fut  toujours  considérable,  l'édit  du 
29  mars  1673  l'évalue  à  treize  mille  au  moins. 

Chambres  basses  et  chambres  cour- 
toises (Ouvriers  es).  Voj.  Vidangeurs. 

Chambres  g-arnies.  Dès  le  début  du 
([uinzième  siècle,  les  bourgeois  louant  des 
chambres  garnies  furent  soumis  aux  mêmes 
règlements  de  police  que  les  hôteliers.  Les  lettres 
patentes  du  29  novembre  1407  les  obligent  à  faire 
connaître  chaque  jour  au  prévôt  de  Paris  le  nom 
de  leurs  locataires  ' ,  injonction  sans  cesse  enfreinte 
par  les  particuliers  et  sans  cesse  renouvelée  par 
le  roi. 

Le  nombre  des  chambres  garnies  fut  toujours 
très  considérable  à  Paris.  Tout  s'y  louait,  même 
les  plus  somptueuses  demeures  en  l'absence  de 
leur  propriétaire.  Aux  noces  de  Jehan  du  Chesne, 
qui  sont  décrites  dans  le  Menaffier  de  Paris  ^,  on 
loua,  pour  une  journée,  le  célèbre  hôtel  de 
Beauvais.  «  Les  maisons  de  Paris,  écrit  l'ambas- 
.sadeur  Lippomano,  se  louent  presque  toujours 
garnies,  par  jour  ou  par  mois  ;  car  les  concierges, 
qu'on  pourrait  appeler  les  fermiers  des  maisons 
et  des  palais,  ne  peuvent  pas  en  disposer  autre- 
ment, craignant  toujours  que  leurs  maîtres  ne 
reviennent.  Alors,  il  faut  dénicher  tout  de  suite, 
principalement  quand  c'est  une  maison  de  grand 
seigneur.  Ainsi,  Mgr  Salviati,  le  nonce  du  pape, 
fut  forcé,  de  mon  temps,  de  déménager  trois  fois 
dans  deux  mois  "  ». 

Les  règlements  des  27  juillet  1777  et  6  novem- 
bre 1778,  ordonnent  encore,  aux  propriétaires 
de  chambres  garnies  comme  aux  hôteliers,  la 
tenue  do  deux  registres  destinés  au  conirôle  de 
la  police  *•*. 

Voy.  Hôteliers. 


'  La  varlope  r.st  un  rabot  Xxba  lonp-  et  muni  d'une 
poif^éc.  La  di-mi-varlopo  ou  riflard  est  un  peu  moins 
forte  nue  la  varlope. 

*  lit  mieux  serre-joints,  instrument  qui  maintient 
fortement  jointes  les  pièces  de  bois  que  l'ouvrier  vient 
de  coller. 

3  Sorte  de  raboLs  qui   s.'n-eiit  à  faire  l.<s  feuillures. 

i  Sl!iluls  (le   1743,  art.  02. 

5  Stalul.s  de  1713,  art.  31. 

6  Orfèvres,  statuts  de  1759,  titre  III,  art.  5. 
"*   Ordonn.  royales,  t.  IX,  p.  261. 

8  Tome  II,  n.   116. 

'•'  lifliitions  des  nmbassatleurs  vénitiens,  t.  II,  p.  finf». 
•*J  Isambert,  Anciennes  lois  française»-,  t.   XX\'    p     70 
et  449. 


Chambrier  de  France  (Grand).  Le 
grand  chambrier  <<,  avoit,  écrit  du  Tillet,  supé- 
rintendance  de  la  chambre  du  Roy  et  de  ses 
habillemens  et  meubles^  ».  Charles  d'Orléans, 
fils  de  François  1*""  et  mort  le  9  septembre  1545, 
fut  le  dernier  titulaire  de  cet  office.  Des  lettres 
patentes,  datées  du  mois  d'octobre  de  la  même 
année,  le  déclarèrent  .supprimé  :  «  Supprimons, 
disent-elles,  éteignons  et  abolissons,  avec  tous 
les  offices  et  officiers  de  sa  justice,  la  juridiction 
dti  grand  chambrier,  en  quelque  lieu  qu'ils  soient 
établis  ». 

Le  roi  avait  abandonné  à  son  grand  chambrier 
tout  ou  partie  des  revenus  provenant  des  métiers 
suivants  : 


VIL  Selliers. 

VIII.  Chapuiseurs. 

IX.  Merciers. 

X.  Gantiers. 

XL  Ceinturiers. 


I.  Fripiers. 

IL  Pelletiers. 

III.  Cordonniers. 

IV.  Savetonniers. 
V.  Bourreliers. 

VI.  Boursiers. 

Voy.  Maître  des  fripiers. 

Chambrières.  «  La  chambrière  esloit 
destinée  pour  servir  sa  maistresse  en  la  chambre. 
Maintenant  les  damoiselles  prendroient  à  honte 
d'appeler  celles  qui  les  suivent  chambrières, 
ains  les  appellent  servantes^  ». 

Voy.  Servantes. 

Chambriers.  Dans  les  couvents,  le  cham- 
brier percevait  tous  les  revenus  de  la  maison,  et 
tous  les  officiers  recevaient  de  lui  l'argent  néces- 
saire pour  les  besoins  de  leurs  charges. 

Chambriers.  Voy .  Valets  de  chambre. 

Chambrilleurs.  Voy.  Lambrisseurs. 

Chambr liions.  Petites  servantes.  «  S'il  a 
trouvé  un  chambrillon  en  son  chemin,  il  ne 
viendra  d'aujourd'hui'^  ». 

Chameliers.  Nom  qui  désignait  les  fabri- 
cants d'étoiles  dans  lesquelles  entraient  des  poils 
de  chameau.  Il  s'appliquait  surtout  aux  chapeliers 
et  aux  ferrandiniers. 

Les  chamoiseurs  ont  aussi  porté  ce  nom. 

Chamoiseurs.  Ouvriers  (|ui  préparaient 
les  peaux  de  chamois  et  qui  imitaient  celles-ci 
avec  des  peaux  de  bouc,  de  chèvre,  de  mouton. 

Les  chamoiseurs,  dils  aussi  chameliers  appar- 
tenaient à  la  corporation  des  mégissiers. 

Champareurs.  Agents  chargés  de  perce- 
voir le  droit  (le  champarl. 

Ghampart  (Droit  de).  Le  cultivateur  ne 
pouvail  l'iilcver  sa  récolte  qu'après  le  prélèvement 
d'abord  de  la  part  de  Dieu,  c'est-à-dire  de  la 


1  Jfeeueil  des  rot/s  de  France,  p.  295. 

2  Et.  Pasquier,  Recherches  sur  la  France,  livre  VIII, 
ehap.  3,  t.  I,  p.  763.  —  Voy.  aussi  \n  Ménagier  de  Paris, 
t.  II,  p.  56  el  71. 

3  Tallemant  des  Réaux,  Historiettes,  t.  I,  p.  136. 


CHAMPART  —  CHANDELIERS 


137 


dîme,  el  ensuite  de  la  part  due  au  seig'neur  qui 
était  dite  champart  [compi  pars)  * . 

Cette  redevance  est  appelée  aussi  cinqtiain, 
parce  qu'elle  était  souvent  du  cinquième,  agrifr, 
terrage,  etc.  Elle  subsista  jusqu'à  la  Révolution. 

Voy.  Impôts. 

Ghampig-nonniers  el  Ghampig-non- 
nistes.  Le  Ménagier  de  Paris  (1393)  nous 
enseigne  que  «  les  champignons  d'une  nuit  * 
sont  les  meilleurs,  et  sont  petits  et  vermeils 
dedans,  clos  dessus.  Les  convient  laver  en  eau 
chaude  et  pourbouillir.  Qui  en  veut  mettre  en 
pasté,  si  y  mette  de  l'uile,  du  fromage  et  de  la 
pouldre  "*  ». 

Rabelais  les  nomme  funges,  du  latin  fimgi, 
qui  a  le  même  sens  *.  Le  cuismier  français  de 
Lavarenne,  publié  en  1651,  nous  apprend  ^ 
qu'à  cette  époque,  on  les  mangeait  «  fricassez, 
frits,  à  la  poivrade,  en  culs  et  à  la  crème  ».  Ils 
passaient  alors  pour  de  puissants  aphrodisiaques  ^ . 

L'art  de  produire  artificiellement  les  champi- 
gnons est  très  récent. 

Ghampions.  Dans  les  affaires  dont  la  déci- 
sion était  soumise  à  l'épreuve  du  duel  judiciaire, 
les  parties  pouvaient,  en  bien  des  cas,  payer  un 
champion^  qui  combattait  en  leur  lieu  et  place. 
Les  infirmes,  les  malades,  les  hommes  au-des- 
sous de  vingt  et  un  ans  ou  âgés  de  plus  de 
soixante,  les  femmes,  les  enfants,  les  moines, 
les  ecclésiastiques,  les  princes  avaient  le  droit 
de  se  faire  ainsi  représenter.  Le  champion, 
avant  d'entrer  dans  la  lice,  jurait  que  la  cause 
qu'il  allait  embrasser  était  juste  ;  aussi,  quand 
il  était  vaincu,  avait-il  parfois  la  main  droite 
coupée,  en  punition  de  son  parjure.  Au  reste,  la 
procédure  des  duels  judiciaires  varia  sans  cesse. 

Lors  d'un  différend  entre  le  monastère  de 
Marmoutiers  et  celui  de  Talmont,  la  décision 
fut  remise  au  jugement  de  Dieu,  et  chacune  des 
deux  parties  désigna  un  champion.  Une  charte 
nous  a  conservé  les  détails  de  ce  combat  ;  on  les 
trouvera  dans  la  Bibliothèque  de  Vécole  des 
chartes  '. 

Les  champions  «  inter  personas  infâmes 
habebantur  »,  ils  ne  combattaient  jamais  qu'à 
pied  et  n'avaient  pour  armes  qu'un  bâton  et 
un  bouclier. 

La  Taille  de  1292  mentionne  sept  champions. 

Les  personnages  de  la  même  farine,  spadas- 
sins, tueurs  à  gages,  bravi,  étaient  dits  hat- 
teurs  à  loyer  **. 

Voy.  A. voués  et  Quéreurs  de  pardons. 


1  Cartulaire  de  Saint-Père  de  Chartres,  i.  I,  p.   CLIII. 
^  Cueillis  la  nuit  précédente. 

3  Tome  II,  p.  185. 

4  Pantagruel,  liv.  IV,  cliap.  60. 

5  Page  110. 

6  G.  Liébault,  Trésor  des  remèdes  secrets,  p.  96  et  suiv. 
"'    Première  année  (1839),  p.  552. 

8  Sur  ce  sujet,  voy.  Ducange,  Glnssariiim.  aux  mots 
batitores  et  campioiies.  —  H.  Bonnet,  L'arbre  des  batailles, 
éflit.  de  1493,  chap.  CXV  et  suiv.  —  L.  Tanon,  Les 
justices  de  Paris,  p.  16.  —  A.  Tardif,  La  procédure  aux 
treizième  et  quatorzième  siècles,  p.  94  et  suiv. 


Ghampisseurs.  Voy.  Chapuiseurs. 

Ghandeleur.  Fête  qui  se  célèbre  le  2  février, 
on  mémoire  de  la  présentation  de  Jésus-Christ 
au  temple  et  de  la  purification  de  la  Vierge.  Son 
nom  vient  de  ce  que  l'on  faisait  ce  jour-là  dans 
les  églises  des  processions  avec  des  chandelles  et 
des  cierges  allumés. 

A  celle  occasion,  les  jSîdr-C'o?-/;s  avaient  l'habi- 
tude d'offrir  des  cierges  àleursjurésetà  quelques 
magistrats.  Les  jurés  recevaient  en  général 
chacun  un  ou  deux  cierges  de  cire  blanche 
pesant  une  livre.  Nous  voyons  le  l«''févi"ier  1684 
la  corporation  des  merciers  offrir  : 

Au  procureur  général  «  im  cierge  blanc  du 
poids  de  deux  livres,  avecq  une  poignée  de 
brocard  or  et  argent  fin,  garny  d'un  molet 
d'argent  fin  au  haut  et  au  bas  de  la  dite 
poignée  »  ; 

Aux  deux  secrétaires  du  procui'eur  général 
«  im  cierge  à  chascun,  du  poids  d'une  livre, 
sans  poignée  ». 

A  M.  de  la  Reynie,  lieutenant  général  de  police 
«  un  cierge  de  deux  livres  pesant,  semblable  au 
cierge  présenté  à  monseigneur  le  procureur 
général  ». 

A  Madame  de  la  Reynie,  un  cierge  semblable. 

A  chacun  des  deux  secrétaires  de  M.  de  la 
Reynie  «  un  cierge  d'une  livre  pesant,  sans 
poignée  *  ». 

La  corporation  des  brodeurs  s'était  placée  sous 
le  patronage  de  saint  Clair  et  de  la  purification 
de  la  Vierge. 

Ghandeliers .  Ils  prétendaient  faire 
remonter  jusqu'au  onzième  siècle  l'origine  de 
leur  corporation,  et  le  grand  recueil  des  Ordon- 
nances des  rois  de  France  -  contient  une  charte 
de  1061  où  Philippe  P'' leur  prodigue  des  éloges. 
Mais  un  coup  d'oeil  jeté  sur  cette  pièce  suffit 
pour  en  prouver  la  fausseté. 

Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que,  vers  1268,  les 
chandeliers  souiuirent  des  statuts  à  l'homolo-' 
gation  du  prévôt  Etienne  Boileau  ''.  L'appren- 
tissage durait  six  ans.  Chaque  maître  pouvait 
avoir  deux  colporteurs  chargés  d'aller  crier  par 
les  rues  des  chandelles  à  mèche  de  colon  qui, 
disaient-ils,  donnaient  une  lumière  plus  vive  que 
celle  des  étoiles  : 

Chandoile  de  eoton,  chand(^ili\ 

(j)ui  plus  art  clrr  iju«>  nuie  estoilc  1  ^ 

La  Taille  de  1292  mentionne  71  chandeliers, 
celle  de  1300  en  cite  59  seuleiuent.  Ce  nombre 
était  réduit  à  environ  36  en  1393  et  à  31  en 
1464,  années  où  leurs  statuts  furent  renouvelés  ^. 
Ils  sont  dits  alors  chandeliers  de  suif,  pour  les 
distinguer  des  chandeliers  de  cire  ou  ciriers  qui 
faisaient  les  bou"'ies. 


1  Saint-Joanny,    Registre    des    délibérations    et    ordon- 
nances des  viarchands  merciers  de  Paris,  p.  161. 

2  Tome  X^"I,  p.  258. 

3  Litre  des  métiers,  titre  LXIV. 

4  Crieries  de  Guillaume  de  la  Ville  Neuve. 
■'  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  282. 


138 


CHANDELIERS  —  CHANEVACIERS 


Au  dix-septième  siècle,  ils  sonl  réunis  aux 
huiliers  et  prennent  le  litre  de  chmdcliers- 
huiliers-inovJardiers ;  mais,  en  réalité,  c'est 
toujours  aux  vinaigriers  qu'appartint  surtout  le 
commerce  de  la  moutarde.  Ces  statuts  les 
transforment  encore  en  regrattiers  et  les  autorisent 
à  débiter,  en  petite  quantité  ou  à  petite  mesure, 
une  foule  d'objets  de  ménatje  :  verres,  bouteilles, 
fagots,  allumettes,  charbon,  vinaigre,  foin, 
paille,  clous,  sabots,  lattes,  pelles,  fourches, 
battoirs,  amidon,  empois,  farine,  savons,  riz, 
poivre,  beurre,  fromages,  pruneaux,  fil,  lacets, 
épingles,  estampes  communes,  papier,  mais 
seulement  à  la  main,  etc.,  etc. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  la  corporation 
avait  renoncé  à  presque  tous  ces  accessoires  de 
son  commerce  ;  le  nombre  des  maîtres  était  de 
270  environ  *,  et  ils  avaient  pour  patrons  saint 
Nicolas  et  saint  Jean  l'évangéliste. 

La  coinmunauté  était  dépositaire  de  l'étalon 
des  mesures  de  cuivre  pour  les  huiles,  et  préten- 
dait, en  cette  qualité,  avoir  droit  d'inspection  sur 
tous  les  métiers  qui  en  faisaient  le  commerce  ^. 

Pendant  1res  longtemps,  les  bonnes  ménagères 
mirent  de  côté  tous  les  restes  de  graisse  pour  se 
faire  des  cliandelles.  Un  maître  chandelier  venait 
souvent  les  confectionner  à  domicile  ^.  Au  dix- 
huilième  siècle,  les  bonnes  cliandelles  des  quatre 
à  la  livre  devaient  durer  de  dix  à  onze  heures, 
celles  de  huit  à  la  livre  duraient  seulement  de  cinq 
heures  et  demie  à  six  heures. 

On  appelait  chandelles  des  rois  de  grosses 
chandelles  ornées  et  bariolées,  que  les  maîtres 
offraient  cliaque  année  à  leurs  clients  le  jour  de 
l'Epiphanie,  et  qui  servaient  à  éclairer  le  repas 
de  la  fête  des  rois.  Une  ordonnance  de  police 
rendue  en  1745  et  renouvelée  trois  ans  après 
interdit  cet  usage. 

Les  mouchettes,  dites  aussi  émouchettes  ou 
ciseaux,  «  sysiaux  à  moucher  la  chandelle  »,  ne 
se  rencontrent  guère  dans  les  inventaires  avant 
le  seizième  siècle,  et  elles  y  demeurèrent  assez 
rares  *.  A  la  fin  du  quatorzième  siècle,  l'on 
éteignait  les  chandelles  «  à  la  bouche  ou  à  la 
main  '^  ».  Sous  Henri  IV  et  même  à  la  cour  on 
les  mouchait  encore  avec  les  doigts  '"'. 

L'usage  de  se  faire  précéder  le  soir  dans  les 
rues  par  des  valets  porteurs  de  llambeaux  avait 
donné  l'idée  d'établir,  à  l'entrée  des  hôtels,  de 
lourds  éteignoirs  de  pierre  dont  quelques-uns 
existent  encore.  Les  lumières  portées  ainsi  se 
nommaient  ilaml)eaux  de  poing  '. 

Les  él(îignoirs  portatifs  sont  d'usage  fort 
ancien.  On  trouve,  parmi  les  miniatures  de 
V Hortus  deliciarum^  exécuté  vers  1180,  le  dessin 

•  Savary,  Dictioniifure,  f.  Il,  p.  424. 

*  Voy.  I'arlicli>  Huiliers. 

3  Viiy.  Il'  /^irre  f/es  métiers,  litrr  I.XIV,  art.  17,  et 
Olivier  rie  Serres,  Théâtre  d'agriculture,  édit.  de  1000 
p,  87!>. 

l  Voy.  Cmy,  Glossaire  archéologique,  t.  I,  p.  626,  et  de 
Laliorde,  Glossaire  français  du  moyen  âge,  édil.  de  1872, 
p.  400. 

•'  Mrnagier  de  Paris,  t.  II,  [).  71. 

fi  Heroard,  Journal  de  Louis  XJIJ^  2r«  octobre  160(i 
t.  I,  p.  229. 

7  Voy.  l'art iel.-  Fil"urs  .!.■  lumignon.'*. 


de  deux  petits  cônes  ornés,  au-dessus  desquels  se 
lit  le  mol  extinctoria.  Les  inventaires  dressés  au 
moyen  âge  les  appellent  souvent  antonnoires,  en- 
tonnoirs, antonneurs,  anthonews,  etc.,  sans  doute 
à  cause  de  leur  ressemblance  avec  l'ustensile  de 
ce  nom.  Le  dix-huitième  siècle  connaissait  les 
éteio-noirs  fixés  à  la  chandelle  ou  à  la  bougie  et 
qui  fonctionnent  automatiquement    . 

J'ai  trouvé  les  chandeliers  nommés  candilleurs, 
chandellons,  chandilleurs,  chandillons ,  etc. 

Voy.  Moucheurs  de  chandelles  et 
Veilleuses  (Fabricants  de). 

Chandeliers  de  cire.  Voy.  Ciriers. 

Ghandelons,  Chandilleurs  et  Chan- 
dillons.  Voy.  Chandeliers. 

Chanevaciers,  dits  aussi  chanevassiers  et 
cabanassetors  ^.  Marchands  de  toiles  et  plus 
spécialement  de  toiles  de  chanvre.  Toutefois, 
dans  les  anciens  comptes,  le  mot  chanevacerie 
désigne  souvent  l'ensemble  du  linge,  comprenant 
le  lin,  le  chanvre,  le  coton,  le  linge  de  table,  le 
linge  de  corps  et  même  le  linge  d'Eglise. 

Les  chanevaciers  soumirent,  vers  1268,  leurs 
statuts  à  l'homologation  du  prévôt  Etienne 
Boileau  ^. 

De  leur  examen,  il  résulte  que  les  chanevaciers 
ne  fabriquaient  rien.  Ils  se  bornaient  à  vendre  les 
pièces  de  toile  qui  leur  étaient  fournies  surtout 
par  la  Flandre  et  la  Normandie,  et  aussi  les  objets 
de  lingerie,  serviettes,  nappes,  sacs  *,  etc.,  qui 
étaient  confectionnés  par  les  lingères.  Aussi  dans 
ces  statuts  n'est-il  pas  question  d'apprentissage. 

La  vente  des  toiles  s'opérait  presque  exclusi- 
vement le  samedi  et  aux  halles,  où  les  chane- 
vaciers avaient  la  jouissance  de  plusieurs  étaux, 
pour  la  location  desquels  chacun  d'eux  payait 
une  maille  par  semaine  ^.  C'était  la  seule  rede- 
vance imposée  au  commerce  de  détail.  La  vente 
était  regardée  comme  fîiite  en  gros  dès  qu'elle 
excédait  cinq  aunes,  et  le  marchand  devait  alors 
au  roi  un  droit  d'une  obole  par  chaque  pièce  de 
toile  vendue,  quelle  que  fût  sa  longueur. 

Sous  prétexte  de  grossir  les  revenus  du  roi, 
mais  en  réalité  pour  écarter  la  concurrence,  le 
commerce  en  gros  était  interdit  aux  forains  «  qui 
ameinent  toilles  îi  cheval  à  Paris  pour  vendre  ». 

Le  colportage  dans  les  rues  était  défendu  à 
tous  les  marchands  possédant  un  étal. 

Les  chanevaciers  prétendent  que  «  dès  le  tens 
le  roy  Phelipe  ^,  »  ils  avaient  le  droit  d'exiger 
une  aune  par  trente  aunes  de  loile  qu'ils  ache- 
taient. Ils  faisaient  le  même  avantage  à  l'ache- 
teur. 

Le  métier  était  libre  et  surveillé  par  deux  jurés 
à  la  nomination  du  prévôt,  «  les  quicx  li  prevoz 


i  Voy.   Piron,    Œuvres,   édit.  de  1770,  t.  \\\,  p.   91. 

-  \  oy.  Ducanpe,  au  mot  Canabaserius. 

•'  Lirri'  di's  métiers,  titre  LIX. 

'*  «  Touailles,  napes,  .sas  ».  Art.  8. 

^  Articles  3  et  4.  —  La  inaille  représentait  une  demi- 
obole  ou  un  quart,  de  denier.  Mais  que  valait  alors  le 
denier  ?  On  ne  saurait  le  dire  exactement. 

6  Dès  le  temps  du  roi  Philippe-Auguste. 


CHANEVACIERS  —  CHANT 


139 


de  Paris  metra  et  osleran  sa  volenlé  »,  disent  los 
statuts.  Il  se  bornait  pourtant  en  j^énéral  à 
ratifier  le  choix  fait  par  les  maîtres. 

La  Taille  de  1292,  qui  mentionne  seulement 
5  chanevaciers,  cite  en  outre  11  téliers  et 
3  toiliers.  Qu'étaient-ce  que  ceux-ci  ?  Le  mol 
télier  semble  avoir  toujours  désii^né  un  tisserand  * , 
mais  les  toiliers  pourraient  très  bien  avoir  été 
marchands  de  toiles.  11  faudrait  alors  admettre 
que  ce  commerce  était  représenté  ù  la  fois  par 
les  toiliers  vendant  la  toile  de  lin  et  par  les 
chanevaciers  vendant  la  toile  de  clianvre.  Noiis 
ne  possédons  pas  les  statuts  des  premiers.  Dans 
ceux  des  seconds,  rien  ne  confirme  et  rien  ne 
détruit  ri^ypothèse,  qui  pourrait  invoquer  en  sa 
faveur  ces  quatre  vers  du  Vit  du  Lendii  -  : 

Puis  m'en  vins  en  une  ruelle 
Estroite,  où  l'on  vent  la  telle  3 
Yceulx  doi-je  bien  annoncier  ; 
Et  après  le  chanevacier. 

Eufin,  les  chanevaciers  ajoutèrent  plus  tard  à 
leur  nom  celui  de  toiliers,  ce  qui  semble  bien 
indiquer  qu'il  existait  une  différence  entre  ces 
deux  qualifications,  et  que  les  deux  corps  d'état 
qu'elles  désignaient  finirent  par  se  réunir  en 
un  seul. 

En  1293,  trois  articles  ajoutés  aux  statuts  des 
chanevaciers  par  le  prévôt  Guillaume  de  Han- 
gest  *  interdirent  à  tout  marchand  de  faire 
l'office  de  courtier  et  réciproquement,  insti- 
tuèrent deux  auneurs  jurés  pour  le  mesurage  des 
toiles,  et  soumirent  à  la  règle  commune  les 
dercs  marchands  ou  courtiers. 

Les  chanevaciers,  devenus  avec  le  temps  cane- 
vassiers,  puis  canevassiers-toiliers ,  furent  en 
1572  réunis  à  la  corporation  des  lingères,  qui 
prirent  dès  lors  le  titre  de  toilières-lingères- 
canevassières. 

Voy.  Blanc  (Spécialité  de).  —  Lin- 
gères.  —  Toiles  (Commerce  des). 

Changeurs.  Dès  1141,  ils  étaient  établis 
sur  le  Grand-pont  ^,  qui  allait  devenir  j^oni  à 
billon,  puis  pont  aux  changeurs,  et  enfin  2)ont  au 
change..  «  Trapezetae,  écrit  Jean  de  Garlande, 
numerant  monetam  parisiensem  super  magnum 
pontem  •>  >>.  La  Taille  de  1292  cite  16  changeeurs 
et  20  individus  qualifiés  de  lomharz  :  ce  sont  des 
changeurs,  des  banquiers,  des  préteurs  sur  gages 
et  autres  individus  de  même  farine. 

Une  ordonnance  de  février  1305  assigna  aux 
changeurs,  le  côté  du  Grand-pont  qui  aliénait  au 
Chàtelet,  entre  l'église  Saint-Leuiroi  et  la  grande 
arche,  «  inter  ecclesiam  Sancti  Leofredi  et 
majorem  arcam,  »  et  interdit  tout  commerce  de 
change  fait  ailleurs,  «  nuUi  omnino  liceal  alibi 
quam  in  loco  illo  cambiare  '  ».  L'autre  côté  était 
occupé  par  les  orfèvres.  Ce  pont  fut  fort  endom- 


1  Ducange,  au  mot  telariux. 

2  Dans  A.    F.,    Les  rues  de  Paris  au   treizième  siècle, 

p.  ns. 

3  Où  l'on  vend  la  toile. 

i  Addition  au  Livre  des  métiers. 

5  A.  Luchaire,  Actes  de  Louis  VII,  n"  84. 

6  Éd.   Scheler,  p.  27. 

'î  Ordonnances  royales,  t.   I,  p.  426. 


mage  en  janvier  1407,  et  quatorze  boutiques  de 
changeurs  s'écroulèrent,  disent  les  Chroniques 
de  Saint- JJenis  ' . 

D'après  leurs  propres  déclarations,  les 
cliangeurs  n'étaient  plus  guère  que  cinq  ou  six 
en  1514  -  :  mais  presque  tout  le  commerce  des 
objets  précieux  reposait  entre  leurs  mains,  car 
ils  ne  se  bornaient  pas  au  change  des  espèces 
monnayées,  ils  faisaient  trafic  de  tous  objets  d'or 
et  d'argent,  et  fournissaient  de  métal  les  hôtels 
des  monnaies.  Un  édit  de  1G07  les  obligea  d'y 
remettre  tous  les  trois  mois  les  espèces  anciennes, 
étrangères  et  décriées,  les  pièces  de  vaisselle  et 
couverts  défectueux  qu'ils  avaient  reçus  ;  aussi 
étaient-ils  soumis  ii  la  juridiction  de  la  cour  des 
Monnaies. 

Un  édit  de  1555,  confirmé  en  1571  puis  (;n 
1580  avait  institué  les  changeurs  officiers  publics, 
fixé  leur  nomljre  à  vingt-quatre,  et  déclaré  leiu's 
charges  héréditaires.  Un  autre  édit,  daté  de  juin 
1596  créa  trois  cents  offices  de  commis  aux 
changes,  qui  ne  durent  plus  se  boi-ner  à  recevoir 
les  moimaies  décriées,  mais  furent  tenus  de 
rechercher  si  des  particuliers  en  possédaient  ;  ils 
eurent  même  le  droit  de  les  faire  saisir.  124  de 
ces  offices  qui  n'avaient  pas  trouvé  de  titulaires 
furent  supprimés  en  1705. 

Les  changeurs  avaient  pour  patron  saint 
Mathieu.  Parfois  dits  argenteurs,  on  les  trouve 
plus  souvent  nommés  lombards,  lumbarts,  etc., 
qualificatifs  alors  synonymes  d'usuriers  et  qui 
paraissent  avoir  été  longtemps  mérités  par  la 
corporation.  Ils  ont  été  dits  aussi  caorsins, 
caoursins,  etc.,  soit  que  les  habitants  de  Cahors 
aient  été  «  les  premiers  à  rivaliser  avec  les  juifs 
dans  l'art  du  prêt  et  du  change  »,  soit  parce  que 
«  Cahors  est  une  ville  où  presque  tous  les 
habitants  sont  usuriers  ^  ».  Le  mot  cambistes,  qui 
a  aussi  désigné  les  changeurs  est  encore  en  usage. 

Chant  (Maîtres  de).  Ils  étaient  en  grande 
faveur  à  la  fin  du  dix-septième  siècle.  «  Fais-toi 
plutôt  maître  à  chanter,  dit  une  Colombine  de 
Regnard,  on  te  donnera  deux  louis  d'or  par  mois, 
et  tu  trouveras  peut-être  quelque  écolière  à  qui 
tu  ne  déplairas  pas,  car  voilà  la  grippe  des 
femmes  d'aujourd'hui...  On  est  de  tous  les  bons 
repas,  et  jamais  de  promenade  sans  le  maître  à 
chanter  *  ». 

11  faut  noter  que  cette  profession  resta  pendant 
longtemps  le  privilège  des  hommes.  Le  Lirre 
commode  pour  1692  mentionne  onze  «  maîtres 
pour  l'art  de  chanter  ^  »,  et  pas  une  seule 
maîtresse.  Soixante -huit  ans  plus  tard,  un 
indicateur  d'adresses  s'exprime  ainsi  :  «  Nous  ne 
doutons  pas  qu'il  n'y  ait  à  Paris,  pour  la  musique 
vocale,  des  maîtresses  qui  l'enseignent  aux 
demoiselles,  ainsi  que  l'instrumentale  ;  mais 
nous  ne  parlerons  que  de  ces  dernières,  parce 


1  Lib.  XXVIII,  cap.  32. 

-  Sauvai,  Recherches  sur  Paris,  t.  II,   p.  471. 

3  C.  Piton,   Les  lombards  en    France  et  à  Paris,    1892, 
in-S",  p.  23. 

4  Hegnard,   La  de.sceate  de  Meztetin  aux  enfers   (IGHit), 
acte  I,  se.   1. 

5  Tomp  I,  p.  21."). 


140 


CHANT  —  CHANVRIERS 


que  les  autres  ne  sont  pas  encore  venues  à  notre 
connoissance  ».   Suivent  les  noms  de  neuf  maî- 
tresses de  clavecin,  trois  maîtresses  de  pardessus 
de  viole  et  deux  maîtresses  de  guitare  ^ . 
Voj.  Musique. 

Ghantelag-e.  Droit  perçu  sur  la  vente  des 
vins  dans  Paris.  Il  n'était  pas  exigé  si  le  vin 
vendu  arrivait  du  dehors,  mais  ce  privilège 
appartenait  seulement  aux  bourgeois. 

Les  Parisiens  qui  achetaient  du  vin  pour  le 
revendre,  et  qui  désiraient  ne  pas  enlever  la 
bonde  des  tonneaux  ni  en  vider  la  lie,  y  étaient 
autorisés,  à  la  condition  de  pajer  le  droit  de 
chantelage.  Ceci  semble  au  moins  résulter  d'une 
phrase  très  obscure  du  Livre  des  métiers  ^. 

La  Taille  de  1292  cite  un  chantelier  que 
Géraud  3,  croit  avoir  été  un  préposé  à  la  recette 
du  chantelage. 

Ghanteliers.  Voy.  Chantelage. 

Ghanteresses.  Voy.  Chanteurs  am- 
bulants. 

Ghanteurs  ambulants.  Je  crois  que  l'on 
peut  bien  attribuer  celle  profession  aux  deux 
personnages  suivants  : 

Robert  le  chanteur, 
que  je  trouve  cité  dans  la  Taille  de  1313  *,  et 

Robin  Courtet,  chanteur  de  romans, 
qui  tigure  dans  un  compte  du  quinzième  siècle  ^. 
Un    compte    de    1372    mentionne    aussi    des 
chanteresses  ®. 

Depuis  le  treizième  siècle  au  moins,  leur 
histoire  .se  confond  avec  celle  des  jongleurs,  des 
ménétriers,  etc.  ''.  Je  passe  donc  au  dix-huitième 
siècle,  où  Sébastien  Mercier  leur  consacre  le 
chapitre  suivant  :  «  Il  y  en  a  de  deux  sortes  ;  les 
uns  lamentent  de  saints  cantiques,  les  autres 
débitent  des  chansons  gaillanh-s...  Tous  crient 
à  tue-léte,  et  affichent  sur  leurs  tableaux  : 
Par  permissin7i  de  Mgr  le  lieiilennnt  général  de 
police,  car  tout  charlatan  le  monseigneurise. 
Toutes  ces  permissions  en  son  nom,  gravées  en 
grosses  lettres,  font  croire  au  petit  peuple  que  le 
lieutenant  général  de  police  est  le  maître  absolu 
de  la  ville,  et  que  sa  seule  volonté  y  fait  tout... 
Ces  c^inliqnes,  ces  chansons,  ces  vaudevilles  sont 
tous  préidablcnvnt  lus  et  approuvés  par  le  censeur. 
Il  y  a  encore  les  conq)hiinles  sur  les  pendus  et  les 
roués,  que  le  peuph;  écoute  la  larme  a  l'œil  et 
qu'il  aclièlc  avoc  empressement.  Quand,  p;ir 
iionlu'ur  pour  le  poi-te  du  Pont-Neuf,  quelque 
personnagf  illustre  monte  sur  l'échafaud,  sa 
mori  est  ri  niée  el  chantée  avec  le  violon  **  ». 


•  .!(>/.(•,  Ktnl    nu    Inlileau  de   la    tille   de   Paris    fl760) 
I>.   188. 

2    D.MlxiiMIl"'  iKirlir-,  tilrr  V. 

••   l'iiris  sous  l'hilippele-Hel,  ji.  \(X\. 

*  l'agi-  l'.a. 

5  Douët-d'Arrq,  Comptes  de  l'hôtel,  p.  312. 

Ji  Voy.  B.  ProsI,  Inrentnires  mohiUers^  l.  I,  p.  288 

"  Voy.  l'arl.  Inslrumonls  (Joueurs  d'). 

"  Tableau  de  Paris,  t.  VI,  p.  40. 


La  profession  ne  s'était  guère  modifiée  une 
trentaine  d'années  plus  tard,  car  voici  ce  qu'écri- 
vait Pujoulx  vers  1801  :  «  Aussitôt  qu'un  petit 
air  paraît  à  l'Opéra  comique,  romance  ou  vaude- 
ville, l'orgue  de  barbarie  s'en  empare  et  les 
chanteurs  des  rues  l'achèvent.  C'est  à  qui  muti- 
lera la  composition  la  plus  simple  :  un  air 
sentimental  devient  dans  la  bouche  de  ces 
Orphées  un  rondeau  poissard  ;  ils  mettent  à  tout 
ce  qu'ils  chantent  un  accent  qui  rend  tout 
méconnaissable  ^  ». 

Voy.  Orgue  (Joueurs  d')- 

Ghantres .  Ecclésiastiques  ou  séculiers 
appointés  par  les  chapitres  pour  le  service  du 
chant  dans  les  églises.  Les  chantres  de  la  chapelle 
du  roi,  ayant  droit,  lors  de  certaines  grandes 
fêtes,  à  du  pain,  à  du  Vm  et  à  quelques  pièces  de 
viandes,  pouvaient  prendre  le  titre  de  commen- 
saux 2. 

Ghanvre  (Tkavail  du).  Voy.  Affineurs. 

—  Broyeurs.  —  Chanevaciers.  —  Chan- 
vriers.  —  Ferrandiers.  —  Filassières. 

—  Filature.  —  Filetoupiers.  —  Fi- 
leuses.  —  Inspecteurs  généraux.  — 
Rouisseurs.  —  Teilleurs.  —  Toiles 
(Commerce  des). 

Ghanvriers.  Marchands  de  chanvre.  Le 
chanvre  arrivait  à  Paris  par  eau  et  par  terre.  Il 
s'y  vendait  en  filasse,  en  fil  et  par  quarteron.  11 
ne  devait  être  livré  à  l'acheteur  que  bien  sec  «  et 
bien  essuyé  ». 

Les  chanvriers  semblent  avoir  été  seulement 
des  intermédiaires  entre  les  gens  de  la  campagne 
et  ceux  qui  tissaient  la  toile.  Les  trois  jurés  de 
la  corporation,  appelés  leveurs,  dirigeaient  tout 
le  métier.  Ils  examinaient  le  chanvre  à  son 
arrivée,  vérifiaient  son  état  de  sécheresse,  puis  le 
disposaient  en  paquets  égaux,  dits  quarterons, 
pour  le  faire  peser  au  Poids-le-roi,  où  il  payait 
un  droit  d'entrée.  Ils  ne  pouvaient,  bien  entendu, 
faire  le  commerce,  pour  eux-mêmes  pendant 
qu'ils  remplissaient  ces  fonctions. 

Je  lis  encore  dans  les  statuts  des  «  marchans 
de  chanvre  et  de  fil  »  que  le  métier  était  libre  et 
le  nombre  des  apprentis  illimité  ^. 

Ces  statuts  furent  souvent  revisés,  puis  renou- 
velés en  1666.  A  celte  date,  les  chanvriers 
furent  réunis  aux  liniers  el  aux  filassières.  L'on 
n'achnit  plus  ([ue  des  fennnes  dans  la  corporation. 
Chaque  maîtresse  ne  put  avoir  qu'une  seule 
apprentie.  La  durée  de  l'apprentissage  fut  fixée 
à  six  ans,  avec  chef-d'' œuvre.  Comme  les  chan- 
vrières  étaient  presque  toutes  réunies  aux  halles, 
la  boutique  d'une  nouvelle  maîtresse  devait  être 
séparée  par  douze  boutiques  de  celle  où  elle  avait 
fait  son  apprentissage.  (Juatre  jurées,  élues  pour 
deux  ans,  surveillaient  le  métier. 

Les  provinces  où  l'on  cultivait  alors  le  plus  de 
chanvre    étaient   la    Flandre,    la    Picardie,    la 


'   Paris  à  la  fin  du  dix-huitième  .liècle,  p.  68. 
-  A'Iat  de   la   France  pour   17/2,    t.    I,    p.    -18  ;  pour 
i756,  t.  I,  p.  95. 
3  Livre  des  métiers,  titre  LVIII,  art.   1. 


CHANVRIERS  —  CHAPELIERS 


141 


Bretaufiie,  le  haut  Lang-ueduc,  l'Auvergne  et  le 
Daupliiné  * . 

D'après  la  Taille  de  1292,  il  n'y  aurait  eu 
alors  à  Paris  que  2  clianvriers.  Ou  _y  comptait  en 
1779  environ  245  maîtresses  chanvrières-linières- 
/ilassièren. 

Il  existait  près  des  halles  une  rue  de  la  Chan- 
vrerie,  dont  le  nom  a  été  orthoj^rapliié  de  bien 
des  manières  ;  tout  porte  à  croire  qu'elle  doit  ce 
nom  aux  chanvriers  qui  l'habitaient  -. 

Voy.  Toiles  (Commerce  des). 

Chapelains.  Quelques  o-rands  seigneurs  en 
entretenaient  un  dans  leur  château.  A  la  Cour, 
la  chapelle-oratoire  du  roi  était  desservie  par  un 
chapelain  ordinaire  et  h\iit  chapelains,  la 
chapelle-nmsique  par  un  chapelain  ordinaire  et 
quatre  chapelains  ■'. 

Chapeliers.  Les  nombreux  corps  de  métier 
qui  représentaient  l'industrie  des  coiffures  ^  se 
fondirent  peu  à  peu  en  une  seule  corporation. 
Celle-ci  finit  donc  par  monopoliser  le  commerce 
des  couvre-chefs,  qu'ils  fussent  destinés  aux 
hommes  ou  aux  femmes.  Je  rappelle  que, 
jusqu'en  1675,  les  tailleurs  avaient  également 
confectionné  les  vêtements  des  deux  sexes. 

Au  mois  de  mai  1578,  les  chapeliers  obtinrent 
des  statuts  qu'ils  firent  confirmer  par  Henri  IV 
en  juin  1594.  Renouvelés  par  Louis  XIll  au 
mois  de  mars  1612,  ils  le  furent  encore  par 
Louis  XIV  en  mars  1658.  Ces  derniers  nous 
révèlent  donc  l'organisation  complète  de  la 
communauté  au  milieu  du  dix-septième  siècle. 

L'apprentissage  durait  cinq  ans  et  était  suivi 
de  quatre  ans  de  compagnonnage. 

Le  brevet  d'apprentissage  était  passé  devant 
notaires,  en  présence  d'un  juré  au  moins. 

Tout  candidat  à  la  maîtrise  devait  parfaire  le 
(•lief-âj' œuvre. 

Le  compagnon  qui  épousait  la  fille  ou  la 
veuve  d'un  maître  était  tenu  seulement  de 
\ expérience .,  c'est-à-dire  de  confectionner  «  un 
des  trois  chapeaux  qui  lui  sera  ordonné  par  les 
jurez  ». 

Le  petit-fils  de  maître,  dont  le  père  n'appar- 
tenait pas  au  métier,  était  dispensé  du  compa- 
gnonnage, et  devait  «  faire  pour  tout  chef- 
d'œuvre  le  chapeau  frisé  et  le  feutre  d'aignelain 
couvert  de  velours  et  de  taffetas  ». 

Enfin,  le  fils  de  maître  était  dispensé  de  toute 
épreuve. 

On  ne  pouvait  être  reçu  maître  avant  d'avoir 
fait  «  apparoir  de  sa  fidélité,  preud'hommie, 
bonnes  mœurs  et  religion  catholique  pardevant 
le  procureur  de  Sa  Majesté  au  Chastelet  ». 

Chaque  maître  devait  se  contenter  d'un  seul 
apprenti.  11  était  cependant  autorisé  à  en  prendre 
un  second  quand  le  premier  commençait  sa 
cinquième  année  d'apprentissage. 

Aucun  maître  ne  devait  débaucher  le   com- 


1  Voy.    VEnct/clopédie  mélliudique.   inauufactuivs,   t.   I, 
p.  138. 

2  Jaillot,  quartier  des  lialles,   p.  3. 

•^  État  (le  la  France  pour  1736,  t.   I,  p.  83  et  91. 
'*  Voy.  l'art.  Chapellerie. 


pagnon  d'un  confrère.  Un  compagnon  qui 
voulait  quitter  son  maître  devait  le  prévenir  au 
uuuns  lui  mois  à  l'avance. 

<.<  Aliu  que  les  peuples  soyent  fidèlement 
servis  dans  le  besoin  qu'ils  ont  des  ouvrages 
dudit  art,  tant  pour  se  garantir  des  injures  du 
temps  que  pour  entretenir  la  sauté  de  leurs  corps 
par  le  secours  favorable  d'un  bon  chapeau  »,  les 
maîtres  ne  pouvaient  employer  que  «  des  laines 
parfaites  d'aignelins  tondus  en  saison  ».  Il  leur 
était  interdit  de  mettre  en  œuvre  «  aucunes 
étoffes  défectueuses,  laines  pourries  ou  autres 
nuiuvaises  denrées  »,  ainsi  que  d'employer 
aucune  teinture  de  qualité  inférieure. 

Le  colportage  dans  les  rues  était  défendu. 
Mais  on  autori.sait  les  maîtres  tombés  dans  la 
misère  à  faire  le  commerce  des  chapeaux 
restaurés  *. 

La  corporation  était  administrée  par  quatre 
gardes  ou  jurés.  Le  premier,  appelé  Grand-garde, 
devait  être  bachelier,  c'est-à-dire  avoir  déjà  été 
juré  une  fois  au  moins.  On  choisissait  les  trois 
autres,  dits  jure's  modernes,  parmi  les  maîtres 
comptant  dix  ans  de  maîtrise. 

A  l'époque  oii  les  chapeliers  obtinrent  ces 
statuts,  de  graves  événements  se  préparaient,  qui 
allaient  agiter  la  corporation  pendant  plus  d'un 
demi-siècle.  Je  veux  parler  de  l'épopée  des  demi- 
castors,  que  l'on  trouvera  résumée  ci-dessous,  à 
l'article  Demi-castors  (Episode  des). 

En  1674,  le  chapelier  du  roi  était  un  sieur 
Nicolas  Houdar,  qui  fut  père  de  l'académicien 
Houdar  de  la  Motte  2.  En  1692,  c'était  un 
certain  Lepage  ;  il  demeurait  rue  Saint-Honoré, 
près  de  l'Oratoire  ^.  En  1777,  c'était  un  sieur 
Pivert  ;  il  avait  son  magasin  rue  Jacob,  au  coin 
de  la  rue  des  Saints-Pères,  et  s'intitulait  «.  cha- 
pelier ordinaire  du  Roi  et  de  toute  la  cour  *  ». 
A  la  même  date,  le  sieur  Berteaud,  rue  de 
Grenelle  Saint-Honoré,  s'intitulait  «  chapelier 
extraordinaire  du  Roi  ^  ». 

Parmi  les  chapeaux  utilisés  durant  cette 
période  et  qui  ont  laissé  un  nom  dans  l'histoire, 
on  peut  mentionner  : 

Les  caudebecs.  Sans  doute  originaires  de  la 
Normandie,  Caudebec  d'abord,  puis  Rouen, 
Bolbec,  Falaise,  Dieppe  en  expédiaient  de 
grandes  quantités  à  Paris.  Ces  feutres  étaient 
constitués  d'un  mélange  de  laine  d'agneau,  de 
duvet  d'autruche  et  de  poils  de  chèvre.  Boileau 
les  cite  déjà  dans  sa  sixième  épître  : 

Pradon  a  mis  au  jour  un  livre  contre  vous, 
Et  ciiez  le  chapelier  du  coin  de  notre  place 
Autour  d'un  caudebec  j'en  ai  lu  la  préface. 

Les  bredas,  chapeaux  gris  très  lourds  et  très 
laids,  faits  de  pure  laine  de  mouton. 

Les  tapabords  ou  claquebords,  chapeaux  mous 
employés  surtout  en  voyage,  et  qui  dataient  du 
rèo-ne  de  Louis  XIII. 


■1  Voy  l'art.  Chapeliers  en  vieux. 

2  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  804. 

3  Le  livre  commode,  t.  II,  p.  63. 

4  Almanach  Dauphin,   supplément,  p.  10. 
^  Almanack  Dauphin  pour  1777 . 


142 


CHAPELIERS  —  CHAPELIERS  DE  COTON 


Les  chapeaux  des  sept  sortes,  nom  trompeur, 
car  il  n'y  entrai!  cruère  que  du  poil  de  lapin. 

Les  vigognes,  iknphins  ou  loutres,  fort  en 
usage  au  "dix-lmitième  siècle,  et  qui  étaienl 
composés  de  laine  de  vig-og-ne,  mêlée  à  du  poil 
de  lapin.  La  loutre  n'j  entrait  pour  rien. 

Les  chapeaux  à  trois  gouttières,  larj^e  tricorne 
à  bords  relevés,  dont  la  belle  qualité  se  taisait 
en  castor.  Au  commencement  du  rèf^ne  de 
Louis  XV,  ses  dimensions  lurent  très  réduites, 
et  il  prit  le  nom  de  lampion. 

Le  chapeau  à  la  Suisse,  dit  plus  tard  à  PAn- 
drosmane,  composé  de  deux  longues  cornes  et 
d'une  troisième  esquissée  seulement.  C'est  de  là 
que  dérive  notre  chapeau  à  cornes  d'aujourd'hui. 

\.e  jacquet,  rond  et  très  petit. 

Le  hollandais  et  le  quaker,  ronds  et  ù  larges 
bords. 

La  plupart  des  chapeaux  furent  gris  jusque 
vers  l'année  1G70,  où  Louis  XIV  commença  à 
les  porter  noirs,  couleur  qui  dès  lors  prévalut. 

Le  chapeau  de  soie  date  de  la  tin  du  dix- 
huilième  siècle.  En  1761,  un  sieur  Prevot, 
chapelier  rue  Ciuénégaud,  fabriquait  «  des 
chapeaux  de  soie  et  mi-soie  de  toutes  façons  pour 
mettre  sous  le  bras  et  sur  la  tête  '  ». 

Notons,  pour  mémoire,  qu'en  1777  la  veuve 
Petitjean,  demeurant  place  du  Pont-Saint-Michel, 
annonçait  «  de  nouveaux  bonnets  de  chasse  et 
de  voyage,  en  feutre,  ({ui  peuvent  se  mettre 
facilement  dans  la  poche,  et  ne  tiennent  pas 
plus  de  place  qu'un  portefeuille  -  ». 

Tant  (|ue  dura  la  mode  des  perruques,  elles 
suftisaient  amplement  conmie  coill'ure,  et  le 
chapeau  était  presque  toujours  porté  sous  le 
bras.  C'est  même  de  là  qu'est  venue  la  coutume 
de  rester  tête  nue  dans  la  société.  Jusque  là,  on 
ne  se  découvrait  ni  à  table,  ni  en  visite,  ni  au 
bal,  ni  au  conseil  du  roi.  On  lit  dans  le  Mercure 
de  France  de  l'année  1726  :  «  Les  chapeaux 
sont  d'une  grandeur  raisonnable,  on  les  porte 
sur  le  bras  et  presque  jamais  sur  la  tète  ■'  ». 
Aussi,  le  tricorne  est-il  souvent  désigné  sous  le 
nom  de  chapeau  de  bras,  et  J.-F.  Sobry  écrivait 
encore  en  1786.  «  Le  chapeau  est  une  coill'ure 
inliniment  commode,  mais  de  peu  d'agrément. 
On  h"  porte,  d'ailleurs,  fort  souvent  à  la 
main  *  ». 

Les  ciiapeliers  firent  reviser  leurs  statuts  en 
novembre  1704,  en  juillet  1748  et  en  février 
174U.  La  première  rédaction  a  pour  objet  de 
mettre  la  coinnumauté  en  état  de  racheter  les 
oflictîs  créés  par  h;  roi  •'.  La  seconde  est  dirigée 
contre  les  ouvriers  clia[)eliers  (|ui  p;iraissi'nt 
avoir  été  toujours  fort  insoumis  ^. 

La  corporation  était  divisée  en  cinq  cla.sses, 
les  fai)ricants,  les  teinturiers,  les  marchands  de 
neuf,  les  ma  relia  !ids  de  vieux  et  les  crieuses  '. 


I  L'itttnil-coureitr,  n"  du  2  iiovcnibr.'  17G1,  |).  G9G. 

*  Almaiiack  Duuphui. 

•'<  N"  d."  fcvri.T,   II.  .|04. 

*  ].e  iitixie  français,  p.  418. 

5  Voy.  lai-t.  Offic'.s  (Créations  d"). 

6  ^'oV.  Itccueil  dfs   slaliils.    fto.,  p.    •.>(i(t,   yiî»     •>•->'>   .-t 
250. 

"  Wiy.   l'art.  Crieusos. 


L'édit  de  1776  réunit  en  une  seule  commu- 
nauté les  bonnetiers,  les  pelletiers  et  les  chape- 
liers, qui  formèrent  dès  lors  le  troisième  des 
nouveaux  Six-corps.  On  ne  comptait  alors 
qu'environ  320  maîtres. 

La  corporation  avait  pour  patron  saint  Michel, 
dont  la  confrérie  se  rassembla  successivement 
à  Sainte-Opportune  et  à  Saint-Jacques  la  Bou- 
cherie. 

Les  chapeliers  des  faubourgs  avaient  pour 
patrons  saint  Jacques  et  saint  Philippe  ;  ceux  de 
Saint-Germain  des  Prés  se  réunissaient  à  l'église 
Saint-Sulpice,  ceux  de  Saint-Marceau  à  la  petite 
église  Saint-Martin. 

Chapeliers  de  coton.  Ce  sont  les  ancêtres 
de  nos  bonnetiers.  Au  treizième  siècle,  le  bonnet 
de  coton  est  d'un  usage  assez  répandu  comme 
coiffure  de  jour.  Les  rois  eux-mêmes  en  portaient. 
Joinville  nous  dit,  en  effet,  que  saint  Louis 
«  avoit  vestu  un  chapel  de  coton  en  sa  teste  ^  », 
et  l'on  sait  qu'au  moyen  âge,  le  mot  chapel  sert 
à  désigner  toute  coilïure,  fût-ce  une  couronne  de 
fleurs.  Mais,  au  lieu  de  se  terminer  en  pointe 
comme  notre  classique  bonnet  de  coton,  les 
bonnets  de  cette  époque,  plats  et  très  bas,  avaient 
à  peu  près  l'aspect  de  nos  calottes  ^. 

Les  chapeliers  de  coton  sotimirent,  vers  1268, 
à  l'homologation  du  prévôt  Etienne  Boileau  des 
statuts  assez  embrouillés  ^,  et  qui  ont  surtout  le 
tort  de  ne  pas  nous  dire  clairement  quelle  était 
la  spécialité  de  la  corporation.  L'article  5  se 
borne  à  nous  apprendre  que  «  quiconques  est 
chapelier  de  coton,  il  puet  ouvrer  de  lainne,  de 
poil  et  de  coton  »  ;  d'où  l'on  doit  conclure,  je 
crois,  que  les  chapeliers  de  coton  confection- 
naient, outre  des  bonnets,  tous  les  ouvrages 
tricotés  dont  on  se  servait  alors.  Cette  hypothèse 
est  confirmée,  d'ailleurs,  par  les  statuts  posté- 
rieurs. 

Le  métier  était  libre.  Pour  avoir  le  droit  de 
s'établir,  il  suffisait  de  jurer  en  présence  du 
prévôt  de  Paris  que  l'on  était  résolu  à  se  sou- 
mettre «  ans  us  et  aus  coustumes  »  du  métier, 
et  à  faire  «  bone  ouevre  et  léal  ».  Le  nouvtnui 
maître  s'engageait  même  par  serment  à  saisir, 
où  qu'il  la  trouvât,  toute  œuvre  mal  feite  ou  de 
mauvaise  qualité,  et  à  la  remettre  au  prévôt  : 
«  Il  les  doit  prendre  en  quelque  terre  que  il  les 
Iruist,  et  porter  les  au  prévost  de  Paris,  et  dire 
au  prévost  la  mauveisté  et  le  vice  de  la  mar- 
chandise ».  Celui-ci  ordonnait  qu'elle  lïit  brûlée 
devant  l'huis  du  coupable. 

Chaque  maître  pouvait  avoir  un  nombre 
illimité  d'apprentis,  et  régler  comme  il  l'enten- 
dait les  conditions  de  l'apprentissage. 

Il  n'est  question  dans  ces  statuts  ni  de  jurés, 
quoique  la  communauté  en  eût  certainement,  ni 
du  service  du  guet,  dont  elle  paraît  avoir  été 
dispensée. 

La  Taille  de  1292  cite  47  chapeliers  de  coton, 
celle  de  1300  n'en  mentionne  que  39. 


1    Vie  de  saint  Louis,  édit.  de  Wailly,  [).  35. 

-  \'oy-  Montfaueon,  Manumens.  t.  Il,  pi.  14,  29,  34, etc. 

^  J/wre  des  mélieis.  titrr  XCII. 


CHAPELIERS  DV  COTON  —  CHAPELIERS  DE  FEUTRE 


143 


Les  statuts  que  je  vieus  d'aualvscr  l'urcul 
revisés  peu  d'années  après,  et  nue  nouvelle 
rédaction  fut  encore  adoptée  en  IIU.")  '.  Les 
maîtres  ne  peuvent  plus  eng-ayer  (pi'un  seul 
apprenti  à  la  fois,  el  la  durée  de  l'apprenlissag'e 
est  fixée  à  cinq  ans.  Il  paraît  que,  comme  les 
drapiers,  ils  avaient  alors  le  droit  de  teindre  leurs 
produits,  car  le  prévôt  leur  enjoint  d'employer 
«  bonne  couleur,  vive  et  loyal,  qui  ne  se  puisse 
destaindre  »  ;  autrement,  ajoute-l-il,  «  que 
demeure  la  lainne  de  tele  couleur  connue  elle 
vient  des  bestes  >\.  Le  titre  primitif  des  maîtres  a 
disparu  ;  ils  sont  nommés  chappeliers  de  gans  de 
laine  ou  de  bonnets,  et  encore  ouvriers  de  gans, 
d^aumuces^,  birettes.  cJiajnaus  et  bonnes  de  laine,  et 
de  tout  autre  ouvrage  fait  àVesguille  appartenant 
audit  mestier.  La  birette  ou  barette  était  ordi- 
nairement en  laine,  mais  sa  forme  rappelle  celle 
de  nos  bonnets  de  coton  pointus  ;  son  extrémité, 
ordinairement  terminée  en  fond  de  sac,  retom- 
bait sur  un  des  côtés  ou  sur  le  devant  de  la  tête. 
C'était  la  coiffure  préférée  de  Jean  sans  peur, 
c'est  celle  qu'il  porte  dans  toutes  les  anciennes 
miniatures  où  il  est  représenté. 

Les  statuts  de  la  communauté  qui  nous  occupe 
furent  contirmés  de  nouveau  en  février  1366  et 
en  février  1380  •"',  sans  que  rien  soit  chang'é  au 
titre  antérieurement  attribué  aux  membres  de  la 
corporation.  Je  les  trouve  mentionnés  pour  la 
première  fois  sous  le  nom  de  bonnetiers  dans 
l'ordonnance  dite  des  Bannières  *,  qui  fut  rendue 
par  Louis  XI  au  mois  de  juin  1467. 

Voj.  Bonnetiers  et  Chapellerie. 

Chapeliers  de  feutre.  Au  treizième 
siècle,  les  hommes  portèrent  des  chapeaux  de 
feutre  d'aspect  très  variés.  Les  uns,  de  forme 
ronde  et  basse,  avaient  les  bords  relevés  en 
gouttière  autour  de  la  coiffe  ;  les  autres,  plus 
élevés  de  forme  et  sans  bords,  ressemblaient  fort 
à  un  boisseau  renversé  ;  d'autres  rappelaient 
absolument  nos  chapeaux  de  feutre  actuels.  En 
général,  on  ornait  tous  ces  chapeaux  tantôt  d'une 
enseigne,  joyau  placé  sur  le  devant  et  d'oii 
parlait  une  plume,  tantôt  de  cordons  plus  ou 
moins  riches,  comme  le  prouve  ce  vers  du  Dit 
d'un  mercier  : 

J'ai  Lcau  laz  à  chapeau  de  fcutro. 

Les  chapeliers  de  feutre  présentèrent,  vers 
1268,  leurs  statuts  à  l'homologation  du  prévôt 
Etienne  Boileau  ^. 

On  y  voit  que  le  métier  était  libre.  L'ouvrier 
pouvait  donc  s'établir  sans  avoir  aucun  droit  à 
payer. 

En  dehors  de  son  fils  ou  d'autres  membres  de 
sa  famille,  chaque  maître  ne  devait  avoir  à  la 
fois  qu'un  seul  apprenti.  L'apprentissage  durait 
sept  ans  au  moins. 

Le  contrat  d'apprentissage  prenait  fin  si  le 
maître  et  l'apprenti  s'accordaient  pour  le  résilier. 


1  Ordonn.  royales,  t.  I\',  p.  703. 

2  \oy.  l'art.  Aumu.ssier.s. 

>*  Ordonn.  royales,  t.  IV,  p.  705,  et  t. 
4  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  671. 
^  Livre  des  métiers,  titre  XCI. 


VI, 


559. 


Le  travail  ii  la  lumière  était  interdit. 

Tous  les  dimanches,  une  boutique  restait 
ouverte  à  tour  de  rôle. 

Le  colportage  dans  les  rues  était  défendu. 

De  ménn;  que  les  drapiers  avaient  le  droit  de 
teindre  eux-mêmes  leurs  draps,  les  chapeliers 
étaient  autorisés  à  teindre  leur  chapeaux,  et  ils 
conservèrent  toujours  ce  privilège. 

Le  feutre  employé  ne  devait  cire  composé  que 
de  laine  d'agneau,  «  que  d'aignelins  purs  sanz 
bourre  »,  sans  aucun  mélange  d'enqjois  ou  de 
colle  ;  c'est  le  seul  détail  de  fabrication  qui  nous 
soit  fourni.  On  interdisait  aussi  de  «  relaindre 
nuz  chapiaux  viez  ^  »,  afin  que  le  connnercant 
n'eiit  pas  la  tentation  de  les  faire  passer  pour 
neufs.  Tout  chapeau  releint  était  brûlé,  el  le 
chapelier  coupable  payait  une  amende  de  cinq 
sous. 

Trois  jurés  administraient  la  communauté. 

La  Taille  de  1292  cite  sept  chapeliers  de 
feutre,  celle  de  1300  en  mentionne  dix. 

Ces  statuts  furent  revisés  en  1323  ^,  et  l'on 
voit  alors  figurer  parmi  les  matières  que  les 
chapeliers  de  feutre  sont  autorisés  à  mettre  en 
œuvre  le  camelin  et  la  bièvre.  Le  camelin  était 
un  drap  commun,  dans  lequel  il  entrait  ordi- 
nairement du  poil  de  chèvre.  La  biè\Te  est  le 
castor  de  nos  contrées.  Les  bièvres  étaient  alors 
très  nombreuses  en  France,  paraît-il,  et  ce  serait, 
dit-on,  en  souvenir  de  ces  rongeurs  que  le  petit 
cours  d'eau  situé  sur  la  rive  gauche  de  Paris 
aurait  reçu  le  nom  de  Bièvre.  Ce  n'est  pas  bien 
sûr  -,  mais  ce  qu'il  y  a  d'incontestable,  c'est  que 
durant  tout  le  quatorzième  siècle,  les  chapeaux 
de  bièvre,  à  l'usage  des  hommes,  firent  fureur. 
On  leur  prodiguait  les  plus  riches  ornements,  on 
les  doublait  de  velours  et  d'hermine,  on  les  cou- 
vrait de  broderies,  de  perles,  d'émaux  et  de 
pierres  précieuses. 

Les  chapeaux  de  bièvre  et  de  feutre,  ces 
derniers  surtout,  restèrent  à  la  mode  même  après 
l'adoption  de  la  toque,  dérivée  du  chaperon. 
Sous  Henri  II,  sous  Charles  IX  et  sous  Henri  III, 
les  hommes  portent  des  chapeaux  seiublables  à 
nos  melons  actuels.  Sous  Louis  XIII,  ils  devien- 
nent énormes,  ce  sont  alors  de  lourds  feutres 
chargés  de  plumes  et  munis  d'ailes  assez  vastes 
pour  préserver  le  corps  tout  entier  du  soleil  et  de 
la  pluie.  Brantôme,  resté  fidèle  à  la  loque,  voyait 
avec  colère  «  ces  grands  fatz  de  chapeaux,  que 
l'on  porte  garnys  de  plus  de  plumes  en  l'air 
qu'une  autruche  ne  peut  fournir  en  chascun  ^  ». 
Sons  Louis  XIV,  les  coiffures  reprennent  des 
proportions  plus  modestes,  et  la  mode  nouvelle 
est  saluée  des  mêmes  railleries  qui  avaient 
accueilli  la  précédente  : 

Ne  voudriez-vous  point,  dis-je,  sur  ces  matières 
De  vos  jexines  muguets  m'inspirer  les  manières, 
M'obliger  à  porter  de  ces  petits  chapeaux 
Qui  laissent  éventer  leurs  débiles  cerveaux  *  ? 

Molière  écrivait  ceci  en   1661,  et  le  Mercure 


1  Vieux. 

2  Dans  Depping,  Ordonnances,   p.  249. 

3  Œuvres,  t.  I,  p.  45. 

4  L'école  des  maris,  acte  I,  se.  1. 


144 


CHAPELIERS  DE  FEUTRE  -  CHAPELIERS  D'ORFROIS 


galant  ^  constatait,  onze  ans  après,  que  «  les 
hommes  portent  toujours  leurs  chapeaux  si 
grands  que  les  vieillards  (qui,  peur  de  paroistre 
ridicules  en  avoient  de  grands  pendant  qu'on  en 
portoit  de  petits)  paroissent  présentement^  ce 
qu'ils  vouloient  éviter  d'estre,  parce  qu'ils  n'ont 
point  voulu  changer  de  mode,  et  que  les  grands 
chapeaux  de  ce  temps-là  sont  les  petits  d'aujour- 
d'hui ». 

Chapeliers  de  fleurs.  Au  treizième  siècle 
le  mot  chapel  désignait  toute  espèce  de  coiffure, 
et  on  appelait  chapeaux  de  /leurs  des  couronnes 
qui  se  tressaient  en  fleurs  de  la  saison  durant 
l'été,  en  divers  feuillages  durant  l'hiver.  Hommes 
et  femmes  aimaient  également  cette  coiffure, 
que  citent  fréquemment  les  poètes  de  l'époque. 
Guillaume  de  Lorris,  par  exemple  dit  dans  le 
Roman  de  la  rose  : 

Cliapel  de  fleurs  qui  petit  couste, 
Ou  de  roses  à  Penthecouste, 
Ice  2  puet  bi(;ii  chascun  avoir, 
Qu'il  ne  convient  pas  grand  avoir  '•>. 

Romans  et  fabliaux  célèbrent  à  l'envi  ces 
gracieuses  coiffures,  dont  on  se  parait  dans  les 
cérémonies  civiles  et  religieuses,  qui  devenaient 
à  l'occasion  redevance  payée  à  un  seigneur,  gage 
d'amour  et  même  dot  de  jeune  fille. 

Les  chapels  de  fleurs  furent  l'origine  de  ces 
chapelets  de  perles  ou  de  pierres  fines  que 
portaient  les  gentilsliommes  pour  ceindre  leurs 
cheveux.  De  là  sont  venus  les  tortils  des  barons, 
les  couronnes  des  comtes,  des  marquis,  des  ducs, 
mais  les  roturiers  n(!  devaient  se  couronner  que 
de  fleurs  ^. 

Les  chapeliers  de  fleurs  étaient  en  réalité  des 
jardiniers  fleuristes.  Ils  possédaient  dans  la 
Ijanlieue  des  jardins  ou  courtils,  où  ils  cultivaient 
des  arbustes,  des  fleurs  et  des  légumes.  Ils 
fournissaient  aux  riches,  non  seulement  des 
coiffures,  mais  des  fleurs  et  de  frais  feuillages, 
dont  on  jonchait  alors  le  sol  des  appartements 
qu'au  siècle  précédent  on  se  bornait  le  plus 
souvent  à  joncher  de  paille.  Dans  leurs  statuts, 
homologués  par  Etienne  Boileau^,  ils  déclarent 
d(iiic  ([ue  leur  conunerce  «  lu  eslabli  pour  servir 
les  geiitiuz  hommes  »,  et  il  est  certain  qu'ils 
jouissaient  de  tous  les  privilèges  accordés  à  ces 
sortes  de  professions.  Leur  métier  était  libre  ; 
ils  avaient  le  droit  de  travailler  à  la  lumière  et 
même  de  faire,  le  dimanche,  des  chapeaux  de 
roses  «  tant  comme  la  séson  des  roses  dure  ».  Ils 
pouvaient  colporter  leurs  marciiandises  dans  les 
rues.  Us  étaient  exc^mpts  du  guet  bourgeois,  et 
un  seul  juré  surveillait  le  travail.  Les  statuts 
restent  muets  sur  le  chapitre  des  apprentis. 

Les  chapeliers  de  Heurs  ne  sont  pas  men- 
tionnés dans  nos  Tailles.  Toutefois  celle  de  1292 
cite  une  fhreresse  de  coifles,  qui  ne  pouvait  guère 
ii[i|)iii'tenir  a  un  antre  métier. 


1   Année  1G72,  y.  278. 

*  c:eia. 

:>  Vei-s  2168  et  sui\ . 

i  \'oy.  Viollel-le-l)uc,  Dictionnaire  dit  iimbilifr.  I.  III, 
p.   122.' 

5  Livre  des  métiers,  litre  XC 


Le  titre  de  cette  communauté  passa  aux  bou- 
quetières qui,  dans  leurs  statuts  de  1677,  sont 
qualifiées  de  houqnetières-chapelières  en  fleurs. 

Chapeliers  d'orfrois.  Les  chapeaux  dits 
d'orfrois  ^,  dits  aussi  chapeaux  d'or  et  chapeaux 
de  perles,  sont  les  plus  riches  qui  aient  jamais 
été  portés.  Dans  leurs  statuts  de  1268,  les 
ouvrières  chargées  de  les  créer  s'intitulent 
fesser  esses  de  chappeaux  d'or  et  fesser  esses  de 
ckapiaux  d'orfreis  ^ . 

On  y  voit  que  le  métier  était  libre.  Pour 
avoir  le  droit  de  s'établir,  il  suffisait  donc  de 
prouver  que  l'on  possédait  l'aptitude  profession- 
nelle et  le  capital  nécessaires. 

La  durée  de  l'apprentissage  était  de  huit  ans 
pour  l'enfant  sans  argent,  de  six  ans  seulement 
pour  celui  ou  celle  qui  apportaient  quarante 
sous  ^. 

On  ne  pouvait  engager  d'apprenti  avant 
d'avoir  exercé  pendant  une  année  au  moins. 

Le  travail  à  la  lumière  était  interdit.  Aussitôt 
le  jour  tombé,  on  ne  devait  plus  même  enfiler 
des  perles  *. 

La  corporation  était  surtout  composée  de 
femmes,  mais  l'on  n'en  excluait  pas  les  hommes. 
Les  trois  jurés  nommés  par  le  prévôt  de  Paris  en 
1309  sont  Robert  le  fermaillier,  Alis  de  Valen- 
ciennes  et  Jehanne  l'aisnée. 

Le  mot  chapeau  d'or  ^  désignait  souvent  le 
cercle  de  métal,  la  véritable  couronne  même 
dont  les  femmes  nobles  ornaient  alors  leur  tête  **. 
Quant  au  chapeau  d'orfrois^  l'or  et  la  soie  s'y 
mêlaient ,  comme  le  rappellent  ces  vers  du 
Roman  de  la  rose  ''  : 

S'ot  ung  chapel  d'orfrois  tout  nuef 
Je  qu'en  oie  véu  vint  ot  nuef, 
A  nul  jor  mes  véu  n'avoie 
Chapel  si  bien  ouvré  de  soie  8. 

En  1358,  le  roi  Jean  donna  à  Blanche  de 
Bourbon,  reine  de  Castille,  une  couronne  d'or  et 
un  «  cliapel  d'or,  garni  de  douze  ballays  ^, 
de  vingt  esmeraudes,  de  seize  dyamans  et  de 
quarante  grosses  perles  ^**  »,  Jeanne  de  France, 
fille  du  même  roi,  possédait,  outre  des  couronnes, 
plusieurs  chapeaux  d'or  ;  l'un  d'eux  était  orné 
de  «  quatre  Iroches  "  de  perles  de  chascune 
douze  perles,  vingt-huit  pièces  de  rubiz,  huit 
grosses  esmeraudes,  cinq  autres  moiennes,  liuit 
autres  petites  et  huit  dyamans  '-  >^.  Dans 
l'inventaire    dressé    (1372)    après    la    mort    de 


1    \oy.  l'art.  Orfroisiers. 

-  Livre  des  métiers,  titre  XCV. 

•'*  Peut-être  240  francs  de  notre  monnaie. 

l  «  l<Vre  Q'vres  enfilées  de  pelles  m. 

■'   t  n  chape!  de  fer  était  un  casque. 

''  ^oy.  \  iiilli't-le-l)uc,  Dictionnaire  du  mobilier,  \..  III, 
\i.  187  et  suiv. 

"^  Édit.  ejzév.,  t.  I,  p.  56,  vers  583  à  58G. 

8  Son  chapel  d'orfrois  était  tout  nt^uf.  Moi  qui  i-n  ai 
vu  plus  de  ving-t-neuf,  je  n'avais  jamais  vu,  etc. 

»  Rubis  balais. 

^^  Dépenses  fuites  à  l'occasion  dit  )nariai/e  de  lilunclie  de 
Hoitrbon.  \\.  300. 

^'  TouUes  ou  boutons. 

1-  Comptes  d'Etienne  de  la  Fontaine,  argentier  du  roi 
Jean,  p.   168. 


CHAPELIERS  D'ORFROIS  —  CHAPELIERS  EN  VIEUX 


145 


Jeanne  d'Évreux,  troisième  femme  de  Charles 
le  Bel,  fig^urenl  neuf  ou  dix  chapeaux  d'or  où 
brillaient  des  perles,  des  saphirs,  des  émeraudes, 
des  rubis,  elc.  ^.  On  comprend  que  des  coiffures 
de  ce  genre  n'étaient  pas  à  la  portée  de  tout  le 
monde,  la  corporation  qui  les  confectionnait 
resta  donc  toujours  peu  nombreuse.  La  Taille 
de  1292  cite  seulement  2  chapelières  et  1  cha- 
pelier de  perles. 

Les  femmes  eurent  le  bonheur  de  porter  des 
chapeaux  d'or  depuis  le  milieu  du  treizième 
siècle  jusqu'au  début  du  quinzième.  Au  reste, 
durant  celte  période,  on  tinit  par  donner  le  nom 
de  chapeaux  d'or  à  toutes  les  coiffures  que  l'on 
enrichissait  de  perles  et  de  pierres  précieuses. 
Cette  addition  suffisait  pour  transformer  un 
escoffion,  un  chapeau  de  feutre  ou  un  cliapeau 
de  bièvre  en  un  chapeau  d'or. 

Chapeliers  de  paon.  Dès  le  neuvième 
siècle,  on  ornait  de  plumes  les  coiffures.  On  ne 
paraît  d'ailleurs  avoir  guère  employé,  jusqu'au 
treizième  siècle,  que  les  plumes  de  paon  ou  de 
flamant.  Suivant  M.  Quicherat  ^,  les  chapeaux 
de  paon,  parure  des  prélats  et  des  grands 
seigneurs,  devaient  leur  nom  à  ce  qu'  «  ils 
étaient  extérieurement  recouverts  de  plumes  de 
paon  couchés  sur  le  rebras  de  la  forme  ».  Mais 
M.  Gay  a  reproduit  une  miniature  représentant 
un  personnage  coiffé  d'un  chapeau  de  forme 
assez  élevée  et  entièrement  composé  de  plumes 
de  paon  ^. 

La  Taille  de  1292  cite  cinq  et  celle  de  1300 
trois  paonniers,  mais  étaient-ce  des  chapeliers 
de  paon  ou  des  marchands  de  paons  ? 

Vers  1268,  les  chapeliers  de  paon^  firent 
homologuer  leurs  statuts  par  le  prévôt  Etienne 
Boileau  *.  On  y  voit  qu'ils  possédaient  tous  les 
privilèges  concédés  aux  corporations  les  plus 
favorisées;  car,  disent-ils,  ce  «  mestier  n'apartient 
fors  que  as  esglises,  aus  chevaliers  et  aus  haus 
homes  ».  Les  chapeliers  de  paon  n'avaient  rien  à 
payer  pour  s'établir  ;  ils  pouvaient  engager  un 
nombre  illimité  d'apprentis  et  d'ouvriers  ;  ils 
avaient  le  droit  de  travailler  à  la  lumière,  et  ils 
étaient  dispensés  du  service  du  guet. 

Les  chapeaux  de  paon  furent  sans  doigte 
l'objet  d'un  engouement  passager  ;  il  n'en  est 
plus  question  après  le  quatorzième  siècle,  et  les 
chapeliers  de  paon  deviennent  alors  phimassie7's . 
Je  lis,  en  effet,  ces  mots  parmi  les  métiers  cités 
dans  une  liste  qui  fut  dressée  en  1586  :  «  Plu- 
massiers  de  panaches,  dits  anciennement  chape- 
liers de  paon  ». 

Chapeliers  de  perles.  Voy.  Claapa- 
liers  d'orfrois. 

Chapeliers  de  soie.  Ce  métier  était 
presque  exclusivement  exercé  par  des  femmes, 
aussi  ses  statuts,  homologués  en  1268,  sont-ils 


<  Dans  Leber,  Dissertations,  t.  XIX,  p.  123. 

2  Histoire  (lu  cosrume,  p.  195. 

■*  Glossaire  archéologique,  t.  J,  jj.  327. 

*  Livre  des  métiers,  titre  XCIII. 


intitulés  :  C^est  Vordenance  du  mestier  des  tesse- 
randes  de  qneuvrechiers  de  soie  ^ . 

Au  moyen  âge,  le  mot  couvre-chef  désigne  en 
général  un  voile  et  même  un  voile  d'une  élofl'e 
particulière  ;  on  les  faisait  surtout  en  iîl  très  fin 
et  en  soie: 

J'ai  Je  beax  cuevrechiés  à  dames, 

lit-on  dans  le  Dit  d'tm  mercier.  Ce  mot  est  cepen- 
dant employé  parfois  pour  indicpier  une  coiffure 
quelconque,  même  des  bonnets  de  nuit,  comme 
le  prouve  ce  passage  d'un  Compte  de  1458  : 
«  Pour  la  façon  de  douze  queuvrechiefz  à 
meclre  de  nuyt,  faiz  de  dix  aunes  demie  de  fine 
toile  de  Hollande...  -  ». 

Les  chapeliers  de  soie  n'avaient  point  à 
acheter  le  métier,  qui  était  libre.  Ils  ne 
pouvaient  avoir  que  «  une  aprentice  estrange  » 
et  une  appartenant  à  la  famille,  «  de  sa  char  ». 
I^a  durée  de  l'apprentissage  était  de  sept  ans 
pour  l'enfant  qui  apportait  une  somme  de 
vingt  sous  3,  et  de  huit  ans  pour  celle  que  l'on 
acceptait  sans  argent.  Le  travail  de  nuit  était 
interdit.  Le  métier  était  sujrveillé  par  trois 
femmes,  «  trois  preudesfames  jurées  et  sermen- 
lées  ou  Chaslelet  ».  On  lit  en  marge  du 
manuscrit  du  Livre  des  me'tiers  que  les  trois 
jurées  nommées  en  1296  furent  :  Johanna  la  Pie, 
Hondée  de  Fosses,  et  iElesia  de  Meldis.  C'est 
très  probablement  cette  dernière  que  je  trouve 
mentionnée  en  ces  termes  :  «  Aalis,  qui  fet  les 
cuevre-chiez  de  soie  »  dans  la  Taille  de  1292. 
Celte  Taille  cite  cinq  chapelières  de  soie  et  la 
Taille  de  1300  en  mentionne  trois. 

V03 .  Soie. 

Chapeliers  en  vieux.  Les  statuts 
octroyés  aux  chapeliers  en  mars  1658  défendent 
le  colportage  par  les  rues  ;  mais  les  maîtres 
tombés  dans  la  misère  étaient  autorisés  à  faire 
le  commerce  des  chapeaux  restaurés.  Ils  devaient 
déclarer  leur  intention,  renoncer  à  vendre  des 
chapeaux  neufs  et  n'avoir  pas  de  bouli({ue.  Ils 
étalaient  leur  marchandise  aux  endroits  spécifiés 
par  la  police.  Il  fallait,  en  outre,  qu'ils  justi- 
fiassent de  six  années  de  maîtrise.  De  plus,  «  pour 
arresler  le  cours  de  tous  abus,  et  remédier  au 
malheur  des  maladies  contagieuses,  lesdits 
pauvres  mais  très  qui  auront  fait  l'option  du  vieil, 
après  avoir  acheplé  de  vieux  chapeaux,  avant 
que  de  les  vendre  auront  soin  de  les  nettoyer, 
dé'J-raisser  bien  et  deuëment  et  lesiver  en 
boiiyllon  de  teinture,  pour  en  corriger  tout  le 
mauvais  air  » . 

Un  siècle  plus  tard,  ce  commerce  avait  pris 
une  grande  extension,  et  la  communauté  se 
montrait  moins  sévère  vis-à-vis  des  membres  qui 
avaient  adopté  cette  spécialité.  Beaucoup  d'entre 
eux  étalaient  sous  la  voûte  du  Petit-Chatelet. 
L'aristocratie  du  métier  était  représentée,  en 
1777,  par  le  sieur  Chardon,  rue  de  Grenelle 
Saint-Honoré,   qui    tenait   là    un    magasin    de 


1  Livre  (les  métiers,  titre  XLI^  . 

2  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'argenterie,  p.   368. 

3  Peut-être  cent  vingt  francs. 


10 


146 


CHAPELIERS  EN  VIEUX  —  CHAPERONNIERS 


«  cliapeaux  d'hazard,  bordés  e(  unis  »,  et  par  le 
sieur  Darmenien,  rue  de  la  Bùcherie,  chez  qui 
l'on  trouvait  «  des  chapeaux  vrais  castors,  de  la 
garde-robe  du  Roi  et  de  différeus  seigneurs  ^  ». 

Chapelle  du  roi  (Personnel  de  la).  Il 
comprenait,  outre  le  grand  aumônier  de  France  : 

1  premier  aumônier. 
1  maître  de  l'oratoire. 
1  confesseur  du  roi. 
8  aumôniers. 

3  prédicateurs  ordinaires. 
1  chapelain  ordinaire. 
8  chapelains. 
1  clerc  ordinaire. 
8  clercs. 

1  sacristain. 

2  sommiers  '^. 

Voj.  Musique  de  la  chapelle. 

Chapellerie.  Au  moyen  âge,  toute  coiffure 
était  un  chapel,  qu'elle  consistât  en  une  couronne 
royale  ou  en  un  simple  bonnet  de  coton.  Entre 
ces  deux  extrêmes,  la  distance  est  grande  ;  on 
ne  s'étonnera  donc  pas  trop  d'apprendre  qu'à  la 
fin  du  treizième  siècle  la  confection  des  différentes 
coiti'ures  alors  en  usage  occupait  au  moins  onze 
corporations  distinctes,  représentées  en  1292  par 
lâl  et  en  1300  par  120  chefs  d'industrie  tout 
au  moins  "•. 

C'étaient  : 

1"  Les  CHAPELIERS  DE  COTON.  Ils  fabriquaient 
exclusivement  des  bonnets  et  d'autres  objets 
tricotés  en  coton  et  en  laine, 

2°  Les  AUMUSSiERS.  Faiseurs  fïatmmsses,  nom 
que  l'on  donnait  à  un  capuchon  pointu  qui 
couvrait  la  tête  et  les  épaules. 

;}"  Les  coiFFiERS.  Faiseurs  de  coiffes,  bonnets 
tantôt  plats,  tantôt  semblables  à  des  béguins 
d'enfant,  et  dont  la  mode  dura  près  de  deux 
siècles. 

Ces  trois  corporations  se  réunirent,  et  les 
maîtres  prirent  dans  la  suite  le  nom  de  bonnetiers. 

4"  Les  CHAPELIERS  DE  FLEURS.  Ils  tressaient, 
en  Heurs  de  la  saison  durant  l'été,  en  feuillages 
variés  durant  l'Iiiver,  des  couronnes  dont  se 
paraient  h;s  hommes  (;t  les  femmes. 

C'étaient  en  réalité  dni^jardiniers  et  des  bouque- 
tièirs. 

5"  Los  CHAPELIERS  DE  PAON.  Faiseurs  de 
chapeaux  de  paon,  élégantes  coiffures  dont  les 
plumes  de  paon  formaient  le  principal  ornement. 

Ils  ont  fini  par  composer,  sous  le  titre  de 
plumassiers,  une  corporation  importante. 

0"  Les  ATOURNEHESSES.  l'illes  dressaient  les 
atours,  mol  générique  par  lequel  on  désigne  les 
hautes  coilTures  de  femmes,  cscoffions,  hen- 
nins, etc. 


'  Almanach  Dauphin,  art.  Cliapclicrs  ol  supjilénient 
p.  0. 

*  ktttt  de  la  France  pour  1687 ,  t.  I,  p.  20  ;  pour  1712, 
t.  1,  p.  23  ;  pour  1736,  t.  I,  p.  77. 

3  Voy.  les  Tailles  de  ces  deux  années. 


7°  Les  FOURREURS  DE  CHAPEAUX.  Ils  ne  restèrent 
que  peu  de  temps  en  dehors  de  la  corporation 
des  fourreurs. 

8°  Les  CHAPELIERS  DE  SOIE.  Ce  métier  était 
presque  exclusivement  exercé  par  des  femmes 
que  le  Livre  des  me'liers  nomme  tesserandes  de 
queuvrechiers  de  soie. 

L'expression  queuvrechiers  ou  couvre-chef  a^ e?,[. 
appliquée  à  un  grand  nombre  de  coiiiures.  Au 
treizième  siècle,  elle  désignait  une  voilette  faite 
de  fil  très  fin  ou  de  soie.  Ceux  qui  les  fabriquaient 
était  donc  des  tisserands  de  soie. 

9"  Les  CHAPELIERS  d'orfrois. 

10°    Les  CHAPERONNIERS. 

11"    Les  CHAPELIERS  DE  FEUTRE. 

Il  ne  serait  pas  difficile  de  rendre  cette  liste 
plus  longue  encore.  Les  lingères,  par  exemple, 
vendaient  des  bonnets  de  linge  de  toutes  sortes. 
Les  NATTIERS  tressaient  des  chapeaux  de  paille. 
Les  CRÉpiNiERS,  devenus  ensuite  'passementiers, 
confectionnaient  une  coiffure  appelée  coiffe  à 
dame  ou  crépine,  sorte  de  calotte  de  soie  recou- 
verte d'une  résille.  Mais  ce  n'était  là,  pour  ces 
corporations,  que  l'accessoire  d'autres  spécialités. 

En  somme,  nos  chapeliers  et  nos  modistes 
descendent  en  ligne  directe  des  chapeliers  d'or- 
frois, des  chaperonniers  et  des  chapeliers  de  feutre 
du  moyen  âge. 

Tous  les  métiers  cités  ici  ont  un  article  dans 
ce  dictionnaire. 

Chaperonniers.  Faiseurs  de  chaperons. 
Le  chaperon,  coiffure  commune  aux  deux  sexes, 
date  de  la  fin  du  douzième  siècle,  et  de  nombreuses 
modifications  successivement  apportées  à  sa  forme 
primitive  le  maintinrent  à  la  mode  durant  près 
de  quatre  cents  ans.  Ce  ne  fut  guère,  au  début, 
qu'un  capuchon  qui  pouvait,  suivant  l'occasion, 
être  placé  sur  la  tête  ou  rejeté  sur  le  dos.  Il  se 
perfectionna  bientôt,  et  nous  le  trouvons  alors 
composé  de  trois  parties,  dont  chacune  avait 
un  nom  :  la  visagère,  ouverture  qui  encadrait  le 
visage  ;  le  guleron,  large  coiffe  qui  recevait  la 
tête,  et  la  cornette,  bande  de  tissu  qui  partait  du 
centre  du  guleron  et  pendait  en  arrière.  Vers  le 
début  du  quatorzième  siècle,  les  hommes  eurent 
l'idée  de  mettre  la  tête  dans  la  visagère,  et  trans- 
formèrent ainsi  le  chaperon  en  une  sorte  de 
casquette  ;  le  guleron  forma  alors  un  fouillis 
d'étoffe  sur  la  tête,  et  la  cornette  retomba  où  elle 
put,  tantôt  sur  une  oreille,  tantôt  sur  l'autre,  à 
moins  qu'on  ne  Tenroulàl  autour  du  cou,  où  elle 
prenait  le  nom  de  (jarde-col. 

La  visagère,  qui  était  fort  difficile  à  découvrir 
au  milieu  d'un  attirail  si  compliqué,  se  vit  ensuite 
remplacée  par  un  bourrelet  fixe  et  solide.  A  dater 
du  quinzième  siècle,  le  chapei'on  ne  fut  guère 
porté  autrement;  mais  on  exagéra  de  plus  en 
plus  la  longueur  de  la  cornette,  qui  finit  par 
descendre  jusqu'à  la  ceinture  et  même  par  s'y 
enrouler. 

Les  femmes  ne  la  portèrent  jamais  ainsi.  Sous 
Charles  VII  et  sous  Louis  XI,  leur  chaperon 
ressembla  un  peu  à  nos  sorties  de  bal  ;  c'était  une 
coitFe  légèrement  relevée  sur  le  front  qui  tombait 


GHAPERONNIERS  —  CHAPUISEURS 


147 


le  long  des  oreilles  et  recouvrait  la  nuque.  Sous 
Charles  VIII,  le  chaperon  des  femmes  devient 
plus  court  par  derrière  et  descend  plus  bas  sur 
les  côtés.  Sans  changer  de  forme,  il  perd  un  peu 
de  son  ampleur  sous  François  P^  Sous  Louis  XII 
et  Louis  XIII,  ce  n'est  plus  qu'une  bande  d'étolFe 
posée  à  plat  sur  la  tète  et  pendant  en  arrière 
plus  ou  moins  bas. 

Qu'il  fût  destiné  à  un  homme  ou  à  une  femme, 
le  chaperon  était  fait  de  drap,  de  soie  ou  de 
velours.  Quand  il  n'était  ni  doublé,  ni  fourré,  il 
se  nommait  cha'peron  sangle  ou  sengle  ^ ,  par 
opposition  au  chaperon  double,  qui  était  renforcé 
soit  par  une  autre  étoffe,  soit  par  une  fourrure. 

Il  y  en  eut  de  presque  aussi  riches  que  les 
chapeaux  d'or^.  Le  !<"' janvier  1371,  le  duc  de 
Bourgogne  «  donna  en  estrennes  »  à  la  duchesse 
un  chaperon  sur  lequel  brillaient  six  cents  grosses 
perles  et  cinquante  onces  de  petites  perles  *'. 
Jeanne  de  Bourbon,  femme  de  Charles  V,  pouvait 
contempler  dans  ses  armoires  onze  chaperons  de 
satin  ou  de  velours,  ornés  de  perles  et  de  brode- 
ries*. Les  femmes  n'avaient  pas  le  privilège  de 
ces  riches  coiffures. 

La  chaperon  n'a  rien  perdu  de  sa  vogue  au 
siècle  suivant,  mais  il  varie  d'après  la  condition 
des  personnes.  Les  dames  nobles  le  portent  en 
satin  ou  en  velours  ;  les  bourgeoises  n'ont  pas 
droit  à  de  si  riches  étoffes,  leur  chaperon  ne  peut 
être  que  de  drap  et  de  couleur  noire  ou  rouge. 
Tout  ceci  nous  est  révélé  par  le  chroniqueur 
Olivier  de  la  Marche,  dans  un  de  ses  opuscules 
poétiques  : 

Les  chaperons  d'honneste  contenance 

Des  dames  sont  de  velours  ou  satin, 

Et  les  bourgeoises  les  ont,  par  différence, 

De  beau  drap  noir  ou  rouge,  à  leur  plaisance  ^. 

Il  en  était  de  même  à  la  fin  du  seizième  siècle, 
car  l'ambassadeur  vénitien  Lippomano  écrivait 
en  1577  :  «  La  femme  noble  porte  sur  la  tête  un 
chaperon  de  velours  noir  ou  une  grande  coiffe  de 
réseau  en  rubans  d'or  ou  de  soie,  ou  bien  ornée 
de  joyaux  ;  elle  a  un  masque  sur  le  visage.  Les 
femmes  des  boiu-geois  se  servent  d'un  chaperon 
de  drap,  car  la  coiffure  en  soie  et  le  masque  leur 
sont  défendus  ^  ». 

A  l'occasion  du  sacre  de  Marie  de  Médicis  '^, 
on  avait  dressé  dans  le  chœur  de  l'église  un 
«  amphithéâtre  somptueux,  paré,  dit  la  relation 
officielle,  de  toutes  les  dames  principales  de  la 
France,  avec  tel  choix  et  ordre  qu'il  n'y  entroit 
pas  une  sous-dame,  ny  femme  de  chapperon  de 
drap  8».  Cette  règle  présentait  bien  quelques 
exceptions.  Les  nourrices  des  enfants  de  France, 
par  exemple,  étaient  autorisées  à  porterie  chape- 
ron de  velours  ^ .  Louise  Bourgeois  le  prit  aussi 
après  qu'elle  eut  accouché  Marie  de  Médicis. 


^  Du  latin  singulus. 

2  Voy.  l'art.  Ghapeliei-s  d'orfrois. 

3  E.  Petit,  Itinéraire  de  Philippe  le  Hardi,  p.  483- 
*  Inventaire  de  Charles  V,  p.  394. 

^  Le  parement  des  dames,  chap.  23. 

*>  Relations  des  ambassadeurs  vénitiens,  l.  II,  p.  557. 

■-   11  mai  ICIO. 

8  Godefroy,  Cérémonial  françois,  t.  I,   p.  560. 

9  J.  Nicot,  Thrésor  de  la  langue  fran^-oy se,  p.  113. 


Sous  Louis  XIII,  le  chaperon  n'est  plus  guère 
porté  par  les  grandes  dames.  Tallemant  des  Réaux 
cite  un  personnage  qui  avait  épousé  une  roturière 
et  lui  défendait  de  se  montrer  dehors  avec  ses 
filles,  «  parce  que,  élanl  sortie  de  bas  lieu,  elle  ne 
voulut  jamais  quitter  son  chaperon,  et  le  père  ne 
voidi)it  pas  qu'une  bourgeoise  allast  avec  ses 
filles  1  ».  Ailleurs,  parlant  de  la  femme  d'un 
procureur  et  voulant  peindre  d'un  trait  la  bizar- 
rerie de  son  caractère,  il  raconte  qu'elle  portait 
à  la  fois  un  chaperon,  marque  de  bom-geoisie, 
et  des  pendants  d'oreille,  dont  l'usage  était  alors 
réservé  aux  nobles  dames  2. 

Les  fennnes  n'avaient  pas  encore,  sous  Louis 
XIV,  tout  à  fait  renoncé  au  chaperon,  mais  il 
était  réduit  à  une  étroite  bande  d'étofle,  dont  les 
petites  bourgeoises  recouvraient  leur  bonnet 
blanc. 

Les  honnnes  de  robe  conservèrent  fort  long- 
temps le  chaperon  ;  toutefois,  dès  la  fin  du  quin- 
zième siècle,  il  cessa  de  constituer  une  coiffure 
et  devint  un  ornement.  Sur  la  tête,  ils  mirent  la 
barrette,  bonnet  assez  semblable  au  fez  des 
Égyptiens,  tandis  que  le  chaperon,  de  dimension 
très  réduite,  pendait  sur  l'épaule  ^.  C'est  là 
l'origine  de  la  chausse  de  soie  qui  décore  aujour- 
d'hui la  robe  de  nos  professeurs  de  Facultés.  La 
partie  ronde  représente  la  coiffe  ou  guleron  de 
l'ancien  chaperon,  la  patte  et  la  cornette  se 
retrouvent  dans  les  appendices. 

Notre  expression  :  deux  têtes  dans  un  honnet 
n'existait  pas  encore,  On  disait  :  deux  têtes  dans 
un  chaperon  «  quand  on  vouloit  signifier  deux 
hommes  qui  sont  de  mesme  volonté  et  colludent  * 
ensemble  ^  ». 

Je  n'ai  pas  retrouvé  les  statuts  des  chaperon- 
niers,  et  les  Tailles  de  1292  et  de  1300  en  citent 
seulementsix,  chiffre  certainement  bien  au-dessous 
de  la  vérité.  Les  autres  sont  donc  compris,  selon 
toute  apparence,  parmi  les  chapeliers  dont  la 
spécialité  n'est  pas  indiquée.  * 

Ghaperonniers,  Ouvriers  qui  fabriquaient 
les  chaperons  destinés  à  coiffer  les  oiseaux  de 
proie.  La  Taille  de  1313  n'emploie  pas  encore 
ce  mot,  elle  mentionne,  dans  la  ruelle  sans  chef^ 
«  Pierre  de  Noyon,  qui  fait  chaperons  à  oisiaus  ». 

Ghapisseurs.  Voy.  Cliapuiseurs. 

Ghapuis  et  Ghappuis.  Voy.  Charpen- 
tiers. 

Ghapuiseurs.  Le  mot  chapuiseur  en  vieux 
français  a  le  sens  de  charpentier,  et  le  mot 
chapuis  signifie  encore  aujourd'hui  «  charpente 
en  bois  des  bâts  ou  des  selles  ^  ».  Les  chapuiseurs 
faisaient  donc  la  charpente  en  bois  des  selles. 
Ils  prenaient  aussi  le  titre  d'arçonniers. 

Dans  les  statuts  qu'ils  soumirent,  vers  1268, 


1  Historiettes,  t.  III,  p.  46. 

2  Historiettes,  t.  V,  p.  89. 

3  G.  Paradin,  Histoire  de  Lyon,  édit.  de  1573,  p.  272 

4  Et  sont  dans  une  parfaite  intelligence. 

5  Et.  Pasquier,  Recherclies,  t.  I,  p.  794. 
C  Auj.  rue  de  Fourey. 

'   Littré,  Dictionnaire. 


148 


CHAPUISEURS  —  CHARBONNIERS 


à  l'homologaiion  du  prévôt  Etienne  Boileau  ^ 
nous  voyons  que  : 

Le-  métier  était  libre.  A  moins  pourtant  que  le 
cliapuiseur  ne  voulût  se  servir  de  cordouan  2, 
cas  auquel  il  lui  fallait,  comme  tous  les  cor- 
douanniers,  acheter  au  grand  cluunbellan  et  au 
connétable  le  droit  d'exercer  -K 

En  dehors  de  ses  enfants,  de  ceux  de  sa  femme 
et  aussi  de  son  neveu,  chaque  maître  ne  pouvait 
avoir  à  la  fois  qu'un  seul  apprenti.  Celui-ci 
devait  servir  au  moins  pendant  six  ans,  cependant 
dès  que  l'apprenti  était  en  état  de  «  faire  un 
chief-d'oevre  »,  il  était  considéré  comme  ouvrier 
et  remplacé  par  le  maître. 

Cette  mention  du  ckef-d' œuvre,  épreuve  qui 
fut  plus  Lard  exig-ée  par  tous  les  corps  d'état,  est 
la  seule  qui  figure  dans  les  statuts  du  treizième 
siècle.  Par  suite  d'une  autre  exception  que  l'on 
retrouve  dans  les  statuts  des  selliers,  le  maître 
chapuiseur  était  autorisé  à  prendre  un  second 
apprenti  en  même  temps  que  le  premier,  mais 
«  pour  Dieu  »,  c'est-ù-dire  par  charité,  sans 
ré<;lamer  de  lui  ni  argent  ni  temps  de  service. 

Enfin,  tout  apprenti  avant  de  passer  ouvrier 
était  tenu  de  prêter  un  serment  à  peu  près 
semblable  à  celui  que  l'on  imposait  aux  aspirants 
à  la  maîtrise  :  il  jurait  sur  l'évangile  «  que  el 
mestier  overra  ^  bien  et  loiaument  selonc  les 
establissemens  ^  ».  Le  travail  à  la  lumière  était 
iiiterdit.  Il  n'est  pas  question  de  jurés,  sans  doute 
parce  que  les  chapuiseurs  étaient  soumis  à  ceux 
des  selliers,  avec  qui  ils  ne  tardèrent  pas  à  se 
confondre. 

La  Taille  de  1202  mentionne  douze,  et  celle 
de  1300  dix  chapuiseurs. 

On  trouve  dans  le  Livre  dea  métiers  les  formes 
chapisseurs,  chapuiseurs,  chapuisieres,  chapuis- 
seuvs  et  champisseiirs. 

Voj.  Harnachement. 

Chapuiseurs  de  bâts.  Voy.  Bâtiers. 

Chapuisieres,  Chapuisseurs,  Cha- 
puseurs.  Voy.  Chapuiseurs. 

Charbon  de  terre  (Commerce  du).  Marco 
Polo,  à  la  fin  du  treizième  siècle,  mentionne 
le  charbon  de  terre  dans  sa  description  de  l'Asie. 
On  le  connaissait  en  France  au  seizième  siècle, 
puisqu'on  juillet  1520,  la  Faculté  do  médecine, 
consulléi-  ofliciellemenl,  déclara  que  sa  fumée 
n'était  pas  iniisiblc  et  que  les  forgerons  pouvaient 
continuer  à  l'employer  ''.  Eux  seuls  alors  en 
faisaient  usage.  ,J.  Bodiu,  vers  1597,  prévient 
qu'il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  le  jais,  se 
laisser  «  abuser  par  la  semblance  de  l'un  à 
l'autre  '  v.  (lent  ans  après,  l'apothicaire  Pierre 
Poinet  lui  consacre,  dans  son  Histoire  générale 
des  drogues,  le  paragra])he  suivant  :  <<  Le  charbon 


1  Llne  </rs  wr/iirs.   titre  LXXIX. 

2  Voy.  l'nrl.  CordoniiiiTs. 

3  Voy.  l'art.  SelliiTs. 

4  ExfiTi'rn. 

•'  l,("s  .sliiluts  du  métit-r. 

<•  Cummentaria  medieino'  faciiltatis,  {.  IV,  n.  89. 

~>  Théâtre  de  lu  nature,  p.  327. 


de  terre  est  une  espèce  de  bitume  dont  les  serru- 
riers et  inareschaux  se  servent  pour  chauffer  le 
fer...  Quelques-uns  veulent  qu'il  soit  le  résidu 
de  l'huile  de  pétrolle,  qui  s'est  fait  dans  les 
entrailles  de  la  terre  ;  ce  qui  est  assez  probable, 
en  ce  que  l'on  peut  tirer  du  charbon  de  terre 
une  huile  toute  semblable  à  l'iiuile  de  pétrolle  *  ». 

L'ordonnance  de  décembre  1672  règle  en  deux 
articles  -  les  conditions  de  vente  de  ce  charbon, 
et  n'en  prévoit  l'achat  que  par  les  «  artisans 
et  forgerons  ».  Au  dix-huitième  siècle,  il  se 
débitait  à  l'île  Louvier  et  à  la  Grève  3,  et  la 
partie  du  quai  actuel  des  Célestins  qui  va  du 
Pont-Marie  à  la  rue  Saint-Paul  se  nommait  quai 
de  charbon  de  terre  *. 

Sébastien  Mercier,  en  1782,  souhaite  que  le 
charbon  déterre  qui,  dit-il,  n'est  encore  «  adopté 
que  par  les  ouvTÎers  de  forge  »  soit  utilisé  pour  le 
chauffage  ■"'.  On  y  avait  pensé  déjà,  car  J.-F. 
Sobry  écrivait  quelques  années  plus  tard  :  «  Nous 
ne  ferons  .sentir  qu'en  passant  les  inconvéniens 
que  peut  produire  l'exploitation  de  ces  mines  de 
bitume,  matière  vile  et  d'un  grand  volume,  qu'on 
employé  au  chauffage  et  que  le  peuple  appelle 
charbon  de  terre.  Est-ce  donc  la  peine  de  violer 
ainsi  la  terre,  de  troubler  les  propriétés  des  agri- 
culteurs, d'établir  sous  le  sol  des  vides  aussi 
immenses,  de  s'exposer  à  des  affaissemens  et  à 
des  tremblemens  de  terre  ••  ?  » 

Le  ciiarbon  de  terre  se  vendait  alors  à  la  voie, 
et  celle-ci  représentait  90  boisseaux  mesurés 
combles. 

Charbonniers.  La  Taille  de  1292  en 
mentit >n ne  seize.  Leur  commerce  fut  réglementé 
par  l'ordonnance  de  février  1415  ''.  On  y  voit 
que  le  cliarlxm  amené  par  eau  devait  être  mis  en 
vente  sur  le  bateau  qui  l'avait  apporté  et  dans 
les  trois  jours  de  son  arrivée.  Celui  qui  était 
venu  par  terre  devait  être  déposé  et  vendu 
seulement  à  la  place  de  Grève,  aux  halles,  à  la 
croix  du  Trahoir  et  à  la  place  Maubert,  près  de 
la  fontaine  Gaucher. 

Dès  le  treizième  siècle.  Ton  (priait  dans  les 
rues  de  Paris  : 

Cliarboii,  le  .sac  por  un  denier  !  8. 

Au  seizième,  l'annonce  est  plus  complète  : 

Charbon,  charbon  de  jeune  boys  ! 
11  n'est  qu'à  trois  solz  le  minot  9. 
1!  est  en  Grève  sur  un  basteau  ; 
Qui  en  voudra  le  vienne  voir  !  *0. 

L'ordonnance  de  décembre  1672  autorise  la 
vente  au  détail  et  dans  les  rues  par  les  forains  qui 
amenaient  du  charbon  sur  des  chevaux.  Mais 
la  marchandise  devait  être  enfermée  dans  des  sacs. 


1  1591,  in-folio,  3«  partie,  p.  87. 

2  Chaiiitre  XXI,  art.  8  et  9. 

■^  .Jèze,  AVfl/  ou  tableau  de  la  tille  de  Paris,  p.  25. 
4  A.  V.,  La  vie  de  Paris  sous  Louis  XV,  p.  176. 
ïi   Tableau  de  Paris,  t.  VIT,  p.  147. 
6  Le  mode  français,  1786,  p.  388. 
■?  Chapitre  XIV. 

'^  Les  erieries  de  Paris,  par  Guill.  de  la  Ville  Neuve. 
•'  En  100(5,  le  pri.K  du  minot    était  monté  à  trente-deux 
.sou.s. 

•"  A.  Truquet,  Les  cent  et  sept  cris,  etc.,  an.  1545. 


CHARBONNIERS  —  CHARITÉ 


1-iO 


«  El  afin  que  lo  public  on  puisse  avoir  connois- 
sance,  seront  tenus  de  ne  cliarg'er  leurs  chevaux 
que  de  sacs  qui  soient  de  mesnie  continence,  el 
d'avoir  sur  le  basl  de  leurs  chevaux  des  placjues 
de  fer  blanc,  sur  les([uelles  seront  inscrits  la 
continence  des  sacs  et  le  prix  du  cliarbon  '  ». 

Au  dix-huitième  siècle,  le  charbon  le  plus 
estimé  était  celui  qui  arrivait  de  Bour^og-ne  par 
l'Yonne  ;  venaient  ensuite  le  charbon  qu'ame- 
naient la  Marne,  et  même  la  Loire.  Tous  se 
vendaient  à  la  voie,  mesure  qui  contenait  seize 
boisseaux.  Le  prix  en  était  fixé  tous  les  trois 
jours  par  le  bureau  de  la  Ville.  Sous  peine  de 
confiscation  et  de  mille  écus  d'amende,  il  était 
interdit  d'envoyer  du  charbon  à  l'étran<);'er. 

En  vertu  d'une  tradition  dont  j'ai  vainement 
recherché  l'orig-ine,  dans  toutes  les  fêtes  où  le 
populaire  était  convié,  la  place  d'honneur 
appartenait  aux  poissardes  et  aux  charbonniers, 
représentants  attitrés  de  la  classe  ouvrière.  Les 
jours  de  spectacle  g-ratuit,  l'on  réservait  aux 
premières  le  balcon  de  la  reine,  et  aux  seconds 
le  balcon  du  roi.  Lors  de  la  naissance  de  Madame 
royale  (1778),  les  poissardes  et  les  charbonniers 
étant  arrivés  trop  tard  à  la  représentation 
gratuite  du  Théâtre  français  se  virent  refuser 
l'entrée  de  la  salle,  faute  de  place.  Ils  se  fâchèrent 
et  demandèrent  «  pourquoi  l'on  avoit  laissé 
occuper  les  loges  du  roi  et  de  la  reine  qui,  en 
pareille  cérémonie,  leur  appartiennent  de  droit. 
Grande  rumeur.  Il  a  fallu  appeler  le  semainier  ; 
et  la  troupe  des  comédiens  s'étant  assemblée 
pour  délibérer,  on  a  reconnu,  par  la  compulsion 
des  registres,  la  légitimité  de  leur  réclamation. 
Pour  y  suppléer,  on  a  mis  des  banquettes  sur  le 
théâtre  de  chaque  côté,  où  les  charbonniers  ont 
pris  place  du  côté  du  roi  et  les  poissardes  du 
côté  de  la  reine  ^.  En  1781,  l'on  eut  soin  de 
laisser  libres  les  places  appartenant  à  ces  deux 
importants  corps  d'état.  Ils  les  occupèrent  à 
l'Opéra  et  encore  le  lendemain  anx  Italiens  qui 
donnèrent  aussi  un  divertissement  gratuit.  Les 
charbonniers,  parodiant  les  grands  seigneurs, 
arrivèrent  dans  une  charrette,  qu'ils  renvoyèrent 
en  criant  à  leur  conducteur  :  «  A  ce  soir,  cinq 
heures  ^  ». 

Les  mesures  employées  pour  le  charbon  étaient  : 

Le  muid,  qui  contenait  env.     640  boisseaux. 
La  grande  somme     —  100        — 

La  petite  somme       —  65        — 

La  voie  —  16        — 

Le  minot  —  8        — 

Le  sac,  dont  la  contenance  était  variable. 

Charbonniers.  On  nommait  ainsi,  dans 
les  forges,  les  ouvriers  chargés  de  conduire  le 
feu  des  fourneaux. 

Charcutiers.  Ils  se  séparèrent,  au 
quinzième  siècle,  de  l'ancienne  corporation  des 


1  Chapitre  XXI,  art.  4. 

2  Mémoires  secrets  dits  de  Bachaumont,  24  décembre 
1778,  t.  XII,  p.  205.  —  Voy.  aussi  le  Mercure  de  France 
n"  de  janvier  1779,  p.  50. 

3  Bachaumont,  t.  XVIII,  p.  115. 


cuisiniers,  el  reçurenl.  en  1476,  h'urs  pnMuiers 
statuts,  sous  le  nom  de  <:/iaircuilierfi-saulrissiers. 
Les  bouchers  ayant  encore  le  privilège  de  toutes 
les  viandes,  les  chaircuitiers  devaient  débiter 
seulement  des  chairs  cuites  et  plus  spécialement 
de  la  viande  de  porc.  Des  lettres  patentes  de 
juillet  15 LJ  les  autorisèrent  à  faire  le  connnerce 
des  porcs  vivants  '  ;  puis  la  Déclaration  du 
24  octobre  1705  leur  accorda,  à  l'encontre  des 
bouchers,  le  droit  exclusif  de  vendi'e  la  viande 
de  porc,  soit  cuite,  soit  crue.  (]elle  Déclarât i(ui 
les  qualifie  de  chaircuiliers-saucissierH-binuli- 
niers-coiirtiers-viHiteîim  de  porrs  morts,  lards  et 
graisses.  Ces  dernières  qualificati(Mis  désignent 
des  offices  créés  par  la  royauté,  et  que  les 
charcutiers  avaient  rachetés  ^.  Les  statuts  de 
1745  ne  les  nomment  plus  que  chaircuilicrs .  On 
en  comptait  environ  IHO  à  Paris  vers  la  fin  du 
dix-huitième  siècle,  et  ils  s'étaient  placés  sous  le 
patronage  de  la  Vierge,  qu'ils  fêtaient  le  jour  de 
sa  nativité. 

Chardonniers.  C'étaient  soit  des  lainexirs, 
soit  des  gens  qui  recueillaient  et  vendaient  le 
chardon  utilisé  par  les  bonnetiers  et  les  foulons. 
La  Taille  de  1292  cite  deux  chardonniers. 

Charg-eurs  de  bois.  ^<  Afin  que  les 
bourgeois  qui  feront  venir  ou  arriver  en  ceste 
ville  de  Paris  par  eauë  leurs  provisions  de  bois, 
ou  achèteront  leursdites  provisions  de  bois  es 
ports  de  cestedite  ville  :  et  pour  éviter  à  l'excez 
du  prix  immodéré  requis  par  crocheteurs  et 
autres  personnes  incogneuës  qui  s'entremettent 
de  travailler  sur  lesdits  ports  :  il  y  aura  par 
nombre  cinquante  et  sept  chargeurs,  à  sçavoir  : 

20  sur  le  port  de  l'Eschole  Saint-Germain. 

12  sur  le  port  de  Grève. 

13  sur  le  port  Saint- Paul  et  Arche-Beaufils  3. 
12  sur  les  ports  de  la  Tournelle  et  Malaquesl, 

qui  chargeront  dans  les  charettes  et  harnois  es 
ports  et  es  chantiers  des  marchands  les  fagots, 
coslerets,  gros  bois  de  moole  *,  bois  de  corde, 
etc.  ^  ». 

Un  édit  de  février  1 644  porta  leur  nombre  ù 
117,  que  je  trouve  réduit  à  100  en  1674  ^. 

Charg"eurs  sous  corde.  Titre  que 
prenaient  les  emballeurs. 

Chargeurs  de  foin.  V'^oy.  Courtiers. 


Charg-eurs    de   vin. 
geurs. 


Voy.     Déchar - 


Charité.  Voy.  Bienfaisance  (CEuvres 
de). 


1  Ordonn.  royales,  t.  XXI,  p.  515. 

2  Voy.  ci-dessous  les  art.  Courtiers  et  Offices  (Créa- 
tions d'). 

3  L'arche  Beaufils  était  située  quai  des  Ormes  (auj. 
quai  des  Célestins),  à  l'extrémité  de  la  rue  de  l'Etoile 
(auj.  partie  de  la  rue  du  Fauconnier). 

i  Voy.  ci-dessous  l'art.  Mouleurs  de  bois. 

5  Ordonnance  de  février  1415,  chap.  XIII. 

6  Voy.  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.   III,  p.    912. 


150 


CHARITÉ  —  CHARPENTIERS 


Charité  (Hôpital  dk  la).  Six  garçons 
chirurgiens  y  étaient  attachés,  et  tous  les  cinq 
ans,  l'un  d'entre  eux  obtenait  gratuitement  la 
maîtrise  ^. 

Charlatans.  Voj.  Bateleurs.  —  Opé- 
rateurs, etc. 

Charnag"e.  Relativement  à  la  durée  du 
travail,  le  moyen  âge  avait  divisé  l'année  en 
deux  saisons  :  le  carême  ou  saison  des  jours 
longs,  et  le  chamade  ou  saison  des  jours  courts. 
La  saison  de  charnage  commençait  au  1"''  octobre, 
et  finissait  soit  au  mardi  gras,  soit  au  premier 
dimanche  de  carême  ^. 

Charpentiers.  Vers  1268,  le  prévôt 
Etienne  Boileau  résolut  de  recueillir  les  statuts 
qui  régissaient  les  différentes  industries  exercées 
à  Paris,  et  la  réunion  de  ces  statuts  constitua  le 
très  précieux  ouvrage  connu  sous  le  nom  de 
Livre  des  métiers.  Quand  il  fut  question  des 
charpentiers,  le  prévôt  vif  comparaître  devant 
lui  un  important  personnage,  nommé  Foulques 
du  Temple,  qui  se  disait  maître  des  charpen- 
tiers. Il  déclara  au  prévôt  qu'en  vertu  d'un 
privilège  qu'un  des  prédécesseurs  de  saint  Louis 
avait  accordé  à  «  ses  devanciers  »,  il  touchait 
les  revenus  du  métier  de  cluirpenterie,  et  avait 
sur  tons  les  corps  d'état  qui  le  composaient  le 
droit  de  basse  justice.  Le  titre  des  statuts  fut 
donc  rédigé  en  ces  termes  :  «  Ce  sunt  les  orde- 
nences  des  mestiers  qui  apartiennent  à  charpen- 
terie,  ainsi  comme  mestre  Fouques  du  Temple  et 
ses  devanciers  l'ont  usé  et  maintenu  au  temps 
passé  ^  ». 

Ce  n'était  pas  seulement  sur  les  cliarpentiers 
proprement  dits  que  maître  Foulques  avait 
autorité,  sa  juridiction  s'étendait  sur  la  plupart 
des  ouvriers  qui  travaillaient  le  bois,  sur  «  toutes 
manières  d'autres  ouvriers  qui  euvrent  du 
Irenchant  en  merrien  »,  et  il  cite  parmi  eux  : 

Les  huchiers.  Les  lambrisseurs. 

Les  huissiers.  Les  faiseurs  de  nefs. 

Les  tonneliers.  Les  cochetiers. 

Les  charrons.  Les  tourneurs  *. 
Les  couvreurs. 

Chacun  de  ces  métiers  avait  ses  statuts  parti- 
culiers. Les  artisans  qui  y  contrevenaient  étaient 
cités  au  tribunal  de  maître  Foulques,  et  s'ils 
faisaient  défaut,  payaient  une  amende  de  quatre 
deniers.  Maître  Foulques  prélevait  encore  sur 
eux  tous  une  somme  de  dix-huit  deniers  par 
jour,  et  avait  droit,  quand  arrivait  la  Toussaint, 
à  une  robe,  c'est-à-diroà  un  habillement  complet 
valant  au  moins  cent  sous. 

Analysons  maintenant  les  statuts  spéciaux  aux 
charpi'ulicrs. 


*  Voy.  Allotz,  Tableau  de  l'huvianilé,  elc,  p.  114. 

2  «  Dos  la  Snint-Rcmi  jusquns  h  quarosmc  prenant  ». 
{Livre  des  nirtiers,  litro  XXXV,  art.  3).  —  «  De  la 
Sainl-R(>nii  à  la  Chanfifieur  ».  (Statuts  ries  tondeurs  de 
•  liap,  1381.  art.  12).  —  «  Entre  l.\s  brandon.s  et  la  Saint- 
R.Miii  )).  (I.irie  des  métiers,  litre  LXXXIII,  art.  9). 

^  Livre  des  me'tiers,  titre  XLVIl. 

*  Voy.  tous  ces  mots. 


En  dehors  de  son  fils,  de  son  neveu  et  du  fils 
de  sa  femme,  chaque  charpentier  ne  pouvait 
avoir  à  la  fois  qu'un  seul  apprenti  ;  cependant, 
afin  d'être  sûr  de  n'en  point  manquer,  il  avait  le 
droit  d'en  prendre  un  second  au  cours  de  la 
dernière  année  de  chaque  apprentissage,  et  celui- 
ci  durait  quatre  ans.  Pendant  la  première  année, 
l'apprenti  était  tenu  de  payer  une  indemnité  de 
nourriture,  évaluée  à  six  deniers  par  jour. 

Les  charpentiers  cessaient  tout  travail  le 
samedi  «  puis  que  none  seroit  sonnée  à  Nostre- 
Dame  »,  c'est-à-dire  vers  trois  heures,  sauf 
pourtant  s'ils  avaient  commencé  à  élever  une 
charpente  qu'on  ne  pouvait  laisser  sans  appui. 

Il  leur  était  défendu  de  travailler  à  la  lumière 
factice,  à  moins  que  ce  ne  fut  «  pour  le  roi,  ou 
pour  la  roine,  ou  pour  les  enl'ans  de  France,  ou 
pour  l'évesque  de  Paris  ». 

Quatre  jurés  surveillaient  le  métier  etrelevaient 
les  contraventions. 

La  Taille  de  1292  mentionne  9(i  charpentiers, 
celle  de  1300  en  cite  108. 

Les  prérogatives  des  successeurs  de  maître 
Foulques  furent  supprimées  sous  Philippe  le 
Bel,  par  arrêt  du  Parlement  rendu  en  1314  *  ;  les 
métiers  jusqu'alors  soumis  à  leur  juridiction 
firent  retour  au  roi  et  les  droits  de  justice 
passèrent  au  tribunal  du  Châtelet. 

C'est  sans  doute  vers  cette  époque  que  les 
charpentiers  se  divisèrent  en  deux  classes  : 

1°  Les  cJiarpentiers  de  la  grande  cognée  ou 
charpentiers  grossiers.,  qui  travaillaient  les  gros 
bois  de  charpente.  Les  charrons  y  furent  cepen- 
dant compris  pendant  longtemps  ; 

2°  Les  charpentiers  de  la  petite  cognée,  qui 
ftiisaient  des  ouvrages  «  plus  menus  »,  et  qui 
prirent  plus  tard  le  nom  de  menuisiers. 

Les  charpentiers  de  la  première  classe,  les 
seuls  dont  j'aie  à  m'occuper  ici,  étaient  au 
nombre  de  40  en  1454^.  Leurs  statuts,  fréquem- 
ment confirmés  ou  revisés,  furent  renouvelés 
par  Louis  XIV  en  aoiit  1649. 

J'y  vois  que  la  durée  de  l'apprentissage  était 
de  six  ans,  celle  du  compagnonnage  de  six  mois 
seulement. 

Nul  n'était  dispensé  du  chef-d'œuvre,  pas 
même  les  fils  de  maître. 

Aucun  maître  ne  pouvait,  à  peine  de 
1.500  livres  d'amende,  entreprendre  une  cons- 
truction pour  la  «  rendre  la  clef  à  la  main  ». 

Il  était  interdit  aux  apprentis  et  aux  compa- 
gnons «  sous  peine  de  punition  corporelle  », 
d'emporter  chez  eux  des  copeatix. 

Vers  le  milieu  du  dix-luiilième  siècle,  Paris 
comptait  environ  80  maîtres  charpentiers.  Ils 
sont  dits  souvent  charpentiers  de  maisons  pour  les 
distinguer  des  charpentiers  de  bateaux.  On  les 
nomme  aussi  parfois  chapuis  ou  chappuis  et 
maîtres  de  la  hache. 

Ils  eurent  successivement  poiir  patron  saint 
Biaise,  puis  saint  Joseph  ^. 


'  Delamarrc,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  70. 

-  Ordann.  royales,  t.  X^'I,  p.  614. 

3  Voy.  S.  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  VIII,  p.  207. 


CHARPENTIERS  —  CHARRONS 


151 


Une  partie  de  la  rue  Béthisy  s'appela,  jusqu'au 
milieu  du  quinzième  siècle,  rue  de  la  Charpen- 
terie. 

Yoy.  Concessions  de  métiers. —  Livre 
des  métiers  et  Vérificateurs  de  mé- 
moires. 

Charpentiers  d'artillerie.  On  nommait 
ainsi,  au  quinzième  siècle,  les  ouvriers  qui 
construisaient  les  affûts  pour  les  canons. 

Voy.  Fondeurs  de  canons. 

Charpentiers  de  bateaux.  \oy.  Ba- 
teaux (Constructeurs  de). 

Charpentiers  de  huches.   Nom    que 

l'ordonnance  de  janvier  1351  donne  aux  Imchiers. 

Charpentiers  de  navires.  Voy.  Ba- 
teaux (Constructeurs  de). 

Charpentiers  de  nefs.  Nom  que  la 
Taille  de  1292  donne  aux  constructeurs  de 
bateaux. 

Charpentiers  de  tonneaux.  Voy. 
Tonneliers. 

Charretiers.  La  Taille  de  1202  en  cite  47. 
Elle  mentionne,  en  outre,  un  voiturier  d^atte, 
et  je  trouve,  dans  la  Taille  de  1313,  deux 
charretiers  de  Vyaue.  Géraud  ^  veut  que  le 
premier  soit  «  un  voiturier  par  eau  ou  un  porteur 
d'eau  à  voiture  ».  Je  crois  qu'il  s'agit  tout 
simplement  de  bateliers  ^ . 

On  enjoignit  de  bonne  heure  aux  charretiers, 
de  faire  peindre,  en  gros  caractères,  leur  nom  et 
leur  adresse  sur  le  devant  de  leur  tombereau  et 
sur  le  collier  de  leur  limonier. 

L'ordonnance  de  police  du  15  octobre  1734 
veut  qu'ils  apposent  à  leurs  voitures  «  des 
plaques  de  fer  peintes  en  jaune,  de  douze  pouces 
de  long  sur  dix  de  large,  attachées  sur  deux 
planches  ou  au  collier  de  leurs  chevaux  ;  sur 
lesquelles  plaques  sera  écrit,  en  lettres  et  chiffres 
noirs  de  un  pouce  de  hauteur,  non  seulement  les 
numéros,  mais  encore  les  noms  et  surnoms  des 
propriétaires  d'icelles  ^  ». 

Un  manuel  imprimé  au  dix-huitième  siècle 
recommande  aux  charretiers  de  faire  tirer  tous 
leurs  chevaux  également,  de  se  servir  du  limo- 
nier à  propos,  de  prendre  leurs  précautions  pour 
les  tournants  quand  ils  conduisent  plusieurs 
chevaux,  etc.,  etc.  *  ;  recommandations  qui 
n'étaient  guère  observées,  car  voici  ce  qu'écrivait 
Sébastien  Mercier  vers  1780  :  «  Les  charrettes 
à  Paris  s'accrochent  éternellement. . .  Si  le  cheval 
fait  un  écart,  le  charretier  le  redresse  à  grands 
coups  de  fouet...  Des  lois  en  faveur  des  chevaux 
honoreroient  un  législateur  en  France  et 
rendraient  le  peuple  meilleur.  Rien  de  plus 
hideux  et  de  plus  féroce  que  nos  charretiers  ^  ». 


^  Paris  sous  Philippe  le  Bel,  p.  548. 

2  Voy.  cet  article. 

3  Voy.  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  459- 

4  Le  parfait  cocher,  édit.  de  1744,  p.  197. 

5  Tableau  de  Paris,  t.  V,  p.  16.  Voy.  aussi  p.  329. 


Les  charretiers  avaient  pour  patron  saint  Eloi. 
L'alibé  .Tiiubert  écrit  «  charretier  ou  chartier  ». 

Charrons.  Jean  de  Garlande,  dans  son 
Dictionnaire^,  les  nomme  rotarii^,  et  cite, 
parmi  les  olijets  qu'ils  fabriquaient,  des  chars  à 
deux  et  à  (juatre  roues  et  des  charrettes  ^,  des 
jantes,  des  rais  et  des  moyeux  pour  les  roues  *, 
des  essieux,  des  brancards  et  des  limons  ". 

Le  Livre  des  métiers  nous  apprend  ^  que  les 
charrons  appartenaient  à  la  corporation  des 
charpentiers  et  étaient  soumis  aux  mêmes  statuts. 
Ils  étaient  donc  placés  sous  l'autorité  du  premier 
charpentier  du  roi,  et  contribuaient  à  la  redevance 
de  dix-huit  deniers  par  jour  qui  lui  était  due.  Ils 
ne  pouvaient  avoir  à  la  fois  qu'un  seul  apprenti, 
et  l'apprentissage  durait  quatre  ans.  Le  travail  ii 
la  lumière  artificielle  leur  était  interdit,  et  le 
samedi  les  ouvriers  devaient  déposer  leurs  outils 
à  trois  heures.  11  leur  était  spécialement  recom- 
mandé de  veiller  à  la  solidité  des  essieux,  de  n'en 
fournir  que  de  «  souffisans,  comme  ils  vorroient 
c'on  les  leur  meist  se  ils  estoient  charetiers  ». 

La  Taille  de  1292  mentionne  19  charrons, 
celle  de  1300  en  cite  11  seulement.  En  1467, 
ils  étaient  assez  nombreux  pour  former  à  eux 
seuls  une  bannière  '',  et  leur  communauté  ne 
cessa  dès  lors  de  prospérer  et  de  s'accroître. 

Leurs  statuts,  renouvelés  en  1498,  ne  prévoient 
encore  que  la  fabrication  des  «  chariotz,  char- 
rettes, tumbereaulx  »,  et  des  «  ouvraiges  qui  se 
feront  doresenavent  pour  le  fait  de  l'artillerie 
du  Roj,  nostre  sire  ».  Les  maîtres  étaient  alors 
au  nombre  de  trente  environ. 

Ces  statuts  furent  revisés  encore  au  mois  de 
mars  1668,  et  cette  fois,  les  charrons  sont  ainsi 
qualifiés  :  charrons-carrossiers-faisenrs  et  entre- 
preneurs de  carrosses,  coches,  chariots,  litières, 
brancards,  calèches,  et  autres  attirails.  Ils  sont 
assimilés  aux  selliers  pour  la  fabrication  de  tous 
ces  objets.  L'apprentissage  dure  quatre  ans,  et 
est  suivi  de  quatre  ans  de  compagnonnage. 
Les  maîtres  s'engagent  à  ne  confectionner  les 
«  moyeux,  roues,  gentes,  esseaux,  que  de  bon 
bois  de  chêne,  orme,  frêne,  haistre,  charme  ou 
tilleaux  ». 

Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nombre 
des  maîtres  s'était  élevé  à  130  environ.  Ils  avaient 
pour  patrons  sainte  Catherine  qui,  comme  on 
sait,  avait  été  attachée  sur  une  roue,  et  saint 
Joseph,  en  souvenir  de  leur  ancienne  union  avec 
les  charpentiers. 

La  partie  de  la  rue  de  la  Ferronnerie  comprise 
entre  la  rue  Saint-Denis  et  la  rue  de  la  Lingerie 
porta,  jusqu'au  quinzième  siècle,  le  nom  de  rue 
de  la  Charonnerie  ^. 

On  trouve  les  charrons  nommés  encore  emlm- 
teurs  de  roues,  rodirrs,  roijers,  etc. 


1  Écrit  vers  1250.  Edit.  Scheler,  p.  29. 

2  Voy.  Ducange,  Glossaire,  t.  V,  p.  806. 

3  «  Bigas  et  quadrigas  et  plaustra». 

4  «  Canti  rotarum,  radii  et  modii  ». 

5  «   Axes,  limones  et  timones  ». 

6  Titre  XLVII. 

"   Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  671. 

8  Jaillot,  quartier  Sainte-Opportune,  p.  17. 


152 


CHARRUIERS  —  CHATREURS 


Gharruiers.  Voy.  Laboureurs. 

Chartes  parties.  Voj.  Chirographes. 

Ghartiers.  Voj.  Charretiers. 

Ghartriers.  Voj.  Geôliers. 

Ghasse-avant.  Vov.  Fiqueurs. 

Ghasse-chiens.  Voj.  Bedeaux. 

Ghasse-coqnins.  Voy.  Archers  des 
pauvres  el  Bedeaux. 

Ghasse-marée.  Dès  le  treizième  siècle 
Paris  laisail  une  grande  consommation  de  poissons 
de  mer.  On  appelait  cliasse-marée  les  hommes 
qui  y  amenaient,  en  toute  hâte,  le  poisson  pêclié 
sur  les  côtes  les  plus  rapprochées  de  la  capitale, 
celles  de  Normandie  et  de  Picardie.  Kn  général, 
ils  chassaient  devant  eux  de  petits  bidets  chargées 
de  paniers.  Ils  se  servirent  un  peu  plus  tard  de 
voitures  légères,  d'où  leur  vint  un  nouveau  nom, 
wituriers  de  la  mer. 

Les  services  qu'ils  rendaient  et  aussi  la  gour- 
mandise des  Parisiens  leur  avaient  fait  accorder 
une  foule  de  privilèges.  On  ne  pouvait  les  arrêter 
eu  route,  ni  saisir  leurs  chevaux  ;  un  fonds  spécial 
était  destiné  à  remplacer  les  bêtes  mortes  de 
fatigue  ou  le  poisson  corrompu  en  chemin  '. 

A  l'arrivée,  les  paniers  étaient  livrés  aux 
venden,rs,  et  débiles  par  eux  à  la  criée  ;  les 
marchandes  de  marée  les  achetaient  pour  les 
écouler  au  détail. 

Les  huîtres  apportées  par  les  chasse-marée 
étaient  dites  huîtres  de  chasse,  distinguées  ainsi 
de  celles  qui  venaient  par  bateau  en  remontant  la 
Seine. 

Dans  l'édition  publiée  en  1510  (b;  la  grancbî 
ordonnance  de  141."),  une  naïve  gravure  repré- 
sente un  chasse-marée  et  son  bidet. 

Voy.  Poissonniers  de  mer  et  Ven- 
deurs. 

Chasse-mouches  (Marchands  de).  Titre 
([uc  prcniiient  les  iiiaîircs  de  la  corporation  des 
cordiers. 

Chasse-mulet.  «  Valet  de  meunier  des 
environs  <le  Paris,  (pii  rapporte  sur  ses  mulets  les 
sacs  de  fai'ine  aux  boulangers,  el  porte  le  blé  des 
boulangers  au  moulin  ^  ». 

Chasseurs.  Domestiques  employés  dans  les 
propriéiés  de  campagne  des  grands  seigneurs. 
^<-  Le  (;hasseur,  écrit  Audiger,  n'est  obligé  à  rien 
i\\\'i\  bien  tirer  el  à  fournir  du  gibier  à  proportion 
(|u'il  esl  nécessaire  pour  l'ordinaire  du  seigneur 
ou  pour  régaler  les  personnes  qui  lui  viennent 
rendre  visite.  11  doit  aussi  bien  savoir  dresser  les 
cliiens,  lanl  couchans,  courans  qu'autres,  pour  le 
plaisir  du  seigneur  on  de  ses  amis,  el  con.server 
toujours  le  gibier  de  quelque  canton  pour  les  y 


'  Dflamarro,  Traité  de  la  police,  t.  III,    p.  08. 
2  Dictionnaire  de  Trévoux,  t.  II,  p.  475. 


mener  se  divertir  losqu'il  leur  en  prend  envie  *  ». 

On  donnait  le  même  nom  à  un  domestique, 
qui  vêtu  d'une  riche  livrée  de  chasse,  montait 
derrière  la  voiture  de  ses  maîtres. 

Voy.  Capitaine  des  chasses. 

Châssetiers.  Voy.  Châssissiers. 

Ghâsslssiers  ou  Châssetiers.  Faiseurs 
de  fenêtres.  Le  mot  châssissier  ligure  dans  le 
supplément  du  Dictionnaire  de  Littré,  oii  il  est 
ainsi  défini  :  «  ancien  terme  qui  désignait  les 
faiseurs  de  châssis.  »  Mais  les  châssis,  c'étaient 
des  fenêtres,  témoin  ces  deux  vers  de  Villon  : 

Item,  je  lai.sse  aux  liospitaux 
Mes  châssis  tissus  d'araignco  2. 

Bien  que  réunis  depuis  longtemps  à  la  corpo- 
ration des  menuisiers,  les«  maîtres  châssetiers  ou 
faiseurs  de  châssis  »  formaient  encore,  au  dix- 
septième  siècle,  une  confrérie  particulière,  qui 
tenait  ses  réunions  dans  la  chapelle  du  collège 
des  Bons-Enfants  de  la  rue  Saint-Honoré  ^.  Enfin, 
V Encyclopédie  mélhodique  *  nous  apprend,  qu'au 
siècle  suivant,  il  existait  des  «  châssissiers»,  dont 
la  profession  consistait  à  garnir  les  fenêtres,  non 
de  verre,  mais  seulement  de  feuilles  de  papier 
huilé. 

Les  grillageurs  ont  aussi  porté  ce  nom. 

Chaste  (Semaine).  Dans  les  statuts  des 
métiers  et  dans  les  ordonnances  du  moyen  âge, 
ces  mots  désignent  la  semaine  de  la  Quadra- 
gésime,  premier  dimanche  du  carême. 

Chasubliers.  Ils  confectionnaient  les 
chasubles,  chapes,  dalmatiques,  étoles  el,  d'une 
manière  générale  tous  les  ornements  d'église 
faits  en  étoffe.  Les  maîtres  étaient  au  nombre  de 
cinq  en  1292  et  de  quatre  en  1300  ■'.  Ils  furent 
de  bonne  lieure  réunis  aux  brodeurs.  En  1409, 
Isabeau  de  Bavière  commanda  à  un  brodeur 
toute  la  garniture  d'une  chapelle,  ce  qui  semble 
bien  indiquer  que  la  réunion  des  deux  métiers 
était  déjà  effectuée. 

Châtaignes  (Marchands  de).  Voy.  Mar- 
rons (Marchands  de). 

Châtreurs.  Un  des  moyens  les  plus  prônés 
pour  la  cure  des  hernies  était  l'ablation  d'un 
testicule  ou  même  des  deux.  Bien  d'autres 
aff'eclions,  hi  lèpre  ",  la  goutte,  Taliénation 
mentale  par  exemple,  ne  résistaient  pas  à  ce 
procédé  énergique.  Le  temps,  loin  d'affaiblir 
cette  croyance,  l'enracina,  l'élendil,  et  la  castra- 
lion  devint  peu  à  peu  une  sorte  dé  panacée  qui 
assurait  mille  avantages  à  l'beureux  mortel 
débarrassé  d'un  orwuie   nuisible.    A  la  fin  du 


■l  AudifTci-,  La  fnaison  réniée,  liv.  II,  cliap.  4. 

2  Petit  testament,  §  XXX. 

•'  i.i^  Ma.sson,  Calendrier  des  confréries,  \i.  105. 

*  Arts  el  métiers,  t.  VIII,  p.   698. 

'•>  Voy.  les  Tailles  do  ces  deux  années. 

**  Voy.    Et.    Baluze,    Epistolœ   Innocenta   JII .    t.    I, 
p.   10. 


CHATREURS  —  CHAUDRONNIERS 


153 


seizième  siècle,  Jean   Bodin   démontre   de   son 
mieux  pourquoi  : 

Les  chaslrez  ne  sont  suhjects  aux  varices. 

—  —       sont  exempts  de  la  goutte. 

—  —  surmontent  tous  les  atitres  IVom- 
mes  en  prudence,  etc.,  etc.  '. 

François  Ranclun,  en  1640,  reconnaît  toute- 
fois que  la  castration  «  n'est  pas  un  remède 
certain  pour  les  lépreux  "^  ».  Elle  avait  tant 
d'autres  mérites  que  l'on  pouvait  bien  lui 
contester  celui-là. 

Fabrizio  d'Aquapendente,  mort  en  1619, 
mentionne  •*  un  Horace  de  Norsia,  habile 
inciseur,  qui  à  lui  seul  châtrait  environ  deux 
cents  individus  par  an. 

Il  avait  en  tous  lieux  des  confrères  aussi 
occupés  ;  mais  il  ne  faut  pas  compter  parmi  eux 
Ambroise  Paré.  Dans  son  traité  des  hernies,  il 
s'élève  avec  indignation  contre  les  ignobles 
opérateurs  qui  «  coupent  les  coïllons  »  aux 
garçons  '*.  Il  les  moleste  encore  dans  le  chapitre 
où  il  étudie  les  plaies  des  aines  et  des  testicules  ; 
il  veut  que  l'on  conserve  avec  soin  ces  parties 
«  qui  sont  nécessaires  à  la  génération  »,  et 
ajoute-t-il,  «  qui  mettent  la  paix  en  la  maison  ^  ». 
Sur  ce  point,  il  devait  savoir  à  quoi  s'en  tenir, 
ayant  été  marié  deux  fois.  Mais  Paré  ne  fut 
point  écouté. 

Dionis,  au  dix-huitième  siècle,  a  soin  d'avertir 
ses  élèves  que  les  châtrés  ne  sont  pas,  «  ainsi 
qu'on  le  croit  en  général,  exempts  de  certaines 
maladies,  comme  de  la  goutte,  de  la  ladrerie,  de 
la  mort  subite,  etc.  ».  Il  affirme  aussi  qu'il  a 
connu  «  un  opérateur  qui  ne  nourrissoit  son 
chien  que  de  testicules  ;  le  chien  se  tenoit  sous 
le  lit  ou  sous  la  table,  proche  son  maître,  en 
attendant  ce  morceau  friand,  dont  il  le  régaloit 
aussitôt  après  avoir  fait  l'extirpation  ^  ». 

L'abus  fut  porté  à  tel  point  que  la  Société 
royale  de  médecine  s'en  émut.  En  1776,  elle 
nomma  des  commissaires  chargés  de  faire  une 
enquête  sur  ces  odieuses  mutilations  et  d'aviser 
aux  moyens  d'y  mettre  un  terme.  Ils  constatèrent 
que,  dans  le  seul  diocèse  de  Saint-Papoul,  plus 
de  cinq  cents  jeunes  gens  avaient  été  châtrés  par 
d'audacieux  exciseurs,  qui  recevaient  pour 
chaque  opération  35  livres  '' . 

Les  chàtreurs  n'exerçaient  pas  leurs  talents 
que  sur  l'espèce  humaine.  Je  trouve  dans  un 
compte  du  quatorzième  siècle  la  mention  sui- 
vante :  «  Pour  châtrer  plusieurs  cliiennes  de 
Mgr  Philippe  et  autres  de  l'ostel  du  Roy, 
1  noble  ^  ». 

Au  seizième  siècle,  les  chàtreurs  criaient  leur 


1  Théâtre  de  la  nature  universelle,  trad.  Fougerolles, 
(1597),  p.  549. 

2  Traite'  de  la  lèpre,  p.  483. 

3  Opéra  chirurgica  (1628),   p.  257. 
i   Œuvres  (1607),   p.  315. 

»  Œuvres,  p.  399. 

6   Opérations  de  chirurgie,  p.  288  et  324. 

'  P.-\'.  Renouard,  Histoire  de  la  médecine,  t.  II, 
p.  288. 

8  Douët-d'Arcq,  Journal  de  la  dépense  du,  roi  Jean  en 
Angleterre,  p.  219. 


métier  dans  les  rues  de  Paris,  mais  les  quatre 
vers  insignifiants  que  leur  consacrent  les  cent  et 
sept  cris...  ne  nous  disent  pas  si  les  chiens  et  les 
chats  étaient  leurs  seuls  tributaires. 

Parmi  les  fonctionnaires  compris  ilans  les 
équipages  de  chasse  du  roi  figurait  un  châtreur 
de  chiens  et  guérisseur  de  la  rage  ^ . 

Au  dix-huitième  siècle,  les  chàtreurs  sont 
surtout  représentés  par  les  marchands  de  peaux 
de  lapin.  Ils  ont  dans  leur  poche,  écrit  Sébastien 
Mercier  ^,  «  un  couteau  toujours  prêt  à  châtrer 
les  matous.  Ils  n'entrent  pas  dans  une  maison 
que  les  chattes  ne  se  sauvent  sur  les  gouttières, 
en  exprimant,  par  des  miaulemens  plaintifs, 
combien  la  figure  de  ce  barbare  leur  est  désa- 
gréable ». 

Voy.  Tondeurs  de  chiens. 

Chats  (Commerce  des).  Voy.  Chàtreurs, 
Chiens  (Marchands  de)  et  Tondeurs  de 
chiens. 

Ghaucié.  Voy.  Chaussée  (Droit  de). 

Ghauciers.  Fonctionnaires  préposés  à  la 
perception  du  droit  dit  de  chaussée  ■*. 

Ghauciers.  Nom  que  le  Livre  des  métiers 
donne  aux  chaussetiers. 

Ghauderiers  .  Ghauderonniers  . 
Ghaudreliers.  Voy.  Chaudronniers. 

Ghaudronniers.  La  Taille  de  1292  cite 
six  chatideronniers,  douze  maignens  et  un  potier 
de  cuivre  ;  la  Taille  de  1300  mentionne  quinze 
chauderonniers  et  quatre  maignens. 

On  nommait  maagnans,  maignens,  maingnens, 
maignans  *  les  chaudronniers  et  étameurs 
ambulants.  Ces  noms  s'appliquaient  également 
aux  potiers  d'étain  qui  allaient  crier  leurs 
marchandises  par  les  rues  ^ .  Magnien  en  vieux 
français  signifiait  chaudron,  et  dans  quelques 
patois,  on  nomme  encore  les  chaudronniers  des 
mafjnins,  des  magniers  ^.  Ils  étaient  appelés 
encore  drmiiniers,  drouineurs  et  dinandiers,  en 
raison  du  commerce  immense  de  dinanderie  qui 
se  faisait  dans  la  ville  de  Dinant  ''.  Le  mot 
dinanderie  est  resté  français  ^,  et  il  date  d'assez 
loin,  car  on  lit  dans  Philippe  de  Comines  :  «  En 
l'an  1466,  fut  prins  Dinant,  assise  au  pays  de 
Lièo-e,  ville  très  riche  à  cause  d'une  marchandise 
qui  s'y  faisoit  de  ces  ouvraiges'  de  cuivre  qu'on 
appelle  dinanderie.  qui  sont  en  efîect  potz  et 
poisles  et  cho.ses  semblables  ^  ». 

On  ne  possède  pas,  pour  les  chaudronniers, 
de  statuts  plus  anciens  que  ceux  de  juillet  1327, 


1  État  de  la  France  pour  1687,  t.  I,  p.  540  rt  550; 
pour  1712,  t.  I,  p.  605  et  614:  pour  1736,  t.  II, 
p.  280. 

2  Tahleau  de  Paris,  t.  VI,  p.  83. 

3  Voy.  le  Livre  des  métiers,  2®  partie,  titre  I,   art.  1. 
'*  Du  latin  magninus.  Voy.  Ducange. 

5  Livre  des  métiers,  titre  XII. 

*>  \'oy.  le  Dictionnaire  de  La  Curne  de  Sainte-Palaye. 

"    Belgique. 

8  Voy.  le  Dictionnaire  de  Littré. 

9  Édit.  Dupont,  liv.  II,  ehap.  I,    t.  I,  p.  114. 


154 


CHAUDRONNIERS 


qui  sont  souscrits  par  les  46  maîtres  exerçant 
alors  à  Paris;  26  seulement  signèrent  ceux 
d'octobre  1420,  qui  fixent  à  six  ans  la  durée  de 
l'apprentissage.  L'article  16  statue  que  deux 
maisons  resteront  ouvertes  le  dimanche  à  tour  de 
rôle,  l'une  «  en  la  rue  Saint-Martin,  l'autre  es 
autres  rues  foraines  ». 

Ces  statuts  furent  fréquemment  revisés  dans  la 
suite.  Les  révisions  de  1514  et  de  1566 
s'appliquent  au  «  métier  de  chaudronnerie, 
batterie  et  dinanderie  ». 

Les  chaudronniers  du  seizième  siècle  partici- 
pèrent au  mouvement  qui  transformait  en  artistes 
la  plupart  des  industriels  ;  ils  confectionnèrent 
des  bassins,  des  surtouts  ornés  de  paysages  et  de 
dessins  variés,  des  statues  en  cuivre  repoussé,  d'un 
travail  savant  et  délicat  ^ ,  des  lustres,  des  fontaines, 
des  baignoires.  Ils  louaient  ces  dernières,  ainsi 
que  des  bassinoires  et  toute  la  batterie  de  cuisine. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  la  location 
d'une  baignoire  coûtait  vingt  sous  par  jour. 
L'eau  était  chauffée  «  à  la  bouilloire  »  ^  ;  il  y 
avait  donc  intérêt  à  construire  des  baignoires 
qui  n'en  exigeassent  pas  un  trop  grand  volume. 
Celles  de  cuivre  représentaient  le  plus  souvent 
un  sabot  à  tige  élevée,  disposition  aussi  écono- 
mique qu'incommode,  car  le  corps  y  était  presque 
moulé,  et  l'on  dépensait  ainsi  moitié  moins  de 
liquide  qu'en  employant  un  cuvier  oblong.  La 
baignoire  dans  laquelle  fut  assassiné  Marat,  et 
qui  a  été  acquise  par  le  musée  Grévin,  est  un 
sabot  de  ce  genre.  Les  grands  seigneurs  avaient 
souvent  dans  leur  hôtel  des  salles  de  bain  fort 
luxueuses,  où  les  baignoires  affectaient  la  forme 
de  canapés,  de  chaises  longues,  de  lits  de  repos, 
etc.  Il  paraît  qu'on  s'y  baignait  parfois  de 
compagnie,  puisqu'il  existait  au  château  de 
Genlis  une  baignoire  assez  vaste  pour  contenir 
quatre  personnes  •*.  Mais  il  est  bien  probable 
qu'une  baignoire  de  celte  taille  était  en  bois. 

On  ne  commença  guère  avant  le  quatorzième 
siècle  à  bassiner  les  lits.  Le  procédé  qu'employait 
Charles  le  Téméraire  est  assez  étrange.  Une  fois 
le  prince  couché,  un  valet  introduisait  dans  le  lit 
une  sorte  de  longue  trompette,  au  moyen  de 
hiquellp  il  faisait  pénétrer  entre  les  draps  de  l'air 
cliiuid  *.  Phis  d'un  demi-siècle  après,  apparaît 
la  bassinoire  classique.  En  1454,  Ja([uin  I.elong 
«  maignan  »  de  la  cour,  fi)urnil  pour  le  service 
de  Marie  d'Anjou,  femme  de  Charles  VII,  une 
«  bacinoucre  d'arin  ^,  à  baciner  litz  "  ».  En 
1481,  maître  Pierre  Symart,  secréliiire  de 
Louis  XI,  fait  acheter  une  «  bassinoelle,  pour 
bassiner  le  lit  (hidit  seigneur  '  ». 

Montaigne  déclare  que  l'on  ne  bassinait 
jamais  son  lit  ».  Gabrielle  d'Estrées  était  plus 


•  \ny.  lii  (ln:elle  de.s  Ihnux-Àrts,  annûr  1884,  p.   165. 
'  Voy.    pourtant    llurtaut   et   Mamy,  Dictionnaire  de 

Paris,  I.  I,  p.  517. 

3  Mme  ,1p  Gi-nli.s,  Mémoires,  t.  I,  p.  256. 

*  Froissnrt,  édit.  Kt-rvyn,  t.  XIII,  p.  43. 
"  D'nirain. 

fi  Comptes    de    la    reine,    <ian.s    ^'.    Gay,    Dictionnaire 
nrchcnlogique,  t.  I,  p.   125. 

">  Douot-d'.Vrci].  Conintes  de  l'hôtel,  p.  387. 
8  Essais,  livre  III,  chap.  13. 


frileuse,  car  dans  son  inventaire  figure  une  bassi- 
noire en  argent  * .  Mais  celle-ci  était  certainement 
oeuvre  d'orfèvre,  non  de  chaudronnier. 

h' Inventaire  du  mobilier  de  la  Couronne  pour 
1673  mentionne  trois  bassinoires  d'argent,  dont 
une  avait  «  son  couvercle  percé  à  jour  de 
plusieurs  fleurs  de  lis,  et  les  armes  du  Roy  au 
milieu  ^  ».  Le  moine  était  déjà  connu  ^,  mais 
la  boule  à  eau  chaude,  originaire  d'Angleterre, 
ne  semble  avoir  remplacé  l'ancien  procédé  que 
vers  1770.  Le  sieur  Granchet  annonçait,  cette 
année-là,  dans  le  Mercure  de  France'''  qu'il  venait 
de  «  perfectionner  la  bassinoire  angloise  ». 

Je  trouve  plus  tard  les  chaudronniers  divisés 
en  cinq  classes  : 

1"  Les  chaudronniers  menuisiers^  véritables 
artistes  en  leur  spécialité  ; 

2°  Les  chaudronniers  grossiers  ^,  qui  fabri- 
quaient les  ustensiles  du  travail  le  moins  délicat; 

3"  Les  chaudronniers jo/a?iewr5,  qui  préparaient 
les  planches  de  cuivre  pour  la  gravure  ; 

4°  Les  chaudronniers  faiseurs  d'instruments 
de  musique  en  cuivre  :  cors  de  chasse,  trompettes, 
timbales,  etc.  ; 

5°  Les  chaudronniers  au  sifflet.  Ces  derniers, 
qui  représentaient  les  anciens  maignens  n'avaient 
le  droit  d'exercer  leur  métier  ni  à  Paris  ni  dans 
les  villes  où  les  chaudronniers  étaient  constitués 
en  communauté.  Munis  d'une  tlùte  de  Pan,  dans 
laquelle  ils  sifflaient  pour  signaler  leur  passage, 
ils  parcouraient  les  campagnes,  portant  tout 
leur  bagage  sur  le  dos  dans  un  sac  de  peau 
appelé  drouine  ;  ils  faisaient  les  étamages,  les 
raccommodages,  et  vendaient  de  vieux  ustensiles 
de  cuivre.  Quelques-uns  débitaient  même  du 
neuf;  ceux-là  étaient  en  général  suivis  d'un 
cheval  chargé  de  grands  paniers  d'osier. 

Aux  termes  des  statuts  d'octobre  1735,  les 
maîtres  chaudronniers  ne  pouvaient  avoir  à  la 
fois  plus  d'un  apprenti,  et  la  durée  de  l'appren- 
tissage était  fixée  à  six  ans.  Les  fils  de  maître 
étaient  dispensés  de  l'apprentissage  et  du  cfief- 
d œuvre,  qui  consistait  à  «  forger  et  finir  entière- 
ment un  coquemar  ou  caffetière  de  cuivre  rouge  ». 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nondire  des 
maîtres  était  de  130  environ,  et  la  communauté 
avait  pour  patrons  saint  Maur  et  .saint  Fiacre. 
Les  maîtres  étaient  dits  officiellement  chau- 
dronnier s-dinandiers. 

Au  quatorzième  siècle,  la  rue  d'Ecosse  portait 
le  nom  de  rue  du  Chaudron,  qu'elle  devait  à 
une  enseigne. 

Outre  les  noms  mentionnés  ci-dessus,  les 
chaudronniers  ont  été  dits  encore  cauderliers, 
cavdrcliers,  caudronniers,  caudriers,  chauderiers, 
chaudreliers,  dinants,  dynans,  batteurs  d'airain, 
batteurs  de  cuivre,  potiers  dairain,  potiers  de 
ctàvre,  etc. 

Voy.  Paaliers. 


1  Do  Labordc,  Glossaire  des  émaux,  p.    170. 

2  Tome  I,  p.  f.3  et  67. 

3  Voy.  Saint-Simon,  Mémoires,  t.  IX,  p.  91. 
i  N^'eio  février  1770,  p.  203. 

S  Voy.  ci-dessous  l'art.  Grossiers. 


CHAUFFECIRE  —  CHAUSSETIERS 


155 


Ghauffecire  (Métiers  de).  Voj.  Maître 
des  sueurs. 

Ghauffe-cire-scelleurs.  Officiers  de  la 
grande  chancellerie.  Leurs  fonctions  élaiei'.t 
d'  «  apposer  le  sceau  du  roi,  tant  aux  expé- 
ditions de  la  grande  chancellerie  qu'à  celle  de 
la  chancellerie  du  palais.  Le  jour  de  la  tenue  du 
grand  sceau,  ils  se  rendent  en  habit  noir  et 
l'épée  au  côté  dans  le  cabinet  du  grand  chan- 
celier ;  ils  placent  devant  sa  table  le  coffre  des 
sceaux  ^  ». 

Ils  étaient  au  nombre  de  quatre  et  servaient 
par  quartier.  Dans  les  processions  solennelles  et 
autres  cérémonies,  les  quatre  chauffe-cire  mar- 
chaient tête  nue  de  chaque  côté  d'une  blanche 
haquenée  qui  portait  le  sceau  royal. 

En  1423,  Henri  VI  ayant  créé  un  cinquième 
office  de  chauffe-cire,  les  titulaires  des  quatre 
autres  protestèrent.  Le  nouveau  nommé  renonça 
à  son  office  et  les  lettres  patentes  de  création 
furent  déchirées  ^.  , 

La  chancellerie  employait  trois  sortes  de  cire, 
savoir  :  la  verte  pour  les  arrêts,  la  jaune  pour  les 
expéditions  ordinaires,  la  rouge  pour  tout  ce  qui 
concernait  le  Dauphiué  et  la  Provence  'K 

Depuis  un  arrêt  du  13  octobre  1739,  ils  ne 
prenaient  plus  que  le  titre  de  scelleurs. 

Voy.  Valets  cliaufre-cire . 

Chauffeurs.  Dans  les  forges,  on  nommait 
ainsi  les  ouvriers  chargés  de  tirer  le  soufflet  tandis 
que  le  fer  était  au  feu. 


Ghauffourniers     et 
Voy.  Chaufourniers. 


Ghauforneors . 


Ghaufourniers.  Faiseurs  et  marchands  de 
chaux.  Ils  figurent  dans  l'ordonnance  des  Ban- 
nières (1467),  qui  les  nomme  Chauffotirniers.  J'ai 
trouvé  aussi  Ckatiforneors. 

La  chaux  que  l'on  employa  le  plus  à  Paris 
venait  des  environs  de  Senlis,  de  Luciennes  et 
surtout  de  Melun  * . 

Voy.  Mesureurs  de  chaux. 

Ghaumeeurs.  Voy.  PaiUe  (Marchands 
de). 

Ghaumlers .  Marchands  de  paille  ou 
couvreurs  en  chaume. 

Voy.  Faille   (Marchands   de). 

Ghaussée  (DRorr  de).  Impôt  qui  se  percevait, 
dans  la  banlieue  de  Paris,  sur  tout  char,  charrette 
ou  cheval  chargé  venant  à  la  ville  ^.  Le  produit 
devait  servir  à  l'entretien  des  routes  et  des  ponts. 


1  Tessereau,  Histoire  de  la  grande  chancellerie,  t.  II, 
pas.sim. 

2  Longnon,  Paris  sous  la  domination  romaine,  p.  76 
et  184. 

3  Dangeau,  Journal,  30  octobre  1685,  t.  I,  p.   241. 

4  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  39. —  Fourcroy, 
L'art  du  chaufournier,  1776,   in-4°. 

5  «  Chaucié  est  une  coustume  asise  et  establie  ancien- 
nement scur  ctiars,  seurcharretes,  seursomiers  chargiés. . .  » 
Livre  des  métiers,  2®  partie,  titre  I,  art.  1. 


Un  char  payait,  en  général,  4  deniers,  une  char- 
rette 2  deniers,   une  charge  de  cheval,  1  obole. 

Ghausse  -  pieds  (Marchands  de)  .  O 
coumicrcc  appart<'nait  aux  marchands  de  crépins. 
Mais  pendant  longtemps,  les  cordonniers  fourni- 
rent eux-mêmes  des  chausse-pieds  à  leurs  clients. 

Au  douzième  siècle,  on  avait  eu  l'idée,  pour 
faciliter  l'introduction  de  la  chaussure,  de 
terminer  par  une  longue  et  large  patte  recourbée 
le  quartier  qui  surmonte  le  talon.  Cela  était  assez 
conunode,  mais  fort  laid.  Du  treizième  au 
quatorzième  siècle,  je  trouve  cité  un  chausse-pied 
dont  je  n'ai  pu  déterminer  la  nature.  (]e  que  je 
sais,  c'est  qu'il  se  nommait  en  latin  parcojwlex  et 
trainellum  ^,  en  français  traymel,  trainel  et 
trainax  ^.  Au  seizième  siècle,  tout  doute  disparaît, 
on  se  sert  tantôt  d'une  lanière  de  cuir,  tantôt 
d'une  corne.  Un  compte  royal  de  1.570  renferme 
les  deux  mentions  suivantes  :  «  Pour  avoir  coupé 
un  quart  de  peau  de  marroquin,  pour  faire  des 
chaussepieds  pour  mettre  à  la  garde-robe...  » 
«  Pour  trois  chaussepieds  de  corne,  pour  servir 
aux  pages...  •'  » 

Furetière,  en  1701,  définit  le  chausse-pied  : 
«  C'est  ordinairement  une  large  lanière  de  cuir 
velu  et  non  corroyé,  faite  d'une  peau  de  veau 
mort-né  *..  »  Le  Dictionnaire  de  Trévoux  repro- 
duit presque  textuellement  ce  passage  et  il  ajoute  : 
«  On  en  faisoit  autrefois  de  corne  et  même  de 
fer  '^  ». 

Ghaussetiers.  Faiseurs  de  chausses.  Au 
moyen  âge,  le  mot  chausses  désigna  toujours  la 
partie  du  costume  qui  enveloppait  les  jambes. 
C'est  à  ce  point  de  vue  seulement  que  les  mots 
chausses  et  bas  peuvent  être  regardés  comme 
synonymes.  En  effet,  au  lieu  d'être  faits  de  mailles 
et  de  mouler  la  jambe  en  se  prêtant  à  tous  ses 
mouvements,  les  chausses,  confectionnées  en 
serge,  en  toile,  en  feutre,  en  soie,  en  drap,  en 
laine,  etc.,  tantôt  étaient  recouvertes  de  ban- 
delettes croisées,  tantôt  bouffaient  ou  plissaient 
sur  les  jambes.  Elles  s'attachaient,  d'ailleurs, 
soit  aux  genoux,  soit  aux  braies,  avec  des 
jarretières  parfois  fort  élégantes,  et  dont  on 
laissait  pendre  les  bouts. 

Au  treizième  siècle,  les  chausses  étaient  très 
longues,  montaient  presque  jusqu'à  mi-cuisse. 
Au  quinzième,  elles  s'élevèrent  plus  haut  encore, 
jusqu'à  une  sorte  de  court  caleçon  à  braguette, 
qui  prit  le  nom  de  haut  de  chausses,  tandis  que 
les  chausses  devenaient  has  de  chausses  et  par 
abréviation  bas.  Ces  deux  pièces,  successivement 
modifiées  suivant  les  progrès  de  l'industrie  et  les 
exigences  de  la  mode,  constituent  dès  lors  la 
culotte  courte  et  les  bas,  tels  qu'ils  sont  venus 
jusqu'à  nous. 

Dans  les  statuts  qu'ils  présentèrent  en  1268  à 
l'homologation    du   prévôt   Etienne  Boileau  ^, 


1  Ducange,  Glossarium,  atix  mots  cités. 

2  Dans  Le  dit  d'un  mercier. 

3  Dans  Y.   Gay,   (llossaire  archéologique,  t.  I,  p.  355. 
i  Définition  reproduile  dans  l'édition  de  1727. 

3  Édit.  de  1771,  t.  II,  p.  492. 
6  Litre  des  métiers,  titre  LV. 


156 


CHAUSSETIERS  —  CHAUSSURES 


les  chaussetiers  se  qualifient  de  chauciers  :  on 
écrivait  indifféremment  chausses  ou  chances.  Les 
fils  de  maître  n'avaient  rien  à  payer  pour  s'établir  ; 
les  autres  ouvriers  devaient  verser  vingt  sous, 
dont  quinze  allaient  au  roi  et  cinq  à  la  confrérie 
du  métier.  Les  maîtres  pouvaient  avoir  autant 
d'apprentis  qu'ils  voulaient,  mais  chacun  de 
ceux-ci  en  entrant  à  l'atelier  était  tenu  de  payer 
huit  sous  au  roi  et  quatre  sous  à  la  confrérie.  Le 
travail  à  la  lumière  était  permis.  On  interdisait 
le  colportag-e  dans  les  rues.  Chaque  dimanche 
trois  boutiques,  à  tour  de  rôle,  restaient  ouvertes. 
Le  métier  était  rég-i  par  trois  jurés,  «  les  quex  H 
prevost  de  Paris  met  et  oste  toutes  foiz  qu'il  li 
plaist  ». 

La  corporation  des  chaussetiers  se  trouvait 
alors  dans  une  assez  triste  situation  ;  plusieurs 
maîtres  avaient  dû  redevenir  ouvriers,  et  plusieurs 
ouvriers  anciens  et  habiles  étaient  trop  pauvres 
pour  aspirer  à  la  maîtrise.  Avec  l'assentiment 
des  45  maîtres  établis,  le  prévôt  autorisa  donc 
33  ouvriers  à  passer  maîtres  «  sans  rien  payer  »  ; 
le  nombre  des  maîtres  se  trouva  ainsi  porté 
à  78.  C'était  trop  sans  doute,  eu  égard  à  la 
consommation,  puisql^e  la  Taille  de  1202  ne 
mentionne  plus  que  61  maîtres,  et  celle  de  1300 
que  48. 

Les  fripiers,  paraît-il,  leur  causaient  grand 
dommage.  Ils  achetaient  de  vieilles  chausses,  les 
mettaient  sous  presse,  les  pliaient  avec  soinetles 
vendaient  comme  marchandises  neuves.  Les 
chaussetiers  obtinrent  un  arrêt  (1298)  qui  recon- 
nut à  eux  seuls  le  droit  de  vendre  des  chausses 
mises  en  presses  et  pliées  ;  les  vieilles  chausses 
achetées  par  les  fripiers  devaient  être  simplement 
pendues  à  une  perche  ou  étendues  sur  une  corde 
dans  leur  boutique  ^ . 

Les  statuts  des  chaussetiers  furent  confirmés, 
à  peu  près  sans  modifications,  an  mois  d'avril 
1346  2.  Mais  en  1398,  la  communauté  se  vit 
truubléf  par  une  querelle  qui  mérite  d'être 
rapportée.  J'ai  dit  que  les  chausses  étaient 
soutenues  au  moyen  d'  «  un  nouet  »,  cordon  ou 
jarretière.  La  mode  vint  de  remplacer  ceux-ci  par 
des  aiguillettes,  et  quelques  chaussetiers  s'empres- 
sèrent de  confectionner  des  chausses  «  toutes 
garnies  d'aiguillettes,  et  prestes  d'attacher  ;  car 
se  ainsi  n'esloit,  à  ceulx  qui  vouldroient  acheter 
chausses  convif'ndroit  longuement  dcmourer  pour 
attendre  que  garnies  fussent  ».  Les  anciens  du 
métierprolestèrcnt.  Knnemisde  toute  innovation, 
ils  soutenaient  que  les  statuts  n'autorisaient  pas 
celte  dérogation  aux  vieilles  coutumes.  Le  roi 
(l'abord  l<;ur  donna  raison.  Puis,  le  23  octobre 
1398,  il  revint  sur  sa  décision.  Considérant  que 
les  aiguillettes  ne  .sont  pas  mentionnées  dans  les 
.slaluls.  par  cette  bonne  raison  qu'  «  adonc  on 
n'en  usoil  point,  mais  néantmoins  puis  que  de 
présent  ce  est  venu  à  plaisance  de  peuple  et  à 
commun  usaige  »,  il  permit  «  pour  le  pruuffilde 


'   D'-pi'inp,  Onlunnniiees  reinlivcs  aux  méliers     u    412 

-  Ordnnn.  royales,  t.  XII,  p.  80.  -  ILs  fu.vnt  confirmés 

<l.'  nnuvrau  pn  avril  1474,  et  1,,  nombre   des   jurés   alors 

porte  à   quatre.  (Manuscrits   Delamarre,   arts  et  métiers 

t.  Il,  p.  155). 


la  chose  publique  de  vendre  chausses  garnies  *  ». 
C'est  seulement  vers  le  milieu  du  quinzième 
siècle  qu'apparaissent  les  premiers  bas  tricotés, 
et  ils  eurent  bien  vite  détrôné  les  chausses.  En 
1540,  François  I"  portait  encore  des  chausses 
de  laine  rase,  couvertes,  comme  le  reste  de  son 
costume,  de  déchiquetures  ou  crevés  à  travers 
lesquels  on  apercevait  l'étoffe  de  la  doublure  ; 
avant  la  fin  du  siècle,  toute  personne  un  peu  aisée 
avait  des  bas  tricotés.  Dès  lors,  il  ne  restait  plus 
aux  chaussetiers  qu'à  disparaître,  et  c'est  ce  qu'ils 
firent.  Leur  corporation  s'éteignit,  et  ses  dépouilles 
furent  partagées  entre  trois  autres  communautés  : 
les  drapiers  obtinrent  le  droit  de  faire  et  vendre 
les  chausses  en  drap,  serge,  droguet  et  autres 
tissus  de  laine,  ainsi  que  celles  de  toile  peinte  ; 
le  commerce  des  chausses  de  toile  non  teinte  fut 
attribué  aux  lingères,  et  les  tailleurs  purent  faire 
des  chausses  de  la  même  étoffe  que  les  haliils  qui 
leur  étaient  commandés'.  Drapiers  et  tailleurs 
ajoutèrent  dès  lors  le  titre  de  chaussetiers  à 
l'ancien  nom  de  leur  corporation. 

Voy.  Bas  (Faiseurs  de)  et  Bonnetiers. 

Ghaussiers.  Voy.  Chaussetiers. 

Chaussons  (Faiseurs  de).  La  Taille  de  1292 
mentionne,  parmi  les  contribuables  de  la  paroisse 
Saint-Sauveur,  un  certain  Girart,  qui  fet  les 
cJuniçons^.  Suivant  M.  Ch.  de  Linas,  il  faudrait 
reconnaître  dans  ces  cJtauçons,  les  caligula  et 
les  fasciola  cités  par  les  latinistes  du  moyen  âge, 
et  c.<  dont  le  but  vraisemblable  était  de  compléter 
l'insuffisance  des  chausses  sans  pied  dites  à 
étrier  ^  ». 

Chaussures  (Commerce  des).  Au  treizième 
siècle,  la  confection  des  chaussures  était  le  mono- 
pole de  quatre  corps  d'état  bien  distincts,  ayant 
chacun  sa  spécialité,  son  organisation,  ses  statuts 
particuliers. 

C'étaient  : 

P  LesGORDOUANNiERS,quiemployaientsurtout 
le  ('uir  dit  cordouan. 

2°  Les  SUEURS,  chargés  soit  de  coudre  les 
chaussures  taillées  par  les  cordouanniers,  soit  de 
faire  subir  au  cuir  un  dernier  apprêt. 

3"  Les  SAVETONNIERS,  qui  ne  mettaient  en 
œuvre  que  la  basane. 

4°  Les  SAVETIERS,  qui  ne  faisaient  que  les 
raccommodages. 

Quelques  métiers  secondaires,  nés  parfois  dun 
caprice  de  la  mode,  dépendaient  de  ces  quatre 
importantes  corporations  ou  représentaient  des 
spécialités  négligées  par  elles. 

Voy.  Baudroyeurs.  —  Bottiers.  — 
Bouchonniers.  —  Chausse-pieds  (Mar- 
chands de).  —  Chaussons  (Faiseurs 
de).  —  Cirage.  —  Cordonniers.  —  Cré- 
pins.  —  I>écrotteurs.  —  Fermiers.  — 


1  Mss.  Delamarre,  arts  et  me'tiers,  t.  IV,  p.  130. 

2  Taille  de  1292,  p.  49  et  495. 

^  Anciens  vêtements  sacerdotaux,  3"  série,  p.  156. — Voy. 
aussi  le  Glossaire  de  Ducange,  au  mot  cnliga. 


CHAUSSURES  —  CHEF-D'ŒUVRE  ET  EXPÉRIENCE 


157 


G-alochiers.  —  Gorets.  —  Passe-talon- 
niers.  —  Patiniers.  —  Sabotiers.  — 
Savetiers.  —  Savetonniers.  —  Souliers 
(Marchands  de).  —  Sueurs.  —  Talon- 
niers,  etc. 

Chavetonniers.  Nom  (juc  le  Livre  des 
métiers  donne  aux  savetonniers. 

Gheesniers.  Nom  ([ue  la  'Taille  de  1292 
donne  aux  cliainetiers. 

Chef-d'œuvre  et  Expérience.  On  peut 
voir,  à  l'article  aspirants,  quelles  preuves 
d'habileté  professionnelle  le  moyen  àg'e  exigeait 
de  l'ouvrier  qui  voulait  s'établir.  Il  i'aut  y  recon- 
naîtrerorio;ineduchef-d'œuvre.  Le  mot,  pourtant, 
ne  se  rencontre  qu'une  seule  l'ois  dans  le  Livre 
des  métiers  ;  je  crois  même  qu'il  y  est  pris  dans 
le  sens  fio:uré,  et  sio-nitie  une  œuvre  très  belle, 
parfaite  en  son  genre  :  «  Se  li  aprentis  set  faire 
un  chief  d'œuvre  tout  sus  »,  son  maître  peut 
l'employer  comme  ouvrier  et  prendre  un  autre 
apprenti  '.  Ce  n'est  pas  là  un  fait  isolé.  Les 
orfèvres  pouvaient  aussi  déclarer  l'apprentissage 
terminé  avant  le  temps  fixé  et  proclamer  libre  le 
jeune  homme  devenu  assez  habile  pour  gagner 
cent  sous  par  an,  outre  ses  frais  de  nourriture  ^. 

Ceci  date  du  treizième  siècle.  Mais,  dès  la  fin 
du  quinzième,  le  chef-d'œuvre  est  Qxi^ê  par 
presque  toutes  les  corporations,  et  il  ne  sera  plus 
supprimé  que  par  l'Assemblée  nationale  en  1791. 

Lorsqu'un  compagnon  désirait  être  admis  au 
chef-d'œuvre,  il  rédigeait  une  demande  et  l'adres- 
sait aux  jurés  de  sa  communauté.  Ceux-ci 
convoquaient  un  certain  nombre  de  maîtres,  pris 
ordinairement  parmi  les  Anciens.  Le  candidat 
était  proposé,  on  lisait  son  brevet  d'apprentissage 
et  son  certificat  de  service  comme  compagnon, 
puis  l'assemblée  délibérait  sur  la  nature  du  chef- 
d'œuvre  qui  lui  serait  proposé.  Il  lui  était  ensuite 
choisi  un  meneur^  chargé  de  le  mettre  au  courant 
des  usages  et  de  l'accompagner  dans  les  visites 
qu'il  devait  faire  aux  jurés  et  aux  maîtres  de  son 
métier  -^ . 

On  aurait  cependant  tort  de  croire  que  l'admis- 
sion au  chef-d'œuvre  présentât  toujours  aussi  peu 
de  difficulté,  surtout  pour  le  compagnon  qui 
n'était  pas  fils  de  .patron.  D'abord,  soit  qu'ils 
obéissent  à  une  tradition,  soit  que  leurs  statuts 
leur  en  fissent  une  loi,  plusieurs  communautés 
n'admettaient  à  la  maîtrise  que  les  fils  de  maître  *  ; 
dans  celles-là,  l'ouvrier  ne  pouvait  donc  changer 
de  situation  qu'à  la  condition  d'épouser  une  fille 
ou  une  veuve  de  maître.  Quelques  corps  de  métier, 
afin  de  restreindre  la  concurrence,  avaient  limité 
le  nombre  de  leurs  maîtres  :  il  ne  devait  point 
dépasser  300  chez  les  orfèvres,  200  chez  les 
brodeurs,  72  chez  les  horlogers,  40  chez  les 
batteurs-tireurs  d'or,   36  chez  les  imprimeurs, 


1  Livre  des  métiers,  titre  LXXIX,  art.  11. 

2  Livre  des  métiers,  titre  XI,  art.  5. 

'^  Perruquiers,  statuts  de  1718,  art.  32  et  33.  — 
Boulangers,  statuts  de  1746,  art.  18. 

4  Bouchers,  monnayeurs,  batteurs-tireurs  d'or,  bro- 
deurs, boj'audiers,  ferrailleurs,  oiseliers,  etc.,  etc. 


12  chez  les  ferrailleurs,  etc.  ;  les  compagnons 
étaient  donc  forcés  d'attendre  pour  se  présenter 
qii'iiiK;  place  i'iit  vacante,  et  pas  n'est  besoin  de 
(lire  qu'il  se  trouvait  presque  toujours  un  fils  de 
maître  pour  la  prendre.  Seids  ou  à  peu  près,  les 
orfèvres  partageaient  les  places  vacantes  entre 
les  fils  de  maître  et  les  simples  compagnons^. 
D'autres  corporations  n'admettaient  chaque  année 
qu'un  nombre  limité  de  ceux-ci.  Elles  recevaient 
des  fils  et  des  gendres  de  maître  «  autant  qu'il 
s'en  présentoit^  »,  mais  des  pauvres  compa- 
gnons :  1  seul  chez  les  merciers  •*,  les  libraires* 
et  les  relieurs  ^  -,  4  chez  les  cordonniers  *  et  les 
savetiers''  ;  6  chez  les  rôtisseurs**  ;  10  chez  les 
tailleurs  ^,  etc.,  etc. 

Dans  plusieurs  corporations,  la  nature  du  chef- 
d'œuvre  était  déterminée  par  les  statuts,  dans 
d'autres,  les  jurés  arrêtaient  pour  cha({ue 
candidat  le  programtne  du  iravail  et  le  temps 
accordé  pour  l'acliever.  Quelquefois  le  candidat 
soumettait  à  l'acceptation  des  jurés  le  dessin  de 
l'objet  qu'il  se  proposait  de  faire. 

A  l'origine,  on  choisissait  comme  sujet  du 
chef-d'œuvre  un  travail  ordinaire,  pris  parmi 
ceux  qui  se  présentaient  le  plus  souvent  dans  le 
métier.  La  préoccupation  constante  de  restreindre 
la  concurrence  fit  ensuite  multiplier  les  obstacles 
devant  les  aspirants,  et  proposer  des  chefs- 
d'œuvre  compliqués  et  bizarres  exigeant  parfois 
plus  d'une  année  de  travail.  On  en  trouve  la 
preuve  dans  un  très  curieux  procès  que  soutint 
contre  sa  corporation  un  ouvrier  ceinturier 
nommé  Claude  Batidequin.  Son  avocat,  François 
Palliot,  exposa  au  prévôt  de  Paris  que  «ledit 
Baudequin  s'est  cy-devant  et  dès  long-temps 
présenté  aux  jurez  pour  luy  bailler  son  clief- 
d'œuvre  pour  parvenir  à  la  maistrise  de  son 
mestier,  attendu  qu'il  a  faict  son  apprentissage 
cinq  ans  pas.sez,  et  depuis  ce  temps  a  toujours 
besongné  comme  compagnon  dudit  mestier  sous 
les  maistres.  Ce  néantmoins,  lesdits  jurez  ont 
long-temps  délayé  ce  faire,  et  finablement  luy  ont 
baillé  un  chef-d'œuvre  fort  pénible  et  difficile, 
dont  la  ferrure  est  d'argent,  et  lequel  il  n'a 
moyen  de  faire  pour  le  long  temps  qu'il  s'y 
faudroit  employer,  et  ce  pendant  ne  pourroit 
vivre».  Le  pauvre  compagnon  demandait  donc 
qu'on  lui  choisit  un  autre  chef-d'œuvre,  celui 
par  exemple  «  duquel  le  dernier  maistre  à  esté 
receu,  qui  est  une  grande  ceinture  à  cropière  à 
porter  sur  les  armes,  dont  le  feu  grand  roy 
François  avaient  accoustumé  se  servir  ».  Les 
jurés  soutenaient  que  ces  deux  chefs-d'œuvre 
présentaient  tuie  égale  difficulté  ;  et  d'ailleurs, 
un  autre  candidat,  Pierre  Tellier,  offrait  d'exé- 
cuter celui  que  refusait  Baudequin.  Le  prévôt 
rendit  un  arrêt  fort  judicieux.  Statuant  au  fond, 


1  Leroy,  p.  80. 

2  Rôtisseurs,  statuts  de  1744,  art.  14. 

3  Décision  de  décembre  1661. 

4  Statuts  de  1686,  art.  44. 

5  Statuts  de  1G86,  art.  9. 

6  Statuts  de  1614,  art.  6. 

"  Statuts  de  1659,  art.  38. 

8  Statuts  de  1744,  art.  14. 

9  Statuts  de  1660,  art.  7. 


158 


CHEF-D'ŒUVRE  ET  EXPERIENCE 


il  décida  (12  janvier  1571)  qu'aucun  compagnon 
ne  serait  plus  reçu  à  la  maîtrise  chez  les  ceintu- 
riers  sans  faire  soit  le  chef-d'œuvre  refusé  par 
Baudequin,  soit  celui  qu'il  proposait  d'entre- 
prendre ^. 

L'édit  de  1581  chercha  à  réagir  contre  la 
sévérité  des  jurés,  sévérité  qui  écartait  de  la 
maîtrise  beaucoup  de  bons  ouvriers.  Après  avoir 
constaté  ^  que  les  candidats  passent  «  quelquefois 
un  an  et  davantage  à  faire  un  chef-d'œuvre  tel 
qu'il  plaist  aux  jurés»,  le  roi  enjoint  à  ceux-ci 
de  «  leur  désigner  et  spécifier  chef-d'œuvre, 
lequel  ils  puissent  faire  et  parachever  pour  le  plus 
difficile  mestier  en  trois  mois,  ou  moins  si  faire 
se  peut,  et  des  autres  à  l'équipolent  ;  et  ce,  pour 
éviter  aux  longueurs  et  abus  qui  sont  commises 
par  les  jurez,  à  la  ruine  des  artisans  ^  ».  «Des 
ouvriers,  écrivait  Mathieu  Jousse  en  1627,  ont 
mis  deux  ans  et  plus  à  parfaire  le  chef-d'œuvre, 
tellement  que  c'est  quelquesfois  la  ruyne  des 
pauvres  aspirans,  à  cause  des  grands  frais  et 
despences  qui  lu_y  convient  faire  ^  ».  L'édit  de 
mars  1691,  qui  réglementa  de  nouveau  cette 
matière,  s'efforça  de  rendre  le  chef-d'œuvre 
accessible  à  tous.  Entre  autres  dispositions,  il 
veut  qu'il  puisse  être  «  fait  et  parfait  dans 
l'espace  d'un  mois,  »  qu'il  «  soit  d'usage,  de 
chose  utile»,  et  non  un  travail  long  et  dispen- 
dieux, en  dehors  des  occupations  ordinaires  de 
la  communauté  ^. 

Le  chef-d'œuvre  était  exécuté  sous  la  surveil- 
lance des  jurés  et  chez  l'un  d'eux.  Les  orfèvres 
avaient  au  Bureau  de  leur  corporation  une  salle 
spéciale,  dite  Chambre  du  chef-d'œuvre,  où  tous 
les  objets  nécessaires  étaient  réunis.  Les  jurés, 
dit  Leroy  '',  «  pouvoient  seuls  y  entrer  dans  le 
temps  que  le  chef-d'œuvrier  travailloit,  car  la 
preuve  qu'il  y  devoit  donner  de  sa  capacité  étoit 
traitée  très  sérieusement  ».  On  évitait  avec  soin 
qu'il  pût  être  conseillé  ou  aidé.  Le  clerc  ou 
concierge  du  Bureau  prêtait  serment  de  ne 
donner  aucun  avis  au  candidat,  et  de  ne  laisser 
entrer  personne  dans  la  pièce  où  il  travaillait. 
Les  menuisiers  prononcent  la  destitution  de  la 
jurande  contre  tout  garde  qui  aurait  aidé  un 
chef-d'œuvrier  "' .  Les  fourbisseurs  autorisent 
tous  les  bacheliers,  c'est-à-dire  tous  les  maîtres 
ayant  rempli  les  fonctions  de  juré,  à  «  estre 
présens  quand  l'aspirant  travaillera,  et  à  assister 
à  tout  ce  qu'il  fera  *  ». 

Dans  certains  métiers,  une  épreuve  orale 
remplaçait  le  chef-d'œuvre.  Les  apothicaires 
étaient  interrogés  par  les  jurés  en  présence  de 
douzi-  maiirt's  et  de  deux  médecins.  Six  maîtres 
et  deux  médecins  assistaient  à  l'examen  des 
barbiers-chirurgiens  '•*.  Celui  que  subissaient  les 


1  Bibliothèque  nationale  manuscrit  français  n»  21,794, 
4"  pièce. 

*  Préambule. 

:•  Articir  IG. 

i  La  fidèle  ourertuie  de  l'arl  du  serrurier,  p.  10. 

•>  Art  ici.'  1. 

6  Page  85. 

7  Statuts  de  1743,  art.  22. 
»  Statuts  de  lti59,  art.  17. 
a  Édit  de  1581,  art.  19. 


épiciers  avait  lieu  sous  le  contrôle  d'un  docteur 
en  médecine  délégué  par  la  faculté  ^. 

Le  chef-d'œuvre  achevé,  on  l'exposait,  et  tous 
les  maîtres  venaient  l'examiner,  avec  liberté 
entière  de  le  critiquer.  Mais  les  jurés  pronon- 
çaient en  dernier  ressort  :  si  le  travail  était  jugé 
insuffisant,  ils  le  brisaient,  et  forçaient  le  candidat 
à  redevenir  compagnon  pendant  une  ou  plusieurs 
années  "^. 

On  ne  peut  le  nier,  c'étaient  là  de  sérieuses 
garanties  en  faveur  de  l'habileté  des  ouvriers, 
garanties  qui  ne  font  que  trop  défaut  aujourd'hui. 
Mais  ces  sentences  sans  appel,  rendues  par  des 
juges  dont  l'impartialité  était  souvent  fort 
suspecte,  livraient  les  aspirants  à  l'égoïsme  des 
maîtres,  toujours  intéressés  à  ne  pas  augmenter 
le  nombre  de  leurs  concurrents,  et  à  assurer 
l'avenir  de  leurs  enfants  aux  dépens  des  candidats 
nés  dans  la  classe  ouvrière.  L'édit  de  1581 
prit,  avec  autant  d'inutilité  que  de  sagesse,  la 
défense  de  ces  derniers.  Si  l'arrêt  prononcé 
contre  eux  est  défavorable,  il  veut  que  le  chef- 
d'œuvre  soit  soumis  à  l'examen  de  plusieurs 
maîtres  du  métier  ,  auxquels  s'adjoindront 
«  trois  ou  quatre  notables  bourgeois  du  lieu  », 
S'ils  confirmaient  la  première  sentence,  une 
nouvelle  commission  était  nommée,  et  il  suffisait 
qu'elle  émît  un  avis  différent  pour  «  qu'à 
l'instant  mesmes  »  les  compagnons  fussent 
reçus  à  la  maîtrise  ^.  Un  ajournement  ne 
devenait  donc  valable  qu'à  la  suite  de  trois  refus 
successifs. 

L'édit  ajoute  que  les  compagnons  seront  reçus 
«  sans  que  pour  ce  ils  soient  tenus  de  payer 
aucuns  droits  ou  devoirs,  faire  aucuns  banquets, 
etc.  *  ».  Mais  cette  disposition  ne  fut  pas  plus 
respectée  que  les  précédentes.  On  forçait  l'aspi- 
rant à  payer  une  indemnité  aux  jurés,  aux 
bacheliers,  même  aux  maîtres  dont  certaines 
corporations  réclamaient  l'avis.  Chez  les  bourre- 
liers, le  chef-d'œuvre  était  jugé  par  vingt-quatre 
personnes,  qui  recevaient,  savoir  : 

Les  quatre  jurés,  chacun 6  liv. 

Douze  Anciens 3  — 

Quatre  Modernes 2  — 

Quatre  Jeunes 2  —  ^ 

Les  aspirants  barbiers  étaient  encore  plus 
exploités.  Ils  devaient  payer  : 

Au  chirurgien  du  roi 6  jetons  d'argent. 

Au  lieutenant     )    <     i  ,.  ,•        ,   4  •  , 

.         .  ,.         a  chacun  o  liv.  et  4  letons. 

Aux  six  syndics^  •' 

Au  doyen  j 

A  trois  Anciens  >    à  chacun  3  liv.  et  4  jetons. 

Au  greffier         ) 

A  d'autres  Anciens 2  liv.  2  jetons. 

«  El,  ajoulent  les  statuts,  seront  les  jetons  du 
poids  de  36  à  38  au  marc  ^  ». 


<   Statut.s  de  1010,  art.  8. 

2  l^réanibule  de  l'édit  de  1581. 

3  Article  17. 

*  Voy.  aussi  l'édit  de  mars  1091,  art.  1. 

5  Arrêté  du  25  janvier  1741.  —  grossiers,    statuts  de 
1659,  art.  26 

6  Statuts  de  1718,  art.  39. 


CHEF-D'ŒUVRE  ET  EXPÉRIENCE 


159 


La  confection  du  chef-d'œuvre  était  en  outre 
l'occasion  d'une  fouie  de  réunions  et  de  repas, 
devenus  peu  à  peu  si  coûteux  que  les  statuts 
teiitèrent,  mais  toujours  vainement,  de  les 
supprimer.  Les  drapiers  se  distinguent  par  leur 
rigueur  sur  ce  point  :  «  Les  jurez  et  tous 
autres,  disent-ils,  ne  pourront  recevoir  aucun 
don,  ni  présent,  pendant  ni  après  le  chef- 
d'œuvre,  ni  l'aspirant  leur  en  donner,  à  peine  de 
suspension  de  la  maîtrise  pour  un  an  '  ».  Les 
éventaillistes  interdisent  «  les  festins,  beuvettes 
et  autres  frais  ^  ;  »  et  les  gainiers  stipulent 
qu'  «  il  ne  sera  plus  fait  aucune  assemblée  pour 
les  chefs-d'œuvre,  et  ne  sera  plus  distribué 
pain,  vin,  biscuits  ny  macarons  en  façon  quel- 
conque ^  ». 

L'édit  de  mars  1691  ordonne  que  le  chef- 
d'œuvre  restera  la  propriété  de  l'artisan  *. 
C'était  justice,  puisque  le  candidat  l'avait  exécuté 
à  ses  frais,  avait  fourni  la  couleur  et  les  draps 
s'il  était  teinturier,  le  cuivre  et  le  charbon  s'il 
était  chaudronnier,  la  chair  et  le  poisson  s'il  était 
cuisinier.  Parfois,  un  juré  consentait  à  faire  ces 
avances,  et  alors  c'était  à  lui,  non  à  l'aspirant 
que  le  chef-d'œuvre  restait  ^.  Les  horlogers  ne 
le  remettaient  à  son  auteur  que  si  celui-ci  pouvait 
payer  à  la  corporation  une  somme  de  cinquante 
li\Tes  *". 

Tout  ce  que  je  viens  d'exposer  s'appliquait  au 
pauvre  diable  de  compagnon  assez  osé  pour 
aspirer  au  noble  titre  de  maître.  La  scène 
changeait  dès  qu'il  s'agissait  de  conférer  cette 
dignité  au  fils  d'un  patron.  Devant  celui-là,  les 
obstacles  disparaissaient  comme  par  enchan- 
tement. De  droits  à  pajer,  il  en  était  à  peine 
question  ;  d'un  examen  à  subir,  on  ne  s'en 
préoccupait  guère.  Dans  une  foule  de  corpo- 
rations, le  fils  de  maître  n'avait  à  fournir  aucune 
preuve  de  son  aptitude  au  métier  '  :  «  Les  fils  de 
maistre,  disent  les  relieurs,  seront  receus  à 
première  réquisition,  en  payant  trente  livres 
pour  les  affaires  de  la  communauté  *  ».  D'autres 
avaient  inventé  en  leur  faveur  une  épreuve 
beaucoup  plus  facile  que  le  chef-d'œuvre,  et  qui 


1  Statuts  de  1669,  art.   48. 

2  Statuts  (le  1677,  art.   14. 

3  Statuts  de  1688,  art.  4. 
i  Article  1. 

^  Chaudronniers,  statuts  de  1735,  art.  8. 

*>  Lettres  patentes  d'octobre   1717. 

"'  Charcutiers,  statuts  de  1476,  art.  3,  et  de  1745,  art. 
13.  —  Armuriers,  st.  de  1562,  art.  6.  —  Couteliers,  st. 
de  1565,  art.  7.  —  Tourneurs,  st.  de  1573,  art.  10.  — 
Pelletiers,  st.  de  1586,  art.  5.  —  Bouchers  de  la  grande 
boucherie,  st.  de  1587,  art.  2,  et  de  1741,  art.  45.  — 
Jardiniers,  st.  de  1589,  ai-t.  5.  —  Cuisiniers,  st.  de 
1599,  art.  6,  et  de  1663,  art:  23.  —  Fourbisseurs,  st.de 
1627,  art.  38.  —  Taillandiers,  st.  de  1642,  art.  5,  et  de 
1663,  art.  12.  —  Chapeliers,  st.  de  1658,  art.  9.  — 
Fripiers,  st.  de  1664,  art.  11.  —  Couturières,  st.  de 
1675,  art.  6.  —  Éventaillistes,  st.  de  1677,  art.  9.  — 
Grainiers,  st.  de  1678,  art.  19.  —  Bouquetières,  st.  de 
1678,  art.  6.  —  Imprimeurs-Libraires,  st.  de  1686,  art. 
41.  —  Relieurs,  st.  de  1686,  art.  7.  —  Cardeurs,  st.  de 
1688,  art.  11.  —  Charcutiers,  st.  de  1745,  art.  13,  etc., 
te. 

8  Statuts  de  1686,  art.  7. 


i^a  nommait  expérience  ^.  Chez  les  boulangers, 
par  e.\eniple,  le  chef-d'œuvre  consistait  à  con- 
vertir en  diverses  sortes  de  pâtes  et  de  pains  trois 
setiers  de  farine,  mais  les  fils  de  maître  n'étaient 
«  tenus  que  de  faire  une  légère  expérience 
d'une  mine  de  farine,  et  celte  expérience 
pourra  être  faite  en  la  maison  du  père  ^  ».  On 
n'en  demandait  pas  plus  à  l'apprenti  ou  au  compa- 
gnon qui  épousait  une  fille  ou  une  veuve  de 
maître.  Ils  seront  reçus,  disent  les  statuts,  «  en 
faisant  une  légère  expérience  telle  qu'elle  leur 
sera  présentée  par  les  jurés  ».  Les  tabletiers 
demandent  seulement  qu'ils  soient  «  témoignés 
suffisans  par  les  jurés  ^  ».  On  soumettait  encore 
à  Vexpérience  les  maîtres  des  faubourgs  qui 
voulaient  exercer  à  Paris  ^,  et  dans  les  commu- 
nautés où  le  fils  de  maître;  était  dispensé  de  toute 
épreuve,  ceux  qui  étaient  nés  avant  que  leur  père 
eût  obtenu  la  maîtrise  ^. 

Les  serruriers  et  les  chapeliers  y  mettaient 
moins  de  franchise.  Chez  eux,  toute  épreuve 
portait  le  nom  de  chef-d'œuvre,  seulement  sa 
nature  variait  suivant  la  condition  des  personnes. 
Chez  les  serruriers,  il  exigeait  un  travail  de  : 

3  mois  pour  les  compagnons  arrivant  de 
province. 

2  mois  et  demi  pour  les  compagnons  apprentis 
de  Paris. 

2  mois  pour  les  apprentis  ou  les  compagnons 
qui  épousaient  "une  tille  ou  une  veuve  de  maître. 

1  mois  pour  les  fils  de  maître  ^. 

Les  potiers  d'étain  avaient  trois  chefs-d'œuwe 
différents,  suivant  que  le  candidat  voulait  être 
reçu  maître,  passe'  maitre  ou  menuisier  "' . 

Quelques  communautés  exigèrent  le  chef- 
d'œuvre  complet,  même  des  fils  de  maître  ^. 
D'autres,  après   l'avoir  exigé  au  début,  en  dis- 


1  Tabletiers,  statuts  de  1507,  art.  2.  —  Horlogers,  st. 
de  1544,  art.  7.  —  Bourreliers,  st.  de  1578,  art.  4,  de 
1665,  art.  4,  et  de  1734,  art.  8.  —  Tis.serands,  st.  de 
1586,  art.  4.  —  Coffretiers,  st.  de  1596,  art.  8.  — 
Découpeurs,  st.  de  1604,  art.  11.  —  Bonnetiers,  st.  de 
1608,  art.  15.  —  Plombiers,  st.  de  1648,  art.  13.  — 
Passementiers-Boutonniers,  st.  de  1653,  art.  9,  10  et  16. 

—  Gantiers,  .st.  de  1656,  art.  12.  —  Tailleurs,  st.  de 
1660,  art.  8-  —  Teinturiers  du  grand  teint,  st.  de  1669, 
art.  52.  —  Teinturier  du  petit  teint,  st.  de  1669,  art.  86. 

—  Teinturiers  en  soie  et  laine,  st.  de  1669,  art.  93.  — 
Faiseurs  de  bas,  st.  de  1672,  art.  19.  —  Brodeurs,  st. 
de  1704,  art.  5.  —  Perruquiers,  st.  de  1718,  art.  29.  — 
Écrivains,  st.  de  1727,  art.  6.  —  Boulangers,  st.  de 
1746,  art.  20,  etc.,  etc. 

2  Statuts  de  1746,  art.  20. 

3  Statuts  de  1507,  art.  2. 

4  Fourbisseurs,  statuts  de  1627,  art.  37. 

5  Fripiers,  statuts  de  1664,  art.  11,  etc.,  etc.  — C'était 
la  règle  générale,  mais  elle  admettait  des  exceptions. 
Chez^ies  boulangers  (st.  de  1746,  art.  18),  les  charcutiers 
(st.  de  1754,  art.  15),  etc.,  les  fils  de  maître  nés  avant 
la  maîtrise  de  leur  père  étaient  astreints  au  chef-d'œuvre. 
Chez  les  fourbisseurs,  on  les  dispensait  de  toute  épreuve 
(st.  de  1627,  art.  38). 

6  Sentence  de  police  du  29  juillet  1699. 
■î  Voy.  ci-dessous  l'art.  Potiers. 

8  Chaudronniers,  st.  de  1566  et  de  1735,  art.  2.  — 
Doreurs  sur  cuir,  st.  de  1575,  art.  25.  —  Menuisiers, 
st.  de  1743,  art.  22.  —  Batteurs  d'or,  st.  de  1683,  art. 
6.  —  Orfèvres,  st.  de  1759,  titre  II,  art.  1 1.  —  Bouchers 
de  la  boucherie  de  Beauvais,  st.  de  1586,  art.  2,  etc., 
etc. 


160 


CHEF-D'ŒUVRE  ET  EXPERIENCE 


pensèrent  ensuite  les  candidats  *.  D'autres,  au 
contraire,  qui  l'en  dispensaient  au  début, 
l'exigèrent  par  la  suite  "^. 

Il  importe  cependant  de  ne  pas  prendre  trop 
au  sérieux  cette  minutieuse  réglementation.  A 
dater  du  dix-septième  siècle,  les  statuts  adoptés 
par  les  corporations  donnent  l'idée  de  ce  qu'elles 
voulaient  paraître,  bien  plutôt  qu'ils  ne  montrent 
ce  qu'elles  étaient  réellement.  En  fait,  l'appren- 
tissage, le  compagnonnage  et  le  chef-d'œuvre  se 
rachetaient  très  bien  à  prix  d'argent.  Les 
brodeurs  ne  craignent  même  pas  de  l'avouer  dans 
leurs  statuts  de  1648.  Chez  eux,  le  chef-d'œuvre 
officiel  exigeait  deux  mois  de  travail.  Mais  «  en 
considération  des  debtes  de  la  communauté  », 
les  jurés  furent  autorisés  à  le  remplacer  «  par  un 
pourtraict  ^  qui  se  puisse  faire  en  huict  jours  », 
lorsque  l'aspirant  consentirait  à  payer  une  somme 
de  cent  livres  *.  Dans  plusieurs  corporations  ^, 
tout  individu  disposant  d'un  petit  capital  pouvait 
devenir  maître  du  jour  au  lendemain,  sans  passer 
par  aucun  des  grades  intermédiaires.  Il  lui 
suffisait  d'acheter  des  lettres  de  maîtrise.  La 
royauté,  toujours  à  court  d'argent,  avait  inventé 
cette  spéculation,  à  laquelle  les  communautés 
eurent  aussi  recours.  Je  reviendrai  ailleurs  •* 
sur  ce  sujet.  Mais  toutes  ces  concessions  avaient 
réduit  de  beaucoup  le  nombre  des  ouvriers 
habiles,  et  fort  découragé  ceux  qui  eussent  pu  le 
devenir.  On  fut  donc  obligé  dans  presque  toutes 
les  corporations  de  simplifier  le  chef-d'œuvre, 
devenu  trop  difficile  pour  l'immense  majorité 
des  aspirants.  En  1699,  les  serruriers  durent 
modifier  celui  qu'ils  exigeaient  depuis  1654  ;  les 
teinturiers  firent  de  même  en  1737,  bien  que  le 
leur  remontât  seulement  il  1669.  Les  tissutiers- 
riiljaniers  et  bien  d'autres  corps  de  métiers  les 
imitèrent. 

Le  chef-d'œuvre  une  fois  terminé,  examiné  et 
accepté,  le  candidat  versait  le  prix  de  la  maîtrise, 
qui  variait  suivant  chaque  communauté  "^ .  11  était 
ensuite  conduit  par  les  jurés  au  Grand-Châtelet, 
chez  le  procureur  du  roi,  qui  le  déclarait  officiel- 

*  Les  lissuliers-ruLaniers  l'exigent  en  1403  (art.  4), 
et  en  1585  (art.  14)  ils  demandent  scmlemenl  que  le 
candidat  soit  «  ouvrier  et  expérimenté  ».  —  Los  Lour- 
relicrs  l'exif^ent  en  1403  (art.  3),  mais  les  statuts  de 
1578  et  de  1665  (art.  4)  no  réclament  plus  que  VExpi-- 
rience. 

*  Les  horlogers,  qui  ne  demandaient  que  V Expérience 
en  1544  (art.  7),  exigent  le  chef-d'œuvre  à  partir  do 
1046  (art.  5,  et  st.  de  1719,  art.  9  et  11).  —  Les  tein- 
turiers du  grand  teint,  qui  ne  demandaient  que  VExpe'- 
nence  en  1669  (art.  52),  exigent  le  chef-d'œuvre  à  partir 
(!.•  1737  (art.  91),  etc.,  etc. 

3   Un  modèle. 

*  .\rtieles  3  et  4. 

G  Merciers,    épiciers,     orfèvres,    écrivains,     maçons 
iingt>res,  paumiers,  etc.  ' 

«  Voy.  ci-dessous  l'art.  Maîtrises  (Vente  de). 

"^  3,240  fr.  chez  les  drapiers.  —  1.800  fr.  chez  les 
merciers,  les  maréchaux,  etc.  —  1.500  fr.  chez  les 
bonnetiers,  l.-s  selli.Ts,  etc.  —  900  fr.  chez  les  vitriers, 
les  menuisiers,  les  bourreliers,  etc.  —  800  fr.  chez  les 
potiers  d'élain,  les  modistes,  les  fruitiers,  les  tanneurs 
les  parcheminiers,  les  tonneliers,  etc.  —  500  fr.  chez  les 
fondeurs,  les  graveurs,  les  grainiers,  ele.  —300  fr  chez 
les  eloutiers.  —  175  fr.  chez  les  couturières,  etc  etc  — 
Les  deux  tiers  à  peu  près  de  ces  droits  revenaient  au 
roi.  LMilieu  du  dix-huitième  siècle]. 


lement  maître  du  métier,    après   lui   avoir   fait 
prêter  serment  * . 

C'était  la  dernière  formalité  exigée  du  can- 
didat ;  il  ne  lui  restait  plus  qu'à  offrir  à  ses 
collègues  le  repas  traditionnel.  Cependant, 
jusqu'au  dix-septième  siècle,  les  boulangers 
soumettaient  la  réception  du  nouveau  maître  à 
im  cérémonial  où  revivaient  les  vieilles  coutumes 
de  la  communauté  -.  * 

Chefs-d'œuvre  exig-és  par  certaines 
corporations.  On  a  vu,  dans  l'article  précé- 
dent, que  le  chef-d'œuvre  était  en  général  choisi 
par  les  jurés,  et  pouvait  dès  lors  varier  avec 
chaque  candidat.  Mais  d'autres  communautés 
imposaient  à  tous  la  même  épreuve,  dont  le 
programme  était  déterminé  par  les  statuts.  Voici 
quelques  exemples  : 

AiGUiLLETiERS.  —  Ferrer  de  laiton  six  dou- 
zaines d'aiguillettes. 

Amidonniers.  —  Fait  un  cent  d'amidon. 

Apothicaires.  —  Trois  épreuves  successives  : 

1"  Interrogatoire  de  trois  heures  par  les  jurés 
et  deux  docteurs  en  médecine. 

2°  Acte  des  herbes.  Le  candidat  sera  interrogé 
sur  toutes  les  substances  médicinales. 

3°  Chef-d'œuvre  proprement  dit.  Confection 
de  cinq  préparations  importantes. 

Armes  (Maîtres  en  fait  d').  Faire  assaut  de 
quatre  armes  différentes  avec  six  maîtres. 

Arquebusiers.  —  Forger  un'  canon  d'arque- 
bu.se  long  de  trois  pieds  et  demi.  Ce  fait,  sera 
ledit  canon  éprouvé  ;  et  pour  ce  faire  y  sera  mis 
de  la  poudre  deux  fois  la  pesanteur  de  la  balle 
du  calibre  ordinaire. 

Faire  un  rouet  bien  forgé  et  limé  ajuste,  et 
trempé  comme  il  appartient,  l'arbre  et  la  chaî- 
nette et  la  gâchette  et  le  détenlillon,  la  halle- 
barde, la  vis  qui  la  tient,  la  grande  vis  du  chien 
et  toutes  les  goupilles,  ressorts  et  rouets,  le  tout 
bien  trempé  et  de  bon  acier.  [Année  1577]. 

Artilliers.  —  Etablir  soit  une  arbalète 
garnie  de  son  bandage  et  d'une  douzaine  de 
garrots  ^  bons  et  suffisans.  Soit  un  arc  de  bon 
bois  d'if  ou  autre  bois  bien  assaisonné,  et  une 
trousse  de  flèches  garnie  d'un  volet  *.  Soit  une 
arquebuse  à  rouet  montée  et  affûtée.  [Année 
1576]. 

Barbiers-Chirurgiens.  —  Convenablement 
raser  et  .saigner.  [Année  1465]. 

BoissEi.iERS.  —  Confectionner  deux  diverses 
pièces  du  métier.  [Année  1443 1. 

Bonnetiers.  —  Faire,  fouler  et  appareiller 
bien  et  duement  un  bonnet  anciennement  appelé 
aunuice  ou  deux  bonnets  à  usage  d'homme 
appelés  anciennement  crémiolles.  Faire,  en  outre, 
un  bonnet  carré  de  bon  drap  fin,  le  tailler, 
encofiner  et  presser.   Faire  aussi  une  toque  de 


'   ^oy.  ci-dessous  l'art.  Serment. 

*  Voy.  ci-dessous  l'art.  Maître  des  boulangers. 
3  Traits  de  l'arbalète. 

*  Morceau    de  cuir   qui,    en    se    rabattant,  fermait  la 
trousse. 


CHEFS-D'ŒUVRE  EXIGÉS  PAR  CERTAINES  CORPORATIONS 


161 


velours,  et  brocher  '    un  bas  d'eslanie  -   et  de 
soie.  [Année  1608). 

Boulangers.  —  Convertir  trois  septiers  de 
farine  en  un  pain  blanc,  brayé  et  coitïé  de 
vingt-deux  onces,  et  un  tiers  en  un  gros  pain  de 
sept  à  huit  livres.  —  Expérience.  Convertir  un 
seplier  de  farine  en  pain  brayé  et  coilTé  d<;  qua- 
torze onces,  en  partie  seulement.  [Année  16IJ7  |. 

Convertir  trois  septiers  de  bonne  farine  en 
pain  blanc  brayé  et  coiffé,  de  la  pesanteur  de 
ving't  onces  en  pâte,  pour  revenir  à  seize  onces 
cuit.  —  Expérience.  Convertir  une  mine  de 
farine  en  pain.  [Année  1659  |. 

Convertir  trois  septiers  de  bonne  farine  en 
diverses  sortes  de  pâtes  et  de  pains.  [Années  1719 
et  1746].  —  Expérience.  Légère  expérience 
d'une  mine  de  farine.  [Année  1746] . 

Bouchers.  —  Habiller  un  bœuf,  un  mouton, 
un  veau  et  un  porc.  [Année  1587]. 

Habiller  un  bœuf,  un  mouton  et  un  veau. 
[Année  1741]. 

Bourreliers.  —  Faire  un  harnois  de  limon 
tout  fourni,  comme  une  selle  à  pleine  couverture 
et  à  bastier  ;  un  collier  de  limon  garni  de  trayaus 
avaloire  à  croix,  dossier  et  brides  :  tout  de  cuir 
courrojé  bien  et  suffisamment.  [Année  1403]. 

Faire  un  harnois  de  limon  ou  de  carrosse 
complet.  [Année  1665]. 

Boursiers.  —  Faire  :  1**  une  bourse  ronde  en 
cuir.  2°  une  bourse  de  velours.  3°  une  gibecière 
de  maroquin  avec  son  ressort.  4°  un  sac  de  maro- 
quin à  usage  d'homme.  [Année  1664]. 

Brasseurs. — Accommoder,  germer  et  faire  un 
brassin  de  six  septiers  de  grains,  ou  de  plus  s'il  le 
veut  faire.  [Année  1630]. 

Brodeurs.  —  Une  figure  d'or  nué  •'  d'un 
demi  tiers  en  carré.  —  Expérience.  Quatre  fleurs 
de  lis  d'or.  [Année  1704]. 

Cardeurs.  —  Faire  deux  ou  trois  cardées  de 
laine  ou  de  colon.  Ou  arçonner  un  quarteron  de 
coton.  Ou  peigner  la  laine  sur  le  fourneau.  Ou 
filer  avec  le  rouet  du  lumignon  *.  [Année  1688]. 

Cartiers.  —  Faire  une  demi  grosse  de  cartes 
fines.  [Année  1594]. 

Ceinturiers.  —  Faire  une  ceinture  de  velours 
à  deux  pendans,  à  huit  boucles  par  le  bas  des 
pendans,  la  ferrure  de  fer  limée  et  percée  à  jour, 
à  feuillages  encloués  dessus  et  dessous,  les  clous 
avec  leur  contre-rivet  :  le  tout  bien  poli.  [Sei- 
zième siècle]. 

Chainetiers.  —  Faire  les  chaînes  d'un  demi- 
ceint  ^. 

Chapeliers.  —  Faire  un  chapeau  d'une  livre 
de  mère-laine  cardée,  teint  et  garni  de  velours. 
Et  encore  une  autre  d'aignelain  ^  françois,  teint 


■•  Tricoter. 

^  Fil  de  laine. 

3  Nuer  signifie  ici  nuancer,  disposer  les  couleurs 
suivant  les  nuances,  de  façon  à  obtenir  des  dégradations 
presque  insensibles. 

*  Voy.  l'art.  Cardeurs. 

^  Voy.  l'article  Demi-ceintiers. 

*<  Laine  d'agneau. 


jpece. 


et  garni  de  velours.  l'^t  un  autre  feutre  léger 
d'aignelain  françois,  teint  et  couvert  de  velours 
ou  de  taffetas  :  le  bâtir,  fouler,  tondre  et  appa- 
reiller de  tous  points  bien  et  duement.  —  Expé- 
riences. 1"  Pour  le  compagnon  qui  épousait  la 
fille  ou  la  veuve  d'un  maître  :  Faire  un  des  trois 
chapeaux  désignés  par  les  jurés.  2°  Pour  le 
petit-fils  de  maître,  dont  le  père  n'appartenait 
pas  au  métier  :  Faire  un  chapeau  frisé  et  un 
feutre  d'aignelain  couvert  de  velours  ou  de 
taffetas.  [Année  1658J. 

Charcutiers.  —  Tuer  un  porc,  l'habiller  et 
le  lendemain  le  faire  apporter  dans  le  Bureau  de 
la  communauté  pour  j  être  coupé  et  déi 
[Années  1745  et  1754]. 

Chaudronniers.  —  Forger,  i-elraindre  ^  et 
finir  entièrement  un  coquemard  ou  cafetière  de 
cuivre  rouge.  [Année  1735]. 

Cordonniers.  —  Tailler  et  coudre  une  paire 
de  bottes,  trois  paires  de  souliers  et  une  paire  de 
mules. 

Cuisiniers.  —  Le  chef-d'œuvre  sera  de  chair 
et  de  poisson,  le  tout  diversement  selon  les 
saisons  de  l'année.  [Année  1599]. 

Doreurs  sur  métaux.  ■ —  Dorer  un  grand 
clou  de  carrosse  et  un  piton  carré  de  fer  à  vis.  — 
Expérience.  Dorer  un  petit  clou  à  tête. 

Drapiers  de  soie.  —  Le  chef-d'œuvre  sera 
fait  sur  le  velours,  le  satin  plein  et  le  brocart 
d'or  et  d'argent.  [Année  1667]. 

Ecrivains.  —  Le  candidat  sera  examiné  sur 
la  manière  d'écrire,  l'orthographe  et  l'art  de 
jeter  ^  et  compter.  [Année  1570]. 

Trois  séances,  dont  deux  duraient  sept  heures 
de  suite.  —  l'"^  séance:  vingt-quatre  Anciens 
procédaient  à  l'examen  des  pièces  d'écriture 
produites  parle  candidat.  —  2'' i/«M<7e?  ;  douze 
iVnciens  interrogeaient  le  candidat  sur  l'art  et 
manière  de  bien  écrire  et  méthode  d'ensei<mer 
toutes  sortes  d'écritures,  l'orthographe,  l'art  de 
jeter  ^  et  compter  tant  au  jet  qu'à  la  plume.  — 
3^  séance:  douze  Anciens  vaquoient  à  exami- 
ner le  candidat  sur  le  fait  de  la  vérification  des 
écritures  et  signatures  naturellement  et  artifi- 
ciellement faites.  [Année  1630]. 

Subir  pendant  trois  jours  un  examen  sur  l'art 
de  toutes  les  différentes  écritures,  sur  l'ortho- 
graphe, l'arithmétique  universelle,  les  comptes 
à  parties  simples  et  doubles,  les  changes  étran- 
gers, les  arbitrages,  les  vérifications  d'écritures, 
signatures  de  comptes  et  calculs,  sur  la  diction 
des  mémoires  et  placels  au  roi,  aux  princes  et 
aux  ministres,  et  sur  le  dressé  et  arrangement 
des  comptes,  états  et  bordereaux.  [Année  1727]. 

Eperonniers.  —  Faire  un  mors  clau.set  ^  en 
la  manière  accoutumée,  à  savoir  à  serres,  droit 
sur  ses  pointes,  garni  de  porte-mors  et  chausse- 
trappe  de  fer,  et  salinière  et  gourmette.  —  Expé- 
rience. Faire  un  mors  de  petit  prix,  tel  comme 


1  Lui  donner  des  reliefs 

2  Compter  au  moyen  de  jetons.  —  Voy.   l'art.  Jelons 
(Calcul  par  les). 

>*  Un  mors  complet  doré  ou  argenté. 


11 


162 


CHEFS-D'ŒUVRE  EXKIÉS  PAR  CERTAINES  CORPORATIONS 


les  jurés  ordonneront  selon  le  lemps.  [Année 
1570]. 

Foffj-er  un  mors  complet,  doré  ou  arg-enlé, 
avec  chausse-lrappe,  salinière  et  g-ourmette.  — 
Expérience.  Forger  un  mors  de  petit  prix  et 
facile  à  faire.  [Année  1595]. 

Épiciers.  —  Faire  chef-d'œuvre  tant  d'ou- 
vra<>-e  de  cire,  de  confitures,  de  sucres,  dispen- 
sation  de  poudres,  comme  de  compositions,  de 
receptes  et  connoissances  de  drog-ues.  [Année 
1484J. 

Épixgmers.  —  Faire  un  millier  d'épingles. 
I  Dix-seplième  siècle]. 

Faiseurs  de  bas  au  métier.  —  Faire  un  bas 
de  soie  façonné  aux  coins  et  par  derrière,  avec 
une  autre  pièce  telle  qu'elle  sera  ordonnée  par 
les  jurés.  —  Expérience.  Monter  un  métier  avec 
toutes  ses  pièces,  et  y  faire  un  bas  de  soie  tourné 
aux  coins.  [Année  1672 1. 

Foulons.  —  Donner  à  trois  aunes  de  drap 
non  teint  deux  tontures,  la  première  avant  le 
lainag-e,  la  seconde  après  le  premier  lainage.  — 
Expérience.  Donner  une  première  tonte  à  deux 
aunes  et  demie  de  drap  de  couleur.  [Vers  1500]. 

Gantiers-Parfumeurs.  —  Tailler  et  couper 
bien  et  duemenf  cinq  pièces  d'ouvrages.  Savoir  : 
lue  paire  de  mitaines  à  cinq  doigts,  de  peau  de 
loutre  à  poil  ou  autres  étoiles  à  poil  ;  laquelle 
paire  de  mitaines  sera  fournie  de  sa  garniture,  le 
dedans  de  la  main  et  le  dessous  du  pouce  tout 
d'une  pièce  de  cuir  de  maroquin,  et  doublée  de 
bonne  fourrure  ;  et  coudre  ces  mitaines  comme 
il  appartient.  Et  les  quatre  autres  pièces  seront 
un  gant  à  porter  l'oiseau  i,  tout  d'une  pièce, 
sans  aucuns  bouts  de  doigts  ni  coutellures  "^  ni 
effondrures  ^,  de  peau  de  chien  ou  autres 
étoiles.  La  troisième  sera  une  paire  de  gants 
échancrés,  doublé  tout  le  corps  du  gant  d'une 
pièce  ;  comme  aussi  une  paire  de  gants  coupés 
aux  doigts,  de  chevreau,  pour  femme.  Et  la 
dernière,  une  paire  de  gants  de  mouton  échan- 
crés, pour  homme,  sans  Coins  à  l'échancrure. 
Comme  aussi  .sera  tenu  ledit  aspirant  de  coudre 
icelle  paire  de  gants  et  de  la  parfumer  en  bonnes 
odeurs  et  couleurs,  et  la  rendre  faite  et  parfaite, 
prêle  à  mettre  la  main  dedans.  —  Expérience 
imposée  aux  maîtres  sans  qualité  :  Tailler,  cou- 
per, coudre  et  parfumer  une  paire  de  gants.  — 
Expéficnce  inqiosée  aux  fils  de  maître  :  Tailler 
deux  paires  de  gants  à  leur  choix,  ou  en  tailler 
une  paire  et  la  coudre.  [Année  1656]. 

Horlogers.  —  Faire  une  horloge  à  réveil- 
matin.  [Année  1646]. 

Faire  une  horloge  à  réveil  ou  à  répétition, 
faisant  son  effet  dans  sa  boîte.  Ou  quehiue  pièce 
équivalente.  [Année  1717]. 

Imprimeurs  et  Lirraihes.  —  Les  aspirants 
devront  être  congrus  en  langue  latine  et  savoir 
lire  le  grec,  dont  ils  ra[)porleront  certificat  du 
recteur  de  l'Université.   (  Années  1667  et  1686]. 


'   l  M  i^iinl  (!.■  faïK-i.nnii'r. 

2  Déliuits  iiruduiLs  par  l'i-mploi  du  couteau. 

S  Défauts  produits  par  un  tirape  exagéré  do  la  peu 


Mégissiers.  —  Passer  un  cent  de  peaux  de 
mouton  en  blanc.  [Année  1594]. 

Menuisiers.  —  Faire  le  chef-d'œuvre  qui 
sera  prescrit,  tant  en  assemblage  que  de  taille, 
de  mode  antique,  moderne  ou  françoise,  garni 
d'assemblages ,  liaisons  et  moulures.  [Année 
1645]. 

Faire  le  chef-d'œuvre  qui  sera  prescrit,  tant 
en  dessin,  assemblages,  liaisons,  contours,  mou- 
lures et  profils,  que  qualité  et  force  des  bois. 
(Année  1743]. 

Oublieurs.  —  Faire  un  mil  de  nielesau  moins 
en  un  jour.  [Année  1270]. 

Faire,  en  un  jour,  au  moins  cinq  cents  de 
grandes  oublies,  trois  cents  de  supplications  et 
deux  cents  d'esterels,  bons  et  suffisans,  et  faire 
sa  pâte  pour  ledit  ouvrage.  [Années  1397  et 
1566]. 

Pain  d'épiciers.  —  Avec  une  masse  de  pâte 
de  deux  cents  livres,  musquée  avec  cannelle, 
muscade  et  clou  de  girofle,  faire  trois  pains 
d'épices  pesant  chacun  vingt  livres.  Convertir  le 
reste  en  plusieurs  sortes,  telle  qu'il  plaira  aux 
jurés.  [Année  1596]. 

Pâtissiers.  —  Faire  six  plats  complets  en  un 
jour,  à  la  discrétion  des  jurés.  [Année  1566]. 

Paumiers.  —  Jouer  contre  les  deux  plus 
jeunes  maîtres,  et  leur  gagner  un  certain  nombre 
de  parties. 

Paveurs.  —  Paver  une  pointe  ou  un  tournant, 
soit  en  coin,  soit  en  rue.  [Année  1604]. 

Pelletiers-Fourreurs.  —  Fourrer  de  tous 
points  un  chapeau.  [Treizième  siècle]. 

Faire  une  robe  de  ville  ou  reitre  ',  et  habiller 
un  quarteron  de  peaux  d'agneaux  blancs  ou  noirs, 
et  six  peaux  de  lièvres.  [Année  1586]. 

Potiers  d'étain.  —  Faire  un  pot  dont  le 
corps  doit  être  tout  d'une  pièce.  —  Pour  l'aspi- 
rant qui  y &\iVQ\XQ,  passé  maître  :  Faire  au  marteau 
une  jatte  et  un  plat.  —  Pour  l'aspirant  qui 
veut  être  menuisier^  :  Faire  une  écritoire. 

Rémouleurs.  —  Emoudre  et  asseoir  •*  une 
paire  de  grandes  forces  *.  [Année  1407]. 

Savetiers.  —  Faire  trois  paires  de  souliers. 
Savoir  :  la  première  à  l'antiquité,  sangle  à 
double  rivet  ;  et  les  deux  autres  à  l'usage  du 
temps.  Ensemble  une  remonture  de  bottes.  — 
Ou  bien  quatre  paires  de  souliers  tels  que  les 
jurés  trouveront  à  propos.  [Année  1659]. 

Selliers.  —  Faire  une  selle  garnie  de  bon 
harnois,  dont  l'arçon  sera  à  corps.  La  charpenter, 
garnir  et  armer  d'une  ou  deux  armures  ou  d'un 
bout  en  goulet.  Laquelle  armure  ou  bout  l'aspi- 
rant forgera  de  sa  main  en  la  manière  accou- 
tumée, ainsi  comme  les  maîtres  ordonneront 
selon  le  temps.  —  Expérience.  Garnir  une  selle 
de  son  harnois  de  petit  prix,  pour  cheval 
hargneux  ou  mulet.  [Année  1576]. 


'  Manteau  en  forme  de  cloolie,  qui  descendait  jusqu'au 
mollet. 

-  \  oy.  cet  articli'. 

"*  Resserrer. 

4  Grands  ciseaux  à  l'usage  des  tondeurs  de  drap. 


CHEFS-D'ŒUVRE  EXIGÉS  PAR  CERTAINES  CORPORATIONS 


163 


Charpenter  un  arçon  à  corps,  le  o-arnir 
d'armures  devant  el  derrière.  —  Pour  le  fils  ch 
maître  :  Faire  et  g-arnir  une  selle  rase.  —  Pour 
l'apprenli  (jui  épouse  nue  veuve  ou  une  fii/e  île 
maître:  Charpenter  l'arçon  d'une  selle  à  piquer, 
et  la  «garnir  bien  proprement.  [Année  1G78.] 

Serruriers.  —  Faire  trois  serrures,  l'une  de 
cabinet,  l'autre  de  buffet,  el  la  troisième  de  coll're. 

La  serrure  de  cabinet  sera  faite  à  quatre 
pênes  *,  dont  le  premier  aura  demi-tour,  qui 
s'ouvrira  à  queue  el  bouton  ;  les  deux  autres  pênes 
seront  avec  l'euille  de  saug-e  ;  et  le  ({ualrième  à 
baquet  yarni  d'un  pêne  à  l'euille  de  saug-e. 

La  serrure  de  buffet  sera  pareillenieuL  l'aile  à 
quatre  pênes,  avec  la  même  j^arniUire,  excepté 
la  queue  et  le  bouton  auxquels  il  y  aura  un 
contre-bord  au  palaslre  -,  qui  sera  composé 
d'une  seule  pièce. 

La  serrure  de  coffre  sera  faite  à  quatre  ferme- 
tures, en  sorte  que  deux  pênes  fermeront  les  deux 
moraillons  ^,  et  seront  chacun  d'une  seule  pièce, 
portant  leur  charnière  à  ojize  nœuds  *  avec  la 
rivure  à  jour,  et  la  double  gâchette  fermera  la 
bande  auberonnière. 

Lesdites  serrures,  pour  faire  paroître  l'industrie 
de  l'aspirant,  seront  «grandes  et  montées  d'un 
châssis  à  baquets  et  moulures.  Lesdits  baquets 
seront  remplis  de  trois  fonds  vidés,  dont  les 
champs  seront  réservés  ;  les  coins,  portant  leurs 
clous,  seront  assistés  d'autres  coins  pour  convenir 
à  la  monture,  lesquels  seront  faits  avec  moulures 
et  fonds  semblables  à  ceux  desdits  baquets.  Et 
le  châssis  portera  son  cache-entrée  ;  et  lesdits 
baquets  seront  garnis  de  chapiteaux,  autres  orne- 
mens  et  figures  tels  que  les  jurés  désigneront. 

Les  clefs  desdites  trois  serrures  seront  faites  à 
septpertuis  -^  seulement.  L'une  des  trois  serrures 
sera  commencée  par  la  clef. 

Pour  le  compagnon  qui  avait  épousé  une  fille 
de  maître  :  Faire  une  serrure  à  six  fermetures, 
garnie  d'un  pêne  brisé  à  pignon  couvert,  avec 
deux  gâchettes  brisées  et  deux  coques  doubles 
d'une  seule  pièce  chacune.  Et  la  clef  sera  en 
tiers-point  ^  cannelé,  avec  les  garnitures  suivant 
l'ordre  des  jurés. 

Pour  le  compagnon  qui  avait  épousé  une  retive 
de  maître  :  Faire  une  serrure  de  coffre  à  quatre 
fermetures  avec  un  tiers-point  cannelé. 

Pour  le  fils  de  maître  :  Faire  une  serrure  à  trois 
fermetures  ou  à  deux  pênes,  la  clef  à  tiers-point 
avec  son  canon  '^ .  [Année  1654]. 

Faire  une  serrure  à  quatre  fermetures,  avec 
un  tiers-point  cannelé. 


1  On  disait  alors  pèle. 

2  Boîte  de  fer  sur  laquelle  sont  montées  toutes  les 
pièces  composant  la  serrure. 

3  Morceau  de  fer  plat  attaché  au  couvercle  d'un  coffre. 
Il  est  muni  d'une  sorte  d'anneau  qui  entre  dans  la 
serrure,  et  qui  reçoit  le  pêne  quand  on  la  ferme. 

i  Partie  de  la  charnière  dans  laquelle  passe  la  fiche 
qui  permet  le  mouvement  de  va-et-vient. 

»  Ou  gardes.  Ce  sont  les  garnitures  placées  dans  la 
serrure,  et  dont  le  dessin  est  reproduit  sur  le  panneton 
de  la  clef. 

6  En  triangle. 

"î  Le  canon  est  le  petit  conduit  rond  qui  traverse  la 
serrure  et  reçoit  la  tige  de  la  clef. 


Pom-  les  compagnons  non  apprentis  de  Paris  : 
Faire  une  serrure  à  six  fermetures,  avec  sa  clef  à 
tiers-point  cannelé. 

Pour  le  compagnon  (jui  avait  épousé  nue  fille 
ou,  une  veuve  de  maître  :  Faire  une  serrure  à  trois 
fermetures,  avec  clef  à  tiers-point  cannelé. 

l'uur  les  fils  de  maître  :  Faire  une  serrure  à  un 
tour  et  demi,  avec  sa  clef  à  tier.s-poiiil  simple. 
[Année  1699J. 

Teinturier.s  du  oram)  teint.  —  Le  chef- 
d'(Puvre  sera  composé  de  quatre  balles  de  pastel 
de  Lauraguais  ou  autre  de  Languedoc,  qui  sera 
mis  dans  ur)e  cuve  pour  le  préparer  et  en  tirer  la 
teiiduro  de  bleu  (pie  Irdil  pastel  prcjduit,  depuis 
la  nuance  la  plus  ])rune  jusqu'à  la  plus  claii'e,  el 
l'appliquer  sur  des  élotï'es  de  draperie.  I  .\nnée 
1669]. 

Asseoir  une  cuve  composée  de  pastel  el 
d'indigo  ou  de  guède  el  d'indigo.  Mettre  cette 
cuve  en  état,  et  y  teindre  en  bleu  pers  une  pièce 
de  drap  ou  de  soie.  [Année  1737J. 

Teinturiers  du  petit  teint.  —  Teindre  quatre 
pièces.  Savoir  :  Deux  pièces  de  drap,  que  le 
candidat  sera  obligé  de  mettre  en  noir,  l'une 
après  que  le  teinturier  du  grand  teint  lui  aura 
donné  le  pied  du  guède  ^  et  de  la  garance  ^,  el 
l'autre  lorsque  le  même  teinturier  lui  aura  donné 
le  pied  dti  guède  simplement.  Et  deux  pièces  de 
petites  étoffes  qui  n'excéderont  pas  vingt  sous 
l'aune,  qu'il  sera  obligé  aussi  de  teindre,  l'une 
en  gris  de  castor,  l'autre  en  pain  bis.  — 
Expérience.  Teindre  une  pièce  de  drap  noir  ou 
une  pièce  de  petite  étoffe.  [Année  1669]. 

Noircir  une  pièce  de  drap  qui  aura  précé- 
demment été  guédée  par  un  teinturier  du  grand 
teint.  El  en  outre  teindre  deux  pièces  de  petites 
étoffes,  dont  le  prix  n'excédera  pas  quarante  sols 
par  aune,  l'une  en  gris  de  castor,  l'autre  en 
pourpre  fait  avec  le  bois  d'Inde  et  de  Brésil, 
[Année  1737]. 

Teinturiers  en  soie,  laine  et  fil.  —  Asseoir 
une  cuve  d'Inde  ou  tleurée,  la  bien  user  el  tirer. 
[Année  1669]. 

TissuTiERS-RUBANiERS.  —  Faire  :  1"  une  pièce 
de  ruban  croisetée  d'or  el  de  soie  ;  2"  une  pièce  de 
ruban  échi([uelée  d'or  el  de  soie  ;  3"  une  pièce 
de  coustouère  à  lacer  de  soie  vermeille  ;  4*"  une 
pièce  de  fil  de  lin  à  trois  lisses  et  à  quatre  fils. 
[Année  1403]. 

Faire  deux  aunes  de  tissu,  [dix-huiliènie 
siècle]. 

Tondeurs  de  drap.  —  Donner  deux  tonlures  à 
un  morceau  de  drap  de  trois  aunes.  Savoir  :  une 
avant  que  le  drap  ait  été  laine  •*  ;  la  seconde 
après  le  premier  lainage,  et  la  troisième  après  la 
teinture.  —  Expérience.  Tondre  deux  aunes  et 
demie  de  drap  de  couleur.  * 


1  Ou  pastel. 

3  Ces  deux  couleurs  étaient  rései-vées  aux  teinturiers  du 
grand  teint.  —  Pied,  première  couleur  dont  on  charge 
une  étoffe  avant  de  la  teindre  en  une  autre  couleur. 

3  Le  lainage  consistait  à  frotter  le  drap  avec  le  chardon 
pour  en  tirer  le  poil  à  la  surface  et  lui  donner  ainsi 
l'aspect  laineux. 


164 


CHEFS-D'ŒUVRIERS  —  CHEMISIERS 


Chefs-d'œuvriers.  Maîtres  reçus  après 
avoir  parfait  le  clief-d'œuvre.  Ce  nom  se  donnait 
parfois  aussi  aux  compagnons  occupés  à  faire 
leur  chef-d'œuvre. 

Voy.  Chef-d'œuvre  et  Qualité  (Maîtres 
sans). 

Chefs  d'orchestre.  Dans  le  renflement 
donné  a  l'Opéra  le  19  novendjre  1714,  ils  portent 
encore  le  nom  de  Batteurs  de  menure,  et  leurs 
fonctions  sont  ainsi  déterminées  :  «  Le  chef 
d'orchestre  sera  tenu,  non  seulement  de  battre  la 
mesure,  tant  dans  les  représentations  que  dans 
les  répétitions,  mais  encore  de  veiller  sur  les  gens 
de  l'orchestre,  de  tenir  la  main  à  ce  qu'ils  se 
rendent  aux  heures  précises  pour  s'acquitter  de 
leur  devoir,  et  d'empêcher  qu'ils  ne  quittent  leurs 
places  et  leurs  instrumens  pendant  l'opéra  ». 

Chemisiers.  Spécialité  toute  moderne, 
mais  dont  l'objet  remonte  très  haut.  Isidore  de 
Séville  au  septième  siècle,  cite  une  camisia  ^ ,  et 
le  moine  de  Saint-Gall  nous  révèle  que  Charle- 
magne  porlait  une  camisia  cilicina  ^,  une  fine 
chemise  de  cainsil,  comme  on  dit  plus  tard. 
Au  treizième  siècle,  les  chemises,  camisiœ  ou 
chainses,  sont  fort  élégantes.  Dans  Le  roman  de 
la  violette  ^,  Gérard,  s'habillant  pour  aller  voir  la 
belle  Eurianl,  revêt 


Qui 


chemise  ridée 

fil  d'or  estoit  brodée. 


Le  col  était,  comme  aujourd'hui,  fermé  sur  le 
devant  par  un  bouton,  ainsi  que  les  manches, 
tenues  très  étroites  au  poignet.  Quant  aux  rides 
dont  il  vient  d'êlre  question,  il  est  facile  d'y 
reconnaître  des  petits  plis. 

Au  quatorKième  siècle  apparaît  un  nom 
nouveau,  celui  de  rohe-linge,  qui  semble  désigner 
plus  particulièrement  les  chemises  d'homme. 
Les  articli's  194  et  195  de  la  grande  ordonnance 
du  30  janvier  1351  fixent  le  prix  à  payer  pour 
la  façon  d'une  «  robe-linge  d'homme  »  ou  d'une 
«  chemise  de  femme  *  ». 

A  ce  moment,  dil  M.  Quicherat  "" ,  «  la  chemise 
devient  d'un  usage  univer.sel  ».  C'est  aussi 
l'opinion  de  M.  Siméon  Luce  •",  qui  écrit  :  «  Dès 
la  première  moitié  du  quatorzième  siècle,  la 
chemise  ne  fut  pas  réservée  aux  personnes ai.sées  ». 

Du  douzième  au  quinzième  siècle,  la  chemise 
fut  un  vêtcnicnt  de  jour;  on  la  retirait  en  se 
mellani  au  lit,  et  l'on  se  coucliaitnu  :  ceci  ne  fait 
aucun  doute.  Il  n'en  était  plus  de  même  au 
seizièmesiècle. Quand  Elisabeth,  fille  de  Henri  II, 
épousa  le  duc  d'Albe  (1559),  son  trousseau 
comprit  douze  chemises  de  jour  et  douze  chemises 
de  nuit  '.  A  la  même  date,  Jérôme  de  Monteux, 
médecin  du  roi,  écrivait  dans  un  traité  d'hygiène: 


1  Voy.  Ducange,  nu  mol  cnmisn. 

*  MonneluLS  Saiit,rallen.si,s,  />  ijeatis  Caroli  mugiii,  dan.s 
11'  lienifil  (les  historiens,  l.  V,  p.   121. 

•^  !*ur  (;il)prt  (le  Monlrruil  (treizième  .siècle),  jj.  170. 

*  OrdoDii.  lot/tilrs,  I.   II,  ji.  .350. 
S  Histoire  du  costume,   p.   228. 

fi  Du  (iuesr/iii  et  son  époque,  p.  75. 

"'  Mémoires  de  Guise,  édit.  Michaud,  p.  446. 


«  En  yver  sont  convenables  chemises  de  nuict  ^  ». 

Louis  XIV  portait  la  nuit,  non  seulement  une 
chemise,  mais  encore  une  camisole  ^. 

Le  quinzième  siècle  est  le  siècle  du  beau  linge. 
«  Les  hommes,  écrit  un  des  continuateurs  de 
Monstrelet,  faisoient  leurs  manches  fendre  de 
leurs  robbes  et  de  leurs  pourpoints,  pour  monstrer 
leurs  chemises  déliées,  larges  et  blanches  ^  ». 
Sous  Charles  VIII  et  sous  Louis  XII,  les  élégants 
laissaient  surtout  voir  la  toile  entre  le  haut-de- 
chausses  et  le  pourpoint  tenus  à  dessein  un  peu 
écartés  l'un  de  l'autre. 

Les  prédicateurs  s'élevaient  contre  le  luxe  de 
ces  chemises 


de 


Sentant  muglias  ou  cyprès  *, 


Chemises  fines  pour  soûlas, 
Froncées  et  de  très  fin  lin  5. 


Michel  Menot,  narrant  la  vie  de  l'enfant 
prodigue  qui,  dans  la  maison  de  son  père,  était 
«  habillé  comme  un  belistre  »,  raconte  que 
«  mittit  ad  querendum  les  drappiers,  les  grossiers, 
les  marchands  de  soye,  et  se  fait  accoutrer  de  pied 
en  cap.  Quando  vidit  sibi  pulchras  caligas 
d'écarîate  bien  tirées,  la  belle  chemise  froncée 
sur  le  collet,  etc.  ^  ». 

Olivier  Maillard  gourmande  aussi  les  femmes 
qui  exhibaient  au  cou,  aux  fentes  de  leur  cotte  et 
à  l'extrémité  de  leurs  manches  une  chemise  de 
toile,  parfois  brodée  d'or  et  de  soie,  et  formée  de 
deux  pièces  réunies  à  droite  et  à  gauche  par  une 
couture  si  subtile  que  le  corps  ne  pouvait  la 
sentir  ". 

Du  temps  où  il  n'était  encore  que  roi  de 
Navarre,  Henri  IV  avait  connu  la  gêne,  presque 
la  misère.  Je  lis  dans  V Inventaire  des  archivesdes 
Basses-Pyrénées  ^  qu'en  1582.  il  fit  raccommoder 
quelques  chemises.  Onze  jours  avant  son  sacre, 
il  ne  possédait  que  douze  chemises  et  en  très 
mauvais  état. 

Au  sein  des  grandes  familles,  on  notait  le  jour 
où  un  enfant  avait  mis  sa  première  chemise. 
Louis  XIII  avait  quinze  jours  quand  il  vêtit  la 
sienne.  Elle  lui  fut  apportée  par  une  huguenote, 
la  duchesse  de  Bar,  sœur  de  Henri  IV.  La 
remueuse  dut  lui  rappeler  qu'en  cette  circons- 
tance, il  fallait  faire  le  signe  de  la  croix  : 
«  Faites-le  donc  pour  moi,  dit-elle  en  souriant, 
car  je  ne  .sais  pas  le  faire  "  ». 

On  appelait  chemises  de  Chartres  des  chemises 
faites  sur  le  modèle  de  celle  qui  est  conservée 


1  De  la  conservation  de  santé  et  prolongement  de  vie, 
traduit  par  Claude  de  Valgelas,   1559,  in-4'',  p.  27. 

2  SaintSinion,  Mémoires,  t.  XII,  p.  172.  —  Ktat  de 
la  France  pour  1712,  t.  I,  p.  264  et  300. 

3  Chronique,  édit.  de  1572,  t.  III,  p.    130. 

4  Martial  de  Paris,  L'amant  rendu  cordelier,  édit.  de 
1731,  p.  57G. 

5  Farce  de  folle  bombance,  dans  V Ancien  théâtre  français, 
t.  II,  p.  274. 

<>  Dan.s  Niceron,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des 
hommes  illustres,  t.  XXIV,  p.  400. 

"  Vciy.  La  passion  de  N.  S.  Jhésucrist,  édit.  Crapelet, 
p.  71. 

**  Tome  I,  p.  5  et  7. 

'••  Héroard,  Journal,  t.   I,  p.  7. 


CHKMISIERS  —  CH1<:VAUX 


165 


dans  une  cliàsse  à  la  cathédrale  de  Chartres,  et 
qui  passe  pour  avoir  servi  à  la  Vierge.  Beaucoup 
de  chevaliers  revêtaient,  avant  le  combat,  une 
chemise  semblable,  à  laquelle  ils  avaient  fait 
toucher  la  sainte  châsse.  «  J'aj  bien  ouy  dire, 
écrit  Brantôme  dans  son  Discours  stir  les  duels, 
qu'on  n'est  point  repris  pour  porter  une  chemise 
de  N.-D.  de  Chartres  ou  quelques  sainctes  reliques 
de  Hiérusalem  ^  ». 

Ces  chemises  jouissaient  encore  d'une  autre 
vertu.  Le  23  janvier  1579,  Henri  III  se  rend  à 
Chartres,  «  y  prend  deux  chemises  de  Notre- 
Dame,  une  pour  lui  et  l'autre  pour  la  reine.  Ce 
qu'ayant  fait,  il  revint  à  Paris  coucher  avec  elle, 
en  espérance  d'avoir  un  enfant^  ».  A  dater  du 
seizième  siècle,  dès  que  le  chapitre  de  Notre- 
Dame  de  Chartres  apprenait  la  grossesse  d'une 
reine  de  France,  il  lui  envoyait  une  chemise  de 
satin  ou  de  taflfetas  blanc  qui  avait  touché  celle 
de  la  Vierge.  Cette  coutume  fut  encore  observée 
en  1811,  quand  la  grossesse  de  Marie-Louise  fut 
officiellement  annoncée. 

Le  nom  de  chemises  de  Chartres  se  donnait 
aussi  à  des  médailles,  qui,  au  milieu  d'autres 
ornements,  reproduisaient  l'image  de  la  célèbre 
chemise.  Ces  médailles,  dont  étaient  pourvus 
tous  les  pèlerins,  se  portaient  en  manière  de 
relique,  de  sauvegarde. 

Ghepiers.  Voy.  Geôliers. 

Ghesnetiers.  Voy.  Chainetiers. 

Chevaliers  d'honneur.  On  nommait 
ainsi  deux  officiers  de  la  cour  des  Monnaies, 
créés  par  édil  de  juillet  1702.  «  Ils  auront,  dit 
le  roi,  rang  et  séance  tant  aux  audiences  qu'aux 
chambres  du  conseil,  en  habit  noir,  avec  le 
manteau,  le  collet  et  l'épée  au  côté  sur  le  banc 

des  conseillers Auront  voix  délibérative  en 

toutes  matières  civiles.  Et  afin  que  lesdits  offices 
ne  puissent  être  remplis  que  de  sujets  qui  en 
soient  dignes,  tant  par  leur  extraction  que  par 
leur  mérite,  voulons  que  les  acquéreurs  n'en 
puissent  être  pourvus  qu'après  avoir  obtenu 
notre  agrément  et  fait  preuve  de  leur  noblesse 
enire  les  mains  du  sieur  d'Hozier —   ^  ». 

Ghevaucheurs.  Officiers  des  eaux  et  forêts 
qui  remplissaient  à  peu  près  les  mêmes  fonctions 
que  les  sergents  traversiers  ou  dangereux  * . 

Ghevaucheurs.  Voy.  Poste  (Maîtres 
de). 

Ghevaucheurs  de  l'écurie.  Voy. 
Courriers  du  cabinet. 

Ghevaux.  Voy.  Académistes.  —  Che- 
vaux (Marchands  de).  —  Cochers.  — 
Courtiers.   —   Créats.   —  Écuyers.   — 


1  Tome  VI,  p.  305. 

2  Lestoile,  Journal. 

3  Abot    de    Bazinghen,     Traité    des    monnaies,    t.    I, 
p.  179. 

4  Voy.  Gallon,  Conférence  de  l'ordonnance  de  1669  sur 
les  eaux  et  forêts,  t.  I,  p.  560. 


Équarisseurs.  —  Haras.  —  Loueurs. 
—  Maquignons.  —  Palefreniers.  — 
Postillons. 

Ghevaux  (Marchand.s  de).  Le  moyen  âge 
professa  pour  le  cheval  une  admiration  exces- 
sive, un  peu  justifiée  d'ailleurs  par  les  services 
qu'il  obtenait  de  ce  bel  animal,  fùt-il,  comme  le 
dit  Briinctlo  Latini  ',  <^  destrier  grant  por  com- 
balre,  palefroi  por  (ihevauchier  à  l'aise,  ou 
roncin  por  somcs  '^  porter  ».  La  plus  célèbre 
institution  de  cette  époque  lui  avait  emprunté 
son  nom,  et  les  plus  nobles  seigneurs  s'hono- 
raient du  titre  de  clievaliers  ;  aussi  Albert  de 
BoUstadt  consacre-t-il  au  cheval  vingt  colonnes, 
tandis  qu'il  n'en  accorde  que  six  au  chien,  une 
et  demie  à  l'âne  et  une  à  l'éléphant  •''. 

Suivant  Pietro  Crescenzi,  un  bon  cheval  doit 
avoir  les  oreilles  fortes,  la  poitrine  et  la  croupe 
larges,  la  crinière  épaisse,  l'échiné  courte,  le  col 
gros,  les  yeux  grands,  les  narines  bien  ouvertes, 
les  jambes  longues  par  devant  et  courtes  par 
derrière  *. 

La  Taille  de  1202  cite  seulement  trois  mar- 
cheans  de  chevax  ou  vendeurs  de  chevax. 

La  profession  de  marchand  de  chevaux  resta 
toujours  libre,  et  elle  présente  ceci  de  remar- 
quable que,  comme  celle  de  verrier,  elle 
n'emportait  pas  dérogeance  ;  le  noble,  écrit 
Savary,  peut  s'y  engager  aussi  bien  que  le 
roturier,  l'un  sans  craindre  de  dérogeance  à 
noblesse,  l'autre  sans  avoir  besoin  de  lettres 
patentes  ou  de  privilège  ».  ¥A  il  ajoute  :  «  Ce 
n'est  pas  cependant  la  coutume  d'appeler  mar- 
chands de  chevaux  les  nobles  qui  en  font  des 
nourritures  et  qui  vendent  des  poulains  élevés 
chez  eux  ^  ».  Alors,  comment  les  nommait-on? 
Savary  néglige  de  le  dire. 

Les  lettres  patentes  du  30  avril  1613  et  du 
28  mars  1724  soumirent  ce  commerce  à  des 
règles  exceptionnelles.  Sous  peine  de  confis- 
cation et  d'une  amende  de  six  cents  livres, 
tout  marchand  recevant  de  la  province  ou  de 
l'étranger  des  chevaux  de  selle  devait  avertir 
le  grand  écuyer  de  France  et  le  premier 
écuyer  du  roi,  afin  qu'ils  pussent  faire  leur 
choix  avant  tous  autres.  Pour  les  chevaux  de 
carrosse,  le  premier  écuyer  seul  devait  être 
prévenu  et,  trois  jours  après,  le  marchand 
pouvait  disposer  des  animaux.  On  voit  que 
l'antique  droit  de  prise  ^  laissades  traces  jusqu'au 
milieu  du  dix-huitième  siècle. 

Le  marché  aux  chevaux  se  tenait  alors  le 
mercredi  et  le  samedi  au  faubourg  Saint-Victor. 
Les  vices  rédhibitoires  susceptibles  d'annuler  la 
vente  étaient  la  morve,  la  pousse  et  la  cour))a- 
ture  ;  l'action  contre  le  vendeur  devait  être 
intentée  dans  les  neuf  jours  de  la  livraison. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  l'on  comptait 
à  Paris  environ  cent  marchands  de  chevaux.  Ils 


1  Zt  litres  dou  trésor,  p.  211. 

2  Charge,  bagage. 

3  De  natura  nnimalium,  dans  les  Opéra,  t.  ^'I,  p.   576. 

4  Le  livre  des  prou f/i te  champestres,  quinzième  siècle. 

5  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  728- 

6  Voy.  cet  article. 


166 


CHEVAUX  —  CHIENS 


s'étaient  placés  sous  le  patronage  de  saint  Eloi. 
On  les  trouve  encore  nommés  maquignons  ^, 
rossiniers,  etc. 

Chevaux  de  bois  (Entrepreneurs  de). 
Je  n'ai  pu  découvrir  l'origine  de  cette  industrie. 
Elle  fut  perfectionnée  au  commencement  du 
dix-neuvième  siècle,  car  J.-B.  Gouriet  écrivait 
vers  1811  :  «  H  est  assez  ordinaire  aujourd'hui 
de  remplacer  ces  chevaux  par  des  cjgnes  et  par 
des  oies  -  ». 

Voy.  Bateleurs. 

Gheveliers.  Voy.  Celleriers. 

Cheveux  (Marchands  de).  L'article  63 
des  statuts  accordés  aux  barbiers-perruquiers  en 
avril  1718  accorde  à  cette  corporation  le  mono- 
pole de  «  la  vente  et  revente  des  cheveux.  »  Les 
marchands  en  gros  devaient,  avant  d'écouler 
leurs  ballots,  les  apporter  au  bureau  de  la  corpo- 
ration, où  ils  étaient  examinés. 

Il  se  faisait  depuis  un  siècle  une  incroyable 
consommation  de  poil.  Les  têtes  des  femmes 
vivantes  et  mortes  étaient  mises  à  contribution 
dans  les  quatre  parties  du  monde,  et  le  commerce 
des  cheveux  avait  pris  une  extension  considé- 
rable. Colbert  songea  même  à  en  arrêter  l'impor- 
lalion  qui  menaçait,  disait-il,  de  devenir  aussi 
ruineuse  pour  l'Etat  que  l'avait  été  naguère  celle 
des  ouvrages  de  fil.  Mais  les  perruquiers  se  mon- 
trèrent meilleurs  économistes  que  le  ministre. 
Ils  dressèrent  des  statistiques  et  démontrèrent, 
chiffres  en  main,  que  la  vente  des  perruques  à 
l'étranger  faisait  rentrer  plus  d'argent  dans  le 
royaume  qu'il  n'en  sortait  par  l'achat  des 
cheveux  ^.  En  effet,  l'Angleterre,  l'Allemagne, 
l'Espagne,  l'Italie,  etc.,  étaient  nos  tributaires; 
le  perruquier  français  avait  acquis  déjà  dans 
toute  l'Europe  la  réputation  qu'il  conserva 
jusqu'à  la  fin  d'être  un  artiste  inimitable. 

A  la  fin  du  dix-septième  siècle,  le  commerce 
en  gros  était  représenté  à  Paris  par  les  sieurs 
Pelé,  Vincent,  Potiquet,  Rossignol,  etc.,  ces 
deux  derniers  demeuraient  «  sous  la  galerie  des 
Innocens  *  ».  Tous  ces  commerçants  avaient  des 
coiq)eurs  qui  parcouraient  la  Normandie,  la 
Flandre,  la  HoUande  ;  certains  villages  fournis- 
saient ju.squ'à  dix  livres  de  cheveux,  qui  devaient 
toujours  avoir  de  vingt-quatre  à  vingt-cinq 
pouces  de  long.  Les  cheveux  des  pays  chauds 
étaient  réputés  mauvais-,  les  plus  estimés  étaient 
ceux  de  Normandie,  que  l'on  nommait  cheveux 
de  pays.  L'Angleterre  en  fournissait  fort  peu, 
«  le  peuple,  f[ui  est  à  son  aise,  ne  consentant  pas 
aiscmeni  à  laisser  couper  les  cheveux  de  leurs 
femmes  et  de  leurs  filles.  »  Le  prix  variait  entre 
quatre  francs  et  cinquante  écus  la  livre  ;  les 
plus  chers  étaient  les  blonds  et  les  blancs. 

On  appolail   rhcrcn^   vifs,    ceux   qui   avaient 


'   Vi>y.  ni  urliclc. 

-  Personnages  célèbres  ilniis  les  mes  de  J'nris  I  I] 
r-  338. 

•J  Eiieyrlopédie  méthodique,  arts  .'t  nictiors  t  VI 
r-  250. 

i  /'■  Urre  rnwmnde  pour  1692,  t.   II,  p.  41. 


été  coupés  sur  la  tête  de  leur  propriétaire, 
vivante  ou  morte  ;  cheveux  morts,  ceux  qui 
avaient  été  arrachés  par  le  peigne  ou  étaient 
tombés  à  la  suite  de  quelque  maladie  ;  cheveux 
naturels,  ceux  qui  frisaient  naturellement  ' . 

La  rareté  des  cheveux  était  devenue  telle  à 
la  fin  du  règne  de  Louis  XIV,  qu'on  fut  obligé 
de  fabriquer  en  crin  les  perruques  communes. 
Jean-Paul  Marana  écrivait  vers  1700  :  «  Depuis 
que  la  perruque  a  été  reçue,  les  têtes  des  morts 
et  celles  des  femmes  se  vendent  cher,  étant  la 
mode  que  les  sépulcres  et  les  femmes  fournissent 
le  plus  bel  ornement  à  la  tête  des  hommes  -  ». 

Au  début  du  dix-huitième  siècle,  il  y  avait  à 
Paris  une  cinquantaine  de  marchands  de  che- 
veux ^.  Les  prix  baissèrent  pendant  la  Révo- 
lution, ce  commerce  étant  largement  alimenté 
par  les  condamnés  du  tribunal  révolutionnaire. 

Voy.  Perruquiers. 

Cheveux  (Ouvrages  en).  L'article  58  des 
statuts  accordés  en  1674  aux  barbiers-perruquiers 
leur  accordait  le  monopole  des  «  ouvrages  en 
cheveux,  tant  pour  hommes  que  pour  femmes  ». 
Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  cette  industrie 
s'était  concentrée  au  Palais-Royal.  «  L'artiste 
compose  des  chiffres  amoureux,  des  nœuds,  des 
arabesques,  des  devises,  avec  une  perfection  qui 
rivalise  avec  la  peinture.  Les  petits  nœuds  ali- 
mentent la  tendresse  et  sont  cliers  à  la  fidélité  *  ». 
Quant  aux  chiffres  en  cheveux  montés  sur  or  ou 
sertis  dans  l'or,  ils  étaient  alors  la  spécialité  d'un 
sieur  Delion,  qui  demeurait  rue  Saint-Louis,  au 
mouton  d'or  ^. 

Chevilliers.  La  Taille  de  1292  en  cite 
deux.  C'étaient,  dit  l'éditeur  '"',  des  «  faiseurs  de 
chevilles  »,  désignation  bien  vague,  car  le  mot 
cheville  s'applique  à  une  foule  d'objets  de  nature 
différente  et  utilisés  par  un  grand  nombre  de 
métiers. 

Ghevreteurs.  Professeurs  ou  joueurs  de 
chevrette,  s(jrle  de  musette  qui  fut  surtout  en 
vogue  aux  treizième  et  quatorzième  siècles. 

Chevriers.  Mardiands  ou  gardeurs  de 
chèvres.  La  Taille  de  1202  cite  un  chevrier. 

Chiens.  Nom  que  portaient  les  compagnons 
du  Devoir.  Ce  sobriquet  <i  vient  de  ce  (jue  ce  fut 
un  chien  qui  décou\Tit  le  lieu  où  gisait,  sous 
des  gravais,  le  cadavre  d'Hiram,  architecte  du 
temple  de  Salomon  "  ». 

Voy.  Devoirs. 

Chiens  (Marchands  de).  Dès  le  quatorzième 
siècle,  pour  ne  pas  remonter  plus  haut,  on  aimait 
les  chiens  au  point  de  les  habiller  pendant  l'hiver. 


^   Savary,  Diet'inniwlre  du.  commeree,  I.  I,  ji.  716. 
-  Lettre  d'un  sicilien,  cdit.  V.  Dufour,  p.   42. 

3  Savaiy,  I.  I,  p.  746. 

4  Prudhoninio,  Miroir  de  Paris,  t.  V,  p.  235  el  243. 
^  Almanach  Dauphin,  art.  Orfèvres. 

6  Page  496. 

'  A^r.    IVrdiguicr,    J.e  Litre   du  compagnonnage,  t.  I, 
p.  57. 


CHIENS 


167 


Une  miniature,  reproduite  par  Montfaucon  *,  et 
qui  représente  Charles  IV  allant  au-devant  d'Isa- 
belle d'Angleterre  ^,  nous  le  montre  précédé  d'une 
levrette  sur  laquelle  flotte  un  manteau  orné  de 
fleurs  de  lis.  C'est  de  la  fin  de  ce  siècle  que  paraît 
dater  l'introduction  en  France  des  chiens  espa- 
gnols ou  épagneuls  ^  ;  «  tous  espaignols  sont 
bons  pour  la  chace  du  lièvre  »,  disait  le  Ménagier 
de  Paris  *  en  1393. 

Charles  VII  et  sa  femme  Marie  d'Anjou  recher- 
chèrent beaucoup  les  chiens.  Je  copie  ce  passage 
dans  un  comjUe  de  1490  :  «  Ung  quartier  de  drap 
vert  gay  ^,  pour  faire  ung  habillement  à  une 
petite  chienne  de  la  chambre  du  Roi  »  ^. 

Louis  XI  voulut  être  représenté  sur  son  tom- 
beau, l'épée  au  côté  et  son  chien  couché  près  de 
lui  ''.  Son  fils  Charles  VIII  paraît  avoir  été  fort 
tendre  pour  les  petites  bêtes  qui  l'entouraient. 
Les  comptes  de  sa  maison  nous  révèlent  que, 
durant  les  temps  froids,  il  avait  soin  de  faire 
habiller  ses  marmottes  et  sa  chienne  préférée.  Il 
tolérait  même  que  ses  lévriers  vinssent  se  coucher 
sur  SQU  lit,  car  je  vois  acheter  dix-huit  aunes 
de  toile  de  lin  <^<  pour  faire  deux  draps  à  mettre 
pardessus  le  lit  dudit  seigneur,  pardessus  les 
draps  de  toile  de  Hollande,  pour  garder  que  les 
lé\Tiers  de  sa  chambre  ne  les  salissent  et  gastent 
quand  ils  se  couchent  dessus  le  lit  ». 

Tout  méprisables  que  furent  les  derniers  Valois, 
ils  eurent  pourtant  deux  passions  dont  il  faut  leur 
tenir  compte,  celle  des  arts  et  celle  des  chiens. 
François  I*""  disait  souvent  que,  pour  recevoir 
dignement  un  hôte  illustre,  il  fallait  veiller  à  ce 
qu'en  arrivant,  ses  yeux  fussent  d'abord  réjouis 
par  la  vue  d'une  belle  femme,  d'un  beau  cheval 
et  d'un  beau  chien  ^.  Charles  IX  et  Henri  III  pré- 
férèrent les  bêtes  féroces^  ;  pourtant,  ce  dernier 
s'engoua  un  beau  jour  des  petits  chiens  damerets 
appelés  bichons.  Il  en  portait  plusieurs  dans  une 
corbeille  galamment  ornée,  qu'un  ruban  sus- 
pendait à  son  cou  :  il  ne  la  quittait  ni  pour  assister 
au  sermon,  ni  pour  donner  audience  aux  ambas- 
sadeurs '".  Henri  IV  et  Marie  de  Médicis  étaient 
sans  cesse,  et  même  à  table,  entourés  de  bétes  de 
toutes  sortes. 

Sous  Louis  XIII,  la  mode  fut  aux  chiens  de 
manchons.  Ils  venaient  de  l'Artois,  de  Boulogne 
aussi  ;  pour  les  empêcher  de  grandir,  on  leur 
frottait,  dès  la  naissance,  et  plusieurs  jours  de 
suite,  les  jointures  avec  de  l'esprit  de  vin.  Ils 
restèrent  en  honneur  jusqu'au  milieu  du  dix- 
septième  siècle.  En  1692,  ces  variétés  du  carlin 
se  vendaient  surtout  dans  la  rue  du  Bac,  chez 


1  MoHumens  de  la  monarchie,  t.  II,  p.  2-34. 

-  Femme  d'Edouard  II  — En  mars  1325. 

3  Sim.  Luce,  Histoire  de  Dugiiescliyi,  édit.  de  1876,  p.  62. 

*  Tome  II,  p.  281. 

3  Vert  clair. 

^  V.  Gay,  Glossaire  archéolo(jique,  p.  370. 

""   Cumines,  Mémoires,  preuves,  t.  III,  p.  339. 

î*  Brantôme,  Œuvres,  t.  IX,  p.  296. 

"'  Voy.  Sauvai,  t.  II,  p.  13.  —  Brantôme,  t.  IX, 
p.  390.  —  Et.  Pasquier,  Œuvres,  édit.  de  1723,  t.  II, 
p.  415.  —  Lestoile, /oa;via/  de  Henri  III,  édit.  Michaud, 
p.  156. 

10  Voy.  La  Cume  de  Sainte-Palaye,  Mémoires  de 
l'ancienne  chevalerie,  édit.  de  1826,  t.  Il,  p.  362. 


une  demoiselle  Guérin,  qui  faisait  le  «  commerce 
des  petits  chiens  pour  dames  '  ».  Les  autres 
marchands  occupèrent  pendant  longtemps  le 
Ponl-au-Change,  puis  se  transportèrent  sur  les 
trottoirs  du  Pont-Neuf. 

Les  chifl'onniers  leur  faisaient  concurrence. 
En  1701,  les  habitants  de  la  rue  Neuve  Saint- 
Martin  -  se  plaignirent  de  ce  que  «  plusieurs 
particuliers  chiiïonniers  demeurans  en  ladite  rue 
se  mêlent  de  trafiquer  de  chiens,  pour  la  nourri- 
ture desquels  ils  font  provision  de  ciiair  de 
chevaux  qui  infectent  le  quartier.  Lesquels 
chiens,  au  nombre  de  plus  de  deux  cens,  ils 
laschent  la  nuit  et  le  jour  dans  la  rue,  en  sorte 
que  des  passans  en  ont  esté  mordus  ;  et  lorsque 
ces  chiens  sont  renfermés,  ils  troublenf  par  leurs 
hurlemens  le  repos  des  habitans  ^  ». 

Le  duc  de  Vendôme,  arrière -petit-fils  de 
Henri  IV,  était,  dit  Saint-Simon  *,  «  toujours 
plein  de  chiens  et  de  chiennes  dans  son  lit,  qui 
y  faisoient  leurs  petits  à  ses  côtés  ».  Pour  ce  qui 
concerne  le  règne  de  Louis  XIV,  je  renvoie  aux 
articles  Lecreftes  de  la  cJiamhre  et  Gourerneur 
des  chiens  de  la  chambre  du  roi. 

Sous  son  successeur,  la  mode  fut  aux  épagneuls, 
aux  danois  et  aux  king's  Charles,  auxquels 
succédèrent  les  caniches  et  les  griffons.  Louis  XV 
chérit  pendant  longtemps  un  king's  Charles 
nommé  Filou,  le  seul  être  au  monde,  pensait-il, 
qui  l'aimât  pour  lui-même  ''.  Outre  ses  chiens 
de  chasse,  il  possédait,  comme  Louis  XIV,  ses 
chiens  familiers,  et  chaque  jour,  après  dîner,  le 
premier  maître  d'hôtel  oifrait  au  roi  deux  cornets 
de  gimblettes  destinées  à  ces  intimes  amis.  Sachez 
bien  que  si  le  grand  maître  de  la  garde-robe  était 
présent,  c'est  à  lui  qu'était  dévolu  le  privilège  de 
remettre  les  gimblettes  ;  et  s'il  n'y  avait  là  ni 
premier  maître  d'hôtel,  ni  grand  maître,  le 
premier  gentilhomme  de  la  chambre  ou  le  premier 
chambellan  recevaient  les  gimblettes  de  la  main 
des  officiers  de  bouche  et  avaient  l'honneur  de  les 
présenter  au  roi  ''. 

Les  marchands  de  chiens,  dit  l'abbé  Jaubert  '', 
divisaient  ces  animaux  en  trois  classes,  les  chiens 
à  poil  ras,  les  chiens  à  long  poil,  et  les  chiens 
sans  poil. 

La  première  catégorie  comprend  «  le  dogue 
d'Angleterre  ou  bouldogue  ;  le  doguin  d'Alle- 
magne ;  le  doguin  de  la  petite  espèce  ;  le  danois 
de  carrosse  ,  qui  est  de  la  hauteur  du  dogue 
d'Angleterre  et  qui  en  a  quelques  traits  ;  le  danois 
de  la  petite  espèce  ;  l'arlequin  ;  le  roquet  ;  l'Artois 
ou  le  quatre-vingts  ;  le  grand  lévrier-;  les  lévriers 
de  la  moyenne  et  petite  espèce  ;  le  braque  ou 
chien  couchant  ;  le  limier  ;  le  basset  ou  chien 
courant  ». 

On  classe  dans  la  seconde  catégorie  «  l'épa- 
gneul  noir,   ou  gredin  ;  les  pyrames  ou  gredins 


1  Le  livre  commode,  t.  I,  p.  273. 

2  Auj.  réunie  à  la  rue  Notre-Dame  de  Nazareth. 

3  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  I,  p.  543. 

4  Mémoires,  t.  II,  p.  385. 

^  Voy.  Dufort  de  Cheverny,  Mémoires,  t.   I,  p.  40  et 

125- 

♦>  Duc  de  Luynes,  Mémoires,  t.  II,  p.  277. 
I        ''  Dictionnaire,  t.  I,  p.  482- 


168 


CHIENS  —  CHIFFREURS 


qui  ont  les  sourcils  marqués  de  feu  ;  le  bichon 
bouffé  ou  chien  lion,  qui  tient  du  barbet  et  de 
l'épagneul  ;  le  chien  loup  ou  chien  de  Sibérie, 
et  les  barbets  de  toutes  espèces. 

Le  chien  turc  compose  la  troisième  classe, 
«  parce  que  c'est  le  seul  que  l'on  connoisse  ne 
pas  avoir  de  poil  ». 

Avant  la  création  des  écoles  vétérinaires  (1762) 
les  marchands  de  chiens  soig-naient  ces  animaux, 
tout  comme  les  maréchaux  donnaient  leurs  soins 
aux  chevaux. 

Les  fourreurs  el  les  gantiers  utilisaient  les 
peaux  de  chien.  Ces  derniers  en  confectionnaient 
des  gants  qui  avaient,  disait-on,  la  propriété 
d'adoucir  la  peau. 

La  fiente  de  chien  était  recherchée  dans  les 
fabriques  de  maroquin. 

Les  apothicaires  célébraient  les  vertus  de 
V huile  de  petits  chiens,  des  cataplasmes  de  crottes 
de  chiens,  etc.  ^.  La  Pharmacopée  de  Lemery 
mentionne  aussi  Vongtient  de  chat. 

Les  marchands  de  chiens  ne  pouvaient  vendre 
des  oiseaux,  la  corporation  des  oiseliers  s'y  serait 
opposée,  mais  il  est  probable  qu'ils  faisaient  le 
commerce  des  chats,  quadrupède  qui  a  toujours 
joué  un  grand  rôle  dans  la  vie  privée.  Le  Livre 
des  métiers  nous  apprend  qu'au  treizième  siècle 
on  utilisait  déjà  la  fourrure  du  chat  sauvage  et 
surtout  celle  du  chat  domestique,  qu'il  nomme 
«  chat  de  feu  ou  de  foyer  ^  ».  En  1387,  «  dame 
Alips,  nayne  de  la  Royne  "',  reçut  de  sa  maîtresse 
un  surcot  doublé  avec  douze  peaux  de  chat  *. 
Par  la  suite,  le  bas  prix  de  cette  fourrure  la  fit 
rechercher:  l'Espagne,  la  Hollande,  la  Russie 
même  nous  en  envoyait  ^. 

Dès  le  quinzième  siècle,  il  était  de  principe 
que  quand  un  chat  passait  la  patte  sur  son  oreille, 
il  annonçait  la  pluie  :  «  Quand  vous  veez  (voyez) 
un  chat  assis  sur  une  feneslreau  soleil  qui  lesche 
son  derrière,  et  la  patte  qu'il  lève  se  porte  au 
dessus  de  l'oreille,  il  ne  vous  convient  de  doubler 
que  ceste  journée  il  ne  pleuve  "  ».  Ambroise 
Paré,  ordinairement  plus  sage,  a  consacré  tout 
un  chapitre  au  venin  du  chat.  Les  chats,  écrit-il, 
infec.lent  par  leur  cervelle,  par  leur  poil,  par  leur 
haleine  et  même  par  leur  regard  ''. 

On  attribue  au  savant  Peiresc  l'introduction  en 
France  du  chat  dit  angora.  Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'est  que  les  chats  français  ne  lui  suffisant 
pas,  il  mil  à  conlribution  l'Orient,  et  qu'il  en 
recul  de  très  ])Paux  félins,  cendrés,  roux, 
mouchetés,  etc.  D'ailleurs,  il  n'était  pas  seul  à 
connaître  tout  le  prix  de  cette  race.  Sa  corres- 
pondit iice  nous  révèle  que  les  plus  éminents 
personnages  cherchaient  à  en  obtenir  des  rejetons. 
Mais  il  ne  s'en  défaisait  qu'à  bon  escient,  les 
employait  surtout  pour  se  concilier  les  bonnes 
grâces  des  collectionneurs  à   qui   il   proposait 


<  \oV.  In  Pliartiiiicopée  àti  Léiiiery,  jiassirii. 

*  ni'uxipnii-  jKirlic,  litre  XXX. 
3  Isnlii'fl»  d<-  Bavit'-ir. 

*  l)ouët-(l'Arc(j,  AouTcaujc  comptes,  p.  248. 
5  Savnry,  Dic/ioiinaire,  t.  I,  p.  704. 

'•  Evangile  des  queiwidlles,  édit.  clzév.,  p.  412 

7  Œur'res,  r.  782. 


l'achat  ou  l'échange  de  quelque  objet  curieux  i. 
Voy.  Châtreurs.  —  Souricières  (Com- 
merce des).  —  Tondeurs  de  cMens. 

Chiens  de  la  chambre  du  roi.  Voy. 
Gouverneur. 

Chiens  de  cour.  Voy.  Principaux. 

Chiferineurs.  Voy.  Chifonieurs. 

Chiffleurs.  Voy.  Siffleurs. 

Chiffonnières.  Femmes  qui,  dans  les 
fabriques  de  papier,  faisaient  le  triage  des 
chiffons.  On  les  nommait  aussi  drapelières. 

Chiffonniers.  La  Taille  de  i.Pi?2  mentionne 
deux  loquetières,  qui  ne  peuvent  guère  être  consi- 
dérées que  comme  des  chiffonnières.  Plus  tard 
apparaissent  les  noms  de  2)attiers ,  drilliers , 
2)eilliers  et  chiffonniers,  dérivés  des  mois  pattes, 
drilles,  peilles  et  chiffes,  qui  désignaient  les  vieux 
morceaux  d'étoffes  employés  dans  la  fabrication 
des  papiers.  Certaines  provinces  emploient  encore 
le  mot  drapeaux  dans  le  même  sens,  et  Rabelais, 
au  second  livre  de  son  Pantagruel  ^ ,  nous 
présente  le  roi  Priam  transformé  en  chiffonnier 
et  vendant  «  de  vieux  drapeaux  ». 

Les  chiffonniers  ne  se  bornèrent  pas  longtemps 
au  commerce  des  chiffons  ;  ils  y  joignirent 
bientôt  celui  des  vieux  souliers,  des  verres  cassés 
et  même,  un  peu  plus  tard,  celui  des  chiens. 

Une  ordonnance  de  police  rendue  le  10  juin 
1701  ^,  fournit  une  assez  triste  idée  de  leur 
moralité.  Quoiqu'il  leur  fut  défendu  d'exercer 
leur  métier  avant  «  la  pointe  du  jour  »,  ils 
sortaient  <.<  de  leurs  maisons  »  à  minuit,  et  erraient 
dans  les  rues  sous  prétexte  d'amasser  des  chiffons  ; 
«  ce  qui  peut  donner  lieu,  dit  l'ordonnance,  à  la 
plus  grande  partie  des  vols  qui  se  font,  tant  des 
auvents  que  des  grilles  et  des  enseignes,  même 
causer  ou  favoriser  les  ouvertures  des  boutiques, 
salles  et  cuisines  qui  sont  au  rez-de-chaussée, 
estant  facile  ausdits  chiffonniers  d'en  tirer,  avec 
les  crocs  dont  ils  se  servent,  les  linges  et  la 
plupart  des  choses  qu'on  a  coutume  d'y  laisser». 
Les  habitants  de  la  rue  Neuve-Sainl-Martin 
se  plaignaient  de  leur  côté,  «  que  plusieurs 
particuliers  chiffonniers,  demeurans  en  la  dite 
rue,  se  meslent  de  trafiquer  de  chiens,  pour  la 
nourriture  desquels  ils  font  provision  de  chair 
de  chevaux  qui  infectent  le  quartier  » 

Voy.  Escroiers. 

Ghiffreurs.  <v  On  nomme  chiffreur,  dit  V En- 
cyclopédie méthodique  *,  celui  qui  sait  faire  avec 
la  plume  toutes  sortes  de  calculs  el  d'opérations 
d'arithmétique.  Pour  être  habile  chiifreur,  il  faut 
savoir  le  livret,  c'est-à  dire  savoir  multiplier  sur 
le  champ  et  de  mémoire  toutes  sortes  de  nombres 
les  uns  par  les  autres  ». 


1  ^  oy.  Léop.  Delislc,    Un    qraiid  amateur  français  du. 
dix-septième  siècle,  p.  17. 

2  Chap.  30. 

■'  l^ans  Dclamarre,  Traité  de  la  police,  t.  I,  p.  543. 
i  Commerce  (publié  en  1783),  t.  I,  p.  520. 


CHIFONIEURS  —  CHIRURGIENS 


169 


Ghifonieurs.  Faiseurs  ou  joueurs  de  l'ins- 
trument appelé  chifoaie,  sorte  de  vielle  qui  est 
déjà  citée,  sous  le  nom  de  simpkonia  et  en  même 
temps  que  la  vielle  [vidulaj,  dans  le  Dictionarius 
de  Jean  de  Garlande  ^. 

On  trouve  chiferinenrs,  chifrineurs,  simjiho- 
nieurs,  etc. 

Chifrineurs.  Voy.  Ghifonieurs. 

Ghimiatres.  Voy.  Spagiristes. 

Ghimistes.  Voy.  Produits  chimiques. 

Ghineurs.  «  Chiner  une  étoffe,  c'est  donner 
aux  fils  de  la  chaîne  des  couleurs  différentes  et 
les  disposer  de  façon  qu'elles  représentent  un 
dessin  quelconque  ^  ». 

Ghirographes.  Cyrographnm ,  cirogra- 
phuni,  charta  cyrographata,  cyrographatapartita, 
nndidata,  identata,  en  français  chirographe, 
charte  partie  ondtde'e ,  dentelée,  etc.  Autrefois 
comme  aujourd'hui,  quand  on  dressait  un 
contrat,  chacune  des  parties  contractantes  en 
recevait  un  exemplaire.  On  traçait,  en  gros 
caractères,  au  milieu  d'une  feuille  de  vélin,  le 
mot  GYROGRAPHUM  ;  puis  l'actc  était  transcrit 
deux  fois  et  à  contre-sens  sur  cette  feuille,  de 
manière  à  ce  que  le  mot  cyrographum  servit  de 
titre  aux  deux  expéditions  ;  il  se  trouvait  dès  lors 
placé  droit  en  tête  de  l'une,  et  renversé  en  tête 
de  l'autre.  On  le  coupait  ensuite  par  le  milieu, 
et  chacune  des  expéditions  avait  alors  pour  titre 
les  lettres  séparées  en  deux.  En  rapprochant  les 
deux  actes,  le  mot  se  retrouvait  donc  entier. 
C'est  là  l'origine  de  nos  registres  à  souche, 
l'origine  des  mots  aux  lettres  enchevêtrées  qui 
constituent  le  talon  de  nos  billets  de  banque,  de 
nos  actions  et  obligations  commerciales. 

Le  mot  GYROGRAPHUM  est  quelquefois  rem- 
placé par  des  images  ou  des  formules  de  dévotion, 
par  le  nom  des  parties  contractantes,  etc.  Aux 
chartes  parties  où  le  titre  était  coupé  en  ligne 
droite  succédèrent  les  chartes  ondulées,  dente- 
lées^ etc. 

La  plus  curieuse  charte  partie  qui  concerne 
notre  histoire  commerciale  date  du  commen- 
cement du  treizième  siècle.  Elle  est  relative  à  un 
accord  sur  la  vente  du  sel  entre  la  hanse  de  Paris 
et  celle  de  Rouen.  En  tête  figure  le  mot  giro- 
GRAPHUM,  qui  a  été  divisé  en  deux  et  dont  le  bas 
seul  subsiste.  Un  fac-similé  de  cette  charte  a  été 
publié  dans  rou\Tage  de  M.  de  Coëtlogon  sur 
les  Armoiries  de  la  ville  de  Paris  ^ . 

Ghiromanciens.  On  nomme  ainsi  ceux 
qui  font  métier  de  prédire  l'avenir  d'une  personne 
par  l'inspection  des  lignes  de  sa  main.  De  graves 
auteurs  ont  écrit  sur  ce  procédé  de  divination, 
qui  remonte  aussi  haut  que  les  plus  anciens 
bateleurs.  M"®  Lenormant,   l'habile   tireuse  de 


1  (Treizième  siècle),  p.  81- 

2  Jaubert,    Dictionnaire    (1*773),    t.    I,    p-    484.  —  Ce 
mot  h'existe  pas  dans  le  Dictionnaire  de  Savaiy  (1723). 

3  Tome  I,  p.  50. 


cartes,  se  fit  aussi  une  réputation  comme  chiro- 
mancienne 

Voy.  Bateleurs. 

Ghirurg-ien  du  roi  (Premier).  Il  était 
clicf  de  la  corpcjralion  des  barbiers  et  des 
cliirurgiens. 

Voy.  Maitre  des  barbiers. 

Ghirurgiens.  .Jusqu'au  milieu  du  dix- 
septième  siècle,  le  fait  de  se  livrer  à  un  travail 
manuel  quelconque  constituait  une  marque  de 
servage  et  parquait  impitoyablement  son  auteur 
dans  la  classe  ouvrière.  Ainsi,  les  merciers,  qui 
vendaient  de  totit  et  ne  fabriquaient  rien, 
occupaient  dans  la  hiérarchie  sociale  une  place 
bien  supérieure  à  celle  des  chirurgiens.  Ces 
derniers,  formant  avec  les  barbiers  une  seule  et 
même  corporation,  furent,  pendant  plusieurs 
siècles,  mis  au  rang  des  artisans,  des  nuuKBuvres. 
Ce  mot  est,  d'ailleurs,  la  traduction  littérale  de 
leur  nom  dérivé  du  grec.  Il  faut  arriver  à  la 
Déclaration  du  23  avril  1743  pour  voir  les 
chirurgiens  émancipés  se  dégager  des  liens  qui 
les  rattachaient  à  la  classe  ouvrière. 

Jusque-là,  saigner  un  malade  eut  constitué 
pour  tout  médecin  un  acte  déshonorant.  En 
plein  dix-huitième  siècle  si  un  cliirurgien, 
honteux  de  son  humble  position,  voulait  obtenir 
la  licence  en  médecine,  il  était  tenu  de  s'engager, 
par  acte  dressé  devant  notaires,  à  ne  plus  faire 
aucune  opération  ;  car,  disent  les  statuts  de  la 
Faculté,  «  il  convient  de  garder  pure  et  intacte 
la  dignité  de  l'ordre  des  médecins  ^  ». 

Au  moyen  âge,  tout  homme  sachant  lire  et 
écrire  est  un  clerc,  appartient  à  l'Eglise,  et 
l'Eglise  avait  déjà  formulé  un  adage  auquel  elle 
ne  resta  guère  fidèle  :  Ecclesia  abhorret  a 
sanguine.  Un  clerc  ne  pouvait  donc,  sans 
désobéir  et  sans  déroger,  se  li\Ter  à  l'étude  de  la 
chirurgie.  La  pratique  de  cet  art  resta  dès  lors 
livrée  à  des  charlatans,  à  de  vieilles  femmes  et  à 
des  barbiers.  Un  certain  nombre  de  recettes, 
transmises  par  tradition,  composait  toute  la 
science  des  uns  et  des  autres. 

Vers  le  milieu  du  treizième  siècle,  quelques 
barbiers  intelligents  tentèrent  d'arracher  leur 
corporation  à  son  ignorance.  Ils  cessèrent  de 
tondre  et  de  raser  pour  se  consacrer  exclusi- 
vement aux  opérations  chirurgicales.  En  même 
temps,  ils  instituèrent  une  confrérie  spéciale 
placée  sous  l'invocation  de  saint  Côme  et  de 
saint  Damien,  deux  bienheureux  qui  avaient, 
disait-on,  cultivé  l'art  chirurgical  en  Arabie  ^. 
Comme  la  plupart  des  artisans,  les  chirurgiens 
soumirent,  vers  1268,  leurs  statuts  à  l'homolo- 
gation du  prévôt  de  Paris  Etienne  Boileau,  et 
ces  statuts,  insérés  par  lui  dans  le  Livre  des 
métiers,  nous  prouvent  que  leur  petite  commu- 
nauté était  organisée  sur  le  modèle  de  toutes  les 
corporations  ouvrières  ^. 


•  Sintuta  Faciiltatis  medicinœ,  édit.  de   1.598,   art.  24 
de  1634,  art.  28. 

2  Du  Broc  de  Segange,  Les  saints  patrons  des   corjw 
rations,  t.  II,  p.  288. 

3  Livre  des  métiers,  titre  XCVI. 


170 


CHIRURGIENS 


Six  jurés,  élus  dans  la  forme  ordinaire, 
surveillaient  et  administraient  la  communauté. 
Leur  principale  mission  était  d'examiner  les  gens 
qui  «  s'entremectent  de  cjrurgie  ».  Sur  leur 
rapport,  le  prévôt  de  Paris  en  autorisait  ou  en 
interdisait  l'exercice  aux  candidats. 

Les  statuts  insistent  sur  la  défense  de  donner 
des  soins  en  secret  aux  criminels,  aux  «  murtriers 
ou  larrons  qui  sunt  hleciez  ou  blecent  autrui,  et 
viennent  celéement  aus  cjrurgiens,  et  se  font 
o-uérir  celéement  ».  Après  un  premier  appareil 
posé  ou  un  premier  pansement  fait,  le  chirurgien 
était  tenu  d'avertir  le  prévôt  de  Paris.  Ainsi, 
dès  1268  la  corporation  est  divisée  en  deux 
classes,  celle  des  simples  barbiers  ou  barbiers- 
laïques,  dits  plus  tard  barbiers-chirurgiens  et 
chirurgiens  dérobe  courte^  puis  celle  des  barbiers- 
clercs,  nommés  aussi  chirurgiens-barbiers, 
chirurgieiis  de  Saint-Cônie  et  chiriirgiens  de  robe 
longue.  L'ardente  préoccupation  de  ces  derniers 
va  d'abord  être  de  se  maintenir  indépendants  des 
barbiers  laïques,  de  se  réserver  le  monopole  des 
opérations  chirtirgicales.  Devenus  peu  à  peu  plus 
ambitieux,  ils  aspireront  à  se  rapprocher  des 
mires  ou  médecins,  à  élever  leur  corporation  au 
rang  de  corps  savant.  Après  plusieurs  siècles  de 
persévérants  efforts,  il  leur  fallut,  pour  y 
parvenir,  associer  leur  cause  à  celle  des  barbiers 
laïques. 

En  1311,  Pilard,  chirurgien  de  Philippe-le- 
Bel,  obtient  de  lui  une  ordonnance  interdisant 
toute  opération  chirurgicale  aux  barbiers  qui 
n'auraient  pas  été  reconnus  aptes  à  leur  métier. 
Cette  ordonnance  est  renouvelée  en  1352  ^, 
puis  en  1364  ^  ;  mais  des  ordonnances  de 
décembre  L371  ^  et  d'octobre  1372  *  réunissent 
en  une  seule  les  deux  classes  de  barbiers,  et  les 
placent  sous  l'autorité  du  premier  barbier  du  roi. 
Les  chirurgiens  s'adressent  alors  aux  médecins, 
mais  la  Faculté,  par  jalousie,  soutient  contre 
eux  les  barbiers.  En  1544,  les  cliirurgiens 
triomphent  enfin,  François  P""  leur  accorde  tous 
les  privilèges  concédés  à  l'Université,  et  en 
157(),  ils  sont  autorisés  à  ouvrir  des  cours 
publics.  Puis  la  Faculté  les  asservit  de  nouveau 
a  ce  point  qu'en  1655  les  chirurgiens  réclament 
la  protection  des  barbiers,  viennent,  tète  basse, 
solliciter  ces  ennemis  jusque-là  si  méprisés. 

Après  ([uatre  siècles  de  luttes,  un  arrêt  du 
7  février  1660  déclare  que  les  deux  communautés 
réunies  des  chirurgiens  et  des  barbiers  seront 
soumises  à  la  Faculté  de  Médecine,  leur 
inli-rdit  de  prendre  la  qualité  de  bacheli(;rs  ou  de 
docIfMirs.  d'arborer  ni  robe,  ni  bonnels.  Rien  ne 
(iislingue  plus  leur  corporation  des  plus  humbles 
corporations  ouvrières,  sauf  l'honneur  d'avoir 
polir  clii'l  le  premier  barbier  du  roi. 

('.I'  lrriilil(>  arrêt  qui.  aux  jeux  de  la  Faculté, 
dcviiil  consommer  la  ruine  des  chiniro-iens,  fut 
en  realilé  un  avantage  remporté  par  eux  sur  leur 
arrogante  rivale.   La  fusion  des  chiruririens  et 


<    (trdonii.  yoi/iilfs,  I.    II,  p.    tOe. 

*  Ort/oiiii.  royales,  t.  1\  ,  p.  499. 
••  Ordoiin.  royales,  t.  V,  p.  440. 

*  Ordonn.  royales.,  t.  V,  p.  52. 


des  barbiers  étant  complète,  absolue,  la  Faculté 
avait  perdu  la  ressource  d'opposer  les  uns 
aux  autres.  Les  chirurgiens  procédèrent  assez 
habilement,  se  concilièrent  quelques  appuis  à  la 
Cour  ;  de  sorte  que  le  premier  barbier  du  roi 
reçut  ordre  d'abandonner  ses  droits,  de  les 
transmettre  au  premier  chirurgien,  et  ce  fut  ce 
dernier  que  des  lettres  patentes  de  1668  accor- 
dèrent pour  chef  à  la  communauté  unie  des 
chirurgiens  et  des  barbiers.  Une  distinction 
existe  pourtant  entre  les  deux  corps.  Les  barbiers 
sont  tenus  d'avoir  «  des  boutiques  peintes  en 
bleu,  fermées  de  châssis  à  grands  carreaux  de 
verre,  et  de  mettre  à  leurs  enseignes  des  bassins 
blancs  pour  marque  de  leur  profession,  et  pour 
faire  ditïérence  de  ceux  des  chirurgiens  qui  en 
ont  des  jaunes  ».  Leur  enseigne  devait  en  outre 
être  ainsi  conçue  :  X,  barbier,  perruquier, 
baigneur,  e'tuviste.  Ce'ans,  on  fait  le  poil  et  on 
tient  bains  et  éluves  * . 

Enfin,  le  23  avril  1743,  parut  une  Déclaration 
royale  tout  à  fait  favorable  aux  chirurgiens.  Nul, 
dit-elle,  ne  pourra  être  reçu  maître  chirurgien 
s'il  ne  possède  pas  le  diplôme  de  maître  es  arts. 
Les  chirurgiens  seront  donc  désormais  membres 
de  l'Université  et  jouiront  de  tous  les  privilèges 
attachés  à  ce  titre.  Aussi  devront-ils  exercer 
désormais  leur  profession  «  sans  mélange  d'aucun 
art  non  libéral,  commerce  ou  profession  étran- 
gère audit  art.  » 

En  somme,  l'association  des  chirurgiens  était 
reconnue  comme  un  corps  savant,  tous  les  liens 
qui  les  rattachaient  à  la  Faculté  étaient  brisés, 
ils  étaient  déclarés  les  égaux  des  médecins,  aussi 
bien  dans  le  domaine  de  la  science  que  dans  les 
relations  sociales. 

Toutefois,  l'article  7  d'un  arrêt  daté  du  12 
avril  1749  exigea  encore  des  chirurgiens  qu'ils 
tinssent  boutique  ouverte:  «  Chacun  des  maîtres 
en  chirurgie  sera  tenu  de  faire  mettre  sur  la 
porte  de  la  maison  où  il  demeurera  son  nom  et  sa 
qualité  ;  comme  aussi  d'avoir  une  salle  basse  au 
rez  (le  chaussée  de  sadite  maison,  où  il  y  aura 
toujours  un  de  ses  élèves  au  moins,  pour  donner 
en  son  absence  les  secours  nécessaires  à  ceux  qui 
en  auront  besoin  ». 

Cet  article  ne  faisait  en  réalité  que  confirmer 
un  usage  existant.  Depuis  quelque  temps  déjà,  les 
chirurgiens  n'avaient  plus  de  boutique  propre- 
ment dite  ;  mais  tous  avaient  conservé  sur  la  rue, 
au  rez-de-chaussée,  une  salle  fermée  par  des 
grilles  et  où  un  élève  se  tenait  en  permanence. 
Sur  la  devanture,  s'étalafent  les  affiches  indiquant 
les  cours  des  professeurs  et  donnant  l'adresse  des 
chirurgiens  ^  ? 

Mais  le  préjugé  qui  déprisait  tout  travail 
manuel  s'affaiblissait  de  plus  en  plus,  et  les 
statuts  de  1750  s'expriment  ainsi  :  «Les  maîtres 
du  collège  de  chirurgie  jouiront  des  honneurs, 
distinctions,  prérogatives  et  immunités  dont 
jouissent  ceux  qui  exercent  les  arts  libéraux  et 
scicntiqucs.  Seront  en  conséquence  lesdits  maî- 


1  Ces  prescrijîtions  furent  reproduites  dans  les  statuts 
de  1718,  art.  42. 

2  Quesnay,  Examen  impartial,  etc.,  p.  210. 


CHIRURGIENS  —  CHOCOLAT 


171 


très  compris  dans  le  nombre  des  notables 
bourg^eois  de  la  ville  de  Paris  et  participeront  à 
toutes  les  prérogatives  dont  sont  en  possession 
lesdits  notables.  Défendons  de  les  comprendre 
dans  aucun  rôle  des  arts  et  métiers,  ni  de  les 
assujélir  à  la  taxe  de  l'industrie  *  ». 

Les  chirurgiens  avaient  donné  leurs  premiers 
cours  dans  une  salle  dépendante  du  collège  de 
Dainville  qui  était  situé  rue  de  la  Harpe,  en  face 
de  l'église  Saint-Côme.  En  1691,  ils  tirent  cons- 
truire tout  près  de  là  un  élégant  amphithéâtre, 
occupé  aujourd'hui  par  une  école  gratuite  de 
dessin.  Enfin,  en  1776,  ils  s'intallèrent  rue  des 
Cordeliers  (auj.  rue  de  l'Ecole  de  Médecine)  dans 
les  bâtiments  de  la  Faculté  de  médecine  actuelle. 
Ils  avaient  conservé  pour  patrons  saint  Côme  et 
saint  Damien. 

Le  Livre  des  me'tiers  nomme  les  chirurgiens 
cyrurgiens  et  cÂreurgiem.  On  trouve  encore 
sHrgiens,  sirurgiens  habilleurs^  etc.  Tout  apprenti 
d'un  barbier  et  d'un  chirurgien  était  appelé 
frater. 

Voy.  Accoucheurs.  —  Auristes.  — 
Barbiers.  —  Cabinets  d'anatomie.  — 
Châtreurs.  —   Dentistes.  —  Épileurs. 

—  Frater.  —  Herniaires.  —  Inciseurs. 

—  Instruments  de  chirurgie.  —  Lits 
mécaniques.  —  Lithotomistes.  —  Ma- 
trones. —  Oculistes.  —  Opérateurs.  — 
Pédicures.  —  Phlébotomistes.  —  Pos- 
tiches. —  Renoueurs.  —  Sages-femmes. 

—  Sièges  mécaniques. 

Ghirurg-iens- herniaires.  Voy.  Her- 
niaires. 

Ghirurg-iens-lapidaires.  Voy.  Litho- 
tomistes. 

Ghirurg-iens  -  restaurateurs.  Voy. 
Renoueurs. 

Ghitareurs.  Voy.  Cithare urs. 

Ghocolat  (FabricanTvS  de).  La  conquête  du 
Mexique  et  celle  du  chocolat  sont  dues  à  Fernand 
Cortez,  double  titre  de  gloire,  dont  le  premier 
fut  le  plus  périssable,  car  l'Espagne  a  perdu  le 
Mexique,  tandis  que  le  chocolat  constitue  encore 
aujourd'hui  une  branche  productive  de  son 
commerce . 

En  France,  la  première  personne  qui  en  ait 
fait  usage  fut,  non  pas,  comme  on  l'a  dit  -,  le 
cardinal  de  Richelieu,  mais  son  frère  aîné, 
Alphonse-Louis  du  Plessis,  archevêque  de  Lyon 
et  cardinal.  «  J'ai  ouï  dire  à  l'un  de  .ses  domes- 
tiques, écrit  Bonaventure  d'Ârgonne  •'*,  qu'il  s'en 
servait  pour  modifier  les  vapeurs  de  sa  rate  ». 
Cette  assertion  est  d'autant  plus  vraisemblable 
que  René  Moreau,  célèbre  médecin  de  Paris, 
raconte  avoir  été  consulté,  avant  1642,   par  le 


1  Article  7. 

2  C.-B.  Behrens,  Selecta  diœtetica,  p.  391.  —Ch.  Linné, 
Amœnitates  académicœ,  t.  VII,  p.  254. 

3  Mélanges  d'histoire,  t.  I,  p.  4. 


cardinal  de   Lyon  sur  les   propriétés  thérapeu- 
tiques du  chocolat  ' . 

Une  douzaine  d'années  après,  le  cardinal 
Mazarin  et  le  maréchal  de  Gramont  firent 
venir  d'Italie  deux  habiles  cuisiniers  qui  savaient 
préparer  le  café,  le  thé  et  le  chocolat  "^.  Ces 
précieux  talents  étaient  donc  encore  inconnus 
à  Paris.  Ils  ne  l'étaient  guère  moins  en  1659, 
et  de  cette  année  date  le  premier  document 
officiel  relatif  à  l'introduction  du  chocolat  dans 
la  grande  ville.  Ce  sont  des  lettres  patentes, 
datées  de  Toulouse  le  28  mai  16.59,  et  qui 
accordent,  pour  une  durée  de  vingt-neuf  ans, 
à  un  sieur  David  Chaliou  le  privilège  exclusif 
de  la  fabrication  et  de  la  vente  du  chocolat  dans 
toute  l'étendue  du  royaume.  Cette  pièce  est 
conservée  aux  Archives  nationales  •^. 

Chaliou  s'établit  près  de  la  croixduTrahoir  '*, 
qui  s'élevait  à  l'angle  de  la  rue  Saint-Honoré 
et  de  la  rue  de  l'Arbre  -  Sec ,  à  l'endroit 
qu'occupe  aujourd'hui  une  fontaine.  Son  com- 
merce prospéra-t-il  ?  Cela  est  probable,  car  dès 
1661  la  Faculté  de  médecine  approuvait  l'usage 
du  chocolat  ^.  Et  pourtant,  dix  ans  plus  tard  la 
province  ne  connaissait  pas  encore  cet  aliment. 
L'abbé  de  Choisy  l'affirme  ^,  et  madame  de 
Sévigné  est  désolée  de  penser  que  sa  fille,  partie 
pour  Lyon,  n'y  trouvera  pas  de  chocolatière  ''. 

Le  matin,  en  sortant  de  sa  chambre,  le 
Régent  allait  prendre  du  chocolat  dans  une 
grande  pièce  où  l'on  venait  le  saluer  :  c'est  ce 
que  l'on  appelait  être  admis  au  chocolat  ^. 

Les  médecins  se  montraient  beaucoup  plus 
indulgents  pour  le  chocolat  que  pour  le  café, 
et  la  Faculté  lui  resta  toujours  fidèle.  En  1684, 
le  bachelier  Fr.  Foucault  prit  pour  sujet  de  thèse 
le  chocolat  ^,  et  il  en  fit  un  éloge  enthousiaste. 
Vers  1776,  un  sieur  Doret  inventa  une  machine 
hydraulique  qui  broyait  le  cacao  et  le  réduisait 
en  pâte.  Son  procédé  fut  approuvé  par  la 
Faculté,  et  Doret  obtint  le  droit  de  donner  à  sa 
fabrique  le  titre  de  manufacture  royale. 

Les  chocolats  de  Madrid,  de  Cadix,  d'Italie, 
de  Portugal,  puis  de  Saint-Malo  furent  pendant 
longtemps  les  plus  recherchés.  Mais  à  la  fin  du 
dix-septième  siècle,  on  leur  préférait  celui  de 
Paris  '0. 

En  1692,  les  marchands  «  renommez  pour 
leur  bon  chocolat  »  étaient  d'abord  le  sieur 
Chaliou,  toujours  installé  dans  sa  boutique  de  la 
rue  tle  l'Arbre-Sec,  puis  le  sieur  Rere,  rue 
Dauphine  '  * .  La  même  année,  un  sieur  François 


1  Traduction  du  Tralado  de  la  naluralesa  del  chocolaté 
d'Antonio  Clolmcncro.  Dédicace  au  cardinal  de  Lyon, 
datée  du  21  octobre  1642. 

*  Audigcr,  La  mni.son  re'glée,  livre  I^'. 

3  Registre  coté  X'a  86(55,  f°  68. 

i  Dclarnarre,  Traité  de  la  police,  t.  III,  p.  797. 

5  .(/(  snlii/jris  /(SUS  rhocolala'.  Thèse  soutenue  par  Michel 
Dupont  et  concluant  jjar  l'affirmative. 

f>  Histoire  de  la  comtesse  des  Barres,  édit.  de  1807, 
p.  97. 

"    Lettre  du  11  février  1671,  t.  II,  p.  60. 

"   Testament  politique  du  maréchal  de  Belle-hle,  p.  43 

9  An  chocolotœ  usiis  salubris? 

10  Pomet,  Histoire  des  drogues,  liv.  VII,  p.   207. 
1'  Le  livre  commode,  t.  I,  p    303. 


172 


CHOCOLAT  —  CINQUAIN 


Damame  se  vit  accorder  par  le  roi  un  privilège 
exclusif  pour  la  vente  du  café,  du  thé  et  du 
chocolat  ;  mais,  dès  l'année  suivante ,  il  J 
renonça  de  lui-même  et  le  commerce  en  redevint 
libre. 

Parmi  les  fabricants  de  chocolat  dont  le  nom 
est  arrivé  jusqu'à  nous,  c'est-à-dire  parmi  ceux 
qui  abusèrent  de  la  réclame,  on  peut  citer 
encore  :  le  sieur  Labastide,  établi  rue  de  la 
Monnaie  en  1758,  et  le  sieur  Onfroy,  qui  tenait 
en  1761  le  café  Cuisinier,  sur  la  place  du  Pont 
Saint-Michel. 

Le  sieur  Delondre,  épicier  droguiste  de  la 
rue  des  Lombards,  inventa,  vers  1772,  \q  chocolat 
homogène,  stomachique  et  pectoral,  ainsi  que  le 
chocolat  purgatif.  Le  premier  se  vendait  en 
tablettes  et  en  pastilles.  Le  second  était  «  d'un 
usiige  très  commode  pour  toutes  les  personnes 
qu'on  peut  difficilement  résoudre  à  prendre 
même  les  médecines  les  plus  douces  '  ». 

Vers  le  même  temps,  un  médecin  de  Paris, 
nommé  Lefebvre,  faisait  annoncer  un  chocolat 
aphrodisiaque  ou  antivénérien.,  «  propre  à  servir 
de  véhicule  au  sublimé  mercuriel  '^  ». 

Kn  1777,  un  sieur  Fernandez  s'intitulait 
«  fabricant  de  chocolat  de  M"^*'  la  Dauphine  et 


des   princes   et   seigneurs   de    la   cour  •' 


Ce 


Fernandez  était  limonadier,  et  les  statuts  de 
1705  avaient  accordé  à  cette  corporation  le 
droit  de  vendre  «  le  chocolat  en  pain,  en  tourteau 
et  en  dragées  ».  Il  était,  d'ailleurs,  fabriqué 
surtout  par  les  confiseurs,  et  ceux-ci  dépendaient 
de  la  communauté  des  épiciers. 

Chorégraphes.  Nom  donné  parfois  aux 
maîtres  de  ballet.  Mais  la  chorégraphie  est  le 
procédé  à  l'aide  duquel  on  fixe  sur  le  papier,  au 
moyen  de  signes  particuliers  et  en  quelque  sorte 
iiiéroglyphiques,  les  figures,  les  mouvements,  les 
alliludes  qui  constituent  une  danse  ou  un  ballet. 
Ce  système  fut  inventé  par  un  chanoine  de 
Langres  nommé  Jelian  Tabourot,  qui  le  fit 
connaître  dans  un  livre  curieux  publié  en  1589 
sous  ce  titre  :  Orchésographie  et  traicté  en  forme  de 
dialogue,  par  lequel  toutes  personnes  peuvent  faci- 
lement apprendre  et  practiquer  Vhonneste  exercice 
des  dances  *.  Cet  ouvrage,  publié  sous  le  pseudo- 
nyme de  Thoinot  Arbeau,  paraît  avoir  eu  peu 
de  succès.  L'idée  qui  l'inspirait  n'en  fut  pas 
moins  reprise,  au  début  du  dix-huitième  siècle, 
par  un  danseur  nommé  Feuillet:  il  la  développa 
et  l'expliqua  par  de  nombreuses  figures  dans  sa 
(Chorégraphie  du  l'art  (récrire  la  danse  par  carac- 
li-res,  figures  et  signes  démonstratifs  '^,  ouvrage 
qui  fournit  le  moyen  de  fixer  par  des  signes 
convenus  tous  les  mouvements  des  danseurs. 

On  trouve  une  page  entière  de  notation  choré- 
graphique, dans  A.  Pougin,  Dictionnaire  du 
théâtre,  p.  167. 


1  Af/irhes,  annonces  et  avis  divers,  n»  du  3  juin  1772. 

-  Affiches,  annonces  et  avis  divers,  n"  du  19  janvier 
1774,  et  .Uercnre  de  France,  n»  d'avril  177"). 

3  Almanarh  Dauphin,  art.    I.inmnndicrs. 

*  Ce  volume  a  été  réimprimé  à  Paris  ctiez  Vievetr  en 
1888.  ^ 

î»  Année  1713,  in-4<'. 


Ghrysographes.  Nom  donné  aux  enlu- 
mineurs qui  avaient  l'art  de  tracer  sur  les 
manuscrits  ces  lettres,  ces  ornements  d'or,  restés 
après  six  siècles  aussi  brillants  que  le  premier 
jour.  Ce  secret  n'a  pas  été  retrouvé.  On  a  supposé 
que  les  chrysographes  se  servaient  parfois  de 
lamelles  d'or  extrêmement  ténues,  qu'ils  fixaient 
avec  beaucoup  d'adresse,  au  moyen  d'une  eau 
gommée,  et  qu'ils  polissaient  ensuite. 

Giceroni.  Un  des  premiers  personnages  qui 
aient  fait  réellement  métier  de  promener  les 
étrangers  dans  Paris  fut  un  nommé  Germain 
Brice.  Il  finit  par  résumer  ses  boniments  dans  un 
ouvrage  destiné  à  les  remplacer  *  et  dont  le 
succès  fut  assez  grand,  car  il  avait  eu  déjà  huit 
éditions  en  1725. 

Quelques  années  auparavant ,  un  érudit 
allemand,  le  sieur  Joachim-Christophe  Nemeitz, 
conseiller  du  prince  de  Waldeck,  profitait  des 
loisirs  que  lui  laissait  cette  place  pour  accom- 
pagner les  jeunes  seigneurs  désireux  de  compléter 
leur  éducation  par  des  voyages  à  l'étranger.  Il 
eut  ainsi  l'occasion  de  passer  deux  années  à 
Paris.  Après  son  dernier  séjour  dans  cette  ville, 
il  songea,  comme  Brice,  à  rassembler  ses  sou- 
venirs et  à  faire  profiter  ses  jeunes  compatriotes 
de  l'expérience  qu'il  avait  acquise.  Il  publia  donc, 
en  1718,  une  sorte  de  guide,  aujourd'hui  assez 
recherché,  qui  en  1727,  fut  traduit  en  mauvais 
français  sous  ce  titre  :  Séjour  de  Paris,  c'est-à- 
dire  instructions  fidèles  pour  les  voiageurs  de 
condition  ;  comment  ils  se  doivent  conduire  s'ils 
veulent  faire  un  bon  usage  de  leur  tems  et  argent. . . 
Ouvrage  très  curieux,  composé  principalement  en 
faveur  et  pour  P usage  des  voiageurs  ^. 

Dans  un  livre  où  je  n'aurais  jamais  été 
chercher  un  pareil  renseignement,  le  Diction- 
naire latin-françois  ^  de  l'abbé  Magniez  *  je 
rencontre,  au  mot  Nomenclator  cette  indication  : 
«  A  Paris,  Herpin  enseigne  les  demeures  et  les 
noms  des  personnes  de  qualité  ».  C'était  là  un 
cicérone  d'ordre  inférieur. 

Voy.  Ours  (Meneurs  d'). 

Cidre  (Commerck  du).  Le  cidre  était 
presque  inconnu  à  Paris  au  seizième  siècle.  On  y 
disait  que  Dieu  avait  infligé  cette  boisson  aux 
Normands  «  comme  une  espèce  de  malédiction 
ou  de  châtiment  ■'•  ».  Au  dix-septième  siècle, 
c'était  la  boisson  ordinaire  des  domestiques, 
même  à  Paris.  On  faisait  alors  en  Normandie  de 
l'eau-de-vie  de  cidre,  mais  elle  était  jugée  si 
mauvaise  qu'on  en  interdisait  l'entrée  à  Paris  ''. 

Cierg-ers  et  Cierg-iers.  Voy.  Ciriers. 

Cinquain.  Voy.  Champart  (Droit  de). 


1  Xoiivelle   descrin/ion  de  la   cille  de  Paris  el  de  /oui  ce 
qu'elle  contient  de  plus  remarquable. 

2  Cette   traduction  a  été   réimprimée    par  la    librairie 
Pion  en  1897. 

•''  l'ius  connu  sous  le  nom  de  Notitius. 
i  1721,  in-4°,  t.  II,  p.  908. 

^  Gui    Patin.    Lettres  à  Spon,  21  avril  et   9  mai  1643, 
t.  I,  p.  282  et  28.5. 

6  Savary,  t.  I,  p.  772. 


CINQUANTENIERS  —  GIRIERS 


173 


Cinquanteniers.  Vov.  Quartiniers. 

Girag'e  (Fabricants  de).  Suivant  M.  Qui- 
cheral,  l'emploi  du  cirag-e  remonterait  au  dixième 
siècle  ' .  Il  semble  établi  qu'au  seizième  on  lui 
avait  substitué  une  pierre  spéciale  dont  la  compo- 
sition nous  est  inconnue.  Je  lis,  en  eiîet,  dans 
Les  cris  de  Paris  en  1545  : 

J'ay  de  bonne  pierre  noire, 
Pour  pantoufle  et  soulier  noircir  ! 

D'autre  part,  il  est  certain  que  l'on  graissait 
alors  les  chaussures  communes  : 

Dea,  des  souliers  do  vache  auras, 
Et  gros  patins,  que  ne  deftends. 
Qu'au  samedy  gresser  feras 
Avecq  les  souliers  des  enfans  2. 

Au  siècle  suivant,  le  sieur  Goubier,  épicier 
rue  de  Gesvres,  vendait  «  une  bonne  cireure  pour 
les  cordonniers  ^  ».  C'est  sans  doute  celle  dont 
Riclielet  nous  fournit  ainsi  la  recette  :  «  Compo- 
sition de  suif,  de  noir  de  fumée,  de  térébentine 
de  Venise,  de  blanc  de  plomb  et  autres  ingrédiens 
qu'on  fait  bouillir  pour  cirer  les  bottes,  les  gros 
souliers,  etc.  *  ».  Le  cirage  à  l'œuf  lui  succéda, 
et  jouit  d'une  faveur  qui  l'ut  de  longue  durée  ;  il 
se  composait  tout  simplement  de  noir  de  fumée 
délayé  avec  du  blanc  d'oeuf, 

En  1777,  un  sieur  Lebrun,  épicier,  demeurant 
rue  Dauphine,  aux  armes  d'Angleterre,  débitait 
«  une  nouvelle  cire,  propre  à  noircir  les  souliers, 
les  bottes  et  tout  ouwage  de  cuir  ou  de  maroquin, 
qui  ne  tache  point  les  mains  ni  les  bas,  qui  est 
sans  odeur,  entretient  le  cuir  tlexible  et  lui  donne 
un  beau  noir  ».  Le  prix  était  «  de  douze  sols  la 
tablette,  qui  fait  une  chopine  de  cire  liquide  ^  ». 
Je  trouve  cette  même  cire  en  tablettes  annoncée 
dans  la  Gazette  de  Hollande,  où  l'on  déclare 
qu'elle  donne  à  volonté  le  plus  beau  noir,  mat 
ou  luisant^  ».  Peu  d'années  après,  apparut  le 
cirage  anglais,  composition  grasse  qui,  frottée 
avec  une  brosse  sèche,  fournit  un  brillant  d'un 
beau  noir. 

Gireurg'iens.  Nom  que  le  Livre  des  métiers 
donne  aux  chirurgiens. 

Cire  à  cacheter  (Fabricants  de).  L'apo- 
thicaire Pierre  Pomet  attribue  l'invention  de  la 
cire  d^Espagne  à  un  sieur  Rousseau,  qui  eut 
surpris  aux  Indes  le  secret  de  sa  composition,  et 
qui  commença  à  en  fabriquer  vers  1620  ''  ;  mais 
il  est  prouvé  aujourd'hui  que  son  usage  était  déjà 
presque  général  dans  les  premières  années  du 
dix-septième  siècle  ^.  On  se  servait  auparavant, 


'  Histoire  du,  costume,  p.  141. 

2  Extraict  d'un  petit  traicté  contenant  soixante  et  troys 
quatrains  sur  le  faict  de  la  superfluidité  des  habit:  des 
dames  de  Paris.  Duns  Ancie/ines  poésies  françaises,  t.  VIII, 
p.  298. 

3  Le  livre  commode,  t.  II,  p.  GT. 

4  Nouveau  dictionnaire  français,  édit.  de  1719,  t.  I, 
p.  207. 

5  Almanach  Dauphin,  art.  Épiciers. 

6  N"  du  10  mars  1778,  p.  4. 

'  Histoire  des  drogues,  2®  partie,  p.  44. 
^  Voj.  Edouard  Fournier,   Variétés  historiques,    t.  II, 
p.  79. 


pour  cacheter  les  lettres,  de  gomme  laque  fondue 
et  colorée,  qui  était  appelée  cire  de  Portugal. 

A  une  date  que  je  n'ai  pu  déterminer,  douze 
«  maîtres  ouvriers  en  pains  cire  à  cacheter 
missives,  nommez  jusqu'à  présent  cire  d'Espagne 
et  qui  seront  pour  l'advenir  appeliez  cire  de 
France  à  cacheter  »,  demandèrent  à  se  constituer 
en  communauté  et  soumirent  des  statuts  à  l'appro- 
bation du  roi.  Ils  désiraient  se  placer  sous  le 
patronage  de  saint  François  d'Assise  ;  l'appren- 
tissage devait  être  fixé  à  trois  ans,  que  suivraient 
trois  années  de  compagnonnage,  et  deux  jurés 
eussent  administré  la  nouvelle  corporation.  Je 
ne  sais  quel  fut  le  sort  de  ces  douze  ciriers  et 
de  leurs  statuts  ;  j'ai  trouvé  ceux-ci  à  la  Biblio- 
thèque nationale,  dans  le  manuscrit  coté  21,793, 
page  152. 

Les  ciriers  se  disaient  parfois  marchands  de 
lacre,  mot  par  lequel  un  tarif  de  septembre  16G4 
désigne  la  cire  d'Espagne  ou  un  produit  ana- 
logue. 

On  voit  souvent  cité  dans  les  inventaires  du 
dix-sep  lième  siècle  un  instrument  appelé  perce- 
lettres.  C'était  une  sorte  de  poinçon  destiné  à 
produire  le  trou  que  traversait  un  fil  de  soie  qui 
était  fixé  à  son  autre  extrémité  par  un  double 
cachet  de  cire.  Pour  ouvrir  la  lettre,  on  coupait 
le  fil. 

Sur  l'usage  des  enveloppes,  voj.  ci-dessous 
l'article  Papetiers,  et  sur  l'emploi  de  la  cire 
dans  les  actes  officiels,  l'article  Chauffe-cire. 

Ciriers.  Faiseurs  de  cierges,  bougies,  torclies 
et  autres  objets  en  cire. 

Cette  communauté  était  placée  sous  l'autorité 
du  grand  chambellan  du  roi  ^ . 

La  Taille  de  1292  cite  19  ciriers  et  1  chande- 
lier de  cire,  celle  de  1300  mentionne  8  ciriers  et 
2  chandeliers  de  cire. 

Dès  cette  époque,  le  commerce  de  la  cire  était 
fait  par  les  épiciers,  les  ciriers  se  chargeaient 
seulement  de  la  mettre  en  œuvre.  Je  trouve,  en 
effet,  dans  le  compte  des  dépenses  faites  pour  les 
obsèques  du  grand  chambellan  en  1352  les 
articles  suivants  :  «  A  Adam  du  Puis,  espicier, 
pour  un  millier  de  cire  achaté  de  lui...  A  Jaquet 
Gillebert,  pour  sa  peine  de  mettre  en  œuvre  le 
millier  de  cire  dessusdit  et  faire  le  luminaire, 
c'est  assavoir  200  torches,  400  cierges,  etc.  ^  ». 
Le  nombre  des  maîtres  était  alors  de  26  environ. 
C'étaient  eux  qui  modelaient  les  effigies  de  cire 
que  l'on  plaçait  sur  le  cercueil  des  rois  et  aussi 
les  figures  destinées  aux  envoûtements. 

Bien  que  les  chandeliers  de  cire  appartinssent 
à  la  communauté  des  épiciers,  le  prévôt  de  Paris 
leur  donna,  en  mai  1428,  des  statuts  particuliers 
qui  déterminent  la  qualité,  le  poids  et  le  prix  des 
cierges  et  chandelles  de  cire. 

Le  mot  bougie  ne  se  rencontre  guère  avant  le 
quatorzième  siècle  ^,  et  Olivier  de  Serres  écrivait 
encore  à  la  fin  du  quinzième  que  les  chandelles 
de  cire  étaient  surtout  en  usage  chez  «  les  princes 


1  Voy.  Maître  des  chandeliers  de  cire. 

2  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'argenterie,  p.  184. 

3  Voy.  V.  Gay,  Glossaire  archéologique,  t.  I,  p.    186. 


174 


CIRIERS  —  CLAVAINS 


et  o^rands  seigneurs^  ».  Tallemant  des  Réaux 
raconte  qu'à  la  tin  d'un  bal,  unejeuue  tille  voulant 
éclairer  Louis  XIII  à  sa  sortie,  «  monta  sur  un 
siège  pour  prendre  un  bout  de  chandelle  de  suif, 
avec  si  bonne  grâce  que  le  roi  en  devint  amou- 
reux ^  ».  On  se  servait  donc  encore,  même  au 
bal,  de  chandelles  de  suif,  mais  on  ne  les  touchait 
déjà  qu'avec  un  peu  de  répugnance. 

En  1650,  le  gazelier  Loret,  décrivant  une 
«  belle  collation  »  donnée  par  M"'«  de  Sévigné 
nous  apprend  qu' 

Oii  y  vit  briller  aux  chaiulcllfs 
Des  gorges  passablenient,  Lt'lk's  ^. 

Mais  étaient-ce  des  chandelles  de  suif  ou  des 
chandelles  de  cire  ? 

On  nommait  bomjies  d'un  denier  celles  qui  se 
vendaient  à  la  porte  des  églises  et  étaient  destinées 
aux  ex-voto  ;  doiiçies  (Phuissier,  celles  que  l'on 
portait  devant  le  roi  dans  l'intérieur  des  appar- 
tements ;  elles  étaient  carrées  et  plus  larges  du 
bas  que  du  haut.  L'expression  arbre  de  cire  dési- 
gnait le  cierge  pascal. 

Mais  on  ne  peul  parler  ici  desciriers  sans  dire 
un  mot  du  fameux  cierge  de  1357.  A  cette  date, 
le  roi  Jean  était  prisonnier  en  Angleterre;  Paris, 
désolé  par  la  famine  et  l'anarchie,  avait  encore 
à  redouter  une  invasion.  Pour  apaiser  le  courroux 
du  ciel,  la  municipalité  vota  l'offrande  à  perpé- 
tuité d'un  cierge  qui  aurait  en  longueur  l'étendue 
du  circuit  de  la  capitale,  de  sorte  que,  suivant 
les  calculs  de  M.  Bonnardot ,  il  eut  mesuré 
environ  5.750  mètres.  On  sait,  par  une  quittance 
récemment  retrouvéi-,  qu'il  nécessitait  l'emploi  de 
cent  trois  livres  de  cire,  ce  qui  lui  suppose  un 
diamètre  de  trois  à  quatre  millimètres.  Il  était 
enroulé  comme  un  câble,  autour  d'une  sorte  de 
cabestan,  et  un  prêtre  avait  pour  mission  de  le 
surveiller  et  de  toujours  le  «  tenir  ardent  ».  Mais 
ces  cent  trois  livres  de  cire  représentaient  une 
grosse  dépense  annuelle,  en  sorte  que,  pendant 
la  Ligue,  on  se  décida  à  remplacer  ce  cierge 
interminable  par  une  lampe  d'argent  qui, 
lappelaiit  les  armes  de  la  ville,  avait  la  forme 
d'im  navire,  et  qui  restait  allumée  jour  et  nuit*. 

Les  ciriers,  dits  aussi  cierger  et  cieryiers  ^ 
avaient,  comme  les  épiciers,  pour  patron  saint 
Nicolas. 

Voj.  Cabinets  d'anatomie. —  Chaufife- 
cire.  —  Cire  a  cacheter.  —  Figures  de 
cire.  -Valets  chauffe-cire. — Veilleuses 
(Fabricants  de),  etc. 

Ciriers.  Officiers  de  la  grande  chancellerie. 
«  Leurs  fonctions  sont  de  fournir  la  cire  néces- 
saire pour  sceller  les  expéditions  de  la  grande 
cliancellerie,  et  de  la  faire  préparer  dans  une 
pii'ce  voisine  de  la  salle  où  se  tient  le  sceau.  Ils 
remplissent  ces  fonctions  en  habit  noir,  sans 
épée  •'•  ». 


'  Théâtre  d'agricullure,  t'-itit.  d."  1600,  p.  879. 

*  Illstorietles,  t.  ]I,  y.  210. 

■'  .Mu:i:  liisluriqiie,  n»  du  IG  juillet. 

*  Voy.   le   llulletiit  de  la  société  de  l'Itistuire  de  Paris 
année  1875,  p.  40. 

5  Guyot,  Traité  des  offres,  t.  IV,  p.  472. 


Ciseleurs.  Ce  mot  n'existe  pas  encore  dans 
le  Dictionnaire  du,  commerce  de  Savary  (1723), 
mais  on  y  trouve  le  verbe  ciseler,  qui  est  ainsi 
défini  :  «  Couper,  tailler,  graver  délicatement 
avec  le  ciseau. . .  Ciseleurs  se  dit  des  ouvriers  qui  se 
servent  du  ciselet  ^  ».  L'abbé  Jaubert,  dans  son 
édition  de  1773  nous  apprend  que  le  ciseleur  est 
l'ouvrier  «  qui  enrichit  et  embellit  les  ouvrages 
d'or,  d'argent  et  autres  métaux,  par  quelque 
dessein  et  sculpture  qu'il  j  représente  en  bas 
relief  ^  ». 

Les  ciseleurs  ne  furent  jamais  officiellement 
constitués  en  corporation ,  car  une  foule  de 
communautés  avaient  le  droit  de  ciseler  elles- 
mêmes  les  objets  qu'elles  produisaient.  Je  citerai 
entre  autres  les  orfèvres,  les  fourbisseurs,  les 
armuriers,  les  éperonniers,  les  fondeurs,  les 
graveurs,  les  doreurs  sur  métaux,  etc. 

On  nommait  encore  ciseleurs  les  ouvriers  qui, 
«  avec  des  fers  chauds  gravés,  font  une  espèce  de 
velours  ciselé  ou  plutôt  gaufré,  en  aplatissant  le 
poil  du  velours  à  l'endroit  qui  doit  servir  de 
fond  et  en  ne  touchant  pas  à  celui  qu'on  réserve 
pour  le  dessin  et  les  façons  ^».  On  ne  ciselait  guère 
que  le  vieux  velours,  à  qui  cette  opération  rendait 
une  apparence  de  fraîcheur. 

Cithareurs.  Fabricants,  professeurs  ou 
joueurs  de  cithare,  instrument  à  cordes  qui  avait, 
le  plus  souvent,  la  forme  triangulaire. 

On  trouve  aussi  Cythareurs,  Chitaretirs,  etc. 

Citoleeurs.  Fabricants ,  professeurs  ou 
joueurs  de  l'instrument  appelé  citole.  La  Taille 
de  1292  cite  quatre  citoleeurs.  La  citole,  déjà 
mentionnée  [cithola]  dans  le  Bictionarius  de  Jean 
de  Garlande  *,  paraît  avoir  été  une  sorte  de 
guitare  au  corps  allongé  et  au  manche  court . 

Cizeleurs.  Voy.  ciseleurs. 

Claceliers.  Voy.  Concierges  et  Geô- 
liers. 

Claqueurs.  Leur  institution  ne  paraît  pas 
antérieure  à  la  Restauration.  «  Sous  Louis  XIV, 
le  parltsrre  formait  au  moins  la  moitié  du  public. 
Il  était  libre,  jaloux  de  son  droit,  et  il  n'eut  pas 
toléré  une  troupe  permanente  d'applaudisseurs 
gagés,  organisée  ostensiblement  pour  neutraliser 
toute  manifestation  d'opinion  littéraire  trop 
indépendante  ^  ».  Figaro  dit  bien  en  1775  : 
<,<  J'avois  rempli  le  parterre  des  plus  excellens 
travailleurs  ;  des  mains  comme  des  battoirs.  ..''•,  » 
mais  il  s'agit  là  d'une  fantaisie  purement  indi- 
viduelle. 

Cla vains  (Faiseurs  de).  Voy.  Demi- 
cein  tiers. 


'  Tome  I,   ]j.   78r».  —  Le  ciselet  est  «  un  petit  ciseau 
(l'acier  bien  trempé  dont  on  se  sert  pour  ciseler  ». 

2  iJictinnnaire  des  arts  et  métiers,  t.  I,  p.  507. 

3  Jaubert,  t.  I,  p.  508. 

4  VAû.  Scb.'ler,  p.  37. 

•'  E.    l)es]K)is,    Le   théâtre  franiais  sous    Louis    XIV, 
p.  3T0. 

^  Le  barbier  de  Sécille,  acte  I,  scène  2. 


CLAVAIRES  —  CLKRGS  DU  GUET 


ni 


Clavaires.  Ceux  (jui  gardaient  les  clets 
d'une  ville,  d'un  trésor,  etc.  Ce  mot  a  désin-né 
aussi  des  percepteurs  d'impôts,  des  adminis- 
trateurs (le  territoire,  etc.,  elc.  ^. 

Glavandiers  (Faiseurs  de).  Voy.  Demi- 
ceintiers. 

Clavecinistes.  Faiseurs,  professeurs  ou 
joueurs  de  l'instrnmenl  appelé  clavecin.  Le 
clavecin  diffère  surloiil  île  l'épinetle  par  sa 
dimension  qui  est  plus  grande  -.  Les  professeurs 
de  clavecin,  hommes  el  lenunes,  élaieid  déjà 
nombreux  à  la  tin  du  dix-septième  siècle''.  On 
distinguait  parmi  eux  François  Couperin  *,  dont 
un  descendant  publia,  en  171G,  Ijurt  de  toucher 
le  clavecin. 

Les  .clavecinistes  apparlenaieni  à  la  corpo- 
ration des  luthiers. 

On  trouve  aussi  clavessinùtes. 

Clavessinistes.  Voy.  Clavecinistes. 

Claveteurs.  Voy.  Cloutiers. 

Claviers  (Faiseurs  de).  Voy.  Demi- 
ceintiers. 

Clercelières  (Faiseurs  de).  Voj.  Demi- 
ceintiers. 

Clercs.  Ce  mot  avait  deux  acceptions  prin- 
cipales. Il  signifiait  avant  tout  homme  sachant 
lire,  écrire,  compter,  et  entendant  même  parfois 
un  peu  de  latin. 

Une  foule  de  positions  honorables  et  lucra- 
tives s'offraient  à  celui  qui  possédait  ces 
connaissances.  Les  grands  seigneurs  avaient 
besoin  d'un  clerc  pour  tenir  les  comptes  de  leur 
hôtel.  Les  clercs  du  guet  ^  avaient  dans  leurs 
attributions  les  écritures  relatives  à  ce  service, 
entre  autres  la  convocation  des  hommes  de 
garde  pour  chaque  jour.  Le  clerc  de  la  Ville, 
dit  d'abord  clerc  du  parloir  aux  bourgeois,  puis 
greffier  de  Vhôtel  de  mile,  enregistrait  les 
sentences  rendues  par  les  officiers  du  parloir, 
faisait  expédier  les  actes  publics  souscrits  par 
eux,  etc.,  etc.  Lui-même  avait  un  clerc  ^.  Les 
riches  commerçants  entretenaient  aussi  à  l'année 
un  clerc  chargé  de  tenir  les  livres  de  la  maison  ; 
c'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  les  mentions  de 
ce  genre  assez  fréquentes  dans  la  Taille  de  1292  : 
«  Alain  de  Dampierre,  et  Guillot,  son  clerc.  — 
Le  clerc  feu  Adam  Bourdon.  —  Adam,  le  clerc 
Henri  des  Nés  ».  Les  corporations  importantes 
eurent  par  la  suite  chacune  son  clerc.  Celui-ci, 
installé  au  bureau  de  la  communauté,  servait  de 
secrétaire  aux  jurés,  rédigeait  les  procès- verbaux 
de  leurs  délibérations,  réglait  les  comptes,  perce- 


1  Voy.  Valbonnais,  i/moZ/'e*  jMO«;'  servir  à  l'histoire  du 
Dauphiné,  p.  121.  —  Ducange,  au  mot  clavarius. 

2  Voy.  l'art.  Épinetiers. 

3  Voy.  Le  livre  commode  pour  1692,  t.  I,  p.  20'7. 

i  Sur  cette  famille,  voy.  A.  Jal,  Dictionnaire  critique, 
p.  440. 

^  Voy.  l'art.  Guet  des  métiers. 

fi  Voy.  Le  Rûu.\  de  Lincy,  Histoire  de  l'Hôtel  de  ville, 
p.  178. 


vait  les  redevances  instituées  pour  l'entretien  de 
la  confrérie,  etc.  ;  c'est  à  lui  aussi  que  devaient 
s'adresser  les  ouvriers  arrivant  à  Paris  pour 
oljlenir  l'eiiti-ée  dans  un  atelier  de  hnir  métier. 

On  nommait  encore  clerc  tout  homme  appar- 
tenant, soit  de  près,  soit  de  loin,  au  clergé 
séculier  ou  régulier  ;  ce  titre  était  donc  pris  par 
une  foule  d'individus  au  service  des  hauts 
fonctionnaires  ecclésiastiques  ou  seulement 
enqjloyés  dans  les  couvents.  Les  grandes  abbayes 
de  Paris  possédaient  un  personnel  considérable 
de  clients  et  de  serviteurs  ^  qui,  considérés 
comme  gens  d'église,  étaient  exempts  d'impôts, 
à  la  condition  pourtant  qu'ils  ne  se  livrassent  à 
aucun  Iralic.  Mais  beaucoup  d'entre  eux  faisaient 
le  commerce  plus  ou  moins  ouvertement,  el 
créaient  ainsi  aux  corporations  une  concurrence 
redoutable,  puisqu'ils  ne  payaient  aucune  des 
nombreuses  taxes  imposées  aux  marchands  laïcs. 

Clercs  de  l'arg-enterie.  Voy.  Contrô- 
leurs. 

Clercs  des  bourg-eois.  Voy.  Greffier 
de  l'hôtel  de  ville. 

Clercs  de  l'écritoire.  Voy.  Greffiers 
des  bâtiments. 

Clercs-commis  au  greffe  du  Conseil 
privé.  Deux  offices  jurés  créés  en  novembre 
1594.  Quatre  autres  furent  créés  en  décembre 
1609. 

Clercs  du  gruet.  Ils  étaient  au  nombre  de 
deux.  Ils  arrivaient  au  Châtelet  à  l'heure  du 
couvre-feu,  faisaient  l'appel  des  bourgeois 
appelés  à  fournir  le  service  du  guet,  et  les 
distribuaient  dans  les  huit  postes  qui  leur  étaient 
assignés. 

Au  treizième  siècle  déjà,  ils  abusaient  de  leur 
autorité,  et  les  fripiers,  dans  les  statuts  qu'ils 
soumirent  à  l'homologation  d'Etienne  Boileau, 
s'en  j)laignent  naïvement.  Les  clercs  du  guet 
ne  voulaient,  disent-ils,  recevoir  les  excuses  des 
hommes  convoqués  que  quand  elles  étaient 
présentées  par  les  femmes  de  ceux-ci,  «  laquelle 
chose  est  moult  leide  et  moult  vilaine  que  une 
famé  soit  en  Chasteleil  à  queuvre-feu  parmi  telle 
ville  comme  Paris  est  ».  Ils  sollicitaient  donc 
du  roi  la  permission  de  se  faire  excuser  par  leur 
ouvrier,  leur  servante  ou  leur  voisin  "^. 

Sur  ce  point,  je  ne  sais  quelle  fut  la  réponse 
de  saint  Louis.  Mais,  au  siècle  suivant,  je  vois 
les  clercs  du  guet  accusés  de  se  laisser  cor- 
rompre, et  d'accorder  moyennant  finance  des 
dispenses  de  service.  Le  roi  l'apprit  et  les 
remplaça  par  deux  notaires  du  Châtelet  ^.  Comme 
les  hommes  s'esquivaient  parfois,  après  avoir 
fait  inscrire  leur  nom,  l'ordonnance  veut  que  le 


1  «  Le  mot  clerc,  à  nos  anciens  signifioit  tantost 
l'ecclésiastique,  tantost  se  donnoit  à  celuy  que  l'on 
estimoit  sçavant,  tantost  à  celuy  que  nous  appelons 
aujourd'huy  secrétaire  ».  Et.  Pasquier,  Recherches  sur  la 
France,  liv.  II,  chap.  V. 

2  Litre  des  métiers,  titre  LXXVI. 

3  Ordoiin.  royales,  t.  III,  p.  670. 


176 


CLERCS  DU  GUET  —  COCHERS 


guet   rojal   visite   les   postes  et   transmette   au 
prévôt  cïe  Paris  le  nom  des  absents. 
Voy.  Guet  des  métiers. 

Clercs  de  la  marchandise.  Yoy. 
Greffier  de  l'hiôtel  de  ville. 

Clercs  d'office.  A  Versailles,  ils  étaient 
au  nombre  de  seize,  et  tenaient  les  écroues  de  la 
maison  royale.  «  Ces  écroues  sont  les  arrêtés  en 
par(;hemin  de  la  dépense  ordinaire  qui  se  fait 
tous  les  jours  dans  la  maison  du  Roj  ^  ».  Les 
clercs  servaient  l'épée  au  côté,  et  mettaient  eux- 
mêmes  les  plats  sur  la  table. 

Clercs  du  parloir  aux  bourg-eois. 
Yoy.  Greffier  de  l'hôtel  de  ville. 

Clercs  procureurs.  Voy.  Procureurs 
du  roi. 

Clercs  du  secret.  Titre  que  portèrent,  à 
l'origine,  les  ministres  secrétaires  d'Elat. 

Clercs  de  la  ville.  Voy.  Greffier  de 
l'hôtel  de  ville. 

Cleviers.  Voy.  Geôliers. 

Clinquaillers  et  Clincquailleurs. 
Voy.  Quincailliers. 

Cliviers.  Voy.  Cribliers. 

Clocheteurs  des  trépassés.  Voy. 
Crieurs  de  corps. 

Cloetiers  et  Clooutiers.  Noms  que  la 
Taille  de  1292  donne  aux  cloutiers. 

Closiers  et  Closieurs.  Ces  mot  sont  signi- 
llé  fermiers,  métayers,  jardiniers,  gardiens,  por- 
tiers, concierges,  etc.  Ils  constituaient  aussi  un 
des  titres  de  la  corporation  des  vanniers. 

ClÔturiers.  Titre  qui  appartenait  à  une  des 
classes  de  la  corporation  des  vanniers. 

Clou  (Dimanche  du).  Dans  les  statuts  des 
métiers  t-t  dans  les  ordonnances  du  moyen  âge, 
ces  mots  désignent  toujours  le  dimanche  de  la 
Passion,  en  souvenir  de  la  crucifixion. 

Cloustiers.  Voy.  Cloutiers. 

Cloutiers.  La  Taille  de  1292  mentionne 
19  clooutien,  cloetiers  et  cloutiers  :  celle  de  1300 
eu  cite  20.  Ils  paraissent  n'avoir  pas  été  érigés  en 
corporalion  avant  b;  30  mars  1340,  date  de  leurs 
premiers  statuts  connus.  Ils  y  sont  nommés 
cloustiers^  la  durée  de  l'apprentissage  est  fixée  à 
sept  ans,  les  maîtres  reconnaissent  qu'ils  sont 
sous  la  dépendance  du  maître  des  fèvres  et 
soumis  à  l'impôt  dit  des/6TA'  du  roi. 

Ces  statuts  furent  revisés  en  décembre  107G, 
et  les  maîtres  sont  alors  qualifiés  de  cloutiers- 
lormiers-étainiers- ferronniers.    Ils    avaient,    en 


1  Élut  de  la  Finnc>> pour  17 12,  l.  I,  p.  84  ;  uw«r  17 3C, 
t.  I,  p.  V\%. 


effet,  obtenu  le  droit  de  fabriquer  la  plupart  des 
ouvrages  de  lormerie  et,  comme  les  atachiers 
dont  ils  descendaient  indirectement,  ils  pouvaient 
étamer  les  objets  de  leur  fabrication.  Les  ferron- 
niers étaient  des  marchands  de  fer.  L'apprentis- 
sage est  alors  réduit  à  cinq  ans,  mais  on  exige 
ensuite  deux  ans  de  compagnonnage.  Les 
maîtres  sont  divisés  en  deux  classes  :  les  simples 
cloutiers.,  et  les  cloutiers-éjnngliers  qui  produi- 
saient les  pièces  les  plus  fines  du  métier. 

Au  dix-huitième  siècle,  le  nombre  des  maîtres 
était  de  70  environ,  et  ils  avaient  pour  patron 
saint  Cloud.  Ils  célébraient  sa  fête  le  7  septembre. 

On  les  trouve  aussi  nommés  claveteurs. 

Clowetours.  Mot  du  patois  messin.  Il 
désignait  les  ouvriers  qui  garnissaient  de  clous 
les  ceintures  et  les  courroies  (quatorzième  siècle). 

Voy.  Atachiers. 

Clowns.  Voy.  Bateleurs. —  Sauteurs, 

etc. 

Cocassiers  et  Gocatiers.  Voy.  Coque- 
tiers. 

Cochers.  Un  bon  cocher  doit  avoir  soin  de 
«  faire  boire  les  chevaux  à  leurs  heures  ordi- 
naires, leur  donner  l'avoine  de  même,  et  ne  pas 
manquer  à  leur  bien  laver  ou  faire  laver  les 
jambes  lorsqu'il  arrivent  de  la  ville  le  soir  et  le 
matin,  leur  visiter  tous  les  jours  les  pieds  avant 
que  de  sortir,  les  bien  faire  ferrer  et  les  entre- 
tenir de  même,  leur  faire  les  crins  de  temps  en 
temps,  et  les  tenir  toujours  le  plus  propre  qu'il 
est  possible. 

«  Il  est  encore  de  son  devoir  de  bien  nettoyer 
ou  faire  nettoyer  son  ou  ses  carrosses  tant  par 
dedans  que  par  dehors,  les  graisser  ou  faire 
graisser  quand  il  en  est  besoin,  prendre  garde 
tous  les  jours  qu'il  n'y  manque  rien  ^  ». 

En  1687,  Louis  XIV  avait  vingt-cinq  atte- 
lages, chacun  de  dix  chevaux,  et  vingt-cin({ 
maîtres  cochers  pour  les  conduire  ^.  En  1739,  le 
nombre  des  attelages  était  réduit  à  dix.  La  reine 
avait  alors  huit  cochers  ^. 

Tous  les  cochers  de  l'écurie  royale  prenaient 
le  titre  de  cocliers  du  roi,  absolument  comme  les 
apothicaires,  médecins  et  les  chirurgiens  attachés 
à  divers  services  de  la  maison  royale,  grande 
écurie,  fauconnerie,  artillerie,  etc.  s'intitulaient 
apothicaires,  médecins  et  chirurgiens  du  roi. 
Mais  ceux-là  seuls  qui  approchaient,  qui  soi- 
gnaient leurs  majestés  avaient  le  droit  de  se  dire 
médecins,  chirurgiens  du  corps.  11  y  avait  de 
même  les  cochers  ordinaires  destinés  aux  voitures 
de  la  suite,  et  les  cochers  du  corps.,  qui  condui- 
saient les  carrosses  où  leurs  majestés  prenaient 
place. 

Les  cochers  ont  aussi  été  appelés  meneurs. 

Voy.  Fiacres.  —  Voitures,  etc. 


1  AudigiT,  La  maison  réglée  (1692),  Liv.  I,  chap.  .'>. — 
Le  parfait  cocher.,  ou  l'art  d'entretenir  et  de  conduire  un 
équipage  à  Paris,  1744,  in-12. 

2  JfJtat  de  la  France  pour  1687 ,  t.  I,  \i.   29.'î. 

:'  Étal  de  la  France  pour  1730,  l.  II,  p.   257  et  359. 


COCHES  D'EAU  —  COIFFEURS 


177 


Coches  d'eau.   Voy.  Bateaux-coches. 

Gochetiers.  Ils  appartenaient  ù  la  corpo- 
ration des  charpentiers  et,  très  probablement, 
fabriquaient  les  coches  d'eau  qui  faisaient,  sur  la 
Seine,  le  service  des  vovag-eurs  et  des  marchan- 
dises. Ils  sont  mentionnés  dans  le  Livre  des 
métiers  ^ . 

Voy.  Voitures. 

Coco  (Marchands  de).  Le  coco  n'a  pas 
toujours  été  l'innocent  breuvage  que  nous 
connaissons,  le  marchand  de  coco  fut  d'abord 
un  petit  détaillant  d'eau-de-vie  ^.  Vers  la  fin  du 
dix-huitième  siècle,  la  métamorphose  était 
accomplie,  et  Sébastien  Mercier  nous  dépeint 
ainsi  le  marchand  de  coco,  son  contemporain  : 
«  Il  porte  une  fontaine  de  fer  blanc  sur  son  dos, 
il  est  ceint  d'un  tablier  blanc,  il  se  place  dans  un 
passage  public,  toujours  debout  ;  il  crie  inces- 
samment et  interrogativement  :  A  la  fraîche,  qui 
veut  boire  ?  Ces  vendeurs  d'eau  de  réglisse 
vident  leur  fontaine  jusqu'à  douze  ou  quinze  fois 
de  suite,  et  gagnent  par  jour  jusqu'à  sept  francs 
les  mois  d'été  ^  ». 

Gocquassiers.  Voy.  Coquetiers. 

Coffres    et   boîtes    en   cuir  bouilli 

(Faiseurs  de).  C'était  un  des  titres  de  la  corpo- 
ration des  gainiers. 

Coffretiers.  Dès  les  premiers  siècles  du 
moyen  âge,  les  coffrets  étaient  fort  en  usage  ; 
on  les  fabriquait  en  matières  de  prix,  ivoire, 
marqueterie,  cuivre  émaillé,  or,  argent  ;  en 
cuir,  en  cristal  ;  ils  étaient  repoussés,  ciselés, 
émaillés,  etc.  Pendant  leurs  voyages,  les  dames 
les  transportaient  avec  elles,  et  y  renfermaient 
des  bijoux,  des  camées,  des  missels.  En  campagne, 
dans  les  expéditions  lointaines,  les  chevaliers, 
outre  les  bahuts  et  les  bouges  qui  contenaient 
leurs  effets,  donnaient  en  garde  à  des  écuyers  de 
grands  coffres  qui  recevaient  des  objets  précieux, 
des  titres,  des  archives  de  famille  et  surtout  de 
l'argent  * .  Ceux-ci  représentaient  nos  coffres-forts 
actuels,  et  il  y  a  longtemps  que  le  Trésor  public 
est  désigné  par  les  mots  coffres  de  l'Etat. 

On  sait  que,  même  chez  les  grands  seigneurs, 
même  chez  le  roi,  les  sièges  furent  rares  jusqu'au 
dix-septième  siècle  au  moins  ;  aussi,  dans  les 
antichambres,  des  bahuts  et  des  coffres  rangés 
le  long  du  mur  servaient  souvent  de  siège  aux 
visiteurs  attendant  d'être  reçus.  De  là  l'expres- 
sion j9/^2«er  le  coffre  pour  dire  attendre  longtemps 
dans  une  antichambre  ;  expression  d'autant  plus 
exacte  que,  prétend-on,  les  gentilshommes 
impatients  s'amusaient  à  piquer,  à  taillader  ces 
banquettes  avec  leur  dague. 

La  Taille  de  1292  mentionne  17  coffriers, 
celle  de  1300  en  cite  11  seulement. 


1  Titre  XLVII,  art.  8. 

2  P.-J.  Leroux,  Dictionnaire  comique,  satirique,  etc.  au 
mot  coco. 

3  Tableau  de  Paris,  t.  V,  p.  310. 

4  Viollet-le-Duc,  Dictionnaire  du  mobilier,  t.  I,  p.   75. 
—  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'argenterie,  p.  362. 


Les  coffretiers,  d'abord  dépendants  des  si-lliers, 
ne  semblent  avoir  constitué  une  coninuinaulé 
distincte  qu'à  partir  de  1596,  année  où  Henri  IV 
donna  aux  coffretiers-malletiers  des  statuts  en 
46  articles.  Chaque  maître  ne  pouvait  avoir 
qu'un  seul  apprenti  à  la  fois.  L'apprentissage 
durait  cinq  ans  et  était  suivi  de  cinq  ans  de 
compagnonnage.  Le  travail  ne  devait  commencer 
avant  cinq  heures  du  matin  ni  continuer  après 
liuit  heures  du  soir,  «  pour  que  le  voisinage  ne 
soit  point  incommodé  du  bruit  inséparable  d<î 
ce  métier  ».  Quatre  jurés  adminisli'aient  la 
communauté. 

Au  dix-luiitième  siècle,  les  maîtres  si'  ([uali- 
liaient  de  coffretiers-malleliers-hahuliers  et  étaient 
au  nombre  de  40  environ.  L'édil  de  1776  réunit 
les  gainiers  à  celte  triple  corporation,  qui  était 
placée  sous  le  patronage  de  saint  Jean  l'évan- 
géliste. 

Voy.  Bahutiers  et  Voyages  (Articles 
de). 

Coffriers.  Voy.  Coffretiers. 

Coiffeurs.  Dès  le  quinzième  siècle,  il  y 
eut  des  coiffeuses  pour  les  femmes.  On  les 
trouve  nommées  atourneresses,  atourneuses,  ache- 
meresses,  etc.  ;  elles  n'étaient  guère  employées 
d'ailleurs  que  dans  les  grandes  occasions  :  l'êtes, 
mariages,  etc.  Le  soin  des  chevelures  féminines 
restait  donc  en  général  réservé  aux  cliambrières, 
et  jusqu'au  dix -septième  siècle  les  barbiers- 
chirurgiens  n'élevèrent  aucune  prétention  à  cet 
égard,  bien  que  l'article  .58  de  leurs  statuts  leur 
reconnût  le  droit  exclusif  de  coiffer  les  femmes 
tout  comme  les  hommes.  Un  homme  de  génie  en 
son  genre,  le  sieur  Champagne  créa  la  spécialité 
des  coiffeurs  de  femmes.  Il  manœuvra  avec  tant 
d'adresse  que  les  plus  grandes  dames  ne  tardèrent 
pas  à  se  disputer  ses  services  ^.  Il  mourut 
assassiné  au  cours  d'un  voyage  ^,  mais  les  dames 
continuèrent  à  rechercher  des  mains  plus  habiles 
que  celles  de  leurs  femmes  de  chambre,  et 
l'industrie  des  coiffeuses  succéda  à  celle  des 
coiffeurs  de  dames. 

M""®  de  Sévigné  a  transmis  à  la  postérité  le 
nom  de  la  Martin,  qui  inventa  la  coiffure  Jturlu- 
brelue  ou  hurlupée,  dite  aujourd'hui  coiffure  à  la 
Maintenon,  parce  que  c'est  celle  que  porte  la 
grande  favorite  sur  ses  premiers  portraits.  Cette 
mode  date  de  1671.  Le  18  mars,  madame  de 
Sévigné  écrit  à  sa  fille  de  s'en  garder,  elle  lui 
déclare  que  «  c'est  la  plus  ridicule  chose  qu'on 
puisse  s'imaginer  »,  et  la  supplie  de  rester  fidèle 
à  la  jolie  coiffure  que  sa  femme  de  cliambre 
Montgobert  fait  si  bien  •"*.  Quinze  jours  après,  la 
cour  a  adopté  la  nouvelle  coiffure,  et  dès  lors 
madame  de  Sévigné  en  raffole.  Elle  mande 
aussitôt  à  sa  fille  que,  frisée  ainsi,  elle  sera 
«  belle  comme  un  ange  »,  et  que  décidément 
«  la  coiffure  que  fait  Montgobert  n'est  plus 
supportable  *  ». 

1  Voy.  Tallemant  des  Réaux,  Historiettes,  t.  V,  p.  412 

2  Loret,  3Iuze  historique,  n"  du  12  novembre  1658. 

3  Tome  II,  p.  117. 

i  Lettre  du   l  avril  1671,  t.  II,  p.  143. 


12 


178 


COIFFEURS 


Le  Livre  commode  pour  1692  cite  parmi  «  les 
coiffeuses  fort  employées,  mesdemoiselles  Ganil- 
liat,  place  du  Palais-Roval  ;  Poitier,  près  les 
Quinze- Vingts  ;  le  Brun,  au  Palais  ;  de  Gomber- 
ville,  rue  des  Bons-Knfans  ;  et  d'Angerville, 
devant  le  Palais-Rojal  ^  ». 

Depuis  le  règ-ne  de  Louis  XV,  les  coiffeurs 
l'emportèrent  sur  les  coiffeuses.  Frison  fut  mis 
à  la  mode  parla  marquise  de  Prie  :  Dag-é,  coiffeur 
de  madame  de  Chàteauroux  et  de  madame  de 
Pompadour,  avait  é<[uipag-e  ;  Larseneur  était  le 
cnnlidf'ut  de  Mesdames,  iilles  du  roi  -,  elLeg-ros  •* 
puhiiaii  Ij(irl  de  Iti  çocjfwe  des  dames  franf aises, 
livre  illustré  de  curieuses  o-ravures,  (pii  eut  trois 
éditions  en  trois  ans,  et  fut  suivi  de  plusieurs 
suppléments. 

Lej^Tos  eut  la  prétention  de  fonder  une 
académie  de  coiffure,  et  il  j  réussit  presque. 
Il  avait  de<,  p'êteîises  de  tête  qui  permettaient  à  ses 
élèves  d'étudier  sur  nature  et  aussi  de  reproduire 
lesestampes  publiéespar  lui.  Legros  nous  apprend 
qu'il  reçut  «  les  applaudissemens  des  Reines  et 
princesses  de  toutes  les  Cours  et  de  toutes  les 
Dames  en  général  ». 

Mais  ce  succès  et  celui  qu'obtinrent  ses  nom- 
breux confrères,  suscitèrent  aux  coiffeurs  de 
femmes,  dont  le  nombre  s'élevait  alors  à  douze 
cents,  des  jalousies  et  des  haines.  La  corporation 
des  barbiers-perruquiers  leur  intenta  des  procès  , 
ces  derniers  soutenaient  avec  raison  qu'ils  avaient 
seuls  le  droit  de  vendre  des  cheveux,  et  il  était 
prouvé  que  les  coiffeurs  fournissaient  des  chignons 
à  leurs  clientes.  Bigot  de  la  Boissière,  avocat  des 
coiflV'urs  publia  en  laveur  de  ceux-ci  un  factum 
fort  gai  ^  ({ui,  écrit  Hachaumont  le  8 janvier  1769, 
«  se  trouve  également  sur  les  bureaux  poudreux 
des  gens  de  loi  et  sur  les  toilettes  élégantes  des 
femmes  ».  L'auteur  s'efforce  de  prouver  que  ses 
clients  sont,  non  pas  des  artisans,  mais  des 
artistes  dont  la  profession  doit  rester  libre. 

Ce  plaidoyer  ne  désarma  pas  les  magistrats. 
Deux  arrêts  rendus  le  27  juillet  1768  et  le 
7  janvier  1769,  enjoignirent  aux  coiffeurs  de  se 
faire;  inscrire  dans  la  corporation  des  barbiers  ; 
ils  résistèrent  longlemps,  et  ne  se  soumirent 
définitivement  que  sous  Louis  XVI.  Au  mois  de 
septembre  1777.  celui-ci  créa  six  cents  coiffeurs 
de  femmes,  qui  payèrent  leur  privilège  six  cents 
livres  et  furent  agrégés  à  la  corporation  des 
barbiers  ».  L'almanack  Dauphin  '"'  mentionne 
alors, parmi  les  c(jitl'eurs  en  vogue  :  la  veuve  de 
Legros,  élalilie  rue  Saint-Honoré,  en  face  de  la 
rue  de  l'Arbre-Sec  ;  Frédérik,  rue  Thibautodé, 
qui  «  lient  école  di;  coëffure,  place  des  femmes 
et  valets  de  chamlire  coëffeurs,  et  fournit  un 
rouge  de  Portugal  accrédité  par  la  finesse  et  la 
douceur  de  ses  luiances  ».  Audis,  quai  de  l'École, 


1  Tomo  II,  p.  41. 

2  M"»  dp  Genlis.  Mémoires,  t.  II,   p.   224. 

•t  II  iiKjunil  i'toufli!,  vn  1770,  aux  fête.s  données  à 
l'oi'Ciision  (lu  mariaf^c  du  Dauj)lun.  Mémoires  secrets 
t.  XIX,  p.  187. 

'»  Il  a  été  i)ublié  dans  A.  F.,  J.a  vie  de  Paris  sous 
Louis  XV,  p.  358. 

^  Mémoires  serrels,  t.  X,  p.  213. 

<»  Supplément,  p.  15. 


qui  «  tient  assortiment  d'ouvrages  méchaniques 
en  cheveux,  pour  faciliter  aux  dames  la  commo- 
dité de  se  coëffer  elles-mêmes  et  de  varier  en  un 
instant  leur  coëffure  »  ;  madame  Desmares,  au 
coin  de  la  rue  Saint-Louis  du  Louvre,  coiffait 
«  avec  beaucoup  de  goût  et  de  légèreté'»  ;  enfin, 
Durand,  dit  Legoût,  logé  quai  de  la  Ferraille, 
vendait  «  toutes  sortes  de  postiches  de  différens 
genres,  tocques  montées  en  fil  de  laiton,  peignes 
garnis  de  cheveux,  et  généralement  tout  ce  qui 
concerne  le  talent  de  la  coëffure  ». 

Dès  1723,  l'abbé  de  Bellegarde  écrivait  : 
«  Depuis  que  les  femmes  se  sont  avisées  de  se 
servir  de  fers  pour  soutenir  la  pyramide  de  leur 
coëffure,  qui  est  une  espèce  de  bâtiment  à 
plusieurs  étages,  elles  ont  tellement  enchéri  sur 
cette  mode  qu'il  n'y  a  plus  de  porte  assez  élevée 
pour  leur  donner  passage  sans  baisser  la  tête  ^  ». 
On  sait  jusqu'à  quelle  démence  cette  mode  fut 
portée  sous  Louis  XVI.  Une  élégante  devait  avoir 
alors  sur  le  crâne  un  échafaudage  de  chiffons  et 
de  cheveux  qui  égalât  au  moins  le  tiers  de  sa 
taille,  et  il  entrait  dans  cet  édifice  tant  de  fil  de 
fer  qu'on  était  en  droit  de  demander  à  une  dame 
quel  était  le  serrurier  qui  l'avait  coiffée. 

Dans  la  fureur  de  nouveauté  qui  hantait  les 
cerveaux  féminins,  une  coiffure  vieille  de  trois 
mois  n'était  plus  bonne  qu'à  orner  ridiculement 
quelque  crâne  provincial.  Faute  de  mieux  et  à 
bout  d'imagination,  on  s'empara  des  événements 
du  jour  et  on  les  figura  en  cheveux  sur  la  tête  des 
élégantes.  Les  romans,  le  théâtre,  les  succès  de  nos 
armées,  les  moindres  faits  divers,  tout  fut  exploité. 

En  1778,  après  le  célèbre  combat  livré  aux 
Anglais  par  la  Belle-Poule,  les  femmes  surmon- 
tèrent leur  cheveux  d'une  frégate  avec  sa  mâture, 
ses  voiles,  ses  agrès,  ses  canons,  ses  pavillons,  et 
cette  coiffure  prit  le  nom  du  glorieux  bâtiment 
qu'elle  représentait.  Beaumarchais  la  fit  oublier. 
La  vogue  de  ses  Mémoires,  le  ridicule  qu'il  jetait 
sur  le  gazetier  Marin,  le  succès  du  Quès-aco, 
Marin  ?■  qui  termine  le  portrait  de  ce  person- 
nage -,  inspirèrent  la  création  du  quesaco^  trois 
panaches  plantés  derrière  un  chignon  composé 
de  huit  boucles. 

Rien  n'égale  la  burlesque  vanité,  le  naïf 
orgueil  dont  était  rempli  le  cœur  des  hommes 
([ui  élevaient  ces  monuments  éphémères.  Dutens 
raconte  que  le  prince  Lanti,  se  trouvant  à  Paris 
et  ayant  demandé  un  coiffeur,  «  on  introduisit 
dans  sa  chand)re  un  personnage  bien  misetl'épée 
au  côté.  Le  prince  s'assit,  en  lui  reconnuandant 
de  se  dépêcher.  «  Mon  prince,  lui  dit  cet  honnne, 
je  suis  le  physionomiste,  permettez  que  je  fasse 
entrer  mon  second  ».  Et  il  fait  entrer  un  garçon 
perruquier  avec  tout  son  appareil.  Plaçant  ensuite 
le  prince  à  sa  fantaisie,  il  l'observe  avec  attention, 
le  prenant  par  le  menton  pour  mieux  examiner 
son  visage.  Puis  s'adressant  à  son  second  : 
«    Visage    à    marrons  ^.     dit -il,     marronnez 


1   Modèles  de  conversations,  etc.,  p.  454. 

^  Quatrième  mémoire  à  consulter,  \i.  111. 

3  On  ajjjji'lail  marron  une  gros.sc  Ixiucli'  de  eheveux, 
ordinairement  nouée  avec  un  ruban.  I-e  mot  marronner 
est  dans  Littré. 


COIFFEURS  —  COLIS  POSTAUX  POUR  PARIS 


179 


monsieur».  Fit  il  se  retira  en  fitisani  iiiu'  liiiniMc 
révérence  *  ». 

De  si  grands  artistes  rou^-issaieiil  d'apparleiiir 
à  la  corporation  des  barbiers.  Ils  leiilèrenl  encore 
une  lois  de  s'en  séparer  pour  tonner  une  commu- 
nauté indépendante  ;  mais  un  arrêt  du  25  janvier 
1780  repoussa  cette  prétention,  et  leur  interdit 
de  mettre  sur  leur  enseig-ne  les  mots  :  Académie 
de  coiffure  ^.  Il  est  certain  d'ailleurs  que  les 
boutiques  de  certains  barbiers  avaient  alors  un 
aspect  peu  séduisant.  Voici  la  description  que 
nous  en  a  conservée  Mercier  :  ^<  Imagine/  tout  ce 
que  la  mal-propreté  peut  assembler  de  plus  sale. 
Les  carreaux  des  fenêtres,  enduits  de  poudre  et 
de  pommade,  interceptent  le  jour  ;  l'eau  de  savon 
a  rongé  et  déchaussé  le  pavé  ;  le  plancher  et  les 
solives  sont  imprégnés  d'une  poudre  épaisse  ;  les 
araignées  pendent  mortes  à  leurs  longues  toiles 
blanchies,  étouffées  en  l'air  par  le  volcan  éternel 
de  la  poudrerie  ■''. 

Un  grand  événement  se  produisit  en  1780. 
A  la  suite  d'une  couche,  Marie-Antoinette  perdit 
ses  cheveux.  Dès  lors,  disent  les  Mémoires 
secrets^  «  l'art  est  continuellement  occupé  à 
réparer  les  vuides  qui  se  forment  sur  cette  tête 
auguste  ».  Cette  tête  auguste  finit  par  adopter 
une  coiffure  très  basse,  dite  à  V enfant.  Aussitôt, 
les  dames  de  la  cour,  «  empressées  de  se  conformer 
au  goût  de  leur  souveraine,  ont  sacrifié  leur 
superbe  chevelure  ^  ». 

La  reine  de  France,  reine  surtout  des  poufs  et 
des  chitfons,  avait  pour  ministres  la  Bertin,  sa 
marchande  de  modes,  et  Léonard  Autier,  son 
coiffeur,  qui  avait  porté  le  génie  jusqu'à  faire 
entrer  quatorze  aunes  d'étoffes  dans  une  coiffure. 
Elle  les  comblait  de  faveurs,  ne  sachant  rien 
refuser  à  des  personnages  dont  le  concours  lui 
était  si  précieux.  Il  était  de  règle  que  tout  artisan 
pourvu  d'une  charge  à  la  cour  cessât  de  servir  le 
public  ;  mais  Marie-Antoinette,  craignant  que  le 
goût  de  son  coiffeur  se  perdit  s'il  cessait  de 
pratiquer  son  état,  voulut  qu'il  conservât  sa 
clientèle,  «  ce  qui,  dit  très  bien  madame  Cam- 
pan  ^,  multiplia  les  occasions  de  connaître  les 
détails  de  l'intérieur  de  la  Reine  et  souvent  de 
les  dénaturer  ».  Quand  l'infortunée  princesse, 
décidée  à  quitter  la  France,  préparait  la  fuite  de 
Varennes,  sa  folle  coquetterie  survivait  tellement 
aux  dangers  de  la  situation,  aux  angoisses 
endurées,  aux  humiliations  subies,  qu'elle  rte  put 
se  résoudre  à  se  séparer  de  Léonard,  serviteur 
au  reste  fidèle  et  dévoué  ;  elle  le  fit  partir 
quelques  heures  avant  elle,  sous  la  protection  de 
M.  de  Choiseul  ^,  et  l'on  a  prétendu  que  ses 
maladresses  contribuèrent  pour  une  large  pari 
à  l'arrestation  de  la  famille  royale.  Ce  qu'il  y  a 
de  sûr,  c'est  qu'il  ne  revint  pas  à  Paris  avec  sa 
souveraine  ;  il  émi<>-ra  et  alla  mettre  ses  talents 


1  Mémoires  d'un  voyageur  qui  se  repose,  t.  III,  p.  42. 

2  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  II,  p.  192. 

3  Tableau  de  Paris,  t.  VI,  p.  46. 

4  26  juin  1780,  t.  XV,  p.  210. 
fi  Mémoires,  t.  I,  p.  100. 

6  Duc  de  Gtioiseul,  Relation  du  départ  de  Louis  XVI, 
p.  69  et  suiv. 


au  service  des  granih's  dames  russes.  b]n  Fi'ance, 
If  temps  des  fulililés  était  passé,  et  plus  d'une 
des  lielles  chevelures  qu'avaient  abandonnées 
Léciiiard  devait  être  maniée  pour  la  dernière  fois 
tians  une  prison  et  par  un  aide  du  bourreau.  *  " 
Voj.  Barbiers.  —  Galonniers,  etc. 

Goiffiers.  Faiseurs  de  coiffes.  On  nommait 
ainsi,  au  treizième  siècle,  une  coilîure  très 
disgracieuse,  de  véritables  béguins  d'enfant, 
bt)nnets  à  Irois  pièces  ipii  enveloppaient  toute  la 
tête  et  se  nouaient  sous  le  menton.  On  les  recou- 
vrait parfois  d'un  chapeau. 

La  nouvelle  mode  dura  près  de  deux  siècles, 
car  le  roi  Jean  et  même  son  lils  Charles  V  la 
suivaient  encore  ^ . 

Ces  coiffes  étaient  toujours  blanches,  et  faites 
de  colon,  de  lin,  de  gaze  ou  de  laine.  Les 
élégants  les  ornaient  souvent  de  broderies  repré- 
sentant des  oiseaux  et  des  fieurs.  C'esi  ainsi  qu'il 
faut  entendre  ces  vers  du  Dit  (Pun  mercier  ^. 

J'ai  de  beax  cuevrecliiés  •'*  à  dames. 

Et  coiffes  laceites  bêles  '* 

Que  ge  vendrai  à  cez  puceles. 

S'en  ai  de  lin  à  damoiseax, 

A  floreto  et  à  oiseax, 

Bien  licliiées  et  bien  polies. 

A  coiffier  devant  lor  amies  ^. 

On  voit  que  les  deux  sexes  étaient  égaux 
devant  cette  affreuse  coiffure,  qui,  à  peine 
modifiée  dans  sa  forme,  servait  aussi  de  bonnet 
de  nuit.  Je  lis,  par  exemple,  dans  un  compte 
de  1316  :  «  A  Jehanne  la  coeffière,  pour  deux 
dousainnes  de  coeff'es,  baillées  à  Huet,  le  barbier 
du  Roy  '',  24  sous  ».  Et  plus  loin  :  «  APerrenelle 
la  coeffière,  pour  quatorze  douzainnes  de  coetfes 
pour  madame  la  Royne  '',  9  livres  16  sous  "  ». 
La  Taille  de  1292  indique  29  coifliers  ou  coif- 
fières.  Je  rencontre  parmi  ces  dernières  les  deux 
femmes  qui  viennent  d'être  nommées  :  «  Jehanne, 
la  coiffière  le  Roy  »,  qui  habitait  rue  Saint- 
Séverin,  et  «  Perronnele  la  coiffière  »,  qui  était 
établie  dans  la  rue  aux  Coiffières  ^.  La  Taille 
de  1300  cite  seulement  13  coiffiers  ou  coiffières  ; 
le  métier  était  donc  déjà  en  décadence. 

Les  coiffiers  se  fondirent  de  bonne  heure  dan 
la  corporation  des  bonnetiers. 

Voy.  Chapeliers. 

Colis  postaux  pour  Paris.  Voy. 
Transport  intérieur   de-  Paris. 


^  ^'oy.  Monlfaucon,  Monumens,  t.  II,  p.  5.5,  el  t.  III, 
p.  12.  —  Milliii,  Antiquités  nationales,  Blancs-maat''aux, 
t.   IV,   ji.   M. 

-  15ibii.illiei|ui'  iiatii)iiale,  manuscrits,  fonds  français, 
no  19,152. 

3  De  beaux  couvr.'-chefs. 

4  Et  belles  coiffes  à  lacets. 

5  J'en  ai  de  lin  pour  les  jeunes  gens.  Elles  sont  ornées 
de  fleurs  et  d'oiseaux  bien  exécutés  et  bien  soignés  ;  ils 
pourront  s'en  coiffer  devant  leurs  amies. 

6  Philippe  le  Long. 

"  Jeanne  de  Bourgogne. 

**  Douët-d'Arcq,   Comptes  de  l'argenterie,  p.  16  et  35. 

9  Devenue  rue  Jean-de-lÉpine,  elle  conserva  ce  nom 
jusqu'en  1853,  année  oîi  elle  fut  supprimée  pour 
l'agrandissement  de  la  place  de  l'Hôtel-de- ville. 


180 


COLLK  FORTE  —  COLPORTAGE 


Colle  forte  (Fabricants  de).  La  colle  forte 
nous  lut  pendant  longtemps  fournie  par  TAlle- 
magne,  par  TAng-leterre  et  par  la  Flandre.  Au 
con'iniencement  du  dix-huitième  siècle,  une 
laljrique  fut  créée  à  Paris  ;  mais  elle  ne  prospéra 
point,  «  moins  par  le  défaut  des  ouvriers,  que 
parce  que  celui  qui  l'avait  fondée  ne  la  put 
soutenir,  faute  de  fonds  assez  considérables  ^  ». 
Une  manufacture  établie  à  Chaudesaigues  en 
Auvergne  donna,  au  contraire,  des  résultats 
excellt;nts. 

La  fabrique  de  Paris  se  releva  sans  doute  dans 
la  suite,  car  Jaubert  en  1773  reproche  à  ses 
pro(hiils  de  «  sentir  beaucoup  plus  mauvais  »  que 
ceux  de  Chaudesaigues  ^.  Cette  fabrique  était 
installée  au  faubourg  Saint-Marceau,  près  du 
poiil  aux  Tripes,  petit  pont  jeté  sur  la  Bièvre  à 
l'extrémité  de  la  rue  Fer-à-Moulin.  Suivant 
Hurlant  ^,  le  chef  de  cette  maison,  la  seule  qu'il 
y  eut  encore  à  Paris  au  dix-huitième  siècle,  était 
surnommé  par  excellence  le  colleur  ». 

Golletiers.  Faiseurs  de  collets  ou  colletins 
en  cuir.  On  appelait  ainsi  un  justaucorps  sans 
nianclies  et  sans  poches,  ordinairement  fait  en 
maroquin  ou  en  buffle.  Les  peaux  de  bœuf  et  de 
clieval  étaient  interdites. 

Les  colleliers  se  réunirent  aux  boursiers,  qui 
pi'ii-cnt  alors  le  titre  de  honrsiers-coUetiers. 
L'article  7  des  statuts  accordés  à  ces  derniers  le 
18  juillet  1572  mentionne,  parmi  les  épreuves  du 
clie[-iT œuvre,  «  un  collet  de  maroquin  à  usage 
d'homme  ». 

Colleurs.  Dans  les  fabriques  de  drap, 
ouvriers  qui  empesaient  la  chaîne  du  drap  avant 
qu'il  fût  monté  sur  le  métier. 

Dans  les  fabriques  de  papier,  ouvriers  chargés 
d'opérer  le  collage  des  feuilles. 

Colleurs  de  feuilles  et  Colleurs  de 

papier  sur  châssis.  Titres  qui  appartenaient 
à  la  corporalion  dfs  carlonuiers. 

Colliers  de  chien.  Les  ceinturiers  et  les 
selliers  avaient  le  droit  d'en  confectionner,  mais 
les  lourds  colliers  de  fer  étaient  l'œuvre  des 
sernu'iers. 

Coloristes.  Ceux  qui  colorient  des  estampes, 
des  gravuH's.  Celte  définition  est  de  l'Académie, 
qui  adinil  pour  la  première  fois  le  mot  dans  ce 
sens  en  1835  *.  Jusque-là,  elle  n'appelle  coloriste 
que  le  •<  peintre  qui  entend  bien  le  coloris  •'  ». 

Dans  les  fabriques  d'indiennes,  on  nommait 
coloristes  les  ouvriers  employés  à  préparer  les 

enulelifs. 

Coljjortag-e.  Les  corporations  virent  tou- 
jours de  mauvais  œil  le  colportage  dans  les  rues; 
elles  craignaient  que  l'on    ne  cherchât  ainsi  à 


'   Savary,  Dictionnaire  du  commerce  (1723),  t.  I,   p.  819. 
2  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  t.  I,  p.  519. 
•'  Dictionnaire  de  Paris  (1779),  t.  II,  p.  373. 
*  Dictionnaire,  t.  I,  p.  343. 

B  V(iy.  los  éditions  de  1778  et  de  1814,  car,  même  en 
ce  seus,  le  mol  ne  figure  pas  dans  l'édition  de  1694. 


écouler  des  objets  de  fabrication  défectueuse  ou 
de  provenance  suspecte.  Aussi  la  plupart  des 
métiers  le  prohibaient-ils  absolument  ;  d'autres 
forcés  de  le  subir,  s'efforcèrent  de  le  régle- 
menter. 

Au  treizième  siècle,  les  crépiniers  défendent 
de  colporter  à  la  fois  plus  d'une  coiffe  ou  d'une 
taie  d'oreiller  ■*.  Les  marchands  de  tapis  ne 
permettent  le  colportage  que  le  vendredi  et  le 
samedi,  jours  de  grand  marché  ^.  Les  liniers  ^, 
les  poulaillers  *  ne  le  tolèrent  également  qu'à 
certains  jours,  etc.,  etc. 

On  ne  pouvait  cependant  empêcher  les  petits 
marchands  de  fruits,  de  légumes,  de  poissons, 
etc.,  d'aller  de  porte  en  porte  offrir  leurs  services 
et  leurs  denrées  aux  ménagères.  Ils  le  faisaient  à 
grand  bruit,  n'épargnant  pas  leurs  poumons. 

Un  poète  du  treizième  siècle,  Guillaume  de  la 
Ville  Neuve,  nous  a  décrit  l'aspect  curieux  que 
présentaient  alors  les  rues  de  Paris. 

Or  vous  dirai  en  quele  guise 
Et  en  quele  manière  vont 
Ci  qui  denrées  à  vendre  ont. 

Dès  quele  jour  pointait,  un  valet  de  l'étuviste 
annonçait  l'ouverture  des  bains,  dont  les  relations 
avec  l'Orient  avaient  généralisé  l'usage. 

Venaient  ensuite  les  marchands  de  poissons,  de 
volailles,  de  viande  fraîche  ou  salée,  d'ail,  de  miel, 
d'oignons,  de  cerfeuil,  de  salades,  de  beurre  et  de 
fromages. 

Des  femmes  criaient  de  la  farine  et  du  lait,  des 
pêches,  des  poires,  des  pommes,  des  cerises,  des 
œufs. 

A  toutes  ces  annonces  se  mêlaient  les  cris  des 
raccommodeurs  de  vêtements,  de  vaisselle  et  de 
meubles. 

On  criait  encore  des  fleurs,  du  poivre,  du 
vieux  fer  et  de  vieux  souliers,  des  noisettes,  des 
châtaignes,  de  la  paille,  des  échalottes,  des  nèfles, 
des  champignons,  du  savon,  des  mottes  à  brûler 
et  des  bûches,  du  charbon  à  un  denier  le  sac,  et 
des  chandelles  à  mèche  de  coton  qui  donnaient 
une  lumière  aussi  vive  que  celle  des  étoiles. 

11  ne  faut  pas  oublier  non  plus  les  marchands 
de  vieux  habits,  qui  paraît-il,  spéculaient  sur  les 
fréquents  besoins  d'argent  des  pauvres  étudiants. 

Les  marchands  de  vin  au  détail,  qui  étaient 
soumis  à  une  surveillance  très  sévère,  avaient  des 
(•rieurs  spéciaux  •"'. 

Au  seizième  siècle,  plusieurs  poètes  se  sont  fait 
l'écho  des  cris  de  la  rue.  Le  plus  complet  est  un 
sieur  Anthoine  Truquet,  qui  se  qualifie  de 
painctre,  et  qui  publia  en  1545  Les  cent  et  sept 
cris  que  l'on  crie  journellement  à  Paris.  De  7i.ouveau 
composé  en  rhimme  françoise,  pour  resjouir  les 
esperits.  Ce  curieux  morceau  a  été  tout  récem- 
ment réimprimé  *•. 

Vov.  Colporteurs. 


'  Livre  des  me'tiers,  titre  XXXVII,  art.  9. 

2  Livre  des  métiers,  titre  LII,  art.  6. 

■•  Livre  des  métiers,  titre  LVII,  art.  7. 

i  Livre  des  métiers,  titre  LXX,  art.  8. 

"  Voy.  ci-de.ssous  l'art.  Grieurs  de  vins. 

6  Voy.    A.    F.,    L'annonce   et  la   réclame,    les  cris   de 
Paris,  Pion,  1887,  in-18. 


COLPORTEURS  —  COMBATS  l)' ANIMAUX 


181 


Colporteurs. 

Beaux  A. B.C.  en  parchemin, 
Le  premier  livre  des  docteurs  ! 
Tandis  que  je  suis  en  chemin 
A  qui  en  vend  rai -je  un  ou  deux  ? 

Prognostication  nouvelle, 
Beaux  almanachz  nouveaux. 
Hz  sont  aussi  bonne  que  belle 
Que  ceux  de  maistre  Jean  Thibaut  ! 

Livres  nouveaux  ! 

Chansons,  balades  et  rondeaux  ! 

Le  passetemps  Michaut  ! 

La  farce  du  mau  marié, 

La  patience  des  femmes 

Obstinées  contre  leurs  maris  ! 

Ces  vers  sont  du  sieur  x\nthoine  Truquet,  dont 
j'ai  parlé  dans  l'article  précédent.  A  cette 
époque,  le  métier  de  colporteur  était  libre,  et  il 
ne  paraît  pas  avoir  été  réglementé  avant  le 
dix-septième  siècle.  Leur  nombre  fut  alors 
limité  à  24,  puis  porté  à  46  et  ensuite  à  50.  Ils 
étaient  nommés  par  le  lieutenant  de  police,  sur 
la  présentation  du  syndic  de  la  librairie,  et  l'on 
réservait  presque  toutes  les  places  à  des 
compagnons  imprimeurs,  libraires,  fondeurs  en 
caractères  ou  relieurs  devenus  vieux  ou  infirmes. 
Ils  ne  pouvaient  ni  avoir  apprentis,  ni  tenir 
boutique  ou  magasin,  et  ne  devaient  vendre 
aucun  volume  dépassant  huit  feuilles  d'im- 
pression ^. 

Tous  étaient  tenus  de  porter  bien  en  évidence 
sur  leur  vêtement  ^  un  écusson  de  cuivre,  avec 

le  mot  COLPORTEUR. 

Le  règlement  du  28  février  1723  éleva  leur 
nombre  à  120.  Les  huit  plus  anciens  avaient  le 
privilège  d'exercer  dans  les  limites  du  palais  de 
justice. 

L'article  3  de  la  Déclaration  du  21  mars  1761 
punit  de  mort  tout  colporteur  qui  aurait  vendu 
des  écrits  tendant  à  attaquer  la  religion  ^. 

Les  colporteurs  avaient  pour  patron  Charle- 
magne,  dont  ils  célébraient  la  fête  le  28  janvier, 
aux  Mathurins  *. 

Les  colporteurs  étaient  dits  aussi  hisouarts, 
à  cause  de  leurs  vêtements  presque  toujours  faits 
de  grosse  étoffe  bise.  Rabelais  les  a  ainsi 
désignés  ^.  \J Encyclopédie  méthodique  (1783) 
leur  donne  le  nom  de  contre-forteurs  ^,  et  l'on 
appelait  gazetiers  ceux  qui  avaient  la  spécialité 
de  colporter  la  gazette. 

Combats  d'animaux  (Entrepreneurs 
de).  On  sait  quelle  passion  montraient  les 
Romains  pour  cet  ignoble  passe-temps.  Le 
peuple  put  voir,  en  un  seid  jour,  combattre  dans 
le  cirque  jusqu'à  six  cents  lions  sous  Pompée  et 


1  Statuts  des  imprimeurs  (1686),  art.  48. 

2  Le  règlement  général  de  police  du  30  mars  1635  dit 
«  attaché  sur  le  devant  de  l'épaule  ».  (Dans  Delamarre, 
Traité  de  la  police,  t.  L  P-  125).  —  Les  statuts  des 
imprimeurs  (1686)  écrivent  :  «  Au  devant  de  leur 
pourpoint  »,  et  le  règlement  du  28  février  1723  :  «  Au 
devant  de  leurs  habits  ».  (Dans  Lsambert,  Anciennes  lois 
françaises,  t.  XXL  P-  235). 

3  Dans  lsambert,  t.  XXH,  P-  273. 

^  Le  Masson,  Calendrier  des  confréries,  p.  71. 

5  Gartjantua,  liv.  L  ehap.  9- 

6  Commerce,  t.  I,  p.  728. 


quatre  cents  sous  César  '.  Afin  ([iie  le  (•ii'([iie  ne 
vînt  point  à  manquer  de  sujets,  la  chasse  du  lion 
fut  interdite  aux  particuliers. 

Les  Romains,  durant  leur  séjour  dans  la  Gaule 
vaincue,  y  avaient  implanté  la  coutume  de  ces 
jeux  sanglants;  barbare  et  honteux  héritage,  que 
le  midi  de  la  Friuice  n'a  pas  encore  complète- 
ment répudié.  Grégoire  de  Tours  raconte  que 
Childebert  II  savourait  un  spectacle  de  ce  genre 
quand  il  fit  tu(^r  Magnovald  ^  ;  et  le  moine  de 
Saint-Cîall,  nous  montre  Pépin  le  Bref  abattant 
dans  l'arène  deux  lions  d'un  coup  d'épée  •''.  Cet 
exploit  rappelle  trop  les  légendaires  aventures 
des  preux  de  Charlemagne  pour  que  l'on  puisse 
y  ajouter  foi  ;  au  moins  faut-il  en  conclure  que, 
dès  le  huitième  siècle,  les  bêtes  féroces  étaient 
bien  connues  dans  le  nord  de  la  France  *. 

La  tradition  ne  se  perdit  ni  à  la  cour  de  ses 
rois,  ni  à  celle  de  Bourgogne,  unies  entre  elles 
par  d'étroits  liens  de  parenté.  Pliilippe  le  Bon 
possédait  plusieurs  lions,  qu'il  s'amusait  à  faire 
combattre  contre  d'autres  animaux,  contre  des 
taureaux  surtout.  On  lit  dans  un  compte  du 
quinzième  siècle  :  «  A  Jaque  de  Melle,  garde 
des  lyons  de  Mgr  à  Gand,  pour  l'achat  de  deux 
tors  vifs  ^,  l'un  bien  grand  et  l'autre  moyen, 
que  iceluy  seigneur  avoit  fait  mettre  au  parc  et 
fait  combattre  à  l'encontre  des  lyons,  pour  son 
déduit  ^  ;  lesquels  tors  par  lesdiz  Ijons  furent 
estranglez  et  tous  dévorez  "^ .  —  A  un  laboureur 
de  lez  la  ville  de  Gand,  pour  et  en  compensation 
d'un  sien  toreau  qui  avoit  esté  ocys  ^  par  l'un 
des  lyons  de  Mgr,  à  l'encontre  duquel  il  l'avoit 
fait  combattre...  ^  ». 

François  P''  avait  pu  contracter  en  Espagne 
le  goût  de  ces  honteux  spectacles,  dont  les 
grandes  dames  elles-mêmes  paraissent  avoir  été 
friandes.  Brantôme  a  raconté  *"  comment  l'une 
d'elles,  «  un  jour  que  François  l*""  faisoit 
combattre  des  lions  en  sa  cour,  »  jeta  son  gant 
dans  la  lice  et  commanda  à  son  ami,  le  brave  de 
Lorges,  d'aller  l'y  chercher.  Il  y  alla,  et  au  retour 
jeta  le  gant  «  au  nez  »  de  la  dame  :  en  quoi  il  fit 
bien.  En  1529,  François  1'^'"  ordonne  de  payer  à 
uu  boucher  d'Amboi.se,  où  il  séjournait  alors, 
12  liv.  6  sols,  pour  «  payement  d'un  thoreau 
qu'il  a  baillé  et  amené,  de  l'ordonnance  dudit 
seigneur,  es  loges  des  lyons  qui  sont  audit 
Amboise  pour  faire  combattre  ledit  ihoreau  avec 
lesdits  lyons,  pour  le  desduitet  passe-temps  dudit 
seigneur  ^^  ». 

On  peut  croire  que  ce  genre  de  distraction 
n'était  pas  pour  déplaire  à  Charles  IX.  Ses 
comptes  le  prouvent  assez  :  Le  15  octobre  1572, 


1  Pline,  lih.  Vin,  cap.   XX. 

2  Historia  Francorum,  lib.  VIIL  cap.  XXXVJ. 

3  Monachus  Sangallensis,  De  gestis  Caroli  maf/ni,   lib. 
IL  dans  le  Recueil  des  historiens,  t.  V,  p.  131. 

'i-  \o\.  ci-dessus  l'art.  Animaux  féroces. 
^  Taureaux  vivants. 
6  Pour  son  amusement. 

''    De  Laborde,   Les  ducs  de  Bourgogne,  preuves,   (.   I, 
p.  223. 

8  Occis. 

9  De  Laborde,  t.  I,  p.  236. 

10  Tome  IX,  p.  390. 

•1  Cimber  et  Danjou,  Archives  curieuses,  t.  III,  p.  80. 


182 


COMBATS  D'ANIMAUX 


deux  mois  après  la  Sainl-Barlliélemj,  il  ordonne 
de  payer  à  Nicolas  Audrj  deux  cents  livres 
lournois,  «  pour  le  récompenser  de  quatre  vaches 
à  luy  appartenant  que  Sa  Majesté  a  faict  estrangler 
par  ses  grands  lévriers  ».  Quatre  jours  plus  tard, 
on  verse  au  muletier  Robert  Escorse  cent  vingt- 
cinq  livres  tournois  «  pour  le  récompenser  d'un 
mulet  que  Sa  Majesté  a  faict  prendre  de  luy  pour 
faire  combattre  à  ses  Ijons  ^  ». 

C'est  dans  le  jardin  du  Louvre  que  Charles  IX, 
et  son  digne  frère  Henri  III  prenaient  plaisir  à 
voir  combattre  des  dogues,  des  lions,  des  ours, 
soit  entre  eux,  soit  contre  des  taureaux. 

Louis  XIII  connut  dès  sa  plus  tendre  enfance 
le  spectacle  des  bêtes  féroces  se  déchirant  entre 
elles.  C'était  une  mode  alors  de  posséder  des 
animaux  de  ce  genre.  Le  roi  en  avait  partout,  aux 
Tuileries,  à  Fontainebleau,  à  Saint-Germain,  à 
Vincennes,  à  Versailles,  et  de  grands  seigneurs 
imitaient  le  roi.  Quelques  citations,  extraites  du 
Journal  d'Héroard,  vont  nous  montrer  à  quel 
point,  même  sous  un  souverain  aussi  débonnaire 
que  le  Béarnais,  les  sanglantes  et  ignobles  luttes 
de  bêtes  entre  elles  semblaient  une  innocente 
récréation. 

«  19  novembre  1606,  à  Fontainebleau.  Le 
Dauphin  est  mené  au  roi  en  la  salle  de  bal,  pour 
y  voir  combattre  les  dogues  contre  les  ours  et  le 
taureau.  Un  ours  ayant  mis  sous  lui  un  des  dogues, 
il  se  prend  à  crier  :  «  Tuez  l'ours,  tuez  l'ours  !  » 
Le  soir,  il  ne  veut  point  se  couclier,  se  fait  mettre 
sa  cotte  et  se  tenir  par  la  lisière,  pour  imiter  les 
dogues  qu'il  avoit  vus  tirant  la  laisse  pour  se 
jeter  contre  les  ours. 

«  Le  lendemain  20,  il  est  mené  sur  les  terrasses 
de  la  reine,  pour  voir  combattre  des  dogues. 

«  Le  14  juin  1610,  à  Paris.  Mené  en  carrosse 
jusqu'à  la  Savonnerie,  puis  à  cheval  jusqu'aux 
Tuileries,  oii  il  voit  un  lion  attaché  à  un  arbre, 
auquel  on  jette  un  chien  qu'il  étrangla  soudain. 

«  Le  24  (bi  même  mois.  Mené  en  carrosse  à 
Saint-Martin  des  Champs.  Il  y  fait  attaquer  un 
sanglier  apporté.  Il  n'avoil  pas  voulu  permettre 
qu'on  le  fil  combattre  à  un  lion,  craignant  que 
le  sanglier  ne  le  tuât. 

«  Le  21  mars  1611.  Après  diner,  il  va  à  la 
fenêtre  des  Tuih'ries,  pour  voir  combattre  un 
homme  contre  un  lion. 

«  Le  22  oclolire  1611,  à  Saint-Germain. 
Pondant  son  dîner,  M.  le  duc  de  Guise  qui  le 
servoit  lui  disoit  qu'il  étoit  venu  un  Anglois  qui 
avoit  des  dogues  fort  furieux  et  des  ours,  et  que 
s'il  plaisoit  à  .sa  Majesté  de  lui  donner  une  pension 
df  mille  écus,  il  lui  cnlreticndroit  toute  l'année 
vingt  et  cinq  dogues  qui  lui  donneroienl  du 
plaisir  et,  quand  il  lui  plairoil,  les  feroil  com- 
battre à  outrance.  A  trois  heures,  il  va  en  la 
(•liand)re  ovale,  pourvoir  combattre  les  dogues  de 
TAnglois  contre  un  ours  -  ». 

Les  aimables  |)ass('-t(>nips  de  ce  genre  figuraient 
dans  le  programme  des  réjouissances  publiques. 


'   CiinbiTi'l  Dniijoii,  AirAires  nirinixfx,  I.  NUI,  p.  n."),-,. 
-  Horoani,    Joiiriiiif  ,1e   Louis   XIII.    i     I,    n    '^27   it 
2-^8  ;  t.  II,  p.  9,  10,  Ô4  et  83. 


Ainsi,  lors  des  fêtes  données  à  l'occasion  de  la 
naissance  du  duc  de  Bourgogne  en  1682,  le 
Dauphin,  après  avoir  bien  dîné,  «  alla  à  la  ména- 
gerie de  Vincennes,  et  y  vit  combattre  plusieurs 
animaux  les  uns  contre  les  autres.  Les  chiens 
combattirent  d'abord  contre  un  ours,  et  ensuite 
contre  un  taureau.  Ce  combat  fut  suivy  de  celuy 
d'une  vache  contre  la  tygresse  offerte  à  Sa 
Majesté  par  les  ambassadeurs  du  Roy  de  Maroc. 
La  vache  vainquit  et  eut  le  mesme  avantage 
contre  une  lionne  et  puis  contre  un  tygre.  Après 
cela,  on  la  fit  combattre  contre  un  lyon.  Elle 
l'attaqua,  et  quoiqu'on  luy  eût  dépouillé  la 
hanche  et  qu'elle  en  fût  demeurée  boiteuse, 
elle  ne  laissa  pas  de  le  vaincre,  aussi  bien  qu'un 
loup  qu'elle  combattit  encore.  On  la  fit  retirer, 
et  l'on  amena  un  lévrier  de  M.  le  grand  louvetier 
pour  combattre  contre  le  loup.  Le  lévrier  fit 
merveilles,  il  mordoit  sans  cesse  les  jarrets  du 
loup  et  le  colleta  à  vingt  reprises  *  ». 

Le  siècle  suivant  ne  se  montra  guère  plus  sage. 
Les  jours  de  grandes  fêtes  religieuses,  les  théâtres, 
sans  aucune  exception,  restaient  fermés  par  ordre, 
et  un  concert  spirituel  réunissait  au  château  des 
Tuileries  -  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  le 
Tout-Paris.  En  même  temps,  à  l'extrémité  de  la 
rue  de  Sèvres,  près  de  la  barrière,  la  populace 
était  conviée  à  un  ignoble  spectacle,  dit  le  combat 
du  taureau. 

Dans  un  champ  clos  entouré  de  gradins,  on 
venait  applaudir  d'énormes  dogues  qui,  dressés 
à  cet  exercice,  luttaient  contre  des  taureaux, 
des  lions,  des  ours,  des  tigres,  des  loups,  des 
sangliers.  La  représentation  durait  trois  heures 
en  été  ^  et  deux  heures  en  hiver  *,  elle  était 
terminée  par  un  feu  d'artifice  où  des  dogues 
jouaient  encore  leur  rôle. 

Déjà,  dans  un  but  de  bienfaisance,  pour 
pourvoir,  par  exemple,  aux  dépenses  toujours 
croissantes  des  hôpitaux,  quelques  villes  du  Midi, 
Nîmes  et  Marseille  entre  autres,  avaient  organisé 
des  combats  de  taureaux,  empruntés  aux  mœurs 
espagnoles.  Mais  on  n'en  reproduisait  «  que  la 
partie  comique  ;  la  prudence  des  magistrats,  en 
bannissant  le  tragique  de  ce  spectacle,  n'a  voulu 
qu'en  faire  un  véritable  jeu,  sans  la  moindre 
effusion  de  sang  ^  ». 

Il  n'en  était  pas  de  même  à  Paris,  car  voici  ce 
qu'écrivait  en  1775  un  Anglais,  le  chevalier 
James  de  Rutlidge  :  «  Les  entrepreneurs,  pour 
attirer  la  multitude,  ne  manquent  pas  de  spécifier 
dans  les  affiches  le  luimbre  et  la  qualité  des 
animaux  qui  sont  dévoués  à  combattre  jusqu'à  la 
mort,  ainsi  que  le  degré  de  fureur  et,  de  rage 
qu'on  a  sujet  d'espérer  qu'ils  emploieront  pour 
leur  défense.  A  la  lin  de  toutes  les  affiches,  on  lit 
cette  apostille  :  «  On  espère  qu'il  se  défendront 
cruellement  ^  ». 


1  Mercure  galant,  n"  d'août  1(582,  y.  18.5. 

2  Dans  la  jurande  salli-  dite  des  Cent -Suisses. 
•*  l)i'  cim[  à  huit  liourcs. 

*  l)i'  trois  à  pin([  licures. 

^  Affiches,  annonces  et  avis  divers,  n°  du  (i  juilltl  177  1, 
p.   108. 

♦>  Essai  sur  le  caractère  et  le.i  ni/eiirs  de.'  Français. 
r-  204. 


COMBATS  D'ANIMAUX  —  COMMIS  MARCHANDS 


183 


La  malsaine  curiosité  qu'excitait  ce  spectacle 
devint  telle,  que  Ton  songea  à  lui  consacrer 
un  amphithéâtre  pouvant  contenir  ving't  mille 
personnes,  et  même  à  faire  venir  d'IOspai^ne 
«  des  maîtres  capables  de  diriger  ces  sanglantes 
boucheries  '  ».  Elles  furent,  en  effet,  trans- 
portées près  de  riiôpital  Saint-Louis,  à  l'extré- 
mité de  la  rue  Grange-aux-Belles,  et  la  barrière 
de  Pantin  devint  la  barrière  du  Combat.  Jusque- 
là,  l'on  n'y  avait  admis  comme  acteurs  que  des 
animaux,  et  aucun  homme  n'y  risquait  sa  vie. 
On  trouva  sans  doute  ces  émotions  insuffisantes, 
et  l'on  demanda  au  gouvernement  d'autoriser 
des  courses  de  taureaux  semblables  à  celles  dont 
jouissait  l'Espagne.  Aussi,  le  4  mai  1780, 
M.  Amelot,  ministre  de  la  Maison  du  roi,  écri- 
vait-il au  lieutenant  général  de  police  Lenoir  : 
«  Je  vous  avoue  que  j'ai  beaucoup  de  répugnance 
à  accorder  la  permission  d'établir  la  course  de 
taureaux  dont  il  est  parlé  dans  le  mémoire 
ci-joint.  Indépendamment  de  ce  que  c'est  un 
nouveau  spectacle  et  qu'ils  sont  déjà  trop  multi- 
pliés, il  me  semble  qu'il  y  a  quelque  inconvénient 
à  en  autoriser  un  qui  n'est  point  dans  nos  mœurs 
et  dont  l'effet  seroit  d'accoutumer  le  peuple  à  voir 
du  sang  ^^  ».  L'autorisation  fut  refusée,  et  un 
Guide  de  1824  écrivait  encore  :  «  On  est  rarement 
témoin,  à  ce  spectacle,  de  scènes  sanguinaires. 
Des  dogues  y  combattent  contre  des  taureaux, 
des  loups,  des  ours,  qui  ne  sont  presque  jamais 
mis  à  mort.  Le  ridicule  peccata  •*'  est  le  paillasse 
de  ces  acteurs  à  quatre  pieds.  Quoique  l'on  n'y 
voie  jamais  des  hommes  risquer  leur  vie  pour  le 
plaisir  du  peuple,  comme  en  Espagne,  on  s'étonne 
de  l'existence  d'un  tel  spectacle  dans  une  ville  où 
l'on  devrait  craindre  d'inspirer  la  moindre  idée 
de  férocité  aux  gens,  souvent  sans  éducation  et 
sans  moralité,  qui  le  fréquentent  ^  ».  * 

Voy.  Bateleurs. 

Comités.  Officiers  des  galères,  et  plus  parti- 
culièrement ceux  qui  étaient  chargés  de  faire 
ramer  les  forçats.  Ils  commandaient  la  chiourme. 

Voy.  Bateaux  des  maisons  royales. 

Gommandaresses  et  Commande  - 
resses.  ^oy.  Bureaux  do  placement. 

Commis  aux  chang-es.  Voy.  Chan- 
geurs. 

Com.m.is  général  du  port  payé.  L'in- 
vention des  timbres-poste  date  du  milieu  du 
dix-septième  siècle,  et  on  l'attribue  à  un  maître 
des  requêtes  nommé  Renouard  de  Villayer, 
l'Hermippe  des  Caradères  de  La  Bruyère. 

En  16.53,  il  fut  répandu  dans  Paris  une  circu- 
laire qui  débutait  ainsi  :  «  On  fait  sçavoir  à  tous 
ceux  qui  vouldront  escrire  d'un  quartier  de  Paris 
à  un  autre,  que  leurs  lettres,  billets  ou  mémoires 
seront    fidèlement    et    diligemment    portés    et 


1  Mémoires  secrets,  15  mai  1778,  t.  XI,  p.  225. 

2  Archives  historiques  et  littéraires,  t.  I  (1889),  p.  29. 

3  Un  pauvre  âne  qui  luttait  au.ssi  contre  les  chiens. 

i  F. -M.   Marchant,  Le  nouveau  conducteur  de  l'étranger 
à  Paris  en  1824.  p.  327. 


rendus  à  leur  adn^sse  et  ([uils  en  aumnl  pr^mp- 
leinent  responce,  pourvu  que  lors([u"ils  écriront, 
ils  mettent  avec  leurs  lettres  un  billet  qui 
portera  im-t  payé,  parce  qu'on  ne  prendra  point 
d'argent.  Lequel  liillet  sera  attaché  à  ladite 
lettre,  ou  mis  autour  (le  la  lettre,  ou  passé  dans 
la  lettre,  ou  en  tout  autre  manière  qu'ils  trouve- 
ront à  propos,  de  telle  sorte  néanmoins  que  le 
commis  le  puisse  voir  et  l'oster  aysémenl...  ». 

On  exigeait  que  l'envoyeur  écrivît  de  sa  main 
sur  le  billet  la  date  exacte,  afin  que  l'on  ne  put 
le  faire  servir  deux  fois.  On  imi  vcndiiil  chez  Ifs 
tourières  des  couvents,  chez  les  portiers  des 
collèges  et  chez  les  geôliers  des  prisons.  Le 
bureau  du  commis  général  était  installé  au  Palais. 
Il  existait  dans  la  collection  Feuillet  de 
Couches  une  lettre  adressée  à  Mademoiselle  de 
Scudéri,  et  portant  cette  mention  :  Par  billet  de 
port  payé.  Notez  que  la  réponse  payée  était  déjà 
inventée,  car  on  lisait  sur  le  billet  :  <.<  Outre  le 
billet  de  port  payé  que  l'on  mettra  sur  cette 
lettre  pour  la  faire  partir,  celuy  qui  escrira  aura 
soing,  s'il  veut  avoir  responce,  d'envoyer  un 
autre  billet  de  port  payé  enfermé  dans  sa  lettre  '». 
Loret,  dans  son  numéro  du  16  août,  célébra 
en  mauvais  vers  cette  innovation  qui  n'eut 
aucun  succès,  mais  qui  fut  reprise,  peu  d'années 
après,  par  M.  de  Cliamousset  ^.  Loret  s'exprimait 
ainsi  : 

On  va  bien-tôt  métré  en  pratique 

Pour  la  commodité  publique 

Un  certain  établissement, 

(Mais  c'est  pour  Paris  .seulement) 

De  Boëtes  nombreuses  et  drues 

Aux  petites  et  fi;randcs  rues, 

Où,  par  soy-mosme  ou  son  laquais. 

On  poura  porter  des  paquets, 

Et  dedans  à  toute  heure  mettre 

Avis,  Billets,  Missive  ou  Lettre, 

Que  des  Gens  commis  pour  cela 

Iront  chercher  et  prendre  là, 

Pour,  d'une  diligence  habile. 

Les  porter  par  toute  la  ville 

A  des  Neveux,  à  des  Couzins 

Qui  ne  seront  pas  trop  voizins. 


Ceux  qui  n'ont  suivans,  ny  suivantes, 
Ny  de  Valets,  ni  de  Servantes, 
Ayant  des  amis  loin  logez 
Seront  ainsi  fort  soulagez. 
Outre  plus,  je  dis  et  j'anoncc 
Qu'en  cas  qu'il  faille  avoir  réponcc 
(3n  l'aura  par  mesme  moyen. 
Et  si  l'on  veut  .savoir  combien 
Coûtera  le  purt  d'une  Lettre 
(Ghoze  qu'il  ne  faut  pas  obmettre) 
Afin  que  nul  n'y  soit  trompé, 
Ce  ne  sera  qu'un  .sou  tapé  ■*. 

Commis     marchands.     Andiger     les 

nonmie  ijarçoiis  marchands  et  s'exprime  ainsi  sur 
leur  compte  :  «  Un  gar(,^on  marchand  doit  avoir 
bien  soin  de  toutes  les  marchandises  qui  sont 
chez  le  marchand  où  il  est,  de  s'appliquer  à 
les  connoître  toutes ,  ainsi  que  les  marqties  et 
les    numéros.    Il    faut    aussi   qu'il   prenne   une 


1  Piron,  Du  service  des  postes  et  de  la  taxation  des 
lettres,  1838,  in-4°.  —  A.  Belloc,  Les  postes  françaises, 
p.  90. 

2  Voy.  ci-dessous  l'art.  Facteurs  des  postes. 

3  Mu:e  historique. 


184 


COMMIS  MARCHANDS  —  COMMISSAIRES-CONTROLEURS 


connoissance  exacte  de  toutes  les  marchandises 
qui  sont  dans  les  magasins  ou  dans  les  boutiques, 
afin  de  rendre  bon  compte  de  tout  ce  qu'on  lui 
met  entre  les  mains.  Il  doit  aussi  tenir  un 
registre  du  débit  qui  s'en  fait  tant  en  gros 
qu'en  détail,  afin  d'en  avertir  le  maître  ou  la 
maîtresse,  pour  que,  s'il  en  manque  de  quelque 
sorte,  ils  aient  soin  de  le  remplacer,  et  que  la 
boutique  soit  toujours  bien  assortie. 

Il  faut  encore  qu'un  garçon  sache  bien  lire, 
écrire,  chiffrer,  compter,  calculer.... 

Il  doit  pareillement  avoir  bien  soin  de  tenir 
les  magasins  et  la  boutique  bien  propres  et  bien 
rangés,  afin  que  lorsqu'on  lui  demande  quelque 
chose  il  sache  où  elle  est  et  la  trouve  d'abord  ; 
prendre  bien  garde  à  ceux  qui  viennent  dans  la 
iioiitique  ou  magasin,  et  voir  qu'en  marchandant 
une  chose,  ils  n'en  dérobent  une  autre,  comme 
cela  arrive  assez  souvent,  faute  d'en  avoir  assez 
de  soin. 

Il  doit  encore  savoir  bien  auner,  mesurer  et 
peser,  bien  vendre  et  bien  livrer,  afin  de  bien  faire 
le  profit  du  marchand  ;  être  actif,  prompt  et  com- 
plaisant, bien  servir  les  personnes  qui  viennent 
pour  acheter  quelque  chose,  sans  leur  rien  dire  de 
dur  ni  de  fâcheux  lorsqu'ils  mésofîrent  sur  le  prix 
des  marchandises,  car  le  plus  souvent  ce  sont  ceux 
qui  en  agissent  ainsi  qui  achètent,  et  qui,  si 
(l'abord  ils  paroissent  s'éloigner  de  votre  compte, 
ce  n'est  que  dans  l'idée  qu'on  leur  surfait  de 
beaucoup,  comme  cela  se  pratique  chez  la  plupart 
des  marchands  :  ainsi  la  raison  veut  qu'on  en 
use  honnêtement  avec  eux,  afin  de  les  engager 
doucement  à  acheter  el  à  ne  point  aller  chercher 
ailleurs  les  marchandises  dont  ils  ont  besoin. ..  *  ». 

Commissaires.  Vov.  Contrôleurs. 

Gom.mLissaires  aux  em.pilements  des 
hois.  Officiers  jurés.  L'ordonnance  de  décembre 
\(')12  consacre  plusieurs  articles  ^  à  l'empilement 
des  bois.  Les  piles  ne  devaient  pas  dépasser  huit 
pieds  de  hauteur  sur  quinze  toises  de  longueur, 
et  il  devait  exister  entre  chacune  d'elles  une 
dislance  de  deux  pieds. 

Commissaires  des  manufactures. 
Voy.  Inspecteurs. 

Commissaires  de  marine.  Officiers  des 

ea\ix  cl  torèls.  Leurs  fonctions  consislaienl  à 
visiter  les  bois  que  les  particuliers  voulaient 
faire  abattre,  et  h  marquer  les  arbres  propres  à 
la  conslruclioii  des  vaisseaux  •'*. 

Commissaires  au  nettoiement  des 
ports,  oriic.iers  jurés  qui  furent  réunis  d'abord 
à  la  coniinniiaiité  des  plancheyeurs  puis  sup- 
primés en  mai  1715  ^. 

Commissaires  des  pauvres.  Voj. 
Pauvres. 


•  La  mnison  réglée  (1692),  liv.  III,  chap.  -1. 

*  Chapitre  XMI,  art.  14  et  suiv. 

•'  Chailland,  Dirllonnaire  des  eaux  el  forêts,  t.  I    p    ST 
ef  147. 

♦  F.-J.  Chasles,  Dictionnaire  de  justice,  t.   II,  p.  740. 


Commissaires  de  police.  Je  ne  les  trouve 
cités  sous  ce  nom  que  dans  les  dernières  années 
du  dix-huitième  siècle.  On  les  appelait  jusque-là 
commissaires  au  Châtelet,  abréviation  de  leur 
titre  officiel  Commissaires  enquêteurs  et  exami- 
nateurs au  Châtelet  de  Paris. 

Le  Châtelet,  tribunal  ainsi  désigné  parce  qu'il 
tenait  ses  séances  au  Grand-Chàtelel  ^,  repré- 
sentait la  juridiction  ordinaire  de  la  vicomte  et 
prévôté  de  Paris.  Pendant  longtemps,  la  justice 
y  fut  rendue,  au  nom  du  roi,  par  le  prévôt  de 
Paris,  un  juge  d'épée  qui,  écrit  Dumoulin,  avait 
un  rang  égal  à  celui  des  plus  hauts  dignitaires 
du  Parlement  ^. 

Au  dix-huitième  siècle,  il  y  avait  longtemps 
que  le  prévôt  de  Paris  ne  rendait  plus  la  justice 
en  personne  et  que  les  audiences  étaient  tenues 
par  ses  lieutenants.  Ceux-ci  ne  manquaient  pas 
d'assesseurs,  car  le  personnel  du  Châtelet  avait 
fini  par  comprendre  1.574  fonctionnaires  ou 
agents,  parmi  lesquels  je  vois  figurer  le  lieutenant 
civil,  le  lieutenant  criminel,  le  lieutenant  général 
de  police,  des  conseillers,  des  greffiers,  des 
huissiers,  vingt  inspecteurs  de  police,  quarante- 
neuf  commissaires,  etc.  etc. 

Ces  derniers  cumulaient,  comme  aujourd'hui, 
de  multiples  fonctions.  Ils  recevaient  les  plaintes, 
dressaient  les  procès  -  verbaux  préparatoires, 
ouvraient  des  enquêtes  de  toutes  natures,  inter- 
rogeaient des  témoins,  commençaient  l'examen, 
Tinstruction  des  affaires,  prérogatives  d'où  pro- 
venait leur  titre  d'enquêteurs  et  examinateurs. 
Ils  n'avaient  pas  le  droit  de  décerner  des  mandats 
de  dépôt,  mais  pouvaient  maintenir  à  leur  dispo- 
sition les  inculpés.  Ils  apposaient  les  scellés, 
entendaient  les  comptes,  réglaient  les  partages, 
les  liquidations  de  dommages  et  intérêts,  les 
taxes  de  dépens,  etc.,  etc.,  etc.  ^. 

Ils  étaient  divisés,  par  nombre  inégal,  dans 
les  quartiers  de  Paris.  Sept  quartiers  possédaient 
trois  commissaires  ;  treize  quartiers  en  possé- 
daient deux  ;  un  seul  quartier,  celui  du  faubourg 
Saint-Antoine,  devait  se  contenter  d'un  commis- 
saire. 

De  très  nombreuses  gravures  nous  ont 
transmis,  au  dix-huitième  siècle,  l'aspect  que 
présentait  un  commissaire  du  Châtelet,  avec  sa 
longue  robe  noire,  son  rabat,  et  son  ample 
perruque. 

Commissaires  des  toiles  de  chasse. 
Voy.  Vautrait  (Officiers  du). 

Commissaires-contrôleurs  de  bois. 

Nom  que  prenaient  les  mouleurs  de  bois,  parce 
qu'ils  avaient  le  droit  de  constater  par  procès- 
verbaux  les  contraventions  relatives  à  la  vente 
des  bois. 


1  C'est  sur  SOS  ruines  qu'a  été  ouverte  la  place  du 
Châtelet. 

2  Voy.  l'art.  Prévôt  de  Paris. 

3  Voy.  Désessarts,  Dictionnaire  universel  de  police .^ 
t.  III,  p.  19  et  s.  —  S.  Mercier,  Tableau  de  Paris. 
t-  VI,  p.  105  et  s.  —  F.-J.  Chasles,  Dictionnaire  de 
justice,  t.  1,  p.  781- 


COMMISSAIRES-CONTROLEURS  —  COMPAGNONNAGE 


185 


Gominissaires  -  contrôleurs  -  visi  - 
teurs-priseurs  de  cendres  servant  à 
faire  lessive  et  blanchir  le  ling-e.  Ollices 
jurés  créés  par  édit  de  novembre  1644. 

Ils  ont  été  dits  aussi /«w^(?wr5  ai  prisetirs. 

Commissaires-inspecteurs  des  pois- 
sons de  mer  et  d'eau  douce.  Cent  ollices 

jurés,  créés  en  1704,  et  réunis,  l'année  suivante, 
aux  offices  de  jurés  vendeurs  de  poissons. 

Commissaires  -  inspecteurs   sur   la 

Vallée  et  les  halles.  Cent  oflices  jurés  créés 
en  août  1704.  Il  s'ag-it  ici  de  la  Vallée,  marché 
à  la  volaille  et  au  gibier,  établi,  par  arrêt  du 
3  juin  1679,  sur  le  quai  des  Grands-Augustins  *. 

C'est  sans  doute  à  ces  commissaires  que  Sébas- 
tien Mercier  faisait  allusion  quand  il  écrivait  : 
«  Il  y  a  des  officiers  de  volaille  tout  comme  des 
officiers  de  marée  ^ .  Le  cornet  ^  attaché  au-dessous 
du  ventre,  la  plume  sous  la  perruque,  ils  couchent 
par  écrit  la  moindre  mauviette  ;  un  lapereau  a 
son  extrait  mortuaire  en  bonne  forme,  avec  la 
date  du  jour.  C'est  une  merveilleuse  chose  que 
la  création  de  ces  offices  :  tout  cela  est  d'insti- 
tution royale.  On  ne  mange  un  lièvre  que  d'après 
[sic]  l'exercice  solemnel  de  la  charge  de  l'officier 
en  litre  *  ». 

Voy.  Offices  (Créations  d'). 

Commissaires-priseurs.  Le  moyen  âge 
les  nomme  sergents-priseurs,  puis  un  édit  de 
février  1556  crée  dans  chaque  ville  des  offices 
de  prise i0's-vendeurs  de  biens  meubles  ^,  offices 
que  les  sergents  furent  forcés  d'acquérir  ^. 
Enfin,  un  édit  de  juillet  1692  créa  à  Paris 
120  commissaires-huissiei'S-priseurs  "^ . 

Supprimés  en  1790,  la  loi  du  27  ventôse  an 
IX  leur  attribua  le  nom  de  commissaires-priserirs- 
vendeurs  qu'ils  portent  aujourd'hui.  Leurs  char- 
ges, estimées  70  à  80.000  francs  sous  l'ancien 
régime,  conservaient  encore  ce  prix  en  1807  **. 

Commissaires-vérificateurs  des  rô- 
les des  g'abelles.  Officiers  royaux  qui  furent 
institués,  au  nombre  de  deux  pour  Paris,  par 
l'ordonnance  du  30  mars  1342. 

Louis  XIV  créa  de  nouveaux  commissaires 
par  édit  de  mai  1702.  Ils  furent  supprimés  en 
août  1705,  rétablis  en  juin  1708,  augmentés  en 
1735,  etc.  K 

Voy.  Sel  (Commerce  de). 

Commission  du  commerce.  Commis- 
sion de  dix-sept  membres,  nommée  en  1601  afin 


1  ^'oy.  Delamarre.  Traité  de  In  polire,  t.  II,  p.  1419 
et  suiv. 

2  Les  Commissaires-inspecteurs  des  /laissons  de  mer  et 
d'eau  douce  et  les  Contrôleurs  des  poissons  de  mer  tant  frais 
que  salés. 

3  L'encrier. 

*  Tableau  de  Paris,  t.  I,  p.  223. 

^  Isambert,  Anciennes  lois  françaises,  t.  XIII,  p.  475. 
*>  Isambert,  Anciennes  lois  françaises,  X.  XI^',  p.  275. 
''  Isambert,  Anciennes  lois  françaises,  t.  XX,  p.  154. 
**  Prudhomme,  Miroir  de  Paris,  t.  II,  p.  148. 
9  Voy.    F.-J.    Cbasles,    Dictionnaire  de  justice,  t.  II, 
p.  314. 


d'examiner  les  réformes  commerciales  qu'avait 
proposées  Barthélémy  de  Lafïémas  dans  son 
Reiglcmenl  (j  rué  rai  pour  dresser  les  mamif'actures. 

Commissionnaires.  Ils  apparteiuiieni  à 
la  classe  des  gagne-deniers  et  avaient  pour  palron 
saint  Christophe.  L'établissement  de  la  petite 
poste  leur  causa  un  grand  préjudice,  car  «  ils 
étoient  ordinairement  chargés  de  porter  dans  la 
ville,  d'un  quartier  à  l'autre,  les  lettres  des  parti- 
culiers, pour  les  remettre  à  leur  adresse  et  pour 
en  rapporter  la  réponse  ^  ».  Presque  tous  cumu- 
laient ce  métier  avec  celui  de  décrotteur. 

Commissionnaires  à  la  halle  aux 
draps.  Voy.  Courtiers. 

Commissionnaires  en  marchan  - 
dises.  «  (J'est  celui  qui  fait  des  commissions 
pour  le  compte  d'autrui,  tant  pour  les  achats  que 
pour  les  ventes.  Comme,  pour  faire  ce  métier,  il 
faut  être  connaisseur  en  marchandises,  les  com- 
missionnaires font  ordinairement  apprentissage 
chez  les  marchands  pour  se  perfectionner  dans 
la  connoissance  et  le  choix  des  marchandises.  Il 
y  a  cependant  des  villes,  Lyon  par  exemple,  où 
l'on  peut  exercer  sans  être  reçu  marchand  ;  mais 
à  Paris,  il  faut  l'avoir  été  pour  avoir  la  liberté 
de  vendre  ou  d'acheter  des  marchandises  pour  le 
compte  d'autrui  ^  ». 

Voy.  Courtiers  et  Vendeurs. 

Commissionna ires  des  rouliers .  Voy . 
Courtiers-facteurs. 

Communautés  ouvrières.  Voy.  Cor- 
porations. 

Compagrues.  Dans  certaines  corporations 
composées  de  femmes,  ce  mot  équivalait  à  celui 
de  compagnons  dans  les  métiers  exercés  par  des 
hommes.  «  Si  aucune  maistresse,  apprenlisse  ou 
compagne  estoit  convaincue  d'avoir  fait  faute  en 
son  honneur,  elle  perdroit  son  privilège.  Si  elle 
estoit  maistresse,  sa  boutique  serait  fermée  ;  si 
elle  estoit  apprentisse  ou  compagne,  elle  seroit 
indigne  de  parvenir  à  la  maistrise  •'  ». 

Compagnonnage.  La  première  atteinte 
portée  au  principe  de  confraternité  sur  lequel 
reposaient  les  corporations  fut  l'institution  du 
compagnonnage.  Il  apparaît  vers  la  fin  du  quin- 
zième siècle.  Jusque-là,  l'apprenti  qui  a  fait  son 
temps  peut  aussitôt  s'établir  :  trois  ou  quatre 
communautés  tout  au  plus  exigent  de  lui  un 
stage  en  qualité  d'ouvrier  *.  Mais  quand  l'essor 
pris  par  l'industrie  eut  donné  plus  d'importance 
à  la  condition  du  maître,  celui-ci  ne  vit  pas  sans 
déplaisir  son  apprenti  d'hier  devenir  le  lendemain 
son  égal.  Il  voulut  le  maintenir  pour  quelque 
temps  encore  dans  sa  dépendance,  et  exigea 
qu'il  servît  un  certain  nombre  d'années  comme 
ouvrier  avant  de  pouvoir  aspirer  à  la  maîtrise. 


1  Jaubert,  Dictionnaire  (1773),  t.  II,  p.  14. 

2  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  I,  p.  523. 

3  Bouquetières,  statuts  de  1678,  art.  19. 
i  Voy.  l'articlp  Aspirant  à  la  maîtrise. 


186 


COMPAGNONNAGE 


Ainsi  naquit  le  compag-nonnage,  qui  ne  tarda  pas 
à  créer  entre  l'ouvrier  et  le  patron  une  distinction 
inconnue  aux  siècles  précédents,  et  que  les  siècles 
suivants  devaient  rendre  de  plus  en  plus  marquée. 

Les  ouvriers  furent  forcés  d'accepter  ces 
conditions  nouvelles.  Elles  leur  furent  sans  doute 
imposées  par  la  royauté,  qui,  à  dater  de  cette 
époque,  commence  à  intervenir  activement  dans 
l'administration  des  communautés. 

En  1403,  «  les  maistres,  maistresses,  ouvriers 
et  ouvrières  du  métiers  de  rubaniers,  »  et  en 
1443,  les  treize  maîtres  et  les  quatorze  ouvriers 
foulons  vont  encore  demander  ensemblela  revision 
de  leurs  statuts  *  :  les  maistres  et  varlets  jurent 
et  affirment  par  serment  faict  aux  saincls  évangiles 
de  Dieu  »  cette  mesure  «  estre  bonne,  utile, 
prouffitable  et  nécessaire  au  prouffît  et  à  l'honneur 
ducdit  mestier  et  la  chose  publique  ».  Mais  nous 
chercherions  vainement  dans  la  suite  un  exemple 
de  cette  fraternelle  entente.  Les  temps  sont  bien 
chang'és.  Ce  n'est  plus  le  prévôt  de  Paris  qui 
constate  bonnement  qu'il  a  eu  la  visite  des  maîtres 
et  ouvriers  de  tel  métier,  c'est  le  Roi  qui  daig'ue 
accueillir  l'humble  supplication  que  des  jurés  et 
des  maîtres  lui  ont  adressée.  La  formule  ne  varie 
guère,  vojez  :  «  Henry,  par  la  grâce  de  Dieii 
Roy  de  France  et  de  Pologne,  à  tous  présens  et 
à  venir,  salut.  Nous  avons  receu  l'humble  suppli- 
cation de  nos  amés  les  maistres  et  gardes  du 
mestier  des  tailleurs  de  nostre  bonne  ville  de 
Paris,  contenant,  etc.  ^  »  Et,  près  de  deux  cents 
ans  plus  tard  :  «  Louis,  parla  grâce  de  Dieu  Roi 
ih-  France  et  de  Navarre,  à  tous  présens  et  à 
venir.  Nos  bien  aimés,  les  maîtres  menuisiers  et 
ébénistes  de  la  ville,  fauxbourgs  et  banlieue  de 
Paris  nous  ont  fait  représenter  que,  etc.  ^  ». 

Il  n'est  pas  encore  question  du  compagnon- 
nage dans  les  statuts  des  couvreurs  et  dans  ceux 
des  pâtissiers  revisés  en  1566.  Mais  à  partir  de 
cette  date,  bien  peu  de  corporations  négligent  de 
le  mentionner,  et  l'article  14  de  l'édit  de  1581 
fixa  sa  durée  à  trois  ans  dans  les  communautés 
qui  n'avaient  pas  encore  de  règle  à  cet  égard  ; 
l'article  16  le  réduisait  de  moitié  pour  les  fils  de 
maître,  et  les  autorisait  à  passer  ce  temps  chez 
leurs  parents.  Le  compagnonnage  variait,  suivant 
les  communautés,  entre  deux  et  huit  ans  *. 

Dès  lors,  l'apprenti  libéré  de  son  service 
s'engagea  chez  un  maître,  non  plus  pour  un  mois 
ou  pour  un  an,  mais  pour  le  nombre  d'années  à 
l'expiration  desquelles  il  lui  était  permis  de 
devenir  maître.  On  le  qualifiait  pendant  ce  temps 
do  cnmpfignnn  aU.cndnnl  maîtrise,  afin  de  le 
distinguer  des  ouvriers  dont  le  compagnonnage 


•  Ordonn.  royales,  l.  XVI,  p.  586. 

*  Sintufs  rir  1583,  préambule. 
■^  Sliiliils  .!.■  1743. 

i  Jhux  ans  rhnz  los  lingèrcs  (1595),  les  couturières 
(1675),  les  |ierrur[uier.s(1718),  les  labi.'ticrs  (1741),  etc. 

7Vo/.ïfl/«cli,.z  les  brodeurs  (1604),  les  merciers  (1613), 
les  gniitiers  (1656),  les  Uiilleurs  (1660),  les  imprimeurs- 
libraires  (1686),  les  menuisiers  (1743),  b-s  boulangers 
(1716),  les  orfèvres  (175'.»),  elc. 

(Jiinlre  ans  chez  bs  chapeliers  (1578),  les  pelletiers 
(l.")86).l.'s  plombiers  0648),  les  passementiers  (1653), etc. 

Cinti  nus  chez  les  charcutier.-.  (1705). 

ffiii/  ans  chez  les  bouchers  (1741). 


légal  était  achevé.  Ceux-ci  se  louaient,  comme 
auparavant,  à  un  maître  qui  souvent  les  logeait 
et  les  nourrissait.  En  1660,  les  tailleurs  interdisent 
encore  d'employer  aucun  ouvrier  demeurant  au 
dehors  :  «  Sera  fait  défense  à  tous  les  maîtres, 
disent  les  statuts,  d'avoir  aucuns  garçons  travail- 
lant pour  eux  et  à  leurs  pièces,  mais  seulement  à 
leurs  gages,  pain,  pot,  lit  et  maison  ».  Les 
charcutiers  engageaient  toujours  leurs  ouvriers 
pour  une  année,  qui  commençait  le  jour  de  la 
Mi-Carême  et  finissait  le  mercredi  des  Gendres  '. 
Dans  les  communautés  de  femmes,  le  mot 
compagnon  était  remplacé  tantôt  par  celui  de 
fille  de  boutique  ^,  tantôt  par  celui  de  compagne^. 

La  création  du  compagnonnage  modifia  peu, 
au  début,  l'organisation  des  corps  de  métiers. 
Les  principes  sur  lesquels  elle  reposait  restèrent 
les  mêmes,  et  les  patrons,  sans  innover  beaucoup, 
se  bornant  à  exagérer  les  prescriptions  des  anciens 
statuts,  arrivèrent  peu  à  peu  à  rendre  l'ouvrier 
plus  asservi  et  sa  condition  plus  dure. 

Avant  de  l'embaucher,  on  lui  demandait, 
comme  autrefois,  de  prouver  qu'il  était  libéré  de 
tout  engagement  antérieur,  mais  cette  attestation 
ressemblait  fort  à  un  certificat  d'habileté  et  de 
bonne  conduite.  Dès  1544 ,  les  horlogers 
défendent  aux  maîtres  de  louer  un  compagnon 
«  qu'ils  ne  sachent  bien  préalablement  si  son 
premier  maistre  est  content  de  luy  ».  Les 
tisserands  tiennent  à  connaître  «  l'occasion  par 
laquelle  le  serviteur  sort  de  la  maison  et  service  '  ». 
Les  plombiers  veulent  que  le  maître  se  déclare 
«  duement  satisfait  »  de  l'ouvrier  qui  le  quitte  ^. 
Chez  les  menuisiers,  l'oubli  de  cette  formalité 
était  puni  d'une  amende  de  soixante  livres, 
«  applicable,  dit  le  roi,  au  couvent  des  pauvres 
religieuses  de  Saint-Cyr  au  val  de  Galie  6,  proche 
nostre  chasteau  de  Versailles  '  ».  Les  maîtres, 
écrivent  les  bourreliers,  ^<  ne  pourront  prendre 
aucun  compagnon  que  premièrement  ils  n'ayent 
sçù  au  vrai  du  maistre  d'avec  lequel  il  sera  parti 
s'il  est  content  de  lui  ^  ». 

Au  dix-huitième  siècle,  le  patron  est  enfin 
tout-puissant.  Les  ouvriers  quittant  un  maître 
devront  «  prendre  de  lui  un  certificat  par  écrit 
de  leurs  bonnes  vies  et  mœurs,  et  portant  consen- 
tement qu'ils  puissent  servir  ailleurs  ».  On  doit 
refuser  tout  asile,  toute  nourriture  à  l'ouvrier  qui 
n'est  pas  muni  de  ce  certificat.  Le  seul  log(Mnent 
qui  lui  convienne  est  la  prison.  Sous  peine  d'une 
ameiule  de  vingt  livres,  défense  est  faite  «  aux 
maîtres  de  cabarets,  auberges  et  chambres  garnies 
de  recevoir  des  compagnons  dans  leurs  maisons, 
que  préahd)lemenl  ils  ne  leur  aient  représenté 
et   fait  apparoir    le    certificat   de    leur   dernier 

1  Statuts  (le  1705,  art.  12. 

-  Couturières,  statuts  de  1675,  art.  8. 

3  liomiuetières,  .statuts  de  1678,  art.  IS). 

4  Statuts  (le  1586,  art.  28. 
'•>  Statuts  (le  1648,  art.  22. 

6  Le  val  de  Gallie  avait  été  réuni  en  1680  au  parc  de 
Versailles.  Voy.  le  Mercure  (falant,  t.  II,  p.  m.  Les 
statuts  de  1743  (art.  98)  accordent  encore  le  bénéfice  de 
certaines  confiscations  «  aux  dames  et  couvent  de  Saint- 
Cyr  ». 

7  Statuts  de  1645,  art.  57. 

8  Statuts  de  1665,  art.  25. 


COMPAGNONNAGE  —  COMPOSITEURS  D'IMPRIMERIE 


187 


maître  ».  Les  jurés  des  corporations  sont  autorisés 
«  à  se  transporter,  acconipan;'nés  d'un  commissaire 
ou  d'un  huissier  du  Chàtelet,  dans  les  auberj^-es, 
cabarets  et  cliambres  g-arnies,  à  l'effet  de  faire 
arrêter  et  constituer  prisonniers  ceux  desdits 
compagnons  qu'ils  Irouveroient  n'estre  point 
munis  en  la  forme  prescrite  ^  ». 

On  allait  jusqu'à  prévoir  que  ce  certificat 
pourrait  parfois  être  une  attestation  trop  complai- 
sante, et,  comme  au  mo^yen  àg'e,  tous  les  statuts 
insistent  pour  qu'avant  d'eng-ager  un  ouvrier,  le 
maître  s'informe  de  sa  moralité,  de  ses  sentiments 
relig'ieux,  et  même,  dans  certaines  communautés, 
de  sa  santé  et  de  sa  constitution.  Nul,  disent  les 
couvreurs,  ne  doit  occuper  ouvriers  «  difïîimez 
et  mal  renommez  de  vilains  cas  ^  ».  Les  plombiers 
tiennent  à  ce  que  leurs  valets  n'aient  jamais  été 
«  repris  de  justice  pour  larcin  ou  autre  action 
indig'ne  d'une  personne  capable  d'estre  employée 
pour  le  service  du  public  ^  ».  Les  charcutiers 
imposent  une  amende  de  trente  livres  au  maître 
qui  aura  embauché  un  ouvrier  «  de  mauvaise 
vie  *  ».  Les  lingères  recommandent  de  n'accepter, 
«  d'ores  en  avant,  aucunes  femmes  ou  filles 
scandalisées  de  leur  corps,  afin  que  par  elles  les 
bonnes  femmes  et  filles  de  Testât  dudit  mestier 
ne  soient  vitupérées  ou  scandalisées  ^  ». 

Quelques  communautés  n'autorisaient  chez  le 
même  maître  qu'un  nombre  limité  d'ouvriers.  Il 
fut  prouvé  que  des  jeunes  gens  inscrits  chez  un 
maître  bien  que  n'y  travaillant  pas,  avaient  pu 
échapper  ainsi  aux  obligations  du  compag'non- 
nage.  Chaque  cordonnier  ne  pouvait  employer 
plus  de  huit  ouvriers  et  «  un  g-oret  ou  maistre 
garçon  ».  Dans  leurs  statuts  de  1660,  les  tailleurs 
en  permettent  six  à  chaque  maître  et  un  seul 
aux  veuves  qui  continuent  le  métier  de  leur 
mari.  Tous  ces  ouvriers  doivent  être  logés  et 
nourris  chez  leur  patron,  mais  leur  salaire 
varie  maintenant  suivant  leur  habileté  ;  enfin  la 
communauté  prohibe  expressément  le  travail  aux 
pièces  ^. 

Tout  compagnon  qui  voulait  quitter  son  maître 
devait  l'en  prévenir  avant  l'expiration  du  temps 
pour  lequel  il  était  engagé.  Certaines  commu- 
nautés veulent  qu'il  l'avertisse  un  mois  ^  à 
l'avance,  d'autres  se  contentent  de  quinze  "  et 
même  de  huit  jours  ^.  On  exigeait  parfois  que  ce 
congé  fût  demandé  par  écrit.  Dans  un  très  petit 
nombre  de  corporations,  les  ouvriers  avaient 
droit  à  la  réciprocité  :  leur  maître  était  tenu  de 


1  Sentenc(>  de  police  ftu  31  octobre  1739. 

2  Statuts  rie  1566,  art.  8. 

3  Statuts  de  1648,  art.  17. 
i  Statuts  de  n54,  art.  10. 
3  Statuts  de  1485,  art.  3. 

S  Voy.  ci-dessous  l'art,.  Travail  aux  pièces. 

"  Tissutiers-rubaniers,  1585.  art.  22.  —  Fourbisscurs, 
1627,  art.  31.  —  Chapeliers,  1658,  art.  13.  —  Drapiers 
d'or,  1667,  art.  33,  etc. 

8  Éventaillistes,  1677,  art.  12.  —  Serruriers,  .sentence 
du  10  juin  1701.  —  Bourreliers,  1734,  art.  30.  — 
Pâtissiers,  sentence  du  31  octobre  1739.  —  Menuisiers, 
1743,  art.  91.  —  Boulangers,  1746,  art.  46,   etc. 

9  Couteliers,  1565,  art.  6.  —  Imprimeur.s-libraires, 
1686,  art.  36.  —  Marchands  de  vin,  arrêt  du  18  janvier 
1752,  etc. 


les  prévenir  quelques  jours  d'avance,  s'il  ne 
comptait  pas  renouveler  leur  engagement. 

La  police  se  montrait  fort  .sévère  vis-à-vis  de 
l'ouvrier  qui,  avant  la  date  fixée  pour  sa  libé- 
ration, abandonnait  l'atelier.  S'il  ne  reparaissait 
pas  dans  le  délai  de  trois  jours,  il  était  arrêté  et 
«  amené  prisonnier  es  prison  du  Chastelet  ». 
Interrogatoire  subi,  il  s'entendait  condamner  à 
sortir  de  Paris  et  à  n'v  rentrer  que  trois  ans  plus 
lard  K 

Voy.  Aspirants  à  la  maîtrise.  —  Chef- 
d'ceuvre  et  expérience.  —  Devoirs.  — 
Gagnant-maitrise.  —  Ouvriers.  — 
Veuves  de  maître,  etc. 


Gompag-nons. 
gnons. 


Voj.  Garçons-compa- 


Gompag-nons  passants.  Voy.  Enfants 
de  maître  Jacques. 

Gompag-nons  de  rivière.  Aides  des 
bateliers  et  des  mariniers.  L'ordonnance  de 
décembre  1672  veut  que  «  les  maîtres  passeurs 
d'eau  demeurent  responsables  de  toutes  pertes 
arrivées  en  leurs  bateaux  conduits  par  leurs 
compagnons  de  rivière  ^  ».  On  les  employait 
aussi  à  charger  et  à  décharger  les  marchandises, 
à  les  manier,  à  les  rouler,  à  les  serrer,  etc.  •'. 

Gomparses.  Voy.  Figurants. 

Gomplies.  Dans  le  Livre  des  métiers  et  dans 
les  ordonnances  du  moyen  âge,  ce  mot  désigne 
ordinairement  neuf  heures  du  soir.  Au  treizième 
siècle,  les  atacheurs  déclarent  qu'ils  doivent 
cesser  le  travail  dès  que  «  complie  est  sonée  à 
S.  Marri  *  ;  les  patenôtriers  quittent  également 
l'atelier  «  au  premier  cop  ^,  de  complie  sonant  à 
Nostre-Dame  ^  ». 

Gomporteresses  de  porée .  Voy . 
Foraier  s . 

Gomposeurs  d'oreloges.  Voy.  Horlo- 
gers. 

Gompositeurs  de  bois  d'éventails. 
Yoj.  Tatdetiers. 

Gompositeurs    d'imprimerie.    «   Ce 

sont  ceux  qui  lèvent  les  unes  après  les  autres  le 
nombre  prodigieux  de  lettres  dispersées  dans  les 
cassetins,  et  dont  l'assemblage  donne  les  formes 
ou  planches  destinées  à  être  imprimées  ».  Les 
compositeurs  devaient  encore  distribuer  la  lettre, 
mettre  en  pages,  imposer,  corriger  les  fautes  sur 
les  épreuves,  et  surveiller  les  formes  jusqu'à  ce 
qu'elles  fussent  en  état  d'être  mises  sous  presses  "^ . 


1  Cordonniers,  statuts  de  1614,  art.  24.  —  Horlogers, 
statuts  de  1646,  art.  5.  —  Savetiers,  .statuts  de  1659, 
art.  25.  —  Sentence  de  police  du  24    octobre   1692,  etc. 

2  Chapitre  V,  art.  10. 

3  Encyclupédle  méfhoditjue,  coiimierce,  t.  I,  p.   701. 

4  A  Saint-Merri.  Livre  des  métiers,  titre  XX.\',  art.  7. 

5  Coup. 

6  Livre  des  métiers,  titre  XLIII,  art.  5. 

''  Voy.  Encyclopédie  méthodique,  arts  ft  métiers,  t.  III, 
p.  598  et  600. 


188 


COMPTABLES  —  CONCESSIONS  ROYALES  DE  MÉTIERS 


Comptables.  «  Ceux  qui  g-èrenl  les  affaires 
d'autrui.  Il  y  a  de  bons  auteurs  qui  écrivent 
comtahles,  d'autres  contables  ^  ».  On  trouve  aussi 
acomptables,  acomptableurs,  etc. 

Compteurs  de  bûches.  Voj.  Mou- 
leurs de  bois. 

Compteurs  de  foins.  Voj.  Contrô- 
leurs. 

Compteurs  d'œufs  et  de  from.ag-es. 

Intermédiaires  entre  les  forains  et  les  regrattiers. 
Ils  avaient  pour  mission  de  compter  les  œufs  et 
les  fromages  qu'apportaient,  à  dos  de  cheval 
(sommiers),  les  habitants  de  la  banlieue.  Le 
Livre  des  me'tiers  "^  les  nomme  vendeurs  d'oes  et 
de  fronmages. 

Com^pteurs  de  poissons.  Auxiliaires  des 
vendeurs  de  poissons  de  mer,  ils  comptaient  les 
pièces  apportées  dans  les  paniers  des  chasse- 
marée  ^. 

Au  dix-huitième  siècle,  il  existait  encore  dix 
offices  de  jurés  compteurs  et  déchargeurs  de 
poissons  de  mer  *. 

Comipteurs  de  saline.  Titre  qui  appar- 
tenait aux  mesureurs  de  sel.  Ils  devaient  chaque 
jour  compter  dans  les  ports  le  nombre  des 
poissons  salés  et  des  mottes  de  beurre  salé 
amenés  à  Paris.  Leurs  fonctions  furent  réglées 
par  l'ordonnance  de  décembre  1672  ^  et  par  celle 
du  15  décembre  1716  ''.  On  y  voit  qu'ils  ne  se 
bornaient  pas  à  compter  les  salines,  mais  étaient 
tenus  aussi  de  les  enlever  des  bateaux  et  de  les 
porter  sur  les  charrettes, 

Compteuses.  Dans  les  fabriques  de  papier, 
ouvrières  qui  pliaient  les  feuilles  et  en  formaient 
des  mains. 

Comptoristes.  Un  comploriste  est  un 
«  huninie  de  cabinet  ou  plutôt  homme  qui  ne 
sort  point  de  dessus  les  comptes  de  son  commerce, 
qui  les  dresse,  qui  les  examine,  qui  les  calcule 
sans  cesse.  On  donne  aussi  ce  nom  à  un  négociant 
ou  un  teneur  de  livres  cjui  est  habile  dans  les 
comptes  "^  ». 

Comtables.  Voj.  Comptables. 

Concessions  royales  de  métiers.  Les 

rois  s'étaient  dessaisis  de  certains  droits  sur 
plusieiirs  corps  d'état  en  faveur  de  leurs  grands 
officiers  et  même  en  faveur  d<î  simples  parti- 
culiers. Prescpie  toujours,  ces  derniers  avaient 
acheté  le  privilège  dont   ils  jouissaient  »  ;  pour 


»  Dictionnaire  de  Trévoux  (1771),  t.  II    p    757 
«  Titiv  X,  an.  n. 

■•  /,ivre  des  métiers,  titre  CI,  art.   l.'i  et  21. 
*  Savary,  Dictionnaire  du  commerce,  I.  I,  ii.  1.113. 
î»  Chapitre  XXV,  art.  4  et  5. 

J^'  Delamarre,  Traite  de  la  police,  t.  III,  arl.  4  et  5. 
"   Encyclopédie    méthodique ,    commerce    (1783)      t     I 
p.  707.  /•      •       . 

8  Tels    étaient    les   poulaillers,   les    poissonniers,     les 
regrattiers,  les  drapiers,  etc. 


les  premiers,  il  faut  j  voir  des  libéralités  destinées 
à  augmenter  les  revenus  de  leur  charge. 

En  général,  et  quelle  que  fût  la  qualité  du 
concessionnaire,  c'est  à  lui,  représenté  par  un 
mandataire,  que  l'ouvrier  devait  acheter  le  droit 
de  s'établir,  c'est  entre  ses  mains  qu'il  prêtait  le 
serment  exigé  de  tous  les  membres  de  la  corpo- 
ration. C'est  lui  qui  nommait  les  jurés,  adminis- 
trateurs de  la  communauté,  qui  rendait  la  justice 
et  percevait,  au  moins  en  partie,  le  produit  des 
amendes  infligées  pour  infraction  aux  statuts, 
pour  fraudes,  pour  querelles,  etc. 

Le  concessionnaire  d'un  métier  avait  souvent 
au  Palais  le  siège  de  sa  juridiction.  Son  délégué, 
son  mandataire,  appelé  soit  commis  ^,  soit  lieu- 
tenant ^,  soit  commandant  ^,  soit  fermier  *,  soit 
maire  ^,  prêtait  parfois  serment  au  Parlement  ^, 
et  si  l'exécution  de  ses  sentences  rencontrait  de 
la  résistance,  il  pouvait  requérir  les  sergents  du 
Châtelet  pour  se  faire  obéir  ''.  l'Infîn,  il  était  dit 
maître  du  métier. 

En  dehors  des  maîtres  ou  patrons  qui,  avec  les 
apprentis  et  les  ouvriers,  composaient  la  commu- 
nauté, il  y  avait  donc  dans  les  corporations 
concédées  un  personnage  ajoutant  au  titre  de 
maître  le  nom  du  métier  qu'il  régissait,  et  se  qua- 
lifiant maître  des  boulangers,  maître  des  fripiers, 
maître  des  charpentiers,   maître  des  fèvres,   etc. 

Ce  qui  n'a  pas  peu  contribué  à  embrouiller 
cette  histoire  des  concessions  de  métiers,  c'est 
que  les  concessionnaires  eux-mêmes  prenaient 
parfois  ce  titre  de  maître,  que  de  plus  il  existait 
encore  dans  certaines  corporations  d'autres 
personnages  portant  le  même  titre  et  dont 
l'autorité  avait  une  toute  autre  origine. 

Le  maître  des  bouchers.,  par  exemple,  était 
choisi  parmi  les  bouchers  et  élu  par  ses  confrères. 
Assisté  d'un  maire,  homme  de  loi  qui  rendait  en 
son  nom  la  justice  professionnelle,  il  connaissait 
aussi  de  tous  les  délits  oîi  le  défendeur  était  un 
boucher.  Il  prélevait  un  tiers  des  amendes,  et  les 
deux  autres  tiers  revenaient  à  la  communauté. 

Le  maître  des  apothicaires,  institué  en  1353, 
tenait  du  roi  ses  pouvoirs  ;  mais  il  était  pris  dans 
le  métier,  et  il  remplissait  les  fonctions  dévolues 
aux  jurés  par  des  autres  corporations  ^. 

Un  des  cinq  jurés  élus  par  les  drapiers  s'inti- 
tulait maître  des  tisserands  ^.  Supérieur  à  ses 
quatre  collègues,  il  était  dispensé  de  faire  les 
visites  réglementaires  et  servait  d'intermédiaire 
entre  la  corporation  et  l'Etat,  nolannnent  en  ce 
qui  t()U(;]iait  le  service  du  guet  *•'. 

Quelle  est  l'origine  des  concessions  émanant 
du  roi  ?  Au  début,  l'achat  du  métier  "   fut  le 


'  Par  les  armuriers,  les  fripiers,  etc. 

2  Par  les  chirurfriens  entre  autres. 

■*  Par  les  bourreliers,  etc. 

4  Par  les  fripiers,  etc. 

•'  C'est  le  litri'  le  plus  fnnjuent. 

*>  (iuyot.  Traité  des  offices,  t.  I,  p.  513. 

"^  Livre  des  métiers,  titre  XLVIII,  art.  20. 

8  Statuts  de  1353,  art.  1. 

9  Dans  le  Livre  des  métiers,  les  drajtiers  sont   nommes 
toissarans  de  lange  (tisserands  de  laine). 

10  Livre  des  métiers,  titre  L,  art.  48. 

"  On  appelait  ainsi  l'obligation  de  verser  une  somme 
déterminée  avant  de  s'établir. 


CONCESSIONS  ROYALES  DE  MÉTIERS  —  CONCIERGES 


189 


prix  dont  les  artisans  engagés  dans  les  liens  du 
servage  payèrent  ù  leur  maître  la  liberté  du 
travail.  Il  fut  d'abord  exigé  de  tous  les  groupes 
d'artisans  qui  obtinrent  la  permission  de  travail- 
ler pour  leur  compte;  puis,  la  plupart  des  conmm- 
nautés  parvinrent  à  s'en  atrrancliir  et  à  efl'acer 
ainsi  la  trace  de  leur  origine  servile.  Mais  le  roi 
ne  pouvait  accorder  la  liberté  k  celles  dont  il  avait 
aliéné  les  revenus,  soit  eu  faveur  de  ses  grands- 
officiers,  soit  pour  récompenser  les  services 
rendus  à  la  couronne  par  des  particuliers  * . 

Le  souvenir  des  prestations  en  nature  qu'elles 
fournissaient  à  leur  maître  avant  leur  émanci- 
pation, se  conserva  longtemps  encore  dans  le 
nom  de  certaines  redevances  pécuniaires  dont  je 
dois  dire  un  mot. 

L'impôt  dit  des  Fers  le  roi  était  une  des  plus 
anciennes.  Quand  les  maréchaux,  obligés  natu- 
rellement de  ferrer  les  chevaux  du  roi,  obtinrent 
de  se  constituer  en  communauté,  ils  rachetèrent 
cette  servitude  en  versant  chaque  année  une 
somme  de  six  deniers  au  premier  maréchal  de 
l'écurie  royale  ^. 

Les  Huèses  le  roi  constituaient  un  droit  de 
même  nature.  Plusieurs  des  métiers  voués  au 
travail  du  cuir  payaient  tous  les  ans  une  redevance 
qui  était  censé  destinée  à  l'achat  des  chaussures , 
des  houseaux  du  roi. 

Les  écuelliers  s'étaient  rachetés  du  service  du 
guet,  en  promettant  d'offrir  chacun  et  chaque 
année  sept  auges  de  deux  pieds  de  long  destinées 
au  cellier  royal  :  «  Et  de  ce  que  il  sont  quite 
du  gueit,  doivent  chascuns,  chascun  an,  au  Roy 
vu  auges  pour  son  celier,  c'est  à  savoir  auges  de 
II  piez  de  lonc  ^  ». 

Toutes  les  fois  que  le  roi  venait  à  Paris,  chaque 
marchand  de  foin  au  détail  lui  devait  une  botte 
du  meilleur  :  «  Cex  *  qui  sunt  demourant  à  Paris, 
qui  vendent  à  detaill  fein,  doivent  chascun  au 
Roy  I  fagoz  de  fein  le  premerein,  à  chascun  jour 
que  li  Roys  entre  dedenz  la  ville  de  Paris  ""  ». 

Les  cordiers  étaient  exempts  de  la  plupart  des 
redevances  imposées  aux  autres  métiers,  parce 
qu'ils  fournissaient  gratuitement  à  l'exécuteur  des 
hautes  œuvres  les  cordes  qu'il  employait  dans 
l'exercice  de  sa  profession. 

MÉTIERS   CONCÉDÉS 

EN    TOUT    OU    EN    PARTIE. 

Au  GRAND  PAXETiER,  les  boulaugers. 

Au  GRAND  BOUTEILLER,  les  marchands  de  vin 
et  les  cabaretiers. 

Au  GRAND  GHAMBRIER  ,  les  fripiers  ,  les 
pelletiers,  les  cordonniers,  les  savetonniers,  les 
bourreliers,  les  boursiers,  les  selliers,  les  chapui- 
seurs,  les  merciers,  les  gantiers,  les  ceinturiers. 


1  Bien  des  hypothèses  ont  été  émises  sur  ce  sujet, 
j'adopte  celle  qu'a  développée  M.  G.  Fagniez,  dans  ses 
Etudes  sur  l  industrie,  p.  98. 

2  Livre  des  métiers,  titre  XV.  V03'.  aussi  Ducange, 
au  mot  ferra  vegia. 

■^  Livre  des  métiers,  titre  XLIX. 
i  Ceux. 

»  Statuts  des  feiniers,  dans  le  Liere  des  métiers, 
titre  L XXXIX. 


Au  GRAND  CHAMBELLAN,  les  selliers,  les  Cor- 
donniers, les  savetonniers,  les  ceinturiers,  les 
cliandeliers  de  cire. 

Au  CONNÉTABLE,  les  selliefs. 

Au  GRAND  ÉcuYER,  les  amiuriers. 

Aux  KCUYERS  DU  ROI,  Ics  savetiers. 

Au  PREMIER  BARBIER  puis  AU  PREMIER  CHIRUR- 
GIEN DU  ROI,  les  barbiers,  les  chirur<riens. 

Au  PREMIER  CHARPENTIER  DU  ROY,  les  huchicrs, 

les  huissiers,  les  tonneliers,  les  charrons,  les 
couvreurs,  les  lambris.seurs,  les  faiseurs  de  nefs, 
les  cochetiers,  les  tourneurs. 

Au  PREMIER  MAÇON  DU  ROI,  les  maçons,  les 
tailleurs  de  pierre,  les  plâtriers,  les  morteliers. 

Au    PREMIER    MARÉCHAL    DE  l'ÉCURIE  ROYALE, 

les  maréchaux,  les  couteliers  faiseurs  de  lames, 
les  ferrons,  les  forcetiers,  les  greffiers,  les  gros- 
siers, les  heaumiers,  les  serruriers  de  fer,  les 
veilliers. 

A  Thege  la  Cohe,  les  tanneurs,  les  bau- 
droyeurs,  les  sueurs,  les  mégissiers,  les  boursiers. 

A  GuÉRiN  DU  Bois,  les  pêcheurs. 

Le  roi  avait  concédé  encore  certains  droits  sur 
les  drapiers,  les  poissonniers  d'eau  douce,  les 
poissonniers  de  mer,  les  poulaillers,  les  regrat- 
liers  de  fruits,  les  regrattiers  de  pain,  les  tapis- 
siers nostrés  et  les  tisserands  de  lin  ;  mais  on  ne 
sait  au  juste  ni  en  quoi  consistaient  les  droits 
abandonnés  par  le  roi,  ni  en  faveur  de  qui  ils 
les  avait  aliénés. 

Voy.  Bouchers.  —  Boutei lier  (grand). 

—  Chambrier  (grand).  —  Charpentiers. 

—  Connétable.  —  Maître  des  apothi- 
caires, —  Maître  des  armuriers.  — 
Maître  des  barbiers.  —  Maître  des 
bouchers.  —  Maître  des  boulangers.  — 
Maître  des  cordonniers.  —  Maître  des 
fèvres.  —  Maître  des  fripiers.  —  Maî- 
tre des  maçons.  —  Maître  des  pê- 
cheurs. —  Maître  des  savetiers.  — 
Maître  des  sueurs. 

Goncierges.  La  Taille  de  1292  meniionwe: 

24  concierges. 

13  portiers. 

2  closiers. 

2  serjants, 
tous  personnages  qui  semblent  bien  préposés  à 
garde  d'un  palais,  d'un  hôtel,  d'un  couvent,  etc. 

Je  note  d'abord  «  que  le  manoir  du  Louvre  » 
a  deux  portiers  et  point  de  concierge  ' . 

Les  closiers  appartiennent  tous  deux  à  la 
paroisse  Saint-Laurent  -. 

Le  mot  serjant  avait,  à  cette  époque,  plusieurs 
significations,  mais  les  deux  mentions  suivantes 
semblent  bien  s'appliquer  à  un  gardien  : 

Le  serjant  de  Saint-Ladre. 

Le  serjant  du  cimetière  aus  juis  ^. 


1  Page  9. 

2  Pages  59  et  61. 

3  Aux  juifs. 


190 


CONCIERGES 


Parmi  les  concierges,  je  relève  les  mentions 
suivantes  : 

Rog-ier,  concierge  au  comte  de  Dreues. 

Thomas,  le  tailleur,  concierge  de  la  comtesse 
d'Aleuçon. 

Robert  Povre-home,  concierge  au  comte  de 
Flandre. 

Jelian,  le  concierge  au  comte  d'Artois. 

Le  concierge  au  seigiior  de  Couci. 

Dame  Asceline,  concierge  à  l'abbé  de  Saint- 
Faron. 

Simon,  le  tondeeur,  qui  garde  la  maison  au 
comte  de  Bretagne. 

Kateline,  concierge  à  l'évesque  de  Gliartres  ^ . 

On  peut  conclure  de  ces  exemples,  d'abord 
qu'une  femme  était  admise  à  remplir  les  fonctions 
(le  concierge,  ensuite  que  celles-ci  n'étaient  pas 
incompatibles  avec  l'exercice  d'un  autre  métier, 
cumul  encore  accepté  au  siècle  suivant,  car  je 
trouve  parmi  les  imposés  de  la  Taille  de  i3i3  : 

Jehan  Ghartrain,  pastaier  ^,  concierge  mon- 
seigneur de  Saint-Pol  •* . 

Au  seizième  siècle  l'ambassadeur  vénitien 
Lippomano  présente  les  concierges  comme 
étant  «  fermiers  des  maisons  »,  les  louant  en 
l'absence  de  leur  propriétaire  * . 

Audiger,  dans  sa  Maison  réglée,  qui  parut  en 
1692,  a  consacré  un  long  article  aux  devoirs  du 
suisse  on  portier .  «  Il  faut,  écrit-il,  qu'il  ait  soin 
de  tenir  hï  porte  fermée  quand  on  dit  la  messe  ou 
qu'on  fait  la  prière,  et  de  bien  exécuter  ce  que 
l'écuyer  lui  prescrit  au  sujet  des  gens  de  livrée, 
pour  qu'ils  ne  sortent  ni  qu'ils  entrent  aux  lieures 
indues,  ni  qu'ils  emportent  rien  qui  appartienne 
à  la  maison. 

Il  faut  encore  qu'il  prenne  garde  à  tous  ceux 
qui  vont  et  qui  viennent  dans  le  logis  ;  et  s'ils 
emportent  quelque  chose,  savoir  pourquoi  et  qui 
leur  a  donné  ;  et  si  ce  sont  des  ouvriers,  il  faut 
qu'ils  en  rendent  compte 

Il  est  aussi  de  son  devoir  di;  tenir  la  porte  fer- 
mée aux  heures  des  repas  lorsqu'on  dîne  ou  qu'on 
soupe  ;  de  ne  laisser  sortir  aucun  domestique 
avec  de  la  vaisselle  d'argent  ni  linge  de  table 
pour  porter  au  cabaret  ni  ailleurs,  pour  quelques 
raisons  que  ce  soit,  à  moins  qu'ils  n'en  aient 
l'ordre  du  maître  d'hôtel  ou  d'autres  officiers 
de  la  maison  -,  de  veiller  à  ce  que  la  nuit  ni  à 
quelque  autre  heure  que  ce  soit,  on  ne  transporte 
du  bois,  du  charbon,  du  foin,  de  l'avoine,  de  la 
pailh'.  ni  autres  choses  appartenant  à  la  maison. 

Il  faut  encore,  et  cela  sur  toute  autre  chose, 
([ii'un  suisse  ou  portier  ne  soit  point  débauché  ni 
ivrogne,  ([u'il  soit  incorruptible,  fidèle  et  discret, 
(|ii'il  lasse  la  ronde  tons  les  soirs,  et  visite  par- 
tout 1.'  logis  avant  que  de  fermer  la  porte  ;  et 
icelle  étant  fermée,  porter  les  clefs  dans  la 
chambre  du  maître  d'hôtel  ou  de  l'écuyer,  sui- 
vant les  ordres  qui  lui  en  sont  donnés.  Si  on  les 
lui  confie,  il  doit  être  encore  plus  régulier  à  ne 


'   Voy.  pages  10,  11,  .30,    18,  110,   120,  lao,  ]r,î). 

2  Pâtissier. 

3  Page  182. 

*  Voy.  l'art.  Chambres  garnies. 


laisser  entrer  ni  sortir  personne  sans  permission, 
et  qu'aux  heures  ordonnées. 

Enfin  il  doit  prendre  garde,  et  ne  point  souf- 
frir que  les  gens  de  livrée  retirent  personne  qui 
ne  soit  pas  de  la  maison,  quoiqu'ils  en  aient  été, 
sous  prétexte  de  parents  ou  d'amis. 

Quoi  faisant,  et  ajant  bien  soin  de  balayer  la 
cour  et  de  la  tenir  bien  propre,  ainsi  que  le 
devant  de  la  porte,  on  n'a  rien  ii  lui  dire,  et  c'est 
là  le  véritable  devoir  d'un  suisse  ou  portier  *  ». 

En  1687,  il  y  a  au  Louvre  trois  concierges, 
et  à  la  tête  des  autres  maisons  royales,  je  trouve  : 

A  Saint-Germain  : 
1  concierge  garde  meubles. 
1  gouverneur  concierge  de  l'ancienne  volière. 

1  concierge  de  la  nouvelle  volière. 

2  portiers. 

A  Fontainebleau  : 
Le    marquis    de    Saint-Herem    prend,    entre 
autres  titres,  ceux  de  «  capitaine,  maître,  con- 
cierge et  garde  des  clefs  des  maisons,  château, 
jardin,  parc. . .  de  Fontainebleau  ». 

Il  a  sous  ses  ordres  : 

1  concierge  garde-clefs  des  appartements  de 
leurs  majestés. 

1  concierge  du  log^is  du  surintendant  des 
bâtiments. 

1  concierge  de  l'hôtel  d'Albret. 

1  concierge  du  pavillon  des  chambellans. 

1  concierge  du  pavillon  de  la  fonderie. 

1  concierge  de  l'hôtel  de  Coudé. 

1  concierge  des  bâtiments  de  la  porte 
vers  le  mail. 

1  concierge  du  chenil  et  de  la  petite  écurie. 

1  concierge  de  l'hôtel  du  grand  Ferrare. 

1  concierge  de  la  chancellerie. 

1  concierge  garde-clefs  de  la  cour  du  cheval 
blanc. 

1  concierge  de  la  cour  du  cheval  blanc. 

1  concierge  garde-clefs  de  la  cour  des  cuisines. 

Etc.,  etc.,  etc. 

A  Vingennes : 

Le  marquis  de  Bellefonds  se  dit  «  capitaine 
gouverneur  du  château».  Il  lui  est  adjoint  un 
concierge  garde-meubles  ^. 

Le  peintre  Claude  Audran,  qui  avait  décoré 
plusieurs  salons  du  Luxembourg  fut,  en  récom- 
pen.se  de  ce  service,  nommé  concierge  du  palais, 
et  c'est  là  qu'il  mourut  ■'. 

En  1739,  Lebel,  valet  de  chambre  du  roi, 
cumulait  ces  fonctions  avec  celles  de  concierge 
du  château  de  Versailles.  Louis  de  Nyert, 
gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  du  roi  et 
son  premier  valet  de  chambre,  était  en  outre 
«  capitaine  lieutenant  et  concierge  du  château 
du  Louvre  ».  Le  duc  de  Richelieu  était  «  capi- 
taine concierge  du  Palais-Royal  *  ». 


1   Livre  I,  chap.  5. 

^  Klat  (le  la  France  pour  1687,  passim. 
•'  Jal,  DicliuiuiHire  critique,  p.  81. 

i  f:tnl  dv  la  France  pour  1739,  t.   I,   p.   415,   432  et 
439. 


CONCIERGES  —  CONCURRENCE 


191 


A  la  iin  du  dix-liiiitiènie  siècle,  la  plupart  des 
maisons  de  Paris  étaient  pourvues  d'un  portier. 
Son  emploi,  écrit  Sébastien  Mercier,  était  <\  de 
sil'iler,  quand  on  vient  vous  rendre  visite,  autant 
de  coups  qu'il  y  a  d'étag-es  pour  arriver  à 
l'appartement  que  vous  occupez^  ».  Les  o-rands 
seigneurs  seuls  avaient  le  droit  de  l'aire  g-arder 
leur  porte  par  un  Suisse  de  nation  ;  celui-ci  se 
disting'uait  par  un  larg'e  baudrier  orné  des  armes 
de  son  maître,  et  on  lisait  au-de.ssus  de  la  loge  : 
Parlez  au  Suisse.  <\  Depuis  quelques  années, 
écrivait  Prudhomme  vers  18(J7,  on  voit  des 
nouveaux  riches  qui,  ne  pouvant  pas  avoir  de 
Suisses,  font  mettre  au-dessus  de  la  loge  de  leur 
portier  :  Parlez  au  concierge.  Celte  nouvelle 
distinction  est  encore  bien  ridicule  ^  ». 

Même  à  l'aurore  de  la  Révolution,  un  huissier 
n'eût  osé  pénétré  dans  une  maison  à  porte 
cochère.  S'il  était  chargé  d'une  saisie,  il  se 
bornait  à  la  pratiquer  sur  les  meubles  garnissant 
la  loge  ;  il  lui  était  interdit  d'aller  au  delà. 

Les  mots  (7/«c^/m's,  hostiers,  huissiers,  ostiaires, 
touriers,   etc.  ont  aussi  désigné  des  concierges. 

Voy.  Barrière  (Droit  de). 

Goncierg-es  de  la  halle  aux  draps. 

Deux  offices  créés  par  édit  du  12  mars  1704. 
«  Les  concierges  de  la  halle  haute  et  de  la  halle 
basse  seront  tenus  de  tenir  un  registre  dans  lequel 
ils  enregistreront  les  balles  et  ballots  d'estoffes  qui 
y  seront  amenés  et  le  nom  des  marchands  à  qui 
elles  appartiennent  ;  et  de  tenir  lesdites  halles 
ouvertes  chacun  jour  ouvrable  aux  heures 
marquées  par  les  règlemens  ». 

Concurrence.  On  lit  dans  les  statuts 
sanctionnés  au  treizième  siècle  par  le  prévôt 
Etienne  Boileau  qu'il  était  alors  interdit  aux 
commerçants,  non  seulement  d'appeler  l'acheteur 
avant  qu'il  eût  quitté  la  boutique  voisine,  mais 
encore  de  dépriser  la  marchandise  d'un  confrère: 

«  Se  aucune  personne  est  devant  estai  ou 
fenestre  de  cuisiniers  ^  pour  marchander  ou 
acheter  desdictes  cuisines,  que  se  aucuns  des 
autres  cuisiniers  l'appelé  devant  qu'i  s'en  soit 
partiz  de  son  gré  de  Testai  ou  fenestre,  si  soit  en 
la  peine  de  cinq  sols.  Item,  que  nulz  ne  blasme 
la  viande  de  l'autre,  se  elle  est  loiauz  ^,  sur  peine 
de  cinq  sols  d'amende  ^  ». 

La  rédaction  des  boursiers  est  plus  claire 
encore  : 

«  Et  est  à  savoir  que  se  une  personne  bar- 
chaigne  **  denrées  à  un  marcheant  de  ce  mestier 
à  son  estai,  que  son  voisin  ne  puet  issir  "^  de  son 
ouvrouer  pour  monstrer  ses  denrées  à  celui  qui 
veut  acheter  à  son  voisin  devant  que  l'acheteur 
soit  partiz  de  l'ouvrouer  où  il  barchaigne  ^  ». 


1  Tableau  de  Paris,  t.  IX,  p.  23". 

2  iMiroir  de  Paris,  3'^  édit.,  t.  I,  p.  204. 

3  Ils    vendaient    des    viandes    rôties   et    bouillies,    et 
toutes  sortes  de  mets  communs. 

'*  Loyale,  c'est-à-dire  saine,  de  bonne  qualité. 

^  Livre  des  métiers,  titre  LXIX,  art.  15  et  16. 

'•  Marchande. 

'  Sortir. 

*  Litre  des  métiers,  titre  LXXVII,   art.  7. 


.Je  rappelle  que,  jusqu'au  quatorzième  siècle, 
chacpie  profession  resta,  en  général,  centralisée 
dans  une  même  rue,  et  que,  dès  lors,  les  arti.sans 
exerçant  le  môme  métier  demeuraient  porte  à 
porte  '. 

Mais  l'interdiction  de  se  disputer  des  clients 
n'avait  pas  seulement  pour  objet  d'empêcher  les 
querelles  entre  voisins,  elle  émanait  des  principes 
élevés  qui  servaient  de  base  à  la  corporation. 
Celle-ci  était  l'association,  reconnue  par  l'État, 
des  individus  exerçant  le  même  métier.  Tous  les 
membres  qui  la  composaient  étant  solidaires, 
ayant  jiu-é  de  vivre  en  bons  confrères,  de  s'aimer 
et  de  s'entr'aider,  on  comprend  que  la 
concurrence,  le  désir  de  s'enrichir  aux  dépens 
les  uns  des  autres  durent  être  regardés  connue 
des  actions  honteuses. 

Au  treizième  siècle,  tout  meunier,  avant  de 
s'établir,  jurait  sur  l'Evangile  que  si  quelqu'un 
de  ses  voisins  avait  besoin  de  lui,  «  soit  de  jour, 
soit  de  nuit,  à  son  pooir  ^,  li  aidera.  Et  si  il  n'i 
vient,  si  seroit  parjure  ^  ».  Les  statuts  qu'adop- 
tèrent les  mégissiers  au  quinzième  siècle  veulent 
que  tout  maître  occupant  au  moins  trois  ouvriers 
ne  puisse  refuser  d'en  prêter  un  à  son  confrère 
ayant  «  besongne  hastive  et  nécessaire,  pour 
lui  aidier  à  parfaire  ycelle  *  ».  Les  tailleurs 
décidèrent,  en  1660,  qu'un  lieu  spécial  .serait 
désigné  où  les  maîtres  sans  ouvrage  «  se 
trouveront  pour  en  faire  pour  ceux  qui  en  auront 
trop,  afin  qu'ils  puissent  être  tous  occupés  de 
leur  métier  et  gagner  leur  vie  '''  ».  Lorsqu'un 
maître  brodeur  avait  soumissionné  une  fourniture 
importante,  celle  des  troupes  par  exemple,  il 
était  tenu  de  partager  avec  les  autres  maîtres,  de 
leur  donner  à  exécuter  une  partie  de  la  commande 
au  prix  que  lui-même  avait  accepté,  réserve  faite 
seulement  des  frais  de  soumission  '•. 

Les  cordonniers  s'engageaient  à  payer  tous  le 
même  .salaire  à  leurs  ouvriers.  Le  maître  qui 
aurait  offert  davantage  eut  été  soupçonné  de 
vouloir  débaucher  ceux  de  ses  confrères  "^ . 

Au  moyen  âge,  la  limitation  du  nombre 
d'apprentis  permis  à  chaque  maître  suffisait  pour 
restreindre  la  concurrence  et  pour  maintenir  le 
nombre  des  maîtres  proportionné  à  la  consom- 
mation. Plus  tard,  les  lettres  de  maîtrise  créées 
par  le  roi,  et  les  maîtres  sans  qualité  que  les 
corporations  ruinées  acceptent  d'elles-mêmes, 
forcent  les  métiers  à  limiter  arbitrairement  le 
nombre  des  maîtres,  à  interdire  .durant  un  temps 
plus  ou  moins  long  de  former  des  apprentis,  ou 
les  décident  à  ne  plus  recevoir  que  des  fils  de 
patron. 

Un  arrêt  du  29  novembre  1619  autorise  les 
doreurs  sur  cuir  ik  rester  pendant  dix  ans  sans 
faire  d'apprentis.  Le  30  juin  1632,  les  orfèvres 
obtiennent  que   les  fils   de  maître   seront  seuls 

1   Voy.  ci-dessus  l'article  Centralisation  des  métiers. 
^  Pouvoir. 

3  Litre  des  métiers,  titre  II,  art.  8. 

4  Statuts  de  mai  1407,  dans  les  Ordonn.  royales, 
t.  IX,  p.  213. 

3  Statuts  de  1G60,  art.  12. 
fi  Statuts  de  15C6,  art.  16. 
T   Statuts  de  1614,  art.  21. 


192 


CONCURRENCE 


admis  comme  apprentis  jusqu'à  ce  que  le  nombre 

des  maîtres  ait  été  réduit  à  trois  cents     .  Les 

brodeurs  se  limitent  i  deux  cents  ;  une  fois  cett€ 

réduction  obtenue,  les  maîtres  ayant  au  moins 

dix   années  de    maîtrise   pourront    prendre   un 

apprenti   et   de\Tont    le    choisir    exclusivement 

parmi   les  fils   de  maître.  Cet  apprenti  servira 

p.-ndant    six  ans,   à   l'issue  desquels  le  maître 

alt.-M.lra  dix  ans  avant  d'en  engager  un  autre  2. 

En   1059.  les  brossiers  promettent  de  ne  plus 

faire  aucun  apprenti  «  que  de  dix  ans  en  dix 

ans  '  y.  En  1670,  les  tapissiers  suppriment  tout 

apprenlissiige  pendant  douze  ans  *.  A  dater  de 

1<)88,  les  fripiers  attendent  quatre  ans  avant  de 

remplacer  un  apprenti  :  l'apprentissage  étant  de 

six  ans,  ils  n'en  formaient  ainsi  qu'un  tous  les 

dix  ans  5.  Les  distillateurs  attendent  six  ans  ". 

En   1701,  le  lieutenant  de  police   permet   aux 

fonrbisseurs  de  ne  plus  faire  d'apprenti  que  tous 

les  dix  ans.  Ils  avaient  représenté  au  magistrat 

que  «  les  maîtres  de  la  communauté  ne  pouvaient 

gagiit-r  leur  vie,  par  la  misère  du  tems,  même 

par  le  trop  grand  nombre  de  maîtres  qui  avaient 

été   reçus   depuis   peu,    ce  qui  les  mettait  hors 

d'état  de  subvenir  aux  besoins  et  misère  de  leur 

famille   '   ».    En  juillet    1737,   les   limonadiers 

Nlaluent  que.  piMidant  dix  ans,  ils  ne  formeront 

plus  d'apprentis;  attendu,  disent-ils  '^,  «  que  le 

iiondire  des   maîtres  est  aoliiellement  si  grand 

que,  si  l'on  conlinuoit  d'admettre  des  apprentifs, 

il  y  auruit  ù  cniindre  que  la  communauté  ne  put 

se  soutenir  ». 

D'autres  métiers  évitèrent  ce  danger  en 
liniilant  b'  nombre  des  maîtres.  Il  ne  dut  point 
di'piisscr  300  chez  les  orfèvres,  200  chez  les 
bmdiMirs,  72  chez  les  horlogers,  40  chez  les 
batteurs-tireurs  d'or,  36  chez  les  imprimeurs, 
12  eliez  les  fcrniilleiirs,  etc. 

Lf  l*"'  juillet  1734  le  lieutenant  général  de 
police  rendit  l'ordonnance  suivante,  qui  mérite 
d'iMn*  ri'produitc  en  entier  : 

'tiiixiN.NANCK  i)K  Pouce 

J'ori'inf  df'fensc  à  tous  mur  eh  an  (h  en  gros  et  en 
détail,  lie  distribuer  aucuns  hillets  paur  annon- 
cer la  vente  de  leurs  marchandises. 

l)u  premier  Juillet  mil  sept-cent-trenle  quatre. 

«  Sur  ce  qui  nous  a  été  représenté  par  le 
procureur  du  Koy,  que  malgré  les  réglemens 
de  polici-  qui  Ton!  défenses  très  expresses  à  tous 
los  mnnhniids  dt-  courir  b-s  uns  sur  les  autres 
pour  le  dfbil  (b<  leurs  marchandises,  ni  d'user 
tl'flurun  arlifue  pour  surprendre  les  acheteurs 
pl  w  les  inénng.T  au  préjudice  de  la  liberté  du 
commerce  :  cependnnl  quelques  marchands  de 
'•'•••••  vdle  ont  alTeclé  depuis  quelque  tems   de 


vAl  de  i>ari!t. 
-,  «rt.  8. 
--.  «II.   lu 
du  19  »o|>tf>inbrc. 
v».  (irt    9 

•lu  27  lu'pl^'mbr»'  1096. 
nro  du  12  mai. 
"Jilion  ilu  26  judirt,  imprimée  à  la  ^suill 


faire  répandre  dans  le  public  des  billets  en  leur 
nom,  pour  annoncer  la  vente  de  leurs  étoffes  et 
autres  marchandises,  à  un  prix  qu'ils  exposent 
être  inférieur  à  celui  que  lesdites  marchandises 
ont  coutume  d'être  vendues  par  les  autres 
marchands;  qu'une  pareille  contravention,  qui 
est  presque  toujours  la  dernière  ressource  d'un 
négociant  infidèle  pour  mettre  promptement  ses 
effets  à  couvert,  ne  peut  être  trop  sévèrement 
réprimée  ;  qu'autrement  ce  seroit  donner  lieu  à 
toutes  les  fraudes  que  l'intérêt  et  la  cupidité 
peuvent  inspirer  ;  d'oià  il  résulteroit  même  pour 
le  public  un  grand  préjudice,  en  ce  que  sous  le 
prétexte  de  donner  des  marchandises  à  un  vil 
prix,  on  ne  lui  en  vendroit  souvent  que  de 
défectueuses. 

Pour  quoi  réquéroit  que  sur  ce  par  Nous  il  fût 
pourvu. 

Sur  quoi  faisant  droit,  Nous  ordonnons  que 
les  anciens  réglemens  de  police  seront  exécutés 
selon  leur  forme  et  teneur.  Et,  en  conséquence, 
faisons  itératives  et  très-expresses  défenses  à  tous 
marchands  en  gros  et  en  détail  de  cette  ville  et 
fauxbourgs  de  Paris,  de  courir  les  uns  sur  les 
autres  pour  le  débit  de  leurs  marchandises.  Leur 
défendons  notamment  de  répandre  ni  autrement 
distribuer  aucuns  billets  pour  en  annoncer  la 
vente,  et  ce  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit. 
Le  tout  à  peine  de  trois  cents  livres  d'amende 
pour  la  première  contravention  et  de  fermeture 
de  leurs  boutiques  en  cas  de  récidive.  Disons 
que  notre  présente  ordonnance  sera  inscrite  sur 
les  registres  des  corps  et  communautés  de  cette 
ville.  Plnjoignons  particulièrement  aux  gardes 
de  la  draperie  et  de  la  mercerie  de  veiller  à 
l'exécution  d'icelles,  pour  ce  qui  concerne  les 
six  corps  des  marcliands. 

Ce  fut  fait  et  donné  par  Nous  René  Hérault, 
chevalier,  seigneur  de  Funtaine-Labbé  et  de 
Vaucresson,  conseiller  d'Etal,  lieutenant-général 
de  police  de  la  ville,  prévôté  et  vicomte  de 
Paris. 

Signé:  HÉRAULT, 

MOREAU, 

Pellerin,  Greffier  ». 

Ce  n'étaient  pas  là  de  vaines  menaces.  Car  le 
11  janvier  1737,  un  charcutier  nommé  André 
Allain,  ayant  «  répandu  des  billets  pour  annoncer 
la  vente  de  ses  marchandises  »,  fut  condamné  à 
300  livres  d'amende,  30  livres  de  dommages- 
intérêts  et  aux  dépens  '. 

Il  est  bien  entendu  que  ces  rigueurs  s'exer- 
çaient contre  la  concurrence  et  la  réclame,  point 
contre  l'annonce.  Depuis  le  milieu  du  dix- 
septième  siècle,  tout  commerçant  avait,  comme 
iiujourd'hui,  sa  carte  portant  son  nom,  son 
adresse,  son  enseigne,  souvent  même  les  attributs 
de  sa  profession  très  finement  gravés  ^. 

Au  connnencement  de  l'année  1760,  un 
scandale  écliila  dans  la  communauté  des  tailleurs. 


Aouoraujc    stnliils    de    la     comtnunauté    des    maîtres 
charcutiers,  1755,  in-4»,  p.  77. 

Vi\V'   l''s  c'ollcptions   conservées  à   la    IJibliothèque 
■I  à  la  biblioth^qu^■  dt'  la  Ville. 


naliuiiuU; 


CONCURRENCE  —  CONDUIT 


193 


Il  fut  prouvé  que  <■  plusieurs  maîtres  faisoient 
courir  des  billets  imprimés,  par  lesquels  ils 
anuouçoieul  au  public  des  vêlemeiis  de  toutes 
façons  à  des  prix  très  médiocres,  dans  la  vue  de 
s'attirer  un  plus  grand  nombre  de  pratiques,  au 
détriment  de  leurs  confrères  et  du  public  ».  Les 
jurés  se  transportèrent  chez  deux  de  ces  maîtres, 
qui  offraient  «  des  reding^otles  à  vingt-sept  livres 
pièce  »,  et  ils  constatèrent  que  ces  vêtements 
étaient  mauvais,  mal  faits,  «  et  si  peu  amples 
que  pour  peu  qu'ils  soient  mouillés  parla  pluje, 
il  sera  impossible  de  pouvoir  s'en  servir  ». 
Plainte  fut  portée  au  Parlement  qui,  le  10  dé- 
cembre, rendit  un  arrêt  aux  termes  duquel  il  fut 
interdit  «  de  distribuer  au  public  d'autres  billets, 
soit  imprimés,  soit  manuscrits,  que  ceux  qui 
contiendront  les  noms,  qualités  et  demeures 
purement  et  simplement,  sans  pouvoir  j  ajouter 
ni  faire  aucuns  prix  ».  Toute  contravention 
devait  être  punie  d'une  amende  de  trois  cents 
livres,  et  en  cas  de  récidive  le  coupable  était 
déchu  de  la  maîtrise,  c'est-à-dire  ruiné  ^. 

Mais  l'esprit  de  corps  et  la  solidarité  frater- 
nelle, premiers  fondements  des  communautés 
ouvrières,  n'existaient  plus.  La  passion  du  g'ain 
l'emportait.  Au  mois  de  mai  1761,  le  lieutenant- 
général  de  police  dut  signifier  de  nouveau  aux 
jurés  des  différentes  corporations  son  ordonnance 
du  1"  juillet  1734,  en  l'accompagnant  de  cette 
lettre  :  «  Je  vous  envoie,  Messieurs,  un  extrait 
d'une  ordonnance  de  police,  que  j'ai  rendue 
pour  défendre  aux  marchands  de  courir  les  uns 
sur  les  autres  pour  le  débit  de  leurs  marchandises, 
et  de  répandre  des  billets  pour  en  annoncer  la 
vente.  Vous  voudrez  bien  la  faire  inscrire  sur  vos 
registres  et  informer  de  ces  dispositions  les 
membres  de  votre  communauté. 
Je  suis, 
Messieurs, 

Votre  très  humble  serviteur, 
DE  Sartine  ». 

La  concurrence,  autrefois  presque  impossible, 
ensuite  difficilement  contenue,  se  produisait  donc 
de  toutes  parts,  en  dépit  des  obstacles  qu'on  lui 
opposait  encore.  Â.u  compagnon  reçu  maître, 
il  fallut  interdire  d'ouvrir  boutique  auprès  du 
patron  qu'il  venait  de  quitter. 

La  sentence  de  police  du  2  juin  1669, 
confirmée  par  l'article  37  de  l'édit  d'août  1776, 
lui  défendit  «  de  s'établir  en  la  même  rue  que 
dans  la  distance  de  vingt  maisons,  comme  aussi 
d'avoir  les  mêmes  plafonds,  étalages  et  ornemens 
de  boutique  ».  Les  boulangers  ne  voulaient  pas 
qu'il  s'établît  «  aux  environs  de  la  boutique  de 
son  maître  ou  dans  les  rues  adjacentes  plus 
voisines  que  deux  rues  ^  ».  Les  charcutiers  ^ 
et  les  perruquiers  *  l'empêchaient  de  s'établir 
dans  le  «  quartier  »  de  son  dernier  maître  avant 


1  Sur  cette  affaire,  voy.  Statuts  et  ordonnances  des 
maîtres  tailleurs  d'habits,  puurpo intiers,  ckaussetiers,  1763, 
in-12,  p.  266. 

2  Statuts  de  1746,  art.  49. 

3  Statuts  de  1745,  art.  16. 

4  Statuts  de  1718,  art.  47. 


deux  ans.  Un  arrêt,  rendu  par  le  Parlomenl  le 
30  septembre  1754  à  la  recjuête  des  charcutiers, 
fixa  à  trente-cinq  maisons  au  moins  la  dislance 
qui  devait  exister  entre  la  boutique  d'un  maître 
quelconque  et  celle  d'un  compagnon  qui  s'éta- 
blissait K 

^'oY.Loti8sage.  —  Ferfectionnements. 
—  Publicité,  l'tc. 


Conducteurs     des 
Vov.  Introducteurs. 


ambassadeurs. 


Conducteurs  de  brouette .  Voj . 
Brouetteurs . 

Conducteurs    de    la   haquenée.    Le 

conducteur  de  la  hii([U('née  était  un  oflicier  de  la 
maison  royale,  appailenaut  au  service  de  la 
paneterie.  Quand  le  roi  sortait,  soit  à  cheval, 
soit  en  carrosse,  dans  sa  suite  figurait  une 
haquenée  chargée  de  paniers  dans  lesquels  on 
plaçait  des  mets  froids  et  tout  ce  qui  était 
nécessaire  pour  servir  au  roi  un  dîner  et  un 
souper. 

La  haquenée  portait  : 
6  pains. 

6  bouteilles  de  vin. 
20  grands  biscuits. 
6  douzaines  de  petits  choux. 
6  paquets  de  confitures  sèches. 
6  paquets  de  pastilles. 
6  oranges  de  Portugal. 

Les  jours  maigres,  on  y  ajoutait  : 
1  pâté  de  poires  de  bon  clirétieii. 

1  pâté  d'œufs  brouillés. 

2  fromages  à  la  crème. 
2  gâteaux  de  crème. 

24  talmouses. 
24  brioches. 

En  plus  :  linge,  couvert,  tasse  à  essai,  etc. 

Pour  tout  prévoir,  deux  chevaux  portaient 
eu  outre  six  douzaines  de  pains  et  soixante 
bouteilles  de  vin. 

«  Le  conducteur  de  la  haquenée  a  l'honneur 
de  servir  immédiatement  le  Roy,  qui  dîne 
quelquefois  dans  son  carrosse,  quand  on  est  en 
voyage  -  ». 

Voy.  Coureurs  de  vin. 

Conducteurs  d'omnibus.  Voy.  La- 
quais. 

Conduit  (Droit  de).  Droit  de  passage  levé 
sur  les  marchandises  traversant  le  territoire  d'une 
seigneurie  ou  d'une  ville.  Le  Livre  des  métiers  ^ 
consacre  au  conduit  un  chapitre  qui  a  le  mérite 
de  nous  apprendre  quelles  étaient,  au  treizième 
siècle,  les  limites  de  la  prévôté  de  Paris.  Celle-ci 
s'étendait  jusqu'à  Montlhéry  et  Juvisy,  suivait 


1  Nouveaux   statuts  des  charcutiers,    p.    19.  Voy.   aus.si 
Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  III,  p.  481. 

2  Etat  de   la  France  pour   1687 ,    t.    I,    p.   82  ;  pour 
17.36,  t.  I,  p.  200. 

3  Deuxième  partie,  titre  \\\. 


13 


l'.»4 


CONDUIT  -  CONFRÉRIES 


la  rivière  de  Marne,  depuis  Charenton  jusqu  a 
I^o-nv.  Gournav  et  Meaux.  remontait  jusqu  a 
\rv-èn-Muliien:  gagnait  TOise  par  Ognon,  puis 
Bf'àumont  et  Pontoise,  et  venait  retrouver  la 
Seine  u  Poi.s>j  '.  Le  droit  de  conduit  applique 
à  la  banlieue  de  Paris,  n'était  exigible  que  hors 
de  ces  limites,  appelées  bornes  de  Paris. 
On  disait  aussi  droit  de  travers. 

Confections  pour  hommes.  L'annonce 
suiv;int<'.  qm- j'ai  r.'ncuiiln'f  dans  un  journal  de 
177(J.  p.'niit't  pful-éire  d'altribuer  à  un  habile 
laill.'ur  di-  Paris  la  première  idée  de  ce  que  nous 
nommons  aujourd'hui  la  confection  pour  lionimes. 

\'oV*'Z  : 

'<  Le  sieur  Darligalongue,  maître  et  marchand 
laillfur  à  Paris,  a  établi  depuis  quelque  lems  un 
magasin  d'habits  neufs  tout  faits,  de  toutes 
espéo«'s,  de  toutes  tailles,  et  des  plus  à  la  mode. 
Si  ceux  du  magasin  ne  sont  pas  au  goût  des 
personnes  ((ui  veulent  être  promplemeni  habillées, 
il  est  en  élal  de  les  satisfaire  presqu'à  l'instant, 
par  la  ((uantité  d'ouvriers  qu'il  employé.  Il 
entn^prend  toutes  les  livrées  avec  le  plus  d'éco- 
niimie  possible.  11  fait  des  envois  en  province  et 
jus(jue  dans  les  pays  étrangers,  mais  les  personnes 
<{ui  Voudront  lui  écrire,  sont  priées  d'affranchir 
leurs  lettres.  Son  adresse  est  à  la  Renommée,  rue 
de  Suvoye,  fauxb.  S.  Germain,  près  la  rue  des 
(Jninds-Augusiins'  ». 

I/iimovalion  paraît  avoir  eu  peu  de  succès, 
car,  cent  ans  plus  lard,  on  citait  comme  une 
curiositi'  le  Tailleur  unique  ou  veloci-tailleur. 
L.  Prudliomme  écrivail  vers  1806  :  «  Au  Palais- 
Huyal,  au  bout  de  la  galerie  de  bois,  près  le 
Theâlrr'-Knmçais,  on  remarque  un  alelier  consi- 
deralfle  de  tailleur,  qui  vous  habille  enlièrement 
en  deux  heures.  Il  propose  souvent  la  lecture  du 
Moniteur  pendant  que  l'on  vous  confectionne 
hahil,  gilet,  pantalon,  sjms  oublier  les  guêtres  ^  ». 

\m\.  Fripiers  et  Tailleurs. 

Confiseurs.  (>  sont  ceux  qui  «  font  et 
v>ii.|i  lit  (1rs  iimliliires  sèches  et  li(juides,  sirops, 
ilntgees,  jrelées,  marmelades,  et  généralement 
luiites  espèces  de  fruits  secs  et  confits  *  ».  Parmi 
l»  iimombraliles  |)ri)dMils  ([u'ils  débilaii'iil,  el 
que  M.U!.-«Milend  celle  deilMilinii.  je  cilerai  : 

\je  choculat. 

I/^  ghiees. 

I/O  giiufri'K. 

!,«•>>  inarrtins  glacés. 

Ia"*  iiuitiHM.m,  11)  vanille,  u  l'anis,  à  la  caMelle. 


ï^s»  piutilleii  À  In  hauphinc,  nu  lauus,  en  cornet. 


^1  Ix'ipii.   ft..iinini.  Nfiaus,  Acy  en 

*' ^  iinonl.  |VniAu.>,  I>oissi. 

•!•*'.,  a=.^.M^M  fl  tttii  ditrrt,  n»  tiu  4  nviil   1770, 


'    1/  .  ,,,  J,  rmufira  et  Ju  nottmu  Parit,  I.  V,  p    2'16 
<w4  thu/Àii»  pomr  1777. 


au  cachet,  transparentes,  de  vanille,  de  safran, 
d'œillets,  de  roses,  d'ambre  gris,  de  cachou. 

Les  crèmes  glacée,  blanche,  brûlée,  aux  pis- 
taches, au  chocolat,  à  la  vanille,  aux  amandes, 
aux  noyaux,  au  thé,  au  café. 

Les  sorbets  de  citrons,  d'oranges,  de  raisins, 
de  café,  de  roses,  d'œillets,  de  pêches,  d'abricots, 
de  prunes,  etc.,  etc. 

Dès  le  seizième  siècle,  ce  commerce  était 
centralisé  dans  la  rue  des  Lombards  * .  Au  dix- 
liuitième,  on  y  citait  surtout  le  fui  Héberger,  dont 
la  réputation  fut  durable,  et  le  grand  monarque. 
Au  mois  de  janvier  de  chaque  année,  les  confiseurs 
en  vogue  avaient  l'habitude  d'exposer  quelque 
clief-d'œu\Te  capable  d'attirer  la  foule.  En  1780, 
le  qrand  monarque  exposa  un  combat  naval  -,  en 
1781  on  admira  à  son  étalage  «  les  cérémonies 
qui  se  sont  obsei*vées  à  la  naissance  du  Dauphin  ^, 
oùtouslesprincesetprincessessontreprésentés^». 
En  1788,  le  confiseur  Berthélemot,  qui  demeurait 
rue  do  la  Vieille-Lanterne,  exposa  «  l'arrivée  de 
Téléinaque  dans  l'île  de  Galypso,  sujet  bien  choisi 
qu'il  a  rendu  avec  intérêt*  ». 

Les  confiseurs  appartenaient  à  la  corporation 
des  épiciers. 

Confituriers.  «  Quelques-uns  mettent  de 
la  (Uilereiice  entre  le  confiseur  et  le  confiturier, 
prétendant  que  le  confiseur  est  celui  qui  fait 
effectivement  les  confitures  qu'il  vend,  et  le 
confiturier  celui  qui  fait  commerce  des  confitures 
qu'il  n'a  pas  faites.  Cependant,  dans  l'usage,  et 
même  dans  le  négoce  de  confitures,  on  ne  fait 
pas  cette  distinction,  et  confiseur  et  confiturier  y 
ont  une  même  signification  ^  ». 

Confréries.  La  corporation,  association 
civile,  devait  son  origine  à  la  nécessité  de 
défendre  des  intérêts  communs,  de  maintenir  des 
privilèges  lentement  acquis.  La  confrérie,  quoique 
formée  des  mêmes  éléments,  constituait  une 
associalion  religieuse  el  charitable.  La  corpo- 
ration avait  pour  symbole  une  bannière,  la  con- 
frérie y  substituait  un  cierge  ou  un  bâton.  Les 
statuts  de  la  corporation  s'adressaient  surtout  au 
citoyen  et  à  l'artisan,  ceux  de  la  confrérie  à 
rhonnne  et  au  chrétien.  A  cela  près,  la  confrérie 
faisait  partie  intégrante  delà  corporation,  ne  s'en 
distiiin-uail  que  par  son  but  et  son  organisation. 

Parfois,  dans  une  même  communauté,  maîtres 
el  ouvriers  avaient  créé  une  confrérie  distincte, 
parfois  aussi  certaines  confréries,  celle  des 
drapiers  et  des  bouchers  par  exemple,  admeltaient 
(les  personnes  étrangères  à  la  corporation  ; 
d'autres  métiers,  les  orfèvres  entre  autres,  avaient 
plusieurs  confréries.  Le  Calendrier  des  confréries., 
publié  en  1621  fournit  la  liste  d'environ  cent 
(|uatre-vingts  confréries,  avec  le  nom  du  patron 
sous  lequel  chacune  était  placée,  ain^ji  queTindi- 
cation  de  l'église  et  du  jour  où  elle  était  fêtée. 


'   Le  livre  commode  pour  1692,  t.  I,  p.  300. 

*  MorI  en  juin  1789. 

•1  Mémoires  secrets  A\\s  ai'  Bacli.tiiniuiit,    t.  XY,    p.   15 
<•!  I.  XVIII.  p.  223. 

*  Almannch  Dauphin  pour  il 89. 

Savary,  Dtclionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.   1450. 


CONFRERIES 


195 


En  général,  la  confrérie  étail  administrée  par 
deux  jurés  que  les  maîtres  réunis  élisaient  à  la 
pluralité  des  voix.  Elle  se  réunissait  le  jour  de 
la  fête  du  patron  qu'elle  s'était  choisi.  Un  crieur 
qui  parcourait  les  rues  une  clochette  à  la  main 
annonçait  le  lieu  et  l'heure  de  la  cérémonie. 
Les  confrères,  parés  de  leurs  plus  beaux  vêtements, 
se  rendaient  à  l'église  désignée,  et  y  entendaient 
une  grand'messe  en  l'honneur  du  patron.  Elle 
était  suivie  d'un  banquet,  où  chaque  convive 
payait  son  écol  et  n'était  admis  que  sur  la  présen- 
tation du  méreau  qui  lui  avait  été  délivré  en 
échange  de  sa  cotisation.  C'était  ordinairement 
ce  jour-là  qu'on  élisait  le  bâtonnier  de  la  confrérie. 
La  bannière  ouïe  bâton  aux  armes  de  la  commu- 
nauté, ornés  d'emblèmes  rappelant  le  métier  et  le 
saint  qu'elle  fêtait,  étaient  gardés  à  tour  de  rôle 
par  chaque  confrère,  et  se  transmettaient  de  l'un 
à  l'autre  le  jour  de  la  fête  du  saint  patron.  Pendant 
les  vêpres,  au  moment  où  l'on  chantait  le  verset 
du  Magnificat  :  «  Deposuit  polentes  de  sede,  »  le 
bâtonnier  se  levait,  sortait  de  charge,  et  aux  mots 
suivants  :  «  et  exaltavit  humiles  »,  il  laissait  la 
place  à  son  successeur.  C'est  ce  que  l'on  appelait 
faire  le  deposuit  ' . 

La  confrérie  était  entretenue  par  des  dons  et 
par  le  produit  de  certaines  amendes  profes- 
sionnelles. 

Chez  les  corroyers,  l'apprenti,  avant  d'être 
admis  à  l'atelier,  versait  cinq  sous  à  la  hoïte  de 
la  confrérie  ^.  Plus  tard,  chez  les  vinaigriers,  il 
devait  verser  une  somme  de  vingt  sous  ^.  Au 
treizième  siècle,  les  chapeliers  de  feutre  exi- 
geaient dix  sous  * . 

Chez  les  savetiers,  tout  nouveau  maître  devait 
à  la  confrérie  un  cierge  de  cire  blanche  pesant 
une  livre  ",  Les  boulangers  imposaient  cette 
redevance  pendant  trois  années  consécutives  ^ . 
Les  foulons  versaient  soixante  sous,  contribution 
réduite  à  vingt  sous  pour  les  fils  de  maître  '' . 

Chez  les  bourreliers,  tout  juré  nouvellement 
appelé  à  ces  fonctions,  payait  deux  cents  livres  à 
la  confrérie. 

En  outre,  chaque  maître  était  tenu  de  verser 
tous  les  ans  une  somme  fixe  pour  l'entretien  de 
la  confrérie  :  quinze  sous  chez  les  pâtissiers  ^, 
quarante  sous  chez  le?  bourreliers  ^,  trente  sous 
chez  les  charcutiers  ^*',  quarante-cinq  sous  chez 
les  boulangers  *^,  une  livre  chez  les  éventail- 
listes  ^^.  Au  dix-septième  siècle  encore,  les 
vinaigriers  surpris  à  travailler  le  dimanche 
étaient  condamnés  à  une  amende  de  trois  livres 
au  profit  de  la  confrérie  ^  ^ . 


1  Voy.  Lettres  sur  cette  expression  «  faire  le  deposuit  n, 
dans  le  Mercure  de  France  d'aofit  1733,  p.    17(54. 

2  Livre  des  métiers,  titre  LXXXVII,  art.  5. 

3  Statuts  de  1658,  art.  7. 

i  Livre  des  métiers,  titre  XCI,  art.  3. 

3  Statuts  de  1659,  art.  12. 

6  Statuts  de  1746,  art.   23. 

"i  Statuts  de  1443,  art.  1  et  3. 

8  Statuts  de  1566,  art.  46. 

i»  Statuts  de  1734,  art.  2. 

10  Statuts  de  1745,  art.  20. 

11  Statuts  de  1746,  art.   24. 

12  Statuts  de  1677,  art.  17. 

13  Statuts  de  1658,  art.  20. 


Peu  à  peu,  la  foi  s'atfaiblissant  dans  les  âmes, 
la  confrérie  devint  surtout  un  prétexte  à  réjouis- 
sances, à  assemblées  bruyantes,  à  banquets.  Le 
clergé,  qui  d'abord  les  avait  prises  sous  sa 
protection,  cessa  de  les  encourager,  puis  contre 
elles  fit  appel  au  Ijras  séculier.  Un  édit  de  15i}9 
les  supprima  toutes  et  ordonna  la  confiscation  de 
leur  matériel,  cierges,  bâtons,  bannières,  etc. 
Le  roi  ne  fut  ol)éi  qu'à  moitié.  Ses  successeurs  se 
montrèrent  plus  faibles  encore  ;  les  confréries 
reparurent  et  jouèrent  un  rôle  dans  les  proces- 
sions et  les  excès  de  toute  nature  qui  signalèrent 
les  querelles  religieuses  du  seizième  siècle. 

Elles  leur  survécurent,  mais  le  prestige  de 
ces  associations  diminuait  de  plus  en  plus.  Au 
mois  de  janvier  1660,  deux  chapeliers  refusèrent 
de  payer  la  cotisation  de  trente  sous  due  à  la 
confrérie   et  la  justice  leur  donna  raison. 

Ceci  n'empêche  pas  qu'environ  dix  ans  après, 
quand  les  couturières  furent  constituées  en 
corporation,  elles  demandèrent  et  obtinrent 
d'établir,  à  l'église  Saint-Gervais  une  confrérie 
en  l'honneur  de  saint  Louis.  L'archevêque  de 
Paris  leur  permit  même  (août  1677)  d'y  «  enrôler 
tous  les  fidèles  de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  à 
condition  que  les  statuts  de  ladite  confrérie  seront 
exactement  gardés  ».  Je  publie  ci-dessous  le  texte 
de  ces  statuts. 

Les  confréries  ne  disparurent  définitivement 
qu'en  1776.  L'article  Mdel'éditrenduen  février 
pour  la  suppression  des  jurandes  est  ainsi  conçu  : 
«  Défendons  à  tous  maîtres,  compagnons, 
ouvriers  et  apprentis,  de  former  aucune  asso- 
ciation ni  assemblée  entre  eux,  sous  quelque 
prétexte  que  ce  puisse  être.  En  conséquence, 
nous  avons  éteint  et  supprimé,  éteignons  et 
supprimons  toutes  les  confréries  qui  peuvent  avoir 
été  établies,  tant  par  les  maîtres  des  corps  et 
communautés  que  par  les  compagnons  et  ouvriers 
des  arts  et  métiers  ».  Cette  défense  fut  confirmée 
par  l'article  43  de  l'édit  du  28  août  suivant. 

Statuts  et  règlemens  de  la  confrérie 
DE  Saint-Louis  érigée  en  l'église  paroissiale 

DE  SaiNT-(tERVAIS   DE    PaRIS. 

I  Année  1677] 

I.  La  confrérie  sera  et  demeurera  toujours 
sous  la  dépendance  et  en  l'entière  disposition  de 
monseigneur  l'Archevêque  et  de  ses  successeurs. 
En  sorte  que  si  dans  le  cours  du  temps,  par 
quelque  conjecture  non  prévue,  il  arrive  quelque 
difficulté  ou  contestation  à  l'occasion  de  ladite 
confrérie  ou  de  l'observance  des  présens  statuts, 
les  confrères  auront  recours  audit  seigneur 
Archevêque  ou  à  monsieur  son  officiai,  ausquels 
appartient  de  faire  des  règlemens  convenables 
pour  le  maintien  et  le  paisible  exercice  de  ladite 
confrérie. 

II.  Le  sieur  curé  de  ladite  paroisse  en  aura  la 
conduite,  et  choisira  un  chapelain  pour  dire  les 
messes  et  faire  les  autres  fonctions  ecclésiastiques 
de  la  dite  confrérie. 

III.  Tous  les  ans  .se  fera  l'élection  de  deux 
administratrices  de  ladite  confrérie.   Lesquelles 


lU<i 


CONFRÉHIMS  —  CONSl'lIL  DU  COMMERCK 


cranlfroril  les  registres  où  seront  écrits,  tant  les 
^ioms  et  surnoms  des  sœurs  de  ladite  confrérie, 
que  les  délibéralions  prises  pour  le  gouver- 
nenienl  de  hulile  confrérie,  et  généralement  tout 
ce  qui  en  concerne  l'administration. 

IV.  L<'s  di(«s  administratrices  seront  éleuës 
pour  la  première  fois  par  ledit  sieur  curé,  du 
con.sentemenl  des  sœurs.  Tous  les  ans,  elles 
seront  choisies  par  ledit  sieur  curé  et  les 
anciennes  administratrices,  à  la  pluralité  des 
voix. 

\  .  \a-  dit  sieur  curé  et  les  adniinistralrices  en 
charge  et  hors  de  charge  auront  seules  voi.\ 
délilu-ralives  dans  lesdiles  élections  et  dans  les 
conféiviices  qu'ils  auront  pour  le  maintien  de 
ladite  confrérie  et  pour  aviser  aux  moyens  de  la 
faire  subsister  dans  l'ordre  établv. 

VI.  Chaque  sœur  sera  obligée  de  se  confesser 
et  de  recevoir  le  Siiint-Sacrement  de  l'Eucha- 
ristie le  jour  de  son  entrée  en  ladite  confrérie,  et 
de  faire  la  même  chose  le  jour  du  patron  et  les 
quatre  principales  festes  de  la  confrérie.  Et  en 
cas  que  quelqu'une  se  trouve  avoir  manqué  à  ce 
devoir,  «uis  cause  ou  empescliemenl  légitime, 
el  récidive  après  en  avoir  été  avertie  par  ledit 
curé  ou  chapelain,  elle  pourra  être  rayée  du 
nondji-e  des  sœurs  de  ladite  confrérie  si  ledit 
sieur  curé  le  juge  ii  propos.  Comme  aussi  seront 
bitFées  les  .sœurs  qui  se  trouveroient  être  d'une 
vie  peu  réglée  el  ne  donneroient  point  de 
vérilaliles  marques  de  vouloir  régler  leurs 
niœur>  :  de  quoy  elles  seront  charitablement 
averties  par  les  Meurs  qui  en  auroni  connois- 
siinc»'. 

\  11.  S'il  arrivi'  que  (juehpi'une  des  sœurs  de 
ladilf  confrérie  tombe  malade  et  en  danger  de 
sa  vie.  elle  le  pourra  faire  sçavoir  ti  l'adminis- 
Jnilrice  (|ui  aura  ^"in  irHViTlii-  ]i-^  --(iMir-  de  prier 
I)ieu  |)our  elle. 

Vlil.  l'ille  fera  aussi  si.Nivuir  aux  sœurs  lors- 
qu'on portera  le  Saint-Sacrement  aux  malades 
i\f  la  confrérie,  alin  (pie  chacune  accompagne 
l«'  Sjiinl  Cibfiire  el  se  rende  à  l'heure  (pfon 
nuni  choisie  pour  ce  sujet. 

IX.  .\près  le  décez  de  l'une  des  sœurs,  ledit 
hieur  cun'«  ou  chapelain  donnera  jour  pour 
cMéhrer  un  service  (pii  sera  fait,  aux  dépens  de 
lamnfrérie,  pour  h-  repos  (h-  l'ûmede  la  défunte. 
Kl  on  wni  U-uM  iVy  assister,  conime  aussi  de 
CfiiniiuiniiT  une  fois  à  son  loisir  à  même  inlen- 
h 

■l'urs  seront  obligées  de  prier  Dieu 
nh<'  li.i>  i»'  jour  pour  les  bi'soins  les  unes  des 
'  !'     -.  afin  tl'iMre  plus  parfailwnient  unies  par 
•  H  (Ip  charité. 

.\i.  I^H  odiiilnislnitrices  sortans  de  charo-e 
vroril  l«-nn«'s  (!«•  p-ndri-  comnli-  drs  deniers  par 
ellf  riT,»-i|H  el  de  TriMploy  tpi  rlles  ru  auront  fait, 

••I  b'dil  t-ouiple  w  rendra  cpiinze  jfxirs  après  leur 
iléiniNsion. 

XII.  No  pnumml  ci-lles  cpii  seront  en  charge 
aliiMi-r  ny  employer  l'artrenl  des  aumônes  el 
aulrt>««  en  dôpeiiM'.s  extmurtlinaires,  .sans  avoir  au 
préalable  pris  l'avis  dudil  sieur  curé. 


XIII.  Celles  qui  s'associeront  doivent,  le  jour 
de  leur  entrée,  aumôner  à  ladite  confrérie,  selon 
leur  dévotion.  Elles  seront  néanmoins  exliortées 
de  contribuer  le  plus  qu'elles  pourront  aux  frais 
qu'il  est  nécessaire  de  faire  pour  l'acquit  des 
charges  de  ladite  confrérie. 

XIV.  Il  y  aura  un  coffre  ou  plusieurs,  où 
seront  gardez  les  ornemens  et  argenterie  de  la 
confrérie,  et  la  clef  sera  entre  les  mains  des 
administratrices  en  charge,  qui  répondront  du 
total.  Et  en  sera  fait  inventaire  signé  des  admi- 
nistratrices anciennes  et  nouvelles,  dont  il  sera 
mis  autant  entre  les  mains  dudit  curé  ou  cha- 
pelain. 

XV.  S'il  arrive  que  quelqu'une  des  sœurs 
devienne  pauvre  et  dénuée  de  biens,  elle  sera 
secourue,  s'il  est  possible,  par  la  confrérie,  du 
conseil  cy  dessus,  et  les  sœurs  seront  exhortées 
de  les  assister  en  leur  particulier. 

Connétable.  Il  partageait  avec  le  grand 
cliambellan  le  titre  de  maître  des  selliers,  parce 
que  sur  les  16  sous  que  payaient  pour  s'établir 
les  selliers  qui  voulaient  employer  le  cordouan, 
10  revenaient  au  connétable  et  les  6  autres 
au  grand  chambellan. 

Voy.  Maître  des  cordonniers. 

Gonraieurs.  Gonrayeurs.  Voy.  Cor- 
royeurs. 

Gonreeurs.  Nom  que  les  Tailles  de  1292 
et  de  1300  donnent  aux  corroyeurs. 


Gonreeurs   de    robes 
Courroueurs  de  panne. 


vaires.    Voy. 


Gonroyeurs.  Voy.  Corroyeurs. 

Gonscience  (Ouvriers  en).  Dans  une 
imprimerie,  ouvriers  qui  travaillent  non  à  la 
tâche,  mais  à  la  journée.  L'endroit  où  ils  se 
tiennent  se  nomme  la  conscience. 

Voy.  Protes. 


Gonscience 
fixe. 


(Vendre    en).    Voy.    I*rix 


Conseil  du  commerce.  Son  origine 
remonte  à  Henri  IV.  Il  fut  réorganisé  en  juin 
1700,  en  1715,  en  1722  et  en  1730.  «  C'est  à 
ce  conseil  que  se  portent  toutes  les  affaires  qui 
concernent  le  commerce,  pour  y  être  instruites, 
discutées,  éclaircies  et  en  quelque  sorte 
réglées  '  ».  La  Déclaration  du  14 décembre  1715 
dit  plus  clairement  que  l'on  y  «  traitera  de  tout 
ce  qui  concerne  le  commerce  intérieur  et  exté- 
rieur el  les  manufactures  du  royaume,  qu'y 
seront  discutées  et  examinées  toutes  les  propo- 
sitions, placets  et  mémoires  présentés  sur  cette 
matière  ;  ensemble  les  difficultés  qui  survien- 
droril  au  sujet  du  commerce  tant  de  mer  que  de 
terre,  ainsi  que  des  fabriques  el  manufactures  -  ». 

Ce   conseil   s'assemblait   rarement,    mais    un 


'   .Sivary,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  1459. 
-  V.-i.  ChaslLS,  Dictionnaire  de  justice,  t.  I,  p.  870. 


CONSEIL  DL'  COMMEKCl':  —  CONTRAT  DWIM'KIONTLSSAGK 


197 


Bureau,  dti  commerce,  qui  en  était  l'émanation, 
se  réunissait  une  fois  par  semaine,  et  tenait  ses 
séances  au  Louvre. 

Conseillers  du  roi.  Titre  que  prenaient 
les  notaires  royaux. 

Conseillers-contrôleurs,  \'ov.  Con- 
trôleurs. 

Conservateurs  des  eaux  et  forêts. 
Vov.  Inspecteurs. 

Conservateurs  des  étalons.  \oy. 
Gardes. 

Constructeurs  de  navires.  Vov-  Ba- 
teaux. 

Constructeurs  de  voitures.  Voy. 
Voitures. 

Consuls.  Voj.  Juges-consuls. 

Contables.  Voj.  Comptables. 

Conteeurs  de  busches.  Nom  que  la 
Tuilh  de  1292  donne  aux  mouleurs  de  bois. 

Contrat  d'apprentissag-e.  Dès  le  trei- 
zième siècle,  il  était  soumis  à  des  formalités  qui 
en  faisaient  un  acte  sérieux.  Ses  clauses  devaient 
toujours  être  arrêtées  devant  témoins.  Parfois,  la 
présence  de  deux  maîtres  du  métier  suffisait  *, 
mais  d'autres  communautés  exigaient  le  con- 
cours des  jurés  ^.  Les  tréfiliers  d'archal  se 
montraient  plus  prévoyants  encore,  ils  voulaient 
que  les  conventions  fussent  réglées  en  présence 
des  jurés  par  deux  maîtres  et  deux  ou\Tiers  du 
métier  ^.  Ces  précautions  n'avaient  rien  d'exa- 
géré en  tin  temps  où  le  contrat  était  presque 
toujours  verbal.  On  ne  trouve  en  eiïet,  dans  le 
Livre  des  métiers  qu'une  seule  mention  de  con- 
trat d'apprentissage  passé  par  écrit.  Les  fiieresses 
de  soie  à  petits  fuseaux,  les  plus  débauchées  des 
ouvrières  de  Paris,  forçaient  l'apprentie  à  payer 
six  deniers  «  et  par  ces  vi  deniers  sont  tenu  li 
mestre  de  fere  escrire  la  convenance  *,  et  de 
garder  l'escrit  devers  aus  ^,  si  que  se  contens 
est  ^  entre  les  parties,  que  par  ce  puisse  estre 
sceue  la  vérité  '^  ».  Ce  qui  était  exception  au 
temps  d'Etienne  Boileau  ne  tarda  pas  à  devenir 
une  règle  invariable,  et  en  1474  le  procureur  du 
roi  obligeait  tous  les  maîtres  orfèvres  à  déposer 
au  bureau  de  la  corporation  les  brevets  de  leurs 
apprentis  ^. 

Les  clauses  du  contrat  variaient  selon  les 
communautés. 


1  Livre  des  métiers,  titre  XVII,  art.  .5  ;  titre  XX\III, 
art.  9  ;  titre  XXX,  art.  4  ;  titre  LX,  art.  5. 

2  Livre  des  métiers,  titre  XXI,  art.  7  ;  titre  XXXMI, 
art.  4  ;  titre  L,  art.  17  ;  titre  XCI,  art.  10.  —  Depping, 
Ordonnances,  p.  405  et  408. 

3  Livre  des  métiers,  titre  XXIV,  art.  6. 
i  L'accord  entre  les  parties. 

5  Eux. 

6  Afin  que  si  discussion  s'élève. 

'^  Livre  des  métiers,  titre  XXXVI,  art.  5. 
8  ^'oy■    P.    Leroy,    Statuts  et  privilèges   du,   corps   des 
marchands  or fèvres-jo7jnilliers,  p.  .51. 


Un  peu  plus  tard,  les  contrats  durent  être 
passés  devant  notaire,  et  en  présence  d'un  juré 
au  moins  '  ;  souvent  même  tous  le  signaient  ^. 
Dès  le  seizième  siècle,  les  contrats  étaient  enre- 
gistrés au  bureau  de  la  comnumauté  et  «  en  la 
chambre  du  procureur  du  roi  au  Chàtelet  '  ». 
A  dater  du  dix-huitième  siècle,  on  força  chaque 
corporation  à  posséder  un  registre  spécial 
<<  duëment  p;u'aplié  par  premier  et  dernier 
feuillet  par  le  lieutenant  général  de  police,  pour 
y  enregistrer  les  réceptions  des  maîtres  et  des 
apprentifs  ^,  etc.  ». 

Le  contrat  d'apprentissage  était  naturrllemeut 
annulé  par  la  mort  du  maître.  Cependant,  en 
général,  la  corporation  se  regardait  comme  res- 
ponsable de  reniant  ;  elle  intervenait  et  lui 
choisissait  un  autre  patron. 

Formule  d'un  co.ntrat  d'apprentissage 
au  dix-septième  sièct.e  : 

«  Par  devant  les  Notaires  gardexottes 
DU  Roy  en  son  Chàtelet  de  Paris  soubzsignez, 
fut  présent  Jean  Bourdon,  voiturier  par  terre, 
demeurant  à  Coulibeuf,  proche  Falaise  en 
Normandie,  de  présent  à  Paris.  Lequel  pour  le 
bien  de  Paul  Bourdon,  son  fils,  aagé  de  douze 
ans,  qu'il  certiffie  de  toute  fidélité.  Ta  mis  en 
apprentissage,  de  cejourd'huy  jusques  et  pour 
quatre  ans  prochains  après  ensuivans  finis  et 
accomplis,  avec  Jean  Asselin,  M"  tissutier-ru- 
bannier  à  Paris,  demeurant  rue  Saint-Denis, 
parroisse  Sainct-Laurens,  à  ce  présent,  qui  l'a 
pris  et  retenu  en  ladite  qualité  d'apprenty  pour 
ledit  temps.  Auquel  il  promet  monstrer  et  ensei- 
gner, à  son  pouvoir,  sondit  mestier  de  tissutier- 
rubannier  et  tout  ce  dont  il  se  mesle  et  entremet 
en  iceluy,  le  nourrir,  loger,  et  traitter  doucement 
comme  il  appartient,  mesme  luy  faire  blanchir 
son  linge.  Et  sondit  père  l'entretiendra  de  tous 
vestemens,  chaussures,  linges  et  autres  choses 
ses  nécessitez. 

A  ce  faire,  estoit  présent  ledit  apprenty,  qui  a 
eu  ce  que  dessus  pour  agréable,  et  promis 
apprendre  ledit  mestier  au  mieux  qu'il  lu}'^  sera 
possible,  et  fidellement  servir  sondit  maistre  en 
toutes  choses  licites  et  honnestes.  Sans  pendant 
ledit  temps  s'absenter  dudit  service,  auquel  cas 
sondit  père  promet  le  chercher  et  faire  chercher 
par  la  ville  et  banlieue  de  Paris,  et  partout  où  il 
appartiendra  ;  pour,  sy  trouver  le  peut ,  le  ramener 
à  sondit  maistre  pour  parachever  le  temps  qui 
restera  lors  à  expirer  des  présentes  ;  qui  ont  esté 
faites  sans  aucune  chose  payer  de  part  ny  d'autre. 

Fait  et  passé  es  estudes  des  notaires  soubzi- 
gnez,  l'an  mil  six  cens  soixante-quinze,  après 
midy.  Et  ont  signé,  fors  ledit  apprentiz  qui  a 
déclaré  ne  savoir  ny  escrire  ny  signer  ^  ». 

Voy.  Apprentissage. 


'  Chapeliers,  statuts  de  1658,  art.  3.  —  Charcutiers, 
statuts  de  ITOô,  art.  8.  —  Bourreliers,  statuts  de  1734, 
art.  7. 

2  Orfèvres,  décision  du  26  octobre  1605.  —  Horlo- 
gers, sentence  du  19  janvier  1742. 

3  Tisserands,  statuts  de  1580,  art.  18. 
i  Fourbisseurs,  statuts  de  1707,  art.  4. 

a  Original  sur  parchemin,  appartenant  à  l'auteur 


198 


CONTREBANDIERS  -  CONTROLEURS  D'ÉTAIN 


Contrebandiers.  An  début  du  règne 
de  Louis  XV,  il  élait  défendu  d'introduire  en 
France  les  marchandises  suivantes  : 

Étoffes  de  soie,  d'or,  d'argent  ou  de  fil  teint. 

Miroirs  de  toutes  sortes. 

Dentelles  dites  points  de  Venise. 

Toiles  de  colon  de  toute  espèce,  blanches  ou 
teintes. 

La  sortie  des  objets  suivants  était  interdite  : 

Armes  et  munitions  de  guerre. 

Or  et  argent  en  barre,  en  lingots,  en  vaisselle 
ou  monnoyés. 

Pierreries,  perles,  jojaux. 

Chevaux. 

(Chanvre,  lin,  laine. 

Fil  de  lin  ou  de  chanvre. 

Grains  et  légumes. 

Les  peines  édictées  contre  les  contrebandiers 
étaient  terribles  :  confiscation,  galères,  bannis- 
sement, mort  même. 

Les  faux  sauniers  étaient  assimilés  aux  contre- 
bandiers, et  il  fut  prouvé  aux  Etats  de  1484 
qu'en  peu  d'années,  plus  de  500  d'entre  eux 
avaient  été  exécutés  *.  L'arrêt  de  juillet  1717 
relatif  à  la  contrebande  des  toiles  peintes  est  resté 
célèbre.  On  en  trouvera  l'analyse  au  mol  Impri- 
meurs .sur  iHoffe. 

Contre-cengiiaus  (Feseurs  de^  et  con- 
tre-ceng"liers.  Vov.  Contresangliers. 

Contre-g-arde    des     monnaies.     Ils 

aviiifiil.  diinslcs  hôtels  des  monnaies,  inspeclion 
génénile  sur  tous  les  travaux,  devaient  tenir 
registre  de  toutes  les  matières  entrant  en  maga- 
sin, etc.  Ils  prenaient  rang  aussitôt  après  les 
juges-gardes  et  ils  les  remplaçaient  en  cas 
d'absence.  Leur  création  remonte  à  l'année 
1214. 

1/édit  d<*  juin  1696,  supprima  l'office  de 
Contre-garde  et  créa  des  contrôleurs-rnnlre-garde 
dont  Ifs  fonctions  étaient  ù  peu  près  identiques  -. 

Contrepointiers.  Voy.  Coutepoin- 
tiers 

Contre-porteurs.  \«>y.  Colporteurs. 

Contre-poseurs.  Vov.  Poseurs. 

Contresangliers.  Faiseurs  de  conlrc- 
«nnglfs.  On  nomun-  ainsi,  dit  Savary  «de  petites 
courntie.»  de  cuir,  chtuées  aux  arçons  (h'  la  selle. 
pour  V  ntlneher  les  sangles  li'iiu  cheval  ou  autres 
Wl«>  de  soMune />.  L»  Tnille  de  12'J2  cite  deux 
coHlre-rcHifliers  ;  les  Tai/lrs  de  t:i(H)  et  de  i3i:i 
mentionnent,  l'une  un  cuin'siniijlicr,  l'aiilre  nu 
feseur  de  rnntre-cengliau.r. 

Les  conlresnngliersappartenai.iil  à  la  corpo- 
ration des  selliers. 

Vov.  Harnachement. 


'  \ny.  Tari.  Sauninrs. 

«  Voy.  Abot  A-  Bazingh.  n,  TrailJ!  des  moHiioies,    (    I 
p.  180. 


Contrôleurs.  Voy.  Greffiers  et  Ins- 
pecteurs. 

Contrôleurs  des  actes  des  notaires. 

Offices  créés  en  mars  1693,  supprimés  en 
janvier  1698,  rétablis  dans  la  suite,  définiti- 
vement supprimés,  en  1791.  Le  titre  officiel  était 
conseillers-cnntrôhurs  des  contrats  et  actes  des 
notaires  et  tabellions  royaux  et  seigneuriaux.  Les 
droits  perçus  par  eux  furent  fort  augmentés  en 
novembre  1722.  Voy.  le  Journal  de  Barbier, 
t.  1,  p.  245. 

Contrôleurs  des  adjudications  et 
ventes  de  toutes  sortes  de  poissons  de 
mer,  frais,  sec  et  salé,  et  d'eau  douce. 

Trente  offices  jurés,  créés  en  juillet  1702,  et 
réunis  le  même  mois  aux  offices  de  jurés 
vendeurs  de  poissons. 

Contrôleurs  de  l'arg-enterie.   Placés 

sons  les  ordres  de  l'argentieer,  ils  furent  dits 
d'abord  clercs  de  V argenterie .  «  C'étaient  eux 
qui  débattaient  les  prix  avec  les  marchands  ;  ils 
tenaient  aussi  un  papier  de  contrôle  qu'ils 
remettaient  à  la  chambre  des  comptes  en  même 
temps  que  l'argentier  remettait  ses  comptes  ». 
En  1388,  ils  sont  encore  nommés  clercs  et 
contrôleurs  de  r argenterie  ;  ils  deviennent,  au 
seizième  siècle,  contrôleurs  généraux  de  Uarge'n- 
terie  ^ . 

Contrôleurs  des  bans  des  mariag-es. 

Oflices  créés  en  septembre  1697,  et  supprimés  en 
mars  1702  2. 

Contrôleurs  de  bas.  Voy.  inspec- 
teurs. 

Contrôleurs  de  bières.  Voy.  Visi- 
teurs. 

Contrôleurs  de  bois.  Voy.  Commis- 
saires. 

Contrôleurs  de  la  bûche.  Voy. 
Mouleurs  de  bois. 

Contrôleurs  de  cendres.  \oy.  Com- 
missaires. 

Contrôleurs  de  charbon.  Voy.  Mesu- 
reurs. 

Contrôleurs  de  chaux.  Voy.  Mesu- 
reurs. 

Contrôleurs  des  courtiers  de  vin. 

Cinquante  offices  créés  par  édil  de  février  1707 
et  supprimés  la  même  année  au  mois  d'avril  '^. 

Contrôleurs  d'eau-de-vie  et  d'esprit 
de  vin.  Voy.  Essayeurs. 

Contrôleurs  d'étain.  Voy.  Essayeurs. 


'   \  oy.  Douël-d'Arcq,  Comptes  de   l'arqenterie,    notice, 
p.  IXeiX.  '^  y  '  . 

'  V.-.].  Cha.sles,  Dictionnaire  de  justice,  t.  II,    p.  515. 
3   F.-.I.  diables,  Dictionnaire  de  justice,  t.  I,  p.  925. 


CONTROLEURS 


199 


Contrôleurs  des  feux  d'artifice.  Voy. 
Capitaine. 

Contrôleurs  de  foin.  Officiers  jurés,  créés 
par  édil  de  décembre  157.5.  Ils  devaient  «  tenir 
un  registre  de  l'arrivée  des  Ijateaux  charo^és  de 
foin,  être  présents  lorsque  la  vente  s'en  ouvroit, 
tenir  la  main  à  ce  que  les  ordonnances  fussent 
exécutées,  etc.  *  »  En  janvier  1581,  ils  furent 
remplacés  par  d'autres  officiers  qui  reçurent  le 
titre  de  contrôleurs,  vendeurs,  priseuis,  peseurs, 
visiteurs  et  compteurs. 

Contrôleurs  de  fruits.  Cinquante  offices 
jurés  créés  en  juin  1708. 

Contrôleurs  du  g-obelet.  Officiers  de  la 

maison  royale.  «  Le  contrôleur  ordinaire  du 
gobelet  doit  être  présent  à  la  recette  de  toute  la 
viande  et  du  poisson  pour  la  bouche  du  Roy  ;  et 
avant  qu'on  les  serve  sur  table,  il  examine  si 
toutes  les  pièces  contenues  sur  le  menu  sont 
emploiées.  11  est  chargé  de  la  garde  du  vin  et  de 
l'eau  pour  la  personne  de  sa  Majesté.  De  plus,  il 
tient  registre  de  toutes  les  nouveautés  de  viandes 
pour  le  Roy,  fruits,  confitures,  vins  de  liqueur, 
etc.,  qui  luy  doivent  être  mi.ses  entre  les 
mains  ^  ». 

Contrôleurs  de  la  marque  et  visite 
de  toutes  sortes  d'ouvrag-es  d'or  et 
d'arg"ent.  Offices  créés  par  édit  d'août  1696, 
supprimés  par  édit  de  février  1698. 

Contrôleurs  des  monnaies.  Voy. 
Contre-garde . 

Contrôleurs  du  paraphe  des  reg-is- 
tres  dans  les  communautés.  Offices  créés 
en  novembre  1706,  et  rachetés  par  les  commu- 
nautés en  décembre  1709. 

Contrôleurs  au  partage  du  minot 

de  sel.  Officiers  jurés  dépendants  des  greniers 
à  sel. 

Voy.  Sel  (Commerce  du). 

Contrôleurs  de  pierres  de  taille, 
moellons,  chaux,  etc.  Voy.  inspecteurs. 

Contrôleurs  du  poisson  de  mer, 
tant  frais  qiie  salé. 

Office  juré  créé  en  mars  1544. 

Contrôleurs  de  porcs.  Voy.  inspec- 
teurs. 

Contrôleurs  des  registres.  Voy. 
Offices  (Créations  d'). 

Contrôleurs  [dk  théâtre].  «  Les  con- 
trôleurs des  portes,  qui  sont  l'un  à  l'entrée  du 
parterre  et  l'autre  à  celle  des  loges,  sont  commis 
à  la  distribution  des  billets  de  contrôle,  pour 
placer  les  gens  qui  se  présentent  aux  lieux  où  ils 

1  DelamaiTo,  Traité  de  la  police,  t.  III,  998. 

2  État  de  la  France  pour  1687,  t.  I.  p.  73  ;  pour  1712, 
t.  I,  p.  83. 


doivent  allrr.  selon  la  qualité  des  billets  qu'ils 
apportent  du  bureau  où  ils  les  ont  esté  prendre. 
Ils  ont  soin  aussi  que  les  portiers  facent  leur 
devoir,  qu'ils  ne  reçoivent  de  l'argent  de  qui 
que  ce  soit  et  qu'ils  traitent  civilement  tout  le 
monde  '  ». 

Voy.  Ouvreuses  et  Théâtre. 

Contrôleurs  des  titres.  Offices  créés  par 
édit  de  juin  1581.  Le  titulaire  devait  «  enregis- 
trer les  contrats  excédans  500  écus  en  principal 
ou  30  sols  en  rente  foncière  et  les  décrets  ou  autres 
expéditions  entre  vifs  de  dernière  volonté  -  ». 

Contrôleurs  des  trésoriers-payeurs 
des  communautés.  Deux  offices  créés  par 
édit  de  juin  I7;j0,  et  supprimés  par  édit  de 
décembre  1734. 

Voy.  Offices  (Créations  d'). 

Contrôleurs  de  vin.  Voy.  Vendeurs. 

Contrôleurs-courtiers  de  volailles, 
gibier,  cochons  de  lait,  agneaux, 
chevreaux,  œufs,  beurre  et  fromage. 

(Cinquante  offices  jurés,  créés  par  édil  d'août 
1702,  portés  à  140  par  édit  de  mars  1705, 
supprimés  en  novembre  1706  ^. 

Contrôleurs  -  essayeurs  -  visiteurs 
des  huiles.  Offices  jurés,  créés  par  édit  de 
mai  1705,  supprimés  par  édit  de  décembre  1708. 

Contrôleurs  g-énéraux  du  garde- 
meubles.  Voy.  Garde-meubles. 

Contrôleurs  généraux  des  mon- 
naies. Office  créé  en  1573  par  Charles  IX,  en 
faveur  de  Germain  Pilon.  Sur  les  difficultés 
qu'opposa  à  cette  création  la  cour  des  Monnaies, 
voy.  le  Dictionnaire  critique  de  .lal,  p.  973. 

Contrôleurs  généraux  des  postes. 

Ils  furent  institués  par  lettres  patentes  du 
29  novembre  1565,  confirmées  le  l"""  août  1571 
et  souvent  par  la  suite. 

En  janvier  1608  Henri  IV  remplaça  le  titre  de 
contrôleur  général  par  celui  àe  général  des  postes 
et  relais. 

Contrôleurs-inspecteurs-essayeurs- 
visiteurs  de  beurres  et  fromages. 

Cent  offices  jurés,  créés  par  édil  de  juillet 
1707,  supprimés  par  édit  d'avril  1708  *. 

Contrôleurs-taxeurs  et  peseurs  de 
lettres  et  paquets.  Offices  créés  par  édit  du 
3  décembre  1643.  Les  titulaires  devaient  taxer 
les  lettres  à  l'arrivée  des  courriers,  tenir  registre 
de  celles  qu'ils  expédiaient,  recevoir  les  plaintes 
du  public  et,  d'une  manière  générale,  surveiller 
l'exécution  des  règlements. 

Ces  charges  furent  supprimées  en  1655. 


1  S.  Chappuzeau,  Le  théâtre  français  (1674),  p.  241. 

2  F.-J.  Chasles,  Dictionnaire  de  justice,  t.  I,  p.  907. 

3  Dt'lamarre,  Traité  de  la  police,  t.  II,  p.  1482etsuiv. 
i  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  II,  p.  1492. 


200 


CONTROLEURS  —  COPISTES 


Contrôleurs- vendeurs-priseurs-pe- 
seurs- visiteurs  et  compteurs  de  foin. 

Oftici.-rs  jun-^  cn-és  par  édit  de  janvier  1581, 
pour  remplacer  les  contrôleurs  nommés  anlé- 
rieur<'menl.  Leur  nomifre,  qui  varia  sans  cesse, 
était  de  trente-deux  en  1704.  L'éditde  septembre 
1719  les  supprima  ^ 

Contrôleurs-visiteurs  d" avoine.  Soi- 
xante offices  créés  par  édit  de  juillet  1704. 

Contrôleurs-visiteurs  du  fer  doux. 

Oflicfs  créés  par  édit  ihi  6  mars  H')'2().  Les 
titulaires  devaient  «  co<^^noistre,  distinguer  et 
marquer  le  fer  doux  d'avec  le  fer  aigre  ». 

Contrôleurs-visiteurs  des  poids  et 

mesures  dans  cliaque  communauté.  Ofiices 
créés  par  édit  de  janvier  1704,  et  supprimés  par 
édil  de  juillet  1716. 

\oy.  Offices  (Créations  d'). 

Contrôleurs-visiteurs  des  poids  et 
mesures  dont  on  doit  se  servir  dans 
les  moulins  à  eau  et  à  vent.  J'ai  trouvé 

cet  (ifticc  cité  dans  un  arrêt  de  1708. 

Contrôleurs-visiteurs  des  suifs.  Of- 
fices jurés,  créés  pour  Paris  en  avril  169.Sef  pour 
la  France  en  décembre  1708. 

Contrôleurs-visiteurs  -  marqueurs  - 
^'•ardes   des  halles  et  marteaux  des 

cuirs.  Offices  créés  pai' Henri  111  en  juin  1585, 
puis  supprimés.  RélaJïlis  en  janvier  159G  -. 

Les  marchands  «  seront  tenus  les  appeler  pour 
voir  les  cuirs  et  visiter  s'ils  sont  de  qualité 
requise  pour  estre  exposez  en  vente.  El,  en  ce 
c<is,  y  apposer  un  plomb  qui  sera  gravé  de  trois 
fleurs  de  lys  ». 

Cont  rôleurs-visiteurs  et  marqueurs 
(k;  toutes  sortes  de  papiers  entrant 
dans  Paris.  (jn(|uant<,' offices  jurés,  créés  en 
aitùt  1704.  Il  en  fut  créé  cinquante  autres  en 
17l:{. 

Contrôleurs-visiteurs  et  marqueurs 
(le  toiles,  canevas,  coutils,  futaines  et 
treillis.  La  création  de  ces  offices  paraît 
renn.tiltT  H  l'année  1551.  Le  titre  de  ces  con- 
lr(')l«'urv  fut  modifié  et  leur  nombre  augmenté 
par  édit  du  28  juin  1627. 

Copies  de  lettres  (Fahhica.nts  de,,  lis 
éliii.nl  représt-nlés,  an  dix-huiliome  siècle,  par 
lin  liomme  ingénieux,  qui  annonr.}iit  ainsi 
riiivention  dont  il  était  l'auliMir  :  «  Polvgraplie 
ou  cnpislp  Iinliile  du  sir>ur  Cdlleneuve,  rue 
(iivni«T  .Snint-Liznre.  C-llo  machine,  qui  sert  à 
formiT  avec  trois  plumes  trois  copies  absolument 
scml)lnblcs  et  simuIlHnées,  a  paru  très  ingé- 
nieu.se,  pt  los  expériences  qui  en  ont  été  faites 
en  pré.sencc  de  l'Académie  lèvent  Imis  l.s  doutes 


'  iVUmnrr.',  TniU  dt  la politt,  t.  JU.  p.  t»U8. 
*  r 'nionon,  Êdih  et  ordoHnMctt,  t.  I,  p.  1168. 


que  l'on  pourroit  former  sur  la  possibilité  de  son 
usage  et  l'utilité  dont  elle  peut  être  ^  ». 

Copistes.  La  copie  des  manuscrits  fut,  de 
bonne  heure,  une  des  obligations  les  plus  rigou- 
reusement prescrites  aux  moines  par  les  règles  de 
leurs  ordres.  Les  grands  monastères  avaient  une 
salle  spéciale  consacrée  à  la  transcription  des 
manuscrits,  c'était  le  scriptorium.  Les  statuts  de 
l'abbaye  de  Saint-Victor  fournissent  à  cet  égard 
des  indications  curieuses  -.  Le  scriptorium  était 
installé  au  sein  du  couvent  ^,  mais  dans  un  lieu 
écarté  et  tranquille,  afin  que  les  copistes  pussent 
se  livrer  au  travail  loin  du  bruit  et  des  distrac- 
tions. Ils  ne  devaient  rien  transcrire  sans  l'avis 
du  bibliolliécaire,  qui  leur  fournissait  le  parche- 
min et  tous  les  objets  nécessaires  *.  Ces  prescrip- 
tions, ajoute  le  règlement,  restèrent  en  vigueur 
jusqu'à  la  découverte  de  l'imprimerie.  Il  exista, 
en  outre,  pendant  longtemps,  à  Saint-Victor, 
des  copistes  payés  sur  les  fonds  du  couvent,  et 
qui  contribuèrent  aussi  pour  vme  large  part  à  la 
célébrité  qu'acquit  la  bibliothèque  de  cette 
maison. 

Le  scriptorhim  était  regardé  comme  un  endroit 
presque  sacré.  On  était  tenu  d'y  garder  le  silence. 
L'abbé,  le  prieur,  le  sous-prieur  et  le  bibliothé- 
caire avaient  seuls  le  droit  d'y  pénétrer.  On 
recommandait  aux  copistes  de  s'astreindre  à  une 
rigoureuse  exactitude,  de  ne  pas  mettre  un  mot 
pour  un  autre,  de  ponctuer  avec  soin.  Une  prière 
dont  la  fornude  a  été  retrouvée  dans  un  manus- 
crit de  Saint-Germain  des  Prés,  était  dite  au 
moment  où  les  écrivains  se  mettaient  à  l'œuvre  ; 
elle  était  destinée  à  appeler  la  bénédiction  divine 
sur  eux  et  sur  le  scriptorium  ^.  Une  autre  prière, 
Benedictio  ad  lihros  benedicendos  demandait  à 
Dieu  sa  bénédiction  pour  les  manuscrits  eux- 
mêmes  ^. 

Les  copies  faites  dans  les  couvents  eurent 
pendant  longtemps  pour  objet  à  peu  près  unique 
la  reproduction  des  livres  saints  ;  aussi  ce  travail 
était-il  regardé  moins  encore  comme  un  service 
rendu  à  la  science  que  comme  un  acte  de  piété. 
A  certains  jours  déterminés,  on  priait  pour  les 
écrivains  et  pour  les  personnes  qui  avaient  donné 
des  manuscrits  à  la  maison,  on  promettait  des 
prières  aux  opulents  bienfaiteurs  qui  contri- 
bueraient par  leurs  largesses  à  l'accroissement  de 
la  bibliothèque. 

Les  copistes  croyaient  même  faire  œuvre 
expiatoire,  et  celte  pensée  se  rencontre  fréquem- 
ment dans  l'explicit  des  anciens  manuscrits.  Dès 
le  douzième  siècle,  la  Règle  des  Cliartreux  en 


'  Hnzi-  (t.-  Clianloisoau,  Almanaeh  Dauphin  pour  1777, 
2"  ii.irlic,  p.  .18. 

-  \ov.  aussi  Cil.  Kohlcr,  Un  ancien  ' règlement  de  lu 
bibliiilhêquc  Ste-Generiète,  1889,   in-S". 

■'  Il  se  coiiiposait  souvent,  do  putites  cellules  placées 
près  de  la  bibliothèque.  Voy.  Albert  Lenoir,  Architec- 
ture motiasllque,  I.  II,  p.  374. 

*  .J'ai  rencontré  ce  rèplerneni  dans  un  grand  nombre 
de  manuscrits,  dont,  trois  sont  conservés  à  la  Bibliothèque 
national.-  :  Fonds  latin,  n»'  14,375,  14,673  et  15,063. 

.\outeau  traité  (te  diplo)nntique,  t.  III,  p.  190. 

*  E.  Martène,  De  antiquis  Ecclesiœ  ritiôus,  t.  II. 
p.  844. 


COPISTES  —  COQUETIERS 


201 


renfermait  la  naïve  et  très  ferme  espérance  : 
«  Autant  nous  écrivons  de  livres,  dit-elle,  autant 
nous  créons  de  panégyristes  de  la  vérité.  Nous 
espérons  que  le  Seig'ueur  nous  accordera  une 
récompense  proportionnée  au  nombre  des 
hommes  qui  auront  été  par  eux  ramenés  de  leurs 
erreurs  ou  affermis  dans  la  foi  catholique,  de 
ceux  mêmes  qui  auront  roug^i  de  leurs  péchés  ou 
de  leurs  vices,  ou  qui  auront  été  enflammés  du 
désir  de  la  patrie  céleste  *  ». 

Celait,  à  coup  sur,  demander  beaucoup  et 
pourtant  on  ne  s'en  contenta  pas.  Suivant  une 
tradition  répandue  dans  les  couvents,  chaque 
lettre  que  traçait  un  moine  lui  remettait  un 
péché  dans  l'autre  monde,  au  jour  du  dernier 
jugement.  Écoutez  ce  que  raconte  sur  ce  point 
Orderic  Vital  :  «  Il  3'  avait  dans  un  monastère  un 
religieux  qui  s'était  rendu  coupable  de  nom- 
breuses infractions  à  la  Règle  de  la  maison  ;  mais 
il  savait  écrire,  était  assidu  au  travail,  et  il  copia 
une  grande  partie  de  l'Ecriture  sainte.  Il  mourut, 
et  son  âme  fut  conduite  devant  le  tribunal  du 
juste  juge  pour  y  être  examinée.  Les  mauvais 
esprits  formulaient  contre  elle  de  vives  accusa- 
tions, et  faisaient  l'exposé  de  ses  innombrables 
péchés  ;  mais  de  leur  côté,  les  saints  anges 
montraient  le  livre  que  le  religieux  avait  copié, 
et  présentaient  l'une  après  l'autre  chacune  des 
lettres  de  l'énorme  volume  pour  les  opposer  à 
chaque  péché.  A  la  fin,  le  nombre  des  lettres  se 
trouva  supérieur  d'une  seule  à  celui  des  péchés, 
et  tous  les  efforts  des  démons  furent  impuissants 
à  attribuer  un  seul  péché  au  religieux  ^  ». 

D'autres  légendes  rappelaient  aux  copistes  le 
soin  qu'ils  devaient  apporter  à  reproduire  les 
textes  exactement.  Il  existait,  disait-on,  un 
démon  appelé  Titivilitarius  ou  Titivilhis,  le 
vétilleux,  par  corruption  d'un  mot  populaire  de 
l'ancienne  latinité,  et  ce  démon  apportait  tous 
les  matins  en  enfer  un  plein  sac  des  lettres  que 
les  religieux  avaient  omises,  soit  dans  leurs 
copies,  soit  dans  leurs  psalmodies  de  la  nuit. 

Au  treizième  siècle,  il  y  avait  déjà,  en  dehors 
des  couvents,  un  certain  nombre  de  clercs  qui 
faisaient  métier  de  copier  des  livres.  La  Taille 
de  1292  en  cite  vingt-quatre  disséminés  à  peu 
près  dans  tous  les  quartiers  :  un  seul,  «  Nicolas 
l'escrivain  »,  habite  la  «  rue  aus  Escrivains  ^  ». 
A  la  fin  du  siècle  suivant,  on  comptait  à  Paris 
une  soixantaine  d'écrivains  :  le  chiffre  de  soixante 
mille  que  donne  Guillebert  de  Metz  ''  est  certai- 
nement le  résultat  d'une  erreur  ou  d'une  plaisan- 
terie. Il  est  vrai  que  Uaunou  donne,  à  son  tour, 
celui  de  quarante  mille  ^,  mais  tout  cela  revient 
à  dire  qu'une  multitude  de  religieux  s'occupaient 
à  copier  des  livres.  Les  copistes  parisiens  étaient 
renommés  pour  leur  habileté.  Les  rois,  les 
princes,  les  riches  seigneurs  en  entretenaient  à 
grands  frais.  D'admirables  manuscrits  nous  ont 
transmis   les  noms  de  Henri  du  Trévou  et   de 


1  Annales  ordinis  Carfusiensis,  t.  I,  p.  62. 

2  Historia  ecclesiastica,  lib.  III,  cap.  III. 
.1  Page  157. 

'*  Chapitre  XXX. 

•'*  Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  X^  I,  p.  38. 


Raoulet  d'Orléans,  qui  étaient  attachés  à  la 
maison  de  Charles  V.  Guillebert  de  Metz,  lui- 
même,  passé  maître  en  cet  art,  en  mentionne 
beaucoup  d'autres,  les  plus  habiles  sans  doute 
qu'il  y  eût  à  Paris  vers  1400.  C'est  d'abord 
Gobert,  «  le  souverain  escripvain  »,  auteur  d'un 
traité  aujourd'hui  perdu  «  sur  l'art  d'escripre  et 
de  tailler  plumes  »  ;  Sicard,  qui  travaillait  pour 
le  roi  Ricluird  d'Angleterre  ;  Guillemiii,  à  la 
solde  du  grand  maître  de  Rhodes  ;  Crespy, 
employé  par  le  duc  d'Orléans  ;  Jean  Flamel,  le 
calligraphe  préféré  de  Jean  de  Berri  ;  enfin 
Nicolas  Flamel,  resté  célèbre  surtout  par  ses 
richesses  et  ses  libéralités  ^ .  Plusieurs  d'entre 
eux  habitaient  de  petits  logis  adossés  à  l'église 
Saint-Jacques  la  Boucherie,  et  dont  la  situation 
est  indiquée  sur  un  plan  qu'a  publié  l'abbé 
Villain  ^.  C'est  là  que  s'établit  Flamel,  dans 
deux  réduits  assez  semblables  aux  échoppes  de 
nos  écrivains  publics,  «  cinq  pieds  de  long  sur 
deux  de  lez  ».  Peu  à  peu  l'aisance  vint,  puis  la 
fortune  ;  Flamel  acheta  un  terrain  en  face  de 
l'église,  et  il  y  fit  bâtir  une  belle  demeure.  Il 
eut  alors  de  nombreux  écoliers,  des  externes  et 
des  pensionnaires  ;  parmi  les  premiers  figuraient 
des  fils  de  familles  nobles,  «  des  gens  de  cour  », 
qui  ne  payaient  pas  toujours  exactement  leurs 
leçons  ^. 

Dans  le  premier  livre  imprimé  en  France,  les 
épîtres  latines  de  Gasparino  Barzizio  '* .  figure 
ime  préface  où  on  lit  cette  phrase  dirigée  contre 
les  copistes  :  «  Outre  les  graves  et  nombreuses 
mésaventures  arrivées  aux  lettres,  elles  semblent 
avoir  été  plongées  presque  dans  la  barbarie,  par 
suite  des  incorrections  dues  aux  copistes.  Aussi 
est-ce  avec  une  joie  extrême  qu'on  va  voir  ce 
fléau  fuir  la  grande  cité  parisienne.  Les  impri- 
meurs venus  d'Allemagne  reproduisent  correc- 
tement les  livres  d'après  les  manuscrits  ». 

Les  malheureux  copistes  à  qui  l'imprimerie 
venait  enlever  leurs  moyens  d'existence  se  rési- 
gnèrent à  donner  des  leçons  de  dessin,  des  leçons 
d'écriture,  et  l'on  trouvera  la  suite  de  leur 
histoire  au  mot  écrivains.  "* 

Copistes  de  théâtre.  «  Le  copiste,  écri- 
vait Chappuzeau  en  1674,  est  commis  aux 
archives  pour  la  garde  des  originaux  des  pièces, 
pour  en  copier  les  rôles  et  les  distribuer  aux 
acteurs''  ».  Il  cumulait  alors  avec  ces  fonctions 
celle  de  souffleur. 

En  1760  le  copiste  de  l'Opéra  se  nommait 
Durant.  Il  avait  été  remplacé,  en  1773,  par  un 
sieur  Lefèvre. 

Goquatiers.  Nom  que  l'ordonnance  de 
janvier  1351  donne  aux  coquetiers. 

Goqiietiers.  Forains  qui  apportaient  à 
Paris  du  beurre,  des  œufs,  quelques  fruits,  etc. 


1  Chapitre  XXX. 

-  Histoire  de  la  paroisse  Saint-Jacques  de  la  Boucherie, 
p.  256. 

>*  Histoire  de  la  paroisse  Saint-Jacques,  p.  40  et  146. 
i  Voy.  ci-dessous  l'art.  Imprimeurs. 
^  Le  théâtre  français,  p.  237. 


202 


COQUETIERS  —  CORDON  BLEU 


Ils  représentent  assez  bien  la  spécialité  aujourd'hui 
connue  sous  le  nom  de  beurre  et  œufs. 

Je  les  ai  trouvés  nommés  cocatiers,  cocassiers, 
coquatierS;  qtieconniers,  cocquassiers,  beurriers, 
etc. 

CoqTiilliers.  La  Taille  de  1202  cite  3  coqtiil- 
liers.  Suivant  Géraud,  ils  auraient  fait  des 
«  coquilles,  espèce  de  coiffure  à  l'usafje  des 
femmes  •  ».  Mais,  la  coquille  dérivée  du  chape- 
ron, ne  fut  guère  en  usage  avant  la  fin  du 
quatorzième  siècle  ^. 

Corailleurs.  Marchands  de  corail,  ouvriers 
en  corail,  qu'on  trouve  aussi  nommés  coralters 
et  couraliers. 

Ils  dépendaient  de  la  corporation  des  orfèvres. 
Mais,  comme  toutes  les  pierres  précieuses,  le 
corail  formait  la  base  de  nombreux  médicaments, 
il  pas.saif  pour  guérir  l'hjdropisie,  les  pertes 
séminales,  etc.  Destiné  à  cet  emploi,  le  corail 
appartenait  au  commerce  des  épiciers-apothi- 
Cxiires. 

Voy.  Joailliers  et  Patenôtriers. 

Goraliers.  Voj.  Corailleurs. 

Corbeaux.  \  oj.  Croque-morts. 

Corbeille  (Offrande  de  la).  C'était  une 
des  nombreu.ses  redevances  offertes  par  les  jurés 
nouvellement  élus  aux  jurés  sortants.  Elle  se 
composait  d'une  corlieille  remplie  do  fruits  et  de 
contilures  sèches.  En  lf)82,  les  merciers  rempla- 
cèrent l'ollrande  de  la  corbeille  par  le  don  de  huit 
jetons  d'argent  'K 

Corbeilliers.  Gorbeilloniers.  Gor- 
beliniers.  Gorbelleurs.  Gorbelloi- 
K"neurs.  V(.y.  Vanniers. 

Corbesiers.  Voy.  Cordonniers. 

Corbilloniers.  Corbisiers.  Voy.  Van- 
niers. 

Corde.   Ancii-nne    mesure  de   capacité,  qui 
fiait    siirloiit   ••mployéc    pour   le  bois  à  brûler. 
Vi>y.  Mouleurs  de  bois. 

Corde  Danskursde).  Voy.  Funambules. 

Cordoleurs.  Voy.  Arpenteurs. 

Cordes  de  boyau.  V^y.  Boyaudiers. 

Cordes  pour  instruments  de  musi- 

(\\U\  (  »n  l-'s  trouve  citcrs,  ;ni  (|Uiitorzii'nii'  siècle, 
flan^  in  nnmeni-lature  des  objets  ([vw  débitaient 
Ip.-*  morcieps  » .  Au  dix-septi."M,ie  siècle,  on  recher- 
Chnil    HUrloUl     les    cordes    de     Home;     elles     se 

viMulni«Mit  en  gros  à  l'nris  rue  Saint-Denis,  ,mix 
Irni.s  mnillfis.  et  m  flétail  chez  tous  l.'sbilhiers  •'•. 


>   T»ilU  dt  t292,  p.  408. 
'  \«>y    Dumn^f.',  Glottaire,  nu  iimt  n,(/iii/ius. 
•■'  SftinlJivinnv,  /tfyis/re  tlts  lii^Ubrrations  des  nwrchaniU 
mtrtitTi,  ^    \Vt1 . 

*  Voy.  U  f>ii  li'un  mm-itr. 

S  Le  Ltfrt  rommodt  pour  M9S,  t.  I,  p.  215. 


Au  dix-huitième  siècle,  Lyon  faisait  une  concur- 
rence sérieuse  à  l'Italie  ^  A  Paris,  toutes  les 
cordes  de  boyau  étaient  confectionnées  par  la 
corporation  des  boyaudiers. 

Gordeurs  de  bois.  Voy.  Mouleurs  de 
bois. 

Gordiers.  Leurs  plus  anciens  statuts  connus 
datent  du  treizième  siècle  ;  ils  y  sont  qualifiés 
«  faisierres  ^  de  cordes  de  toutes  manières  de 
fil,  de  teill  ^  et  de  poil  ».  Chaque  maître  ne 
pouvait  avoir  à  la  fois  plus  d'un  apprenti,  et 
l'apprentissage  durait  quatre  ans  '*.  Les  cordiers 
étaient  exempts  de  tout  impôt,  à  la  condition  de 
fournir  gratuitement  les  chevêtres,  c'est-à-dire 
les  brides  et  les  licous  destinés  aux  sommiers  ^ 
de  la  maison  royale  ®. 

La  Taille  de  1292  nomme  26  cordiers,  celle 
de  1300  en  cite  13  seulement. 

Les  statuts  de  cette  corporation  furent  renou- 
velés en  janvier  1395.  Il  n'y  est  plus  question 
de  la  redevance  des  chevêtres,  mais  elle  est 
remplacée  par  une  autre  :  les  cordiers  doivent 
fournira  l'exécuteur  des  hautes  œuvres  les  cordes 
qu'il  emploie  dans  l'exercice  de  sa  profession, 
«  pource  que,  dit  l'article  14,  ils  livrent  pour 
néant  et  à  leurs  dépens  toutes  les  cordes  qu'il 
faut  avoir  et  sont  nécessaires  au  fait  de  la  justice 
du  Roy,  nostre  sire  ». 

De  nouveaux  statuts,  datés  de  janvier  1706, 
donnent  aux  maîtres  de  cette  corporation  le 
nom  de  cordiers-ci'iniers. 

Les  ouvriers  de  ce  métier  étant  obligés  de 
marcher  en  arrière  quand  ils  tordent  leurs 
cordes,  on  disait  d'eux  qu'ils  gagnaient  leur  vie 
à  reculons.  Les  articles  de  chasse  et  de  pêche 
constituaient  une  des  spécialités  de  la  commu- 
nauté, dont  les  maîtres,  vers  la  fin  du  siècle 
ajoutèrent  à  leur  titre  officiel  ceux  de  marchands 
de  chasse-mouches  et  filets,  fabricants  et  enjoliveurs 
de  crin.  On  appelait  chasse-mouches  un  filet  à 
cordelettes  pendantes  dont  on  couvrait  les  flancs 
des  chevaux  pour  les  garantir  des  mouches. 

On  comptait  alors  à  Paris  environ  130  maîtres 
cordiers.  Une  prescription  qui  avait  été  presque 
générale  au  moyen  âge  leur  était  encore  imposée, 
ils  ne  devaient  point  travailler  à  la  lumière,  «  à 
cause  des  fraudes  et  tromperies  si  aisées  en  ce 
métier  »,  et  des  graves  conséquences  qu'elles 
peuvent  avoir. 

La  corporation  était  placée  sous  le  patro- 
nage de  saint  Paul,  qu'elle  fêtait  le  jour  de  la 
conversion. 

Cordiers  (Maîtres).  On  nommait  ainsi, 
dans  les  arsenaux,  les  officiers  préposés  au 
service  de  la  corderie. 

Gordon  bleu.  «  l)"après  le  Dictionnaire  de 
Trérouor,  ce  mot  se  ditfigurément  d'une  personne 


1   Suyury,  Diclluiuiaire.  I.  1,   p.   l.")10. 

*  l''!ii.spurs. 

3  Écorce  de  tilloul. 

*  Livre  des  me'tiers,  titre  XIII. 

5  Botes  (te  somme. 

6  Litre  des  métiers,  2^  partie,  titre  I,  art.  63. 


CORDON  BLEU  —  CORDONNIERS 


203 


d'un  mérite  distingué  dans  une  communauté  *  ». 
Dans  son  édition  de  1835  le  Dictionnaire  de 
r Académie  remplace  celte  définition  par  celle-ci  : 
«  Se  dit,  figurément  et  par  plaisanterie,  d'une 
cuisinière  très  habile  "^  ». 

Cordonniers.  Ils  devaient  leur  nom  à 
l'espèce  de  cuir  qu'ils  employaient  le  plus,  le 
cordouan,  peau  de  chèvre  apprêtée  suivant  des 
procédés  spéciaux  ^.  Le  secret  de  cette  prépa- 
ration avait  été  apporté  en  EspagJie  par  les 
Arabes,  et  dès  le  temps  de  Charlemagne, 
Cordoue  fournissait  à  l'Europe  occidentale  le 
cuir  utilisé  pour  les  chaussures  de  luxe  *.  Le 
nom  de  cordouan  s'appliqua  à  toutes  les  imi- 
tations de  ce  cuir  aussi  longtemps  que  les 
Arabes  conservèrent  une  industrie  en  Espagne. 
Plus  tard,  on  acheta  ces  mêmes  peaux  sur  les 
côtes  de  la  Barbarie  et  sur  celles  du  Maroc,  ce 
qui  fit  changer  leur  nom  en  celui  de  maroquin. 

Le  cordouan  était  dit  en  latin  aluta,  d'où  la 
qualification  aValutarii  donnée  aux  cordouanniers 
par  Jean  de  Garlande  ^.  Ils  eurent  bien  d'autres 
noms  encore,  car  voici  les  différentes  formes  que 
j'ai  rencontrées  : 

Carduanarii.  Cordubenarii. 

Cordanarii.  Cordubones. 

Cordebanarii.  Cordularini. 

Cordoanerii.  Corversarii. 

Gordoenarii.  Sutores. 

Cordones.  Sutores  vaccse. 

Corduarii.  Sutorii. 

Cordubanarii.  Vacarii. 
Cordubanasii. 

Vers  1268,  les  cordouanniers  revisèrent 
d'anciens  statuts  et  les  soumirent  à  l'homolo- 
gation du  prévôt  Etienne  Boileau  ^.  L'organi- 
sation de  cette  importante  communauté  nous  est 
donc  connue  dans  ses  moindres  détails. 

Le  roi  ayant  cédé  les  revenus  du  inétier  à 
son  chambellan  et  à  son  chambrief,  c'était 
à  ceux-ci  que  les  ouvriers  achetaient  le  droit  de 
s'établir.  Ils  le  payaient  seize  sous,  dont  dix 
revenaient  au  chambellan  et  six  au  chambrier. 

Une  fois  la  somme  versée,  le  nouveau  maître 
jurait,  en  présence  du  chambellan,  que  «  le 
mestier  feroit  bien  et  loiaument  ». 

Chaque  maître  pouvait  avoir  autant  d'ap- 
prentis qu'il  voulait,  et  régler  à  son  gré  les 
conditions  de  l'apprentissage. 

Le  travail  à  la  lumière  était  interdit  aux 
cordouanniers,  sauf  pour  le  roi,  pour  la  reine  et 
la  maison  royale,  sauf  aussi  pour  eux-mêmes  et 
leur  famille. 

Tout  cordouannier  devait  cesser  de  travailler 
le  samedi  à  six  heures  du  soir,  «  au  darrenier 
cop  de  vêpres  sonné  en  la  paroisse  où  il 
demeure  ». 


1  Édit.  de  n71,  t.  I,  p.  913. 

2  Tome  I,  p.  410. 

3  Voy.  Ducange,  au  mot  cordebisim. 

4  Voy.   l'art.    162  de  l'ordonn.  du  30  janvier  1351. 
»  Dictioiiarius,  p.  25. 

6  Livre  des  métiers,  titre  LXXXIV. 


La  Taille  de  1292  nous  apprend  qu'il  y  avait 
alors  à  Paris  226  cordotianiers^  celle  de  1300  en 
cite  275.  Le  métier  était  bon,  car  s'il  fallait  en 
croire  le  Jonrnal  d'un  bourgeois  de  Paris  l'épi- 
démie régnante  en  octobre  et  en  novembre  1418 
eut  enlevé  1.800  cordonniers  «  tant  maistresque 
valets  *  ».  Ce  qui  n'empêcha  pas  la  corporation 
de  constituer  à  elle  seule  une  compagnie  quand 
Louis  XI  (1467)  enrégimenta  les  parisiens  "^. 

Le  cordonnier  du  roi  Jean  en  1350  se  nom- 
mait Guillaume  Loisel,  celui  de  Charles  VI  en 
1387  Jean  de  Saumur,  et  celui  de  Louis  XI  en 
1468  Verrat.  Le  premier  cordonnier  qu'eut 
Louis  XIII  s'appelait  Champagne,  et  le  petit  roi 
avait  à  peine  huit  mois  quand  il  lui  fit  des 
souliers.  Héroard  écrit  dans  son  Journal,  à  la 
date  du  2 juin  1602  :  «Champagne,  cordonnier, 
lui  prend  mesure  de  ses  souliers,  qui  fut  d'un 
grand  point  ^  ».  La  Révolution  a  anéanti  cette 
relique  royale,  car,  en  1787,  l'on  conservait 
encore  au  Val-de-Grâce  «  la  première  chaussure 
de  chaque  fils  ou  dame  de  France  *  ». 

En  avril  1573,  Charles  IX  accorda  aux 
cordonniers  des  statuts  dans  lesquels  quelques 
articles  méritent  d'être  recueillis. 

Un  compagnon  étranger  ayant  servi  pendant 
cinq  ans  pouvait  passer  maître  en  épousant  une 
veuve  ou  une  fille  de  maître. 

Les  maîtres  ne  devaient  occuper  un  étranger 
que  si  tous  les  compagnons  de  Paris  étaient 
placés. 

Les  lettres  patentes  de  1614  modifièrent 
encore  cette  organisation. 

Chaque  maître  ne  put  engager  qu'un  seul 
apprenti,  et  la  durée  de  l'apprentissage  fut  fixée 
à  quatre  ans  au  moins. 

Le  contrat  d'apprentissage  était  passé  devant 
notaires. 

Le  chef-d'œuvre  exigé  pour  obtenir  la  maîtrise 
devait  être  exécuté  en  présence  de  six  jurés.  Les 
fils  de  maître  en  étaient  dispensés,  «  comme  ils 
ont  accoutumé  de  toute  antiquité  ». 

Afin  de  restreindre  la  concurrence,  on  ne  dut 
plus  recevoir  chaque  année  que  quatre  nouveaux 
maîtres. 

Chaque  cordonnier  fut  tenu  d'appliquer  sur  les 
chaussures  faites  par  lui  une  marque  spéciale 
qui  permit  de  déterminer  leur  origine  ^. 

Il  était  défendu  de  faire  confectionner  aucun 
ouvrage  au  dehors,  «  si  ce  n'est  par  un  pauvre 
maître  qui  n'a  moyen  ni  faculté  de  tenir  boutique, 
pour  lui  donner  moyen  de  vivre  et  subvenir  à 
ses  nécessités  ». 

Tout  compagnon  resté  trois  jours  sans  place, 
«  trouvé  avoir  esté  %ans  maistre  trois  jours 
consécutifs  »,  était  arrêté  et  emprisonné  au 
Châtelet. 

Aucune  des  corporations  de  Pai"is  n'avait  une 
organisation  plus  compliquée,  et  ne  comptait  un 


1  Édit.   Tuetey,  p.  116. 

2  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  671. 

3  Tome  I,  p.  28. 

'*  Thiéry,    Guide   des  amateurs  et  des  étrangers,   t.    II, 
.  260. 
S  Voy.  ci-dessus  l'art.  Bottiers. 


204 


CORDONNIERS  —  CORNETIERS 


si  grand  nombre  de  dignitaires.  On  en  trouvera 
la  liste  ci-dessous  à  l'article  Maîtres  des  métiers. 
Cette  organisation  subsistait  intacte  à  la  fin  du 
dix-liuitiéme  siècle. 

Vers  1725,  on  comptait  à  Paris  environ 
1.500  maîtres,  dont  la  plupart  occupaient  de 
trois  à  douze  compagnons  ^.  Une  cinquantaine 
d'années  plus  tard,  ce  nombre  était  monté  de 
1.800-  à  1.824  3.  Les  maîtres  s'étaient  alors 
divi.sés  d'eux-mêmes  en  trois  classes  :  cordonniers 
pour  hommes,  cordonniers  pour  femmes,  cor- 
donniers pour  enfants,  et  bottiers,  tous  composant 
une  même  corporation.  Ils  avaient  pour  patrons 
saint  Crépin  et  saint  Crépinien,  «  qui  furent 
cordctanniers  en  leur  vivant  ».  C'est  au  moins  ce 
qu'aflirment    les   lettres   patentes    du    6    juillet 

i:ny  ^ 

A  dalt-rdcs  huit  ou  dix  années  qui  précédèrent 
la  Révolution,  les  boutiques  des  cordonniers 
commencèrent  à  devenir  presque  luxueuses  ^, 
et  le  propriétaire  ne  fut  guère  moins  (;hangé  que 
le  domicile.  Il  portait  un  habit  noir,  une 
perruque  bien  poudrée,  et  avait  tout  l'air  d'un 
greffier,  écrit  Sébastien  Mercier  ^. 

La  rue  de  la  Cordo>i  ne  rie  •iilnée  près  des  Halles 
fui  supprimée  vers  1860.  La  rue  des  Fourreurs  et 
ht  riii'  df  la  Tabletterie,  sa  continuation,  s'appe- 
lèrent rue  de  la  Cordouanerie  au  quatorzième 
siècle  ',  e{  rue  de  la  Vieille- Cordonnerie  au 
dix-septième  siècle  ^.  Le  cul-de-sac  Sainl- 
Biirlhélemy,  derrière  l'église  de  ce  nom,  s'est 
appelé  vicus  Cordubenarius  et  rue  des  Cordoua- 
f/ners  '. 

Outre  les  formes  déjà  mentionnées,  j'ai  trouvé 
le»  cordormiers  désignés  sous  les  noms  do 
corùetiers,  corvisiers,  courvexiers,  crovixiers, 
semeliers,  etc..  etc.  * 

Voy.  Chaussure. 

Cordonniers  (Frères).  Depuis  le  seizième 
siècle  surl<»ul.  la  ludralité  des  ouvriers  cordon- 
niers laissait  fort  à  désirer.  On  leur  reprochait 
surtout  le  mystère  dont  ils  entouraient  les  forma- 
lités, plus  ridicules  qu'impies  '",  de  leur  réception 
au  ••••mpiignimnage.  C'est  pour  réagir  contre  ces 
désordres  qu'un  cordonnier  nommé  Buch  et  le 
Imrou  de  Henly  fondèrent  en  1645  la  communauté 
des  frères  rordiinniers  de  Saint-Crépin,  véritable 
a»»ociHli«in  religieuse  dont  les  meudjres  s'enga- 
p<*aient  il  mettre  tout  eu  commun,  à  partager 
avec  les  pauvHîs  du  métier  Ions  leiiis  bénélices,  ii 
HJlfT  Miènii-  travailler  chez  les  maîtres,  pour  y 
edilier  [lar  h-ur  exiMUple  les  aulres  (-(juipagnons. 
!.«•»  priorcs  H  les  r^iuliques  Imubhii.'nl  seuls   h- 


'  Sii»«r;^,  /h'ftioHnalre  dii  rummerce,  t.  I,  n    1517 

■    V 1773.  ' 

■•  1770. 

•  ■         ..^.)i   |M«r   (î     Knjfiii.v.  ,    h'tuiUi   xur    f  intlii.slric, 
|>    iM    —  >o_v    nimni  Ducnnpi-,  nu  mot  fesliim. 

»    Vit  pmili^utfl  privée  JtM  fronçais.  {\^2\\),  l.  II,..    213 
fi  817.  ' 

•  TMntm  Ht  hwit.  \.   XI,  p.  IH. 

*  Guillitl.  Dit  du  ruts  dr  Paris,  vrrs  259. 

*  Vov,   !..  |.|an  .t..  fionihoiixt. 

'  JaiIIoI,  .|uartipr  .lr  In  Cilc.  p.  27  ol  45. 
••  \oy.    iAfhtr,    Diuerlation*    rtlalirtt  à  l'histoire  ,1c 
Fnuttf,  I.  IX. 


silence  exigé  dans  la  maison.  Les  frères  portaient 
un  costume  presque  ecclésiastique,  manteau  de 
serge  brune,  rabat,  chapeau  à  large  bord  ;  ils 
visitaient  les  indigents,  leur  distribuaient  des 
secours,  des  consolations,  etc. 

Racine  mandait  à  son  fils,  le  26  janvier  1698  : 
«  Vous  trouverez  dans  les  ballots  de  M.  l'ambas- 
sadeur un  étui  où  il  j  a  deux  chapeaux  pour  vous, 
un  castor  fin  et  un  demi-castor.  Vous  y  trou- 
verez aussi  une  paire  de  souliers  des  frères  ^  ». 

Cette  association  prospéra,  et  Paris  comptait 
deux  établissements  de  ce  genre  à  l'époque  de 
la  Révolution,  l'un  dans  la  rue  de  la  Grande- 
Truand  erie,  l'autre  dans  la  rue  Pavée  Saint- 
André  -.  «  Il  y  a,  écrivait,  alors  Séb.  Mercier, 
des  frères  cordonniers  ;  c'est  une  communauté  de 
frères  unis,  faisant  des  souliers.  Ils  vivent,  comme 
les  anciens  apôtres,  du  travail  de  leurs  mains  ;  ils 
chantent  des  psaumes  et  battent  le  cuir,  ce  qui 
n'est  pas  incompatible. . .  Ils  ont  la  réputation  de 
donner  de  bonne  marchandise  ^  ». 

Gordouag"ners.  Voy.  Cordonniers. 

Gordouaniers.  Nom  que  les  Tailles  de 
1202  et  de  1300  donnent  aux  cordonniers.  Le 
Livre  des  métiers  écrit  cordxmanniers . 

Gordouenniers.  Nom  donné  aux  cordon- 
niers par  la  grande  ordonnance  de  1467. 

Gornemuseurs.  Joueurs  de  musette  ou  de 
cornemuse.  Rabelais  les  nomme  gayetiers  ^,  du 
mot  espagnol  y«y/^ro. 

Gorneteurs  ou  Ventouseurs.  Poseurs 
de  ventouses.  Jusqu'à  la  fin  du  dix-septième 
siècle,  il  fut  d'usage  de  se  faire  ventouser  chaque 
fois  que  l'on  prenait  un  bain.  Cette  opération 
était  pratiquée  par  le  baigneur  ou  un  de  ses 
valets.  Montaigne,  qui  visita  les  bains  de  Bade 
en  1580,  rapporte  (jue  les  baigneurs  «  s'y 
faisoient  corneter  et  soigner  si  fort  que  les  deux 
beings  publics  sembloient  parfois  estre  de  pur 
sang^  ».  Nicolas  de  Franqueville  écrivait  encore 
en  1691  :  «  Le  maistre  ou  valet  des  estuves 
scarifie  la  peau  avec  sa  lancette  en  y  appliquant 
des  ventouses,  pour  en  tirer  du  sang  qui  est  entre 
chair  et  cuir,  ot  l'essuyé  avec  une  éponge  •"  ». 

Gornetiers.  La  Taille  de  1292  cite  deux 
«  foseurs  do  cornez  »,  celle  de  13i3  mentionne 
«  Jehanne  la  cornelière  »,  et  aussi  «  Michiel  de 
Viviers,  marchand  de  boëtes,  cornez  et  autres 
choses  ».  Fabriquaient-ils  dos  cornets  à  écrire  ou 
dos  cornets  pour  jouer  aux  dés?  Au  moyen  âge, 
l  encre  éUiit  souvent  renfermée  dans  une  corne, 
que  l'on  portait  en  bandoulière  ou  fixée  à  la 
ceinture.  Les  expressions  escriptouère,  escritoire 
avaient  un    sens  beaucoup    plus   large    qu'au- 


1  Kdit.  P.  Mcsnarrl,  t.  VII,   [,.   1<)C,. 

*  Auj.  rue  Scfruier. 

•f  Tableau    de   Paris,    t.    XI,    p.    20.     — 
Thii'-ry,  (iuide  de  1787,  t.  I,  p.  476. 

*  Pniilngruel.  liv.  Il,  chap.  30. 
3  Voijnges.  édit.  de  1774,  p.  27. 

6  Le  miroir  ,le  l'art  et  de  la  nature,  p.   197 


Voy.    aussi 


CORNETIERS  —  CORPORATIONS 


•205 


joiird'lnii  ;  elles  désio^naienl  un  iisleiisile  qui 
conlenail  le  cornet  à  encre,  des  plumes,  un 
canivet  ou  canif,  une  rè<»;le,  un  compas,  un 
pinceau,  une  furg'elte  ou  graUoir,  de  la  poudre, 
elc.  M.  de  Lal)orde  a  relevé  dans  un  compte  de 
1528  ce  passag;e  :  «  Deux  esluicts  faits  en  façon 
d'encriers,  en  cuir  doré,  g'arnis  chacun  de  deux 
cornels  à  mectre  ancre  etpouldre,  et  d'une  raij^-le, 
le  tout  d'arj^-ent,  d'un  pelil  poinçon,  d'un  canyvet 
et  d'un  compas  d'acier  ».  On  nommait  aussi 
escritoire  une  salle  d'étude,  un  cabinet  de  travail: 
o-ens  d'escritoire  el  y-ens  d'eslude  élaienl  mois 
sjnonjmes  ^ . 

Ce  qui  me  ferait  croire  que  les  faiseurs  de 
cornets  du  treizième  siècle  fabriquaient  des 
cornets  pour  jouer  aux  dés,  c'est  que  le  titre  de 
cornetiers-faisetirs  de  des  fut  donné  plus  tard  à 
une  corporation  de  patenôtriers  ^,  et  i(û  il  ne  peut 
s'ag'ir  que  de  dés  à  jouer. 

On  qualillait  aussi  de  cornetiers  les  tabletiers, 
parce  qu'ils  avaient  la  spécialité  des  ouvrag-es 
en  corne.  On  en  comptail  seulement  quatre  ou 
cinq  en  1773. 

Cornetiers.  Faiseurs  de  cors.  A  la  fin  du 
dix-huitième  siècle,  cette  industrie  était  surtout 
représentée  par  les  sieurs  Carlin  et  Raoux,  qui 
appartenaient  à  la  corporation  des  chaudronniers, 
et  demeuraient  rue  du  Petit-Lion  Saint  Sauveur-'. 
Non  seulement  ils  fabriquaient  d'excellents  cors 
de  chasse,  mais  ils  enseig-naient  «  les  fanfares  et 
autres  airs  parliculièremenl  propres  à  cet  instru- 
ment *  ». 

Cornetiers .  Voy .  Refendeurs  de 
cornes. 

Corneurs.  Sonneurs  de  cor.  De  nos  jours, 
une  cloche  mise  en  mouvement  par  la  cuisinière 
ou  le  maître  d'hôtel,  donne  le  sig'ual  des  repas. 
Durant  le  mojen  âg-e,  une  sonnerie  de  cor  jetée 
au  vent  et  fouillant  tout  le  domaine  prévenait 
petits  et  grands,  vassaux  et  hôtes,  que  le  châtelain 
allait  se  mettre  à  table.  On  cornait  de  même 
l'ouverture  et  la  fermeture  des  portes  d'une  ville, 
le  couvre-feu,  le  commencement  et  la  fin  du 
marché,  etc. 

Corporations.  On  aurait  jadis  bien  étonné 
un  commerçant  si  on  lui  eût  dit  qu'un  jour 
viendrait  oîi  aucune  solidarité  n'existerait  entre 
les  personnes  exerçant  la  même  profession  ;  que 
tout  individu  aurait  le  droit  d'ouvrir  boutique  et 
de  se  dire  son  confrère,  sans  fournir  aucune 
g'arantie  d'aptitude,  ni  d'honorabilité;  que  chacun 
pourrait  établir  à  sa  g'uise  les  produits  de  son 
industrie,  en  dissimuler  les  défauts,  vendre  du 
vieux  pour  du  neuf,  du  mauvais  pour  du  bon,  du 
faux  pour  du  vrai,  sans  qu'il  fût  permis  au  corps 
qu'il  compromettait  ainsi  de  lui  inilig'er  aucune 
peine,  aucun  blâme  même. 


'   Voy.   rarticle  Vérificateure  de  mémoires. 

^  Voy.   ci-dessous. 

"t  Almanach  Dauphin  pour  1777 .  —  La  rue  du  Pelit- 
Lioii  Saint-Sauveur  est  aujourd'hui  comjirise  dans  la  rue 
Tiiiuetunne. 

■i  Jèze,  État  ou  tableau  de  la  ville  de  Paris,  p.  188. 


Celui  qui  voulait  se  livrer  à  une  industrie  ou 
à  un  commerce  devait,  avant  tout,  être  accepté 
par  ceux  dont  il  allait  devenir  l'allié.  11  lui  fallait 
prouver  qu'il  était  homme  de  bien,  ensuite  qu'il 
avait  fait  un  apprentissage  sérieux  et  acquis  une 
instruction  professionnelle  complète,  enfin  qu'il 
possédait  les  capitaux  néces.saires  au  nég-oce  qu'il 
désirait  entreprendre.  Ces  conditions  remplies, 
il  était  solennellement  admis,  comme  maître  ou 
patron,  dans  ce  que  l'on  nomma  d'abord  le 
commun  du  métier,  le  métier  juré  ou  le  corps  du 
métier,  el  plus  tard  la  communauté  ou  la  corpo- 
ration. 

On  entendait  par  ces  mots  l'association, 
reconnue  par  l'Ktat,  d'individus  exerçant  la 
même  profession.  Le  corps  de  métier  avait  ses 
privilèg-es,  ses  charg-es,  sa  hiérarchie.  Il  réglait 
lui-même  sa  discipline,  exposée  dans  des  statxds 
rédigés  en  commun,  et  auxquels  chaque  membre 
de  l'association  jurait  obéissance  ;  ces  statuts, 
une  fois  approuvés  par  le  souverain  ou  son  repré- 
sentant avaient  force  de  loi  vis-à-vis  de  tous  les 
citoyens.  La  corporation  constituait  ainsi  une 
personne  morale,  capable  d'acquérir,  d'aliéner, 
de  faire  tous  les  actes  de  la  vie  civile. 

Le  métier  proprement  dit  conservait  ce  nom 
jusqu'au  jour  où  il  devenait  assez  important  pour 
obtenir  des  statuts  et  se  constituer  en  commu- 
nauté. Les  membres  d'un  métier  restaient  indé- 
pendants les  uns  des  autres  et  étaient  tenus 
seulement  de  se  conformer  à  des  règlements  de 
police,  qui  ne  visaient  en  général  que  leurs 
rapports  avec  le  public. 

Il  est  clair  que  toute  corporation  a  commencé 
par  être,  un  métier.  Si  on  laisse  de  côté  les 
marchands  de  Veau,  association  d'une  nature 
spéciale,  l'existence  des  corporations  ne  se  révèle 
guère  avant  la  fin  du  douzième  siècle.  Jusque-là 
les  documents  dont  on  dispose  sont  rares  et 
suspects.  Il  faut  se  méfier  aussi  bien  des  chartes 
roj'ales,  souvent  convaincues  d'être  apocryphes, 
que  des  renseignements  fournis  par  les  corpo- 
rations elles-mêmes,  qui  toutes  mettaient  un 
certain  orgueil  à  faire  remonter  très  haut  leur 
origine. 

Parmi  ces  artisans  possédés  du  démon  de  la 
vanité,  les  foulons  tiennent  le  premier  rang.  A 
les  entendre  ils  étaient  constitués  en  communauté 
avant  le  règne  de  Clovis  II,  et  ils  se  vantaient 
d'avoir,  en  tant  que  corps  organisé,  (on  dirait 
aujourd'hui  sj'udiqué),  fait  construire  l'église 
Sai nt- Paul  dès  l'an  650  '.  Rien,  naturellement, 
ne  justifie,  cette  impertinente  prétention  "^. 

En  vertu  d'une  tradition  transmise  de  père  en 
fils  depuis  le  huitième  siècle,  les  tailleurs  de 
pierre  disaient  avoir  été  exemptés  du  service  du 
guet  par  Charles  Martel,  «  très  le  tans  Charle 
Martel,  si  comme  li  preud'ome  l'ont  oï  dire  de 
père   à   fils  ^   ».    Ce   souvenir   du   roi   Charles- 


1  Statuts  de  la  communauté  des  maistres  et  marchands 
foulons,  nplaigneurs,  fpoutilleurs  de  draps,  drapier s-drapans . 
paigneurs  et  arçonneurs  de  la  Ville  et  fauxbourys  de  Paris, 
très  ancienne  puisque  sous  Clovis  II  en  650  ils  ont  fait 
bâtir  léglise  S.  Paul  à  Paris.  Paris,  1742,  in-18. 

^  Voy.  Jaillot,  quartier  Saint-Paul.  p.  30. 

•*  Livre  des  métiers,  titre  XLVIII. 


206 


CORPORATIONS 


Martel  invoqué  par  des  artisans  qui  ont  toujours 
ie  marteau  à  la  main  vant  la  peine  d'être  recueilli 
à  titre  de  curiosité. 

Les  chandeliers  font  bien  mieux.  Ils  se  conlec- 
tionnenl  une  belle  charte,  où  Philippe  P^  leur 
prodif^'ue  les  éloges  ;  ils  la  datent  de  1061  et 
r impriment  en  tête  de  leurs  statuts.  Et,  bien 
qu'un  seul  coup  d'oeil  jeté  sur  cette  pièce  suffise 
pour  eu  démontrer  la  fausseté,  M.  de  Pastorel, 
l(.ul  fier  de  posséder  un  document  si  ancien 
r.-lalif  aux  corporations,  l'insère  pieusement  dans 
11-  «rj-and  Recueil  des  ordonnances  '. 

Les  cardeurs  invoquent  en  faveur  de  leur 
cuinnumauté  des  statuts  purement  imaginaires, 
et  ils  par\'iennentainsià  induire  en  erreur  même 
le  roi  Louis  XIV.  Ce  monarque  écrit,  en  elVet, 
dans  le  préambule  de  leurs  statuts  de  1688: 
«  Nos  bien  amés  les  maislres  et  marchands 
Ciirdfurs. .  .  de  Paris  nous  ont  très  humblement 
l'ail  remontrer  que,  par  des  anciens  statuts  et 
règlements  dudil  métier,  confirmés  par  lettres 
patentes  du  roi  Louis  XL  du  24  juin  1467,  il  ail 

été  pourvu  aux  abus  qui  s'étoient  glissés ^  ». 

J'ai  vainement  cherché  ces  anciens  statuts  et 
leur  conlirmalion  ;  mais  j'ai  trouvé,  datés  de  ce 
même  24  juin  1467,  des  statuts  accordés  aux 
foulons  et  dans  lesquels  Louis  XI  s'exprime 
ainsi  :  «  Aucuns  cardeurs,  peigneurs  et  arçon- 
neurs,  sous  ombre  de  ce  qu'ils  ont  nouvellement 
fait  leur  métier  juré  et  obtenu  de  Nous  certains 
patron  et  ordonnances  qui  jamais  n'avaient  été 
vus  ni  faits  par  ci-devant  ^  »....  D'où  l'on  est  en 
droit  de  conclure  que  les  cardeurs  ont  été  consti- 
tués en  corporation  par  Louis  XI,  à  une  époque 
antérieure  au  24  juin  1467,  et  qu'à  cette  date 
le  roi  se  repentait  déjà  d'avoir  accueilli  leur 
demande. 

.\vei;  les  bouchers,  nous  quittons  enfin  le 
domaine  de  la  l'antaisie.  l<;n  Il46,  Louis  VII 
accorde  aux  lépreux  de  Paris  dix  fresenges  *  que 
le  maijister  caniifinim  Purisiensium  fut  tenu  de 
leur  fournir  cha([ue  année  ^.  Les  bouchers  étaient 
donc  déjà  constitués  en  corporation  sous  l'auto- 
rité, qui  demeura  respectée  pendant  plusieurs 
siècles,  du  maître  des  ôouc/iers,  chef  élu  à  vie 
par  la  communauté.  L'origine  de  celle-ci  était 
niAme  plus  ancienne  encore,  puisque  a  la 
(Ifiiiande  de  ceux  qui  la  composaient,  le  roi 
confirma  i-n  1162  ",  d'anciens  statuts,  «  quas 
kaburrunt,  dit-il,  lempore  superioruvi  re(/um  ». 
(>«  statu Is  sont  conlirmés  de  ncuiveau,  en  1182, 
par  Philippe-Augusle,  qui  reconnaît  que  ces 
antiijU(is  rinisui^ludiiifs  remontent  à  son  père,  à 
Min  nieul  et  u  ses  autres  prédécesseurs  :  «  requi- 
renles  ul  anti(pias  eoium  consueludines,  sicul 
jMtler  et  nvus  noster  Luduvicus,  et  alii  predeces- 


*  Tumv  XVI,  p.  2ri8. 

'  Citmfrmolion  dti  nlatuti  </,*  muUra  et  marchands 
rwrileurt.  pfijitruri,  artonnruri  ilr  /ainr  et  de  colon,  drapiers- 
érûjtani,  couprun  de  poil,  fleurs  de  laine,  colon  et  liiinitfnon. 
fl  rarditrt.  |»<irin    \~'t\,  in-b". 

3  Slaluli  de  la  communauté'  des  foulons,  y.  3-1. 

*  Jmnt's  porf» 

^    Tnnlif.    J/oHuments    kittoriquet.     n»     487.    A. 

l.urhaiH'.  Actes  de  /.ouït  VII,   ii»  170. 

*  A    Luchair.-,  .Uia  dt  /.onit  VU.  n">  458. 


soresnostriregesFrancorumei  concesserunt  *  ». 

En  1160,  Louis  YII  assigne  au  desservant  de 
la  chapelle  Saint-Nicolas  du  Palais  une  rente  de 
trente  sous  par  an,  qui  devra  être  prise  sur  le 
revenu  des  savetiers,  de  redditu  corvesariorum  ^. 

Une  charte  de  la  même  année  concède  à  une 
femme  nommée  Thece  Lacohe  les  revenus  des 
tanneurs,  des  baudroyeurs,  des  sueurs,  des  mégis- 
siers  et  des  boursiers,  qui  formaient  dès  lors  soit 
une  seule  communauté,  soit  cinq  communautés 
distinctes.  Cette  charte  dont  on  trouvera  ci-dessous 
le  texte  à  l'article  Maître  des  sueurs,  est  souvent 
regardée  comme  le  plus  ancien  document  qui 
constate  l'existence  des  corporations  ouvrières  ^ . 

Philippe-Auguste,  que  des  guerres  incessantes 
tinrent  presque  toujours  éloigné  de  Paris,  avait 
cependant  pour  cette  ville  une  prédilection  par- 
ticulière. C'est  à  lui  qu'elle  dut  ses  premiers 
murs  d'enceinte  et  quelques-uns  de  ses  beaux 
monuments.  Sa  sollicitude  s'étendit  à  la  fois  sur 
les  arts,  sur  les  lettres  et  sur  l'industrie. 
Plusieurs  corporations  le  citent  dans  leurs  plus 
anciens  statuts,  et  font  remonter  jusqu'à  sou 
règne  l'origine  de  charges  qui  leur  étaient 
imposées  ou  de  privilèges  dont  ils  jouissaient. 

En  1183,  il  donne  à  cens  aux  pelletiers  *  et 
aux  drapiers  ^  des  maisons  qu'il  venait  de  con- 
fisquer aux  juifs  expulsés  de  France.  Ces  maisons 
étaient  situées  dans  la  Cité,  et  les  vieilles  rues 
de  la  Pelleterie  et  de  la  Draperie  n'eurent  pas 
d'autre  origine. 

Les  drapiers  prétendaient  aussi  avoir  reçu  de 
Philippe-Auguste,  en  1188  '',  des  statuts  que  je 
n'ai  pu  retrouver. 

Les  gantiers  faisaient  dater  les  leurs  de  1190. 
Ils  disaient  avoir  obtenu  «  en  l'an  1190,  au  mois 
d'octobre,  certaines  ordonnances  et  règlemens  de 
leur  métier,  selon  lesquels  ils  se  seroient  réglez 
et  gouvernez  jusqu'en  l'an  1357  '  ». 

Les  couteliers  écrivent  que  Philippe-Augu.sle 
les  avaient  autorisés  à  se  faire  remplacer  par 
leurs  ouvriers  pour  le  service  du  guet.  Ils 
ajoutent  naïvement  :  «  Et  encore  en  useroient 
volentiers,  .se  il  plaisoit  au  Roy  ^  ». 

Les  batteurs  d'or  se  plaignent,  vers  1268, 
d'avoir  été  contraints,  depuis  une  vingtaine 
d'années,  de  faire  ce  service  dont  ils  avaient  été 
antérieurement  dispensés  :  car,  disent-ils,  «  ils 
n'avoient  onques  guestié  au  tans  le  roy  Phe- 
lippe  "  ». 

Pour  les  tapissiers  ^  ",  cette  obligation  ne  datait 
alors  que  de  trois  ans,  «  fors  puis  III  ans  en  ça  », 
et   ils   rappelaient   à   saint   Louis  qu'ils  étaient 


1  Ordonn.  royales,  t.  III,  p.  259. 

2  Tardif,  Monuments  historiques,   n"  565. 

•'  ^'oy.  G.  l'^agnicz.  Études  sur  l'indnstrie,   p.  4. 

*  Sauvai,  Antiquités  de  Paris,  t.  II,   p.  ATi. 

•>  Jaillol,  quartier  de  lu  Cite',  p.  45.  —  L.  Delisle, 
Catalogue  des  urtes  de  Philippe-Auguste,  n"  86. 

•i  Voy.  le  jiréambule  de  leurs  statuts  de  1573 . 

"^  Au  Hoy  et  à  nosseigneurs  de  son  privé  Conseil.  En  tête 
des  Statuts,  privilèges,  etc.,  servons  de  7-égleme?is  pour  la 
communauté  des  maislres  de  la  marchandise  de  qanterie,  etc. 
l'aris,  ni7,  in-4». 

•*  Livre  des  métiers,  titre  XVII,  art.  17. 

!'  Litre  des  métiers,  titre  XXXIII,  art  7. 

1"  Faiseurs  de  tapisseries. 


CORPORATIONS 


207 


exempts  du  guet  «  au  tens  son  père  le  roy 
Leouis  ^  et  son  bon  aïeul  le  roy  Felippe  -  ». 

Les  talemeliers  assurent  que  ce  fui  «  li  bons  ruis 
Phelippe  »  qui  tixa  à  six  sous  le  prix  du  hauban. 

Les  boucliers  d'archal  déclarent  que  ce  prince 
leur  avait  interdit  de  travailler  autrement  que  de 
jour  et  dans  une  boutique  ouvrant  sur  la  rue  : 
«  et  ce  fu  coiuuendé  très  le  tans  le  roy  Phelippe, 
por  aucuns  maus  ((ui  en  poient  avenir  •*  ». 

Dans  leurs  statuts  d'octobn'  1281  *  les  tisse- 
rands aflirment  que  «  des  le  tans  au  bon  roy 
Phelippe  »,  ils  étaient  dépositaires  de  la  verge 
de  fer  qui  servait  à  mesurer  les  toiles. 

Les  fripiers  et  les  chanevaciers  rapportent 
également  à  Philippe-Auguste  certains  droits  à 
eux  accordés  ^. 

Le  même  prince  avait  donné,  à  titre  hérédi- 
taire, aux  ancêtres  d'un  sieur  Guerin  du  Bois  les 
revenus  de  la  corporation  des  pêcheurs.  Nul,  dit 
le  Livre  des  méliers  '',  ne  peut  pêcher  dans  la 
partie  de  la  Seine  et  de  la  Marne  qui  appartient 
au  roi  «  se  il  n'achate  l'iaue  de  Guerin  du  Bois, 
à  cui  ancisseur  le  roi  Phelippe  le  dona  en 
éritage  ;  et  le  vent  cil  Guerin  à  l'un  plus  et  à 
l'autre  mains  '',  si  corne  il  li  semble  bon  ». 

La  reine  Blanche,  chargée  de  la  régence  en 
1248,  pendant  la  première  croisade  de  saint 
Louis,  est  aussi  citée  souvent  dans  les  statuts 
primitifs  de  nombreuses  communautés. 

Les  cordonniers  soutiennent  que  cette  sage 
princesse,  «  à  qui  Diex  face  merci  »,  les  avait 
autorisés  à  envoyer  leurs  ouvriers  faire  le  guet 
en  remplacement  des  maîtres  ^. 

Les  cristalliers  n'acquittent,  disent-ils,  ce 
service  «  fors  puis  que  le  Roy  ala  outre  mer  ^  ». 

Les  foulons  avancent  également  qu'  «  ils 
n'avoient  onques  guaitiéfors  puisque  li  Rois  ala 
outre  mer,  mes  madame  la  roine  Blanche,  qui 
Diex  absoille,  les  fisl  gueitier  parsa  volenté  ^^  ». 

Il  est  probable  qu'une  mesure  générale  avait 
été  prise,  au  sujet  du  guet,  par  la  régente  et  que 
l'on  ne  jug-ea  pas  à  propos  de  la  modifier  quand 
le  roi  fut  de  retour. 

Lîne  corporation  se  composait  essentiellement  : 

1"  D'apprentis. 

2°  De  valets,  compagnons  ou  ouvriers. 

3"  De  maîtres. 

4°  De  jurés  ou  gardes. 

Le  métier  ainsi  organisé  était  dit  consii{%é  en 
corporation,  en  communauté',  ou  e'rigé  en  jurande. 

Tout  individu  admis  dans  la  corporation  devait 
servir  comme  apprenti  pendant  un  laps  de  temps 
fixé,  avant  d'être  reçu  valet  ou  ouvrier. 


1  Louis  VIII. 

2  Livre  (les  métiers,  titre  LI,  art.  16. 

^  Livre  des  métiers,  tiln-  XXII,  ail.  3. 
i  Dans    Depping,    Ordonnances   relatices    aux   méiters, 
p.  387. 

5  Livre  des  métiers,  titres    LXXVI,    aii.    24,   et  LIX, 
art.  10. 

6  Titre  XGIX,  art.  1. 
'  Moins. 

**  Livre  des  métiers,  titre  LXXXIV,  art.  20. 

9  Livre  des  métiers,  titre  XXX,  art.  14. 

10  Livre  des  métiers,  titre  LUI,  art.  22. 


Le  compagnonnage  apparaît  seulement  vers 
la  fin  du  quinzième  siècle.  Jusque-là,  tout 
apprenti  ayant  fait  son  temps  pouvait  aussitôt 
s'établir. 

Ses  années  de  compagnonnage  achevé,  l'ou- 
vrier possesseur  d'un  capital  suffisant  devenait 
aspirant  à  la  maîtrise.  La  principale  condition 
pour  l'obtenir  était  la  confection  du  chef-d' œuvre 
ou,  dans  certains  cas  déterminés,  de  son  dimi- 
nutif, V expérience,  épreuve  beaucoup  plus  facile. 

Les  jurés  ou  gardes,  élus  en  général  par  la 
corporation  tout  entière,  la  représentaient  vis- 
à-vis  du  prévôt  de  Paris,  chef  direct  des  commu- 
nautés ouvrières.  Dans  les  occasions  solennelles, 
avènements,  entrées,  mariages  de  rois,  naissances 
de  Dauphin,  processions  religieuses,  etc., 
l'ensendjle  des  corps  de  métiers  était  représenté 
par  les  jurés  des  six  plus  importants  d'entre  eux, 
que  l'on  désignait  sous  le  nom  de  les  Six-Corps. 

Un  recueil  dont  l'authenticité  estindiscutaijle, 
nous  apprend  que,  moins  de  vingt  ans  après  la 
mort  de  la  reine  Blanche,  121  métiers  étaient  déjà 
constitués  en  corporation.  J'en  donnerai  la  liste  à 
l'article  Livre  des  me' tiers. 

A  dater  du  seizième  siècle,  les  rois  s'efforcèrent 
de  multiplier  les  communautés  ouvrières.  Sans 
se  laisser  décourager  par  l'insuccès  de  leurs 
tentatives,  ils  renouvelèrent  périodiquement  les 
ordonnances  qui  enjoignaient  aux  divers  métiers 
de  se  constituer  en  corporation. 

La  royauté  poursuivait  ainsi  un  double  but. 
D'abord,  soumettre  plus  directement  les  artisans 
à  son  autorité,  car  toute  corporation  lui  devait 
ses  statuts  et  ne  pouvait  les  modifier  qu'avec  son 
assentiment.  Ensuite  et  surtout,  se  procurer  de 
l'arg-ent  ;  en  effet,  tout  nouveau  maître  était 
tenu  de  payer  au  Trésor  une  somme  qui,  à  Pans, 
varia  longtemps  entre  trente  et  dix  écus,  suivant 
l'importance  de  la  communauté. 

Les  ordonnances  de  1567  et  de  1577,  le  célèbre 
édit  de  décembre  1581  ^  eurent  donc  surtout 
pour  objet  de  faciliter  l'entrée  des  ou\Tiers  dans 
les  corporations,  afin  d'augmenter  l'importance 
et  le  nombre  de  celles-ci. 

Seize  ans  plus  tard,  Henri  IV  reconnaissait 
que  l'édit  de  1581  «  au  moyen  des  guerres  et 
troubles  survenus  en  le  royaume  avoit  esté  révoqué 
et  partant  demeuré  infructueux  et  non  exécuté  »  ; 
il  le  renouvelait  donc  (avril  1597),  enchérissant 
encore  sur  les  injonctions  antérieures.  Le  roi 
cherchait  sans  doute  à  réformer  bien  des  abus 
qui  s'étaient  glissés  dans  l'organisation  des 
communautés,  mais  il  avoue  lui-même  que  son 
édit  a  pour  cause  première  la  pénurie  des  finances, 
la  nécessité  de  payer  la  solde  arriérée  des  Suis- 
ses : ... .  «  et  aussi,  dit-il,  afin  que  nous  puissions 
à  l'advenir  recevoir  le  bien  et  commodité  qui 
nous  peut  provenir  de  tous  lesdits  droits,  et  nous 
en  servir  en  l'extrême  nécessité  de  nos  affaires, 
spécialement  pour  satisfaire  aux  très  justes  debtes 
dont  nous  sommes  redevables  aux  colonnels  et 
capitaines  des  Suisses,   qui  avec  leurs  vies  et 

1  Edict  du  Roy,  portant  l'establissement  des  maisfrises 
de  tous  arts  et  mestiers  es  villes  et  lieux  de  son  royaume 
non  jures.... 


208 


CORPORATIONS 


conser- 


moyens  nous  ont  secourus  et  avilez  à  la 
vation  de  cet  estât  '  ». 

Henri  IV  ne  réussit  pas  mieux  que  ses  prédé- 
cesseurs, et  Richelieu  échoua  à  son  tour  Colbert 
fut  plus  heureux.  Un  édit  de  mars  1673  ^  déclara 
constitués  en  corporation,  d'un  bout  à  Fautre  de 
la  France,  tous  les  métiers  restés  encore  indé- 
pendants. 

Plusieurs  d'entre  eux  résistèrent  ;  mais,  somme 
toute,  le  nombre  des  corporations,  qui  était  de 
60  environ  en  1672,  s'élevait  à  83  en  1675. 

Nouvel  édit  en  mars  1691.  Celui-ci  eut  surtout 
pour  objet  de  diviser  en  quatre  classes,  d'après  leur 
ordre  d'importance,  les  communautés  existantes, 
(^'s  quatres  classes  comprennent  128  corpo- 
rations 3.  En  supposant  même,  ce  que  je  ne  crois 
pas,  que  cette  énumération  eut  été  exacte  alors, 
elle  cessa  bientôt  de  l'être,  car  le  nombre  des 
communautés  varia  sans  cesse.  Il  ne  pouvait  plus 
l'uère  s'en  former  de  nouvelles,  mais  les  plus 
pauvres  disparaissaient  peu  à  peu,  soit  qu'elles 
s'étfio-nissent,  comme  celle  des  armuriers,  soit 
((u'flles  se  fondissent  dans  des  corporations  plus 
importantes.  Les  épin<rliers,  par  exemple,  virent 
se  réunir  à  eux  en  1695  la  communauté  des 
aij^'uilliers  qui  ne  comptait  plus  que  cinq  ou  six 
maîtres  ;  les  bonnetiers  absorbèrent  de  même  les 
faiseurs  de  bas  au  métier  (avril  1723),  etc.,  etc. 

Les  créations  d'offices  faites  par  Louis  XIV 
et  par  Louis  XV  sont  des  documents  utiles  à 
consulter  sur  ce  point,  bien  qu'on  ne  puisse 
accorder  aux  listes  qui  les  accompagne  qu'une 
confiance  fort  limitée.  Ainsi,  le  16  février  1745, 
Louis  XV  créa  dans  chaque  communauté  des 
inspecteurs  et  des  contrôleurs.  C'était  là,  comme 
l(Hij(jurs,  une  mesure  purement  fi  cale  ;  le  roi 
vendait  ces  nouveaux  offices,  dont  les  titulaires 
devaient  vivre  aux  dépens  des  corporations.  L'édit 
rendu  à  cette  occasion  fui  donc  suivi  du  Tarif 
(les  di-oits  qui  seront  pai/cs  chaque  année  par  les 
cent  dix-neuf  communautés  de  Paris.  Or  ce  tarif, 
(|ui  annonce  1 19  communautés,  en  énumère  122. 
lui  ccimparanl  cette  liste  avec  celle  de  1691,  je 
vois  (jue  (|iialre  corporations  nouvelles  y 
lij^urenl  : 

Les  relieurs,  qui  cependant  formaient  depuis 
1686  une  corporation  distincte  de  celle  des 
imprimeurs  el  des  libraires. 

1  .es  pntenôtriers-bnuchonniers. 
XjUs    imprimeurs  en    taille-douce,    érij^és    eu 
coqiornlion  au  mois  de  février  1692. 

Les  ima(fers-(/rareurs,  distincts  des  «graveurs 
Hiir  tnélmix. 

I*Br  contre,  10  corpnralittns  nul  rir  laissées 
(le  côlô  : 

Ia"*  a  i(f  util  ter  s. 

Les  ouvriers  en  lias  de  soie. 

Les  ftateliers-passeurs  d'eau. 

Les  honneliers  du  faulmurij  Saint-Marcel. 

Ix?s  bnulangers  des  fauhourqs. 


'  Prtoiiibule. 

«  \oy.  ciMl.wsons  l'artirlr  É.lii  ,1,.  m&n<  lfi73. 

'  \o\.  ci-(h>s9uu.s  l'article  É'Iit  de  mars  1091. 


Les  émouleurs  de  grandes  forces. 

Les  patenôlriers  en  bois  et  en  corne. 

Lea  jniienôtriers  en  Jais,  ambre  et  corail. 

Les  pécheurs  à  engins. 

Les  pêcheurs  à  verge. 

Les  122  corporations  mentionnées  par  cette 
liste  ne  subsistèrent  pas  toutes,  et  une  seule  je 
crois,  celle  des  amidonniers-cretonniers  fut  créée 
postérieurement.  En  somme,  vers  le  milieu  du 
dix-huitième  siècle,  les  communautés  paraissent 
avoir  été  réduites  au  nombre  de  114,  comprenant 
environ  ving^t  mille  maîtres  ^ . 

Nous  touchons  au  moment  oîi  les  corporations 
ouvrières  vont  disparaître,  privant  l'industrie  des 
avantages  réels  qu'elles  lui  offraient,  mais  aussi 
la  délivrant  des  entraves  qu'elles  lui  imposaient. 

Issues,  comme  les  communes,  du  besoin 
qu'éprouvèrent  les  humbles  de  se  réunir  pour 
résister  à  l'oppression  féodale,  elles  aussi  avaient 
conquis  leur  affranchissement  et  obtenu  des  droits. 
Mais  ces  droits,  alors  si  précieux,  devinrent 
moins  enviables  à  mesure  que  s'affaiblit  le  régime 
contre  lequel  ils  constituaient  une  sauvegarde. 

Les  corporations  n'ont  plus  dès  lors  pour  raison 
d'être  l'intérêt  général,  elles  semblent  n'exister 
qu'en  faveur  de  leurs  chefs,  les  maîtres.  La 
royauté  les  soutient  et  protège  plus  que  jamais 
l'institution,  centre  de  richesses  dont  les  dispen- 
sateurs finissent  toujours  par  faire  l'abandon 
quand  on  menace  leurs  privilèges.  Pour  l'ouvrier, 
tout  est  bien  changé.  La  corporation,  asile  où  il 
avait  jadis  trouvé  l'indépendance,  n'est  plus 
qu'une  enceinte  fermée  de  toutes  parts,  et  où 
règne  une  servitude  sans  espoir. 

Quand  les  communautés  disparaissent,  suppri- 
mées en  1776,  rétablies  six  mois  après,  puis 
anéanties  en  1791,  l'Assemblée  nationale  ne  fait 
qu'exécuter  l'arrêt  depuis  longtemps  prononcé 
contre  elles  par  les  économistes  et  par  l'opinion 
publique.  Incidemment,  à  propos  de  l'impôt  sur 
les  patentes,  le  rapporteur  du  comité  des  contri- 
butions monta  à  la  tribune  le  2  mars  1791,  et  lut 
un  décret  dont  l'article  7  était  ainsi  conçu  :  «  A 
compter  du  1"'' avril  prochain,  il  sera  libre  à  foute 
personne  de  faire  tel  négoce  ou  d'exercer  telle 
profession,  art  ou  métier  qu'elletrouvera  bon  ^  ». 

Les  corporations  ouvrières  avaient  vécu. 

Formules  employées 
pour  ériger  un  métier  en  communauté. 

I. 

Quinzième  siècle.  —  Erection  en  communauté 
du  métier  de  tourneiir. 

|24  juin  1467  31. 

LoYS,  parla  grâce  de  Dieu  Roy  de  France.  A 

tous  ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut. 

Receue     avons     l'umble     supplicacion     des 


'    \  oy.  ci-dessous,  jj.  213. 

-  .)  -li.  Uuvergier,  Collection  des  luis,  t.  II,  j).  230. 

■'  tJibiiotlièque  nationale,  nianuscri(sfrançais,n0  21,799 
l''  aU'i.  —  Lrtlii'S  patentes  reproduites  dans  les  Ordon- 
nances des  rois  de  France,  t.  XVI,  p.  632. 


CORPORATIONS 


209 


maistres  ouvriers  et  de  la  commuiiaulté  des 
tourneurs  de  Jbujs  en  nostre  bunne  ville  et  cilé 
de  Paris,  contenant  que,  à  l'occasion  de  ce  que 
par  cy  devant  ledit  mestier  de  tourneur  n'a  esté 
juré,  et  n'y  a  eu  personne  qui  s'en  soit  prins 
garde,  ne  qui  ait  eu  visitacion,  ne  puissance  de 
corriger  les  mal-façons  qui  y  ont  esté  et  peuvent 
estre  de  jour  en  jour  commises,  ceulx  dudit 
mestier  ont  vescu,  quant  au  fait  d'iceluy,  sans 
ordre  et  police,  et  en  a  chacun  usé  a  son  plaisir, 
sans  avoir  eu  devant  les  yeux  le  bien  de  la  chose 
publique  qui  [est]  *  à  favoriser  et  préférer  au  bien 
particulier  ;  mais  ont  eu  le  regartà  leur  singulier 
prouffit  et  utilité,  en  quoy  le  commun  peuple  a 
esté  fraudé,  intéressé,  et  endommagé. 

Pourquoy  et  pour  à  ce  obvier,  et  afin  que 
doresnavant  les  ouvriers  d'iceluy  vivent  en 
police  comme  les  autres  mestiers  de  nostre  dite 
ville.  Les  dits  supplians,  qui  désirent  vivre  en 
bonne  renommée  et  augmenter  le  fait  dudit 
mestier,  et  eulx  soubsmettre  à  raison  et  réprimer, 
corriger  et  amender  tous  meffaits,  abus  et 
malices  ;  aussy  qu'ils  et  leurs  successeurs  audit 
mestier  sachent  comment  ils  se  devront  gouverner 
au  fait  d'iceluy  mestier  au  temps  à  venir,  ont 
fait  et  drécé  certains  articles  d'un  commun 
consentement  de  ceulx  dudit  mestier  ou  de  la 
plus  grant  et  saine  partie  d'entre  eulx,  qui  leur 
ont  semblé  estre  très  nécessaires,  utiles  et 
prouffitables  pour  le  bien  et  entretenement  dudit 
mestier,  en  la  forme  qui  s'ensuit. 

Et  sur  ce  ,  nous  ont  iceulx  supplians 
humblement  fait  supplier  et  requérir  qu'il  nous 
plaise  lesdits  articles  leur  octroyer,  les  approuver 
et  avoir  agréables,  iceux  faire  garder,  tenir  et 
observer  doresnavant  par  manière  d'ordonnance 
et  statut,  et  sur  ce  leur  impartir  nostre  grâce. 

Pourquoy  nous,  .  ces  choses  considérées, 
voulant  le  fait  dudit  mestier  estre  tenu  en  police, 
et  réprimer  toutes  fraudes  et  abus  qui  par 
detfault  de  conduite  et  visitacion  y  pourroient 
estre  commis  :  Lesdits  articles  cy  dessus  trans- 
cripts  par  la  teneur  de  ces  présentes,  de  nostre 
grâce  espécial,  louons,  approuvons,  et  avons 
agréables,  et  le  contenu  en  iceulx  avons  octroyé 
et  octroyons  ausdits  supplians,  pour  estre  par 
eulx  et  leurs  successeurs  audit  mestier  tenus, 
gardez,  entretenus  et  observez  par  ordonnance 
et  statut,  sans  enfraindre,  sur  les  peines  dedans 
contenues  et  déclairées  doresnarant  et  à  tousjours. 

Si  donnons  en  mandement  par  ces  dites 
présentes  au  prévost  de  Paris  ou  à  son  lieutenant 
que  lesdits  statuts  et  ordonnances  il  face  enre- 
gistrer es  livres  et  registres  de  nostre  Chastellet 
de  Paris,  avec  les  autres  ordonnances  et  statuts 
des  mestiers  de  nostre  dite  ville,  iceulx  publier 
sollempnellement  en  la  forme  en  tels  cas  accous- 
tumée,  et  les  garder,  entretenir  et  observer 
doresnavant  par  tous  ceulx  qu'il  appartiendra, 
sans  souffrir  aucune  chose  estre  faicte,  mise  ou 
donnée  au  contraire.  Car  ainsi  nousplaist  il  estre 
fait. 


1  Qui  fait  à  favoriser,  dit  le  texte. 


En  tesmoing  de  ce,  nous  avons  fait  mettre 
nostre  scel  à  ces  présentes. 

Donné  à  Chartres  le  24"  Jour  de  juing,  l'an  de 
grâce  1467,  et  de  nostre  règne  le  sixiesme. 

Scellées  du  scel  de  nostre  chancellerie  à  Paris, 
par  nostre  ordonnance. 

Ainsi  signé  sur  le  reply  :  'par  le  Roy^  Vévesq^ue 
d'JUvreux  et  le  maréchal  de  Loheac  pre'sens^  De 
Ville  ghaktre. 

Et  au  dos  estoit  escript  ce  qui  s'ensuit  :  Leues 
et  publiées  en  jugement  en  l'auditoire  civil  du 
Chastellet  de  Paris,  en  la  présence  des  advocats  et 
procureur  du  Roy  nostre  Sire  audit  Chastellet. 
Et  ce  fait,  enregistrées  es  livres  d'iceluy 
Chastellet  le  lundy  cinquième  jour  d'octobre 
l'an  1467.  Ainsy  signé,  Lecornu. 

IL 

Seizième  siècle.  —  JUrection  en  communauté 
du  métier  de  doreur  sur  cuir. 

[Janvier  1558  ^]. 

Henry,  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France 
et  de  Pologne,  à  tous  présens  et  à  venir,  salut. 
Nos  chers  et  bien  amez  les  maistres  doreurs  sur 
cuir  de  nostre  ville  et  fauxbourgs  de  Paris  nous 
ont  présenté  requête  en  nostre  privé  Conseil, 
tendant  à  fin,  pour  les  bonnes  causes  et  raisons 
contenues  en  icelle,  que  nostre  plaisir  feust  pour 
le  bien,  prouffit  et  utilité  de  nous  et  de  la  chose 
publique,  et  aussi  pour  obvier  aux  fautes,  abuz 
et  malversations  qui  se  font  et  commettent  au 
dit  mestier,  statuer  et  ordonner  qu'il  fut  dores- 
navant à  tousjours  créé  mestier  juré,  visité  et 
policé  comme  les  autres  mestiers  jurez  de  nostre 
dite  ville.  Sur  laquelle  requeste  auroit  esté  bien 
et  deûement  enquis  et  informé  sur  la  commodité 
ou  incommodité,  ainsi  qu'il  estoit  mandé  faire 
par  nos  lettres  de  commission.  Et  après  ce  fait, 
nos  juges  et  ofticiers  de  nostre  Chastelet  auroient 
fait  et  dressé  les  articles  d'ordonnances  touchans 
et  concernans  le  fait,  règlement  et  police  dudit 
mestier,  et  en  ce  faisant  donné  sur  iceulx  leurs 
advis.  Lesquelles  requestes,  commission,  infor- 
mation, articles  et  advis  sont  cy  attachez  soubz 
le  contrescel  de  nostre  chancellerie. 

Sçavoir  faisons  que  nous  inclinons  libéra- 
lement à  la  supplication  et  requeste  desdits 
supplians.  Après  avoir  le  tout  veu  en  nostre  privé 
Conseil,  avons,  par  l'avis  et  délibération  d'iceluy, 
suivant  l'avis  de  nos  juges  et  officiers  audit 
Chatelet  et  articles  sur  le  fait  de  l'ordonnance, 
règlement  et  police  dudit  mestier  de  doreurs  sur 
cuir,  le  tout  cy  attaché,  comme  dit  est,  de  nostre 
grâce  spéciale,  pleine  puissance  et  autorité 
Royale,  dit,  voulu,  statué  et  ordonné,  disons, 
statuons,  ordonnons,  voulons  et  nous  plait  par 
ces  présentes,  que  ledit  mestier  de  doreurs  en 
nostre  dite  ville  et  fauxbourgs  de  Paris  soit  et 
demeure  à  tousjours  créé  mestier  juré,  visité  et 
policé,  et  lequel  nous  créons  et  jurons  par  ces 
dites  présentes  comme  les  autres  mestiers  jurez 


1   Bibliothèque  nationale,  inanuscrit.sfrancais,n''21 ,794 
f»  83. 


14 


210 


CORPORATIONS 


de  nostre  dite  ville,  pour  en  jouir  par  les  dits 
supplians  et  leurs  successeurs  au  temps  a  venir 
aux  droits,  privilè-es,  franchises  et  libertez 
qu'ont  accoustumé  faire,  jouir  et  user  les  autres 
mesliers  jurez  de  ladite  ville,  tout  ainsi  et  en  la 
forme  et  manière  qu'il  est  contenu  et  déclare  par 
ledit  avis,  règ'lement  et  ordonnance  faits  par 
nos  dits  officie'rs  sur  iceluy  mestier. 

Si  donnons  en  mandement  par  cesdiles  pré- 
sentes à  nostre  prévost  de  Paris  ou  son  lieutenant 
civil,  à  tous  nos  autres  justiciers,  officiers  ou 
leurs  lieulenans  et  chacun  d'eulx  en  droit  soi 
et  comme  ù  luy  appartiendra,  que  noz  présens 
«rràce,  statut,  ordonnance,  création,  vouloir  et 
fntenlion,  ensemble  tout  l'effet  et  contenu  cy 
dessus  et  oudit  avis,  règlement  et  ordonnance, 
vous  faites  lire,  publier,  enregistrer  et  mettre 
au  nombre  des  autres  ordonnances  des  mestiers 
jurez  de  nostre  dite  ville,  et  d'iceulx  faites, 
soutirez  et  laissez  lesdits  supplians  et  leurs 
successeurs  à  l'advenir  jouir  et  user  plainement, 
paisiblement  et  perpétuellement,  sans  leur  faire 
mettre  ou  donner,  ne  souffrir  estre  fait,  mis  ou 
dorme,  ores  ne  pour  le  temps  à  venir,  aucun 
tr.juble,  destourbier  ou  empeschement  au  con- 
traire. Lequel  si  fait,  mis  ou  donné  leur  avoit  esté 
ou  estoil,  mettez  le  ou  faites  mettre  incontinent 
et  sans  délay  à  pleine  et  entière  délivrance,  en 
contraignant  à  ce  faire  et  obéir  tous  ceulx  qu'il 
appartiendra,  et  qui  pour  ce  seront  à  contraindre 
par  toutes  voies  et  manières  deùes  et  raisonnables, 
nonobstant  oppositions  ou  appellations  quel- 
conques, pour  lesquelles  et  sans  préjudice 
d'iii-ilcs  ne  voulons  aucunement  astre  différé, 
air  tel  est  nostre  plaisir.  Et  afin  que  ce  soit  chose 
ferme  et  stable  à  toujours,  nous  avons  fiiil  mettre 
nostre  scel  à  cesdiles  présentes,  sauf  en  autres 
choses  nostre  droit  el  l'aulruy  en  toutes. 

Donné  ù  Paris  au  mois  de  janvier  l'an  de  grâce 
mil  cinq  (;ens  cinquante  huit,  et  de  nostre  règne 
h'  douzit'sme.  Ainsi  signé  sur  le  reply  :  par  le  Roy, 
en  son  conseil  Fr/.KS,  el  à  costé  visa  contentor 
CoioNKT  ;  el  scellées  sur  lacz  de  soye  rouge  et 
vert  en  cire  verte  du  grand  scel. 

Leues  el  publiées  en  jugement  en  Tandiloire 
civil  (hi  (ihùlelel  de  Paris,  en  la  présence  et  du 
consiMilfiurnl  des  gens  du  Roy  nostre  Sire  oudil 
(ihàldel,  el  ordonné  estre  enregistrées  es 
n-gislri's  ordinairi's  d'iceluy  Chàtelel  pour  en 
jouir  pur  h's  inipélrans  .selon  le  contenu  d'icelles, 
le  iiuTcn-dy  (|iiih/,ièmejour  de  mars  mil  cinq  cens 
r.inquanlf  huit,  .\insi  signé  (JovKR.  Registre,  oy 
k-  procuri'ur  général  du  Roy,  comme  il  est 
contrnii  au  n-gislnt  de  ce  jour. 

A  Paris  en  Parlement,  le  treizième  jour 
d'anusl,  l'an  mil  cinq  cens  soixante  quinze. 
Ain>i  signé  Dimi.i.ET. 

111. 

Dijr-srptitme  siêclr.  —   Erection  en  communauté 

du  métier  de  couturière. 

\'.\0  mars  l('.7r)| 

LOriS.  par  la  i:rl'n-o  de  l)if>u  Roy  de  France 
el  d<'  Navarre,  a  tous  présens  el  ù  venir.  Salut. 


Par  notre  édit  du  mois  de  mars  mil  six  cens 
soixante  et  treize  ^ ,  vérifié  oii  besoin  a  été,  nous 
avons  entre  autres  choses  ordonné  que  ceux  qui 
faisoient  profession  de  commerce,  marchandises 
et  toutes  sortes  d'arts  et  mestiers  dans  la  ville  el 
faux-bourgs  de  Paris  sans  être  d'aucun  corps 
el  communauté,  seroient  établis  en  corps, 
communauté  el  jurande  pour  exercer  leurs 
professions,  arts  el  mesliers,  et  qu'il  leur  seroil 
expédié  des  slaluts,  encore  qu'ils  eussent  relation 
à  des  arts  el  mestiers  qui  sont  en  communauté 
elmaislrise.  En  exécution  duquel  édit,  plusieurs 
femmes  el  filles  nous  ayant  remontré  que  de 
tout  temps  elles  se  sont  appliquées  à  la  coulure, 
pour  habiller  les  jeunes  enfans  et  faire  pour  les 
personnes  de  leur  sexe  leurs  juppes,  robbes  de 
chambre,  manteaux,  corps  de  juppes  et  autres 
habits  de  commodité,  et  que  ce  travail  étoil  le 
seul  moyen  qu'elles  eussent  pour  gagner  honnê- 
tement leur  vie  :  elles  nous  auroient  supplié  de 
les  érifrer  en  communauté,  el  de  leur  accorder 
les  statuts  qu'elles  nous  auroient  présenté  pour 
exercer  leur  profession. 

Laquelle  requeste  el  lesdits  statuls  nous 
aurions  renvoyez  au  sieur  de  la  Reynie  et  à  nos 
procureurs  au  Châlelet,  qui  nous  auroient 
donné  leur  avis  le  septième  janvier  dernier.  Et 
ayant  été  informé  que  l'usage  s'éloil  tellement 
introduit  parmi  les  femmes  et  filles  de  toutes 
sortes  de  condition  de  se  servir  des  couturières 
pour  faire  leurs  juppes,  robbes  de  chambre, 
corps  de  juppes  et  autres  habits  de  commodité  ; 
que,  nonobstant  les  saisies  qui  étoient  faites  par 
les  jurez  tailleurs  el  les  condamnations  qui 
étoient  prononcées  contre  les  couturières,  elles 
ne  laissoienl  pas  de  continuer  de  travailler 
comme  auparavant  ;  que  cette  sévérité  les 
exposoit  bien  à  souffrir  de  grandes  vexations, 
mais  ne  faisoit  pas  cesser  leur  commerce,  et 
qu'ainsi  leur  établissement  en  communauté  ne 
feroitpasun  grand  préjudice  à  celle  des  maistres 
tailleurs,  puisque  jusques  icy  elles  ne  Iravail- 
loienl  pas  moins,  bien  qu'elles  n'eussent  point 
de  qualité.  Ayant,  d'ailleurs,  considéré  qu'il 
étoil  assez  dans  la  bienséance,  et  convenable  à 
la  pudeur  et  à  la  modestie  des  femmes  el  filles, 
de  leur  permettre  de  se  faire  habiller  par  des 
personnes  de  leur  sexe  lorsqu'elles  le  jugeroienl 
à  propos. 

A  CES  CAUSES  et  autres  bonnes  considérations, 
de  l'avis  de  notre  Conseil,  qui  a  vu  notre  édit 
du  mois  de  mars  mil  six  cens  soixante  el  treize, 
l'arrest  de  notre  Conseil  portant  renvoy  de  la 
requeste  desdiles  filles  couturières  el  desdils 
statuts  à  notre  lieutenant  général  de  police  el 
nos  procureurs  au  Chàtelet,  lesdits  statuts  el 
ordonnances  contenant  douze  articles,  les  avis 
sur  iceux  de  nosdils  lieutenanl  général  de  police 
et  procureurs  au  (Jhàtelet:  el  de  noire  grâce 
spéciale,  pleine  puissance  el  autorité  royale, 
nous  avons  érigé  el  érigeons  ladite  profession  de 
couturière  en  titre  de  maîtrise  jurée,  pour  faire 
ù  l'avenir  un  corps  de  métier  en  notre  bonne 


'   Vijy.  ci-des.sous  l'aii.  Édit  di'  mars  1073. 


CORPORATIONS 


211 


ville  et  fauxbourgs  de  Paris,  ainsi  que  les  autres 
coninuinautez  qui  y  sont  établies. 

Voulons  que  toutes  les  femmes  et  tilles,  lors- 
qu'elles ont  payé  les  sommes  ansquelles  elles 
ont  été  modérément  taxées  en  notre  Conseil  et 
ont  prêté  serment  en  qualité  de  maîtresses  coutu- 
rières par  devant  l'un  de  nos  procureurs  au 
Châtelet,  et  celles  qui  seront  reçeuës  à  l'avenir, 
puissent  se  dire  maîtresses  couturières,  et  conti- 
nuer leur  art  et  profession,  avec  tous  les  droits, 
fonctions  et  privilèges  mentionnez  es  articles  et 
statuts  cy  attachez  sous  le  contre-scel  de  notre 
chancellerie,  que  nous  avons  approuvez,  con- 
firmez et  omologuez  ;  et  par  ces  présentes, 
signées  de  notre  main,  approuvons,  confirmons' 
et  omologuons,  voulons  qu'ils  soient  exécutez 
de  point  en  point  selon  leur  forme  et  teneur. 

Sans  néanmoins  que  lesdits  statuts  ni  l'érection 
des  couturières  en  corps  de  métier  puissent  faire 
préjudice  au  droit  et  à  la  faculté  qu'ont  eu 
jusqu'ici  les  maîtres  tailleurs  de  faire  des  juppes, 
robbes  de  chambre  et  toutes  sortes  d'habits  de 
femmes  et  d'enfans,  que  nous  voulons  leur  être 
conservés  en  son  entier,  ainsi  qu'ils  en  ontjoiii 
jusqu'à  présent. 

Si  donnons  en  mandement  à  nos  amez  et 
féaux  conseillers,  les  gens  tenans  notre  Cour  de 
Parlement,  prévost  de  Paris  ou  son  lieutenant 
général  de  police,  et  autre  qu'il  appartiendra, 
que  ces  présentes  ils  fassent  lire,  publier  et 
registrer,  et  icelles  garder  et  observer  de  point 
en  point  selon  leur  forme  et  teneur,  et  lesdites 
maîtresses  couturières  et  leur  communauté  jouir 
et  user  pleinement  et  paisiblement  desdits 
statuts,  à  toujours  et  perpétuellement.  Contrai- 
gnant à  ce  faire,  souffrir  et  obéir  tous  ceux  qu'il 
appartiendra,  nonobstant  tous  édits,  ordon- 
nances, arrests,  règlemens,  mandemens,  défenses 
et  lettres  à  ce  contraires  ;  ausquelles,  et  aux 
dérogatoires  des  dérogatoires,  nous  avons  dérogé 
et  dérogeons  par  ces  présentes.  Vouions  qu'aux 
copies  d'icelles,  collationnées  par  l'un  de  nos 
amez  et  féaux  conseillers  et  secrétaires,  foi  soit 
ajoutée  comme  à  l'original.  Car  tel  est  notre 
plaisir. 

Donné  à  Versailles,  le  trentième  mars,  l'an 
de  grâce  mil  six  cens  soixante  et  quinze,  et  de 
notre  règne  le  trente-deuxième. 

Signé   LOUIS.    Et   plus   bas,    par    le    Roy, 

COLBERT. 

Et  à  côté  est  écrit,  visa  d'AuGRE.  Edit  de 
création  de  maistrise  pour  les  couturières  de  la 
ville  de  Paris,  et  scellé  du  grand  sceau  de  cire 
verte  sur  lacs  de  soye  rouge  et  verte. 

Voy.  Apprentissage.  —  Aspirants  à 
la  maîtrise.  —  Attendant  maîtrise.  — 
Bannières  (Ordonnance  des).  —  Bien- 
faisance (CEuvres  de).  —  Bureau.  — 
Chef-d'œuvre  et  expérience.  —  Compa- 
gnonnage. —  Concurrence.  —  Corpo- 
rations (Nombre  des).  —  Dimanches 
et  fêtes.  —  Édit  de  mars  167'3.  —  Édit 
de  mars  1691.  —  Édits  de  1776.  — 
Fils  de  maîtres.  —  Gagnant-maîtrise. 
Guet  des  métiers.  —  Maîtrise  (Lettres 


de).  —  Maîtrises  (Vente  de).  —  Offices 
(Créations  d')  —  Privilégiés  (Lieux).  — 
Ordonnance  de  janvier  1351.  —  Qua- 
lité (Maîtres  sans).  —  Statuts.  —  Tra- 
vail (Réglementation  du).  —  Travail 
aux  pièces.  —  Veuves  de  maître. 

Corporations  (Nombre  des).  —  Comme 
on  l'a  vu  dans  l'arlicb^  précéd;Mit,  le  nombre  des 
métiers  constitués  en  corporation  varia  sans 
cesse.  La  première  énuméi'alion  que  nous  en 
possédions  date  du  treizième  siècle,  et  nous  est 
fournie  par  le  Livre  des  métiers^  auquel  j'ai 
consacré  plus  loin  lui  iiilicle. 

On  peut  consulter  encore  sur  le  niènif  sujet 
dans  ce  dictionnaire  les  ai'ticles  : 

Ordonnance  de  janvier  1351. 
Bannières  (Ordonnance  des),  1467. 
Édit  de  mars  1673. 
Édit  de  mars  1691. 
Édits  de  1776. 

Les  deux  pièces  qui  suivent  leur  serviront  de 
complément.  Je  n'y  joins  presque  aucune  note, 
tous  les  noms  qui  y  figurent  étant  représentés 
dans  ce  volume. 

Liste  générale  et  rooles  de  tous  les  arts 
et  mestiers  qui  sont  en  jurande  'et  qui 

s'exercent  TANT  EN  LA  VILLE  ET  FAUXBOURGS 

DE  Paris  qu'es  autres  villes,  fauxbourgs, 

BOURGS,  BOURGADES  DE  CE  ROYAUME.  DISTIN- 
GUEZ EN  CINQ  RANGS,  SELON  LA  BONTÉ  ET 
VALEUR  d'iCEUX. 

Cette  liste,  dressée  en  1586,  a  été  publiée  par 
M.  Emile  Levasseur,  dans  son  excellente  Histoire 
des  classes  (morières  en  France  ^.  Je  dois  prévenir 
que  l'on  trouve  ici  plusieurs  métiers  qui  n'étaient 
encore  soumis  qu'à  des  règlements  de  police  ; 
il  est  vrai  aussi  qu'on  n'y  voit  pas  figurer 
quelques  métiers  déjà  officiellement  érigés  en 
jurande. 

Premier  rang, 
qui  sont  les  meilleurs  mestiers  : 

Apothicaire. 

Affineur. 

Drapier. 

Espicier. 

Mercier  grossier,  joj^aulier,  vendant  bagues, 
joyaulx,  draps  de  soie,  quincaillerie  d'armes  et 
chenets. 

Mégicier. 

Taimeur. 

Teinturier  en  draps. 

Deuxième  rang, 
gui  sont  les  mestiers  d'entre  les  meilleurs 
et  médiocres  : 
Barbier. 
Boucher. 
Bonnetier. 
Chasublier. 


1   Edition  de  1859,  tome  II,  p.  501. 


212 


CORPORATIONS 


CliaudiDiiiiifr. 

Drapier-chausselier. 

Escrivain. 

Pelletier  liaull-bannier. 

Poissonnier  d'eau  doulce. 

Tainclurier  en  soye,  fil  el  laine. 

TuOISIliME  KANG, 

qui  sont  les  mestiers  médiocres  :  ' 

Armurier. 
Ballancier. 

Hiiliutier-coffrelier-maletier. 
liaudroyeur. 

Buursier-gibecier-colletier. 
Caries  et  tarots  (Faiseur  de). 
Cordonnier. 
Couroieur. 
Chercutier. 

Cou^turier-taillour  d'iiabits. 
Ceinliirier. 
Cliappelier. 
Charpentier. 
Charron, 
(iousli'lier. 
l)escharg<'iir  de  vin. 
l<)peronnier. 

Esmouleur  de  j^^randes  forces. 
Frepiers. 
Fourbisseur. 
Gantier. 
Horloo^er. 

Inslruniens  (Faiseurs  d'). 
liisIrunuMis  (Joueur  d'). 
Lii[)idaires. 
Menui>ier. 
Mart'selial. 
Man.n. 

Oublaycr-palissier. 
Orfèvre, 

Pelletier-foureur. 
Ploinbi«*r. 
ParcluMuinier. 

l'hiniassier  (h*  panaclies,  dicl   anciennement 
chapclifr  de  paon. 
Papt'tier. 

l'i'inlre-lailh'ur  d'inia<^es-scidpl(Mir. 
l'iilit-r  (re^lain};. 
Phislrii-r. 

PiTHupiit-r  el  atiiurriaresse. 
S.'llior-loriiiicr. 

S<»_j'c  (Ml  veluulirr  (Onvrii-r  en). 
Tapissi»T-coiiln'poinclier. 
TiipissitT  sjirrasinois  <■!  Ar  hiiultc  lice. 
Tnnnflirr. 
TiiiliiT. 

Vcrp'lii'r-rnqiiclii'r-briissier. 
Vinnij^ricr. 

Verrier-vendeur  (h-  vi-rn-s  et  bouteilles. 

QUATRIKME    RANG, 

gui  sont  les  iiiesticrs  (rentre  les  médiocres 
et  les  petits  : 

ArliUi'iir-arquebusier. 

Houlhin^Tr. 

iJalleur  d'or  el  d'argent  en  feuilles. 


Brodeur. 

Brasseur  de  bière. 
Boursier-aumussier. 
Bastelier-passeur  d'eau. 
Bourrelier. 
Briquelier. 

Boisselier-lanternier  de  corne. 
Cuisinier. 

Coustier  el  coustière-faiseurs  de  licts. 
Couverlurier. 
Doreur  en  cuir. 
Estame  de  soje  (Faiseur  d'). 
Esluvier  d'esté uves. 
Esping'lier. 
Enlumineur. 
Fondeur  en  sable. 
Fondeur  en  terre. 
Foulons-aplanyeur  de  drap. 
Graveur  sur  fer  et  cuivre. 
Grenelier  et  grainelière. 
Haulberg'eonnier-tréfîlier. 
Harang'ère. 
Huilier. 

Linger-toilier-lingère-toilière. 
Lunetier. 

Miroitier-bimbelotier. 
Meusnier. 

Mercier   vendant   petites    merceries,    comme 
cousteaux,  ciseaux,  rubans  et  esguillettes. 
Natier. 

Patenostrier  de  gez  ^,  ambre  et  corail. 
Peaucier-taincturier  en  cuir. 
Patenostrier  d'émail. 

Passementier-boutonnier-tissutier-rubanier. 
Paveur. 

Pignier-tabletier. 
Plumassier  de  plumes  à  escrire. 
Pescheur  à  eng-ins  ou  verge. 
Poissonnier  de  mer. 
Pourpoinctier. 
Quadrunier. 

Revendeuse  de  friperie. 
Savetier. 
Sonnetier. 

Taincturier  de  petit  laiiicl,  dicl  de  moulée. 
Tireur  d'or. 

Tisserai!  <'n  draps  ou  drapier  drapant. 
Tisscraii  eu  loile. 
Taillaiulicr. 
Tonch'ur  -. 
TailltMir  de  pierre. 
\  Miii('i'-f[uiii([iiaillier  d'osier. 

Cinquième  rang, 
fpci  sont  les  petits  mestiers  : 

Boiiclelier  de  ceinctures. 
Bourrière. 
Cardeur. 
Cerclier. 

Chainelier-demi-ceintier. 
Chapelier  et  chapelière  de  fleurs,  ou  bouque- 
tier. 


^   Di>  jais. 
*  De  drap. 


CORPORATIONS  —  C()RR1<:CTEURS 


213 


Cloulier. 
Deessier, 

Escrime  (Maître  d'). 
Esguillier-alainier. 

Esmoulenr  de  cousteanx,  ciseaux,  ou  gagne- 
petit. 

Eslœuvier-paulmier-faiseur  d'eslœufs. 

Ferreur  d'esguillettes. 

Guestrier. 

Jardinier. 

Layetier-cassetier-escriniers. 

Linière. 

Œuvres  (Maistre  des  basses). 

Oysellier. 

Patenostrier  d*os  et  de  corne. 

Pottierde  terre. 

Poupelier  '. 

Racoustreur  de  bas  d'eslame. 

Retordeur  de  laine,  fil  et  soye. 

Rentrayeur. 

Regratier  de  fruicts  et  esgrun. 

Sabotier. 

Scieur  de  long. 

Taillandier  ou  maître  d'oeuvre  blanche. 

Tapissier  nostré. 

Victrier. 


Liste    des    corporations    divisées   en  trois 

CLASSES,     suivant     LE    NOMBRE     DES     MAÎTRES 
APPARTENANT  A   CHACUNE   d'eLLES   ^. 

Première  classe 
Corporations  comptant  au  moins  cinq  cents  maîtres: 

Merciers. 

Tailleurs. 

Cordonniers. 

Conturières. 

Marchands  de  vin. 

Savetiers. 

Jardiniers. 

Peintres  et  sculpteurs. 

Menuisiers. 

Rubaniers. 

Barbiers. 

Fripiers. 

Lin  gères. 

Epiciers. 

Tapissiers. 

Boulangers. 

Bonnetiers. 

Passementiers. 

Chirurgiens. 

Orfèvres. 

DeuxiÎ5me  classe 
Corporations  comptant  de  440  à  200  maîtres  : 

Maîtres  à  danser. 
Vannier. 
Limonadiers. 
Doreurs  sur  cuir. 
Serruriers. 


1  II  faut  très  probablement  \w  poupetier. 

2  Cette   liste   a   été    publiée    par    Savary,    dans    son 
Dictionnaire  du  rommerce,  édit.  de  1741,  t.  II,  p.  424. 


Fondeurs. 

Fruitiers. 

Chapeliers. 

Drapiers  d'or. 

Rôtisseurs. 

Vitriers. 

Chandeliers. 

Brodeurs. 

Gorroyeurs. 

Grainetiers. 

Selliers. 

Gantiers. 

Pâtissiers. 

Fourbisseurs. 

Bouchers. 

Teinturiers  en  suie  et  laine. 

Relieurs. 

Potiers  de  terre. 

Tabletiers. 

Tonneliers. 

Bourreliers. 

Troisième  classe 
Corporations  comptant  de  40  maîtres  à  i  maître  : 

Plombiers. 

Oiseliers. 

Papetiers. 

Vidangeurs. 

Crieurs  de  vieux  fers. 

Tireurs  d'or. 

Parcheminiers. 

Vergetiers. 

Plumassiers. 

Eperonniers. 

Découpeurs. 

Foulons. 

Patenôtriers  en  jais. 

Balanciers. 

Maîtres  en  fait  d'armes. 

Teinturiers  du  petit  teint. 

Boyaudiers. 

Teinturiers  du  grand  teint. 

Patenôtriers  en  bois. 

Heaumiers. 

Corps  (Faiseurs  de).  Voy.  Corsetiers. 

Corps  (Les  Six-).  Voy.  Six-Corps  (Les). 

Corps  de  métier.  Voy.  Corporations. 

Corratiers.  Voy.  Courtiers. 

Correcteurs.  Nom  donné,  dans  les  collèges, 
aux  gens  chargés  de  châtier  les  élèves. 

Ces  humbles  fonctionnaires  représentent  une 
institution  qui  se  conserva  presque  in  lacté  à  travers 
les  siècles.  Gamin  des  écoles  primaires  ou  grand 
élève  de  rhétorique,  fils  d'ouvrier  ou  fils  de  roi 
étaient  égaux  devant  les  verges  des  papas,  des 
précepteurs,  de  l'Eglise  et  de  l'Université.  Si 
Marguerite  de  Valois  parlait  le  latin  avec  pureté, 
c'est  qu'on  ne  lui  avait  pas  épargné  le  fouet  ^  ; 
et  d'Aubigné,  citant  les  premiers  maîtres  qu'il 
avait  eus  les  qualifie  d'Orbilies  ^,  en  souvenir 

1  Voy.  ses  Mémoires,  édit.  Michaud,  p.  402. 


214 


CORRECTEURS  —  CORROIERS 


crun  pédagogue  cité  par  Horace  *,  et  que  sa 
brutalité  avait  rendu  fameux.  Rabelais  et 
Montaigne  *  nous  ont  conservé  le  souvenir  des 
barbaries  qui  se  commettaient  dans  les  collèges. 
Noël  du  Fail  ^  Berthod  ^  et  bien  d'autres  ont 
célébré,  sans  trop  de  rancune,  les  fesseads,  les 
fouette-cuh  de  Montaigu  et  de  Navarre.  «  Je  ne 
craignois  non  plus  le  fouet  que  si  ma  peau  eût 
été  de  fer  »,  disait  Francion  '.  Le  collège  de 
Navarre,  fondation  royale,  se  faisait  gloire 
d'avoir  le  roi  de  France  pour  premier  boursier, 
mais  il  ne  faut  pas  croire  que  le  revenu  de  cette 
bourse  fût  attribué  à  un  autre  écolier  :  sa  desti- 
nation était  bien  plus  utile,  on  l'employait  «  en 
achapt  de  verges  pour  la  discipline  scolastique^  ». 
Kl  Dieu  sait  s'il  devait  s'en  user  !  Au  mois  de 
janvier  1576,  un  sous-maître  maltraita  si  rude- 
ment un  enfant,  nommé  Denis  Lebègue,  «  qu'à  le 
voir,  il  faisoit  horreur  ».  L'affaire  alla  jusqu'au 
Parlement,  qui  ordonna  que  le  coupable  payerait 
à  sa  victime  une  indemnité  de  60  livres  ^ .  Dans 
une  très  curieuse  Civilité,  publiée  à  la  fin  du 
dix-septième  siècle  ^'',  une  gravure  représente  le 
maître  d'école  châtiant  sans  pitié  un  pauvre  éco- 
lier. Le  patient,  pieds  et  poings  liés,  attaché  nu 
contre  uu  pilier  de  pierre,  est  bal  lu  à  tour  de  bras, 
et  ses  camarades  assistent  tremblants  au  supplice. 
Ces  traditions  étaient  encore  respectées  à  la 
lin  du  dix-huitième  siècle.  Un  des  domestiques, 
un  frolleur  en  général,  faisait  l'office  de  correc- 
teur. Dans  la  liste  officielle  des  fonctionnaires  du 
collège  Mazarin  pour  1786  figure  cette  mention  : 
«  Chevallier,  frotteur  de  la  bibliothèque  et 
correcteur  *'  ». 

Correcteurs  d'imprimerie.  On  disait 

jadis  des  ouvrages  mal  corrigés  que  c'étaient,  non 
des  livres,  mais  des  cadavres  de  livres,  «  cadavera 
librorum  »  ;  aussi  les  imprimeurs  consciencieux 
rli(usissaienl-ils  souvent  leurs  correcteurs  parmi 
les  plus  savants  littérateurs  de  leur  temps. 
M.  A.  (^laudin  a  retrouvé  les  noms  de  plusieurs 
correcteurs,  soil  imprimeurs,  soit  employés  par 
les  premiers  imprimeurs  parisiens  *2.  Parmi  leurs 
siicwsseurs  on  peut  citer  Berthold  Rimbold, 
.1.  Froben,  F.  liaphclenge,  Josse  Bade,  M.  Mu- 
Kurus,  Erasme,  C.  Kilian,  etc.  A  la  fin  des 
commftnlaircs  d'Andréas  de  Yseniia,  publiés 
cil  1472  par  Sixte  Hiessinger,  ou  lit  : 

SixtUK  hoc  imprcsKil.  Sfcl  bis  larni'n  antc  revisil 
Kk''"">,''Us  (loclor  Pctrus  Olivcrius. 


*  Voy.  Sa  rir,  p     11. 

>  Kftitfolir,  lib    II,  ii|iisl.  1,  vi'is  7(1 
»  liarsanlua.  livr.-  I,  •hnp.  XXXMl.   Voy.  aius.si  liv. 
IV.  ch«p   XXI.  ^ 

*  fjiittii,  liv    I,  chap.  XXV. 
S  CoHtfs  tt  Kutrnprl,  XXVI. 

*  htrii  hitrUsquf,   p.   ISU. 

'  V.\\    S>ri'l,  Ihiinire  df  Fraurion,  p.    129. 

»  fiuy  Coquill.'.  /iisfoirr  fin  ,\Vrrr//oi>.  p.   158. 

»  A  U  Hnte  du  27  jonvior. 

*<>  Citililé  puérilt   tt    vwralr,    public,-    par    Gef.rtr-'.s 

•'  Voy.  A.  F.,    ffitloirt   dt   la   bibliolhrnur   .Vn:nn,ie 
p    201  .'l  247.  ' 

'1    /ri//     rhronnlogi^uf     des     imprimeurs    parisiens     du 

■■-#  »>frlt.  ipfli.  ,n-8".  -  Voy.  a».s.si  (•.  H.nouard, 

nrurt  parwetu,  1898,  in-8». 


L'article  17  d'un  règlement  du  31  août  1539 
s'exprime  ainsi  :  «  Se  les  maistres  imprimeurs 
des  li\Tes  en  latin  ne  sontsavanset  suffisans  pour 
corriger  les  livres  qu'ils  imprimeront,  seront 
tenus  avoir  correcteurs  suffisans,  et  seront  tenus 
lesdits  correcteurs  de  bien  et  soigneusement 
corriger  les  livres,  rendre  leurs  corrections  aux 
heures  accoustumées  d'ancienneté,  et  en  tout 
faire  leur  devoir  ;  autrement  seront  tenus  aux 
intérests  et  dommages  qui  seroient  encourus  par 
leur  faulte  et  coulpe  ». 

L'article  11  du  règlement  de  1610,  l'article  69 
de  celui  de  1618,  l'article  46  de  celui  d'août 
1686,  l'article  56  de  celui  de  février  1723  repro- 
duisent les  mêmes  dispositions. 

En  1788  le  correcteur  d'épreuves  de  l'impri- 
merie royale  touchait  par  an  500  livres  *. 

Correctiers  et  Gorretiers.  Voy.  Cour- 
tiers. 

GorroierS.  Les  corrojevs  [corri(/iani),  qu'il 
importe  de  ne  pas  confondre  avec  les  corroyeurs 
[coriarii),  fabriquaient  des  courroies  et  des 
ceintures,  qu'ils  ornaient  de  clous,  de  plaques 
en  métal,  de  piqûres  en  fil  et  en  soie. 

Ils  soumirent,  vers  1268,  leurs  statuts  ^  à 
l'homologation  du  prévôt  de  Paris.  On  y  voit 
qu'un  maître  qui  désirait  prendre  un  apprenti 
devait  avant  tout  «  se  faire  créable  ^  qu'il  est 
souffisant  d'avoir  et  de  sens  »,  afin  que  le  père 
ne  sacrifie  pas  inutilement  «  son  argent  et  li 
aprenti  son  tans  ».  La  durée  de  l'apprentissage 
était  fort  longue  ;  on  demandait  six  ans  à  l'enfant 
qui  apportait  au  moins  45  sous,  huit  ans  à  celui 
qui  ne  pouvait  verser  que  cinq  sous.  Si  un  fils 
de  maître  restait  orphelin  et  sans  fortune,  les 
maîtres  le  plaçaient  en  apprentissage  et  pour- 
voyaient à  ses  besoins  *. 

Les  maîtres  avaient  le  droit  d'occuper  une 
apprentie,  mais  pourvu  qu'elle  fût  fille  de 
maître.  Celle-ci,  son  apprentissage  terminé, 
pouvait  aussitôt  s'établir,  et  celte  disposition 
entraînait  parfois  de  graves  désordres.  Les  filles, 
paraît-il,  demandaient  de  l'argent  à  leur  père, 
et  ouvraient  boutique  ;  puis,  sous  prétexte 
d'engager  un  apprenti,  elles  prenaient  un  amant. 
Naturellement,  tout  cela  tournait  mal,  et  bientôt 
la  fille  rentrait  au  logis  paternel  avec  moins 
d'avoir  et  plus  de  péchés.  Voici  le  très  curieux 
texte  de  cet  article  :  «  Les  garces  lésoient  leur 
père  et  leur  mère,  et  commençoient  leur  mestier, 
et  prendoicnt  aprentis,  et  ne  fesoient  se  ribau- 
deries  non  ^.  El  quand  eles  avoient  ribaudé  et 
guillé  ce  poi  ^  que  eles  avoient  enblé  à  leur  père 
et  leur  mère,  eles  revenoient  avec  leur  père  et 
leur  mère,  qui  ne  les  poienl  faillir  '',  à  mains 

'   A. -M.  Lotlin,  Catalogue  des  libraires,  etc.,  p.  84. 

-  Ils  fiiTuront  dans  le  Livre  des  métiers,  titre  LXXXVIl. 

•'  Prouver. 

'■■  «  Se  aueuii  orj)heiiu  est  povres,  et  il  ait  esté  enfans 
d'aueun  corroier,  et  il  voillc  aprendre  le  mestier  de 
corroieri(î,  li  nicstre  du  mestier  le  font  aprendre  et  le 
pourvoient  ».  Article  7. 

•''  El  ne  faisaient  que  se  divertir. 

*  Et  dépensé  le  peu. 

"^  Qui  ne  lis  peuvent  repousser. 


C0RR0IER8  —  CORSETIERS 


21( 


d'avoir  et  à  plus  de  péchiez  ».  On  interdit  donc 
la  maîtrise  à  toute  fille  sortant  d'apprentissage 
qui  n'épouserait  pas  un  corroier. 

Vers  la  fin  du  quatorzième  siècle,  les  corroiers 
changent  de  nom  et  deviennent  ceinturiers. 

Le  mot  corroiers  m'est  fourni  par  le  Livre  des 
métiers,  mais  la  Taille  de  1292  cite  81  courraiers, 
et  celle  de  1313  mentionne  135  courroiers.  On  les 
trouve  encore  nommés  corroyers,  courroyers,  etc. 

Gorroyers.  Voy.  Corroiers. 

Gorroyeurs.  La  Taille  de  1292  mentionne 
32  conreeurs,  celle  de  1300  en  cite  35.  Dans 
le  nombre  figurent  des  : 

Conreeurs  de  basane. 

—  de  connins  *. 

—  de  cordouan  ^. 

—  de  cuir. 

—  de  pelleterie  ^. 

—  de  vache. 

En  juillet  1345,  Philippe  VI  donna,  par  une 
même  ordonnance,  des  statuts  aux  tanneurs,  aux 
corroyeurs,  aux  baudrojeurs  et  aux  cordon- 
niers *.  J'y  vois  que  les  corroyeurs  devaient 
acheter  le  droit  de  s'établir  ;  ils  le  payaient 
quinze  sous,  dont  dix  revenaient  au  roi  et  cinq 
aux  jurés,  «  les  quelz  cinq  solz  seront  distribuez 
en  aumosnes  aux  povres  hommes  dudit  mestier  ». 
Chaque  maître  ne  devait  avoir  à  la  fois  plus  de 
deux  apprentis,  et  la  durée  de  l'apprentissage 
était  de  quatre  ans  au  moins.  Le  travail  à  la 
lumière  était  interdit.  Trois  jurés  surveillaient  la 
communauté. 

Tout  cuir  mal  corroyé  «  couroyé  à  faulx  cour- 
roy  »  était  brûlé  devant  la  demeure  du  coupable, 
«  ars  devant  l'hostel  à  celui  chiez  qui  il  sera 
trouvé  ». 

L'ordonnance  du  21  novembre  1577,  qui 
confirme  des  arrêts  rendus  en  1567,  réunit  en 
une  seule  communauté  les  baudroyeurs  et  les 
corroyeurs. 

Cette  double  communauté  fut  complètement 
réorganisée  au  siècle  suivant.  Chaque  maître 
ne  put  plus  avoir  qu'un  seul  apprenti.  La  durée 
de  l'apprentissage  fut  fixée  à  cinq  ans.  A  la  tête 
de  la  communauté  étaient  un  receveur  et  huit 
jurés,  dont  quatre  étaient  dits^wm  de  la  cotiser- 
vation  et  les  quatre  autresy^m  de  la  Visitation  : 
ces  derniers  devaient  faire  chaque  mois  chez  tous 
les  maîtres  les  visites  réglementaires.  L'édit  de 
1776  rassembla  en  une  seule  communauté  les 
tanneurs,  les  corroyeurs,  les  mégissiers,  les 
peaussiers  et  les  parcheminiers.  Le  nombre  des 
maîtres  corroyeurs-baudroyeurs  avait  été  longtemps 
de  260,  en  1725^  il  était  tombé  à  150  environ  ^. 
Ils  avaient  pour  patron  saint  Thibaud,  dont  ils 
célébraient  la  fête  le  1"  juillet  à  l'église  Saint- 
Merri.  Du  temps  immémorial  ils  jouissaient  du 


*  Peaux  de  lapins. 

2  Voy.  ci-dessus  l'art.  Cordonaiers. 

3  Voy.  l'art.  Fourreurs. 

4  Ordonn.  royales,  t.  XII,  p.  75. 
^  Savary,  t.  II,  p.  424. 

6  Hurtaut  t-tMaigny,  Dictionnaire  de  Pans,  t.  I,  p.  317. 


privilège  de  porter,  dans  les  cérémonies 
publiques,  la  chasse  du  bienheureux  de  ce  nom. 

On  les  trouve  appelés  couiroyeurs,  coiiroyeurs, 
conraieurs ,  drayeurs  et  même  corroiers^  titre  qui 
désigne  une  autre  corporation. 

Une  partie  de  la  rue  de  Venise,  désignée  au 
treizième  siècle  sous  le  nom  de  rue  de  la 
Platrière,  devint  vers  1500  la  Conroirie  puis  la 
rue  de  la  Courroierie,  nom  qu'elle  porta  jusqu'en 
1850.  La  rue  des  Cinq-Diamants  s'est  appelée 
successivement  Corriyia,  corriyiaria,  conreerie, 
conroirie,  courouerie,  vieille  courroierie,  et  n'a 
pris  son  dernier  nom  qu'au  seizième  siècle  ' . 

Gors  (Tireurs  de).  Voy.  Pédicures. 

Gorsetiers.  Faiseurs  de  corsets.  Le  corset 
des  treizième  et  quatorzième  siècles  n'avait  aucun 
rapport  avec  le  nôtre.  C'était  un  vêtement  de 
dessus  à  l'usage  des  deux  sexes,  moins  long  mais 
aussi  ample  que  le  surcot,  souvent  fendu  sur  le 
côté  et  à  manches.  Je  crois  le  fait  incontestable. 
M.  Quicherat  ^  dit,  il  est  vrai,  que  le  corset  était 
alors  «  une  courte  tunique  sans  manches  »,  mais 
cette  assertion  est  contredite  par  plusieurs  docu- 
ments contemporains.  Je  lis,  en  effet,  dans  le 
compte  de  l'argentier  GeofFroi  de  Fleuri  pour 
l'année  1316  :  «  Pour  madame  Blanche,  fille  le 
Roy^,  pour  un  corset  de  camelin,  ouquel  il  otune 
fourreure  tenant  124  ventres,  et  12  ventres  pour 
les  manches...  »  Et  dans  le  compte  d'Etienne  de 
la  Fontaine  pour  1352  :  «  Pour  les  fourreures 
d'un  corset  ront  d'escarlate  pour  madame  la 
royne  de  Navarre,  une  fourreure  de  menuvair  de 
160  ventres,  et  pour  les  manches  24  ventres  *  ». 

Toutefois,  c'est  bien  au  quatorzième  siècle  que 
l'on  commença  en  France  à  considérer  la  finesse  de 
la  taille  et  la  raisonnable  ampleur  de  la  poitrine 
comme  une  beauté.  De  là  l'adoption  par  les 
coquettes  d'une  large  ceinture,  alors  appelée 
ôandeau,  où  l'on  pourrait  voir  l'origine  de  notre 
corset  actuel.  Fortement  serrée  à  la  taille  au 
moyen  d'un  lacet,  elle  remontait  assez  pour 
soutenir  les  seins,  en  même  temps  qu'elle 
étreignait  le  milieu  du  torse,  rendu  ainsi  plus 
flexible  et  plus  mince.  J'emprunte  ces  cinq  vers 
au  roman  de  la  rose  : 

Et  si  les  seins  elle  a  trop  lourds, 
Qu'un  bandeau  vienne  à  leur  secours, 
Dont  sa  poitrine  fasse  étreindre 
Et  tout  autour  ses  côtes  ceindre, 
Puis  attacher,  coudre  ou  nouer  S. 

Comme  cela  paraissait  charmant,  et  qu'avant 
tout  il  fallait  suivre  la  mode,  les  femmes  à  qui  la 
Providence  n'avaient  rien  donné  à  maintenir 
usèrent  d'un  artifice  dont  le  secret  s'est  fidèlement 
transmis  de  siècle  en  siècle:  elles  faisaient 
coudre  à  la  chemise  ou  au  vêtement  de  dessous 
certains  coussinets  rembourrés,  piqués,  et  dis- 
posés de  manière  à  imiter  la  nature. 


'  Elle  est  auj.  comprise  dans  la  rue  Quincampoi.t. 
-  Histoire  du  costume,  p.  242. 

3  Philijjpe  V. 

4  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'argenterie,  p.   43  et  177. 
-  Voy.  l'art.  Fourreurs. 

5  Édit.  elzév.,  t.  III,  p.  237. 


216 


CORSETIERS 


Celles-là  pouvaient  encore  espérer  plaire,  mais 
elles  devaient  renoncer  à  passer  pour  de  véritables 
élégantes.  On  n'avait  droit  à  ce  litre  que  si  l'on 
se  décolletait,  si  Ton  portait  une  robe  ou  un 
surcot  largement  ouverts,  non  seulement  sur  la 
poitrine,  mais  encore  dans  le  dos  : 

Belle  gorge  a-t-clle  et  cou  blanc? 

Que  le  ciseau  d'un  coup  savant 

Avec  tant  d'art  la  décolètc 

Que  sa  chair  luise  blanche  et  nette 

Demi-pied  derrière  et  devant. 

Il  n'est  rien  d'aussi  séduisant  1. 

Un  trouvère  de  la  fin  du  treizième  siècle,  Robert 
de  Blois,  blâme  cette  coutume  malséante,  et  ajoute 
que  les  femmes  ne  se  bornaient  pas  à  laisser  voir 
leur  gorge  et  leurs  épaules,  qu'elles  découvraient 
aussi  leurs  jambes  et  même  leurs  tlancs  : 

Une  autre  lessc  tout  de  gré 
Sa  char  apparoir  au  costé, 
Une  de  ses  jambes  descuevre  ; 
Prudhom  ne  loc  pas  ceste  œuvre  2. 

N'oublions  pas  de  dire  que  ces  ouvertures 
étaient  en  partie  défendues  par  des  affic/ies, 
c'est-à-dire  des  broches,  des  agrafes,  des  épingles. 
Mais  le  sévère  moraliste  à  qui  nous  devons  toutes 
ces  indiscrétions  n'en  recommande  pasmoinsaux 
femmes  de  ne  permettre  à  nul  homme,  sauf 
a  leur  mari,  d'introduire  leur  main  dans  les 
endroits  si  mal  protégés  : 

Gardez  qu'à  nul  home  sa  main 
Ne  laissiez  mètre  en  vostrc  sain 
Fors  celui  qui  le  droit  i  a. 
Snchii'7,  qui  primes  conlrouva 
Atiches  •'',  que  por  ce  le  fist 
Que  nus  hom  sa  main  n'i  méist 
En  sain  de  famé  où  il  n'a  droit. 

flfiarles  V  aimait  la  simplicité  dans  les  vête- 
nierit-;.  Il  ne  souffrait  pas  qu'autour  de  lui,  les 
hommes  portassent  des  souliers  à  la  poulaine  *  ni 
des  habiLs  trop  courts.  Il  ne  voulait  pas  non  plus 
que  les  femmes  se  serrassent  trop  la  taille,  «  ne 
femmes  cousues  en  leurs  robes  trop  eslraintes  ». 

Les  successeurs  de  Charles  V  se  montrèrent 
moins  sévères.  Un  contemporain  de  son  petit-fils 
nous  révèle  que  les  femmes,  toujours  désireuses  de 
faire  fine  taille,  continuaient  à  se  serrer  dans  des 
ceintures  ou  bandes  d'étoffes  dissimulé(?s  sous  ou 
sur  la  ciieniise.  Dans  Le  champion  des  darnes^ 
poème  lie  Martin  Lefranc,  Malebouche,  qui 
maltniite  fort  les  coquettes  du  «luinzième  siècle, 
h'cxprime  ainsi  : 

No  voy  tu  comment  leurs  frons  tendent, 

\  i»ini(;<'H  i-l  poitrines  oini^m-nt, 

I)i.^^.  ut  l.-ur«  mniiielles  (|ui  pendent, 

l>ui|.|..  iiulx  inlour  elles  .•.siraiiident 

Ou  II  i'avaulaipi'  so  .saindent  5 

A  fair»  ap|»an>ir  plus  heaulx  rains  •!. 

'l'iiul»-»  tollcft  besunffnes  fuindenl 

Pour  loy  prondrn  aux  fourches  de  rains  7. 


'  Roman  dt  ta  nte,  t.  III,  p.  235. 
«  l.*  tka$litmenl  des  damei.   Dons   Méon,   Fabliaux  cl 
conltê.  l.  II,  p.  187. 

■•  "^1  11.»  i|i|,<  rohii  qui  inventa  les  épingles. 

*  \    V    l'arl    (înnlonnicrB. 

•  \ .  iK'ninl 
^  Hein.t. 

">  U  champion  du  damrt,  litre  plaisant,  copieux,  etc 
\A  prrm.ëP'  cwlilion  rst  .lans  doul/'  do  1485.  Je  citec<-lle 
d.'  I.^ao,  PT.XVI 


Au  siècle  suivant,  nous  rencontrons  enfin  pour 
la  première  fois,  sous  le  nom  de  vasquine  ou 
basqtdne,  notre  corset  actuel.  C'est,  en  eftét,  un 
corsage  de  toile  épaisse,  qui  serre  fortement  la 
taille  et  s'élargit  jusqu'aux  épaules  en  forme 
d'entonnoir.  Le  corsage,  bien  tendu  sur  lui,  le 
recouvre. 

Ce  corset  resta  fort  en  faveur  durant  le 
quinzième  siècle.  Mais  au  dix-septième,  les 
femmes  commencèrent  à  emprisonner  leur  taille 
dans  des  instruments  de  supplice  nommés  corps 
pignés,  sans  préjudice  du  kiste  ou  busqué^  lame 
de  bois  verni,  d'ivoire,  d'argent  ou  de  baleine  qui 
maintenait  la  robe  par  devant.  «  Les  femmes,  dit 
Henri  Estienne,  appellent  leur  busqué  un  os  de 
baleine  qu'elles  mettent  par  dessous  leur  poitrine, 
au  beau  milieu,  pour  se  tenir  droites  *  ».  Très 
souvent,  le  busqué  restait  en  vue,  était  doré, 
damasquiné,  couvert  de  devises,  d'ornements,  de 
dessins  allégoriques  ^. 

L'ambassadeur  de  Venise  écrivait  alors  à  son 
gouvernement  :  «  Par  dessus  la  chemise,  les 
femmes  ont  un  corset  ou  camisole,  qu'elles 
appellent  corps  piqué,  qui  rend  la  tournure 
plus  légère  et  plus  svelte.  Il  est  agrafé  par 
derrière,  ce  qui  rend  plus  belle  la  forme  du 
sein  ^  ».  Le  bon  ambassadeur  n'y  avait  pas 
regardé  de  bien  près,  mais  nous  savons  par 
Montaigne  en  quoi  consistaient  le  plus  souvent  ces 
artifices  destinés  à  rendre  la  taille  fine  :  «  Quelle 
géhenne  les  femmes  ne  souffrent-elles  pas, 
guindées  et  cenglées  à  tout  de  grosses  coches  * 
sur  les  costez  jusques  à  la  chair  vive  !  ouy  quel- 
quesfois  à  en  mourir  ^  »  !  Tout  ou  moins  à 
compromettre  la  vie  des  enfants  qu'elles  portaient 
dans  leur  sein  :  «  J'ay  ouj  parler  de  quelques 
demoiselles,  voire  en  ay  congneu,  qui  n'ont  point 
faict  de  difficulté  de  porter  des  bustes  aux 
despens  du  fruict  qui  estoit  en  elle,  et  pour  ne 
perdre  Dionneur  d'avoir  le  corps  gent  ^  ».  El 
Ambroise  Paré  qui,  mieux  que  personne,  savait 
à  quoi  s'en  tenir  à  cet  égard,  avait  plus  d'une 
fois  donné  de  sages  avis,  toujours  méconnus  : 
«  Les  choses  qui  compriment  le  ventre  de  la 
mère,  comme  font  les  bustes  et  choses  semblables, 
empeschent  que  l'enfant  ne  peut  prendre 
croissance,  de  sorte  que  les  mères  avortent,  et 
sont  les  enfans  contraints  sortir  devant  le  terme  ''  » . 
Le  danger  n'est  pas  moindre  pour  les  jeunes 
personnes  :  «  Plusieurs  filles  sont  bossues  et 
contrefaites  pour  leur  avoir,  en  leur  jeunesse, 
par  trop  serré  le  corps.  On  voit  que,  de  mille 
filles  villageoises,  on  n'en  trouve  pas  une  bossue, 
à  raison  qu'elles  n'ont  eu  le  corps  asiraint  et  trop 
serré  "  ».  Dans  un  autre  endroit.  Paré  nous 
raconte  qu'ayant  fait  l'autopsie  d'une  belle  dame 
à  la  taille  mince,   il   trouva  ses  «  costes  che- 


'   Dialogues,  t.  I,  p.   210. 

*  \'<>j.    Maze-tJensier,    Le    livre    des    collectionneurs, 
p.  737. 

•■*  Relations  des  ambassadeurs  vénitiens,  t.  II,  p.  559. 

*  Plaies,  entailles. 

5  Essais,  liv.  I,  chap.  XL. 

<5  H.   Estienne,  Apologie  pour  Hérodote,  t.  I,  p.  393. 

'   Œuvres,  édit.  de  1607,  p.  953. 

*  Œuvres,  édit.  de  1607,  p.  898. 


CORSETIERS  —  COTON 


217 


vauchans   les   unes   par-dessus    les    autres  '    >>. 

Un  peu  plus  tard,  le  corset  fut  recouvert  d'un 
autre  appareil,  presque  aussi  barbare,  ég'alement 
armé  de  baleines,  et  qui  condamnait  à  un  véri- 
table martyre  les  malheureuses  qui  y  étaient 
sang'lées.  Cinquante  ans  après  sa  présentation 
à  la  Cour  de  Louis  XV,  madame  de  Genlis  se 
souvenait  encore  des  souffrances  qu'elle  avait 
endurées  à  celte  occasion  :  «  La  veille,  mesdames 
de  Puisieux  et  d'Estrées  voulurent  que  j'eusse 
mon  grand  corps  pour  dîner,  afin,  disoient-elles, 
de  m'y  accoutumer.  Ces  <»;rands  corps  laissoienl 
les  épaules  découvertes,  coupoient  les  bras  et 
g-ênoient  horriblement  '^  ». 

Depuis  le  règne  de  Louis  XV,  les  mots  corps 
et  corset  deviennent  à  peu  près  synonymes,  et, 
jamais  peut-être  le  pouvoir  de  la  mode  ne  s'affir- 
ma plus  clairement  que  dans  la  faveur  dont 
jouirent  ces  cruelles  armatures  de  baleines  et 
d'acier.  Blâmées,  réprouvées  par  tout  le  monde, 
elles  résistaient  à  toutes  les  critiques,  à  toutes 
attaques.  L'anatomisteWinslow,  J.-J.  Rousseau, 
Buffon  en  firent  vainement  ressortir  les  dangers. 
En  1770,  un  sieur  Bonnavul  publia  contre  elles 
un  mémoire  intitulé  :  Dégradation  fie  V espèce 
humaine  par  V usage  des  corps  à  baleine,  etc.  ;  dans 
son  Essai  sur  les  corps  baleinés,  un  nommé 
Reisser,  tailleur  établi  à  Lyon,  proposa  d'y 
apporter  des  réformes  qui  équivalaient  à  une 
suppression.  Rien  n'y  fît,  et  le  comte  de 
Vaublanc  pouvait  encore  écrire  en  1782  :  «  Il 
faut  se  réjouir  de  ce  que  les  femmes,  en  se  donnant 
par  leurs  corsets  une  taille  roide,  se  privent  ainsi 
du  plus  dangereux  des  attraits,  de  cette  souplesse 
élégante  qui,  dans  d'autres  pays,  est  le  plus 
séduisant  de  leurs  charmes  ^  ». 

Corps  et  corsets  étaient  l'œuvre  des  tailleurs. 
«  Ce  sont  eux,  dit  galamment  \ Encyclopédie 
méthodique.,  qui  font  ces  corsets  délicats  et  élégans 
qui,  sans  gêner  le  corps  soutiennent  la  taille, 
donnent  de  Télévation  et  de  la  fermeté  à  la  gorge, 
et  rendent  le  maintien  des  femmes  plus  noble 
et  plus  agréable  *  ».  Mais  ceci  ressemble  fort  à 
une  réclame. 

Dans  leurs  statuts  de  1749,  les  boursiers  sont 
dits  faiseurs  de  bustes,  sans  doute  parce  qu'ils 
prétendaient  à  l'emploi  exclusif  de  la  baleine.  Ils 
s'étaient  déjà,  sous  le  même  prétexte,  fait  octroyer 
le  droit  de  fabriquer  les  parasols  et  les  parapluies. 

Gorteilliers.  Gortilleors.  Gortil- 
liers.  Voy.  Jardiniers. 

Gortiveurs.  Voy.  Agronomes. 

Gorvlsiers.  Voy.  Cordonniers. 

Gostumiers  de  théâtre.  Les  anciens 
manuscrits  historiés  qui  nous  ont  conservé  le 
texte  de  mystères\Q^xk,%  au  moyen  âge  représentent 
toujours  les  personnages  en  costume  contem- 
porain du  manuscrit.  C'est  une  règle  invariable. 


1  Œuvres,  édit.  de  1607,  p.   514. 

2  Mme  de  Genlis,  Mémoires,  t.  I,  p.  241. 

3  Souvenirs,  p.  136. 

*  Jurisprudence,  t.  IX,  p.  613. 


La  masse  des  figurants  devait  être  habillée  de 
vêtements  d'emprunt,  et  le  clergé  se  montra 
généralement  libéral  envers  les  acteurs  des 
mystères  sacrés  :  les  cliapes,  les  chasubles,  les 
dalmatiques,  toute  la  garde-robe  ecclésiastique 
était  mise  à  leur  disposition.  On  fit  plus:  en 
1492,  à  Rouen,  on  mit  en  gage  des  reliques 
pour  monter  la  Passion  ^. 

Au  dix-septième  siècle,  on  ne  jouait  plus  de 
mystères,  et  les  comédiens  louaient  leurs  babils 
à  la  friperie,  «  ils  étoient  vêtus  infamement  », 
disait  Tallcmant  des  Réaux  ^.  Une  réaction  se 
produisit  sous  Richelieu,  engoué  d'art  drama- 
tique, et  le  costume  devint  vraiment  luxueux 
sous  Louis  XIV.  «  Cet  article  de  la  dépense  des 
comédiens,  écrit  Chappuzeau,  est  plus  considé- 
rable qu'on  ne  s'imagine.  Il  y  a  peu  de  pièce 
nouvelle  qui  ne  coûte  de  nouveaux  ajustemens  ; 
el  le  faux  or  ni  faux  argent  qui  rougissent 
bientôt  n'y  étant  pas  employés,  un  seul  habit  à 
la  romaine  ira  souvent  à  cinq  cens  écus  ». 

C'est  pourtant  à  la  fin  du  siècle  seulement 
que  les  acteurs  commencèrent  à  porterie  costume 
des  personnages  qu'ils  représentaient .  La 
Champmeslé,  morte  en  1698,  jouait  encore  les 
rôles  d'Iphig'énie,  de  Monime  et  de  Phèdre 
habillée  comme  mademoiselle  de  Fontanges  ou 
madame  de  Montespan.  Le  fournisseur  attitré 
des  artistes  était  alors  un  sieur  Jean  Baraillon 
que  le  Livre  commode  pour  1692  qualifie  «  tailleur 
pour  habits  de  théâtre  •*  ». 

En  1777,  le  sieur  Renaudin,  demeurant  rue 
Comtesse  d'Artois,  louait  «  toutes  sortes  d'habits 
pour  les  bals  ou  pour  jouer  en  société  les  pièces 
du  Théâtre  François  ou  Italien  ».  Le  sieur 
Sarrazin  possédait  «  une  collection  d'habillemens 
de  divers  siècles  »,  et  le  sieur  Sigly  se  disait 
«  tailleur  pour  femmes  de  l'Opéra  *  ». 

Lekain  ^,  et  Clairon  ^  furent  les  premiers  qui 
introduisirent  en  scène  l'exactitude  du  costume  ; 
encore  se  bornèrent-ils  à  exclure  les  paniers  des 
actrices  et  le  chapeau  à  plumes  des  acteurs,  à 
adopter  la  peau  de  tigre  dans  les  rôles  scytes  et 
sarmates,  et  l'habit  du  seizième  siècle  dans  les 
scènes  de  chevalerie.  Le  plus  ancien  exemple 
d'un  costume  fidèlement  reproduit,  date  de  la 
représentation  de  Charles  IX  "^ ,  et  c'est  à  Talma 
que  revient  l'honneur  de  cette  innovation  **. 

Voy.  Bijoutiers  en  faux  et  Théâtre. 

Goterie.  Voy.  Cotterie. 

Goton  (Travail  du).  Voy.  Arçonneurs. 
—  Bonnetiers.  —  Cardeurs.  —  Cha- 
peliers. —  Fileurs.  —  Fileuses.  — 
Mousseliniers.  —  Toiles  (Commerce 
des\ 


1  Petit  de  Julleville,  Les  mystères,  t.  I,  p.  380. 

2  Historiettes,  t.  VII.  p.  170. 

3  Tome  I,  p.  271. 

4  Almanach  Dauphin,  art.  Tailleurs, 
a  Mort  en  1778. 

6  Morte  en  1803. 
■^  Le  4  novembre  1789. 

8  ^'oy.    A.    Jullien,    Histoire  du.  costume   au   théâtre, 
1880,  in-8°,  p.  94,  282  et  303. 


218 


COTRETS  —  COULEURS 


GotretS  (Marchands  de).  Au  seizième 
siècle,  et  bien  avant  sans  doute,  on  en  criait  dans 
les  rues  de  Paris  : 

Après  orrez  sans  nulz  arrestz 
Parray  Paris  plusieurs  gents 
Portaiiis  et  crians  les  cotretz, 
Où  ilz  gaignent  de  l'argent  1. 

La  vente  des  colrets  avait  été  minulieusement 
réglée  par  l'ordonnance  de  février  1415  ^,  elle 
le  fut  de  nouveau  par  celle  de  décembre  1672  ^. 
Cntie  dernière  exige  que  les  fagots  et  «  cotterels  » 
soient  vendus  par  compte,  par  cent,  et  fournis, 
suivant  l'usage,  «  les  quatre  au-dessus  du  cent». 
Chacun  d'eux  devait  avoir  au  moins  dix-huit 
pouces  *  ;  on  les  mesurait  à  la  chaîne.  Ils  étaient 
vendus  au  détail  par  les  fruitiers,  les  chandeliers 
et  les  regrattiers.  Défense  leur  était  faite  d'en 
avoir  chez  eux  plus  d'un  millier,  et  ils  étaient 
tenus  d'aflicher  dans  leur  boutique  une  «  pan- 
carte »  indiquant  le  prix  de  vente  lixé  par 
n.Al.-l  de  ville  «. 

Quand  la  Seine  était  prise,  le  bois  devenait 
rare  et  cher.  Une  année,  durant  la  Régence,  il 
fut  du  bon  ton  de  s'envoyer  pour  étrennes  des 
petits  cotrets  bien  propres  et  liés  avec  des 
faveurs  de  soie.  On  les  brûlait  tout  de  bon  après 
les  avoir  acceptés  pour  rire. 

On  a  dit  que  le  mol  colret  venait  du  bas  latin 
cnsteretum  qui  aurait  eu  un  sens  analogue  •*.  Il 
est  plus  vraisemblable  que  ces  petits  fagots 
furt-nt  pendant  longtemps  fournis  à  Paris  par  la 
furet  de  Retz,  dont  Villers-Cotlorets  a  tiré  son 
nom  :  Villers-cosie  '-Retz. 

On  trouve  un  marchand  de  cotrets  représenté 
dans  les  ('ri/!  de  Paris  de  la  bibliothèque  de 
l'Arsenal. 

Gotterie.  «  Se  dit,  parmi  les  artisans,  d'un 
jure  ou  iriin  maître  de  la  confrérie  d'une 
conimunauté,  a  Tégard  de  ceux  qui  sont  en 
mAnu'  temps  en  charge. 

Vi\  juré  ne  peut  aller  en  visite  tout  seul,  il 
faut  qu'il  attende  sa  colterie,  c'est-à-dire  celui 
qui  est  juré  avec  lui. 

(iollerie  se  dit  aussi  entre  les  «  apprentifs, 
compagnons  et  garçons  d'un  même  métier, 
comme  pour  se  distinguer  et  se  reconnoître  "  ». 

On  écrit  souvent  coterie. 

Coucheurs.  Dans  les  fabriques  de  papier, 
ouvriers  qui  appliquaient  les  feuilles  sur  les 
feutres. 

Dans  les  briqu.'teries,  (.nvriers  qui  étendaient 
le»  tlljlfis  que  Ip  mouleur  Inir  avait  touniies  '•». 


'  l.tt  rrit  ifft   marckaitititei,    rlc.  —  Voy.    aussi  Les 
cfil  et  irpi  rrit,  v\c 
>  .\rtirlf  210. 
'  CImpiir.'  XVII.  nrt    27  -t  suiv 

•  Environ  rinquaiite  cenlim('t^e.^. 

S  Sur  lotit  nri.  voy.    nuNsi  VKHcyrlunédie  mr/hmllnne 
rommi-rp*-,  l.  I,  p.  7.13.  '     ' 

•  Vov,    le    fUostaire  île   Durange,    aux  mois  cos/a  et 
ff)ttfrffl»m. 

•  Vri's  (!<•,  m  vHux  fmnnii.s. 

»   KnftftlofK.tir  m/fkar/iqur,  comunra-,  t.  I,   p.  7.1.1. 
»  Knryrlop^Hi*  m^lkodiaut,  es\»  ol  métiers,  I     I    n    335 
••«  I    \.  p.  502  •  ' 


Goudranneurs.  On  nommait  coudran  un 
mélange  d'herbes  et  de  goudron  dans  lequel  les 
bateliers  de  Paris  faisaient  tremper  leurs 
cordages,  espérant  ainsi  les  protéger  contre  la 
pourriture.  Cette  opération  était  faite  par  les 
coudranneurs. 

Gouleurs  (Marchands  de).  Ils  étaient  jadis 
représentés  par  les  épiciers-droguistes.  C'est  à 
eux  que  les  peintres  achetaient  leurs  couleurs, 
leurs  palettes,  leurs  toiles,  leurs  vernis,  tous  les 
objets  relatifs  à  leur  art.  Les  brossiers  vendaient 
seulement  les  pinceaux  formés  de  soies  de  sanglier. 

Jean  de  Garlande,  qui  écrivait  vers  le  milieu 
du  treizième  siècle,  raconte  que  les  ouvriers 
teinturiers  étaient  dédaignés  des  femmes,  parce 
qu'ils  avaient  toujours  les  ongles  teints  en  rouge, 
en  noir  ou  en  bleu  ^.  Ailleurs,  il  nous  dit  que  les 
drapiers  vendaient  des  tissus  blancs,  noirs,  verts, 
bleus,  écarlales  et  rayés  ^.  On  trouve  cités  un 
peu  plus  tard  le  violet,  le  brun,  la  nuance  fleur 
de  pêcher,  etc.,  etc. 

On  voit  que  l'art  du  teinturier  était  déjà  fort 
avancé.  La  plupart  des  substances  utilisées 
arrivaient  de  l'Inde  par  l'Egypte,  et  les  merciers 
se  chargeaient  de  les  apporter  à  Paris  ^.  Quant 
aux  procédés  de  composition,  ils  se  transmettaient 
par  tradition,  d'ouvriers  en  ouvriers,  comme  cela 
avait  lieu  pour  tous  les  corps  d'état  ;  il  ne  faut 
les  demander  ni  aux  statuts,  qui  restent  muets 
sur  ce  point,  ni  aux  ouvrages  contemporains. 

Je  me  bornerai  donc  à  dire  quelques  mots  des 
couleurs  les  plus  employées  au  moyen  âge. 

Atrament.  Voy.  Encre. 

Azur.  Voy.  Bien  et  Faux-azur. 

Bleu.  Il  est  assez  difficile  de  se  reconnaître  au 
milieu  des  diverses  variétés  de  bleus  dont  les 
historiens  nous  ont  conservé  les  noms. 

La  plante  nommée  guède  ou  pastel  fournissait 
la  couleur  dite  j)ers.  En  général,  on  admet  que 
ce  mot  désignait  un  bleu  très  foncé,  mais  si  l'on 
y  regarde  de  près,  le  doute  est  autorisé.  D'abord, 
s'il  y  avait  du  pers  noir  ^,  il  y  avait  aussi  du  pers 
azîire'  et  du  pers  clair  ^. 

Au  milieu  du  quinzième  siècle,  un  traité  de 
blason  nous  apprend  que  «  le  pers  est  une  couleur 
qui  approche  fort  du  bleu,  mais  est  de  plus  clère 
matière  ^  ».  Henri  Estienne  déclare  que  «  en  mars 
croist  la  ])elle  violette,  de  couleur  céleste,  d'azur 
et  de  pers  ^  ».  La  définition  donnée  par  le  Diction- 
naire de  l'révoux  *  manque  assez  de  précision 
pour  pouvoir  contenter  tout  le  monde  :  «  Pers. 
Qui  est  de  couleur  bleue  ou  tirant  sur  le  bleu, 
azur  couvert  et  obscur  qu'on  prétend  être  venu 
de  Perse  ».  M.  de  Laborde,  y  reconnaît  le  noir 
bleu  ;  il  cite  même  une  ordonnance  de  police 
rendue  en  1533,  et  qui  mentionne  des  «  draps 


1  Voy.  ci-dessous  l'art.  Teinturiers. 

2  Dictionarius,  p.  27  et  30. 

•*  Vo}'.  ci-dessous  l'art.  Merciers. 

*  Ducange,  Glossarium,  au  mo\  persils. 

5  Douël-d'Arcq,  Comptes  de  l'argenterie,  p.  149. 

8  Le  btnson  des  couleurs,   p.  88. 

'  .ipnlngle  pour  Hérodote,  t.  II,  p.  281. 

8  Tome  VI,  p.  698. 


COULEURS 


219 


pers 


et  autres  accoustumés  estre  tendus  es  mor- 


tuaires^ ».  En  effet  je  trouve  ailleurs  que,  dès 
le  quinzième  siècle,  l'on  tendait  «  de  pers  en  la 
maison  d'ung  trespassé  ^  ».  Enfin,  pour  M.  Qui- 
cherat,  le  pers  était  «  un  bleu  intense  ^  »,  et 
pour  l'Académie,  c'est  une  «  couleur  entre  le 
vert  et  le  hleu  *  » . 

Les  mots  ?/??//(?  ou  inde  désignaient  l'a/Air,  le 
bleu  de  ciel  :  on  est  à  peu  près  d'accord  sur  ce 
point.  «  Azur  et  inde  n'est  que  ung  »,  dit  le 
Blason  des  cotdeurs  ^.  M.  Douët-d'Arcq  le  définit 
pourtant  d'autre  manière  :  «  bleu  de  la  couleur 
du  col  et  de  la  poitrine  du  paon"  ».  Il  serait 
donc  différent  de  la  nuance  que  nous  trouvons 
nomvciée  jynonace,  jxionnace,  paomiée^  etc.,  et  qui 
représentait,  dit-on,  un  bleu  violet  rappelant  la 
queue  du  paon.  «  Violaceus,  purpureus,  colorem 
caudae  pavonis  »,  dit  Ducange  '' .  U impérial 
était  un  bleu  éclatant**. 

Brun.  Depuis  le  jour  où  il  entreprit  sa  première 
croisade,  saint  Louis  bannit  de  ses  vêtements  le 
vert,  l'écarlate  et  autres  couleurs  voyantes,  et  ne 
voulut  plus  porter  que  du  brun. 

Brussequin.  Nuance  tenant  du  brun  et  du 
bronzé.  Dans  sa  composition  entrait  l'écorce  de 
noyer. 

Cendré,  engendré  ou  cendrin.  En  T316,  la 
reine  Marie  de  Brabant  donne  à  Philippe  le  Long 
«  une  robe  de  cendré  ^  ». 

Changeant  de  vert  a  bleu.  On  lit  dans 
Y  Inventaire  de  Charles  V  (1380)  :  «  Item  une 
robe  de  drap,  de  couleur  changeant  de  vert  à 
bleu  10  ». 

Cramoisi.  Je  trouve  cité,  dans  le  même  inven- 
taire, du  velours  vermeil  cramoisi  i*,  et  Rabelais 
nous  fait  savoir  que  les  souliers  de  Gargantua 
étaient  en  velours  bleu  cramoisi  ^^.  Ce  mot 
désignait  alors  le  maximum  d'intensité  d'un  ton 
quelconque,  et  pendant  près  de  quatre  siècles, 
il  resta  dans  la  langue  avec  un  sens  analogue.  Il 
signifiait,  au  figuré,  «  entièrement,  au  suprême 
degré,  au  delà  de  ce  qu'on  peut  imaginer  ». 
Ainsi,  quand  Panurge  et  frère  Jean  sont  pris  de 
«  fureur  poétique  »,  ce  dernier  s'écrie  :  «  Atten- 
dez, et  m'ayez  pour  excusé  si  je  ne  rithme  en 
cramoisi  ^  ^  » . 

Cuir  d'abbaye.  «  Item,  une  sainture  sur  un 
tissu  de  couleur  cuir  d'abbaye  '*  ». 

ÉcARLATE.  Il  était  produit  par  le  kermès.  Cet 
insecte  se  vend  desséché  et  il  a  alors  l'apparence 
d'une  petite  graine  rouge,  aussi  est-il  presque 


1  Notice  des  émaux,  p.  438. 

2  Blason  des  couleurs,  p .  111. 

3  Histoire  du,  costume,  p.  323. 

'i:  Dictionnaire,  édit.  de  1879,  t.  II,  p.  399. 

^  Page  88. 

6  Nouveatix  comptes,  p.  70. 

'  Au  mot  paonacius. 

8  Douët-d'Arcq,  Comptes,  p.  XIX. 

î*  Douët-d'Arcq,  Comptes,  p.  10. 

10  N°  3.512. 

11  N"  3.475. 

12  Liv.  I,  chap.  8. 

13  Liv.  V,  chap.  47. 

1*  Inventaire  du  mobilier  de  Charles  V,   n"  91. 


toujours  désigné  sous  le  nom  de  graine  d'e'carlate. 
Ceci  nous  explique  pourquoi  nos  anciens  histo- 
riens citent  sans  cesse  des  tissus  dits  en  graine  ou 
en  migraine.  Les  premiers  avaient  été  teints  en 
rouge  au  moyen  du  kermès  seul  ;  pour  les 
seconds,  l'on  n'avait  employé  qu'une  moitié  de 
kermès,  mêlé  à  d'autres  substances  colorantes, 
et  l'on  avait  obtenu  ainsi  la  teinte  violacée  appelée 
mi-graine  ou  migraine.  Je  lis  dans  une  ordon- 
nance de  1302  :  «  Que  nul  ne  vende  drap  pour 
escarlate,  se  il  n'est  tout  pur  de  graine,  sans  autre 
mistion  de  tainture  quelconque.  Item,  que  nul  ne 
vende  migraine,  se  il  n'y  a  la  moitié  graine  ^  ». 
Il  existait,  outre  l'écarlate  vermeille,  des  écar- 
lates  rosée,  sanguine,  claire,  paonace,  violette, 
morée^,  et  même  blanclie.  On  avait,  en  effet, 
fini  par  appliquer  le  nom  d'écarlate  à  toute 
couleur  que  l'immersion  dans  un  bain  très  peu 
intense  de  kermès  douait  d'un  éclat  particulier. 
Ainsi,  dans  le  costume  de  Gargantua  entrait  du 
«  veloux  bleu  tainct  en  graine  '  ». 

Engendré.  Voy.  Cendre'. 

Encre.  On  écrivait  souvent  anque,  enque,  et 
aussi  atrament,  du  latin  atramentum. 

Faux  azur.  C'est  le  vert-de-gris. 

Fleur  de  pêcher.  Nuance  fort  à  la  mode, 
surtout  au  début  du  quatorzième  siècle  *. 

Graine.  Voy.  Ecarlale. 

Impérial.  Voy.  Bleii,. 

Inde.  Voy.  Bleu. 

Jaune.  Couleur  mal  notée.  Elle  a  désigné  les 
juifs,  les  maris  trompés  et  les  traîtres.  Après  la 
mort  du  fameux  connétable  de  Bourbon,  le  Parle- 
ment ordonna  de  peindre  en  jaune  la  porte  de 
son  hôtel.  Cette  coutume  subsistait  encore  au 
milieu  du  dix-septième  siècle.  Lorsque  le  prince 
de  Condé  eut  abandonné  la  France,  en  1653, 
pour  passer  du  côté  de  l'Espagne,  un  arrêt  du 
Parlement  le  déclara  coupable  de  haute  trahison, 
le  condamna  à  mort,  et  fit  peindre  en  jaune  la 
porte  de  l'hôtel  qu'il  possédait  à  Paris. 

MiCtRAIne.  Voy.  Écarlate. 

Moisi.  Couleur  de  rouille. 

Noir.  Au  quatorzième  siècle,  le  noir  était  porté 
déjà  «  par  gens  de  tous  estatz,  comme  moynes, 
nonnes,  marchans,  femmes,  gens  de  justice  et 
prestres^...  Ceste  couleur  pour  le  présent,  est 
la  plus  requise  en  habitz  qui  soit,  pour  la  simpli- 
cité qui  est  en  elle.  Mais  tout  le  monde  en  abuse. 
On  en  faict  les  beaulx  draps  de  fine  laine  ».  Ce 
qui  revient  à  dire  que,  comme  aujourd'hui,  le 
noir  était  la  coideur  préférée  des  gens  sérieux. 

Paonace.  Voy.  Bleu. 

Pers.  Voy.  Bleu. 

Plonqué,  plonquié  ou  plomquié.  Couleur  de 
plomb.  Sans  doute  ce  que  nous  nommons  aujour- 
d'hui vieil  argent. 


1  Ordonn.  royales,  t.  III,  p.  585. 

2  Noire. 

3  Liv.  I,  chap.  8. 

i  Voy.  Douët-d'Arc<j,  Comptes,  p.  5. 
8  Blason  des  couleurs. 


220 


COULEURS  —  COUREURS 


Pourpre.  Dès  le  Bas-Empire,  le  gouvernement 
en  monopolisa  la  fabrication  dans  les  deux 
manufactures  de  Xarbonne  et  de  Toulon.  Il  y 
avait  des  pourpres  bis,  inde,  vermeil,  doré, 
noir,  etc. 

Prasine.  Rabelais  parle  d'un  «  pourceau  qui 
avait  les  aureilles  verdes  comme  une  esmeraugde 
prassine  *  ».  Celait  un  vert  poireau. 

PuNicÉE.  Ihi  hiiin  pmiiceus.  C'est  la  couleur 
orangé. 

Rouge.  On  obtenait  un  rouge  assez  brillant, 
mais  sans  durée,  au  moyen  du  brésil,  un  bois 
rouge  qui  arrivait  de  l'Inde,  de  Ceylan  surtout, 
par  la  voie  de  l'Egypte,  et  qui  a  fini  par  donner 
son  nom  au  plus  vaste  état  de  l'Amérique  du 
Sud.  En  1500,  quand  la  partie  septentrionale  de 
celte  contrée  fut  découverte,  on  y  trouva  une 
immense  quantité  de  bois  ayant  les  mêmes  pro- 
priétés que  le  brésil.  On  en  expédia  aussitôt  en 
pjurope,  et  les  commerçants  appelèrent  pays  du 
brésil  la  contrée  d'où  ils  le  recevaient.  Le  navi- 
gateur Pedro  Alvares  Cabrai,  qui  avait  le  premier 
vu  cette  région,  l'avait  baptisée  terre  de  Sunla- 
Cruz,  mais  les  habitudes  du  commerce  ont  pré- 
valu-. Voy.  Cramoisi. 

Sandaraque.  «  Sandarax  est  lierba  de  qua 
lingitur  blavus  color  »,  dit  Ducange. 

Tanné.  Ce  n'était  pas  la  couleur  saumon. 
comme  le  dit  M.  Quicherat  •' ;  c'était  un  fauve, 
un  brun  jaunâtre  rappelant  la  nuance  du  tan. 
'<  Fauve  et  tanné  n'est  que  ung  »,  dit  le  Blason 
des  mulenrs,  qui  cite  des  tannés  blanchâtres, 
rougeâfres,  violets,  obscurs  et  gris*. 

Vert.  Ce  f\it  d'abord  la  couleur  favorite  des 
jriiiics  chevaliers.  Elle  devint  ensuite  celle  des 
fous  (If  cour.  Sous  Catherine  de  Médicis  les 
seigneurs  les  plus  élégants  l'adoptèrent.  Plus 
lard,  l'on  coiffa  d'un  bonnet  vert  les  banque- 
routiers et  les  tlébileurs  insolvables. 

Violet  fîiROKi.E.  Cité  dans  Vhiventaire  de 
Charles  V  ••. 

Vndk.  \<»y.  lilru.  * 

Couleuvriniers.  Faisfurs  de  couleuvrines. 
Nom  par  lequel  sont  parfois  désignés,  au  quiii- 
zicMK-  si<'f|(>,  li's  arquc|iii>iers.  La  couleuvrine, 
(|ui  fiait  Hlnr>  une  arme  de  main  ,  précéda 
riiiicqufbMli'. 

Coupeurs.  Dans  les  bnipiclrrii-s.  (luvi'icrs 
qui  coujiaifht  cl  fartmiiaii-nl  la  t.  rre  «. 

rou[)<'Ui"s (le cheveux.  \>\y.  Cheveux 
(Coniinorco  clos). 

Cnujjiur.s  (!.•  hanses.  Chez  les  épin- 
glier>.  4)11  appelai!  Iiunse  une  épingle  à  laquelle 
manquait  enmre  la  N'Ie.  L'empi.inleur  ..yanl 
fait  (l<>ux  pointes  ù  chaque  lij,  ],.  c.iipeur  devait 


'  I)ii<^aii^'i<,  nu  nw\  pratinum. 
'  N  ov    Durniip»»,  au  mot  brasiU. 
'  l'niî-  341. 

»  N»  I  llli 

«  Enr^ifloj^Ait  iiUtMijue,  arts  el  métitT.s,  i.  I,  p.  335. 


couper  celui-ci  par  le  milieu  et  préparer  ainsi  le 
travail  de  Ventêteur. 

Coupeurs  de  poils.  Titre  qui  appartenait 
à  la  communauté  des  cardeurs.  Il  fut  l'origine  de 
très  fréquentes  contestations  avec  les  chapeliers. 
Ces  derniers  jouissaient,  en  effet,  depuis  long- 
temps du  droit  de  couper  et  carder  tous  les  poils 
pouvant  servir  à  la  fabrication  des  chapeaux  1. 

Coupeurs  de  racines.  Voy.  Herbo- 
ristes. 

Coupeurs  de  têtes.  Ouvriers  qui  prépa- 
raient les  têtes  des  épingles.  Ils  donnaient 
70  coups  de  ciseaux  par  minute,  et  pouvaient 
couper  ainsi  en  une  heure  50.400  têtes  ^. 

Coupeurs  de  tronçons.  Voy.  Ro- 
gneurs. 

Cour  des  monnaies.  Sa  compétence 
s'étendait  sur  tout  ce  qui  concernait  la  fabrica- 
tion et  la  police  des  monnaies,  le  commerce  des 
métaux  précieux,  les  malversions  commises  par 
les  ouvriers  en  or  et  en  argent,  orfèvres,  joailliers, 
batteurs  d'or.  Elle  jugeait  en  dernier  ressort  les 
procès  relatifs  aux  monnaies. 

La  Cour,  composée  d'environ  cent  quatre 
membres,  tenait  deux  audiences  par  semaine  à 
l'hôtel  des  monnaies.  Dans  les  cérémonies  publi- 
ques, elle  prenait  rang  après  la  cour  des  aides. 

Voy.  Frévôté  générale  des  monnaies. 

Couraliers.  Voy.  Corailleurs. 

Courateurs  et  Couratiers.  Voy.  Cour- 
tiers. 

Coureurs.  Voy.  Grand-mai tre.  Maî- 
tres de  poste,  etc. 

Coureurs.  «  G'étoit  un  odieux  usage,  écrit 
la  comtesse  de  Genlis,  que  celui  de  faire  courir 
devant  sa  voiture  des  hommes  et  des  chiens.  Les 
coureurs  mouroient  tous  fort  jeunes,  asthma- 
tiques ou  hydropiques  ;  leur  entretien  étoit  rui- 
neux, leur  parure  efféminée,  en  argenterie, 
clinquant  et  lleurs  artificielles,  coûtoit  au  moins 
mille  écus  par  an.  Les  chiens  danois,  en  courant 
dans  les  rues,  renversoient  les  vieillards  et  les 
enfans,  mais  le  grand  seigneur,  ainsi  précédé 
dans  sa  voiture  angloise,  croyoit  avoir  le  meilleur 
air  du  monde  ^  ». 

Les  coureurs  les  plus  recherchés  étaient  les 
Basques  qui,  prétendait-on,  pouvaient  faire  jus- 
([u'à  vingt  lieues  par  jour.  Un  poète  du  dix-sep- 
tième siècle  les  représente  comme  des  animaux 

l'récéilant  un  carrosse  et  qui  font  faire  place, 

Automates  courans  et  bi.scaycns  de  race, 

(^u'iin  é((uii"ie  à  graniis  frais,  portant  visage  humain, 

Légers  cuninie  le  vont,  espèce  d'homme  enfin 

(^ui  conçoit,  (|ui  répond,  qu'on  dresse,  (ju'on  élève, 

Renvoyé  s'il  vieillit  et  remplacé  s'il  crève  *. 


«  Slahils  ,1e  1578,  art.  10  ;  de  1012,  art.  18  ;  de  1658, 
art.  23. 

'  Eiicijcloprdte  me'lliodique,  arts  et  métiers,  t.  I,  p.  459. 

3  Diclioniinire  des  étiqnetles,  t.  I,  p.  106. 

*  Voy.  Mercier,  Tableau,  de  Paris,  t.  VIII,  p.  39. 


COUREURS  —  COURTIERS 


221 


Les  écharpes  des  coureurs  constituaient  une 
spécialité  des  boursiers.  Chacune  d'elles  exigeait 
plus  de  deux  aunes  de  taffetas  el  était  garnie  de 
franges  d'argent,  d'ornements  de  toutes  sortes. 

Coureurs  de  vin.  Officiers  de  la  maison 
royale,  appartenant  au  service  de  la  paneterie. 
Quand  le  roi  sortait,  soil  monté,  soit  en  voiture, 
un  cheval  le  suivait,  portant  une  collation 
toujours  prête.  Une  valise  de  drap  rouge,  aux 
armes  de  France,  renfermait  des  serviettes,  du 
pain,  des  biscuits,  du  fruit,  des  confitures  sèclies, 
du  vin  et  de  l'eau  dans  deux  flacons  d'aryent  ». 
Le  coureur  de  vin,  qui  était  admis  an  lever  du 
roi  pour  prendre  ses  ordres,  présentait  lui-môme 
la  collation  lorsqu'elle  était  demandée,  honneur 
qu'il  partageait  avec  le  conducteur  de  la  haque- 
née  *. 

Voy.  Conducteur  de  la  haquenée. 

Gourraiers.  Faiseurs  de  courroies.  Voy. 
Corroiers. 


Gourratiers 
Courtiers. 


et    Gourretiers.     Voy. 


Courriers.  Voy.  Grand-maître.  — 
Intendants.  —  Poste  (Maître  des),  etc. 

Courriers  du  cabinet.  Leurs  fonctions 
consistaient  à  «  porter  en  poste  les  ordres  du  Roi 
ou  les  paquets  du  grand  écujer  ou  des  ministres 
à  la  suite  desquels  ils  sont  attachés  ».  Leur 
origine  est  fort  ancienne,  mais  leur  existence 
officielle  et  régulière  date  seulement  de  l'édil  du 
19  juin  1464,  qui  créa  en  France  le  service  des 
postes  -,  En  1736,  ils  étaient  au  nombre  de 
douze  el  touchaient  365  livres  de  ffao-es  ^. 

On  les  nommait  aussi  chevaucheurs  de  Véctirie. 

Gourroiers.  Faiseurs  de  courroies.  Voy. 
Corroiers. 

Gourroueurs.  Voy.  Corroyeurs. 

Gourroueurs  de  panne  vere.   Nom 

donné  par  la  Taille  de  1313  aux  fourreurs  de 
robes  de  vair,  qu'une  pièce  du  quatorzième  siècle 
nomme  conreeurs  de  robes  vaires. 

Pane,  'panne,  pêne,  etc.  signitiaienl  fourrure, 
el  les  mois  vair  ou  petit-gris  désignaient  un 
écureuil  du  nord,  dont  les  différentes  espèces 
présentent  de  1res  nombreuses  variétés  de  gris. 
Son  dos  fournissait  le  petit-gris  proprement  dit  ; 
quant  au  ventre,  qui  esl  souvent  blanc  comme 
de  l'hermine,  on  en  faisait  souvent  alterner  la 
fourrure  avec  celle  du  dos,  et  l'on  obtenait  ainsi 
le  menu-vair.  Je  crois  que  les  mois  gros-vair 
désignent  une  qualité  moins  fine  de  la  même 
fourrure  que  le  menu-vair. 

Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  les  mots  vair  et 


1  État  de  la  France  pour  1687,  t.  I,  p.  81  ;  pour 
1712,  t.  I,  p.  105  ;  pour  1736,  t.  I,  p.  199. 

2  A.  Belloc,  Les  postes  fraiiçai.^es,  p.  2T. 

3  État  de  la  France  pour  1712,  t.  I,  p.  2\^  \  pour 
1736,  t.  II,  p.  223.  —  Dclamarre,  Traité  de  la  police, 
t.  IV,  p.  574. 


petit-gris  employés  par  nos  anciens  poètes  pour 
indiquer  des  choses  rares  et  chères.  On  lit,  par 
exemple,  dans  le  Roman  de  Garin  le  Loherain  : 

N'i'.st  jias  ricliois(;  no  ilt."  ver  ne  de  gris, 

Li  cuers  d'un  liomme  vaut  tout  l'or  d'un  pais  1. 

ce  qui  signifie  en  français  moderne  :  «  Ce  ne  sont 
pas  le  menu-vair  ni  le  petit-gris  qui  constituent 
la  vraie  richesse,  le  cœur  d'un  homme  vaut  tout 
l'or  d'un  pays  ». 

Le  moyen  âge  fit  de  ce  petit  animal  une 
incroyable  consommation.  Je  trouve  qu'en  dix- 
huit  mois,  Charles  VI  employa  pour  la  doublui'e 
de  ses  vêlements  au  moins  vingt  mille  ventres  de 
petil-gris,  Isabeau  de  Bavière,  quinze  mille 
ventres,  et  le  duc  de  Touraine,  frère  du  roi, 
quatorze  mille  "^. 

Voy.  Fourreurs. 

Gourroyers.  Faiseurs  de  courroies.  Voy. 
Corroiers. 

Courroyeurs.  Nom  que  l'ordonnance  de 
1351  donne  aux  corroyeurs. 

Courses  de  taureaux  (Entrepreneurs 
de).  Voy.  Combats  d'animaux. 

Courtauds  de  boutique.  «  Terme  inju- 
rieux et  de  mépris  dont  on  se  sert  quand  on  veut 
ravaler  la  profession,  quoiqu'honorable,  des 
apprentifs  et  garçons  des  marchands,  et  sur-tout 
de  ceux  qui  travaillent  en  boutique  chez  les 
artisans.  Quelques-uns  croyenl  trouver  l'étymo- 
logie  de  ce  terme  dans  les  habits  courts  dont 
autrefois  il  n'y  avait  à  Paris  que  le  petit  peuple 
et  sur-tout  les  gens  de  métier  qui  se  servissent  •*  ». 

Gourtepointiers.  Voy.  Coutepoin- 
tiers. 

Courtiers.  Fonctionnaires  publics  asser- 
mentés qui  servaient  d'intermédiaires  entre  les 
vendeurs  el  les  acheteurs. 

Ils  étaient  nommés  par  le  prévôt  des  mar- 
chands, et  les  charges  devaient  être  données  «  à 
homme  qui,  par  information  deûemenl  faite, 
sera  trouvé  estre  de  bonne  vie,  renommée  et 
honneste  conversation,  sans  aucun  blasme  ou 
reproche,  et  habile,  suffisant  et  idoine  pour  iceluy 
office  exercer  ». 

Avant  d'entrer  en  fonctions,  chaque  courtier 
prêtait  serment  «  que  bien  loyaument  el  dili- 
gemment il  exercera  ledit  office,  et  conseillera 
tous  ceux  qui  viendront  à  luy  pour  acheter  ou 
vendre,  le  mieux  el  plus  profitablement  qu'il 
pourra  et  sçaura,  el  qu'il  ne  demandera  ny 
prendra  plus  grand  salaire  que  celuy  qui  est 
ordonné  pour  ledit  office  faire  et  exercer...  ». 

Aussitôt  ce  serment  prêté,  le  nouveau  courtier 
était  «  institué,  présenté  el  mis  en  possession  de 


1  Édit.  P.  Paris,  3«  chan.son,  t.  II,  p.  218. 

2  Compte  de  Guill.    Brunel,    dans    Douët-d'Arcq,  Nou- 
veaux comptes,  p.  156  et  suiv. 

3  Savary,  Dictionnaire,  t.  I,  p.    1570.  —  Encyclopédie 
méthodique,  commerce,  t.  I,  p.  749. 


222 


COURTIERS 


son  office  »  par  un  des  sergents  de  la  prévôté, 
qui  recevait  «  pour  ce  faire  »  deux  sols  pansis. 
Quelques  courtiers  devaient  en  outre  fournir  une 

caution. 

L'intervention  des  courtiers  n  était  jamais 
ohli^^atoire.  Leur  salaire  était  réglé  d'une 
nianlère  fixe  ;  acheteurs  et  vendeurs  le  payaient 
par  moitié.  Les  courtiers  ne  pouvaient  faire  le 
commerce  des  denrées  pour  lesquelles  ils  étaient 
commis  ^. 

Ils  sont  nommés  corratiers  et  courraiiers  dans 
le  Livre  des  métiers,  courratiers  dans  la  Taille 
Je  1292,  corrediers  dans  l'ordonnance  de  janvier 
i:{51,  courreliers  dans  celle  de  février  1415. 
On  trouve  encore  corretiers,  courateurs,  etc. 

Il  v  a  eu,  en  divers  temps,  des  courtiers-jurés 
pour*^  presque  toutes  les  marchandises.  Les 
courtiers  de  chevaux,  de  graisses,  de  sel  et  de 
vins  sont  les  seuls  qui  aient  subsisté  jusqu'à  la 
Révolution. 

Courtiers  de  banque.  Yoy.  Agents 
de  change. 

Courtiers  de  bestiaux.  Une  ordonnance 
du  prévôt  de  l'aris,  datée  du  22  novembre  1375, 
nous  révèle  leur  existence  *.  Ils  furent  remplacés 
pur  It's  Tendeurs. 

Courtiers  de  blé.  Ils  sont  cités,  comme 
exempts  du  service  du  guet,  dans  une  ordonnance 
dr  1.1  (in  du  quatorzième  siècle  ^. 


Courtiers  de  chang^e. 
de  change. 


Voj.  Agents 


Courtiers    de    chaudronnerie.    Ils 

servaient  d'intermédiaires  entre  les  chaudron- 
niers de  Paris  et  les  forains.  Choisis  parmi  les 
maîtres  de  la  communauté  et  élus  par  elle,  ils 
élaii'iit  au  nondjre  de  trois  en  1327  *  et  de  deux 
seulement  en  1420  •*.  Je  ne  les  trouve  pas 
mentionnés  dans  les  statuts  postérieurs. 

Courtiers  de  chevaux.  D'abord  officiers 
jurés  (If  hi  municipalité,  ils  servaient  d'inter- 
nifdiaires  i-nlre  les  louc-urs  de  chevaux  et  les 
patrons  d»-  bateaux  pour  le  halage  sur  la  Seine. 
L<-ur  nombre,  qui  avait  été  fixé  ù  deux  par 
l'ordonnance  de  février  1415  ',  fut  porté  ù 
vingt-quatre  en  1423  '.  Ils  ne  pouvaient  être  ni 
cliarn-licrs,  ni  voituriers,  ni  gardes  de  bateaux  ; 
il  leur  éUiii  uiéme  interdit  de  posséder  bateaux 
ou  chevuux,  «  sinon  seulement  un  cheval  pour 
leur  chevaucher  en  l.-urs  besognes  et  atlaires  ». 

.Vu  dix-si'ptièin»'  siècle,  ils  n(;  s'entremettaient 
plus  pour  la  location  des  chevaux,  el  se  bornaient 
H  tlrl.Tininer  qu.-l  d.-vail  être  le  nombre  de 
ceux-ci,    suivant    le    chargemcnl    du    bateau   ù 


*  ()nlonnnnc«>.s  d..  1312.  df  1351  ol  (1<.  \.\\r, 

*  Ij.lmiinm-,  TraiU  de  In  police,  l.  H,  j,.  1185. 

U    W.  D.ppini;,  On/u,„iaiires  sur   les  aris  et  métiers 
y   420.  ' 

*  Voy,  If.i  «UitUtti  rli' juillet    1.327. 

'■-  Voy.  Ip.s  .siatm.s  «J'oclobn-  U20. 

*  Chapitn-  XI. 

"   OrJonn.  royalts.  l.  XIII,  p.  40. 


haler.   Ils  étaient  tenus,   en  outre,   de  s'assurer 
du  bon  état  des  cordages  et  des  esquifs  i . 

Le  courtage  des  chevaux  destinés  aux  parti- 
culiers resta  toujours  un  métier  libre,  qui  était 
surtout  exercé  par  des  marchands  de  chevaux  et 
des  maquignons. 

Courtiers  de  draps.  Les  statuts  donnés 
aux  drapiers  en  avril  1309  ^  fixent  le  nombre 
des  courratiers  de  draps  à  douze  et  le  chiffre  de 
leur  caution  à  vingt  marcs  d'argent.  La  Taille 
de  i3i3  cite,  dans  la  «  rue  aus  Prouvaires, 
Jehan  le  Normarit,  courretier  de  dras  ^  ». 

Leur  nombre  fut  porté  à  24  par  l'article  35 
des  statuts  de  1573. 

Un  édit  de  février  1704,  créa,  en  rempla- 
cement de  commissionnaires  existant  depuis 
longtemps,  vingt  offices  de  courtiers-commis- 
sionnaires ^,  chargés  de  «  vendre  les  draps  et 
autres  estoffes  de  laine  et  de  fil  appartenans  aux 
forains  ». 

Courtiers  d'épicerie.  Je  ne  les  trouve 
mentionnés  que  dans  l'ordonnance  de  janvier 
1351  K 

Courtiers  de  lard.  Voy.  ci-dessous 
Courtiers  visiteurs  de  porcs. 

Courtiers  de  mercerie.  Ils  sont  men- 
tionnés dans  la  grande  ordonnance  de  janvier 
1351  «. 

Courtiers  de  pelleterie.  Ils  sont  men- 
tionnés dans  la  grande  ordonnance  de  janvier 
1351  7. 

Courtiers  de  sel.  Officiers  publics  chargés 
d'  «  enseigner,  conduire  et  mener  les  survenans 
el  toutes  manières  de  gens  qui  de  sel  auront  à 
faire,  tant  pour  vendre  comme  pour  achepter, 
eschanger,  etc.  ».  Ils  étaient  au  nombre  de 
quatre.  Leur  salaire  se  montait  à  quatre  sous 
«  pour  chacun  muj  de  sel  qu'ils  feront  vendre, 
et  dont  ils  pourchasseront,  poursuivront, 
traicteront  et  feront  le  marché  ».  L'acheteur  et 
le  vendeur  payaient  chacun  deux  sous  ^. 

La  réorganisation  de  la  gabelle  modifia 
l'office  des  courtiers.  Ils  durent  se  borner  à 
assister  dans  les  greniers  aux  distributions  et  à 
fournir  aux  mesureurs  les  minots  qui  leur 
servaient  pour  mesurer  le  sel,  ainsi  que  les  toiles 
et  les  bannes  qui  se  plaçaient  sous  les  minois  '•*. 
Ils  n'étaient  plus  alors  qu'au  nombre  de  cinq. 

Courtiers  de  toiles.  Ils  sont  cités,  sous 
le  nom  de  corratiers,  dans  le  Livre  des  métiers  ^  *. 


»   Onlonn.  de   1672,  chap.  XXX. 

^  Ordunn.  royales,  t.  III,  p.  581. 

•'   l'ayc  30. 

4  Voy.  ci-dessous. 

3  Titre  XII. 

«  Titre  XII. 

'^   Titre  XII. 

•*  Ordonnance  de  [écrier  1415,  chap.  XXI. 

^  Ordonnance  de  décembre  1672,  chap.  XXVI. 

<"  Titre  1,  art.  16. 


COURTIERS  DE  VINS  —  COUTELIERS 


223 


Courtiers  de  vins.  Officiers-jurés  qui 
servaient  d'intermédiaires  entre  le  commerce  en 
gros  et  le  commerce  en  détail.  Des  ordonnances 
de  1321  et  de  1351  fixent  leur  nombre  à  60. 
Aux  termes  de  l'ordonnance  de  lévrier  1415,  les 
courretiers  de  vins  ne  pouvaient  essayer  les  vins 
avant  «  prime  *  sonnée  à  Nostre-Damc  »,  ni  après 
midi,  «  heure  à  laquelle  ils  s'en  iront  ».  Il  leur 
était  interdit  de  faire  le  commerce  pour  eux- 
mêmes.  Ils  avaient  cependant  le  droit  de  cumuler 
avec  leurs  fonctions  le  métier  d'iiôtelier,  et,  à  ce 
titre,  d'avoir  jusqu'à  «  quatre  queues  de  vins  en 
leurs  hostels  -  et  pour  vendre  à  leurs  liostes 
seulement  ». 

Vers  1500,  le  nombre  des  courtiers  de  vin  fut 
réduit  à  32,  puis  porté  à  49  en  1637.  L'ordon- 
nance de  1672  modifia  fort  peu  leur  organisation  ; 
elle  statue  qu'ils  devront  toujours  se  trouver  à  la 
Grève  aux  heures  fixées,  et  goûter  aussitôt  les 
vins  arrivés,  «  pour  connoistre  s'ils  sont  loyaux 
et  marchands,  et  s'ils  ne  sont  pas  chargez 
d'eau  ». 

Ces  courtiers-jurés  ont  survécu  à  la  Révolution, 
et  existent  encore  à  l'entrepôt  sous  le  nom  de 
courtiers-gourmets-piqueurs  de  vins. 

L'édition  publiée  en  1500  de  l'ordonnance  de 
1415  renferme  une  gravure  qui  représente  un 
courtier  de  vin  occupé  à  déguster  des  liquides 
dans  un  bateau. 

Voy.  Contrôleurs. 

Courtiers  de  volailles.  Voy.  Contrô- 
leurs. 

Courtiers  -  commissaires  pour  la 
vente  des  étoffes  de  fil  et  de  laine  des 
forains.  Voy.  Courtiers  de  drap. 

Courtiers- facteurs- commissionnai- 
res des  rouliers,  muletiers  et  autres 
VOituriers.  Offices  créés  par  édit  février 
1705.  Les  titulaires  «  sont  ceux  qui,  lorsque 
les  voituriers  sont  arrivés,  prennent  soin  délivrer 
les  ballots  et  caisses  de  marchandises  aux  mar- 
chands à  qui  elles  sont  adressées. . .  Ce  sont,  pour 
l'ordinaire,  les  hôteliers  des  grandes  villes  où 
arrivent  les  voituriers  et  où  ils  déchargent  leurs 
voitures  qui  exercent  ces  sortes  de  commissions, 
et  même  jusqu'à  l'année  170511  n'y  en  avoit  point 
d'autres  dans  Paris  ^  ». 

Les  trois  plus  riches  commissionnaires  d'alors 
aclielèTent  pour  cent  raille  livres  les  offices  créés 
au  mois  de  février  de  cette  année  et  qui  furent 
supprimés  en  mars  1708. 

Courtiers -jaug-eurs   d'eau -de -vie. 

Officiers  jurés  chargés  de  déterminer  la  conte- 
nance des  futailles  destinées  àl'eau-de-vie.  Elles 
étaient  réputées  exactes  après  l'examen  des 
courtiers,  qui  les  déclaraient  agréées  *.  Ces 
derniers  étaient  dits  aussi  agre'ews. 


1  Six  heures  du  matin. 

2  Leurs  demeures. 

3  Encyclopédie  méthodique,  commerce,  t.  I,  p.  549. 

4  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  86. 


Courtiers-tireurs-charg-eurs  et  dé- 
bardeurs de  foin.  Ils  sont  mentionnés, 
sous  le  titre  de  courratiers,  dans  le  Livre  des 
métiers  ^,  et  sous  celui  de  corrediers  dans  la 
grande  ordonnance  de  janvier  1351.  Une  ordon- 
nance du  22  février  1402  fixa  à  cinq  le  nombre 
des  chargeurs  ei  débardeurs  de  foin.  Deux  d'entre 
eux  devaient  se  tenir  à  la  (irève,  deux  à  l'école 
Saint-Germain  et  un  au  Petit-Pont. 

En  décembre  1620,  leur  nombre  fut  porté  à 
quarante,  en  1700  il  fui  porté  à  cent,  et  en  1719, 
ils  furent  supprimés  ^. 

Courtiers-visiteurs  de  porcs  morts, 
lards  et  g^raisses  de  porcs.  Au  quinzième 
siècle,  ils  étaient  au  nombre  de  deux.  Ils  versaient 
à  la  municipalité  une  caution  de  vingt-quatre 
livres.  Ils  servaient  d'intermédiaires  entre  les 
marchands  et  les  acheteurs  de  graisses,  quand 
l'un  de  ceux-ci  réclamait  son  intervention.  Ils 
étaient  tenus,  en  outre,  d'exercer  une  surveil- 
lance rigoureuse  sur  toutes  les  graisses,  et  de 
confisquer,  «  pour  estre  arses  ^  »  celles  qu'ils 
jugeaient  de  mauvaise  qualité  *. 

Le  chapitre  XXVII  de  l'ordonnance  de 
décembre  1672  modifia  peu  les  fonctions  des 
courtiers  de  lards  et  de  graisses.  Ils  restèrent 
responsables  vis-à-vis  de  l'acheteur  et  du  vendeur  : 
à  l'un  ils  garantissaient  le  payement  de  la 
marchandise,  à  l'autre  la  qualité  de  celle-ci. 

Voy.  Charcutiers.  —  Inspecteurs.  — 
Langueyeurs.  —  Vendeurs,  etc. 

Courtilleurs  et  Courtilliers.  Voy. 
Jardiniers . 

Courvexiers.  Voy.  Cordonniers. 

Courvoisiers.  Voy.  Savetiers. 

Coussiers.  Voy.  Coutiers. 

Coustepointiers.  Voy.  Coutepoin- 
tiers. 

Cousteurs.  Sacristains  qui  étaient  plus 
spécialement  chargés  de  veiller  sur  le  luminaire 
et  sur  les  ornements  sacrés,  de  garder  les  clefs 
de  l'église,  et  même  parfois  de  sonner  les 
cloches  ^.  On  les  trouve  souvent  noravaé?,  contres. 

Cousticiers.  Voy.  Coutiers. 

Coustiers.  Faiseurs  de  coussins.  Voy. 
Coutiers . 

Coustume  et  Coustumiers.  Voy. 
Coutume  et  Coutumiers. 

Cousturiers.  Voy.  Agronomes. 

Couteliers.  Les  couteliers  étaient  constitués 
en  corporation  dès  le  règne  de  Philippe-Auguste. 


1  Titre  LXXXIX. 

2  Delamarre,  Traité  de  la  police ,  t.  III,  p.  1066  et  suiv. 

3  Brûlées. 

4  Ordonnance  de  février  I4I5,  titre  XXXI. 

^  Voy.  Ducange,  Glossaire,  au  mot  costurarius. 


•224 


COUTELIERS 


Je  lésai  trouvés  cependant  cités  pour  la  première 
fois  dans  le  Dictionnaire  de  Jean  de  Garlande, 
qui  écrivait  vers  1250.  Ils  vendaient,  dit-d,  des 
couteaux  de  table  et  des  couteaux  de  poche,  des 
stylets  pour  écrire,  avec  leur  étui,  et  des  gaines 
grandes  et  petites  *. 

A  cette  époque,  les  couteliers  formaient  deux 
communautés  tout  à  fait  distinctes,  et  ayant 
chacune  ses  statuLs  particuliers.  C'étaient  : 

r  Les  fèvres-cmteliers,  qui  l'abriquaienl  les 
lames  : 

2"  les  couteliers  faiseurs  de  manches. 
Ces  deux  corporations  soumirent,  vers  1268, 
leurs  statuts  à  l'homologation  du  prévôt  Etienne 
Boileau. 

Les  Fkvres-coutkliers  étaient  placés  sous  la 
dépendance  du  premier  maréchal  de  l'écurie 
royale,  à  qui  le  roi  avait  concédé  les  revenus  et 
la  juridiction  professionnelle  de  la  plupart  des 
Ferres.  11  fallait  lui  acheter  Tautorisation  de 
s'établir,  autorisation  qu'il  ne  devait  faire  payer 
plus  de  cinq  sous.  Chaque  maître  ne  pouvait 
avoir  en  même  temps  que  deux  apprentis,  et  la 
durée  de  l'apprentissage  était  de  six  ans  au  moins. 
Le  travail  à  la  lumière  était  interdit,  «  quar  la 
clartcz  de  la  nuit  nesoufistau  mestier  ».  L'atelier 
devait  fermer  à  six  heures  en  hiver  et  à  neuf 
heures  en  été,  «  en  charnage  puis  vespressonans, 
en  ([uaresme  puis  compile  sonant  ».  Le  métier 
étaient  administré  par  deux  jurés  ^. 

Couteliers  faiseurs  de  manches.  Ils  s'inti- 
tulaient :  «  feseeurs  de  manches  à  coutiaus  d'os  et 
i\f  fusl  •■'  et  d'yvoire,  et  faisierres  de  pignes  '* 
d'yvoire,  et  enmanclieeurs  de  coutiaus  ».  Le 
métier  était  libre,  chacun  pouvait  s'établir  sans 
rien  payer.  En  delutrs  de  ses  enfants,  chaque 
maître  ne  devait  pas  avoir  en  même  temps  plus 
de  deux  apprentis.  La  durée  de  l'apprentissage 
élitit  de  huit  ans  an  moins,  les  clauses  du  contrat 
éliiient  réglées  en  présence  de  deux  jurés.  Si 
l'apprenti  s'enfuyait,  le  maître  devait  le  reprendre 
une  première  et  une  seconde  fois  ;  mais  à  la 
Iroisième  il  n'était  plus  permis  à  personne  de  le 
recevoir,  car,  ajoutent  les  statuts,  «  les  aprentiz 
font  grani  doniage  ù  leurs  mestres  et  à  eus 
ini-isiues  quant  ils  s'enfuient  ».  Il  était  défendu 
de  travailler  k  la  lumière.  Les  maîtres  étaient 
«slrcinls  tiii  service  du  guet.  Cependant,  ils 
préleiid.-nt  que,  dès  le  règne  de  Philippe- 
AuguMi',  <.  (lès  le  tcns  le  roy  Felippe,  »  ils  avaient 
le  droit  df  s.«  faire  remplacer  par  leurs  ouvriers  ; 
et  ils  ajtujfenl  naïvement  :  «  et  encore  en  uscroieni 
volHiiliers,  so  il  plaisoit  au  Hoy  ».  Quatre  jurés 
ndmiiiislraienllaconununaulé.Lesarticles  relatifs 
M  lu  fnhricfllioM  ont,  comme  toujours,  pour  objet 
d'aviurer  la  perfection  du  travail  et  de  proléger 
l'aciieleur  contn-  tc.ule  tenlativ.'  de  tromperie  du 
fabricant.  Ainsi,  il  était  défendu  de  mettre  ii  des 
couteonx  d'o9  des  garnitures  d'argent,  de  peur 


•   Kdit.  Sclflor,  p.  23. 
'  I.itrt  et»  mrtitri,  lilr». 


XVI. 


^  Df  bois. 

*    lVign...s.   L<.^  peignes  riclw.s  Ciiaionl  .souvent  alors 
imini!»  d  un  niancb.-  et  uioDlé.s  coajm.j  des  couteaux. 


que  le  marchand  ne  chercliât  à  les  vendre  pour 
des  couteaux  d'ivoire.  Sur  les  manches  en  bois 
sans  valeur  on  ne  devait  ajouter  ni  ornements, 
ni  peintures,  ni  placages  qui  en  pussent  dissi- 
muler la  qualité  ^ . 

La  Taille  de  1292  mentionne  2  fèvres-coute- 
liers  et  10  faiseurs  de  manches  ;  celle  de  1300 
cite  seulement  27  faiseurs  de  manches,  les  faiseurs 
de  lames  sont  sans  doute  compris  parmi  les 
fèvres.  Enfin,  22  commerçants  en  1292  et  38 
en  1300  sont  qualifiés  de  couteliers,  sans  autre 
désignation.  Une  note  de  M.  Fagniez  nous 
apprend  en  outre  qu'en  1369  l'industrie  des 
lames  de  couteaux  occupait  environ  23  maîtres  2. 
La  fabrication  des  couteaux  constituait  déjà 
une  industrie  assez  active,  et  dont  le  luxe  et  la 
fantaisie  était  loin  d'être  bannis.  Un  très  curieux 
passage  des  Comptes  de  V  ar g  éditer  ie  nous  apprend 
que,  dans  les  maisons  opulentes,  on  se  servait 
de  couteaux  à  manche  d'ébène  pendant  le  carême 
et  de  couteaux  à  manche  d'ivoire  le  jour  de 
Pâques.  Ce  n'est  pas  tout,  à  la  Pentecôte  les 
manches  de  couteaux  participaient  des  deux 
couleurs,  étaient  à  la  fois  d'ébène  et  d'ivoire. 
Élienne  de  la  Fontaine,  argentier  du  roi  Jean, 
écrit  ce  qui  .suit  dans  son  compte  de  l'année 
1352  :  «  Thomas  de  Fieuvillier,  coutelier,  pour 
deux  paires  de  couteaux  à  trancher  devant  le  Roy, 
à  tous  les  parepains  garnis  de  viroles  et  de 
cinglètes  >*  d'argent,  dorées  et  esmaillées  aux 
armes  de  France  ;  l'une  paire  à  manches  d'ybenus 
pour  la  saison  du  karesme,  et  l'autre  paire  à 
manches  d'yvoire  pour  la  feste  de  Pasques  :  100 
sous  par  paire. . .  Ledit  Thomas,  pour  une  autre 
paire  de  couteaux  à  trancher,  à  manches  escar- 
telez  d'yvoire  et  d'ibenus,  garniz  de  viroles  et 
de  cinudètes  d'aro^ent  dorées  et  esmaillées  aux 
dictes  armes,  pour  la  feste  de  Penthecouste  : 
100  sous  4». 

Le  couteau  à  trancher  qui  est  mentionné  ici 
servait  à  découper  les  viandes  ;  on  chapelait  le 
pain  avec  le  chaplejjain.,  et  avec  le  parepain  l'on 
préparait  les  tranchoirs.  Ceux-ci,  que  l'on 
trouve  mentionnés  jusqu'au  dix-septième  siècle, 
étaient  d'épais  morceaux  de  pain  coupés  en  rond 
et  qui  tenaient  lieu  d'assiettes. 

Les  convives  avaient  à  leur  disposition  des 
couteaux,  mais  en  petit  nombre,  ceux  sans  doute 
qui  avaient  servi  à  découper,  et  ils  n'étaient 
utilisés  qu'exceptionnellement.  Voici  ce  qu'écri- 
vait C.  Calviac  en  1560  :  «  Les  Italiens  se  plaisent 
ii  avoir  chascun  son  cousleau,  les  François  au 
contraire.  Toute  une  pleine  table  de  personnes  se 
serviront  de  deux  ou  trois  cousteaux  ^  ». 

Trente  ans  après,  Montaigne  a  soin  de  men- 
tionner dans  la  relation  de  son  voyage  que 
«  jamais  Suisse  n'est  sans  Cousteau,  duquel  ils 
prennent  toutes  clioses,  et  ne  mettent  guière  la 


'   Livre  des  métiers,  titre  XVII. 
"^  Eludes  sur  l'industrie,  p.  387. 

"'•  On   nommait  ainsi   la  petite  bande  de  métal    qui 
réunit  les  deux  côtés  du  manche  et  en  forme  le  dos. 


i  Diiuël-d'Arcq,  Comptes  de  l'argenterie,  p.  133. 
•'  Ln   ritile    honnesteté  pour    les   en  fans.    Paris    15 


in.l2. 


1560, 


COUTELIERS 


225 


main   au    fjlat  ^    ».    Lui-même    maiii^-i'ail    sans 
cuillère  ni  t'ourclieUe  ^. 

Le  moyen  âge  connaissait  les  couteaux 
spéciaux  pour  ouvrir  les  huîtres  et  pour  tnivrir 
les  noix,  on  en  trouve  le  dessin  dans  les  diction- 
naires de  Viollet-lc-Duc  ^  et  de  Victor  (îay  *. 

Le  don  d'un  couteau,  quelque  riche  qu'il  fût, 
passait  déjà  poiir  un  cadeau  mal  choisi.  Je  lis, 
en  effet,  dans  XErangile  des  qxienouilles  ^, 
composé  vers  1460  :  «  Celui  qui  estrine  sa  dame  ^ 
par  amour,  le  jour  de  l'an,  de  couteau,  sachez 
que  leur  amour  refroidira  ». 

Au  seizième  siècle,  Châtellerault  fabriquait 
des  couteaux  plus  beaux  que  solides,  prétend 
l'ambassadeur  Lippomano  :  «  le  manche  en  est 
travaillé,  écrit-il,  d'une  manière  très  tine,  il  est 
même  quelquefois  en  pierre  précieuse,  avec  des 
miniatures,  des  ciselures,  des  ornements  de 
grand  prix  '  ». 

Les  deux  corporations  de  couteliers  furent, 
vers  la  fin  du  quinzième  siècle,  réunies  en  une 
seule  ;  on  leur  en  associa  même  une  autre,  celle 
des  esmouleurs  de  grandes  forces  devenus  plus 
tard  re'mouleurs  ^.  Au  mois  de  septembre  1565, 
Charles  IX  accorda  à  cette  triple  communauté 
des  statuts  qui  furent  confirmés  sans  changement 
en  1586  et  en  1608,  et  qui  méritent  d'être 
analysés. 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  en  même 
temps  qu'un  seul  apprenti,  et  la  durée  de 
l'apprentissage  était  de  cinq  ans.  Si  l'apprenti  se 
sauvait,  le  maître  devait  l'attendre  trois  mois, 
à  l'expiration  desquels  il  avait  le  droit  de  le 
remplacer.  Le  fugitif  était  dès  lors  «  du  tout 
démis  liors  de  privilège  de  maistre  dudit  état  de 
coutelier  ».  Cependant,  si,  dans  la  suite,  cet 
apprenti  reparaissait,  revenant  de  la  province  ou 
de  l'étranger,  et  se  trouvait  être  «  bon  ouvrier  », 
la  corporation  cessait  de  le  repousser  ;  mais  il 
devait  servir  trois  ans  dans  un  atelier  avant  de 
pouvoir  aspirera  la  maîtrise.  La  même  obligation 
était  imposée  aux  compagnons  qui  n'avaient  pas 
fait  leur  apprentissage  à  Paris. 

Aucun  coutelier  ne  pouvait  abandonner  son 
apprenti  à  moins  qu'  «  il  ne  gît  au  lit  malade  en 
langueur,  ou  il  ne  laisse  le  métier  du  tout,  ou  il 
ne  le  fait  par  pauvreté  ».  C'est  la  reproduction 
presque  textuelle  de  la  formule  employée  en  cette 
circonstance  par  le  moyen  âge.  L'apprenti  ainsi 
abandonné  était  placé  chez  un  autre  maître  par 
les  soins  des  jurés  de  la  corporation. 

La  journée  de  travail  commençait  à  cinq  heures 
du  matin  et  finissait  à  neuf  heures  du  soir  en 
toute  saison. 

Le  chef-d'œuvre  était  jugé  par  les  jurés,  assistés 
des  quatre  plus  anciens  bacheliers.  Les  fils  de 
maître  étaient  dispensés  du  chef-d'œuvre,  pourvu 


1  Voyages,  p.  30. 

2  Essais,  liv.  III,  chap.  XIII. 

3  Dictionnaire  du  mobilier,  t.  II,  p.  81. 

i  Dictionnaire  archéologique,  au  mol  Cernoir. 

■*  Édit.  elzévirienno,  p.  41. 

6  Lui  donne  pour  él rennes. 

''   Relations  des  ambassadeurs  vénitiens,  t.  II,  p.  .311. 

8  Voy.  ci-dessous  cet  article. 


qu'ils  eussent  servi  cinq  ans,  soit  chez  leur  père, 
soit  chez  un  autre  maître.  On  en  dispensait 
également  les  compagnons  qui  épousaient  une 
fille  de  maître. 

Le  compagnon  qui  voulait  quitter  son  maître 
devait  le  prévenir  huit  jours  d'avance. 

Les  couteliers  étaient  autorisés  à  fabriquer  des 
lames  d'épées,  de  dagues,  de  pertuisanes,  de 
hallebardes  «  et  autres  bâtons  servans  à  le  deffense 
de  l'homme  »,  des  forces,  des  ciseaux,  des  instru- 
ments de  chirurgie,  des  étuis  de  mathéma- 
tiques, des  couteaux,  des  canifs,  etc.,  etc. 
Ils  pouvaient  dorer  et  graver  tous  les  objets  de 
leur  fabrication,  et  des  lettres  patentes  du 
15  mars  1756,  accordées  à  la  suite  de  discussions 
avec  les  orfèvres,  les  autorisèrent  à  «  fondre 
et  employer  les  matières  d'or  et  d'argent  dans 
leurs  ouvrages  ».  Aussi  s'intitulaient-ils  officielle- 
ment couteliers-graveurs  et  doreurs  sur  fer  et  sur 
acier. 

Quatre  jurés  adminisl,raient  la  corporation. 

La  veuve  d'un  maître  avait  le  droit  de  continuer 
le  commerce  de  son  mari.  Mais  si  elle  se  remariait, 
elle  ne  pouvait  conserver  l'apprenti  commencé 
par  celui-ci. 

En  1680,  le  nombre  des  maîtres  couteliers 
était  de  91. 

La  coutellerie  de  Paris  fut  toujours  regardée 
comme  supérieure  à  celle  de  Langres,  de  Thiers, 
de  Caen,  de  Châtellerault  et  de  Saint-Etienne, 
les  villes  de  France  où  cette  industrie  occupait 
le  plus  de  bras. 

L'usage  des  couteaux  sans  pointe  pour  le 
service  de  la  table  ne  paraît  pas  remonter  au  delà 
du  dix-septième  siècle,  et  il  ne  put  guère  être 
définitivement  adopté  avant  que  l'emploi  de  la 
fourchette  se  fût  généralisé.  Peut-être  faut-il  en 
trouver  l'origine  dans  cette  phrase  de  Tallemant  : 
«  Le  chancelier  (Séguier)  est  l'homme  du  monde 
qui  mange  le  plus  malproprement...  Il  se  curoit 
un  jour  les  dents  chez  le  cardinal  [de  Richelieu] 
avec  un  couteau.  Le  cardinal  s'en  aperçut,  et  fit 
signe  à  Boisrobert  ;  après,  il  commanda  au 
maistre  d'hostel  de  faire  espointer  tous  les 
couteaux  ^  ». 

On  nommait  couteaux  à  loquet  ceux  que  l'on 
ne  pouvait  fermer  qu'en  soulevant  un  ressort  ; 
jumbettes  des  couteaux  de  poche  qui  avaient 
à  peu  près  la  forme  d'une  jambe  ;  eustaches  ou 
etistaches  de  bois  de  petits  couteaux  à  un  sou,  qui 
avaient  été  inventés  par  un  habile  ouvrier  de 
Saint-Etienne,  nommé  Eustache  du  Bois  -. 
En  1692,  la  France  exportait,  à  Lisbonne 
seulement,  pour  un  million  de  ces  couteaux  •''. 

]J Encyclopédie  méthodique  *  fournit  l'énuméra- 


1  Historiettes,  t.  III,  p.  392. 

2  M.  WeUn-  riay  prétend  en  faire  remonter  l'origine 
jusi^u'à  un  sieur  Wi.stace  ou  Huistace,  qui,  vers  1304, 
était  coutelier  de  Philippe  le  Bel.  Voy,  son  Glossaire 
archéologique,  p.  683.  —  Bachaumont  raconte  un  suicide, 
qui  fut  e.xécuté,  dit-il,  «  avec  un  méchant  couteau  qu'on 
appelle  lui  eustache  de  bois  ».  16  juin  1782,  t  XX, 
p.  304. 

3  Revue  des  provinces,  année  1865,  p.  .533. 

4  Tome  II,  p.  50  et  suiv. 


15 


•J20 


COUTELIERS  —  COUTIERS 


tioa  suivante  df-.s  couteaux  einplovés  vers  la  fia 
du  dix-liuilième  siècle  : 

\  bavonnetfe.  A  la  militaire. 

\  bascule.  A  mouche. 

\  bec  de  corbin.  De  peintre. 

\  la  berge.  A  plate-bande 

\  cabriolet.  A  plate-semelle. 

A  cachet.  A  pompe. 

\  la  capucine.  A  poudre. 

A  la  cliaroloise.  A  la  Ramponneau. 

A  la  chinoise.  A  ressort  brisé. 

A  creux.  A  scier. 

A  double-joint.  A  secret. 

A  la  ^n'c<|ne.  A  tambour. 

A  ^rrbnac.'.  A  tête  d'ai<>:le. 

A  jambe  de  princesse.  De  toilette. 

A  "loquet.  A  la  turque. 

On  pourrait  encore  ajouter  ii  cette  liste 
quehpies  noms.  Ceux-ci,  par  exemple  : 

De  chasse.  A  deux  clous. 

De  veneur.  Sans  clous. 

De  pharmacie.  A  tête  de  compas. 

A  la  Dauphine.  D'amis  3. 

A  la  d*E>lain};;  ' .  De  jardinage. 

A  attrape.  A  cerneaux. 

A  romaine  -.  A  lames  de  rechange. 

A  pompe.  Etc.,  etc.,  etc. 

A  un  clou. 

Le  nombre  des  maîtres  était  alors  de  120 
environ,  et  la  corporation  avait  pour  patron 
saint  Jean-Baptiste,  qu'elle  fêtait,  le  jour  de  sa 
décollation,  à  l'église  des  Billet  les  ^. 

Coutepointiers.  On  appelait  conte,  au 
moyiMi  âge.  ce  ([ue  nous  nommons  coussin,  lit 
de  plume,  etc.,  et  coutepointe  une  couverture  de 
lit  ou  de  siège,  dont  l'étoile  mise  en  double  était 
ouatée,  \n\\'A pointe,  c'est-à-dire  cousue,  piquée, 
parfois,  l'on  remplaçait  la  ouate  par  le  poil  de 
divers  animaux,  et  ces  lourdes  coutepointes 
portaient  le  nom  de  loiuliers.  On  lit  dans  un 
compte  de  1468  :  «  Douze  aulnes  de  grosse  toile, 
pour  servir  ù  envelopper  les  coutepoinctes  et 
ioudiers  s(-rvans  sur  le  lit  dudit  seigneur...  ^  ». 

La  l'aille  de  i2iJ2  mentionne  huit  coute- 
poinliers,  et  celle  de  1300  en  cite  dix-huit. 

Lf'urs  pn-miers  statuts  datent  du  mois  d'avril 
I2i>(),  ^ous  la  prév(Mé  de  Jean  do  Montigny  *. 
On  y  lit  M'idciui-nl  que  le  métier  était  surveillé 
par  deux  jurés,  et  que  les  coutepointiers 
cinplii^rnieiil  surtout  le  cendal  et  le  bougran.  Le 
ci'M»!»!  était  une  élolfe  de  soie  unie  qui  se 
nipprochail  beaucoup  de  notre  taffetas;  on 
l'ulili^iit  principab'inenl  pour  les  tentures  des 
chambres  et  des  lits.  Le  bougran,  ici  nommé 
ùoHgMran,  étaiil  alors  une  grosse  loi].'  de 
chanvre  gommée  et  adandrée. 

Une  lettre  de  mai  \'My.i,  éuïanant  du  prévôt 
de   Pari.s,  semble    indiquer    que    le    métier    ne 


;  ..•ait',  (lil-on,  pnr  l'aminil  de  «v  nom. 

*  Formant  bnlonci-. 

'  A  fli'UX  Inniis  iiuiéjHtnl.nil.s. 

*  I.O  Ma59on,  Calritdrier  dti  roiifrrrits.   p.  47. 

6  Doiiel-rl'Aro.i,  Comptes  ite  largeiilerie,  p.  306. 


comptait  alors  pas  plus  de  deux  maîtres  ^ 
M.  Depping  a  encore  publié  -  une  autre  pièce 
d'où  il  résulte,  qu'au  seizième  siècle,  les  coute- 
pointiers n'étaient  pas  astreints  au  service  du 
guet. 

En  mars  1568,  ils  furent  réunis  aux  tapissiers 
nostrés,  et  en  1636  aux  tapissiers  de  haute  lice. 

On  trouve  encore  contrepointiers,  cowtepoin- 
tiers,  coiistepoiiitiers,  etc. 

Voj.  Coutiers  et  Couverturiers. 

Goutiers.  Au  moyen  âge,  l'on  nommait 
coete,  coite,  couette,  conste,  coûte,  couyte,  cuete,  etc., 
tout  coussin,  quelles  que  fussent  sa  dimension  et 
sa  garniture.  Une  couette  de  paille  était  une 
paillasse,  une  couette  de  plumes  un  oreiller  ou 
un  lit  de  plumes.  L'enveloppe  se  disait  taie  ^. 

Les  coussiers,  coustiers,  coutiers,  cousticiers, 
dnvetiers,  ancêtres  de  nos  matelassiers,  étaient 
des  faiseurs  de  matelas,  coussins,  traversins, 
oreillers,  etc.,  etleur  métier  était  appelé coM5^m^ 
et  consticerie  ^.  La  Taille  de  1292  cite  neuf 
coustiers,  celle  de  1300  en  mentionne  six 
seulement. 

On  voit  dans  les  statuts  accordés  aux  coutiers 
vers  1310  par  le  prévôt  Jean  Ploibaut  ^,  que  le 
métier  s'achetait  dix  sous.  La  plume  d'Angleterre 
et  le  duvet  de  Bretagne  étaient  regardés  comme 
très  inférieurs  au  «  duvet  de  France  »  ;  les  ailes 
des  oies  et  des  poules  passaient  également  pour 
mauvaises,  et  ne  devaient  pas  être  mêlées  avec 
d'autres  plumes. 

Ces  statuts  furent  revisés  en  octobre  1341, 
sous  la  prévôté  de  Guillaume  Gourmont,  puis 
confirmés  par  Charles  V,  le  15  octobre  1372  ". 
Ils  sont  signés  de  trente-sept  coutiers  et  coutières 
qui  formaient  quinze  ménages,  le  mari  et  la 
femme  travaillant  ensemble. 

Bhi  mars  1568,  les  coutiers  furent  réunis,  ainsi 
que  les  coutepointiers,  aux  tapissiers  nostrés,  et 
le  nom  de  coutiers  ne  désigna  plus  que  les 
fabricants  de  la  toile  dite  coutil. 

Yoy.  Matelassiers  et  Taiers. 

Coutiers.  Fabricants  de  coutil,  tissu  croisé 
en  lin  ou  en  coton,  et  qui  servait  surtout  à  faire 
des  enveloppes  de  coussins,  de  matelas,  d'oreil- 
lers, etc.  On  avait  tellement  l'habitude  d'en 
confectionner  des  enveloppes  de  ce  genre,  que 
celles-(;i  prenaient  parfois  le  nom  de  coutils. 
Douët-d'Arcq  a  relevé,  au  quatorzième  siècle, 
ces  mentions  :  «  A  Pierre  (1(^  Villiers,  duvelier, 
pour  la  taye  à  faire  le  coutil  pour  ledit  matteras  "^ . 
—  Deux  autres  petites  taies  à  faire  les  coutils 
des  deux  aureilliers  à  gésir  ^  ». 

On  M  dit  que  le  coutil  devait  son  nom  à  la 
ville     de    Coutances,     où     aurait    existé    une 


'   G.-lî.    Di'p])!!!^,    Ordoiniances  relatives  aux  métiers, 
p.  :wv>. 

*  Ordonnances  relatives  aux  métiers,  p.  426. 
•*  Diicangi^  au  mot  cottum. 

*  DucaiiM^e,  au  mol  coûta. 

■>  Dan.s  les  Ordonn.  royales,  t.  Y,  p.  546. 
G  Ordonn.  royales,  t.  V,  p.  546. 
"   Matelas, 
i        8  A  dormir.  —  Comptes  de  l'argenterie,  p.  367  et  405. 


GOUTIERS  —  COUTURIRRKS 


227 


importante  maiiufacfiire  de  ce  tissu.  Ses  condi- 
tions de  l'abricution  furent  modifiées  par  un 
règlement  du  7  avril  1693. 

Goutiveurs.  Voy.  Agronomes. 

Goutres.  Voy.  Cousteurs. 

Goutume.  Au  treizième  siècle,  ce  mol  est 
souvcnl  pris  dans  le  sens  d'impôt,  de  redevance. 
On  lit,  par  exemple  dans  les  statuts  des 
boulangers  :  «  Li  noviax  talemeliers  doit,  le 
premier  an  qu'il  a  acliepté  le  mestier  de 
talemelerie,  XXII  den.  de  coustume  à  paier  au 
Roy  ^  ».  Les  reg-ratiers  de  fruits  disent  de  leur 
côté  :  «  Li  regratier  pueent  ^  achaler  es  meisons 
de  relegion  ^  sans  coustume  paier  *  ». 

Les  receveurs  de  la  coutume  s'appelaient 
coutumiers. 

Droiture  était  à  peu  près  synonyme  de 
coutume. 

Goutuilliers.  Receveurs  de  l'impôt  appelé 
coutume  '•'.  Ils  venaient  en  réclamer  le  montant  à 
domicile,  accompagnés  d'un  sergent  du  Châlelet, 
et,  s'ils  n'étaient  point  payés,  ils  pouvaient  saisir 
un  ou  plusieurs  objets  *•. 

Gouturières.  Il  se  produisit  en  1675  un 
des  plus  grands  événements  qu'ait  enregistrés 
l'histoire  de  la  toilette  féminine  :  je  veux  parler 
de  l'institution  des  couturières. 

Jusque-là,  les  tailleurs  avaient  possédé  seuls 
le  privilège  d'habiller  les  hommes  et  les  femmes. 
L'article  4  de  leurs  statuts  de  1660  confirme 
encore  ce  monopole  ;  il  est  ainsi  conçu  :  «  Il 
n'apparliendra  qu'auxdits  maîtres  marchands 
tailleurs  d'habits  de  faire  et  vendre  toutes  sortes 
d'habits  et  accoutremens  généralement  quel- 
conques à  l'usage  d'hommes,  de  femmes  el 
d'enfans  ».  Par  exception,  les  filles  des  maîtres 
tailleurs  pouvaient,  avant  d'être  mariées,  <.<  ha- 
biller les  petits  enfans  jusqu'à  l'âge  de  huit  ans 
seulement  ».  Le  tailleur  d'autrefois  ne  saurait 
donc  être  comparé  à  note  couturier  actuel,  dont 
la  spécialité  est  d'habiller  les  femmes,  il  avait 
le  privilège  exclusif  de  confectionner  indistinc- 
tement tous  les  vêtements  des  deux  sexes,  même 
ceux  de  l'emploi  le  plus  intime. 

Durant  plusieurs  siècles,  le  mot  couturière 
n'eut  d'autre  sens  que  celui  de  couseuse  ou  de 
lingère.  Puis,  quelques  femmes  entreprirent  de 
faire  des  vêtements  pour  les  dames  ;  elles  réus- 
sirent peu  à  peu  à  se  créer  une  petite  clientèle, 
et  vers  le  milieu  du  siècle  nous  les  trouvons 
officiellement  qualifiées  de  couturières.  Les 
tailleurs,   exaspérés  par  cette  concurrence,  leur 


1  Livre  des  me'tiers,  titre  I,  art.  12. 

2  Peuvent. 

3  Dans  les  couvents. 

4  Livre  des  métiers,  titre  X,  art.  9. 

5  Voy.  Ducang<%  Glossaire,  au  mot  coustumariiis,  sous 
consuetudo. 

6  «  Et  le  va  cuiellir  en  leurs  otieus  (demeures)  cil  qui 
la  coutume  reçoit  de  par  le  Roy  ;  et  s'il  ne  li  poient 
(payent)  au  jour  noumé,  cil  puet  prendre  gage  en  leurs 
hotieus,  pour  (pourvu)  qu'il  ait  1  sergant  du  Ghastelet 
avec  lui  j).  Livre  des  métiers,  litre  X,  art.  2. 


faisaient  une  guerre  acharnée,  les  écrasant 
d'amendes,  saisissant  cliez  elles  étoffes  et  cos- 
tumes, portant  plaintes  sur  plaintes  au  lieutenant 
général  de  police. 

Malgré  tout,  l'industrie  des  couturières  pros- 
pérait. En  1673,  (jolbert  songea  à  les  constituer 
en  communauté,  et  l'édit  rendu  en  cette  occa- 
sion, au  mois  de  mars,  nous  apprend  qu'elles 
étaient  alors  au  nombre  de  3.000.  L'édit  ne  fut 
pas  exécuté,  el  dix  ans  après  la  reine  se  faisait 
encore  habiller  par  un  tailleur,  le  sieur  George 
Marie  '  ;  elle  honora  aussi  de  sa  confiance  le 
tailleur  Bandelet,  propriétaire  de  la  maison  où 
mourut  Molière  en  1673. 

Cette  corporation  masculine  avait  de  tout 
temps  employé  beaucoup  plus  d'ouvrières  que 
d'ouvriers,  et  elle  savait  parfaitement  satisfaire 
à  toutes  les  exigences,  à  tous  les  caprices  de  ses 
clientes.  Elisabeth,  fille  de  Henri  II,  mariée  en 
1559  avec  Philippe  II,  roi  d'Espagne,  ne 
porta  jamais  une  robe  deux  fois,  dit-on  :  «  et 
puis  la  donnoit  à  ses  femmes  et  ses  filles.  Et 
Dieu  sçait  quelles  robes,  si  riches  et  si  superbes 
que  la  moindre  estoit  de  trois  ou  quatre  cens 
escuz  ;  car  le  Roy,  son  mary,  l'entretenoit  fort 
superbement  de  ces  choses  là.  Si  bien  que  tous 
les  jours  elle  en  avoit  une,  comme  je  le  tiens  de 
son  tailleur  qui,  de  pauvre  qu'il  alla  là,  en 
devint  si  riche  que  rien  plus  "^  ».  Elle  se 
montrait  sans  doute  moins  prodigue  à  Paris,  car 
je  ne  vois  figurer  dans  son  trousseau  que  vingt- 
trois  robes,  dont  le  duc  de  Guise  nous  a  transmis 
l'énumération  3. 

Charles  IX  et  sa  mère  Catherine  dédaignèrent 
le  luxe  pour  eux-mêmes,  mais  l'encouragèrent 
autour  d'eux.  Elisabeth  d'Autriche,  femme  du 
roi,  eut  la  gloire  d'étaler,  le  jour  de  son  ma- 
riage *,  la  plus  longue  queue  dont  l'histoire  de 
France  et  peut-être  aussi  l'histoire  de  la  folie 
humaine  fasse  mention.  Elle  mesurait  «  à  veuë 
d'œil  plus  de  vingt  aunes  ""  »,  soit  environ 
vingt-quatre  mètres,  et  était  portée  par  trois 
princesses  du  sang,  dont  les  modestes  queues  ne 
dépassaient  guère  huit  mètres. 

Vers  la  fin  du  dix-septième  siècle,  plusieurs 
grandes  dames  se  décidèrent  à  plaider  la  cause 
des  couturières  auprès  du  roi.  Elles  se  permirent 
de  lui  adresser  une  requête,  par  laquelle  elles  le 
suppliaient  de  prendre  ce  nouveau  métier  sous 
sa  protection,  de  lui  accorder  des  statuts  et  de 
l'ériger  en  communauté  régulière.  «  Plusieurs 
femmes  et  filles,  dit  Louis  XIV,  nous  ayant 
remontré  que  de  tout  temps  elles  se  sont  appli- 
quées à  la  couture,  pour  habiller  les  jeunes 
enfans  et  les  personnes  de  leur  sexe,  et  que  ce 
travail  étoit  le  seul  moyen  qu'elles  eussent  pour 
gagner  honnêtement  leur  vie  :  elles  nous 
auroient  supplié  de  les  ériger  en  communauté  et 
de  leur  accorder  les  statuts  qu'elles  nous  auroient 
présenté  pour  exercer  leur  profession  ». 


1  Manuscrits  Delamarre,  arts  et  métiers,  t.  IX,  p.  128. 

2  Brantôme,  Dis  dames,  t.  VIII,  p.  19. 
•<  Mémoires,  édit.  Michaud,  p.  447. 

i   Le  2G  novembre  1570. 

S   Godefroy,  Le  cérémonial  français,  t.  II,  p.  37  et  41. 


228 


COUTURIÈRES  -  COUTURIERS 


Le  roi  les  renvoya  au  lieutenant  «-général  de 
police  et  au  procureur  du  Chàtelet.  qui 
donnèrent  le  7  janvier  1675  un  avis  favorable. 
«  Ayant  été  informé,  dit  encore  le  roi,  que 
l'usage  s'éloit  tellement  introduit  parmi  les 
femmes  et  filles  de  toutes  sortes  de  condition  de 
se  servir  des  couturières  pour  faire  leurs  juppes, 
robbes  de  chambre,  corps  de  juppes  et  autres 
haljits  de  commodité  ;  que,  nonobstant  les  saisies 
qui  étoient  faites  par  les  jurez  tailleurs,  et  les 
condamnations  qui  étoient  prononcées  contre  les 
couturières,  elles  ne  laissoient  pas  de  continuer 
de  travailler  comme  auparavant  :  que  cette  sévé- 
rité les  exposoit  bien  à  st)uifrir  de  grandes 
vexations,  mais  ne  faisoit  pas  cesser  leur  com- 
merce :  et  qu'ainsi  leur  établissement  en  commu- 
nauté ne  feroil  pas  un  o;rand  préjudice  à  celle 
des  maisires  tailleurs,  puisque  jusques  icy  elles 
ne  Iravailloient  pas  moins,  bien  qu'elles 
n'eussent  point  de  qualité^.  Ayant  d'ailleurs 
considéré  qu'il  était  assez  dans  la  bienséance,  et 
convenable  à  la  pudeur  et  à  la  modestie  des 
femmes  et  filles,  de  leur  permettre  de  se  faire 
habiller  par  des  personnes  de  leur  sexe  lors- 
qu'elles le  ju<jeroient  à  propos...  » 

Le  roi,  mû  encore  par  d'autres  bonnes  consi- 
dérations ».  érij^ea  donc  «  la  profession  de 
couturières  en  litre  de  maîtrise  jurée,  pour  faire 
il  l'avenir  un  corps  de  métier  »  ;  respectant 
toutefois  le  droit  des  tailleurs,  qui  purent, 
comme  par  le  passé,  continuer,  mais  sans  privi- 
lèo^e  exclusif,  à  confectionner  tous  les  vêtements 
de  femmes. 

A  cet  édit,  étaient  joints  les  statuts  accordés 
H  la  nouvelle  corporation. 

Li'  pn-mier  article  reconnaît  aux  couturières 
la  faculté  de  faire  el  vendre  des  robes  de 
clianihre,  jupes,  corps  de  jupes,  manteaux, 
iionj^rcliiies,  justaucorps,  camisoles,  «  et  tous 
autres  ouvraj>;es  de  toutes  .sortes  d'étolFes  pour 
habiller  les  femmes  et  les  filles  »  :  à  la  réserve 
cependant  de  la  robe  ou  vêtement  de  dessus,  qui 
restait  le  monopole  des  tailleurs.  Elles  pouvaient 
<i  employer  de  la  hallaine  *  et  autres  choses  qu'il 
conviendra  pour  la  façon  el  perfection  des 
ouvraj^'es  ».  Il  leur  était  interdit  de  confectionner 
aucun  vêtement  d'homme,  mais  elles  avaient  le 
«Iroil  d'habillor  1rs  garçdiis  qui  n'avaient  pas 
dépassé  huit  ans. 

Tiius  leurs  ( tu vra}.res  devaient  être  bien  coupés, 
l»ii'h  cousus,  de  btmne  étoile,  et  on  leur  recom- 
momiait  u  de  bien  mettre,  appliquer  et  enjoliver 
ce  (ju'il  conviendra  pour  leur  perfection  ». 

LapprenlisMip-  durait  trois  années,  qui 
eljii.-nt  suivies  de  deux  années  de  service. 
Chaque  mnilre.sse  ne  pouvait  avoir  en  môme 
temps  plus  d'une  apprentie  ;  elle  était  cependant 
nulcjrisée  o  en  prendre  une  noijvelle  au  cours 
de  la  troisième  année. 

Apri's  les  cinq  années  de  staj^e,  l'ouvrière 
pouvait  aspirer  à  la  maîtrise.  Elle  devait  d'abord 
présenter  un  certificat  de  bonne  vie  et  mœurs. 
puis  se  soumellre  à  l'épreuve  du  r/ief-rT œuvre. 


Les  filles  de  maîtresse  étaient  dispensées  de 
l'apprentissage  et  du  chef-d- œuvre. 

La  communauté  était  administrée  par  six 
jurées,  élues  pour  deux  ans.  Trois  d'entre  elles 
sortaient  de  charge  chaque  année. 

Les  jurées  devaient  faire,  tous  les  ans,  au 
moins  deux  visites  générales,  pour  lesquelles 
elles  recevaient  dix  sols  de  chaque  maîtresse. 

Les  tailleurs  n'avaient  pas  droit  de  visite  chez 
les  couturières,  et  réciproquement. 

Les  tailleurs  conservaient  le  droit  d'habiller 
les  fillettes,  et  eux  seuls  pouvaient  confectionner 
les  vêtements  ajustés  destinés  aux  femmes,  les 
corsets  par  exemple.  «  Ce  sont  eux,  dit  V Ency- 
clopédie méthodique,  qui  font  ces  corsets  délicats 
et  élégans  qui,  sans  gêner  le  corps,  soutiennent 
la  taille,  donnent  de  l'élévation  el  de  la  fermeté 
à  la  u'oro-e,  et  rendent  le  maintien  des  femmes 
plus  noble  et  plus  agréable  ^  ».  Les  industriels 
qui  avaient  adopté  cette  spécialité  s'intitulaient 
tailleurs  pour  femmes,  ou  tailleurs  de  corps  de 
femmes  et  d'en  fans  '^ . 

La  communauté  reçut  de  nouveaux  statuts  le 
5  février  1782.  En  vertu  des  principes  établis 
par  l'édit  d'août  1776,  les  couturières  acquirent 
le  droit  de  confectionner,  en  concurrence  avec 
les  tailleurs,  les  corps,  corsets  et  paniers  baleinés, 
les  robes  de  chambre  pour  hommes,  les  dominos 
pour  bals,  etc.  La  durée  de  l'apprentissage  n'est 
point  fixée,  mais  toute  fille  ayant  travaillé 
pendant  deux  ans  chez  une  couturière  de  Paris 
put  être  reçue  maîtresse  à  seize  ans  ;  celles  qui 
étaient  restées  libres  n'étaient  pas  admises  avant 
vingt-deux  ans. 

Les  couturières  étaient  placées  sous  le  patronage 
de  saint  Louis,  et  la  confrérie  se  réunissait  à 
l'église  Sainl-Gervais. 

Voy.  Corporations  •'.  —  Relève-jupe. 
—  Tailleurs.  —  Tournures  postiches, 
etc. 

Couturiers.  Malgré  de  longues  et  conscien- 
cieuses recherches,  je  n'ai  pu  établir  d'une  façon 
précise  le  sens  de  ce  mol.  Je  pense  toutefois, 
qu'au  début  surtout,  les  couturiers  étaient  des 
conseurs  chargés  de  faire  toute  espèce  de  couture, 
et  plus  spécialement  de  coudre  les  objets  taillés 
ion  dit  aujourd'hui  coupés)  parles  lingères,  les 
gantiers,  et  les  tailleurs. 

En  effet  : 

1"  L'article  6  des  statuts  des  tailleurs  de  robes 
homologués  vers  1268,  distingue  ceux-ci  des 
couturiers  *. 

2"  Les  Tailles  de  1292,  de  1300  et  de  1313 
mentionnent  séparément  les  couturiers  et  les 
tailleurs. 

3  Chez  les  pourpoinliers,  la  durée  de  l'appren- 
tissage, fixée  à  six  ans,  élail  réduite  à  deux  ans 


t.  IX, 


»  \ity.  ci-d«î»wus  l'art    Qualité  (\fa1trps  sans) 
»  Bak-ineo 


'   Kneyclopêdle  nu-thodlque  (1789),    jmisijrudi'U 
p.  013. 

2  Abbé  Jaubcrt,  Dictionnaire,  t.  IV,   p.  181. 

•"'  On   y   trouvcM-a    le   texte   de   VéAii   qui    a  érigé    en 
communauté  le  métier  de  couturière. 

*  Livre  des  métiers,  titre  h\\,  art.  0. 


COUTURIERS  —  COUVERTURIERS 


229 


pour  tout  ouvrier  couturier,  en  raison  de  son 
habileté  à  coudre,  «  pour  ce  qu'il  sçait  de 
l'ag-uille  »  dit  l'article  2  des  statuts  de  1323. 

4"  Les  articles  194  et  195  de  la  «jurande  ordon- 
nance du  30  janvier  1351  •  visent  les  «  tailleurs 
et  cousturiers  ». 

5"  La  corporation  des  ionniers  se  composait 
au  quatorzième  siècle  des  lormiers  proprement 
dits  et  des  couturiers  de  lormerie  ^.  Les  premiers 
faisaient  les  éperons,  les  mors,  etc.,  tandis  que 
selon  toute  apparence,  les  seconds  confec- 
tionnaient les  rênes,  les  étrivières,  etc.,  qui 
exigeaient  un  travail  de  coulure. 

6°  Il  ne  peut  y  avoir  aucun  doute  sur  le  sens 
du  mot  couturière  à  celte  époque.  Comme  on  l'a 
vu  dans  l'article  précédent,  l'acception  actuelle 
date  de  la  fin  du  dix-septième  siècle.  Jusque-là, 
les  tailleurs  seuls  eurent  le  privilège  d'habiller 
les  femmes,  et  les  couturières  ne  furent  que  des 
couseuses  ou  des  lingères. 

7°  Dans  la  liste  des  artisans  suivant  la  Cour 
qui  fut  dressée  en  1725  figurent  28  tailleurs  et 
8  couturiers. 

8"  Sous  le  Bas-Empire,  la  confection  des 
vêtements  était  l'œuvre  de  deux  industries  dis- 
tinctes, celle  des  sarcinutores  et  celle  des  bracarii. 
Les  premiers  ne  mettaient  la  main  qu'aux  vête- 
ments flottants,  ceux  qui  demandaient  seulement 
à  être  ourlés,  cousus  ;  les  autres  avaient  le  mono- 
pole des  vêtements  ajustés  composés  de  plusieurs 
pièces  et  d'une  exécution  compliquée  ^. 

Il  n'est  pas  moins  vrai  que  : 

1°  Les  lettres  patentes  de  septembre  1358  * 
assimilent  les  couturiers  aux  doubletiers,  et  les 
autorisent  à  confectionner  certains  vêtements  dont 
ces  derniers  avaient  eu  jusque-là  le  privilège  : 
attendu,  dit  le  texte,  que  «  yceulx  cousturiers 
se  connoissent  miex  ^  es  cousture  et  es  taille  que 
ne  font  les  doubletiers  ». 

2°  L'ordonnance  dite  des  Baymières  ^  men- 
tionne les  couturiers,  les  pourpointiers,  les 
fripiers,  etc.,  et  ne  parle  point  des  tailleurs. 

3°  On  lit  dans  la  Farce  des  cris  de  Paris  : 

Or  prens  le  cas  qu'ung  cousturier 
Veult  tailler  de  gris  ou  de  vert 
Une  grande  robbe  à  drap  ouvert, 
Et.  puis  il  coult  ses  pièces  ensemble  '^. 

4"  Dans  la  Farce  du  cousturier,  celui-ci  se 
vante  en  ces  termes  : 

Il  n'y  a,  par  Dieu,  cousturier 
Pour  tailler  un  habit  honneste 
Et  fait  pour  vestir  à  la  feste 
Plus  propre  que  moy  en  la  ville  **. 


1  Dans  les  Ordoiin.  royales,  t.  II,  p.  350. 

2  Voy.  G.  Depping,  Ordonnances  relatives  aux  métiers, 
p.  361. 

3  Voy.  J.  Quicherat,  Histoire  du  costume,  p.  (30. 

4  Dans  les  Ordonn.  royales,  t.  III,  p.  362. 
^  Mieux. 

6  An.  146T.  —  Dans  les  Ordonn.  royales,  t.  XVI, 
p.  671. 

'  An.  1548.  —  Dans  VAncien  théâtre  français,  t.  II, 
p.  320. 

8  An.  1550.  —  Dans  l'Ancien  théâtre  français,  t.  II, 
p.  159. 


5"  En  1556,  la  municipalité  réclama  aux 
cousturiers  une  pièce  de  canon  qui  avait  été 
fondue,  aux  frais  du  métier,  par  ordre  du  roi. 
Cette  pièce  portail  «  l'image  de  la  Trinité  *  , 
avec  des  ciseaux  de  tailleurs,  et  celle  inscription: 
Au.r  inaistres  tailleurs  de  Paris  ^. 

(V  Dans  La  nouvelle  fabrique  des  plus  excellents 
traits  de  vérité,  par  Philippe  d'Alcrippe,  on  lit 
qu'un  «  soldat  avoil  baillé  du  drap  au  cousturier 
pour  lui  faire  un  habit  ^  ». 

7"  Enfin,  Henri  Estienne  écrivait  vers  1580  : 
«  Philausone.  Ne  sgavez-vous  pas  que  ceux 
qu'on  appelet  autresfois  cousturiers,  depuis 
quelques  ans  ont  esté  appelez  tailleurs  '?  — 
Celtophile.  On  n'en  usoit  pas  ainsi  quand  je 
partis  de  France,  ou  bien  je  l'aj  oublié».  Et 
plus  loin  :  «  11  me  souvient  du  poure  *  mot 
cousturier,  qui  a  esté  banni  et  en  la  place  duquel 
on  a  mis  tailleur  ^  ». 

11  faut  sans  doute  conclure  de  tout  ceci  que  les 
cousturiers  représentaient  les  sarcinatores  du 
Bas-Empire  ;  mais  que,  simples  couseurs,  ils 
empiétaient  souvent  sur  le  domaine  des  tailleurs. 
Dans  la  langue  populaire,  les  mots  couturier  et 
tailleur  étaient  souvent  pris  l'un  pour  l'autre,  et 
ils  devinrent  ainsi  peu  à  peu  sjnonjmes.      * 

Couturiers.  Voj.  Agronomes. 

Couturiers  de  lormerie.  Voy.  Lor- 
miers. 

Couverturiers.  Fabricants  de  couvertures. 
On  en  trouve  mentionnés  quatre  seulement  dans 
la  Taille  de  1300,  mais  peut-être  les  coute- 
pointiers  faisaient-ils  alors  le  conniierce  des 
couvertures. 

A  cette  époque,  la  couverture  est  de  serge  ou 
de  tiretaine  dans  les  maisons  pauvres,  de  drap 
ou  de  fourrure  dans  les  maisons  riches.  Ainsi  en 
1403,  après  l'accouchement  de  Jeanne  de  Saint- 
Pol  '"',  on  acheta  au  pelletier  Colin  Vaubrisset: 

Pour  la  couverture  destinée  au  lit  de  l'accou- 
chée et  trois  petites  couvertures  à  l'usage  de 
l'enfant,  5.000  ventres  de  petit-gris. 

Pour  la  doublure  de  quatre  autres  couvertures 
de  drap  vert,  4.500  petit-gris. 

Pour  une  couverture  et  une  houppelande 
destinées  à  ^<  la  femme  qui  garda  l'enfant  », 
2.000  petits-gris. 

Pour  doubler  les  couvertures  et  vêtements  à 
l'usage  des  «  berceretles,  norrice  et  femme  de 
chamlDre  dudit  enfant,  1.200  dos  de  connins  "  ». 

Au  temps  des  grands  froids,  on  étendait 
encore,  par  dessus  la  couverture,  une  coute- 
pointe,  étoffe  mise  en  double  rembourrée  de 
coton  ou  de  duvet,  e\ pointe,  c'est-à-dire  piquée. 


1  Patronne  des  tailleurs. 

2  Voy.    A.    Tuetey,     Registres    des    délibérations    du 
Bureau  de  la  Ville,  t.  II,  p.  231. 

3  Vers  Tan,  1579.  —  Biblioth.  elzév.,  p.  118. 
i  Pauvre. 

î>  Dialogues  du  langage  français  italianisé,  édit.  Liseux, 
t.  I,  p.  207  et  285. 

•>  Femme  d'Antoine  de  Bourgogne,    comte  de  Rethel. 
''  Ernest  Petit,  Itinéraire  de  Philippe  le  Hardi,  p.  369. 


230 


COUVERTURIERS  —  COUVREURS 


Au  dix-huitième  siècle,  presque  tous  les 
couverluriers  de  Paris  étaienl  établis  dans  les 
faubourgs  Saint-Marceau  et  Saint-Martin  ;  mais 
plusieurs  villes  de  Normandie,  Darnetal  et 
Vernon  surtout,  fournissaient  à  Paris  une  énorme 
quantité  de  couvertures. 

Celles-ci  étaient  ornées,  en  général,  d  une 
couronne  à  chaque  angle,  et  d'un  certain  nombre 
de  barres  bleues  destinées  à  faire  connaître  la 
qualité  et  la  valeur  de  l'objet.  Ainsi,  les  couver- 
tures communes  dites  grands  marchands  blancs  et 
rotix  portaient  seulement  trois  barres  et  demie, 
et  \e^ffra>i'^cs  /Inès  en  portaient  jusqu'à  dix-sept. 

Voy.  Flassadiers. 

Couvre-feu.  Ordinairement,  les  églises  le 
sonnaient  à  sept  heures  en  hiver  et  à  huit  heures 
en  été.  Au  treizième  siècle,  la  prescription 
d'éteindre  à  ce  signal  feu  el  lumière  n'était  plus 
guère  observée  que  dans  les  couvents,  mais  il 
continuait  à  indiquer  l'heure  aux  ouvriers.  Ainsi, 
les  crépiniers  quittaient  en  tout  temps  l'atelier 
quand  sonnait  le  couvre-feu,  «  puis  l'eure  que 
queiïvrefeu  est  sonez  à  Saint-Merri  ^  ».  Les 
anciennes  ordonnances  enjoignaient  aux  caha- 
retiers  de  fermer  boutique  après  le  couvre-feu 
sonné  à  Noire-Dame.  Une  ordonnance  interpré- 
tative rendue  par  le  Chàtelet  le  16  novembre 
ir)96  décida  qu'il  fallait  entendre  ces  mois  ainsi  : 
A  sept  heures  de  la  Saint-Remi  à  Pâques,  el  à 
huit  heures  de  Pâques  à  la  Saint-Remi. 

Au  dix-huitième  siècle,  Notre-Dame  sonnait 
encore  à  sept  heures  le  couvre-feu  du  Chapitre, 
et  la  Sorbonne  sonnait  à  neuf  heures  le  couvre- 
feu  de  l'Université. 

Voy.  Heures. 

Couvreurs.  Au  treizième  siècle,  les  cou- 
vreurs nommés  recouvreurs  de  mesons .  appar- 
tenaient à  la  corporation  des  charpentiers.  Ils 
éliiieiil  donc  placés  sous  l'autorité  du  premier 
charpentier  (hi  roi,  et  contribuaient  à  la  rede- 
vance de  dix-huit  deniers  par  jour  qui  lui  était 
payée.  Ils  ne  pouvaient  avoir  à  la  fois  qu'un  seul 
apprenti,  et  l'apprentissage^  durait  quatre  ans  2. 

I^  Taille  de  1202  cite  2^  cmivreeurs  ou  recoii- 
vrenos,  ccUe  de  1300  en  mentionne  31. 

Chacun  de  ces  deux  documents  nous  fournit 
encore  les  noms  de  3  chauviiers  ou  chaumecurs. 
Ces  mots  dési^iienl-ils  rh's  couvreurs  en  cliaume 
ou  (h-s  manliands  de  paille  ?  Ni  M.  Géraud  •"'  ni 
M.  Fngnie/.  *,  n'osenl  se  prononcer  sur  ce  point  '. 
1^  privih'gf  accordé  au  premier  cliarpenlier 
du  roi  futiilHili  on  1314.  Les  couvreurs  formèrent 
<lèi*  lor>  une  rorponilion  particulière,  qui  recjul 
s<^  premiers stalnls  on  1321,  "  le  mercredy  après 
Ips  Brandons,  à  la  requ^ste  du  commun  du 
ino«li«T  y>.  Ils  furonl  corrigés,  augmentés  el  con- 
firmés 1p  fi  avril  1449  par  v:  Aml)roise,  s.-igiuMir 
de    I.<»re,   baron  d'Ivry,  conseiller,  chambellan 


i  l.,rr.-  ./-,  .n.tifr,.  tifr-  XXXVII,  arl.  8. 
'  l.itrt  lUi  mrlifrs,  lilp.  XIA  II 
8  Paris  fut  Piilinpr  If  /{gl,  j,.   .Joc, 
*  f-^tud'i  (ur  ri'iilysfrif,  p.   1  ] 

S  Voy.  ci-dt>89ou.v  r«rt.  Paille  (Marchands  de). 


du  Roy,  el  garde  de  la  prévoslé  de  Paris,  com- 
missaire réformateur  donné  et  député  par  le  Roy 
pour  la  réforme  des  mestiers  de  la  ville  '  » . 

Au  mois  de  juillet  1566,  Charles  IX  donna 
aux  couvreurs  de  nouveaux  statuts  ^  qui  ne 
furent  guère  modifiés  jusqu'à  la  Révolution. 
Voici  l'analyse  des  dix-sept  articles  qui  les  com- 
posent : 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  plus 
d'un  apprenti.  La  durée  de  l'apprentissage  était 
de  six  années,  pendant  lesquelles  le  maître  était 
tenu  de  fournir  à  l'enfant  «  boire  et  manger,  feu, 
lit,  hoslel  ^,  chaussure  et  vêture  raisonnablement, 
et  à  la  fin  desdits  six  ans  luy  laisser  tous  ses 
outils  ».  Les  apprentis  devaient  être  «  jeunes 
garçons  el  non  mariez  ». 

Lorsque  l'apprenti  abandonnait  son  maître, 
celui-ci  devait  l'attendre  six  mois,  puis  pouvait 
en  prendre  un  nouveau.  En  supposant  que 
l'enfant  revint  dans  la  suite,  les  jurés  se  char- 
geaient de  le  placer  chez  un  maître  manquant 
d'apprenti.  Ils  agissaient  de  même  vis-à-vis  de 
l'apprenti  qui  perdait  son  maître. 

En  raison,  sans  doute,  des  dangers  que 
présente  le  métier  de  couvreur,  le  maître  ne 
pouvait  faire  travailler  son  apprenti  avant  que 
les  trois  premières  années  de  service  fussent 
écoulées  ;  encore  devait-il  obtenir  l'autorisation 
des  jurés,  qui  ne  l'accordaient  qu'après  avoir  fait 
subir  une  épreuve  à  l'enfant. 

Aucun  apprenti  ne  pouvait  obtenir  la  maîtrise 
sans  avoir  fait  «  chef-d'œuvre,  tel  que  les  jurez 
luy  voudront  donner,  pour  sçavoir  s'il  sera 
suffisant  ouvrier  ou  non  ». 

Aucun  maître  ne  devait  employer  d'ouvriers 
«  diffamez  et  mal  renommez  de  vilains  cas  ». 

Les  ouvriers  devaient  se  rendre  au  travail  «  de 
bon  matin  ».  Ils  l'abandonnaient,  en  hiver  «  à 
jour  défaillant  »,  en  été  à  sept  heures  ;  les  veilles 
des  fêtes  religieuses,  à  six  heures,  «  au  premier 
coup  de  vespres  sonnant  de  la  paroisse  où  ils 
demeurent  ». 

Les  ouvriers  travaillant  sur  la  rue  «  seront 
tenus  de  mettre  en  ladite  rue  défenses  de  perche 
ou  chevrons,  afin  que  le  peuple  puisse  voir  et 
appercevoir  qu'ils  travailleront  sur  la  dite  rue, 
et  à  ce  qu'aucuns  inconvéniens  ne  s'en  puisse 
ensuivre  es  personnes  passant  par  icelle  ». 

Quatre  jurés,  élus  pour  deux  ans,  surveillaient 
et  administraient  la  corporation. 

Une  partie  du  produit  des  amendes  inlligées 
par  eux  pour  contraventions  aux  statuts  devait 
être  employée  à  «  substanter  et  subvenir  aux 
pauvres  ouvriers  dudit  mestier,  qui  tombent 
ordinairement  de  dessus  les  maisons,  et  autres 
pauvres  nécessiteux  dudit  mestier  ». 

Ces  staluts  furent  complétés  dans  la  suite  par 
plusieurs  ordonnances  et  arrêts. 

Les  ordonnances  de  septembre  1608  et  d'avril 
1663  défendent  aux  couvreurs  de  laisser  séjourner 


'  Bilili(ilhp(|uc  uaticinali',  manuscrits  Drlaniairc,  bàli- 
iiif'nts,  I.  V,  ji.  2. 

2  Statuts  et  ordonnances,    etc.    In-40.    Reproduits   dans 
Fontanon,  Édits  et  ordonnances,  t.  I,  p.  1136. 

3  Logement. 


COUVREURS  —  CRAYATIERS 


231 


dans  les  rues  où  ils  Iraviiilloiil  auciiti  <>-ravois  '. 

L'ordonnance  du  7  mars  1670  veut  que  leurs 
nonris  et  domiciles  soient  enreg-islrés  chez  le 
commissaire  du  quartier  qu'ils  habitent,  afin 
qu'en  cas  d'incendie  ils  puissent  être  prompte- 
ment  convoqués,  pour  «  travailler  à  découvrir, 
détaclier,  couper,  etc.,  ainsi  qu'il  seroit  jufi;'é  le 
plus  expédient  ^  ». 

L'ordonnance  de  décembre  1672  •'  confirme 
leur  droit  de  visiter  les  tuiles  et  les  ardoises 
fabriquées  ou  arrivant  à  Paris. 

L'arrêt  du  6  septembre  1727  les  rend  respon- 
sables des  vols  commis  par  leurs  ouvriers  dans 
les  maisons  où  ils  travaillent  *. 

L'ordonnance  du  26  juillet  1777,  visant 
l'article  11  des  anciens  statuts,  enjoint  aux 
couvreurs  occupés  sur  la  rue  de  «  faire  pendre 
au  devant  des  maisons  deux  lattes  en  forme  de 
croix  au  bout  d'une  corde,  et  d'attacher  aux  dites 
lattes  un  morceau  de  drap  d'une  couleur 
voyante  »,  et  même,  au  besoin,  «  de  faire  tenir 
dans  la  rue  un  homme  pour  avertir  du  travail  et 
empêcher  les  accidens  ». 

Vers  la  fin  du  dix-septième  siècle,  la  condition 
des  apprentis  couvreurs  changea  complètement. 
Ils  cessèrent  d'être  logés  et  nourris  chez  leur 
maître,  et  reçurent  vingt  sous  par  jour  pendant 
la  première  année  d'apprentissage  et  deux  sous 
de  plus  pour  chacune  des  cinq  années  sui- 
vantes ^. 

En  1678,  le  nombre  des  maîtres  couvreurs 
était  de  133,  parmi  lesquels  on  comptait  9  veuves 
continuant  la  profession  de  leur  mari  ^.  En 
1770,  il  était  de  167  ^  et  en  1779  de  172  ». 

La  communauté  était  placée  sous  le  patronage 
de  saint  Julien. 

L'édit  de  1776  réunit  les  couvreurs  aux 
carreleurs,  aux  paveurs  et  aux  plombiers. 

J'ai  trouvé  les  couvreurs  nommés  encore 
Racovato2irs ,  racoveteurs ,  racovretors ,  recou- 
verteurs^  recouvreors,  etc.  Les  mots  escaiUeors, 
escailleteurs,  escailleurs  s'appliquaient  seulement 
aux  couvreiirs  en  ardoises. 

Couvreurs  d'aisseau.  'L'aisseau,  dit  aussi 
aissaxde,  aisseule,  eschandole,  esseulé,  etc.  deve- 
nu, je  crois,  noive  bardeau,  désignait  une  mince 
planchette  de  bois  dont  on  se  servait  pour  couvrir 
les  toits  ^  . 

Voy.  Paille  (Marcliands  de). 

Couvreurs  en  chaume  et  Couvreurs 
d'estrain.  Vov-  Paille  (Marchands  de). 


1  Delaman-e,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  215  et  227. 

^  Dclamarre,  Traité  de  la  police,  t.  W ,  p.  15'J. 

3  Chapitre  XXIX,  art.  6. 

'*  Delamarre,  t.  IV,  p.  95. 

^  Encyclopédie  méthodique,  arts  et  métiers,  t.  II,  p.  69. 

•>  Xoms,  surnoms  et  demeure  des  maîtres  couvreurs  de 
maisons  de  Paris,  4  p.  iii-4°  Tableau  dressé  en  exécution 
de  l'ordonnance  du7  mars  1670.  Dans  les  mss.  Delamarre, 
t.  V,  p.  15. 

"^  Jaubert,  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  t.  I,  p.  584. 

8  Hurtaut  et  Magny,  Dictionnaire  de  Paris,  t.  I, 
p.  317. 

9  Ducange,  (îlossarium,  aux  mots  aessella,  aisella  et 
scindula. 


Couvreurs  de  flacons  et  bouteilles 
en  osier.  Titre  qui  appartenait  à  la  corporation 
des  verriers. 

Couvreurs  de  livres.  Voy.  Relieurs. 

Couvreux.  Voy.  Couvreurs. 

Craichiers.  Voy.  Graissiers. 

Craig-niers.  Voy.  Criniers. 

Craissiers  et  Crassiers.  Voy.  Grais- 
siers. 

Cravatiers.  La  mode  des  cravates  fut 
empruntée  au  costume  des  cavaliers  allemands 
dits  croates  ou  cravates  ^  dont  un  régiment 
entra  au  service  de  la  France  2.  D'abord  de 
dimension  modeste,  la  cravate  ne  tarda  pas  à 
jouer  un  rôle  important  dans  la  toilette  ;  ce  fut 
alors  une  longue  pièce  de  mousseline  ou  de 
dentelle,  dont  l'arrangement  exigeait  beaucoup 
d'art,  et  dont  les  extrémités  descendaieid  jusque 
vers  le  milieu  de  la  poitrine. 

Un  épisode  de  la  bataille  de  Steinkerque, 
gagnée  en  1692  par  le  maréchal  de  Luxembourg, 
devint  l'occasion  d'une  nouvelle  espèce  de 
cravate,  adoptée  surtout  par  les  femmes.  Les 
princes,  qu'une  attaque  inopinée  avait  surpris, 
s'habillèrent  à  la  hâte  et  entortillèrent  négli- 
gemment leur  cravate  autour  du  cou.  Ainsi 
naquit  la  mode  des  steinkerques  ^,  auxquelles 
Regnard  attribue  sans  raison  une  origine  plus 
prosaïque  quand  il  écrit.  «  Le  col  long  et  les 
gorges  creu.ses  ont  donné  lieu  à  la  steinkerque  *  ». 

Après  la  prise  de  Crémone,  les  crémones  firent 
oublier  les  steinkerques.  L'ornement  qui  em- 
prunta son  nom  à  ce  fait  d'armes  consista  en  une 
léffère  S'arniture  bouillonnée,  cousue  sur  les  deux 
bords  d'un  rtiban. 

Parmi  les  innombrables  officiers  de  toid  ordre 
qui  constituaient  la  cour  de  Louis  XIV  figurait  le 
sieur  P]tienne  de  Miramond,  cravatier  de  Sa 
Majesté.  Cette  charge,  largement  rémunérée, 
était  très  enviée,  car  elle  permettait  au  titulaire 
d'approcher  chaque  jour  le  plus  grand  monarque 
de  la  terre,  comme  on  disait  alors.  Tous  les 
matins,  il  arrivait  porteur  d'une  corbeille  remplie 
de  cravates  qu'il  présentait  à  Sa  Majesté.  Quand 
le  roi  en  avait  choisi  une,  le  cravatier  avait 
l'honneur  de  la  remettre  au  grand-maître  •''  ou 
au  premier  valet  de  la  garde-robe,  chargés  de  la 
passer  au  cou  du  roi,  qui  la  nouait  lui-même. 
Mais  tt  cela  ne  se  bornait  point  le  rôle  du  cravatier, 


1  «  Le  nom  de  cravates  a  été  donné  à  un  corps  de 
cavalerie  étrangère,  originairement  sortie  de  Croatie,  et 
pour  parler  régulièrement,  il  faudroit  appeler  ces  cavaliers 
des  croates  ».  Mercure  de  France,  n"  de  niai  1725, 
p.  1042. 

2  Voy.  P'uretière,  Dictionnaire  universel  des  mots 
français  (1727)  au  mot  cravate.  —  Ménage,  Dictionnaire 
étymologique  de  la  langue  française  (1750),  t.  I,  ]>.  439. 

3  \'oltaire,  Siècle  de  Louis  XIV,  chaji.  X^'I,  édit. 
Moland,  t.  XIV,  p.  315. 

4  Attendes-moi  sous  l'orme,  comédie  jouée  en  1694, 
scène  6. 

5  En  1712,  c'était  le  duc  de  Larochefoucaidd . 


'2:i2 


CRAVATIERS  —  CRÉPINIERS 


et  ses  fonclions  lui  cqnleraieiil  encore  d  inesti- 
mables prérogatives.  Écoutez  un  contemporain  : 
«  Après  que  le  cravatier  a  présenté  la  cravate  au 
grand-maître  de  la  garde-robe,  il  accommode  le 
col  de  la  chemise  du  Roy.  La  cravate  mise,  s'il 
aperçoit  quelqu'endroil  qui  n'aille  pas  assez  bien, 
il  y  met  encore  la  main.  En  l'absence  de  ses 
supérieurs,  il  met  la  cravate  au  Roy.  Il  attache 
tous  les  matins  les  diamans  et  les  manchettes  aux 
poignets  des  chemises  de  Sa  Majesté  ;  il  a  entre 
ses  mains  toutes  les  cravates,  les  manchettes  et 
tous  les  points  et  dentelles  pour  le  linge  du  Roy. 
Il  plie  les  cravates  de  Sa  Majesté  et  y  noue  les 
rubans,  afin  qu'elles  soient  toujours  prêtes  à 
mettre  '  ». 

Après  la  mort  de  Louis  XIV,  les  cravates 
adoptèrent  une  dimension  exagérée.  Les  bouts, 
fort  longs,  descendirent  très  bas  devant  la 
chemise,  rappelèrent  le  jabot,  ce  flot  de  dentelles 
qui,  dans  les  premières  années  du  dix-septième 
siècle,  complétaient  la  petite  oie.  Un  jour  l'arle- 
quin de  la  Comédie  italienne  «  parut  sur  le 
théâtre  avec  une  cravate  qui,  pendant  du  col,  lui 
passoil  entre  les  jambes  et  revenoit  par  dessus 
l'épaule  ».  Arlequin  obtint  satisfaction,  car  le 
Mercure  de  février  1732  nous  révèle  que  la 
cravate  était  alors  réduite  à  «  un  simple  tour  de 
col  '  ».  Mais  l'on  attachait  beaucoup  d'impor- 
tance au  nœud  qui  la  nouait  sous  le  menton.  Il 
y  eut  même,  un  peu  plus  lard,  des  maîtres 
(ragrémen.%  «  qui  formoient  les  jeunes  gens  à 
l'art  do  plaire  »,  et  leur  apprenaient,  entre 
autres  belles  choses,  à  faire  le  nœud  de  leur 
cravate  •'. 

La  mode  des  cravates  avait  provoqué  la 
decaflence  du  rabat  et  des  mancliettes  qui,  snus 
Rir-helieii.  constituaient  deux  importantes  pièces 
du  costume. 

On  nommait  rabat  un  vaste  col  rabattu  ;  il 
était  attaché  par  devant  au  moyen  de  cordons 
munis  de  gros  glands  pour  les  hommes  et  de 
quelques  nœuds  pour  les  femmes.  Il  y  avait  des 
rabais  garnis  (h'  dentelles,  ceux  de  la  bonne 
faiseuse  *,  par  exemple,  qui  valaient  soixante-dix 
ou  quatre-vingts  pisfoles  s.  Leur  nom  varia  à 
l'infini  :  rabats  dentelés,  rayonnes,  cannelés, 
houppelés,  rabats  à  la  reine,  ù  la  Guise,  à  la 
giiindtarde,  à  la  neige,  ù  la  fanfreluche,  etc.  *' 
l)ans  f,r  roman  //nurf/eois  de  Furetière,  le  rabat 
est  déclaré  "  hi  plus  difficile  des  pièces  de  l'ajus- 
tement ;  c'est  la  première  marque  ù  laquelle  on 
connoisl  si  un  homme  est  bien  mis,  et  l'on  n'y 
neuf  employer  trop  de  temps  et  trop  de  soins  ». 
Les  mnnchellos,  accompagnement  obligé  du 
mfwil,  n'en  exigeaient  guère  moins  :  «  J'ay  ouy 
dire  d'une  pnVsidenle  qu'..ll(.  est  une  heure  entière 
n  mellre  se.s  manchettes,  cl  die  soutii-nl  puhli- 


'  k M  lit  Ut  Franee  jtour  t7l2,  I.  I  ii  202  et  268  • 
po»r  tT.in.  I.  I,  p.  311.  ' 

*Pnj;.'2in 

•l  S    M.rri.r.  Tahlrau  de  Paria,  I     IJ.  |,.  210. 

*  Voy.  l.fs  prrcitusfs  riitieuln,  .sccii..  Tt. 

S  H.  de  Gounill.-,  Mémoires,  édil.  Mirhmi.l,  j..  529. 

«  Coiinal.Sonnrl,  Satyre  Mé/iippee  sur  Us  traverses  du 
mariage  (1621],  p.  26. 


quement  qu'on  ne  les  peut  bien  mettre  en  moins 
de  temps  ^  ». 

Crayons  (Marchands  de).  On  appelait  ainsi, 
au  dix-huitième  siècle,  d'humbles  détaillants  qui 
étalaient  leurs  marchandises  sur  les  parapets  du 
Pont-Neuf.  Ils  vendaient  des  crayons  de  mine 
de  plomb  et  de  sanguine,  des  pastels,  des  porte- 
crayons,  des  compas,  des  pinceaux,  «  et  autres 
instrumens  servant  aux  jeunes  élèves  qui  com- 
mencent à  dessiner  ^  ». 

Les  premiers  crayons  n'étaient  que  de  petits 
stylets  en  plomb.  Vers  le  milieu  du  seizième 
siècle,  on  eut  l'idée  de  les  fabriquer  avec  le 
carbure  de  fer,  dit  graphite  ou  plombagine. 
L'Angleterre,  riche  en  graphite,  fournit  pendant 
longtemps  des  crayons  à  toute  l'Europe.  Durant 
la  Révolution,  quand  les  relations  avec  l'Angle- 
terre devinrent  difficiles,  le  conseil  des  mines 
demanda  au  chimiste  Conté  de  produire  un 
graphite  artificiel  :  il  y  parvint,  et  créa  ainsi  les 
crayons  dont  nous  nous  servons  aujourd'hui. 

Voy.  Caoutchouc. 

Gréât.  On  nommait  ainsi  3,  dans  les  aca- 
démies, un  maître  adjoint  à  l'écuyer  principal. 
Mazarin  fondant  (1661)  le  collège  qui  porta  son 
nom  s'exprime  ainsi  :  «  Il  y  aura  à  l'académie 
un  écuyer,  un  créât,  un  maistre  à  danser,  etc.  *  ». 

Vo^^  Académistes. 

Crémiers.  .lusqu'à  la  lin  du  dix-huitième 
siècle,  les  crémiers  ne  se  distinguent  guère  des 
laitiers  qu'en  ce  que  les  premiers  vendaient  leurs 
marchandises  dans  une  boutique  au  lieu  de  les 
colporter  par  la  ville.  La  133"  nouvelle  des 
CmUemporranes  de  Rétif  de  la  Bretonne  (an.  1782) 
débute  ainsi  :  «  Il  y  avait  n'aguère  au  faubourg 
Saint-Germain  une  de  ces  marchandes  de  beurre 
frais,  de  laitage  et  de  crème  en  boutique,  que 
l'usage  est  de  nommer  crémières  ^  ». 

Crépiniers.  Les  crépiniers,  dits  aussi 
crespigniers,  peuvent  être  regardés  comme  les 
ancêtres  de  nos  passementiers.  Les  statuts  qu'ils 
soumirent,  vers  1268,  à  l'homologation  du  prévôt 
Et.  Boileau  "  les  qualifient  d'  «  ouvriers  de  coiffes 
à  dames,  et  loies  à  orilliers,  et  de  paveillons 
que  on  met  par  desus  les  auteus,  que  on  fait  à 
l'aguille  et  à  meslier  ». 

Les  coiffes  à  dames  dont  il  est  ici  question 
n'ont  aucun  rapport  avec  l'espèce  de  calotte  que 
confectionnaient  les  coiffiers.  C'était  un  bonnet 
de  soie  recouvert  d'une  résille  alors  appelée 
crépine.  La  mode  des  coiffes  date  du  treizième 
siècle,  et  elle  lui  survécut,  puisque  Eléonore, 
femme  de  François  P%  portait  lors  de  son  entrée 
ù  Bordeaux  (1530)  «  une  coiffe  ou  crespiiie  d'or 


1  Le  roiiuiii  /wuri/euis    (publié   en   1666),    édit.    elzcv., 
p.  72. 

2  Savary.  Dictionnaire,  \.  I,  p.  1600.    —  Encyclopédie 
mèlhndiqne,  ronimcrce,  t.  I,  p.  753. 

3  De  l'italien  creato,  même  sens. 

*  ^  oy.   A.   F.,    Histoire    de    la  bibliot/iènue  Matarine, 
p.  354. 

s  La  jolie  crémière   t.  XXII,  p.  459. 
**  Livre  des  me'tiers,  titre  XXXYII. 


CREPINIERS  —  CRIEURS 


233 


frisé,  dedans  la  quelle  estoienl  ses  cheveux,  qui 
pendoient  par  derrière  jusques  aux  talons  ^  ». 

Le  mol  taie,  taye,  ou  toie  désig-nail,  au  moyen 
âge,  l'enveloppe  d'un  lit  de  plumes,  d'un  oreiller 
ou  d'un  coussin,  lermesalors  à  peu  prèssjnonjmes. 
La  corporation  des  taiers,  taières  ou  tolères  en 
faisait  aussi,  mais  de  communes  sans  doute, 
et  les  statuts  des  crépiniers  nous  montrent  que 
tous  les  objets  qui  sortaient  de  leurs  mains  étaient 
fort  riches,  ornés  de  perles,  de  broderies,  etc. 
On  lit,  par  exemple,  dans  un  compte  de  1353  : 
«  Pour  un  orillier  de  veluyau  ^  vermeil  semé  de 
perles  d'Orient,  losengié  d'armojerie  de  France 
et  de  Bourgoigne,  et  y  a  arbreciaux  d'or  ...  Pour 
un  petit  orillier  de  celle  •''  façon,  à  quatre  petiz 
boutons  de  perles...  *  ». 

Les  paveiUons  étaient  les  larges  baldaquins 
garnis  de  rideaux  qui  pendaient  au-dessus  des 
lits  et  des  autels. 

A  cette  époque,  le  métier  de  crépinier  était 
libre  :  on  n'avait  rien  à  pa^'er  pour  s'établir. 

En  dehors  de  ses  enfants,  chaque  maître  ne 
pouvait  avoir  qu'un  seul  apprenti.  Cependant 
s'il  associait  sa  femme  au  métier,  il  avait  le  droit 
de  prendre  un  second  apprenti,  qui  était  placé 
sous  la  direction  de  celle-ci.  C'est  là  une  dispo- 
sition très  sage,  et  que  nous  retrouverons  dans  les 
statuts  des  laceurs. 

L'apprentissage  durait  sept  ans  au  moins.  Le 
contrat  était  dressé  en  présence  des  jurés.  Le 
maître  devait  leur  prouver  qu'il  avait  l'aisance  et 
la  capacité  nécessaires  pour  assurer  l'entretien  et 
l'instruction  de  l'enfant  :  qu'il  «  est  souffisant  de 
avoir  et  de  sens,  par  quoi  il  puist  gouverner  et 
aprandre  le  aprantis  ».  Lin  peu  plus  tard,  le  temps 
de  l'apprentissage  fut  réduit  à  trois  ans,  et  le 
nombre  des  apprentis  devint  illimité. 

Les  crépiniers  n'avaient  pas  le  droit  de  travailler 
à  la  lumière,  «  puis  que  l'eure  de  queuvrefeu  est 
sonnez  à  S.  Merri  ».  Ils  étaient  donc  alors  groupés 
autour  de  cette  église  ;  mais,  dès  1292,  on  les 
trouve  disséminés  un  peu  partout. 

Le  titre  de  crépiniers  passa  de  bonne  heure 
aux  passementiers. 

Grépins  (Marchaxds  de).  Le  mot  crépin 
désigne  tous  les  outils,  toutes  les  marchandises 
qui  servent  au  métier  de  cordonnier,  excepté  le 
cuir. 

Voy.  Chausse-pieds. 

Grépisseurs.  Ouvriers  maçons  qui  endui- 
saient les  murs  de  plâtre  ou  de  mortier. 

On  les  trouve  encore  nommés  porgeteiirs, 
poîirgeftews,  etc. 

Grépisseurs  de  crin.  Ouvriers  qui 
donnaient  au  crin  une  dernière  préparation  en  le 
faisant  bouillir  dans  l'eau. 

Grépisseurs  de  cuir.  Ouvriers  qui,  après 
avoir  mouillé  les  cuirs  une  dernière  fois,  «  les 


1  Voy.  Quiclierat,  Histoire  du  costume,  p.  189  et  360. 

2  Velours. 

3  Cette. 

'*  Douët-d'Arcq,  Coviptes  de  l'argenterie,  p.  325. 


tire  à  la  pommelle  pour  en  faire  paraître  le  grain 
du  côté  de  la  fleur  ». 

Grespigniers.  Voy.  Crépiniers. 

Gresson  (M.\rchands  de).  Au  treizième 
siècle  comme  aujourd'hui,  l'on  criait  dans  les  rues 
du  «  cresson  de  fontaine  »  et  du  «  bon  cresson 
orlenois  ^  »,  mot  qu'il  faut  peut-être  traduire  par 
alenois.  Les  crieurs  ambidaiils  du  seizième  siècle 
étaient  beaucoup  moins  clairs  : 

Pour  gens  desgoutez,  non  malades, 
J'ay  de  beau  cresson  de  calier, 
Pour  un  peu  leur  cueur  escallier. 
Il  n'est  rien  meilleur  pour  salade  2. 

J'ignore  ce  que  pouvait  être  ce  cresson  de 
calier. 

Gretonniers.  Voy.  Amidonniers. 

Greuseurs.  \  oy.  Mineurs. 

Greuseurs.  Chez  les  sabotiers,  ceux  qui 
creusaient  les  sabots.  Ceux-ci  étaient  ensuite 
façonnés  par  les  tailleurs. 

Gribleurs  de  g-rains.  Avec  quelque 
soin  que  soient  vannés  les  grains,  il  s'}'  trouve 
toujours  mêlés  quelques  parcelles  de  paille , 
auxquelles  s'ajoutent  les  ordures  ramassées  dans 
les  greniers,  les  bateaux,  les  marchés,  etc.  Le 
criblage,  indispensable  avant  l'emploi,  fut  long- 
temps fait  aux  halles  et  sur  les  ports  <.<  par  des 
particuliers  sans  qualité  ».  Louis  XIV,  au  temps 
de  sa  détresse  financière,  créa  cinquante  offices 
de  «  jurés  cribleurs  de  blés,  seigles  et  orges  ». 
Un  salaire  de  vingt  sous  par  muid  criblé  leur 
était  alloué. 

Cette  création,  qui  date  de  septembre  1704, 
rapporta  au  Trésor  250.000  livres  ^. 

Voy.  Offices  (Création  d'). 

Gribliers.  Faiseurs  de  cribles.  Ils  utilisaient 
surtout  les  peaux  de  porc,  de  cheval,  d'àne  et  de 
mouton.  Ils  les  préparaient  eux-mêmes  ou  les 
achetaient  toutes  préparées  aux  parcheminiers*. 

On  les  trouve  aussi  nommés  oliviers. 

Voy.  Boisseliers. 

Grieurs.  Voy.  Aboyeurs. 

Grieurs.  Au  treizième  siècle,  nos  journaux, 
nos  prospectus,  nos  avis  divers,  nos  circulaires 
nos  lettres  de  faire-part,  nos  affiches,  tout  ce  qui 
constitue  aujourd'hui  la  publicité  était  représenté 
par  les  crieurs,  fonctionnaires  publics  asser- 
mentés, qui  criaient  les  actes  officiels  les  mar- 
chandises, les  objets  perdus,  les  enterrements,  les 
convocations,  les  réunions  de  confréries,  etc.,  etc. 

Le  criage  dépendit  d'abord  du  domaine  royal. 
Les  crietirs  officiels,  rémimérés  par  les  particu- 


1  Guill.  de  la  Ville  Neuve,  Les  crieries  de  Paris. 

2  A.  Truquet,  Les  cent  et  sept  cris,  etc. 

•^  Delamarre,  Trait/-  de  la  police,  t.  II,  p.  740. 

i  Voy.  Fougeroux  d'Angerville,  Art  du  criblier,  dans 
J.-E.  Bertrand,  Description  des  arts  et  métiers  (1780), 
t.  XIV,  p.  570. 


234 


CRIEURS  -  CRIEURS  DE  CORPS 


liers,  payaient  en  retour  à  TEffil  une  redevance, 
qui  devint  peu  à  peu  la  ^^ource  d'un  important 
revenu.  En  vertu  d'une  coutume  dont  on  rencon- 
tre de  nombreux  exemples,  le  roi  finit  par  affermer 
à  un  seif^neur,  nommé  Simon  de  Poissy,  le 
produit  d"i  criage  de  Paris,  crieriœ  parisiensis. 
Simon  faisait  administrer  la  corporation  par 
deux  délégués,  qui  prenaient  le  titre  de  Maîtres 
des  crieurs,  et  dont  l'un  surveillait  les  crieurs  de 
la  rive  droite  et  l'autre  ceux  de  la  rive  gauche.  En 
Il 89,  Simon  de  Poissj  n'était  plus,  et  ses  droits 
avaient  passé  à  sa  veuve  *.  Il  est  problable  qu'elle 
ne  laissa  point  d'héritier,  car  les  criages  de  Paris 
revinrent  au  roi,  et,  par  acte  daté  de  l'année 
1220.  Philippe-Auguste  les  céda  pour  une  rente 
annuelle  de  trois  cent  vingt  li\Tes  à  la  Hanse  dei^ 
marchands  de  l'eau,  origine  de  la  municipalité 
parisienne. 

En  1292,  le  maître  des  crieurs  chargé  d'assu- 
rer le  service  de  la  rive  droite  se  nommait  Yve  le 
Breton,  et  demeurait  rue  (îuillaume-Bourdon  -  ; 
ct'lui  qui  régissait  la  rive  gauche  s'appelait  Hervi, 
et  habitait  la  rue  de  la  Serpent^. 

La  grande  ordonnance  de  février  1415  eut 
surtout  pour  objet  de  régler  les  fonctions,  les 
droits  et  les  devoirs  des  officiers-jurés  dépendant 
de  la  municipalité.  Le  chapitre  IX,  qui  est  con- 
sacré tout  entier  à  la  comminiaulé  des  crieurs. 
réorganisa  dans  Paris  le  service  de  la  publicité. 

Il  supprime  toute  distinction  entre  les  crieurs. 
Les  mentbres  de  la  corporation  sont  chargés 
d'annoncer  les  vins,  les  huiles,  les  oignons,  les 
pois,  les  fèves,  les  réunions  de  confrérie,  les 
décès,  les  objets  perdus,  les  enfants,  mules, 
clievaux  disparus,  «  et  toutes  autres  choses  qui 
a[)[)arli<'ndront  à  crier  en  ladite  ville  ». 

Au  fur  et  à  mesure  des  extinctions,  leur 
nombre  devra  être  réduit  à  vingt-quatre. 

Lorsqu'un  office  de  crieur  venait  à  vaquer,  le 
prév(!»l  dfs  marchands  et  les  échevins  devaient 
chdisir  pour  remplir  ce  poste  de  confiance 
'<  hommi-  qui,  par  information  deûement  faite, 
sera  trouvé  eslre  de  bonne  vie,  renommée  et 
hcjiuiesle  conversation,  sans  aucun  blasme  ou 
n-proche,  habile,  suffisant  et  idoine  pour  iceluy 
office  tixercer  ». 

lit;  nouveau  crii-ur  pivl.iil  aiissilùt  le  scrnifiit 
n  <\\U'  bien  loyauMifuI  il  cxtTccra  ledit  office  en 
sn  pcrsrtinur,  et  rpi'il  ne  prendra  ny  demandera 
plus  grand  s^dain-  que  ccbij(pii  est  ordonné  pour 
Ictlil  (iflicr  cxi-rrrr  ;  (|u'il  gardera  les  ordonnances 
fiiil»-^  liinl  .>>ur  ledit  office  (jue  sur  la  Marchandise  ; 
el  (|Ue  s'il  srail  (;li()se  <jui  soit  laite  au  préjudice 
des  privilèges,  franchises  etlibertez  de  la  Ville  ou 
contre  les  ordonnances  d'icelle,  il  le  fera  sçavoir 
ails  prévosl  et  «'schovius  ou  au  procureur  de  la 
Marchandise,  el  obéyra  n  leurs  commandemcns  ». 

I/O  crieur  versjtit  une  caution  et  était  mis  en 
pn«wes,si<in  de  son  office  par  un  sergent  de  la 
nuinicipalitô. 


'    X.'.v    I,    |).-|lsl 
S-stf.  n"  232.  p   r,r,. 

'  iVvi-nu.-  rup  Béthisy. 

3  .\uj    nip    S«<rpf>nU'.  --   Voy.  la 
p    18  et  163. 


f.'n/ii/'jjHf  ilfs  arirs  ilr  P/iiiip/ie-Aii- 
Toille  4e    t292. 


Il  lui  fallait  alors  payer  trente-deux  sols  parisis 
destinés  au  service  de  la  confrérie.  Chaque  crieur 
donnait,  en  outre,  deux  deniers  par  semaine,  qui 
formaient  un  fonds  de  secours  au  profit  des  mala- 
des et  des  vieillards  «pour  mettre  en  la  bourse  de 
leurdite  confrairie,  pour  estre  employez  et  con- 
vertis à  ayder  ceux  d'iceux  crieui's  qui  cherront  en 
mendicité  ou  nécessité  de  maladie  ou  de  vieillesse, 
pourquoy  ils  ne  puissent  leurdits  offices  exercer, 
ne  gagner  leur  vie  » . 

On  verra,  à  l'article  crieurs  de  corps,  qu'au 
siècle  suivant  la  communauté  se  borna  à  mono- 
poliser le  service  des  enterrements. 

Les  crieurs  avaient  pour  patron  saint  Martin  ^, 
que  l'ordonnance  de  1415  nomme  saint  Martin  le 
bouillant.  On  célébrait,  en  effet,  à  Paris  deux 
fêtes  de  saint  Martin  :  la  Saint-Martin  d'hiver  le 
11  novembre  et  la  Saint-Martin  d'été  le  5 juillet; 
cette  dernière,  tombant  à  l'époque  des  grandes 
chaleurs,  était  appelée  fête  de  saint  Martin  le 
bouillant.  D'après  Le  Masson,  qui  écrivait  vers 
1620,  les  crieurs  tenaient  alors  la  réunion  solen- 
nelle de  leur  confrérie  le  11  novembre  ;  ils 
avaient  donc  abandonné  saint  Martin  le  bouillant 
pour  la  Saint-Martin  d'hiver  ^.  * 

Voy.  les  articles  suivants. 

Crieurs  de  corps.  Au  treizième  siècle,  les 
renseignements  qui  les  concei'nent  sont  rares. 
Vers  le  milieu  du  quatorzième,  leur  rôle  se 
bornait  encore  à  annoncer  les  décès  et,  paraît-il, 
à  faire  tinter  leur  sonnette  autour  du  défunt 
pendant  qu'il  était  exposé.  On  lit,  en  effet,  dans 
le  compte  des  obsèques  de  Geffroi  de  Varennes, 
mort  chambellan  du  roi  en  1352,  ce  passage  : 
«  Pour  deniers  payez  à  Jehan  Vint-Soulz,  crieur 
de  corps,  pour  li  el  sept  variez  crieurs  de  corps, 
pour  leur  salaire  de  sonner  entour  le  corps 
dudit  chevalier  par  deux  jours,  et  d'icelui  crier 
au  Palais  et  aillieurs  à  Paris,  40  sols  ^  ».  A  la  fin 
du  siècle,  ils  commencent  à  fournir  quelques 
objets  relatifs  aux  enterrements  ;  ainsi,  lors  des 
obsèques  du  chanoine  Jean  de  Guisery  en  1379, 
ils  «  louèrent  des  cotes  noires  pour  ceux  qui  por- 
tèrent les  torches  ^  ». 

J'ai  dit,  à  l'article  crieurs,  que  l'ordonnance 
(le  février  1415  avait  réformé  la  communauté 
et  supprimé  toute  distinction  entre  les  classes  de 
crieurs.  Ceux  qui  avaient  à  «  crier  un  corps  » 
allaient  par  les  rues  annonçant  les  décès,  indi- 
quant le  jour  et  l'heure  des  enterrements.  Chaque 
crieur  ne  devait  notifier  qu'un  seul  décès  par  jour, 
K<  affin  ({u'un  chacun  d'eux  ait  des  besongnes  ■'' 
par  égale  portion,  au  mieux  que  faire  se  pourra^». 

L'accès  que  cet  office  leur  donnait  dans  les 
maisons  mortuaires  firent  que  les  familles 
s'adressèrent  à  eux  pour  différents  apprêts 
qu'exigeait    la    cérémonie.     C'est    ainsi    qu'ils 


'  Ordonuanco   de    1415,    art.   5.   —  SUituls  do  1011, 
art.  24. 

*  ^'oy.  le  Calendrier  des  confréries,  j).  10,  23  et  98. 
•*  nt)iiet-(l'Arc(|,  Comptes  de  l'arqenterie,  p.  184. 

*  \  oy.  les  Mémoires  de  la  société  de  l'histoire  de  Paris, 
t.  IV.  p.  133. 

•■>  Du  travail. 
8  Article  15. 


CRIEURS  DE  CORPS 


235 


devinrent  peu  à  peu  de  véritables  entrepreneurs 
d'enterrements.  Au  début  du  quinzième  siècle, 
ils  ne  se  chargeaient  encore  de  louer  que  «  les 
robes  et  manteaux,  sarges  et  chapperons  »  exigés 
par  l'usage  ;  ce  sont  du  moins  les  seuls  ohjels 
mentionnés  dans  l'ordonnance.  Il  est  probable 
que  les  autres  étaient  fournis  par  l'Eglise. 

A  dater  du  dix-septième  siècle,  les  crieurs 
représentent  fidèlement  notre  entreprise  des 
pompes  fimèbres.  En  septembre  1641,  un  édit 
leur  avait  accordé  le  monopole  des  fournitures 
mortuaires,  à  charge  par  la  corporation  de  payer 
à  l'Etat  une  redevance  annuelle,  dont  le  produit 
devait  être  affecté  au  soulagement  des  enfants 
trouvés.  L'édit  nous  apprend  qu'il  était  aban- 
donné annuellement  environ  350  enfants,  sur 
lesquels  on  n'en  élevait  souvent  ^«5  %?«  ;  que  la 
plupart  mouraient  «  à  faute  de  nourriture  »,  que 
d'autres  étaient  «  vendus  pour  estre  supposez  ou 
servir  à  d'autres  mauvais  effets  ^  ». 

Enfin,  au  cours  de  1642,  les  crieurs  obtinrent 
de  nouveaux  statuts  ,  qui  organisèrent  la 
communauté  sur  les  bases  fixées  par  l'édit  rendu 
l'année  précédente. 

Pour  être  admis  dans  la  corporation,  il  fallait 
être  enfant  légitime,  faire  profession  de  la  religion 
catholique,  et  être  de  bonne  vie  et  mœurs.  En 
outre,  «  les  nouveaux  receus  en  la  compagnie 
seront  admonestez  de  se  comporter  honnestement, 
et  de  ne  rien  faire  dérogeant  fi  leur  condition  ; 
d'honorer  les  anciens  et  officiers  de  ladite  com- 
pagnie ;  et  lors  des  comptes  et  assemblées,  qu'il 
se  garderont  bien  de  prendre  parole  avec  aucun 
et  de  ne  point  jurer  ny  blasphémer  le  saint  Nom 
de  Dieu,  à  peine  pour  la  première  fois  de 
dix  livres  d'amende,  et  les  autres  fois  selon  leur 
démérite  qui  sera  jugé  par  la  compagnie  ». 

La  communauté  des  crieurs  aura  le  privilège 
exclusif  de  fournir  «  les  choses  nécessaires  pour 
les  pompes  funèbres  ». 

Les  «  draps,  serges  blanches  et  noires,  veloux, 
satins,  robbes  de  deuil,  paremens,  poésies,  carrez, 
plaques  ,  daiz  ,  carreaux  ,  chapelles  ardentes , 
argenteries,  et  toutes  autres  choses  généralement 
quelconques  v  appartenant  à  la  corporation 
seront  réunies  dans  un  magasin  spécial,  dont 
l'inventaire  sera  dressé  tous  les  ans. 

Il  était  interdit  aux  crieurs  d'aller  offrir  leurs 
services.  Ils  devaient  attendre  d'être  mandés  par 
les  héritiers  ou  les  exécuteurs  testamentaires  du 
défunt.  Le  crieur  dont  parle  Lisette  dans  le 
Légataire  titiiversel  aurait  donc  manqué  à  tous 
ses  devoirs  : 

Hélas  !  mon  cher  monsieur,  je  dis  ce  que  j'ai  vu. 
Après  avoir  conduit  ces  messieurs  dans  la  rue, 
Oîi  la  mort  du  bon  homme  est  déjà  répandue. 
Où  même  le  crieur  a  voulu,  malgré  moi, 
Faire  entrer  avec  lui  l'attirail  d'un  conA'oi...  2. 

Le  crieur  qui  avait  organisé  une  cérémonie 
funèbre  touchait  un  cinquième  de  la  somme 
qu'elle  avait  rapportée  à  la  corporation. 


'  E'Iits  et  ordonnances  royaux  sur  le  faict  de  la  juridic- 
tion de  la prévoste'  des  marchands,  édit.  de  1644,   p.  456. 

2  Regnard,  Le  légataire  universel  (1708),  acte  IV, 
scène  8. 


Comme  on  l'a  vu,  la  communauté  avait  dans 
ses  attributions  le  convoi,  les  tentures  et  d'une 
manière  générale  tout  ce  qui  ne  concernait  pas 
l'pjglise.  Il  fallait  s'adresser  au  curé  pour  la  four- 
niture de  la  bière  ',  ainsi  que  pour  la  cérémonie 
religieuse,  et  à  un  cirier  pour  la  fourniture  des 
cierges.  Mais  les  crieurs  se  chargeaient  volontiers 
de  servir  d'intermédiaire  auprès  de  la  fabrique. 

Voici  dans  quelle  forme  était  rédigé  le  mémoire 
d'un  crieur  à  la  fin  du  dix-septième  siècle  : 

Mémoire  de  de  Voulgis  Vaisné,  crieur,  pour 
le  conroy  et  enterrement  de  Monsieur  de  Furetière, 
avocat  au  Parlement,  fait  en  l'église  de  Saint- 
Louis  le  \\  novembre  1697. 

Pour  200  billets  - 8  liv.      » 

Pour  quatre  hommes  semon- 
neurs 12  —        » 

Pour  les  enfans  de  tescolle  •*'.        4  —        » 

Pour  un  -parement  noir  à  la 
maison 3  —       » 

Pour  le  port  du  corps 6  —       » 

Pour  le  bonnet  et  gans 3  —  12  sols. 

Potir  les  formes,  stùsse  et 
garçon  fossoyeur 4  —  10  — 

Pou,r  un  pridieu  et  deux 
carreaux 1  —  10  - 

Pour  avoir  fourny  et  fait 
tand.re  de  deuil  le  devant  de  la 
maison  à  quatre  lez,  la  porte  et 
le  dedans  d'icelle  où  a  esté  mis 
le  corps  en  despost  à  trois  lez, 
la  porte  de  F  église  à  deux  lez, 
foncé  *  les  chaises  du  chœur, 
couvert  les  appuis,  les  formes, 
lutriti  et  sièges  des  chappiers  ^, 
tendu  la  sépulture  ^  et  mis  des 
par  taire  s  '  aux  lieux  néces- 
saires, 352  aimes 52  —  16  — 

Pour  les  peines  et  assistance 
du  crieur 15  —       » 

Ce  mémoire  fut  réduit  d'un  commun  accord  à 
la  somme  de  96  livres  16  sous,  dont  le  crieur 
donna  quittance  en  ces  termes  : 

Je  soubz  signé,  juré-cr leur  à  Paris,  confesse  avoir 
receu  de  Madame  de  Furetière,  des  deniers  qui  se 
sont  trouvés  après  le  déceds  diidit  deffunt  sieur  de 
Furetière,  la  somme  de  quatre-vingt  seize  livres  seize 
sous,  à  quoy  le  mémoire  cy-dessus  a  esté  modéré,  de 
latiuelle somme  de  quatre-vingt  seize  livres  seizesous, 
Je  quitte  madite  dame  de  Furetière  et  tous  autres. 

Fait  ce  vingt-six  décembre  1607. 

B.  DE  Voulgis  ^. 


1  Voy.  ci-dessus  les  articles  Cercu 'ils  ['(loiiiinei'ce  des) 
et  C!n)(jue- morts. 

2  De  faire  part.  On  disait  alors  «  billets  d'enlcr- 
rement  ».  \o\.  l'art.  Semonneurs. 

•1  Ils  remplaçaient  les  pauvres.  Voy.   l'art,   l'ieureurs. 

4  Drapé  de  noir. 

5  Des  chantres  portant  la  chape, 
fi  Sans  doute  le  catafalque. 

"   Tapis. 

8  ^'oy.  F.  de  Lasteyrie,  Un  enterrement  à  Paris  en 
1697.  dans  le  Bulletin  de  la  société  de  l'histoire  de  Paris, 
année  1877,  p.  146. 


236 


CRIEURS  DE  CORPS  -  CRIEURS  DE  VIEUX  FER 


\ux  obsèques  de  Colbert,  rembaumement  du 
corps  coûta  150  livres  ;  le  cercueil  de  plomb, 
68  liv.  ;  le  deuil  de  la  veuve  et  des  domestiques, 
2.674  liv.  ;  les  frais  funéraires,  14.456  liv.  ;  et 
le  crieur  reçut,  pour  la  location  du  matériel, 
6.000  livres '. 

Le  poëte  Saint-Amant,  dans  une  pièce  intitulée 
La  nnict  ^  se  plaint  du  bruit  que  faisaient  les 
crieiirs  en  annonçant  les  décès,  et  prétend  que 
le  tintement  de  leur  sonnette  troublait  fort  les 
bons  bourgeois  : 

Lf  clochetteur  des  trespassez, 

Sonnant  de  rue  en  rue, 
D<'  frayeur  rend  leurs  cœurs  glacez, 

Bien  que  leur  corps  en  sue. 
Et  mille  chiens,  oyan.s  sa  triste  vois, 
Luy  répondent  à  longs  abois. 

l'our  remplir  cet  oftice,  les  crieurs  revêlaient 
M  ne  dalmatique  noire  ,  semée  d'emblèmes 
funèbres.  Ils  allaient,  agitant  leur  clochette  et 
psalmodiant  d'un  ton  lugubre  le  nom,  les  titres 
et  l'adresse  du  défunt  :  Priez  Dieu  pour  rame  de 
mo/isieur  X,  de  messire  X,  de  demoiselle  X,  de 
liaute  et  puissante  dame  X,  ou  de  très  haut  et  très 
puissant  seigneur  X,  qui  vient  de  trépasser  en  son 
lofjis,  rue... 

Le  clocheteur  m'éveille, 

Et  d'un  lugubre  son  recommande  à  prier 
Pour  l'ûme  de  Paul  Tron,  lui  vivant  écuyerS. 

Ils  crient,  dit  Jean  Nicot,  «  par  les  carrefours 
de  la  ville  le  décès  du  trespassé,  l'heure  et  le 
lieu  fie  son  enterrement,  et  faisant  presque  une 
publique  semonce  *,  tant  au  convoy  que  de 
prit-re  pour  le  trespassé.  Et  vont  après  au 
coiivov,  marchans  en  pareil  habit  devant  le 
cercueil  et  bière  du  corps,  sonnans  et  branslans 
leursdiltes  clochettes  ^  ».  Lorsqu'ils  précédaient 
un  convoi,  ils  portaient  souvent  attachée  devant 
et  (if-rrièrc  leur  dalmatique  une  feuille  de  carton 
sur  laquelle  étaient  peintes  les  armoiries  du 
défunt. 

Au  tlix-iiuilieme  siècle,  le  bureau  de  la 
communauté  était  situé  rue  Neuve-Saint-Merri, 
dans  une  maisim  qui  avait  été  habitée,  dit-on, 
par  (Jiilherine  de  Médicis  ".  C'est  là  que  les 
crieurs  remisaient  les  corbillards,  carrosses  et 
rbevaiix  nécessaires  pour  le  service  des  enter- 
rements, et  qu'ils  consei-vaient  les  tentures, 
calafalque>,  ludiils,  manteaux,  crêpes,  pleu- 
reuses, giiiils.  e|(t..  (|u"ils  l'taieiil  autorisés  à 
fournir. 

I.,a  population  de  Paris  augmentant  sans  cesse, 
Ifh  (|écé>  se  faisaient  de  plus  en  plus  nombreux; 
puis.  In  mnde  était  venue  de  déployer  une  ridi- 
cule mnguifieeuce  aux  etilerrements  des  grands 
seigneurs,  «les  fiiujnciers,  des  enrichis  de  toute 
espèce,  coutume  qui  ne  p«Mivait  (pie  proliler  à  la 
corporniiou  ries  crieurs.  C'était  .lie  qui  fournissait 


1'.  ;J78. 


•  CorrttfioiidnHre  lie  f.'ulùn/,  I.  \ 
«  fedil    i|i!  |6fil.  p.  00. 
■^  J'-fln  C'.lnviTi-t.  i,'e'cuj/rr,  p.  ">. 

l    Ni>y.  ri-dissiiu.-,  l'nrt    SiMiii>nn<Mirs. 

•  Tkrftor  lit  la  lanjut  fran^oi/se,  p.   Ifi7. 

•  ^oJ^  Jaillot.   Reekereket  sur  Paris.    f|unrtivr  Saint- 
Martin  des  Champs,  p.  79. 


ces  immenses  corbillards  dont  la  construction 
était  si  peu  solide  que  des  bourreliers,  des  selliers, 
des  charrons,  dissimulés  dans  l'intérieur,  se 
tenaient  prêts  à  réparer  les  accidents  toujours 
prévus.  Mercier  prétend  que  pendant  le  trajet 
du  domicile  à  l'église. et  de  l'église  au  cimetière, 
ces  ouvriers  passaient  leur  temps  à  jouer  aux  dés 
sur  le  cercueil  * . 

L'usage  s'était  conservé  de  faire  suivre  le  corps 
par  des  pauvres,  qu'on  habillait,  et  auxquels  on 
distribuait  des  cierges  et  de  l'argent.  On  voyait 
souvent  défiler  dans  les  rues  des  enterrements 
escortés  de  deux  cents  et  même  quatre  cents 
pauvres  ^.  Le  crieur,  revêtu  d'une  longue  robe 
noire  et  la  sonnette  d'argent  à  la  main,  marchait 
en  tête  du  convoi  qu'il  avait  organisé,  et  tenait 
l'emploi  aujourd'hui  dévolu  aux  ordonnateurs. 
La  présence  de  deux  ou  trois  crieurs  à  des 
obsèques  était  un  grand  luxe  qui  se  payait  cher. 

De  toute  manière,  les  frais  avaient  fort 
augmenté,  et  vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle 
un  enterrement  décent  de  petit  bourgeois  coûtait 
de  sept  à  huit  cents  livres.  Quand  le  fameux 
Fouquier-Tinville  perdit  sa  première  femme 
(1782),  les  dépenses  funéraires  s'élevèrent  à  la 
somme  de  674  livres  12  sols,  «  tant  pour  le 
service  que  pour  le  convoi,  les  billets  d'enter- 
rement, tentures,  manteaux  de  deuil,  crêpes  et 


gants"*  ». 

Outre    les    renvois    indiqué!^ 
Pompes  funèbres. 


ci-dessus,    voy. 


Crieurs  de  maie  tache.  Voy.  Dégrais- 
seurs. 

Crieurs  du  roi  et  de  la  ville.  Voy. 
Trompettes  Jurés). 

Crieurs  de  vieux  fer.  Je  les  trouve 
définis  ainsi  :  «  Ce  sont  ceux  qui  achètent  les 
vieux  carrosses,  chaises,  calèches,  cabriolets,  etc., 
les  dépècent  et  en  revendent  les  vieux  fers  en 
détail.  Il  n'appartient  qu'aux  maîtres  de  cette 
communauté  d'aller  par  les  rues,  un  sac  sur  le 
dos,  crier  :  Vieilles  ferrailles  à  vendre  !  ». 

Ils  criaient  ainsi  dès  le  treizième  siècle  *.  Ils 
ne  furent  toutefois  érigés  en  corporation  et  ne 
reçurent  leurs  premiers  statuts  qu'en  décembre 
1681,  par  lettres  patentes  qui  les  qnaMiieni  crieurs 
de  vieux  fer  et  de  vieux  drapeaux^  et  limitent  à 
douze  le  nombre  des  maîtres. 

Ce  chiffre  fut  maintenu  par  d'autres  statuts 
assez  curieux,  en  date  de  mai  1686.  Lorsqu'une 
de  ces  douzes  maîtrises  devenait  vacante,  on  y 
pourvoyait  par  élection  ;  mais,  à  moins  d'impos- 
sibilité absolue,  elle  ne  devait  .tMre  attribuée 
qu'au  fils  ou  tout  au  moins  au  gendre  de  l'un 
(les  maîtres. 

Les  crieurs  étaieni  Iimius  d'inscrire  les  nom  et 


1  Tableau  de  Paris,  t.  VII,  p.  254. 

2  Mme    ,],,   Gcnlis,    Dictionnaire  des  étiquetles.    t.     I, 
p.  184. 

3  G.      Lenôtre,       Vieil/es      maison.'! ,      viiux     papiers, 
deuxième  série,  p.  259. 

'  ^  oy.  k's  Crieries  de  Paris,  de  Guillaume  de  la  Ville 
Neuve. 


CRIEURS  DE  VIEUX  FER  —  CRIEUSES  DE  VIEUX  CHAPEAUX 


237 


adresse  de  tous  ceux  à  qui  ils  achetaient  ;  encore 
ne  pouvaient-ils  rien  accepter  «  des  ent'ans  de 
famille  ou  des  domestiques  ».  Tout  objet  devait 
être  mis  à  l'étalag'e  trois  jours  au  plus  après 
l'achat.  Aux  seuls  crienrs  appartenait  le  droit  de 
«  crier,  acheter,  vendre  et  débiter  de  vieilles 
ferrailles  et  vieux  drappeaux,  mettre  en  pièces 
les  vieux  carrosses  et  en  exposer  ensuite  les 
débris  ».  Il  est  vrai  qu'ils  ne  réussissaient  g-uère 
à  faire  respecter  leurs  privilèg'es,  et  les  jurés 
avaient  sans  cesse  à  sévir  contre  des  crieurs 
élrang-ers  à  la  communauté.  En  <;tfel,  dit  Savarj 
«  un  grand  nombre  de  soldats  aux  gardes 
françoises  font  ce  petit  commerce,  que  les 
magistrats  de  police  tolèrent  et  que  les  jurés 
n'osent  arrêter  par  des  saisies,  à  cause  de  la 
profession  de  ces  crieurs  sans  maîtrise  ^  ». 

Au  mois  d'août  1692  le  nombre  des  vrais 
crieurs  de  vieux  fer  fut  porté  à  vingt-quatre. 
Dits  ixnssi  ferrailleurs  ei  dépeceurs  de  carrosses,  ils 
avaient  pour  patrons  saint  Roch  et  saint  Sébas- 
tien. Presque  tous  étalaient  leurs  marchandises 
le  long  du  parapet,  sur  le  (pmi  actuel  de  la  Mégis- 
serie qui,  après  avoir  été  appelé  longtemps  la 
vallée  de  Misère,  finit  par  devenir  le  quai  de  la 
Ferraille. 

Crieurs  de  vin.  Officiers  publics  asser- 
mentés, chargés  de  surveiller  le  commerce  du 
vin  et  d'en  activer  la  vente.  Il  est  probable  qu'au 
début,  les  taverniers  se  servirent  de  crieurs  dans 
leur  intérêt  personnel  ;  la  royauté  d'abord,  puis 
la  municipalité  transformèrent  ces  crieurs  en 
fonctionnaires  et  les  imposèrent  aux  taverniers. 

Dès  le  treizième  siècle,  les  crieurs  de  vin 
étaient  nommés  et  révoqués  par  la  municipalité. 
Avant  d'entrer  en  fonctions,  ils  prêtaient  serment 
d'exercer  leur  métier  en  conscience,  de  ne  se 
servir  que  de  mesures  exactes  et  de  n'en  pas 
tolérer  d'autres  chez  les  taverniers.  Ils  versaient 
une  caution  de  soixante  sous  un  denier,  et 
acquittaient  un  droit  de  quatre  deniers  entre  les 
mains  du  maître  des  crieurs,  qui  était  chargé  de 
réparer  les  mesures  dont  ils  se  servaient.  Ils 
payaient  ensuite  à  la  municipalité  une  redevance 
de  un  denier  par  jour,  même  s'ils  n'avaient  pas 
ti'ouvé  de  taverne  à  surveiller.  On  ne  les  tenait 
quittes  de  ce  denier  que  le  dimanche,  ou  dans  le 
cas  de  maladie  duement  constatée,  ou  s'ils 
partaient  en  pèlerinage. 

Les  crieurs  de  vin  sont  les  seuls  crieurs  dont 
nous  possédions  les  statuts.  Eux-mêmes  les 
remirent  au  prévôt  Etienne  Boileau  ^,  quand 
celui-ci,  vers  1268,  entreprit  de  codifier  les 
coutumes  qui  régissaient  les  métiers  de  Paris. 

Les  marchands  de  vin  au  détail,  à  broche, 
comme  on  disait  alors,  payaient  à  la  Ville  un 
impôt  pour  chaque  pièce  qu'ils  mettaient  en 
perce.  Leurs  crieurs  avaient  donc  à  la  fois  pour 
mission,  et  de  constater  le  nombre  des  tonneaux 
entamés,  et  de  favoriser  la  consommation. 

Au  matin,  un  crieur  entrait  dans  la  première 
taverne  venue  ;  à  moins  qu'un  de  ses  confrères 


1  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  1614. 
^  Livre  des  métiers,  titre  \ . 


n'y  fut  déjà  installé,  le  marchand  était  tenu  de 
l'accepter.  Le  crieur  surveillait  la  préparation  du 
vin,  il  le  regardait  tirer  ou  le  tirait  lui-même  et  le 
dégustait.  Puis  il  recevait  du  tavernier  un  broc 
et  un  vase  ;  il  remplissait  le  broc,  quittait  la 
boutique  el  s'en  allait  crier  le  bon  vin,  vantant 
sa  qualité  et  son  prix,  le  donnant  à  goûter  aux 
bourgeois  qui  passaient. 

Le  crieur  devait  arriver  chez  le  marchand  avant 
l'heure  fixée  par  le  criage,  puisqu'il  lui  fallait 
tirer  et  déguster  le  vin  avant  de  le  crier.  Si 
pendant  qu'il  était  occupé  à  ces  opérations  un 
autre  crieur  se  présentait,  le  tavernier  avait  le 
droit  de  le  renvoyer  en  lui  disant  qu'on  était  en 
train  «  d'encuser  ''  »  le  vin  de  la  journée.  Le 
crieur  se  retirait,  mais  il  lui  était  permis 
d'imposer  ses  services  pour  le  lendemain,  «  li 
crierres  li  puet  dema^ider  sa  taverne  à  lende- 
main ».  On  tenait  à  ce  que  le  marchand  n'eût 
pas  de  crieur  attitré,  avec  qui  il  eùl  pu  s'entendre 
pour  tromper  le  public. 

Tout  crieur  avait  le  droit  de  demander  aux 
buveurs  attablés  quel  prix  le  marchand  leur  avait 
fait,  et  de  crier  le  prix  indiqué  par  eux. 

Les  crieurs  criaient  deux  fois  par  jour,  sauf  le 
dimanche,  le  vendredi,  les  jours  de  fêtes,  et  «  le 
jour  que  li  Rois  ou  la  Roine  ou  leurs  enfanz 
meurent  ». 

Le  marchand  de  vin  devait  au  crieur  quatre 
deniers  par  jour.  C'était  également  ce  que  payait 
le  roi  quand  on  criait  son  vin. 

Les  taverniers  trouvaient  très  onéreuse  et  très 
vexatoire  l'ingérence  des  crieurs  dans  leurs 
affaires,  et  il  faut  convenir  qu'ils  n'avaient  pas 
tout  à  fait  tort.  Ils  se  plaignirent  au  roi  des 
importuiiités  dont  ils  étaient  l'objet  de  la  part 
de  la  ville  ;  mais  le  roi,  qui  touchait  réguliè- 
rement ses  320  livres-,  se  garda  bien  d'écouter 
leurs  doléances,  et  deux  arrêts,  l'un  de  1273, 
l'autre  de  1274  ^  ,  les  condamna  à  subir  et  à 
payer  comme  auparavant  la  présence  des  crieurs. 
Ils  n'échappèrent  à  cette  servitude  qu'en  1415. 
C'est  du  moins  ce  que  me  semblent  établir  les 
articles  1  et  10  du  chapitre  IX  de  l'ordonnance 
rendue  au  mois  de  février  de  celte  année,  el  qui 
reconstitua  la  corporation  des  crieurs.  Elle 
supprima  toute  distinction  entre  les  crieurs  :  les 
membres  de  la  corporation  sont  alors  chargés 
d'annoncer  les  vins,  les  huiles,  les  oignons,  les 
pois,  les  fèves,  les  réunions  de  confrérie,  les 
décès,  les  objets  perdus,  les  enfants,  mules, 
chevaux  disparus,  «  et  toutes  autres  choses  qui 
appartiendront  à  crier  en  ladite  ville  ».        * 

Voy.  Crieurs  et  Fublicité. 

Grieuses  de  vieux  chapeaux.  Bien 
que  ce  métier  ne  se  rattachât  par  aucun  lien  à  la 
corporation  des  chapeliers  et  qu'il  ne  fût  point 
constitué  en  communauté,  il  avait  une  organi- 
sation régulière  et  reconnue  par  le  lieutenant 
général  de  police. 


<   Déguster. 

2  Voy.  ci-dessu.s,  p.  234. 

^  On  les   trouve  dans    Delamarre,  t.  III,  p.  761. 


2:38  GRIEUSES  DE  VIEUX  CHAPEAUX 

Ces  crieuses  se  partageaient   en   trois  caté- 

tite 


CROQUE-MORTS 


gories  : 

r  Les  crieuses  en  gros,  possédant  une  p 

)ir  la  récolle  faite 


jssédant  une 
boutique  et  achetant  chaque  soi 
par  les  crieuses  ordinaires. 

2»  Les  crieuses  ordinaires,  qui  parcouraient 
les  rues  en  criant  chapeaux  !  chapeaux  !  Elles 
revendaient  leur  butin  de  la  journée,  soit  aux 
crieuses  en  gros,  soit  aux  fripiers. 

30  Les  novices.  C'étaient  en  réalité  des 
apprenlies.  Moyennant  douze  ou  quinze  écus  une 
fois  pavés,  la  novice  accompagnait  une  crieuse  ; 
celle-ci  lui  apprenait  les  secrets  du  métier,  et 
toute  crieuse  suivie  d'une  novice  prenait  le  titre 
de  meneuse.  Cet  apprentissage  n'avait  d'ailleurs 
rien  d'obligatoire. 

Au  commencement  du  dix-huitième  siècle, 
les  crieuses  de  chapeaux  étaient  au  nombre  de 
l.OOUà  L200'. 

Crin  (Enjoliveurs  de).  Titre  que  prenaient 
les  maîtres  de  la  communauté  des  cordiers. 

CrincaiUiers.  Voj.  duincailliers. 

Griniers.  Titre  que  prenaient  la  coiporalion 
des  boi^st-liers  et  celle  des  cordiers.  Mais  les 
pivinit'rs  avaient  seulement  le  droit  de  préparer 
!<•  crin  destiné  à  leurs  sas  et  tamis. 

(Jii  trouvf  aussi  rraiguiers. 

\'oy.  Cordiers. 

Gristalliers.  \  oy.  Lapidaires. 

Grocheteurs.  Gagne-deniers  qui  portaient, 
^ur  des  crochets,  toute  espèce  de  fardeaux.  La 
Taille  Je  1292  en  cite  42,  sous  le  nom  de 
porteeurs.  Une  ordonnance  du  3  août  1527  leur 
défendit  de  se  constituer  en  confrérie,  mais  ils  ne 
.s'«'ii  placèrent  pas  moins  sous  le  patronage  de 
saint  (Ihrisloplie.  Jusqu'au  début  du  règne  de 
Louis  XI V,  jusqu'à  la  création  des  offices 
(ri'inljallciirs.  les  crocheleurs  faisaient  tous  les 
fiiiballages  des  négociants. 

Au  seizième  siècle,  on  désignait  sous  le  nom 
iVanges  de  la  Grève  les  crocheleurs  attachés  au 
port  de  la  Cîrève,  c'était  une  allusion  à  leurs 
crochets,  qui  simulaient  des  ailes  sur  leur  dos. 
Diiiis  son  Eugène,  joué  eu  1552,  Jodelle  fait 
parler  ainsi  deux  [jt-rsonnages  : 

l''l.UHlMONI). 

l^aquais,  trouve  des  crocheleurs. 

l'iKHHK. 

J'y  vais,  monsieur;  et  quant  ii  iiix, 
11»  Vwli-mnl  Lien  losl  icy. 
N'vnl-ili»  {108  (tes  ai-sles  aus.sy  2. 

•Séhnslieii  Mercier  écrivail  vers  1782  «  Les 
crocheleurs  omuiéniigenl  ou  déinéiiagenl  nos 
meubles,  porlciil  les  fardeaux  du  commerce... 
Votis  les  appelez,  ils  sont  ù  vous  avec  leurs 
crochets  ;  appuyés  sur  des  bornes,  ils  attendent 


■   .-^van.  i/iciionnaire,  l.  1,  j)     loi  t. 
'  Acte  In,   scène   3.    l)an.s    Winrien    Ihràtre  frmiçais 
t.  IV,  p.  56.  ' 


qu'on  leur  donne  de  l'emploi  ^  ».  Leurs  femmes 
portaient,  comme  eux,  de  très  lourdes  charges, 
et  comme  eux  aussi,  étaient  souvent  en  état 
d'ivresse  ^. 

Les  crocheleurs  ont  été  nommés  hreteleurs  à 
cause  des  deux  bretelles  qui  soutenaient  leurs 
crochets  ^  ;  faisniers,  faisnieurs,  faissels,  fais- 
siaux,  faissiers,  etc.  du  mot  faisse  qui  signifiait 
bande,  lien,  eic,  porte- faix,  porte-sac,  etc. 

Voy.  Gagne-deniers. 

Groisés.  Voy.  Quéreurs  de  pardons. 

Groix.  Voy.  Sainte-Croix. 

Groix  Semaine  de  la).  Voy.  Faneuse 
(Semaine). 

Groix  aourée  (Vendredi  de).  Dans  les 
statuts  des  métiers  et  dans  les  ordonnances  du 
moyen  âge,  ces  mots  désignent  toujours  le 
vendredi  saint.  «  Le  vendredi  de  croiz  aourée  * 
ne  crient  pas  crieurs  ^  ». 

Groque- morts.  Employés  des  pompes 
funèbres,  chargés  d'ensevelir  les  corps  et  de  les 
déposer  dans  la  fosse.  Ils  paraissent  avoir  porté 
d'aliord  le  nom  de  faisneurs  ou  faisniers.,  car  on 
lit  dans  une  lettre  de  rémission  citée  parDucange 
et  datée  de  1415  :  «  Pour  garder  icelui  corps 
mort  ont  été  commis  certains  faisniers  et  gar- 
diens "  ».  Ducange  oublie  de  rappeler  que  les 
mots  faisneurs,  faisniers,  etc.  ont  aussi  désigné 
tout  simplement  des  crocheteurs,  des  portefaix. 

Au  début  du  dix-septième  siècle,  les  porteurs 
de  morts  sont  devenus  des  corbeaux,  «  Il  fallut, 
pour  l'enterrer,  envoyer  quérir  des  corbeaux  de 
Paris  »,  écrit  Lestoile  en  septembre  1606.  Mais, 
quelques  années  après.  Sauvai  raconte  que, 
durant  une  épidémie,  on  proposa  d'aller  ense- 
velir les  morts  dans  l'île  Maquerelle  '',  et  il 
ajoute  :  «  On  craignit  que  les  croque-morts  ne 
les  jetassent  dans  la  rivière,  pour  avoir  plustôt 
fait  8  ». 

La  tempérance  n'était  pas  la  vertu  du  croque- 
morls.  Prudhomme  en  1807  le  dépeint  ainsi  : 
«  Cet  homme  est  toujours  en  habit  noir.  Il  a 
une  figure  bourgeonnée  et  enluminée  ;  l'on 
pourrait  dire  que  c'est  une  futaille  organisée,  et 
chaque  bouton  de  son  visage  est  un  cep  de 
vigne  ^  ». 

Le  corbillard  a-t-il  tiré  son  nom  des  corbeaux 
qui  l'escortaient V  J'en  doute.  Ce  mot  désigna 
d'abord  un  bateau  faisant  le  service  entre  Paris 
et  Corbeil,  et  que  le  Dictionnaire  de  Trévoux  ^^ 
définit  en  ces  termes  :  «  Coche  d'eau  qui  mène 


'   Tableau  de  Paris,  t.  IV,  p.  29. 

2  Ttiblettii  (le  ParU,  t.  II,  p.   19. 

3  Voy.  ci-dessus  l'art.  Bretelles  (Fabricants  de). 
'  Adorée. 

t»  Livre  des  métiers,  titre  V,  art.  12. 
*>  Voy.  (ilossaire,  au  mot  Faistiator. 
'   Devenue  île  des  Cygnes  et  réunie  à  la  rive  irauche 
de  la  Seine  v.'rs  1790. 

"  Iterherches  sur  Paris,  t.  I,  p.  100. 
'••  Miroir  de  Paris,  t.  III,  p.  180. 
1"  Édition  de  m?. 


CROQUE-MORTS  —  CUIRS  ET  PEAUX 


239 


à  Corbeil,  petite  ville  à  sept  lieues  de  Paris.  On 
donne  aussi  ce  nom  chez  les  princes  aux  grands 
carrosses  destinés  à  vniturer  les  g'ens  de  leur 
suite  ^  ». 

Ce  qu'il  V  a  de  sur,  c'est  que  le  corbillard 
destiné  aux  enterrements  était  l'œuvre  des 
selliers-carrossiers.  L'article  18  de  leurs  statuts 
de  septembre  1678  leur  reconnaît  le  droit  de 
<.(.  faire  chariots  de  pompes  funèbres,  faire  et 
fournir  la  o-raudc  couverture  pendante  »,  etc. 

Voy.  Carcueils  (Commerce  des). 

Grosetiers.  La  Taii/e  de  1292  cite  deux 
crosetiers  qui,  suivant  Géraud,  eussent  été  des 
fabricants  de  cannes  à  bec  recourbé  ^.  Il  croit 
que  ce  nom  vient  du  bas  latin  crocei,  crocciœ, 
termes  auxquels  il  attribue  un  sens  analogue. 
Godefroy  ne  combat  pas  cette  interprétation  ^. 

Les  évéques.  les  abbés  porte-crosse  étaient  dits 
croceniers. 

Grovixiers.  Voy.  Cordonniers. 

Cryptographes.  L'art  de  déchiffrer  les 
écritures  secrètes  a  eu  peu  d'adeptes.  Le  plus 
célèbre  des  cryptographes  modernes  est  Antoine 
Rossig-nol,  qui  fut  employé  et  comblé  de  biens 
par  Richelieu  et  par  Mazarin.  Tous  deux  s'effor- 
cèrent de  faire  croire  qu'il  ne  pouvait  exister 
aucune  écriture  chiffrée  qui  ne  fut  dévoilée  par 
Rossignol.  11  devint  conseiller  d'Etat  et  maître 
des  comptes.  Louis  XIV  lui  fit  l'honneur  d'aller 
le  voir  dans  la  belle  maison  qu'il  possédait  à 
Juvisy  *. 

Grystalliers.  Voy.  Lapidaires. 

Gubiculaires.  Chambellans  et  aussi  valets 
de  chambre. 

Guellleurs  d'herbes.  Voy.  Herbo- 
ristes. 

Gueilleurs  de  tonlieu.  Voy.  Ton- 
lieurs. 

Gullleristes.  Nom  que  prenaient  les 
orfèvres  qui  avaient  adopté  la  spécialité  des 
couverts  de  table. 

On  trouve  aussi  culleriers. 

Guir  (Caleçonniers,  parfumeurs  et  tein- 
turiers en).  Titres  qui  appartenaient  à  la  corpo- 
ration des  peaussiers. 

Guiraciers.  Faiseurs  de  cuirasses  (quator- 
zième siècle). 

Voy.  Équipement  militaire. 

Guir  bouilli.  (Fabricants  de).  Au  moyen 
âge,  le  cuir  bouilli  était  presque  exclusivement 
employé   par    les   gainiers ,    que   le    Livre  des 


1  Tonif  II,  p.  907. 
-  Paris  sous  Philippe- le- Bel.  p.  504. 
•^  DictioHiinirc  rie  l'ancien  langage  français,  i.  II,  p.  385. 
i  Tallemant  dos  Kéaux,  Historiettes,  t.  II,  p.  32  et  93. 
-  Boisrobert,  Épttres,  édit.  de  164T,  p.  44  et  150. 


métiers  ^  uduiuK»  ijainiers-ftmrreliers-onvriers  de 
cuir  houli.  Ils  n'avaient  d'ailleuis  le  droit  d'uti- 
liser que  la  vache,  le  bœuf,  le  cheval  et  l'àne. 

Les  statuts  du  mois  de  septembre  1560  - 
contiennent  ù  ce  sujet  d'assez  curieu.ses  prescrip- 
tions. Ainsi,  les  bouteilles  de  cuir  devaient  être 
soit  en  vache,  soit  en  bœuf,  «  bouUuës  de  cire 
neuve  et  cousues  de  deux  coutures  ».  Le  cuir 
neuf  pouvait  seul  être  employé  ;  la  colle  devait 
«  être  bonne,  non  puante,  ny  faite  de  rogneures 
de  cuir  ».  Les  statuts  veulent  encore  que  l'on 
recouvre  en  veau  les  «  coffres,  cassettes, 
boiiettes  ^,  escriloires,  e.stuis  à  barbier,  de  clii- 
rurgien,  de  lancettes,  gallemars  autrement  dits 
escriloires  qu'on  porte  coustumièrement  à  la 
ceinture,  estuis  de  cuillèn^s  et  de  seringues  », 
etc.,  etc. 

Guireres,  Guireurs,  Guirieres  et 
Guiriers  de  selles.  Voy.  Blasonniers. 

Guiriers.  Marchands  de  cuir.  Voy.  Cuirs 
et  peaux. 

Guirs  (Marchands  de).  La  Taille  de  1292 
cite  trois  cuiriers  et  qidriers,  que  l'éditeur  croit 
avoir  été  des  marchands  de  cuir. 

On  nommait  : 

Cuir  d^ahatis,  les  peaux  d'animaux  encore 
couvertes  de  leur  poil,  et  telles  que  les  bouchers 
les  avaient  arrachées  de  la  bête. 

Cuir  erapraint,  celui  qui  avait  été  martelé, 
marqueté.  On  disait,  par  opposition,  totU  flain. 
Ainsi  un  volume  pouvait  être  relié  soit  en  cuir 
empraint,  soit  en  cuir  tout  plain. 

Cuir  de  lion,  celui  qui  provenait  de  ce  félin. 
On  trouve  une  «  courroye  de  cuir  de  lion  »,  dans 
l'inventaire  des  meubles  de  Charles  V  *. 

Cuir  de  poule,  de  chevrotin  ou  de  canepin, 
l'épiderme  de  la  peau  de  chevreau.  Il  s'employait 
surtout  dans  la  fabrication  des  gants,  et  ceux  que 
l'on  obtenait  ainsi  étaient  d'une  telle  finesse  que 
la  paire  pouvait  tenir  dans  une  coquille  de  noix. 

Voy.  Cuirs  et  peaux. 

Guirs  et  peaux.  De  très  bonne  heure,  nos 
rois  s'étaient  des.saisis  de  leurs  droits  sur  certains 
métiers  en  faveur  de  leurs  grands  officiers  ou 
même  de  simples  particuliers.  Presque  toutes  les 
corporations  vouées  au  travail  du  cuir  étaient  au 
nombre  de  celles  dont  le  roi  avait  aliéné  tout  ou 
partie  des  revenus. 

Les  bourreliers,  les  chapuiseurs,  les  gantiers, 
\&^  pelletiers  dépendaient  du  grand  ghambrier 

ROYAL. 

Les  ceinturiers,  les  cordonniers  et  les  saveton- 
niers  dépendaient  du  grand  ghambrier  et  du 
grand  chambellan. 


1  Titre  LXV. 

2  Dans  Fontanon,  Édits  et  ordonnances    royaux,    t.    I, 
p. 1134. 

3  Boîtes. 

*  Numéro  787  de  l'inventaire  putjlié  par  M.  Labarte. 
Il  ne  faut  pas  lire  de  Lyon. 


240 


CUIRS  ET  PEAUX  -  CUISINE  ROYALE 


Les  selliers  dépendaient  à  la  fois  du  grand 

CHAMBRIER,  du  GRAND  CHAMBELLAN  et  du  CON- 
NÉTABLE. 

he?,  savetiers  dépendaient  des  grands  écuyers. 

Les  boursiers  dépendaient  du  grand  chambrier 
et  d'une  famille  qui,  sans  doute,  avait  acheté  ce 
privilège. 

Les  banfhoyeurs.  les  mégissiers,  les  sueurs  et 
les  tanneurs  dépendaient  de  la  même  famille. 

Un  seul  acte  relatif  à  ces  concessions  nous  a 
été  conservé,  c'est  précisément  celui  qui  concerne 
celte  dernière  dépendance.  On  le  trouvera  à 
l'article  Maître  (les  suetirs. 

L'étal  des  cuirs  et  peaux  était  l'objet  d'examens 
niinnlienx  dont  les  communautés  cherchèrent 
toujours  à  s'atïranchir  et  dont  la  royauté  chercha 
toujours  à  tirer  profit.  De  là,  la  création  d'une 
foule  de  charges,  toutes  vendues  par  le  Trésor, 
c'étaient  des  contrôleurs,  des  visiteurs,  des  mar- 
queurs, des  tendeurs,  des  déchargeurs,  des  lotis- 
seurs,  tous  officiers  dont  l'intervention  augmen- 
tait le  prix  des  cuirs  et  entravaient  la  vente.  Ils 
furent  supprimés  par  édit  du  mois  d'août  1759, 
qui  établit  sur  les  peaux  un  impôt  unique,  dit 
mur  que  des  cuirs. 

\'ov.    Baudroyeurs.   —   Blasonniers. 

—  Bourreliers.  Boursiers.  —  Bou- 
teillers.       Ceinturiers. —  Chagriniers. 

Chamoiseurs.  —  Chapuiseurs.  — 
Contrôleurs.  —  Cordonniers.  —  Cor- 
roiers.  —    Corroyeurs.  —  Crépisseurs. 

—  Cuir  (Marchands  de).  —  Cuir  bouilli 
(Fabricants  de).  —  Déchargeurs.  — 
Doreurs  sur  cuir.  —  Fourreurs.  — 
Gainiers.  —  Gantiers. — ^  Hongroyeurs. 

Lormiers.  —  Lotisseurs.  —  Maître 
des  sueurs. —  Maroquiniers.  —  Mégis- 
siers.      Peaussiers.  —  Féaux  de  lapin. 

—  Relieurs.  Savetiers.  —  Saveton- 
niers.  Selliers.  —  Sueurs.  —  Tan- 
neurs. Teinturiers.   —   Tassetiers. 

—  Vendeurs. 

Guiseniers,  Nom  sous  lequel  le  Livre  des 
nir'tiers  '  désigne  les  cuisiniers. 

Guiseurs.  Dans  les  briqueteries,  ouvriers 
(|ui  ilirigaifiit  le  feu  d'un  fourneau  ^.  Ils  a|)par- 
leiiait'iil  il  l'érpiipe  des  briqueteurs. 

Guiseurs  de  tripes.  Voy.  Tripiers. 

Guisine  royale  (Personnel  de  la).  Les 
gen^  de  service  chargés  de  préparer  les  repas  du 
souverain  constituaient,  dès  le  treizième  siècle, 

un  personnel  très  nbreux.   11  se  divisait  en 

(|untre  départements  :  La  paneterie,  Véchanson- 
Hcrie,  In  rw«'.ïj"«<.' propr.-uieiil  dite  et  la  fruiterie, 
classes  bien  distinct.-s  dont  les  attributions  furent 
d.'tJMies  pur  un  gnmd  nombre  d'ordonnances. 
\m  plus  ancienne  que  l'on  connaisse  date  do  1261; 
.'lie  n  été  [.idjliée  par  Ducange  dans  ses  notes  sur 
.loinville    et    complétée    par   M.    Douët-d'Arc(i, 


•  Tur»-  LXIX 

»  KHcyclopfHif  mrlhodiquc.  arts  et  niéliers,  t.  1,  p.  313. 


d'après  plusieurs  manuscrits  ^ .  Mais  elle  présente 
encore  plus  de  lacunes  que  celle  qui  fut  rendue 
en  1285,  dernière  année  du  règne  de  Philippe 
le  Hardi.  Nous  j  voyons  que  Yhostel  du  roi  était 
alors  composé  ainsi  ^  : 

Paneterie. 
2  panetiers. 

2  sommeliers. 

3  porte-chappes. 
1  oubloier^. 

1  pastour  3. 

1  charretier. 

Eghansonnerie. 

4  écha usons. 

2  barilliers. 
2  bouteillers. 
1  potier. 

1  clerc  de  l'échansonnerie  *. 

Cuisine. 

1  premier  keu  ^. 
4  keus. 

4  aides  de  cuisine. 
4  hâteurs  ". 
4  pages. 

2  souffleurs. 

4  enfants  de  cuisine  "' . 

3  sauciers. 

1  garde-manger. 

2  sommeliers. 

1  poulailler. 

2  huissiers. 

Fruiterie. 
1  fruitier. 

3  valets  fruitiers  8. 

Au  commencement  du  règne  de  Charles  VI, 
le  service  du  roi  avait  été  déjà  très  augmenté.  Il 
comprenait  : 

Paneterie. 

1  premier  panetier. 

6  panetiers. 

1  premier  varlet  tranchant. 

5  varlets  tranchants. 
3  clercs. 

3  sommeliers. 

3  porte-chappes. 

5  aides  ou  varlets  de  nappes. 

1  oubloier. 

1  baschouer. 

1  lavendier". 

Eghansonnerie. 
1  premier  échanson. 
8  échansons. 


'  Vov.  C.omplfs  (le  l'iiolel  îles  /vis  -île  France,  1805, 
iii-H". 

■^  l''uis('ui's  d'oubliés. 

•'   l''aiseurs  de  pâtés. 

*  (Jliarjfé  d'écrin-  la  dépense  pI  <if  ti^iiir   If^s    comptes. 

•''  Ou  cuisinier. 

t>  Kôli.sseurs. 

"  Marmitons,  dits  aussi  galopins. 

S  Ordenaiice  de  l'hostel  le  Roy  et  lu  Reyne,  dans  Leber, 
Pièces  relatives  à  l'histoire  de  France,  t.  XIX,  p.  11- 

9  lilanchisseur. 


CUISINE  ROYALE 


241 


4  clercs. 

7  sommeliers. 
3  harilliers. 

8  o;arde-huche. 

10  aides. 

1  huissier. 
1  voiturier. 

Cuisine. 

11  écujers  de  cuisine. 

1  premier  queu  * . 

5  queux. 
3  cleics. 

3  aides. 

7  hàteurs. 

4  potagiers. 

5  souffleurs. 

2  bûchers. 

6  enfants  de  cuisine. 
2  huissiers. 

1  brojeur  au  mortier. 
4  porteurs  d'eau. 
1  poissonnier. 

1  furretier"^. 

7  varie t s  servants. 

2  sausseurs  3. 

4  varlets  de  sausserie. 

2  varlets  de  chaudière. 
1  voiturier. 

l  recueilleur  d'escuelles. 
1  garde  de  sausserie. 

Fruiterie. 
1  premier  fruitier. 

5  fruitiers. 

3  clercs. 

3  sommeliers. 
1  chauffe-cire. 
1  garde  de  fruits. 

Pour  trouver  dans  ce  service  des  modifications 
valant  la  peine  d'être  signalées,  il  faut  arriver  au 
règne  de  Louis  XIV.  A  cette  époque  les  officiers 
dits  de  la  bouche  du  roi  sont  divisés  en  sept  offices  : 

1°  Le  gobelet. 

2°  La  cuisine-bouche  *. 

3°  La  paneterie-commun. 

4°  L'échansonnerie-commun. 

5°  La  cuisine-commun. 

6"  La  fruiterie. 

7"  La  fourrière. 

Les  grands  officiers  placés  à  la  tête  de  ces  sept 
offices  étaient  : 

Le  premier  maître  d'hôtel. 

Le  maître  d'hôtel  ordinaire. 

Les  douze  maîtres  d'hôtel  servant  par  quartier. 

Le  grand  panetier. 

Le  grand  échanson. 

Le  grand  écujer  tranchant. 

Les  trente-six  gentilshommes  servants. 


1  Cuisinier. 

2  Qui  peut-être  faisait  la  clias.se  aux  lapins  avec   un 
furet. 

"*  Ou  sauciers. 

'*  Pour  la  nourriture  du  roi  seulement ■ 


Le  maître  de  la  chambre  aux  deniers. 
Les  deux  contrôleurs  généraux. 
Les  seize  contrôleurs  d'office. 
Le  contrôleur  ordinaire  de  la  bouche. 

Le  personnel  placé  sous  leurs  ordres  comprenait 
dans  chacun  des  sept  offices,  savoir  : 

I.  Le  (jObelet. 

11  se  partageait  entre  la  panelerie-ùouche  et 
Y  échansonnerie-bouche. 

Paneterie-bouche. 
l  cltef  oi'd inaire. 
12  chefs  ou  sommeliers. 
4  aides. 
l  garde-vaisselle. 

3  sommiers. 
1  lavandier. 

EchansonNerie-bouche. 
l  chef  ordinaire. 
12  chefs. 

1  aide  ordinaire. 

4  sommiers. 

4  coureurs  de  vin. 

2  conducteurs  de  la  haqucnée. 

Garçons  divers,  dont  le  nombre  fut  variable. 

II.   Clisine-bouche. 
10  écujers. 
4  maîtres  queux. 
4  hàteurs. 
4  potagiers. 
4  pâtissiers. 

3  galopins. 

4  porteurs. 

4  gardes- vaisselle. 

2  huissiers. 

2  sommiers  du  garde-manger. 

1  sommier  de  chasse. 

2  sommiers  des  broches. 
2  avertisseurs. 

4  porte-fauteuil  et  porte-table. 
6  serdeaux. 
4  lavandiers. 

III.  Paneterie-gommlk. 

13  chefs. 
6  sommiers. 
2  lavandiers. 
2  garçons. 
1  délivreur. 

IV.  Échansonnerie-gommun 

20  chefs. 
12  aides. 

1  maître  des  caves. 

4  sommiers  de  bouteilles. 

2  sommiers  de  vaisselle. 
I  garçon  délivreur. 

...  garçons. 

V.  Cuisine-commun 
12  écuyers. 

8  maîtres  queux. 
12  hàteurs. 

8  potagiers. 


16 


242 


CUISINE  ROYALE  -  CUISINIERS 


4  pâtissiers. 
12  enfants  de  cuisine. 
12  porteurs. 

2  verduriers. 

2  gardes- vaisselle. 

8  huissiers. 

:i  sommiers  du  g-arde-manger. 
4  sommiers  des  broches. 
2  falotiers. 

4  lavandiers. 
l  poêlier. 

9  garçons. 

4  lournebroches. 

YI.  Fruiterie. 

1  chef  ordinaire. 
1 2  chefs. 
12  aides. 

1  aide  pour  les  fruits  de  Provence. 

1  palmier. 

4  sommiers. 

VII.  Fourrière. 
20  chefs. 
15  aides. 
I  délivreur  de  bois. 

1  porteur  de  bois. 

5  garçons  d'office. 

2  porte-table. 

1  menuisier. 

2  porte-chaise  d'affaire. 

\]||.    Iliiilicme    office    dit    Cuisine   du   Petit 
COMMUN,  créé  en  1664  et  augmenté  en  1667. 

1  boulanger. 

1  marchand  île  vin. 

2  marchands  de  linge. 

1  potier  d'étain. 

2  balayeurs. 

2  maîtres  d'hôtel. 
4  écuyers. 
2  aides. 

1  porteur. 
:{  garçons. 

2  faiseurs  d'eau. 
2  sonnneliçrs. 

2  gardos-vaisselle. 
I  lidutcillfr. 
1  délivrrur  déglace  '. 
Sioil  en  tout  500  officiers  environ. 
Tous  ces  ofliciers  .servaient  l'épée  au  côté.  Tous 
ont  un  article  spécial  dans  ce  dictionnaire. 

Cuisinières.  Suivant  .\udigcr,  qui  écrivait 
vers  ir)'.>2.  il  n'v  aviiit  alors  de  cuisinières  que 
dan-  Ifs  nu-nages  (-ondamnés  à  l'économie, 
-••ignrup,  île  fortiine  médincre  «  gens  d'aiîaires, 
lionrgiMiis  fl  niitri's  >,  maîtres  qui  exigeaient 
ilVIlrs  do  multiples  aptitudes:  «  Il  faut,  dit-il, 
que  la  cuisinière  sache  faire  une  bonne  soupe, 
déguiser  »  toutes  sortes  de  viandes  pour  les 
jour»  ninigre-s,  en  faire  des  rngoiUs,  ainsi  que  du 


•  Voy.  L.  Trâbouillrt,  Élaf  de  la  France  pour  17 /i\ 
t.  I,  p.  57  i»!  9uiv. 

'  ApprWer  de  ditersog  manières. 


poisson  et  des  œufs,  et  toutes  sortes  de  légumes 
pour  les  autres  jours  ;  comme  aussi  ne  pas 
ignorer  la  manière  de  faire  quelques  compotes  et 
quelques  autres  bagatelles  pour  le  dessert.  Il  est 
encore  de  son  devoir  de  balajer  la  montée  ^  et  la 
salle  à  manger,  de  tenir  le  tout  bien  propre,  et 
de  tâcher  surtout  à  faire  le  profit  de  la  maison  ^  ». 

Guère  plus  de  soixante  ans  après  Audiger,  qui 
avait  été  chef  d'office  dans  d'opulentes  maisons, 
l'historien  Duclos  écrivait  :  «  Si  les  gens  d'il  j 
a  soixante  ans  revenoient,  ils  ne  reconnoîtroient 
pas  Paris  à  l'égard  de  la  table,  des  habits,  des 
mœurs.  Il  n'y  avoit  de  cuisiniers  que  dans  les 
maisons  de  la  première  classe  ;  plus  de  la  moitié 
de  la  magistrature  ne  se  servoit  que  de  cuisi- 
nières ^  ». 

On  peut  affirmer  que  les  comptes  de  ces 
cuisinières  étaient  parfois  embrouillés,  et  que 
plus  d'une  s'efforçait  de  faire  danser  l'anse  du 
panier  ou  de  ferrer  la  mule,  deux  expressions 
fort  en  vogue  pour  désigner  les  déloyaux  profits 
des  servantes.  Dans  les  grandes  maisons,  elles 
comptaient  avec  le  maître  d'hôtel  ou  avec  un 
laquais  lettré,  ce  qui  ne  rendait  pas  les  additions 
plus  exactes.  Il  faut  dire  aussi  que  les  cuisinières 
recevaient  de  fort  mauvais  conseils,  même  des 
poètes.  Lisez: 

Co  n'est  pas  oncor  tout.  Kcvenant  du  marché, 

Ayez  toujours  un  air  inquiet  et  fàctié. 

Accoutumez-vous  bien  à  faire  la  pleureuse. 

Ah!  mon  Dieu!  direz-vous,  que  je  suis  malheureuse  ! 

Depuis  cinq  ou  six  jours  (vrai  comme  Dieu  m'entend) 

.l'ai  pour  le  moins  perdu  cent  fois  de  mon  argent. 

II  faut  qu'en  calculant  madame  se  mécompte 

Ou  qu'au  marché  l'on  manque  à  me  rendre  mon  compte. 

Accompagnant  ces  mots  d'une  exclamation, 

Chacun  de  votre  sort  aura  compassion  ; 

Et  le  laquais  chargé  d'écrire  la  dépense, 

Pourvu  qu'il  ait  de  vous  la  moindre  récompense, 

Et  qu'en  l'art  de  compter  un  maître  l'att  instruit. 

Daignera  par  bonté  d'un  zéro  faire  un  huit  *. 

Voy.  Cordon  bleu  et  Mule  (Ferrer  la). 

Cuisiniers.  Nos  traiteurs,  nos  restaurateurs 
ont  pour  ancêtre  la  corporation  des  cuisiniers- 
oi/ers  ou  oiers,  coquinarn,  dit  Jean  de  Garlande  ^. 
Ils  préparaient  et  vendaient  des  viandes,  soit 
bouillies  soit  rôties,  provenant  de  bœufs,  de 
veaux,  de  moutons,  de  porcs,  d'agneaux,  de 
chevreaux,  de  pigeons,  de  chapons  et  surtout 
d'oies,  volaille  dont  les  Parisiens  se  montraient 
alors  particulièrement  friands.  Je  relève  un  fait 
iidéressant  dans  les  statuts  que  les  cuisiniers 
soumirent,  vers  1268,  à  l'homologation  du  prévôt 
Etienne  Roileau.  La  ccmimunauté  avait  alors  une 
caisse  de  secours.  On  prélevait  sur  les  amendes 
professionnelles  un  tiers,  dont  le  produit  servait 
à  sotUenir  les  vieillards  que  leurs  infirmités  ou 
de  mauvaises  affaires  avaient  réduits  à  l'indi- 
gence :  «  Le  tiers  des  amendes  soit  pour 
soustenir  les  povres  vielles  gens  dudit  mestier. 


'   L'escalier. 

'   /.«  maison  ret/lee,  liv.  III,  chap.  3. 

••  Mémoires  sur  .sa  vie.  En  tête  de  ses  Œuvres,  édit. 
de  1820,  t.  I,  p.  LXi. 

i  La  maitôto  des  cuisinières.  Dans  Éd.  Fournier, 
Variétés  littéraires,  t.  V,  p.  248. 

S  Dictionarius,  p.  26. 


CUISINIERS  —  CUUK-RETRÂITS 


243 


I 


qui  seront  decheuz  par  fait  de  marchandise  ou 
di  viellesse  *  ». 

La  Taille  de  1292  cite  21  cidsiniers  et  3  oiers. 
On  y  trouve  aussi  23  qiieus,  qui  représenlonl  des 
cuisiniers  attachés  à  des  couvents  où  à  (h^s  ij,-rainh's 
maisons,  et  qui  peut-être  étaient  indépenchinls 
de  la  corporation.  Je  citerai  eidre  autres  : 

Jaques,  queu  du  roi. 

Jehan  Porchier,  queu  de  la  reine  Marguerite  -. 

Gervese,  queu  du  comte  d'Artois. 

Pierre,  queu  du  comte  de  Pontliieu. 

Robert,  queu  de  l'ahbaye  Saint-Cîermain  des 
Pivs. 

Thomas  l'Kscol,  queu  de  l'abbaye  de  Saint- 
Victor  3. 

D'après  la  Taille  de  1300,  Jeanne  de  Navarre, 
femme  de  Philippe  le  Bel,  avait  pour  queu  Henry 
Becaire  *. 

Le  maître  queu  du  voi[magistercoqims,pr inceps 
coquoriim)  jouissait  de  quelques  curieux  privi- 
lèges. Ainsi,  les  jurés  des  poissonniers  fixaient  la 
valeur  du  poisson  prélevé,  en  vertu  du  droit  de 
prise  ^,  pour  l'usag'e  de  la  maison  royale.  Mais 
le  premier  queu,  chargé  d'en  faire  choix  au 
marché,  nommait  lui-même  ces  jurés,  et  ceux-ci 
prêtaient  entre  ses  mains  le  serment  de  «  bien  et 
ioaiaument  »  procédera  l'estimation  du  poisson, 
sans  favoriser  ni  le  roi  ni  les  marchands  ".  Le 
premier  cuisinier  avait  aussi  la  garde  de  l'étalon 
destiné  à  contrôler  les  filets  des  pêcheurs  de  l'eau 
du  roi,  et  il  devait  les  saisir  s'il  y  trouvait  des 
mailles  trop  étroites  "^ .  Depuis  Pâques  jusqu'à  la 
Saint-Remi  (!•"'  octobre),  il  fallait  qu'un  gros 
tournois  posé  à  plat  sur  chaque  maille  put 
aisément  passer  à  travers.  De  la  Saint-Remi  à 
Pâques,  on  ne  tolérait  plus  que  la  largeur  d'un 
gros  parasis  ^. 

Au  siècle  suivant,  la  communauté  des 
cuisiniers  se  partage  en  deux  branches  ;  l'une, 
conservant  les  statuts  primitifs,  prend  le  titre  de 
rôtisseurs  et  figure  sous  ce  nom  dans  l'ordon- 
nance des  Bannières  (1467)  ;  les  maîtres  de 
l'autre  s'institulent  charcutiers  et  reçoivent  de 
nouveaux  statuts  en  1476.  Ces  deux  métiers, 
très  aimés  du  petit  peuple,  poursuivent  modes- 
tement leur  carrière,  pendant  que  Henri  IV  crée, 
en  1599,  la  corporation  plus  relevée  des  queux- 
cuisiniers-porte-chuppes,  titre  auquel  elle  ajoute, 
en  1708,  celui  de  traiteurs. 

En  1736,  il  y  avait  à  la  cour,  pour  la  bouche 
du  roi,  quatre  maîtres  queux,  et  pour  les 
communs  huit  maîtres  queux  servant  par 
quartier  ^ . 

Voy.  Charcutiers.  —  G-ueux.  —  Rôtis- 
seurs. —  Traiteurs,  etc. 


1  Lirre  des  méfiers.  titre  LXIX. 

2  Veuve  de  saint  Ijouis. 

3  Pages  11,  26,  38,  130,  166,  174. 

4  Page  3. 

5  Voy.  l'art.  Prise  (Druit  de). 

6  Livre  des  méfiers,  titre  G. 

''  Livre  des  métiers,  titre  XCIX. 

8  Voy.  les  Ordonn.  royales,  t.  I,  p.  792,  et  Delamarre, 
Traité  de  la  police,  t.   III,  p.  296. 

9  État  de  la  France  pour  1736,  t.  1,  p.  203  et  216. 


Guitiers.  Voy.  Kôtissaurs. 
Gulleriers.  Voy.  Cuillsristes. 

Gulottiers.  Ils  appartenaient  à  la  corpo- 
raliDn  des  ijoiirsiers.  ils  employaient  les  peaux 
de  bouc,  de  chamois,  de  daim,  de  cerf,  d'âne, 
de  mouton,  etc.  Sous  Louis  XVI,  le  sieur 
R()])ert,  «  culottier  très  renommé  et  guêtrier 
ordinaire  du  Roi  »,  demeurait  rue  Daupliine  '. 

Guls-blancS.  Surnom  donné  aux  porte- 
balles. 

Gultilers  et  Gultiliers.  Voy.  Jardi- 
niers. 

Gultivateurs.  Gultiveurs.  Gulti- 
viers.  Voy.  Agronomes. 

Gure-dents  (Marchands  de).  Le  cure- 
oreille,  le  cure-dent  et  le  cure-ongle,  sont  très 
fréquemment  cités  dans  les  inventaires  des 
treizième  et  quatorzième  siècles,  le  premier  sous 
les  noms  de  escurète  et  de  curoreille,  le  second 
sous  ceux  de  fiirgoere,  de  fusequoir,  de  furgette, 
de  coiUelet,  de  coutel,  etc.  Le  cure-dent  portait 
parfois  à  l'une  de  ses  extrémités  un  cure-oreille, 
car  l'inventaire  du  roi  Charles  V  mentionne  «  ung 
petit  coutelet  d'or  à  façon  de  furgette  à  furgier 
dens  et  à  curer  oreilles,  pesant  quatre  esterlins  ^  » . 
Quand  le  comte  de  Foix  alla  visiter  dans  sa 
prison  son  fils  Gaston,  «  il  tenoit  un  petit  long 
coutel,  dont  il  appareilloit  ses  ongles  et 
nettoyoit  -^  ».  On  se  servait  aussi  du  gratte- 
langue,  appelé  au  siècle  suivant  petite  cuiller  à 
nectoyer  la  langue. 

Tous  ces  objets  se  vendaient  chez  les  merciers. 

Au  seizième  siècle,  l'emploi  du  métal  est 
condamné.  La  Framboisière ,  médecin  de 
Louis  XIII,  professe  que  «  les  cure-dents  doivent 
être  faits  de  lentisque,  de  myrte,  de  romarin  ou 
de  cyprès  '>■  ».  On  y  ajouta  plus  tard  le  bois  de 
rose  et  le  fenouil  qui,  dit  Furetière  ^,  ont  la 
propriété  de  «  donner  bonne  bouche  lorsqu'on 
les  mâche  ».  Tantôt  on  piquait  les  cure-dents  de 
fenouil  dans  des  fruits  confits  placés  sur  la  table 
à  portée  des  convives,  tantôt  on  leur  offrait  des 
branches  de  fenouil  chargées  de  cure-dents. 

Au  dix-huitième  siècle,  les  cure-dents  faisaient 
partie  du  commerce  des  palenôtriers-bouchon- 
niers.  En  1726,  les  statuts  de  ce  métier  autorisent 
les  maîtres  à  confectionner  des  «  volans  à 
jouer  »,  et  ils  ajoutent:  «  A  l'esgard  de  l'excé- 
dent de  plumes  qui  entrent  dans  la  confection 
des  volans,  pourront  en  faire  des  cure-dents,  si 
bon  leur  semble  ^  » . 

Gure-retraits  et  Gureurs  de  retraits. 
Voy.  Vidangeurs. 


t  Almanach  Dauphin. 

^  \oy.  J.  Laharte,  Inventaire  du  mobilier  de  Charles  V, 
n°  2. 82*8. 

3  Kruissart,  CJironique,  liv.  III,  cliap.  13,  édit. 
Buchon,  t.  II,  p.  403. 

i  I^e  pourtraict  de  la  santé,  p.  364. 

3  Dictionnaire  étymologique. 

6  Article  26. 


244 


CUREURS  D'ÉGOUTS  -  DAMASQUINEURS 


Cureurs  deg-outs.  Voj.  Égoutiers. 

Cureurs  de  piiits.  Au  seizième  siècle,  ils 
parcouraient  les  rues  en  offrant  leurs  services  : 

A  curer  le  puys 
C'est  peu  de  practique, 
La  gaigne  est  petite 
Plus  gaigner  ne  puis  1. 

Los  cureurs  de  puits,  dits  aussi  puUiers, 
appartenaient  à  la  corporation  des  vidangeurs, 
article  auquel  je  renvoie.  Mais  il  faut  bien  dire 
qu'une  foule  d'autres  corps  d'état  et  même  des 
soldaLs  leur  faisaient  concurrence. 

Curiosités  (Marchands  de).  Leur  métier 
iH-  paniit  friii^re  antérieur  au  dix-septième  siècle, 
et  à  ce  moment  ils  portent  le  nom  de  brocanteurs. 
Le  Livre  commode  pour  1692  les  range,  il  est 
vrai,  sous  la  rubrique  commerce  de  CHriositez  et 
de  hijouleries  -,  mais  l'abbé  Jaubert  en  1773, 
définii  ainsi  le  métier  :  «  Le  brocanteur  est  celui 
qui  fait  trafic  de  diverses  sortes  de  marchandises 
(le  hasard.  Ce  nom  convient  principalement  aux 
marchands  antiquaires,  qui  tiennent  magasin  de 
bronzes,  de  médailles,  de  statues,  de  porcelaines 
anciennes,  de  vases  antiques,  etc.  **  ».  Notez 
qu'il  fallait  déjà  redouter  les  contrefaçons,  et  se 
méfier  de  certains  brocantenrs  coutnmiers  d'une 
<s  iiwbislrie  qu'il  est  bien  important  de  connoître 
piiiir  n'en  point  être  la  dupe  *  ». 

Quelques  brocanteurs  ont  laissé  un  nom 
presque  célèbre  et  sont  souvent  cités  dans  les 
écrits  du  temps.  Je  citerai  seulement  Dautel  ou 
I)otel,  établi  quai  de  la  Mégisserie,  et  qui  est 
mentionné  piir  Regnard  et  par  Lesage  ;  Malafer, 
demeurant  quai  de  l'horloge,  qui  fut  mêlé  à  la 
fameuse  affaire  des  couplets  de  J.-B.   Rousseau  ; 


Quesnel,  rue  des  Bourdonnais  ;  Fagnany,  quai 
de  l'École,  etc.,  etc. 

L'ordonnance  du  26  juillet  1777  enjoignit  aux 
marchands  fripiers ,  tapissiers ,  brocanteurs , 
etc.  »,  d'avoir  un  registre  coté  et  paraphé  par  le 
commissaire  de  leur  quartier,  et  d'y  «  inscrire 
jour  par  jour,  de  suite  et  sans  aucun  blanc,  la 
quantité  et  la  qualité  des  marchandises  vieilles 
qu'ils  achèteront,  ensemble  les  nom  et  domicile 
des  vendeurs  ». 

Guvandières.  Voy.  Blanchisseurs. 

Cuve  Papetiers  travaillant  en).  Titre 
que  prenaient  les  cartonniers,  parce  que,  comme 
les  fabricants  de  papier,  ils  faisaient  pourrir  le 
chiffon  dans  des  cuves. 

Guveliêrs.  Ducange  les  nomme  cuparii 
et  cuperii.  Ils  fabriquaient  en  bois  les  «  cuves  à 
baigner  »  qui,  au  seizième  siècle  encore,  tenaient 
lieu  de  nos  baignoires  ;  ils  faisaient  aussi  les 
baquets  de  toute  espèce  et  les  tinettes  qui 
servaient  à  conserver  les  beurres  salés,  les 
beurres  fondus,  etc.  C'étaient  de  petits  tonnelets, 
munis  de  deux  oreillettes,  dans  lesquelles  passait 
un  bâton  qui  maintenait  le  couvercle.  On  en 
criait  dans  les  rues  de  Paris  ^.  Il  faut  certai- 
nement reconnaître  les  cuveliers  dans  les 
ôaqtietiers  que  cite  l'auteur  du  Calendrier  des 
confréries  -.  Ces  industriels  appartenaient  à  la 
corporation  des  tonneliers. 

Cuyttiers.  Voy.  Rôtisseurs. 

Cyrurg"iens.  Nom  que  le  Livre  des  métiers 
donne  aux  chirurgiens. 

Cythareurs.  Voy.  Cithareurs. 


D 


Damasquineurs.  C'est  de  l'Urieni,  de 
Damas  sfins  doute,  que  nous  est  venu  l'art  de 
dfinuisquiiier  li-s  métaux,  et  il  ne  semble  pas  qu'il 
ail  ele  (•«miiu  en  France  avant  le  seizième  siècle. 
Halielais  5  parle  d'  .<  un  gnulielet  de  lierre  bien 
précirux,  battu  d'or  à  la  (laniasquine  »,  el  je  n'ai 
pas  ronronlré  uno  plus  ;inrienne  nienlinn  de  ce 
jj^«'nre. 

^  Slfiizzi,     passionne    poiu-     les    belles   armes, 
s'elTorrn    avec   succès    d'introduire    à    Paris   les 


•  .\    Tnir|Uet,  Ltt  cfMt  el  srpi  ciis,  etc. 
'  Tome  I.  p.  2.36 

'  Oiffinminirf,  t     |,  p.  331». 

*  AlméuiarA  Doupkin  pour  1171. 
5  Panlajrtitl.  liv.  IV,  ch.  1. 


procédés  employés  par  les  artisans  milanais  ■*, 
et  en  août  1583,  Henri  III  donna  des  statuts 
aux  damasquineurs,  dit  M.  É.  Levassenr  qui 
en  fournit  le  texte  *.  Je  ne  crois  pourtant  pas 
qu'ils  aient  jamais  été  constitués  en  communauté 
régulière,  car  une  foule  de  corporations,  les 
doreurs,  les  couteliers,  les  armuriers,  les  four- 
bisseurs,  les  arquebusiers,  les  éperonniers,  etc., 
avaient  le  droit  de  damasquiner  leurs  ouvrages 
et  prenaient  officiellement  le  titre  de  damas- 
quineurs. 

'  A.  Truquet,  Les  cent  et  sept  cris,  etc.  (1545). 

-  .I-B.  Lemasson,  1621,  (p.  38). 

•♦  Voy.  Brantôme,  Œuvres,  t.  VI,  p.  70. 

*  Histoire  des  classes  ouvrières,  t.  II,  p.  143. 


DAMASQUINEUKS  —  DANSE 


245 


Beiivenulo  Gelliiii  fournit  à  François  P'  quel- 
ques pièces  admirables ,  mais  le  plus  habile 
artiste  en  ce  genre  qui  ait  existé  semble  avoir 
été  le  fourbisseui'  (Àusinel;  certaines  armes 
fabriquées  par  lui  sous  Henri  IV  sont  des  chefs- 
d'œuvre  de  luxe  et  de  goûl  '. 

Dame  du  lit  de  la  reine.  Char<>:e  créée 

le  2  avril  1673  en  faveur  d'une  dame  Diifresnoy. 
Celle-ci,  préposée  sans  doute  à  tout  ce  qui  con- 
cernait le  coucher  et  le  lever  de  Marie-Thérèse, 
prenait  ran<>  après  toutes  les  dames  de  la  reine  et 
avant  les  (i;'ouvernantes  des  enfants  de  France. 
Cette  charg'e  fut  supprimée  après  la  morl  île 
Marie-Thérèse  en  1683  -. 

Dames  de  compag-nie.  \'o_y.  Demoi- 
selles de  compagnie. 

Dangereux  (Sergents).  Voy.  Traver- 
siers. 

Danse  (Maîtres  de).  Mentionnons  d'abord, 
pour  mémoire,  que  la  Taille  de  1292  cite,  parmi 
les  plus  humbles  imposés  de  Paris,  un  baleetir 
qui  pourrait  bien  avoir  été  une  sorte  de  maître  de 
danse  ^.  Rappelons  aussi  que  la  première  fête  de 
cour  à  laquelle  on  puisse  donner  le  nom  de  bal 
eut  lieu  en  1385,  à  l'occasion  du  mariage  de 
Charles  VI  avec  Isabeau  de  Bavière. 

Passons  au  seizième  siècle.  D'Aubigné  *  et 
Tallemant  des  Réaux  ^  nous  ont  révélé  la  passion 
de  Sully  pour  la  danse  :  «  Tous  les  soirs,  la 
Roche  jouoit  sur  le  luth  des  danses  du  temps, 
et  M.  de  Sully  les  dansoil  tout  seul,  avec  je  ne 
sçay  quel  bonnet  extravagant  en  tête  ».  Il  est 
vrai  que  Sully  avait  à  peine  cinquante  ans 
quand  Henri  IV  fut  assassiné.  Nous  savons  encore 
par  Tallemant  qu'à  cette  époque,  ce  n'étaient 
pas  les  hommes  qui  invitaient  les  dames,  mais 
que  les  dames  choisissaient  elles-mêmes  leurs 
danseurs  ^. 

Louis  XIV  aima  fort  la  danse.  Il  avait  eu  pour 
maîtres  d'abord  Henry  Prévost  ',  puis  Charles 
de  la  Motte,  et  Louis  Lasseré  ^.  Les  maîtres  à 
danser,  alors  dits  baladins  ^,  appartenaient 
encore  à  la  communauté  des  joueurs  d'ins- 
truments ;  mais,  en  mars  1661  ,  fut  créée 
l'académie  de  danse,  composée,  disent  ses  pre- 
miers statuts,  des  «  treize  plus  anciens  et  plus 
expérimentez  maistres  à  danser,  et  plus  experts 
au  fait  de  la  danse  ».  Je  vois  cités  parmi  eux 
«  François  Galland,  sieur  du  Désert,  maistre 
ordinaire  de  la  reine,  et  Jean  Renaud,  maistre  à 
danser  de  Monsieur,  frère  du  Roy  ».  Une  tren- 
taine d'années  après,  les  professeurs  les  plus 
célèbres  étaient  MM.  de  Beauchamp,  maître  de' 
ballets  du  roi  ;  Raynal,  maître  des  enfants  de 


1  Voy.  Félibien,  Principes  d'architecture,  p.  455. 

2  Voy.  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  465. 

3  Page  486. 

4  Baron  de  Fœneste,  liv.  I,  ch.  21. 

5  Historiettes,  t.  I,  p.    115. 

6  Tome  V,  p.  353  et  365. 

"^  Estât  général  de  la  maison  du  Roy  (1657),  p.  115. 
8  .\.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  98  et  804. 
^  Voy.  ci-dessu.s  cet  article. 


France  ;  et  Pécourl,  maître  des  pages  di*  la 
chambre  ^ . 

Ces  artistes  en  vogue  allaient  donner  leurs 
leçons  accompagnés  d'un  serviteur  qui  portait  le 
violon  -.  lis  se  faisaient  payer  fort  cher. 
Regnard  n(His  l'apprend  dans  sa  farce  du 
Divorce,  jouée  au  théâtre  italien  en  1688: 
«  CoLOMBiNE.  Un  demi  louis  d'or  pour  une 
leçon  !  On  ne  donnoit  autrefois  aux  meilleurs 
maîtres  qu'un  écu  par  mois.  Arlequin.  11  est 
vrai  ;  mais  dans  ce  temps-là,  les  maîtres  à 
danser  n'étoient  pas  obligés  d'être  dorés  dessus 
et  dessous  comme  à  présent,  et  une  paire  de 
galoches  étoit  la  voilure  qui  les  menoil  par  toute 
la  ville  ».  Pourtant,  s'il  faut  en  croire  la  prin- 
cesse Palatine,  l'art  de  la  danse  était  alors  beau- 
coup moins  apprécié  qu'aux  beaux  jours  de 
la  jeunesse  de  Louis  XIV.  Elle  écrivait  le 
14  mai  1695  :  «  La  danse  est  maintenant  passée 
de  mode  partout.  Ici  en  France,  aussitôt  qu'on 
est  réuni,  on  ne  fait  rien  que  de  jouer  au  lans- 
quenet. Les  jeunes  gens  ne  veulent  plus  dan- 
ser ^  ».  Ceci  restait  vrai  vingt  ans  après,  car 
Nemeitz,  racontant  son  voyage  à  Paris  constatait 
que  r  «  on  voit  peu  de  François  qui  dansent  bien 
et  qui  ont  envie  d'apprendre  à  danser  ;  on  trouve 
dans  une  salle  de  danse  dix  étrangers  coidre  un 
François  ».  Ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'ajouter  : 
«  Tout  le  monde  apprend  aujourd'hui  à  danser 
un  menuet  ;  c'est  au  point  que,  même  les  com- 
pagnons cordonniers  et  tailleurs  prétendent  y 
exceller  *  ». 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  les  maîtres  les 
plus  recherchés  étaient  les  sieurs  : 

Chevalier,  rue  Saint-Honoré,  qui  tenait  chez, 
lui,  les  dimanches  et  fêtes,  des  «  assemblées 
bourgeoises  depuis  six  heures  du  soir  jusqu'à  dix. 
Prix  1  livre  10  sous  ». 

Vestris,  rue  Saint-Honoré,  «  un  des  premiers 
danseurs  de  l'Opéra  et  des  plus  célèbres  de 
l'Europe  pour  la  grâce  et  l'aplomb  ». 

Delaval,  rue  Basse-du-Rempart,  maître  à 
danser  des  enfants  de  France. 

Gardel,  rue  Villedo,  «  un  des  plus  célèbres 
danseurs  de  l'Europe  ». 

Lany,  rue  Saint-Louis  du  Louvre,  maître  de 
ballets  de  l'Opéra. 

Pitrot,  rue  Comtesse-d'Artois,  maître  de 
ballets  de  la  Comédie  italienne. 

Lyonnois,  rue  Montmartre.  «  Un  des  premiers 
danseurs  de  l'Opéra  pour  les  hautes  danses  et 
les  furies  ^  ». 

Baltazard,  rue  de  Cléry,  «  renommé  pour  le 
menuet  *•  ». 

Voy.  Instruments  (Joueurs  d')  et 
Musique. 


1  Livre  commode  pour  1692,  t.  I,  p.  256. 

2  Voy.  Bmeys  et  Palaprat,  Le  grondeur,  acte  II,  se.  23. 
•t  Nouvelles  lettres,  p.  2. 

i  .Séjour  de  Paris,  édit.  Pion,  p.  24  et  25. 
î>  On   nommait   ainsi   les   endroits   les   plus    vifs,  les 
plus  passionnés  dfs  ballets. 

6  Almanach  Dauphin  pour  1777. 


•246 


DANSEURS  DU  ROI  -  DÉCHARGEURS  DE  VIN 


Danseurs  du  roi  (Grands).  Louis  XV 
ontendant  sans  cesse  parler  du  théâtre  dirigé  par 
J.-B.  Nicûlet,  désira  assister  à  une  représen- 
tation. La  troupe  fut  mandée  à  Choisj  le  23  avril 
1772.  et  sut,  par  ses  tours  de  force  et  d'adresse, 
ses  danses  excentriques,  ses  exercices  sur  la 
corde,  ses  sauts  périlleux,  amuser  un  instant  le 
monarque  blasé.  Celui-ci,  en  retour,  autorise 
Nicolfl  à  s'intituler  directeur  du  théâtre  de- 
grands  danseurs  du  roi,  nom  auquel  succéda,  en 
17'.t2.  celui  de  théâtre  de  la  Gaîté. 

Dariolettes.  Voj.  Entremetteuses. 

Débacleurs.  Officiers  de  la  \ille.  Il: 
étaient  chargés  d'éloigner  les  bateaux  vides 
pour  niellre  à  leur  place  ceux  qui  étaient  à 
décharger  * .  «  Les  desbacleurs,  dit  l'ordonnance 
de  décembre  1672  -,  feront  ôter  incessamment 
des  ports  les  bateaux  vuides,  sans  prétendre 
autres  droits  que  ceux  à  eux  attribuez  ». 

On  les  trouve  aussi  nommés  Boule-à-por(, 
Maîtres  de  quai,  etc. 

Débardeurs.  Les  débardeurs  ou  déchar- 
geurs «'nlt'vaie-nt  les  marchandises  au  fur  et  è 
mesure  de  l'arrivée  des  bateaux  et  les  déposaient 
sur  le  port.  Ils  étaient  nommés  par  le  prévô! 
des  marchands,  entre  les  mains  de  qui  ilsjuraienl 
«  que  bien  fidèlement  et  loyalement  exerceront 
ledit  office,  qu'ils  n'exigeront  ne  prendront  plus 
grand  salaire  que  celuy  qui  sera  ordonné,  qu'ils 
garderont  les  ordonnances,  et  que  s'ils  sçavent 
cliose  qui  soit  au  préjudice  du  public,  ils  le 
feront  incontinent  sçavoir  aux  prevost  des 
mardiands  et  eschevins  ».  Ils  déchargeaient  toute 
es{)èce  de  marchandises,  sauf  les  boissons,  pour 
les(jMelles  les  dcchargeuTS  de  vin  avaient  un 
privilège. 

La  Taille  de  1292  cite  45  descharcheeurs. 
Leur  nombre,  fixé  à  57  par  l'ordonnance  de 
1415  varia  fréquemment  dans  la  suite. 

I^es  dér.har(jeurs  de  bateaux  et  de  tontes  sortes 
dr  mnrchanaisei  avaient  pour  patron  saint 
Clirislophe,  {[u'ils  fêlaient  le  25  juillet  à  la 
chapelle  de  l'Ave-Maria.  Les  dérhardeurs de  bois 
forniaieril,  en  ouirc.  une  (•,t)niV('rie  |)liicée  sous 
le  palroiiiige  de  saint  Nicolas. 

\'V.  Déchargeurs  de  bois  et  Ports 
(Sur  los). 

Dtl»;ii(l»Mirs  de  foin.  Voy.  Courtiers. 

DécharKeiirs.  \  ny.  Débardeurs. 

D(''chariL,^eurs  de  bois.  «  C'esi  un  travail 
decliirnnl  à  voir  (|ue  celui  qui  fait  soi  tir  des 
rives  boueuses  de  |ii  Seiue  tout  ce  bois  qu'on 
arniche,  qu'on  ««pare  el  qu'on  porte  à  dos 
d'homuies  dans  les  chanliers.  Les  travailleurs 
sont  nnds.  plongés  n  nn'-corps  dans  la  rivière. 
leur  front  est  Irenipé  de  sueur.  La  pâleur  de 
leur  visnjre  annonce  qu'ils  ne  résisteront  pas 
l.>riL'leinp!«  a  ce  labeur  pénible.  Leur  corps  est 


I   Dnlonnnnrr  df  frrrifr  t4l5.  rjinp    'A. 
'  Chop.   1\  ,  art.  lo. 


tout  défiguré  par  la  vase  fangeuse  qui  souille 
leurs  membres  et  semble  affaiblir  leurs  nerfs  ^  ». 

Ils  avaient  pour  patron  saint  Nicolas. 

Voy.  Débardeurs. 

Décharg"eurs  sous  corde.  Titre  que 

prenaient  les  emballeurs. 

Déchargeurs  de  cuirs.  Voy.  Ven- 
deurs. 

Décharg-eurs  de  poissons.  Auxiliaires 
des  vendeurs  de  poissons  de  mer,  ils  déchar- 
geaient les  paniers  apportés  par  les  chasse-marée. 

Voy.  Compteurs. 

Décharg-eurs  de  vin.  Ils  avaient  seuls  le 
droit  de  décharger  les  vins,  cidres  et  autres 
breuvages  qui  arrivaient  à  Paris,  tant  par  eau 
que  par  terre.  La  Taille  de  i.?P5  cite  seulement  un 
descharcheetir  de  vin,  celle  de  1300  en  cite  deux. 
Il  y  en  avait  certainement  davantage,  mais  les 
autres  sont  compris  parmi  les  nombreux  deschar- 
cheeurs que  mentionnent  ces  deux  tailles. 

Une  pièce  de  la  fin  du  treizième  siècle,  qui  a 
été  publiée  par  G.-B.  Depping  ^,  nous  montre  que 
les  deschargeurs  de  vins  étaient  alors  exemptés 
du  service  du  guet. 

Le  titre  VII  de  la  grande  ordonnance  du 
30  janvier  1351  régla  le  prix  que  pouvaient 
demander  les  déchargeurs  de  vin  pour  descendre 
une  pièce  en  cave,  pour  1'  «  oster  des  nefz  ^ 
et  mener  en  l'hoslel  '^  de  celluy  à  qui  y  sera  », 
suivant  que  celui-ci  demeurait  en  deçà  du 
Grand-Pont  ou  du  Petit-Pont,  dans  l'enceinte  ou 
hors  de  l'enceinte  de  Paris. 

L'ordonnance  de  1415  ^  réorganisa  complè- 
tement cette  corporation.  Quand  un  office  de 
déchargeur  venait  à  vaquer,  il  y  était  pourvu 
par  le  prévôt  des  marchands,  qui  ne  devait  le 
donner  qu'à  un  homme  «  de  bonne  vie,  renom- 
mée et  honneste  conversation,  sans  aucun  blasme 
ou  reproche,  et  habile,  suffisant,  et  idoine  pour 
iceluy  office  exercer  ».  Le  nouveau  déchargeur 
était  tenu,  avant  d'entrer  en  fonctions,  de  «faire 
serment  que  bien  loyanmenl  et  diligemment  il 
exercera  ledit  office,  et  fera  résidence  conti- 
niielle  à  jours  ouvrables  sur  le  cay  ^  du  port  de 
Grève  el  autres  lieux  et  places  accoustumés, 
afin  que  chacun  qui  en  aura  affaire  en  puisse 
prompt ement  finer  ;  et  qu'il  ne  prendra  ny 
demandera  plus  grand  salaire  que  celuy  qui  est 
ordonné  pour  ledit  office  faire  et  exercer  ». 
11  n'avait  plus  ensuite  qu'à  fournir  «  caution 
bourgeoise  de  la  somme  de  trente  livres  pa- 
risis  ».  La  même  ordonnance  veut  que  «  deux 
commissaires  »  nommés  par  le  prévôt  et  asser- 
mentés aient  pleine  et  entière  autorité  sur  les 
déchargeurs. 

l/r'dilii.ii    |)iil)liée    en    1500    de  celle   ordon- 


'   S.  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  XII,  p.  334. 

*  Ordoiinaiices  relatives  aux  tné/iers.  p.  426. 
•*  l)(\s  bateau.x. 

*  En  la  ilcnii'ure. 
•'*  Chapitre  VIII. 
"  Sur  le  quai. 


DECHÂRGEURS  DE  VIN 


DECORATEURS 


247 


nance  renferme  ^  une  gravure  qui  représente 
deux  décliarg-tnirs  occupés  à  descendre  à  terre 
un  tonneau. 

Vers  la  fin  du  quinzième  siècle,  les  déchar- 
geurs  furent  réunis  aux  tonneliers,  avec  lesquels 
ils  ne  formèrent  plus  qu'une  seule  communauté, 
celle  (les  tonneliers-deschargeurs  de  lu'ns  ^.  Ils 
nen  eurent  pas  moins,  avec  les  débardeurs, 
les  forts,  etc.  de  fréquents  démêlés  qui,  en  fin  de 
{•onq>te,  laissèrent  intacts  leurs  privilèiï-es.  L'or- 
donnance dite  des  Bannières  (1467)  les  nomme 
uDuleurs  de  vin,  du  vieux  mol  avaler  qui  sig^ni- 
tiait  descendre,  et  c'est  ainsi,  que  les  qualifie 
encore  Le  Masson  en  1621  dans  son  Calendrier 
des  confréries  ^ . 

L'ordonnance  de  1672  est  une  des  dernières 
qui  ait  réglé  les  fonctions  des  déchargeurs  de 
vin  ''.  On  n'y  trouve,  d'ailleurs,  qu'un  petit 
nombre  de  prescriptions  aujourd'hui  sans  intérêt. 
En  juin  1690,  le  roi  créa,  pour  se  procurer  de 
l'argent,  quarante  offices  de  roulenrs-chargews 
de  vin.  Les  tonneliers  conservèrent  seulement 
leur  titre  de  déchargeurs  et  le  droit  de  porter  les 
tonneaux  depuis  le  bateau  jusqu'à  terre  ;  là,  les 
rouleurs  -  chargeurs  s'en  emparaient  et  les 
hissaient  sur  les  voitures.  Des  discussions 
s'élevaient  chaque  jour  sur  la  limite  des  privi- 
lèges reconnus  à  chacune  des  deux  commu- 
nautés, et  il  fallut  supprimer  la  dernière  venue. 
En  1703  elle  fut  remplacée  par  cent  vingt  offices 
de  de'chargeurs- rouleurs -chargeurs.  Mais  les 
marchands  de  vin  continuèrent  à  s'adresser  aux 
tonneliers,  et  les  querelles  recommencèrent. 
En  1705,  on  abolit  les  cent  vingt  offices,  et  on 
en  créa  cent  vingt  autres,  qu'il  fut  permis  de 
cumuler  avec  un  autre  métier  :  c'était  euffag-er 
les  tonneliers  à  les  acheter.  Ceux-ci  s'en  gar- 
dèrent bien,  et  n'en  continuèrent  pas  moins  ù 
faire  presque  seuls  le  service  du  chargement  et 
du  déchargement. 

Déchireurs  de  bateaux.  Ils  achetaient 
des  bateaux  hors  de  service,  et  les' dépeçaient, 
vendaient  les  planches,  les  clous,  les  débris,  etc. 

Deciers.  Nom  que  l'ordonnance  des  Ban- 
nières (1467j  donne  aux  faiseurs  de  dés  à  jouer. 

Decimateurs.  Voy.  Dîmiers. 

Déclamation  (Maîtres  de).  «  On  ne 
déclame  pas,  on  ne  représente  pas  toujours  ; 
mais  on  a  toujours  besoin  d'observer  une  pronon- 
ciation correcte  et  de  supprimer  un  geste  peu 
convenable  :  c'est  ce  qu'enseigne  très  bien  l'art 
de  la  déclamation.  On  y  peut  donner  quelque 
attention,  moins  peut-être  pour  acquérir  des 
perfections  d'apparat  et  de  représentation,  que 
pour  éviter  des  défauts  assez  communs  dans  la 
société  ^  ». 


1  Folio  XXI. 

2  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p-  656. 

3  Pages  36,  39  et  88. 

4  Ctiap.  XIII. 

5  Jèze,    Etat  ou  tableau  de  la  ville  de  Paris,  édit.  de 
1760,  p.  190. 


Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  les  prin- 
cipaux maîtres  de  déclamation  appartenaient 
presque  tous  au  théâtre.  C'étaient  MM.  Grandval, 
Lanoue,  Lekain  ,  Sarrazin ,  M"*^^  Clairon, 
Dumesnil,  Gaussin  et  (irandval. 

Décorateurs  .  \oy  .  Fleurs  artifl  - 
cielles  (Fabricants  de). 

Décorateurs  |  pour  le  théâtre].  Au 
mojen  âge,  dans  les  mystères  représentés  en 
plein  air,  c'est  sur  l'éciiafaud  même,  recouvert 
tle  toile  ou  de  papier,  que  les  peintres  brossaient 
de  naïfs  et  rudimentaires  décors.  l*]ncore  faut-il 
voir  là  une  rare  exception.  Comme  l'auleur 
faisait,  sans  aucun  scrupule,  changer  jusqu'à 
huit  ou  dix  fois  le  lieu  de  l'action,  comme  on 
représentait  parfois  dans  la  même  pièce  et  dans 
un  long  espace  de  temps,  des  batailles  rangées, 
des  villes  assiégées,  brûlées,  livrées  au  pillage, 
etc.,  il  fallait  bien  avoir  recours  à  d'autres 
procédés.  Alors,  au  début  de  la  pièce,  un  des 
auteurs  s'avançait  et  venait  exposer  d'avance  aux 
spectateurs  dans  quels  endroits  allaient  se 
dérouler  les  événements,  et  même  lui  révéler, 
au  besoin,  toutes  les  péripéties  de  la  pièce. 
C'était  le  prologue  : 

Cette  habitacle  ci-présente 
Paradis  si  nous  représente. 
Ptiilippe,  l'empereur  romain 
Qui  tout  homme  tient  dans  sa  main, 
Est  en  ce  haut  palais  assis. 


Enfin,  on  suppléait  parfois  à  ces  prologues  par 
des  écriteaux  qui  désignaient  les  divers  lieux  où 
se  transportaient  successivement  les  personnages  : 

Afin  d'ennuy  fuir,  nous  nous  tairons 

Présent  1  des  lieux.  Vous  les  povez  congnoistre 

Par  l'escritel  que  dessus  voyez  estre  2. 

Au  commencement  du  règne  de  Louis  XIII, 
des  toiles  peintes  et  tendues  sur  châssis  fixes 
inaugurèrent  le  décor  actuel.  On  eut  aussi  l'idée 
de  donner  une  disposition  oblique  aux  châ.ssis 
disposés  des  deux  côtés  de  la  scène.  Auparavant 
parallèles  à  la  muraille,  on  les  décomposa  en 
plusieurs  parties  qui,  placées  en  biais,  se  présen- 
tèrent presque  de  face  aux  spectateurs,  et,  tout 
en  dissimulant  les  murs  du  fond,  laissèrent  des 
espaces  libres  pour  l'entrée  et  la  sortie  des 
acteurs. 

La  règle  des  trois  unités,  qui  date  du  dix- 
septième  siècle,  simplifia  le  travail  du  décorateur; 
il  n'eut  plus  à  fournir  que  deux  ou  trois  décors, 
palais,  jardin,  rue,  salon,  suffisants  pour  repré- 
senter une  multitude  de  pièces. 

Parmi  les  peintres  qui  se  distinguèrent  alors 
dans  l'art  du  décor,  il  faut  citer  surtout  Torelli 
et  Vigarani  appelés  de  Rome  par  Mazarin  ; 
Bérain,  qui  brossa  les  décors  à^Esther  ;  Servan- 
doni  ;  Boucher;  Fragonard  ^  ;  Pietro  Algieri, 
qui  figure,  en  1760,  dans  le  personnel  de  l'Opéra 
avec  le  titre  de  «  peintre  pour  décorations  ».  A 


1  Pésentement. 

2  Petit  de  JuUeville,    Les   mystères,  t.  I,  p.  384  et  s. 
•'  G.  Bapst,  Essai  sur  l  histoire  du  théâtre,  passim. 


248 


DÉCORATEURS  —  DÉCROTTE  [JRS 


la  même  date,  le  sieur  Duclos  est  dit  «  décorateur 
machiniste  de  la  Comédie  italienne  ^  ». 
\oy.  Théâtre. 

Découpeurs.  H-^  confectionnaieni,  soit  à 
reniporle-pièce,  soit  à  régrali<,nioir,  soit  au  fer 
chaud,  suit  au  métier  «  tous  les  petits  ouvrages 
de  modes  qui  servent  à  rornement  des  robes  des 
dames  ».  Celaient  eux  aussi  qui  fabriquaient  les 
raouc/ies. 

Les  découpeurs  furent  lantùl  réunis  aux 
brodeurs,  tantôt  indépendants.  Au  milieu  du  dix- 
huitième  siècle,  les  maîtres  étaient  au  nombre 
de  (|niiize.  l'apprentissage  durait  six  ans  et  le 
compagnonnage  trois  ans,  le  chef-d'œuvre  repré- 
sentait une  aune  de  travail.  La  communauté 
avait  pour  patron  saint  Clair  et  pour  titre  officiel 
(léoiupeio-s-fjuufrev.rs-égratigneurs. 

\'i)v.  Agréministes.  —  Mouches  (Fai- 
seurs de).  —  Silhouettes. 

Décrotteurs.  Ils  ne  sauraient  faire  remonter 
bien  haut  leur  origine,  car  je  ne  rencontre  pas 
trace  de  leur  existence  à  l'époque  où  leur  inter- 
vention eut  été  le  plus  utile. 

.\vant  que  les  carrosses  fussent  deveiius  d'usage 
ordinaire,  on  changeait  de  chaussure,  les  jours 
di;  pbiir.  avant  de  se  présenter  dans  une  maison. 
Les  Loix  de  lu  (jalanlerie  publiées  vers  1044, 
s'expriment  ainsi  :  «  Si  les  galands  du  plus  bas 
eslage  veulent  visiter  les  dames  de  condition,  ils 
r<-niarquenjnt  qu'il  n'y  a  rien  de  si  laid  que 
d'entrer  chez  elles  avec  des  bottes  ou  des  souliers 
crnttez,  spécialement  s'ils  en  sont  logez  fort  loin  ; 
car  (|uelle  apparence  y  a-t-il  qu'en  cet  estât  ils 
ailliMit  marcher  sur  un  tapis  de  pied  et.  s'asseoir 
>ur  un  l'aul-œil  de  velours  V  C'est  aussi  une  chose 
infâme  de  s'esire  coulé  de  .son  pied  d'un  bout  de 
la  ville  à  l'autre,  (juand  mesme  on  auroit  changé 
de  soidif-rs  à  la  porte,  pource  qiuî  cela  vous 
accuM-  de  (juelque  pauvreté  -. 

11  faut  bien  conclure  de  ceci  qu'au  milieu  du 
dix-st'plième  siècle  l'industrie  des  décrotteurs 
n'existait  pas  encore.  Mais  nous  savons  qu'elle 
était  d<\jii  llorissanle  au  début  du  siècle  suivant, 
car  Nemeitz  écrivait  en  1718:  «  On  trouve 
partout  des  décrotteurs  qui  s'offrent,  avec  toutes 
le>  llatl('|•i(•^  iinagiii;di!es.  à  vous  décrotter  les 
sotditTs  ■''  >.. 

Nous  les  voyons,  un  peu  |)hi>  lard,  divisés  en 
Iniis  chisscs  : 

1"  I.,«'s  décroltt'urs  résiJenls,  (pii  occupaient 
une  place  fixe,  suit  dans  un  carn-four,  soit  sur 
l.'s  hiuits  trottoirs  du  Pont-Neuf  ou  du  Pont- 
Hoynl. 

2"  l^s  décrolt.'urs  imbulants,  qui  parcouraient 
les  mes  en  proposjuil  leurs  services. 

T  Les  décrotteurs  an  mots,  atUichés  ù  des 
mniHun-»  pnHiculièrps,  à  des  hAfels  meublés,  etc. 


'  Ji'7^,  ÊM  OU  tttbifah  „r  ,„  riiu  ,lr    Piins, 


1     3  H  9 


2'   |iartif, 


'^^"•■"■/  '/'*  pifw  en  proft  les  plus  agréables  de  ce  temps, 
3  Le  téJQur  dt  Purù,  édil.  Pion,  p.  56. 


Le  métier  n'exigeait  qu'un  capital  insiguitiant, 
était  simple  et  facile.  <,<  Ils  se  servent  d'une  petite 
sellette  pour  faire  appuyer  le  pied  de  celui 
dont  ils  doivent  décrotter  les  souliers,  d'un 
mauvais  chiffon  pour  ôter  la  boue  qui  est  autour 
du  soulier,  d'une  décrottoire  pour  enlever  ce  que 
le  chiffon  a  laissé,  et  d'une  polissoire  pour  étendre 
ég-alement  la  cire  ou  l'huile  mêlée  de  noir  de 
fumée  qu'ils  ont  répandue  sur  l'empeigne.  Ils  ne 
noircissent  le  soulier  qu'après  qu'ils  ont  passé  du 
blanc  d'Espagne  sur  les  boucles  avec  une  petite 
brosse  faite  exprès  ;  ils  se  servent  d'une  autre  pour 
ôter  la  crotte  qui  s'est  attachée  aux  bas  en 
marchant.  Ils  mettent  ainsi  ceux  qui  n'ont  point 
d'équipage  en  étal  de  se  présenter  plus  honnê- 
tement dans  les  maisons  où  ils  ont  affaire. 

Les  décrotteurs  attachés  à  des  maisons  parti- 
culières se  tiennent  communément  dans  les  hôtels 
garnis,  où  non  seulement  ils  décrottent  les 
souliers  de  ceux  qui  y  logent,  mais  encore 
neltoyent  leurs  habits,  leur  servent  comme  valet 
de  chambre  el  font  leurs  commissions.  On  les 
prend  ordinairement  au  mois  ^  ». 

Sébastien  Mercier  vante  surtout  l'habileté  des 
décrotteurs  résiflents  installés  sur  les  trottoirs  du 
Pont-Neuf.  «  La  célérité,  la  propreté,  dit-il  2, 
distinguent  ces  décrotteurs-là  ;  ils  sont  réputés 
maîtres...  S'il  pleut  ou  si  le  soleil  est  ardent,  on 
vous  mettra  un  parasol  en  main,  et  vous  con- 
serverez votre  frisure  poudrée  ».  Et  cette  délicate 
attention  n'augmentait  pas  le  prix  de  l'opération  : 
«  De  temps  immémorial,  dans  toutes  les  saisons, 
à  la  porte  des  spectacles  ou  ailleurs,  quelles  que 
soient  les  variations  des  comestibles  ou  le  hausse- 
ment des  monnoies,  on  paie  invariablement  deux 
liards  pour  se  faire  ôter  la  crotte  des  bas  et  des 
souliers  ■'  ». 

Les  choses  ont  bien  changé  vingt  ans  après. 
Une  révolution  a  passé  par  là,  et  d'immenses 
progrès  se  sont  accomplis.  Ecoutez  un  peintre  des 
mœurs  parisiennes  à  la  tin  du  dix-huitième  siècle  : 
«.  Tout  tend  vers  la  perfection,  toutjusqu'à  l'art  du 
décrotlage.  Il  y  a  quelques  années,  un  savoyard 
maladroit,  un  grossier  auvergnat  brossait  rude- 
ment les  souliers  sans  épargner  les  bas,  el  noircis- 
sait quelquefois  ces  derniers  aux  dépens  des  autres 
avec  de  l'huile  puante  mêlée  à  un  peu  de  noir  de 
fumée.  .Xujourd'hui ,  un  artiste  muni  d'une 
é|)onge  et  de  deux  ou  trois  pinceaux  de  diverses 
grosseurs  eflleure  la  chaussure,  en  enlève  à  peine  la 
boue  et  recouvre  le  toutd'un  cirage  noir  et  brillant. 
Entrez  dans  cette  boutique  au  Palais-]<]galité  *, 
près  du  théâtre.  On  vous  offre  un  fauteuil,  un 
journal  ;  asseyez-vous  et  lisez,  lisez  ou  plutôt 
examinez  la  gravité  de  l'artiste  décrotteur,  et 
voyez  comme  la  célébrité  a  imprimé  une  sorte  de 
dignité  à  ses  traits  ^  ». 


1  JaiibfTt,    Dicfionnaire  des  arts   et  métiers,    édit.    de 
1773.  t.  II,  p.    14. 

*  Vfr.s  1780. 

•'   Tnbleau  de  Paris,  t.  VI,   j).   1. 

*  Le  Palai.s-Royal. 

'•'  J.-B.    Pujoulx,    Paris  à  la  fin   du    dix-huitième  siècle 
,1801],  p.  98. 


DECROTTEURS  —  DÉMÉNAGEURS 


249 


Nous  savons  encore  que  ces  artistes  avaient 
«  une  toilette  de  garçons  limonadiers  ou  restau- 
rateurs »,  et  qu'ils  faisaient  parfois  des  recettes 
de  deux  cents  francs  '. 

Deeliers.  Nom  que  la  Tuillc  (k  l'^'J-J donne 
aux  faiseurs  de  dés  à  coudre. 

Deessiers.  Fa])rican(s  de  ilés  àjouer. 
Vuy.  Dés. 

Défenseurs  officieux.  Voy.  A.vocats. 

Dégraisseurs.  La  Taille  de  1292  men- 
tionne un  laveeur  de  robes,  qui  ne  peut  guère  être 
qu'un  dégraisseur.  On  criait  alors  dans  les  rues 
la: 

Terre  à  laver  pour  dégresser, 

de  la  terre  à  foulon,  sans  doute. 

Le  Ménagier  de  Paris,  en  1393,  indique  les 
procédés  employés  dans  les  ménages  bourgeois 
pour  enlever  les  taches  faites  sur  les  étoffes,  pour 
les  préserver  des  mites  durant  l'été,  etc.  ^.  Pour 
dégraisser  les  tissus  de  soie,  on  se  servait  surtout 
de  la  craie  de  Briançon. 

Lin  dégraisseur  ambulant,  qu'on  trouve  cité  par 
plusieurs  écrivains  des  seizième  et  dix-septième 
siècles,  est  resté  célèbre  sous  le  nom  de  crienr  de 
maie  loche. 

A  la  malle  tache, 
La  sueur  du  bonnet  ^ras  ! 
A  profiter  voluntiers  tasche, 
Et  si  je  n'en  suis  pas  plus  gras  !  3 

Le  poète  Sjgogne  écrit  dans  Le  pourpoint 
d'un  courtisan,  satire  imprimée  à  la  suite  des 
œuvres  de  Mathurin  Régnier  : 

Maintes  fois  le  maistre  bravache 
Eust  appelle  la  malle  tache. 
Pour  ce  vieux  chiffon  dégresser. 

Et  de  la  Ronce  dans  Le  bas  de  soye  d'un 
courtisan  : 

Elles  te  firent  mainte  tache 
Où  le  crieur  de  male-tache 
A  bien  perdu  tout  son  latin. 

Enfin  Régnier  a  fort  tourmenté  les  commenta- 
teurs par  ces  trois  vers  : 

...  .il  graissa  mes  chausses  pour  mes  bottes 
En  si  digne  façon  que  le  frippier  Martin 
Avec  sa  malle-tache  y  perdroit  son  latin. 

Brossette  s'est  donné  beaucoup  de  peine  pour 
expliquer  ce  que  pouvait  être  cette  maie  (mauvaise) 
tache,  et  il  finit  par  déclarer  qu'on  nommait  ainsi 
«  le  fripier  ou  le  dégraisseur  qui  levoil  les 
taches  *  ». 

M.  Viollet-le-Duc  est  plus  près  de  la  vérité 
quand  il  dit  que  ces  mots  désignent  «  une  pierre 
à  détacher  ou  un  savon  à  dégraisser  inventé  par 
le  fripier  Martin,  et  analogue  aux  ingrédiens  de 
même  nature  que  nous  voyons  vendre  sur  les 
places  publiques  ^  ». 


1  L.  Pmdhomme,  Miroir  de  Paris  (1807),  t.  1,  p.  313. 

2  Yoy.  le  t.   II,  p.  65. 

•'  Les  cent  et  sept  cris  que  l'on  crie  journellement  à  Paris. 
i  Page  167. 
^  Page  139. 


Cependant  la  male-tache  n'était  ni  une  pierre 
ni  un  savon.  En  effet,  parmi  des  gravures  du 
seizième  siècle  conservées  à  la  bibliothèque  de 
l'Arsenal  figure  un  crieur  de  malle  tache;  or,  il 
porte  de  la  main  droite  une  bouteille  à  gros 
ventre  el  de  la  gauche  un  bàtoniiel  qui  servait 
sans  doute  à  frotter  l'étofte  pour  la  dégraisser. 

L'article  79  de  V Instructio7i  générale  du 
17  mars  1671  attribua  aux  teinturiers  du  petit 
leint  le  droit  de  reteiudre  les  vieux  habits  et  les 
vieilles  étoffes  :  il'oii  leur  nom  de  dégraisseurs  ou 
détacheurs.  Ils  ne  possédaient  point,  d'ailleurs, 
le  monopole  du  dégraissage.  Les  chapeliers 
dégraissaient  eux-mêmes  les  chapeaux,  de  même 
qu'ils  les  teignaient  ;  et  quand  il  ne  s'agissait 
que  d'enlever  les  taches  faites  à  un  vieil  habit  ou 
à  une  vieille  étoffé,  c'était  presque  toujours  aux 
fripiers  que  l'on  s'adressait. 

Il  restait  encore  aux  dégraisseurs  proprement 
dits  assez  d'occupations  pour  leur  permettre  de 
mépriser  cette  concurrence.  Car  voici  l'extrait 
d'une  adresse  qui  date  de  1705  et  qui  est  conservée 
au  musée  Carnavalet  :  «  Le  sieur  Simon,  rue  des 
Xonaindières,  nétoje,  fait  teindre  toutes  sortes 
d'habits  d'hommes  et  de  femmes,  étoffes  desoje, 
de  laine  et  de  fil,  bas  de  soye  et  de  laine  en  toutes 
couleurs,  velours,  panes,  satins,  tabis,  moires, 
damas,  brocars  d'or  et  d'argent,  taffetas,  ferran- 
dines,  camelots,  .ratine,  ras  de  (lênes,  et  ôle 
toutes  sortes  de  taches  de  vin,  d'urine,  de  pissat 
de  chiens,  de  chats,  .sans  reteindre  les  étoffes... 
Il  a  aussi  le  secret  de  démarquer  les  marques  des 
galons  et  des  dentelles  de  broderie  de  dessus  la 
pane  et  le  velours,  et  relève  le  poil  lorsqu'il  est 
froissé,  et  luy  donne  le  lustre  comme  tout  neuf. 
Il  reblanchit  toutes  sortes  de  galons,  dentelles 
d'argent  sans  détacher  les  galons  qui  sont  sur  les 

habits   et   dessus   les    ornemens   d'église ». 

J'arrête  ici  l'intéressante  énumération  des  mérites 
du  sieur  Simon,  bien  que  j'en  aie  reproduit  la 
moitié  tout  au  plus. 

Deiciers.  Nom  que  le  Livre  des  métiers  et 
la  Taille  de  1292  donnent  aux  faiseurs  de  dés 
à  jouer. 

Voy.  Dés. 

Deiliers.  Nom  que  la  Taille  de  1313  donne 
aux  faiseurs  de  dés  à  coudre. 
Voy.  Dés. 

Delisseuses.  Voy.  Sallerants. 

Délivreurs  de  bois.  Voy.  Fourrière 
royale  (Service  de  la). 

Délivreurs  de  glace.  Voy.  Qlace  à 
rafraîchir. 

Démêleurs.  Ouvriers  brique  tiers.  Voy. 
Batteurs. 

Déménag"eurs.  Pendant  tout  le  moyen  âge 
el  au  dix-septième  siècle  encore,  la  haute  société 
eut  en  Europe  les  habitudes  nomades  que  les 
populations  de  l'Asie  ont  conservées.  Tout  le 
mobilier  se  transportait  au  moindre  déplacement, 
et   c'est  ainsi    que    s'expliquent    la    forme    des 


250 


DÉMÉNAGEURS  -  DEMI-CASTORS 


meubles,  leur  pénurie,  l'abondance  des  coffres, 
bahuts,  étuis,  etc.  De  là  aussi,  à  la  cour,  les 
offices  de  porteurs  de  lits  et  meubles,  qui  sous 
Louis  XIV  étaient  au  nombre  de  neuf,  sans 
compter  le  capitaine  des  mulets  et  ses  garçons  '. 

Dans  la  célèbre  nuit  où  fut  conçu  Louis  XIV, 
le  roi,  alors  installé  à  Saint-Germain  et  se 
trouvant  forcé  de  passer  la  nuit  au  Louvre,  n'y 
trouva  qu'un  seul  lit,  qu'Anne  d'Autriche  y 
avait  fait  préparer  pendant  la  journée  ^.  En 
effet,  lorsque  la  cour  s'était  rendue  à  Sainl- 
(iermain,  tout  le  mobilier  du  Louvre  l'y  avait 
suivie.  Au  retour  à  Paris,  on  réemménageait  au 
Louvre  et  il  ne  restait  pas  un  matelas  à  Sainl- 
(iermain. 

Chez  les  princes,  chez  les  g-rands  sei<^neurs, 
les  déménafii'eurs  .  étaient  représentés  par  les 
portefaix  de  la  chambre,  qui  faisaient  partie  de 
la  domesticité  ^, 

Les  bourj^eois  se  servaient  des  crocheteurs.  Ils 
s'en  servaient  même  souvent,  car,  dès  le  seizième 
siècle,  on  avait  constaté  l'humeur  vagabonde  des 
Parisiens.  «  Ils  déménagent  tous  les  trois  mois», 
écrit  en  1577  l'ambassadeur  vénitien  Lippo- 
mano*.  Et  Sébastien  Mercier  écrivait  à  son  tour 
deux  cents  ans  après  :  «  Vous  voyez  tous  les  trois 
mois,  depuis  le  liuit  jusqu'au  vingt,  des  charrettes 
surchargées  de  meuljles,  qui  circulent  pesamment 
dans  tous  les  quartiers.  Ce  sont  des  mutations 
éternelles  ;  tel  fauteuil  délabré  va  du  faubourg 
Saint-(îermain  au  faubourg  Saint-Antoine.  On 
le  pnjmène  ainsi  depuis  dix  années  qu'il  suit  son 
maître  errant  ;  et  il  faut  que  toute  la  ville  voie 
la  chaise  percée  qui  voyage.  Il  y  a  des  gens  qui 
(himénageiit  aussi  fréquemment  que  les  filles  de 
j'iie,  parce  que.  faisant  de  nouvelles  connoissances, 
ils  lran>porteiil  autant  de  fois  leur  mobilier  dans 
le  Voisinage  qui  leur  convient.  Tel  garçon,  dans 
l'espace  de  quatre  années,  a  déménagé  quinze 
fois,  et  ne  se  trouve  pas  bien  encore  ;  il  faut  le 
suivre  à  la  piste  ;  il  a  sauté  de  rue  en  rue,  ainsi 
que  fait  l'iiiseau  sur  les  branches  de  l'arbre  ^». 

Demi-castors  Episoup:  dks).  A  force  d'être 
transformé  en  doidilurede  robes  et  en  chapeaux, 
le  castor  était  devenu  rare,  et  la  race  menaçait 
ini^nu'  <le  s'éteindre.  La  mode  des  toques  n'a 
peul-iMre  pas  tl'autre  origine.  Le  nouveau  monde 
révéla  eiiliii  au  vieux  continent  des  trésors  jusque- 
là  restés  sans  emploi,  et  la  prise  de  possession  du 
(ianada  par  la  France  vint  fournir  aux  Parisiens 
des  légions  innoinlirables  de  rinléressant  ron- 
geur dont  ilsaiinaieiil  tant  à  se  coiller.  La  vogue 
des  peaux  de  cjislor  reparut,  et  leur  importation 
prit  bientôt  un  développement  considérable.  Ce 
(|ue  Voyant,  le  gouvernement  s'empres.sa  de  les 
fnipper  ù   rentrée  de  droits   énormes,  sans   se 


*  Klal  dr  la  Fninre  pour  17 IL',  l.  1,  p.    IHC. 

*  M"'<l.-M*.U.-villf  Mémoirts.('i\\{.  ÎVlilol,  l.  XXX.VI, 
|K  :i92  —  Montjflnl,  Mrmoires.  ibid.,  t.  XLIX  n  181  — 
(«riff.'l,  Hitlotrr  dt  iMHii  XIII.  ilnns  t.-  V.  I)ani.-1   t    X\' 

!•   nu.  '     '     ' 

z-^^''"'  t   '"   '*'■"'""'  /""""    "''^''-  '     '•  I'    C'^fi:  pour 
tt  jn.  t    II,  Y    37.|  ' 

*  Nrlations  dfs  ambassadeurs  vénitiens.  |    II,  t,    (;o5 
S   Tabltau  dt  Paris,   I.  V,  p.  219. 


soucier  du  mécontentement  et  des  plaintes  qu'il 
allait  provoquer. 

Mais  la  Providence  n'abandonne  que  les 
nations  qui  s'abandonnent  elles-mêmes  ;  chez  les 
peuples  fiers  et  virils  les  grandes  catastrophes 
suscitent  des  grands  hommes  capables  d'en 
conjurer  ou  tout  au  moins  d'en  atténuer  les 
conséquences.  C'est  ce  qui  arriva.  Il  se  trouva 
dans  la  corporation  des  chapeliers  un  personnage 
hardi,  entreprenant,  téméraire  même,  de  ceux- 
là  qui  commencent  les  révolutions  sans  trop  savoir 
jusqu'où  les  conduira  leur  audace.  Après  de 
longues  hésitations  pourtant,  cela  est  établi,  il 
osa  concevoir  et  réaliser  une  idée  qui  serait  venue 
tout  de  suite  à  un  commerçant  du  dix-neuvième 
siècle  :  il  recouvrit  de  la  laine  commune  avec  une 
couche  de  poils  de  castor  et  obtint  ainsi  des 
chapeaux  qu'il  nomma  demi-castors,  et  qu'il  put 
donnera  bas  prix.  Du  premier  coup,  ce  chapelier 
de  génie  avait  créé  l'idéal  futur  de  l'industrie, 
l'objet  de  qualité  médiocre,  ayant  toutes  les  appa- 
rences du  bon  et  du  beau,  et  ne  coûtant  pas  cher. 
C'était  absolument  nouveau,  et  c'était  grave. 
Que  le  fait  se  fût  déjà  produit  en  secret  malgré 
l'active  surveillance  des  jurés,  cela  n'est  pas 
douteux  *,  mais  c'était  la  première  fois  qu'il 
éclatait  en  plein  jour  et  osait  s'affirmer  comme 
un  droit. 

L'article  33  des  statuts  accordés  aux  chapeliers 
en  mars  1(358  avait  prévu  l'innovation  :  «  Les 
maîtres,  dit-il,  ne  pourront  faire  aucuns  chapeaux 
dits  castors,  qu'il  ne  soyent  de  pur  castor,  sans 
y  pouvoir  mêler  autres  étoffes  ».  L'audacieux 
chapelier  se  vit  donc  aussitôt  menacé,  et  par  sa 
corporation  et  par  l'Etat,  qui  se  figura  que  la 
nouvelle  mode  réduirait  de  beaucoup  l'impor- 
tation (les  peaux  de  castor.  Lin  arrêt  du  21  juillet 
1666  "^  interdit  l'industrie  des  demi-castors, 
déclarant  que  les  fabricants  et  les  vendeurs 
seraient  déchus  de  leur  maîtrise,  condamnés  à 
une  amende  de  deux  mille  livres  et  même  à  des 
punitions  corporelles  en  cas  de  récidive. 

Il  ne  fut  tenu  aucun  compte  de  cet  arrêt,  et 
l'engouement  pour  les  demi-castors  fut  aussi 
universel  que  rapide.  Entre  l'État  et  le  public 
commence  alors  une  guerre  acharnée.  Un  arrêt 
du  8  novembre  1667  •'renouvelle  les  prohibitions 
faites  par  l'arrêt  précédent  et  déclare  «  que  l'on 
continue  en  plusieurs  lieux  de  fabriquer  et  débiter 
des  demy-castors,  particulièrement  à  Rouen, 
Lyon,  Toulouse,  Bordeaux  et  Marseille  ».  Le 
2  juin  1670,  nouvel  arrêt*  ;  celui-ci  nous  apprend 
que  les  demi-castors  étaient  appelés  aussi  cha- 
peaux dorés,  et  que  les  chapeliers  prétendaient  les 

1  On  lit  dans  un  arrêt  du  17  octobre  1664  (Biblioth. 
nationale,  ms.  françai.s,  n"  21,793,  f"  60)  «  qu'il  a  e-sté 
découvert  qu'aprè.s  que  les  chapeaux  fabricjués  de  simple 
laim-  ont  esté  à  demi  foulés,  les  chapeliers  couvrent  cette 
niuliére  d'un  peu  de  poil  de  castor,  et  font  passer  ces 
chapeaux  pour  purs  castors  ». 

2  Arrcsl  jwrtaitl  dejfencex  à  tuus  les  maistres  chapeliers  du 
royaume  de  fabriquer  aucuns  chapeaux  de  ca.tlor,  sinon  de 
pur  castor.  Paris,  1666,  in-4». 

•'  Biblioth.  nationale,  mamtscrils  Delamnrre.  arts  et 
métiers,  t.  III,  p.  74. 

*  Biblioth.  nationale,  manuscrits  Dehnnarre,  arts  et 
métiers,  I.  III,  p.  75. 


DEMI-CASTORS  —  DEMI-CEINTIERS 


251 


composer  «  (l'un  tiers  de  laine  de  vigog'iie,  un 
tiers  de  poils  de  lapin  et  plus  ou  moins  de  poils 
de  castor  »,  tandis  qu'en  réalité  ils  se  contentaient 
«  de  couvrir  de  poils  de  castor  le  dessus  seule- 
ment des  chapeaux,  dont  le  corps  est  d'autres 
élofl'es  o-rossieres  ».  Trois  années  s'écoulent,  et 
^<  la  fabrique  des  demi-castors  est  en  usa^e  plus 
que  jamais  ;  »  c'est  ce  qu'avoue  l'arrêt  du  15  avril 
1673  ',  qui  menace  maîtres  eL  ouvriers  d'une 
amende  de  trois  mille  livres,  «  applicables  moitié 
aux  hospilaux  u^énéraux  et  l'autre  au  dénoncia- 
teur ». 

Les  Parisiens  ont  mauvaise  tête,  et  ils  ne 
pouvaient  manquer  de  le  prouver  dans  une  ques- 
tion de  chapeaux.  Ils  s'obstinèrent  donc  à  vouloir 
des  demi-castors,  et  les  chapeliers  continuèrent 
tout  naturellement  à  leur  en  fournir.  On  n'alla 
pas  jusqu'à  les  saisir  en  pleine  rue,  comme  cela 
se  fît  plus  tard  pour  les  robes  tle  toile  peinte  que 
les  commis  de  barrière  arrachaient  aux  femmes  -, 
mais,  à  bout  d'arg'uments,  on  résolut  d'en  mono- 
poliser l'industrie.  Deux  arrêts,  des  20  janvier  et 
8  février  1685  -,  accordèrent  le  privilèo^e  exclu- 
sif de  cette  fabrication  à  dix-huit  chapeliers.  Le 
fermier  du  domaine  d'Occident  ^  ne  devait  fournir 
de  castors  qu'à  eux  seuls,  mais  chacun  d'eux 
s'engageait  à  en  acheter  pour  trois  mille  livres 
au  moins,  ce  qui  représentait  en  tout  à  peu 
près  quarante  mille  peaux.  Les  autres  chapeliers 
réclamèrent  vainement.  Ils  parvinrent  toutefois 
à  se  procurer  des  castors,  et  firent  à  leurs 
confrères  privilégiés  une  guerre  d'autant  plus 
active  et  d'autant  plus  avantageuse  que  le  public 
encourageait  leur  rébellion,  et  qu'ils  eurent 
bientôt  pour  complice  inconscient  le  roi  lui- 
même. 

Il  parait,  en  eflfet,  que  les  meilleurs  ouvriers 
chapeliers  étaient  protestants  *.  La  révocation 
de  l'édit  de  Nantes  les  força  à  émigrer,  et  la 
plupart  d'entre  eux  se  réfugièrent  dans  le  Brande- 
bourg, où  Frédéric-Guillaume  leur  fit  un  accueil 
aussi  bienveillant  qu'intéressé,  car  il  encouragea 
aussitôt  dans  ses  états  l'industrie  des  castors  "'. 
11  resta  si  peu  de  bons  chapeliers  en  France,  dit 
M.  Reyer,  que  le  secret  de  la  fabrication  des 
chapeaux  fins  s'y  perdit,  et  il  fallut  qu'un 
huguenot  émigré,  nommé  Mathieu,  le  rapports  I 
d'Angleterre  ^  .  Naturellement ,  leur  prix 
augmenta,  de  sorte  que  le  lieutenant  de  police  et 
le  fermier  du  domaine  d'Occident  avaient  beau 
se  plaindre  et  provoquer  des  saisies  chez  les 
maîtres,  suspects,  la  vente  des  demi-castors  ne 
faisait  que  s'accroître. 


1  Arrest  portant  itératives  défenses  de  fabriquer  des  demi- 
castors,  tant  à  Paris,  Lion,  Rouen,  qu'autres  villes  du 
royaume.  Paris,  1673,  in-4°. 

2  Manuscrits  Delamarre.  arts  et  métiers,  t.  III,  p.   65. 

3  Le  commerce  de  la  Louisiane  et  du  Canada  avait  été 
accordé  comme  monopole  à  une  compagnie,  qui  prit  le 
litre  de  Coinpagnie  d'occident.  Le  capital  se  montait  à  cent 
millions,  divisés  en  actions  de  cinq  cents  livres. 

'*•  L'industrie  des  chapeaux  fut  pendant  longtemps  très 
active  à  La  Rochelle. 

^  Ch.  Weiss,  Histoire  des  réfugiés  protestants,  t.  I. 
p.  157. 

f'  Histoire  de  la  colonie  française  en  Prusse,  trad.  par 
M.  Ph.  Corbière,  p.  257. 


Enfin,  après  soixante-huit  années  de  lutte,  le 
gouvernement  se  vit  obligé  de  céder.  Un  arrêt 
du  18  avril  1734  reconnaît  le  droit  de  fabriquer 
«  les  chapeaux  appeliez  demi-castors  »,  puisqu'il 
règle  les  droits  de  sortie  qui  leur  seront  appli- 
cables. 

Ceux-ci  avaient,  d'ailleurs,  rencontré  depuis 
plusieurs  années  des  concurrents  redoutables  dans 
les  cmidebecs.  Mais  le  souvenir  de  la  persécution 
dont  ils  avaient  été  l'objet  demeura  vivace  chez 
les  Parisiens,  et  leur  nom  servit  pentlant  long- 
temps à  désigner  toute  marchandise  de  qualité 
inférieure.  On  en  vint  même  à  appeler  demi- 
castors  les  femmes  d'une  conduite  légère,  celles 
qui  composent  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui 
le  demi-monde.  «  Dans  le  langage  des  libertins, 
écrit  le  Dictionnaire  de  Trévoux  ^,  demi-castor 
est  une  femme  ou  une  fille  dont  la  conduite  est 
déréglée,  quoiqu'elle  ne  se  prostitue  pas  à  tout  le 
monde  ».  Prudhomme  nous  apprend  aussi  qu'en 
1807,  «  les  nymphes  du  Palais-Royal  étaient 
divisées  en  trois  classes  :  celles  qui  se  promènent 
sous  les  galeries  de  bois  et  dans  les  petites  allées 
du  jardin  s'appellent  les  demi-castors,  celles  des 
o-aleries  sont  les  castors,  et  celles  de  la  terrasse  du 
caveau  les  castors  fins  "^  ».  L'expression  survécut 
même  à  la  révolution  de  Juillet.  Dans  un  roman 
écrit  en  1839  et  dont  les  événements  se  passent 
en  1831,  Paul  de  Kock  fait  encore  dire  à  un  de 
ses  personnages  :  «  Pardieu  !  ime  de  ses  maî- 
tresses ;  c'était  quelque  demi-castor  tout  au  plus  ! 
Saint-Géran  ue  donne  pas  dans  les  grandes 
dames  ^  ». 

Cet  épisode  des  demi-castors  aurait  pu  prendre 
place  soit  dans  l'article  perfectionnements^  soit 
dans  l'article  Travail  [Rétjlementation  du).  Il  m'a 
paru  assez  curieux  pour  qu'un  article  spécial  lui 
fût  consacré.  * 

Demi-ceintiers.  Fabricants  de  demi- 
ceints.  Le  demi-ceint,  origine  ou  dérivé  du 
clavain,  clavier,  clavandier,  clercelière  ovipendaM 
à  clefs,  fut  d'abord  une  étroite  ceinture.  Le  mot 
changea  de  sens  dans  la  detixième  moitié  du 
quinzième  siècle  ;  il  désigna  alors  une  ceinture 
(le  largeur  ordinaire,  presque  toujours  formée  de 
chaînons  en  métal.  Sur  le  côté,  pendaient  d'autres 
chaînes  plus  fines,  à  l'extrémité  desquelles  étaient 
attachés  une  foule  de  petits  objets.  Ecoutons 
Olivier  de  la  Marche  : 

Le  demy  ceingt  ne  doit  le  corps  estraindre, 
Mais  soustenir  les  faictz  i  et  supporter 
Des  mistères  que  dame  doit  porter. 

Le  ceingt  sou.stient  les  menus  ustensilles 
Et  les  utilz  dont  dames  sont  garnies 
A  les  servir  comme  femmes  subtilles  5. 

Ces  mystères,  ces  ustensiles,  ces  outils  ce  sont 
«  l'espinglier  »  ou  pelote,  la  «  bource  »,  en 
forme  d' «  aulmosnière  ;  »  le  couteau,  dans 
«  une  gayne  gente  ». 


1  Edit.  de  1771,  t.  II,  p.  310. 

2  Miroir  de  Paris,  3^  édit.,  t.  V,  p.  271. 

3  Un  jeune  homme  charmant,  chap.  VI. 

4  Le  faix. 

»  Le  parement  et  triomphe  des  dames,  chap.  IX. 


252 


DEMI-CEINTIERS  -  DENTELLIÈRES 


On  V  ajuuta  ensuite  des  clefs,  un  étui,  des 
ciseaux,  tout  l'équipement  d'une  bonne  ména- 
gère. Plus  tard  encore,  quand  le  demi-cemt  eut 
été  adopté  pai-  la  petite  bourgeoisie,  on  y  sus- 
pendit d'étranges  reliques.  Une  pièce  satirique, 
publiée  en  1622,  nous  décrit  en  ces  termes 
l'attirail  compliqué  dont  la  femme  d'un  marchand 
chargeait  son  demi-ceint  :  «  Trente-deux  clefs, 
une  bource  où  dedans  il  y  avoit  toujours  du  pain 
bénit  de  la  messe  de  minuict  *,  trois  tournois 
fricassés  *.  une  éguille  avec  son  fil,  deux  dents 
qu'elle  ou  ses  ayeuls  s'estoient  fait  arracher,  la 
moitié  d'une  muscade,  un  clou  de  girofle  3,  et 
un  l)illet  de  charlatan  pour  pendre  au  col  pour 
guérir  la  fièvre  *  ». 

La  mode  des  demi-ceints  ne  survécut  pas  au 
dix-septième  siècle.  La  définition  qu'en  donne 
Kuretière,  dans  son  dictionnaire  publié  en  1701, 
iKjus  le  prouve  :  «  Ceinture  d'argent,  avec  des 
pendans,  que  portoient  autrefois  les  femmes  des 
artisans  et  les  païsannes  •''  ». 

Les  ouvriers  qui  avaient  la  spécialité  des  demi- 
ceints  appartenaient  à  la  corporation  des  chaî- 
neliers. 

Demoiselles  de  compag-nie.  Dans  le 

Ménutjier  de  Paris,  curieux  manuel  de  la  vie 
privée  au  quatorzième  siècle,  nous  voyons  placés 
a  la  tête  des  domestiques  de  la  maison,  d'abord 
maître  Jehan  le  dépensier,  maître  d'hôtel  ou 
intendant  ;  puis  .\gnès  la  béguine,  mise  auprès 
de  la  jeune  femme  comme  une  sorte  de  dame  de 
Compagnie  qui  lui  servait  d'intermédiaire  vis-à- 
vis  des  chambrières  et  des  valets. 

Passons  du  quatorzième  siècle  au  dix  - 
huitième,  et  écoutons  la  comtesse  de  Genlis. 
«  Les  femmes  qui  vivoient  dans  leurs  terres 
avoient  des  demoiselles  de  compagnie,  pour  avoir 
véritablement  une  compagne  dans  la  solitude 
•l'un  cliiliteau.  On  les  avuil  à  Paris  par  décence  : 
avec  de  bonnes  mœurs,  on  désire  des  témoins 
de  ses  aclions. 

<*■  Vers  la  fin  d\i  dix-huitii'me  siècle,  les  parti- 
culières, à  Paris.  ii'av(»ient  plus  de  demoiselles 
de  compagnie  ;  les  dames  des  châteaux  en  avoient 
eni'nre,  mais  le  nondjre  en  étoit  fort  diminué.  11 
i'nI  lïiilieux  que  l'on  ait  supprimé  cette  espèce  de 
repre>enl«ilion,  c'étoit  une  ressource  honorable 
pour  les  jeunes  personnes  bien  élevées  qui 
n'avoienl  point  (h-  fortune  ^  ••. 

Voy.  Suivantes. 

Deniers  de  boîte.  Type  de  chacune  des 
pièces  frappées  par  les  liôlels  des  monnaies.  Ces 
fi-hanlillons  étaient  placés  dans  une  boîte  spéciale 


*  b-  puni  Jh-iiiI,  >•.  lui  .).■  la  in.ssr  de  minuit  surtout, 
r..n.sliiuait  uu  [.ivciiiix  tnlisirinn.  Voy.  VÉvaiiqile  des 
i/nrHOni/lfs,  ùdit.  clzcv  ,  \<.  1~,. 

*  1'h(>»  par  1<'  frollcnirnl.  Du  Intin  frixiis. 

'  Ij>  niU8c«d.«  ot  II-  rlou  d.'frjrofl.-  entraient  alors  dans 
[•n'îtc|ui'  liiutfH  jp.s  sniiccs. 

*  /ai  eiattf  OH  ciel/  grognard  de  /  oii/lçui/é  dan.s  K. 
F.iurnirr,    Varifirt  kisluriquti,  t.  III,  p.  gg. 

5  PirtioHHnirr  Mitirrrsfl  drx  mots  francoix.  Snns  i.aLri- 
nntinn  '    ^ 

S  M»»   do   Gi'nli.s,    Dirtiounnire   des    ètlquelles     I      I 
p    126.  ^  •         '. 


et  soumis  à  l'examen  de  la  cour  des  Monnaies. 
L'ordonnance  de  1682  enjoint  de  déposer  dans 
la  boîte  une  pièce  d'or  pour  la  frappe  de  quatre 
cents  semblables,  et  une  pièce  d'argent  pour  72 
marcs  employés  de  ce  métal. 
On  disait  aussi  deniers  embo'dés. 

Deniers  bons.  On  appelait  ainsi  toute 
somme  garantie.  Faire  à  quelqu'un  «les  deniers 
bons  ou  \ argent  bon  »,  c'était  se  rendre  caution 
de  la  somme  en  question.  On  lit  dans  l'ordon- 
nance de  février  1415  :  <•<  Les  courtiers  sont  tenus 
de  faire  l'argent  bon  aux  marchands  '  ». 

Deniers  emboîtés.  Voy,  Deniers  de 
boîte. 

Deniers  secs.  Argent  comptant.  On  disait: 
«  payer  à  deniers  secs,  payer  argent  sec  ». 

Denrée.  Voy,  soudée. 

Dentellières.  C'est  du  quatorzième  siècle 
que  datent  les  premiers  essais  de  dentelle,  et 
celle-ci  consiste  alors  dans  un  étroit  réseau  de  fil 
d'or  et  d'argent  que  l'on  nomme  bisetle  :  dans  les 
dépenses  du  mariage  de  Blanche  de  Bourbon  en 
1352,  on  voit  mentionné  un  chapeau  «  orfroisié 
de  bisete  ^  ».  Toutefois,  la  véritable  origine  de 
nos  dentelles  remonte  aux  hautes  collerettes  du 
seizième  siècle,  et  le  mot  dentelle  ne  se  rencontre 
jamais  avant  cette  époque.  Sous  Henri  III,  faire 
de  la  dentelle,  était  une  occupation  admise  en 
société,  même  par  les  plus  grandes  dames.  Les 
énormes  collets  à  la  mode  sous  Henri  IV,  et  d'où 
les  têtes  des  femmes  semblaient  sortir  comme  d'un 
cornet,  donnèrent  un  grand  essor  à  l'industrie 
de  la  dentelle  :  mais  bien  qu'on  eût  commencé 
depuis  longtemps  à  en  fabriquer  dans  le  Velay, 
on  recherchait  surtout  celles  de  Flandre,  du 
Hainaut,  de  Venise  et  de  Gênes.  Le  peu  que 
fournissait  la  production  française  faillit  être 
réduit  à  néant  par  le  célèbre  édit  somptuaire  de 
1660.  Une  pièce  publiée  à  cette  occasion  ^  donne 
l'énumération  suivante  des  dentelles  alors  les  plus 
recherchées. 

\/d  (jueuse,  réseau  clair,  qui  devait  son  nom  à 
sa  simplicité  et  à  son  bas  prix.  Elle  était 
fabriquée  surtout  aux  environs  de  Paris. 

Le  point  de  Gènes. 

Le  point  de  Raguse. 

Le  point  de  Venise. 

Le  point  (rAurillac. 

La  neige,  dentelle  légère  et  vendue  bon  mar- 
ché, comme  le  prouve  le  «  beau  galant,  de 
neige  »  que  Gros- René  vend  à  Marinette  * . 

La  dentelle  de  Flandre. 

La  dentelle  d'Angleterre. 

Le  point  d'Alençon. 

La  dentelle  du  Havre. 


»  Titro  XXXI. 

2  Comptes  de  l'argenterie,  p.  298. 

•*  La  révolte  des  passemens.  dans  Éd.  F<)urni»>r.   Variétés, 
t.  1.  p.  223. 

*  Dépit  amoureux,  acte  IV,  se.  4. 


DENTELLIERES  —  DENTIFRICES 


253 


Le  mot  pansement  s'appliquait  alors  à  toute 
espèce  de  dentelles,  et  Ton  nommait  jBOi«^  toute 
dentelle  faite  à  l'aiguille  * . 

La  Déclaration  du  27  mai  1661  rapporta  le 
malencontreux  édit  de  l'année  précédente. 
«  Nous  avons  été  touché  de  compassion,  y  est-il 
dit,  d'apprendre  qu'un  grand  nombre  d'artisans 
qui  tiroient  la  subsistance  de  leur  famille  de  la 
manufacture  d^s  passemens  et  dentelles  étaient 
réduits,  faute  d'ouvrage,  en  de  grandes  néces- 
sités. A  ces  causes,  nous  disons,  déclarons, 
voulons...  que  nos  sujets  puissent  porter  toutes 
sortes  de  passemens  et  dentelles,  pourvu  qu'ils 
soient  faits  et  manufacturés  dans  notre  royaume  ». 
Ce  n'est  pas  tout.  A  l'instigation  de  Colbert,  le 
comte  de  Marsan  amena  de  Bruxelles  à  Paris  sa 
nourrice  nommée  Dumont  avec  ses  quatre  filles, 
et  il  obtint  pour  elles  le  droit  exclusif  d'y  établir 
des  ateliers  de  dentelles.  Colbert  leur  accorda 
trente  mille  livres,  avec  lesquelles  elles  s'ins- 
tallèrent au  faubourg  Saint-Antoine  ;  un  des 
Cent-Suisses  du  roi  gardait  la  porte  de  cette 
maison,  où  l'on  vit  bientôt  réunies  plus  de 
deux  cents  ouvrières,  presque  toutes  appelées 
du  Hainaut  et  de  Venise.  Cette  manufacture 
fut  ensuite  transportée  rue  Saint-Sauveur,  puis 
dans  la  rue  Saint-Denis  à  l'ancien  hôtel  Saint- 
Chamond. 

Sous  Louis  XIII  et  sous  Louis  XIV  les 
hommes  se  couvraient  de  dentelles  tout  comme 
les  femmes,  et  la  fabrication  prit  dans  toute  la 
France,  à  la  fin  du  dix-septième  siècle,  un  déve- 
loppement inouï.  Aux  sortes  que  j'ai  citées  déjà, 
l'on  peut  ajouter  : 

he  point  de  France,  dû  à  la  tenace  volonté  de 
Colbert.  Lorsque  furent  créées  les  manufactures 
d'Arras,  d'Aurillac,  de  Sedan,  d'Auxerre,  du 
Mans,  de  Sens,  de  Bourges,  etc.,  tous  leurs 
produits  devaient  porter  le  nom  de  point  de 
France,  qu'ils  fussent  faits  au  fuseau  ou  à  l'ai- 
guille ;  mais  à  dater  de  1675,  le  point  de  France 
est  presque  exclusivement  représenté  par  le 
point  d'Alençon  ^. 

\jQ  point  à  la  reine,  beaucoup  plus  léger  que 
le  point  de  France,  fut  surtout  fabriqué  dans  les 
Pays-Bas  par  les  ouvrières  Alençonnaises  que 
l'édit  de  Nantes  avaient  chassées  de  leur  patrie. 

Le  point  coupé,  sorte  de  guipure  faite  à  l'ai- 
guille, et  dont  les  dessins  se  composaient  de 
figures  géométriques  reliées  entre  elles  par  des 
brides.  «  Si  la  perfection  peut  exister  sur  la 
terre  en  quelque  chose,  ce  miracle  a  été  réalisé 
par  les  inventeurs  du  point  coupé  de  Venise  •*  ». 

La  nonpareille,  étroite  et  commune. 

La  bisetle,  demi  blanche. 

La  mignonnette,  blonde  de  fil,  claire,  fine  et 
très  léo-ère. 


1  G.  Despierres.  Histoire  du  point  d'Alençon,  p.  3. 

2  Sur  les  efforts  que  fit.  Oolbert  pour  développer  la 
fabrication  du  point  de  France,  voy-  G.  De.spierres, 
1866,  in-8"',  passim,  et  Levasseur,  Histoire  des  classes 
ouvrières,  édit.  de  1900,  t.  II,  p.  246  ef  suiv. 

3  J.  Séguin,  La  dentelle,  histoire,  description,  etc., 
p.  111. 


La  campane,  tissu  blanc,  destiné  le  plus  sou- 
vent à  élargir  ou  à  orner  d'autres  dentelles. 

Le  point  de  Paris. 

Le  point  de  Lille. 

Etc.,  etc.,  etc. 

Les  dentelles  étaient  vendues  par  les  merciers 
et  par  les  lingères.  Au  dix-septième  siècle,  les 
lingères  le  plus  en  vogue  pour  ce  genre  de 
commerce  logeaient  aux  environs  des  halles, 
dans  la  rue  Saint-Denis,  dans  la  galerie  du 
Palais  ^  et  dans  la  rue  Dauphine  ^.  Au  début  du 
dix-huitième  siècle,  on  recommandait  siu'toul 
les  magasins  de  la  rue  Troussevache,  de  la  rue 
du  Coq,  de  la  rue  des  Lavandières,  etc.  ^.  Enfin, 
à  la  fin  du  siècle,  les  maisons  à  la  mode  étaient 
celles  de  M"'""  Bernard,  rue  Saint- Honoré  ; 
M"'^'  Dufresne,  rue  Plâtrière  ;  M'"*'  Murgalet,  rue 
Neuve-Sainl-Roch,  etc.  *. 

Le  plan  de  Bretez  (1739)  nomme,  par  erreur 
sans  doute,  rue  de  la  Dentelle,  la  petite  rue  de  la 
Lanterne  des  Arcis,  auj.  rue  Pernelle. 

Voy.  Bisettiers.  —  Blondiers.  — 
Remplisseuses  de  points,  etc. 

Dentifrices  (Commercik  des).  La  Cïiùlifé 
d'Erasme,  publiée  en  1530,  nous  apprend  qu'à 
cette  date,  certaines  personnes,  les  Espagnols 
entre  autres,  avaient  l'étrange  coutume  de 
nettoyer  leurs  dents  avec  de  l'urine  :  «  Il  faut, 
dit  Erasme,  soigneusement  prendre  garde  d'avoir 
les  dents  nettes  ;  car  de  les  blanchir  avec  des 
poudres,  il  n'appartient  qu'aux  filles  ;  les  frotter 
de  sel  ou  d'alun  est  fort  dommageable  aux  gen- 
cives ;  et  se  servir  de  son  urine  au  mesme  effet, 
c'est  aux  Espagnols  à  ce  faire  •''  ». 

Laurent  Joubert,  médecin  de  Henri  III, 
préconisait  le  vin  trempé  d'eau  ^.  Montaigne  qui 
eut  toujours  d'excellentes  dents,  les  frottait  avec 
une  serviette  ''. 

Le  dentiste  Bunon,  fort  en  vogue  au  début  du 
dix-huitième  siècle,  fut  l'inventeur  de  nombreux 
dentifrices.  Il  mourut  en  1748,  et  sa  veuve  en 
continua  le  commerce,  qu'elle  transmit  à  son  fils. 
Celui-ci,  non  moins  dentiste  que  ses  parents, 
s'empressa  d'informer  l'humanité  souffrante  , 
qu'il  tenait  à  sa  disposition  : 

1°  «  Un  élixir  antiscorbutique,  qui  raffermit  les 
dents ,  dissipe  le  gonfiement  et  l'inflammation 
des  gencives,  les  fortifie  sensiblement,  prévient 
toutes  les  affections  scorbutiques  et  calme  la 
douleur  des  dents.  Les  plus  petites  bouteilles 
sont  de  30  sous. 

2'^  Une  eau  souveraine,  qui  produit  une  partie 
des  mêmes  effets,  qui  de  plus  guérit  prompte- 
ment  les  chancres  et  les  boutons  formés  dans 


1  Dans  L(/  lingère  du  Pnlais,  ]iièce  jouée  à  la  Comédie 
italienne  en  1634,  Arlequin  invectivant  une  lingère 
l'appelle  «  vendeuse  de  points  d'Angleterre  faits  à  Paris  ». 
Voy.  (iherai'di.  Théâtre  italien,  édit.  de  1717,  t.  I,  p.  53. 

2  Livre  commode  pour  1692,  t.  II,  p.  15. 

3  Liger,  Le  voyageur  /idèle  (1715),  p.  361 
i  Almanach  Dauphin  pour  1777. 

^  Traduction  Claude  Hardy,  1613. 
•'  I^a  santé  du.  prince,  1579,  p.  624. 
7  Essais,  livre  III,  chap.  XIII. 


254 


DENTIFRICES  —  DENTISTES 


l'intérieur  de  la  bouche,  qui  la  tient  saine  et 
dans  un  bon  état  de  fraîcheur,  et  qui  corrige- la 
mauvaise  haleine.  On  peut  en  user  tous  les  jours. 
Prix  24 sous  les  plus  petites  bouteilles  *  ». 

11  V  avait  aussi  l'eau  admirable  dite  de  M""^  de 
la  Vrillière.  L'apothicaire  chargé  de  la  débiter 
eût  cru,  disait-il,  «  manquer  aux  droits  de  l'hu- 
manité s'il  ne  faisoit  point  pari  an  public  d'un 
remède  si  avantageux  ^  ». 

Le  dentiste  Botot,  qui  a  donné  son  nom  à  un 
dentifrice  célèbre,  vivait  encore  en  1777,  et 
demeurait  place  Maubert. 

VAlrnannch  Dauphin,  livre  d'adresses  publié 
celle  même  année  donne,  à  l'article  Objets  rela- 
tifs   ET   SECRETS   APPROUVÉS    CONTRE    LES   MAUX 

DE  DENTS,  quelques  renseignements  curieux.  Je 
lui  emprunte  les  articles  suivants  : 

<^  Barremiœ  aimmités,  propres  à  arrêter  sur  le 
champ  les  douleurs  de  dents.  Rue  Saint-Antoine, 
chez  M.  Hau,  horloger,  près  l'hôtel  de  Turgot. 

Opi'U  nn/nl  du  sieur  Dulac,  parfumeur,  rue 
Saint-Honoré.  La  composition  de  cet  opiat  est 
due  aux  recherches  d'un  des  plus  savans  médecins 
de  l'Europe,  et  attestée  par  feu  M.  Capron,  den- 
tiste du  Roi. 

Véritable  trésor  de  la  hnnrhe,  pour  blanchir 
les  dents,  nettoyer  et  anVriiiir  les  gencives,  et 
conserver  la  bouche  dans  la  plus  grande  fraîcheur. 
De  la  composition  du  sieur  N.  . .  Approuvé  de  la 
commission  royale  de  médecine. 

Elixir  ofJontalgique  du  sieur  Le  Roi  de  la 
Faudirue  •',  tlentisle  de  son  Altesse  Sérénissime 
M<»n>t'igneur  le  prince  Palatin,  duc  régnant  des 
Deux-Ponts,  rue  Royale  Saint-Antoine.  La 
découverte  de  cet  élixir,  reconnu,  ainsi  que  l'opiat 
qui  l'accompagne,  pour  un  des  plus  fameux 
(li-nlifrisse  contre  tous  les  maux  de  dents  et  gen- 
cives, a  mérité  à  cet  artiste  l'approbation  de  la 
haute  chirurgie  et  un  brevet  de  la  commission 
Hovah'  de  médecine.  Le  succès  continuel  de  ses 
opérations  soutient  à  juste  titre  la  réputation 
singulière  qu'il  s'est  établie  dans  toutes  les  parties 
du  moinh'  où  h-s  F'rançois  oui  rflalion.    •> 

Vov.  Dentistes.  -  Dents  (Fabrication 
des)  il  Odontalgiques  (Remèdes). 

Dentistes.  L'art  ih-nlairc.  représenté  d'abord 
en  Franci'  p;ir  les  barbiers,  semble  avoir  été 
pentlant  longtemps  fort  négligé.  Ouand  saint 
Louis  inourni.à  cinquante-cinq  ans,  sa  nu'i(;hoire 
inférieure  ne  possédait  plus  qu'une  seule  dent. 
l'armi  les  précieuses  reli(pies  conser\'é.es  dans  le 
trésor  de  Siint-Donis  figurait  «  la  mandibule 
monsieur  sjiint  Loiivs,  roy  <le  France,  tout  entière 
défnillnnl  «  rexcepli.in  d'une  dent*  ». 

Au  début  du  quatorzième  siècle,  il  exisljiit  à 
Paris  un  barliier  cpii  MMuble  s'cMre  spécialement 
occupé  d'odonlnlechnie,  wir  la  Taille  de  1313 
mentionne  dans  lu  Cil  :  ,<  Martin  le  Lombart, 


'   Affcktt,  aitnontft  tt  aris  films,  w  du  7  juin  17()f>. 
>  Journal  grnrrnl  ,lt  Frnncr.   n"  ijn  2S  fi-viHT  I78(> 
•»  Jr  t.-  tn.iivr  nomme  Qili.ui->  !,,•  H,,i  ,1,.  )„  Faudignèn  . 
*  r    D  .\yzno,  Histoire  de  l'abbaye dr SaiiU-Denis,  t   II 
p.  548. 


qui  trait  les  denz  ^  ».  A  cela  sans  doute  se  bornait 
sa  science. 

Le  corps  de  Charles  le  Téméraire,  retrouvé 
sur  le  champ  de  bataille  de  Nancy,  fut  reconnu 
à  ce  qu'il  ne  lui  restait  plus  de  dent  à  la  mâchoire 
supérieure  ^. 

Celles  de  Charles  VII  ne  valaient  guère  mieux  ^. 

Je  serais  fort  tenté  de  croire  que  François  pf 
avait  aussi  de  mauvaises  dents,  car  on  lui  trouve 
un  dentiste  en  titre,  Guillaume  Coureil*. 

L'art  dentaire  ne  resta  pas  étranger  aux  progrès 
que  fit  la  chirurgie  pendant  le  seizième  siècle. 
Le  plombage  et  la  prothèse  entrent  alors  dans 
la  pratique  courante.  Henri  IV  eut  de  bonne 
heure  les  dents  gâtées.  Un  registre  de  ses  comptes, 
au  temps  où  il  n'était  encore  que  roi  de  Navarre, 
nous  apprend  que,  dès  1576,  sa  dépense  en  cure- 
dents  était  de  vingt  sous  par  mois,  grosse  somme 
pour  une  cour  si  besoigneuse.  Le  même  registre 
contient,  à  l'année  1581,  cette  mention  :  «  Or 
pour  plomber  les  dents  du  Roy,  15  liv.  15  sols  ^  ». 

L'or,  en  pareil  cas,  n'était  guère  employé  que 
pour  les  bouches  royales.  Ambroise  Paré  conseille 
seulement  le  liège  ou  le  plomb  :  «  Si  les  dents 
sont  creuses,  dit-il,  ont  doit  remplir  les  pertuis 
de  liège  ou  de  plomb  bien  accommodé^  ».  Il 
écrit  ailleurs  :  «  Quand  elles  sont  tombées,  en 
faut  adapter  d'autres,  d'os  ou  d'j^voire,  ou  de 
dents  de  rohart  ',  qui  sont  excellentes  pour  cest 
effect,  lesquelles  seront  liées  aux  autres  dents 
proches  avec  fil  commun  d'or  ou  d'argent*  ». 
Même,  on  posait  déjà  des  râteliers  complets  :  leur 
construction  laissait,  il  est  vrai,  fort  à  désirer  ; 
c'étaient  purs  artifices  de  coquetterie,  que  l'on 
retirait  pour  manger,  raconte  Tallemant  des 
Réaux'.  Le  satirique  auteur  à  qui  nous  devons 
la  Description  de  l'isle  des  hermaphrodites  *  ^,  nous 
révèle  aussi  que  «  beaucoup  d'entre  eux  avoient 
les  dents  artitîcielles,  qu'ils  avoient  ostées  devant 
que  se  mettre  à  table  "  ». 

Parmi  les  découvertes  sérieuses,  il  faut  citer 
la  transplantation  immédiate  des  dents,  le  rem- 
placement d'une  dent  cariée  par  une  dent  humaine 
et  saine.  Andjroise  Paré  mentionne  le  fait  sans 
trop  y  croire,  mais  en  le  déclarant  vraisem- 
blable *^.  Trente  ans  plus  tard,  le  succès  de  cette 
opération  n'est  plus  l'objet  d'aucun  doute  pour 
le  docteur  Louis  Guyon  '^.11  est  vrai  que  cent 
ans  après  l'habile  Dionis,  chirurgien  un  peu 
timoré  d'ailleurs,  n'en  veut  pas  entendre  parler  *  *. 


'   Pag.'  155. 

-  .Jean  do  Roye,  Chronique,   édit.    Micliaml.  p.  329. 

•'*  Dti  Krosno  de  Beaucouil,  Histoire  de  Charles  VII, 
t.  M,  p.   439. 

*  A.  Chéreau,  tjans  VUnioit  médicale,  11"  du  2(5  février 
1863,  p.  387. 

"  Inteiitiiire  des  Archives  des  liasses-Pyréne'es,  t.  I, 
p.  1,  7  l'I  10.  —  Voy.  aus.si  \ç  Journal  d'Héroard,  t.  I, 
p.   1-12. 

*•  Œiirres.  p.  tii2. 

"'    \)r  re([uin. 

8  Œuvres,  p.  895. 

'•'  Hislorielles,  t.  II,  p.  ;Mt). 

'"   Par  Artu.s  d'Embry,  jiubliée  en  1605. 

"    Page  105. 

'2  Œuvres,   p.  611. 

'•'  Le  miroir  de  la  beauté  (1615),  p.  369. 

1*  Cours  d'opérations,  p.  523. 


DENTISTES 


255 


L'on  savait  aussi  couper  les  dents,  et  au  moyen 
d'un  instrument  tout  à  fait  semblable  à  celui 
qu'on  emploie  de  nos  jours  ^ . 

Louis  XIV  avait  de  très  mauvaises  dents.  Dès 
1685,  trente  ans  avant  sa  mort,  il  ne  lui  en  restait 
presque  plus  à  la  mâchoire  snp«''rieure,  et  celles 
du  bas  étaient  toutes  cariées.  L'honnenr  de  soig^ner 
ces  augustes  chicots  se  partag-eait  entre  le  premier 
médecin,  le  premier  chirurg^ien  el  le  dentiste 
royal.  Si  l'ablation  devenait  indispensable,  le 
dentiste  Dubois  la  pratiquait  au  moyen  d'un 
élevatoire  d'invention  nouvelle,  dont  Dionis  fait 
un  grand  éloge. 

M""®  de  Maintenon,  devenue  vieille,  n'avait 
pas  de  meilleures  dents  que  son  royal  époux. 
Elle  écrivait,  le  9  juillet  1714,  à  la  princesse  des 
Ursins  :  «  Je  ne  vois  presque  plus,  j'entends 
encore  plus  mal,  on  ne  m'entend  plus,  parce  que 
la  prononciation  s'en  est  allée  avec  les  dents-  ». 

En  1712,  le  dentiste  du  roi,  dit  aussi  «  chirur- 
gien opérateur  pour  les  dents  »,  était  Charles- 
Arnault  Forgeron,  qui  touchait  par  an  2.295 
livres  de  gages.  Il  remplissait  le  même  office 
auprès  du  Dauphin  et  de  la  Dauphine  et  recevait 
encore  de  ce  chef  1.500  livres.  «  Il  a  soin,  écrit 
Trabouillet,  de  nettoïer  et  couper  les  dents,  et 
fournil  de  racines  et  d'opiat  quand  le  Roy  lave 
sa  bouche  ^  » .  ' 

Au  cours  du  dix-huitième  siècle,  l'art  dentaire 
réalisa  de  sérieux  progrès,  dûs  surtout  à  quelques 
opérateurs  de  Paris,  au  nombre  desquels  on  doit 
citer  Gerauldy,  dentiste  du  duc  d'Orléans  ; 
Robert  Bunon,  dentiste  des  Enfants  de  France  ; 
Pierre  Fauchard  ;  Mouton  ;  Anselme  Jourdain  ; 
Caperon  ;  Bourdet,  dentiste  de  Louis  XV  *  el 
de  Louis  XVI.  Ils  combattirent  l'abus  des  extrac- 
tions, contre  lequel  Dionis  protestait  dès  le  début 
du  siècle  :  «  Il  y  a,  disait-il,  des  gens  si  impa- 
tiens qu'à  la  moindre  douleur,  ils  font  sauter 
leurs  dents.  Mais,  c'est  une  méchante  maxime 
que  de  courir  si-tôt  à  l'arracheur  ;  il  ne  faut  venir 
à  cette  opération  que  quand  la  dent  est  tellement 
gâtée  qu'il  n'y  a  plus  moyen  de  la  sauver,  ou 
quand  la  douleur  qu'elle  excite  à  la  gencive  est 
devenue  continuelle  et  insupportable  ^  ». 

En  1742,  Caperon  trouva  le  moyen  de  casser 
deux  dents  à  Louis  XV,  pendant  qu'il  lui  net- 
toyait la  bouche.  Le  roi  montra  une  grande 
patience,  écrit  Barbier,  «  il  a  souffert  extraor- 
dinairement  sans  se  plaindre,  sans  dire  des  choses 
trop  désagréables  à  ce  dentiste  ^  ». 

Mesdames,  filles  de  Louis  XV,  avaient  pour 
dentiste  le  sieur  Mouton  qui,  en  dépit  de  son 
nom,  faisait  une  belle  peur  à  ses  royales  clientes. 

Sébastien  Mercier  écrivait  en  1783  :  «  Les 
habiles  dentistes  s'attachent  plus  à  conserver  les 
dents  qu'à  les  extirper  ;  ils  n'arment  plus  si 
fréquemment  leurs  mains  de  l'acier  douloureux  ». 

1  ^'oyez-en  la  figure  dans  Guillemeau,  Œuvres  de 
chirurgie  (1649),  p.  513. 

2  A.  Geffroy,  Madame  de  Maintenon,  t.  II,  p.  352. 

3  État  de  la  France  pour  1712.  t.  I,  ]!.   178. 

i  Mémoires  secrets,  dits  de  Bachaumont,  t.  \  11,  p.  180. 

^  Page  515. 

fi  Journal,  t.  VIII,  p.  199. 


Toutefois,  si  vous  y  tenez,  ils  ne  vous  refuseront 
pas  ce  service.  «  Si  une  rage  de  dents  vous  saisit 
dans  la  rue,  vous  n'avez  qu'à  lever  les  yeux. 
Une  enseigne,  qui  représente  une  molaire  grosse 
comme  un  boisseau,  vous  dit  :  montez  !  Le  den- 
tiste vous  fait  asseoir,  relève  sa  manchette  de 
dentelle,  lire  votre  dent  d'une  main  leste  et  vous 
off're  ensuite  un  gargarisme  ».  Désirez-vous 
remplacer  les  os  précieux  qui  vous  ont  été  ainsi 
enlevés,  les  dentistes  sont  encore  à  votre  dispo- 
sition :  «  Le  plus  étonnant  dans  son  art  se  nomme 
Catalan,  rue  Dauphine.  Il  vous  fera  un  râtelier 
complet,  avec  lequel  vous  broyerez  tous  les  ali- 
mens  sans  gêne  et  sans  effort  ^  ». 

La  prothèse  employait  alors  presque  exclu- 
sivement l'ivoire,  les  dents  humaines,  celles  du 
bœuf  et  du  morse  2.  En  1780,  «  le  sieur  Ladou- 
cette,  l'aîné,  chirurgien-dentiste,  reçu  au  collège 
de  chirurgie,  quai  Pelletier,  près  la  Grève, 
maison  d'un  parfumeur  »,  annonçait  au  public 
qu'il  venait  «  d'imaginer  de  nouveaux  ressorts 
en  or,  pour  maintenir,  avec  toute  la  solidité 
possible,  les  mâchoires  artificielles  dans  l'usage 
de  la  mastication  et  de  la  parole.  Ces  mâchoires 
sont  conformées  de  manière  à  imiter  la  belle 
nature  et  à  exécuter  tous  les  mouvemens  de  la 
bouche  sans  être  exposées  à  la  fragilité  ;  elles 
servent  surtout,  au  défaut  de  dents  naturelles,  à 
une  trituration  des  alimens  :  ce  qui,  comme  l'on 
sait,  est  la  base  de  toute  l'économie  animale  ^  ». 

Un  arrêt  du  19  avril  1755,  dû  aux  instances 
de  Lamartinière,  premier  chirurgien  du  roi, 
interdit  aux  femmes  la  profession  de  dentistes. 
Deux  femmes  pourtant  l'exerçaient  encore  en 
1760,  c'étaient  M"*'-'^  Calais,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Honoré,  et  Hervieux,  rue  Geoffroy-Las- 
nier.  Paris  ne  comptait  guère  qu'une  trentaine 
de  dentistes*.  Deux  d'entre  eux  étaient  reçus 
maîtres  en  chirurgie,  les  autres  portaient  le  titre 
d'EXPERTS,  seule  qualification  que  donnassent 
aux  dentistes  les  statuts  de  septembre  1699. 
Leurs  examens,  beaucoup  moins  compliqués  que 
ceux  des  chirurgiens,  se  bornaient  à  «  un  seul 
acte,  dans  lequel  ils  étaient  interrogés  tant  sur 
la  théorie  que  sur  la  pratique  ».  Ces  examens 
constituaient  une  fort  heureuse  innovation,  et  ils 
furent  rendus  plus  sérieux  au  dix-huitième  siècle. 
Les  lettres  patentes  de  mai  1768  règlent  ainsi  la 
condition  des  experts. 

«  Article  cxxvi.  Ceux  qui  voudront  s'occu- 
per de  la  fabrique  et  construction  des  bandages 
pour  les  hernies  ou  ne  s'appliquer  qu'à  la  cure 
des  dents  seront  tenus,  avant  d'en  faire  l'exercice, 
de  se  faire  recevoir  au  collège  de  chirurgie  en 
la  qualité  d'experts. 

Article  cxxvn.  Ne  pourront  aucuns  aspirans 
être  admis  en  ladite  qualité  d'experts,  s'ils  n'ont 
servi  deux  années  entières  et  consécutives  chez 
l'un  des  maîtres  en  chiruro-ie  ou  chez  l'un  des 


1  Tableau  de  Paris,  t.  V,  p.  75. 

2  Gerauldy,  L'art  de  conserver  les  dents  (1737),  p.  121. 

3  Affiches,  annonces  et  avis  divers,    n"   du  20  décembre 
1780. 

l  On  trouve  leurs  noms   dans  Jèze,    État  ou   tableau,. 
etc.,  p.  5. 


256 


DENTISTES  —  DÉS  A  COUDRE 


experts  établis  dans  la  ville  et  faubourg  de  Pans. 
ou  enfin  sous  plusieurs  maîtres  ou  experts  des 
autres  villes  pendant  trois  années:  ce  qu'ils 
seront  tenus  de  justifier  par  des  certificats  en  bonne 
forme. 

Articlk  cxw'iu.  Seront  reçus  lesdits  experts 
en  subissant  deux  examens  en  deux  jours  différens 
dans  la  même  semaine...  Ils  seront  interrogés  le 
premier  jour  sur  la  théorie,  et  le  second  sur  la 
pratique,  par  le  lieutenant  de  notre  premier 
chirurgien,  les  quatre  prévôts  et  le  receveur  en 
charge,  en  présence  du  doyen  de  la  Faculté  de 
médecine,  du  doyen  du  collège  de  chirurgie... 

Article  cxxix.  Défenses  sont  faites  auxdits 
experts,  à  peine  de  trois  cents  livres  d'amende, 
d'exercer  aucune  partie  de  la  chirurgie  que  celle 
pour  laquelle  ils  auront  été  reçus,  et  de  prendre 
sur  leurs  enseignes  ou  placards,  affiches  ou 
billets,  la  qualité  de  chirurgiens,  sous  peine  de 
cent  livres  d'amende.  Ils  auront  seulement  la 
faculté  de  prendre  celle  d'experts  herniaires  ou 
dentistes  ». 

h' Ahnanarh  Dmiphin.  recueil  d'adresses  et 
iiussi  de  récbimes.  publiait  dans  son  édition  de 
178*.>  les  renseignements  suivants,  qui  me  servi- 
ront de  conclusion  : 

CHIRUR(iIEN.S-DENTISTES  ET  EXPERTS 
l'OIR   I,ES  MAI-ADIES  DE.S  DENTS  ET  DES  GENCIVES. 

iioTOT.  place  Mauherl.  Un  des  plus  renommés 
pnur  tout  ce  qui  concerne  les  maladies  des  dents 
et  gtMicives.  a  établi  en  cette  capitale  un  cours 
pubh'c  fi  pratique  sur  l'art  de  conserver  et 
(l'exlrain-  les  dents.  Cet  habile  et  célèbre  artiste, 
qui  donne  chaque  jour  de  nouveaux  témoignages 
de  son  zèle  et  des  connoissances  qu'il  a  acquises 
dans  celle  partie,  n'a  pour  but  que  d'instruire 
les  jeunes  élèves  qui  se  destinent  à  aller  en 
province,  et  les  mettre  à  portée  de  connoître  et 
faire  usage  des  insfrumens  qui  facilitent  le  plus 
l'artiste  dans  ses  opérations  et  causent  moins  de 
fjonli'urs  au  malade. 

C(»i;rtois,  rue  rt.  près  la  (lomédie- Françoise,  ù 
riii'ilet  de  In  Fmitrière,  est  auteur  d'un  nouvel 
instrument  pour  l'extirpation  des  dents  doubles, 
avi'c  le(|uel  il  remédie  aux  inconvéniens  que  la 
pntlique  présente  journellement  dans  la  manière 
dn  les  ôtor. 

Le  Hoy,  me  de  Grenelle  Saint -Ilonnré,  chirur- 
triiMi-d.'iitisIe  de  feu  S.  A.  S.  madame  la  duchesse 
d  Orléans,  est  un  des  plus  renommés  poiu' guérir 
Inules  les  maladies  de  la  bouche,  et  pour  tirer  les 
dénis,  les  ranger,  plomber,  réparer,  nettoyer  et 
en  renjellre  fl'arliiieielles.  Il  seroit  à  souhaiter 
que  cet  habile  artiste  voulAt  bien  donner  au 
public  le  manuscrit  précieux  qu'il  a  fait  sur  l'art 
(lu  dentiste.  ♦ 

\'^y.  Dentifrices  (Commerce  des)  et 
Donts  (Fabrication  dos). 

Dents  i'Fabrjcation  des).  Une  phrase  que 
je  trouve  dans  les  lettres  de  Gui  Patin  tend  à 
prouver  qu'au  dix-septième  siècle,  cette  industrie 
npp^irlenait  aux  tnbletiers.  «  Il  nvoit  un  sien 
neveu,  tablelier  et  remetteur  de  dents  d'ivoire», 


écrit  Patin  le  5  octobre  1657  ^.  Deux  arrêts  des 
20  juin  1736  et  30  janvier  1738,  confirmés  le 
12  juillet  1745,  reconnaissent  aux  tabletiers  le 
droit  de  «  découper,  tailler,  sculpter,  cizeler  et 
travailler  l'y  voire  de  toutes  formes  et  modes  », 
L'article  17  des  statuts  qui  leur  furent  accordés 
en  1741,  les  autorise  à  «  travailler,  dépecer  et 
façonner  la  baleine,  l'écaillé,  l'yvoire,  les  os,  la 
corne,  les  argots  [ergots  de  bœufs],  les  bois 
d'ébeine,  violette,  garnadille  [grenadille  |.  palis- 
sandre, buis,  nacre,  ambre  et  autres  bois  exquis 
qui  se  tirent  des  Indes  •>. 

Départeurs.  Voy.  Affineurs. 

Dépeceurs  de  carrosses.  Voy.  Crieurs 
do  vieux  fers. 

Dépensiers.  Intendant,  maître  d'hôtel, 
économe  dans  une  grande  maison.  Le  Ménagier 
de  Paris  (1393)  recommande  à  «  Jehan  le 
despensier  »  d'inscrire  sur  «  son  papier  de  la 
despense  "^  »  quand  il  engagera  une  nouvelle 
servante,  le  nom  de  celle-ci,  «  celui  de  son  père 
et  de  sa  mère  et  d'aucuns  de  ses  parens,  le  lieu 
de  leur  demourance,  et  le  lieu  de  sa  nativité  ^  ». 

Dans  les  couvents,  le  despencier  ou  despansier 
était  le  religieux  qui  avait  soin  de  la  cave  et 
écrivait  les  dépenses.     ' 


Dépositaires    des 
Gardes. 


archives .    ^'oy 


Deposuit  (Cérémonie  du).  Voy.  Con- 
fréries. 

Dérouilleurs.  Nom  donné  parfois  aux 
fourbisseurs.  Voy.  Ducange,  Glossarium,  au  mot 
eruhiginare. 

Dés  à  coudre  (Fabricants  de).  Alexandre 
Neckam,  poète  et  lexicographe  du  douzième 
siècle,  consacre  au  dé  à  coudre  ces  deux  lignes 
d'un  latin  barbare  :  «  Tecam  habeat  nimphula 
corigialem ,  acus  insidiis  obviantem ,  quod 
vulgariter  policium  vel  digitale  appellatur  *  ». 
Fait  assez  rare,  les  mots  dont  l'explication  offre 
ici  quelque  difficulté  ne  figurent  pas  dans 
l'admirable  y-lossaire  de  Ducany-e.  Le  sens 
général  de  la  phrase  est  d'ailleurs  bien  clair. 
Pour  se  préserver  des  atteintes  de  l'aiguille, 
la  servante  doit  avoir  un  dé  de  cuir,  qui  est 
ordinairement  appelé  politium  ou  digitale. 
L'expression  corigialem  semble  bien  prouver  que 
les  dés  à  coudre  se  faisaient  alors  en  cuir,  mais 
il  n'en  était  plus  de  même  au  siècle  suivant.  Pour 
traduire  le  mot  digitale,  les  équivalents  ne 
manquent  pas,  car  je  trouve  les  dés  à  coudre 
nommés  deis,  deaul  •',  dedal,  deel  à  mettre  on 
doji  potir  qneudre   ^,   del  à  queuldre  ',    deux, 


'   Kdil.  1^'ViMllé-Parise,  I.  Il,  ],.  344. 

-  Sun  liviv  (11"  (l('j)i'ns(". 

•■'  Toin.-  II,  p.  58. 

1  Êdit.  Schcler,  p.  91. 

^  Ducang-t\  v"  fkeca. 

*>  Ducangi',  v"  digitabulum. 

'  Ducange,  v°  digiturium. 


DES  A  COUDRE  —  DÉS  A  JOUER 


257 


deeux  *,  deem  ',  deez,  dex  à  dames  pour  coudre  ^, 
mais  policium  m'embarrasse.  Faitt-il  le  traduire 
par  le  moi  poncier  qui,  suivant  Littré,  sig'iiifie 
«  doig'tier  de  corne  ou  de  mêlai  qui  sert  à  couvrir 
le  pouce  ?  »  Peut-être,  et  il  nous  faudrait  en 
conclure  qu'à  la  fin  du  douzième  siècle  le  dé  se 
mettait, non  au  second  doig-t  comme  aujourd'hui, 
mais  au  pouce. 

Au  treizième  siècle,  les  fabricants  de  dés  à 
coudre  se  nommaient  deeliers  *  et  deiliers  *.  Le 
Livre  des  me'tiers  écrit  deyciers  *>,  forme  évi- 
demment fautive  ^,  et  qui  désignait  les  fabricants 
de  dés  à  jouer. 

Deux  communautés  s'occupaient  alors  de  la 
confection  des  dés  à  coudre  :  les  fermailliers 
faisaient  les  dés  en  laiton,  les  boutonniers-deiliers 
ceux  d'archal,  de  cuivre  et  de  laiton. 

Je  ne  trouve  pas  les  dés  mentionnés  dans  les 
statuts  accordés  aux  boutonniers  en  1653.  Ils 
devinrent  alors  la  spécialité  des  aiguilliers,  qui 
avaient  pour  armoiries  un  semis  d'aiguilles  et  de 
dés  à  coudre.  Au  reste,  vers  cette  époque,  la  plus 
grande  partie  des  dés  employés  en  France  se 
fabriquait  à  Blois,  ainsi  que  les  déaux  ou  dés 
sans  bout,  à  l'usage  des  tailleurs,  des  bourreliers, 
etc.  8  * 

Désarticulés.  Voy.  Disloqués. 

Desbacleurs.  Voy.  Débacleurs. 

Descharcheeurs  et  Descharg-eeurs. 
Voy.  Déchargeurs. 

Désossés.  Voy.  Disloqués. 

Despansiers.  Despenciers.  Despen- 
siers.  Voy.  Dépensiers. 

Dés  à  jouer  (Fabricants  de).  Ils  ont  leurs 
staluts  dans  le  Livre  des  métiers  ",  qui  les  nomme 
deyciers,  deiciers,  feseeurs  de  dez  à  tables  *"  et 
à  eschie's^^,  d'os  et  d'yvoire,  de  cor  ^"^  et  de  toute 
autre  manière  d'estoffe  ^^  et  de  métal.  Le  métier 
était  libre.  En  dehors  de  ses  enfants  légitimes, 
chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  plus 
d'un  apprenti  ;  il  lui  était  cependant  permis 
d'en  prendre  un  second  au  cours  de  la  dernière 
année  de  service  du  premier.  La  durée  de 
l'apprentissage  était  de  neuf  ans  pour  l'enfant 
sans  argent,  de  huit  ans  pour  celui  qui  apportait 
vingt  sous.  L'apprenti  qui  abandonnait  son 
maître  ne  pouvait  être  recueilli  par  un  autre. 
S'il  entrait  chez  un  deicier  habitant  hors  de 
Paris  et  venant  vendre  ses  produits  dans  la  ville. 


1  Livre  des  métiers,  titre  XLII. 

2  «   J'ai    les   deeus   à   costurières.   »   Dit  d'un  mercier 
(XIV«  siècle.) 

3  Livre  des  me'tiers, tiive  LXXII. 

4  raille  de  1292. 

5  Taille  de  1313. 

6  Livre  des  métiers,  titre  LXXII. 

''   Deel,  deeliers  sont  issus  du  latin  digitale. 

8  Savary,  Dictionnaire,  t.  I,  p.  1652. 

9  Titre  LXXI. 

10  Voy.  ci-dessous. 

11  Echecs. 

12  X)e  corne. 

'3  De  matière  première. 


il  était  ititerdil  de  rien  achètera  celui-ci  ^<  devant 
que  il  ait  jetez  d'entour  lui  l'aprentiz  au  deycier 
(le  Paris  ».  Aucun  marchand  parisien  ne  devait 
rien  aclieter  à  un  forain  avant  que  la  marchandise 
eût  été  examinée  par  les  jurés  du  métier;  c'était 
là,  au  reste,  une  règle  comnumeà  presque  toutes 
les  corporations.  Le  travail  de  nuit  était  défendu. 
Deux  jurés  aibninisiraient  la  comnumauté. 

La  Taillt'  de  1202  cite  sept  maîtres  deiciers 
ou  deciers,  celle  de  1300  en  mentionne  quatre 
seulement.  C'est  encore  beaucoup,  et  une  si 
importante  consommation  suppose  une  passion 
efïrénée  pour  le  jeu.  Il  est  vrai  que,  aux  termes 
de  leurs  statuts,  les  deiciers  fabriquaient  non 
seulement  des  dés,  mais  des  tables  et  des  échecs, 
des  tabliers,  des  échiquiers,  des  mareliers,  etc., 
etc.  Et  puis,  il  ne  faut  pas  l'oublier,  les  cartes 
n'étaient  point  encore  inventées,  et  les  joueurs 
n'avaient  à  leur  disposition  que  les  nombreuses 
variétés  des  jeux  d'échecs,  de  dames  et  de  dés. 

On  nommait  alors  tables  les  petits  palets  de 
bois,  d'os  ou  d'ivoire  que  nous  appelons  aujour- 
d'hui des  dames.  De  là  le  nom  de  j'etcx  de  tables  ou 
des  tables  donné  à  tous  lesjeux  où  l'on  employait 
les  dames,  et  de  fable  on  tablier  à  la  surface  plane 
sur  laquelle  on  les  jouait.  Cette  dernière  expres- 
sion finit  par  s'appliquer  à  tous  les  tableaux 
disposés  pour  jouer  à  un  jeu  quelconque,  Yccki- 
quier  cependant  tendit  toujours  à  conserver  son 
nom  et  à  rester  distinci  du  tablier. 

On  trouve  très  fréquemment  cités,  dans  les 
anciens  inventaires,  des  échiquiers  et  des  jeux 
d'échecs  en  chêne,  en  ivoire,  en  marbre,  en 
cristal,  en  jaspe,  même  en  bateure  d'or  et  d'argent, 
ce  qui  signifie  que  les  cases  étaient  faites  de 
petites  plaques  de  ces  métaux  réduits  en  feuille. 
Le  célèbre  jeu  d'échecs  qui  passe  pour  avoir  été 
offert  à  Charlemagne  par  Haroun-ar-Raschid,  et 
qui  fut  successivement  conservé  au  trésor  de 
Saint-Denis  et  à  la  Bibliothèque  royale,  est  en 
ivoire.  II  date,  d'ailleurs,  du  onzième  siècle  seule- 
ment, le  costume  des  personnages  constituant 
chaque  pièce  ne  laisse  aucun  doute  à  cet  égard. 
On  n'a  rien  conservé  des  «  jeux  de  tables  et  de 
eschiez  »  qui,  suivant  Joinville  *,  furent  envoyés 
par  le  vieux  de  la  montagne  à  saint  Louis  ; 
cadeau  mal  placé,  au  reste,  car  le  bon  roi  avait 
horreur  du  jeu  et  des  joueurs. 

Son  exemple  ne  fut  guère  suivi,  eL  pendant 
bien  longtemps  l'art  de  jouer  à  tous  les  jeux  en 
vogue  compléta  l'éducation  d'un  gentilhomme  : 

Puis  aprist  il  as  tables  et  as  eschas  jouer, 

écrit  de  son  héros  V-AViie.\xv  àe  Parise  la  duchesse"^ . 
Dans  une  foule  d'autres  romans  du  moyen  âge  3, 
on  voit  vanter  l'adresse  d'un  seigneur  aux  échecs 
et  aux  dés  comme  à  la  chasse.  Et  cette  tradition 
passa  sans  s'altérer  de  siècle  en  siècle.  A  la  fin 
du  dix-septième  siècle,  Hamilton  voulant  peindre 
un  gentilhomme  accompli,  lui  fait  dire  :  «  Tu 
sais  que  je  suis  le  plus  adroit  homme  de  France  ; 


1  Édit.  de  Wailly,  p.  163. 

2  Cité  par  Ducange,  Glossarimn,  V  Scncci. 

3  \'oy.  entre  autres  Gérard  de  Roussillon  et  Hnon 
Bordeaux. 


17 


258 


DÉS  A  JOUER  —  DESSINATEURS  EFFIGIAIRES 


j'eus  bientôt  appris  tout  ce  qu'on  y  montre  ;  et, 
chemin  faisant,  j'appris  encore  ce  qui  perfec- 
tionne la  jeunesse  et  rend  honnête  homme,  car 
j'appris  encore  toutes  sortes  de  jeux  aux  cartes  et 
aux  dés  ^  ».  On  sait  que  l'expression  honnête 
homme  désignait  alors  un  homme  poli,  bien 
élevé,  de  bonnes  manières.  Quatre  cents  ans 
auparavant,  Jacqnes  de  Cessoles,  songeant  à 
composer  un  traité  de  morale  universelle,  ne 
trouva  rien  de  mieux  que  de  le  baser  sur  le  jeu 
des  échecs.  La  marche  des  rois,  des  pions,  des 
tours  lui  fournit  des  préceptes  de  conduite  qu'il 
appliqua  à  tous  les  états  et  à  toutes  les  condi- 
tions de  la  vie.  Ce  liber  de  sc«cc/«'s  eut  une  vogue 
immense,  et  fut  presque  aussitôt  traduit  en 
plusieurs  langues. 

En  dépit  de  Jacques  de  Cessoles  et  de  sa 
morale,  on  ne  se  faisait  guère  scrupule  de 
tricher  au  jeu,  et  c'est  encore  là  une  tradition  qui 
se  conserva  longtemps.  Jusqu'au  dix-huitième 
siècle,  tous  les  Mémoires\?às<,éi^  soit  par  de  grands 
seigneurs  soit  par  des  bourgeois  en  font  foi.  On 
trichait  même  à  la  cour,  même  au  jeu  de 
Louis  XIV  ^,  et  l'on  peut  juger  par  là  de  ce  qui 
se  passait  au  treizième  siècle.  Les  merciers 
vendaient  alors  des  dés  qui  avaient  la  propriété 
de  tomber,  les  uns  sur  les  nombres  les  plus  bas, 
les  autres  sur  les  plus  élevés,  d'autres  (oiijours 
sur  l'as  ^ . 

Les  stcituls  des  deiciers  interdisent  sévèrement 
la  fabrication  des  dés  pipés,  et  nous  révèlent 
ainsi  les  fraudes  les  plus  fréquentes  dont  ils 
étaient  l'objet. 

On  appelait  dés y>/ow»î^z  *  ceux  dont  une  des 
faces  était  rendue  plus  pesante  que  les  cinq 
autres  par  l'addition  de  plomb  ou  de  vif  argent. 

Los  dés  mespoinz  présentaient  sur  chacune 
de  leurs  faces  le  même  nombre  de  points  : 
«  ce  est  ù  savoir  qui  sont  touz  d'as,  ou  touz  de 
Il  points,  on  fmi/  (]o  m.  ou  de  un,  ou  de  v,  ou 
touz  de  VI 

Les  dés  y;r/-,v  on  nonipcrs  ■'  étaient  ceux  où  le 
même  nondtre  de  points  étiiil  reproduit  deux 
fois  :  <.<  dez  ù  deus  ii,  ou  à  deus  as,  ou  à  deux  v, 
nu  à  deus  III,  ou  à  deus  un,  ou  à  deus  vi  ». 

Les  dés  lon(jnez  aviiient  une  de  leurs  faces 
frottée  sur  une  pierre  d'aimant. 

Tous  les  dés  de  ce  genre  devaient  être  con- 
lisqués  cl  brûlés  par  les  jurés,  et  le  fabricant 
cuiipnblt'  p;ijait  une  amende  de  cinq  sous. 

Les  faiseurs  de  dés  figurent,  sous  le  nom  de 

(Ircin-s,   dans   l'onlitiinance    dite   des   Bannières 

14')7j.  Ils  se  réunirent  ensuite  ^  j^  corporation 

d.'s  patrnôtri.Ts  d'os  H  de  corne.  Une  pièce  de 

\'}Hf}  1rs  nomme  decssiers. 


'   .Vf moires  He  flramoHl,  cluip.  IIÏ. 

'  V.iy.  Sflint-Siiiion,  .Wmnires,  t.  I]I,  p.  1(58.  — 
Hnnpwi,  Jonmal.  t.  H,  p.  oo.  _  Mmo  Jp  Scvifrnc 
J-fllrr  fin  18  murs  1071.  —  Mrrcure  iplant,  n"  de 
tliV..mbr.-  lfiH2  —  Hion  n'élnil  rliniif;i-.<ioii.s  Louis  XVI 
\o\.  Ir.H  Mrmniru  ilil.s  dt  linehnumnnt.  3(1  orldhiv  ,1 
24  novt'mbn-  1778,  Hc,  l'ir. 

••  \'oy.  I<<  DU  d'uH  mercier. 

'  P!orab<*,"i, 

^  Pairs  ou  impairs. 


Dessin  (Maîtres  de).  Louis  XIV  eut  pour 
maître  de  dessin  un  sieur  Henry  Davire  ^ ,  qui 
n'eut  jamais  à  se  louer  beaucoup  de  son  élève. 
Louis  XV,  au  contraire,  montra  quelques  dispo- 
sitions ^. 

L'allemand  Nemeitz,  qui  vint  visiter  Paris 
vers  1715,  engageait  ceux  de  ses  compatriotes 
désireux  d'y  séjourner,  à  s'^y  perfectionner  dans 
l'art  du  dessin.  «  Certains  professeurs,  écrit-il, 
enseignent  seulement  le  dessin  appliqué  aux 
fortifications,  la  manière  de  lever  un  plan  et  de 
le  laver,  par  exemple.  Mais  ceux  qui  voudroient 
aller  plus  loin,  apprendre  même  la  peinture, 
trouvent  les  plus  excellens  maîtres  à  l'Académie 
des  peintres,  au  Louvre.  Quelques-uns  d'entre 
eux  excellent  dans  la  miniature,  d'autres  dans  le 
portrait,  le  paysage,  les  fleurs,  la  peinture  sur 
émail,  etc  ^  ».  Il  n'en  est  pas  moins  certain  que 
le  dessin,  considéré  comme  art  d'agrément,  était 
encore  peu  répandu  à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle  *. 

Un  ouvrage  publié  en  1826  s'exprimait  ainsi  : 
«  Il  n'y  a  pas  quarante  ans  que  le  dessin  n'était 
qu'une  partie  fort  accessoire  de  l'éducation  des 
personnes  des  deux  sexes,  et  qu'un  jeune  homme 
ou  une  jeune  fille  qui  apprenaient  à  dessiner,  ne 
se  livraient  à  cette  occupation  que  par  manière 
de  délassement  ;  encore  appartenaient-ils  à  des 
familles  opulentes  :  point  de  dessin  dans  les 
couvens  et  fort  peu  dans  les  maisons  particu- 
lières. Aussi  les  dessinateurs  étaient-ils  presque 
tous  réduits  à  travailler  dans  leur  cabinet  pour  le 
compte  des  riches  amateurs,  des  marchands 
d'estampes  et  des  libraires.  Depuis  vingt-cinq 
ans,  la  nécessité  de  connaître  l'art  du  dessin  s'est 
fait  généralement  sentir,  et  la  plupart  des  pères 
de  famille  qui  jouissent  d'une  certaine  aisance 
croiraient  n'avoir  donné  à  leurs  enfans  qu'une 
éducation  incomplète,  s'ils  ne  leur  avaient  fait 
apprendre  à  dessiner  le  paysage  ou  quelques 
têtes.  De  là  est  venu  cette  multitude  de  maîtres 
de  des.sin,  et  cette  aptitude  d'un  si  grand  nombre 
de  jeunes  gens  et  de  jeunes  personnes  à  pronon- 
cer sur  le  dessin  d'une  gravure,  d'un  morceau  de 
sculpture  ou  d'un  tableau. 

Un  maître  de  dessin  est  un  homme  dont  les 
pensionnats  de  jeunes  demoiselles  ne  peuvent 
plus  se  passer,  puisque  son  art  est  devenu  une 
partie  essentielle  de  l'éducation  d'une  jeune 
personne,  à  laquelle  on  ne  pardonne  point  si  elle 
ne  sait  au  moins  représenter  avec  le  crayon  un 
arbre  ou  une  fleur,  et  même  si,  en  sortant  du 
pensionnat,  elle  ne  peut  présenter  à  ses  parens 
un  on  deux  c-hefs-d'œuvre  de  sa  façon  ^  ». 

Dessinateurs   effig-iaires.    Titre    que 

poriaicnl  les  artistes  chargés  de  représenter  les 
traits  des  condamnés  exécutés  par  effigie  ;  le 
tableau  prenait  la  place  qu'eût  occupéele  coupable. 


'  Estai  général  de  la  maison  du  liotj pour  i657 ,  p.  116. 

2  Voy.  le  Magasin  pittoresque,  1.  XVII  (1849), 
p.   148. 

•'  Séjour  de  Paris,  édition  do  1897,  p.  22. 

^  ^'oy.  .lèzc,  Etat  ou  tableau  de  la  ville  de  Paris  pour 
^760,  p.  189. 

S   Vie  publique  et  privée  des  Français,  t.  II,  p.  260. 


DESSINATEURS  EFFKilAlHES  —  DEUIL 


259 


Un  avis  sans  date  ^  que  j'ai  Irouvé  tiaiis  un 
recueil  de  la  bibliothèque  Mazarine  ^  mentionne 
«  le  sieur  Lepautre,  dessij^'nateur  eftiii;iaire  », 
attaché  axi  service  du  sieur  Bausire,  maître  des 
hautes  œuvres. 

Dessinateurs    de  jardins.    Onx    qui 

<,<  créent  et  tracent  un  jardin  dans  un  endroit  où 
il  n\y  en  avoit  pas  **  ».  Dans  un  brevet  du  25  juin 
1643,  Claude  Mollet  est  qualifié  de  «  dessinateur 
des  plans,  parcs  et  jardins  des  maisons  rojales  *  ». 
Mais  je  vois,  d'autre  part  ^,  qu'en  décembre  de 
la  même  année  ce  titre  appartenait  au  célèbre 
André  Lenôtre. 

Au  dix-septième  siècle,  les  dessiuateurs  de 
jardins,  ditsaussi  Iraceurs,  avaient  voulu  dompter, 
discipliner  la  nature.  Un  jardin,  comme  une 
maison,  se  divisait  en  g'aleries,  en  salles,  en 
rotondes,  en  cabinets,  les  uns  carrés,  les  autres 
ronds,  d'autres  octogones  ;  les  avenues  étaient 
bordées  de  charmilles  unies  comme  des  murailles  -, 
les  arbres  torturés  étaient  contraints  de  repré- 
senter des  pyramides,  des  pilastres,  des  colonnes, 
des  arcades,  etc.  Le  parc  de  Versailles  donne  une 
idée  exacte  de  la  doctrine  alors  en  faveur.  Une 
réaction  se  produisit  vers  la  fin  du  dix-huitième 
siècle.  L'Ang-leterre  donna  l'exemple,  qui  fut 
vite  suivi  par  l'Europe  entière.  Le  jardin  cessa 
d'être  une  création  tout  artificielle  de  l'imag-i- 
nation,  devint  une  copie  de  la  vraie  campagne, 
une  imitation  et  non  plus  une  parodie  de  la  nature. 

Voy.  Jardiniers. 

Détacheurs.  Voy.  Dégraisseurs. 

Détailleiirs.  «  Ce  nom  se  donne  en  général 
à  tous  ceux  qui  vendent  en  boutique  des  marchan- 
dises au  détail,  et  les  distribuent  à  plus  petites 
mesures  ou  à  plus  petits  poids  qu'ils  ne  les  ont 
achetées.  C'est  chez  eux  qu'on  trouve,  en  aussi 
petite  quantité  qu'on  veut,  tout  ce  qui  est  d'usage 
et  de  commodité,  et  dont  on  a  besoin  dans  les 
ménages  ^  ». 

Deuil  (Spécialité  de).  Le  soin  jaloux  avec 
lequel  chaque  corporation  était  confinée  dans 
sa  spécialité  ''  interdisait  absolument  l'existence 
d'une  spécialité  forcée  d'emprunter  le  concours 
de  plusieurs  métiers.  Seuls,  les  merciers,  qui  ne 
produisaient  rien  et  vendaient  de  tout,  eussent 
pu  entreprendre  la  fourniture  complète  d'un  deuil, 
mais  je  ne  crois  pas  qu'aucun  d'eux  ait  eu  cette 
pensée  avant  la  fin  du  dix-huitième  siècle. 

En  1777  seulement,  je  trouve  un  mercier  qui 
peut-être  tenta  d'entrer  dans  cette  voie  :  le  sieur 
Dallemagne,  demeurant  rue  de  Poitiers,  déclare 
en  effet  tenir  «  tout  ce  qui  concerne  particu- 
lièrement les  ecclésiastiques  et  le  deuil  ».  A  la 
même  date,  le  mercier  Briceau,  rue  Saint-Honoré, 


^   Fin  (lu  seizième  siècle. 

2  Coté  A  15,407,  9»  pièce. 

3  Jauberi,  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  t.  II,  p.  468. 

4  Archives  de  l'art  français,  t.  III  (185.5),  p.  272. 
^  Dans  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  771. 

6  Abbé  Jaubert,  Dictionnaire.  \.  II,  p.  29. 

^  Voy.  ci-dessous  l'art.  Travail  (Réglementation  du). 


vis-à-vis  de  TOratoire,  se  dit  ^<  particulièrement 
renommé  pour  les  galons  et  broderies  d'acier  pour 
deuil  ' .»  Mais  on  ne  saurait  voir  ici  une  tentative 
de  spécialisation,  pas  plus  que  chez  les  couteliers, 
par  exemple,  qui  depuis  longtemps  fabriquaient 
des  couteaux  nmnis  de  manches  noirs  et  destinés 
aux  jours  de  mortifications  -. 

Cette  reclierche  date  du  quatorzième  siècle,  et 
il  ne  semble  pas  que  l'usage  de  solenniser  un 
deuil  par  quelque  marf[ue  apparente  soit  anté- 
rieure à  cette  épocjue.  Dès  1303,  le  noir  est  la 
couleur  que  la  tristesse  a  choisi  pour  eud)lème, 
car  Mahaut  d'Artois,  en  deuil  de  son  mari,  tend 
de  noir  son  lit  et  sa  chambre  •''.  En  1388,  quand 
le  comte  de  Foix  apprit  la  mort  de  son  fils  (raston, 
il  appela  sou  barbier,  '<  se  fit  rere  tout  jus  '',  puis 
se  vestit  de  noir  et  tous  ceux  de  son  hostel  ^  ». 

Le  deuil  de  mari  paraît  avoir  été  de  tous  le 
plus  rigoureusement  observé.  Ainsi,  les  statuts 
accordés  aux  tailleurs  en  septembre  1461  leur 
défend  de  travailler  le  samedi  ou  la  veille  des 
grandes  fêtes,  sauf  «  pour  gens  qui  voulsissent 
aler  en  voyaige  ou  pour  porter  estât  de  viduité  ^  » . 
Car  le  deuil  se  reconnaissait  non  seulement  à 
la  couleur  des  vêtements,  mais  aussi  à  leur  forme. 
Les  veuves,  par  exemple,  devaient  ensevelir  leur 
tête  dans  la  guimpe,  voile  de  toile  fine  qui 
enveloppait  le  visage,  le  cou  et  les  épaules  '. 
Ajoutez-y  le  long  manteau,  et  vous  aurez  peut- 
être  ce  que  l'on  a  nommé  V habit  de  viduité  *, 
dont  la  rigueur  primitive  tolérait  bien  des  adou- 
cissements. Plus  sévère  que  le  costume  mondain, 
moins  austère  que  le  costume  monacal,  il 
rappelait,  comme  ce  dernier,  des  engagements 
sérieux,  car  on  le  gardait  toute  sa  vie,  à  moins 
d'un  remariage,  fait  assez  rare  et  toujours  mal 
vu  par  l'Eglise.  L'iiabit  de  viduité,  en  général 
noir  ou  gris,  était  blanc  pour  les  reines,  de  là 
le  nom  de  reines  blanches  que  l'on  donnait  alors 
aux  reines  douairières,  pour  les  distinguer  de  la 
nouvelle  souveraine.  Toutefois,  Catherine  de 
Médicis,  ayant  voulu  porter  en  noir  le  deuil  de 
Henri  II,  fut  appelée  reine  mère  ^. 

Au  milieu  du  seizième  siècle,  le  violet  devient 
la  couleur  du  deuil  pour  les  rois.  Henri  III 
régnait  en  Pologne  quand  on  lui  annonça  la  mort 
de  Charles  IX,  à  qui  il  succédait.  Aussitôt  «  il 
prit  le  violet,  sa  chambre  fut  tendue  de  mesme, 
toute  la  Cour  fut  en  deuil  ^"^  ».  Les  reines  devaient 
rester  enfermées  durant  les  quarante  jours  qui 
suivaient  la  mort  de  leur  mari.  La  règle  était 
stricte  à  ce  point  que  de  Thou  blâme  presque 
Catherine  de  Médicis  qui  la  méconnut  i*.  C'est  en 
long  manteau  de  drap  noir  que  l'on  s'acquittait 


I  Almanoch  Dauphin,  art.  Mcrcier.s. 
-  Voy.  ci-(lessu.s  l'art.  Couteliers. 

3  J.-M.  Richard,  La  comtesse  Mahaut,  p.  166. 
■l  Raser  de  près. 

5  Froissart,  Chronique,  liv.  III,  chap.  XIII. 
<>  Dans  les  Ordonn.  royales,  t.  XV,  p.  62.  —  Les  tail- 
leurs habillaient  alors  les  deux  st^xes. 

7  Sur  la  guimpe,  voy.  Viollet-le-Duc,  Dictionnaire  du 
mobilier,  t.  III,  p.  208  et  suiv. 

8  Voy.  Ducange,  au  mot  vldiur. 

!•  Voy.  Henri  Etienne,  Dialogues,  t.  I,  p.  267  et  suiv. 
10  Pierre  Matthieu,  Histoire  de  France,  p,  390. 

II  /fistoriartiM  sui  temporis  ïih.  }iX.lll.  .. 


260 


DEUIL  —  DIAMANTAIRES 


des  visites  de  condoléances.  Des  piles  de  manteaux 
se  trouvaient  dans  les  antichambres  du  défunt  ; 
un  valet  vous  en  plaçait  un  sur  le  dos  à  votre 
arrivée,  et  le  reprenait  à  la  sortie.  Pour  le  deuil 
des  proches,  la  tenue  de  rigueur  était  le  cha- 
peron, nom  que  Ton  donnait  à  un  long  et  étroit 
manteau  noir  surmonté  d'un  coqueluchon  mou 
et  plat. 

Toute  la  nation  portail  le  deuil  du  roi.  Pendant 
une  année  entière,  il  iVy  avait  si  petit  bourgeois 
ffui  ne  dût  s'habiller  de  noir,  renoncer  aux  bijoux, 
et  vêtir,  au  moins  de  coideur  sombre,  sa  famille 
et  ses  domestiques.  La  maison  royale  fournissait 
les  habits  de  deuil  à  foutes  les  personnes  relevant 
directement  de  la  couronne.  Et  cela  allait  très 
loin,  car  les  fonctionnaires  de  la  Cour  des  comptes 
par  exemple,  aussi  bien  que  ceux  des  Monnaies, 
réputés  commensaux  de  la  maison  du  roi,  avaient 
droit  de  deuil. 

Le  dernier  deuil  de  Cour  que  la  France  ait 
porté,  «  et  il  le  fut  spontanément  comme  une 
mode  ^,  »  est  celui  de  Louis  XVIII.  La  répu- 
blique n'a  cependant  pas  rompu  tout  à  fait  avec 
cette  tradition,  car  à  la  mort  du  président  Carnot, 
ordre  fut  donné  aux  fonctionnaires  et  agents  de 
tdus  les  semces  publics  de  porter  le  deuil  durant 
trente  juurs  *,  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions. 
Tous  les  gens  de  qualité  prenaient  le  deuil  de 
père  à  la  mort  de  l'aîné  de  leur  famille,  même 
s'ils  n'étaient  cousins  qu'au  vingtième  degré. 
Mais  ni  le  roi.  ni  la  reine,  ni  la  Cour  ne  portaient 
le  deuil  des  Enfants  de  France  morts  au-dessous 
de  sept  ans  ^. 

Un  seul  personnage  en  France  ne  portait 
jamais  aucun  deuil,  c'était  le  chancelier.  Chef 
suprême  de  la  justice,  elle  s'incarnait  en  lui, 
et  il  devait  dès  lors  paraître  inaccessible  aux 
faiblesses  humaines.  «  On  a  voulu  marquer  par 
là,  dit  Guyot,  que  la  justice  doit  toujours  con- 
server la  même  sérénité  *  ».  * 
Voy.  Selliers. 

Dévideurs.  «  •  )n  donne  ce  nom  à  des 
)\ivrit'r>  qui.  dans  les  nuinufactures,  ne  font  autre 
l'hose  que  de  mettre  sur  des  bobines  les  soies,  fils, 
fdoselles.  hiines.  etc.  qui  éluient  auparavant  en 
boites  '•• 

Devineurs.  Voy.  Devins. 

Devins.  <'  Devins  et  enchanteurs  ne  font  que 
ImrnptT  cl  abuser  les  incrédules  qui  vont  au 
recours  a  eux. . .  Il  faut  du  tout  fuir  ces  hommes 
«•l  1rs  chasser  li>in  "  •». 

Voy.  Aéromanciens.  —  Astrologues. 

Bateleurs.  Cartomanciens.—  Chi- 
romanciens. Enchanteurs.  —  Faci- 
iiiorH.  Géomanciens.     —     Hydro- 

manciens  Météoromanciens.     — 


"""II,  H'-'"<rt  >!•■  m-i  vie,  t.  III,  ]i.  443. 
I  2."ijuiii  1804 

"•  Mrmoxrts.  t.  JV,  ji.  00,  il  I     \],  I,.  208. 

-  Hflibi.-r,  Journal,  t.   IV,  p.  296. 

♦  TraiU  dfs  nf^cts,  l.  IV,  p.   174. 

"  .\bbé  Jauborf ,  DiflionHoire,  l.  Il,  p.  29. 

•  A.  Paru,  Œupret,  edil.  de  1607,  p.  1044. 


Métoposcopiens.  —  Nécromanciens.  — 
Oniromanciens. —  Ornithomanciens. — 
Pyromanciens. —  Rhabdomanciens.  — 
Rhapsodomanciens,  etc. 

Dévoirants  ou  Dévorants.  Nom  que 
prenaient  certains  membres  de  l'association  dite 
des  Enfants  de  maître  Jacqnes.  Le  Devoir  des 
dévoirants  comprenait  des  menuisiers ,  des 
serruriers  et  des  forgerons,  auxquels  s'adjoi- 
gnirent des  teinturiers,  des  tanneurs,  des 
cordonniers,  etc.  Ils  eurent  de  fréquents  démêlés 
avec  les  Gavots  ^ . 

On  les  nommait  aussi  chiem. 

Voy.  Enfants. 

Devoirs.  On  nommait  ainsi  certaines  asso- 
ciations formées  par  les  compagnons  de  divers 
métiers.  Les  plus  connues  étaient  celles  dites  : 
Enfants  de  Salomon,  comprenant  les  Loups  et 
les  Gavots  ;  Enfants  de  maître  Jacques,  com- 
prenant les  Loups-garous  et  les  Dévoirants;  ou 
Dévorants;  Enfants  de  maître  Souhise  ou  Bons 
drilles. 

En  1789,  on  comptait  29  professions  dont  les 
ouvriers  étaient  affiliés  aux  Devoirs.  C'étaient  les 
chamoiseurs,  les  bourreliers,  les  chapeliers,  les 
charpentiers,  les  charrons,  les  chaudronniers, 
les  cloutiers,  les  cordiers,  les  corroyeurs,  les 
couteliers,  les  couvreurs,  les  ferblantiers,  les 
fondeurs,  les  forgerons,  les  maréchaux,  lés  me- 
nuisiers, les  plâtriers,  les  poëliers,  les  selliers, 
les  serruriers ,  les  tailleurs  de  pierre ,  les 
tanneurs,  les  teinturiers,  les  toiliers,  les  tondeurs 
de  drap,  les  tourneurs,  les  vanniers  et  les 
vitriers  ^. 

Voy.  Enfants. 

Dévorants.  Voy.  Dévoirants. 

Deyciers,  Nom  que  la  Taille  de  1292 
donne  aux  faiseurs  de  dés  à  jouer,  et  le  Livre 
des  métiers  aux  faiseurs  de  dés  à  coudre. 

Diablotins.  Dans  les  fabriques  d'huile,  on 
donnait  ce  nom  aux  ou"vriers  qui  surveillaient  le 
travail  du  moulin  aux  olives. 

Diamantaires.  Titre  qui  appartenait  à  la 
corporation  des  lapidaires. 

Dès  le  treizième  siècle,  les  diamants  furent 
très  recherchés  à  la  cour  de  France.  Au  siècle 
suivant,  ils  brillent  non  seulement  sur  les  orne- 
ments royaux,  mais  aussi  sur  les  coiffures  des 
élégantes.  En  LSfiS,  le  roi  Jean  donna  à  Blanche 
de  Bourbon,  reine  de  Castille,  une  couronne  d'or 
et  un  «  chapel  »  décoré  de  seize  «  d3-amans  ^ .  » 
.Jeanne,  lille  du  même  roi,  exhibait,  de  son  côté 
<v  luiil  dyamans  »  sur  son  chapeau.*. 


'  Agr.  IVrdiguicr,  Le  livre  du  compagnonnage,  t.  1, 
p.  .38. 

'  E.  Li'vasscur,  //is foire  des  dusses  ouvrières,  t.  I, 
p.  602  et.  suiv.,  t.  II,  y.  814  et  suiv. 

■'  Dépenses  faites  à  l'occasion  du  mariage  de  Blanche  de 
Bourbon,  p.  300. 

*  Compte  d'Etienne  de  la  Fontaine,  dans  Douët-d'Arcq, 
Comptes  sur  l'argenterie,  p.  168. 


DIAMANTAIRES  —  DIMANCHES  ET  FÊTES 


261 


Le  diamant  présentait  alors  un  éclat  auquel 
l'art  n'ajoutait  guère.  Poui'tant,  au  milieu  du 
quatorzième  siècle,  on  régularisait  ses  facettes 
de  manière  à  augmenter  ses  feux,  et  en  1382,  un 
Allemand  nommé  Jean  Boule  avait  inventé  on 
apporté  à  Paris  les  moyens  de  lo  tailler  ' . 

Quand  François  l""'  maria  au  duc  de  Glèves  sa 
nièce  Marguerite  qui  ii'avail  pas  encore  treize 
ans,  «  elle  estoil  si  chargée  de  pierreries  et  de 
robe  d'or  et  d'argent,  que  par  la  foiblesse  de  son 
corps  n'eust  sceu  marclier  :  le  Roy  commanda  à 
M.  le  connétable  -  de  la  prendre  au  col  el  la 
porter  à  l'église  ^  ». 

Henri  II  dédaigna  les  diamants*  mais  Henri  IV 
en  couvrit  (xabrielle  d'Estrées  d'abord  ■"',  puis 
sa  femme.  Au  baptême  de  Louis  XIII,  la  robe 
de  Marie  de  Médicis  «  estoit  fort  estoffée  de  trois 
mille  diamaiis  et  de  vingt-tleux  mille  perles  », 
dit  le  continuateur  de  Jean  de  Serres  ^.  A  cette 
occasion,  le  duc  d'Épernon  avait  ceint  une 
épée  dont  la  garde  étincelait  de  dix-huit  cents 
diamants. 

En  1669,  lorsque  Louis  XIV  reçut  l'ambas- 
sadeur du  grand  Turc,  il  portait  un  habit 
surchargé  de  diamants.  Il  y  en  avait  pour  quatorze 
millions  ',  somme  qu'il  faudrait  au  moins  doubler 
pour  avoir  son  équivalent  en  monnaie  d'aujour- 
d'hui. Les  grands  seigneurs  qui  entouraient  ce 
merveilleux  vêtement  étaient  tout  aussi  reluisants 
de  pierreries  ^.  Enfin,  l'année  même  de  sa  mort, 
en  un  temps  où  M"**  de  Maintenon  condamnait 
la  cour  à  l'austérité ,  Louis  XIV  recevant 
l'ambassadeur  de  Perse,  portait  «  un  habit  d'une 
étoffe  or  et  noir  brodé  de  diamans  ;  il  y  en  avoit 
pour  douze  millions  cinq  cent  mille  livres,  et  il 
étoit  si  pesant  que  le  roi  en  changea  aussitôt  après 
son  dîner  ^  ».  Il  «  ployoit  sous  le  poids  »,  dit 
Saint-Simon  '"_ 

Une  élégante  faisait  alors  remonter  ses  diamants 
tous  les  deux  ou  trois  ans  ^^. 

Un  arrêt  du  4  juillet  1720  défendit  de  porter 
aucun  diamant  ;  on  accordait  aux  marchands 
un  mois  pour  les  faire  sortir  du  royaume.  Cet 
arrêt  fut  révoqué  quatre  mois  après  *^,  heureu- 
sement pour  M'"^  de  Mailly ,  maîtresse  de 
Louis  XV,  qui  aimait  à  coucher  «  toute  coiffée 
et  la  tête  pleine  de  diamans  ^^  ».  Vers  1780,  on 
songea  à  les    remplacer    par    l'acier  ^*,    mais 


1  Voy.  G.  Fagniez,  Etudes  sur  l'industrie,  p.  267. 

2  De  Montmorency. 

3  Brantôme,  Des  dames,  t.  "\'1I1,  p.  117. 

*  Du  Haillan,  Discours  sur  les  causes  de  l'extrême  cherté 
qui  est  aujourd'hui  en  France,  dans  Éd.  Foumier,  Variétés, 
t.  VII,  p.  175. 

5  Lcstoile,  Journal,  15  septembre,  6  et  12  novembre 
1594. 

6  Inventaire  de  l'histoire  de  France,  édit.  de  1648,  t.  II, 
p.  259. 

'  Oliv.  Lefèvre  d'Ormesson,  Journal,  t.  II,  p.  577. 

8  Gazette  de  France',  n"  du  6  novembre  1669,  p.  1165. 

9  Dangeau,  Journal,  19  février  1715,  t.    XV,    p.  364. 

10  Mémoires,  tome  XI,  p.  90. 

1'  Mercure  galant,  année  1673,  t.  III,  p.  294. 

1^  Mat.  Marais,  Mémoires  t.  I,  p.  315  et  490. 

13  Duc  de  Luynes,  Mémoires,  14  août  1739,  t.  III, 
p.  7. 

1*  Mme  de  Genlis,  Dictionnaire  des  étiquettes,  t.  I,  p.  8 
et  37. 


Marie-Antoinette  ne  le  permit  pas  ^ .  Toutefois 
leur  valeur  s'en  ressentit  el  diminua  un  peu  -. 
Voy.     Bijoutiers     en     faux    et    Lapi- 
daires. 

Diamentiers.   Voy.  Diamantaires. 

Diction  (Maîtres  ue).  Voy.  Déclama- 
tion. 

Dimanche.  Voy.  Clou.  —  Étrennes. 
—  Repus,  etc. 

Dimanches  et  fêtes.  L'Eglise,  au  moyen 
âge,  voulait  que  le  dimanche  fût  un  jour  de 
repos  et  de  prière  ;  toutefois,  l'interdiction  du 
travail  était  beaucoup  moins  absolue  qu'elle  ne 
le  devint  par  la  suite  el  même  qu'elle  ne  le  fut 
au  dix-neuvième  siècle.  Liberté  complète  était 
laissée  aux  faiseurs  de  hauberts  ■^  et  aux  faiseurs 
de  btU-ils  *.  On  défendait  seulement  aux  lormiers 
d'exposer  des  marchandises  hors  de  leur  bou- 
tique ''.  Les  selliers  pouvaient  le  dimanche 
réparer  un  bouclier  ou  un  harnais  ",  les  barbiers 
saigner  et  piu'ger  "^ ,  les  bouquetières  faire  des 
chapeaux  de  roses  ^,  les  fourbisseurs  aiguiser 
un  couteau  ou  une  épée  ^. 

Ces  derniers  obtinrent  même,  en  1290,  de 
laisser  à  tour  de  rôle  deux  boutiques  ouvertes 
chaque  dimanche  ^^.  Et  il  y  avait  bien  d'autres 
corporations  dans  ce  cas.  Chez  les  orfèvres  ^^,  les 
chapeliers  de  feutre  ^^,  les  pourpoin tiers  ^^,  les 
drapiers  '*,  une  boutique  restait  ouverte,  le 
dimanche.  Les  chaussetiers  étaient  autorisés  à  en 
ouvrir  trois  '°.  Chaque  gantier  pouvait  vendre 
un  dimanche  sur  six,  et  en  1268  quatre  boutiques 
restaient  ainsi  ouvertes  ^'',  d'où  l'on  doit  conclure 
qu'il  y  avait  alors  à  Paris  24  maîtres  gantiers. 

Par  obéissance  aux  règlements  ecclésiastiques, 
l'atelier  observait  les  vigiles.  Les  veilles  des 
dimanches  et  des  grandes  fêtes,  il  fermait  à 
vêpres,  à  none  ou  à  compiles,  les  foulons  étaien 
même  libres  dès  huit  heures  du  matin  ^"^ .  Les 
charpentiers  et  les  faiseurs  de  portes  laissaient  le 
travail  à  trois  heures,  à  moins  toutefois  que  les 
premiers  ne  fussent  en  train  de  poser  une  char- 
pente qui  ne  pût  rester  sans  appui,  et  que  les 
seconds   n'eussent   à   livrer    une   porte   ou   une 


1  Mémoires  secrets  dits  de  Bachaumont,  17  avril  1779. 

2  Séb.  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  VIII,  p.  47. 
•'  Livre  des  métiers,  litre  XXVI. 

*  Livre  des  métiers,  titre  XL^  I. 
!>  Livre  des  métiers,  titre  LXXXII. 
•»  Livre  des  métiers,  titre  LXX\  III. 
'  Ordonn.  de  décembre  1371,  dans  les  Ordonn.  rot/aies, 
t.  Y,  p.  440. 

8  Livre  des  métiers,  titre  XC. 

9  Livre  des  métiers,  titre  XCVII. 

10  G.  Depping.  p.  366. 

11  Livre  des  métiers,  titre  XI. 

12  Livre  des  métiers,  titre  XCI. 

13  Statuts  de  1323,  art.  13. 

14  Statuts  d'avril  1309,  confirmés  en  1362,  1364  et 
1392.  Voy.  Ordonn.  rot/a  les ,  t.  III,  p.  581;  t.  IV, 
p.  535;  t.  VII,  p.  555. 

15  Livre  des  métiers,  titre  LV,  art.  8,  et  statuts  de  134tî, 
art.  4. 

16  Livre  des  métiers,  litre  LXXXVIII. 
1'  Livre  des  métiers,  titre  LUI. 


202 


DIMANCHES  ET  FÊTES 


fenêtre  «  pour  bonnes  g-ens  clorre  ^  ».  Les 
maçons  ne  devaient  pas  travailler  après  six  heures 
du  soir  en  été,  «  se  ce  n'est  à  une  arche  ou  a 
un  deo-ré  fermer,  ou  à  une  huisserie  assise  sur 
rue  -  >r.  Il  est  probable  que  l'Éo^lise,  en  exigeant 
le  chômage  des  vigiles,  songeait  plus  à  sauver 
malgré  eux  l'âme  des  ou\Tiers  qu'à  leur  procurer 
quefques  loisirs.  En  effet,  tout  compagnon  surpris 
au  travail  après  l'heure  fixée  était  condamné  à 
une  forte  amende.  S'il  n'avait  pas  les  moyens  de 
la  payer,  on  lui  saisissait  ses  outils  ^. 

l)e  o-ré  ou  do  force,  rou\Tier  se  reposait  donc 
la  veille  des  grandes  fêtes,  et  Dieu  sait  si  elles 
étaient  nombreuses.  Les  boulangers  nous  en  ont 
fourni  ^  la  curieuse  énumération  que  voici  : 

FÊTES  MOBILES 

Le  lundi  de  Pâques.       La  Pentecôte. 

Le  jour  de  rAscension.  Le  lundi  de  la  Pentecôte. 

FÊTES  FIXES 

Janvikh .Sfiinte  Geneviève. 

Epiphanie. 

Fkvrier Purification  de  la  Vierge. 

Mars Annonciation. 

Mai Saint  Jacques  [le  Mineur]  et  saint 

Philippe. 

Invention  de  la  sainte  Croix. 

Juin Nativité  de  saint  Jean-Baptiste. 

Juillet Sainte  Madeleine. 

Saint  Jacques  [le  Majeur  ]  et  saint 
Christophe. 
Août Siiint  Pierre  es  Liens. 

Saint  Laurent. 

Assomption. 

Saint  Barthélémy'. 
.Skptemure.  . . ,  Nativité  de  la  Vierge. 

Exaltation  de  la  sainte  Croix. 

Octobre Saint  Denis. 

NuvKMHRE Toussaint. 

Ti'i- passés. 

Saint  Martin. 
Décembre  ....  Saint  Nicolas. 

Noël. 

Di'ux  jours  après  Noël. 

.Mais  ce  n'est  pas  tout.  11  faut  ajoulci- à  cette 
lis!»'  la  iè[e  des  patrons  :  la  corporation,  la 
paroisse,  le  maître,  sa  femme,  l'ouvrier  et  sa 
Icnmii'  avaifiil  chacun  le  sien.  Puis  les  enter- 
ri-mfnl>  ilc  maîtres  ou  de  compagnons,  auxquels 
a>si>lail  loulc  la  conmuinauté  ;  les  iTUU"iages, 
bapli'-iin's,  comiinmions,  etc.,  soitdans  la  famille 
du  malirt',  soit  dans  celle  de  l'ouvrier;  les 
légèri's  indispositions  de  celui-ci,  les  entrées 
soiennelios  de  rois  on  de  reines  ù  Paris  :  toutes 
tircoiislancns  imprévues  qui  représentaient  bien 
en  moyenne  au  moins  une  quinzaine  de  jours. 
Enfin  si  l'on  estime  a  une  demi-journée  le 
cliômage  prescrit  pour  la  veille  des  "dimanches 
et  (lesT^ies,  on  arrive  à  celle  conclusion  (pie  plus 


d'un  tiers  de  l'année  était  perdu  pour  le  travail. 
La  preuve  est  facile  à  faire  : 

Dimanches 52  jours. 

Veille  des  dimanches. . .  26      — 

Fêtes  mobiles 4     — 

Veille  de  ces  fêtes 2     — 

Fêtes  fixes 22 

Veille  de  ces  fêtes 11     — 

Fêtes  patronales 6     — 

Veille  de  ces  fêtes 3     — 

Divers 15     — 


*  t.itrt  dts  métier*.  Iiln<  XLVII. 

*  f.irrr  lits  métiers.  Iiln«  XLVII I. 

■■'  l.itmlfs  métiers,  titres  XI,A  II  ,.|  XI, VIII. 

*  Litre  des  métiers,  litre  I. 


Total. . .    141  jours. 

Dans  les  communautés  qui,  comme  les  tré- 
filiers  d'archal  par  exemple,  donnaient  un  mois 
de  cono-é  aux  ouvriers,  l'année  se  trouvait  ainsi 
partagée  : 

Jours  de  repos 171 

—     de  travail 194 

soit,  à  peu  de  chose  près,  un  jour  de  repos  sur 
deux.  Il  n'est  vraiment  pas  inutile  de  rappeler 
que  les  ouvriers  étaient  alors  presque  tous  payés 
au  mois,  et  que  c'étaient  les  maîtres,  qui  par 
amour  de  l'art,  proscrivaient  le  travail  aux 
pièces. 

Toutes  les  corporations  avaient-elles  autant  de 
jours  fériés  que  les  boulangers  ?  On  est  porté  à 
le  croire,  puisqu'il  s'agit  ici  d'un  métier  de 
première  nécessité.  Les  autres  statuts  sont,  il 
est  vrai,  beaucoup  moins  explicites  sur  ce  point, 
et  la  plupart  d'entre  eux  se  bornent  à  men- 
tionner le  repos  forcé  du  samedi,  du  dimanche 
et  des  «  quatre  festes  Notre-Dame  "*  ».  Les 
corporations  semblent  n'avoir  frappé  le  travail 
d'une  amende  que  pendant  ces  jours-là.  Mais 
les  autres  n'en  étaient  pas  moins  chômés,  et  loin 
de  diminuer,  leur  nombre  augmenta  sans  cesse. 

A  dater  du  seizième  siècle,  les  lois  concernant 
le  repos  dominical  devinrent  de  plus  en  plus 
sévères.  D'innombrables  arrêts  ^  prohibèrent 
l'exercice  de  toute  industrie,  de  tout  commerce 
en  ce  jour-là.  Jusqu'à  la  Révolution,  les  caba- 
retiers  n'eurent  pas  le  droit  de  donner  à  boire 
durant  le  temps  des  offices.  Les  boulangers 
étaient  bien  autorisés  à  vendre  du  pain,  mais  il 
fallait  que  leur  boutique  restât  fermée. 

Dans  leurs  statuts  de  1636,  les  tapissiers  de 
hante  lice  reproduisent  une  disposition  qui 
rappelle  tout  à  fait  les  réserves  faites  en  pareille 
matière  par  le  moyen  âge  :  «  Il  sera  défendu, 
disent-ils  de  travailler  à  feste  festative,  si  ce  n'est 
pour  le  Roi  ou  sa  gent,  à  peine  d'amende  '■^  ». 
En  dépit  de  ce  privilège,  le  roi,  je  parle  du  sage 
Henri  IV,  trouvait  que  l'on  abusait  fort  des  fêtes 
et   des  chômages.    Les  guerres  civiles  avaient 


'  Assomption,  Nativité,  t'uritieation,  Auiioncialion. 
Litre  dm  métier.i,  tilro  LXXVIII,  art.  21. 

-  \()y.  dans  Delaniarre,  Traité  de  la  police,  t.  I, 
p.  •ZV<^'vX  .suiv.,  les  arrêts  de  1560,  1579,  1588,  1638, 
1601,  1667,  1670,  1673,  1679,  1696,  1698,  etc.  — 
Expe|ilionnelienient  et  jusqu'en  1627  (statuts,  art.  23), 
les  foui'ljisseurs  [uirenl  lais.ser  deux  boutique.s  ouvertes 
le  dimanche. 

3  A  ri  i  rie  23. 


DIMANCHES  ET  FftTES  —  DIRECTEUR 


263 


décimé  la  population,  des  plaines  immenses 
demeuraient  sans  culture  faute  de  bras,  et  ceux 
qui  restaient  se  reposaient  trop  souvent  pour  que 
l'ouvrage  avançât.  Le  cardinal  d'Ossal  fut  donc 
chargé  de  demander  au  pape  la  suppression  d'un 
certain  nombre  de  jours  fériés.  Le  pape  répondit 
qu'à  cet  égard  chaque  évéque  était  maître  dans 
son  diocèse,  et  la  négociation  en  resta  là  ^. 

Elle  fut  reprise  soixante-six  ans  plus  tard  par 
Colbert.  Louis  XIV,  qui  avait  entrepris  de 
terminer  le  Louvre,  se  plaignait  de  la  lenteur 
avec  laquelle  étaient  menés  les  travaux.  Comme, 
après  tout,  l'on  n'est  pas  pour  rien  roi  absolu, 
il  défendit,  le  6  novembre  1660,  «  à  toutes 
personnes  de  faire  travailler  à  aucun  nouveau 
bastiment  »  sans  sa  permission  expresse,  et  sous 
peine  de  prison  pour  la  première  contravention 
et  des  galères  pour  la  seconde  ^.  Cette  mesure 
énergique  ne  donna  pas  les  résultats  qu'on  en 
attendait.  Les  jours  de  fête  étaient  trop  nom- 
breux, et  Louis  XIV  avait  très  bien  remarqué 
que  «  ces  jours,  lesquels  dans  l'intention  de  ceux 
qui  les  ont  établis  auroient  dû  être  employés  en 
prières  et  en  actions  pieuses,  ne  servaiient  plus 
que  d'une  occasion  de  débauche  ^  ».  Supprimer 
ces  occasions  aurait  donc  le  double  avantage  de 
sauver  l'âme  des  ouvriers  et  de  hâter  l'achè- 
vement du  Louvre.  Colbert  négocia  avec 
Hardouin  de  Péréfixe,  archevêque  de  Paris  *,  et 
celui-ci  rendit  le  20  octobre  1666  une  ordon- 
nance qui  supprimait  une  vingtaine  de  jours 
fériés.  Il  en  était  conservé  32  seulement,  que 
tout  le  monde  était  tenu  d'observ^er,  j  compris 
les  Protestants  :  l'édit  de  Nantes  lui-même  ^  les 
y  obligeait.  Mais  les  ouvriers  avaient  déjà  l'habi- 
tude de  célébrer  le  lundi  et  même  le  mardi  ". 
Admettons  pourtant  que  ce  second  jour  ne  fût 
fêté  qu'une  fois  sur  deux,  nous  arrivons  encore 
à  110  jours  de  chômage,  c'est-à-dire  à  un  jour 
sur  trois.  Chômage  obligatoire,  car  l'indulgence 
professée  sur  ce  point  par  le  treizième  siècle 
n'était  plus  de  mise  même  au  dix-huitième, 
comme  le  prouve  l'ordonnance  de  police  rendue 
le  8  juin  1764,  vingt-cinq  ans  seulement  avant 
la  Révolution,  et  dont  voici  l'analyse  : 

Art.  P''.  Aucun  ouvrier,  aucun  commerçant 
ne  pourront  travailler  ni  faire  commerce  les 
dimanches  et  jours  de  fête  ;  «  leur  enjoignons 
de  tenir  leurs  boutiques  exactement  fermées, 
à  peine  de  deux  cents  livres  d'amende  par 
chaque  contravention  ». 

Art.  II.  Défense  aux  portefaix,  charretiers, 
voituriers  de  travailler  ni  faire  aucun  charroi. 

Art.  III.  «  Ne  pourront  les  particuliers, 
bourgeois  et  habitans,  employer  leurs  domes- 
tiques ni  aucuns  artisans  à  des  œuvres  serviles  ». 


1  Lettres  du  cardinal  d'Ossat,    18  janvier  1599,  t.    III, 
p.  259. 

2  Félibien,  Hiatoire  de  Paris,  t.  II,  p.  1473. 

3  Mémoires  de  Louis  XIV,  p.   277. 

^   Tableau  de  la  vie  et  du  (jouvernement  de  M.    Colbert, 
p.  203. 

5  Article  20. 

6  Voy.  S.  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  X,  p.   345,  et 
t.  IV,  p.  159. 


Art.  IV.  Défense  d'exposer  en  vente  ou  étaler 
aucuns  livres,  images  ou  estampes,  «  ni  aucune 
sorte  de  marchandise  au  coin  des  rues,  dans  les 
places  publiques  et  sur  les  quais  ». 

Art.  V.  «  Ne  pourront  les  marchands  de  vin, 
limonadiers,  vendeurs  de  bière  et  d'eau-de-vie 
ouvrir  leurs  cabarets  et  boutiques  les  jours  de 
dimanches  et  fêtes  pendant  les  heures  de  l'office 
divin.  Leur  enjoignons,  et  à  tous  maîtres  de  jeux 
de  paume  et  de  billard,  de  refuser  l'entrée  de 
chez  eux  à  ceux  qui  se  présenteront  pour  y  boire 
ou  y  jouer,  à  peine  de  trois  cents  livres  d'amende 
pour  la  première  contravention,  et  de  fermeture 
des  boutiques,  jeux  de  paume  et  de  billard  en 
cas  de  récidive  ». 

Art.  VI.  «  Défendons  à  tous  maîtres  à  danser, 
cabaretiers,  traiteurs  et  autres  de  tenir  chez  eux 
des  assemblées  et  salles  de  danse  les  jours  de 
dimanches  et  fêtes,  et  à  tous  joueurs  de  violon 
et  d'instruments  de  s'y  trouver,  à  peine  de 
cinq  cents  livres  d'amende  contre  chacun  des 
contrevenans,  et  en  outre  confiscation  des 
instrumens  de  musique  ». 

Une  nouvelle  réforme  eut  lieu  quatorze  ans 
après.  Un  mandement  du  11  février  1778 
supprima  treize  jours  de  fête.  Mais  le  Parlement 
fit  une  vive  opposition  au  mandement  et  refusa 
d'abord  d'enregistrer  les  lettres  patentes  qui 
l'accompagnaient.  On  prétendit  dans  le  public 
que  les  magistrats  ne  tenaient  tant  aux  saints 
évincés  que  parce  qu'ils  représentaient  pour  eux 
treize  jours  de  congé  *.  Ils  durent  cependant 
céder,  et  les  malheureux  saints,  qui  perdaient 
en  eux  leur  dernier  appui,  eurent  encore  l'humi- 
liation de  se  voir  chansonner  en  treize  couplets 
très  irrespectueux  ^.  *      - 

Voy.  A.is  (Fête  aux). 

Dîmeurs  et  Dîmiers.  «  Journaliers  qui 
recueillent  la  dîme  »,  écrit  le  Dictionnaire  de 
Trévoux'-'' .  Le  décimateur  est  celui  qui  a  le  droit  de 
percevoir  la  dîme,  le  dîmier  celui  qui  la  perçoit  *. 

On  trouve  aussi  dîmeurs^  dixmeurs  et  dixmiers. 

Dinandiers.  Dinantiers.  Dînants. 
Voy.   Chaudronniers. 

Dioramas.  Voy.  Panoramas. 

Directeur  du  balancier  du  Louvre, 
dit  aussi  Garde  de  la  monnaie  des 
médailles,  et  Balancier  du  roi.  Place 
créée  en  juin  1695,  en  faveur  de  l'orfèvre  Nicolas 
de  Launay  ^. 

La  fabrication  des  monnaies  avait  été  installée 
au  Louvre  en  1639.  Elle  fut  ensuite  transférée 
rue  de  la  Monnaie,  où  elle  resta  jusqu'à  la  fin 
du  dix-huitième  siècle  ;  mais  la  monnaie  des 
médailles  et  jetons  demeura  au  Louvre. 


1  Mémoires  secrets,    dits    de   Bachaumont,    22    février 
1778. 

2  Mémoires  secrets^  dits  de  Bachaumont,  19  mars. 

3  Tome  III,  p.  354. 

i  Voy.  Ducange,  aux  mots  decimator  et  decimœ. 
S  État  de  la  France  pour  1736,  t.  I,  p.   433.  —  Abot 
de  Bazinghen,  Traité  des  monnoies,  t.  I,  p.  82  et  suiv. 


264 


DIRECTEUR  —  DISLOQUÉS 


On  y  frappait  plus  de  jetons  que  de  médailles. 
Le  premier  janvier,  à  l'occasion  des  étrennes  le 
prévôt  des  marchands  et  les  échevins,  les  gardes 
du  Trésor,  les  trésoriers  des  guerres,  des  parties 
cisueUes,  des  bâtiments,  etc.,  etc.  apportaient 
une  bourse  de  jetons  au  roi,  à  la  reine,  aux 
princes  du  sang,  au  chancelier,  aux  ministres, 
etc.  Le  roi  en  donnait  à  la  reine,  la  reine  en 
donnait  au  roi,  et  la  maison  royale  en  recevait 
d'eux.  Il  faut  lire,  dans  les  Mémoires  de  Stilli/^, 
lejoli  passage  où  il  raconte  comment,  le  premier 
janvier  1006,  il  vint  présenter  à  Henri  IV, 
encore  au  lit  avec  Marie  de  Médicis,  trois  grands 
sacs  de  velours  remplis  de  jetons  d'or  et  d'argent 
tout  neufs.  Louis  X\'  faisait  convertir  en  assiettes 
d'or  les  jetons  qu'on  lui  otfrait  ainsi  :  en  1754, 
il  possédait  quarante-deux  de  ces  assiettes  ^. 

l*)n  général,  les  jetons  portaient  d'un  côté  la 
tête  du  roi,  de  l'autre  une  devise  qu'avait 
composée  l'académie  des  Inscriptions.  Quant  aux 
pièces  commandées  par  les  diverses  corporations 
ouvrières,  et  qui  servaient  de  jetons  de  présence 
aux  assemblées  des  maîtres,  aux  séances  de 
réception  ,  etc.  ,  elles  reproduisent  presque 
toujours  les  armoiries  de  la  communauté  à 
laquelle  elles  étaient  destinées. 

Les  jetons  avaient  encore  et  surtout  une  autre 
utilité,  celle  de  servir  aux  calculs,  de  remplacer 
la  plume  et  les  chiffres.  Je  donnerai  une  esquisse 
de  ce  procédé  à  l'article  Jetons  [Calculs par  les). 
M.  d'Ati'ry  de  la  Monnoje,  un  nom  prédestiné, 
avait  rassemblé  une  immense  quantité  de  jetons 
(plus  de  5.000  pièces),  qu'il  a  léguées  en  1864  au 
musée  df  dhinv. 

Vov.  Monnayeurs. 

Directeurs  des  pépinières .  Voy . 
Planteurs. 

Directeurs  de  théâtre.  Ce  titre  n'appa- 
rail  que  fort  tard.  Pendant  longtemps,  les 
comédiens,  constitués  en  communauté,  ne  recon- 
naissaient officiellement  aucun  chef.  Chappuzeau, 
veis  1674,  semble  un  moment  vouloir  donner  ce 
niiiii  à  Vamteur^  :  <,<  Comme  il  représente  Testât, 
••n  pnriani  la  parole  pour  tout  le  corps,  il  seroit 
pcul-tMn-  dt*  riionneiir  de  la  troupe  qu'il  en  fût 
hiinimé  le  chef  >>  ;  mais,  ajoule-t-il,  «  il  n'a  pas 
daii>  la  Iriiupt'  piii^  de  pouvoir  qu'un  autre  *  ». 

Kii  1760,  lii  (Comédie  française,  alors  rue 
S«iiil-(;erniain-des-Prés  s,  et  la  Comédie  ita- 
liiMuie.  alors  rue  Mauconseil,  sont  gouvernées 
par  MM.  h-  duc  d'.\umonl,  le  maréchal  duc  de 
Hich.dieu,  le  dvic  de  Fleurj  et  le  duc  de  Duras, 
tous  (|unlre  gentilshommes  de  la  Chambre.  Elles 
sont  CONDUITES  par  MM.  de  Fonlpertuis,  de  la 
Kerlé  et  Delalouche,  intendants  des  Menus- 
plnisirs.  L'Opéra,  alors  rue  Sainl-Nicaise  a  pour 
direeleurs  Hebclel  Franc(eur.  L'Opéra-comique, 
qui    se   lient   l'été   à    la    fnin-   .Saint-Laurent  et 


'   fe<lil.  Michnud,  l.  m,  p.  130. 

-  Jniirnnl  t\,>  Hnrhi.T.  riii  M-|it.>mbrr  1754. 

•'  \»y.  riili'.s.sou.s  «cl  orlicle. 

*  Lf  Ihfàlre  françoif.  |i.  225. 

3  Atij.  ruf  dp  rAnoionne-Comédie. 


l'hiver  à  la  foire  Saint-Germain,  est  placé  sous 
la  direction  de  MM.  Corbi,  Moette,  Dehesse  et 
Favart. 

Jusqu'en  1680,  la  Comédie  française  ne  jouait 
que  trois  fois  par  semaine,  et  les  premières  se 
donnaient  toujours  le  vendredi,  afin,  dit  encore 
Chappuzeau,  de  «  préparer  l'assemblée  à  se 
rendre  plus  grande  le  dimanche  suivant,  par  les 
éloges  que  lui  donnent  l'annonce  et  l'affiche  ^  », 

L'heure  des  représentations  varia  sans  cesse. 

Au  début  du  dix-septième  siècle,  elles  avaient 
lieu  au  milieu  de  la  journée  ;  une  ordonnance 
de  novembre  1609  interdit  de  prolonger  le 
spectacle  passé  quatre  heures  et  demie,  ce  qui 
doit  faire  supposer  qu'il  commençait  vers  deux 
heures.  Ce  moment  fui  retardé,  sous  Louis  XIII 
jusqu'à  trois  heures,  et  sous  Louis  XIV  jus([u'à 
cinq.  On  s'en  tint  là  pour  longtemps,  et  si  la 
princesse  Palatine,  en  1714,  se  rendait  à  la 
comédie  vers  sept  heures,  c'est  qu'elle  ne  se 
souciait  guère  d'assister  à  toute  la  représen- 
tation -. 

En  1781,  le  libraire  Panckoucke,  publia 
une  brochure  fort  curieuse,  intitulée  Moyens 
d'augmenter  le  bonheur  d'ime  partie  de  la  nation 
sans  nuire  à  personne.  Il  y  demandait  que  l'on 
retardât  le  moment  du  dîner  jusqu'à  cinq  heures, 
et  que  les  théâtres  n'ouvrissent  plus  leurs  portes 
qu'à  huit  heures  en  hiver  et  à  neuf  heures  en  été. 
Sébastien  Mercier  désirait,  de  son  côté,  qu'on 
reportât  l'heure  du  dîner  à  six  heures  et  celle 
des  théâtres  à  neuf  ^.  Le  dix-neuvième  siècle 
allait  exaucer  ses  vœux,  et  Madame  de  Genlis 
écrivait  déjà  vers  1818  :  «  On  ne  soupe  plus, 
parce  que  les  spectacles  ne  finissent  qu'à 
onze  heures  du  soir  *  ». 

Notons,  en  passant,  cette  phrase  que  je  cueille 
dans  Tallemanl  des  Réaux  :  <.<  La  comédie  n'a 
esté  en  honneur  que  depuis  que  le  cardinal  de 
Richelieu  en  a  pris  soing  ;  avant  cela  les 
honnesles  femmes  n'y  alloient  point  ^  ». 

Voy.  Théâtre. 

Directeur  g-énéral  des  haras,  postes 
aux  chevaux,  relais  et  messageries. 

Office  créé  par  édit  de  décembre  1785. 

Les  fonctions  du  titulaire  consistaient  «  à  régir 
et  administrer,  sous  rautorité  immédiate  du  roi. 
les  haras  et  tout  ce  qui  concerne  la  poste  aux 
<'hevaux  et  relais,  ainsi  que  les  messageries,  en 
tant  qu'elles  peuvent  avoir  rapport  aux  postes 
aux  chevaux  ^  ». 

Disloqués.  Ce  nom,  appliqué  à  une  variété 
lie  bateleurs,  existait  déjà  à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle.  «  Le  disloqué,  écrit  Gouriet,  se  transforme 
en  motte  de  terre  pour  aller  à  la  chasse  ;  son 
corps  et  tous  ses  membres  ne  forment  plus  qu'une 
boule,  il  imite  le  bruit  d'un  coup  de  fusil  et  se 
met  à   rouler,  comme  courant  à   la  recherche 


'   Pajifi'  !t2. 

2  Leitre  du  20  scpleiiibœ  1711,  1.  I,  p.  140. 

■t  TitlileiiK  (le  Paris,  {..  XII,  p.  209. 

4  Diclioitnnire  des  étiquettes,  t.  II,  p.  265. 

•'  Historiettes,  t.  VII,  p.  181. 

G  Guyol,  Traité  des  of/ices,  l.  I,  p.  027. 


DISIJXJUÉS  —  DOI^IESÏIQUES 


260 


d'une  pièce  de  g'iljier  que  l'arme  a  dû  abattre. 
Dans  cette  situation,  il  casse  un  noyau  de  pêche 
avec  son  derrière.  C'est  ordinaireuRMit  le  soir  et 
presque  toujours  dans  la  cour  des  Fontaines, que 
l'on  voit  ce  personnag'e  '  ». 

Leii  mois  desui'ticn/es,  désossés,  etc.,  son!  |>1un 
récents. 

\oy.  Bateleurs. 

Distillateurs.  L'eau-de-vie,  appelée  aussi 
eau  d'or,  eau  de  rin,  etm  ardente,  eau,  éter^ielle, 
était  déjà  bien  connue  au  treizième  siècle. 
Albert  le  Grand  -  indique  deux  procédés  diffé- 
rents pour  opérer  la  distillation,  et  Arnauld  de 
^'illeneuve  célèbre  celle  admirable  liqueur,  dont 
bien  des  gens  avaient  pu  déjà  apprécier  les 
mérites  :  «  Quidam  appellant  eam  aquam  vit», 
et  certe  et  vidi  quibus  expedit  bene  consonat 
nomeu  rei,  ita  quod  dixerint  aliqui  de  modernis 
quod  est  aqua  perennis  et  aqua  auri  propter 
sublimitates  operationis  ipsius  ^  ».  Elle  g'uérit. 
ajoute-t-il,  la  paralysie,  la  fièvre  quarte,  Tépi- 
lepsie,  les  taies  de  l'œil  et  le  cancer  de  la 
bouche  *.  Elle  était  donc  re<i^ardée  comme  un 
médicament,  mais  il  faut  avouer  que  ce  médica- 
ment avait  devant  lui  un  bel  avenir.  Les 
procédés  de  distillation,  encore  bien  imparfaits, 
se  perfectionnèrent  peu  à  peu,  et  Ambroise  Paré 
donne  déjà  ce  moyen  pour  reconnaître  la  bonne 
eau-de-vie  :  «  Estant  posée  en  une  cueillier  et 
allumée,  elle  se  consume  du  tout,  ne  laissant 
aucune  marque  d'humidité  au  fond  de  la 
cueillier  ».  D'ailleurs,  c'est  toujours  à  ses  yeux 
une  espèce  de  panacée,  dont  les  «  vertus  sont 
infinies  »  ;  elle  «  aide  aux  épilepsies  et  apo- 
plexies, sède  ^  la  douleur  des  dents,  est  utile  aux 
défaillances  de  cœur  et  syncopes,  g^angrènes  et 
pourritures  "  ». 

La  distillation  de  l'eau-de-vie  resta  pendant 
longtemps  le  privilège  des  épiciers-apothicaires 
et  des  vinaigriers.  Un  arrêt  du  7  septembre  1624 
leur  donna  des  concurrents  ;  puis  des  statuts, 
datés  du  13  octobre  1634,  créèrent  la  corporation 
des  distillateurs  et  vendeurs  d'ea^c-de-vie  et  eau 
farte.  Ces  statuts,  confirmés  en  janvier  1637, 
attribuent  aux  maîtres  de  la  communauté  le  titre 
de  distillateurs  en  Fart  de  chimie  et  vendeurs 
d' eau-de-vie.  Le  5  avril  1639,  les  statuts  furent 
renouvelés  et  les  maîtres  furent  dits  distillateurs 
creaît  forte,  d'eau-de-vie  et  autres  eaux,  huiles, 
essences  et  esprits.  La  lecture  de  ces  statuts 
prouve  que  les  maîtres  représentaient  assez  fidèle- 
ment les  industriels  qui  s'intitulent  aujourd'hui 
fabricants  de  produits  chimiques. 

Une  sentence  de  police  du  14  août  1674 
confirma  leurs  privilèges.  Mais  un  arrêt  du 
15  mai  1676  les  réunit  à  une  communauté  qui 


'  J.-B.  Gouriet,  Per.^omuige.:  célèbres  dans  les  rues  de 
Paris,  t.  II,  p.  298. 

2  Mort  en  1280.  —  De  inirahilibus  mundi,  édit.  de 
U^m.  p.  2m  et  237. 

^  Arnaldu.'s  de  N'illanova  |iin)rl  en  1313],  Opern,  édit. 
de  lôn.">,  p.   102. 

^  «  Et  cancer  oris  ». 

•''  A])aise. 

G  Œuvres,  édit.  Av  1(507,  j).  1154. 


venait    d'être     créée,     celle     des     limonadiers 
iiiarchands  d'ean-de-vie. 
Vo}'.  Eau-de-vie. 

Distillateurs  en  eau-de-vie  et  esprit 
(le  vin.  Titre  que  prenaient  les  vinaigriers. 
Ils  fabriquaient  des  vinaigres  avec  des  vins 
avariés,  et  ils  obtinrent  le  droit  de  brûler  les  lies 
pour  produire  de  l'eau-de-vie. 

Distributeurs  du  papier  et  du  par- 
chemin timbrés.  Seize  offices  créés  eu  avril 
1696. 

C'est  du  20  mars  1655  qu'est  daté  le  premier 
édit  créant  l'iiupôt  du  papier  timbré,  ordonnant 
que  «  tous  actes  et  papiers  portant  foy,  obligation 
ou  acquis  soient  écrits  en  papiers  ou  parchemins 
dont  chacune  feuille  sera  marquée  selon  leur 
valeur  et  qualité  ».  Le  parlement  refusa  d'en- 
registrer l'édit,  Louis  XIV  l'y  força.  C'est  même 
à  cette  occasion  qu'il  se  serait  présenté  devant  la 
cour  en  justaucorps  rouge  et  même  un  fouet  à  la 
main,  circonstance  qui  appartient  à  la  légende 
plus  qu'à  l'histoire.  Le  Parlement  feignit  de  se 
soumettre,  mais,  en  réalité  l'édit  du  20  mars 
resta  sans  exécution. 

Des  ordonnances  de  1667,  1669,  1670  avaient 
imposé  l'emploi  de  formules  spéciales  pour  la 
rédaction  des  actes.  Puis  une  déclaration  du 
2  juillet  1673  prescrivit  que  «  les  commis 
préposés  pour  la  distribution  des  formules 
pourront  vendre  à  tous  officiers,  ministres  de 
justice  et  autres  le  papier  et  parchemin  qu'il 
conviendra,  marqué  en  teste  d'une  fleur  de  lys 
et  timbré  de  la  qualité  et  substance  des  actes, 
avec  mention  du  droit  porté  par  le  tarif,  le  corps 
de  l'acte  entièrement  en  blanc  pour  être  écrit 
à  la  main  ».  De  cette  déclaration  date  l'habitude 
d'appeler  le  papier  timbré  papier  forriiule  ou 
formulé. 

Quelques  provinces,  la  Guyenne  et  la  Bretagne 
entre  autres,  refusèrent  d'acquitter  ce  nouvel 
impôt.  Elles  y  furent  contraintes  à  la  suite  de 
sanglantes  insurrections  ' . 

Avant  la  Révolution,  le  bureau  général  du 
papier  timbré  était  installé  à  l'hôtel  Breton- 
villiers,  dans  l'île  Saint-Louis.  Il  existait,  en 
outre,  à  Paris  huit  bureaux  pour  «  la  distribution 
des  papiers  et  parchemins  timbrés  appelés 
formules  -  ». 

Dixmeurs  et  Dixmiers.  Voy.Dîmiers. 

Dizainiers.  ^'oy.  Quartiniers. 

Doleurs.  Nom  donné  parfois  aux  tonneliers, 
parce  qu'ils  faisaient  grand  usage  de  la  doloire, 
sorte  de  hache  qui  sert  à  dégrossir  et  à  polir  le 
bois  des  douves. 

Domestiques.  Le  riche  bourgeois  du  qua- 
torzième siècle  à  qui  l'on  doit  le  Ménayier  de 
Paris,   avait   plusieurs    domestiques,   lui-même 


1  .Sur    ce    sujet,    voy.    L.    Salefranque,    Le   timbre  à 
travers  t histoire,  1890,  in-4''. 

2  Jèze,  État  ou  tableau,  etc.,  p.  327. 


266 


DOMESTIQUES 


désigne  par  cette  expression  ses  gens  de  service  ^ . 
A  leur  tête,  figurait  maistre  Jehan  le  despensier. 
maître  d'hôtel  ou  intendant.  Agnès  la  béguine. 
placée  auprès  de  la  jeune  femme  comme  gouver- 
nante et  comme  dame  de  compagnie,  lui  servait 
d'intermédiaire  vis-à-vis  des  chambérières  et  des 

varlets. 

Tous  ces  gens  étaient  bien  traités.  Avant  de 
les  engager,  on  avait  soin  d'aller  aux  rensei- 
«'iiemenls  chez  les  maîtres  qu'ils  quittaient  :  «  Ne 
prenez  aucunes  (chambérières)  que  vous  ne 
sachiez  avant  où  elles  ont  demouré,  et  y  envolez 
de  vos  gens  pour  enquérir  de  leurs  conditions  sur 
le  trop  parler,  sur  le  trop  boire  ;  combien  de 
temps  elles  ont  demouré  ;  quel  service  elles 
faisoient  et  scèvent  faire  ;  se  elles  ont  chambres 
ou  acointances  en  ville  ;  de  quel  pais  et  gens 
elles  sont  ;  combien  elles  3'  demeurèrent  et 
pourquoj  elles  s'en  partirent.  Et  .sachiez  que 
communément  telles  femmes  d'estrange  païs  ont 
eslé  blasmées  d'aucun  vice  en  leur  païs,  car  c'est 
la  cause  qui  les  ameine  à  sersdr  hors  de  leur 
lieu  ».  Il  faut  que  Jehan  le  dépensier  note  sur 
son  li\Te  tout  ce  qui  concerne  chaque  chambrière 
acceptée  par  la  maison  :  «  P^'aictes  luy  enregistrer 
en  son  papier  de  la  despense  ^  le  jour  que  vous 
la  retiendrez,  son  nom,  et  de  son  père  et  de  sa 
mère,  et  d'aucuns  de  ses  parens  ;  le  lieu  de  leur 
demourance ,  le  lieu  de  leur  nativité,  et  ses 
pleiges  •*,  car  elles  craindront  plus  à  faillir  pour  ce 
qu'elles  considéreront  bien  que  vous  enregistrez 
ces  choses  pour  ce  que,  s'elles  se  defîuioient  de 
vous  *  sans  congié,  vous  vous  en  plaindriez  à  la 
justice  dt'  leur  pays  ou  à  iceulx  leurs  amis  ».  Est- 
il  possible  de  mieux  dire  ?  Et  ces  conseils  donnés 
à  une  bourgeoise  du  quatorzième  siècle  ne  sont- 
ils  pas  exactement  ceux  que  l'on  donnerait  à  une 
biiurgt'oise  du  dix-neuvième? 

Notre  sage  mentor  poursuit  :  «  Il  faut  sans 
cesse  veiller  sur  vos  gens,  les  endoctriner  et  les 
corriger,  les  empêcher  de  se  quereller,  de  mentir, 
de  jurer,  de  dire  de  vilaines  paroles.  »  Les  domes- 
tiques diiKMil  après  leurs  maîtres:  un  seul  plat 
Itjursurtil,  pourvu  qu'il  soit  copieux  et  nourris- 
sant. Veillez  à  ce  qu'ils  ne  restent  pas  trop 
longtemps  u  table,  à  ce  qu'ils  n'y  discourent  pas, 
<'  car  les  communes  gens  dient  quand  varlet 
presehe  à  table  et  cheval  paist  en  gué^  il  est  teins 
qu^on  l'en  oste,  que  assez  y  a  esté  ». 

Lui^que  «  le  feu  des  cheminées  sera  couvert 
partout  />,  vos  gens  se  retireront  pour  se  coucher. 
Qu'ils  aient  chacun  sa  chandelle  dans  un  chan- 
delier solide  el  ù  large  pied,  qu'ils  la  déposent 
nu  milieu  .le  ht  pièce,  qu'ils  l'éleignenl  «  à  la 
liouclie  ou  ù  la  main  »  avant  de  se  mettre  au  lit, 
•?l  non  pas  au  nioinnil  ,,u  ils  enlèvent  leur 
chemise  ^. 

Si  vos  clwnnberières  sont  jeunes,  ne  les  laissez 
P''"  ' '"•'■  l"'"  tl«  vous.  :<.  Se  vous  avez  filles 


'   I    ni.  il    [.   :,(\ 

'  Sur  son  livre  Av  iléppn!*p. 

'  S*'»  rf|Hiuiliiiii.s. 

J  Si  A\«"i  vont  i|iiiUai>'nl. 

5  On  ouuciwil  ..ncor.«  .sans  ch-misr,  ,„ai.K  on  nr  IV.tail 
quun.-  foi.s  rnin.  ,lons  lo  lit,  h  on  la  r.larail,  awr  l.s 
brsi>*<«.  soii.s  If  Iraveniin. 


ou  chambérières  de  quinze  à  vingt  ans,  pour  ce 
que  en  tel  aage  elles  sont  sottes  et  n'ont  guère  vu 
du  siècle  *,  que  vous  les  faciez  coucher  près  de 
vous  en  garderobe  ou  chambre  où  il  n'ait 
lucarne  ne  fenestre  basse,  ne  sur  rue.  »  Enfin,  si 
un  de  vos  serviteurs  tombe  malade,  «  toutes 
choses  communes  mises  arrière,  vous  mesme 
pensez  de  luy  très  amoureusement  ^  et  charita- 
blement, et  le  revisitez,  et  pensez  de  luy  ou  d'elle 
très-curieusement  en  avançant  sa  garison  ».  Ces 
marques  de  sollicitude  recommandées  dans  un 
traité  d'éducation  à  une  jeune  femme  faisant 
partie  de  la  riche  bourgeoisie  méritaient  d'être 
relevées.  Elles  prouvent  que,  comme  les  appren- 
tis, les  domestiques  étaient  déjà  traités  avec 
douceur. 

Ceci,  d'ailleurs,  ne  les  empêchait  pas  de 
tromper  leur  maître,  de  «  battre  le  cabas  »  comme 
on  disait  au  quinzième  siècle  ^,  de  «  ferrer  la 
mule  » ,  comme  on  disait  au  dix-septième  * , 
d'entretenir  des  amoureux  dans  la  maison,  et  de 
répondre  aux  reproches  en  brisant  quelques  pièces 
de  la  vaisselle.  Sans  eux,  dit  Olivier  de  Serres, 
les  meubles  se  conserveraient  éternellement  ^... 

C'est  du  seizième  siècle  seulement  que  date 
l'usage  d'exiger  des  domestiques  un  livret.  Aux 
termes  de  la  Déclaration  du  21  février  1565  ^ 
les  gens  qui  voulaient  entrer  en  service  devaient 
«  faire  apparoir  à  leurs  maistres  par  acte  valable  et 
authentique  de  quel  part,  maison  et  lieu,  et 
pour  quelle  occasion  ils  sont  sortis  ».  Ceux  qui 
avaient  déjà  servi  étaient  tenus  de  produire 
«  suffisante  attestation  de  leurs  premiers  maistres 
de  l'occasion  pour  laquelle  ils  sont  sortis  ». 
Défense  très  expresse  était  faite  d'accepter  des 
domestiques  sans  certificat,  et  aussi  de  les  congé- 
dier «  sans  leur  bailler  acte  de  l'occasion  de  leur 
congé  ».  Tout  domestique  trouvé  sans  certificat 
de  ce  genre  était  considéré  comme  vagabond,  et 
enfermé  au  Châtelet. 

Suivant  une  coutume  qui  s'est  conservée  en 
quelques  provinces  ,  les  domestiques  étaient 
presque  toujours  engagés  soit  à  la  Saint-Jean 
soit  à  hi  Saint-Martin.  On  les  prenait  tantôt  à 
gages,  tantôt  à  récompense.  Ces  derniers  étaient 
payés  suivant  la  fantaisie  de  leur  maître  :  en 
général,  ils  recevaient  trois  ou  quatre  cents  francs 
après  trois  ou  quatre  années  de  service,  et  ils 
devaient  se  contenter  de  ce  qu'on  leur  donnait. 
Souvent  aussi,  le  maître,  satisfait  d'un  serviteur 
encore  jeune,  le  mettait  à  même  d'apprendre  un 
métier  ou  l'établissait.  La  plupart  des  valets  qui 
figurent  dans  les  comédies  de  Regnard  et  de 
Dancourt  sont  des  valets  à  récompense. 

En  notre  temps  de  mesquines  fortunes,  on  ne 
rencontre  guère  de  maisons  montées  comme 
l'était  celle  d'une  riche  famille  au  dix-septième 
siècle.  Suivant  Audiger,  qui  fut  officier  de  cuisine 
chez  la  comtesse  de  Soissons  et  chez  Colbert,  la 

'  El  n'ont  guère  vu  le  monde. 
2  Affectueusement. 

"*  Voy.  Gliristine  de  Pisan,  Le  trésor  de  la  cité  des  dames, 
C'dil.  de  l.-)36,  f"  121. 
*  \o\.  l'art.  Sei-vantes. 

"  Théâtre  d'tiffriculture,  édit.  de  1600,  p.  881  et  suiv. 
••  Isambert,  .l/icieniies  lois  françaises,  t.  XIV,  p.  178. 


DOMESTIQUES 


267 


maison  d'un  grand  seigneur  devait  être  composée  : 

D'un  intendant, 

D'un  aumônier, 

D'un  secrétaire, 

D'un  écuyer, 

De  deux  valets  de  chambre, 

D'un  concierge  ou  tapissier, 

D'un  maître  d'hôtel, 

D'un  officier  d'office. 

D'un  cuisinier. 

D'un  garçon  d'office. 

De  deux  garçons  de  cuisine, 

D'une  servante  de  cuisine. 

De  deux  pages, 

De  six  ou  quatre  laquais. 

De  deux  cochers. 

De  deux  postillons. 

De  deux  garçons  de  carrosse, 

De  quatre  palefreniers. 

Et  d'un  suisse  ou  portier. 

Il  pouvait  y  avoir  plusieurs  autres  domestiques 
servant  aux  officiers  ci-dessus,  comme  : 

Un  valet  pour  l'intendant, 

Un  valet  pour  l'aumônier. 

Un  valet  pour  le  secrétaire. 

Un  valet  pour  l'écujer. 

Et  un  valet  pour  le  maître  d'hôtel. 

Il  faut  j  ajouter,  pour  la  campagne  : 

Un  capitaine  de  château, 

Un  concierge. 

Un  capitaine  des  chasses. 

Deux  gardes-chasse  et  un  chasseur, 

Un  receveur, 

Un  maître-valet, 

Une  ménagère. 

Une  servante  de  la  ménagère, 

Un  berger, 

VA  un  vacher. 

Tous  lesquels  officiers  et  domestiques  se  payent 
suivant  les  pays  et  la  magnificence  du  seigneur. 

Il  était  entendu  qu'un  grand  seigneur  ne 
pouvait  avoir  moins  de  «  quatorze  chevaux  de 
carrosse,  qui  font  deux  attelages  ». 

Ledit  grand  seigneur  est  supposé  jeune  et 
garçon.  S'il  se  marie,  il  lui  faut  aussitôt  consti- 
tuer pour  sa  femme  une  maison,  où  l'on  ne  saurait 
compter  moins 

D'un  écuyer, 

D'une  demoiselle  suivante, 
D'une  femme  de  chambre, 
D'un  valet  de  chambre, 
D'un  page. 
D'un  maître  d'hôtel. 
D'un  cuisinier, 
D'un  officier, 
D'une  servante  de  cuisine. 
De  quatre  laquais. 
D'un  cocher. 
D'un  postillon, 
D'un  garçon  de  cocher. 
De  sept  chevaux  de  carrosse. 
Et  de  quatre  chevaux  de  selle  pour  monter  les 
officiers. 


Quand  il  y  a  des  enfants,  le  nombre  des  offi- 
ciers et  domestiques  augmente  encore,  et  l'on  ne 
se  peut  absolument  passer  : 

D'une  gouvernante  d'enfants. 

D'une  nourrice. 

D'un  gouverneur  ou  précepteur. 

D'un  valet  de  chambre. 

D'un  ou  de  deux  laquais, 

Et  d'une  servante  pour  la  nourrice  ^. 

Un  guide  à  Paris  prétend  qu'il  existait  alors 
dans  cette  ville  150.000  domestiques'^.  Je  crois  ce 
chiffre  très  exagéré,  et  d'autres  statisticiens  l'ont 
réduit  à  38.000  en  1759  et  à  44.000  en  1754  ^  ; 
ce  qui  n'empêche  pas  Piganiol  de  la  Force  de  se 
prononcer  pour  200.000  en  1765  *.  Expilly, 
moins  inexact,  donne  en  1768  les  chiffres 
suivants  : 

Nombre   des   familles   qui    ont    des 

domestiques 17.657 

Nombre  de  domestiques  mâles 18.878 

Nombre  de  domestiques  femelles...  18.579 

Nombre  total  des  domestiques 37.457  ' 

Un  Allemand  qui  avait  séjourné  à  Paris  vers 
1715,  rend  cette  justice  aux  valets  français  qu'en 
général  «  ils  sont  fidèles.  Les  exemples  sont  rares 
de  ceux  qui  ont  abandonné  ou  volé  leur  maître  ; 
un  étranger  a  le  droit,  comme  un  François,  de 
faire  arrêter  son  valet  pour  le  vol  d'une  bagatelle. 
La  justice  de  Paris  ne  fait  pas  grande  cérémonie 
en  ce  point  :  celui  qui  a  volé  aujourd'hui  peut 
être  pendu  demain.  De  plus,  les  valets  françois 
sont  prompts  et  alertes,  bons  à  tout.  Je  crois 
qu'ils  passeroient  au  travers  du  feu  pour  l'amour 
de  leur  maître.  Ils  l'aiment  et  le  respectent ^ 
prennent  bien  soin  de  ses  bardes.  Si  le  maître  a 
une  querelle,  ils  ne  l'abandonnent  pas,  risquent 
même  leur  vie  pour  lui.  Mais  ils  sont  intéressés 
au  dernier  point.  Ils  ne  dérobent  pas,  mais  tirent 
gain  de  tout  ^...  ». 

L'ordonnance  du  6  novembre  1777  veut  que 
tous  les  domestiques  avant  d'entrer  en  place 
présentent  un  certificat  de  leur  dernier  maître. 
Ils  étaient  tenus  de  prévenir  celui-ci  huit  jours 
avant  de  le  quitter.  Ils  lui  devaient  obéissance 
et  respect,  et  de  son  côté  il  devait  s'abstenir  de 
les  frapper,  et  les  traiter  même  «  avec  bonté  et 
humanité  ».  Tout  domestique  sans  condition 
devait  quitter  Paris  dans  le  délai  d'un  mois  ; 
sinon,  il  était  poursuivi  comme  vagabond  ^. 

Sous  la  Révolution,  les  domestiques  furent 
qualifiés  hoinmes  de  confiance  et  officieux. 

Je  dois  rappeler  encore  qu'au  dix-huitième 
siècle,  l'on  donnait  le  nom  de  domestiques  aux 
amis,  aux  habitués,  aux  commensaux,  aux  favoris 
d'un  grand,  même  à  l'ensemble  de  sa  maison. 


1  Audiger,  La  maison  réqlée  (1692),  édit.   Pion,  jj.  11 
et  68. 

2  Le  Rouge,  Les  cwriositez  de  Paris  (1723),  t.  I,  p.  10. 

3  Morand,    Mémoire    sur    la   population    de    la    Fra/ire. 
dans  la  Collection  académique,  t.  XVI,  p.  59. 

4  Description  de  Paris,  t.  I,  p.  32. 

5  Dictionnaire  de  la  France,  t.  \ ,  p.  402. 

^  J.-C.  Nemeitz,  Séjour  de  Paris,  édit.  Pion,  p.  36. 
"^  Isambert,  t.  XXV,  p.  448. 


268 


DOMESTIQUES  —  DORELOTIERS 


V'oici  deux  exemples  empruntés  à  Tallemant  des 
Réaux  :  «  M.  Esprit,  l'académicien,  estoit  alors 


V 

Réaux  :  «  M.  Esprit, 

domestique  de  M.  le  chancelier  ».  Et  «  Maugars 

demanda   à  prescher  devant  le  domestique  du 

cardinal  ^  ». 

Yoy.  Argentiers.  —  Aumôniers.  — 
Berceuses .  — Bonnes  d'enfants. ^Bou- 
teillers.  —  Bureaux  de  placement.  — 
Cales.  —  Capitaines  des  charrois.  — 
Capitaines  de  château.  —  Chambre- 
laines.  —  Chambrières.  —  Chambril- 
lons.  —  Chasseurs.  —  Cochers.  — 
Concierges.  —  Cordon  bleu.  —  Correc- 
teurs.— Cuisine  royale.  —  Cuisinières. 

—  Cuisiniers.  —  Demoiselles  de  com- 
pagnie. —  Dépensiers.  —  Eaux  (Fai- 
seurs d').  —  Ècuyers.  —  Écuyers  de 
cuisine.  —  Femmes  de  chambre.  — 
Femmes  de  charge.  —  Femmes  de 
garde-robe.  —  Ferrer  la  mule.  — 
Fermiers.    —   Frocines.   —   Galopins. 

—  Qarçons  de  cabaret.  —  Garçons 
d'office.  —  Gardes  des  aires.  —  Gardes- 
chasse.  —  Gardes-manger.  —  Gouges. 

—  Gourmets .  —  Gouvernantes .  — 
Gouvernantes  d'enfants.   —    Grisons. 

—  Guitons.  —  Héiduques.  —  Hostri- 
ciers.    —    Intendants.    —    Jardiniers. 

—  Jockeys .  —  Laquais .  —  Maison 
royale  (Officiers  de  la).  —  Maîtres 
d'hôtel.  —  Maitres-valets.  —  Méchi- 
nes.  —  Métayers.  —  Nourrices.  — 
Pages.  —  Petits-collets.    —  Piqueurs. 

—  Porte-nappe.  —  Porte-queue.  — 
Postillons.  Pourvoyeurs.  -  Pré- 
cepteurs. -  Promeneuses.  —  Q,uino- 
las.  —  Secrétaires.  —  Servantes.  — 
Servantes  d'auberge.  —  Servantes  de 
château.  Servantes  de  cuisine.  — 
Sommiers.  Suivantes.  —  Tapis- 
siers. —  Teneuses.  —  Tonnelevirs.  — 
Tournebroches.    —    Valets    d'auberge. 

Valets   de   chambre.    —  Valets   de 
chiens,  de.,  etc. 

Dominotiers.    Yoy.    Papiers    peints 
Fabricants   de].  Les  laLnCanls  de  cartes  ù 
JDiiiT  ppiMiaient  aussi  ce  litre. 

Dompteurs.  On  a  vu,  à  l'arlicle  Animaux 
féroces  Commerce  des,  que  im-^  rois 
n'clii'nlnTfiii  ili,-  hoiiue  lieure  ces  lerriblcs  bêles. 
I-.-  Z(i(»l(i^riî,u.  l'ierre  Relon  raconte  même  que 
Kninijois  1"  l.'s  admetlait  dans  .son  intimité  : 
■'  (.I<»n»rae  nous  U-nuns  quelque  petit  chien 
pour  compaffnie,  qui;  f»isuns  coucher  sur  les 
pieds  de  nostre  licl  par  plaisir,  François  !«■•  y 
avuil  U'iles  fois  quelque  lion,  once  ou  autre 
Ii'Uh  Hère  hf-sle,  cjui  se  laisojent  chère  comme 
<|iH'lque  animal  privé  es  maisons  des  païsans  ^  ». 
C'fsl  uu  contemporain  qui  parle  iiinsi,  il  iaul 
«lonc   croirp   que,    comm.-   dans    raiiliquité,    le 


•  Hiflorinift,  l.  II.  p.  255  oi  33.^ 

'   P.    H.-lon.    Hhhlrr  dt  la  nature  des  o,/x,;n,.r    \:,-^r, 
in-fi>lio,  p.  191.  ■'  ^' 


lion    se    laissait    alors    volontiers    apprivoiser. 

Ses  successeurs  se  bornèrent,  en  général,  à 
faire  combattre  les  fauves  les  uns  contre  les 
autres  *.  On  lit  bien,  dans  certaines  relations 
du  carrousel  donné  en  1612  à  l'occasion  du 
mariage  de  Louis  XIII,  qu'il  y  parut  des  chariots 
traînés  par  six  lions,  par  six  léopards,  par 
huit  cerfs  -,  par  deux  éléphants,  par  des 
chameaux  ^,  même  par  quatre  lions  de  front  *. 
Mais  il  importe  de  ne  pas  prendre  trop  au  pied 
de  la  lettre  cette  brillante  énumération  zoolo- 
gique. Il  s'agit  toujours  ici  de  chevaux  recouverts 
avec  des  peaux  de  lion,  de  cerf,  etc.  ^. 

Le  métier  de  dompteur  paraît  avoir  toujours 
été  aussi  lucratif  que  dangereux,  et  il  s'en 
trouvait  chaque  année  quelques-uns  à  la  foire 
Sainf-(iermain.  Je  copie  la  réclame  suivante 
dans  un  journal  d'annonces  de  l'année  1750  : 
«  Le  public  est  averti  qu'il  est  arrivé  en  cette 
ville  un  Levantin  venant  d'Afrique,  qui  a  amené 
avec  lui  deux  lions  âgés  de  quatre  mois  et  demi, 
de  la  grosseur  d'un  veau  de  sept  mois,  avec  un 
tigre  ;  lesquels  sont  privés  ensemble,  et  obéissent 
au  commandement  de  leur  maître  comme  font 
les  chiens  les  plus  dociles.  Il  fait  voir  aussi  les 
peaux  des  père  et  mère,  qui  ont  dix-sept  pans  de 
longueur.  On  fera  voir  ces  animaux  depuis 
neuf  heures  du  matin  jusqu'à  huit  heures  du  soir 
à  la  foire  Sainl-CTermain  ^  ». 

Donnés.  Séculiers  qui  abandonnaient  leurs 
biens  à  un  monastère  «  pour  y  vivre  doucement 
et  servir  les  religieux.  Ils  dilîéroient  des  moines 
en  ce  qu'ils  ne  faisoient  point  profession,  et 
qu'ils  portoienl  un  habit  peu  différent  de  celui 
des  séculiers  ''  ». 

On  les  nomma  d'abord  Oi^/a^s.  Notons  toutefois, 
en  passant,  qu'avant  la  création  de  l'hôtel  des 
Invalides,  on  nommait  encore  oblats  des  soldats 
malades  ou  âgés  que  le  roi  envoyait  dans  une 
abbaye,  pour  y  élre  nourris  et  traités  comme  de 
véritables  religieux.  Il  y  avait  très  peu  d'abbaves 
qui  n'eut  son  oblat,  ou  qui  ne  fil  une  pension  à 
quelque  vieux  soldat  ^. 

Donneurs  de  vivres.  Voy.  Vivan- 
diers. 

Doreloteurs.  Voj.  Dorelotiers. 

Dorelotiers.  Le  mot  dorelot  signifiait 
parure,  bijou,  ruban,  «  affiquet  de  femme  », 
écritJ.  Nicolen  1606  ". 

C'est  vers  la  fin  du  treizième  siècle,  que  les 


'   ^oy.  l'art  icle  Combats  d'animaux. 

2  \  ul.son  di'  la  Culombière,  Le  vray  théâtre  d'Iiuiuieur 
et  de  chevalerie,  p.  371,  403  et  418. 

"J  Le  carrousel  des  pompes  et  nuKjnificences  fuites  en 
faveur  du  mariage...  Paris,  1612,  p.  8  et  14. 

*  Le  camp  de  la  place  ruijalle.  ou  relation,  etc.,  1612, 
p.  299. 

•'  Le    triomphe   royal,     roii/riio/it    un    hrief   discours 

1612,  p.   13  et  14. 

•<  Affiches  de  Paris,  avis  divers,  n"  du  9  février  1750. 

'j  Ducaiiffe,  Glossarium,  aux  mots  donati  et  oblnti.  — 
Dictionnaire  de  Trévoux,  t.  III,  p.  428. 

**  F.-J.  Chastes,  Dictionnaire  de  justice,   t.  II,   p.  GOl. 

9   Thrésor  de  lu  langue  françoyse,  p.  212. 


DORELOTIERS  —  DOUBLES 


269 


laceurs  de  filet  de  soie  prirent  li;  nom  de  franger s- 
(Inrelotiers,  el  les  premiers  slaluls  qui  les  désignent 
sous  ce  nouveau  titre  sont  du  25  mars  1327. 

Les  Tailles  de  1292  el  de  1300  citent  chacune 
quatorze  dorelotiers  ou  dorelotirres^  et  en  1404 
la  corporation  fut  représentée  devant  le  prévôt 
de  Paris  par  vingt-sept  maîtres  ou  maîtresses  ^ . 

Au  début  du  quinzième  siècle,  les  dorelotiers, 
dorlotiers,  dorlotews  ou  dorelotews  modifièrent 
encore  leur  nom  et  devinrent  rubaniers. 

Doreurs  sur  cuir.  Au  seizième  siècle, 
l'on  ne  connaissait  pas  encore  le  papier  peint, 
mais  on  commençait  à  utiliser  comme  tenture  le 
cuir  doré,  argenté,  gaufré,  etc. 

Dans  un  compte  de  1558,  un  sieur  Jehan 
Foucault,  doreur  sur  cuir,  reçoit  de  Catherine 
de  Médicis  310  livres  tournois,  pour  avoir  garni 
tout  une  pièce  en  cuir  de  mouton  doré,  argenté 
et  frisé.  Un  peu  plus  tard,  un  des  personnages 
de  l'île  des  Hermaphrodites  nous  apprenti  qu'il 
«  s'occupoit  à  regarder  la  tapisserie  du  lieu,  qui 
estoit  d'un  cuir  doré,  entremeslé  de  vert  ^  ». 

Les  ouvriers  qui  confectionnaient  ces  riches 
tentures  furent  constitués  en  corporation  par 
Henri  H,  au  mois  de  janvier  L558^.  Dès  1594, 
ils  firent  renouveler  leurs  statuts,  où  l'on  trouve 
une  longue  liste  des  petits  objets  qu'ils  étaient 
autorisés  à  fabriquer  :  cadres  de  miroirs,  boîtes 
à  poudre,  g-aiiies  pour  horloges,  tablettes  à 
écrire,  étuis  à  poids,  à  balances,  à  peignes,  etc., 
mais  sous  condition  que  tous  ces  objets  fussent 
en  cuir  orné  et  doré.  Aussi  les  maîtres  sont-ils 
officiellement  qualifiés  de  doreurs  sur  cuir-garnis- 
seurs-enjoliveurs. 

La  communauté  ne  fit  point  fortune.  «Attendu, 
dit  un  arrêt  de  1619,  la  pauvreté  du  mestier, 
qui  n'est  nécessaire,  ains  d'enjoliveures,  plaisirs 
et  curiosités,  occasion  pourquoi  la  plus  grande 
partie  des  maistres  dudit  mestier  ne  peuvent 
o-aorner  leur  vie...  ».  Ils  furent  donc  autorisés  à 
ne  plus  faire  d'apprentis  pendant  dix  ans,  afin 
de  restreindre  la  concurrence.  Cet  expédient 
resta  inutile,  et,  en  mai  1680,  les  doreurs  sur 
cuir  se  fondirent  dans  la  communauté  des  miroi- 
tiers, contre  laquelle  ils  n'avaient  cessé  de  lutter 
depuis  un  siècle. 

Les  doreurs  sur  cuir  s'étaient  placés  sous  le 
patronage  de  saint  Jean-Baptiste. 

Doreurs  sur  fer  et  sur  acier.  Titre 
qui  appartenait  à  la  corporation  des  couteliers. 

Doreurs  de  livres.  Vers  la  fin  du  quin- 
zième siècle,  quand  vint  la  mode  des  reliures 
couvertes  de  dorures,  les  ouvriers  relieurs  qui 
avaient  adopté  cette  spécialité  obtinrent  d'être 
admis  à  la  maîtrise.  Ils  eurent,  à  ce  sujet,  de  longs 
démêlés  avec  les  li])raires  * .  L'édit  du  7  septembre 
1686,  sépara  les  libraires  des  relieurs,  et  donna 
à  ceux-ci  le  titre  de  relieurs-doreurs  de  livres. 

Voy.  Relieurs. 


1  Fagniez,  Etudes  sur  l'Industrie,  p.   12. 

2  V.  Gay,  Glossaire  archéologique,  t.  I,  p.  516. 
■*   Voy.  ci-dessus,  p.  209. 

i  Voy.  E.  Thoinan,  Les  relieurs  français,  p.  27  it  buiv. 


Doreurs  sur  métaux.  La  Taille  de  1202 

cite  quatre  doreenrs,  celle  de  1300  en  mentionne 
trois.  La  dorure  et  l'argenture  étaient  pratiquées 
déjà  avec  beaucoup  d'habileté,  mais  on  inter- 
disait le  fourré  que  nous  appelons  aujourd'hui 
doublé  ou  plaqué.  Ya\  1396,  un  orfèvre  de  Paris 
faillit  être  expulsé  de  la  corporation,  parce  qu'il 
s'était  permis  de  doiuier  un  revêtement  d'or  à  un 
hanap  d'argent  ' . 

Vers  cette  date,  la  dorure  paraît  avoir  cons- 
titué seulement  une  spécialité  dans  le  corps  des 
orfèvres,  le  métier  ne  prend  une  réelle  impor- 
tance qu'au  seizième  siècle  quand  se  développe 
le  goût  des  armes  luxueuses.  Aussi  est-ce  seule- 
ment en  1565  que  les  doreurs-graveurs  songent  à 
se  constituer  en  corporation  et  reçoivent  leurs 
premiers  statuts.  Ils  j  sont  qualifiés  doreurs- 
argeuteurs  sur  fer,  acyer  et  laton  ^.  On  exige  cinq 
ans  d'apprentissage,  qui  seront  terminés  par 
le  chef-d'œuvre;  celui-ci  consistera  à  dorer  ou 
argenter  une  épée ,  une  paire  d'éperons  ou 
d'étriers,  etc. 

Ces  statuts  furent  revisés  et  complétés  en 
août  1773.  J'y  vois  que  les  maîtres  «  feront  tous 
les  ouvrages  de  doreurs  et  damasquineurs  sur 
fer,  fonte,  cuyvre  et  laton  ^  ;  pourront  dorer 
corcelets,  morions,  arquebuses,  espieux,  espé- 
rons, mors,  selles,  fers  de  sainctures,  gardes 
d'espée  et  de  dagues,  et  damasquiner  toutes 
sortes  d'ouvrages  ». 

En  fait,  le  métier  de  doreur  sur  métal  était 
alors  fort  disséminé,  car  les  couteliers  et  les  four- 
bisseurs  avaient  le  droit  de  dorer  eux-mêmes 
leurs  produits.  La  corporation  des  doreurs  se 
spécialisa  dans  les  objets  les  plus  riches  et , 
comme  travaillant  les  métaux  précieux,  fut  sou- 
mise à  l'autorité  de  la  cour  des  Monnaies. 

Des  statuts  imprimés  en  1757  donnent  aux 
maîtres  le  titre  de  maîtres  et  marchands  ciseleurs, 
doreurs,  argenteurs,  damasquineurs  et  enjoliveurs 
sur  fer,  fonte,  cuivre  et  laiton.  L'apprentissage 
reste  fixé  à  cinq  ans,  mais  il  est  suivi  de  cinq  ans 
de  compagnonnage  ;  le  nombre  des  maîtres 
s'élève  à  environ  370,  et  la  corporation  est  placée 
sous  le  patronage  de  saint  Eloi. 

On  les  trouve  nommés  aussi  aureurs. 

Dorloteurs  et  Dorlotiers.  Voy.  Dore- 
lotiers. 

Douaneurs  ou  Douaniers.  Fermiers  ou 
commis  de  la  douane.  Celle  de  Paris  était  dite 
hôtel  des  fermes  du  roi.  C'est  là  que  se  réunis- 
saient les  fermiers  généraux  et  aussi  que  se  cen- 
tralisait le  produit  de  toutes  les  douanes. 

Outre  deux  commis  principaux,  le  receveur 
général  et  le  directeur  général  des  comptes,  le 
personnel  de  la  douane  de  Paris  comprenait  un 
receveur  particulier,  un  contrôleur  et  quatre 
visiteurs. 

Doubles  (Faiseurs  de).  Voy.  Double- 
tiers. 


1  G.  Fagniez,  Etudes  sur  l' industrie,  p.  262- 
^  et  3  Sic,  pour  laiton. 


270 


DOUBLETIERS  —  DRAPIERS 


Doobletiers.  On  nommait  doublet  une 
sorte  de  longue  aimisole,  commune  aux  deux 
sexes  et  qui  recouvrait  la  chemise.  Fait  de  coton, 
de  toile,  de  soie  ou  de  drap,  le  doublet  était 
aussi  appelé  fvJaine  ^  ou  Manchet,  et  les  gens  du 
peuple  sortaient  souvent  sans  autre  vêtement  sur 
le  torse. 

En  1460.  le  roi  Jean  olFrit  «  un  blanchet 
double  »  à  Jehan,  son  fou  -.  Le  blanchet  est 
encore  mentionné  au  quinziiMiie  siècle  dans  La 
farce  de  Pathelin^.  Durant  l'hiver,  on  le  rem- 
plaçait ou  on  le  renforçait  par  lepeliron  on  pelis- 
son,  chaud  pardessus  qui,  comme  son  nom 
l'indique,  était  fait  de  pelleteries. 

Les  doubletiers  se  fondirent  de  très  bonne 
heure  dans  la  corporation  des  pourpointiers.  Dès 
1323,  les  statuts  accordés  à  ces  derniers  les  auto- 
ri>^enl  à  confeclionner  des  doublets  ^. 

Je  les  ai  aussi  trouvés  désig'oés  sous  le  nom  de 
fnheurs  de  doubles. 

Doubletiers.  Fabricants  di-  piei-res  fausses 
dites  doii/jlels. 

Vov.  Bijoutiers  en  faux. 

Doubleurs.  «  Dans  les  manufactures  de 
laine,  ce  sont  des  ouvriers  uniquement  destinés  à 
doubler  la  laine  sur  un  rouet.  Les  doubleuses  de 
soie  sont  celles  qui,  dans  les  manufactures  de  cette 
matière,  la  do\d)lent  sur  des  ffui?idres,  qui  sont 
des  espèces  de  nuiets.  Ellesla  remettenlensuite  au 
moulinier,  pour  lui  donner  une  seconde  façon  ^  ». 

Drapeaux  ((Iommerge  des).  L'article  18 
df<  statuts  accordés,  en  septembre  1678,  aux 
selliers-carrossiers  leur  accorde  le  privilège  de 
«  fournir  les  banderolles  des  timbales,  les 
guidons,  étendarls,  etc.  ». 

Drapelières.  Voy.  Chiffonnières. 

Draperie  (Iommekce  dk  la).  Voy.  A.u- 
neurs.  Boujonneurs.  —  Cameliniers. 
-  Colleurs.  —  Concierges,  —  Cour- 
tiers. Drapiers.  —  Draps.  -  Drous- 
seurs.  -  Épinceuses.  — Éplucheuses. 
Forts  de  la  halle.  -  Foulons.  — 
Laine.  Laineurs.  —  Ourdisseuses.  — 
Pouliours.  —  Retondeurs.  —  Tondeurs. 

Drapiers.  I)i'>  WH'.i,  les  drapiers  i/w/mam) 
Kcrnbloiil  avoir  formé  une  corporation  organisée. 
Nous  li's  voycins.  en  effet,  au  cours  de  cette 
iiniH'»',  pn-ndre  h  cens  vingt-quatre  maisons  que 
IMiilippe-Auguste  venait  d(>  confisquer  sur  les 
Juif>  expulsés  «.  Ces  maisons  étaient  situées  dans 
un»'  voie  qui  allait  de  la  rue  de  la  Juiveric  ''  à  la 
rue  d.'  la  Ririllrrir  »,  .-I  qui  prit  alors  le  nom  de 


«  On  nnmiiiait  nim.si  futnine,  um-  étoffe  iiii-nnrlif  (il  il 
rnliin. 

«  n.niiiUl'Arcq.  Comptes  Ht  Inrgtnlerle,  p.  22:J. 

•T  K<lil    <I-  172.1,  p.  7.  '1 

»  Artici.".  Il  A  11. 

■'  .Iniilf-rt.  DirlinHHoirt  (I77n),   l.  II,  |..  Cd. 

•"•  Sfluvnl,  Antii^Hités  de  l'oris,  1.  II,  p.  471.  —  I,.  U,.- 
Iitllc.  Arltt  de  Pii fipue- Auguste ,  n"  hi\ 

'  .\iij.  rue  dp  la  Cité. 

*  .\uj.  boulevard  du  Palai.« 


Judmaria  pannificorwm,  La  Taille  de  1202 
l'appelle  déjà  La  Viez  Draperie  ^ ,  mais  elle  n'y  fait 
figurer  aucun  drapier  ;  en  revanche,  la  Taille  de 
1313  y  mentionne,  sur  18  habitants,  10  drapiers, 
1  tondeur  de  drap  et  2  tailleurs  ^.  La  rue  de  la 
Vieille-Draperie  a  conservé  ce  nom  jusqu'en 
1838,  époque  où  la  rue  de  Constantine  (aujour- 
d'hui rue  de  Lutèce)  s'éleva  sur  ses  ruines. 

Les  statuts  accordés  aux  drapiers  en  1573, 
mentionnent,  dans  leur  préambule,  des  statuts 
antérieurs  datés  de  1188,  et  que  je  n'ai  pu 
retrouver.  Mais,  au  mois  d'août  1219,  la  corpo- 
ration révèle  de  nouveau  son  existence.  Les 
«  mercatores  confratres  de  draperia  »  achètent  à 
un  bourgeois  de  Paris,  nommé  Raoul  du  Plessis 
«  Radulfus  de  Plesseio  »,  une  maison  et  son 
pourpris,  situés  derrière  le  mur  du  Petit-Pont, 
«  domum  cum  toto  porprisio  relro  maceriem 
Parvi  Pontis  ^  ». 

En  dehors  des  pelleteries,  dont  toutes  les 
classes  se  couvrirent  presque  exclusivement 
pendant  longtemps*,  l'étoffe  dominante  pour  les 
vêtements  fut  la  soie  au  quatorzième  siècle  et  le 
drap  au  treizième.  Aussi,  ce  dernier  commerce, 
quoique  alimenté  moins  par  la  fabrication  locale 
que  par  les  importations  de  Normandie,  de 
Flandre,  de  Champagne  et  de  Languedoc,  était- 
il  déjà  fort  actif  à  Paris.  Le  poète  qui  a  rimé  le 
Dit  du  Lendit  "^  qualifie  la  draperie  de  «  mestier 
hautain,  »  et  place  au-dessus  de  tous  les  autres 
marchands  «  li  drapier  que  Dieu  gart.  »  Ces 
drapiers  étaient  à  la  tête  de  l'industrie  parisienne, 
les  Tailles  levées  en  1292,  en  1300  et  en  1313 
ne  laissent  aucun  doute  sur  ce  point.  Pour  la 
perception  des  tailles,  chaque  habitant  était 
imposé  proportionnellement  à  sa  fortune,  d'un 
dixième  environ  lorsqu'il  s'agissait  d'une  taille 
extraordinaire,  comme  celle  de  1313.  Dans 
celle-ci,  les  trois  commerçants  les  plus  imposés 
et  par  conséquent  les  plus  riches  de  Paris,  sont 
trois  drapiers  : 

Vasselin  de  Gant,  taxé  à  150  livres. 
Jacques  Marciau,     —     135     — 
Pierre  Marcel,  —     127     — 

Un  ne  s'étonnera  donc  point  que  les  drapiers 
aient  soumis,  vers  1268,  à  l'homologation  du 
prévôt  Etienne  Boileau  des  statuts  très  détaillés 
et  très  curieux  *>. 

Ils  y  sont  appelés  toissarans  de  lamje,  c'est-à- 
dire  tisserands  de  laine. 

Le  droit  de  s'établir  s'achetait  au  roi.  Mais  cet 
achat  était  rare,  car  les  maisons  se  transmettaient 
presque  toujours  de  père  en  fils,  ou  du  moins  se 
perpétuaient  dans  la  même  famille. 

Les  statuts  ont  tout  prévu  pour  favoriser  ce 
résultat.  Ainsi,  chaque  maître  ne  doit  avoir  chez 
soi  «  en  son  hostel  »  plus  de  trois  •  métiers,  mais 

•  l'afjfc  137. 
2  Page  !.-)(). 

•'  L'acte  d(>  vente  a  été  publié  dans  la  /iibliothèque  de 
l'irole  des  Clinrtes,  r»^  série,  X.\ ,  p.  477. 

*  Voy.  l'article  Fourreurs. 

^  Biblioth.  nationale,  mss.,  fonds  français,  n"  24. 432, 
f"261. 

"  Livre  des  métiers,  Hirc  L. 


DRAPIERS 


271 


on  raulorise  à  prendre  sous  son  toit  ses  enfants, 
un  frère  et  un  neveu,  et  il  peut  confier  à  chacun 
d'eux,  tant  qu'ils  ne  sont  pas  mariés  et  restent 
sous  son  autorité,  encore  trois  métiers.  Ce  fils, 
ce  frère  ou  ce  neveu  étaient  dispensés  de  la 
plupart  des  redevances  acquittées  par  les  membres 
de  la  corporation.  Ils  n'avaient  rien  à  payer  non 
plus  s'ils  prenaient  l'établissement  :  celui-ci  était 
censé  n'avoir  pas  chanj^é  de  maître. 

A  part  les  membres  de  sa  famille,  chaque 
drapier  ne  devait  avoir  qu'un  seul  appr(;nli,  et 
l'apprentissao^e  durait  longtemps.  Il  était  de  sept 
ans  pour  l'enfant  sans  argent,  de  six  ans  pour  celui 
qui  apportait  vingt  sous,  de  cinq  ans  pour  celui 
qui  apportait  soixante  sous,  et  de  quatre  ans  pour 
celui  qui  apportait  quatre  livres  parisis. 

Les  statuts  semblent  avoir  voulu  qu'il  ne  lut 
pas  fait  de  différence  entre  l'apprenti  étranger  et 
les  apprentis  membres  de  la  famille  :  un  article 
spécial  assurait  au  premier  une  protection  contre 
son  maître.  L'apprenti  qui  croyait  avoir  de 
sérieux  griefs  à  formuler  pouvait  quitter  l'atelier, 
et,  soit  directement,  soit  par  l'intermédiaire 
de  ses  amis,  porter  sa  plainte  au  Maître  des 
tisserands.  Celui-ci  mandait  le  patron,  l'inter- 
rogeait, et  s'il  était  reconnu  coupable,  lui  enjoi- 
gnait «  que  il  tiengne  l'apprenti z  honorablement 
comme  fils  de  preud'oume,  de  vestir,  de  chaucier, 
de  boivre  et  de  mangier,  et  de  toutes  autres 
choses».  Si  quinze  jours  après,  le  maître  n'avait 
pas  obéi,  on  plaçait  l'apprenti  dans  une  autre 
maison. 

Les  drapiers  disaient  tenir  de  Blanche  de 
Castille,  «  de  la  roine  Blanche,  qui  Diex 
absoille  »,  le  droit  de  teindre  eux-mêmes  leurs 
draps,  sauf  pourtant  quand  il  s'agissait  de  la 
teinture  bleue  appelée  guède  ^  ,  et  que  deux 
maisons  seulement  pouvaient  employer.  Lorsque 
le  maître  d'une  de  ces  maisons  mourait,  son 
successeur  était  désigné  par  le  prévôt  de  Paris. 
Les  teinturiers,  qui  prétendaient  cumuler  le 
tissage  et  la  teinture,  eurent  à  ce  sujet  de  longs 
démêlés  avec  les  drapiers.  Ils  demandaient,  ou 
que  les  drapiers  cessassent  de  teindre,  ou  que  les 
deux  métiers  fussent  réunis,  et  que  drapiers  et 
teinturiers  pussent  également  teindre  et  tisser. 
Les  drapiers  refusèrent  d'abandonner  aucune  de 
leurs  prétentions,  et  la  victoire  finit  par  leur 
rester. 

Les  statuts  recommandent  de  n'employer 
aucun  ouvrier  menant  une  mauvaise  conduite. 
Il  suffisait  qu'il  eût  une  maîtresse  à  Paris  ou  en 
dehors,  qu'il  «  tiegne  sa  meschine  au  chans  ne 
à  l'ostel  »,  pour  se  voir  aussitôt  chassé,  non 
seulement  de  l'atelier,  mais  encore  de  la  ville. 

Le  travail  à  la  lumière  était  interdit.  Nul  ne 
pouvait  se  mettre  à  l'œuvre  «  devant  l'eure  de 
soleil  levant  ». 

Dans  l'origine,  tous  les  maîtres  vendaient  les 
draps  qu'ils  avaient  tissés  ;  mais,  dès  la  fin  du 
treizième  siècle,  on  vit  se  produire  cette  division 
entre  l'industrie  et  le  commerce  que  nous  offrent 
aujourd'hui  toutes  les  branches  delà  production. 

1  Elle  a  été  remplacée  par  l'indigo. 


Les  maîtres  les  plus  riches  se  bornèrent  à  vendre 
les  draps  qu'ils  faisaient  fabriquer  -,  ils  furent 
appelés  Grands  maîtres.,  par  opposition  aux  Memis 
maîtres,  nom  donné  aux  producteurs.  Dans  la 
suite,  ces  derniers  prirent  le  nom  de  Drapier s- 
drapans,  qui  les  distingua  des  Marchands- 
drapiers. 

La  corporation  était  administrée  par  un 
maître,  dit  le  Maître  des  tisserands,  et  par  quatre 
jurés.  Le  Maître  des  tisserands,  personnage 
important,  relevait  directement  sous  certains 
rapports  de  l'autorité  royale,  pour  l'organisation 
du  service  du  guet,  par  exemple. 

Dans  le  chapitre  que  le  Livre  des  métiers 
consacre  aux  droits  dont  les  draps  étaient  alors 
imposés  *,  on  trouve  cités  les  lieux  de  produc- 
tion suivants  : 


Beauvais. 

Louviers 

Châtres^. 

Tours. 

Cambrai. 

Douai. 

Saint-Denis. 

Les  statuts  que  je  viens  d'analyser  furent 
revisés  le  28  avril  1309  ^,  mais  cette  nouvelle 
rédaction  est  presque  exclusivement  relative  à 
l'organisation  de  la  confrérie,  et  elle  modifie  sur 
très  peu  de  points  les  statuts  précédents.  La 
confrérie  se  réunissait  le  premier  dimanche  de 
l'année ,  «  le  premier  dimanche  après  les 
estraines  *  ».  Un  banquet  suivait  les  exercices 
religieux,  et  les  pauvres  n'y  étaient  pas  oubliés. 
A  chacun  de  ceux  de  l'Hôtel-Dieu,  on  envoyait 
un  pain,  une  pinte  de  vin  et  «  une  pièce  de 
char  "",  buef  ou  porc  ».  Les  prisonniers  du 
Chàtelet  recevaient  à  peu  près  autant,  et  s'il  se 
trouvait  dans  le  nombre  un  gentilhomme  il 
avait  droit  à  deux  mets.  On  donnait  encore  un 
mets  au  roi  et  à  chaque  accouchée  de  l'Hôtel- 
Dieu,  un  pain  à  chacun  des  religieux  jacobins  et 
cordeliers  et  à  tous  les  mendiants  qui  se  présen- 
taient pendant  le  repas.  Les  restes  en  pain,  vin, 
graisse,  etc.,  étaient  remis  le  lendemain  «  aux 
religieux  de  Vau-par-fonde  "  »  et  aux  hôpitaux 
de  Paris.  Ces  mêmes  statuts,  qui  furent 
confirmés  sans  changement  en  juillet  1362,  en 
février  1364  et  en  mars  1392,  autorisent  les 
drapiers  à  laisser  ouverte,  à  tour  de  rôle,  une  de 
leurs  boutiques  le  dimanche. 

Quand  Louis  XI,  en  1467,  eut  l'idée  d'enré- 
gimenter sous  soixante  et  une  bannières  tous 
les  métiers  de  Paris,  les  tixerands  de  lange 
formèrent  à  eux  seuls  la  trentième  bannière, 
tandis  que  les  marchands  drappiers  en  compo- 
saient une  autre  '. 

Quelque  temps  après,  les  drapiers  eurent  la 
satisfaction  de  voir  disparaître  une  communauté 
qui  leur  avait  pendant  longtemps  fait  concur- 
rence, celle  des  chaussetiers.  Ses  dépouilles  furent 


1  Ile  partie,  titre  XXIV. 
-  Auj.  Arpajon. 

•f  Or  don  II.  royales,  t.  III,  p.   581. 
i   Les  et  rennes. 
•>  De  chair. 

t>   L'abbaye  de  Valprofond  eu  de  N'auparfoud,  dans  la 
vallée  de  la  Bièvre. 

1  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  671.- 


272 


DRAPIERS  -  DRAPIERS  D"OR  ET  DE  SOIE 


purlagées  entre  les  tailleurs,  les  Im^n'res  et  les 
drapiers.  Ces  derniers  obtinrent  le  druit  de  (aire 
et  vendre  les  chausses  en  drap,  serge,  drof^nief  et 
autre-,  tissus  de  laine,  ainsi  que  celles  de  toile 
peinte,  et  ils  prirent  à  partir  de  cette  époque  le 
titre  de  drapiers-chamsetiers . 

Leur  industrie  subit  le  sor(  commun  pendant 
les  guerres  ci\-iles  du  seizième  siècle  :  lorsque 
Henri  IV  monta  sur  le  trône,  elle  était  discré- 
ditée et  à  peu  près  ruinée.  Elle  produisait  quatre 
fois  moins  qu'auparavant.  A  Provins,  où  dix- 
huit  cents  métiers  avaient  jadis  marché,  à  Senlis, 
à  Meaux,  à  Melun,  à  Saint-Denis,  aussi  dans 
(raiilres  localités  des  environs  de  Paris,  la 
fabrication  était  ralentie  ou  presque  arrêtée. 

La  pacification  du  ro^yaume  et  Tédit  de  Nantes 
rendirent  celte  industrie  moins  précaire,  mais  la 
Fi-ance  restait  toujours  tributaire  de  la  Hollande 
et  de  l'Angleterre.    Antoine   de   Monlchrestien 
pouvait    écrire    en    1615  dans   son    Traicté  de 
l'œcommie  politique  :  «  Il  ne  nous  est  permis  de 
porter  en  Angleterre  aucune  draperie,  à  peine  de 
confiscation.  Au  contraire,  les  Anglois,  en  pleine 
lilierlé.  apportent  en  France  toutes  telles  draperies 
qu'il  leur  plaist.  voire  en  si  grande  quantité  que 
nos  ouvriers  sont  maintenant  contrains   pour  la 
plusparl  de  prendre  un  autre  mestier,  et  bien 
souvent  de  mendier  leur  pain  '    ».    Un   demi- 
siècle  plus  tard,  pareille  pensée  n'ei^il  pu  venir  à 
ces    ouvriers.     Nicolas    Cadeau    avait    créé    la 
manufacture  de  Sedan  i'I646),  Josse  van  Robais 
celle  d'Abbeville  (1665),  et  une  foule  de  fabriques 
secondaires  existaient  dans  le  reste  de  la  France. 
.\  cette  époque,  les  drapiers  parisiens  étaient 
régis  par  des  st^ituts  de  fé\Tier  1573,  revisés  le 
17   février   1646.    L'apprentissage   durait  trois 
ans,  et  était  suivi  de  deux  ans  de  compagnonnage. 
Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  en  même  temps 
qu'un  seid  apprenti  ;  il  était  cependant  autorisé 
a  en  prendre  un  second  quand  le  premier  avait 
Icrminé  sa  deuxième  année.  Aucune  boutique  ne 
pouvait  plus  rester  ouverte  le  dimanche.  La  corpo- 
ration élail  administrée  par  six  jurés  ou  gardes. 
La  révocation  de  l'édit  de  Nantes  avait  arrêté 
l'élan    pris    par  nos    manufactures.     Beaucoup 
d'ouvriers   prolestants  s'expatrièrent,   passèrent 
snil   en    .\nglelerre   soit  en    .\llemagne,   el    la 
production  des  draps  ordinaires  subit  un  ralen- 
ti»s(»mpnl  qui,  sous  Louis  XV,  s'étendit  aux  draps 
(!••  luxe.  1^1  Cour,  d'ailleurs,  avait  misa  la  mode 
1h  soir'  f|  lo  vi'lours,  el  d'.\rg('nsoii   écrivait,  le 
29  seplfinltrc  1753  :  «  Nos  principales  manufac- 
tures londuMil   <|e  tous  côtés.    Celle  de  M.  van 
Hobais,    qui    élnil   si    riche   el    si    fameuse,    ne 
Inivaille  prrsf|ue  plus  ;   nos  gens  riches  ou  qui 
•>e   piquriii   (1,.  r,\|rf..    ne  voidant  plus  se  vêtir 
qur  d'eloiïes  de  soif  en  toutes  saisons,    ce  qui 
Hcmniplil  la  prédiction  du  duc  de  Sullv  que  l'on 
quillrroil  les  vers  pour  la  soie  *.   A  Aridelys,  en 
Normandie,  il  y  avoil  un.-  mamifaclure  de  beaux 
draps;  cl  de  soixaulc-dix  métiers  ballaus  qu'il  y 
avnil,  il  n'en  reste  plii>,  que  neuf  ^  ». 


'  II*  partie,  p. 
«  .SVf. 


'  DArp'n?un,  Méinoirtt,  l.  MU,  p    131. 


Les  drapiers  paraissent  avoir  toujours  tenu  le 
premier  rang  parmi  les  Six-Corps,  privilège 
qu'ils  conservèrent  jusqu'à  la  Révolution.  Le 
nombre  des  maîtres,  tombé  à  190  en  1725,  était 
de  200  en  1770  et  de  192  en  1779. 

Le  bureau  de  la  corporation  était  situé  rue  des 
Déchargeurs.  En  1527,  les  drapiers  avaient 
acheté  à  Jean  le  Bossu,  archidiacre  de  Josas,  un 
vieux  logis  appelé  la  maison  des  Carneaux  ^ .  Ils 
le  firent  démolir  vers  1670,  et  Jacques  Bruant 
éleva  sur  ses  ruines  un  joli  monument  de  stjle 
dorique,  qui  subsista  jusqu'en  1786  ;  il  fut  alors 
remplacé  par  l'affreuse  /lalle  aux  draps  et  aux 
toiles  qui  a  disparu  sous  le  second  Empire. 

Les  drapiers  avaient  pour  patrons  saint  Nicolas 
et  sainte  Marie  l'Égyptienne.  Des  lettres  patentes 
de  1541  constatent  que  «  de  grande  ancienneté 
et  passé  plus  de  trois  cens  ans,  les  drappiers  ont 
tousjours  eu  chappelle  et  confrairie  fondée  en 
l'église  des  Saincts  Innocents  ».  Les  statuts  de 
1573  fixent  la  date  de  cette  fondation  à  l'année 
1188  2. 

Drapiers  d'or  et  de  soie.  En  y  mettant 
un  peu  de  bonne  volonté,  les  drapiers  d'or  et 
de  soie  pouvaient  faire  remonter  leur  origine 
jusqu'au  treizième  siècle,  jusqu'aux  ouvriers  de 
draps  de  soye  et  de  veluyaus,  et  de  hourserie  en 
lice  qui,  vers  1268,  présentèrent  leurs  statuts  à 
l'homologation  du  prévôt  Etienne  Boileau. 

Disons  tout  de  suite  que  le  velmjav,  est  du 
velours,  que  la  bourserie  désigne  les  riches  élofiés 
dont  on  faisail  des  bourses  et  des  aumonières,  el 
que  la  lice^  lisse  ou  chaîne  est  l'ensemble  des  fils 
que  traverse  la  trame. 

Au  moyen  âge,  l'ouvrier  qui  voulait  s'établir 
drapier  de  soie  devait,  avant  tout,  prouver  qu'il 
connaissait  le  métier.  11  devait  «  le  savoir  faire  de 
louz  poinz,  de  soy,  sanz  conseil  ou  ayde  d'autruy  », 
aussi  était-il  examiné  par  les  jurés  du  métier,  à 
qui  il  versait  dix  sous  «  pour  leur  paine  ». 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  plus 
de  deux  apprentis. 

La  durée  de  l'appren lissage  était  de  huit  ans 
pour  l'enfant  sans  argent,  de  six  ans  seulement 
pour  celui  qui  apportait  six  livres  parisis  ■*. 

Le  travail  à  la  lumière  était  interdit,  sauf 
quand  il  s'agissait  du  roi,  de  la  reine  ou  des 
enfants  de  France. 

La  veuve  d'un  maître  pouvait  continuer  le 
métier,  pourvu  qu'elle  le  sût  «  faire  de  sa  main  ». 

La  mesure  des  étoffes  était  fixe  et  conforme  à 
l'étalon  déposé  au  Châtelet.  Sur  commande  spé- 
ciale, on  avait  droit  de  faire  plus  large,  en  aucun 
cas,  on  ne  pouvait  faire  plus  étroit.  La  chaîne 
devait  avoir  1.800  fils  de  soie  retorse  ou  1.900 
fils  de  soie  simple  *. 

Cette  première  corporation  de  drapiers  iivait 
sans  doute  disparu  depuis  longtemps  quand, 
vers  1470,  Louis  XI  appela,  de  Grèce  et  d'Italie, 
divers  artisans  habitués  à  travailler  la  soie.  Il  les 


I  Siiiiviil,  I.  II,  p.  472. 

-  l'i'i'iiiiibuit'. 

•'  dont  francs,  peut-être. 

*  Livre  des  métiers,  titre  XL. 


DRAl'lEKS  DUK  KT  DIO  SOlK  —  DKAl'lKKS-DKAl'ANS 


•27:^ 


installa  à  Tours,  où  ils  fureiil  placés  sous  Taulo- 
rité  de  Guillauiue  Briçonael,  secrétaire  des 
finances.  Dix  ans  après,  le  23  décem])re  1480, 
des  lettres  patentes  leur  accordèrent  exeni[)lion 
pleine  et  entière  de  tout  impôt.  Charles  VIII  leur 
confirma  ce  privilèg-e  en  1497  ;  l'ordonnance 
qu'il  rendit  à  cette  occasion  fixe  à  cin([  ans  le 
temps  de  service  des  apprentis,  afin  qu'ils 
arrivent  à  «  parfaitement  savoir  hesongner  de 
l'un  des  quatre  bons  draps,  c'est  assavoir  satin, 
damas,  veloux  et  drap  d'or  ^  ». 

Cette  seconde  tentative  échoua  comme  celle 
qu'avait  inaugurée  le  treizième  siècle  ;  elle  fut 
ruinée  par  les  édits  somptuaires,  par  les  g'uerres 
civiles,  de  sorte  qu'au  seizième  siècle,  aucune 
industrie  de  ce  <i;enre  ne  semble  exister  en 
France. 

Henri  IV  eut  la  g'ioire  de  ranimer,  de  recréer 
plutôt,  celte  industrie.  Malgré  l'opposition  du 
clergé  et  celle  de  l'austère  SuUj  ^,  il  fit  venir 
d'Italie  des  ouvriers  renommés  par  leur  habileté 
et  les  logea,  en  1603,  rue  de  la  Tixeranderie 
dans  le  vieil  hôtel  d'Anjou,  dit  alors  hôtel  de  la 
Macque  ^.  Ils  firent  là,  écrit  Palma  Cayet  «  des 
pièces  excellentes  en  rehaulsement  de  fils  d'or  et 
d'argent,  draps  d'or  et  d'argent,  toiles  d'or  et 
d'argent,  d'or  frisé  de  toutes  les  façons,  avec  une 
naïfveté  tant  des  estoffes  que  des  estoffures, 
tellement  qu'aux  damas  figurés,  satins  et  autres 
ouvrages,  il  sembleroit  que  les  couleurs  qui  y 
esclatent  sont  toutes  choses  naturellement 
procrées,  tant  est  l'industrie  naïfve  el  subtile  de 
leurs  tissus  *  ». 

Cette  manufacture  fut  ensuite  transportée  dans 
ce  qui  restait  des  bâtiments  du  vieil  hôtel  des 
Tournelles,  dont  la  démolition,  ordonnée  en  1565, 
n'était  pas  encore  achevée.  C'est  là  que  l'on  mit 
en  œuvi'e  pour  la  première  fois  les  soies  obtenues 
dans  les  magnaneries  établies  par  le  roi.  Mais  les 
ouvriers  s'y  trouvèrent  bientôt  à  l'étroit,  il  fallait 
construire,  et  cette  nécessité  donna  à  Henri  IV 
l'idée  de  la  place  Royale,  qui  fut  élevée,  comme 
on  sait,  sur  les  jardins  de  l'hôtel  des  Tournelles. 

l<]n  1606,  on  fabriquait  des  velours  à  Lyon, 
(les  satins  et  des  damas  à  Troyes,  des  crêpes  à 
Nantes,  et  d'immenses  et  luxueux  locaux 
abritaient  la  corporation  de  Paris  ^.  Isaac  de 
Lafl^émas  pouvait  citer  avec  fierté  «  ces 
orgueilleux  bastimens  de  la  place  Royale,  dont 
le  front  menace  de  ruyne  les  estrangers  qui 
vivoient  de  nos  dépouilles,  et  dont  la  seule  baterie 
des  mestiers  que  nos  Francoys  y  ont  montez  fait 
peur  à  tout  un  pays  "  » . 

Les  lettres  patentes  qui  avaient  fondé  ce  bel 
établissement  sont  datées  de  1603.  Ses  premiers 
administrateurs  furent  anoblis,  sous  la  condition 
qu'ils  dirigeraient  les  travaux  pendant  douze  ans. 

'   Ordo/ui.  royales,  t.  XX,  p.  598. 

2  Voy.  ci-de.ssous  l'article  Soie  (Commerce  de   la). 

«*  Jaillot,  quartier  de  la  Grève,  p.  52.  —  Sauvai, 
Recherches  sur  Paris,  t.  II,  p.  76.  —  Cet  hôtel  figure 
encore  .sur  le  plan  de  Gomboust  (1647). 

4  Chronologie  septénaire,  édit.  INIichaud,  p.  258. 

^  Procès-verbaux  des  assemblées  du  clergé,  t.  I,  p.   765. 

6  Histoire  du  commerce.  Dans  Cimbcr  et  Danjou, 
Archives  curieuses,  t.  XIV. 


Après  le  même  laps  de  temps,  t  uis  les  ouvriers 
employés  dans  la  maison  devaient  recevoir 
gratuitement  des  lettres  de  maili'ise. 

A  l'issue  des  douze  années  fixées  ])our  Texpé- 
rience,  les  ouvriers  se  virent  donc  conslilu'is  en 
communauté  (juillet  1615)  et  leui's  statuts  lurent 
enregistrés.  La  (hirée  de  l'apprentissage,  désor- 
mais réduite  à  quatre  ans,  fut  suivie  de  trois  ans 
de  compagnonnage.  Chaque  maître  put  avoir  à 
la  fois  jusqu'à  trois  apprentis.  Les  fils  de  maître 
furent  exempts  du  compagnonnage  et  du  chef- 
(Vœuvre.  Le  compagnon  épousant  une  fille  de 
maître  était  dispensé  du  chef-tranirre  seulement. 
Trois  jurés  furent  élus  pour  adminisli'er  la  nou- 
velle corporation. 

Celle-ci  eut,  en  effet,  d'incessants  démêlés 
avec  la  communauté  des  tissutiers-rubaniers.  Une 
transaction,  signée  en  mai  1644  el  confirmée  en 
février  1648,  intervint,  qui  réunit  les  deux  corps 
d'état  en  un  seul  ;  les  tissutiers  restant,  d'ailleurs, 
soumis  à  leurs  statuts  de  1585  et  les  drapiers  de 
soie  à  ceux  de  1615. 

La  manufacture  de  la  place  Royale  avait 
décliné  peu  à  peu,  ainsi  que  bien  d'autres,  après 
la  mort  de  Henri  IV  ;  il  n'en  resta  bientôt  plus, 
dit  très  bien  M.  Francisque  Michel  ',  que  la 
leçon  d'une  expérience  chèrement  acquise  et  un 
exemple  à  suivre. 

Heureusement  Colberl  arriva.  Il  reprit  la 
grande  œuvre  due  à  l'iniliative  de  Henri  IV, 
et  rétablit  l'ancienne  manufacture.  En  même 
temps,  il  sépara  les  deux  corporations  rivales,  et 
leur  donna  de  nouveaux  statuts  (avril  1664  et 
juillet  1667).  Les  tissutiers-rubaniers  furent 
désignés  sous  le  nom  A'ouvriers  de  la  petite 
navette  et  ne  durent  pas  fabriquer  d'étoffe 
dépassant  eu  largeur  un  tiers  d'aune.  Les 
drapiers  de  soie,  dits  ouvriers  de  la  gravide 
navette  pour  les  distinguer  des  précédents, 
eurent  le  droit  de  faire  des  tissus  aussi  larg*es 
qu'ils  voulaient,  et  les  statuts  de  1667  leur 
donnent  officiellement  le  titre  de  viaistre.<i  et 
marchands  ouvriers  en  draps  d^or,  (P argent  et  de 
soye  et  autres  e'toffes  meslangées.  Chaf[ue  maître 
ne  put  avoir  à  la  fois  qu'un  seul  apprenti. 
L'apprentissage  fut  fixé  à  cinq  ans  et  le  compa- 
gnonnage à  trois  ans.  Le  chef-d'œuvre  dut  être 
«  fait  sur  l'un  des  quatre  draps  cy-après  nommez, 
sçavoir  :  sur  le  velours  plein,  le  satin  plein,  le 
damas  et  le  brocard  d'or  et  d'argent  ».  Six  jurés 
administrèrent  la  corporation,  et  deux  autres, 
choisis  parmi  les  anciens  jurés,  surveillèrent  les 
jurés  en  charge.  La  communauté  était  placée 
sous  le  patronage  de  saint  Louis. 

Le  nombre  des  maîtres,  qui  était  de  318  en 
1725  °^  ,  paraît  avoir  peu  varié  jusqu'à  la 
Révolution. 

Drapiers-drapans.  Tilre  que  prenaient 
les  fabricants  de  draps  pour  se  distinguer  des 
marchands  drapiers. 

Les  cardeurs  se  disaient  également  drapiers- 


1  li'ranci.sque  Michel,   Recherches  sur  les  tissus  de  soie 
au  moyeu  âge,  t.  II,  p.  434. 

2  Savary,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  II,  p.  424. 


18 


274 


DRAPIERS-DRAPANS  —  DRAPS 


drapans.  Leurs  statuts  leur  reconnaissent,  en  effet, 
le  droit  de  fatriquer  du  drap,  de  le  teindre  même 
en  «  noir,  musc  et  brun  »,  et  de  le  vendre,  mais 
en  gros  seulement  *.  _ 

Les  foulons,  avec  moins  de  raison,  s'attri- 
buaient le  même  titre. 

Draps  (Noms  divers  donnés  aux).  Dans  cet 
article,  complément  de  celui  que  j'ai  consacré 
aux  drapiers^  on  trouvera  seulement  l'explication 
des  termes  techniques  qui  se  rencontrent  le  plus 
souvent,  soit  dans  les  documents  consacrés  à  la 
draperie,  soit  dans  les  mémoires  historiques 
relatifs  à  l'histoire  de  France. 

TERMES  ANTÉRIEURS 

AU   DIX-SEPTIÈME    SIÈCLE. 

Dr.vps  adversins  ou  AVERSiNS,  ceux  qui 
étaient  à  double  face,  sans  envers. 

Draps  camelins.  Voj.  l'article  Camelmiers. 

Draps  de  cap  et  queue,  ceux  dont  la  pièce 
n'avait  pas  été  entamée,  qui  possédaient  encore 
leurs  deux  lisières. 

Dr.aps  bien  coiffés,  ceux  dont  les  lisières 
étaient  très  soignées,  unies,  de  bonne  largeur 
et  de  couleur  agréable. 

Draps  diffamés,  ceux  qui  avaient  des  défauts. 
L'un  disait,  par  opposition,  draps  entiers  ou 
marchands. 

Draps  effondrés,  ceux  qui  avaient  été  laines 
trop  ù  sec. 

Draps  épaulés,  ceux  qui  avaient  été  tissés 
avfc  plus  de  soin  aux  lisières  qu'au  milieu  de  la 
pièce.  «  Draps  espaulés,  c'est  à  savoir  draps 
desquels  la  cliayne  ne  fust  aussi  bonne  en  milieu 
cumiiie  aux  lisières  ».  Le  drap  épaulé,  saisi  par 
les  jurés,  éUiit  porté  au  Chàtelel  où  on  le  coupait 
en  morceaux  de  cinq  aunes  chacun.  Après  que 
le  tisserand  coupaljle  avait  pajé  vingt  sous 
d'amende,  oti  lui  rendait  les  morceaux,  en  lui 
faisant  prêter  serment  de  ne  les  pas  réunir  et  de 
ne  les  vendre  qu'après  avoir  prévenu  l'acheteur  -. 

Draps  essei.lés  ou  esselletés  ^,  ceux  qui 
avau'iil  él»;  calis  au  moyen  de  planchettes  de 
bois. 

Draps  essorillés,  draps  défectueux  auxquels, 

f)our  les  distinguer  des  autres,   on  avait  eidevé 
es  lisières. 

Draps  dits  estanports  *.  Leur  nom  veimit-il, 
comme  le  dit  M.  Schelcr,  «  de  la  ville  de 
Slniifoni,  dans  le  Linconshire,  qui  jouissait  déjà 
d'iiiic  grande  réputation  pour  ses  manufactures 
de  drap  *  V  •>  JVn  dimte,  et  je  pense  (ju'il  vaut 
miiMix  ch«'reher  l'étymdlogie  de  ce  [ermi' [estame 
fort  dans  \c  mot  exlame  mi  eatniii  •"',  qui  désignait 
In  laine  peignée  et  tordue  dont  était  formée  la 
chntup  du  drap. 


'  Artirir's  16,  17  cl  10. 

'  l.itrt  dts  m/tiert,  tilro  I,,  ml.  X\  it  31. 

•■•  \o\.  Ducange,  (ilossaire,  ou  rimt  e.isella. 

*  l.itrt  des  métiers,  liln»  L,  art.  21. 

5   l.fxift>jrnpkit  latine  du  Ireitihne  sirr/r.  p. 

*  Du  latin  stmnen. 


Draps  évidés,  draps  de  mauvaise  qualité, 
«  creux  et  lâches  ». 

Draps  faux  ou  faux  draps,  ceux  qui  dépas- 
saient la  lisière. 

Draps  gaghiers  ou  cachets,  draps  communs 
dans  lesquels  entraient  toutes  sortes  de  laines. 

Dr.aps  de  graine,  draps  teints  avec  la  graine 
d'écarlate  ou  kermès. 

Draps  d'iraingne  ou  d'iraigne,  draps  très 
légers  comme  l'indique  ce  nom  d'iraigne,  par 
lequel  ou  les  comparait  à  une  toile  d'araignée. 
Dès  le  quatorzième  siècle,  on  trouve  des  iraignes 
de  Rouen,  de  Neufchàtel,  etc. 

Draps  jaglolés,  sans  doute  draps  irisés  :  du 
moi  jagliaus  qui  signifiait  fleurs  de  glaieul  ou 
d'iris. 

Draps  maufumiers  ou  manfroniers  ^,  draps 
de  qualité  inférieure,  dont  Louviers  et  Tours 
avaient  la  spécialité. 

Draps  nays,  n.wfs  ou  naïfs,  draps  ordinaire- 
ment rayés,  dont  la  chaîne  et  la  trame  étaient  de 
même  qualité.  «  L'en  apele  drap  nayf,  à  Paris,  le 
drap  duquel  la  chaane  et  tisture  est  tout  d'un  », 
dit  le  Livre  des  métiers  ^. 

Draps  pl.uns,  les  draps  unis,  par  opposition 
aux  draps  rayés. 

Draps  seizains,  ceux  de  seize  cents  fils  de 
chaîne.  Les  tisseurs  allaient  jusqu'à  quatre  mille 
fils,  par  gradation  de  deux  cents  fils,  et  les  draps 
étaient  dits  : 


Dix-huitains. 

Vingtains. 

Vingl-deuxains. 

—  quatrains. 

—  sixains. 

—  hui  tains. 
Trentains. 


Trente-deuxains. 

—  quatrains. 

—  sixains. 

—  huitains. 
Quarantains. 
etc.,  etc.,  etc. 


Draps  tribolés  ou  triblés,  draps  de  trois 
couleurs  ^. 

Mais,  durant  cette  période,  les  drapiers  fabri- 
quaient, outre  les  draps,  une  foule  d'étoffes  de 
laine  dont  les  noms  figurent  sans  cesse  dans  les 
récits  de  nos  chroniqueurs.  Je  citerai  parmi  eux. 

La  biffe,  drap  léger  souvent  rayé  en  travers. 
On  trouve  déjà  mentionnées  en  1293  des  «  biffes 
royées  de  Prouvins  *  ». 

Le  bouracan.  Voy.  l'article  Bouracaniers. 

La  BRiNETTE,  lissu  très  fin  et  de  couleur 
sombre.  Le  roi  Jean  IL  aux  obsèques  de  son 
père,  était  vèiu  de  brunette.  On  citait  les  brunettes 
de  Douai,  de  Commercy,  de  Malines,  de  Bru- 
xelles, etc. 

El  jiour  un  blanehol  ^,  Guillemettc, 
Mr  fault  trois  quartiers  de  brunette, 

dil  Patelin  «. 


'  \'oy.  DucciUge,  au  mot  pannus. 

2  /.ici-f  i/fx  mi'tiers,  titi-e  L,  art.  2."!. 

•'  Pout-t'lre    aussi    drajj.s    brouillés    ou    de    couleurs 
mélangées.  Du  latin  tribiilare. 

*  Voy.  Ducanf^e,  au  mot  biff"!!. 

^  Caniisol((  fort  en  vogue  au  quatorzième  siècle. 

6  .^dit.  Coustelicr,  p.   7. 


DRAPS 


275 


Le  BRUSSEQUiN,  drap  de  qualité  inférieure  et 
presque  toujours  de  couleur  bruu  foncé.  J'ai 
cependant  rencontré  des  brussequias  roses. 

Le  BUREAU  ou  BUREL,  tissu  de  laine  très  gros- 
sière, dont  Villon  a  dit  : 

Mieulx  vault  vivre  soubz  gros  bureaux 

Pauvre,  qu'avoir  esté  seigneur 

Et  pourrir  soubz  riches  tumbeaiix  1. 

Le  bureau  n'avait  pas  pour  seul  usage  de  vêtir 
les  pauvres.  On  l'employait  aussi  pour  recouvrir 
les  tables,  et  c'est  de  là  qu'est  venu  notre  mot 
buremi,  qui  désigna  tout  à  la  fois  le  tissu  servant 
le  plus  souvent  à  couvrir  un  bureau  et  le  meuble 
lui-même.  Ou  lit  dans  un  compte  de  1464  : 
«  Trois  aulnes  de  drap  vert,  pour  faire  ung 
bureau  à  mectre  sur  la  table  en  la  chambre  du 
Roy  ^  ».  Rabelais  cite  le  «  gros  bureau  d'Au- 
vero-ne  ^  »,  mais  au  dix -huitième  siècle, 
celte  étotîe  se  fabriquait  presque  exclusivement 
en  Normandie. 

Les  CADis,  gros  draps  en  laine  non  peignée. 
Les  plus  estimés  étaient  fabriqués  dans  le 
Languedoc. 

Les  DROGUETS.  Voy.  l'article  Droguetiers. 
L'ÉTAMiNE.  Voy.  l'article  Etaminiers. 

Le  GALABRUN,  GALEBRUN   OU  ISEMBRUN,  Variété 

de  tiretaine.  Les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu  en 
portaient  ;  mais  saint  Bernard,  plus  austère,  en 
défendit  l'usage  à  ses  moines  :  «  NuUus  fratrum 
nostrorum  pannis  qui  dicuntur  galabruni  vel 
isembruni  vestiatur  *  ».  Le  galabrun  est  men- 
tionné dans  le  Livre  des  métiers,  qui  le  qualifie 
de  «  drap  ourdi  *'  ». 

La  LiMESTRE.  Voy.  l'article  Limestriers. 

Drap  de  seigneur  ou  de  sire,  étoffe  très  fine, 
employée  principalement  pour  les  vêtements  des 
ecclésiastiques  et  des  gens  de  robe.  Elle  se 
fabriquait  surtout  à  Reims. 

Je  ne  suis  pas  si  tost  sorti  de  ma  couchette 

Que  voicy  des  marchands  qui  sonnent  ma  clochette, 

Demandant  un  habit  de  serge  de  seigneur  6. 

La  SERGE.  Voy.  l'article  Sergiers. 

La  TIBETAINE.  Voy.  l'article  Tiretainiers. 

La  TRIPE  ou  TRIPPE  sorte  de  velours  de  laine, 
qui  se  fabriquait  au  métier,  comme  le  velours 
et  la  pluche  ;  à  l'endroit,  le  poil  était  tout  de 
laine ,  la  tissure  à  l'envers  était  entièrement 
de  fils  de  chan\Te.  Il  est  probable  que  cette 
étoffe,  très  employée  au  quinzième  siècle,  était 
originaire  de  Tripoli  ;  au  dix-huitième  siècle, 
elle  se  fabriquait  surtout  en  Flandre,  à  Lille, 
à  Orchies,  à  Tournai.  Il  y  en  avait  de  rayée, 
même  de  gaufrée,  et  on  la  teignait  en  toute 
couleur  ''. 


1  Grand  testament,  §  XXXVI. 

2  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'argenterie,  p.  353. 

3  Pantagruel,  liv.  IV,  ch.  32. 

4  Voy.  Ducange,  au  mot  galabrunus. 

5  IP  partie,  titre  XXIV. 

*>  Dialogue  de  deux  marchands.  Dans  Éd.  Fournier, 
Variétés,  t.  V,  p.  192. 

'  Fr.  Michel,  Tissus  au  tnoyen  âge,  t.  II,  p.  250.  — 
Savary,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  1813. 


Dix-septième  et  dix-huitiicme  siècles. 

Draps  aboughoughous.  Draps  destinés  à 
l'exportation,  et  qui  étaient  fabriqués  surtout 
dans  le  Languedoc.  Plusieurs  des  manufactures 
créées  dans  cett(^  province  eurent  pour  origine 
l'expulsion  des  Mores  d'Espagne  au  dix-septième 
siècle.  L'édit  rendu  par  Pliilippe  III  e.U  de 
janvier  1610.  Près  d'un  million  d'hommes,  une 
élite  de  travailleurs,  aljKiidonnèrent  la  pénin- 
sule, et  ils  y  laissèrent  un  vide  que  les  siècles 
n'ont  pu  combler.  L'édit  de  1610  fut  aussi 
funeste  à  l'Espagne  que  le  fut,  soixante-quinze 
ans  plus  tard  à  la  France,  la  révocation  de  l'édit 
de  Nantes  * . 

Draps  billards.  Draps  très  larges,  employés 
presque  exclusivement  pour  recouvrir  les  bil- 
lards. Ils  provenaient  surtout  d'Elbeuf,  de 
Chàteauroux,  de  Romoranlin,  etc. 

Calmande.  Etoffe  très  lustrée  dont  on  faisait 
surtout  des  jupons  et  des  robes  de  chambre.  On 
en  consommait  beaucoup  en  Flandre,  et  les 
centres  de  fabrication  étaient  Lille,  Tourcoing, 
Roubaix,  etc. 

Gariset,  creseau  ou  carisi.  Etoffe  de  laine 
croisée,  qui  ne  se  fabriquait  guère  qu'en  Angle- 
terre, mais  dont  d'immenses  quantités  entraient 
en  France.  Dans  L'avocat  Patelin  de  Brueys, 
c'est  à  ce  tissu  que  Guillaume  fait  allusion  quand 
il  reproche  à  Agnelet  de  lui  avoir  tué  un  mouton 
dont  la  laine  produisait  «  des  draps  d'Angle- 
terre ^  ».  La  drapière  du  Bourgeois  poli  offre 
aussi  à  une  cliente  «  de  beau  carizi  d'Angle- 
terre ^  ». 

Draps  chats.  Draps  «  fabriquez  avec  les 
restes  des  chaînes  et  des  trames  des  draps  de 
couleur  *  ».  Ordinairement  la  chaîne  était 
blanche. 

Corda.  Sorte  de  grosse  serg-e  dont  on  ne 
faisait  que  des  vêtements  communs.  On  l'a 
souvent  confondu  avec  le  pinchina. 

Dauphine.  Sorte  de  droguet,  non  croisé  et 
très  léger,  qui  servait  à  faire  des  habits  d'été. 
Savary  écrivait  en  1723  :  «  Plusieurs  prétendent 
que  cette  étoffe  a  pris  le  nom  de  dauphine,  de  ce 
qu'un  Dauphin  de  France  en  a  porté  des  pre- 
miers. Quelques  autres  veulent  que  ce  soit  parce 
que  l'origine  de  sa  fabrique  vient  de  quelque 
endroit  de  la  province  de  Dauphine  ;  et  d'autres 
disent  que  c'est  à  cause  d'un  ouvrier  daupliinois 
qui  le  premier  en  a  trouvé  l'invention  à  Reims. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que  cet'e  étoffe 
n'est  pas  d'une  ancienne  fabrique  et  que  la  mode 
en  est  assez  moderne  ^  ». 

Espagnolette.  Espèce  de  droguet,  dont 
l'Espagne  eut  pendant  longtemps  la  spécialité. 
Au  dix-huitième  siècle,  on  en  fabriquait  à 
Rouen,  à  Darnetal,  à  Châlons-sur-Marne,  à 
Beauvais,  etc. 


1  \oy.  Mignet,  Succession  d' Espagne,  t.  I,  p.  XXVIII. 

2  Scène  VII. 

3  Dans  Éd.  Fournier,  t.  IX,  p.  164. 

*  Statuts  des  teinturiers,  du  15  janvier  1737,  art.  58. 
3  Tome  I,  p.  1651. 


•27  fi 


DRAINS  —  DKOGMANS 


Flanelle.  Les  villes  qui  en  produisaient  le 
plus  étaient  Reims,  Castres  et  Rouen.  Mais, 
jusqu'à  la  fin  du  dix-septième  siècle,  on  recher- 
cha surtout  les  flanelles  anglaises.  Racine  écrivait 
à  son  fils  le  17  novembre  lf)98  :  <<  J'ai  dit  à 
M.  de  Bonac  que  vous  me  ferez  plaisir  de  m'ap- 
porler  de  bonne  flanelle,  vraie  Ang-leterre,  de 
quoi  me  faire  deux  camisoles  '  ». 

Londres  et  londrins.  Draps  imités  de  lissas 
an"-lais,  et  qui  étaient  destinés  à  l'exportation. 
«  Il  v  a  toute  apparence  que  ces  sortes  de  draps 
ont  pris  leur  nom  de  la  ville  de  Londres,  les 
Anglois  ayant  été  long--temps  avant  les  François 
en  possession  de  faire  le  négoce  de  draperie  en 
Levant  -  ».  Ces  tissus  ne  se  fabriquaient  guère 
que  dans  le  Languedoc,  la  Provence  et  le  Dau- 
phiné. 

Une  qualité  iid'érieuiv  élail  dili"  loiidrins 
seconds  ou  denii-londrins. 

Mahous.  Variétés  des  précédents.  Ils  avaient 
la  même  destination  et  venaient  des  mêmes 
pro\'inces. 

Molleton.  Vov.  Vnriicle  Molletonniers. 

PiNCHiNA.  ïissu  non  croisé,  originaire  d'Es- 
pagne La  première  fabrique  française  fut  fondée 
à  Toulon,  qui  en  conserva  longtemps  le  mono- 
pole. 

Ras.  Sorte  de  serge,  croisée,  unie  et  à  poil 
ras.  La  plus  ancienne  manufacture  de  ras  qu'ait 
eue  la  France  fut  créée  en  1077,  par  un  sieur 
Marcelin  Charier,  à  Saint-Maur  près  de  Paris. 
Celte  industrie  se  vit  ensuite  représentée  à  Ljon 
et  à  Tours. 

Ratine.  I)iap  donl  les  pdils.  lires  en  dehors, 
étaient  frisés  de  manière  à  former  de  petits 
grains.  Dieppe,  Beauvais,  Caen,  Sommières, 
Klbeuf  eu  produisaient  d'excellentes. 

Revèche.  Variété  de  ratine,  mais  dans 
laquelle  n'entrait  que  de  la  laine  grossière. 
.\uiieiis  et  Beauvais  en  conservèrent  pendant 
Iniiglemps  la  spécialité.  «  Les  revêches  serveni 
à  diiidiler  des  habits,  particulièrement  ceux  pour 
les-lrniipes  de  S.  M.  très  chrétienne.  Les  femmes 
en  doublent  d»,'s  jupons  pour  riiyver  ;  les  miroi- 
lieiN  en  mettent  derrière  leurs  glaces  pour  en 
cnnservfM-  l'élain  ;  les  coffret iers-malletiers  en 
garnisseni  le  dedans  des  coffres  propres  pour  la 
VHi«<sr]lc  d'argent,  et  les  gainiers  s'en  serveni  à 
(lnubler  certains  éltiis  •'  ». 

SoMMiKKE.  Serge  croisée  et  très  chaude.  h;ile 
nvnil  pris  son  nom  de  la  ville  de  Snmmien.'s, 
•  hrns  le  (lard,  mais  Beauvais  en  produisait  aussi 
boHUcotip. 

DitAi's  Dt'ssKAi',  D'U.ssicAr,  nu  seau  ou  du 
SCKAC.  Laquelle  de  ees  quatre  formes  doit  pré- 
y.diiirV(;|,a,:une  fi'..l|es  a  eu  ses  partisans,  mais 
il  snml)lo  établi  aujourd'hui  qu'il  faut  écrire 
drap  ffv  .tm/tt,  fl  qn,.  ...elle  expression  désignait 
un  drap  spécial,  fabriqué  à  Rouen,  et  le"^plus 
beau  que  priKlui.si,s.senl  les  manufactures  do  cette 
ville.  * 


«  É«lil.  M..snnrd,  t.  VII,  p.  301. 
'  Savarv,  t.  H,  p.  r.sa. 
•■'  SavBrv    t.  II,  ji.  i;j08. 


Draps  de  lit.  Voy.  Blanc  (Spécialité 
de). 

Drayeurs.  Nom  donné  parfois  aux  cor-' 
royeurs  et  aux  tanneurs.  La  drayoire,  dite  aussi 
couteau  à  revers  ou  coiUecm  ])arnù\  est  un  instru- 
ment qui  figurait  dans  les  armoiries  de  ces  deux 
corps  d'état. 

Dresseurs.  Voy.  Écuyers. 

Dresseurs.  Chez  les  épingliers,  ouvriers 
Chartres  de  dresser  le  fil,  c'est-à-dire  de  diviser 
chaque  pièce  de  fils  en  brins  rendus  aussi  droits 
que  possible.  Un  dresseur  habile  pouvait  dresser 
six  cents  toises  de  fil  par  heure. 

Drilles  (Bons).  Nom  donné  parfois  aux 
Enfants  de  maître  Soubise.  Agricol  Perdiguier  * 
les  nomme  Bondrilles. 

Voy.  Enfants. 

Drilliers.  Voy.  Chiffonniers. 

Drogrnans.  La  Porte  ottomane  se  chargeait 
de  fournir  des  drogmans  aux  ambassadeurs 
accrédités  auprès  d'elle,  mais  Louis  XIV  voulut 
qu'à  l'avenir  les  drogmans  fussent  de  nationa- 
nalilé  française.  11  ordonna  en  1070  que,  de  trois 
ans  en  trois  ans,  il  serait  envoyé  «  six  jeunes 
garçons  au  couvent  des  Pères  Capucins  de  Cons- 
tantinople  et  de  Smyrne,  pour  y  estre  instruits 
dans  le  culte  de  nostre  religion  et  la  connoissance 
des  langues  du  Levant  ^  ».  La  pension  de  chacun 
d'eux  était  fixée  à  trois  cents  livres  qui  devaient 
être  payées  par  le  commerce  de  Marseille.  Quel- 
ques mois  après,  notre  ambassadeur  à  Constan- 
tinople  était  informé  que,  l'intervalle  de  trois  ans 
ayant  paru  trop  considérable,  lès  envois  auraient 
lieu  tous  les  ans  ^. 

Telle  est  l'origine  de  l'institution  dite  des 
Jeunes  de  langue.  Elle  fut  complétée  en  1700 
piU'  la  fondation,  faite  au  collège  Louis-le-Grand 
à  Paris,  de  douze  bourses,  pour  douze  enfants 
arméniens  appelés  à  recevoir  une  éducation 
chrétienne,  et  destinés  à  seconder  nos  mission- 
naires dans  le  Levant.  Vingt  ans  après,  les 
douze  bourses  étaient  réduites  à  dix,  enlevées 
aux  Orientaux  et  attribuées  à  de  jeunes  français  *. 

Aux  deux  «  lecteurs  ordinaires  de  la  chambre 
(lu  roi  »  étaient  adjoints  quatre  interprèles:  un 
pour  l'arabe  et  le  syriaque,  un  pour  la  langue 
lalini',  un  pour  la  langue  grecque,  un  pour  les 
langues  grecque  et  latine  ''.  Je  trouve  deux 
d'entre  eux  cités  en  l(i67  sur  l'état  des  gratifi- 
cations accordées  par  le  roi  aux  gens  réputés 
savants  ". 

Les  interprètes  sont  aujourd'hui  formés  par 
l'école  spéciale  des  langues  orientales  vivantes, 


'  /.<•  licvf,  du  comjKHinoHnage,  t.  I,  p.  41. 

2  Corresponilnnce  de  Colbert.  lettre  ilu  Ki  février  1670, 
t.  II,  p.  518. 

■'  Curre.spo/id/iiice  de  Golberl,  letlrr  du  l'-'  novembre 
1070,  l.  II,  p.  575,  et  t.  V,  p.  304. 

*  Frédéric  Masson ,  Les  jeunex  de  liuujue.  Dans  lo 
Correspondant,  année  1881,  p.  417. 

'i  K lai  de  In  France  pour  1712,  t.  I,  p. 212. 

••   Correqmndiince  de  Colbert,  t.  \",  p.  473. 


DROGMANS  -  EAU-DE-VIE 


277 


qui  doit  son  orig-ine  à  un  décret  du  30  mars 
1795.  Elle  s'abrila  d'abord  dans  un  modeste  local 
dépendant  de  la  Bibliothèque  royale,  puis  dans 
une  des  salles  du  collèo-e  de  France.  En  1873, 
l'Pjtat  lui  concéda  le  bâtiment  que  venait  d'aban- 
donner, rue  de  Lille,  l'école  du  génie  maritime  ^. 

Drog-uemans.  Voy.  IDrogmans.  L'arrêt 
du  31  octobre  1070,  qui  inslilua  l'école  dite  des 
Jeunes  de  langue  écrit  encore  drogiumans. 

Drog"Uetiers.  Fabricants  de  droguet,  étoiîe 
de  laine,  orig-iaaire  de  Drogheda  -,  et  qui  fut 
surtout  en  vog-ue  sous  le  règne  de  Louis  XIV  ". 
La  Normandie,  la  Chanqjag-ne,  le  Languedoc  en 
produisaient  beaucoup  et  de  qualités  très  variées, 
tout  laine,  demi-til,  demi-laine,  croisé,  etc.  ''. 
On  faisait  aussi  des  droguets  de  soie,  et  même 
mélangés  d'or  et  d'argent. 

Droguistes.  Ils  appartenaient  à  la  corpo- 
ration des  épiciers.  «  Ils  vendent  des  poisons 
comme  de  la  cannelle,  de  l'eau  forte  et  de  l'huile, 
du  fromage  et  de  l'émétique,  de  l'eau  de  vie  et 
des  couleurs,  du  sucre  et  de  l'arsenic,  des 
confitures   et   du    séné...    Les    droo-ueries    sont 


mêlées  avec  les  épiceries  ;  le  garçon  épicier  donne 
d'une  main  des  raisins  secs  et  de  l'autre  deux 
gros  de  sel  de  Glauber,  un  morceau  de  savon 
et  un  lénitif,  des  pruneaux  et  de  la  thériaque... 
Les  statuts  de  la  communauté  sont  formels  : 
l'épicier  droguiste  a  le  droit  incontestable  de 
purger  tout  le  ((uartier  et  de  lui  (kmner  son 
dessert  par  dessus  le  marché  ^  ». 

Droiture.  V(jy.  Coutume. 

Drosseurs.  Voy.  Erousseurs. 

Drouineurs  d  Drouiniers  .  Vcy  . 
Chaudronniors. 

DroUSSeurS  .  Ouvriers  ([iii  ,  dans  les 
fabriques  de  drap,  faisaient  sul)ir  aux  laines  un 
cardage  préparatoire. 

On  trouve  aussi  Drosseurs  et  Trousseurs. 

Duvetiers.  ^'oy.  Coutiers. 

Dyamantaires.    Vny.  Diamantaires. 

Dynantiers  et  Dynants.  Voy.  Chau- 
dronniers. 


E 


Eau  de  mélisse  (Commerce  de  l').  On  lit 
à  la  tin  d'un  prospectus  sans  date  ^  que  j'ai  sous 
les  yeux  :  «  Cette  eau  se  débite  aux  Carmes 
déchaussez,  proche  le  palais  de  Luxembourg, 
fauxbourg  S.  Germain  ».  C'est  dans  l'apothicai- 
rerie  de  ce  couvent,  dont  les  jardins  mesuraient 
plus  de  quarante-deux  arpents,  qu'elle  avait  été 
inventée  ^.  En  1791,  l'Etat  supprima  l'ordre  des 
Carmes  et  confisqua  ses  biens.  Quarante-cinq 
religieux  appartenant  au  couvent  de  la  rue  de 
Vaugirard  formèrent  une  société  purement 
commerciale  pour  l'exploitation  de  l'eau  de 
mélisse.  Prudhomme  écrivait  vers  1807  :  «  Plu- 
sieurs ci-devant  religieux  des  Carmes  dirigent 
cette  fabrique,  dont  le  produit  se  distribue  entre 
tous  les  religieux  de  cette  maison  encore 
existans  "  ».  La  propriété  devait  rester  au  dernier 
sociétaire   vivant,    qui   fut  le   frère   Paradis.   Il 


1  C.-H.-A.  Scht'fer,  Xutice  xur  l'école  des  huitjues  orien- 
tales vivantes.  En  tête  des  Mélnnfjes  ui  ientiiux. 

2  l<'rancisquo    Michrl,    Histoire   des    tissus   de    saie   nu 
moijen  àfje,  t.  II,  p.  244. 

•*  J.  (Jluicherat,  Histoire  du  costume,  ji.  517  l'I  .5tM). 
4  Savaiy,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  I,  p.  17(54. 
•'»  Dix-huitième  .siècle. 

•>  Piganiol    de   la    Force,   Description   de  Paris,  t.  ^  II, 
p.  284. 

"  Miroir  de  Paris,  t.  IV,  p.   100. 


s'associa  un  sieur  Royer  et  mourut  en  1831  dans 
la  rue  Taranne,  où  la  société  s'était  constituée. 
En  1840,  un  sieur  Boyer,  ayant  épousé  la  veuve 
de  Royer,  devint  seul  propriétaire  de  l'eau  de 
mélisse  des  Carmes  ^. 

Les  Minimes  faisaient  concurrence  aux  Carmes 
et  fabriquaient  aussi  une  eau  de  mélisse.  «  Elle 
se  débite  aux  Minime.>  de  la  place  Royale  »,  dit 
un  prospectus  daté  de  1728. 

Voy.  Spécialités  pharmaceutiques. 

Eau-de-vieiCoMMERCE DE l').  \ Oy.  Bran- 
daviniers.  —  Coco  (Marchands  de).  — 
Contrôleurs.  —  Courtiers.  —  Distilla- 
teurs. —  Eau-da-vie  (IVIarchands  d').  — ■ 
Eau-de-vie  (Vendeurs  d').  —  Essayeurs. 
—  Limonadiers.  —  Liqueurs  (Mar- 
chands de).  —  Porte-col. 

Eau-de-vie  (Marchands  d').  L'édit  de  mars 
1673,  qui  mentionne  les  métiers  encore  libres  et 
susceptibles  d'être  constitués  en  corporation, 
signale  vingt  marchands  d'eau-de-vie  en  gros.  Ils 
formèrent  la  communauté  des  distillateurs,  qui. 


1   S.  Mercier,   Tableau  de  Paris  (1788),  t.  XII.  n.   12(3. 
-  Monaip-afÂle  hlstorujue.    par  Boyer  (ré<ligée,   dit-on, 
par  .\lexandre  Duma.sl.  In- 18,  .«cuvent  réimprimée. 


278 


EAL'-D1<:-VI1':  —  EAUX  MINÉRALES  ARTIFICIELLES 


au  mois  de  mars  1676,  fut  réunie  à  la  commu- 
nauté nouvellement  créée  des  limonadiers.  Ceux- 
ci  purent  vendre  l'eau-de-vie  et  d'autres  liqueurs, 
aussi  bien  en  gros  qu'au  détail.  Les  épiciers- 
droguistes  et  les  vinaigriers  avaient  aussi  le  droit 
de  distiller  l'eau-de-vie  et  d'en  faire  commerce. 

Eau-de-vie  (Vendeurs  d'j.  «  A  Paris,  il  y  a 
un.'  quantité  de  gens  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  qui 
subsistent  par  le  petit  détail  qu'ils  font  de  l'eau- 
de-vie.  Ils  se  nomment  vendeurs  et 'vendeuses 
d'eau-de-vie.  Ce  sont  des  espèces  de  regrattiers. 
Chaque  jour,  dès  le  matin,  lorsque  les  boutiques 
commencent  à  s'ouvrir  et  que  les  artisans  vont  et 
se  mettent  au  travail,  ils  établissent  des  petites 
boutiques  au  coin  des  rués  ou  parcourent  la  ville, 
en  porliuit  tout  le  caLaret,  bouteilles,  verres  et 
mesures,  dans  une  petite  manne  pendue  à  leur 
col.  Ce  sont  les  femmes  qui  sont  sédentaires,  et 
les  hommes  qui  vont  criant  leur  marchandise  ■•  ». 

On  h'>  iionunait  aussi  Porte-col. 

Voy.  Vendeurs. 

Eaux  I Faiseurs  d').  Il  y  avait,  dans  la. 
cuisine  royale,  un  officier  qualifié  de  faiseur 
(Féaux  '.  Le  maître  d'hôtel  Audiger  me  fournit 
l'explication  de  ce  terme  :  «Je  parvins,  écrit-il,  à 
faire  en  perfection  toutes  sortes  d'eaux,  tant  de 
fleurs  que  de  fruits,  glacées  ou  non  glacées, 
sorbecs,  crèmes,  orgeat,  eaux  de  pistaches,  de 
pignons,  de  coriandre,  d'anis,  de  fenouil  et  de 
toutes  sortes  de  grains  ^  ». 

Eaux  minérales  artificielles  (Com- 
merce des).  (Jn  avait  eu  depuis  longtemps  l'idée 
de  faliriquer  à  Paris  même  les  eaux  minérales  les 
plus  (lifticiles  à  transporter,  et  La  Bruyère  parle 
d'un  certain  Barbereau  qui,  dit-il,  «  s'étoit  enri- 
chit à  vendre  en  bouteille  l'eau  de  la  rivière*  ». 
Ce  Barbereau  s'était  installé  justement  au  bord 
de  la  Seine,  dans  l'une  des  boutiques  ouvertes 
sur  la  façade  du  collège  des  Quatre-Nations  ^ , 
boutiques  dont  le  loyer  constituait  une  partie  des 
revenus  de  l'établissement  ".  Le  médecin  Bernier 
qui,  comme  on  sait,  n'était  pas  tendre  pour  ses 
confrères ,  a  consacré  à  ce  commerçant  peu 
scrupuleux  une  page  curieuse,  et  que  l'on  ne 
songerait  guère  aujourd'hui  à  aller  chercher  dans 
le  compact  in-quarto  où  elle  .se  cache.  Ce  serait, 
en  vérité,  grand  (hmunage. 

«  Barbereau,  écrit  Bernier,  n'eut  qu'à  (h'îguiser 
l'eau  de  In  Seine  el  û  luy  changer  le  nom,  pour 
la  iiiellre  ù  bien  |)lus  haut  prix  que  le  meilleur 
vin  de  Clianipagne.  Il  en  établit  donc  le  bureau 
dans  le  collège  rb-s  Quatre-Nations,  el  pour  en 
faire  la  distribution  d'nne  manière  un  peu  galante, 
il  in  commit  à  sa  femme  et  à  sa  fille,  deux 
nymphes  qui  no  paroissoienl  pas  les  plus  refroidies 


'  Snvnry,  Dielionninre,  t.  I,  p 
A't'il  df  la  Franct^pour  Iftfi?,  l.  I,  y.  -Mo  ;  /lou, 


178" 


1712, 


Mivnry,  Uia 
itiit  df  la  Fi 
l    1.  I'    131  ;  pour  /7.?f),  I.  I,  y.  'iliS." 

3  /ai  maison  régUt,  M\\.  PI»,,,  ,,,  132.   Audicer  donne 
U  r.-c.'i(c  <1.'  toiles  roj*  .•niix. 

'  Œntrts,  é.lil.  r;    Servi. i.s,  t.  11,  |,.  H7. 
»  .aujourd'hui  le  pnlni.s  (\v  l'Institut. 
„*,^"-y;  -^  -l*'-.   /itcherckf.-!  hisloriqufs  sur  le  collèqe  des 
<Jtalr0-.\attoin,  p.  51  «-t  suiv. 


de  charité  ;  de  sorte  qu'on  croyoit  toujours  boire 
ajuste  prix,  quelque  chère  que  fût  l'eau,  quand 
on  la  prenoit  des  mains  de  ces  deux  prétieuses. 

Ce  qu'il  y  avoit  de  particulier  dans  cette  eau, 
au  moins  si  l'on  en  croyoit  Barbereau,  est  que 
comme  si  le  transport  luy  eut  donné  quelque 
qualité  qu'elle  n'avoit  pas  dans  son  logis  (au 
contraire  de  celles  qui  perdent  quelque  chose 
quand  on  les  transporte),  celle  qui  partoit  de 
chez  luy  dans  de  certaines  bouteilles  étoit  bien 
plus  chère  que  l'autre,  étant  scelée  du  seau  de 
la  fontaine  perpétuelle.  Car  le  dieu  du  fleuve  qui 
y  présidoit  et  qui  la  faisoit  partir  avec  cette 
attache  pour  le  bien  public  assuroit  qu'elle  étoit 
imprégnée  d'une  vertu  miraculeuse,  quoiqu'il 
n'y  parût  qu'un  mélange  d'antimoine  vitriolé  ou 
de  vitriol  antimonié,  encore  en  si  petite  dose 
qu'il  n'éfoit  pas  capable  de  la  faire  changer  de 
nature,  ce  grain  verd  qu'on  voyoit  au  fond 
n'excédant  pas  la  grosseur  d'un  grain  de  froment 
sur  six  pintes  d'eau.  Mais  parce  qu'il  y  avoit  du 
mistère  et  qu'on  la  regardoit  comme  une  fontaine 
de  jouvence,  on  la  payoit  si  grassement  que 
quelques  coffres  forts  en  donnoient  depuis  dix 
jusqu'à  trente  louis  d'or,  le  prix  la  faisant  passer 
pour  une  eau  de  longue  vie  et  de  santé,  et  le 
maître  des  eaux  du  collège  se  disant  conseiller 
et  médecin  ordinaire  du  Roy,  quoi-qu'il  ne  sçût 
ni  A  ni  B,  et  qu'il  bût  plus  de  vin  en  un  jour 
que  les  plus  forts  de  ses  beuveurs. 

On  avoit  beau  dire  aux  gens  prévenus  que  ce 
n'étoit  que  de  l'eau  de  rivière,  et  que  le  grain 
verd  qui  étoit  au  fond  de  la  fontaine  perpétuelle 
n'étoit  qu'un  mistère,  ils  n'en  croyoient  rien  ;  mais 
enfin  on  s'en  éclaircit,  et  voici  comment.  Un 
petit  laquais  avoit  retenu  l'argent  de  son  maître 
et  avoit  rempli  sa  bouteille  de  l'eau  de  la  Seine, 
au  lieu  d'aller  porter  l'un  et  l'autre  chez 
Barbereau,  et  cependant  le  maître  du  laquais 
n'avoit  pas  laissé  de  se  trouver  fort  bien  de  celte 
eau  ;  c'est  pourquoy  il  ne  manqua  pas  d'aller 
remercier  le  maître  des  eaux  après  sa  convales- 
cence, quoiqu'il  crût  avoir  bien  payé  son  remède. 
Comme  il  eut  fait  son  compliment,  on  le  pria  de 
dire  son  nom,  mais  ne  le  trouvant  pas  sur  le 
registre  où  celui  de  tous  les  beuveurs  étoit  couché, 
on  soupçonna  qu'il  y  avoit  du  mal  entendu,  et 
que  le  laquais  pouvoit  bien  avoir  changé  l'eau 
en  vin.  Ainsi  le  maître  de  retour  au  logis  luy 
ayant  commandé  d'aller  trouver  M.  Barbereau, 
le  fripon  ciiange  en  même  temps  de  couleur,  se 
trouble  el  se  jelle  enfin  à  ses  pieds,  demande 
pardon  et  offre  pour  l'obtenir  plus  facilement  de 
rendre  la  plus  grande  part  de  l'argent  qui  étoit 
encore  en  nature.  Voilà  la  première  et  la  princi- 
pale cause  du  reflux  des  eaux,  voilà  comment 
leur  mei"\'eilleuse  réputation  et  celle  du  médecin 
des  eaux  se  perdirent.  Car  on  remarqua  depuis 
ce  temps-là  que  le  maître  des  eaux  et  sa  boutique 
l'ondirent  insensiblement  sans  qu'il  eût  rien  fondé 
pour  sa  pauvre  famille,  non  plus  que  ce  fondeur 
de  cloches  dont  on  a  dit  : 

Il  fondit  et  l'icn  ne  fonda  ^   ». 


'  .Ê'.v.sfl/.s-  fie  tnèdecine,  \\.  4.54. 


EAUX  MINERALES  ARTIFICIELLES  —  EAUX  MINÉRALES  NATURELLES    279 


Raibereau  avait  des  concuiTents.  Deux  jeunes 
Hullandais,  qui  visitèrent  Paris  en  1657, 
écrivaient  dans  leur  Journal,  à  la  date  du  6  avril  : 
«  Nous  allasnies  aux  Petits-Aug-ustins,  pour 
parler  à  un  Père  nommé  Valérien,  qui  donne  de 
l'eau  de  fontaine,  dans  laquelle  il  verse  un  peu 
d'esprit  d'une  certaine  (•oniposition  qui  la  rend 
comme  minérale.  On  dit  qu'il  en  g'uérit  toutes 
sortes  de  maladies  ;  beaucoup  de  personnes  s'en 
sont  bien  trouvées,  et  quelques  autres  n'en  ont 
eu  aucun  soulagement  ^  ».  Le  procédé  était 
élémentaire  et  pouvait,  avec  un  égal  succès, 
s'appliquer  à  toutes  les  sources.  Ce  progrès  était 
réalisé  en  1692,  car  Blégnj  nous  apprend  que 
«le  sieur  Fillesac,  rue  de  la  Bûcherie,  joignant 
les  écoles  de  médecine,  vend  toutes  sortes  d'eaux 
minérales  artificielles  ^  ».  * 

Eaux  minérales  naturelles  (Commerce 
des).  Les  bains  de  Cauferets,  de  Balaruc,  de 
Néris,  de  Bourbonne  et  bien  d'autres  étaient  déjà 
connus  au  seizième  siècle  ^,  mais  leur  efficacité 
paraissait  très  problématique.  En  général,  on 
commençait  toute  cure  de  ce  genre  par  une 
purgation  et  une  saignée,  car  on  ne  comptait 
guère  sur  le  reste.  «  Les  voyages  des  eaux, 
disait  Voltaire,  ont  été  inventés  par  des  femmes 
qui  s'ennuyaient  chez  elles  *  »,  et  Gui  Patin, 
possédé  de  la  mauvaise  habitude  de  rendre  trop 
crûment  sa  pensée,  déclarait  que  «  les  eaux 
minérales  font  plus  de  c. .  .s  qu'elles  ne  guérissent 
de  malades  ^  ».  11  faisait  allusion  à  la  durée  du 
trajet,  à  la  difficulté  des  communications,  etc., 
etc. 

Au  mois  de  mai  1655,  Louis  XIV  se  plaignit 
d'une  indisposition  à  laquelle  son  premier 
médecin  Vallot  ne  comprenait  rien  :  lui-même 
l'avoue  ^.  Pour  se  tirer  d'embarras,  il  ordonna  à 
son  royal  client  les  eaux  de  Forges.  C'est  à 
Fontainebleau  qu'eut  lieu  la  cure,  et  Vallot  nous 
apprend  qu'il  y  <.<  faisoit  apporter  par  des  officiers 
du  gobelet  à  cheval  des  eaux  de  Forges,  puis 
des  relais  d'hommes  à  pied  en  apportoient  toute 
la  matinée  une  flottée,  dont  le  roi  usoit  à  la 
manière  ordinaire,  après  avoir  été  préparé  par  la 
saignée  et  la  purgation».  Le  roi  but  six  verres 
le  premier  jour,  huit  les  jours  suivants  ;  mais  il 
fallut  bientôt  interrompre  le  traitement,  qui 
aggravait  l'état  du  malade. 

Le  procédé  employé  par  Vallot  en  cette 
circonstance  prouve  que  l'on  ne  se  procurait  pas 
encore  facilement  à  Paris  les  eaux  minérales 
même  les  plus  en  vogue. 

Dès  1670,  Colbert  écrivait  à  Riquet  :  «  Le  Roy 
ayant  dessein  de  faire  distiller  toutes  les  eaux 
minérales  qui  se  trouvent  dans  les  provinces  de 
son  royaume,  pour  connoistre  leurs  différentes 
qualités  et  sçavoir  à  quoi  elles  sont  propres,  je 
seray  bien  ayse  que  vous  preniez  soin  de  faire 
tirer  six  bouteilles  de  celles  de  Balaruc  en  Lan- 


1  A. -P.  Faugère,  Journal  d'un  voyage  à  Paris,  p.  108. 

2  Le  livre  commode,  t.  I,  p.  175. 

3  Voy.  Rabelais,  Pantagruel,  livre  II,  chap.  33. 

4  Lettre  du  25  avril  1770,  à  Lekain. 

5  Lettre  du  30  juin  1665,  au  médecin  Falconet. 
G  Journal  de  la  nanté  de  Louis  XIV,  p.  27. 


guedoc  et  de  Barèges,  pour  les  envoyer  par  la 
voye  que  vous  jugerez  la  plus  commode  et  la 
plus  prompte  *  ». 

Je  ne  sais  s'il  fut  donné  suite  à  ce  projet. 
Mais  quand  Louis  XIV  vint  s'installer  à  Ver- 
sailles, l'Académie  des  sciences  reçut  de  Colbert 
(11  août  1682)  «  l'ordre  de  travailler  à  l'examen 
des  eaux  des  sources  île  Ver.sailles  »  et  de  déter- 
miner celle  dont  le  roi  devait  faire  usage.  Bour- 
delin,  délégué  par  ses  collègues,  alla  recueillir 
les  eaux  provenant  de  dix  sources  :  celles  de 
Saint-Cyr,  (hi  Maltourte,  du  Chesnay,  de  Roc- 
quencourt,  des  Crapaux  près  de  Trianon,  de 
Saint -Pierre,  de  Saint- Antoine,  de  la  porte 
du  parc  de  Bailly,  de  Trianon  et  de  Ville- 
d'Avray.  Après  de  minutieuses  expériences, 
l'Académie  répondit  au  ministre  «  que  les  eaux 
de  Versailles  égalaient  en  bonté  celles  que  l'on 
estime  les  meilleures,  telles  que  sont  les  eaux  de 
la  Seine  ^  et  celles  de  Rungis  ^  ».  Colbert 
se  décida  pour  la  source  de  Ville-d'Avray,  qui 
prit  le  nom  à' eau  du  Roi.  La  fontaine,  située  près 
du  parc  de  Saint-Cloud,  restait  toujours  cade- 
nassée, mais  de  façon  à  permettre  aux  passants 
de  s'y  rafraîchir.  Louis  XV  en  autorisa  même 
la  vente  à  Paris.  «  On  la  trouve  dans  différens 
bureaux  de  la  ville  à  un  prix  modique  »,  écri- 
vaient Hurtaut  et  Magny  en  1779  *. 

Le  commerce  des  eaux  minérales  ne  fut  régu- 
lièrement organisé  dans  la  capitale  que  sous  ce 
règne.  En  1760,  les  sieurs  Alleaume  et  Delage, 
demeurant  rue  des  Prouvaires,  jouissaient  d'un 
privilège  exclusif  pour  le  transport  et  la  vente 
des  eaux  minérales  françaises  et  étrangères. 
Toute  concurrence  était  interdite  et  punie 
d'une  amende  de  quinze  cents  livres,  outre  la 
confiscation  des  marchandises.  Le  prix  de 
chaque  eau  était  fixé  par  le  premier  médecin 
du  roi,  et  les  concessionnaires  n'avaient  pas 
le  droit  de  le  modifier.  Voici  le  nom  et  la 
taxe  des  eaux  qui  étaient  «  présentement  en 
usage  »  : 

Sainte-Reine,  la  bouteille 15  sols. 

Forges,  à  l'ordinaire 15  — 

Forges,  par  relais 1  liv.  15  — 

Vais,  de  4  pintes  ou  environ. ...  12  —  » 

Balaruc,  de  4  pintes  ou  environ  12  —  » 

Cransac,  de  4  pintes  ou  environ  12  —  » 

Plombières,  de  5  pintes  ou  env..  12  —  » 

Vichy,  de  4  pintes  ou  environ . .  5  —  » 

Bourbonne,  bouteille  de  pinte. . .  2  —  » 

iSjO«,  bouteille  de  pinte 2  —  » 

Cauterelz,  bouteille  de  pinte 3  —  » 

Seltz,  bouteille  de  pinte 2  —  10  sols. 

Sedlitz,  de  trois  cliopines 6  -:-  » 

^0????^,  bouteille  de  pinte 3  —  » 

Baretgez  ^,  bouteille  de  pinte  ...  3  —  » 

La  Motte,  de  4  pintes 10  —  »  •• 


1  Correspondance  de  Colbert,  t.  V,  p.  29 L 

2  On  ne  pensait  plus  ainsi  sous  Louis  XV. 

3  Histoire  de  l'Académie  des  sciences,  t.  I,  p.  369. 

4  Dictionnaire  historique  de  Paris,  t.  II,  p.  680. 
•''  De  Barèg'e,  .sans  doute. 

6  Jèze,    Etat    nu    tableau    de  la  ville  de  l'aris    (1760), 
p.  326. 


•2m 


EAUX  MINÉRALES  NATURELLES  —  ÉBÉNISTES 


Le  commerce  des  eaux  minérales  était  placé 
depuis  longtemps  sous  la  surveillance  de  l'Etat. 
Un  édit  de  mai  1605.  confirmé  le  9  juin  1670  ', 
puis  le  19  août  1709  -,  avait  réuni  à  la  charge 
du  premier  médecin  du  roi  la  surintendance  des 
eaux  minérales  et  médicinales  de  France.  Un 
arrêt  du  Conseil,  rendu  le  12  mai  1775  ^  res- 
Ireio-riit  encore  les  droits  des  propriétaires  de 
sources,  et  soumit  à  des  règles  sévères  le  trans- 
port et  la  vente  de  toutes  les  eaux  consommées 
dans  le  royaume.  «  Informé,  dit  le  roi,  que 
plusir'iirs  particuliers  continuent  de  se  mêler  de 
ce  commerce,  notamment  les  propriétaires  des 
sources,  imaginant  que  leur  propriété  suffit  pour 
leur  donner  le  pouvoir  de  faire  transporter  des 
eaux  hors  des  lieux  où  sont  leurs  sources  et 
parloul  où  il  leur  plaît,  et  d'en  faire  le  débit  à 
leur  gi'é.  an  préjudice  du  public  qu'ils  peuvent 
tromp<'r  siii'  l;i  qualité  et  le  prix...  ».  En  consé- 
quence, le  roi  ordonne  ce  qui  suit:  ^<  Quand  les 
propriétaires  ou  tous  autres  prétendant  dmit 
voudront  l'aire  Iransporler  des  eaux  hors  du  lieu 
de  leurs  sources,  soit  pour  leur  usage,  soit  pour 
tout  anire  deslinalion,  les  voituriers  qui  seront 
chargés  de  les  conduire,  tant  par  terre  que  par 
eau,  seront  lenus  de  se  munir  d'un  certificat  de 
rinlendant  on  garde  desdites  eaux  *,  et  en  leur 
absence  du  juge  des  lieux,  dans  lequel  il  sera  fait 
mention  de  la  qualité  des  eaux  qui  leur  auront 
été  délivrées,  du  jour  où  elles  auront  été  puisées 
et  de  leur  destination  ;  lequel  certificat  sera 
représenté  à  tous  les  bureaux  de  passage  pour 
y  être  visé.  Ordonne  qu'à  l'arrivée  desdites 
eaux,  tant  à  Paris  qu'es  autres  villes  où  sont 
établis  des  bureaux  de  distribution  ,  elles 
y  seront  conduites  directement,  pour  y  être 
visitées  et  dégustées  dans  les  vingt-quatre 
heures  de  l'arrivée  et  sans  frais  par  des  inspec- 
teurs qui  se  feront  représenter  les  certificats  du 
départ  '  ». 

l'în  1779,  le  bureau  de  distribution  des  eaux 
minérales  était  encore  installé  rue  des  Prou- 
vaires,  mais  le  privilège  avait  été  accordé  à  un 
sieur  Arnaull  ou  Arnaud,  qui  le  conserva  jusqu'à 
la  Révtilutiou.  Il  était  tenu  de  verser  chaque 
année  au  Trésor  une  .somme  de  quarante  mille 
livn-s  ",  ce  qui  prouve  quel  iléveloppement 
avait  |)ris  alors  l'usage  des  eaux  minérales.  Le 
nuiiibre  de  celles  qui  se  cousonunaient  à  Paris 
avait  iiuguscnlé  et  les  prix  él^iient  devenus  un 
pf'U  |.lus  abordables.  Ils  étaient  ainsi  fixés  eu 
17H7  : 


■    >i)y.    in  //tcuf  iiifJiriih  île  .Ynniiiiin/if,  aniitc  lllOl, 
'  Vi.v.    I.snmbiTt,     .tiiriniHi-x   luU  frti niaises.    I.    W, 

p.  ïoi,  ri  i.  XX,  p.  r,j2. 

3  ('."nfimuiJifrrun.'diTlnnili.iii  (lu2r)nvnl  1772  t-l  .l'un 
am^l  ilu  Con-M'il  du  1"  nvril  1771.   \..y.  !.•  pivnnibulr. 

*  11  rtnil  nommi>  imr  l'Èlul. 

»  I-ntnbm,  t.  XXIIl.  p.  Irt8.  —  .\mH  ronfirniù  pnr 
une  nivjnraliun  du  2fi  nuii  17H0.  —  Un  nrr.H  du  5  mai 
1781  n-oriînnisfl  et-  sw-nir.-,  ,|ui  fui  nininl.-nu  sous  la 
dir.Tli..n  du  pr.-mior  nn-divin  ilu  roi,  n  ipii  l'on  ndjoipiit 
In  S<»ri,'tt-  roynlo  de  nu^lorino.  Voy.  IsombiH,  I.  XXVII 
p.  21.  ' 

"  Hurtnut  oi  Mafi^y.  I.  Il,  p.  081. 


BOUTEILLES  DE  QUATRE  PINTES  OU  ENVIRON. 

Eaux  de  Balarnc 9  liv. 

—  Vais 9  — 

—  Cransac 9  — 

—  LaMothe 8  — 

—  Vichv 4  — 

—  Merlange 3  — 

BOUTEILLES  DE   TROIS  CHOPINES. 

Eaux  deSedlilz,  en  Bohême 5  liv.     5  sols, 

—  Seydschutz,  en  Bohême.   5  —   10  - 

BOUTEILLES  DE  PINTE. 

Eaux  de  Bonnes 2  liv.  8  sols. 

—  Bai-edge 2  —  8  — 

—  Cauterelz 2  —  8  — 

—  Balanic 2  —  8  — 

—  Vais 2  —  8  — 

—  Cransac 2  —  8  — 

—  LaMothe 2—  3  — 

—  Seltz 2  —  »  — 

—  Spa 2  —  »  — 

—  PÎond)ières 2  —  »  — 

—  Ponillon 2  —  8  — 

—  Chàtel-Gujon 1   _  10  — 

—  Sainl-Mion 1   —  10  — 

—  Bussang 1   —  10  — 

—  Bonrbonne-les-Bains. . . .  1   —  10  — 

—  Pongues 1   —  10  — 

—  Conirexéville 1   —  10  — 

— -  Vichv 1   —  »   — 

—  Forg-(>s »  —  15  — 

—  Sainte-Reine »  —  15  — 

—  Chàteldon 1    —      »  — 

Anciennes  eaux  de  Passy »  —     6  —  * 

Ébénistes.  C'est  en  1743  seulement  que  les 
statuts  des  menuisiers  font  mention  des  ébénistes. 
«  Les  maîtres  menuisiers,  dit  l'article  P"",  ayant 
de  tous  tems  faits  les  ouvrages  connus  et 
distingués  aujourd'hui  sous  le  nom  d'ébénisterie, 
marqueterie  et  placages,  et  partie  de  ces  maîtres 
s'étant  depuis  plusieurs  années  uniquement 
attachés  à  cette  sorte  de  menuiserie,  en  ont  pris 
le  litre  de  menuisiers-ébénistes,  ou  simplement 
ébénistes,    sans    cependant    faire    \in    corps    de 

communauté   séparé ,    en   sorte    que    chacun 

d'eux  est  libre  d'embrasser  toutes  les  parties  de 
ladite  profession  ou  de  s'attacher  uniquement  à 
l'une  d'elles...  ».  Suivant  Y  Encyclopédie  métho- 
dique -  les  uns  étaient  dits  menuisiers  d' assem- 
bla (je  et  les  autres  menuisiers  de  placage  et  de 
Marqueterie. 

Le  mot  ébéniste  serait  donc  tout  moderne, 
bien  que  l'art  de  travailler  l'ébène  soit  fort  ancien, 
car  les  tabletiers  ^  employaient  le  benus  dès  le 
milieu  du  treizième  siècle  *  et  les  couteliers 
Vibemis  dès  le  milieu  du  quatorzième  ^.  Au  dix- 


^  Thiéry,  Guide  des  ama/eurs  et  des  ruiu/i/eurs  à  P'.iri^, 
t.  I,  !•.  425.  '    ■ 

2  .\rl.s  et  méliei-s,  t.  II,  p.  334. 

■'  l'^iisours  de  labletlcs  à  écrire. 

»  Sliituls  des  liibleliers,  dans  le  Livre  des  métiers,  titre 
I-XVIII. 

•»  C.ompto  (le  l'argent(>rit>  d'Etienne  do  la  l^^ontaino 
pour  LS-'iO.  p.  131. 


EBENISTES  —  ECAILLE  RS 


281 


septième,  Michel  de  Marolles  donnait  cependant 
encore  le  nom  de  «  sçavans  menuisiers  »  à 
An<lré  Boulle,  à  Lorent  Stabre  et  à  Jean  Macé  ^, 
célèbres  artistes  alors  entrelenns  au  Louvre  par 
le  roi.  A  la  même  époque,  l'ébénisterie  avait 
d'habiles  représentants  à  la  jnanufaclure  des 
(jobelins,  qui  produisait  non  seulement  des 
tapis,  mais  tout  ce  qui  devait  servir  ù  rameuljle- 
ment  des  résidences  royales.  Dans  l'atelier  des 
meubles,  les  Italiens  étai(!nt  en  majorité:  Felipo 
Caffieri  modelait,  Domenico  Cucci  sculptait,  il 
excellait  à  travailler  l'ébène  et  à  en  réveiller  les 
sombres  couleurs  par  des  incrustations  de  pierres 
précieuses  ^. 

Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  on  défi- 
nissait ainsi  l'ébéniste  :  «  ouvrier  qui  lait  des 
(Uivrag'es  de  marqueterie  et  de  placa<i;e  avec  les 
bois  de  couleur,  l'écaillé  et  les  autres  matières  •*  ». 
Il  s'ag-it  donc  surtout  ici  des  marqueteurs,  qui 
eurent  pendant  long-temps  une  confrérie  spéciale 
placée  sous  le  patronag-e  de  saint  Hildevert, 
qu'ils  fêtaient  le  27  mai  à  l'ég-lise  Siinte-Croix 
en  la  Cité  *. 

Sur  André-Charles  Boulle  et  Dominique 
Caffieri,  qui  eurent  le  titre  d'ébéniste  du  roi,  et 
sur  Hans  Krans  qui  eut  celui  de  marqueteur  du 
roi,  je  renvoie  à  un  excellent  article  de  M.  A. 
JaP. 

Ébouqueuses.  Vov.  Épinceuses. 

Ébrancheurs.  Voy.  Élagueurs. 

Écacheurs.  Titre  que  prenaient  les  affineurs 
et  les  batteurs  tireurs  d'or. 

Ecacher  un  métal  c'est  le  réduire  en  fils  aussi 
fin  qu'un  cheveu,  puis  le  faire  passer  entre  deux 
meules  ou  deux  rouleaux  d'acier  pour  l'aplatir. 
On  le  rendait  ainsi  propre  à  être  roulé  sur  un  fil 
de  soie,  qu'il  couvrait  entièrement.  Ce  fil,  destiné 
à  broder  des  étoffes,  est  souvent  désigné  sous  le 
nom  de  hatev^re  ^ . 

La  Taille  de  1313  cite,  dans  la  rue  de  Qui- 
qu'en-poist  ^,  un  sieur  Jehan,  qui  est  qualifié 
à' esqitacheur  ^. 

Voy.  Batteurs  d'or. 

Écaillers.  Marchands  et  ouvreurs  d'huîtres. 

Ces  mollusques  furent  de  bonne  heure  appréciés 
par  les  gourmets,  car  le  moyen  âg-e  connaissait 
déjà  des  couteaux  spéciaux  pour  les  ouvrir.  Le 
dix-septième  siècle  les  eut  pourtant  en  médiocre 
estime.  «  Leur  chair,  dit  la  Framboisière , 
médecin  de  Louis  XIII,  est  g-rossière  et  dure  à 
digérer,  causant  en  nous  quantité  d'humeurs 
terrestres  et  mélancholiques.  Les  bons  com- 
pag-nons  les  font  cuire  sur  le  g'ril  dans  leurs 
escailles,  y  adjoustant  du  beurre  et  quelque  peu 


1  Quatrains  sur  Paris,  p.  53. 

^  Voy.    É.    Levasseur,   Histoire  des   classes  ouvrières, 
t.  II,  p.  308. 

3  Jaubfrt,  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  t.  II,  p.  87. 

*  Lp  Mas.son,  Calendrier  des  confréries,  p.  37  et  67. 

^  Dictionnaire  eritit/ue,  p.  264  et  712. 

6  Voy.  ci-dessus  l'article  Batteurs  d'or. 

"^  Rue  Quincampoix. 

8  Pacre  76. 


de  poivre,  aucuns  les  font  frire  à  la  poésie,  les 
autres  les  niang-ent  crues  ^  ». 

On  appelait  huîtres  à  récaille  ou  en  écailles 
celles  qui  arrivaient  k  Paris  par  eau,  et  que  l'on 
vendait  enfermées  encore  dans  leur  coquille. 
Elles  étaient  beaucoup  plus  estimées  que  les 
huHres  huitrées.  (belles -ci  étaient  expédiées 
dépouillées  de  leurs  coquilles,  ce  qui  en  facilitait 
le  transport  ;  on  les  désig-nait  aussi  sous  le  nom 
(V/mHres  de  chasse ,  parce  qu'elles  étaient 
apportées,  ainsi  dépouillées,  par  les  chasse-marée 
qui,  g'râce  aux  relais  établis  pour  eux  sur  les 
routes,  franchissaient  avec  rapidité  la  distance 
({ui  sépare  de  Paris,  Dieppe,  Etretat,  etc.  J.-P. 
Marana,  à  la  fin  du  dix-septième  siècle,  prétendait 
qu'il  y  avait  alors  à  Paris  quatre  mille  vendeurs 
d'huîtres  ^,  ce  qui  est  certainement  exag-éré. 

Un  arrêt  (lu  Conseil  d'Etat ,  rendu  le 
20  décembre  1681,  constate  que  «  le  prix  de  cette 
marchandise  ne  se  monte  pas  dans  une  année  à 
trente  mille  livres  de  vente  ».  Moins  de  dix 
ans  après,  au  mois  d'août  1690,  Louis  XIV  créa 
six  officiers  de  pourvoyeurs-vendeurs  tVhuîtres  à 
Vécaille.  Il  accordait  aux  titulaires  le  privilège 
exclusif  de  la  pêche,  du  pacage  et  du  débit  de  ces 
mollusques,  à  la  condition  qu'ils  ne  seraient  pas 
vendus  plus  de  six  sols  la  douzaine  à  Paris  et 
quatre  sols  en  province.  «  Trois  ou  quatre  parti- 
culiers, y  est-il  dit,  font  le  commerce  des  huistres 
à  l'escaille.  Ils  s'en  sont  tellement  rendus  les 
maistres  que  nos  sujets  n'en  ont  que  quand  et 
autant  que  bon  leur  semble,  qu'ils  les  vendent  à 
des  prix  excessifs,  et  que  mesme  il  en  manque 
quelquefois  dans  nostre  ville  de  Paris,  faute  de 
personnes  qui  prennent  soin  d'y  en  faire 
voiturer  ».  C'est  rue  Montmartre  que  descen- 
daient les  chasse-marée  chargés  d'huîtres  et 
qu'ils  avaient  leur  bureau  ^ . 

Une  ordonnance  de  police  du  25  septembre 
1771  défend  le  commerce  des  huîtres  entre  le 
30  avril  et  le  1"  septembre. 

Une  crieuse  d'huîtres  dessinée  par  Bouchanhni 
porte  sa  marchandise  sur  son  dos  dans  une  hotte. 
On  en  trouve  une  autre  en  tête  d'une  nouvelle 
écrite  par  Rétif  de  la  Bretonne  et  qui  a  pour 
titre  La  jolie  écailleuse  ^ .  S'il  faut  en  croire 
Prudhomme,  ces  petites  marchandes  étaient,  au 
dix-huitième  siècle,  très  recherchées  dans  leur 
toilette.  «  Toutes  les  écaillères,  dit-il,  sont 
chargées  de  croix  et  de  chaînes  d'or,  avec  des 
bonnets  à  dentelles  qui  tombent  presque  sur  leurs 
épaules  ^  » .  Leur  adresse  était  célèbre  :  «  L'écail- 
lère  a  un  petit  couteau  court  effort.  Rien  n'égale 
la  prestesse  et  le  jeu  adroit  de  son  poignet... 
Crébillon  fils,  ajoute  Sébastien  Mercier,  mangea 
en  ma  présence  cent  douzaines  d'huîtres  sans 
crever  ^  ». 


1  Œuvres,  édit.  de  1613,  p.  137. 

2  J.-P.  Marana,  Lettre  d'un  Sicilien  (v.  1697),  édit. 
Du'"our,  p.  59. 

3  Voyage  de  Lister  à  Paris  (1698),  p.  143.  —  Dela- 
marre.  Traité  de  In  police,  t.  III,  p.  124.  —  Thiéry, 
Guide  des  voyageurs,  t.  I,  p.  474. 

4  Dans  Zw  contemporaines,  t.  XX,  p.  537. 

5  Miroir  de  Paris,  t.  VI,  p.   184. 

6  Taltleau  de  Paris,  t.  X,  p.    147. 


•282 


ÉCAILLEURS  -  ÉCHEVINS 


Écaîlleurs.  Voy.  ÉcaUlers. 

Écaqueurs.  Voy.  Caqueurs. 

Échafaudeurs.  Sans  doute  des  construc- 
teurs d'échafaudages.  La  Taille  de  1292  cite 
deux  eschafandeeurs,  celle  de  1300  en  mentionne 
quatre. 

Échalas  Marchands  d').  L'ordonnance  de 
ft'vrit-r  1415  consacre  deux  articles  à  la  vente 
des  échalas,  commerce  fait  par  les  marchands 
de  merrien  à  treilles  *.  Deux  siècles  et  demi 
plus  lard,  l'ordonnance  de  décembre  1672  veut 
que  les  «  échalats  servants  aux  vignes  »  aient 
au  moins  quatre  pieds  et  demi  de  longueur, 
et  que  ciiaque  botte  en  contienne  au  moins 
cinquante  -. 

Échaudés  (Faiseurs  d';.  Dans  un  accord 
pii>-c.  •■Il  1202,  entre  Tévêque  de  Paris  et  l'abbé 
df  Sainte-Geneviève,  il  est  question  de  «  panes 
qui  e^cl^audati  dicuntur  ^  ».  Je  vois  encore  qu'au 
treizième  siècle,  les  boulangers,  à  qui  il  était 
iulerdil  de  cuire  le  jour  des  Morts,  pouvaient 
ci'pendant,  ce  jour-là,  confectionner  des  «  eschau- 
dés  à  donner  por  Dieu  ».  c'est-à-dire  destinés 
aux  pauvres  *. 

La  Taille  de  1292  mentionne  deux  eschau- 
deeurs.  et,  dès  celte  époque,  on  criait  des 
échaudés  dans  les  rues  de  Paris,  comme  le 
prouvent  ces  deux  vers  empruntés  à  Guillaume 
df  la  \'ille  Neuve  : 

Galétes  chaudi's,  escliaudoz, 
Huinssolles  !... 

Il  en  était  de  même  au  seizième  siècle  : 

El  se  crier  vous  entendez 

l'army  Paris  tretous  les  cris, 

Crier  orrez  les  eschauldez  ' 

(^ui  .sont  aux  œufs  et  beurre  pestris  ! 

Leur  fr)rme  varia  sans  cesse.  Au  quinzième 
siècle,  on  les  fait  ronds,  à  bords  festonnés  ;  au 
seizième  on  leur  attribue  deux  ou  trois  cornes  ; 
on  fi\  trouve  aussi  qui  représentent  un  cœur  ^. 

,)•'  rappellerai  qu'à  Paris,  on  appelait  échaudé 
tout  îlot  de  maisons  avant  la  forme  d'un  trian<rle, 
••l  ((Uf  1  ou  nommait  indilléremmenl  rue  de 
rKchaudé  celle  qui  constituait  la  base  ou  un  des 
côtés  du  triangle.  Quatre  rues  de  Paris  ont  dû 
leur  nom  à  cette  particularité  ;  une  seule,  qui 
comnu'uce  rue  de  Seine,  le  porte  encore. 

Ou  trouve  tsc/iuudeurs.  escliaudisseurs,  etc. 

Echaudeurs.  Vov.  Tripiers. 

Ech(îVins.  l-^ns  de  la  hanse  parisienne  ^, 
ils  iissi>tjiii.|il  le  prévôt  des  marchands  dans  ses 
multiples  fouclioiis.  Au  nombre  de  quatre,  ils 
étaient  clinisis  parmi  les  bourgeois  notfibles,  élus 
pour   den\    ans.    et    renouvelés    par    moitié    le 


'  .\rtul.'  205. 

*  Clinpitn-  XVII.  art.  1  .1  2. 

s  Cnrlultiirr  dr  \ofrt-DaiHf  de  Paris,  t.  I,  |i.  92.  Vov 
aussi  Durnnp'.  au  mot  esehnu/ieti. 

*  /.l'rrr  det  métiers,  titre  I,  art.  2H. 

5  Voy.  V.  Gny.  Glostaire,  t.  I,  p.  r)95. 

••  Vojr.  cfl  article. 


16  aovit  de  chaque  année.  Ils  avaient  plus 
spécialement  dans  leurs  attributions  le  soin  des 
fontaines,  des  quais,  ports,  abreuvoirs,  bateaux 
à  lessives,  l'entretien  du  pavage  et  des  fortifi- 
cations, etc.  *.  Dans  les  solennités  publiques,  ils 
portaient  une  robe  de  velours  et  un  chapeau  bordé 
d'or  2. 

L'élection  des  échevins  avait  lieu  avec  un 
cérémonial  assez  compliqué  dont  l'avocat  Barbier 
nous  a  transmis  ainsi  le  souvenir  : 

«  Le  16,  lendemain  de  la  Vierge,  on  a  procédé 
à  l'ordinaire  à  l'élection  de  deux  nouveaux 
écbevins,  comme  tous  les  ans,  le  jour  de  Saint- 
Roch. 

Cette  élection  n'est  que  pour  la  forme.  On 
sait,  plus  de  quatre  ans  devant,  qui  seront  les 
échevins  nommés,  dont  l'un  ^st  officier  de  la 
Ville,  conseiller  ou  quartinier,  et  l'autre  un 
bourgeois. 

On  mande  pour  cet  effet  quatre  notables  de 
chacun  des  seize  quartiers  de  Paris,  qui  vont 
signer  un  premier  procès-verbal  chez  le  prévôt. 
Il  leur  est  enjoint  par  le  quartinier  d'attendre  le 
jour  de  Saint-Roch,  et  de  se  tenir  prêts  chez  eux 
jusqu'à  midi  sonné. 

De  ces  quatre,  le  matin,  jour  de  Saint-Roch, 
à  l'Hôtel  de  Ville,  on  les  tire  au  sort,  et  il  y 
en  a  deux  de  brûlés  des  quatre  ;  c'est  encore 
de  forme,  car  les  amis  des  échevins  ou  des 
quartiniers  sont  conservés.  Ensuite,  un  huissier 
de  la  Ville,  dans  un  carrosse,  va  prendre  dans 
chaque  quartier  les  deux  notables,  ce  qui  fait 
trente-deux,  lesquels  se  rendent  à  l'Hôtel  de 
Ville. 

Quand  tout  est  assemblé,  on  nomme  quatre 
scrutateurs  pour  recevoir  les  billets  ou  bulletins 
cachetés  que  le  quartinier  donne  à  ses  notables, 
où  est  le  nom  de  celui  qui  est  désigné  pour  être 
échevin,  et  celui  des  deux  qui  a  le  plus  de  voix 
est  le  premier  échevin.  Ordinairement,  c'est 
l'officier  de  la  Ville  :  les  quartiniers  s'arrangent 
pour  cela  avec  le  prévôt  des  marchands. 

Le  premier  scrutateur  est  toujours  un  magis- 
trat, jeune  homme  qu'on  appelle  le  scrutateur 
rojal,  qui  porte  la  parole  devant  le  Roi  en  lui 
présentant  les  échevins.  Le  second,  un  conseiller 
de  Ville,  le  troisième  un  quartinier,  et  le  dernier, 
un  des  plus  notables  des  mandés. 

Il  y  a  ensuite  un  discours  du  prévôt  des  mar- 
chands et  un  du  procureur  du  Roi.  Les  quatre 
secrétaires  prêtent  le  serment  sur  le  crucifix, 
entre  les  mains  du  prévôt  des  marchands,  et 
ensuite  le  scrutateur  royal  prend  le  crucifix  et 
reçoit  le  serment  de  tous  les  notables  mandés  qui 
donnent  leur  bulletin.  Quand  l'élection  est 
faite,  on  ôle  ses  robes  et  l'on  se  met  à  une 
grande  table,  longue  d'environ  cent  couverts,  où 
il  y  a  toujours  un  magnifique  dîner,  et  chacun 
des  conviés  a  devant  lui  une  belle  corbeille  de 
confitures  sèches  qu'il  emporte. 


<  Ordonnance  de  décembre  1672,  chap.  XXXIII, 
art.  17. 

*  Le  Roux  lie  Lincy,  Histoire  de  l' Hùtel  de  Ville, 
y.  172  et  suiv. 


ECHEVINS  —  ECORCHEURS 


283 


Le  lendemain  17  août,  on  se  rend  à  l'Hôtel 
de  Ville  à  huit  heures,  où  l'on  déjeune.  Le 
prévôt  des  marchands,  les  deux  anciens  échevins, 
le  procureur  du  Roi,  des  conseillers  et  qiuirti- 
niers,  avec  les  deux  nouveaux  échevins,  montent 
dans  des  carrosses  de  la  Ville  à  six  et  à  quatre 
chevaux,  et  le  scrutateur  royal  mène  les  trois 
autres  scrutateurs  dans  son  carrosse;  et  tout  cela 
part  pour  Versailles,  en  g^rand  cortège  ù  huit  et 
dix  carrosses,  accompagnés  d'officiers  et  gardes 
de  la  Ville  à  cheval. 

Cela  arrive  à  Versailles  pour  l'heure  que  le 
Roi  a  indiqué  pour  cette  cérémonie.  Ils  se  ren- 
dent d'abord  dans  une  grande  salle  par  bas,  que 
l'on  dit  être  la  salle  des  ambassadeurs.  Ils  vont 
rendre  visite  au  gouverneur  de  Paris,  qui  est 
logé  dans  le  château  ;  ils  reviennent  dans  leur 
salle,  où  le  grand  maître  des  cérémonies  vient  les 
prendre,  et  les  conduit,  avec  le  gouverneur  de 
Paris  à  leur  tête,  au  cabinet  du  Roi. 

Le  Roi  est  au  fond,  assis  dans  un  fauteuil,  son 
chapeau  sur  la  tête,  entouré  de  ses  ministres, 
cardinaux,  évêques  et  des  seigneurs.  On  avance 
vers  lui  avec  de  grandes  révérences  ;  puis  toute 
cette  bande,  prévôt  des  marchands  et  autres,  se 
mettent  un  genou  en  terre.  Le  scrutateur  royal, 
à  genoux,  fait  un  discours  au  Roi,  lui  remet  un 
double  du  procès-verbal  d'élection  et  lui  présente 
les  deux  nouveaux  échevins,  lesquels  prêtent 
serment  entre  les  mains  du  Roi,  sur  la  formule 
qui  est  lue  par  le  secrétaire  d'Etat  de  Paris,  qui 
est  aujourd'hui  M.  le  comte  d'Argenson. 

Après  quoi,  cette  bande  se  lève  ;  le  roi  ne  dit 
mot  et  reste  couvert.  On  se  retire  à  reculons 
jusqu'à  la  porte,  on  fait  de  profondes  révérences 
et  l'on  sort. 

On  va  de  même  chez  la  Reine,  laquelle  est  assise 
dans  un  fauteuil,  avec  toutes  les  mêmes  cérémo- 
nies, à  l'exception  du  discours  du  scrutateur 
royal  et  du  serment.  C'est  le  prévôt  des  mar- 
chands qui  lui  fait  un  petit  compliment,  à  genoux, 
et  l'on  sort  en  reculant. 

On  va  de  là  chez  M.  le  Dauphin,  qui  est  assis 
dans  un  fauteuil,  couvert,  mais  qui  ôte  son 
chapeau.  Le  prévôt  des  marchands  lui  fait  un 
petit  discours  d'une  phrase  ;  il  répond  une 
politesse.  Mais  toute  la  bande  est  debout,  et, 
après  une  profonde  révérence,  se  retourne  pour 
s'en  aller. 

De  même  chez  Madame  la  Dauphine. 

Ensuite  chez  chacune  de  Mesdames  de  France, 
qui  reçoivent  la  présentation  debout.  Il  n'y  a 
plus  de  grand  maître  des  cérémonies,  et  elles 
répondent  chacune  un  remerciement  au  compli- 
ment du  prévôt  des  marchands. 

Comme  cette  cérémonie  est  longue,  quand  on 
est  sorti  du  château,  on  va  dans  des  chaises  à 
porteurs,  à  l'hôtel  de  M.  le  gouverneur  de  Paris, 
dans  Versailles,  où  il  n'est  pas,  mais  où  il  a 
fait  préparer  un  rafraîchissement  de  langues, 
biscuits  et  fruits.  Ensuite,  dans  les  chaises  à 
porteurs,  le  prévôt  des  marchands  et  toute  la 
Ville,  ce  qui  fait  environ  vingt  personnes, 
vont  rendre  visite  dans  le  château  à  tous  les 
ministres  et  à  tous  ceux  qui  composent  le  Conseil 
royal. 


Après  quoi,  la  Ville  remonte  dans  ses  carrosses 
et  revient  à  la  Ville,  où  il  y  a  un  bon  dîner- 
souper,  et  les  scrutateurs  ont  encore  un  présent 
de  bougie  ou  de  sucre  pour  les  remercier  de  leur 
peine  *  ». 

Voy.  Prévôt  des  marchands. 

Échoppiers.  (>;  mot,  qui  m'est  fourni  par 
V Encycliypedie  méthodique  '^,  désignait  les  mar- 
chands en  échoppe.  On  distinguait  entre  les 
échoppes  m')biles  et  les  échoppes  sédentaires .  Ces 
dernières,  pendant  longtemps  tolérées  par  la 
police,  avaient  fini  par  entraver  la  circulation 
dans  certaines  voies  ;  sur  le  quai  de  la  Ferraille  •"*, 
par  exemple,  elles  constituaient  une  sorte  de 
camp,  car  elles  étaient  faites  et  peintes  de  ma- 
nière à  figurer  de  véritables  tentes. 

Des  lettres  patentes  de  mai  1787  s'expriment 
ainsi  :  «  Nous  sommes  informés  que  nonobstant 
les  édits,  ordonnances  et  règlemens  concernant 
l'établissement  des  échoppes  dans  la  ville  de 
Paris,  le  nombre  de  celles  appelées  sédentaires 
ou  demi-sédentaires  s'est  prodigieusement  aug- 
menté, qu'un  grand  nombre  de  ces  échoppes 
excède  les  dimensions  prescrites,  que  d'autres  se 
trouvent  établies  sans  permission  valable,  et 
qu'enfin,  au  lieu  d'échoppes  mobiles  qui,  par 
leur  position,  leur  peu  de  volume  et  de  saillie, 
ne  doivent  causer  aucun  inconvénient,  on  s'est 
permis  d'en  établir  un  grand  nombre  qui  res- 
semblent plutôt  à  des  maisons  qu'à  des  échoppes, 
et  dont  les  emplacemens,  pris  en  totalité  sur  la 
voie  publique,  nuisent  au  passage  des  voitures, 
gênent  celui  des  gens  de  pied  et  occasionnent 
journellement  des  accidens ». 

Le  roi  ordonne  donc  la  démolition  de  toutes 
les  échoppes  sédentaires  ou  demi-sédentaires, 
«  même  celles  adossées,  dit-il,  à  nos  palais  du 
Louvre  et  des  Tuileries,  hôtels  et  maisons  des 
princes  et  à  tous  édifices  publics  ».  Seront  auto- 
risées seulement,  «  en  faveur  des  pauvres  maîtres 
et  veuves  des  pauvres  maîtres  »,  les  échoppes 
mobiles,  qui  peuvent  être  posées  le  matin  et 
enlevées  le  soir. 

ÉcimeurS-  Voy.  Élagueurs. 

Éclusiers.  Gens  préposés  à  la  garde,  à  la 
manœuvre  d'une  écluse. 

Voj  .  Maîtres  des  ponts. 

École  (  Maîtres  d'  ) .  Voy .  Maîtres 
d'école. 

Écorcheurs.  Voy.  Squarrlssetirs. 

Écorcheurs.  Garçons  bouchers  chargés 
d'écorcher  les  bestiaux.  On  les  trouve  parfois 
nommés  sergents  écorcheurs,  et  ils  jouaient  un 
rôle  dans  l'administration  de  la  communauté. 
Ils  prenaient  part  à  l'élection  du  maître  des 
bouchers,    et   quand    ce    dernier    présidait   son 


1  Journal,  août  1749,  t.  IV,  p.  384. 

2  Jurisprudence,  t.   X,  p.  89. 

3  Auj.  quai  de  la  Mégisserie. 


284 


ÉGORCHEURS  —  ÉCRIVAINS 


tribunal,  ils  sen-aien(  (rhuissif-rs  et  parfois  de 
secrétaires. 

Voy.  Bouchers  fl  Maître  des  bou- 
chers. 

Écorcheurs.  «  Marchands  qui  vendent 
tnip  cher  ft  qui  profitent  induement,  pour 
enchérir  leur  marchandise,  de  la  nécessité  où 
l'un  est  quelquefois  d'en  prendre  chez  eux.  La 
h.jutique  où  l'un  écorche  les  chalands  est  une 
écorcherie  '  ». 

Écosseuses.  Femmes  qui  achètent  aux 
halles  ou  chez  les  maraîchers  des  sacs  de  pois, 
les  écossent  et  les  vendent  au  détail.  Elles  ont 
soin  de  ne  point  mêler  les  gros  avec  les  fins,  pour 
en  tirer  meilleur  parti  *. 

Écôteurs.  Dans  les  manufactures  de  tabac, 
ouvriers  charji^és  de  l'écôtao^e.  Cette  opération 
consistait  à  enlever  de  chaque  feuille,  depuis  le 
sommet  jusqu'au  talon,  la  côte  principale. 

Ce  nom  a  été  donné  aussi  à  certains  ouvriers 
Iréfileurs. 

Écranniers.  Faiseurs  d'écrans.  «  A  Arnoul 
des  Granchés,  escrannier,  pour  deux  escrans 
nueufz  pour  la  Royne  ^  ».  «  A  Noël,  l'escrannier, 
pour  deux  petits  escrans  d'osier,  achetez  de  lui 
pour  la  chambre  du  Roj  *  ». 

Les  énormes  dimensions  des  cheminées  ren- 
daient indispensable  l'emploi  de  l'écran,  qui 
était  dit  liinlôt  «  feu,  tantôt  à  main,  tantôt  à 
picot,  et  se  faisait  tantôt  en  bois,  tantôt  en 
osier,  tantôt  en  étoffe,  tantôt  en  parchemin.  Au 
seizième  siècle,  il  prend  parfois  le  nom  dacontre- 
artint  '' . 

Parfois  aus>i,  l'un  plaçait  devant  les  cheminées 
des  paniers  ou  coffres  d'osier,  dans  lesquels  on 
enfermait  ses  jambes  lorsqu'on  voulait  s'asseoir 
prè>  du  feu  sans  risquer  de  brûler  ses  chausses. 
P*;n(lanl  le  dernier  siècle  encore,  où  les  hommes 
portaient  Ions  des  culottes  et  des  bas,  on  trouvait, 
près  de  la  cheminée  desjamdards,  sortes  de  bottes 
en  carlon  ou  en  osier,  dont  on  se  couvrait  pour 
éviter  de  se  rôtir  les  jambes*. 

Kn  dehors  des  écranniers,  les  écrans  étaient, 
suivant  leur  nature,  fabriqués  par  les  vanniers, 
les  menuisiers,  les  tourneurs,  etc. 

On  éerivail  aussi  escrainniers. 

Écreveiciers.  La  Taille  de  1202  et  celle 
'/'■  i:il3  niculioniient  chacune  deuxescreveiciers. 
l'.litient-ce  des  fabricants  d'armures  ou  de  vul- 
piires  marchands  d'écrevisses  ?  La  seconde 
hypollMvie  me  paraît  la  plus  vraisemblable. 

.le  sais  l)ieii  que  l'on  nommait  escrevisse, 
crensK  ou  halle^ret  une  cuirasse  formée  de  lames 
hciri/onlales  réunies  de  manière  ù  se  plier  à  tous 
les  mouvements  «h;  c.rps.    Mais  celle    cuirasse 


'   S^ivniA,  /)ic/io„n,nrf  du  rumintrce  (1723),  1. 1.  ji.  IH  17. 

*  .l.iu!).rl,  Piclionnnirr.  t     H.    ji.  92. 

3  I>flh.im  il.-    linvierr.   —    Douol-.lWrcq,   Comitles  de 

rkiiti.  p.  15.-,.  1/ 

*  ChnriesVl.— L.d.-LBbordo,.Vo//'cf  rfw/wflKj,  p. 270. 
'  Oay.  (Hossiiire  arekAtloyiijiif.  t.  J,  n.  420. 

«   Violl.-l-].-.I)ur,  lUrlioHMirr  Hh  tiioùi/ifr.  1.1,  p.  105. 


date  tout  au  plus  du  quatorzième  siècle  ■• .  Ensuite 
les  deux  escreveiciers  cités  par  nos  Tailles 
n'habitaient  point  les  environs  de  la  rue  de  la 
Heaumerie,  centre  de  la  fabrication  des  armures  ^ . 
enfin,  les  écrevisses  étaient  déjà  fort  estimées  en 
France,  et  elles  se  servaient  sur  les  meilleures 
tables  3. 

Écrieurs.  On  nommait  ainsi,  dans  les  tréfi- 
leries,  les  ouvriers  qui,  à  chaque  recuite,  éclair- 
cissaient  le  fil  avec  du  grès. 

Écriniers.  Au  moyen  âge,  l'écrin  désignait 
parfois  un  petit  cofîre  ou  coffret  de  luxe,  mais 
ce  mot  est  pris  le  plus  souvent  dans  le  sens 
de  boîte,  parfois  même  de  boîte  d'une  grande 
dimension,  les  caisses  pour  voyages,  les  cercueils, 
par  exemple. 

Les  premiers  statuts  des  écriniers,  dit  aussi 
escrainiers,  escrefiiers,  escrigniers.  etc.  furent 
homologués  «  le  dyemanche  devant  Pasques 
flories  »  de  l'année  1291  par  le  prévôt  de  Paris 
Guillaume  de  Hangest^.  J'y  vois  que  le  métier 
était  libre.  Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  qu'un 
seul  apprenti.  L'apprentissage  durait  six  ans.  Le 
travail  à  la  lumière  était  interdit.  Quatre  jurés 
surveillaient  le  métier. 

La  Taille  de  1292  mentionne  seulement  deux 
escriniers,  celle  de  ISUO  en  mentionne  cinq,  et 
une  note  de  M.  G.  Fagniez  ^  nous  apprend  que 
le  nombre  des  maîtres  était  de  vingt-quatre  au 
moins  à  la  fin  du  quatorzième  siècle. 

Au  siècle  suivant,  ils  se  fondirent  dans  la 
corporation  des  layetiers,  qui  prirent  le  nom  de 
layetiers-e'criniers. 

Écritoire  (Bureau  del').  Voy.  Vérifica- 
teurs de  mémoires. 

Écritoire  ^Clercs  del').  Voy.  Greffiers 
des  bâtiments. 

Écritures  (Experts  en).  Voy.  Arithmé- 
ticiens el  Écrivains. 


Ecrivains.  L 

ruinés  par  l'invent 
gnèrent  à  donner 
leçons  d'écriture, 
l'enseignement  de 
devinrent  de  vérit; 
peu  près  sous  cette 
en  communauté  avi 


es  copistes  de  manuscrits  •*, 
ion  de  l'imprimerie,  se  rési- 
des leçons  de  dessin  et  des 
Quelques-uns  y  joignirent 
l'orthographe  et  du  calcul, 
djles  maîtres  d'école.  C'est  à 
forme  qu'ils  furent  constitués 
mois  de  novembre  1570. 


'  M .  (^niellerai  In  lait  ilaler du  (luinzièmt;  siècle  [/fis/uire 
du  costume,  ]i.  30.')).  Ducange  no  reproduit  aucun  iiassafjjc 
anlcficur  a  cette  époque  (au  mot  cancer).  Seul  Claude 
Fauciiet  affirme  qu'elle  est  contemporaine  du  quatoiziènic 
sii'dc  [Origine  des  chevaliers  el  des  armoiries,  p.  43)  : 
«  Depuis  l'an  1330,  dit-il,  les  chevaliers  se  couvrirent 
de  pièces  de  1er  clouées  l'une  sur  l'autre,  appelées 
escrevisses,  pour  ce  qu'elles  imitoient  les  escailles  de  ces 
poissons  ». 

*  Voy.  ci-dessus  l'article  Centralisation  des  métiers. 

■'  Lcfrrand  d'.\u.ssv,  Vie  privée  des  Français,  t.  Il, 
p.  111. 

*  Dans  Dejipinjr,  Ordonnances  relalires  aux  métiers, 
p.  37.;i. 

5  études  sur  l'industrie,  p.  13. 

'•  N'oy.  ci-dessus  l'article  Copistes. 


ECRIVAINS 


285 


Aux  termes  des  slaluts  qui  leurfuri-nt  accordés, 
il  fallait,  pour  entrer  dans  la  corporation,  être 
de  bonnes  vie  et  mœurs,  faire  profession  de  la 
relig'ion  catliolique  et  avoir  habité  Paris  depuis 
trois  ans  au  moins.  En  outre,  nul  ne  pouvait 
«  tenir  escole  publique  d'écriture  pour  enseigner 
les  enfans  tant  à  l'écriture  que  au  o-et  et  calcul  », 
avant  d'avoir  été  examiné  par  quatre  des  maîtres 
sur  la  manière  d'écrire,  sur  l'orthographe  et  sur 
«  l'art  de  jet  1er  et  compter  ^  ». 

Les  maîtres  étaient  reconnus  comme  experts 
près  les  tribunaux  :  c'est  à  eux  seuls  (jue  devaient 
être  soumis  les  actes,  lettres,  titres  ou  sio;'nalures 
argués  de  faux.  Ils  ne  sont  cependant  qualifiés 
encore  que  de  «  maîtres  écrivains  tenant  écoles 
d'écriture  ». 

Deux  maîtres,  élus  chaque  année  par  leurs 
confrères,  étaient  chargés  de  surveiller  et  d'admi- 
nistrer la  corporation. 

Ces  statuts  avaient  été  rédigés  par  les  maîtres 
suivants  :  Antoine  Périer  et  Jacques  Fustel, 
écrivains  de  l'Université,  Thomas  Danel,  Mathieu 
Biétry ,  Christofle  Barbier .  Adam  Charles , 
Jacques  Barbier,  Antoine  Le  Grand  et  Martin 
Fustel. 

On  peut  citer  encore,  parmi'  les  meilleurs 
écrivains  du  seizième  siècle  : 

Ange  Vergèce,  originaire  de  la  Crête.  jN'uI  ne 
l'a  surpassé  dans  l'écriture  grecque. 

Geoffroy  Tory,  dit  le  maUre  du  pot  cassé,  nom 
qu'il  dut  à  son  enseigne.  Il  s'occupa  surtout  de 
perfectionner  les  caractères  d'imprimerie,  et 
publia  en  L^29  son  Champ  fleury,  dans  lequel  il 
établit  la  théorie  des  caractères  dits  elzérirs.  Il 
tenta  aussi  de  réformer  l'orthographe,  et  proposa 
plusieurs  améliorations  qui  n'ont  pas  tardé  à  être 
adoptées.  Il  faut,  par  exemple,  faire  remonter 
jusqu'à  lui  l'origine  de  l'apostrophe,  des  accents, 
de  la  cédille,  encore  inconnus  de  son  temps. 
Lui-même  écrivait  ainsi  cette  phrase  :  «  En 
nostre  langue  navons  point  daccent  figure  eu 
escripture,  et  ce  pour  le  default  que  nostre 
lano-ue  nest  encore  ordonnée  a  certaines  reigles. 
C  devant  0  aucunesfois  est  solide,  comme  en 
disant  coquin,  coq  ;  aucunesfois  est  exile,  comme 
en  Ai?,ani garçon,  maçon...  "^  ». 

Jacques  de  La  Rue  dédia  au  duc  d'Anjou, 
en  1565,  un  recueil  de  modèles  qu'il  avait 
tracés  et  gravés. 

Pierre  Hamon,  né  à  Blois,  «  étoit,  dit  La 
Croix  du  Maine,  le  plus  renommé  de  France, 
voire  de  l'Europe,  par  la  perfection  qu'il  avoit 
d'écrire  en  toutes  sortes  de  lettres  ^  »^  et  «  il 
rendoit  avec  une  aisance  inimitable  les  carac- 
tères les  plus  difficiles  *  » . 

Jean  de  Beauchêne,  auteur  d'une  méthode 
d'écriture  publiée  en  1580. 


1  Voy.  ci-dessus  les  articles  Arithméticiens  et  Jetons 
(Calcul  par  les). 

2  Champ  fleiiry,  auquel  est  contenu  l'art  et  science  de  la 
deue  et  vraye  proportion  des  lettres  attiques...  Voy.  î°  37 
verso  et  52  recto. 

3  Bibliothèque  françoise,  t.  II,  p.  288. 

*  Nouveau  traité  de  diplomatique,  t.  VI,  p.   199. 


Claude  Jesserand  mourut  en  Italie,  où  il 
s'était  rendu  pour  étudier  les  maîtres  écrivains 
de  ce  pays. 

Nicolas  Quitirée.  reçu  maître  en  1589. 

Jean  de  Beaugrand ,  qui  fut  choisi  pour 
enseigner  l'écriture  à  Louis  XIII,  cadelail  avec 
une  facilité  vraiment  merveilleuse.  On  nommait 
cadeaux  les  encadrements,  les  grandes  lettres 
initiales  formées  d'enlacements,  d'enroulements, 
de  lacets,  de  figures  Iracîées  à  la  volée  '. 

François  P''  p(»ssédait  une  belle  écriture.  Il 
est  probable  que  lui  et  sa  sœur  Marguerite 
avaient  eu  le  même  maître,  car  leurs  écritures 
se  ressemblent  fort  -.  Henri  II  et  Margiu?rife 
de  Savoie,  sa  sœur,  écrivaient  également  bien  ^. 
L'écriture  de  François  II  est  un  peu  enfantine, 
mais  celle  de  Marie  Stuart  est  fort  bonne  *. 
Henri  III  et  Henri  IV  avaient  été  élèves  du 
collège  de  Navarre  ;  le  premier  écrivait  comme 
un  chat  "  ;  l'écriture  du  second  ne  valait  guère 
mieux  *',  et  de  plus,  il  resta  toujours  brouillé 
avec  l'orthographe. 

L'écriture  d'Anne  d'Autriche  est  plus  illisible 
et  plus  mauvaise  encore  que  celle  de  Marie 
de  Médicis  ".  Toutes  deux,  d'ailleurs,  sont 
larges,  élancées,  et  ne  manquent  pas  d'une 
certaine  distinction.  L'écriture  fine  et  mal 
formée  était  déjà  comparée  à  des  pattes  de 
mouches.  Dans  La  comédie  des  proverbes,  écrite 
en  1616,  Philippin  dit  à  Alaigre  :  «  C'est  là  où 
tu  as  appris  ces  beaux  pieds  de  mouches  et  ces 
beaux  y  gréffois  >*  ». 

L'écriture  de  Louis  XIV,  grande,  ferme,  un 
peu  lourde,  est  pleine  de  noblesse  ;  très  penchée 
à  droite,  elle  semble  dénoter  la  prédominance 
de  sentiments  tendres,  dont  le  o-rand  roi  a 
pourtant  donné  peu  de  preuves.  Il  avait  eu  pour 
professeurs  Lubin  et  Jean  Lebé,  dont  les  ser- 
vices étaient  récompensés  avec  une  grande  parci- 
monie. Je  vois,  dans  Y  Estai  général  de  la  maison 
du  Roy,  publié  en  1657,  que  Jean  Lebé  touchait 
seulement  300  livres,  tandis  que  le  maître  de 
danse  du  roi  en  touchait  2.000  et  son  maître  de 
dessin  1.500  ". 

On  trouve  dans  le  magnifique  catalogue 
d'Alfred  Bovet  (n"  25)  le  fac-similé  d'un  devoir 
d'écriture  provenant  du  petit  Louis  XVII,  qui 
avait  eu  pour  maître  M.  Jourdan-Dumesnil. 

Revenons  sur  nos  pas. 

Les  premiers  statuts  des  écrivains  furent 
souvent  confirmés  ou  renouvelés  au  cours  du 
seizième  et  dans  la  première  moitié  du  dix- 
septième  siècle.  La  corporation  était  alors  en 
pleine  prospérité.  On  se  plaignait  pourtant  que 
les  maîtres  abusassent  à  la  fois  et  des  abréviations 


1  Sur  l'étymologie  du  mot  cadeau,  dérivé  sans  doute 
do  catena,  voy.  G.  Tory,  f"  52  verso,  et  Ménage,  Diction- 
naire étymologique,  t.   I,  p.   278. 

^  Voy.  le  Musée  des  archives,  n"'  582,  612  et  61(5. 

«*  Voy.  le  Musée  des  archives,  n»*  628  et  630. 

*  "N'oy.  le  Musée  des  archives,  n"*  657  et  658. 

^  Voy.  le  Musée  des  archives,  n°  608. 

6  ^  oy.  le  Musée  des  archives,  n"  706. 

^  \oy.  le  Musée  des  archives,  n°^  790  et  792. 

8  Ancien  théâtre  français,  t.  IX,  p.  32. 

'•'  Pages  115  et  116. 


286 


ÉCRIVAINS 


el  des  ornements  inutiles.  Le  Parlement  ne  se 
rec'arda  pas  comme  incompétent  en  semblable 
matière,  et  résolut  d'adopter  des  modèles  qui 
pussent  ser^'ir  de  types  pour  l'expédition  de  tous 
les  actes.  Le  soin  d'exécuter  ces  modèles  fut  contie 
au  célèbre  Barbedor  et  à  Lebé.  La  Cour  déclara 
leur  travail  parfait,  et  un  arrêt  du  26  février  1633 
ordonna  que  les  écrivains  chargés  d'enseigner  la 
jeunesse  s'inspireraient  désormais  de  ce  t^'pe 
officiel  -,  «  qu'à  l'avenir,  on  ne  suivroitpas  d'autres 
alpliabels,  caractères,  lettres  et  forme  d'écrire  que 
ceux  qui  étoient  figurés  et  expliqués  dans  les 
exemplaires  présentés  à  la  Cour  ;  que  ces  exem- 
plaires seraient  gravés,  burinés  et  imprimés  au 
iKjm  de  la  communauté  des  maîtres  écrivains 
vérificateurs  ;  enfin,  que  ces  exemplaires  reste- 
roient  à  perpétuité  au  greffe  de  la  Cour,  et  que 
les  pièces  qui  se  tireroient  des  gravures  seraient 
distribuées  dans  tout  le  royaume  '  ».  Je  ne  sais 
qut'l  fut  le  sort  de  cet  arrêt;  mais,  dès  les  dernières 
années  du  règne  de  Louis  XIII,  on  voit  appa- 
raître la  grande,  belle  et  ferme  écriture  qui 
dominera  au  dix-septième  siècle. 

Barbed(jr  et  Lebé  avaient  d'habiles  confrères, 
dont  quelques-uns  méritent  d'être  mentionnés. 

(Guillaume  le  Gangneur  occupe  parmi  eux  le 
premier  rang.  Son  talent  fut  célébré  par  les 
poètes  de  son  temps,  et  il  a  laissé  trois  traités 
sur  son  art. 

Desperrois,  Etienne  Blegiij,  L.  Senault, 
Ljuras  Matherot,  Nicolas  Cîoujenot,  Nicolas 
Lesgret  ont  donné  aussi  des  modèles  estimés. 

Kaveneau  publia  en  1665  un  Traité  des 
insrriptinns  en  faux  et  des  recognaissances  d^écri- 
lures,  dans  lequel  il  indiqua  le  moyen  de  les 
ciiutn-faire.  Louvrage  fut  jugé  dangereux  ;  un 
arrAI  du  Parlement  ^  (10  février  1670)  en 
iidfnlit  la  vente  et  raya  du  tableau  des  experts 
l'auteur  (|ui,  douze  ans  après,  finit  par  être 
condamné  à  une  prison  perpétuelle. 

Aiiloinc  Rossignol  se  rendit  célèbre  par  la  faci- 
liloavfc  la(|ui'll<'  il  interprétait  les  écritures  chif- 
frées. Un»'  (iépêciie  de  ce  genre,  interceptée  lors  du 
siège  d'Hesdin  et  lue  par  Rossignol,  avança  de 
linil  jfturs,  dit-on,  la  reddition  de  la  ville  ^. 

.leaii-BaptisIe  Allais  de  Beaulieu  *  fut  protégé 
par  Loiivois.  etSt'uault  parColbcrt. 

Les  manuscrits  de  Nicolas  Jarry  valent 
aujourd'hui  [)n's(|u<'  IrMir  pesant  d'or.  C'est  lui  qui 
écrivit  la  (iuirlunde  de  Julie,  le  plus  célèbre 
inouuMUMit  (  idligraphiqufî  du  dix-septième  siècle. 
Lors  (II-  la  vcnif  La  Vallière,  ce  voluiuf  fui  pave 
14.510  francs. 

KraMÇoi>  d.-  Barrênic,  établi  rue  Dauphine  au 
lioul    (lu    P..iil-N-ur.    ..|iiit    plus   arithméticien 

I  J.'  «'m  |>u  Imiiv.T  l'oripiinl  do  wl  arrél.  Jo  lo  cito 
«1  aprt..t  l'AVyc/o/f^rf.V   méthodique,    arts   .«t  mot  ici  s    t    II 
|>    358  ' 

'  Ot  RTT^X  nou.t  appnTKl  qu-  1-  noini)!-.'  des  écriviiins 
•  X'-n-nnl  h  Pari.s  cloit  alors  ijr  :i:{  cnvii-on. 

•l  Tnll.-iiinnl  d.-s  K(«iu,  I.  Il,  p.  32.  —  M.  |>,iiiiin 
l'..ns.  ,..|,|..„r  do  Tallomanl,  ci-oil  qu,.  ,1,.  col  l,Hi)il.. 
M..,v.nrnoi  viont  le  nom  donné  au  crochot  (lui  ouvre  toutos 
lo»  sorntrv«. 

*  S«  rinssp,  la  phw  arislocratiquo  do  Paris  lui 
rapportait  20.000  livns  par  an.  ' 


qu'écrivain.  Son  petit  livre  des  Comptes  faits, 
imprimé  en  1670,  donna  à  son  nom  une  noto- 
riété qui  est  devenue  proverbiale  ^ . 

Au  mois  de  janvier  1691  ,  les  écrivains 
présentèrent  au  roi  une  requête  ^  où  étaient 
exprimées  des  doléances  qui  paraissent  assez 
légitimes. 

Ils  se  plaignaient  d'abord,  qu'au  mépris  du 
privilège  inscrit  dans  les  statuts  de  la  corporation, 
les  juges  employassent  pour  les  vérifications 
d'écritures  des  greffiers ,  des  notaires ,  des 
commis,  el  seulement  deux  ou  trois  maîtres 
écrivains.  Ils  demandaient  donc  que  toutes  les 
vérifications  fussent  réservées  aux  membres  de  la 
communauté.  Ils  déploraient  aussi  que  des  gens 
sans  instruction  usurpassent  la  qualité  d'écrivains, 
et  que  l'on  osât  mettre  en  vente  des  modèles 
d'écriture  sans  les  avoir  préalablement  soumis  à 
l'examen  de  la  communauté.  Enfin,  ils  se 
plaignaient  que  dans  les  Petites-écoles  placées  sous 
l'autorité  du  chantre  de  la  cathédrale,  on  ensei- 
gnât l'écriture  et  l'arithmétique,  tandis  que, 
disaient-ils,  les  maîtres  devaient  s'y  borner  à  la 
lecture. 

La  corporation  eut  beau  obtenir  du  Parlement 
des  arrêts  favoj-ables  à  ses  prétentions,  faites  état 
que  l'on  VlQW  continua  pas  moins  à  enseigner 
l'écriture  dans  les  Petites-écoles.  Aussi,  les  maîtres 
écrivains,  alors  au  nombre  de  65  environ,  prirent- 
ils  la  résolution  de  modifier  leurs  statuts.  Des 
lettres  patentes  de  décembre  1727  sanctionnèrent 
la  nouvelle  rédaction,  composée  de  trente  articles 
dont  voici  la  substance. 

Nul  ne  pouvait  être  reçu  maître  qu'il  ne  fît 
profession  de  la  religion  catholique  ;  ce  que  le 
candidat  devait  établir  «  par  son  extrait  baptis- 
taire  et  un  certificat  de  son  confesseur  et  de 
deux  notables  bourgeois  •*  ».  Dans  aucune  autre 
communauté,  je  n'ai  trouvé  cette  condition 
entourée  de  telles  garanties. 

Les  maîtres  avaient  le  titre  de  Jurés  écrivains, 
expéditionnaires  et  arithméticiens,  teneurs  de 
livres  de  comptes,  établis  pour  la  vérification  des 
écritîores,  signatures,  comptes  et  calculs  contestés  en 
justice. 

Il  fallait,  pour  obtenir  la  maîtrise,  avoir  vingt 
ans  accomplis,  et  subir  pendant  trois  jours  un 
examen  «  sur  l'art  de  toutes  les  différentes 
écritures,  sur  l'ortographe  * ,  l'arithmétique 
uiiiverselle,  les  comptes  à  parties  simples  et 
doubles,  les  changes  étrangers,  les  arbitrages, 
les  vérifications  d'écritures,  signatures,  comptes 
et  calculs,  sur  la  diction  des  mémoires  et  placefs 
au  W'iy.  aux  princes  et  aux  ministres,  et  sur 
le  dressé  et  arrangement  des  comptes,  états  et 
bordereaux  ». 

Les  fils  de  maîtres  étaient  reçus  à  dix-huit  ans, 
el  après  une  «  légère  expérience  »  ';  mais  ceux  qui 
étaient  nés  avant  la  maîtrise  de  leur  père  ne 
jouissaient  pas  de  cette  faveur.  Dans  tous  les  cas. 


'  ^'oy.  rarticle  Aritliniétioions. 

2  ^'oy.  à    la    Hibliotfièque    nationalo,     lo    manuscrit 
français  coté  21,747. 

•''  Cot  article  n'existe  idus  daus  les  vstatuts  do  1779. 
4  Sic. 


ECRIVAINS  —  ECRIVAINS  PUBLICS 


287 


nul  ne  pouvait  faire  de  vérifications  d'écritures 
avant  vingt-cinq  ans  révolus. 

L'aspirant  à  la  maîtrise  subissait  son  examen 
en  présencedu  dojen  et  de  vin<rl-([uatre  Anciens. 
Quinze  jours  auparavant,  on  lui  communiquait 
un  formulaire  indiquant  les  matières  sur  les- 
quelles il  devait  être  interrogé. 

Nul  étranger  à  la  corporation  ne  pouvait 
«  tenir  classe  publique  d'écriture  cliez  lui,  ni 
enseigner  en  ville  directement  ni  indirectement 
l'art  d'écrire,  l'arithmétieiue  et  tout  ce  qui  en  est 
émané,  cliez  quelques  personnes  de  telle  qualité 
et  condition  qu'elles  puissent  être  même  dans 
aucun  collège  ni  communauté  ».  Cet  article 
accordait  de  nouveau  aux  écrivains  un  monopole 
pour  lequel  ils  luttaient  depuis  longtemps.  On  ne 
le  leur  contesta  plus,  mais  on  n'en  tint  pas  plus 
compte  que  par  le  passé.  La  corporation  vit  bien 
qu'il  fallait  céder.  Impuissante  à  empêcher  la 
concurrence,  elle  voulut  au  moins  la  réglementer 
autant  que  possible  et  en  (irer  profit.  Elle  se 
décida  donc  un  peu  plus  tard  à  accorder,  moyen- 
nant une  redevance  annuelle  de  vingt-quatre 
livres,  l'autorisation  de  donner  des  leçons 
d'écritures  en  ville  ;  moyennant  quarante-cinq 
livres  par  an,  on  pouvait  ouvrir  une  école  pu- 
blique. 

Seuls  aussi,  les  membres  de  la  corporation 
pouvaient  «  mettre  en  façon  d'enseigne,  au 
devant  de  la  maison  où  ils  tenoient  leur  classe, 
un  ou  deux  tableaux  ornés  d'une  ou  plusieurs 
plumes  d'or,  cadeaux  et  autres  ornemens...  et  y 
exposer  une  montre  écrite  à  la  main  de  toutes  les 
écritures  usitées  dans  le  royaume,  qui  seront 
faites  au  naturel  de  la  plume,  sans  artifice  ni 
gravure  ». 

La  veuve  d'un  maître  était  admise  à  c  )nserver 
l'établissement  de  son  mari,  mais  elle  ne  devait 
mettre  sur  son  enseigne  autre  chose  que  ces  mots  : 
Céans  on  enseigne  Part  d'écrire^  Vortografe  ' , 
V arithmétique ^  et  frend pensionnaires . 

Tous  les  deux  ans,  les  maîtres  élisaient  un 
syndic  et  un  greffier  chargés  d'administrer  la 
communauté.  Le  syndic  ne  pouvait  prendre 
aucune  résolution  sans  en  avoir  conféré  avec  les 
vingt-quatre  Anciens,  «  qui  doivent  naturelle- 
ment être  regardés  comme  ses  adjoints  ». 

Tout  maître  arrivant  à  une  assemblée  l'épée 
au  côté,  devait  déposer  celle-ci  entre  les  mains 
du  syndic. 

Les  titres  et  papiers  de  la  communauté  étaient 
conservés  dans  une  armoire  confiée  à  la  garde  du 
syndic  et  fermant  à  trois  clefs.  On  remettait  la 
première  au  doyen,  la  deuxième  au  syndic  et  la 
troisième  au  greffier. 

Ces  statuts  furent  revisés  en  1779,  et  une 
académie  d'écriture^  de  calcul^  de  vérification 
d écritures  et  de  grammaire^  dont  les  premières 
bases  avaient  été  jetées  en  1760,  fut  définitive- 
ment organisée,  sous  le  titre  de  Bureau  acadé- 
mique d  écriture.  Il  était  présidé  par  le  lieutenant 
général  de  police  et  se  réunissait  quatre  fois  par 
mois  à  la  bibliothèque  du  roi. 

1  Sic. 


Parmi  les  maîtres  écrivains  qui  se  sont  le  plus 
distingués  dans  leur  art  au  dix-huitième  siècle, 
je  citerai  seulement  : 

Olivier  Sauvage,  neveu  d'AUais  de  Beaulieu. 

Louis  Rossignol,  qui  enseigna  l'écriture  au 
duc  d'Orléans  grand-père  du  roi  Louis-Philippe. 

Paillasson,  qui  rédigea  l'article  Écriture  pour 
V  Encyclopédie. 

Rolland,  auteur  d'une  bonne  méthode  d'écri- 
ture. 

Poiré,  professeur  au  collège  Louis-le-Crrand. 

Alexandre,  plein  d'imaginalion  et  de  feu. 

Bergerat,  à  qui  l'on  reprochait  trop  de  calme. 

Bernard,  écrivain  du  cabinet  du  roi.  Il  excellait 
dans  les  portraits  à  la  plume.  Pendant  une  séance 
du  Bureau  académique,  il  fit  à  main  levée  ceux 
du  lieutenant  de  police  Lenoir  et  du  procureur 
du  roi  Moreau.  La  ressemblance,  paraît-il,  était 
frappante. 

Pierre  Adrien  se  signala  surtout  par  des 
travaux  d'une  finesse  extrême. 

Il  eut  pour  rival  en  ce  genre  un  gendarme 
nommé  Vincent.  Celui-ci  mettait  «  le  pater  en 
françois  sur  un  papier  de  la  forme  et  de  la 
grandeur  de  l'ongle,  et  cette  écriture  vue  à  la 
loupe  présentoit  une  netteté  charmante  de  lettres 
égales,  distinctes,  bien  liées,  avec  les  intervalles 
entre  chaque  mot,  les  accents,  les  points  et  les 
virgules  ». 

A  côté  de  ces  importants  personnages,  un 
grand  nombre  de  maîtres,  vêtus  d'un  habit  râpé, 
couraient  le  cachet,  donnant  à  domicile  des 
leçons  d'écriture  et  de  calcul.  Sous  l'Empire, 
quelques-uns  d'entre  eux  commencèrent  à  ouvrir 
des  cours,  «  annoncés,  sous  les  galeries  du 
Palais -Royal  et  ailleurs,  par  des  tableaux 
modèles,  véritables  chef-d'œuvre  d'écriture  *  ». 

La  corporation  des  écrivains  était  placée  sous 
le  patronage  de  saint  Jean  l'Evangéliste,  dont 
elle  célébrait  la  fête  le  6  mai  et  le  27  décembre. 

Voy.  A.rithraéticiens  et  Buissonniers. 

Écrivains  à  la  peau.  Leurs  fonctions 
consistaient  à  «  écrire  seuls,  de  leur  main,  tous 
les  arrêts,  exécutoires,  matricules  d'avocats, 
décrets  et  généralement  toutes  les  autres  expédi- 
tions sur  parchemin  ». 

Henri  111,  au  mois  de  décembre  1577,  avait 
créé  un  écrivain  à  la  peau  auprès  de  «  chaque 
cour  et  juridiction  ».  De  nouvelles  créations 
eurent  lieu  en  1674  et  en  1692. 

Écrivains  publics.  Ils  appartenaient  à  la 
corporation  des  écrivains,  sauf  pourtant  ceux  qui 
étaient  établis  dans  les  salles  du  Palais  et  qui 
partageaient  la  plus  belle  clientèle  avec  ceux 
des  Innocents.  Les  échoppes  de  ces  derniers 
occupaient  le  rez-de-chaussée  des  longues  galeries 
ou  charniers  remplis  d'ossements  qui  entouraient 
la  vieille  nécropole.  Le  poète  Auvray  (1623) 
a  consacré  à  ces  humbles  scribes  une  longue 
pièce  de  vers  que  je  n'ose  reproduire.  Berthod 
(1650)  est  moins  difficile  à  citer.  Il  nous  présente 

1    Vie  publique  et  privée  des  français,  t.  II,  p.  245. 


288 


ÉCRIVAINS  PUBLICS  —  ÉCUELLIERS 


un    garçon    plus   amoureux    que   lettré   et  qui 
s'adresse  ainsi  à  un  écrivain  : 

Monsieur,  je  suis  très  malheureux. 

J'ayme  une  jeune  demoiselle, 

Mais  je  ne  suis  point  connu  d'elle. 

Elle  .se  nomme  Louïson, 

Et  je  seay  fort  bien  sa  maison. 

Il  faut  que  vous  preniez  la  peine 

De  m'escrire  une  lettre,  pleine 

De  beaux  discours,  où  vous  marquiez 

Par  des  vers,  où  vou.s  expliquiez 

Le  jour  que  j'eus  sa  eonnoissance, 

Et  qu'il  n'est  point  dedans  la  France 

D'bomme  plus  amoureux  que  moy  ; 

Que  je  luy  veux  donner  ma  foy. 

Après,  vous  luy  direz  encore 

Que  dans  mon  âme  je  l'adore, 

Que  ses  beaux  yeux  me  font  mourir. 

Vous  sçavez  fort  bien  discourir  : 

Vous  ferez,  s'il  vous  plaist,  le  reste, 

Et  comme  enfin  je  luy  proteste 

Que  je  veux  vivre  désormais 

Son  seiTiteur  à  tout  jamais. 

Et  puis,  sur  le  dessus  d'ioelle. 

Il  faut  melti-e  :  A  Mademoiselle. 

Mademoiselle  Louïson, 

Demeurante  chez  Alizon, 

Justement  au  cinquiesme  estage, 

Près  du  cabaret  de  la  cage. 

Dans  une  chambre  à  deux  châssis, 

Proche  Saint-Pierre  des  Assis  1. 

Sébastien  Mercier,  plus  d'uu  siècle  après, 
nous  dépeint  ainsi  ces  plumitifs  :  «  La  lunette  sur 
le  nez,  la  main  Iremblanle,  el  soufflant  dans  ses 
d(ii}^ls,  le  scribe  donne  son  encre,  son  papier,  sa 
cire  à  aicheter  et  son  stjle  pour  cinq  sols. 
Ces  écrivains  sont  les  dépositaires  des  tendres 
secrets  des  servantes  ;  c'est  par  eux  qu'elles 
font  écrire  leurs  déclarations  ou  leurs  réponses 
amMureuscs.  Elles  parlent  à  l'oreille  du  secrétaire 
pubh'c  ciimnie  à  un  confesseur,  et  la  boîte  où  est 
l'écrivain  <liscret  ressemble  à  un  confessionnal 
tronqué  '  ». 

Les  écrivains  publics  se  chargeaient  aussi  de 
mettre  au  net  les  c  )mptes  des  cuisinières  et, 
parail-il,  les  aidaient  souvent  k  ferrer  la  mule  •^, 
en  srirle  qu'ils  gag'naieiil  bien  leur  vie,  quoiqu'ils 
fussent  iKiinbr^'Ux.  «  Il  n'y  a,  dit  un  ouvrage 
imprimé  en  1779,  presque  point  de  rues  un  peu 
grandes  dit  l'cui  ne  trouve  quelques  petites 
b<>uli(jnes  volantes  ou  échoppes  occupées  par  des 
écrivains  publics  *  ».  Le  travail  le  mieux  rému- 
néré étaient  les  placets  adressés  au  roi  ou  aux 
ministres  ;  on  les  pavait  douze  sous,  «  parce 
qu'il  V  eiitroit  de  la  bAlardc  et  que  le  stjle  en 
éloil  plus  ri'levé  •  . 

Lo  srnr'lairrs  (1rs  Jtinor.ents,  Comme  on  les 
appelai!,  >'enlrelruaient  sans  ces,se  avec  le  sou- 
vi-niin  et  li-N  princes,  <f  on  ne  voit  à  la  cour  que 
leurs  écritures  ».  V.n  HTet,  tous  les  jours  de  la 
semaine  <Mi  pouvait  présenter  des  placets  au  roi. 
«  la  reine  et  ù  la  famille  royale;  il  suffisait  de 
s'adre.vser  au  c^ipiljiine  îles  gardes  en  service.  Le 


«  l.f  hnul  tlyle  de*  xeerrtalres  de  Suinct-Innocent,  dans 
/.->  tillf  dt  Pnri»  en  rerx  burlesques  (KJyO),  édit.  de  1850 
I-    I2rt.  •        \         I 

*  Tttblenu  de  Parut,  t.  I,  p.  '^eii. 
'  N  oy.  r<>  mol. 

*  Hurtout    et    Ma^^nv,    IUctinnnalre   de    Paris     l      1 
I'    707. 


dimanche  matin,  on  dressait  une  petite  table 
dans  l'antichambre  du  roi,  et  tout  le  muiuie  était 
admis  à  j  déposer  des  placets.  Ceux-ci  étaient 
portés  au  roi,  puis  transmis  au  ministre  compé- 
tent. On  abusa,  paraît-il,  de  ces  facilités,  qui 
furent  fort  restreintes  dans  les  dernières  années 
du  dix-huitième  siècle  ^. 

ÉcTlciers.  Fabricants  d'écus  ou  boucliers. 
Jean  de  Garlande,  qui  les  nomme  scutarii^  nous 
apprend  qu'ils  vendaient  des  écus  recouverts  de 
toile,  de  cuir,  de  laiton  ^,  et  ornés  de  lions  et  de 
fleurs  de  lis  ^.  Les  Tailles  de  1292  et  de  1300 
citent  chacune  un  seul  de  ces  industriels. 

L'écu  était  suspendu  au  cou  ou  maintenu  en 
bandoulière  par  une  courroie  appelée  guige. 
L'appareil  intérieur  destiné  à  le  manœuvrer 
portait  le  nom  iVenarmes  et  se  composait  de 
courroies.  La  dimension  du  bouclier  fut  toujours 
en  raison  inverse  de  la  force  de  l'armure.  Immense 
au  douzième  siècle,  il  diminue  à  mesure  que 
l'armure  fie  mailles  se  perfectionne  et  disparaît 
quand  l'armure  de  plates  est  complète.  Toutefois, 
dans  les  corps  à  pied,  les  officiers  portèrent 
un  bouclier  jusqu'à  la  fin  du  seizième  siècle*. 

Les  écuciers  ne  tardèrent  pas  à  se  fondre  dans 
la  corporation  des  armuriers. 

Écuelle  (Archers  de  l').  Voy.  Archers 
des  pauvres. 

Ecuelliers.  Dans  les  statuts  qu'ils  sou- 
mirent, vers  1268,  au  prévôt  Etienne  Buileau  ^, 
les  esqueliers  se  disent  «  venderres  ''  d'esqueles  ' , 
de  lianas  de  fust  ^  et  de  madré  '',  de  auges, 
fourches,  pelés  **•,  beesches  '^,  pesteuz  i^,  et 
toute  autre  fustaille  ».  Le  métier  était  libre  et 
le  nombre  des  apprentis  illimité.  Les  maîtres 
ecuelliers  se  rachetaient  du  service  du  guet 
Ijourgeois  en  fournissant  chacun  et  chaque  année 
sept  auges  de  deux  pieds  de  long  deolinées  au 
cellier  royal  :  «  Et  de  ce  que  ils  sont  quite  du 
gueil,  doivent  chascuns,  chascun  an,  au  Ro)' 
vu  auges  pour  son  celier,  c'est  à  savoir  auges  de 
II  piez  de  lonc  ». 

La  Taille  de  1292  cite  neuf  esciieliers,  celle 
de  1300  en  mentionne  trois  seulement. 

On  les  trouve  encore  nommés  escueilliers, 
escuilliers,  esquelliers,  esculiers,  etc. 

A  dater  du  quatorzième  siècle,  on  perd  la 
trace  des  ecuelliers,  ([ue  nous  retrouverons  sous 
le  nom  de  tourneurs. 

Ecuelliers.  Marchands  ambulants  de 
faïences  o"rossières. 


'  Scb.  Mercier,  ut  supra. 

-  ((  Vendunt  militibus  scuta  tela  tecta,  corio  et   ori- 
calco,  leonibus  i-t  foliis  lilicirum  depicla  ». 
3  Voy.  ci-dessus  l'article  Armoyeurs. 

*  Voy.  les  gravures  de  Tortorel  et  Périssin 
î»  Livre  des  métiers,  titre  XLIX. 

<•  V'endeurs. 
"  D'écuelles. 

*  De  hanaps  de  bois. 

'•'  ^ov.  l'art.  Madreliniers. 

">  Pelles. 

'<    IkVhes. 

'^  Pilons,  battoirs. 


ÉCUREURS  —  ÉCUYERS  CAVALCADOURS 


280 


Écureurs.  NO.v  Cureurs. 

Écurie  du  roi  (Personnel  de  l'i.  Le 
grand  écujer  de  France  pourvo^^iil  à  toutes  les 
places  vacantes  dans  la  grande  et  dans  la  petite 
écurie  royale.  «  A  la  mort  des  rois,  tous  les 
chevaux  de  l'écurie  et  du  haras,  les  harnois  et 
les  meubles  appartiennent  au  grand  écuyer  ». 

Grande  écurie. 

1  premier  écuyer. 
3  écujers  ordinaires. 
5  écuyers  de  cérémonie. 

3  écuyers  cavalcadours. 
47  pages. 

1  gouverneur  des  pages. 

2  sous-gouverneurs. 

I  précepteur  ordinaire. 

1  aumônier  ordinaire. 

1  argentier. 

1  généalogiste. 

1  maître  de  mathématiques. 

1  maître  en  fait  d'armes. 

1  maître  pour  les  exercices  de  guerre. 

1  maître  pour  la  danse. 

1  maître  à  dessiner. 

1  maître  à  écrire. 

1  maître  à  voltiger. 

4  premiers  valets. 

2  cuisiniers. 
1  sommelier. 

1  aide  de  sommelerie. 

1  lavandier. 

42  grands  valets  de  pied  ou  laquais. 
4  fourriers. 
4  palefreniers. 
4  maréchaux  de  forge. 

2  médecins. 

4  chirurgiens. 

2  apothicaires. 

l  garde-malades. 

1  garde-meubles. 

1  écuyer  ambleur. 

1  lavandier. 

1  portier. 

1  conducteur  du  chariot. 

1  arroseur  du  manège. 

2  drapiers. 

2  passementiers. 

2  merciers. 

6  tailleurs. 

2  selliers-carrossiers. 

2  éperonniers.  ^ 

1  charron. 

1  bourrelier. 

1  cordonnier. 

1  brodeur. 

l  menuisier. 

1  intendant-contrôleur. 

1  trésorier. 

1  argentier. 
12  chevaucheurs  ou  courriers  du  cabinet. 

1  roi  d'armes  de  France. 

1  premier  héraut  d'armes. 
10  hérauts  d'armes. 

2  poursuivans  d'armes. 


3 
2 
2 
12 
12 
() 
8 
ô 

1 
l 
l 


porle-épée. 

porte-mauteaux. 

porte-cabans. 

trompettes. 

hautbois. 

musettes. 

fifres  et  tambourins. 

cromornes  et  trompettes  marines. 

courtier  des  écuries. 

lancier. 

concier":e. 


Petite  écurie. 

1  premier  écuyer. 

4  écuyers  ordinaires. 
20  écuyers. 
2(i  pages. 

1  gouverneur  des  pages. 

l  précepteur. 

1  aumônier, 

4  premiers  valets. 

1  argentier. 

1  trésorier  des  menus. 

2  médecins. 

4  chirurgiens. 

1  apothicaire. 

1  ambleur. 

1  garde-meubles. 

1  porte-cabans. 

1  maître,de  mathématiques. 

1  maître  pour  dessiner. 

1  maître  pour  le  blason  et  l'écriture. 

1  maître  en  fait  d'armes. 

1  maître  à  danser. 

1  maître  à  voltiger. 

1  maître  pour  la  pique  et  le  mousquet. 
4  fourriers. 

2  cuisiniers. 
1  sommelier. 
1  lavandier. 

24  valets  de  pied . 

4  maréchaux. 
14  palefreniers. 

6  cochers. 

1  postillon. 

1  concierge. 

Soit  en  tout  environ  400  personnes  *. 

Écuyer  de  France  (Grand).  Il  posséda 
certains  droits  sur  la  corporation  des  armuriers-. 
Voy.  Maître  des  armuriers. 

Écuyers  académistes.^  Voy.  Acadé- 
mistes. 

Écuyers   cavalcadours.    Officiers   qui 

prenaient  soin  des  chevaux  et  des  équipages  d'un 
prince.  Le  roi  avait  trois  écuyers  cavalcadours, 
et  ils  appartenaient  au  service  de  la  grande  écurie. 
Voy.  Éîcurie  du  roi. 


•  Ktiit  dr  la  France  pour  17 36,  t.  II,  p.  196.  —  Voir 
pour  les  années  antérieures,  l'Etat  de  1687 ,  t  I,  p.  251, 
et  VÊtat  de  1712,  t.  I,  p.  546. 

-  Voy.  aus.si  l'art,  précédent. 


19 


290 


ÉCUYERS  [)K  CHAMBRE  —  ÉCUYERS  DK  MAISON 


Écuyers  de  chambre.  Voy.  Valets  de 
chambre. 

Écuyers  de  cirque.  L'art  de  dresser  des 
chevaux,  de  les  monter  avec  adresse  est  fort 
ancien.  Les  jeunes  f^enlilshommes  apprenaient, 
d'adleurs,  dans  les  académies,  à  faire  des  sauts, 
des  cabrioles,  des  courbettes,  etc.  Les  représen- 
tations publiques  d'exercices  équestres  ne 
paraissent  guère  remonter  avant  le  seizième 
siècle.  Lestoile  mentionne  une  sorte  de  cirque  en 
plein  air  installé  par  un  bateleur  près  de  la  porte 
de  Nesle  '.  Mais  le  vrai  fondateur  de  ces 
spectacles  est  un  écujer  anglais  nommé  Hjam, 
qui  s'établit  d'abord  au  Colysée,  puis,  vers  1775, 
sur  le  boulevard  du  Temple  ;  les  tours  de  force 
qu'il  exécutait  à  cheval  ne  diffèrent  guère  de 
ceux  dont  nos  cirques  actuels  nous  offrent  le 
spectacle. 

Vers  1780,  Aslhlej,  autre  anglais,  ouvrit  dans 
le  faubourg  du  Temple  une  salle  où  se  succédaient 
des  exercices  fort  variés.  On  y  admirait  «  le 
cheval  qui  rapporte,  le  cheval  qui  s'assied  comme 
un  chien,  le  combat  du  tailleur  anglais  et  de  son 
cheval,  et  aussi  une  petite  iille  de  quarante  mois 
qui  touchait  du  forte  piano  ».  L'année  suivante, 
.\slhlev  s'associait  avec  le  vénitien  Antonio 
Kranconi.  chef  d'une  famille-  devenue  célèbre 
dans  l'art  hippique.  Tous  ses  membres  étaient 
écuvers  ou  écuyères,  et  un  Guide  de  1807  nous 
apprend  que  «  Madame  Franconi  danse  sur 
des  chevaux  avec  beaucoup  de  grâce.  Chacun 
admire  le  (theval  savant,  qui  se  couche,  fait  le 
mort,  ramasse  un  fouet,  un  mouchoir.  Il  y  a 
autant  de  différence  entre  un  cheval  dressé  par 
Franconi  et  un  cheval  qui  n'a  que  son  instinct 
naturel,  qu'il  y  a  entre  un  homme  élevé  à  la 
(Iiiurel  un  |)ays;in  qui  n'est  jamais  sorti  de  son 
village  *  ». 

Antonio  Franconi  mourut  en  1830,  à  l'âge  de 
98  ans. 

Vny.  Académistes. 

Ecuyers  de  cuisine.  Domestiques  dans 
la  maison  d'un  grand  seigneur,  lueurs  fonctions 
•'«•ni  ainsi  résumées  au  dix-septième  siècle  par  le 
clu'f  d'oflice  Aufliger  :  «  Une  des  principales 
qualités  d'un  écuyer  de  cuisine  est  la  propreté, 
pour  cet  cll'cl  il  duil  le  malin,  en  entrant  dans  la 
cuisine,  voir  f|ue  tout  y  soit  en  bon  ordre,  et  ses 
ialdi's  rt  Miii  garde-manger  bien  propres  et  bien 
neil.iyés.  iWh  fait,  il  rloit  mettre  son  pot-au-feu, 
«l  disposer  SCS  viandes,  au\(|uelles  il  faut  (|u'il 
so  rnnnnisse  f)arfailement  bien,  ainsi  qn'à  les 
Mivoir  deguisiT  jin  ^où(,  du  seigneur. 

Il  est  ••ncore  d.-  sa  charge  de  savoir  bien  faire 
In  pAlisserie  froid»;  et  chaude,  comme  aussi  toutes 
sortes  de  rag(.Ats  .-l  eidremels  chauds  et  froids, 
el  de  prendre  garde  à  ne  point  faire  de  dégât  des 
choses  qui  lui  sont  mises  entre  les  mains.. "ï* 

11  doit  encore  savoir  bien  commander  et  se 
fnirc  obéir  par  les  aides  et  garçons,  bien  conserver 


•  JonrHiii  ,l(  llrnri  III.  nofti    l.^^a. 

>  iViulhoram-,  Miroir  dt  l'ancien  et  du  nouveau  Paris 


et  ménager  le  bois  el  le  charbon,  bien  employer 
le  lard,  bien  déguiser  toutes  sortes  de  poissons, 
œufs  et  légumes,  et  avoir  soin  de  tenir  toujours 
son  dîner  et  souper  prêts  aux  heures  qui  lui  sont 
prescrites  par  le  seigneur  ou  son  maître  d'hôtel, 
et  en  tout  bien  exécuter  leurs  ordres  el  rendre 
bon  compte  de  tout  ce  qui  lui  est  mis  entre  les 
mains...  ^  ». 

Écuyers  de  maison.  «  La  charge  d'écuyer 
tient  encore  le  haut  rang-  parmi  les  domestiques 
les  plus  considérés  d'un  grand  seigneur. 

Elle  regarde  le  soin  de  commander  à  tous  les 
gens  de  livrée,  et  pour  cela  il  doit  être  fort  dili- 
gent et  ponctuel  à  se  lever  matin  pour  faire  lever 
les  cochers  el  palefreniers,  et  leur  bien  faire 
panser  les  chevaux,  enlever  la  litière,  nettoyer 
l'écurie,  envoyer  les  chevaux  à  l'eau,  voir  lui- 
même  si  les  pieds  sont  en  bon  état  et  s'il  n'y 
manque  rien  ;  donner  ordre  de  leur  laisser 
manger  un  peu  de  foin  quand  ils  sont  revenus  de 
la  rivière,  avant  que  de  leur  donner  l'avoine, 
laquelle  avoine  il  leur  fera  donner  en  sa  présence, 
après  avoir  été  bien  vannée  et  nettoyée  de  toutes 
sortes  d'ordures  ;  prendre  garde  s'ils  la  mangent 
bien  et  s'il  n'y  en  a  point  de  dégoûtés  ;  ordonner 
qu'on  fasse  les  crins  à  ceux  qui  en  ont  besoin  ; 
voir  si  le  foin  est  bon  el  la  paille  saine  el  d'aucune 
mauvaise  odeur... 

Il  doit  se  connaître  en  chevaux,  les  savoir 
monter  et  dresser,  el  ne  pas  manquer  de  leur 
donner  deux  coups  d'étrillé  avant  que  de  les 
mener  à  l'eau  le  soir... 

Il  est  encore  de  son  ministère  de  prendre 
garde  que  les  cochers,  postillons  el  palefreniers 
ne  soient  ivrognes,  el  qu'ils  ne  vendent  le  foin 
ni  l'avoine... 

Il  faut  pareillement  que  l'écuyer  ait  soin  de 
bien  morigéner  les  pages  et  les  laqiuùs,  ne  point 
souffrir  qu'ils  jurent  ni  qu'ils  disent  aucune 
parole  déshonnête  ;  leur  faire  faire  le  devoir  de 
chrétien  le  malin  el  le  soir  ;  les  faire  tenir  bien 
propres  el  bien  peignés  pour  faire  honneur  au 
seigneur  ;  réprimer  leurs  insolences,  les  châtier 
quand  ils  y  tombent,  renvoyer  les  incorrigibles  el 
les  dépravés  ;  en  un  mol  l'écuyer  est  le  précepteur 
et  le  gouverneur  des  gens  de  livrée  ^  ». 

Chez  une  dame  de  t[ualité  comme  chez  un 
grand  seigneur,  «  la  charge  de  l'écuyer  consiste 
en  la  direclion  de  l'équipage  el  gens  de  livrée 
de  la  ilanie.  Il  l'accompagne  à  la  messe,  aux 
visites,  à  la  promenade,  et  doit  toujours  être  à 
ses  côtés  pour  recevoir  et  faire  exécuter  ses 
ordres;  pour  recevoir  les  visites  qu'on  lui  vient 
rendre  ;  pour  complimenter  de  sa  part  ;  lui 
donner  la  main  partout  où  elle  va  ;  donner  la 
main,  conduire  et  reconduire  ceux  qui  viennent 
la  voir.  Il  faut  aussi  qu'il  ait  soin  que  les  gens 
de  livrée  soient  toujours  bien  propres  et  lestes, 
son  carrosse  bien  net  et  bien  entretenu,  ses 
chevaux  bien  pansés,  el  prendre  garde  que  tous 
ses  gens  soient  bien  disciplinés...  -^  ». 

1  La  maison  réglée  (1692),  liv.  I,  chap.  5. 

2  Audigcr,  La  maison  réglée  (1692),  liv.  I,  chaji. 
•'  Audiffer,  La  maison  réglée,  liv.  II,  chap.  2. 


ECUYERS  1)1'  HOl 


KDIT  1)1<;  M  VHS  \m\ 


201 


Écuyers  du  roi.  Ils  vendaient  le  métier 
de  savetier. 

Voy.  Maître  des  savetiers. 

Édit  de  mars  1673  '.  Cet  édit,  rendn  par 
Colbert,  déclara  constitués  en  corporation  tous 
les  méliers  j'estés  jusque-là  indépendants.  La 
guerre  allait  reprendre  en  Hollande,  et  il  fallait 
trouver  de  l'arg'ent.  L'édit  était  donc  purement 
bursal,  et  (^oll)ert,  dans  sa  correspondance  avec 
les  intendants,  ne  cherche  pas  à  le  dissimuler  ^. 

Le  tableau  suivant,  que  j'ai  copié  dans  les 
manuscrits  Delamarre,  montre  avec  quel  soin  on 
rechercha  alors  toutes  les  professions  susceptibles 
d'être  imposées. 

Arts  et  mktiers  a  établir 

ex  communauté 

suivant  l'édit   du  mois  de   mars    1673  ^ 


Arcliitectos-entropreneurs 

Marctiands  de  bois  à  bâtir 

Marchands  de  bois  à  brûler  . .  . 

Maîtres  des  petites  écoles 

Marchands  de  vins  en  gros. .  .  . 
Marchands  de  vins  d'Espagne  . 
Marchands  d'eau-de-vie  en  gros. 

Marchands  de  bled 

Marchands  de  chevaux 

Marchands  de  cendre  et  de  soute^ 

Marchands  de  charbon 

Marchands  beurriers  en  gros  .  . 

Marchands  de  saline 

Marchands  de  toile  cirée 

tracteurs  et  commissionnaires. . 

I^'acteurs  aux  places 

Sculpteurs 

Faiseurs  de  brayers  et  bandages. 

Brasseurs  de  bière 

Grandes  auberges 

Chambres  garnies 

Loueurs  de  carrosses 

Jeux  de  boules  et  billards 

Marchands  bouchers 

Marchands  ciriers 

Vendeurs  de  faux  diamans  .... 

Fouleurs  de  draps 

Graveurs 

Limonadiers  î» 

Couturières 

Bouquetières 

Empezeurs  6 

Enlumineurs 

Meuniers  à  vent 

Meuniers  à  eau 

Plâtriers 

Maîtres  des  basses  œuvres  .  . .  . 
Tripiers 


Plusieurs    de    ces   métiers   conservèrent   leur 
indépendance,  mais  d'autres  obéirent,  soit  que 


1  Dans  Isambert,  Anciennes  lois  françaises,  t .  XIX.  p .  0 1 . 

2  \ov.    Lettres,    instructions    et    mémoires  de  Colbert. 
t.   IL  p.  324  et  328. 

3  Bibliothèque  nationale,  manuscrits,    fonds   français, 
n"  21,791,  f»  70.' 

*  De  soude,  pour  les  lessives. 

»  Il  y  a  dans  le  texte  Limonnadiers . 

^  Faiseurs  d'empois. 


Nombre 

Taxe 

Produit 

des 

eu 

en 

inaître> 

livros 

livres 

60 

500 

30 . 000 

60 

800 

48.000 

80 

800 

64.000 

100 

30 

3.000 

20 

500 

10.000 

50 

100 

5 .  000 

20 

500 

10.000 

60 

600 

36 . 000 

60 

150 

9.000 

40 

300 

12.000 

30 

300 

9.000 

60 

60 

3.600 

60 

200 

12.000 

20 

100 

2.000 

200 

1.50 

30.000 

50 

100 

5.000 

60 

100 

G.  000 

40 

100 

4.000 

80 

100 

8.000 

200 

50 

10.000 

300 

20 

6.000 

150 

20 

3 .  000 

100 

30 

3.000 

200 

30 

6.000 

150 

40 

6.000 

30 

100 

3.000 

100 

20 

2.000 

200 

100 

20 . 000 

60 

300 

18.000 

3 .  000 

30 

90.000 

200 

30 

6.000 

200 

25 

5 .  000 

100 

100 

10.000 

200 

20 

4.000 

30 

100 

3.000 

50 

100 

5.000 

50 

200 

10.000 

300 

20 

6.000 

Ton  ait  réussi  à  les  y  contraindre,  soit  qu'ils  aient 
eu  intérêt  à  se  constituer  en  communauté.  Somme 
toute,  le  nombre  de  celles-ci,   qui  était  de  60 
environ  en  167"2.  s'élevait  à  83  en  1675. 
V(iy.  Corporations. 

Édit  de  mars  1691.  Il  a  p.jur  liln-  :  Édit 

du  roi^  portant  créuthn  de  jures  dans  chaque-  corps 
d^arts  et  métiers  de  toutes  les  rifles  et  Ijourfjs  clos 
du  royuurae  où  il  y  a  jurande  ;  fixation  du  droit 
qui  sera  paye'  au  fermier  dti  Domaine  par  chaque 
asinrant  avant  sa  réception  à  la  maîtrise  et  du 
droit  de  visite  qui  sera  perçu  par  lesdits  jurés. 
Le  roi  né  dissimule  pas  que  son  intention  est 
d'obtenir  du  commerce  <-<  quelques  secours  pour 
soutenir  les  dépenses  de  la  p;uerre,  et  maintenir 
les  avantag'es  dont  Dieu  avait  jusques  à  présent 
béni  la  jtistice  de  ses  arines  '  ».  En  conséquence, 
il  enlevait  aux  corporations  le  droit  d'élire  leurs 
jurés,  et  substituait  à  ceux-ci  des  jurés  choisis  par 
lui,  auxquels  il  ven(hut  leurs  charnues  déclarées 
héréditaires.  Bien  entendu,  il  était  loisi])le  aux 
communautés  de  racheter  ces  offices  et  de  revenir 
à  leur  précédente  orf^anisation.  De  plus,  les 
métiers  devaient  être  divisés  en  quatre  classes, 
déterminées  par  l'importance  de  chacun  d'eux. 
Dans  la  première  classe,  tout  nouveau  maître 
était  tenu  de  payer  au  roi  une  somme  de  quarante 
livres  ;  ce  droit  s'élevait  à  trente  livres  dans  la 
sec  )nde  classe,  à  ving't  livres  dans  la  tniisième, 
et  à  dix  livres  dans  la  quatrième.  Le  droit  de 
visite  dii  aux  jurés  était,  suivant  les  classes,  de 
1  liv.  10  s.,  de  20  sols,  de  10  sols,  de  5  sols. 
L'arrêt  classe  ainsi  les  communautés  : 

Première  classe. 


Apothicaires-Epiciers. 

Bonnetiers. 

Drapiers. 

Merciers. 

Orfèvres. 

Pelletiers-Fourreurs  ^ . 

Affineurs. 


Chapeliers. 

Charpentiers. 

Libraires. 

Marchands  de  vin. 

Maçons. 

Maîtres  en  fait  d'armes. 

Paveurs. 


Batteurs  d'or  et  d'argent.  Peintres-Scidpteurs. 
Bouchers.  Tireurs  d'or  et  d'argent. 

Barbiers  et  Perruquiers.  Tapissiers. 


Boulangers. 

Barsseurs. 

Chirurgiens. 


Armuriers. 
Boulangers    de 

bourgs. 
Bourreliers. 
Corroyeurs. 
Ceinturiers. 
Chaircuitiers. 
Charrons. 
Chandeliers. 
Cartiers. 
Chaudronniers. 


Teinturiers. 
Tanneurs. 

Deuxième  classe. 

Couvreurs. 
■;    faux-  Écrivains. 

Fourbisseurs. 

Fondeurs. 

Fripiers. 

(xantiers. 

Horlogers. 

Lingères. 

Lapidaires. 

Limonadiers. 

Maréchaux. 


1  Préambule  de  l'édit. 

2  On  voit  que  les  Six-Corps  sont  placés  en  tête  de   la 
liste. 


292 


ÉDIT  DE  MARS  1692  —  ÉDITS  DE  1776 


Menuisiers.  Plombiers. 

Ouvriers  en  drap  d'or.  Poissonniers. 

Ou\Tiers  en  bas  de  soie.  Rôtisseurs. 

Plumassiers.  Selliers. 

Pâtissiers.  Serruriers. 

Potiers  d'étain.  Teinturiers  en  lame. 

Peaussiers.  Tonneliers. 

Parcheminiers.  Verriers-Fayenciers. 

Panlmif-rs.  Vinaigriers. 

Troisième  classe. 

Arquebusiers,  Gainiers. 

Balanciers.  Grenetiers. 

Boisseliers.  .loueurs  d'insti'umens. 

Boursiers.  .lanliniers. 

Crieurs  de  fers.  Mimilicrs-Lunetiers. 

C(ir(li»nniers.  Méj^-issiers. 

(yjiitt'liers.  Pain  (Tépiciers. 

Couturières.  i'olit-rs  do  terre. 

Coiïreliers.  IVio-niers-Tabletiers. 

Cuisiniers.  Sages- femmes. 

Doreurs.  Tailleurs. 

Kventaillistes.  Taillandiers. 

Éperonniers.  Teinturiersdu petit  teint. 
Faiseurs  d'instrumens.    Tondeurs. 

Fruitiers-Orangers.  Tourneurs. 

Foulons.  Vanniers. 

(iravpurs.  Vitriers. 

Quatrième  classe. 
.AigiiiUiers.  Faiseurs    de     cordes    à 

Bateliers  passeurs  d'eau,      boyau. 
Bouquetières.  Layetiers. 

Jioutonniers.  Nalliers. 

Brodeurs.  Oiseliers. 

(]haînetiers.  Patenôiriers  en  bois   et 

(]louliers.  corne, 

(iardenrs.  Palenôlriers  en  jaj,  etc. 

Cordiers-Criniers.  Pécheurs  à  verge, 

pécoiippurs.  P(^cheurs  à  engins. 

l'][>inglitTs.  Papetiers. 

l"]moulenr>  de  grandes  Rnbaniers. 

forces.  Sîivetiers. 

Filassiers-Liniers.  Tisserans. 

Ferreurs  d'êguilletles.     Vergeliers. 

Vuidangeurs  •. 

Viiy.  Corporations. 

Editde  Nantes  (Rkvocation  dk  i,').  Elle 
fut  signée  le  1 8  octobre  1685,  et  enregistrée  le 
22.  S«'s  conséquences  pour  l'indusiric  et  le  com- 
inerre  furent  déwistreuses.  On  s'aperçut  alors 
qu'une  foidi-  d'iirlisans  et  la  presque  totalité  des 
(•lia[»»'!iers  et  des  horlogers  étaient  hérétiques. 
Prcsqiu-  tous  aimèrent  mieux  abandonner  leur 
pairie  (pie  leur  relijrion,  r't  ils  émigrèrenl.  Sur 
\\yX.\  familles  huguenoles  établies  ù  Paris.  1202 
parlirenl  *,  et  l'exemple  fui  suivi  dans  lout  le 
niyaumo.  Trompant  la  surveilhince  eUd)lie  sur 
les  fronlii'res,  .SO.OOO  familles,  représentant  près 
de  400.000  émigranf.s,  passi-ienl  ù  l'étranger. 
70.()(>0  industriels  françflis  s'établirent  en  Angle- 


'  Tous  1rs  noms  rites  ici  fîpunni  finns  (•-•  vniiimr. 
*  Noy    Ch.    \V.Ms.s,    Hiftoire   <les   n^fuoiês   urolestniits 
t    ll.p.  392.  '  •'       / 


terre,  et  contribuèrent  à  sa  prospérité  autant  que 
le  génie  de  Cromwell.  La  Prusse  fut  défrichée, 
Berlin  prit  l'aspect  d'une  ville.  La  Hollande 
devint  à  demi  française,  par  la  langue  et  par 
l'esprit.  En  1685,  (lenève  et  ses  environs  ne 
comptaient  guère  que  400  maîtres  et  ouvriers 
horlogers  :  cent  après,  il  y  en  avait  6.000  dans 
la  ville  seule.  Vingt  ans  après  la  révocation  de 
l'édil  de  Nantes,  non  seulement  aucune  contrée 
de  l'Europe  n'eût  accepté  de  nous  un  tourne- 
broche,  mais  même  pour  la  consommation  inté- 
rieure, nous  ne  pouvions  établir  une  montre  sans 
faire  venir  quelque  pièce  de  Londres  ou  de 
Genève.  Je  puise  ce  renseignement  dans  le  Mer- 
cure franrois^,  un  recueil  à  peu  près  officiel, 
puisque  le  directeur  était  nommé  par  le  roi.  Il 
resta  en  France  si  peu  de  bons  chapeliers,  dit 
M.  Rêver,  que  le  secret  de  la  fabrication  des 
chapeaux  fins  s'y  perdit,  et  il  fallut  qu'un 
huguenot  émigré,  nommé  Mathieu,  le  rapportât 
d'Angleterre  ^. 

Bien  d'autres  corps  d'état  eurent  le  même 
sort.  Les  florissantes  papeteries  de  l'Auvergne  et 
de  la  Normandie  allèrent  fonder  la  prospérité  des 
papeteries  anglaises.  Celles  de  l'Angoumois,  où 
les  imprimeurs  hollandais  se  fournissaient  depuis 
les  Elzevirs,  se  transportèrent  en  Hollande  et 
leurs  procédés  de  fabrication  furent  perdus  pour 
la  France  ^ 

Tout  cela  n'empêche  pas  qu'en  1727,  les  écri- 
vains demandent  encore  au  candidat  à  la  maîtrise 
d'établir  sa  qualité  de  catholique  «  par  son  extrait 
baptistaire  et  un  certificat  de  deux  notables 
bourgeois  *  ». 

Voy.  Maîtrises  (Vente  de). 

Edit  de  décembre  1581.  Voy.  Corpo- 
rations. 

Edits.  Voy.  Ordonnances. 

ÉditS  de  1776.  Tnrgot  fut  nommé  con- 
trôleur général  des  finances  en  1774.  La 
suppression  des  communautés  ouvrières  était 
une  des  réformes  urgentes  qu'il  s'était  promis 
d'opérer.  Il  parvint  ù  obtenir  le  consentement  du 
roi,  et  au  mois  de  février  1776  parut  un  édit  qui 
proclamait  la  liberté  absolue  du  travail. 

Sous  la  condition  de  se  soumettre  aux  règle- 
ments de  police  dont  aucun  citoyen  ne  saurait 
èlre  allranchi,  chacun  pouvait  désormais  s'établir 
où  et  comme  il  l'entendait,  avoir  autant 
d'apprentis  qu'il  le  jugeait  convenable,  régler  à 
sa  volonté  les  condi lions  de  l'apprentissage,  etc., 
etc.  Donc,  plus  de  chef-d^ œuvre ,  plus  de  confrérie, 
plus  de  visites  faites  par  les  jurés,  plus  de  statuts. 
Il  n"y  avait  d'exception  que  pour  les  barbiers, 
dont  l'Etal  s'engageait  à  rembourser  bientôt  les 
offices,  pour  les  apothicaires,  les  orfèvres,   les 


'   N";  «le  janvin-  1719,    |..   111  ri  suiv. 
I/istoire   de   la    colonie  friuniiise   en   Prusse,   Irait,  en 
francni.s  par  I>h.  Corbière,  p.  257. 

■'  \  "V.  Histoire  de  l'acndémie  des  sciences,    an.    1774, 
n«  04. 

'  ?^latuts,  arl.  1.  —  Cet  article  nexi.ste  plu.s  dan.s  les 
statuts  de  1779. 


EDITS  DE  1776 


293 


imprimeurs  el  les  libraires,  qui  clevait'iit  être 
soumis  à  des  règ'les  particulières. 

Tiirg'ot  ne  se  dissimulait  pas  les  orages  qu'il 
allait  (lécliaîner.  Il  avait,  dit-on,  employé  plus 
de  lieux  mois  à  rédif^er  le  préambule  de  cet  édit, 
où  sont  rléveloppées  des  idées  bien  surprenantes 
alors  chez  un  ministre,  et  dont  la  Révolution 
devait  seule  assurer  le  triomphe.  Voici  ce  que 
Turn^'ot  faisait  dire  au  roi  :  «  Nous  devons  à  tous 
nos  sujets  de  leur  assurer  la  jouissance  pleine  et 
entière  de  leurs  droits.  Nous  devons  surtout  cette 
protection  à  cette  classe  d'hommes  qui,  n'ayant 
de  propriété  que  leur  travail  et  leur  industrie, 
ont  d'autant  plus  le  besoin  et  le  droit  d'employer 
dans  toute  leur  étendue  les  seules  ressources  qu'ils 
aient  pour  subsister. 

«  Nous  avons  vu  avec  peine  les  atteintes 
multipliées  qu'ont  données  à  ce  droit  naturel  el 
commun,  des  institutions,  anciennes  à  la  vérité, 
mais  que  ni  le  temps,  ni  l'opinion,  ni  les  actes 
même  émanés  de  l'autorité  qui  semble  les  avoir 
consacrées,  n'ont  pu  légitimer  ». 

Après  cet  exposé  de  principes  dont  purent 
s'inspirer,  treize  ans  plus  tard,  les  rédacteurs  de 
la  Déclaration  des  droits  de  l'homme,  le  roi 
instruit  le  procès  des  corporations,  et  il  ne  les 
ménage  pas,  comme  on  va  le  voir  : 

«  Dans  presque  toutes  les  villes  de  notre 
ro^^aume,  l'exercice  des  différens  ai'ls  et  métiers 
est  concentré  entre  les  mains  d'un  petit  nombre 
de  maîtres  réunis  en  communautés,  qui  peuvent 
seuls,  à  l'exclusion  de  tous  les  autres  citoyens, 
fabriquer  ou  vendre  les  objets  du  commerce  parti- 
culier dont  ils  ont  le  privilège  exclusif;  en  sorte 
que  ceux  de  nos  sujets  qui,  par  goût  ou  par 
nécessité,  se  destinent  à  l'exercice  des  arts  et 
métiers  ne  peuvent  y  parvenir  qu'en  acquérant 
la  maîtrise,  à  laquelle  ils  ne  sont  reçus  qu'après 
des  épreuves  aussi  longues  et  aussi  nuisibles  que 
superflues,  et  après  avoir  satisfait  à  des  droits  et 
à  des  exactions  multipliées,  par  lesquelles  une 
partie  des  fonds  dont  ils  auroient  eu  besoin  pour 
monter  leur  commerce  ou  leur  atelier,  ou  même 
pour  subsister,  se  trouve  consommée  en  pure 
perte.  Ceux  dont  la  fortune  ne  peut  suffire  à  ces 
pertes  sont  réduits  à  n'avoir  qu'une  subsistance 
précaire  sous  l'empire  des  maîtres,  à  languir 
dans  l'indigence,  ou  à  porter  hors  de  leur  patrie 
une  industrie  qu'ils  auroient  pu  rendre  utile  à 
l'État.... 

«  Les  communautés  une  fois  formées,  rédigèrent 
des  statuts,  et  sous  difTérens  prétextes  du  bien 
public,  les  firent  autoriser  par  la  police. 

«  La  base  de  ces  statuts  est  d'abord  d'exclure 
du  droit  d'exercer  le  métier  quiconque  n'est  pas 
membre  de  la  communauté  ;  leur  esprit  général 
est  de  restreindre  le  plus  qu'il  est  possible  le 
nombre  des  maîtres,  de  rendre  l'acquisition  de 
la  maîtrise  presque  insui-montable  pour  tout 
autre  que  pour  les  enfans  des  maîtres  actuels. 
C'est  à  ce  but  que  sont  dirigées  la  multiplicité 
des  frais  et  des  formalités  de  réception,  les  diffi- 
cultés du  chef-d'œuvre,  toujours  jugé  arbitrai- 
rement, surtout  la  cherté  et  la  longueur  des 
apprentissages,    et    la    servitude    prolongée    du 


compagnonnage,  institutions  qui  ont  encore 
l'objet  de  faire  jouir  les  maîtres  gratuitement, 
pendant  plusieurs  années,  du  travail  des  aspirans.. 

«  Ceux  qui  emploient  dans  un  commerce  leurs 
capitaux  ont  le  plus  grand  intérêt  à  ne  confier 
leurs  matières  qu'à  de  bons  ouvriers,  et  l'on  ne 
doit  pas  craindre  qu'ils  en  prennent  au  hasard  de 
mauvais,  qui  gàteroieni  la  marchandise  et  rebu- 
teroient  les  acheteurs.  On  doit  présumer  aussi 
que  les  maîtres  ne  mettront  pas  leur  fortune  dans 
un  commerce  qu'ils  ne  connoîtroient  point  assez 
pour  être  en  état  de  choisir  de  bons  ouvriers  et 
de  surveiller  leur  travail.  Nous  ne  craindrons 
donc  point  que  la  suppression  des  apprentissages, 
des  compagnonnages  et  des  chefs-d'œuvre 
expose  le  public  à  être  mal  servi.  Nous  ne 
craindrons  pas  non  plus  que  l'affluence  subite 
d'une  multitude  d'ouvriers  nouveaux  ruine  les 
anciens  et  occasionne  au  commerce  une  secousse 
dangereuse. 

«  Dans  les  lieux  où  le  commerce  est  le  plus 
libre,  le  nombre  des  marchands  et  des  ouvriers 
de  tout  genre  est  toujours  limité  et  nécessai- 
rement proportionné  aux  besoins,  c'est-à-dire  à 
la  consommation.  Il  ne  passera  point  cette 
proportion  dans  les  lieux  où  la  liberté  sera 
rendue  :  aucun  nouveau  maître  ne  voudroit 
risquer  sa  fortune  en  sacrifiant  ses  capitaux  à 
un  établissement  dont  le  succès  pourroit  être 
douteux,  et  où  il  auroit  à  craindre  la  concur- 
rence de  tous  les  maîtres  actuellement  établis,  et 
jouissant  de  l'avantage  d'un  commerce  monté  et 
achalandé  ». 

Tout  cela  avait  été  dit  vingt  fois  déjà,  mais 
par  des  faiseurs  de  libelles,  par  des  économistes, 
gens  que  l'on  considérait  à  peu  près  comme  des 
factieux.  Cette  fois,  le  roi  lui-même  se  faisait 
leur  complice.  Et  aucun  d'eux  n'avait  exprimé 
des  pensées  plus  hardies  que  celles  qui  motivent 
l'arrêt  prononcé  par  la  royauté  contre  une  insti- 
tution qu'elle  n'avait  jusque-là  cessé  de  protéger. 

«  Dieu  en  donnant  à  l'homme  des  besoins,  en 
lui  rendant  nécessaire  la  ressource  du  travail,  a 
fait  du  droit  de  travailler  la  propriété  de  tout 
homme,  et  cette  propriété  est  la  première,  la 
plus  sacrée  et  la  plu^  imprescriptible  de  toutes. 

«  Nous  regardons  comme  un  des  premiers 
devoirs  de  notre  justice  et  comme  un  des  actes 
les  plus  dignes  de  notre  bienfaisance,  d'aflranchir 
nos  sujets  de  toutes  les  atteintes  portées  à  ce 
droit  inaliénable  de  l'humanité.  Nous  voulons  en 
conséquence  abroger  ces  institutions  arbitraires, 
qui  ne  permettent  pas  à  l'indigent  de  vivre  de 
son  travail  ;  qui  éloignent  l'émulation  et  l'indus- 
trie, et  rendent  inutiles  les  talens  de  ceux  que  les 
circonstances  excluent  de  l'entrée  d'une  commu- 
nauté ;  qui  privent  l'Etat  et  les  arts  de  toutes  les 
lumières  que  les  étrangers  y  apporteroient  ;  qui 
retardent  le  progrès  des  arts  par  les  difficultés 
multipliées  que  rencontrent  les  inventeurs, 
auxquels  différentes  communautés  disputent  le 
droit  d'exécuter  des  découvertes  qu'elles  n'ont 
point  faites  ;  qui,  par  les  frais  immenses  que  les 
artisans  sont  obligés  de  payer  pour  acquérir  la 
faculté  de  travailler,  par  les  exactions  de  toute 


294 


ÉDITS  DE  1776 


espèce  qu'ils  essuient,  par  les  saisies  multipliées 
pour  de  prétentlues  contraventions,  par  les  procès 
interininahles  qu'occasionnent  entre  toutes  ces 
communautés  leurs  prétentions  respectives  sur 
l'étendue  de  leurs  privilèges  exclusifs,  surchar- 
gent l'industrie  d"un  impôt  énorme,  onéreux  aux 
sujets,  sans  aucun  fruit  pour  l'Etat  ;  qui  enfin, 
parla  facilité  qu'elles  donnent  aux  membres  des 
communautés  de  se  liguer  entre  eux,  de  forcer 
les  membres  les  plus  pau\Tes  à  subir  la  loi  des 
riches,  deviennent  un  instrument  de  monopole, 
et  favorisent  des  manœuvres  dont  l'elTet  est  de 
hausser,  au-dessus  de  leur  proportion  naturelle, 
les  denrées  les  plus  nécessaires  à  la  subsistance 

(hi  peuple 

«  Les  maîtres  qui  composent  actuellement  les 
communautés,  en  perdant  le  privilège  exclusif 
qu'ils  ont  comme  vendeurs,  gagneront  comme 
acheteurs  à  la  suppression  du  privilège  exclusif 
de  toutes  les  autres  communautés.  Les  artisans  y 
gagneront  l'avantage  de  ne  plus  dépendre,  dans 
la  fabrication  de  leurs  ouvrages,  des  maîtres  de 
plusieurs  autres  communautés,  dont  chacune 
réclanunl  le  privilège  de  fournir  quelques  pièces 
indispensables.  Les  marchands  y  gagneront  de 
pouvoir  vendre  tous  les  assortimens  accessoires  à 
it'ur  principal  commerce.  Les  uns  et  les  autres  y 
gagneront  surtout  de  n'être  plus  dans  la  dépen- 
dance des  chefs  et  des  officiers  de  leur  commu- 
nauté, de  n'avoir  plus  à  leur  payer  des  droits  de 
visite  fréquens,  d'être  affranchis  d'une  foule  de 
coniributions  pour  des  dépenses  inutiles  ou 
nuisibles,  frais  de  cérémonie,  de  repas,  d'assem- 
blée et  de  procès,  aussi  frivoles  par  leur  objet  que 
ruineux  par  leur  multiplicité...  ». 

(]t*  n  ibli'  langage  où,  à  tort  peut-être,  n'étaient 
même  pas  voilées  les  fautes  de  la  royauté,  l'appui 
intéressé  qu'elle  avait  donné  à  une  institution 
vicieuse  et  lyrannique,  excitii  un  indescriptible 
enthousiasme  parmi  le  peuple  ^  Mais  il  souleva 
le  mécontentement  de  la  bourgeoisie,  atteinte 
dans  ses  prérogatives,  et  la  colère  des  hautes 
classes ,  qui  se  sentiiient  menacées  par  cet 
apologie  de  l'égalité,  cet  éloge  des  bienfaits 
qu'rii^rendre  la  liberté,  cette  reconnaissance  offi- 
cielle des  droits  inhérents  à  la  qualité  de  citoyen. 
Li:  Parlement  refusa  d'enregistrer  l'édit. 
ileureusemcnl,  Turgot  avait  su  communiquer  au 
roi  •>ii  passion  po.ir  le  bien  public  et  pour  les 
reformes  utiles.  Louis  XVI,  qui  devait  dans  la 
Miiie  s..'  montrer  si  hésitant  et  si  faible,  résolut 
d'imp  )ser  sa  volonté,  et  un  lit  de  justice  fut  tenu 
u  Versailles  le  12  mars.  Le  Parlement  n'obéit 
qu'après  «voir  protesté.  Dans  une  longue 
liaraiigue,  ravocal-genéral  Séguier  représenta 
au  roi  le  (liiiiger  de  ces  nouveautés,  qui  ne 
lendaieni  à  rien  moins  qu'i,  bouleverser  l'ordre 
••"M-uâl  el  ù  ruiner  le  eonnuerce  de  la  France. 

«  Ce  penre  de  liberté,  disait-il,  n'est  autre 
qu  une  vérilahie  iiHlépendnnce.  Celle  liberté  se 


changeroit  bientôt  en  licence.  Ce  seroit  ouvrir  la 
porte  à  tous  les  abus  -,  et  ce  principe  de  richesse  ^ 
deviendroit  un  principe  de  destruction,  une 
source  de  désordre,  une  occasion  de  fraude  et  de 
rapines,  dont  la  suite  inévitable  seroit  l'anéan- 
tissement total  des  arts  et  des  artistes,  de  la 
confiance  et  du  commerce  — 

«  Tous  vos  sujets.  Sire,  sont  divisés  en  autant 
de  corps  difterens  qu'il  y  a  d'états  ditîérens  dans 
le  royaume  :  ces  corps  sont  comme  les  anneaux 
d'une  grande  chaîne  dont  le  premier  est  dans  la 
main  de  Votre  Majesté,  comme  chef  et  souverain 
administrateur  de  ce  qui  constitue  le  corps  de  la 
nation. 

«  La  seule  idée  de  détruire  cette  chaîne 
précieuse  devroit  être  effrayante.  Les  commu- 
nautés de  marcliands  et  artisans  font  une  portion 
de  ce  tout  inséparable  qui  contribue  à  la  police 
du  roj'aume.  Elles  sont  devenues  nécessaires,  el 
pour  nous  renfermer  dans  ce  seul  objet,  la  loi. 
Sire,  a  érigé  des  corps  de  communautés,  a  créé 
des  jurandes,  a  établi  des  réglemens,  parce  que 
l'indépendance  est  un  vice  de  la  constitution 
politique,  parce  que  l'homme  est  toujours  tenté 
d'abuser  de  la  liberté — 

>>  Le  but  qu'on  a  proposé  à  Votre  Majesté  est 
d'étendre  el  de  multiplier  le  commerce,  en  le 
délivrant  des  gênes,  des  entraves,  des  prohi- 
bitions intr(jduites,  dit-on,  par  le  régime  régle- 
mentaire. Nous  osons,  Sire,  avancer  à  Votre 
Majesté  la  proposition  diamétralement  contraire. 
Ce  sont  ces  gênes,  ces  entraves,  ces  prohibitions 
qui   font  la   gloire,    la  sûreté,    l'immensité   du 

commerce  delà  France La  liberté  indéfinie 

fera  bientôt  évanouir  cette  perfection  qui  est 
seule  la  cause  de  la  préférence  que  nous  avons 

obtenue    sur    les    fabriques    étrangères Le 

commerce  deviendra  languissant,  il  retombera 
dans  l'inertie  dont  Colbert  a  eu  tant  de  peine  à 
le  faire  sortir,  et  la  France  perdra  une  source 
de  richesses  que  ses  rivaux  cherchent  depuis 
longtemps  à  détourner ». 

On  vit  bien  alors  tout  ce  que  le  pouvoir  royal 
avait  perdu  de  son  prestige.  Le  Parlement  obéit, 
mais  il  ne  se  soumit  point.  11  encouragea  sous 
main  la  diffusion  d'écrits  que  le  projet  de  Turgot 
avait  suscités  -  el  qu'un  arrêt  du  Conseil  d'Etat 
avait  déjà  condamnés  ^.  Louis  XVI  n'était  pas 
fait  pour  de  pareilles  luttes,  il  finit  par  céder. 
Turgot  fut  disgracié,  et  au  mois  d'août  parut  un 
nouvel  édit  qui  révoquait  celui  de  février.  Cette 
fois,  le  préambule  était  bref,  et  n'avait  pas  coûté 
de  longues  méditations  à  son  auteur  :  «  Notre 
amour  pour  nos  sujets  Nous  avoit  engagé  à 
supprimer,  par  notre  édil  du  mois  de  février 
dernier,  les  jurandes  et  communautés  de  com- 
merce, arts  el  métiers.  Toujours  animé  du  même 
senlinuMit  et  du  désir  de  procurer  le  bien  de  nos 
peuples,  Nous  avons  donné  une  attention  parti- 
culière aux  différens  mémoires  qui  Nous  ont  été 
présentés  à  ce  sujet,  et  notamment  aux  représen- 


Nollnir..  ccnvail  il,-  Ferm-j-,  h-  21  février  :  «  Toutes 

:.s  ,.,, „  chanteni  le  Te  Ueum,  elk-  peuple  crio  dans 

.  Nive   !..   Roi  et  M.  Turgot  ».    É.lii.  Beu- 
\1\,  p    521. 


'   I-  irnlustiif  et  le  commerce. 
-   »  " \ .  Mi'lra,  Coiri-spondiuice  secrète. 
suiv. 

a  .\rrêl  du  22  février. 


II.   y.    420  et 


EDITS  DE   1776 


295 


talions  de  noire  Cour  de  Parlemenl.  El  ayant 
reconnu  que  l'exécution  de  quelques-unes  des 
dispositions  que  cette  loi  contient  pouvoit 
entraîner  des  inconvéniens,  Nous  avons  cru 
devoir  nous  occuper  du  soin  d'y  remédier  ». 

Mais  les  paroles  de  Turgot  avaient  eu  trop 
d'écho,  elles  étaient  encore  trop  présentes  à  tous 
les  esprits  pour  qu'il  fùl  possible  de  n'en  pas 
tenir  compte.  L'édit  d'août  l'ut  donc  un  compro- 
mis entn^  les  aspirations  populaires  et  l'opiniâ- 
treté du  Parlement.  Les  métiers  ayant  entre  eux 
le  plus  d'analoi^ie  étaient  réunis,  et  le  nombre 
des  corporations  ainsi  réduit  à  cinquante.  Les 
bonnetiers,  les  pelletiers  el  les  chapeliers,  qui 
composaient  auparavant  Irois  communautés 
distinctes,  n'en  formèrent  plus  qu'une  seule  ;  il 
en  fut  de  même  pour  les  couvreurs,  les  plombiers, 
les  paveurs  et  les  carreleurs  ;  pour  les  tanneurs, 
les  cori'ojeurs,  les  peaussiers,  les  még'issiers  et 
les  parcheminiers,  etc.,  elc.  Moyennant  certaines 
formalités,  on  put  appartenir  à  deux  corporations 
dittérentes.  L"édit  autorisait  la  concurrence  entre 
quelques  communautés  :  celle  des  marchandes 
(le  modes  el  des  plumassiers,  par  exemple, 
eut,  comme  celle  des  brodeurs,  la  liberté  de  se 
li\Ter  au  commerce  de  la  broderie.  Enfin,  les 
droits  à  payer  pour  obtenir  la  maîtrise  étaient 
diminués  de  plus  d'un  tiers,  el  vingt-deux 
métiers  peu  importants,  jadis  constitués  en  corpo- 
ration, étaient  déclarés  libres. 

L'édit  conservait  à  la  tête  du  commerce  pari- 
sien les  Six-Corps  '  ;  mais  afin  d'étendre  ce  privi- 
lège, plusieurs  communautés  furent  réunies  dans 
chacun  d'eux  et  leurs  rany-s  ainsi  rég'lés  : 


Drapiers. 
Merciers, 


Épiciers. 


I 


II 


III 


Bonnetiers. 

Pelletiers. 

Chapeliers. 


IV 

Orfèvres. 
Batteurs  d'or. 
Tireurs  d'or. 

V 

Fabricants    d'étoffes    et 

de  gazes. 
Tissuliers-rubaniers . 

VI 
Marchands  de  vin. 


Le  nombre   des   corporations    était  réduit    à 
quarante-quatre,  savoir  : 


I 

Amidonniers. 

II 

Arquebusiers. 
Fourbisseurs. 
Couteliers. 

III 

Bouchers. 

IV 

Boulangers. 

V 

Brasseurs. 


VI 

Brodeurs. 

Passementiers. 

Boutonniers. 

VII 

Cartiers. 

VIII 

Chaircuitiers. 

IX 

Chandeliers. 

X 

Charpentiers. 


'  ^  DV.  ci-dt'ssDus  ot^t  articl 


XI 

Charrons. 

XII 

Chaudronniers. 
Balanciers. 
Potiers  d'étain. 

XIII 

Colfretiers. 
Gainiers. 

XIV 

Cordonniers. 
XV 
Couturières. 
Découpeuses. 

XVI 

Couvreurs. 
Plombiers. 
Carreleurs. 
Paveurs. 

XVII 

Ecrivains. 

XVIII 

Faiseuses  de  modes. 
Marchandes  de  modes. 
Plumassières. 

XIX 

Faïenciers. 
Vitriers. 
Potiers  de  terre. 

XX 

Ferrailleurs. 

Cloutiers. 

Épingliers. 

XXI 

Fondeurs. 

Doreurs  sur  métaux. 

Graveurs  sur  métaux. 

XXII 

Fruitiers-Orangers. 
Grainiers. 

XXIII 

Gantiers. 

Boursiers. 

Ceinturiers. 

XXIV 

Horlogers. 

XXV 

Imprimeurs   en    taille- 
douce. 

XXVI 

Lapidaires. 

XXVII 
Limonadiers. 
Vinaigriers. 

XXVIII 

Lingères. 

XXIX 

Maçons. 


XXX 

Maîtres  en  fait  d'armes. 

XXXI 

Marécliaux-ferranls. 
Eperoiuiiers. 

XXXII 

Menuisiers-Ebénistes. 

Tourneurs. 

Layeliers. 

XXXIII 

Paumiers. 

XXXIV 

Peintres. 
Sculpteurs. 

XXXV 

Relieurs, 
l'apclicrs. 

XXXVI. 

Selliers. 
Bourreliers. 

XXXVII 

Serruriers. 
Taillandiers  -  Fei-blan  - 

tiers. 
Maréchaux  grossiers. 

XXXVIII 

Tabletiers. 

Lullùers. 

Eventaillistes. 

XXXIX 

Tanneurs-Hongro^'eurs. 

Corroyeurs. 

Peaussiers. 

Mégissiers. 

Parcheminiers. 

XL 

Tailleurs. 

Fripiers   d'habits   et  de 
vêtemens. 

XLI 

Tapissiers. 

Fripiers   en   meubles  et 

ustensiles. 
Miroitiers. 

XLII 

Teinturiers  en  soie,  laine 

elfil. 
Teinturiers     du     grand 

teint. 
Teinturiers  du  petit  teint. 
Tondeurs  de  draps. 
Foulons. 

XLIII 

Tonneliers. 
Boisseliers. 

XLIV 
Traiteurs. 
Rôtisseurs. 
Pâtissiers. 


290 


ÉDITS  DE   1776  —  ÉGOUTIERS 


Enfin,  les  professions  suivantes  étaient  décla- 
rées absolument  libres  : 

Bouchonniers.  Linières-Filassières. 

Bouquetières.  Nattiers. 

Brossiers.  Oiseleurs. 

Bovaudiers.  Pain  d'épiciers. 

Cardeurs  de  laine  et  de  Patenôtriers. 

(.o(„n.  Pêcheurs  à  ver^e. 

Coëtleuses  de  femmes.  Pêcheurs  à  eii^niis. 

C(jrdiers.  Savetiers. 

Danser  (Maîtres  à;.  Tisserands. 

Fripiers-brocanteurs.  Vanniers. 

Fouets   Faiseurs  de).  Vidangeurs. 
Jardiniers. 

Cet  édit  ne  satisfit  personne,  ni  le  Parlement 
qui  le  trouvait  trop  libéral,  ni  les  ouvriers  qui 
le  trouvaient  trop  oppressif,  ni  les  maîtres  qui 
n'avaient  pas  désiré  qu'on  élargît  le  cadre  de 
leur  communauté,  et  qui  se  voyaient  forcés 
d'acheter  le  droit  d'exercer  des  métiers  dont  ils 
ne  se  souciaient  guère.  Leur  résistance,  ou  tout 
au  moins  leur  mauvaise  volonté  fut  telle,  que 
l'organisation  créée  par  l'édit  d'août  n'était  pas 
encore  un  fait  accompli  lorsque  éclata  la  Révo- 
lution. 

Vov-  Corporations. 

Éditeurs.  Il>  <>nt  pour  ancêtres  les  stalio- 
narii^  du  moyen  âge.  Mais  le  mot  par  lequel  on 
les  désigne  aujourd'hui  est  tout  moderne.  Le 
Dictionnaire  de  l'académie  ne  l'enregistre  pas 
encore  en  1814.  L'édition  de  1835  l'admet  enfin, 
et  elle  le  définit  ainsi  :  «  Celui  qui  fait  imprimer 
l'ouvrage  d'aulrui  en  se  donnant  quelques  soins 
pour  l'édition.  Par  extention,  les  libraires  pren- 
nent quelquefois  le  litre  d'éditeurs  des  ouvrages 
qu'ils  pultiieut  à  leurs  frais  -  ». 

Effigiaires.  Vov.  Dessinateurs. 

Eg^ards  i>u  Esgards.  Nom  donné  aux 
jures  dans  certaines  niiinufaclnres  de  tissus,  à 
.\mieus  entre  autres. 

EgOUtiers.  Paris,  situé  au  fond  d'une 
vallée,  étail  le  réservoir  naturel  des  eaux  venues 
des  ctilliues  envirunnantes.  A  Ménilmontant,  à 
Hi'lleville,  Il  Monlmarlre  prenaient  nais,sance  de 
petits  ruisseau.x  qui,  trop  faibles  pour  se  creuser 
un  vrai  lit  et  même  pinir  inonder  un  vaste 
espHCi',  se  bnrnaieiit  ù  former  sur  leurs  parcours 
des  lln(|ues,  des  cloaques,  des  marais.  Le  seul  de 
ces  rui».seuux  qui  arrivùt  parfois  jusqu'à  la  Seine  ^ 
était  celui  de  Ménilmontant,  aussi  est-ce  vers 
son  cours  que  furent  dirigés  d'abord  les  égouts. 

Hugues^  Aubritit,  prévôt  de  Paris  sous 
Charles  V,  passe  pour  avoir  été  le  créateur  de 
noire  système  d'égouts.  En  réalité,  il  eut  seule- 


•  Voy    l'art.  Librnims. 

*  Toiiio  1.  p.  60». 

3  I^snncirins  plans  iriili.|Ufnt  ].>  cours  de  re  mi.s.snau. 
l-'ornii-  «Il  La-s  <!.•  la  rollin"  il.-  M.niiinoutant,  il  roulait 
.!.>  r.-l  au  sud-.iuf.st,  i-i  allait  .so  j.-irr  dans  In  Seine  au- 
deft.Hoiis  d.>  la  huft.'  r|,.  Ctiaillot,  à  pi-u  j.rps  à  la  liaiileur 
de  ia  ru--  acluollr  d--  la  Manutenlion. 


ment  l'idée,  fort  heureuse  d'ailleurs,  de  voûter 
une  grande  rigole  qui,  suivant  la  direction  de  la 
rue  Montmartre,  allait  se  déverser  dans  le 
ruisseau  de  Ménilmontant. 

Les  eaux  de  la  rive  gauche  se  rendirent 
pendant  longtemps  dans  la  Bièvre.  Mais,  à  dater 
de  1.356,  des  fossés  ayant  été  creusés  en  dehors 
et  tout  le  long  du  mur  d'enceinte,  les  égouts  y 
aboutirent.  Les  boues  et  les  immondices  étaient 
ainsi  conduites  jusqu'à  la  Seine,  oii  elles  se 
jetaient  à  la  hauteur  de  l'hôtel  de  Nesle  (aujour- 
d'hui l'Institut;. 

Sur  la  rive  droite,  les  eaux  du  quartier  qui 
entourait  la  Bistille  se  réunissaient  vis-à-vis  de 
l'église  Saint-Paul  ;  là,  elles  entraient  dans  un 
égout  pratiqué  sous  la  rue  Saint-Antoine,  qui 
les  amenait  dans  les  fossés  de  la  forteresse.  Cet 
éo-out,  appelé  le  Pont-Perrin,  était  un  voisinage 
aussi  désagréable  que  malsain  pour  les  habitants 
de  l'hôtel  Saint-Paul,  alors  séjour  ordinaire  des 
rois  de  France,  et  l'on  se  décida  vers  1412  à  le 
détourner.  Son  point  de  départ  resta  à  l'église 
Saint-Paul,  mais  on  dirigea  son  cours  tout  droit 
vers  le  nord,  le  long  du  palais  des  Tournelles  et 
à  travers  la  culture  Sainte-Catherine,  sur  l'em- 
placement de  la  rue  de  Turenne  actuelle  ^. 
Arrivé  au  mur  d'enceinte,  il  s'inclinait  vers 
l'ouest,  suivait  les  fortifications  du  Temple  jus- 
qu'à la  porte  de  ce  nom,  traversait  le  fossé  de  la 
ville  au  moyen  d'un  canal  en  maçonnerie,  et 
allait  se  jeter  dans  le  lit  du  ruisseau  de  Ménil- 
montant. A  son  tour,  l'hôtel  des  Tournelles 
devint  bientôt  inhabitable  ;  aussi,  la  duchesse 
d'Angoulême,  mère  de  François  P'"",  qui  y 
résidait  en  1518,  se  décida-t-elle  à  acheter  dans 
un  quai  lier  éloigné  une  propriété  appartenant  à 
M.  de  Neuville,  et  qui  devint  plus  tard  le  palais 
des  Tuileries. 

Un  autre  égout,  qui  aboutissait  également  au 
ruisseau  de  Ménilmontant,  partait  de  la  rue 
Saint-Denis,  un  peu  au-dessous  du  couvent  des 
Filles-Dieu,  et  suivait  la  direction  des  rufes 
actuelles  du  Ponceau  et  du  Vert-Bois.  Cet 
égout,  comme  le  précédent,  coulait  à  ciel 
ouvert  :  de  petits  ponts  o\\ ponceaux  permettaient 
le  passage  aux  enriroits  où  ils  traversaient  des 
rues  importantes. 

Les  eaux  du  quartier  des  Halles  coulaient 
dans  le  sens  de  la  rue  du  Cadran  actuelle,  et 
allaient  rejoindre  i'égout  voûté  de  la  rue  Mont- 
martre, (^elui-ci  franchissait  le  fossé  dans  une 
auge  de  madriers  reposant  sur  des  charpentes, 
se  transformait  en  simple  rigole  découverte  à 
travers  le  faubourg  Montmartre,  et  se  vidai! 
aussi  dans  le  lit  du  ruisseau  de  Ménilmontant, 
devenu  égout  collecteur. 

Cet  état  de  choses  resta  sans  changement 
jusqu'en  1605,  année  à  laquelle  le  prévôt 
François  Miron  fit  voûter  I'égout  dit  du  Pon- 
ceau, depuis  la  rue  Saint-Martin  jusqu'à  la  rue 
Saint-Denis  ^. 

En  1636,  il  existait  à  Paris  24  égouts,  mais 


'   .Vulrt'fois  rue  de  l'Égoul  puis  rue  Saint- Louis. 
*  (  l'i'st  ainsi  que  furent  créées  les  rues  des  Épouts  et 
du  Ponceau. 


EdOrTIERS  —  ELECTRICIENS 


297 


tous  offraient  un  aspect  repoussant  et  répan- 
daient une  odeur  infecte.  Parent-Duchàtelet 
estimait  la  lon«>;ueur  de  ceségoutsà  5.148  toises, 
dont  1.U27  t  lises  étaient  voûtées;  tout  le  reste 
coulait  à  ciel  ouverl  '.  1/ancien  lit  du  ruisseau 
de  MéniimontanI,  devenu  le  grand  égout  décou- 
vert^ formait  autour  de  la  rive  droite,  entre  les 
Filles-du-Calvaire  et  Chaillot,  une  ceinture 
empestée,  aux  environs  de  laquelle  nul  n'osait 
construire.  Cependant  les  quartiers  du  Louvre, 
de  Saint-Honoré,  de  la  bnlte  Saint-Roch 
s'étaient,  durant  la  Rég-ence,  couverts  de  riches 
hôtels  qui  en  avaient  chassé  les  artisans,  et  il 
devenait  indispensable  de  recider  les  limites  de 
la  ville.  Des  lettres  patentes  du  mois  de  mars 
1721  ^  ordonnèrent  la  réfection  complète  du 
grand  égoul  ;  mais,  pour  entreprendre  un  pareil 
travail,  l'argent  manquait.  L'égout  n'avait 
jamais  été  l'objet  d'aucune  amélioration  ;  la 
tranchée  ouverte  au  milieu  des  marais  n'avait 
point  de  soutien,  et  la  pente  était  devenue  peu 
à  peu  si  irrégulière  que,  les  jours  de  grandes 
pluies,  eaux  et  ordures  refluaient  dans  Paris. 
En  1735.  un  sieur  Caquier  fut  chargé  de 
rectifier  cette  pente,  et  sou  premier  soin  devait 
être  d'enlever  les  détritus  qui,  depuis  tant  de 
siècles,  s'entassaient  au  fond  du  canal.  On 
craignit  de  provoquer  une  épidémie,  et  le  projet 
fut  abandonné.  Il  fallait  pourtant  en  finir,  et  au 
mois  d'avril  1737  •^,  la  ville  prit  un  parti 
héroïque,  qui  reçut  aussitôt  un  commencement 
d'exécution.  On  renonça  à  curer  le  grand  égout  ; 
son  lit  fut  cédé  aux  propriétaires  riverains,  et  le 
prix  qu'on  en  retira  servit  à  payer  en  partie  le 
terrain  nécessaire  pour  créer  un  nouveau  canal 
de  six  pieds  de  large.  Celui-ci  fut  établi  avec  un 
soin  extrême,  et  pavé  au  mojen  d'énormes  dalles 
de  pierre.  Afin  de  faciliter  le  nettoiement,  on  ne 
donna  que  cinq  pieds  de  hauteur  aux  murs 
latéraux,  construits  en  maçonnerie.  Enfin,  un 
vaste  réservoir  fut  élevé  à  l'origine  de  l'égout, 
en  face  de  la  rue  des  Filles-du-Calvaire.  Alimenté 
par  les  eaux  descendant  de  Belleville,  il  pouvait 
contenir  vingt-deux  mille  muids,  qui,  subi- 
tement lâchés  dans  le  canal,  en  opéraient  le 
lavaçre.  L'ensemble  de  ces  travaux  était  terminé 
en  1740,  et  les  quartiers  environnants,  faubourg 
Montmartre,  Chaussée  d'Antin,  Yille-l'Evèque, 
faubourg  Saint-Honoré ,  devinrent  bientôt  si 
peuplés  que  les  riverains  du  nouvel  égout  deman- 
dèrent l'autorisation  de  le  voiiter  à  leurs  frais. 
Les  cureurs  d'égouts  ou  égoutiers  appar- 
tenaient à  la  corporation  des  vidangeurs.      * 

Égratigneurs.  Au  moyen  de  l'égra- 
tignoir,  instrument  tranchant  et  dentelé,  ils 
formaient  sur  les  rubans,  sur  les  étoffes  des 
ornements  pour  le  costume  des  femmes.  Ils 
appartenaient  à  la  corporation  des  découpeiirs^  et 
prirent,  au  dix-huitième  siècle,  le  nom  ù'ugré- 
ministes. 

Yoy.  Agréministes  et  Découpeurs. 


1  Kssai  sur  les  cloaques  de  lu  cille  de  Paris,  p.  31 

2  Dclamane,  Traité  de  la  police,  t.  lY,  p.  408. 
■i  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  783. 


ÉgTun.  Voy.  Aigrun. 

Éguilletiers.  Voy.  Aiguille  tiers. 

Ég"Uilliers.  \'tiy.  Aiguilles  (Fabri- 
cants d.'). 

Élagueiirs.  «  Esmunder,  eslaguer,  étester, 
sont  les  œuvres  convenables  à  la  rameure  des 
arbres  avancés,  qu'on  emploie  pour  abaisser 
l'orgueil  des  jeunes  et  luxurieux  arbres,  et 
hausser  le  cœur  aux  vieux  et  langoureux  ^  >>. 
Page  650,  Olivier  de  Serres  écrit  eslargueur,  mais 
c'est  là,  je  crois,  une  faute  d'impression. 

Les  mots  ébrancheurs,  étronçonnews,  étêtenrs, 
étroignenrs,  écimeurs^  étromieurs,  ont  à  peu  près 
le  même  sens. 

Élarg-ueurs.  N'oy.  Élagueurs. 

Électriciens.  Voici  ce  qu'écrivait,  vers 
1702,  le  Père  Lebrun,  dans  son  Histoire  critique 
des  pratiques  superstitieuses  qui  ont  séduit  les 
peuples  et  embarrassé  les  sravants  ^  :  «  Le  Père 
Kirchrer  et  Gaspard  Schott  ont  remarqué  qu'on 
s'est  servi  de  l'aimant  pour  des  usages  évi- 
demment superstitieux  ;  et  j'ai  ouï  dire  plusieurs 
fois  que  quelques  personnes  s'étoient  commu- 
niquez des  secrets  à  plus  de  cinquante  lieues 
loin,  par  le  moyen  de  deux  aiguilles  aimantées. 
Deux  amis  prenoient  chacun  une  boussole  autour 
de  laquelle  étoient  gravées  des  lettres  de  l'al- 
phabet, et  on  prétend  qu'un  des  amis  faisant 
approcher  l'aiguille  de  quelqu'une  des  lettres, 
l'autre  aiguille,  quoique  éloignée  de  plusieurs 
lieues,  se  tournoit  aussi  vers  la  même  lettre.  Je 
n'assure  point  le  fait  ». 

Dès  le  douzième  siècle,  l'on  attribuait  à 
l'aimant  d'étranges  propriétés.  Albert  de 
Bolstadt  affirmait  que  si  on  le  place  sous  la  tête 
d'une  femme  adultère,  elle  tombe  du  lit  tout 
épouvantée  ;  au  contraire,  si  elle  est  bonne  et 
chaste,  elle  embrasse  son  mari  ^. 

On  disait  aussi  que  les  vaisseaux  se  rendant 
en  Orient  n'étaient  «  point  cloués  avec  des  clouds 
de  fer,  à  cause  de  la  fréquence  des  rochers 
d'aymant,  par  lesquels  ils  seroyent  attirés  et 
emportés  ».  Mais  cette  doctrine  était  déjà  com- 
battue au  dix-septième  siècle  *. 

Aux  dix-septième  et  dix-huitième  siècles,  la 
médecine  faisait  encore  usage  de  l'aimant. 
Louis  XIV  ayant  eu  un  anthrax  eu  1696,  Fagon 
lui  ordonna  un  emplâtre  composé  de  litharge, 
de  térébenthine,  d'huile  d'olive  et  d'aimant  •'. 
Le  célèbre  Lémery,  mort  en  1715,  professait  que 
«  les  pierres  d'aimant  sont  astringentes,  et 
arrêtent  le  sang  *  ». 


1  01.  de  Serres,  Théâtre  d'agriculture,  p,  722. 

2  Edition  de  1732,  1.  I,  p.  218.  I>a  première  édition 
est  de  1702. 

3  Albert  le  (Iront  translaté  de  latin  en  français,  lequel 
truite  de  lu  certu  des  herbes,  des  pierres  précieuses,  etc. 
In-18,  san.s  date  (seizième  siècle),  et  sans  pagination. 

4  Voy.  Ch.  de  l'Écluse  (C.  Clusiusj,  Histoire  des 
drogues  et  espisceries.  trad.  en  français  par  Ant.  Colin, 
1619,  in-8»,  p.  300. 

3  Journal  de  la  santé  de  Louis  XIV,  p.  433. 
6  Dictionnaire  des  drogues,  p.  821. 


298 


ÉMAILLEURS  —  EMBATEURS  DE  ROUES 


Émailleurs.  La  Taille  de  1292  cite  cinq 
esmailleeurs,  celle  Je  1300  en  nomme  six,  qui 
très  probablement  appartenaient  à  la  corporation 
(les  orfèvres.  En  1209,  ils  étaient  au  nombre  de 
trente-huit;  ils  demandèrent  à  se  constituer 
eu  communauté  distincte,  et  des  statuts  spéciaux 
leur  furent  accordés  au  mois  de  septembre. 
Ils  y  sont  qualifiés  esmailleurs  (Torfaverie, 
expre.ssion  d'autant  plus  exacte  que,  jusque-là, 
les  orfèvres  avaient  presque  tous  employé  l'émail 
dans  la  décoration  de  leurs  ouvrages.  L'appreii- 
lissa^e  durait  dix  ans,  et  quand  l'apprenti  avait 
achevé  sa  cinquième  année  de  service,  on  pouvait 
lui  en  adjoindre  un  second.  Le  travail  à  la  lumière 
était  interdit. 

Ces  statuts  furent  renouvelés  en  juillet  1566. 
Les  maîtres  sont  dits  ■dlorf.patenostriers  et  houton- 
niers  (Tesmail.  La  durée  de  Tapprentissage  est 
limitée  ù  cinq  ans  et  huit  jours,  mais  l'apprenti 
ne  peut  devenir  maître  sans  avoir  parlait  un 
chef-(Tœurre.  En  avril  Lô83,  des  lettres  patentes 
les  nomment  patenostriers-hoidomiiers  rPesmail, 
rerre  et  cristal;  celles  de  septembre  ir)99  les 
autorisent  à  fabriquer  et  vender  «  les  marchandises 
de  verre,  bouteilles,  flacons  couverts  et  non 
couverts,  et  toutes  autres  espèces  de  verre  ». 
Enfin,  un  arrêt  du  21  septembre  1706  réunit 
à  la  corporation  des  verriers  celle  des  émailleurs, 
qui  prirent  le  titre  de  émailleurs -verriers - 
faïenciers-patenôtriers-hoiUonniers  en  émail  et 
terre  cristallin. 

On  nommait  : 

Emaux  de  plicte.  de pliqiie,  de plite,  d'oplite., 
etc.  des  émaux  exécutés  sur  de  petites  plaques,  et 
disposés  de  manière  à  pouvoir  être  soudés  à  une 
pièce  d'orfèvrerie  ou  cousus  à  une  étoile. 

lOmaux  désesrnaillés  ceux  que  l'usage  avait 
dégradés. 

Emaux  effacés.,  ceux  qui  avaient  été  usés  par  le 
frottement. 

I<]maux  de  France,  de  Bourgogne.,  etc.  ceux 
qui  représentaient  les  armoiries  de  ces  nations. 

}<)uiaux  de  niellure,  niellés  ou  noirs  ceux  dans 
li'sqiiels  entraient  le  soufre,  l'argent  elle  plomb. 

Les  émailIiMics  ;ivaieiil  pour  pali'on  saini  Clair. 

Voy.  Baromètres  (Marchands  de)  et 
Yeux  artificiels. 

Emballeurs.  Dans  l'origine,  les  croche- 
li-urN,  li'>  gagne-deniers  faisaient  tous  les  embal- 
lagi's  cle  marchandises,  pour  le  service  de  la 
dniiniip  couim..'  pour  celui  dt!S  particuliers.  Mais 
ce  métier  fut  un  de  ceux  que  Louis  XIV  érigea 
••Il  litre  «rofliee  lors  de  ses  embarras  tinanciers. 
11  créa  qualre-viugUs  charges  d'emballeurs,  dont 
le  iu)mbrc  fut  encore  augmenté  par  la  suite,  et 
qui  coiiforaieiil  le  |)rivilege  (hj  «  faire  seuls,  et 
H  Texclusiou  de  icms  autres.  Unis  les  euiballa«-es 
h  In  douane  et  (huis  hi  ville  et  fauxlnxirgs^de 
Paris,  Miiis  néanmoins  (Mer  aux  marchands  la 
facullé  (l'emballer  eux-mêmes  ou  de  faire  emballer 
leurs  imirchandises  chez  eux,  mais  par  leurs 
garçons  et  domestiques  seulement  >.  Des  lettres 
pfllenles   du  16  juin  1690  les  qualifient   of/iciers 


emballeurs,  chargeurs  et  déchurgeurs,  sous  corde, 
chaîne  de  fer,  garrots  '  de  rouliers,  etc. 

L'habileté  d'un  emballeur  consistait  surtout 
à  faire  tenir  en  un  ballot  le  plus  de  marchandises 
possible  et  à  les  classer  de  façon  à  ce  qu'elles 
y  fussent  en  sûreté.  Ce  sont  eux  qui  écrivaient 
sur  les  toiles  d'emballage  «  le  numéro  des  ballots 
appartenant  au  même  marchand  et  envoyés  au 
même  correspondant,  les  noms  et  qualités  de 
ceux  à  qui  ils  sont  envoyés  et  les  lieux  de  leur 
demeure.  Ils  ont  aussi  soin  de  dessiner  un  verre, 
un  miroir  ou  une  main  sur  les  caisses  des 
marchandises  casuelles,  pour  avertir  ceux  qui  les 
remueront  d'user  de  précaution.  Toutes  ces  choses 
s'écrivent  ou  se  peignent  avec  de  l'encre  commune 
et  une  espèce  de  plume  de  bois  ou  petit  bâton 
larfj-e  de  deux  ou  trois  lignes  et  long  de  six 
pouces,  dont  un  bout  est  coupé  en  chanfrein  -  ». 

En  1719  le  nombre  des  emballeurs  fut  limité 
à  soixante.  11  était  de  trente  seulement  en  1776, 
et  leurs  offices  valaient  alors  de  trois  à  quatre  mille 
livres.  La  communauté  servait  une  pension  aux 
maîtres  devenus  hors  d'état  de  travailler. 

Les  emballeurs  s'étaient  placés  sous  le  patro- 
nage de  saint  Nicolas,  ce  qui  ne  les  empêchait 
pas  d'avoir,  à  l'église  Saint-Julien  des  Ménétriers, 
une  confrérie  dédiée  à  saint  Fortuné  "^ . 

Les  gens  exerçant  le  métier  d'emballeur  ont 
été  dits  lieetirs,  lieors,  loieurs,  etc.,  etc. 

Voy.  Offices  (Créations  d'). 

Emballeurs.  Nom  que  l'on  donnait  à 
douze  ou  quatorze  hommes  de  peine  attachés  à 
l'Hôlel-Dieu.  Ils  étaient  chargés  de  conduire  au 
cimetière  de  Clamart  le  chariot  des  morts  *. 

Les  mallieureux,  décédés  dans  les  hôpitaux, 
étaient  enterrés  durant  la  nuit,  et  tous  ensemble. 
A  quatre  heures  du  matin,  un  vaste  chariot, 
pouvant  recevoir  cinquante  corps  arrivait  à 
l'Hôtel-Dieu.  On  y  entassait  pêle-mêle  les  morts 
de  la  veille,  cousus  chacun  dans  une  serpillière. 
Douze  hommes  s'attelaient  au  lourd  véhicule,  et 
le  convoi,  précédé  d'une  croix,  d'un  prêtre  et 
d'un  crieur,  s'acheminait  jusqu'au  cimetière  dit 
de  Clamart.  Arrivé  la,  on  versait  le  chargement 
dans  une  large  fo.sse  toujours  béante,  et  où  chaque 
rangée  de  cadavres  était  successivement  recou- 
verte de  chaux  vive  ''.  Le  chariot  restait  là, 
attendant  la  nuit  prochaine,  n'osant  se  montrer 
au  grand  jour  dans  les  rues  où,  après  le  passage 
de  la  nioi't,  recommençait  la  vie. 

Embateurs  de  roues.  Ceux  qui  emba- 
taieiit  les  roues,  c'est-u-dire  en  garnissaient  de  1er 
la  circonférence.  L'ordonnance  du  19  novembre 
1666,  renouvelée  le  4  février  1683,  défend  aux 
«  maréchaux,  charrons,  embateurs  de  roues,  etc.  ^> 
d'encombrer  la  voie  publique  ". 


1  On  uoiunu"  garrot  uu  Lâton  gros  et  court  qu'on  passe 
(tans  une   corde   pour   la  serrer  au  moyen  d'une  torsion. 

^  .Iaul)erl,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  109. 

"'  Le  Masson,  Cnlendrier  des  confréries,- 'p.  92. 

*  .\llclz,  Toblcnu  de  l'humanité  ou  de  la  bienfaisance, 
etc.,  17r)lt,  in-18,  p.  41. 

•'  Séb.  .Mi'rcier,  Tableau  de  Paris,  t.  III,  p.  232. 

•■'  \ov.  Di'laniarre,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  333 
et  711. 


EMBATTHAGE  —  EMBAUMEURS 


•299 


EirLbailchag"e.  Dès  le  Ireizième  siècle,  il  y 
avait  (li's  eii(lrt)i(s  spéciaux  où  les  ouvriers  non 
ea'^ag'és  se  rassemblaient  pour  attendre  les 
propositions  des  patrons.  Le  titre  LUI  du  Litre 
des  métiers  nous  apprend,  en  effet,  que  les  foulons 
se  rendaient  au  travail  à  l'heure  où  les  maçons  et 
les  charpentiers  se  réunissaient  sur  la  place  où  l'on 
venait  les  embaucher,  '<  à  l'eure  que  li  maçon  et 
li  charpentier  vont  en  place  pour  eus  alouer  ». 
Les  louions  avaient  même  deux  lieux  de  réuniiju  ; 
l'un  destiné  aux  ouvriers  qui  voulaient  travailler 
à  l'année,  l'autre  pour  ceux  qui  préféraient  se 
louer  à  la  journée.  Les  premiers  «  doivent  aler, 
disent  les  statuts,  en  la  place  jurée,  à  l'Aig'le,  ou  ^ 
quarrefour  des  Chans  pour  eus  alouer  ».  Les 
seconds  «  doivent  aler  en  la  place  au  chevet 
S.  Gervais,  devant  la  maison  la  Converce;  etileuc 
vont  querre  li  mestre  vallès  ^  quant  il  leur  faillenl, 
à  la  vesprée  ou  ans  autres  eures  du  jour  •'  ». 

Je  n'ai  retrouvé  aucune  trace  du  carrefour  des 
Champs.  Mais  la  maison  de  V Aigle  était  située 
près  de  la  place  Baudoyer,  et  c'est  peut-être  à 
elle  que  la  partie  de  la  rue  Saint-Antoine  qui 
aboutissait  à  la  porte  Baudojer  dut  son  nom  de 
l'ue  de  r Aigle.  La  maison  de  l'Aigle  avait  été 
donnée  en  1222  à  l'abbave  de  Saint-Maur  des 
Fossés  par  un  religieux  nommé  Nicolas,  et  elle 
est  souvent  citée  dans  les  cartulaires  *.  La  maison 
la  Converse  était  peu  éloignée  de  la  précédente, 
au  chevet  de  l'église  Saint-Gervais  ;  c'est  tout  ce 
que  j'en  sais.  Elle  parait  toutefois  avoir  survécu 
à  la  maison  de  l'Aigle,  car  dans  les  statuts 
donnés  aux  foulons  en  1443  ^,  je  lis  :  Tous 
foulons  voulant  embaucher  des  ouvriers  «  seront 
tenuz  iceulx  aller  prendre  et  allouer  en  la  place 
des  Foulons,  devant  Saint-Gervais,  comme 
accoustumé  a  esté  et  est  de  tout  temps,  ouquel 
lieu  lesdicts  ouvTiers  qui  vouldront  gaigner 
seront  tenuz  aller  le  lundj  à  matin  ». 

Les  statuts  des  tondeurs  de  drap  n'admettent 
également  l'embauchage  que  dans  des  lieux 
déterminés,  mais  ils  néo-lio-ent  de  nous  en 
indiquer  l'emplacement  ;  les  ouvriers  se  réuni- 
ront, disent-ils,  «  es  places  accoustumées  ^  ». 

Dans  la  suite,  les  ouvriers  sans  travail  devaient 
s'adresser  au  bureau  de  leur  corporation  ;  c'est 
là  que  siégeait  le  clerc  chargé  de  tenir  les 
écritures.  Défense  est  faite  aux  maîtres,  disent 
les  pâtissiers  '',  d'engager  «  aucuns  serviteurs 
sinon  par  les  mains  du  clerc  du  mestier  ^  ».  Au 
dix-septième  siècle,  toutes  les  corporations 
n'avaient  pas  encore  un  Bureau  organisé  qui  pût 
servir  de  lieu  de  réunion,  aussi  beaucoup  d'entre 
elles  étaient  restées  fidèles  à  d'anciennes  tradi- 
tions. Les  ouvriers  verriers  se  rassemblaient  rue 


1  Au. 

2  Et  là  les  maîtres  vont  quéi-ir  ouvriers. 

3  Article  8. 

4  «  Domus  Aquilse,  in  vico  Baldaeri  ».  —  «  Domus 
Aquilae,  sita  apud  portarn  Bauderii  ».  —  u  Domus  sita 
juxta  domuiii  quaj  dicitur  antiquo  nomine  Aquileia  ». 
Vo}'.  Jaiilot.  quartier  Saint- Antoine,  p.  5. 

i>  Article  11. 

fi  Statuts  de  1384,  art.    II. 

■   Statuts  de  1566,  art.  31. 

8  Vov.  aussi  les  statuts  des  tailleurs,  1660,  art.  23. 


Saint-Denis,  les  apothicaires  rue  de  laHuchetle, 
les  tourneurs  et  les  tabletiers  rue  de  la  Savon- 
nerie, les  tanneurs  au  faubourg  Saint-Marcel,  les 
pâtissiers  rue  de  la  Poterie,  les  teinturiers  rue  de 
la  Tannerie,  les  menuisiers  rue  des  Ecouffes  *, 
etc.,  etc.  Jusqu'à  la  fin  du  dix-lmitième  siècle, 
les  maçons,  manœuvres,  limousins,  etc.,  se 
firent  embaiichci-  sur  la  place  de  Grève  * 
Voj.  Compagnonnage. 

Embaumeurs.  On  sait  peu  de  choses  sur 
les  procédés  employés  au  mojen  âge  pour 
l'embaumement  des  corps.  Dans  le  compte  des 
dépenses  occasionnées  par  les  obsèques  tlu  petit 
roi  Jean  -  mort  en  131  G,  on  voit  mentionnés  : 

2  onces  d'ambre, 

1/2  once  de  musc, 

4  onces  d'estorat-calmile  ^  et  mierre  *, 

De  l'encenz  et  du  laudanon  5, 
qui  peuvent  bien  avoir  eu  cette  destination. 

Nous  possédons  plus  de  détails  sur  la  manière 
dont  fut  embaumé  le  roi  d'Angleterre  Henri  V, 
mort  à  Vincennes  en  1422.  «  Son  corps,  dit 
Jouvenel  des  Ursins",  fut  mis  par  pièces  et  bouilly 
en  une  paesle  ',  tellement  que  la  chair  .se  sépara 
des  os.  L'eau  qui  restoit  fut  jettée  en  un  cime- 
tière, et  les  os  avec  la  chair  furent  mis  en  un 
coffre  de  plomb  avec  plusieurs  espèces  d'e.spices, 
de  drogues  odoriférantes  et  choses  sentant  bon  ». 

Charles  VI  fut  moins  maltraité  :  «  Son  corps, 
vuidé  des  entrailles  et  rempli  d'épices  et  d'herbes 
sentant  bon,  fut  mis  en  un  coffre  plombé  ^  ».  On 
dut  procéder  autrement  vis-à-vis  de  Charles  Vil, 
car  le  17  octobre  1793,  quand  fut  faite  à  Saint- 
Denis  l'ouverture  de  son  cercueil,  on  y  trouva  «  du 
vif  argent  qui  avait  conservé  toute  sa  fluidité^  ».- 

Les  belles  statues  qui  sont  étendues  sur  le 
tombeau  de  Louis  XII  et  d'Anne  de  Bretagne  les 
représentent  tels  qu'ils  furent  ensevelis,  ou  plutôt 
reproduisent  un  moulage  destiné  à  servir  d'effi- 
gie ^^.  Toutes  deux  portent  au  flanc  la  marque 
des  incisions  qui  avaient  été  pratiquées  pour 
enlever  les  entrailles  et  les  remplacer  par  des 
aromates. 

L'usage  des  embaumements  était  encore  peu 
répandu  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle.  Sébastien 
Mercier  écrivait  vers  1782  :  «  Les  rois  et  les 
princes  du  sang  se  font  embaumer  après  leur 
mort. . .  Cet  art  ne  regarde  point  la  roture,  c'est 
aux  princes  et  aux  grands  à  se  féliciter  de  cette 
découverte  ^*  ». 

Voy.  Figures  de  cire. 


1  Le  Livre  commode  pour  1692,  t.  II,  p.  .")U. 

-  Dans  Douët-d'.\rcq,  Comptes  de  l'argenterie,    p.    18. 

3  Estorat-calamite. 

i  Myrrhe. 

i»   Laudanum. 

8  Édit.  Michaud,  p.  567. 

"  Poêle. 

8  ^'oy.  le  récit  des  obsèques  de  Charles  VI,  dans  le 
Journal  de  l Institut  histm-ique,  t.  IV  (1886),  p.  262. 

9  Extraction  des  corps  des  rois,  reines,  etc.,  dans 
Berthevin,  Recherches  sur  les  derniers  jours  des  rois  <  e 
France,  p.  292. 

10  Voy.  J.  Doublet,  Histoire  de  l'abbaye  de  S.-Denys  en 
France,  p.  1329. 

"   Tableau  de  Paris,  t.  XII,  p.  341. 


mo 


ÉMINAGE  —  EMPOINTEURS 


Éminag"e,  Voy.  Héminage. 

Émineurs.  \ox.  Mesureurs. 

Emmancheurs  de  couteaux.  Titre  que 
preiiiiieat  les  cuiileliers  faiseurs  de  manches. 

Emmasqneurs.  ^'oy.  Envoùteurs. 

Émouleurs.  Voj.  Rémouleurs. 

Empailleurs  d'animaux.  Voj.  Natu- 
ralistes. 

Empailleurs    de    chaises.    Titre    qui 

apparttMKiit  aux  ualtiers  et  aux  lourneurs. 

Emparliers.  \'oy.  .A.vocats. 

Empeseurs.  Faiseur.s  d'empois.  Au  trei- 
zième siècle,  on  faisait  déjà  grand  usage  de 
l'amidon  et  de  l'empois.  Les  statuts  des  chapeliers 
de  feutre  au  treizième  siècle  leur  interdisent  de 
«  meire  empois  ne  cole  en  leur  chapiaux  '  ».  Les 
escoffions,  les  atours,  les  hennins,  pyramidales 
coill'ures  dont  le  règne  commença  vers  la  fin  du 
quatorzième  siècle  *,  ne  conservaient  leur  forme 
qu'à  force  d'empois,  de  gomme  et  de  cire.  Les 
anciens  comptes  en  font  foi  : 

Annke  1416.  A  Ysaheau  l'ouvrière,  pour  avoir 
de  la  Heur  '',  pour  l'atour  de  la  royne  *.  —  Pour 
une  livre  de  gosme,  pour  servir  à  empeser  Talour 
de  ladite  dame. 

Année  1454.  Pour  une  paelle  ^  à  queue  de  fer, 
à  faire  erap(jix  pour  le  service  de  la  royne. 

A.NNKK  1.575.  Six  livres  d'amydon,  pour  servir 
à  empt'siM'  les  chemises  de  Mgr  le  duc  d'Alençon .  — 
Ung  quarteron  de  hlancd'Espaigne,  aussi  pour 
s»'rvir  à  empeser  ". 

Celle  dernière  citation  nous  introduit  dans  le 
seizième  siècle,  où  la  mode  des  grandes  collerettes 
tuyautées  et  celle  des  fraises  godronnées  assu- 
n'Cfiil  pour  longtemps  le  triomphe  de  l'empois. 
Hi-nri  III,  possédé  d'un  goût  invincible  pour  tout 
Cl-  (|ui  concernait  la  toilette  féminine,  jugea  un 
htNiu  jour  que  l'amidon  ne  donnait  pas  aux  fraises 
un  nuiinlien  suffisant  -,  il  expérimenta  lui-même, 
el  coniposii  un  empois  plus  ferme  avec  de  la  farine 
de  riz.  Les  courtisans  s'empressèrent  d'adopter 
Tinvenlion  de  leur  digne  maître,  et  l'auteur  des 
Vrrlus  el  propriétés  des  niif/ao/in  n'a  pas  dédaigné 
de  nous  «Ml  instruire  : 

l>'Ur  œil  ne  s«)  toumo  ù  son  aiso 
I)<'<Jan.s  !<•  rcjiiis  d.-  leur  frai.sc. 
Dcjù  If  rDunncnt  ''  n'est  plus  bon 
four  l'cm|n)i.s  blanc  dtj  leur  chemise, 
Kl  faut,  |(iiur  façon  plus  exqui.se, 
l'aire  de  ri/,  leur  amidon  8. 


^  /..rr,  ^M  métier*,    lilr»'    I.XXXIX,  url.  «. 
-  \oy.  l'arl.  (IlinjH'liers. 
3  I)e  la  fli-ur  de  farine. 
'   I^hImiiu  lie  Bavière. 

■■   I   le    |....-.|.. 

!l  ^"•*"  \    ^''y-  f'l"'*'iiff  urfhfologiqat.  I  1,  |i.   20  et 

•Î2Î.  —  J.  ChartiiT,  ^'Arort/ortr.  eilil  ejzev  .  I  HI  i,  -i-.n 
ÏHO.  Ho.                                  ^  '       "' 

'   I.e  froment. 

»  I^v«.loile,  jQunuil  de  Hrnri  III.  26  juillet  1576. 


Cet  empois,  excellent  paraît-il,  pour  donner  au 
linge  la  raideur  exigée,  était  dur  à  la  peau  de  ces 
délicats  personnages,  aussi  le  recouvrait -on 
intérieurement  d'une  fine  batiste.  Quelques-uns 
d'entre  eux,  ne  pouvant  souffrir  l'odeur  de  la 
lessive,  ne  portaient  leur  chemise  qu'une  seule 
fois  ;  d'autres  se  bornaient  à  envoyer  blanchir 
leur  linge  à  l'étranger,  dans  des  pays  renommés 
pour  l'habileté  des  blanchisseurs.  Tout  ceci  nous 
est  révélé  dans  un  édifiant  pamphlet,  où  les 
mignons  sont  peints  sur  nature  par  un  de  leurs 
contemporains  qui  les  a  flétris  du  nom  d'herma- 
phrodites. Ecoutez-le  :  <.<  Je  vis  venir  un  valet  de 
chambre  tenant  en  ses  mains  une  chemise,  mais 
de  peur  qu'elle  ne  blessast  la  délicatesse  de  la 
chair  de  celuy  qui  la  devoit  mettre,  car  l'ouvrage 
estoit  empezé,  on  l'avoit  doublée  d'une  toile  fort 
déliée.  Celuy  qui  la  portoit  l'approcha  près  du 
feu.  que  l'on  fit  faire  un  peu  clair,  où  après 
l'avoir  tenue  quelque  espace  de  temps  je  vis 
lever  l'hermaphrodite,  à  qui  on  osta  une  longue 
robbe  de  soye  qu'il  avoit,  puis  sa  chemise  qui 
estait  fort  blanche.  Mais,  ce  que  j'ay  appris,  ils 
ne  laissent  pas  de  changer  ainsi  en  ce  pays-là  de 
jour  et  de  nuict  ;  encore  y  en  a  il  quelques-uns 
(rares  toutefois)  qui  ne  se  servent  jamais  deux 
fois  d'une  mesme  chemise  ny  d'autre  linge  qu'ils 
ayent,  ne  pouvant  endurer  que  cela  qui  les  doit 
toucher  ayt  esté  lescivé.  Mais  ceux  qui  ne  sont 
pas  du  tout  si  cérémonieux  les  envoyent  blanchir 
en  des  contrées  loingtaines  où  ils  sçavent  qu'on 
a  ceste  industrie  de  bien  blanchir  '  ». 

Un  édit  de  mars  1673  ordonna  que  les  empe- 
seurs fussent  constitués  en  communauté.  J'y  lis 
qu'ils  étaient  alors  au  nombre  de  200,  et  qu'ils 
furent  taxés  à  25  livres,  ce  qui  eût  fait  entrer  dans 
le  Trésor  une  somme  de  5.000  livres  ;  mais  je  ne 
crois  pas  que  cet  édit  ait  jamais  reçu  même  un 
commencement  d'exécution. 

Sous  Louis  XIY,  le  cravatier  royal  avait  le 
titre  à'empeseiir  '-. 

Voy.  Slanchisseurs  et  Fraises  (Fai- 
seuses de). 

Em.peseurs.  Ouvriers  qui,  dans  les  manu- 
factures de  toiles,  «  ne  sont  occupés  qu'à  coller 
les  fils  de  la  chaîne  ^  ». 

On  disait  aussi  empoiseurs. 

Em.piri(jues.  Même  sens  qu'opérateurs. 

Em.plalg"neurs.  Voy.  Laineurs. 

Employés  de  comm.erce.  Voy.  Com- 
mis marchands. 


Empoig-neurs  de  poissons.  \ 
gneurs. 


ly.  Foi- 


Empointeurs.  Ouvriers  qui. faisaient,  à  la 
meule,  la  pointe  des  épingles  chez  les  épingliers, 
et  celle  des  aig-uilles  chez  les  aiffuilliers  *. 


'  .\rlus  d 'Kiiibrv,  L'ixle  des  hermaphrodites,  éd.  de  1724, 
!..  13. 

î  Kidl  de  lit  Frnnre  mur  17 12 .  t.  I.  p.  '202  :  pnur  îTSfi. 
I.   1,  |..  31(1, 

•'  .liiiilierl,  Dictioniinire,  I.  II,  p.   110. 

*  Hncyrbpédie  Mëlliodiiiue,  arts  et  métiers,  t.  Il,  ji.  474. 


EMPOISEURS  —  ENFILEURS 


301 


Empoiseurs.  Voy.  Smpeseurs. 
Empoleeurs.  Voy.  Foiilieurs. 

Encadreurs.  Ce  mot,  d'abord  oid)lié  par 
Litlré,  a  été  inséré  dans  \c  supplément  de  son 
dictionnaire.  I/Académie  rran(;aise  Ta  admis 
seulement  dans  sa  dernière  édition  (1878). 

Les  statuts  accordés  en  1573  aux  tourneurs 
en  bois  et  ceux  qu'obtinrent  les  doreurs  sur  cuir 
en  1594  leur  attribuent  le  privilège  des  «  cadres 
de  miroirs  ». 

Enchanteurs.  Ceux  dont  le  métier  est  de 
faire  espérer,  au  moyen  de  paroles  magiques,  la 
production  d'eftels  surnaturels. 

Voy.  Devins. 

Enclumes  (Faiseurs  d').  Un  des  imposés  de 
la  Taille  de  1292  est  qualifié  (Venclumier. 

11  y  avait  encore,  au  dix-huitième  siècle,  des 
enclumiers  ambulants.  «  Des  forgerons  courent 
les  villages  pour  radouber  et  rétablir  les  enclumes 
rompues  ,  et  il  est  singulier  que  ces  gens,  qui  ne 
portent  avec  eux  que  des  soufflets  à  vent,  par- 
viennent à  rétablir  toutes  les  pièces  qui  manquent 
à  une  grosse  enclume  *  ». 

Encre  (Fabricants  d').  L'encre  actuelle  date 
du  douzième  siècle.  L'ancienne  encre  était  un 
composé  de  noir  de  fumée,  de  gomme  et  d'eau. 

La  seule  fabrique  d'encre  que  possédât  Paris 
en  1292  appartenait  à  une  femme,  Asceline  de 
Roie,  qui  demeurait  place  Maubert  ^.  En  1313, 
cet  établissement  avait  été  cédé  à  une  autre 
femme  nommée  Aaliz^.  Mais  on  sait  que  dans 
les  couvents,  l'endroit  où  se  consommait  alors  le 
plus  d'encre,  les  religieux  la  fabriquaient  eux- 
mêmes,  et  il  est  probable  que  les  écoliers  devaient 
avoir  souvent  recours  à  eux.  Une  foule  d'ouvrages 
nous  ont  transmis  les  recettes  préférées  des  reli- 
gieux, mais  aucun  d'eux  ne  nous  apprend  par 
quel  procédé  s'obtenaient  ces  encres  d'or  restées, 
après  huit  siècles,  aussi  brillantes  que  le  premier 
jour.  C'est  là  un  secret  depuis  longtemps  perdu, 
et  que  la  chimie  moderne  n'a  pu  retrouver.  Le 
Ménagier de Paris[\^'è''^)coni\eni  quatre  recettes  ^, 
dont  la  base  est  le  noir  de  «ralle  et  la  «j-omme 

o 

arabique  ;  quand  il  s'agissait  d'encre  pour  écrire 
sur  le  parchemin,  on  y  ajoutait  du  vin  ou  du 
vinaigre. 

L'encre  se  vendait  à  la  pinte,  à  la  chopine  et 
au  demi-selier  ^.  Le  magasin  le  plus  achalandé 
vers  1610  était  situé  sur  le  Pont-Neuf '^  Presque 
à  la  même  date,  le  célèbre  Guyot  allait  créer 
l'encre  de  la  petite  vertu,  dont  la  renommée  dure 
encore.  Un  papetier  des  environs  du  Palais  avait 
pris  pour  enseigne  A  la  vertu;  un  concurrent 
fonda  près  de  là  La  gratide  vertu,  (luyot  se  montra 
plus  modeste  que  ses   deux   confrères.   Suivant 


1  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  II,  p.    111. 

2  Taille  de  1292,  p.  165. 
a   Taille  fie  1313,  p.  189. 

4  Tome  II,  p.  265-,  274,  275. 

5  Savarv,  Dictionnaire  du  commerce,  t.  II,  p.  1030. 

6  Voy.  Les  caquets  de  l'nccouchee,  t.  59,  ft  l(»s    Œuvres 
de  Taborin,  t.  I,  p.  52. 


une  mode  jugée  alors  de  fort  bon  goût,  ces  trois 
enseignes  étaient  figurées  en  rébus  ;  celle  de 
Guyot  représentait  une  u  de  petite  taille  et  peinte 
en  vert,  ce  qui  voulait  bien  dire  :  A  la  petite 

VERTU. 

Cette  industrie  était  surtout  représentée,  au 
siècle  suivant,  par  un  sieur  Royer,  (lemeurant  rue 
Saint-Martin  et  qui,  s'il  faut  l'en  croire,  fabriquait 
une  encre  double,  simple  et  luisante,  indélébile, 
incorruptible,  sans  lleurs,  dépôts  ni  champi- 
gnons '. 

Voy.  Cornetiers. 

Encriers.  Voy.  Encre  (Fabricants  d'). 

Enfants  bleus.  Voy.  Trinité  (Maîtres 
de  la). 

Enfants  de  cuisine.  Voy.  Galopins. 

Enfants  de  maître  Jacques.  Association 
de  compagnonnage.  Elle  prétendait  remonter  à 
un  Gaulois  nommé  maître  Jacques,  qui  aurait 
travaillé  au  temple  de  Salomon.  Les  membres 
de  ce  Devoir  se  divisaient  en  Loups-gnrous  et  en 
Dévorants  ou  Devoirants  Les  premiers,  dits  aussi 
compagnons  passants .,  étaient  presque  exclusive- 
ment des  tailleurs  de  pierre  ;  les  sefconds,  d'abord 
menuisiers,  serruriers  et  forgerons,  finirent  par 
admettre  des  teinturiers,  des  tanneurs,  des  cor- 
donniers, etc.  -. 

Enfants  de  maître  Soubise.  Associa- 
tion de  compagnonnage  dont  les  membres 
prétendaient  descendre  de  maître  Soubise  qui 
aurait  assassiné  maître  Jacques,  un  des  maçons 
employés  à  la  construction  du  temple  de  Salomon. 
Presque  tous  étaient  charpentiers  et  connus  aussi 
sous  le  nom  de  Bons  drilles'^. 

Voy.  Devoirs. 

Enfants-roug-es  (Hôpital  des).  Un  des 
lieux  privilégiés  de  Paris.  Son  organisation  était 
absolument  la  même  que  celle  de  l'hôpital  du 
Saint-Esprit  ;  mais,  mal  administré  et  mal 
soutenu,  il  fut  supprimé  en  1772. 

Voy.  Privilégiés  (Lieux). 

Enfants  de  Salomon.  Association  de 
compagnonnage ,  qui  prétendait  remonter  à 
Adoniram,  architecte  du  temple  de  Salomon. 
Les  membres  de  ce  Devoir  ?,e  divisaient  en  Loups 
et  en  Gavots.  Les  premiers  étaient  presque 
exclusivement  des  tailleurs  de  pierre,  les  seconds 
comprenaient  des  menuisiers,  des  serruriers  et 
des  forgerons  ^. 

Enfermiers.  Infirmiers^. 

Enfileurs.  Ouvriers  qui  passaient  les  têtes 
des  épingles  dans  le  fil,  et  les  disposaient  à  y  être 
fixées. 


1  Almanach  Dauphin  pour  1777,  p.  19. 

2  A.  Perdiguier,  Le  livre  du  compagnonnage,  t.  I.  p.  37. 

3  É.  Levasseur,    Histoire   des   classes   ouvrières,    t.  II, 
p.  815,  et  Agr.  Perdiguier,  t.  I,   p.  41. 

i  Agr.  Perdiguier,  Ze  livre  du  compagnonnage,  t.  I,p.31. 
i>  Voy.  Ducange,  Glossarium,  au  mot  inirmarius. 


302 


ENFOURNEURS  —  ENLUMINEURS 


Enfourneurs.  Chez  les  briqueliers,  ouvriers 
qui  disposaient  les  briques  dans  le  fourneau.  Ils 
appartenaient  à  l'équipe  des  briqiiete^irs  ' . 

Chez  les  boulanj^ers,  ouvriers  qui  mettaient 
les  pains  au  four  et  les  y  surveillaient  ^. 

Engastriloques.  Engastrimandres. 
Eng-astrimythes.  Engastromandres. 
Voy.  Ventriloquss. 

Engaveurs.  Voy.  Gaveurs. 

Engrais  (Commerce  n').  La  Taille  de  1292 
cïUt  àe\\\  [tenseurs  (\yn  étaient,  selon  toute  appa- 
rence, ries  marchands  de  fumier,  car  af/lenser  une 
terre,  c'était  la  fournir  d'engrais.  Je  lis  dans  le 
Compte  (les  dépenses  faites  par  Charles  V  an 
château  du  Loutre  :  «  A  Jean  Dudoy,  jardinier, 
pour  avoir  livré  audit  Louvre  400  de  fiens  et  les 
enfouis  en  terre  ^  ». 

Au  seizième  siècle,  les  tienseurs  parcouraient 
les  rues,  prêts  à  enlever  les  fumiers  dont  on 
voulait  se  débarrasser  : 

N'y  a  il  jjoint  de  tiens? 
S'il  vous  plaist  d'y  regarder, 
Ne  rue  faictes  plus  cy  tarder, 
J'en  ay  autrefois  eu  céans  *. 

Le  rèf^leraent  de  police  du  3  février  1348, 
souvent  renouvelé,  voulait,  en  effet,  que  «  nulz 
ne  fut  si  liardjs  de  mettre  ou  faire  mettre  fuerres  •". 
fiens,  boes  s,  cureures  ne  autres  ordures  sur  les 
carreaux  '  du  Roy  »,  sous  peine  de  soixante 
stius  d'anieude  ". 

(Ju  a  cru  pendant  long-temps  que  certains 
«•n<.^rais  pouvaient  communiquer  aux  léj^umes 
des  propriétés  malfaisantes.  Ainsi  l'article  14  des 
stahils  octroyés  aux  jardiniers  en  1599,  leur 
défend  «  de  fumer  aucune  terre  d'immundices 
ny  de  liens  de  pourceaux,  pour  éviter  aux  mala- 
dies l«iil  coniajjieuses  qu'autres  ».  Il  est  vrai 
que  les  maraîcliers  d'alors  recherchaient  presque 
uniquemiMil  les  matières  fécales.  Il  fallait  exercer 
sur  les  voiries  spéciales  une  surveillance  inces- 
sHiile  pour  empêcher  les  cultivateurs  de  venir  y 
remplir  des  tonneaux,  qu'ils  (h''versaienl  ensuite 
sur  leurs  terres  9.  Ou  eu  autorisait  toutefois 
1  ein[)loi  quanil  elles  avaient  seijourné  pendant 
trois  MUS  dans  les  lieux  de  décharfje,  encore  ne 
devaienl-elles  être  enlevées  que  l'hiver,  du 
ir>  oeldbre  au  L')  mars. 

Km  n>  qui  concerne  les  autres  ininnuidices 
proveiiiiiil  (le  lu  ville,  les  <u-donnaiices  voulaient 
qu'elles  fussent  transportées  «  dans  des  terres 
Inbounibles,  m<ui  dans  des  jardins  po|fi«-ors  où 
croirisiM.I  des  léjrumes  '"  »;  Sébastien  M.Mrier 
••(Tivnil  donc  avec  or^riu-il   vers    1782:    «   Le 


^h„rjfrfo,,/J,e  mm„diq„f,  nrts  ,.|  ini.ti,.,-s,  I.  I,  p.  2  J9 

'  l'uhlii-  piir  I^-  Houx  (le  l.iiuy.  |,.  ;m 
»  A    Tn„p,.  I.  /.„  f„/  ,1  ,fui  aU,  elf. 

s    iMlll-S. 

•*   |t<>Ui'». 
'■    l'.lVO!». 

"  Dlamnrr.'.  Tmitf  At  In  pnlitr.  i.  IV    p    202 

!«V'-\    '"•"'  '"■'■^•*  ''"'  '^  "'■'  '■'   «  oclohr.-  172r,  " 
I»  D.lamam-,  t.  IV,  t.  2«2. 


jardinage  est  cultivé  aux  environs  de  Paris,  sans 
engrais,  avec  un  soin  admirable  par  quelques 
amateurs  qui  se  livrent  tout  entier  à  cet  art  inno- 
cent et  utile.  Les  plantes  potag'ères  acquièrent 
de  cette  manière  un  goût  excellent  ^  ». 

Enhayeurs.  Ouvriers  ])riqueliers,  dits  aussi 
ïtietteiirs  en  haie.  Ils  étaient  chargés  de  préparer 
le  séchage  des  briques.  On  donnait  le  nom  de 
haies  aux  murailles  factices  disposées  de  manière 
à  ce  que  l'air  put  frapper  la  brique  de  t  uis  les 
côtés  -. 

Enjoliveurs.  Plusieurs  corps  de  métiers 
avaient  le  droit  d'enjoliver,  c'est-à-dire  de  parer 
comme  ils  l'entendaient,  les  objets  qu'ils  fabri- 
quaient, même  en  empruntant  des  produits  dont 
d'autres  corporations  avaient  le  monopole,  l'or 
ou  l'argent,  par  exemple,  aux  orfèvres. 

Parmi  les  communautés  qui  ajoutaient  à  leurs 
titres  celui  d'enjoliveur,  je  citerai  les  bouque- 
tiers,  les  boutonniers,  les  doreurs  sur  cuir,  les 
doreurs  sur  métaux,  les  merciers,  les  miroitiers, 
les  passementiers,  les  plumassiers  elles  tabletiers. 

Enjoliveurs  de  crin.  Titre  qui  apparte- 
nait à  la  communauté  des  cordiers. 

Enlumineurs.  Des  mains  du  copiste,  les 
manuscrits  passaient  dans  celles  de  l'enlumineur, 
qui  se  chargeait  de  Vhistorier^  de  remplir  les 
espaces  laissés  en  blanc  par  le  premier  aux 
endroits  réservés  à  une  lettre  ornée  ou  à  une 
miniature.  L'art  d'enluminer  s'appelait  ilhmii- 
nare,  babuinare,  du  mot  haboue  ^,  alors  employé 
pour  désigner  les  étranges  figures  qui  ornaient 
parfois  les  marges  ou  accompagnaient  les  initiales 
des  manuscrits.  Certains  moines  portèrent  si  loin 
le  luxe  de  ces  ornements,  que  des  ordres  men- 
diants, les  Dominicains  entre  autres,  en  inter- 
dirent l'usage,  et  prescrivirent  à  leurs  copistes 
de  s'appliquer  surtout  à  former  des  caractères 
lisibles.  Les  enlumineurs  la'iques  mettaient  leur 
talent  à  très  haut  prix  ;  l'on  redoutait  même 
pour  les  Hls  de  famille  la  séduction  qu'exerçaient 
ces  artistes  sur  déjeunes  esprits. Le  jurisconsulte 
Odofredo  *.  qui  égayé  souvent  d'anecdotes  ses 
commenlaii'es  sur  le  droit  •'',  parle  ainsi  d'un 
écolier  passionné  pour  les  livres  historiés  :  «  Le 
père  donne  à  son  fils  le  choix  d'aller  étudier  à 
Paris  ou  à  Bologne  avec  cent  livres  par  an.  Que 
répond  le  fils?  11  choisit  Paris.  Là,  il  fait  emba- 
buiner  ses  manuscrits  de  lettres  d'or  ",  il  se  fait 
chausser  de  neuf  tous  les  samedis  :  il  est  ruiné  ». 

Les  dépenses  de  costume  devaient  plus  contri- 
buer à  celte  ruine  que  celles  de  l'embabuinage, 
car  les  livres  acquéraient  un  prix  considérable 
quand  l'eidumiueur  les  avait  ornés  d'initiales 
en  or,  d'encadrements,  d'armoiries,  de  vignettes, 


1    Tiilili-nii  ilr  Paris,   t.   II,   p.  30,"). 

-  Kncijrlojinl'n'  mHlwdique,  arts  et  méliers,  I.  I,  p.  309. 

•'  ^  oy.  Ducange,  au.\  mots  babewiiius  et  baboyiius. 

*  Treizième  siècle. 

•'  «   Vir  erat  festivissimi  inginii  ». 

^  H  Fecit  libres  suos  babuinare  de  litcris  aureis  ». 
Maurus  Fatlorinus,  De  claris  Bononiemis  professoribus, 
t.I,  p.  l.^I. 


ENLUMINEURS  —  ENSEIGNES 


303 


(le  iiiiiiiatures.  DaiiiKni  calculait  en  1824  qu'au 
treizième  siècle  un  volume  in-folio  enrichi  de 
peintures,  représentait  comme  prix  «  celui  des 
choses  qui  coùleroient  aujourd'hui  quaire  ou  cinq 
cents  francs  ^  »  ;  évaluation  bien  arbitraire,  cai' 
la  valeur  du  volume  dépendait  du  nombre  des 
figures  et  de  la  finesse  de  l'ornenjenlalion. 

La  Taille  de  1292,  cite  13  enlumineurs  -. 
dont  8  demeuraient  dans  la  rue  Erembourg'  de 
Brië^,  dite  au  quatorzième  siècle  ruedes  Enlumi- 
neurs *,  et  qui  est  aujourd'hui  la  rue  Boutebrie. 
En  1391,  ils  formaient  une  seule  corporation 
avec  les  sculpteurs  et  les  peintres.  Charles  V,  le 
duc  de  Berri,  Charles  ^'III,  Louis  XII,  Anne  de 
Bretagne,  Isabeau  de  Bavière  eurent  à  leur  ser- 
vice des  enlumineurs  dont  quelques-uns  étaient 
des  artistes  de  talent.  Tantôt  ils  dessinaient 
toutes  les  figures  à  la  plume,  puis  appli{[uaient 
les  couleurs  l'une  après  l'autre  ;  tantôt  ils  s'en 
tenaient  à  une  sorte  de  grisaille,  de  dessins  en 
hachures.  Quelquefois  ils  employaient  le  camaïeu, 
cherchaient  à  obtenir  le  chatojant,  le  moelleux, 
surtout  dans  les  ouvrages  de  dévotion.  L'oeil  se 
repose  avec  joie  sur  ces  jolies  pages  d'un  aspect 
si  doux  et  si  bien  assorti  aux  prières  et  aux  mé- 
diations pieuses  qu'elles  accompagnent  ^. 

Les  premiers  produits  de  l'imprimerie  pou- 
vaient être  confondus  avec  des  manuscrits. 
Comme  dans  ceux-ci,  les  pageï;  n'étaient  point 
numérotées,  et  l'on  n'y  trouvait  aucun  des  signes 
usités  plus  tard  pour  faciliter  l'assemblage  des 
cahiers  qui  composaient  le  volume.  Au  commen- 
cement des  chapitres,  un  petit  espace  laissé  en 
blanc  repi'ésentait  la  place  de  la  première  lettre  ; 
les  feuilles  sortant  de  la  presse  étaient  livrées  à 
l'enlumineur,  chargé  de  dessiner  et  de  peindre 
ces  initiales,  d'y  ajouter  parfois  d'élégantes  den- 
telles, de  riches  encadrements  ou  de  fines  minia- 
tures. Il  fallut  abandonner  cet  usage  lorsque  l'on 
se  préoccupa  de  produire  des  livres  à  un  prix 
abordable  pour  toutes  les  bourses.  Que  devinrent 
alors  les  enlumineurs  et  les  copistes,  à  qui 
l'imprimerie  avait  enlevé  leurs  moyens  d'exis- 
tence? Ils  se  résignèrent  à  donner  des  leçons  de 
dessin,  des  leçons  d'écriture.  Toutefois,  au  sei- 
zième siècle,  l'église  Notre-Dame  entretenait 
encore  un  enlumineur  «  illuminator  librorum  ». 
Le  23  décembre  1534,  il  reçut  36  sols,  pour 
avoir  orné  de  lettres  dorées  quatre  manuscrits 
appartenant  à  la  bibliothèque  du  chapitre  ". 

Les  quelques  artistes  qui  purent  continuer  à 
vivre  du  métier  d'enlumineur  durent  s'associer 
à  la  communauté  des  peintres  et  scidpteurs. 
Entre  eux  et  les  premiers,  il  n'y  avait,  disait-on, 
d'  «  autre  différence,  sinon  que  le  peintre  se  sert 
d'huile  en  son  ouvrage  et  l'enlumineur  de 
gomme  ».  En  mars  1608,  ils  demandèrent  à  se 
constituer  en    corporation  distincte,    ce   qu'une 


1  ffis/oire  litléraire  de  la  Finiice.  t.  X\  I,  p.  3'J. 

^  La  Taille  de  î!WO  en  mentionne  15. 

3  Page  1.56. 

i  Jaillot,  Quartier  Saint-André,  j).  44. 

3  Voy.  VHistoire  littéraire,  t.  XXIV,  p.  726. 

^  Voy.    A.    F.,  Les    anciennes  bibliothèques   de  Paris, 
t.  I,  p. '60. 


seidence  du  Châtelet  leur  refusa.  .l'y  lis  qu'à  ce 
moment  le  métier  d'eidumineur  était  «  utile  à 
pauvres  gentilshommes  et  gens  d'église  qui, 
s'étant  a(loiinez  à  tel  art  gagnoient  letu'  vie  à 
enseigner  la  noblesse,  à  faire  livres  d'église  et 
autres  ouvrages  plus  ordonnez  pour  Tembellis- 
sement  que  nécessaires  au  public  ». 

A  la  (in  du  dix-huitième  siècle,  les  enlumineurs 
sont  devenus  imatjers  et  coloristes.  Ce  sont  eux 
«  qui  font  imprimer  toutes  sortes  de  planches  et 
qui  vendent  toutes  sortes  de  cartes  géographiques 
et  d'estampes  enluminées  ou  non,  et  qui  ont 
droit  de  les  enluminer  s'il  leur  plaît  ».  J'ajoute 
que  les  miniaturistes  actuels  ont  été  regardés 
comme  descendîints  des  enlumineurs  du  moyen 

Ces  derniers  sont  dits  parfois  bn/mtneurs,  chry- 
sographes, historiens,  iliuraineurs,,  etc. 
Voy.  Dessin  (Maîtres  de). 

Énoueuses.  Vov.  Épinceusas. 


Enquêteurs. 
police. 


Commissaires  de 


Enquêteurs  et  commissaires  exami- 
nateurs. Officiers  jurés  dépendants  des  greniers 
à  sel. 

Voy.  Sel  (Commerça  du). 

Enseignes.  Les  enseignes,  encore  assez 
rares  au  treizième  siècle,  devinrent  nombreuses 
au  quatorzième.  Elles  étaient  tantôt  incrustées 
dans  la  pierre,  tantôt  peintes  sur  wne  planche  de 
bois  ou  une  plaque  de  métal  ;  la  plupart  d'entre 
elles,  suspendues  par  des  anneaux  à  une  potence 
de  fer,  formaient  saillie  jusqu'au  milieu  de  la 
rue,  procédé  encore  adopté  par  les  auberges 
de  province.  Le  plus  souvent,  l'enseigne  se 
balançait  au-dessus  de  la  porte  principale  ;  on 
en  accrochait  parfois  aux  pignons  dans  les  rues 
très  étroites,  et  à  l'encoignure  dans  les  maisons 
d'angle. 

Chaque  maison  était  désignée  par  son  enseigne, 
et  plusieurs  rues  de  Paris  ont  dû  leur  nom  à 
l'enseigne  la  pins  originale  ou  la  plus  apparente 
qui  s'y  balançait. 

Les  siècles  passèrent  sans  (jne  leur  forme 
variât  beaucoup,  mais  les  sujets  dont  elles  étaient 
tirées  variaient  à  l'infini.  Il  y  avait  des  enseignes 
mystiques,  chevaleresques,  mythologiques,  histo- 
riques, satiriques,  facétieuses,  etc.  Toutefois  en 
dehors  d'une  centaine  de  motifs  habituels,  les 
types  originaux  sont  peu  communs.  Ad.  Berty  a 
calculé  que  sur  six  cents  enseignes  prises  au 
hasai'd,  celles  de  Xotre-Dame,  de  Saint-Jean,  de 
Saint-Martin,  de  Sainte-Catherine,  de  FFcu  de 
France,  de  la  Corne  de  cerf,  de  la  Fleur  de  lis, 
et  de  la  Croix  comptaient  pour  quatre-vingt-sept, 
soit  pour  un  septième  *. 

Les  images  pieuses,  les  emblèmes  sacrés,  la 
Providence,  V Annonciation,  le  Saint-Esprit,  le 
Signe  de  la  croix,  le  Bon  pasteur  sont  les  plus 
employées. 


1  Etudes  archéologiques,  t.  XII  (1855),  p.  5. 


304 


ENSEIGNES 


Les  saints  préférés  sont,  oulre  ceux  que  j  ai 
cités  plus  haut,  saùit  Denis,  saint  Jacques,  saint 
Michel,  saint  Pierre,  saint  Christophe. 

Le  soleil,  la  lune,  les  croissants  sont  moins 
utilisés  que  les  étoiles. 

Parmi  les  animaux,  le  cheval,  le  lion  et  la  truie 
tiennent  le  premier  rang.  Mais  on  ne  dédaigne 
pas  le  dauphin,  le  renard,  le  singe,  le  chen,  le 
daim,  le  cerf,  le  bœuf,  le  mouton,  Vagneau,  la 
vache,  le  conin  ',  la  salamandre,  le  yrî//bw,  la 
licnr7ie,  Y  aigle,  le  cyywe,  \e  paon,  le  perroquet,  le 
<?o«/oM  -,  \e  faisan,  la  caw^  et  la  canette,  le  co^,  la 
^(?'//«<?  ■'',  Vécrevisse,  etc.,  etc. 

Les  végétaux  sont  surtout  représentés  par  le 
/igitier.  le  mûrier,  la  ro«^,  la  pomme  de  pin,  le 
chêne,  etc. 

Les  armes  par  le  heaume  *,  la  /<«c/«e,  Xépce, 
X arbalète,  le,  pistolet,  etc. 

Les  outils  par  les  ciseaux,  le  rabot,  la  /««w,  le 
maillet,  la  «<?/-j9^. 

Les  ustensiles  de  ménage  par  le  gril,  le  soufflet, 
lîi  ^/-"Z",  ^  mortier,  le  gobelet,  le  baril,  lepotd'e'tain, 
le  plat  d'e'tain,  le  chandelier,  la  balance,  Vécuelle, 
le  panier,  le  miroir,  etc. 

Les  hôtelleries  affectionnent  lVc?f  ^/^  France, 
iV Orléans,  de  Bretagne,  etc. 

Les  sgrènes  et  le  rt'îVw  d'amour  ont  leurs  par- 
tisans, aussi  bien  (\nele^  fers  'i  checal.  les  tours,  et 
les -iar^^.s  qui  sont  le  plus  souvent  d'or  et  d'argent. 

Les  lettres  couronnées  ne  sont  pas  rares. 
surtout  TA.  l'M,  TH,  l'F  et  même  le  Q.  Mais  il 
ne  faut  pas  oublier  que  les  balanciers  prenaient 
sDUvent  pour  enseigne  le  poinçon  avec  lequel  ils 
étaient  tenus  de  marquer  leurs  produits,  et  que 
ce  poinçon  reproduisait  la  première  lettre  de  leur 
riuni,  surmontée  d'une  couronne  fleurdelisée. 
l)ans  la  suite,  plusieurs  métiers  adoptèrent  ainsi, 
pour  la  composition  de  leurs  enseignes,  un 
emblème  particulier,  que  certains  corps  d'état 
n'ont  pas  encore  répudié.  Il  leur  était  parfois 
imposé,  comme  t-n  témoignent  les  statuts  accordés 
aux  barbiers  en  1718.  L'article  42,  préoccupé 
d'établir  une  distinction  entre  eux  et  les  chirur- 
giens, stipule  que  les  premiers  devront  peindre 
leurs  boutiques  en  bleu  et  j  suspendre  des  bassins 
blancs  (ceux  des  chirurgiens  étaient  jaunes) 
arcMiiipagnés  de  celte  inscription  :  Céans, on  fait 
le ptiil  et  on  tient  bains  etétnves.  Au  seizième  siècle, 
ji'x  sig»'s-fcmni<'s  avaient  pour  enseigne  soit  une 
feniiiii'  portant  un  enfant,  soit  iiii  petit  garçon 
ti-nanl  un  ricrgr,  s(»it  un  berceau  surmonté  d'une 
lli'ur  r|f  Ivs.  J'ai  retrouvé  une  sentence  du 
2ô  février  1720  qui,  sans  alléguer  aucune  raison, 
iiilenlil  aux  cabireliers  de  faire  figurer  sur  leurs 
enseignes  un  riiou.  Le  mAnie  règlement  veut  que 
toutes  leurs  boutiques  soient  munies  de  barreaux 
de  fer,  tradition  qui  s'est  conservi'-e  jusqu'à  nos 
jours'. 


1 

!.•■  Inpiti 

« 

t..    |.ip-..i 

1^1  |>'>iil>'. 

1 

F,''  rnM|u> 

Les  jeux  de  mots  où  se  complaisaient  tant 
nos  pères,  les  calembours,  les  rébus  jouaient 
éo-alement  un  grand  rôle  dans  la  rédaction  des 
enseignes.  En  veut-on  quelques  spécimens  ï' 

A  la  Roupie,  avec  une  roue  et  une  pie. 
Au  Puissant  vin,   avec   un    puits   duquel  on 
tirait  un  seau  d'eau. 


avec  une  vieille  femme 
trois  gros  personnages 


»  Sntttiirf  >tf  /wlire,  m  fotmr  de  rfglrmrnt,   t/ui  onlonnr 
<pif  Ifs    mnrrkuHdt   lit  rlnx   auront    à    leurs    maisons    des 
/-v..^  ,;,/^>    ,./  bnrrfouT,    nrec  dfftnsfs  d'>i  mtltre  un  chou 
puis.  1729,  m-i'.. 


A  la   Vieille  science, 
sciant  l'anse  d'un  vase. 

Aux  Gracieux,   avec 
sciant  du  bois. 

Aux  Chassieux,  avec  des  chats  sciant  du  bois. 

A  r Abricotier.  C'était  l'enseigne  de  la  mai- 
son que  s'était  fait  construire,  rue  Saint-André 
des  Arts,  Jacques  Goitier,  le  célèbre  médecin 
de  Louis  XI. 

A  P Assurance ,  avec  un  A  sur  une  anse. 

A  PY.  Au  dix-septième  siècle,  les  grègues. 
qui  représentaient  notre  culotte,  étaient  réunies 
aux  bas  de  chausses  ou  bas  par  des  aiguillettes 
ou  par  un  lien  devenu  ainsi  un  lie-grègues.  Eu 
1777,  les  deux  plus  importants  aiguilletiers  de 
Paris,  Delastre,  rue  de  la  Huchette,  et  Loupia, 
rue  Saint-Honoré,  avaient  tous  deux  pour 
enseigne  l'Y. 

A  la  Petite  vertu,  avec  un  U  de  petite  taille 
peint  en  vert. 

La  plupart  de  ces  enseignes  étaient  constituées 
par  de  lourds  et  immenses  tableaux  qui,  dépas- 
sant parfois  le  milieu  des  étroites  rues  de  cette 
époque,  contribuaient  encore  à  les  assombrir. 
Aussi  une  ordonnance  de  police  du  22  septembre 
1600  interdit-elle  de  placer  aucune  enseigne 
sans  rautorisation  du  grand  vojer.  Puis,  un 
arrêt  du  2tt  octobre  1666  chercha  à  réduire  la 
dimension  des  auvents  et  des  enseignes,  défendit 
de  poser  celles-ci  «  à  l'avenir  plus  bas  que 
15  pieds  et  autrement  que  sur  une  même  ligne  ». 
Le  2  novembre,  Gui  Patin  écrivait  à  son  ami 
Falconet  :  «  On  réforme  ici  les  auvents  des 
boutiques  qui  étoient  trop  grands,  à  quoi  les 
commissaires  du  Ghàtelet  sont  fort  occupés  ;  il 
y  en  a  même  deux  d'interdits  de  leurs  charges, 
pour  n'y  avoir  vaqué  avec  assez  d'exactitude  '  ». 
Mais  on  se  heurtait  à  des  habitudes  datant  de 
plusieurs  siècles,  et  il  fallut  toute  l'énergie  de 
M.  de  la  Rejnie,  alors  lieutenant  de  police,  pour 
en  triompher.  En  1669,  il  réunit  les  jurés  des 
Six-Gorps,  réclama  leurs  conseils  et  leur  inter- 
vention. Deux  moyens  se  présentaient:  réduire 
la  dimension  des  enseignes,  ou  exiger  qu'elles 
fussent,  comme  aujourd'hui,  appliquées  sur  la 
devanture  des  boutiques.  Les  Six-corps  repous- 
sèrent ce  dernier  système,  déclarèrent  que  les 
enseignes  saillantes  étaient  beaucoup  plus  avan- 
tageuses. M.  de  la  Reynie  se  soumit  et  rendit  une 
ordonnance  qui  débute  ainsi  :  «  La  réduction 
des  enseignes  à  une  même  grandeur,  hauteur  et 
avance  sur  les  rues  est  à  désirer  pour  la  déco- 
ration de  la  ville  et  pour  empêcher  l'abus  de 
plusieurs  marchands  et  artisans  qui  attachent  à 
leurs  maisons  des  enseignes  d'une  dépense  et 


1  Tonii-  III,  p.   «25. 


ENSEIGNES 


:îo: 


MODELE     DES     ENSEIGNES. 

Les  Marchands   &    les  Arcifans  doivent  s'y    conformer   fuivanc 
les  Réglemens  de  Police. 


d'une  grandeur  excessives,  et  qui,  pour  les  mieux 
exposer  en  vue,  les  avancent,  à  i'envy  l'un  de 
l'autre,  quelquefois  jusques  au-delà  du  ruisseau 
et  du  milieu  des  rues,  en  telle  sorte,  qu'avec  les 
autres  inconniiodilés  que  le  public  en  reçoit,  ce 
désordre  empêclie  que  plusieurs  quartiers  ne 
soient  assez  éclairez  pendant,  les  nuits  d'Iiyver  ». 
Le  lieutenant  de  police  fixait  en  même  tmnps  la 
dimension  des  enseignes,  dont  la  penlure  devait 
être  pour  toutes  d'un  modèle  uniforme,  pré- 
sentant seulement  trois  pieds  de  saillie  sur  la  rue. 
Un  dessin,  qui  a  été  reproduit  par  le  commis- 
saire Delamarre  ^,  était  joint  à  l'ordonnance. 
Le  serrurier  du 
roi,  Nicolas  de 
Lobel,  s'enga- 
geait à  exécu- 
ter la  penture 
moyennant  dix- 
sept  livres,  et 
à  reprendre  les 
anciennes  au 
poids  du  fer, 
à  raison  de 
quinze  deniers 
la  livre.  Le  ta- 
bleau suspendu 
à  la  penture  ne 
devait  pas  dé- 
passer dix-huit 
pouces  ^  de 
large  sur  deux 
pieds  ^  de  haut, 
et  sa  partie  infé- 
rieure s'élevait 
à  treize  pieds 
et  demi  *  au- 
dessus  du  pavé. 

Le  docteur  Lister,  qui  visita  Paris  en  1698, 
célèbre  l'obéissance  des  commerçants  établis  dans 
cette  ville.  Sur  une  seule  injonction  de  la  police 
parlant  au  nom  du  roi,  ils  ont  aussitôt,  dit-il, 
diminué  les  proportions  de  leurs  enseignes,  «  en 
sorte  quelles  n'obstruent  plus  les  rues  et  font  aussi 
peu  de  figure  que  s'il  n'y  en  avait  point  ^  ».  Ou 
je  me  trompe  fort,  ou  Lister  exagère  un  peu.  Ce 
qui  est  sûr,  c'est  que  ces  Parisiens  si  dociles 
s'étaient  seulement  plies  à  une  nécessité  que  leur 
apparente  soumission  regardait  bien  comme 
momentanée.  Dès  le  milieu  du  siècle  suivant,  le 
public  recommençait  à  se  plaindre  de  l'obscurité 
qu'entretenaient  les  énormes  enseignes  qui  se 
balançaient  au  devant  des  boutiques.  Elles  avaient 
repris  leurs  colossales  dimensions  :  des  bas,  des 
clefs,  des  paquets  de  chandelles,  des  pains  de 
sucre  gros  comme  des  tonneaux  occupaient 
parfois  toute  la  largeur  de  la  rue,  et,  les  jours  de 
vent,  se  choquaient  entre  elles,  grinçaient  et 
criaient  sur  leurs  lourdes  potences  de  fer. 

La  police  intervint  de  nouveau.   Le  25  mai 


1  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  337. 

2  Environ  49  centim. 

3  Environ  66  centim. 

4  Environ  4  mètres  35  centim. 
'   Voyage  à  Paris,  p.  30. 


1761,  une  oi'donnance,  rendue  celte  luis  ù  la 
requête  des  Six-corps,  fut  notifiée  aux  commer- 
çants. Leurs  enseignes  devaient  être  placées  à 
quinze  pieds  au  moins  de  hauteur  ;  (Jii  leur 
accordait  une  saillie  de  trois  pieds  '  dans  les 
grandes  rues  ^  et  de  deux  pieds  et  demi  •'  dans 
les  petites.  L'enseigne  entière,  compris  «  la 
potence  de  fer,  l'écriture  et  les  étalag(\s  y 
pendans  »,  ne  devait  pas  dépasser  deux  pieds  de 
largeur  sur  trois  pieds  *  de  hauteur  •''. 

Quelques  bouti([uicrs  se  soumirent,  miiis  h;  plus 
grand  nombre  ayant  négligé  d'obéir,  la  police 
prit,  le   17  décembre  suivant,  une  mesure  plus 

radicale.  Celte 
fois,  toutes  les 
enseignes  sail- 
huiles  étaient 
condanmées  à 
disparaître  ;  on 
autorisait  ex  - 
clusivement  les 
enseignes  ap  - 
pliquées  contre 
les  murs  des 
niaixiiis  (Ui  les 
d(!vantures  des 
lioutiques.  Les 
deux  premiers 
articles  de  l'or- 
donnance 
étaient  ainsi 
conçus  : 

Article  1". 
Tous  particu- 
liers marchands 
et  artisans  ou 
autres  généra- 
lement quel  - 
conques  de  la  ville  et  fauxbourgs  de  Paris,  ayant 
sur  rue,  cul-de-sac,  lieux,  places  ou  passages 
publics,  des  enseignes  en  saillie  suspendues  au 
bout  d'une  potence  de  fer  ou  autre  matière  seront 
tenus,  dans  le  cours  du  mois  de  janvier  prochain, 
de  retirer  les  dites  enseignes,  sauf  à  eux  à  les  faire 
appliquer  contre  les  murs  et  façades  de  leurs 
maisons. 

Article  2.  Toutes  enseignes  ou  tableaux 
appliqués  aux  trumeaux,  croisées  ou  autres  parties 
des  murs  de  face  sur  la  voie  publique  ne  pourront 
avoir  plus  de  quatre  pouces  d'épaisseur  ou  de 
saillie  du  nu  du  mur,  y  compris  les  bordures, 
chapitaux,  soubassemens,  pilastres  et  tels  autres 
ornemens  ou  marques  distinctives  de  commerce 
ou  de  professions  qui  seroient  joints  auxdits 
tableaux  ou  enseignes  ^. 

Cette  sage  mesure  avait  été  prise  à  l'instigation 
de  M.   de  Sartine,  alors  lieutenant  général  de 


1  Environ  1  mètre. 

2  Celles  qui  avaient  au  moins  seize  pieds  de    largeu.'-. 

3  Environ  0,80  centim. 

4  Environ  0.65  sur  1  mètre. 

3  Dans  Desessarts,  Dictionnaire  de  police,  t.  III,  p.  .524. 

6  Ordoniuinee  du  bureau  des  finances  de  la  généralité  de 
Paris,  1761,  in-4°.  —  Voy.  aussi  Barbier,  Chronique  de 
la  Régence,  t.  VII,  p.  416,  et  Desessarts,  t.  III,  p.  520. 


20 


306 


ENSEIGNES  —  ENTERREMENTS 


police.  Son  successeur  Lenoir  en  poursuivit  sévè- 
rement l'exécution,  car  Sébastien  Mercier  pouvait 
écrire  vers  1782  : 

«  Les  enseignes  sont  maintenant  appliquées 
contre  le  mur  des  maisons  et  des  boutiques,  au 
lieu  qu'autrefois  elles  pendoient  à  de  longues 
potences  de  fer;  de  sorte  que  l'enseigne  et  la 
potence,  dans  les  grands  vents,  menaçoient 
d'écraser  les  passans  dans  les  rues. 

Quand  le  vent  souftloit,  toutes  ces  enseignes, 
devenues  gémissantes,  se  heurtoient  et  se  cho- 
quoient  entre  elles,  ce  qui  composoit  un  carillon 
plaintif  et  discordant,  vraiment  incroyable  pour 
((ui  ne  l'a  pas  entendu.  De  plus,  elles  jotoient,  la 
imil,  des  ombres  larges  ([ui  rendoiml  nulle  la 
foible  clarté  des  lanternes. 

Les  enseignes  avoient,  pour  la  plupart,  un 
volume  colossal  et  en  relief.  Elles  donnoient 
l'image  d'un  peuple  gigantesque  aux  yeux  du 
peuple  le  plus  rabougri  de  l'Europe.  On  voyoit 
une  garde  d'épée  de  six  pieds  de  haut,  une  botte 
grosse  comme  un  muid,  un  éperon  large  comme 
une  roue  de  carrosse,  un  gant  où  on  auroit  logé  un 
enfant  de  trois  ans  dans  chaque  doigt,  des  têtes 
monstrueuses,  des  bras  armés  de  fleurets,  qui 
occiipoient  toute  la  largeur  de  la  rue. 

La  ville,  qui  n'est  plus  hérissée  de  ces  appen- 
dices grossiers,  offre,  pour  ainsi  dire,  un  visage 
poli,  net  et  rasé.  On  doit  cette  sage  ordonnance 
à  M.  Antoine-Raimond-Jean-Gualbert-Gabriel 
deSartinequi,  de  lieutenant  de  police,  est  devenu 
minisire  delà  marine'  ». 

Mais,  de  cette  saffe  ordonnance  date  aussi  la 
décadence  de  l'enseigne.  Devenue  moins  visible, 
elle  perd  de  son  importance,  elle  cesse  d'être 
l'accessoire  obligée  de  la  boutique.  Au  lieu  de 
fournir  un  nom  à  la  rue,  c'est  souvent  elle  qui  lui 
••iiq)runte  le  sien  ;  puis  elle  se  voit  réduite  au 
n'jle d'affiche  purement  commerciale,  où  s'étalent 
les  outils  ou  les  produits  de  chaque  métier.  L'ori- 
ginalité est  devenue  rare.  Plus  de  ces  enseignes 
([ui  renversaient,  «  par  une  barbare,  pernicieuse 
et  détcslable  orthographe,  toute  sorte  de  sens  et  de 
raison  -  ;  >.  plus  de  truie  qui  vole  ou  ({ui  file,  plus 
df  chat  qui  pêche,  plus  de  puits  ([ui  parle,  plus 
•  l'Ane  qui  joiir^  do  la  vielle  ...  C'est  à  peine  si 
l'on  rfiiconlrc  encore  quelque  jeu  de  mot  tiré  à 
grand'prjiic  du  nom  du  miiiii'c  ou  de  celui  de  la 
ruf. 

En  août  17Î)2,  un  arrêté  de  la  Comniinie 
enjoijpnil  aux  comnn'n-ants  de  supprimer  de  leurs 
••MM-i^rncs  .,  lotis  emblèmes  qui  rappellcroient  au 
p'-uple  h;  IcMips  d'esclavage  sous  lequel  il  a  gémi 
depuis  trop  Idiiglemps».  Quant  aux  pro|)rietair.s. 
iU  él^iirnl  l»'nus  de  faire  disparaître,  dans  le  délai 
de  quinze  jtiurs,  «  de  dessus  les  nmrs  de  leurs 
maisons,  les  armes,  fleurs  de  lys,  statues,  bustes, 
enlin  tout  ce  qui  ne  peut  être  considéré  (jue  comme 
un  hiinneur  rendu  a  un  individu  :  la  liberté  et 
régnlilé  étant  désormais  les  seules  idoles  dio-iies 
(les  hommages  du  peuple  fran«;ois  -''  ».  * 


•    TnbltoH  lit  Paris,  t.  I,  p.  21."> 
'  Moli^p.,  f.rf  fArheux.  net.'  III,  se.  2. 
•''  Dnns    HoIiin>l ,    l.e    mouremcnt    relinieua: 
ptHiUint  la  RéKUtion,  l.  II,  p.  417. 


Paris 


Entailleurs  d'imag-es.  Voy.  Sculp- 
teurs. 

Entailleurs  de  pierre. Voy.  Tailleurs 
de  pierre. 

Enterrements.  L'esprit  de  confraternité 
qui  unissait  tous  les  membres  d'une  corporation 
ouvrière  donnait  aux  enterrements  des  maîtres, 
même  les  plus  pauvres,  quelque  solennité.  Dès 
le  treizième  siècle,  quand  mourait  un  ouvrier 
tabletier,  chaque  atelier  désignait  un  de  ses 
membres  pour  accompagner  le  corps.  Le  Livre 
des  me'tiers  s'exprime  ainsi  :  «  Nous  disons  que 
se  il  muert  1  home  ou  famé  du  mestier,  nous 
voulons  que  il  i  ait  de  chacun  ostel  une  persone 
avec  le  cors,  et  quiconquessoit  défaillant,  il  paie 
demie  livre  de  cire  à  la  confrarie  ^  ». 

Chez  les  crieurs  de  vin,  la  communauté  tout  en- 
tière, enrobe  de  confrérie,  s'assemblait  au  domi- 
cile du  défunt.  Les  uns  portaient  le  corps  sur  leurs 
épaules,  pendant  que  les  autres  l'entouraient, 
ayant  à  la  main  leur  sonnette  qu'ils  faisaient  tinter 
sans  interruption.  Deux  crieurs,  munis  d'un  pot 
de  vin  et  d'une  belle  coupe,  marchaient  près  du 
cercueil,  versant  à  boire  aux  porteurs.  Quand  le 
convoi  arrivait  à  un  carrefour,  on  posait  le 
cercueil  sur  des  tréteaux,  et  l'on  offrait  du  vin 
à  tous  les  assistants  :  «  Et  iront  deux  d'iceux 
crieurs  entour  iceluy  corps  du  crieur  trespassé, 
l'un  tenant  un  pot  de  vin  et  l'autre  un  beau 
hanap,  pour  présenter  et  donner  à  boire  à  tous 
ceux  qui  porteront  le  corps.  Et  mettront  reposer 
ledit  corps  à  chacun  carrefour  sur  des  tresteaux, 
et  en  iceluy  reposant  présenteront  à  boire  à  ceux 
qui  là  seront  presens,  aux  despens  de  la  con- 
frérie ^  ». 

L'article  23  des  statuts  accordés  aux  lapidaires 
en  1584  est  ainsi  conçu  :  «  Advenant  le  déceds 
de  l'un  des  maistres  dudit  mestier  ou  de  leurs 
femmes,  tout  le  corps  de  la  communauté  dudit 
mestier  assistera  au  convoy.  Et  en  iceluy  seront 
portés  quatre  torches  de  cire,  chacune  pesant 
deux  livres,  et  quatre  cierges  chacun  d'une 
livre,  aux  despens  de  toute  la  communauté 
dudit  mestier». 

Chez  les  merciers,  Ton  plaçai!  sur  le  cercueil 
un  poêle  de  velours  violet  brodé  et  semé  de  (leurs 
de  lis  d'or,  dont  les  cardons  étaient  tenus  par  les 
jurés  de  la  corporation.  On  les  en  dispensa  en 
1596,  à  cause  de  la  peste  qui  décimait  Paris. 
Les  obsèques  étaient  suivies  d'un  banquet,  qui 
avait  ordinairement  lieu  aux  environs  de  Paris  ; 
ou  le  supprima  en  1674  ^. 

Chez  les  libraires,  le  poêle  servant  aux 
inhumai  il  ms  l'ut  d'abord  de  velours  rouge. 
En  1661,  (ui  le  rempliiçîi  par  un  poêle  en  velours 
noir  avec  croix  et  franges  d'argent.  Renouvelé 
en  1711,  on  ajouta  aux  quatre  coins  les  armes  de 
la  corporation. 

V'^oy.  Fompes  funèbres. 


<  Titre  LXVIII,  art.  18- 
2  Ordonnance  de  février  1415,  art.  8  et  9- 
•'  N  oy.  Saint-Joanny,  Jiegisfres  des  merciers  de  Paris, 
p.  12. 


ENTÊTE  URS  —  ÉPLNETIEHS 


307 


Entêteurs.  Ouvriers  qui  assujétissaieril  la 
tête  des  épingles  sur  le  fil  *. 

Entre-deux,  Dans  les  briqueteries,  ouvTiers 
qui  servaient  d'aides  aux  enfourneurs  ^. 

Entreg-eteurs.  ^'oy.  Bateliers. 

Entremetteurs     d'affaires.      Voj. 
Agents  d'affaires. 

Entremetteuses.  Femmes  ([ui  faisaient 
métier  de  faciliter,  à  prix  d'arg'ent,  les  liaisons 
illicites.  Au  dix-septième  siècle,  on  les  appelait 
aussi  dariolettes  ^,  nom  que  porte  la  confidente 
d'Oriane,  dans  Amadis. 

Entrepôt  (Commissionnaires  d').  «  Ce  sont 
ceux  qui  reçoivent  les  marchandises  dans  leurs 
magasins,  et  de  là  les  envoient  à  leur  destina- 
tion *  ». 

EnvOÛteurs.  Imposteurs  qui  prétendaient 
faire  ressentir  à  une  personne  déterminée  le  mal 
fait  une  à  statuette  de  cire  exécutée  par  eux. 
Robert  d'Artois  fut  accusé  en  i;^33  d'avoir  voulu 
envoûter  Philippe  VI  et  sa  famille. 

Les  emmasqueurs  étaient  des  sorciers  de  la 
même  farine. 

Eperonniers.  La  Taille  de  1202  en  cite 
trois,  celle  de  1300  en  mentionne  cinq.  Ils  étaient 
fondus  déjà  dans  la  corporation  des  fermiers. 
Ceux-ci  prirent  plus  tard  le  nom  de  lormiers-e'pe- 
ronniers^  pour  se  distinguer  des  lormiers-selliers  ; 
puis,  vers  le  commencement  du  dix-huitième 
siècle,  le  mot  lormier  disparut,  et  celui  d'éperon- 
nier  subsista  seul  pour  désigner  la  communauté. 

On  trouve  esjjeromers,  esperonneurs,  etc. 

Voy.  Ijormiers. 

Épiciers.  Jusqu'à  la  Déclaration  du  25  avril 
1777,  l'histoire  des  épiciers  se  confond  avec  celle 
des  apothicaires.  Elle  est  comprise  ensuite  dans 
celle  des  corps  de  métiers  dont  l'ensemble  repré- 
sentait la  corporation  dite  des  e'piciers-grossiers- 
drognistes-co  nfiseurs-ciriers  ^ . 

Les  épiciers  étaient  placés  sous  le  patronage 
de  saint  Nicolas. 

Voy.  Goureurs. 

Epiciers  d'enfer.  Voy.  Févriers. 

Epileurs.  C'est  ordinairement  aux  étuves 
qu'avait  lieu  l'épilation,  coutume  adoptée  par 
toutes  les  classes  de  la  société.  Le  barbier,  son 
valet  ou  quelque  vieille  matrone  se  chargeaient 
de  l'opération  vis-à-vis  des  deux  sexes.  Quand 
François  P""  mit  à  la  mode  les  cheveux  courts  et 
la  barbe  longue.  Clément  Marot  peignit  en  vers 
railleurs  le  désespoir  des  barbiers  réduits  au 
métier  d'épileurs  ^ . 


1  Encyclopédie  méthodique,  arts  et  méti(M-s,  t.  I,  p.  460. 

2  Encyclopédie  méthodique,  arts  et  métiers,  t.  I,  p.  335. 

3  Voy.  Tallemant  des  Réaux,  Historiette!!,\.  IV, p.  346. 
*  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  I,  p.  524. 

^  Voy.  tous  ces  mots. 

6  Édit.  de  1731,  t.  VI,  p.  257. 


Le  tarlet  à  tout  faire,  La  chaïiihrière  à  tout 
faire.  Le  banquet  des  charahrières  ^  donnent  sur 
cette  coutimie  des  détails  si  intimes  que  je  ne 
puis  les  faire  figurer  ici. 

Au  chapitre  des  redevances  curieuses.  Sauvai 
raconte  que  la  comtesse  d'Auge  recevait  chaque 
année  de  ses  vassaux  un  rasoir  ^,  dont  l'usage 
n'est  d'ailleurs  pas  indiqué.  Il  est  certain  que, 
dans  le  peuple  et  la  bourgeoisie,  la  mode  de 
l'épilation  disparut  en  même  temps  que  l'habi- 
lude  d'aller  aux  étuves.  Un  passage  des  Facé- 
tieuses paradoxes  de  Bruscanibille  •',  passage  que 
je  ne  veux  pas  reproduire,  mi»nlre  bien  qu'au 
seizième  siècle  la  plupart  des  femmes  y  avaient 
renoncé.  Mais  parmi  les  recherches  delà  coquet- 
terie à  cette  époque,  il  faut  mentionner  la 
coutume  de  s'épiler  les  sourcils,  de  manière  à  ne 
conserver  au-dessus  des  yeux  qu'une  ligne  à  peine 
visible  *. 

Dans  le  grand  monde,  l'épilation  resta  en 
honneur  jusqu'à  la  lin  du  dix-huitième  siècle.  En 
176(),  quand  le  duc  d'Orléans  épousa  madame  de 
Montesson,  l'époux  reçut  la  chemise  le  soir  des 
noces  avec  le  cérémonial  usité  à  la  cour.  Le 
marquis  de  Valençay  la  présenta,  et  le  prince, 
se  dépouillant  de  celle  qu'il  portait,  offrit  à 
tous  les  assistants  le  spectacle  d'une  épilalion 
complète,  suivant  les  règles  de  la  plus  brillante 
galanterie  du  temps.  «  Les  princes  et  les  grands, 
ajoute  Soulavie  ^,  ne  consommaient  des  mariages 
ou  ne  recevaient  les  premières  faveurs  d'ime 
maîtresse  qu'après  cette  opération  préalable  ». 


Épinal  (Images  d').  Voy.  Papiers  peints 
(Fabricants  de). 


Epinceleurs 
Grillageurs. 


et    Épinceliers.     Voy. 


Épinceleuses.  Voy.  Épinceuces. 

Épinceurs.  Voy.  Paveiirs. 

Épinceuses.  L'épinçage,  époutillage  ou 
nopage  des  draps  consistait  à  arracher,  avec  de 
petites  pinces  de  fer,  les  pailles  et  menues  brin- 
dilles qui  restent  dans  le  tissu  après  le  foulage. 
Cette  opération  était  ordinairement  faite  par  des 
femmes  que  l'on  trouve  nommées  e'botiqueuses, 
énoueuses.  e'pinceleiises ,  e'pincheleuses,  e'pincheuses, 
époutieuses,  époutilleuses ,  nopeuses,  etc.  Elles 
appartenaient  à  la  corporation  des  foulons,  dont 
les  maîtres  se  qualifiaient  époutilleurs  de  draps. 

Epincheleuses  et  Épincheuses.  Voy. 
Épinceuses. 

Épinetiers.  Fabricants  et  joueurs  de 
l'instrument  appelé  épinette.  L'épinette,  ancêtre 


1  Anciennes   poésies   françaises,    t.    I,    p.    84   et    103  : 
t.  II,  p.  281. 

2  Antiquités  de  Paris,  t.  II,  p.    405. 

3  Édit.  de  1015,  p.  24. 

*  ^oy.  Description  de  l'isledes  hermaphrodites, -p.  10,  et 
Gabriel  de  Minut,  De  la  beauté,  p.  145. 

3  Mémoires  du  règne  de  Louis  XVI,  t.  II,  p.  90. 


308 


ÉPINETIERS  -  ÉPINGLES 


du  clavecin  et  du  piano,  différait  surtout  de  ce 
dernier  en  ce  que  le  marteau  qui  y  frappe  les 
cordes  était  représenté  par  la  pointe  d  une  plume 
de  corbeau,  qui  les  pinçait.  Rabelais  a  cite 
répinetle  K  et  il  y  eut,  dès  le  seizième  siècle,  a 
la  cour  des  épinetiers  en  titre  -.  Je  trouve  même 
sous  Louis  XIV,  un  porte-épinette  ^. 

Les  épinetiers  appartenaient  à  la  corporation 
des  luthiers. 

Éping-les  (Fabricants  d').  Ils  prétendaient 
descendre  d'iïnoch,  vénérable  patriarche,  né, 
dit-on,  3.378  ans  avant  l'ère  chrétienne.  Comme 
ils  ne  fournissent  aucune  preuve  à  l'appui  de 
cette  assertion,  il  est  permis  d'élever  quelques 
doutes  sur  sa  véracité.  On  l'a  osé.  Et,  par  un 
juste  retour  des  choses  d'ici-bas,  l'orgueilleuse 
corporation  a  été  fort  maltraitée,  jusqu'en  ces 
derniers  temps,  par  les  encyclopédies,  les  diction- 
naires historiques,  des  origines,  etc.  J'y  recueille 
cette  phrase,  dont  chacun  d'eux  s'efforce  de 
modifier  un  peu  la  forme  :  «  L'usage  des  épingles 
commi'nça  en  France  vers  le  milieu  du  seizième 
siècle:  Catherine  Howard,  femme  de  Henri  VIII, 
les  introduisit  en  Angleterre  vers  1543  ». 
\,'Encyclo])édie  des  gens  du  monde  *  envisage 
même  avec  douleur  le  triste  sort  des  femmes  qui 
vivaient  avant  le  seizième  siècle,  et  elle  ajoute  : 
«  Auparavant,  les  deux  sexes  se  servaient  de 
cordons,  de  lacets,  d'agrafes,  de  boutons,  et  les 
pau^Tes  (ne  font-ils  donc  pas  partie  des  deux 
sexes  ?)  de  brochettes  de  bois  pour  attacher  leurs 
vêtements  ».  Or,  les  Romains  connaissaient  très 
liien  les  épingles,  et  l'on  en  a  trouvé  dans 
j)lusieurs  tombeaux  mérovingiens  ^  ;  enfin,  il 
existait  à  Paris  en  1292  dix  ateliers  à'espingtiiers, 
et  il  y  en  avait  vingt-cinq  en  1300  ". 

Dès  1268,  les  espingliers  étaient  régis  par  des 
sUiluls  fort  sages  ',  qui  furent  revisés  une 
Irenlaine  d'années  après  ".  Les  modifications  qu'y 
îippiirtèrent  alors  l'ensemble  des  maîtres  et  des 
duvri^-rs,  «  l'acort  du  coumun  du  mestier  », 
visi-nl  siirloiit  l'apprentissage.  Sa  durée  est  fixée 
il  six  ans  pour  l'enfant  sans  argent.  De  plus,  fait 
t'xceplionnel,  les  apprentis,  avant  d'être  admis 
dans  Talidier,  devaient  jurer  solennellement  sur 
Ifs  reliques  des  saints  '-^  qu'  «  ils  garderont  à 
loiisjours  les  convenances  ^^  et  ordenences  du 
ini'siirr,  cl  que,  en  quelque  lieu  ou  justice^'  que 
ils  se  transporh-nml  dedans  lit  vicomte  de  Paris, 
iibéinml  aux  uifslres  du  mestier  ».  C'était  là 
di'uiandtT  lieaucitiip  à  un  enfant;  mais  ce  serment 
raiTsliliinil  !«•  pi'lil  personnage  membre  de  la 
conununaute,  el  nous  savons  (pie  son  maîlre  étiiit 
dos  lors  tenu  de  le  traiter  ctuunie  Irl. 


*  Livro  1,  chnp.  23. 

'  Voy.  A.  Jnl,  Dietioniinire  eriliqitr.  ji.  r>38. 
•T  a  lai  Ht  la  France  pour  17  îli,  I.  I,  ji.  ^24. 

*  Toi,)..  IX.  p.  042. 

5  Vi.y.  J.  (^iiichcrnt,  Histoire  du  fo.slumr,  ji.  21  cl  80. 
^  \i>y    i.ji  Tailles  <lo  rcs  dmix  iinnùe.s. 

*  l)nii.'*  Il'  Lirrt  dex  mf titra,   t.  I^X. 

*  Dnns  D'^ppinp,  Ordonnances,  elc,  p.  364. 
'  0  Sur  si-inz  a. 

"  I.C.S  rogl.-nx'nlK,  li-s  traditions. 
H  Ti.'rriloirc,  juriiliclion. 


La  communauté  ne  produisait  que  les  épingles 
ordinaires.  Les  plus  riches,  formées  de  métaux 
précieux,  étaient  l'œuvre  des  orfèvres. 

Parmi  les  dépenses  faites  en  1559  pour  le 
mariage  d'Elisabeth,  fille  de  Henri  II,  je  relève 
celle-ci  :  «  A  Pierre  Plancon,  espinglier  de  la 
Reyne,  58  livres,  pour  cent  seize  milliers 
d'espingles  grosses,  moyennes  et  petites  ^  ». 
Ordinairement,  les  plus  petites  se  vendaient  au 
poids  ou  au  quarteron,  quart  d'une  livre,  et  c'est 
ainsi  qu'on  les  criait  dans  Paris. 

Les  statuts  des  épingliers  furent  revisés 
souvent,  et  en  dernier  lieu  par  Henri  IV  en  1602. 
Aux  termes  de  ceux-ci,  chaque  maître  ne  pouvait 
avoir  à  la  fois  plus  de  deux  apprentis,  l'appren- 
tissage durait  quatre  ans  et  le  compagnonnage 
un  an.  Le  chef-d^ œuvre  imposé  aux  candidats 
à  la  maîtrise  consistait  à  «  faire  un  millier 
d'épingles  ». 

Les  épingliers  avaient  le  droit  de  faire  impri- 
mer, sur  le  papier  enveloppant  leurs  épingles, 
ces  mots  Espingles  de  la  Reyne. 

Ils  étaient  autori.sés  à  fabriquer,  outre  des 
épingles,  «  tous  fers  et  affiquets  servans  aux 
chapperons  des  femmes  ^,  crochets,  brochettes  à 
tricquoter  pour  faire  bas  d'estame  ^,  agrafes, 
châssis,  volières,  annelets,  treillis  *  en  lozanges 
ou  en  carrez,  cages  de  fil  de  laiton,  etc.  Ils  y 
ajoutèrent  un  peu  plus  tard  des  clous  d'épingles, 
des  épaulettes  pour  militaires  et  des  masques 
pour  l'escrime. 

Quatre  ans  avant  que  Marinette  vendit  à  Gros- 
René  son  «  demi-cenl  d'épingles  de  Paris  ^  », 
l'épinglier  de  la  reine  se  nommait  Jean  Bourgeois 
et  demeurait  rue  Saint-Denis.  Il  fut  mis  à  mort 
par  des  juifs  qui  s'étaient  crus  insultés  par  lui, 
et  cet  événement  causa  dans  Paris  une  très  vive 
émotion  ^. 

La  communauté  des  épingliers  compta  plus 
de  200  maîtres  qui  occupaient  au  moins 
600  ouvriers.  Mais  cette  prospérité  ne  se  soutini 
pas,  car  en  1680,  il  n'y  avait  plus  à  Paris  que 
50  maîtres  el  18  veuves  de  maître.  Avant  1690, 
il  n'en  restait  plus  un  seul  '.  Des  lettres  patentes 
d'octobre  1695  réunirent  donc  en  une  seule  la 
communauté  des  épingliers  et  celle  des  aiguil- 
liers,  chacune  conservant  d'ailleurs  ses  statuts. 
Ils  se  disaient  alors  épingliers-aiguilliers-alé- 
niers-faiseurs  de  poinçon ft.,  burins,  etc. 

La  réputation  des  épingles  d'Angleterre  s'était 
encore  étendue,  et,  la  mode  s'en  mêlant,  on 
vendit  partout,  sous  le  nom  d'épingles  anglaises, 
des  épingles  fabriquées  en  Normandie.  Elles 
arrivaient  à  Paris  enfermées  dans  des  piirlefeuilles 
de  papier  qu'ornaient  le  portrait  de  quelque 
prince  ou  princesse,  ou  encore  la  représentation 

'    Duc  de  (luise,  Mémoires,  éd.  Michiiud,  p.  448. 

-  Éjiing'lc.s  ;■>  chapeau. 

•'*  .\iguillfs  à  tricoter. 

*■  Grillages. 

•">  /,?  dépi/  intiuttreiix  (1050),  acte  IV,  se.   4. 

••  \.  Éd.  l''iiurnier,    Variétés,  t.  I,  p.    179. 

'  Savary,  t.  I,  p.  1884.  —  Est-ce  pour  cela  que 
dans  l'édition  du  Dépit  nmoiireux  donnée  en  1682,  le 
«  demi-cenl  d'épingles  de  Paris  »  est  remplacé  par  un 
deiai-ceut  d'aiguilles? 


EPINGLES  —  ÉQUIPEMENT  MILITAIR1<: 


309 


de  quelque  événement  récent.  Savury,  dans  son 
édition  de  1723,  donne,  sur  la  fabrication  et  la 
vente  des  épin'j^'les,  des  tiétails  pleins  d'intérêt  '. 
En  17G4,  la  corporation  des  éping'liers  et  des 
aiguilliers  l'ut  encore  augmentée  des  aif^-iiilletiers 
et  deschaînetiers.  Le  nombre  des  maîtres  s'élevait 
à  94  pour  la  ([uadruplc  cnmmunauté  des  épin- 
gliers-aigiiillierH-uiymlletiers-chaliietiers.  L'édit 
de  1770  lui  réunit  encore  les  cl;)utiers  et  les 
ferrailleurs.  La  corporation  des  épingliers  se 
composa  alors  de  six  communautés,  puisqu'on 
lui  avait  réuni  successivement  : 

\\n  octobre  1695,  les  ai<j;-uilliers. 
En  août  1764,  les  aiguilletiers. 
En   —      —     les  cliaînetiers. 
En  août  1776,  les  cloutiers. 
En    —      —     les  ferrailleurs. 

Chacun  de  ces  métiers  resta  placé  sous  son 
patronage  particulier. 

Les  aiguilliers  avaient  choisi  l'Assomption  de 
la  Vierge. 

Les  épingliers  avaient  choisi  la  Nativité. 

L'épinglier  fut  nommé  d'abord  bouton,  tabou- 
ret ou  tabourin  ^.  Le  mot  pelote  ne  pai'aît  guère 
avoir  été  employé,  avant  le  seizième  siècle,  dans 
le  sens  qui  nous  occupe.  Il  désignait  surtout 
l'épinglier  portatif,  celui  que  l'on  pouvait  mettre 
dans  la  poche  ou  suspendre  à  la  chaîne  d'un 
demi-ceint. 

Épingliers.  Nom  donné,  dans  la  corpo- 
ration des  cloutiers,  aux  maîtres  qui  ne  produi- 
saient que  les  pièces  les  plus  fines. 

C'est  aussi  le  nom  que  portaient  les  fabricants 
d'épingles. 

Épitaphes  (Faiseurs  d').  Titre  qui  appar- 
tenait à  la  corporation  des  marbriers. 

Éplaigrneurs.  Vov.  Laineurs. 

Eplucheuses.  Dans  les  cartonneries, 
ouvrières  qui  visitaient  et  nettoyaient  le  carton 
au  sortir  de  la  presse  ^. 

Voy.  Arracheuses. 

Épong'es  (Commerce  des).  Les  plus  esti- 
mées venaient  de  Constantinople,  les  plus  com- 
munes de  Tunis  et  d'Alger  par  Marseille. 

Elles  étaient  vendues  par  les  épiciers-dro- 
guistes. 

Époulardeurs.  Dans  les  manufactures  de 
tabac,  ouvriers  chargés  de  l'époulardage.  Cette 
opération  consistait  à  ouvrir  les  feuilles,  et  à  les 
frotter,  de  manière  à  en  enlever  le  sable  et  la 
poussière. 

Époutieuses.  Voy.  Spinceuses. 


1  Tome  I,  p.  1.881. 

2  Voy.  bugitlux  et  taborfllas  dans  le  ijldssaii'i'  île 
Ducange,  t)ù  le  vrai  sens  de  ces  mots  paraît  avoir  ele 
méconnu. 

3  Encyclopédie  méthodique,  art.s  et  met  ici  s,  1.  I, 
p.   485. 


Epoutilleurs  de  draps.  Titre  que  pre- 
nait la  conumiiiautr'  des  foulons. 

Epouti lieuses.  Voy.  Spinceuses. 

Equarrisseurs.  La  Taille  de  1292  cite  13 
et  celle  de  1300  21  escorcheeurs.  Rabelais  fait 
Lancelol  du  Lac  ■<  escourcheur  de  chevaulx 
mortz  *  ».  Le  mot  équurrisseur  ne  figure  pas 
encore  dans  l'édition  (lu  Dictionnaire  de  Trévoux 
donnée  en  1771  ;  h-  Dirlionnaire  des  arts  et 
métiers  de  Jauberl,  en  1773,  ne  le  mentionne  pas 
non  plus. 

Les  écorcheurs  faisaient  à  Paris  le  commerce 
de  l'huile  de  cheval,  dont  les  émailleurs  se 
servaient  pour  entretenir  le  feu  de  leur  lampe  ^. 

Equilibristes.  Ils  appartenaient  à  la 
grande  famille  des  acrobates.  Parmi  les  artistes 
qui  se  distinguèrent  dans  l'art  de  l'équilibre, 
je  citerai  seulement  les  noms  suivants  : 

Une  femme  dite  la  Hongroise,  installée  à  la 
foire  Saint-Germain  en  1775,  sonnait  une 
fanfare  dans  un  cor  de  chasse  qu'elle  mainlenait 
en  équilibre  sur  sa  bouche. 

Vers  le  môme  temps,  un  sieur  Joseph  Bruiin 
attirait  tout  Paris  au  théâtre  des  Grands-Dan- 
seurs du  roi.  Voici  quelques-uns  des  exercices 
qui  lui  faisaient  le  plus  d'honneur  ;  je  les  prends 
dans  Y Ahiianach  forain  de  1776  : 

«  Il  tient  en  équilibre  un  tambour  au  bout 
d'un  clou,  bat  cette  caisse  de  la  main  gauche, 
tandis  que,  de  la  droite,  il  bat  un  air  sur  une 
autre  caisse  qu'il  a  devant  lui,  attachée  autour 
de  ses  reins. 

Il  fait  l'équilibre  d'une  épée  posée  par  la 
pointe  aux  bords  d'un  verre. 

Il  tient  sur  son  front  un  cercle  entouré  de 
verres  remplis  de  vin. 

Il  tient  trois  fourchettes,  une  dans  chaque 
main,  l'autre  dans  sa  bouche,  et  jetant  en  l'air 
trois  pommes,  il  les  attrape  sur  la  pointe  de  ces 
fourchettes. 

Etant  sur  le  Hl  de  fer,  il  se  met  à  genoux  dans 
un  grand  cercle,  et  lient  en  même  temps  six 
pipes  en  équilibre,  arrangées  en  losange  les 
unes  dans  les  aulrps  et  dont  deux  portent  des 
bougies  dans  leur  foyer  ». 

Gertrude  Boon,  dite  la  belle  tourneuse^  se 
piquait  deux  longues  épées  dans  le  coin  des 
yeux,  et  les  soutenait  de  ses  mains  en  tournant 
sur  elle-même  avec  une  extrême  rapidité. 

Voy.  Bataleurs. 

Equipement  militaire.  Voy.  Arba- 
létriers.  —  Arêtiers.   —  Armoyeurs. 

—  Armuriers.  —  Arquebusiers.  —  Ar- 
tificiers. —  Artilliers.  —  Bougeniers. 

—  Brigandiniers.  —  Ceinturiers.  — 
Centralisation  des  métiers.  —  Char- 
pentiers d'artillerie.  —  Couleuvri- 
niers.  —  Damasquineurs.  —  Drapeaux 


1  Pdiitayriicl.  liv.  II,  eh.  30. 

2  Savarv.  Dicliuiainirc.  I.    II. 


1.847. 


:no 


équipkmi<:nt  militaire  -  esprit  de  vin 


(Commerce  des).  —  Ecrevéiciers.  — 
Écuciers.  —  Éparonniers.  —  Fondeurs 
d3  canons.  —  Fourbisseurs.  —  Four- 
reliers.  —  Qantelets.  —  Harnache- 
ment. —  Haubargiers.  —  Heaumiers. 
-  Lanciers.  —  Mailliers.  —  Fiquiers. 
r>loumiers.  —  SelUers.  —  Tailleurs  de 
pierre.  —  Trumeliers,  etc. 

Équipeurs.  Voj.  Garde-bateaux. 

Équitation  (Maîtres  v).  Vers  la  fin  du 
rèfiit'  de  Louis  XV,  on  s'enj^oua  en  France  de 
la  iaruu  dont  les  Anglais  montaient  à  cheval.  Le 
duc  d'Orléans  se  mit  à  la  tête  du  mouvement,  et 
bientôt  Tari  français  de  Téquitation  fut  exclu 
des  uianèges,  où  l'on  n'admit  plus  que  des 
maîtres  anglais.  «  Dans  les  promenades  pu- 
bliques, sur  les  boulevards,  au  bois  de  Boulogne, 
on  ne  vit  plus  que  des  cavaliers  qui,  d'après  les 
nouveaux  principes,  obéissaient  à  tous  les 
mouvements  de  leur  cheval  ^  ».  Les  maîtres 
français  durent  alors  ou  abandonner  leurs 
manèires  ou  se  conformer  à  la  nouvelle  mode. 

Voj.  Aeadémistes  el  Écuyers. 

Erbiers.  Voj.  Herboristes. 

Escacheurs.  Voy.  Écacheurs. 

Escailleors.  Escailleteurs.  Escail- 
leurs.  \  oy.  Couvreurs- 


Escamoteurs 
teurs. 


Voj  .     Prestidigita  - 


Escarcelles  (Faiseurs  d').  Tiliv  qui  appar- 
tenait à  la  corporation  des  boursiers. 

L'escarcelle  ou  escharcelle  tirait  son  nom  du 
vieux  mol  français  escàars  qui  signifiait  avare 
ou  au  moins  économe.  La  bourse  était  surtout 
alfecttée  ù  la  dépense,  l'escarcelle  plutôt  à  la 
recette  ;  les  pèlerins,  qui  recevaient  plus  qu'ils 
ne  donnaient,  ne  se  mettaient  jamais  en  roule 
sans  escarcelle. 

Eschaudeeurs.  Escliaudeurs .  Es- 
chaudisseurs .  Voy.  Échaudés  Fai- 
seurs d'  . 

Eschopiers.  Marcimnds  en  échoppe  2. 

Escorcheeurs.  Voy.  Équarrisseurs. 

Escrainiers.  Voy.  Écriniers. 

Escrainniers.  \n\.  Écranniers. 

\  ny.    Armes  l'Mai- 


Escremisseeurs 
tros  d'  . 


E.s(-reniers.  Escrig-niers. 
niers. 


ov.  Ecri- 


Escreveiciers.  \ 
Escrimeurs.  \«y. 


<\.  Écraveiciers. 
Ai'mes  Maîtres  d' 


1    Vu  puilijHf  tl pritft  tirs  français,  t.  II,  p.  253. 
\ny.  Durnng<<,  filo.sunriHm.  nu  mol  esrhopnriiis. 


Escroiers.  La  Taille  de  1313  mentionne 
deux  escroiers.  mot  que  je  ne  rencontre  nulle 
part  ailleurs.  Peut-être  désigne-t-il  des  chiffon- 
niers, escroie  signifiant,  en  vieux  français, 
morceau,  lambeau,  déchirure,  etc. 

Escuciers.  Voy.  Écuciers. 

Escueilliers  .  Escueliers  .  Escuil  - 
liers.  Esculiers.  Voy.  Écuelliers. 

Esgards.  Voy.  Égards. 

Esg-ueulletiers.  Voy.  Aiguilletiers. 

Eslag"ueurs.  Voy.  Élagueurs. 

Esm.ineurs.  Voy.  Mesureurs. 

Esm.Ouleeurs.  Voy.  Rénaouleurs. 

Espadacins.  Espadassins.  Voy.  Ar- 
mes Maîtres  d':. 

Espadeurs.  On  nommait  ainsi,  dans  les 
corderies,  ceux  qui  espadaient  la  filasse.  Cette 
opération  consiste  à  «  mettre  la  filasse  sur 
l'entaille  du  clievalet,  après  qu'elle  a  été  broyée, 
et  à  la  battre  avec  une  espade,  qui  est  une  espèce 
de  palette  de  deux  pieds  de  longueur  *  ». 

Espaliers  de  l'Opéra.  «  On  appelle  ainsi 
les  divinités  des  chœurs,  tant  dans  le  chant  que 
dans  la  danse.  Tel  amateur  à  une  connoissance 
exacte  du  climat,  du  pays,  du  tempérament 
général  et  part  icudier  des  fruits  qui  composent  ces 
espaliers  ^  ». 

Espalmeurs.  Ceux  qui  étendent  sur  la 
pieire  ou  sur  le  bois  un  vernis  mastic  qu'on 
nomme  espalme.  Un  sieur  Maille  obtint,  en  mai 
1727,  un  privilège  exclusif  pour  la  vente  de  ce 
vernis  ^ . 

Espan.  Ancienne  mesure  de  longueur  qui 
désignait  l'espace  compris  entre  l'extrémité  du 
pouce  et  celle  du  petit  doigt,  la  main  étant  bien 
étendue.  Les  statuts  du  19  juillet  1353  inter- 
disent aux  savetonniers  de  confectionner  des 
rhaussures  dépassant  <.<  un  espan  de  pié  el  un 
espan  de  haull  *  ».  Les  cordonniers  seuls 
pouvaient  en  confectionner  de  plus  grandes. 

^  (IV.  Pauméa. 


Esperoniers. 
Éparonniers. 


Esperonneurs.     Voy. 


Espilleurs.  Voy.  Tailleurs  de  pierre. 

Espincheurs.  Voy.  Paveurs. 

Esping-leurs,  Voy.  Épingles. 

Espinguiers.  Nom  sous  lequel  la  Taille  de 
l'J'J'-J  désigne  les  fabricants  d'épingles. 

Esprit  de  vin.  Voy.  Eau-de-vie. 


'   Abl)é  .lauberl,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  142. 
-  S.  Morcici-,  Tdbleriu  de  Paris,  l.  X,  p.  51. 
3  .laubcrt.  Dictionnaire,  t.  II,  p.  142. 
i  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  659. 


ESQUAC  HEURS  —  ESTAMINETS 


311 


Esqfuacheurs.  Voj.  Ëcacheurs. 

Esqueliers.   Nom  que  le  Livre  dea  métiers 
donne  aux  écuelliers. 

Essaveurs.  \  o) .  Tanneurs. 

Essayeurs  de  beurres  et  fromages. 
Yoy.  Contrôleurs. 

Essayeurs  de  bières.  \oy.  visiteurs. 

Essayeurs  d'huiles.  Voj.  Contrô- 
leurs. 

Essayeurs  des  monnaies.   «  Officiers 

qui  font  Tessai  des  monnaies,  qui  recherclienl  si 
les  matières  employées  sont  au  litre  convenu  ». 
Chaque  hôtel  des  monnaies  a  un  essayeur  parti- 
culier, et  tous  dépendent  d'un  essayeur  jii'énéral 
qui  fait  sa  résidence  à  Paris  ^ . 

Essayeurs    de   pourceaux.    Langue- 

yeurs  ^. 

Essayeurs -contrôleurs  -  marqueurs 
des  ouvrages  d'étain.  Offices  créés,  au 
nombre  de  huit,  par  édit  de  mai  1691.  «  L'estain 
fin  sera  marqué  d'une  double  F  couronnée, 
entourée  du  nom  de  la  ville  où  ladite  marque 
aura  été  apposée,  et  de  l'année  de  l'apposition 
d'icelle...  L'estain  commun  sera  marqué  d'un  C 
couronné,  entouré  comme  il  est  dit  cy-dessus  ^  ». 

Essayeurs  généraux  des  monnaies. 

Office  qui  paraît  remonter  au  quatorzième  siècle. 
Le  titulaire  avait  autorité  sur  les  essayeurs  parti- 
culiers de  chaque  hôtel,  des  Monnaies.  Une 
ordonnance  de  1543  s'exprime  ainsi  :  «  L'es- 
sayeur g'énéral  ou  l'essayeur  particulier  doit  avoir 
ses  balances  bonnes  et  lég'ères,  loyaux  et  justes, 
qui  ne  jaug-ent  d'un  côté  ne  d'autre.  Quand  on 
pèse  les  essais,  il  doit  être  en  lieu  oij  il  n'y  ait 
vent  ni  froidure,  et  g'arder  que  son  haleine  ne 
charge  la  balance...  *  ». 

Essayeurs  -  visiteurs  -  contrôleurs 
d'eau-de-vie  et  d'esprit  de  vin.  Cinquante 
offices  jurés  créés  en  mars  1692  et  augmentés  de 
trente  en  février  1703.  Ces  offices  furent  rachetés 
par  les  jaugeurs  en  janvier  1706. 

Establiers.  Ceux  qui  ont  soin  de  l'étable, 
de  l'écurie. 

Estacenels.  Voy.  Estaceneux. 

Estaceneurs.  Ceux  qui  font  commerce  de 
graisse  de  porc,  de  suif,  de  toutes  matières  grasses. 

Estaceneux,  changeurs,  banquiers.  Du- 
cange  écrit  estacenex  ^  et  Godefroy  estacenels. 

Estacenex.  Voy.  Estaceneux. 


1  Voy.  J.  Buizard,  Traité  des  monnoye.s,   t.   II,    p.  303 
et  suiv. 

2  Voy.  Ducanwe,  Glossarium,  au  mot  essaium. 

3  Articles  4  et  5. 

'*  Abot  de  Bazinghen,  Tvnitë  des  inonnuies.  t.  I,  p.  450. 
^  Au  mot  estaco. 


Estacheeurs.  La  Taille  de  1292  et  celle 
de  i.'iuo  citent  chacune  deux  estacheeurs.  Géraud 
croit  qu'il  faut  y  reconnaître  des  atachiers. 

Estafettes.  Courriers  qui  portaient  les 
dépêches  (["une  poste  à  une  autre.  On  en  trouvera 
l'origine  dans  les  Me'moires  du  duc  de  Luynes.  Il 
écrivait  à  la  date  du  12  mars  1737  :  «J'ai  appris 
aujourd'liui  ce  que  c'est  que  l'on  appelle  staffette 
en  Alh-magne,  c'est  un  usage  pour  que  les  paquets 
soient  rendus  plus  promptement...  "•  ». 

Estaimiers.  Yoy.  Êtain  et  Étameurs. 

Estaingniers  et  Estainiers.  Voy.  Éta- 
meurs. 

Estaminets.  Ils  se  sont  d'abord  appelés  des 
tabacs.  «  Tabac  est  un  lieu  de  débauche  où  l'on 
va  prendre  le  tabac  en  fumée  »,  écrit  Furetière 
dans  la  première  édition  de  son  Dictionnaire 
publié  en  1701  ;  et  il  reproduit  textuellement 
cette  phrase  dans  l'édition  de  1727. 

Le  mot  estaminet  semble  d'oriy-ine  étrany^ère. 
Aucun  dictionnaire  connu  de  moi  ne  le  mentionne 
avant  1742.  Je  l'ai  rencontré  pour  la  première 
fois  dans  les  Mémoires  du  graveur  J.-G.  \Ville, 
qui  écrivait  vers  1740  :  «  Les  artistes,  dit-il,  se 
rassembloient  ordinairement  Au  Panier  fleuri., 
rue  de  la  Huchette,  chez  un  marchand  de  vin 
célèbre,  pour  y  souper  dans  une  chambre  qui 
leurétoit  constamment  réservée,  etqu'onnommoit 
l'estaminette  ^  ».  Encore  Wille  ne  dit-il  point  que 
l'on  fumât  dans  cette  pièce. 

L'Académie  admit  le  mot  estaminet  dans  son 
édition  de  1742,  et  elle  le  définit  ainsi  :  «  Assem- 
blée de  buveurs  et  fumeurs.  Le  lieu  où  elle  se 
tient  porte  aussi  le  même  nom.  Cet  usage,  qui 
vient  des  Pays-Bas,  s'est  établi  à  Paris  sous  le 
nom  de  tabagie  ^  ». 

Un  supplément,  annexé  au  Dictionnaire  de 
Trévoux  en  1752,  est  déjà  un  peu  plus  complet  : 
«  Estaminet.  L's  se  prononce.  Espèce  de  caba- 
ret à  bière,  où  l'on  va  boire  et  fumer  à  tant  par 
tête.  On  boit  et  fume  à  discrétion  dans  les  esta- 
minets. En  Flandres,  les  plus  gros  marchands 
vont  à  l'estaminet  -,  ils  s'assemblent  là  pour  parler 
de  leur  négoce  et  de  leurs  affaires.  On  appelle 
autrement  ces  sortes  de  lieux  tabagies  *  ». 

Cet  article  prit  place  dans  la  réédition  du 
Dictionnaire  de  Trévoux  donnée  en  1771  ^. 

Quant  au  Dictionnaire  de  V Académie,  il  repro- 
duit textuellement  la  définition  de  1742  dans 
ses  éditions  de  1762,  de  1778  et  de  1814.  Celle 
de  183.5  inaugure  une  définition  nouvelle,  qui 
reparaît  sans  changement  dans  la  dernière  édition 
(1878)  -,  «  Lieu  public  où  s'assemblent  des  buveurs 
et  des  fumeurs,  et  qu'on  nomme  aussi  tabagie  : 
aller  a  T estaminet,  fréquenter  les  estaminets  "  ». 


1  Tome  I,  p.  20.5. 

2  Mémoires  de  J.-(l.    \V!tle.  I.  I,   y.  7(k 
•i  Quatrième  édition,  I.  I,  ji.   IfifjO. 

i  Pag-e  1.029. 

■T  Tome  III,  p.  869. 

fi  Édition  de  183.5,  t.  I,  p.  082;  édition  de  1878,  t.  I, 
.  074. 


:n2 


ESTAMINETS  —  ÉTAIN 


Littré  reconnaît  honnêtement  qu'il  ig-nore 
l'étymologie  de  ce  mot.  \: Encyclo]^é(he  des  gens 
du  monde,  mauvaise  compilation  publiée  de  1833 
à  1844  ^  avait  été  moins  modeste,  et  hu  avait 
consacré  un  article  ridicule  2. 

Les  propriétaires  d'estaminets  appartenaient  à 
la  corporation  des  limonadiers. 

Vny.  Cafés  «l  Tabac. 

Estampes  (Marchands  d'j.  Berthod,  dans 
suM  l'aris  ùarlcsque  (1052),  nous  a  conservé  une 
lon^Nie  description  de  la  boutique  du  sieur 
Guerineau,  vendeur  d'images  alors  fort  en 
vog'ue  •*. 

jjils  aussi  marchands  imagers,  les  débitants 
d'estampes  habitaient  presque  tous  la  rue  Saint- 
Jaocpies.  Blég-nv  cite  parmi  eux  Fr.  Jollain,  chez 
qui  Ton  Imuvait  les  Portraits  de  la  Cour  gravés  * 
par  Pierre  Simon  ;  Pierre  Landry,  qui  vendait 
des  «  estampes  de  dévotion  de  sept  pieds  de 
haut  •"•  >^  ;  François  et  Nicolas  Lan<^lois,  Michallet 
et  Mariette,  éditeurs  de  dessins  d'architecture  et 
aussi  de  vues  de  Paris  ''. 

Ces  commerçants  appartenaient  à  la  commu- 
nauté des  merciers.  Vers  la  tin  du  dix-huitième 
siècle,  les  plus  achalandés  étaient  les  sieurs 
Cheveau  et  Daumont,  le  premier  demeurait  rue 
Saint-Jacques,  le  second  rue  Saint-Martin  ". 

Une  des  Contemporaines  de  Rétif  de  la  Bretonne 
nous  introduit  dans  le  magasin  du  sieur  Dodet, 
irnager.  «  On  y  voyait,  dit-il,  des  petits  maîtres, 
des  savans,  des  abbés,  des  libraires,  des  auteurs, 
des  iifficiers  (car  on  y  vendait  aussi  des  cartes  de 
géographie)  et  jusqu'à  des  coiffeurs,  qui  venaient 
faire  emplette  des  costumes  les  plus  nouveaux 
pour  la  frisure  et  les  modes.  Il  était  naturel  que 
les  peintres  ou  dessinateurs,  les  graveurs  célèbres 
et  les  médiocres  fréquentassent  cette  boutique. 
Aussi  les  y  voyait-on  par  douzaine  ^  ».  Une  autre 
nouvelle  du  même  auteur  ^  a  pour  litre  La  belle 
esta'mjncre,  et  celle-ci  est  la  tille  d'un  «  imager 
de  1)1  rue  Saint-Jacques  ». 

Depuis  longtemps,  les  marchands  d'estampes 
en  plein  vent  avaient  envahi  les  larges  trottoirs 
de  riiôlel  des  Monnaies  *",  ainsi  que  les  deux 
passages  ouverts  sous  les  pavillons  de  l'Institut. 
Ouand  les  passages  furent  supprimés,  vers  1860, 
celle  exposition  quotidienne  avait  Uni  par  consti- 
liKT  une  des  curiosités  du  quartier.  D'illustres 
nijiilres  ne  dédaignaient  pas  d'exjdorer  les 
nirloiiv  aux  lianes  relxmdis,  et  Karl  (Jirardel  a 
nublie  le  portrait  et  raconté  la  vie  du  brave  père 
Miitliurin,  le  doyen  de  ces  humbles  locataires  de 
rKtal  •«. 


'  Vingt-dciu  voliinii'.H  in-8". 
'  Tonic  X  (publié  .-n  iNaH',  p.  71. 
'  l'Mit.  •!••  1850.  Y    i:»-'- 
*  .\  IVnu- forte. 

^   If  t\rrt  tommoiir  piiitr  /Il 9"/.  t.   Il,  p.    ir,"». 
^  /<•  tirrr  rnmmoiif  piinr  lOV^,  I.   |     i|.    \^\\ 
'   .\'m.:.,.>ch  Itnuphiu  pour  1777. 
H  N.tn.ll.I.Xni. 
9  N.-uv.-IIpCLX. 

'"  Prufilioinnie,  Miroir  lir  Paria,  t.  IV,  |..  MS. 
"   \.  V,  ffiftoirr   itr  In  biblinthrqiie  .Vnmrine    é<lil    d, 
1001,  p.  274. 


Estauppineurs.  Voy.  Taupiers. 

Estaymiers.  Potiers  d'étain  ^. 

Esteufs,  pelotes  et  balles  (Faiseurs  d'). 
Titre  qui  appartenait  à  la  corporation  des  Pau- 
miers.  On  écrit  encore  esteuviers,  e'teuffiers,  etc., 
etc. 

Esteufviers.  Nom  que  les  statuts  de 
novembre  1508  donnent  aux  paumiers. 

Esteuviers.  Estœuviers.  Voy.  Pau- 
miers. 

Estofferesses.  Marchandes  d'étoffes.  Ce 
mot  paraît  avoir  été  employé  surtout  dans  le 
commerce  de  la  soie,  etavoir  plus  particulièrement 
désigné  des  boursières  ^. 

Estoffeurs.  Ouvriers  chargés  d'habiller  les 
figures  d'église,  de  nettoyer  les  images,  les 
tableaux,  etc.  J'emprunte  cette  définition  au 
Dictionnaire  de  Godefroy  3,  mais  les  exemples 
qu'il  y  ajoute  ne  semblent  guère  la  justifier.  Ce 
mot  ne  figure  ni  dans  le  Dictionnaire  de  La  Curne 
de  Sainte-Palaye  '*,  ni  dans  le  Dictionnaire  de 
Trévoux. 

Estoupiers.  Marchands  d'étoupes.  Cette 
profession  m'est  fournie  par  la  Taille  de  1292  ^. 

Estrain  iCouvreurs  d'j.  Voy.  Faille 
(Marchands  de). 

Estuis  (Ouvriers  d').  Voy.  G-ainiers. 

Estuveurs  et  Estuviers.  Voy.  Étu- 
vistes. 

Etaimiers.  Voy.  Étameurs. 

Etain  (Travail  de  l').  L'étain  est  souvent 
nommé,  au  moyen  àgepea'Utre,peaultre,piautre'', 
et  l'on  trouve  désignés  sous  le  nom  de  peautriers, 
piautriers,  peaultriers,  estaimiers  et  étainiers, 
les  ouvriers  qui  le  travaillaient. 

Oiuind  l'étain  avait  conservé,  après  la  fonte, 
toutes  les  qualités  qu'il  possédait  en  lingot, 
il  était  (lit  «de  bon  aloiement  »  ;  c'est  ainsi 
(ju'oii  le  qualifie  dans  le  Livre  des  métiers  '. 

.\u  treizième  siècle,  trois  corporations  dis- 
tinctes se  partageaient  les  ouvrages  d'étain  : 

1"  Les  fondeurs  d'étain,  qui  confectionnaient 
de  menus  objets,  agrafes,  miroirs,  fermaux, 
grelots,  méreaux,  etc. 

2"  Les  batteurs  d'étain,  qui  réduisaient  le 
métal  en  feuilles  très  minces. 

3°  Les  potiers  d'étain,  qui  fabriquaient  avec 
ce  métal  toute  espèce  de  vaisselle,  bassins, 
aiguières,  etc. 


1  ^'uy.  Ducange,  Glossarium,  au  mut  es/ût/ziiii 

*  ^  oy.  Ducango,  Glossaire  au  mol  estu/fa . 
^  Dictionnaire  de   l'ancienne  lanque   françnise, 

p.  GI7.  y       /       s 

*  Dirlionn.  historique  de  l'ancien  langaqe  françois. 
»  liôles  de  la  Taille  de  1292,  ]).  .508. 

^  ICii  lai  in  nesirum  i>t  peiitrum. 

7  Tiliv  Xll. 


t.  m, 


ÉTAIN  —  ÉTALONNEURS  DES  MESURES 


313 


Ces  trois  corporations  se  fondirent  plus  tard 
en  une  seule,  celle  des  potiers  d'étain,  qui  avait 
pour  patron  saint  Fiacre. 

La  Taille  de  1300  cite  (S peautriers,  et  je  relève 
dans  celle  de  1313  celte  mention  :  «  Jehan  Petit, 
leiseur  d'escuelles  de  piautre  ^  ».  Ils  étaient  13 
en  1305  et  22  peu  de  temps  après  ^. 

Etainiers.  Qualification  que  prennent  les 
clouliers  dans  leurs  statuts  de  1676,  qui  les 
autorisent  à  étamer  les  objets  de  leur  fabrication. 

Ce  mot  a  désig-né  aussi  les  ouvriers  qui  travail- 
laient l'étain. 

Étalagées.  On  a  vu,  au  mot  boutiques, 
comment  les  marchands  de  Paris  comprenaient 
jadis  l'étalag'e.  Il  avait  déjà  pris,  au  quatorzième 
siècle,  assez  d'importance  pour  que  la  police  dût 
intervenir  et  défendre  toute  saillie  sur  la  rue. 
Les  règlements  regardaient  comme  faisant  partie 
de  l'étalage  les  «  auvents,  enseignes,  bancs, 
comptoirs,  tables,  selles,  pilles,  taudis,  escotî'rets, 
chevalets,  escabelles,  tronches  et  autres  choses 
qui  peuvent  rétrécir  le  passage  des  rues  ^  ». 
Une  ordonnance  du  prévôt  de  Paris,  en  date  du 
25  novembre  1396,  nous  apprend  que  les  bou- 
tiquiers les  plus  envahissants  étaient  les  cordon- 
niers, les  chapeliers,  les  pelletiers,  les  chausse- 
tiers,  les  fourbisseurs,  les  lormiers,  les  fripiers  et 
les  rôtisseurs.  Défense  fut  faite  de  tolérer  aucun 
étalage  sur  la  voie  publique,  et  comme  les 
marchands  ne  se  pressaient  pas  d'obéir,  les 
commissaires  de  police  parcoururent  le  3  juillet 
1533,  tous  les  quartiers,  faisant  retirer  les  éta- 
lages en  leur  présence,  et  menaçant  de  la  prison 
les  débitants  trop  lents  à  s'exécuter.  Il  n'en  fallut 
pas  moins  réitérer  l'interdiction  vingt  ans  après. 
Le  16  juin  1554,  un  arrêt  du  Parlement  renouvela 
«  les  prohibitions  cj-devant  faites  contre  les 
artisans  qui  mettent  ordinairement  et  avancent 
sur  rue  hors  leurs  ouvroirs  et  boutiques,  leurs 
selles,  pilles  et  autres  avances  et  entreprises  qui 
empeschent  et  incommodent  grandement  les  rues 
et  passages  par  icelles,  dont  arrivent  de  jour  en 
autre  plusieurs  inconvéniens  *  ».  Le  règlement 
de  police  du  22  septembre  1660  défendit  «  tous 
estalages  excédans  huit  pouces  après  le  gros  mur 
es  plus  grandes  rues  ». 

On  dut  lutter  aussi  contre  les  proportions  exa- 
gérées données  aux  serpillières,  toiles  ou  bannes 
que  les  commerçants  tendaient  devant  leurs 
magasins,  afin  de  les  préserver  du  soleil  et  de  la 
poussière,  et  qui  avaient  aussi  l'avantage  de  les 
rendre  tellement  sombres  qu'on  ne  pouvait  plus 
distinguer  la  qualité  des  objets  qu'elles  renfer- 
maient. Les  drapiers  surtout  se  montrèrent  intrai- 
tables sur  ce  point.  Un  règlement  du  6  octobre 
1391  déclare  que  plusieurs  «  habitans  s'étoient 
rendus  plaintifs  par  devers  le  prévost  de  Paris  sur 
ce  que  ils  disoient  que  souventefois  ils  avoient  esté 
deceuz  par  les  drapiers,  en  acheptant  leurs  draps, 


t  Page  149. 

2  G.  Fagniez,  Éludes  sur  l'industrie,  p.  17. 

3  Dolamarre,  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  329. 

4  Isambert,  Anciennes  lois  françaises,  t.  XIII,  p.   387. 


par  les. grands  umbres  et  veues  obscures  qui 
estoiententour  etaudevantdes  ouvrouers  d'iceux 
drapiers,  par  le  moyen  des  lucarnes  et  grans 
serpillières,  noues  et  autres,  que  iceulx  drapiers 
meltoient  au  devant  de  leurs  dits  ouvrouers  ». 
Le  prévôt  reconnut  que  l'acheteur  ne  pouvait 
«  avoir  vraye  congnoissance  des  draps  qu'il 
achectoit,  ne  savoir  se  ilz  estoient  bons  ou 
mauvais,  gros  ou  délié  filez,  ne  de  vrayes 
couleurs  »,  et  il  détermina  la  dimension  des 
serpillières  autorisées,  ([ui  devaient  être  placées 
assez  haut  pour  qu'il  fut  facile  de  «  passer 
dessoulz  tant  à  pié  comme  à  cheval  ^  ».  Sur  ce 
point,  les  règlements  de  police  varièrent  sans 
cesse.  En  1486,  en  1554,  on  ordonna  la  suppres- 
sion absolue  de  toutes  bannes  ;  en  1639,  on 
les  autorisa  sous  certaines  conditions;  en  1666 
et  en  1683,  on  les  interdit  de  nouveau. 

On  avait  aussi  obtenu  des  marchands  qu'ils 
réduisissent  leurs  étalages  à  des  proportions 
raisonnables,  car  Savary  vers  1720  décrit  ainsi 
celui  d'importants  commerçants  :  «  Les  merciers 
et  les  épiciers  ont  des  montres  de  leurs  merceries 
et  drogueries  pendues  à  leurs  auvents.  Les 
orfèvres  et  jouailliers  ont  de  certaines  boëtes  sur 
leurs  boutiques,  qu'ils  nomment  leur  montre, 
dans  lesquelles  il  y  a  des  bijoux  et  des  ouvrages 
de  leur  profession.  La  montre  des  boulangers 
est  une  grille  composée  de  partie  de  gros  fer  et 
partie  de  treillis  de  fil  d'archal,  qui  occupe  toute 
l'ouverture  de  leur  boutique  sur  la  rue.  Au  dedans 
de  celte  grille  sont  divers  étages  de  planches  sur 
lesquelles  se  mettent  les  différentes  sortes  de 
pain  ^  ». 

Voy.  Boutiques. 

Étaleurs.  Voy.  Bouquinistes. 

Étaliers ,  «  Garçons  bouchers ,  ainsi 
nommés  à  cause  de  la  viande  qu'ils  étalent  dans 
leurs  boucheries  pour  la  vendre  à  la  main  ». 
D'autres  débitants  du  même  genre,  les  garçons 
poissonniers,  entre  autres,  ont  aussi  porté  ce 
nom  ^ . 

ÉtalonneTirs  et  visiteurs  des  me- 
sures. Titre  qui  appartenait  aux  mesureurs  de 
sel.  Aux  termes  de  la  grande  ordonnance  de 
février  1415  *,  ils  devaient  «  adjuster  sur  les  esta- 
Ions  de  cuyvre  qui  sont  à  l'Hostel  de  ville  »,  et 
poinçonner  après  examen  les  mesures  destinées 
au  commerce  du  sel,  et  à  celui  des  grains  : 
minots,  boisseaux,  picotins,  etc.  Ils  faisaient 
chaque  année  une  visite  chez  les  marchands  qui 
se  servaient  de  ces  mesures,  s'assuraient  qu'elles 
étaient  en  bon  état,  et  signalaient  au  besoin  les 
contraventions.  Toute  fraude  non  révélée  les 
exposaient  à  une  amende  de  soixante  sous. 
L'ordonnance  de  décembre  1672  statue  que 
l'armoire  de  l'hôtel  de  ville  renfermant  les 
étalons  des  mesures  employées  par  les  marchands 
de  sel  sera  fermée  à  deux  clefs,  dont  l'une  restera 


1  Dolamarre,  t.  IV,  p.  335. 
-  Dictionnaire  du  commerce,  t. 
3  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  II, 
i  Chapitre  XVIII. 


p.  781. 
152. 


MA 


ÉTALONNEURS  DES  MESURES  -  ÉTUVISTES 


entre  les  mains  du  plus  ancien  des  mesureurs  de 
sel,  l'autre  entre  les  mains  du  dernier  nomme    . 

Étameurs.  Titre  qui  appartenait  à  la  corpo- 
ration des  cloutiers.  Mais  bien  d'autres  industriels 
avaient  le  droit  d'étamer  leurs  produits. 

On  nommait  plus  particulièrement  maiffnens 
les  chaudronniers  ambulants  qui  faisaient  de 
rétamage  leur  spécialité. 

Les  mots  estaimiers,  estainiers,  estaingmers, 
etc.  désignent  à  la  fois  les  potiers  d'étain  et  les 
étameurs. 

Étaminiers.  Fabricants  d'élamine.  C'était 
un»'  ftiilT.-  (!•■  laine  ou  de  soie,  très  légère  et  non 
croisée.  Elle  était  connue  dès  le  onzième  siècle  2, 
et  l'on  sait  qu'au  quatorzième  on  s'en  servait 
pour  passer  des  liqueurs,  pour  essuyer  les  vases 
à  boire,  et  aussi  pour  faire  des  chemises  ^.  On 
l'iMiiplova  beaucoup  plus  tarda  confectionner  les 
robes  des  avocats,  les  voiles  des  religieuses  et 
des  vêtements  de  deuil.  Il  s'en  fabriquait  dans 
toute  la  France  *. 

Étape.  La  place  des  halles  destinée  au  com- 
merce des  vins  s'appelait  l'étape.  En  1413 
l'étape  fut  transférée  des  halles  à  la  Grève. 
Louis  XIV  en  fit  établir  une  autre  à  la  porte 
.Saint-Bernard. 

Vi'iidre  à  V étape  ou  à  /'^.ytejBjDe  signifiait  vendre 
au  marché,  par  opposition  à  la  vente  en  bateau 
avant  le  déchargement.  «  Aucun  vendeur,  dit 
V ordonnance  de  M 15,  ne  commencera  vente  à 
l'eslape  jusques  à  ce  que  Prime  ^  soit  sonnée  à 
Nostre-Dame  ;  et  aussi  ne  vendra  à  ladite  estape 
qu'une  charretée  ou  chariolée  de  vin  à  une  fois, 
et  n'entreprendra  autre  jusques  à  ce  qu'il  ayt 
délivré  la  pn-mièro  *>  ». 


Éteif^noirs.  \>>\.  Chandeliers. 

Etêteurs.  \'<>\ .  Caqueurs  el  Éla  - 
guevirs. 

Éteuffiers.  Voy .  Esteufs  (Faiseurs  d'). 

Etoupières.  Femmes  qui  transformaient  en 
éluiipi'sdi"  vifux  cordages  provenant  <les  navires. 

Etrennes  (Dimanchk  après  les).  C'est  le 
iliMuincht.'  (pii  suivait  le  I*""  janvier.  La  confrérie 
des  drapiers  se  réunissait  «  le  dimanche  après  les 
eslrnines  '  ». 

Etronniors.  Voy.  Jouets  (Fabricants 
de). 

Etroigncurs.  V-.y.  Élaguevirs. 

Etronçoniieurs.  >.'  1<; tronçonner  un  arbre, 
dit  La  (Juintinyo,  c'est  lui  couper  entièrement 


•  Cliapitif  XXV,  art.  7 

'  (^iiH'lii'rnl.  llisloirr  Hh  fosliime.  y.  151. 

^   l)<>ili'l-irArr<j,7;o»/l/(/M  ,1e  Inrgenltrie.  ]),  :t7r>. 

*  Sflvnfv.  DirlioHHiiirf  {fit  commrrrr,  t.  I,  p.  I.9 

5  PriiiK'  .so  .sonnait  alors  le  nmlin  à  .six  hcun-s 

6  Chap.  V,  art.  21 

"   OrHoHM.  royaln.  I.  \\\ ,  j,.   531. 


la  tête,  en  sorte  qu'il  ne  soit  plus  que  comme  un 
tronçon  ^  ». 

Voy.  Élague ur s. 

Étronneurs.  Voy.  Élagueurs, 

Étuis  à  chapeaux  (Faiseurs  d').  Titre 
que  prenait  la  corporation  des  cartonniers. 

Étuveurs.  Voy.  Étuvistes. 

Etuvistes.  Les  croisés  avaient  rapporté 
d'Orient  le  goût  des  bains,  et  de  bonne  heure 
les  étuves  s'étaient  multipliées  à  Paris.  La  Taille 
de  1202  mentionne  déjà  vingt-six  étuves,  répar- 
ties à  peu  près  dans  tous  les  quartiers. 

Chaque  matin,  au  point  du  jour,  les  valets 
étuveurs  parcouraient  les  rues,  annonçant  que  les 
bains  étaient  prêts  : 

Oiez  c'on  crie  au  pi)int  du  jor  2  : 
Seignor,  quar  vou.s  alez  baingnier 
Et  estuver  sanz  delaier  3, 
Li  haing  sont  chaut,  c'est  sanz  mentir. 

Les  statuts  des  étuveurs  sont  compris  dans  le 
Livre  des  métiers  *,  jiiais  ils  y  ont  été  insérés 
après  la  mort  d'Etienne  Boileau,  car  l'écriture 
date  du  quatorzième  siècle  seulement.  Ils  offrent, 
d'ailleurs,  un  grand  intérêt  comme  peinture  des 
mœurs  de  l'époque. 

Le  métier  était  franc,  ce  qui  signifie  que 
chacun  pouvait  s'établir  étuveur  sans  payer 
aucune  redevance.  On  se  bornait  à  exiger  l'enga- 
gement de  respecter  les  statuts  rédigés  en  com- 
mun par  les  membres  de  la  corporation. 

Nul  ne  devait  annoncer  l'ouverture  des  étuves 
avant  le  point  du  jour,  «  pour  les  perilz  qui 
pevent  avenir  en  ceux  qui  se  lievent  audit  cri 
pour  aler  aus  estuves  ».  Ces  périls  prouvent  le 
peu  de  sûreté  que  présentaient  les  rues  pendant 
l'obscurité. 

Il  était  défendu  de  recevoir  dans  les  étuves 
des  femmes  d'une  conduite  suspecte,  des  lépreux 
ou  des  lépreuses,  des  vagabonds,  des  gens  mal 
famés,  coureurs  de  nuit  :  «  Que  nulz  dudit 
mestier  ne  soustiengne  en  leurs  mesons  ou 
estuves  bordiaus  de  jour  ne  de  nuit,  mesiaus  ne 
meseles,  rêveurs,  ne  autres  genz  diffamez  de 
nuit  ». 

Le  prix  de  l'étuvage  était  fixé  à  deux  deniers 
(un  franc  peut-être  de  notre  monnaie),  celui  du 
bain  à  quatre  deniers.  Cette  distinction  montre 
bien  que,  parmi  les  personnes  qui  fréquentaient 
les  étuves,  les  unes  se  bornaient  à  prendre  un  bain 
de  vapeur,  tandis  que  d'autres  y  faisaient  suc- 
céder un  bain  d'eau  chaude  ;  c'est  encore  ce  qui 
se  prati(pie  dans  les  bains  publics  de  l'Orient.  Au 
siècle  suivant,  les  prix  étaient  presque  doublés  : 
l'étuvage  coûtait  quatre  deniers,  l'étuvage  el  le 
bain  réunis  huit  deniers.  Le  peignoir  était  fourni 
moyennant  un  denier. 

L'habitude  des  étuves  était  si  générale  que 
l'Etat  prenait  de  grandes  précautions  pour  en 


1  I/ixfrun/io/i  pour  les  jardins, 

2  Jour. 

3  Sans  différer. 

4  Titre  LXXIII. 


I,  p.  94. 


ETUVISTES 


315 


prévenir  la  fermeture.  Ainsi,  quand  un  hiver 
rifjoureux  faisait  hausser  le  prix  du  huis  et  du 
charhon,  le  prévôt  de  Paris  admettait  les  récla- 
mations des  étuveurs,  et  augmentait  le  prix 
d'entrée  proporlionn<dlemen(  à  celui  qu'avait 
atteint  le  condjuslihle  :  <.<  Et  pour  ce  que  en 
aucun  temps  huche,  charhon  sont  plus  chiers  une 
fois  que  autre  »,  le  prévôt  de  Paris  pourra  élever 
le  prix  des  étuves,  «  par  le  rapport  et  serement  ^ 
des  hones  genz  dudit  mestier  ». 

Un  article,  sans  doute  postérieur  à  ces  premiers 
statuts,  nous  apprend  qu'on  allait  aux  étuves  le 
soir  aussi  hien  que  le  matin,  que  souvent  on  y 
restait  toute  la  nuit,  et  que  la  réputation  de  ces 
maisons  était  déjà  fort  mauvaise  :  «  Que  nuls  ne 
chaufe  estuves  à  Paris  que  pour  hommes  tant 
seullement  ou  pour  famés,  lequel  qui  li  plera, 
car  c'est  vil  chose  et  honteuse,  pour  les  ordures 
et  pour  les  perilz  qui  j  pevent  avenir  ;  car  quant 
les  hommes  s'estuvent  par  devers  le  soir,  aucune 
foizils  demeurent  et  gisent  leens  jusques  au  jour 
qu'il  est  haute  heure.  Et  les  dames  viennent  au 
matin  es  dictes  estuves,  et  aucune  foiz  vont  es 
chambres  ans  hommes  par  ignorance  ;  et  assés 
d'autres  choses  qui  ne  sont  pas  belles  à  dire  ». 

Les  étuves  étaient  fermées  les  dimanches  et 
jours  de  fête. 

Trois  «  preud'ommes  du  mestier  »,  élus  par 
leurs  confrères  et  acceptés  par  le  prévôt  de  Paris, 
prêtaient  serment  de  dénoncer  toutes  les  contra- 
ventions aux  statuts,  les  «  mesprentures  »,  dit  le 
texte.  Chaque  contravention  de  ce  genre  était 
punie  d'une  amende  de  dix  sols,  dont  six  allaient 
au  roi,  et  les  quatre  autres  aux  preud'hommes 
jurés. 

En  dépit  de  ces  sages  règlements,  les  étuves 
continuèrent  à  servir  de  lieux  de  plaisirs,  et  rien 
ne  paraît  avoir  été  changé  pendant  longtemps  à 
leurorg-anisation.  Au  commencement  du  seizième 
siècle,  on  criait  encore  l'ouverture  des  étuves 
au  point  du  jour. 

Les  bains  se  prenaient  dans  des  baquets  de 
bois,  car  la  baignoire  de  métal  est  d'invention 
récente.  En  1416,  Isabeau  de  Bavière  paya  treize 
sous  pour  faire  «  desassembler  et  rassembler, 
recingler  et  relier  tout  de  neuf  deux  cuves  à 
baigner  »  pour  son  usage  ^.  En  1478,  Jacques 
Cadot,  menuisier,  reçoit  trente  sous,  pour  une 
«  cuve  à  baigner  »  le  roi.  En  1481,  Mace 
Pignet,  tonnelier,  demande  vingt-deux  sous  six 
deniers  «  pour  avoir  habillé  et  nectoyé  les  cuves 
à  baigner  »  Louis  XI  ^.  Les  peignoirs  ou  fonds 
de  bain  se  nommaient  daiffnoères  on  èai//noires  : 
ils  étaient  ordinairement  de  toile  très  fine,  et 
on  employait  jusqu'à  douze  aunes  pour  en  faire 
un  seul  *. 

Les  cuvettes  de  toilette  se  nommaient  alors 
bassins  à  laver.  Ordinairement,  on  les  posait  à 
terre  sur  une  natte,  et  l'on  se  lavait  à  genoux  la 
la  tête  et  le  haut  du  corps,  c'est-à-dire  tout  ce 
que  le  bain  laissait  hors  de  l'eau.  Le  pot  à  laver 


1  Serment. 

2  V.  Gay,  Glossaire,  p.  104. 

3  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'hôtel,  p.  353  et  390. 

i  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  tnrgenterie,  p.  230  et  350. 


OU  pot  à  eau,  différait  de  l'aiguière,  qui  s'em- 
ployait surtout  pour  le  lavage  des  mains  avant 
et  après  le  repas.  On  voit  dans  l'inventaire  dressé 
après  la  morl  de  Charles  V  que  C(;  prince  possé- 
dait vingt-quatre  bassins  à  laver  en  or,  une 
foule  de  bassins  semblables  en  argent  et  «  ung 
bassin  ou  vaisseau  à  laver  piez  »  qui  pesait 
47  marcs  d'argent  ^. 

Les  grandes  familles  avaient  souvent  des 
étuves  et  des  salles  de  bain  dans  leur  hôtel  ;  les 
récils  du  temps  nous  en  fournissent  de  nom- 
breuses preuves  ^.  Des  étuves  destinées  à  la 
maison  royale  avaient  été  construites  dans  le 
jardin  du  Palais,  à  l'extrémité  de  la  Cité,  et  ce 
petit  bâtiment  figure  encore  sur  le  plan  dit  de 
Ducerceau,  qui  date  du  milieu  du  seizième 
siècle.  Il  y  avait  également  des  étuves  et  des 
bains  au  Louvre,  à  l'hôtel  Saint-Paul  et  à  celui  du 
Petit-Musc.  Sauvai  nous  dit  même  qu'  «  ils  étoienl 
pavés  de  pierre  de  liais,  fermés  d'une  porte  de 
fer  treillissé,  et  entourés  de  lambris  de  bois 
d'Irlande;  les  cuves  étoient  de  même  bois,  ornées 
tout  autour  de  bosse  tes  dorées,  et  liées  de  cerceaux 
attachés  avec  des  clous  de  cuivre  doré  •*  ». 

En  somme,  les  étuves  rendaient  de  réels 
services,  bien  qu'elles  n'eussent  rien  perdu  au 
seizième  siècle  de  la  mauvaise  réputation  qu'elles 
s'étaient  légitimement  acquise  depuis  le  quator- 
zième. Toutefois  leur  vogue  ne  se  soutint  pas. 
Endroits  de  perdition,  anathématisés  à  la  fois 
par  les  prédicateurs  catholiques  et  par  les  mi- 
nistres huguenots,  elles  se  virent  peu  à  peu 
abandonnées,  et  presque  toutes  disparurent.  La 
morale  y  gagna,  cela  est  certain,  mais  nous 
allons  voir  tout  ce  qu'y  perdit  la  propreté.  Les 
étuves  fermées,  à  qui  s'adresser  pour  les  soins  du 
corps?  Restaient  seulement  les  barbiers-chirur- 
giens, dont  les  boutiques  n'avaient  rien  d'at- 
trayant. Dans  un  réduit  obscur  gisaient  trois  ou 
quatre  baquets  destinés  surtout  aux  malades  ; 
quant  au  maître  barbier,  il  était  là,  prêt  à  vous 
rendre  ses  petits  services,  essuyant  ses  mains  qui 
venaient  de  panser  un  cautère  ou  d'ouvrir  un 
abcès.  Entre  deux  maux,  il  faut  choisir  le 
moindre.  Les  Parisiens  prirent  leur  parti,  et  sans 
trop  de  peine,  semble-t-il.  On  cessa  d'aller  au 
bain  ;  puis,  l'habitude  de  l'eau  une  fois  perdue, 
on  finit  par  ne  plus  se  laver  du  tout,  même  chez 
s(ji.  Une  charmante  et  élégante  reine,  Margue- 
rite de  Navarre,  dans  un  dialogue  amoureux 
composé  par  elle  *,  trouve  tout  naturel  de  dire 
à  son  amant  :  «  Voyez  ces  belles  mains  ;  encore 
que  je  ne  les  aye  point  descrassées  depuis  huict 
jours,  gageons  qu'elles  effacent  les  vostres  ^  ». 

Le  23  mars  1673,  Louis  XIV  créa  la  corpo- 
ration des  barbier  s -baigneur  s -étuvistes-perr'u - 
quiers,  à  laquelle  il  octroya,  en  mars  1674,  puis 
en  avril  1718  des  statuts  que  j'ai  analysés  à 
l'article  Barbiers. 


1  Inventaire,  p.  75,  184  et  199. 

2  Voy.  entre  autres,  dans  les  Cent  nouvelles  itouveltes, 
les  contes  1  et  3. 

3  Tome  II,  p.  273,  274,  280. 

4  ïallemant  des  Réaux,  t.  I,  p.  147. 

5  La  nielle  mal  assortie,  p.  114. 


316 


ÉTUVISTES  —  ÉVENTAIRE 


A  cette  époque,  il  y  avait  encore  à  Pans  deux 
établissements  installés  sur  le  modèle  des  an- 
ciennes étuves.  Ils  étaient  situés  rue  Marivaux 
et  rue  du  Cimetière-Saint-Nicolas  2,  et  les 
anciennes  traditions  s'y  étaient  conservées.  On 
pouvait  V  prendre  à  la  fois  des  bams  d'eau 
chaude  et  des  bains  de  vapeur,  et  la  séance  était 
souvent  terminée  par  l'application  d'une  ou 
deux  ventouses  dans  le  dos.  Voici,  au  reste, 
d'après  un  livre  devenu  fort  rare  ^,  comment 
les  choses  se  passaient  alors  : 

«  Celuj  qui  veut  se  baigner  dans  l'eau  froide 
va  à  la  rivière. 

»  Nous  lavons  la  crasse  dans  les  bains  chauds, 
soi!  assis  dans  la  cuve,  soit  en  montant  en  haut 
aux  bancs  à  suer,  et  nous  nous  frottons  de  la 
pien-e  ponce  ou  d'une  estamine. 

»  Le  maistre  ou  valet  des  estuves  scarifie  la 
peau  avec  sa  lancette  en  y  appliquant  des 
ventouses,  pour  en  tirer  du  sang  qui  est  entre 
chair  et  cuir,  et  l'essu^'e  avec  une  éponge  ». 

Les  établissements  de  ce  genre  portaient  en 
général  le  nom  de  bains,  et  on  réservait  celui 
d'étuves  pour  les  maisons  où  des  bains  de  vapeur 
étaient  administrés  par  ordre  du  médecin. 

Bien  que  les  anciens  étuvistes  aient  eu,  selon 
toute  apparence,  pour  patron  saint  Michel,  la 
communauté  créée  par  Louis  XV  lui  placée 
sous  le  patronage  de  saint  Louis. 

Le  Licre  des  métiers  cite  des  estuvetcrs  et  des 
eslureresses.  L'ordonnance  des  Bannières  (1467) 
en  fait  des  estuviers.  On  trouve  encore  esteu- 
riers.  estuveors,  stuvours,  etc.,  etc.  * 

Éventaillers.  Voy.  Éventaillistes. 

Eventaillistes  ou  éventaillers.  Les 
éventails  primitifs,  souvent  nommés  e'ventoirs^ 
se  composaient  d'une  toull'e  de  plumes  étalées 
il  l'i-xtrémité  d'un  manche  plus  ou  moins  orné. 
Ils  étaient  sans  doute  fabriqués  alors  par  les 
plumussier.s.  Sius  François  I"'',  l'éventail  cessa 
d'être  un  meuble  d'intérieur  pour  devenir  un 
objet  de  toilette  ;  il  fut  classé  parmi  les  conte- 
nances, c'est-à-dire  mis  au  même  rang  que  les 
jolis  colitichets,  tels  que  pelotes,  flacons  à 
parfums,  cachets,  clefs,  etc.,  qui  étaient  sus- 
[jrndus  il  la  ceinture,  et  qu'on  prenait  à  la  main 
pour  se  donner  une  contenance.  L'éventail  est 
ainsi  décrit  dans  V Isle  des  Hermaphrodites, 
pamphlet  composé  sous  Henri  III  :  «  Je  vj 
f^u'oM  luy  melloil  en  la  main  un  instrument  qui 
s  esteiuloil  et  si-  repliojt,  que  nous  appelons  icy 
os\-enlail.  Il  est<»it  d'un  vélin  aussi  délicatement 
découpé  qu'il  estoil  possible,  avec  de  la  dentelle 
a  l'.-ntour  de  pareille  estolle.  Il  estoit  assez 
grand,  cv»r  cela  debvoit  servir  comme  d'un 
parasol  pour  se  conserver  du  hasle  ^  ».  Sous 
Hirhelieii.  t)!)  voit  les  graiidcs  dames  la  montre 
H  la  crinlure  et  h-iir  év<-ntail  a  la  main. 


*  At»j.  nip  Nicola.H-Klami-l. 


•■'  !)••  Frnn.|u.vill.-.  Lf  mitvir  de  /„,-/.  ],.    Ut~ . 
*  yuichi>rnl.  Ifittoirr  d,,  ruxlumr.  i>.  .-j.-.g 
5  Kditit.n  il.'  1724,  |>.  18. 


Vers  le  début  du  règne  de  Louis  XV,  l'éven- 
tail prend  de  telles  dimensions  qu'  «  il  y  a  de 
petites  personnes  dont  la  taille  n'a  pas  deux  fois 
la  hauteur  de  l'éventail  '  ». 

Le  commerce  des  éventails  appartint  pendant 
fort  longtemps  aux  merciers,  qui  se  chargeaient 
de  les  faire  peindre,  dorer  et  monter  comme  ils 
l'entendaient.  En  1678  seulement,  fut  constituée 
une  communauté  d'éventaillistes,  et  leurs 
premiers  statuts  datent  du  mois  de  février.  Ils 
reconnaissent  aux  maîtres  le  droit  de  «  faire 
fabriquer  et  composer  un  éventail  de  toutes  les 
parties  qui  luy  sont  nécessaires,  le  vendre  et 
débiter  dans  leurs  boutiques  et  magazins  ».  Ils 
pouvaient  les  orner  de  peintures  représentant  des 
oiseaux,  des  fleurs,  des  paysages  et  même  des 
personnages,  à  condition  que  ce  ne  fussent  pas 
des  portraits,  spécialité  réservée  à  la  corporation 
des  peintres. 

Il  faut  noter  ici  que  les  tabletiers  étaient 
autorisés  aussi  à  fabriquer  des  bois  d'éventails. 

Chaque  maître  éventailliste  ne  devait  avoir 
à  la  fois  plus  d'un  apprenti.  L'apprentissage 
durait  quatre  années  ;  il  était  suivi  de  deux 
années  de  compagnonnage  et  terminé  par  le 
chef-d'œuvre,  dont  étaient  dispensés  les  fils  de 
maître  et  les  maris  des  filles  de  maître. 

Les  veuves  étaient  autorisées  à  continuer  le 
commerce  de  leur  mari,  et  à  conserver  son 
apprenti,  mais  elles  ne  pouvaient  en  engager  un 
nouveau. 

La  qualité  de  maître  éventailliste  n'était  pas 
incompatible  avec  celle  de  doreur  sur  cuir. 

Chaque  maître  devait  timbrer  ses  produits 
d'une  marque  particulière,  propre  à  en  faire 
reconnaître  l'auteur. 

En  1692,  il  y  avait  derrière  l'église  Saint-Leu 
un  grand  magasin  d'  «  eventailles  »  ^,  où  se 
fournissaient  la  plupart  des  merciers  détaillants. 
Les  maîtres  étaient  dits  officiellement  éventail- 
listes-faiseurs  et  monteurs  d^ éventails. 

La  communauté  paraît  avoir  été  très  remuante. 
On  la  voit  sans  cesse  en  procès  avec  les  peintres, 
avec  les  merciers,  avec  les  gantiers,  avec  les 
tabletiers.  L'édit  de  1776  la  réunit  à  ces  derniers. 
Le  nombre  des  maîtres  était  alors  de  130  environ, 
et  ils  avaient  pour  patron  saint  Louis,  dont  ils 
célébraient  la  fête  dans  la  petite  église  Sainte- 
Marine. 

Voy.  Peintresses  en  éventails. 

Eventaire  (Marchandes  a).  «  Femmes  qui 
vendent  par  les  rues  de  Paris,  sur  des  paniers 
qu'on  nomme  inventaires  ^  ».  On  lit  dans  les 
Cris  de  Paris  au  seizième  siècle  :  *  «  A  ma  belle 
esventoire  !  »  Enfin,  V Encyclopédie  méthodique  ^ 
me  fournit  la  définition  suivante  :  «  Eventaire, 
panier  plat,  presque  carré,  sur  lequel  les  petites 
marchandes  de  fruits,  de  poissons  et  autres 
menues  denrées  étalent  devant  elles  la  marchan- 


*  Mercure  de  France,  octobre  1730,  p.  2.31"). 

*  /.e  Livre  commode  pour  1692,  1.  II,  p.  20. 

•■'  Hifliolel,  Dicltoiitiiiire  (1093),  t..  I,  p.  1.931. 

*  Par  A.  Truquft. 

5   Fin  du  dix-huilièmc  siècle. 


EVENTAIRE  —  FACTEURS  DES  POSTES 


317 


dise   qu'elles   portent  vendre   par   les    rues    de 
Paris.  On  dit  communément  iuretitaire  *  ». 
On  trouve  aussi  Porte-éventaire. 


Examinateurs . 
de  police. 


Commissaires 


Examinateurs    des    comptes 
Auditeurs. 


V..V. 


Exécuteurs  des  hautes  œuvres  ou 
de  la  haute  justice.  Vov.  Bourreaux. 

Expéditionnaires.  Titn-  qui  appartenait 
à  la  corporation  des  écrivains. 

Expéditionnaires  en  cour  de  Rome. 
Voj.  Banquiers. 


Expérience.  Voy.  Chef-d'oeuvre. 

Experts.  Voy.  Dentistes.  —  Her- 
niaires <l  Renoueurs. 

Experts  en  écritures.  NHy.  Arithmé- 
ticiens <'t  Écrivains. 

Experts  du  fer  doux.  Offices  créés  par 
édit  du  6  mars  1()26.  Les  titulaires  devaient, 
d'accord  avec  les  contrôleurs-visiteurs,  «  co- 
«i^noistre,  disting'uer  et  marcpier  le  fer  doux 
d'avec  le  fer  ai<>;'re  ». 

Experts-jurés.  XOy.  Vérificateurs  de 
mémoires. 


F 


Fabricants.  Jusqu'au  début  du  dix-neu- 
vième siècle,  ce  mot  ne  s'appliquait  qu'aux 
faiseurs  d'étoffes.  En  1762,  l'Académie  française 
le  définit  ainsi  :  «  qui  entretient  plusieurs  métiers 
où  l'on  travaille  à  des  étoffes  de  soie,  de  laine, 
etc.  ^  ».  En  1814,  elle  reproduit  textuellement 
cet  article  et  ajoute  :  «  Quelques-uns  écrivent 
fabriquant  ^  ».  Enfin,  en  1835,  elle  se  décide  à 
modifier  sa  rédaction,  et  définit  ainsi  le  mot 
fabricant  :  «  Celui  qui  fabrique  ou  fait  fabri- 
quer *  ».  Jusque-là,  on  disait  dans  ce  sens 
manufacturier . 

Voy.  Manufacturiers. 

Fabricateurs .  Nom  donné  parfois  aux 
ouvriers  des  monnaies,  mais  qui  désignait 
plus  souvent  les  faux  monnayeurs. 

Fabrices.  Voy.  Forgerons. 

Fabriceurs  et  Fabriciens.  Voy.  Fa- 
brique ur  s. 

Fabriquants.  Voy.  Fabricants. 

Fabriqueurs.  «  Tous  ceux  qui  fabriquent 
ou  inventent.  »  C'étaient  aussi  les  membres  du 
conseil  de  fabrique  dans  les  églises  ;  mais,  en  ce 
dernier  sens,  on  disait  encore  fabriceurs,  fabri- 
ciens^ fabrisseurs,  etc. 

FabrisseUTS.  Voy.  Fabriqueurs. 


1  Commerce,  t.  II,  p.  112. 

2  Quatrième  édition. 

3  Cinquième  édition. 

4  Sixième  édition. 


Faciniers.  Même  sens  que  devins,  sorciers, 
enchanteurs,  etc. 

Voy.  Bateleurs  et  Devins. 

Facteurs.  \  oy.  Courtiers.  —  Gardes- 
ventes.  —  Luthiers.  —  Orgue.  — 
Fiano,  elc. 

Facteurs  des  postes.  Ils  datent  de  1758, 
année  où  M.  de  Chamousset,  conseiller  à  la 
Chambre  des  comptes,  obtint  l'autorisation 
d'établir,  dans  l'intérieur  de  Paris,  une  petite 
poste  analogue  à  celle  qui  fonctionnait  déjà  à 
Londres. 

Le  nombre  des  fadeurs  fut  d'abord  fixé  à  117 
et  celui  des  distributions  quotidiennes  à  trois. 
La  première  commençait  à  huit  heures  du  matin 
et  comprenait  les  lettres  recueillies  dans  la 
dernière  tournée  de  la  veille  ou  déposées  dans 
les  boîtes  avant  cinq  heures  du  matin. 

Les  facteurs  chargés  de  la  première  distribution 
repassaient  une  heure  après,  c'est-à-dire  vers 
neuf  heures,  pour  prendre  à  la  porte  des  maisons 
les  réponses  aux  lettres  qu'ils  avaient  distribuées 
et  pour  les  rapporter  au  bureau  de  leur  quartier. 

Ces  bureaux  étaient  au  nombre  de  9,  et  les 
boîtes  au  nombre  de  37,  installées  chez  des 
épiciers,  des  marchands  de  tabac,  des  pâtissiers, 
des  cafetiers,  etc.  ^. 

La  deuxième  distribution  avait  lieu  vers  midi, 
et  la  troisième  à  cinq  heures  ^. 

Les  facteurs  prévenaient  de  leur  passage  en 


1  Jèze,  État  ou  tableau  de  la  ville  de  Paris  poui-  i760, 
article  Boetes  à  lettres,  p.  331- 

2  Al.  Belloc,  Les  postes  françaises,  p.  198. 


318 


FACTEURS  DES  POSTES 

les  fit 


FALOTIERS 


afitanl   une  sorte   de    crécelle,    ce    qui 
désigner  sous  le  nom  àe  porte-crecelle  o\i  porte- 
claqiiette. 

En  1761,  le  port  des  lettres  coûtait  trois  sous 
dans  la  banlieue  et  deux  sous  seulement  dans 
Paris,  qui  comptait  alors  environ  deux  cents 
facfeiirs.  Ceux-ci  avaient  déjà  l'habitude  d'aller 
dans  chaque  maison  offrir  un  almanach  à  la  fin 
fie  Tannée.  Le  coîirrier  vigilant,  ou  étrennes  de  la 
poste  (le  la  ville  et  banlieue  de  Paris  est  un  joli 
petit  volume  in-:32,  qui  débute  par  ce  couplet- 
préface  : 

Recevez  ce  petit  présent, 
C'<3st  l'étrenne  du  sentiment. 
Comptez  toujours  sur  un  facteur 
l'our  vous  plein  de  zèle  et  d'ardeur  ; 
Et  n'oubliez  pas  le  commis 
De  la  p'tit'  poste  de  Paris. 

Le  frontispice  représente  un  facteur  qui  reçoit 
dans  sa  boîte  une  lettre  que  lui  jette  une  dame  du 
haut  d'un  balcon  -. 

Vnv.  Commis.  —  Forte-claquetts  et 
Poste  Sarvice  de  la  . 

Facturiers.  Nomqueriuslruction  g'énérale 
du  \'l  uiiii  lOU'i  donne  aux  tisserands  de  toile. 

Fag"Oteiirs.  Fabricants  ou  joueurs  de  l'ins- 
trunicul  appelé  aujourd'hui  basson,  et  jadis  dit 
fa-.d. 

Fag"Otiers.  Faiseurs  de  fagots,  bûcherons. 

Ils  siuit  (li(s  aussi  faisseleurs,  faisseliers,  etc., 
du  n\i){  f'aisse  qui  signifiait  bande,  lien,  et  aussi 
charge,  fardeau  '^  etc. 

Faïenciers.  Au  quinzième  et  au  seizième 
siècles,  le  peu  de  faïence  qui  existait  en  France 
provenait  des  fabriques  italiennes.  Bernard 
Palissy  trouva  le  secret  de  cette  composition, 
mais  il  mourut  sans  avoir  voulu  dividguer  ses 
procédés  ;  il  travailla  pour  sa  gloire  plus  que 
|)uur  l'art  (]u'il  avait  créé,  et  qui  disparut  avec 
lui. 

On  dit  que  le  duc  de  Nevers  introduisit  en 
France  (|uelques  ouvriers  italiens  habitués  à  ce 
genre  de  travail.  Ce  tpii  est  sûr,  c'est  qu'Heiu'i  IV 
eMciiiinigfa  l'industrie  de  la  faïence  *,  facilita 
r<'lal)lisM'rn<'iil  de  manufactures  en  province  puis 
a  l'aris  au  faubourg  Sfiitit-Marceau.  Une  petite 
communauté  s'y  fornui.  (|ui  fut  en  1706  réunie 
à  celle  (les  émaillours. 

Olie  fabricalidti  resia  languissante  jusqu'à 
rép(»f|Uf  drs  nnliarras  llrianciers  de  Louis  XIV. 
En  1709,  il  SI-  (it'cida  ù  remplacer  son  service 
(l'or  par  dr  la  vaisselle  de  faïeru;e  •>.  Saint- 
Simiui  raconli'  (|ue  «  (ont  ce  (|u'il  y  eutdeconsi- 
iliTalib-  se  mil  en  hiiil  jours  en  faïence  ».  Le  duc 
il  .\iiliii,  cmpn'ssé  de  faire  sa  cour,  vint  «  à  Paris 


'    'l^rl \  Journal,  novombp'  1761,  I.  VII,  p.  415 

'  (irflnd-OnrtrnM,  /.et  nlmnnnrhs  frain-nis.  y.  138. 
■'  \..y    Ducanp.',  aux  nwl'i  fnisium  i-\.  fiiitum. 


»  I) 
WIX. 


Tliou,    Hislorin 


sui 


f" 
tempor 


an.    1(Î03,    lilxr 

S  Ultrts  lit  la  princesse   Palatine,    8    juin    17o'»     1     I 
p.  114.  ^  -'.••> 


choisir  force  porcelaine  admirable,  qu'il  eut  à 
grand  marché,  et  enlever  deux  boutiques  de 
faïence  qu'il  fit  porter  pompeusement  à  Ver- 
sailles *  ». 

En  1759,  l'argent  était  devenu  si  rare  que  le 
roi  devait  aux  domestiques  de  sa  maison  dix 
mois  de  gages.  Madame  de  Pompadour,  le  maré- 
chal de  Belle-Isle,  le  duc  de  Choiseul,  les  ministres 
envoyèrent  à  la  Monnaie  leur  vaisselle  plate, 
qu'on  leur  paya  en  billets.  Les  bourgeois  enter- 
rèrent la  leur,  et  firent  étalage  de  faïence.  Il  en 
existait  alors  un  grand  magasin  à  la  porte  Saint- 
Bernard  ^  ;  l'avocat  Barbier  qui  y  va,  s'y  ren- 
contre avec  le  lieutenant  de  police,  venant,  lui 
aussi,  remonter  son  ménage  ^.  Louis  XV  ne 
possédait  que  quarante-deux  assiettes  d'or  *,  il  les 
livre  -,  et  de  temps  en  temps  des  arrêts  du  Conseil 
rappellent  aux  populations  peu  empressées,  que 
l'hôtel  des  Monnaies  attend  leur  visite^.  Le 
24  novembre.  Voltaire  demandait  à  d'Argental 
s'il  mangeait  «  sur  des  assiettes  à  cul  noir  ^  », 
faïence  recouverte  d'un  vernis  brun  et  alors  à  la 
mode. 

Faisandiers.  «  Les  travaux  d'un  faisan- 
dier  sont  de  nourrir,  pendant  toute  l'année,  un 
certain  nombre  de  poules  faisandes,  pour  se 
procurer  beaucoup  d'œufs  ;  de  mettre  un  coq 
faisand  avec  sept  de  ces  poules  dans  de  petits 
enclos  séparés  où  elles  soient  à  l'abri  de  tous  les 
animaux  malfaisans...  Il  n'y  a  que  les  princes 
et  les  seigneurs  qui  font  multiplier  les  faisands 
dans  leurs  parcs,  et  qui  pour  cet  effet  font  bâtir 
exprès  des  enceintes  murées,  qu'on  nt)mme 
faisanderies  ^  ». 

Il  y  avait  un  faisandier  en  titre  au  château  de 
Vincennes,  à  celui  de  Chambord,  etc.  *. 

Faisneurs  et  Faisniers.  Voy.  Croche- 
teurs  et  Croque-morts. 


Faisseleurs 
gotiers. 


Faissels.  Faissiaux 
Crocheteurs. 


et  Faisseliers.  Voy.  Fa- 
Faissiers.  Voy. 


Faissiers.  Titre  qui  désignait  une  des  classes 
de  la  corporation  des  vanniers. 

Falotiers.  Offici<;rs  attachés  à  la  maison 
royale.  Ils  «  vont  le  soir  mettre  des  falots  ou 
lumières  sur  les  escaliers  et  en  différens  endroits 
(lu  Louvre  ou  du  château  où  le  Rtiy  loge  ^  ». 

Vov.  Falots. 


'  Mémoires,  t.  VI,  p.  414  et  415. 

-  Il  existait  encore  en  1787.  Vov.  Thiéry,  (laide  des 
amateurs,  t.  II,  p.   139. 

•'   Harbier,  Journal,  novembre  1759,  t.  VII,  p.  200. 

l   Barbier,  Journal,  septembre  1754,  t.  \\.  p.  65. 

^  Barbier,  Journal,  janviei'  et  mars  1760,  t.  VII, 
p.  221  et  237. 

6  Œuvres,  édit.  Bcucbot,  t.  LVIII,  p.  252. 

■^  .laubert,  Dictionnaire,  t.  IV,  p.  482. 

8  État  de  la  France  pour  17 12,  t.  I,  p.  351  et  377; 
pour  1736,  t.  I,  p.  463  et  485. 

3  Trabouillet,  État  de  la  France  pour  17 12.  t.  I, 
p.    129. 


FALOTS  —  FARDS 


319 


Falots.  Par  lettres  patentes  de  mars  1662, 
Louis  XIV  créa,  à  la  demande  de  l'ablié  Laiulati 
Caraffa,  des  «  porte-lanternes  et  porte-flambeaux, 
pour  mener,  conduire  et  éclairer  ceux  qui 
voudront  aller  et  venir  parles  rues  ».  Je  lis  dans 
les  considérants  de  l'acte  :  «  Les  vols,  meurtres 
et  accidens  qui  arrivent  journellement  en  nostre 
bonne  ville  de  Paris,  faute  de  clarté  suffisante 
dans  les  rues  ;  et  d'ailleurs,  la  plusparl  des  bour- 
geois et  gens  d'affaires  n'ajant  pas  les  moyens 
d'entretenir  des  valets  pour  se  faire  éclairer  la 
nuit  pour  vacquer  à  leurs  ali'aires  et  négoces  ; 
souffrant  une  très  grande  incommodité  et  princi- 
palement l'hiver,  que  les  jours  étant  courts,  il 
n'y  a  pas  de  temps  plus  commode  pour  y  vacquer 
que  la  nuit  ;  n'osant  pour  lors  se  bazarder  d'aller 
et  venir  par  les  rues,  faute  de  clarté...  ».  Le 
26  août  de  la  même  année,  le  Parlement  enre- 
gistra ces  lettres  patentes  et  soumit  le  concession- 
naire de  l'entreprise  aux  conditions  suivantes  : 
«  Les  flambeaux  dont  les  commis  se  serviront 
seront  pris  et  acheptez  chez  les  maistres  espiciers 
de  ceste  ville  de  Paris  ou  fabriquez  par  eux  ; 
lesdits  flambeaux  seront  d'une  livre  et  demie,  de 
bonne  cire  jaune,  marquez  des  armes  de  la  ville, 
et  divisez  en  dix  portions  esgales,  sur  lesquelles 
seront  réservés  trois  poulces  qui  seront  enclavés 
dans  un  morceau  de  bois,  afin  que  lesdites  dix 
portions  puissent  brusler  entièrement  pour  faire 
ce  service  ;  pour  chacune  des  quelles  portions, 
ceux  qui  voudront  se  servir  desdils  flambeaux 
payeront  cinq  sols.  Et  à  l'esgard  des  porte-lan- 
ternes, ils  seront  divisés  par  postes,  qui  seront 
chacun  de  huit  cents  pas,  valant  cent  toises... 
Pourront  aussi  lesdits  porte-lanternes  esclairer 
ceux  qui  vont  en  carrosse  ou  en  chaise,  et  pour 
chascun  quart  d'heure  sera  payé  cinq  sols.  A  cet 
effet,  les  dits  auront  un  sable  *,  juste  d'un  quart 
d'heure,  marqué  aux  armes  de  la  ville,  qu'ils 
porteront  attaché  à  leur  ceinture...  -  ». 

En  1769,  les  porte-flambeaux  sont  deveiuis 
falotiers  et  falots^  et  il  existe  des  bureaux  où 
«  l'on  donne  un  falot  à  des  hommes  qui  se  tiennent 
la  nuit  dans  les  rues  pour  éclairer  ceux  qui  se 
retirent,  moyennant  une  légère  rétribution.  Ces 
falots  sont  numérotés,  et  ceux  qui  les  portent 
sont  enregistrés  à  la  police,  qui  leur  donne  une 
permission  imprimée  et  timbrée  ^  ». 

Sébastien  Mercier,  dans  son  Tableau  de  Paris  * 
dépeint  ainsi  l'organisation  et  les  mœurs  de  ces 
utiles  auxiliaires  (le  la  police  :  «  Le  falot  est  tout 
à  la  fois  une  commodité  et  une  sûreté  pour  ceux 
qui  rentrent  tard  chez  eux.  Le  falot  vous  conduit 
dans  votre  maison,  dans  votre  chambre,  fût-elle 
au  septième  étage,  et  vous  fournit  de  la  lumière 
quand  vous  n'avez  ni  domestique,  ni  servante, 
ni  allumettes,  ni  amadou,  ni  briquet.  Ces  clartés 
ambulantes  épouvantent  les  voleurs  et  protègent 


1  Un  sablier. 

2  Ces  deux  pièces  ont  été  publiées  par  M.  Monnierqué, 
dans  Les  carrosses  à  cinq  sols  du  dix-septième  siècle,  p.  57 
et  62. 

3  Le  Sage,  Le  géographe  parisien  (1769),  t.  II,  p.  316. 
—  Thiéry,  Guide  des  amateurs  et  des  étrangers  (1787), 
t.  II,  p.  264. 

4  Tome  VI,  p.  218. 


le  public  presque  autant  que  les  escouades  du 
guet.  Ces  rôdeurs,  tenant  lanterne  allumée,  sont 
attachés  à  la  police,  voient  tout  ce  qui  se  passe  ; 
et  les  filoux  qui  dans  les  petites  rues,  voudraient 
interroger  les  serrures,  n'en  ont  plus  le  loisir 
devant  ces  lumières  inattendues.  Elles  se  joignent 

aux  réverbères  pour  éclairer  le  pavé A  la  sortie 

des  spectacles,  ces  porte-falots  sont  les  commet- 
tans  des  fiacres  ;  ils  les  font  avancer  ou  recider 
selon  la  pièce  qu'on  leur  donne.  Comme  c'est  à 
qui  en  aura,  il  faut  les  pa_yer  grassement,  .sans 
quoi  vous  w,  voyez  ni  conducteurs  ni  chevaux. 
D'ailleurs,  au  moindre  tumulte,  ils  co\irent  au 
guet  et  portent  témoignage  sur  le  fait  ». 

Malgré  tant  de  titres  à  la  reconnaissance  des 
Parisiens,  la  Révolution  supprima  les  falots.  Ils 
reparurent  dans  les  premières  années  de  r?]mpire, 
car  Pi'udhomme  écrivait  vers  1807  :  «  On  voyait 
autrefois,  à  la  sortie  des  spectacles,  des  hommes 
qui  avaient  des  lanternes  numérotées,  et  qu'on 
nommait  falots.  On  trouvait  de  ces  hommes  à 
toute  heure  de  nuit  ;  on  leur  donnait,  selon  la 
course,  6,  8  ou  10  sous.  Ces  porteurs  de  lanternes 
rendaient  compte  le  lendemain  à  la  police  de 
tout  ce  qu'ils  avaient  vu  et  entendu.  On  les 
nommait  mouchards  ambulans.  Depuis  quelque 
temps,  on  voit  reparaître  quelques  falots,  princi- 
palement aux  grands  spectacles.  Il  serait  à  désirer 
qu'ils  se  multipliassent  comme  autrefois  dans 
tous  les  quartiers  de  Paris.  Cela  est  très  commode 
pour  ceux  qui  ne  peuvent  trouver  de  voiture  *  ». 

Vo>'.  Lanterniers. 

Faneurs.  «  Ce  sont  ceux  qui,  étant  munis 
d'une  fourche  et  d'un  râteau,  travaillent  l'été  à 
faire  sécher  les  foins,  les  luzernes,  etc.,  en  le& 
retournant  plusieurs  fois  et  les  faisant  sécher  à 
l'air  ». 

On  les  trouve  worcané^  fenerons. 

Faniers.  Voy.  Foin  (Mardiands  de). 

Fards  (Commerce  des).  Un  mercier  du 
treizième  siècle  dont  le  boniment  nous  a  été  con- 
servé, prévient  les  femmes  qu'il  possède  dans  son 
magasin  :  «  Eve  ^  rose  dont  [elles]  se  forbissent, 
queton  ^  dont  [elles]  se  rougissent,  blanchet  dont 
[elles]  se  font  blanches  *  ». 

Un  peu  plus  tard,  le  Roman  de  la  rose  conmiWe 
aux  dames  dont  le  teint  aurait  pâli 
De  se  farder  en  tapinois  5, 

Charles  VIII  eut  un  parfumeur  en  titre. 
Catherine  de  Médicis  eut  le  sien,  et  le  règne  de 
ses  trois  fils  est  aussi  celui  des  pâtes,  des  odeurs 
et  des  fards.  Jusqu'au  début  du  dix-septième 
siècle,  se  farder  consistait,  en  général,  à  s'enduire 
le  visage  de  céruse  ou  de  blanc  d'Espagne. 
Quand  survint  la  mode  de  la  poudre,  c'est  elle 
qui,  par  opposition,  mit  en  honneur  le  vermillon  ; 


1  3/iroir  de  l'ancien  et  du  nouveau    Paris,   3*  édit.,  t.  I, 
p.  271. 

2  Eau. 

3  Coton. 

i  Voy.  le  Dit  d'un  mercier. 

5  iidit.  elzévir.,  t.  III,  p.  235. 


320 


FARDS  —  FEMMES  DE  CHAMBRE 


mais,  en  réadoptant  le  rouge,  on  se  garda  bien 
de  renier  le  blanc. 

On  V  ajouta  ensuite  le  bleu.  Au  dix-huitième 
siècle,  "le  coloriage  d'un  minois  exigeait  beaucoup 
de  temps.  Madame  prenait  ses  godets  et  ses 
pinceaux.  Avec  le  noir  elle  régularisait  ses 
sourcils  et  grandissait  ses  jeux  ;  elle  étendait  sur 
ses  joues  une  couche  de  rouge,  et  tout  le  reste  de 
la  figure  recevait  un  épais  placage  de  blanc.  Le 
bleu^servait  à  tracer  une  ou  deux  veines  légères. 
qui  devaient  affirmer  la  finesse  de  la  peau^^  et 
en  faire  ressortir  la  blancheur  nacrée.  Elles 
témoignaient  aussi  de  la  richesse  de  ce  sang  noble 
qui.  disait-on,  était  d'une  essence  particulière, 
différente  de  celui  qui  entretenait  la  vie  des 
plébéiens.  L'on  fardait  même  les  cadavres.  Quand 
mourut  *  madame  Henriette,  fille  de  Louis  XV, 
son  corps  fut  transporté  de  Versailles  à  Paris 
dans  un  carrosse.  «  Elle  fut,  dit  Barbier,  mise  sur 
un  matelas  ;  elle  étoit  en  manteau  de  lit,  coifîée 
en  négligé,  avec  du  rouge  •■*  ». 

Quinze  ans  après.  M"**  de  Monaco  mettait  du 
rnu«re  avant  de  monter  dans  la  charrette  qui 
allait  la  conduire  à  l'échafaud  *.  Peut-être  aussi 
craignait-elle  qu'on  la  vit  pâlir  devant  la  mort. 

Les  fards  se  vendaient  chez  les  parfumeurs,  et 
ceux-ci  appartenaient  à  la  corporation  des 
gantiers. 

Farine  (Marchands  de).  La  Taille  de  1292 
nifiitiuiiMt'  cin([ /«n/«Vr*,  celle  </(?  iSOO  en  cite 
deux  sculfuienl. 


Fariniers. 
de). 


\  ov.  Farine  (Marchands 


Faucheurs.  La  Taille  de  1292  cite  4  fau- 
cheeurs.  Il  ne  faut  pas  les  confondre  avec  les 
soieurs,  car  le  Me'nagier  de  Paris  (1393) 
mentixnuc  à  la  fois  les  «  soieurs,  faucheurs, 
bafeurs  eu  granche  ou  vendengeurs,  bottiers, 
foideurs,   tonneliers  et  les  semblables  ^  ». 

L'ftrdoMiKuice  du  20  janvier  13.")!  les  nouuue 
favcheurs  de  prfz  *". 

Fauconniers.  .Mfurhauds  de  faucons,  et 
aussi  ^■ens  chargés  de  les  dresser.  La  Taille  de 
1292  f-n  mentionne  six.  Elle  nous  apprend  aussi 
(jue,  pHrmi  les  pers(jnnesqui  habitaient  la  nuiison 
MU  ricin'  l'itienue  Barbette  fiiruraient  : 

Jehan,  scui  fui/.  ". 

Jehan. son  gendre. 

IMiilippol,  son  vallel. 

(îuiljot,  son  faucotmier. 

Krenibonrr.  sa  e|\anilinère  **. 

«  Dedriiz  le  nianf)ir  du  Louvre  »  était  logé 
■<  Sviuori,  je  fauconnier  du  Louvre  '  ».  Il  j  avait 


'   H.  MorcifT,  TnbltaM  dr  Paris,  t.  II,  p.  233 
'  1^'  10  f.Hri.r  175a. 
•''  Journal,  l.  V,  p.   1(",6. 

I  \^'H'}i'cquvn,SoHteiiirx  d'un  page,  p.  105. 

*  T>>ino  II,  p.  54. 

«  .\rticli-  174. 

■ï  S-.n  fiLs. 

»  IV  Ï17. 

9  l*a^v  0. 


déjà,  à  la  cour  de  France,  un  grand  fauconnier, 
chef  d'un  service  qui  prit  dans  la  suite  une 
grande  extension,  et  dont  on  trouve  le  détail 
dans  les  différents  Mais  de  la  France  ^ .  Je  lis 
dans  l'édition  de  1736  :  «  Les  marchands  faucon- 
niers françois  et  étrangers  sont  obligés,  à  peine 
de  confiscation  de  leurs  oiseaux,  de  les  venir 
présenter  au  grand  fauconnier,  afin  qu'il  puisse 
choisir  et  retenir  ceux  qui  sont  nécessaires  pour 
le  plaisir  du  Roj  -  » . 

Un  bon  fauconnier  ne  devait  jamais  manger 
ni  aulx,  ni  oignons,  ni  poireaux  ■^. 

Voy.  Capitaine. 

Faussetiers  (Lapidaires).  Nom  que  pre- 
naient les  bijoutiers  en  faux. 

Faux  sauniers.  Voy.  Sauniers. 

Fayanciers.  Voj.  Faïenciers. 

Feiniers.  Voy.  Foin  (Marchands  de). 

Femmes  à  barbe.  On  en  montrait  une  à 
Paris,  en  1804,  dont  le  célèbre  Kotzebue  nous  a 
laissé  la  description  suivante  :  «  Passons  derrière 
ce  rideau,  vous  y  trouverez  un  être  femelle  d'une 
conformation  singulière  et  auquel  la  nature  a 
fait  don  du  plus  bel  ornement  de  l'homme  ;  vous 
y  verrez  une  jeune  fille  qui  porte  une  barbe 
longue,  noire  et  épaisse  comme  celle  d'un  capucin. 
Il  n'y  a  pas  de  supercherie  là-dedans  ;  je  l'ai 
examinée  même  de  très  près.  Cette  fille  n'a  pas 
encore  trente  ans  ;  ses  yeux  chassieux  sont 
ombragés  par  une  paire  de  sourcils  extrêmement 
touft'us  et  noirs.  Figurez-vous  ce  visage  si  riche- 
ment décoré,  sous  un  turban  blanc,  mais  bien 
sale,  deux  mammelles  énormes  qui  contrastent 
singulièrement  avec  sa  barbe  noire,  les  bras,  les 
pieds,  la  nuque  tout  à  fait  velus,  et  certes  cette 
figure  ne  vous  paraîtra  pas  trop  séduisante.  Sans 
la  gorge  formidable  qui  la  distingue,  et  sa  voix 
criarde,  on  ne  croirait  jamais  se  trouver  avec  une 
femme.  Celui  qui  la  montrait  la  disait  native  de 
Norwège,  à  500  milles  derrière  Bergen.  Je  me 
donnai  pour  Danois  et  lui  parlai  sa  langue  natale  : 
«  J'ai  été  amenée  en  France  à  l'âge  de  trois  ans  », 
me  répondit-elle  avec  l'accent  ordinaire  des 
Parisiens  *  ». 

Voy.  Bateleurs  et  Hercules. 

Femmes  de  chambre.  Audiger  écrivait 
en  1092  :  «  Le  d(,'Voir  d'une  femme  de  chambre 
est  de  savoir  peigner,  coiffer,  habiller  et  ajuster 
une  dame  suivant  le  bon  air  et  sa  qualité... 

Son  devoir  est  encore  de  savoir  bien  nouer  un 
ruban,  chausser  et  déchausser  la  dame,  faire  un 
bain  pour  laver  les  pieds  et  des  pâtes  pour 
décrasser  les  mains.  Elle  doit  aussi  se  connoître 
et  savoir  acheter  toutes  sortes  de  nippes,  comme 
linge,    étoffes,  deiilelles,  essences,  eaux,    pom- 

"  Voy.  Année  1687,  l.  I,  p.  556.  —  Année  1712, 
t.  1,  p.  190.  —  Année  1736,  1.  II,  p.  289. 

'  Tome  II,  p.  292.  —  Voy.  aussi  Guyot,  Tmilé  des 
offices,  t.  II,  p.  3. 

3  Méiiii(fier  de  Paris,  t.  II,  p.  325. 

*  A.  Kotzebue,  Souvenirs  de  Paris  en  1804 ,  l.  1,  p.  80. 


FEMMES  DE  CHAMBRE  —  F1':R13LANTIERS 


321 


mades  et  autres  choses  nécessaires  et  utiles  pour 
le  service  et  propreté  de  la  dame.  Eu  un  mot, 
elle  ne  doit  presque  ignorer  rien  de  tout  ce  qui 
regarde  et  concerne  l'adresse,  la  bienséance  et  les 
divers  ornemensdu  sexe  ^  ». 

L'abbé  Jaubert,  en  1773,  dit  moins  bruta- 
lement :  «  La  femme  de  chambre  est  celle  qui  sert 
sa  maîtresse,  lui  prépare  les  choses  nécessaires 
pour  paroîlre  avec  grâce  dans  le  négligé,  le  demi- 
ajusté,  l'habille  et  a  inspection  sur  tout  ce  qui 
concerne  la  cosmétique  ou  l'art  de  la  toilette  ^  ». 

En  1736,  la  reine  avait  quatorze  femmes  de 
chambre,  la  duchesse  d'Orléans  se  contentait  de 
douze  ^. 

Femmes  de  charge.  «  Le  devoir  d'une 

femme  de  charge  est  de  prendre  en  compte  tout 
le  gros  linge  de  la  maison  où  on  la  reçoit  en  cette 
qualité.  Savoir  :  les  draps  tant  pour  le  maître  et 
la  maîtresse  que  pour  le  commun,  le  linge  de 
table,  nappes,  serviettes  tant  fines  que  grosses, 
tabliers  et  torchons,  et  le  donner  de  même  aux 
hommes  et  femmes  de  chambre,  aux  officiers 
et  cuisiniers,  et  en  rapportant  le  sale  leur  en 
donner  de  blanc.  Et  lorsqu'il  y  en  a  de  perdu,  elle 
doit  en  avertir  le  maître  ou  la  maîtresse,  l'inten- 
dant ou  le  maître  d'hôtel,  leur  dire  qui  c'est  qui 
l'a  perdu  et  qui  ne  lui  a  point  rendu  le  sale  ;  et 
par  là  elle  en  est  déchargée. 

Elle  doit  aussi  aider  la  femme  de  cliambre  à 
faire  le  lit  et  la  chamljre  de  la  dame,  et  avoir 
soin  de  ranger  et  nettoyer  tous  les  jours  les 
beaux  appartemens. . . 

Elle  doit  savoir  mettre  un  couvert,  faire  des 
compotes  et  dresser  un  plat  de  fruit.  C'est  à  elle 
aussi  à  distribuer  le  pain  et  le  vin  à  ceux  à  qui 
il  en  est  ordonné,  et  rendre  de  tout  un  bon  et 
fidèle  compte  lorsqu'il  en  est  besoin. 

Elle  doit  avoir  toutes  les  clefs  d'une  maison 
concernant  la  dépense  qui  s'y  fait,  tant  pour  la 
bouche  et  pour  tout  ce  qui  est  nécessaire  d'ailleurs, 
et  faire  la  distribution  du  bois  et  du  charbon  pour 
la  chambre  et  pour  la  cuisine,  du  sel,  du  poivre, 
du  clou,  de  la  muscade,  du  gingembre,  du  sucre, 
de  la  chandelle,  du  lard,  du  saindoux,  du  beurre 
fondu,  de  l'huile,  du  vinaigre,  du  verjus,  du 
beurre,  des  œufs,  du  papier,  etc  *. 


Femmes    d'enfants.     Voy 
d'enfants. 


Bonnes 


Femme  de  g^arderobe.  Ce  sont,  suivant 
l'abbé  Jaubert,  celles  qui  «  dans  les  grandes 
maisons  ont  soin  de  la  garderobe  de  leurs  maî- 
tresse, en  tiennent  les  vêtemens  en  bon  ordre, 
toujours  propres  et  prêts  à  être  employés  dans 
ces  momens  de  caprice  où  l'on  se  décide  plutôt 
pour  un  ajustement  que  pour  un  autre,  après 
avoir  parcouru  plusieurs  fois  de  la  vue  tous  les 
meubles  de  la  e-arderobe  ^  ». 


1  La  maison  réglée,  liv.  III,  chap.  3,  p.  73  et  104. 

2  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  t.  Il,  p.  191. 

3  État  delà  France,  t.  II,  p.  335  et  373. 

*  Audiger,  La  tnaison  réglée,  liv.  III,  chap.  3.  —  Voy. 
aussi  liv.  II,  chap.  4. 

S  Dictionnaire  (1773),  t.  II,  p.  191. 


Fendeurs.  Ouvriers  qui  divisaient  en  feuilles 
minces  les  blocs  d'ardoises. 

Les  scieurs  de  bois  étaient  ainsi  appelés,  et, 
dans  d'autres  industries  encore,  on  trouve  des 
ouvriers  désignés  sous  ce  nom. 

Fenerons.  Voy.  Faneurs. 

Fenestriers.  Au  treizième  siècle,  le  mot 
f(!nétre  était  synonyme  de  boutique,  d'ouvroir, 
d'atelier  et  c'est  toujours  dans  ce  sens  que 
l'emploie  le  Livre  des  métiers.  Le  mot  fenestriers 
désignait  donc  alors  presque  tous  les  marchands 
établis. 

Feniers.  Voy.  Foin  (Marchands  de). 

Féodistes.  Voy.  Feudistes. 

Fer  (Marchands  de).  Voy.  Ferronniers. 

Fer  (Travail  du).  Voy.  Armuriers.  — 
Chainetiers.  —  Cloutiers.  —  Contrô- 
leurs. —  Enclumes  (Faiseurs  d').  — 
Équipement  militaire.  —  Experts.  — 
Fer  (Marchands  de).  —  Ferblantiers.  — 
Ferrailleurs.  —  Ferrailliers.  —  Ferra- 
tiers.  —  Ferretons.  —  Ferronniers.  — 
Ferroillons.  —  Ferrons.  —  Fèvres.  — 
Forcetiers.  —  Forgerons.  —  Forgeurs. 
—  Greffiers.  —  Grillageurs.  —  Hau- 
bergiers.  —  Mailliers.  —  Maître  des 
fèvres.  —  Maréchaux.  —  Serruriers.  — 
Taillandiers.  —  Tailleurs  de  limes.  — • 
Tôliers.  —  Tréflleurs.  —  Trumeliers.  — 
Vr  illier  s. 

Fer  blanc  et  noir  (Ouvrier  en)  et  Fer- 
blanquiers.  Voy.  Ferblantiers. 

Ferblantiers.  Au  moyen  âge,  les  mots  fer 
blanc  désignent  du  fer  blanchi  par  une  mince 
couche  d'étain.  C'est  encore  le  sens  qu'il  faut 
donner  au  ferrum  album  que  cite  Ducange  ^ 
d'après  une  charte  de  1530.  L'art  de  fabriquer 
le  fer  blanc  date,  en  effet,  seulement  du  dix- 
septième  siècle,  et  c'est  par  les  soins  de  Colbert 
qu'il  fut  introduit  en  France.  On  peut  voir  dans  la 
Correspo7idance  administrative  sous  Louis  XIV  ^ 
toutes  les  difficultés  que  rencontra  l'abbé  de 
Gravel,  ministre  de  France  en  Allemagne,  pour 
séduire  quelques  ouvriers  établis  sur  la  frontière 
de  la  Bohême.  Cependant,  dès  166.5,  deux  forges 
et  deux  fourneaux  fonctionnaient  dans  la  fonderie 
établie  à  Beaumont  en  Nivernais,  qui  fut  érigée 
en  manufacture  royale.  Peu  d'années  après,  la 
plupartdes  ouvriers  avaientregagné  l'Allemagne, 
et  tout  était  à  recommencer.  On  parvint,  non 
sans  peine,  à  créer  une  nouvelle  manufacture  en 
Alsace  ;  trois  autres  furent  plus  tard  fondées  en 
Lorraine,  en  Franche -Comté ,  puis  dans  le 
Nivernais. 

'Les  ferblantiers  fabriquaient  des  lanternes, 
des  chandeliers,  des  entonnoirs,  des  girouettes, 


1  Glossarium,  au  mot  ferrum. 

2  Tome  III,  p.  740  et  suiv. 


21 


322 


FERBLANTIERS  —  FERRANDINIERS 


des  moules  à  pâtisserie,  etc.  Dits  aussi  lanterniers 
ils  constituaient  une  des  classes  de  la  communauté 
des  taillandiers,  avaient  pour  patron  samt  Eioi, 
et  étaient  dits  officiellement  tatllandiers-lerHan- 
tier s  en  fer  blanc  et  noir. 

Hurtaut  dans  son  BtcHomaire  (177yj  les 
nomme  ferhlanqvÂers. 

\  ,,v.  Arcaniers.  —  Blanchisseurs.  — 
Goujards,  elc. 

Fermailleurs  et  Fermailliers.  Voy. 
Fermaux  (Faiseurs  de). 

Fermaux  Faiseurs  de).  Le  mot  fermail, 
avec  ses  innombrables  formes,  revient  sans  cesse 
sous  la  plume  de  nos  anciens  chroniqueurs. 
D'une  manière  générale,  l'on  nommait  fermuil, 
fremail,  fermaillet,  fernieil,  ferrnoer,  etc.  tout 
])ijou,  agrafe,  broche,  crochet,  boucle,  servant 
à  attacher,  à  soutenir,  surtout  à  tenir  fermé  ^ 
quelque  ajustement.  Parfois,  l'on  suspendait  au 
fermail  une  bourse,  des  clefs,  une  cassolette. 
Parfois  aussi,  il  ne  fermait  et  ne  supportait  rien 
du  t')ut;  c'était  alors  un  ornement  mis  en 
évidence  sur  le  vêtement,  même  sur  le  chapeau  : 
employé  de  cette  façon,  il  prit  un  peu  plus  tard 
le  nom  à' affiche  ou  (Renseigne. 

Au  treizième  siècle,  quatre  corporations  se 
partageaient  la  fabrication  des  fermaux  : 

1"  Les  fermailliers,  fermailleurs  ou  fremail- 
liers  fal)riquaient  des  fermaux  en  laiton. 

2°  Les  ouvriers  cTe'tain  fabriquaient  les  fermaux 
en  élain  et  en  plomb. 

3"  Les  fondeurs-mouleurs  faltriquaieut  les 
fermaux  en  archal  et  en  cui\Te. 

4"  Les  orfèvres  fabriquaient  les  riches  fermaux 
en  or  et  en  argent. 

Je  ne  m'occuperai  ici  que  des  industriels  qui 
•'mpnmtèrent  leur  nom  aux  objets  qu'ils  con- 
ft.'clii)nnaient. 

Leurs  statuts,  insérés  dans  le  Livre  des  métiers^ 
sciut  intitulés  :  Cist  titres  parole  des  fremailliers 
de  laiton  et  de  ceus  qui  font  fremaus  à  livres. 
(x's  derniers  représentent  les  lourds  fermoirs  fixés 
iiiix  ais  qui  consliluaient  la  reliure  des  anciens 
manuscrits  :  le  parchemin,  pour  se  bien  con- 
srrviT,  devant  rester  soumis  à  ime  assez  forte 
|)rf'ssi(iri.  Faille  de  mieux,  les  fermoirs  étaient 
rfm|)lacés  par  des  lanières  de  cuir. 

Dans  celle  corporation,  l'apprentissage  était 
fnrl  Icing.  On  exigeait  huit  ans  de  l'enfant  qui 
Hppiirlail  vingt  sous,  neuf  ans  de  l'enfant  sans 
argfnl.  O  stage  terminé,  il  pouvait  s'établir  sans 
payer  auc'in  drctil,  pourvu  qu'en  présence  des 
jurés  il  pnnivftl  son  aptitude  au  méfier. 

Outre  les  fermaux,  la  communaulé  falnicpiait, 
iiinis  toujours  en  laiton,  des  dés  ù  coudre  et  des 
anneaux. 

Le  travail  ti  la  lumii're  était  interdit,  sous 
peine   d'une   amende   de   cinq   sous.    L'ouvrier 


»  Tom.<  I,  j,.  .317. 

'  .\iis*i  If  mol  fermail  a-t-ii  parfuis  designé  une  boîlc, 
un  coffrrl. 

5  Tilrr  XLII. 


devait   «   comencier  à  ovrer  ^   de  biau  jour   et 
lesier  ^  oevre  de  biau  jour  ». 

Deux  jurés,  désignés  par  les  maîtres  et  nommés 
par  le  prévôt  de  Paris,  administraient  la  petite 
communauté,  qui  se  composait  d'environ  cinq 
maîtres  en  1292  et  de  onze  maîtres  en  1300.  Je 
sais  qu'en  1318,  les  fermailliers  nommèrent  encore 
leurs  deux  jurés.  Je  perds  ensuite  la  trace  de 
cette  corporation,  qui  n'existait  certainement 
plus  au  quinzième  siècle  3,  ou  du  moins  s'était 
fondue  dans  une  autre. 

Fermiers.  «  Le  fermier  est  celui  qui  cultive 
la  terre  dont  un  autre  est  propriétaire,  qui  en 
recueille  les  fruits  à  des  conditions  fixes,  et  les 
paie  en  argent.  Le  métayer  partage  avec  le 
propriétaire  la  récolte  bonne  ou  mauvaise  dans 
une  certaine  proportion.  Les  fermiers  sont  ordi- 
nairement dans  les  pays  riches,  et  les  métayers 
dans  ceux  où  l'argent  est  rare  *  ». 

Audiger  donne  comme  synonymes  les  mots 
fermiers  et  receveurs  ^ . 

Ferpiers.  Nom  que  les  Tailles  de  1292  et 
de  1313  donnent  aux  fripiers. 

Ferrailleurs.  Voy.  Crieurs  de  vieux 
fers. 

Ferrailliers.  Tous  ouvriers  travaillant  le 
fer. 

Ferrandiers.  Ferreurs  de  chanvre.  Ils  le 
frottaient  par  poignées  sur  un  fer  obtus,  pour  le 
rendre  plus  facile  à  filer. 

Ferrandiniers.  Fabricants  de  ferrandine. 
La  ferrandine  constituait  une  étoffe  très  légère, 
dont  la  chaîne  était  en  soie  et  la  trame  en  laine. 
hUle  devait  son  nom  à  un  lyonnais  nommé 
Ferrand  qui  l'inventa  au  début  du  dix-septième 
siècle.  Au  siècle  suivant,  on  confectionna  des 
ferrandines  tramées  en  poil  de  chèvre,  en  poil  de 
chameau,  en  fil,  en  coton,  etc. 

Les  ferrandiniers  formaient  une  seule  corpo- 
ration avec  les  gaziers  ou  gazetiers.  fabricants 
d'étoffes  de  soie  très  claires,  unies  ou  brochées. 
Ces  tissus  étaient,  en  effet,  obtenus  sur  un  métier 
absolument  semblable  à  celui  dont  se  servaient 
les  ferrandiniers. 

Bien  que  les  drapiers  de  soie  eussent  aussi  le 
droit  de  produire  de  la  ferrandine,  les  maîtres 
ferrandiniers-qaziers  composaient  une  commu- 
nauté distincte.  L'apprentissage  y  était  de  cinq 
ans  et  le  compagnonnage  de  deux  ans.  Ils  avaient 
pour  patron  saint  Louis. 

L'édit  de  1776  réunit  celte  corporation  à  celle 
des  tissutiers-rubaniers,  qui  forma  dès  lors  le 
cinquième  des  Six-Corps.  Au  moment  de  cette 
réunion  la  communauté  des  ferrandiniers-gaziers 
se  composait  d'environ  320  maîtres. 


'  A  ouvrer,  à  travailler. 
2  liaisser. 

•^  Elle  ne  figure  pa.s  dans  l'ordonnance  diti^  des  Jlan- 
Htères  (1467). 

*  .laubert,  Diclioiinaire{\lTè),  l.  II,  p.  199- 
S  La  maison  réglée,  liy.  II,  chap.  4. 


FERKANDINIEKS  —  F1<:SSKCULS 


323 


La  ferrandine  était  dite  aussi  moncuhiard, 
mocayar,  hnrail  et  grisette.  Dans  Les  trom- 
peries de  Larivej  (1611)  le  capitaine  fait 
donner  à  Dorothée  une  pièce  de  burail  <.<  de 
soie  1  ». 

La  grisette  était  une  ferrandine  commune  et 
qui  dans  l'orig'ine  ne  se  faisait  qu'en  gris,  couleur 
très  recherchée,  au  début  du  siècle,  par  les  petites 
bourgeoises  et  les  ouvrières.  C'est  de  là  qu'est 
venu  le  nom  de  grisette,  qui  désigna  d'abord 
toutes  les  femmes  de  condition  médiocre.  «  Les 
modes,  écr'wAiile^  Mercure  galant  éf^  1673,  passent 
des  riches  bourgeoises  aux  grizettes,  qui  les 
imitent  avec  de  moindres  étoffes  -  ».  Dans  une 
comédie  de  Regnard,  jouée  en  1694,  Pasquin  dit 
à  Dorante,  son  maître  :  «Je  suis  las  d'estrebien 
battu  et  mal  nourry,  je  suis  las  de  passer  la  nuit 
à  la  porte  d'un  lansquenet  et  le  jour  à  vous 
détourner  des  grisettes  ^  ».  Enfin,  dans  la 
Marianne  de  Marivaux,  M.  de  Glimal  dit  à 
Marianne  :  «  Mon  neveu  vous  regardera  comme 
une  jolie  grisette,  à  qui  il  se  promet  bien  de 
tourner  la  tête  *  ».  Voici  maintenant  la  définition 
que  Sébastien  Mercier  donne  de  la  grisette  à  la 
fin  du  dix-huitième  siècle  :  «  On  appelle  grisette 
la  jeune  fille  qui,  n'ayant  ni  naissance  ni  bien, 
est  obligée  de  travailler  pourvi\Te,  et  n'a  d'autre 
soutien  que  l'ouvrage  de  ses  mains.  Ce  sont  les 
monteuses  de  bonnets,  les  coutm'ières  en  linge, 
etc.,  qui  forment  la  partie  la  plus  nombreuse  de 
cette  classe  ^  » . 

Depuis  longtemps,  l'étofïe  qui  avait  donné 
son  nom  aux  grisettes  se  teignait  en  toute 
couleur. 

Ferratiers.  Ouvriers  travaillant  le  fer. 

Ferretoneurs.  Voy.  Fiertonneurs. 

Ferretons.  Tous  ouvriers  travaillant  le  fer. 

Ferreurs.  Voy.  Flombeurs. 

Ferreurs  d'aiguillettes.  Voy.  Aiguil- 
letiers. 

Ferroillons.  Tous  ouvriers  travaillant  le 
fer. 

Ferronniers.  Marchands  de  fer  neuf  ^, 
d'objets  en  fer,  de  grosse  quincaillerie,  etc.  Leur 
vrai  titre  était  celui  de  marchands  merciers- 
ferronniers.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  les 
\Xi(As,  ferronniers^  vendeurs  de  fer,  ferrons,  ferrail- 
leurs étaient  souvent  pris  l'un  pour  l'autre.  Dans 
un  journal  d'annonces  de  1777  '^  ;  un  sieur 
Lefebvre,  qui  se  dit  marchand  de  fer.,  prévient  le 
public  qu'on  trouvera  chez  lui  «  toute  espèce  de 
ferrures  et  de  serruries  pour  meubles  et  pour 
bastimens,    toutes    sortes    de    grosses    et    fines 

1  Acte  I,  scène  7.  —  Dans  l'Ancien  théâtre  français, 
t.  VII,  p.  52. 

2  Tome  III,  p.  322.  —  Page  292,  on  écrit  grisette. 

3  Attendez-moy  sous  l'orme,  scène  1. 

*  Troisième  partie,  p.  59  de  l'édition  de  1877. 

5  Tailefiu  de  Paris,  t.  VIII,  p.  133. 

6  Voy.  Ducange,  Glossaire,  au  mot  ferronus. 

"^  Amionces,  afjiches  et  avis  divers,  n°  du  18  janvier. 


(|uincailleiies  d'Allemagne,  d'Angleterre  et  de 
France  '  ». 

A  cette  époque,  le  fer  se  vendait  surtout  en 
barres  carrées,  rondes  ou  plates,  en  carrillons, 
en  bottes,  en  courçons,  en  cornettes,  en  plaques, 
en  tôle,  etc.  ^ . 

Les  cloutiers  prenaient  également  le  nom  de 
ferronniers. 

Suivant  Le  Masson,  les  ferronniers  avaient 
pour  patron  saint  Lubin,  dont  ils  célébraient  la 
fôle  le  16  août  à  l'église  Saiut-Leufroy -. 

V(jy.  Fer  (Commerce  du).  —  Ferrons 
et  Fèvres. 

Ferrons.  C'étaient  des  forgerons  qui  ne 
faisaient  que  de  g'ros  ouvrages,  et  non  des 
marchands  de  fer,  comme  le  dit  Géraud  ^.  En 
effet,  le  titre  XXXI  de  la  grande  ordonnance  de 
janvier  1351  ^  distingue  les /"errow*  des  marc/«a«</« 
de  fer,  et  nous  apprend  que  les  premiers 
«  ferroient  les  charrettes  ^  ». 

Au  treizième  siècle,  les  ferrons  étaient  soumis, 
comme  tous  les  fèxTes,  à  l'autorité  du  premier 
maréchal  de  l'écurie  royale,  à  qui  appartenaient 
les  revenus  et  la  justice  professionnelle  du  métier. 

La  Taille  de  1202  cite  11  ferrons,  celle  de 
ISOO  en  mentionne  18. 

La  rue  de  la  Ferronnerie,  dite  d'abord  rue  de 
la  Charonnerie,  dut  son  nouveau  nom  aux 
nombreux  ferrons  que  saint  Louis  autorisa  à 
s'établir  le  long  des  charniers  du  cimetière  des 
Innocents  ". 

Voy.  Fer  (Travail  du). 

Fers  du  roi.  Ferra  regia.  On  appelait  ainsi 
une  redevance  en  nature  imposée  aux  maréchaux 
de  Paris  :  ils  étaient  tenus  de  ferrer  gratuitement 
les  chevaux  de  la  Cour. 

Plus  tard,  quand  les  maréchaux  obtinrent  de 
se  constituer  en  corporation,  ils  rachetèrent  cet 
impôt  en  versant,  chaque  année  le  jour  de  la 
Pentecôte,  six  deniers  au  premier  maréchal  dé 
l'écurie  royale,  qui,  de  son  côté,  dut  pourvoir  à  la 
ferrure  des  chevaux  de  selle  du  roi.  On  lit  dans 
le  Livre  des  métiers  (1268)  :  «  Quiconquesestdel 
raestier  devant  dit,  il  doit  chascun  an  au  Roy 
VI  deniers  aus  fers  le  Roy,  à  paier  aus  huitenes 
de  Pentecoste.  Et  les  a  son  meslre  marischal, 
tant  come  il  li  plera.  Et  de  ce,  est  tenuz  li 
mestres  marischax  le  Roy  au  ferrer  ses  palefroy 
de  sa  siele,  tant  seulement,  sanz  autre  cheval 
nul  '  ». 

Voy.  Concessions  de  métiers. 

Fertoneurs.  Voy.  Fiertonneurs. 
Fesseculs.  Vov.  Correcteurs. 


1  On  trouvera  l'explication  de  tous  ces  mots  dans   le 
Dictionnaire  de  Savary,  t.  II,  p.  24. 

2  Calendrier  des  confréries,  p.  100. 

3  Paris  sous  Pkilippe-le-Bel,  p.  509. 

4  Ordonn.  royales,  t.  II,  p.  350. 

5  Voy.  aussi  le  Glossaire  de  Ducange,  au  mot  ferro. 

6  G.    Corrozet,   Antiquités  de  Paris   (édit.    de    1561), 
p.  90. 

7  Livre  des  métiers,   titre  XV,  art.  3.  —  Voy.  aussi 
Ducange,  v°  ferra  regia. 


324 


FÊTES  —  FIACRES 


Fêtes  Les  quatre  bonnes).  Dans  les  statuts 
des  métiers  et  dans  les  ordonnances  du  moyen 
acre  l'on  désio-ne  ainsi  Pâques,  la  Pentecôte,  la 
Toussaint  et  Noël.  Celte  expression  a  encore  ete 
employée  par  Bon.  Despériers  ^ 

Fêtes  religieuses  (Observation  des). 
Voy.  Dimanches  et  fêtes. 

Feudistes.  Jurisconsultes  versés  dans  la 
connaissance  du  droit  coutumier,  des  lois 
féodales.  Cette  science  ne  date  guère  que  du 
seizième  siècle,  du  Commentaire  que  publia 
Charles  Dumoulin  siir  le  titre  des  fiefs  de  la 
coutume  de  Paris. 

Envisagé  à  un  point  de  vue  plus  pratique, 
VAlmanach  Dauphin  pour  1777  consacre  aux 
féodistes  les  lignes  suivantes  :  «  Les  féodistes  sont 
ceux  qui  connoissent  particulièrement  la  partie 
des  fiefs  et  biens  seigneuriaux,  et  qui  font  le 
dépouillement  des  terriers  sur  les  plans  géogra- 
phiques et  topographiques  que  leur  fournissent 
les  arpenteurs,  pour  constater  les  domaines  des 
seigneurs  et  les  biens  de  leurs  censitaires  ». 

Feuilletiers.  Titre  qui  appartenait  à  la 
communauté  des  cartiers. 

Feutres  'Levkurs  de).  Ouwiers  employés 
dans  l<-s  fabriques  de  papier,  et  dont  la  princi- 
pale occupation  consistait  à  brasser  la  cuve  et  à 
retourner  les  feutres. 

On  les  nommait  aussi  viveurs. 

Feutriers.  Marchands  ou  apprêteurs  de 
ft'iilrr>.  La  Taille  de  i292  en  mentionne  dix, 
celle  de  1300  en  cite  huit  seulement. 

Voy.  Chapeliers  de  feutre. 

Fèvres.  On  nomma  d'abord  ainsi  tous  les 
ouvriers  travaillant  les  métaux,  c'est  là  l'origine 
du  mot  orfi'vre.  Mais,  dès  le  treizième  siècle,  on 
ne  désignait  plus  guère  sotis  le  nom  de  fèvres 
que  li'S  ouvrii-r^  rmpldvés  au  ti'Mvail  du  fi'r. 

Voy.  Couteliers  ri  Maître  des  fèvres. 

Fiacres.  Nom  donné  jadis  aux  cochers  des 
voitures  puliliques  appelées  fiacres.  Ils  le  regar- 
daif-nl  pomin<'  injurieux. 

Marivaux,  dans  sa  Mariamie  *,  décrit  une 
quer«*llo  élevée  entre  un  de  ces  hommes  et  une 
r»'mnie  qu'il  venait  de  conduire  ;  on  y  trouve 
collfi  phraso  :  «  Qu'est-ce  que  me  vient  conter 
tell*'  chilïonnièro  V  répliqua  l'autre  en  vrai 
fiacn'  >'.  .remprunte  (3ncore  à  la  deuxième  scène 
du  Moulin  dr  .îiirellr,  pièce  de  Dancourt  j(tuée 
eu  1090,  ce  fnigmenl  de  dialogue: 

■  Finkite.  Par  ma  foy.  Madame,  cela  n'est 
point  joli,  un  coquin  de  fiacre  parler  de  la  sorte. 

Lk  cocher.  Fiacre,  oli  !  fiacre  vous-même  ! 
point  InnI  de  liriiit,  vous  dis-je,  et  de  l'argent  !  » 

Un  sieur  Sauvage  fut.  dit  le  commissaire 
Delamnrro,  t  \c  premier  rpii  s'avisa  d'entretenir 


*  NoHtfUt  XLV,  édit.  olzév.,  t.  II,  p.  178. 

*  S'contt.-  partie,  édil.  de  1877,  p.  51. 


des  chevaux  pour  les  louer  à  ceux  qui  se  présen- 
teroient.  Son  entreprise  eut  tout  le  succès  qu'il 
pouvoit  en  attendre  -,  le  public  s'y  accoutuma  si 
bien  que  l'on  vit,  après,  beaucoup  d'autres 
loueurs  de  carrosses  s'établir,  à  son  exemple,  en 
différens  quartiers.  Sauvage  demeurait  rue  Saint- 
Martin,  dans  une  maison  appelée  riiôtel  Saint- 
Fiacre  ;  comme  il  étoit  l'auteur  de  l'invention  et 
le  plus  accrédité  de  son  temps,  les  carrosses  de 
louage  furent  non  seulement  nommés  fiacres, 
mais  les  maîtres  et  les  cochers  en  ont  toujours 
retenu  le  nom  ^  ».  Tout  ceci  se  passait  vers  1645. 

La  grossièreté  des  fiacres  devint  bientôt  prover- 
biale, et  nos  auteurs  dramatiques  en  ont  souvent 
tiré  parti.  J.-P.  Marana  écrivait  vers  1690  : 
«  Les  cochers  sont  si  brutaux,  ils  ont  la  voix  si 
enrouée  et  si  efîroïable,  et  le  claquement  conti- 
nuel de  leurs  fouets  augmente  le  bruit  d'une 
manière  si  horrible  qu'il  semble  que  toutes  les 
Furies  soient  en  mouvement  pour  faire  de  Paris 
un  enfer  ^  ».  La  Palatine  disait,  de  son  côté: 
«  Vous  savez  que  ces  gens-là  sont  fort  inso- 
lents ^  ».  Ils  étaient  fort  paresseux  aussi. 
Madame  Gradock  raconte  que,  surprise  par  un 
oraire,  elle  voulut  rentrer  chez  elle  en  voiture  : 
«  Il  y  avait  trois  fiacres  sur  la  place,  écrit-elle, 
pourtant,  telle  est  la  nature  des  gens  du  peuple 
à  Paris,  que  j'eus  beau  offrir  trois  fois  le  prix  du 
tarif  ordinaire,  tous  refusèrent  de  me  conduire, 
répondant  qu'ils  avaient,  ce  jour-là,  de  quoi 
souper  et  boire,  et  que  rien  ne  les  forceroit  à 
bouger  *  ».  Il  existait,  en  1760,  vingt-neuf 
places  affectées  aux  carrosses  de  places,  vulgai- 
rement appelés  fiacres  ^.  Il  semble  que  ce  nombre 
était,  vingt-neuf  ans  après,  réduità  vingt-deux  ®. 

Ecoutons  maintenant  Sébastien  Mercier  : 
«  Les  misérables  rosses  qui  traînent  ces  voitures 
délabrées  sortent  des  écuries  royales  et  ont 
appartenu  à  des  princes  du  sang.  Ces  chevaux, 
réformés  avant  leur  vieillesse,  passent  sous  le 
fouet  des  plus  impitoyables  oppresseurs...  Rien 
ne  révolte  l'étranger,  qui  a  vu  les  carrosses  de 
Londres,  d'Amsterdam,  de  Bruxelles,  comme 
ces  fiacres  et  leurs  chevaux  agonisans.  Quand 
les  fiacres  sont  à  jeun,  ils  sont  assez  dociles;  le 
soir,  ils  sont  intraitables;  les  rixes  fréquentes  qui 
s'élèvent  sont  jugées  chez  les  commissaires;  ils 
inclinent  toujours  en  faveur  du  cocher.  Plus  les 
cochers  sont  ivres,  plus  ils  fouettent  leurs 
chevaux,  et  vous  n'êtes  jamais  mieux  mené  que 
quand  ils  ont  perdu  la  tête. 

>>  Il  s'agissoit  de  je  ne  sais  quelle  réforme, 
il  y  a  quelques  années  :  les  fiacres  s'avisèrent 
d'aller  tous,  au  nombre  de  presque  dix  huit  cents, 
voilures,  chevaux  et  gens,  à  Choisy  où  étoitalors 
le  roi,  pour  lui  présenter  une  requête.  La  cour 
fut  fort  surprise  de  voir  dix  huit  cents  fiacres 
vides  qui  couvroient  au  loin  la  plaine  et  venoient 
apporter  leurs  humbles  remontrances  aux  pieds 

•  Des  carrosses  à  l'heure,  communément  dits  fmcres,  dans 
le  Traité  de  la  police,  t.  IV,  p.  437. 

^  Lettre  d'un  Sicilien,  p.  11. 

•'  Lettre  du  20  octobre  1720. 

i  Journal  de  Madame  Cradock  (1783-86),   p.  30. 

•'  .Ièz(%  Tableau  de  la  ville  de  Paris,  p.  339. 

^  Lesage,  Le  géographe  parisien,  t.  II,  p.  328. 


FIACRES  —  FIGURES  DE  CIRE 


325 


du  trône.  On  les  congédia  comme  ils  étoient 
venus  ;  les  quatre  représentans  de  l'ordre  furent 
mis  en  prison,  et  l'on  envoya  l'orateur  à  Bicêtre 
avec  son  papier  et  sa  harangue  *.  Les  tiacres  ne 
peuvent  aîler  jusqu'à  Versailles  qu'en  payant  une 
permission  particulière. 

»  La  commodité  et  la  sûreté  publique  exige- 
roient  que  les  fiacres  lussent  moins  sales,  plus 
solides,  mieux  montés  ;  mais  la  rareté,  la  cherté 
des  fourrages  et  l'impôt  de  vingt  sols  par  jour 
pour  rouler  sur  le  pavé  empèclient  les  réformes 
les  plus  désirables  -  ». 

La  Révolution  les  opéra  au  moins  en  partie, 
semble-t-il,  carL.  Prudhomme  écrivait  en  1807  : 
«  Aujourd'hui,  il  y  a  environ  deux  mille  fiacres  -, 
les  voitures  sont  très  belles,  bien  suspendues, 
les  cochers  bien  vêtus  ;  néanmoins  l'éducation 
d'un  grand  nombre  n'est  pas  plus  soignée  que 
celle  de  leurs  anciens  camarades.  A  jeun,  les 
cochers  sont  assez  traitables  ;  vers  les  deux  heures, 
plus  difficiles  ;  le  soir,  à  l'heure  du  spectacle, 
ils  sont  intraitables.  La  police  est  très  sévère 
à  leur  égard  ;  si  les  cochers  veulent  vous  faire  la 
loi,  il  faut  -vous  faire  conduire  chez  le  commis- 
saire de  police  le  plus  voisin  ^  ». 

Voy.  Voitures. 

Ficeleurs.  Dans  les  manufactures  de  tabac, 
ouvriers  qui  «  passoient  de  la  ficelle  sur  les  rôles 
après  qu'ils  avoient  été  pressés,  pour  leur 
conserver  la  forme  que  la  presse  leur  avoit 
donnée  ». 

Ficheurs.  Ouvriers  maçons  qui,  au  moyen 
de  la  fiche,  introduisent  le  mortier  dans  les  joints 
des  pierres. 

Fief  (Hôtel  du).  Voy.  Privilégiés 
(Lieux). 

Fieffés  i Sergents).  Officiers  des  eaux  et 
forêts.  On  nommait  ainsi  des  gens  à  qui  le  roi 
avait  confié  une  part  de  ses  bois,  à  titre  de  fief, 
avec  droit  de  pacage,  de  pâturage,  de  chauffage, 
etc.,  mais  à  charge  de  les  garder  en  personne  et 
d'être  responsables  des  délits  qui  s'y  commet- 
traient * . 

Les  sergenteries  fieffées  furent  supprimées  au 
mois  d'août  1669. 

Fienseurs.  Voy.  Sngrais  (Commerce 
d'). 

Fienteurs.  Ceux  qui  portent  le  fumier.  On 
lit  dans  Ducange  :  «  Fimarius,  fianteur,  c'est 
qui  porte  fiens  ».  La  citation  semble  s'appliquer 
plutôt  aux  animaux  qu'aux  hommes. 

Fiertonneurs.  Officiers  des  monnaies, 
créés  par  Philippe  le  Bel  en  1314  pour  vérifier 


1  Sur    tout    ceci,    voy.    le   Bulletin   de   la   Socie'/é  de 
l'histoire  de  Paris,  année  1874,  p.  49. 

2  Tableau,  de  Paris,  t.  I,  p.  151. 

3  Miroir  de  l'ajicieii  et  du  nouveau   Paris    (1807),  t.   I, 
p.  319. 

4  Chaillaml,    Dictionnaire    des    eaux    et   forêts,    t.    I, 
p.  535. 


le  poids  exact  des  flans  et  des  monnaies.  Munis 
de  leurs  balances  et  de  leurs  fierions  *,  ils 
devaient,  malin  et  soir,  inspecter  les  ouvriers  de 
chaque  fourneau  -. 

On  trouve  emore  ferretonmrs,  fertoneeurs,fre- 
tonneurs,  etc. 

Fifi  (Maîtres).  Voy.  Vidangeurs. 

Fig"urants  [de  thé-vtre].  Ils  ont  t(jujours 
été  bien  maigrement  payés.  Dans  la  Circe  de 
Th.  (Jorneille  (1675),  où  l'on  voyait  quatorze 
figurants  glisser  le  long  d'une  corde  et  sembler 
ainsi  voler,  les  plus  petits  recevaient  dix  sous, 
les  moyens  quinze  sous,  les  plus  grands  une 
livre.  Dans  T(iiiu//e,  le  rôle  de  Phlipole  ne 
coûtait  au  tliéàtre  qu'une  livre,  et  l'actrice  qui 
représentai!  la  iniit  dans  Amphitryon  touchait 
trois  livres  "^ 

En  1760,  il  y  avait  à  l'Opéra  douze  figurants 
et  douze  figurantes  en  titre,  sans  compter  quel- 
ques surnuméraires.  Cet  emploi  était  tenu  par 
vingt-trois  personnes  aux  Italiens,  et  par  vingt 
à  l'Opéra-Comique  ^ . 

Voy.  Théâtre. 

Fig"ures  de  cire.  Au  décès  de  chaque 
souverain,  on  s'empressait  de  mouler  sa  tête, 
son  corps  même  parfois.  L'effigie  ainsi  obtenue 
était  revêtue  des  ornements  royaux  et  exposée 
sur  un  lit  de  parade,  dans  une  salle  magnifi- 
quement décorée. 

Lors  des  obsèques,  l'effigie  prenait  place  sur 
le  cercueil.  On  lit.  par  exemple,  dans  Y  Ordon- 
nance faicte  pour  V enterrement  d%t  corps  du  bon 
roy  Charles  huytiesme  •'  :  «  Incontinent  après, 
marchoient  les  xvi  gentilshommes  qui  portoient 
la  litière  oii  estoit  le  corps,  et  au-dessus  du 
corps  l'estature  et  représentation  du  Roy  faicte 
au  vif  ».  Au  convoi  de  François  P'',  l'effigie  fut 
portée  par  les  gentilshommes  de  la  chambre 
«  ayant  sangles  attachées  au  col  ».  Depuis  lors, 
l'effigie  fut  toujours  séparée  du  cercueil  ;  celui- 
ci,  déposé  dans  un  chariot  attelé  de  six  chevaux, 
suivait  l'effigie,  à  laquelle  était  rendue  tous  les 
honneurs  6. 

Cette  coutume  s'observait  encore  au  milieu  du 
dix-septième  siècle,  puisque  Gui  Patin  écrivait 
à  son  ami  Falconet  le  21  janvier  1666:  «  La 
Reine  mère  '  est  morte  aujourd'hui  à  six  heures 
et  demie  du  matin.  On  travaillé  à  l'embaume- 
ment de  son  corps.  On  voit  déjà  sa  représen- 
tation dans  le  Louvre.  Le  peuple  est  friand  de 
telle  cérémonie  ^  ». 

Pendant   les  huit  ou  dix  jours  que  l'effigie 


1  Poids   spéciaux   pour   le   pesage  des  monnaies.    Ils 
représentaient  le  quart  du  marc. 

2  Abot  de  Bazinghen,  Traité  des  monnaies,  t.  I.  p.  508. 

3  E.    Despois,    Le   théâtre  frani;ais    sous   Louis    .Y/V, 
p.  125. 

4  Jèze.     Etat    ou    tableau    de    la    ville   de   Paris,    etc., 
2»  partie,  p.  3,  9  et  11. 

3  Paris,  1498,  in-S". 

6  Jean  du  Tillet,  Recueil  des  Ruijs  de  France,   édil.   île 
1586,  p.  242  et  s. 
"^  Anne  d'Autriche. 
8  Tome  III,  p.  580. 


326 


FIGURES  DE  CIRE  —  FILATEURS 


restait  en  cet  état  K  le  service  de  la  table  avait 
lieu  dans  la  pièce  comme  si  le  monarque  eût  été 
vivant.  Aux  heures  accoutumées,  les  repas 
étaient  apportés  par  les  gentilsliommes  servants, 
l'aumônier  disait  le  bénédicité,  tous  les  officiers 
vaquaient  à  leurs  fonctions,  on  faisait  l'essai  des 
viandes,  on  présentait  à  laver  <.<  à  la  chaise 
dudict  seigneur,  comme  s'il  eust  esté  vivant  et 
assis  dedans  ».  Assistaient  à  ces  repas,  «  les 
mesmes  personnaiges  qui  avojent  accoustumé 
de  parler  ou  respondre  audict  seigneur  durant 
sa  vie  *  ».  Tous  les  mets  présentés  étaient 
ensuite  donnés  aux  pauvres. 

L'art  d'obtenir  des  effigies  de  ce  genre  fut 
surtout  perfectionné  au  dix-septième  siècle.  Un 
peintre  nommé  Antoine  Benoît  «  trouva  le 
secret  de  former  sur  le  visage  des  personnes 
vivantes,  même  les  plus  délicates,  des  moules 
dans  lesquels  il  fondait  ensuite  des  masques  de 
cire,  auxquels  il  donnoit  une  espèce  de  vie  par 
des  couleiu's,  des  jeux  d'émail,  etc.  ^  ».  De 
16G0  à  1704,  il  exécuta  ainsi  sept  médaillons  de 
Louis  XIV,  et  parmi  eux  celui  qui  figure  encore 
à  Versailles  dans  la  chambre  à  coucher  du  roi. 
Les  importants  personnages  de  la  cour  furent 
également  représentés  par  le  même  procédé, 
et  en  16G8,  Louis  XIV  autorisa  Benoît  à  exposer 
en  public  tous  ces  portraits  *.  Ainsi  fut  créé  le 
premier  musée  de  figures  en  cire.  Benoît  l'ins- 
lalla  dans  la  rue  des  Saints- Pères,  et  il  en 
IrauNportait  chaque  année  l'exposition  à  la  foire 
Sailli -Germain.  Deux  des  prospectus  qu'il 
répandit  alors  sont  conservés  à  la  bibliothèque 
Miizarine  ^.  Le  premier  se  termine  ainsi  :  «  On 
les  montrera  (les  figures)  tous  les  jours  matin  et 
soir,  mesme  aux  flambeaux,  au  logis  du  sieur 
Benoist,  rue  Saint  Père,  proche  la  Charité, 
et  l'un  ne  prendra  que  dix  sols  pour  chaque 
ptTsoime  ».  Benoît  mourut  à  Paris  en  avril  1717, 
a  l'iigt;  dt*  quatre-vingt  huit  ans  *. 

Il  avait  eu  des  imitateurs. 

On  ncjmmait  la  Crèche  un  spectacle  éliibli  rue 
de  la  Hûcherie,  près  du  Petit-Pont,  dans  une 
des  Mdb's  de  l'Hôtel-Dieu.  Des  figures  de  cire  y 
repréM.'ntaienl  la  crèche  de  Jésus-Christ,  où  l'on 
contemplait  une  quarantaine  de  personnages, 
lion  compris  le  bœuf  et  Tùne.  Cette  exhibition 
oriMUflle  (hirait  depuis  l'Avent  jusqu'à  Pâques, 
et  l'un  y  était  admis  p(Mir  deux  sous".  En  1720, 
l«-s  propriétaires  se  nommai. ■nt  Nicolas  et  Anne 
Berlraml. 

Ln  sieur  Kirkener  faisait  voir,  en  1774,  à  la 
foire  Saint-(iermain,  une  foule  de  personnao-es 
contemporains.  Les  premières  places  coùliiient 
vingl-qunlre  sous,  les  troisièmes  six  .sous. 

Quelques  années   plus   U«rd,   Clément   Lurin 


fl   ^'"'l'J""'^     '"""■     I'''"'":"i-     I"^     six    jours    pour 
(.n/irlrs  IX.  j  I 

*  \ov.  Trttpat  obtenues  tl  enterrement  de  très  haut,   très 
puutam  et  Iris  magnanime  roi  François,  olc. 

5  Sflvnrj-,  Dictionnaire  du  rommerre,  I.  I,  p.  781 

\»y.   1.-  llulletin  de  la  société  de  f histoire  de' Paris 
'iV  nnné<'  M  890),  p    201. 

'   I)nn.s  11'  rorufil  rolé  \  l.'i.nni. 

'  Jnl,  Dictionnaire  critique,  p.    lys. 

'  i>ic.  Etat  de  Paris,  «Hiil.  di;  1757^  p.  i78_ 


installa  sur  les  boulevards  le  Cabinet  des  grands 
voletirs  ^. 

Enfin,  vers  1778,  un  allemand  nommé  Creutz 
ou  Curtz,  qui  se  faisait  appeler  Curtius,  ouvrit 
d'abord  au  Palais-Rojal,  puis  sur  le  boulevard 
du  Temple  un  salon  où  étaient  figurées  en  cire 
et  de  grandeur  naturelle  toutes  les  notabilités 
contemporaines.  C'est  là  qu'en  1789  furent  pris 
les  bustes  du  duc  d'Orléans  et  de  Necker  que  la 
populace  promena  dans  les  rues.  Tous  les  ans, 
Curtius  renouvelait  son  musée,  et  tous  les  mois, 
il  y  apportait  quelque  innovation.  Il  était  double 
d'ailleurs,  l'un  plus  spécialement  consacré  aux 
grands  hommes  du  jour  ;  l'autre  destiné  aux 
scélérats,  aux  bandits  célèbres  ^.  Comme  au 
musée  Grévin  actuel,  Curtius  exposait  encore 
plusieurs  objets  historiques  dont  l'authenticité 
était  démontrée  par  de  nombreux  certificats  ; 
je  citerai,  par  exemple,  la  chemise  que  portait 
Henri  IV  quand  il  fut  assassiné,  une  momie 
d'Egypte,  etc.,  etc.  Ces  merveilles  attirèrent 
d'autant  plus  de  monde  que  le  prix  d'entrée 
était  de  deux  sous  seulement  ^.  Le  cabinet  de 
Curtius  existait  encore  en  1837  *.    • 

En  1793.  Guillaume  Loyson,  qui  montrait 
aux  Champs-Elysées  des  figures  de  cire,  fut 
arrêté  et  exécuté  pour  avoir  exposé  le  buste  de 
Charlotte  Corday  ^. 

Voy.  Cabinets  d'anatomie  et  Ciriers. 

Fil  de  fer.  Voy.  Tréfileurs. 

Fil  d'or  et  d'arg-ent.  Voy.  Tireurs. 

Filandiers  et  Filandriers.  Fileurs  de 
chanvre  et  de  lin^.  Ce  nom  a  aussi  été  donné 
parfois  aux  cordiers. 

Filassières.  Les  filassières,  dites  aussi 
cerenceresses  aiseranceresses,  peignaient  la  filasse 
avec  le  séran,  de  manière  à  la  rendre  apte  à  être 
filée.  Cette  opération  devait  se  faire  dans  Paris, 
«  car  l'on  ne  set  pas  bien  le  lin  serancier  hors  de 
la  ville  comme  l'en  fet  dedenz  '  ».  Les  femmes 
seules  étaient  admises  dans  la  corporation.  L'ap- 
prentissage durait  six  années.  La  Taille  de  1292 
cite  seulement  trois  «  cerenceresses  ». 

En  1006,  les  liniers,  les  chanvriers  et  les 
filassiers  furent  réunis  en  une  seule  corporation 
dont  les  hommes  se  virent  exclus,  et  dont  les 
maîtresses  se  qualifièrent  dès  lors  de  linières- 
chanrrières-filassières.  Elles  avaient  pour  pa- 
trone  sainte  Marguerite,  dont  elles  célébraient 
la  fête  le  20  juillet  à  l'église  Saint-Bon. 

Voy.  Liniers. 


Filateurs. 

filature. 


Propriétaires    ou    chefs    d'une 


1  E.    Caïuparilon,    Les   spectacles    de    lu    foire,    t.    I, 
p.  141  ;  t.  II,  p.  13  et  78. 

2  Voy.  J.-B.   Pujoul.\,  Paris  à  la  /in  du  dix-huitième 
siècle.  1801,  in-8,  p.   102. 

^  Thiéry,  Guide  des  amateurs  (1787),  t.  II,  p.  27^^ 
*  Voy.  Brazier,  Histoire  des  petits  théâtres,  t.  I,  p. 
^  Campardon,  t.  II,  p.  81. 
S  \'oy.  Kileur.s. 


273. 
186. 


6 
'  L 


oy.  lMleur.s. 

ivre  des  métiers,  lit  m  LVII,  art. 


FILATIERS  —  FILEURS  D'OR  ET  D'ARGENT 


327 


Filatiers.  Voy.  FUotiers. 

Filatrices.  Dans  les  manufactures  de  soie, 
femmes  «  occupées  à  tirer  la  soie  de  dessus  les 
cocons  ». 

Filature.  Au  mojen  âge,  la  filature  occupait 
cinq  corps  de  métiers  : 

1"  Les  fileuses  de  chanvre  et  de  lin. 

2"  Les  fileuses  de  laine. 

3»  Les  fileuses  de  soie  à  petits  fuseaux. 

4**  Les  fileuses  de  soie  à  grands  fuseaux. 

5"  Les  fileuses  de  coton. 

Quoi  qu'en  disent  les  dictionnaires,  Temploi  du 
rouet  ne  date  pas  du  seizième  siècle.  Sous  son 
premier  nom  de  touret,  je  le  trouve  cité  dans  les 
statuts  que  les  chapeliers  de  coton,  (qui  d'ailleurs 
employaient  plus  de  laine  quede  cotoii)  soumirent, 
en  1268,  à  riiomolog'ation  du  prévôt  Etienne 
Boileau.  On  y  lit  :  «  Nus  chapeliers  de  coton  ne 
puet  faire  filer  son  fil  à  touret,  et  se  il  le  fesoit,  il 
seroit  ars  *  ». 

Il  semble  bien  résulter  de  cette  phrase  que, 
pour  la  perfection  du  travail,  le  fuseau  était  alors 
regardé  comme  supérieur  au  rouet.  Mais  celui-ci 
n'en  avait  pas  moins  ses  partisans,  car  je  rencontre 
dans  la  Taille  de  1313  ces  deux  mentions  : 

Thiephaine,  qui  file  au  touret. 
Heloys,  qui  file  au  touret  2. 

Jusqu'au  début  du  dix-huitième  siècle,  jusqu'à 
la  merveilleuse  invention  de  Philippe  de  Girard, 
le  lin  et  le  chanvre  étaient  filés,  dans  les  villes  et 
surtout  dans  les  campagnes,  par  des  ouvrières  qui 
utilisaient  leurs  veillées  d'hiver  à  faire  manœuvrer 
la  quenouille  et  le  rouet.  Les  matières  le  plus 
employées,  rouies  et  teillées  d'une  façon  grossière, 
et  les  fils  souvent  irréguliers  produisaient  des 
toiles  d'un  aspect  rugueux  et  peu  flatteur,  mais 
d'une  telle  résistance  à  l'usage  qu'il  n'était  pas 
rare  de  trouver  dans  les  armoires  de  nos  aïeules 
des  serviettes,  des  chemises,  des  draps  dont  le 
service  remontait  à  près  d'un  demi-siècle  ^ . 

Voy.  Chanevaciers.  —  Chanvre.  — 
Empeseurs.  —  Filassières.  —  Filerons. 
—  Fileurs.  —  Fileuses.  —  Fuseaux 
(Fabricants  de).  —  Liniers.  —  Nave- 
tiers.  —  Tisserands. 

Fileresses.  Voy.  Fileuses. 

Filerons.  Des  fileurs  sans  doute.  J'ai  trouvé 
ce  nom  dans  l'ordonnance  du  30  janvier  1351, 
qui  s'exprime  ainsi  :  «  Tous  tisserans  de  draps, 
teinturiers,  faiseurs  de  toiles,  foulons,  filerons, 
pigneresses. .  '*  ». 

Filetiers.  Faiseurs  de  filets  pour  la  chasse 
et  pour  la  pêche. 

L'on  donnait  aussi  ce  nom  à  tous  les  artisans 
qui  travaillaient  à  la  fabrication  du  fil. 


1  Brûlé.  —  Livre  des  métiers,  titre  XGII. 

2  Pages  33  et  116. 

3  Rdpportdujurji  internationnl  de  l'exposition  de  1889, 
groupe  IV,  p.  43. 

4  Article  236 


Filetoupiers.  Se  dit  de  ceux  qui  battent  le 
chanvre  pour  en  tirer  la  graine. 

Filets  (Faiseurs  de).  Titre  que  prenaient  les 
maîtres  de  la  corporation  des  cordiers. 
Voyez  aussi  Pêclie  (Ustensiles  de). 

Fileurs  d'archal.  Voy.  Tréflieurs. 

Fileurs  de  boyaux.  Voy.  Boyaudiers. 

Fileurs  de  chanvre  et  de  lin.  Leur 

corporation  admettait  indistinctementdes  hommes 
et  des  femmes,  car  on  trouve  cités  des  filandriers 
et  dea  fila ndrières  '. 

Leurs  plus  anciens  statuts  leur  furent  accordés 
en  1328  par  le  prévôt  Gilles  Haguin  -. 

Aux  termes  de  ces  statuts  : 

Le  droit  de  s'établir  s'achetait  dix  sous,  dont 
six  revenaient  au  roi  et  quatre  à  la  confrérie. 

Chaque  maître  ou  maîtresse  pouvait  avoir  à  la 
fois  deux  apprentis  ou  apprenties. 

La  durée  de  l'apprentissage  était  de  quatre  ans. 

Deux  jurés  administraient  la  communauté. 

Ces  statuts  furent  confirmés,  sans  changement, 
le  16  janvier  1349. 

Fileurs  de  fer.  Voy.  Tréflieurs. 

Fileurs  de  lumig-non.  Titre  qui  appar- 
tenait à  la  communauté  des  cardeurs. 

On  appelait  himigmn  des  mèches  destinées 
aux  cierges  d'église  et  aux  flambeaux  de  poing. 
Ceux-ci  étaient  de  forts  bâtons  de  cire,  carrés, 
un  peu  arrondis  aux  angles,  longs  d'environ  un 
mètre,  et  aussi  larges  du  haut  que  du  bas.  Ils 
étaient  garnis  de  quatre  mèches  à  peu  près  grosses 
comme  le  pouce.  Pour  s'éclairer  le  soir  dans  les 
rues,  on  se  faisait  souvent  précéder  d'un  ou 
de  plusieurs  laquais  munis  de  flambeaux  de 
poing.  Leur  nombre  ne  révélait  pas  la  qualité  de 
la  personne,  mais  bien  l'effet  qu'elle  voulait 
produire.  Au  début  de  la  Fronde,  quand  le 
cardinal  de  Retz  se  décide  à  aller  calmer  la 
populace,  il  fait  allumer  huit  ou  dix  flambeaux, 
et  se  rend  à  la  porte  Saint-Honoré  dans  cet  équi- 
page ^.  Une  autre  fois,  on  le  voit  se  contenter 
de  deux,  sans  parler  des  soirs  où  il  w^en  prendra 
pas  du  tout,  pour  se  rendre  plus  secrètement  à 
ses  rendez-vous  galants.  Ce  sont  aussi  des  tlam- 
bleaux  de  poing  que  l'on  portait  à  la  main,  en 
guise  de  cierges,  dans  certaines  cérémonies 
publiques,  les  processions  par  exemple. 

Aux  portes  des  hôtels,  on  trouvait  de  larges 
cornets  de  pierre  disposés  pour  éteindre  le 
flambeau  à  l'arrivée. 

Fileurs  d'or  et  d'arg-ent.  Titre  qui 
appartenait  à  la  corporation  des  tireurs  d'or  et 
d'argent.  Les  tissutiers  rubaniers  ayant  voulu  se 
l'approprier,  un  arrêt  du  4  janvier  1692  le  leur 
interdit. 


1  Cinq,  dans  la  Taille  de  1292;  six,  dans  celle  de  1300 

2  Dans  les  Ordonn.  royales,  t.  II,  p.  .567. 

3  Gard,    de    Kclz,    Mémoires,    édit.    Prtitot.    2<'    séri 
t.  XLIV,  p.  296. 


328 


FILEURS  DE  TABAC  -  FILEUSES  DE  SOIE 


Fileurs  de  tabac.  Voj.  Torqueurs. 

Fileuses  de  coton.  Elles  étaient  trop  peu 
nombreuses  au  moyen  âge  pour  constituer  une 
corporation.  Le  coton,  d'ailleurs,  arrivait  le  plus 
souvent  tout  filé  de  Svrie,  d'Arménie,  de  Naples, 
de  Sicile  et  aussi  des'^Indes,  provenance  dont  le 
souvenir  s'est  conservé  dans  les  mots  madapolam, 
calicot,  etc.  En  qualité  de  produit  exotique,  il 
appartenait  au  commerce  des  épiciers  * . 

Jacques  de  Vitry,  qui  fut  fait  évêque  de 
Saint-Jean  d'Acre  par  les  Croisés  vers  1217, 
raconte  qu'il  vit  en  Palestine  l'arbuste  sur  lequel 
on  recueille  le  colon,  intermédiaire,  dit-il,  entre 
le  lin  et  la  laine,  et  dont  on  fait  de  légers  tissus  : 
'<  Sunt  prselerea  arbusta  ex  quibus  colligunt 
bombacinem  quem  Francigense  cotonem  vel 
cotiuiappellant,  et  est  quasi  médium  interlanam 
et  linum,  ex  quo  subtilia  vestimenta  conle- 
xuntur  '  ».  Ces  subtilia  vestimenta  étaient  des 
tissus  d'une  extrême  finesse,  analogues  à  notre 
mousseline  et  qui  portaient  le  nom  de  bougran. 
Mais,  dès  le  quatorzième  siècle,  ce  mot  servit  à 
désigner  une  toile  assez  grossière,  puisqu'on  en 
fit  des  vêtements  de  dessous  et  des  doublures  'K 
La  futaine  paraît  avoir  été  la  seule  étoffe  de 
coton  un  peu  répandue,  et  encore  servait-elle 
surtout  à  recouvrir  des  coussins,  des  matelas, 
des  lits  de  plumes.  Les  gants  et  les  bonnets  de 
colon  étaient  déjà  le  monopole  d'une  corporation 
dont  les  membres  furent  les  ancêtres  de  nos 
bonnetiers.  Le  coton  entrait  aussi  dans  la  garni- 
ture de  divers  vêtements.  Ainsi,  le  auqueton  ou 
hoquelon  devait  son  nom  à  ce  qu'il  était  forte- 
ment garni  d'ouate.  Les  statuts  donnés  aux 
puurpointiers  en  juin  1323  leur  enjoignent  de 
mettre  au  moins  trois  livres  de  coton  dans  chaque 
hoquelon. 

Vers  le  milieu  du  quinzième  siècle,  on  com- 
mença, non  sans  succès,  à  cultiver  le  coton  dans 
le  midi  de  la  France,  dans  le  Var  plus  particu- 
lièrement *.  Les  futaines  de  Troyes  étaient 
recherchées.  Une  manufacture  de  ce  tissu  fut 
inonlée  ù  Lyon  vers  1580  ;  peu  d'années  après, 
elle  (iccwpait  jusqu'à  deux  mille  ouvriers,  parmi 
les(piels figuraient  un  grand  n(ind)re  de  Milanais 
cl  de  l'ieuiinilais  •''. 

T<iiilefi)is,  jusqu'au  dix-liuitièm<;  siècle,  la 
Kriinee  produisit  jjeu  d'élofles  de  coton.  L'inven- 
tanc  ilu  mobilier  de  la  couronne  dr«?ssé  en  108 1 
enregistre  déjà  (|iiflqiies  draps  de  colon,  mais  la 
toile  de  lin  fut  toujours  préférée  par  les  pari- 
siennes. 

Voy.  Coton  (Travail  du). 


On  lu  dans  le  .uuij,!,;  .l.s  ol)s^(iu<-s  du  petit  roi 
ifnn  :  «  iJi-m,  h  Simon  dKsiiarnnn,  o.sjiicicr  l.<  Roy, 
pour  MX  livn-»  do  colon,  9  .•<.  p.  »  Compte  de  Cieoffroi  de 
FI  fur,  pour  1316,  |.     lu. 

*  Jn.-obiis  (lo  Vitriiico.  Ifisloria  orienlulis,  lib.  I,  cap 
HO  ;  t..  171  do  l'édition  di-  \T,yi. 

3  Voy.  Fransciquc  Mich.'i,  HUloire  des  tissus  de  soie 
au  ytoffH  àgr,  l.  H,  p.  29. 

»  \-y.    Miissi<t-Palhnv  ,     ntbliogmphie    nnroiwmigue 
|>.  32  "l  03.  J    r  j  1      , 

^"y.  Savnry,  Dirlionnnlre  du  commerce,  i'xWi.  de 
1723,  l.  II,  p.  lVl,cKVUisloirt  du  commerce  i\yi  LofT.ina.s. 


Fileuses  de  laine.  La  Taille  de  1292  en 
cite  deux,  celle  de  1300  en  cite  trois. 

Les  cardeurs  se  qualifiaient  Fileurs  de  laine, 
coton  et  lumignon. 

Fileuses  de  soie.  Une  partie  des  ouvrières 
qui  composaient  ce  métier  est  cité  en  1250  par 
Jean  de  Garlande.  Il  mentionne  les  dévideuses, 
qu'il  nomme  «  devacuatrices,  quse  devacuant 
fila  serica  ^  » . 

Le  métier  se  divisait  en  deux  corporations 
distinctes  :  les  fllerresses  de  soye  à  grans  fuiseaus 
et  les  fileresses  de  soye  à  petiz  fuiseaux.  Ce  sont 
les  titres  qu'elles  prennent  elles-mêmes  dans  les 
statuts  qu'elles  soumirent,  vers  1268,  à  l'homo- 
logation du  prévôt  Etienne  Boileau  ^.  Comme 
on  va  le  voir,  chacune  de  ces  deux  corporations 
avait  ses  statuts  particuliers,  qui  différaient 
d'ailleurs  fort  peu  les  uns  des  autres. 

I.  Fileuses  de  soie  a  grands  fuseaux  : 
Le  métier  était  libre. 

Chaque  maîtresse  pouvait  avoir  en  même  temps 
jusqu'à  trois  apprenties. 

La  durée  de  l'apprentissage  était  de  huit  ans 
pour  l'enfant  sans  argent,  de  sept  ans  pour  l'enfant 
qui  apportait  vingt  sous  parisis. 

Le  travail  à  la  lumière  était  permis,  mais 
pendant  l'hiver  seulement,  «  dès  la  S.  Rémi 
jusques  à  quaresme  prenant  ». 

La  communauté  était  surveillée  par  deux 
«  preud'omes  jurés  et  serementez  de  par  lou  Roi, 
les  quex  li  prevoz  de  Paris  met  et  oste  à  sa 
volenté  ». 

II.  Fileuses  de  soie  a  petits  fuseaux  : 
Le  métier  était  libre. 

Chaque  maîtresse  ne  pouvait  avoir  à  la  fois 
que  deux  apprenties. 

La  tlurée  de  l'apprentissage  était  la  même  que 
chez  les  fileuses  à  grands  fuseaux.  Seulement,  le 
contrat  devait  être  dressé  par  écrit,  en  présence 
des  jurés  et  de  deux  ou  trois  maîtresses. 

Le  métier  était  administré  par  deux  jurés  pris 
dans  les  autres  communautés. 

Les  fileuses,  qu'elles  appartinssent  à  l'une  ou  à 
l'autre  de  ces  corporations,  devaient  «  desvuider, 
filer,  doubler  et  retordre  »  la  soie.  C'est  la  seule 
mention  des  statuts  qui  soit  relative  à  la  nature 
de  leur  travail.  Mais  le  fil  étant  d'autant  plus 
loi's  ([ue  h;  fuseau  est  plus  petit,  le  résultat  de 
l'opération  est  tout  différent  suivant  qu'elle  est 
fait(^  avec  un  petit  ou  un  grand  fuseau^.  De  là 
rexistence  de  deux  corporations  distinctes  pour 
le  même  objet. 

Les  fileuses  de  soie  avaient,  sous  tous  les 
rapports,  une  détestable  réputation.  Elles  rui- 
naienl  hnir  santé  dans  la  débauche,  et  c'était 
avec  elles  que  les  étudiants  d'alors  allaient  le  plus 
st)uvent  gaspiller  leur  argent.  Jean  dedarlande, 
bien  placé  pour  le  savoir,  nous  le  dit  en  termes 
singulièrement    énergiques  :     «  dévastant    tota 


1  Édit.  Schcl.'r,  p.  34. 

2  Livre  des  métiers,  titres  XXXV  et  XXXVI. 
•*  G.  Fagni.'z,  Études  sur  l'industrie.,  p.  222. 


FILEUSES  DE  SOIE  —  FILS  DE  MAITRES 


329 


corpora  sua  frequenti  coïtu,  dum  (levacuaul  et 
sécant  aliqiiando  marsupia  scolarium  parisien- 
sium  ». 

Leur  probité  était  à  la  liautour  de  leurs  mœurs. 
Les  merciers,  ohlig'és  de  leur  coniier  les  précieux 
lils  qu'ils  iaisaieut  venir  de  rétran<>;er,  avaient 
souvent  bien  de  la  peine  à  en  obtenir  la  restitution 
Les  fileuses  les  mettaient  en  gag'e  chez  des  juifs, 
les  vendaient,  et  déclaraient  qu'elles  les  avaient 
perdus,  ou  rendaient  de  la  bourre  filée  au  lieu  de 
soie.  Voici  les  termes  mêmes  d'une  ordonnance 
de  1275  :  «  Quant  aucuns  des  merchiers  balloient 
leur  soie  escrue,  elles  l'eng-afr'eoient  ou  vendoient 
chiés  lombars  ou  chiez  jujs,  ou  leur  eschan<2;oient 
la  bonne  soie  à  bourre  de  soie,  et  aportoient  en 
leu  de  la  bonne  soie,  et  disoient  que  ce  estoit 
de  leur  soie  ».  Cette  ordonnance  condamnait  les 
délinquantes  à  l'amende.  Elle  resta  sans  effet,  et 
en  1283,  le  prévôt  dut  faire  comparaître  devant 
lui  toutes  les  «  fileresses  »,  et  il  leur  lut  une 
nouvelle  injonction  portant  peine  du  bannissement 
contre  celles  qui  engageraient,  vendraient  ou 
chang'eraient  la  soie  à  elles  confiée.  Si  les  bannies 
rentraient  dans  Paris,  la  peine  infamante  du  pilori 
devait  leur  être  intligée  pendant  deux  jours  '. 

On  trouve  dans  les  statuts  accordés  aux  merciers 
en  1408  la  preuve  que  les  fileuses  ne  se  corrigèrent 
point.  Pour  dissimuler  leurs  détournements,  elles 
enduisaient  la  soie  de  liquides  qui  la  rendaient 
plus  lourde,  et  elles  déjouaient  ainsi  la  précaution 
prise  par  les  merciers  de  peser  la  soie  qu'ils 
livraient  et  celle  qu'on  leur  rendait. 

La  Taille  de  1202  cite  8  fileuses  de  soie,  celle 
de  1300  en  mentionne  36. 

Voj.  Drapiers  de  soie. 

Filigraneurs  et  Filigranistes. Ouvriers 

en  filigranes.  Ce  mot  ne  figure  ni  dans  le  diction- 
naire de  Savarj  ni  dans  celui  de  l'abbé  Jaubert. 
Les  fils  d'or  et  d'argent  dits  or  de  Chyfre,  qui 
sont  sans  cesse  cités  au  moyen  âge,  se  fabriquaient 
à  Gênes  ;  ils  se  vendaient  roulés  sur  des  bobines 
appelées  cannettes. 

On  trouve  souvent  filigramews. 

Filotiers.  Marchands  de  fil  au  détail.  On 
trouve  aussi  fdatiers. 

Fils  de  maîtres.  Dès  le  treizième  siècle, 
les  corporations  s'efforcèrent  de  favoriser  l'appren- 
tissage des  enfants  au  sein  de  la  famille  et 
d'empêcher  qu'une  maison  passât  entre  les  mains 
d'étrangers.  En  effet,  même  dans  les  commu- 
nautés qui  accordaient  deux  ou  trois  apprentis  à 
chaque  maître,  les  enfants  de  celui-ci  n'étaient 
jamais  compris  dans  le  nombre.  A  cet  égard,  les 
statuts  s'expriment  ordinairement  en  ces  termes  : 
<<  Nus  ne  puet  avoir  en  ce  mestier  que...  aprentiz 
tant  seulement,  se  ce  ne  sont  ses  enfans  nez  de 
loial  mariage  2  ».   Ce  droit  n'appartenait,  bien 


1  Voy.    Depping,    Ordonnances   relatives    aux    me'tiers, 
p.  377. 

2  Livre  des   métiers,    titres  XXI,    art.  2  ;    titre  XXX, 
'art.  2  ;  titre  LVII,   art.  4  ;    titre  LXYIII,    art.  2  ;    titre 

LXXI,  art.  2  ;  titre  LXXXIII,  art.  4  ;  titre  LXXXVII, 
art.  3,  etc.,  etc. 


entendu,  qu'aux  enfants  légitimes,  mais  la  plupart 
des  corporations  retendaient  à  bien  (l'autres 
membres  de  la  famille.  Les  fondeurs  d'étain', 
les  atachiers-,  les  fileuses  de  soie  à  grands 
fuseaux^,  les  tapissiers*,  les  sculpteurs^,  les 
selliers",  les  tisserands'  pouvaient  avoir  à  la  fois 
comme  apprentis  leurs  enfants  et  ceux  de  leur 
femme. 

Les  boucliers  de  laiton  et  les  crépiniers  appor- 
taient une  restriction  à  ce  principe,  ils  n'admet- 
taient les  enfants  de  leur  femme  que  si  le  premier 
mari  de  celle-ci  avait  été  du  métier^  ou  si  elle- 
même  l'exerçait  ^. 

Les  charpentiers  vont  plus  loin.  Chaque  maître 
peut  avoir  pour  apprentis  son  fils,  son  neveu  et 
l'enfant  appartenant  à  sa  femme  '*•. 

Les  foulons  acceptent  leurs  enfants,  leurs  frères, 
les  enfants  et  les  frères  de  leur  femme  *^ . 

11  est  interdit  à  tout  maître  drapier  d'avoir 
chez  soi  plus  de  trois  métiers  ;  mais  on  l'autorise 
à  recevoir  sous  son  toit  ses  enfants,  un  frère  et 
im  neveu,  et  à  confier  à  chacun  d'eux  encore 
trois  métiers  *^. 

Le  dernier  mot  reste  aux  orfèvres,  qui  ne  font 
d'exception  pour  aucim  parent  :  «  Nuz  orfèvres 
ne  puet  avoir  que  un  aprenli  estrange,  mes  de 
son  li'rnas:e  ou  du  lisj^nay-e  de  sa  famé,  soit  de 
loing,  soit  de  près,  en  puet  il  avoir  tant  coint;  il 
li  plaist  ^3  ». 

En  fait,  c'était  là  interdire  le  métier  à  tout 
étranger,  et  en  même  temps  rendre  le  nombre  des 
apprentis  illimité.  Aussi,  dès  1355,  un  édit  du 
mois  d'août  ne  permit  plus  aux  orfèvres  d'avoir, 
en  dehors  de  leur  apprenti  étranger,  qu'un  parent 
du  côté  du  mari  et  un  du  côté  de  la  femme.  Treize 
ans  plus  tard  ^*,  on  n'en  autorise  plus  qu'un  seul. 
Chez  les  foulons,  d'abord  presque  aussi  exclusifs 
que  les  orfèvres,  les  statuts  de  1443  *^  accordent 
à  chaque  maître  deux  apprentis  étrangers,  et 
n'admettent  en  outre  que  son  fils  ou  son  frère.  A 
dater  du  seizième  siècle,  il  n'y  a  plus  guère  de 
privilège  que  pour  les  enfants  du  maître. 

Les  apprentis  appartenant  à  la  famille  étaient 
dispensés  de  presque  toutes  les  redevances  impo- 
sées aux  autres  membres  de  la  corporation.  Le 
fils  de  maître  qui  voidait  continuer  le  métier  de 
son  père  n'était  pas  toujours  dispensé  de  compa- 
raître devant  les  jurés,  mais  il  est  proba'ble  qu'il 
les  trouvait  indulgents.  Plusieurs  corporations 
le  favorisaient  plus  encore.  Chez  les  cuisiniers, 
par  exemple,  le  fils  pouvait  succéder  à  son  père, 
même  s'il  ignorait  le  métier,  «  se  il  ne  sait  riens 


1  Livre  des  me'tiers,  titre  XI^  ,  art.  2. 

2  Livre  des  métiers,  titre  XXV,  art.  5. 

3  Livre  des  inétiers,  titre  XXXV,  art.  2. 

*  Livre  des  métiers,  titre  LI,  art.  2,  et  titre  LU,  art.  2. 

•'  Livre  des  métiers,  titre  LXI.  art.  4. 

6  Livre  des  métiers,  titre  LXXVIII,  art.  25. 

"^  Depping,  Ordonnances,  p.  389. 

8  Livre  des  métiers,  titre  XXII,  art.  5. 

9  Livre  des  métiers,  titre  XXXVII,  art.  2. 

10  Livre  des  métiers,  titre  XLVII,  art.  2. 

11  Livre  des  métiers,  titre  LUI,  art.  2  et  4. 

12  Livre  des  métiers,  titre  L,  ai-t.  4  et  5. 

13  Livre  des  ynéliers,  titre  XI,  art.  4. 

14  Ordonnance  de  1378. 

13  Dans  les  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  598. 


330 


FILS  DE  MAITRES  -  FISTULEURS 


du  mestier  »  ;  on  lui  demandait  seulement  de 
prendre  un  ou\Tier  «  qui  en  soit  expers  »,  et  de 
le  garder  jusqu'à  ce  qu'il  fût  lui-même  en  état  de 
passer  son  examen  devant  les  jurés  *. 

Les  fils  de  maîtres  qui  succédaient  à  leur  père 
n'avaient  pas,  en  général,  à  acheter  le  métier,  la 
maison  étant  regardée  comme  n'ayant  pas  changé 
de  chef:  «  Quiconques  mestre,  disent  les  chaus- 
setiers,  commence  le  mestier  de  chaucerie,  il 
doit  XX  s.  d'entrée,  se  il  n'est  fuiz  ^  de  mestre, 
li  quel  ne  doit  rien  ^  ».  Ce  privilège  était  étendu 
dans  plusieurs  métiers  au  frère  et  au  neveu  du 
luaîlre.  Enfin,  un  petit  nombre  de  corporations 
n'admettaient  à  la  maîtrise  que  des  fils  de  maître, 
les  drapiers  par  exemple  *  et  les  bouchers.  Chez 
ces  derniers,  chaque  étal  se  transmettait  de  mâle 
en  mâle,  comme  la  couronne  de  France,  et  si  un 
boucher  ne  laissait  que  des  filles,  son  étal  était 
acheté  par  un  confrère  ^. 

Somme  toute,  on  peut  affirmer  que  quand  le 
maître  avait  un  fils,  il  succédait  presque  toujours 
à  son  père  ;  s'il  n'avait  que  des  filles,  il  en  mariait 
une  avec  l'apprenti,  afin  que  la  maison  restât 
dans  la  famille.  Cette  coutume  avait  ses  avan- 
laires  et  ses  inconvénients.  On  exay-érait  un  peu 
au  treizième  siècle  le  respect  des  traditions  et  des 
souvenirs,  nous  exagérons  aujourd'hui  en  sens 
contraire. 

Les  siècles  en  passant  ne  modifièrent  guère 
cet  ordre  de  choses.  A  la  fin  du  quinzième  siècle, 
le  chef-d'œuvre  était  exigé  dans  presque  toutes 
les  corporations  pour  obtenir  la  maîtrise.  Mais  on 
avait  inventé,  en  faveur  des  fils  de  maître  une 
épreuve  beaucoup  plus  facile  dite  expérience^. 
L'édit  de  1581  '  leur  impt)sa,  il  est  vrai,  un 
apprentissage  de  la  même  durée  que  celui  des 
enfants  étrangers  ;  mais,  comme  ils  étaient  auto- 
risés il  passer  ce  temps  chez  leurs  parents,  la 
clause  était  tout  ù  fait  illusoire.  Elle  fut  même 
altrogée  par  un  édit  postérieur,  qui  exempta 
d'apprentissage  les  fils  de  maître  demeurant  en 
famille. 

Dès  le  seizième  siècle,  les  enfants  du  maître, 
même  b's  enfants  naturels,  disent  les  lapidaires  *, 
ne  comptaiciil  pcjirit  coniuK;  apprentis.  J. es  statuts 
qui  n'accordent  aux  maîtres  qu'un  seul  apprenti 
ne  les  empêchent  pas  (h*  lui  adjoindre  tous  leurs 
«•nfanls.  Placés  chez  un  autre  patron  pour  y 
appr.-ndre  le  métier,  leur  titre  de  fils  de  maître 
^uflit  pour  qu'ils  puissent  être  acceptés  en  sus  du 
nombre  normal. 

Quelques  communautés  se  montraient  un  peu 
plus  sévères.  Chez  les  armuriers  ^  les  fondeurs  '<>, 
les  lapidaires  <«,  les  tisserands  <*,  le  fils  de  maître 


'     /.Trr  ,lr.    me/.rrs,    titr-'    lAlX,   ;irl      2. 

'  A  liKMii).  qu'il  ni-  suit  lils. 

3  /.irre  dtt  inêlitTi,  tiln-  L\  ,  uit.  il. 

*  lAtrt  drt  mflirrs.  tiln-  1„  ml.  %. 
»  SintuU  .1.-  1381.  art    2U. 

«  Vi.y.  InrticU'  Ch.f-d'.ruvn-. 

*  Article  15. 

'  Stnlul.s  <|.>  ITiSr.,  «ri.  10. 
9  Slnlul-i  ri.-  1562,  orl.  9 
<•  Siniuls  ,1..  i.-,7v,  on.  7. 
"  Slfltul.s  .].<  l.-,8.-i,  art.  10. 
'*  St/mu.t  d.'  1580,  art.  20. 


servant  ailleurs  que  chez  son  père  compte  comme 
apprenti.  En  revanche,  dans  le  désir  de  voir 
chaque  maison  appartenir  toujours  à  la  même 
famille,  les  imprimeurs,  les  libraires  et  les  relieurs 
dispensent  leurs  enfants  de  tout  apprentissage  : 
«  Ains  seront  receus  [maîtres],  disent-ils,  à  leur 
première  requeste  et  sans  aucun  frais  ^  ».  Les 
couturières  déclarent  aussi  que  les  filles  de 
maîtresse  «  seront  reçues  sans  faire  apprentissage 
ny  chef-d'œuvre^  ».  Les  orfèvres  ne  vont  pas 
si  loin  :  ils  exigent  le  chef-d'œuvre,  mais  stipulent 
en  même  temps  que  «  les  fils  de  maître  ne  seront 
assujétis  à  aucune  des  lois  prescrites  pour 
l'apprentissage  •*  ». 

Cependant,  aux  termes  d'articles  fort  sages 
qui  furent  surtout  en  vigueur  à  la  fin  du  dix- 
huitième  siècle,  les  fils  de  maître  étaient  tenus 
de  se  soumettre  à  toutes  les  conditions  de 
l'apprentissage  s'ils  étaient  nés  avant  que  leur 
père  eût  obtenu  la  maîtrise.  Les  boulangers  et 
les  charcutiers  *  inscrivent  cette  prescription 
dans  leurs  statuts.  Les  menuisiers  modifiaient 
seulement,  eu  pareil  cas,  la  somme  à  payer 
pour  devenir  maître  ^ .  Au  reste,  cette  mesure 
visait  surtout  les  maîtres  dits  sans  qualité,  qui, 
n'ayant  point  passé  par  l'apprentissage,  ne 
pouvaient  enseigner  un  métier  qu'ils  n'avaient 
pas  appris. 

En  somme,  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle  on 
voit  toutes  les  barrières  s'abaisser  devant  le  fils 
du  patron.  La  maîtrise  semble  devenue  une 
propriété  acquise  par  le  père,  et  dont  le  fils  hérite 
de  droit.  La  bourgeoisie,  ambitieuse,  active, 
prudente,  économe,  est  entrée  en  scène,  prenant 
place  entre  la  noblesse  et  le  peuple,  envieuse  de 
l'une,  et  d'autant  plus  dure  à  l'autre  qu'elle  en 
est  sortie  et  rougit  de  cette  origine.  Pour  tout  ce 
qui  touche  l'admission  à  la  maîtrise,  les  statuts 
cessent  dès  lors  d'être  un  guide  sûr.  Tous,  ouver- 
tement, favorisent  les  fils  du  maître.  Mais  ce  n'est 
pas  assez,  et  en  réalité  il  n'y  a  plus  de  loi  dans 
la  corporation  que  la  volonté  du  roi  et  le  bon 
plaisir  des  maîtres.  * 

Finetiers.  Voy.  Graveurs  sur  pierres 
fines. 

Fineurs.  Voy.  Affineurs. 

Finisseurs.  ^<  Ouvriers  qui  finissent  les 
mouvements  des  montres  ou  des  pendules,  qui 
donnent  la  perfection  aux  dentures,  engrenages 
et  pivots,  qui  égalisent  la  fusée,  etc.  **. 

Fisiniers.  Forgerons,  taillandiers?  «  Fisi- 
niers  ou  maistres  de  fer  »,  dit  une  ordonna?ice 
de  mai  1471  ^ 

Fistuleurs.  Flaeuteurs.  Flag-eleurs. 
Voy.  Flûtes  (Fabricants  de). 


'  Statuts  de  1618,  art.  9. 

2  Statuts  di'  1675,  art.  6. 

■■'  Statuts  de  1759,  titre  II,  art.  11. 

*  Statut.s  de  1754,  art.  15. 

"  Statuts  de  1743,  art.  27. 

"  Jaubert,  Dictionnaire, 1.  Il,  p.  221. 

■<   Ordunn.  royales,  t.  XVII,  p.  429. 


FLAGEOLEURS  —  FLOURIÈRES 


331 


Flageoleurs.  Fabricants  et  joueurs  de 
rinstruineul  appelé  flag'eol  ou  flageolel,  qui  est 
déjà  cité,  à  la  fin  du  treizième  siècle,  dans  le  Dit 
cCuii  mercier. 

()\\  trouve  aussi  flageoliers. 

Flag"eoliers.  Vov.  Flageoleiirs. 

Flahuteurs.  Vov.  Flûtes  (Fabricants 
de). 

Flaonniers.  Faiseurs  de  la  pâtisserie  nom- 
mée flan. 

Flassadiers.  Ouvriers  qui  confectionnaient 
les  tlassades  ou  couvertures  de  lit. 
Yoy.  Ducani^e,  au  moi  flassada. 

Flauniers.  Voj.  Flaonniers. 

Flauteurs.  ^ov.  Flûtes  (Fabricants 
de). 

Fléchiers  et  Flég-iers.  Faiseurs  de  flè- 
ches. La  Taille  de  129'J  en  mentionne  1. 
Voj.  Arctiers. 

Fleeuteurs.  Fleuteurs.  Fleutiers 
Voj.  Flûtes  (Fabricants  de). 

Flequeurs.  ^'o\.  Flequiers. 

Fleuretes  et  Fleurières.  Noms  cités 
dans  la  Taille  de  1313,  et  qui  désig'nent  sans 
doute  des  bouquetières. 

Fleuristes.  Nom  que  prirent,  à  la  fin  du 
dix-huitième  siècle,  les  fabricants  de  fleurs  artifi- 
cielles. Il  a  appartenu  aussi  aux  grainiers,  aux 
chapeliers  de  fleurs  et  aux  jardiniers. 

Fleurs  artificielles  (Fabricants  de).  Les 
essais  faits,  dans  cet  art,  aux  seizième  et  dix- 
septième  siècles  ^  n'étaient  guère  que  des  imi- 
tations trop  grossières  pour  procurer  l'illusion. 
On  s'était  découragé.  Presque  seules  les  reli- 
gieuses, trompant  l'ennui  du  cloître,  s'efforçaient 
de  copier  la  nature  par  un  bizarre  assemblage 
de  plumes  mal  teintes  et  d'étoffes  mal  découpées. 

De  réels  progrès  furent  réalisés  par  un  sieur 
Séguin,  venu  de  Mende  à  Paris  vers  1738.  Avec 
du  parchemin,  du  papier,  du  fil  de  fer  et  des 
cocons  de  vers  à  soie,  il  obtint  des  fleurs  dont 
ses  contemporains  furent  réellement  émerv^eillés^ . 
Cependant,  les  femmes  ne  daignèrent  pas  aussi- 
tôt s'en  parer,  et  Séguin  ne  travailla  d'abord  que 
pour  la  décoration  des  tables.  Jaubert  disait 
encore  vers  1773  :  «  Quoi  qu'on  fasse  un  grand 
usage  de  ces  fleurs  à  la  toilette  des  dames,  qu'on 
en  décore  les  palais  des  grands  seigneurs,  que 
nos  temples  même  en  empruntent  une  partie  de 
leurs  ornemens,  c'est  surtout  dans  les  desserts  où 
elles  sont  plus  employées,  et  une  table  qui  en  est 
couverte  avec  intelligence,  a  l'air  d'un  véritable 
parterre  ^  ».  Dès  1775,  la  fabrication  des  fleurs 


1  Voy.  le  Dictionnaire  archéologique  de  V.  Gay,  t.  I, 
p.  492. 

2  Yoy.  l'Encyclopédie  de  Diderot,  t.  VI,  p.  867. 

3  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  t.  Il,  p.  222. 


artificielles  avait  fait  de  tels  progrès,  qu'un  sieur 
Beaulard  présenta  à  Marie-Antoinette  un  boulon 
de  rose  qui  s'épanouit  en  sa  présence  '. 

Un  sieur  T.-J.  Wenzel  lui  succéda  dans  la 
faveur  de  la  reine.  En  1790,  il  publia  un  volume 
dans  lequel  il  proposait  d'établir  à  Paris  une 
manufacture  de  «  végétaux  artificiels  »,  où  deux 
mille  femmes  auraient  trouvé  une  occupation 
lucrative.  Ce  livre,  sans  f^rand  intérêt,  se  tait  sur 
les  procédés  nouveaux  de  fabrication  et  juge 
sévèrement  les  anciens  ;  j'y  relève  cependant 
cette  phrase  :  «  11  faut,  pour  une  seule  rose,  plus 

de  trente  outils    difîérens et  ces  outils  ont 

besoin  d'être  renouvelés  presque  tous  les  ans, 
pour  peu  qu'on  soit  jaloux  d'approcher  de  la 
perfection.  Ainsi,  suivant  les  procédés  actuels, 
la  multiplicité  des  outils,  leur  prix  excessif,  la 
nécessité  de  les  renouveler  fi'équemmenl  sont 
autant  «le  cau.ses  de  la  cherté  prodigieuse  des 
fleurs  artificielles  ».  Wenzel  réussit  surtout 
auprès  des  dames  de  la  cour,  enthousiasmées  par 
un  travail  qui  produisait  de  si  jolis  résultats. 
Wenzel  consentit  à  leur  donner  des  leçons  ;  il 
eut  entre  autres  élèves  la  comtesse  de  Genlis, 
dont  les  bluets,  les  coquelicots,  les  myosotis  et 
les  marguerites  obtinrent  un  succès  qu'inter- 
rompit la  Révolution. 

Paris  s'engoua  alors  de  fleurs  étranges.  J.-B. 
Pujoulx  écrivait  en  1801  :  «  Le  fleuriste,  comme 
tous  les  fabricans  qui  travaillent  aux  objets  de 
luxe,  est  souvent  obligé  de  sacrifier  la  vérité  de 
l'imitation  au  désir,  à  la  nécessité  de  varier  ses 
fleurs.  Après  avoir  épuisé  les  dons  de  Flore,  le 
caprice  des  marchands  et  des  coquettes  devient 
son  seul  guide.  Quand  nos  dames  ont  adopté  une 
couleur,  elles  veulent  la  voir  partout.  L'artiste 
est  dès  lors  forcé  d'imaginer  des  monstruosités 
pour  vivre  ;  c'est  ainsi  qu'il  y  a  quelques  mois, 
on  porta  des  roses  jaunes  à  feuilles  noires  et  des 
roses  noires  à  feuilles  jaunes.  Les  fleuristes  qui 
avaient  du  goût  gémissaient,  mais. ...  c'était  la 
mode  "^  ». 

D'abord  appelés  honqnetiers-décorateurs^  les 
fabricants  de  fleurs  artificielles  ne  prirent  le  nom 
de  fleiiristes  que  vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle. 
Ils  ne  furent  jamais  constitués  en  communauté. 

Pendant  bien  longtemps,  les  fleurs  en  papier 
confectionnées  dans  les  couvents  furent  vendues 
par  les  merciers.  Les  bouquets  faits  de  plumes 
étaient  rœu\Te  des  plumassiers,  et  ceux  formés 
d'émaux  de  diverses  couleurs  appartenaient  au 
commerce  des  émailleurs. 

Floreresses  de  coiffes.  Voy.  Chape- 
liers de  fleTzrs. 

Florières.  La  Taille  de  1292  en  cite  2, 
qui  étaient  très  probablement  des  bouquetières. 

Flotille  royale,  à  Versailles.  Voy. 
Bateaux  des  maisons  royales. 

Flourières.  Voy.  Bouquetières. 


1  Correspondance    de     Métra ,    janvier     1775  ,     t.     I 
p.  180. 

2  Paris  à  la  fin  du,  dix-huitième  siècle,  p.  36. 


332 


PLUSIEURS  —  FONDEURS 


Flusteurs.  \oy.  Flûtes  (Fabricants 
de). 

Flûtes  'Fabricants  de).  La  Taille  de  1292 
c[U;2  fleitteeurs  on /leutiers.  Eustache  Deschamps, 
au  quatorzième  siècle,  mentionne  la  flûte  Iraver- 
sière  un  ilûte  allemande,  l'autre  était  le  flageolet. 
Nicolas  Hotteterre,  son  fils  Jean,  et  Philibert 
Rebillé  étaient,  à  la  fin  du  dix-septième  siècle,  les 
facteurs  les  plus  en  vogue  i  ;  à  la  fin  du  dix-hui- 
tième on  citait  le  sieur  Thomas  Lot,  qui  demeu- 
rait rue  de  l'Arbre-Sec  -. 

Les  fabricants  et  les  joueurs  de  flûte  ont  été 
dits  fistuleurs,  (lageleurs,  ftaeuteurs,  (lauteurs, 
/lenteurs,  flahutenr s,  flusteurs,  etc.,  etc. 

Foilleurs.  Voj.  Fueil  (Qui  fait  le). 

Foin  (Marchands  de).  Ils  ont  leurs  slatuls 
dans  le  Livre  des  métiers  ■'* ,  qui  les  nomme 
fanins,  feiniers,  feniers,  et  marchanz  de  fein  ; 
il  mentionne  aussi,  en  passant,  les  courratiers  et 
les  porteeurs  de  foin.  Il  était  interdit  aux  mar- 
chands d'avoir  deux  prix  différents  pour  le  foin 
chargé  sur  un  même  bateau.  Ils  pouvaient  faire 
promener  dans  les  rues  une  belle  botte  de  foin 
par  des  individus  qui  en  criaient  le  prix  et 
j'adresse  du  vendeur.  Les  feiniers  ne  payaient 
pas  d'impôts,  mais  toutes  les  fois  que  le  roi  venait 
a  Paris,  chaque  maître  devait  lui  fournir  une 
liolle  de  son  meilleur  foin,  botte  qui  était  destinée 
à  l'écurie  royale.  «  Cex  *  qui  sunt  demourant  à 
Paris,  qui  vendent  à  détail  fein,  doivent  chascun 
au  Roy  I  fagot  de  fein  de  premierein,  à  chascun 
jour  que  li  Roys  entre  dedeiiz  la  vile  de  Paris  ». 
Oci,  peut-être  en  vertu  du  droit  de  fenage  (/b^a- 
ticum,  fenaffivin),  redevance  établie  par  quelques 
seigneurs  sur  la  récolte  des  prairies. 

La  Taille  de  1292  mentionne  22  faniers.  Ils 
étaient  au  nombre  de  30  en  1402  ^. 

.\u  moyen  âge,  on  nommait  juilletle  mois  des 
U)iii^  (metisis  fenalis).  Juin  et  juillet  étaient  dits 
n'Siiillc-mois,  parce  que  c'était  le  temps  de  la 
coupe  des  foins  :  «  L'an  de  grâce  1376,  le 
14"  jour  du  mois  de  juing,  qu'on  appelle  resail- 
le-mois. ..  "  ». 

Pendant  très  longtemps,  le  foin  se  mesura  à  la 
charretée.  Lu  cliarriitée  représentait  la  charge 
d'ime  voilure  traînée  par  deux  bœufs,  et  on 
resliiiurii  mille  livres,  représentant  un  peu  plus 
«le  muilrr*  cents  kilogrammes  ". 

Il  y  a  peu  II  prendre  dans  rordoiinance  de 
UIT)  ^  C-lle  (le  déc.'inbre  H)72  interdit  aux 
ni(irclmnd>  de  f(.iii  de  rien  jeter  dans  la  Seine,  à 
peine  de  cent  livres  d'amende,  dont  un  tiers 
ndjugé  nu  ilenoncialeur  ». 

Les  marchands  de  foin  ne  vendaient  guère 
qu'en  jfruK.  Lo  commerce  de  détail  était  fait  sur- 


'    l.t  l.iere  commoilf  pour  109^,  {.  J,   p.  212. 

*  Almannrh  Ihiunkin  pour  1789 
^  T.lr..  LXXXlX. 

»  Cux 

s  n-lnninm-.  Traité  de  la  police,  t.  III,  p.  1.064. 

-  X"-^'    '••/'/"^^'"''•«' <l--"  Durant,'.-,  au  mol  mensis. 

•  (tueranl,  P'iyplt/qur  d'irmiiwn,  i..   180 

8  Cliapilre  XXII 

9  Chapilft-  XVI. 


tout  par  les  grainetiers,  les  regrattiers,  les  chan- 
deliers,  les  fruitiers  et  les  loueurs  de  chevaux. 

Au  commencement  du  dix-huitième  siècle,  on 
estimait  la  consommation  annuelle  de  Paris  à  six 
millions  débottés.  Presque  toutes  étaient  recueil- 
lies dans  l'Ile  de  France. 

L'abbé  Jaubert  (1773)  écrit  foiniers. 

Yoy.  Botteleurs.  —  Contrôleurs.  — 
Courtiers.  —  Faneurs.  —  Porteurs,  etc. 

Foiniers.  Voy.  Foin  (Marchands  de). 

Foires.  Il  s'en  tenait  une  devant  chaque 
église  le  jour  où  celle-ci  fêtait  son  saint.  Mais  les 
seules  importantes  étaient  les  foires  suivantes  : 

Jambons  (aux).  —  Lendit  (du).  — 
Oignons  (aux).  —  Saint-Clair.  —  Saint- 
Germain.  —  Saint-Laurent.  —  Saint- 
Ovide. —  Temple  (du). 

Voy.  tous  ces  noms. 

Fonceaux  d'esteufs  (Faiseurs  de).  On 
nommait  ainsi  les  ouvriers  qui  confectionnaient 
les  sacs  à  balles  pour  les  jeux  de  paume.  Ils 
appartenaient  à  la  corporation  des  paumiers. 

Fondeurs.  On  ne  connaissait  pas,  au  moyen 
âge,  la  division  du  travail  telle  qu'elle  existe 
aujourd'hui  ;  en  général  chaque  corps  d'état 
fabriquait  à  lui  seul  les  objets  qui  formaient  sa 
spécialité.  Les  braaliers,  par  exemple,  tissaient 
eux-mêmes,  sans  le  secours  du  tisserand,  les 
étoffes  destinées  aux  braies  qu'ils  façonnaient  -, 
les  lampiers  fondaient  eux-mêmes  les  lingots  de 
cuivre  qu'ils  transformaient  en  chandeliers  et  en 
lampes;  etc.,  etc.  La  plupart  des  ouvriers  qui 
travaillaient  les  métaux  eussent  donc  pu  se 
qualifier  de  fondeurs.  Cependant,  de  tous  les 
métiers  qui  soumirent,  vers  1268,  leurs  statuts  à 
l'homologation  du  prévôt  Etienne  Boileau  ^,  une 
seule  communauté  prit  officiellement  ce  nom, 
celle  des  Fondeurs  et  mol  leurs  -,  qui  déclarèrent 
confectionner  des  boucles,  des  ardillons,  des 
fermaux,  des  anneaux  «  et  autre  menue  oevre 
que  on  fait  de  coivre  ^  et  d'archal  ».  Ils  faisaient 
aussi  des  sceaux,  des  méreaux,  des  cachets  ; 
mais  il  leur  était  interdit  d'y  graver  aucune 
inscription,  on  tolérait  seulement  les  lettres 
isolées,  les  initiales  sur  une  bas-ue  ou  un  cachet. 
Peut-être  redoutait-on  la  contre-façon  des  sceaux 
de  l'Etat  ou  même  celle  des  monnaies.  «  Ce  sont 
choses  qui  portent  soupçon  »,  disent  les  statuts. 
Une  réserve  de  même  nature  leur  était  imposée 
pour  la  confection  des  clefs  ;  ils  devaient  s'abstenir 
de  reproduire  celles  qu'on  leur  commandait,  si  le 
client  ne  leur  présentait  pas  en  même  temps  la 
serrure.  Nous  verrons  la  même  condition  stipulée 
par  les  serruriers. 

Les  statuts  des  fondeurs  furent- renouvelés  en 
ir)72.  Les  maîtres  se  qualifiaient  alors  àa  fondeurs- 
mouleurs  en  terre  et  en  sablc-hossetiers-sonnetiers- 
cizeleurs-faiseurs  dHnstrumens  de  mathématiques, 
tjlohes  et  sphères.  Je  renvoie  à  tous  ces  mots. 


'   Livre  des  métiers,  litri;  XLl. 
-  Mouleurs. 
•*  De  cuivre. 


FONDEURS  —  FONDEURS  DE  CARACTERES  D'IMPRIMERIE 


333 


L'apprentissage  était  de  cinq  ans,  et  chaque 
maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  deux  apprentis. 
L'article  17  énumère  long'uement  les  objets 
dont  la  fabrication  était  permise  aux  fondeurs- 
mouleurs.  Ce  sont,  entre  autres,  les  croix  d'éirlise, 
ciboires,  encensoirs  en  laiton,  cloches,  sonnettes, 
timbres  pour  horlog'es,  grelots,  lampes  «  et  toutes 
autres  choses  qui  se  pourront  moller  et  fondre  en 
sable,  de  cuivre,  latton  et  ayrain  *  ». 

La  corporation  avait  pour  patrons  saint  Eloi 
et  saint  Hubert. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nombre  des 
maîtres  s'élevait  à  300  environ.  L'édit  de  1776  les 
réunit  aux  doreurs  et  aux  graveurs  sur  métaux. 

Voy.  les  articles  suivants. 

Fondeurs  de  canons.  Dès  le  quinzième 

siècle,  la  France  possédait  sept  canons,  dont 
Christine  de  Pisan  nous  a  conservé  les  noms.  Les 
lettres  patentes  d'août  1411  érigèrent  les  urtil- 
liers  en  communauté  ^  ;  celles  de  novembre  1441 
nous  apprennent  que  le  service  de  l'artillerie  se 
composait  alors  des  artilliers  proprement  dits, 
des  deux  frères  Olivier  et  Guillaume  Marchant 
«  charpentiers  d'artillerie  »,  qui  sans  doute 
construisaient  les  affûts,  et  du  sieur  Jehan 
Duchemin,  «  tailleur  de  pierres  à  bombardes  ^  ». 

Sous  le  nom  à"" artilliers ^  les  fondeurs  de 
canons,  «  artillatores  »,  dit  Ducange,  figurent 
dans  l'ordonnance  des  Bannières  (1467)  ^. 
Quand  François  P^  revenant  d'Espagne  (1526) 
fit  sa  rentrée  à  Paris,  «  furent  tirées  dix  grosses 
pièces  d'artillerie  qui  estoient  sur  les  murailles 
et  terrasses,  des  costez  de  la  porte  Saint-Martin  ». 
Dès  1524,  la  Ville  possédait  vingt-huit  «  pièces 
de  grosse  artillerie  •'  ».  Mais,  jusqu'au  dix- 
septième  siècle,  il  n'y  eut  pas  de  troupe  spéciale 
affectée  au  service  des  pièces.  Chacune  était  sous 
la  direction  d'un  canonnier  de  profession,  ingé- 
nieur plutôt  que  soldat. 

Sous  Louis  XIV,  un  canon  revenait  à  6.600 
livres  avec  son  affût  ^ .  Ceux  qui  les  fabriquaient 
portaient  encore  le  nom  (Wa-i illeurs,  artilliers 
ou  canonniers,  ^  relevaient  du  bailliage  de 
l'Arsenal  '. 

Au  dix -huitième  siècle,  les  principales 
fonderies  de  France  étaient  celles  de  Douai,  de 
Pignerol,  de  Besançon,  de  Brest  et  de  Toulon. 

Les  fondeurs  de  canon  avaient  pour  patronne 
sainte  Barbe,  dont  ils  célébraient  la  fête  en 
août  et  en  décembre  à  l'église  de  l'Ave-Maria. 

Fondeurs  en  caractères  d'impri- 
merie. On  ne  sait  par  qui  furent  gravés  et 
fondus  les  caractères  employés  par  les  trois 
premiers  imprimeurs  parisiens  ^,  mais  il  est 
certain  que  ces  caractères  furent  exécutés  à  Paris, 
car  ils  ne  se  rencontrent  nulle  part  dans  les 
autres  impressions  contemporaines. 

1  Laiton  et  airain. 

2  Ordonn.  royales,  t.  IX,  p.  631. 

3  Ordonn.  royales.,  t.  XIII,  p.  348. 

4  Ordonn.  royales,  t.  XVI,  p.  672.  —  Juin  1467. 

5  Journal  d'unboiirgeois  de  Paris  sous  François  I",  p.  205. 

6  Pellisson,  Lettres  historiques,  17  mai  1670,  t.  I,  p.  27. 

7  Voy.  ci-dessous  l'art.  Salpêtricrs. 

8  Voy.  ci-dessous  l'art.  Imprimeurs. 


Un  règlement  de  mai  1571  nous  apprend  ' 
qu'à  cette  date  les  fondeurs  de  caractères  appar- 
tenaient déjà  à  la  corporation  des  imprimeurs, 
et  que  pour  eux  la  journée  de  travail,  commencée 
à  cinq  heures  du  matin,  ne  finis.sait  qu'à  luiil 
heures  du  soir.  Comme  les  libraires  et  les 
imprimeurs,  ils  ne  pouvaient  s'établir  en  dehors 
des  limites  de  l'Université,  condition  encore 
exigée  un  siècle  et  demi  plus  tard  -. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  il  n'existait 
encore  en  France  que  douze  fonderies,  dont  six 
étaient  exploitées  à  Paris.  Dans  une  fonte  de 
100.000  lettres,  le  bas  de  cas.se  ^  se  subdivisait 
ainsi  : 

a....  5.000  lettres  m...  2.800  lettres 

b....  800  —  n....  5.000  — 

c...  3.000  —  0....  4.800  — 

ç....  100  —  p....  2.400  — 

d....  3.000  -  q....  1.200  - 

e....  11.000  —  r....  5.000  — 

f....  900  —  s....  5.400  — 

g....  800  —  t....  4.600  — 

h....  800  —  u....  5.000  — 

i....  5.400  —  V....  2.500  — 

j....  400  —  X....  400  — 

k....  100  —  y....  300  — 

1....  4.000  —  '/.....  400  — 

Chaque  caractère  portait,  suivant  sa  hauteur, 
un  lunn  différent.  Vers  le  milieu  du  siècle,  un 
fonde.ir,  Fournier  le  jeune,  inventa  le  point 
typographique,  mesure  qui  servit  dès  lors  à 
désigner  les  caractères  de  toute  dimension. 
Ainsi  : 

Le  diamant devint  corps     3. 

La  perle —  4. 

La  Parisienne    ou   Sé- 

danoise —  5. 

La  nonpareille —  6. 

La  mignonne —  7. 

Le  petit  texte —  7  1/2. 

La  gaillarde —  8. 

Le  petit  romain —  9. 

La  philosophie —  10. 

Le  cicéro —  11. 

Le  Saint-Augustin....  —  12  et  13. 

Le  gros  texte —  14,15,16. 

Le  GTOs  romain —  18. 

Le  petit  parangon —  20. 

Le  gros  parangon —  22. 

La  Palestine —  24. 

Le  petit  canon —  26. 

Le  trismégiste —  36. 

Le  orros  canon —  40  et  48. 

Le  double  canon —  56. 

Le  double  trismégiste..  —  72. 

Le  triple  canon —  88. 

La  grosse    nonpareille.  . —  96. 

La  moyenne  de  fonte. .  —  100. 


1  Article  18. 

2  Voy.  les  statuts  do  février  1723,  article  58.  Dans 
Lsambert.,  Anciennes  lois  françaises,  t.  XXI,  p.   232. 

3  Caractères  employés  pour  le  texte  courant.  L'on  ne 
comprend  dans  les  chiffres  qui  suivent  ni  les  capitales, 
ni  les  chiflFres,  ni  la  ponctuation. 


334 


FONDEURS  DE  CARACTÈRES  D'IMPRIMERIE  -  FONTAINIERS 


On  trouve  un  Ivpe  de  chacun  de  ces  caractères 
flans  V Encyclopédie  méthodique  ^  et  la  liste  de 
tous  les  graveurs  et  fondeurs  en  caractères 
depuis  le  seizième  siècle  dans  l'ouvrage  suivant  : 
A. -M.     Loltin,     Catalogue    chronologique     des 

HhvO.'lTBS    etc.      . 

Les  fondeurs  de  caractères,  qui  n'étaient  guère 
plus  de  cinq  où  six  à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle,  ne  formèrent  jamais  une  communauté 
particulière.  Réunis  a  celle  des  libraires,  ils 
avaient,  comme  eux,  pour  patron  saint  Jean 
l'évangélisfe. 

Voy.  Graveurs. 

Fondeurs  de  cloches.  «  Artiiices  illi 
siddiles  sunt,  écrit  Jean  de  Garlande,  qui  fundunt 
campanas  de  aère  sonoro,  per  quas  in  ecclesiis 
liorae  diei  denuntiantur  motu  batillorum  et 
cordarum  attractarum  ^  ».  Le  travail  était,  en 
effet,  alors  régie  partout  par  les  sonneries  des 
églises. 

Les  fondeurs  de  cloches  sont  plus  souvent 
désignés  sous  le  nom  de  saintiers^  les  cloches 
d'église  s'appelant  alors  des  saints  *. 

I)i'  là.  une  étymologie  fautive  du  mot  tocsin. 
L'ordonnance  de  Blois  ""  l'ayant  orthographié 
toxin,  le  commentateur  Guy  Coquille  mit  en 
note  :  «  Il  faut  dire  toquesaint,  car  dans  l'ancien 
langage  françois,  saint  signifie  une  cloche  ^  ». 
C'est  aussi  l'opinion  de  Noël  du  Fail  '.  Henri 
Estienne  était  plus  près  de  la  vérité  quand  il 
disait  :  «  Il  faut  écrire,  non^omw,  mais  ^o^wm?i  ; 
et  encore,  si  en  adjoustant  un  y,  on  écrit  toque- 
sing.  on  approchera  plus  de  l'étymologie,  car 
c'est  un  mot  gascon,  composé  de  toquer  (au  lieu 
de  ce,  nous  disons  toucher,  frapper)  et  de  sing^ 
qui  signifie  cloche  *  ».  En  réalité,  cloche  se 
tiisait  en  latin  signum  ^,  et  c'est  très  réguliè- 
rement que  l'on  écrit  tocsin. 

La  Taille  de  J300  mentionne  un  seul  saintier, 
celle  de  l.'ii.l  en  cite  deux  au  moins. 

Le  wiinlier  Jean  Jouvence  fondit  la  cloche  du 
Palais  ;  Guillaume  Sifflet,  en  1430,  la  Jacqueline 
de  Notre-Dann'  *".  Pendant  longtemps,  la  diffi- 
cidlé  que  présfiiliiit  le  transport  des  cloches 
obligea  les  fondi'urs  à  travailler  près  des  églises; 
ri')iiiiuariu<'lle  de  Notre-Dame  fut  fondue,  en 
1082,  di-rrière  le  cloître,  sur  le  Terrain, 
aujourd'hui  transformé  en  square.  Au  dix- 
huitième  siècle,  les  frères  (iodiveau  fondirent 
(les  cloches  pour  Saint-Sulpice,  pour  Saint- 
Victor  <•!  le  gros  bourdon  de  Saint-Germain  des 
Pr.->  '  ' . 


'  Art»  cl  niéliiTM,  t,  I,  p.  403. 

>  Pnrif..    17H0,  in-8».  p    2.13.  —  Voy.  aussi  Ph.   Rc- 
nntinnl,  Imprimeur»  pari.u'eiis,  1H98,  in-H". 
•■'  f'Mil.  Sch.lor,  |i.  •4JI. 

*  \<«y    Duran^n,  Gloasnirt,  nu  mol  siqninn. 
»  Mn.  1.-70. 

J^   P.  Ncpin,  Êdtb  tl  ordiinnnnrrx.  t.  I,  p.  010. 
'    Œurrrs.  ••«lit.  ojzi'v.,  t.  JI,  p.    H'^. 

*  Prfttlltnci  du  langage  friinçoix,  i^dil.  Ffugèrc,  p.  186. 
9  \'uy.     fîréçroin-     d.-    Tours,     f/ixforùi     Franrorum, 

lil'    III,  rnp.    \V. 

I"  Journnt  d'un  bourgeois    de   Paris   soim    Chartes    Vil 
(in  H30 

"   AlmnHack  Dauphin  pour  1789. 


Les  fondeurs  de  cloches,  encore  bien  peu 
nombreux  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle  ^, 
avaient  pour  patron  saint  Hubert  ^. 

Fondeurs  d'étain  et  de  plomb.  Toutes 
les  corporations  qui  travaillaient  l'étain  fondaient 
elles-mêmes  ce  métal  au  fur  et  à  mesure  de  leurs 
besoins  ;  je  désignerai  cependant  sous  le  nom  de 
fondeurs  d'étain  la  corporation  dont  les  maîtres 
s'intitulaient  au  treizième  siècle  ouvriers  de  toutes 
menues  ouevres  que  on  fait  d'estaim  et  de  plom  ^ . 
Dans  les  statuts  qu'ils  soumirent,  vers  1268,  à 
l'homologation  du  prévôt  Etienne  Boileau  *,  ils 
se  disent  fabricants  de  «  miroirs  d'estain,  de 
fremaux  d'estain  ^,  de  sonneites  ^,  de  aneles  '' 
d'estain,  de  maillés  de  pion,  de  méreaus  *  de 
toutes  manières,  et  de  toutes  autres  menues 
choseites  appartenant  à  plom  et  à  estain  ».  En 
dehors  de  ses  enfants  ou  de  ceux  de  sa  femme,  le 
fondeur  d'étain  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  deux 
apprentis,  mais  il  réglait  comme  il  l'entendait 
toutes  les  conditions  de  l'apprentissage.  Le  travail 
à  la  lumière  était  permis. 

Les  fondeurs  d'étain  ne  formèrent  que  pendant 
peu  de  temps  une  corporation  particulière.  Toute- 
fois, jusqu'à  la  tin  du  dix-huitième  siècle,  l'on 
nomma  menuisiers  d'étain  ^  les  ouvriers  qui  se 
livraient  exclusivement  à  la  fabrication  des  menus 
objets  de  ce  métal. 

Voy.  Étain  et  Miroitiers. 

Fondeurs  de  g"laces.  Voy.  Tiseurs. 

Fondeurs  pour  la  musique.  Voy. 
Graveurs. 

Fondeurs  de  petit  plomb.  Ils  faisaient 
le  plomb  à  tirer,  les  balles  de  toute  espèce,  et  les 
petits  plombs  employés  par  les  couturières  pour 
la  toilette  des  dames. 

Le  4  septembre  1731,  un  arrêt  du  Conseil 
interdit,  d'une  manière  absolue  la  fabrication  de 
la  grenaille  de  fer,  dont  plusieurs  chasseurs  se 
servaient  par  économie  ^^. 

Les  merciers  et  les  artificiers  étaient  autorisés 
à  vendre  le  petit  plomli  de  cluisse. 

Les  fondeurs  de  petit  plomb  appartenaient  à 
la  corporatien  des  miroitiers. 

Fontainiers.  L'abbé  Jaubert  définit  ainsi 
le  fontainier:  «  C'est  l'artiste  ^^  qui,  par  des 
principes  certains  et  des  expériences  réitérées, 
fait  la  recherche  des  eaux,  les  jauge  pour  en 
connoîlre  la  quantité,  les  amasse  dans  des 
pierrées  pour  les  conduire  dans  un  regard  de 
prise  ou   dans  un  réservoir.  Il  sait  relever  leur 


'   Vov.  Savary,  t.  II,  p.  113. 
-   I/i'  Masson,  Calendrier  des  confréries.. ri.  54. 
;i  Plomb. 

*  JAvre  des  métiers,  titre  XIV. 
^  Voy.  ci-dessus  l'article  Formaux. 
6  Sonnettes. 
''   Anneaux. 

8  Voy.  ci-dessous  l'art.  Méreaux. 
'••  Voy.  ci-des.sous  l'art.  Menuisiers. 
'"  J.  Honriquez,    Dictionnaire  du  droit  de  chasse,  t.   I, 
p.  261. 

1'  Voy.  ci-dessus  l'art.  Artistes. 


FONTAIMKRS 


FORESTIERS 


335 


pente  et  les  conduire  au  lieu  destiné  ;  il  connoît 
la  force  et  la  vitesse  des  eaux  jaillissantes  ;  les 
calcule  pour  en  savoir  la  dépense  -,  fait  donner 
une  juste  proportion  aux  tujaux  pour  former  de 
beaux  jets  bien  nourris  et  qui  s'élèvent  à  la 
bauteur  requise  ;  et  par  une  sao;e  économie,  il 
les  distribue  dans  un  jardin,  de  manière  qu'ils 
jouent  tous  ensemble  sans  s'altérer  l'un  et 
l'autre  '  ». 

Les  Tailles  de  1292  et  de  1300  citent  chacune 
un  fo7itenier.  Ils  ne  possédaient  sans  doute  pas 
tous  les  talents  qui  viennent  d'être  si  éloquem- 
ment  énumérés,  et  de  très  bonne  heure,  ils 
formèrent  une  seule  corporation  avec  les  plom- 
biers. 

En  février  1623,  avait  été  créée  la  chargée 
d'intendant  des  eaux  et  fontaines  de  France,  dont 
les  fonctions  consistaient  à  protéger  les  sources, 
à  empêcher  toutes  les  entreprises  qui  pourraieid 
détourner  ou  perdre  les  eaux  ^,  etc.  A  dater  de 
Louis  XIV  il  eut  pour  titre  officiel  Intendant  des 
eaux  et  fontaines  du  Roy,  grottes,  mouvemens, 
aqueducs,  artifices  et  conduits  d'eau  des  maisons 
royales.  La  famille  Francini  resta  pendant 
longtemps  titulaire  de  cette  charge  ^.  En  1692, 
le  sieur  Denis  était  premier  fontainier  du  roi  ; 
ses  deux  fils  exerçaient  le  même  art,  l'un  au 
château  de  Versailles,  l'autre  à  Trianon  *.  Pour 
le  seul  service  de  Versailles,  il  j  avait  en  1736 
un  maître  fontainier,  trois  compagnons  et  sept 
garçons  ^. 

On  comptait  à  Paris,  vers  1760,  soixante 
fontaines  publiques,  ainsi  distribuées  : 

Quartiers 

De  la  Cité 2 

Saint-Jacques  la  Boucherie  . .  1 

Du  Louvre 2 

Du  Palais-Royal 6 

Montmartre 5 

Des  Halles 1 

Saint-Denis 5 

Saint-Martin 3 

De  la  Grève 1 

Sainte-Avoje 4 

Du  Temple 4 

Saint-Antoine 7 

De  la  place  Maubert 6 

Saint-Benoît 5 

Saint-André  des  Arts 2 

Du  Luxembourg 2 

Saint-Germain  des  Prés 5 

Les  quartiers  Saint-Paul,  Sainte-Opportune  et 
Saint-Eustache  n'en  possédaient  pas. 

On  trouve  aussi  Fonteniers  et  Fonteiniers. 
Vo_y.  Garde-rigoles. 

Fonteiniers  et  Fonteniers.  Voy.  Fon- 
tainier s. 


1  Tome  II,  p.  249. 

2  Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  I^  ,  p.   249. 

3  Etat  de   la   France  pour   1687 ,   t.   I,  p.  489  ;  pour 
1712,  t.  I,  p.  379  ;  pour  1736,  t.  I,  p.  489. 

4  Le  Livre  commode,  i.  Il,  p.  155. 

5  État  de  la  France,  t.  I,  p.  416. 


Forbeeurs.  Nom  qui-  la  Taille  de  1202 
donne  aux  fourbisseurs. 

Forberes.  Nom  que  le  Litre  des  métiers  ' 
donne  aux  fourbisseurs. 

Forbeurs.  Nom  que  le  Litre  des  métiers  ^ 
donne  aux  lourbisseurs. 

Forbisseeurs.  Noiu  quf  la  Taille  de  1202 
donne  aux  fourbisseurs. 

Forcetiers.  Fabricants  de  gros  outils  en 
fer,  et  notamment  de/ôrc^5  à  l'usage  des  tondeurs 
de  drap. 

Ces  forces  étaient  d'énormes  ciseaux,  dont  les 
branches  parallèles,  et  non  croisées  comme  celles 
des  ciseaux  ordinaires,  étaient  réunies  à  leur 
extrémité  par  un  fort  ressort  qui  en  facilitait  le 
jeu.  L'année  1288,  «  environ  la  Saint-Jehan- 
Baptisle  »,  les  forcetiers,  alors  au  nombre  de  13, 
présentèrent  à  l'homologation  du  prévôt  de 
Paris  des  statuts  ^  où  nous  lisons  que  le  métier 
était  placé  sous  l'autorité  du  premier  maréchal 
ferrant  de  l'écurie  royale,  à  qui  le  roi  avait 
accordé  les  revenus  et  la  juridiction  profession- 
nelle de  la  plupart  des  corps  d'état  qui  travail- 
laient le  fer.  Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la 
fois  plus  d'un  apprenti  et  la  durée  de  l'appren- 
tissage était  de  dix  ans.  Le  travail  à  la  lumière 
était  interdit.  Trois  jurés,  établis  par  le  prévôt, 
«  du  consentement  de  tout  le  commun  du 
mestier  »,  administraient  la  corporation. 

Six  ans  plus  tard,  au  mois  de  juillet  1294,  ces 
statuts  furent  revisés  par  le  prévôt  Guillaume  de 
Hangest  *.  Il  s'agissait  alors  pour  la  commu- 
nauté de  mettre  fin  à  une  spéculation  qui  est 
intéressante  à  connaître.  Il  paraît  que  le  premier 
maréchal  du  roi  vendait  fort  bon  marché  l'auto- 
risation de  s'établir.  Des  compagnons  forcetiers 
payaient  le  petit  droit  exigé,  montaient  une  forge 
et  prenaient  un  apprenti.  Au  bout  de  quelques 
semaines,  ils  vendaient  leur  apprenti,  c'est-à-dire 
qu'ils  le  cédaient  à  un  autre  maître  moyennant 
une  somme  d'argent,  «  au  chief  de  iij  semaines 
ou  d'un  mois  le  revendoient  et  délaissoient  leurs 
forges  ».  Le  bénéfice  touché  et  dépensé,  ils 
abandonnaient  leur  boutique  et  se  replaçaient 
comme  ouvriers.  Les  nouveaux  statuts  défen- 
dirent de  vendre  aucun  apprenti  avant  de  l'avoir 
gardé  au  moins  un  an  et  un  jour.  La  Taille  de 
1292  mentionne  11  forcetiers,  celle  de  1300  en 
cite  10  seulement.  * 

Forestiers,  «  \  erdiers,  gruyers,  forestiers, 
châtelains  ,  concierges ,  maîtres  ,  sergens  , 
ségrayers  et  maîtres  gardes  du  marteau  du  Roy 
n'étoient  autrefois  qu'un  seul  et  même  office  sous 
ces  difî^érens  titres  et  étoient  ainsi  appeliez  selon 
l'usag-e  des  lieux  ^  ». 


1  Titre  XC VII,  art.    1. 

2  Titre  XGVII,  art.  2,  3,  4,  5,  6,  12. 

3  Dans   Depping,    Ordonnances  relatives    aux   métiers, 
p.  357. 

4  Depping,  p.  359. 

5  Gallon,  Conférence  de  l'ordonnance   de   1669   sur   les 
eaux  et  forêts,  t.  I,  p.  513. 


336 


FORGE  —  FOUACIERS 


Forge  (Ol-vmers  de).  Nom  donné  parfois 
aux  éperonniers. 

Forgerons.  «  Ce  nom  est  commun  aux 
serruriers,  taillandiers,  couteliers  et  à  tous  les 
ouvriers  qui  travaillent  le  fer  à  la  forge  et  au 
marteau  *  ».  Ils  étaient  dits  aussi  fabrices. 

Forgeurs.  On  nomme  ainsi,  dans  plusieurs 
ateli.-rs,  l'ouvrier  qui  préside  à  la  forge,  qui 
conduit  l'ouvrage  pendant  qu'il  chauffe  et  quand 
il  est  sous  le  marteau  ^  ». 

Voj.  Planeurs. 

Formagiers.  Nom  que  la  Taille  de  1300 
donne  aux  frumagers. 

Formiers-Talonniers .  Les  fermiers 
fabriquaient  des  furmes,  des  embauchoirs,  des 
hoiiisses  3  pour  les  cordonniers.  Ils  n'avaient  ni 
statuLs  ni  jurés,  et  travaillaient  sans  maîtrise. 
Beaucoup  d'entre  eux  étaient  de  pauvres  maîtres 
cordonniers;  cependant  les  jurés  de  cette 
conimunauté  revendiquèreiil  vainement  des 
droits  sur  eux. 

La  mode  des  chaussures  élevées  avait  donné 
naissance  aux  talonniers.  Ceux-ci  fournissaient 
aux  cordonniers  des  talons  de  bois.  Administra- 
livemenl,  ils  se  trouvaient  dans  les  mêmes 
conditions  que  les  fermiers,  et  avaient,  comme 
eux,  pour  patron  saint  Crépin. 

A  la  lin  du  dix-huitième  siècle,  les  fermiers  et 
les  talonniers  étaient  ensemble  au  nombre  de  53 
environ. 

Voy.  Passe-talonniers. 

Forts.  (Ta(iHe-fIfnie7;<i  qui  travaillaient  au 
lians|)(irl  l'I  à  la  décharge  des  marchandises.  Ils 
élaicnt  attachés  aux  différentes  halles,  et  nommés 
en  général  par  les  préposés  à  chacune  d'elles. 

Ils  avaient  pour  patron  saint  Christophe. 

Vov.  G-agne-deniers.  —  Portexirs  de 
grains.  —  Porteurs  de  sel,  tic. 

Forts  de  la  douane.  Cet   emploi,    dit 

Savar^,  e^sl  lucratif  et  honnête,  et  de  beaucoup 
lie  confiance,  ce  qui  fait  qu'on  n'j  reçoit  ([ue  des 
sujets  d'une  fidélité  éprouvée  *  ».  Ils  étaient 
iionunés  par  les  fermiers  généraux.  Sous  les 
ordres  du  commis  de  la  douane,  ils  faisaient 
rouvf'plure  des  ballots,  et  transportaient  aux 
dilît-rotili-s  iialirs  les  marchandises  examinées  par 
•■ii\.  L«'ur  nombre  n'était  pas  limité,  mais  ils  ne 
fureni  presque  jamais  plus  de  vingt.  Pour  être 
reçu  dans  In  corporation,  il  fallait  se  faire  inscrire 
(•omtnc  <i<uididat  aux  places  qui  pourraient 
(lovonir  vnc^mti's,  d  payer  des  droits  qui 
monlaji'nl  jusqu'à  iuiil  cents  livres. 

Cette  petite  cumMuniaulé  avait  puiir  |)alroiiiie 
sjiinle  Barbe. 

Voy   Oagno-doniors. 


'  Jauhi'rt,  DietioHHairt,  t.  II,  p.  277. 
'  Jnulxrt,  Dirlioiinaire,  l.  II,  ii.  278. 
•■'  Mon-. mm  de  boi.s  concaves   qui   servent   à   canibiv 
le.-i  Roniellos. 

♦  fiiclioHHttire,  t.  H,  p    loe. 


Forts  de  la  halle  aux  draps.  Douze 
offices  créés  par  édit  du  12  mars  1704.  «  Le«s 
porteurs,  autrement  dits  forts  *  feront  seuls  et  à 
l'exclusion  de  tous  autres,  le  transport  des 
marchandises  de  la  halle  dans  les  maisons  des 
marchands  de  Paris  ». 

Forts  de  la  halle  aux  grains.  Voj. 
Porteurs  de  grains. 

Fossaires.  Voy.  Fossoyeurs. 

Fosseeurs.  Nom  que  la  Taille  de  1292 
donne  aux  fossoyeurs. 

Fossiers  et  Fossiliers.  Voy.  Fos- 
soyeurs. 

Fossoyeurs.  La  Taille  de  1292  cite  six 
fosseeurs. 

Je  retrouve  dans  mes  notes  le  nom  de  deux 
fossoyeurs.  En  juillet  1683,  un  sieur  Pajot 
remplissait  ces  fonctions  au  cimetière  Saint- 
Sulpice  ;  son  fils  fut  convaincu  d'avoir  déterré 
et  vendu  plusieurs  cadavres  à  des  chirurgiens  ^. 
Ceux-ci  n'avaient  alors  guère  d'autre  moyen 
pour  se  procurer  des  corps  à  disséquer  ^,  aussi  la 
Cour  se  montra-t-elle  indulgente.  Mais  en  1752, 
elle  condamna  Regnaud,  fossoyeur  de  Saint- 
Sulpice,  au  carcan,  à  la  marque  et  à  trois  ans  de 
galères,  pour  vol  de  suaires  et  vente  de  cadavres  * . 

Le  dernier  fossoyeur  du  cimetière  des  Innocents 
se  nommait  François  Poutrain  ;  ses  comptes 
établissent  que,  en  trente  ans,  il  avait  enterré 
plus  de  90.000  corps.  La  moyenne  était  donc  de 
3.000  inhumations  par  année,  sur  lesquelles  on 
ne  comptait  pas  plus  de  150  à  200  sépultures 
particulières  ;  tout  le  reste  était  accumulé  dans 
des  fosses  communes  ayant  cinq  à  six  mètres  de 
profondeur,  et  qui  recevaient  chacune  environ 
1.500  cadavres  ^. 

Sébastien  Mercier  prétend  que  les  fossoyeurs 
employaient  leurs  loisirs  à  violer  les  tombes. 
«  Ils  n'achètent  jamais  de  bois  l'hiver,  écrit-il, 
car  ils  se  chauffent  avec  les  morceaux  des  bières 
qu'ils  coupent  et  emportent  des  cimetières.  Par 
la  même  raison,  ils  n'ont  pas  besoin  de  dépenser 
de  l'argent  pour  avoir  des  chemises  ^  ». 

Les  fossoyeurs  étaient  placés  sous  le  patronage 
de  saint  Joseph  et  de  sainte  Barbe. 

On  les  trouve  encore  noniméf^  fossaires,  fossiers, 
fossiliers.  srptdturiers,  etc. 

Fouaciers.  Faiseurs  de  fouaces,  gâteaux 
composés  de  beurre  et  d'œufs,  et  que  Rabelais  a 
rendus  célèbres.  La  Taille  de  1292  mentionne 
trois  fouaciers,  celle  de  1300  en  cite  un  seulement 

'  Le  titre  de  1  edit  leur  donne  seulement  ce  dernier 
11(1111. 

2  Hibliutlièque  nationale,  ni.ss.,  fonds  français,  n° 
21.737,  f"  10"). 

■'•  Voy.  ci-de.ssu.s  l'art.  Bourreaux. 

^  /lulletin  de  la  société  kisiorique  du  VI''  nrrondissement, 
année  1902,  p.  17. 

S  \oy.  Vicq  d'Azyr,  Essai  sur  les  lieux  et  les  dangers 
des  sêpulturns,  p.  150.  —  Héricart  de  Thury,  Description 
des  ciitorombes,  p.  165. 
I       6  Tableau  de  Paris,  t.  I,  p.  258. 


FOUETS  —  F(JUL()NS 


337 


Fouets.  Voj.  Tiseurs. 

Fouets  (Faiseurs  de).  Titre  qui  iipparlenait 
à  la  corporation  des  cordiers. 

Fouette-culs.  \oy.  Correcteurs. 

Fouleurs  et  Foulonniers.  Voj.  Fou- 
lons. 

Foulonniers.  Titre  qui  appartint  à  la 
communauté  des  bonnetiers  du  faubourg'  Saint- 
Marcel,  parce  qu'ils  foulaient  eux-mêmes  les 
bonnets  et  les  bas  qu'ils  vendaient. 

Foulons.  Jean  de  Garlande  (treizième  siècle) 
décrit  avec  assez  d'exactitude  les  multiples  opé- 
rations auxquelles  se  livraient  les  foulons.  Il  les 
représente,  nus  et  haletants,  foulant  le  drap  dans 
de  la  glaise  unie  à  de  l'eau  chaude  :  «.  Fullones, 
nudi  et  suftlantes,  fullant  pannos  laneos  et  pilosos 
in  alveo  concavo,  in  quo  est  argilla  et  aqua 
calida.  >>  Ils  le  tendaient  ensuite,  pour  le  faire 
sécher,  sur  des  rames  ou  poulies,  puis  le 
frottaient  avec  des  chardons  pour  en  tirer  le 
poil  :  «  Post  hsec  desiccant  pannos  lotos  contra 
solem  in  aëre  sereno,  quos  ipsi  radunt  cum 
carduis  multis  et  asperis  sive  cardonibus,  ut  sint 
vendibiliores  *  ». 

Une  pièce  publiée  par  M.  Depping  -  nous 
apprend  que,  dès  1257,  les  foulons  étaient 
constitués  en  corporation  et  administrés  par 
quatre  jurés,  dont  deux  choisis  parmi  les  maîtres 
et  deux  parmi  les  ouvriers.  Une  dizaine  d'années 
après,  ils  soumirent  à  l'homologation  du  prévôt 
Etienne  Boileau  de  nouveaux  statuts,  et  ceux-ci 
sont  les  plus  sages  et  les  plus  instructifs  de  tous 
ceux  que  renferme  le  Livre  des  métiers  ^,  ceux 
qui  peignent  le  mieux  l'organisation  du  travail  à 
cette  époque. 

Le  métier  était  libre  :  «  Quiconque  veut  estre 
foulons  à  Paris,  estre  le  puet  franchement  sanz 
achater  le  métier  du  Roy  ». 

En  dehors  de  ses  enfants  et  de  ses  frères,  des 
enfants  et  des  frères  de  sa  femme,  chaque  maître 
ne  pouvait  avoir  en  même  temps  que  deux 
apprentis. 

On  ne  devait  accepter  pour  apprenti  ou  pour 
ouvrier  aucun  «  boulier  *,  ne  larron,  ne  murtrier, 
ne  bani  de  ville  pour  vilain  cas  ».  L'ouvrier  était 
tenu  d'avoir  un  vêtement  convenable,  qui  valût 
au  moins  douze  deniers,  «  ne  nul  vallet  s'il  n'a 
douze  denrées  de  robe  au  mains  ». 

Les  heures  de  travail  étaient  scrupuleusement 
réglées.  Les  ouvriers  gagnaient  l'atelier  au  point 
du  jour  ;  ils  y  déjeunaient  «  à  l'heure  de  prime  ^  », 
et  ils  s'en  allaient  dîner  où  ils  voulaient.  Mais, 
sous  peine  d'une  amende  de  douze  deniers, 
ils  devaient  revenir  le  plus  tôt  possible,  sans 
tumulte  et  sans  s'attendre  les  uns  les  autres.  Le 
travail  cessait  à  six  heures  du  soir  en  hiver,  «  au 


1  Ed.  Scheler,  p.  30. 

2  Ordonn.  relatives  aux  me'liers,  p.  398. 

3  Titre  LUI. 
*  Débauché. 

^  Six  heures  du  matin. 


premier  cop  ^  de  vespres  à  Nostre-Dame,  en 
cliarnage  »,  et  à  neuf  heures  en  été,  «  et  en 
quaresme  au  premier  cop  de  complie  ».  Le 
samedi,  les  ouvriers  quittaient  l'atelier  à  trois 
heures,  «  au  premier  cop  de  none  à  Nostre- 
Dame  ».  La  veille  des  grandes  fêtes,  de  la  Saint- 
Pierre,  de  la  Saint-Laurent,  de  la  Pentecôte  et 
de  l'Assomption,  ils  étaient  libres  dès  liuit  lieures 
du  matin. 

Les  ouvriers  se  louaient  à  la  journée,  au  mois 
ou  à  l'aimée.  Ceux  qui  voulaient  se  faire 
emliaucbcr  pour  l'année  se  réunissaient  au  leveï 
du  soleil,  à  la  maison  de  l'Aigle,  près  de  la  porte 
Baudoyer,  où  aboutissait  la  rue  Saint-Antoine, 
alors  rue  de  l'Aigle.  Ceux  qui  préféraient  être 
loués  à  la  journée  se  rassemblaient  à  la  maison  de 
la  Converse,  située  au  chevet  de  l'église  Saint- 
Gervais,  et  ils  attendaient  là  les  propositions  des 
maîtres. 

La  corporation  était  dirigée  et  administrée 
par  quatre  jurés,  deux  pris  parmi  les  maîtres  et 
deux  parmi  les  ou\Tiers.  C'étaient  les  ouvriers 
qui  choisissaient  les  deux  maîtres  et  les  maîtres 
qui  choisissaient  les  deux  ouvriers.  Le  prévôt  de 
Paris  les  nommait  sur  ces  présentations,  et  leur 
faisait  prêter  serment. 

Les  maîtres  foulons  déclarent  en  terminant 
que,  dans  l'origine,  ils  étaient  dispensés  de  faire 
le  service  du  guet  ;  mais  que  «  madame  la  roine 
Blanche  ^,  qui  Dieu  absoille  •',  les  fist  gueilier 
par  sa  volenté  ». 

M.  Fagniez  a  publié  d'autres  statuts*,  qui 
doivent  être  à  peu  près  contemporains  de  ceux 
que  je  viens  d'analyser,  et  qui  s'appliquaient  aux 
foulons  du  bourg  Sainte-Geneviève.  Chez  ceux- 
ci,  l'apprentissage  durait  trois  ans.  Ils  ne  pou- 
vaient avoir,  outre  leur  fils,  qu'un  seul  apprenti. 
Le  travail  à  la  lumière  était  interdit.  Les  ou\Tiers 
devaient  se  rendre  au  travail  dès  le  point  du  jour, 
«  dès  ce  que  l'en  pourra  hom.me  congnoistre  en 
une  rue  ».  Deux  jurés,  un  maître  et  un  ouvrier, 
administraient  la  communauté.  Lorsqu'un  maître 
ou  un  ouvrier  §e  mariaient,  chaque  juré  recevait 
de  l'époux  une  paire  de  gants  neufs.  Au  décès 
d'un  maître  ou  d'un  ouvrier,  la  famille  du  défunt 
remettait  aux  jurés  «  les  meilleures  chausses  et 
les  meilleurs  solliers  ^  qu'il  eust  ». 

On  ne  comptait  que  24  maîtres  en  1292  et 
83  en  1300  6. 

En  1277,  les  ouvriers  obtinrent  de  ne  plus 
travailler  que  «  jusques  à  soleil  couchant  ».  Ils 
avaient  représenté  au  prévôt  de  Paris  que  «  les 
maîtres  les  tenoient  trop  tard  de  leurs  vesprées  », 
et  qu'ils  risquaient  d'être  assassinés  en  rentrant 
chez  eux. 

Les  foulons,  qui  paraissent  avoir  eu  toujours 
un  grand  amour  pour  la  réglementation,  hrent 
renouveler  leurs  statuts  dès  1443  ^.  Je  ne  relè- 


1  Coup. 

2  Blanche  de  Castille,  régente  durant  la  minorité  di 
saint  Louis  et  durant  la  croisade. 

3  Que  Dieu  absolve  ! 

i  Études  sur  l'industrie,  p.  335. 
»  Souliers. 

6  Voy.  les  Tailles  de  ces  deux  années. 

7  Ordonn.  royales,  t.  XVL  P-  586. 


22 


338 


FOULONS  —  FOUKBISSEURS 


verai  dans  ceux-ci  que  les  modifications  apportées 
aux  précédents.  ,.,,,■    i       •♦ 

Tout  ouvrier  foulon  qui  voulait  s  établir  devait 
naver  soixante  sous  à  la  confrérie,  somme  réduite 
a  vino-t  sous  pour  les  fils  de  maître.  L  exception 
concernant  les  apprentis  appartenant  a  la  lamille 
n'existe  plus  que  pour  le  fils  ou  le  frère  du  maître. 
Tout  apprenti,  avant  d'être  admis  dans  l'atelier, 
doit  jurer  «  qu'il  ser\-ira  son  maistre  bien  et  loya- 
lement, et  gardera  les  ordonnances  faictes  sur 
ledit  m'estier  ».  La  valeur  du  vêtement  exigé  de 
tout  ouvrier  est  portée  à  quatre  sous. 

La  journée  de  travail  commence  à  cinq  heure,s 
en  été  et  à  six  heures  en  hiver,  et  finit  à  sept 
heures  en  été  et  à  cinq  heures  en  hiver. 

Il  n'est  plus  question,  pour  lieu  d'embauchage, 
que  de  «  la  place  des  foulons  devant  S.  Gervais, 
comme  accoustumé  a  esté  et  est  de  tous  tems  >>. 

Le  travail  à  la  lumière  est  interdit. 

L'association  de  deux  maîtres  est  formellement 
défendue. 

Les  foulons  ont  le  droit  de  lisser  toute  espèce 

de  drap. 

Ces  statuts  furent  souscrits  le  18  mai  1443  par 
les  13  maîtres  et  les  14  ouvriers  foulons  exerçant 
il  Paris. 

Ils  furent  encore  revisés  le  24  juin  1467,  puis 
confirmés  sans  changement  en  février  1606  et  en 
mars  1730  :  cette  dernière  confirmation  coûta 
trois  cents  livres  ù  la  communauté.  Le  nombre 
des  maîtres  était  alors  de  18  environ  ^  et  ne  paraît 
pas  avoir  beaucoup  varié  depuis. 

L'édil  de  1776  réunit  les  foulons  aux  tondeurs 
i].-  ilraps  et  aux  teinturiers. 

Je  ne  sais  quel  était  le  patron  des  foulons. 
J'hésite  entre  saint  Paul,  puisqu'ils  prétendaient 
avoir  fait  construire  une  église  placée  sous  ce 
Tocalile,  et  le  Saint-Sacrement  qui  paraît  indi- 
recleint;nl  désigné  dans  certains  articles  de  leurs 
statuts. 

Le  nom  de  ruelle  aux  Fondons  a  été  porté  par 
une  petit»'  rue  située  aux  environs  de  la  rue  de 
lii  MnrtelltM'ie.  Il  faut  évidemment  voir  dans  ce 
nom  un  sduveiiir  du  lieu  où  se  réunissaient  jadis 
les  fouliiris  sans  travail.  L'église  Saint-Gervais 
communiquait  par  la  petite  rue  de  Longponl  avec 
la  rue  de  la  Mdriellerie,  et  la  place  Baudoyer 
n'était  séparée  de  Saint-(Jervais  que  par  un  cime- 
tière. 

Les  foulons  se  qualifiaient  officiellement  de 
fmilo  nx-aplu  ig  n  eu  rs-épa  util  leurs  de  drap-flrap  iers 
drapiins-peùinetirs-rurdeurs-arroimeurs.  On  les 
Iroiivo  encore  nommés  fmàeura,  foulonniers. 
vioulinirrsy  etc.  * 

Foulons.  Nom  donné,  chez  les  iionnetiers, 
n  IX  ouvriers  qui  foulaient  et  apprêtaient  les  bas, 
les  bonnets,  etc.  ()n  dit  aussi  /'«uleurs. 

L'onlonnance  des  Bnnnif^rrs  '1467i  n'-unil  aux 
bonnetiers  les  fnulonx  dr  hoiinrts. 


Foulons  ou 

dilTércnl''  di-  celli 
travail    consistait 


Reniqueurs.    (lorporalion 

'  des   limions   de    drap.    Leur 

a    fouler    iivec  les   pieds  les 


*  Sflvnn-,  Dirlionnaire  du  commerce,  t.  H,  p.  425. 


étoffes  fines,  pour  obtenir  le  dégorgement  de 
l'empois,  de  la  colle  et  même  parfois  de  la 
teinture. 

Fourbeurs.  Vov.  Fourbisseurs. 

Fourbisseurs.  Jean  de  Garlande,  qui 
écrivait  vers  1250,  nomme  les  fourbisseurs  erwyt- 
natores gladiorum ;  il  ne  nous  apprend  pas  grand'- 
chose  quand  il  ajoute  qu'ils  vendaient  des  glaives 
avec  leur  pommeau,  leur  poignée  et  leur  four- 
reau ■•. 

Comme  toutes  les  corporations  qui  se  ratta- 
chaient à  l'art  militaire,  celle  des  fourbisseurs 
était  déjà  régulièrement  constituée,  elles  maîtres 
fournissent  vers  1268  au  prévôt  Etienne  Boileau 
les  statuts  qui  la  régissaient-. 

Le  métier  était  libre.  Tout  individu  avait  le 
droit  de  s'établir  sans  rien  payer,  pourvu  qu'il 
connût  le  métier,  qu'il  fût  de  bonne  vie  et  mœurs, 
qu'il  disposât  d'un  capital  suffisant,  et  qu'il 
s'engageât  par  serment  à  respecter  les  statuts. 

Chaque  maître  pouvait  avoir  un  nombre 
illimité  d'apprentis,  et  régler  comme  il  l'enten- 
dait les  conditions  de  l'apprentissage  :  «  comme 
il  li  plera,  et  à  lonc  terme  et  à  court  terme,  et  à 
argent  et  sanz  argent  ». 

Le  travail  à  la  lumière  était  interdit. 

Nul  ne  devait  travailler  non  plus  les  jours  de 
fête,  à  moins  pourtant  que  quelque  gentilhomme 
eût  besoin  qu'on  lui  aiguisât  son  couteau  ou  son^ 
épée,  «  se  ce  n'est  à  besoing  que  aucun  preud'ome 
eust  mestier  que  on  li  esmausist  la  pointe  de  son 
coutel  ou  la  pointe  de  s'espée  ». 

Quoique  travaillant  surtout  pour  la  noblesse, 
les  maîtres  étaient  astreints  au  service  du  guet. 

Vingt-deux  années  plus  tard,  «  l'an  de  grâce 
mil  ce  iiiJ  ^^  et  dis,  le  lundi  après  feste  saint 
Nicholas  en  yver  »,  les  fourbisseurs,  dont  la 
communauté  avait  pris  une  grande  extension, 
firent  renouveler  leurs  statuts  '^ . 

Comme  le  métier  était  lucratif,  ])eaucoup 
d'ouvriers,  qui  ne  remplissaient  pas  les  conditions 
exigées,  ouvraient  boutique  sans  avoir  égard  à 
l'opposition  des  jurés.  Il  fut  donc  décidé  qu'à 
l'avenir  le  métier  s'achèterait  au  roi.  A  moins 
qu'il  ne  fût  fils  de  maître,  tout  individu  avant  de 
s'établir  dut  verser  douze  sous  au  percepteur  des 
impôts  et  quatre  sous  aux  jurés. 

En  dehors  de  son  fils,  chaque  maître  ne  put 
avoir  à  la  fois  qu'un  seul  apprenti.  La  durée  de 
l'apprentissage  fut  fixée  à  sept  ans. 

Les  fourbisseurs  étant  en  relations  continuelles 
avec  des  gentilshommes,  on  exigeait  des  ouvriers 
qu'ils  eussent  un  vêtement  convenable,  repré- 
sentant une  valeur  de  cinq  sous  au  moins.  «  Item, 
que  nus  mestres  ne  puisse  meitre  varlet  en  euvre 
se  il  n'a  cinc  soudées  de  robe  "sus  lui  por  leur 
ouvreuers  tenir  noitement  *,  pour  nobles  genz, 
contes,  barons,  chevaliers  et  autres  bonnes  genz 


'    Kdil.  Si-licler,  p.  24. 

-  Litre  (les  métiers,  titre  XC\'II. 

■'  l)iin.s  Dcpping,    Ordonnances  relulives    aux    métiers, 

365. 

*  Nettemont,  proprement. 


FOURBISSEURS 


339 


qui  aucune  foiz  descendent  en  leur  ouvrouers  '  ». 

Un  maître  ne  pouvait  renvoyer  un  ouvrier  sans 
bonnes  et  valables  raisons,  et  celles-ci  devaient 
être  jug'ées  telles  par  les  quatre  jurés  et  par  deux 
ouvriers  du  métier.  C'est  lu  une  disposition  tout  à 
fait  exceptionnelle,  et  que  je  n'ai  point  rencontrée 
dans  d'autres  statuts. 

Deux  maîtres  seulement,  à  tour  de  rôle,  avaient 
le  droit  de  laisser  leur  boutique  ouverte  le 
dimanclie,  «  por  ce  que  le  diemenche  est  jour  de 
repos,  et  doit-on  oïr  le  servise  nostre  Seinj^neur  ». 
Il  était  cependant  toujours  permis  de  terminer 
un  objet  vendu  quand  il  avait  été  promis  pour  le 
jour  même.  Le  samedi  et  la  veille  des  grandes 
fêtes,  l'atelier  fermait  à  six  beures.  «  puis  le 
derrien  coup  de  vespres  ». 

Le  colportage  dans  les  rues  était  autorisé 
seulement  pour  les  pauvres  maîtres  «  qui  demeu- 
rent es  foreines  rues,  pour  ce  qu'il  ne  peuent 
vendre  en  leur  ostiex  ^  ». 

Ces  statuts  si  sages  furent  souscrits  par  les 
40  maîtres  fourbeeurs  alors  établis  à  Paris  et  par 
leurs  65  ouvriers.  Plusieurs  des  maîtres  étaient 
anglais,  flamands  ou  allemands. 

La  conséquence  des  nouveaux  statuts  fut, 
comme  l'on  s'y  attendait,  la  diminution  du  nombre 
des  maîtres  fourbisseurs.  En  1292,  il  se  trouvait 
réduit  à  35  ;  il  n'était  plus  que  de  29  en  1298, 
année  où  ils  firent  encore  ajouter  quelques  articles 
à  leurs  règlements  ^.  Un  seul  de  ces  articles 
mérite  d'être  mentionné  ;  il  établit  que  nul 
fourbisseur  ne  pourra  avoir  plus  d'un  ouvrier 
commensal  du  maître,  à  l'exception  du  four- 
nisseur du  roi ,  «  celuy  qui  fet  et  fera  les 
eu\Tes  le  Roy  »  ;  ce  dernier  avait  le  droit  de 
posséder  «  deus  vallets  beuvant  et  mangent  en 
son  bostel  ».  Le  nombre  des  fourbisseurs  s'était 
un  peu  augmenté  en  1300,  la  Taille  de  cette 
année  en  cite  43. 

En  1467,  Louis  XI  confirma  purement  et 
simplement  les  statuts  accordés  aux  fourbisseurs 
en  1290  ^.  Ils  furent  encore  confirmés  ou  revisés 
en  septembre  1543,  en  septembre  1550,  en 
octobre  1554,  en  mars  1566,  en  juin  1572  et  en 
avril  1627.  J'analyserai  seulement  ces  derniers, 
qui  régirent  la  communauté  jusqu'à  la  Révo- 
lution ^. 

Les  articles  1,  17,  18  et  19  donnent  aux  maîtres 
fourbisseurs  le  droit  exclusif  de  fourbir,  monter 
et  garnir  les  épées,  dagues,  braquemarts,  miséri- 
cordes, lances,  piques,  hallebardes,  pertuisanes, 
javelines,  vouges,  épieux,  haches,  masses,  «  et 
autres  bâtons  maniables  à  la  main,  servans  au  fait 
d'armes  ». 

Le  mot  bâton  désignait  toute  arme  offensive, 
même  l'épée,  même  les  pièces  d'artillerie.  Aussi 
les  fourl)isseurs  ajoutent-ils  pour  caractériser  leur 
industrie  :  «  bâtons  maniables  à  la  main  »  :  pléo- 
nasme insuffisant,  d'ailleurs,  puisqu'il    pouvait 


1  En  leurs  ateliers,  en  leurs  boutiques. 

2  En  leur  demeure, 
^  Depping,  p.  309. 

'*  Dans  les  Ordoitn.  rorjnles,  t.  X^  I,  p.  662. 
^  Voy.  Statuts,  ordonnances  et  règlemem; . . .  des  marchands 
ourbisseurs,  1553,  in-4''.  Réimprimés  en  1740. 


t')ut  aussi  ])ien  s'appliquer  à  l'arbalète   cl  aux 
armes  à  feu  portatives  qu'aux  armes  blanches. 

Les  lames  quelles  qu'elles  soient  sont  toujours 
nommées  ahimeUes  ;  on  n'en  doit  monter  aucune 
qui  ne  soit  «  bonne,  loyale  et  marchande,  non 
rompue  ne  cassée  ».  En  ce  qui  concerne  Vépée^ 
la  poignée  sera  «  de  boys  de  haistre  couvert  de 
fils  d'or,  d'argent,  soye,  sayette,  fouet  ou  peau 
de  chien  de  mer  ».  Les  gardes  ont  remplacé  les 
qiiiUons^  qui  ne  sont  point  nommés.  Le  pommeau 
ou  jj/o»î?/^^^  n'est  pas  cité  ;  il  est  vrai  qu'il  avait 
perdu  beaucoup  de  son  importance  :  le  chevalier 
n'y  faisait  plus  graver  sa  devise  ou  ses  armes,  il 
ne  l'employait  plus  en  guise  de  sceau,  n'y  enfer- 
mait plus  de  reliques,  ne  jurait  plus  sur  elles  et 
sur  lui  dans  les  grandes  occasions.  Le  mot  soie^ 
qu'emploient  souvent  les  fourl)isseurs,  désigne  la 
partie  de  la  lame  qui  enfile  la  garde,  l;i  poignée 
et  le  pommeau.  Les  fourreaux  ne  pouvaient  être 
que  «  de  boys  de  haistre  fait  à  la  plane  ». 

On  nommait  dague  une  épée  courte  dont  la 
lame  large,  épaisse  et  souvent  triangulaire,  était 
toujours  droite.  Dans  la  main  d'un  homme 
vigoureux,  elle  constituait  une  arme  terrible.  La 
dague  dite  à  rouelles  avait  une  garde  ronde  qui 
protégeait  presque  coiuplètement  la  main.  Les 
(lagueUes  élégantes  portées  à  la  ceinture  étaient 
de  véritables  poignards  dont  la  lame  ne  dépassait 
o-uère  25  centimètres  de  long'ueur. 

Il  est  à  peu  près  impossible  aujoiu'd'hui  de 
savoir  en  quoi  la  miséricorde  différait  de  la  dague. 
La  première  était  ainsi  appelée,  parce  qu'on  s'en 
servait  pour  égorger  le  cavalier  démonté,  et  que 
celui-ci  voyant  le  fer  levé  sur  lui,  s'empressait, 
paraît-il,  de  crier  miséricorde  !  «  Encores,  dit 
Claude  Fauchet  '  ,  avoit  le  chevalier  un  petit 
Cousteau  nommé  miséricorde,  pource  que  de  ce 
ferrement  volontiers  estoient  occis  les  chevaliers 
abbatus  ;  et  lesquels  voyant  telles  armes  en  la 
main  de  leurs  ennemis  demandoient  miséri- 
corde ». 

Le  braquemart  était  une  épée  courte,  à  lame 
large,  à  deux  tranchants  et  parfois  un  peu 
recourbée.  Il  ressemblait  fort  au  raalchis  et  au 
hadelaire,  qui  semblent  cependant  avoir  été  plus 
courts  encore.  Le  musée  de  Cluny  possède  le 
badelaire  dont  se  servait,  au  treizième  siècle,  le 
bourreau  du  Châtelet  pour  les  décapitations  ;  il  a 
0,79  de  longueur. 

h-àlance  était  l'arme  dislinctive  des  chevaliers  - . 

hA  pique  était  la  lance  des  fantassins  ■"'. 

La  hallebarde  de  guerre  n'avait  guère  que  deux 
mètres  de  hauteur. 

La  pertuisfltie  était  une  hallebarde  dont  la  lame, 
au  lieu  d'être  accompagnée  d'une  hachette  à  bords 
découpés,  présentait  le  plus  souvent  l'aspect  d'un 
croissant.  C'était,  ainsi  que  ïesponton  ou  demi- 
pique,  le  signe  du  commandement  dans  l'infan- 
terie. <<  En  arrivant  ici ,  écrit  Dangeau  ^  , 
Monseiorneur  vit  toute  l'infanterie  en  bataille  sous 


•   J)e  l'origine  des  chevaliers,  p.  40. 
-  ^'oy.  ci-des.sous  l'art.   Lanciers. 
^  \'oy.  ci-des.sou.s  l'art.  Piquiers. 
i  Journal,  4  juin  1690,  t.  III,  p.  139. 


340 


FOURBISSEURS 


une  ligne  à  quatre  de  hauteur,  tous  les  officiers 
avec  des  pertuisanes  ou  des  espontons  ». 

h&  javeline  avait  cinq  pieds  et  demi  de  long, 
et  était  armée  d'un  fer  triangulaire.  Sous  Henri 
IV,  deux  compagnies  de  chevau-légers  portaient 
le  pistolet  et  la  javeline. 

La  guisarme.  le  fauchart,  la  hallebarde,  la 
corsèque,  la  perlv.isane  et  le  vouge  ne  différaient 
o-uère  les  uns  des  autres  que  par  le  dessin  de  leur 
fer.  Au  seizième  siècle,  le  vouge  était  surtout 
employé  par  l'infanterie  suisse. 

Vépieu  était  une  arme  de  piéton  et  avait  environ 
un  mètre  de  longueur.  Il  se  composait  d'un  lourd 
l)àton  ferré  qui  était  terminé  par  un  fer  large, 
épais,  pointu  et  tranchant.  A  dater  du  milieu  du 
seizième  siècle,  on  ne  s'en  servit  plus  guère  que 
pour  la  chasse. 

Les  variétés  de  la  hache  d'armes  sont  innom- 
lirables.  En  général,  on  la  trouve  formée  d'un 
f<T  large  et  tranchant,  auquel  est  opposé  une 
pointe  ou  un  marteau  :  cavaliers  et  fantassins  la 
portaient  également. 

La  masse  d'armes  a  la  massue  pour  origine. 
Elle  représentait  souvent  un  pesant  cylindre  armé 
de  pointes.  Les  gendarmes  conservèrent  la  masse 
jusqu'au  milieu  du  seizième  siècle,  époque  oii 
elle  fut  remplacée  par  le  pistolet  d'arçon.  Les 
marteauir,  \ef<  plomme'es.  les /7(^«m^  sont  des  armes 
de  même  nature  que  la  masse.  La  plommée  se 
composait  d'un  certain  nombre  de  chaînes 
terminées  chacune  par  im  fort  lingot  de  plomb  ; 
les  cliaînes  éljiient  réunies  dans  un  anneau  qui 
se  reliait  lui-même  à  un  manche  solide.  Le  fléau, 
simplification  de  la  plommée,  n'avait  ordinai- 
rement qu'une  seule  chaîne. 

Nous  venons  de  voir  que  les  fourbisseurs 
confectionnaient  les  fourreaux  d'épée,  mais  je  ne 
crois  pas  qu'ils  aient  jamais  forgé  aucune  lame. 
Antérieurement  au  seizième  siècle,  aucun  des 
nombreux  documents  que  j'ai  eus  sous  les  yeux 
n<>  h^ur  altribuf  ce  droit,  et  à  partir  de  cette 
époque,  le  doute  n'est  plus  possible,  car  les  statuts 
accordés  aux  couteliers  en  1565  autorisent  ces 
derniers  à  fabriquer  des  alunielles  de  toutes 
dim«'usions,  fers  de  hallebardes,  pertuisanes,  etc. 
Quant  aux  manches  des  lances,  piques,  espontons, 
hidlcbardcs  v{  autres  armes  d'hast,  ils  étaient 
l'œuvre  (h's  menuisiers,  qui  devaient  les  faire 
«  dt»  l)ois  de  fil,  .sain  et  vif,  ?ans  aucun  nœud, 
pHrfailenienl  bien  dressé  et  arrondi,  le  fer 
propi-i'iuffit  f't  solidement  ajusté,  serré  et  cloué 
nu  bfiiit  •  ».  Les  fourbisseurs  se  bornaient  donc 
n  fourliir,  monliM-,  garnir,  et  au  besoin  à  <h)rei', 
ciseliT  i-l  damasquiner  b-s  armes  blanches.  Ils 
nvnieiil  aussi  le  privilège  de  dorer,  argenlei-, 
eiseler.  gniver  el  diiinasquiner  leurs  produits  -. 
Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  [)lus  de 
deiix  apprentis,  cl  la  durée  de  l'apprentissage 
elail  de  riiiq  ans. 

Kndeliors  (les  fils  de  maître,  même  nés  avant 
la  maîtrise  de  leur  père,  nid  ne  devait  être  admis 
a  la  maîtrise  avant  d'avoir  parfait  le  chef-o'œuvre. 
(ielui-ci  était  choisi  par  tous  les  anciens  jurés  et 

'  SlnlnUd.'  17J3.  art.  80. 

>  Sla'.iils  Ho  1627,  nrt.  14,  35,  36  H  40. 


jugé  par  les  quatre  derniers,  assistés  des  quatre 
alors  en  charge.  Les  maîtres  des  faubourgs  qui 
se  présentaient  pour  exercer  à  Paris  étaient 
tenus  seulement  de  V expérience.  Les  compagnons 
arrivant  de  prbvince,  et  y  ayant  servi  trois  ans, 
pouvaient  être  reçus  à  la  maîtrise  après  avoir  servi 
encore  trois  ans  à  Paris,  mais  le  chef-d'œuvre 
était  exigé  d'eux. 

Deux  boutiques,  à  tour  de  rôle,  restaient 
ouvertes  chaque  dimanche.  , 

Tout  compagnon  voulant  quitter  son  maître 
devait  le  prévenir  un  mois  d'avance. 

La  veuve  d'un  maître  pouvait,  tant  qu'elle  ne 
se  remariait  pas,  continuer  le  commerce  de  son 
mari. 

Quelques  modifications  furent,  dans  la  suite, 
apportées  à  ces  statuts. 

En  1701,  le  commerce  allait  mal,  les  maîtres 
n'arrivaient  pas  à  «  gagner  leur  vie,  par  la 
misère  du  tems,  même  par  le  trop  grand  nombre 
des  maîtres  qui  ont  été  reçus  depuis  très  peu  de 
tems,  ce  qui  les  met  hors  d'état  de  pouvoir 
subvenir  aux  besoins  et  misères  de  leur  famille)^. 
Par  sentence  du  12  mai,  il  leur  fut  interdit  de  faire 
plus  d'un  apprenti  en  dix  ans.  On  espéra  ainsi 
empêcher  «  l'accroissement  d'un  trop  grand 
nombre  de  maîtres,  qui  étant  déjà  au  nombre  de 
200,  est  plus  considérable  qu'il  ne  convient,  à 
cause  que  la  plupart  manque  d'ouvrage  ». 

En  mai  1707,  quatorze  articles  additionnels 
réglèrent  plusieurs  questions  de  détail  intéressant 
la  corporation.  J'y  lis,  par  exemple,  que  les  jurés 
seront  tenus  de  se  rendre  au  bureau  tous  les 
jeudis,  et  d'y  rester  depuis  trois  heures  jusqu'à 
six  «  pour  agir  sur  tout  ce  qui  concernera  la  com- 
munauté ». 

Enfin,  une  sentence  de  police  du  28  avril 
1724  défendit  d'élire  aucun  juré  qui  n'eût  au 
moins  dix  années  de  maîtrise.  Ce  laps  était 
cependant  réduit  à  six  ans  pour  les  fils  de  maître. 

11  y  eut  presque  toujours  au  moins  un  fourbis- 
seur  parmi  les  artistes  logés  au  Louvre.  Au 
commencement  du  dix-septième  siècle,  la  place 
était  occupée  par  Henri  Petit,  qui  est  qualifié 
de  «  fourbisseur ,  doreur  et  damasquineur  * . 
Après  sa  mort,  son  atelier  et  son  logement  furent 
accordés  (10  décembre  1682)  à  Jean  Revoir,  «  en 
considération  de  l'expérience  qu'il  s'est  acquise 
dans  son  mestier,  et  de  ce  qu'aucun  de  ceux  de 
sa  profession  n'a  ozé  disputer  avec  luy  de  sa 
capacité  ^». 

Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nombre 
des  maîtres  fourliisseurs  était  de  240  environ  '. 
Ils  s'intitulaient  officiellement  fiiurhisseurs - 
(jarnissenrs  d'épées.  A  cette  époque  le  bois  de 
hêtre  destiné  aux  fourreaux  était  tiré  presque 
exclusivement  de  la  forêt  de  Villers-Cotterets. 

L'édit  de  1776  réunit  en  une  seule  commu- 
nauté les  couteliers,  les  arquebusiers  el  les 
fourbisseurs. 


'   Correspondance  de  Culbert,  t.   V,  p.  527. 

2  Archives  de  l'art  français,  t.  I,  p.  233,  et  t.  III, 
p-  192.  Ce  Revoir  esf  nommé  Révaire  dans  lo  Livre 
commode  pour  1692,  t..  1,  p.  261. 

•'  Savary,  Dictionnaire,  l.  II,  p.  424. 


F0URBISS1<:URS  —  FOURREURS 


341 


Ces  derniers  avaient  pour  patron  saint  Jean- 
Baptiste,  dont  ils  célébraient  la  fêle  le  24  juin 
en  l'église  des  Auguslins.  Le  bureau  était  situé 
rue  de  la  Pelleterie. 

Fourmagiers.  Nom  que  la  Tuille  (Je  1202 
donne  aux  tniniag-ers. 

Fournalistes.  Sortes  de  potiei's  de  terre 
qui  avaient  la  spécialité  des  l'ourneaux,  creusets, 
cornues,  etc.  à  l'usage  deschiniistes,  desaftineurs, 
des  fondeurs,  des  distillateurs,  etc.  On  lit  dans 
Le  Livre  commode  pour  1692  ^  :  «  Les  faiseurs 
de  fourneaux  et  de  creusets  servant  à  la  chimie 
demeurent  place  de  l'hôtel  de  Conty,  rue  Maza- 
rini,  et  au  faubourg  Saint-Jacques.  » 

Au  mois  d'avril  1701,  ils  furent  constitués  eu 
communauté  sous  le  nom  de  fournalistes,  et  leur 
nombre  limité  à  dix  maîtres.  Ils  étaient  adminis- 
trés par  deux  jurés.  La  durée  de  l'apprentissage 
était  fixée  à  cinq  ans  et  celle  du  compagnonnage 
à  trois  ans. 

Fourniers.  Jusqu'au  quatorzième  siècle, 
les  Parisiens  furent  tenus  de  faire  cuire  leur  pain 
au  four  seigneurial,  dont  le  revenu  était  concédé, 
moyennant  redevance,  à  des  tenanciers  appelés 
fourniers.  La  Taille  de  1292  cite  94  fourniers,  et 
celle  de  1300  en  cite  69  ;  dans  ce  nombre  figurent, 
par  exemple,  le  fournier  de  Sainl-Magloire  et 
celui  de  Saint-Martin  des  Champs,  qui  exploi- 
taient les  fours  banaux  de  l'abbaye  et  du  prieuré. 
Mais  les  Tailles  semblent  désigner  aussi  sous  le 
nom  de  fourniers  les  garçons  boulangers,  jfe, 
copie  ces  deux  lignes  dans  la  Taille  de  1292  : 

Andri  Fortin,  talemelier  ^. 

Gruillaume  le  Lorrain,  son  fornier  ^ . 

Les  principaux  fours  banaux  de  Paris  étaient 
alors,  ceux  de  la  Juiverie  et  de  Sainte-Aure,  dans 
la  Cité  ;  le  four  de  la  Couture.,  près  de  Saint- 
Eustache  ;  le  four  Gauquelin,  dans  la  rue  de 
l'Arbre-Sec,  etc.,  etc. 

Les  boulangers,  aussi  bien  que  les  particuliers, 
étaient  soumis  à  l'obligation  de  porter  leur  pain 
au  four  seigneurial.  Philippe-Auguste,  par  une 
ordonnance  dont  on  n'a  que  le  dispositif,  autorisa 
tous  ceux  du  domaine  royal  à  cuire  chez  eux. 
Enfin,  en  1305,  Philippe-le-Bel  permit  à  chaque 
Parisien  de  cuire  son  pain  dans  sa  propre  maison. 
Ceci  prouve  avec  évidence  que  tout  ménage  bien 
monté  possédait  un  four  ;  il  ne  servait  donc 
jusque-là  qu'à  faire  de  la  pâtisserie. 

Dans  beaucoup  de  provinces,  les  droits  de 
banalité  furent  supprimés  durant  le  seizième 
siècle.  La  loi  du  17  juillet  1793  annula  toutes 
les  banalités  seigneuriales  ou  autres. 

Fournisseurs  du  roi  ou  des  princes. 

Les  brevets  qui  accordaient  ces  titres  fort  enviés 
étaient  ordinairement  conçus  en  ces  termes  : 

«  Aujourd'huy  vingt  juin  mil  sept  cent  quatre 
vingt  neuf,  le  Roi  étant  à  Marly,  ayant  égard 


1   Tomo  II,  p. 
-  Boulangei'. 
3  Fournier. 


au  désir  que  madame  Victoire  *  lui  a  témoigné 
que  Sa  Majesté  voulut  bien  accorder  au  sieur 
Antoine  Meunier,  fabricant  de  chocolat  à  Paris, 
le  litre  de  fabricant  de  chocolat  de  cette 
Princesse,  et  voulant  donner  en  même  tems 
audit  sieur  Meunier  une  marque  de  sa  bien- 
veillance :  Sa  Majesté  a  déclaré  et  déclare, 
veut  et  entend  que  dans  toutes  les  assemblées 
et  en  tous  actes  publics  et  particidiers,  et  tant  en 
jugement  que  dehors,  ledit  sieur  Meunier  puisse 
se  dire  et  qualifier  du  titre  de  fabricant  de 
chocolat  de  Madame  Victoire  de  France  ;  lui 
permettant  Sa  Majesté  de  prendre  ledit  titre, 
même  de  le  faire  inscrire  sur  son  tableau,  sans 
que,  pour  raison  de  ce,  il  puisse  être  troublé 
ou  inquiété  pour  quelque  cause  et  sous  quelque 
prétexte  que  ce  soit.  Et  pour  assurance  de  sa 
volonté,  sa  Majesté  m'a  commandé  d'expédier  le 
présent  brevet,  qu'elle  a  signé  de  sa  main  et/ait 
contresigner  par  moi  conseiller  secrétaire  d'Etat 
et  de  ses  commandements  et  finances. 

Louis.  » 

Fourreliers.  Faiseurs  de  fourreaux.  Ils 
étaient  associés  aux  gainiers  et  n'employaient, 
comme  eux,  que  le  cuir  bouilli.  Ils  se  bornaient, 
d'ailleurs,  à  garnir,  à  revêtir  les  fourreaux  faits 
soit  de  bois,  soit  de  métal. 

Le  Livre  des  me'tiers  ^  écrit  furrelier s. 

Voy.  Gainiers. 

Fourreurs.  La  corporation  des  pelletiers  ^ 
était  constituée  dès  1183,  car  à  cette  date 
Philippe  -  Auguste  lui  accorda,  moyennant 
soixante-treize  livres  de  cens,  dix-huit  maisons 
confisquées  sur  les  juifs,  qu'il  venait  d'expulser  *. 
Ces  maisons  étaient  situées  près  du  Palais,  dans 
une  rue  qui  ne  tarda  pas  à  prendre  le  nom  de  rue 
de  la  Pelleterie.  Devenue  ensuite  rue  de  la  Vieille- 
Pelleterie.,  une  partie  du  quai  aux  Fleurs  et  du 
tribunal  de  commerce  actuels  ont  été  établis  sur 
son  emplacement. 

Au  siècle  suivant,  les  pelletiers  sont  men- 
tionnés dans  le  Dictionnaire  de  Jean  de  Gar- 
lande,  dont  je  parlerai  tout  à  l'heure.  Ils  ne 
soumirent  cependant  pas  leurs  statuts  à  l'homo- 
logation du  prévôt  Etienne  Boileau,  et  n'ont 
point  dès  lors  de  chapitre  spécial  dans  le  Livre 
des  métiers.  De  courtes  mentions,  éparses  un  peu 
partout  dans  ce  recueil,  fournissent  seules  sur 
leur  compte  qnelques  détails  précieux. 

Le  métier  jouissait  du  droit  de  hauban  '',  pour 
lequel  chaque  maître  payait  une  somme  de  six 
sous  huit  deniers.  La  faculté  de  s'établir  s'achetait 
onze  deniers  au  roi.  Mais  le  roi  avait  concédé 
une  partie  des  revenus  et  la  juridiction  profession- 
nelle des  pelletiers  à  son  grand  chambrier. 

La  Taille  de  1292  mentionne  214  pelletiers, 
celle  de  1300  en  cite  344.  L'aristocratie  du  métier 
paraît  avoir  été  représentée  par  les  fourreurs  de 


1  l^'ille  do  Louis  X\',  marte?  en  juin  1799. 

2  Titre  LXV. 

3  'DïiA  pellicerii,  pellifices,  pellijtarii,  peletiers,  pelllciers. 


etc. 


'*  Sauvai,  Antiquités  de  Paris,  t.  II,  p.  477. 
»  Voy.  cet  article. 


342 


FOURREURS 


robes  de  vair  que  la  Taille  de  1313  nomme 
courroueurs  de  panne  '  vere,  et  une  piece_  du 
qualojzième  siècle  ^  conreenrs  de  robes  mires. 
Dès  1318,  ils  avaient  fondé,  en  dehors  de  toute 
préoccupation  religieuse,  une  véritable  société 
de  secours  mutuels  dont  j"ai  parlé  ailleurs  3. 

J'ai  dit  qu'il  y  avait  à  Paris  214  pelletiers- 
fourreurs  en  1292  et  344  en  1300;  on  n'y 
comptait  à  la  première  de  ces  dates  que  19 
drapiers  et  5G  à  la  seconde.  L'énorme  dispro- 
portion qui  existe  entre  ces  chiffres  permet  de 
conclure  que  le  drap  était  encore  à  cette  époque 
une  étoffe  de  luxe,  tandis  que  les  fourrures  et  les 
peaux  servaient  de  vêtements  aux  personnes  de 
toutes  les  conditions.  Du  douzième  au  quator- 
zième siècle,  la  vogue  des  fourrures  ne  fit  que 
s'accroîlre,  et  l'on  n'en  usait  pas  avec  le  ménage- 
ment qu'on  y  met  aujourd'hui,  même  dans  les 
maisons  les  plus  riches  ;  un  roi  qui  n'était  pas  un 
prodigue,  Piiilippe  le  Long,  employa  dans  le 
second  semestre  de  l'an  1316,  pour  la  fourrure 
de  ses  vêtements,  6.364  ventres  de  petit-gris  *. 

Les  couvre-pieds,  les  couvertures  des  lits 
étaient  faits  de  pelleteries  •'',  et  l'on  en  portait  en 
tout  temps.  Il  semble  bien  qu'au  moyen  âge, 
le  costume  ne  variait  pas  suivant  les  saisons. 
S'il  faisait  froid,  l'on  ajoutait  un  ou  plusieurs 
vêti'nienls  à  ceux  de  dessous  ;  on  les  supprimait 
quand  la  température  s'adoucissait. 

Il  est  difficile  de  s'expliquer  comment  nos 
aïeux  pouvaient  supporter  des  haljits  aussi 
chauds,  car  durant  les  treizième  et  quatorzième 
sit'ch's,  l'on  se  couvrait  de  pelleteries  l'été  comme 
riiiver.  Dans  celte  dernière  saison,  il  n'est  pas 
rare  de  voir  figurer,  à  l'article  d'un  seul  costume, 
deux  ou  trois  vêlements  qui  se  mettaient  les  uns 
sur  les  autres,  et  qui  tous  étaient  doublés 
d'épaisses  fourrures.  Pour  soutane,  les  ecclésias- 
li([Uf's  portaient  un  pelùson^  ample  vêtement 
fornii-  de  pelleteries  enfermées  entre  deux  étoffes; 
au  UKiment  d'officier,  ils  le  recouvraient  d'une 
tunique  llotlanle  de  lin,  qui  prit  le  nom  de 
surplis,  super  pelles  ou  super  pellicium. 

Jean  de  (Jarlande  nous  apprend  que,  de  son 
l<MMps  (vers  1250  ,  les  fourreurs  employaient 
surtout  les  peaux  d'agneau,  de  chat,  de  renard, 
(le  lièvre,  de  lapin,  d'écureuil,  d'hermine,  de 
loulrt-,  de  i)»'h'||c,  depetil-gris,  de  martre-zibeline 
••l  tli-  Inir  ".  (Jii  pciil  y  ajouter  le  chien,  le  loup, 
le  daim,  hi  chèvre  et  le  chevreau,  la  genette, 
le  blaireau,  la  fouine  et  le  mouton.  Le  Livre  des 
mf'tierx  '  cite  dans  le  chapitre  concernant  «  toute 
manière  de  pelolerie  ^>  : 


Le  vair. 

Les  eMMiriaiix. 

Les  lievros. 

Les  cnnnins  [lapins). 


Le  clievrrl  [ckevreiùl) . 
L'aignel  [agneau). 
Le  mouton. 
Les  brebis. 


'   P'ii»r,  iMHHt,  priuif.  sijrni|i„i,.|,t  f,,mii 
>  Publiic    par    (}.     IVi-pin;;,      OnU 
Htrltrrt,  p.   .|26. 
'    VoV     ri..|,.s.s 


.•ppiIlM;, 
'irl.  Hiinfiiisfini' 


*  f.'iimptr,  tie  fioifrny  He  Flriiri.  p 

*  \'>y    l.t  mrnngitr  ilr  l>„ris.   I     | 
••  IHflionari*.t,  p.  2r(. 

"  l)'•tui^nu•  jiartic,  lili-p  XXX. 


eliitires    aux 
1.-). 


•  ((]':uviv 

Il   rt    12. 

I>.    Itiî)  ri    172 


Le  chat  sauvage. 
Le   chat   de   feu   ou    de 
fouier  [de  foyer). 


La  loire  [loir). 
Le  rosereul  [hermine). 
Les  gourpiz  \renards). 
La  faine  [fouine). 

Le  Ménagier  de  Paris  *  enseigne  aux  bonnes 
ménagères  le  moyen  de  remettre  à  neuf  les 
fourrures  avariées,  durcies  par  la  pluie.  11  leur 
recommande  de  les  arroser  avec  du  vin  mêlé  à  de 
la  fleur  de  farine  ;  on  laissait  sécher,  puis  on 
frottait  le  poil  jusqu'à  ce  qu'il  eût  repris  son 
lustre  et  sa  souplesse. 

A  dater  de  la  fin  du  quatorzième  siècle,  les 
pelleteries  sont  peu  à  peu  remplacées  dans  le 
costume  par  les  étoffes  de  soie  ou  de  laine.  Soit 
que  l'usage  général  les  ait  rendues  plus  rares  et 
plus  chères,  soit  caprice  de  la  mode,  l'habitude 
des  fourrures  n'existait  plus  guère  sous 
Charles  VII  que  dans  les  familles  très  riches. 
L'importance  des  pelletiers  suivit  la  même 
marche  décroissante  ;  aussi  s'efforcent-ils,  dès 
lors,  de  se  rattacher  en  toute  circonstance  au 
passé,  où  on  les  avait  connus  si  nombreux  et  si 
prospères.  Ils  prétendaient,  sans  pouvoir  en 
fournir  aucune  preuve,  avoir  occupé  autrefois  le 
premier  rang  dans  les  Six-Corps  -  ;  mais,  tout 
en  disputant  sans  cesse  le  troisième  aux  merciers, 
ils  durent  se  contenter  du  quatrième.  Encore 
obtinrent-ils  sans  doute  cet  honneur  en  raison 
de  leur  ancienne  opulence  ;  car,  dit  Sauvai  ^, 
«  il  est  certain  que  si  les  Six-Corps  avoient  à  se 
faire  valoir  pour  le  bien,  les  pelletiers  seroient 
obligez  de  prendre  le  bas  ».  Nous  les  verrons 
plus  loin  refuser  de  remplacer  leurs  anciennes 
armoiries  par  de  nouvelles,  et  ils  conservèrent 
comme  un  tilre  de  gloire,  la  qualification  de 
Jiaubaniers,  alors  que  tous  les  métiers  qui  avaient 
eu  jadis  droit  à  ce  titre  y  avaient  depuis 
longtemps  renoncé. 

Il  existait  alors  une  distinction  entre  les 
pelletiers  et  les  fourreurs.  Les  premiers  faisaient 
le  commerce  des  peaux  de  toute  provenance,  les 
seconds  se  bornaient  à  coudre,  à  doubler, 
à  bonhu"  de  fourrure  les  vêtements.  Henri  III 
réunit  «  en  un  seul  corps,  métier  et  commu- 
nauté »  ces  deux  corporations,  et  il  leur  accorda 
en  lâSG  de  nouveaux  statuts  qui,  souvent  revus 
et  confirmés  dans  la  suite,  régirent  la  commu- 
nauté jusqu'à  la  Révolution. 

Le  21  mai  de  cette  année,  les  pelletiers- 
fourreurs,  alors  au  nombre  de  31  seulement,  se 
réunirent  «  soubs  les  charniers  du  monastère  des 
Rillettes  »,  et  approuvèrent  les  statuts  qui 
venaient  d'être  rédigés  pour  eux. 

Les  maîtres  y  sont  qualifiés  de  «  marchands 
pi'lli'iici's,  haubaniers,  fourreurs  ».  Ce  dernier 
nom  prévalut  sur  le  premier,  à  leur  grand 
désespoir  ;  «  il  leur  déplaît  si  fort,  dit  Sauvai  *, 
([u'il  ne  tient  pas  à  eux  que  la  rue  des  Fourreurs, 
nù  ils  demeurent  la  plupart,  ne  s'appelle  la  rue 
des  Pelletiers  ».  Ils  ne  s'y  étaient  établis  que 
vers  le  commencement  du  seizième  siècle,  mais 


'   (".unipost'  vers  1303.  \o\.  le  t. 

^   \  ii\'.  cet  article. 

•■'  rt  V  'Poiiio  II,  ],.  477. 


n, 


00. 


FOURREURS  —  FOURRIÈRE  ROYALE 


343 


ils  y  restèrent.  L'apprentissage  durait  quatre 
ans  et  était  suivi  de  quatre  ans  de  CDmpa- 
gnonnage.  Les  tils  de  maître  étaient  dispensés 
de  l'apprentissage,  du  compagnonnage  et  du 
chef -(T  œuvre. 

Des  statuts  additionnels,  rédigés  en  juillet 
1621  par  les  30  maîtres  établis  à  Paris,  déci- 
dèrent que  chaque  maître  ne  pouri-ait  avoir 
à  la  fois  deux  apprentis.  Ils  nous  fournissent 
aussi  une  liste  assez  curieuse  des  pelleteries  le 
plus  employées  à  cette  époque. 

Au  début  du  règne  de  Louis  XIV,  le  commerce 
de  la  pelleterie  était  tombé  si  bas  que  plusieurs 
maîtres,  réduits  à  la  misère,  demandèrent  à 
travailler  comme  ouvriers  dans  les  maisons  qui 
parvenaient  à  se  soutenir.  Des  lettres  patentes  du 
mois  de  décembre  1648  *  nous  apprennent  que 
«  les  marchands  pelletiers  qui  ont  moyen  de 
subsister  et  de  continuer  leur  trafic,  meus  de 
charité  envers  leurs  pauvres  confrères  »,  se 
réunirent  et  convinrent  «  que  les  riches  et 
accommodez  dudit  métier  seroient  tenus  d'em- 
ployer et  faire  travailler  à  l'advenir  en  leur 
commerce  et  manufacture  lesdits  pauvres  mar- 
chands qui  voudront  s'assujétir  à  travailler  pour 
autruy  ». 

Le  nombre  des  pelletiers-fourreurs  était  de 
47  en  1725,  de  50  en  1770,  et  de  60  environ 
en  1777. 

Le  bureau  de  la  corporation  était  situé  rue 
Bertin-Poirée.  Les  maîtres  avaient  adopté  le 
patronage  du  Saint-Sacrement  et  celui  de  la 
Vierge,  qu'ils  fêtaient  le  jour  de  sa  Nativité  "^. 
Dès  1394,  les  ouvriers  possédaient,  à  l'église 
Saint-Germain  l'Auxerrois,  une  confrérie  en 
l'honneur  de  saint  Germain  et  de  saint  Vincent^. 

Les  pelletiers  avaient  pour  armoiries  :  D^azur, 
à  un  agneau  'pascal  cV argent  passant  sur  une 
terrasse  de  simple.,  ayant  la  tête  contournée  et 
couronnée  d'un  cercle  de  lumière  d^or,  portant  une 
croix  aussi  d'or,  dont  la  banderole  de  gueules  est 
croisée  dargent  *.  L'écu  était  soutenu  par  deux 
hermines  d'argent  et  surmonté  d'une  couronne 
ducale,  que  les  pelletiers  disaient  «  tenir  d'un 
ancien  duc  de  Bourbon,  comte  de  Clermont,  qui 
avoit  été  leur  protecteur  ».  Il  avait  été  plus  que 
leur  protecteur,  et  le  don  de  cette  couronne 
remontait  sans  doute  au  règne  de  Charles  V,  car 
nous  trouvons  alors,  remplissant  les  fonctions  de 
grand  cliambrier,  Louis  l*^*",  duc  de  Bourbon  et 
comte  de  Clermont.  En  1629,  lorsque  la  muni- 
cipalité de  Paris  accorda  aux  Six-Corps  de 
nouvelles  armoiries,  les  pelletiers  refusèrent  de 
les  accepter  et  tinrent  à  conserver  celles  que  la 
tradition  leur  avait  léguées.  La  couronne  ducale 
était  peut-être  bien  pour  quelque  chose  dans 
cette  détermination  ;  et  puis,  les  armoiries  concé- 
dées par  la  Ville  à  la  corporation  portaient  quatre 
navires  d'argent,  emblèmes   du  quatrième  rang 

1  Manuscrits  Delaniai-re,  arts  et  métiers,  t.  \l\\, 
p.  116. 

2  Voy.  Le  Masson,  p.  49  et  85  ;  1  ai-ticle  5  des  statuts 
de  1621  ;  VAlmanach  Dauphin,  art.  pelletiers. 

3  Voy.  Ordonii.  royales,  t.  VII,  j».  686. 

4  Armoriai ijénéral,  t.  XXIII,  p.  426. 


occupé    par  elle   dans   les  corps  privilégiés,   et 
contre  le([uel  elle  ne  cessa  jamais  de  protester. 

Voy.  Courroueurs  de  panne  vere.  — 
Maître  des  fripiers  ei  Bienfaisance 
(CEÎuvres  de). 

Fourreurs  de  chapeaux.  Ils  ornaient 
de  riches  fourrures  les  chapeaux  de  feutre,  fort  à 
la  mode  au  treizième  siècle,  et  garnissaient  d'une 
manière  moins  luxueuse  les  bonnets  qui  se 
portaient  sous  le  haume  ou  casque  pour  protéger 
la  tête.  Ils  formaient  déjà,  sous  le  nom  de 
fourreurs  et  garnisseurs  de  chapiaux  une  corpo- 
ration particulière  dont  nous  possédons  les 
statuts  1 .  On  y  voit  que  : 

Trois  conditions  étaient  exigées  pour  s'établir. 
D'abord  payer  au  roi  cinq  sous  et  aux  jurés  de 
la  communauté  trois  sous  ;  ensuite,  prouver  que 
l'on  possédait  une  somme  suffisante  et  que  l'on 
connaissait  bien  le  métier  :  «  qu'il  saiche  fere  le 
mestier  et  il  a  de  quoi  ».  La  preuve  de  capacité 
consistait  à  «  fourrer  de  touz  poius  un  chapel  ». 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  que 
deux  apprentis,  et  la  durée  de  l'apprentissage 
était  de  cinq  ans  au  moins. 

Il  était  interdit  de  travailler  à  la  lumière, 
«  puis  que  chandeilles  soient  allumées  ». 

La  corporation  était  administrée  par  deux 
jurés. 

Comme  condition  de  fabrication,  on  exigeait 
qu'une  seule  qualité  de  fourrure  fût  employée 
pour  un  même  chapeau,  «  aussi  bonne  dedans 
comme  par  dehors,  soit  ou  tout  viez  ou  tout 
nuef  ».  En  outre,  tout  fourreur  qui  recevait  un 
chapeau  défectueux  devait  le  remettre  entre  les 
mains  d'un  des  jurés  des  chapeliers. 

Ces  statuts  furent  confirmés,  sans  aucun 
changement,  par  Charles  IV  en  mars  1324,  à  la 
demande  des  intéressés,  «  ad  supplicacionem 
mercatorum  et  fourratorum  cappellorum  de 
fultro  Parisius  ^  ». 

Je  ne  les  trouve  plus  ensuite  mentionnés  nulle 
part. 

J'ai  omis  de  dire  que  la  Taille  de  1300.,  qui 
seule  mentionne  les  fourreurs  de  chapeaux,  en 
enregistre  trois. 

Fourreurs  de  poulaine.  Celte  fourrure, 
que  je  trouve  citée  dans  un  compte  du  quator- 
zième siècle  ^,  était,  dit  Ducange,  une  importa- 
tion de  la  Pologne,  «  pellis  ex  Polonia,  unde 
nomen,  advecta  *  ».  C'est  tout  ce  que  j'en  sais. 

Fourrière  royale  (Service  de  la).  «  Les 
fonctions  des  officiers  de  fourrière  sont  de  fournir 
tout  le  bois  de  chauffage  de  la  maison  du  Roy  ; 
ils  fournissent  aussi  le  charbon  nécessaire  et  la 
paille.  Ils  ont  les  premières  entrées,  puisqu'ils 
vont  même  allumer  le  feu  dans  la  chambre  du 
Roy  un  moment  avant  qu'on  éveille  Sa  Majesté. 


1  Livre  (les  métiers,  titre  XCIV. 

2  Dans  les  Onlonn.  royales,  t.  XI,  p.  493. 

3  Douët-d'Arcq,  Aoueeaux  cumptes,   p.  248. 
i  Glossariiim,  x"  poulainia . 


344 


FOURRIÈRE  ROYALE  -  FRAIS1<:S 


Ils  ont  aussi  soin  de  continuer  de  faire  les  feux  de 
l'appartement  du  Roy  pendant  toute  la  journée, 
et  restent  au  petit  coucher. 

Us  mettent  de  droit  Monseigneur  le  Dauphm 
à  table. 

Lorsque  le  Roy  ou  Monseigneur  ont  besom  de 
prendre  un  bain  dans  la  chambre  ou  de  se  laver 
seulement  les  pieds,  c'est  aux  officiers  de  four- 
rière à  faire  cliaufier  et  à  verser  l'eau  chaude. 
Le  Ruv  ou  Monseigneur  étant  au  bain,  dans  le 
moment  qu'il  faut  brûler  ou  exhaler  quelques 
senteurs,  c'est  à  un  officier  de  fourrière  à  tenir  la 
pelle  chaude  sur  laquelle  on  répand  ces  parfums. 

S'il  arrivoit  que  le  Roy  mangeât  avec  un  autre 
Rov  ou  Reyne,  le  Roy  de  France  faisant  les 
honneurs  de  sa  maison  céderoit  à  cette  autre 
Tête  couronnée  son  cadenat,  son  capitaine  des 
ganle.s  et  son  porte-fauteuil  :  ce  seroit  pour  lors 
aux  ofticiers  de  fourrière  à  mettre  à  table  le  Roy 
de  France,  c'est-à-dire  à  présenter  à  Sa  Majesté 
Très-Clirélienne  son  fauleuil.  el  à  le  lui  retirer  à 
la  fin  du  repas  '  ». 

La  fourrière  se  composait  de  : 
Vingt  chefs. 
Quinze  aides. 
Un  délivreur  de  bois. 
Un  porteur  de  bois. 
Trois  garçons  d'office. 
Quatre  porte-table. 
Un  menuisier. 
Plusieurs  garçons. 

Deux  porte-chaise  d'affaires,  chargés  de  faire 
le  service  de  la  chaise  percée  du  roi. 
Voy.  Maison  royale. 

Fourriers  des  log-is  de  la  cour.  Ils 

étiiient  au  nombre  de  quatre,  et  leurs  fonctions 
consistaient,  dit  (îuyot  -,  <<  à  faire  des  visites 
dans  les  maisons  des  villes  et  villages  où  doit 
loger  le  Roi  avec  sa  suite.  Ils  doivent  ensuite  faire 
le  rapport  de  lems  opérations  au  maréchal-des- 
logis  par  lequel  ils  sont  commandés  -,  et  sur  la 
distinction  que  cet  officier  fait  des  maisons  dont 
il  s'agit,  les  fourriers  vont  y  poser  la  craie. 

Celte  craie  est  un  caractère  particulier  aux 
maréchaux-des-logis  du  Roi,  pour  désigner  la 
drsliiiatiori  qui  est  faite  des  maisons  auxquelles 
on  l'applique. 

La  plus  grande  distinction  en  craie  est  ce 
qu'on  appelle  avoik  i.e  pour  ;  c'est-à-dire,  qu'on 
écrit  m  craie  sur  la  porte  d'une  maison  le  nom 
(le  la  personne  ù  qui  celle  maison  est  destinée, 
en  faisiinl  précéder  le  mot  pour:  pour  le  Roi,  pour 
la  Wine,  pour  M.  le  Dauphin,  pour  M.  le  duc 
d'OrU'ans,  elc. 

Cet  honneur  n'est  accordé  qu'aux  princes  et 
aux  princesses  du  sang  ou  légitimés,  el  à  quel- 
aues  autres  princes,  l.ds  que  ceux  des  maisons 
de  Lorraine,  de  HouiJh.n,  d.'  Rohan,  aux  cardi- 
naux el  à  M.  le  Chanceli.-r. 

Le  POUR  est  pareillement  accordé  aux  ambas- 


•  Tniilf  dts  offcm,  t.  I,  |,.  CIO. 


sadeurs  lorsqu'il  leur  est  assigné  un  quartier 
dans  un  lieu  où  n'est  pas  la  personne  du  Roi. 
Mais  les  envoyés  n'ont  pas  cette  distinction. 

Il  faut  remarquer  que  le  premier  pour,  tel  que 
celui  du  Roi  ou  de  la  Reine,  anéantit  les  autres 
pour  qui  s'appliquent  à  la  même  maison. 

Observez  d'ailleurs  qu'il  n'y  a  que  les  maré- 
chaux et  les  fourriers-des-logis  du  Roi,  qui 
puissent  marquer  les  maisons  en  craie  blanche. 
Les  maréchaux-des-logis  et  les  fourriers  de  la 
Reine  ou  des  princes  doivent  marquer  en  craie 
jaune  seulement,  sur  les  portes  du  dedans  des 
maisons  et  non  sur  celles  de  la  rue.  Ceux-ci 
ne  peuvent,  d'ailleurs,  poser  la  craie  que  sur  les 
maisons  qui  leur  ont  été  distribuées  par  le 
maréchal-des-logis  du  Roi,  dans  tous  les  lieux 
où  il  est  en  fonction. 

On  doit  respecter  la  craie  du  Roi;  et  si  quel- 
qu'un était  assez  téméraire  pour  l'effacer  ou  la 
changer,  il  encourrait  fies  peines  très  sévères, 
telles  que  d'avoir  le  poing  coupé,  etc.  C'est  ce 
qui  résulte  d'un  édit  du  mois  de  juillet  1606,  et 
de  plusieurs  ordonnances  du  Roi  ». 

Fourriers  de  la  g-rande  chancel- 
lerie. Leurs  fonctions  sont  de  préparer  les 
logements  des  membres  de  la  grande  chancellerie 
qui  accompagnent  le  roi  dans  ses  déplacements. 
Ils  sont  nommés  par  les  grands  audienciers  de 
France  *. 

Fraises  Faiseuses  de).  Le  seizième  siècle 
dut,  prétend-on,  l'usage  des  fraises  à  Catherine 
de  Médicis,  qui  l'apporta  d'Italie.  Cette  mode 
débuta,  timidement  d'abord  ;  sous  Charles  IX, 
les  fraises  font  déjà  le  tour  du  cou,  mais  sans 
ampleur.  Henri  III  les  adopta  aussitôt  ;  ensuite 
il  y  renonça  -.  Puis,  un  beau  jour,  il  en  exhiba 
une  de  si  belle  dimension  que  tout  Paris  en  fit 
risée.  Biaise  de  Vigenère,  qui  traduisait  alors 
Tite-Live,  voulut  transmettre  à  la  postérité  le 
souvenir  de  cette  merveille,  et  dans  une  note 
dépeignit  un  jeune  mignon,  «  la  teste  passée  dans 
sa  fraise  comme  à  travers  une  meule  de  moulin, 
goderonnée  à  tuyaux  d'orgue  de  vingt-cinq  ou 
trente  lez,  druz  et  menus,  fraisez  en  chouz  crespés, 
telles  qu'on  voit  ces  testes  d'anges  ou  de  vents 
qui  paroissent  à  travers  un  gros  amas  de  nuées  ^  ». 

Comme  Henri  III  prenait  plaisir  à  empeser 
les  fraises  de  la  reine,  on  le  surnomma  dans 
Paris  «  gauderonneur  *  des  colets  de  sa  femme  ^». 
Ceci  n'était  rien.  Mais,  le  4  féwier  1579,  s'étant 
montré  à  la  foire  Saint-Germain,  il  dut  faire 
arrêter  «  quelques  escoliers  qui  s'y  promeuoient 
portans  de  longues  fraises  de  chemises  de  papier 
blanc,  en  dérision  de  Sa  Majesté  et  de  ses 
mignons,  courtizans  si  bien  fraizés  et  goldronnés  ; 
et  comme  ils  sont  d'insolente  nature,  crioient  en 


1  Guyot,  Traité  des  offices,  t.  W ,  jj.   ITl. 

2  «  l^,.  l^oy  laissa  ses  chemises  à  grands  godrons,  dont 
il  cstoit  auparavant  si  curieux,  pour  en  prendre  à  colet 
renversé  à  l'italienne  ».  Lestoile,  Journal,  novembre  1575. 

■■'  Edit.  de  1617,  t.  I,  p.  928. 

*  On  nommait  i/odrons  les  larges  plis  qui  eomposaicnt 
la  fraise. 

2  Lestoile,  août  1576. 


FHAISMS  —  FRATER 


845 


pleine  foire  :  «  A  la  fraize  on  congnoist  le 
veau  ^  ».  Les  érudils  n'étaient  pas  plus  respec- 
tueux que  les  écoliers  :  «  Les  fraises  de  veau, 
écrivait  alors  Henri  Estienne,  ont  appris  aux 
gentils-hommes  à  accoustrer  miji;'nonnement  les 
collets  (le  leurs  chemises  -  ». 

Sur  la  fin  du  règ'ne  de  Henri  IV,  les  fraises 
furent  remplacées  par  le  collet-mont  mit,  sorte 
d'éventail  formé  de  dentelles  et  que  des  fils 
d'archal  maintenaient  ouvert  derrière  hi  tête. 

\oy.  Empeseurs. 

Fraisiers.  Cultivateurs  de  fraises.  Vers 
1364,  Cliarles  V  fit  planter  douze  mille  fraisiers 
dans  les  jardins  du  Louvre  ^.  Ses  successeurs  ne  se 
montrèrent  guère  moins  friands  de  cette  rosacée. 

Au  milieu  du  seizième  siècle,  l'on  mangeait 
les  fraises  avec  de  la  crème  : 

Geste  crie  fromag'e  de  cresme. 
Pour  manger  avec  des  fraizettes. 

disent  Les  cent-sept  cris  de  1545. 

Il  s'agissait  encore  de  fraises  des  bois,  car 
c'est  seulement  vers  la  fin  du  siècle  que  l'on 
songea  à  soigner  la  culture  de  ce  fruit  et  à  favo- 
riser sa  multiplication.  Kn  1661,  l'on  n'en 
connaissait  encore  que  quatre  espèces,  y  compris 
les  caprons.  Quatre  ans  après,  ce  nombre  s'éle- 
vait à  six,  et  il  n'était  encore  que  de  dix  en 
1766  *,  bien  que  Louis  XV  ait  eu  pour  les 
fraises  un  goût  particulier. 

Jusqu'à  la  fin  du  seizième  siècle,  les  fram- 
boises, considérées  comme  un  fruit  de  ronce, 
étaient  abandonnées  aux  écoliers  et  aux  paysans. 

Frang'ers.  Titre  qui,  à  dater  du  quinzième 
siècle,  appartint  aux  tissutiers-rubaniers. 

Frangers-Dorelotiers.  Nom  que  prirent 
les  laceurs  à  la  fin  du  treizième  siècle. 
Voy.  Dorelo tiers. 

Frappeurs.  Chez  les  épingliers,  ouvriers 
qui  formaient  la  tête  de  l'épingle  en  frappant 
d'un  coup  de  marteau  le  fil  de  laiton  ^. 

Fraseeurs.  Ils  fabriquaient  les  freseaux  ou 
f reselles,  garnitures  bouillonnées  dont  on  bordait 
les  vêtements  des  femmes  ^.  On  faisait  encore 
en  freseaux  des  brides  d'attache  pour  les  chapes, 
les  colliers,  les  bracelets  ;  c'est  ainsi  qu'on  lit 
dans  le  Dit  d'un  mercier  "^  : 

J'ai  beax  freseax  a  faire  alaclies, 
A  gros  botons  8  d'or  et  de  soi(^ 

La  Taille  de  1292  cite  un  fraseenr,  celle  de 
1300  une  frasaresse,  celle  de  1313  un  fraseeur 
et  une  frasserresse. 

1  Lestoile,  Journal. 

2  Didlugues,  édit.  Liseux,  1.  I.  p.  210.  —  Vuy.  aussi 
p.  '224,  et  Montaigne,  Ess/iis,  liv.  I,  ch.  XLIX. 

3  Le  Roux  de  Lincy,  Compte  des  dépenses  de  Charles  V, 
etc.,  p.    12. 

*  A.-X.  Duchesne,  Histoire  naturelle  des  fraisiers, 
1786,   in-12. 

5  Enryclope'dle  méthodique,  arts  et  métiers,  t.  ï,  p.  460. 

6  J.  Quicherat,  Histoire  du  costume,  p.  163  et  187. 
"  Quatorzième  siècle. 

8  Boutons. 


Frater,  Nom  donné  à  l'apprenti  d'un 
barbier  ou  d'un  cldrurgien. 

Le  sort  de  ces  jeunes  gens  était  celui  de  tous 
les  autres  apprentis,  celui  des  clercs  chez  les 
procureurs,  celui  de  tous  les  débutants  appelés 
à  faire  leur  noviciat  chez  un  maître.  La  vie 
qu'ils  menaient  avait  sans  doute  ses  côtés 
pénibles,  et  elle  est  moins  dure  aujoiu'd'hiu  dans 
le  même  milieu,  j'en  conviens,  mais  je  crois  que 
l'on  a  beaucoup  exagéré  ses  amertumes.  On 
possède  sur  ce  sujet  ileux  documents  curieux, 
auxquels  il  ne  faut  toutefois  se  fier  qu'à  moitié. 
Le  premier  est  une  petite  brochure  populaire, 
imprimée  à  Troyes  en  1715,  et  qui  est  intitulée: 
La  peine  et  la  misère  des  garçons  chirurgiens, 
autrement  appelés  fratres,  représentez  dans  un 
entretien  joyeux  et  spirituel  dun  garçon  chirur- 
gien et  dun  clerc.  L'autre  a  pour  auteur  un 
médecin,  par  consé([uent  un  homme  alors  dis- 
posé à  dire  tout  le  mal  possible  des  chirurgiens  ^ , 

L'entretien  entre  le  clerc  et  le  frater  n'e.st, 
à  vrai  dire,  ni  très  joyeux  ni  très  spirituel.  Le 
garçon  chirurgien  se  plaint  d'abord  qu'on 
l'éveille  «  dès  le  poltron  Jacquet  »,  pour  ou\Tir 
la  boutique.  Le  maître  est  toute  la  journée 
dehors,  occupé  à  panser  des  plaies  ou  à  pratiquer 
des  saignées  ;  il  faut  du  matin  au  soir  garder  le 
logis,  faire  le  poil  à  tout  venant,  gourmande  par 
la  patronne,  encore  plus  dure  et  plus  avare  que 
le  patron.  Notre  jeune  liomme  a  «  craché  du 
latin  »  tout  comme  un  autre,  car  il  a  passé  par 
le  collège.  Faute  d'argent,  ses  parents  l'en  ont 
retiré  ;  et,  raconte-t-il,  «  comme  j'entendois 
dire  à  tout  le  monde  qu'un  homme  qui  avoit  une 
parfaite  connoissance  de  toutes  les  parties  du 
corps  humain,  qui  savoit  saigner,  faire  le  poil 
proprement  et  panser  les  playes  étoit  capable 
de  passer  par  tout,  de  gagner  sa  vie  en  temps 
de  paix  ou  de  guerre,  dans  son  pays  ou  dans 
les  terres  étrangères,  je  vous  avoue  que  j'ai 
plutôt  choisi  cette  condition  qu'une  autre,  sans 
faire  réflexion  si  elle  étoit  douce  ou  pénible  ». 

Ce  qui  la  rend  surtout  difficile  à  supporter, 
c'est  qu'au  logis  du  maître  la  cuisine  n'est  pas 
assez  soignée.  Il  y  a  aussi  le  chapitre  des  absti- 
nences, des  jeûnes  commandés  par  l'Eglise,  et 
qu'en  bonne  chrétienne  la  patronne  fait  observer 
avec  rigueur.  Ne  peut-on  donc  pas  sauver  l'âme 
sans  tant  maltraiter  le  corps  ? 

En  dépit  de  ces  doléances  et  de  sijustes  sujets  de 
plainte,  les  garçons  chirurgiens  ne  passaient  guère 
pour  engendrer  la  mélancolie.  Ils  n'en  ont  pas 
moins  excité  encore  la  pitié  d'un  docteur  sensible. 

François-Joseph  Hunauld  jouit  jadis  comme 
médecin  d'une  réputation  que  le  temps  n'a  point 
respectée.  Il  fut  professeur  d'anatomie  au  Jardin 
du  roi,  et  accompagna  le  maréchal  de  Richelieu 
lors  de  son  ambassade  à  Vienne.  Tant  de  science 
et  de  y-loire  s'alliaient  à  un  assez  mauvais  carac- 


•  Pour  être  juste,  il  faut  reconnaître  que  les  chirur- 
giens le  leur  rendaient  bien.  Dans  La  tontine,  de  Lesage, 
le  docteur  Trousse-Galant  dit  a  Frosine  :  «  Ketirez- 
vous,  impertinente.  Il  vou.s  sied  bien  de  parler  contre 
les  docteurs  en  médecine  !  Laissez  ce  soin-là  aux  chi- 
rurgiens ».  (Scène  II). 


346 


FRATER  —  FRIPIERS 


tère,  et  Hunauld  avait  voué  une  haine  terrible 
aux  chirurgiens  qu'il  accusait,  non  sans  quelque 
raison,  d'exercer  la  médecine.  Il  exhala  sa 
colère  flans  un  petit  volume  devenu  rare,  ce 
qu'il  n'y  a  guère  lieu  de  regretter.  Comme  il 
s'agissait  surtout  pour  la  Faculté  d'attirer  à  ses 
cours  les  élèves  en  chirurgie,  c'est  à  ceux-ci 
qu'il  fait  des  avances  : 

«  A  peine  le  coq  a-l-il  chanté  que  le  garçon 
se  lève  pour  balayer  la  boutique  et  l'ouvrir,  afin 
de  ne  pas  perdre 'la  petite  rétribution  que  quel- 
que manœuvre  qui  va  à  son  travail  lui  donne 
pour  se  faire  faire  la  barbe  en  passant.  Depuis 
ce  temps  jusqu'à  deux  heures  de  l'après-midi,  il 
va  cliez  cinquante  particuliers  peigner  des 
perruques,  attendre  dans  l'anticliambre  ou  sur 
l'escalier  la  commodité  des  pratiques,  mettre  les 
cheveux  des  uns  en  papillotes,  passer  les  autres 
au  fer,  et  leur  faire  le  poil  à  tous.  Vers  le  soir, 
^'il  est  de  ceux  qui  ont  envie  de  s'instruire,  il 
prendra  un  livre.  Mais  la  fatigue  et  le  dégoût 
que  cause  nécessairement  l'étude  à  ceux  qui  n'y 
sont  point  accoutumés  lui  procurent  bientôt  un 
profond  sommeil,  qu'interrompt  quelquefois  le 
l)ruil  d'une  petite  cloche  suspendue  à  la  porte,  qui 
l'avertit  de  faire  le  poil  à  un  paysan  qui  entre.... 

Jamais  homme  n'a  exigé  tant  de  respect  d'un 
domesti((ue,  et  jamais  dans  les  îles  un  blanc  n'a 
cherché  plus  avi<lement  à  profiter  de  l'argent 
que  bii  coûte  un  nègre,  qu'un  maître  cliirurgien 
a  profiler  du  pain  et  de  l'eau  qu'il  donne  à  ses 
garçons.  Une  autre  après-midi  que  celles  où  ils 
ont  congé,  il  ne  leur  permettra  pas  de  sortir 
pour  aller  aux  leçons  publiques,  de  peur  de 
perdre  l'argent  d'une  barbe  qui  ne  viendra 
peut-être  pas.  C'est  pourquoi  les  médecins, 
poussés  par  un  esprit  de  charité,  faisoient  à  ces 
pauvres  jeunes  gens  des  leçons  de  chirurgie  dès 
quatre  heures  du  matin  ^  ». 

Fremailliers.  N'^v.  Fermaux  (Fai- 
seurs de). 

Frepiers  ei  Freppiers.  Noms  que   le 

Litre  (les  métiers  (1268j,  puis  l'ordonnance  des 
lianniihes  (1467)  donnent  aux  fripiers. 

Fresines.  Voy.  Frocines. 

Fréteurs  et  Fretteurs  \ny.  Affréteurs. 

Fretonneurs.  Vov.  Fiertonneurs. 

Fripiors.  Us  ne  vendaient  que  du  vieux  : 
v«Mriiii-iitsrl  elolTesde  joule  espèce,  (b-aps,  laines, 
l«'ili->i,  f.-ulres,  cuirs,  etc.  ayant  déjà  servi.  En 
1268,  ils  liretit  humuloguer  par  le  prévôt  de 
l'aris  Klieiiiie  Boileau  leurs  slatuls,  qui  sont  très 
cnmpleLs,  très  curieux  *,  et  (pie  je  vais  analyser. 

I)<^s  celte  époque,  mi  distinguait  trois  classes 
de  fripier*  : 

1"  I..>s  fripiers  houliquirrs,  (pii  coiisliluaient 
1  Hri-slncralie  du  métier  ; 


I   I.f  thtrmrgieH  méiltcin,  ou  Ulht  ronire  les  rhirurqiens 
ifut  txrrrfHl  la  mé</friHf,  1720.  in-12,  \<.  27  il  30. 
'   /.ir/*  lifs  mrlirrs,  lilr.<  LXXVI. 


2"  Les  fripiers  ambulants,  qui  représentaien 
nos  marchands  actuels  de  vieux  habits  ; 

3"  Les  fripiers  e'taliers,  pauvres  diables,  reven- 
deurs de  vieux  linges  et  de  vieux  souliers,  qui 
étalaient  ces  hardes  dans  une  rue  longeant  le 
cimetière  des  Innocents. 

Le  roi  avait  donné  à  son  chambrier  (alors 
le  comte  d'Eu)  les  revenus  et  la  juridiction  pro- 
fessionnelle du  métier,  et  celui-ci  avait  délégué 
son  autorité  à  un  mandataire,  qui  prenait  le  nom 
de  maître  des  fripiers  ^ .  C'est  à  ce  dernier  qu'il 
fallait  acheter  le  droit  d'exercer  :  «  et  le  vent  à  l'un 
plus  et  à  l'autre  mains,  tant  corne  il  li  semble  bon  » . 

Son  premier  soin  était  d'établir  la  moralité  du 
postulant,  qui  devait  être  reconnu  «  preud'om 
et  loial  ».  Si  les  renseigements  étaient  bons,  il 
l'admettait  à  prêter  serment.  Le  nouveau  maître 
jurait  «  que  il  tiendra  le  mestier  bien  et  loiau- 
ment  ans  us  et  aus  coustumes  du  mestier  ».  Il 
s'engageait  en  outre  à  n'acheter  ni  à  des  voleurs 
ni  à  des  g-ens  mal  famés,  «  ne  de  larron  ne  de 
larronnesse,  ne  en  bordel  ne  en  taverne  »,  ni  a 
des  lépreux,  «  ne  de  mesel  ne  de  mesele  »,  ni  à 
qui  que  ce  fût  aucun  objet  mouillé  ou  sanglant 
dont  il  ignorât  la  provenance,  ni  aucun  ornement 
d'église  non  réformé  pour  cause  de  vétusté,  «  s'il 
n'est  despeciez  par  droite  useure  ».  Tout  contre- 
venant était  (lécliu  de  sa  profession  jusqu'à  ce 
qu'il  eût  acheté  de  nouveau  le  droit  de  l'exercer. 

Les  fripiers  pouvaient  avoir  un  nombre  illimité 
d'apprentis,  et  régler  comme  ils  l'entendaient 
les  conditions  de  l'apprentissage. 

Ils  jouissaient  du  droit  du  hauban. 

Il  n'est  pas  question  de  jurés  dans  leurs 
statuts.  Tout  porte  donc  à  croire  que  ces  fonctions 
étaient  remplies  soit  par  le  maître  des  fripiers 
soit  par  un  de  ses  mandataires. 

Quant  au  service  du  guet,  les  fripiers  recon- 
naissent qu'ils  y  sont  astreints  -,  mais  ils  se 
plaignent,  en  un  style  naïf  et  pittoresque,  de  ce 
que,  lorsqu'ils  ont  un  cas  d'excuse  à  présenter,  on 
ne  les  autorise  pas  à  le  faire  transmettre  par  un 
ouvrier,  un  serviteur  ou  un  voisin.  Ceux  «  qui 
gardent  h?  gueit  de  par  lou  Roy  »  exigeaient, 
en  etiét,  que  la  femme  du  fripier  vint  elle-même 
apporter  au  Chàtelet  les  excuses  de  son  mari,  et 
on  voit  tout  de  suite  à  quels  dangers  étaient 
ainsi  exposées  les  pauvres  femmes  :  «  Voelent  et 
l'ont  venir  leurs  famés  en  propre  parsonne,  soient 
bêles  soient  ledes,  soient  vielles  ou  jeunes,  ou 
foibles  ou  grosses,  pour  leur  seigneur  essoi- 
gnier  ^  -,  la  quele  chose  est  moult  liede  et  moult 
vilaine  que  une  famé  soit  et  siée  ^  en  Chasteleit 
dessi  à  queuvre  feu  *  tant  que  li  gueiz  est  livrez  ; 
et  dont  s'en  veit  à  tel  eure  parmi  tel  ville  come 
Paris  est,  toute  seule  parmi  rues  foraines  •'  dessi 
dans  son  ostel  ®  :  et  en  ont  esté  aucun  mal, 
aucun  péchié,  aucune  vilonie  faite  '^  ». 


'   \oy.  ci-dossous  cet  artk'lo. 
2  Excuser. 

*  I^)>'iniis  le  couvre-feu. 

^'  Éloiirnécs. 

••  Sa  (loMieure. 

''  Voy.  ci-dessous  l'art.  Guet  de.s  métiers. 


FRIPIERS 


347 


Les  fripiers  ambulants,  «  cil  qui  vont  criant 
la  cote  et  la  chape  par  la  ville  de  Paris  »,  étaient 
Ibrtniéprisésdes  maîtres  en  boutique.  Ils  devaient, 
comme  ceux-ci,  acheter  le  métier,  mais  moins 
cher  sans  doute,  et  on  le  leur  faisait  acheter  une 
seconde  fois  s'ils  voulaient  s'établir.  Comme  nos 
marchands  de  vieux  habits,  ils  parcouraient  les 
rues,  criant  leurs  ignobles  bardes,  demandant 
à  en  acheter  et  spéculant,  paraît-il,  sur  les 
fréquents  besoin  d'ar<>^ent  des  étudiants  : 

(_;ific  i  sont,  enganés  .souvent, 

dit  (îuillaume  de  la  Ville  Neuve,  dans  ses 
(Jrieries  de  Paris. 

Ces  fripiers  avaient  créé  pour  leur  usag'e  un 
petit  marché  «  en  lieu  et  en  oevre  soupeçon- 
neuse,  c'est  à  savoir  à  Saint-Sé vérin,  là  où  la 
place  n'est  mie  moult  ijrans  »,  et  ils  s'y  réunis- 
saient depuis  six  heures  du  soir  jusqu'à  la  nuit. 
Les  fripiers  établis  demandent  au  prévôt  de 
supprimer  ce  marché  «  où,  disent-ils,  sont  moult 
de  (^ens  domagiéz  en  moult  de  manières,  quar  on 
i  vent  des  choses  .soupeçonneuses  »,  probablement 
celles  dont  nous  avons  vu  l'achat  interdit. 

La  dernière  classe  des  fripiers  se  composait, 
d'après  l'ordonnance  de  janvier  1278  ''■  ,  de 
«  po\Tes  famés  lingères,  vendeurs  de  petits 
sollers,  et  de  povres  pitéables  personnes  vendeurs 
de  menues  ferperies  ».  Elles  étalaient  leurs 
misérables  mai'chandises  contre  un  mur  qui 
longeait  le  cimetière  des  Innocents.  Délogées  par 
Philippe  le  Hardi,  qui  fit  construire  sur  cet 
emplacement  une  halle  aux  souliers ,  elles 
obtinrent,  non  sans  peine  et  non  sans  opposition 
de  la  part  des  savetonniers,  un  certain  nombre 
de  places  sous  cette  halle. 

La  Taille  de  1292  mentionne  121  ferpiers, 
et  celle  de  1303  en  cite  162.  Ils  sont  tous  compris 
dans  ces  chiffres,  même  ceux  qu'on  trouve 
désignés  ainsi  : 

Bertaut,  qui  crie  cote  et  surcot. 

Robin,  le  cote-seurcot. 

En  1467,  les  fripiers  prétendirent  s'affranchir 
de  l'autorité  du  grand  chambrier,  et  l'appelèrent 
même  devant  le  Parlement.  Il  fallut  une  ordon- 
nance royale  ^  pour  les  réduire  à  l'obéissance 
et  rendre  au  duc  de  Bourbon,  alors  pourvu  de 
cet  office,  les  droits  dont  avaient  joui  ses  prédé- 
cesseurs. 

Les  statuts  des  fripiers,  souvent  confirmés, 
furent  revus  en  juin  1544,  et  révisés  de  nouveau 
sous  Louis  XIV  en  1665  ^. 

Aux  termes  de  ces  derniers,  le  commerce  des 
fripiers  pouvait  s'étendre  non  seulement  aux 
étoffes,  mais  aux  objets  vieux  de  toute  nature  : 
dentelles,  galons,  tapisseries,  fourrures,  cha- 
peaux, épées,  baudriers,  meubles,  métaux,  etc.  ; 
mais  ils  étaient  obligés  à  tenir  registre  de  tout 
ce  qu'ils  achetaient,  en  mentionnant  pour  chaque 
acquisition  le  nom  du  vendeur. 

Ils    avaient    le-  droit    de    confectionner    des 


1  Dans  les  Ordonn.  ruynles,  t.  V,  p.  107. 

2  24  juin.  Ordonn.  royales^  t.   XYI,  ]j.  C45. 

3  Dans  Fontanon,  Êdlts  el  ordonnances,  t.   I,  p.  1.0^4. 


vêtements  neufs,  pourvu  que  le  prix  de  ceux-ci 
ncî  dépassât  pas  dix  livres. 

L'apprentissage  durait  trois  ans  et  le  compa- 
gnonnage autant. 

On  n'était  admis  à  la  maîtrise  qu'après  chef- 
d'œuvre.  Toutefois,  les  fils  de  maître  étaient 
dispensés  de  cette  épreuve  ;  quant  aux  fils  de 
maître  nés  avant  la  maîtrise  de  leur  père,  on  les 
soumettait  seulement  à  V expérience. 

Presque  tous  les  fripiers  étaient  ou  passaient 
pour  juifs  ^.  Un  des  personnages  d'Ji'iomire 
hypocondre  (1670  comédie  de  Le  Boulanger  de 
Chalussaj,  dit  à  Elomire  : 

.Je  vois  bien  que  tu  viens  de  ce  riche  pay.s 
Où  les  juifs  ramassés  demeurèrent  jadis. 

Et  Elomire  répond  : 

Il  est  vrai,  je  suis  né  devant  la  friperie 
(Qu'autrement  à  Paris  l'un  nomme  Juiverir  ^. 

Juifs  OU  non,  les  fripiers  avaient  la  réputation 
de  surfaire  à  ce  point  que  l'on  pouvait  leur  offrir 
le  quart  du  prix  demandé  •*'.  On  les  accusait  de 
receler  des  marchandises  provenant  de  vol.  Quand 
Panurge  dérobe  à  la  grande  dame  de  Paris  ses 
patenôtres,  il  court  les  porter  à  la  friperie  *. 
Les  voleurs,  disait-on,  «jetoient  par  le  soupirail 
de  leurs  caves  ce  qu'ils  avoient  butiné  par  la 
ville  ^  » .  Ils  étaient  enfin  grands  amis  des  tirelaine 

Qui  vont  vers  la  Samaritaine 

Quitter  6  aux  bourg'eois  leurs  manteaux''. 

On  les  soupçonnait  aussi,  et  non  sans  raison, 
d'acheter  au  bourreau  les  défroques  des  suppli- 
ciés : 

Tous  les  habits  (juavez  viennent  de  ces  penduz, 
Ou  bien  de  ceux  qui  sont  sur  la  roue  rompuz, 
Ou  bien  de  quelque  noble  qui,  pour  un  coup  d'espée, 
Dessus  un  eschaffaut  a  la  teste  tranchée  8. 

Le  métier  était  régi  par  un  syndic  et  quatre 
jurés. 

L'édit  de  1776  confirma  la  division  des  fripiers 
en  trois  classes,  savoir  :  1"  les  fripiers  d^ habits  ; 
2°  les  fripiers  en  meubles  et  ustensiles,  dits 
fripiers  de  bois,  ancêtres  de  nos  marchands  de 
meubles  d'occasion  ;  3°  les  fripiers-brocanteurs  ou 
ambulants,  ancêtres  de  nos  brocanteurs  actuels. 

Le  nombre  des  fripiers  était  alors  d'environ 
700  maîtres. 

Ils  s'étaient  placés  sous  le  patronage  de  la 
Trinité  et  de  la  sainte  Croix,  qu'ils  fêlaient  à 
l'église  Saint-Innocent.  Les  fripiers  d'habits 
avaient,  en  outre,  une  confrérie  à  saint  Roch,  et  les 
fripiers  de  bois  une  confrérie  vouée  à  saint  Michel. 

Le  marché  à  la  friperie  se  tint  longtemps  dans 
la  rue  Saint-Denis,  entre  l'hôpital  Sainte-Cathe- 
rine et  le  portail  de  l'église  Saint-Iimocenl,  et 
depuis  ce  portail  jusqu'à  un  puits  situé  rue  de  la 


•  Vov.  Cl.  Le  Petit,  Parh  ridicule.  \).-2\. 

2  Acte  II,  se.  6. 

3  Voy.  Donneau  de  Visé,  La  veuve  à  la  mode,  scène  17. 
1  Pantayruel,  liv.  II,  cliap.  21. 

5  Les  qraiids  jours  tenus  à  Paris  {162"2\   p.  198. 

6  Eni;'V,M-. 

"'  Berthod,  Paris  ôurles/jue  1650),  p.  146. 

i*  Di.icour.i    de    deux    tnarchands   fripiers    et     de     deux 
maîtres  tailleurs  (1614),  p.  194. 


348 


FRIPIERS  —  FROTTEURS 


Charonnerie;  dans  cette  dernière  rue,  la  Taille  de 
i.V/.3  mentionne  sur  54  imposés,  36  ferpiers'^. 
En  1370,  le  prévôt  Hugues  Aubriot  transféra  ce 
marché  aux  halles.  Il  ne  tarda  pas  à  s'étendre 
au  delà  de  la  g-alerie  établie  sous  les  piliers,  et 
donna  son  nom  à  deux  rues,  la  rue  de  la  Grande 
f{  la  rite  de  la  Petite-Friperie,  qui  jusqu'à  leur 
suppression,  sous  le  second  Empire,  continuèrent 
ù  justifier  leur  dénomination.  Le  voyageur 
hollandais  qui  vint  visiter  Paris  en  1657  décrit 
ainsi  l'aspect  que  présentait  alors  la  friperie  : 
«  Le  1"  de  mars,  nous  vismes  la  Fripperie,  qui 
est  auprès  des  Halles.  C'est  une  grande  galerie 
soutenue  de  piliers  de  pierre  de  taille,  sous 
laquelle  logent  tous  les  revendeurs  de  vieilles 
nippes  ;  ce  qui  est  fort  commode  pour  cette  sorte 
de  gens  qui  veulent  être  braves  -,  sans  qu'il 
leur  en  couste  beaucoup.  Il  y  a  deux  fois  la 
sepmaine  marché  public,  à  sçavoir  le  mercredy 
et  le  samedy  :  c'est  alors  que  tous  ces  frippiers, 
parmi  lesquels  il  y  a  apparemment  bon  nombre  de 
juifs,  estaient  leurs  marchandises.  A  toute  heure 
qu'on  y  passe,  on  est  ennuyé  de  leurs  cris  conti- 
nuels, d'un  bo7i  manteau  de  campagne  !  d'un  beau 
justaucorps  !  et  du  détail  qu'ils  font  de  leurs 
marchandises,  en  tirant  le  monde  pour  entrer  dans 
leurs  boutiques.  On  ne  sçauroit  croire  la  prodi- 
gieuse quantité  d'habits  et  de  meubles  qu'ils  ont  : 
on  en  voit  de  fort  beaux,  mais  il  est  dangereux 
d'en  acheter  si  l'on  ne  s'y  connoîtbien,  de  peur 
d'eslre  trompé,  car  ils  ont  une  merveilleuse 
adresse  à  regratler  et  rapiécer  ce  qui  est  vieux 
en  façon  qu'il  paroist  neuf  3». 

J.-P.  Marana  écrivait  quarante  ans  plus  tard  : 
«  Les  t<iilleurs  ont  plus  de  peine  à  inventer  qu'à 
coudre,  et  quand  un  habit  dure  plus  que  la  vie 
d'une  (leur,  il  paroît  décrépit.  De  là  est  né  un 
peuph'  de  fripiers,  gens  vils  et  descendus  de 
l'ancien  Israël  ;  ils  font  profession  d'acheter  et  de 
vendre  de  vieux  haillons  et  des  habits  usez,  et 
ils  vivent  splendidement  de  dépouiller  les  uns 
et  dévêtir  les  autres.  Commodité  assez  singulière 
dauMine  ville  très  peuplée,  où  ceux  qui  s'ennuyent 
de  porter  long-tems  le  même  habit  trouvent  à  le 
dianger  avec  une  perte  médiocre,  et  où  les 
antres  ((ui  en  manquent  ont  le  moyen  de  s'habiller 
avec  une  petite  dépense  *  ». 

Seliastien  Mercier  nous  a  laissé  une  exacte  des- 
cription de  ces  piliers  des  halles,  qui  n'avaient  guère 
changé  d'aspect  il  y  a  une  quarantaine  d'années, 
(piand  ils  furent  démolis.  «  Là,  écrit-il,  règne  une 
longue  lile  de  bouti(|iies  de  fripiers,  qui  vendent 
de  vieux  haliils  dans  des  magasins  mal  éclairés, 
el  où  les  faciles  et  les  couleurs  disparoissent.  Vous 
êtps  au  grand  jc.ur,  vous  croyez  avoir  acheté  un 
halul  n(.ir;  il  est  Vert  ou  violet.  Des  courUmds  de 
l'oulnpie  vous  appellent  assez  incivilement  ;  et 
l'Tscpie  l'un  d'eux  vous  a  invité,  tous  ces  bouti- 
quiers recommencent  sur  votre  roule  l'assom- 
inanle  invitation.  La  femme,  la  liUe,  lu  servante. 


'  Hi''n  v<^lu.s. 


-^  Journal  d- un  roy«y,  à  p„ns  ,;,  iOrj?,  publié  par    A. 


•nupt^r»',  p.  80. 


'  l.fllrr  li  MH  Sifilien,  p.  25. 


le  chien,  tous  vous  aboient  aux  oreilles  ;  c'est  un 
piaillement  qui  vous  assourdit*  ». 

Voy.  Brocanteurs.  —  Maître  des  fri- 
piers. —  Toilette  (Marchandes  à  la),  etc. 

Friterons.  Voy.  Fruiterons. 

Fri tiers.  Voy.  Frituriers. 

Frittiers.  On  donnait  ce  nom,  dans  les 
manufactures  de  glaces,  aux  ouvriers  «  chargés 
de  faire  la  fritte  ou  calcination  des  matières 
vitrescibles  ». 

Frituriers.  La  Taille  de  1292  mentionne 
sept  fritiers,  dans  lesquels  il  faut  sans  doute 
reconnaître  des  marchands  de  fritures.  La  friture 
est  d'origine  très  ancienne  ;  on  la  trouve  citée 
au  onzième  siècle,  et  c'était,  au  treizième  siècle, 
la  méthode  la  plus  usitée  pour  apprêter  le  poisson. 
Les  beignets  étaient  déjà  fort  appréciés  même  au 
loin,  car  Joinville  raconte  -  que  quand  saint 
Louis  fut  pris  par  les  Sarrazins,  ceux-ci  lui 
apportèrent  des  «  begniets  de  fourmaiges  »  qui 
avaient  été  cuits  au  soleil. 

Frocines.  Servantes,  domestiques.  On 
trouve  aussi  froucines  et  (résines. 

Fromag-ers.  Titre  qui  appartenait  à  la 
corpi)ration  des  fruitiers. 

Au  treizième  siècle,  les  fromages  les  plus 
recherchés  étaient  ceux  de  Brie  et  de  Champagne. 
On  en  criait  dans  les  rues  : 

J'ai  bon  froiuniage  de  Champaigne, 
Or  i  a  frommage  de  Brie  !  * 

La  Taille  de  1292  mentionne  18  fourmagiers, 
celle  de  1300  cite  26  formagiers  et  fromagiers. 

Au  seizième  siècle,  le  fromage  de  Brie  tient 
encore  le  premier  rang,  mais  une  multitude 
d'autres  sont  venus  lui  disputer  la  faveur  des 
gourmets.  Il  en  arrivait  du  Vexin,  de  l'Auvergne, 
du  Dauphiné,  de  Suisse,  de  Hollande,  et  même 
d'Italie,  le  parmesan  entre  autres.  Le  poète  Saint- 
Amand,  mort  en  1661,  a  publié  sur  les  fromages 
deux  pièces  assez  curieuses  *  ;  el  le  Dictionnaire 
de  Trévoux,  dans  son  édition  de  1777,  donne 
une  liste  de  trente  fromages  alors  très  appréciés  ^ . 

Voy.  Vendeurs. 

Frotteurs.  Un  frotteur,  écrit  l'abbé  Jaubert, 
est  «  celui  dont  le  métier  est  de  mettre  en  couleur 
les  parquets  ou  les  carreaux  des  appartemens, 
de  les  cirer  et  de  les  entretenir  luisans,  en 
en  ôlant  la  poussière  ou  les  taches  avec  une 
forte  brosse,  qui  est  attachée  au  coudepied  avec 
une  large  courroie  de  cuir  ^  ». 

A  Versailles,  le  «  frotteur  ordinaire  de  la 
chambre  et  des  cabinets  du  Roy  »  touchait  par 
an  540  livres.   Un  sieur  Simon  Colasse,  dit  la 


'   Tableau  de  Paris,  1.   II,  p.  265. 

2  Ilisloire  de  saint  Louis,  édit.  de  18G8,  p.  133. 

3  Les  crieries  de  Paris,  par  Guill.  de   la  Ville  Neuve. 
*  Edit.  elzév.,  t.  I,  p.  153  et  180. 

'•>  Tome  IV,  p.  331. 

6  Dictionnaire,  t.  II,  p.  300. 


FROTÏEUKS  —  FUEIL 


349 


Branche,  conserva  cet  emploi  pendant  près  de 
trente  ans  * . 

Dans  les  collèg'es,  le  frotleur  cumulait  souvent 
avec  cet  emploi  celui  de  correcteur.  Sur  l'état 
officiel  des  fonctionnaires  du  collège  Mazarin 
pour  1789,  je  lis  cette  mention  :  «  Chevallier, 
frotteur  de  la  ])il)liothèque  et  correcteur  ^  ». 

Voy.  Correcteurs. 

Frotteuses  de  lettres.  Dans  les  fondei-ies, 
ouvrières  qui  frottaient  les  caractères  sur  le 
grès.  «  Elles  les  frottent  avec  les  deux  doigts  de 
la  main  droite  qui  suivent  le  pouce,  et  les 
retournent  avec  le  pouce  de  la  même  main.  Pour 
ne  point  s'écorcher  par  l'inégalité  du  grès,  elles 
ont  des  doigtiers  faits  de  cuir  •*'  ». 

Froucines.  Voy.  Frocines. 

Fruictiers.  Voy.  Fruitiers. 

Fruiterons.  Petits  marcliands  de  fruits. 

Fruiteurs.  Voy.  Fruitiers. 

Fruitiers .  Leurs  premiers  statuts  les 
nomment  regrattiers  de  fruits  et  aigrun,  c'est-à- 
dire  de  fruits  à  saveur  acre,  tels  que  aulx, 
oignons,  échalottes,  etc.  *. 

La  Taille  de  1292  cite  dix-sept  fruitiers. 

Dès  cette  époque,  ils  parcouraient  les  rues, 
criant  leurs  marchandises  si  variées  : 

Aus  et  oignons  à  longue  alaine  », 
Puis  après,  cresson  de  fontaine, 
Ccrfueil,  porpié  tout  de  venue  •>. 
Puis  après  porète  menue  '', 
Létues  fraisches  demanois  8  ! 
Vez  ci  bon  cresson  orlenois 


Poires  de  Chaillou  "  et  nois  t'resches. 
Primes  ai  pommes  do  rouviau  '0, 
Et  d'Auvei-gne  et  le  blancduriau  H  ! 

J'ai  chastaigne  de  Lombardie, 
Figues  de  Mélite  sans  tin  12. 
J'ai  roisin  d'outre  mer,   roisin  13. 
J'ai  porées  1*  et  s'ai  naviaus  'S. 
J'ai  pois  en  cosse  toz  noviaus. 
L'autre  crie  fèves  novelles, 
Si  les  mesure  à  escuelles  ! 

Dont  orrez  autres  gens  menues 
Poires  d'angoisse  crier  haut, 
L'autre  pommes  rouges  qui  vaut  l*»  ! 


1  Etnt  (le  1(1  France  pour  1687 ,  t.  L  P-  146  ;  pour 
1712,  t.  I,  p.  186  ;  four  1736,  t.  l,  p.  203. 

2  A.  F.,  Histoire  de  la  bibliothèque  Mazarine,  p.  247. 

3  Savary,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  181. 

*  «  (l'est  à  savoir  de  aus,  de  oignons,  de  eschaloingnes 
et  do  toute  manière  de  tel  égrun  ».  Livre  des  métiers, 
titre  X.  —  Aigrun  ou  égnin  vient  du  latin  acrumen. 

5  Dont  l'odeur  persiste  longtemps. 

6  Cerfeuil,  pourpier  tout  de  suite. 

''  Herbes  menues  :  persil,  ciboulette,  thym,  laurier,  etc. 

8  Laitues  fraîchement  cueillies. 

9  Poires  à  cuire  de  Caillaux  en  Bourgogne. 

10  Ou  calville  rouge. 

11  Le  blandureau  d'Auvergne  ou  calville  blanc. 

12  Figues  de  Malte  à  foison. 

13  Raisin. 

1*  Le  mot  poire'e  désignait  toute  espèce  de  légumes  verts. 

1^  Navets. 

16  Guillaume  de  la  Ville  Neuve,  Les  crieries  de  Paris. 


Au  .seizième  siècle,  la  mélopée  a  un  peu  varié. 
On  crie  des  poires  de  Dagoberl,  des  pommes  de 
Capendu,  des  pêches  de  (]orbeil,  des  frai.ses,  des 
prunes,  des  pruneaux  de  Tours,  des  groseilles, 
des  guignes,  (hi  raisin,  des  oranges,  des 
cerneaux,  etc.,  etc.  '. 

Un  arrêt  du  7  septembre  1622,  rendu  à  la 
requête  de  la  corporation  des  jardiniers,  nous 
prouve  que  les  fruitiers  étaient  dits  encore 
maîtres  de  la  marchandise  de  fruits  et  esgrun, 
titre  qu'ils  ne  vont  pas  tarder  à  échanger  contre 
celui  de  fruitiers-oraiigers-beurriers-fromagiers- 
coquetiers. 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  qu'un 
seul  apprenti.  L'apprentissage  durait  six  ans. 
Cinq  jurés  administraient  la  communauté. 

La  maison  du  roi  se  divisa  d'abord  en  trois 
départements,  la  paneterie,  l'échansonnerie  et 
la  fruiterie.  Le  fruitier  devait  veiller  aux 
approvisionnements  de  fruits,  de  chandelles,  de 
bougies,  etc.  -  Il  avait  sous  ses  ordres  trois  valets 
fruitiers. 

En  1292,  le  fruitier  du  roi  se  nommait  fJirarl 
et  demeurait  rue  de  la  Petite-Bouderie.  En  131.'i 
il  se  nommait  Rogier  de  Clichi  et  demeurait  rue 
Saint-Martin  •''.  La  Taille  de  1292  cite  encore  * 
«  Jehan,  valet  du  fruit,  qui  demeurait  carrefour 
Guillorille  ^  ». 

Sous  Louis  XIV,  le  service  de  la  fruiterie 
comprenait  : 

1  chef  ordinaire. 

12  chefs  servant  par  quartier. 

12  aides. 

1  palmier. 

4  sommiers  *>. 

A  la  fin  du  dix-luiitième  siècle,  la  corpo- 
ration des  fruitiers  était  composée  d'environ 
320  maîtres  "^ .  Ils  avaient  choisi  pour  patrons 
saint  Léonard,  et  aussi  la  Vierge,  par  allusion  à 
ces  mots  de  l'Ave  Maria  :  «  fructus  ventris  tui  ». 

On  trouve  représentées  une  crieuse  de  fruits  au 
seizième  siècle  dans  les  Cris  publiés  par  Jules 
Cousin  et  Pilinski,  et  une  échoppe  de  fruitier  au 
dix-huitième  siècle  dans  les  Contemporaines  de 
Rétif  de  la  Bretonne  ^. 

Voy.  Aigrun.  —  Ailliers.  —  Beur- 
riers. —  Contrôleurs.  —  Coquetiers.  — 
Froniagers.  —  Marrons  [Marchands 
de  \  —  Oingnonniers.  —  Orangers.  — 
Falmiers.  —  Poraiers.  —  Triqueurs.  — 
Visiteurs,  etc.,  etc.,  etc. 

Fueil  (Qui  fait  le).  Cette  mention  figure, 
mais  une  seule  fois,  dans  la  Taille  de  1300.  Le 
fueil,  fuel,  fuiel  ou  fuelle  était  une  teinture 
d'orseiile  fabriquée  avec  la  perelle.  Les  statuts 


1  A.  Truquet,  Les  cent  sept  cris,  etc. 

2  Voy.  Ducange,  au  mot  fructuarius. 

3  Voy.  la  Taille  de  1292,  p.  84,  et  la  Taille  de  llilli, 
p.  87. 

4  Page  116. 

s  Ou  Guilleri,  supprimé  en   1855. 

G  État  de  la  France  pour  1712,  t.  I,  p.  124. 

"  Savary,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  424. 

8  Tome  XXI,  p.  34. 


350 


FUEIL  —  FUNAMBULES 


des  teinturiers  l'interdisent  '.  mais  il  faut  bien 
croire  qu'elle  était  tolérée,  puisqu'il  y  avait  des 
teinturiers  d'orseille.  Je  les  ai  trouvés  nommes 
foilleurs. 

Fuiretiers.  Fuironneiirs.  Voj.  Fure- 
teiirs. 

Fuiseliers.  Nom  que  la  Taille  de  1313 
donne  aux  fabricants  de  fuseaux. 

Fumistes.  Trois  choses,  dit  r;iuleur  (hi 
Ménagier  de  Paris  (1393},  chassent  le  preud- 
hoinnie  hors  de  sa  demeure  :  «  femme  rioteuse  -, 
maison  maucouverte  et  cheminée  fumeuse  ^  ». 
De  fait,  on  avait  alors  des  cheminées  immenses, 
et  parfois  splendides  *.  Seulement,  en  raison 
même  de  leurs  dimensions,  elles  fumaient 
toujours  et  ne  chauffaient  guère.  Il  n'y  eut, 
peri<lanl  bien  lono:lemps,  dans  chaque  louais  qu'un 
seul  chaulfoir  ou  chati jfe-doux ,  autour  duquel 
toute  une  famille  et  parfois  plusieui's  familles  se 
réunissaient. 

Beaucoup  plus  tard  encore,  on  en  était  réduit 
à  se  cou\Tir  beaucoup,  à  multiplier  sur  soi  les 
vêtements.  Malherbe,  par  exemple,  qui  était 
frileux,  portait,  en  hiver  jusqu'à  quatorze 
clicmises  et  douze  paires  de  bas  ^.  Même  dans 
les  plus  riches  hôtels,  même  dans  les  palais, 
même  à  \'ersailles,  on  avait  beau  brûler  des 
arbres  entiers  dans  les  fojers,  il  fallait  encore 
mettre  en  œuvre  une  foule  de  procédés  ingé- 
nieux pour  se  préserver  du  froid.  Après  le  dîner, 
L(Miis  XI\'  avait  l'habitude  de  se  rendre  auprès 
fit'  Madame  de  Maintenon,  «  il  se  mettoit  dans 
un  fauteuil  près  d'elle,  dans  sa  niche,  qui  étoit 
un  canapé  fermé  de  trois  côtés  "  ».  Les  méde- 
cins du  roi  nous  racontent  qu'il  s'enrhumait  sans 
cesse  dans  sa  chambre  à  coucher,  (ju'on  ne 
parvenait  pas  à  chauffer  '. 

\'ers  la  fin  du  dix-septième  siècle  seulement, 
on  commenc;a  à  réduire  les  énormes  proportions 
di*s  cheminées.  Madame  de  Sévigné,  en  1677, 
[)arl<'  <i('s  "  petites  cheuiinées  à  la  mode  "  ». 

L»'  mot  fumisle  date  du  dix-huitième  siècle,  et 
ni'  ligure  dans  le  dictionnaire  de  l'Académie 
(ju'ii  dater  de  1762.  Jusque-là,  il  n'y  avait 
d'Hidros  fumistes  que  les  maçons  et  les  couvreurs. 
Ils  se  partageaient  la  construction  des  cheminées, 
s'elTomiient  sans  grand  succès  de  les  empêcher 
•II'  fuiuer.  Ils  avaieid  eu.  par  exemple,  l'idée 
Hs-M'Z  élnuigi'  d'obstruer  les  conduits  sur  le  faîte 
par  des  paniers  d'osier  enduits  de  plAtre.  Il  n'est 
pas  impossible  (jue  cet  obstacle,  en  diminuaid  la 
largeur  du  luvau  favctrisût  le  tirage,  mais  il 
f(ivori>ail  les  incendies,  c;ir  l'osier  se  séchait 
ra[>ideinenl.  les  paniers  s'eidlannuaienlet  le  vent 
le>  emportait  souvent  au  loin.   Une  ordonnance 


*  l.irrt  Hft  tH/lierx,  liln«  1,1  \',  ml.  :i. 

*  (^lirn-lii-use. 

»  Tom.-  I,  {)    171. 

J  y.iv    Sniivnl,  t.  II.  |..  279  .1  (i.-.o. 

'  Tnlli'fnnni  il.-.s  Hùnux,  //i.tforieffe.s,  l.  I. 

*  Saint-Simun,  itrmoiret,  t.  V,  ji.  327. 

"  Leroi,  Journal  dt  ta  tante  Ht  Louix  Y/V 
301.  303,  rlc. 

*  lylln-  iltt  7  octobre,  t.  V,  p.  347. 


2!»1. 
283,  2'J9, 


du  28  mars  1724  défendit  donc  «  de  mettre  à 
l'avenir  aucuns  paniers,  mannequins,  boëtes  et 
autres  ustensiles  de  matière  combustible  tant  en 
dedans  que  sur  le  haut  et  faîte  des  cheminées  '  ». 

IJ Almanach  Dauphin  pour  1777  consacre 
aux  fumistes  les  lignes  suivantes  :  On  appelle 
ainsi  «  ceux  dont  la  profession  est  de  chercher 
et  mettre  en  œuvre  les  divers  moyens  qu'on  peut 
employer  pour  empêcher  les  cheminées  de  buner. 
Pour  olmer  à  cette  incommodité,  on  a  employé 
plusieurs  inventions,  comme  les  éoltjpiles  de 
Vitruve,  les  soupiraux  de  Cardan,  les  moulinets 
à  vent  de  Jean-Bernard,  les  chapitaux  de  Sébastien 
Serlio,  X^^tahourins  et lesy^rowe^^^5dePodnanus, 
et  nombre  d'autres  moyens  ingénieux,  sur  lesquels 
il  est  absolument  nécessaire  de  consulter  les  gens 
de  l'art  ». 

Parmi  ces  derniers,  il  importe  de  citer  le  sieur 
Manuel,  fumiste  du  roi,  qui  n'exigeait  «  de 
payement  qu'après  le  succès  »  ;  le  sieur  Rozeti, 
non  moins  fumiste  du  roi,  qui  était  chargé  de 
l'entretien  des  cheminées  au  château  de  Ver- 
sailles ;  et  le  sieur  (]astelan,  fumiste  du  duc 
d'Orléans. 

S'il  faut  en  croire  Sébastien  Mercier,  les  archi- 
tectes restaient  fort  indifférents  à  cet  égard.  «  Ils 
ont  prétendu  en  ma  présence,  écrit-il  vers  1782. 
qu'il  étoit  au  dessous  d'eux  de  s'en  occuper  ;  ce 
sont  de  vrais  chinois  qui  restent  toujours  au 
même  point.  Il  a  fallu  faire  venir  à  Paris  des 
fumistes  d'Italie,  et  l'on  tire  vanité  dans  quelques 
maisons  d'une  cheminée  qui  ne  fume  point.  Les 
fumistes  forment  une  espèce  de  corps  -,  mais  je 
voudrois,  qu'en  punition  de  leur  ignorance,  nos 
architectes  et  nos  maçons  fussent  condamnés  à 
donner  tous  les  ans  un  grand  repas  aux  poëliers 
et  aux  fumistes,  et  qu'ils  fussent  obligés  de  les 
servir  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  appris  à  faire  une 
cheminée  qui  ne  fume  point  ^  ». 

Au  moment  où  Mercier  écrivait  ces  lignes,  il 
existait,  rue  de  la  Roquette,  une  manufacture 
royale  de  cheminées  à  la  prussienne  ^ . 

Voy.  Atres  (Faiseurs  d').  —  Poëliers. 
—  Ramoneurs.  —  Serres  chaudes,  etc., 
etc. 

Funambules.  J'ai  dit,  au  mot  acrobates, 
que  ce  nom  avait,  durant  de  longs  siècles,  désigné 
seuleiiKMit  les  faiseurs  d'exercices  sur  la  corde, 
et  que  l'Acadcmie  n'ouvrit  qu'en  1740  son 
dictionnaire  au  mot  funambule.  Quelques-uns  de 
ces  baladins  ont  laissé  un  nom  dans  l'histoire. 

Christine  de  Pisan  nous  a  conservé  le  souvenir 
d'un  audacieux  gymnaste  qui  avait  tendu  une 
corde  depuis  les  tours  de  Notre-Dame  jusqu'au 
Palais,  et  qui  y  faisait  de  tels  tours  de  souplesse 
«  qu'il  sembloit  qu'il  volast  ».  Il  finit  par  se  casser 
le  cou,  et  le  sage  roi  Charles  V  déclara  qu'il  avait 
mérité  son  sort  *. 


IV 


p.   142. 


'  Drliiiiianv,  Traite  (le  la  police, 
~  Tableau  lie  Paris,  t.  X,  p.  300. 
•*   Ilurtaiit   l't    Magnv,    Dictionnaire 

p.  -ni.  ^ 

*  Le  livre  des  fais  et  bonnes  meurs  du  ruij  Charles, 
Michaud,  p.  86. 


III, 

édit. 


FUNAMBULES  —  FYFY 


351 


Cet  exploit  fut  pourtant  renouvelé  peu  d'années 
après,  lors  de  l'entrée  d'Isaheau  de  Bavière  à 
Paris.  Un  génois,  qui  a  eu  Froissart  pour  histo- 
rien, fixa,  nous  est-il  dit,  à  une  des  tours  de 
Notre-Dame,  une  corde  «  laquelle  comprenoit 
moult  loin  et  pardessus  les  maisons,  et  estoit 
attachée  sur  la  plus  haute  maison  du  pont  Saint- 
Michel  ».  Il  vint  déposer  une  couronne  sur  la 
tête  de  la  reine  au  moment  où  celle-ci  traversait 
le  Pont-au-Change  ^ . 

C'est  à  la  foire  Saint-Germain  que  s'exhibaient 
les  funamhules  les  plus  hardis.  Kn  1614,  deux 
d'entre  eux  émerveillèrent  tellement  Marie  de 
Médicis  qu'elle  leur  donna  cent  livres  tournois, 
forte  somme  pour  l'époque. 

Un  sieur  Jean  Hall  acquit  aussi  une  belle 
réputation.  Mais  sa  femme  Suzanne  Roy  avant 
voulu  tenir  sur  les  fonts  de  Itaptême  l'enfant  d'un 
de  leurs  voisins,  dut  jurer  et  faire  affirmer  par 
témoins  qu'elle  ne  montait  pas  sur  la  corde  et  ne 
paraissait  jamais  en  scène-. 

Joseph  Brunn,  en  1775,  roulait  sur  le  fil  de 
fer  un  enfant  dans  une  brouette.  M"''  Charini, 
en  1783,  dansait  sur  la  corde  avec  les  pieds 
enchaînés  et  j  jouait  de  la  mandoline  ^. 

Voy.  Bateleurs. 

Funérailles  et  Transports  funèbres 
(Entreprises  de).  Voj.  Fompes  funèbres. 

FuneurS-  Ceux  qui  fournissent  et  posent  les 
cordages  destinés  aux  bateaux. 

Fureteurs.  Officiers  royaux  chargés  de 
prendre  soin  des  furets. 

On  trouve  aussi  fuiretiers,  fuironneurs, 
ftironneurs ,  etc. 

Furonneurs.  Voy.  Fureteurs. 

Furreliers.  Voy.  Fourreliers. 

Fuseaux  (Fabricants  de).  Les  fuseliers 
fabriquaient,  en  bois  de  houx,  des  fuseaux  et 
probablement  des  quenouilles.  La  Taille  de  1313 
cite,  dans  la  rue  du  Temple,  un  sieur  Nicolas 
Porcel,  fuiselier  *.  11  y  a  là  sans  doute  une  erreur 
de  copiste,  et  il  faut  lire  fuselier  ^. 

Au  milieu  du  seizième  siècle,  on  colportait 
encore  des  fuseaux  dans  les  rues,  comme  le 
prouvent  ces  vers  extraits  des  Cent  et  sept  cris 
que  Von  crie  journellement  à  Paris  : 

Fuzeaux  de  houx,  fuzeaux  de  houx! 
Où  esles-vous,  dame  ou  fille  ? 
J'en  ay  vendu,  puis  le  mois  d'aoust, 
Plus  d'un  cent  dedans  reste  ville  ! 

La  petite  rue  des  Fuseaux,  qui  descendait  de 
la  rue  Saint-Germain   l'Auxerrois   à  la   Seine, 


1  Chronique,  liv.  IV,  chap.  I,  édit.  Buchon,  t.  III,  p.  5. 
-  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  470. 
3  Campardon,  Spectacles  de  la  foire,  t.  I,  p.  183  et  195. 
*  Pa^e  84. 

S  Voy.  Ducange,  au   mot  fuxarius.   Fuseau   se   disait 
alors  en  latin  fusela  et  fusellus. 


devait  son  nom  à  une  vaste  maison  qui  portait 
pour  enseigne  deux  fuseaux.  Près  de  là  et  paral- 
lèle à  la  rue  des  Fuseaux,  se  trouvait  la  rue  des 
Quenouilles^,  qui  a  disparu  en  même  temps 
qu'elle. 

Sur  le  rouet,  voy.  Filature. 

Fuseliers.  Vov.  Fuseaux  (Fabricants 
de). 

Fustiers.  Voy.  Fùtiers. 

Futailliers.  \(>y.  Tonneliers. 

Futainiers.  Fabricants  de  fulaiue.  Cette 
étoffe  est  citée  dans  le  Livre  dts  métiers-^  mais 
c'était  alors  un  produit  exotique  qui  nous  venait 
de  l'Orient.  Elle  ne  rommenra  à  être  fabriquée 
en  France  que  vers  1580.  Des  ouvriers  venus  du 
Milanais  et  du  Piémont  s'élablirent  à  Lyon,  et  y 
créèrent  une  manufacture  qui  occupa  bieidôt 
jusqu'à  deux  mille  personnes  3.  Dès  1606,  Lafïe- 
mas  ^  disait  à  Henri  IV  :  <,<  Et  quant  aux  fustaiues 
et  autres  manufactures  de  coton,  nous  ne  devons 
point  permettre  que  les  estrangers  nous  en 
fournissent,  puisque  nous  avons  des  ouvriers 
autant  experts  qu'eux  pour  les  fabriquer,  et  que 
les  arbres  cottoniers  sont  si  communs  partout 
que  nous  avons  la  matière  à  bon  compte  ».  Le 
roi  venait  précisément  d'accorder  à  Michel  Pierre 
et  à  Luc  Taschereau  le  monopole  de  la  falirication 
des  futaines  à  Tours  et  en  Touraine  '.  En  même 
temps,  un  sieur  Paul  Pinçon  s'installait  à  Troyes 
et  y  fondait  une  nouvelle  manufacture. 

Peu  après,  la  France  produisait  chaque  année 
pour  un  million  de  futaine,  dont  un  tiers  était 
exporté,  principalement  en  Espagne  et  en  Por- 
tugal. 

Aux  treizième  et  quatorzième  siècles,  on 
nommait  ftdaine,  doublet  ou  blanchet  une  sorte 
de  longue  camisole,  commune  aux  deux  sexes, 
et  qui  se  portait  sur  la  chemise.  Les  gens  du 
peuple  sortaient  souvent  sans  autre  vêtement  sur 
le  torse.  En  1360,  le  roi  Jean  offrit  une  futaine 
doublée  à  Jehan,  son  fou  ". 

FÛtiers.  Ouvi-iers  qui  préparent  les  minces 
feuilles  de  bois  destinées  à  servir  de  carcasse  aux 
malles,  aux  cartonnages,  aux  gaines,  etc. 

Ils  appartenaient  à  la  corporation  des  colfre- 
tiers-malletiers. 

D'une  manière  générale,  on  nommait  aussi 
fûtiers  ou  fustiers  tous  les  ouvriers  qui  travaillaient 
le  bois,  menuisiers,  charpentiers,  etc.  Ftist,  en 
vieux  français  signifiait  bois. 

Fyfy  (Maîtres).  Voy.  Vidangeurs. 


1  \'i)y.  Jaillot,  quartier  Saiute-()]i[iortuiie,    p.  21,    50 
et  plan. 

2  Deuxième  partie,  litre  II,  art.  31. 

3  Savary,  t.  II,  p.  188. 
i  Histoire  du  commerce. 

5  Voy.  G.  Fagniez,  L  industrie  en  France  sous  Henri  IV, 
p.  53. 

<î  Douët-d'Arcq,   Comptes  de  l'argenterie,  p.  223. 


352 


GAAGNE  —  GAGNE-DENIERS 


G 


Gaag-ne.  Vnv.  Gagne. 

Gaaigniers  et  Gaaisniers.  Vov.  Gai- 
niers. 

Gabariers  et  Gabarriers.  Ce  nom  s'ap- 

pliqiwiil  au  patron  d'uno  |^^al)are,  à  celui  qui  la 
(■(.Mihiisaitetaux  portefaix  qui  la  décharjjeaient  i . 

La  -raliare  était  un  bateau  larji^e  et  plat,  qui 
transportait  par  rivière  les  marcliandises  arrivées 
par  mer  dans  un  port. 

On  trouve  parfois  Gahriers. 

\'(iv.  Patachons. 

Gabeleurs  ei  Gabeleux.  Voy.  Gabe- 
llers. 

Gabeliers.  Employés  do  la  o^jdielle,  et  plus 
particulièrement  ceux  qui  étaient  chargés  de 
faire  séclu'r  le  sel.  Ils  furent  institués  par  Tor- 
doniiancp  du  20  mars  1342.  On  trouve  aussi 
gabelnirs,  gabelous^  gabelenx,  (juùelliers^  gahriers, 
etc. 

Voy.  Sel  (Commerce  du). 

Gabelliers.  Gabelous.Gabriers.Voy. 
Gabeliers. 

Gâcheurs.  Ouvriers  maçons  qui  «  dé- 
Iri'uipt'nl  dans  une  auj^e  le  plâtre  avec  de  l'eau, 
[)iiiir  élri'  cmidoyé  sur  le  champ  ».  La  Taille  de 
i-2Ui*  cite  deux  gascheeurrs^  celle  de  1300  en 
iMt-nlionne  un  seul. 

(Jn  noniinail  aussi  j>;âcheurs  les  <\  nuirt  liaiids 
vendant  à  vil  prix.  » 

Gadouards.  \  ov.  vidangeurs. 

Gagistes  de  théâtre.  «  Les  lias  olticiei-s  - 
porleiil,  entre  les  comédiens,  le  nom  de  {^a- 
jçisles,  parce  qu'ils  tirent  leur  existence  des 
}fH)^es  qui  leur  sont  pcuictuellement  payez,  et  il 
n'y  H  point  de  communauté  au  mu4j(le  plus 
réjjulière  que  la  leur  en  cet  article.  Les  premiers 
tleiiiers  sont  toujours  poiu-  eux,  et  ils  sont  servis 
avant  le»  mattri-s  '  ».  Les  comédiens,  alors 
on  société,  «-ouraienl  les  chances  honnes  ou 
mauvaises  de  l'entreprise ,  l^uidis  que  les 
nmsicieii>.,  <-omparses.  machinistes,  eni[)lovés 
louclinicnl  <|i>s  j^nj^fs  lixrs. 

Nov.  Théâtre. 


'   K^eyrtopédit  m^lhodiqur,  rommorcc,  t.  II,  p.  473. 

'  I.«'.H  pflil»  .'niployi'.s. 

•^  Chappusi.'uli,  Le  ihinirt  (riin^ma  (ltj74),  p.  236. 


Gag^nant-maîtrise.  On  nommait  ainsi  les 
artisans  qui  servaient  pendant  un  temps  déter- 
miné dans  certains  établissements,  afin  d'obte- 
nir ainsi  la  maîtrise  sans  rien  payer  et  sans  être 
forcés  de  produire  un  chef-d'œu\Te. 

Voy.  Charité.  —  Galerie  du  Louvre. 
—  Gobelins.  —  Hôpital  général.  — 
Hôtel-Dieu.  —  Miséricorde.  —  Petites- 
maisons.  —  Savonnerie.  —  Trinité. 

Gagne-deniers.  Ils  se  divisaient  en  quatre 

classes  : 

1°    Les  GAGNE-DENIERS  PROPREMENT  DITS  : 

Commissionnaires. 

Crocheteurs. 

Forts. 

Hommes  de  peine. 

Portefaix. 
Tous  avaient  pour  patron   saint   Christophe, 
mais  la  vraie  fête  de  tous  les  g-agne-deniers  se 
célébrait  à  la  mi-carême. 

2°    Les  GAGNE-DENIERS  SUR  l'eAU  : 

Débardeurs. 

Garçons  de  la  pelle. 

Plumets. 

Manieurs. 
Outre    saint    Christophe,     leur    patron,     les 
ffaffne-deniers  sur  l'eau   avaient   une   confrérie 
placée  sous  le  patronag-e  de  la  Vierg-e. 

3"  Les  PORTEURS  spéciaux  à  certains  métiers, 
11  y  a  eu  des 

Porteurs  de  bois. 

—  charbon. 

—  chaux. 


draps. 
Il  1 1  n . 
grains. 
plâtre. 


et  peul-èlrc  d'aulrcs  (Micore. 

Mais  ces  porteurs  ne  demeurèrent  pas  long;- 
lemps  au  rang'  des  gagne-deniers.  Autorisés  à  se 
faire  aider  par  des  -plumets^  ils  ne  tardèrent  pas 
à  leur  laisser  toute  la  besogne  et  à  jouir  en  repos 
du  revenu  de  leur  charge. 

4"  Les  gagne-deniers  ou  forts  de  la  douane. 

Ils  avaient  pour  patron  sainte  Barbe. 

Presque  tous  les  gagne-deniers  étaient  recon- 
naissables  à  une  médaille  spéciale,  qu'ils  devaient 
porter  en  évidence  sur  leurs  vêtements. 


GAGNK-DKNIEHS  —  GALOCHIERS 


353 


Le  mot  g'ag^ne,  pris  dans  le  sens  ci-dessus, 
a  été  écrit  gaagne^  gaùjne,  gaingne,  gaggiie,  etc. 

Voy.  l'article  consacré  à  chacun  des  noms 
cités  plus  liant. 

Gag-ne-maille.  Gag-ne-néant. Gag-ne- 
obole.  Gagne-pain.  \o\.  Raccommo- 
deurs  de  vases  en  bois. 

Gagne-petit.  \o\.  Rémouleurs. 

Gaigne.  Voy.  G-agne. 

Gaigneurs.  Vov.  Laboureurs. 

Gaigniers.  \o\.  Gainiers. 

Gaingne.  Vov.  Gagne. 

Gainguettiers.  A'oy.  Guinguettiers. 

Gainiers.  La  fabrication  des  «gaines  et 
fourreaux  occupait,  au  treizième  siècle,  deux 
corporations  distinctes,  ayant  chacune  son 
organisation  et  ses  statuts  particuliers. 

C'étaient  : 

V  Les  gaaignlers  de  fonriaiix  ou  gaiaiers- 
furreliers  '. 

2"  Les  garnisseurs  de  gaaines.  feiseurs  de 
viroles,  de  liens  et  de  coispemis  de  laiton,  d'archal 
et  de  quoirre  ^. 

Les  GAINIERS  -  FURRELiERS  faljriquaieut  des 
carquois  pour  les  archers,  des  écrins  pour  serrer 
les  bijoux  et  les  objets  précieux,  des  fourreaux 
pour  les  épées,  les  couteaux,  etc.  Ils  ne  pouvaient 
employer  que  le  cuir  bouilli  et  seulement  le 
cuir  de  «  vache,  de  buef,  de  cheval,  de  une  et 
de  veel  '',  sauz  mètre  nul  autre  cuir  en  huevre  '^ 
ne  viez  ne  nouvel  ». 

Chaque  maître  ne  devait  avoir  en  môme  temps 
qu'un  seul  apprenti.  L'apprentissag'e  durait  de 
huit  à  neuf  ans.  Le  travail  à  la  lumière  étaii 
iiderdit.  Quatre  jurés  surveillaient  le  métier. 

Le  Livre  des  métiers,  qui  me  foui-nit  ces  ren- 
seignements, ne  fait  aucune  distinction  entre  les 
gainiers  et  les  fourreliers  ;  ils  n'étaient  cepen- 
dant pas  absolument  confondus,  car  la  Taille  de 
1292  mentionne  52  (piainiers  et  6  fourreliers,  et 
la  Taille  de  1300  42  gais niers  et  8  fourreliers. 

Les  GARXissEURS  Complétaient  les  g-aines  et 
les  fourreaux.  Ils  y  ajoutaient  les  viroles,  les 
rivets,  les  cercles,  les  crampons,  les  bandes,  les 
heus  •'  et  les  coispeaux  ".  Chaque  maître  ne 
pouvait  engager  qu'un  seul  apprenti  à  la  fois, 
et  l'apprentissage  durait  huit  ans,  le  travail  à 
la  lumière  était  interdit,  deux  jurés  adminis- 
traient la  communauté. 

La  Taille  de  1292  cite  4  garnisseurs  et  3  viro- 
liers,  celle  de  1300  mentionne  12  garnisseurs  et 
5  viroliers. 


'   I.icre  lies  iiif'liers,  titiv  LX\  . 
-  Lirre  des  métiers,  titre  LX\  I. 
■*  De  veau. 
4  En  œuvre. 
^  Les  poignées. 
6  Les  pommeaux. 


Les  gainiers  firent  reviser  leurs  statuts  en 
juin  1324  et  en  mai  1457.  Ces  derniers  les 
q  1 1  a  1  i  lie  n  t  de  g  a  isn  iers  -fourreliers  -ho  lUeilliers  - 
faiseurs  de  coffres  et  boistes  à  chevaucheurs- 
ouvriers  de  cuir  Ir/ubj  • . 

Une  nouvelle  rétlaction  fut  adoptée  en  sep- 
tembre 1500.  L'article  1"  accorde  à  la  commu- 
nauté le  droit  de  fabriquer,  mais  toujours  en 
cuir  bouilli,  toutes  sortes  de  "-aines  -,  de  four- 
reaux,  d  étuis  ■',  de  boîtes,  de  flacons  et  d'écri- 
toires  lixes  ou  portatives  *.  L'apprentissage  était 
réduit  à  six  ans.  Chaque  maître  devait  marquer 
ses  produits  d'un  poinçon  particulier. 

Ces  statuts  subsistèrent  à  peu  près  sans  chan- 
gement jus({u'à  la  fin  du  di.x-huitième  siècle.  Le 
nombre  des  maîtres  était  alors  de  125  environ. 
Dans  le  nombre  figurait  le  sieur  Galuchat, 
inventeur  de  la  garniture  qui  porte  encore  son 
nom.  L'article  que  lui  consacre  V Almanack 
Dauphin  2)our  1777  est  ainsi  conçu  ;  «  Galuchat, 
père  ^,  quai  des  Morfondus  •*,  est  celui  qui  le 
premier  a  trouvé  l'art  d'adoucir  et  mettre  en 
couleur  les  peaux  de  roussette  et  de  requin  ', 
dont  on  garnit  les  surtouts  de  montres,  boîtes  à 
lancettes,  étuis  ù  ciseaux  et  à  rasoirs  et  autres 
objets  ». 

Les  gainiers  étaient  placés  sous  le  patronage 
de  sainte  Madeleine  et  de  saint  Maur.  L'ortho- 
graplie  de  leur  nom  a  fort  varié.  On  trouve  dans 
le  Livre  des  métiers  :  gaaigniers, gaigniers,  gain- 
niers  et  ganniers.  La  Taille  de  1292  les  nomme 
guainiers,  celle  de  1300  gaisniers.  Je  trouve 
dans  les  statuts  de  \Aol  gaisniers.  dans  l'ordon- 
nance des  Bannières  (1467)  gnegniers,  dans  le 
Lii're  commode  ([(592)  guaisuiers.  J'ai  rencontré 
encore  gaaisniers,  fja.inniers  il380i,  gagnicrs 
(1560K  guesniers,  ouvriers  (Testvgs,  etc. 

Gainniers.  Voy.  Gainiers. 

Gaisniers.  Nom  que  la  Taille  de  1300  et 
les  statuts  de  1 157  donnent  aux  gainiers. 

Galeries,  ^'oy.  Louvre  et  Palais. 

Galilée  (Empire  de;.  \'oy.  Bazoctie. 

Gallemiches  et  Gallemicheux ,  Noms 

donnés  à  certains  boulaiigci's   dont  je    n'ai   pu 
déterminer  la  spécialité  **. 

Galochiers.  Les  galoches  [gallica>,  gulli- 
cnlœ  sont  d'origine  fort  ancienne,  car  les  latins 
les  empruntèrent  aux  Gaulois,  et  le  m)ine  de 
Saint-Gall  nous  apprend  que  Charlemagne  afîec- 
tionnait  particulièrement  ces  chaussures  à  semelle 
de  bois. 

Leur  emploi  semble  avoir  été  moins  fréquent 


i  Bouilli. 

-  «  Gaignes  ». 

■'  «  Estuiz  ». 

4  «    Aulcuns    galleniiirs    autrement    dits    e.seriptoircs 
que  l'on  po.Me  cou.stuniièrenient  à  la  ceinture  ». 

5  Son  fils  était  établi  aus.si  quai  de.s  Morfondus. 

6  Auj.  réuni  au  quai  de  l'Horloge. 

"'   Il  s'agit  ici  d'une  variété  de  la  raie. 
î*  Lettre  du  prévôt  de  Paris  concernnnl  les  droits   des 
boiilanjers,  21)  avril  lût)4. 


•zs 


354 


GALOCHIEKS  —  GANTIKKS 


au  treizième  siècle  puisque  les  Tailles  de  1292 
et  de  1300  mentionnent  chacune  2  galoc/mrs 
seulement. 

Ce  métier  ne  figure  plus  dans  Tordonnance 
dite  des  Bannures  ijuin  1467). 

Les  o-aloches  continuèrent  pourtant  à  être 
utilisées^  en  hiver  surtout,  pour  protéger  des 
chaussures  plus  légères.  Par  les  jours  de  boue. 
les  élèves  externes  qui  se  rendaient  chaque  matin 
au  collège  en  faisaient  grand  usage  ;  aussi  les 
nommait-on  Af^^  galoches  '. 

Voy.  Patiniers. 

Galonniers.  Aux  douzième  et  treizième 
siècles,  galonner  la  barbe  ou  les  cheveux,  c'était 
diviser  le  poil  en  plusieurs  touffes  autour  des- 
quelles s'enroulaient  des  fils  d'or  ou  d'argent. 
Le  sens  actuel  du  mot  (jahuner  est  venu  de  là. 
On  nommait  galon  ou  gallon  l'instrument  em- 
plové  pour  galonner  la  îiarbe  ou  la  chevelure  -. 

Galonniers.  Faiseurs  (1(^  galons.  Ils  con- 
fcclionnaienl  des  réseaux,  tresses,  crépines, 
dfii telles  et  galons  en  laine,  en  soie,  en  argent, 
en  or. 

Les  livrées  des  pages,  tles  hupiais  et  des  cochers 
étaient  ornées  de  galons,  dont  la  couleur  et  la 
disposition  variaient  pour  chaque  famille.  Des 
ordonnances  interdisaient  de  porter  une  livrée 
sans  galons,  mais  ceux  d'or  et  d'argent,  réservés 
pour  les  andiassadeurs  et  les  seigneiu-s  étrangers, 
étaient  interdits  aux  particuliers  ■*. 

Vers  la  Hî)  du  dix-huitième  siècle,  il  _v  avait  à 
Paris  environ  vingt  galonniers.  Ils  appartenaient 
il  la  corporation  des  rubaniers. 

Galopins.  Marmitons  attachés  à  la  cuisine 
des  grandes  maisons.  Ils  faisaient  les  commissions 
du  cuisinier,  tournaient  la  broche,  plumaient  les 
volailles,  piquaient  les  viandes,  et,  sous  la  direc- 
tion des  potagers ,  préparaient  les  bouillons 
pendant  la  nuit.  \,' Etat  de  la  France  jwtir  1687 
l'ail  figurer  tians  la  cuisine-bouche  du  roi  «  trois 
••nfan>  d»-  cuisine  ou  galopins  »,  aux  gages  de 
:{()0  livres  *.  h'J'Jlaf  de  la  Franre  pour  1730  cite 
>c|»iirénit'nl,  dans  la  maison  de  la  reine.  4  enfans 
de  cuisine  cl  2  galopins  ordinaires  "'. 

Olivier  de  la  Marche  écrivait  au  quinzième 
siècle  :  k  Les  happclloppins  et  les  eufans  nourris 
MUis  gîiige  en  la  cuisine  doivent  tourner  les  rosts 
••I  fair»'  tous  les  autres  services  menus  qui  appar- 
licnuenl  il  la  dit-te  cuisine  ^  ».  C'est  égalcnitMit 
(I  ces  atdrs  ou  garçons  de  cuisine  qu'incomliait  le 
soin  d'épluciier  les  légumes,  d'écurerla  vaisselle. 
de  nelioyer  le  '^ardc-inangcr.  cic.  ". 

Gamins.  \''\.  Batteurs  de  cannes. 
Gainiiors.  V(.v.  Gainiers. 


I  \..,     V....I  .1,,  pnil,  Œurres,  I.  H,  j,.  19.|. 

*  ^  .  filiismirr,  au  mol  gnllonnuiii. 

■"'•'  I  rnilf  (If  l„  puliif.  \.   I.    ],    ;(c,r,  .t  •-iiiv 

*  T..U1.-  l.  |..  h5. 

5  Toiiip  II,  p.  347. 

"  .WiHoiret,  i^lit.  ilc  IttlO.  |..  l'.ts.s. 

■  AU'lijj>T,  /,/!  uuiUoH  irglrr,  liv.  I,  cliaii.  C. 


Gantelets    (P'aiseurs    de).    J'ai  recueilli 
dans  la  Taille  de  1313  \  cette  mention  : 
C!olin  l'Escot,  qui  fait  gantelcz. 

11  demeurait  rue  de  la  Heaumerie  -,  au  milieu 
des  heaumiers,  des  haubergers,  des  armuriei-s, 
etc.  Il  s'agit  donc  ici  d'un  de  ces  derniers  qui 
avait  adopté  la  spécialité  des  gantelets. 

Je  trouve  cité,  au  quatorzième  siècle,  un 
«  faiseur  de  ganthelès  »,  dit  plus  loin  «  faiseur 
de  gantelez  •*  ». 

Gantiers.  Les  gantiers,  cirotecarii  d'il  Jean 
de  Garlande,  soumirent  vers  1208  leurs  statuts 
à  l'homologation  du  prévôt  de  Paris  *.  On  y  voit 
que  le  roi  avait  concédé  une  partie  des  revenus 
de  ce  métier  à  son  grand  chambrier  ;  c'est  donc 
à  ce  dernier  que  les  gantiers  achetaient  le  droit 
de  s'établir.  Ils  pouvaient  avoir  un  nombre  illi- 
mité d'apprentis  et  régler  à  leur  volonté  les 
conditions  de  l'apprentissage.  Ils  confectionnaient 
seulement  les  g-ants  de  peau,  les  autres  étaient 
le  monopole  des  cha'peliers  de  coton,  devenus  au 
quartorzième  siècle  chapeliers  de  gants  de  laine 
et  de  bonnets.  Chaque  maître  laissait,  à  tour  de 
rôle,  sa  boutique  ouverte  un  dimanche  sur  six. 
Quatre  boutiques  restaient  ainsi  ouvertes  tous  les 
dimanches,  ce  qui  nous  prouve  qu'il  y  avait  alors 
à  Paris  24  maîtres  gantiers.  On  n'en  comptait 
plus  que  21  en  1292.  et  leur  nombre  était  de  42 
en  1.300  3. 

Au  quinzième  siècle,  les  gants  étaient  le 
complément  indispensable  d'une  toilette  soignée. 
Les  jeunes  damerets,  dit  Martial  d'Auvergne  ", 
les  passaient  à  leur  ceinture.  Sous  Charles  IX, 
on  voit  cités  des  gants  montant  jusqu'au  coude  " . 
Les  gants  d'Allemagne  et  de  Champagne  étaient 
fort  estimés ,  mais  aucun  pays  ne  pouvait 
soutenir  la  comparaison  avec  l'Espagne. 

Des  lettres  patentes  du  mois  de  janvier  1614 
octroyèrent  aux  gantiers  «  permission  de  se 
nommer  et  qualifier  tant  maistres  gantiers  que 
parfumeurs  »,  et  en  mars  1656  ils  firent  reviser 
leurs  statuts.  L'apprentissage  fut  fixé  à  quatre 
ans,  suivis  de  trois  ans  de  compagnonnage,  et 
chaque  maître  ne  put  avoir  à  la  fois  qu'un  seul 
apprenti.  Si,  sans  cause  légitime,  un  maître 
renvoyait  le  sien,  les  jurés  de  la  corporation  se 
chargeaient  de  placer  celui-ci  dans  un  autre 
atelier. 

Tout  aspirant  à  la  maîtrise  devait  parfaire  le 
chef-d'œuvre,  mais  les  fils  de  maîtres  en  étaient 
dispensés  et  astreints  seulement  à  V expérience. 

Il  n'est  pas  question,  dans  ces  statuts,  de 
poudre  à  poudrer,  et  les  gantiers  x\^  sont  point 
encore  qualifiés  de  poudriers,  titre  qu'ils  ne 
vont  pas  larder  à  prendre.  Dès  Tannée  1689, 
ils   avaient    le    privilège   de    cette    fabrication. 


'  Page  102. 

2  Devenue  rue  des  Écrivain.^,  puis  .supprimce  en  \^'\'i. 
•'  A  oy.    B.    Prost ,    Intenlaires  mobiliers,   etc.,    t.    I  , 
p.  151)  et  1<»7. 

^  Litre  des  métiers,  litre  LXXX\'III. 

■'  ^oy.  le.s  Tailles  do  ces  deux  années. 

'■'  Arrêts  d'amour,  t.  II,  p.  403. 

"'  C.imberet  Danjou,  Arc/ilces curieuses,  t.  \  III,  p.  301 


GANTIiaiS  —  GAliDES  1)1  vS  AIRl-^S 


:r)5 


comme  le  prouve  un  arrêl  rendu,  le  4  juillet, 
contre  les  merciers. 

Le  nombre  des  maîtres  gantiers,  qui  était  de 
250  en  1725  '  semble  avoir  peu  varié  depuis 
cette  année. 

De  temps  immémorial,  la  communauté  des 
gantiers  avait  pour  patronne  sainte  Anne.  Ils  lui 
adjoignirent  plus  tard  sainte  Madeleine,  patronne 
coninnuK»  aux  corporations  qui  s'occupaient 
d'adoucir  la  peau,  les  gainiers  et  les  mégissiers, 
par  exemple. 

Voj.  Foudriers. 

Ganyeurs.  Voy.  Laboureurs. 

Garanceurs  ou  Teinturiers  en  rou- 
ge. Noiîis  employés  sui'ltiul  dans  les  manul'ac- 
tures  de  Rouen. 

Garandiers  et  Garanniers.  Voy.  G-a- 
rennisrs. 

Garçons  de  cabaret.  «  Le  devoir  d'un 

garçon  de  cabaret,  qu'on  appelle  le  premier 
garçon,  est  de  savoir  bien  gouverner  ime  cave, 
connoître  la  qualité  de  tous  les  vins,  les  ditie- 
rens  prix  d'iceux  et  les  indiquer  aux  autres 
garçons,  afin  que,  quand  ils  sont  plusieurs  qui 
vont  à  la  cave,  quoique  ce  soit  lui  qui  en  ait  le 
gouvernement,  ils  ne  se  trompent  point  et  ne 
donnent  point  celui  d'un  prix  pour  un  autre.  Il 
faut  aussi  qu'il  sache  l)ien  préparer  toute  chose 
pour  éclaircir  les  vins  -,  qu'il  perce  toujours 
et  fasse  débiter  les  plus  prompts  à  boire  ;  qu'il 
ait  bien  soin  de  visiter  et  remplir  tous  ses 
râpés  ^  les  soirs  ;  que  sa  cave,  ses  futailles,  ses 
cannelles  soient  toujours  bien  propres  et  bien 
nettoyées  :  cela  fait  que  les  vins  s'en  portent 
beaucoup    mieux    et   se   conservent    bien    plus 

longtemps 

Il  doit  aussi  desservir  ou  faire  desservir  promp- 
tement,  et  bien  faire  nettoyer  les  tables  par  les 
servantes  ou  les  autres  garçons  sitôt  que  les 
compagnies  sont  sorties  ;  leur  bien  faire  ranger 
les  chambres  ;  bien  nettoyer  et  laver  les  baquets 
à  pisser;  balayer  l'escalier,  la  cour,  la  boutique, 
le  devant  de  la  porte  et  autres  endroits  dépen- 
.dans  de  la  maison,  afin  que  les  buveurs  y  étant 
proprement,  cela  les  attire  et  les  oblige  à  y 
revenir  une  autre  fois •'  ». 

Garçons  de  la  chamJbre.  Ufflciers  de  la 
maison  royale,  appartenant  au  service  du  grand 
(■haml)ellan.  <\  Ils  ont  soin  de  préparer  ou  de 
faire  préparer  plusieurs  choses  nécessaires  à  la 
chambre,  les  tables,  les  tapis  et  les  sièges  pour 
les  Conseils  qui  se  tiennent  dans  la  chambre  ou 
dans  le  cabinet  du  Roy.  Ils  couchent  toujours 
deux  proche  la  chaml)re  du  Roy,  un  dans  l'anti- 
chambre et  l'autre  dans  le  cabinet.  Ils  vont 
avertir   à  la  Bouche  qu'on  apporte  le  bouillon 


'   Savary,  Dictloniiairi',  t.  I,  fi.    i'iA. 

-  On  nommait  ainsi,  dans  les  cabarets,  un  mélanj^^'' 
des  restes  de  toutes  sortes  de  vins,  qu'on  rassemblait 
dans  un  tonneau  pour  ne  rien  ptn-dre. 

•*  Audiger,  La  muluon  réglée  (1G92},  liv.  III,  cbap.  3. 


quand  le    Roy  en    prend,  et  qu'on   apporte   le 
déjeuner  de  Sa  Majesté  ^  ». 

Garçons-compag-nons.  «  On  nommo 
ainsi,  dans  l'exploitaliijii  des  carrières  de  pierres 
de  taille,  les  ouvriers  qui  travaillent  à  couper 
les  pierres  dans  le  fond  de  la  carrière.  On  les 
distingue  ainsi  du  maître  carrier,  qu'on  nomme 
simplement  carrier,  et  des  ouvriers  qui  font 
tourner  la  roue  en  montant  le  long  de  l'échellier. 
Ceux-ci  s'appellent  manœuvres  carriers  ^  ». 

Garçons  de  cuisine.  Voy.  Galopins. 

Garçons  marchands.  Voy.  Commis 
miarchands. 

Garçons  d'office.  Domestiques  de  grande 
maison.  «  Lorsqu'il  y  a  un  garçon  d'office,  son 
devoir  et  fonction  est  de  tenir  la  vaisselle  d'argent 
bien  propre,  de  la  compter  souvent,  et  en  rendre 
compte  à  l'officier  ou  au  maître  d'hôtel  ;  et  s'il  y 
a  en  quelque  pièce  d'égarée  les  en  avertir,  afin 
qu'ils  y  donnent  ordre. 

Il  doit  avoir  le  même  soin  de  tous  les  autres 
ustensiles  et  batterie  d'office. 

Ne  pas  manquer  en  prenant  du  linge  blanc  de 
rapporter  le  sale,  et  en  l'absence  de  l'officier 
prendre  bien  garde  à  tout. 

Il  est  obligé  de  mettre  le  couvert  du  maître 
d'hôtel,  de  ramasser  le  linge  de  table  pour  qu'il 
ne  s'en  perde  point,  et  de  bien  obéir  à  son 
officier  ^  ou  à  son  maître  d'hôtel  ^  ». 

Garçons  de  la  pelle.  On  nommait  ainsi 
de  pauvres  gagne-Jeuiers  qui  se  tenaient  sur  les 
ports  et  qui,  au  moyen  de  grandes  pelles,  déchar- 
geaient les  bateaux  de  charbon.  Ils  étaient  sous 
les  ordres  des  mesureurs  de  charbon. 

Yoy.  G-agne-deniers. 

Garçons  du  tas.  Nom  donné  aux  ouvriers 
maçons  qui  servaient  d'aides  à  l'appareilleur. 

Garderobiers.  Officiers  de  la  maison 
royale,  à  qui  était  confié  le  soin  des  vêtements 
et  des  armes  ^.  Ce  mot  a  désigné  aussi  desimpies 
valets  de  garde-robe  *'. 

Gardes.  Voy.  Jurés. 

Gardes.  Pour  faciliter  le  classement  des 
articles  qui  suivent,  j'ai  toujours  donné  au  mot 
garde  la  marque  du  pluriel. 

Gardes  des  aires.  Officiers  de  la  maison 
royale,  appartenant  au  service  du  grand  faucon- 
nier. Leur  chef  élait  dit  capitaine  des  (fardes  des 
aires  de  Boimiofjne  et  de  Bresse,  ses  appointements 
étaient  de  I.OOO  livres.  «  Cette  charge  a  été 
créée  pour  avoir  soin  des  aires  des  oiseaux  de 


1  Kfnt  de  la  France  pour  1687 ,  t.  I,  p.  143  ;  pour  Î73fj, 
t.  I,  p.  293. 

2  Savary,  Dictionnahe,  t.  II,  p.  211. 

3  A  son  officier  d'oftiee. 

i  Audiger,  La  maison  réglée  '1002',  liv.  I,  ehap,  ô. 

•>  \oy.  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'arqenferif,  p.    2(39. 

S  Voy.  Ducange,  au  mot  garderobariue. 


356 


GARDES  DES  AIHlvS  —  (JAHDKS-HUCHK 


proye  nui  se  trouvent  dans  les  forêts  des  provinces 
de  'Bourgogne  et  de  Bresse.  Le  capitaine  est 
obligé  deJ'aire  apporter  ces  oiseaux  au  Roy,  pour 
être"nis  dans  la  fauconnerie  de  son  cabinet.  Par 
le  mot  rare,  l'on  entend  les  roches  ou  les  préci- 
pices que  les  faucons  choisissent  pour  faire  leurs 
fauconneaux  et  les  arbres  au  haut  desquels  les 
vautours  font  leurs  nids  ^  ».  Il  v  avait  aussi  des 
gardes  des  aires  dans  les  forêts  de  Compiègne, 
d'Andennes,  etc. 

Gardes  et  dépositaires  des  archives. 

Offices  créés  par  édil  de  1709,  et  supprimés  en 
1710.  Les  titulaires  avaient  pour  titre  officiel  : 
G'D-fks  et  fk'positaires  des  (irchii:eft.  statuts  et 
rcff/eiiiens,  titres,  comptes  et  autres  pièces  dans 
chaque  rorps  de  marchands. 

\'ov.  Offices  (Créations  d'). 

Gardes-bateaux,   metteurs  à  port. 

officiers  jurés.  L'édit  du  5  avril  1690.  qui  crée 
(piaraide  de  ces  offices,  stipule  que  leurs 
fon<-tions  consisteront  «  à  garder  tous  les 
bateaux  et  équipages  qui  arriveront  dans  les 
ports,  à  les  mettre  à  port,  etc.  ».  Au  déliut  du 
dix-huitième  siècle,  ces  offices  atteignirent  le 
nondtre  de  cent.  Tous  furent  supprimés  en  1715. 
Les  débadeurs  ont  été  dits  aussi  metteurs-à-port, 
boute-à-port  et  équipenrs. 

Gardes  de  bibliothèque.  ^  <>.\ .  Biblio- 
thécaires. 

Gardes-biens.    \^>y.   Gardes-chasse. 

Gardes-bois.  Aov.  Gardes-chasse  et 
Gruyers. 

Gardes-chaînes,    (rcns    préposés   à    la 

survfillanct'  <'l  u  la  nuuueuvre  des  chaînes  que 
l'on  Irntlait  autrefois,  comme  moyen  de  protec- 
lioii,  en  travers  de  la  Seine  et  des  rues  de  Paris. 

L'enceinte  fortifiée  élevée  par  Pliilippe-Auguste 
fui  (•onq)b'ltT  par  des  cliaînes.  De  la  tour  de 
Nf'sb'  Insliiul  aciufl  à  la  tour  du  Loiivir,  et  de 
la  Tiiiiriiflb'  ù  la  tour  Barbe;in  située  un  peu 
au-dfssUN  du  Ponl-Marie  actuel)  s'élendail  une 
grosse  cliHÎnc  de  fer  qui,  reposant  siu*  des  lialcaux 
fixés  eux-mêmes  à  des  pieux  énormes,  inter- 
disiiil  11  voldiiié  le  passage  du  fleuve.  lOntre  la 
Tnurnt'llf  !•!  la  Idur  Uarbeau  était  inlerposée  l'île 
Noire-Dame  aujoin-d'hui  île  Saint-Louisl.  et  le 
partage  de  la  Seine  en  deux  lini>  exigeait  une 
double  chaiue  ù  cet  endroit. 

(lerliiines  rues  étaii^nt  (léleiidnes  aussi  par  des 
chiifnes,  et  celles-ci  joui-reiit  un  graïul  nMe 
pendant  la  Fronde.  ÎMusieurs  de  ces  chaînes 
exixlaienl  encore  en  1779.  notamment  celle  qui 
fermait  la  rue  d..  la  Harpe  i\  son  exliviiiilé  méri- 
diiinale  *. 

Les  chaînes  eUinl  parfois  remplacées  par  des 
cordes,  ou  trouve  au.ssi  yardes-cordes. 


«  hUaldt  la  Franc, pour  1712.  \.\.y.  OlX  :  mur  173(1 
I    I.  p.  331.  .1  t.  II,  p.   291. 

*  Hurlant  f-t  Mngnv, /V/rZ/tf/f/c/i/T  </(•/'«/ /.v  t  I  ■,  -,•<•> 
-t  t.  11,  p.  160.  *  ,        ,1-       -. 


Gardes-champêtres.  Voj.  Messiers. 

Gardes-chasse.  Dans  les  propriétés  de 
campagne  d'un  grand  seigneur,  «  il  y  a,  écrit 
Audiger,  des  gardes-chasse  ou  garenniers,  dont 
le  devoir  est  de  bien  nettoyer  les  garennes  de 
bêtes  puantes,  de  savoir  bien  composer  les 
appâts,  et  tendre  les  pièges  pour  les  prendre. 
Il  faut  aussi  qu'ils  aient  bien  soin  de  la  chasse  et 
qu'ils  sachent  bien  tirer,  afin  de  pouvoir  envoyer 
du  gibier  quand  on  leur  en  demande  *  ». 

L'ordonnance  de  1669  leur  interdit  de  porter 
un  fusil,  et  leur  permit  seulement  des  pistolets.  Il 
n'y  avait  d'exception  que  pour  les  gardes  exerçant 
près  de  certaines  frontières  du  nord  et  de  l'est  ^. 

On  les  nommait  ixw^^^x gardes-bois,  gardes-biens, 
etc. 

\o\.  Capitaine  des  chasses  et  Varen- 
niers. 

Gardes  du  coin  et  étalon  royal.  \'oy. 
Huiliers. 

Gardes  du  commerce.  Dix  offices  jurés 
créés  par  édit  de  novembre  1772. 

«  Nous  leur  attribuons  le  pouvoir  exclusif  de 
mettre  à  exécution,  dans  notre  bonne  ville, 
fauxbourgs  et  banlieue  de  Paris,  les  contraintes 
par  corps  pour  dettes  civiles,  prononcées  par  les 
arrêts,  jugemens  et  sentences  émanés  de  nos 
cours,  juges  et  toutes  juridictions  quelconques  ». 
(Art.  1). 

«  Les  arrêts,  jugemens  et  sentences  portant 
contrainte  par  corps  pour  dettes  civiles  pourront 
être  mis  ù  exécution  dans  l'inférieur  des  maisons 
tous  les  jours  et  à  toute  heure,  à  l'exception 
toutefois  des  dimanches  et  fêtes...  Voulons 
néanmoins  que  lesdites  contraintes  ne  puissent 
être  mises  à  exécution  pendant  la  nuit  sans 
l'assistance  d'un  commissaire  ».  (Art.  6). 

«  Lesdits  officiers-gardes  du  commerce  auront 
une  marque  distinctive  en  forme  de  baguette, 
hujuelle  ils  seront  tenus  d'exhiber  aux  dél)ileurs 
condamnés  ».  (Art.  7). 

«  Faisons  défenses  à  foutes  personnes?  d'user 
envers  lesdits  d'aucuns  propos  injurieux  ni  voies 
de  l'ait,  sous  peine  d'être  poursuivies  comme 
pour  l'ail  de  rél)ellion  à  justice  ».  (Art.  9). 

Gardes-cordes.  Voy .  Gardes-chaînes. 

Gardes-conservateurs  des  étalons, 
poids,  mesures  et  balances  de  l'hôtel 

de  ville.  Offices  créés  par  déclaration  du 
18  octobre  1707  et  supprimés  par  édit  du 
10  décembre  1709. 

Gardes-forestiers.  Voy.  Forestiers. 

Gardes  des  halles  et  marteaux  des 
cuirs.  \  oy.  Contrôleurs. 

Gardes-huche  ei  Gardes-hug-e.  \'oy. 
Gardes-vaisselle. 


1   La  iiini.soii  réglée  (1692),  livn^  II,  ciiap.  4. 

-  .1.  Hriiriijui'z,    DiclioniKiire   du   droit  de  i/ins.se,   t.  1, 

II.  ai8. 


(ÏARDKS  DES  INSTRUMENTS  DE  MUSIQIE  —  GARDES-NOTES 


357 


Gardes  des  instruments  de  musique 
de  la  chambre  du  roi.  Leurs  gages  étaient 
(Je  300  livres  '.  Jusque  vers  l()87,cet  emploi  l'ut 
rempli  par  deux  nains  -. 

V(iy.  Musique  de  la  chambre. 

Gardes  des  joyaux.  «  Le  (lue  a  un  garde 

de  joyaux  et  son  aide.  Et  est  ireluj  garde  de 
jovaux  fort  privt-  du  prince,  car  il  a  en  ses  mains 
un  million  d'or  vaillant,  et  sert  à  garder  les 
deniers  de  l'espargne  dn  prince,  tous  ses  jovaiix 
d"or  et  pierries  •'.  Il  a  en  sa  main  toute  la  vasselle 
d'or  et  d'argent  et  tous  les  ornemens  de  sa 
chapelle  *  >>. 

Vov.  Gardes-vaisselle. 

Gardes-laisses  des  g-rands  lévriers. 
Vov.  Lévriers. 

Gardes-ling"e.  Officiers  qui  avaient  le  soin 
du  linge  dans  les  grandes  maisons  •'. 

Gardes  -  magasins  .  ^'(\v  .  Magasi  - 
niers . 

Gardes-malades.  On  d(jnne  ce  nom,  «  ou 
simplement  celui  de  gardes,  à  des  femmes  qui, 
dans  les  maisons  particulières  où  elles  sont 
appelées,  remplissent  auprès  du  malade  les 
mêmes  fonctions  dont  les  infirmiers  scmt  chargés 
dans  les  hôpitaux  ^  ». 

Je  trouve,  en  1539,  une  femme  qui  s'intitule 
«  garde-malades  et  servante.  »  L^ne  cliente 
qu'elle  soigna,  lui  légua  en  mourant  deux 
chemises  de  chanvre  '' . 

Gardes-manger.  Dans  quelques  grandes 
maisons,  officiers  de  cuisine  qui  avaient  le  soin 
des  viandes  tant  fraîches  que  salées. 

Gardes-marteaux.  Officiers  des  eaux 
et  forêts  créés  par  Henri  111  en  1583.  Ils  avaient 
la  garde  du  marteau  avec  lequel  on  marquait,  au 
moment  des  ventes,  les  bois  qu'on  devait  couper 
dans  les  forêts  du  roi. 

Le  garde-marteau  assistait  aux  audiences  de 
la  maîtrise  des  eaux  et  forêts.  11  y  avait  voix 
délibérative,  pouvait  même  présider  en  l'absence 
du  maître  et  des  lieutenants.  Dans  les  bois,  il 
était  tenu  d'opérer  lui-même,  ne  devait  confier 
à  personne  son  marteau  **. 

Gardes-marteaux  des  cuirs.  Vov. 
Contrôleurs . 

Gardes-messiers.  Voy.  Messiers. 


1  État  de  la  France  pour  1712,  t.  I,  p.  229. 

2  État  de  la  France  pour  1687 ,  t.  I,  p.  176. 

3  Sic. 

4  Olivifr  de  la  Marche,  Estât  du  duc  Charles  le  Hardi, 
édit.  de  1616,  p.   667. 

5  Oliv.  de  la  Marche,  Mémoires,  édit.  diî  1616, 
p.  674. 

"  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  .^21. 

"  Bulletin  de  la  société  de  l'histoire  de  Paris,  22'"  année 
I89Û,  p.  79. 

8  Voy.  l'ordonnance  du  13  août  1669,  édit.  de  1669, 
p.  32. 


Gardes-meubles.  Officiers  de  la  maison 
royale  appartenant  au  service  de  la  garde-robe. 

Ce  service  comprenait  sous  Louis  XIV  : 
V\\  intendant  et  contn'ileur  général. 
Un  garde  général. 
Un  garde-meid)lt's  au  Louvre. 
Un  garde-meubles  à  riiôtel  des  andjassadeurs 
extraordinaires  ' . 
Neuf  garçons  -. 

Parmi  les  «  pièces  d'honneur  »  que  gardait 
Tintendanl  M.  Boulard,  V J^^ tut  de  la  France  pour 
1650  mentionne  : 

La  couronne  de  France. 
Le  sceptre  royal. 
La  main  de  justice. 
L'épée  royale. 
La  cotte  d'armes. 
Le  heaume  timbré  à  la  royale. 
Le  pennon  du  roi. 
Les  gantelets. 
Les  éperons. 
L'escu. 

La  bannière  de  France. 
Les  cottes  d'armes  des  hérauts. 
L'enseigne  des  Suisses. 
Etc.,  etc.,  etc.  ** 

Dans  les  grandes  maisons,  le  garde-meubles 
prenait  le  nom  de  tapissier. 
Voy.  Maison  royale. 

Gardes  des  meubles  du  Conseil 
d'Etat.  Offices  créés  en  ?,  supprimés  par  édit 
d'octobre  1604  K 

Gardes-meubles  des  Conseils  du 
roi.  Titre  que  portaient  les  huissiers  du  conseil 
du  roi  •'. 

Gardes  des  minutes  du  Conseil  des 
finances.  Offices  créés  par  édit  d'août  1691, 
supprimés  par  édit  de  fé\Tier  1710.  11  n'y  eut 
jamais  qu'un  seul  titulaire  ^. 

Gardes  de  la  monnaie  des  médailles. 
Voy.  Directeur  du  balancier. 

Gardes  des  monnaies,  ^'oy.  juges- 
gardes. 

Gardes-notes.  Titre  qui  appartenait  aux 
notaires  du  (^liàlelet.  Pendant  fort  longtemps, 
les  notaires  ne  gardèrent  pas  les  minutes  des 
actes  passés  par  eux.  En  1541  seulement,  ils  en 
acceptèrent  le  dépôt,  «  afin  d'être  dispensés,  en 
cette  considération,  d'écrire  et  grossoyer  leurs 
actes  de  leur  propre  main,  et  d'avoir  la  liberté  de 
les  faire  écrire  et  grossoyer  par  leurs  clercs  ''  » . 


1  Sous  Loui.s  XIII,   cet  hôtel,  situé  rue  de  Tournoii, 
avait  été  résidence  royali>. 

2  Ftat  de  la  France  pour  17 12 ,  t.  I,  ji.  220  ;  pour  1736, 
t.  I,  p.  331. 

3  Etat  de  la  France  pour  1756,  t.   1,  p.    155. 

4  F.-.I.  Chatilrs,  Dictionnaire  de  justice,  t.  I,  p.  806- 
3  fiuyot,   Traité  des  offices,  t.  I^  ,  p.  4.')7  et  s. 

C  F.-J.  Chastes,  Dictionnaire  de  justice,   t.  I.  p.  868. 
1  S. -F.   Langloix,    Traité   des  droits  et  prieilèijes  des 
notaires,  p.  lu  l'I  21. 


3r)8 


GARDES  DE  NUIT  —  GARDES-SCELS 


Gardes  de  nuit.  Officiers  des  ports. 
«  Enioint  aux  gardes  de  iiuict  de  laire  leurs 
fonctions  en  personne  et  de  faire  sur  les  ports 
l.unne  et  sûre  garde,  pour  la  conservation  des 
,n  l'-cliandises  v  estans,  à  peine  d'en  repondre  en 
1  Mir  propre  et  privé  nom  et  d'interdiction  de 
l-iur  chiirge. 

A  reflet  de  quoj,  par  chacun  jour,  après 
l'heure  de  vente,  leur  seront  données  par  compte 
les  marchandises  qui  se  pourront  compter  ;  et 
L's  autres  leur  seront  confiées  au  mesme  état 
qu'elles  auront  été  reconnues  le  soir  par  deux 
juarchands  qui  en  aunuil  iiu  lieu  le  plus 
proche  ^  ». 

Je  trouve  mentionnés  en  1708  cent  .soixante 
o fHces    (  1  e   contrôleiirs-com  m issa ire.s-ji<rc's-fja rdea 

(le  miil. 

Tdus  ces  offices  furent  supprimés  en  1715. 

Gardes  des  oiseaux,  ^'<^v.  G-ouver- 
neiirs  des  cormorans. 


Gardes  particuliers, 
chasse. 


Gardes- 


Gardes  -  pêche .  dits  aussi  Gardes - 
rivières.  A}.jents  charg^és  de  surveiller  Texé- 
cutinn  des  ordonnances  relatives  à  la  police  des 
eaux,  rivières  et  fleuves.  Ils  étaient  tenus  de 
savoir  lire  et  écrire,  car  ils  avaient  le  droil  de 
(h'esser  des  procès-verbaux. 

Gardes-perche.  Parmi  les  officiers  placés 
soiis  les  ordres  du  grand  fauconnier,  je  vois  men- 
tioniM's,  en  1()87,  quatre  gardes-perche.  Comme 
li-rnie  de  chasse  ou  de  vénerie,  le  mol  perche 
avait  (h'ux  sens.  Il  désignait  : 

r  l)«'s  liiaMches  que  l'on  élague  et  que  l'on 
plie,  dans  les  avenues  des  pipées,  pour  v  tendre 
des  gliiaux  ; 

2"  Partie  de  la  ramure  du  cerf,  du  daim,  du 
clievreuii,  elc. 

Il  y  avait  aussi  des  gardes-perche  dans  les 
voleries  du  cabinet  du  roi.  Je  lis  que  ces  derniers 
avaient  «  soin  des  oiseaux  qu'on  ne  porte  point 
aux  champs*».  Peut-être  élaient-ce  seulement  des 
(jurdes-perchoit's . 

Gardes-pertuis.  Oflici.'i-sjnrés  d.-  la  muni- 
cipablf.  «Hachés  au  servic(;  de  la  naviiration. 
«  l'jij  uni  a  ceux  qui  auront  ib-oit  d'avoir  arches, 
gors  ^,  nuiub'ns  et  pertuis  construits  sur  les 
r.vières,  de  h-ur  (h»nii«'r  vingt-quatre  pieds  au 
ni  lins  (|i>  Inrgriir.  lùijoint  aussi  aux  meusniers 
et  gnrd.'s-p.iluis  de  |,.s  If.jiir  ouverts  l'ii  tout 
I.MIips   '     ■ 

Gardes-plaines.  ■<  Ne  pourront  les  gardes- 
phiiti.s.  IjimI  11  j.ird  ,|  ,•„  ,  hcvid,  porter  aucune 
iir-pirbu/,.-  .1   n.iièl   ..Il   fusils  (hins  nos  forest  et 


•  Orf/çHnancf  dt  d'rembre  1072,  (hnp.  IV,  arl.  7. 
«  htiH  dt  In  Franc,  pour  1GS7,  t.  J,  ]>.  215  et  s      507 
.t  Muv.  ;  fiiHr  t7:i6,  t.  I,  p.  327  cl  suiv.  :  t.  11    p'  20.-, 

••»  Tionts. 

»  Oixl.jnii.  .1  •  .l.cpn.brr  1672,  dui..  I,  nrt.  T.. 


plaines,  à  peine  de  cinquante  livres  d'amende  et 
de  destitution  de  leurs  charges  *  ». 

Gardes  de  la  porte.  Officiers  de  la  mai- 
son rovale.  Ils  étaient  au  nombre  de  .50  et  fai- 
saient durant  le  jour  le  service  que  les  gardes  du 
corps  faisaient  durant  la  nuit.  Ils  étaient  en  sen- 
tinelle aux  portes,  le  mousqueton  sur  l'épaule, 
ne  laissaient  entrer  aucun  homme  armé,  sauf  les 
gardes  du  corps  et  les  suisses  ^. 

Leur  chef  avait  grade  de  capitaine. 

Gardes-quittances.  Officiers  de  la  chan- 
cellerie. 

Gardes  des  reg-istres  du  Conseil 
d'État.  Offices  créés  en  1031,  supprimés  par 
édit  de  janvier  1639  ^. 

Gardes-rig"oles.  Officiers  de  la  maison 
rovale.  lOn  1712,  quatre  gardes-rigoles  à  cheval 
figuraient  parmi  les  fonctionnaires  du  château  de 
Versailles  *. 

Il  faut  se  rappeler  que  les  eaux  fournies  par  la 
machine  de  Marlj  étaient  insuffisantes  pour 
alimenter  la  ville  et  les  bassins  du  château.  On 
eut  donc  l'idée  d'organiser  un  vaste  sjstème  de 
rigoles,  qui,  contournant  les  hauts  plateaux 
environnants,  recueillaient  les  eaux  de  pluie  et 
de  neige  fondue,  puis  allaient  les  verser  dans  des 
réservoirs  et  des  étangs  disposés  pour  les  rece- 
voir •'.  Plusieurs  de  ces  rigoles,  fort  maltraitées 
par  le  temps,  existent  encore. 

Gardes-rivières.  Vov.  Gardes-pêche. 

Gardes-robes  (Valets).  Vov.  "Valets  de 
chambre. 

Gardes-rôles.  Officiers  de  la  chancellerie. 
Ils  recevaient  les  oppositions  faites  au  sceau,  et  en 
gardaient  les  rôles. 

Gardes-sacs.  Greffiers,  officiers  déposi- 
taires des  sacs  contenant  les  pièces  des  procès. 

Gardes-salles,  ^'ov.  Armes  (Maîtres 
d*). 

Gardes  des  sceaux  aux  contrats. 
Voy.  Gardes-scels. 

Gardes-scels.  Officiers  chargés  de  sceller 
les  expéditions  des  actes  émanant  de  juridic- 
tions régulièrement  constituées. 

Gardes-scels.  Titre  que  prenaient  les  gre- 
netiei's  et  les  notaires. 

Voy.  Gardes-scels  des  sentences  et 
Grenetiers. 


'  Ordonnance  du  13  aoftt  1669  sur  les  eaux  et  forêts, 
édil.  de  1600,  p.  139. 

2  fjtat  de  lu  France  pour  1687,  t.  I,  p.  303  ;  pour 
17 i2.  t.  I,  p.  472  ;  pow  1736,  l.  I,  p.  83. 

3  1*'.-.!.  Cliasles,  Dictionnaire  de  justice,  t.  I,  p.  800. 

*  Etat  de  la  France  pour  1712.  t.  I,  p.  358  ;  pour 
17:j6,  t.  I,   p.  418. 

•'  Duc  de  Noailles,  Histoire  de  Mme  de  Muinleiiun,  t.  II, 
p.  87. 


GAHDES-SCEI.S  I)l<:s  MONNAIES  —  GÂRLANDK 


359 


Gardes-scels    des  monnaies.    Offices 

créés  en  octobre   1699.   Les  g^ardes-scels  élaienl 
tenus  de  sceller  tous  les  jugeniens,  ordonnances 
et  autres  actes  émanant  (le  lliôlcl   des  monnaies  i 
auquel  ils  élaienl  allacliés. 

Gardes-scels   des    sentences,    actes 

•JUDICIAIRES  DES  JURIDICTIONS,  CONTRATS  ET  ACTES 
PASSÉS  PAR  LES  NOTAIRES  ET  TABELLIONS  ROYAUX. 

En  juin  1697,  ces  offices  furent  désunis.  Il  j 
eut  àes  gardes-scels  des  sentences,  actesjudiciaires 
desjuridictions,  et  d'autres  officiers  indépendants 
de  ceux-ci,  dits  gardes-scels  des  contrats  et  actes 
des  notaires  et  tabellions  roijunx.  Ces  derniers 
furent  réunis  aux  notaires  qui  purent  dès  lors 
ajouter  à  leur  titre  C(4ui  dt»  qardes-scel  du  roi  au 
Châtelct  * . 

Depuis  Philippe  le  Bel,  il  exista  auprès  de 
chaque  juridiction  rojale  une  petite  cliancellerie 
placée  sous  l'autorité  d'un  garde-scel.  La  forma- 
lité du  sceau  fut  souvent  négligée,  surtout  lorsque 
la  signature  des  parties  et  des  témoins  eut  été 
rendue  obligatoire. 

Un  édit  de  1708  autorisa  les  notaires  royaux  à 
apposer  eux-mêmes  sur  leurs  acte>  un  sceau  aux 
armes  royales. 

Gardes- vaisselle.  Officiers  de  la  maison 
royale,  appartenant  au  service  de  la  Bouche  du 
roi.  Ils  prenaient  soin  de  la  vaisselle  d'or  et 
d'argent ,  fournissaient  caution ,  et  devaient 
remplacer  à  leurs  frais  les  objets  perdus.  En 
1712,  ils  étaient  au  nombre  de  quatre,  touchaient 
400  liv.,  et  servaient  par  quartier  -.  En  1736, 
ils  étaient  réduits  à  deux,  touchaient  600  liv. 
et  servaient  par  semestre  •''. 

La  reine,  les  princes  avaient  un  garde-vaisselle. 
A  la  cour  de  Bourgogne,  il  semble  avoir  porté 
le  nom  de  garde-huche  * . 

Dans  les  grandes  maisons,  la  garde  de  la 
vaisselle  d'(jr  et  d'argent  était  dévolue  au  som- 
melier ^. 

Voy.  Gardes  des  joyaux. 

Gardes- ventes.  Officiers  des  eaux  et  forêts. 
Les  adjudicataires  de  ventes  les  employaient  pour 
veiller  à  l'exploitation  et  à  la  conservation  des  bois 
qu'ils  avaient  acquis.  Nommés  aussi  facteurs,  ils 
prêtaient  serment  entre  les  mains  du  grand 
maître,  des  maîtres  parliculiei's  des  eaux  et  forêts 
ou  de  leurs  lieutenants.  Ils  pouvaient  dresser  des 
procès-verbaux  ^. 

Gardeurs  de  bestiaux  et  Gardeurs 
de  bêtes.  L'ordonnance  de  janvier  1351 
consacre  un  article  aux  gardeurs  de  «  chevaux, 
brebis  et  autres  bestes  à  garder  et  mener  à 
provender  ». 


'  S.-l^.    Langlois,    Traité  i/es   (/roits   et  privilèges  des 
notaires,  p.  V. 

2  État  (le  la  France,  t.  I,  p.  109. 

3  État  de  la  France,  t.  I,  p.  219. 

*  ^  oy.  Olivier  de  la   Marche,   Mémoires.  L  editiun  Je 
1616  le  nomme  Garde-lmge  (pages  681  et  689). 
^  Audiger,  La  maison  réglée,  liv.  I,  chap.  10. 
6  i^z^WdJxA,  Dictionnaire  des  eaux  et  forêts,  t.  I,j).  2i6. 


Gardienne  du  ventre.  On  appelait  ainsi 
une  femme  qui  était  chargée  de  surveiller  la 
nourrice  d'un  enfant  de  PVance.  Les  Me'raoires 
secrets  '  nous  apprennent  qu'elle  ne  quittait  jamais 
la  nourrice,  même  lorsque  celle-ci  allait  à  la 
garde-robe.  <.<  Si  la  nourrice  éprouvait  la  moindre 
altération  de  santi',  la  gardienne  avertissait  h's 
médecins,  afin  que  la  malade  pût  être  remplacée 
par  une  des  nourrices  toujours  en  réserve  pour  ces 
cas  éventuels  ». 

Voy.  Retenues. 

Garenniers.  Gardiens,  surveillants  d'une 
garenne.  On  trouve  fréquemment  garanniers,  et 
parfois  garandicrs. 

Voy.  Gardes-chasse  el  Varenniers. 

Gargotiers.  C<!ux  qui  tiennentunegargole. 
^<  Les  personnes  qui  ne  peuvent  faire  qu'une  très 
médiocre  dépense  trouvent,  dans  tous  les  quartiers 
de  Paris,  de  petites  auberges  appelées  gargotes, 
où  l'on  vit  à  la  portion  et  à  si  petit  prix  que  l'on 
veut  ^  ». 

Ceci  était  écrit  vers  1715,  et  Sébastien  Mercier 
disait  une  soixantaine  d'années  après  :  «  Il  y  a 
les  gargotes,  que  l'on  appelle  arches  de  Noé,  où 
l'on  donne  à  manger  pour  vingt-deux  sols.  Là, 
les  personnes  peu  fortunées  prennent  réguliè- 
rement leurs  repas  ;  et  puis,  elles  se  répandent 
aux  promenades  et  dans  les  spectacles,  el  se 
vantent  d'avoir  dîné  ailleurs  ^  ». 

Garlande  (Dictionnaire  de  Jean  de).  Le 
plus  ancien  document  qui  fournisse  une  énumé- 
ration  un  peu  détaillée  des  métiers  exercés  à 
Paris  remonte  au  milieu  du  treizième  siècle.  Elle 
figure  dans  un  très  curieux  ouvrage,  écrit  vers 
1250  par  Jean  de  Garlande,  et  qui  a  pour  titre  : 
Dictionarius .,  sice  de  dictionibus  obscuris  '*.  L'au- 
teur, anglais  de  naissance,  passa  une  partie  de 
sa  vie  en  France  et  surtout  à  Paris,  où  il  professa 
avec  succès  ;  c'est  là  qu'il  rédigea,  à  l'usage  de  ses 
élèves,  son  Dictionarius  '',  non  pour  leur  désigner 
les  industries  les  plus  lucratives  auxquelles  on  se 
livrait  autour  d'eux,  ils  les  connaissaient  aussi 
])ien  que  lui,  maispour  leur  apprendre  à  traduire 
en  latin  le  nom  îles  olijets  les  plus  usuels  et  les 
plus  vulgaires. 

Il  passe  ainsi  en  revue  quarante-six  corps  de 
métiers  environ,  nomme  les  principales  marchan- 
dises fabriquées  ou  vendues  par  eux,  révèle  la 
mauvaise  foi  de  certains  marchands,  les  trom- 
peries dont  les  ou\Tiers  et  surtout  les  ouvrières  se 
rendaient  parfois  coupables  yis-à-vis  de  leurs 
patrons. 

«  Prius  nominabuntur,  écrit-il,  res  quas  eundo 
per  civitatem  Parasius  *'  denotavi  ». 


1  8  novembre  1781,  t.  XVIII,  p.  130. 

-  Liger,  Le  voyageur  fidèle,  p.  327. 

3   Tableau  de  Paris  (1782),  t.  I,  p.  227. 

i  M.  A.  Scheler  l'a  publié  dans  l'ouvrage  suivant: 
Lexicographie  latine  dit  douzième  siècle  et  du  treizième  siècle, 
Leipzig,  1867,  in-8°. 

3  M.  Scheler  croit  que  le  mot  Dictionarius  a.  éié  employé 
pour  la  première  fois  dan.s  ce  traité  et  comme  synonyme 
du  \z\'.Y.m  des  grecs. 

6  On  sait  que  ce  mot  est  indéclinable,  mais  pourquoi  ? 


'3C>(} 


GARLANDE  -  GAUFRIERS 


Il  n'est  pas  toujours  facile  de  reconnaître  les 
métiers  désignés  dans  son  mauvais  latin  ;  j'ai 
fait  de  mon  mieux,  et.  sous  cette  résen-e,  voici 
la  liste  des  professions  mentionnées  par  lui  : 

\rctiers,  nommés  par  lui Architenentes. 

Bouchers Carnifces. 

Boucliers Plvsctdaru. 

Boursiers 

Boulauf^rers Pistores. 

Canleurs Pedrices. 

Changeurs Trapezeta. 

(  :hapeliers Capellarh. 

Charpentiers Carpentarii. 

Charrons Rotarii.^ 

(  ;or(h)nniers Ahdarii. 

(  lorniiers Corrigiarii. 

(.(jiitehers •  ■  ;" 

(  irL^irs  de  vin Pmcones  vini. 

Cuisiniers Coci. 

Drapiers Pannarii. 

Kcuciers Scutarii. 

Épiciers Apotecarii. 

Fermailliers Firmacidarii. 

Pileuses  de  soie Dexacimtrices. 

Fondeurs ■* 

Forgerons Fabri. 

Foulons Fidlones. 

Fourhisseurs Ervyinatores 

gladiornm. 

(  îauliers Cirothecurii. 

Hauapicrs Ciphorii. 

Lingères * 

I.orniiers Lorimarii. 

Mt'uui<^rs Molendinarii. 

Monnayeurs Xnmmnlarii. 

Oiseliers ^ 

(  )ispleurs Aticnpe.s. 

Orfèvres Aurifabri. 

(  )id)lieurs Prœrones  nelnlanim. 

Raccommodeurs  de  pelleteries '"' 

RacrouiMiodeiirs     de    vases    à  \  Reparatores  ci- 

hoire /      phorum. 

H<'gral  tiers Auctionarii. 

RAtisspurs Coquinarii. 

Savetiers Pictaciarii. 

Selliers Si'llnrii. 

Tanneurs (Jerdones. 

Teinturiers Tinclores. 

Tis-serandes  de  soie Textrices  '. 

Tisserands Textrices. 

Tonneliers Cuparii. 


'  0  MiTPnlorcs  hnbilnntfs  sn|)ra  magnum  pontem 
vcnihitit  ca|ii.slra,  Itunbaiin,  ligulas,  marsupia  de  corio 
<<Tviru>,  ovino  ri  |iorfino  ». 

î      \\\\  li"i|i.- insliton-m  habonlcm  anlt»  se  cultcllos  ad 
l'-ol  mcnsaculus,  i-lartavos,  vaginns  magnas 
i'>!i  l't  Nlilarin  ». 
^  illi  sublilfH  sunl  qtii  fiuidunt  campana.s 


'"'"""'^  ''"^'irpint  sibiofficium  niuliorum, 

1"'«V'  iniiltTgio.camisas.'t  braccas..  ». 

'"  '  '    [""nvistiin  Domina;  nobtrœaves 

Viiidniii  (locl«matori'.<»  ppjliciorum   rcparandorum 
'  pla!i>i9,  et  réparant  fural tiras  opitogiorum 

■    i"s  qu»  U'suni  serifa  toxfa  .  n. 


Garnetiers.  Voj.  Grenetiers. 
Garnisieres.  Voj.  Garnisseurs 

Garnisseurs.  Nom  donné  souvent  aux 
selliers,  parce  que  leurs  statuts  les  autorisaient  à 
«  ffariiir  les  carrosses. ..  de  toutes  sortes  d'étoiles, 
drap  d'or  ou  d'argent,  velours,  damas,  satin  », 
etc. 

Les  doreurs  sur  cuir  avaient  aussi  le  droit  de 
se  dire  garnisseurs.  On  a  vu  pourquoi  à  l'article 
qui  leur  est  consacré. 

Garnisseurs  de  chapeaux.  Ouvriers 
qui  se  bornaient  à  dresser  les  chapeaux,  à  les 
border  et  à  y  coudre  la  coiffe. 

Garnisseurs  d'épées.  Titre  qui  appar- 
tenait aux  i'ourbisseurs. 

Garnisseurs.de  g"aines.  Ils  complétaient 
les  gaines  et  les  fourreaux  l'abri({ués  par  les 
gainiers.  Le  Livre  des  me'tiers  les  nomme  garni- 
sieres. 

^'oy.  Gainiers. 

Gascheeurs.  Voy.  Gâclieurs. 

Gasteliers  et  Gastilliers.  Faiseurs  de 
gâteaux.  Les  pâtissiers  proprement  dits  confec- 
tionnaient surtout  des  pâtés,  des  tartes,  etc. 

La  Taille  de  1292  cite  7  gasteliers. 

On  trouve  encore  gateliers.  ipasteliers.  etc. 

Gastriloques.  Voy.  Ventriloques. 

Gâteliers.  Voy.  Gasteliers. 

Gâte-métiers.  «  Artisan  qui  donne  sa  peine 
à  trop  bon  marché  » . 

Gaufreurs.  Titre  qui  appartenait  à  la  corpo- 
ration des  brodeurs  et  à  celle  des  découpeurs. 

Gaufriers.  Faiseurs  de  gaufres.  Ils  appar- 
tenaient au  corps  des  oublieurs,  obéissaient  aux 
mêmes  statuts,  avaient  le  même  patron,  et  furent 
réunis,  comme  eux,  aux  pâtissiers  en  1506. 

Les  gaufres  sont  mentionnées  au  treizième 
siècle  sous  le  nom  cVoîiôlies  renforcées  dans  les 
Crieries  de  Paris,  poème  de  Guillaume  de  la 
Ville  Neuve.  On  voit  aussi  figurer  dans  le  Compte 
des  dépenses  de  Charles  VI  pour  1380,  «  ung 
fer  neuf,  pour  faire  gauil'res  pour  le  Roy  »,  et 
dans  les  dépenses  d'Isabeau  de  Bavière  «  un  fer 
à  gauffres,  pour  faire  les  gauffresde  la  Royne  ^». 
Le  Ménagier  de  Paris,  composé  vers  1393, 
fournil  cinq  recettes  pour  la  confection  des 
gaufres  ^.  Il  y  entrait  presque  toujours  du  fro- 
mage. On  en  criait  encore  dans  les  rues  au 
seizième  siècle,  comme  le  prouve  ce  vers  peu 
harmonieux  que  j'emprunte  aux  Cris  de  Clément 
.lannequin  (15.")U;  : 

Tartelettes  friandes  et  la  belle  gaufre  ! 
Voy.  Oublieurs. 


'   Douët-d'Arcq,  Comptes  fie  l'hôtel,  p.  65  et  149. 
-  Tome  II,  p.  121  et  203. 


(tAULEEURS  —  GEOGRAPHES 


3()l 


Gauleeurs.  Vov.  Arpenteurs. 

Gaveurs  de  volailles.  Séb.  Mercier,  qui 
leur  a  consacré  un  cliapitre,  les  nomme  oujuvetirs. 
Il  écrivait  vers  1785  :  «  La  lèvre  de  TiMiiî'aveur, 
piquée  par  les  coups  de  bec  multipliés  des 
pigeons,  devient  cancéreuse  ;  il  laul  la  lui  couper. 
J'ai  l'attestation  d'un  chirurg'ien  qui  prouve  que 
ce  métier  (encore  public  au  moment  où  j'écris)  est 
non  moins  dangereux  que  dégoûtant  ^  ». 

Gavots.  Noms  que  prenaient  certains  com- 
pagnons du  Devoir.  Ils  eurent  de  fréquentes 
querelles  avec  les  Décorants. 

Voy.  Enfants  de  Salomon. 

Gayetiers.  \oy.  Comemuseurs. 

Gayg-ne.  A  ny.  G-agne. 

Gayniers.  Nom  que  les  statuts  de  septembre 
1500  donnent  aux  gainiers. 

Gazetiers.  '•'  On  donne  inditîéremment  ce 
nom  à  ceux  qui  écrivent  la  gazette  et  à  ceux  qui 
la  distribuent  au  public.  Il  y  a  des  gens  qui  font 
leur  état  d'aller  acheter  les  gazettes  au  bureau  et 
de  les  distribuer  à  ceux  qui  les  veulent  lire, 
moyennant  une  certaine  somme  par  mois-  ». 

Les  gaziers  ont  aussi  porté  ce  nom. 

Gaziers,  dits  aussi  Gazetiers.  Fabricants 
d'étotfes  fines  et  transparentes  en  soie.  Ils 
formaient  une  seule  corporation  avec  les  ferran- 
diniers.  La  gaze  d'or  et  d'argent  portait  le  nom 
de  tocque,  c'était  l'œuvre  d'une  autre  commu- 
nauté, celle  des  drapiers  de  soie.  Mais,  les  gaziers 
fabriquaient  le  marli,  tissu  uni  très  léger  qui  fut 
fort  à  la  mode  au  dix-huitième  siècle. 

Gehenneurs.  Vov.  Bourreaux. 

Geindres.  \o\.  Gindres, 

Généraux  des  monnaies,  dits  aussi 
ge'ne'ranx-fiiaîtres,  maltres-ge'néraux,  et  généraux 
provinciaux.  Ils  avaient  pour  mission  de  visiter 
les  hôtels  des  monnaies  dans  les  provinces  et  de 
diriger  la  fabrication.  Dès  le  quatorzième  siècle, 
ils  furent  constitués  en  tribunal  et  formèrent  la 
cour  des  Monnaies.,  juridiction  de  laquelle  rele- 
vaient tous  les  métiers  qui  travaillaient  l'or  ou 
l'argent. 

Généraux  provinciaux.  Voy.  G-éné- 
raux  des  monnaies. 

Généraux  des  relais.  Office  des  postes 
institué  par  l'édit  du  8  mai  1597.  Leur  mission 
consistait  à  établir  «  des  relais  de  chevaux  de 
louage,  de  traite  en  traite,  sur  les  grands  chemins, 
traverses  et  le  long  des  rivières,  pour  servir  à 
voyager,  porter  malles  et  toutes  sortes  de  bardes 
et  bagages  ;  comme  aussi  pour  servir  au  tirage 
des  voitures  par  eau  et  culture  des  terres  ». 


'    Tableau  de  Paris,  t.  XII,   p.  ."JS. 

2  jHul)«'i-t,  Dictionnaire  (1773),  t.  II,  p.  323. 


Un  édit  de  janvier  1608  créa  la  charge  de 
général  des  postes  et  relais  qui  bd  supprimée  le 
31  décend)re  lf)29.  Le  général  des  postes  fut 
alors  remplacé  par  trctis  surintendants  généraux 
des  postes  et  relais. 

Voy.  Loueurs  de  chevaux. 

Gentilshommes  servants.  D'abord  au 
nondjre  de  30,  il  bireiit  réduits  à  18  en  août  1780. 
«  Les  gentilshonnnes  servants,  écrit  (juyot,  font 
journellement  à  la  talile  du  roi  les  fonctions  que 
font,  les  jours  de  grandes  cérémonies,  le  premier 
panetier,  le  premier  échanson  et  le  premier 
tranchant  de  France.  .  .  Ils  sont  qualifiés  y,? /i///*- 
hommes  servans  le  roi,  parce  qu'ils  ne  .servent  que 
sa  Majesté,  les  tètes  couronnées  ou  les  princes  du 
sang  et  les  souverains  quand  ils  mangent  avec  le 
roi...  Ils  servent  toujours  l'épée  au  côté,  et  ils 
ont,  par  leur  charge,  le  droit  de  prendre  les 
qualités  de  chevalier  et  d'écuyer,  et  d'avoir  leurs 
armoiries  timbrées  *  ». 

Géographes  (Ingénieurs).  Les  fondeurs  se 
qualifiaient  de  faiseurs  d'instruiiiens  de  mathénia- 
tiques,  ghdjes  et  sphères.  Mais  la  partie  matérielle 
seulement  de  ce  travail  leiu'  incond)ait.  Le  reste 
était  la  spécùalité  des  ingénieurs-géographes,  au 
sujet  de  qui  \  Aima  no  eh  ])aufhin  s'exprime  ainsi  : 
«  Les  ingénieurs-géographes  sont  ceux  qui  con- 
noissent  et  possèdent  l'art  précieux  et  inestimable 
de  désigner  sur  une  simple  carte,  par  des  signes 
de  convention  et  tles  lignes  tracées  avec  une  juste 
proportion,  la  distance  exacte  qu'il  y  a  d'un  lieu 
à  un  autre  et  les  objets  conséquents  qui  s'y 
trouvent  intermédiaires  -  ». 

Au  moment  où  étaient  tracées  ces  lignes,  l'art 
cartographique  ne  méritait  vraiment  pas  tant 
d'éloges. 

Un  excellent  article  de  M.  Gabriel  Marcel  ^  nous 
apprend  que  la  plus  ancienne  carte  de  France  se 
trouve  dans  le  Ptoléniée  de  Berlingliieri  dont  la 
date  est  indécise,  mais  qu'il  faut  placer  vers  1480. 
On  peut  citer  ensuite  la  lielle  carte  d'Oronce  Fine, 
publiée  en  1525  et  rééditée  en  1538  ;  la  carte 
due  à  Hamon  de  Blois,  géographe  de  (Charles  IX 
(1568i,  et  la  carte  de  Normandie  tracée  par  le 
prêtre  Jean  Jolivet.  Sonune  toute,  ces  utiles 
instruments  étaierd  encore  bien  peu  considtés  au 
seizième  siècle,  puisque  le  maréchal  tle  Vieille- 
ville,  mort  en  1571,  se  flatte  d'avoir  été  le  premier 
en  France  à  se  servir  de  carte  pour  ses  opérations 
militaires.  Les  cartes  étaient,  il  est  vrai,  bien 
incomplètes  encore  et  ne  pouyaient  rendre  que 
de  médiocres  services  ;  on  ny  trouve  en  effet 
indiqués  ni  les  ponts,  ni  les  routes  bien  rudimen- 
tiiires  de  l'époque.  Le  premier  travail  un  peu 
sérieux  accompli  en  ce  sens  fut  l'atlas  présenté 
à  Henri  IV,  en  1593,  par  l'éditeur  Bouguerauld  ; 
encore  laisse-t-il  fort  à  désirer  :  nulle  triangu- 
lation, nul  lever  géométrique  nj  figurent  ;  les 
fleuves  et  les  montagnes  ne  sont  représentés  que 


I    Traité  lies  of/ices,  t.  L  p.  .')(I3. 
-  Almananach  Dauphin  pour  1777. 

^  Coup   (l'œil  sur  la   cartographie  en  France.   Dans  les 
[{apports  sur  l'exposition  île  1900.  Musées  rétro-spectifs. 


362 


GÉOGRAPHES  —  GEOLIERS 


d'après  leur  direction  «rénérale  ;  c'est  un  dessin, 
une  vue  à  vol  d'oiseau  du  pays. 

Avec  Louis  XIV,  grâce  au  nombre  prodigieux 
d'ingénieurs  qu'il  emploiera,  vont  se  généraliser 
des  plans  géométriques  et  réellement  utilisables. 

Les  infénieurs-géographes  du  roi  suivaient 
les  armées.  «  Dans  les  sièges,  ce  sont  eux  qui 
lèvent  le  plan  de  la  tranchée,  et  qui  envoient  tous 
les  jours  au  ministre  de  la  guerre  le  détail  des 
progrès  de  la  nuit  ».  Quelques-uns  ont  laissé  des 
r)iivrages  fort  estimés.  Je  rappellerai  les  noms  de 
Nicolas  Sanson,  d'Anville,  Vaugondj,  Jaillot, 
Lerouge,  de  Fer,  etc.  Presque  tous  tenaient  maga- 
sin de  traités  géographiques,  cartes,  plans,  etc. 

Parmi  les  plans,  ce  sont  ceux  de  Paris  qui 
surloul  nous  intéressent,  voici  la  liste  à  peu  près 
complète  de  ceux  qui  ont  été  dressés  depuis  le 
sf'i/.ièine  siècle.  Ils  sont,  en  général,  d'uneextrème 
rarrlé. 

Plans  de  : 
Skuastien  Munster.  Année  1530. 

(iKORCJE.S  BraLN.    1530. 

Tai'i.^skrie.  1540. 
Rai.e.  1552.  . 
SAiNr-\'i{:TOR.  1500. 
Bei.i.eforest.  1572. 
Fr.  Quesnel.  1(508. 
Vassameu.  1609. 
Mathieu  Mérian.  1615. 
Mei.chior  T.wernier.  1630. 
Jean  Boisseau.  164:}. 
Jacques  Go.mboust.  1047. 
J.  Boisseau.  1054. 
N.  Berey.  1654. 

Joi  VIN  DE  ROCHEFORT.   1690. 

N.  DE  Fer.    1697. 

Bui.I.ET  ET   Bl.ONDEL.    1710. 

J.  DE  I.A  Caille.  1714. 
Ber.nard  Jaillot.  1717. 
Delagrive.  1728. 
Roussel.  1730. 
Dklaorive.  1733. 
TuROOT.  1739. 
Vauoondy.  1760. 
Deiivhme.  176:{. 
Desnos.   1700. 
J.-li.  .Jaillot.  I  772. 
1').  \'KRMyUEl.    I7'.M  . 

_  Ce  dernier  c..ùl;i  trciid-  ininèes  d.-  travail  à 
\  •TîiiqiK-l,  qui  t'uiploya.  pour  ses  opérations 
lrigoii.>m.'(ri(iui's,  jusqu'à  soixante  ingénieurs  et 
«iiiiilr.-vingls  aides  ii  dicval.  Lalande.  chargé 
•  r.'ii  Mirwill.T  r.'xéculion,  écrivait  !.•  25  vend7v 
Miiaire  an  IV  ;  -  (>  plan,  dont  j'ai  suivi  les 
travaux  nie  parait  r.Mivragf  le  plus  parfait  (pii  ait 
jamais  éliM-xérulé  ni  ce  gciirt'  '  >. 
\  t>\ .  Pondeurs. 

Géographie  Profe.sseursdei.  \:A/>ii>,„<ir/i 
/A/«yMi«/K<«r/7;7  leurconsHcrerarliclesuivant: 

Les  pr..r.«>,s,.urs  dr  géographie  sont  ceux  qui 
••nsPignenl  a  rnnnoilre  la  position  et  la  valeur  des 


>"V     \     K      /,,  „»rie„spl„iis  fir  f'iiris,  t.  H,  i,.  13^ 


signes  tracés  sur  les  cartes  géographiques    pour 
juger  de  la  distance  d'un  lieu  à  un  autre.  » 
Voy.  Géographes  (Ingénieurs). 

Geôliers.  Au  moyen  âge,  les  geôles  ou 
prisons  étaient  aiï'ermées,  adjugées  aux  enchères 
à  des  geôliers,  qui  exigeaient  de  chaque  pri- 
sonnier une  redevance  dite  geôlage.  Le  geôlier 
ne  devait  à  ses  hôtes  que  du  pain  et  de  l'eau  : 
tout  le  reste  était  à  la  charge  du  prisonnier  qiu 
était  rançonné  de  la  façon  la  plus  odieuse.  Du 
quatorzième  au  seizième  siècle,  des  tarifs  furent 
bien  établis  qui  proportionnaient  le  droit  de 
geôlage  à  la  condition  des  personnes  ^,  mais  les 
geôliers  n'en  tirent  aucun  compte.  11  faut  noter  ici 
que.  jusqu'à  la  fin  du  seizième  siècle,  la  prison  ne 
figura  que  très  exceptionnellement  parmi  les  péna- 
lités judiciaires  ;  l'emprisonnement  n'était  guère 
ordonné  que  pour  empêcher  la  fuite  de  l'accusé 
ou  pour  le  contraindre  à  payer  amende  ou  dépens. 

L'ordonnance  de  1560  proscrivit  l'usage  des 
cachots  souterrains.  Un  commentateur  de  cette 
ordonnance  dépeint  ainsi  les  souffrances  qu'en- 
duraient les  prisonniers  dans  les  geôles  ordinaires  : 
<<  On  les  voit  se  roidir  de  froid,  enrager  demale- 
faim,  hannir  de  soif,  pourrir  de  vermine  et  de 
povreté,  tellement  que  si  par  pitié  quelqu'un  va 
les  voir,  on  les  voit  se  lever  de  la  terre  humoureuse 
et  froide,  vermoulus,  bazanés,  emboufis,  si  chétifs, 
maigres  et  défaits  qu'ils  n'ont  que  le  bec  et  les 
ongles  ».  Il  n'est  sorte  de  cruautés  que  n'inven- 
tassent les  geôliers  pour  tirer  quelque  argent  de 
leurs  hôtes  ;  ils  les  associaient  aux  fous,  même  aux 
fous  furieux  ils  les  accablaient  de  mauvais  trai- 
tements, leur  brisaient  parfois  les  membres  à 
coups  de  nerfs  de  Ijœuf. 

Les  officiers  qui  acceptaient  les  fonctions  de 
geôliers  dans  une  prison  d'Etat,  la  Bastille  ou 
Vincennes  par  exemple,  y  faisaient  vite  fortune. 
A  la  Bastille,  le  roi  payait  en  moyenne  chaque 
jour  dix  francs  par  prisonnier,  et  chacun  d'eux 
ne  coûtait  guère,  sauf  dans  des  cas  spéciaux, 
plus  de  deux  francs  au  gouverneur.  Sur  vingt- 
cinq  prisonniers,  celui-ci  réalisait  donc  un  béné- 
fice quotidien  de  deux  cents  francs. 

La  charité  s'ellbrcait  de  venir  en  aide  aux 
mialheureux  détenus  dans  les  prisons  ordinaires. 
On  quêtait  pour  eux  par  les  rues.  Le  pain,  le 
poisson,  les  viandes,  les  vins,  et  en  général  tous 
les  vivres  confi.squés  aux  marchands  étaient 
«  donnés  à  Dieu,  »  c'est-à-dire  distribués  dans 
les  prisons  et  les  hôpitaux.  Les  femmes  en  cou- 
ches, croyaient  obtenir  une  heureuse  délivrance 
en  faisant  vœu  de  délivrer  un  prisonnier  pour 
dettes  ^.  Des  personnes  pieuses  allaient  visiter 
ces  lieux  de  douleur,  porter  aux  captifs  des  con- 
solations et  des  secours.  On  se  rappelle  la  recom- 
mandation de  Tartuffe  à  son  valet.' 

Si  l'on  viont  pour  me  voir,  je  vais  aux  prisonniers 
Di's  aumônes  que  j'ai  distribuer  les  deniers  3. 

C'était,  en  effet,  le  seul  moyen  d'aliendi-ir 
geôliers,  guichetiers  et  porte-clefs. 


'   ^"oy.  Leher,  Dissertations,  t.  XIX,  p.  1G9. 
-  Dionis,  Traité  des  accouchemens,  p.  208. 
;<  .\eU'  111,  seène  2. 


GKOLIKHS  —  GLACE  A  R.VP^RAICHIH 


363 


A  la  fin  du  (lix-lmitième  siècle,  les  principales 
prisons  de  Paris  élaienl  : 

La  Bastille,  prison  d'Etat. 

Le  Grand-Chatelet,  sur  les  ruines  duquel 
fut  créée  la  place  actuelle  du  Chàtelet. 

Le  Petit-I^hatelet,  à  la  tèle  du  Petit-Pont, 
prison  qui  fut  démolie  en  1782. 

La  Conciergerie,  dans  la  cour  du  Palais. 

Saint-Eloi,  dans  la  rue  Saint- Paul. 

Saint-Martin,  rue  Saint-Martin.  Maison 
destinée  aux  filles  débauchées.  Reconstruite  en 
17'20,  elle  fut  supprimée  en  178."). 

Le  FoR-lEvÊQUE.rue Saint-Crermain  l'Auxer- 
rois.  Jusqu'en  1674,  il  resta  le  sièg'e  et  la  j^eôle 
de  la  justice  épiscopale  {forum  episcnpi).  y,n- 
suite,  on  y  enferma  surtout  les  prisonniers  pour 
dettes,  les  comédiens  insoumis,  etc. 

L'Abbaye,  rue  Sainte-Marg'uerile.  C'était 
la  prison  du  bailliag'e  de  l'ahbaje  de  Saint- 
(Jermain  des  Prés.  Lille  servait  aussi  de  maison 
de  correction  pour  les  enfants  ou  jeunes  gens 
enfermés  sur  la  demande  de  leur  père  ;  celui-ci 
devait  payer  une  pension  qui  variait  entre  250 
et  300  francs.  En  1789,  cette  maison  devint  la 
prison  militaire  dite  de  Vnhhaye.  puis  fut 
démolie  en  1854. 

La  Force,  ouverte  en  1782. 

L'Offigialité.  Destinée  aux  ecclésiastiques, 
elle  consistait  en  une  haute  tour  située  près 
de  la  sacristie  de  Notre-Dame.  Elle  fut  démolie 
en  1784. 

La  Ville  ou  prison  du  Prévôt  des  marchands, 
rue  de  la  Tannerie.  On  y  enfermait  surtout  les 
gens  qui  commettaient  des  délits  dans  les 
marchés  et  sur  les  ports.  Le  peuple  l'appelait 
la  Charbonnière. 

La  Tournelle.  Près  du  pont  de  ce  nom. 
Destinée  aux  galériens,  qui  y  attendaient  leur 
départ.  Elle  fut  démolie  en  1790. 

Sainte-Pélagie,  rue  de  la  Clef.  Maison  de 
détention  pour  les  femmes  débauchées,  mais  la 
police  y  internait  parfois  d'autres  coupables. 

La  Salpétrière,  rue  Poliveau.  A  la  fois  hôpital 
et  prison  pour  les  femmes. 

Saint-Lazare,  faubourg  St-Denis.  A  la  fin 
du  dix-septième  siècle,  une  partie  de  ce  couvent 
fut  transformée  en  maison  de  correction  pour  les 
prêtres  désobéissants  et  pour  les  jeunes  débauchés 
contre  qui  leur  famille  avait  olitenu  une  lettre 
de  cachet. 

La  Prévôté  royale  de  Ch.villot.  hllle  appar- 
tenait aux  dames  de  la  Visitation,  qui  conser- 
vèrent jusqu'à  la  Révolution  les  droits  de  haute 
et  basse  justice  sur  le  territoire  de  leur  couvent. 

Quelques  l)ailliages,  aussi  peu  importants  que 
celui  de  Chaillot  avaient  gardé,  pour  la  forme, 
de  petites  geôles  restées  à  peu  près  sans  emploi. 

La  Taille  de  1292  cite  un  chartrier,  un 
clacelier  et  un  clerier  qui  étaient  sans  doute  des 
geôliers,  des  guichetiers  ou  des  porte-clefs. 
Ceux-ci  furent  désignés  encore  par  d'autres 
noms,  plus  ou  moins  dérivés  des  précédents  : 
cartriers,    cepiers,   chepierSj   tonriers^    etc.,  etc. 


GéomancienS.  Bateleurs  cpii  prédisaient 
l'avenir  au  moyen  de  la  terre.  Ils  en  jetaient 
une  poignée  au  hasard  sur  une  table,  et  les 
lignes,  les  figures  qui  s'y  dessinaient  leur 
révélaient  les  événements  futurs,  etc.,  etc. 

\  (jy.  Devins. 

Geyndres.  N  o\ .  Gindres. 
Ghisterneurs.  \  ov.  Guitemeurs. 


Gibecière  Joueurs  de 
tion  (Professeurs  de). 


Prestidigita- 


Gibeciers.  Faiseurs  de  gii)ecières.  Titre 
(jui  appartenait  à  la  corporation  des  boursiers. 
Pendant  longtemps,  d'ailleurs,  les  mots  bourse 
et  gibecière  furent  à  peu  près  synonymes. 

L'article  7  des  statuts  accordés  aux  boursiers 
le  18  juillet  1572  mentionne,  parmi  les  épreuves 
du  chef -(F  œuvre,  «  une  gibecière  de  maroquin 
à  fer  cambré  à  ressort  ».  L'article  33  des  statuts 
de  décembre  1(559  confirme  aux  boursiers  le 
droit  de  confectionner  des  «  gibecières  et  l'aucon- 
nières  de  cuir  ». 

Gindres.  Maîtres-valets  dans  la  boulan- 
gerie. Le  Licre  des  Métiers  Icri  nomme  Joindres  ^ , 
et  une  charte  de  1419  f/ei/ndr^-s  -. 

«  Le  o-eindre,  écrit  M.  Malouin  ■'.  veille  à  tout 
dans  le  fournil,  il  délivre  la  farine,  il  passe  1  eau 
et  il  la  mesure.  Il  détermine  la  quantité  et  la 
sorte  de  pain  qu'il  faut  fabriquer,  et  il  avertit  les 
autres  garçons  de  ce  qu'ils  ont  à  faire.  C'est  le 
geindre  qui  chauft'e  le  four,  ensuite  il  eidburne 
le  pain,  et  enfin  le  tire  du  four  ». 

Giponiers.  Faiseurs  de  gipons.  Au  moyen 
âge.  on  nommait  ffipon,  gippon,  jubé  *  une  sorte 
de  tunique  qui,  ajustée  sur  le  buste,  en  dessinait 
les  formes.  Au  quatorzième  siècle,  on  voit  ce 
vêtement  prendre  le  nom  de  jupon,  mot  qui, 
jusqu'à  la  fin  du  dix-septième  siècle,  ne  cessa  de 
désigner,  dans  le  cctstume  masculin,  un  vêtement 
du  torse. 

Les  giponiers  durent  être  réunis  de  bonne 
heure  aux  pourpointiers,  car  dans  les  statuts 
accordés  à  ces  derniers  en  1467,  je  vois  ceux-ci 
autorisés  à  confectionner  des  «  jupons  ». 

Dans  le  cinquième  livre  de  Pantagruel,  frère 
Jean  traite  Grippeniinaud  de  <<  diable  engi- 
ponné  ». 

Je  trouve  encore  le  mol  jupponniers  dans  un 
acte  d'avril  1407  ^. 

\o\.  Tailleurs. 

Glace  à  rafraîchir  (Commerce  de  la). 
Pour  rafraîchir  lt!s  boissons,  le  moyen  âge 
possédait  des  vases  spéciaux  appelés  refredoers. 
Ils  furent  d'abord  en  cui\Te,  puis  en  terre,  et  ces 


1  Titre  I,  art.  21,  44,  etc. 

2  DucanjTe,  Glossaire,  au  moi  juin  or. 

3  L'art  du  boulanger,  dans  J.-.J.    Ber-traori,    Dexeriplion 
(les  arts  et  méfierx,   p.   146. 

i  ^oy.  Ducange,  aux  mois  (jijw  ci  jubé  us. 
î>  Acte  publié  par  G.   Fagniez,  Eludes  sur  l industrie, 
p.  275. 


:iCA 


C4LACE  A  RAFIUICHIR  —  GLACES 


derniers  ne  paraîsseni  pas  antérieurs  aux  croi- 
sades ^ . 

L'art  de  construire  des  glacières  à  peu  près 
senihlahles  aux  nôtres  était,  paraît-il,  connu  en 
Turquie  longtemps  avant  le  seizième  siècle,  et 
13elon.  revenant  irOrient  vers  L580,  s'étonnait 
qu'on  n'eût  pas  encore  eu  l'idée  d'en  établir  en 
France  -.  Il  existait  pourtant  déjà  dans  l'Orléanais 
et  dans  l'Auvergne  des  caves  si  profondes  et  si 
fraîches  qu'on  en  pouvait  tirer  du  vin  presque 
•'lacé  ^  ;  mais  en  général  on  ne  savait  refroidir 
les  liquides  qu'en  les  laissant  s(\journer  dansl'eaii 
extraite  d'un  puits  ou  d'une  fontaine.  Bruyerin 
(Jhampier,  qui  accompagna  François  P""  ù  Nice 
lors  de  son  entrevue  avec  Paul  III  et  Charles- 
Quint,  raconte  qu'au  cours  des  négociations, 
!••>  Italiens  et  les  Plspagnols  envoyaient  ramasser 
i\f  la  neige  sur  les  montagnes  voisines,  afin  de 
rafraîcliir  leurs  boissons*.  François  Cauche  parle 
(II-  certains  vases  usités  en  Orierd,  et  qui  avaient 
la  propriété  de  nuiintenir  fraîche  l'eau  ([u'ils 
contenaient,  surtout  lorscpi'on  les  exposait  à 
l'ardeur  du  soleil  ^  ;  et,  s'il  faut  en  croire 
Hranlôme  '',  le  secret  de  li-ui-  coinposition  était 
liiei)  connu  en  Portugal. 

Vers  l.'jfiO,  Jacques  du  Fouilloux  conseillait 
aux  chasseurs  qui  voulaient  boire  frais  pendant 
les  halles.  île  faire  tremper  les  bouteilles  dans  de 
l'eau  aiidilionnée  d'un  peu  de  camphre  ".  Mais 
il  est  pr(»l)able  qu'à  celte  époque  on  avait 
i-iMunn'ncé  à  créer  à  Paris  de  véritables  glacières. 
Kn  ellrl.  un  des  statuts  rédigés  par  Artus 
d'Endjry  pour  son  île  des  hermaphrodites  veut 
qu'en  élé  on  ait  <<  toujours  en  réserve,  en  lieux 
propres  pour  cest  effect,  de  grands  quartiers  de 
glace  et  des  monts  de  neige  pour  mesler  parmi 
le  breuvage  ^  >•.  Tandis  que  l'hermaphrodite  est 
à  table,  on  lui  oll're  sur  deux  assiettes  de  la  neige 
ri  lie  la  glace,  «  desquelles  il  prenoil,  tantost  de 
l'uiir  tantost  de  l'autre,  .selon  (ju'il  luy  venoil 
a  >a  laidaisie,  pour  les  mettre  dans  son  vin,  afin 
de  le  rendre  plus  froid  ^  ».  A  la  fin  du  siècle, 
cflte  coutume  d»,'  rafraîchir  les  boissons  en  y 
ajoutant  des  morceaux  de  glace  était  encore 
c  Misidérée  comme  le  fait  des  «voluptueux»; 
c'est  ce  (ju'élablit  un  coide  assez  plat  attribué 
il  (laulard  par  Klieime  Tabourot  "•.  Klle  était  au 
contraire,  devenue  générale  m  Kiti.").  puisque 
Hoileau  pnHail  alors  u  la  viclime  de  son  festin 
burlesque  ces  paroles  : 

Mais  qui  Iniiroit  pi-nso  !  F>our  conil)]!-  di-  disfriftce, 
l'iir  li>  <'iiiiiii|  (ju'il  fiii.suil  nous  n'iivioiis  puiril  de  ylacr. 
I*..iiil  df  iîUic,-,  Im.ii  Di.ii  !  iImiis  !.•  f.)il  do  l'oté  ! 
\\i  mois  df  juin  '.  l'.iur  moi,  jV-lois  si  trnn.sporté, 
()'i-   .1.1,11  iMi  d-  fuivur  tout  If  f.'sliiiau  diidil.", 

unfft  foi.s  prôt  à  quiUn-  In  lidd.-  II. 


•  Joinvillo,  Af/moire*.  p.  07. 

*  ObififiilSniit  f/r  pfHin'eurs  sltiquliirtlr:.. 
■'  Hna-iin  Clmmpirr,  Dr  vf'rUmrin,  |i 
I   HniMTin  (;iinni|)i.T,  De  re  ribnrln,  y 
'  HriiilioH  fin  ro^niff,  r/r.,  p.  KM. 
^   (Knrrrs.  t.  III,  p.   175. 

"    TrniU^t  U  trHffie,  édil.  de  l."8r.    n 

••  Pn;rf  fli, 

»  Paj;-  la.î. 

'"  f'.'xtirs  fnrftitux.  é<lil.  dt>  1(128,  p.   10 

"    ^-'■"     ni,   V01-S81   fl  .suiv. 


,  ji.  US. 
XII 1. 
878. 


31. 


Gourville,  envoyé  auprès  du  duc  de  Hanovre 
en  1081,  reçut  de  lui  «  une  machine  d'or  propre 
à  mettre  sur  la  taljle  pour  rafraîchir  du  vin  à  la 
glace  ».  Il  la  fit  fonctionner  devant  Madame  de 
Montespan,  qui  lui  en  offrit  neuf  mille  livres  *. 

Dix  ans  après,  et  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle  on  se  servait  surtout  de  seaux  garnis  de 
liège.  L'article  26  des  statuts  accordés  aux 
bouchonniers.  en  1726  leur  accorde  le  privilège 
de  la  fabrication  des  «  seaux  de  liège  à  conserver 
la  glace  ». 

En  1701  un  sieur  Louis  de  Beaumont  avait 
obtenu  un  monopole  pour  la  vente  de  la  neige 
et  de  la  glace  dans  toute  la  France  ^.  Je  ne  crois 
pas  qu'il  l'ait  exploité  longtemps. 

Au  reste,  on  connaissait  déjà  le  moyen  de 
produire  artificiellement  la  glace,  car  La  Quin- 
tinie  écrivait  vers  1690  :  «  Le  sel  ordinaire  qu'on 
appli{[ue  auprès  d'un  vase  remply  de  liqueurs  et 
entouré  de  glace  a  la  propriété  de  congeler  ces 
liqueurs  au  dedans  de  ce  vase  ^  ». 

Sous  Louis  XIY  et  sous  Louis  XV,  il  existait 
à  Versailles,  à  Trianon  et  à  Sa  tory  des  glacières 
pouvant  contenir  environ  quatre  cents  toises 
cubes  de  glace.  Chaque  toise  revenait  à  dix  livres 
lorsque  l'hiver  était  rigoureux,  mais  il  y  eut  des 
années  où  elle  coûta  jusqu'à  soixante-dix  livres  *. 
Elle  était  distribuée  par  un  fonctionnaire  spécial, 
qui  avait  le  titre  de  Bélivreiir  de  glace,  et  qui 
touchait  547  livres  de  gages  ^.  En  été,  la 
maison  de  la  reine  recevait  chaque  jour  huit  cents 
livres  de  glace  ''.  Des  glacières  établies  dans  le 
Jardin  des  Tuileries,  près  de  l'orangerie,  four- 
nissaient aussi  de  la  glace  à  divers  personnages 
privilégiés,  notanunent  aux  fonctionnaires  et  aux 
habitants  du  palais  '. 

La  glace  à  rafraîchii-  était  vendue  au  détail  par 
les  regrattiers. 

Avant  définir,  je  rappellerai  que  pendant  très 
longtemps,  on  se  servit  de  pommes  en  cristal 
et  en  agate  pour  se  rafraîchir  les  mains  durant 
l'été.  On  lit  dans  un  inventaire  daté  de  1467  : 
«  Une  ponune  de  cristal  ronde,  à  refroidir  les 
mains  »  ;  et  dans  l'inventaire  dressé  après  la  mort 
de  Gabrielle  d'P^strées  (1599)  :  «  Une  pomme 
d'agate,  garnie  d'argent,  pour  rafraiscliir  la 
main  des  malades  *  ».  Il  ftiut  noter  ce  moyen 
de  calmer  la  fièvre. 

Voy.  Glaciers. 

Glaces  (M.\m:f.vcturesde).  Jus([u'au  milieu 
du  dix-seplieme  siècle,  la  France  tira  de  Wnise 
toutes  ses  glaces.  En  1664,  Colbert  chargea 
notre  ambassadeur  d'y  engager  de  bons  ouvriers 
au  service  du  roi.   La  négociation  fut  difficile, 


1  GouiTillc,  Memoirex,  édit.  Micliiiud,  p.  577. 

2  Isanibcrl,  Anciennes  lois,  t.  XX,  p.  385. 

•'  Instnieliuns  pour  les  jardins,  t.  II,  p.  501. 

*  Duc    de    Luyncs,    Mémoires,    t.    I,    p.     168.    Vov. 
aussi  t.  II,  p.  13. 

S  Ktnl  (le   la  France  pour  1687 ,    t.    I,    ji.    1 U;  :  pnur 
1712,  t.  I,  p.  135:/;o«r  17HG,  I.  I,  p.  23.^. 

C  Luynes,  Mémoires,  t.  1,  ]).  213. 

'  Mémoires    de    la    société     de     l'hisloire     de     Paris 
I.  XXVIII  (1901),  p.  48  ot  00. 

*  Do  Lnbordo,  Xotice  des  émaux,  y.    155  et  150. 


(ILAClvS  —  (iLACIlOHS 


:i(ir> 


car  Venise  se  monlrail  jalouse  de  sou  industrie, 
n'admettait  aucun  «'Irang^er  dans  ses  ateliers, 
confisqiuiil  les  hieus  de  tout  artisan  ([ui  ([uitlail 
sa  [);ilri('  '.  l'ourlant,  dès  l'aniu'e  suivante,  il 
existait  i'i  Toin-lavilie  près  <le  Ciierliour<i;  une 
l'ahi'iqiie  ([ui  ne  cessa  de  produire  qu'en  18U8. 
Puis,  vers  1(K)(3,  Louis  XIV  accordait  à  Nicolas 
Duiutver  le  privilè(i;'e  d'ouvrir,  dans  un  l'auhour'i;' 
de  Paris,  une  laliritpie  de  o^laces  seinhlidiles  a 
celles  que  nous  envoyait  la  petite  île  de  Murano, 
près  de  Venise.  Dunoyer  installa  au  rauliour<i^ 
Saint-Antoine,  dans  le  hàlinient  occupé  aujour- 
d'hui par  la  caserne  de  Keuillv.  sa  iiKiuufurlure 
roi/(ile  (le  ijUicck  de  ïuiroin.  qui  recul  des 
armoiries  et  le  droit  d'avoir  des  domestiqnes  a  la 
livrée  royale. 

Le  succès  l'ut  coniplel  et  eiiycndi'a  iriniportanls 
perfeclionnenuMits.  En  l()9l,  Louis  Lucas  de 
ÎS'ehou,  *>-enlillionuue  verrier  de  Nonnandie, 
présenta  à  Louis  XI \  les  premières  ^-laces 
coulées,  obtint  pour  cette  l'ahrication  un  privilèo-e, 
et  créa  à  Saint-dobain,  dans  les  ruines  d'un 
vieux  cliàleau.  la  maniifaclnre  royale  des  (innides 
glaces. 

L^ne  troisième  nianulacture,  qui  paraît  avoir  (mi 
une  courte  existence,  fut  fondée,  vers  1()90,  au 
faul)Our<i^  Saint-dermain,  dans  la  rue  de  ITiii- 
versité.  Elle  était  dirigée  par  un  sieur  Abraham 
Thevart,  et  j'en  trouve  la  trace  dans  un  arrêt  du 
Conseil  d'État  daté  du  8  octobre  1691.  Elle  est 
mentionnée  aussi  par  le  Livre  commode  pour 
1602  ^,  qui  nous  apprend  que  l'on  y  fabriquait 
«  des  "'laces  d'une  o-randeur  si  cxtraord injure  >- 
([u'elles  mesuraient  jusqu'à  sept  pieds  (2'", 27)  de 
liant. 

C'est  de  cette  épo([ue  que  date  l'usage  de 
placer  des  glaces  au-dessus  des  cheminées.  Le 
docteur  anglais  Lister,  qui  visita  Paris  en  1698, 
constate  que  l'on  y  trouve  «  des  glaces  à  si  bas 
prix  qu'il  n'est  pas  jusqu'à  toutes  les  voitures  de 
remise  et  la  plupart  des  fiacres  qui,  par  devant, 
ne  soient  fermés  d'une  grande  glace  •'  >>. 
L'engouement  devint  excessif.  La  couitesse  de 
Fiesque  vendait  une  terre  pour  acheter  une 
glace  *.  On  intriguait  pour  les  avoir  «  au  prix 
du  roy  »,  c'est-à-dire  avec  une  remise  d'environ 
4  fr.  50  pour  100  ^.  Les  glaces  qui  donnèrent 
leur  nom  à  la  grande  galerie  de  Versailles 
provenaient  de  la  manufacture  du  faubourg 
Saint-Antoine  "'. 

En  1702,  les  deux  uumufactures  de  Saint- 
Gobain  et  de  Reuilly  furent  réunies  et  se  com- 
plétèrent l'une  par  l'autre.  Les  glaces,  frustes 
encore,  partaient  de  Saint-Gobain  en  bateaux 
qui  descendaient  l'Oise,  et  elles  arrivaient  à  la 
maison  de  Reuilly,  oii  elles  recevaient  le  poli 
et  l'étainage.  «  Cet  établissement ,  écrivait 
Sébastien  Mercier  vers  1780,  jouit  d'un  privilège 


1  Correspoiuldiu-e  ailiiiiiiisiralice  .soHs  LdHis  XI] ,  I.  III, 
p.  'iHS  et  (593. 

2  Tome  II,  p.  141. 

3  Voyage  de  Lister,  p.  131. 

4  Saint-Simon,  Mémoires,  t.  II,  p.  242. 

5  BidJetin  de  la  société  de  l'histoire  de  Paris,  Xn'^annùe 
(1887),  p.    123. 

6  Nemoitz,  Séjour  de  Paris,  cdit.  de  18U7,  !>.    1U4. 


exclusif;  il  aspire  des  millions,  car  on  parle 
aujourd'hui  de  cincpianle  milh;  écus  de  glaces 
pour  meubler  un  château  '.  Bientôt,  le  boudoir 
de  la  marchande  de  draps  s<'ra  tout  en  glaces, 
l'it  oii  n'en  mel-on  pasV  Dans  des  alcoves,  des 
passages  d'escalier,  des  garde-robes,  etc.  Ames 
iniu)cenles .  nurc/.-voiis  dans  le  cryslal  des 
fontaines  -   >. 

Un  guide  plus  prosaïque  iKius  a])[)rend  ([u'aii 
(h'-biil  du  dix-neuvii'uie  sii'cle,  la  manufactui'e  de 
Reuilly  oc(nq:)ait  environ  «  douze  cents  ouvriers, 
in<lependanuni'nl  d'un  grand  nondire  de  la 
maison  de  Bicèlre  et  du  depôl  des  pauvres  de 
Sailli-Denis,  ipii  muiI  couliniicnciueiil  employés 
à  polir  (h's  g'aces.  Le  ]dus  curieux  est  l'élamage. 
on  le  iiiiiiiJn'  avec  complaisance  et  dans  le  plus 
grand  delail.  On  vous  donne,  en  entrant,  une 
personne  qui  vous  (■(uidiiil  pailmil  et  satisfait  à 
toutes  vos  questions.  Il  est  sorti  de  cette  manu- 
facture des  pièces  de  cent  deux  pouces  l'enviroii 
trois  mètresj  de  hauteur.  Les  plus  chères  vont  à 
six  mille  francs  •'  >>. 

\'oy.  Frittiers.  —  Glaciers.  —  Grapi- 
neurs.  —  Miroitiers.  —  Faraisonniers. 
—  Rableurs.  —  Saliniers.    —  Tiseurs. 

Glaceurs.  Nom  doiiiK-  a  cerlains  ouvriers 
emplovés  dans  les  fabri(pies  d'eloU'es.  dans  les 
papeteries,  etc. 

Glaciers.  \ n\ .  Glaces  i  Manufactures 
del. 

Glaciers.  Ledit  du  21  mars  167;},  qui  ciéa 
la  corporation  des  limonadiers,  comprend,  parmi 
les  produits  qu'ils  pouvaient  débiter,  «  les  g-laces 
de  fruits  et  de  tleurs  »,  en  concurrence  avec  les 
confiseurs.  (Tétait,  d'ailleurs,  une  friandise 
encore  nouvelle.  Elle  pa.sse  pour  avoir  été  révélée 
à  la  France  par  un  gentilhomme  Palerinitain, 
nommé  Francesco  Procopio  dei  CoUelli,  qui  vint 
s'établir  à  Paris  vers  1672.  Lîn  1702,  il  francisa 
son  nom,  devint  François  Procope,  et  acheta 
dans  la  rue  de  l'Ancienne-Comédie  actuelle,  en 
face  du  Théâtre-Français,  un  café  qu'il  fil  dé(;orer 
avec  luxe  et  qui  existe  encore.  On  vit,  pour  la 
prendère  fois  dans  une  boutique  de  ce  genre  des 
tapisseries,  de  g-rands  miroirs,  des  lustres  de 
cristal,  et  des  tables  de  marbre  sur  lesquelles  on 
pouvait  se  faire  servir,  non  seulement  du  café, 
du  thé  et  du  chocolat,  mais  aussi  des  liqueurs  et 
des  o-laces.  En  raison  de  la  siMisation  de  froid 
que  déterminent  celles-ci,  Procope  en  oITrait 
seulement  pendant  l'été.  Dubuisson.  son  succes- 
seur, est  le  premier  (pii  ail  eu  l'idée  d'en  servir 
toute  l'année. 

Limonadiers  et  conliseurs  les  miillipliereiit 
alors  de  mille  manières,  et  la  liste  suivante,  qui 
m'est   fournie   par   V Encyclopédie   méthodique  * 


1  «  Mon  logement  au  l'alais-Royal  contenait  pour 
di.\-huit  mille  francs  de  glace.s  ».  Comtesse  de  Genlis, 
Mémoires,  t.  III,  p.  94. 

2  Tableau  de  Paris,  t.  IX,  p.  319. 

•'   l'rudlioiiimc.  Miroir  de  l'aris^  I.  ^  I.  p.  33. 
i  .Vrts  et  métiers  (1782),  l.  I,  p.  7(M. 


sof) 


(iLAClEKS  —  GOUJATS 


de  l'enp'ouemeat  dont  elles 


lion  clire- 


donnera   une   idée 
devinrent  l'objet  : 

De  roses. 

De  fleurs  d"orange. 

De  violette. 

De  sureau. 

D'ananas. 

De  cédrats. 

D'abricots. 

De  cerises. 

De  citrons. 

De  ber^amotfes. 

Di-  bi^^arades. 

De  brn}.,'nons. 

De  cassis. 

De  coings. 

D'épi ne-vinete. 

I)t'  frandioises. 

[).•  fraises. 

l)i'  grenades. 

De  groseilles. 

De  groseilles    franib 

sées. 
De  limes  douces. 
D'oranges. 
[)•■  pèches. 
I).'  ])avies. 
De  rousselets. 
De  poires  de 

lieu. 
De  prunes. 
De  raisins. 
l)e  veijus. 
De  crème  vierge  on 

turelle. 
De  crème  ii  1m  viiiiil 
.\  la  cannelle. 
Aux  gérofles. 
A  Tanis. 

Aux  pi>liulirs. 

Aux  amandes. 
De  Strasbourg. 
Aux  avelines. 
.\ux  truiïi's. 
Aux  marnms. 
Aux  noi\. 

nuebpio  iinnces  pbis  liiiil.  il  cImiI  ■<  du 
suprême  bon  ton  d'aller  prendre  des  glaces  au 
rafé  (  tareliv,  silué  près  <|i;  r()|)éra  ' .  ■<  A  cansc 
de  ses  gliu'f's  panachées,  écrit  La  Mé^angrir.  les 
petites  maiiresses  ont  successivement  engage 
leur  parole  (!»•  (larchy,  leur  petite  parole  [)aiia- 
chée  ;  car  ci-s  mots  ma  paroi r,  si  souvent  et  si 
légéremr-ul  emplovés.  reçoivent  plusieurs  fois 
dans  l'annei'  uuf  addilioii  rpii  liml  à  la  uKich*  -  -  . 

rilndiatcnrs.  \nv.  Armes  Maîtres 
ff 

Glaneurs.  diU  iiiissi  (;i,nin-i's-^ .  l/aiivl  du 
l:{  jiiilh-i   VMVi      fail  dcfi'nsrs  d,.  .rljincp  a  autres 


Aux  noix  d'acajou. 

Au  pain  de  seigle. 

Au  sucre  brûlé. 

Au  houacaca. 

Au  cacao. 

Au  chocolat. 

Au  safran. 

Au  cédra  I . 

Au  chocolat  blanc. 

De  fleurs  d'oranges  gril- 
lées. 

Au  café  blanc. 

Au  café  brun. 

Aux  biscuits. 

Aux  macarons  d'aman- 
des amères. 

Aux  macarons  d'aveli- 
nes. 

A  l'Italienne. 

Au  pol-pourri. 

Aux  œufs. 

Au  riz. 

Aux  cerneaux. 

Aux  fromages. 

Aux  échaudés. 

A  l'ambre. 

A  la  (ierdillv. 

Au  vin  in)israt. 

Au  vin  d'Mspagne. 

Au  vin  de  Tokai. 

An  vin  du  Cap. 

An  Lacrjma  Clirisli. 

Aux  liqin'urs. 

An  mai'asqnin. 

A  la  crème  des  Harbades. 

A  l'eau-de-vie  de  la  Côte. 

A  l'eau  de  créole. 

Au  rossolis. 

A  l'huile  d(^  Vénus. 

Au  Bi)lognia. 

Aux  ratafiats. 

De  cerises. 

De  tlenrs  d'oran're. 


'    pHulhomm»',  Miroir  tir  Paris,  I.  \,  ],.   ijih. 
*   Lr  rnifnyrMr  à  Paris  (1707),  I.  I,  |..    140. 
•'    Kl  yliiiirrfxte*. 


qu'à   gens  vieux  et  tout  à  fait  infirmes,   petits 
enfans  ou  autres,  qui  n'auront  force  de  sejer  ^  ». 
Voy.  Soieurs. 

Globes  et  sphères  i Faiseurs  de  .  Titre 
que  prenait  la  corporation  des  fondeurs. 

\oy.  aussi  Instruments  de  mathéma- 
tiques (Faiseurs  d'). 

Gobelet  i  Officiers  du).  Ce  que  l'on 
nommait  à  la  cour  le  gobelet  comprenait  la  pane- 
terie-bonche  (^{  Y e'chan sonnerie-bouche .  Les  officiers 
qui  assuraient  ces  deux  services  étaient  au  nombre 
de  cinquante  environ.  Ils  se  partageaient  ce  qui 
concernait  les  boissons  du  roi,  ainsi  que  son 
couvert,  pain,  linge,  vaisselle,  etc. 

\oy.  Contrôleurs. 

Gobeletiers.  Dans  les  verreries,  ouvriers 
qui  se  livrent  spécialement  à  la  fabrication  des 
o-obelets. 

Gobelets  iJouEUKS  de\  Voy.  Prestidi- 
gitation (Professeurs  de). 

Gobelins  (Maîtres  de  la  manufacture 
des).  L'édit  du  21  décembre  1667  porte  qu'il 
sera  entretenu,  aux  frais  de  l'État,  dans  cet 
établissement  soixante  enfants.  Après  six  ans 
d'apprentissage  et  quatre  ans  de  compagnonnage, 
ils  obtenaient  sans  frais  la  maîtrise  de  leur 
métier. 

Voy.  Privilégiés  (Lieux). 

Gobeurs.  Voy.  Haleurs. 

Gomme  élastique.  Voy.  Caoutchouc. 
—  Crayons  (Marchands  de),  etc. 

Gondoliers.  Voy.  Bateaux  des  mai- 
sons royales. 

Gorets  ou  maîtres-garçons.  Nom  que 
portait,  chez  les  cordonniers,  un  compagnon  qui 
avait  autorité  sur  ses  camarades,  et  remplaçait  le 
nuiître  quand  celui-ci  était  absent.  Tonteinis, 
c'était  le  gorel  ([ui  devait  balayer  la  lioutique, 
faire  les  lits  et  les  (diambres  des  compagnons, 
porter  les  nuirchandises  en  ville,  etc.,  etc. 

Gouffiaux.  Voy.  Plumets. 

Goug-es,  GoUgieS,  etc.  Domestiques, 
servantes.  Mais  ce  mot  désigne  souvent  aussi  des 
femmes  de;  nuiuvaises  mœurs. 

Goujards.  Nom  que  preiuuent  certains 
ouvriers  ferblantiers. 

Goujats.  (Mivriei-s  marons.  «  Le  goujat  porte 
sur  ses  épaules  une  machine  qu'on  appelle  owrrtw, 
espèce  de  petite  hotte  de  ])ois,  plate  et  composée 
(k*  quatre  morceaux  de  bois,  dont  les  deux  qui 
j)orlenl  sur  les  épaides  sont  coiiverts  de  pbuu^hes 
ins(|u"à  la  uKiilié.  e|  (huit  l'aulre  moitié  demeure 


^   Delaniaiif,  Traité  île  la  jmlice,  l.  II,  p.  71  1. 


GOUJATS  —  (rOUMOKMaU  l)L'  .MUUI.I> 


367 


vide,  afin  que  le  g'oujal  y  passe  sa  lèle  el 
que,  de  chaque  main,  il  tienne  chacun  de  ces 
bouts  '  ». 

On  l'appelle  aussi  porle-oisemi. 

Dans  les  forges,  on  nomme  goujats  les  ou\Tiers 
«  dont  la  fonction  est  d'entretenir  le  charhon,  de 
le  bien  retrousser  sur  le  fo^'er,  et  de  l'arroser 
souvent  pour  concentrer  la  chaleur  ». 

Goureurs.  On  donne  ce  nom  à  ceux  qui 
«  falsifient  les  drogues  en  les  mêlant  de  mauvais 
ingrédiens,  à  ces  petits  épiciers  qiu  courent  la 
campagne,  et  qui  distribuent  dans  les  villages 
du  poivre,  du  gingembre  et  autres  épiceries-  ». 

Gourmets,  garçons  marchands  de  vin.  On 
trouve  aussi  groumets,  grommets,  groumez,  etc. 
Je  lis  dans  l'ordonnance  de  février  1415  :  Les 
pontonniers  «  crieront  hors,  afin  que  les  variez 
ou  groumez  des  marchans  se  retraieni —  ■'  ». 
On  a  voulu  trouver  ici  l'origine  du  irnAgroora. 

Voy.  Courtiers  de  vins 

Goût  de  vin.  On  donnait  ce  nom  ii  une 
légère  collation  que,  dans  quelques  cunuuu- 
nautés,  les  jurés  nouvellement  élus  otiraient  aux 
jurés  sortants.  l<]lle  était  suivie,  deux  jours  après, 
d'un  grand  festin.  Mais  peu  à  peu,  le  goût  de 
vin  se  transforma  lui-même  en  repas  somptueux, 
ce  qui  fit,  à  deux  jours  de  distance,  deux 
banquets.  Les  merciers  supprimèrent  le  goût  de 
vin  en  1681,  et  le  remplacèrent  par  le  don  de 
douze  jetons  d'argent  *. 

Gouvernantes.  «  On  appelle  ainsi  une 
femme  ou  servante  qui  a  soin  d'un  ménage,  d'un 
homme  veuf,  d'un  garçon  ^  ». 

«  Se  marier  n'est  pas  chose  aisée  à  Paris, 
surtout  pour  un  liomme  entre  deux  âges  et  d'une 
fortune  médiocre.  11  en  coûte  infiniment  pour 
entretenir  une  femme  et  fournir  aux  besoins, 
aux  fantaisies  que  la  mode  amène  chaque  jovir. 
Ceux  qui  ne  sont  pas  assez  riches,  ou  qui  sont 
économes,  ou  qui  veulent  garder  leur  liberté, 
prennent  une  gouvernante,  c'est-à-dire  une 
concubine,  qui  ne  paroît  point  ou  très  peu,  et 
qui,  bornée  aux  travaux  domestiques,  prend 
soin  de  la  table  et  du  ménage,  et  mange  avec  le 
maître  lorsqu'il  est  seul... 

«  L'homme  de  lettres  valétudinaire,  l'homme 
du  monde  qui  se  trouve  seul,  l'ecclésiastique  que 
son  état  isole,  se  remettent  entre  les  mains  d'une 
gouvernante.  Celle-ci,  d'ordinaire  souple  et 
adroite,  prend  de  l'ascendant  sur  l'esprit  de  son 
maître,  qui  paye  par  sa  complaisance  les  bons 
offices  qu'il  en  reçoit.  Quelques-unes,  abusant 
de  leurs  droits,  ont  amené  leurs  maîtres  à  les 
épouser,  d'autres  ont  dicté  le  testament,  et  ce 
n'est  pas  peu   de  chose  d'être  la  gouvernante 


1  ALbé  Jaubert,  Dictionnaire  des  aria  et  métiers,   t.  II, 
p.  3i2. 

2  Savary,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  2.57. 

3  Chapitre  X. 

4  ^'oy.    Saint-Joanny,    Reijistre    îles  rlélibe'rations    îles 
hKirchanih  merciers  île  Paris,   p.  155. 

5  Dictionnaire  de  Trévoux  (1771),  t.  I\  ,  p.  iJTl. 


d'un  vieillard  riche  ;  les  neveux,  qui  la  détestent 
et  la  craignent,  lui  font  la  cour,  chacun  d'eux 
sollicite  ses  reconmiandations.  L'oncle  meurt, 
elle  se  retire  avec  une  bonne  rente  et  ses  épargnes, 
et  les  laisse  se  disputer  l'héritage  '  ». 

Le  mot  gouvernante  avait  encore  un  autre 
sens.  A  la  Cour,  la  gouvernante  du  Dauphin 
cessait  ses  fonctions  quand  le  prince,  âgé  de 
sept  ans,  passait  entre  les  mains  des  hommes. 
La  gouvernante  recevait  alors  tous  les  objets, 
même  les  plus  riches  et  les  plus  précieux  qui 
avaient  servi  à  son  élève  -. 

Voy.  Bonnes  d'enfants. 

Gouvernantes  d'enfants.  \  oy.  Bon- 
nes d'enfants 

Gouvernantes  des  guenons.  \  oy. 
Guenons  (Gouvernantes  des)  et  Le- 
vrettes de  la  chambre. 

Gouvernantes  des  nourrices.  \oy. 
Retenues. 

Gouverneur  des  chiens  de  la  cham- 
bre. Le  service  des  «  petits  chiens  de  la 
chambre  du  roi  »  ne  doit  pas  être  confondu  avec 
celui  des  levrettes  ^.  En  1712,  le  premier  était 
représenté  par  deux  fonctionnaires  sans  titre 
spécial,  qui  touchaientl.4461iv.de  gages  et 
«  200  liv.  pour  un  juste-au-corps  de  livrée  ».  Le 
pâtissier  du  roi  délivrait  alors  chaque  jour  sept 
biscuits  pour  les  petits  chiens  de  Sa  Majesté  *. 
En  17.'37,  le  duc  de  ^'illeroy  obtint,  pour  un  de 
ses  protégés,  la  charge  de  gouverneur  des  petits 
chiens  de  la  chaïuhre  du,  roi  '^ . 

Gouverneur  des  cormorans.  Officier 

de  la  Maison  royale.  Il  existait  au  château  de 
Fontainebleau  une  immense  volière,  où  l'on 
voyait  des  aigles,  des  grues,  des  cigognes,  des 
hérons,  des  faisans,  des  cormorans,  etc.  ".  Le 
régisseur  de  cette  ménagerie  avait  pour  litre 
garde  des  oiseaux  du  roi  en  son  cMteaii  de  Fontai- 
nebleau et  goiwerneur  des  cormorans.  Il  était 
surtout  connu  sous  ce  dernier  nom,  parce  que 
la  chasse  ou  plutôt  la  pêche  du  corm  jran  était 
une  des  distractions  favorites  des  hôtes  du 
château. 

Gouverneur    du    moulin.    Dans    les 

manufactures  de  papier,  le  moulin  était  destiné 
à  produire  la  pâte  fibreuse  qui  se  transforme 
ensuite  en  feuilles.  Le  gouverneur  du  moidin 
était  un  des  ouvriers  les  plus  importants  de  la 

fal)ri([ue. 


1  Séb.  Mercier,  Tableau  de  Paris  (1780),  t.  \\,  p.   8. 

2  Mercure  de  France,  n°  de  février  1717,  p.  103.  — 
Héroard,  Journal  de  Lnais  XIII,  t.  I,  j).  373. 

•*  Voy.  l'art.    Levrettes  de  la  eliambre. 

i  Etat  de  la  France  pour   17 12.  t.  I,  p.  188. 

3  Duc  de  Luvne.s,  Mémoires,  29  septembre  1737,  t.  I, 
p.  362. 

•>  P.  Dan,  Le  trésor  des  merveilles  de  Fontainebleau, 
p.  156  et  186. —  Duc  de  Luvnes,  Mémoires,  29  septembre 
1737.  t.  I,  362. 

"  Ktnl  delà  Fronrc  pour  1(187,  t.  I.  p.  109:  po'ir 
17 fJ,  t.   I,  p.   311. 


ms 


(iOLVERNEUR  DE  LA  VOLIERE  —  GRAPLNEURS  DE  DERRIÈRE 


Gouverneur  de  la  volière  du  Lou- 
vre. Oriicier  de  la  luaisun  royale.  En  1687  et 
(Ml  ITM.  le  litiilaire  de  cet  office  se  nommait 
Puissior  ' .  Louis  XIII  avait  supprimé  l'ancienne 
volière  du  Louvre,  et  l'avait  réédifiée  en  face  de 
ses  appartements,  sur  le  bord  de  la  Seine. 

Gouverneurs.  Voy.  précepteurs. 

Graillonneuses.  «  On  donne  ce  nom,  à 
Paris,  à  des  femmes  qui  ont  la  permission  de 
vendre  publiquement  des  restes  de  viandes  qui 
ont  été  desservies  de  dessus  une  lalih'  bourgeoise 
ou  t-elle  d'un  traiteur  -  ». 

Graineliers  •■!  Grainetiers.  Voj. 
Grainiers. 

Grainiers.  .le  les  rencontre  pour  la 
prtMuière  fois  dans  le  Livre  des  métiers,  qui  les 
iioMMui;  hluetiers  ^,  puis  je  ne  trouve  plus  guère 
trace  de  leiu  existence  jusqu'au  seizième  siècle, 
dû  des  lettres  patentes  de  novembre  1.595  les 
constituent  de  nouveau  en  communauté. 

Les  femmes  étaient  admises  dans  cette  corpo- 
ration, dont  les  membres  sont  officiellement 
«pialifiés  de  raaHres  et  maîtresses  marchands  et 
marchandes  (p-ainiers  et  grainières.  Ils  ajoutaient 
parfois  à  ces  litres  celui  de  fleuristes.  Quatre 
jurés,  deux  hommes  et  deux  femmes  étaient 
chargés  de  l'administration. 

L'article  26  des  statuts  énumi're  longuement 
la  liste  dts  graines  que  le  corps  de  métier  avait 
leib'oit  de  vendre  '.  Toutefois,  ce  privilège  n'était 
pas  absolu,  car  les  jardiniers  pouvaient  également 
débiter  des  graines,  mais  en  marché  pid)lic  et 
sous  la  surveillance  des  jurés  grainiers. 

X.'Ahianach  Dauphin  pour  1780  mentionne 
parmi  les  graiin'ers  en  vogue  le  sieur  Andrieux- 
Vilmoiin,  (|ui  demeurait  quai  de  la  Mégisserie, 
maison  (|ui  existe  encore  au  même  endroit.  A 
celte  (bile,  je  nombre  (les  maîtres  et  maîtresses 
>'éb-vait  a  'JtiO  environ.  La  communauté  était 
placée  sous  le  patronage  de  saint  Nicolas  et  avait 
une  confrérie  (b''dié(>  à  saint  Antoine. 

\  'i\ .  Blé  (Marchands  de)  el  Mesureurs 
de  grains. 

Graissiers.  DebilaiilMle  graiss(.'s,  d'huiles, 
••le.  Les  épiciers,  les  droguistes  des  provinces 
prenaient  parfois  vo  titre.  La  gi-aiule  ordonnance 
du  'M)  janvier  |;{.")|  mentionne  les  marchans  de 
grrnsrs  •'. 

()ii  les  trouve  auNsi  nommés  crassiers, 
rrairhirrs,  rraissiers,  t/ressiers,  etc. 


J    A/«/   i/r  /n    Fniiire  iwiir    tOH7,    I.     I,    [).    \'^\\ -^   pour 
//.'/ff,  l.  I,  |..   |;m.  _  I).  II    X.^Suitptêmeiil iiii.T  anliiiuilv: 
ih  /'iiriM  dr  ItHbirHl,  clii.  ,|r  1  (i;n ,  ]i.  70. 
*  .Jinilurl,  /Jirtioiiimirr,  I.  H    ii    ;j.|-{ 

»   \„y    niissi  Ciiliilngiir  dt  luulrx  xnrli-s  ilr  ijniin.-s.  Iiuit 
I'  l-giimfx.   sulirlm.  ymiiirs  ,lr  slmjilr.i  ilr  Itiates 

■  '  ilf  Hriir»  ft  oignniis  ilr  /Inirs.    qui  sou/  île 
}'  tifur  t.f  Frbcrr,  mnrrhiiiiil  grainirr  tlfiirisle. 

■  Ir    qua^    ,h    {„    .W,,issn-!r.    à    tnisriqne  (lu 
I                       .„nr  (;„  .,  /'.,.,.    |.,.ij,  i„.y,,|,,  4,,  •         ,, 

"  ArtM-lo  235.  «    b     > 


Grand-maître  des  cérémonies.  Char- 
ge créée  en  1585.  Le  grand-maître  avait  p(jur 
mission  de  régler  toutes  les  cérémonies  :  pro- 
cessions, réjouissances  publiques,  baptêmes, 
pompes  funèbres,  sacres,  couronnements,  etc., 
etc.  Il  portait  un  bâton  de  commandement  couvert 
de  velours  noir,  avec  l'extrémité  et  le  pommeau 
d'ivoire. 

Yoy.  Cérémonial. 

Grand  maître  des  coureurs.  (]lief  du 

service  de  la  poste.  Il  fut  institué  par  l'article  4 
de  l'édit  du  19  juin  1464.  L'article  21  veut  que 
le  grand  maître  «  ait  l'entière  disposition  de 
mettre  et  étaljlir  partout  oii  besoin  sera  des 
niaistres  coureurs,  les  déposséder  si  leur  devoir 
ne  font,  etc.  '  »  T)e\'ÇTM  grand  maître  des  cour- 
riers., il  vit  sa  charge  supprimée  par  édit  de 
janvier  1692. 

Grand  veneur.  Il  avait  la  surintendance 
de  tous  les  officiers  de  la  vénerie.  «  Quand,  écrit 
Guyot,  le  Roi  est  à  la  chasse  du  cerf,  et  qu'il 
monte  à  cheval  pour  aller  au  laissez  courre, 
le  grand  veneur,  ou  en  son  absence  celui  qui 
commande  la  vénerie,  présente  à  sa  majesté, 
pour  écarter  les  branches,  un  l)àton  de  deux 
pieds,  dont  la  poignée  est  pelée  depuis  la  fête 
de  la  Madeleine  sur  la  fin  du  mois  de  juillet 
jusqu'au  mois  de  mars,  à  cause  qu'en  ce  temps- 
Ki  les  cerfs  touchent  au  bois,  et  le  reste  de 
l'année  ce  bâton  est  couvert  de  son  écorce. 
Lorsque  le  cerf  est  pris,  le  piqueui'  en  coupe  le 
pied  droit,  cpTil  (b)nne  au  grand  veneur,  el 
celui-ci  le  présente  au  Roi  »  ^. 

Grands  maîtres.  Voy.  Drapiers. 
Grands    maîtres   et  surintendants 

g-énéraux  des  postes.  Ciiarge  créée  par 
édii  de  s(^plend)re  1715.  De  Torcy  en  fut  pourvu 
le  premier.  On  compte  parmi  ses  successeurs  le 
cardinal  Dubois,  le  duc  d'Orh^ns,  le  duc  de 
Bourbon,  le  caidinal  de  Fleury,  le  comte  d'Ar- 
genson,  elc. 

l'bi  1771).  le  titre  de  cette  charge  fut  modili('', 
et  le  lilulaire  prit  celui  (['intendant  général  des 
cmirriers,  postes  et  relais  de  France. 

Grands  voy  ers.  \'oy.  Voyers. 

Grang-ers  ei  Grang"iers.  ^'oy.  Mé- 
tayers. 

Grapineurs  de  devant.  On  tlonnaii  ce 
nom.  dans  les  manufactures  de  places,  aux 
ouvriers  «  allentil's  au  verre  qui  sort  de  la 
(•U\-elle.  pour  en  enlevei'  les  larmes  on  piei'i'cs, 
(MI  autres  defauls  accidentels  ■>. 

Grapineurs  de  derrière.  On  donnai!  (;e 

nom,  dans  les  manul'aclures  d(»  <>-laces.  aux 
ouvriers  «  cnaro-és  de  détacher  la  trin<>-le  de  la 
glace  et  d  en  faire  tomber  la  bavure  >>. 


'    Deljtinnn-i',  Trtiilé  île  la  pulire, 
i   Triilté  ilvs  offices,  I.  I,  p.  G30. 


IV 


,  )'.  oôG. 


GRASSE  —  GRAVF.URS 


369 


Grasse  (Semaine).  Diins  h<.  statuls  des 
métiers,  ces  mois  désin^neiil  la  semaine  de  la 
Quiiiqua<2;'ésime.  Klle  est  ainsi  nommée  parce 
que  le  mardi  <i,Tas  y  est  compris. 

Gravâtiers.  Charretiers  qui  avaient  la 
spécialité  de  transporter  les  plâtras  dans  les 
ateliers  des  salpétriers  '. 

Graveliers.  La  T(/i//e  de  i292  en  cite 
cinq,  celle  de  1300  en  mentionne  trois.  Il  est 
probable  que  l'on  désig-nait  ainsi  les  ouvriers 
qui  se  li\Taient  à  l'extraction  du  gravier.  Mais 
on  pourrait  y  reconnaître  aussi  les  marchands 
de  cendre  gravelée,  lie  de  vin  séchée  et  calcinée 
dont  se  servaient  surtout  les  teinturiers. 

Graveurs.  Tous  devaient  nécessairement 
appartenir,  soit  comme  membres  à  l'académie 
royale  de  peinture,  soit  comme  maîtres  à  l'aca- 
démie de  Sainl-Luc. 

Voy.  Peintres. 

Graveurs  sur  bois.  La  gravure  sur  liois 
en  France  remonte  seulement  au  quatorzième 
siècle,  et  la  première  estampe  qu'elle  ait  produite, 
un  saint  Christophe  portant  l'enfant  Jésus,  est 
datée  de  1423  -  ;  encore  quelques  auteurs 
attribuent-ils  cette  gravure  à  l'Allemagne. 

Jean  du  Pré,  de  son  vrai  nom  Jean  Larcher, 
libraire  rue  Saint-Jacques  vers  1480,  serait  le  pre- 
mier qui  aurait  publié  à  Paris  un  livre  illustré  ^. 

Cet  art  nouveau  progressa  vite  et  s'étendit  à 
de  nombreuses  applications  :  sujets  religieux 
d'abord,  puis  tarots  et  cartes  à  jouer  imprimés 
à  l'aide  de  planches  gi-"avées  que  l'on  complétait 
par  la  peinture.  On  reproduisit  ensuite  des 
almanachs,  des  livres  d'images,  des  traités 
d'éducation,  des  civilités,  etc.  La  xylographie 
fut  l'initiatrice  de  l'imprimerie. 

L'arrêt  du  23  janvier  1742  permit  aux 
graveurs  sur  bois  d'étaler,  vendre  et  débiter 
partout  leurs  estampes,  »  à  charge  de  se  présenter 
devant  les  juges  de  police  des  lieux  pour  en 
obtenir  la  licence  par  écrit,  laquelle  doit  leur 
être  accordée  gratis.» 

L'abbé  Jaubert  écrivait  en  1773  :  «  La 
gravure  sur  cuivre,  soit  au  burin,  soit  à  l'eau- 
forte  est  presque  la  seule  dont  on  se  serve 
présentement  pour  les  estampes  ou  pour  les 
planclies  gravées  dont  on  orne  les  livTes  ;  celle 
en  Itois,  autrefois  si  usitée,  n'est  plus  guère 
d'usage  que  pour  les  petits  ouvrages  de  peu  de 
conséquence,  ou  pour  de  très  grands,  connue 
sont  les  tapisseries  de  papier  peint  ^  ». 

Voy.  Dominotiers. 

Graveurs  sur  fer  et  sur  acier.  Titre 

qui  appartenait  ù  la  corporation  des  couteliers. 

Graveurs  g-éog-raphes.  On  lit  sur  une 
vignette-adresse     du    siècle    dernier:   «  Lattrk 


1  Jaubert,  Dictiuininlre,  \.  II,  p.  343. 

2  A. -F.  Didot,  Essai  sur  In  jjntviire  sur  buis,  p.  12. 
■'  A.  Cllaudin,  Liste  ries  imprimeurs  parisiens,  p.  9. 
'*  Dietiiiiinaire  r/es  arts  et  métiers,  t.  II,  p.  344. 


ET  SON  lîPOL'SE,  pour  la  gravure  des  plans 
topographiques,  géographiques  et  généralement 
toutes  sortes  d'écritures,  rue  Saint-Jac{[ues,  au 
coin  de  celle  de  la  Parcheminerie  >>. 

Ces  artistes,  classés  parmi  les  graveurs  en 
taille-douce,  n'étiiient  point  constitués  en  com- 
munauté. Les  plus  renommés,  vers  l'année  1776, 
étaient  les  suivants  : 

Aldring,  rue  Perdue. 

Lerouge,  rue  Gît-le-Cœur,  auteur  d'un 
ou\Tage  sur  les  Curiosités  de  Paris. 

BoURGOiN,  rue  de  la  Harpe. 

Croizet,  quai  des  Augustins. 

Delahayes,  place  du  Chevalier  du  Guet, 
graveur  des  cartes  de  Cassini. 

Vallet,  rue  des  Grands-Degrés,  graveur  de 
Robert  de  Vaugondy  ^ . 

Voy.  Géographes  (Ingénieurs). 

Graveurs  en  caractères  d'impri- 
merie. Les  caractères  employés  dans  les  pre- 
miers livres  imprimés  à  Paris  ne  se  rencontrent 
dans  aucune  autre  impression  contemporaine,  ils 
ont  donc  été,  selon  toute  apparence,  gravés  à 
Paris,  uuiis  c'est  tout  ce  que  l'on  en  peut  dire. 

Parmi  les  artistes  qui  se  distinguèrent  dans  ce 
genre  de  gravure,  il  faut  citer  : 

Simon  de  Colines,  qui  était  né  à  Gentilly, 
près  Paris.  Il  épousa  la  veuve  d'Henry  Estienne, 
et  mourut  après  1550. 

Claude  Garamond,  né  à  Paris  et  mort  en  1561, 
créa  des  modèles  qui  n'ont  pas  été  surpassés. 

Robert  Granjon,  aussi  natif  de  Paris,  est 
célèbre  surtout  par  son  italique  et  ses  caractères 
grecs.  Il  mourut  vers  1592. 

Guillaume  Lebé  grava  sui'tout  des  types 
hébraïques. 

Jacques  de  Sanlecque,  élève  de  Lebé,  grava  des 
caractères  de  musique,  des  matrices  syriaques, 
samaritaines,  arméniennes,  chaldaïques,  arabes, 
et  mourut  en  1648. 

Son  fils,  nommé  Jacques,  comme  lui,  et  né  à 
Paris,  passe  pour  avoir  créé  la  Parisienne,  carac- 
tère qui  représente  aujcjurd'luii  notre  corps  5. 

Pierre-Simon  Fournier,  né  à  Paris  et  nu^rt 
en  1762,  eut  le  mérite  de  créer  le  point  fi/po- 
gruphique  qui,  beaucoup  mieux  que  les  noms 
divers  employés  jusque-là,  servit  à  faire  connaître 
la  Juuiteur  des  difïérents  caractères. 

Les  o-raveurs  en  caractères  appartenaient  à  la 
corporation  des  imprimeurs. 

Voy.  Fondeurs. 

Graveurs   en    caractères    pour   la 

musique.  Pierre  HcUitin.  graveur,  fondeur  et 
imprimeur  à  Paris,  créa,  vers  1525,  les  premiers 
poinçons  destinés  à  l'impression  de  la  musique  ; 
notes  et  filets  étaient  représentés  sur  le  poinçon. 
Guillaume  Lebé,  vers  1545,  eut  l'idée  de  fondre 
des  caractères  à  imprimer  en  deux  fois,  le  filet 
d'abord,  puis  la  note,  procédé  qui  fut  vite  aban- 
donné.   Robert   Ballard  et  Nicolas    Duchemin 

1  Almnnnch  Dauphin  pour  1777,  .supplément. 


21 


370 


GRAVEURS 


vers  1550,  Robert  Granjon  vers  1572,  Jacques 
de  Sanlecque  et  son  fils  vers  1635  portèrent  à  sa 
perfection  l'art  de  la  gravure  pour  les  caractères 
de  musique.  Les  productions  de  Sanlecque  sont 
de  véritables  cheis-d'œm-re  ^.  Enfin,  les  types 
créés  vers  1762  par  P.-S.  Fournier  furent 
accueillis  avec  faveur  par  l'Académie  des  sciences; 
elle  déclara  que  Ton  obtenait  d'eux  «  une  netteté 
que  la  taille-douce  !i"avoi(  pu  donner  -  ». 
Vov.  Graveurs  de  musique. 

Graveurs  sur  métaux.  Restés  pendant 
loiin;temps  en  pelit  nombre,  c'est  seulement  au 
début  du  dix-septième  siècle  qu'ils  décidèrent  de 
se  constituer  en  jurande,  et  soumirent  au  roi  des 
statuts  assez  complets,  qui  furent  homolog'ués  en 
mai  1631. 

Ils  y  sont  qualifiés  de  /ai/leîirs-(/ra peurs  en  or 
et  en  argent^  laiton  ^,  fer,  acier  et  estain.  Eux- 
mêmes  limitent  à  vingt  le  nombre  des  maîtres 
devant  composer  la  communauté.  Chacun  d'eux 
ne  peut  avoir  à  la  fois  deux  apprentis,  et  la  durée 
de  l'apprentissage  est  fixée  à  six  années,  suivies 
de  deux  années  de  compagnonnage  et  du  chef- 
d'œuvre.  La  fille  de  maître  épousant  un  compa- 
gnon du  métier  lui  confère  de  nondireux  privi- 
lèges. 

Les  maîtres  ont  le  droit  de  <,<  loiulre,  aprester 
la  matière  pour  faire  sceaux,  cachets,  soit  en  or 
cl  en  argent,  cui\Te,  laiton  *,  fer  et  acier,  mesme 
faire  leurs  modèles  en  cire,  bois,  plomb  ».  Ils 
sont  autorisés  à  confectionner  «  sceaux,  cachets, 
marques  particulières,  chifl'res,  soit  en  creux  ou 
relief,  poinçons  pour  servir  aux  orfèvres,  relieurs 
de  livres,  doreurs  sur  cuir,  potiers  d'étain  et 
antres  ».  Un  article  mentioime  spécialement  la 
gravure  des  épitaphes  sur  métal  destinées  aux 
tombeaux. 

(]onime  les  autres  corporations  v(mées  au 
travail  des  métaux  précieux,  celle-ci  était  soumise 
ù  la  juridiction  de  la  cour  des  Monnaies. 

La  commimauté  prospéra.  Le  nomljre  des 
maîtres  augmenta  peu  à  peu.  Puis,  en  décembre 
1737,  de  nouveaux  statuts  favorisèrent  l'extension 
du  métier  et  en  modifièrent  un  peu  l'organisation. 
Les  maîtres  furent  dits  tailleiirs-graveurs-cise- 
l/^trt.  Ils  eurent  l'autorisation  de  «  graver,  cise- 
ler, l.iiit  en  or,  argent,  cuivre,  laiton  qu'autres 
méiiiiix  et  matières,  les  sceaux,  cachets,  vais- 
selles, tabatières,  boèles  de  montres,  estuis  de 
pii-ces,  pommes  de  cannes  et  autres  bijoux  ». 
Eux  seuls  pouvaient  mettre  eu  étidage  au 
deviiul  de  leur  boutique  des  empreintes  en  cire 
irivspagrie,  représeidant  les  armes  de  France, 
celles  des  princes,  princesses,  etc. 

I^  communauté  était  placée  sous  le  piilronage 
de  saint  Eloi  et  !.•  nombre  des  maîtres  dépassait 
127  H  la  fin  du  dix-huitième  siècle. 


Noy.  P.-S.  Koumi.T,  Traité  historique  sur  l'oritiiiie 
ft  Us  prnjrft  //m  caractfrfs  ,te  fonte  pour  i impression  de  la 
m^s.qye,  170.1.  in-^o.  _  (,„  trouw  h  li.slo  comiilèto  des 
Krnvi-urs  pour  la  musiq.i,.  dans  A. -M.  Lollin.  Catalogue 
chroHotngique  itrx  libraires,  1789,    iii-l2. 

5  \»\  hs  Mémoires  de  iAcaitémie  des  scienres  année 
17fi2,  p.  nt2. 

3  ri  »  Il  y  a  dans  le  texte  lalon. 


Les  graveurs  employés  dans  les  hôtels  des 
Monnaies  n'appartenaient  pas  à  la  communauté 
et  jouissaient  de  privilèges  spéciaux  '. 

Plusieurs  métiers  occupés  au  travail  des  métaux , 
les  damasquineurs,  les  couteliers,  les  orfèvres, 
les  potiers  d'étain  entre  autres,  avaient  le  droit 
de  graver  leurs  produits  et  prenaient  le  titre  de 
graveurs  ou  de  tailleiirs. 

Voy.  Grraveurs  de  sceaux. 

Graveurs  des  monnaies.  Voy.  Tail- 
leurs. 

Graveurs  de  musique.  L'art  de  graver 
la  musique  date  seulement  du  dix-septième  siècle, 
et  c'est  vers  1675  que  parut  le  premier  ouvrage 
ainsi  imprimé.  On  s'était  servi  jusque-là  de 
caractères  mobiles  comme  pour  l'imprimerie 
ordinaire  -. 

Un  arrêt,  rendu  au  mois  de  septembre  1694 
en  faveur  ilu  sieur  Ballard,  imprimeur  du  roi 
pour  la  musique,  défendit,  sous  peine  de  10.000 
liv.  d'amende,  de  «  tailler,  fondre  ni  contrefaire 
les  notes,  caractères  et  lettres  grises  »  inventés 
par  lui.  »  Cet  arrêt,  qui  condamnait  d'avance  tout 
perfectionnement,  donna  un  essor  imprévu  à  la 
gravure  de  musique  en  taille-douce.  Les  notes 
furent  d'abord  figurées  en  losange,  puis  on  leur 
donna  la  forme  ronde  **. 

Les  premiers  graveurs  avaient  emploj'é  des 
planches  en  cui\Te,  ils  leur  substituèrent  ensuite 
des  planches  d'étain.  Celles-ci  leur  étaient  four- 
nies par  les  potiers  d'étain  qui  les  planaient  et 
les  polissaient. 

Voy.  Imprimeurs  de  musique. 

Graveurs  sur  pierres  fines.  Les  pierres 
gravées,  fort  recherchées  au  temps  de  Gharle- 
magne,  furent  dédaignées  par  ses  successeurs, 
au  moins  en  ce  qui  concerne  l'ornementation  du 
costume.  Elles  reprirent,  sous  Charles  V,  une 
faveur  qui  ne  connut  plus  que  des  éclipses  mo- 
mentanées. On  fixait  des  camées,  alors  appelés 
camahieux,  sur  les  bagues,  les  ceintures,  les  fer- 
maux,  les  enseignes  des  chapels,  les  agrafes,  etc.*. 

Les  graveurs  sur  pierres  fines  appartenaient  à 
la  corporation  des  lapidaires,  que  leurs  statuts 
de  novembre  1584  qualifient  de  tailleurs-gra- 
veurs ouvrant  en  tontes  sortes  de  pieiTes  fines  et 
n,atur  elles. 

Je  les  ai  trouvés  aussi  nommés  finetiers. 

Voy.  Lapidaires. 

Graveurs  de  sceaux.  Au  moyen  âge,  ils 
sont  dits  scelleeurs.  La  Taille  de  1292  en  cite 
huit,  celle  de  1300  en  mentionne  sept.  L'ordon- 
nance des  Bannières  (1467)  les  qualifie  àagraveux 


'  \oy.  ci-dt^ssous  los  art.  'J'ailleurs  généraux  ot. 
Tailleurs  particuliers  des  monnaies. 

-  \  oy.  ci-dessus  l'art.  Graveur.s  en  caractères  p(jur  la 
musique. 

•'  Encijctopêflie  méthodique,  sciences  et  arts,  I.  III, 
p.  249. 

*  ^oy.  E.  Bab(>lon,  Histoire  de  In  gravure  sur  gemmes, 
p.  19  etsuiv.  ;  viWoWci-Xc-Dw:,,  Dictionnaire  du  mobilier, 
t.  W ,  p.  35,  art.  .Joyaux. 


GRAVEURS  DE  SCEAUX  —  (IHEFFIl-lRS  DES  DÉPRIS  DES  MXS 


:ni 


de  seaulx.  Ils  se  fondent  ensuite  dans  la  cuuiiuu- 
naulé  des  graveurs  sur  métaux. 

Au  treizième  et  au  quatorzième  siècle,  très  peu 
de  corporations  ouvrières  possédaient  un  sceau. 
On  possède  pourtant  celui  de  la  Hanse  pari- 
sienne. Il  représente  une  harqueanticpu',  et  porte 
ces  mots  :  sigillum  merc;atorum  a^ie  parisius. 

Leroy,  dans  ses  Statuts  et  privilèges  des  mar- 
chands orfèvres-joyailliers,  nous  fourni l  le  dessin 
d'un  sceau  ayant  apparteiui  à  celle  communauté, 
et  qui,  comme  le  précédent,  paraît  dater  du 
treizième  siècle.  On  y  voit  saint  Eloi  sous  ses 
vêtements  épiscopaux,  et  entouré  de  cette  léi^ende 
S.  [sigillum)   coxfrarik   S.  Eligii  aurifabro- 

RUM  ' . 

Je  noterai  ici  que,  à  la  mort  de  chaque  souve- 
rain, les  sceaux  et  contre-sceaux  officiels  d'or  et 
d'argent  étaient  mis  hors  d'usage,  puis  donnés, 
avec  leurs  chaînes  et  les  coffrets  qui  les  renfer- 
maient, au  prieuré  de  la  Saussaje,  près  de  Ville- 
juif.  Cette  coutume,  qui  remontait,  dit-on,  à 
Philippe- Auguste,  s'observait  encore  sous  Char- 
les VP. 

En  1648,  un  sieur  Augustin  Aury  était 
«  graveur  des  cachets  du  Roi  ^  >. 

Graveurs  en  taille-douce.  «  Ce  sont 
ceux  qui  gravent  sur  le  cuivre,  soit  au  burin, 
soit  avec  l'eau  forte,  et  qui  y  représentent,  d'après 
le  peintre  ou  d'après  des  dessins,  divers  sujets 
d'histoire,  de  païsages,  de  grotesques,  de  fleurs, 
d'animaux,  etc.  *  » 

Les  planches  de  cuivre  leur  étaient  fournies 
par  les  chaudronniers. 

U^n  arrêt  de  décembre  1667  leur  interdit  toute 
reproduction  figurée  des  maisons  royales,  ainsi 
que  des  objets  d'art  qu'elles  renfermaient.  Etaient 
seuls  exceptés  de  cette  défense,  les  graveurs 
«  choisis  et  désignés  par  le  sieur  Colbert,  surin- 
tendant des  bàtimens  du  roi  ». 

La  Déclaration  du  2.3  octobre  1713  enjoignit 
aux  graveurs  en  taille-douce  de  déposer,  à  la 
cliambre  syndicale  des  libraires,  huit  exemplaires 
des  «  livres  de  figures,  estampes,  cartes,  portraits, 
thèses,  etc.,  gravés  par  eux  ^. 

Ces  artistes  ne  furent  jamais  constitués  en 
communauté. 

Voy.  Graveurs  de  musique  et  Gra- 
veurs sur  métaux. 

Graveux.  ^'oy.  Graveurs. 

Grayfiers.  ^  oy.  Greffiers. 

Greffeurs.  Jardiniers  qui  s'étaient  fait  une 
spécialité  de  la  greffe. 

Greffiers.  La  Taille  de  1202  cite  sept 
greffiers,  celle  de  1700  en  mentionne  six.  Mais 
que  faut-il  entendre  par  ce  nom  ? 


1  Page  4. 

2  Sauvai,  Recherches  sur  Paris,  t.  II,  j).  408. 

3  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  84. 

*  S.ivary,  Dictionnaire  du,  commerce,  t.   II,  p.  272. 
S  Dans    Isamberl,    Anciennes    lois   françaises,  t.   XX, 
1'.  60!). 


M .  de  Lespinasse  crt)it  que  les  greffiers 
«  faisaient  des  greffes  ou  crochets  servant  àclivers 
usages  ',  »  ce  qui  est  bien  vague.  M.  Géraud 
déclare  qu'ils  «  fabriquaient  une  espèce  d'armure 
pour  les  jambes,  appelée  greffe  ou  grève  -  », 
assertion  absolument  contredite  par  ce  fait  que 
les  grèves,  qui  s'appelaient  aussi  trumelières, 
constituaient  alors  la  spécialité  d'une  autre 
corporation,  celle  des  trumeliers  •*.  M.  G. 
Fagniez  dit,  pages  1,')  et  406,  que  les  greffiers 
confectionnaient  '<  des  agrafes  »,  et  page  139, 
il  les  qualifie  de  «  faiseurs  de  fermetures  en 
fer  »  ;  il  est  ici  plus  près  de  la  vérité,  car  au 
treizième  siècle,  les  agrafes  étaient  faites  par  les 
atachiers  et  les  ferinailliers.  Enfin,  M.  Viollet- 
le-Duc,  dont  l'inlerprétiition  ine  paraît  la  plus 
plausible,  affirme  ([ue  les  greffiers  forgeaient 
des  pentures  '' ,  jolis  ornements  en  fer  qui 
partaient  des  gonds  et  s'étalaient  sur  les  ventaux 
des  portes. 

Les  greffiers  dépendaient  du  premier  maréchal 
de  l'écurie  royale.  Comme  les  métiers  spécia- 
lement favorisés,  ils  pouvaient  avoir  un  nondire 
illimité  d'apprentis  et  travailler  à  la  lumière  ^. 

Le  Livre  des  ractiers  les  nomme  greifiers  et 
grayfiers. 

Greffiers.  Dans  le  sens  qu'on  lui  atlril)ue 
aujourd'hui,  ce  mot  ne  se  rencontre  guère  avant 
le  milieu  du  quinzième  siècle,  et  encore  ne 
s'applique-l-il  alors  qu'au  greffier  du  Parlement, 
qui  était  dit  aussi  notaire  du  Parlement  et  reqis- 
trateur.  Jusque-là.  les  baillis,  prévôts,  séné- 
chaux, etc.  désignaient  un  de  leurs  clercs  pour 
remplir  les  fonctions  de  greffier. 

Greffiers  des  bâtiments.  Dits  d'abord 
clercs  puis  greffiers  de  VEcritoire,  leurs  fonctions 
consistaient  à  «  recevoir  et  rédiger  les  rapports  » 
des  experts-jurés.  Leur  nombre,  d'abord  de 
quatre,  fut  porté  à  seize  en  1690^. 

Voy.  Vérificateurs  de  mémoires. 

Greffiers  du  conseil  privé.  Quatre 
offices  créés  par  édit  d'octobre  1576. 

Greffiers  des  conventions ,  arbi  - 
trag-es ,  syndicats  et  directions  de 
créanciers.  Vingt  offices  créés  par  édit  de 
mars  1673,  et  réunis  aux  notaires  en  août  de  la 
même  année  ^. 

Greffiers  des  dépris  des  vins.  Officiers 

jurés  créés  par  édit  du  8  juin  1627.  Cet  édit  porte 
«  création  en  hérédité  d'un  greffier  des  dépris 
des  vins  en  chacune  ville,  bourg  et  paroisse  du 
royaume  ».  Le  Dictionnaire  de  Tréroux  définit 
ainsi  le  mot  dépri  :  «  Déclaration  que  l'on  va  faire 


1  Litre  des  métiers.  Introduction,  p.  XLV. 

2  Paris  soxLs  Philippe  le  Bel,  p.  515. 

3  Etudes  sur  l' industrie. 

*  Dictionnaire  de  l'architecture,  t.  VIII,  p.  290. 

■'>  Liere  des  métiers,  titre  XV. 

6  Lemonon,  Note  sur  la  profession  de  (jref/iers  des  bàtt- 
ments,  1888,  in-8'. 

"  S.-F.  Langloi.*,  Traite  des  droits  et  pririlcrjc^  des 
notaires,  p.  ix   ft  51. 


372 


GREFFIERS  DES  UÉPRIS  DES  VINS  —  GRÈVES 


au  bureau  des  aides  du  lieu  d'où  l'on  veut  faire 
transporter  son  vin  pour  le  vendre  ailleurs     ». 

Greffiers  de  l'Écritoire.  \oy.  Gref- 
fiers des  bâtiments. 

Greffiers  des  enreg-istrements  des 
brevets    d'apprentissag-e,   lettres  de 

maîtrise,  eli^-  Olïic-es  créés  par  édii  d'août 
1704,  et  supprimés  par  édil  de  juillet  170(). 

Aux  termes  de  l'édit  de  création,  ils  devaient 
«  insinuer  et  reo-istrer  les  contrats  d'apprentissage. 
ensemble  les  lettres  de  maîtrise,  les  élections  des 
jurez  et  autres  actes  concernant  les  comniunautez 
d'arts  et  métiers  ». 

Vov.  Offices  (Créations  d'). 

Greffier  de  l'hôtel  de  ville.  Il  occupait 
à  la  municipalité  la  première  place  après  le  prévôt 
des  marchands  et  les  échevins.  Nommé  par  eux, 
il  remplissait  les  fonctions  de  receveur,  d'admi- 
nistrateur des  deniers  communs  ^,  et  assistait  en 
qualité  de  «greffier  aux  séances  du  tri})unal,  aussi 
liien  qu'aux  délibérations  du  conseil.  Dans  les 
cérémonies  publiques,  il  portait  une  robe  d(Mh'ap 
roupie  f^arnie  de  velours  noir  ^. 

Il  fut  dit  i^uccesaivemeni  clerc  dît pario il'  aux 
ôoiirffeois,  clerc  de  la  marchandise,  clerc  de  la 
ville,  etc. 

La  «grande  ordonnance  de  décemlire  1672  ', 
vont  ([ue  le  o;rfffier  de  la  Ville  <<  tienne  registres 
distincts  et  séparés  »  des  édits  et  ordonnances, 
Itiiux,  héritages,  loyers,  devis,  enchères  et  adju- 
dications, etc.,  etc. 

Greffiers  des  instructions  des  con- 
seils d'Etat,  des  Finances  et  des 
Parties.  Quatre  offices  créés  par  édit  d'octobre 
|()()0.  --uijprimés  par  édit  de  juin  1661  ■'. 

Greffiers-contrôleurs  pour  le  pa- 
raphe  des  registres   de  commerce. 

Utiiricrs  jurés  créés  par  édil  du  28  juin  1627. 
«  (Contrôleront  tous  les  registres,  livres  de  raison 
et  papiers  journaux,  qui  seront  par  eux  cotez  et 
paraphez  en  cliacun  feuillet  ». 

Greifiers  Voj.  Greffiers. 

Grenailleurs.  ()n  appelait  ainsi  ceux  qui 
l'xlraviiifut  le  gruau  du  son. 


Greneliers  <i  Grenetiers. 

niera. 


\ 


1.).  Grai- 


Gronetiers.  Ofliciers  des  grenicis  il  sel. 
I/<.nl..iiiianc<' du  20  mars  ]:J42  <'ii  créa  deux  a 
Taris  cl  un  dans  chaque  grenier  des  provinces. 

Un  1rs  trouve  encore  nonnués  (jarnetiers, 
ffwrnrtirrs,  .'le,  et  u[i  édil  (h-  mai  1708  leur 
durjue  le  litre  'Xo  grenetiers  (jurdes  scels. 


;    «  É.iil.  .1.'  1771,  t.  III,  I,.  210. 

»  Voy.  ci-d.-!<.s<iii.s  Tort.  K.'covi-ur  do  la  ville 

3  Mémoirn  fit  la  snciitf  dt  l' histoire  fie  Paris,  t.  \U 
(|SH1|,  |..  113,  —  I,,.  Houx  il.>  Lincv,  //isloire  !le  ïholel 
(h  ri/if,  p.  109  .1  178. 

»  flhnp    XXXIII.  ml.  20. 

•'   I'    •'    <  liasicii,  Dictionnaire  r/e  justice,  t.  I,  ji.  867. 


Grenier  à  sel  (.Juridiction  du).  Voy.  Sel 
(Commerce  du). 

Grenouilles.  Nom  donné  aux  ouvrières 
brodeuses. 

Gressiers.  Voy.  Graissiers. 

Grèves.  Depuis  le  dix-septième  siècle 
surtout,  les  soulèvements,  les  rébellions,  les 
cabales,  comme  on  disait  alors,  furent  très 
fréquents  dans  les  communautés  ouvrières.  Les 
compagnons,  de  plus  en  plus  séparés  de  leurs 
maîtres,  constituant  en  réalité  une  caste  à  part  ^ , 
avaient  établi  des  confréries,  formé  entre  eux 
des  associations  secrètes,  sorte  de  religion 
nouvelle,  aux  rites  mystérieux  et  symboliques  ^. 
La  fête  du  saint  patron  de  la  communauté,  les 
réceptions  de  nouveaux  membres,  l'anniversaire 
d'anciens  usages,  jadis  célébrés  sans  scandale, 
étaient  l'occasion  de  troubles  et  de  débauches 
qui  souvent  duraient  plusieurs  jours  '^. 

C'est  également  au  sein  des  sociétés  de  compa- 
gnonnage qu'étaient  discutées  les  concessions  à 
exiger  des  patrons,  les  révoltes,  les  tentatives 
de  grève.  Les  bourgeois  s'en  effrayaient.  Mais 
le  Parlement  avait  luentôt  fait  son  enquête  ;  les 
meneurs  étaient  arrêtés,  emprisonnés  au  Châ- 
telet,  et  tout  rentrait  dans  l'ordre.  Gui  Patin 
écrivait  le  8  juin  1660  :  «  Les  maçons  et  tels 
ouvriers  de  bâtiment  ont  tâché  de  faire  sédition, 
laquelle  eût  été  à  craindre,  tant  elle  étoit  grande, 
mais  on  en  a  pris  prisonniers  par  arrêt  de  la 
Cour,  et  l'on  croit  que  le  danger  est  passé  *  ». 

En  février  1749,  les  maîtres  chapeliers 
obtinrent  un  arrêt  contre  leurs  ouvriers,  qui 
paraissent  avoir  toujours  été  fort  insoumis.  Au 
rapport  des  jurés,  ils  ne  voulaient  plus  souflfrir 
que  les  patrons  choisissent  eux-mêmes  leurs 
ouvriers.  Ils  se  plaçaient  les  uns  les  autres,  et 
l'admission  de  chaque  compagnon  dans  un 
atelier  était  l'occasion  de  graves  désordres. 
«  Lorsqu'un  maître ,  ajoutaient  -  ils ,  blesse 
quelques-uns  de  leurs  prétendus  privilèges  ou 
refusent  de  leur  avancer  autant  d'argent  qu'ils 
en  demandent,  ils  obligent  leurs  camarades  à 
quitter  ledit  maître.  Le  privilège  qu'ils  veulent 
s'attribuer  de  se  placer  entre  eux  occasionne  un 
dérangement  considérabh;  appelé  devoir,  qui 
consiste  à  boire  autant  de  pintes  de  vin  qu'il  y  a 


'  Voy.  ci-dessus  l'article  Compagnonnay-i\ 
-  Voy.    sur   ce   sujet  une   pièce   curieuse',    qui  a  été 
publiée  par  M.  É.  Levasseur  ilans  son  cxctA\vn\o  /ii.sfoire 
des  classes  ouvrières,  t.  I,  p.  703. 

3  «  El  pour  obvier  au.\  débauclies  que  font  les  servi- 
teurs, quand  ils  vont  forg'er  les  uns  eond'e  les  autres, 
pour  gagner  un  fer  d'argent  de  petite  valeur,  et  leejuel 
ils  font  porter  au  chapeau  de  l'un  d'eux  pour  commencer 
la  débauche,  qui  continue  le  plus  souvent  une  semaine 
entière  :  il  est  enjoint  aux  jurez  d'y  prendre  garde,  et 
d'y  mener  ua  commissaire  pour  les  mener  prisonniers 
et  confisquer  ledit  fer  d'arg(>nt,  et  condamner  le  niai.stre 
di'  la  boutique  où  ils  s(M-ont  trouvez  h  payer  deux  escus 
li'aniende,  moitié  au  lioy  et  l'autre  moitié  à  la  confrairie. 
lii'ijuel  fer  d'argcmt,  ensemble  l'argent  iju'ils  contribuent 
pour  faiiv  leur  débau<-he,  sera  auinosné  aux  jjauvres 
pri.sonniers  du  Chastelet  ».  Maréchaux,  statuts  de  Kioy, 
art.  23. 

i  Edit.  l^évcillé-Parise,  I.  III,  p.  219. 


GRÈVES  —  CtHILLAG1<:UKS 


373 


d'ouxTiers  dans  chaqiio  boutique,  pour  l'entrée 
et  la  sortie  de  chaque  ouvrier  ;  ce  qui  les 
empêche  de  travailler  plusieurs  jours,  et  ce  qui 
arrive  fort  souvent  ».  L'arrêt  rendu  ù  cette 
occasion  nous  apprend  que  les  compa<i^nons 
occupés  par  le  sieur  Lauhry,  élaldi  place 
Maubert,  s'étaient  tous  entendus  pour  alian- 
donner  l'atelier  ;  qu'au  mois  de  juillet  1748,  le 
sieur  Châtelain,  avant  refusé  d'avancer  cent 
li\Tes  à  quatre  de  ses  ouvriers,  tous  les  autres 
l'avaient  quitté,  etc.  Il  est  juste  de  dire  qu'à  ce 
moment,  les  ouvriers  chapeliers  étaient  astreints 
au  travail  de  cinq  heures  du  matin  à  neid' heures 
du  soir,  «  sans  aucune  discontinuation  que  de 
deux  heures  par  jour,  dont  une  demi-heure  pour 
déjeuner,  une  heure  pour  dîner  et  une  demi- 
heure  pour  le  g'oûter  *  >•>. 

En  janvier  1765,  le  Parlement  dut  encore 
sévir  contre  les  omTiers  chapeliers,  et  le  texte 
de  l'arrêt  rendu  en  cette  circonstance  nous 
montre  quels  désordres  avaient  fini  [)ar  s'intro- 
duire dans  la  corporation. 

Il  fut  interdit  aux  compag-nons  et  garçons  de 
porter  des  épées  ou  des  couteaux  de  cliasse. 

Sous  peine  d'amende  et  de  prison,  ils  durent 
cesser  de  «  médire,  méfaire  ou  insulter  leurs 
maîtres  ». 

On  défendit  au  compagnon  admis  à  la  maî- 
trise de  s'établir  auprès  du  maître  qu'il  venait  de 
quitter. 

Les  garçons  de  boutique  ne  purent  être  placés 
chez  un  maître  que  par  l'intermédiaire  du  clerc 
de  la  communauté  -.  * 

Grillag^eurs.  Ils  figurent  en  ces  termes 
dans  les  Tailles  de  1292  et  de  1313  :  «  X  qui 
fait  cages  ».  Je  vois  un  peu  plus  tard  appelés 
cagetiers  et  serruriers  les  ouxTiers  chargés  de 
(confectionner  les  grillages  de  métal.  On  lit,  par 
exemple,  dans  le  Compte  des  dépenses  faites 
par  Charles  Vau  château  du,  Louvre  :  «  A  Pierre 
Lescot,  cagetier,  pour  avoir  treillissé  de  fil 
d'archas  ^  au  devant  de  deux  croisiées  et  de 
deux  fenestres  ez  deux  derrains  ^  estages  de  la 
tour  de  la  Fauconnerie,  où  est  ordonné  la 
librairie  ^  du  Roy,  pour  défense  des  oiseaux  et 
autres  bestes,  à  cause  et  pour  la  garde  des  livres 
qui  y  seront  mis  ^  ».  Ces  grillages,  dits  souvent 
treillis,  iraignes  o\x  yraingnes  "' ,  que  Charles  V 
chargeait  de  protéger  ses  li\Tes,  étaient  aussi 
utilisés  pour  mettre  les  riches  verrières  des 
églises  à  l'abri  des  pierres  que  les  enfants  de  tous 
les  siècles  se  sont  amusés  à  lancer  contre  elles. 
Je  recueille  cette  mention  dans  les  Comptes  de  la 
chapelle  du  monastère  des  Célestins  de  Paris  :  «  A 
Philippe    de    Péronne,    serrurier,    pour     deux 


1  Arrêt  du  13  juillet  1748. 

2  Sur  tous  les  faits  qui  précèdent,  voy.  Recueil  des 
statuts,  ordonnances  et  règlemens  de  la  cotmmuumté  des 
maîtres  chapeliers.  Paris,  1775,  in-12,  p.  43,  lôO  et  1G4. 

3  D'archal. 
*  Derniers. 

S  Bibliothèque. 

fi  Publié  par  Le  Roux  de  Liney,  p.  29. 
■J  Sans  doute  à  cause  de  leur  ressemblance  avec  les 
toiles  d'araignées. 


yraignes    de     fer,    assises  au-devant   des   deux 
lenestres  du  revesliaire  ^  ». 

Une  foule  de  miniatures  des  anciens  manus- 
crits nous  révèlent  l'amour  que  professaient  les 
Parisiens  pour  les  oiseaux.  Nombre  de  puissants 
seigneurs  et  de  nobles  dames  possédaient, 
suspendues  au  plafond  de  leur  pièce  préférée,  des 
cages  luxueuses,  dites  alors  cagettes,  gayolles, 
geôles^  glorieltes,  loges,  voliers,  etc.,  et  habitées 
par  ce  que  l'on  appelait  des  «  oiseaux  de 
chambre  »  :  linottes,  pinsons,  merles,  alouettes, 
chardonnerets,  etc. 

Il  existait  de  vastes  volières  dans  les  maisons 
royales,  à  la  Cité,  au  Louvre,  aux  Tournelles,  à 
^'incennes,  à  Melun.  Le  duc  de  Berri,  fils  du  roi 
Jean,  en  avait  une  à  l'hôtel  de  Nesle,  et  Hugues 
Aubriot,  prévôt  de  Paris,  dans  sa  somptueuse 
demeure  de  la  rue  de  Jouy.  Isabeau  de  Bavière 
commandait,  en  1402,  à  l'orfèvre  Jean  Clerbourt 
'■(.  une  caige  d'argent  à  mettre  oyseaulx  ». 
Louis  XI  en  possédait  plusieurs  qui  étaient 
dorées  «  de  fin  or  ». 

Louis  XIII  eut  à  la  fois  trois  volières.  Il  fit 
déplacer  celle  du  Louvre  pour  la  rapprocher  de 
ses  appartements  ;  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'en 
faire  construire  une  dans  le  jardin  des  Tuileries 
et  une  autre  à  Fontainebleau. 

Sous  Louis  XIV  la  mode  vint  de  transformer 
en  volières  l'embrasure  des  fenêtres.  «  Je  fis 
faire  une  volière  dans  une  croisée,  et  Xog-ent  en 
fit  le  proverbe  :  «  le  coadjuteur  siffie  ses 
linottes  -  ».  C'est  le  coadjuteur  lui-même  qui 
parle  ainsi  ;  et  je  dois  rappeler  que  l'expression 
«  siffler  la  linotte  »  signifiait  alors  donner  des 
instructions  à  un  conjuré,  à  un  complice.  Le  duc 
d'Anjou  3  avait  également  installé  une  volière 
dans  la  fenêtre  de  son  cabinet  ^ . 

Ceci,  sans  préjudice  des  cages  luxueuses  et 
des  volières  d'appartement.  Dans  V Inventaire  du 
rnohilier  de  la  couronne  pour  1663,  figurent  de 
«  grandes  cages  d'argent,  avec  quelques  orne- 
mens  de  vermeil  doré  ^  ».  Les  Affiches  de  Paris 
du  15  juin  1703  ofï'rent  en  vente  «  une  très  belle 
volière  de  fil  de  laiton,  composée  de  trente-six 
cages  propres  à  y  mettre  chaque  oiseau  sépa- 
rément, et  enrichie  de  plusieurs  agrémens  qui  en 
auo-mentent  la  o-entillesse  ». 

Certaines  cages  étaient  ornées  de  diamants 
du  Temple  "  ,  d'autres  garnies  d'ambre  et 
d'ivoire  '^ .  Le  petit  peuple  savait  se  contenter  à 
moins,  car  ce  n'étaient  pas  seulement  les  grands 
seigneurs  et  les  grandes  dames  qui  recherchaient 
des  hôtes  ailés,  «  les  tailleurs,  les  cordonniers, 
les  ciseleurs,  les  brodeurs,  les  couturières,  tous 
les  métiers  sédentaires  tiennent  toujours  quelque 
animal  enfermé  dans  une  cage,  comme  pour  leur 


'   De  la  sacristie. 

2  Cardinal   de    Ri'tz,    Mémoires,    avril    lOôI,     t.    III, 
p.  304. 

3  Fils  du  duc  de  Bourf^oyne. 

i  ^'ov.  J.  Guiffrev,  Comptes  des  bàtimens  durai,  t.  III, 
p.  536." 

5  Tome  I,  p.  65. 

6  Imitations  de  diamants.  ^  oy.  ci-dessus  l'art.  Bijou- 
tiers en  faux. 

''  Hervieux,  Traité  des  serins,  j).  25- 


:J74 


(iRILLAr;i'-rRS  —  guknons 


faire  partager   l'ennui    de    leur   propre    escla- 

vao^e  *  ».  ^  .    ,. 

L'article  22  des  statuts  accordes  aux  oiseliers 
en  juillet  1697  autorise  les  maîtres  de  cette 
corporation  à  fabriquer  des  cages,  et  aussi  à 
fondre  le  plomb  qui  entrait  dans  la  confection 
des  petits  abreuvoirs  destinés  aux  oiseaux. 
Toutefois,  les  vanniers  conservaient  le  droit  de 
faire  les  cages  en  osier,  et  les  épingliers  celui  de 
construire  les  grandes  volières.' 

Les  o-rillageurs  sont  aussi  nommés  chassissiers, 
épinceleurs^  épinceliers,  treilliers,  etc. 

Grillotiers.  Vov.  Rôtisseurs. 

Grimaciers.  Variétés  de  paillasses.  L'un 
d'eux,  L)iigMZ()n,  se  vantait  d'avoir  trouvé  qua- 
rante manières  de  remuer  le  nez,  rien  qu'en 
chantant  un  couplet  de  la  belle  Bourbonnaise, 
sa  complainte  de  prédilection.  Un  autre  gri- 
macier du  boulevard  du  Temple  remuait  de 
cinquante  ftiçons  au  moins  son  nez  énorme.  Il 
opérait  en  bas  de  soie,  culotte  de  panne,  habit 
de  camelot  brodé,  et  tout  cela  d'une  ampleur 
destinée  à  prouver  sa  magnificence  ;  sur  son 
nez  reposaient  d'immenses  lunettes  de  carton  -. 

VdV.  Bateleurs. 

Grimbelins.  Vuy.  Grimelins. 

Grimelineurs.  «  Ceux  qui  exercent  un 
pt'lil  (iiiiinierce,  et  se  contentent  d'un  très  minime 
|jrulil  ,,. 

Grimelins.  Individus  qui,  sur  les  marchés 
(If  Srcjiiix  i'\  de  Poissy,  avançaient  aux  forains 
If  [)rix  des  l)esliaux  que  ceux-ci  venaient  vendre 
aux  Ijuiichers.  Ce  commerce  fut  déclaré  usuraire 
par  arn't  de  1694.  On  le  réorganisa  cependant 
au  mois  de  janvier  1707  en  créant  cent  offices  de 
Tfi'soriers  de  la  bourse  des  marches  de  Sceaiix  et 
df  Poissi/.  fl  plus  lard  en  instituant  la  Cuisse  de 
piiissij. 

Ou  Imuv  iiiivvj   Ci-'iinhf'Uns. 

\ys\.  Vendeurs  de  bétail. 

Grisette  Fabricants  I)k\  Vov.  Ferran- 
diniers. 

Grisons.  \'ak'l.s  qui,  au  lieu  de  porter  les 
coulnii-s  Ai^  ji'iir  maître,  étaient  hal)ill('s  do  gris 
pour  iir  pas  iHre  reconnus,  et  il  (|ui  \'y^\\  coniiail 
Ifo  iiu>si<iiis  <c'cri'lf's. 

Grommets.  Vn\    Gourmets. 

Groom.  \  >i\ .  Gourmets  «1  Jockeys. 

Grossiers.  L<'s  nwiîlres  de  plusieurs  corpo- 
nilioMs.  les  épiciers  e|  les  merciers  entre  autres, 
preiiaienl  ee  litre  pour  afliriuer  leur  droit  de 
faire  le  romnieree  en  gros.  Mais  le  mol  avait 
encore  un  autre  sens.  Il  désignait,  au  sein  d'une 
même    communniilé.    les    ouvriers    voués    aux 


travaux  les  plus  durs  ou  ceux  qui  fabriquaient 
les  objets  les  moins  délicats  :  les  chaudronniers- 
grossiers  ne  faisaient  guère  que  des  chaudrons, 
et  les  horlogers  grossiers  que  des  tourne-broches. 
Les  maréchaux-ferrants  se  bornaient  à  ferrer  et  à 
soigner  les  chevaux,  les  maréchaux-grossiers 
forgeaient  des  socs  de  charrue,  des  contres,  des 
ho^'aux,  etc.  Le  terme  opposé  était  celui  de 
menuisier  :  les  potiers  d'étain-menuisiers  avaient, 
dans  la  poterie  et  l'orfèvrerie,  la  spécialité  des 
oiuTages  les  plus  fins.  Chez  les  cloutiers,  le  mot 
menuisier  était  remplacé  par  celui  d'épinglier. 

Groum.ets  et  Groum.6z.  Vov.  Gour- 
mets. 

Gruyers.  Les  grueries  étaient  des  juri- 
dictions inférieures  qui  prononçaient  en  première 
instance  sur  les  délits  forestiers,  et  les  gruyers 
étaient  les  officiers  subalternes  qui  siégeaient 
dans  ces  tribunaux.  Leurs  fonctions  furent  nette- 
ment déterminées  par  l'ordonnance  du  1.3  août 
1669  '. 

On  les  trouve  aussi  nommés  garde-bois. 

Vov.  Capitaine  des  chasses. 

Guainiers.  Nom  que  la  Taille  de  i292 
donne  aux  gainiers. 

Guaisniers.  Voy.  Gainiers. 

Guaiteurs.  Voy.  Guette  du  Louvre. 

Guenons  (Gouvernantes  des).  Au  dix- 
septième  siècle,  on  s'engoua  à  Paris  des  singes 
et  surtout  des  guenons.  Il  y  eut,  à  la  cour  une 
o-ouvernante  des  ffuenons  de  la  chambre  du 
roi  ^.  Mazarin  rafl'olait  de  ces  bêtes;  il  tenait 
le  Conseil  dans  sa  chambre  et  y  donnait  des 
audiences  tandis  qu'on  le  rasait,  qu'on  l'habillait, 
([u'il  jouait  avec  sa  fauvette  et  son  singe  préféré  ■*. 
Les  Mazarinades  le  lui  reprochaient  chaque 
malin,  mais  il  ne  s'en  inquiétait  guère,  comme 
on  sait.  «  Vous  faisiez  faire  antichambre  même 
à  des  cordons  Ideus,  pendant  que  vous  vous 
amusiez  avec  vos  favoris  et  vos  singes  ^  ». 

Par  votre  petite  calotte, 
Par  votre  tête  un  peu  falote, 
l*ar  les  singes  que  vous  aimez, 
Qui  sont  comme  vous  parfumez, 


'  S.  McrriiT.  TiiblrrtH  t!r  Paris .  I.  \\\\,  p.  XM\ 
*  J.-H.  (nmrict.   l'n-xoniinges  rr'/ré.rs  ilnits  les   vues   l'e 
/'■iris.   t.   II.  |,.  «a. 


Allez  ^,  sans  jamais  revenir  •>. 
Et  encore  : 

(,)u<'  toutes  ses  mazarinettes, 
Ses  singes  et  ses  marionnettes 
Soient  secouez  quant  et  quant  luy. 

Donnez  encor  six  tourdions 
Pour  ses  singes  et  ses  mions, 
Pauvre  émincnce  débiffée  ''. 


'    Édit.  de  lC.e,9,  p.  38. 

-  Voy.  ci-dessous  l'art.  Levrettes  de  la  chamLr(\ 
•'  G.  Naudé,  Maseuraf,  p.   445  et  448.  —  Loménie  de 
Hrienne,  Mémoires,  t.  Il,  p.  215. 

*   Lettre  à  Moiisieitr  le  cardinal  (1649;,  p.  9. 

■'   Aljez-voiis-eii. 

''  Le  jiasse-jmrl  et  V adieu  de  Mazarin  (1649_\  p.  11. 

"  Ln  berne  m'izarine  (16.')!),  p.  .j  et  6. 


GURXUXS  —  GUET  DKS  xMETIKRS 


375 


Dans  sa  gazette  du  24  août  1650,  Loret  raconte 
que  les  Espag-nols  ajant  ravagé  de  fond  en 
comble  le  château  de  Madame  de  Longueval. 
celle-ci  en  rentrant  chez  elle  se  préoccupa  surtout 
du  sort  qu'avait  subi  sa  guenon  : 

Or,  la  dame  estant  retournée 
Dedans  sa  maizon  ruinée, 
Elle  s'écria  :  «  Ma  guenon  ! 
L'ont-ils  tuée  '?  »  On  lui  dit:  «  Non, 
Là  voilà  qui  vous  fait  la  moue  ». 
«  0  ciel  !  dit-elle,  je  te  loue 
D'avoir  prézervé  de  tout  mal 
Ce  pauvre  petit  animal  ». 
Elle  la  baize,  elle  l'accolle, 
Elle  fait  tout  à  fait  la  folio. 
Et,  voyant  la  beste  en  santé, 
Recommença,  par  piété. 
De  louer  la  bonté  céleste, 
Et  se  soucia  pou  du  reste. 

La  guenon  de  M™^  de  Guébriant  était 

Dans  tout  Paris  si  renommée 
Par  ses  gestes  et  faits  divers. 

que  Loret  mentionna  en  termes  émus  son  décès 
et  les  pleurs  qu'il  avait  causés  ^ .  Vingt  ans  plus 
tard,  des  vaisseaux,  arrivant  de  Madagascar, 
apportèrent  deux  cent  soixante  singes  et  guenons 
dont  les  Parisiens  se  disputèrent  la  possession  ^. 
Les  preuves  de  l'attachement  que  ces  animaux 
savaient  inspirer  aux  plus  éminents  seigneurs  et 
aux  plus  grandes  dames  abondent  dans  les 
journaux  comme  dans  les  mémoires  du  temps  •'*. 


Guérisseurs  de  la  rage.  Voj.  Châ- 
treurs. 

■     Guernetiers.  Voy.  Grenetiers. 

Guesdrons  ou  Teinturiers  en  bleu, 

ouvriers  qui  travaillaient  la  guesde,  le  pastel.  Ce 
nom  était  emplojé  surtout  dans  les  manufactures 
de  Rouen. 

On  trouve  aussi  pastelliers. 

Guesniers.  Voj.  Gainiers. 

Guet  des  métiers,  g-uet  bourgeois  ou 

guet  assis.  Au  treizième  siècle,  la  garde  de  la 
ville  était  assurée  par  le  guet  royal  et  par  le  guet 
dit  des  métiers^  bourgeois  ou  assis.  Le  guet  royal, 
soldé  par  le  souverain,  comprenait  vingt  sergents 
à  cheval  et  quarante  hommes  à  pied.  Tous,  placés 
sous  les  ordres  d'un  officier  nommé  le  chevalier 
du  guet,  faisaient  de  fréquentes  patrouilles  pen- 
dant la  nuit  *. 

Le  guet  des  métiers  était  fourni,  sauf  les  excep- 
tions dont  je  parlerai  tout  à  l'heure,  par  les 
commerçants  établis.  Les  maîtres  [patrons]  y 
étaient  seuls  astreints,  les  valets  [ouvT-iers]  et  les 
apprentis  en  étaient  dispensés.  Dans  la  suite,  on 
permit  à  un  maître  de  se  faire  remplacer  par  un 


^   N°  du  19  juin  1C5.5. 

2  Lettre  de  Ckaulieu  à  la  duchesse  de  Bouillon,  dans  les 
Œuvres,  t.  L  P-  '75. 

3  Voy.  entre  autres,  le  Mercure  de  France,  n»  de  juin 
1723  et'passim,  et  les  Mémoires  de  la  baronne  d'Oberkirch, 
t.  l,  p.  204. 

4  "\'oy.  l 'ordonnance  de  décembre  1254. 


valet.  Les  bourgeois  non  marchands  en  étaient 
exempts. 

Le  guet  comprenait  alors  soixante  hommes 
environ  par  nuit,  et  le  tour  de  chacuu  d'eux 
revenait  ù  peu  près  toutes  les  trois  semaines. 
A  l'heure  du  couvre-feu,  ils  se  rendaient  au 
Châtelet,  où  les  clercs  du  guet  *,  après  avoir  fait 
l'appel,  les  répar tissaient  en  huit  postes,  qu'ils 
quittaient  seulement  en  cas  d'alarme.  Ces  postes 
étaient  situés  : 

2  au  grand  Châtelet, 

1  dans  la  cour  du  Palais. 

1  près  de  l'église  de  la  Madeleine,  dans  la 
Cité. 

1  à  la  place  aux  Chats  ^. 

1  à  la  fontaine  des  Innocents. 

1  sous  les  piliers  de  la  place  de  Grève. 

1  à  la  porte  Baudoyer. 

Le  service  finissait  au  petit  jour  ■'. 

On  était  astreint  au  service  du  guet  jusqu'à 
soixante  ans,  mais  l'autorité  admettait  cinq 
causes  d'exemption,  savoir  : 

1"  Quand  le  convoqué  était  infirme  ou  malade. 

2"  Quand  sa  femme  était  en  couciies,  «  cil  aus 
quex  leur  lames  gisent  d'enfant,  tant  come  elles 
gisent  ». 

3°  Quand  il  s'était  fait  saigner  *. 

4"  Quand  il  se  trouvait  hors  de  la  ville  au 
moment  de  la  convocation  ;  mais  il  devait  avoir 
prévenu  de  son  absence. 

5"  Quand  il  venait  de  s'établir.  En  général  la 
dispense  était  valable  pour  un  an  et  un  jour  après 
l'admission  à  la  maîtrise  ^ . 

Plusieurs  métiers  étaient  dispensés  de  ce 
service.  C'étaient,  en  général,  ceux  que  leur 
spécialité  mettait  plus  directement  en  rapport 
avec  le  clergé  et  la  noblesse.  Les  chapeliers  de 
paon  écrivent,  par  exemple,  dans  leurs  stiituts 
qu'ils  sont  exempts  du  guet  <,<  pour  la  reson  de  ce 
que  leur  mestier  n'apartient  fors  que  as  églises, 
aus  chevaliers  et  aus  haus  homes  ^ . 

Les  tapissiers  sarrazinois  emploient  presque  les 
mêmes  expressions  :  «  Car  leur  mestier  n'apar- 
tient que  aus  yglises  et  aus  gentis  homes,  et  aus 
hauz  homes,  comme  au  Roy  et  à  contes  ^  ». 

Les  haubergiers  disent,  de  leur  côté  :  «  Quar 
li  mestiers  est  pour  servir  clievaliers,  escuiers  et 
sergens,  et  pour  garnir  chastiaux  *  ». 

Les  archers  [faiseurs  d'arcs]  s'expriment 
exactement  de  même  ". 

«  Le  mestier  fu  establi  pour  servir  les  gentiuz 
houmes   »,    disent  les  cliapeliers  de  fleurs  ^^. 


'   \o\-.  eet  article. 

2  Devenue  rue  delà  Limace,  puis  supprimée  en  1854. 
Elle  finissait  i^uc  des  Bourdonnais. 

•'<  Voy.  ci-dessous  l'art.  Guette  du  Louvre. 

^  Voy.  ci-des.sous  l'art.  Phlébotomistes. 

=>  ^  oy.  le  Livre  des  métiers,  titres  \\\\,  XV,  X^'^, 
LXXVI  et  passim. 

6  Voy.  le  Livre  des  métiers,  titre  XCIII. 

"'   ^  oy.  le  Livre  des  métiers,  titre  LL 

8  Voy.  le  Livre  des  métiers,  titre  XX VL 

9  Voy.  le  Livre  des  métiers,  titre  XCVIIL 
•0  ^'oy.  le  Litre  des  métiers,  titre  XG. 


37G 


GUET  DES  MÉTIERS  —  GUIMPIERS 


Nous  servons  «  les  riches  hommes  et  les  haus 
hommes  »,  disent  les  Larilliers  '. 

Les  tailleurs  n'étaient  pas  dispensés  du  guet, 
mais  ils  eussent  dû  l'être,  affirment-ils,  «  pour  ce 
qu'il  convient  que  il  taillent  et  cousent  les  robes 
aus  haus  houmes,  aussi  bien  par  nuit  comme  par 
jour  »  ;  en  effet,  ils  étaient  souvent  obligés  de 
fournir,  du  jour  au  lendemain,  les  commandes 
pressées  des  g-rands  seigneurs  -. 

Quelques  métiers  arrivèrent  à  se  racheter,  au 
moven  de  redevances  soit  en  argent,  soit  en 
nature.  Les  cordonniers  déclarent  que  la  reine 
Blanche,  mère  de  saint  Louis,  «  à  qui  Diex  face 
merci  »,  les  avait  autorisés  à  se  faire  remplacer 
par  un  de  leurs  ou\Tiers  ou  à  payer  une  amende 
de  douze  deniers  3.  Les  drapiers  obtinrent  aussi 
de  ne  pas  acquitter  le  service  en  personne.  Chaque 
fois  qu'ils  étaient  convoqués,  ils  payaient  vingt 
sous  au  roi  :  «  vingt  sous  de  parisis  au  Roy  toutes 
les  nuiz  que  leur  gais  siet  ».  Ils  envoyaient,  en 
outre,  soixante  hommes  à  leur  frais  pour  la 
garde  *.  Les  esqueliers  [écuelliers]  avaient  été 
exemptés  du  guet,  à  la  condition  de  fournir 
cliaque  année  sept  auges  de  deux  pieds  de  long 
destinées  au  «  celier  »  royal  ^. 

Pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  plusieurs 
métiers  avaient  fini,  au  quatorzième  siècle,  par 
obtenir  une  exemption  complète  et  gratuite.  De 
la  liste  qui  en  a  été  pul)liée  ^  j'extrais  les  noms 
suivants  : 


fîraveurs  de  sceaux. 

Libraires. 

Prircheminiers. 

Kidumiiieur>. 

Ecrivains. 

Nattiers. 

\  i-rriers. 


Monnayeurs. 

Vanniers. 

Orfèvres. 

Etuveurs. 

Apothicaires. 

etc.,  etc. 


Le  service  du  guet  fut  réurganisé  au  quinzième 
siècle,  et  l'ordoimance  de  juin  14G7  ''  en  vint 
même  à  militariser  à  peu  près  tous  les  métiers,  à 
eu  fairi'  une  vérital)le  milice  urbaine,  qui  suppri- 
im-»',  ri'lalilic,  modifiée,  devint  garde  nationale 
1<'  1:^  juillet  1789.  Pendant  longtemps  elle  eut 
pour  chefs  les  quartiniers,  cinquanteniers  et 
diziiiniers.  Mais,  au  seizième  siècle,  chaque  régi- 
ment obéit  ù  un  colonel,  chaque  bataillon  à  un 
capitaine,  a  des  lieutenants,  enseignes,  sergents 
cl  cîipi.raux.  Le  colonel  était  élu  par  les  capi- 
taines, les  lieutenants  et  des  soldats  délégués. 
Les  bourgeois,  de  quehpie  condition  qu'ils 
fussi.|it,  intime  les  officiers  des  maisons  royales, 
ne  pouvaient  se  sonstraire  au  service  ^. 


N"y.  Arbalétiers. 
—  Quartiniers,  etc. 


Clercs  du  guet. 


'   Voy.  le  /.hre  ilfs  métlrrs,  titre  \I,\J. 

'  Voy.  !••  I.irrt  itfs  mfllers,  tiliv  I,\  1. 

'   Voy.  le  l.itrr  fin  inftirri:,  lilr,.  I.XXXU'. 

*  \oy.  le  l.irrr  ilrx  mfUrra,  titiv  I,, 

*  \»\.  le  l.irrr  ilrs  mrUris,  titre  XI, IX. 

6  I)nnH   Deppinp,    (irdunnnncti    relntirca   auj-   me/iers, 

'   Ney    Inrlide  Banni6ii's  (Onlonniniee  tl..^^ 

.„A'"   '^""^   '*''   '''"'•.'■•    //'■*'"■'•'    '/<•    I'/i'M'  ,/.    rifle 
I'.  lt»0  et  smv.  ' 


Guêtres  (Faiseurs  de).  Titre  qui  appartenait 
il  la  corporation  des  boursiers.  Kn  1777,  le 
«  guêtrier  ordinaire  du  Roi  »  se  nommait 
Robert,  et  demeurait  rue  Dauphine  ' . 

Guette  du  Louvre.  VÉtat  de  h  France 
pour  1736,  qui  fournit  la  liste  du  personnel 
attaché  alors  au  palais  du  Louvre,  y  fait  figurer 
un  sieur  René  Péan,  ainsi  qualifié  :  «  garde  et 
guette  de  la  tour  et  de  l'horloge  ^  ».  L'emploi 
datait  de  loin.  D'abord,  le  mot  guette  désigna 
la  plate-forme  la  plus  élevée  d'un  château,  celle 
où  veillait  le  guetteur.  En  outre,  dès  le  treizième 
siècle,  la  garde  nationale  existait  sous  le  nom 
de  guet  bourgeois  ou  guet  des  métiers  et  à  part 
certaines  exceptions  •*,  tous  les  commerçants 
établis  en  faisaient  partie.  Soixante  hommes 
environ  étaient  convoqués  pour  chaque  nuit.  A 
l'heure  du  couvre-feu,  ils  se  rendaient  au 
Ghâtelet,  ou  le  clerc  du  guet  les  partageait  entre 
huit  postes  établis  dans  les  divers  quartiers  de 
Paris.  Le  lendemain  au  petit  jour,  le  cor  du  guet 
sonnait  du  faîte  de  l'une  des  tours  du  Chàtelet, 
et  ce  signal  appelé  guette  cornée  rendait  la  liberté 
aux  bourgeois  qui  avaient  passé  la  nuit  *.  Le 
tour  de  garde  de  chacun  d'eux  revenait  à  peu  près 
toutes  les  trois  semaines. 

Guetteurs.  Voy.  Guette  du  Louvre  et 
Télégraphistes . 

Gueux  et  Geux.  Nom  qu'Olivier  de  la 
Marche  donne  au  queu  ou  premier  cuisinier  de 
Charles  le  Téméraire.  «  Et  doit  le  geux  en  sa 
cuisine  commander,  ordonner  et  estre  obéy  ;  et 
doit  avoir  une  chaière  entre  le  buffet  et  la 
cheminée  pour  seoir  et  soy  reposer  si  besoing 
est.  Va  doit  estre  assise  icelle  chaière  en  tel 
lieu  qu'il  puist  veoir  et  congnoistre  tout  ce  que 
l'on  fait  en  ladicte  cuisine.  Et  doit  avoir  en  sa 
main  une  grande  louche  de  bois,  qui  luy  sert  à 
detix  fins,  l'une  pour  essayer  potaige  et  brouet, 
et  l'autre  pour  chasser  les  enfans  hors  de  la 
cuisine  ^  ». 

Voy.  Cuisiniers  et  Traiteurs. 

Gueyniers.  Nom  que  Vordonnance  des 
Bannières  (1467)  donne  aux  gainiers  ^. 

Guichetiers.  Voy.  Geôliers. 

Guides.  Voy.  Capitaines  des  guides. 
—  Ciceroni.  —  Ours  (Meneurs  d'). 

Guimbeletiers.    Faiseurs  de   guimbelets, 
c'est-à-dire  de  vrilles,  de  forets,  etc. 
Voy.  Vrilliers. 

Guimpiers.  C'e  nom  représente  une  indus- 
trie d'abord  exclusivement  lyonnaise.  Vers  1672, 

'  Almanach  Dauphin. 

-  Tome  I,  p.  433. 

•'  \oy.  G.  Dcppino;,  Ori/onnunces  i-elaittes  aux  mêlii'rs-, 
V.  425. 

4  Livre  ikft  mé/ierx,  iilro  IAX^'I,  art.  33,    et    passiiii. 

••  È'sfa/  (le  la  mniaoïi  île  Charles  le  Hardi,  é;lit.  do  1010, 
p.  080  ;  oïlit.  Micliaud,  j..  X^^ii. 

•<  \oy.  ci-dessus  l'art.  Bauiiières  ■Oi-doiiuanco  des). 


GUIMWERS  —  GYROMANCIENS 


377 


sept  ouvriers  de  ce  métier  viiirciil  s'elalilir  ù 
Paris  ;  ils  se  disaient  «  inarcliands  et  ouvriers  en 
soye,  toile  et  gaze  de  soye,  fil,  laine  et  autres 
ouvrag'es  à  jours,  plains  et  meslangez  >^.  Ils 
demandèrent  ù  être  érigés  en  maîtrise,  ce  qui 
leur  fut  accordé  au  mois  de  mars  1G73. 

Je  perds  ensuite  la  trace  de  cette  corporation, 
qui  se  fondit  sans  doute  dans  celle  des  tissutiers- 
rubaniers. 

Guimpliers.  Ouvriers  en  guinipli-s.  La 
guimple  était  «  une  pièce  de  linge  lin  dont  on 
s'enveloppait  le  chef,  le  cou,  le  haut  des  épaules, 
et  dont  on  laissait  relondjer  un  bout  le  long  du 
bras  gauche  *  ».  On  dit  plus  lard  f/iiù/ipe. 

Guinguettiers.  Ceux  qui  tiennent  une 
guinguette.  Les  guinguettes  sont  des  «  cabarets 
établis  un  peu  au-dessus  des  dilîérentes  barrières 
des  entrées  de  Paris.  Les  fêtes  cl  dimanches, 
ils  sont  remplis  d'une  multitude  innombrable  de 
gens  de  toutes  espèces  et  surtout  d'artisans, 
gens  de  métiers  et  gagne-deniers,  qui  y  vont 
pour  s'y  délasser  des  fatigues  de  la  semaine. 
Dans  le  nombre  de  ces  cabarets,  il  en  est 
quelques-uns  plus  honnêtes,  où  les  Ijourgeois, 
marchands  et  gens  un  peu  aisés  ne  répugnent 
point  d'aller  avec  leurs  familles  -.   » 

L'ordonnance  de  police  du  26  juillet  1777, 
interdit  aux  guinguettiers  d'  <,<  avoir  des  violons 
et  tenir  des  assemblées  de  danse  chez  eux  les 
jours  ouvriers,  si  ce  n'est  en  cas  de  noces  ». 
Même  dans  ce  cas,  ils  devront  demander  une 
autorisation  spéciale,  et  les  violons  se  retireront 
à  minuit  ■'. 

Avant  que  les  fermiers  généraux  eussent  élevé 
leur  nouvelle  enceinte  (1786-88),  les  guinguettes 
du  nord  de  Paris  étaient  situées  à  la  Courtille, 
à  Ménilmontant,  à  la  Nouvelle-France,  aux 
Percherons,  à  la  Pologne  ^.  Celles  du  midi,  à  la 
Maison-Blanche,  à  la  Glacière,  au  Petit-Mon- 
trouge,  à  Vaugirard.  Près  de  la  Seine,  on  citait 
surtout  les  g-uinoruettes  du  Gro>-Caillou,  de  la 
Grenouillère  ^,  du  Port-à-rAnglais  ^  et  de 
Bercy. 

Le  Dictionnaire  du  commerce  de  Savar^',  pulilié 


1  (^uipliprat,  His/oire fin  costume,  p.  1  11.  —  Voy.  aussi 
A.  Jal,  Dictionnaire  critiqxe,  p.    132. 

2  Hurtaud    et   Magny,    Dictionnaire   île    Paris    (1779), 
t.  III,  p.  19S. 

•'*  Article  21. 

*  Aux  environ.s  de  la  gare  Saint-Lazare  actuelle. 

S  Auj.  quai  d'Orsay. 

^  Aux  environs  du  Pont-National  acUn'i. 


en  1723  écrit  (jainguette  o\\  guinguette,  et  déclare 
que  c'est  là  ■<  un  nom  de  caprice  nouvellement 
inventé,  qu'on  donne  aux  petits  cabarets  élalilis 
aux  environs  de  Paris  au  delà  des  barrières, 
où  le  menu  peuple  va  en  foule  se  divertir  le 
dimanche  et  les  fêtes,  à  cause  que  le  vin  y  coûte 
moins,  ne  payant  point  ou  peu  de  droits  d'entrée. 
Quel([ues-uns  croient  que  le  mot  de  guinguette 
vient  de  ginguet,  qui  veut  dire  petit  vin,  parce 
qu'il  ne  s'en  débite  point  d'autre  dans  ces  sortes 
(le  cabarets  '  >>. 

Dans  la  61''  nouvelle  des  Contemporaines,  Rétif 
de  la  Bretonne  fait  figurer  une  giiingueltière. 

Voy.  Rebec  (Jouetirs  de). 

Guitaristes.  Professeurs  ou  fabricants  de 
l'instrument  appelé  guitare.  Bernard  Jourdan  de 
la  Salle,  puis  son  fils  Louis  l'avaient  enseigné  à 
Louis  XIV  -,  et  le  Livre  commode  pour  1G92 
cite  sept  guitaristes  dont  les  leçons  étaient  fort 
estimées.  Il  nomme  aussi  deux  fabricants, 
Chéron,  rue  Dauphine,  et  Alexandre  Roboam, 
rue  des  .Arcis  ;  ce  dernier,  y  est-il  dit,  faisait 
«  des  guitares  par  excellence  •*  ». 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  les  fabricants 
en  vogue  étaient  les  sieurs  Joubert,  rue  Sainl- 
Jacques,  et  Saulnier,  rue  du  Louvre  ^ . 

Guiterneurs,  Fabricants  ou  joueurs  de 
guiterne,  instrument  à  cordes  différent  de  la 
guitare.  On  trouve  gtiiterniers,  ghisternetirs  et 
même  quintarieurs. 

Guiterniers.  ^'oy.  Guiterneurs. 

Guitons.  Ce  mot  est  souvent  pris  dans  le 
sens  de  page,  valet,  domestique,  etc. 

Gymnastes.  Voy.  Bateleurs. 

Gyromanciens.  Gens  qui  prétendaient 
prédire  l'avenir  par  la  gyromancie.  Celte  divi- 
nation se  pratiquait  au  moyen  de  cercles  con- 
centriques séparés  par  des  espaces  remplis  de 
lettres.  Ordinairement  le  bateleur  tournait  sur 
lui-même  au  centre  des  cercles  jusqu'à  ce  qu'il 
tombât  étourdi,  et  les  lettres  sur  lesquelles 
il  restait  étendu  déterminaient  la  nature  du 
présage. 


1  Édit.  de  1723,  t.  Il,  p.  197. 

-  Estât  général  fie  la  Maison  du  llmj  en  1607 ,  p.  110,  et 
A.  .lal.  Dictionnaire  critique,  p.   60"  et   8^)4. 
'■'•  Tome  I,  p.   211. 
'*  Atmanach  Dauphin  pour  1777 : 


378 


HABILLEURS  -  HALLIKRS 


H 


Habilleurs.  On  nomme  ainsi  : 

Chez  les  bouchers,  les  chanioiseurs  et  les  pelle- 
tiers,  les  ouvriers  qui  écorclienl  les  bètes,  les 
(luvrenl  et  les  vident. 

(Jliez  les  j)oisso?miers,  ceux  qui  ouvrent  et 
vident  le  poisson. 

(]liez  les  curdiers,  ceux  ([ui  ai^uiseiil  la  pointe 
<les  crocs  de  la  carde. 

Chez  les  tanneurs,  ceux  qui  donnent  aux  cuirs 
la  première  préparation  avant  la  mise  au  tan. 

Chez  les  potii-rs  de  terre,  ceux  qui  mettent  aux 
pièces  des  pieds  ou  des  anses. 

Au  théâtre,  ceux  qui  sont  cliarg-és  d'hahiller 
les  artistes. 

Ce  nom  a  aussi  été  donné  parfois  aux  ehirnr- 
(jirns. 

Hal)its  Marchands  dk  vieux).  Voy.  Fri- 
piers. 

Hache  (Maîtres  de  la).  Nom  donné  parfois 
aux  charpentiers. 

Hacquehusiers  d  Hacquebuteurs. 
\  ii\ .  Arquebusiers. 

Hacquetiers.  \M.\ .  Haquetiers. 

Halesniers.    Lallemas.    en    1600,    nomme 
li-s  iahricjints  d'aij^uilles  âjuiUiers-hnlesniers. 
\  (ty.  Aléniers. 

Haleurs.  (lens  qui  i-ciHonliMil  les  bateaux 
<Mi  les  tirant  avec  un  càhle.  <,<  Sur  la  Loire,  on  les 
nomme  (joheurs  '  et  (|uelqu('f()is  par  dérision 
arrnrhi'-pfrsU ,  à  cause  que  reflnrt  qu'ils  font  en 
tirant  li-s  ohliu^cut  à  se  tenir  courbés  comme  s'ils 
voiili)i(!iit  tirer  de  terre  des  racines  de  la  plante 
qu  cm  iiniiMiK-  du  persil  -  ^.. 

Halicrs.  \  nv.  Hallage  '•!  Halliers. 

Halla/^u  Di'.oiT  uk  .  Hedrvance  perijue  sur 
les  marchandises  mises  en  vente  aux  halles. 


On  trouve,  an  treizième  siècle,  hahiije,  haleije, 
hullaifir,  etc.  Celui  qui  percevait  cet  impôt  était 
dit  hulirr.  hnllirr  ■'.  e|c. 


Hallebardiers.  Ouvriers  maçons  qui  ma- 
udMivrenl  les  pierres  massives  dans  les  chantiers. 


'  Jo  le-»  Imiive  niii.si    noiimics  (iaiis  i'iuliclc  22  d'une 
).H-lornl,on  au  24  ovril  ITOM,  icialivo  à  la  i.avipalù.n  sur 


Ih  hoiiv. 


*  A'Hrj/rlopri/if  uiflhoiftqiie,  rdnimeioe, 
3  \ov.  Il-  Litrt  lits  mrtiers,  passim. 


I.  II, 


>15. 


L'abbé  Jaubert  *  s'exprime  ainsi  :  «  Avec  le  simple 
apprêt  d'un  levier  et  de  deux  rouleaux,  ils  font 
arriver  les  plus  lourdes  masses  sur  le  chantier  ». 

Hallebic.  Les  halles  de  Paris  datent  du 
douzième  siècle.  L'accroissement  rapide  de  la 
population  força  bientôt  le  roi  à  en  étendre  les 
limites.  La  halle  au  poisson  fut  transférée  à 
quelque  distance  sur  un  fief  de  la  maison  de 
Hallebic,  et  l'on  accorda  aux  anciens  possesseurs 
certains  droits  sur  la  vente,  à  titre  d'indemnité. 
Les  Hallebic  ne  s'en  contentèrent  pas  ;  ils  s'arro- 
o^èrent,  comme  seig-neurs,  la  juridiction  sur  les 
marchands,  et  allèrent  jusqu'à  fixer  eux-mêmes  le 
prix  du  poisson.  Quand  un  prix  avait  été  débattu 
entre  l'acheteur  et  le  vendeur,  le  sergent  des 
Hallebic  intervenait,  et,  au  lieu  de  percevoir  la 
taxe  convenue,  diminuait,  de  sa  pleine  autorité, 
huit,  dix  ou  douze  sous  sur  chaque  panier,  sous 
prétexte  que  le  dessous  était  ordinairement  d'une 
qualité  inférieure  au  dessus.  Les  marchands  se 
plaignaient,  disaient  inutilement  que  tout  ache- 
teur pouvait,  si  bon  lui  semblait,  retourner  les 
paniers,  on  ne  les  écoutait  pas,  et  ces  vexations 
continuelles,  qui  augmentaient  parfois  jusqu'à 
un  tiers  le  prix  du  poisson,  firent  peu  à  peu 
déserter  le  marché. 

Des  lettres  patentes  de  1325  abolirent  le  droit 
de  hallebic,  et  en  même  temps  doublèrent  celui 
du  roi.  Mais  les  prétentions  et  les  violences 
reparurent,  et  il  fallut  encore  plusieurs  ordon- 
nances pour  les  réprimer'^. 

On  trouve  aussi  HeJlebic. 

Halliers.  Kmployés  des  halles,  et  plus 
spécialement  gens  chargés  de  percevoir  les  droits 
de  hallage. 

Il  y  avait  déjà  à  Paris,  au  douzième  siècle, 
[)lusieurs  marchés.  Le  plus  ancien  de  tons,  situé 
dans  la  rue  de  la  Juiverie,  au  centre  de  la  Cité, 
était  destiné  à  la  vente  du  blé  ;  un  autre  se 
tenait,  depuis  Louis  le  Jeune,  sur  la  place  de 
Grève  ;  un  troisième  avait  été  créé  par  Louis  le 
Gros  sur  un  terrain  appelé  les  Champeaux, 
emplacement  actuel  des  Halles  centrales. 
Philippe-Auguste,  en  1183,  l'agrandit  et  le 
réorganisa.  Il  y  fît  construire  'deux  grandes 
halles,  protégées  par  un  solide  mur  de  clôture, 
autcnir  duquel  s'élevaient  de  nombreux  étaux 
couverts  ^.  Chaque  branche  de  commerce  y  avait 


1  Dictionnaire  des  arts  et  métiers,  t.  I,  p.  12G. 
^  ^  oy.    E.   Levasseur,    Histoire   ilcs   classes  ouvrières, 
I.  I,  p.  30y. 

^  HecKeil  fies  historiens,  t.  XVII,  p.  35-1. 


HALLIMHS  —  HANSE  PAHISIKXNE 


:n<) 


sa  section  pai'ticulière  ;  el  l'on  y  vit  l)ientàl  aflliior 
les  objets  de  consommation  et  les  acheteurs. 

Saint  Louis  élargit  ce  marché.  Il  y  ajouta 
deux  pavillons  destinés  au  commerce  des  draps, 
et  permit  aux  lingères  et  aux  fripiers  d'étaler 
leurs  marchandises  sous  des  «  auvents  attachez  à 
crochets  »  contre  les  murs  du  cimetière  des 
Innocents  *,  qui  limitait  les  Chainpeaux  à  l'est. 
Philippe  le  Lon»^  fit  élever  au  même  entlroit  une 
nouvelle  halle  pour  les  cordonniers  et  les 
peaussiers.  Le  souvenir  de  ces  divers  établis- 
sements se  conserva  dans  le  nom  des  rues  qui 
avoisinaient  encore  les  halles  il  y  a  une  vingtaine 
d'années  :  rues  de  la  Lingerie,  de  la  Cordonnerie, 
de  la  Grande  et  de  la  Petite-Friperie,  etc.  ;  mais 
ce  n'étaient  sans  doute  encore,  au  treizième  siècle, 
que  des  allées  plus  ou  moins  étroites,  qui  per- 
mettaient de  communiquer  d'une  halle  à  l'autre. 

Les  halles  n'avaient  guère  changé  au  quator- 
zième siècle,  et  pourtant  un  écrivain  de  ce  temps 
nous  a  conservé  une  description  enthousiaste 
des  merveilles  que  l'on  y  rencontrait.  «Sous 
des  amas,  des  monceaux  d'autres  marchandises, 
écrit-il,  on  voit  des  draps  plus  ])eaux  les  uns  que 
les  autres;  dans  d'autres,  de  superbes  pelisses, 
les  unes  faites  de  peaux  de  bêtes,  les  autres 
d'étoffes  de  soie,  d'autres  enfin  composées  de 
matières  délicates  et  étrangères  dont  j'avoue  ne 
pas  connaître  les  noms  latins.  Dans  la  partie 
supérieure  de  l'édifice,  qui  forme  comme  une 
rue  d'une  étonnante  longueur,  sont  exposés  tous 
les  objets  qui  servent  à  parer  les  différentes 
parties  du  corps  humain  :  pour  la  tète,  des 
couronnes,  des  tresses,  des  bonnets,  des  peignes 
d'ivoire  pour  les  cheveux  ;  des  miroirs  pour  se 
regarder,  des  ceintures  pour  les  reins,  des  bourses 
pour  suspendre  au  côté,  des  gants  pour  les 
mains,  des  colliers  pour  la  poitrine  et  autres 
choses  de  ce  genre,  que  je  ne  puis  citer,  plutôt  à 
cause  de  la  pénurie  des  mots  latins  que  faute  de 
les  avoir  bien  vues  ^  ». 

Au  moyen  âge,  les  marchands  et  les  artisans 
parisiens  étaient  tenus  de  fermer  boutique  le 
samedi,  et  de  venir  étaler  leurs  marchandises 
au  marc/lé  le  Roy.  La  plupart  d'entre  eux  y 
avaient,  en  lieu  fixe,  un  étal  ou  un  comptoir  ; 
d'autres,  les  fripiers,  les  savetiers,  par  exemple 
faisaient  leur  étalage  à  terre.  On  pouvait  tout 
examiner  à  l'aise,  et  comme  la  lumière  était 
meilleure  que  dans  les  boutiques,  on  risquait 
moins  d'être  trompé.  Au  reste,  les  prix  étaient 
les  mêmes,  bien  que  le  marchand  dût  payer,  pour 
la  location  de  la  place  qu'il  occupait,  les  droits 
dits  de  tonlieu  et  de  hallage,  que  percevait,  au 
nom  du  roi,  le  hallier,  représentant  du  fisc. 

C'est  au  quinzième  siècle  seulement  que  les 
halles  de  Champeaux  devinrent  le  centre  presque 
exclusif  des  objets  d'alimentation. 

En  1551,  dit  Gilles  Corrozet,  «les  halles  de 
Paris  furent  entièrement  rebasties  de  neuf,  et 
furent    dressés,    bastis    et    continués    excellens 


1  Dubreul,  Théâtre  des  antiquité:  de  Paris,  p.  628. 

2  Jean  de  Jandun,  Description  de  Paris  (1323),  dans 
Le  Roux  de  Lincy,  Paris  aux  quatorzième  et  quinzième 
siècles,  p.  51. 


édifices,  hostels  et  maisons  somptueuses.  »  Cette 
réformation  fut  achevée  en  1572,  et  Savary 
écrivait  en  1723  :  «  Il  n'est  point  arrivé  depuis 
de  changement  consiilérable  aux  halles  ;  elles  se 
trouvent  présentement  à  peu  près  de  même  *  ». 

On  condamnait  à  l'amende  les  marchands  ([ui 
n'allaient  pas  exposer  à  la  halle  les  jouiis  de 
marché,  et  ces  jours  ont  souvent  varié. 

Au  dix-huitième  siècle,  les  ludliers  servaient 
surtout  de  gardiens,  et  devaient  veiller  à  la  sécu- 
rit(''  des  marchan(h'ses  laissées  dans  le  mai'ché. 

Hameçons  Faiseurs  d').  Voy.  Pêche 
(Ustensiles  de). 

Hanapeliers.  Voy.  Hanapiers. 

Hanapiers.  Faiseurs  de  hanaps.  Ce  sont  les 
cip/iarii  {\f'  Jean  de  (îarlande.  On  les  trouve  aussi 
nommés  /ta/i'/pr/i/fs,  //"iiHr'j)/frs,  //r/n/f/pn'rs.  elc. 

Voy.  Madreliniers et Raccommodeurs 
de  vases. 

Hannepiers.  Voy.  Hanapiers. 

Hannouards.  Nom  que  l'onlonnance  de 
décembre  1672  donne  aux  Porteurs  de  sel. 

Hanoiers  et  Hanouars.  Voy. Porteurs 
de  sel. 

Hanse  parisienne.  Association  de  mar- 
chands qui  faisaient  sur  la  S<'ine  le  commerce  par 
eau.  Elle  a  été  appelée  //anse  de  Paris,  marc/tands 
kanse's,  marchands  de  Feau,  compagnie  française, 
etc.  On  a  vainement  cherché  à  établir  une  filiation 
entre  cette  association  et  celle  des  nuiitœparisiaci 
qui,  sous  le  règne  de  Tibère,  avaient  élevé  à 
Jupiter  un  autel  dont  les  fragments  ont  été 
retrouvés  sous  le  parvis  de  l'église  Notre-Dame. 
Son  existence  n'est  positivement  affirmée  qu'eu 
1121,  par  une  charte  de  Louis  le  Gros  qui  lui 
abandonne  un  droit  de  soixante  sous,  perçu 
jusque-là  au  profit  du  roi ,  sur  chaque  bateau 
abordant  à  Paris  durant  le  temps  des  vendanges 
avec  un  chargement  de  vin  ^. 

C'est  par  eau  que  se  faisait  alors  presque  tout 
le  commerce  extérieur  de  la  capitale,  importation 
et  exportation.  Paris,  assis  sur  un  fond  maré- 
cageux, était  entouré  de  bois  épais  et  de  collines 
assez  élevées  ;  les  voies  de  terre  peu  nombreuses, 
à  peine  indiquées,  nullement  entretenues,  deve- 
naient impraticables  après  la  moindre  averse,  et 
étaient  par  tous  les  temps  infestées  de  voleurs. 
Cette  situation  donna  une  grande  force  et  une 
réelle  importance  politique  à  la  hanse  parisienne. 
Sous  le  règne  de  Philippe-Auguste,  elle  possédait 
déjà  le  droit  d'apposer  sur  ses  actes  un  sceau 
particvdier,  dont  on  a  retrouvé  des  empreintes  : 
il  était  ovale,  et  représentait  une  barque,  avec  un 
mât  soutenu  de  chaque  côté  par  des  cordages. 

En  1141,  la  hanse  avait  reçu  de  Louis  VII,  à 
l'endroit  dit  la  Grève,   l'emplacement  nécessaire 


1  Dictionnaire  du  commerce,  t.  II,  p.   304. 

2  Tout  ceci  a  été  l'objet  de  nombreuses  controverses. 
^'oy.  E.  Picarda,  Les  marchands  de  l'eau,  hanse  parisienne 
et  compagnie  française,  1901,  in-8°. 


380 


HANSE  l'ARISIKXXE  —  HARNACHEMENT 


pour  établir  un  nouveau  port.  En  1170,  le  même 
roi  lui  accorda  encore  un  précieux  pnvileç  : 
nul  ne  pourra  désormais  amener  dans  Pans  des 
marchandises  par  eau,  s'il  n'est  Parisien  et 
marchand  de  l'eau,  ou  s'il  n'est  associe  a  un 
Parisien  marchand  de  l'eau,  «  nisi  ille  sit  Pari- 
siensis  afque  mercator ,  vel  nisi  aliquem  Pari- 
siensen)  atque  mercatorum  socium  habuerit  ». 
Tout  bateau  appartenant  à  autres  personnes  était 
anV-lé  au  pont  de  Mantes  ;  pour  le  dépasser,  il 
fallait  que  les  mariniers  s'entendissent  avec  un 
iii<'iul)re  de  la  hanse,  et  celui-ci  fixait  souvent  à 
la  moitié  des  bénéfices  du  marché  le  prix  de  son 
intervention. 

La  hanse  était  administrée  par  quatre  jurés, 
qui  prirent  bientôt  le  titre  à'échevins,  et  par  un 
prévôt  qui  fut  successivement  appelé  chef  de  la 
hanse,  roi  des  marchands,  maître  des  échevins, 
maître  de  la  marchandise,  prévôt  des  marchands 
de  l'eau,  puis  prévôt  des  rnarchands. 

Les  réunions  de  la  hanse  parisienne  se  tinrent 
d'abord  dans  une  maison  qui  louchait  le  mur 
d'enceinte,  à  rextrémité  de  la  rue  de  la  Harpe 
(alors  rue  Sciinl-Cosme),  et  derrière  le  couvent 
des  Jacobins  ;  on  la  nommait  la  Maison  de  la 
marchandise  o\\  le  Parlouer  aux  bourgeois.  Plus 
lard,  ces  assemblées  eurent  lieu  sur  un  empla- 
cement plus  central,  dans  un  bâtiment  situé 
entre  le  (irand-Chàtelet  et  l'ég'lise  Sainl-Leufroy 
place  du  Cliàtelet  actuelle).  Enfin  en  1357,  le 
Parlouer  aux  bourji^eois  l'ut  transporté  sur  la 
place  de  (îrève,  dans  une  propriété  ([ui  s'était 
ap|>elée  successivement  la  Maison  de  Grève,  la 
Maison  aux  Dauphins  ^  et  la  Maison  aux  piliers. 
(i'fst  sur  ses  ruines  que  s'éleva  dans  la  suite 
l'hôt.-l  de  villr  aciu.'l. 

Happelopins.  Vov.  Galopins. 

Haquetiers.  Ce  sont  «  ceux  qui  conduisent 
iiu  qui  lin-iil  un  haquel,  espèce  de  cliarrette  sans 
n(h-ll»'s,  qui  fait  la  bascule  quand  on  veut,  et 
(lui  a  sur  le  devant  un  moulinet  par  le  moyen 
MU(|u<'l  on  lire  les  }^ros  fardeaux  pour  les  charg-er 
plus  connncidément  -  ». 

On  trouve  aussi  hacqnetiers. 

Haras  royal  ((Jfkiciers  du).  Le  hams 
roviil,  d'iihord  élahli  à  Saint-Léo^er  [)rès  de 
-VIonlforl-rAmaury,  fut,  sous  Louis  XV,  trans- 
porté im  I»iii  .Onic).  Le  personnel  se  composai! 
df  : 


1   écuyer,  capiliiirit'  (bi  lianis. 
1  Jiuinônit>r. 

()  gardes. 

1  palefrenier  el  ses  aides. 

2  maréchaux ,     faisiint    fonctions    de 
iwiires. 

vétéri- 

1   mt'ih'ciri. 

1  chirurp^'ien. 

•  Pniv.'  quVIle  ovail  appnrli-nu  nux  Dauj.liins  Vien- 
Hoi.s.  _  \o>.  riicon-  .Wmoire.'s  ilr  la  .sv/n»'  île  t histoire 
•lfl\,rii.  \.  Vil  (1880).  p.  70,  et  I.  Vni,  p.  101.  — 
K.  Ij<'Vnss<*ur,  /li*toirf  lifs  clnsxes  oiitrirres,  t.  I    p    .354 

»  JnulHTt,  DittioHHnire,  t.  H.  p.  379.  1.  vùy.  aussi 
Dolaranm^  Traité  ,U  la  police,  t.  IV,  p.  45G  ut  suiv. 


1  apothicaire. 
1  taupier  ' . 

Voy.  Directeur  général. 

Hareng"ères.  Crieuses  de  harengs  frais  ou 
salés. 

Puis  après  orroz  retentir 

De  cels  qui  les  frès  harens  crient. 

Or  au  vivet  li  autre  (lient. 

Sor  et  blanc  haranc  frès  poudré, 

Harenc  nostre  vendre  voudré  ! 

écrit  au  treizième  siècle  Guillaume  de  la  Ville- 
Neuve  dans  ses  Crieries  de  Paris.  Les  crieuses  de 
hareng'S  frais  appartenaient  au  corps  des  pois- 
sonniers de  mer  et  les  crieuses  de  hareng'S  salés 
appartenaient  à  celui  des  marchands  de  salines, 
commerce  qui,  dans  Paris,  n'est  guère  antérieur 
au  douzième  siècle.  Les  premiers  poissons  salés 
que  l'on  vit  paraître  aux  halles  furent  les 
harengs  ;  ils  arrivaient  de  Rouen  par  la  Seine. 

La  Taille  de  1292  cite  neuf  harengiers. 

Sous  Henri  111,  la  pêche  du  hareng'  repré- 
sentait environ  (h^ix  millions  de  francs  par  an  -. 

On  nommait  : 

Hareng  blanc,  hareng  frais  poudré,  celui  qui 
était  nouvellement  salé. 

Hareng  de  la  nuit  ou  d^une  nuit,  celui  qui 
avait  été  salé  le  jour  même  de  sa  prise. 

Celui  qui  était  salé  le  lendemain,  ou  hareng 
de  deux  nuits  était  beaucoup  moins  estimé. 

Craquflot  ou  appétit,  le  hareng  saur  ordinaire. 

Hareng  de  marcpie,  celui  qui  venait  de  Hol- 
lande, en  barils  munis  de  la  marque  officielle. 

Hareng  de  drogu,e,  celui  qui,  étant  trop  petit 
pour  être  rangé  (hins  les  barils,  y  était  jeté  pêle- 
mêle. 

Hareng  en  vrac,  celui  ([ui  n'était  salé  qu'à 
moitié. 

Hareng  paqué,  celui  qui,  après  avoir  subi 
toutes  les  préparations,  était  mis  en  baril. 

Au  treizième  siècle,  on  appelait  maise  ou 
mese  un  petit  baril  contenant  mille  harengs  ^. 

Une  crieuse  de  hareng-s  est  fig-urée  dans  les 
Cjris  de  Pans  au  seiziè^ne  siècle,  publiés  par 
.T.  Cousin  et  Pilinski. 

\'oy.  Salines  (Marchands  de).  —  Ap- 
pétits (Marchandes  d'). 

Harnachement.  Il  me  paraît  que  tout  ce 
qui  concerne  le  liarnachement  des  chevaux  était, 
au  treizième  siècle,  l'œuvre  de  huit  corps  d'état, 
dont  on  pourrait,  d'une  manière  générale,  déter- 
miner ainsi  la  spécialité. 

C'étaient  : 

1.  Les  BATiERS.  Ils  construisaient  les  selles  les 
plus  communes,  destinées  aux  ânes,  aux  mulets, 
etc. 


•  Etats  lie  la  France:   Pour  1687,  t.   1,  p.  272;  ]>our 
1712,  t.  I,  p.  5G8  ;  pour  1736,  t.  II,  p.  224. 

2  Delainarre,  Traité  île  la  police,  t.  III,  p.  17. 

3  Livre  des  métiers,  titre  CI,  art.  12. 


HARNACHEMl'lNT  —  HAUMN 


381 


II.  Les  BLASONNIERS  OU   CUIREURS  DE   SELLES. 

Ils  meltaient  aux  selles  la  première  gariiilure  de 
cuir. 

III.  Les  BOURRELIERS.  Ils  exéculaionl  le  f^-rns 
harnachement,  pour  bêtes  de  somme. 

IV.  Les  CH.\PUiSEURS.  Ils  construisaient  h\ 
charpente  des  selles. 

V.  Les  CONTRESAXGLIERS.  Faiseurs  de  conlre- 
sang'les. 

VI.  Les  LOHMiERS.  Ils  i'oui'nisNaicnl  lc>  IVeins, 
les  mors,  les  hrides,  etc. 

^  II.  Les  PEINTRES.  Ils  ajoutaient  aux  selles 
les  ornements  et  les  peintures,  les  ors  et  les 
couleurs. 

VIII.    Les     SELLIERS.     Ils    remlxjuri'aicnl     cl 
recouvraient  toutes  sortes  de  selles. 
Voy.  tous  ces  noms. 

Harnacheurs.  Titre  qui  apparlcuait  à  la 
corporation  des  selliers. 

Harpeurs.  Faiseurs  ou  joueurs  de  harpes. 
On  n'en  rencontre  ni  dans  la  T"ille  de  1292  ni 
dans  celle  de  1300,  mais  la  Taille  de  1313  cite, 
dans  la  rue  Poupée,  '  «  Adam,  le  harpeur  >>. 

La  harpe,  alors  de  très  petite  dimension  et 
ordinairement  suspendue  au  cou,  était  tort  en 
honneur  au  quinzième  siècle.  CTuillebert  de 
Metz  ^  fait  l'éloge  de  Guillemin  Dancel  et  de 
Perrin  de  Sens,  qu'il  qualifie  de  «  souverains 
harpeurs  ^  »,  mais  il  s'agit  ici  d'exécutants.  Le 
meilleur  constructeur  de  harpes  se  nommait 
Lorens  de  Hest.  Je  lis  dans  de  vieux  comptes 
qu'en  1400,  il  reconnaît  avoir  reçu  de  la 
duchesse  d'Orléans  32  sous  parisis,  «  pour  avoir 
rappareillé  et  mis  à  point  deux  harpes,  es 
quelles  il  a  fait  et  mis  broches  et  cordes  toutes 
neufves  ».  En  mars  1401,  il  reçoit  encore 
36  sous,  pour  un  travail  semblable. 

Isabeau  de  Bavière  jouait  également  de  la 
harpe.  En  octobre  1416,  elle  paye  à  un  luthier 
4  sous,  pour  fourniture  de  cordes,  et  en 
novembre  6  sous  pour  le  même  objet.    • 

La  harpe,  très  négligée  par  la  suite,  reprit 
faveur  au  dix-huitième  siècle.  A  cette  époque, 
le  fabricant  en  vogue  était  un  sieur  Naderman, 
luthier  ordinaire  de  la  Dauphine  ;  il  lui  avait 
fourni  une  harpe  en  argent. 

On  trouve  souvent  harpins  et  herpeurs. 

Harpins.  Voy.  Harpeurs. 

Harquebusiers  et  Harquebuziers. 
Voy.  Arquebusiers. 

Hâteurs.  On  donnait  ce  nom.  dans  les 
grandes  maisons,  aux  cuisiniers  chargés  des 
rôtis. 

Saint  Louis  avait  quatorze  hâteurs.  A  la 
cuisine-bouche  de  Louis  XIV,  il  existait  quatre 
hâteurs  payés  400  livres  et  servant  par  semestre; 


1  Supprimée  en  1855,  elle  allait  de  la  rue  de  la  Harpi 
à  la  rutj  Hautefeuille. 

2  Description  de  Paris  sous  Charles  ^'I . 

3  Édit.  Le  Roux  de  Lincy,  p.  232. 


la  cuisine  du  counnuii   cnmplait  dmizi'   hùleurs 
servant  par  quartier  el  touchant  liOO  livres. 
M  Etal  de  la  France  pour  10S7,  écrit  Mieux  ^. 

Hâteurs.  Voy.  Fiqueurs. 

Hâteux.  \n\.  Hâteurs. 

Hauban.  Le  Lirre  des  raétiers  délinil  ainsi 
ce  mot  :  «  Haubans  est  uns  propres  nous  d'ime 
couslume  asise,  par  la  quele  il  fu  establi  ancie- 
nemeiit  que  quiconqiu-s  seroit  haubaniers,  qii'i 
seroit  plus  frans  et  paieroit  mains  de  droitures  et 
des  coustumes  de  la  marchandise  de  son  mestier 
que  cil  qui  ne  seroit  pas  haubaniers  ^  ».  Les 
boursiers  disent  dans  leurs  statuts  qu'en  payant 
le  droit  de  hauban  «  ils  sont  francs  de  touz  les 
toidiuz  ■'  des  cuirs  que  ils  achatent  dedanz  la 
banlieue  de  Paris  *  ».  Les  boulangers  s'ail'ran- 
cliissaient  également,  par  le  hauban,  des  droits 
qu'ils  eussent  payés  pour  l'achat  des  farines, 
pour  celui  aussi  des  porcs  et  autres  animaux 
qu'ils  nourrissaient.  Les  gantiers  sont  encore 
plus  précis  ;  ils  paient  le  hauban,  disent-ils,  «  et 
pour  tant  sont-il  quite  de  toutes  coustumes  ». 
Près  de  deux  cents  ans  plus  tard,  les  foulons 
déclarent  qu'en  payant  «  par  chascun  an  au 
Roy  ou  à  son  receveur  à  Paris  six  solz  parisis  de 
hauban,  ils  sont,  par  ce,  quictes  et  francs  de  tout 
tonlieu  et  coustumes  ^  ». 

Dans  toutes  ces  citations  le  mot  countumes  est 
pris  dans  le  sens  d'impôt  en  général.  Le  hauban 
était  donc  une  sorte  d'abonnement  vis-à-vis  du 
fisc.  Moyennant  une  sonune  une  fois  versée,  le 
haujjanier  se  trouvait  dispensé  de  payer  au  jour 
le  jour  une  foule  de  petites  taxes,  de  petites 
redevances  qu'étaient  tenus  d'acquitter  les  mar- 
chands non  haubaniers. 

Dans  l'origine,  le  hauban  se  payait  en  nature  ; 
il  consistait  en  un  muid  de  vin  ^,  dû  annuellement 
au  roi  à  l'époque  des  vendanges.  Mais  la  plupart 
des  haubaniers  ne  possédaient  pas  de  vignes,  et 
étaient  obligés  d'aclieter  le  vin  qu'ils  livraient  à 
l'échanson  royal  ;  ils  proposèrent  donc  de  fournir 
en  argent  la  valeur  du  muid.  Des  contestations 
s'élevèrent  alors  au  sujet  du  prix  du  vin,  qui 
variait  chaque  année  suivant  l'abondance  de  la 
récolte  -,  aussi  Philippe-Auguste  rendit-il  en  1201 
une  ordonnance  '  qui  fixait  la  taxe  à  payer  pour 
le  hauban. 

Le  droit  de  haul)an  présentait  de  réels  avan- 
taeres,  et  était  fort  recherché.  Un  certain  nombre 
de  métiers  pouvaient  seuls  en  jcjuir,  et  au  sein  de 
ces  métiers  nuîme  n'en  jouissaient  qu'un  certain 
nombre  de  maîtres  spécialement  et  personnelle- 
ment gratifiés  de  ce  privilège. 


1  \  oy.  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'hôtel,  p.  I^  .  — 
Dueancrc,  aux  mots  hasta,  hastator,  kasiarius.  —  Etat  de 
la  France  pour  1687 ,  t.  I,  p.  635  et  638  ;  pour  1712,  t.  I, 
p.  108,  113  et  118  •,pour  1736,  t.  I,  p.  203,  209  et  216. 

2  Titre  I,  art.  7. 

<*  Droits  de  toulieu. 

4  Livre  des  métiers,  titre  LXXVII,  art.  1. 

5  Statuts  de  mai  1443,  dans  les  Ordonn.  rnyules, 
t.  XVI,  p.  590. 

6  Le  muid  représentait  alors  environ  deux  hectolitres 
'7   Ordonn.  royales,  t.  I,  p.  25. 


38-2 


HAUBAN  —  HAUBERGIERS 


Dans  le  chapitre  intitulé  Cis  titres  parole  des 
mestiers  oui  hanhan  doivent  an  Roy,  le  Livre  des 
métiers  '  fournit  une  liste,  d'ailleurs  incomplète, 
des  métiers  qui  jouissaient  de  cette  laveur.  J  y 
ajoute  la  somme  que  payait  chacun  d  eux  et, 
quand  cela  est  possible,  l'époque  où  ils  s'acquit- 
taient : 

Baudrovers 3  sous.  A  la  Saint-Martin 

(11  novembre). 

Boucliers 6  sous. 

Boursiers 3  sous. 

Cordonniers 3  sous. 

Foulons 6  sous. 

Fi-ipiers 6  sous  8  deniers. 

Gantiers 3  sous  5  deniers.  A  la  Saint- 
André  (30  novembre). 

3deiiiers.  AlaSainl- 
Geniuiin  (28  mai;. 

(irefliers 3  sous. 

Hi-auiniers 3  sous. 

Maréchaux  : 

Si  leur  traruil  est  chez  eux,       3  sous. 
—         —         dans  la  rue,  6  sous. 

Mégissiers 3  sous. 

Pécheurs 3  sous.  A  la  Saint-Martin. 

l'fUt'tiers i\  sous  5  deniers.  A  la  Saint- 
André. 

3  deniers.  A  la  Saint- 
Germain. 

Kei^'ralliers 3  sous.  A  la  Sainl-Marlin. 

Sauniers 3  sous. 

Sueurs 3  sous. 

Talemeliers (5  sous.  A   lu   Saint-Martin. 

Tanneurs  : 

deux  qui  découpent  le  cuir,  9  sous. 

—       ne  découpent  pas  le  cuir,  0  sous. 

'ri'iiihuitT- 6  sous. 

Los  ijfjinliers  mentionnent  encore  le  hauban 
dans  leurs  statuts  de  1656  :  «  Les  maistres,  y 
est-il  dil.  seront  tenus  de  payer  tous  les  ans  au 
fermier  du  Roy  nostre  Sire  le  hautbant,  c'est  à 
sravoir  trois  sols  huit  deniers  au  jour  et  feste 
Saint-André  d'yver  ;  et  moyennant  ce,  ils  seront 
quilli'Z  de  tout  ce  qu'ils  vendent  et  acheptent 
ilépfiidiiMt  df  leur  f>>lal.  car  h'  hiiiilliaiil  It^s  (;n 
iicquilli'  -  )•. 

Li's  pclb'ljcrs  au^si  conservi'renl,  et  même 
jus(ju'ii  la  RévoluliDU  ,  la  qualification  de 
hauhuHirrs.  alors  que  les  métiers  qui  avaient 
jadis  fil  diiiil  à  ce  titre  y  avaient  depuis 
|nii^t»'m|)>  ii'iioiicé. 

Haubaniers.  On  donnait  ce  nom  au\ 
comiiirrraiiN  cl  aux  iiiélit-rs  (pii  jouissaient  du 
droit  (!«•  Iiaiiban. 

l'ii  dnriiiiifiil  d<'  ir)H(t  rci-il  liii ull-ha ,i il ins. 

Voy.  Hauban. 

H ;m I .<  rg-eniers «i  Haubergeons (F.u- 
.sKiHs  KK  .  \  oy.  Haubergiers. 


'   l>"Mixn>nio  parlif,  lilro  VIII. 


Haubergiers.  Fabricants  de  hauberts  ou 
cottes  de  mailles. 

Au  treizième  siècle,  l'armure  de  mailles,  peu 
à  peu  perfectionnée  et  complétée,  couxTe  entière- 
ment le  chevalier.  Elle  approche  de  la  perfection 
vers  la  fin  du  quatorzième  siècle  :  on  fit  alors  des 
vêtements  d'acier  à  doubles  et  à  triples  mailles, 
à  enchaînement  d'anneaux  accouplés,  qui  avaient 
le  défaut  de  revenir  fort  cher,  mais  qui  unissaient 
à  la  solidité  une  souplesse  extrême  et  une  assez 
g^rande  légèreté,  puisque  l'armure  complète,  à 
l'épreuve  de  tous  les  traits  alors  en  usage,  ne 
pesait  pas  plus  de  douze  à  quinze  kilos. 

Les  haubergiers  soumirent,  vers  1268,  leurs 
statuts  à  riiomologation  du  prévôt  de  Paris  ^. 
Ces  statuts  sont  peu  détaillés,  maison  y  voit  que, 
comme  tous  les  corps  d'état  qui  servaient  les  gens 
deguerre,  les  haubergiersjouissaientde  nombreux 
privilèges.  Leur  métier  était  libre,  ils  n'avaient 
donc  rien  à  payer  pour  s'établir.  Ils  pouvaient 
tenir  un  nombre  illimité  d'apprentis  et  travailler 
à  la  lumière.  Enfin,  ils  étaient  exempts  du  service 
du  guet,  «  quar  li  mestiers  est  pour  servir  che- 
valiers, escuiers  et  sergens,  et  pour  garnir 
chastiaux  ». 

Au  treizième  siècle,  le  centre  de  la  fabrication 
des  ouvrages  de  mailles  était  la  ville  de  Chambly, 
près  de  Beaumont-siir-Oise.  Monstrelet  l'appelle 
déjà  Chambly-le-IIaubergier.  nom  qu'elle  conserva 
longtemps  encore  après  qu'on  eut  cessé  de  porter 
lies  armures  de  mailles.  Les  haubergiers  de  Paris, 
qui  soutenaient  mal  cette  concurrence,  firent 
reviser  leurs  statuts  au  mois  d'avril  1407  ^.  Ils 
y  représentaient  au  roi  que  le  métier  était 
tléshonoré  par  plusieurs  individus  arrivés  à  la 
maîtrise  sans  apprentissage  régulier  ;  «  on 
voit,  disaient-ils  ,  pendre  aux  fenestres  de  leurs 
hostelz  ^  enseignes  et  bannières  paintes,  faisant 
démonstracion  que  telz  manières  de  gens  sont 
ouvriers  dudit  mestier  de  haubergerie,  dont  ils 
ne  sçavent  rien  ».  Bien  plus,  ils  vendaient  des 
(;olles  de  fer  pour  des  cottes  d'acier,  de  mauvais 
haulierts  d'Allemagne  pour  de  fins  hauberts  de 
Londjardic  '*.  Trois  jurés,  élus  par  les  maîtres  et 
confirmés  dans  leur  mandat  parle  prévôt  de  Paris, 
furent  désormais  cliargés  de  surveiller  la  fabri- 
cation et  de  soumettre  à  un  sérieux  examen  tous 
les  ouvriers  désireux  de  s'établir  ;  après  cette 
épreuve  seulement  il  leur  était  permis  de  «  mectre 
à  leur  huys  ^  perche  ou  autre  chose  à  laquelle  ait 
peiubie  *'  haubergerie  ».  En  outre,  tout  objet  dut 
porter  la  marque  du  maître  qui  l'avait  fait,  et 
celui-ci  était  tenu,  avant  de  conclure  un  marché, 
de  déclarera  l'acheteur  si  le  haubert  proposé  était 
de  fer  ou  d'acier. 

Ces  précautions  irarrètèrent  pas  la  décadence 
de  l'armure  de  mailles,  qui,  cinquante  ans  plus 
tard,  avait  fait  place  à  l'armure  de  plates.  Toute- 
fois, piiidiinl  longtemps  encore,  le  mot  hauber- 


'    Litre  (les  me/ierx,  titro  XXVI. 
2  Ordonn.  royales,  t.   IX,  p.  20ô. 
''  Aux  tj()iiti([U(>s  do  leurs  maisons. 
*  Préambulo. 
■'   .\  leur  porte. 
^  Soit  pcndui'. 


HAUBERGIERS 


HERAUTS  DARMES 


:}8;{ 


gerie  désigna  Tensemble  du  harnais  de  guerre. 
La  corporation  dos  liaiiljerg-iers,  dits  aussi //i'/7<(5«-- 
geniers,  faiseurs  de  lumhergeons  (petits  hauijt'rls), 
mailliers,  etc.,  s'éteignit  donc  peu  à  peu,  et  elle 
finit  par  se  fondre  avec  celle  des  chaînetiers,  qui 
prirent  alors  le  titre  de  chniietiers-hauhergeniers. 

Hault-banniers.  Voy.  Haubaniers. 

Haut-à-bas.  Surnom  donne  anx  Forte- 
balles. 

Hautboïstes.  Faiseurs  et  joueurs  de  haul- 
bois.  Au  dix-huitième  siècle,  le  sieur  Thiriot, 
demeurant  rue  Dauphine,  jouit  d'une  grande 
renommée  comme  facteur  de  liauthois.  Il  appar- 
tenait à  la  corporation  des  luthiers. 

Haute-justice  (Exécuteurs  de  la).  Voy. 
Bourreaux. 

Haute-lisseurs  et  Haute-lissiers.  Voy. 
Tapissiers. 

Hautes-œuvres  (Exécuteurs  ou  maî- 
tres des).  Voy.  Bourreaux. 

Havag"e  (Droit  de).  Droit  qu'avait  le 
liourreau  de  prendre  aux  marchands  une  poignée 
des  o-rains  et  léo-umes  verts  amenés  à  la  halle. 

Dès  l'ouverture  du  marché,  il  arrivait,  suivi  de 
ses  valets,  et  allait  prélever  sur  chaque  vendeur 
son  droit  de  halage.  Toutefois,  dit  X Encyclopédie 
méthodique  *,  «  à  cause  de  l'infamie  de  son  emploi 
et  pour  l'empêcher  de  mettre  la  main  dans  les 
sacs,  on  a  réglé  son  droit  à  une  mesure  de  fer 
blanc  en  forme  de  cuillière  à  long  manche,  avec 
laquelle  il  puise  les  grains  sans  les  toucher  ». 

Il  venait,  en  effet,  percevoir  sa  redevance  en 
personne,  et  à  mesure  qu'on  l'acquittait,  ses  valets 
marquaient  le  dos  du  payeur  avec  de  la  craie.  Cet 
usage  subsista  jusqu'à  la  Révolution,  carLegrand 
d'Aussy  écrivait  vers  1780  :  «  11  y  a  encore  beau- 
coup de  gens  qui  ont  été  témoins  de  ce  fait  ;  et 
moi-même,  j'ai  questionné  à  ce  sujet  plusieurs 
hortillons  -  qui,  sans  être  extrêmement  âgés, 
m'ont  dit  avoir  été  marqués  ainsi  pendant  leur 
jeunesse  ^  ». 

Havée  en  vieux  français  signifiait  poignée, 
morceau,  etc. 

Voy.  Bourreaux. 

Heaumiers.  Fabricants  de  heaumes.  Le 
heaume  était  l'armure  de  tête  des  chevaliers.  Une 
fois  son  heaume  bouclé  après  le  haubert,  l'homme 
d'armes  ne  pouvait  plus  guère  lever  ni  baisser 
la  tête,  et  il  ne  lui  était  plus  permis  de  respirer 
que  parles  trous  percés  devant  la  bouche,  devoir 
que  par  les  œillères,  d'entendre  que  par  les  ouïes. 

Au  treizième  siècle,  les  heaumiers  formaient, 
avec  les  maréchaux  ferrants,  les  greffiers  et  les 
vrilliers  une  seule  corporation,  qui  soumit  ses 
statuts  à  l'homologation  du  prévôt  Etienne 
Boileau  *.   On  y  voit  que  le  roi  avait  donné  la 


1  Commerce  (1783),  t.  Il,  p.  527. 

2  Maraîchers. 

^    Vie  privée  f/es  François,  édit  Roquefort.  I.  I.  ji.   103. 
*  Livre  'les  métiers,  titre  XV. 


justice  professionnelle  et  les  revenus  de  ce  métier 
au  premier  maréchal  ferrant  de  son  écurie.  C'est 
donc  à  lui  qu'il  fallait  acheter  le  droit  de  s'établir. 
Les  heaumiers  jouissaient  du  hauban.  Ils  pou- 
vaient avoir  un  nondire  illimité  d'apprentis  et 
travailler  à  la  lumière.  Chaque  maître  payait,  à 
la  Pentecôte,  six  deniers  pour  sa  quote  part  de 
l'impôt  dit  des  fers  du  roi  ^ . 

La  Taille  de  1202  cite  sept  hiauïiiiers,  celle  de 
1300  en  mentionne  huit. 

La  corporation  ne  tarda  pas  à  se  fondre  dans 
celle  des  armuriers,  qui  prirent  alors  le  titre 
d'armuriers  -  heaumiers  .  Une  ordonnance  de 
1562^  prouve  que,  dès  l'année  1409,  celte 
réunion  était  effectuée. 

Héberg-eurs  de  messag-ers.  .le  n'ai 
trouvé  cette  profession  mentionnée  ({ue  dans  la 
Taille  de  13l:i\ 

Voy.  Messagers. 

Heiduques.  Valets  habillés  a  la  hongroise. 

Ils  datent  de  la  fin  du  dix-septième  siècle, 
époque  où  des  prisonniers  hongrois  s'attachèrent 
au  service  de  quelques  grands  seigneurs  français. 
Au  dix-huitième  siècle,  ce  n'étaient,  le  plus 
souvent,  que  de  solides  gaillards  armés  d'un  sabre 
et  vêtus  à  la  hongroise.  Ils  se  faisaient  surtout 
remarquer  par  leur  coiffure,  haute  de  quarante 
centimètres  et  dont  les  boursiers  avaient  la 
spécialité.  Ces  bonnets,  ornés  de  galons  et  de 
panaches,  se  terminaient  par  une  longue  queue 
qui  retombait  sur  l'épaule  droite  '*. 

Hellebic.  Voy.  Hallebic. 

Héminag'e.  Droit  prélevé  en  nature  par  le 
seigneur  sur  le  blé  vendu.  Il  était  ainsi  nommé 
des  mots  mine  ou  hémine  qui  désignèrent  pendant 
plusieurs  siècles  la  mesure  la  plus  utilisée  pour 
les  grains  ^ . 

On  écrivait  aussi  éminage. 

Hémineurs.  Voy.  Mesureurs. 

Hennapiers.  Voy.  Hanapiers. 

Hénoards.  Voy.  Porteurs  de  sel. 

Hénouars  et  Hénouarts.  Noms  que 
l'ordonnance  de  février  141.5  et  celle  dite  des 
Banaières  (1467)  donnent  aux  porteurs  de  sel. 

Hérauts  d'armes.  Le  roi  d'armes  se 
nommait  toujours  Montjoie-Saint-Denis.  Les 
hérauts  d'armes  portaient  le  nom  de  diverses 
provinces.   Trabouillet  décrit  ainsi  leur  office  : 

«  Le  Roy  et  les  hérauts  d'armes  sont  vêtus  aux 
cérémonies  de  leurs  cottes  d'armes  de  veloiu's 
violet  cramoisi,  chargées  devant  et  derrière  de 
trois  fleurs  de  lis  d'or,  et  autant  sur  chaque 
manche,  où  le  nom  de  leur  province  est  écrit  en 
broderie  d'or.  De  plus,  le  roy  d'armes  Mont-joie 

1  Voy.  ci-dessu.s  le.^.  articles  Fers  du  roi  et  Hauban. 

2  Dans  YonieLnon,  Érlits  et  orilonnnances,  t.  I,  p.  1128. 
•t  Voy.  page  104. 

''■  Knn/rlopé'lic  métlii>iliiiiii\    iiiaiiufaclures.  t.   I.  p.  SS. 
'<>  Cnrtulnire  île  Sniiit-Pérc  ilr  (Viarire.s.  t.  I,  p.  (IXI.I\  . 


384 


HÉMUTS  DARMES  —  HERCULES 


Sainl-Denis,  met  une  couronne  roïale  au  dessus 
de  ces  fleurs  de  lis.  Ils  portent  une  toque  de 
velours  noir,  ornée  d'un  cordon  d'or,  et  ont  des 
hrodequins  pour  les  cérémonies  de  paix  et  des 
bottes  pour  celles  de  guerre.  Ils  sont  revêtus,  aux 
p..nipes  funèbres  des  rois  et  des  princes,  par 
dessus  leur  cotte  d'armes,  d'une  longue  robe  de 
deuil  (rainante,  et  tiennent  un  bâton,  dit  caducée, 
couvert  de  velours  violet  et  semé  de  Heurs  de  lis 
d'or  en  broderie.  Ils  portent  aussi  la  médaille  du 
Roy  pendue  au  col. 

»  Les  poursuivans  d'armes,  quoi  qu'ils  soieni 
liabillés  presque  de  même  façon,  ne  portent  point 
de  bàlon,  n'ayant  rien  à  commander,  et  n'étant 
que  comme  les  aides  des  liéraults  d'armes. 

»  Leur  fonction  ^  est  d'aller  dénoncer  la  guerre. 
et  sommer  les  villes  de  se  rendre  ;  de  publier  la 
paix  ;  d'assister  aux  sermens  solennels,  aux 
Étals-généraux,  aux  juremens  de  paix  et  aux 
renouvellemens  d'alliance  :  au  sacre,  où  ils 
font  largesse  au  peuple  de  pièces  d'or  et  d'argent  ; 
de  se  trouver  aux  pompes  funèbres  des  rois,  des 
reines,  des  princes  et  des  princesses  du  sang. 

»  Ils  marchent  devant  le  Roj,  lorsqu'il  va  à 
l'oil'rande  le  jour  de  son  sacre.  Ils  assistent  aux 
mariages  des  rois  et  des  reines,  aux  cérémonies 
des  chevaliers  du  Saint-Esprit,  aux  festins 
royaux,  comme  aussi  aux  baptêmes  des  Enfans 
de  France,  où  ils  font  largesses  de  pièces  d'or  et 
d'argeul.  .\ux  obsèques  des  rois,  dans  la  chambre 
(hi  lit  «le  parade  où  le  corps  du  défunt  ou  son 
effigie  paniît,  il  y  a  toujours  deux  liérauts 
d'armes,  fjiii  se  lieiuienl  jour  o[  nuit  au  pied  du 
lit  (le  parade,  et  qui  présentent  le  goupillon  aux 
princes,  prélats  et  autres  de  la  qualité  requise 
qui  viennent  jeter  de  l'eau  bénite.  Ils  font  aussi 
d'autres  fonctions  aux  funérailles  -  ». 

Herbières.  Récolteuses,  vendeuses  d'her])es. 

Herboristes.  La  Taille  de  1292  cite 
7  trhi'-rs,  qui-  l'un  peut  considérer  comme  les 
aii<-»Hres  de  nos  herboristes.  A  celle  époque,  on 
h's  voyait  parfois  attirer  la  foule  dans  les  carre- 
frtuiN,  autour  d'un  tapis  bariolé,  et  débiter  h'urs 
simple-;  à  gniud  renfort  de  hâbleries  •''. 

Ils  ne  se  bornaient  pas  à  cela,  car  les  statuts 
d»'  la  I-'acullé  (h-  iiiédcriiie  en  1281  et  le  concib' 
d'.\vigiioii  en  VXM  s'élevèrent  contre  l'ingé- 
rtMKM- (Ifs  apothicaires  et  des  herbiers  dans  l'art 
iihmIIchI.  Ils  iiiti-rdireiit  à  ces  derniers  d(;  visiter 
iiuciiii  malade,  iiKinie  de  fournir  aiiciiii  rcnK'dc 
altérant  ou  laxatif  sans  ordonnance  de  médecin  *. 
N'Mis  n'en  voyons  pas  moins  Perronnellc. 
riierbière,  appelée  en  ctmsultalion  •"'  de  Paiis  à 
(ionllnns  par  la  c.onilcsse  Mahaut  d'.\rt()is  ".  La 
«•rporalion,  si  bien  sontenue,  empiète  de  plus 
en  pins  sur  le  domaine  médical.  .Vu  quatorzième 


•  C'i'll»»  fil"»  liérniiLs  d'nrmps. 

'  Trnliouilict,  J^lal  itt  la  Frante pour  17 É2,  l.  I,  p.  r>7(). 

•''  Hililiolli.  iiiitionnlc,  ninnu.scht  français  n»  163."), 
r»  80.  Voy.  nu-H-si  \.  JubinnI,  Œiirres  de  liiilebeiif  I  II' 
r-  f>J."<   •    III.  p.  182.  '' 

\'>y.  ('•\\"n\'-\,  Ktxni  historique  mir  In  iiirilirliir   i.    X'^H 

^  .Xiiiif."  i:jMt.  '  ' 

«.I M    H„I,.M,I    Mahaul,  comtesse  'fAr/ois,  p.  155. 


siècle,  les  herbiers  ne  se  contentent  pas  de 
débiter  des  simples,  une  ordonnance  d'août  1IJ53 
leur  reconnaît  le  droit  de  préparer  des  emplâtres 
et  des  clystères  ;  on  leur  demande  seulement 
d'administrer  ceux-ci  «  bien  et  loyaumenl  »,  et 
d'avoir  toujours  dans  leur  officine  du  «  sucre 
bon  et  convenable  ^  ».  Ils  restaient  d'ailleurs 
dans  la  dépendance  de  la  Faculté,  puisque,  avant 
d'exercer,  ils  devaient  prêter  serment  entre  les 
mains  du  doyen  '^. 

Ce  serment  fut  supprimé  ;  mais,  au  dix-hui- 
tième siècle  encore,  les  herboristes  n'étaient 
admis  à  exercer  qu'après  avoir  «  été  examinés 
sur  la  connoissance  des  plantes  et  racines  qui 
sont  en  usage  dans  la  médecine  •'  ».  U Almanach 
IJaitphin  cite  les  deux  principaux  herboristes 
établis  à  Paris  en  1777  : 

«  Favier,  botaniste  suisse,  rue  Baillette  ^.  tient 
assortiment  considérable  de  plantes  balsamiques 
de  Suisse,  propres  à  la  guérison  de  plusieurs 
sortes  de  maladies. 

GiLLOT  fEdme),  rue  de  l'Arbre-Sec,  au  coin 
de  celle  Baillette,  distribue  à  un  prix  modique 
la  plante  que  les  botanistes  nomment  thlarpi  ^ 
champêtre,  qui  délivre  absolument  et  sans  retour 
de  l'incommodité  des  punaises  ». 

Pendant  longtemps,  le  mot  arboristes  a  dési- 
gné tout  à  la  fois  les  pépiniéristes  et  les  herbo- 
ristes. Ces  derniers  sont  encore  dits  parfois 
coupeurs  de  racines,  cueilletirs  cP herbes,  etc. 

Hercules.  Dans  les  théâtres  forains,  person- 
nages qui  avaient  la  spécialité  des  tours  de  force. 

Celui  qui  s'exhiba  en  1714  à  la  foire  Saint-Lau- 
rent paraît  n'avoir  guère  été  surpassé,  au  moins 
pour  la  hâblerie.  D'une  main,  il  soulevait  et 
tenait  suspendu  en  l'air  un  cheval  et  son  cava- 
lier. Il  s'étendait  entre  deux  chaises,  la  tête  sur 
l'une,  les  talons  sur  l'autre,  et  ainsi  placé,  il 
su[)portait  sur  son  ventre  cinq  ou  six  hommes 
fort  lourds.  On  lui  mettait  sur  la  poitrine  une 
enclume  pesant  600  livres,  et  sur  laquelle  deux 
maréchaux  brisaient  une  épaisse  barre  de  fer. 
Deux  chevaux  attelés  à  sa  personne  ne  pouvaient 
le  faire  bouger.  Le  propectus  que  je  copie  '' 
ajoute  :  «  et  en  cas  que  l'on  dise  que  les  chevaux 
que  l'on  attache  peuvent  estre  instruits  à  ne  pas 
tirer,  les  personnes  de  qualité  ([ui  en  ont  de 
vigoureux  peuvent  les  faire  venir  pour  s'en  servir 
et  oster  tout  soupçon  ».  Notez  que  tous  ces  enga- 
gements étaient  pris  <.<  par  permission  du  Roi  et 
de  monsieur  le  lieutenant  général  de  police  ». 

Je  mentionnerai  encore  l'hercule  qui  attirait 
la  foule  chez  Xicolet  en  1782.  Il  soutenait  sur 
son  dos  le  poids  d'inie  table  cliargée  de  dix-sept 
hommes,  dniil  un  gi'anl  de  dix-sept  pieds  et 
demi  :  jjhis  lai'd.  le  géfint  fut  remplacé  par  trois 
lionnues  de  taille  oi'diuaire.  ce  qui  porta  à  vingt 


'  Dans  I''oiiliiii(in 
2  Clu.mel,  p.  i:n. 
•"•  Abbù  .laubert,  t.  II,  j 
i  \\w  Hail!<-t. 
•'  Sans  cloute  li-  thiaspi. 
'"     Hibliolhèquc     Mazarine 
j2''  pièce. 


Eilils  et  ordonnances 
393. 


IV 


p.   1139. 


recueil    ii"    A     15561 


HERCULES  —  HERNIAIRES 


2Sl 


le  nombre  des  individus  en  équilibre  sur  la  la])lt\ 
Le  chirurgien,  J.-J.  Sue,  «rrand-père  du  roman- 
cier ,  crut  devoir  conduire  ses  élèves  chez 
Nicolel  pour  leur  faire  admirer  la  structure  de 
cet  athlète  * . 

Il  paraît  que  les  femmes  fournissaient  aussi 
des  hercules.  Un  ^uide  de  1707  fait  fin;nrer  les 
FEMMES-FORTKS  parmi  les  bateleurs  qui  émerv<'il- 
laient  alors  Paris.  On  les  voit,  écrit-il,  porter  des 
poids  de  cent  jusqu'à  deux  cents  livres  avec  leurs 
cheveux  ;  marcher  nus  pieds  sur  des  charbons 
ardents  ou  sur  du  fer  ciiaud  ;  «  enqjoigner  ù 
main  nue  des  barres  de  fer  rouge  et  endurer 
dans  la  bouche  du  plomb  fondu,  en  se  frottant 
auparavant  les  pieds,  les  mains  et  la  bouche  d'une 
huile  et  autres  liqueurs  d'une  composition 
incombustible.  On  les  voit  pour  le  même  prix  et 
aux  mêmes  endroits  que  les  marionnettes  ^  ». 

V03'.  Bateleurs  et  Femmes  à  barbe. 

Herniaires.  La  réduction  des  hernies  fut 
durant  bien  longtemps  réservée  aux  inciseurs, 
qui,  avant  le  seizième  siècle,  avaient  déjà  fait 
une  étude  assez  sérieuse  de  cette  affection.  Dès 
1556,  on  en  trouve  huit  espèces  différentes  de 
hernies  décrites  dans  un  volume  ■*  publié  par  1«; 
plus  savant  anatomiste  de  France  après  Paré, 
Pierre  Franco,  qui  n'était  pas  chirurgien,  pas 
même  barbier,  mais  simple  inciseur.  Au  siècle 
précédent,  Marco  Gatinaria,  médecin  de  Pavie, 
s'était  appliqué  à  la  cure  des  hernies,  et  il  célèbre 
les  heureux  effets  des  brajers  que  fabriquait  un 
forgeron  de  ses  amis. 

Brayer  était  alors,  et  resta  jusqu'au  dix-hui- 
tième siècle,  le  nom  donné  aux  bandages  her- 
niaires ;  et,  comme  leur  armature  était  revêtue 
de  peau  de  chamois,  les  ouvriers  employés  à 
cette  fabrication  faisaient  partie  de  la  corporation 
des  boursiers.  En  vertu  d'une  fondation  spéciale, 
les  religieux  du  couvent  des  Grands-Augustins, 
situé  sur  le  quai  de  ce  nom,  distribuaient  pour  rien 
des  bra^'ers  aux  pauvres  gens  affligés  de  liernies. 

Celles-ci  furent  d'abord  appelées /;a;y«É'5.  «  Ce 
mot  de  hargne,  écrit  And)roise  Paré,  a  esté  donné 
à  ceste  maladie,  parce  que  ceux  qui  en  sont  vexez, 
par  la  douleur  qu'ils  sentent,  coustumièrement 
sont  hargneux  ,  c'est-à-dire  mal-plaisans  et 
criars  *  ».  Ménage  nous  apprend  que  «  plusieurs 
disent  hargne^  mais  le  bel  usage  est  pour 
hergne  ^  ».  Furetière,  en  1701,  veut  que  l'on 
écrive  hernie  et  que  l'on  prononce  hergne  ^.  Enfin, 
suivant  le  Dictionnaire  de  Trécoux  en  1771, 
«  on  dit  hernie  et  jamais  hergne  '^  ». 

Vers  la  fin  du  dix-septième  siècle  un  sieur 
Trimont  de  Cabrières,  prieur  de  Saint-Geniès 
de  Malgoires,  confia  à  Louis  XIV  un  remède 
infaillible  pour  la  guérison  des  hernies.  Il  con- 
sistait tout  simplement  en  un  mélange  d'esprit 

1  É.  Campardon,  Les  spectacles  de  la  foire,  t.  I,  p.  396. 

2  Jèze,  État  de  Paris,  édit.  de  1757,  p.  179. 

3  Petit  traite'  contenant  une  des  parties  de  la  chirtirijie, 
laquelle  les  cliirurr/iens-lierniers  exercent. 

i  Œuvres,  p.  303. 
o  Dictionnaire  étymologique,  ji.  398. 
6  Dictionnaire  universel,  au  mot  Hernie. 
'  Tome  IV,  p.  804. 


de  sel  '  et  de  vin  rouge,  dont  on  stimulait  l'action 
par  l'emploi  d'emplâtres  astringents.  Le  roi 
s'était  engagé  à  ne  révéler  la  composition  de  ce 
spécifique  qu'après  la  mort  du  prieur  ;  il  le  pré- 
parait donc  de  ses  propres  mains,  afin  d'en  fournir 
aux  malades. 

«  Ce  fut  [)iiur  lors,  écrit  Dionis-,  (ju'im  dé- 
couvrit combien  de  gens  étoient  affectés  de 
descentes,  par  le  grand  nombre  de  ceux  qui 
venoient  demander  ce  remède.  On  s'adressoit  au 
premier  valet  de  chandjre  du  Roy  en  quartier, 
on  lu  y  donnoit  un  pflit  billet  de  l'âge  de  celui  ou 
de  celle  qui  avoit  besoin  du  remède.  Quelques 
jours  après,  on  retournoit  quérir  un  pi-lil  panier 
d'ozier,  dans  lequel  il  y  avoit  trois  bouteilles  de 
chopine  chacune  pleine  de  vin  mélangé,  dont 
on  prenoit  pendant  vingt  et  un  jours.  Il  y  avoit 
aussi  dans  ce  panier  des  emplâtres  convenables 
et  particuliers  à  cette  maladie.  De  ceux  qui  ont 
pris  ce  remède,  les  uns  ont  assuré  d'en  avoir  été 
guéris  ou  soulagez,  les  autres  ont  dit  qu'il  ne 
leur  avoit  rien  fait.  Je  conseilleray  néanmoins 
de  s'en  servir,  car  quoique  le  bandage  aidé  de 
l'emplâtre  astringent  suffise  souvent  pour  la 
cure  de  cette  infirmité,  il  est  vray  toutefois  que 
l'esprit  de  sel  mêlé  dans  le  vin  ne  peut  faire  que 
du  bien  ». 

N'en  déplaise  à  Dionis,  ce  remède  devait  être 
tout  aussi  efficace  que  celui  dont  certains  char- 
latans préconisaient  l'emploi,  et  qui  consistait  à 
«  fendre  un  chêne  et  faire  passer  trois  fois  le 
malade  dedans  ^  ». 

Les  statuts  accordés  aux  cliirurgiens  en  1699 
et  en  1768  réglèrent  la  condition  des  membres 
de  la  communauté  qui  se  consacraient  spécia- 
lement à  la  cure  des  hernies.  Les  statuts  de  1768 
leur  défendent  de  prendre  tout  autre  titre  que 
celui  (ï experts-herniaires.  Pour  être  admis  à 
exercer,  ils  devaient  avoir  servi  pendant  deux 
ans,  soit  chez  un  chirurgien,  soit  chez  un  expert 
herniaire,  et  subir  deux  examens  au  collège  de 
chirurgie  en  présence  du  do^'en  de  la  Faculté  de 
médecine.  En  1699,  ils  ne  pouvaient  «  faire 
aucune  opération  ni  incision,  mais  seulement 
l'application  des  bandages  »,  interdiction  stipulée 
d'une  manière  moins  formelle  dans  les  statuts 
de  1768. 

Il  y  avait  à  Paris  en  1760  trois  chirurgiens 
faisant  de  la  cure  des  hernies  leur  spécialité,  et 
dix-sept  experts-herniaires  reçus  à  Sainf-Côme, 
parmi  les([uels  on  remarque  deux  «  demoiselles  *  ». 
Les  plus  habiles  d'entre  eux  sont  signalés  en  ces 
termes  dans  un  ouvrage  publié  en  1777  "  : 

<<  Brogn.vri),  rue  de  la  Vieille-Monnoye.  — 
Inventeur  de  nouveaux  ])andages  élastiques  très 
doux  et  très  commodes. 

Dhiribaren,  rue  de  la  Harpe.  —  Elève  du 
sieur  Sorray  ^,   est  connu  avantageusement  par 


'  Acido  ctilorhydriqiie. 

2  Opérations  de  chirurgie.,   p.  269. 

•'*  J.-B.  Ttiiers,  Traité  des  superstitions,  t.  I,  p.  383. 

i  Jèze,  État  de  la  ville  de  Paris,  etc.,  édit.  de  1700,  p.  5. 

=>  Almanacli  Dauphin  pour  1777. 

6  Je  le  trouve  nommé  ailleurs  Sorraiz,  et    'jualifié   de 
«  chirurgien  espagnol  ». 


25 


38G 


HERNIAIRES  —  HONGROYEURS 


une  nouvelle  niétliotle  concernant  la  forme  et 
construction  des  bantiagres  propres  à  la  guérison 
(les  hernies. 

JijviLLE,  r7ie  des  Fossés-S'iint-Gfrmuin  VAu- 
xerrois,  vis-à-vis  la  colonnade  du  Louvre.  — 
Indépendamment  des  différens  bandantes  dont  il 
lait  usage,  il  donne  avis  qu'il  vient  d'en  inventer 
un.  d'une  nouvelle  construction,  pour  les  hernies 
ventrales  et  ombilicales,  dont  la  méchanique,  qui 
est  très  simple,  n'a  pas  une  ligne  d'épaisseur. 

Marchais,  carrefour  de  V École.  — Chirurgien 
en  charge  de  Mgr  le  comte  de  Provence,  expert 
pour  les  descentes. 

Rose,  rue  Saiiite-Margucriie,  i'auxituurg  Saint- 
Germain.  —  Expert  reçu  à  l'école  de  chirurgie, 
un  des  plus  habiles  pour  la  construction  des 
Ijandages  élastiques  pour  la  guérison  des  hernies 
uu  descentes  ». 

Herniers  «i  Hernistes.  .Même  sens  que 
Herniaires. 

Herpeurs.  \ Ov.  Haï-peurs. 

Heures.  Dans  le  Lirre  des  métiers  et  dans 
les  ordonnances  du  moven  âge,  les  heures  sont 
souvent  rlésignées  par  les  sonneries  des  églises  et 
(les  couvents. 

.\u  Irei/ième  siècle,  les  clociies  sonnaient  : 

Mntines,  à  minuit. 

Jjinul^s.  à  trois  heures  ibi  malin. 

l'riiiie,  il  six  heures. 

Tierce,  h  neuf  heures. 

Sexir.  à  midi. 

\<i/ie,  à  trois  heures. 

lèpres,  à  six  heures. 

Complies^,  à  neuf  heun-s. 

("étaient  là  les  heures  canoniales  observées 
partout.  Mais  il  y  avait,  en  outre,  dans  chaque 
église,  dans  chaque  couvent,  d'autres  offices 
annoneés  aussi  par  le  son  des  cloches,  et  dont 
riii-un-  était  bien  c(jnnue  des  liabitants  du  quar- 
li<T.  On  les  munnut  un  peu  plus  tard  les  petites 
heures.  Le  samedi,  par  exemple,  les  fileuses  de 
suie  cessaient  leur  travail  en  hiver  à  six  heures, 
et  en  été  «  puis  que  le  ausmone  estsonée  à  Saiul- 
Marlin  des  (ihamps*  >..  Les  meuniers  ne  devaient 
pas  uKiudre  le  dimanche  depuis  '<  que  li  eaue 
iieiKtile  of  faite  à  Sainl-Lieirov  ^  dessi  iiddiil  * 
qiK-  l'on  sDiic  vespre  •"'».  dette  bénédirlioii  de  T. •au 
'■"I   "> 'rémniiic  (|ui  préci-dc  hi   «i-i'aiHrni.'ssc. 

Tliiiuiniors.  \nv.  Heaumiers. 

Hieurs.  La  liir  est  un  «  jijlldi  d,.  buis  (jui 
srrl  a  riifuiiccr  (h's  pavés  uu  des  pilotis,  cl  qui 
se  nomme  aus>i  deimiselle  dans  le  premier  de 
ces  deux   tivnges,   p(  „,û„ion  dans  le  second  "  ». 


'      N  i.i_)  .    lllU.--    l•|■.^     lllul.s. 

'  Litrt  dtt  métiert,  tiln-  XX.W  ,  mi.  :i. 
^  U  ohnpi'l!.-  Sninl-lA'ufroi,  siu,,.,-  •,  IViiliw  du  P.jut- 
ati-Clinnf»!'. 

*  Ju!«(|llVl   00. 

S  l.irrt  des  métiers,  titre  H,  ail.  3. 

*  I.itln-,  Dirlionnaire. 


Celui  qui  s'en  sert  est  un  hieur  *.  "Le  Journal  d'' un 
bourgeois  de  Paris  sous  Charles  VI  raconte  qu'en 
1413,  lorsque  l'on  commença  la  construction  du 
pont  Notre-Dame,  le  roi  «  frappa  de  la  hie  sur 
le  premier  pieu  et  le  duc  de  Guienne,  son  aisné 
fils  après...  -  ». 
Vov.  Sonneurs. 

Historieurs.  Nom  souvent  donné  aux 
enlumineurs.  Aux  treizième  et  quatorzième 
siècles,  les  livres  illustrés,  ornés  de  miniatures, 
étaient  dits  historiés. 

Hommes  (Marchands  d').  Yoy.  Recru- 
teurs . 

Hom.m.es  d'affaires.  «  Agents  des  riches 
bourgeois  qui  ne  peuvent  ou  ne  veulent  pas  se 
donner  la  peine  qu'exige  d'eux  la  culture  des 
biens,  ou  qui  n'ont  pas  assez  d'intelligence  pour 
faire  valoir  leurs  terres  ».  Ce  mot  était  donc  alors 
synonyme  de  régisseitr.  L'abbé  Jaubert,  à  qui 
j'emprunte  cette  définition  ajoute  :  «  L'homme 
d'affaires  fait  à  peu  près  les  mêmes  fonctions 
chez  le  bourgeois  que  l'économe  ou  le  procureur 
dans  les  monastères,  et  l'intendant  dans  les 
Grandes  maisons  •'  ». 

o 

Voy.  Agents  d'affaires. 

Hom.m.es  de  cliam.bre.  Voy.  Valets 
de  chambre. 

Hom.mes  de  confiance.  Voy.  Domes- 
tiques. 

Hommes  de  peine.  Ils  apparlenaient  à  la 
classe  àe^  (iagne-de>iiers'^ ,  et  avaient  pour  patron 
saint  Christophe. 

Hongrieurs.  Voy.  Hongroyeurs. 

Hong'royeurs.  L'art  de  hongroyer  le  cuir 
serait,  dit-on,  originaire  du  Sénégal  ;  il  aurait 
été  apporté  en  Europe  vers  le  milieu  du  seizième 
siècle  par  un  sieur  Boucher,  fils  d'un  tanneur  de 
Paris.  Nous  voyons  cependant,  un  peu  plus  tard, 
Henri  IV  envoyer  en  Hongrie  un  habile  tanneur 
nommé  Roze  ou  Larose,  pour  retrouver  ce  secret, 
qui  sans  doute  avait  été  perdu. 

Aussitôt  de  retour.  Rose  établit  une  manu- 
facture (le  cuirs  hongroyés,  mais,  comme  beaucoup 
d'autres  créations  de  ce  genre,  celle-ci  ne  paraît 
pas  avoir  survécu  au  règne  de  Henri  IV. 

En  etfet,  par  lettres  patentes  du  5  juin  lôfifi, 
Louis  XIV  accorda  à  un  sieur  Bonnet  le  privi- 
lège de  ce  procédé  de  tannage,  «  à  cliarge  par 
lui  de  faire  des  apprentifs  pour  rendre  le  secret 
public  après  douze  années  ;  lesquels  apprentifs 
seront  receus  et  admis  aux  maistrisesde  tanneurs 
et  corroyeurs  dans  les  formes  ordinaires  ».  C'est 
au  mois  de  novembre  1680  (pie  la  nouvelle  com- 
munauté reçut  ses  statuts.  Elle  était  composée 
si'ulcmciil  (je  douz(!  maîtres  appelés  hongrieurs. 


'   I)uc;in{Ti%  G lossarium ,  au  mut  Itiiilnr. 
~  Éiiil.  Tucley,  p.  31. 

3  Al)l)c  .laiibert,  Dictionnaire,  t.  II,  pi  396. 
*  \  ov.  ce  mot. 


HONGROYEURS  —  HORLOGERS 


387 


«  Les  douze  maîtres  hongrieurs,  dit  l'article  l^'', 
élaboiirreront,  appareilleront  et  passeront  les  cuirs 
en  la  véritable  manière  de  Hon|j^rie  ».  {]liacun 
d'eux  put  avoir  à  la  fois  quatre  apprentis,  dont 
le  service  était  fixé  à  quatre  ans  et  devait  être 
suivi  de  deuxansdecompa<^nonna<j;'e.  L'article  10 
statue  que  «  le  sel  de  morue  nécessaire  pour 
perfectionner  le  cuir  de  Honn;rie  sera  déposé  dans 
un  g'renier  à  part,  et  fourni  de  temps  en  tem|)s 
aux  jurés  honij^rieurs.  Deux  jurés  administraient 
la  communauté,  dans  laquelle  pouvaient  être 
incorporés  les  maîtres  tanneurs,  qui  prirent  dès 
lors  le  titre  de  tanneurs-hongroyeAii's. 

En  1698,  une  manufacture  s'établit  à  vSaint- 
Cloud,  près  Paris.  P]lle  se  transporta  ensuite  dans 
le  faubour'»;'  Saint-Antoine  ;  mais  les  jardiniers 
du  voisina<i,-e  prétendirent  que  des  eaux  polluées 
sor  tant  de  la  fabrique  contaminaient  leurs  léo;umes. 
Il  fallut  donc  déméuao;'er  encore.  Cette  fois,  le 
métier  trouva  asile  à  Saint-Denis,  et  tous  les 
produits  qui  en  sortirent  portaient  ces  mots 
imprimés  en  creux  :  manufacture  royale  de  cuir 
de  Hongrie  de  Saint-Denis. 

En  1716,  les  bourreliers  obtinrent  le  droit  de 
hong'royer  les  cuirs  dont  ils  se  servaient.  Peu 
après,  la  fabrication  fut  déclarée  libre  ^ . 

Les  liongroyeiirs  s'étaient  placés  sous  le  patro- 
nage de  sainte  Elisabeth. 

Honouarts.  Voy.  Porteurs  de  sel. 

Hôpital-Général  (Maitre.s  de  l').  En 
vertu  de  Tarticle  55  de  l'édit  d'avril  1658,  chaque 
corporation  était  tenue  de  fournir,  lorsqu'elle  en 
était  requise,  deux  compagnons  pour  enseigner 
leur  métier  aux  enfants  élevés  dans  cet  hôpital. 
Après  six  ans  de  séjour,  ces  compagnons  rece- 
vaient des  lettres  de  maîtrise,  sur  un  certificat 
signé  des  administrateurs. 

Hoquetonniers.  Faiseurs  de    hoquetons. 

On  appelait,  au  treizième  siècle,  hoqueton, 
auqueton,  gambeson,  gambaison  ou  cotte  gam- 
baisée  le  doublet^  destiné  aux  hommes  d'armes. 
Il  se  portait  sous  le  haubert  ou  cotte  de  mailles 
et  était  fortenient  rembourré  de  ouate.  C'est  même 
de  là  qu'il  tirait  ses  différents  noms  ;  gambois  ou 
gambais  en  vieux  français  signifiaient  bourre,  et 
les  statuts  donnés  aux  pourpoinliers  en  juin  1323 
leur  enjoignent  de  mettre  au  moins  trois  livres 
de  coton  dans  chaque  hoqueton.  Le  hoqueton, 
toujours  piqué  et  rembourré,  devint  par  la  suite 
un  vêtement  de  dessus  à  l'usage  des  militaires  et 
des  civils,  des  femmes  comme  des  hommes. 

La  Taille  de  1292  mentionne  quatre  aiique- 
tonniers,  les  recensements  de  1300  et  de  1313  n'en 
citent  aucun,  probablement  parce  que  cette  petite 
communauté  était  déjà  réunie  soit  aux  coute- 
pointiers,  faiseurs  de  couvertures  piquées,  soit 
aux  pourpointiers. 

Voj.  Tailleurs. 


1  Jaubert,  Dictionnaire,  t.  II,  p.  397.  —  Lalamle, 
Art  (le  r honijroijeur ,  dans  .I.-E.  Bertrand,  Description  des 
arts  et  métiers,  t.  III,  p.  380.  —  J.  (^uiclierat,  Histoire 
du  costume,  p.  447. 

2  Yoy.  ci-dessus  lart.  Doubleliers. 


Horlogers.  Le  roi  (Charles  V,  qui  possédait 
un  salilier  et  (rois  liorloges  *,  eut,  vers  1370, 
l'ich'e  d'établir  au  centre  même  de  Paris,  dans 
une  des  tours  du  Palais,  une  jurande  horhjy-e 
sonnante  qui  put  fournir  l'heure  à  toute  la  viRe. 
Mais  il  n'existait  alors  en  France  aucun  ouvrier 
capabb;  de  UKîuer  à  Ijien  un  tel  travail.  Le  roi 
appela  donc  d'Allemagne  un  liabile  liomme 
appelé  Henri  de  Vie  ;  il  le  logea  dans  la  tour 
même  et  lui  accorda  six  sous  parisis  par  jour 
pour  ses  honoraires.  Henri  de  Vie  employa  huit 
années  pour  parfaire  son  œuvre,  dont  l'historien 
Froissart  nous  a  conservé  la  description  ^. 
Quelque  grossier  qu'en  fût  le  mécanisme,  les 
résultats  qu'il  donna  excitèrent  un  vérital)le 
enthousiasme,  et  Charles  V  fit  construire  de 
semblal)les  horloges  au  château  de  Vincennes 
qu'il  venait  d'achever,  et  à  l'hôtel  Saint-Paul, 
vaste  résidence  où  il  allait  oublier  les  soucis  de 
la  royauté. 

La  construction  des  horloges  reçut  d'im- 
portants perfectionnements  durant  le  seizième 
siècle,  époque  où  l'on  vit  apparaître  les  réveils  et 
les  montres.  Jusque-là,  la  fabrication  des 
instruments  destinés  à  mesurer  le  temps  était 
restée  libre,  mais  elle  s'était  tout  naturellement 
concentrée  entre  les  mains  de  quelques  ouvriers 
habiles  à  travailler  les  métaux.  On  lit,  en  effet, 
dans  les  Comptes  de  l'hôtel  ^,  à  la  date  de  1380  : 
«  A  Robert  d'Oregny,  fèvre  ^,  pour  appareiller 
l'oreloge  du  Roy  qui  estoit  despécié,  16  s.  p.  »  ; 
et  dans  un  compte  de  1407  :  «  A  Jehan  d'Ale- 
maigne,  serrurier,  pour  un  mouvement  ou  petite 
orloge  acheté  de  lui  pour  mettre  en  la  chambre 
de  Madame  ^. 

En  1544,  sept  industriels  qui  avaient  fait  de 
la  fabrication  des  horloges  leur  spécialité,  présen- 
tèrent requête  à  François  l^'',  le  suppliant  de  les 
constituer  en  communauté.  Ils  exposaient  au  roi 
combien  il  était  nécessaire  «  pour  le  bien  public, 
qu'il  y  ayt  personnages  expers,  cognoissans  et 
sachans  seurement  l'ouvrasse  etbesoyfue  ou  art  et 
mestiers  de  l'orlogeur,  et  qu'ilz  facent  iceulx 
ouvrages  de  bonnes  matières  et  étoffes  ".  » 

Des  lettres  patentes,  datées  de  Saint-Maur-des- 
Fossés  et  accordées  au  mois  de  juillet,  donnèrent 
ainsi  satisfaction  à  la  demande  des  horlogers  : 

La  durée  de  l'apprentissage  était  fixée  à  six 
ans. 

Chaque  maître  ne  pouvait  avoir  à  la  fois  plus 
d'un  apprenti.  Il  lui  était  cependant  permis  d'en 
prendre  un  second  quand  le  premier  avait  achevé 
sa  quatrième  année  d'apprentissage. 

Avant  d'engager  un  apprenti  ou  un  ouvrier 
ayant  déjà  servi,  il  fallait  s'assurer  que  leur 
dernier  maître  n'avait  pas  eu  à  se  plaindre  d'eux. 

Tout  compagnon,  avant  d'être  admis  à  la 
maîtrise,  devait  parfaire  le  chef-d'œucre.  Les  fils 


1  Inventaire  des  meubles  de  Charles   V,    n^^  2120,    2332 
et  3067. 

2  Voy.  A.  Seheler,  Poésies  de  Froissart,  t.  I,  p.  58. 

3  Publiés  par  Douët-d'Arcq,  p.  176. 

4  Terme   générique   qui   désignait    tous   les   ouvriers 
travaillant  les  métaux. 

5  De  Labordo,  Xotice  des  émaux,  t.  II,  p.    41.">. 

6  Matières  premières. 


388 


HORLOGERS 


(le  maître  étaient  astreints  seulement  a  1  expé- 
rience, épreuve  beaucoup  moins  compliquée. 

Tout  maître  devait  tenir  «  boutique  et 
ouvrouer  *  ouvert  répondant  sur  rue  ». 

Les  maîtres  pouvaient  seuls  «  faire  horloges  ou 
réveils  matin,  montres  grosses  ne  menues,  et 
autres  ouvrages  dudil  mestier  d'orlogeurs  ». 

Chaque  maître  était  tenu  d'appliciuer  sur  tous 
les  objets  fabriqués  par  lui  une  marque  spéciale 
et  personnelle. 

La  corporation  était  administrée  par  deux 
jurés,  élus  pour  deux  ans. 

Ces  premiers  statuts  furent  confirmés  sans 
cliangements  par  Charles  IX  en  novembre  1572, 
et  vingt-quatre  ans  après,  le  nombre  des 
hoHogers  établis  à  Paris  était  de  vingt-deux^. 

Dès  le  milieu  du  seizième  siècle,  on  voit  les 
montres  alïecler  les  formes  les  plus  diverses.  On 
les  lit  rondes,  ovales,  hexagonales,  rectan- 
gulaires, sphériques  ;  on  leur  donna  l'apparence 
d'une  coquille,  d'une  étoile,  d'un  livre,  d'une 
olive,  d'un  cœur,  d'une  tleur  de  lis,  d'un  gland, 
d'une  poire,  fl'une  tête  de  mort,  d'une  croix  de 
Malle  ou  d'une  croix  latine  ^.  Bijoux  destinés 
à  faire  partie  de  la  toilette  et  à  rester  en  vue,  on 
eut  des  montres  couvertes  de  iines  miniatures, 
des  montres  de  crislal,  d'argent  émaillé,  de 
vermeil  et  d'or  ''.  I.i's  grandes  dames,  les 
gentilsliommes  porlaii-nt  leur  monire  pendue  au 
cou  [lar  un  cordon  ou  une  chaîne,  et  étalée  sur 
la  poitrine.  Lestoile  raconte,  à  la  date  du  3  mars 
1588,  '<  qu'un  jeune  garson  de  Normandie,  aiant 
fsié  surpris,  (•niipanl  la  monsire  d'orloge  d'un 
gcnlilininimi'.  ((n"il  pdclait  an  col  >>,  fut  aussitôt 
pendu. 

VjW  général,  ces  montres  variaient  à  peu  près 
d'un  quart  d'heure  par  jour.  On  en  fabriqua  de 
>i  pi-lilcs,  que  les  femmes  s'en  servaient  comm»! 
pendants  d'oreilles  ■'. 

l']n  l<i4(i.  les  horlogers  rédigèrent  de  nouveaux 
.sljiluts.  (|ui  leur  furent  acconb's  par  lellres 
patentes  du  20  février. 

Les  maîtres  peuvent  désormais  avoir  autant 
d'apprentis  qu'ils  voudront,  mais  le  nombre  des 
maîtres  est  limité  à  soixante-douze,  et  lorsqu'il 
.se  produit  ime  vacance,  les  fils  de  maître  doivent 
toujours  être  préférés  aux  autres  apprentis. 

La  durée  de  l'apprentissage  est  fixée  à  huit  ans 
au  lieu  (l(^  six. 

pour  »Mre  reçu  maître  avant  l'exjjiration  des 
huit  années,  il  fallait  une  décision  royale.  André- 
Charles  Caroii,  père  de  Beaumarchais,  devint 
ainsi  maître  horloger  sans  avoir  servi  pentlant 
le  temps  voulu  C(uunu!  apprenti.  Dans  la  requête 
qu'il  adressji  nu  roi  p(mr  obtenir  celte  faveur, 
il  lit  valoir  son  litre  d'apostiit.  Il  ébiil  en  elVej 
j»ro|..>|jinl,  comme  son  |)ère  Daniel  Caron.  hor- 
logiT  établi  (I  Lizv-sur-Ourc(|,  et  avait  abjuré  le 


soriélr  lie   l/iis/oire   île    Pc 


«  AtplitT. 

'  ^^>y.  !..  HuUtiui  ,U-  la 
nnn6f  1885,  p.  Iftfl. 

■»  To.il,>s  ro.s  forn..«s  .sont    n.pn.s.nK'.os   .Iniis   la   belle 
.•..ll.-Hion  .1..  n.«ntr.-,H  qu'a  n-uni-  M    p,,,,!  Garnier 

*   \oy.  If  CntaloQ       '     ' 
f\  siiiv. 


ogue  de    la  collection  Sollykoff',    p.    Ul 
J.  Alexandn-,  Traité  général  des  horloges,  p.  239. 


7  rnars  1721.  Beaumarchais  naquit  donc  catho- 
lique d'un  père  protestant  rentré  dans  le  giron 
de  l'Église  ^. 

En  dehors  de  ses  apprentis,  chaque  maître 
pouvait  avoir  un  alloué,  engagé  pour  le  temps  et 
aux  conditions  stipulés  entre  les  parties. 

Un  compagnon  n'était  admis  à  changer  de 
maître  qu'avec  le  consentement  de  celui  qui 
l'employait.  S'il  abandonnait  l'atelier,  il  devait 
sortir  de  Paris,  et  n'y  rentrer  que  trois  mois  après. 

Les  jeunes  gens  ajant  fait  leur  apprentissage 
à  Paris  pouvaient  seuls  aspirer  à  la  maîtrise. 

Nul  ne  doit  être  reçu  maître  qu'après  avoir 
parfait  le  chef-cF œuvre .  La  nature  i\\\  chef-d'œuvre 
est  déterminée  par  les  jurés  assistés  des  anciens  ; 
le  moins  compliqué  qu'ils  peuvent  ordonner  est 
«  une  horloge  à  réveil-matin  ».  On  entendait 
par  horloge  à  réveil-matin  une  montre  sonnant 
l'heure,  la  demie,  et  ayant  en  outre  un  réveil  ^. 

Les  maîtres  ne  doivent  employer  aucun  ouvrier 
travaillant  dans  les  lieux  privilégiés  ^,  à  moins 
que  ces  ouvriers  n'aient  été  reçus  maîtres 
horlogers  de  Paris. 

La  veuve  d'un  maître  est  autorisée  à  continuer 
le  commerce  de  son  mari,  mais  elle  ne  saurait 
avoir  d'apprenti. 

Les  maîtres  «  feront  dire  et  célébrer  une  messe 
tous  les  premiers  dimanches  du  mois,  pour  prier 
Dieu  pour  la  prospérité  du  Roy,  de  la  Royne  et 
de  Messieurs  les  Princes  de  leur  bon  Conseil  ». 

L'Italie  et  la  Hollande  se  partagent  la  gloire 
de  la  grande  découverte  qui  créa  l'horlogerie 
moderne.  C'est  à  Pise,  en  1583,  que  Galilée 
conçut  la  première  idée  du  pendule  ;  c'est  en  1657 
que  Christian  Huygens,  savant  mathématicien 
de  La  Haye,  présenta  aux  Etats  généraux  de 
Hollande  la  première  pendule  qui  ait  été  cons- 
truite. Un  de  ses  compatriotes,  nommé  Fro- 
mentil,  transporta,  peu  d'années  après,  cette 
invention  en  Angleterre  *,  d'où,  perfectionnée 
par  la  découverte  des  propriétés  de  la  cyclo'ide, 
elle  arriva  en  France.  On  posséda,  dès  lors,  sous 
le  nom  de  pendule,  une  horloge  à  peu  près 
parfaite,  aussi  parfaite  que  peut  l'être  une  œuvre 
humaine. 

Les  Martinot  et  les  Bidault  furent  les  chefs 
de  deux  dynasties  d'horlogers  qui,  pendant  un 
siècle  et  demi,  occupèrent  dans  les  galeries  du 
Louvre  les  logements  réservés  par  le  roi  aux 
plus  habiles  artistes  de  Paris.  Un  des  Martinot, 
attaché  à  la  religion  réformée,  quitta  la  France 
après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  et  fonda 
à  Londres  une  maison  qui  devint  célèbre.  En 
1712,  Louis  XIV  avait  pour  horlogers  Louis- 
Henry  Martinot,  Augustin-François  Bidault  et 
Jérôme  Martinot  :  ils  servaient  par  quartier, 
recevaient  395  livres  de  ffag-es,.  dînaient  au 
château   à  la  table  des  valets   de   chambre,  et 


1  \  oy.  L.  (le  Lonu'iiie,  Beniimarchals  et  son  temps,  t.  I, 
Ji.  21  et  siiiv. 

2  Claiule  l^iiillard,  Extraits  des  prindpnux  articles  des 
statuts  des  maîtres  horlogers  de  Paris,  1752,  in-4'',  p.  115. 

3  \o\.  ce  mot. 

*  liOs  prrmière.s  jiondules  qu'on  y  ait  vues   datent  do 
1GG2.  N'oy.  Derliani,  Traité  d'horlogerie,  p.    171. 


hori/kji<:ks  —  horticulteurs 


389 


entraienl  cliez  le  roi  avec  les  premiers  g'entils- 
hommes  de  la  chambre.  Chaque  matin,  pendant 
qu'on  habillait  le  roi,  l'horloger  de  service 
remontait  et  mettait  à  l'heure  la  montre  qu'allait 
porterie  souverain  '. 

Les  26  juillet  1707  et  23  octo])re  1717,  les 
statuts  (les  horl(><>;'ers  avaient  ret;u  quelques 
modifications  sans  importance  ;  ils  furent  renou- 
velés par  lettres  patentes  du  30  mars  1719. 
Leur  principal  objet-  est  de  régler  les  droits 
à  paj'er  pour  l'enregistrement  des  brevets 
d'apprentissage  et  pour  la  réception  à  la  maîtrise. 
Elles  insistent  aussi  sur  la  nécessité  du  chef- 
d'œuvre^  qui  doit  être  exigé  de  tous  les  aspirants, 
même  des  fils  de  maître,  et  qui  consistera 
désormais  à  exécuter  <,<  une  horlo<>-e  à  réveil  ou 
répétition  ».  On  espérait  ainsi  relever  la  fabrica- 
tion française,  que  la  révocation  de  Tédit  de 
Nantes  avait  ruinée  -. 

Vers  1718,  un  savant  industriel  anglais, 
nommé  Henri  Sully,  était  venu  proposer  au 
Régent  d'organiser  chez  nous  une  école  d'hor- 
logerie. Le  duc  d'Orléans  lui  ayant  promis  son 
appui,  Sully  se  rendit  à  Londres,  choisit  une 
cinquantaine  de  bons  ouvTiers,  pa^ya  leurs  dettes 
et  les  amena  à  Versailles.  Ils  furent  installés  rue 
de  l'Orangerie,  dans  un  grand  hôtel  qui  porte 
aujourd'hui  les  numéros  14  et  16^.  Law,  alors 
à  l'apogée  de  sa  faveur,  prit  l'étal )lissement  sous 
son  patronage  ;  Sully  y  fut  logé,  il  y  eut  «  un 
maître  d'hôtel,  des  domestiques,  une  chaise 
roulante,  etc.  *  ».  Dès  le  mois  de  janvier  1719, 
Law  présentait  au  Régent  la  première  montre 
sortie  de  la  nouvelle  manufacture,  dont  le  succès 
semblait  assuré.  Elle  ne  survécut  cependant  pas 
aux  désastres  qui  suivirent  la  chute  de  Law. 
Sidly,  abandonné  par  son  protecteur,  céda  aux 
instances  de  l'ambassadeur  d'Angleterre  ;  il 
retourna  à  Londres  avec  ses  ouvriers,  et  dans  une 
pièce  publiée  vers  1750,  je  lis  encore  cette 
phrase  :  «  Un  cocher  de  fiacre  ne  porteroit  pas  une 
montre  qu'elle  ne  fût  angloise  ^  ». 

Les  horlogers  étaient  alors  divisés  en  trois 
classes  :  les  horlogers-grossiers^  qui  fabriquaient 
les  ouvrages  les  moins  délicats,  tels  que  tourne- 
broches,  grandes  horloges  d'église,  carillons, 
etc.  ;  les  horlogers-penduliers^  et  les  horlogers- 
menuisiers  ;  ces  derniers,  les  plus  habiles  de  la 
corporation,  avaient  la  spécialité  des  montres, 
des  pendules  à  équation,  etc. 

Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nombre 
des  maîtres  était  de  180  environ.  Comme  la 
plupart  des  corporations  appelées  à  travailler  les 
métaux,  celle  des  horlogers  avait  pour  patron 
saint  Eloi. 


1  Trabouillet,  Élat  de  la  France  pour  17 12,  t.  J, 
p.  181  et  270. 

-  Voy.  ei-dessus  l'art.  Édit  de  Nantes. 

3  J.-A.  Lerov,  Histoire  des  rues  de  Versailles,  p.    489. 

4  H.  Sully,  "^Règle  artificielle  du  temps,  édit.  de  1737, 
p.  390. 

^  Voy.  Éd.  Fournier,  Variétés  h'storiçues,  t.  II,  p.  54. 
—  Des  lettres  patentes  datées  de  Versailles,  17  janvier 
1787,  ordonnèrent  la  création  d'une  manufacture  royale 
d'horlogerie  à  Paris.  V.  Isambert,  Anciennes  lois  fran- 
çaises, t.  XXVIII,  p.  313. 


Pendant  tout  le  (li.\.-huitième  siècle,  les  élé- 
gants et  les  grandes  dames  portaient  deux 
montres  ;  souvent,  l'une  était  en  argent,  et 
l'autre  en  or  *.  Au  commencement  du  siècle, 
on  pouvait  se  donner  des  airs  de  petit-maître 
à  peu  de  frais,  en  étalant  sur  le  gilet  le  cordon 
ou  la  chaîne  retenus  dans  les  goussets  par  un 
oljjet  quelconque  ^.  On  dut  ensuite  exhiber  les 
deux  montres  ([ui.  ornées  de  bruyantes  bre- 
loques 3,  pendaient  à  découvert  à  droite  et  à 
gauche,  sur  le  devant  de  la  cidotte  ou  de  la 
jupe  *.  Cette  mode,  précieuse  pour  les  voleurs, 
fut  de  longue  durée.  On  en  vint  pourtant  à 
n'avoir  qu'une  montre  et  à  la  mettre  dans  la 
poche  ;  mais  les  premières  femmes  qui  se  mon- 
trèrent si  sages  «  scandalisèrent  autant  que  si 
elles  eussent  fait  une  indécence  »  :  c'est  madame 
de  Genlis  ^  qui  le  dit. 

Au  mariage  des  princesses,  on  voyait  toujours 
figurer  dans  la  corbeille  un  grand  nombre  de 
montres.  La  mariée  n'en  conservait  que  quelques- 
unes,  et  offrait  les  autres  à  son  entourage. 
11  y  avait  cinquante  et  une  montres  dans  la 
corbeille  de  Marie-Antoinette  **. 

Les  horlogers  de  Paris  avaient  pris  pour 
armoiries  :  If  azur,  à  une  fendule  dor,  accoste'e 
(le  deux  montres  dargent  marqiie'es  de  sable, 
armoiries  qui  sont  ordinairement  accompagnées 
d'une  devise  un  peu  prétentieuse  :  Solis  men- 
daces  argtiit  horas.  C'était  sans  doute  là  une 
fière  réponse  à  la  phrase  de  Virgile  : 

Solem  quis  dicere  falsuni 

Audeat  ?  ^ 

Mais  l'honneur  d'avoir  découvert  les  irrégu- 
larités de  la  marche  supposée  du  soleil  n'appar- 
tient pas  aux  horlogers  :  l'astronome  Hipjjarque 
les  avait  constatées  un  siècle  avant  la  naissance 
de  Virgile.  La  vérité  est  que,  en  les  supposant 
ignorées,  elles  eussent  été  révélées  le  jour  où 
Huygens  eut  l'idée  d'appliquer  le  pendule  à  la 
marche  des  horloges. 

Je  trouve  les  horlogers  nommés  orluugeurs  au 
quatorzième  siècle  ;  orlogeurs  au  quinzième 
siècle  ;  com^oseurs  doreloges  au  seizième  siècle  ; 
liorlogextrs  au  dix-septième  siècle;  etc.,  etc. 

J'ai  donné  ci-dessus  page  13  la  formule  d'un 
contrat  d'allouage,  et  page  30  la  formule  d'un 
contrat  d'apprentissage  concernant  la  corpoi'ation 
des  horlogers.  * 

Voy.  Heures. 

Horlog-eurs.  Voy.  Horlogers. 

Horticulteurs.  Ce  mot  ne  figure  pas 
encore,  en  1814,  dans  le  Dictionnaire  de  V Aca- 
démie. L'édition  de  1835  l'accueille  enfin  8.  et  le 


i   Lettres   de   la  princesse   Palatine,    7  juillet    1718    et 
20  mars  1721. 

2  Mémoires  secrets,  12  janvier  1780,  t.  XV,  p.  17. 

3  S.  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  X,  p.  233. 

*  ^■()y.  Reiset,  Livre-journal  de  M"'^  Etoffe,  t.  I,  p.  369. 
5  Dictionnaire  des  étiquettes  de  la  cour,  t.  I,  p.  402. 
S  Description  et  relation  de   tout  ce   qui  s'est  passé.  .  .  . 
Biblioth.  Mazarine,  manuscrit  coté  2937. 
'^  Oéorgiques,  lib.  I,  vit.  463. 
8  Tome  I,  p.  902. 


390 


HORTICULTEURS  —  HOTTEUSES 


définit  ainsi  :  «  Celui  qui  s'occupe   de   perfec- 
tionner la  culture  des  jardins  ». 

Hortillonneurs.  Hortillons.  Horto- 
lains.  Hortolans.  Vnv.  Maraîchers. 

Hostelains.  Hostelenchs  '.  Hoste - 
leurs.  Hosteliers.  Vov.  Hôteliers. 

Hostiers.  ^'ov.  Concierges  et  Hot- 
teurs. 

Hostriciers.  Officiers  do  vénerie  qui  avaient 
soin  lies  autours  -. 

Hôtel-Dieu  (Maîtres  de  l).  Les  garçons 
chirurgiens,  les  garçons  apothicaires,  les  ouvriers 
boulangers,  serruriers,  charpentiers,  maçons, 
etc.  qui  servaient  ou  travaillaient  dans  l'Hôtel- 
Dieu  obtenaient,  après  un  certain  temps  (six  ans 
♦Ml  général),  la  maîtrise  gratuitement  et  sans 
chi-l-d'œuvre  ■''. 

Hôteliers.  I/iiôtellerie  est  antérieure  à 
Taubertre.  La  Taille  de  i292  mentionne  24 
osteliers  et  hosteliers. 

L'ordonnance  du  29  novembre  1407  enjoint 
aux  liôteliers  de  faire  savoir  chaque  jour  au 
prévôt  de  Paris  le  nom  des  gens  qu'ils  logeront  ^. 
Celle  du  11  mars  1498  charge  les  officiers 
publics  de  taxer  les  vivres,  vêtements,  fourrages, 
etc.  qui  seront  fournis  aux  voyageurs  dans  les 
iiôfelleries  ^.  Celle  de  janvier  1560  défend  à 
toutes  personnes  de  loger  plus  d'une  nuit  «  des 
gens  .sans  aveu  ou  inconnus  »,  et  exige  qu'ils 
soient  dès  le  lendemain  «  dénoncés  à  justice  **. 
L'ordonnance  de  mars  1577  fait  mieux  ;  elle 
statue  que  désormais,  nul  ne  pourra  «  tenir 
hoslellerie,  cabaret  ou  taverne,  sans  avoir  pris 
lettres  de  permission  ».  Chaque  maison  de  ce 
gr-nre  devra  être  pourvue  d'une  enseigne 
piirlant  ces  mots  :  Hostellerie .  cabaret  ou  taverne, 
pur  p-rmission  du  roi  '. 

On  trouve  dans  Y  État  on  tableau  de  la  ville  de 
Paris,  pidjlié  »  en  1700  la  liste,  par  quartiers, 
des  hoslels  et  chambres  garnies,  indiquant  pour 
chacun  son  enseigne,  le  nom  du  propriétaire, 
!<•  prix  <hi  logement  et  des  repas.  Dans  les  plus 
huridiles,  je  rr'pas  coûte  de  quatre  à  six  sous  ; 
diin.-s  li's  plus  riches,  où  le  logement  varie  de 
quinze  ù  eenl  eintiuanle  livres  par  mois,  aucun 
repHs  ne  dépasse  quarante  sous  9.  Dix-sept  ans 
plus  lard,  les  prix  n'cint  guère  augmenté.  Je 
n.pir  1..N  mentions  suivanles  dans  VAImanach 
J ht  H  phi  u  pour  1777  : 

HAtKI,  I)l'  IJom.OI,   nir  (hl     Mulllni.     L(,.r,.,lieil  I 


'   Frui.s.'Mirt . 

'  Voy    Diu-nnp...  {Hnnsnirr.  nu  mut  lnmhnriii.i: 

•■•  N.'V.  ,\ll.-iz.  Ti;hlf,ni  ,.'r  l'Iiiimanilé  et  île  In  bleiifai- 
utnrr.  i>.   .H. 

'   <h-'lnniMHrfs  royiiles^X.  IX,  n.  2<il. 

5  ItJinilitrl,  .inrlfnnex  lois  friiiiçnlsrs,  I.  XI,  n.  370. 

^   Isniiihrrl,  AnrlrHiifs  lois  friiiiçiiisrs,  I.  XIV,  p.  8vS. 

'    KolilniMii.  Kilits  ri  ui-loHiiiinrfu.  I.   I.  p.  3r)2. 

*  Par  J.VI-.  uvorni  nu  Pnrlrnieiil  >-[  prnsciir  rovjil  Lii 
|>r.'nni'  •.'  nlilion  «'»l  de  1757. 

»  i'.i:.s  :n  et  suiv. 


de  24  à  150  livres,  avec  écuries  et  remises. 
Tables  d'hôte  à  40  sols. 

Hôtel  de  Camgnan,  rue  des  Vieilles-Etuves. 
Logement  de  30  à  100  liv.  par  mois.  Table  d'hôte 
à  30  sols.  Il  y  a  carrosses  de  remise  dans  l'hôtel. 

Hôtel  du  Chariot  d'or,  rue  du  Faubourg 
Saint-Antoine.  Logement  de  8  à  10  sols  par 
nuit.  Repas  de  16  à  20  sols.  Chevaux,  pour  le 
jour  2  sols  et  la  nuit  4  sols  par  attache. 

Hôtel  de  la  Plâtrière,  rue  Plà trière,  vis-à- 
vis  de  la  grande  poste.  Logement  de  30  à  500  liv. 
par  mois,  avec  jardin,  écuries  et  remises.  Table 
d'hôte  à  30  sols.  Il  y  séjourne  fréquemment 
des  négocians  de  Lyon  et  seigneurs  étrangers. 

Hôtel  de  la  Reine,  rue  du  Bouloi.  Loge- 
ment de  30  à  100  liv.   Table  d'hôte  à  36  sols. 

11  y  a  perruquier  dans  l'hôtel. 

Hôtel  du  Saint-Esprit,  rue  de  Tournon. 
Logement  de  12  à  60  liv.   par  mois.  Repas  de 

12  à  30  sous. 

Hôtel  de  Saint-Louis,  rue  des  Petits-Au- 
<î-ustins.  Loo-ement  de  18  à  100  liv.  Table 
d'hôte  à  35  sols  par  repas. 

Grand  hôtel  de  Notre-Dame,  rue  du  Jar- 
dinet. Logement  de  90  à  300  livres.  Repas  à 
35  sols  à  table  d'hôte,  40  sols  en  particulier. 

Hôtel  de  Bourbon,  rue  de  Grenelle-Saint- 
Honoré.  Logement  de  24  à  150  liv.  par  mois, 
avec  table  d'Iiôte  à  40  sols. 

Le  règlement  du  26  juillet  1777,  renouvelé  le 
6  novembre  1778  *,  veut  que  tout  logeur  tienne 
deux  registres,  cotés  et  paraphés  par  le  commis- 
saire de  leur  quartier,  où  ils  «  écriront  de  suite 
el  sans  aucun  blanc,  les  noms,  surnoms,  pays, 
qualités  et  profession  »  de  leurs  locataires. 

Les  cabaretiers,  les  taverniers,  les  traiteurs, 
les  baigneurs,  les  courtiers  en  vins,  etc.  pouvaient 
tenir  hôtel  et  chambres  garnies.  Les  plus  grands 
seigneurs  avaient  l'habitude  de  louer,  dans  leur 
hôtel,  (les  chambres  meublées,  ou  même  l'hôtel 
tout  entier,  quand  ils  s'absentaient  pour  quelque 
temps  ^. 

J'ai  trouvé  les  liôteliers  nommés  :  aubergistes, 
hostelains,  hostelenchs,  hosteleurs,  hosteliers, 
ostelains,  ostrlin-s,  etc.,  etc. 

Voy.  Chambres  garnies.  —  Servan- 
tes. —  Valets  d'auberge,  etc. 

Hotiers.  Voy.  Hotteurs. 

Hotteurs.  Porteurs  de  hotte.  Les  hottes  du 
niiiyen  âge  ditléraient  fort  peu  de  celles  dont  on 
se  sert  encore  aujourd'hui  dans  nos  campagnes 
et  qui  n'ont  pas  de  dossier  "^ 

On  trouve  hotiers,  hostiers,  honstiers,  hottiers, 
etc.,  etc. 

Hotteuses.  On  nommait  plus  spécialement 
ainsi  les  feinnies  (jui,  munies  d'une  hotte,   trans- 


1    IsamlxTt,  t.  XXV.  p.  70  et  449. 

-   /ifliiliniis  ries  nmixisxatleiirx  TPiiilienx,   \.   II,  p.  (ÎO!). 
•'   ^ov.  \'iiil!cl-Ii'-l)uc.  Dtrlionniiire  ilii    inobllier.  t.  II, 
p.  ÔIG." 


HOTTEUSES  —  HUILIERS 


391 


portaient  chez  la  hlaiiciiisscuse  If  lini^e  que  celle- 
ci  venait  de  laver  à  la  rivièi'e. 

Hottiers.  Y<«y.  Hotteurs. 

Houille  (CoMMKRCK  de  la).  Vov.  Char- 
bon de  terre. 

Houilleurs.  OiuTiers  employés  dans  les 
mines  de  houilles.  On  les  nommait  aussi  >^o%î7/(?Wir. 

Houliers.  Ce  mot  désignait  des  débauchés, 
des  gens  de  mauvaise  vie  *.  Mais  ce  n'est  pas  à 
ce  titre  qu'ils  peuvent  figurer  dans  la  Taille  de 
1292,  qui  en  cite  cinq.  Il  est  possible  que  l'on 
ait  désigné  ainsi  des  hommes  qui  faisaient  métier 
de  favoriser  la  prostitution  dans  les  lieux  que 
l'autorité  lui  avaient  assignés. 

Houlseurs.  Voy.  Ramoneurs. 

Houppiers.  Ouvriers  qui  houppent  ou 
peignefit  la  laine,  c'est-à-dire  la  lavent,  la 
cardent,  la  dégraissent,  etc.  Ce  mot  était  surtout 
en  usage  dans  les  manufactures  du  Xord,  à 
Amiens,  à  Abbeville,  etc.  - 

Hourdeurs.  Ouvriers  maçons  qui  avaient 
la  spécialité  des  constructions  grossières  où 
entrent  surtout  du  plâtre,  du  mortier,  de  la 
terre,  de  la  paille,  de  l'argile. 

On  les  appelle  aussi  pluqueurs  en  argile, 
terrasseurs,  etc. 

Housseurs  et  Housseux.  Vov.  Ramo- 
neurs. 

Houstlers.  Voy.  Hotteurs. 
Huchers.  \o\.  Huchiers. 

Huchiers.  Ils  fabriquaient  les  lourds 
meubles  dont  la  vogue  se  soutint  si  longtemps, 
huches,  armoires,  bancs,  buffets,  etc.  Ils  sont, 
avec  les  lambrisseurs  et  les  Imissiers,  les  ancêtres 
de  nos  menuisiers. 

Au  treizième  siècle,  ils  appartenaient  à  la 
communauté  des  charpentiers  et  obéissaient  à 
des  statuts  communs  aux  deux  corps  d'état. 
Ceux  qui  leur  furent  accordés  en  1290  "^  con- 
tiennent les  noms  de  vingt-cinq  maîtres  qualifiés 
«  huchers,  feseurs  d'uis  et  de  fenestres  »,  ce  qui 
prouve  que  déjà  les  huissiers  et  les  lambrisseurs 
leur  étaient  réunis. 

A  cette  date,  ils  allaient  souvent  par  les  rues, 
offrant  leurs  services  aux  ménagères  : 

Huche  et  le  banc  sai  bien  réfère, 
Je  sai  moult  bien  que  le  sai  fère, 

leur  fait  dire  Guillaume  de  la  Ville  Neuve  dans 
ses  Crieries  de  Paris. 

Le  Livre  des  métiers  les  nomme  huchiers  et 
huichiers  *  ;  les  statuts  de  1290  huchers  ;  la  Taille 
de  1292,  huchiers;  l'ordonn.  de  janvier  1351, 


1  ^'oy.  Ducange,  au  mot  hidlnvil . 

2  Savary,  t.  Il,  p.   361. 

3  Dans  G.  Depping,  ()r(loiui.  reliititesuitx  métters,  p.  373. 
i  Livre  lies  métiers,  titre  XL^  II. 


charpentiers  de  huches  *,  et  l'ordonn.   dt-s  Ban- 
nières,  huchers  (1467).   C'est  vers  ce  moment 
([u'ils  prirent  le  nom  de  menuisiers. 
On  les  trouve  aussi  nommés  arckiers  -. 

Huèses  du  roi,  ou  Huèses  le  roi,  comme 
on  disait  encore  au  treizième  siècle.  Les  huèses 
ou  heuses  étaient  une  sorte  de  bo'ttines  qu'on 
trouve  mentionnées  sous  le  nom  de  hosa  ou  osa 
dès  le  règne  de  Louis  le  Débonnaire.  Mais  ce 
terme  est  employé  ici  d'une  manière  générique 
pour  désigner  les  chaussures  du  roi,  ([u'étaierit 
tenus  de  lui  fournir  les  métiers  qui  travaillaient 
le  cuir. 

On  voit,  dans  le  Livre  des  métiers,  qu'au 
treizième  siècle,  cette  redevance  en  nature  était 
déjà  convertie  en  une  indemnité  annuelle.  Les 
cordonniers  déclarent  qu'ils  «  doivent  au  Roy 
XXXII  s.  pour  unes  huèses,  les  quieux  ils  doivent 
poier  touz  les  anz  eu  la  semainne  penneuse  •*  ». 
Leurs  statuts  du  19  juillet  1353  *  reproduisent 
presque  textuellement  cette  phrase.  Les  save- 
lonniers  ^,  les  selliers  *»  et  les  lormiers  ''  recon- 
naissent qu'ils  participent  à  cet  impôt  **. 

Voy.  Concessions  de  métiers. 

Huichiers.  \  <»y.  Huchiers. 

Huiliers.  Ils  soumirent,  vers  12G8,  leurs 
statuts  à  l'homologation  du  prévôt  Etienne 
Boileau  ^.  On  y  voit  mentionnées  les  huiles 
d'amandes,  d'olives,  de  noix,  de  chènevis  et  de 
pavots. 

La  Taille  de  1292  cite  43  uiliers  :  on  n'en 
trouve  que  31  dans  celle  de  1300. 

De  nouveaux  statuts,  datés  de  novend)re 
1464  ^^,  accordent  aux  huiliers  la  garde  et  la 
visite  des  mesures  de  cuivre  pour  les  huiles  ;  ils 
devaient  marquer  d'une  fleur  de  lys  celles  qui 
étaient  reconnues  exactes.  Aussi,  en  dehors  des 
quatre  jurés  qui  administraient  la  communauté, 
en  nommait-on  quatre  autres  qui  prenaient  le 
titre  dejure's  huiliers  gardes  du  coin  et  de  Véta,lon 
royal. 

Les  huiles  se  mesuraient  à  la  somme  et  à  la 
quarte.  La  sonmie  contenait  vingt^huit  quartes, 
et  se  divisait  en  demi-somme  représentant  qua- 
torze quartes  et  en  quart  de  somme  représentant 
sept  quartes. 

Au  dix-septième  siècle,  les  huiliers  furent 
réunis  à  la  corporation  des  chandeliers  ;  mais, 
durant  le  siècle  suivant,  le  commerce  des  huiles 
se  concentra  presque  exclusivement  entre  les 
mains  des  épiciers. 

L'ordonnance  de  janvier  1351  écrit  huilliers. 


'   Article  245. 

-  \  oy.  B.  Prost,  Iiiteiilaires  mobiliers,  t.  I,  p.  311 
cl  473."^ 

■'  La  semaine  sainte.  —  Livre  des  métiers,  titre 
LXXXIV,  art.    13. 

i  f)ril'>nn.  royales,  t.  X^'.  \>.  (500. 

■T   IJvre  lies  métiers,  titre  LXXX^',  art.  (i. 

^  Livre  lies  métiers,  titr.'  LXXMIL  art.  40. 

'   I.irre  îles  métiers,  \'\\v>'  LXXXIl.  ;irt.  0. 

8   \  uv.  Ducangf,  ou  mot  osn. 

!'    TitVr   LXIII. 

10  Dans  les  Onhiin.  royales,  t.  X\I,  p.  274. 


392 


HUISSIERS  —  HUISSIERS  DE  LA  MUNICIPALITÉ 


Huissiers.    V^y.   Bedeaux.    —    Con- 
—   Massiers,   ot  les  articles   qui 


cierges 

suivf'iit. 


l'huis 


Huissiers  ou  Uissiers.  Faiseurs  a 
ou  portes.  Ils  sont  mentionnés,  au  treizième 
siècle,  dans  le  Litre  des  métiers  ^  qui  les  réunit 
aux  charpentiers.  Ils  se  fondirent  ensuite  dans  la 
communauté  des  menuisiers. 

Huissiers.  Avant  la  Révolution,  l'on  comp- 
iail  il  l'aris  au  moins  dix-neuf  sortes  d'huissiers. 
Savoir  : 

Huissiers  du  Conseil  d'Etat. 

—  de  la  g'rande  chancellerie. 

—  du  grand  Conseil. 

—  de  la  prévôté  de  l'hôtel. 

—  (les  requêtes  de  l'hôtel. 

—  du  Parlement. 

—  des  requêtes  du  Palais. 

—  de  la  chambre  des  comptes. 

—  de  la  cour  des  aides. 

—  de  la  cour  des  monnaies. 

—  (h'  la  (-hancellerie  du  Palais. 

—  du  hureau  des  Finances. 

—  de  la  connélablii^  et  maréchaussée. 

—  de  l'amirauté. 

—  des  eaux-et-forêts. 

—  audienciers  de  l'hôtel  de  ville. 

—  à  vernie. 

—  à  cheval. 

Sans  compter  les  huissiers-priseurs,  devenus 
comiiiissaires-priseurs,  les  huissiers  attachés  à  la 
maison  royale,  et  d'autres  encore  de  moindre 
importance. 

Huissiers  de  l'antichambre  du  roi. 

Ils  st-rvaiciil  répéeaucôlé.  Tous  les  matins,  dans 
la  demi-heure  qui  précédait  le  lever  du  roi,  ils  se 
rendaient  à  leur  poste,  et  ne  laissaient  entrer 
personne  avant  le  premier  gentilhomme  de  la 
chamltre.  Ils  ouvraient  la  porte  à  deux  battants 
pour  les  princes,  les  princesses  et  les  ambas- 
sadeurs. 

«  Personne  ne  doit  se  promener  dans  l'anli- 
rhaiulire  (hi  Roy.  C'est  en  cette  antichambre, 
(|uand  If  Roy  mange  en  public,  où  l'on  dresse  la 
table  de  Sa  Majesté  et  où  on  le  sert  à  dîné  et  à 
soi\j>e  en  (•('•réiiiuiiie  -  ». 

Vov   Suisse  de  l'oeil-de-bœuf . 
Huissiers  du  cabinet  du  roi.  Ils  étaient 

iiii  iininbi-r  (|(.  (Iciix  seulenienl.  Ils  devaient 
coruiailie  les  personnes  admises  dans  le  cabinet. 
Nu!  n'elait  anlorisé  à  y  entrer  «;<  par  naissance 
ni  par  c-harge  ;  Sa  Majesté  accorde  ce  droit  à 
ceux  il  (pii  elle  ii  il,,mié"les  entrées  familières.... 
Si  le  Rnv  doil  rec'Voir  le  serment  de  lidélité 
de  ceux  <|iii  mil  accoutumé  de  le  prêter  entre 
le^  mains  de  .Sa  .Majesté,  un  huissier  garde  le 
rliapeau.  les  g„nls  el  l'épée  de  celui  qui  lait  le 
serment  •''  >>. 


'    TlIrvXI.VII. 


*   hUil  lit  In  FrttHrr  iiniir  1712.  t.   I.  i,.    1  :,.-, 

'  hitil  tk  Iti  Fi-OKCf  jK.Hv  I7:U>.  t.  J.  u.  :ii(;. 


Huissiers  à  la  chaîne.  «  Ce  sont  ceux 
qui  peuvent  exploiter  inditféremment  partout,  et 
que  chacun  qui  veut  emploie  quand  on  veut  faire 
une  signification  délicate  et  forte,  parce  que  ceux- 
là  sont  toujours  fort  respectés,  et  instrumentent 
avec  une  grosse  chaîne  d'or  au  col,  d'où  pend 
une  médaille  du  roi.  Ils  sont  en  même  temps 
huissiers  du  conseil,  et  y  servent  avec  cette 
chaîne  »  ^ . 

Huissiers  de  la  chambre  du  roi.  Ils 

étaient  au  noniljre  de  seize  et  servaient  l'épée  au 
côté.  <.<  C'est  à  eux  à  faire  ranger  les  personnes 
qui  sont  dans  la  chambre  du  Roy,  soit  pour  faire 
jour  quand  Sa  Majesté  s'habille  ou  se  déshabille, 
soit  pour  lui  faire  passage  lorsqu'elle  va  de  son 
fauteuil  à  son  prie-Dieu,  de  son  prie-Dieu  à  son 
cabinet,  ou  qu'elle  traverse  sa  chambre.  Les 
liuissiers  ont  l'œil  à  ce  que  personne  ne  se  couvre, 
ne  se  peigne  et  ne  s'asseye  dans  la  chambre 
sur  les  sièges,  sur  une  table  ou  sur  le  balustre  de 
l'alcove  -  ». 

«  Vous  remarquerés  qu'on  doit  gratter  douce- 
mens  aux  portes  de  la  chambre,  antichambres, 
cabinets  ou  autres,  et  non  pas  heurter  rudement. 
De  plus,  si  l'on  veut  sortir  de  la  chambre  ou 
antichambres,  les  portes  étant  fermées,  il  n'est 
pas  permis  d'ouvrir  soy-même  la  porte,  mais  on 
doit  se  la  faire  ouvrir  par  l'huissier  ^  ». 

Même  en  dehors  des  appartements  ro^'aux,  les 
règles  de  la  civilité  interdisaient  de  heurter  à  une 
porte.  On  devait  se  borner  à  y  gratter  doucement, 
et  en  général  avec  l'ongle  du  petit  doigt  ;  aussi 
les  raffinés,  le  conservaient-ils  d'une  lono>ueur 
démesurée  afin  de  prouver  leur  savoir- vivre. 
Scarron  dit  du  prince  de  Tarente  qu'  «  il  étoit 
propre  en  sa  personne,  curieux  en  perruques,  se 
piquoit  de  belles  mains,  et  s'étoit.  laissé  croître 
l'ongle  du  petit  doigt  de  la  gauche  jusqu'à  une 
grandeur  étonnante,  ce  qu'il  croyoit  le  plus  galant 
du  monde  *  ».  Molière  n'a  pas  oublié  ce  ridicule, 
et  c'est  le  Clilandre  du  Misanthrope  ^  qu'il  en 
gratifie  : 

Mais  au  moins,  dites-moi,  madame,  par  quel  sort 
\  otro  Clitandre  à  l'iieur  de  vous  plaire  si  fort. 
Sur  quels  fonds  de  mérite  et  de  vertu  sublime 
Appuyez-vous  en  lui  l'honneur  de  votre  estime? 
Est-ce  par  l'onj^le  long  qu'il  porte  au  petit  doigt 
Qu'il  s'est  acquis  chez  vous  l'estime  où  l'on  le  voit  ? 

Peut-être  y  avait-il  un  petit  instrument  destiné 
à  tenir  lieu  de  l'ongle.  C'est  au  moins  ce  que 
semldenl  indiquer  ces  deux  vers  : 

(îrattez  du  peigne  à  la  porte 
De  la  chambre  du  roi  6. 

Huissiers  des  comptes.  Voy.  Messa- 
gers. 

Huissiers  de  la  municipalité.  Voy. 
Sergents. 


1   Saint-Siniun,  Mémoires,  t.  Il,  p.  98. 

'^  Klat  lie  la  Fiance  pour  1712,  t.  I,   p.   102. 

;i  Klat  de  la  France  pour  1687 ,  t.  I,  ji.  122. 

^  Xoiirclles  Iraiil-comiijiies,  éA'xi.  Ar    1727.   t.    II,   ]i.  00. 

•"•  .\i-le  II,  scène  I . 

''   )s\.o\\bvo, L' imjni)mj)hi 'le  Versailles,  reinercînieiit  au  roi. 


HUISSIERS  DE  i;ORI)Hl<:  DU  SAINT-ESPRIT  —  HYDROMANCIENS 


:}93 


Huissiers  de  l'ordre  du  Saint  - 
Esprit.  Ces  huissiers  avaient  la  clef  du  cabinet 
du  roi,  et  quand  le  souverain  y  présidait  le 
chapitre  du  Saint-Esprit,  ils  devaient  veiller  à  la 
porte.  Si  celle  assend)lée  se  tenait  dans  la  cluunhre 
du  roi,  ils  <i;ardaienl  la  porte  de  celle-ci  '. 

Huissiers  de  la  salle  à  mang-er  du 

roi.  Ils  étaient  au  iiondire  de  douze  et  servaient 
par  ([uarliers. 

On  sait  que  Louis  XIV  niani>;eaitordinairement 
dans  sa  cluunbre  à  coucher,  sur  une  table  carrée, 
placée  devant  la  fenêtre  du  milieu  -.  Lorsqu'il 
dînait  en  public  son  convert  était  dressé  dans 
l'antichambre,  <i;rande  salle  communiquant  avec 
la  pièce  dite  de  l'œil  de  ôœuf,  qui  précédait  elle- 
même  la  chambre  à  coucher .  Voici  quelles 
étaient,  ces  jours-là,  les  fonctions  de  l'huissier  de 
salle  qui  se  trouvait  de  service  : 

«  L'huissier  de  salle,  aiantreceu  l'ordre  pour  le 
couvert  du  Rov,  va  à  la  salle  des  g-ardes  du  corps, 
frappe  de  sa  bag'uette  sur  la  porte  de  leur  salle, 
et  dit  tout  haut  :  Messietirs^  au  couvert  du  Roy  ! 
Puis,  avec  un  garde,  il  se  rend  au  (xoblet. 
Ensuite,  le  chef  du  Goblet  apporte  la  nef,  les 
autres  officiers  apportent  le  reste  du  couvert  :  le 
garde  du  corps  marchant  proche  la  nef,  et 
l'huissierde  salle  marchant  devant  eux  la  baguette 
en  main,  et  le  soir  tenant  aussi  un  flambeau, 
porte  les  deux  tabliers  ou  nappes. 

Etant  tous  arrivez  au  lieu  où  la  talde  du  prêts 
est  dressée,  l'huissier  de  salle  étale  seul  une  nappe 
ou  tablier  sur  le  buffet.  Puis  le  chef  du  Goblet  et 
l'huissier  de  salle  étalent  dessus  la  table  du  prêts 
la  nappe  ou  tablier,  dont  cet  huissier  de  salle 
reçoit  un  des  bouts  que  l'officier  du  Goblet,  qui 
en  retient  l'autre  bout,  lui  jette  adroitement  entre 
les  bras. . . . 

Pendant  ce  temps,  l'huissier  de  salle  est 
retourné  à  la  salle  des  gardes,  ou  aiant  frappé  de 
sa  baguette  contre  la  porte  de  leur  salle,  il  dit 
tout  haut  :  Messieurs,  à  la  viande  du  Rojj  !  Puis  il 
va  à  l'office-bouche  où  il  trouve  le  maître  d'hôtel 
qui  est  de  jour,  le  gentilhomme  servant  et  le 
contrôleur  qui  s'3'  sont  rendus. . . . 


1  État  de  la  France  pour  1712,  t.  I,  p.  208. 

2  Saint-Simon,  Mémoires,  t.  XII,  p.  174. 


La  viande  de  Sa  Majesté  sera  portée  en  cet 
ordre.  Deux  de  ses  gardes  marcheront  les 
premiers,  ensuite  l'huissier  de  salle,  le  maître 
d'hôtel  avec  son  bâton,  le  gentilhomme  servant, 
le  panetier,  le  contrôleur  général,  le  contrôleur 
clerc  d'office,  et  autres  (jui  porteront  la  viande, 
l'éciiier  de  cuisine  et  le  garde-vaisselle.  Et 
derrière  eux,  deux  autres  gardi^s  de  Sa  Majesté, 
qui  ne  laisseront  approcher  personne  de  la  viande. 
Et  les  officiers  ci-dessus  nommez,  av(>c  un 
gentiliiomme  servant  seuleincnl.  i-clouriicrnnl  à 
la  viande  à  tous  les  services 

Le  gentilhomme  servant  prend  le  premier  plat, 
le  second  est  pris  par  un  contrôleur ,  et  les 
officiers  de  la  Bouche  prennent  les  autres.  En 
cet  ordre,  le  maître  d'hôtel  aïaid  le  bâton  en 
main,  marche  à  la  tête,  précédé  de  quelques  pas 
par  l'huissier  de  salle  portant  une  Laguette  qui 
est  la  marque  de  sa  cliarge),  et  le  soir  aiaid  un 
flambeau  ;  et  la  viande,  accompagnée  de  trois 
gardes  du  corps  leurs  carabines  sur  l'épaide 
étant  arrivée,  le  maître  d'hôtel  l'ait  la  révérence 
à  la  nef  '  ». 


Huissiers   priseurs.    Vov 
saires  priseurs. 


Commis- 


Huîtres  (Commerce  des;.  Vo\-.  Écaillers. 

Hydromanciens.  Bateleurs  qui  préten- 
daient connaître  l'avenir  au  moyen  de  l'eau.  Ils 
jetaient  dans  un  bassin  de  l'huile,  du  vin,  du 
plomb,  et  tiraient  leurs  présages  soit  des  jeux  de 
lumière,  soit  de  l'agitation  produite  au  sein  du 
liquide,  etc.,  etc. 

Un  hydromancien  qui  exerçait  dans  les  rues 
de  Paris  durant  le  premier  Empire  agissait 
autrement.  Sur  la  table  placée  devant  lui  s'ali- 
gnaient plusieurs  vases  remplis  d'eau  trans- 
parente. Ceux  qui  le  consultaient  prenaient  au 
hasard  quelques  cartes  dans  le  jeu  qu'il  leur 
préseidait  ;  le  devin  lisait  alors  dans  l'eau 
limpide,  les  cartes  qui  avaient  été  prises  et  les 
événements  qu'elles  promettaient  -. 

Voy.  Bateleurs. 


1  État  lie  lu  France  pour  1712,  t.  I,  p.  68. 

2  Vov.  J.-B.  Gouriot,  Personnages  célèbres  dans  les  rues 
de  Paris,  t.  II,  p.  334. 


394 


ILLUMINEURS  —  IMPRIMEURS 


I 


Illumineurs.  Vo.v.  Enlumineurs. 

Illusionnistes.  \'ov.  Prestidigita- 
teurs. 

Imagers.  Vov.  Enlumineurs.  —  Es- 
tampes [Marciiands  d' .  —  Papiers 
peints. 


Imag-eurs.  Imag-iers. 
Imaginiers.  Imaigiers. 
tl  Sculpteurs. 


Imag-ineurs. 
\o\.  Peintres 


Impôts  et  redevances.  Vov.  Aboi- 
vrement.  —  Annuel  des  marchands.  — 
Août  (Loi  d').  —  Banvin.  —  Barrage. 

Ceinture  de  la  reine.  —  Champart. 
—  Chantelage.  —  Chauciers.  —  Chaus- 
sée. -  Conduit.  —  Cordiers.  —  Cordon- 
niers. Coutume.  —  Coutumiers.  — 
Écuelliers.  —  Fers  du  roi.  —  Foin 
(Marchands  de).  —  Hallage.  —  Halle- 
bic.  —  Halliers.  —  Hauban.  —  Hava- 
ge.  Héminage.  Huéses  du  roi.  — 
Liage.  Lormiers.  —  Maréchaux.  — 
Minage.  Montée   de   la    Marne.   — 

Past.  Petit-Pont.  —  Poids-le-roi.  — 
Pourboire.  —  Prise.  —  Rêve.  —  Riva- 
ge de  Seine.  Rouage.  —  Saveton- 
niers.  Selliers.  —  Semaine  de  l'évé- 
que.  Tailles.  —  Tiers  et  dangers.  — 
Tonlieu.        Tonlieurs.  —  Voyers. 

Imprimerie.  \'nv.  Librairie. 


Imprimeurs.  !-'•  \>ln^  anciiMi  livre  iiiipriiiH' 
(loiil  lii  (lal<;  ne  puisse  être  contestée  est,  le  psau- 
lier  exécuté  à  Miiyence  par  Fusl  et  Sclioitl'er  en 
14.'i7.  Douze,  ans  après,  la  France  ne  possédait 
encore  aucun  atelier  tjpo}ji;raphique.  Quand  le 
lirait  de  la  jurande  découverte  due  à  Gulenberg 
s'v  était  ré[)audu,  il  avait  causé  une  vive  alarme 
punni  les  noinlin.Mix  iridusiriels  (|ui  avaient  eu 
ju.s(|ui--la  le  privilè|j;eilc  (lumitT  une  lorine  malé- 
ri»'lle  H  la  pensée. 

Fust,  venu  il  Paris  pour  v  déliiter  (]uel(|ues- 
uns  drs  ouvra^,'es  imprimés  par  lui  et  son  associé, 
recul  un  accueil  si  peu  eiicoura<reant  ([u'il 
s"empressa  de  prendre  la  fuite.  Sclioiil'er  avait 
dans  Ml  jeunesse  fréquenté  l'Université  de  Paris; 
il  lenla  la  fortune  à  son  tour  et  fut  plus  heureux. 
Il  retrouva  nu  pays  latin  d'anciens  maîtres,  et 
leur  patronage  lui  facilita  la  vente  de  plusieurs 
volumes.  C'est  dans  le  plus  célèhre  des  coUèo-es 
lie  Paris,  (liins  l.>s  liàlimenls  d.-  la  Snrhonne.  que 


fut  naturalisé  en  France  l'art  typographique. 
L'initiative  appartint  à  deux  de  ses  docteurs, 
Jean  Hejnlin  et  Guillaume  Fichet.  Hejnlin 
était  Allemand,  avait  séjourné  à  Leipzig,  à 
Bâle  et  à  Mayence  ;  esprit  curieux,  disposant 
sans  doute  d'une  certaine  fortune,  il  s'était  de 
bonne  heure  passionné  pour  l'invention  majen- 
çaise  et  possédait  un  certain  nombre  d'ouvrages 
imprimés  par  Gutenberg,  par  Fust  et  par 
Schoiffer.  Fichet,  né  dans  la  haute  Savoie,  fut 
d'abord  prieur,  puis  bibliothécaire  de  la  Sor- 
bonne,  enfin  recteur  de  l'Université.  Sa  science 
et  son  caractère  lui  avaient  acquis  une  légitime 
autorité  dans  le  monde  enseignant.  Ces  deux 
docteurs  eurent  assez  d'influence  sur  leurs 
collègues  pour  les  décider  à  installer  une  impri- 
merie au  sein  même  de  la  Sorbonne. 

Avant  tout,  il  fallait  se  procurer  des  ouvriers 
expérimentés  et  à  qui  fussent  connus  tous  les 
mystères  de  l'art  nouveau.  Heynlin  écrivit  à 
Bàle,  où  il  avait  conservé  des  relations  ;  on  lui 
envoya  de  là  trois  hommes  instruits  et  habiles 
qui,  de  concert  avec  les  docteurs,  entreprirent 
de  mener  à  bien  cette  œuvre  glorieuse  :  ils  se 
nommaient  Ulrich  Gering,  Michel  Friburger  et 
Martin  Cranlz. 

Chose  étrange  et  vraiment  inexplicable,  ce 
grand  fait  de  l'installation  de  l'imprimerie  à  la 
Sorbonne  n'a  laissé  aucune  trace  dans  les 
registres  où  les  prieurs  inscrivaient  avec  une 
si  scrupuleuse  minutie  des  détails  qui  nous 
semblent  bien  insignifiants.  Dans  ces  registres, 
conservés  aujourd'hui  parmi  les  manuscrits  de  la 
Bibliotlièque  nationale,  j'ai  parcouru  deux  fois 
tous  les  procès-verbaux  des  séances  tenues  par 
les  docteurs  entre  1469  et  1471,  sans  découvrir 
un  seul  passage  relatif  aux  trois  typographt^s 
venus  de  Bâle. 

A  la  fin  de  l'année  1470  parut  enfin  le  premier 
livre  imprimé  en  France,  un  volume  petit 
in-(piarto  coidenantles  épîtres  latines  d'un  gram- 
mairien de  Pergame  nommé  Gasparino  Barzizio. 
Le  volume  est  terminé  par  quatre  distiques  qui 
célèbrent  la  gloire  de  Paris  et  lèguent  à  la  posté- 
rité les  noms  des  trois  premiers  imprimeurs 
qu'ait  eus  cette  ville  :  «  Comme  le  soleil  répand 
la  lumière,  toi,  ville  royale  de  Paris,  nourrice 
des  Muses,  tu  verses  la  science  sur  le  monde. 
Reçois,  toi  qui  t'en  es  montrée  si  digne,  cet  art 
d'écrire,  presque  divin,  qu'inventa  l'Allemagne. 
Voici  les  premiers  livres  qu'a  produits  cette 
industrie  sur  la  terre  de  France  et  dans  ton  sein. 
Les  maîtres  Michel.  Ulrich  et  Martin  les  ont 
imprimés  el  vont  en  imprimer  d'autres  ». 


IMPRIMEURS 


395 


En  arrivant  à  Paris,  les  trois  Allemands 
avaient  pris  pour  apprentis  deux  étudiants  qui, 
une  fois  formés  par  eux  les  quittèrent,  et  allèrent 
s'établir  dans  la  rue  Saint-Jacques  à  l'enseio^ue  du 
Soufflet  vert,  «  in  intersigno  FoUis  viridis  », 
disent  les  registres  du  collège.  Aussitôt,  les 
Allemands  quittent  la  Sorltonne  et  fondent,  tout 
près  de  l'imprimerie  rivale,  dans  la  même  rue, 
un  atelier  sous  l'enseig'ne  du  Soleil  d'or.  Pour 
donner  une  idée  de  l'activité  déployée  par 
eux  à  la  Sorbonne,  il  suffit  de  rappeler  qu'en 
deux  années  (tin  de  1470  à  1472),  il  en  était 
sort  i  au  moins  trente  volumes,  représentant  1 .  146 
feuillets  in-folio  et  1.026  feuillets  in-quarto. 

La  première  loi  relative  à  l'imprimerie  paraît 
être  celle  du  9  avril  1513,  qui  confirme  l'exemp- 
tion d'impôts  accordée  à  la  comnuiuauté  des 
relieurs-enlumineurs-écrivains-libraires,  <,<  pour 
la  considération  du  grand  bien  qui  est  advenu 
en  nostre  royaume  au  moyen  de  l'art  et  science 
d'impression,  invention  laquelle  semble  estre 
plus  divine  qu'humaine  ;  laquelle,  <>-râce  à  Dieu, 
a  esté  inventée  et  trouvée  de  nostre  temps  par  le 
moyen  et  industrie  des  libraires  *  ».  C'est  donc 
aux  libraires  que  le  roi  rapporte  toute  la  gloire 
de  l'invention  ;  aussi  ne  constitua-t-elle  pas 
d'abord  un  métier  distinct,  et  son  histoire  reste- 
t-elle  liée  à  celle  de  la  librairie.  Pourtant,  en 
1539,  François  P""  accorde  aux  «  maistres 
imprymeurs  de  li\Tes  de  la  cyté  de  Paris  »  des 
statuts  peu  intéressants  pour  nous. 

Ceux  de  juin  1618  réorganisèrent  la  quadruple 
corporation  des  libraires-imprimeurs-relieurs  et 
doreurs,  mais  je  n'y  veux  relever  que  les  articles 
relatifs  aux  imprimeurs.  L'apprenti  devait  savoir 
lire  et  écrire,  servir  quatre  ans  (les  libraires 
exigeaient  cinq  ans)  d'abord,  puis  quatre  ans 
encore  en  qualité  de  compagnon.  Les  imprimeurs 
ayant  plusieurs  presses  pouvaient  engager  à  la 
fois  trois  apprentis.  Les  li\Tes  devaient  être 
«  imprimés  en  beaux  caractères  et  en  bon 
papier  ».  Les  imprimeurs  étaient  tenus  de 
déposer  deux  exemplaires  de  toutes  leurs  publi- 
cations à  la  Bibliothèque  du  roi  et  un  exemplaire 
chez  le  syndic  de  la  corporation . 

L'ordonnance  du  19  mai  1616  avait  enjoint 
aux  libraires  et  aux  imprimeurs  établis  hors  des 
limites  de  l'Université  de  réintégrer  ce  quartier, 
dont  l'édit  d'août  1686  fixa  très  exactement  les 
limites  ^  .  En  même  temps,  il  réduit  à  trois 
ans  la  durée  du  compagnonnage  et  limite  à 
trente-six  le  nombre  des  imprimeurs.  Nul  ne  peut 
obtenir  la  maîtrise  s'il  ne  présente  un  certificat 
du  recteur  de  l'Université  déclarant  que  le 
candidat  «  est  congru  en  langue  latine  et  sait 
lire  le  grec  ».  Je  reproduis  plus  loin  un  certificat 
de  ce  genre  et  le  texte  d'une  lettre  de  maîtrise. 

La  même  année,  les  relieurs  et  les  doreurs 
cessèrent  d'appartenir  à  la  communauté,  qui  se 
composa  seulement  des  libraires,  des  imprimeurs 
et  des  fondeurs  en  caractères. 

Un  arrêt  du  30  avril  1777  rendit  plus  difficile 
l'admission  des  compagnons  à  la  maîtrise.  Tous, 

1  Dans  Foiitanon,  A''///.y  et  ordunnancex,  t.  IV,  p.  421. 

2  \oy.  ci-dessous  l'article  Quartiniens. 


même  les  fils  de  maître,  durent  subir,  en  présence 
des  syndics,  des  adjoints  et  de  huit  maîtresanciens. 
un  examen  «  sur  le  fait  de  l'imprimerie  et  choses 
en  dépendant  ».  Procès-verbal  de  la  séance  était 
remis  au  récipiendaire,  qui  dev'ait  y  joindre  son 
extrait  de  baptême,  son  brevet  d'apprentissage, 
et  les  certificats  des  maîtres  chez  lescjuels  il  avait 
accompli  son  compagnonnage.  Une  fois  admis,  il 
prêtait  serment  entre  les  mains  du  lieutenant 
général  de  police. 

De  1470  à  1500  Paris  compta  environ  61  ateliers 
typographiques,  dont  la  liste  a  été  dressée  par 
M.  A.  Claudin  K  Entre  1686  et  1789,  150 
imprimeurs  seulement  exercèrent  à  Paris  ^.  A 
cette  dernière  date,  le  nondjre  des  imprimeurs, 
bien  que  limité  à  36,  s'élevait  ù  41,  parce  que 
l'on  y  faisait  figurer  4  co-imprimeurs  et  1  surnu- 
méraire qui,  tous  cinq,  ne  possédaient  aucune 
presse  •'*.  Parmi  les  36  étaient  compris  les  impri- 
meurs : 


Du  roi. 
De  la  reine. 
Du  Dauphin. 
De  la  Dauphine. 
De  Monsieur. 
De  Madame. 


De  la  Cour  des  Aides. 

Du  Châtelet. 

De  la  police. 

De  la  prévôté  de  Paris. 

De  la  Ville. 

De  l'archevêque. 


Du  clergé  de  France.      De  l'Université. 
Du  Parlement.  De  l'Académie  française, 

De    la    Chambre     des       etc.,  etc. 
Comptes. 

De  tout  temps,  il  y  avait  eu  à  Paris  ou  aux 
environs  des  imprimeries  clandestines  *  ;  il  y 
exista  aussi  des  imprimeries  particulières,  tolérées 
sinon  autorisées.  On  peut  citer,  par  exemple, 
celles  de  la  Gazette  de  France,  du  LouvTe,  des 
Chartreux,  des  jeunes  aveugles,  etc.  D'autres 
n'ont  eu  qu'une  existence  éphémère.  En  1660, 
le  cardinal  du  Perron  en  fit  établir  une  dans  sa 
maison  de  Bagnolet.  Richelieu,  ou  tout  au  moins 
son  frère  aîné,  en  eurent  une,  vers  1640,  au 
château  de  Richelieu,  et  plusieurs  ouvTages  en 
sont  sortis.  Fouquet  en  posséda  une  à  Saint- 
Mandé,  et  Louis  XV  en  eut  une  aux  Tuileries. 
Le  chancelier  d' Aguesseau  et  le  marquis  de  Lassay 
imprimèrent  aussi  dans  leurs  châteaux.  Le  duc 
de  Bourgogne,  la  marquise  de  Pompadour  et 
Louis  XVI  eurent  des  imprimeries  à  Versailles. 
Un  exemplaire  des  Maximes  tirées  de  Télémaque, 
publié  en  1766,  porte  la  mention  suivante  :  «  A 
Versailles,  de  l'imprimerie  de  Mgr  le  Dauphin, 
dirigée  par  A. -M.  Lottin,  libraire  et  imprimeur 
de  Mgr  le  Dauphin  ».  Durant  son  séjour  à  Passy. 
Franklin,  imprimeur  et  fils  d'imprimeur,  installa 
chez  lui  une  petite  imprimerie  où  fut  composé  le 
Code  de  la  raison  humaine,  ouvrage  de  Barbeu- 
Dubourg-. 


1  Lixle  chrunologiqiie  (les  imprimeia-s  pai-lsiens  du  quin- 
zième siècle.  1901,  in-S". 

2  On  en  trouvera  la  liste  ilans  Loltiu,  Catalogue  chrono- 
logique des  libraires,  imprimeurs,  etc.  2"  partie,  p.  231.  — 
Voy.  aussi  Ph.  Renouard,  Imprimeurs  parisiens,  1898, 
in-S". 

3  On  en  trouvera  la  liste  dans  Lottin,  Catalogue  chrono- 
logique, 2^  partie,  p.  231. 

4  Au  collège  de  Clerniont,  à  Montreuil,  etc.  etc. 


396 


IMPRIMEURS  —  IMPRIMEURS  SUR  ÉTOFFES 


Comme  les  libraires,  auxquels  ils  restèrent 
réunis  ^  les  imprimeurs  étaient  placés  sous  le 
patronag'e  de  saint  Jean  révan(,'éliste. 


LETTRE  DE  MAITRISE 

DÉLIVRÉE  A  Antoine  Chrétien 

le  7  juin  IG5I. 

Nous,  ^vndic  et  adjoints  des  marchands 
libraires-imprimeurs  et  relieurs  de  celte  ville 
de  Paris  soussignez,  certifions  à  tous  qu'il  appar- 
tiendra, avoir  ce  jourd'huy  reçu  Maître  en  notre 
couuMunauté  Antoine  Chrétien,  imprimeur,  après 
qu'il  nous  a  esté  certifié  capable  en  la  manière 
accoutumée,  et  qu'il  nous  a  promis  et  juré  de  : 

Ne  s'installer  point  hors  de  l'Université,  ne 
prt'iidre  d'aprenlii's  que  ce  qui  est  permis,  de  la 
(jiialité  et  aux  conditions  prescrites  par  les  règ'le- 
mens,  qu'il  a  dit  bien  sçavoir. 

N'eslaller  par  soj  n'y  par  autre  sur  le  Pont- 
Neuf,  sur  aucun  des  ponts  ne  autres  endroits  de 
la  ville  ;  n'afficher  point  de  livres  n'y  ne  faire 
aucune  facture  pour  quelque  libraire  que  ce  puisse 
esire,  soit  dedans  ou  dehors  le  royaume.  Consen- 
tant dès  à  présent  que  l'imprimerie  ou  les 
marchandises  de  liljrairie  qui  se  trouveront  luy 
appartenir  eslalées  en  la  dite  Université  sur  lesdits 
ponts  ou  ailleurs,  soient  et  demeurent  confisquées 
au  profil  des  pauvres  de  la  dite  communauté, 
sans  autre  forme  ny  figure  de  procès  ;  reconnois- 
sant  ((ue  celle  contravention  est  la  ruine  et 
l'avilissement  de  notre  art  et  profession  -. 

Ledit  Antoine  Chrétien  a  baillé  volontairement 
pour  les  affaires  de  la  communauté  la  somme  de 
soixante  livres,  comme  le  porte  l'acte  de  sadite 
réception,  signé  de  luy,  des  sieurs  qui  l'ont 
certilié  capable,  et  <le  nous,  sur  le  livre  d'icelle 
comuuinaiilé  le  7  juin  1651. 

CERTIFIC.Vr 

mii.ivKÉ  A  Antoine  Chrétien  ^  pah  le  recteur 

iiH  lTnivkhsité 

le    10   mar>   1C)K7. 

.Nos  peints  Egasse  du  Hoiihiv  '',  Universitalis 
Parisii'Msis  Rector,  lideni  facinius  onmibus 
quorum  inlt'i-cril,  Antonium  Chrislianum  Parisi- 
nuni  (lignuui  a  nobis  inventuin  fuisse  qui 
lypogruphicam  et  librariam  artem  exerceal, 
•piipp.'  qui  lalirie  locpialiir  et  gni'cum  légat. 
Sijfilhnn  ibiximiis  a{)[)oii»'ndum  praesenlibus 
lilleris,  (|uibus  ipsc  Chrétien  subscripsit. 

iMluiii   in   Bocordiano  '^    Jioslro,  die  décima 


•  V.iy.  ri-dexsus  raili.l.-  Lilmiins. 

*  \oy.  ci-d<'«.su«  l'urt.  H..U(|uiiiist(.s. 
■'  l''il.H  (lu  priH'éilcnt. 

»  r.yloil  lo  frèr."  d.- C:é.snr.ÉKa«si.  du  Houiiiy  (Uulœus), 
a  qm  Ion  doit  une  savnnU-  histoire  de  l'Univorsité  do 
l'nns. 

5  U  coll^pr,.  ,|.>  B<.co»d,  de  Berourl   ou  de  Boneourt 
X^oy.  Jnillol.  qunrli..r  de  in  plnee  Mnulx-rl,  p.  21)   fondé 
en    1.1...I  ..   ....jourdliui  eon.pris  dni.s  Irs   i.ùliments  de 

,,'  ^lini.iue.  On  le  nomme  plus  souvmt  colleqiim 

'■  \-v    É.  .lu   Boul;.v.  /A.v/,„;„   rnirersitalh. 


mensis    martii,    anno    millesimo    sexcentesimo 
octogesimo  septimo. 

Antonius  Chrétien 

Pierre  Egasse  du  Boulay,  rector  ^ . 

Voy.  Papiers  (Marchands  de  vieux). 

Imprimeurs  sur  étoffes.  L'art  de  teindre 
les  étoffes  était  déjà  connu  au  moyen  âge.  On 
trouve  dans  les  anciens  comptes,  dans  ceux 
notamment  du  quatorzième  siècle,  des  toiles 
bleues,  des  toiles  vertes,  des  toiles  vermeilles,  etc. 
Mais  ce  qui  prouve  que  les  procédés  de  teinture 
étaient  encore  bien  imparfaits,  c'est  que  ces  toiles 
sont  employées  surtout  à  doubler  des  tentures  ou 
des  coussins  ^.  Y  renonça-t-on  ?  C'est  probable, 
car  cette  fabrication  paraît  avoir  été  peu  perfec- 
tionnée jusque  vers  le  milieu  du  dix-septième 
siècle. 

A  ce  moment,  les  navires  de  la  compagnie  des 
Indes  rapportèrent  d'Orient  des  indiennes  ou 
toiles  peintes,  tissus  de  coton  couverts  de  dessins 
oîi  éclataient  des  couleurs  aussi  brillantes  que 
variées.  Ces  tissus  n'obtinrent  d'abord,  à  Versailles 
et  à  Paris,  qu'un  médiocre  succès  ;  cependant 
certains  teinturiers  s'efforcèrent  d'imiter  les  sin- 
guliers ornements  qu'ils  avaient  sous  les  yeux. 
Les  procédés  de  fabrication  étant  inconnus,  on 
employa  la  plume  et  le  pinceau  ;  on  les  peignit 
à  la  main,  et  ainsi  leur  vint  le  nom  de  toiles 
peintes. 

Ce  n'était  pas  là  une  concurrence  bien  redou- 
table pour  la  compagnie  des  Indes.  Mais  un  beau 
jour,  et  l'on  ne  sait  comment,  les  toiles  peintes 
devinrent  si  bien  à  la  mode  que  les  autres  étoffes 
se  virent  négligées.  Les  industriels  qui  produi- 
saient les  tissus  de  fil  et  de  soie  se  plaignirent,  et 
un  premier  arrêt,  daté  du  28  octobre  1686, 
prohiba  le  commerce,  le  port  et  l'usage  des  toiles 
peintes,  soit  étrangères  soit  indigènes.  Alors 
commence,  entre  l'Etat  et  le  public,  une  lutte 
homérique  dont  la  mode  des  demi-caslors  ■*  avait 
déjà  donné  le  spectacle. 

Entre  1686  et  1716,  plus  de  trente  arrêts  se 
succédèrent,  ayant  tous  pour  objet  d'empêcher 
les  Parisiens  de  porter  des  indiennes.  Celui  de 
juillet  1717  condamnait  aux  galères  toutindividu 
convaincu  d'en  avoir  introduit  en  France, 
et  môme  tout  individu  ayant  donné  asile  à  un 
fraudeur. 

En  même  temps,  les  commis  de  barrières  aux 
portes  de  Paris,  des  agents  spéciaux  dans  la  ville, 
avaient  ordre  d'arrêler  les  femmes  vêtues  d'in- 
diennes. Pour  stimuler  leur  zèle  on  leur  aban- 
donnait l'amende  qui  frappait  les  coupables. 

Les  jurés  de  certaines  corporations,  des  tisse- 
rands, des  drapiers  de  soie  étaient  autorisés  à 
pénétrer  dans  les  maisons,  et  à  y  saisir  juscpi'aux 
mobiliers  recouverts  de  toiles  peintes.  Des  ordres 
d'une  sévérité  inouïe  étaient  donnés  aux  innom- 
Ijrables    douaniers    qui    semblaient   chargés   de 


■*   Clcs    doux   pièces    sont    extraites    du    volume    côtt; 
A   l.'5.939  à  la  bibliothèque  Mazarine. 

2  Douët-d'Arcq,  Comptes  de  l'argenterie,  p.  400. 
•'  A'oy.  ci-dessus  l'art.  Demi-castor.s. 


IMPRIMEURS  SUR  ETOFFES  —  IMPRIMEURS  EN  TAILLE  DOUCE 


397 


protéger  la  France  contre  une  invasion,  et  le  sage 
Forbonnais  pouvait  écrire  sans  soulever  aucune 
protestation  :  «  C'est  une  guerre  continuelle  sur 
toutes  nos  frontières,  qui  fait  périr  un  monde 
infini  les  armes  à  la  main,  dans  les  prisons,  aux 
galères  et  sur  l'éclialaud.  et  cela  uniquement  pour 
vouloir  forcer  viny*t  millions  (riioiumes  à  ay-ir 
contre  leur  penchant,  au  lieu  de  s'accomnuxler 
à  ce  même  penchant  et  d'en  tirer  parti  '  ». 

Eh  bien,  au  uniment  même  où  cette  piirase 
était  écrite,  il  se  consommait  par  année  en  France 
pour  seize  millions  de  toiles  peintes  -.  Tout  le 
monde  en  voulait  et  tout  le  monde  en  possédait. 
On  en  recouvrait  des  meubles,  on  en  tapissait  des 
appartements  entiers  ;  les  résidences  royales, 
étaient  remplies  de  sièges  revêtus  de  toile 
peinte,  «  par  exemple,  dans  tout  le  cliùleau  (h- 
Bellevue,  il  n'y  avait  pas  un  meuble  qui  ne  fût 
de  contrebande  ■'  ». 

Il  fallut  ])ien  céder.  Le  gouvernement  se 
relâcha  peu  à  peu  de  sa  sévérité  ;  on  commença 
par  tolérer  les  meubles,  on  cessa  d'inquiéter  les 
femmes  vêtues  d'indiennes,  on  renonça  à  l)rûler 
les  marchandises  confisquées  dans  les  magasins. 
Enfin,  le  4  mars  17(30,  un  arrêt  autorisa  défini- 
tivement «  l'usage  des  toiles  peintes  fabriquées 
en  France  » . 

Un  jeune  lionune  de  vingt  ans,  Christophe 
Oberkampff,  fils  d'un  habile  teinturier  d'Aarau 
dans  le  canton  d'Argovie,  vint  alors  à  Paris, 
décidé  à  y  naturaliser  l'industrie  des  toiles  peintes. 
Croyant  sans  doute  à  la  vieille  réputation  de  la 
Bièvre,  il  alla  s'établir  sur  ses  rives,  à  Jouy  près 
de  Versailles.  En  même  temps  dessinateur, 
graveur  ,  teinturier  ,  imprimeur  ,  il  travailla 
d'abord  presque  seul,  puis  finit  par  former  des 
ouvriers.  Son  établissement  grandit  avec  rapidité  -, 
quinze  cents  personnes  y  furent  bientôt  occupées, 
et  la  réputation  d'Oberkampff  s'étendit  jusqu'en 
Orient,  où  ses  agents  allèrent  tenter  de  dérober 
aux  Indiens  le  secret  de  leurs  couleurs.  On  ne  se 
servait  encore  pour  l'impression  que  de  planches 
de  bois,  qui  fixaient  sur  la  toile  les  tons  prin- 
cipaux ;  les  ornements  plus  délicats  étaient 
ensuite  exécutés,  comme  autrefois,  à  la  main  par 
des  onvrieres  appelées  peinsotfuses  '*.  L'invention 
du  rouleau  opéra,  peu  de  temps  après,  une  véri- 
table révolution  dans  l'art  qu'Oberkampff  avait 
importé  en  France,  et  qui  y  constitua  ime 
quatrième  classe  de  teinturiers,  celle  des  im- 
primeurs en  toile  peinte  ou  imprimeurs  sur  étoffes. 

Voy.  Perfectionnements.  —  Travail 
(Réglementation  du),  etc.,  etc. 

Imprimeurs  lithographes.  Les  impres- 
sions lithographiques  firent  leur  apparition  à 
Paris  vers  181.Ô,  et  l'ordonnance  du  8  octobre 
1817  assimila  les  imprimeurs  lithographes  à  leurs 


1  Examen  des  avantages  et  des  désavantages  de  la  prohibi- 
tion des  toiles  peintes,  p.  76. 

2  Examen  des  avantages,  etc.,   p.    II. 

3  Grimm,  Correspondance  inédite,    loUre  du  15  octobre 
1755. 

4  JauLert,  Dictionnaire,  t.  W,  p.  263- 


confrères    en    typographie.    Les    premiers    ne 

peuvent  (hmc  fig-urcr  ici  que  pour  mémoire. 

Imprim.eurs  de  musique.  Les  premières 
étiitions  musicales  sont  coiitt'uqjoraines  de  l'in- 
vention de  rinqjrinierie,  car,  dès  1494  Ulric 
(iering  publia  à  Paris  un  psautier  avec  le  plain- 
cliant  noté. 

Les  moines  coiitimièrciit,  pendant  longtemps 
encore,  à  écrire  eux-mênu's  leur  musicpie,  et 
l'emploi  des  livres  de  phiiri-cliant  manuscrit  ne 
cesse  guère  jus([u'ii  l;i  lin  (bi  dix  -  huitii'me 
siècle. 

La  musique  profane  n'était  guère  mieux  servie. 
Le  libraire  Piorro  Atteignant  fut,  croit-on,  le 
premier  qui  ail  ru  fi  Piiris  une  imprimerie  musi- 
cale. Il  doiuia,  en  li)27,  un  recueil  de  chansons, 
imprimé  avec  les  (caractères  mobiles  que  venait 
d'inventer  Picrn»  Haut  in. 

Adrien  Leroy  et  Rojjcrt  Ballard  ulilirircnl  de 
Henri  II,  en  1.552,  le  titre  d'imprimeurs  (bi  roi 
pour  la  musique.  Ils  se  servaient  des  caractères 
inventés  par  Guillaume  Lebé  '. 

Pendant  plus  de  deux  siècles  ^  .  la  famille 
Ballard  resta  en  possession  du  titre  que  lui  avait 
accordé  Henri  II  ;  elle  y  joignit  même  celui  de 
noteur  de  la  cliapelle  du  roi  ■'*. 

Pour  l'impression  de  la  musique  en  taille 
douce  ^,  il  ny  avait  à  Paris  qu'un  seul  imprimeur 
en  1779  -5. 

Im.primeurs  en  taille  douce.  Le  pre- 
mier livre  imprimé  qui  soit  orné  de  gravures  en 
taille  douce  est  le  //  monte  santo  di  Dio^  traité 
mystique  d'Antonio  Bettini,  qui  l'ut  publié  à 
Sienne  en  1477  ^. 

Les  imprimeurs  en  taille  douce  restèrent 
longtemps  indépendants.  Constitués  en  commu- 
nauté le  17  février  1692,  ils  reçurent  leurs 
premiers  statuts  en  mai  1694.  Je  lis  dans  les 
lettres  patentes  données  à  cette  occasion  que 
l'apprentissage  était  fixé  à  quatre  ans,  suivis  de 
deux  ans  de  compagnonnage  ;  mais  les  fils  de 
niaître  étaient  dispensés  de  l'un  et  de  l'autre. 
Nul  ne  pouvait  s'établir  en  dehors  des  limites  de 
l'Université.  Ils  avaient  le  droit  d'imprimer  «  en 
figures  dites  de  taille  douce  sur  toutes  sortes  de 
graveures,  de  planches  de  cuivre  et  autres  métaux 
frappés,  et  sur  tout  papier,  toile,  .satin,  peaux, 
vélin  et  généralement  tout  ce  qui  dépend  de  la 
taille  douce,  taille  d'épargne,  claire,  obscure, 
etc.  >>.  La  communauté,  administrée  par  deux 
syndics,  était  placée  sous  le  patronage  de  saint 
Jean  l'évangéliste. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  le  nombre 
des  maîtres  était  d'environ  48.  On  signale  parmi 


1  P. -S.  Fournier,  dit  P'ournier  le  jeune,  Traité  historique 
sur  l'origine  et  les  progrès  des  caractères  de  fonte  pour 
l'impression  de  la  musique,  1765,  ia-4P. 

2  Voy.  A. -M.  Lottin,  Catalogue  chronologique  des 
libraires,  etc.,  2®  partie,  p.  5. 

3  Voy.  ci-dessous  cet  article. 

i  Voy.  l'art.  Graveurs  de  musique. 
■>  Hurtaut  et  Magiiy,  Dictionnaire  de  Paris,  1. 1,  p.  317. 
''  Ed.  Rouveyre,  Miscellanées  bibliographiques,  2"  partie, 
p.  153. 


398 


IMPRIMEURS  EN  TAILLE  DOUCIO  -  INNOVATIONS 


les  plus  «  renommés  ».  le  sieur  Molien,  établi 
rue  Zacharie,  et  le  sieur  Paillel,  rue  delà  Pelle- 
terie '. 

Inciseurs.  Chirurgiens  qui  allaient  de 
village  en  village  ofirir  leurs  services.  Dès  le 
quatorzième  siècle,  on  les  rencontre  parcourant 
les  provinces,  cheminant  un  bâton  à  la  main  par 
monts  et  par  vaux,  narguant  les  chirurgiens 
qu'ils  qualifient  d'ignorants  et.  non  sans  raison, 
(le  poltrons.  Eux,  les  \Tais  précurseurs  de  nos 
chirurgiens  actuels,  rien  ne  les  effraye,  rien  ne 
les  étonne,  rien  ne  les  arrête.  Le  sac  au  dos,  sac 
qui  contient  leur  léger  bagage  et  quelques 
grossiers  instruments,  ils  tendent  une  main 
secourable  à  tous  ceux  qui  souffrent.  Le  besoin 
de  vivre  est  leur  seul  mobile  et  la  hardiesse  leur 
seul  guide.  Ils  réduisent  les  hernies,  abaissent 
les  cataractes,  extrayent  les  pierres  de  la  vessie. 
châtrent  les  animaux  et  les  hommes,  appliquent 
le  trépan,  incisent  les  fistules.  Ils  osent  tout,  et 
le  succès  vient  souvent  couronner  leur  audace. 

Les  chirurgiens  traitaient  les  inciseurs  comme 
eux-mêmes  étaient  traités  par  les  médecins,  se 
vengeaient  sur  eux  des  affronts  que  leur  infli- 
geait la  Faculté.  Dans  Tun  et  l'autre  cas,  le 
suzerain  était  fort  inférieur  au  vassal.  Par  la 
science  pratique  et  par  les  services  rendus,  les 
inciseurs.  les  lithotomistes  surtout,  l'emportaient 
au  seizième  siècle  sur  les  chirurgiens  à  peu  près 
autant  que  ces  derniers  sur  les  médecins. 

Ils  n'en  avaient  pas  moins  rédigé  de  très 
humiliants  statuts,  que  les  inciseurs  devaient  jurer 
d'iibst-rvcr  le  jour  où  ils  recevaient  d'eux  la 
liceuce  d'exercer.  Lithotomistes,  herniaires,  ocu- 
listes et  dentistes  prenaient  donc  l'engagement 
'<  de  se  vêtir  avec  décence,  sans  bigarrure  ni  rien 
(|ui  ressente  le  charlatan  ^  ».  De  n'aller  «  point 
annoncer  leur  talent  dans  les  rues,  les  places 
publi(iues.  les  marchés,  les  foires,  soit  de  vive 
voix,  soit  par  des  affiches  ».  De  se  renfermer 
dans  leur  spécialité.  De  n'entreprendre  aucune 
opération  sans  être  assisté  d'un  chirurgien.  Celui- 
ci  se  bornait  au  rôle  de  témoin,  regardait,  les 
bras  croisés,  et  avant  de  partir  tendait  la  main  à 
l'inciseur  ((ui  devait  lui  verser  une  somme  de 
treize  blancs,  destinée  à   la  confrérie  de  Sainl- 

Voy.  Chirurgiens.  Herniaires.  — 
Lithotomistes.  —  Opérateurs. 

Iiulienneurs.  Fabricants  d'indiennes.  Au 
début  (in  (li\-huilieme  siècle,  le  mot  itidienne 
Hiffuitiait  une  ••  robe  de  chambre  [)c.iir  hommes  on 
p«Mir  fenimes,  fîiite  de  c(\s  toiles  de  coton  j>eiiites 
(b-  diverses  couleurs  et  ligures,  qui  viennent  des 
Indes  orientales  <•.  On  appelait  aussi  «  indiennes 
les  toiles  mômes  dont  ces  robes  de  chambres  sont 
failps,   soient  qu'elles  ayenl   été    fnbri(]uées   et 


'    [ImitiKirh  Ihuphin  pour  1777. 

*  Jumbiinl  fjiiiMl  linrie.sit'  iiulii.niiir.  mm  veisicolores 
ii.'c  ml  oirruliiloniiii  luxiiiii  fdiiiiMisili.  »  Slnluts  rle.s 
riirtiryieiit,  art.  41.  (^iie.snav  rjnns  ses  Origines  de  In 
fhir„rg,e.  p.  308  pt  487,  tlonno  un  text.;  lalin  cl  un  texte 
frnnrais. 


peintes  aux  Indes,  soit  qu'elles  ayenl  été  inùtées 
et  fabriquées  en  Europe  *  ». 

Voy.  Imprimeurs  sur  étoffes. 

Indigotiers.  Ouvriers  qui  travaillaient  à  la 
préparation  de  l'indigo.  Au  treizième  siècle  le 
bleu  de  ciel,  l'azur  étaient  dits  inde  ou  ynde.  Le 
bleu  foncé  était  fourni  par  la  guède  ou  pastel. 

Voy.  Couleurs  (Marchands  de). 

Indulg-ences  (Semaine  des).  Voy.  F»e- 
neuse. 

Infirmiers.  Ce  sont  ceux  qui,  dans  les 
hôpitaux,  «  sont  préposés  à  la  garde  et  au  soula- 
o-ement  des  malades,  et  que  le  peuple  nomme 
trivialement  gardes-malades  -  ». 

Dans  les  couvents,  l'office  d'infirmier  était  un 
bénéfice  claustral,  comme  les  offices  de  cham- 
brier,  de  prieur,  d'aumônier,  etc. 

Ing'énieurs.  Ce  sont  ,  écrivait  l'abbé 
Jaubert  vers  1770,  «  les  officiers  chargés  de  la 
fortification  et  des  travaux,  de  l'attaque  et  de  la 
défense  des  places.  Ils  vont  reconnoître  la  place 
qu'on  veut  attaquer,  en  désignent  l'endroit  le 
plus  foible,  tracent  les  tranchées,  les  lignes  de 
circonvallation,  les  galeries,  conduisent  les 
travaux  jusqu'au  pied  de  la  muraille,  marquent 
aux  travailleurs  l'ouvrage  qu'ils  doivent  faire, 
etc.  •''  ». 

Vauban  constitua  en  un  corps  spécial  les  ingé- 
nieurs (i\'ils  et  militaires  (1687),  et  une  école  du 
génie  fut  créée  à  Mézières  en  1748. 

Vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  on  divisait 
les  ingénieurs  en  six  classes  :  ingénieurs  de 
places  fortes  ;  ingénieurs  de  places  maritimes  ; 
ingénieurs  de  la  marine  ;  ingénieurs  de  cam- 
pagne ;  ingénieurs  géographes  ;  ingénieurs  des 
ponts  et  chaussées. 

Les  faiseurs  d'instruments  de  mathénuitiques 
prenaient  aussi  le  titre  d'ingénieurs. 


Ing'énieurs  g-éog-raphes. 
graphes. 


\' 


oy- 


Gréo- 


Ing-énieurs  hydrauliques.  ^<  Ce  sont 
ceux  qui,  parleur  science,  trouvent  les  moyens 
les  plus  courts  pour  élever  les  eaux  ù  des  hauteurs 
excessives,  par  les  mouvemens  les  moins  com- 
pliqués et  les  plus  doux  ».  Ceci  était  écrit  vers 
1760,  et  le  nombre  des  ingénieurs  hydrauliques 
était  encore  fort  restreint.  On  citait  surtout  le 
sieur  Lambol,  qui  se  disait  «  directeur  de  la 
machine  du  poiil  Nuire-Dame  ». 

Ingénieurs  des  manufactures.  Voy. 
Inspecteurs. 

Innovations.  NHy.  Travail  Régle- 
mentation du  . 


1  Savary,    Dictionnaire   du   commerce    (1723),    t.    II, 
[1.  420. 

-  .JaubiTt,  Dictionnaire,  t.  11,  p.  :m^. 
•''  Dictionnaire,  t.  II,  i>.  521. 


INSECTICIDES  —  INSPECTEURS 


399 


Insecticides  (Fabricants  d").  Albert  de 
Bollstadl ',  qui  écrivait  au  treizième  siècle, 
iadifjue  plusieurs  procédés  pour  se  délivrer  des 
puces.  Il  conseille,  par  exemple,  de  laver  les 
murailles  avec  une  décoction  de  coloquinte, 
d'enduire  les  meubles  avec  de  la  o^raisse  de 
hérisson,  etc.,  etc.  ^ 

L'auteur  du  Ménagier  de  Paris,  ouvra«je 
composé  vers  1393  par  un  riche  bourg^eois  pour 
l'instruction  de  sa  jeune  femme,  lui  enseij^ne 
qu'il  existe  au  moins  six  manières  de  détruire  les 
puces.  Il  les  lui  recommande  instamment.- car, 
dit-il,  en  préserver  son  mari  doit  constituer  une 
des  sérieuses  préoccupations  d'une  tendre  épouse  : 
«  Et  pour  ce,  je  vous  prie  que  le  mary  que  vous 
arez'^,  vous  le  veuillez  ainsi  ensorceller,  et  le 
oj'ardez  de  maison  maucouverte  *  et  de  cheminée 
fumeuse  -,  et  ne  luy  sovez  pas  rioteuse  ^,  mais 
doulce,  aimable  et  paisible.  Gardez  en  yver  qu'il 
ait  bon  feu  sans  fumée,  et  entre  vos  mamelles 
bien  couchié,  bien  couvert.  Et  en  esté,  gardez 
que  en  vostre  cliambre  ne  en  vostre  lit  n'ait 
nulles  puces,  ce  que  vous  pouvez  faire  en  six 
manières...  •»  ». 

Au  seizième  siècle,  le  Traicté  nouveau,  intitule 
hastiment  de  rtxeptes  '  fournit,  avec  d'intéressants 
détails,  cinq  procédés  infaillibles  : 

«  Pour  faire  que  les  punaises  ne  te  nuysent 
poiat  la  nuit  ; 

«  Pour  faire  un  oignement  qui  tue  les  punaises 
eu  la  couche  ou  couchette  ; 

«  Pour  faire  qu'il  n'y  ave  nidles  pusses  en  une 
chambre  ; 

«  Pour  faire  un  onguent  qui  tue  les  punaises 
ou  mortzpions  -, 

«  Pour  tuer  les  poulz  et  les  lentes  ». 

On  préconisait  surtout  la  peau  du  loup.  «  Elle 
est,  écrit  Jacques  du  Fouilloux,  propre  à  faire 
manteaux  et  fourrures,  à  fin  d'estre  préservé  de 
poux,  punaises  et  autres  vermines,  qui  fuyant  la 
peau  du  loup  comme  le  feu  ^  » . 

Les  chats  du  seizième  siècle  avaient-ils  des 
puces?  Il  y  a  lieu  de  le  croire.  Mais  ce  que  des 
documents  irréfutables  permettent  d'affirmer, 
c'est  que  les  Chartreux  étaient  exempts  de  punaises 
dans  leurs  cellules  :  fait  très  rare  chez  des  reli- 
g'ieux  qui  ne  portaient  point  de  linge,  couchaient 
tout  habillés,  changeaient  fort  rarement  de  vête- 
ments et  conservaient  pendant  vingt  ans  la  même 
paillasse.  Quelle  est  l'origine  de  cet  inappréciable 
privilège  ?  La  question  a  été  fort  discutée  et  elle 
en  valait  la  peine.  Le  Père  du  Breul  assure  qu'il 
y  faut  voir  une  prérogative  toute  spéciale  accor- 
dée à  l'ordre  des  Chartreux  par  le  Très-Haut. 
Cardan  n'en  veut  rien  croire,  et  soutient  que 
l'absence  des  punaises  est  due  à  ce  que  ces  reli- 


^  Albert  le  Grand. 

2  Opmi,  t.  YI,  p.  680. 

3  L'auteur  suppose  toujours  que  sa  femme,    beaucoup 
plus  jeune  que  lui,  se  remariera. 

4  Mal  couverte. 
^  Querelleuse. 

6  Tome  I,  p.  171 

"ï   Paris,  1539,  in-32. 

8  Traité  de  la  vénerie,  édit.  de  1585,  p.  113. 


gienx  ne  mangeaien!  jamais  de  viande.  Scaliger 
et  Vossius  reprennent  aigrement  Cardan  :  pour 
eux,  il  n'y  a  là  ni  privilège  ni  mystère;  si, 
disent-ils,  les  Chartreux  ne  connaissent  pas  les 
punaises,  c'est  (|ue,  sans  doute,  ils  sont  moins 
malpropres  (pie  les  autres  moines  '. 

Tout  demi-dieu  qu'il  était,  Louis  XI\  avait 
souvent  son  sommeil  troublé  par  ces  vilains 
insectes  -.  C'est  peut-être  ce  qui  explique 
pourquoi  il  accorda  im  jour  au  duc  de  Bouillon 
un  brevet  pour  la  vente  de  sachets  contre  la 
vermine  •'. 

A  la  fin  du  dix-huitième  siècle  encore,  le 
ihlaspi  était  regardé  comme  un  sûr  préservatif 
des  punaises  '^.  L'on  préconisait  aussi  l'emploi 
de  «  soui'ilels.  à  l'usage  des  laboureurs,  pour 
détruire  les  rats,  soin'is,  loirs,  mulots  et  autres 
insectes  •"'  ». 

Inspecteurs-  contrôleurs  -  visiteurs  - 
marqueurs  de  toutes  sortes  de  bas. 

(Juairt'-viiigis  ofiices  créés  par  édil  de  mars  17U8. 
Au  titre  que  je  reproduis  ci-dessus  et  qui  est  celui 
de  l'édit,  le  texte  ajoute  :  «...  de  bas  et  autres 
ouvrages  de  soye,  poil,  fil,  laine,  cotton,  castor, 
ségovie,  estâmes  ou  drapez  et  autres  matières  qui 
se  font  au  mestier  ». 

Quand  parut  cet  édit  il  y  avait  un  siècle  et 
demi  que  tout  hoUime  élégant  devait  porter  des 
bas  de  soie.  La  couleur  seide  variait.  On  eut,  un 
moment,  la  passion  du  vert  sous  Henri  III.  On 
préféra  le  rouge  sous  son  successeur.  Durant  la 
domination  de  Richelieu,  le  rouge,  le  vert,  le 
noir  et  le  bleu  régnèrent  simultanément.  Sous 
Louis  XIII,  on  voit  cité  souvent  le  bas  à  botte  ; 
celui-là  se  chaussait  sur  les  bas  ordinaires,  et 
était  terminé  par  un  fouillis  de  dentelles  qui 
garnissait  le  haut  des  bottes.  On  le  nommait 
aussi  bas  à  étrier,  parce  qu'il  était  retenu  seule- 
ment par  une  languette  d'étoffe  passée  sous  le 
pied. 

Mais  tant  de  luxe  n'était  point  fait  pour  les 
lourdauds  de  la  province,  où  l'on  n'avait  pas 
encore  renoncé  aux  chausses  de  drap  ". 

Sous  Louis  XIV\  on  s'engoua  des  bas  couverts 
de  dessins  en  couleurs  :  «  Il  faut,  disait  le  Mer- 
cure galant^  que  les  dames  qui  porteront  de  ces 
bas  de  soye  figurez  soient  résolues  à  faire  voir 
leurs  jambes,  car  sans  cela  il  leur  seroit  inutile 
de  porter  de  pareils  bas  '^  ».  Mais  il  en  avait  été 
ainsi  à  peu  près  de  tout  temps.  Durant  le  quin- 
zième et  le  seizième  siècles,  les  femmes  ne 
cachaient  nullement  leurs  jambes  ^  ;  elles  ne 
songeaient  pas  davantage  à'  les  dissimuler  au 
début  du  dix-huitième,  moment  où  les  bas  étaient 
brodés  d'or  et  de  soie  depuis  la  cheville  jus(|u'au 
milieu  du  mollet. 


1  J.-B.  Tliiers,  Traité  des  superstitiom,  t.  I,  p.  362. 

2  Journal  de  la  santé  de  Louis  XIV,  p.  320. 

•^  Currespundance  administrative  suus  Louis  XIV,  l.  III, 
p.  LIV. 

4  Almanaeh  Dauphin  pour  1777,  supplément,  p.  3^. 
—  L'auteur  écrit  thlnrpi  champêtre. 

^  Almanaeh  Dauphin  pour  1777,  supplément,   p.  43 

''   ^  ov.  Scarron,  Le  roman  comique,  t.  II,  p.  72. 

"   Année  1673,  t.  III,  p.  286. 

8  Voy.  ci-dessous  l'art.  Jarretières  (Faiseurs  de). 


400 


INSPECTEURS 


Par  exemple,  la  façon  de  les  porter  soulevait 
de  graves  controverses.  Les  uns  voulaient  qu'ils 
fussent  comme  de  nos  jours,  «  tirés  tout  droit  », 
ainsi  que  l'on  s'efforçait  de  disposer  les  anciennes 
chausses;  les  autres  tenaient  qu'ils  faisaient 
bien  meilleur  effet  lorsqu'ils  «  estoient  plicés 
sur  le  gras  de  la  jambe  »,  procédé  préféré 
par  Montaigne  *.  Les  partisans  du  premier 
système  l'eiuporlèrenl,  mais  ce  ne  fut  pas  sans 
lutte  ^ 

Les  bas  fabriqués  de  l'autre  côté  de  la  Manche 
étaient  les  plus  estimés.  C'est  au  moins  ce  qui 
ressort  d'une  phrase  extraite  des  Loix  de  la 
galanterie,  pièce  curieuse  publiée  en  1644.  Le 
gouvernement  protégeait  de  son  mieux  les 
produits  français  ;  il  frappait  de  droits  énormes 
les  importations,  et  pour  restreindre  autant  que 
possilile  la  fraude,  les  bas  étrangers  n'étaient 
tidmis  en  PVance  que  par  les  ports  de  Calais  et 
de  Saint- Valéry. 

Pendant  l'hiver,  les  raffinés  et  les  frileux  en 
mettaient  plusieurs  paires  les  unes  sur  les  autres. 
Les  appartements  étaient  si  vastes,  les  procédés 
(]••  chauffage  si  imparfaits  que  l'on  devait  se 
(•(>uvrirbeaucoupplus(nraujourd'hui.  Montaigne 
a  soin  de  nous  informer  qu'il  ne  chaussait  en 
toute  saison  qu'  <<  un  Ijas  de  soye  tout  simple  ^  ». 
Maison  ne  l'imitait  guère.  Malher])e,  par  exemple, 
portait  jus(|u'ii  (juatorze  chen)ises  et  douze  paires 
de  bas  superposées  ^. 

L'usage  des  bas  de  colon,  dits  d'aiiord  bus  de 
Barbarie,  des  jjas  blancs  et  des  bas  chinés  ne  se 
t'énéralisa  «juère  avant  le  dix-huitième  siècle.  Le 
Mercure  de  France,  alors  moiiilfuir  de  la  mode, 
disiil  en  \T.i\)  ^  :  «  Les  dames  portent  beaucoup 
de  bas  de  fil  de  colon  dont  les  coins  sont  brodez 
en  laine  de  couleur.  Les  Ijas  de  soye  sont  brodez 
en  or  ou  en  argent.  Les'  bas  blancs  ont  mis  les 
souliers  blancs  à  la  mode  ».  Au  moment  de  la 
Révolution,  l'on  avait  repris  les  bas  noirs. 

\'oy.  Bas. 

Inspecteurs  des  beurres  et  fro- 
mages. \ Oy.  Contrôleurs. 

Inspecteurs  aux  boucheries.  Offices 

cn-i-v  piir  édil  (h-  IV-vrii-r  1704.  Les  (ilidaires 
devaient  «  veiller  à  la  quidilé  des  viandes  et 
U'iiir  la  main  aux  ri-glemens  (h-  police  faits  sur 

celle  lliiilière  ^  ». 

I  nspf'cteurs  conservateurs  des  eaux 

«'t  Inrots.  Oflices  .rc-s  [,;ir  (-dil  de  mars  17()() 
el  supprimés  pur  edil  i\,'  nuirs  1708  '. 

Inspecteurs  et  contrôleurs  des  jurés 

auprès,  de  l.iiilrs  j.-v  cniiiiiiiiniiuh's.  Oi'licfs  créés 
par  etiil  cb-  février  17  I.'). 


'  KttaÎM,  liv.  I,  oha|i.  25. 

\oy.  Kim-lipH",  /.e  roman  hourqenis,   u.  VJ. 
:<  Kstuis.  hv.  III,  clwi|i.  13. 

*  Tiili.rnnnt   ilrs    Roaux,   Hislorictits,    t.    I,    n.    2111 
Vov.  nu.ssi  i.  II,  p,  40(<_ 

*  l'nff"  23iri 

*  l).lnmnrr.',  Triii/r  ,/e  la  iioiire,  t.  II,  p.  1275. 

'   tihaillauil,  Dictionnaire  rici  eaiijc  cl  forêts,  t.  I,  p.  312. 


Inspecteurs  et  contrôleurs  des 
maîtres  et  gardes  auprès  des  Six-Corjjs. 
Offices  créés  par  édit  de  févTier  1745. 

Inspecteurs  desnaanufactures.  Fonc- 
tionnaires créés  par  Colbert  pour  surveiller  les 
manufactures  produisant  des  toiles  ou  des  tissus 
de  laine.  Ils  devaient  faire  observer  partout  les 
règlements,  marquer  les  étoffes,  visiter  les  foires, 
couper  les  marchandises  défectueuses,  appointer 
les  procès  des  communautés,  etc.,  etc.  ^  Placés 
sous  l'autorité  des  intendants,  ils  furent  d'abord 
destinés  seulement  à  la  province  ;  mais,  dès  le 
début  du  dix-huitième  siècle,  il  en  existait  quatre 
à  Paris,  savoir  :  au  bureau  de  la  douane,  à  la 
halle  aux  draps,  à  la  foire  Saint-Germain,  à  la 
foire  Saint-Denis  ;  ces  deux  derniers  n'exerçaient 
que  pendant  la  durée  des  foires. 

On  les  trouve  aussi  nommés  commissaires  et 
inge'iiieurs  des  ma^m factures. 


Inspecteurs 

l'article  suivant. 


des    matériaux.    V 


OJ' 


Inspecteurs,  visiteurs,  contrôleurs, 
mesureurs  de  pierres  de  taille,  moel- 
lons, chaux,  etc.  Officiers  jurés  créés  en  1705 
et  supprimés  en  1719.  On  les  trouve  aussi 
nommés  inspecteurs  des  matériaux. 

Inspecteurs  des  plants  d'arbres. 
Voy.  Planteurs. 

Inspecteurs  des  poissons  de  mer  et 
d'eau  douce.  Voy.  Commissaires. 

Inspecteurs  de  police.  «  Nous  avons 
reconnu  que  les  moyens  les  plus  seurs  pour 
maintenir  la  seureté  et  tranquillité  publique 
estoient  de  créer  des  officiers  pour  tenir  la  main 
à  l'exécution  des  ordonnances  et  règlemens  de 
police...  avons  créé  en  titre  d'office  quarante 
inspecteurs  de  police  pour...  Avoir,  sous  les 
coni miss-aires  du  Châtelet  ^,  in.spection  sur  le 
nettoyement  des  rues,  les  lanternes  et  lumières 
publiques  et  sur  tout  ce  qui  concerne  les  règle- 
mens de  police...  •"'  ».  L'édit  de  mars  1740  les 
réduisit  au  iHunbrc  de  vingt,  et  en  1778,  on 
exigea  des  candidats  qu'ils  eussent  servi  dans  les 
troupes  du  roi  pendant  huit  années,  dont  deux 
en  (piidil(>  d'onicier  '^ 

Inspecteurs-contrôleurs   de   porcs. 

Ofliccs  jurés  créés  eu   1708,  pour  rem])lacer  les 
vendeurs-visiteurs  de  porcs  '^. 

Inspecteurs  et  contrôleurs  des  syn- 
dics ;uq)rès  des  nu-liers  non  conslitués  en 
communautés.  (_)flices  créés  par  édit  de  février 
1745. 


1  /iixlrifr/io/is  données  par  nous,  Colbert,  etc.,  13  aoi'it, 
1669. 

'-  \  oy.  Cijniiiii.ssaiivs  de  police. 

■■•  Éd'it  de  lévrier  1708. 

*  De.sessarls,  Dictionnaire  universel  de  police,  1.  V, 
p.  486. 

^  Voy.  Delaiiiarrc,  Traite'  de  In  police,  t.   II,  p.   1319. 


INSPECTEURS  —  INSTRUMENTS  (JOUEURS  D') 


401 


Inspecteurs  g-énéraux  et  visiteurs 
des  manufactures  de  toiles.  Ollices  créés 

par  édit  tl\)rl(il)re  1704  et  sujipriinés  par  édit  du 
20  décembre  de  la  même  année. 

Inspecteurs  sur  la  Vallée  et  les 
halles.  Voy.  Comniissaires. 

Inspecteurs  des  veaux.  Offices  créés  en 
1710.  Ils  subsistaient  encore  en  17G7. 

Instituteurs.  \'oy.  Maîtres  d'école. 

Instruction  publique.  \oy.  Acalé- 
mistes.  —  Badeaux.  —  Copistes.  — 
Écrivains.  —  Encre  (Fabrica-nts  d').  — 
Géographie  (Professeurs  de).  —  Impri- 
meurs. —  Instruments  de  mathéma- 
tiques. —  Lendit  (Foire  du).  —  Librai- 
res. —  Maîtres  d'école.  —  Maîtres  de 
pension.  —  Maîtresses  de  pension.  — 
Massiers.  —  Messagers.  —  Fapetiers. 

—  Pédagogues.  —  Fermissionnaires. 

—  Flumassiers.  —  Principaux.  —  Pro- 
cureurs. —  Relieurs. 

Instruments  (Joueurs  d').  Sous  le  nom  de 
jmjleeurs  ou  de  ménestrels,  dénominations  sns- 
ceptiljles  d'infinies  variantes,  ils  cumulèrent 
longtemps,  avec  la  musique  et  le  chant,  les  tours 
de  force  et  d'escamotage.  Artistes  errants,  le 
plus  souvent  sans  sou  ni  maille,  ils  sont  méprisés 
à  cause  de  leurs  mœurs  dissolues,  recherchés 
pourtant  à  cause  des  distractions  qu'ils  pro- 
curent. Au  treizième  siècle,  quand  l'un  d'eux 
arrivait  à  Paris,  il  était  dispensé  du  droit 
d'entrée  exigé  au  Petit-Pont,  à  condition  qu'il 
chantât  un  couplet  de  chanson  ou,  s'il  était 
accompagné  d'un  singe,  qu'il  le  fît  danser  devant 
le  péager  ' . 

La  Taille  de  1292  nientionne  3  Jngleeurs  et 
1  ménestrel.  Dès  cette  époque,  une  rue  située  sur 
les  paroisses  Saint-Josse  et  Saint-Nicolas,  était 
dite  rue  ans  Jngleetirs  ^,  mis  Jeugleettrs  ou  anx 
Jugle^irs  ^ .  Devenue  rue  des  Ménestrels  au  quin- 
zième siècle,  puis  rue  des  Ménétriers,  elle  a  été 
supprimée  en  1838,  lors  du  percement  de  la  rue 
de  Rambuteau. 

Déjà,  il  existait  des  corps  de  musique  attachés 
à  la  personne  des  rois  et  des  princes.  Un  rôle  de 
la  Chambre  des  comptes  pour  l'année  1313-1314 
désigne,  parmi  les  officiers  composant  la  maison 
du  comte  de  Poitiers  ''  :  «  Raoulin  de  Saint- 
Yerin,  ménestrel  de  cor  sarrazinois  ;  Andrieu  et 
Bernart,  trompeeurs  ;  Parisot,  ménestrel  de 
naquaires  ou  tymbales  ;  et  Bernard,  ménestrel  de 
trompette  ».  Un  compte  de  l'hôtel  du  duc  de 
Normandie,  qui  régna  en  13.50  et  prit  le  nom  de 
Jean  II,  comprend  sous  le  titre  de  menestrettx 
«  ceux  qui  jouent  des  naquaires,  du  demy-canon^. 


•   Lirre   des   métiers,  2«  partie,  titre  II.  — Voy.   aussi 
ci-dessous,  l'art.  Petit- Pont  (Péage  du). 

2  Taille  fie  1292,  p.  61  et  68. 

3  Taille  de  13 13,  p.  60  et  72. 
i  Devenu  le  roi  Philippe  V. 

!>  Ou  demi-flûte. 


du  cornet,  de  la  guiterne  latine,  do  la  lluste 
behaigne  ^,  de  la  trompette,  de  la  guiterne  mo- 
resque et  de  la  vielle  "^.  En  général,  ces  gens  ne 
sont  plus  (jualillés  de  jongleurs,  on  les  nonune 
ménestrels,  me7ifstreurs,  menestreux,  et  ce  titre, 
employé  d'abord  pour  désigner  seulement  les 
instriunentistes  remplissant  des  charges  de  musi- 
ciens à  la  cour,  passa  ensuite,  comme  un  titre 
d'honneur,  à  toutes  personnes  exerçant  la  profes- 
sion de  joueurs  d'instruments. 

Leur  nomljre  et  leur  importance  ayant  aug- 
menté, les  ménestrels  songèrent  à  se  constituer 
en  communauté,  connue  l'étaient  déjà  la  plupart 
des  métiers.  Le  14  septembre  1321,  trente-liuit 
personnes,  se  disant  menestreux  et  menestrelles, 
jongleurs  et  jongleresses,  menestreurs,  meneste- 
rels,  etc.,  à  la  tête  desquelles  figurait  Parisot, 
alors  «  ménestrel  le  Roy  »,  présentèrent  à  la 
sanction  du  prévôt  de  Paris  un  projet  de  statuts 
en  onze  articles,  qu'ils  avaient  rédigés  d'un 
commun  accord.  Le  chef  de  la  corporation  y 
prend  le  titre  de  prévôt  de  Saint-Julien.  C'est  à 
hii  qu'il  faut  s'adresser  pour  avoir  des  ménestrels. 
Tout  membre  de  l'association  à  qui  l'on  en 
demanderait  doit  répondre  :  «  Seigneur,  je  ne 
puis  alouer  autrui  ■•  que  moy  mesmes,  par  les 
ordenances  de  nostre  mestier,  mais  se  il  vous 
fault  menestreus  ou  aprentiz  ,  allez  en  la  rue 
aus  Jongleurs,  vous  en  trouverez  de  bons  *  ». 

Sept  ans  après,  deux  ménétriers  conunencèrent , 
dans  la  rue  Saint-Martin,  la  construction  d'un 
hôpital  dédié  à  saint  Julien  le  Pauvre.  La  cor- 
poration tout  entière  s'associa  à  cette  fondation, 
bientôt  complétée  par  l'érection  d'une  église, 
dite  de  Saint-Julien  des  Ménétriers. 

Au  mois  d'octobre  1372,  une  curieuse  ordon- 
nance défendit  aux  taverniers  de  donner  à  boire 
après  le  couvre-feu  sonné,  et  aux  ménétriers  de 
jouer  après  ladite  heure,  si  ce  n'est  pour  luie  noce 
et  dans  l'intérieur  d'une  maison. 

«  Que  nul  tavernier,  y  est-il  dit,  ne  soit  si 
hardy  de  tenir  ny  asseoir  beuveurs  en  sa  taverne 
après  heure  de  couvre-feu  sonnée,  sur  peine  de 
soixante  sols  parisis  à  prendre  sur  celuy  ([ui  sera 
trouvé  faisant  le  contraire. 

Item,  que  nul  ne  soit  si  liardy  de  boire  en 
taverne  après  ladite  heure  de  couvre-feu,  se  ne 
sont  gens  forains. . . . 

Item,  pour  ce  qu'il  est  venu  à  la  cognoissance 
du  prévost  de  Paris  que,  sous  umbre  de  ce  que 
plusieurs  ménestriers  vont  jouer  et  corner  de 
nuit,  plusieurs  roberies  ont  été  faites  à  Paris  et 
huys  rompus,  avec  plusieurs  autres  déliz  et 
maléfices,  est  aussi  delTendu,  de  parle  Roy  nostre 
sire  et  de  par  monsieur  le  prévost  de  Paris,  que 
doresnavant  nids  ménestriers  ne  soyent  sy  osés 
et  hardys  de  jouer  ne  faire  leur  mestier  soit 
en  taverne  ou  dehors,  après  l'heure  de  couvre-feu 
sonnée,  se  ce  n'est  que  ils  soient  à  nopces  et   en 


1  Ou  bohémienne. 

2  Voj.  Ducange,  au  mot  minstelli . 

3  Autre. 

4  Ces  statuts  ont  été  publiés  pour  la  première  fois  par 
M.  B.  Bernhard,  dans  la  Bibliothèque  de  l'école  des 
Chartes,  t.  III  (1812),  p.  400. 


26 


402 


INSTRUMENTS   (JOUEURS  D') 


l'hostel  où  les  nopces  seront,  sur  peine  de  perdre 
instrumens  et  de  quarante  sols  parisis  d'amende 
au  Roy. 

Iteni.  que  nul  ne  contraigne  ne  s'efforce  de 
contraindre  lesdits  ménestriersà  faire  ne  jouer  de 
leur  mestier  outre  la  dite  heure,  sur  peine  de 
quarante  sols  parisis  ». 

Les  statuts  de  la  communauté  furent  revisés  en 
1407.  Cette  fois  Parisol,  chef  du  métier,  qui 
s'était  dit  en  1321  ménestrel  du  roi,  prend  le 
titre  de  roi  fJn  ménestrels,  et  ce  titre,  trans- 
formé un  peu  plus  tard  en  celui  de  roi  des  violons. 
devint  célèbre  par  la  suite.  Toute  l'administra- 
lii)n  était  cuncentrée  entre  ses  mains.  L'apprenti 
nvevail  de  lui  son  brevet,  l'étrann-er  sa  licence 
tic  jiiuer  en  ville.  Aucun  ménestrel  salarié  ne 
pouvait  se  faire  entendre  sans  son  autorisation. 
Des  personnages  nommés  par  lui  remplissaient 
les  fonctions  de  jurés.  Les  maîtres  sont  alors  dits 
officiellement  mène  strier  s,  joueurs  i'  instrmnens 
tant  haulx  que  bas. 

(les  statuts  régirent  la  connnuuauté  jus([u'au 
milieu  du  dix-huitième  siècle.  Renouvelés  en 
(iclnbre  1()58.  ils  confirmèrent,  étendirent  même 
l'autorité  du  roi/  des  violons.  Il  lui  est  permis 
d'avoir  «  des  lieutenans  en  chaque  ville  pour 
faire  observer  les  statuts,  recevoir  et  agréer  les 
maistres  ».  C'est  lui.  en  filet,  qui  délivre  les 
lettres  de  maîtrise  au  pri.x  de  00  livres,  et  qui 
perçoit  les  amendes  professionnelles  ;  on  le 
retrouve  partout  où  il  y  a  une  autorisation  à 
(h)nner.  une  somme  à  recevoir.  Cette  fois,  l'art 
(U*  la  danse  est  assimilé  à  l'art  musical,  les 
maîtres  sont  dits  maîtres  à  danser  et  jotietirs 
fP instrumens.  La  durée  de  l'apprentissage  est 
fixée  à  quatre  ans.  Les  aspirants  à  la  maîtrise 
doivent  parfaire  V expérience  en  présence  de  vingt 
maîtres  présidés  p;ir  le  roi  des  violons.  «  Aucune 
personne  ne  pourra  tenir  école,  monstrer  la 
danse  ny  les  jeux  des  instrumens  hauts  et  bas. 
s'allrouper  jour  ny  nuit  pour  donner  des  séré- 
nades ou  jouer  desdits  instrumens  en  aucunes 
nopces  ou  assemblées,  ny  faire  aucune  chose 
concernant  l'exercice  de  ladite  science,  s'il  n'est 
reçu  maistre,  ou  agréé  par  ledit  roy  ou  ses  lieu- 
tenans ». 

Klaienl  seuls  exceptés  de  celle  règle  «  les 
violons  de  la  chauibre  de  Sa  Majesté  ».  On 
désigiiiiil  ainsi  les  artistes  composant  ce  que 
l'on  nonnna  d'abord  la  qrande  Imnde,  puis  les 
2-t  riolons  de  lu  rliamhrr  duroi,  qui  jouaient  dans 
l'anliclnnubre  durant  le  dîner  du  souverain  et 
lesjours  de  cérénuuiie.  Les  21  violons  du  cabinet. 
«lits  dr.  In  prtilr  bande,  avaient  dans  leurs  attri- 
butions les  «  séréiuub's,  bals,  ballets,  cdinéches, 
concerl.s  particuliers,  olc.  ^  ». 

Les  sIhIuIs  que  je  vii-iis  de  résumer  soiil  dits 
avoir  élé  ■•  obtenus  et  impéirés  par  (Miilhunue 
du  Manoir,  roy  et  niaislre  de  tous  les  maistres 
joueurs  d'insIruMUMis  ol  maistres  à  d;inser  p;ir 
tout  le  royaume  (b-  Knince   ■•. 

Celle  royauté  fui  moins  éphémère  que  ne 
l'ospéniient  ses  détracteurs,  et  elle  tomba  vic- 


'  Kla'  l'e  In  /•'lancf  jjniir  17/2,  I,  I,  \>.  22(i 


time  de  ses  imprudences.  Le  sieur  J. -P.  Guignon, 
nommé  en  1741  roi  des  ménétriers,  «  titre  mort 
et  presque  oublié  depuis  un  demi-siècle  »,  dit 
un  factum  contemporain^,  voulut  faire  revivre 
les  antiques  privilèges  attachés  à  sa  souverai- 
neté. Il  obtint  des  lettres  patentes  qui  inter- 
disaient l'enseignement  de  la  musique  et  de  la 
danse  à  toute  personne  non  inscrite  sur  les 
registres  de  la  communauté.  Des  protestations 
s'élevèrent  de  toutes  parts,  et  un  édit  du 
13  mars  1773  déclara  éteinte  et  supprimée  «  la 
charge    de  roi   et   maître   des   ménestriers "^    ». 

L'édit  s'exprime  ainsi  :  «  Notre  amé  Jean- 
Pierre  Guignon  nous  ayant  très  humblement  fait 
supplier  d'agréer  sa  démission  pure  et  simple  de 
l'office  de  roi  et  maître  des  ménestriers  et  joueurs 
d'instrumens  tant  hauts  que  has  dans  notre 
royaume,  dont  nous  l'avions  pourvu  par  nos 
lettres  du  15  juin  1741,  nous  nous  sommes  fait 
rendre  compte  des  pouvoirs  et  privilèges  généra- 
lement attribués  à  celle  charge,  et  bien  informés 
que  l'exercice  desdits  privilèges  paraît  nuire  à 
l'émulation  nécessaire  au  progrès  de  l'art  de  la 
musique  que  notre  intention  est  de  protéger  de 
plus  en  plus,  nous  avons  jugé  à  propos,  en 
déférant  à  la  demande  dudit  sieur  Guignon,  de 
supprimer  à  toujours  ladite  charge.  A  ces  causes 
et  autres  à  ce  nous  mouvant,  de  l'avis  de  notre 
conseil,  et  de  notre  certaine  science,  pleine 
puissance  et  autorité  royale,  nous  avons  par  notre 
présent  édit  perpétuel  et  irrévocable,  éteint  et 
supprimé,  éteignons  et  supprimons  la  charge  de 
roi  et  maître  des  ménestriers  et  joueurs  d'instru- 
mens tant  haut  que  bas  de  notre  royaume, 
vacante  par  la  démission  volontaire  qu'en  a  faite 
le  sieur  Guignon  -^  ». 

L'édit  de  février  1776  supprima  la  corporation 
des  ménétriers.  Ses  biens,  consistant  dans  la 
propriété  et  les  revenus  de  l'ancien  hospice  et  de 
la  ('liapelle  Saint-Julien  '%  donnèrent  lieu  à  un 
long  procès.  L'académie  de  danse,  dont  presque 
tous  les  membres  avaient  appartenu  à  la  commu- 
nauté, les  réclama  comme  héritière  naturelle, 
proposant  en  même  teiïips  la  réorganisation  du 
corps  sous  une  forme  nouvelle.  D'un  autre 
côté,  ils  étaient  convoités  par  la  fabrique  de 
l'église  Saint-Merri,  paroisse  de  la  chapelle  ;  elle 
voulait  les  transformer  en  lieu  d'inhumation  °. 
Ces  prétentions,  soumises  d'abord  au  Parlement, 
furent  évo(|ués  au  conseil  d'Etat  par  arrêt  du 
12  août  1782.  L'affaire  étail  encore  pendante 
([uand  éclala  la  Révolution.  f(ui  mit  tout  le  monde 
d'accord.  En  décembrt^  1789,  la  France,  menacée 
de  toutes  parts,  sollicitait  des  offrandes  qui  lui 
permissent  défaire  face  à  l'ennemi.  Le  17  de  ce 
mois,  une  dépulalion  de  l'ancienne  communauté 
se  présenta  à  la  barre  de  l'assemblée  nationale,  et 
lui  til  (1(111  (le  tduslesbiensetrevenusapparlenant 


'  .Wi'/Duex  pour  les  orijnnixii's  r/ii  Roi  contre  le  siriir 
(iiiifinon,  etc. 

2  Heciiell  (férlits,  arrêts,  lettres  jin tentes  en  fureur  ('es 
musicie/Li  du  royaume,  1774,  in-S". 

•'  (înignon  iiiounil  l'année  m?nie  ([ui  suivit  sa  démis- 
sion, \c  30  janvier  1774,  âgé  de  soixante-douze  ans. 

i  Dite  aussi  chapelle  Hainl-Genès. 

^   13.  Heiiihard,  p.  370. 


INSTRUMENTS  DE  CHIRURCÎlE  —  INTENDANTS 


4U3 


à  la  corporation.  Le  sieur  Perrin,  chef  de  la  dépu- 
tation  débuta  ainsi  :  «  En  qualité  de  commis- 
saires députés  par  l'ancienne  comnuuiaulé  des 
maîtres  ù  danser  de  la  ville  de  Paris,  nous  avons 
l'honneur  de  vous  apporter  et  de  remettre  sur  le 
bureau  une  délibération  prise  en  nutre  assemblée 
du  13  du  présent  mois,  par  la(piell(>  nous  faisons 
don  à  la  nation  de  notre  cliapelle  de  Saint-Julien 
des  Ménétriers,  dont  nous  sonunes  fondateurs  el 
patrons  laïques,  et  de  tous  les  objets  mobiliers  et 
immobiliers  qui  en  dépendent.  Nous  désirerions 
comme  bons  citoyens  être  en  état  de  faire  à  la 
patrie  des  sacrifices  plus  considérables  -,  mais 
nous  sommes  pauvres,  et  nous  espérons  que 
vous  voudrez  ne  pas  dédaip^ner  une  offrande 
qui,  pour  être  modique,  n'en  est  que  plus 
pure  >>. 

D'après  les  procès-verbaux  d'expertise  dressés, 
le  25  octobre  1790  par  les  commissaires  de 
l'assemblée  constituante  et  de  la  commune  de 
Paris,  la  chapelle  Saint -Julien  fut  estimée 
10.400  livres,  non  compris  les  objets  mobiliers 
et  les  cloches.  On  estima  les  autres  bâtiments 
7.625  livres. 

Les  joueurs  d'instruments  s'étaient  placés  sous 
le  patronage  de  saint  Julien.  Une  de  leurs 
confréries  fut  pendant  longtemps  dédiée  à 
saint  Gènes  ou  Genest,  comédien  converti. 

Yoy.  Danse  (Maîtres  de).  —  Musique 
el  Théâtre. 

Instruments  de  chirurg-ie  (Fabricants 
d').  La  fabrication  des  instruments  de  chirurgie 
était  le  monopole  de  la  corporation  des  coute- 
liers. Leurs  statuts,  confirmés  en  1(308  ^,  et  qui 
les  régirentjusqu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle, 
leur  accordent  le  droit  exclusif  de  confectionner 
les  lames  d'épées,  dagues,  pertuisanes,  halle- 
bardes «  et  autres  bâtons  servant  à  la  défense 
de  l'homme  »,  les  ciseaux,  les  instruments  de 
chirurgie,  les  couteaux,  les  canifs,  etc.  En  1692, 
les  sieurs  Surmon,  au  Tiers-point  couronné  -,  et 
Tougaret,  au  Verre  couronné  ^  faisaient  des 
lancettes  estimées  ;  mais  le  meilleur  fabricant 
d'instruments  de  chirurgie  était  le  ma/fre  de  la 
Coupe ^  André  Gérard,  qui  demeurait  rue  Trous- 
sevache.  Le  maître  dn  Trèfle,  Guillaume 
Vigneron,  rue  de  la  Coutellerie,  avait  joui 
pendant  longtemps  d'une  grande  réputation. 

Pour  les  instruments  en  or  ou  en  argent,  il 
fallait  s'adresser  aux  orfèvres  ;  le  grand-père  du 
tragédien  Lekain  *  se  distingua  dans  cette 
spécialité  ^.  On  cite,  au  siècle  suivant,  l'or- 
fèvre Cheret,  qui  demeurait  sur  le  pont  Saint- 
Michel  ^. 

Bien  entendu,  de  si  riciies  bijoux  n'étaient  pas 
à  l'usaffe  de  tout  le' monde.  Dionis,  dans. son 
Cours  d'opérations   de  chirurgie,   a  une  phrase 


1  Voy.  Statuts  et  ordonnances  des  fècres-cottteliers,  etc., 
1660  et  1748,  in-4''. 

2  II  demeurait  rue  Saint-Julien  le  Pauvre. 

3  II  demeurait  à  la  porte  Saint-Germain. 

4  Son  vrai  nom  était  Gain. 

5  ^  oy.  Le  livre  commode  pour  Ï692,  t.  II,  p.    18. 
•>  Abnunnrli  Dauphin  pour  1777,  arl.  (3rfèvres. 


cliarniante  en  parlant  des  instruments  destinés 
au  nettoyage  des  dents  :  «  Ces  instrumens, 
dit-il,  sont  ordinairement  d'acier,  mais  ceux 
dont  on  se  sert  pour  le  Roy  et  pour  les  Princes 
sont  d'or;  et  s'il  y  avoil  encore  un  métal  plus 
précieux,  on  l'emphjierait  à  leur  service,  parce 
qu'ils  récompensent  magnifiquement  *  ».  Je 
rappelle  que  les  Romains  se  servaient  déjà  d'or 
et  d'argent  pour  plomber  les  dents,  et  de  fils 
d'or  pour  lier  les  fausses  dents  aux  dents  con- 
servées -. 

La  coutellerie  anglaise  fut  pendanl  plusieui's 
siècles  préférée  à  la  nôtre,  et  M'""  Cradock 
pouvait  encore  écrire  dans  son  Journal  Ui  22  sep- 
tembre 1784  :  «  Je  me  suis  fait  saigner,  mais 
les  lancettes  françaises  sont  si  défectueuses  que 
cela  rend  cette  opération  assez  douloureuse  •'  ». 

Instruments  de  mathématiques  Fai- 
seurs d'j.  Deux  corporations,  celle  des  couteliers 
et  celle  des  fondeurs,  se  disputèrent  pendant 
longtemps  le  privilège  de  la  fabrication  des 
instruments  de  mathématiques.  Le  parlement 
finit  par  l'adjuger  aux  fondeurs,  qui  joignirent  à 
leurs  autres  titres  celui  de  maîtres  faiseurs  d^ ins- 
trumens de  mathématiques,  globes  et  sphères. 
Suivant  Hurlant  et  Magny,  les  industriels  qui  se 
livraient  plus  spécialement  à  cette  fajjrication 
étaient  aussi  désignés  sous  le  nom  de  mathéma- 
ticiens, ingénieurs,  etc.  ^.  C'étaient  eux  qui 
traçaient  les  cadrans  solaires,  posaient  les  para- 
tonnerres, etc. 

Les  deux  immenses  globes  de  Coronelli  qui 
étaient  conservés  à  la  bibliothèque  Nationale 
portent  sur  leur  monture  l'inscription  suivante  : 
«  Faict  par  Gatellier,  fabricateur  des  instrumens 
de  mathématiques.  1695  ».  Un  peu  plus  tard, 
un  sieur  Magny,  qui  demeurait  dans  la  cour  de 
Saint-Germain  des  Prés  et  avait  pour  enseigne 
Au  Roy  Childehert,  s'intitulait  «  ingénieur  pour 
l'horlogerie,  les  instrumens  de  mathématique  et 
phisique,  ainsi  qu'en  mécanique  ». 

Les  fondeurs  avaient  pour  patron  saint  Hubert . 

Voy.  Baromètres  (Marchands  de).  — 
Boussoles  (Fabricants  de).  —  Cadrans 
solaires.  —  Fondeurs.  —  G-éographes 
(Ingénieurs).  —  Lanterne  magique.  — 
Paratonnerres. 

Instruments  de  musique  (Faiseurs  d'). 
^'oy.  Luthiers. 

Intendants. «  L'intendant, ditrabbé  Fleury, 
doit  être  ce  serviteur  fidèle  et  prudent  dont  Jésus- 
Christ  nous  propose  l'exemple  dans  l'Evangile, 
il  qui  son  maître  a  confié  tout  le  soin  de  sa 
maison  ^  ».  On  sait  que  les  intendants  ne  répon- 
daient guère  à  cette  définition,  et,  qu'en  général, 
ils  avaient  surtout  le  souci  de  s'enrichir  aux 
dépens  de  leur  maître.  «  Il  faut,  écrit  Audiger, 


1  Pages  512  et  519. 

2  Yoy.  ci-dessus  l'art.  Dentistes. 

3  Page  87. 

i  Dictionnaire  de  Paris,  t.  III,  p.  503. 
^  Devoirs  des  /Huîtres  et  des  domestiques  (1688",  2"  partie, 
chap.  3. 


404 


INTENDANTS  —  IVOIRIERS 


qu'un  intendant  sache  et  entende  parfaitement  les 
affaires  ;  et  outre  cela,  qu'il  soit  honnête  homme, 
plein  (le  probité  et  de  conscience,  intelligent, 
vio-ilanf  et  actif;  car  de  son  esprit  et  de  sa  bonne 
conduite  dépendent  souvent  la  perte  ou  le  réta- 
blissement d'une  maison.  Sa  charge  et  fonction 
concernent  généralement  tous  les  biens,  revenus 
et  affaires  d'un  grand  seigneur,  desquelles  il  doit 
savoir  de  point  en  point  l'état,  la  force  et  le 
produit,  afin  que  sur  cela  il  gouverne  la  dépense 
et  donne  ordre  aux  dettes  les  plus  pressées,  dont 
il  doit  surtout  prendre  une  exacte  connoissance, 
afin  d'éviter  l'embarras  et  les  cliicanes  qui 
pourroient  arriver  à  ce  sujet... 

Il  est  encore  de  son  devoir  d'éviter  la  brouille- 
rie  et  la  confusion  dans  les  affaires,  autant  qu'il 
lui  est  possible,  et  de  ne  point  laisser  tomber  le 
seigneur  dans  des  frais  et  dépens  inutiles  ;  et 
lorsqu'il  se  présente  quelque  affaire  nouvelle  et 
difficile,  il  doit  avant  que  de  s'engager  dans  des 
procédures  prendre  bon  conseil  et  bien  exécuter. 
C'est  ainsi  que  des  intendans  par  leur  soin  et 
capacité  soutiennent  et  remettent  sur  pied  des 
maisons  presque  ruinées.  Au  lieu  que  d'autres, 
par  leur  faute  et  négligence,  abîment  et  sont 
cause  de  la  ruine  totale  des  plus  illustres,  ainsi 
((ue  nous  avons  vingt  exemples  récens  et  no- 
tables dans  les  maisons  de  plusieurs  princes 
et  autres  grands  seigneurs  assez  connus  parmi 

le  Ulnll(h^  ^   ». 

Intendants  des  bâtiments  du  roi. 
Voici  ru  ([Udi  cnn^istait  crllc  charge,  le  8  avril 
1<)I]2,  jour  où  X.  .lacqueliii  en  fui  pourvu  :  11 
avait  pouvoir  de  régler  tout  ce  qui  concernait 
rentrelieu,  les  endjellissements  et  accroisse- 
ments des  "  baslimens  et  chasteaux  du  Lou\Te, 
Hourbon,  |)alais  des  Tuilleries,  Saint-Germain- 
eu-Lave,  pompe  du  Pont-Neuf -,  collège  roval-', 
chasieau  de  Vincennes,  sépulture  du  feu  Roy, 
et  dépendances  d'iceux ,  collège  royal  des 
l'I'.  Jésuites  de  la  Flèclie  et  à  trente  lieues 
aux  environs  de  nosire  ville  de  Paris,  excepté 
Foiilaiuejih'au,  et  des  tapisseries  de  haute  lisse 
ri  autres  manufactures,  avec  h-  pouvoir  de 
donner  ordre  et  (h'  veiller  sur  ceux  (pii  sont 
ou  seront  logez  sous  la  grande  galerie  du 
Louvre  *  >' . 

On  sait  ((Ue  celle  chai-gr  lui  nue  de  celles 
<|u'ncnipnrîi  (lolberl. 

Vov.  Louvre  (Galerie  du). 

Intendants  du  commerce.  Six  charges 

créocs  eu  uiiii  1708  et  suijpriiuées  eu  oclobre 
1715». 

Vov.  Offlces  (Créations  d'). 


1  U  maitoH  r/gUe  (1092),  liv.  I,  pIihj..  ,-.. 

'  I^Sflninriljiim-. 

•■•  !,••  rolli'p'  <!.•  l'Vanrc  nclurl. 

*  ^<>y.  \.  Jnl,  /h'rlioHiiairr  rrl/it/iic,  ii.  (5!t7. 

•  \»y.  S«vnry,  DklwHiinirt  ilii  eommerce,  [■  1.  p    Mon. 


Intendants  des  eaux  et  fontaines. 
Vov.  Fontainiers. 

Intendants  du  garde-meubles.  Voy. 
Gardes-meubles. 

Intendants  des  inscriptions.  Le  titre 
officiel  était  :  «  Intendant  des  inscriptions  des 
bàtimens  royaux  et  publics ,  inventions  de 
trophées ,  desseins  de  peintures ,  emblèmes , 
devises,  descriptions  et  autres  décorations  faites 
dans  les  chambres  et  cabinets,  galeries,  jardins 
et  maisons  royales,  comme  aussi  de  celles  qu'il 
faudra  faire  aux  portiques,  arcs  triomphaux  et 
autres  ouvrages  pour  les  entrées  de  leurs  majestés 
dans  les  villes,  ou  pour  quelque  autre  sujet  que 
ce  puisse  être  ». 

Claude  de  Boze  était  titulaire  de  cette  charge 
en  1712 ^ 

Intendants  des  menus.  Voy.  Menus 
(Officiers  des). 

Intendants  généraux  des  postes, 
courriers  et  relais  de  France.  Charge 
qui  succéda,  en  1770,  à  celle  de  grand  maître  et 
surintendant  général  des  postes. 

En  1788  M.  Rigoley,  baron  d'Ogny,  prenait 
le  titre  de  Intendant  général  des  postes  aux  lettres 
et  aux  chevatix,  courriers,  relais  et  messageries. 
Cette  charge  fut  supprimée  par  décret  du  9  juil- 
let 1790. 

Interprètes   du  roi.    Louis    XIV    eut 

peiubiul  longtemps  des  secrétaires-interprètes  en 
langues  latine,  grecque,  arabe  et  syriaque  "^. 

Voy.  Chambre  du  roi  et  Drogmans. 

Introducteurs  des  ambassadeurs, 
dits  aussi  Conducteurs  des  ambassa- 
deurs et  princes  étrangers.  Ils  étaient 
au  nond)re  de  (h'ux,  et  avaient  sous  leurs  ordres 
un  secrétaire  à  la  conduite  des  amhassadei^'s. 

Ils  recevaient,  conduisaient,  introduisaient  les 
rois,  princes,  légats,  cardinaux,  nonces,  ambas- 
sadeurs ordinaires  et  extraordinaires,  envoyés, 
résidents,  agents,  chefs  d'ordre,  etc.,  ainsi  que 
leurs  femmes. 

\'ov.  Cérémonial. 

Inventaire.  \u\.  Éventalre. 

Inventions.  Voy.  Perfectionnements 
et  Travail  (Réglementation  du). 

Ivoiriers.  Sculpteurs  en  ivoire.  Voy. 
Sculpteurs. 


'    'i'i'iiboiiiil.'l,    Khil   fie    tri    France  jkiki-    17 12,     I.     I, 
.•(80. 
"-  .\.   .Jiil,  JUrliiiniiiiirf  i-rHiquc.  y.  CiOT  et   t»~9. 


JAGOnoiS  —  JARDINIERS 


40.') 


Jacqueis  el  Jacqys.  Vov.  Jockeys. 

Jambons  (Foire  aux).  Elle  se  tenait  sur 
le  parvis  Notre-Dame  et  ne  durait  qu'un  jour, 
le  mardi  saint.  Elle  a  été  célébrée  par  un  rimeur 
du  dix-septième  siècle,  qui  nous  apprend  que 

Dans  ce  parvis,  où  l'on  contomplc 
La  face  d'un  superbe  temple, 
Jambons  croissent  de  tous  côtés 
Ainsi  cpie  s'ils  estoient  plantés. 

Entre  la  fontaine  et  le  parvis  se  dressait  une 
•statue  dite  du  Jeûneur,  ainsi  nommée  parce  que 
ce  personnage  assistait  à  la  foire  sans  pouvoir 
prendre  sa  part  du  lard  et  du  jambon  qui  j 
foisonnaient .  Une  autre  légende  veut  ([ue  la  statue 
représentât  un  religieux  resté  mille  ans  sans 
boire  ni  manger. 

La  foire  aux  jambons  n'avait  rien  perdu  de  sa 
vogue  à  la  fin  du  dix-huitième  siècle.  Séb. 
Mercier  écrivait  alors  :  «  Les  boutiques  de 
charcutiers  sont  brillantes  ;  la  cochonaille, 
apprêtée  sous  mille  formes,  séduit  les  estomacs 
catholiques  ;  elle  a  un  air  plus  ragoûtant  dans 
ces  jours  sacrés  où  il  est  défendu  d'en  manger  ; 
elle  est  sous  la  main  des  fidèles,  qui  doivent  la 
repousser...  ^  ». 

Cette  foire,  dite  aussi  foire  du  'parvis,  s'est 
perpétuée  jusqu'à  nos  jours,  et  elle  se  tient 
actuellement  au  boulevard  Richard-Lenoir. 

Jaquets.  Voy.  Jockeys. 

Jardineors  et  Jardineurs.  Voy.  Jar- 
diniers. 

Jardiniers.  La  Taille  de  1292  cite  six 
courtilliers,  nom  que  portaient  alors  les  jardiniers. 
Suivant  Sauvai  "^,  le  mot  court illes,  en  vieux 
français,  désignait  «  des  jardins  champêtres  où 
les  bourgeois  alloient  se  promener  et  prendre 
l'air  ». 

Les  jardiniers  furent  de  très  bonne  heure 
constitués  en  communauté,  mais  on  ne  possède 
pas  leurs  statuts  antérieurs  à  1599.  On  voit 
dans  ceux-ci  que  l'apprentissage  était  de  quatre 
années,  suivies  de  deux  années  de  compagnon- 
nage et  du  chef-d'œuvre.  On  n'exigeait  des  fils  de 
maître  que  l'apprentissage. 

Il  y  avait  dans  les  maisons  royales  une  foule 
de  jardiniers  ^.  Au  milieu  du  dix-huitième  siècle, 


1  Tableau  rie  Paris,  t.  IX,  p.   270. 

2  Recherches  sur  Paris,  t.  I,  p.  67. 

3  Voy.    les   Etats  de   la  France   et   plus  spécialement 
celui  de  1712,  t.  I,  p.  322  et  suiv. 


(;elui  de  Versailb^s  ioucliail  par  an  18.000  livres, 
celui  de  Marly  ir).000  livres  i. 

Le  voyageur  anglais  Lister  mentionne,  en 
1098,  parmi  les  plus  beaux  jardins  de  Paris  ceux 
du  Palais-Royal,  de  l'Arsenal,  des  Chartreux, 
des  Céleslins  et  de  Sainte-Geneviève.  Puis,  ceux 
des  hôtels  d'Aumont,  Pussort,  Beauvilliers, 
Caumartin,  Lesdiguières,  de  Lorges,  LePeletier, 
Sully  et  Louvois  -. 

Au  siècle  suivant,  on  comptait  à  Paris  jusqu'à 
dix  jardins  publics.  Savoir: 

Les  Tuileries.  Ce  jardin  était  gardé  [uir  un 
détachement  d'Invalides.  Sauf  le  jour  de  la 
Saint-Louis,  il  était  interdit  aux  soldats,  aux 
domestiques  et  aux  gens  mal  vêtus. 

Le  Luxembourg.  ,]d.v([[n  fréquenté  surtout  par 
les  gens  du  quartier.  On  y  voit  «  le  dimanche 
matin,  dans  l'allée  qui  conduit  aux  Carmes,  et  le 
soir  dans  la  grande  allée  une  infinité  de  beau 
monde.  On  y  observe  la  même  police  qu'aux 
Tuileries  ». 

Le  jardin  du  Roi,  aujourd'hui  muséimi 
d'histoire  naturelle.  «  Il  fournit  une  promenade 
aussi  agréable  que  salulire  aux  habitans  de  ce 
quartier,  et  utile  aux  naturalistes  et  aux  amateurs 
de  la  l)otanique  ».  Même  règlement  di'  police 
qu'aux  Tuileries. 

Le  Palais-Royal.  «  La  quantité  de  marcluinds 
de  tous  genres  qui  s'y  sont  établis,  ainsi  que  sous 
les  galeries  qui  en  font  le  pourtour,  les  difî'érens 
spectacles  qui  y  sont  rassemi)lés,  les  billards  de 
toutes  formes  qu'on  y  trouve,  font  de  ce  lieu  une 
espèce  de  foire  perpétuelle  ». 

Le  jardin  de  V  Infante.  En  bordure  du  Louvre. 
Il  n'était  ouvert  que  l'été. 

Le  jardin  de  l'Arsenal.  Il  était  borné  d'un  côté 
par  la  Bastille  et  de  l'autre  par  la  Seine.  Un 
limonadier,  qui  avait  eu  la  permission  de  s'y 
établir,  y  vendait  des  rafraîchissements. 

Jje  jardin  du,  Temple.  On  y  entrait  par  l'endos 
du  Temple. 

Jardin  de  S'iuhise.  C'était  le  jardin  particulier 
de  l'hôtel  de  Soubise,  aujourd'hui  palais  des 
Archives.  Le  pulilic  n'y  était  admis  que  l'été. 

Jardin  de  Vhôtel  de  Biron,  rue  de  Varerme 
Il  était  ouvert  au  public  du  l"a\Tilau  l"""  octobre. 

Le  Cours-la-Reins.  Sur  le  l)ord  de  la  Seine, 
entre  les  Tuileries  et  Chaillut.  Seuls,  les  princes 


1  l)uc  de  I.,uyiies,  Mémoires,  i.  I,  pi.  253. 

2  \a\.  p.  Kîl)  et  suiv. 


406 


JARDINIERS  —  JARRETIÈRES 


du  sanrr  avaient  le  droit  d\  faire  entrer  leurs 
carrosses. 

Les  remparts,  promenade  plutôt  que  jardin, 
sont  représentés  aujourdliui  par  nos  boulevards. 
\jï\ guide  de  1757  s'exprime  ainsi  :  «  Les  remparts 
sont  une  promenade  publique  ouverte  à  tout 
le  monde  .b-puis  la  porte  Saint-Antoine  jusqu'à 
la  porte  Saint-Honoré.  Le  prévôt  des  marchands 
et  les  échevins,  qui  en  ont  l'entretien,  ont  fait 
placer  des  bancs  de  pierre  de  distance  en  distance 
sur  les  côtés  des  contre-allées,  et  ont  l'attention 
de  faire  arroser  pendant  l'été  la  grande  allée  du 
milieu,  où  l'on  se  promène  en  carrosse.  Il  est 
défendu  d'y  faire  passer  des  charrettes,  tombe- 
reaux, baquets  et  autres  voitures  de  cette  espèce. 
On  y  trouve,  depuis  le  Pont-aux-Choux  jusqu'à 
la  porte  du  Temple,  des  caffés  et  ralTraîchisse- 
mens.  On  y  loue  des  chaises,  on  y  voit  des 
joueurs  de  gobelets  et  autres  bateleurs  comme 
aux  foires  *  >^. 

Les  maîtres  jardiniers  se  qualifiaient  de  jar- 
diniers-préoliers-maralchers.  Au  nombre  de  1.200 
environ,  ils  étaient  divisés  en  quatre  classes 
principales: 

Les  jardiniers  fleuristes. 

Les  jardiniers  marchands  d'arbres. 

Les  jardiniers  planteurs. 

Les  maraîchers. 

Tous  avaient  pour  patron  saint  Fiacre. 

On  les  trouve  nommés  :  closiers,  corteilhers, 
cortillfors,  cortilliers,  courtilleurs,  courtilliers, 
cuHilfrs,  cultiliers,  jardineors,  jardineurs,  ver- 
diers,  etc.,  etc. 

Le  marché  aux  (leurs  et  aux  arbres  se  tint 
(l'abord  sur  b'  Ponl-au-Change,  alors  dit  aussi 
IVint-aiix-Arbres  -.  Il  fut  transporté  ensuite  sur 
le  (juai  d<'  la  Mégisserie,  puis  (au  début  du  dix- 
neuvième  siècle;  sur  le  quai  Desaix,  aujourd'hui 
quai  de  la  (lilc 

Voy.  Agronomes.  —  Baromètres 
(Marchands  de).  —  Botanistes.  — Bou- 
quetières. —  Champignonnistes.  — 
Chapeliers  de  fleurs.  —  Closiers.  — 
Dessinateurs  de  jardins.  —  Élagueurs. 

—  Engrais  (Commerce  d").  —  Fianteurs. 
Fraisiers.  —  Grainiers.  —  Greffeurs. 

Herbieres.  —  Horticulteurs.  — 
Laboureurs.  —  Légumistes.  —  Marai- 
cherB.        Pépiniéristes.  —  Planteurs. 

—  Primeurs  (Marchands  de).  —  Tau- 
piers.  Tondeurs  de  bois.  —  Treil- 
lageurs.        Verdiers.  —  Vitriers. 

Jarretières  Commerce  des).  Au  treizième 
sitM-lr,  b>  jarret ièrfs  élégantes  étaient  confec- 
tion nées  par  1ns  lisseraiules  de  soie,  qui  ont  leurs 
slaluls  dans  In  Lirn-  dts  métiers  ^.  Les  progrès 
du  luxe  leur  (il  adjoindre  le  concours  des  orfoNTCs, 
car  je  lis  dans  le  compte  des  dépenses  faites  pour 


'  Pour  le  <lix-liuitième  sii-cle,  consiiiler  Jëzo,  Élal  rie 
P»r<»,  inWt.  H.'  1757,  p.  100;  et  Thkirv,  (hiùle  fies 
amnlfHrs,  ,.|o..  pflN.sim. 

'  \«v.  Savnn-,  Die/tonnntreffit  eommeirr,  \.  Il,  ii.  ;?83 

^  Tiip-  \\\\'in 


Isabeau  de  Bavière  en  1387  :  «  Pour  quatre  onces 
d'argent  doré  fin  vermeil,  emploie  es  blouques  ^ 
et  mordans  ^  et  en  plusieurs  clox  ^  d'argent 
dorez,  pour  la  ferreure  de  deux  jartières  de  satin 
azur,  pour  lier  les  chausses  de  Madame  la 
Royne  *  ».  En  1400,  la  duchesse  d'Orléans  paye 
trente-six  sous  parisis,  «  pour  quatre  tissus  de 
fine  soye  azurée,  pour  faire  deux  paires  de 
jartières,  et  pour  iceulx  garnir  d'argent  doré  : 
c'est  assavoir  quatre  blouques,  quatre  mordans 
et  quatre  petits  besans  à  faire  fermeures  d'argent 
doré  ».  Plusieurs  années  après,  la  duchesse 
commande  encore  «  deux  jartières  d'or  esmaillées 
à  larmes  et  à  pensées  ^  ». 

Au  seizième  siècle,  toutes  les  femmes  portaient 
des  hauts-de-chausses  ou  caleçons,  et  l'objet  des 
jarretières  fut  précisément  de  les  attacher  aux 
bas-de-chausses  ou  lias,  que  l'on  ne  cherchait 
point  à  dissimider.  L'habitude  du  cheval,  l'en- 
semble un  peu  brusque  des  manières  décou- 
vraient souvent  la  jambe.  La  jarretière  n'est  donc 
pas  encore  une  pièce  secrète  du  costume  ;  on 
la  cou\Te  d'ornements,  on  y  peint  des  devises, 
des  larmes,  des  pensées,  parce  qu'elle  est  destinée 
à  être  montrée. 

Olivier  de  La  Marche  n'a  pas  oublié  les 
jarretières  dans  sa  description  de  la  toilette  des 
dames  à  la  fin  du  quinzième  siècle.  Il  faut,  dit-il, 
que  les  chausses  soient  retenues  et  bien  tirées  par 
de  beaux  jarretiers,  et  on  les  fait  du  même  drap 
([ui  a  servi  pour  les  chausses  : 

Le  jarretier  se  fait  communément 

Du  propri'  drap  couvrant  la  jambe  nue. 

Le  jarretier  lye  estroictement, 

I^a  chausse  va  si  bien  et  proprement 

(Qu'elle  ne  bouge,  ne  descend  ou  remue. 

Tout  moraliste  qu'il  se  montre  dans  son 
poème,  Olivier  de  La  Marche  ne  prétend  pas 
du  tout  que  les  femmes  doivent  dissimuler  leurs 
jarretières,  il  leur  recommande  seulement  de  ne 
point  y  laisser  toucher,  sauf  par  leur  mari  : 

Ijr  jarretier  c'est  chose  de  value, 

El  si  honneste  que  homme  n'y  doit  main  m(>ttre 

8'il  n'a  cest  eur  ('  d'estre  seigneur  ou  maistre. 

El  il  ajoute  très  sagement  : 

(^ui  met  la  main  jusque  à  la  jarretière, 
Il  préfenilra  de  plus  hault  advenir  ''. 

Au  seizième  siècle,  la  jarretière  était  souvent 
croisée  sous  le  jarret  e(  venait  s'attacher  au-(b"ssus 

(hl   gCIKIll. 

\  ers  la  lin  du  siècle,  les  fenunes  continuaient 
à  «  faire  parade  »  de  leurs  jambes.  Catherine  de 
Médicis  inventa  même  la  selle  actuelle  des 
femmes,  qui  permettait  de  montrer  la  jambe 
droite,  relevée  sur  l'arçon  de  devant.  Aussi 
allachail-elle  une  importance   extrême   à   avoir 


1  Houdes. 

-  Le  mordaiil  l't.iil   la    plaque   cli^   niétul   (pii  terminait 
la  jai'relière  el  facilitait  l'entrée  dans  la  boucle. 

•■t  Clous. 

i  l)ouél-(r.\rcq,  Xoure/iux  comptes,  ji.   189. 

»  De  Labijrde,  Xnlice  ties  émana-,  y.  8(8. 

6  S'il  n'a  ce  bonheur. 

''  Le p  rement  (les  dames,  chap.  4. 


JARRETIERES  —  JAUGEURS  DE  PLATRE 


407 


loujuiirs  tit's  bas  bien  tirés  par  do  riches  jarre- 
tières. «  Catherine,  raconte  Brantôme,  aymoit 
une  de  ses  dames  par  dessns  toutes  les  siennes 
et  la  favorisoit  par  dessus  toutes  les  autres, 
seulement  parce  qu'elle  lu}^  tiroit  ses  chausses  si 
bien  tendues  et  melloil  si  proprement  la  jarretière 
et  mieux  que  toute  autre...  Et  par  ainsi,  sur 
cette  curiosité  qu'elle  avoit  d'entretenir  sa  jambe 
ainsi  belle,  faut  penser  que  ce  n'estoit  pour  la 
caciier  sous  sa  juppe,  ny  son  cotillon  ou  sa  robbe, 
mais  pour  en  l'aire  parade  *  ». 

Ceci  n'était  plus  de  mise  au  siècle  suivant,  et 
les  jarretières  avaient  adopté  des  allures  plus 
modestes.  Le  mag'asin  en  vo«;ue  était  situé  <^<  rue 
d'Arnetal  -,  au  signe  de  la  Croix  ^  ». 

Je  n'ai  rien  dit  encore  des  jarretières  portées 
par  les  hommes  et  il  n'y  a  pas  grand'  chose  à  en 
dire.  Au  début  du  seizième  siècle,  la  robe  fait  sa 
dernière  apparition  dans  le  costume  masculin,  et 
les  jarretières,  devenues  visibles  un  moment  sous 
François  P"",  se  dissimulent  ensuite  dans  les 
hauts-de-chausses  bouffants  adoptés  par  Henri  IL 
Dès  le  règne  de  Charles  IX,  ils  descendent 
presque  jusqu'au  genou,  et  la  jarretière  se  montre 
de  nouveau.  Sous  Henri  IV  et  sous  Louis  XIII, 
les  jarretières  sont  très  long-ues,  et  les  bouts, 
garnis  de  dentelles,  pendent  de  côté.  Les 
élégants,  contemporains  des  belles  années  de 
Louis  XIV,  ne  peuvent  exhiber  leurs  jarretières, 
car  elles  sont  noyées  dans  les  canons  qui 
terminent  le  haut-de-chausses.  La  jarretière 
reparaît,  mais  fort  simple,  à  la  fin  du  règne. 
Sous  Louis  XV  et  sous  Louis  XVI,  ce  n'est  plus 
guère  qu'une  patte  à  boucle,  qui  s'attache  un 
peu  au-dessous  du  genou. 

Louis  XIV  portait  des  jarretières  à  boucles  de 
diamants.  Naturellement,  on  les  lui  retirait  le 
soir,  et  la  cérémonie  usitée  en  cette  circonstance 
mérite  d'être  rappelée  :  «  Sa  Majesté,  rapporte 
un  annaliste  de  ce  temps,  s'assied  en  son  fauteuil  ; 
le  premier  valet  de  chambre  et  le  premier 
valet  de  garderobe  lui  défont  ses  jarretières  à 
boucles  de  diamans,  l'un  à  droite,  l'autre  à 
gauche.  Le  premier  valet  de  chambre  donne 
cette  jarretière  à  un  valet  de  chambre,  et  le 
premier  valet  de  garderobe  à  un  valet  de  garde- 
robe  *  ». 

Constatons  en  terminant  que  Paris  conserva 
pendant  longtemps  la  spécialité  des  jarretières 
éléji-antes.  Voltaire  écrivait,  le  26  ianvier  1758, 
à  M"^*^  de  Fontaine  :  «  Madame  Denis  a  cru  qu'on 
ne  pouvoit  avoir  une  jarretière  bien  faite  sans  la 
faire  venir  de  Paris  ^  ».  * 

Jaug-eeurs.  Nom  que  la  Taille  de  l'29-J 
donne  aux  jaugeurs. 

Jaug"eurs.  Chez  les  fabricants  d'enclumes, 
ouvriers  qui  dirigent  la  jauge.,  barreau  de  fer 
destiné  à  manœuvrer  l'enclume. 


1  Tome  IX,  p.  306. 

2  Auj.  rue  Greneta. 

3  Le  Livre  commode,  t.  II,  p.  23. 

4  État  de  la  France  pour  17 12,  t.  I,  p.  299. 

5  Correspondance,  édit.  Beucliot,  t.  L^  II,  p.  463, 


Jaug-eurs  de  cendres.   Ils   étaient  au 

nombre  de  deux,   lors  de  l'arrêt   du   10  février 
1674,  qui  les  supprima. 
Voy.  Commissaires. 

Jaugeurs  d'eau.  Nom  donné  parfois  aux 
fontainiers. 


Jaugeurs   d'eau-de-vie. 
tiers. 


Vov.    Cour- 


Jaugeurs  de  futailles.  Leurs  statuts 
figurent  dans  le  Livre  des  métiers  '.  J'y  vois 
qu'ils  étaient  chargés  de  déterminer  la  conte- 
nance des  tonneaux  employés  par  les  marchands 
de  vin,  de  vinai<rre,  d'huile  et  de  miel.  Leur 
intervention  était  facultative  ;  mais  si  vendeur 
ou  acheteur  la  recpiéraient,  ils  ne  pouvaient 
refuser  leur  ministère.  Ils  exerçaient  «  par  tout 
dedenz  la  prevosté  de  Paris  »  ;  aussi,  quand  la 
distance  à  parcourir  exigeait  l'emploi  de  plusieurs 
heures,  celui  qui  les  appelait  devait  payer  les 
frais  de  déplacement  et  leur  fournir  un  cheval, 
«  cil  qui  le  maine  doit  livrer  cheval  et  leurs 
despens  ».  Ils  touchaient  deux  deniers  par 
tonneau  jaugé,  le  double  pour  un  tonneau  de 
miel.  Si  un  jaugeur  était  embarrassé  pour  déter- 
miner la  contenance  d'un  vaisseau,  il  devait 
appeler  à  son  aide  un  de  ses  confrères,  et  s'ils  ne 
pouvaient  s'entendre,  un  troisième  venait  encore 
se  joindre  à  eux.  Les  jaugeurs  étaient  alors  au 
nombre  de  dix  ;  la  Taille  de  1292  n'en  mentionne 
néanmoins  que  trois. 

L'ordonnance  de  février  1415  déclare  que  ces 
fonctionnaires  sont  établis  pour  jauger  «  toutes 
liqueurs  qui  se  vendent  en  gros,  comme  bières, 
cidres,  vinaigres,  verjus,  huilles,  grai.sses,  etc.  » 
Ils  ne  pouvaient  exercer  sans  l'assistance  d'un 
collègue  :  ^<  Nul  jaugeur  ne  jaugera  seul  »,  dit 
l'ordonnance.  Leur  noml)re  est  fixé  a  six  maîtres 
el  six  apprentis.  Ces  derniers  devaient  servir 
pendant  une  année  au  moins  sous  la  direction 
d'un  jaugeur  avant  d'être  reconnus  aptes  à 
mesurer.  Il  n'était  accordé  à  chaque  maître  qu'un 
seul  apprenti.  Quand  une  vacance  se  produisait 
dans  la  corporation,  le  plus  ancien  des  apprentis 
obtenait  la  maîtrise. 

L'édit  de  février  16:^8  porta  à  huit  le  nombre 
des  jaugeurs,  mais  il  n'accorda  qu'aux  six  plus 
anciens  un  apprenti  destiné  à  leur  succéder. 

Louis  XIV  créa  et  vendit  à  diverses  reprises 
de  nouvelles  charges,  8  en  164.5,  '.VZ  en  1689,  etc. 

Les  jaugeurs  sont  parfois  appelés  telt-urs, 
nom  qui  vient  de  la  relte.  instrument  destiné  au 
jaugeage  des  tonneaux. 

L'édition  publiée  en  1.500  de  l'ordonnance  de 
février  1415  renferme  une  gnvure  qui  repré- 
sente un  jaugeur,  la  jauge  à  la  main,  mesurant 
un  tonneau  -. 

La  corporation  avait  pour  patron  siiid  Nicolas, 
qu'elle  fêtait  le  6  décembre  à  l'église  Saint-Bon. 

Jaugeurs  de  plâtre.  Voy.  Mesureurs. 


1  Titi-f.  VI. 

2  Paw  XIX. 


408 


JAULGEl-RS  —  JETONS 


Jaulgeurs.  ^'ov.  Jaugeurs. 

Jetons  Frappe  des.  Voj.  Directeur  du 
balancier  du  Louvre. 

Jetons    Calcul   par   les).    Pendant   bien 
lono-tenips,  les  commerçants  n'en  connurent  pas 
d'autre,   et  Varithmétique  dans  sa  perfection, 
ouvrage  de  F.  Le- 
<rendre,     contient 
encore    dans    son 
('•dilionde  1774  un 
Traité  de  l'arith- 
métique   par    les 
jetons. 

Comme  le  prou- 
ve la  première 
scène  du  Malade 
imaginaire,  les  je- 
tons remplaçaient, 
dans  les  comptes, 
la  plume  et  les 
thilires.  L'emploi 
de  cailloux  ical- 
culij  avait  donné 
naissance  au  mot 
calcul  ;  la  manière 
dont  on  compta 
ensuite  créa  lesex- 
jjressions  get,  jet, 
(jectouers,  getouers, 
f/estouers,  jectoirs, 
jects,  gets,  jetons. 

Rien  de  plus 
simple,  à  l'ori- 
{^ine,  que  ce  pro- 
cédé de  calcul. 
Pour  additionner, 
par  exemple,  on 
jetait  successive- 
ment sur  une  table 
aulijnt  de  jetons 
(ju'il  se  présentait 
(('unités  de  même 
nature.  Supposons 
que  l'on  voulût 
suivantes  : 


faire    le    total     des     sommes 


XXIV  livres  Vlll  sols     VI 

leniers 

XXX     -      VI     -  VIII 



\         -         V      -      V 



\1        —     VII    —   VIII 



On  furiiiait  trois  tas  de  j<;tons,  doiil  le  premier 
las,  celui  des  livres,  recevait  d'abord  'J4,  piiisiiO, 
puis  K),  puis  f)  jetons;  —  le  second  tas.  celui 
dor,  sous,  8,  nuis  (i,  puis  5,  puis  7  jetons  ;  —  le 
In.isième,  celui  des  deniers,  6,  p\iis  8,  puis  ô, 
puis  8  jetons.  On  conq)t«il  ensuite  chaque  tas. 
On  trouvait,  dans  le  premier,  70  jetons,  qui 
roprésentaienl  70  livres;  —  dans  le  second, 
20  jetons  rpii  représentaient  26  sous:  on  en 
enlevait  20  que  l'on  remplaçait  par  1  jeton  ajouté 
nu  las  des  livres;  —  dans  le  troisième,  on 
trouvait  27  jetons  représentant  27  deniers  ;  on  en 
enlevait  24  que  l'on  remplaçait  par  2' jetons 
ajoutés  au  tas  des  sous.  On  complnit  de  nouveau 


chaque  tas  ;  celui  des  li\Tes  contenait  alors 
71  jetons,  —  celui  des  sous  8,  —  celui  des 
deniers  3  :  ce  qui  donnait  bien  le  total  exact 
de 

LXXI  li\Tes  YIII  sols  III  deniers. 

La  soustraction,  la  multiplication,  la  division 
n'étaient  pas  plus  difficiles  à  obtenir,  et  pen- 
dant longtemps 
ces  procédés  lents 
mais  sûrs  furent 
préférés  à  l'écri- 
ture ,  même  par 
les  clercs.  Nous 
voyons  en  1380  le 
clerc  de  la  pane- 
terie  du  roi  acheter 
«  deux  douzaines 
de  parchemin, 
une  escriptouere 
neufve  garnie  de 
cornet  et  canivet, 
un  cent  de  ges- 
touers  pour  gester 
et  enregistrer  les 
parties  dudit  of- 
fice '  ».  Quatre- 
vingts  ans  plus 
tard ,  Olivier  de 
la  Marche  voulant 
donner  une  idée 
du  bel  ordre  qui 
régnait  à  la  cour 
de  Charles  le  Har- 
di, nous  le  montre 
faisant  ses  comptes 
avec  ses  trésoriers  : 
«  Et  luy  mesme 
sied  au  bout  du 
bureau,  jecte  et 
calcule  comme  les 
autres.  Et  n'y  a 
différence  entre 
eux  en  iceluy  ser- 
vice, sinon  que  le 
duc  jecte  en  jects  d'or  et  les  autres  en  jects 
d'argent  -  >. 

Il  faut  reconnaître  que  l'emploi  des  chiffres 
romains  rendait  tout  calcul  très  compliqué  ;  mais 
les  jetons  se  maintinrent  en  faveur  longtemps 
après  l'adoption  des  chiffres  aral)es,  et  ceux-ci 
ne  devinrent  ffuère  d'un  usao-e  général  en 
Europe  avant  la  seconde  moitié  du  quinzième 
siècle.  Cette  méthode  de  calcul  fut  alors  habi- 
lement perfectionnée  et  permit  d'opérer  sur  les 
plus  fortes  sonnnes.  On  se  servait  de  l'aljaque  ou 
tableau  ci-contre,  dans  lequel  huit  lignes  hori- 
zontales sont  coupées  par  une  ligne  verticale 
nommée  arbre. 

On  voit  au  premier  coup  d'œil  ([ue  les  petites 
divisions  intermédiaires  représentent  cinq  fois 
le  nombre  placé  au-dessous  de  chacune  d'elles,  ce 


'   Douët  cfArcq,  Comptes  rie  l'hôtel,  p.  64. 
-  Entai    lie    lu    maison    rlii    duc     fie    Boiti-gngiie,     édit. 
Micluaul,  t.  III,  i>.  ûSl. 


JETONS  —  JOAILLIERS 


4()U 


qui  permet  de  composer  tous  les  iiomljres  sans 
avoir  jamais  plus  de  cinq  jetons  sur  la  même 
ligne.  Il  n'y  a  d'exception  à  cette  règle  que  pour 
les  sous  et  les  deniers  :  le  jeton  posé  dans  l'espace 
intermédiaire  vaut  10  pour  les  sous  et  6  pour  les 
deniers.  Ceci  compris,  il  est  facile  de  lire  à 
gauche  de  notre  arbre  le  nombre  62.789,  et 
à  droite  le  nombre  343.453  livres  13  sous 
8  deniers. 

Avec  ce  procédé,  les  opérations  ne  présentaient 
aucune  difliculté.  Supposons  que  nous  ayons  à 
multiplier  16'.i  par  ().  NJous  figurons  d'ajjord  le 
nombre  703  à  gauche  de  notre  arbre ,  puis 
nous  multiplions 
successivement 
chacun  des  jetons 
par  6  en  inscrivant 
à  droite  chaque 
produitobtenu.  On 
trouve  ici,  à  gau- 
che de  l'arbre  763, 
et  à  droite  4.578, 
produit  exact  de 
la   multiplication. 

S'agit-il  de  sous- 
traire ?  Les  jetons 
composant  la 
somme  due  for- 
ment une  première 
colonne,  ceux  qui 
composent  la  som- 
me à  soustraire  eu 
forment  une  se  - 
conde ,  placée  à 
droite  de  la  pre- 
mière. En  com- 
mençant par  en 
haut,  on  soustrait 
ligne  par  ligne  la 
seconde  colonne  de 

la  première  ;  et  le  reste  de  chaque  ligne, 
inscrit  à  droite  fie  la  seconde  colonne,  en  forme 
une  troisième,  dont  le  total  est  le  nombre 
cherché. 

Madame  de  Sévigné,  qui  pourtant  savait 
écrire,  se  servait  de  jetons  pour  calculer.  Le 
10  juin  1671,  elle  écrit  à  sa  fille  qu'elle  vient  de 
faire  le  compte  de  sa  fortune  «  avec  les  jetons  de 
l'abbé  [de  Coulanges]  qui  sont  si  justes  et  si 
bons  *  ».  Et  le  calcul  pouvait  être  compliqué, 
car  madame  de  Sévigné  possédait  alors  environ 
deux  millions  de  notre  monnaie.  " 

Jeudi  absolu,  jeudi  blanc,  grand 
jeudi.  Dans  les  statuts  des  métiers  et  dans  les 
ordonnances  du  moyen  âge,  ces  mots  désignent 
toujours  le  jeudi  saint. 

Jeugleeurs.  Voy.  instruments 

(Joueurs  dé- 
jeunes (Maîtres;.  Voy.  Anciens. 
Jeunes-honunes.  Nom  que  portait,  dans 

1  LeUres,  t.  II,  p.   240. 


l'association  dite  <les  Enfants  de  maître-Jacques, 
une  des  classes  de  compagnons  '. 
Voy.  Devoirs  et  Enfants. 

Jeux.  \'iy.  Bateleurs.  —  Billard 
(Mai très  de).  —  Billardiers.  —  Jouets 
(Fabricants  de). —  Tabletiers,  etc.,  etc. 

Joailliers.  Titre  qui  appartenait  aux 
orfèvres  cl  aux  merciers,  mais  ces  derniers 
devaient  se  borner  à  vendre  les  objets  labri(|ués 
par  les  joailliers. 

La  Taille  de  1292  cite  denxjoeliers.  J'ai  trouvé 
encore  jouailliers 
en  1550,  joyau- 
liers  en  1570  , 
joyalliers  an  1643, 
etc. 

Le  joyau  diffé- 
rait du  bijou  en  ce 
que  le  bijou  ne 
comportait  ni  dia- 
mants ni  perles. 

Les  joailliers 
faisaient  le  com- 
merce des  pierres 
précieuses  et  des 
perles.  Mais  les 
imes  et  les  autres 
étant  fort  estimées 
en  médecine,  les 
épiciers-apothicai- 
resvendaient  celles 
(jui  devaient  être 
employées  comme 
médicament.  En 
1655,  année  des 
amours  de  Louis 
XIV  avec  Olympe 
Mancini,  son  mé- 
decin Vallot  lui  fait  prendre  des  tablettes  dans 
lesquelles  entraient  de  l'or  et  des  perles.  En 
1664,  il  lui  ordonne  un  «  magistère  de  perles 
et  de  corail  »,  et  deux  ans  après  «  une  eau 
admirable  »  composée  de  vitriol ,  de  fer  et 
d'or  ^.  C'est  justement  en  1666  que  fut  joué 
pour  la  première  fois  Le  médecin  malgré  lui,  où 
Molière  écrivait  : 

Sgaxakelle  à  Perrin. 

Tenez,  voilà  un  morceau  de  fromage  qu  il  faut  que 
vous  lui  fassiez  prendre. 

Pkkrin. 

Du  fromage,  monsieur. 

Sg.^narkli.e. 

Oui.  C'est  un  fromage  préparé,  où  il  entre  de  l'or,  du 
corail,  des  perles  et  quantité  d'autres  choses  précieuses  •'. 

Les  perles,  écrivait  l'apothicaire  Jean  de 
Renou  vers  1607  «  sont  grandement  cordiales  et 


1  Agr.  Perdiguier.    Le    licrc   du    (■oiniiiKjiwiiiiiifji'.   t.    I, 
p.  31. 

2  Journal  de  la  saïUé  de  Louis  XIV.  p.  40,  88  et  97. 
:!  .\cte  III,  .se.  II. 


000= 


410 


JOAILLIERS  —  JOUETS 


propres  ù  resjoiivr  le  cœur.  Voilà  pouniuoy  les 
alchymistes  font  une  certaine  liqueur  qu'ils 
appellent  liqueur  de  perles,  avec  laquelle  ils 
promettent  merveilles  pour  la  guérison  de 
plusieurs  maladies,  encore  que  le  plus  souvent 
tout  leur  fait  ne  soit  que  fumée,  vanité  et  charla- 
tanerie.  Un  certain  barbier  que  j'ay  cogneu 
aiilre-iois  en  ceste  ville  de  Paris,  appelé  par  un 
malaile  pour  lui  appliquer  deux  sangsues  fut  si 
iiiipriidenl  (jue  de  (îemander  six  écus  d'or  pour 
sa  peine,  disant  (|u'il  avoit  nourrj  ces  deux 
sangsues  d'aucun  autre  aliment  que  de  la  seule 
li(|iH-ur  <le  perle  par  l'espace  d'un  mois  entier  ^  ». 

Buelimer  et  Bassange,  qui  fournirent  à  Marie- 
Antoinette  son  célèbre  collier,  étaient  joailliers 
ordinaires  de  la  Cour  et  demeuraient  rue  de 
Vendôme  *. 

\n\.  Bijoux  (Commerce  des)  et  Or 
(Marchands  d'). 

Jockeis  ei  Jokeis.  Voy.  Jockeys. 

Jockeys.  (  )n  nonuna  d'abord  ainsi  des  valets 
de  pied  très  jeunes,  appelés  plus  tard  dcsffruom. 
(l'étaient  aussi  des  postillons  de  petite  taille 
destinés  aux  voilures  élégantes. 

(Je  nom,  qui  ne  semble  pas  antérieiir  à  la  fin 
du  dix-liuilième  siècle,  a  été  orthographié  de 
bien  des  manières.  Dans  le  récit  d'une  course 
qui  eut  lieu  en  1776  à  la  plaine  des  Sablons, 
je  lis  :  «  Les  chevaux  sont  conduits  par  deux 
jaquPts^  ».  La  même  année,  le  chevalier  de 
Kutlitlge  éiTiiJacçi/s  *,  et  les  Mémoires  de  Ba- 
chfiumonl  jacqiieis  ■''.  Sébastien  Mercier  préfère 
jûheis  et  jockeis  ^.  Le  premier  dic^tionnaire 
fran(;ais  où  ligure  ce  mot  est.  je  crois,  celui  de 
Lavi'aux,  paru  en  1820  ;  j*\'  trouve,  à  l'article 
juckey.  celte  définition  :  <<  Jeune  honinu^  faisant 
l'office  df  [)iistill()ii  ,111  nu'me  de  valet  de  pied  '  ». 

Joeliers.  Noiii(|uela  Taille  de  1292  à<n\\w 
aux  joaillii-rs. 

Joindre.  Ce  moi  désigne  un  gindi'e  dans  les 
statuts  accordés  aux  lioulangers  vers  la  fin  du 
treizième  siècle  *. 

Jongleurs.  \'oj.instruments(  Joueur  S 
d')  il  Prestidigitateurs. 

Joiiailiicrs.  \'ov.  Joailliers. 

Jouets  Fauiuc.vnts  dk\  Je  les  trouve  cités 
pHiir  la  pn-mi(>re  fois  dans  l'ordonnance  des 
Jiitiiiiif^resijmu  1407  ,  (pii  hsnonxiue  ôiôehtiers'' . 
V-u  d'anru'es  après,  et  en  tout  cas  avant  1489,  ils 


•   (Kurrfi  phnrm'ieeiiCqiies.  Uw\.  i-ii  fniiiciis  pur    I,ouis 
(il-  S.Tr.'M,  p.  -182. 

-   .tlmiiiii'irA  iJ/iii/ihiii  unir  ïîtii). 

•'   Hil.li.illic.in.'  iinlioliiil.-,    Duinu.scrits,  fonds  des  noii- 

\.  II.  s  .|i-.|Mls|tii>lis,    II»    .|,.|  1  I, 

k   /,'/  '/"iii:,iinf  nti/l-jixe  li  l'nris.  y.   \\)\, 

'-   Il  ■..•i.i.iiil.n-  1770,  t.  IX,  i-  -.'11. 

6   r>dU,iH  lie  Paris,  l,  V,  p.  22  |  ;  i.  M  H    i.    10  •  t  \ 
,'   mi.  '         '        ' 

'   ynxrtau  (HrliitHnaireiie  la  langue  fiintnise,  1,1,  p.  1()7(; 
••   J.irre  lirs  mrtirrs.   litn>  I,  art.  44 
<i   /»_  i    .  f       ...... 


-   ".'•■f'-,     nni-    t,    «II.    44. 

S*  Orilunnances  royiilex,  t.  X^  I,  p.   672. 


sont  réunis  aux  miroitiers  et  forment  avec  eux  la 
corporation  des  bimbelotiers-mireliers. 

A  dater  de  ce  moment,  ils  ont  le  monopole  de 
la  fabrication  des  jouets  communs  et  de  bas  prix, 
dont  ils  partagent  le  débit  avec  les  merciers,  qui 
ne  fabriquaient  rien,  mais  vendaient  de  tout. 

Les  jouets  d'or  et  d'argent  étaient  confectionnés 
par  les  orfèvres,  ceux  d'ivoire,  d'os,  etc.  par  les 
tabletiers,  etc.  En  1380,  Isabeau  de  Bavière 
achète  à  un  de  ces  derniers  un  jeu  de  jonchets  ^ . 
En  1,528,  les  enfants  de  François  1*""  ayant  assisté 
au  feu  de  la  Suint-Jean,  la  ville  leur  fit  don  de 
nombreux  jouets  :  des  pelotes  et  des  raquettes  ; 
un  petit  chariot  doublé  de  velours  vert  et  traîné 
par  deux  chevaux  «  couverts  de  poils  »,  à  l'inté- 
rieur se  prélassaient  deux  dames  richement 
habillées  et  trois  petits  cliiens  couverts  de  poils, 
eux  aussi  ;  un  singe  était  monté  derrière.  Tout 
ceci  pour  les  garçons.  Mais  les  filles  ne  furent  pas 
oubliées,  elles  reçurent  un  jeu  de  quilles,  une 
boîte  à  ouvrage  ^  et  un  petit  ménage  d'argent^. 

En  1571,  Claude  de  France,  duchesse  de 
Lorraine,  commande  à  un  orfèvre  «  un  petit 
mesnage  d'argent,  tout  complet  de  buffet,  pots, 
plats,  écuelles,  etc.  »  * 

Savary  énumère  ainsi  les  principaux  objets 
dont  se  composait  le  commerce  des  himhlotiers  au 
début  du  dix-huitième  siècle  :  «  Petits  ménages 
d'enfans ,  plats ,  assiettes  ,  éguières  ;  petites 
vaisselles  d'église,  comme  croix,  chandeliers, 
encensoirs,  etc. ,  qui  tous  n'excèdent  guères  quatre 
ou  cinq  pouces  de  haut  et  ont  encore  moins  de 
diamètre,  le  tout  en  étain  uni  à  quelque  alliage; 
poupées,  chevaux  de  carte,  petits  carrosses,  reli- 
gieux sonnant  leur  cloche,  prédicateurs  en  chaire, 
crocheteurs  chargés  de  bonbons,  etc.,  etc.  •'  » 

Cette  liste  est  très  incomplète,  bien  que  l'Alle- 
magne et  l'Angleterre  nous  fournissent  alors  la 
plupart  des  jouets  compliqués. 

(3n  nommait  poupetiers  les  ouvriers  spécia- 
lement occupés  de  la  confection  des  poupées,  et 
ballonniers  les  faiseurs  de  ballons.  Les  volants 
dépendaient  du  commerce  des  patenôtriers-bou- 
chonniers  ^.  Presque  tous  les  jouets  en  étain 
appartenaient  à  celui  des  potiers  d'étain. 

On  trouvait  chez  les  tabletiers  des  dés  à  jouer 
et  des  cornets,  des  damiers  et  des  écliiquiers,  des 
tric-trac,  des  quilles,  des  billes  de  billard,  des 
duminos,  des  totons,  des  bilboquets,  etc.  On  sait 
de  quelle  vogue  jouit  ce  dernier  aux  seizième  et 
dix-septième  siècles.  Sa  forme  n'était  pas  exac- 
tement la  même  qu'aujourd'hui,  car,  en  1771 
encore,  le  Dictionnaire  de  Trécaux  le  définissait 
ainsi  :  «  Petit  instrument  fait  d'un  bûton  creusé 
rond  par  les  deiix  bouts,  au  milieu  duquel  est 
une  corde  où  une  balle  de  plomb  est  attachée.  Les 
eid'ans  la  jettent  en  l'air,  et  la  reçoivent  alterna- 
tivement dans  les  deux  creux  ''  ». 


'  ^.  Gay,  Glossaire  arcliéuloy'que,  t.  ],  j).   132. 

-  «   Un  panici-  à  coudre  ». 

^  llulletin  fie  la  société  de  l'histoire  de  Paris,  t.    XNIII 
(1891),  p.   172. 

*  Do  Laborde,  Notice  des  émaiix,  p.  387. 

■'  Dictionnaire,  tome  I,  p.  348. 

^  \'oy.  ci-de.ssus  l'art.  Cure-dents. 

"  Tonio  1,  p.  1)02. 


JOUETS  —  JUaES-CONSULS 


411 


Le  labh'liVr  Vauy;eois,  qui  l'ut  InrI  à  la  mode 
vers  la  fin  du  dix-lmitième  siècle,  avait  rt''di"-('' 
ainsi  sa  carte-adresse  : 

«  Vaugeois,  marchand,  rue  des  Arcis,  au 
singe  verd.  Vend  boëtes  à  cadrille  *  de  vernis 
de  la  Chine,  en  nacre  de  perle,  en  jvoire  et  en 
bois;  boëtes  à  cadrille  en  paniers  pour  le  breland 
et  le  try  -  ;  fiches,  jetons  de  nacre  de  perle  et 
d'yvoire  ;  trictracs  d'jvoire  et  d'ébène  à  pieds  et 
portatifs  ;  et  généralement  tout  ce  qui  est  relatif 
aux.  travaux  et  anmsemens  des  dames  ;  peignes 
(Técaille  et  à  chignon,  de  toilette  et  autres  ;  jeux 
de  quilles,  dominos,  damiers,  échecs,  bague- 
nodiers,  parquets,  solitaires,  billes,  billards,  trou- 
madame  •*  ;  jeux  collés  sur  des  cartons,  et  toutes 
sortes  de  jeux  pour  la  campagne,  en  beau  et  en 
commun,  avec  une  liste  particulière  et  détaillée 
des  difFérens  jeux  et  leurs  explications;  arcs  et 
flèches  et  autres  marchandises  ». 

En  1745,  le  sieur  Raux,  demeurant  rue  du 
Petit-Lion,  était  renommé  par  ses  objets  d'étrennes 
en  émail,  «  hommes,  femmes,  joueurs,  musiciens, 
petits  corps  de  logis  avec  des  appartemens  fort 
jolis  où  se  passent  des  histoires  véritables*  ». 
Un  peu  plus  tard,  le  marchand  en  vogue  était  le 
sieur  Juhel,  rue  Saint-Denis,  qui  tenait  «  un  des 
plus  fameux  magasins  de  jouets  d'enfans, poupées 
à  ressorts  et  autres  jouxjoux  d'Angleterre  •''  ». 
Les  colifichets  et  joujoux  en  or  se  trouvaient  Au 
Petit  Dunkerque  •*  ,  magasin  célèbre  situé  à 
l'angle  de  la  rue  Dauphine  et  du  quai  Conti. 

En  1789,  on  citait,  parmi  les  marchands  les 
mieux  assortis  :  la  veuve  de  Jhuel,  restée  rue 
Saint-Denis,  et  qui  se  disait  «.  marchande  'de 
jouets  des  Enfans  de  France  »  ;  le  sieur  Dubois, 
rue  Saint-Honoré,  en  face  des  piliers  des  halles, 
qui  tenait  magasin  «  de  jouets  d'enfans,  poupées 
à  ressort  et  pièces  mécaniques  "^ .  » 

Rétif  de  la  Bretonne  a  intitulé  une  de  ses 
nouvelles  La  belle  joujoutière,  et  il  qualifie  son 
héroïne  etrennière-joiijoutière-almanaquière  ^ . 

Joueurs  d'épées.  Un  des  premiers  titres 
que  portèrent  les  maîtres  d'armes.  Mais  ces  mots 
avaient  d'abord  désigné  plus  particulièrement 
les  soldats  qui  manœuvraient  l'épée  à  deux  mains, 
si  terrible  dans  les  mêlées ''.  En  général,  on 
plaçait,  de  distance  en  distance,  mêlés  aux 
hallebardiers,  des  Suisses  et  des  lansquenets 
exercés  au  maniement  de  ces  énormes  flam- 
berges  ^^ . 

Joueurs  d'instruments.  Vov.  Instru- 
ments. 


'   Jeu  de  cartes  imité  de  l'hombre. 

2  Le  jeu  de  l'hombre  joué  à  trois  personnes  au  lieu  de 
quatre. 

y  Jeu  composé  de  treize  petites  boules  qu'il  s'agit  de 
faire  passer  dans  autant  de  trous. 

4  Mercure  /le  France,  n°  do  novembre,  p.  I8G. 

^  Almanach  Dauphin  pour  1777 ,  supplément,  p.  6. 

G  BonnJ  d'Oberkirch,  Mémoires,  t.  I,  p.  230. 

"i  Almanach  Dauphin  pour  1789,  art.  Jouets. 

8  Les  contemporaines,  t.  XXVI,  p.  411. 

9  ^  oj.  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  Tlig. 

10  Brantôme,  Œneres,  t.  II,  p.  301. 


Joug•leurs.^ov.  Instruments  (Joueurs 
d'). 

Joujoutiers.  Vov.  Jouets  (Fabricants 
de). 

Journal.  «  C'est  le  nom  que  les  marcliands, 
négocians,  banquiers  et  autres  qui  se  mêlent  de 
c[uel([ue  (V)mmerce  donnent  à  un  certain  livre 
ou  registre  dont  ils  se  servent  pour  écrire  jnur 
par  jour  toutes  les  affaires  de  leur  commerce,  à 
mesure  qu'elles  se  présentent  *  ». 

Journaliers.  Ouvriers  ([ui  travaillcnl  a  la 
journée  -. 

Journalistes.  \'ov.  Gazetiers. 

Joyalliers  et  Joyauliers.  \uv.  joail- 
liers. 

Joyaux  ((Commerce  de.s).  \uv.  Bijoux  ei 
Joailliers. 

Juges  -  consuls.  Celte  juridiction,  qui 
représente  assez  exactement  notre  tribunal  tle 
commerce,  fut  créée  en  novembre  1.563.  L'édit 
de  création  débute  ainsi  :  <<  Sur  la  re({ueste  à 
nous  faite  de  la  part  des  marchans  de  nostre 
ville  de  Paris,  pour  le  bien  public  et  abréviation 
de  tous  procez  et  différends  entre  marchans  .  .  . 
avons,  par  l'avis  de  nostre  très  honorée  dame  et 
mère  .  .  .  statué,  ordonné  et  permis  ce  ([ui  s'en- 
suit ...  ». 

Le  nouveau  tribunal  était  composé  de  cinq 
membres,  dont  le  premier  prenait  le  titre  de 
juge.,  et  les  quatre  autres  celui  de  consuls.  Tous 
cinq  étaient  élus  chaque  année  par  trente 
notables  marchands  que  soixante  autres  avaient 
désignés.  Ils  devaient  juger  gratuitement  les 
différends  «  procédant  d'obligations,  cédules, 
récépissés,  lettres  de  change  ou  de  crédit, 
réponses,  assurances,  transports  de  dettes  ou 
novation  d'icelles,  comptes,  calculs,  sociétés, 
associations,  etc.  » 

Voici,  d'ailleurs,  un  extrait  de  ce  curieux 
édit  : 

«  Avons  permis  et  enjoint  aux  prévosl  des 
marchands  et  échevins  de  nostre  ville  de  Paris, 
nommer  et  élire  en  l'assemblée  de  cent  notables 
bourgeois  de  ladite  ville,  qui  seront  pour  cet 
effet  appelés  et  convoqués  trois  jours  après  la 
publication  des  présentes,  cinq  marchands  du 
nombre  desdits  cent,  pourvu  qu'ils  soient  natifs 
et  originaires  de  notre  royaume,  marchands  et 
demeurans  en  notre  dite  ville  de  Paris.  Le  premier 
desquels  nous  avons  nommé  juge  des  marchands, 
et  les  quatre  autres  consuls  desdits  marchands 
qui  feront  le  serment  devant  ledit  prévost  des 
marchands.  La  charge  desquels  cinq  ne  durera 
qu'un  an,  sans  que,  pour  quelque  cause  ou 
occasion  que  ce  soit,  l'un  deux  puisse  être 
continué. 


1   Savary,    Dictionnaire    du   commerce,     (1723},    t.     II, 
p.  436. 

-  Vov.  ci-dessous  l'art.  Travail  aux  pièces. 


412 


JUGES-CONSULS  —  JURÉS 


«  Ordonnons  et  permettons  auxdits  cinq  juge 
et  consuls  assembler  et  appeler,  trois  jours  avant 
la  fin  de  leur  année,  jusques  au  nombre  de 
soixante  marchands  bourgeois  de  ladite  vdle, 
qui  en  éliront  trente  d'entre  eux.  Lesquels,  sans 
partir  du  lieu  et  sans  discontinuer,  procéderont 
avec  lesditsjuge  et  consuls  en  l'instant  et  le  jour 
même,  à  peine  de  nullité,  à  l'élection  de  cinq 
nouveaux  juge  et  consuls  des  marcliands,  qui 
feront  le  serment  devant  les  anciens... 

'<  Connoitront  lesdits  juge  et  consuls  des 
marchands  de  tous  procès  et  différends  qui  seront 
ci-après  mus  entre  marchands,  pour  l'ait  de 
marchandises  seulement,  leurs  veuves  marchan- 
des publiques,  leurs  facteurs,  serviteurs,  etc. 

'<  VA  pour  couper  chemin  à  toute  longueur  et 
ôter  l'occasion  de  fuir  et  plaider,  voulons  et 
ordonnons  que  tous  ajournemens  soient  libellés 
el  (ju'ils  contiennent  demande  certaine  ;  et  seront 
tenues  les  parties  comparoir  en  personne  à  la 
première  assignation,  pour  être  ouïs  par  leur 
bouche  s'ils  n'ont  légitime  excuse  de  maladie  ou 
absence.  Es  quels  cas,  envoyeront  par  écrit  leur 
réponse  signée  de  leur  propre  main.  Audit  cas 
de  maladie,  envojeront  la  réponse  signée  de  l'un 
de  leurs  parens,  voisins  ou  amis  ayant  de  ce 
charge  et  procuration  spéciale  :  le  tout  sans 
aucun  ministère  d'avocat  ou  de  procureur. 

«  Enjoignons  auxdits  juge  et  consuls  vaquer 
diligemment  en  leur  charge  durant  le  temps 
d'icelle,  sans  prendre  directement  ou  indirec- 
tement, en  quelque  manière  que  ce  soit,  aucune 
chose,  ni  présens  ou  dons,  sous  couleur  d'épices 
ou  autrement  :  à  peine  de  concussion. 

',<  Pour  faciliter  la  commodité  de  convenir  et 
négocier  ensemble,  avons  permis  et  permettons 
aux  marchamls  bourgeois  de  notre  ville  de  Paris 
natifs  et  originaires  de  nos  royaume,  pays  et 
terres  de  notre  obéissance,  d'imposer  et  lever 
sur  eux  telle  somme  de  deniers  qu'ils  aviseront 
nécessaires  pour  l'achat  ou  louage  d'une  maison 
ou  lieu  qui  sera  appelé  la  place  commine  des 
iiiarchnnds,  laquelle  nous  avons  dès  à  présent 
établie  à  l'instar  et  tout  ainsi  que  les  places 
appelées  A-  ckanfje  en  notre  ville  de  Lyon,  bourses 
di'  nos  villes  de  Toulouse  et  Rouen. 

■<  Défenses  a  tous  nos  huissiers  ou  sergens 
faire  aucun  exploit  de  justice  ou  ajournement  en 
matière  civile  aux  heures  du  jour  ([ue  les  mar- 
••luuuls seront  asseml)lésen  ladite  place  conuiiune, 
(|ui  seront  (le  neuf  il  onze  heures  du  matin,  et  de 
quatre  jiis(|ues  ù  six  heures  de  relevée. 

«  Permettcms  auxdilu  juge  et  consuls  de  clioisir 
ot  nommer  pour  leur  scribe  et  greffier  telle 
personne  d'expérience,  marchand  ou  autres,  qu'ils 
aviseront;  lequel  fera  toutes  expéditions  en  bon 
papier  snns  user  de  pan-jiemin.  Et  lui  défendons 
lr.'s  éln.ilement  prendre  pour  ses  salaires  et 
vacations  autre  chose  qu'un  sol  tournois  pour 
feuillet,  il  peine  de  punition  corporelle  ^  ». 

(le  tribunal  prononçait  en  dernier  ressort 
jusqu'à  la  sonune  (le  cin(|  cenls  livres.  An  delà, 
l'appel  allail  au  Parlemenl, 


,  '  ^"».v.  ^«•f*/fi7ro;i/r/»fl/i/  /VV/V  ,ln  Roy  nir  iéhhlissement 
H,  In  ,,.r„l.^i,nn  flex  ronsiils,  .■le,  10(58,  2  in-l". 


Au  dix-huitième  siècle,  les  audiences  se 
tenaient  les  lundi,  mercredi  et  vendredi  dans 
un  l)àtiment  situé  derrière  l'église  Saint-Merri  ' . 
Le  tribunal  de  commerce  ayant  remplacé  les 
juges-consuls,  y  resta  installé  jusqu'en  1826, 
année  oii  il  fut  transféré  à  la  Bourse.  Le  nouveau 
monument  élevé  pour  lui  en  face  du  Palais  a 
été  terminé  en  1866. 

Jugées -g^ardes.  Officiers  des  monnaies. 
Nommés  par  les  maîtres  généraux,  ils  étaient  les 
vrais  directeurs  des  hôtels.  Ils  prescrivaient, 
surveillaient,  enregistraient  toutes  les  opérations, 
l'apport  des  métaux  précieux,  leur  remise  aux 
ouvriers,  leur  restitution  en  espèces  frappées. 
Une  ordonnance  de  1540  veut  qu'ils  «  ne  laissent 
aller,  venir,  ni  entrer  dans  les  Monnoies  aucuns 
personnages,  sinon  ceux  qui  auront  quelque 
chose  à  faire  avec  les  maîtres  desdites  Monnoies  ». 

Comme  juges,  ils  connaissaient  en  première 
instance  des  abus  et  malversations  commis  par  le 
personnel,  ainsi  que  des  contestations  qui  s'éle- 
vaient entre  les  maîtres  particuliers  et  les 
ou\Tiers  ^. 

Yoy.  Monnaie. 

Jug-leeurs,  Jug"leurs,  etc.  Yoy.  instru- 
nxents  (Joueurs  d'). 

Juponniers.  ^'oy.  Giponiers. 

Jurandes.  Voy.  Corporations. 

Jurés  ou  g-ardes.  Membres  d'une  commu- 
nauté, qui  étaient  chargés  de  l'administrer  et 
d'en  faire  respecter  les  statuts. 

Leur  élection  avait  lieu  soit  au  Chàtelet,  soit  à 
la  maison  commune,  soit  à  l'église  où  se  réunis- 
sait la  confrérie. 

On  lit  dans  les  statuts  que  les  métiers  ont  tel 
nombre  «  de  preud'hommes  jurés  et  assermentés, 
les  quex  li  prevost  de  Paris  met  et  oste  à  sa 
volonté  ».  En  réalité,  il  se  bornait  à  instituer 
ceux  que  la  corporation  lui  avait  désignés. 

Les  maîtres  seuls  prenaient  part  à  l'élection, 
mais  celle-ci  se  faisait  au  suffrage  universel.  Les 
jurés,  disait-on,  étaient  ^<  esleus  et  establis  par 
l'accord  du  conuuun  du  mestier  ».  Le  droit  de 
vote  était  donc^  refusé  aux  ouvriers,  k  qui  leur 
nombre  eût  toujours  assuré  la  prépondérance  ; 
mais  dans  plusieurs  corporations  une  partie  des 
jurés  était  choisie  parmi  eux. 

La  communauté  des  foulons  était  régie  par 
(puUre  jurés,  dont  deux  pris  parmi  les  patrons  et 
deux  parmi  les  ouvriers"*.  Au  sein  de  ce  métier, 
les  jurés  sortant  désignaient  eux-mêmes  leurs 
successeurs.  Ils  se  rendaient  auprès  du  prévôt  de 
Paris,  par  qui  toute  élection  devait  être  homo- 
loguée ;  les  deux  patrons  choisissaient  deux 
ouvriers,"  les  deux  ouvriers  deux  patrons  :  «  li 
prevoz    doit    par    le    conseil    des  deux  mestres 


'  Dans  la  rue  du  (;ioîti't\  clevcniu',  on  1841,  rue  des 
Ju;f('s-Consuls. 

2  Pour  plus  de  di'îtails,  voy.  Abot  do  Bazingheii,  Traité 
f/ex  mon /lo l'es,  t.  I,  p.  003. 

"*  Dcpping.  Onlonnnncea  relnllves  aux  métiers,  p.  398. 


JURES 


413 


eslire  deux  vallès,  et  par  le  conseil  des  deux 
vallès  eslire  deux  meslres,  se  il  seudile  au  prevoz 
que  ils  le  conseillent  ])ien  ^  ». 

Les  niégissiers  élisaient  directenienl  ([ualre 
jurés,  dont  deux  étaient  choisis  parmi  les  pal  ions 
et  deux  parmi  les  ouvriers  -. 

Les  boucliers  d'archal  élisaient  ciinj  jures. 
dont  trois  choisis  parmi  les  patrons  et  tleux 
parmi  les  ouvriers  •*. 

Les  éping-liers  élisaient  six  jurés,  dont  trois 
étaient  pris  parmi  les  patrons  et  trois  parmi  les 
ouvriers  *. 

Tout  ceci  se  passait  au  treizième  siècle.  Dans  la 
suite,  un  o^rand  nombre  de  communautés  n'ad- 
mirent même  pas  que  tous  les  maîtres  prissent 
part  à  l'élection.  Ce  droit  n'était  accordé  (diez  les 
marchands  de  vin  qu'à  60  maîtres,  à  qui  se 
joignaient  les  anciens  jurés  ■'. 

Chez  les  tailleurs  qu'à  120  maîtres  ''. 

Chez  les  chaudronniers  ^  et  les  tourneurs  * 
qu'à  12  modernes  et  à  12  jeunes  ^. 

Chez  les  fripiers,  qu'à  un  tiers  des  maîtres  et 
aux  bacheliers  ^". 

Chez  les  couturières,  qu'aux  jurées  en  charge, 
aux  anciennes  et  à  80  maîtresses  tirées  au 
sort  ^  ' . 

Chez  les  drapiers,  qu'aux  maîtres  ajant  passé 
par  les  charges  et  à  20  maîtres  désignés  à  tour  de 
rôle  12. 

Chez  les  passementiers,  qu'auxjurés  en  charge 
et  à  un  tiers  des  maîtres  i"*. 

Les  plombiers  i^,  les  brossiers  '•*,  et  en 
général  les  métiers  peu  nombreux  autorisaient 
le  vote  de  tous  les  maîtres. 

Les  jurés  devaient  être  choisis,  disent  les 
merciers,  parmi  «  les  plus  expérimentés,  bien 
fameux  et  notables  marchands  ».  On  exigeait 
presque  toujours  qu'ils  sussent  lire  et  écrire, 
qu'ils  eussent  vingt  ans  d'âge  et  dix  ans  de 
maîtrise,  laps  réduit  à  six  ans  pour  les  fils  de 
maître. 

A  moins  que  l'on  eût  rempli  deux  fois  déjà 
cette  charge,  on  ne  pouvait  la  refuser  qu'après 
avoir  atteint  soixante-dix  ans. 

Revenons  au  moyen  âge. 

Aussitôt  élus,  les  jurés  prêtaient  serment 
devant  le  prévôt  de  Paris,  qui  leur  faisait  jurer 
«  sur  les  sainctes  évangiles  que  les  ordonnances, 
points  et  articles  '  ''  garderont  bien  et  loiauinent 
à  leur  pooir  ^'',  et  que  toutes  les  entrepresures 


1  Litre  des  métiers,  titre  LUI,  art.  18. 

2  Depping,  p.  418. 

3  Livre  des  métiers,  titre  XXII,  art.  14. 
^  Livre  des  métiers,  titre  XL. 

5  Statuts  de  1647,  art.  4.  —  Statuts  de  1705,  art.  16. 

fi  Statuts  de  1660,  art.  24. 

''   Statuts  de  173.5,  art.  7. 

8  Statuts  de  1678. 

^  Vov-  ci-dessus  l'art.  Ancien.s. 

10  Statuts  de  1664,  art.  2. 

11  Statuts  de  1675,  art.  9. 

12  Statuts  de  1646. 

13  Statuts  de  1653,  art.  41  et  44. 

14  Statuts  de  1648,  art.  2. 

15  Statuts  de  1659,  art.  7. 

16  C'est-à-dire  les  statuts. 
1"  A  leur  pouvoir. 


que  ils  sauront  (jue  fêtes  i  seront,  au  plus  lost 
([lie  il  pourront,  au  prevosl  de  Paris  le  fer(jiit  à 
savoir  '   ». 

Les  privilèges  et  les  fonctions  des  jurés  étaient 
multiples.  Ou  exigeait  qu'ils  surveillassent  les 
contrats  d'apprentissage  -  :  les  trétiliers  d'archal 
veident  même  que  les  conditions  en  soient 
arrêtées,  en  présence  des  jurés,  par  deux  maîtres 
et  deux  ouvriers  du  métier  '^.  Avant  de  le 
sanctionner,  ils  étaient  tenus  de  prendre  des 
informations  sur  le  compte  du  maître  qui  allait 
assumer  cette  lourde  responsabilité.  Ils  s'assu- 
raient que  celui-ci  connaissait  assez  le  métier  et 
que  ses  affaires  étaient  assez  prospères  pour  qu'il 
lut  en  état  de  guider  utilement  un  apprenti  et 
de  lui  donner  les  soins  auxquels  il  avait  droit. 
Les  jurés,  écrivent  les  drapiers,  «  doivent 
regarder  se  li  meslre  est  soufisant  d'avoir  et  de 
sens  pour  aprentiz  prendre,  si  que  li  aprentiz  ne 
perdent  leur  tans  et  son  père  ne  perde  son 
argent  *  ». 

Les  crépiniers  aussi  recommandent  aux  jurés 
«  de  regarder  et  savoir  si  le  maistre  eslsouffisant 
de  avoir  et  de  sens,  par  quoi  il  puist  gouverner 
et  aprandre  le  aprantis  ».  Chez  les  corroiers  ^', 
le  maître  doit  se  faire  «  créable  qu'il  est  soufti- 
sant  d'avoir  et  de  sens  que  la  condition  de 
l'enfant  soit  toute  sauve  »,  que  le  père  ne  sacrifie 
pas  inutilement  «  son  argent  et  li  aprentis  son 
tans  ^  ». 

Les  candidats  à  la  maîtrise  devaient  également 
comparaître  devant  les  jurés,  leur  prouver  qu'ils 
connaissaient  bien  le  métier,  et  qu'ils  possédaient 
un  capital  suffisant  pour  s'établir  ;  enfin,  prêter 
le  serment  d'observer  les  statuts  de  la  corpora- 
tion. 

Pour  s'assurer  de  la  capacité  professionnelle 
du  candidat,  les  jurés  se  faisaient  souvent  assister 
par  quelques  maîtres  anciens  et  notables.  Eux- 
mêmes  tenaient  leur  charge  de  la  confiance  des 
maîtres  et  des  ouvriers,  l'examen  présentait 
donc  de  sérieuses  garanties  sous  tous  les  rapports. 
<<  Nus,  disent,  les  tailleurs,  ne  puet  lever  esta- 
blie  ^,  de  ci  adonc  que  ^  li  mestres  qui 
gardent  le  mestier  "  aient  veu  et  regardé  s'il 
est  ouvrier  soufisant  de  coudre  et  de  taillier  ^^. 
Et  s'ils  le  treuvent  soufisant,  il  puet  establie 
lever  et  tenir  ostel  comme  mestre  ^^  ».  Qui- 
conque, disent  les  drapiers  de  soie,  voudra 
s'établir,  «  il  conviendra  que  il  sache  faire  le 
mestier  de  touz  poinz,  de  soj,  sanz  conseil  ou 
ajde  d'autruj,  et  qu'il  soit  à  ce  examiné  par  les 
gardes  du  mestier  ^^  ».  Les  cordonniers  *^,  les 


1  Livre  des  métiers,  titre  LI. 

2  Livre  des  métiers,  titres  XXI,    XXXVII,  L,   XCI, 
etc. 

3  Livre  des  métiers,  titre  XXI\  ,  art.  6. 

4  Livre  des  métiers,  titre  L,  art.  17. 

5  LAvre  des  métiers,  titre  XXX^IL  art.  4. 

6  Livre  des  métiers,  titre  LXXX^  II,  art.  10  et  II. 
"  S  établir.  On  disait  plus  souvent  lever  le  métier. 

8  Jusqu'à  ce  que. 

9  Les  jurés. 

10  C'est  ce  que  nous  appelons  aujoui-d'hui  couper. 

11  Livre  des  métiers,  titre  L^  I,  art.  3. 
1-  Livre  des  métiers,  titre  XL,  art.  1. 

13  Livre  des  métiers,  titre  LXXXIV,  art.  10. 


414 


JURES 


tondeurs  de  draps  <,  les  corrojeurs ^  sont  tout 
aussi  explicites. 

Quelques  c(jnnnunautés  indiquaient  aux  jures 
sur'quel  point  devait  porter  l'examen,  et  quelle 
preuve  d'hal)ileté  ils  devaient  exiger  du  can- 
didat. Les  fourreurs  de  chapeaux  veulent  «  qu'il 
saiche  fourrer  de  touz  poins  un  chapel  ^  »  -, 
les  ouhlieurs  qu'il  soit  (-apable  de  faire  en  une 
journée  mille  des  petits  gâteaux  appelés  nielles  : 
«  un  mil  de  iiieles  le  jour  au  mains  *  ».  Il  faut 
voir  là  l'origine  du  chef-d'œuvre,  mot  qui  ne  se 
rencontre  qu'une  seule  fois  dans  le  Livre  (ks 
me' tiers  ^. 

Presque  toujours,  les  statuts  interdisaient  aux 
maîtres  d'avoir  en  même  temps  plus  d'un 
apprenti,  mais  on  en  accordait  deux  aux  jurés  ", 
toujours  choisis  parmi  les  maîtres  les  plus  intel- 
ligents et  les  plus  habiles.  Un  fourbisseur 
voulait-il  renvoyer  un  de  ses  ouvriers,  il  ne  le 
pouvait  sans  bonnes  et  valables  raisons  ;  et 
celles-ci  devaient  être  jugées  telles  par  un 
tribimal  cojnposé  des  quatre  jurés,  à  qui  s'ad- 
jdignaient  deux  ouvriers  ^. 

Mais  si  les  fonctions  de  jurés  conféraient  des 
privilèges,  elles  imposaient  aussi  des  devoirs. 
Les  jurés,  administrateurs  de  la  communauté, 
étaient  tenus  d'opérer  de  fréquentes  visites  chez 
chaque  maître  ;  ils  examinaient  les  produits 
fabriqués,  et  saisissaient  impilovablement  ceux 
qui  ne  remplissaient  pas  les  conditions  exigées 
par  les  statuts  ^ .  Dans  ceux  de  1743,  les  menui- 
siers s'expriment  ainsi  :  «  Tous  les  ouwages 
dudit  métier  seront  bien  et  dûment  faits  suivant 
l'art,  et  encore  de  bons  bois,  sains,  secs,  lojaux, 
sans  aubiers,  nœuds  vicieux,  piqueures  de  vers 
ni  pourritures  ;  et  tous  les  ouvrages  dudit  métier 
qui  seront  trouvés  par  les  jurés  d'icelui  pécher 
en  quelque  chose  seront  saisis  et  contis(jués 
comme  contraires  au  règlement  dudit  art  ; 
même,  ceux  en  qui  se  trouveront  rassemblés  un 
asst'z  grantl  nond)re  de  défauts  seront  brûlés 
devant  la  porte  de  l'ouvrier  qui  l'aura  fait ». 

Notez  que  ces  visites  pouvaient  avoir  lieu  tant 
<le  jour  que  de  nuit  '',  et  qu'une  extrême  sévé- 
rité était  recommandée  aux  jurés.  Les  merciers, 
par  ex<Muplt',  prescrivent  aux  leurs  de  <i  faire 
faire  ouvf'rluri'  de  fous  magazins,  chambres, 
boutiques,  coiVres,  comptoirs,  armoires  et  autres 
lieux  où  ils  srauroni,  penseront  ou  pourront 
sçavoir  et  penser  y  avoir  marchandises  cachées, 
les  faire  saisir,  transporter  en  leur  bureau,  ou 
bailler  en  garde  »  personnes  capables  et  suflisans 
p«Mir  en  répondre  ;  ou  procéder  par  voye  de 
«•elle  :  tiont  seront  faits  et  dressez  bons  procez 
verbaux  ">  >>.  .\vis  en  était  aussitôt  donné  au 
prev«M    de    l>,iris,    ii    son    lieutenant    civil,    au 


<  Slaliil.H  .!<•  i;j«i,  ,1,1.  1. 

'  Stnlul.H  (1..  la-in,  nrt.  a. 

3  l.ivrt  ,hs  métirrs,  titre  XCI\'    ml    7 

«  /.l'rrc  '1rs  mrfifr.,.  lilr.-  \1,\  III,  art     C. 

'  'l'Pl'injr.  p.  :i«7. 

!  i.'-V  "■'•'/'■^"''"'"'  '■"'•'•  'l'-ov-ol     Kf-lomrnt,-.tion  du 

*  Mnluls  i|.-  if.cn,  nrl.  22. 

'"  Slulut>.k'  1013,  ;nl.  i:». 


lieutenant  général  de  police  ou  au  procureur 
erénéral  du  Châtelet.  Le  juré  devait  être  en 
costume,  porter  sa  robe  et  sa  toque,  une 
indemnité  lui  était  allouée,  qui,  au  dix-septième 
siècle,  variait  entre  une  livre,  dix  sols  et 
cinq  sols,  suivant  l'importance  de  la  commu- 
nauté *.  Les  amendes  infligées  par  un  juré 
étaient  ordinairement  partagées  entre  lui,  le  roi 
et  les  liôpitaux. 

Certains  métiers  élisaient  deux  maîtres  chargés 
d'aller  en  visite  chez  les  jurés. 

Le  nombre  des  visites  exigées  était  de  quatre 
chez  les  bouquetières,  les  éventaillistes,  les  tein- 
turiers ;  (le  six  chez  les  ferrailleurs  et  les  selliers; 
de  douze  chez  les  maréchaux,  etc. 

Les  statuts  de  presque  toutes  les  corporations 
ordonnent  que  leurs  jurés  aillent  en  visite  dans 
les  lieux  privilégiés  ^  ;  mais  c'était  là  un  droit 
plus  facile  à  revendiquer  qu'à  exercer,  et  un 
juré  s'aventurait  rarement  dans  ces  asiles  du 
libre  travail  sans  se  faire  accompagner  d'un 
commissaire  au  Châtelet.  Prudente  précaution, 
comme  le  prouve  le  fait  suivant.  La  rue  de 
Lourcine  dépendait  de  la  commanderie  de 
Saint-Jean  de  Latran.  Le  25  septembre  1691, 
Jean-François  Sautreau,  un  des  jurés  de  la  cor- 
poration des  merciers,  se  rendit  dans  cette  rue 
et  saisit  plusieurs  objets  défectueux  chez  un 
mercier  nommé  Pierre  Jannart.  L'administrateur 
de  Saint-Jean  de  Latran  prit  fait  et  cause  pour 
son  privilégié.  Sautreau  avait  assigné  Jannart 
devant  le  lieutenant  général  de  police,  l'admi- 
nistrateur déféra  l'affaire  au  Grand-Conseil,  et 
il  eut  assez  de  crédit  pour  faire  emprisonner 
Sautreau.  La  corporation  adressa  aussitôt  au  roi 
ses  doléances.  Un  huissier  du  Grand-Conseil, 
écrivait-elle,  s'est  présenté  avec  quinze  archers 
au  domicile  de  notre  juré,  «  qu'ils  ont  scanda- 
leusement enlevé  de  sa  boutique  et  traîné  par  les 
rues,  à  pied,  sans  chapeau,  jusqu'aux  prisons 
du  For-l'Evéque,  où  il  a  esté  écroué.  En  quoy 
il  a  receu  l'insulte  la  plus  cruelle  qui  puisse  estre 
faite  à  im  marchand  dont  la  réputation  est  de  la 
dernière  délica'esse.  En  sorte  que  cette  violence 
seroit  capable  de  lu}^  faire  perdre  son  honneur  et 
son  crédit  si  Sa  Majesté  n'avoit  la  bonté  d'in- 
terposer son  autorité  ».  Sur  cette  plainte,  qui 
élevait  un  conflit  entre  le  lieutenant  de  police  et 
le  (îrand-Conseil,  le  roi,  sans  statuer  au  fond, 
ordoniui  l'élargissement  de  Sautreau,  «  son  écrou 
rayé  et  bilFé  »,  et  décida  qu'à  l'avenir  «  aucunes 
contraintes  par  corps  ne  Y>onrTa{ent  estre  exer- 
cées contre  les  jurés  à  raison  de  leurs  visites  ^  ». 
11  faut  reconnaître  qut;  ces  visites  donnaient 
lieu  parfois  à  des  plaintes  sérieuses.  Ainsi,  en 
KilK"),  les  jurés  miroitiers  ayant  saisi  quatre 
glaces  appartenant  au  roi,  les  renfermèrent  dans 
le  bureau  de  la  conuuunauté  et  refusèrent  de  les 
restituer,  même  au  lieutenant  général  de  police 
M.  de  la  Reynie,  qui  écrivait,  le  7  juillet,  au 
commissaire  Delamarre  :   «  Vous  ferés  délivrer 


'   K(1M  (le  mars  1691.  ^oy.  ci-ilcssus  cet  article. 
-  \  oy.  ci-dessou.s  cet  article. 

•'  .\rrêl  du  conseil  privé  du  roi,  ô  oetojirr  KîOI.  Dans 
11'  licciteil  'la;  slnluts  ries  merclerx,  p.  98. 


JURES 


415 


ces  g'iaces  sur  le  cliamp  si  elles  sont  dans  le 
bureau.  S'ils  refusent  de  l'ouvrir,  vous  en  ferés 
faire  l'ouverture.  Si  vous  ne  trouvés  aucun 
juré,  vous  établirés  deux  huissiers  en  garnison 
dans  la  maison  de  chacun  d'eux  ,  et  vo)is 
dresserés  procès-verbal  (hi  tout,  j)arce  qu'il  esl 
nécessaire,  pour  empescher  l'etiet  de  ce  mauvais 
exemple,  que  ces  jurés  soient  destitués,  en  le 
faisant  dans  une  forme  légitime  et  après  c[ne 
tout  aura  été  communiqué  à  M.  le  procureur  du 
Roj^  *  ». 

Les  jurés  étaient  éo-alenienl  leiius  de  sévir 
contre  les  ouvriers  en  chambre  dits  chariibrehnis, 
contre  totit  ouvrier  aussi  qui  ne  pouvait  présenter 
un  bon  cerlitical  signé  de  son  dernier  maîlre. 
Les  jurés,  escortés  d'un  commissaire  ou  d'un 
huissier  du  Chàtelet,  se  transportaient  dans  les 
«  auberges,  cabarets  et  chambres  garnies,  à  l'effet 
de  faire  arrêter  et  constituer  prisonniers  ceux 
desdits  compagnons  qu'ils  trouveroient  n'estre 
points  munis  de  certificats  en  la  forme  pres- 
crite -  ». 

Ils  employaient  mieux  leur  temps  quand  ils 
protégeaient  les  intérêts  et  prenaient  la  défense 
des  apprentis  contre  leur  maître.  Si,  «  sans 
causes  justes  et  raisonnables  »,  l'un  d'eux  était 
renvové,  les  jurés  de  la  corporation  recueillaient 
l'enfant  et  se  chargeaient  de  le  placer  dans  un 
autre  atelier.  L'apprenti  menuisier  pouvait  citer 
son  maîlre  devant  les  jurés,  «  afin,  disent  les 
statuts,  d'obtenir  d'eux  la  justice  qui  lui  sera 
due  •*  ».  Les  teinturiers  du  grand  teint  vont 
plus  loin  encore  :  ils  n'admettent  pas  que  l'enfant 
soit  renvoyé  «  sans  cause  légitime,  jugée  telle 
par  le  juge  de  police  *  ». 

Plus  tard,  lorsque  l'apprenti,  devenu  ouvrier, 
puis  compagnon,  aspirait  à  la  maîtrise,  c'étaient 
les  jurés  qui  lui  faisaient  subir  l'épreuve  du  chef- 
d'œuvre  ;  celui-ci  était  exécuté  sous  leur  surveil- 
lance, souvent  même  chez  l'un  d'eux.  Les  me- 
nuisiers prononcent  la  destitution  de  la  jurande 
contre  tout  garde  qui  aurait  aidé  un  chef- 
d'œuvrier  ^.  Les  fourbisseurs  autorisent  tous  les 
bacheliers,  c'est-à-dire  tous  les  maîtres  ayant 
rempli  les  fonctions  de  juré,  à  «  estre  présens 
quand  l'aspirant  travaillera,  et  à  assister  à  tout 
ce  qu'il  fera  ^  ». 

En  général,  bien  loin  de  faciliter  la  tâche  des 
candidats,  ils  déployaient  une  sévérité  qui 
écartait  de  la  maîtrise  beaucoup  de  l)ons  ouvriers. 
L'édit  de  mars  1581,  après  avoir  constaté  "'  que 
les  candidats  passent  «  quelquefois  un  an  et 
davantage  à  faire  un  chef-d'œuvre  tel  qu'il 
plaist  aux  jurés  »,  enjoint  à  ceux-ci  de  «  leur 
désigner  et  spécifier  chef-d'œuvre,  lequel 
ils  puissent  faire  et  parachever  pour  le  plus 
difficile  mestier  en  trois  mois,  ou  moins  si  faire 
se  peut,  et  des  autres  à  l'équipolent  ;  et  ce,  pour 


'   J'ai  trouvé  rautographe  de  cette  lettre    à  la    BiLliu- 
tbèqiie  nationale,  dans  le  niss.  coté  21,790,  f"  189. 
-  Sentence  de  police  du  31  octobre  1739. 

3  Gantiers.  Statuts  de  1056,  art.  5. 

4  Statuts  de  1669,  art.  47. 

5  Statuts  de  1743,  art.  22. 

6  Statuts  de  1659,  art.  17. 
"'  Dans  le  préambule. 


éviter  aux  longueurs  et  abus  qui  sont   commis 
par  les  jurez,  à  la  ruine  des  artisans  ^  ». 

Le  nondjre  des  jurés  était  ordinairement  de 
trois,  quatre  ou  cinq  dans  chaque  communauté, 
quelques-unes  avaient  cependant  une  organi- 
sation plus  compliquée. 

Les  drapiers  étaient  régis  par  six  jurés  ;  les 
deux  premiers  avaient  le  titre  de  premier  et 
second  (jraïuU-ijardes,  les  quatre  autres,  étaient 
dits  pdits-fjdrdes  -. 

Les  chapeliers  élisaient  quatre  jurés.  Le 
premier,  appelé  (jvand-garde,  devait  être  bache- 
lier, c'est-à-dire  avoir  été  déjà  juré  ime  fois  au 
moins.  On  prenait  les  trois  autres,  dits  jure's 
modernes  parmi  les  maîtres  comptant  dix  ans  de 
maîtrise  •'. 

Les  faiseurs  de  bas  élisaient  douze  jurés,  six 
(jninds  et  six  petits. 

Les  tondeurs  de  (b-ap  iioinniaient  (juati'e  jures 
visiteurs  chargés  des  visites  réglementaires  ; 
deux  petits  jure's  ayant  pour  mission  de  présider 
aux  chefs-d'œuvre,  d'empêcher  le  travail  les 
dimanches  et  fêtes  -,  un  grand  juré,  sinécure 
destinée  à  récompenser  le  mérite  ou  les  services 
rendus  à  la  communauté  *. 

Les  orfè\Tes  avaient  quatre  aides-jtire's  ■\ 

Les  tailleurs  se  contentaient  de  quatre  jurés, 
qui  étaient  désignés  par  cent  vingt  maîtres  ; 
mais  les  jurés  et  les  bacheliers  élisaient  encore 
seize  jeunes  maîtres,  à  qui  incombaient  le  soin  de 
faire  les  visites  ^. 

Aucune  corporation  de  Paris  ne  s'était  donnée 
une  réglementation  aussi  compliquée  que  celle 
des  cordonniers,  et  ne  comptait  un  si  grand 
nombre  de  dignitaires.  Outre  un  doyen,  un 
spidir,  deux  maîtres  des  maîtres  dits  aussi  visi- 
teurs des  visiteurs,  un  clerc,  trois  lotisseurs,  trois 
gardiens,  on  y  voyait  figurer  : 

Deux  jure's  du  cuir  tanne',  dits  aussi  jtire's  du 
marteau.  Conjointement  avec  les  jurés  des 
tanneurs  et  des  corroyeurs,  ils  appliquaient  une 
marque  spéciale  sur  les  cuirs  apportés  à  la  halle 
et  trouvés  de  bonne  qualité. 

Deux  jure's  de  la  chambre,  plus  spécialement 
occupés  de  la  compfalnlité. 

Quatre  jurés  de  la  visitation  roya'e,  (jui  de- 
vaient, tous  les  trois  mois,  faire  une  visite 
générale  des  boutiques. 

Douze  petits  jtirés,  chargés  de  visites  moins 
minutieuses,  d'inspecter  les  boutiques  des  save- 
tiers et  de  surveiller  les  chambrelans. 

Tous  ces  officiers  étaient  élus,  le  lendemain 
de  la  Saint-Louis,  dans  la  halle  aux  cuirs,  en 
présence  du  procureur  du  roi  au  Chàtelet  ou  de 
son  substitut. 

Les  corporations  uni([uemeiit  composées  de 
femmes  élisaient  des  jurées:  4  chez  les  chan\Tières, 
6  chez  les  couturières.  Chez  les  grainiers,  oîi  les 


1  .\rt  icle  16. 

2  Statuts  de  février  1646,  art.  3. 

3  Statuts  de  1658,  art.  10  et  38. 
i  Dix-septième  siècle. 

•'>   I^erny,  Statuts  des  orfèvres,  p.  235. 
B  Statuts  de  1660. 


410 


JURÉS  —  KEUX 


deux  sexes  étaient  représentés,  on  élisait  2  jurés 
et  2  jurées.  Les  jurés  des  chirurgiens  portaient 
le  nom  de  prérôts. 

Dans  les  cérémonies  publiques,  entrées  de  rois, 
(le  reines,  de  légats,  etc.,  le  commerce  parisien 
était  représenté  par  les  jurés  des  Six-Corps  S 
«  vêtus  d'habits  de  parure  »,  c'est-à-dire  d'une 
ample  robe  dont  la  couleur  varia  sans  cesse,  et 
coillés  de  toques  d'or  ou  d'argent. 

YjW  outre,  les  statuts  des  métiers  exigent 
presque  tous  des  aspirants  à  la  maîtrise  qu'ils 
s'engagent  à  «  porter  aux  jurés  honneur  et 
respect  ». 


Cette  charge  resta  toujours  fort  enviée , 
ceux  qui  avaient  eu  l'avantage  de  la  remplir 
rêvaient  pour  leurs  enfants  des  destinées  plus 
hautes  encore,  et  ne  ménageaient  rien  pour  leur 
instruction.  On  sait,  par  exemple,  que  le  poète 
Jean-Baptiste  Rousseau  était  fils  d'un  cordonnier 
de  la  rue  des  Nojers,  qui  avait  exercé  les  princi- 
pales charges  de  la  communauté  ^. 

Jurés  du  roi.  Voy.  vérificateurs  de 
mémoires. 

Justaucorps  à  brevet.  Voj.  Tailleurs. 


K 


Kalendreurs.  Vov.  Calandreurs. 


KeUX.  Voy.  Cuisiniers  et  Traiteurs. 


1   \'o\-.  ci-(le.ssous  l'art.  Six-Corps. 


1  ^  oy.  A.  Jal,  Dictionnaire  critique,  p.  1088. 


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