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DEPI'JS LK THP.j;/IKMK SIKCr.K
DICTIONNAIRE
HISTORIQUE
DES ARTS, MÉTIERS
ET PROFESSIONS
EXERCES DANS PARIS
DEPUIS LE TREIZIEiME SIECLE
PAR
Alfred FRANKLIN
ADMIMSTH.VTEUR DK LA BIBLIOTHEQUK MAZARINE
Avec î0ie Préface de M. E. LEVASSEUR,xrnembre de V Institut,
Administrateur du collège de Fronce et Professeur mi (Conservatoire national des Arts et Métiers
-i.
o-o ^
PREMIERh: PARTIE
"mMi
PARLS
4, Rue Bernard- Falissy
LEIPZIG
Salonioiistrassc, Ki.
H. WELTEl^; Editeur.
19U5.
DICTIONNAIRE
HISTORIQUE
DES ARTS, MÉTIERS
ET l'RO FESSIONS
EXKHCKS DANS l'ARIS
DEPUIS LE TREIZIEME SIECLE
A
Abat-jour (Fabricants d'). Les abat-jour
s'appelèrent d'abord conserves Je tue et garde-
viie. On lit dans Le miroir de Part, publié en
1691 par N. de Franqueville : « Pendant la
nuit, l'esludiant met une chandelle allumée
sur le chandelier, et au devant une conserve
de vue, qui doit être verte *. » Cet abat-jour
ressemblait donc à ceux dont nous nous ser-
vons pour les pianos, et qui ne voilent la
lumière que d'un côté.
Au mot abajour, Savary s'occupe seule-
ment des « espèces de fausse vue ou faux jour
que les marchands ont dans leurs boutiques,
pour empêcher que la trop grande lumière ne
diminue la beauté et l'éclat de leurs étoffes ^ ».
Jusqu'au dix-huitième siècle, les lampes
jetaient si peu d'éclat ^ que l'usage des abut-
jour paraissait superflu ; on ne s'en servait
donc qu'avec les chandelles et les bougies. En
général, deux d'entre elles, réunies sur un
même pied, étaient entourées par un vaste
abat-jour de fer-blanc peint en vert. C'était
là un éclairage suffisant, même pour les petits
travaux, et qui avait le mérite d'être fort hygié-
nique. Aussi, nos lampes modernes, à vive
lumière, rencontrèrent-elles pendant longtemps
une forte opposition : « Depuis que les lampes
sont à la mode, écrivait M™^ de Genlis vers
1818, ce sont les jeunes gens qui portent des
lunettes, et l'on ne trouve plus de bons yeux
que parmi les vieillards qui ont conservé
l'habitude de lire et d'écrire avec une bougie
voilée par un garde-vue * ».
1 Page 98.
2 Dictionnaire du commerce, t. I, p. 1.
3 Voy. l'art. Lampistes.
4 Dictionnaire des étiquettes, t. I, p. 310.
Abattoir (Garçons d'). Les bouchers de la
(Jrande-Boucherie ^ eurent d'abord, vers le
parvis Notre-Dame, une tuerie qui lut transpor-
tée, au treizième siècle, près du Grand-Ghàlelet.
Il existait déjà plusieurs tueries particulières.
L'usage d'abattre au domicile des bouchers
s'établit peu à peu, et devint assez vite général,
malgré les efforts de la municipalité.
Les lettres patentes d'août 1416, qui ordon-
nèrent la démolition de la Grande-Boucherie,
prescrivirent l'établissement d'abattoirs hors des
murs de Paris. « Afin, dit l'article 6, que l'air de
nostre ville ne soit doresnavant infecté ne
corrompu par les tueries et escorcheries
ordonnons que toutes tueries et escorcheries se
feront hors de nostre dite ville de Paris "^ ».
Cette sage prescription, souvent renouvelée
dans la suite, notamment en 1.567, était encore
méconnue quatre siècles et demi plus tard.
Croirait-on qu'à la fin du dix-huitième siècle,
on refusait encore de s'y soumettre, et qu'un
ouvrage très sérieux exposait ainsi une des
raisons qui la lui faisait repousser ? « Chaque
boucher a quatre garçons, plusieurs en ont six.
Ce sont tous gens violens, indisciplinables et
dont la main et les yeux sont accoutumés au
sang. Ou voit qu'il y auroit du danger à les
mettre en état de se pouvoir compter, et que si
l'on en ramassoit onze ou douze cents en trois
ou quatre endroits, il seroit très difficile de les
contenir et de les empêcher de s'entre-assom-
mer ^ ».
A ce moment, tous les boucliers opéraient
1 ^ oy. l'art. Bouchers.
"^ ^ oy. Di'Iariiarre, Traité de la' polie,
•î Encyclopédie méthodique , arts et
p. 233.
, t. II, p. 1201.
niétirrs, t. 1,
ABATTOIR — ACADÉMIES DE COIFFURE
encore les tueries dans leur propre cour.
Séha^(ien Mercier écrivait vers 1780 : « Quoi de
plus révultant et de plus dégoûtant que d'égor-
ger les bestiaux et de les dépecer publiquement.
On marche dans le sang caillé. Il y a des
boucheries où l'on lait passer le bœuf sous
l'étalage des viandes. L'animal voit, flaire,
recule; on le lire, un renlraîne : il mugit, les
chiens lui mordent les pieds, tandis que les
conducteurs l'assnnuuent pour le l'aire entrer au
lieu fatal ' ». l'it Prudhumme ajoutait en 1807 :
<c Rien de pins affreux que de voir ruisseler le
sang; vos .souliers en sont imprégnés.... Il est
donc, urgent qu'on établisse hors Paris des
tueries, qu'on n'entende plus les cris plaintifs du
bœuf et du mouton * ».
Nos tueries actuelles datent d'un décret rendu
le 9 février 1810. et qui ordonne la création de
cinq alialluirs, trois sur la rive gauclie et deux
sur la rivf droite.
Abécédaires. Nom parfois donné aux
maîtres des petites écoles. Montaigne l'a
employé.
Voy. Maîtres d'école.
Abeillers. Eleveurs d'abeilles. L'usage du
miel tMi France remonte très liant. Sous les
Carlovingiens, le miel était recherché, et surtout
des moines, dit-on. Au treizième siècle, les
nuirchands ambulants le criaient dans les rues :
Or, au miel ! Di''.\ vous duirist ■' siinlé ' 1
Les Tailles de 1202 et de 1300 citent chacune
un abeiller sous cette dénomination : « X. {[ui
vend le miel ».
En l'absence du sucre, il entrait dans une
foule de confitures et de pâtisseries. Au seizième
siècle, on l'employait aussi comme aliment, et
Henri Etienne le représente connue un mets de
carême, une friandise de femmes ■•.
La Provence et le Languedoc envoyaient à
Paris beîiueoup de miel, dont le plus estimé
venait flu petit bourg de Corbière près de
Narbonne. Le déltit en était l'ail |jar les épiciers
et les apothicjiires. Lorscpie la (•orp(»ration fui
«livisôe, les premiers vendirent le miel destiné ii
hi nourriture, les seconds celui ({ui devait entier
dans lii confection des nȎdic}imenls.
Les tonneaux de miel étaient soumis à
l'examen des jaugeurs de vin.
Aboivrement ou abuvremenl. .\om>
pntvrnatit du vii-ux mol IVam;ais ubererare, i\\\\
signilinil abreuver, désaltérer, etc. ". Légère
coMnlion que devait oiVrir à ses confrères le
compagnon admis ii la maîtrise, (^elle collation
!M> Iransfnrnju bientôi «n un vérilai)le repas,
moins iniporUint Imilofois que hpust. I,ev led.--
df Purù. t. V, 1». 28.
- " - ■ I, i». 301.
1 |,
* ' ' "- Nt-liv.'. / < rri,r'ir$ dr Paris.
^ Aft'ii^ir /mur Hrrodul, ; t>-lhub<-r, cliap.
» .lii'iuifir OQ»r lirrodi
\\\\\\. l II. p. 2H2.
^ \.'v i<> Glw»»oif>' do Duiau^jc, aux inol.s «ifrr«v/«/
cl nhHrriutixm.
vances étaient à peu près les mêmes que pour
ce dernier. Ainsi, chez les bouchers, le nouveau
maître devait fournir :
Au l'RÉvoT DE Paris :
1 selier de vin.
4 gâteaux.
1 maille d'or.
Au .MAITRE DES BOUCHERS ^ :
1 cierge d'une livre.
I gâteau « tout pétri aux oefs ».
1 demi setier de vin.
2 pains.
A LA MAÎTRESSE DES BOUCHERS :
4 gélines ^.
4 mets ^.
12 pains.
2 setiers de vin.
Au voYER DE Paris, au prévôt du For-
l'Evèque, aucélérier du Parlement, au con-
cierge DU Parlement :
A chacun, un demi-setier de vin et deux
gâteaux.
Mais chacun des privilégiés ci-dessus nommés
devait pa^'er deux deniers au « jugleeur * »
qui jouait dans la salle où avait lieu le festin ^.
Abouresses. Femmes qui travaillaient à
rendjourrer des vêtements? Al>Oîirer, envieux
français signifiait rembourrer, et l'article 34 de
l'ordonnance du 5 octobre 1443 cite les abou-
resses avec les tisserands, les cardeurs, etc. •*.
Aboyeurs. On nommait ainsi les individus
qui, à la porte des petits théâtres, annonçaient à
haute voix aux passants l'heure et la composition
du spectacle. Le théâtre des ombres chinoises
est un des derniers qui ait eu un aboyeur.
Prudhomme écrivait en 1807 : « On remarque
à la porte un crieur qui, depuis six heures du
soir jusqu'à dix, étourdit les oreilles des passans
par ces mots : « Entrez, Messieurs, l'on va
commercer tout à l'heure '^ ».
Abréviateurs. Voy. sténographes.
Abuvrement. Voy. Aboivrement.
Académies d'armes. Voy. Armes
(Maîtres d').
Acadéroiies de coiffure. A la Un du
dix-huiliènu; siècle, les coiffeurs de dames,
rougissant d'appai'tenir à la corporation des
barbiers- perruquiers , voulurent former une
coinnuinauté indépendante, créer une académie
1 V.iv. Tari. Maître (I. 'S Ijouohors.
2 l>..ul.-s.
* L onloniiancc ilit ; « de ciiacun mes que l'on ineinf,
ijuati-i' mes ». Li> mol mes ou tnefs désignait à la fois ce
<|ui' n 'US appelons aujourd'hui un service et chacun des
plais cumpusant ce service.
* \ oy. l'arl. Instruments (Joueurs d').
!"• LeUres patentes de juin 1381, dans les Ordunn.
royales, t. \I, p, TiOG.
" Orduiiii. ruyalfs. t. XIII, p. 382.
" Miroir de Paris, t. \ , p. 2G1.
ACADÉMIES I)K COIFFURE — ACADEMISÏES
de coiti'ure. Un arrêt du 25 janvier 1780 repoussa
cette prétention ^.
Voy. Coiffeurs.
Académistes. Propriétaires d'une aca-
démie. Après trois ou quatre années consacrées
aux lettres et aux sciences, les jeunes <ji;'ens de
qualité entraient à l'académie, où l'on ne se
préoccupait plus g'uère (jue de les perfectionner
dans les exercices du corps. Ony ensei^-nait bien
un peu d'histoire, de mathématiques et d'art
militaire, mais ce que l'on y cultivait surtout
c'était l'équitation, la danse et l'escrime, les
courses de bagues et de tètes, avec la lance et
l'épée. L'académie était donc le complément
indispensable de l'éducation pour un geiilil-
jiomme. Au reste, avant même d'en être sorti,
et dès l'êge de dix-sept ans, l'on pouvait acheter
une lieutenance.
L'on entrait parfois au sei-vice bien avant cet
âge. Le fds du duc de Crillon y débuta à
cinq ans, etFroiisac fut fait colonel à sept ans ^.
Le fils du duc de Chaulnes attendit aussi jusqu'à
sept ans. ^< Il vint remercier le roi avec le grand
uniforme des chevau-légers et des bottes 3.
L'oncle de Mirabeau était aspirant de marine * à
douze ans ^. A douze ans encore, Lauzim entrait
dans les gardes-françaises, et à quatorze ans, il
était fait enseigne ''. A l'âge de quatorze ans,
écrit M. le comte d'Haussonville '', « mon père
reçut, pour ses étrennes. un brevet de lieutenant
dans le régiment d'Armagnac et à quinze ans un
brevet de capitaine de cavalerie ». La possession
de ces grades n'empêchait pas un enfant de
devenir pensionnaire dans une académie.
L'Université voyait de mauvais œil l'existence
de semblables établissements sur son territoire.
En 1661, quand Mazarin fonda par testament
le collège qui porta son nom, il ordonna qu'une
académie y serait annexée. Le 22 octobre 1674,
ses exécuteurs testamentaires présentèrent à
l'Université une humble requête pour les supplier
d'admettre le nouveau collège dans son sein.
Les doyens des quatre Facultés et les procureurs
des quatre Nations *^, délibèrent en commun, et
rédigèrent leur rapport. Tous concluaient à
l'adoption, mais avec des réserves qui déna-
turaient les prévoyantes intentions de Mazarin.
Au dix-septième siècle encore, la noblesse
manifestait quelque répugnance pour l'éducation
universitaire. Plus désireuse de former des
hommes braves, intelligents et spirituels que des
savants, elle voyait très bien à quel danger la
rie de collège exposait ses enfants. Avec raison,
1 8éb. Mei-ok-r, Tableau de Paris, t. II, ji. Vn.
2 Duc de I^Uynes, Mémoires, 14 mars 17" 8, t. VIII,
p. 472.
3 Une de Lujnos, Mémoires, 10 décembre 1748,
t. IX, p. 146.
i On disait a'ors garde de l'étendard.
=> L. de Loménie, Les Mirabeau, t. I, p. 158.
6 fl. Maugras, Le duc de Laïuun, p. 05.
" Ma jeunesse, p. 27.
8 Dès le treizième siècle, les élèves de la Faculté des
arts s'étaient divisés, suivant leur pays d'origine, en
quatre Nations : France, Picardie, Normandie et Alle-
magne. Chacune de ces associations nommait un jno-
cureur, un censeur, etc.
elle redoutait pour eux, et l'asservissement à une
règle inflexible qui amollit le caractère, et
l'influence d'un travail incessant et forcé qui
enlève à l'esprit sa spontanéité, son originalité
et sa grâce. D'ailleurs, l'héritier du nom et des
armes de la famille devait, avant tout, prendre
les habitudes, le ton et les manières du monde
dans lequel il était appelé à vivre.
Mazarin montra qu'il avait senti tout cela,
lorsque créant un collège exclusivement destiné
à la noblesse, il prescrivit, tout cardinal qu'il
était, qu'une académie y serait annexée, que
l'équitation, l'escrime et la danse feraient partie
intégrante de l'éducation qu'on y recevrait.
Sa pensée fut si peu saisie, que les architectes
prirent d'abord sur eux de ne pas construire le
manège, puis vint l'Université, qui se voila la
face, et d'un trait de plume annula la volonté
de Mazarin. Sur ce point, il y eut presque
unanimité dans les rapports présentés au conseil.
Le doyen de la Faculté de théologie exigeait
« ut prœdictum coUegium nullam Jiabeat aca-
demiam pala?stricam, ;> et le procureur de la
Nation française <^ ut academia palaestrica remo-
veatur. » Le procureur de la Nation de Picardie
déclara « academiam gladiatoriam arcerivelle, »
et celui d'Allemagne demanda simplement « ut
ab eo collegio arceau tur gladiatores et salta-
lores. » Les autres membres de la commission,
sans parler aussi nettement, avaient exprimé le
même vœu ; il se trouvait compris dans une
formule générale, aux termes de laquelle le
nouveau collège devait être soumis à tous les
règlements de l'Université, sans exception ^ .
Au dix-septième siècle, les académistes le plus
en vogue, ceux que l'on trouve le plus souvent
cités dans les mémoires du temps étaient les
suivants :
Benjamin, établi à l'angle de la rue des Fossés'
et de la rue Neuve-Sain t-Lambert ^. Il compta
parmi ses élèves le duc d'Enghien, Cinq-Mars,
etc. Son successeur fut Arnolfini, qui enseigna
l'équitation à Louis XIV, et mourut en 1657,
laissant sa maison au sieur Bernardi, comme
lui originaire de Lucques. « Cette académie,
écrit Le Maire *, a cela de particulier que tous
les ans l'on y donne à la noblesse, pendant trois
mois, une idée véritable de tout ce qu'on fait
aujourd'huy dans les armées du Roy. Proche les
murs du palais dOrléans, autrement dit le
Luxembourg, l'on a fait bastir un fort à quatre
bastions ", avec des demi-lunes partout et la
contrescarpe. Les gentilshommes commencent le
siège de ce fort par les lignes de circonvallations,
ensuite on fait les attaques et les approches par
des mines et des logemens, tout de mesme qu'à
un véritable sièffe ».
1 Excriptum ex actis Universitatis Parisiensis. Dans le
Recueil de la fondation du collège Matarini. (Biblioth,
Mazarine, n» 2770 A.).
2 Auj. rue Monsieur le Prince.
3 Auj. rue de Condé.
i Paris ancien et nouveau (1685), t. III, p. 459.
5 (^-> fort, dit fort des académistes, est mentionné
par Jaillot, ([uartier du Luxembourg, p. 74.
ACADÉMISTES — ACCORDEURS
Forestier, rue de la Sorbonne. Cet éta-
blissement est indiqué sur le plan de Gomboust
(An. 1647 .
Del Campe ou Delcamp, rue du Vieux-
Colunibier. Lister, au cours de son voyage à
Paris en 1650, y vit « plusieurs seigneurs
Ano-lois et François faire leurs exercices devant
un monde de spectateurs, hommes et femmes de
qualité. La cérémonie finit par une collation ^
Du Plessis, de Vaux, de Poix, Memmont,
que je trouve cités en 1650 ^ et en 1657 ^.
De Longpré, carrefour Saint-Benoît. Il avait
rasseudtlé une curieuse collection de médailles.
RoyUEKORT, rue de l'Université.
FouBERT. rue Sainte-Marguerite.
CouLON, rue Férou.
De Vandeuil, rue de Seine Saint-Germain.
On citait surtout, au siècle suivant, les aca-
démies de :
JoLAN. rue des Canettes. Le prix de la pension,
nourriture et logement, était de 1.500 livres par
an. Chaque élève payait en outre : 700 livres,
pour la pension de son gouverneur, 500 livres,
pour celle de son valet de chambre, et 400
livres pour celle de son laquais.
Razade, rue des Vieilles-Tuileries.
Saint-Denis, rue de Courcelles, académie
réservéïî aux dames.
DuGARD, qui se qualifiait d'écuyer du roi.
Son immense manège, situé près des Tuileries,
entre la It-rrasse actuflle des Feuillants et la place
Vendôme, fut transformé en 178W, et l'Assemblée
constituante y tint ses séances.
A l'académie de DuGARD, le prix de la pension
était ainsi réglé :
I^geniriit ol nourriture l.ôOOliv.
— — pour un gouvorni'ur 700 —
Loff^fini-nl et nourriture pour un lionieslique 400 —
Droit li'ik'urie 29 —
— jiour les {iraules 3 —
Au maître tl'arroes 18 —
— (lo dauiie 15 —
— des exercices <le voltige 15 —
— de malhéniatiiiues 15 —
Au tA|iis.sier jtour locution des meubles et
du UufTv 150 —
Lfs pensionnaires qui n'avaient pasdedomes-
li(|ii«' payaient, 6 livres par mois, un valet ([ui
faisait leur clunubre et les servait ù table.
Le nutrqiiis de Houille y entra vers 1756,
cl on lit (hms les Afnnoires publiés sous son
nom : « Il exisl(»il ù Paris trois étiiblissemeiis
«»ù la jeune noblesse vouée aux armes s'instrui-
soil (huis lou«. les exercices relatifs ù sa future
profession. Chacune de ces académies réunissoit
une fjnnrantaine «h» pensionnaires et un nombre
(hmble d'externes. Korlenvogui' sous Louis XIV,
elles jouissoient encore d'une célébrité assez
élentlue ; mais elles él(»ient déjà moins suivies
par les jfens de cour. (^)uel(|iies seigneurs
étrangers, nnghiis principalement, venoient .se
former « des écoles renommées en Europe alors
• Pogr 264.
1 .Veit iislorifuf de Lorel.
3 .\ -P. l-'nujrrn-, Jour^n. il'uH royale à Purit, j.. 12.
que la noblesse française y donnoit le ton par la
grâce et l'urbanité de ses manières, ainsi que
par son adresse dans les arts de l'escrime et de
l'équitation. Le point d'honneur y étoit traité
avec une délicatesse excessive ; rarement on
accomplissoit un cours de dix-huit mois de
durée au moins, sans avoir à soutenir quelque
duel ^ ». Durant son séjour à l'académie, Bouille
était entré dans les mousquetaires noirs.
Voy. Armes (Maîtres d'). — Créât. —
Équitation (Maîtres d'). — Pages. —
Voltigeurs, etc.
Accensiers. Gens chargés de percevoir des
cens.
On trouve aussi acensiers^ assenciers, etc.
Accessoires de théâtre. (Commerce
des). Le Livre commode pour 1692 nous apprend
que les sieurs Baraillon et du Creux avaient
alors pour spécialité de fournir aux théâtres une
partie de ce que nous appelons aujourd'hui les
accessoires : masques, perruques, jarretières,
barbes, etc. ^. Les bijoutiers en faux vendaient
les pierres et les perles fausses : diamants du
Temple, du Médoc, d'Alençon, jargons d'Au-
vergne, etc. 3.
Tout ce qui ne rentrait ni dans la catégorie du
costume, ni dans celle du décor, appartenait
aux accessoires. Un mémoire publié par la
société de l'histoire de Paris *, prouve que l'on y
attachait déjà une grande importance. La prise
de Marcilly, pièce jouée vers 1631, exigeait:
un bateau, des avirons, des rossignols, des coqs,
des chiens, une lance, etc. Les vendanges de
Sîiresnes, comédie de Duryer, représentée en
1635, nécessitèrent l'emploi de : une hotte de
vendangeur pleine de raisins et de feuilles de
vigne , deux paniers, deux échalas, une serpette ;
et l'on lit en note : « En la saison du raisin, il
en faut avoir cinq ou six grappes, pour la
feinte ». Le théâtre devait fournir quand on
jouait L'avare: des lunettes, un balai, une
batte, une cassette, une table, une ciiaise, une
écritoire, du papier, deux llambeaux, etc. ; et
quand on jouait Les plaideurs : une échelle,
un llambeau, des jetons, une balte, le col et
les pattes d'un chapon, un fauteuil, des robes,
des petits chiens dans un panier, un oreiller,
une écritoire, etc.
Voy. Sculpteurs sur carton et Théâtre.
Accordeurs. Au dix-septième siècle, tout
facteur était accordeur, et le Livre commode
pour 1002 fournit une assez longue liste
d'ac(;ordeiirs pour l'orgue et le clavecin ^.
\.' Juiri/rli)j)édie méthodique s'exprime ainsi : « Ce
scjnt ordinairement les facteurs de clavecins qui
emplumenl et accordent ces instrumens dans
les maisons, et ce n'est point le moins intéressant
1 Essai sur la vie du tnarçuis de Bouille , édit.
Barrière, p. 4.
* Tome I, j). 271.
3 Voy. l'art. Bijoutiers en faux.
* Tome XXVIII (1901), p. 104.
5 Tome I. p. 208.
ACCORDEURS — ACHAT DU METIER
(le leur art, lorsqu'ils veulent donner un emplu-
ma|j:e lé<j^er, tranclianl et par-tout é^al * ».
Sur le sens du mol emplumaçe,\oy. ci-dessous
l'article Épinetiers.
Accoucheurs. Ambroise l'are, dès ir>73,
avait publié son ouvrag'e sur les accouclienients ^.
Trente-six ans après, Jacques (iuilleini'au, son
élève, faisait imprimer un traité plus pratique ■',
reproduit en 1641) dans ses Œuvres. « Si Tentant,
y est-il dit, est mal tourné, i'oible ou lanjji;'uide *,
et que la sag-e-iemme soit au bout de son
expérience, il faut pour le garantir de la mort,
et par conséquent la mère, qu'on y appelle le chi-
rurgien pour la délivrer et le mettre au monde ».
A l'époque où Guillemeau écrivait cette phrase,
quelques accoucheurs. s'étaient fait une brillante
réputation à la Cour et dans la haute bourgeoisie ;
on citait surtout parmi eux Jacques de la Cuisse
et son beau-père Bouchet ^. Anne d'Autriche,
ainsi que Marie-Thérèse, eurent recours à des
sages-femmes ^ ; mais Mlle de Lavallière et la
Dauphine furent délivrées par le chirurgien
Julien Clément. Il avait déjà d'habiles confrères :
Bonamy ; Paul Portai ; Desforges ; de Frades ' ;
François Mauriceau, qui avait donné en 1668
la première édition de son Traité des maladies
des femmes grosses, ouvrage resté classique
jusqu'à la fin du dix-huitième siècle ; Philippe
Peu, dont la Pratique des acconchemens ^ jouit
aussi d'une grande réputation. Presque tous
avaient approfondi leur art et acquis une grande
expérience comme chirurgiens de l'Hôtel-Dieu '',
le dernier se vantait même d'y avoir assisté à
plus de cinq mille accouchements.
En 1696, un écrivain allemand faisait re-
marquer que, dans cette spécialité, les chi-
rurgiens français étaient plus habiles que tous
les autres. Ce n'est point, ajoutait-il, qu'ils soient
doués pour l'obstétrique de dispositions parti-
culières, mais ils ont très souvent l'occasion
d'assister des femmes en couches. C'est main-
tenant la coutume en France que, même les
jeunes mariées, mettant de côté toute honte,
se laissent voir et manier sans scrupules par les
chirurgiens, et que des femmes appartenant
à toutes les classes de la société souhaitent
l'assistance des chirurgiens quand elles sont
prêtes d'accoucher. Il en est tout autrement chez
les autres nations ^ " —
Cette innovation rencontra un ardent adver-
1 Arts et métiers, t. IV, p. 15 et s.
2 De la génération de l'homme. . . . Ensemble ce quil
faut faire pour la faire mieux et plustos/ accoucher. . ., in-S".
3 De la grossesse et accouchement des femmes. . ., 1609,
in-8».
* Languissant.
5 G. Patin, Lettre du 3 mai 1650.
^ P. Sue, Essais histor. sur les accouchemens, t. L
p. 111. — Toutefois, pour cette dernière, le célèbre
accoucheur François Boucliet se tenait dans la pièce
voisine, prêt à intervenir si besoin était. Voy. \ Index
funereus de Devaux, p. 66.
7 N. de Blégny, t. \, p. 159.
8 1694, in-S».
' Voy. Devaux.
10 Actorum eruditorum quœ Lipsiœ publicantur supplc-
menta, t. II (1696), p. 470.
saire dans le dévot docteur Hecquet, qui fut
dojen de la Faculté en 1712. Il publia en 1708
un petit volumi^ intitidé : De rindécrnre aux
hommes d' accoucher les femmes., et de fohligation
aux femmes de nourrir leurs enfans. Pour montrer
par des raisons de physique, de morale et de
médecine que les mères ti^ exposer oient ni leurs ries
ni celles de leurs enfans en se passant ordinaire-
rement d" accoucheurs et de nourrices.
Ce plaidoyer en faveur des sages-femmes (il
grand bruit, mais il ne convertit personne. Moins
de trois ans après son apparition, Louis XIV
accordait des lettres de noblesse à Clément ^,
et Dionis écrivait en 1717 : « Les princesses et
toutes les dames de qualité choisissent des
accoucheurs ; les bonnes bourgeoises suivent
leur exemple, et l'on entend dire aux femmes
des artisans et du menu peuple que si elles
avoient le moyen de les payer, elles les préfére-
roient aux sages-femmes ^ ». Enfin , Prosper
Marchand ajouta en note dans l'édition du
Dictionnaire de Bayle qu'il donna en 1720 :
« La grande mode de Paris est de se servir des
accoucheurs et non pas des sages-femmes. Le
temps viendra peut-être que la même mode
régnera dans la plupart de l'Europe ; la honte
subira le sort de mille autres choses soumises
aux lois bizarres et inconstantes de la cou-
tume ^ ».
Pour Paris, la question était résolue, mais Ton
s'y préoccupait encore des conditions physiques
qu'il fallait rechercher chez un accoucheur.
Devait-il être jeune ou vieux, beau ou laid?
C'était un point controversé. « Il y a des gens,
écrivait Mauriceau *, qui disent qu'un chirur-
gien qui veut pratiquer les accouchemens doit
estre mal pn)pre ou à tout le moins fort négligé,
se laissant venir une longue barbe sale, afin de
ne pas donner aucune jalousie aux maris des
femmes qui l'envoient quérir pour les secourir.
xA la vérité, on en voit qui croient que cette
politique leur peut faire donner beaucoup de
pratiques ; mais qu'ils s'en désabusent, car une
semblable mine ressemble plutost à un boucher
qu'à un chirurgien, dont les femmes ont déjà
assez de peur sans qu'il se déguise ainsi ». Dionis
dit de son côté : « Celui qui embrasse les
accouchemens doit être bien fait de sa personne,
n'ayant aucun défaut corporel ni rien de
choquant dans son visage. Il faut qu'il soit fait
de manière qu'une femme puisse se mettre entre
ses mains sans aucune répugnance. Il ne doit
être ni trop jeune ni trop vieux ; il faut qu'il soit
dans la vigueur de son âge et qu'il ait de la force
pour pouvoir faire un accouchement laborieux,
qui le met quelquefois tout en sueur ^ ».
Acensiers. Voy. Accensiers.
Achat du métier. Voy. Aspirants à
la maîtrise.
1 II avait mis au monde trois petits-fils de Louis XIV.
2 Traité général des accouchemens, p. 448.
3 Tome II, p. 1468.
i Traité des maladies des femmes grosses, p. 266.
5 Page 413.
ACHEMERESSES — ACTEURS
Achemeresses. \oy. Coiffeurs.
Acier Fabricants d'I. Les hiéroglyphes
tracés par les Égyptiens dans les plus durs
granits ont fait supposer que ces peuples
connaissaient l'acier. Son emploi parles Romains
est mieux démontré. Le mojen-âge allait
perfectionner leurs procédés, l'appliquer surtout
aux armes et aux armures : les lames de Tolède
et de Damas sont restées longtemps célèbres.
L'acier est cité deux fois dans le Livre des
vie'tiers ^ qui nous apprend qu'il payait les
mêmes droits d'entrée à Paris que le ter.
Olivier de la Marche écrivait vers 1490 :
« L'acier est plus noble chose que l'or, l'argent,
le plomb ne le fer. pour ce que, de l'acier comme
du plus noble métail, l'on fait les armeures, les
épées, les dagues et autres glaives ' ».
On ne produisait pas encore d'acier en France
vers la fin du seizième siècle. La première
fabrique quiy ait existé fut créée à Paris vers 1603
par un sieur Camus, qui l'installa au faubourg
Saint-Victor, sur les bords de la petite rivière
des Cîobelins.
Paris était mal choi^^i pour faire une expérience
de ce genre, et l'industrie nouvelle comprit vite
qu'elle devait se rapprocher des forges de fer, se
propager surtout dans les provinces fécondes en
minerai. Aussi, Louis XIV accordant en 1694
au sieur François Constain l'autorisation de
monter une « fabrique de fer en acier, limes et
faulx ^ », lui permet de l'établir où il voudra.
A cette époque, la limaille d'acier était
employée dans la médecine. En 1653, Vallot en
fit prendre à Loui> XIV *.
Acomptables, acomptableurs, etc.
Voy. Comptables.
Acrobates. Pendant bien des siècles, ce
mot, qui >'>[ lire du grec, n'a guère désigné que
les danseurs de corde, les funambules. En 1740
seulement, l'Académie admettait dans son
«lictionnaire ce dernier mot, nui a une origine
latme. Mais, entre temps, le sens du premier
s'était singulièn-meiit élargi, et, en dépit de son
élymnlogif», jl est arrivé à désigner à peu près
tous les gens qui exécutent en public des tours
de force ou d'adre.sse : saltimbautpies, gymnastes,
clowns, >.Huteurs, aibriideurs, éq\nlibristes,
disloqués, désiirliculés, désos.sés, hercules, bala-
ditis. bateliMirs. clr.
\ N Bateleurs.
Acteurs. Il existai del.iul temps des troupes
«Ip jongleurs, histrions, ménétriers, qui, de ville
en ville, (je ehAteau en chAteau, s'en allaient
n l'aventure, amusant peuple et seigneurs par
leurs tours de force, leurs chansons, leurs farces.
Vers la lin du qualorrièmc siècle .seulement, des
Irniipes d'ncleiirs de profession commencèrent
à parcourir la France, .se mirent parfois aux
' iViuième partie, tiln> II, art. 41, et titr.- \|\
■lin
50T
Ip Unie . ;
wi . 1 \\s
o-ao-es de quelque prince. Dans les comptes delà
maison d'Orléans pour les années 1392 et 1.393,
il est fait mention de sommes payées à quatre
« joueurs de personnages » attachés à la maison
du duc.
Les femmes n'eurent pendant très longtemps
aucune part dans les représentations. Tous les
rôles de femmes étaient joués par de très jeunes
o-ens que l'on choisissait imberbes, avec la voix
la plus douce possible. On ne connaît que trois
pièces antérieures à 15.50 où les rôles de femmes
aient été certainement tenus par des femmes *.
Le métier d'acteur prend, au dix-septième
siècle, une importance qu'on pourrait trouver
peut-être exagérée. Voyez ce qu'écrivait Samuel
Chappuzeau en 1674 : « Quoyque la profession
des comédiens les oblige de représenter inces-
samment des intrigues d'amour, de rire et de
folâtrer sur le théâtre ; de retour chez eux, ce
ne sont plus les mêmes : c'est un grand sérieux
et im entretien solide ; et dans la conduite de
leurs familles, on découvre la même vertu et la
même honnêteté que dans les familles des autres
bourgeois qui vivent bien. Ils ont grand soin,
les dimanches et les fesles. d'assister aux
exercices de piété, et ne représentent alors la
comédie qu'après que l'office entier de ces jours-là
est achevé S'il se trouve dans la troupe
quelques personnes qui ne vivent pas avec toute
la régularité que l'on peut souhaiter, ce défaut
ne rejaillit pas sur tout le corps, et c'est un
défaut commun à tous les estats et à toutes les
familles Le soin principal des comédiens est
de bien faire leur cour chez le Roy, de qui ils
dépendent, non seulement comme sujets, mais
aussi comme estant particulièrement à sa Majesté,
qui les entretient à son service et leur paj'e
régulièrement leur pension. Ils sont tenus d'aller
au Louvre quand le Roy les mande, et on leur
fournit de carrosses autant qu'il en est besoin.
Mais quand ils marchent à Saint-Germain, à
Camhor^, à Versailles ou en d'autres lieux,
outre leiu" pension qui court toujours, outre les
carrosses, chariots et chevaux qui leur sont
fournis de l'écurie, ils ont, de gratification en
comnmn. mille escus par mois, chascun deux
escus par jour poiu" leur dépence, leurs gens à
proportion, et leurs logemens par fourriers. En
représentant la comédie, il est ordonné, de chez
le Roy, à chacun des acteurs et actrices, à Paris
ou ailleurs, esté et hyver. trois pièces de bois,
une bouteille de vin, un pain et deux bougies
blanches pour le Louvre, à Sainl-Cîermain un
ilambeau pesant deux livres : ce qui leur est
apporté poucluellement par les (li'ficiers de la
fruiterie, sur les registres de laquelle est couchée
une collation de vingt-cinq escus tous les jours
que les comédiens représentent chez le Roy,
estant alors commensaux. II faut ajouter à ces
avantages qu'il n'y a guère de gens de qualité
qui ne soient bien aises de régaler les comé-
diens... •' ».
< petit <\o in\\v\'\\\t;^ Les mystères, t. I, p. 357 et suiv.
- A Chambord, sans doute.
^ Le Tliéàlre français, p. 131, 135 et 162.
ACTEURS — ADJUDICATIONS
C'est de la Comédie française que Cliappuzea»
parle ainsi. En ce qui concerne la queslion des
mœurs, il me suffira de rappeler que fo\ite tille
apparlenant à l'Opéra était regi'ardée comme
émancipée par ce fait seul ; elle devenait absolu-
ment indépendante de sa famille dès que son
pied avait touché les planches du théâtre, et cela
quel que fût son ùg^e. I^'Opéra était dès lors
pour elle un asile aussi inviolable que l'était
jadis le temple de A'esla, mais la comparaison
doit s'arrêter là.
Si, descendant de ces hauteurs, nous voulons
savoir comment se faisaient les engrayements
pour les théâtres de province à la tin du dix-
huitième siècle, nous n'avons qu'à ouvrir le
Tablemi de Paris de Sébastien Mercier : « Rien
n'égale ce qui se passe, pendant la quinzaine de
Pâques, dans un petit café situé rue des Bouche-
ries *. Figurez-vous tous les directeurs de théâtre
de province accourant à une espèce de marché
public, pour composer leur troupe, et tous ceux
qui foulent le sapin d'un pas majestueux
accourant aussi de leur côté par troupeaux, pour
se vendre et s'engager. . . C'est un mélange confus
d'acteurs et d'actrices qui se reconnoissent, qui
rivalisent en luxure, qui se croient tous supérieurs
les uns aux autres, et qui le sont en effet dans
leur détestable jeu. Mais la médiocrité prend le
ton important, s'enfle, se pavane, étale l'orgueil
et la bêtise du paon au milieu d'une basse-cour,
et raconte à tous les oisons qui l'entourent
les applaudissemens qu'on lui a prodigués à
l'extrémité du rojaume, où la langue françoise
est à peine connue. On enrôle une impératrice
à cent quarante livres par mois, et le confident
soupire de n'en avoir que soixante-quinze et
d'être son souffleur par-dessus le marché Les
directeurs se promènent, marchandant les acteurs
au milieu de cette singulière foire, aussi curieuse
que celles où l'on voit des animaux de toute
espèce. Les directeurs flattent celui qu'ils veulent
avoir à bas prix, ils parlent surtout de faire des
avances. La mauvaise actrice passe avec l'acteur
engagé, parce que celui-ci est son amant ; elle
dévisageroit le directeur s'il parloit de sépa-
ration... ^ ».
Voy. Théâtre,
Adjudications- La procédure des adju-
dications publiques était déjà bien réglée au
quatorzième siècle. En 1387, Raymond du
Temple, architecte du roi, ayant à exécuter des
constructions pour le collège de Beauvais, se
rendit à la place de Grève, Ht publier et afficher
le cahier des charges et ouvrit l'adjudication,
« fist et devisa une cédule de quele forme,
matière, ordennance et espoisse se feroit ledit
édifice, et y celle cédule fist doubler par son
clerc, afin de monstrer ledit fait et toute la devise
à tous ouvriers solvables et souffisans qui pour
mendre pris le voudroient faire et accomplir ; la
1 Aujourd'liui compris<> dans le parcours du boule-
vard Saint-Germain. Elle était la continuation de la rue
de rEcoIe-de-Médccine actuelle.
2 Tome XI, p. 139.
quelle cédule fu portée en Grève, veue et leue
en présence de tous ouvriers, etc.. ' >> Le mode
d'adjudication à la chandelle paraît remonter au
milieu du quinzième siècle ; c'est de cette façon
que la (Chambre des comptes d'Angers adjugea
au prix de .SOO écus, à la suite de plusieurs
rabais, la fourniture des pierres nécessaires à
l'érection du tombeau du roi René.
En 1(U2, on VDulutà Paris remplacer l'horloge
de l'hôtel de ville. I>a municipalité désirait que
la nouvelle horloge fût semblable à celle du
Palais, « voire plus pesante de 300 livres », et
mise en place dès le l" aotit suivant. Comme la
dépense devait être assez considérable, on décida
de mettre le travail en adjudication ; il fut donc
« proposé et publié ladicte orloge esire à faire
et bailler au rabaiz. » Plusieurs horlogers se
présentèrent, et baissèrent leurs prix de 4. .500 à
3.300 livres. Mais le Flamand Jean Lintlaer,
qui venait d'achever la Samaritaine, accepta le
marché pour 3.000 livres. Il lui fut adjugé.
Lintlaer s'eno-ag'eait à établir une horlog-e
semblable à celle du Palais, plus pesante même
de .300 livres, à la rendre « assize en place » au
l'^'' août suivant, et à <■< l'entretenir à ses fraiz et
despens » pendant un an. La somme fixée devait
lui être soldée au fur et à mesure de l'avancement
des travaux. Comme il était tenu de fournir
caution, il présenta pour répondant un bourgeois
de Paris nommé Pierre Langlois, qui possédait
la moitié d'une maison dans le faubourg Saint-
Martin et vingt arpents de terre à la Villette. I^e
procès-verbal d'adjudication, dressé le 12 janvier
débute ainsi : « Comme suivant les affiches mises
et apposées, tant à la cour du Pallais que aultres
lieux et places accoustumées pour bailler à faire
au rabais, au Bureau de la ville, les mouvemens
de l'orloge qu'il convient faire en l'hostel de
ladicte ville, se seroient présentez au bureau les
nommez Ferrieres, Martinot, Volant, Hebrat,
Dieu, et plusieurs aultres m"^ orlogiers de ceste
ville, et Jehan Lintlaer. maistre de la pompe du
Roy : ausquelz a esté proposé et puljlié la dicte
orloge estre à faire et liailler au rabaiz. Laquelle
sera de la grandeur, grosseur et de pareilles
estoffes que celle du Pallais, et la rendre bien et
deuement faicte au dire des gens ad ce congnois-
sans, assize et en place dedans le premier jour
d'aoust prochainement venant. VA sur les
demandes excessives desdicts maistres orlogiers
pour faire ce que dessus, les ungs de 4.500 livres
et les aultres de 3.600 livres, aurions remis par
plusieurs fois ladicte adjudication, affin de les
faire venir à la raison, tellement que pas ung
desdicts maistres orlogiers de ceste dicte ville
ne l'auroient voullu entreprendre à moins que
de 3.300 livres, fors ledict Jehan Lintlaer qui a
offert et entrepris de faire icelle orloge pareille
que celle dudict Pallais, tant en grandeur,
grosseur, que estoffes, voire plus pesante de
trois cens livres, et la rendre assize et en place
dedans le dict jour premier aoust prochain
1 Voy. une [liùce curieuse publiée par G. Fagniez,
Etudes sur l'iiidaslric, p. 347, et le Glossaire de V. Gav,
p. 6.
8
ADJUDICATIONS — AFFICHEURS
venant, mesme l'enlrelf-nir un an durant, le tout
moyennant !<• pris et somme de 3.000 livres
tournois. Au moyen de quoj et attendu qu'il ne
s'est présent»' aùlcunes aultres personnes pour
faire la condition de la ville meilleure que le
dicl Lintlaer, avons, en la présence du Procureur
du Roy de la ville, aiidict Jehan Lintlaer adjug-é
et adjufjreons la dicte besonj^^ne cy diessus, à la
charfre que, suivant ses offres, il la fera de bonnes
esloffes et mathières. et .-•emblable tant en
grosseur, larj^eur et haulteur que celle du Pallais,
mesmes plus pesante de 300, et la posera en
place, la rendra sonnante ; et le tout bien et
deuement faict, au dire de «jrens ad ce congnois-
sans, dedans le premier jour d'aoust prochain
venant; et outre l'entretiendra un an durant à
ses fraiz et despens. Le tout, moyennant le prix
et somme de IJOOO livres l.iurnois, qui luy sera
payée par maisire Cilaude Lestourneau, receveur
du domaine, dons et octrois de ladicte ville, au
feur et ù mesure qu'il travaillera et selon noz
ordonnances et mandemens... ^>.
Cette horloge fut refaite en 1783 par Jean-
l}apli-t(* Lepaute. C'était, dit-on, lapins parfaite
qu'il y eût en Europe, car elle marchait
« souvent plus de six mois sans s'écarter de
rii. Mire vraie du soleil * ». L'artiste s'était chargé
de r<'xécut<'r pour 24.000 liv. ; elle lui revint
ù près de 100.000. qui' la ville refusa de payer.
Il fallut donc aller devant les tribunaux -.
A l'occasion des adjudications, je rappellerai
ici un curieux exemple de l'esprit de fralernité
qui, suivant les principes posés par le moyen
âge, devait unir tous les membres d'une commu-
nauté ouvrière. Lorsqu'im maître brodeur avait
soumissionné une fourniture pour les troupes,
il était tenu de partager avec les autres maîtres,
de leur diuiner à exécuter uiu; partie de la
comnumde, au prix qu'il avait lui-même accepté,
di'diirlion fjiile seulement des frais de soumis-
sion : f' Quant aiicini maître iiura marchandé ou
cntrepriiiN de faire saiz •''. hauquelons. casaques
ou livn-es d'aucunes compagnies de gens de
guerre, il sera tenu de partir i\ la communauté
des autres maîtres d'icelluy meslier lesdits hau-
quelons, casaques, etc., et leur en faire part
a» prix et ù rai.son qu'il aura marchandé, sans
qiio luy seul les puissi? faire ne prendre...* »
Vi.y. Concurrence et Lotissage.
Adoul)c'Urs. \ ..y, Renoueurs.
Advocaceaux. advocatuurs. advo-
cats. Voy. Avocats.
Advouês. \o\. Avoués.
Aéromanciens Diseurs de bonne aven-
ture qui prétendaient deviner l'avenir au moyen
de l'air et «les phénomoncs aériens. « .\utres
sont nommés Hérnmanciens ou pronostiqueurs,
parce qu'ils devinent par l'air, le vul desoi.seaux]
' 1* B rit,.w„r /„ mtturt titi trmpi, t. 1, p. 257.
' février 1783, XXII, p. 80.
» SU'.uu k uuro 1506, art. 10.
tourmentes, orages, tempestes et vents ^ ».
Voy. Devins.
Aérostats (Fabricants d'). Le ballon cons-
truit eu 1782 pour Etienne Montgolfier, sous la
direction de l'Académie des sciences, fut exécuté
par les frères Robert , habiles constructeurs
d'instruments ^. Sur le mode de fabrication
employé à cette époque, voy. V Encyclopédie
méthodique •*.
Voy . Instruments de Mathénua -
tiques.
Aérostlers. Ceux qui dirigent les aérostats.
Sous la Révolution on créa, pour observer les
positions de l'ennemi, un corps d'aérostiers,
qui rendit quelques services, notamment à la
bataille de Fleurus (1794).
Afeteeurs de toiles. Voy. Apprêteurs.
Afifaineurs , manœuvres , hommes de
peine *.
Affaires (Hommes d'j. Voy. Agents
d'affaires.
Afferteurs. Voy. Affréteurs.
Afficheurs. On sait que tout acte officiel
était prninulgué par la lecture qu'en faisait
publiquement le crieur du roi et de la ville,
accompagné de trois jurés trompettes. Mais dès
le seizième siècle, apparaît une nouvelle forme
de publicité. L'ordonnance relative à la voirie
q\ii fut rendue en septembre 1539 ^, se termine
ainsi : « Nous voulons que ces présentes ordon-
nances soient publiées, tous les mois l'an, par
tous les carrefours de cette ville de Paris, ii son
de trompe et cry public ; et néantmoins qu'elles
soient attachées à un tableau, escrites en par-
chemin, en grosses lettres, en tans les seize
quartiers de ladite ville, et lieux les plus éminens
et appareils, afin qu'elles soient cognues et
entendues par chacun. Et qu'il ne soit loisible
oster lesdits tableaux, sur peine de punition
corporelle ».
Au siècle suivant, les particuliers étaient
autorisés à se servir de l'alfichage. Le Livre
rommnde potir 1602 mentionne les sieurs La
Folie et Thévenot qui. dit-il, « affichent pour
le public ^ ». Je trouve, en effet, ces mots
imprimés au bas d'une affiche officielle datée de
1732 : « La Folie, afficheur de la police, rue de
la lluchette, à côté de la Cloche ».
C'est du commencement de ce siècle que
datent les premières affiches, dos racoleurs
représentant des soldats en uniforme et des
scimes militaires. De la fin, datent les premières
affiches de théâtre.
• A. Pan5, Œuvres, édit. do 1607, p. 1044.
' Voy. Mémoires secrets dits do Bachaumont, t. XXIII,
p. 118.
3 Art.s et métiers, t. VIII.
* \ oy. Dunango, Olossarlum. au mol, n/fanatur.
•'• Dans Dflamarro, Traité de la police, t. IV, n, 208.
6 Tomo II, p. 75.
AFFICHEURS — AGENTS DE CHANGE
9
Le corps des afficheurs ne fut détinitivement
organisé que par le règlement du 13 septembre
1722. Leur nombre était limité à quarante. On
n'exigeait d'eux ni apprentissage, ni maîtrise.
Ils étaient nommés par le lieutenant général de
police sur la présentation du s)'ndic de la
librairie. Une affiche imprimée, collée sur la
porte de leur demeure, indiquait leur nom et
leurs fonctions. Ils étaient tenus de savoir lire
et écrire ; de suspendre bien en évidence à une
boutonnière de leur vêtement une plaque de
cuivre portant le mot Afficheur -, de déposer à
la Bibliothèque du roi deux exemplaires de
toutes les affiches relatives à des annonces ou à
des ventes de livres. Il leur était interdit
d'apposer aucune « affiche profane », aucune de
celles aussi qui annonçaient des romans ou des
comédies, sur les murs des églises ou des
couvents.
Voy. Petites affiches. — Trompettes
(Jurés). Et pour les affiches des théâtres le
mot Orateurs.
Affienseurs. Voy. Engrais (Com-
merce d')-
Affileurs. Ouvriers chargés de l'affilage,
plus spécialement chez les couteliers.
Affineurs de chanvre. Ouvriers qui
passaient le chanvre dans un peigne de fer à
dents très fines.
Affineurs de drap. Ouvriers tondeurs
qui donnaient au drap la toute d'uffmnfje, la plus
fine et la dernière de toutes.
Affineurs des monnaies. Ils affinaient
les parcelles de métal restées dans les casses et
les glettes ^.
Affineurs d'or et d'arg-ent. La Taille
de 1202 en cite 4, celle de 1300 en cite 8. En
1553, un arrêt de la Cour des monnaies interdit
l'affinage aux orfèvres.
Le nombre des affineurs-départeurs-e'cachetirs
fut réduit à 4 en décembre 1614. Ils affinaient
l'or avec l'antimoine et le sublimé. Les départeurs
employaient surtout l'eau-forte, dite alors eau
de départ. Le titre d'écacheurs appartenait aussi,
et plus justement, aux batteurs d'or.
Je trouve les affineurs nommés fineurs au
seizième siècle.
Affineurs de sucre, ^'oy. Raffineurs.
Afforag"e. « Prix d'une denrée, mis et fixé
par l'autorité du prévôt des marchands et des
échevins 2». L'ordonnance de décembre 1672,
porte qu'on ne pourra exposer en vente aucuns
vins étrangers avant que le prix en ait été déter-
miné par la municipalité ; « dont mention sera
faite en l'acte d'aff'orage '^ ».
1 Pour les détails du métier, voy. Abotdo Bazingh^n,
Traité des monnoies, t. I, p. 22 et suiv.
2 Savary, Dictionnaire, l. I, p. 33.
3 Chapitre VIII, art. 24.
Affréteurs. On donne ce nom aux com-
merçants qui louent un navire pour le transport
de leurs marchandises.
Nolisenrs et fréteurs ont le même sens. L'abbé
.laubert écrit affertetcrs et V Encyclopédie métho-
dique [relieurs.
Voy. Ports (Sur les).
Agences matrimoniales. S^i-^. Appa-
rieuses.
Ag-entS d'affaires. « Les agents d'affaires,
négociateurs, commissionnaires, etc. sont ceux
qui se chargent de suivre des affaires juridiques
et de commerce pour et au nom d'un commettant,
et d'en concilier et ménager les intérêts * ».
Ceci était écrit en 1776 ; mais Sébastien
Mercier, quelques années plus tard, se chargeait
de donner à ce mot le sens défavoral)le qu'il a
aujourd'hui : « Les entremetteurs d'affaires,
écrit-il, sont d'habiles prêteurs qui favorisent
les prodigalités et les fantaisies d'un jeune
homme et qui spéculent sur sa folie et sa crédu-
lité. Le péril est d'autant plus caché que c'est
sous le masque de l'honneur et de la générosité
qu'ils conçoivent et exécutent le projet de
dépouiller l'infortuné qu'ils feignent de plaindre
et de conseiller ^ ».
Au dix-huitième siècle, on les nommait aussi
hommes de loi.
Voy. Hommes d'affaires et Sollici-
teurs.
Ag-ents de banque,
change.
Vov. Agents de
Agents de change. Henri IV créa, en
1595, huit courtiers de change à Paris. Ils
prirent, en 1639, le titre (ï agents de banque et de
change. Leur nombre fut successivement porté
jusqu'à 116, puis réduit à 40 vers la fin du
dix-huitième siècle. Les agents de change
étaient alors tenus d'assister en corps, le jour de
sainte Geneviève, à une messe haute dans
l'église des Petits-Pères, afin d'appeler les grâces
du Saint-Esprit sur leurs travaux.
V Almanach Dauphin ^owv 1111 écrit: « Pour
la négociation des effets, il doit leur être payé
50 sols par mille li\Tes, sçavoir, 25 sols par le
prêteur, et 25 sols par celui qui reçoit. Il leur
est expressément défendu de faire aucun trafic
pour leur compte ; vu que, par lesconnoissances
particulières qu'ils ont de tout ce qui se passe,
ils pourroient se rendre maîtres du commerce, et
ruiner par contre une infinité de maisons et de
familles ».
L'arrêt du 26 novembre 1781 •'' respecta les
40 offices existants. Il statua que, pour l'avenir,
les places vacantes seraient remplies par le
ministre des finances, choisissant sur une liste de
dix noms présentés par la compagnie des agents
de chanore. Le nouveau titulaire devait fournir un
1 Roze de Chantoiseau, Almanach Dauphin.
i Tiililenii de Purin, t. II, p. 64.
■^ Isaniberl , .inciennen lois fra/içnises, l. XX\I1,
p. 119.
10
AGENTS DE CHANGE — AIDES-APOTHICAIRES
cautionnement de 60.000 livres en immeubles,
ou déposer au Trésor une somme de 40.000
livres.
La Déclaration du 19 mars 1786 ' porta à 60
le nombre des agents de change. A cette date,
ils devaient « se rendre tous les jours, excepté
les fêtes et dimanches, à la Bourse, rue Vivienne.
où le trafic des effets de toutes sortes se lait de
dix heures du malin jusqu'à une heure ».
Les lois des 2 mars et 14 avril 1791 suppri-
mèrent les aiyents de chan<j^e, qui furent
rétablis par celh' du 28 vendémiaire an IV.
Agréés. I/édit de novembre 1563, qui créa
le Iribuiial de commerce, obligeait les parties à
y « comparaître en personne ». Mais l'ignorance
(les uns. la timidité des autres ne permettaient
guère de respecter cette prescription. Malgré
l'opposition souvent renouvelée du Parlemeiit,
les plaideurs ne tardèrent pas à se faire repré-
senter par des gens connai.ssanl la procédure et
habitués à la parole. Ceux-ci, dits postulants,
procureurs - ilc'fpnsenrs , procureurs -anx-constUs,
priinireurs-soU iciteurs , furent d'abord tolérés ;
puis, en 1650. on se décida à accepter officiel-
lement neuf d'entre eux comme mandataires
privilégiés des parties. Ils étaient fort occupés et
aussi fort concis, s'il faut en croire Séb. Mercier,
(jui écrivait vers 1788 : ^< Des procureurs,
auxqu<'ls on donne le litre d'avocats, plaident
jusfiu'à soixante-douze causes dans une soirée, à
vingt-^jualre sols pièce ; elles n'en sont pas plus
mal expcsées pour cela * ».
(it's avocats avaient pris le titre (Pagréés
en 1747.
Agréeurs. C^ux qui fournissent à un
lialeau marchand tout ce qu'il faut pour le
melln' en état de prendre la mer : câbles, voiles,
vrpgues, anirr'>. >-U\.
Voj. Ports (Sur les).
Agréeurs. Dans les tréHleries, c'étaient les
• luvriors qui passaient \c fil par la filière.
On trouve aussi iiijrn/eitrs.
Agréeurs. Nom donné parfois aux Cour-
tlers-Jaugeurs d'eau-de-vie.
Agréments {.M.m'tkks i»'). Leur profession,
qui dair du dix-liuilièuip siècle, consistait â
j-niT aux j.MMWs gt-ns l'art de plaire m
'■•. Ils leur apprenaient »i entrer dans un
a V annoncnr leur arrivée « par un joli
-•.rin..|il des breloques, » n sourire devant
un miroir avee finesse. « h prendre du tabac avec
grà.'p. il donner un coup d'œil, n faire une révé-
rence avec une sublililé particulière. « parler gras
frmime les aclours. à les imiter snns les copier, à
monlriT 1rs eleuLs snns grimaces, olc. ' ».
Le coitile de Vauhianc nous révèle, en
effet, que le.s élcganl.s portaient alors, parmi
' t, .\»cin»n Inis frimçnitft , I. WVlII
'i* Parti, I. XII. p. Ifl6.
^ol> Mcrwcr, railr^u de Pnrù. t. H, p. 216.
leurs breloques « une petite clochette qui les
annonçait * ».
Et de la Mésangère écrivait en 1797 : « On
faisait un art de se moucher, il y a quelques
années. L'un imitait le son de la trompette, l'autre
le jurement du chat ; le point de perfection
consistait à ne faire ni trop de bruit ni trop
peu - ».
Agréministes. Nom que prirent, au dix-
huitième siècle, les découpeurs. Séb. Mercier
écrivait vers 1782 : « Les belles dames ignorent
sans doute que les ouvriers qui façonnent les
açrémens dentelles ornent leursrobes se nomment
agréministes -^ ».
Rétif' de la Bretonne a publié une nouvelle
intitulée La jolie agre'ministe \ plusieurs de ces
ouvrières sont représentées sur une gravure qui
précède la nouvelle ''.
On trouve très souvent agriministes.
Agréyeurs. Voy. Agréeurs.
Agriculteurs. Vny. Agronomes.
Ag-rier. Voy. Champart (Droit de).
Ag^rimenseurs. Nom que Rabelais^ donne
aux arpenteurs.
Agriministes. Voy. Agréministes.
Ag'ronom.es. \j agronome est le savant qui
étudie les lois de la végétation appliquée à la
production des objets nécessaires à l'homme,
indépendamment de la pratique.
Le cultivateur est celui qui, sur un terrain et
dans des circonstances données, applique des
règles toutes tracées, dont il n'est pas tenu de
connaître les raisons et l'enchaînement,
îJagriculteur est l'homme qui, pénétré des
principes de la science, sait les appliquer aux
diverses circonstances de temps et de lieu, et
prescrire au cultivateur les règles pratiques qu'il
doit suivre.
Le cultivateur est l'artisan, l'agriculteur est
l'artiste, l'agronome est le savant qui ouvre la voie
dans laquelle les deux premiers doivent marcher.''.
Je citerai seulement, parmi un très grand
nombre de formes : cultiveurs, cortiveurs, cou-
tivenrs, cousturiers. cotituriers et cultiviers.
Voy. Jardiniers.
Aguilliers. Nom que la Taille de 1202
lionne aux aiguilliers. \ oj. Aiguilles (Fa-
bricants d').
Aides-apothicaires. Quatre apothicaires
<"l (|ualn' aides-apothicaires étaient attachés à la
personne de Louis XIV. Les apothicaires rece-
vaient seize cents livres de gages et leurs aides
environ sept cents livres '. Parmi ces derniers
' Afr moires, p. 216.
2 /,(• toijnficur à Paris, l. II, p. 95.
3 Tableau de Paris, l. III, p. 3.32.
♦ Les contemporaines, t. XXI, p. 234.
^ Piiii/nifnief, liv. II, chap. 20.
* .\dricn do Ga.«parin, Cours d'agriculliirc.
"ï Klaf de la France pour 17 12, p. 246.
AIDES-APOTHICAIRES — AIGUILLETIERS
11
je relève le nom de Marin Charcot, un ancêtre
peut-être de notre célèbre aliéniste.
Apothicaires et aides royaux prêtaient serment
entre les mains du premier médecin, et ils
g'ag'uaient bien leur argent k la Cour, car nous
savons que Louis XIII prit, en un an, 215
purgations et 212 lavements'. Il est probable
que, quand il s'ag-issait du roi le maître apothi-
caire opérait en personne ; mais, pour la clien-
tèle ordinaire, c'était l'aide qui, presque toujours,
le remplaçait.
Aides des cérémonies. Ils servaient
sous les ordres du Crrand maître et du maître des
cérémonies. Ils portaient un bâton de comman-
dement semblable au leur.
Voj. Cérémonial.
Aides de cuisine. Voj. Galopins.
Aides-garçons. Dans les boulangeries, on
nommait aide-garç(jn, le premier garçon, celui
qui venait après le gindre.
Aides des maîtres des ponts. Il leur
était enjoint << de faire résidence au lieu de leur
établissement et d'obéir ponctuellement aux
ordres donnés par les maîtres des ponts, à peine
de demeurer responsables de toutes pertes causées
par leur désobéissance ^ » .
Aides à mouleurs de bois. L'ordon-
nance de décembre 1672 détermine ainsi leurs
fonctions : « Seront les ajdes à mouleurs tenus
de mettre les bois par le milieu dans les mem-
brures, et les ranger de sorte que la mesure s'j
trouve bonne et lojale, sans j souffrir aucun bois
courts ou si tortus que la mesure en soitdiminuée.
A eux fait défenses de travailler qu'en présence
des jurez-mouleurs ^ ». Ils étaient au nombre de
cent en 1674.
Voy. Moiileurs de bois.
Aigriers. Nom que prenai^'nt parfois les
vinaigriers-moutardiers.
Voy. Aigrun (Marchands d').
Aigrun (Marchands d'). Titre qui appar-
tint à la corporation des fruitiers. Leurs statuts
de juin 1608 débutent ainsi : « L'on appelle
fruict et esgrun à Paris toutes sortes de fruicts,
poires, pommes, cerises, marrons, citrons, gre-
nades, oranges, et toutes autres sortes de fruicts,
œufs, beurres et formages qui se vendent aux
places publiques... ». Les vinaigriers-moutar-
diers se disaient parfois aigriers.
Sur le sens du mot aigrun au moyen âge,
voy. l'art. Fruitiers.
Aig-uilles (Fabricants d'). Dès 1292, il
existait à Paris seize fabricants d'aiguilles que la
Taille de cette année nomme aquilliers . Leurs
plus anciens statuts datent du .30 janvier 1.556.
L'apprentissage durait quatre ans et, pour res-
1 Amulot de la Houssaye, Mémoires historiques.^ t. I,
p. 518.
2 Ordonn. de décembre 1672, chap. IV, art. 6.
3 Chapitre XX, art. 1.
treindre la concurrence, chaque maître ne
pouvait avoir à la fois qu'un seul apprenti. Les
fils de maître et les compagnons épousant une
fille de maître étaient admis à la maîtrise sans
parfaire le chef-d'œuvre exigé des autres ouvriers.
Toutes les aiguilles devaient être confectionnées
de bon acier bien trempé.
Ces statuts furent revisés le 14 septembre 1599.
Dans la nouvelle rédaction, les maîtres sont
qualifiés de aigidlliers^ ale'niers^ faiseurs de
dîtrins, carrelets et autres petits outils servant aux
orfèvres., cordonniers., bourreliers., etc. ». Les dis-
positions précédentes sont confirmées. Mais on
exige maintenant cinq ans d'apprentissage, qui
doivent être suivis de trois ans de compagnon-
nage. On ne peut être admis à la maîtrise avant
l'âge de vingt ans. Chaque maître doit adopter
une marque particulière, dont l'empreinte, repro-
duite sur une plaque de plomb, est conservée
par le procureur du roi au Chàtelet. La commu-
nauté est placée sous le patronage de l'Assomp-
tion de la Vierge.
La cherté de la main-d'œuvre à Paris ne
permit pas aux maîtres aiguilliers de soutenir
avec avantage la lutte contre les fal)ricants de
Rouen, d'Évreux, d'Aix-la-Chapelle et surtout
d'Angleterre, en sorte qu'à la fin du dix-septième
siècle cinq ou six maîtres parisiens seulement
s'eflforçaient encore de leur faire concurrence.
Les lettres patentes d'octobre 1695 les réunirent
aux épingliers.
Une des petites voies qui donnent dans la rue
Saint-Denis portaitle nomde rue de l'Aiguillerie.
Cependant, depuis le dix-septième siècle jusqu'à
la Révolution, les aiguilles les plus estimées se
vendaient rue de la Huchelte, à l'angle de la rue
du Chat-qui-pêche, dans une maison qui avait
pris pour enseigne l'J'. C'était une enseigne en
rébus, comme il y en avait tant alors à Paris.
Les grègues ou hauts-de-chausses * étaient réunies
au bas-de-chausses ^ par un lien devenu ainsi un
lie qrègue. Beaucoup de commerçants avaient
adopté cette enseigne, entre autres un marchand
d'épingles du Petit-Pont, dont la boutique fut
détruite par l'incendie de 1718 ; mais c'est le
mercier de la rue de la Huchette qui surtout la
rendit célèbre. En 1790, cette maison appar-
tenait au mercier Thomas-Charles de Lastre ■'.
\j\Encyrlopédie raéthodique écrit e'gnilliers.
L'étui à aiguilles s'appela pendant longtemps
agtùllier et aiguillier.
Aiguilletiers. Fabricants d'aiguillettes.
On appelait aiguillette tout lien qui servait à
rattacher l'une à l'autre diverses pièces du
costume, et plus spécialement le haut-de-
chausses au pourpoint. Afin de faciliter le
passage de l'aiguillette à travers les œillets
pratiqués dans les vêtements, elle était munie à
chacune de ses extrémités d'une tige de métal
dite ferret. Les ou%Tiers qui confectionnaient les
1 Ou culotte.
2 Ou bas.
■^ Voy. le Liwe commode, t. II, p. 25, et l'abbé
Lebeuf, Diocèse de Paris, édit. Cochcris, t. III, p. 61-
12
AIGUILLETIERS — ALLIANCE
aijruillellesse nommaient aussi ferveurs (F aiguil-
lettes, mais les aiguilletles ferrées de métaux
précieux étaient l'œuvre des orfèvres.
Les aiguillettes, déjà connues au treizième
siècle, ne devinrent d'un usag-e général qu'au
quatorzième.
Les aiguilleliers étaient régis en 1389 par des
statuts que je n'ai pu retrouver, mais je possède
ceux du 19 octobre 1397. J'y lis que les aiguil-
lettes se faisaient presque toujours de daim, de
rhe\Totin, de chamois « et autres bons cuirs ».
pour leur rhef-rp œuvre- les ouvriers briguant la
maîtrise devaient ferrer de laiton six douzaines
d'aiguillettes. Ce qui prouve la vogue dont
elles jouissaient, c'est que l'on comptait alors
jusqu'à vingt-six fabricants établis à Paris. Ils
figurent dans l'ordonnance dite des Bannières
(1467; sous le nom (T esçjneulletiers .
A dater du quinzième siècle, les aiguillettes
jouent un grand rôle, surtout dans le costume
masculin. Lorsque Jeanne d'Arc se décida à
l'adiipler. son pourpoint fut réuni à ses chausses
par vingt aiguillettes, « cum XX aguilletis »,
dit l'acte d'accusation dressé contre la vaillante
fille ».
La décadence des aiguillettes commença au
siècle suivant. En ItitiS. Harpagon, irrité contre
la viigue coûteuse des rubans, trouvait encore
qu' « une demi-douzaine d'aiguillettes suffisait
pour attacher un haut-de-chausses, » et Frosine,
abondant dans le même sens, lui disait que sa
future serait « charmée de son haut-de-chausse.s
attaché au pourpoint par des aiguillettes ^ ».
Vingt ans après, Labrujère parlant d'un fat
ridicule, qui « fuit la mode » pour se faire
remarquer, nous le montre ayant encore des
chausses à aiguillettes ^. La mode voulait à ce
nidinetil que r<»ii portât des boutons, et le
commerce ries passeuientiers-boutonniers gagna
tout ce que perdit celui des aiguilleliers. Les
slaluls accordés aux premiers en 1653 les
autorisiiicnt à confectionner les aiguillettes non
ferrées ; les aiguilletiers leur firent concurrence,
se mirent à vendre des nœuds d'épaide. des
jurrelières, des cordons de canne et de chapeau,
Inus objeLs non ferrés que les passenientier.s-
ImulfuniifTs regardaient avec raison comme leur
Hpécialilé, et qu'ils faisjuent saisir chez les
niguilJeliiTs. Ceux-ci dun'til renommer à la lutte.
Ih'venus trop pou nombreux pour former à eux
seuls uni' corporalinii. iU furent rn 17()4 réunis
aux cpinglirrs.
Avant de les abandoruHT. rappelons qu'ils
jtVlaienl placés très sôrieu.siMuent sous le patro-
n«pe do Miinl Sél«slien. dont ils célébraient la
fiMn 1p '20 janvier n l'église Saiiit-Eusiache.
L'époque ne répugnai! pas ù ces s(utes do jeux
lie luutî». dont riiisloiredes corporations ouvrières
offre de nombreux exemples.
Aig-Uiseurs. Voy. AffUeurs.
AiLliers. Marchands d'ail ou de sauce à l'ail.
rtti.Prvtrs tifjf aune (C Are, I. I, p. 220.
. L'ar«rt, ad.- \. m. A, cl aclv 11, so. 5.
•* ii«lii. bcnoia, t. I, p. 14«.
Ce sont ceux qui, au treizième siècle, criaient
dans Paris
. . . L'aillie à grant plonté 1.
L'ailliée, sauce alors fort en honneur, était
composée d'ail, d'amandes et de mie de pain piles
ensemble et détrempés avec un peu de bouillon.
Elle avait la consistance de la moutarde et se
consei^vait comme elle.
La Taille de 1202 mentionne 9 ailliers.
Pendant le seizième siècle, c'était une coutume
universelle de manger, au mois de mai, de l'ail
avec du beurre frais. Ce mets ou plutôt ce remède
était regardé comme affermissant la santé
pendant toute l'année.
Voy. Mesureurs.
Aimetiers. Faiseurs d'hameçons. Voy.
Pêche (Ustensiles de).
Ais (FÊTE aux). Le jour où l'on célébrait
la fête du patron dans une paroisse, les commer-
çants qui l'habitaient étaient obligés de tenir leur
boutique fermée, bien qu'ils y pussent vendre
comme à l'ordinaire. Ils nommaient ce jour-là la
fête aux ais, <.< donnant ainsi à entendre que la
fête n'était pas pour eux, mais seulement pour
les ais de leur boutique ^ ».
Aisseule i Couvreurs d'). Voy. Couvreurs
et Paille (Marchands de).
Ajusteurs. On nommait ainsi, dans les
hôtels des monnaies, les ouvriers qui donnaient
leur juste poids aux flans, en limant ceux qui
étaient trop pesants et en rejetant ceux qui
étaient trop légers.
Les ajusteurs transmettaient leur office à leurs
fils, et leurs filles devenaient tailleresses.
Voy. Monnayeurs.
Aléniers. Faiseurs d'alênes pour cordon-
niers. Titre que prenaient les aiguilliers. Laffé-
mas, en 1600, écrit halesniers.
Alerresses. Dans TJ évangile des quenouilles
(quinzième siècle), ce mot, au singulier, désigne
une sage-femme ^. L'étymologie latine *, indi-
querait plutôt une nourrice.
Alliance. Au treizième siècle, toute entente
pour faire soit hausser soit baisser le prix d'une
marchandise, prenait le nom iValliance, et
était sévèrement défendue : « Nus toissarens ••
ne nus tainturiers, ne nus foulons ne doivent
mètre fueur *» en leurs mestier par nule
aliancc... Et se aucun des mestiers desus
diz faisoient aucune aliance, li liiestre et li
juré le feroient savoir au prevost de Paris ' ».
Voy. Concurrence.
' En gramlc quaiililé. — Cri cri es de Cîuill. de la Ville
N<MIV"-.
* Snvary, DIclionnaire, t. II, p. 33.
3 (^uatricmc journée, cliap. IX.
* Mire, manger.
S Ti.s.s<THn(is de laino, drapiers.
fi ModifuT li-ur.s prix.
■ Litre des métiers, titre L, art. 35.
ALLOUES — ALLUMETTIERS
13
Alloués. En général, ce mot était synonyme
d'apprenti. On nommait donc ainsi le jeune
«j^arçon qui, placé chez un maître, prenait l'enga-
gement de passer à son service le nombre d'années
exigées par les statuts pour devenir compagnon
iitlendant maUrise^ être admis ù l'épreuve du
chef-d'œuvre, et pouvoir briguer le titre de maître.
Exceptionnellement, ce nom était donné, soit au
compagnon embauché pour un laps de temps
déterminé, soit au jeune homme qui désirait
apprendre le métier et bornait son ambition à
devenir compagnon ; ce dernier, n'ayant pas
l'ait un apprentissage régulier, n'était pas admis
au chef-d'œuvre, et ne pouvait jamais aspirer à
la maîtrise. Une sentence du prévôt de Paris,
en date du 3 décembre 1633, défendit aux
orfèvres d'avoir aucun alloué de ce genre, la
corporation craignant que l'on en vînt à créer
ainsi trop d'ouvriers insuffisamment instruits ^.
Voici comment était formulé, au dix-septième
siècle, le contrat d'engagement d'un de ces
alloués :
« Pardevant les conseillers du Roy, notlaires
au Chàtelet de Paris soussignez, fut présent
Antoine Gallien, chef de cuisine de madame la
marquise de la Vallière, demeurant rue de
l'Esclielle, parroisse Saint-Germain de l'Auxer-
rois. Lequel, pour le proffit faire de Biaise
Simon, son beau-frère, aagé de vingt-un ans,
qu'il certiifie fidel, l'a par ces présentes obligé
en qualité d'alloué, de cejourd'huy jusques et
pour trois ans prochains ensuivant finis et
accomplis, avec sieur Sanmel Helot. maistre
orlogeur à Paris, y demeurant rue et parroisse
Saint-André des Arts, à ce présent et acceptant,
qui l'a pris et retenu pour son alloué. Et promet
pendant ledit temps de luy montrer à travailler
à son possible dudit mestier d'orlogeur et de
tout ce dont il se mesle et entremet en icelluy ;
le coucher, nourrir, loger, blanchir et le traitter
doucement et humainement comme il appartient.
Ledit Simon s'entretiendra d'habits, linge,
bardes, chaussures et autres choses ses nécessités
suivant son estât ; servira sondit maistre en ce
qu'il luy commandera de licite et honneste ;
l'advertira desondommages'il vientà sa connois-
sance ; sans pouvoir s'absenter ny aller ailleurs
travailler. Auquel cas d'absence, ledit Gallien
promet le chercher et faire chercher par la Ville
et banlieue de Paris : pour s'il est trouvé le
ramener à sondit maistre, à l'effet de rachever
le temps qui restera lors à expirer des présentes.
Et en cas qu'il ne le puisse pas ramener, il
s'oblige à payer audit Helot, quinze jours après
l'absence dudit Simon, en sa demeure ou au
porteur des présentes, la somme de cent livres,
à peine et pour l'indemniser des services qui luy
pourroient estre rendus par ledit Simon. Auquel
ledit sieur Helot promet luy payer la dernière
desdites trois années, en faveur des présentes, la
somme de trente-six livres, à peine de tous
dépens et dommages et interests.
^ \ ov. Leroy, Sfatu/s el privilèges du corps des orfèvres,
p. .50.
Fait et passé à Paris en l'estude de Boucher,
notaire, le seiziesme mars mil six cents quatre
vingt huit après midy. Et ont signé, fors ledit
(îallien qui a déclaré ne sçavoir escrire ny
signer, ainsy qu'il est dit en la minutte des
présentes demeurée audit Boucher, notaire.
Boisseau, Boucher ^ ».
Alloués, Nom qu'ont porté les procureurs.
AUumettiers . Faiseurs d'allumettes .
Celles-ci sont d'abord représentées par le fusil,
foisil, fouesil, fuzil, fousil, feusil, fuisil, etc.,
ustensile de métal, qui, en frappant un silex, fait
jaillir des étincelles. Appliqué plus tard à une
arme à feu, il lui donna son nom. Le roi
Charles V possédait un grand nombre de fusils 2,
dont quelques-uns étaient très lux\ieux. Je
citerai, par exemple, le numéro 2172 de
l'inventaire de son mobilier ; on y lit : « Ung
petit foisil d'argent doré, cizellé autour, et est le
couvercle esmaillé des armes de France ». Les
fusils étaient soit renfermés dans un étui à
couvercle, soit suspendus à un cordon, comme
celui que désigne le numéro 3120 : « Ung foisil
d'argent, esmaillé à fleurs de lys, pendant à ung
laz de soye ».
Le Ménagier de Paris (1393) fournit la recette
très compliquée d'une composition destinée à
tenir lieu d'amadou, il l'appelle « esche pour
alumer du feu au fusil ^ ». Mais, à ce moment,
les allumettes souffrées étaient déjà connues, et
sous leur nom actuel. On trouve, en effet, dans
un traité d'alchimie du quatorzième siècle, cette
phrase : « Et n'est bon le soufre qu'à ces
femmelettes qui botellent les allumettes * ».
Je rencontre seulement trois fusils, tous en
argent doré, dans l'inventaire du mobilier de la
couronne en 1418.
Rabelais a pris soin de nous informer que
Panurge avait toujours dans une de ses poches
« ung fousil garny d'esmorche ", d'allumettes,
de pierres à feu, et tout aultre appareil à ce
requis ^ ». Il aurait pu les acheter en pleine rue,
car une Chanson de tous les cris de Paris ^ ,
datée du seizième siècle, commence ainsi :
Voulez-vous cuir chansonnette
De tous les cris de Paris ?
L'un crie des allumettes,
L'autre fusils, bons fusils !
Les Œuvres de Bruscambille nous apprennent
que ce petit commerce faisait vivre beaucoup de
pauvres gens ^ ; mais la fabrication resta pendant
longtemps concentrée surtout en Allemagne :
1 Biblioth. nationale, manuscrits, fonds français,
n° 21.795, f" 193.
2 Voy. les numéros 1986, 2233, 2418, 2729, etc.,
dans l'inventaire de son mobilier, publié en 1879 par
E. Labarte.
3 Tome H, p. 263.
^ Voy. V. Gay, Glossaire archéologique , p. 25.
5 Dans Douét - d'Arcq, Pièces Inédites relatives à
Charles VI, t. II, p. 292 et 356.
6 D'amorce.
"^ Pantagruel, liv. II, ch. 16. — ^"v. aussi chap. 30.
8 Dans la collection Maurepas, 1. I, p. 213.
9 Edition de 1629, p. 311.
14
ALLUMETTIERS - ANCIENS. JEUNES. MODERNES
<•- La vieillp. pcrit Ch. Sorel, tira du feu d'un
fusil d'Allema<rne qu'elle portoit toujours, dont
elle alluma une chandelle * ».
A ce vieux fusil succéda, vers 1806, \ehiquct
sulfurique. et un peu plus tard le briquet
pimphoriqtœ auxquels resta attaché le nom de
l'industriel Fumade. Les allumettes phospho-
riques ou chimiques vinrent ensuite, inventées
en Allemagne vers 1832.
Allumeurs de lanternes. Voy. Lan-
terniers.
Almanaquiers. \o\. Jouets (Fabri-
cants de).
Almosniers. \ oy. Aumôniers.
Alun iCoMMKRCE UE !>'). 11 était fait par les
épiciers et les drog-iiistes. Le Livre des métiers
mentionne l'alun dans les statuts des teinturiers,
des boursiers et des gantiers ^.
Amadoueurs. Marchands d'amaduu. Au
milii'U du dix-huiliéme siècle, l'amadou venait
encore presque exclusivement de l'Allemagne.
A Paris, les épiciers le vendaient en gros à de
petits merciers qui le détaillaient.
Ambleurs. Officiers de la petite écurie
chfz lerui. Ils sont mentionnés dans VJi'tat de lu
France pour 1087 ■', dans VEtat de 1712 '' et
dans celui de 1730 ^.
Je suppose que les titulaires de ces offices
étaient chargés de dresser certains chevaux ii
marcher l'amble.
Ameçonneeurs. Nom que les Tailles de
t^'.fj et de l.'iOO donnent aux fabricants
dhauiecj.iins.
\ oy. Pêche (Ustensiles de).
Amidonneurs. \ oy. Amidonniers.
Amidonniers - Gretonniers. Faiseurs
d'iimidiin et do creturi. Ils furent constitués en
corporation par lettres patentes de mars 1744,
•Muv^'islréi's le 12 janvier 1740. La durée de
riippn-iifissagc était de deux ans, et l'on
n evi^'i'iiil [joint de (■(uupagnoniiage. Les fils de
maître étaient dispensés du chef-d'œuvre, qui
consistait à <, fnin- un cruit d'amidon ». 11 était
int.'niil aux maîtres de s'établir dans l'intérieur
•l«î Paris, <' ù cause de l'odeur infecte de leurs eaux
H de» matières qu'ils emploient », aussi presque
tmiH hHhilaienl-ils les faubourgs Saint-Victor et
.Sainl-Marri'l. I^ vente de la poudre à poudrer,
cohslituanl un des monopoles de la corporalirm
de> i^anlien,, .•lait int.Tdilf aux amidonniers.
L'iirlicli- Xi de li'urs statuts lour défendait de
v«n<ln« l'amiflon en poudre, même « d'avoiraucun
outil ou uslensih- propre à réduin- l'amidon en
poiidr.' ... \u reste, un long, «dit ibi 19 décembre
v r.,,„:y„. ,u tr'i'ir nn. .•ht. C-ilmiibeV. p. 54.
i.iv. iAxvii..t Lxxwm. •
I. |> V94
I. y. 5«0
II. p ar>4
1778 régla minutieusement tout ce qui concer-
nait la fiibrication de l'amidon et du creton *.
A la fin dij dix-huitième siècle, les amidonniers-
cretonniers en étaient arrivés à utiliser un grand
nombre de racines, les pommes de terre, les
marrons d'Inde ^ , etc. Ils étaient alors au
nombre de trente-cinq à quarante.
Ils donnaient à leur atelier le nom de trempis.
Vo}'. Empeseurs et Foudriers.
Amineurs. ^ oy. Mesureurs.
Amirauté de France. Tribunal du
grand amiral de France. Il connaissait en
premier ressort de tout ce qui concernait le
commerce maritime : sociétés commerciales,
compagnies de navigation, assurances, échoue-
ments, naufrages, etc. En appel, il jugeait les
sentences rendues par les amirautés particulières
siégeant dans certains ports.
Même ressort que le Parlement de Paris.
Le personnel se composait de vingt-deux
men^bres, tous nommés par le roi sur la présen-
tation du grand amiral. Les audiences avaient
lieu au Palais les lundi, mercredi et vendredi.
Les appels allaient au Parlement.
Amodiateurs. ^'oy. Métayers.
Amparliers. Voy. Avocats.
Ampoulieurs. Voy. Poulieurs.
Anatomie. Voy. Cabinets d'anatomie.
Anciens, jeunes, modernes (Maîtres).
Le commencement du seizième siècle vit s'intro-
duire parmi les maîti'es une hiérarchie, peu à
peu acceptée par presque toutes les commu-
nautés. Les maîtres furent alors divisés en trois
classes : les Jeunes, qui comptaient moins de
dix ans de maîtrise ; les Modernes, reçus depuis
plus de dix ans ; les Anciens, qui exerçaient
depuis vingt ans au moins ou avaient rempli la
cliarge de Juré.
En général, les Jewies ne prenaient aucune
part à l'administration de la commummté : ils ne
pouvaient être élus jurés, et n'avaient même pas
en cette circonstance le droit de vote. Ils
n'étaient pas admis non plus dans les commis-
sions appelées à juger les chefs-d'œuvre. En
réalité, le temps passé parmi les jeunes était une
sorte de stage imposé au compagnon après sa
réception à la maîtrise.
Les Modernes eux-mêmes, bien qu'éligibles,
ne figuraient pas tous parmi les électeurs des
jurés.
Les Anciens formaient dans la corpt)ratioii
une véritable aristocratie, très jalouse de ses
prérogatives. Au reste, chaque communauté
avait sur ce point ses usages particuliers. En
1(38U, la corporation des couteliers se composait
' On le Irouvo dans V Encyclopédie méthodique ,
Sciencos et Arts, t. J, p. 20.
- Voy. Duhamel du Monceau, Fabrique de l'amidon,
dans J.-E. Hertrand, Descriptions des arts et métiers,
t. Vin, i». 453.
ANCIENS, JEUNES, MODERNES — ANIMAUX CURIEUX
15
de qiiatre-vin'j;:l-onze mailres, qui ôtaieul ainsi
(^lassés ' :
22 Anciens,
32 Modernes,
33 Jeunes,
4 veuves conliniianl 1<' commerce de leur
mari.
Ancres (Fabricants d'). Ils appartenaient
à la corporation des taillandiers. Mais les ancres
destinées à la marine rojale étaient fabriquées
dans l'arsenal de Cosne (Nivernais). Les labri-
caiits se disaient ancriers.
Andouilles (Faiseurs d'). Voy. Boudi-
niers.
Aneliers. Voy. Annaliers.
Angles de la Grève . Voy . Croche teurs .
Animaux curieux (Montreurs d').
Quand Henri III se sauva de Pologne ^, il
passa par Vienne, où l'empereur lui « fit voir
tout ce qu'il avoit de plus singulier ^ , » et
dans le nombre figurait un éléphant. Ce pachy-
derme était donc regardé encore comme un
animal peu commun. Dix-sept ans après,
Henri IV eut le bonheur d'en posséder un, car,
le 29 juillet 1591, étant au camp devant Noyon,
il écrivait à son bureau des finances, alors séant
à Dieppe : « Parce que nous désirons que
l'elléphant qui nous a esté admené des Indes
soit conservé et gardé comme chose rare et qui
ne s'est encore veue en cestuy nostre royaulme,
nous vous mandons faire marché avec quelque
personne qui s'entende à le Iraicter, nourrir
et gouverner... » Mais en ce temps-là, le
Béarnais ne pouvait consacrer beaucoup de
temps ni beaucoup d'argent aux distractions
zoologiques, et puis une bête aussi extraordinaire
qu'un éléphant était bien faite pour exciter des
convoitises. Le gouverneur de Dieppe reçut
donc, au mois de septembre suivant, une lettre
ainsi conçue : « Ayant entendu que la Royne
d'Angleterre auroit agréable ung éléphant qui
est à Dieppe, je luy en ay faict présent, comme
je ferois encores plus volontiers de chose plus
excellente si je l'avois... » Ainsi qu'on le voit,
Henri IV croyait être le premier roi de France
qui eût possédé un éléphant. En quoi il se
trompait.
Entre 801 et 803, Haroun ar Raschid envoya
de Badgag à Gharlemagne un éléphant nommé
Abulabaz *, que le juif Isaac conduisit à Aix-
la-Chapelle ^, et qui mourut subitement en
810 ** . Quatre siècles et demi plus tard ,
Louis IX revenant de la Terre Sainte envoya
1 liibliothèque natiuiialr, uiauu.scrits Delamarre, Arts
ci métiers, t. IV, p. 59.
2 En 1.574.
3 P. Malliicii, Histoire île France, t. I, p. 390.
4 Annales Tiliani^ dans le Recueil des historiens, t. ^^
p. 24 et 822.
» Éginliard, Opéra, édit. Teulet, 1. I, p. 52 et 254.
Annales Fiddenses, dans le Recueil, etc., t. V, p. 3o2.
6 Annales Xa:ariani, dans le Recueil, etc., t. V, p. 59.
« pro magno munere » un éléphant « quidam
elephas » à Henri III, roi d'Angleterre. Matthieu
Paris, qui a enregistré le fait dans sa grande
chronique ', ajoute: « Nous ne croyons pas
qu'on eût jamais vu jusque-là d'éléphant en
Angleterre, ni même en deçà des Alpes; aussi
les populations s'empressaient-elles autour d'un
spectacle si nouveau '^ ».
Même sous Louis XIII, l'arrivée en France
d'un éléphant constituait un événement notable.
Au cours de l'année 1626 , un Hollandais
nommé Sevender en amena un à Paris. Sur son
passage, il excita à ce point la curiosité que le
gouverneur de Montreuil ordonna d'élever
« quelques barricades au lieu où estoit logée la
beste, » afin de la conserver plus longtemps
dans la ville •'^. Louis XIII semble avoir fait peu
de cas du présent, car nous retrouvons l'animal
à Rouen en 1627 et à Toulon en 1631.
Au mois de mars 1749, Paris fut mis en émoi
par l'arrivée d'un rhinocéros, le premier paraît-il,
qui eût paru en France. Conduit à Versailles,
toute la Cour alla le contempler, et il fallut l'y
ramener encore après son séjour u Paris *.
Exhibé à la foire Saint-Germain, une foule avide
se succédait sans relâche autour de lui, et
l'énorme pachyderme était le sujet de toutes les
conversations. On s'arrachait une notice dans
laquelle un savant docteur, J.-B. Ladvocat,
bibliothécaire de la Sorbonne, avait recueilli à
cette occasion ce que les naturalistes et les
voyageurs avaient raconté de plus curieux sur
les mœurs de ces animaux. Au sujet de celui
que l'on admirait alors, Grimm écrivait : « On
prétend qu'il pèse cinq mille livres. Il a été
amené en Hollande par mer, de là en Allemagne,
et d'Allemagne en France. Pour le transporter
par terre, on s'est servi d'une voiture couverte,
traînée quelquefois par vingt chevaux. Il mange
par jour jusqu'à soixante livres de pain et il
boit quatorze seaux d'eau. Il aime tout, excepté
la viande et le poisson •"'. » L'avocat Barbier *
nous apprend que le roi voulut acheter ce
phénomène ; il recula devant les cent mille écus
qu'en demanda son maître, un capitaine hollan-
dais. Naturellement, les femmes raffolèrent de
cet animal, qui unissait, disait-on, à sa force
prodigieuse une extrême douceur de caractère,
qui léchait, avec une langue douce comme du
velours, la figure de ses gardiens et la main des
docteurs de Sorbonne ''. Il y eut des perruques,
des bonnets, des coiffures à la rhinocéros ; on vil
1 Chrunica majora, édit. Luard, t. V. p. 489.
2 Sur tout ceci, voy. la Bibliothèque de l'Ecole des
chartes, t. LIV (1893), p. 358. Deux fautes d'impression
assez importantes se sont glissées dans cet article.
L'envoi de l'éléphant à Gharlemagne est daté de 810,
au lieu de 801 sans doute. Pour l'éléphant de saint
Louis, on renvoie au tome W , non au tome V de
l'édition Luard.
3 Voy. Discours apologétique en faveur de rinstinct et
naturel admirable de Véléjihant , Kouen, 1027, p. 30.
4 Duc de Luynes, Mémoires. 19 avril 1749, t. IX,
p. 386.
3 Grimm et Didei'ot, Correspondance, édit. Tourneux,
t. \, p. 2'72.
6 Journal, t. IV, p. 356.
'' J.-B. Ladvocat, Lettre sur le rhinocéros, 1749, in-S".
16
ANIMAUX CURIEUX — ANIMAUX FÉROCES
mAme un soir, à TOpéra, une élégante arriérée
qui « étoit coefFée en cornète, lorsque depuis
deux mortels jours, on étoit en rhinocéros * ».
Au mois de mai, l'on annonça que cet énornie
personna^re était mort à Ljon et mort enragé 2.
La nouvelle était fausse. En novembre seulement,
un vaisseau qui le transportait de RomeàNaples
fit naufrage, et la mer engloutit la grosse béte
« avec tout l'argent qu'elle avoit gagné à son
propriétaire ' ».
L'année suivante, on produisit encore à la
foire Saint-dermain deux lions et un tigre.
« lesquels sont privés ensemble et obéissent au
commandement de leur maître comme font les
chiens les plus dociles * », disait l'annonce.
Mais ces fauves, dont l'espèce était connue
depuis longtemps des Parisiens, n'obtinrent
qu'un succès d'estime. Une otarie, arrivée en
juillet 1784, jftuit, au contraire, d'une grande
vo<i-ue. On se pressait à la foire Saint-Laurent
pour la voir évoluer dans un bassin d'eau salée •'.
On exhiba encore au même endroit : En
1750, un pélican « lequel n'a jamais paru en
France, el qui se saigne pour nourrir ses petits ».
En 17G3, un dromadaire; en 1765, un casoar ;
t-ri 1779, un plioque <*, etc., etc. "^
\ Dv. Plxénoinènes (Montreurs de).
Animaux dressés Mo.ntreuks d'j. L'art
de (ln'»t*r h-s animaux date de loin, et il faudrait
luiil un volume pour en résumer, même à grands
Irails, l'histoire.
On lui doit, au moyen âge, l'expression yywycr
en muHHuie t/e singe ' . Plus tard, c'est à la ioire
Sainl-{ it-rniain surtout qin; se donnaient rendez-
vnus chaque aiuiée les montreurs d'animaux
dressés. Je me bornerai à citer parmi les
curiosités qui y furent exhibées aux dix-septième
et dix-huitième siècles :
Une chiennt' qui lisait, calcidait, disliiiguait
les couleurs, désignait l'heure martjuée à une
montre, etc. Une autre « lisait le français et
l'anglais, el fuisitit des tours de physique ».
Un bélier qui connais.sail la valeur de^
monnaies et savait compter.
Un éléphant qui se livrait à différents exer-
cices el avalait une bouteille de punch.
Un cerf ({ui exécutait tous h's ordres qu'il
recevait de sou maître.
l'n siiim' <|iii jouait du violon, l'n auln- joiuiit
lie la vielle.
Un chfval (jui sivait les quatre règles de
l'arithmeliiiui', tirait un coup de pistolet, sautait
il travers un cerceau. Un autre rapportait comme
un chien.
Un lièvre qui Lmltnit du landiour.
' .\bb« (loyor, /.eltrt â une dame anqloise, dans li-s
' Jotirnal, 30 moi 1710, t. V, p. 485.
■' ' ". 21 iiovcmbiv 17'19, l. VI, p. 77.
» /,<, .ijiykf. de Parit, n» fin p JV-vrior 1750.
S M— f.rnflork. J.,Hmal, 29 juillpl 1784, p. 69.
' ' rJon, Lrt tpeelafles dr la foire,
II, p. 219 it 1^30.
Un singe, digne continuateur de Fagolin,
dansait sur la corde.
Une guenon qui signait son nom : Marie
d'Aiigole.
Huit rats qui dansaient un ballet au son des
violons, et en suivaient toujours la mesure.
Un serin qui désignait l'heure, connais.sait les
quatre règles et répondait à diverses questions
au moyen d'un alphabet.
Des abeilles qui, au commandement de leur
maître, quittaient leur ruche el allaient se réunir
sur tel chapeau qu'il leur désignait, venaient
s'entortiller autour de son bras, lui couvraient le
visage comme d'un masque ^.
Par arrêté du 25 octobre 1793, la Commune
décida que tous les animaux appartenant à des
montreurs seraient saisis, puis, soit tués, soit
envoyés à la ménagerie de Versailles. Un second
arrêté, daté du 3 novembre, les attribua au
Jardin des plantes. Les propriétaires dépouillés
devaient recevoir une indemnité qui les mît à
même « de gagner autrement leur vie ». Le
4 novembre, on prit, chez un sieur Dominique
Martini, un lion nicU-in, une civette et un singe,
qui formèrent le premier fond de la ménagerie
actuelle du muséum. Quelques jours après, une
autre confiscation lui fournit un chat-tigre, un
ours blanc, deux singes, deux agoutis, deux
aigles et un vautour. Au milieu du mois d'avril
1794, les survivants de la ménagerie de Ver-
sailles arrivent enfin à Paris, et le 10 décembre
suivant, Tliibaudeau lit à la Convention un long
l'apport qui approuve définitivement la nouvelle
organisation du muséum d'histoire naturelle.
Des crédits sont demandés pour l'aménagement
de loges spacieuses destinées aux bêtes féroces,
et le rapporteur termine par une amusante
critique de l'ancienne ménagerie royale :
« J\isqu'à présent, les plus belles ménageries
n'étaient que des prisons, où les animaux
resserrés avaient la physionomie de la tristesse
et restaient presque toujours dans des positions
qui attestaient leur langueur. Pour les rendre
utiles à l'instruction publique, les ménageries
doivent être construites de manière que les
animaux jouissent de toute la liberté qui
s'accorde avec la sécurité des spectateurs... ^ ».
On montrait à Paris, en 1804, des puces
dressées à différents exercices. A. Kotzbue, qui
li^s avait vues, raconte qu'entre autres mer-
V(Mlles, elles tiraient un carrosse. 11 ajoute : « On
conçoit dil'licilement qu'un homme se soit donné
la peine de fabriquer, avec une finesse admi-
rable, des voilures et des chaînes en or, pour y
attaclier une puce ». Le même lu)nune montrait
deux mouches, qui faisaient de l'escrime avec
deux brins de paille ^.
Voy. Écuyers.
Animaux féroces (Commerce des). Au
moyen âge, les bêtes féroces arrivaient d'Afrique
' Surtout cri, voy. É. Canipardon, Le Ihéàlre de la
foire, tl \'. Fournel, Le vieux Paris.
* Moiiitriir itiiltersel, n» du 14 décembre 1794.
3 Soiirenirs de Paris en i804, t. I, ji. 74.
ANIMAUX FEROCES
17
par l'Egypte, où Alexandrie centralisait le
commerce de l'Orient. Il ne semble pas qu'elles
fussent alors Leaucoup plus rares qu'aujourd'hui.
Les princes entretenaient volontiers des ména-
geries dans leur palais. Les comtes de Hainaut,
par exemple, pourvoyaient à la nourriture de
leurs fauves au moyen d'un impôt, qui, dit un
historien, paraissait très onéreux aux pauvres et
très humilianl aux riches ^. Vers 1108, Henri I"-'""
d'x\ngleterre, devenu maître de la Normandie
par la victoire de Tinchebrai, fit à Caeu un
séjour momenlané. Pour se concilier la sympa-
thie de ses nouveaux sujets, il leur donna des
spectacles ; il otïrit notamment à leur admiration
une réunion d'animaux curieux dont le poète
Raoul Tortaire '^ nous a transmis la liste. C'était
d'abord un léopard, animal d'une agilité merveil-
leuse -, puis un lion, le plus vaillant et le plus
généreux des quadrupèdes ; un lynx, dont la vue
pénètre tous les corps et n'est arrêtée que par le
verre ; un chameau, qui vit cent ans au moins
dans les pays chauds, privilège qu'il doit à sa
sobriété ; et encore une autruche, énorme oiseau
qui digère le fer aussi facilement que les
liquides ^. Notez que huit siècles environ se
sont écoulés depuis le jour où les Normands se
pressaient autour de cette exhibition, analogue
à celles que nos dompteurs promènent de ville
en ville.
Il n'est nullement prouvé que Philippe-
Auguste ait eu une ménagerie au château du
Louvre. Celle qu'il créa à Vincennes ne renfer-
mait guère que des daims et des cerfs *.
Au treizième siècle, les chanoines de Notre-
Dame avaient réuni dans le cloître une petite
ménagerie où l'on voyait des ours, des cerfs, des
corbeaux, des singes, etc. Au mois de novembre
1245, Eudes, légat du Saint-Siège, leur intima
l'ordre de licencier tous ces pensionnaires, qu'il
osa représenter comme nuisibles, inutiles et
ridicules •''.
En 1333, Philippe VI transporta à l'extrémité
de son jardin du Louvre une ménagerie depuis
longtemps voisine du palais de la Cité. Charles V
en eut une autre à l'hôtel Saint-Paul, et il est
permis de croire que les lions s'y repro-
duisaient ''.
L'amour des fauves semble avoir été hérédi-
taire dans la maison de Bourgogne. Philippe le
Hardi nourrissait à Bruges un lion auquel on
servait chaque jour la moitié d'un mouton ''.
C'était bien la ration ordinaire, puisque en 1425
un jeune lion a^-ant été envoyé à Jean' sans
Peur, celui-ci ordonna qu'il lui fût attribué
1 Voy. E. Le Glav, Histoire des comtes de Flandre,
t. I, p. 425.
2 Mort vers 1120.
'^ Voy. Bibliothèque de r École des chartes, XVP année,
1855, p. 509.
4 Rigord, Gesta Philippi Augusti, cap. XXI, éclit.
Delaborde, t. I, p. 35.
5 « Animalia nociva, inutilia .seu jocosa, veluti ursos,
cervos, corvos aut simias, vel luijusniodi ». Cartulaire de
Notre-Dame de Paris, t. II, p. 406.
« Sauvai, Becherches, t.. II, p. 273 et 282.
'^ De Laborde, Les ducs de Boto-yogne, preuves, t. I,
p. 1.
« demi mouton de char ^ pour son vivre, selon
ce qui lui est nécessaire ^ ». Jaccjues de Melle,
« bouchier et bourgeois de Gand, » avait la
garde de quatre autres lions que le duc possédait
dans cette ville. Il avait soumissionné « par cry
d'église et à rabat » la nourriture de ces animaux -,
mais, effrayé de leur appétit, il finit par les
condamner à un régime si austère qu'ils
faillirent mourir de faim, et le duc, qui aimait
ses bétes, dut augmenter le prix de leur
pension ^. S'il donnait un festin, il voulait que,
pour faire honneur à ses hôtes, ses chers animaux
y assistassent. Parfois, il se contentait de l'un
d'entre eux ; en 1453, on paye vingt sous à
« Gilles le Cat, serrurier demeurant à Lille,
pour une chaisne, une cheville de fer, deux
havets * et deux touretz ^, pour lyer le lyon
en la salle de Monseigneur, le jour de son
banquet ^ ». En 1461, un Vénitien fit présent
à Philippe le Bon d'un lion apprivoisé : « A
Berthélemy Cazal, demourant à Venise, quand
il est naguères venu devers Monseigneur à
Bruxelles et lui a donné ung lion privé, qu'il a
amené et fait venir dudit lieu de Venize... "^ ».
Comme le duc de Berri, il affectionnait parti-
culièrement les ours. Dans un compte de 1467,
on mentionne « le petit ours de Monseigneur '^ »,
un favori sans doute.
C'est sous le règne de François pr que fut
apporté à Paris le premier crocodile qui ait été
vu en France ; encore était-il empaillé ou plutôt
« bouilly en huyle ». M. de la Vernade, ancien
ambassadeur près la République de Venise,
tenait d'elle ce présent magnifique. Il en gratifia
l'église Saint-Antoine, qui « le fit mettre et
attacher contre la muraille où il est de présent.
Ce serpent, nommé crocodile, avoit esté prins
dedans le fleuve du Nil, près du Quaire ^ ».
Henri II eut à Saint-Germain une ménagerie.
Charles IX fit restaurer celle du Louvre, et il
prenait plaisir à voir combattre entre eux des
dogues, des lions, des ours, des taureaux '*•.
Mais, pendant une nuit du mois de janvier
1583, Henri III rêva que ces animaux se retour-
naient contre lui et le dévoraient. 11 s'en alla
faire ses dévotions dans un couvent, donna
cent écus aux religieux, puis regagna le palais,
« où arrivé, écrit Lestoile, il fit tuer à coups
d'arquebuze les lions, ours, taureaux et autres
semblables bestes qui souloit nourrir pour com-
battre contre les dogues *' ».
Louis XIII , qui méprisait les élépliants ,
eut des bêtes féroces aux Tuileries, à Fontai-
1 De chair.
2 De Laborde, t. I, p. 221.
3 De Laborde, t. I, p. 21G et suiv.
* Deux crochets.
^ Deux boucles.
•> De Laborde, t. I, p. 427.
'' Do Laborde, t. I, p. 477.
^ De Laborde, t. I, p. 499.
9 Journal d'un bourgeois sous François /<"■, année 1517,
p. 49.
10 Voy. Sauvai, t, II, p. 13. — Brantôme, t. IX,
p. 390. — Et. Pa.squier, Œiitr.s, édit. de 1723, t. II,
p. 415.
H Journal de Henri III, édit. Michaud, p. 15G.
18
ANIMAUX FÉROCES — APOTHICAIRES
nebleau. à Saint-Germain, à Vincennes et même
à Versailles. Dans cette dernière ville, on ne
conservait plus, en 1657, (m'un lion et une
lionne, un léopard, un tig-re, deux ours, un loup
cervierel deux aigles. Leur garde et leur nourri-
ture coûtaient trois livres par jour ^ Au reste.
le o-oût des bêtes féroces commençait à diminuer,
et *'dans la merveilleuse ménagerie créée par
Louis XIV à Versailles, elles étaient en grande
minorité; on y vitpourtant des lions, des tigres,
un rhinocéros." etc. ^ Cette collection fui pillé<"
pendant les journées d'octobre 1789 ; les bêtes
qui survécurent furent amenées à Paris où elles
cun>tituèrent le premier fonds de la ménagerie
actuelle du jardin des plantes.
Le commerce des animaux féroces n'a plus
guère de représentants qu'en Angleterre, en
Hollande et en Belgique. Les ménageries
d'Europe elles dompteurs sont surtout alimentés
par la foire qui se tient du 5 au lU septembre.
dans le jardin zoologique d'Anvers. *
\t)y. Combats d'animaux. — Domp-
teurs, etc.
Anneliers. Faiseurs d'anneaux. La Tailla
de 1292 cite trois et celle de 1300 six aneliers.
On connaissait très bien déjà les anneaux
employés pour soutenir les rideaux, les tentures
de tous genres ^. Mais on nommait aussi animi,
anel, annel, anneau les bagues destinées aux
doigts, et les aneliers de laiton en fabriquaient
beaucoup, même d'assez riches, malgré l'oppo-
sition des orfèvres *. Les statuts accordés aux
épingliersen 1002 leur reconnaissent le droit de
fabriquer divers objets de métal, notamment les
annelets.
Annonces. Voy. Publicité (Entre-
prises de).
Annonces lumineuses. Elles datent de
loin. Mathurin Régnier, faisant le portrait d'une
affreu.se mégère, dit qu'elle
Rfftseiubloit, transparent!', une lanterne vive
Dont quelqiii- j)alicier amuse l<'.s enfans,
Uii (li'b oy.^oIl.s briiii'z, guenucties, êlélans,
Cliiens, chats, lièvres, renards et mainte cslrangc beste
courent l'une après l'autre •'.
Ces lanternes étaient circulaires, en toile ou
en papier huilé. Entre eux et la lumière placée
au milieu, des ligures grotescjues, formées de
carluii découpé, étaient fixées à un cercle mou-
vant, nuipiel on donnait une impulsion (|ui la
fui.sail tourner. Les ligures fonnaient alors des
outbros mou vailles". Ces sorli's de lanternes
ningiqiii-s nvuieiil été d'abord en usage dans les
ropréscMilulioiis des m^'stères. Comme on le voit,
1«'H pAlisHicrs en conservèrent l'usage ju qti'uu
dix-»eplièmc siècle.
' Fir.r •ir^rrnl ilrt officiert Homrsiiqurs, commriisaux
Ho^. 1-. ICI.
' /-«y/iM, •« «ofti 17Ô0, t. X, p. an.
|»ii I. ' •> . Mrmoirrs, ji. 'dOO.
3 iKiiH-t-il Arri], C.Duiittrs Ht l'argenltrif, p. IC.
* (i l''(i(^ni<'i, Klttiit$ sur l'induttrit, p. 299.
^ Sfltir'- \1.
« MiiUi. H^ciii'^'". Œurrrs, ^mIji. i.h.'.v . p j jp
Annuel des marchands. Droit annuel,
établi à la fin du seizième siècle, et qui était
perçu, au profit du roi, sur tous les marchands
qui faisaient le commerce des boissons ^
Août (Loi d'), dite aussi Ban d'août. Droit
de promulguer le ban delà moisson, c'est-à-dire
droit de vendre seul du vin au détail durant
le mois d'août. Ducange cite une charte de 1244,
où on lit que « les loix d'aoust sont à l'Eglise ^> ^.
Août (Saint-Pierre en goule) ou Saint-
Pierre ENTRANT AOUT [in gulu utiffusti), c'est-à-
dire au commencement d'août. Dans les statuts
des métiers et dans les onloniiances du moyen
âge, ces mots désignent toujours Saint-Pierre es
liens, dont la fête tombe le I""' août : « Nul
talemelier ^ ne puet cuire en la fesle S. Père en
goule aoust, » dit le Livre des métiers *.
Ce fut plus tard le jour choisi pour leur fête par
la confrérie des nattiers et par celle des savetiers^.
Apertises (Joueurs d'). Joueurs de tours,
équilibristes, prestidigitateurs, etc. Voy. Bate-
leurs.
Aplaig-neurs.
neurs.
Voy. Foulons et Lai-
Apotécaires. Voy. Apothicaires.
Apothicaires. Jean de Garlande, qui
vivait vers 1250, nous apprend que de son temps
les appotecarii vendaient des médicaments et des
électuaires, des racines et des herbes, de la
zédoaire, du gingembre, du poivre, du cumin,
des clous de girofle et de la canelle, de l'anis, de
la graine de fenouil, de la cire et des cierges,
du sucre et de la réglisse. On trouvait encore
dans leurs boutiques des préparations de gin-
gembre à l'usag-e des constitutions froides, du
diapliénic excellent pour les phtisiques, du
diaprun et de la gomme adragante qui rafraî-
chissent, et de l'ellébore qui facilite la diges-
tion fi.
h'appotecarius du treizième siècle représente
donc bien notre apothicaire actuel, nom qu'il
portait déjà en français, car le Livre des métiers,
colligé vers 12G8, mentionne deux fois les
apotécaires ". Ils ne figurent pourtant pas dans
les Tailles de 1292 ei de 1313 ; mais la première
cite vingt -huit et la seconde soixante-neuf
espiciers, désignation qui convient très bien aux
apotécaires, puisque tous les produits (pi'ils vien-
nent de nous offrir s'appelaient alors des épices.
On peut donc, je crois, avancer qu'au treizième
siècle les mots apotécaire et espicier étaient
synonymes, et qu'ils s'appliquaient bien à des
vendeurs de substances employées à la fois
coiume condiments et comme médicaments.
' .\. Bailly, Hialulrc fiiKincière (le la France, t. I, p. 277.
* (llossfirium. aux mots Bannum auguxti lA Lex aïKjiistl.
•* Hi>ulMnn;i'r.
* Titre I, art. 2ô. Voy. au.s.si titr.' 1,111, not.'s aiMi-
tioniwlb's.
•* L'> Masson, Calendrier des confréries, \\. 4-1.
fi iJiclionarius, p. 28.
7 II- i>arlie, titre XVI, art. 4 el 5.
APOTHICAIRES
19
Apotécaires et espiciers n'en avaient point le
monopole. Les herbiers fournissaient des herbes
médicinales ; les ciriers et les févriers débitaient
la cire et le poivre ; les regratliers, revendeurs
au détail, avaient le droit de tenir la cire en
pain et un petit nombre d'épices employées
dans la cuisine, poivre, cumin, canelle, réj^lisse.
etc. Quant à la préparation des médicaments, il
est certain que les médecins s'en chargèrent
pendant long-temps. Ils avaient déjà dû y
renoncer au treizième siècle, par la même raison
qui leur avait fait abandonner aux barbiers
les opérations chirurgicales : c'était œuvre
manuelle, conséquemment déshonorante.
Un mandement de Philippe VI, daté du
22 mai 1336, veut que les apothicaires, leurs
valets et les herbiers soumettent leurs denrées à
l'examen des médecins de la Faculté ^. Les
statuts de celle-ci, rédigés en 1350, placent sur la
même ligne les chirurgiens et leschirurgiennes,
les apothicaires et les apothicairesses, les herbiers
et les herbières. Ces trois métiers, restés indé-
pendants de l'Université, pouvaient donc être
exercés par des femmes.
Au mois d'août 1353, les épiciers-apothicaires
reçoivent du roi des statuts très sages ^.
Nul ne pourra entreprendre ce commerce s'il
« ne sçait lire ses receptes ou s'il n'a entour luy
personne qui le sache faire » .
Nid ne vendra « médecines venimeuses ou
périlleuses ».
Tout apothicaire qui aura confectionné une
<<; médecine de longue conservation inscrira sur
le pot l'an et le mois de la confection ».
Tout apothicaire vendra « à loyal, juste et
modéré prix ».
11 est créé un chef de la corporation sous le
nom de ^< maistre du mestier d'apothicaires, qui
sera sur tous les apothicaires de Paris et des
suburbes. « Assisté de deux médecins désignés
par le do^^en de la Faculté, il fera au moins
deux fois l'an la visite de chaque officine, il
examinera avec soin toutes les substances qui
s'y trouveront.
Il s'assurera aussi que chaque apothicaire a
chez lui « le livre qu'on appelle Antidotaire
Nicolas ». C'était la pharmacopée de Nicolas
Myrepse, im médecin grec du treizième siècle,
qui avait exercé à Alexandrie. Son traité,
embrassant l'ensemble des médicaments alors
connus, contient 2.656 formules, et il fut de
bonne heure traduit en latin. Au reste, il
existait déjà d'autres ouvrages sur cette matière :
Les Médicament» simples et la Pratique du
médecin arabe Jean Mésué ; les glossaires phar-
maceutiques de Simon de Gênes et de Pierre
d'Abano ; les écrits confus d'Albucasis, médecin
de Cordoue, et les fameux Secrets d'Albert de
Bollstadt. Mais les livres étaient encore trop
rares et trop chers pour que l'on pût demander
aux apothicaires de posséder une si nombreuse
bibliothèque : V Antidotaire de Myrepse était
^ Ordonn. royales, t. II, p. IIG.
~ Ordonn. roi/alfs, I. II, p. 532.
alors le guide obligé de tous, et il restera le
Codex officiel jusqu'en 1637.
Jean de Jandun nous fait savoir qu'au qua-
torzième siècle plusieurs apothicaires étaient
établis sur le Petit-Pont, alors couvert de mai-
sons. Ils étalent avec complaisance, dit-il, de
beaux vases renfermant les remèdes les plus
recherchés ' .
Beaucoup d'entre eux étalaient aussi, paraît-
il, une ignorance complète de leur métier.
D'autres n'hésitaient pas à tromper le public,
en lui vendant des drogues vieillies qui avaient
perdu toute leur vertu. Une ordonnance d'août
1484 * constate qu'il était fort difficile de se
procurer les épices les plus indispensables.
Parfois, dit le roi, elles sont rares même en
Orient, « elles sont chières même au pays où
elles croissent. Les marchands infidèles laissent
à en amener en terre chrétienne pour ce que le
voyage est long, » de sorte que « l'on est bien
souvent deux ou trois ans sans en pouvoir
recouvrer ».
Des substances aussi précieuses, et dont
l'emploi pouvait présenter de sérieux dangers
n'eussent dû être maniées que par des gens
expérimentés. Il était donc nécessaire d'établir
une distinction entre le marchand qui se bornait
à les débiter telles qu'il les recevait d'Orient, et
l'homme chargé d'en composer des médicaments,
c'est-à-dire entre l'épicier et l'apothicaire. C'est
ce que fit l'ordonnance d'août 1484. Les deux
métiers ne cessèrent pas d'être réunis et de ne
constituer qu'une seule corporation ^ ; mais si
tout apothicaire put continuer à être épicier,
l'épicier ne put se dire apothicaire que sous
certaines conditions, après avoir servi quatre
années comme apprenti, avoir passé un examen
« estre approuvé audit mestiêr », et avoir « fait
chef-d'œuvre, tant d'ouvraiges de cire, confiture
de sucre, dispensacions de pouldres, comme de
composicions de receptes , cognoissance de
drogues et autres choses concernant le fait desdits
mestiers ».
Les statuts de juin 1514 accentuèrent plus
encore la distinction entre eux ^. « Qui est
espicier n'est pas apothicaire et qui est apotlii-
caire est espicier », dit clairement le préambule.
Les deux commerces continuent à ne former
qu'une seule corporation, mais ils auront chacun
ses jurés particuliers ; les jurés épiciers ne
pourront prétendre aucun droit chez les apothi-
caires et réciproquement, etc., etc.
Ces statuts furent confirmés et complétés avant
la fin du siècle par une foule de sages ordon-
nances. On y signale les précautions à prendre
pour la préparation des médicaments. On insiste
sur la visite des officines, qui sera faite au moins
deux fois chaque année par les jurés de la corpo-
ration assistés de deux docteurs de la Faculté de
1 De laiidibiis Parisius, V^ partie, chap. IV.
2 Ordonn. royales, t. XIX, p. 413.
•• « Le me-stier des ouvraiges et marchandi.se.s
d'espicerie, appoticairerie, ouvrages de cire et confitures
Ide sucre ».
'>■ Ordnnii. roi/nles. \. XXI, Ji. .'541.
20
APOTHICAIRES
médecine. (Jn décide enfin que les drog-ues intro-
duites à Paris par les marchands en gros seront,
avant d'èlre livrées au commerce, soumises à
l'examen de deux médecins ^ .
Précautions inutiles, car en dépit de la surveil-
lance exercée sur eux, les apothicaires falsifiaient
déjà de mille manières les médicaments ,
vendaient comme bons ceux qui étaient avariés,
et n'en exagéraient pas moins les prix. Ainsi,
quand on leur demandait un os de cœur de cerf,
qui passait pour un très puissant cardiaque, ils
n'Iiésilaient pas à fournir des os de clieval.
« pharmacopoles nous abusent, écrivait Sjnipho-
rien Champier en 1531 : ilz nous vendent les os
(le cheval au lieu de os corde cervi, et en
trouverez plus à vendre que n'a de cerfs en toute
la France , Italie et Espaigne - ». Dans les
C(i(/i(cls (le raccouchée ^, une femme qui avait
habité pendant longtemps la maison d'un apo-
thicaire, raconte qu'elle ne lui a jamais « veu
emplover que les herbes qu'on racle souvent dans
nos jardins ». Quand venait le moment de rédiger
le mémoire, elles étaient décorées des noms les
plus savants et les plus étranges. Noël du Fail
dit. de son côté, que les apothicaires <; abusent le
pi'uple et sa bourse, vendant vingt sols ce qui en
vaut cinq * », et Lestoile raconte qu'avant do
miiurir un apothicaire nommé Gonnier « se
confessa, entre autres clioses, de ce qu'il n'estoit
point entré de bonne rheubarbe en sa boutique il
v avoil plus de trente ans ^ ». On disait déjà
Mémoire d'apothicaire pour désigner un compte
sur lequel il y avait beaucoup à ra])attre. Vers
la tin du dix-septième siècle, l'usage était de le
réduire au moins de moitié. Un mari, venant
disculer avec les marguilliers de Saint-Paul le
jirix qui lui est demandé pour l'enterrement de
sa femme, finit par Irur proposer de partager la
somme en deux :
J>- crois i[u il i'>l iiliis à j>ro]io.s,
Pour bii'ii sortir (W cctli' affairt",
!)<• n'-ffif-r tous li's friiis en {rpos
Comiii*- ci-ux ilun ajiotliicaire,
C"«'sl-ù-i!iri' l'ii boiiuf amitié
H<-tratiflicr la Ixllr moitii'; •>.
Hii-n (jue, depuis la dé<;ouverte de l'impri-
merie, les Imités de pharmacie fussent devenus
moins nires cl plus accessibles à tontes les i)0urses,
1(1 grande majorité des apotjiic.jiirt's était restée
lidele à VAnUfdiitnire de Mvrepsc. nufl([iies-iins
V ajiiulaieiil lu Vhnnnaruju'e (h- Haiid. imu ou les
Jhs'.HuIwhx j)/i'irninrru>ii/iies df.lean de Hen<»u ',
mnisc'i.sl >eulfin.'iii vers \{VA'2 (|m- la Faculté se
préocrupa de r<-di}^.T im Cix/rj- comph-l qui put
siTvir .!-• .^'uidr pour la prepanilion des médi-
«*"' '' ••'»'•'•', h- Parlrm.-nt avait ordonné
•'•■ • i" '■•• travail, et nommé les douze
docteurs chargés de le mener à bonne fin. Tous
• Dl'Uniarrv, Trailr Jt ta potlte, t. I p 587
« .Vyr..-W m.n.ir) rfr, npp„ll,iquaire,\t pl,armacopoles.
i.yon, i.<Jl. ffulu., sflD.s [•A^n.
' ' ' ^ . P 103.
. « II, p. 182.
'' ■ fV. 12 iiov. 1590.
•>. Le Miiit britil. 1673, in- 12
I. t 1 |. 24.
moururent sans avoir beaucoup avancé la besogne.
Enfin la Faculté loua à côté des écoles une
o-rande salle, y réunit des fourneaux et des
alambics, et y rassembla les drogues simples au
moyen desquelles allaient être étudiées toutes
les compo.sitions. Dix-huit commissaires se parta-
gèrent cette lourde tâche, qui ne fut achevée
qu'en 1637 ^
Les apothicaires durent dès lors avoir chez
eux ce Codex officiel. Leurs boutiques, encore
laides et sombres au seizième siècle, comme
tontes celles de cette époque, prirent un aspect
moins misérable. Elles n'eurent d'abord pour
ornement que les énormes mortiers de fer destinés
aux pulvérisations, les lourdes amphores de terre
cuite et les boîtes dites silènes où reposaient les
médicaments. Ces dernières étaient couvertes de
grossières peintures, représentant des « figures
joyeuses et frivoles, comme de liarpyes, satyres,
oysons bridez, lièvres cornus et aultres telles
painctures contrefaictes à plaisir pour exciter le
monde à rire..., mais au dedans l'on réservoit
les fines drogues, comme baulme, ambre gris,
muscq, civette, pierreries, et autres choses
précieuses ^ ».
L'usage de conserver les médicaments dans
(les boîtes chargées de décorations bizarres
subsista fort longtemps. Jean de Renou, qui
écrivait vers 1607, nous parle encore « des
boëtes et coffrets embélys de toutes sortes de
peintures récréatives, comme peuvent estre cerfs
volans, viédazes ^ empennés, centaures à cul
pelé, oisons bridez, cannes bastées, et autres
semjjlables, entre lesquelles on a accoustumé de
laisser un petit vuide quarré pour y escrire en
lettres d'or ou d'azur le nom de la drogue * ».
Mais, peu à peu, les boutiques deviennent plus
claires et plus vastes ; on les décore de boiseries
finement travaillées, et les silènes sont remplacés
par d'élégants tiroirs rangés méthodiquement
autour de la pièce ^.
Les apothicaires étaient alors régis par des
statuts qui leur avaient été octroyés le 28 no-
vend)re 1638, et qui pendant plus d'un siècle
servirent de base à tous les règlements concernant
l'exercice de la pharmacie.
Les apothicaires continuaient à former avec les
épiciers un seul et même corps, dont l'importance
était depuis longtemps reconnue, puisqu'il occu-
pait le deuxième rang parmi les Six-corps •».
Bien que composant un seul métier et soumis
aux mêmes statuts, distinction était faite entre
\es apot/iicaires-ej)iciers et les simples marchands
épiciers.
Lu durée de l'apprentissage était de quatre ans
pour les premiers, de trois ans seulement pour
les seconds. Muni de son brevet d'apprentissage,
> oy. Hazon, KIoge historique de la Faculté de médecine,
\). 57.
* Habolais, Gargantua, liv. I, prologue.
3 Traduction du mot latin t.reirum. Voy. Ducange,
aux mots trclis l't rirga.
* Œuvres pharmaceutiques, p. 482.
5 Noy. larliclc Houti(iues.
6 Voy. col article.
APOTHICAIRES — APPAREILLEURS
21
le jeune homme devait encore servir comme
compagnon pendant six ans s'il voulait devenir
apothicaire-épicier, pendant trois ans seulement
s'il bornait son ambition ù s'établir marchand
épicier. En ce qui touche ce dernier, ses six ans
de service accomplis, il devait, comme dans
toutes les autres corporations, suliir un examen
et parfaire un chef-d'ceuvre, conditions indis-
pensables pour pouvoir obtenir la maîtrise.
On exigeait davantage de l'aspirant au titre
d'apothicaire-épicier. Avant même d'être reçu
apprenti, il lui fallait comparaître devant les
jurés de la corporation, « pour connoître s'il a
étudié en grammaire, et s'il est capable
d'apprendre ledit art ». Puis, quand il avait
achevé ses quatre ans d'apprentissage et ses
six ans de campagnonnage, il subissait un
examen en présence des jurés, du professeur de
pliarmacie à la Faculté de médecine et de tous
les maîtres composant la corporation. Cette
épreuve durait trois heures, pendant lesquelles
le candidat était interrogé par neuf maîtres
désignés à cet effet. Ils rendaient leur arrêt à la
pluralité des voix. S'il était favorable, l'aspirant
était admis à Vacte des herbes : on lui présentait
une foule de substances médicinales, dont il
devait indiquer le nom et les vertus. Venait
enfin le c/ie/'-r/'œKivr proprement dit. Le candidat
confectionnait cinq préparations importantes, et
dissertait sur toutes les drogues qu'il y avait fait
entrer.
Comme dansies autres corps de métier, les fils
de maîtres étaient privilégiés. Chez les marchands
épiciers, on les dispensait du chef-d'œuvre,
chez les apothicaires-épiciers, l'épreuve la plus
difficile, l'acte des herbes, leur était épargnée.
Les veuves de maîtres pouvaient continuer le
commerce de leur mari, à la seule condition « de
prendre et de tenir en leurs boutiques un bon
serviteur, expert et connoissant au fait dudit art
et marchandise ».
Il était défendu aux épiciers comme aux
apothicaires d' « employer en la confection de
leurs médecines, drogues, confitures, conserves,
huiles et sjrops, aucunes drogues sophistiquées,
éventées ou corrompues, ni mêler ou employer
en leurs ouvrages de cire aucune vieille cire
avec la neuve, ni aux ouvrages de sucres vieux
sjrops ». Le délinquant était condamné à
cinquante livres d'amende, et la marchandise
défectueuse était brûlée devant la porte de sa
boutique.
La corporation était administrée par six gardes
ou jurés, trois d'entre eux choisis parmi les
marchands épiciers, les trois autres parmi les
apothicaires-épiciers. Le mode de leur élection
varia sans cesse. Tantôt la communauté tout
entière y prit part, tantôt chacun des deux corps
se réserva la nomination de ses propres gardes.
Les gardes devaient être « élus et choisis
gens de probité et d'expérience, non notés ni
diffamés ». Ils étaient tenus de visiter, au
moins trois fois par an, la boutique de chaque
maître. Ils procédaient en outre, et cela chez
tous les marchands de Paris, à la visite des
balances et des poids.
De temps immémorial, la corporation était
dépositaire de l'étalon des poids. Elle comptait
parmi ses privilèges celui de contrôler les
ustensiles de pesage employés par tous les
commerçants qui débitaient des avoir de poids ^ ,
c'est-à-dire des marchandises vendues au poids.
Une Déclaration du 14 mai 1724 reconnut
implicitement aux apotliicaires le droit de visiter
les malades en l'absence d'un médecin ^.
Louis XVI fit pour eux plus encore. La
Déclaration du 25 avril 1777 ^ les sépara enfin
des épiciers, et les constitua en une corporation
indépendante, autorisée à prendre le titre de
collège de pharmacie.
Le commerce de l'épicerie leur fut dès lors
interdit. Ils furent « tenus de se renfermer dans
la confection, préparation, manipulation et vente
des drogues simples et compositions médici-
nales ». Les épiciers conservaient « le droit de
faire le commerce en gros des drogues simples,
sans qu'ils puissent en vendre et débiter au poids
médicinal, mais seulement au poids du com-
merce ».
Il était désormais interdit aux « communautés
séculières ou régulières, même aux hôpitaux et
religieux mendiants, d'avoir une pharmacie,
si ce n'est pour leur usage particulier ». Toute
vente de drogue faite par eux devait être punie
d'une amende de cinq cents livres.
Le nombre des maîtres apothicaires, qui se
montait à 108 en 1754, était tombé à 89 en
1758, et à 84 en 1773.
Séb. Mercier écrivait en 1783 : « On croit
moins aujourd'hui aux médecins. Les apothicaires
se ruinent, on ne court plus comme autrefois aux
poisons multipliés de leurs boutiques meur-
trières * ».
Il y avait cependant encore 87 maîtres
pharmaciens à Paris en 1787. Leur collège était
installé, depuis 1777, dans la rue de l'Arbalète,
sur partie de l'emplacement d'un hôpital qui
avait été fondé en 1576 par Nicolas Houel,
apothicaire royal. On y voyait plusieurs salles
de cours, un laboratoire, un cabinet d'histoire
naturelle et un très beau jardin botanique.
La corporation avait pour patron saint Nicolas,
« à cause, écrit Sauvai, que leurs marchandises
viennent par mer et par le moyen des pilotes et
mariniers dont saint Nicolas est encore le patron,
ou à cause du tombeau de saint Nicolas, évêque
de Mirre ^, d'où il sort une huile qui opère de
merveilleuses guérisons ^ ». *
Voy. Aides - apothicaires. — Bouti-
ques. — Droguistes. — Maître des
apothicaires. — Spécialités pharma-
ceutiques, etc.
Appareilleurs. Dans la langue spéciale à
plusieurs métiers, ce mot signifiait apprêlewrs.
1 Voy. cet article.
2 Dans Isambert, Anciennes lois françaises, t. XXI,
p. 265.
3 Deins Isambert, Anciennes lois françaises, t. XXIV,
p. 389.
4 Tableau de Paris, t. IV, p. 323.
5 Myre, dans la Lycie.
•5 Recherches sur Paris, t. II, p. 473.
22
APPAREILLE URS — APPRENTI
C'est ainsi que l'emploient les bonnetiers et les
chapeliers.
Mais l'on nommait plus spécialement alors,
et l'on nomme encore aujourd'hui, appareilleur
l'ouvrier qui prépare le travail aux tailleurs de
pierre, choisit celles-ci. et y indique le tracé à
suivre pour la coupe.
Le mot appareilleur semhl» aussi avoir dési«j^né
une sorte d'avoué ou d'avocat intervenant dans
les procès. C'est au moins ce que paraît révéler
une ancienne coutume d'Amiens, dont un long
extrait a été publié par Ducange an mot cmnpin.
La Taille de 1292 cite deux appareilleurs,
celle de 1300 en mentionne trois.
Appareilleuses. Voy. Apparieuses.
Apparieuses. Femmes qui s'occupaient,
rjratuitpmpnt ou non, de conclure des mariages.
•< l'ni^ marieuse de gens, on appelle cela
vulgairement vme apparieuse », écrit Tallemant
des Réiiux '.
Voir, dans Le rnman hourgeoU -, le Tarif ou
érnlv.alinn des parus sorla/des pour faire faci-
lement les mariages.
On trouve aussi appareilleuses.
Appariteurs. Voy. Bedeaux et Mas-
siere.
Appétits (Crieuses d'). « Les femmes qui
revendent par les rues de Paris sur des paniers
qu'on nomme inventaires •', appellent apétit les
harengs sorez et les raves. En criant les raves,
elles di.sent simplement apélis, et en criant les
harengs sorez, elles crient ape'fit , crarpcelo!
npe'til * ». Craquelot était un autre nom du
hareng saur.
Voy. Harangères.
Applanisseurs. Nom donné aux catis-
seurs, aux retundinirs de drap, etc.
Appotiquaires. \(>y. Apothicaires.
Apprenti Rachat ue l'). L'apprenti se
nii-hitail (juand son maître consentait à le
libérer par anticipation, à le tenir quitte du
temps pour lequel il s'était engagé a servir ;
mais jusqu'à ce que ce temps fût entièremenl
écoulé, \o innîlrc n'avait pas le dinit de prendre
un nouv'l appronli.
Voy. Apprentissage.
Apprenti (\ k.mk oi; t:i.;.s.siON de l'). Un
Hiailr.- vriidfiil son appr.'uli lorsqu'il le cédait,
m..yiMuwinl une M.iunu' del<Tmiuér, « mi autre
maiire pour h- temps qu<' Tapprc-nti restait devoir.
I^ vrntr n'elail aulorisén qu,. dans quatre cas:
l" Quand le matlre olail retenu au lit piir une
grave mnlndjp.
2" Quand il partnilm pèlerinage pour un lieu
consacH".
• HitlorUtIn. I. VI. p. Hr.
' l-Mil. rlidvir., p. B3.
* RichHct, tiietionnnirt frnifoù, l. 1, p. 68.
W" Quand il renonçait au métier.
4" Quand il tombait dans l'indigence.
« Nus ne puet vendre son aprentiz, se il ne
gist à lit de langueur, ou il ne va outre mer, on
il ne lesse le mestier du tout, ou il ne le fet par
poverté ^ ».
Le maître qui vendait son apprenti ne pouvait
en prendre un autre avant l'expiration du temps
pour lequel il avait engagé le premier, lors
même que sa situation modifiée lui eût permis
de le l'aire.
Les forcetiers décidèrent en 1291 qu'un maître
ne pourrait vendre son apprenti qu'après l'avoir
irardé au moins un an et un jour. Cette mesure
avait pour objet de mettre fin à une spéculation
que les statuts racontent tout au long, et qui
est intéressante à connaître. Il était arrivé,
paraît-il, que des ouvriers forcetiers admis à la
maîtrise avaient pris un apprenti et l'avaient
vendu quelques semaines plus tard. L'argent de
la vente une fois touché et joyeusement dépensé,
ces maîtres abandonnaient leur atelier et se
replaçaient comme valets -.
L'expression vendre so?i apprenti n'était plus
en usage au seizième siècle. On le cédait, ce
qui revenait au même, et dans les mêmes
circonstances qu'auparavant. Nul, disent les
couteliers, ne peut céder son apprenti « s'il ne
gît au lit malade en langueur, ou s'il ne laisse
le métierdu tout, ou s'il ne le fait par pauvreté ^ ».
Un siècle plus tard, on se bornait à prévoir « les
cas de nécessité ou autre accident inopiné *. ».
On ne larda pas à abuser de cette tolérance, et
les tabletiers en 1741 ^ n'autorisent un maître à
céder son apprenti qu'après l'avoir gardé un an
au moins. Si le maître abandonnait le métier,
les jurés se chargeaient de replacer l'apprenti.
Voici la formule d'un acte de cession au
dix-septième siècle " :
« Pahdevant nous conseillers du Rov,
notaires à Paris soussignez, furent présens
Sébastien Lebrun et François Gandin, maisires
savetiers à Paris et jurez en charge dudit mestier.
Lesquels, en la présence de Girard Mercier,
aussy maistre savetier à Paris, ont par ces
préseutes ceddé et transporté à Estienne Cham-
pagne. i]t\ pareille profession, demeurant rue de
Sève ', parroisse Saint-Sulpice, à ce présent, les
vingt-un mois qui restent à expirer du l)revet
d'apprentissage de Jean Balleux avec Guillaume
le Roux, aussy maistre savetier, passé devant
Dronel et Barbon, notaires ài Paris, le vingt-
deux janvier MDC quatre-vingt-six, depuis céddé
par les jurez diulit mestier au sieur Mercier, par
acte passé devant Valel et son collègue, no-
taires, le troisième septembre audit an. Pendant
• Lirrr il, s mr'/icrs, tiln" XVII, art. 3. — Voy. aus.si
liUv XXI, iirt 8 ; litre XXX, art. 0 ; titre XLIII, art. 3 ;
litre I.XXXVII, art. 14.
* (î. Deppinf;, Ordonniiiicfs, p. 359.
•■' Statut.s (le U^m, art. 3.
l Chapeliers, statuts de 1658, arf. 18.
•"■ Article 9.
J; Oripinal sur papier appartenant à 1 auteur.
' Hue de Sèvres.
APPRENTI — APPRl^TNÏISSAGl-:
23
lesquels vingt-un mois restans, ledit Champagne
promet luy enseigner son mestier et luy fom-nir
les logemens et alimens nécessaires.
Ce fait, en la présence de Jeanne Saradin,
femme soj disant autorisée de Jean Balleux,
rôtisseur à Paris, père et mère dudit Jean
Balleux apprenty, et d'iceluj Jean Ballenx fils.
Laquelle Saradin a reconnu que le dit Mercier
luj a rendu sept livres dix sols, des quinze livres
qu'il avoit receues en conséquence du transport
d'apprentissage : dont quittance. Et le surplus
estant resté audit sieur Mercier, pour son
dédommagement. Et a esté convenu pour ces
présentes à la somme de dix-huit livres, moitié
de laquelle ledit sieur Champagne a reconnu
avoir receu de ladite Saradin, dont il la quitte.
Et quant à l'autre moitié, elle promet et s'oblige
la bailler et payer audit Champagne dans un an
d'huy prochain.
Fait et passé à Paris, es estudes, le vingt-cinq
avril MDC quatre vingt sept. Et ont déclaré ne
savoir escrire ny signer, de ce enquis, ainsy
qu'il est dit en la minute des présentes demeurée
à Couvreur, notaire.
Garxier. Couvreur ».
Voy. Apprentissage.
Apprentis marchands. Audiger décrit
ainsi les obligations qui leur incombaient :
« Le devoir d'un apprenti marchand est d'avoir
soin d'ouvrir la boutique le matin et de la fermer
le soir, la bien nettoyer, y mettre les tapis et
autres étalages le matin, et les ôter le soir, bien
balayer devant la porte, aller promptement où le
marchand l'envoie, soit pour porter ou quérir
des marchandises chez les ouvriers ou chez
d'autres marchands ; s'étudier à bien connoître
la marque du marchand, les prix et numéros des
marchandises, afin qu'en son absence et des
garçons, il en puisse vendre à ceux qui viennent
pour en acheter, et prendre garde de ne point se
tromper sur les qualités et valeurs d'icelles
Il doit aussi apprendre à bien auner, mesurer
et peser, bien vendre et bien livrer, et ne se
point tromper dans les prix et dans le débit des
marchandises, bien obéir à son marchand, et
s'appliquer sérieusement à tout ce qui regarde
le commerce qu'il veut apprendre. Ne se point
amuser à faire des bassesses, comme de laver la
vaisselle , promener et amuser des enfans.
nettoyer les souliers et autres vilenies qu'on
pourroit lui faire faire ; car on ne le met pas en
apprentissage pour cela... * ».
Apprentissage.
I. Dès l'origine, les corporations comprirent
toute l'importance de l'apprentissage. Il tient
une grande place dans les statuts primitifs de
chacune d'elles, et l'on va voir avec quel soin
cette grave question fut réglée aux treizième et
quatorzième siècles.
Aucune condition de naissance ni d'âge n'était
alors imposée à l'apprenti. On n'exigeait pas
1 Ln
rrfjlée (lOya), liv. m, chap. 4.
qu"il fût enfant légitime, et les statuts ne déter-
minent ni au-dessous, ni au-dessus de quel âge il
pouvait être engagé. Ce qui prouve que l'on
commençait souvent le métier assez tard, c'est
qu'une règle invariable interdisait d'accepter un
apprenti marié. Mais comme l'apprentissage était
long, il arrivait que l'enfant, devenu homme
avant d'avoir achevé son temps, se mariait ; il
avait alors le droit de diner et de souper dans sa
demeure, et le maître lui devait pour ces deux
repas, « pour sa penture *, » quatre deniers -,
soit deux francs peut-être de notre monnaie.
Dans quelques communautés, l'apprenti, avant
d'être admis à l'atelier, jurait solennellement sur
les reliques des saints, « sus seinz, » de toujours
observer les statuts du métier qu'il allait
apprendre. C'était beaucoup demander à un
enfant ; mais ce serment constituait le petit
personnage membre de la corporation, et nous
allons voir que son maître était tenu de le traiter
comme tel.
Les statuts ne manquent jamais d'indiquer le
nombre d'apprentis que les maîtres avaient le
droit de posséder, le temps et le prix de l'appren-
tissage.
Quelques corporations permettaient un nombre
illimité d'apprentis ; mais on n'y abusait guère
de ce privilège, et en général les statuts n'admet-
tent pas qu'un maître puisse avoir à la fois plus
d'un apprenti. La mesure était-elle prise dans
l'intérêt de ce dernier ? Les liniers l'affirment :
« Qui plus d'aprentices prendroit que une, ce ne
seroit pas li profiz aus mestres ne aus aprentices
meesmes, car les mestreises sont assez charchiées^
en aprendre bien une * ». Les statuts des laceurs
et des crépiniers confirment cette assertion.
Le maître laceur qui était célibataire ou dont la
femme ne travaillait pas ne pouvait avoir qu'un
seul apprenti, « mes se li sire ^ et la famé fesoient
le mestier, ils pourroient avoir deux aprentis •* ».
Les crépiniers le déclarent encore plus claire-
ment '^. On n'accordait aux maîtres maçons qu'un
seul apprenti, mais on en permettait deux aux
jurés ^, toujours choisis parmi les maîtres les
plus intelligents et les plus habiles.
Ces témoignages prouvent de la part des
corporations une grande sollicitude pour l'ap-
prenti et pour l'apprentissage. Il est cependant
certain que, fidèles aux idées économiques de
l'époque, elles limitaient le nombre des apprentis
afin de limiter celui des maîtres, de le maintenir
dans une proportion à peu près constante, et de
restreindre ainsi autant que possible la concur-
rence.
Elles poursuivaient encore et surtout un autre
but : elles voulaient favoriser l'apprentissage des
enfants dans la famille, et empêcher qu'une
1 Sa pâture, sa nourriture.
2 Litre des métiers, t. IjXXXIII, art. 7.
3 Chargées. N'ont pas trop de temps pour en bien
instruire une.
4 Livre des me'/iers, titre LYII, art. 4.
^ Le maître.
6 Livre des métiers, titre XXXIV, art. 3.
"î Livre des métiers, titre XXXVII, art. 2 et 3.
8 Livre des métiers, titre XLVIII, art. 6.
24
APPRENTISSAGE
maison passât entre les mains d'étrangers.
En effet , même dans les corporations qui
accordaient deux et trois apprentis à chaque
maître, les enfants de celui-ci n'étaient jamais
compris dans le nombre. A cet égard, les statuts
s'expriment ordinairement en ces termes:
« Nus ne puet avoir en ce mestier que... aprentiz
tant seidement, se ce ne sont ses enfans nez de
loial niaria"-e ^ ». Ce droit n'appartenait, bien
entendu, qu'aux enfants légitimes, maisla plupart
des corporations retendaient à bien d'autres
membres de"la famille. Les fondeurs d'étain ^, les
alachiers 3, les fileuses de soie à grands fuseaux *,
les tapissiers ^, les sculpteurs "î, les selliers ^,
les tisserands ^ pouvaient avoir à la fois comme
apprentis leurs enfants et ceux de leur femme.
Les boucliers de laiton et les crépiniers
apportaient une restriction à ce principe, ils
n'admettaient les enfants de leur femme que si le
premier mari de celle-ci avait été du métier " ou
si elle-même l'exerçait ^''.
Les charpentiers vont plus loin. Chaque maître
peut avoir pour apprentis son iils, son neveu et
l'enfant appartenant à sa femme '^.
Les foulons acceptent leurs enfants, leurs
frères, les enfants et les frères de leur femme ^-.
Il est interdit à tout maître drapier d'avoir
chez soi plus de trois métiers ; mais on l'autorise
à recevoir sous son toit ses enfants, un frère et un
neveu, et ù confier à chacun d'eux encore trois
métiers. La règle est stricte et les statuts insistent
surce point : « Ne pour nul âme ne les (les métiers)
piiel il avoir, se il n'est ses fuiz ou ses frères de
par père ou de par mère, ou filz de son frère ou
de sa seur de leau (lojal) mariage '^ ».
Le dernier mot resloaux orfèvres, qui ne font
d exception pour au«un parent : « Nuz orfèvres
ne puet avoir que un aprenti estrange, mes de
son lignage ou du lignage de sa famé, soit de
• Litrt de» mtliert^ lilre XXI, art. 3 ; titre XXX,
nrl. 2; tiln- LVll, art. 1; tilro LXVIII, arl. 2; titre
lAM. arl. 'l ; lilre LXXXIII, arl. 4 ; liln> LXXXVII,
art. 3 : ••le, f>lr.
' « .Sus moncslrous (inaîtn.s) no puel ne ne doit avoir
que un a|>r>-nli7. tant wiilement, .se ce ne sont si enfant
f>u ii •■nfaut «le Ka famé, ne de loial iiiariaf,'e ». Livre des
métiers, tilr.- XIV, nrl. 2.
' Litre dtt métiers, titn- XXV, nrl. 5. — Les ata-
ehien* fitimiient di s unlillons jiour U'H boucles, do iielits
«"'""^ ' ' ■■^- destines aux ceinlure.s.
• de .soie à (jj-rnns fuisenus ne |iuet
"'' ' . ''"is njirenlii'e.s tant .seulement, .se
ce n>' i"-i»l ni iiifiiiit DU Ii enfnnt de «on .sei^eiir (mari),
el cIp lenn (I«ynl) niariatre ». Litre des méfier.'!, titre
XXXV. nrl 2.
» Litre des métiers. |iir„ I.l, nrl. 2, i-t \i\vr 1,11, arl. 2.
'■ ''■- ■' ' -- titre I,XI. art. A.
lilr.' I.XXVIII. art. 25.
1 nvtiir i>u dit nn-.slier ajirenliz île sa
• '"' "««r. d.' »a fnmille) ei de ln char d.« sa
fa" '>•"! «•'••'Mtujtdit ». D.-i.T.inir, Orr/oH;;rt«,w,
9 « guironquen .'Hi bouclirra de lolon. il pu-l avoir
""."' " "■' '. P" P<" ne ^ont .si .•nfant nu ii
• "' que Hon si'ipi.ur ail esté du
"",; '. litre XXII, art. 5.
« '"^ '^« l«iue est du mcstior ». Litre des métiers,
U\re XXW 11. nrf 2.
" '"■■ titr,- XÎAII, art. 2.
" '' ' •• lilr- 1,111, art. 2 et 4.
" .....,,, lilrn L, art. 4 et 6.
loing, soit de près, en puet il avoir tant corne il
Ii plaist * ».
l<]n fait, c'était là interdire le métier à tout
étranger, et en même temps rendre le nombre
des apprentis illimité. Aussi, dès 1355, un édit
du mois d'août ne permit plus aux orfèvres
d'avoir, en dehors de leur apprenti étranger,
qu'un parent du côté du mari et un du côté de la
femme. Treize ans plus tard ^, on n'en autorise
plus qu'un seul. Chez les foulons, d'abord
presque aussi exclusifs que les orfèvres, les statuts
de 1443 ^ accordent à chaque maître deux
apprentis étrangers, et n'admettent en outre que
son fils ou son frère. A dater du seizième siècle,
il n'y a plus guère de privilège que pour les
enfants du maître.
Les apprentis appartenant à la famille étaient
dispensés de presque toutes les redevances
imposées aux autres membres de la corporation.
Ils n'avaient rien à payer non plus au fisc s'ils
prenaient rétabli.ssement : celui-ci était censé
n'avoir pas changé de propriétaire.
Au cours de la dernière année de service d'un
apprenti, le maître avait le droit d'en prendre un
nouveau en sus du noinbre fixé, afin d'être siir
de n'en point manquer. Les émailleurs d'orfè-
vrerie, qui rédigèrent leurs statuts au mois de
septembre 1309 ^, fixèrent la durée de l'appren-
tissage à dix ans, mais ils autorisèrent les maîtres
à engager un second apprenti dès que le premier
aurait tenuiné sa cinquième année, ce qui
revenait à adiuettre deux apprentis au lieu d'un.
Les statuts des selliers et ceux des chapuiseurs
nous révèlent xine coutume fort touchante, qui
semble n'avoir pas été généralisée. En dehors de
ses enfants et de ceux de sa femme, un maître
sellier devait se contenter de deux apprentis ;
mais il était autorisé à apprendre le métier à un
troisième, un enfant pauvre accepté par charité,
et à qui il ne fallait demander ni argent, ni
engagement d'aucune espèce : « Nus seliers ne
puet avoir que deux aprentis à son inestier, se ce
ne .sont si enfant ou enfant de sa famé, ou aucune
povre personne à qui il le facent pour Dieu
proprement, sans convenance d'argent ne de
service ^ ».
Après les pestes, les famines, iléaux qui
venaient presque périodiquement décimer la
population, la rareté des ouvriers faisait hausser
le prix de la main-d'œuvre et permettait aux
commerçants de vendre les objets de première
nécessité à des prix exagérés ; une ordonnance
royale proclamait alors la lilierté, et autorisait les
maîtres à avoir un nombre illimité d'apprentis.
C'est ce qui eut lieu en juillet 1307, en janvier
1322 et en janvier 1351. Mais le .plus souvent
ces ordonnances restaient à peu près lettre morte,
et lors même qu'elles recevaient un commence-
' Llrrc dis métiers, litre XI, art. 4.
* Ordonnance de 1318.
y Dansle.s Ordonnances royales, t. X^'I, p. 598, art. 4.
Litre des métiers, titre I, art. 4.
* Dans Fafrnioz, Etudes sur Pindustrie, pièces justi-
ficatives, p. 381.
S Litre des métiers, titre LXXVIII, arl. 25, et titre
LXXÎX, art. 8.
APPRENTISSAGE
25
ment (rexécution, on revenait aux anciennes
coutumes dès que la crise était passée.
Parfois aussi, quand le nombre des maîtres ou
des ouvriers paraissait trop considérable, on
s'efforçait de restreindre celui des apprentis.
Les teinturiers, par exemple, pouvaient, sous
l'empire de leurs premiers statuts, fixer comme
ils l'entendaient la durée de l'apprentissage ^ ;
en 1287, ils s'engagèrent à exiger désormais de
leurs apprentis au moins cin(j ans de service :
« et cet acort ont il fet por ce que il estoient si
chargié de grant planté de vallès ^, que souvente-
foiz il en demouroit la moitié en la place, qui ne
Irouvoient où gaagnier '^ ».
Dans les corporations où l'on permettait un
nombre illimité d'apprentis *, chaque maître
réglait à sa volonté les conditions de l'appren-
tissage. Dans les autres, le temps pour lequel
s'engageait l'apprenti et la somme qu'il devait
payer à son maître étaient fixés par les statuts de
chacun des corps de métier.
Ordinairement, l'argent tenait lieu de temps :
plus la somme versée par l'enfant était forte, et
plus la durée du service était limitée. Ainsi, chez
les drapiers, l'enfant sans argent devait servir
sept ans, laps réduit à six ans pour l'enfant qui
apportait vingt sous, à cinq ans pour celui qui
donnait soixante sous, et à quatre ans seulement
pour celui qui versait quatre livres ^ . Chez les
tapissiers de tapis sarrazinois, l'apprentissage
était de dix ans pour l'enfant sans argent, de
huit ans seulement pour celui qui pouvait payer
cent sous à son maître ".
La durée du service n'était donc pas propor-
tionnée à la difficulté que présentait le métier ^.
1 Livre des métiers, titre LIX, art. 2.
2 Grand nombre d'ouvriers.
3 Depping, Ordonnances, p. 402.
4 Le.s corporations où chaque maître pouvait régler à
son gré les conditions de l'apprentissage étaient au
nombre de quarante environ. Parmi les plus importantes,
je citerai les archers (faiseurs crarcs), les batteurs
d'étain, les batteurs d'or, les boursiers, les cervoisiers,
les cordonniers, les fondeurs, les fripiers, les gantiers,
les huiliers, les maréchaux, les merciers, les meuniers,
les potiers d'étain, les potiers de terre, les peintres, les
tailleurs, les teinturiers.
^ Litre des métiers, titre L, art. 8.
6 Livre des métiers, titre LI, art. 3.
7 Elle était de :
2 ans chez les cuisiniers.
4 ans chez les charpentiers, les charrons, les eordiers,
les couvreurs, les menuisiers, les tonneliers, les tour-
neurs, etc.
5 ans chez les fourreurs de chapeaux.
6 ans chez les batteurs d'archal, les chandeliers, les
couteliers de lames, les maçons, les pourpointiers, les
tailleurs de pierre, etc.
7 ans chez les chapeliers de feutre, les crépiniers, etc.
8 ans chez les brodeurs, les couteliers de manches, etc.
10 ans chez les forcetiers, les orfèvres, etc.
Les boucliers d'archal, les chapeliers d'orfrois. les
épingliers, les laceurs, les liniers, les faiseurs de peignes,
etc., exigeaient 8 ans de l'enfant sans argent, 6 ans
seulement de l'enfant qui apportait 40 sous.
Les gainiers exigeaient 9 ans sans argent, 8 ans avec
40 sous.
liCS boucliers de fer, les faiseurs de dés à coudre, les
boutonniers, les tabletiers, les tisserandes de soie, etc.,
exigeaient 10 ans sans argent, 8 ans avec 40 sous.
Les lapidaires, les joailliers exigeaient 12 ans sans
argent, 10 an!5 avec 100 sous, etc., etc.
Les cristaliers *, qui gardaient leurs apprentis
pendant dix ans au moins, déclarent bien qu'on
ne saurait en moins de temps connaître assez le
métier pour l'enseigner à autrui ^ ; mais au fond,
comme je l'ai dit, on se préoccupait surtout de
rendre l'apprentissage long et cher, afin de
favoriser les membres de la famille et surtout les
fils de maître.
Les cliiffres fixés par les statuts étaient même
un minimum. Les maîtres ne pouvaient faire
à l'apprenti de meilleures condition», mais ils
avaient toujours le droit d'en faire de plus dures :
& Mes plus service et plus argent puet il bien
prendre se avoir le puet •' », telle est la formule
que ne manquent pas d'ajouter les statuts après
avoir réglé les clauses de l'apprentissage.
Ces règles présentent bien quelques exceptions,
que rien n'explique et qui se rattachent sans
doute à des coutumes fort anciennes. Ainsi, chez
les boursiers et les chapeliers de feutre, chaque
maître ne devait avoir qu'un seul apprenti, et
pourtant il réglait à son gré toutes les clauses du
contrat.
Le prix de l'apprentissage devait être inté-
gralement soldé avant l'entrée de l'enfant dans
l'atelier, « ains que il mete la main au métier »,
disent les statuts. Néanmoins, quelques métiers
qui ne voulaient pas admettre le principe de la
gratuité, avaient songé à faciliter le paiement
des droits qu'ils exigeaient. Chez les braaliers de
fil, l'apprenti pouvait s'acquitter en remettant
chaque année dix sous à son maître ^. Chez les
charpentiers, où l'apprentissage durait quatre
ans. l'enfant donnait six deniers par jour pendant
la première année ^.
En outre, le maître et l'enfant versaient
chacun, dans la caisse de la confrérie, une
somme qui variait entre douze deniers et dix sous,
mais qui le plus souvent était fixée à cinq sous.
IL Avant d'aller plus loin, voyons quels
changements les siècles apportèrent à cette
organisation.
Les principes sur lesquels elle est fondée ne
varièrent en aucun temps, mais l'application
qu'on en fit rendit peu à peu dure et oppres-
sive la condition de l'apprenti. A mesure que
l'industrie se développe, le nombre des ouvriers
augmente, et l'atelier perd son caractère familial.
L'apprenti cesse d'être en rapport direct avec
son maître. L'institution du compagnonnage,
qui crée un degré de plus dans la hiérarchie
corporative, le soumet à l'otivrier, en même
temps qu'elle retarde le moment où il pourra
aspirer à la maîtrise. Puis, sur le chemin qui y
mène, les obstacles s'accumulent sans cesse en
face de r.apprenti réduit à faire valoir seulement
son habileté professionnelle. Je reviendrai sur
tout cela. Je veux surtout ici exposer les
modifications introduites dans les statuts rédigés
aux treizième et quatorzième siècles, et ces
1 Lapidaires.
2 Livre des métiers, titre XXX, art. 5.
3 Livre des métiers, titre LL art. 3.
4 Livre des métiers, titre XXX, art. 4.
^ Livre des métiers, titre XL VII, art. 2.
26
appri-:ntissage
les
modifications offrent une si grande variété
suivant les temps et les corps de métier, qu'en
pareille matière on ne saurait g-énéraliser qu'aux
dépens de la vérité. Force m'est donc de passer
encore une fois en revue la nomenclature très
aride des lois qui régissaient le contrat d'appren-
tissage.
Les lapidaires, au seizième siècle, donnent
; mêmes droits à l'enfant naturel et à l'enfant
légitime ^ Les crieurs, au dix-septième, exigent
que l'apprenti soit « naj en légitime mariage ' ».
Les lapi.ssiers tiennent en outre à ce qu'il soit
« de bonne famille et de probité-"' ».
Au seizième siècle apparaît la limite d'âge.
Les orfèvres ne veulent pas engager d'apprentis
au-des.sous de dix ans ni au-dessus de seize*.
Au dix-septième, un arrêt du Conseil d'Etat-'
interdit aux limonadiers de prendre aucun
apprenti ayant dépassé dix-huit ans. Au siècle
suivant, une sentence de police^ accorde quatre
ans déplus. Les horlogers fixent l'âge maximum
de l'jipprt'nli H vingt ans"; les boulangers* et
les tablt'liers l'âge minimum à quatorze ans".
Les charcutiers ne veulent les accepter ni avant
quinze ni après vingt ans^**.
L'apprenti devait être français'*. L'enfant
étranger était engagé pour un temps moins
long que celui de l'apprentissage normal, afin
qu'il ne lui fût jamais permis de devenir maître*^.
Toutes les communautés s'accordent pour ne
pas accepter d'apprenti marié. Les lingères.
qui d'abord repoussaient même les veuves *3,
Unirent cepeiKlant par les admettre'*. En
revanche, l'apprenti qui épousait une fille de
maître (Hait aifranclii. e| pouvait aussitôt aspirer
M la maîtrise '•"'.
Les statuts rédigés au dix-septième siècle
exigent en général que l'apprenti fasse profession
de la religion catholique, <\ crainte, suivant les
plumassiers, de quehiue bruit en leur famille,
«•t qu'il n'eti survienne quelque accident préju-
diciable à la croyance tie leurs enfans**"' ».
Seuls les libraires et les imprimeurs se
préoccupaient de l'instruction possédée par
l'enfant (|ui se présentait comme apprenti. Leurs
.staluls exigeaient, non seulement qu'il sût lire et
écrire, mais en<:ore qu'il apportât un certificat
du recteur <le rimiversité prouvant fpi'il était
« c«ingru en langue latine ' ' >.
L«'smiiilres avaient acquis le (lii.il de deliattie
M leur ^ré Ick conditions pécuniaires du contrat,
' Sinliil.M fil. 1RH.'>, nrt 10.
5 ShiiiilM ri.. Ifll-^, nrl. 19.
1 Sl.iliil.s (t.. ifian. mi. 1.
' I,' iti's |.«U.nlrs (t.. mai 159»
5 I»nl«> ,\n '27, si.pl<inl.ri> H\M.
* Unii"' fin 22 fliiùl n.l.'i.
' ."^Inlut.H il.- 1707, nrt .T
^ Sifll.ii.s .1.. nil, nrt. 7
9 SliUiil.H .1.. 17,|»',. nrt r.l.
<o Siniiiis .!,. m:,, nrt. n.
<• M.r.M..,^ .Siniuis ,|., 1613, art. 5
'2 l..-tin>.|.. nioîtns.. (lo.H incroirrs, dix-liiiiliiiii.> .sipci,
" SialiiU d<. 151)5, nrt. I.
•» •-;*tmIs h.- Ifill. nrt. 3.
'la ejinll.l lfi71. lin 27 fcvri-r 1670, etc.
^ H" 16.i9, nrt. 25.
' > vms dn 1686, art. 21 et 22.
mais les années de service continuèrent à être
assez arbitrairement fixées, et le nombre des
apprentis devint de plus en plus restreint. Il
fut en général réduit à un seul, et aucun maître
n'eut le droit d'en posséder plus de trois. Les
orfèvres, par exemple, qui au treizième siècle
en engageaient autant qu'ils voulaient*, n'en
pouvaient plus prendre que trois en L355^, que
deux en 1378 ' et qu'un à dater du quinzième
siècle *. Exceptionnellement les horlogers
obtinrent en 1646 que le nombre de leurs
apprentis ne fût plus limité, mais les mêmes
statuts prirent soin ' de limiter celui des maîtres
à soixante-douze, et lorsqu'il se produisait parmi
eux une vacance, les fils de maître étaient
toujours préférés aux apprentis. Vers la fin du
treizième siècle, la corporation des tisserands
accordait trois apprentis au lieu de deux au
maître qui avait passé cinquante ans". Les
libraires n'en devaient jamais posséder qu'un
seul, mais on en tolérait deux chez les impri-
meurs qui avaient plus de deux presses'.
La durée de l'apprentissage avait été un peu
abrégée, et à tort, car les métiers se perfec-
tionnant exigeaient une étude plus longue, et
l'on n'avait pas encore songé à la simplifier en
adoptant le système de la division du travail.
Au milieu du dix-huitième siècle, quelques
corporations se contentaient de trois ^ ou quatre ^
ans d'apprentissage, le plus grand nombre
exigeaient cinq"', six*' et même huit ans *^ ;
encore était-ce là un minimum que les maîtres
avaient le droit de dépasser.
Le treizième siècle avait déclaré qu'en cette
matière l'argent pouvait remplacer le temps,
mais dans une mesure scrupuleusement déter-
minée par les statuts. Au seizième siècle, les
corps de métier repoussent le principe, et il
est appliqué plus que jamais. Seuls les enfants
pauvres sont soumis à la règle ; tous ceux qui
appartiennent à des familles aisées et sont en
état de verser une forte somme à leur maître
obtiennent de lui sans difficulté remise d'une
grande partie du temps qu'ils doivent passer à
l'atelier. Les statuts s'etlbrçaient, mais en vain,
d'arrêter ce trafic honteux, qui précipita la
décadence de l'apprentissage. On lit dans ceux
des relieurs : « Ne pourront les maistres diminuer
le temps de trois années pour argent ou pour
quelqne prétexte que ce soit'"'». Les imprimeurs-
libraires sont plus sévères encore ; ils interdisent
1 /-('«;•« tl,:i mcllem, titiv XI, ai-l. 1.
* Éflil fl'aoftt, art. 19.
•' Ordonn. royales, t. VI, p. 386.
* P. Leroy, p. 45.
« .Article 7.
« Statuts (!.. 158<>, art. 22.
"ï Statuts (lo 1598, art. 24.
" Hiniriicrs, couturières, fripiers, savetiers, luarcciiaux,
foulons, etc.
" Cordonniers, Ijoursit^rs, paiiticrs, épiuijliiMs, arqiio-
liusiors, etc.
I" S.Truri(>rs , taillandiers , couteliers , chapeliers ,
armuriers, hi-ossiers, corroyeurs, etc.
'• S.'lliors . fourbi-sseiirs , brodeurs, plumassiers,
lablelicrs, mégissic.-rs, etc.
•* Orfèvres, horlogers, etc.
13 Statut.- .l- 1686, art. 4.
APPRENTISSAGE
27
« de prendre aucun argent pour rédimer ou
ahrég;er le temps de l'appreniissag'e, à peine de
mille livres d'amende contre le maisire ; et.
auquel cas l'apprenti sera tenu <Ie servir encore
le double du temps qui lui aura esté remis ' ».
Sauf dans un très petit nombre de corpo-
rations, les orfèvres entre autres, les maîtres
étaient encore autorisés à ne pas attendre pour
reuiplacer un apprenti qu'il eût achevé le temps
prescrit. Chez les plumassiers "^ et les selliers •',
où l'apprentissag'e durait six ans, on pouvait
prendre un autre apprenti qiuind celui que l'on
possédait avait servi quatre ans. Les teinturiers
en soie et laine ag'issaient de même après
deux ans de service sur les quatre que devait
l'apprenti * ; les «gantiers après trois ans sur
quatre ^ ; les couturières après deux ans sur
trois '^ ; les horlogers après sept ans sur huit'.
Revenons au treizième siècle.
III. Pour pouvoir prendre un apprenti, il
fallait exercer le métier comme maître depuis
un an et un jour *. Mais cela ne suffisait pas, et
les jurés avant de sanctionner le contrat étaient
tenus de prendre des informations sur le compte
du maître qui allait assumer cette lourde
responsabilité. Ils s'assuraient que celui-ci con-
naissait assez le métier et que ses afïaires étaient
assez prospères pour qu'il fût en état de g-uider
utilement un apprenti et de lui donner les soins
auxquels il avait droit. Le Livre des me'tiers
s'exprime parfois sur ce point avec une char-
mante naïveté. Nul, disent les boucliers de fer,
ne doit prendre apprenti « se il n'est si saig-e et si
riche que il le puist aprendre et gouverner ^ ».
Les fourreurs de chapeaux veulent que le maître
soit « ouvrier souffisant ^^ ; » les épingliers,
qu'il sache « monsirer le mestier de touz
poinz '^ ». Chez les corroiers, le maître doit se
faire « créable qu'il est souffisant d'avoir et de
sens que la condition de l'enfant soit toute
sauve », que le père ne sacrifie pas inutilement
« son argent et li aprentis. son tans ^^ ». Les
drapiers emploient la même formule ^^ . Une
autre condition fort sage était encore imposée au
maître atachier ; on ne lui accordait un apprenti
que s'il occupait au moins un ouvrier, « un
vallet au mainz ** », afin, sans doute, que
l'enfant ne restât jamais sans surveillance.
Les apprentis devaient obéissance à leur
maître, ils étaient tenus « de faire toutes les
choses du mestier que li mestre leur comman-
1 Statuts de 1686, art. 23.
2 Statuts de 1659, art. 9.
3 Statuts de 1678, art. 5.
4 Statuts de 1669, art. 90.
5 Statuts de 1656, art. 4.
fi Statuts de 1675, art. 7.
"^ Sentence de police du 19 janvier 1742.
8 Livre des métiers, titre XXV, art. 2 ; titre LXXXVII,
art. 11, etc., etc. — G. Depping, Ordonnances, p. 384.
^ Litre des métiers, titre XXI, art. 7.
10 Livre des métiers, titre XCIV, art. 6.
"Il Livre des métiers, titre LX, art. 14.
12 Livre des métiers, titre LXXXMI, art. 10 et M.
'•^ Jjivre des métiers, titre I^. art. 17.
'i Livre des métiers, titre XX^', ;u1. 11.
dera ' ». Mais dès que l'enfant avait pris place
dans l'atelier, il appartenait à la corporation,
qui ne cessait dès lors de veiller sur lui. Entre
lui et le fils du patron, aucune distinction
n'existait plus ; les braaliers rendent très bien
celle pensée quand ils disent que l'apprenti
étranger doit être « gouverné bien et deument
comme fds de preud'omme ^ ». Le maître devait
donc traiter l'apprenti comme son enfant, lui
assurer le logement, le vêtement et la nourri-
ture, être bon et juste avec lui.
Les peines corporelles, que l'Université toléra
dans les collèges jusqu'à la fin du dix-huitième
siècle '', étaient autorisées -, mais le maître seul
pouvait les infliger, il lui était interdit de laisser
sa femme battre l'apprenti *. Encore ne fallait-il
pas que lui-même exagérât la correction. En
1382, un épicier ayant brutalement maltraité
son apprenti, dut lui faire des excuses, et le
jeune homme reconnut par devant notaires qu'il
pardonnait à son maître •^.
Le maître prenait l'engagement de surveiller
sans cesse l'apprenti, de lui enseigner le métier,
de le garder à l'atelier, de ne l'envoyer au
dehors que pour servir d'aide soit à lui, soit à un
ouvrier. Et ce n'étaient pas là de vaines pro-
messes. Le petit bonhomme savait bien qu'au
besoin il trouverait protection auprès des jurés,
chargés d'assurer la stricte obéissance aux
statuts. Les drapiers accordaient plus encore à
l'apprenti. Celui qui avait à se plaindre de son
maître était autorisé à quitter l'atelier et à venir
conter ses doléances au Maître des tisserands,
chef particulier à cette corporation. Quand les
torts étaient reconnus réels, celui-ci mandait le
patron et lui enjoignait que « il tiegne l'ap-
prentiz honorablement comme filz de preud'-
liomme, de vestir et de chaucier, de boivre et de
mangier ». Si le maître n'obéissait pas, on
plaçait l'enfant dans une autre maison, « et
s'il ne fait, on querra à l'aprentiz un autre
mestre " ».
Mais l'apprenti ne suivait pas toujours cette
voie. Indiscipline ou mécontent de son maître,
il disparaissait un beau jour, sans se soucier des
engagements qu'il avait pris. Ici encore, on
excusait l'enfant dans une certaine mesure. On
prenait en considération son âge et son inexpé-
rience, on faisait la part des mauvais conseils
auxquels il avait peut-être cédé, et le contrat
qui le liait n'était en général rompu qu'après
une année d'absence ' : « Et se il avenoit que li
aprentiz s'en fouist d'entour son mestre, li
mestre l'atendroit un an, sanz aprentif pren-
dre ^ ». Chez les serruriers de cuivre, il ne
pouvait même le remplacer qu'après l'expiration
1 Livre des métiers, titre LUI, art. 3.
2 Livre des métiers, titre XXXIX, art. 4.
3 Voy. l'art. Correcteurs.
i \oy. G. Fagniez, Études sur rindastrie. p. 69.
S Voy. Douët-d'Arcq, Pièces inédites relatives au, règne
de Charles VI, t. II, p. 158.
*> Livre des métiers, titre L, art. 13.
" Voy- \c lÂvre des métiers, titre XI, art. 10 ; titre LX,
art. 15': titre LXXX, art. 8, etc., etc.
8 Lii:re des métiers, titre XXVII, art. 4.
28
APPRENTISSAGE
du temps pour lequel l'apprenti était engagé :
'< Se li aprentiz s'en fuit par sa jolivelé *, son
meslre le doit querre * une journée à ses couz •',
et le père à l'aprantiz une autre journée ; et s'il
ne le puent trouver, le mestre doit soufrir de son
apprentiz de ci à la darrenière année de son
ser\'ice ». Quand l'enfont revenait, il devait,
bien entendu, à son maître tout le temps qu'il
avait perdu *. Les forcetiers ne le reprenaient
plus après trois mois ^. Les tapissiers étaient
tenus de le chercher pendant une journée seu-
lement, mais ils ne pouvaient le remplacer qu'à
l'expiration du temps dû par le fugitif, et dans
cette corporation la durée de l'apprentissage
était de huit ans au moins 6. Chez les tabletiers,
le maître attendait son apprenti pendant vingt-six
semaines. Ce délai expiré, l'enfant repentant
pouvait encore rentrer à l'atelier s'il n'avait pas
été remplacé, mais si le maître avait pris un
autre apprenti, comme les statuts ne lui permet-
taient pas d'en avoir deux, il fallait que l'ancien
cherchât une autre maison " : il est vrai qu'en
général les jurés la cherchaient pour lui **.
Il était de principe que nul ne devait recueillir
un apprenti fugitif. S'il trouvait asile chez nn
maître haliilant hors Paris mais venant vendre
ses produil.s en ville, celui-ci était mis en
quarantaine ; on ne lui achetait rien « devant
qu'il ail jeté d'entour lui l'apprenti au maistre de
Paris" ». Après une troisième évasion, l'apprenti
ne pouvait plus être repris ni par son maître, ni
par aucun autre de la corporation i**.
Le contrat d'apprentissage pouvait être annulé
soil par la renie soit parle rarhal ' ' de l'apprenti,
suit par 1,1 mort du maître. Cependant, eu
général, la corporation se regardait comme
responsjdtle de l'enfant ; elle intervenait et lui
chuisis-sait un autre patron.
Les années d'apprentissage écoulées, le jeune
homme se trouvait affranchi. S'il était pauvre,
fon-e lui était hieu d<! servir comme ouvrier,
mais s'il appartenait à une famille aisée, rien
ne l'einpéchait plus d'aspirer au titre de maître.
I\ . Toutes les garanties dont les conimu-
naiil»'s entouraient alors l'apprenti se trouvent
reproduites dans les statuts rédigés entre le
seizième et je dix-huitièmc siècle. On se borna
en général à mettre les anciens usages en
harmonie avec les mœurs et les habitudes
nouvelles, et il en résulta dans la condition de
l'enfanl quehpies changemenls qui méiilcul
«l'élre signalés.
Ainsi, chez les tisserands, tout maître Agé de
indins d»» cinquante ans no pouvait avoir que
deux npprenlis; pn.sHo cet ûge, ou lui ni per-
• .Si p«^ltil«nrr
« Ch-rrh-r
•'• Krni!»
l l.\rT, ,/--. »,r,«,rr<. nip XIX, arl. G.
• <i. I»■[•|■n^;, OrdnniwHtrt, ji, 358.
•i l.irrt Hrs mftim. litrr- Ll, nr«. 3 et i
' /.irrf An milim, liln> I.XVIII. nrt. 10 » IJ
" G nnppinj^. OrtfonHaHcn, it 358.
» /.irrf H,t m/tirrs. liln- I.XXI, art. 7.
I" /.irrf </« m* tien, titro XVII, art. 4.
" \nv CCS mou.
mettait trois ' . Les plumassiers n'en accordent
aucun au maître qui n'a pas atteint sa seizième
année ^. Les taillandiers ^ et les gainiers * n'ont
le droit de prendre apprenti qu'après trois ans
de maîtrise ; les vinaigriers ^ exigent que le
maître soit établi depuis sept ans. La veuve d'un
maître, quand elle continuait le commerce de son
mari, pouvait conserver son apprenti, mais il
lui était interdit d'en engager un nouveau ^.
Rien n'était modifié dans les rapports du
maître avec son apprenti. Les couvreurs déclarent
qu'il « sera tenu de \uy fournir boire et manger
feu, lit, hostel "^ , chaussure et vêture raisonna-
blement, et à la fin luy laisser tous ses outils * » .
Les tapissiers veulent qu'il l'instruise et le traite
comme son propre fils, « comme enfant de
prud'homme ^ ; » les horlogers, qu'il « le tienne
sous son toit, à sa table et à son feu ^^ ». Ce
sont là, presque littéralement reproduites, les
règles posées par le moyen âge. Dans un article
dont la rédaction date du seizième siècle, les
pâtissiers rappellent au maître qu'il a charge
d'âme, qu'il doit non seulement enseigner sa
profession à l'enfant, mais aussi veiller sur sa
conduite et sur ses mœurs. Il lui est donc
défendu d'envoyer l'apprenti débiter des gâteaux
par la ville, « attendu les inconvéniens, fortunes
et maladies qui en peuvent avenir -, et aussi que
c'est la perdition desdits apprentis, qui ne
peuvent apprendre leur mestier, et au lieu de ce,
apprennent toute pauvreté ; et ne peuvent à la
fin (le leur temps être ouvriers de leurdit état,
qui est une grande charge de conscience aux-
dits maîtres *'. » En raison sans doute des
dangers que présente le métier de couvreur on
interdisait au maître de faire travailler l'apprenti
tant que ses trois premières années de service
n'étaient pas écoulées ^^ ; encore lui fallait-il alors
obtenir l'autorisation des jurés, qui avant de
l'accoriler faisaient subir un examen à l'enfant *^.
Si, « sans causes légitimes et raisonnables »,
le maître renvoyait son apprenti, les jurés de
la corporation recueillaient l'enfant et se
chargeaient de le placer dans un autre atelier.
L'apprenti menuisier pouvait citer son maître
devant les jurés, « afin, disent les statuts,
d'obtenir d'eux la justice qui lui sera due '* ».
Les teinturiers du grand teint vont plus loin
encore : ils n'admettent pas que l'enfant soit
renvoyé « sans cause légitime, jugée telle par le
juge de police '■' ».
1 Slaluls di- 1586, art. 22.
* Stflluls (t.> 1G59, art. 18.
•f Stiiluls (io 1012. art. 11, cl d»- lGG3,.arl. 19.
i Slaliils di- 1(588, arl. 13.
•' Slaluls <!(• l(;r)8, art. 4.
« IVilissJLT.s, statuts do 166G, arl. 10.
' Ijopoinont.
» Slaluls .1.- 1566, arl. 1.
'■' Slatiils de 1636, arl. 2.
»0 Srntpnco (\r police du 19 janvier 1742.
" Slaluls de 1566, art. 10.
1* Laiil)ri'nlis.sa{r(> durait .six ans.
13 Slaluls (!,. 15G6, arl. 2. Renouvelé .sans clianirc-
ment en 1635.
li Slaluls de 1743, art. 89.
'5 Statuts de 1669, art. 47.
APPRENTISSAGE
29
Tout cela est excellent. Mais nous savons que
ces prescriptions si sages restaient le plus souvent
lettre morte. Les jurés se bornaient à les
maintenir dans les statuts, ils n'exig-eaient plus
qu'on s'y conformât, et eux-mêmes ne les
respectaient g-uère. A partir du dix-septième
siècle surtout, les maîtres se préoccupèrent
moins d'enseigner le métier à l'apprenti qu'à
obtenir de lui des services. Les courses au
dehors occupaient presque toute la journée de
l'enfant ; de nombreuses ordonnances de police
nous le prouvent. J'ai cité tout à l'heure un
touchant article extrait des statuts de pâtissiers ;
eh bien, une sentence qui vise précisément cette
corporation, et qui fut rendue le 4 mars 1678,
constate que les apprentis « consomment le
temps de leur apprenlissag-e sans rien apprendre
de leur métier ; et, ce qui est d'une plus dange-
reuse conséquence pour eux, s'adonnent au jeu,
à la fainéantise, à la débauche, et finalement à
toutes sortes de désordres..., auxquels incon-
véniens les pauvres apprentifs, la plupart sans
aucuns parens qui puissent veiller à leur
conduite, sont sujets par le fait de leurs maîtres,
qui contreviennent impunément aux défenses
portées par plusieurs arrêts et règlemens * ».
On voit que le lieutenant de police s'était peu
à peu vu forcé d'accorder à l'apprenti une
protection que celui-ci ne trouvait plus auprès
des jurés. Mais si l'on méconnaissait ses droits,
on ne négligeait pas de lui rappeler ses devoirs.
L'apprenti devait « porter honneur et respect à
son maître ^ ». Les statuts proclament qu'il sera
déchu du droit de parvenir à la maîtrise, « s'il
commet une action lasche, honteuse et indigne
du respect qu'il doit à son maistre, à sa famille
et aux personnes ses alliez ■' ».
Dans un curieux ouvrage publié en 1692,
Audiger trace en ces termes la conduite que doit
tenir un apprenti chez son maître :
« En termes généraux, tous les apprentifs
doivent, lorsqu'ils sont engagez, bien nétojer et
balayer la boutique et le devant de la porte ;
bien ramasser tous les outils des compagnons et
tout ce qui se trouve traîner d'un costé ou d'un
autre, tant au maistre qu'aux compagnons ;
bien servir les compagnons et leur donner tout
ce qu'il faut pour leur ouvrage, leur aller quérir
à manger et à boire, si c'est eux qui se
nourrissent ; les servir promplement et se faire
aimer d'eux, car souvent c'est d'eux plus que du
maistre qu'ils apprennent leur métier, et ayant
leur amitié ils ne leur cachent rien et les rendent
capables en fort peu de tems. Il faut aussi que
les apprentifs se lèvent tous les jours les premiers
et se couchent les derniers, car ce sont eux qui
ouvrent et ferment la boutique ; ce sont eux
aussi qui font les lits des compagnons, et ils
doivent en tout n'être point paresseux ny déso-
beïssans, car sans cela ils voyent souvent leur
tems fini et n'estre encore que des ignorans. Et
1 Delamarre, Traité de la police, t. III, p. 476.
2 Avis du procureur du roi, 27 août 1748.
3 Fripiers, statuts de 1664, art. 10.
s'ils veulent estre honnestes gens et de bonne
inclination, après estre apprentifs, ils deviennent
compagnons, et se rendent haljiles en leur arl
ou métier. Si les apprentifs donnent de l'argent
pour leur apprentissage, ils ne doivent point
souffrir qu'on leur fasse rien faire qui ne soit
point de leur métier, qui est comme de ne point
laver la vaisselle, promener ny amuser d'enfans,
ny autres choses que les maistres et maistresses
leur font faire : attendu que cela n'est point ny
dans leur engagement, ny dans les statuts du
métier ou de l'art dont ils veulent faire pro-
fession. Et s'ils ne donnent point d'argent, ils
s'engagent pour plus long-temps ^ ».
Tous les statuts prévoient que l'apprenti peut
disparaître un jour, abandonnant son métier et
son maître. Celui-ci est tenu d'attendre pendant
un certain temps ^ le retour de l'enfant avant de
le remplacer. Ce temps variait entre liuit jours
et six mois. Les orfèvres le portèrent à un an en
1626 ^ et les fripiers à deux ans en 1688, parce
qu'il avait été prouvé que des maîtres, mécontents
de leur apprenti, provoquaient sa désertion.
Certaines connuunautés se montraient fort
sévères vis-à-vis de l'apprenti fugitif. Son maître,
disent les teinturiers du grand teint, peut « le
faire arrêter partout où il se trouvera, pour le
forcer à parachever son temps ». Chez les
pâtissiers, les arquebusiers, les tisserands, les
plumassiers, les plombiers, les tabletiers, si
l'enfant ne reparaissait pas dans le délai fixé, il
ne pouvait plus être engagé par aucun maître,
et dès lors il perdait tout espoir de jamais
parvenir à la maîtrise. Les imprimeurs-libraires
et les relieurs lui pardonnent une première
escapade, mais ajoutent à la durée de l'appren-
tissage le double du temps que l'enfant a passé
hors de l'atelier ; en cas de récidive, il est défi-
nitivement exclu de la corporation. Les couvreurs
sont plus indulgents encore : si l'enfant revient
après que son maître l'a remplacé, les jurés le
mettent dans une autre maison. Les couteliers
prévoient le cas oîi, après une longue absence,
l'apprenti fugitif reviendrait, ayant appris son
métier en province ou à l'étranger ; s'il « se
trouve bon ouvrier », disent les statuts, la
communauté cessera de le repousser, mais il
devra servir pendant trois ans comme compagnon
avant de pouvoir aspirer à la maîtrise.
Au treizième siècle, le jeune homme qui avait
servi comme apprenti pendant le nombre
d'années prescrit, pouvait aussitôt aspirer à la
maîtrise. Il n'en était plus de même au seizième
siècle. On exigeait qu'il passât encore quelques
années dans un état intermédiaire, celui
d'ouvrier ou de compagnon.
Au sein de quelques communautés, il lui
fallait même prouver qu'il était digne de porter
1 La maison, réglée, p. 162.
- Les couvreurs devaient l'attendre pendant six mois;
les couteliers, les pâtissiers, les arquebusiers pendant
trois mois ; les tabletiers pendant vingt-six semaines ;
les fondeurs, les plumassiers, les tisserands, pendant un
mois ; les plombiers pendant huit jours, etc., etc.
3 Leroy, p. 56.
30
APPRENTISSAGE
ce titre. Les drapiers de soie veulent que, huit
jours après la fin de l'apprenlissa<re, le maître
conduise son apprenti au Bureau de la corpo-
ration, el que là, en présence des jurés, on lui
fasse tisser une aune de velours, de salin, de
damas ou de brocart: « et ladite aulne estant
bien travaillée, sera ledit apprentil" enregistré au
livre des compagnons ^ ». Les teinturiers
soumettaient l'apprenti à un examen analogue.
S'il ne s'en tirait pas à son honneur, il devait
faire encore une année d'apprentissage. Ce temps
passé, il subissait une nouvelle épreuve, et si
elle n'avait pas plus de succès que la précédente,
il était « réputé incapable de parvenir au
compagnonnage - ».
Muni de sou brevet d'apprentissage, le jeune
homme devenu ouvrier pouvait choisir son
maître, entrer dans l'atelier qui lui convenait,
régler sa vie comme il l'entendait. En fait, il
restait le plus souvent chez le maître qui l'avait
formé. Mais s'il supposait avoir plus d'avenir
dans une autre maison, ou s'il s'était élevé entre
son maître et lui quelque dissentiment, il était
parfaitement libre de se faire embaucher ailleurs.
FORMULES
DE CONTRATS D'APPRENTISSAGE
(Dix-septième siècle),
i'iirdevant les conseillers du Roy, notaires
ganit-notles de Sa .Majesté en son Ciiastelel de
Paris, soubzignez, lui présent Thomas Lnhert,
gaigne-deniers, ilemeurant aux Porclierons,
parroi.sse .Saimi-Euslache : Lequel pour faire le
pnjtlil de (îeoll'roy Lubert, son iils, qu'il certiffie
de (idélilé, a reconnu l'avoir baillé et mis en
apprentissage cejourd'huy jusques el pour cinq
ans finis et accomplis, avec Estienne Le Heulre,
maislre curdonider. demeurant au fauxbourg el
pniclie la porte Sainct-.Marlin, parroisse Sainct-
[.Kiurent, u ce présent, (|ui Ta pris et retenu
avec \ny en ladicte (pialilé d'appienli. Auquel.
pendant ledicl temps, il promet monstrer el
enseifriicr, à .son pouvoir, sondicl mestier de
cordonnier et tout ce qui en dépend, le nourir,
loger, et tMilrelenir d'habits, chaussures, lino-es
et antres choses ses néce.s.sitez, selon sa condition.
.\ ce faire e.sloit présent ledict apprenti, qui
n e» ce que dessus pour agréable, promet
apprendre ledid uiestier au mieux (|u"il luj sera
pnvsiblo, el tideUeiiienl .servir sondicl maislre el
en Uiules choses liciUes el honnestes, sans
pendant ledicl leiups s'absonter ny aller ailleurs
sen-ir. .\uquel cas d'absence, ledicl Thomas
Luln-rl pn)UU'l et s'oblige de le chercher el faire
chercher par In ville el Imidieue de Paris pour,
s'y Irouver le peul, le ramener a sondicl maislre
pnmchever le temps qui restera lors à expirer
des présentes ; qui ont esté faites sjvns aucun
• Sifttut.H .!.■ irtoT. nrt. 20.
* Tfinlurien» «lu grand loinl, statub« de lOi.s-, .1.
1071 H de 1737. — Teinturiers on soie, fil d Inim.
«talutv d- icni»
denier payer ny débourser de part ny d'autre.
Car ainsy...
Fait et passé es esludes, l'an mil six cens
soixante quinze, le dixiesme jour d'aoust après
midy.
Lesdicls Luberl père et fils ont déclaré ne
.sçavoir escrire ny signer, el ledict Le Heulre a
signé la minutie des présentes demeurée vers
Bourel, notaire.
BOURET ^.
[Ici, signature illisible].
(Dix-huitième siècle).
Pardevant les conseillers du Roy, notaires au
Chàtelet de Paris soussignés, fut présent : Sieur
Pierre-Jean Dupasquier, marchand mercier à
Paris, y demeurant rue Neuve des Petits-Champs,
paroisse Sain t-E us tache, au nom et comme
tuteur ad hoc pour l'effet des présentes, de Jean-
Jacques Dupasquier, âgé de vingt-trois ans ou
environ, son frère, élu à ladite charge par
sentence homologative de l'avis des parens et
amis dudit mineur ^, rendue par monsieur le'
lieutenant civil au Chàtelet de Paris le jour
d'hier ; laquelle charge il a acceptée à l'instant
par acte étant ensuite de la ditte sentence ;
l'original de laquelle duemenl collationné, signé
Minard, faisant mention que sa minutie est au
registre dudit Minard, greffier de la chambre
civille, a été représenté par ledit sieur compa-
rant : ce fait à lui rendu.
Lequel en sadille qualité a mis en appren-
tissage ledit Jean-Jacques Dupasquier, son frère,
qu'il certiffie fidèle et de bonnes mœurs, pour
trois ans, à compter de ce jour, chés el avec
sieur Nicolas Vallery, maître horloger à Paris,
y demeurant cour du Palais, paroisse Saint-
Barlhélemy, à ce présent et recevant ledit
mineur pour son apprentif. Auquel pendant ledit
temps, il promet et s'oblige lui montrer el
enseigner son art et profession d'horlogerie en
tout ce dont il se mesle, l'instruire en ladite
profession sans lui en rien cacher, le nourrii' à
l'exception des festes el dimanches, le loger,
chauffer et éclairer. Et ledit sieur tuteur s'oblige,
en sa ditte qualité, de nourrir ledit mineur les
fêtes et dimanches, el de l'habiller suivant son
état, el de faire blanchir ses otos et menus
linges.
O l'ait en présence dudit apprentif, demeu-
rant actuellement chez sondit maître, lequel a eu
ces présentes pour agréable. En conséquence,
s'oblige d'apprendre du mieux qu'il lui sera
possible tout ce qui lui sera montré et enseigné
par sondit maître louchant sa profession, lui
obéir en tout ce qu'il lui commandera de licite
et honnesle, faire son profit, éviter sa perte,
l'en avertir si elle venoit à sa connoissance ;
sans pouvoir s'absenter pour aller travailler
ailleurs. Au cas d'absence, ledit sieur tuteur
s'oblige, autant que faire se pourra, de faire
' < Miginal tiiir parchemin, appartenant à l'auteur.
2 I,ii minorité durait alors jusqu'à l'âge de vingt-
ciini îiiis.
APPRENTISSAGE — ARBALETRIERS
31
chercher sondit frère par toute la ville,
iauxbourg-s et banlieue de Paris, ou partout
ailleurs que bescjin sera, pour s'il est retrouvé
estre ramené chez ledit sieur son maître pour v
parachever le tems qu'il auroit perdu pendant
son absence, réparer celui qui resîeroit à expirer
des présentes ; qui sont d'ailleurs laites
moyennant la somme de trois cens livres. l<]n
déduction de laquelle sonmie ledit sieur Pierre-
Jean Dupasquier eu saditte qualité [a] présen-
tement pa^'é audit sieur Vallery, qui le reconnoil,
en espèces sonnantes au cours de ce jour,
compté, nombre et réellement délivré, ù la vue
des notaires soussjo^nés, celle île deux cens livres,
dont d'autant quittance. Et pour les cent livres
restiint, ledit sieur tuteiu' s'oblig'e en satlitfr
qualité de les payer audit sieur Vallery, en sa
demeure ù Paris ou au porteur, dans un an de
ce jour; au payement de laquelle somme ledit
sieur tuteur oblige aussy en saditte qualité tous
les biens meubles et immeubles de sondit frère.
Et pour l'exécution des présentes, les parties
font élection de domicile en leurs demeures
susdites; auxquels lieux, nonobstant, promettant,
obligeant, renonçant. . . .
Fait et passé à Paris ez études, l'an mil sept
cent soixante sept, le premier février. Et ont
signé la minutte des présentes demeurée à maître
Tourinot, notaire *. *
Voy. Alloués. — Apprenti (Rachat
da 1'). — Apprenti (Venta de 1'). —
Apprentis marchands. — Appran -
tisses. — Aspirant à la, maîtrise. —
Attendant maîtrise. — Bienfaisance
(CEÎuvres de). — Concurrence. — Con-
trat d'apprentissage. — Corporations.
— Fils de maître. — Maîtres des mé-
tiers. — Privilégiés (Lieux). — Veuves
de maître.
Apprentisses. Dans les communautés de
femmes, ce mot représentait celui d'apprentis
dans les communautés d'hommes.
Voy. Compagnes.
Apprêteurs. Voy. Appareilleurs. —
Catisseurs. — Feutriers, etc.
Apprêteurs. Titre qui appartint à la
corporation des bonnetiers du faubourg Saint-
Marcel, parce qu'ils donnaient eux-mêmes
l'apprêt aux bonnets, aux bas qu'ils vendaient.
Apprêteurs. Nom donné aux peintres sur
verre, parce qu'ils se servaient d'une peinture
dite 'peinture d' apprêt.
Voy. Vitriers.
Apprêteurs de toiles. La Taille de i29:3
en cite un, sous le nom û^afeteeur de toiles.
Aqueresses . Nom donné , dans les
fabriques de filets, aux ouvrières chargées de
réparer les lignes.
1 (^rifriiial sur iiai'chrinin, a[iiiartcnant à l'autfur
Aquitecteurs. Nom donné par l'abbé
Jaubert aux faiseurs d'aqueducs '. .je rappelle
qu'en février 1623, Louis XIII avait créé, en
faveur d'un sieur Francini, la place d'intendant
des eaux et fontaines du roi, (grottes, a(jueducs, etc. .
En 1712, le sieur Anceau était chai'ge, au
château de Versailles de surveiller ■< les aqueducs
et les conduites des eaux bonnes à boire ^ y>.
Arbalétriers. Fabricants d'arbalètes.
L'arc perfectionné •' devint l'arbalète. L'ai'balète
à main n'est que l'arc placé sur un arhrier
destiné à recevoir le projectile.
Un passage du Dictionnaire de Jean de
(ïarlande * semble établir qu'au milieu du
treizième siècle l'arc et l'arbalète étaient
fabriqués par une même corporation •'. Il n'en
allait sans doute plus ainsi à la lîn du siècle, car
les Tailles de 1292 et de 1300 distinguent les
archers des arbalétriers ; la première cite trois,
la seconde quatre arhalestiers, arhaletiers et
arbalestriers . Parmi les trois maîtres qui exer-
çaient ce métier en 1292, il en était un « Gautier
l'arbalestier », qui demeurait « dedenz le manoir
du Louvre ^ », ainsi qu'un fèvre et un fauconnier.
Un passage de Christine de Pisan '^ nous
apprend qu'au XIV** siècle les meilleures arba-
lètes se fabriquaient à Gênes. Au siècle suivant,
elles avaient reçu de nombreux perfection-
nements. On avait d'abord adapté, à l'extrémité
de Varbrier, un anneau de fer ou e'trier. Dès lors,
pour tendre son arme, le tireur passe le pied
dans l'étrier, en même temps qu'il saisit la
corde avec deux crocs de fer ou craneqnins, qui
sont fixés à une courroie attachée autour de ses
reins ; il se courbe, maintient presque à terre le
bout de l'arme au moyen de l'étrier, et la corde
prise par les deux crocs se tend à mesure qu'il se
redresse : c'est V arbalète à craneqnin. \] arbalète a
moufle, à tour ou à tilloles était bandée par un
appareil assez compliqué de poulies placées sur
l'arbrier. On lui substitua, dans la suite, le cric
qui, mis au centre de l'arbrier, agissait exac-
tement comme notre cric actuel. Le pied de
chèvre, de chienne ou de bichelui succéda. C'était
une pièce de fer munie de quatre longues dents ;
deux d'entre elles étaient retenues vers le milieu
de l'arbrier, tandis que les deux autres allaient
saisir la corde ; en abaissant le manche de
l'arme, les deux dernières dents remontaient
vers les deux premières, et amenaient ainsi la
corde jusqu'à la noix.
A deux cents pas, l'on pouvait compter sur
la précision de l'arbalète, et cha(jue soklal
portait une trousse de toile contenant dix-huit
traits au moins. Ces traits, en général terminés
par un fer presque carré, se nommaient bouffons,
carreaux ou garrots ; ils étaient plus courts et
plus pesants que les flèches, et empennés d'un
1 Diefio/inaire des arts et métiers, t. \\ p. 117.
2 Elut de la France pour 17 12, t. 1, p. 357.
3 Voy. l'art. Arêtiers.
i Voy. l'art. Garlando.
^ Voy. l'art. Arêtiers.
G Page 9.
' l^dil. Mieliaïul, p. LS.
32
ARBALÉTRIERS — ARCHITECTES
côté seulement. Le carreau qui ne dépassait pas
vingt-cinq cenlimèlres de longueur prenait le
nom de vire ton.
Après la bataille de Pavie, l'arbalète fut
abandonnée, au moins par les troupes, et
détrônée par l'arquebuse, qui avait fait d'atïreux
ravages dans les rangs français. L'arbalète
àjalet, dont Catherine de Médicis aimait à se
servir ^ était une arme de chasse, qui lançait
de petites balles en plomb ou en terre glaise -.
Je ne sais si les arbalétriers furent officiel-
lement réunis à la corporation des arquebusiers,
mais il est certain que ceux-ci héritèrent de
It-iir titre et se dirent, jusqu'à la fin du dix-hui-
tième siècle, arquebtisiers-arbalétrierfi.
Les arbalétriers avaient pour patron saint
Denis, don! ils célébraient la fêle le 9 octobre, à
l'église Sainte-Catherine du Val.
Le cul-de-sac de la Porte-aux-Peintres ^ s'est
appelé jadis rue de l'Arbalète et rue des Arba-
létriers. Il y avait là un jardin où venait s'exercer
la compagnie urbaine d'arbalétriers dont une
ordonnance royale (il août 1410) avait provoqué
la formation. En 1515, ils étaient au nombre de
00, et avaient à leur tête un roi des arhalétriers,
un connétable et un maître. Ils devaient
s'habiller et s'équiper à leurs frais, mais ils
étaient exempts de la plupart des impôts, et
chaque liomme recevait cinq sous par jour. Je
les trouve encore menlioiuiés dans un édit de
mai 1090.
11 y eut également des compagnies urbaines
d'archers et d"iir([ue])usit'rs.
Voy. Arquebusiers.
Arboristes. \ oy. Herboristes et Pé-
piniéristes.
Arbres Mahcmands d' ). Voy. Pépi-
niéristes.
Arcaniers. Nom sous lequel j'ai trouvé
nommés les ferblantiers. Je suppose qu'ils
s'appelaient ainsi ù cause d'un produit qualifié
par eux iVarrune, qu'ils mêlaient à leur alliage
et (h)nt les compagnons s'engageaii'iil par
serment à garder le secret.
Archaleurs. \ oy. Ajchaliers.
Archaliers. (^' nom, que me fournil la
Taillf lie i:u:i, peut désigner soit des haltcurs.
soil «les trt'fi/iers, soit des loudiers d'archal.
L'nrrhnl étnil, au moyen Age, un alliage ou
un métal fort répandu, et dont on ne connaît
plus la composition. Son nom apparaît presque
toujours i\ côté du cuivre el (hi laiton, «M son
emploi semble b« uiéme. LoCJlossaire de I)ucan<>"e
et le Dictionnaire de Trévoux disent i\\\iui.ri-
rhalntm signifie d»; Toripeau, c'est-à-dire des
feuilles de cuivre battu très mince.
Savnry * fournil de ce mol une élymologie
a.ssez curieuse pour être reproduite : « Le fameux
' Hrnnloiin', i. \ li. j. ;M(i
* !.•• nmsôf (InrlilliTio pos-sède plusieurs spécimens
ili> tous les imulpirs il'arbnlètcs.
•'• .\uj.>unl hiii iinpnstio <|i-.s lVinln>s.
* Dtctionitaire du cninmercf, art. fil di- ft/r.
M. Ménage, cet étymologiste si habile, fait
venir ce mot de filum et dauricalcum ; mais les
plus sensés de ceux qui en font commerce croient
simplement, et avec assez d'apparence, qu'un
nommé Richard Archal, ayant inventé la
manière de tirer le fer à travers le pertuis d'une
filière, a laissé son nom à cette marchandise,
que le peuple pour cela nomme assez commu-
nément/// (le Richard y>.
Quelques auteurs ont soutenu que V uiiricalque
était un alliage de cuivre et d'or. Il est plus
probable que l'on donnait ce nom, soit au cuivre
jaune, soit aux fontes de bronze dont la couleur
rappelait celle de l'or.
On trouve aussi archaleurs.
Archers. Faiseurs d'arcs. Voy. Arêtiers.
Archers de l'écuelle. Voy. Archers
des pauvres.
Archers des pauvres. Officiers de police
qui étaient plus spécialement chargés d'arrêter
les mendiants, les vagabonds, et de les mener à
l'hôpital.
On les trouve aussi nommés archers de Vécuelle,
chasse-coquins., etc. Ce dernier nom a été éga-
lement donné aux bedeaux des églises.
Archers de la Ville. Ils étaient divisés
en trois compagnies, toutes trois commandées
par un colonel ^ .
Archets (Fabricants d'). Spécialistes de la
lutherie. C'est un luthier parisien, François
Tourte, qui donna à l'archet sa forme définitive
et le rendit parfait. Tourte, établi rue Sainte-
Marguerite, réalisa ses importantes transfor-
mations entre 1775 et 1783. A quatre-vingt-cinq
ans, il cessa de travailler, et il mourut en 1835^.
Archiers. Voy. Arêtiers et Menui-
siers.
Architectes. Ce mot n'apparaît pas avant
le seizième siècle. Jusque-là, on ne connaît que
le maïlre de V œuvre, le maître des œuvres de maçon-
nerie ou de charpenterie . C'est lui qui trace les
plans, fait les devis, achète les matériaux, passe
les marchés, surveille les travaux, toise el reçoit
l'ouvrage, paye les ouvriers ou leur délivre des
mandats de payement. Le maçon Raimond du
Temple, qui reconstruisit le Louvre en 1365,
était dit « maître des œuvres de maçonnerie de
monseigneur le roi ^ » Son fils Jean fut maître
des œuvres de maçonnerie de l'église de Paris.
Presque à la môme date, Christine de Pisan, énu-
méranl les nombreux édifices élevés à Paris par
Charles V, déclare qu'il était « sage artiste et
vray architeteur ^ ». Le plus ancien document où
figure le mot architecte serait une lettre de 1510,
1 Voy. la pramlc ordonnance do dûcenibre 1G72 ,
chapitre XXXIII, art. 21.
* Voy. L. Giillet, Les ancêtres du violon, t. II, n. 398
cl 407.
3 liibliothèijue de Vecule des chartes, 3" série, t. II
(18-it;), p. r,9.
* Le tirre des fuis et bonnes meurs, édil. Michaud, liv.
III, chap. 11.
ARCHITECTES - ARDOISIERS
33
relative à la coustrucUon de l'ég-lise de Brou -.
Le Roux de Lincy a publié la liste des maîtres
des œuvres de la ville de Paris depuis 1257 ^.
Voj. Maître des maçons et Vérifica-
teurs de mémoires.
Architecteurs. Voj. Architectes.
Archives des corporations. Voj.
Bureau.
Archivistes. Dans les couvents, chez les
grands seig'ueurs, gens chargés de classer et de
conserver les titres de la maison.
Arçonneurs. On nommait ainsi les ouvriers
qui l'aisaient subir une dernière épuration à la
laine et au coton, au moyen de l'arçon. L'arçon
était une sorte d'archet, long de six à sept pieds,
muni d'une corde de boyau bien tendue qui, mise
en vibration, frappait et faisait voler le coton ou
la laine placés sur une claie.
Les arçonneurs furent réunis, vers la fin du
quinzième siècle, aux cardeurs.
Dans la suite, tous les ouvriers qui se servaient
de l'arçon, et plus spécialement les chapeliers,
furent dits arçonneurs. Les cardeurs et les foulons
se qualifiaient officiellement arçonneurs de laine
et de coton.
Arçonniers. Voy. Chapuiseurs.
Arêtiers. Jean de Garlande, qui écrivait
vers 1250, les nomme architenentes, et dit qu'ils
vendaient des arbalètes, des arcs de bois d'érable,
de viorne et d'if, des javelots, des flèches et des
carreaux de frêne *.
Les arctiers présentèrent, vers 1260, leurs
statuts au prévôt Etienne Boileau ^. Ils s'y
intitulent archiers, c'est à savoir feseres ^ de ars,
de fleiches et de arbalestes. Ils jouissaient de
tous les privilèges accordés aux artisans qui
travaillaient pour les hommes d'armes. Le
métier était libre. Ils pouvaient avoir un nombre
illimité d'apprentis et travailler à la lumière. Ils
n'étaient pas astreints au service du guet, « quar
li mestiers l'aquite, quar le mestier est pour
servir chevaliers et escuiers et sergens, et est
pour garnir chasliaux. » Ils fabriquaient des
arcs, des carreaux, des flèches en bois et en corne,
d'une ou de plusieurs pièces, et empennaient
carreaux et flèches des plumes qu'ils voulaient,
mais plus généralement, semble-t-il, de plumes
de poule.
La Taille de 1292 cite huit archiers, celle de
1300 en mentionne cinq seulement. On trouve
aussi un fléchier dans la Taille de 1292.
\Jarc des treizième et quatorzième siècles était
2 \'ûy. Bulleliii de la Société de rhistolre de Paris.
t. II (1875), p. 162 ; t. III, p. 22 et 33.
3 Histoire de f hôtel de ville, p. 237.
4 « Faciunt halistas et arcus de accre et virbuno et
taxo, et tela et sacittas et petilia de fraxino. a
» Livre des métiers, titre XCVIII.
f' Faiseur.s.
en général de bois d'if, avec une corde en soie.
Il devait avoir la hauteur de l'homme qui s'en
servait. L'arc dit anglais était plus long et plus
souple que l'arc français ; Varc tnrqnois, fort
court, se composait de detix cornes réunies par
un ressort d'acier ; sous Charles V, les arsenaux
renfermaient encore des provisions de corne de
bœufs destinées à confectionner des arcs. Les
flèches avaient de 50 centimètres à un mètre de
long ; taillées dans des baguettes de frêne, elles
étaient munies de trois pennes, et terminées par
un fer très pointu.
Un bon archer tirait douze ilèches à la minute,
et manquait rarement le but à deux cents pas.
Comme son carquois ou sa trousse renfermait
ordinairement vingt-quatre flèches, il étaillnen tôt
vide, et l'archer, armé soit du vouge, soit de
l'épée à deux tranchants, devait alors s'efforcer
de blesser des chevaux et d'achever les cavaliers
démontés.
L'arbalète fut de bonne heure substituée à l'arc
dans les troupes, et nous retrouverons les arctiers
sous le nom d'artilliers. Il y avait cependant à
Paris au dix-huitième siècle un fourbisseur,
nommé Bletterie, qui s'iniitxûail arctier-fltr/ner ' .
Les arctiers avaient pour patron saint
Sébastien qui, comme on sait, fut percé de
flèches par ordre de Dioclétien.
Ardoisiers. Au quatorzième siècle, les
couvertures en ardoises étaient déjà assez
communes dans les villes ^ ; l'adoption des
combles coniques pour les tours des châteaux en
rendait, d'ailleurs, l'emploi obligatoire. Dès le
treizième siècle, les couvreurs avaient remarqué
que l'ardoise donne lui reflet différent suivant le
sens dans lequel on présente sa surface à la
lumière, et ils obtinrent ainsi d'assez jolies
mosaïques de deux tons. En diversifiant la taille,
ils arrivèrent aussi à produire des effets
inattendus, écailles, épis, quinconces, et«.
Notons en passant qu'au quatorzième siècle
déjà, l'on emploj^ait les ardoises, en guise de
tablettes de cire, pour prendre des notes. On ne
peut guère expliquer autrement cette mention
de l'inventaire dressé après la mort de Charles V:
« Deux ardoises encliassées en deux aiz
d'argent ■* ».
Au quinzième siècle, l'ardoise, mieux exploi-
tée, est livrée plus régulière et surtout plus
mince : elle a seulement six à huit millimètres
d'épaisseur, tandis que celle du treizième siècle
variait entre dix et quinze *.
Le chapitre 29 de l'ordonnance de 1672 ne
permet l'entrée à Paris que de deux qualités
d'ardoises, << la quarrée forte et laquarrée fine ».
Tout bateau chargé d'ardoises devait, à son
arrivée, subir la visite des jurés couvreurs, qui
faisaient à la Ville un rapport constatant la
quantité et la qualité des marchandises apportées.
1 Enci/clopédietnéthodiqite, Arts et métiers, t. II, p. 52.
2 S. Luce, Histoire de Duifuesclin, p. 57.
'■'' N" 2761. Voy. aussi le N" 1996.
4 ViolIet-le-Duc, Dictionnaire de Vnrchileetiire, t. I,
p. 453 et t. IX, p. 325.
'^
34
ARDOISIERS — ARMES
C'est en 1728 seulement que l'introduction à
Paris (le toute espèce d'ardoises lut autorisée ^ .
A la tin du dix-huitième siècle, les ardoisières
d'Anjou produisaient, année commune, << un
million de milliers d'ardoises » de toute qualité -.
Le métier d'ardoisier n'était pas constitué en
maili'ise, mais les couvreurs seuls avaient le
droit d'employer l'ardoise pour la couverture
des maisons.
\'ov. Fendeurs. — Perriers. — Tail-
levirs. — Tireurs. — Toucheurs. —
Tuiliers, tic.
Argent bon. Voy. Deniers.
Arg-enteurs. La Taille de i292 cite trois
arpenteurs, celle de 1300 en mentionne deux.
Mais ce métier ne tarda pas à se confondre avec
celui de doreur.
Arg-enteurs. Voj. Changeurs.
Arg'enterie (Officiers de l'). V03'. Con-
trôleurs et Menus.
Argentiers. Leurs fonctions consistaient à
tenir la maison royale pourvue de tout ce qui
était nécessaire pour l'ameublement et l'iiabille-
ment destinés au roi, à sa famille et à ses
officiers. L'argentier devait donc, sous la
direction et la surveillance du maître de l'hôtel
et des chambellans, s'entendre avec les marchands
et fournisseurs, et conclure avec eux des marcliés
qui étaient soldés sur les fonds spéciaux assignés
pour l'argenterie. Dans l'origine, il eut sous lui
un clerc pour l'aider dans ses fonctions, dans
les écritures surtout. Ce clerc devint assez
promptement le contrôleur de V argenterie . ]<]n
lô.'iiL Fran(;ois !*■■ retira du département de
l'argenterie tout ce qui concernait le linge et le
mobilier, et les attribua au maître de la chambre
aux deniers. Il lais.sa seulement à l'argentier, dit
l'ordonnance, « les pajemens des ad'aires con-
cernant ses personne, chambre etgarderobbe "* ».
Le trésorier du roi a aussi purté le titre
d'argentier.
l)iins les grandes maisons, l'argentier distri-
buait l'argent lu'cessaire aux dépenses de chaque
jiiur, et l'iiregislrait les dépenses.
Le mot argentiers a désigné aussi tous les gens
ayant le maniement de fortes sommes, les
banquiers, les caissiers, les changeurs, etc.
\'ny. Clercs de l'argenterie.
Argent .suc. \n_v. Deniers.
Ari.sm«'>ticiens. \ <i\ . Arithméticiens.
Arithméticiens. Tilre qui appartenait à
la cnrporalion des écrivains. H fut surtout
illustre par un sieur t'rant.ois de Barrème dont
le nom est resté synonyme de Comptes faits.
Le Lirre o/mmode des adresses pour 16li2 nous
' Dflamorre, Traité lir la police. I. IV, p. 02.
- Jaubort, Dictionnaire des arts et métiers, l. I, p. 141
•' Douol-d'Arcq, Comptes de C argenterie, introduction
p. VII, IX et X.
apprend que « M. Barème aritméticien, devant
le Pont-Neuf, au bout de la rue Dauphine, est
ordinairement nommé par la chambre des
comptes pour les calculs et vérifications d'écri-
tures 1 >>. Les écrivains jouaient alors devant les
tribunaux le rôle dévolu aujourd'hui aux experts
en écriture, et Barrème possédait la confiance,
non seulement des juges, mais aussi de la
chambre des comptes.
Il devait cet honneur à la publication faite
par lui, en 1669, d'un volume, cent fois
réimprimé sous le titre de Comptes faits, et dont
Colbert avait accepté la dédicace. L'édition
originale, devenue très rare, porte un titre plus
compliqué, que je crois devoir reproduire en
entier : Le livre des tarifs, où, sans plume et sans
peine, on trouve les comptes faits divisés en trois
parties. Savoir : les tarifs communs, les tarifs
particuliers, les tarifs du grand commerce.
Dédiés à monseigneur Colhert, ministre d^ Estât,
etc.; par Barrème, mathématicien, lequel enseigne
hrieuvement l^ arithmétique. Se vend chez luy à
Paris, au bout du Pont-Neuf, entrant en la rue
d^Ariphine, où il y a des affiches sur la porte, et chez
Hugues Senus, marchand liurère, rue Richelieu.
François de Barrème mourut en 1703 ^.
Les arithméticiens ont été dits arisméticiens,
mat hé m a t ic ie a s. calctda teurs, etc.
Voy. Écrivains et Jetons (Calcul par
las).
Arméniens. Nom par lequel on désigna,
au dix-septième siècle, les premiers propriétaires
de cafés.
Armes (Maîtres d'). La Taille de 1292 les
nomme escremisseeurs et en mentionne sept.
Ils ne furent constitués en communauté qu'à
la fin du seizième siècle, et leurs pi'emiers
statuts, datés du mois de décembre 1567,
présentent des particularités assez curieuses. Les
maîtres y sont qualifiés joueurs et escrimeurs
d^épée. Les apprentis sont iWi'^ prévôts ou gardes-
salle, et doivent servir deux ans avant de
pouvoir aspirer à la maîtrise. Ce stage terminé,
le prévôt subit une épreuve et passe prévôt
général. Une seconde épreuve, un chef-d^œuvre,
disent les stiituts, lui est encore imposée quatre ans
après, pour obtenir le titre de maître. Il peut
alors ouvrir une salle où il voudra, sauf dans le
quartier de l'Université, par crainte « que les
escholiers ne se divertissent de leurs estudes »,
au profit de l'escrime. Les .salles devront être
i'er'inées les dimanches, les jours de fête, et le
jour de la Saint-Michel, patron de la corporation.
(]i's statuts furent révisés par lettres patentes
de décendtre 1.585, qui donnent aux maîtres le
nom de maistres au fuict d'armes, puis en
novendire 1644. Je lis dans cette dernière
rédaction qu'aucun prévôt ne sera admis à la
maîtrise avant l'âge de vingt-cinq ans. Il devra
alors oH'rir à la communauté « deux épées de la
valeur de 25 livres chacune, destinées à être
' Ton,.. II. [,. -.1.
- \"V. A .);il, Dicli(j
maire critique, p. 116.
ARMES
35
adjugées en prix » ; donner, en outre, à chaque
fils de maître ajant atteint l'âge de 18 à 20 ans,
une paire de gants de daim. L'épreuve ù laquelle
il sera ensuite soumis consistera à lutter contre
six maîtres, avec « l'espadon, l'épée seule, la
hallebarde et le bâton à deux bouts ». (>^s statuts
lurent souscrits par les vingt maîtres exerçant
alors à Paris.
Louis XIII avait à peine huit ans quand il
commença à tirer des armes ' ; son professeur se
nommait Jeronimo ^. Louis XIV eut pour
premier maître Vincent de Saint-Ange dont les
gages étaient de 2. OOU livres ■*. Vincent sut se
l'aire aimer de son royal élève, et ses confrères
profitèrent de la laveur dont il jouissait : les
lettres patentes de mai 1656 accordèrent désor-
mais la noblesse héréditaire aux six plus anciens
maistres en fait (ïannes, à condition qu'ils
comptassent au moins vingt années d'exercice.
De plus, la corporation, limitée à vingt maîtres,
eut le droit de prendre les armoiries suivantes :
« D'azur, à deux épées d'argent passées en
sautoir, les poignées et les gardes d'or, accom-
pagnées de quatre fleurs de lys de même, une en
chef, deux aux flancs et une en pointe * ».
Vers la fin du dix-septième siècle, une sage
prescription des statuts de 1567 était tombée en
désuétude, et, vers la fin du dix-septième siècle,
presque tous les maîtres d'armes habitaient dans
les limites de l'Université ou dans le faubourg
Saint-Germain-"*. Robert, procureur du roi,
dans une lettre du 11 juillet 1695 à l'agent
Desgranges, dit, au sujet d'une arrestation qu'il
devait, mais ne put opérer près de l'abbaye :
« En un moment, il s'est attroupé en cet endroit
beaucoup de gens d'épée el de bretteurs, dont
ce quartier est rempli, et il étoit impossible
d'emmener le prisonnier, sans rendre un petit
combat, et faire tuer beaucoup de monde ^ ».
Un sieur Rousseau était alors le maître le plus
en vogue. Son petit-fils, coupable d'avoir été
« le maître d'armes des enfans de Capet » fut
guillotiné en 1793.
Les salles d'armes portaient le nom d'acadé-
mies, et étaient soumises à certains règlements
de police. Chacune d'elles avait, en outre, un
règlement particulier, et je trouve dans ces
documents quelques articles bons à recueillir.
Ceux-ci par exemple : « Ne pas jurer le nom de
Dieu. — Ne pas dire de paroles ni de cliansons
indécentes. — Ne point badiner, attendu que
les suites en sont ordinairement fâcheuses. —
Ne railler personne sur le fait des armes. — En
tirant des armes, lorsqu'on fait tomber le fleuret
de son adversaire, il faut le ramasser prompte-
ment et le remettre en main avec politesse. —
Il faut que l'escholier prenne sa leçon d'armes
sans interruption, attendu qu'elle ne dure à peu
1 Héroard, Journal sur T enfance de Louis XIII, t. I,
p. 380.
^ Héroard, /owniff/ i'w?- Venfinve de Louis XIII, p. 384.
>* Estai (jénéral de la maison du Roy pour 1657 , p. 115.
i Voj. V Armoriai général de 109G, t. XXV, p. 209.
5 Voy. le Livre commode pour 1692, t. I, p. 2ô.j.
6 P. Clément, La police sous Louis XIV, pièce.s
iustificative.s, p. 442.
près (jue le temps d'une affaire sérieuse. — Il
est de l'honneur de l'escholier de payer réguliè-
rement le prix convenu ». Dans plusieurs salles
d'armes, qui ne jouissaient pas d'une bonne
réputation, ce dernier article était à peu près le
seul auquel on tint réellement la main.
J.-C. Nemeitz écrivait vers 1718 : « Quand
un Anglois se bat contre un François, l'Anglois
a ordinairement le dessous ; tous deux s'attaquent
avec fureur, mais le François est plus habile.
En revanche, si le François a pour adversaire
un homme d'une autre nation, celui-ci en fait ce
qu'il veut s'il soutient de sang froid la première
attaque, qui est très chaude ' ».
A la fin du dix-huitième siècle, les maîtres
d'armes, disséminés dans tous les quartiers,
étaient au nombre de seize seulement '^. La
corporation continuait à n'accueillir un nouveau
maître qu'après lui avoir fait subir de sérieuses
épreuves. Ainsi, en 1772, un sieur Etienne,
prévôt du professeur de l'école militaire, s'étant
présenté à la maîtrise fit ses preuves de capacité
en public, le 11 mars, dans la salle du Colysée,
qui pouvait contenir huit à dix mille spectateurs.
« Il y avoit, écrit un témoin oculaire, un très
grand nombre de personnes de distinction qui
furent introduites dans la rotonde où se faisoit
l'exercice. Le sieur Lasalle, maître en fait
d'armes, tira le premier contre le récipiendaire ;
il porta une botte et en reçut une autre. Le sieur
Menessier, autre maître d'armes, tira le second
pendant une demi-heure, avec autant de supé-
riorité que de grâce, et. sans avoir été touché,
il porta deux belles bottes, qui furent admirées
des assistans. 11 fil ensuite un second assaut de
l'épée au poignard, et le prix de l'escrime lui
fut adjugé. Deux autres maîtres firent encore
successivement assaut avec le récipiendaire, et le
dernier termina l'exercice •' ». Notons que, s'il
faut en croire VAlmauacà Dauphin * , les
masques d'escrime venaient d'être inventés par
un épinglier de la rue Phélipeaux, nommé Leroi.
Un attribue aussi celte innovation au maître
d'armes La Boissière, vers 1750. Ces masques
étaient à peu près sendilables à ceux dont on se
sert aujourd'lmi, mais sans les côtés. Plusieurs
maîtres refusèrent pendant longtemps de s'en
servir, comme constituant une garantie indigne
d'un bon tireur. C'est au commencement de ce
siècle et à la suite d'accidents graves, qu'ils
furent rigoureusement imposés, dans les assauts ^ .
L'idée d'employer le pistolet dans un duel
date des dernières années du dix-huitième siècle.
« Depuis dix ans, écrivait-on en 1826, phisieui-s
combats singuliers ont été livrés de cette manière
entre des officiers et même entre des bouru'eois '' ».
1 Édit. de 1897, p. 28.
2 On trouve leur nom et leur adresse dans .Jèze ,
État de la ville de Paris pour 1760, p. 176.
■i Affiches, annonces et aris dirers, n° du 25 mars l'772,
p. :i2.
'* Supplément pour Vannée 1777 , p. 21.
5 Vigeant. bibliographie de V escrime, p. ITl.
•< Vie publique et privée des Français, t. II, p. 258. —
Mais voy. aussi Séb. Mercier, Tableau de Paris (1782),
t. II, p. 325.
:j«5
ARMES — ARMOIRIES DES CORPORATIONS
A la fin du dix-septième siècle encore, on les
trouve nommés spadassins, espadassins, espa-
dacins, gladiateurs, etc. En 1622. Jéronimo
r « espadacin du R«>v. » L'iicliait pour cette
r..nclion trois mille ifvres ' : v\ Tall.'Uiant des
H.'-aiix écrivail vers 1080: « Le conih' de
(Iraninionl s'esfoit lait accompa«rner par un
• rladialiMir nommé Termes 2 ».
\ n\ . Académies.
Armoiers. \o\. Armoyeurs.
Armoiries des corporations. On peut
l'air.' n-niduli'i' jusque vers l'an 1200 l\iritrine des
ai'inoiiii's adoptées par les corporations ouvrières
(II- Paris. La plus ancienne de toutes, la Hanse
/jarisie/iiie on k-s Marchands de Peau, nous en
lournil le premier exemple. l']n tète d'un cliiro-
«jpiapliH •' qui tlale du comniencemenl du treizième
siècle, el qui est relatif à un accoi'd sur la vente
du sel conclu entre la Hanse de Paris et celle de
[{nucn, on Irouve appejidu, sur double queue de
partlifiuiii, un sceau en cire jaune de forme
lundi', «pii représeiilc une harque antique avec
lui mal sdulenu à di-uih' ri à «j^ancht' par Imis
cordaj^es. La léjf'ende est ainsi courue :
SKill.l.t .M MKUC.VIORUM AQIK PARISIUS
\ i'r> It' milieu du quatorzième siècle, le sceau
d»*s Marr/iands de feau suhit (pudques modili-
i-alioiis. Le mût se para d'une voile, et des llnnrs
de lis irréj;ulièrement placées connuencèrent à y
iig'urer ; mais la pièce principale resta toujours
lu Ijarque tui nef. La municipalité de Paris, issue
lie la pni.ssante corporation des mercatores aqtiœ,
adopta liicnlôt un sceau semblable, et ces
armoiries, qui au counnencemenl du ([uinziènie
sit'clc se (•(iinplétèri'iit par un chef d'a/.ur semé
de Heurs de lis, devinrent i-elles de la ;^-rande
cilé parisienne.
.Sans abandonner le treizième siècle, nous
lenconiroiis encore un autre tjpe des armoiries
|triniitives des corporations. Lero)^ dans ses
S'atuts el pririlà(/es du corps des marchands
tn-fèrres-joya illier s de la ville de Paris *, nous
fournil le dessin d'un sceau '■' avant appartenu à
la ciMumunaiilé des orfèvres, el il ajoute : <■: Les
eonnoisseiirs verroient aisément, ii la forme seule
lies runirleres de ce inonumenl, ipril est vérita-
blement (lu temps de saint Louis, quaml les
ensei|r||,.ii„'iis de nos arcllives n'en fourniroient
pas d'iiiilres preuves ». Ce sceau, qui avait
seulem.-nl onze lijrnes de diamètre, représente
sHinI Kloi •"'. hous ses vêlements épisco|)anx : il
est id.i.e dans une SOI !<• i|r iiiclie surmontée d"un
' K Kniiniier, YorlHfi kiuhriqurs. t \1, p. 121.
' llittiiriflit%, loîiif 1, p. 'iWi.
3 Voy. co mol. — M. I^M.pold l).>lislr croit ce cliiro-
srrnplii- (lu mo«8 iIp jnnvicr laU). Vi.y Mm Ciiliiloiiiie
itrs acifg lif l'kilippr Augmlt, p. 213.
i Pnris. IT.M». iii -l", p. 4.
'' ■ 1 .\rci|, ilfui.s .wli iiivi'iitiiirc cj.'s srcnu.x
' "' \irliivrs »mli.iiiiili'j4, n en nientioiinf oucun
'!"■ un il une rorporaliou ouvrière.
6 Sfliiii Kl,,, piaii 1,. pniroii »le tous les fètres, ouvriers
qui travaillaient l»> nicUus.
baldaquin, sa tête est mitrée, sa main gauche
porte la crosse, sa main droite un marteau, et la
légende est conç;ue en ces termes : S. [Sigillum]
coNFRARiE S . Eligii aurifabrorum . Les
orfè\Tes remplacèrent bientôt ce sceau par de
véritables armoiries, fort belles et surmontées
d'une devise un peu prétentieuse. « Une tradi-
tion, dit Leroy, conservée d'ancienneté parmi
nous, regarde le roy Philippe de Valois comme
ayant concédé ces armoiries à notre corps, et
en fixe l'époque à l'an 1330 ». Faute de mieux,
tenons-nous-en à cette tradition, à laquelle il
convient, je crois, de ne pas accorder beaucoup
de confiance.
A la fin du quatorzième siècle, nous nous
trouvons en présence d'une nouvelle tradition,
mais cette fois il est plus facile d'en indiquer la
source. Les armoiries des pelletiers étaient
surmontées d'une couronne ducale, et la corpo-
ration disait « tenir cette couronne d'un ancien
duc de Bourbon, comte de Clermont, qui avoit
été leur protecteur ». Cette assertion semble
parfaitement fondée. Dès le treizième siècle, le
roi avait concédé une partie des revenus et la
juridiction professionnelle de la conuuunaulé
des pelletiers à son grand chambrier, privilège
que celui-ci conserva jusqu'en octobre 1545.
( )r. de lemps immémorial, les princes de la maison
de Bourbon avaient été titulaires des fonctions de
chandjrier, et sous Charles V, ces fonctions
étaient remplies par Louis P"", duc de Bourbon
et comte de Clermont. Les pelletiers affirmaient
donc avec raison qu'un ancien duc de Bourbon,
comte de Clermont, avait été leur protecteur ; le
don d'une couronne ducale faite par lui à la
corporation placée sous son autorité n'a rien d'in-
vraisemblable, et prouve que, dès le quatorzième
siècle, les pelletiers possédaient officiellement des
armoiries.
11 faut néannuiinsatteindi'e le quinzième siècle
pour voir l'usage des armoiries, jusque-là
réservées aux nobles et aux communes, se
généraliser parmi les corporations ouvrières. Les
unes alors les obtiennent du roi, les autres se les
octroient d'elles-mêmes.
A cette époque, presque tous les métiers font
b'apper des nu^reaux de plomb à l'usage de la
comnmnauté et de la confrérie, et ces luéreaux
représentent en général d'un côté le patron de
la corporation, de l'autre soit les outils les plus
employés, soit les principaux objets fabriqués par
elle. Ainsi les méreaux de la corporation des
balanciers portent sur une face un saint Michel,
sur l'autre une balance ; ceux des boulangers
portent un saint Honoré et un boulanger enfour-
nant des pains ; ceux des chapeliers, un saint
Michel et des coiflures de diilérentes formes ;
ceux des chandeliers, un saint Jean el des
chandelles suspendues à une tringle ; ceux des
bourreliers, la Vierge et \n\ collier de cheval;
ceux d«'s charpentiers, saini Biaise et une équerre,
un compas, une cognée, etc-, ceux des menuisiers,
une sainte .\une et un vilebrequin, un compas, un
ciseau ; ceux des maréchaux, un saint Éloi et un
fer de cheval ; ceux des libraires, un saint Jean
el un livre accosté de deux palmes; ceux des
ARMOIRIES DES CORPORATIONS
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épingliers, la Vierge et trois épingles posées en
pal, etc. *.
Voilà la véritable origine des armoiries
choisies par les corporations ouvrières. L'ordon-
nance dite (Jeu Bannirres, rendue au mois de
juin 1407. régidarisera ces blasons et leur
donnera une consécration légale.
Au début de dix-septième siècle, les merciers
se tirent octroyer par la nuniicipalité de nou-
velles armoiries, et les Six-Corps, suivant cet
exemple, en obtinrent également. Dans toutes ces
armoiries figuraient un certain nombre de nefs
d'argent, dont le nombre indiquait, pour chaque
communauté, le rang qu'elle occupait dans les
Six-Corjjs. Ainsi, les armoiries des drapiers, le
premier d'entre eux, portaient une nef, et celles
des orfèvres qui était le sixième, en portait six.
Un édit de 1696 ordonna de dresser le cata-
logue des armoiries possédées par les particuliers,
les villes, les maisons religieuses, les cjmmu-
naulés ouvrières, etc. Leur ensemble constitua
V Armoriai général, recueil officiel qui est
aujourd'hui conservé parmi les manuscrits de la
Bibliollièque nationale, et qui comprend environ
60.000 armoiries. J'extrais la liste suivante des
tomes XXIII, XXIV et XXV :
ARMOIRIES DES CORPORATIONS
d'après
UARMORIAL GÉNÉRAL DE 1696.
AiGUiLLiERS ET ÉpiNGLiERS. — D'azur, seiué
d'aiguilles d'argent et de dés à coudre d'or.
Armes (Maîtres en fait d'). — D'azur, à
deux épées d'argent passées en sautoir, les
poignées et les gardes d'or, accompagnées de
quatre Heurs de lis de même, une en chef, deux
aux flancs et une en pointe.
Arquebusiers. — De gueules, à deux
pistolets d'or passés en sautoir, liés d'argent et
accompagnés de trois étoiles de même, une en
chef et deux aux flancs.
Balanciers. — D'azur, à une lialance d"or,
accompagnée en chef d'une fleur de lis de même,
et en pointe d'un marc ^ d'or.
Bas (Faiseurs de) ^. — D'or, à une chausse
de gueules posée en pal, accostée de deux
pelotons de laine de même.
Bateliers. — D'argent, à un croc de gueules
et une rame de sable passés en sautoir.
Batteurs d'or. — D'or, à un maillet de sable
couronné de gueules.
Boisseliers-Lanterniers-Souffletiers . —
D'azur, à un chevron d'or, accompagné en chef
d'une lanterne à dexfre de même et d'un boisseau
à senestre d'argent, et en pointe d'un soufflet
de même, le tuyau d'or et posé en pal.
1 ^ Oy. A. Forgeais, Numismatique des corporations
parisiennes, (f après les plombs historiés trouvés flans la Seine.
2 On nommait marc un poids de cuivre qui contenait
sept autres poids emboîtés les uns dans les autres.
L'ensemble pesait huit onces, poids exact du marc.
3 Faiseurs de bas au métier.
Bonnetiers et Ouvriers en bas. — D'argent,
à un ])as de chausses d'azur, accosté de deux
bonnets de gueules.
Bouchers. — D'azui-, à un agneau pascal
d'argent, la bandei'nli' di' même, chargée d'une
croix de gueules.
Boulangers. — De sable, à deux pelles de
four d'argent passées en sautoir, chacune chargée
de li-ois pains de gueules.
Boulangers du faubourg Saint-Germain.
— D'azur, à un saint Honoré d'or, tenant de
sa main senestre une crosse de même, et de sa
main dextre une pelle de four d'argent chargée
de trois pains de gueules.
Bouquetières. — D'argent, a un houquel de
plusieurs fleurs au naturel.
Bourreliers. — D'aziu-, à un collier de
cheval d'or, accompagné de deux alaines
d'argent emmantdiées d'or, et en pointe d'un
marteau aussi d'argent emmanché d'or.
Boursiers. — Coupé, au 1 d'or à une gibe-
cière d'azur, et au 2 d'azur à wn braver •
d'argent entourant une bourse d'or.
BouTONNiBRS. — D'azur, à deux aiguilles
d'argent passées en sautoir, accompagnées de
quatre boutons de même, un en chef, un à
chaque flanc et un en pointe.
Brasseurs. — De gueules, à deux chaudrons
d'or en chef, et un tonneau d'argent cerclé d'or
en pointe.
Brodeurs-Chasubliers. — D'azur, à une
fasce diaprée d'or, accompagnée de trois fleurs
de lis de même, deux en chef et une en pointe.
Brossiers-Vergetiers-Raquetiers. — D'ar-
gent, à un chevron de gueules, accompagné en
chef d'une brosse de même à dextre, d'une
vergette de sable à senestre, et en pointe d'une
raquette de même, cordée de gueules, posée en
pal. le manche en bas.
Cartiers. — D'argent, à une croix dentelée
d'azur, cantonnée aux 1 et 4 d'un C(pur et d'un
carreau de gueules, et aux 2 et 3 d'un pique et
d'un trèile de sable.
Ceinturiers. — D'azur, à une ))ande d or,
accostée de deux couteaux à pied.
Chandeliers-Huiliers. — De sa])le, à une
boîte couverte d'or, accostée de deux paquets de
chandelles d'argent.
Chapeliers. — D'or, à un chevron d'azur,
accompagné de trois chapeaux de cardinal de
gueules, deux en chef et un en pointe, les
cordons de chacun houppes de trois pièces.
Charcutiers. — D'or, à un porc passant de
sable, et un chef d'azur chargé de trois cervelas
d'or.
Chargeurs de bois. — D'azur, à un vaisseau
équipé d'argent, voguant sur des ondes de même.
Charpentiers. — D'azur, à un enfant Jésus
tenant un compas et mesurant un dessin qui lui
est présenté par saint Joseph, le tout d'or.
' Bandage d'acier destiné à contenir les hernies.
Il était ordinairement garni de peau de chamois.
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ARMOIRIES DES CORPORATIONS
Chakrons. — Diirgeiit. à quatre roues de
gueules posées deux et deux.
Chaudronniers. — De sable, ù un cliaudron
d'or. accompa«,'-iit' en chef de deux poêlons de
même, et en pointe d'un réchaud aussi d'or
emmanché de sable.
CumrRdiEN?. — D'azur, à trois Ijoîles cou-
vertes d'argent.
Ci.OLTiERS. — D'iirgent, à un marteau de
sable, accosté de deux clous de même.
Coi'PRETiers-Malletiers. — D"or, à un
coiïre de sable, garni de deux serrures d'argent.
Controi.elrs de i,a BUCHE. — D'or, à trois
hamaydes ou fasces alaisées de sable.
Cordiers. — D'argent, à un pal de gueules,
adextré d'un paquet de cordes de même, et
.senestré d'une roue de sable.
Cordonniers. — D'azur, à un saint (Irespin
et un saint Crespinien d'or, tenant l'un un
tranchel d'argent, et l'autre un couteau à pied
de même.
Corroyeurs-Baudroyeurs. — De gueules, à
(b'ux cuuleauxparoirs passés en sautoir d'argent
einmancliés d'or.
Cdirtiers en vin. — hargi'iit. à une iasce
«11- |)iiui'pre. accompagnée i-n chef de deux
biiuli'illi's de gueules, el ru pointe d(> deux
barillets de sable cerclés il'or.
CoivpKMERS. — D'azur, a un l'asoii' ouvert
(["argent emiiianché de sal)le. un couteau aussi
dargenl einnianché d'or passé en sautoir, une
pif'rre à aiguiser d'or coiu-hée en chef, et une
paire de lancettes ouvertes (["argent clouée d'or,
posée en pointe.
Couturières. — D'azur, à des ciseaux
d'argent ouverts en sautoir.
Couvreurs. — D'azur, à une échelle d'or
posée en pal, accostée de deux truelles d'argent
emmanchées d'or.
Criburs. — Daziu'. a un (lit'vron d'or,
accompagné en chef a dcxlre dun pot ou
aigui'-rt' couviii. .1 a seneslre d'une lasse ou
Cdupo di- même, il en pointe d'une clochette
fl'argfMit balaillée ^ de sable.
(imjiUK.s DE VIEUX KEBS. — l)"argcnl. H un
Ironçon de f<T iU- roue de .sable |)(isc en fasce,
accompagné df trois fers de cheval rompus.
I)anser Maîtres ai et .Ioieurs d'instru-
MKNS. — l)"H/.ur, Il d.ii\ anlirls d'or cordés
d argent, pas.scs <>ii sanldii-, iiccdiiipngiiés en
chef d'un vinlmi d'or, cl .-n pi.iiil.- dnii iulli de
niéine.
DoRKliR.-i. — |)"a/,iir. îi un |)iiin'aii ,\\,r d un
riseau «rnrgrnt passés <'ii saulcur. ri une dent
d'argent » emmanclién d'rn- pdséc .-ii pal, bro-
clianlr sur b- lonl.
Drapiers. — D"(.r. a cinq pièces do drap
d"azur. do gumles, d'argent, de .sable et de
' i'.' - .1.' blason, un.- rlorhr .\st tlif.. bninillri
<|ii..nl .11. .1 ....n hntlnnt .sont H'un email HifTiirruf.
î I..- .J-i-iiirs ». M-nnirnl, |M,iir polir l.ur or cfun.
.I.nî .!.• l...l|. nu .{.. rhl. n . nnu..,,,! ^n^ (Jy b,jj.
sinople. posées en pile l'une sur l'antre, sur-
montées d'une aune de sable marquée d'argent,
couchée en chef.
Drapiers d'or et de soie. — De gueules,
à trois pédonnées d'or posées deux et un, et en
cœur une jallerolle ' d'argent, et un chef cousu
d'azur, chargé d'un chiffre royal composé d'une
H et d'une L capitales - d'or , et accosté de
deux fleurs de lis aussi d'or.
Écrivains. — D'azur, à une main de carna-
tion posée en fasce, tenant une plume à écrire
d'argent, et accompagnée de trois billett.es de
même, deux en chef el une en pointe.
Emballeurs. — De sinople, à trois ballots
d'or, cordés d'argent, posés deux el un.
Eperonniers. — De sable, à trois éperons
d'or, avec leurs sous-pieds de même, posés en
pal deux et un, les molettes en haut.
Épiciers et Apothicaires. — D'azur, à un
dextrochère d'argent, mouvant d'une nuée de
même el tenant des balances d'or, coupé d'or à
deux navires de gueules, équipés d'azur semé de
fleurs de lis d'or, posés l'un contre l'autre,
flottant sur une mer de sinople, et accompagnés
de deux étoiles à cinq raies de gueules.
Éventaillistes. — D'azur, à trois écussons
d'argent posés deux et un, et une fleur de lis
d'or posée en cœur.
Ferreurs d'aiguillettes. — D'azur, à un
marteau d'argent emmanché d'or posé en chef,
el en pointe une petite enclume de leur métier
aussi d'argent.
Foin (Marchands de). — D'or, à trois bottes
de foin de sinople, liées d'argent, deux en chef
et une en pointe.
Fondeurs. — D'azur, à un canon de sinople
couché en fasce, accompagné de trois clochettes
de même, posées deux en chef et une en pointe.
FouRBissEURS. — D'azur, à deux épées
d'argent passées en sautoir, les gardes et les
poignées d'or.
Fripiers. — D'azur, chappé dor, à trois
croissans, deux en chef et un en pointe, de l'un
en l'autre.
Fruitiers-Oranoers. — D'azur, à une fasce
d'or, chargée de trois pommes de gueules, tigées
el feuillées de sinople, el accompagnées de trois
oranges d'or tigées el feuillées de même, deux
en chef el une en pointe.
(tainiers. — D'argenI, à une coutelière "'
adcxirée d'un étui de ciseaux, et seneslrée d'un
étui à cure-dents, le tout de sable et ouvert, cloué
et garni d'or.
(tAntiers. — D'azur, à un gant d'argent frangé
d'or posé en pal, acco.sté de deux be.sans d'argent.
' On nt\mmm\ prdiinne, ft non pêthnnée, un bimion on
buis ou en ivoiiv qui sciTail à la fabrication du velours,
.l'ignore ce (|un l'on entendait par jallerolle.
* V.w souvenir do Henri IV, qui fut le véritable
rrt-ttleur de l'industrie de la soie en PVance, et de
saint I.ouis, patron de la communauté.
!l Etui en bois couvert de cuir , dans lequel on
r.'nfermait les couteaux de. table.
ARMOIRIES DES CORPORATIONS
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Grainetiers. — De sinople, à trois o^erljes
d'or, deux en chef et une en pointe, et une
coquille de même en abîme.
Graveurs. — D'azur, à deux burins d'urgent
emmanchés d'or passés en sautoir.
Horlogers. — D'azur, à une pendule d'or,
accostée de deux montres d'aroi-ent marquées de
sable.
Imprimeurs et Libraires. — D'azur, à un
livre ouvert d'arg-ent, accompag'né de trois fleurs
de lis d'or, deux en chef et une en pointe.
Instrumens de musique (Faiseurs d'). —
D'azur, à une sainte Cécile assise devant un
cabinet d'orgues, le tout d'argent.
Jardiniers. — De sable, à trois lis de jardin
d'argent, tiges et feuilles de sinople, posés deux
en chef et un en pointe, et un chef d'azur chargé
d'un soleil d'or.
.ÏAUtîEURS DE VIN et EsSAYEURS d'eAU-DE-VIE.
— D'argent, à une fasce de sable, accompagnée
de trois tonneaux de vin de même, cerclés d'or,
deux en chef et un en pointe.
Lapidaires. — D'azur, à une rose de diamans
d'argent.
Layetiers. — De gueules, à une cassette d'or,
cantonnée au 1 et 4 d'une boîte ronde d'argent,
et au 2 et 3 d'une boîte ovale de même.
LiMONADiERS-DiSTi[,LATEURS. — De gueules,
à un alambic d'argent, sur un fourneau d'or
emtlammé de gueules.
LiNGÈRES. — D'azur à une fasce dentelée
d'argent, surmontée d'une aune couchée de
même, marquée de sable, et en pointe d'une
paire de ciseaux camars d'or, ouverts en sautoir.
Maçons. - — D'azur, à une ascension du Fils
de Dieu sur une montagne, le tout d'or.
Maréchaux ferrants. — D'argent, àunebutte
de sable posée en fasce, accompagnée de trois fers
de cheval de gueules, deux en chef et un en pointe.
Mégissiers. — De sable, à une toison sus-
pendue de même.
Menuisiers. — D'azur, à une verlope ' d'or
posée en fasce, accompagnée en chef d'un
ciseau d'argent emmanché d'or, et en pointe
d'un maillet de même.
Merciers. — De sinople, à trois vaisseaux
équipés et les voiles enflées d'argent, voguant
chacim sur une onde de même, et portant une
bannière de France au grand mât, et un chef
d'azur chargé d'un soleil d'or et entouré d'une
nuée d'argent, mouvante des deux angles du
chef et pendante en feston.
Mesureurs de grains. — D'or, à une fasce
de sable, accompagnée de trois gerbes de
gueules, deux en chef et une en pointe.
Miroitiers. — D'azur, à un miroir d'argent
bordé d'or, accosté de deux lunettes d'argent
garnies d'or, et surmonté en chef d'une lunette
d'approche couchée de même.
' La varlope, rt non verlope, est un rabot large et
très long, qui sert à corroyer le bois.
Mouleurs de bois. — D'argent, à un moule ^
de sable, à un chef de gueules semé de lleurs de
lis d'argent.
Mouleurs de bois (Aides a). — D'azur, à un
bûcher d'or enflammé de gueules.
Oiseliers. — D'azur, à un homme de
carnation vêtu d'or, un genou en terre sur une
terrasse de sable, tenant une cage à trébuchet
d'or pour prendre des oiseaux de même qui
volent en l'air, et un chef cousu de gueules,
chargé d'un agneau pascal d'argent contourné
et couché sur un tertre de sinople.
Orfèvres. — De gueules, à une croix
engrelée d'or, cantonnée au 1 et au 4 cantons
d'une coupe couverte d'or, et aux 2 et 3 d'une
couronne aussi d'or, et un chef d'azur semé de
fleurs de lis d'or.
Pain d'épiciers. — D'azur, à un gros pain
d'épices d'or, accompagné de quatre oublies de
même posées en croix.
Papetiers. — D'azur, semé de billeltes
d'argent, à un livre ouvert de même brochant
sur le tout.
Parcheminiers. — D'azur, à une main de car-
nation vêtue d'argent, tenant un fer de parche-
minier aussi d'argent emmanché d'or.
Patenotriers en bois, Cornetiers et Fai-
seurs de dés. — D'argent, à un chapelet
arrondi de sable, appuyé sur trois dés d'or, posés
un et deux, et un chef d'azur, chargé d'une
fleur de lis d'or accostée de deux cornels
d'argent.
Patenotriers en jais. — D'argenI, à un
chapelet arrondi de sable, enfermant une croix
pattée de gueules.
Pâtissiers. — D'argent, à une pelle de four
de sable, posée en pal, accostée de deux pâtés
de gueules.
Paumiers. — De sable, à une raquette d'or
posée en pal, le manche en bas, accompagnée
de quatre balles d'argent, une en chef, deux aux
flancs et une en pointe.
Paveurs. — D'argent, à une hie ^ à battre le
pavé de gueules, accostée de deux marteaux de
paveurs de sable.
Peaussiers. — De sable, à une lunette ■*
d'argent.
Pécheurs. — De gueules, à une écrevisse d'or
adextrée d'un.verveu *, et sehestrée d'une nasse,
et sous l'écrevisse deux avirons passés en sautoir,
le tout d'or, et un chef cousu d'or, chargé d'un
poisson d'argent.
Peigniers-Tabletiers. — Echiqueté d'argent
et de sable, à un chef d'or chargé d'un peigne
de gueules.
Peintres, Sculpteurs, Graveurs et Enlu-
mineurs. — D'azur, à trois écussons d'argent
2 et 1, et une fleur de lis d'or en abîme.
1 Mesure. Voy. l'art. Mouleurs.
2 Voy. l'art. Hieurs.
3 Instrument destiné à parer le cuir.
4 l'^ilet de forme ronde et terminé en pointe.
40
ARMOIRIKS DES CORPORATIONS
pKLLETiERs- Fourreurs. — D'azur, à un
agneau pascal (rar<rent passant sur une terrasse
de sinople, avant la tête contournée et couronnée
d'un cercle ile lumière d'or, dont la l^anderole
de gueules est croisée d'argent.
Plumassiers. — D'azur, à une aigrette
d'argent, accompagnée de trois plumes ou
panaclies d'or, posées en pairie, apointées les
bouts en dehors.
Poissons (Marchands ue). — D'azur, à un
siiint Pierre d'or, marclianl sur une ondée
d'argent et de sinople, de laquelle sortent des
poissons de même.
Porteurs de charbon. — D'azur, à un
vaisseau d'argent, accompagné de deux étoiles
d'or au haut du mât.
Porteurs de grains. — D'argent, à un saint
Christophe de gueules, l'enfant Jésus qui est sur
sou dus de même, (enanl en sa main plusieurs
épis de hlé dor.
Porteurs de sei,. — Dazur, à un saint
Christophe d'argent.
Potiers d'ktain. — Dazur, à lui marteau
d'argent emmanché il'or, accompagné en chef
de deux lasses d'argent, et en pointe d'une
aiguière de même.
Potiers de terre. — Kcartelé en sautoir
d'azur et d'argent, l'azur chargé en chef d'une
fleur de lis et en pointe d'un pot à deux anses
d'or garni de tleurs d'argent, et accosté de deux
pots a une anse chacun affrontés de même, et
l'argent chargé à dextre d'un carreau carré de
sinople et il senesire (Tiin carreau hexagone de
gueules.
Rôtisseurs. — n'argent, ii deux broches de
saille passées en sautoir, accompagnées de quatre
larduires de même posées en pal.
Rouleurs et Chargeurs de vin, — D'or, à
ime roue de sable, accompagnée <Ie trois barils de
même, cerclés d'iiigtnl, d<Mix en chef et un en
ptjinle.
Skli.ieks, Lohmiers et Cakhossiers. —
D'azur ii un siiinl VAoi velu en évéque, tenant
un marteau en sa main tlexlre, le tout d'or.
Skrkuriers. — De gueides. à deux clefs, l'une
d'argent et l'aulre d'or, adossées et passées en
sHUloirs et liées d'un ruban d'azur, el un chef
d'aztn- senie de Heurs de lis d'or, chargé d'une
table couverte d'im lapis fleurdelisé, sur laquelle
il y a im scepire <-t une main de justice passés en
s^uiloir el une couronne royale, le loul d'or, et
en chef soutenu d'argent, chargé de ce.s deux
mots : Skcurita.s imdi.ica de sable.
Taii.i.andikrs-Feriif.antiers. - D'a/iir. h
d.Mix ancres d'or passées en sauldjr. surmontées
d'un fanal de vnjsseau de mènic.
Taii.i.kurs. — Di- guoides. à dos ciseaux
d'argent (Hiv»tIs en sauloir.
TannKUBS. — I)e sable, à deux rouleaux de
revers d'argent ' emmanchés d'or, posés en fasce
l'un sur l'autre.
I Ou couteaux paroi rs.
Teinturiers du bon et grand teint . — De
gueules, à un saint Maurice à cheval d'argent.
Teinturiers ex soie, laine et fil. — De
sable, à un saint Louis tenant dans sa main dextre
un sceptre et de sa senestre une main de justice,
le tout d'or, et un saint Maurice de même tenant
dans sa main dextre un guidon de gueules chargé
d'une croix d'argent, cantonnée de quatre
croisettes de même, et de sa senestre un bouclier
de gueules semé de fleurs de lis d'or et chargé
en cœur d'une croix de saint Maurice d'argent.
Tireurs d'or et d'argent. — D'or, à trois
bobines d'azur couvertes de lil d'or, posées deux
et un.
Tisserands. — D'azur, à une navette d'argent
en pal, la bobine garnie de sable.
Tissutiers-Rubaniers. — De gueules, à une
épingle d'argent posée en pal, surmontée en chef
d'une navette plate, accostée à dextre d'un couteau
à couper le velours et de pmces pour tirer les
dents des peignes, et à senestre d'une paire de
ciseaux, d'une passette et d'une aiguille, le tout
posé en pal et d'argent.
Tondeurs de draps. — D'or, à une paire de
forces * de sable couchée en fasce, accompagnée
de trois chardons ^ de gueules, deux en chef et
un en pointe.
Tonneliers et Déghargeurs de vins. —
D'azur, à un saint Jean-Baptiste à dextre d'or,
et un saint Nicolas à senestre de même, les
visages de carnation.
Tourneurs. — D'or, à un ciseau d'argent
emmanché d'or, accosté de deux roues de même.
Vanniers-Quincailliers. — D'azur, à un
chevron d'or, accompagné de trois vanels ou
vanes de même, deux en chef et un en pointe.
Vendeurs et Contrôleurs de vins. — De
pom-pre, à une fasce d'or, accompagnée en chef
de deux pots d'argent, et en pointe d'un tonneau
d'or cerclé de sable.
Vendeurs de poissons de mer. — D'azur, à
un navire d'or, équipé d'argent, sur une mer de
même ombrée de sinople, dans laquelle nagent
quatre dauphins de gueules.
Verriers-Faïenciers. — D'azur, à un
chevron d'or, accompagné en chef de deux fleurs
de lis de même, el en pointe d'mie touffe de
fougère 3 aussi d'or, mouvante d'une terrasse
de sinople, et un chef de vair de trois tires *.
Vinaigriers. — D'argent, à une brouette ^
de gueules, sur laquelle est un baril de sable
cerclé d'argent.
Vins (Marchands de). — D'azur, à un navire
d'argent posé sur un onde alaisée de même, le
grand mal orne d'un bannière de France firangée
1 Voy. l'art. l<'orc«'tier.s.
* Enijiloycs [Miur le laina^a" «lu drap.
3 l'cndant tivs Innjrteiiips, on employa .surlunt, pour
la fabrication du verre, la potasse extraite des cendres
de fougères.
* On noiiiriie /irr rhaque rangée d'éehi(]ueté.
^ Ils brouettaient eux-mêmes leur vinaigre dans les
rues.
ARMOIRIES DMS CORPORATIONS — ARMURIERS
41
d'or, el surmonlé d'une grappe de raisin de
même, tigée el feuillée aussi d'or, le loulcoloyé
de six navires posés en pal trois el trois.
Vitriers ET Peintres SUR VERRE. — D'argent,
à une fasce en devise alaisée de sahle, accom-
pagnée de trois losanges d'azur, deux en clief et
un en pointe.
Vov. Bannières (Ordonnance des) et
Six-Corps.
Armoyers. Voy. Armoyeurs.
Armoyeurs. Nommés aussi armniers, ar-
moyers et même armuriers . Kn latin, armeatores.
C'étaient des peintres et des brodeurs d'armoiries.
Armoyer sijrnitiait, en vieux français, armo-
rier, blasonner. Jean de Garlande dit, qu'au
Ireizième siècle, les boucliers portés par les
genlilslionunes étaient ornés d'armoiries et de
Kgures endilématiques, lions, fleurs de lis, etc. *.
Froissart -, racontant l'entrée d'Isabeau de
Bavière à Paris, constate que «. la fontaine de la
rue Saint-Denis était couverte de fin azur, el les
piliers qui l'environnoient armoyés des armes de
plusieurs hauts et notables seig'ueurs ». Ce métier
était encore représenté dans l'écurie royale au
seizième siècle ^.
Voy. Blasonniers et Brodeurs.
Armures (Marchands d'i. Voy. Ordon-
nance de janvier 1351.
Armuriers. Il n'y a pas un siècle que le
mol armurier est pris dans le sens qu'on lui
donne aujourd'hui. Antérieurement, les fabricants
d'armes se partageaient en Irois corporations,
subdivisées elles-mêmes à certaines époques,
et dont chacune avait sa spécialité nettement
déterminée. C'étaient:
1" Les ARMURIERS, faiseurs à\irmes défensives^
telles que casques, écus, hauberts.
2° Les FOURBISSEURS, faiseurs alarmes Manches
el di armes (Vhast.
3" Les ARQUEBUSIERS, faiseurs (Varmes défen-
sives à longue portée, telles qu'arcs, arbalètes,
arquebuses, pistolets, etc.
Naturellement, il ne sera question ici que des
premiers.
On verra, à l'article tailleurs qu'il exista
d'abord presque autant de corps de métier qu'il y
avait de pièces différentes dans le costume ; il en
était de même pour ce qui concernait l'appareil
défensif des gentilshommes. C'est ainsi, que du
treizième au quatorzième siècle, nous trouvons
mentionnés, outre les armuriers proprement dits,
des écuciers, des faiseurs de gantelets, des
trtimeliers, des écrevéiciers, des hrigandiniers,
des hauhergiers et des heatimiers *.
Ces sept spécialités représentaient, à peu de
choses près, tout l'ornement défensif des gens
de guerre. Quelle était donc la tâche réservée
aux armuriers ? Les plus anciens statuts du
1 \'ov. Écuciers.
2 É.l'if. Buchon, liv. IV, ch. I.
■* ^ ijy. A. Jal, Dictionnaire critique, \\. 442.
* A oy. tous ces mots.
métier, ceux qui lui furent accordés en 1296
par le prévôt Jean de Saint-Liénart ', n'éclair-
cissenl pas la question. Leur examen porte
cependant à conclure que les armuriers avaient
alors le privilège de fabriquer les pièces de fer
rigides qui commençaient à remplacer la maille.
h)n 1409, les armuriers et les heaumiers furent
reunis en une seule corporation, dont les maîtres
prirent dès lors le litre iV' armuriers-heaumiers - .
Les troubles qui ensanglantèrent Tlle-de-
France pendant la démence de Charles VI
donnèrent à l'industrie des armes une telle
impulsion que la fa])ricali(in locale devint insuffi-
sante. Une ordonnance du mois d'avril 1412 '^
déclare que les ouvriers de Paris « ne pourroient
pas souffire à la centiesme partie des armeures
qu'il convient pour les causes dessusdites * ».
Le commerce des armures fut donc momentané-
ment proclamé libre, tout le monde eut le droit
d'en fabriquer, d'en importer el d'en vendre.
Aussitôt que Charles VII eut pris possession
de son royaume, les armuriers s'empressèrent
de réclamer leurs privilèges, et sollicitèrent de
nouveaux statuts, qui furent octroyés le 27 mars
1451 ^, aux « armuriers, briyandiniers, faiseurs
d'espées, haches, guisarmes ou voulges, dagues
el autres choses ^ louchant rhabillemenl de
guerre ». Faut-il en conclure que tous ces corps
d'étal formaient alors une seule corporation ?
Ce qui tendrait à le faire admettre, c'est que,
comme on va le voir, tous sont placés sous la
dépendance du même seigneur, et que la
surveillance de tous est confiée à deux jurés
seulement.
Quoi qu'il en soit, nul, s'il nVtait fils de maître
ne pouvait s'établir avant d'avoir payé 60 sous
parisis et d'avoir été, après examen, déclaré
« ouvrier suffisant » par les jurés du métier. Les
armures étaient dites d'épreuve ou de demi-épreuve,
suivant leur qualité, el marquées comme telles.
Toute pièce, avant d'être mise en vente, devait
avoir subi la visite des jurés. Ceux-ci.^ aussitôt
élus, faisaient serment « aux saints Evangiles
de Dieu, par devant Polon, seigneur de Sain-
trailles, premier escuier du corps du Roy el
maislre de son escuirie, ou de son commis de
par luy, de bien loyaulment et diligemment
visiter les dits ouvrages ' ».
A l'époque oOi furent rédigés ces statuts, les
perfectionnements apportés aux armes à feu
avaient fort diminué l'utilité des armures^.
Pourtant, elles avaient gagné en souplesse et
perdu de leur poids. Les armuriers qui écrouis-
saient le fer avec une perfection que l'on n'obtient
Dans Deppiii{4', Ordonnances, p. 370.
\'ov. l'^ontanon, Edils et ordonnance^', t. I, [>. ir28.
Dhus les Ordonn. roj/atex, i. X, p. 5.
En rai-son « des grans entreprises, années et
■inblées fie gens d'armes qui ont fait el font contre
s et devant nostre ville de l^aris... ».
13iblioth. nationale, mss. français, n" 21792. F" 1 1'2^.
L'art, o prouve que les arbalétrii<rs étaient compris
s l'ordonnance.
\'oy. l'art. Maître des armuriers.
« Les grands pistolets rendent ces bardes inutiles »,
vait Tavannes au milieu du seizième siècle. Me'moires,
Michaud. p. 191.
dan
7
ecri
éd.
42
ARMURIERS
plus aujounriiui. observèrent les merveilleuses
carapaces de certains animaux, et en particulier
le jeu des articulations dont est pourvue la queue
de l'écrevisse. Ils imitèrent ces modèles fournis
parla nature, et arrivèrent à les reproduire si
ingénieusement qu'une bonne armure permit au
chevalier presque toute la liberté de ses mouve-
ments, et ne le laissa guère vulnérable que par
les armes à feu. Le plus habile jouteur ne parve-
nait pas sans peine à faire pénétrer entre les
jointures d'acier la pointe de son épée, et
Tavannes nous apprend qu'en campagne, dans
les engagements à lariue blanche. « hommes et
chevaux estuient si bien couverts, que de deux
cens meslez, ne s'en tuoit quatre en deux
heures' ». Le matin de la bataille de Pavie.
François P'' essaya « un harnois merveilleusement
fait et fort aisé, tellement qu'on ne l'eust sceu
blesser d'une esquille ou espingle 2 ». L'armure
de la fin du quinzième siècle possède toutes les
qualités qu'un guerrier pouvait lui demander,
légèreté relative, souplesse, formes élégantes et
liien appropriées au corps. (;ar les grands
seigneurs se faisaient alors pre-ndre modèle d'une
armiu'e Comme d'un pourpoint. Quelque liabitués
que nous soyons aujourd'hui à néprouver aucune
gène dans nos vêtements, nous sommes surpris,
si nous endossons une de ces armures, de nous
v trouver presqu'à l'aise; les articulations jouent
sans trop de difficulté ; le poids même qui ne
dépasse souvent pas 25 à 30 kilos-*, se fait peu
sentir, tant il est bien réparti sur tous les
muscles. Mais ces qualités ne s'obtenaient pas
.sans peine, et une armure de ce genre coulait
cher. In harnnis hlanr. c'est-à-dire d'acier poli
sans orufinenl. pour le chevalier et sa monture,
représentait comme prix «mvircm dix milh- francs
de notre monnaie. Le jour où l'on voulut proté-
ger le chevalier (Contre les blessures causées par
le mousquet ou le pistolet, tous les perfection-
nements apportés ù l'armure depuis cent ans
s'évanrtuirent : elle redevint ce qu'elle était au
qualor/iéme siècle, une pesante carapace qui ne
pt-rnietlait à rhf)nnne qu'un petit nombre de
mouvements, et s'il se laissait démouler, le
i-lnuail il terre crimme une masse. Il restait là,
remuiuil bras i-l jambes, aussi incapable de se
rt'h'vrr «|u"iuif' tortue placée sur le dos : alors, des
gens de pied rt'ntouraicnl, s'acharnaient après
lui. H'j'fTorrflieiil ditiiroduire leur voiige ou leur
piqiio sons son armure, et s'ils n'y parveiuiienl
point. finissiiicMl par rassominna coups de hache
ou de Iléati.
Les nrmuriers-lif'Hunu'fTs lin-nl renouveler
leurs .statuts en mars 1502. Ils représentèrent au
roi que les anciens KlatuLs n'étaient plus observés
depuis Inngtomps. m sorte « qun le fait desdites
iirnies, qui consiste os vies de plusieurs princes
•■I seigneurs, est à présent, par gens du ton!
inrxp.Tls di> rnri, vicié l'I corrompu >. La diu-ée
' 1/.
- i'-;
•' I..
niiisco
kilos 20
«■•1. Miclirtucl. |,. 191.
Mrmoirfj. i.f|. Michflud. p. Ti\ .
• '"""t' ' 'nniiuro pom|.lM.. rniaio{;iiô.s nu
■ rlarlilleru- .sous le „" fH pps.nl s..-ulfDU'nl 24
de l'apprentissage fut fixée à cinq ans. Nul
apprenti ne pouvait être admis à la maîtrise avant
d'avoir parfait le chef-d'œuvre. Les fils de maître
en étaient dispensés s'ils avaient appris le métier
pendant cinq ans au moins chez leur père. Chaque
maître ne pouvait, en dehors de ses enfants, avoir
à la fois plus d'un apprenti ; mais, dans toute
autre maison que celle de son père, le fils de
maître comptait pour un apprenti. Chaque maître
flevait timbrer d'une marque spéciale les objets
fabriqués par lui. La veuve pouvait continuer le
conuuerce de son mari et garder son apprenti
jusqu'à ce -que les années de service fussent
écoulées ; mais si elle se remariait, la boutique
était fermée, et les jurés plaçaient l'apprenti dans
une autre maison. Quatre jurés administraient la
corporation.
La décadence de l'armure se précipitait. Les
pièces qui la composaient allaient tomber une à
une, et faire place au justaucorps de buffle ; cela,
en dépit des plaintes de Louis XIII, qui se donna
la fantaisie de conserver un escadron de gendariues
revélus du traditionnel harnais de fer. Sous
Louis XIV, la cuirasse n'est plus qu'un oi'nemeni ;
elle donne au o-entilhomme un air o-uerrier et
lait bien dans un portrait, mais il la laisse au
logis quand il part pour l'armée.
En l(î71, il y avait encore au Louvre un
arnuirier, Bertrand Piraube, logé par le roi *. Il
représentait la corporation, déjà à peu près éteinte.
Des 60 maîtres qu'elle comptailau seizième siècle,
deux seuls restaient en 1718, l'un fils et l'autre
frère du célèbre Drouarl, qui fut le dernier juré
de la comiuunauté. <■• Ils preniieid toujours,
dit Savary ^, la qualité d'armuriers-heaumiers
du Roy et des princes, et ce sont eux qui four-
nissent de corps de cuirasses le B.oy, les princes
et grands seigneurs, soutenant avec honneur la
réputation de leur père ; mais il y a bien de
l'apparence que ce sera peut-être bien-tôt une
communauté de moins dans Paris, n'étant pas
mariez et n'ayant pas même d'apprenti fs ». C'est
ici. en effet, que s'arrête l'histoire de la corpo-
ration. Je n'ai pu trouver l'ordonnance qui
l'aurait réunie aux arquebusiers, et je doute fort
qu'elle existe. Les cuirasses que continuaient à
porter certains régiments de cavalerie étaient
alors fabriquées à Besançon; on en faisait aussi
venir de Suisse.
Les armuriers s'étaient placés sous le patro-
nage de saint George, et leur confrérie avait été
érigée en I5I6 à l'église Saint-Jacques la Bou-
cherie. Dans la chapelle qui lui était consacrée,
ou voyait une statue représentant saint George,
de granrb'ur naturelle, armé de . pied en cap
d'ime arnuu-i' d'acii-r pt)li. et nu)nté sur un cheval
(■apara(;onné à l'anlique''. En 1758, la confrérie
n'existai! plus, i'\ la slalue avait été transportée
hors de l'église, sur le porche situé rue des
Ecrivains.
Voy. Centralisation des métiers.
• Correspondance de Colberf, t. V, p. 527.
2 DicHvnnaire du commerce, t. I, p. 153.
■"• At)l)é Vilain, I/isloire de Saint -Jncque.s la /huclterie,
p. 116.
ÂRPAILLEURS — ARQUEBUSIERS
43
Arpailleurs . « Quflqnes vocabulaires
appellent ainsi ceux qui fravaillenl à la décou-
verte des mines, mais assez improprement ^ ».
Voy. Orpailleurs.
Arpelleurs. Voy. Orpailleurs.
Arpenteurs. Il existai jadis une charg'e de
rrrand arpenteur de France, dont le titidaire
avail droit de commissionner, contre redevance,
des arpenteurs particuliers. Ceci, .sans préjudice
du droit que possédaient les seig'ueurs d'instituer
des arpenteurs sur leurs terres.
l'in lévrier 1554, Henri II nomma directement
des ai'penteurs dans chaque bailliage ou séné-
chaussée de Bretagne ; mais il eut soin de
stipuler qu'il n'entendait pas préjudicier, en
principe, au privilège des seigneurs.
Nouvelle création d'arpenteurs royaux en
1575. Le droit du grand arpenteur est reconnu ;
mais en 1686, on exige que tout arpenteur
nommé par lui devra se taire commissionner par
le roi ; puis, en septembre 1688, sa charge est
supprimée. Elle appartenait alors à Adrien le
Hardi, sieur de la Trousse.
Dès le mois de novembre 1690, le roi crée
cinquante offices d^arpenteurs, jrriseurs, mesti-
reurs de terres, vignes, prés, bois, eaux, lies,
patis et communes.
Par la suite, un arrêt de mai 1702 crée encore
dans chaque bailliage de France deux arpenteurs
jurés, qui sont dits arpenteurs, mestireurs, priseiirs
de terres, pre's, vignes, héritages, bois et forêts.
L'arpent de Paris repré.sentait environ 3.420
mètres carrés.
On trouve les arpenteurs nommés agrimenseiirs,
arpenHers, cordeleurs, gauleeurs, etc.
Arpentiers. Voy. Arpenteurs.
Arquebusiers. Les arquelmsiers succé-
dèrent aux arbalétriers comme l'arquebuse
succéda à l'arbalète.
Vers 1460 apparaît le canon à main qui prend
bientôt le nom de couleuvrine, puis de liacquebute
et enfin d^ arquebuse . Mais, à cette époque,
l'arbalète était devenue, de perfectionnements en
perfectionnements, une arme capable de rendre
de bons services, une arme de précision même
entre les mains d'habiles tireurs. Voici comment,
au début du seizième siècle, Guillaume du Bellay
jugeait l'invention nouvelle : « N'estoit que les
archers et arbalestiers ne peuvent porter sur eux
telle munition pour leurs arcs et arbalesles que
font les harquebuziers pour leurs harquebuzes,
je iouerois autant les gens de trait, tant pour leur
promptitude de tirer, qui est beaucoup plus
soudaine, qu'aussi pour la seurté de leurs coups,
lesquels ne sont guères vains. L'archer ou l'arba-
lestier tuera aussi bien un homme nud ^ de cent
ou deux cents pas loin que le meilleur harque-
buzier ^ ». L'arquebuse fut donc reçue par les
troupes sans enthousiasme, et la transformation
' Savary, Dictionnaire, t. I, p. lôû.
"^ Sans armure.
3 Discipline militaire, 1092, in-8°, p. 21.
de l'armement ne s'opéra qu'avec lenteiu-. Quand
Louis XII monta sur le trône, « nostre infan-
terie, dit Brantôme '. ne se pouvoit encore bien
accommoder à ces harquebuz, et avoit toujours
en singulière recommandation les harballesles ».
Montluc, qui avait eu la moitié de la figure
emportée par un coup d'arquebuse, regardait
cette arme comme « un artifice du diable ^ >>.
Il est certain que les ouvriers français en IVtur-
nissaient de détestables ; les canons, inégalement
vidés, éclataient souvent ; les crosses, mal
cambrées, rendaient Tépatdement pénible el la
justesse du tir difficile à obtenir. Milan, au
contraire, produisait des armes excellentes, et
Brantôme -^ nous a conservé le nom francisé de
maître (îaspard, qui forgeait des canons « si bien
forez, si bien lymez et surtout si bien vuydez
qu'il n'y avoit rien à redire, et estoient très
seurs, car il ne faloit point parler de se crever ».
Malgré tout, ajoute-t-il, « il y en avoit plusieurs
bien mouchez et ballafrez, et par le nez et parles
joues, car la crosse estoit tort longue et grossièj-e,
et n'estoil comme aujourd huy courte et gentile,
et bien plus aysée à manier >^.
Il y avait deux sortes d'arquebuses, V arquebuse
à mèche et V arquebuse à rouet.
La première était pourvue d'une sorte de chien
souvent terminé par une tête de serpent (d'où son
nom de serpentin) ; entre les mâchoires de
l'animal on plaçait une mèche allumée que la
détente faisait abaisser sur le l)assinet. L'arque-
busier portait la mèche enroulée autour du corps
pendant les marches, autour dn bras droit pendant
le combat.
Le mécanisme du rouet, quoiqu'un peu plus
compliqué, est facile à comprendre, même sans
figure. Le rouet était une petite roue d'acier,
cannelée à son pourtour, montée sur un essieu et
fixée au côté droit de l'arme. On tendait le rouet
au moyen d'une clef dite bandage, qui entrait
dans la partie extérieure de l'essieu. Ce mouve-
ment ouvrait le bassinet, en faisant glisser en
avant la coulisse de cuivre qui le fermait ; en
même temps, il entortillait autour de l'axe du
rouet une chaînette de 1er attachée à un ressort.
Un déclic maintenait le ronel en place dès qu'il
était arrivé au bandé. Avec la paume de la main
droite, le soldat abaissait alors jusque sur le rouet
un chien muni d'un silex. Quand on pressait la
détente de l'arme, le rouet, obéissant à l'action
du ressort, décrivait rapiden>ent une révolution
sur son axe, et le frottement des cannelures contre
le silex produisait des étincelles qui enflammaient
la poudre. Comme ce mécanisme était fort sujet
à se déranger, la même arquebuse avail parfois
un rouet et lui serpentin, l'un servant a delaul
de l'autre V
Le diminutif de l'arquebuse lui (l'abord le
I VA. I.alamir. t. V, p. 308.
- Me'iniiires. cilil. Michaud, p. 9.
■t Toiiio VI, \,. 70.
'* Voir l'admirable collection d'armes à rouet réunie
au nm.sée d'artillerie, c'est là que j'ai rédigé la descrip-
tion de leur mécanisme. L'obligeance du conservaleur
m'a permis de constater avec quelle facilité les étincelles
jaillissent du silex sous Taction du rouet.
44
ARQUEBUSIERS - ARROSEURS DU MANÈGE
poiirînal, arme de l'orl calibre dont on appuyait
la crosse sur la poitrine. La pistole, plus courle
encore, se tirait à bras tendu. Le pistolet fut
ensuite inventé par un chef de bande nommé
Sébastien de Corbion et sm-nomraé Pistollet.
Par contre, on commençait à expérimenter le
mousquet, énorme arquebuse, si pesante et si
lon^rue que pour viser il fallait faire reposer le
canon sur une fourche fichée en terre et appelée
/mrquine. Vers 1620, le rouet fut modifié, et
l'on substitua au frottement de l'acier contre la
pierre le choc sur la platine. Enfin, vers 1696,
le mousquet, fort allégé, prit le nom de fusil '.
Peu d'années avant la Révolution, le fusil
empliné par les troupes pesait 9 li\Tes et demie,
et portait jusqu'à 200 toises (400 mètres env.),
« distance prodigieu-se, trouvait-on, et après
laquelle la balle peut encore faire un très t^rand
mal * ».
L'invention de l'jirquebuse avait jeté un
cfM-lain trouble dans l'ancienne corporation des
arêtiers. Les maîtres avaient clianj>;é leur nom
en celui d'artilliers, car le moi artillerie désignait
alors l'ensemble des armes à longue portée '*.
Puis la confection de l'arqueljuse était devenue
le privilège d'une nouvelle corporation, celle
dusarqneljusiers. Erigée en 1575, leurs premiers
statuts datent di\ 23 mars 1576. Le chef-fPœuvre
exigé des aspirants à la maîtrise consistait à
forger tin rouet, puis un canon d'arquebuse long
de trois pieds et demi. « Ce fait, sera ledit canon
éprouvé, y sera mis de la poudre deux fois la
pesanteur de la balle du calibre ordinaire ».
L'article 27 de ces statuts suppliait le roi
d'accorder à la communauté << un certain lieu ou
butte, à celle fin de- faire un jeu de prix tous les
premier> dimanches (bi mois, la où seront receus
les capitaines, gentilsliommes et enfansdela ville
pour y tirer ». L'autorisation ne se fil pas
attendre. Un terrain situé à gauclie de la porte
Saint-Antoine fut concédé à la corporation, et
les maîtres se chargèrent d'exercer au tir les
(ifliciers el les jeunes gentilshommes. Ce terrain,
dit Jardin de» urquehusiers. figure sur tous les
anciens plans de Paris, depuis cehii de (îomljoust
1 647 1 jusqu'il celui de \'erniqiiel 1 1791).
Au mois de mai KilW. la corporation des
«rqiie|»n>iers engloba celle des artilliers, et de
nouveaux slaliils lui furent octroyés. Les maîtres
y sont officielleiiienl désignés sous les noms de
nrquelmsiers-nrriiirs-artilliers- artificiers *. Ces
slJilutsdeltTuiinenl ainsi les armes (|ue les maîtres
elaii-nt autorises ji iiibric|ner. Ils « pourront faire.
• lit l'arlieie 1" « l«iutes sortes d'arbalètres d'acier,
garnies de leurs Uindage.s. arquebuses, pistolets,
hallehirdos et bAlons «i deux bouts ^, les ferrer
et Ips vendre V. On voit que les arquebusiers
commençaient déj« à empiéter sur la spécialité
des rourbift.sein--.
' Voy. larl .Vilimii'UuTît.
- Kneifclo/HfJif mrlhodiatu (1782), arl.s el iuoli.T-> I I
p. 86. ' '
■^ Cl. Fnucht'l, De Corijint des chrraficrs. ji. ô.'j.
* \'oy i.-s Stntuls. rrplrmms el letlres palenlfs il.- la
forfH.ifllii.n, impniiifs .m 17;Ci .1 m 1764 iu-l»
'' HlU.M) r iiv far I., ,l,.iT K.„,i..
A dater de celte époque, la corporation des
arquebusiers parait avoir joui d'un calme parfait.
Vers la fin du dix-huitième siècle, le nombre des
maîtres était de 70 environ : l'un d'entre eux,
nommé Bletlerie, qui fut juré en 1750, prenait
encore le titre (Y ar die r- fléchi er.
Je rappellerai ici que la \ ille de Paris
possédait le privilège de fournir au Dauphin ses
premières armes. En 1785, le futur Louis XVII
en avait reçu un fusil et deux pistolets garnis en
or, qui avaient été fabriqués par l'arquebusier du
roi Lepage, établi rue Richelieu '.
Les arquebusiers étaient placés sous le patro-
nage de saint Eloi. On les trouve nommés
harquebnsiers'. harquehiitenrs. harquebnfiers, etc.
Voy. Artificiers. — Équipement mi-
litaire, etc.
Arrache-persil. Voy. Haleurs.
Ar radieuses. Ouvrières qui, dans les
fabriques de chapeaux, étaient chargées d'arra-
cher \p jarre, poil dur et luisant mêlé à la toison
des castors.
On les nommait aussi Ephicheuses.
Arroseurs. Bien que l'eau ait toujours été
rare à Paris '^ on arrosait les principales prome-
nades pendant l'été. Une Mazarinade publiée en
1649 * nous l'apprend :
L'été, vous faisit'z d'oau de Seine
Arrouser le cours de la Reine.
Les grands tonneaux arrosoirs qui fonctionnent
encore dans nos rues, datent de 1750. Le premier
que l'on vit, traîné par quatre hommes, rafraî-
chir les allées des Tuileries, excita une telle
admiration que Gabriel de Sainl-Aubin s'empressa
de le dessiner ^. Quelques années plus lard,
Pierre Outrequin, qui venait de border nos
botilevards de quatre rangées d'arbres, entreprit
de faire arroser régulièrement la chaussée. Du
coup, il passa grand liomme. Le prévôt des
marchands lui conféra le litre de directeur des
embellissements de Paris, le roi le nomma
chevalier de Saint-Michel, el en 1761, lui
accorda des lettres de noblesse. Enfin, \'oltaire
l'immortfilisa dans ces mauvais vers :
Je conduisois ma Laïs triomphante,
Les soirs d'été, dans la lice éclatante
De ce reniparl, a.syle des amours,
Par Ouln'rjuin rafraîchi tous les jours ••.
Arroseurs du manèg-e. Officiers de la
grande écurie du roi. Pis prêtaient serment entre
les mains du grand écuyer et avaient cent livres
(le gages '.
' Aliiinnnrli Dauphin ]i(iur 1789.
* Statuts de 1.-^76.
•' En IT.n, les aqueducs el les pompes fournissaient
ipK.tidienneni.-nl M.noO muids di; 280 pinte-s chacun,
.sc.il a. fil"). 0(111 lilres pour une population évaluée à près
de 700.000 hahitants. Voy. V Knnjciopêdie méthodique,
jurisiirudenee, t. X, p. 71S.
i l.eltre à Af. le cnrdiiiul, hurleifque, p. 15.
•'■> Son dessin a été reproduit dans le Maqasin jntto-
resoue, 16" année, p. 381.
^ le pniinre diaùte ({"leo), édit . lieueh.l, I. XIV, p. Ifil.
" fJfal de la Fronce pour 1736, t. II, p. 200 et 222.
ARSENAL — ARTILLIL^.RS
45
Arsenal (BAiLLiA(iE de l'). Voy. Salpê-
triers.
Artificiels, Artificiens, etc. Motssyno-
iiyines d'artisans.
Artificiers. Faiseuis de IVux d'artitice.
Bien ([lie l'antiquité ait connu, sinon la poudre,
au moins un niélang'e de soufre, de charbon et
de salpêtre qui y ressemblait fort ; bien que les
Romains du quatrième siècle aient incontesta-
blement vu des feux d'artifice, l'usage de ces
spectacles ne s'introduisit en France que vers le
milieu du seizième siècle. A dater du siècle
suivant, ils deviennent le principal attrait des
fêtes populaires.
Les artificiers ne furent jamais constitués en
ci>rporation. Les maîtres étaient commissionnés,
les uns par la cour, les autres par la municipalité.
Ils avaient, avec les merciers, le droit de
vendre la poudre à tirer, le plomb de chasse, etc.
Toute marcliandise de cette nature trouvée
ailleurs que chez eux devait être saisie. Ils
i-equéraienl, dans ce cas, le bailli de l'Arsenal,
dont la compétence s'étendait sur tout ce qui
concernait la fabrication de la poudre dans le
royaume.
lOn 1705, un incendie se déclara rue Saint-
Antoine dans les ateliers d'un artificier ; celui-ci
péril au milieu des flammes, sa maison fut
consumée, el le feu, se communiquant aux
édifices voisins, faillit détruire l'ég^lise des
jésuites. La police s'émut, et le 15 mai 1706, un
arrêt du Parlement défendit aux artificiers de
s'établir à l'intérieur de Paris *. Un accident
tout semblable ne se reproduisit pas moins, dans
la rue de Seine Saint-Germain en septembre
1724 2.
Au mois d'août 1739, lors du mariag-e
d'Elisabeth, fille de Louis XV, avec l'infant
d'Espagne, le feu ayant été confié à un étranger,
les artificiers de Paris osèrent détruire plusieurs
des pièces préparées par lui. Ils furent mis en
prison ^.
On trouve dans V Encyclopédie méthodique *
la liste des principaux feux d'artifice tirés à Paris
depuis le commencement du dix-septième siècle.
En 1741, on afferma pour dix ans à quatre
maîtres de la capitale le feu qui était tiré chaque
année sur la Seine le jour de la Saint-Louis ^.
Parmi les artificiers du roi dont le nom a été
conservé, je citerai :
Jumeau, qui vivait vers 1620.
Thomas Caresme, mort en 1688.
Denis Caresme, mort en 1700.
Charles-Nicolas Guérin, qui succéda à Denis
Caresme.
A la fin du règne de Louis XVI, les frères
Ruggieri, artificiers du roi, possédaient un vaste
jardin dans la rue Blanche. Ils y avaient établi
1 Delamarre, Traité de la police, t. IV, p. 144.
- Barbier, Journal, t. I, p. 370.
3 Barbier, Journal, t. III, p. 190.
i Arts et iiiétier.s, t. I, p. 169 et suiv.
S Barbier, t. III, p. 307.
un spectacle pyrrique, très fréquenté durant la
belle saison ^ .
Voy. Capitaine.
Fondeurs.
Contrôleurs. —
Artificiers. Vn des titres que prenait la cor-
poration des arquebusiers. Leurs statuts les auto-
risaient, en effet, à confectionner les artifices ù feu
que les archers et les arbalétriers lançaient au
milieu de la cavalerie ennemie. C'étaient en
général des dards, des flèches, des carreaux
terminés par une fusée qui éclatait en frappant le
but, effrayait les chevaux, s'attachait aux harnais,
et jetait le désordre dans les rangs. Les grenades,
les pots à feu employés par l'artillerie se
nommaient également artifices.
Artilleurs. Nom qu'ont porté les fondeurs
de canons.
Artilliers. Successeurs des arctiers. les
artilliers fabriquaient, de concert avec les arque-
busiers, toutes les armes à longue portée, dont
l'ensemble était désigné sous le nom d^ artillerie.
« Tous les instrumens de ject, écrit Claude
Fauchet, s'appelloient engins et artillerie, dont
est demeuré le nom d'artilliers aux faiseurs d'arcs,
flesches et arbalestes, el d'artillerie à tout
instrument qui frappe de loing - ».
Les statuts accordés aux artilliers le 4 mai
1576 établissent encore plus clairement sur quels
objets portaient leur monopole : « Et pourront,
dit l'article 26, les maistres dudit mestier faire
toutes sortes d'arcs, flesches, arbalestes, garrots -K
bandaiges d'arbalestes, harquebuzes, pistolles et
pistollets, piques et lances, affûter el monter
lesdiles armes, faire piques, basions à deux
bouts *, les ferrer et vendre, et tous autres
basions ^ ouvrez en rond ou aux rabots. . . . seuls
el privativement à tous autres mestiers ».
Les arcs devaient être faits « de bon bois d'if
ou autre bois suffisant el bien assaisonné. » On
autorisait la vente des arcs composés de plusieurs
pièces, pourvu que celles-ci fussent « bien
assemblées el collées de bonne colle bien el suf-
fisamment ».
On était tenu de donner aux flèches une
longueur de « deux pieds el demy et deux
doigts ».
On devait employer pour les « feusts ^, du bois
de poirier, cormier, noyer, fresne, .sapin, serisier,
mesirier ^ el autre bois bon el convenable. » 11
faut noter* que la fabrication des fûts appartenait
aux menuisiers ^.
La durée de l'apprentissage était de quatre ans.
On ne pouvait être reçu maître avant d'avoir
parfait le chef-d'œuvre.
• Thiéry, Guide des voyageurs à Paris, t. I, ]>. 144.
2 Cl. Fauchet, De l'origine des chevaliers, p. 55.
•"* C'était le trait de l'arbalète.
i Hampe de bois ayant un peu plus de six pieds de
long, et ferrée en pointe à ses deux extrémités.
5 Toute arme offensive était dite alors un bâton.
6 Fûts.
"' Merisier.
8 Voy. l'art. 78 de leurs statuts.
46
ARTILLIERS - ASPIRANTS A LA MAITRISE
Le tils de maître et l'ouvrier épousant ou la
fille ou la veuve d'un maître étaient dispensés
du chef-i œuvre et tenus seulement de faire
« une expérience simple telle qu'elle sera
indiquée par les jurés, pour montrer de leur
sulHsance ». ...
Chaque maître ne pouvait avoir à la lois qu un
seul apprenti, mais le lils de maître servant
chez son père ne comptait pas comme apprenti.
La veuve d'un maître était autorisée à continuer
le commerce de son mari et à garder l'apprenti
jusqu'à la fin des quatre années ; mais si elle se
remariait à un homme étran<?er au métier, elle
perdait tous ces droits.
Le colportage dans les rues était interdit.
Aucun maître ne pouvait l'aire travailler hors
de son atelier, « si ce n'est par un paouvre
maistre qui n'a moien ni faculté de tenir
boutique, pour luj donner moien de vivre et
subvenir à ses nécessités ».
L'achett'in- avait toujours le droit d'essayer
les armes qu'il voulait acquérir, «, d'icelles tirer
trois coups, si bon luy semble, en la présence
du vendeur, pour sçavoir si elles sont bonnes et
loyales ».
Ouatre jurés administraient la corporation.
.Au mois de mai 1634, la communauté des
.artilliers fut réunie à celle des arquebusiers.
Le tiln- (rartilliers a été porté aussi par les
fondeurs de canons.
Artisans. \('.v. Artistes,
Artistes, l'-in 1762 seulement, ce mol
commt'uct' a prendre, dans le Dictionnaire de
l' Acadniiie. le sens qu'on lui attribue aujourd'hui.
Jusque-lù, c'est un qiuililicatif élogieux qui
s'applique aussi bien aux ouvriers qu'aux
personnes cultivant les arts. Quelques citations
vunt nionln-r conwneiit ce mot a Uni par acquérir
sa signification aclu<dle.
En 1087, le ilocleurN. deRlégny s'intitule lui-
même, en tète de l'un de ses ouvrages ' « médecin
artiste ordinaire du Roy ».
En 1694, l'Académie définit ainsi l'artiste :
' (irluy qui travaille dans un art. Il se dit
particulièrement de (teux qui font les opérations
chyniifpii's. l'ix. Il faut estre un grand artiste
pour préjjariM' h- mercure; ».
\ ers lii même date, Talleuiaiil des Reaux dit du
peintre l)unioulit'r qu'il «<; estoil loge au Louvre
comm*' un célèbre urli.san - ».
l')n 1711). l'arlisle est, pour Kichel<»l, « l'ou-
vriiT qui Iravaillf iivec esprit et avec art •' ».
V.u 1740. r Académie n-pioduit lexluelleuient
SI detinilion de 161M.
Olle-ci se modifie dans l'édition de 1762, où
on lit : «. .Vjitistk. Celui (pii travaille dans un
nrl où le génie et la innin doivent concom-ir.
Ex. V\\ peintre, un architecte .sont des artistes,
il -•• disoil autrefois plus parlieulièrement de
r.ii\ ijiii fuiil Ips opérations chimiques ».
' HistorittUs. l. m. p. 490.
3 Xontrati tiiclioHitaire fronçais.
L'artisax est alors V « ouvrier dans un art
mécanique. Homme de métier ».
Enfin, en 1771, le Dictionnaire ih Trévoux
s'exprime ainsi : « Celui qui excelle dans les
arts mécaniques qui supposent de l'intelligence.
On dit d'un Ijon cordonnier que c'est un bon
artisan, et d'un habile horloger que c'est un
o-rand artiste ».
o
Ascenseurs (Constructeurs d'). Les
ascenseurs paraissent dater du XVIP siècle.
Une Mazarinade célèbre ^ cite, parmi les
curiosités du palais Mazarin « une chaise dans
laquelle si quelqu'un s'assied, par des ressorts
inconnus tirant une corde, il descend ou monte,
les planchers étant percez pour cet effet ».
. Mazarin ne tarda pas à avoir des imitateurs -,
bien que la construction de ces appareils laissât
fort à désirer "^ Ils furent surtout perfectionnés
par l'ingénieux Villayer, un académicien qui
avait plus de goût pour la mécanique que pour
les lettres. Saint-Simon '* lui attribue à tort
« l'invention de ces chaises volantes, qui par
des coidre-poids montent et descendent seules
entre deux murs, à l'étage qu'on veut, en
s'asseyant dedans, par le seul poids du corps, et
s'arrêtent où l'on veut ». Il y avait déjà des
ascenseurs de ce genre à Paris, à Versailles, à
Cliantilly, etc.
Aspirants à la maîtrise. Jadis comme
aujourd'hui, l'ambition bien légitime de l'ouvrier
était d'arriver à travailler pour son compte. De
nos jours, la concurrence est si acharnée,
l'exercice d'un commerce ou d'une industrie
exige des capitaux si considérables que ce but
devient de plus en plus tlifficile à atteindre. Mais
aux treizième et quatorzième siècles, l'ouviùer
intelligent, qui ne pouvait guère, il est \Tai,
(;aresser l'espérance de faire une grande fortune,
était du moins à peu près sûr de conquérir son
indépendance, de s'établir.
Dès son entrée à l'atelier comme apprenti,
l'enfant était membre de la corporation, qui lui
imposait des devoirs et lui reconnaissait des
droits. Il servait ainsi pendant le nombre d'années
fixé par les statuts. Ce temps écoulé, l'enfant
devenu honuiie n'était point tenu de travailler
comme ouvrier, rien ne l'empêchait d'aspirer
aussitôt à la maîtrise, d'acquérir à son tour le
litre de maître.
Encoi'e bu l'alliiil-il prouver qu'il était digne
de Ir porl.T. Ou bii (lemaudait avant tout de
produire ce cpu; nous appelons aujourd'hui un
certificat de bonnes vie el mœurs, de se faire
<^ créable que il soil [n'eud'om el joial •' ». En
général, il suffisail (pie son luailre s'en poi'lùl
«rarani ''.
' Invinlnin- (1rs mt-rreit/i-x du monde rencontrées dans
le pillais du cardinal Mamrin, 1(549, in-'f.
* 'l'ailfiiianl tlos liéau.x, HIsforielles. t. VI, p. 58.
•' \oy. une anecdote raconléo jiar lr'/'«>W(>/rt»(7, p. 159.
i \ules sur le journal de Dnngeau. 1. III, p. 295.
■• y.icre des me'/iers. titre I.XXII. art. 1.
^ Livre des métiers, titre XL\II1 , art. 9. —
G. Depping, p. 40G.
ASPIRANTS A LA MAITRISE
47
Trois conditions étaient encore exigées, que
l'on trouve clairement énoncées dans les statuts
des cordiers : « Il puet estre cordier à Paris qui
veut, pour tant que il sache le meslier, et // a de
quoi, et pour tant que il euvre aus %s et ans
couiiluuiea del meslier ' ». Le candidat à la
maîtrise devait donc comparaître devant les
jurés, leur prouver qu'il connaissait bien le
métier, et qu'il possédait un capital sut'tisant
pour s'étiiblir ; eiitin. prêter le serment d'ol)-
server les statuts de la corporation.
Pour s'assurer de la capacité professionnelle
du candidat, les jurés se Taisaient souvent assister
par quelques maîtres anciens et notables. Eux-
mêmes tenaient leur charge de la confiance des
maîtres et desomTiers, l'examen présentait donc
de sérieuses garanties sous tous les rapports.
« Nus, disent les tailleurs, ne puet lever establie ^,
de ci adonc que ■* li mestres qui gardent le
mesiier * aient veu et regardé s'il est ouvi'ier
souHsant de coudre et de taillier ^, Et s'ils le
treuvent soufisant, il puet establie lever et tenir
ostel comme mestre ^ ». Quiconque, disent les
drapiers de soie, voudra s'établir, <.< il conviendra
que il sache faire le mestier de touz poinz, de
soj, sanz conseil ou aj'de d'autruy, et qu'il soit
à ce examiné par les gardes du mestier ^ ». Les
cordonniers *. les tondeurs de drap ^ . les cor-
rojeurs '" sont tout aussi explicites.
Quelques communautés indiquaient aux jurés
sur quel point devait porter l'examen, et quelle
preuve d'habileté ils devaient exiger du candidat.
Les fourreurs de chapeaux veulent « qu'il saiche
fourrer de touz poins un chapel ^^ » ; les
oublieurs qu'il soit capable de faire en une
journée mille des petits gâteaux appelés nielles :
« un mil de nieles le jour au mains ^- ». Il faut
voir là l'origine du chef-d'' œuvre.
Dans la plupart des métiers, on n'avait rien à
paver pour s'établir. On disait alors que le
métier était franc ou libre., et les statuts s'ex-
priment alors le plus souvent ainsi : « Quiconque
veut estre forberes ^'^ à Paris, estre le puet
francliement ^* », ou encore : « Il puet estre
chanevacier à Paris qui veut franchement ^■'' ».
Pour les autres métiers^", il fallait acheter le
droit de les exercer soit au roi, soit aux per-
sonnes à qui le roi avait concédé ou affermé ces
revenus. Dans ce cas, les statuts emploient la
formule suivante : « Nus ne puet estre poulaillier
^ Livi'e des métiers, tiln? XIII, art. 1.
^ S'établir. On disait plus snuvoni lever le nieller.
■'* Jusqu'à ce que.
'* Les jurés.
S C'est ce que nous apjK.'lons aujourd'hui couper.
*» Livre des métiers, titre LVI, art. 8.
"^ Livre des métiers, titre XL, art. 1.
8 Livre des métiers, titre LXXXIV, art. 10.
9 Statuts de 1384, art. 1.
10 Statuts de 1345, art. 3.
11 Livre des métiers, titre XGIV, art. 7.
1- Statuts de mai 1270, dans G. Uepping, p. 350.
13 Fourbisseur.
1^ Licre des métiers, titre XGVII, art. 1.
1^ Livre des métiers, titre LIX, art. 1.
16 Ils étaient au nombre d'une trentaine tout au plus
vers 1268. Voj-. le Livre des métiers.
à Paris, se il n'achate le mestier du Roy. Et le
vent cil qui l'a acheté du Roy, à l'un plus et à
l'autre mains, si come il li samble boen ^ », ou
celle-ci : « Nus ne puet peschier ^ en l'iaue le
Roy •', se il n'achate l'iaue de Guerin du Bois,
à cui ancisseur '^ le roi Phelippe •' le dona en
éritage. Et le vent cil Guerin à l'un plus el à
l'autre mains, si come il li sendjle bon ^ ». Le
prix d'achat n'était pas toujours ainsi laissé à
i'arbilrain; du vendeur, el les statuts oui souvent
soin d'indiquer h' (;liifire auquel il avait été fixé.
Nul, disent les çavetonniers, ne peut s'établir « se
il ne paie XVI s. pour le mestier au Roy ; des
quex XVI s. li Rois a doué X s. à son mestre
chambellant et VI s. au chamberier de France ».
Ces sommes étaient perçues soit par les receveurs
du domaine, soit par le mandataire (hi conces-
sionnaire.
La troisième formalité exigée des candidats à
la maîtrise était le serment. On le prêtait sur
l'Evangile ou sur les reliques d'un saint, en
présence du prévôt de Paris, des jurés ou de
plusieurs maîtres. Si le candidat était « mal
renommé » ou soupçonné « d'aucune vilonie »,
à ce moment encore la maîtrise pouvait lui être
refusée ^.
Même dans les métiers où la maîtrise était
gratuite, il ne faut pas croire qu'elle ne coûtât
au candidat qu'un serment. Il lui fallait encore
donner des vingt sous, des cinq sous, des douze
deniers, etc., destinés au service de la confrérie,
aux témoins de la réception, à former un fonds
de secours pour les malades, enfin à se rafraîchir
un peu entre amis ^ . Tout cela, sans préjudice
de V aboivrement et du past ^, deux bons repas
qu'il était forcé d'offrir à ses nouveaux confrères.
Mais à ce moment l'aspirant avait été reçu
maître.
On découvre, dès cette époque, l'origine du
compagncmnage dans l'obligation imposée à
l'apprenti libéré de faire un stage comme ouvrier
avant de pouvoir s'établir et jouir de toutes les
prérogatives accordées aux maîtres. C'est,
d'ailleurs, encore au treizième siècle une très
rare exception. Les faiseuses d'aumônières
veulent que l'apprentie ne soit admise à s'établir
qu'un an et un jour après qu'elle aura terminé
son apprentissage : « Nulles des ouvrières ne
pueent estre mestresses oudit mestier jusques à
tant que elle ait esté un an et un jor à lui puis
que elle aura fait son terme, pour ce qu'elle soit
plus soulille ' " de son mestierfaire '^ ». Il en était
de même chez les tisserandes de soie ^^ et chez
1 A l'un jilus, à l'autre moins, comme il lui seinlilebon.
2 Pêcher.
3 La partie de la Seine qui appartenait au roi. \'oy.
l'art. Pêcheurs.
4 A l'ancêtre de qui.
u Philippe-Auguste.
6 Livre des métiers, titre XCIX, art. 1.
'' Voy. l'art. Serment.
8 Voy. l'art. Pourboire.
9 Voy. ces deux mots.
10 Habile. — « Plus soutive », disent les tisserandes
de soie.
11 Statuts de 1299, dans Depping, p. 384.
12 Livre des métiers, titre XXXVIII, art. 1.
48
ASPIRANTS A LA MAITRISE
les épingliersi. Les boulangers exigeaient de
l'apprenti libéré un stage de quatre ans, et ce
temps écoulé ils procédaient solennellement à
son installation.
L'iinp(jrtance que prit peu à peu la maîtrise
en rendit l'accès de plus en plus difficile. Si
l'on .se rappelle les multiples formalités imposées
à l'enfant qui se présentait comme apprenti,
puis au jeune homme voulant servir comme
ouvrier, on ne s'étonnera pas de voir la corpo-
ration se montrer exigeante vis-à-vis de celui
qui briguait le litre envié de maître.
Il fallait être Français ou naturalisé. Les
boulangers excluaient même « les Suisses établis
en France ». Il est vrai qu'ils excluaient aussi
« les fils de France, princes du sang, ducs et
pairs * ». Mais cet article, qui pourrait donner
une haute idée des charmes qu'offrait alors le
métier, est certainement un souvenir de l'auto-
rité exercée sur les boulangers par le Grand
panetier. autorité à larpielh^ le duc de Brissac ne
renonça qu'en 1711.
Le candidat devait être enfant légitime et
produire un certificat de bonnes vie et mœurs.
Les vergetiers prennent soin de nous prévenir
qu'on repoussait tout compagnon ajant attenté
« à l'honneur des femmes de leur maistre, filles,
parentes ou servantes de leur maison ■* ». En
1594, les orfèvres refusèrent de recevoir un
fils de maître « en raison du dérangement de
ses mœurs * ». Le fait est assez étrange et assez
rare pour permettre de supposer que ce mauvais
sujet avait alors perdu son père. Les lingères
veulent (ju'on repousse « d'ores en avant aucunes
iVmmt's ou lilles blasmées ou scandalisées de leur
corps"* ; i> et les bouquetières déclarent déchue
de son litre toute maîtresse « convaincue d'avoir
l'ail faille en son honneur" ». Ce que l'on sait
de l'histoire de ces deux communautés prouve
(|u'ell»»s eussent été à peu près dépeuplées si
l'on eût olwfTvé trop à h\ lellre ces dures pres-
criptions.
L'édit df 1081 avait défi'iidu de conférer la
maîtrise ii loiil candidat avant moins de vinsrt
ans 7. Les coinmiiiiiiulés a|>pli(iuèrent cette règle
au rompagiion (pii se pn-spiilail , mais ils se
ganii-reiit bien de l'opposer au fils de maître ;
celui-ci éliiit reçu à loiil âge, même à quinze
ans ", iiii^ine au-dessous de cet âge, « afin de lui
conserver rélablissemenl de ses père et mère »,
xi ceux-ci étuieiil décèdes". Les ferrailleurs
adnielhiienl les lils de maîlre ù vingt ans, les
i-ompjijçnuiis il vingt-cinq ans seulement ; les
uns el les iiulres devaient être mariés ^". Les
maréchaux recevaieni le lils de maîlre à vingt-
qiinlre ans seulement, si ses parents vivaient
' /.irre Hm m/titrt, litrr» lA, hpI. 4.
' St«lul.H i\r I7.tft, nrl as).
^ .Siniiiij. ,1,. icr.». nrl. aj.
^ bruy. |. 82.
■• Stnliits <li< 148".. nrl. 1
'■• Stntiii.H d,. ifliK, nrl. 10
' .\rti.-|.< 18.
" lt<>urr>>licni, arrêt (lu ir>janvi.r l~ll
'•» ( :iiar<<u(ii<r!<, slatiils «l.> 1745, art. 1 I
»» Slatnl-s ,\r lrt86, arl IV .1 13
encore, dès dix-huit ans s'il les avait perdus ^
Enfin, l'édit d'août 1776 fixa l'âge minimum
de l'admission à vingt ans pour les hommes et à
dix-huit ans pour les femmes ^.
L'article 2 des statuts donnés aux apothicaires
en 1353 exige que les maîtres sachent « lire
leurs receptes ». Henri II, par édit de mai 1554,
défendit de recevoir aucun orfèvre qui ne sût
<^< lire et écrire "^ ». La corporation protesta, disant
avec raison qu'il pouvait se rencontrer des sujets
très habiles dans leur art et n'ayant pas eu le
temps d'apprendre autre chose. Le roi céda, et
l'on se contenta de demander aux candidats
qu'ils sussent lire. En 1639, les limonadiers ne
reçoivent que des compagnons sachant lire et
écrire *. En février 1651, sur vingt-deux maîtres
maréchaux réunis en présence du prévôt de
Paris, deux seulement déclarent « ne sçavoir
escrire ny signer ^ ».
hïn 1660, on exige des jurés qu'ils sachent
« lire et écrire autant qu'il convient à ladite
cliarge ^ ». En 1686, tout aspirant imprimeur-
libraire ou relieur doit « estre congru en langue
latine et savoir lire le grec, dont il sera tenu de
rapporter le certificat du recteur de l'Univer-
sité "^ ».
Les boulangers n'admettaient un compagnon
à la maîtrise qu'après avoir constaté « qu'il n'est
attaqué d'aucun mal dangereux qui se puisse
communiquer^ ». Les vinaigriers lui demandaient
également d'être « sain de sou corps et net dans
ses habits ^ ».
C'était une règle à peu près générale de
n'admettre à la maîtrise que les apprentis de
Paris •". Un relieur, nommé Pierre des Vignes,
ayant été reçu maître, bien qu'il eût fait son
apprentissage en province, un arrêt du 26 mai
1615, confirmé par sentence du prévôt du
14 mars 1618, lui interdit d'engager aucun
apprenti et d'occuper aucun ouvrier, « et néant-
moins, sans tirer à conséquence, est permis
audict sieur des Vignes d'exercer ledict estât de
relieur ^^. » Toutes les communautés ne se
montraient pas aussi sévères. Les écrivains se
bornent à exiger que le candidat « ait habité
Paris pendant trois mois au moins ^^. » Les
couteliers ^■■', les fourbisseurs ^*, les plombiers ^^,
I Statuts do 1G51, articles additionnels.
i .\rticle 12.
•■I .Vrlicie 1.
'» Article va.
■' Miljliotli. iialionale, m.ss. français, n" 21.790, f" .38.
Ji 'railli'iir.s, .sliiiiiis de ICCO, art.' 24.
'' StatiUs, arl. 40. — Pour le.s relieurs, ail. .".
>♦ Statuts de 10.59, art. 11 ; de 174fi, ail. IC.
'•' Statuts d.. 15.^1», art. 12;del5«7, art.. M: de Ifi.'S,
art. 2.
I» l'âli.ssiers, .slatut.s de 1500, art. 1. Lapidaires,
.statuts de l.'JS.'i, art. 2. Libraires, statuts de 1018,
art. 17. Menuisiers, .statuts de 104.5, art. 11. Horlofi-ers,
statuts de 1640, arl. 8. Chai)eliers, statuts do 10.58,
art. 4. (Jouturièros, .statuts de 1075, art. 4.
" \ oy. L. \^(i\iQ\\o\, Recueil des statuts elrèylemens des
iiiarclwHds liliraires. impi-imeurs el relieurs de Paris,
ai-t. 22. j». 23.
'2 Statuts de 1570, art. 10.
':• Statuts de 1505, ait. 5.
'* Statuts de 1627. art. 37.
IS Statuts de 1048, art. 10.
ASPIRANTS A LA MAITRISE — ASTROLOGUES
49
etc., lui deiiiaudent de servir un maître de Paris
pendant deux ou trois ans.
L'article 6 de l'édit de décembre 1581 avait
accordé aux maîtres reçus à Paris le droit de
s'établir dans toutes les villes du royaume. Ce
privilèg-e l'ut renouvelé par un arrêt tlu 23 janvier
1742 qui, je ne sais pourquoi, lit une exception
à l'égard de la ville de Rouen.
Le compagnon qui remplissait toutes les
conditions que je viens d'énumérer devait encore,
avant d'être reçu maître, donner une preuve de
son habileté dans le métier qu'il exerçait. Il
otfrait donc d'exécuter le travail, quel qu'il fût,
qui lui serait désigné, et ce travail portait le
nom de chef-tf œuvre . Dès la fin du quinzième
siècle, il est exigé par presque toutes les corpo-
rations, et il ne sera plus supprimé que par
l'Assemblée nationale en 1791. *
Voy. Chef-d'ceuvre. — Corporations,
etc., etc.
Asseeurs et Asseieurs des Tailles. Voy.
Asseyeurs.
Assenciers. Voy. Accensiers.
Asseyeurs des tailles. Quand le roi
ordonnait une levée de deniers, il fixait le
montant de la somme qu'il voulait obtenir, et les
habitants s'imposaient eux-mêmes au prorata de
leur revenu. Trente ou quarante bourgeois
« bons et loiaux, » pris parmi les plus riches et
les plus considérés, choisissaient à leur tour des
répartiteurs dits a*«(?y^«r*, asseieurs, asseeurs, etc.
Ceux-ci juraient « sur les saintes Evangiles que,
bien et diligeamment, ils asserront ladite taille,
ne n'espagneront nul, ne n'engraveront nul en
quelque manière que ce soit ^ ».
Assureurs de contrebande. Le décret
du 18 octobre 1810 les assimile aux « entre-
preneurs de fraude en marchandises prohibées. »
L'article 15 veut qu'ils soient « punis de dix ans
de travaux forcés et de la marque des lettres
V. D. 2 ».
Assureurs contre l'incendie. C'est au
dix-huitième siècle seulement que l'on se préoc-
cupa sérieusement de créer une assurance contre
l'incendie. Vers 1770, une société établie à Paris
se chargeait de faire ramoner les cheminées de
ses souscripteurs, et « moyennant une modique
somme qu'on paieroit tous les ans » proposait
« d'indemniser et de se rendre garant envers les
propriétaires des dommages qu'ils auroient
souiferis pour les incendies arrivés à leurs
maisons^ ». L'innovation n'eut aucun succès, et
la société dut liquider.
En novembre 1786 et en novembre 1787, des
arrêts du Conseil autorisèrent l'établissement de
1 Voy. Ducange, Glossaire , au mot tallia , et les
Ordonn. royales, t. 1, p. 291.
2 M^'I•lin, Répertoire de jurisprudence, t. III, p. 104.
3 Jaubert, Dictionnaire, t. IV, p. 533.
deux compagnies nouvelles ' , qui ne survécurent
pas à la Révolution.
Assureurs maritimes. L'ordonnance
d'août 1681 sur la marine permet « de faire
assurer les navires, marchandises et autres effets
qui seront transportés par mer et rivières ^ », et
l'édit du .31 mai 1686 créa à Paris « une
compagnie générale des assurances ^ ». Une
autre société de ce genre, datant de janvier 1750,
paraît avoir prospéré ; au début de la Révolution,
son bureau était établi rue de la .Tussienne.
Assureurs sur la vie. Le 3 novembre
1787, un arrêt du Conseil autorisa la création
d'une compagnie d'assurance sur la vie ; un
second arrêt, daté du 26 juillet 1788, confirma le
privilège qui lui avait été accordé *.
Cette compagnie sombra pendant la Révo-
lution.
Astomates (Constructeurs d'). Voy.
Automatistes .
Astrologiens. Voy. Astrologues.
Astrologues. Tous les secrets du ciel leur
étaient dévoilés, et ils en vinrent à transformer
le corps humain en un véritable système sidéral.
Ainsi, suivant la doctrine de Corneille Agrippa,
le célèbre médecin de Louise de Savoie ^ :
Le Soleil préside au cerveau et au cœur, aux
cuisses, aux moelles et à l'œil droit.
Mercure préside à la langue, aux mains, aux
jambes et aux ne:*fs.
Saturne préside au sang, aux veines, aux
narines et au dos.
Vénus préside à la bouche, aux reins et aux
organes génitaux.
La Lune s'attribue tout le corps, mais plus
particulièrement le cerveau, l'estomac et les
poumons "'.
Marsile Fi(ùn, qui avait fait du zodiaque une
étude approfondie, nous apprend à son tour que •
Le Bélier préside à la tète et à la face.
Le Taureau, préside au cou.
Les Gémeaux président aux bras et aux épaules.
Le (lancer préside à la poitrine et à l'estomac.
Le Lion préside au cœur, au foie et au dos.
La Vierge préside aux intestins.
La Balance préside aux reins, aux cuisses et
aux fesses.
Le Scorpio7i préside aux organes génitaux
internes.
Le Sagittaire préside aux organes génitaux
externes.
1 Isaiiibert , Anciennes lois françaises, t. XXVIII,
p. 269 et 463.
2 Titre VI. Dans Lsambert, Anciennes lois françaises,
t. XIX, p. 322.
3 Dans lsambert, Anciennes lois françaises, t. XIX,
p. 550.
4 lsambert, Anciennes lois françaises , t. XXVIII,
p. 463 et 604.
^ Mère de François I^f, Agrippa mourut en 1535.
6 C. Agrippa, Philosophie occulte,. 1727, in8-", t. I,
p. 62.
50
ASTROLOGUES
Le Capricorne préside aux «genoux.
Le Verseau préside aux jambes.
Les Poissons président aux pieds *.
Les comètes tiennent aussi les pauvres mortels
dans leur dépendance, et ag-issent en sens divers
selon les rapports qu'elles contractent avec telle
étoile ou telle signe du zodiaque. Le jour et
l'heure de notre naissance nous placent sous la
domination spéciale d'un astre, dont nous
sonmies condamnés à partager la constitution,
et qui régnera sur nous (ant que nous resterons
dans ce monde.
Planètes, signes du zodiaque, comètes sont
donc répandus dans l'espace exclusivement pour
nous, et ils usent de leur pouvoir soit pour
nous protéger, soit pour nous nuire. Il semble
que cliacuii de nos organes soit lié à eux par des
fds, ([ii'ils Ibnt mouvoir tantôt à leur volonté,
tantôt en vertu de lois précises dont les astro-
logues oïd pénétré les mystères.
On comprend de quel secours était une
pareille science dans le traitement/ des maladies,
par exemple. Aussi tout médecin devait-il être
doublé d'un astronome. Le ciel avait été divisé
par eux en douze maisons^ correspondant aux
douze signes du zodiaque, et que parcouraient
successivement les sept planètes alors connues.
Il y avait dès lors des conjonctions fâcheuses et
des conjonctions favorables ; le grand art du
médecin était de les déterminer et d'en tenir
compte pour organiser le traitement. Une
blessure au bras reçue pendant que la lune
.séjournait dans le signe des (xémeaux était par
cela seul très dangereuse. Dans les mêmes
conflitions sidérales, il fallait s'abstenir de toute
saignée. « Les chirurgiens ont ob.servé que bien
souvent il survient mal au bras après que la veine
a esté ouverte duraid le temps que la lune passoit
sous le signe des (îémeaux - ». Quand Louis XI
octroie de nouveaux stfituts aux barbiers, méde-
cins et chirurgiens, il ordonne que ciiacun d'eux
ail chez soi, en manière de codex, le calendrier
de l'année •'*. Avant de prescrire un médicament
ou de faire une opération, ils pourront ainsi
s'assurer ([ue la situation de la lune est favorable.
Le médecin appelé auprès d'un malade
commençait par ét<iblir son diagnostic puis il
étudiait l'étal du ciel. S'il se trouvait, par
PXPUJple, en présence d'une alleclion de poitrine,
et que la lum- fût dans le signe du (lancer, il
u't»rdonnail aucun IrailcintMit juscpi'ii c»- ([u'clle
TeiU (|uillé.
L<'s Hsiros f xerçaient aussi hnir action sur les
piailles niédicinnh's, dont les elTels élaient tout
diiïer.-nls. suivant qu'elles avaient été récollées au
luornenl cl.« in pleine liuie ou durant li' premier
quarlier. L<'s plantes ejh-s-nièmes témoignaient
d'alïmiU's pour cerlains organes déterminés. Des
ressendihince.s imaginaires, des particularités
<!.• l.iir couformalion les avaient fait considérer
' Œurrts lrn<l. pnr i|i> In Bonlorie. l.'jKa, p. ivn.
'Cl. Dori..!, Dr la prrpnrnIioH des iiièdifameiis, 1589
p. 217. ' ' '
«Onlonn. <lo janvier Hfi5, <lans l.s ftniunn. rouale^
t. XVI, p. jr.ît •' ''
comme efficaces dans telle ou telle maladie.
L'echium vulgare étant tacheté comme la vipère,
on le nomma vipérine, et on le prescrivit contre
la piqûre des serpents ; la pulmonaire était un
spécifique des affections du poumon, et le suc
jaune de la grande chélidoine passait pour sou-
verain contre les maladies du foie. C'est ce que
l'on appelait lu doctrine des signatures *.
Le sage roi Charles \ ne prenait aucune
détermination sans avoir consulté sou astrologue
en titre Thomas de Pisan, père de la savante
Christine. Ses successeurs agirent de même.
Simon de Pliarès, ^< astrologue royal » de
Charles VIII, a dressé une liste curieuse de ses
confrères.
M. Jal a retrouvé les noms de quelques-uns
de ceux qui furent attachés officiellement à la
personne de Charles VII, de Louis XII et de
Henri III -. Tous étaient qualifiés « asirologien
et médecin », et recevaient, outre leur émolu-
ments, d'incessants témoignages de la faveur
([ue leur accordait leur maître.
Charles VII possédait deux astrologues en
titre.
Angelo Cattho, archevêque de Vienne et
aumônier de Louis XI, avait conquis les bonnes
grâces du roi par son habileté à prédire l'avenir.
Louis XI en consultait bien d'autres, qui riva-
lisaient d'influence à côté de Tristan l'Hermite,
d'Olivier le Dain et de Coitier. Pierre Chomet et
Jacques Lhoste , Jehan d'Orléans, François
Patenostre et Jacques Cadot sont mentionnés
dans les comptes royaux, les uns comme
« médecins et astrologiens, » les autres comme
« astrologiens et chirurgiens » du roi.
Catherine de Médicis , nièce du pape
Clément VII, accordait une confiance .sans bornes
aux pratiques de l'astrologie. Elle avait amené
en France avec elle un sieur Luc Gauric, devin
de profession, qui tira l'horoscope de Henri II.
Le peu de succès qu'obtinrent ses vaticinations
le décidèrent à regagner Rome, oi\ le pape
Paul III le fil évêcjue de Civita Ducale. Catherine
lui donna pour successeur Michel de Notre-
Dame •', savant docteur de Montpellier, cjui
exerçait la médecine dans le midi avec autant de
désintéressement que de succès.
Henri IV lui-même, le fin et sceptique
Béarnais doit figurer sur cette liste des adeptes
de la science astrologique. Au moment de la
naissance du Dauphin, il chargea le docteur
i-{och le Haillif, sieur de la Rivière, de tirer son
horoscope, et cette opération fut plus tard récom-
pensée par le litre de pi-emier médecin du roi.
Héroard, ([ui venait d'être nommé premier
médecin du Dauphin, n'oublie pas de meidionner
dans son Journal c[ue le petit prince est né « le
27 août 100 1. quatorze heures dans la lune
nouvelle, ù ilix heures et demi et demi quart * ».
Il nous apprend aussi que, durant sa grossesse,
la reine « tlemandoil souvent combien on tenoit
' tiroiissais, Doctrines médicales, I. 1, \\. 300.
* Dicltonnnlre crl/l(/iie. art. Aslrologfues.
3 En latin Nostradamus.
i 'r<imc' I, p. 2.
ASTROLOdUKS — AT0UKNMHESS1<;S
51
d»! la lune, crai^-iianl «raccoucher d'une lille,
sur l'opinion vulii;aire (|ue les femelles naissent
sur le (lécours et les niàles sur la nouvelle
lune ^ ».
Pendant très l()no;lenips encore, toutes les cours
de l'Europe possédèrent un astrolojj^ne en titre,
et il ne naissait pas un personnag'e de rpielque
importance sans que l'astroloo^ue I'ùl appelé à
tirer son horoscope.
A la cour comme à la ville, l'aslrolog'ie
n'avait rien perdu de son crédit sur la fin du
dix-septième siècle, les astres continuaient à
exercer ime action directe sur l'humanité, qui
devait compter sans cesse avec les malins aspects
des planètes, leurs conjonctions favorables ou
fâcheuses. En 1058. François Thévenin, chirur-
g'ien ordinaire du roi, professait que la saignée
est contre indiquée « au premier et au dernier
quartier de la lune ^ ». En 1688, le docteur
Ant. Porchon publiait son traité De la nécessité
de V astronomie pour étudier la médecine. A cette
époque, les chirurg'iens croyaient encore que
l'opération de la taille ne pouvait réussir qu'au
printemps et en automne. Les médecins esti-
maient aussi que l'usage des eaux minérales
devait être restreint aux mêmes saisons, « que
dans les autres elles étoient mortelles. » Dionis
combat ces deux opinions, mais il déclare que
l'opération de la cataracte ne saurait être faite
sûrement qu' *,< au printemps et à l'automne, et
au déclin de la lune ^ ».
Le sceptique Gui Patin, l'ennemi acharné des
charlatans, des alchimistes et des astrologues,
n'en écrit pas moins à son ami le médecin
Charles Spon : « Un peu de soin que vous
apporterez à l'éducation de votre petit nouveau-né
le garantira des accidens dont vous craignez
qu'il soit menacé pour être né dans la nouvelle
lune * ». Il a soin de constater aussi que Scaliger
est mort « la veille d'une éclipse ^ ». *
Voy. Devins.
Astromanclens. Voy. Astrologues.
Atacheeurs. Voy. Atachiers.
Atachiers. La Taille de 1292 cite sept et
celle de 1300 six atachiers ou atacheeurs. Leur
métier consistait à fabriquer les petits clous à
tête décorée qui, sur les ceintures de cuir ou
d'étoffe, fixaient les ornements, la boucle et le
mordant.
Le mordant ^ était la plaque de métal qui,
placée à l'extrémité de la ceinture, en facilitait
l'introduction dans la boucle. On laissait alors
pendre parfois la ceinture jusqu'à terre ; le
1 Tome I, 1.. 4.
2 II ajoute ; « Faut encore que le ventre ait vuidé
ses superfluitez, cause à que la nature abhorrant le vuide,
les veines succeroient et se rempliroient des excrémens
retenus ». Œuvres, 1658, p. 30.
3 Opérations de chirurgie, édit de 1714, p. 157.
i Lettre du 1 mars 1651.
^' Lettre du 8 janvier 1650.
*> En latin morducium, mordanhcs, morsus. Ducange se
trompe quand il traduit mordacium par agrafe.
mordant, toujours large et lourd, l'empêchait
de s'enrouler si elle était en peau, de flotter si
elle était en étoffe.
Les statuts des atachiers leur permettent
seulement l'emploi du fer, de l'archal, ilu laiton
et du cuivre. L'apprentissage durait huit ans
pour l'enfant sans argent, six ans pour celui qui
pouvait disposer de vingt sous. Mais une très
sage disposition, dont je n'ai pas trouvé d'autre
exemple, n'autorisait le maître à prendre un
apprenti que s'il avait en même temps un ouvrier;
on voulait, qu'en cas d'absence de son maître,
l'apprenti ne restât pas sans surveillance. 11 était,
en outre, interdit d'engager un apprenti avant
d'avoir été établi pendant un mois et un jour au
moins *.
On trouve encore, dans la Taille de 1292,
deux estacheeurs, que Géraud assimile aux
atachiers ^.
Les atachiers ne figurent plus dans VOrdon-
7iance des Bannières (1467).
Voy. Cloutiers.
Athlètes. Voy. Hercules.
Atireeurs de busches. Cette profession
m'est fom-nie par la Taille de 1292. Il s'agirait,
dit Géraud, de gens qui se tenaient sur le
bord de la rivière lorsque les eaux étaient
grosses, et qui tiraient sur le rivage les bois
qu'elles charriaient ^.
Atourneresses. Ce mot désignait, au
moyen âge, des coiffeuses de femmes *, et aussi
les ouvrières qui confectionnaient les atotirs,
mot générique par lequel on désigna, du
quatorzième au quinzième siècle, les riches
coiffures des dames, les escoffions et les hennins
entre autres.
Les uns et les autres firent leur apparition
vers la fin du quatorzième siècle, « et quelque
guerre qu'il y eut, écrit Juvénal des Ursins,
tempestes et tribulations, les dames et damoi-
selles menoient grand et excessif estât, et cornes
merveilleuses, hautes et larges. Et avoient de
chascun costé deux grandes oreilles si larges
que, quand elles vouloient passer l'huis d'une
chambre, il falloit qu'elles se tournassent de
costé et baissassent, ou qu'elles n'eussent pu
passer. La chose desplaisoit fort à gens de bien ^».
L'escoffion représentait une sorte de coussin
revêtu d'une résille et presque toujours enrichi
de joyaux. Le cou.ssin était souvent remplacé par
des bourrelets d'étoffe ou même de linges em-
pesés, ce qui permettait de varier la forme de
l'a tour ; on eut des escoffions en cœur, en trèfle,
ù cornes, etc. ". Eustache Deschamps, dans une
jjallade célèbre, reproche aux femmes de son
temps les continuelles variations de leurs
1 Litre des métiers, titre XXV.
2 Paris sous P/iifi/jj)e-le-/lel, p. 508.
:t Bàles de la Taille de 1292, p. 485.
4 ^'oJ. l'art. Coiffeurs.
5 Histoire de Charles VI, édit. Michaud, p. 533.
S Voy. Montfaucon, Monumens de la monarchie, t. III,
p. 68, et t. IV, p. 60.
52
ATOURNERESSES
coiffures, et leur fait observer que le cerf change
1h sienne seulement une fois par an :
L'en voit les ccrs nalureleruent niui-r
L'an une foiz le merrien de leurs testes,
Et leur souftist un an cellui porter
Sanz changement. Mais les dames sont prestes
I) .-ntrechajigier aux jours communs, aux festes
L'abit des chiefs en estrange manière •.
Le mol escoffion et son diminutif scoffion
restèrent dans la langue jusqu'au dix-huitième
siècle -. En 1654, Mazarille dit encore à Célie :
D'abord leurs seoftions ont volé sur la place 3.
Sous l'influence d'Isabeau de Bavière, les
atours prirent un énorme développement en
liaulf'ur, préparant ainsi l'avènement du hennin,
coiHure de dimension extravagante, seyante
pourtant, et dont on a peut-être trop médit.
Elle se composait, comme on sait, d'un cornet
tf'rminé soit en pointe, soit en cône tronqué, et
MM- l<-(jiu'l flottait un voile, dit flocard, qui
descendait au moins jusqu'au Las des reins. Les
Jjcjurireoises se conleniaienl d'un petit hennin de
■ • 1
cinquante à soixante centimètres ; mais les
grandes dames ne craignaient pas d'arborer de
nobles hennins élevés d'un mètre, et aussi
d'exagérer la longueur du voile. « Les femmes,
dit Louis Gujon * couvroyent leur teste d'un
haut bonnet, pointu comme un pain de succre,
et il y avoit des basions dedans pour luy faire
garder sa forme, qui estoit coustumièrement de
couleur violette ou rouge, de matière de drap
pour les vulgaires, et de taffetas, de satin ou de
veloux pour les nobles et illustres. Et conte-
noyeul tous leurs cheveux soubs ce chapeau
p(jintu. El y avoit une bride qui passoit soubs le
cul pour le faire tenir, car le vent l'eust fait voler
à tout coup. Mais il avenoit souvent que, passans
il cheval scjubs des arbres ou lorsqu'elles vouloient
entrer dans des logis où les portes estoyent
basses, que h'iirs chapeaux tomboyent, les brides
rompues. Aussi quand leurs maris les baltoyent,
la première cliose estoit de faire tomber ce
l»(iniie( H pain de sucre».
Lfs miniatnres des anciens manuscrits nous
pruiivf'ul néanmoins que celte coiffure présentait
assez de slal»ililé pour permettre l'exercice du
iheval. \jA noble dami' passait la queue du
llocanl sur son bras gauche, et pourvu f[u'elle ne
s'engageât pas sous de trop jimimcs jaillis.
chevauchait avec sécurité.
Les prédicalein-s du quinzième siècle se
(léchainèrtMil conlre les hennins, leur déclarèreni
luir guerre implacable. La mode de ces clochers
andinlanls avait débuté dans le nord, dans les
Flandres, l'Artois, le (j»m])résis, le Ponihieu.
Elh' y fui nussilAI altacpiée par un religieux
(larme, originaire de Rennes, e| (pie l'on trouve
nommé Thomas (loiielle. (/uielle, (>)nnecle, etc.
Fr.To Thomas qui, paraîl-il. était doué d'une
éloquence très persuasive, (luilta nu lieaii jour
< É<lil. Tarbé, l. I, p. m.
' \'.>v. le DietioHHnire tir Trétoux, au mol esnf/ioH
3 L'flauriii. ncle V, se. 0.
» hitertu itfoiu, cdil. de lfi2,'., t. H, ■,. iu;t.
son couvent, et se mil à parcourir le monde,
déclamant avec véhémence contre les désordres
du clergé, contre le luxe des femmes et surtout
conlre leurs bonnets démesurés. Il réussit très
bien. On vil même des enfants poursuivre et
abattre à coups de pierre d'audacieux hennins
dans les rues. Les femmes, dit finement
Monslrelet (et après lui Paradin) agirent comme
les limaçons, « lesquels quand ils entendent
quelque bruit retirent et resserrent tout belle-
ment leurs cornes : mais le Jbruit passé, soudain
ils les relèvent plus grandes que devant. Ainsi
firent les dames, car les hennins et atours ne
furent jamais plus grands, plus pompeux et
superbes qu'après le partemenl de frère
Thomas ' ». L'austère Carme eut le tort de
vouloir étendre ses réformes sur un autre terrain
que la toilette féminine, de sorte que ce
fougueux adversaire des hauts bonnets fut brûlé
vif en 1434.
Dans l'intervalle, les hennins avaient conquis
Paris. 11 se trouva bientôt un autre religieux
pour les combattre, frère Richard, un Cordelier
qui fut confesseur de Jeanne d'Arc. En 1429, il
prêcha le carême dans le cimetière des Innocents,
et autour du ^< hault eschaffaut » qu'il y avait
fait élever, se pressèrent à certains jom's plus de
six mille auditeurs. L'enthousiasme qu'il excita
fut tel que l'on vit des femmes allumer un grand
feu au milieu de la rue et y jeter pêle-mêle leurs
vaniteuses coiffures et leurs pompeux ajus-
tements. « Et vraiement, dit le Bowgeois de
Paris dans son Journal, dix sermons qu'il fist
irournèrent plus le peuple à dévocion que tous
les sermonneurs qui, puis cent ans, avoient
presché à Paris - ».
Frère Richard ne fut pas brûlé comme frère
Thomas, et il obtint un succès tout aussi grand,
tout aussi durable. Le carême à peine terminé,
les hennins reparurent plus riches et plus hai'dis
que jamais.
Je fais it>ver ces bonnets et atours
Sy haultement iju'ils ressemblent à lours,
disait l'AmoiM' dans une satire du poète Pierre
Michaull ^. El xMonstrelet écrivait, Irente-huil
ans après les sermons de frère Richard : « Les
femmes meirent sur leurs testes bourrelets à
manière de ])onnet rond qui s'amenuisoil par
dessus, de la hauteur de demie aulne ou de trois
([uarliei's * de long: tels y avoit, et déliez
couvrechiefs ^ par dessus, pendans par derrière
jusques à terre '' ».
A la fin du siècle, le Cordelier Pierre des
Gros présentait encore les hennins comme une
invention satanique : « Ce grand estendard que
portent les femmes, écrivait-il, ce grand couvre-
chief délié (jui leur pend jusques à leur derrière,
c'est signe que le dyable a gaigné le chasteau
' Mon.slrelet, Chronique, t. IV, p. 304. Le texte que
je reproduis est celui de Paradin, liv. III, p. 701.
- Kdit. Tuetey, p. 234.
•' La (lance aux aveugles, édit. de 1748, p. IG.
* Trois quarts d'aune.
•' \'oiles.
*! Monslrelet, édit. de 1572, t. III, p. 130.
ATOURNERESSES — AUMONIERS
rv.i
contre Dieu. Quant les gens d'armes gaignent une
place, ils mettent leur estendart au-dessus ^ ».
Voy. Chaperonniers.
Atourneuses. Voy. Coiffeurs.
Atres (Faiseurs d'). Madame de Maintenon,
n'étant encore que la veuve Scarron, obtint, en
septembre 1674, un ])revet d'invention pour
« faire faire des astres à des fours, fourneaux et
cheminées d'une nouvelle invention ^ ».
Voy. Fumistes. — Foëliers, etc.
Attendant maîtrise. On nommait ainsi
l'apprenti libéré de son service et devenu
compagnon, qui s'engageait chez un maître
pour le nombre d'années à l'expiration desquelles
il lui était permis de devenir maître. On le
qualifiait ainsi afin de le distinguer des ouvriers
dont le compagnonnage légal était achevé et qui
ne recherchaient pas la maîtrise.
Voy. Aspirants et Compagnonnage.
Attente I Semaine de l'). Dans les statuts des
métiers et dans les ordonnances du moyen-âge,
ces mots désignent toujours la semaine de l'Ascen-
sion, qui rappelle l'attente du Saint-Esprit.
Attiseurs. Chez les enclumiers, ouvriers
qui maintenaient le charbon par dessous
l'enclume pendant qu'on forgeait.
Attornés ou Attournés. Noms qu'ont
porté les procureurs.
Auberg-istes. Voy. Hôteliers.
Auditeurs-examinateurs des comp-
tes. Deux offices jurés créés dans chaque
communauté ou\Tière par édit de mars 1694.
Aulmuciers. Voy. Aumussiers.
Aulneurs. Voy. Auneurs.
Aulx. Voy. Ailliers et Mesureurs.
Aumône. Dans le Livre des métiers et dans
les ordonnances du moyen-âge, ce mot désigne
parfois un office du soir : « Nulle fillaresse de
soie ne doit ou\Ter... puis que le aumosne est
sonée à Saint-Martin des Chans ^ ».
Aumônières (Faiseuses d'). Au treizième
siècle, la bourse dont se servaient les femmes de
haute condition se nommait anmônière. Elle
était en toile, en maroquin, en soie ou en
velours, brodée et richement ornée. Elle pendait
sur le côté, soit à droite, soit à gauche, au ])out
d'une chaîne ou d'une tresse, qui elle-même
s'attachait à la ceinture.
* Le jardin des nobles (inédit). Extrait publié par
P. Paris, dans Les manuscrits de la Bibliothèque du roi,
t. II, p. 156.
2 Deppins', Corresnondanee administrative sous Louis
XIV, t I, p LIV.
3 Livre des métiers, titre XXXV, art. 3.
Le commer(;e des aumônières était surloul fait
par les merciers :
J'ai Ii's diversi\s aumo.snièn'.s
Et de soie et de cordouan,
Que je vendrai encor oan,
Et si en ai de pleine toile,
lit-on dans le Dit iTun mercier. Leur fabrication
suffisait po\ir occuper toute une corporation,
qui prenait le titre de faiseuses (T aumosnières
sarrazinoises, sans doute parce que les aumô-
nières avaient été, à la suite des croisades, imitées
du costume oriental.
M. Depping a retrouvé et publié ^ les statuts
que cette corporation fit homologuer par le
prévôt de Paris Guillaume Thibout au mois de
mars 1299.
On y voit que chaque maîtresse ne pouvait
avoir plus de deux « apprentices ».
La durée de l'apprentissage était de six ans
pour l'enfant qui apportait 4 livres (400 fr. ?),
de huit ans pour celle qui apportait 40 sous, et
de dix ans pour celle qui était sans argent.
Deux jurés (hommes), « establis par la volenté
au prévost de Paris », surveillaient le métier.
Ces statuts sont souscrits par les 124 « mes-
tresses et ouvrières d'aumosnières sarrazinoises»
qui composaient alors la corporation.
Un passage des miracles de saint Louis nous
montre qu'au treizième siècle les femmes du
monde et même les religieuses se livraient à ce
o-enre d'ouvraffe. On lit, d'ailleurs, les vers
suivants dans le Roman de rEsconffle, que je
trouve cité par M. Francisque Michel ^ :
Il sont jusc' à la chambre aie
Où sa fille est et ses puceles...
Ki font orfrois et aumosnières
Et joiaus de maintes manières.
On trouve plusieurs aumônières des treizième,
quatorzième et quinzième siècles reproduites
dans le Dictionnaire du mobilier de M. Viollet-
le-Duc ^. Vov. aussi le Glossaire archéologique
de M. V. Gay *.
Voy. Boursiers.
Aumôniers. Dans toute « maison de
qualité », l'aumônier tenait le premier rang
parmi les « officiers et domestiques ». C'est aussi
la place que lui donne Audiger dans sa Maison,
réglée : » La charge et le devoir d'un aumônier,
écrit-il, regardent principalement le service
divin qu'un grand seigneur fait faire dans sa
maison ; et en cette qualité il a la direction de la
chapelle, et le soin de tous les ornemens sacer-
dotaux. Pour bien et dignement remplir cette
place, il faut qu'il soit honnête homme, sans
reproche, de bon exemple, savant pour instruire,
grave sans familiarité pour imprimer le respect
et la vénération dus à son caractère. Il célèbre
la messe aux heures prescrites ; fait la prière soir
et matin, oii tout le monde de la maison doit
être appelé, tant le seigneur que ses domes-
1 Ordonn. relatives aux métiers, p. 382.
2 Recherches sur les étoff'es de soie, t. I, p. 102.
3 Tome III, p. 26.
4 Tome I, p. 83.
54
AUMONIERS — AUREURS
tiques ; bénit les viandes au commencement des
repas, et rend grâces à la fin. Il doit aussi
catéchiser les domestiques, les instruire charita-
blement, veiller à leur conduite, prendre garde
(|u'ils ne manquent point de s'approcher des
sacremens aux quatre solennités de l'année, les
corriger des paroles sales et déshonnêtes, leur
délemlre de la pari du seigneur les fréquentations
dangereuses ; l'averlir de leur bonne ou mauvaise
conduite ' ».
A la Cour. le chef des services ecclésiastiques
était le grand aumônier de France. Il avait sous
ses ordres un premier aumônier, liuil aumôniers
(hi roi -, etc.
On trouve souvent Almosniers.
Aumussiers. L'aumusse ou aulmuce,
coiffure d'hiver et ordinairement fourrée, res-
semblait fort aux capulets que portent encore les
paysannes des PjTénées. Elle se composait d'un
CJipuchon pointu qui couvrait la tête, tandis que
11! reste de l'étoffe retombait sur les épaules. La
Taille (le 1202 cite 9 anninciem ou aumucières,
celle (le 1300 en mentionne 8 seulement. Le
jour dp Pâques 1387, le fou de Cliarles VI était
coiffé (T « une aulmuce d'escarlate vermeille ^ ».
Dans le quinzième siècle, l'aumusse, affectée
surtout aux chanoines, prit une ampleur
extrême, et en vint à ressembler à nos cabans.
On en faisait encore au siècle suivant, comme le
prouve ce passage d'une chanson datée de 1543 :
Il a la coqueluchi',
Dieu vtieilk' lo tuer !
Dont a mys son ausmuche
l'uur tousser et liuer.
Mais il V avait alors plus de deux cents ans
que h's amuMssiers étaient réunis à la corporation
des chapeliers de colon.
Siu- les variations (|ue Miliil la forme de
raumusse, vov. Clau(h' de N'.tI. Explication des
en-riiKinies (le P Eglise. I. II. p. "257.
Aune évent. ^'ov. Auneurs de draps.
Auneurs. L'inslilntion di'x auneurs consti-
tuait une des nombreuses précautions destinées à
ii>surer la loyauté des transactions, l'autorité
admt'Kiint toujours (|ii(' le vcndcui- chercherait à
Iruniper l'achetenr.
Laune de Paris renrésciilait ini w\\ plus de
1'". IHS. ' '
\ov. Mesureurs
toiles.
Tisserands de
Auneurs de drap. Il- i.irMii-,nrni les
draps ef nutres étolVes de hiiiir lorscprils en
etaif-nl re(|uis soit par le marchand soit par
rnchclenr. Ils étaient au ii.nnbre de douze.
Nommés par la corporation des drapiers et celle
• les merciers, ils prêtaient serment devant le
lieuli'uanf général de police.
Un rcgh-inent d'aoAt I(l(i9 v.nt ,|iie toutes les
marchandises de laine soient auniMîs « bois à
< Liv. 1, cbop. 5.
\ fy!"' i'J^K ''■'"'"/"""• /''?'?. I. I, p 80 et suiv.
Douet-d Arc<j,.>o»(Cfffiix cnmptes lU l'argenterie, p. 247.
bois, parfaitement et sans évent », à peine de
50 liwes d'amende pour chaque contravention
des auneurs. Cette prescription visait une habi-
tude qui remontait pour le moins au treizième
siècle. Jean de Garlande, dans son Dictionnaire
écrit vers 1250, nous apprend que les « pan-
narii, nimia cupiditate, fraudant emptores, maie
ulnando pannos cum ulna curta et cum poUice
fallaci * ».
M. Scheler s'est trompé, je crois, en appli-
quant à une des divisions de l'aune les mots
« pollice fallaci ». Ce passage doit être expliqué
par l'histoire, et la philologie n'a rien à y voir.
Jean de Garlande l'ail évidemment allusion ici à
ce que l'on a appelé plus tard ponce et mine ou
pouce-event. Il était d'usage, quand on mesurait
des draps ou des toiles, de placer le pouce au
bout de l'aune et d'augmenter ainsi la mesiu-e ;
mais on comprend qu'un auneur habile pouvait
facilement glisser le pouce en dessous, et
mesurer « pollice fallaci ».
Au mois de février 1704, Louis XIV créa,
pour se procurer de l'argent, 40 charges
d'auneurs jurés, 20 de courtiers commission-
naires, 2 de concierges de la halle atix draps et
12 de forts à la même halle. Les drapiers et les
merciers durent racheter tous ces offices eu
payant une somme de 400.000 livres. Cet édit
donne aux nouveaux auneurs le titre de Atmetirs
(le draps, serges, ratines, e'tamines, revêches,
■moltons et autres e'toffes de fils ou de laine.
Supprimés en septembre 1719, rétablis en
juin 1730, ils furent de nouveau supprimés en
1768.
Voy. Mesureurs.
Auneurs-visiteurs de toiles. Ils sont
mentionnés dans le Livre des métiers ^, où je lis
qu'ils étai(^nt alors au nombre de deux. Les
statuts des chanevaciers en 1393 prouvent que
Ton n'en comptait encore que deux à cette date.
Les statuts accordés aux lingères en 1645 inter-
disent aux auneurs d' « aller boire ni manger
avec les marchans forains, ni leur dire ce que
vaut la marchandise ». Ils ne devaient non
plus « loger ni retirer les forains en leurs
maisons ^ ».
Au dix-septième siècle, le nombre des auneurs
avait été porté à cinquante. Ils prêtaient serment
devant le lieutenant-général de police, et pos-
sédaient deux bureaux, l'un à l'hôtel des Fermes,
l'autre à la halle aux toiles. Souvent supprimées,
puis rétablies, ces fonctions furent confiées, en
1768, à de simples commis. L'abbé Jaubert
nous apprend qu'à cette époque, l'on devait
auner les toiles <.< le pouce devant l'aune * ».
Sur cet usage, voy. l'art. Aimeurs de drap.
Auquetonniers. Non sous lequel la Taille
de 1202 désigne les hoquetonniers.
Aureurs. Voy. Graveurs.
' VAW. Sch.'lcr, p. T,.
- 'l'iln' i.lX.
•'' Dans L)r|iping, Ordonnnnces, p. 392.
i Tome I, p. 184.
AURICULARISTES — AVALE IJRS DE NEFS
Auricularistes et Auricures. Voy.
Auristss.
Auristes. Cliinirgiens spécialistes pour les
oreilles.
Dès le quatorzième siècle, les cure-oreilles
étaient devenus des objets sur lesquels s'exerçait
le luxe, car je trouve dans l'inventaire dressé
après la mort du roi Charles V, l'article suivant :
« Ung petit coutelet d'or, à façon de furgete k
furger dens et à curer oreilles ' ». Je rencontre
encore, dans la Civilité publiée par Erasme en
1530 , le conseil de ne pas « fouiller en ses
oreilles » sans nécessité. Mais il me faut arriver
au dix-huitième siècle pour découvrir un homme
faisant son métier de soigner la surdité.
Dans son numéro du 7 juin 1775, un journal
d'annonces intitulé Affiches, a7inonces et avis
divers publiait la réclame suivante : « Le sieur
Babelin, liabile oculiste, à Paris, rue Ticque-
tonne, maison de M. Berger, fabricant de
chapeaux, seul possesseur du baume spécifique
pour la surdité, les duretés d'oreilles et les autres
accidens de cette partie, que distribuoit la feue
demoiselle de Lussan, continue d'opérer, par le
moyen de ce baume, qui est fort connu, de très-
heureux effets. Ce remède est un topique spiri-
tueux et iloux, qui guérit plus ou moins
promptement, suivant le caractère et l'ancienneté
de la maladie. On peut se purger avant d'en
faire usage ; mais il n'exige d'autre régime
que de se garantir du vent et du brouillard, et
ne peut jamais causer le moindre accident. Le
prix des boîtes est de 12 liv., 12 sols ».
11 existait même déjà des instruments destinés
à rendre l'ouïe plus facile, car je lis dans le même
journal, à la date du 20 septembre 1778, qu'un
sieur Bernard, qualifié d'orfèvre-mécanicien »,
venait de perfectionner les sondes flexibles et
les « conques » pour la surdité. Elles sont,
disait-il, faites d'une matière <^ aussi légère
spécifiquement que le papier, et construites de
manière à tenir d'elles-mêmes et sans la moindre
apparence extérieure ».
Automatistes. Constructeurs d'automates.
Au début du dix-huitième siècle, le canard
digérant et \e joueur r/^/?«/'é?de Vaucanson mirent
à la mode les automates. Vers 1720, le savant
Père Truchet, religieux carme qui devint membre
de l'Académie des sciences, construisit pour
Louis XIV un théâtre sur lequel se jouait un
opéra en cinq actes. Il suffisait de tirer une
petite boule pour animer toute la machine. Les
mouvements des personnages étaient rendus
avec une admirable vérité, et les décors chan-
geaient d'eux-mêmes quatre fois au moment
voulu. « Quand, écrit Fontenelle, on voyoit les
pièces désassemblées, on étoit eflfrajé de leur
nombre prodigieux et de leur, extrême déli-
catesse ^ ».
Chaque année, plusieurs machines de ce genre
étaient exposées à la foire Saint-Germain. Parmi
1 Publié par J. Labarte, n" 2828 de l'inventaire.
2 Suite des éloges des académiciens, édit. de 1733, p. 270.
les constructeurs ou montreurs d'automates qui
attirèrent le plus la foule, je citerai :
En 1747 , Biaise Lagrelet. Il exposait « deux
figures de grandeur naturelle, représeidant un
berger et une liergère jouant treize airs difîérents
sur la flût(\ Le berger battait la mesure avec les
pieds ; les deux figures remuaient les lèvres, par
où passait le vent qui formait les sons ». Lagrelet
n'était pas l'auteur de celle pièce, il l'avait
acquise d'un aulomatiste célèbre, Defrance, (|ui
l'année précédente, avait exposé au château des
Tuileries des Auteurs jouants et des oiseaux
chantants.
En 1748, Bourgeois de Chàteaublanc exposait
ses ouvriers automates^ sept moulins desservis par
trois ouvriers.
En 1750, un constructeur dont je ne sais pas
le nom montrait : 1*^ Une figure de la grandeur
d'un enfant de huit ans, qui tenait un cor de
chasse et imitait parfaitement les sons ; 2^ Un
moulin à vent, où s'occupaient un meunier, un
garde-moulin, une bergère avec son troupeau ;
3" Une forteresse, avec soldats, sentinelles, etc. '.
Un autre anonyme exposait, l'année suivante,
un caméléon qui faisait divers exercices et
changeait six fois de couleur.
En 1772, on vit à la foire Saint-Germain un
oiseau mécanique dont le bec versait, à la volonté
des spectateurs, du vin blanc, rouge ou gris.
Dans un journal d'annonces de l'année 1775,
on trouve la description de cinq automates très
compliqués qu'avait exécutés un habile méca-
nicien Suisse, Henri-Louis-Jaquet Droz, origi-
naire de La Chaux de Forids ^.
Vers 1778, l'abbé Mical produisit deux têtes
parlantes. Elles articulaient quatre plirases, en
imitant le mouvement des lèvres. L'une d'elles
prononçait assez distinctemenl ces mots : « Le
roi fait le bonheur de ses peuples, et le bonheur
de ses peuples fait celui du roi •' » .
C'est en 1783 que fut exposé à Paris le fameux
joueur d'échecs qu'avait créé un gentillomme
hongrois. Deux joueurs connuspar leur habileté, le
duc de Bouillon et l'avocat Bernard se mesurèrent
avec lui, et remportèrent la victoire, mais non
sans peine. 11 paraît aujourd'hui démontré qu'un
nain, né avec le génie de ce jeu, était dissimulé
dans la boite qui était fixée sous l'échiquier et
contenait le mécanisme *.
On lit dans le Dictionnaire de Furetière ^ :
« Plusieurs personnes prononcent aûomates^
mais il faut prononcer automates, avec les
meilleurs auteurs ».
Avainiers. Marchands d'avoine.
Avaleurs de nefs. L'on nommait ainsi
des mariniers habiles, nommés par la munici-
1 Affiches de Paris, annonces et avis divers, n" du
9 février 1750.
2 Affiches de Paris, annonces et avis divers, n° du
8 mai 1775.
3 Mémoires secrets dits de Bachaumont, t. XXVI,
p. 257
'* Voy. le Magasin pittoresque, i. II (1834), p. 155.
0 Édition de 1701, t. I, .sans pagination.
56
AVALEURS DE NEFS — AVOCATS
palité, et qui avaient pour mission de prendre la
conduite des bateaux qui descendaient la Seine,
principalement entre les ponts, où la navigation
présentait des difficultés. Les avaleurs de nefs
étaient à Paris au nombre de deux et avaient
quelques mariniers sous leurs ordres. Tous deux
sont mentionnés dans la Taille de i202 ;
c'étaient Hemeri l'Allemant et Pierre Courrai; ils
demeuraient « sus la rivière », au commen-
cement delà rue Saint-.Iean-en-Grève ^ Je n'en
ai trouvé qu'un seul dans la Taille de 1313,
Jehan Parein, qui demeurait au même endroit ^.
Les avaleurs ^ de nefs devinrent plus tard
maîtres des ponts, c'est sous ce nom qu'ils sont
désignés dans l'ordonnance de février 1415. On
les a nommés aussi lamaneurs, pilotes eilocnians.
Voj. F»ort (Sur les).
Avaleurs de vin.
de vin.
(IV. Déchargeurs
Avant - parliers. Nom que portèrent
d'abord les avocats. Ils parlaient pour leur client
et ne l'engageaient que dans la mesure des
instructions qu'ils avaient reçues. « Celui-ci
doit parler pour moi contre un tel », disait au
Iribuiiidlii partie qui voulait instituer un avocat,
« entfiidez-le, et autant ([u'il aura dit pour moi
ce que je lui ai enjoint, je le garantirai * ».
Aveniers. Marchands d'avoine.
Avertisseurs. Officiers de la maison
riijale appartenant au service de la Bouche du
roi. « L'avertisseur est pour sui\Te à cheval Sa
Majesté, tant dans ses campagnes que dans ses
voyages, et sçavoir immédiatement du Roy
l'heure à laquelle il veut dîner ou souper; ce
qu'il va en diligence dire aux ofliciers de la
BoucJje •" ».
Avictuailleurs. ^'oy. Vivandiers.
Avironniers. F.iiseurs d'iivinms. Ils pni-
ployaient surtout l'aune, le tremble et le tilleul.
Avocacels, Avocatels et Avocate-
rr^ls. \<iy. Avocats.
Avocats. Jus(iu'au tri'i/ifiiic sii;cl<', il est
ilifticilc de b-s distinguer ib.'s procureurs. Sous
»».iinl Louis M'ulenu'ut, les avocats commencent à
liguriT dans b'MicIfs judiciaires, et dès octobre
1*274, le roi doit inti-ncnir pour les tMiipécher
di" réclamer de.s liononiires \vop élevés''.
On 1rs trouve aUtrs nommés prnloruleurs.
ariiuf-i)nrltrr.<t, nmpnrliers, t'ui/Ktrlifrs', etc.. et
la Taille dr 120'J cite deux adrocnts.
5 IV'' n.-..
' !..< mol tirnfrr sif^iiilio oncorc «ujourtllmi ilrscendre.
» .\>l. Tanlif. La prorfiUrr aux lrn':ièmr et qitntonirmr
n'irht. p 2.«V. '
B hint df la Front* /Mur /".V/Ç. I. 1, i>. 2in.
« Dons l^inbiTt, Ann'rMtifx Inh françainrs. t. II, p. «52.
' H. D'iarhcnal, Hisloirr dn nmcals. 1H85, in -8"
p. VII pt suir. — A. TnrHif. Aa procédure a „.t treizième
tt çMlorsièmt titcliê. p. 24.
Un règlement de novembre 1340 mentionne
pour la première fois le ro/e ou /rt^/^«?/ sur lequel,
après avoir prêté le serment professionnel, ils
devaient êlreinscritsdans l'ordre de leur réception
On y inscrivait à part les novi advocati, à qui un
stao-e était imposé. Les distinctions très tranchées
qui furent établies au seizième siècle entre les
avocats anciens, les avocais plaidants et les avocats
nouveaux n'existaient pas encore.
Pour obtenir de figurer au tableau, il fallait
remplir plusieurs conditions. D'abord, être au
moins dans sa dix-septième année, n'être ni
incapable, ni indigne, ni sourd, ni aveugle, ne
pas appartenir à l'Église. Toutefois, cette règle
ne fut guère observée : au quatorzième siècle,
le barreau comptait presque autant d'ecclésias-
tiques que de laïques. Il fallait encore être licencié
en droit civil ou en droit canonique, condition
qui ne fut sérieusement exigée qu'à partir du
seizième siècle. Il restait encore .i prêter le
serment professionnel. Le candidat se mettait à
genoux, et jurait en étendant la main sur un
tableau oîi l'on voyait « l'effigie de Jésus-Christ
en la croix et le commencement de l'évangile
Saint-Jehan ». Ce serment était renouvelé chaque
année. L'ordonnance de mars 1345, permet aux
avocats de se faire seconder par des clercs qui,
comme ceux des procureurs, faisaient partie du
royaume de la Bazoche, ils n'étaient ni moins
bruyants ni plus disciplinés.
En 1562, le nombre des avocats inscrits au
tableau était de 199. Du quinzièmeau dix-septième
siècle, divers édits régularisèrent leur situation
et leur imposèrent des devoirs. En mai 1413, il
faut encore contenir leur avidité. Ils sont « cous-
tumiers, dit le roi, de prendre et exiger de nostre
povre peuple trop grans salaires' ». Puis, on
leur enjoint de plaider et de conclure briève-
ment^, de ne pas injurier leur partie adverse '^,
de ne proposer que des faits et moyens pertinents *,
d'accorder leur ministère aux païuTes gens ^, etc.
Leur rapacité était depuis longtemps prover-
biale. Rabelais place sur la même ligne « les
basauchiens mangeurs de populaire, officiaux,
scribes et pharisiens », et Panurge n'hésite pas
à avouer qu'il a « ung estomac toujours ouvert
comme la gibecière d'ung advocaf' ».
Diversesordonnances modifièrent les conditions
imposées pour remplir les fonctions d'avocat. Au
dix-septième siècle, il fallait avoir étudié pendant
trois ans dans une Faculté de droit, y avoir
passé deux examens et soutenu unt; thèse.
Un décret de septembre 1790 supprima l'ordre
des avocats, et autorisa toute personne à jouer
lerAle de de fensexir officieux. Le Consulat rétablit
le titre d'avocat, et l'ordre fut reconstitué défini-
tivement par un décret de décembre 1810.
1 Dans Lsanibort, Anciennes lois françaises, t. VII,
. .352.
î Octobre 1446, juillet 1493, dans Lsambert, t. IX
. ICO, et I. XI, p. 214.
"î Mars 1453, novembre 1507, clans Lsambert, t. IX,
. 224. et I. XI, p. 496.
* Mars 14.^.1. t. IX, p. 226.
•^' .\ni-)t 1536. t. XII, p. 515.
6 (inrifan/u'j, liv. I, chap. 39 et 54.
AVOCATS — BACHOTEURS
57
Au quatorzième siècle, les avocats s'étaient
mis sous le patronage de saint Nicolas, et orga-
nisés en confrérie. Leur principal dignitaire,
celui qui, dans les cérémonies publiques, portait
la bannière ou le bâton de la confrérie, était dit
bâtonnier, qualification qni s'est perpétuée jusqu'à
nos jours.
On irowvQ iioxwfeni adrocatenr s. Les mots «r/pfl-
caceatix, avocacels, avocatels, acocaterels, etc.
sont péjoratifs.
Avoine (Marchands d'). La Taille de 1292
cite neni ave7iiers. On trouve aussi avainiers.
Avoir de poids. On désignait sous ce nom
toute marchandise qui se vendait ordinairement
au poids, On lit dans les statuts (treizième siècle)
des regraUlers de fruits : « Quiconcques achate
le mestier, il puet vendre tout avoir de pois * » ;
et dans le règlement pour les chaussées :
« Aulretant ^ doivent de chaucié ''cuir, chanvre,
fer, pions et toute manière d'avoir de pois * ».
Le préambule d'une ordonnance de décembre
1312 s'exprime ainsi : « Grans complaintes sont
veniiRs à nous des fraudes qui sont en la
marchandise d'espicerie et d'autres avoir de
poids * ». L'expression avoir de poids avait pour
corrélatifs les mots avoir de prix qui étaient
d'ailleurs beaucoup moins employés.
Avoir de prix. Voj. Avoir de poids.
Avoués. Durant le mojen-àge, ce nom se
donnait aux chmiipions, et, d'une manière
générale, à tous ceux qui se chargeaient de la
défense d'antrui.
Voy. Champions et Procureurs.
Aymetiers. Faiseurs d'hameçons. Voj.
Pêche (Ustensiles de).
Azur ^Qui font). Cette mention, qui figure
dans la Taille de 1300, désigne sans doute les
ouvriers connus plus tard sous le nom tVindi(/o-
tiers.
B
Baatiers. Voy. Bâtiers.
Babuineurs. Voy. Enlumineurs.
Bacheliers. On nommait ainsi, dans la
plupart des corporations, les maîtres qui étaient
devenus anciens ^, et ceux qui avaient passé par
les charges de juré, syndic, etc.
Le titre de bachelier conférait plusiem"s
prérogatives. Chez les chapeliers, par exemple,
le premier juré ou grand-garde devait être
choisi parmi les bacheliers. Chez les brossiers,
le plus ancien des bacheliers avait tlroit au titre
de doyen. Plusieurs bacheliers assistaient les
jurés pour l'examen des chefs-d'œuwe. C'étaient
eux aussi qui remplissaient l'office de juré vis-à-
vis des jurés pour tout ce qui concernait
l'examen des marchandises.
Dans les communautés de feumies, celles qui
avaient passé par la jurande étaient dites
bachelières.
Bachoiers. Voy. Bachouers.
Bachoteurs. C'est le nom que prenaient
les bateliers qui exerçaient en aval de Paris.
1 Livre des métiers, V^ partie, titre X, art. 12.
2 Autant.
•* Chaussée.
4 Livre des métiers, II® partie, titre I, art. 21.
5 Voy. cet article.
Leurs bachots étaient de petites nefs dans
lesquelles ils ne devaient recevoir à la fois plus
de seize personnes. Ces bachots étaient numé-
rotés, et tous les quinze jours visités par \\n
officier de la Ville. Il était interdit aux lèmmes
et aux enfants des bachoteurs de se trouver sur
les ports pour aider leur mari ou leur père.
Le prix des places était ainsi réglé : Pour Sèvres
et pour Sainl-Cloud, 4 sous. Pour Chaillol et
pour Passy, 2 sous. Pour Auleuil, 2 sous
6 deniers.
Au dix-huitième siècle, les bachots prirent le
nom de batelets, et des esquifs moins primitifs
leur firent concurrence. Le hatelel de Saint-
Cloud partait assez régidièrement de Paris le
matin à six heures, et de Saint-Cloud à
cinq heures du soir. Il n'avait pas fort bonne
réputation : « Le plus hardi marin, écrivait
Sébastien Mercier, craint plus de se confier à ces
planches pour deux heures, que de monter à
bord d'un vaisseau qui va toucher le nouveau
monde - ».
La (jaliote de Sèvres quittait Paris le matin à
sept heures et Sèvres à six heures du soir. « Le
Parisien, écrit encore Mercier, le jour de la
Pentecôte prend la galiote jusqu'à Sèvres, et de
là court à pied à Versailles, pour y voir le roi.
I I.^iiiiibrrl, A/icii'ii/ies lois fru/içai.seg, I. 111,
- Tnbtetni, de Paris, t. I, p. 341.
;jo.
58
BAGHOTEURS — BAIGNEURS
les princes, les cordons bleus, puis le parc, puis
la ménag'erie * ».
Ces deux services n'avaient lieu qu'en été, de
Pâques à la Toussaint.
Bachouers. On nommait ainsi le valet qui,
chez !•■> l)(.nlaii;j:ers et dans les irpandes maisons,
avait pour ol'tîce de conduire les chevaux chargées
de pain.
On trouve aussi bmchoniers, basconiers,
huchoiers, haschouiers.
Bachoe, bachoue, etc.. en vieux Iranrais,
si<i:nifiail hotte, baquet, corbeille -.
Baconniers. Omix qui vendeni du bacon,
c'est-à-dire du lard, du jambon, de la chair de
porc.
Bacqueteurs. \ <i\ . Pontonniers.
Badestamiers. \ov. Bonnetiers du
faubourg Saint-Marcel.
Badi^eonneurs. \o\. Peintres en
bâtiments.
Bag-uette divinatoire. Voy. Rhabdo-
manciens.
Bag"uettiers. ^^useurs de baji^uelies. On
ap[)i'lait ainsi di- petits bijoux sans valeur, des
baitioles. de menus afliquets. Ce commerce était
désin^iié sous le nom de baj^uellerie.
Bahuiers ei Bahuriers. Faiseurs de
bahuts.
Voy. Bahutiers.
Bahutiers. Faiseurs de bahuts. Le mot
bahui a été successivement pris dans difîérenls
sens. 11 semble avoir désigné d'abord une enve-
loppe de cuir ou d'osier dans laquelle on
renl'ermaii les coH'res ou les malles destinées à
être Iransporlées ^. Gomme les bahuls étaient
parfois d'im poids énorme, l'on nommai! chevnnx
bnhitliers les furies liêles (|ui les portaient. On
disail aussi milliers.
Oiianrl le mobilier devint fixe ^, les grands
cnllVes prirent place contre les murs et y jouèrent
le nMe de nos armoires •"'.
Enfin, à dater du dix-hiiilienie siècle et encore
an dix-liuili('nu\ le imhul n'est plus guère qu'un
« <-oirre coiiverl de cuir, (huil le couvercle est
arrondi * ».
\m TniUe lie 1202 ntionne Irois bahutiers,
hahurins el bnlmiers : celle de /:iufi en cite
(|UHlre.
Les Iwiliuliers furent, de bonne iieure réunis
aux rollreliers, et la corporation des co//'/r^iV/'.9-
' 'l'.Mii. IV, |.. aiu.
' I>ucnnp'. tllotunire, au mol bachointa.
^ V..y Doui'l-.IArrq. Comptes de Itirgmlerir. |i. 31<.t.
* \oy. i'nri. 1)i-iik'iih^>'Ui-.s.
S Voy. Viollcl-lf-Duc, DiclioHHaire Hh. molillirr l 1
^ Sflvnr}' , DielioHimire liu romnirree (1723), I. I,
'1 V'^~ ^''*'^' DictloMiuiire, l. I, p ^Tij. — Diclionnaire
lif rrrrouj:, t. 1. [< 701.
malletiers-bahlUiers eut pour patron saint Jean
riîlvangéliste.
Les ouvriers de ce métier ne passaient pas
pour aimer la fatigue, au moins s'il faut en croire
le proverbe : « faire, comme les bahutiers, plus
de bruil que de besogne ^ ». Pourtant, dès le
commencement du dix-huitième siècle, il leur
fut interdit de travailler avant cinq heures du
matin et après huit heures du soir, tant le bruit
qu'ils faisaient incommodai! leurs voisins.
Voy. Voyage (Articles de).
Baigrners. Voy. Baniers.
Baigneurs. Les établissements de bains
succédèrent aux étuves, si fréquentées du treizième
au quinzième siècle, et héritèrent de leur
mauvaise réputation. Maisons meublées fort
suspectes, endroit de luxe ou de débauche, le
bain n'y figurait le plus souvent que comme
accessoire. L'hôtel de Zamet, devenu hôtel de
Lesdiguières, dans la rue de la Cerisaie, avait eu
celle destination sous Henri IV, qui le fréquentai!
si assidûmen! qu'on l'appelait sa « maison des
menus plaisirs » et son « palais d'amour - ». On
se rendait chez le baigneur, dit M. Walckenaer ^,
« par différents motifs ; c'était là que l'on prenait
les meilleurs bains, les bains épilaloires, les bains
mêlés de parfums et de cosmétiques. La maison
était pourvue d'un grand nombre de domestiques
soumis, réservés, discrets et adroits. On s'y
enfermait la veille d'un départ ^ ou le jour même
d'un retour, afin de se préparer aux fatigues que
l'on alloit éprouver, ou pour se remettre de celles
qu'on avoit essuyées, Voulait-on disparaître un
instant du monde, fuir les importuns et les
ennuyeux, échapper à l'œil curieux de ses gens,
on allait chez le baigneur. On s'y trouvai! chez
soi, on était servi, choyé, on s'y procurait toutes
les jouissances qui caractérisent le luxe et la
dépravation d'une grande ville. Le maître de
l'établissement et tous ceux qui étaient sous ses
ordres devinaient à vos o-estes, à vos reo^ards, si
vous vouliez garder l'incognito ; et tous ceux qui
vous servaient et dont vous étiez le mieux connu
paraissaient ignorer jusqu'à voire nom ».
Dans la Coquette, comédie jouée vers 1720,
Baron nous montre le conseiller Durcet sortant
de l'audience et venani, encore en robe, voir
Gidalise. Marton, suivante de la belle, l'accueille
par ces mots : « Monsieur ne seroit pas de ces
gens qui, au retour d'un voyage, vont descendre
chez le baigneur pour ne pas dégoûter leur
maîtresse ^ ^■>.
Prud'homnu' fonda une maison de ce genre
qui devin! surloul à la mode sous. son successeur
La Vienne. Sainl-Simon ^ raconte que « le Roi,
du lemps de ses amours, s'alloi! baigner et
' Le Roux de Lincy, Livre des proverbes, t. II, p. II".
* Sauvai, An/içui/rs de Pai-is, t. II, p. 146 el 245.
•' .Vrmi)irrx sur Madame de Sévigiiê, t. II. p. 39.
* « Jo suis trop raisonnable pour trouver étrange que
la veille <i'uii déparl, on eouche chez des baifjneurs ».
Lettre de Madame de SéDigné, 26 juin 1655.
^ .\cle I, scène 5.
6 Mémoires, édition de 1881, t. 1, ji. VJ'J.
BAIGNEURS — BAINS FROIDS
59
parfumer chez lui ». Louis XIV ne lui point
oul)lieux : le père de La Vienne devint, après
Priuriiomme, son premier barbier, et La Vienne
fut nommé premier valet de chambre. Le roi
n'en avait pas moins encore huit barbiers servant
par quartier. Leurs fonctions étaient « de pei<i;ner
le Roy, tant le malin qu'à son coucher, luy faire
le poil, et l'essuyer aux bains et étuves, et après
qu'il a joué à la paume ' ».
L'établissement de Prud'homme était situé
rue Neuve-Montmartre. On en trouvait d'autres,
célèbres aussi, rue Richelieu, rue d'Orléans, rue
Vieille-du-Temple et rue des Marmouzets ^.
Les bourj^eois qui voulaient prendre tles bains
à domicile pouvaient louer, moyennant vin<^t
sous par jour, une baignoire en cuivre chez un
chaudronnier^, ou moyennant dix sous par jour
une baignoire de bois chez un tonnelier *.
Au dix-huitième siècle, les dames recevaient
volontiers leurs visiteurs, femmes ou hommes,
pendant qu'elles étaient au bain. Dans ces
circonstances, on avait soin de blanchir l'eau
soit avec « une pinte ou deux de lait "\ soit avec
de l'essence : c'est ce que l'on appelait un iain
de lait. M. le comte de Reiset possède une
baignoire Louis XVI, munie d'un couvercle
canné qui empêchait de voir la personne dans
son bain, tout en permettant l'évaporation ^. Le
jour même du retour de Varennes, la reine
dictait à un des huissiers de sa chambre une
lettre destinée à madame Campan, et qui com-
mence ainsi : « Je vous fais écrire de mon bain,
où je viens de me mettre pour soulager au moins
mes forces physiques'' ». Marie-Antoinette,
élevée dans les sévères principes de la cour de
Vienne, se baiy-nait vêtue d'une longue robe de
flanelle boutonnée jusqu'au cou, et tandis que
ses deux baigneuses l'aidaient à sortir du bain,
elle exigeait que l'on tint devant elle un drap
destiné à la cacher à ses femmes ^. Il ne faut pas
oublier qu'à celte époque, les grandes dames en
aorissaient souvent avec leurs gens comme les
Romains avec leurs esclaves, et regardaient un
valet conuïie un animal eu présence duquel la
plus craintive pudeur pouvait tout se per-
mettre ^ ».
Au milieu du dix-huitième siècle, Paris ne
comptait encore qu'une dizaine de bains chauds,
possédant chacun de douze à quinze baignoires,
quand un sieur Poitevin imagina d'en établir un
sur la Seine même. Ce projet, patronné par la
municipalité, reçut sa réalisation en 1761. Le
bateau organisé par Poitevin fut amarré près du
Pont-Royal, en face des Tuileries. Long de cent
1 Éfa/ de la France pour 1()72, I. I, p. 92.
2 Le livre commode pour 1692, t. I, p. 182.
3 Voy. cet article.
4 Hurtaut et Magny, Dictionnaire de Paris, t. I,
p. .513 et 517.
» Meurisse, L'art de saigner, p. 382.
6 Comte de Reiset, Livre-Journal de madame Eloffe.
t. I, p. 250.
^ Madame Campan, Mémoires, éclairci-ssements, t. II,
p. 323.
** Madame Campan, Mémoires, cli. IV, t. I, p. 104.
'J Voy Longchamp et Wagnière, Mémoires sur
Voltaire, t. II, p. 119.
([uaranle-et-un pieds et large de vingt-huit, il
était divisé en deux étages. Un côté était réservé
aux femmes. Les cabinets ouvraient sur un
couloir central, et l'eau, puisée dans le lleuve par
deux pompes n bras, était filtrée avant d'arriver
aux baignoires. Un antre bateau, appartenant au
même propriétaire, et disposé de la même façon
bien qu'il n'eût qu'un rez-de-chaussée, station-
nait pendant l'été à l'extrémitéde l'île Saint-Louis
au bas du quai d'Anjou^. Poitevin eut pour
successeur un sieur (luignard, qui finit par
diriger plusieurs établissements de ce genre.
Dans un d'entre eux, situé à l'angle du Pont-
Royal et du quai d'Orsay, les pau\Tes étaient
reçus gratuitement sur un certificat du médecin
ou du curé de leur paroisse.
Des bains plus complets occupaient une
maison qui faisait le coin de la rue de Bellechasse
et du quai. Outre des bains de vapeur et des
douches, on y trouvait une vaste piscine dans
laquelle on pouvait se livrera la natation.
Les anciens bains du dix-septieme siècle, où
l'on venait ordinairement chercher tout autre
chose que de l'eau, étaient représentés par
VHôtel des bains de S. A. R. Mgr le duc
d'Orléans, situé au Palais-Royal, et dont l'entrée
était rue de Valois. On y trouvait « des appar-
temens garnis, propres à recevoir des personnes
de la première distinction - ».
Les bains chinois, établis un peu plus tard,
sur le boulevard des Italiens, près du pavillon de
Hanovre, conservèrent pendant longtemps une
grande vogue ^ .
Tous ces établissements étaient tenus par des
maîtres barhiers-baigneurs-e'tiwistes-perruquiers,
corporation qui avait été créée par Louis XI\
en 1673. *
Voy. Bains froids. — Barbiers. —
Épileurs. — Étuvistes, etc.
Bailleuls. Voy. Renoueurs.
Bains froids (Tenancieks de). Pendant
bien longtemps, les Parisiens amateurs de bains
froids les prenaient dans la Seine, sans se préoc-
cuper des exhibitions dont ils gratifiaient les
riverains et les passants. Une chanson '' de
Coulange nous a décrit l'effroi de la Précieuse
qui passe en carrosse, par un chaud jour d'été,
près de la porte Saint-Bernard :
Quel .spcctable indécent .S(; pre.sente à mes yeux I
Des hommes vraiment nuds au bord de la i-ivièro
Me font évanouir ! Ali ! do grâce, ma chère.
Evitons cet objet atireu.x,
Allons viste, cocher, retournons à la ville.
Il y avait aussi au dix-septième siècle des
piscines où les femmes, à qui « il n'est point
permis de se Ijaigner dans la rivière ». pouvaient
aller se plonger dans l'eau froide. Le recueil des
1 Voy. Garsault, Art du perruquier, p. 45, el 1 Kncij-
clopédie méthodique, arts et niétier.s, t. VI, p. 311.
2 Thiéry, Guide des amateurs, etc.. t. I, p. 28(5, l'I
I. II, p. 593 et 595.
3 l'rudhomme, .Miroir de Paris (1807), t. V, p. 165.
i Tome I, p. 128.
60
BAINS FROIDS — BALANCES PUBLIQUES
Caquets de V accouchée^, nous en fournil la
preuve. Le soleil « estant au û^^wa du Cancre,
je me résolus, avec quelques-unes de mes voisines,
d'aller aux éluves pour me rafraîchir... Comme
je fus arrivée aux baings où d'ordinaire nous
avons couslume entre nous autres de rafraîchir,
je me Irouvaj an milieu d'une bonne et ag-réable
compagnie de bourgeoises et dames de Paris qui
esloient venues au mesme lieu pour ce subject ».
Au siècle suivant, nous trouvons des bains
froids installés sur la Seine :
A la Râpée ;
I*rès de l'archevêché ;
Quai des Morfondus, aujourd'hui quai de
l'Horloge ;
Port Saint-Nicolas, en face de la rue des
Poulies ;
Quai des Quaire-Nalions, aujourd'hui quai
Conti ;
Près de la barrière des Invalides -.
Ces bains, entièrement recouverts d'une loile,
avaient douze toises de long sur deux de large.
Ils étaient formés par une vingtaine de pieux
enfoncés dans la rivière, et que des planches
reliaient ensemble. On y descendail. au mojen
d'une échelle attachée à un bateau dans lequel
les baigneurs se déshabillaient et laissaient leurs
vêtements. Le prix du })ain était de trois sous.
Le linge se payait à pari : un sou pour une
serviette du côté des hommes, trois sous pour
un<' chemise du côté des femmes.
Ce n'était pas précisément là que se donnaient
les rendez-vous de noble compagnie. Pour celle-
ci, des bateliers avaient établi dans la rivière,
au-dessous et au-dessus de Paris, de petites
cabanes appelées yo/r.î. Elles se composaient de
quatre pieux ondjragés par une toile; un autre
pieu planté au milieu permettait de se soutenir
sur l'eau. ^ Les dames, dit le Joiirnal (h citoyen •',
sfint conduites et descendues dans ces irores,
sûrement, commodément et secreltement. Les
femmes df mariniers conduisent les baigneuses.
On fait marché de gré ù gré pour se faire
ciinduire. Il en cortfe communément vingt-quatre
ou trente s(ds par heure du loyer d'un bateau ».
Cette façon de se baigner sans bouger, inspira,
vers 1781. inic idée assez étrange ù un sieur
Turquin. Sur le petit bras du (leuve, près du
pont di- la Tournelie, il plaça dans un b;tteau
plusieurs baigniiirrs maintenues par un plancher
à um- cerlaiiH- |)rnfnMd('ur ; leurs parois étaient
percéos d." Irons (pii laissaient le courant les
Iravppspr et y renouveler l'i-au sans cesse.
Cliarjue Imignoire. installée dans un cabinet.
einil n.ssez grande poiu- recevoir jusqu'à trois
per>onnes. Cet elablis.semenl, qui subsistait
enw)re en 1787 *, reçut le nom de Bains chinois.
Le Miccès qu'il obtint décida 'Purquin à en
ouvrir lui autre où 1ns baignoires disparurent,
où l'on ne put se montrer sans caleçon, et où
' 6dil. .<l2<?v., p. 196.
- Jcz.\ F.lat ON tabltoH <h Paris (n60\ n. 330
» Pnri>. 1751. p. 187.
♦ Ttiicrjr, Gniiie des amateurs, t. II, p. 136.
l'on disposa des cabines pour se déshabiller.
Turquin fut ainsi le véritable créateur des écoles
de natation telles que nous les voyons organisées
aujourd'hui. La première, située près des bains
chinois, fut inaugurée le 16 juillet 1785, en
présence de plusieurs membres du corps muni-
cipal, de l'Académie des sciences et de la Société
de médecine *. Turquin ne tarda pas à établir
une seconde école de ce genre à la pointe de
l'île Saint-Louis ; puis une troisième au-dessous
du Pont-RojaP, sur l'emplacement qu'occupe
aujourd'hui l'embarcadère du Touriste.
Voy. Baigneurs.
Baladins. Voy. Bateleurs et Maîtres
de ballets.
Balais (Marchands de). On criait des balais
dans les rues de Paris au treizième siècle :
Al balais, .si com jo l'entcn ! 3.
L'annonce est encore un peu succincte, mais
elle se complète au seizième siècle :
J'ay des balctz do plusifurs soi'tcs,
l'^'aitz de verges douces et fortes,
De janet *, do bicd ou bouleau '
J'en ay icy un jt^ros fardeau ^.
Au dix-huitième siècle, les balais de poils
étaient faits par les brossiers ; la fabrication des
autres était libre. Les balais de bouleaux venaient
en général de la campagne, et ils étaient vendus
à Paris par les chandeliers, les regrattiers et les
fruitiers ".
Balances publiques ( Entrepreneurs
de). Je ne crois pas que ce métier soit antérieur
au dix-huitième siècle ; je n'en ai du moins
rencontré aucune trace avant l'année 1724. Le
16 mai de cette année, des lettres patentes accor-
dèrent à Hugues Blaisot, sieur Desbordes «le
privilège exclusif d'établir des balances pour
peser les personnes, sur les boulevards et hors
des portes de la ville de Paris, pendant le tems
de vingt années, avec faculté de recevoir un sol
de chaque personne qui voudra se faire peser. . ,
A la charge que lesdites balances ne serviront à
d'autre usage qu'à peser les personnes seulement
et non les mar(;handises ».
Cette innovation effraya le Parlement qui,
avant d'enregistrer les lettres patentes, demanda
l'avis du lienlenant général de police, du
procureur du roi près la ville et du prévôt des
marchands. Je n'ai pas l'avis des deux premiers,
mais le prévôt des marchands ne se montra pas
moins timoré que le Parlement. 11 répondit:
« Nous ne connoissons aucune nécessité ni utilité
d'établir des balances pour peser les personnes
sur les remparts et hors les portes et barrières de
' \ oy les Jfe'muirfs secrels dits de Hacbauniont, 18
juin et Ui juillet 1785, 10 septembre 178().
* Thiéry. t. II, p. 133.
•'' Guill. lie la Ville Neuve, Les crieries de Paris.
* I)i' jonc ou de genêt.
G Cris de Paris consen-és à la biblioth. de l'Ar.senal.
V(ry. aussi A. Truquet, Les cent et sept cris, etc.
» t'iicijclopcdie métliodiqiie, Commerce, t. I, p. 180,
■\v\ hiilays.
BALANCES PUBLIQUES - BALEINMS
61
la ville (le Paris. Même, après avoir fait atlention
aux iuconvéniens qui pourroient résulter de
pareilles assemblées publiques et tumultueuses,
des paris ou gageures, et des rixes et querelles
que ces assemblées pourroieut causer à ce sujet
sur lesdils remparts, notre avis est qu'un pareil
établissement ne doit point être permis., ».
Le Parlement passa outre. J'en trouve la
preuve dans une lettre du sieur Desbordes, datée
de mars 1725, et dans laquelle, pour tirer parti
de son privilège, il écrit à la municipalité de je
ne sais quel endroit : « .... Comme j'ai déjà traité
à forfait avec quelques villes, j'ai crû qu'en vous
proposant la même chose, je vous donnerois par
là lieu d'occuper et de faire gagner la vie à
quelques habitans. C'est un amusement innocent,
qui satisfera la curiosité de plusiem's, et dont
l'tipération peut se faire facilement avec une
balance ù la romaine, guniie.d'un seul plateau
ou d'une chaise, que l'on peut rendre portative
aux foires, à l'entrée des promenades publiques
ou dans d'autres lieux convenables... ». Desbordes
se contentait, pour tout di'oit, d'une somme de
quatre-vingts livres une fois payée.
Il serait plus intéressant de savoir quel résultat
il obtint à Paris, mais le silence de tous les
chroniqueurs contemporains permettrait de sup-
poser que l'avis de la municipalité prévalut et
que l'autorisation fut accordée pour la province
seulement.
J'ai retrouvé le texte original du privilège
accordé à Desbordes et de la circulaire émanant
de lui, deux feuilles simples qui doivent être fort
rares et qui figurent à la bibliothèque Mazarine,
dans le recueil coté A 15,385, 16* et 17* pièces.
L'on peut encore consulter sur cette affaire la
Revue rétrospective, deuxième série, t. VIII
(1836), p. 468.
Balanciers. Fabricants de balances et de
poids. Dès le neuvième siècle, on connaissait
notre balance actuelle, formée d'un fléau, d'un
stjle, d'une bielle et de deux plateaux *.
Les balances n'étaient pas d'un usage bien
général à Paris au treizième siècle, car la Taille
de 1292 mentionne seulement deux balanciers ;
on y trouve aussi un pessier que Géraud ^ regarde
comme étant un fabricant de poids. Celle de 1300
cite trois balanciers ; on en comptait dix-huit en
1325'^ etleur nombre était réduit à six en 1691 *.
Leurs plus anciens statuts datent du 2 décembre
1325, et présentent fort peu d'intérêt. En octobre
1519, une sentence du Cliâtelet leur interdit de
vendre des balances sans y joindre les poids,
mesure prise contre les merciers et les fondeurs,
qui s'étaient ingérés d'en fabriquer. Au dix-
septième siècle, la durée de l'apprentissage était
fixée à cinq ans et suivie de deux ans de compa-
gnonnage. Les maîtres ne pouvaient avoir à la
fois plus d'un apprenti, et celui-ci devait être né
1 Voy. Viollet-le-Duc, Dictionnaire du mobilier, t. II,
p. 22.
2 Paris soua Philippe-le-liel, p. 531.
■-* Fagniez, Etudes sur l'industrie, p. 8.
* Savary, Dictionnaire du commerce, t. I, p. 218.
à Paris. Deux jurés, élus puur deux ans, admi-
nistraient la corporation, qui se composait de
dix maîtres en 1717, de quinze maîtres en 1773
et de .seize maîtres en 1779.
Les balanciers étaient soumis ù la juridiction
de la cour des monnaies. C'est d'elle qu'ils
recevaient la maîtrise ; c'est au gretle de cette
cour ([u'était conservée l'empreinte du poinçon
dont cluKjue maître devait timbrer ses produits,
et qui représentait en général l'initiale de son
nom surmontée d'une couronne ileurdelysée. Les
pt)ids portaient en outre une Heur de lys, marque
de l'étalonnage de la cour des monnaies.
(Jn possédait déjà, au commencement du dix-
huitième siècle, des balances que la 4,096* partie
d'un grain faisait trébucher '. Les fléaux étaient
alors fournis aux balanciers par les forgerons, les
bassins par les chaudronniers.
Les balanciers avaient pour patron saint Micliel,
que la liturgie qualifie d'introducteur des unies
dans l'éternité et que lesanciennes représentations
du jugement dernier montrent pesant les âmes
devant le souverain juge. Les maîtres célébraient
la fêle de leur patron le 29 septembre, à l'église
des saints Innocents, aux environs de laquelle
ils ne cessèrent de demeurer depuis le treizième
siècle.
Voy. Balances publiques. — Poids
le roi. — Foids (Fabricants de), etc.
Balanciers du roi. \oy. Directeur
du balancier du Louvre.
Balayeurs. L'histoire a conservé le nom
de quelques-uns de ces humbles travailleurs. Le
balayage de l'Apport-Paris constituait un service
public, dont le titulaire fut nommé par le prévôt
de Paris, d'abord, puis, à dater de 1512, par le
roi ^. En 1490, le placier-balayeur de l'Apport-
Paris était un poulailler appelé Jean Gentil : en
1512, il avait été remplacé par un sieur Antoine
Rigault. Pour assurer ce service, le balayeur
était autorisé à percevoir une taxe sur les proprié-
taires et les locataires des maisons qui entouraient
la place, et sur les nombreux marchands qui y
étalaient ^ .
L'Apport-Paris, dit aussi Porte de Paris, était
situé devant le Grand-Chàtelel, et occupait une
partie de l'emplacement représenté aujourd'hui
par la place du Chàtelet. C'est là que se trouvait
la Grande-Boucherie et le marciié à la volaille,
autour desquels se pressaient des vendeurs de
toutes sortes. C'était un des endroits les plus
encombrés de Paris,
Baleines ( Marchands de ). Vincent de
Beauvais trace un tableau très pittoresque et très
exact des opérations qui, au treizième siècle,
constituaient la pêche de la baleine. De nom-
breuses barques destinées à agir de concert
étaient rassemblées, et les marins faisaient retentir
l'air du son des cymbales, car la baleine a
1 Je lai.s.se la respon.sabilité de ccUl' assertion à
Savary. Voy. le mot trébuchet.
2 Ordonnances ruijules. I. XXI, j>. 476.
•* Delamarn', Traité de la police, t. I\ , ji. 263.
02
BALEINES — BANIERS
l'oreilli' charméf par la im-lodie musicale. Au
inomeul où l'imprudeul célacé y prêtait toute
son attention, un pécheur lui lançait une pique
que terminait une longue corde, et la flottille
s'éloignait en grande liâte. L'animal Irappe
s'ahandonne alors ù des mouvements désor-
donnés, mais prévus, puis s'enionce dans les
flots. Il fait de vains eftorts pour se dégager du
Ter qui le relient captif et élargit ainsi sa
blessure. 11 reparaît enfin ù la surface et ne tarde
pas à donner les signes d'une mort prochaine.
Les matelots se rapprochent, et l'espoir du succès
conmiunique du courage aux moins hardis. On
entoure le monstre, il est achevé à coups de
piques ; on le lie avec des cordages, et triompha-
lement on ramène à terre au milieu d'enthou-
siastes acclamations '.
Alhert de Bollsladl nomme la graisse de la
haleine yraspoù -, vocable (|ui figure bien
souvent 'dans les ordonnances royales de cette
époque. Le craspois ou lard de carême composait,
en ellét, la principale nourriture des pauvres
gens pendant les jours maigres. D'autres parties
de son corps, la langue entre autres, étaient fort
estimées, et l'on en faisait graïul usage, surtout
dans les couvents ■'. Les églises de Saint-Bertin
et lie Saiiit-(Jmer percevaient un ilroit de quatre
deniers pour chaque queue de baleine. L'abbaye
de Caen prélevait la dime des baleines prises à
Uives *, l'église de Coulances celle des langues
de baleine amenées à Merri ^. Les fanons avaient
leur emploi dans l'industrie : Guillaumo le
Breton n(»us apprend, par exemple, que sous
l'hilippe-Auguste les guerriers en composaient
dfs ornements pour leurs casques ''.
Au dou/.ii'me siècle, les Norvégiens et les Islan-
dais avaient « distingué di'jà vingt-trois espèces
<le baleines par des noms différents ; et, bien ([lie
la description i[u'ils en ont laissée soit très impar-
faite, on y reconnaît la plupart de celles que l'on
rencontre aujourd'hui dans les mers du Nord '' ».
Le monopole des ouvrages faits en baleine
api^irlcnail aux fabletiers. Les jurés de la corpo-
niti<»n ayant siiisi cliez un sieur MuUol « 300
pa(piels de lialeiiies ». soutenaient ({ue leur
communauté « avoil seide le privilège d'acheter.
fuçjMMM'r et vendre la marchandise de baleine et
les ouvrages qni se font avec icelle ». Le Chàtelet
leur donna raison e| j)rescrivil, au prolit de la
corporation *, la vente des baleines saisies.
' i;ii nin(!nu Iripurtio n. Spéculum ua/urale, 102t,
iii-luh.K
' 0 HiijuH yiM-is innium i-sl quod {;rnt<pois vocalur ».
I/,.!i .•.•1..-..1 i.lii^ ■••■•\itia\rfii\v\\i eraspoîs.
' î iiJipiiii- |M.rlic)iii's stmtionuii! (d'i-s-
"l't' 1' lii.sci.s (|un- i)alrnn diriliir abmidc
iiniii.-'liiilMinti' ". Uftfa abbntuui Truilonrnsluni. lib. XIII.
Dnii" l.iif d'Aohi-rv, S/n'cilfyiuM. t. \l\, p. 7)1)9.
' '' "-V. Trini/rt/it Cadaiiirnsis {\OC>ii). Dnii.s le
fin- "'. 1. XI, in.strumrnt)), p. 59.
ii ///. pro KcrI.sia Ciiiu/niilienxi {UiZ).
n» irisfiniia, l XI. p. 239
'■ ' ' 11- Bn-loii. Philippiilos. édil. Dolalx.rde,
I II, p w7o. Vtiy. nii.H.si pap- :{;il.
" Il -J. Noid. Histoirt gfnéroU Het prchts, t. I, p. 218.
* Voy. Aris ilf }f. Ir Procureur du koy . qui fait défenses
à louirs nulrfs personnes que les peignirrs-tabieliers île
/■„,•„». ,r--/ /•-„,, r..,„,.„.r.- ./.. /,„/,.,■..„, ],, scpiumbro 1G39.
Les boursiers prétendaient aussi avoir droit à
leur emploi. Ue fait, ils obtinrent l'autorisation
de confectionner, comme les fabletiers, des
parasols et des parapluies. En outre, dans leurs
statuts de 1750* ils s'intitulent faiseurs de bustes,
c'est-à-dire de corsets pour les femmes.
Balestriers. Voy. Arbalétriers.
Ballets (Maîtres de). M. Jal a très bien
démontré que, dès le seizième siècle, il y avait à la
cour des personnages en titr.; d'office qui portaient
le nom de baladins, et dont les fonctions consis-
taient à régler des ballets, à composer les pas et
les figures, à régler les bals et les fêtes où la
danse devait avoir sa part ' . Vers la fin du dix-
septième siècle, ces baladins devinrent maîtres à
danser et maîtres de ballets. En 1692, un sieur
de Beauchamp avait le titre de maître des ballets
du Roi/ -.
Le règlement du 19 novembre 1714 déter-
mina ainsi les fonctions du maître de ballets à
l'Opéra : « Il travaillera à la disposition des
danses et ballets, et indiquera les acteurs et
actrices auxquels il conviendra de distribuer les
danses. Il sera tenu de montrer et faire répéter
les dites danses par lui-même ou par le maître
de salle sous ses ordres. L'un et l'autre assis-
teront à toutes les répétitions et représentations,
pour faire exécuter les danses dans le goût
qu'elles auront été composées, ou pour contenir
les danseurs et danseuses dans le devoir -^
Voy. Chorégraphes. — Danse (Maîtres
de). — Théâtre etc.
Ballonniers. Faiseurs de ballons. Voy.
Jouets (Fabricants de).
Banchiers. Officiers chargés de percevoir
l'impôt du banvin.
Bandagistes. Voy. Herniaires.
Ban d'août. Voy. A.oût (Loi d').
Bandes (îrande et petite). Voy. Instru-
ments (Joueurs d').
Baneliers. Voy. Banneriers.
Bangards. Gardes d'un banc, d'un terri-
toire. Voy. Messiers.
Baniers. Voy. Messiers.
Baniers. Officiers puldics chargés de porter
les sommations td de proclamer les bans du
seigneur.
Grieurs du ban, porteurs de la semonce du roi.
Hérauts, sergents, huissiers de justice, trom-
pettes, crieurs publics.
Gardes d'un ban, d'un territoire *.
On trouve aussi banniers., laigners, etc.
' Dictionnaire critique, p. 97.
* Litre commode pour 1692, t. 1, p. 206.
3 .\rlicle 29.
* Voy. Godcfroy, Dictionnaire de l'ancienne langue
française.
BANNERIERS — BANNIKHKS
«3
Baiineriers. Porte-bannière. On Irouve
iuissi Bunehers.
Bannières (Ordonnance dite des). ]<]n
1407, Louis XI, menacé par Charles le Témé-
raire et n'osant trop compter sur la fidélité de sa
noblesse, résolut de confier la garde de Paris aux
« manans et habitans » de sa bonne ville. Il
octroya de nouveaux statuts à la plupart des
corporations ouvrières, et une ordonnance datée
du mois de juin eut pour objet de les organiser
en milice urbaine. « Pour le bien et seureté de
nostre bonne ville de Paris, dit le roi, et pour la
trarde. tuicion et detlense d'icelle », nous avons
« lait mectre sus et en armes les manans et
habitans de tous estatz de nostre dicte ville et
cité, et ordonné les gens de mestiers et marchans
estre divisez et partiz en certaines bannières,
soubz lesquelles ilz seront chascun selon la
qualité et Testât dont il est ».
Kn conséquence les maîtres ^, les ouvriers de
tous les corps de métiers, le Parlement, le
Châtelet. la Chambre des comptes, les fonction-
naires des aides et des monnaies, en un mot
tous les hommes de seize à soixante ans en état
de porter les armes, durent se procurer « un
habillement soui'fisant selon leur possibilité »,
une longue lance ou une coulevrine à main ^,
une brigandine ^, une salade * et un vouge ^ .
Ainsi équipés et armés, ils étaient partagés en
soixante et une compagnies dont chacune avait
pour chefs un principal et un sous-principal,
çlus chaque année par les maîtres des métiers
réunis au Chàtelet. Les maîtres seuls pouvaient
prétendre à ces grades : « Ne pourront estre
esleuz aucuns en principaulz etsoubz-principaulz,
sinon qu'ils soient chiel's d'hostelz ^, bien receans,
renommez et conditionnez, et qu'ils ayent
demourez et résidé en ceste ville six ans au
moins » . L'ordonnance donnait à tous le droit de
porter « dague », et autorisait même les nouveaux
soldats à sortir par la ville « les dimanches et
aultre festes » avec leur costume et leurs armes.
Elle faisait plus encore, elle accordait officiel-
lement des armoiries à tous les corps de métiers.
Chaque compagnie était, en efiet, distinguée
par une bannière spéciale, que l'article 2 de
l'ordonnance décrit ainsi : « Et en chascun
desdicts mestiers et compaignies y aura une
bannière armoryée et figurée d'une croix blanche
au milieu, et de telles enseignes et armoiries que
lesdits mestiers et compaignies adviseront ».
On devine ce que furent ces armoiries. Comme
sur les méreaux, on y vit certainement figurer
ou le patron du métier, ou ses principaux pro-
duits, ou les outils les plus employés par lui. Ce
sont là, ainsi que le dit très bien M. Levasseur ',
les insignes de l'artisan, comme l'épée ou la
lance sont ceux du chevalier. Quand celui-ci ne
' Commerçants établis-, patrons.
2 Arquebuse.
3 Pourpoint recouvert de lames d'acier.
i Casque léger et sans ornement.
•*' Sorte d'épieu.
6 Chefs de maison, même sens que maîtres.
" Histoire des classes ouvrières, t. 1, p. 582.
savait pas écrire il apposait au bas des actes qu'il
devait sio-ner son sceau armorié suivant les rèo'les
(lu blason, tandis que l'artisan y traçait ti la main
les instruments de son métier. Il existe un grand
nond)re d'anciens contrats souscrits d'un marteau,
d'une clef, d'un fer à cheval, d'une roue, à C(Mé
(les({nels le notaire a écrit le nom du maçon, du
serrurier, du maréchal, du charron dont la
signature était ainsi représentée '.
J'ai vainement cherché aux Archives et dans
les collections manuscrites de la Bibliolhècpie
nationale la description des bannières de 1467.
Elle nous eût appris d'une manière certaine ce
([n'étaient les armoiries primitives des corpo-
rations, de la plupart d'entre elles, du moins -,
car, comme on va le voir, plusieurs métiers
étaient réunis sous la même bannière, et avaient
par consé([uenl des armoiries communes. Tous les
documents que j'ai consultés, même les Registres
(les Bannières '^, restent muets sur ce point.
Mais les métiers étaient trop fiers de leurs
armoiries, ils les admiraient et les chérissaient
trop pour les changer ; ils le prouveront bien au
dix-septième siècle. Les entrées solennelles des
rois et des princes, les réjouissances publiques,
les réceptions et les obsèques des maîtres, les
élections des jurés étaient autant d'occasions de
les produire. L^lles figuraient parfois sur les
vitraux de la chapelle où se réunissait la confrérie,
presque toujours sur les objets d'or, d'argent ou
d'étain à l'usage de la commiuiauté. Il est donc
permis d'affirmer que les symboles frappés sur
les méreaux de chaque corporation apparurent
sur sa bannière. Et dans la suite, quand chacun
des métiers réunis sous la même Imnnière voulut
avoir des armoiries particulières, celles-ci rappe-
lèrent toutes par plus d'un détail les armoiries
communes.
Ainsi, la première bannière était formée par
les tanneurs, les baudroyeurs et les corro^'eurs,
Nous ignorons ce que représentait alors leur
étendard -, mais, lorsqu'on voit ces trois métiers
faire figurer plus tard dans leur armoiries
le même instrument de leur métier, deux
couteaux de revers ou couteaux paroirs d'argent
et emmanchés d'or, n'est-on pas en droit de
supposer que ces objets ornaient leur première
bannière V Pour que chaque corporation ail son
blason spécial, les tanneurs ont placé les deux
couteaux en fasce ^ , les baudroyeiu-s et les
corroyeurs * les ont placés en sautoirs ^, mais
tous ont conservé précieusement ce souvenir de
leur blason primitif. On peut conclure de cet
exemple que les corporations changèrent aussi
rarement d'armoiries que de patron, et que les
armoiries qu'elles firent enregistrer à la fin du
dix-septième siècle difiéraient peu de celles
qu'elles avaient adoptées dans l'origine.
L'ordonnance dite des BannièresQ.é[é imprimée
1 ^ oy. Michelet, Origines du, droit français, p. 220.
- Voy. l'art. Bannières (Registres des) .
3 Horizontalement.
4 L'ordonn. du 21 novembre 1577 les avait réunis
en une seule corpnration.
3 En croix.
04
BANNIÈRES
Texte
(le M. Pastoret.
!'« Bannière.
TaiiMt'urs.
Baiiditiveurs.
(lormvtnirs.
Il**
Saiiiliirit'is.
Bniirsiers.
Mesijfissiers.
IIP
( laiitiers.
K>L'-.iill.-ti^M
daii> le t.Jiiie XM ' du grand recueil dit des
Ordonnances des rois de France. M. de Pastoret.
qui a publié ce volume en 1814, déclare avoir
copié l'ordonnance dans le Livre rouge du
Chàlelet et Tavoir collai ioiniée sur le premier
volume des liegislres des Bannières. Il indique
même exaclemènl en note à quel folio de ce ma-
nuscrit - elle se trouve. Il existe cependant entre le
texte doiuié par M. de Pastoret et celui du registre
des Bannières de telles diti'érences, qu'il n'est
o-uère permis de croire à l'assertion du savant aca-
démicien, lime sui'tira pour le prouver de mettre
eu reo-ard le cummcncement des deux textes :
Texte
du reijistre des Bannières
P*-' Bannière.
Tanneiu's.
Baudroyeurs.
Courayeurs.
IP
Sainturiers.
Boursiers.
Megissiers.
III''
(îantiei's.
MsgueulU'Iiei's.
.Siiinlui-ier> •■! pareulx Tainturit-rs et pareux de
de peaux. pcaulx.
iV ^ IV-^
(^)rduniii«'r>. Cordouenniers.
Ainsi, sans insister sur les variantes d'ortho-
graphe. M. de Pastoret ne s'est pas même
aperçu qu'il faisait figurer les sainturiers à la
fois dans la deuxième et dans la troisième
Itanriicre ; et, en supposant que le Livre rouge
renlVrme celle erreur, n'eûl-elle pas été corrigée
lors de la collation sur le registre des bannières,
qui place très lisiblenu-nt dans la troisième les
tiiiiiliiriers et non les sainturiers f
.M. de Pasiorel ne s'est pas aperçu non pluscpie
son texte, comme celui du registre des Bannières,
HU reste, mentionne seulement 60 bannières,
tandis que l'article I" de l'ordonnance dit for-
MD-Ilcmeiil (pie tous les habitants de Paris « seront
parliz \'\ divisez en sdixante-une bannières '^ et
(•(»nq>ignit's ». La composition de la soixante
et unit'Hi»' bannii'n^ doit sans aucim doute être
cherchée dans l'art. 'iW de l'ordonnance ; il
pPfscril l'arint-mt-nl des meudjres du Parlement,
du (ihAlflfl, de la Cluunbre des comptes, etc.,
Imis pi'rsonuHgfs imporliints, (pie les rédacteurs
df riirdonnuiice n'ont pas voulu comprenilre
parmi l.-s •• gens de mesliers et marchans ».
l'our riiouiuMir du licnu-U des ordonnances, si
prt^cieux malgré ses imperfections, il faut pas.ser
nipidenuMit sur les quelques notes au moyen
« Pnp.' «71.
' Kolio 84.
•'• M. H. Martin, qui a rpprotluii ccllr li.slo i-n
ii.lr Hittoirt de FroHcf. l. VU, ji. 21) annonce au.s.-i
(il biuiiiiiT.>. t|u'il pn-nd mi^nii- .suin df numéroter, .i
il nr- r.iimr.|ur pas non pin» i|Ui> sou «jnunieratiuii
. .. ..'•1. • I ■ -."ixanlièine.
desquelles M. de Pastoret a pensé éclaircir le
texte de l'ordonnance des Bannières ; elles
dénotent une ignorance complète de l'histoire
de nos corporations ouvrières.
Voici, d'après le premier volume des Registres
des Bannières^, la liste des soixante et une
bannières sous lesquelles devaient marcher tous
les Parisiens.
V^ Bannière.
Tanneurs.
Baudroyeurs.
Courayeurs ^.
IP
Sainturiers •''.
Boursiers.
Megissiers.
IIP
Gantiers.
EscrueuUetiers *.
Tainturiers et pareux
peaulx ^.
IVe
Cordouenniers.
ye
Boulengers.
VP
Paticiers.
Musniers ^.
VIP
Fevres.
Mareschaulx.
VHP
Serruriers.
IX«
Goustelliers.
Gueyniers ''.
P'ismoleurs *.
X«
Serpiers ^ .
Cloustiers ^'\
XP
Chandeliers.
Huilliers.
XIP
Lormiers **.
Selliers.
Coffriers.
Malletiers.
XIIP
Armuriers.
Brigandiniers ^^.
Fourbisseurs de har -
noys.
Lanciers ^^.
(Je Fourbisseurs d'espées.
XIV
Freppiers.
Revendeurs **.
xv«
Marchans pelletiers.
Courayeurs de peaux ^^.
XVP
Marchans fourreux ^^,
XVIP
Pigners ^"' .
Artillersi».
Paliniers*^. 20
Tourneurs de blanc bo^^s
XVIIP
Bouchers de la grant
boucherie, et autres
boucheries subjectes.
XIX«
Bouchers des boucheries
de Beauvais, Gloriec-
le. cimetierre Saint-
Jehan et Nostre-Dame
des Champs.
Archives nationales X 7, f" 84.
Corro_)-eurs.
Cointurii-rs.
.\ii^uili('(iers ou forrcurs d'aiguillette.s.
'l'eiiiturii-rs en cuir et pareurs de peaux.
Meuniers.
(iainier.-i.
\oy. Keniuuleurs.
'I'aillaiidi(>rs.
(jloutier.s.
No}', l'art. Lormiers.
Voy. cet article.
l'^abripunls de lances.
Je cruis qu'il faudrait lii'e ici fripiers-revendeurs
Sans doute les conreeurs de robes-vaires.
l'^ourreurs.
Fabricants de peignes.
Voy. cet article.
labricant^ de patins, chaussure alois fort à la iiiodi
Tourneur.s.
BANNIÈRES
65
Tixerans de ling'e *.
XXI«
Foulons de draps.
XXII"
Faiseurs de cardes el de
pigiies ^.
Tondeurs de <?i'ans for-
ces '' .
XXIIP
Tainluriers de draps.
XX1V«
Pluchers *.
xxv«
Cousluriers ^.
XXVP
Bonnetiers.
Foulons de bonnets.
XXVIP
Chappelliers.
XXVIIP
Fondeurs.
Chauderonniers.
Kspingliers.
Balanciers.
Graveux de seaulx.
XXIX«
Potiers d'estain.
Bibelotiers ".
xxx«
Tixerans de lange ''.
XXX P
Pourpointiers.
XXXIP
Maçons.
Carriers.
Tailleurs de pierre.
XXXIIP
Orfèvres.
XXXIV«
Tonneliers.
Avalleurs de vins *.
xxxv«
Pain ires.
Ymagers ^.
Giiasubliers.
Voirriers ^^.
Bi'odeurs.
XXXVI''
Marchans de hiiclu: ' ' .
Voiluricrs p;ir cane.
Hasielliers.
Passeurs ^-.
Faiseurs de basleaulx.
XXXVII"
Savetiers.
XXXVIII"
Barbiers.
XXXIX"
Poullailliers.
Queux '"*.
Rôtisseurs.
Sauccissiers.
XL"
Charrons.
XLI"
Lanlerniers.
Souffletiers.
Vanniers.
Ouvriers d'osier ■■ * .
XLII"
Porteurs de Grève.
XLIII"
Henouars *'*.
Revendeurs de foing et
de paille.
Chauffourniers.
Estuviers.
Porteurs des halles.
XLIV"
Vendeurs de bestail '^.
Marchans de bestail.
Vendeurs de poisson de
mer.
XLV"
Marchans de poisson
d'eaue doulce.
Pescheurs.
' Tisserands. \'o\-. la oO'' bannière
^ Pour la lain(?.
"* Voy. l'art. Forcetiers.
4 Voy. l'art. Menuisiers.
^ Voy. cet article.
6 Voy. cet article.
"^ Tisserands de laine.
8 Déchargeurs de vins.
3 Peintres et sculpteurs.
10 Verriers.
^1 Marchands de hois à brûler.
1'^ Bateliers passeurs d'eau.
■•3 Cuisiniers.
li Voy. l'art. Vanniers.
1^ Porteurs de sel.
16 ^ oy. l'art. Vendeurs.
XLVP
Libraires.
Parcheniiniers.
P]scripvains.
Knluinineui's.
XLVII"
Drappiers ^ .
Chausseliers.
XLVIIl"
Espiciers.
Apo ficaires.
XLIX"
Deciers -.
Tapiciers.
Tandeiu's •'.
Tainturiersde fil, de
soye et de toilles.
L"
Merciers.
Lunetiers.
Tapiciers sarrasinois.
LI"
Mareschers.
Jardiniers.
LU"
Vendeurs d'eufz , fro-
mages et egrun.
LUI»
Charpentiers.
LIV"
Hostelliers.
Taverniers.
LV"
Pigneux et cardeux de
layne.
LVI"
Vignerons.
LVIP
Cotivreurs de maisons.
Mannouvriers.
LVIII"
Cordiers.
Bourreliers.
Gorretiers* de chevaulx.
Vendeurs de ciicvaulx.
LIX"
Buffe fiers.
Potiers de terre.
Na tiers.
Faiseurs d'esteufz ^.
LX"
Notaires.
Bedeaux.
Et autres praticiens en
coursd'Eglise, mariez,
non estans de mestier,
LXI"
Cour de Parlement.
Chambre des comptes.
Chatelet.
Prévôté de Paris.
Prévôté des marchans,
etc., etc., etc., etc.,
« avec tous les mem-
bres deppendans et
suppostsd'iceulx.gens
et serviteurs ».
Cette ordonnance avait été signée à Chartres
au mois de juin 1467. Le 14 septembre suivant,
le roi passa en revue cette nouvelle milice
nationale, et Jean de Roje nous a conservé le
souvenir de cette solennité, qu'il raconte avec
son enthousiasme et son exagération ordi-
naires ". *
Voy. Armoiries des corporations. —
Bannières (Registres des). — Guet des
métiers, etc.
Bannières (Registres des). Les registres
du Chatelet relatifs aux corporations ouvrières
ont été el sont encore désignés sous le nom de
Registres des Bannières. Delamarre au dix-
septième siècle '' et tous les historiens qui se
sont après lui occupés de ces registres déclarent
([ue leur titre <.< vient de bamiire, hannwn^ qui
signifie ordre, mandement, avis publié par la
1 Marchands de drap.
2 Fabricants de dés à jouer.
■* Voy. lart. Poulieurs.
i Courtiers.
^ Paumiers.
6 Êdit. B. de Mandrot, t. I, p. 180.
'' Traité de la police, t. I, p. 261
00
BANNIÈRES — BARBIERS
police * ». Mais, à ce compte, tous les recueils
d'ordonnances seraient des reo^istres des ban-
nières. N'esl-il pas plus naturel d'admettre que
ces registres, qui ont commencé à être tenus
préciseinent en 1467, bien qu'on y ait inséré
quelques documents antérieurs, doivent leur
urij^ine et leur litre à l'ordonnance de 1467 ?
Luin'-temps après cette date, les mots métier et
bannière étaient encore pris l'un pour l'autre, et
Ton disait iuditléremment : à quel métier ou à
quelle bannière appartenez-vous '{
\oy. Bannières (Ordonnance des).
Banniers. \ oy. Baniers et Boisse-
liers.
Banque Commissionnaires de). « Ce sont
ceux qui procurent l'acceptation et le paiement
des lettres de change, ou qui en font passer la
valeur dans un lieu marqué - ».
Baiiqueteurs. Nom donné, surtout dans le
Nord de la France, ù des ol'ticiers municipaux
chargés du contrôle des draps.
Banquets.
Past, elc.
\tjv. Aboivrement.
Banquiers. Le mul banque est d origine
ittilifiim- ; il vieul àebanco, le banc où s'asseyaient
les changeurs italiens qu'on appelail banquiers ;
ban(jueruule est dérivé de banco rolto, banc
rompu. Le commerce d'argent que désignent
tous ces mois l'ut d'abord exercé en France par
d»'s étrangers, par des juifs, des Lombards, elc.
Piiilippe-Augusle ayant chassé les juifs de ses
étals, ils se réfugièrent en Normandie ; là ils
donnèrent aux voyageurs, aux négociants étran-
gers des lettres secrètes pour ceux qui avaient
reeu leurs richesses en dép(M : c'est l'origine de
lii li-tire tlf chiuige.
V.n 1043, le cardinal de Tournon persuada à
Franeois i'"'' d'établir une banque à Lyon, oii le
mouvemeni commercial des foii'es lu rendait
né(;essjure. D'autres furent instituées en 1549 à
Toulouse, en ir)fiOii Rouen. l<]n 1547. on proposa
Il Hriiri H d'en créer une à Paris, el le plan fut
même soumis ù l'exiinien de l'échevinage ; les
bizarres raisons qui le firent rejeter prouvent que
la F'rance n'élail pas encore bien avancée dans
In .scionce de l'économie politique.
A la fin du dix-huitième siècle, les banquiers
nppnrleiiiiieiil ù la corpornlion des merciers ^.
Banquiers expéditionnaires en
Cour ti<' Rome. On apiidail ainsi les ban-
(|uiers rpii nvaieril h- privilège de solliciter les
grùces. bidies, dispenses emiinanl de la Cour de
Home. Ils se chargeai. -ni ..n ouin' de procurer des
' II Hordicr, Lf$ architet de la Frnnte, p. 257.
« l..'.s (louzn ropislr.'s dits llnnnièrrx. .hi' iij„| hannire
Hipniliant publier n Inrrninire sommaire ilrs fonds
rvHstrrtt aux archiva nnliunoles, l. I, p. 307,
' Jaubcrt, Dielionnaire des arts el mrlirrs, t. I, p. 024.
3 Sur «otU ceci, voy. A. tlhémol, Dictionnaire des
tmhtulwHs. I I, p rtv — K \."\>\ssi-Mr, Classe, oiirrières
tn France, t. II, |>. \\.
expéditions des pièces délivrées par la chancellerie
el la dalerie romaines.
Voici, comme exemple, un certificat délivré
par trois de ces banquiers : « Maistres Jean
l'Uylier, aagé de soixante-neuf ans ou environ,
demeurant rue de la Harpe ; Gilbert Chapelle,
aagé de soixante ans, demeurant rue S. Jacques,
et Nicolas Anroux, aagé de quarante-deux ans
ou environ, demeurant rue des Noyers, tous
trois banquiers à Paris, solliciteurs d'expéditions
de Cour de Rome, certitions et attestons pour
vérité avoir veu, leu el diligemment examiné
certaine signature intitulée Indidtwm Parisiense,
commençant en ces mots: « Beatiss. Pater,
exponunt humiliter, etc. ». Les seings et escri-
tures de sa Sainteté et de sesdits officiers déclarons
bien connoistre, tant pour les avoir veu escrire,
comme pour avoir fait expédier en ladite Cour de
Rome plusieurs autres signatures signées, datées
et paraphées de seings, escritures et paraphes
semblables à ceux de ladite signature, qu'asseu-
rons eslre telle que sur icelle nous voudrions bien
entreprendre faire expédier bulle sous plomb et
en forme probante, qui nous en voudroit bailler
la charge, avec temps el délay nécessaire, et
fournissant aux frais à ce convenables ».
Ces financiers furent déclarés officiers publics
par édit de mars 1673. D'abord au nombre de
douze, un édit de 1691 les porta à vingt. Les
expéditions de lacliancellerie romaine devaient
être revêtues de leur signature pour avoir un
caractère authentique devant les tribunaux
fraMt;ais.
Banvin (Droit de), dit aussi Droit des
VENDANGES. Droit que possédaient certains
seigneurs de vendre seuls du vin sur leurs terres
durant un temps déterminé. Ce laps était parfois
de quarante jours, parfois aussi il commençait à
Pâques et finissait seulement à la Pentecôte ^ .
Baquetiers. Voy. Cuveliers.
Barbaricaires. Nom donné aux tapissiers
faiseui's de tapisseries. On écrit aussi brambari-
raires.
Barbaudiers. Faiseurs de barbaude, sorte
de cervoise.
Barbeteurs. Voy. Barbiers.
Barbier du roi (Premier). Il était chef
de la corporation des barbiers. \'oy. Maître
des barbiers.
Barbieurs. Voy. Barbiers.
Barbiers. Jusqu'au milieu du dix-seplièine
siècle, tout barbier était en même temps chirur-
gien. Dans sa boutique, obscure et sale, il rasait et
saignait, coupait les cheveux et posait des
ventouses, pansail les plaies, ouvrait les anthrax,
ne reculait même pas devant les opérations les
plus compliquées et les plus dangereuses. Un
préjugé persistant enveloppait dans le même
' \ oy. Ducange, Glossarium, v» Bannum vint.
BARBIERS
67
dédain tout travail manuel, qu'il s'appliquât à
un métier, à un art ou à une science. L'ou\Tier
maçon et l'architecte, le barbouilleur d'enseignes
et le peintre qui ornait les palais royaux de chefs-
d'œuvre, le barbier et le cîiirurg-ien enfin appar-
tenaient l'un et l'autre et au môme titre à la même
corporation ouvrière. A vrai dire, il n'y avait
guère entre eux de différence, el plusieurs de nos
meilleurs chirurgiens, Ambroise Paré entre
autres, n'étaient que des barbiers, et furent
associés fort tard à la classe des chirurgiens
proprement dits.
Ce que l'on reprochait aux barbiers, gens fort
serviables et fort aimés du petit peuple, qui ne
connaissait guère d'autre médecin, c'était donc
surtout le mélange d'attributions disparates, les
opérations de chirurgie et les soins de toilette :
« Voicy le mal que le barbier ne se contente du
poil ^ », était déjà une phrase proverbiale, au
seizième siècle. Louis XIII voulut donner satis-
faction à un vœu si général. En décembre 1637,
ij autorisa l'établissement d'une nouvelle commu-
nauté de barbiers, celle des barbiers-barbants, à
laquelle toute pratique chirurgicale était interdite,
et qui n'avait dans ses attributions ([ue les bains
et la coitîure. Les barbiers-chirurgiens protes-
tèrent, et l'affaire fut portée au Parlement qui
procéda avec une sage lenteur. Au mois de
décembre 1659, Louis XIV intervint et confirma
la création faite par son prédécesseur. L'édit
rendu à cette occasion ne put encore être exécuté,
et fut renouvelé le 23 mars 1673 ; « Nous avons
reconnu dès il y a longtemps, dit le roi, que
l'usage de faire le poil et de tenir des bains et
étuves, et les soins que l'on apporte à tenir le
corps humain dans une propreté honneste, estant
autant utile à la santé que pour l'ornement et la
bienséance, par nostre édit du mois de décembre
1659, nous aurions ordonné l'établissement d'un
corps et communauté de barbiers-baigneurs-
étuvistes-perruquiers ^, réduits à deux cens, pour
en faire profession particulière, distincte et
séparée de celle des maistres chirurgiens-
barbiers 3 ». Ces deux cents charges étaient
vendues par le roi, et déclarées héréditaires.
Ces barbiers-barbants reçurent, en mars 1674,
des statuts qui furent encore renouvelés le
26 avril 1718. Ces derniers se composent de
69 articles qui méritent d'être analysés.
Comme l'ancienne communauté des barbiers-
chirurgiens, la nouvelle était placée sous l'auto-
rité du premier chirurgien du roi, «chefetgarde
des chartes, statuts et privilèges de la barberie du
royaume ». En cette qualité, il avait sur tous les
barbiers de France « inspection et juridiction ».
Ne pouvant exercer en personne, il se faisait
représenter par un mandataire ou lieufenau/, qu'il
était tenu de choisir parmi les anciens jurés de la
corporation.
Celle-ci se composait du premier chirurgien
du roi, de son lieutenant, d'un greffier, de six
1 Lai'ivey, Les tromperies, scène 4.
2 Les actes officiels les nomment dans la suite
Barbiers-perruquiers-baigneurs-élucistes.
3 Manuscrits Delamarre, t. II, p. 112.
jurés ou prévôts-syndics, des anciens syndics
retirés du métier et des maîtres.
Les jurés étaient élus pour deux ans par une
<lélégation formée du premier chirurgien du
roi, de son lieutenant, des six jurés, de tous les
maîtres Anciens et de quinze Modernes ^ .
Les jurés avaient droit de visite chez les
barbiers-chirurgiens, et ces derniers droit de
visite chez les barbiers-perruquiers. Assistés d'un
sergent à verge, ils devaient faire au moins quatre
visites par an chez chaque maître, « pour voir si
les perruques et cheveux qui seront exposés en
vente au pui)lic sont bons et marchands ». Il était
dû aux jurés quinze sous par visite.
Le Conseil de la corporation était composé de
trente personnes: le premier chirurgien du roi,
son greffier, son lieutenant, le doyen, les six
jurés et vingt Anciens. Il se réunissait tous les
mardis, à deux heures, « pour délibérer sur les
affairescommunes, police et discipline concernant
les maîtres, veuves^, aspirans, locataires,
apprentifs, garçons, ouvriers, et tous ceux qui
sont soumis à la communauté.
Chaque maître ne pouvait avoir a la fois
qu'un seul apprenti. Il était cependant autorisé
à en prendre un second quand le premier avait
achevé sa deuxième année.
Le fils de maître et les compagnons épousant
une fille de maître étaient tenus seulement de
Vexpérience. épreuve facile pour laquelle on se
montrait plus qu'indulgent. Les autres aspirants
à la maîtrise devaient parfaire le chef-d'œuvre,
travail dont la durée était limitée à deux jours.
Il était interdit à un maître d'avoir plus d'une
boutique dans Paris. \jn apprenti ne pouvait,
durant les deux années qui suivaient son admission
à la maîtrise, ouvrir boutique dans le quartier
des maîtres chez qui il avait été soit apprenti, soit
compagnon. Les apprentis ou compagnons
changeant de maison ne pouvaient, avant une "
année, se replacer dans le quartier du maître
qu'ils venaient de quitter.
Afin d'établir une distinction bien apparente
entre les boutiques des barbiers-perrucjuiers et
celle des barbiers - chirurgiens , les premiers
devaient avoir « des boutiques peintes en bleu,
fermées de châssis à grands carreaux de verre,
et mettre à leurs enseignes des bassins blancs pour
marque de leur profession et pour faire différence
de ceux des chirurgiens qui en ont des jaunes ».
L'enseigne devait être ainsi conçue : X, barbier,
perruquier, baigneur, e'tuviste. Ce'ans on fait le
poil et on tient bains et étuves.
Les barbiers-perruquiers étaient autorisés à
« vendre des poudres, opiats pour les dents,
savonnettes, pommades et autres senteurs el
essences, pâtes à laver les mains, et généralement
tout ce qui est propre pour l'ornement, propreté
et netteté du corps humain ».
A eux seuls appartenait « le droit de faire le
poil, bains, perruques, étuves et toutes sortes
d'ou\Tages de cheveux, tant pour hommes que
1 Voy. ces mots.
2 Autorisées à continuer le commerce de leur mari.
08
BARBIERS — BAROMÈTRES
pour femmes, sans préjudice du droit que les
chirurgiens ont de faire le poil et les cheveux,
et de tenir Lains et éluves pour leurs malades
seulement ». Il était défendu à tous particuliers,
ainsi qu'aux « soldats servans dans les (lardes
Françoise et Suisse, de faire aucuns ouwages de
cheveux, mais seulement la barLe aux soldats
desdits rétiniens. >>
La corporation des barhiers-baigneurs-étumstes-
perrur/uiers vompinil environ 700 maîtres à la fin
du dix-]uiili«'me siècle. Elle avait pour patron
saint Louis. Les mailros se sont parfois nommés
harhdev.rs. ha rb leur s, etc.
\uv. Baigneurs. — Chirurgiens. —
Épileurs. — Étuvistes. — Maître des
barbiers. — Mouches (Faiseurs de). —
Perruquiers. — Poudriers, etc.
Bardeurs. Ouvriers maçons employés au
transp.irt des pierres. Le hard est une sorte de
civière : pour les pierres très lourdes, il est
remplacé par un charriol à roues nommé binarâ.
Barillards. \ oy. Barilleurs.
Barilleurs 'l Barilliers. O n'est guère
avant le dix-huitième siècle que l'on s'est décidé
il placer sur la tahle à manger les flacons conte-
nant les boissons. .]us([ue-là, les pauvres allaient
durant le repas remplir leur gobelet, leur tasse
ou leur écuelle à un tonneau installé dans un
coin de la pièce. Chez les riches et chez les
grands, on faisait signe à un échanson, un valet
ou un page; celui-ci prenait une coupe sur le
dressoir, la rfmplissait aux barils qui y étaient
à demeure, l'apportait au convive, attendait qu'il
l'eût vidée, puis la remettait où il l'avait prise.
En général, la partie supérieure de ces barils
formait couvercle et était munie d'une serrure;
on les vidait au moyen d'un robinet. Ils étaient
souvent d'une riciiesse extrême, construits en
bois précieux, couverts d'ornements de cuivre,
d'argent ou de vermeil. On y enfermait, non
seulement des vins tins, mais des liqueurs, des
eaux df senleiirs, des sauces, de l'huile, de la
muulardf mtîme, car certains de ces barils
étaient fort petits, assez légers même pour être
portés sous \i> bras ou sur l'épaule.
.\u In-izicme siècle, la fabrication des l>arils
occupait il elle seule une corporation, qui jouissait
de tous h's privilèges accordés aux industries de
luxe.
Le métier était libre et le nombre des apprentis
illimité. Les maîtres avaient le droit de travailler
il la lumière, et étaient exempts du service
du guet, «car ils et leur mestier servent les riches
homos et les haus homes». Ils ne pouvaient
employer que certains bois tlt; choix, le cœur de
chêne, lf> poirier *, l'alisier', l'érable, le tamaris
et h' brésil '. Les barils d'ivoire, de cristal, d'or,
d'argent élaienl l'œuvre d'autres corporations.
A celte époque le mol ^anV désignait aussi une
' « IVriiT ».
' 0 .\lii'r ».
3 Litrtiits métiers, titr» \1,\ 1
mesure de capacité pour les liquides. Le baril
représentait à peu près un sixième du muid, et
le muid contenait environ 18 hectolitres.
La Taille de 1292 mentionne six harrilliers,
nombre qui n'avait pas changé en 1300.
Je n'ai trouvé aucune trace plus récente de
cette corporation, qui se fondit sans doute de
bonne heure dans celle des tonneliers, et ne
figure déjà plus dans l'ordonnance des Bannières
(1467).
La rue de la Barillerie ' , qui passait devant le
palais de la Cité, portait dès 1280 le nom de
Barilleria, et dès 1292 celui de Barillerie, bien
qu'à cette date un seul barilleur y demeurât -.
La rue Traînée, située près de Saint-Eustache
s'est aussi appelée riie de la Barillerie ^ .
Voy. Bouteillers.
Barilliers. Dans les grandes maisons,
officiers de cuisine à qui incombait le soin des
caves, des tonneaux, des barils. Ils étaient d'un
rang supérieur aux sommeliers. Charles VI et
Charles le Téméraire entretenaient deux barilliers,
qui avaient sous eux des porte-barils *. On les
trouve aussi nommés maîtres des caves et
barillards.
Voy. Barilleurs.
Baromètres et de thermomètres.
(Marchands de). On admet que l'invention du
baromètre par Torricelli remonte à l'année 1643.
Il est moins facile de déterminer quel fut
l'inventeur du thermomètre. Jacques Rohault
dit, dans son Traité de physique publié en 1(571 :
« L'on a inventé, de notre temps, un instrument
(ju'on nomme tliermomèlre ^ ». Dans l'inventaire
des meubles de Molière, dressé en mars 1073,
figure un « termamettre " », et trois ans après,
M""^ de Sévigné, parlant de la chaleur qui
éprouvait les Parisiens écrit à sa fille : « Nous
suons tous à grosses gouttes ; jamais les thermo-
mètres ne se sont trouvés à pareille fête ' ».
Les jardiniers avaient depuis longtemps ima-
giné un ingénieux procédé pour suppléer d'abord
à l'absence, puis aux imperfections de cet
instrument. Ils exposaient à l'air libre, près de
leurs serres, des vases remplis d'eau, et dès qu'ils
apercevaient sur leur superficie la légère pelli-
cule qui annonce le début de la glace, les
paillassons étaient déployés et mis en place *.
Dans la construction des baromètres et des
thermomètres, on substitua bientôt à la grossière
planchette de bois qui portait les degrés une
plaque de métal émaillé. C'est ce ([ui explique
pourquoi la fabrication de ces instruments appar-
tenait à la communauté des émailleurs. On lit
< .\uj. bonlovanl du l'alais.
2 Taille il,- 1292, p. 136.
'^ Jaillol, quart iiM- Sainl-Eustach.', p. 47.
* Olivier de ta Marche. Mémoires, édit. >\>- 1616,
p.__n81. — É lai de la France pnur 1712. t. 1, [.. 117.
^ Première partie, chap. XXIII.
fi Eud. Soulié, lieeherches sur Molière, p. 268.
' /.élire (In 1" juillet 1676, l. I\', p. ,-)()0.
8 Legrand d'Aussy, Vie pricée des Franeais, t. I,
p. 227.
BAROMÈTRES
BAS AU METIER
69
dans Le livre commode pour 1692 : «. Le sieur
Hubin, émailleur rue Saint-Denis, devant la
rue aux Ours, fait et vend des baromettres, des
thermometlres et des hidrometlres d'une propreté
particulière. Le sieur Do, aussi émailleur, rue
du Harlaj, aux armes de France, en vend de
plus simples et à meilleur marché ' ».
Bien que faisant corps avec la communauté
des émailleurs, ces industriels prétendaient s'en
séparer, et avaient pris la qualité de 'physiciens,
marchands de baromètres. « Ce sont eux, dit
VAlmanach Dauphin, qui fabriquent et vendent
les instrumens qui apprennent à connoître et à
juger par des signes sensibles les degrés de
température de l'air, et qui s'occupent à la
construction de différentes machines de physique
expérimentales, telles que les pèse -liqueurs,
verres d'optique , microscopes , télescopes ,
machines électriques, pneumatiques, larmes,
bombes et pétards de verre... ».
En ce qui concerne les baromètres et les
thermomètres, le commerce alors en était presque
exclusivement concentré au faubourg Saint-
Antoine et entre les mains des ignorants pié-
montais, qui allaient offrir leur marchandise
« dans les rues, aux promenades, dans les cafés,
dans les maisons, etc. ^ ».
Barquerots. Voy. Bateliers.
Barracaniers. Voy. Bouracaniers.
Barrag"e (Droit de;. Droit de passage
perçu sur certaines routes. Il tirait son nom de
la barre qui fermait le chemin jusqu'à ce que la
marchandise eût acquitté l'impôt. Une ordon-
nance de mars 1388 ^ veut que le prévôt de
Paris affecte le produit de cette redevance à
l'entretien des chemins, ponts, etc.
Les préposés au barrage sont parfois nommés
harriers. barragers *. etc.
Barrag-ers. Vov. Barrage.
Barrière 'DRorr de). Sur les gravures qui
représentent les anciens hôtels de Paris, on voit
au-devant des demeures occupées par les hauts
fonctionnaires ou les grands officiers de la
couronne, une barrière formée d'énormes pièces
de bois. Au dix-huitième siècle, les seules
personnes qui eussent encore droit de barrière
étaient les princes du sang, le dojen des maré-
chaux, le chancelier et le garde des sceaux ; mais
il était de principe que ces barrières ne pouvaient
être arrachées et devaient pourrir en place. Les
dernières qui aient existé défendaient l'hôtel de
Bouillon, où avait habité le grand chambellan,
et l'hôtel d'Armagnac, ancien logis du grand
écuyer ^.
Cet article figure ici comme complément à
1 article conciero-e.
1 Tome I, p. 242.
2 Hurtaut et .Magny, DIctinnnairp de Paris (17791 ,
t. I, p. 531.
•"* ^^oy. Delamarre, Traité de la police, t. IV, p. 172.
4 Encyclopédie méthodique, commerce, t. I, p. 218.
^ \ . Thiéry, Guide du voyageur à Paris pour 1786. p. 82.
Barriers Sergents). Voy. Barrage.
Barseresses. Voj. Berceuses.
Bas (Co.MMERCE des). Voy. Bas au métier
(Faiseurs de). — Bonnetiers. — Bonne-
tiers du faubourg Saint - Marcel. —
Chaussetiers. — Inspecteurs -contrô-
leurs.— Jarretières (Commerce des). —
Visiteurs.
Bas (Ouvriers en). Voy. Bonnetiers
du faubourg Saint-Marcel.
Bas de chamois Taiseurs de). Titre qui
appartenait à la corporation des boursiers.
Bas d'estame (Faiseurs de). Voy. Bonne-
tiers du faubourg Saint-Marcel.
Bas au métier (Faiseurs de). Suivant une
tradition qui ne mérite aucun crédit '', le métier
à bas aurait été inventé, au début du dix-
septième siècle, par un pauvre compagnon
serrurier des environs de Caen. Avec plus de
raison, les Anglais attribuent l'invention de cette
admirable machine à un pasteur de Woodbo-
rough ^, nommé William Lee. On prétend que
c'est en voyant sa fiancée sans cesse absorbée
par le travail du tricot, qu'il voulut substituer
à l'action des doigts un procédé mécanique
donnant des résultats plus parfaits et plus rapides.
Son premier métier fut construit en 1.^89 et
fonctionna à Calverton près de Nottingham. Un
tableau classique bien connu représente Lee en
méditation près de sa fiancée confectionnant un
bas de tricot. En outre, la corporation des
bonnetiers de Londres a conservé pour armoiries
un métier à bas, supporté d'un côté par un
ecclésiastique et de l'autre par une femme qui
tient à la main une aiguille à tricoter.
William Lee, rebuté par les déboires que lui
suscitèrent les bonnetiers anglais, accepta les
offres de Sully, et vint s'établir en France. Il y
eut des alternatives de succès et de revers ; puis,
privé de la protection royale après la mort de
Henri IV, il négligea son œuvre et mourut dans
la misère. Son frère regagna alors l'Angleterre
avec les ouvriers qu'il avait formés.
Cette fois, on ne se méprit pas un instant sur
l'importance de la découverte. Les premiers
fabricants qui l'exploitèren-t gagnèrent des
millions, et le gouvernement la prit sous sa
protection avec un soin si jaloux qu'il fut
défendu, sous peine de mort, d'exporter des
métiers à bas ou même d'en montrer à un
étranger **. Il fallut presque un miracle pour les
faire connaître en France. Un jSîmois, nommé
Jean Hindret, passa en Angleteri-e, réussit à
examiner quelques métiers, en saisit le méca-
nisme compliqué, et en grava tous les détails
dans sa prodigieuse mémoire avec une telle
fidélité que, de retour sur le continent, il put
t Voy. l'art. Bonnetiers.
2 A 9 kil. de Nottingham.
3 .Jauberl, Dictionnaire, t. I, [>
213.
70
BAS AU METIER
faire reconstruire, pièce à pièce, la macliine qu'il
avait vue. Celle-ci lut mystérieusement renfernnée
au bois de Boulogrne, dans le château de Madrid,
où Jean Hindret réunit et forma un petit nombre
d'ouvriers. On était alors en 1656 ^ Les métiers
fonctionnèrent bientôt avec un plein succès et,
peu d'années après, le roi autorisa la création
d'une société commerciale qui devait administrer
la manufcicture à ses risques et périls et espérait
lui donner une grande extension. . \
Les bonnetiers faiseurs de bas au tricot
s'effrayèrent de la concurrence qu'allait leur
susciter le nouveau métier, et cherchèrent à
.s'entendre avec lui. La Société avait établi à
Paris un magasin de détail pour la vente des bas
fabriqués par elle, dont chaque paire portait
« la marque imprimée du chasteau de Madrid >>;
mais les associés sentaient bien que le débit en
.serait beaucoup plus considérable si les bonne-
tiers, intéressés à déprécier leurs produits, se
chaj'geaient au contraire de les écouler moyennant
un bénéfice raisonnable. L^ne convention, rédigée
sur ces bases, fut signée le 10 mai 1670 entre
les jurés de la bonneterie el les coïntéressés de
la société, représeniés par deux personnages
porteiu's de noms célèbres au théâtre. « Pierre
tic Rolnui, conseiller (bi Roy. receveur général
du taillon à Bourges, denn.Hirant à Paris rue
Sainte-Avoye. et Philippes Pocquelin, bourgeois
(le Paris, y demeurant rue Quimquempoix ».
]^es associés, d'ailleurs, étaient mécontents, ils
avaient de lu peine à trouver des ouvriers, ceux-
ci n'ayant aucun avenir dans la maison, puisque
le privilège dont elle jouissait leur enlevait tout
espoir de pouvoir jamais s'établir. Le roi se décida
donc [février 1672] à désintéresser la compagnie
par le don d'une somme de 20.000 livres, et
à constituer la manufacture en corporation. Il
lui accordait aussi des statuts très complets et
très sages dont voici l'analyse.
A trois ans de là. on devait choisir parmi les
ouvriers cent des plus capables et leur donner
des lettres de maîtrise. Mais la cherté des métiers
eiU été pour presque tous un obstacle insurmon-
table, aussi Louis XIV, ou plutôt Colbert,
olfrail-il une gratification de 200 livres aux
200 premiers ouvriers qui s'établiraient.
(Chacun îles nouveaux maîtres avait le droit
d'engager ù la fois fleux apprentis. Lappren-
tis.s<iL'e diirail deux ans, el elail suivi de deux
ans de (•.ompagiionnage.
Ces délais expirés, le conipagiKui pouvait
aspirer «I la maîtrise, pourvu quil fût en état de
réussir le C/ief-ifanirre, cpii consistait à « faire
un bas de soye façonné aux coins et par derrière,
avec une autre pièce, telle qu'elle lui sera
ordonnée par les jurez >■>.
Le fils de maître était astreint seulement à
VKj-p/rifnrr, pour laquelle on lui demandait de
A monter un melir-r avec toutes ses pièces, sur
lequel il fera un bas de soye tourné aux coins ».
^ Les maîtres reçus à p,iris avaient la liberté
d'exercer dans tout le rovaume.
' Voy. le ppéarabulo des lettres pal.'nlos de février
1672.
Quatre jurés administraient la communauté,
qui avait saint Louis pour patron.
Cependant, en dépit de ces beaux statuts, les
20.000 livres accordées aux associés se faisaient
attendre. Le roi ne soldait pas non plus les
200 livres promises aux premiers ouwiers qui
s'établiraient. Or, la compagnie avait livré à
117 d'entre eux 129 métiers au prix de
400 livres, dont ils avaient versé seulement la
moitié, puisque pour le reste ils présentaient une
créance sur le roi. De là des réclamations réité-
rées, et qui paraissent avoir fini par amener le
pavement des sommes dues aux ouvriers. Quant
aux actionnaires, je doute fort qu'ils aient jamais
été désintéressés.
La plus importante fabrique de bas au métier
qui existât alors était celle du sieur Corrozet,
neveu d'Hindret, qui après avoir pendant vingt-
cinq ans aidé son oncle à former des ouvriers,
alla s'établir avec vingt métiers au faubourg
Saint-Antoine.
Un arrêt du Conseil, rendu le 12 janvier 1684,
autorisa les faiseurs de bas au métiers à travailler
à toutes sortes d'ouvrages de soye, de fil, laine
et colon, à la charge néanmoins de travailler en
ouvrages de soye sur la moitié au moins des
mcsiiers que chacun desdits maîtres auroit chez
lui ^. « L'étranger nous fournissait, en etî'et,
beaucoup de bas de laine. En 1662, on en
importa encore pour 816.855 livres -.
La communauté reçut de nouveaux statuts le
18 février 1720. La durée de l'apprentissage se
vit portée à cinq ans, qui durent être suivies de
cinq années de compagnonnage. Tout maître
dut faire profession de la religion catholique.
Les fils de maître ne purent être admis à la
maîtrise avant l'âge de dix-sept ans. Six grands
jnrés, nommés pour deux ans, surveillaient la
corporation, ai v,ix petits jurés élus dans les mêmes
conditions leur prêtaient concours et assistance
pour les visites. Le nombre de celles-ci devait
être de six par année, el chaque maître payait
pour chacune d'elles une somme de vingt sous.
Les bonnetiers, toujours en guerre avec les
tisseurs de bas, se montrèrent fort irrités de ces
nouveaux statuts, qui confirmaient les privilèges
de leurs concurrents. Les hostilités reprirent,
plus acharnées que jamais, signalées par des
querelles, des saisies, des procès également
nuisibles aux deux communautés. Il fallait en
finir. Le roi. « ayant esté informé qu'il arrivoit
journellement des contestations entre le corps des
marchands bonnetiers et la coiîimunauté des
maîtras fabriquans de bas au métier de la Ville
de Paris, qui en troublant les uns et les autres
portoient un préjudice considérable au public ;
et Sa Majesté ayant jugé que le moyen le plus
propre pour y reinédier estoit de ne faire à
I avenir qu'un seul et même corps de bonneterie
dans toute l'étendue de la ville et fauxbourgs de
Paris » : un arrêt du 12 avril 1723 réunit la
communauté des tisseurs de bas à la vieille corpo-
ration des bonnetiers.
' Manuscrits Delamarre, n» 21.^87, f" 140.
2 Correspondance de Colbert, t. II, p. CfiLXIX.
BAS AU METIER — BATEAUX DES MAISONS ROYALES
71
En 1773, les faiseurs de bas possédaient
environ 2.500 métiers à Paris, 1.300 à Lyon et
4.500 à Nîmes. " *
Voy. Bonnetiers et Inspecteurs-con-
trôleurs.
Basclioniers ei Basconiers. Voj. Ba-
chouers.
Basse-lissiers. Vciy. Tapissiers.
Basses-marches. Ouvriers tapissiers. On
nommait marche la pédale sur laquelle le tisseur
appuyait pour l'aire lever ou descendre le fil de
chaîne.
Basses œuvres (Maîtres de.s). Voy. Vi-
dangeurs.
Bastelleurs. Voy. Bateleurs.
Bastelliers. Nom que l'ordonnance des
Bannières (1467) donne aux bateliers-passeurs
d'eau.
Bastiers. V03 . Bâtiers.
Bateaux. Voy. Ports (Sur les).
Bateaux (^Charpentiers de]. Voy. Ba-
teaux (Constructeurs de).
Bateaux ((Constructeurs de). Au trei-
zième siècle, ils appartenaient à la corporation
des charpentiers et obéissaient aux mêmes statuts
que ceux-ci. Ils étaient donc placés sous l'autorité
du premier charpentier du roi , et contribuaient à
la redevance de dix-huit deniers par jour qui lui
était versée. Ils ne pouvaient avoir à la fois qu'un
seul apprenti, et l'apprentissage durait quatre ans.
Le Livre des métiers ^ qui me fournit ces rensei-
g-nements ^ , donne aux constructeurs de bateaux
le nom de feseurs de tiez "^. La Taille de 1292 les
appelle charpentiers de nés, et nous apprend
qu'ils étaient alors au nombre de deux seulement ;
la Taille de 1313 en cite un seul, ainsi qualifié :
qui entre es nés.
Le Livre des métiers cite dans le même titre et
présente comme soumis également à l'autorité du
premier charpentier royal, les cochetiers, dont
cinq sont mentionnés en 1292. D'après les
éditeurs du Livre des métiers ^ et de la Taille de
1292 *, il faudrait reconnaître dans ces cochetiers
des constructeurs de coches d'eau, embarcations
différentes des nefs.
Les plus grands bateaux qui vinssent jusqu'à
Paris étaient les foncets, auxquels on donnait
jusqu'à cinquante mètres de longueur. Ils étaient
lires par des chevaux, et l'on en attelait parfois
vingt-quatre à un seulfoncet.
L'ordonnance du 15 a\Til 1689 régla les
fonctions des maîtres charpentiers de navires. Ils
étaient placés sous l'autorité du constructeur qui
dressait les plans et en dirigeait l'exécution. Les
1 Titre XLVII.
2 De nefs.
3 Page 807.
4 Page 497.
charpentiers de navires n'étaient reclus maîtres
qu'après chef-d^œnvre.
\'oy. Ports (Sur les).
Bateaux (Joueurs de). Voy. Bateleurs.
Bateaux - coches ou coches d'eau
(Maîtres de). On nomme bateaux-coches ou
coches d'eau, écrit Savary, « de grands bateaux
couverts, tirés par des chevaux, qui partent à
heure et jour nommés, pour la commodité des
voyageurs et du commerce, et sur lesquels les
personnes peuvent s'embarquer et faire charger
leurs bardes, paquets et marchandises. Tels sont
ceux qui partent de Paris chaque semaine pour
Sens, Melun, Joigny, Auxerre ^, etc. ».
Sur les règles de police imposées à ces bateaux,
voy. l'ordonnance de décembre 1672, chap. V,
art. là 6. Les bateaux étaient amarrés au port
Saint-Paul et à celui de laTournelle. Il devait y
exister « planches suffisantes portées sur tréfaux
depuis le bord de la rivière jusqu'aux dits
bateaux, pour l'entrée et la sortie de ceux qui se
serviront desdits coches. Seront aussi lesdils
maîtres de bateaux-coches tenus avoir en iceux
des fléaux pour peser les bardes, sans qu'ils
puissent rien prétendre pour le sac et bardes que
chacune personne voudra porter avec soi qui
n'excéderont le poids de six livres ■>>.
Voy. Ports (Sur les) et Voitures d'eau.
Bateaux des maisons royales (Ser-
vice des). La construction des petits navires que
Louis XIV entretenait sur le canal de Versailles
était commencée dans les ports et achevée à
Versailles, en prenant pour type les plus grands
vaisseaux de nos escadres. Le roi avait ainsi sous
les yeux la fidèle représentation de navires qu'il
ne lui était guère permis d'aller voir '^.
Les bateaux du canal avaient pour chef un
sieur Pierre Salicon, qui était qualifié capitaine
des matelots et qui faisait parfois manœuvrer
ceux-ci devant la cour.
On voyait encore sur le canal de Versailles
deux jolies gondoles, menées par des gondoliers
venus de Venise.
En outre, sous la direction de Chabert, habile
constructeur de Marseille, avait été construite
une galère que Philippe Caffieri et Briquet
ornèrent de sculptures.
Le personnel de cette petite flotille comprenait :
A Versailles :
1 commandant du canal.
1 capitaine des matelots.
1 maître des matelots.
1 comité.
1 marinier de rame.
2 gondoliers.
3 charpentiers.
2 calfateurs.
12 matelots.
1 garde-magasin ^.
1 Dictionnaire du commerce, t. I, p. 803.
2 A. Jal, Dictionnaire critique, p. 1100 et 1260.
3 État de la France pour Ï736,.i. I, p. 41*7.
72
BATEAUX DES MAISONS ROYALES — BATIERS
A Fontainebleau :
"1 capitaine. Il avait la garde des « banderolles,
ornemens et autres meubles nécessaires aux
vaisseaux * ».
Bateaux de selles. Voj. Lavoirs
publics.
Bateeurs. \'oy. Batteurs.
Bateleurs. Joueurs de bateaux. Celle
expression se rencontre sans cesse dans les anciens
comptes :
Année 1380. « A Jehan de Paris, basleleur,
lequel avoil joué de son meslier devant le
Roj... »
Année 1381. « A Jehan le Picart, joueur de
basleaux, pour don... »
Année 1.387. « A une bonne femme qui avoit
joué de basleaux devant le Roy... »
Année 1415. « Baillé à un joueiu- de
basleaux, nommé Mathieu Lesluveur, qui avoit
joué devant ladite dame -... »
Année 1462. « De chaque batelleur jouant de
baleaulx passant par devant ledit prieuré doivent
tmg tour de leur mestier... »
Suivant une hypothèse assez vraisemblalilf, le
mol basleaux eut alors désigné les gobelets ^
(hinl se servent encore aujourd'hui nos esca-
moteurs ; peut-être vient-il du vieux mot français
Ixtste, qui signifiait tromperie, foiu-berie, etc.
Ijt mot entregeleur pciraîl avoir eu aussi le sens
de bateleur.
Bateleurs, .l'ai clioisi ce mot, comme
lernic géii('Ti([ue, pour désigner tous les faiseurs
de tours.
Voy. Acrobates. — Animaux (Mon-
treurs d'). - Apertises (Joueurs d'). —
Astrologues. — Bàtonnistes. — Boute-
en-courroie. - Buveurs d'eau. — Car-
tomanciens. Chevaux de bois. —
Chiromanciens. Combats d'ani-
maux. - Devins. - Disloqués. —
Dompteurs. - Écuyers. — Envoùteurs.
Équilibristes. - Femmes à barbe. —
Funambules. Grimaciers. Gyro-
manciens. — Hercules. Hydroman-
ciens. Lanterna magique. - Ma,-
rionnettes. Marmottes. — Nains. —
Oniromanciens. Ours (Meneui's d').
Faillasses. Phénomènes. Fhy-
Biciens. Prestidigitateurs. — Sa-
leurs. Saltimbanques. — Sauteurs.
-- Ventriloques.
Bateleurs. \ oy. Bateliers.
Bateleurs. .Nom donne [larfois aux sonneurs
de rliiclit's.
' F:'.I ,i,' la Frnnct pour 1712, t. 1, p. 315.
' Isaboau do Bavièn».
.1 \ ,.. /. ■■,.t„„g{„ 7, Pnris. I. I, p 147
Bateliers. Ils étaient dits officiellement
bateliers, passeurs (Fewit,, et leurs fonctions
consistaient à faire passer les habitants de Paris
d'une rive à l'autre de la Seine aux endroits où
n'existaient pas encore de ponts. C'étaient eux
aussi qui organisaient sur le fleuve, en face du
Louvre, les réjouissances nautiques destinées à
célébrer les entrées, les unions, les naissances
royales, etc.
La Taille de 1292 mentionne ^9 passeeurs, elle
cite aussi un batelier. Leurs premiers statuts
paraissent dater de 1297 ; alors réduits, semble-
t-il, au nombre sept, ils prièrent le prévôt de
Paris de leur nommer des jurés, afin qu'ils
pussent interdire le métier à ceux « qui ne sunt
souffisenz pour passer et qui s'entremêlent de
passer ' ».
Les points de départ des bateaux étaient à ce
moment la Grève, Saint-Landry et Saint-Gervais.
L'ordonnance de 1415 y ajoute le Louvre,
Notre-Dame, Saint-Bernard et la rue des Barrés *^.
La même ordonnance fixe à sept ans la durée de
l'apprentissage. Aucune traversée ne devait plus
avoir lieu une fois la nuit tombée, « depuis qu'il
sera annuicté, et qu'on ne verra à congnoistre
un tournois d'un parisis. » Le prix du passage
était le même pour « une personne, un cheval
ou autre beste ».
Le chapitre V de l'ordonnance de 1672
mentionne seulement comme ports d'attache
Saint-Paul et la Tournelle. L'apprentissage est
réduit à deux ans et suivi d'un examen subi
devant les maîtres. Le prix de la traversée est
déterminé par la municipalité et « inscrit sur
une plaque de fer blanc attachée au mât du
bateau ». Chaque passager est libre de trans-
porter gratuitement avec soi des sacs ou bardes
ne dépassant pas le poids de six livres. Les
rnaistres passeurs- d^ eau sont tenus « d'avoir
fletles en nombre suffisant et en bon état », et de
« passer quand il se trouvera dans leur bateau
le nombre de cinq personnes, sans qu'ils puis-
sent faire attendre les passagers ».
En 1760 les liateaux parlaient de la Kapée, du
Mail, de la (jrève, du port Saint-Nicolas et de la
(Conférence. Le prix du passage était de deux sous
six deniers; une seule personne pouvait obliger
le passeur à partir si elle payait cinq places ■'.
En aval de Paris, les passeurs d'eau prenaient
le nom de bacholeurs *.
L'ordonnance des Bannières (1467) porte
hasfelier. On trouve encore bateleur, passagers,
harqnnols, roicfurenrs. roituriers, elc.
\'oy. Ports (Sur les),
Batelleurs. \'oy. Bateleurs.
Bateres. Voy. Batteurs.
Bâtiers. Faiseurs de bals. Ils se distinguaient
sans doute des chapuiseurs proprement dits en
' \oy. Dfpping, Ordonn. relatives aux mc'tiers, p. 422.
2 Chapiire LIV.
3 .Jèze, Éfat ou tableau de Paris, p. 342.
* Voy. cf't arliclp.
BATIE RS — BATTEURS I)"OR ET D'ARGENT
73
ce qu'ils fabriquaien l les selles les plus communes,
destinées aux ânes, aux mulets, etc.
La Taille de 1202 cite quatre basliers, celles
de 1300 et de 1313 chacune un seul de ces
maîtres. Ils y sont nommés '^«fl/iVrs, basliers. et
l'un d'eux chapuisetir de bâts.
Les bâtiers appartenaient très probablement
déjà à la corporation des bourreliers, et leur
nombre resta toujours à peu près le même,
puisque, suivant Riclielet •, il n'y avait encore à
Paris que cinq bâtiers on 1719.
Voj. Harnachement.
Batiste (Fabricants de). \'oy. Toiles
(Commerce des).
Bâtonniers. Voy. Avocats,
deaux. — Confréries, etc.
Be-
Bâtonnistes. Bateleurs joueurs de bàlon.
Au début du dix-neuvième siècle, un bâtonniste
fort habile exerçait dans les rues de Paris. « Un
enfant s'agenouille, soutenant une pièce de
monnaie en équilibre sur son nez ou sur son
menton, et le bâtonniste, en faisant le moulinet,
emporte la pièce sans effleurer la place. Tous les
spectateurs sont libres d'en faire l'épreuve. Cet
artiste procède à divers autres exercices au son
d'une oro^ue portative jouée par son épouse. Il
jette son bâton en l'air, et le faisant pirouetter,
le ressaisit, le rechasse par derrière, par sous sa
jambe et toujours en mesure ^ ».
Voy. Sateleurs.
Batterie (Commerce de). Voy. Chau-
dronniers.
Batteurs. On nommait ainsi dans les brique-
teries, les ouvriers qui préparaient la terre, la
détrempaient, la maniaient, la broyaient^.
On les appelait aussi de'mêleurs.
Batteurs d'airain. Voy. Chaudron-
niers.
Batteurs d'archal. Vers 1268, les bateres
d'arclial soumirent leurs statuts à l'homologation
du prévôt Etienne Boileau*. Le métier était
libre. Chaque maître ne pouvait avoir à la fois
qu'un seul apprenti, et l'apprentissage durait
six années. Le travail à la lumière était interdit -,
les maîtres sont tenus « à laissier oevre chascun
jour jusques aus chandeles alumans, pour ce que
leur mestier est trop pénible >^. Deux jurés
adiTiinistraient la communauté.
La Taille de 1292 cite deux batteurs d'archal,
celle de 1300 en mentionne dix.
Voy. A-rchaliers.
Batteurs de cannes, dits aussi gamim.
Apprentis cliargés, dans les verreries, de nettoyer
les felles ou cannes dont se servaient les souffleurs.
* Dictioniialrp français, f. I, p. 116.
2 J.-B. Gouriet, Persnnnoqrs célèbres dans les rues de
Paris, t. II, p. 242.
3 Encyclopédie viétkodique, arts et métier.s. f. I, p. 306.
4 Litre des métiers, titre XX.
Ces batteurs sont nommés parfois porteurs dedans.
parce qu'il leur incombait aussi le soin de porter
les ouvrages à la recuisson ' .
Batteurs de ciment. Ouvriers qui « con-
cassent les luilots (h)nt on fait le ciment^ ».
Batteurs de cuivre. \ Oy. Chaudron-
niers.
Batteurs d'écuelles. ^'om sous lequel la
Taille de 1313 désigne les batteurs d'étain.
Batteurs d'étain. Vers 1268, ils soumirent
leurs statuts à l'homologation du prévôt Etienne
Boileau ^. Le métier était libre ; chaque maître
pouvait avoir un nombre illimité d'apprentis, et
régler comme il l'entendait les conditions de
l'apprentissage ; le travail à la lumière était
permis ; ils pouvaient teindre en toutes couleurs
les minces feuilles d'étain qui servaient à fabriquer
et à décorer une foule de petits objeis. Il n'est
pas question de jurés dans ces statuts, sans doute
parce que les batteurs d'étain étaient déjà placés
sous l'autorité de ceux des potiers.
La Taille de 1300 cite une « batteresse
d'estain », et celle de 1313 un « bateeur d'escuel-
les ». Cette corporation ne tarda pas à se fondre
dans celle des potiers d'étain.
Au dix-huitième siècle, on nommait batteurs
d'étain ceux des maîtres miroitiers <\ qui ne
s'appliquent qu'à battre l'estain sur de grands
blocs de marbre, pour le réduire en feuilles très
minces, propres à appliquer derrière les glaces à
miroirs par le moyen du vif argent * ».
Voy. Stain.
Batteurs en g-rang-e. On nomme ainsi les
<\ hommes de journée qui frappent le bled avec
un fléau pour faire sortir le grain de l'épi .».
Les batteurs en grange sont compris dans
l'ordonnance de janvier 1351.
Batteurs à loyer. Voy. Champions.
Batteurs de mesure. Voy. Chefs d'or-
chestre.
Batteurs d'or et d'arg-ent. Dans les
statuts qu'ils soumirent, vers 1268, à l'homolo-
gation du prévôt Etienne Boileau, ils se qua-
lifient de bateurs d^ir et d^ argent e7i feuilles ^.
Le métier était libre. Chaque maître pouvait
avoir lui nombre illimité d'apprentis, et régler
comme il l'entendait les conditions de l'appren-
tissage. Le travail à la lumière était interdit,
« quar la clartés de la nuit n'est pas souffisant à
faire leur mestier bon et loial ». Deux jurés
administraient la corporation. Celle-ci était déjà
constituée au temps de Philippe- Auguste,
puisque ce prince avait dispensé les maîtres du
' Eitctjclopé<lie méthodique, aris et luétiers, I. A'III,
p. 545.
- Savary, Dictionnaire du commerce, t. I. p. i'O".
3 Titre XXII.
i Savary, Dictionnaire du commerce, t. I. p. .S07.
S Livre des métiers, titre XXXIII.
74
BATTEURS D'OR ET D'ARGENT — BAZANIERS
service du f^uel. Ils font donc appel « à la
noblece et à la débonnaireté du Roy », et le
prient de leur rendre le privilèf^e dont ils jouis-
saient « au tans ' le roj Phelippe, son bon
avel - », privilèj^e qui leur a e(é enlevé <.< puis
vinf,'t ans ença ». Ils ajoutent que le nombre des
maîtres est de 6 seulement. C'est exactement le
chiffre que fournil la Taille de 1292 ; celle de
1300 mentionne 1 batteur d'argent et 14 orbat-
teurs.
Leurs statuts furent souvent révisés dans la
suite, et de nombreuses ordonnances •'* réglemen-
tèrent l'exercice de ce métier. Comme tous ceux
qui travaillaient les métaux précieux, les maîtres
furent placés, en 1550, sous la juridiction de la
cour des Monnaies. Leur nombre ne s'éleva
jamais au-dessus de 40, même après le règle-
ment du 17 août 1557, qui supprima toute
distinction entre les batteurs et les tireurs d'or.
Au milieu du dix-huitième siècle, la corpo-
ration avait pour litre officiel : batteur s- fileurs-
tireiirs-écacheurs (Por et (P argent. Les maîtres
prêtaient serment devant la cour des Monnaies
et ne faisaient point d'apprentis ; les fils de maître
seuls pouvaient aspirer à la maîtrise, qui n'était
même pas acquise par le mariage avec une !ille
ou une veuve de maître.
Le mot hateure se renc-ontre fréquemment dans
les inventaires dressés au moven-âge ; il dési-
gnait le métal réduit en feuilles très minces, que
l'on employait en découpures sur les étoffes ou
comme dorure sur les matières solides. Etiré,
aplati, puis enroulé sur un fil de soie destiné
à broder des tissus, il portait le même nom.
Sur les 38 batteurs que cite VAlmanach Dau-
phin pour 1777, figurent seulement 5 batteurs
d'argent. Tous avaient pour patron saint Eloi.
( )n trouveaussi bnterea, nrbafmrs, nrbatfem'S,e\c.
Batteurs d'or et d'argent à filer.
Voy. Tireurs d'or.
Batteurs de plâtre. Ce sont (;eux, écrit
Siiviirv. qui ■' b;illeiit hi pierre à plâtre après
qu'elle a été cuite au four *. Ils sont compris
dans l'ordonnance de janvier 1351.
Batteurs de terre. On nommail ainsi.
dans les iiifi nu factures de pipes, les ouvriers qui
préparaient In terre, enlevaient les corps
élrtiMgers. h bnltiiient. etc. ■'' .
Haudraicrs. Voy. Baudroyeurs.
Baudroiers. Nom (pu- 1.' Lirre des métiers
donne ;ni\ liinidroveinN.
Haiidioyers. Voy. Baudroyeurs.
Baudroyeurs. On les trouve encore
uomnM'^' /iiivdrnyers, liandroicrs, buudruiers etc..
' .Vu tomp.s.
î AiVul.
•"' Voy Ordonn. royales, I III, ji. 91 et 21" ; I. IV
'lu cummercf, f. I, p. 307.
■ «iz-V/jorf/'y)/^. art.s rl in«itiers, t. VI, p. 377.
etc. Dans les statuts qu'ils soumirent, vers 1268,
à l'homologation du prévôt Etienne Boileau, ils
s'intitulent : « Baudroiers, ce est à savoir
conreeurs de quir por fere courroieesà ceindre et
por fere semeles à souliers * » . Les baudroyeurs
corroyaient donc les cuirs épais destinés à faire
des ceintures et des semelles de souliers, et ils
fournissaient ce cuir tout préparé aux corroiers,
aux cordonniers, aux lormiers, etc.
Dès le treiziènfie siècle, le roi avait donné les
revenus et la justice professionnelle de ce métier
à une famille de bourgeois ^, qui les transmit
elle-même à une autre. Au treizième siècle, ils
appartenaient à la famille Marceau ; c'est donc à
elle qu'il fallait acheter le droit de s'établir, et
elle le vendait « à l'un plus et à l'autre meins ^,
si come il li semble boen et corne il li plaist ».
Chaque maître baudroyeur ne pouvait avoir
à la fois plus d'un apprenti, en dehors de ses
« enfans nés de loial mariage ». La durée de
l'apprentissage était de onze ans pour l'enfant
sans argent, de neuf ans pour l'enfant qui
apportait soixante sous. Parfois, durant ce long
apprentissage, l'apprenti se mariait ; s'il préférait
alors prendre ses repas chez soi, son maître
devait lui fournir, pour le dîner et le souper,
quatre deniers par jour. Le métier jouissait du
haul)an. Le travail à la lumière était interdit.
Six jurés, « les quex li prevoz de Paris met et
oste à sa volenlé », surveillaient la corporation.
La Taille de 1202 mentionne 15 baudroyeurs,
celle de 1300 en cite 36.
Les statuts des baudroyeurs furent modifiés
par lettres patentes de juillet 1345 *, qui
s'appliquent à la fois à eux, aux tanneurs et aux
corroyeurs, et réduisent le temps de l'apprentis-
sage à cinq ans.
L'ordonnance du 21 novembre 1577, con-
firmant des arrêts datés de 1567, réunit en une
seule corporation les baudro^'eurs et les cor-
royeurs. Elle s'exprime ainsi : « Pour osier la
multiplicité des ouvriers par les mains desquels
passent les cuirs après la tannerie, dont provient
en partie la cherté des cuirs, a ledit seigneur
ordonné que les mestiers de baudroyeurs et
conroyeurs seront confus en un ».
Les baudroyeurs avaient pour patron saint
Thibaut.
La rue Maubué actuelle s'est appelée, du
quatorzième au seizième siècle, rue de la Bau-
droirie.
Bayette (Manufacture de). Ou nommait
bayelte une sorte de flanelle grossière, d'un tissu
peu serré et non croisé. Fabriquée d'abord en
.\ngleterre et en Flandre, des manufactures
s'établirent, vers la fin du dix-huitième siècle,
dans le midi de la France, à Castres, à Mont-
pellier, à Nîmes, etc.
Bazaniers. Voy. Savetonniers.
' Litre des métiers, titre LXXXIII.
* Vuy. ii>.s articl(>s Cliauffecire, Maître des sueurs et
Sucur.'i.
•^ Moins,
i Ordonn. royales, t. XII, p. 75.
BAZENNIERS — BENOISTIERS
75
Bazenniers. Nom que la T(nlle de 1202
donne aux savetonniers.
Bazoche. .luridiclion insliluée parles clercs
(le prociii'tMU's au ParlenienI potu' jug'er les dill'é-
rends qui s'élevaient entre eux. On y connaissait
aussi des causes où un clerc était défendeur
contre un artisan ou un marchand. Au civil, sa
compétence était fort étendue ; en matière crimi-
nelle, elle se réduisait aux risques et mutineries.
Celle cour comprenait un chancelier , élu
chaque aimée, plusieurs maîtres des requêtes, un
<i^rand audiencier, un procureur général, un
avocat g'énéral, etc., vingt-quatre personnes,
toutes choisies parmi les clercs de procureurs.
Le chancelier portait la robe et le bonnet, les
autres membres l'habit noir avec rabat.
Les audiences se tenaient au Palais, dans la
grand' chambre, les mercredi et samedi de midi
à une heure.
Cette fantaisiste juridiction prit naissance dans
les premières années du quatorzième siècle.
L'arrêt le plus ancien qu'on en connaisse date
de 1528. Le dernier document imprimé qui
constate son existence est un almanach publié en
1786 1.
Les clercs des procureurs à la cour des Comptes
avait créé une association semblable sous le
nom cVemjm'e de Galilée.
Bêcheurs. Ouvriers employés dans l'exploi-
tation d'ime tourbière. Au moyen d'un louchet à
aile, ils enlevaient la tourbe par pain ou par
quartiers 2.
Bedels. Voy. Bedeaux.
Bedeaux. Officiers subalternes de l'Univer-
sité. Ils étaient au nombre de quatoi'ze, deux
pour chaque Faculté et pour chaque Nation. On
les divisait en grands et en petits bedeaux. Le
premier bedeau de la Nation de France était dit
grand bedeau de France.
Leurs fonctions consistaient à proclamer les
congés, les jours et les heures des leçons, à
publier les décisions des Facultés et des Nations
et à en assurer l'exécution matérielle ; enfin à
précéder avec leur masse le recteur, le doyen ou
le procureur dans les grandes cérémonies ''.
La masse était un bâton à lourde tête d'argent.
En 1448, le grand bedeau de la Faculté de
médecine portait une masse d'argent et le petit
bedeau une masse de bois. Le doyen, écrit
Hazon, « exposa que cela n'étoit point honorable
pour la Faculté. Chaque docteur s'imposa de
seize sous parisis, et en 1455 on remit au petit
bedeau une verge surmontée d'une masse
d'argent, qui étoit estimée soixante écus d'or * ».
Les bedeaux prêtaient serment entre les mains
' Ad. t'abro, Etudes historiques sur tes clercs de la
bhzoche, 1856, in-8°.
2 Encyclopédie méthodique, arts et métiers, t. MU,
p. 188.
•* Gh. Thurot, De l" organisation de renseignement nu,
moyen-âge, p. 25.
■ * Eloge historique de la Faculté de médecine, p. 25.
du recteur. Chaque nouveau maître es arts
devait quatre livres aux grands bedeaux et
quarante sons aux petits bedeaux.
Dans les cérémonies publiques, les bedeaux
de la Faculté des arts étaient en robe noire,
ceux de la Faculté de théologie et de la Faculté
de droit en robe violette, ceux de la Faculté de
médecine en robe bleue.
Les bedeaux attachés aux églises y remplis-
saient les mêmes fonctions qu'aujourd'hui. Ils
étaient vêtus d'une longue robe de drap rouge
ou bleue, et portaient sur la manche gauche une
plaque d'argent ou un chitl're brodé représentant
l'image ou le nom du patron à qui l'église était
dédiée. Ils avaient à la main une verge de
baleine garnie d'ornements en argent. Le Dic-
tionnaire de Trévoux nous apprend qu'on les
nonuTiait chasse-coquins et chasse-chiens., parce
qu'ils avaient « soin de chasser les mendians des
églises et les chiens ' ».
Les bedeaux étaient dits en latin bedelli.
appnritores, masserii, etc., et en français i^ffl(!o'«-
uiers, bedels. bideaiix, massiers, etc.
Béguines. Ce nom figure ici parce que j'ai
rencontré un certain nombre de béguines parmi
les imposées mentionnées dans les l'ailles de
1292 et de 1313. On appelait béguines, au
mojen-àge des femmes qui, sans faire de vœux,
sans même s'interdire le mariage, vivaient dans
une sorte de régularité monastique.
Beig'nets (Marchandes de). Sébastien
Mercier, nous a conservé le portrait suivant de
celle qui, vers la fin du dix-huitième siècle, était
installée à l'une des extrémités du Pont-Neuf:
« Elle place sa poêle à frire sur un réchaud exposé
en plein air, et dont, en passant, vous recevez la
fumée au nez. Elle emploie, au lieu de beurre,
d'huile ou de sain-doux, un cambouis, un vieil
oing, qu'elle semble avoir dérobé aux cochers
qui graissent les roues des carrosses. Des polissons
déguenillés attendent que le beignet gluant et
visqueux soit sorti de la poêle, et le dévorent
encore chaud et brûlant à la face du public
Au reste, on distingue partout le Parisien, en ce
qu'il mange sa soupe presque brûlante ^ ».
Bénitiers. « Uans une des églises de Paris
était un vieillard, de ceux ([ui présentent le
goupillon aux bons chrétiens qui entrent ou qui
sortent, et qu'on nomme bénitiers. . . ». .T'emprunte
cette phrase à Rétif de la Bretonne •^, qui met
partout im accent circonflexe sur l'î de bénitier,
mais on sait qu'il avait adopté une orthographe
un peu excentrique.
D'après M. .Tal, on écrivait, au dix-septième
siècle, Benètiers et Benoistiers '* .
Benniers. Voy. Boisseiiers.
Benoistiers. Voy. Bénitiers.
1 Tome II, p. 475.
2 Séb. Mercier, Tableau de Paris, t. V, p. 253.
•' Les contemporaines, 111^ nouvelle, t. XIX, p. 95.
i Dictionnaire critique, p. 194.
76
BERCERESSES — BESTIAUX
Berceresses. Voy. Berceuses.
Berceuses. Femmes attachées au service
d"un enfant, et chargées de le bercer.
Les anciens berceaux ressemblaient fort aux
nôtres. On les frouve nommés d'abord hers,
berseil, biers, bersouere, bercexdl, berceiil, puis
bersoire et berseau ' . Tantôt ils reposaient, comme
nos fauteuils à bascule, sur deux morceaux de
bois courbés; tantôt ils étaient portés par deux
tourillons évoluant sur des montants fixes :
tantôt encore, des anneaux de fer les suspendaient
en Tair. de manière à rendre le bercement plus
facile 2.
Dans les familles bour<i;eoises, le berceau
s'ornait rarement de rideaux ; mais, durant la
nuit, il était recouvert par les amples courtines
qui entouraient le lit maternel. A la cour, la
berceuse était ordinairement prise parmi les
femmes de chambre de l'enfant.
On trouve aussi barseresses, berceresses, etc.
Berchiers. Nom que la Taille de 1202
dniiiit' aux berj^ers.
Berg-erelles. Berg-erets. Berg-e-
rettes. Bergeronnettes. Berg-erons.
Bergerots. Bergerottes. Voy. Bergers.
Bergers. La Taille de 1292 cite onze
berchiers, que l'ordonnance de janvier 1.'351
nomme brrifiers.
« Le berp^er porte en m;iiu une houlelle. qui
est un bâton emmanché d'une pelle de fer, dont
il se sert Irés adroitement pour lancer des pierres
et i\<i<, mottes de terre à ses chiens lorsqu'ils ne
sont pas dociles ^ », Le berger devait encore
aider les brebis en travail, châtrer les agneaux,
tcmdre toutes ses bètesetles soigner dans leurs
midiuhVs.
Audiger reconunande au berger « d'ôter le
venin de sa bergerie, en enterrant un crapaud
loiil vif au milieu * ». .le ne trouve cet étrange
procédé indiqué ni dans le Théâtre (F aqri culture
d Olivier de Serres, ni dans la Nouvelle maison
rustii^ue de Liger.
Li's biTgers sont encore nommés bersiers,
jinstnurs. etc. Dans les œuvres littéraires, les
diniinuliis sont très nondireux. .Je citerai seule-
nw'iil, pour li's hftmmes bcrfjcrets, beujerons,
berijerols, jins/nrels, pastourels, pastorim, pastou-
rcaux, proiirs (-[ proi/ers, du vieux mot proie,
priii/K, (lui signiliail troupeau, et pour les femmes
bn-fierelh-s, brryerellcs, brrr/rm/metles, ben/eri>tes,
piislniirr/lifs, ««le.
Herbiers • t Bersiers. \ ..y. Bergers.
Bessons. \ Oy. Terrassiers.
n*'."^li;m\ CoMMKiic.K i.Ks . \(iv. Abat-
toirs. BGHtiaux (Marchands de). —
N">. '>a>. liio»ttiirf aiciriilfiififfiie. I. I, p. 145.
- \oy. \iol|,.t-l<'-D)ic. nitlionnnire du mobilier 1 I
37 ' '
•'' .laiihort, Dictionnaire, t. I, p. 247.
* /.'i viaisoK réjlét, liv. II. chap. IV.
p. Al
Boucheries hippophagiques. — Bou-
chers.— Bouviers. — Caisse de Poissy.
— Courtiers. — Gardeurs de bestiaux.
— Grrimelins. — Maître des bouchers.
— Nourrisseurs. — Poissonniers. —
Porcs (Comnaerce des). — Toucheurs.
— Trayeuses. — Trésoriers. — Va-
chers. — Veelliers. — Vendeurs, etc.
Bestiaux (Marchands de). Forains qui
élevaient des bestiaux et venaient les vendre à
Paris.
Au moyen-âge, des soins intelligents étaient
déjà prodigués au bétail, et les cultivateurs de
cette époque n'étaient guère moins avancés que
les nôtres. Pour n'en citer qu'un exemple, l'expé-
rience leiu" avait fait reconnaître la valeur
culinaire des moutons nourris au bord de la mer,
sur la côte orientale duCotentin. Dès le onzième
siècle, la réputation du pré-salé était bien établie,
et Robert, archevêque de Rouen entre 989 et
1037, possédait à Varreville des troupeaux dont
il appréciait très bien les mérites ''.
II exista de très bonne heure deux marchés
exclusivement consacrés à la vente du bétail sur
pied. Les bouchers achetaient les bœufs et les
porcs aux Champeaux, emplacement actuel des
halles centrales, et les moutons dans un pré situé
au delà du Louvre, sur le bord de la Seine.
Le MéiuKjier de Paris, écrit vers 1393, nous
apprend que cette ville consommait alors par
semaine :
3.626 moutons, soit 188.552 par an.
.583 bœufs, — 30.316 —
377 veaux, — 19.604 —
.592 porcs, — 30.784 — K
Dans les années immédiatement antérieures à
la Révolution, Paris consommait par an :
350.000 moutons.
78.000 bœufs.
120.000 veaux ^
L'histoire a conservé le nom de Richard
Graindorge, fameux éleveur du pays d'Auge.
Avant même que la royauté aux abois en fut
venue à vendre des lettres de Jioblesse «au
porteur», comme on disait, elle en imposait à
tout homme en état de les bien payer. De la
Roque écrit dans son Traité de la noblesse'.
« Gomme il y en a qui inventent toutes sortes
de ruses pour se prévaloir du titre de noble, il y
•Ml a d'autres qui ont le goût si dill'éi'ent qu'ils
ont refusé cet honneur, préférant leur trafic à
cette qualité. El nous en voyons qui ont été faits
nobles de force par des édits, ayant été choisis
comme riches et aisés pour accepter ce privilège
moyennant une finance. De ce nombre a été
Richard flraindorge, fameux marchand de bœufs
du pays d'Auge en Normandie, qui fut obligé
1 ^ iiy- t.. Dciislc, A'/utle xiir la condition de lu classe
agricole en Xormandie au moyen âge, p. 239.
2 Tonif IT, p. 84 Pt suiv.
■' Fagnioz, Kludes sur l'industrie an. moyen nqe. p. 182. —
Voy. aus.si S. Mt-rcicr, Tableau de Paris, t. ÏX, p. 304.
BESTIAUX — BIBLIOTHECAIRES
77
d'accepter ce privilège et de pajer mille écus de
finance l'an 1577. J'en ai vu les contraintes entre
ses mains de Charles Graindorge, son petit-tils,
sieur du Rocher » ^.
\'oy. Bestiaux (Commerce des).
Beurre et œufs Si'ecialitk de;. Voj.
Coquetiers.
Beurriers. Tilre ([ui a|)piu-l('ii;iil ;i In corpo-
nilion (les fruitiers.
Dès le treizième siècle, on criait dans les rues
de Paris, du <^ hurro Très» -. Au seizième siècle,
le plus estimé était celui de Vanves, qui se
débitait en petites mottes sur lesquelles un moule
avait imprimé les armes de France. Des lettres
patentes du 16 mars 1668 avaient autorisé le sieur
Biaise Gin à se dire beurrier royal de Vauves ;
il est le seul, y est-il déclaré « qui ait trouvé la
perfection de faire du beurre de Vanvres, dans
la bonté et l'excellence qu'il peut estre » '^
Au siècle suivant, on donnait la préférence au
beurre vendu par les religieuses de l'Enfanl-
Jésus, établies rue Notre-Dame des Champs.
La comédie d'Alizo)i, écrite en 1637, est
dédiée « à mesdames les beurrières de Paris ^ ».
Il y avait une différence entre elles et les
beurriers ; les premières ne vendaient qu'au
détail et les seconds qu'en gros ^. Les épiciers
faisaient le commerce du beurre salé.
Les fruitiers avaient pour patron saint
Léonard, et une confrérie de beurriers était
placée sous le patronage de saint Christophe.
Vo^■. Coquetiers.
Beuvetiers. \'oy. Buffe tiers.
Bibeloteors. Vov. Jouets (Fabricants
de).
Bibelotiers. Nom que l'ordonnance des
Bannières fjuin 14671 donne aux bimbelotiers.
Vov. Jouets (Fabricants de).
Bibliothécaires. Au moyen âge, une
bil)liothèque est dite armaria, armarimn, hilAio-
Oieca, libraii'ie, etc., et un bibliothécaire arma-
rius. hibUothecarùis, custos bibliothecœ, garde de
la bibliothèque, etc. Mais il ne faut pas oublier
qu'au début le mol bihJiotheca désigne presque
toujours la Bible, tandis que le m.oi bibliothecarins
désigne l'ecclésiastique chargé, dans un monas-
tère, d'expédier les lettres et diplômes, de trans-
crire et de conserver les actes des conciles, etc.
De bonne heure, tous les couvents \\\\ peu
importants possédèrent une bibliothèque et un
bibliothécaire. La phrase célèbre : « claustrum
sine armario quasi castrum sine armamenta-
rio •• » date du douzième siècle. A Kempis, cité
par la Règle des frères de Sainte-Croix de la
Bretonnerie, disait deux siècles plus tard : « Une
1 Page 67.
2 Les crieries de Paris, par Guill. de la Ville Neuve.
•* A. Jal, Dictionnaire critique, p. 214.
4 Ancien théâtre français, t. VIII, p. 398.
5 Encyclopédie méthodique, arts et métiers, t. I, p. 245.
6 Et. Martène, Thésaurus anecdotorum, t. I, p. 511.
bibliothèque est le vrai trésor d'un monastère.
Sans elle, il est comme une cuisine sans
chaudrons, une table sans mets, une rivière sans
poissons, un jardin sans fleurs, une bourse sans
argent, une vigne sans raisins, une tour sans
gardes, une maison sans meubles *.
Dès le treizième siècle, l'égli.se Notre-Dame
avait reçu de nombreux legs de livres consti-
tuant une bibliollièque. Ces livres, suivant la
volonté de la plupart îles donateurs, devaient
être tenus à la disposition des pauvres étudiants
en théologie: « acomodandos pauperibus
scolaribus in theulogia sludentibus, per manus
cancellarii Parisiensis qui pro tempore fueril^ y>.
En général, ces livres sont légués au chancelier
de l'église, mais celui-ci semble avoir été chargé
plutôt de la surveillance générale de la biblio-
thèque que de la conservation matérielle des
maïuiscrils. Celte dernière prérogative appar-
tenait au chevecier, qui était ainsi le véritable
bibliothécaire •'.
En 1290, la bibliothèque de la Sorbo.nne
renfermait 1017 volumes *, et en 1321 les deux
bibliothécaires de la maison étaient soumis à un
règlement assez sévère. Elus par les Sorbon-
nistes, ils recevaient les clefs de la bibliothèque,
mais ne devaient les confier à personne. Ils
étaient responsables des livres perdus ou détruits
pendant le temps de leur exercice ; autrement,
ajoute-t-on, leur titre de conservateur ne serait
qu'un vain mot, « aliter, frustra dicuntur cus-
todes ». Ils doivent tenir registre des ouvrages
prêtés hors de la bibliothèque. Et l'on ne doit
pas .se contenter de reproduire le titre du
manuscrit, il faut transcrire aussi les premiers
mots du second feuillet, afin que l'on ne puisse
changer un volume contre un autre de moindre
valeur « ne fiai fraus in commutando librum
majoris precii in librum ejusdem speciei, minoris
tamen precii ^ ».
On sait que la Sorbonne finit par obtenir la
magnifique bibliothèque de Richelieu. Il l'avait
léguée à son petit-neveu Armand de Vignerot,
qui se montra indigne d'un tel don. Par son
testament, le cardinal ordonnait que ses li\Tes
fussent confiés à un bibliothécaire dont il
assurait le traitement, et qui devait surveiller
attentivement la collection, « la tenir en bon
estât et y donner entrer à certaines heures du
jour aux hommes de lettres et d'érudition ».
Dans le cas où le cardinal n'aurait pas nommé
de bibliothécaire avant son décès, il veut que la
Sorbonne présente trois candidats à Armand de
Vignerot, qui sera tenu de choisir l'un d'entre
eux. Déjà gravement malade, hors d'état même
1 Lucerna splendens super candefabrum... Opéra et studio
(lodefrldl a Lit, cruciferorum, p. 153.
2 Magnum pastorale Eccleslœ parisiensis.
3 « G'estoitle chancelier de l'Église de Paris qui avoit
le soin de la librairie ; non pas qu'il la gardast luy
me.sme, car elle esloit entre les mains du chevecier,
comme l'on voit par un inventaire de Simon de Chéri ».
Cl. Joly, Des écoles éplscopales, p. 242.
4 Bibliothèque de l'Anseiiai, manuscrit n»855, p. 223.
î> Bibliothèque nationale, manuscrits, fonds latin,
n» 16.574, p. 9
78
BIBLIOTHÉCAIRES
de signer son testament, Richelieu entre ensuite
dans les détails les plus minutieux relativement
à la conservation des volumes, au balayage
de la salle; il fixe le chiffre de la somme à
employer pour les gages d'un gardien el niênie
pour l'achat des balais. Il ordonne enfin que
mille livres soient consacrées Ions les ans à tenir
la bibliothèque au courant des publicalions
nouvelles et veut que les acquisitions soient
faites sur l'avis de trois docteurs de la Sorbonne.
A Saint-Germain-des-Prés, la règle de la
con^-ré^ation de Saint-Maur avait ainsi résumé
les devoirs du bibliothécaire :
I. On préposera à la bibliofhè(pie nii religieux
versé dans les sciences et la bibliographie. Il
rassemblera tous les livres relatifs au monastère
et y inscrira le nom du couvent ; il les répar-
tira par classes. Lorsqu'il en prêtera, de l'avis
du supérieur, il les inscrira sur un registre
où signera l'emprunteur. Il ne confiera des
volumes aux étrangers que très rarement, jamais
sans l'ordre (bi supérieur et le dépôt d'une
caution.
II. Les livres dangereux et défendus seront
gardés par le supérieur dans une armoire fermée
à clef, et personne ne sera admis à les lire sans
.son autorisation. On achètera tous les ans, selon
les ressources du couvent, les ouvrages relatifs ù
Tt-tMl t't aux éludes monastiques.
III. Lf bibliothécaire rédigera deux cata-
logues de tous les livres, ou révisera les anciens,
sur lesquels il inscrira les volumes nouvellement
achetés. L'un de ces catalogues sera rédigé par
ordre de matières et l'autre par (jrdre alpha-
bétique ^ .
.\ la Faculté de médecine, le doyen nouvel-
lement élu recevait solennellement les livres
appartenant à l'école et s'en reconnaissait
responsable. Dans le premier inventaire de ce
genre qui nous ail été conservé, Pierre Desvallées,
élu doyen i'n l'.i9h, déclare avoir reçu les anciens
statuts (le l'école, un registre contenant ses
privilèges, le sceau de l'Université, plusieurs
cb'fs, dont dix à usage inconnu, et ions les
livres, iiu iiondiri' de quinze, qui composaient
alors bihliollicquf -.
.\u st'i/ième siècle, la bibliothèque de l'abbaye
(le Saint-Victor était inic des plus considérables
lit' Paris, et son pn-niit-r bibliothécaire, Claude
ili' (imm\TUc{C/(iii<lius Je Grundicico), en avait
dressé vers 151 :j un catalogui; très complet. Le
chantre df l'abbaye paraît avoir ensuite rempli
ces fondions, qui n'étiiienl pas oubliées dans la
Rk(H,K généndi- de Saint-Victor. Le bibliolhé-
anrp y es|-il dit, possed.-ra la liste de Ions les
livres du couvent. 11 doit, au moins deux ou
trois fois par an, les feuilleter, en l'aire
l'inventaire, et examiner soigneusement s'il ne
s'y trouve ni vers qui les ronge, ni rien qui leur
nuise. Il ..si diargé de la surveillance el de la
• CoHstitulioiirs roHgregationis Sniirfl ,)f,ittri caii XII
p. 22."i. ' '
* Commenlariu medicinir Faenltalis, l. I, p. 2.
direction du scriptoritim ^ ; il choisit les copistes,
leur fournit le parchemin et les autres objets
nécessaires à l'écriture. Les copistes ne peuvent
rien transcrire sans son consentement ; il les
établit dans un lieu spécial, au sein de l'abbaye,
mais tranquille el écarté, afin qu'ils se livrent au
travail loin du bruit et des distractions ; il veille
à la pureté des textes, à la ponctuation, à la
reliure, etc.
Notre Bibliothè(jue nationale, commencée au
palais de la Cité avec les douze volumes
appartenant au roi Jean, eut pour premier
bibliothécaire Gilles Malet qui, en 1373, dressa
rinventaire des 973 volumes que Charles V avait
rassemblés au château du Louvre. Ce précieux
document a pour titre : « Cy après en ce pappier
sont escrips les licres de très soîiverain et très
excellent prince Charles, le quint de ce nom, par
lu grâce de Dieu Roy de France, estans en son
chastel du Louvre, en troiz chambres Vune sur
l'autre -. L'an de grâce m.ccc.ixxiii. Enregistrez
de son commandement par moy Gilet Mulet ^ son
varlet de chambre.
Gilles Malet mourut en janvier 1410, et eut
pour successeur Antoine des Essars, qui est
qualifié « d'écuyer, varlel trenchant du Roy,
garde des deniers de l'espargne et de la libraierie
du Roy nostre seigneur ». Deux ans après, des
iOssars est remplacé par Garnier de Saint-Yon,
qui se dit « commissus ad cuslodiam librariœ
Régis in Lupara, et aliorum etiam librorum
quocumque loco fuerinl ». Comme sou prédé-
cesseur, Garnier fut destitué pour avoir pris parti
contre la maison d'Orléans, et sa place fui
donnée à Jean Maulin, « clerc du Roy, nostre
sire, en sa chambre des comptes à Paris, et
garde de sa librairie estant au Louvre ».
Franchissons les siècles el arrivons à l'année
1795. A la suite d'un rapport de Villiers,
l'Assemblée nationale, considéraid « qu'il existe
une place de bibliothécaire créée par un tyran
que la llalterie a surnommé le restaurateur des
lettres... ; que le mérite, incapable de s'avilir en
rampant, fui privé de cette position qui fut
réservée à quelques familles privilégiées dont la
bibliothèque semblait être l'héritage "^ ; qu'ainsi,
dans les états monarchiques, tout est trafic ou
prérogatives, mais que le régime républicain
ne soulire point de charges aristocratiques »,
déclara supprimée la place de bibliothécaire,
el ordonna que la Bibliothèque nationale
serait désormais administrée par un conser-
vatoire composé de huit membres, et qui
1 Voy. ci-de.ssous l'art. Copistes.
2 l'Jans la lour située à l'angle nord-ouest.
■' \'illiers fait ici allusion à la famille Bignon, qui
n'-gna sur la bibliothèque pondant plus d'un siècle et
demi. Les Bignon s'y succédèrent dans cet ordre :
Jérôme 1 VÀ^mm, maître de la librairie. . . 1012-1 C.')l.
— n — — ... 10.">1-1C72.
— ni — — ... 1072-1084.
(laniille Lett^llicr, bibliothécaire du roi 108-1-1718.
.1.-1'. Bignon — 1718-1741.
Bignon de Blanzy, — 1741-1743.
A. -J. Bignon, — 1743-1772.
J. -F. -G. Bignon, — 1772-1783.
BIBLIOTHECAIRES — BIENFAISANCE
79
choisirait lui-même dans son sein un directeur * .
Parmi les bibliothécaires qui ont laissé un
nom dans l'histoire, il est dû une mention parti-
culière au Père Guignard, bibliothécaire du
collège de Clerniont, étaldissenient dirigé par les
jésuites. Le Père Guignard, compromis dans
l'attentat de Jean Chàlel contre Henri IV, lut
pendu et brillé en place de Grève ; ce qui, au
reste, lui valut l'honneur d'être placé par les
jésuites au rang des martyrs -.
Ce litre conviendrait mieux au bou et savant
(iabriel Naudé, qui après avoir passé six années
à composer de toutes pièces la bibliothèque de
Mazarin, eut la douleur de voir cette admirable
collection saisie, pillée, vendue à l'encan. Il
mourut sans avoir eu la consolation de la retrouver
reconstituée par les ex-i'rondenrs eux-mêmes qui,
redevenus courtisans, vinrent au-devant des
désirs du cardinal, et s'empressèrent d'acquérir
des titres à sa reconnaissance en restituant spon-
tanément tous les objets qiù étaient restés entre
leurs mains.
Par testament daté du 0 mars 1661, Mazarin
fondait un collège, auquel il léguait, non seule-
ment sa bibliothèque, mais encore les boiseries,
bancs, tables, armoires qui la garnissaient. Des
lettres patentes (mars 1688) organisèrent le
collège et réglèrent ainsi le service de la biblio-
thèque :
« Le bibliothécaire sera nommé par la maison
et société de Sorbonne, et choisi, autaid qu'il se
pourra, du nombre des docteurs de la maison.
Il aura la nomination d'un sous-bibliothécaire
et de deux serviteurs qui n'auront d'autre soin
que celui de la bibliothèque ; lesquels il pourra
destituer lorsqu'il le jugera à propos.
Le bibliothécaire se chargera par inventaire
des livres de la bibliothèque, des manuscrits et
des meubles qui y doivent estre destinés.
La bibliothèque sera ouverte au public deux
jours de la semaine, le lundi et le jeudi depuis
huit heures du matin jusques à dix heures et
demie, et depuis deux heures après midi jusques
à quatre en hiver et jusques à cinq en esté.
Le bibliothécaire, le sous-bibliothécaire et les
deux serviteurs seront tenus de se trouver dans
la bibliothèque aux jours et heures ci-dessus
marqués, pour donner les livres qui seront
demandés et pour veiller qu'ils ne soient gastés
ou emportés.
Le grand-maistre, le procureur ^ et le biblio-
tliécaire seront perpétuels, et leur nomination
appartiendra à la maison et société de Sor-
bonne ».
Ces prescriptions furent rigoureusement
exécutées, même celle qui rendait le bibliothé-
caire responsable des volumes commis à sa
1 « Il sera nommé, dans le snin du conservatoire et
par les conser\'ateurs eixx-mêmes, un directeur tempo-
raire, dont les fonctions se borneront à surveiller l'exé-
cution des règlemens et délibérations du conservatoire,
qu'il présidera ».
- Par le Père Jouvency entre autres. Voy. aussi
Lestoile, Journal de Henri IV, 30 juin 1610.
3 Du collège.
garde, et plus d'une fois l'on prit sur sa succes-
sion la somme nécessaire pour remplacer quelques
ouvrages qui, durant sa gestion avaient été
détruits ou éorarés ^ .
Bibloteurs.
de).
\ oy. Jouets (Fabricants
Bibolle (Joueurs dk). Parmi les musiciens
de la chambre du roi en 1584 Hgure un sieur
Fourcatle, qui est qualifié « joueur de bibolle ».
M. A. JaP croit que cet instrument était une
variété de notre tliite.
Bidaux. Vuy. Bedeaux.
Bienfaisance (Œuvres de). Il serait, je
crois, facile de démontrer que la condition de
l'ouvrier au moyen âge était supérieure à sa
condition actuelle, tout au moins à celle qui lui
était faite encore il y a un demi siècle. J'entends
parler ici, non du plus ou moins de bien être
dont il jouissait, il avait participé aux progrès
réalisés en ce sens, mais de sa condition morale
et suciale.
S'ensuit-il que je souhaite le rétablissement
des corporations? Non pas. D'abord, la politique
aujourd'hui s'en mêlerait et gâterait tout. Ensuite,
on nous rendrait les corporations telles qu'elles
furent à l'époque de leur décadence ; car pour
ce qui est de les reconstituer dans l'étal où nous
les trouvons au moyen âge, il n'y faut point
songer. Rien ne saurait rétablir l'égalité presque
complète qui existait alors entre patrons et
ou\Tiers, pas plus que les sentiments fraternels
qui unissaient les patrons d'un même corps de
métier. En veut-o]i quelques preuves?
Les meuniers du Grand-Pont''', maîtres et
ouvriers, juraient de se prêter mutuellement
assistance si la crue du fleuve devenait mena-
çante *.
Chez les boucliers de fer ^ et les faiseurs de
courroies ^, les fils de maître restés orphelins et
sans fortune étaient mis en apprentissage aux
frais de la communauté.
Les statuts des fourbisseurs interdisent tout
colportage dans les rues, sauf aux maîtres trop
pauvres pour payer le loyer d'une boutique "' .
Dans les premières années du quinzième siècle,
les mégissiers stipulent que tout maître occupant
au moins trois ouvriers ne pourra refuser d'en
prêter un à son confrère « a3''ant besongne haslive
et nécessaire, pourluy aidier à parfaire ycelle ^ ».
Chaque crieur ne doit annoncer qu'un seul
enterrement par jour, « afin que chacun d'eux
ait des besongnes par égale portion, au mieux
que faire se pourra ^ ».
1 ^'oy. A. V. ^Histoire de la bibliothèque Macarine, p. 191 .
- Dictionnaire critique, p . 221.
3 I^e pont au Change.
* Livre des métiers, titre II, art. 8.
S Livre des métiers, titre XXI, art. 6.
*> Livre des métiers, titre LXXXVII, art. 7.
"^ Statuts de 1290, dans G. Depping, Ordonn. relatires
aux métiers, p. 366.
8 Statuts de mai 1407, art. 11.
9 Ordonnance de février 1415, chap. ix, art. 15.
80
BIENFAISANCE
Au seizième siècle, lorsqu'un maître brodeur
avait soumissionné une lournilure importante,
celle des troupes, par exemple, il était tenu de
partager avec les autres maîtres, de leur donner
ù eA.6cutej- une pallie de lu conunaude aux condi-
tions que lui-même avait acceptées, réserve faite
seulement des Irais de soumission '.
Les cordonniers s'eng-aji;paient tous à pajer le
même salaire à leurs ouvriers : le maître qui
aurait ofierl davanlag-e eût était soupçonné de
vouloir débaucher ceux de ses confrères"^.
Dans leurs statuts de 1G60, les tailleurs pré-
voient le cas où des maîtres pauvres manqueraient
d'ouvrage. Ils sont invités à se réunir dans un
lieu spécial, où les maîtres plus heureux viendront
les trouver, el leur fourniront du travail, «. afin
qu'ils puissent être tous occupés de leur métier
el (^airiier leur vie '^ ».
...
Au dix-huitième siècle, l'amour dug-ain avait
bien alfaibli les principes de confraternité com-
merciale qui animait au début les corporations;
néiinmoins, on punissait encore sévèrement le
commerçant convaincu d'avoir « offert des
marchandises à un prix inférieur à celui que
le.sdites marchandises ont coutume d'être vendues
par les autres marchands* ». La science écono-
mique a changé tout cela, et je crois qu'elle a
bien fait. Mais il ne faut pas se dissimuler que le
règne de la concurrence à outrance, fondement
actuel de l'industrie, a transformé en ennemis
acharnés des gens (jui jadi> juraient de s'aimer
et de s'entr'aider en toute occasion. El presque
toujours ce serment était tenu. La communaulé
avait tout intérêt à ce qu'il le fût; le prévôt de
l'aris, clu'f direct des corporations, y veillait
aussi, intervenait parfois pour exiger le re.spect
d»' statuts qu'il avait révisés et sanctionnés.
Dans la corporation des cuisiniers, un tiers
des amendes était employé à .soutenir les maîtres
el les ouvriers tombés dans la misère par suit(; de
mauvaises affaires ou pour cause de vieillesse :
« Le tiers des amendes... soil pour soustenir les
piivres vielles gens du mt'slier qui seront decheuz
[)ar fait de niai'chandise ou de viellece "' ».
(^hi'z les orfevn-s, une boutique restait ouverte
cliaqiK! dimanche, ù tour de rôle. Le gain fait
ptMidanl cette journée était mis de côté, el
••iiiplnvé il donner le jour de Pâques un repas
aux pauvres malades de l'Hùtel-Dieu «. En l.'JDU,
les maîtres tirent construire, dans une rue qui
«li'vint la rue des Orfèvres, une maison commune,
coHipreuant un hospice où étaient recueillis les
pauvn's, les infirmes el l.-s veuves appartenant à
la corporation ''.
l'our chaqu.' pi.-ce dr (liap (pfils achetaient,
les drapiers v»'rsai.Mil diins une cai.sse spéciale
un denier parisis destine ii acheter du blé pour
le.s pauvres. Quand se réunissait la confréri.-. un
' Stniiil.s (|.. l&oo, art. 10.
• ■-' '"Us ,1,. 1014. art. 21.
12.
itiaiiw tlo [K.lico du I"juillii 1734.
Lif.,e 4rs iw'fiers. lilro LXIX, art. M
•• /.irrf dfs métiers, titii- XI, ail. 8.
' \<>y. L'-i-oy. SlalHls des orfèvres, j.. 35, .-1 Juillet
quartier SainU'-Opportuno, p. 40.
banquet suivait les exercices religieux, et les
pauvres n'y étaient pas oubliés. A chacun de
ceux de l'Hôtel-Dieu, on envoyait un pain, une
pinte de vin el un morceau de viande. Les
prisonniers du Cbâtelet recevaient à peu près
autant, et s'il se trouvait dans le nombre un
gentilhomme, il avait droit à deux mets. On
donnait encore un mets à chaque accouchée de
l'Hôtel-Dieu, un pain à chacun des religieux
Jacobins et Gordeliers et à tous les mendiants
qui se présentaient pendant le repas*.
Il était interdit aux boulangers de cuire le
jour des Morts, à moins qu'il ne s'agit d'échaudés
destinés aux pauvres, « ce ne sont eschaudez à
donner por Dieu ^ ».
Chez les faiseurs de lapis sarrazinois, la moitié
du montant des amendes était appliquée aux
pauvres de l'église des Innocents, où la commu-
nauté avait sa confrérie ^ .
La volaille et le gibier saisis en cas de contra-
vention chez les poulaillers étaient attribués
tantôt aux malades de l'Hôtel-Dieu, tantôt aux
prisonniers du (^hàtelet*.
Mais voici qui est mieux encore. Dès 1319,
les fourreurs de vair avaient formé, en dehors de
toute préoccupation religieuse, une véritable
société de secours mutuels. Le 10 février, le
prévôt de Paris homologua les statuts de cette
société qui ont été retrouvés et publiés par M. G.
Fagniez '•. Les ouvriers qui désiraient participer
aux avantages de l'association payaient un droit
d'entrée de dix sous six deniers, et versaient une
cotisation d'un denier par semaine. On cessait
d'avoir droit ù l'assistance lorsque les versements
en relard dépassaient dix deniers. Six personnes,
élues chaque année par la communauté, recevaient
les cotisations, qui étaient employées exclusive-
ment à secourir les ouvriers malades. On leur
fournissait trois sous par semaine pendant tout
le temps que durait leur incapacité de travailler ;
trois sous encore pendant la semaine où ils
entraient en convalescence ; trois sous enfin
« pour soy effoi'cer », c'est-à-dire pom* leur
permettre de reprendre des forces, de se rétablir
tout à fait. A peu de choses près, c'est encore là
le procédé adopté par les sociétés de ce genre.
En août 1345, les corroyeurs font renouveler
leurs statuts ^, et ils y insèrent une clause
portant que tout maître avant de s'établir versera
une somme de cinq sous, « lesquelz cinq solz
seront distribuez aux po\Tes hommes dudit
mestier qui ne pourront gagnier leur pain ».
La grande ordonnance de février 1415, qui
réglementa les fondions des divers agents de la
numicipalité. renferme plusieurs mentions de la
même nature.
Les vendeurs '' el les courtiers de vin payaient
cha(iut' mois une cotisation de huit deniers,
1 Statuts de 1309, art. 4 à 8.
2 Livre des métiers, titre I, art. 28.
•■' Livre des métiers, litre LI, art. 13.
* Livre des métiers, titre LXX, art. 11.
•> Ktudes sur riiulustrie, \). 290.
Ji Ordonnances royales, t. XII, p. 18.
' Intermédiaires entre le marcliand en gros el l'achc
leur.
BIENFAISANCE — BIJ0UTII<:RS KN FAUX
81
« pour a^^ler à vivre ausdits, s'ils venoient ou
cheoient en mendicité ' ».
Les crieurs s'imposaient une retenue de deux
deniers par semaine, « pour estre emplctyée à
ajder ceux d'iceux crieurs qui cherront en mendi-
cité ou nécessité de maladie ou de vieillesse,
parquoy ils ne puissent leurs offices exercer, ne
iïaiurner leur vie ^ ».
Les mesureurs de bois s'enn^af>"ent à donner
quatre sous par semaine à celui d'entre eux qui
« chet en nécessité de maladie •* ».
Les porteurs de blé veulent que leurs confrères
« vielz, caducs et malades » soient dispensés du
service et employés à l'adminislraiion de la
conniiunauté *.
En 1566, une partie des amendes prononcées
contre les couvreurs est « appliquée aux pauvres
ouvriers dudit mestier, qui tombent ordinai-
rement de dessus les maisons ^ ».
En 1583, les tailleurs décident qu'il sera créé,
pour secourir les pauvres de la communauté, une
caisse entretenue par les maîtres et les ouvriers
du métier, chacun « selon sa bonne volonté et
courtoisie ^ ».
Pour finir, un article vraiment touchant
emprunté aux statuts d'une bien humble corpo-
ration, celle des faiseurs de pain d'épices : <.< Si
l'un des compagnons est en chemin et n'a de
quoy pour passer sondit chemin, les autres
compagnons seront tenus de luj bailler ou prester
jusques à la somme de deux escus '^ ».
Cette longue énumération s'arrêtera ici. Les
merciers continuent bien à secourir les pauvres ^,
les orfèvres continuent bien à donner leur repas
annuel ^ , mais ils accomplissent cette bonne
œuvre avec plus d'ostentation que n'en permet la
charité. La corporation du moyen âge n'existe
plus que de nom. La royauté, toujours à court
d'argent, l'a asservie à son profit. Qu'elle ait
d'abord cherché à lui infuser un peu de sang
nouveau, à y réformer quelques abus, qu'elle ait
voulu en rendre l'accès plus facile, et réagir
contre l'esprit de routine inhérent à tout corps
qui se recrute soi-même, on ne peut le nier ^'^.
1 Cliap. V et VI, art. 5.
2 Chap. IX, art. 6.
3 Cliap. XIII, art. 6.
4 Chap. II, art. 15.
^ Statuts, art. 17.
6 Statuts, art. 29.
1 Statuts de 1596, art. 14.
8 Voy. Saint - Joanny, Recueil des délibéiations des
merciers, p. 181.
9 Leurs registres mentionnaient cliacjue année le
nombre des pauvres que la corporation avait traités le
jour de Pâques. Au seizième siècle, ce nombre s'éleva
parfois à plus de deux mille. Voici quelques chiffres :
En 1537, il fut de : 1.1,50 En 1568, il fut de : 1.220
En 1552, — 1.897 En 1568, — 1.800
En 1555, — 2.000 En 1586, — 1.500
En 155T, — 2.070 En 1587, — 1.850
En 1559, — 1.140 En 1596, — 1.200
10 Ledit de décembre 1581 et celui d'avril 1597 pres-
crivent les meilleures réformes que l'on put alors tenter
d'introduire au sein des corporations. Mais à dater de ce
moment, les lettres patentes, ordonnances et édits qui
concernent les corps de métiers n'ont plus guère pour
objet que de les rançonner.
Mais en même temps, elle a enlevé à la commu-
nauté son caractère familial. C'est l'État
désormais qui secourra les ouvriers malades et
les recevi-a dans ses hôpitaux ; c'est lui qui, pour
les enfants orplielins, ouvrira des asiles et des
écoles d'apprentissage. *
Voy. Corporations.
Bijoutiers. Fabricants de bijoux. Le bijou
dillérait du joyau en ce qu'il n'y entrait ni
tliamants, ni perles, ni pierres fines. D'autre
part, le mot bijou avait un sens plus large
qu'aujourd'hui ; il comprenait, en effet, « toutes
sortes de petites curiosités qui servent à orner les
personnes et les appartemens : vases de porce-
laine, pommes de cannes, tabatières, etc. ^ »,
en somme à peu près ce que nous nommons des
bibelots.
Les bijoutiers appartenaient à la corporation
des orfèvres.
Vo) . Bijoux (Commerce des).
Bijoutiers en faux. Dès le treizième
siècle, il existait, à côté de la corporation des
lapidaires, iXiis perriers de pierres natureus ^, des
fabricants de faux diamants, de pierres artifi-
cielles. Nommés voirriers, imrriniers, perriers
(le verre, etc., ils travaillaient celui-ci de manière
à imiter les pierres les plus précieuses. La Taille
de i292 cite dix-sept voirriers, je n'en trouve
plus ((u'un dans la Taille de 1300. Leiu-s statuts
de 1340 fixent la durée de l'apprentissage à sept
ans au plus et à cinq ans au moins.
Les lapidaires, qui travaillaient les pierres
fines, exigeaient dix années au moins, et tenaient
à honneur de ne pas être confondus avec les
perriers de verre. Ceux-ci pourtant, faisaient
preuve d'une telle habileté que les « pierres de
voirre », les « esmeraudes de vouarre », les « rubis
de vairre », le verre teint en manière d'agate
ressemblaient fort aux « pierres natureus ».
Souvent, écrit Le propriétaire des choses, « les
faulces pierres sont si semblables aux vrayes,
que ceux qui mieulx si cognoissent y sont
deceulx '^ .
Les reines alors n'hésitaient pas à se parer
d'imitations, car Jeanne d'Évreux laissa eu
mourant deux chapeaux ornés de pierres fausses*.
On les voit abonder aussi sur les châsses où
reposaient de saintes reliques. Le mot doublet,
qui se rencontre souvent à cette époque, désignait
deux morceaux de verre ou de cristal réunis par
un paillon ou une couche de peinture ".
Au dix-septième siècle, l'industrie des pierres
fausses se concentra dans la cour du Temple.
« Il y a un homme au Temple, écrit Tallemant
des Réaux ", cjui a trouvé le secret de teindre les
cristaux ». 11 imitait les diamants, les émeraudes.
1 Dictionnaire de Trévoux, t. I, p. 901. — Encyclo
pédie méthodique, commerce, t. I, p. 250.
2 \ oy. lart. Lapidaires.
3 Voy. E. Babelon, Histoire de la peinture sur gemme,
p. 78.
* De Laborde. Notice des émaux, p. 442.
S Voy. Ducange, Glossaire, au mot doble'.us.
C Historiettes, t. IV, p. 364.
82
BIJOUTIERS EN FAUX — BILLONXEURS
les lopazes, les rubis ' : d'où le iioni de diamants
ilu Teiiijtle. dniiiié u toutes les l'tiiisses piei'reries.
Comme les marchands du Palais en vendaient
aussi. Ton disait encore hijonx ihi Palais. La-
Ibnlaine emploie le mol happcUmrdc :
Toul i-sl fin (liiiiiiant aux iiiain.s il'un habii'' huiMini-,
Tout (It'vient happelourdc ciilie les mains d'un spt?.
El je lis dans une pièce publiée en 1622:
« C'est une feuille blafarde que l'on met sous
une happelourde pour la faire passer pour
diamant •'* >.
Les ilia ïii a n ts (FA (ençnn, \q^ jargons d' A utergne,
les dia'iiiuats du Aie doc étaieid des cailloux
Iransparenis qui brillaient surtout sur lescost unies
de tliéàtre *. et que l'on imitait tolit comme les
pierres les plus fines ^ ,
L'édit de mars IG73 nous apprend qu'il existait
alors ù Paris trente vendeurs de faux diamants.
Ils n'étaient pas constitués en communauté.
Le stras, qui jouit pendant lonu,-lemps d'une
si «rrande vo'^ue. fui inventé, à la lin du dix-
septième siècle, par un sieur Stras, né à
Strasbourg, et dont un descendant était établi à
Paris en 1757 sur le quai des Orfèvres ". Un
sieur Cagniard, qui demeurait rue Neuve Saint-
Denis ■*, se disait marcliand de « pierres de
cristal et d'estraz ». D'autres prenaient le nom
de lapidaires-fausseliers *.
Les perles fausses sont mentionnées déjà dans
le Lirrc des métiers. L'article G des statuts des
merciers '•' leur iiderdil l'emploi des « pelles
fausses, blanches ne dorées », mais on ne possède
aucun renseirriiement sur les procédés de fabri-
cation à celte époque. Les Tailles de 1292 et de
l'.iUii citent chacune six peUiers., qui pourraient
bien être des labncanLs de perles. En 1G84, un
sieur Jacquin avait imaginé d'étamer du verre
avec une sorte de pâle composée d'écaillés
d'ableiles '". Le Livre coruriiode 'pour i692
déclare ipie ces })erles « ressendilent fort aux
nalundles />, et il nous apprend qu'on en trouvait
alors clie/ trois marchands loi^^i-s rue du l'clil-
Lion et rue Saint-Denis ' '.
Les imitations de Vor étaient déjà très nom-
lireuses. Les plus en yuyrwa èlaienl ie similor, le
r/n-i/sorale, le tombar, le piiichbeck, toutes compo-
sitions de cuivr- jaiuie uiu au zinc, à l'élain. au
ploudi, etc.
Bijoux CoMMKitct; oEs). Voy. Baguet-
tlars. Bijoutiers. — Bijoutiers en
faux. Corailleurs. - Dami-Caintiers.
- Diamantaires. - Fermaux (Fai-
» Fnunvrr. Journnl ,/*«« onj.nje à Paru ai tG07, i». lir.
5 hoitrt XXV, t 1\. |,. 21 J.
^ .WHippée de francim, dons ICI. Fouinior. Vwiétés
1. \. I' 2lH.
J Voy. 'InlLninnl ^\<» lU-aiix. t. H. |,. 2111.
•'• Vi'y- HnudicMni.r .1». HI«iic..iiil, //,„■/ de /„ cerrrrie
liv. N . rlin].. 137 ••l suiv.
^ A. Jnl. DirlionHaii-e fiitique. p. 1152.
* Hfvi'iuK- rui> Hioiidi'l.
" MmiiHiirh IhHuhiii iiiitir l";77
••' I .<... lAW.
•" Ll^t.•|•. Voffayr ii l'nris, p. 132.
«' Toim- 1, p. 2I«.
seurs de). — Graveurs sur pierres
fines. — Joailliers. ~ Lapidaires. —
Orfèvres. — Métaux précieux. — Or
et argent (Marctiands d'). — Ordres
français et étrangers. — Perles (Com-
marce des;. — F»etit-Dunkerque. —
Touche de Paris. — Tréiliers, etc.
Billard (Maîtres de). « ïl.. y,a au moins
soixante jeux de billard distribués dans les
différens quartiers de Paris. Ces jeux ne sont
guère aujourd'hui fréquentés que par des domes-
tiques ou des gens de bas étage ; les maîtres et
les garçons donnent des leçons à ceux qui veulent
apprendre à jouer * ». Les propriétaires de jeux
de billard appartenaient à la corporation des
paumiers.
Voy. Billardiers.
Billardiers. La Taille de i292 cite un
billardier, industriel qui vendait sans doute les
ùl)jets nécessaires pour jouer au billard, tel que
l'on comprenait alors ce jeu. Il avait beaucoup
de ressemblance avec notre crocket, car il
consistait à pousser des billes ou des boules
avec un manche de bois nommé billard, billouer
ou quinque. sous de petits arceaux. II se joua
successivement sur la terre, et il était dit alors
billard de terre, puis sur une table disposée à cet
elfet \
Ce dernier, peu à' peu transformé, devint le
billard actuel. Louis XIII à onze ans y jouait
déjà -^ Louis XIV l'aimait fort, et y jouait
presque chaque soir en hiver * ; ce fui même là,
comme on sait, l'origine de la fortune que fit
Chamillard à la Cour.
En novendire 1676, les paumiers furent auto-
risés à avoir chez eux un billard, et, au mois de
février 1727, la communauté obtint le monopole
de ce jeu : « Et feront payer les parties de billard
à tous également au moins six lilaiics le jour
et cin(} sols à la chandelle ».
L'ordonnance du 26 juillet 1777 interdit « à
toutes personnes qui iront dans h's jeux de billard
de faire aucun paris, même de donner des avis
et conseils à ceux qui joueront à quelque jeu que
ce soit. Faisonségalement défense aux maîtres de
jeux de billard de donner à jouer au billard passé
sept heures du soir en hiver et neuf en été ».
Marie- Antoinette et Madame Elisabeth
jouaient au biUard. La queue dont se servait la
reine était faite d'une seule dent d'élépliant et
moulée en or, on l'enfermait dans un étui dont la
reine portail la clef à ht chaîne de sa montre ".
Voy. Paumiers.
Billonneurs et Billonneux. On nom-
mait autrefois billon toute monnaie dans laquelle
' .léze. Ktat ui(. lahleau di- la ville de Paris, étiit. de
ITCO, p. l«.l.
- I)iican(,^i>, (llossarlum. v" liilla. — Dictionnaire de
Treruiix. y I, p. 904. — Villon, dans s.on Petit testament
'S XXIX) mentionne « ung Lillai-d d»; (juov on crosse »■
•* ./<>«/•««/ d'Héroard, t. II, p. 91.
i Sainl-Sinion, .Wmoirts, I. II, p. 2G1.
•' M""- Cunipaii, .Urmuires, t. I, p. 283.
BILLONNEUKS
BLANC
83
entrait un alliag'e trop considérable, et qui était,
par conséquent, destiné à la relonlo.
L'altération des monnaies, à laquelle nos rois
eurent souvent recours, créa la monnaie de hillon.
Quand la royauté ordonnait le retrait de telle
ou telle vieille monnaie, des billonneurs désignés
par l'autorité, aussi l)ien que d'autres habitués à
ce métier, s'etforçaient de la rassembler. Ces
derniers furent longtemps établis dans la rue au
Feurre ', et l'emplacement qu'ils occupaient
était alors nommé le hillon. Vers le milieu du
quatorzième siècle, le prévôt de Paris voulut les
transporter près de la Grande-Boucherie, mais
ils résistèrent.
Au seizième siècle, les billonneurs parcou-
raient les rues en criant :
Qui a des targes, des nicijuetz, ^
Et aussi de vieille nionnoye? •*
On nomma plus tard billonneurs les gens qui
se livTaient à un tratic illégal de monnaies défec-
tueuses. Il était interdit, par exemple, de les
fondre, de les transporter hors du royaume, de
les modifier, de les rogner, de les remettre en
circulation. Au cours de l'année 1720, après la
chute de Law, le Parlement prononça des peines
sévères contre les billonneurs*.
Voy. Changeurs.
Bimbloquiers. Nom que le Dictionnaire
de Richelet ■• donne aux bimbelotiers.
Voy. Jouets (Fabricants de).
Bimblotiers et Bimbelotiers. Voy.
Jouets (Fabricants de).
Bisettiers. CJuvriers qui fabriquaient la
bisette.
On nommait bisette. au moyen-âge, un étroit
réseau de fils d'or ou d'argent, qui donna la
première idée de la dentelle.
On voit la bisette citée dans les cadeaux faits
à Blanche de Bourbon pour son mariage en
15.52 6.
Cent ans plus tard, la bisette n'était plus
qu'une dentelle commune, faite de fil de lin
blanc. Paris en produisait fort peu ; presque
toute celle qui s'y vendait était l'œuvre des
paysannes des environs, et plus spécialement de
Saint-Denis, de (xisors, de Montmorency, etc.
On trouvait la bisette, connue les autres
dentelles, chez les lingères et les merciers.
Biseurs. Voy. Teinturiers de Georget.
BisouartS. Nom donné parfois aux colpor-
teurs.
Blaatiers. Nom que la Taille de 1202
donne aux marchands de blé.
1 Devenue rue aux Fers, puis rue Berger.
2 La valeur de la targe varia souvent. Le niquet
Talait deux deniers tournois.
•^ A. Truquet, Les cricries de Paris, ete.
* \oy. les Mémoires de Mathieu Marais, juillet 1720,
t. L P- 316.
5 Édit. de 1719, t. L P- 128.
6 Douët-d'Areq, Comptes de l'artjenterie. p. 2ii8.
Bladiers. Voy. Blé (Marchands de).
Blaetiers. N<nu ([ue le Livre des métiers
donne aux marchands de blé.
Blaetiers. Voy. G-rainiers.
Blanc iSpKCULrrii de). Expression toute
moderne, qui désigne un commerce restreint à
certaines étolfes de (il el de coton. 11 était surtout
représenté jadis par les chanecaciers. les lingères
et les napelenrs, articles auxquels je renvoie. Je
consacrerai .seulement ici quelques mots aux draps
dt' lit et aux mouchoirs, qui constituent aujour-
d'hui la partie la plus importante de ce négoce.
Au moyeu-àge, les draps de lit étaient presque
toujours nonunés draps-liiiges, p<jur les dis-
tinguer des draps de laine, et aussi linceuls ou
lincenx, parce que, comme de nos jours, ils
servaient à ensevelir les morts. Leur dimension
rappelait naturellement celle des lits ^ . Dans un
inventaire de 1387, je relève cette dépense :
« A Jehanne de Brie, marchande de toilles,
demourant à Paris, pour vingt-cinq aulnes de
toille bourgeoise, pour afire deux paires de draps
à lit, cliascune paire de dix aulnes - ». Ainsi
qn'aujourd'lini. le drap de dessus se repliait sur
la couverture. Christine de Pisan, décrivant
le lit très luxueux d'une accouchée signale un
« grand drap de lin, aussi délié que soie, tout
d'une pièce et sans cousture, qui est une chose
nouvellement trouvée ^ ».
La lingerie d'une famille noble contenait une
grande quantité de draps. Charles V paraît n'en
avoir possédé que quarante- neuf paires *. S'il
faut en croire l'inventaire dressé après la mort
d'Anne de Bretagne, la lingerie royale en eut,
alors renfermé sept à huit cents douzaines '',
mais j'ai peine à croire qu'il n'y ait pas là
quelque erreur de lecture : 9.600 draps, c'est
beaucoup, même pour une reine.
Jusqu'au début du dix-septième siècle, les
draps (le lit conservèrent le nom de linceux et de
linceuls *>. Lalbnlaine même l'a employé '' . Les
libertins avaient eu déjà l'idée de garnir leur lit
avec des draps de tatl'elas noirs ". D'ailleurs,
blancs ou noirs, ils étaient toujours parfumés '.
La plus fine batiste paraissait dure encore à
la peau délicate d'Anne d'Autriche, et avant
qu'elle consentit à s'en servir, il fallait l'adoucir
plusieurs fois par des mouillages. Le cardinal
Mazarin lui dit un jour en plaisantant « qiie si
elle alloit en enfer, elle n'auroit point d'autre
supplice que celui de coucher dans des draps de
Hollande '*» ».
1 \oy . l'art. Literie (Commerce du la).
2 L)ouet-d'Arc(i, Nouveaux cumples, p. 151. L'aune de
Paris éipiivalait à 1™, 19.
■t Trésor de la cité des Dames, éd. de 1497, f" 59.
i Inventaire, p. 38.^), 349, 350 et 352.
a liibliolhèque de l Ecole des chartes, an. 1849, p. 1G3.
6 ^'ov. liabelais, livre \ . — Béroalde de Verville,
chap \\\. — Brantôme, t. IX, p. 254. — Math. Régnier,
satire X I .
" L'ermite, conte XV.
8 Brantôme, t. IX, p. 254.
9 Corrozet, Blasons, p. 17.
• •> Motteviile, Mémoires, éd. Michaud, p. 551.
84
BLANC — BLANC D'ESPAGNE
Je rappelle qira la mort de nos souverains.
tout le lini^e royal était attribué aux religieuses
de la Saus'^aie. prés de VillejuiC ^ Ce privilège
ne s'étendait pas au linge laissé par la reine. Le
renouvellement complet en était lait tous les
trois ans par les soins el au profil de la dame
d'honneur. En janvier 17:^8, madame de Luynes,
alors pourvue de cette cliarge, dépensa 30.000
li\TPs pour renouveler le linge de Marie
Leszcinska -. Il lui renouvelé encore en 1741;
mais on décida, en 1758, de ne plus procéder à
cette opération ([ue tous les cinq ans, et Necker
la retarda encore de deux ans ^.
L"nsage du mouchoir remonte très liaul ;
mais. jiis([u'au treizième siècle, les pt)clies
n'existant pas *. on ne put le mettre dans la
poche. On i'altachail au hras gaurhe, comme les
prêtres l'ont encore de la hande «rélotié appelée
manipule, et qui dans l'origine était destinée à
leur servir de mouchoir durant les offices. Les
évêques portaient un mouchoir attaché à leur
crosse, les chantres à leur bâton, etc. Cet usage
subsistait au dix-huitième siècle dans l'église de
Saint-Denis et dans plusieurs églises de cam-
pagne ■"'. Chez les laïques, le mouchoir était,
pariiît-il. fréquemment oublié, el en son absence
la manche le remplaçait. Deux expressions
proverbiales sont nées de cette coutume. On dit :
« Du temps qu'on se mouchait sur sa manche »,
pour rappeler un temps où les mœurs étaient
d'uni! grande simplicité, et, dans un sens
opposé : « Ne pas se moucher sur sa manche ».
Tontelbis. je ne dois pas dissinuder que,
longtemps encore, bourgeois et plébéiens surent
très bien se passer de mouchoir. l<in revanche,
les nobles dames eurent de bonne heure des
mtjuchoirs fort luxueux. Je vois figurer dans
l'inventaire de la reine (Clémence de Hongrie'',
veuve de Louis le lliilin. « un esmouclioir de
so ye ' » .
Au seizième siècle. IDn mangeait encore avec
les doigts, aussi recommandail-on de ne pas se
mondier avec la main qui prenait la viande. On
était libre, d'ailleurs, de se moucher dans ses
doigts, pourvu que ce IVil de la main gauche :
l'înfaiit, sf ton ii«z i-st morveux,
Ne le toi'clif fil- II) main nue
l)c <|Uoy la viande fsl tenui;,
l.e lait csi vilain cl lionteux 8.
On coiislute sur ce point, quelques années plus
lard, im progrès sensible. Jean Sulpice, dans
uno Ciri/if»'' |)ubliée en 1545, conseille hardi-
luenl l'emploi du mouchoir : « Si tu viens ù le
moticher, tu ne dois prendre tel excrément avec
les doigts, mais le dois recevoir dedans un
motichoir ^ ».
* J. (lu Tillel, Recueil îles rinjs de France, t'Jil de
ir.sr.. p. 250.
* Due «le Luyno.s. .Vriiivirn, t. H, p. 17.
•' M»« (Inmpan, Mrmuires, t. J, p. ats".
* Voy. l'nrl. Pocln'iins.
5 CI. de \i>rt, Expliratiim des cèirmunies, ttc t H
p. 31.5, et t. m, p. 32.
fi Morte .n 1328
' UiMifl-irAroti, XuMtifnux citiiiftles, p. GG.
" l.a cttn/enance de la lubie. Hibliulti. national.., nis.s.
français, n» 1181.
9 ùt moribut in ment a strcandit.
C'était bien l'avis des princesses, car Charlotte
de Savoie, veuve de Louis XI, laissa en mourant
« trojs mouchouers brodez d'or et de soye ' »,
ce qui ne prouve pas qu'elle n'en eut d'autres
plus simples. Lors de son mariage avec
Charles VIII (octobre 1492), Anne de Bretagne
qui, comme nous l'avons vu, possédait des draps
par centaines, se lit faire douze chemises et
quatre douzaines de mouchoirs ^.
Le chroniqueur Lestoile écrit dans son Jotirual
à la date du 12 novembre 1594 : « On me lit
voir un mouchoir qu'un brodeur de Paris venoit
d'achever pour madame de Liancourt 3, et en
avoit arresté le prix avec lui à dix-neuf cens
écus, qu'elle lui devoit payer comptant. » Est-ce
Henri I\' qui en Ht les frais V (Jabrielle avait
beaucoup d'amis et acceptait de toutes mains. Ce
qu'il y a de sûr c'est que, neuf mois auparavant,
le roi ne comptait dans sa garde-robe que douze
chemises plus ou moins déchirées et cinq
mouchoirs *.
Louis XIV en avait davantage. Chaque matin,
un maître de la garde-robe lui présentait, sur
une soucoupe de vermeil, « trois mouchoirs de
point ■'' », c'est-à-dire garnis de dentelle.
Dans un livre resté célèbre, le Père J.-B. de
la Salle, pieux ecclésiastique qui fonda l'institut
des Frères des écoles chrétiennes, donne aux
enfant.s, petits et grands, ces sages conseils :
« Il est de la bienséance de tenir le nez fort net,
car il est l'honneur et la beauté du visage, et la
partie de nous-même la plus apparente.
Il est vilain de se moucher avec la main nue
en la passant dessous le nez, ou de se moucher
sur sa manche ou sur ses habits *• ».
En dépit de ces salutaires instructions, la
grave question du mouchoir, qui semble à peu
près résolue aujourd'hui, soulevait encore des
controverses peu de temps avant, la Révolution.
De la Mésangère écrivait en 1797 : « On faisait
un art de se moucher il y a quelques années.
L'un imitait le son de la trompette, l'autre le
jurement du chat. Le point de perfection
consistait à ne faire ni trop de bruit ni trop
peu '' ». *
OiUre les mots mentionnés ci-dessus e! dans
les noies, voy. Layettes. — Toiles (Com-
merce des), etc.
Blanc d'Espag-ne (Fabricants de). Dès
le seizième siècle, on employait pour nettoyer
l'or et l'argent la craie ou charbon blanc, qui
n'était autre que du blanc dit de Troyes, d'Orléans
et même d'l<lspagne comme aujourd'hui. On le
récollait ii Villeloup, près de Troyes, à Cavereau,
près d'Orléans, et au bas Meudon, où ce commerce
existe encore.
1 lUbliulhèque de l- École des chartes, l. XXVI (1865),
p. 354.
2 Le Houx de Lincy, Vie d'Anne de Jiretagiie, t. IV, p. 87.
•' (labrifllc d"Eslrées.
i Journal, G février 1591.
•j Ktat de la France pour 1712, t. I, p. 2C8 et 271.
*i Les règles de la bienséance, etc.
" Le toyageur à Paris, t. II, p. 95.
BLANC D'ESPAGNE — BLANCHISSEURS
85
An dix-spptiome siôrle, (1";iuIi'<'n procédés sont
préférés. On reconnnaiide de lavfr les couverts
avec de l'eau de son, et de les éciirer avec de la
cendre de foin. Pour enlever les lâches très
tenaces qu'y laissent parfois les œufs, il faut,
disent les traités spéciaux, mouiller l'objet sali,
l'entourer de cendres brûlantes, laisser reposer,
puis écurer * .
Voy. Sablonniers.
Blancards ou Blanchards iManufac-
Ti'RES de). On nommait blancards ou blanchards
des toiles de lin, assez fines, dont le Hl plat avait
été à demi blanchi avant son emploi.
Presque toutes étaient fabriquées dans la
Normandie, puis expédiées en Améritjue.
Blanchisseurs. Ils lurent d'abord appelés
latandiers, nom qu'ils conservèrent pendant
plusieurs siècles. La Taille (Je 1202 cite 43
lavandiers ou lavandières, et je remarque dans le
nombre « Jehanne, lavendière de l'abbaie ^ » de
Sainte-Geneviève ; elle habitait la « rue du
Moustier, » qui est devenue la rue des Prètres-
Saint-Etienne du Mont. Cependant à cette époque
et dans la plupart des communautés, les relig'ieux
lavaient eux-mêmes leurs vêtementset leur ling'e.
On faisait chauffer l'eau à la cuisine ; les ol)jels
blanchis étaient ensuite étendus soit dans le
cloître, soit dans un séchoir spécial ^. Il en fut de
même, durant très longtemps au sein de la
bourgeoisie ; le linge était lavé à la maison, et
avec les soins nécessaires pour en prolonger la
durée. Des marchands ambulants parcouraient les
rues, criant des cendres pour la lessive, et les
lavandières devaient avoir à leur disposition,
depuis bien des siècles sans doute, le fer destiné à
raidir et à plisser l'étoffe. Au seizième siècle, on
conçut l'idée de le faire creux, ce qui permettait
d'introduire à l'intérieur, soit des braises incan-
descentes, soit un saumon de métal porté au rouge.
M. de Nieuwerkerke possédait un fer de ce genre,
que Viollet-le-Duc a reproduit dans son Diction-
naire du mobilier *. J'en ai trouvé au musée de
Clunv deux spécimens, dont l'un est du seizième,
l'autre du dix-septième siècle ^.
Vers la fin de ce siècle, les lavandières,
devenues nombreuses, s'en allaient chaque matin,
nous dit-on, « battre la rivière. » Le lieutenant
de police dut même leur interdire certains endroits
tellement contaminés que l'emploi du linge
imprégné de ces eaux malsaines pouvait présenter
des dangers pour la santé publique. L'ordonnance
du 19 juin 1666, renouvelée le 8 juin 1667. le
15 avril 1669 et le 28 août 1777, défend, « à
peine du fouet », aux lavandières de laver en été
dans le petit bras de la Seine, entre la place
Maubert et le Pont-Neuf, « à cause de l'infection
et impureté des eaux qui y croupissent, capables
de causer de s-raves maladies ^ ».
' AudigtM-, La maison réglée (1692), liv. I, chap. V.
2 Page 167.
3 Consuetudines Cluniacensis monasterii. lib. II, cap. 15.
i Tome II, p. 105.
» Nos 6196 et, 6197.
6 Delaraarre, Traité de la police, t. I, p. 557.
Ceci s'adressait surtout aux blanchisseuses de
fin. Les autress'inslallaient plus bas. surlcs berges
du Gros-(^aill()U ou d(; la (ireuouillère '. C'est là
aussi que travaillaient les entrepreneurs qui
passaient des marchés pour le blanchissage des
grandes familles. En 1639, Vincent Leure,
blanchisseur à la Grenouillère, s'engageait à
blanchir pendant un an la Maison du duc de
Nemours. Moyennant cent trente-cinq livres par
mois, il devait être lavé chaque jour neuf nappes
et quarante-huit serviettes, outre le linge de corps
provenant de cinquante-quatre personnes com-
posant la suite du prince.
1*1 n 1643. le même blanchisseur promettait à
Charles-Amédée, duc de Savoie, et à sa fenune
de blanchir toute leur maison, moyennant cent
quatre-vingts livres par mois ^.
Au début du dix-huitième siècle, on comptait
sur la Seine « quatre-vingts petits bateaux servants
aux blanchisseuses, posez le long du cours de la
rivière. » Ainsi s'exprime la table du plan de
La caille ^ ; mais six seulement de ces bateaux
figurent sur le plan. Ils sont amarrés, deux par
deux, à l'entrée de la rue des Rats *, à l'abreuvoir
Màcon^ et à l'entrée de la rue du Pavé ". En
1739, on voulut astreindre les blanchisseurs et les
blanchisseuses de gros, ceux de la Grenouillère et
du Gros-Caillou, alors au nombre de cinq cents
environ, à laver également leur linge, non plus
sur la berge, mais dans des bateaux spéciaux.
Quelques esquifs de ce genre furent disposés au
bord du fleuve, et une sentence de la Ville taxa le
prix de chaque séance à quatre sous par tète,
auxquels il fallait ajouter un sou pour la location
d'un baquet indispensable. Les blanchisseuses
refusèrent d'obéir, et leur avocat, maître
Georgeon, rédigea en leur faveur un curieux
mémoire qui, le 31 août 1740, fit obtenir gain de
cause aux demanderesses.
Comme aujourd'hui, il existait une foule de
blanchisseurs aux environs de Paris ; le public
les accusait de remplacer la soude par de la chaux,
et de brûler ainsi le linge, de le rendre « dur et
désagréable au toucher "^ . » On sait que, dès le
seizième siècle, des raffinés faisaient blanchir
leur linge à l'étranger, en Hollande surtout ^,
luxueuse coutume observée encore vers la fin
du dix-huitième siècle : « les eaux qui filtrent à
travers les dunes, disait-on, étant parfaitement
douces et claires ^. » Il y eut mieux encore :
« les négocians de Bordeaux envoyaient leur
linge à Saint-Domingue, comme ils faisaient faire
leurs chemises à Curaçao et raccommoder leurs
porcelaines à la Chine. » C'est le comte de
1 Le quai de la Grenouillère, devenu quai d'Or.'^ay,
commençait dijà à la rue du Bac. Le Gro.s-Caillou était
situé à la liauteur de notre pont des Invalides.
2 Ihillelin de la société de l histoire de Paris, année
1892, p. 41.
3 Publié en 1714.
* Auj. rue de l'Hôlel-Colbert.
3 Près du pont Saint-Michel.
6 Devenue rue des Grands-Degrés.
" .Jaubert, Dictionnaire, t. I, p. 271.
8 Voy. de Léry, Histoire d'un voyage fait en la terre du.
Brésil, édit. de 1600, p. 200, éd. de 1611, p. 203
9 Jaubert, t. I, p. 272.
86
BLANCHISSEURS — BLEU DE PRUSSE
Yaublanc qui Taffirme. Il ajoute : « Un g^rand
nombre de personnes arrivées par la ilotte avaient
rempli Paris d'hommes et de femmes qui portaient
le beau linge blanchi à Sainl-Doming-ue ; ce linge
attirait les regards, ainsi qu'il avait frappe mes
yeux en arrivant au cap Français. La reine ' en
entendit parler, et on lui dit qu'une jeune dame,
madame la comtesse de *** était entièrement
habillée de ce beau linge. Elle désira la voir en
particulier, et fut frappée de la beauté du linge.
On comparait, sa blancheur à la couleur un peu
jaune de celui de Paris - ».
Nos blanchisseuses, humiliées par la compa-
raison, s'efforcèrent d'obtenir, elles aussi, un
blanc irréprochable, et elles ii'v parvinreni qu'au
grand détriment du linge qui leur était confié.
« Il n'y a pas de ville, écrivait Sébastien Mercier
vers 1780, où l'on use plus de linge qu'à Paris.
Telle chemise d'un pauvre ouwier, d'un pré-
cepteur et d'un commis passe tous les quinze
jours sous la brosse et le battoir, et les huit ou
dix chemises du pau\Te hère sont bientôt limées,
trouées, déchirées, et disparaissent pour les manu-
factures de papier. Aussi, celui qui n'en a qu'une
ou deux, ne les livre pas au battoir des blanchis-
seuses ; il se fait blanchisseur lui-même pour
conserver sa chemise. b]l si vous en doutez, passez
b^ dimanche dans l'été sur le Pont-Neuf, à quatre
heures du matin, vous verrez sur le bord de la
rivière, plusieurs particuliers, qui vêtus à crud
d'une redingolte •'. lavent leur unique chemise
ou leur seul mouchoir. Ils étendent ensuite cette
chemise au bout d'une méchante canne, et
attendent pour l'endosser que le soleil l'ail séchée.
Il n'v a pas de lieu sur la terre, je le répète,
où l'on use plus le linge à force de le frotter. On
eulend à un quart de lieue le battoir retentissant
des blanchisseuses; elles font aller ensuite la
lirosse à tour de bras ; elles râpent le linge au lieu
de le savonner; et quand il a été cinq ou six fois
n celle lessive, il n'est plus bon qu'à faire de la
charpie * ».
Les blanchisseurs d<- linge, les blanchisseurs
de liiine, les blanchisseurs de toiles ^, les blaii-
rhisseurs de bas de s(n"e •' ne furent jamais
cousliliu's en corporalion régulière, el l'édil de
1770 ne les nn'iilionur! pas. Ils avaient cependant
fondé (juelqiie.s coulVérifs. dont les unes élaii-iii
placées sovis le palronage d(! saint Maurice.
d'auln-s .sous celui de sainte Marguerite.
I.t's blaïK'hisseuses sont désignées parfois sous
le nom de hui-irsst's, Imrrrssrs, ruvaniUnrs, elc.
Le mol '/«J«ùV(»s'(ippli(piHil plus particulièrement
H la siTvanle bourgcoist; clwirgéf des lessives.
*
Vov. £mpe8eu,rs <l Lavoirs publics.
' Miino-Anliiinrllp.
' Mrmoirfs, 6lit. Harrirro, p. Us.
^ F,n n-flin^'oln éUit aloi-s un nnipip vèlcnuiil dr
il«'.s.sus.
\ T.,h'r.,.. ./, farit, l. V, y. 117.
qui Aortairnt, encore jaujie.s, de.s mains
•■ lU 1. ur nndaipDt leur premier lustre et njtiii.-
It's moiraient.
Blanchisseurs. Nom que prenaient cer-
tains ouvriers ferblantiers.
Blanquiers et Blantiers. Dans l'horlo-
gerie, ouvriers qui se bornaient à faire des
mouvements en blanc, c'est-à-dire où l'œuvre est
seulement ébauchée.
Blasonniers. « Cis litre parole des bla-
sonniers, c'est à savoir de cens qui quirent seles,
archons el blasons ». Tel est le titre des statuts
que les blasonniers soumirent, vers 1268, à
l'homologation du prévôt Etienne Boileau ^.
Dits aussi cuireiirs, cuiriers, cuirieres, cuireres,
qniriers de selles, les blasonniers se chargeaient
de recouvrir de cuir les selles, les arçons et les
écus armoriés qui les décoraient. Ils se bornaient
d'ailleurs à garnir la charpente qu'avait construite
les chapuiseurs ; les selliers la rembourraient
ensuite, et lui donnaient son aspect définitif.
Au treizième siècle, le métier de blasonnier
était libre. Chaque maître pouvait avoir tm
nombre illimité d'apprentis el régler à sa volonté
toutes les conditions de l'apprentissage. Le
travail à la lumière était interdit. Il n'est pas
question de jurés dans ces statuts, sans doute
parce cpie les lilasonniers étaient soumis à ceux
des selliers, avec qui ils ne tardèrent pas à se
confondre.
Les Tailles de 1292 el de 1300 cite chacune
detix blazenniers el blazoniers.
Yoy. Armoyeurs et Harnachement.
Blastiers et Blatiers. Voy. Blé (Mar-
chands de).
Blavi ers (Sergents . Voy. Messiers.
Blazenniers et Blazoniers. Voy. Bla-
sonniers.
Blé (Marchands de). Leurs premiers statuts,
insérés dans le Linre des métiers ^, les nomment
« lilaeliers, c'est à savoir venderes de blé et de
toutes autres manières de grains ».
Ce commerce fui plus lard attribué aux
grainiers, et le mol blatiers désigna les forains
qui apportaient du blé à Paris. Savary les définit
ainsi : « Marchands qui vont acheter des blés dans
les greniers de la campagne, pour les transporter
el les revendre dans les marchez des villes el
gros bourgs ■' ». Les blatiers avaient pour patron
saint Nicolas.
On les Irouve encore nommés blaatiers ,
hladiers, bhisllrrs. hhielicrs. elc.
Voy. Grainiers el Mesureurs.
Bleu de Prusse dit aussi bleu de
Berlin Fabricants de). Sa préparation est
due à Diesbach, marchand de couleurs Berlinois,
qui la découvrit en 1710. La composition en
' l.irre îles mr'/irrs, tilw LXXX
2 Titre III.
■' Tome j, p. :j(j4. _ \oy. l'onlonnance de 1415,
ctiaj). 1, et celle de 1672, ehap. VI. — Delamarre,
Trailé de. la police, t. II, p. 738.
mA<]v \)K pRUSSM — boissi<:likrs
N/
riit d aliDi'il fj^ardée secrète, mais Woodword l;i
trouva et la rendit piddifiue en 1724.
La première nuinuriicinre de l)leu de Prii>si'
que posséda la France l'ut, établie au Temple [)fir
un sieur Auleresse. Il en existait trois à la tin du
dix-huitième siècle; cidle du sieur d'Heur on
Dheur, au lauhouro;' Sainl-Marcfd. passait pour
i'ournir de très beaux prcuhiits '.
Blondiers. On nommait ainsi les ouvriers
(pii l'alji'i([uai(;nt la blonde ou dentelle de soie. On
en faisait peu à Paris, mais cette industrie était
très prospère dans les environs, à Saint-Denis, à
Montmorency, à Villiers-le-Bel et surtout à
Louvres.
Au dix-builièine siècle, les blondes les plus
recherchées étaient le berg-op<oo)ii, la rlienille.
\e persil, la coideuvre, etc.
Le commerce des blondes apparlenail aux
linp^ères et aux merciers.
Blondiniers. Titre ([ue prenaient les
passementiers.
Bluteurs. Ils sont Jiommés htdeleres dans
les statuts accordés aux boulangers vers la fin du
treizième siècle -.
Bobelineurs. A^iy. Savetiers.
Bobineuses. Dans les manufactures de lai-
nages, ouvrières qui « dévident, sur des bobines
ou rocliets, le fil destiné à former des chaînes ».
Boesseliers. Voj. Boisseiiers.
Boileau Livre d'Etienne;. Voy. Livre
des métiers.
Bois (CoMMEBGE DU ). Vov. Aides à
mouleurs. — A-tireeurs de busches. —
Bois (Marchands de). — Bûcherons.
— Chargeurs. — Commissaires. —
Cotrets (Marchands de). — Déchar-
geurs. — Fagoteurs. — Merreniers. —
Mottes (Marchands de). — Miouleurs.
— Porteurs. — Vendeurs. — Voie.
Bois (Marchands de). La Taille de 1292
mentionne 21 buschiers ou buckiers ; dans celle
de 1313, j'en trouve 22, établis sur le bord de la
rivière, aux environs de la rue des Bourdonnais •' .
En effet, le bois qui arrivait par bateau, de la
haute Seine, de TYonne et de la Marne devait
être déliarqué et vendu aux ports de la Grève, de
la Bùcherie ou du Petit-Pont ; celui qui venait
de la basse Seine ou de l'Oise se vendait au port
ou à la place de l'Ecole *. Là seulement, le bois
pouvait être livré en gros ^ ; mais on le criait au
détail dans les rues :
L'autres crie la busche bone ,
A ij oboles le vous le donne !
1 A oy. y Enojclopédii' lurthodique , arts et iiictier.s ,
t. I, p. "220.
2 Livre des métiers, titre I, art. 44.
3 Voy. pages 10 et 11.
* Elle porte encore ce nom.
S Ordonnance de février 1415, cha]). XII.
disait ( Tuillaiinie de la \'ille Neuve ' au treizième
siècle. ]<;i il en elait de même au seizième :
S. ni i-n ilcliMir ou en eniblisclie,
( )ii va ei-iaiil .semjilableiiieni,
A j''Ui) ou \vre : IJu.selic ! busclie !
l'olir .^'oy cliauffer certaiiiriiiriil -.
Si ces mauvais vers datent (bj la lin du siècle,
les bûches ainsi annoncées pouvaient provenir du
/loltafje. dont l'iiivenlimi fut (bie à un sieur
Rouvct. H cul 1 idée de jeter les bùcbes dans les
petits toi'iMMits (pii drsci'ndeni (l(\s monlagncs du
Mdi'vaii : b'courani leseinporfait jns(|n'à l'Yonne,
d'où, reliées en radeaux, elles descendaient
jus([u'à Paris. Les premières tentatives ne furent
pas heureuses. Il failli! de mimbrenises ordon-
nances pour assurer h' libre passage, pour
empêcher les pr()|)rie(aires riverains de, s'a[)pr(i-
prier le bois.
On appelait bois-canards, ceux (pi'une (;ause
quelconque entraînait au fond del'fiau. L'ordnn-
nance de 1072 "^ accorde à l'expéditeur qiiaranle
jours pour les repécher ; passé ce temps,
l'opération était faite par les riverains, mais
le marchand devait les indemniser.
Panni les bois flottés, on appelail bois de
gravier celui f{iii avait conservé toute son écorce.
Lej?W«;v/ avait abandonné la sienne aux tanneurs.
Jusqu'à la Révolution, tous les hauts foiu'lidii-
naires faisaient, durant l'hiver, allumer à la
porte de leur hôtel d'énormes brasiers que l'on
entretenait depuis six heures du soir jusqu'à une
heure du mat in * . ^< Les pauvres, les mains tendues,
font cercle : ils se chauffent, puis emportent de
la braise et quehpies bûches allumées •'' >-.
Les mots bois defouaiboisd^ajidelle désignent
le hêtre, jadis appelé fontcau ; le bois llott'.'
originaire de l'Andelle, petite rivière de
Normandie, passait pour le meilleur ((ui vint
à Paris. L'ordonnance de décembre ltj72 écrit
bois JJandelles •'.
En 1783, la consommation de Paris était,
année moyenne, de six cent mille voies ', et
la voie de bois représentait environ 2 stères.
On trouve dans Sauvai ^ de curieux détails
sur les hivers rigoureux que Paris eut à subir
depuis le qninzii'ine siècle.
Bois de construction. ^'oJ. Merre-
niers.
Bois d'éventails (Fabricants de^. Titre
qui appartenait aux labletiers.'
Boisseiiers. Les Tailles de 1292 et de 1300
citent chac'.iiie un seul boisselier, celle de 1.313
en meidionne trois.
1 Les crierii's de Paris, etc.
- Les cris des marchandises, etc. A la .suite des pre-
mières éditions de Corrozet.
3 Titre XVII, art. 9 et 10.
4 Comtesse de Genlis, Dictionnaire des étiquettes, I. I,
p. 349.
:; S. Mercier, Tableau de Paris, t. XII, p. 33ri.
•! Titre X\'II, ad. 2(i.
" Mémoires secrets, dil.s di' Hacbaumont, 20 février
1783, t. II, p. 27.
8 Antiquités de Paris, t. I, p. 201 et suiv.
88
BOISSELIERS — BONNETIERS
Au mois d'avril 1443, les hoisseliers firent
homolog:uer leurs sUUuts par le prévôt de Paris.
Avant d'ouvrir boutique, avant « qu'ils puissent
tenir ouvrouer », ils devaient payer une somme
de vingt-quatre sous, dont seize revenaient au
roi et huit aux jurés de la communauté. Un maître
ne pouvait avoir à la fois deux apprentis.
La durée de l'apprentissage était de six ans pour
l'enfant qui apportait quarante sous, de huit ans
pour l'enfant sans argent. Le chef-d'œuvre exigé
pour ojjtenir la maîtrise consistait en « deux
diverses pièces d'euvre dudit mestier ». Deux
jurés administraient la corporation, qui com-
prenait déjà les hoisseliers, les lanterniers et les
souffletiers *. Ces statuts furent confirmés, sans
modifications importantes, le 24 juin 1467 ^.
Vers la fin du dix-huitième siècle, l'apprentis-
sage durait six ans, et la communauté réunissait
environ 70 maîtres, qui étaient dits officiellement
hoisseliers-laiiterniers-sovf/Ietiers-criniers-faiseurs
de sas et tamis ^. Leur privilège comprenait, en
outre, la fabrication d'une foule d'objets de
ménage, celle des caisses de tambour, et siu'tout
celle de toutes les mesures en bois destinées aux
grains. C'étaient :
Le muid, qui représentait environ 18 hecto-
litres, et comprenait 12 setiers.
Le setter, équivalant à environ 156 litres, se
subdivisait en :
2 mines ou hemines d'onv. 78 litros.
4 minois d'env. 39 litres.
12 boisseaux d'env. 13 litres.
A^ quarts on picotins iV env . 3 litres.
190 litrons d'env. 82 centilitres.
Le selier destiné à l'avoine contenait 24 bois-
seaux , celui qui était destiné au sel en
représentait 16, et celui du charbon de bois 32.
Le ininot variait dans les mêmes proportions.
Au quinzième siècle, les étalons du boisseau et
de ses subdivisions étaient conservés à rhôtel de
ville *.
Les hoisseliers eurent d'abord pour patron
saint Éloi, mais au commencement du dix-sep-
tième siècle, leur confrérie était placée sous le
patronage de saint Clair ^.
L'ordonnance d'avril 1443 et celle de juin 1467
écrivent boysseliers. On les trouve encore nommés
boesseliers. banniers et benniers ; ces «leux
dernières expressions proviennent sans doute de
ce que la Cf)mmunaulé fabriquait les bennes ou
banneau-r, boisseaux de bois dont on se servait
pour 1(3 transport des liquides.
Boîte. C'<'sl le nom qui,' les statuts donncnl à
la caisse de la confrérie ''.
Boîtes de cartes (Faiseurs de). Titre cpie
prenaient les wirtunniers.
' Ordiinnances royales, t. X\'I, ji. 0:tfi.
i Onliiniiaiicr.t rnijnles. t. X\ ], [i. GHS).
■' \'i>y. tons l'es mois.
> (Irc'ionnanc.' .t-' fcvri-r 1 11."), diiii.. XXVll il LVll
^ Li' Masson, Calendrier des eonfréries, p. 93.
^ ^'oy. !.■ Livre des métiers, tilrr XI, art. 8, '■( titr<
LX, aii. 12.
Boîtiers. Nom que le Livre des métiers
donne aux serruriers de cuivre.
Boleng"iers. Nom que l'ordonnance du
30 janvier 1351 donne aux boulangers *.
Bondrilles. Voy. Drilles.
Bonne aventure , Diseurs de). Voy.
Devins.
Bonnes à tout faire. Voy. servantes.
Bonnes d'enfants. Nom moderne d'une
domestique qu"Audiger appelle Gouvernante
denfans et l'abbé Jaubert Femme denfans.
« Le devoir d'une gouvernante d'enfans est
d'avoir bien soin de ceux dont on lui donne la
direction. Elle doit les tenir toujours bien
proprement, avoir beaucoup de douceur et de
complaisance pour eux, sans pourtant leur rien
souffrir de bizarre ni de méchant — Elle doit
pareillemeiil leur donner à boire lorsqu'ils en
demandent et qu'elle juge que cela ne leur peut
faire aucun mal ; leur donner à manger et les
coucher et lever à leurs heures réglées et
ordinaires. Il est encore de son devoir de tenir
leurs chambres bien propres, de bien faire leurs
lits, bien nettoyer leurs bas et leurs souliers.
Enfin d'avoir bien soin de toutes leurs hardes,
linges et habits, afin qu'il ne s'en perde rien.
Elle doit aussi leur apprendre à prier Dieu et à
faire le signe du chrétien dès leur âge le plus
tendre : empêcher qu'ils ne se battent et ne
contractent aucune inimitié les uns avec les autres ;
les mener à la messe les fêtes et les dimanches
sitôt qu'ils y peuvent aller, et ne leur donner en
tout que de bons et salutaires exemples^ ».
L'abbé Jaubert écrit de son côté : « Après que
les enfans ont été tirés du sevrage, les mères
qui préfèrent leurs plaisirs aux soins importans
du ménage, et surtout à celui de réducaiion de
leurs enfans, s'en débarrassent le plus qu'elles
peuvent, en les confiant à des domestiques qui
n'ont d'autre occupation que d'habiller et coucher
les enfans, les faire manger, les tenir propres,
les promener, etc. C'est à ces personnes qu'on
donne le nom de femmes d'enfans "^ ».
Bonnetiers. Pour retrouver l'origine de
nos bonnetiers actuels, il faut remonter aux
roiffîers, aux aumtissiers, aux chaussetiers et aux
chapeliers de coton du moyen-âge. Dans leurs
statuts de 1315 ceux-ci se disent chapeliers de
ijans lie laine et de bonnets^ et les statuts de 1366
et de 1380 leur conservent ce titre. Je les trouve
cités pour la première fois sous le nom de
bonnetiers dans l'ordonnance dite drS Bannières ^,
qui fut rendue par Louis XI au nmis de juin
1467.
Sous ce nouveau nom, leur commerce prit
une grande extension ; à ce point que, peu
d'années après, ils furent en état d'aspirer à
1 Titre 1, art. 1.
- La maison réglée (1692). liv. II. chap. 3.
•' .\bbé .laubtrl, Dictionnaire, t. II, p. 191.
i Ordonn. royales, t. XVI, p. 671.
BONNETIERS
89
l'honneur Ires envié de faire parlie des Six-
Corps '. En 1514, lors de l'entrée à Paris de la
reine Marie d'Angleterre, les chantifeurs, bien
déchus de leur antique opulence, déclarèrent
qu'ils n'étaient pas en état de pourvoir aux frais
qu'entraînaient pour les Six-Corps ces sortes de
cérémonies. Les bonnetiers offrirent aussitôt de
prendre leur place, et furent acceptés. Tout, à
cette époque, réussissait aux bonnetiers. En
même temps que l'admission dans les Six-Corps
leur attribuait le cinquième rang- parmi les
représentants officiels du commerce de Paris,
une découverte nouvelle, celle de l'application
du tricot ^ à la fabrication des bas, allait donner
un g'rand essor à leur nég'oce et doubler
l'importance de la communauté.
Avant la fin du seizième siècle, les chausses ■*
avaient été abandonnées, et toute personne un
peu aisée portait des bas tricotés. En leur qualité
de travail à V aiguille^ tout semblable à celui qui
produisait des gants et des bonnets, le privilège
de leiu" fabrication fut attribué aux bonnetiers.
Je signalerai ici un rapprochement assez
curieux, que le hasard m'a révélé. Comme on
sait, les bonnetiers d'aujourd'hui obtiennent la
n^esure du pied d'un client en prenant celle de
sa main fermée ; ceux du seizième siècle
employaient un procédé à peu près semblable,
car voici ce que je trouve dans un très rare
volume publié en 1530 :
« Si tu veulx sçavoir de quelle grandeur est
le pied d'ung homme ou d'une femme, sans le
mesurer, fais ce qui s'ensujt :
Prens ung fillet en double, et le metz ou
attache au sommet du grand doigt de la main
droite ainsy en double, et le faiz passer le long
de la paulme de la main jusques à la joincture
de la dicte main. Et tu trouveras que le pied de
la personne sera aussi grand que la mesure que
tu auras prise. L'expérience en est facile * ».
Ainsi que je l'ai dit, la légèreté et la souplesse
des bas tricotés les firent presque aussitôt adopter
partout. Dans la classe riche, on les portait en
soie, dans les autres en estame ^, nom donné à
un fil de laine très retors. Mais il n'y a pas en ce
monde de bonheur parfait. Les bonnetiers
rencontrèrent une concurrence redoutable dans
une modeste corporation, celle des bonnetiers-
appréteîirs-foulonniers-appareiUcti.rs, qui s'était
constituée au faubourg Saint-Marcel ^.
Sans doute pour affirmer leur privilège dans
l'intérieur de la ville, les anciens bonnetiers
firent réviser leurs statuts en l'année 1608. Aux
termes de cette nouvelle rédaction :
Chaque maître ne pouvait avoir à la lois plus
de deux apprentis.
La durée de l'apprentissage était fixée à
cinq ans, suivis de cinq ans de compagnonnage.
1 Voy. cet article.
2 Voy. l'article Tricoteurs.
3 Voy. l'art. Chaussetiers.
i Traicté nouceau. infituté bastimenf de receptes (1539),
in-32, p. 4.
S Du latin stamen.
fi Voy. l'art, suivant.
Tout aspirant à la maîtrise devait parfaire
le rhrf-(r œuvre en présence ries jurés et cliez
l'un d'eux. Il apportait deux livres de laine,
avec lesquelles il était tenu de « faire, fouler et
appareiller bien et deuëment un bonnet ancien-
nement appelle aulmuce, ou deux bonnets à
usage d'homme, appeliez anciennement cré-
mioUes. Fera en outre un bonnet carré de bon
drap fin, le taillera et encofinera et pressera.
Fera aussi une tocque de veloux plissé, et
brochera ^ un bas d'estame et de soie ».
Les fils de maîtres étaient astreints seulement
à l'épreuve nommée expérience.
Nul ne pouvait être reçu luaîlre avant l'âge
de vingt-cinq ans. Il fallait aussi n'avoir été
<,< repris, noté ou convaincu par justice ».
Les bonnetiers avaient le droit de confectionner
des bonnets de laine et de drap, des chemisettes,
mitaines, calottes, bas, chaussons, « et toutes
autres marchandises de soye, estame, laine, fil
et cotton brochées sur grosses et menues
aiguilles ». Cependant la plus grande partie des
bas communs qu'ils vendaient étaient l'aliriqués
à « Dourdan et lieux circonvoisins de la
Beauce ».
Quatre jurés administraient la corporation,
dont les maîtres étaient officiellement qualifiés
de bonnetiers-aumnciers-mitonniers. Ce dernier
titre signifie faiseurs de mitons ou mitaines.
La crémiolle dont il vient d'être parlé a été
appelée aussi carmignoUe., cremyolle ., cramignoUe,
craymioUe., etc. C'était une sorte de toque à
bords relevés qui fit son apparition vers le début
du règne de Louis XI, et qui fut portée jusque
sous Louis XIII.
Le bonnet de coton classique, avec sa pointe
et sa mèche, était depuis longtemps revenu en
faveur. Celui du quinzième siècle ressemblait
tout à fait au nôtre. Je crois que l'on ne s'en
servait guère que la nuit, et il faut arriver au
dix-huitième siècle pour assister à son véritable
triomphe. Il est alors accepté, même de jour,
dans l'intérieur des appartements. Une foule de
portraits faits à cette époque représentent
d'augustes personnages coiflfés du bonnet de
coton. Pendant que la perruque reposait sur son
pied dans un coin d'honneur, le bonnet la
remplaçait modestement ; toutefois, les élégants
le recouvraient d'une sorte de coiffe en toile fine
serrée par un large ruban de couleur.
Les derniers statuts que jiai analysés furent
confirmés au mois de mai 1638. Le nombre des
jurés ou gardes fut alors porté à six. Trois d'entre
eux étaient dits Anciens gardes., les trois autres
Notiveaux gardes \ le plus ancien de tous portait
le nom de Grand garde .
Sous cette administration, la comnninaulé
allait avoir à traverser une rude épreuve dont
elle devait sortir victorieuse ; je veux parler de
sa lutte avec les faiseurs de bas au métier. Le
métier à bas, « la plus excellente machine que
Dieu ait faite », dit Ch. Perrault -, fut inventée
vers le milieu du dix-septième siècle, et causa un
1 Tricotera.
- Encyclopédie méthodique. art.s et métiers, t. I, p. 186.
90
BOXXETIERS — BONNETIERS DU FAUBOURG SAINT-MARCEL
o^rand émoi parmi les honneliers. La vente des
bas constituait le plus clair de leurs bénéfices, et
il send)lail bien probable que le monopole de la
nouvelle découverte serait attribué à l'inventeur.
De fait, celui-ci, dit une légende, fut rais en
relation avec Colbert ; il lui offrit des bas de soie
obtenus par le nouveau procédé, et le ministre
promit de les présenter à Louis XI\ . Les
boiuietiers prévenus ne reculèrent pas devant
une infamie pour sauveg'arder les intérêts de leur
corporation ; ils (ra|^^nèrent un valet du cbâteau,
qui s'empara des bas et y coupa avec précaution
quelques mailles. Elles cédèrent ([uand le roi,
sur les instances de Colbert, voulut essayer b^s
nouveaux bas tissés au métier. L'inventeur
honteusement éconduit tomba dans la misère,
vendit sa machine à un Anglais pour un morceau
de pain, et alla mourir à l'Hôtel-Dieu. "''"■•■
Cette navrante histoire paraît avoir été mise
au jour pour la prendère fois par Savar^^, dans
son Dictionnaire dio commerce '. Elle se vit
ensuite confirmée par une communication très
précise, iiiséi'ée dans le Journal œconomique °^, et
que M. QuichenU •' a eu le tort d'accepter
comme véridique, car l'examen des dates en
démontre l'absolue invraiseudilance.
On ne ihmis dit point vers (|uelle année le
serrurier normand aiwail livré son secret à
l'Angleterre ; mais ce qui ne fait aucun doute,
c'est que l'invention fut, par la suite, importée
d'Angleterre en France pendant l'année 1G5().
La vente consentie par l'inventeur serait donc
forcémeid antérieure à cette date. Or, en 1656,
Coliiert n'était encore que l'intendant diî
Mazariu ; c'est peu de jours avant sa mort,
arrivée en KiHl, que Mazarin le recommanda à
Louis XI\ . (Jolbert n'(;ui donc pu, plusieurs
années auparavant, jouer dans cette histoire le
rôle qu'on lui attribue.
Il est probable que i aibniialile machine bit
inventée, vers 1589, par un pasteur anglais, el
c'est uu Nîmois, Jean Hindret, (|ui l'introduisit
en France.
Les biuiuetiers cherchèreni diibiu'd à s'en-
tendre avec la société qui venait d être formée
pour l'exploitation ilu nouveau métier. Mais
celui-ci st; trouvait aussi aux prises avec de
gniuili's diflicidtés. Eulin, après ime lutte ([ui
dur.i |)ln- d'un dcnii-siccle *, la victoire resta
aux !l(l^lH•lil■r.^. Le roi, ^< ayant (^sté informé
(piil ai-rivoit jourmdlemenl des contestations
entre le corps dos man^hands bonnetiers et la
conmiunauti- des maîtres fabricans de bas »,
n-unit iMi iiiif seule, pur arrêt du 12 avril 172;L
la ciirporaliiiu des tisseurs et la vieille commu-
nauté des biiunetiers. A cette epucpie. ecllr-ci
ciunptait envinm ô40 maîtres, chiliïv (|iii piirail
s'être peu modilié par la suite. Ils étaient flits
ofticiellemeiit fio)niel irrs-inimnssirrs-miton n iers-
faiscurs t/c has uu Irirot el un métier.
Molière a immortalisé, dans Les précieuses
' PMil. <!«• 1723, nu mol bas.
- Joiiriutl trconomiquc, ii" ilo (li-cembrr 17((7, [i. ,jô7.
•' Histoire du cosfumr. p. 52U.
' Voy. l'ait. Bas au inélier (Faiseurs du).
ridicules, le nom de Perdrigeon, le plus fameux
bonnetier du dix-septième siècle. Quand Masca-
rille demande à Madelon si les rubans qu'il porte
sont de bon goût, Madelon exprime son
admiration par ces mots : « C'est Perdrigeon
tout pur ' ». Les précieuses ridicules furent
représentées en 1659. Trente-trois ans plus tard,
Perdrigeon n'avait encore rien perdu de sa
célébrité, car dans VArlequin phuëton de
Palaprat, joué en 1692, le procureur dit à
Phaëton : « Depuis Perdigeon - jusqu'au
moindre mercier, tous les marchands ont des
o-arçons gagés exprès pour glapir éternellement
à tes trousses ^ ». J'ai trouvé cet illustre
commerçant mentionné aussi dans La révolte des
passemens *, ainsi que dans le Mercure galant
de 1673, qui le nomme Périgon -'. Ce grand
homme demeurait rue de la Lanterne, près de
Saint-Denis de la Gharlre, etavaitpour enseigne
Les quatre vents. . m.|-./:ih,1
Les bonnetiers reconnaissaient pour patron
l'anachorète irlandais saint Fiacre, qui passait
pour être l'inventeur du tricot. Ils célébraient sa
fête le 30 août, dans l'église Saint-Jac([ues
la Boucherie, où ils possédaient une chapelle
élégamment ornée par leurs soins. « Sur la
frise du lambris qui l'environne, dit Sauvai ^,
sont taillés ' des bonnets de différentes manières ;
dans les vitres sont peints çà et là des chardons
et des ciseaux ouverts, principalement des
ciseaux ouverts avec quatre chardons audessus,
qui sont leurs premières armes ».
C'est dans la rue des Écrivains ** touchaid. le
cloître Saint-Jacques, ([n'était situé le bureau de
la corporation. Il se composait d'mie petite
maison qui avait été cédée par la fabrique, et
que la communauté conserva jusqu'à la Révo-
lution. *
Yoy. Bas au métier (Faiseurs de). —
Inspecteurs-Contrôleurs cl Jarretières
(Commerce des).
Bonnetiers du faubourg Saint -
Marcel. Ils se (lualibaicut ofliciellement de
bonnetiers - apprêteurs-foulonHiers - appareilleurs.
Ctmslitués en corporation par le bailli du fau-
bourg Saint-Marcel, ils avaient l'eçu de lui. le
16 août 1627 '^ . des statuts que je n'ai pu
retrouver. D'abord installés dans la rue de
Lourcine, ils ne tardèrent pas à s'étendre jus-
(pi'aux environs de Sainte-Geneviève. C'était un
petit monde d'ouvriers très habiles et toujours
en guerre avec les écoliers. On les appelait
aussi bonnetiers aie tricot, ouvriers en bas, bades-
tamiers, faiseurs de bas fTestame, etc., et tous
jcui's produits, bonnets (Ui bas. étaient fort
1 Scène 9.
i Sic.
:i Acir 11, sc(.iir .-,.
^ Daii.s Ed. Foiiniier, Varivlrs. t. 1, ji. 2:30.
■' Ti.mc III, p. 280.
6 Sauvai, Antiquités., I. Il, |i. -178.
' ScuIpU'.s.
8 Suiiprimi'-e en 1851, Itus du jjci-ci'iiinil de la lui
lie Hivuli.
9 Savary, Dictioitmiirf du commerce, art. Honiutiers.
BONNETIERS DU FAUBOURG SAINT-MARCEL — BOTTIERS
\n
estimés. La réputalion de ces derniers dits das iln
faubourg Saint-Marceau, se nia in tint nièiiie
pendant près de deux siècles.
La communanté excellait dans la confection
des bas drapés ', et c'est à elle (jiie l'on attribue
l'honneur d'avoir créé une mode qui dure
encore, celle des bonnets carrés.
A la tin du seizième siècle, les n^ens (ri<;n;lise
et même les gens de robe portaient encore le
bonnet rond, un peu élevé de forme et sans
ornement. Un bonnetier de Saint-Marcel, le sieur
Patrouillet, eut l'idée de le rendre carré, en
donnant à chaque ano;le une épaisse saillie.
Etienne Pasquier. qiu était resté fidèle à l'an-
cienne mode, raconte ainsi comment s'établit la
nouvelle ^ : Pour remplacer le chaperon, dit-il,
« on s'advisa de faire avec <j;randes aiguilles des
bonnets ronds, et y avoit un petit monde de
peuple qui en vivoit, en celte grande rue des
Cordelières "^, aux faux-bourgs Sainct-Marceau
de Paris. A ces bonnets ronds, on commença d')'
apporter je ne sçay quelle l'orme de quadrature
grossière et lourde, qui fut cause que, de mes
premiers ans, j'ay veu que l'on les appeloil
bonnets à quatre brayettes. Le premier qui _v
donna la façon fut un nonuué Patrouillet, lequel
se Ht fort riche bonnetier aux despens de cette
nouveauté, et en bastit une fort belle maison en
la rue de la Savaterie ^ ». A la lin du siècle, on
trouvait aussi des bonnets carrés fort coquets
chez une dame Passavant, qui demeurait dans
la cité, près de l'église de la Madeleine ^.
Les statuts de la communauté furent révisés
le 17 mai 1701 ••. Elle conservait son patron
saint Médard, et avait pour armoiries : D'argent,
h un bas de chausse d^azur, accosté de deux bonnets
de laine. L'activité de Colbert, qui s'efforçait de
créer d'un bout à l'autre de la France des manu-
factures de bas tricotés ^, porta le premier coup
à la corporation. Il fut suivi de l'édit de
décembre 1678, aux termes duquel toutes les
communautés établies dans les faubourgs étaient
supprimées. Les ouvriers en bas tentèrent vaine-
ment de résister, et un arrêt de 28 février 1716,
confirmé par lettres patentes du 26 avril, les
réunit à la corporation des bonnetiers parisiens.
Bonnetiers au tricot. Voy. Bonne-
tiers du faubourg Saint-Marcel.
Boquillons et Boscherons. Voj. Bû-
cherons.
Bosch et (Qui fait le). La Taille de 1300
reproduit deux fois cette mention. Le hochet
était une boisson composée d'eau et de miel, à
l'usage des ouvriers, des paysans, des valets.
1 On nommait ainsi des bas de laine auxquels on
donnait l'aspect laineux du drap, en faisant ressortir le
poil au moyen du chardon.
- Recherches sur la France, t. I, p. 397.
•' La rue de Lourcine, auj. rue Broca.
* Dans la Cite.
5 Le Livre commode, t. II, p. 75.
fi Manuscrits Delamarre, n» 21,792, f" I4.S.
' Correspondance de Colbert, t. II, p. ô27, -jtJO, 731
et passim.
pour obtenir une cpialité supérieure, il fallait y
ajouler du gingend)re. du poivre long, des cbms
de girolle, etc. (Jn trouve la recette du hochet
dans Le ménagier de Paris, t. II, p. 238.
Bossetiers. Titre que prenaient les fondeurs.
On nfinimail ordinairement bossettes les petits
oi'nemenis en relief qui servaient à dissimuler
les Ictes de clous ou de rivets employés dans la
fabrication des armures, des harnais, etc.
Bossetiers et Bossiers. Ouvriers verriers.
Voj. Paraisonniers.
Bossiers. On nonunait ainsi, dans les
salines, ceux cpii mettaient le sel en tonneau.
Botanistes. La Quinlinie ' nomme ainsi
les jardiniers « qui s'attachent aux plantes rares
et médicinales ». On lit, en outre, dans un
ouvrage publié en 1779 - : « Il y a à Paris
un certain nombre d'habiles médecins qui se
consacrent à l'enseignement de la botanique, et
en font des cours publics chez eux, dans leurs
jardins. Il y a dans les environs de Paris plu-
sieurs cantons qui sont très propres aux herbo-
risations. MM. les démonstrateurs du Jardin-
Royal •' en font ordinairement sept dans la saison
des simples, en faveur des étudians ».
Botteleurs. Dans les forges, c'étaient les
ouvriers occupés au bottelage. Celui-ci consistait
à redresser les verges de fer et à les serrer par de
forts liens.
Botteleurs de foin. La grande ordonnance
de janvier 1351 les nomme lyeurs de foing. On
les trouve nommés plus tard relieur s-bottelenrs .
V,n 1701, Louis XIV les transforma en officiers
jurés, puis les supprima l'année suivante*. Ils
avaient pour patron saint Charlemagne, qu'ils
fêtaient à l'église des Mathurins •>.
Le bottelage des foins destinés à Paris devait
être fait à trois liens du même foin, et chaque
botte devait être d'une seule et même qualité.
Bottiers. Faiseurs débottés. Dès le treizième
siècle, on voit mentionner les bottés, les bottines
et les brodequins. Une jolie femme, dit le Roman
de la rose,
marelie joliettement
Sur ses élégantes bottines,
Qu'elle aura fait faire si fines.
Ses pieds moulant si bien à point
Que de plis on n'y trouve point •>.
Au siècle suivant apparaissent les bottes fauves
à l'usage des damerets ; les bottes à creperon
[crepitœ], qui criaient sous le pied pendant la
marche ' ; les lieuses ou huèses [cruralia, osa,
hosa, Jiossa), bottes montant très haut.
I laslructiuns pour les jardins, préface, p. 0.
- Hurtaut et Magny, Dictionnaire de Paris, t. I, p. C44.
•'* Le Jardin des plantes.
i Delamarre, Traité de la police, t. IIT, p. 999.
^ Le Mass n. Calendrier des confréries, p. 30.
fi Édit. elzév.. 1. III, p. 240.
'• Il i)mA crriùlalur in andiulando m, dit Dueangi',
au mot crépita.
92
BOTTIERS — BOUCHERS
Henri IV met à la mode les bottes molles en
cuir (le Russie (on prononçait roussie). Elles
avaient pour complément une espèce de socques,
que maintenaient des sous-pieds appelés ww/^/tes,
et ces soulettes étaient dissimulées sur le cou-de-
pied par une pièce dite surpied, que l'on voit à
toutes les bottes de ce temps.
Sous Louis XIII apparaissent les i5o^/i?^« É?«i!o«-
noir, restées de mode durant la minorité de
Louis XIV. A. ce moment, on augmenta la
dimension de l'entonnoir, et le fouillis de dentelles
qui le garnit s'appela un rond de bottes.
Les bottes destinées aux cavaliers étaient d'un
poids énorme, figuraient exactement celles que
portaient encore, il j a un demi-siècle, nos
postillons. L'entonnoir, peu ouvert, qui les
terminait, était garni de poches, oii l'on
pouvait serrer des papiers et toutes sortes de
petits objets. Van der Meulen a représenté
Louis XIV les jambes enfermées dans celte
lourde chaussure.
En 166.'î, un cordonnier de Bordeaux, nommé
Lestage ^ avait offert à ce grand roi une paire
de bottes faites sans qu'aucune mesure lui eut
été prise et sans que l'on put )' apercevoir une
seule couture. ()n les soumit à l'examen de
plusieurs cordonniers, et ils furent forcés de
reconnaître, paraît-il, que Lestage disait vrai.
Lorel lui consacra une colonne de sa gazette
rimée - et Louis XIV en fit son cordonnier
ordinaire. Il lui accorda même des armoiries,
que je trouve blasonnées ainsi : D^azw, à %ne
botte (For posée en pal, surmontée d^iine couronne
fermée de même et accostée de detix fleurs de lis
aussi (Vor.
VÀ\ bien, ce n'est pas tout. Il faut bien y croire,
puisque j'en ai là sous les yeux la preuve maté-
rielle : on réunit en un volume in-quarto les
poésies inspirées par ce mémorable événement-',
quatre-vingts pièces latines et françaises, ana-
grammes, épigrammes, sonnets, stances, qua-
trains, élégies, etc., que l'imprimeur fit précéder
d'un averlissement où on lit que lo chef-d'œuvre
de Lestage c a donni'^ de ladmiralion prescjue
dans tout l'univers ».
.\ propos de bottes sans couture, je rapptdlerai
que le secret d'une si merveilleuse fabrication
aurait été retrouvé vers 1804. L. Prud'homme
écrivait, en effet, dans son Miroir de Paris:
" (lolman, au l'alais-Royal, fait des bottes sans
cnulurc. La paire coûte six cents francs; on en
montre une pnire sous verre, coniinc la rolie de
Notre Sf'igneur * ».
Il est ])robable (jue Lestage mourut avant
1699, car. à cclli' date, le bollier de Louis XIV
était un sieur Reniard hulliegn v •'.
Ia's bottiers ap[)arlerwiieiil i'i \\\ cirpuiiil ion des
ciirdonniers.
' M. (^uirhf-ral lo nomme par l'irour Nicoia.s Lostranj^p.
Ifistnire ilii ro.tfiiiiir. y. 515.
- .I///.'/- Iiisloriqur. il" ilu .5 nofll 16fVJ.
•' Poésies Hoiinltts sur If sujet des tiottes sans couture
prrsrntérs nu Roij pur le sieur Xicoins I.estnqe. ninistre
ciiri/oiiiiier de .Sa Majesté.
1| Tom«' y, p. 236, de loflilion publié-' <n 1807.
' Jal, Dictionnaire critique, p. 805.
Boucheries hippophag-iques. Sébas-
tien Mercier écrivait vers 1780: « On a affiché
dernièrement une sentence de police, qui con-
damnoit un cabaretier à une amende pour avoir
fait manger aux Parisiens de la chair d'âne pour
du veau. La sentence ajoutoit : « comme coutu-
mier du fait ». On « a été obligé de préposer des
hommes pour ensevelir les chevaux, parce que
plusieurs aubergistes venoient couper une tranche
de cheval, et la vendoient pour du bœuf dans les
gargotes qui peuplent les faubourgs ^ >■>.
Au siège d'Alexandrie, puis durant la cam-
pagne de Russie, Larrej préconisa l'usage de la
viande de cheval et en tira d'excellent bouillon
pour ses malades.
La vente de cette viande ne fut autorisée qu'en
juin 1865, et restreinte aux boutiques portant en
gros caractères les mots Boucherie hippopha-
gique.
Boucherons. Voy. Bûcherons.
Bouchers. Dès l'année 1146, ils étaient
constitués en corporation ^. Jean de Garlande
nous apprend que les carnifîces vendaient non
seulement du bœuf et du mouton, mais aussi du
porc ; c'est en 1513 seulement que les charcutiers
obtinrent de débiter la viande de porc, soit crue,
soit cuite.
La Taille de 1202 cite 42, et celle de 1300
mentionne 72 houchiers^ nom qu'ils portent
encore dans des lettres patentes d'août 1418. Au
treizième et au quatorzième siècles, je ne
trouve nulle part mention du poids de la viande,
ce qui doit faire supposer qu'elle était toujours
vendue au morceau, à la main.
Les étaux de la Grande-Boucherie . située au
Ciiàtelet, appartenaient à un certain nombre de
familles qui n'admettaient parmi elles aucun
étranger. La loi salique y était observée dans
toute sa rigueur ; les mâles seuls succédaient. La
famille qui ne laissait pas d'héritier masculin
cessait de faire partie de la société ; ses étaux
étaient achetés par un maître qui les réunissait
aux sicuis. Disons tout de suite qu'en 1637, la
(îrande-Boucherie était ainsi devenue la pro-
priété de quatre familles seulement.
La corporation était régie par le viaUre de
boucher^ chef éle<;tif mais à vie, qui ne pouvait
être deslilué qu'en cas de prévarication. Quand
il mourait, les quatre jurés administraient
pendant la vacance. Avant qu'un mois fut passé,
tous ceux des bouchers (pii avaient droit de
délibération au conseil se réunissaient et
niunmaient ])arnii les plus notables bouchers
douze électeurs ; ceux-ci après av.oirjuré qu'ils
« eslircMil à leur escient le plus souffisant de
eulx louz », choisissaient le nouveau maître. Ce
maître exerçait la juridiction du métier; les
appels de ses jugements allaient directement
devant le prévcM de Paris ; il avait le tiers de
toutes les amendes, et conservai! une des trois
1 Tablenu de Paris, t. VU, p. 53.
2 Voy. Luchaiiv , Actes de Louis Vil. n" 1*0, ci
Histoire des institutions monarchiques, t. II, p. 145
BOUCHERS — BOUCHOA'NIERS
\Ki
clefs de la cassette dans laquelle étaient
renfermés le sceau et les papiers de la corpo-
ration. Des deux autres clefs l'une était entre les
mains du prévôt des marcliands. l'autre entre les
mains des jurés.
Ces derniers, au nombre de quatre, assistaient
le maître quand il recevait un bouclier ou un
écorcheur ; ils avaient le maniement des fonds et
rendaient tous les ans compte de leur g'eslion
devant le maître des boucliers et devant six jurés
choisis parmi les g'ens du métier. Quand les
comptes avaient été rég-lés , on procédait à
l'élection de nouveaux jurés.
Le maître et les jurés devaient siéger trois
fois par semaine, pour jug-er les contraventions
et les ditlérends nés au sein de la communauté.
Auprès de ce tribunal, trois écorcheurs, élus
aussi, remplissaient les fonctions d'huissiers et
de secrétaire.
Après la défaite des Bourguignons (1416) le
comte d'Armag'nac voulut punir les bouchers de
l'aide qu'ils avaient donnée aux Cabochiens. Il
fit démolir la Grande Boucherie du Châtelet, qui
fut remplacée par quatre boucheries nouvelles
construites aux frais du Trésor. Dure justice, car
les bouchers empêchaient l'établissement de
toute nouvelle boucherie ou prétendaient avoir
droit de juridiction sur celles dont ils étaient
forcés de subir la concurrence. A la fin du
treizième siècle, les Templiers ayant sollicité du
roi l'autorisation d'avoir une boucherie dans
leur quartier, le roi le permit, mais la Grande-
Boucherie se plaig'uit très haut et la querelle se
termina en 1282 par une transaction qui consacrait
les privilèg'es de la comnmnauté. Les bouchers
assuraient, dit l'ordonnance, qu'eux et leurs
prédécesseurs avaient toujours été en possession
d'instituer des bouchers pour couper et vendre la
viande dans toute la ville ... « Et par la présente
concession, disait le roi, nous voulons que ces
privilèg'es, coutumes et franchises demeurent
dans toute leur rigueur ». Ce fut donc du
consentement et sous la surveillance delà Grande-
Boucherie que dut exister celle du Temple, qui
ne put avoir que deux étaux, larg'es seulement
de douze pieds, mais dont les patrons n'étaient
pas forcément choisis parmi les fils de maître.
La Grande-Boucherie fut reconstruite en 1418
et remise en possession de tous ses privilèges.
Après bien des vicissitudes, les propriétaires se
virent autorisés à ne plus occuper leurs étaux en
personne. Ils les louèrent à des étaliers. Ceux-ci,
unis aux étaliers d'une boucherie située près du
cimetière Saint-Jean, demandèrent au roi de
leur octroyer des statuts. Ils imitaient en cela la
boucherie dite de Beauvais qui avait reçu des
statuts l'année précédente. Ceux de la Grande-
Boucherie sont datés de février 1587. L'appren-
tissag-e y est fixé à six ans. Nul ne peut être
reçu maître s'il n'est « de bonne vie et conver-
sation. » Il faut, en outre, qu'il ait parlait le
chef-d'œuvre consistant à « habiller un mouton,
un veau ou un porc. » Les fils de maître sont
dispensés du chef-d'œuvre et on exige seulement
d'eux qu'ils aient servi trois ou quatre ans chez
leur père ou leur mère. Les veuves sont autorisées
à continuer le commerce de leur mari ' . En 1650,
les bouchers de Paris réunis déclarèrent accepter
ces statuts comme règlement pour eux tous.
Au siècle suivant, le lieutenanl général de
police limita à 240 le nombre des maîtres. Chacun
d'eux opérait encon; les tueries et dépeçait en
puiilic dans sa cour, car il n'existait pas d'abat-
toirs. Sébastien Mercier vers 1780 et Prudhomme
en 1807 font un répugiianl tableau de ces
exécutions : « On entend les cris plaintifs du
bœuf et du mouton ... le sang; ruisselle, vos
souliers en sont emprégnés... »
La communauté des bouchers était placée
sous le patronage du Saint SacrenuMit.
Voy. Abattoirs. — Aboivrement. —
Bestiaux (Marchands de) il Maître
des bouchers-
Bouchiers. Voy. Bouchers
reaux.
Bour-
Bouchon de cabaret. Le titre 111 de
la grande ordonnance de février 1415 exige que
tous les marchands de vin au détail surmontent
leur porte d'un cerceau. On lui substitua de
bonne heure un emblème plus compliqué et
moins précis. Au dix-huitième siècle, le mot
bouchon est ainsi défini : « C'est un sig-ne que
l'on met à une maison ou à une cave pour
indiquer qu"on y vend du vin au détail. 11 est
fait ordinairement de lierre, de houx, de cyprès
ou de quelque autre arbre qui conserve sa verdure ;
quelquefois tout simplement d'un chou ^ ». J'ai
cependant trouvé une sentence du 25 février
1729 qui, sans alléguer aucun raison, interdit aux
marchands de vin de faire figurer sur leurs
enseignes un chou. Le même règ'lement veut
que toutes leurs boutiques soient munies de
barreaux de fer, tradition qui s'est conservée
jusqu'à nos jours. Voici le texte de cette pièce :
Sentence de police, en forme de règlement, qui
ordonne que les marchands de vin auront à leurs
maisons et caves des enseignes et barreaux pour
indication de leur commerce, avec défense d'y
mettre un chou.
Bouchonniers. Ils avaient la spécialité
des objets en lièg'e. Ils vendaient, au cent ou au
millier, des bouchons qui presque tous, venaient
des Landes où on les fabriquait au couteau. Ceux
d'Angleterre étaient beaucoup moins estimés.
On ne se servit que fort tard de bouchons de
liège pour les bouteilles. Pendant longtemps, on
se borna à verser sur le liquide une légère couche
d'huile qui surnageait à l'entrée du vase. De
cette coutume est venu l'habitude de verser dans
son propre verre les premières gouttes d'une
bouteille avant d'en offirir. Parfois aussi, on
employait un bouchon de chanvre tordu et
imbibé d'huile "^ . Je trouve dans un compte de
1594 cette phrase : « A Fousteau et la Serre,
pour estoupes qu'ils ont fourny au [ service du]
1 Delamarre, Traité de la police, t. I], jj. 12"2li.
2 Encyclopédie méllwdiqtie, commerce, t. I, p. 28").
3 Voy. Luui.s l'errier, Mémoire sur le vin de Cliumpuyne,
dans le.s Mélunyes publiés par la Sociélé des bibliopliiles
français, t. II, p. 2, 9 et 18.
94
BOUCHONMEKS — B0UDINI1<:KS
«•obelet, pour faire bouchons aux bouteilles
dudil oifice ' ». KiiHii, l'article 23 des statuts
accordés en février 1059 aux verriers-bouteillers
leur prescrit de boucher leurs flacons avec « des
bouchons faits de bon chanvre et d'étoupes bien
nettes ».
Les bouchonniers confectionnaient aussi les
semelles de liè^e, dont l'emploi est beaucoup
plus ancien que celui des bouchons. En 1545,
de petits marcliands parcouraient les rues en
criant des :
Scmf'llf's à bouter dans It'S bottes
Ils sont bonne pour la froidure -.
Il paraît que depuis longtemps l'on ne
craij^nail pas de les multiplier, car le poète
Coquillart écrivait vers 1480 :
N'oz mignonnes sont si très haultes •*
Que pour sembler grandes et belles,
Elles jMjrleiit |iantlioufles liaultes
Hieii .1 viiigt-ijUHtre .semelles *.
Et elles Continuèrent à en porter juscju'au
milieu du dix-septième siècle, car je lis dans un
curieux volume publié t;n ](j'.i'S : « \'ouscoo;-nois-
sez bien cette noire, qui a un pied et demi de
Hèo-e, et veut passer pour avoir belle taille ^ ».
Dans Le maître valet de Scarron. joué en 1645,
Jodelet dit à Isabelle :
Dites-moi, ma maîtresse, avez-vous bien du liège?
Si vous n'en avez point, vous êtes sur ma foi.
Dune fort belle taille, et digne d'être a moi «.
Ihuis le Vir(jile travesti, Didon s'informe
Si tlame Hélène avait du liège,
De (|U<,'1 fard elle se servoit,
Combien de dents Hécube avoit,
Si Paris étoit un bel homme "^ .
Les patenôtriers d'os et de corne, qui ne
conqjlaient plus guère que deux ou trois maîtres
en 172<). furent, par arrêt du 24 aoilt. réunis à
la corporation des bouchoimiers. (^elle-ci prit
alors le titre de j)atenMriers-cornetiers-bonehoii.-
niers-votantiers, et ses statuts lui attribuèrent le
droit de fabriquer et v<'ndre une foule d'objets :
patenôtres (h' bois et de corne, écritoires de corne,
bouchons de liège en carrés ou en planches,
bouchons pour les carafons et bouteilles, seaux
de liège pour conserver la glace et rafraîchir
vins et liqueurs, volants à jouer, etc. « Et à
l'esgard de l'excédent do plumes qui entre dans
la confection des volans, pourront en faire des
cure-dents, si bon leur semble ».
Boucletiers de ceintures. Voy. Bou-
cliers.
Boucliers. Fabricants de b(jucles. Les
biiMcles j.Muiieiil iiii grand rôle (hms l'habillement
au moyen ûge. i>'abbé Cochet n'en a pas trouvé
' \ "\ . le (ilossairg île (iay, I. I, p. IHI.
* l.i'S cent ri sept cria, etc.
•'• ilauUiines, ou, par ironie, si petites.
* (Kucres, édil. elzév., I. 1, |». 157.
5 /.en iimuuis. iiiliiijuis lies Juiiie.s/ii/ues des i/iiiriitts
iiinisoiis, p. XI\ .
fi .\cle II, .seène 7.
" Livre 1, édil. de 1720, (.. t<5.
moins de cent cinquante dans les tombes fouillées
à Envermeu : on en a découvert ainsi un peu
partout, de tous styles, de toutes formes et de
tous métaux.
Les boucles d'or et d'argent étaient l'œuvre
des orfèvres, les boucles communes se confec-
tionnaient chez les boucliers. Jean de Garlande
les nomme pluscularii et pluscarii ', et le Livre
des métiers ^ nous apprend qu'ils formaient au
treizième siècle deux corporations distinctes,
ayant chacune ses statuts particuliers : c'étaient
les boucliers Je fer et les loucliers (Tarchal •*, de
cuivre et de laiton.
Chez les boucliers de fer, on demandait à
l'apprenti huit ans s'il apportait quarante-cinq
sous, dix ans s'il était sans argent. Mais iml,
disent les statuts, « ne doit prendre aprenti, se
il n'est si saige et si riche qu'il le puist aprendre
et gouverner ».
Tout apprenti, avant d'être admis à l'atelier,
versait entre les mains des jurés une somme de
cinq sous. Celle redevance formait un fonds
spécial, destiné à l'entretien et k l'instruction
des « povres enfans du mestier », c'est-à-dire
des fils de maître restés orphelins et pauvres.
La seconde corporation exigeait un appren-
tissage moins long : six ans avec quarante sous
ou huit ans sans argent.
Le travail à la lumière était interdit. En été,
les ouvriers quittaient l'atelier dès que complies
sonnaient à l'église Saint-Merri , autour de
laijuelle presque tous étaient logés ; en hiver, ils
étaient libres « .si tost come ils voient passer le
segont crieur du soir ».
La corporation était administrée par cinq jurés,
dont trois pris parmi les maîtres et deux parmi
les ouvriers.
Elle avait pour patron saint Léonard, « mon-
seigneur S. Lienart ».
Les boucliers ne figurent pas, au quinzième
siècle, dans l'ordonnance dite des Bannières. Ils
étaient donc déjà réunis à une autre commu-
nauté.
Une pièce de 1586 les nomme boucletiers de
ceintures.
Boucliers (Faiseurs de). Voy. Scuciers.
Boudiniers. Faiseurs de boudins. Les
statuts accordés aux cuisiniers en 1268 leur
interdisent la vente du boudin *. La Taille de
t'^'J2 mentionne douzt! boudiniers, celle de
L'iOO en cite six seulement. Une pièce pidjliée
par M. G. Fagniez ^ prouve qu'en 1409 Paris
comptait au moins neuf boudiniers.
L'ordonnance de janvier 1351 les nomme
faiseurs de boudins et andouilles ^.
Ils se fondirent dans la corporation des
charcutiers, qui ajoutèrent alors à leurs titres
celui de boudiniers.
' lUclioHiirius, p. 23.
'- Titres XXI et XXII.
■* ^^y. l'art. Arehaliers.
l l.ine (les métieis. titre LXIX, art. 13.
5 Eludes sur l'i/idiistrie. p. o'SHt.
6 Article 224.
BOUKUKS — boulan(;eks
95
Boueurs. NOy. Ordtires ménagères
(Binlèvement des).
Boueurs des ports. « Scnnil les boueurs
(les [jdi'ls tenus de faire iiello^ycr cl enlever,
par chacun jour, les bt)ues, ordures et inunou-
dices ([ui se trouveront sur les ports, sans ([ii'il
leur soit loisihle de les jeter dans le licl de la
rivière » ' .
Boueux, sjnonvnie popidaii-e de lioueurs.
Boug'eniers. On numinail ainsi les ouvi'iers
([ui rabri([uaienl les yi-os traits d'arlialètes dits
hmijoiiH ou houjons.
( )ii trouve aussi hmtjnnniers '.
Boug'iers. Yo.v. Boulgiers.
Bougies (Fabricants dk). \'oy. Oiriers.
Bougonneurs. Voy. Boujonneurs.
Bougraniers. Fabricants de bouf^ran. Au
début, le bougran fut une étolFe de coton très
lég'ère, orig-inaire tle Bulg-arie, et qui se classe
avec les tissns les plus pivcieux. Mais, dès le
quatorzième siècle, le mot bougran sert à
désigner un tissu de chanvre, beaucoup moins
estimé que le précédent, car on commence à en
faire des vêtements de dessous et des doublures ^.
Enfin, au dix-huitième siècle, le bougran n'est
plus qu'une toile g'rossière, qui, placée entre
l'étoffe et là doublure des habits, sert à les
soutenir, à leur conserver leur forme. Il s'en
fabrii[uait beaucoup à Paris, qui en recevait aussi
de Caen. de Rouen, d'Alençon, etc. *. Depuis
long-temps les bougraniers ne formaient plus à
eux seuls une corporation, ils avaient en 1572
été réunis aux lingères.
On a appelé hoiigrain les bannes que les
marchands tendaient devant leurs boutiques pour
les garantir du soleil et aussi, disait-on, pour
les assombrir aux dépens de leurs clients ^ .
Boujonneurs. Nom donné aux jurés dans
quebjues manufactures de drap. Ils mesuraient,
plombaient, puis marquaient les pièces au moyen
d'un instrument appelé hmijon ou bougon.
(Jn trouve aussi bougonne^irs et houjonniers.
Boujonniers. Yoy. Bougeniers et
Bouj onneurs,
Boulang'erie (École de). Elle fut fondée,
vers 1780, dans la rue de la flrande-Truanderie,
par le lieutenant de police Lenoir, et destinée
à l'enseignement technif[ue des ouvriers bou-
langers. Les cours y étaient gratuits et faits,
deux fois par semaine, sous la direction de
Parmentier et de Cadet de Vaux. Ils n'étaient pas
seulement théoriques : on fabriquait là le pain
1 Oiilonn. df décembre 1072, cliap. 1\', ai-t. 9.
- Ducange, Glossarmm. au mut bohoniis.
•' Vy. Micliel. Tissus de soie au muijen-â<je, t. II, ji. 29
et suiv.
4 Savaiy, Dielioniuiire du cidk merci'. \. I, ]i. 432.
"•> \ uy. 'Xuel du l'^ail, Cunles. ].. :5atî.
blanc destiné à l'école militaire et le pain bis
destiin'' aux prisons ' .
Boulangers. Un roi antérieur à saint Louis,
Philippe-Auguste peut-être, avait concédé les
revenus et la juridiction professionnelle des
boulangers à son g-rand panetier, qui conserva
ce privilège jusqu'en 1711. A cette date, le titre
de grand panetier appartenait au duc de Cossé-
Brissac - ; il vendit la renonciation à ses droits
plus de cent mille livres, qui furent payées par la
corporation.
.Jean de Garlande nous apprend qu'au milieu
du treizième siècle, les pistores vendaient des
pains faites de froment, de seigle, d'orge,
d'avoine, de méteil et même de son ■^ . Ils
prennent le nom de talemeliers dans les statuts
très complets et très curieux qu'ils soumirent,
vers 1268 à l'homologation du prévôt de Paris
Etienne Boileau *. Cliaque atelier se composait
alors d'un gindre [joindre]., de vanneurs [vaneres),
de bluteurs [buleleres] et de pétrisseurs [pestri-
seurs). On ne cuisait pas les jours de l'ête, qui
représentaient presque un quart de l'année, les
Parisiens mangeaient donc rarement du pain
frais. Le commerce n'était pas interrompu le
dimanche, mais les boutiques restaient entr'ou-
vertes seulement.
L'ordonnance du 30 janvier 1351 nomme les
maîtres talemeliers, talemeniez , thalemeniers,
bolengiers et boulengiers ; mais il ne serait pas
impossible qu'une nuance existât entre les deux
formes. La seconde viendrait de ce que les pains
de cette époque avaient en général l'apparence
d'une boule ^. Boulangers ne se rencontre guère
avant le seizième siècle.
Au début, l'unité type du pain était la denrée
ou pain d'un denier, d'où l'on fit le douhleau de
deux deniers, et la demie d'un demi-denier ou
obole. Le prix de ces pains ne variait pas ; mais,
sur l'avis des jurés talemeliers, on réduisait ou
l'on augmentait leur dimension, suivant que le
blé était plus ou moins cher. A dater de 1439
seulement, le pain fut vendu au poids, ce furent
alors les prix qui varièrent. Les pauvres allaient,
le dimanche, au marché Saint-Christophe près
de Notre-Dame, où l'on mettait en vente les pains
défectueux, trop cuits, trop levés, trop compacts,
ou trop petits qui, pendant la semaine, avaient
été saisis ptu* les jurés chez les boulangers de la
banlieue. Quant à ceux qui étaient confisqués pour
les mêmes raisons chez les talemeliers de Paris,
on les distribuait gratuitement aux pauvres.
Pendant fort longtemps, on appela pain de
cuisson celui qui était cuit chez les bourgeois,
par opposition au pain de boulanger. D'autres
1 Vi>y. Détail de quelques étublissetiiens de la ville de
Paris, demandé par la reine de Jfonqrie à M. Lenoir. Paris,
in-8", p. 50. — Tluér\% (luidedes amateurs, t. I, p. 475.
— S. Mercier, Tableau de Paris, t. VIII, p. 154.
2 Voy. ci-dessous l'art. Concessions de métiers.
3 « Pistores Parisius vendunt panes de fmmento, de
siligine, de ordeo, de avena, de acere, item fréquenter
de furfure »•. Dictionarius, édit. Sclieler, p. 26.
* Livre des viéliers, titre I.
S \ oy. Uucaniif, (llossarium. au mot l/olendeyarii.
96
BOULANGERS
expressions, fréquentes dans les statuts du
treizième et du quatorzième siècles, demandent
également une explication. Ainsi, on nommait:
Pain aliz, celui qui était fait avec des restes de
pâtes, et devait être, dès lors, trop serré, trop
compact. 11 est cité dans le Livre des métiers. ■
Pain ars ou eschaudé, le pain trop cuit.
Pain de brode, dit aussi pain faitis, un pain
bis, mélange de seigle et de gruau.
Pain de Chailly. Pain de première qualité,
cité sous ce nom dans une ordonnance de
décembre 1372. Il faudrait dire pain de Chilly,
car il était abirs apporté à Paris de VJdlly,
aujourd'hui Chilly-Mazarin (Seine-et-Oise).
Pain de chapitre dit aussi choine et choesne.
Les chanoines de Notre-Dame recevaient chaque
matin un de ces pains exquis ^, d'où est venu le
proverbe : « Il a mangé son choine le premier » ^.
Pain coquille. Pain dont la croûte formait de
nombreuses boursouilures. Il est cité sous ce
nom dans l'ordonnance de décembre 1372. C'est
celui que les statuts de mars 1659 nomment pain
de ménage et qui est devenu pain bourgeois.
Pain de Corbeii.. Il est cité dans les statuts
de 1367.
Pain de Gentili.v. Celait un pain au beurre.
Pain de Gonesse. Il était déjà très recherché
au treizième siècle, et sa vogue se soutint jusqu'à
la Révolution. Colletet, dans ses Tracas de
Paris •*, le déclare préférable à tous les autres
pains, même au pain à la Monlauron, même au
pain à la reine. Séb. Mercier écrivait encore
vers 1780 : « A six heures, les boulangers de
Gonesse, nourriciers de Paris, apportent, deux
fois la semaine, une très grande quantité de pains.
Il faut qu'ils se consomment dans la ville, car
il ne leur est pas permis de les emporter * ».
Pain de Melun. Pain excellent, très estimé
déjà au quatorzième siècle. Dans la suite,
quehjui's g(jurniets tirent venir à Paris des farines
et des boulangers de Melun, sans pouvoir obtenir
d'eux la qualité recherchée •'.
Pain mksciievé. Pain vendu à un prix inférieur
u ct'bii (|ui était lixé pour sa dimension *".
Pain mestourné, « c'est-à-dire pain trop
petit ' ».
Pain pi.at. l'iiin hlanc de un deni(;r "^ .
Pain de pote. Pain de luxe don! le boulanger
lixail If prix à sa voh)nté '*.
Pain raté. « Que rai ou souris oui entamé "^ ».
Pain hkhoutis. I';iin (iéit'clut'ux. doiil la vente
t'Iail inUM-dili' * ' .
' l)uiJiii(;i\ au inol iMiiin cliuesiiv.
1 Voy. (i. Ménni/'-, Dictionnaire élumoloqiaue.
^ ft.l.l. .Ir 18r,!., |.. i>46.
* Tiihlrnn lie l'aris. I. IV, p. 153.
•' 1 1 urt«ut ot M/ij^fiiy, hictiimiiaire th Paris. 1 . 111 , | > .".2.'
•'• Litre tirs inr/iirs. litrr I, a ri. 40 .
" Lierf (les métiers, tilri' 1, art. 54.
" /.e mènagirr île Paris. (. Il, y. 10!>.
■' Litre lies métiers, lilri" I, art. 41.
'" Litre lies mrliers. tiln- 1, art. 54.
'• Litre des métiers, litro 1, art. 54.
Pain de Saint-Brice. 11 est cité dans les
statuts de 1367.
Pain de tranchoirs. On appelait tranchoirs
d'épais morceaux de pain bis, a3'ant la forme
ronde, et qui tenaient lieu d'assiettes. Ils furent
en usage jusqu'au début du dix-septième siècle.
On disait aussi pain tailloir.
Un arrêt du 13 février 1523 ordonna aux
boulangers de faire sans cesse des pains « de trois
sortes de blancheur, bonté et poids, savoir :
Pain de Chaillj, 12 onces.
Pain bourgeois, 2 livres.
Pain de brode, 6 livres ».
Le règlement de police du 30 mars 1635 leur
enjoignit de cuire chaque jour des
Pains de Chailly, de 12 onces.
Pains de chapitre, de 10 onces.
Pains bourgeois, de 16 onces.
Pains bis de brode, de 14 onces.
Tous au prix de 12 deniers. Mais il y avait
des demies ^ .
Citons encore quelques noms, qui sont en
général postérieurs au quatorzième siècle :
Pain artichaut. Pain à plusieurs cornes.
Pain balle. Pain grossier qui contenait encore
la halle ou enveloppe du grain. Rabelais l'a
mentionné ^.
Pain bis-blanc. Celui qui est fait de farine
blanche et de gruau.
Pain de bouche. Pain un peu salé, rempli
d'yeux, fait d'une pâte bien travaillée, bien levée.
Dit aussi pain de courtisan, il se rapprocliail du
pain de chapitre.
Pain de brasse. Pain comnnui, destiné aux
domestiques.
Pain broyé. Il n'était guère en usage que pour
le chef-d^ œuvre exigé des compag-nons boulangers
qui voulaient être admis à la maîtri.se.
Pain chaland. Pain très blanc et très bien
fait. Ce nom s'est donné à tous les pains venant
des environs de Paris, celui de Gonesse excepté.
Pain chapelé. Celui dont on a gratté la plus
grosse croûte.
Pain de citrouille. Celui dans lequel on
avait mêlé un peu de citrouille cuite. U passait
pour très rafraîcliissanl.
Pain de condition. Voy. ci-dessous Pain
mollet.
Pain cornu. Celui (|ui représenlail quatre
cornes.
Pain de courtisan. Voy. ci-dessus Pain de
bo^iche.
Pain de deux-couleurs. Pain bigarré,
composé alternativement d'une couclie de
froment et d'une couche de seigle.
Pain de disette. Voy. ci-dessous Pa^'w cTory^.
Pain a la duchesse. Voy. Pain mollet.
Pain d'espiotte. Variété de pain de seigle.
' Dt'lainarre, Traité de la police, t. I, p. r22.
- Livre I, cliap. 25.
BOULANGERS — BOULANGERS DES FAUBOURGS
97
Pain d"esprit. Voy. Pain mollet.
Pain d'étrennes. Celui que les paroissiens
offraient en présent à leur curé vers les fêtes de
Noël.
Paln féodal. Celui que certains vassaux
étaient tenus de fournir à leur seig-neur.
Pain ferré. Pain brûlé on dessous par suite
d'une trop forte cuisson.
Pain de festin. Il était fait de pâte légère
dans laquelle entrait du lait, doré par dessus avec
des œufs et cuit à four ouvert.
Pain a la Fronde. Mot mis à la mode
pendant le soulèvement contre Mazarin. Voj.
ci-dessous Pain de Paris.
Pain grison. Variété de pain de gruau.
Pain haligourde. Variété dans laquelle
entrait beaucoup de gruau.
Pain a la Joyeuse. Après le mariage du duc
de Joyeuse avec la sœur de la reine (1581), tout
fut, un moment, à la Joyeuse.
Pain a la maréchale. Voy. ci-dessous Pain
à la Montaui'on.
Pain a la mode. Voy. Pain mollet.
Pain mollet. Petit pain de luxe, dont la
forme, la composition et le nom changèrent
souvent. On peut citer, parmi les variétés succes-
sives de pains mollets :
Le pain blême. Le pain à la mode.
Le pain à café. Le pain à laMonlauron.
Le pain de condition. Le pain de mouton.
Le pain cornu. Le pain à la reine.
Le pain à la duchesse. Le pain de Ségovie.
Le pain d'esprit. etc., etc., etc.
Pain a la Montauron, dit aussi à la maréchale.
Pain au beurre, qui devait son nom au fastueux
financier à qui Corneille dédia Cinna.
Pain moussaut. Variété du pain de gruau.
Pain mouton. Pain mollet, dont la croûte,
dorée avec des jaunes d'œufs, était en outre
saupoudrée de quelques grains de blé. C'était un
de ces petits présents que les domestiques
donnaient en étrennes à leurs jeunes maîtres.
Pain de mumtion. Pain destiné aux troupes.
Dans Les contens de Tournebu (1581), Nivelet
dit à Rodomont : « 11 me semble que le pain de
munition n'a point si bon goust que le pain de
chapitre de Paris ■* ». A la fin du dix-huitième
siècle, chaque homme en recevait par jour une
livre et demie.
Pain de Noël. Redevance que certains
vassaux étaient tenus de payer, au moment de
Noël, à leur seigneur.
Pain d'orge. Pain grossier qui ne s'employait
qu'à défaut de tout autre. Aussi l'appelait-on
pain de disette.
Pain Paget. Ainsi nommé du financier Paget
du Plessis. Il remplaça le pain à la Montauron,
après la déconfiture de ce dernier ^ .
^ Ancien théâtre françoia, t. ^'11, p. 124.
- Le livre commode, t. I, p. 308.
Pain de Paris (gi'os). Le même, je crois, que
\e grand pain bourgeois, qui joua un rôle durant
les troubles de la Fronde ^ .
Pain a la reine. Pain de luxe, qui auiail été
mis à la mode par Marie de Médicis -.
Pain rous.set. Pain l'ait de méteil.
Pain du Saint-Esprit. Nom de certains pains
que l'on donnait en aumône aux pauvres dans la
semaine de la Pentecôte.
Pain de Ségovie ou de Sigovie. \'ariété de
pain mollet.
Pain tortillé. Nommé ainsi à cause de sa
forme. Il est cité dans la lettre d'im Sicilien
attribuée à J.-P. Marana.
Les derniers statuts des boulangers datent de
mai 174(i. 11 failail pour passer maître avoir
vingt-deux ans accomplis, professer la religion
catholique, présenter un certificat de bonne vie
et mœurs, n' « être atteint d'aucun mal dange-
reux qui se puisse communiquer », avoir fait
trois annéesd'apprentissage, trois années decom-
pagnonnage, et avoir parfait le chef-d'œuvre,
qui consistait à « convertir en diverses sortes de
pâtes et de pains trois septiers ^ de farine ». Les
fils de maîtres étaient dispensés de la plupart de
ces formalités. Pour Vexpe'rience, qui pour eux
remplaçait le chef-d'œuvre, on leur demandait
seulement d'employer « une mine '* de farine »,
et cette épreuve pouvait être faite en la maison
du père.
Chaque pain devait porter la marque du
maître chez qui il avait été confectionné.
La communauté était placée sous le patro-
nage de saint Honoré, et une confrérie était
dédiée à saint Lazare.
Outre les noms mentionnés ci-dessus, j'ai
encore rencontré les formes suivantes : boulen-
gers, houlenghiers, boidens, maîtres de la pelle,
pisseteurs, talemeriers. talemetiers, tallemeliers,
talmeliers, talmelliers, talmisiers, tamisiers, etc.,
etc.
Voy. G-allemiches. — Maître des
boulangers. — Mercuriales. — Pisse-
teurs. — Talsmeliers.
Boulangers des faiibourg-s. Les bou-
langers établis dans les faubourgs Saint-Cxermain,
Saint-Michel, Saint-Jacques, Saint-Marcel et
Saint-Antoine n'étaient point soumis aux statuts
qui régissaient la communauté parisienne. Les
plus nombreux, ceux du faubourg Saint-Germain,
avaient même reçu, en 1659 encore, des statuts
particuliers , où la durée de l'apprentissage, la
nature du chef-d'œuvre, les privilèges accordés
aux fils de maître ne différaient en rien, il est
vrai, des règles adoptées dans Paris.
Au mois de décembre 1678 un édit ordonna
la fusion de toutes ces maîtrises particulières avec
1 Voy. C. Moreau, /libliographie des mncnrinades,
t. I, p. 411.
2 ^'oy. Di'lamarre, Traité de la police, t. I, p. 560
et 566.
■' Lf setier rcpré.sentait environ 156 litres.
4 La mine représentait environ 78 litres.
98
BOULANGERS DES FAUBOURGS — BOUQUETIÈRES
celles de la ville. L'exécution en fut retardée par
l'opposition du duc de Cossé-Brissac, alors grand
panetier ^ Ses droits furent supprimés en avrd
1711, mais il souleva de nombreuses difficultés,
et c'est seulement en 1720 que les boulangers des
faubourgs, ceux de Saint-Antoine excepté, ne
formèrent plus qu'une seule corporation avec
ceux de Paris.
Boulangers des petits chiens blancs.
Ce lili-i'. qui n'a sans doute pas sui'véca au régne
de Henri II, était, en 1547, le privilège du
boulanger .\ntoine Andrault , fournisseur de
petits pains spéciaux pour les chiens favoris du
roi -.
Bouleng'ers. Nom que l'ordonnance des
Bannières ^ (1467) donne aux boulangers.
Boulenghiers. Voy. Boulangers.
Bouleng'iers. Nom que Tordonnance du
30 janvier lUôl donne aux boulangers*.
Boulens. Boulangers ^.
Boulets. Voy. Tailleiirs de pierre.
Boulgiers. Faiseurs de boulges, bouges ou
bougettes, objets qui représentaient à peu près
notre .sac de nuit actuel, et que l'on trouve cité
sou.s ce nom jusqu'à la fin du dix-septième siècle.
Les boulgiers appartenaient à la communauté
des cofïriers.
Boullengers. Voy. Boulangers.
Bouquetières. Au moyen âge, le com-
merce ili's ileurs naturelles était fait par les
courtilliers ou jardiniers et par les bouquetières.
La Taille de 1292 cite cependant (hiwx florières ,
anxqiielles il est bien difficile d'attribuer une
autre profe.ssion, et j'ai trouvé dans la l'aille de
i:H3 deux mentions à peu près semblables :
Jehanne la flenrirre <;! Denise la /leîircte ^ .
Les fleurs jouaient alors un grand rôle dans la
vie des Parisiens. On en faisait d'élégantes
coiiïures, dont hommes et femmes se paraient
également '' ; dans les festins, on en couronnait
les vases à boire et les verres * ; on les associait
ù toutes les cérémonies religieuses. M. Cocheris
a publié ^ une pièce sans date où l'on voit que la
l)()U(iueli(Te attachée il l'église Sainte-Oppoi'tune
devait Inurnir :
l'' Le jour de Pâques et celui do sainte
Opportune, un bouquet des plus belles fleurs de
la saison ii la quêteuse ;
'- Voy. l'ail. Conpe.ssi.)n.s royales.
* Voy. A. Jai, DicliuHiiaire cri/i(/ue. p. 204.
•' Ordonnancis royales, \. W\, p. 071.
* Tilrp II, nrl. 4.
^ Voy. le Glossaire ilf Ducanj^rc, au mot boUiideqarii.
Ji Pag.-s 40 cl 10(5.
' \oy. l'arl. Chapeliers de Heurs.
» Voy. Legrand d'Aussy , Vie privée d,s français,
t. 111. p. 286. / i -
9 Dans sa ri'imprt'ssion de VHistoire du diocèse de
Paris, de l'abbé Lebeuf, t. I, p. 189.
2» A la Fête-Dieu, un chapeau de fleurs
d'orangers à trois rangs pour le Saint-Sacrement ;
un chapeau pour le curé et six autres chapeaux
pour les diacres, sous-diacres et porteurs du ciel;
trente chapeaux avec du vert, pour les ecclésias-
tiques ; cinq bouquets pour les marguilliers ;
cinq douzaines de bouquets ronds pour les
Anciens et les porteurs du ciel, et un chapeau
pour la croix ;
3'' Tous les matins de chaque jeudi, un
chapeau de belles fleurs selon la saison pour le
Saint-Sacrement.
Des femmes parcouraient comme aujourd'hui
les rues de Paris, en criant les fleurs nouvelles :
J'ai joncheure de jagliaus,
Herbe fresclie !
leur fait dire, au treizième siècle, Guillaume de
la Ville Neuve ^. On nommait alors jagliaii le
glaïeul à fleurs violettes ; pendant l'été, on en
jonchait les appartements, les lieux publics,
même les rues les jours de grande fête.
Au seizième siècle, le cri des bouquetières n'a
plus besoin d'explication :
A mon pot d'œilletz,
Il est plantureux,
Pour faire bouquefz
Pour les amoureux ! 2
Une Déclaration de novembre 1539, relative
au nettoyage des rues ^, nous montre à quel point
était développé déjà l'amour des Parisiens et
surtout des Parisiennes pour les fleurettes et les
jardins suspendus. L'article 8 s'exprime ainsi :
« Pour ce que plusieurs propriétaires, conducteurs
et locatifs jettent des eaux par leurs fenestres,
èsquelles y a jardins, pots d'oeillets, romarins,
marjolaines et autres choses, dont pourroit
advenir inconvénient, et aussi qu'on ne peut
bonnement voir d'où lesdites eaux sontjettées:
défendons à toutes personnes, de quelque estât,
qualité ou condition qu'ils soient, de mettre aux
fenestres aucuns pots ne jardinets, sur peine de
cent sols parisis d'amende ».
Les derniers statuts de la corporation des
bouquetières datent de lG77et 1735 ; ellesy sont
qualifiées de maîtresses bouquetières et marchandes
chapelier es en /leurs.
hllles avaient seules le droit d'assortir et de
ven(h'e toutes sortes de bouquets, chapeaux,
couronnes, guirlandes de fleurs naturelles, pour
baptêmes, mariages, enterrements *, elc. Elles
étaient tenues de n'utiliser que des fleurs nou-
vellement cueillies, et défense leur était faite
d'employer celles de l'acacia. l^lUes ne devaient
avoir à la fois qu'une seule apprentie ; l'appren-
tissage durait quatre ans et était suivi de deux
ans de compagnonnage. La communauté était
composée de femmes et de filles seulement,
« nul garçon, disent les statuts, ne pourra
parvenir à la maistrise ny s'entremectre dudit
mestier », qui avait pour patron saint Fiacre.
' Les crieries de Paris.
- Les cent et sept cris, etc.
■* Dans Fontanoii, Edits et ordonnances, t. I, p. 877.
* On n'en voyait alors qu'aux enterrements des enfants.
BOUQUETIÈRES — BOURREAUX
99
L'édit de 1776 rendit le métier libre. Le
nombre des maîtresses bouquetières était alors de
80 environ.
A la fin du dix-huitième siècle, le commerce
des tleurs était exercé par trois corps d'état bien
distincts :
1" Les jardiniers fleuristes, qui venaient sur
le quai vendre des arbres à ileurs en pot avec
leurs racines, des arbres à fruits et des arbustes
de tout genre.
2° Les marchandes de la halle, qui vendaient
des bottes de roses, de lilas, de jasmin, des
œillets, des lis, etc.
3" Les houqxielicres, ({ui ne débitaient plus
guère que dans les rues des bouquets el des tleurs
au petit détail.
Au dix-septième siècle, le marché des ileurs se
tenait près de la halle, dans la rue aux Fers ^ ;
c'est là que l'indiquent le Livre commode pour
1692 ^ el le plan de Lacaille ^. Il fut transporté
ensuite sur le quai de la Mégisserie ; puis, vers
1806, sur le quai Besaix, qui devint le quai aux
fleurs et est aujourd'hui le quai de la Cité.
Voy. Chapeliers de fleurs.
Bouquetiers. Faiseurs de bouquets. Titre
qui appartenait aux fabricants de ileurs artifi-
cielles et aux plumassiers.
Bouquinistes. Le Dictionnaire de Savary
(1723) les nomme estaleurs et les définit ainsi :
« Pauvres libraires, qui n'ayant pas le moyen de
tenir boutique ni de vendre du neuf, étaloient
de vieux livres sur le Pont-Neuf, le long des
quais et en quelques autres endroits de la ville * ».
Nous allons voir pourquoi Savary emploie ici le
passé au lieu du présent.
Dès le seizième siècle, ces humbles commerçants
étaient accusés d'acheter à vil prix des livres aux
écoliers, aux domestiques « et autres personnes
inconnues » d'eux. Un arrêt du 27 juin 1577 les
assimila même aux receleurs et aux larrons. Il
faut bien dire que ces accusations étaient surtout
formulées par des libraires, alarmés de toute
concurrence.
Beaucoup de bouquinistes étalaient sur le
Pont-Neuf, d'autres dans la rue Saint-Jacques,
près de la chapelle Saint-Yves. On reprochait
d'abord aux premiers de demeurer en dehors des
limites de l'Université ^, etun arrêt du 29 janvier
1628, renouvelé le 2 mars, leur ordonna d'aban-
donner le Pont-Neuf et de se réunir à leurs
confrères de Saint-Yves ". Je ne sais s'ils obéirent.
Ce qui est certain c'est qu'on les retrouve, vingt
ans après, sur le Pont-Neuf, où allait se centra-
liser la vente des Mazarinades. Mais, s'ils étaient
protégés par les Frondeurs, ils avaient contre
eux la Cour, les amis de Mazarin et surtout les
' Auj. rue Berger.
2 Tome I, p. 165.
y Publié en 1714.
4 Dictionnaire du commerce, t. I, p. 1903.
5 Voy. ci-dessou.s l'article Libraire.
C \oy. le Bulletin de la Société de F histoire de Paris,
année 1891, p. 145.
libraires. Un règlement de 1649 leur enjoignit
de <,< .se retirer et prendre boutiques ». Gui Patin
écrivait le 17 septembre : « Le syndic des libraires
a obtenu un nouvel arrêt, après environ trente
auti'es, par lequel il est défendu à qui que ce
soit de vendre ni d'étaler des livres sur le Pont-
Neuf. Il l'a fait publier, et a fait quitter ce
Pont-Neuf à environ cinquante libraires qui y
éloienl, lesquels sollicitent aujourd'hui pour y
rentrer ^ ». Au fond, (lui Patin ne les plaint
guère , mais plus d'une Mazarinade prit leur
défense :
Ces pauvres «•('ns chaque matin,
Sui" l'espoir d un |jetit butin
.\vec([ue toute leur famille,
(îai'çon.s, apprentifs, femme et fille,
(chargez leur col (!t plein.s leur.s bras
D'un scientifique fatras,
Venoient dres.ser un étalage
Qui rendoit plus beau le passage.
Ils obtinrent un délai de trois mois, quittèrent
le Pont-Neuf, puis y revinrent, en furent de
nouveau chassés en 1686, en 1697 ^, en 1717,
en 1749, en 1757, en 1759 \
Sébastien Mercier vers 1782 confond encore
le bouquineur et le bouquiniste. « Le bouquiniste,
écrit-il, est un homme qui arpente tous les coins
de Paris, pour déterrer les vieux livres et les
ouvrages rares.et celui qui les vend. Le premier
visite les quais, les petites échoppes, tous ceux
qui étalent des brochures. Il en remue les piles
qui sont à terre. . . * ».
Bouracaniers. Fabricants de bouracan,
étoffe velue, dont les plus grossières qualités
servaient à faire des couvertures pour les lits ^.
Il se fabriquait à Ptu^is peu de bouracan ; Lille,
Rouen, Abbeville et Amiens en eurent pendant
longtemps le monopole. — On trouve aussi
barraccaniers,
Bourachers. Voy. Tapissiers.
Bourliers. ^ oy. Bourreliers.
Bourreaux . Dits aussi exécuteurs ou
maîtres des hautes œuvres, exécuteurs de la haute
justice, etc., sans doute parce que les hauts
justiciers seuls pouvaient condamner à mort.
Outre ses émoluments , le bourreau percevait
une foule de revenus, d'une nature parfois fort
étranere, et dont il est difficile de déterminer
l'origine.
En vertu du droit de havage, il prélevait les
jours du marché, sur chaque étalage une pleine
main de chacun des légumes verts ou des grains
exposés en vente à la halle ^. Il touchait encore
certaines redevances sur les fruits, le poisson de
mer et d'eau douce, les balais, le foin, etc. De
1 Édit. Réveillé-Parise t. I, p. 475.
2 Voy. la Bibliothèque de l'école des chartes, 2" série,
t. y (1849), p. 367.
3 Voy. Isambert, Anciennes lois françaises, t. XXI,
p. 202: t. XXII, p. 223, 275, 29'7.
4 Tableau de Paris, t. II, p. 128.
5 \'oy. Ducange, Glossaire, aux mots barracana t-,
barracanus .
6 Voy. ci-dessous l'article Havage [Droit de).
100
BOURREAUX
plus, chaque lépreux habitant la banlieue de
Paris lui devait quatre sous par an ^ .
Le prieuré de Saint-Antoine avait le privilège
exclusif de nonirir dans Paris des pourceaux. Le
bourreau était chnrgé de saisir tous les autres
rencontrés errants par la ville, et il recevait
cinq sous pour chacun de ceux qu'il amenait à
l'Hôtel-Dieu 2.
Pxoutons maintenant Sauvai : « Les religieux
de Saint-Marlin [des Champs] doivent tous les
ans, le jour de la Saint-Martin, à l'exécuteur de
la haute justice cinq pains et cinq bouteilles de
vin pour les exécutions qu'il fait sur leurs terres ;
et le bruit court que, ce jour-là, ils le faisoient
dîner avec eux dans leur réfectoire sur une petite
table qu'on y voit : c'est un faux bruit dont on
ne sait rien davantage.
Les religieux de Sainte-Geneviève lui pajoient
encore cin({ sols tous les ans, à cause qu'il ne
prend point de droit de havée ^.
L'abbé de Sainl-Cjermain des Prés lui donnoit
autrefois, le jour de saint Vincent, patron de son
abbaje, une tête de pourceau, et le faisoit
marcher le premier à la procession *. »
11 recevait parfois une paire de gants. Cela,
a-l-on dit, pour que ses mains parussent sortir
pures de l'exécution dont il était chargé ^.
11 pouvait s'emparer de l'argent qu'il trouvait
sur les suppliciés. « Kt est à noter que quand un
homme est justicié pour ses démérites, ce qui
est au dessous de la ceinture est au bourel, de
quelque prix que ce soit ^ ». Celte phrase date
de 1572. Vingt-cinq ans plus tard, Lestoile,
racontant l'exécution d'un espagnol convaincu
de tentative de meurtre, dit qu'on lui trouva
cent doublons cousus en un coing de ses chausses,
dont il y eusl procès entre M. Rappin et le
bourreau à qui les auroil, souslenant l'un et
l'aulrt' que h; dit argent leur apparfenoit '^ ». Ce
Rapin, un des auteurs de la Satire ménijipée,
joignait à son titre de poète, celui de lieutenant
de la prévôté.
Lors des exécutions, ou à l'occasion des feux
de la Saint-Jean, le bourreau louait des places
aux curieux qui voulaient contempler de près
tous les détails de la cérémonie. J'ai trouvé l'avis
suivant dans un des recueils manuscrits de la
bibli(iihèf|ue Mazarine * : « Le sieur Bausire,
mailrt' ordinaire des hautes et basses œuvr(>s de
la ville fi banlirui" de Paris, et le sieur Lepautre,
son dessignati-ur efligiaire », advertissent le
public (|ii"ils loueront des places sur leurs
échafaux, à un prix raisonnable, pour voir le feu
que l'on fera à la (Irève. L'on prendra les billets
au pilory, chez M" leurs valets. Les places
* Voy. Les droicis du bourvl de Paris, dans L.'bi r,
Dissertations, t. XIX, |i. 173.
* I'\)nlniion, Edils et ordonnances, t. I, p. 229 et 869.
•'' Ou niii-ux (lo liavagc.
* Antiquités de Paris, t. II, p. 4i',7.
■> .Urmoirrs de la société des antiquaires de France
VIII (1820), p. A■^•^.
*> I,i'biT, ut. .supra.
^ Journal de Henri IV, lit janviir 1596.
8 Coté .\ 15407. 9" piiVf.
* Pour les coupables exécutés en effigie.
seront marquées d'une fleur de lys, et les méros
d'une croix de Saint-Andi'é ^. »
Comme compensation à toutes ces prérogatives,
le bourreau devait fournir les cordes, épées,
couteaux et autres objets concernant sa profession ;
cependant les potences, bûchers et cotterets
n'étaient pas à sa charge.
Regardé comme chirurgien ou tout au moins
comme habile rebouteur, le peuple s'adressait à
lui pour les fractures et les luxations. En mars
1755, le bourreau de Fontenay-le-Comte, fut
condamné de ce fait à dix livres d'amende. 11
offrit de subir lee examens exigés des chirurgiens,
et un arrêt rendu par le Parlement de Paris
repoussa cette proposition. En avril 1761, les
chiruro-iens tirent encore infliger une amende de
500 livres au bourreau du Mans qui avait pris,
dans un acte public, le titre de chirurgien-restau-
rateur 2. On accusa aussi des bourreaux d'avoir
voulu assassiner un célèbre rebouteur, nommé
Dumont et surnommé Val-des-Ghoux, dont ils
redoutaient la concurrence ^.
Au dix-septième siècle, la graisse humaine
passait encore pour un excellent remède contre
les rhumatismes, et en ce qui la concerne, le
bourreau faisait aux apothicaires une concur-
rence regrettable. Ecoutons l'apothicaire Pierre
Pomet : « Nous vendons de l'axonge humaine,
que nous faisons venir de divers endroits. Mais
comme chacun sçait qu'à Paris le maître des
hautes œuvres en vend à ceux qui en ont besoin,
c'est le sujel pour lequel les droguistes et les
apothicaires n'en vendent que très peu. Néan-
moins, celle que nous pourrions vendre, ayant
esté préparée avec des herbes aromatiques, seroit
sans comparaison meilleure que celle qui sort des
mains de l'exécuteur ^ ».
Contre l'apoplexie et la gravelle, on employait
l'usnée ou le magistère de crâne humain. C'était
une sorte de mousse verdàtre issue d'une tête de
mort. Mais, comme le dit encore très bien
Pomet, le plus savant apothicaire du dix-sep-
tième siècle, « le crâne des criminels nouvel-
lement pendus, vidé de sa cervelle et de tout ce
qu'il contient, bien lavé, bien séché vaut
infiniment mieux : c'est celui que les droguistes
vendent sous le nom de crâne humain ^ ». Le
célèbre Lémery ne mettait pas en doute l'effica-
cité de cette préparation. Il écrivait en 1738 :
« Pour foire le magistère de crâne hunijain, on
calcine le crâne et on le pulvérise subtilement.
Mais ce magistère n'est qu'une tête morte privée
de vertu ; on fera bien mieux d'employer, en sa
place, du crâne d'un jeune homme mort de mort
violente ^ ».
On comprend, dès lors, pourquoi la vente des
cadavres constituait au bourreau une abondante
source de revenu.
^ Les inéreaux ou jetons sans doute. \ oy. ci-dessous
l'art. Méroaux de plomb.
2 Abbé Jaubert, Dictionnaires des arts et métiers,
t. II, p. 22.
3 Bachaumont, 20 janvier 1780, t. XV, p. 37.
* Histoire générale des drogues, 2" partie, p. 7.
!» Histoire générale des drogues, 2^ partie, p. 8.
6 Pharmacopée universelle, p. 350.
BOURREAUX
101
Je rappelle que pendant plusieurs siècles,
l'ouverture des corps humains lutrcn^ardée coinnie
une profanation. En février 1700, une bulle
pontificale condamne encore toutes les dissections
anatomiques entreprises sans l'aveu du ÎSaint-
Siège ^. Elles étaient mieux proscrites par nu
préjug'é qui fut fort difficile à déraciner. Aussi les
anatomistes les plus passionnés se bornaient-ils à
disséquer des rats, des taupes, des veaux et des
porcs. A la fin du dix-septième siècle, la Faculté
de médecine de Paris accordait à ses étudiants
deux cadavres par an. Donc, deux fois au moins
par année, le doyen adressait requête au lieute-
nant criminel, qui s'empressait de lui octroyer
le corps du premier coquin exécuté pour ses
méfaits.
Les chirurg'iens, moins faciles à satisfaire que
les médecins, avaient un autre moyen de se
procurer des sujets d'étude. Ils s'entendaient
avec le greffier criminel, avec le bourreau, et
moyennant finance le cadavre leur était aban-
donné. Le bourreau exigeait ordinairement que
l'on mît sa responsabilité à l'abri, qu'on lui fit
violence. Alors les chirurgiens se réunissaient
soit à la Grève, soit aux halles, ils recrutaient
des pages, des laquais, des bateliers, des croche-
teurs, et l'exécution à peine terminée, tous se
précipitaient sur le cadavre encore chaud,
l'enlevaient de force et le transportaient dans la
boutique de quelque barbier. De nombreux
confrères avertis y attendaient, ils déposaient le
corps sur une table, puis s'empressaient de
barricader la porte. Le célèbre Vésale s'en allait
pendant la nuit rôder autour des fourches pati-
bulaires de Montfaucon, et avec quelques
condisciples y disputait aux oiseaux de proie les
restes de suppliciés. Parfois aussi bravant les
peines terribles qui attendaient les sacrilèges, il
s'introduisit dans les cimetières pour y dérober
des cadavres - .
On risquait moins à les arracher au bourreau,
car l'arrêt du 11 avril 1551 menaçait seulement
les coupables d'une amende. On y lit que
« aucuns particuliers s'efforçoient de prendre,
et de fait prenoient et enlevoient souventesfois,
plusieurs corps par les mains des exécuteurs de
la haute justice et leurs valets, pour quelque
argent qu'ils leur donnoient ».
Pour un cadavre cédé à la Faculté, le bourreau
recevait seulement trois livres. Les chirurgiens
se montraient plus généreux. En 1659, ils
achetèrent un supplicié cinquante-cinq livres,
plus six livres de bougies, l'enlèvement a^'ant
eu lieu pendant la nuit. L'arrêt du 28 mars
condamne solidairement « Galliot, greffier
criminel du Châtelet, Saint-Germain et Dubois,
exempts, et l'exécuteur de la justice, à restituer
les six livres de bougie et les cinquante-cinq
livres mal pris et exigez pour avoir déli\Tance
d'un cadavre supplicié ^ ».
La Taille de 1292 mentionne, dans la rue
' Extravagantes communes. De supulluris.
2 Portai, Histoire de l'anatomie, t. I, p. 395.
3 Arrest portant défenses...
(Tuérin-Boucel ' « Tevenot le bourriau ^ ».
Est-ce à lui ([u'a appartenu le badelaire dont se
servait, au Ireizièmi; siècle le bourreau de Paris
pour les décapitations et qui est aujourd'hui
conservé au mnsée de Cluny ■* ?
Mais l'histoire a recueilli le nom de bien
d'autres bourreaux. Maître Guieffroy, mort en
décembre 1411, eut pour successeur le féroce
Capeluche, qui a joué un si grand rôle dans le
massacre des Armagnacs. Le Journal (Tun
bourgeois de Paris raconte que, condamné à son
tour en août 1418, il indiqua lui-même à son
successeur sans expérience de quelle manière il
devait s'y prendre : « Et ordonna la manière au
nouveau bourreau comment il devoil copper
teste, tout ainsi comme s'il voulsist faire office
à ung autre : dont tout le monde estoit esbahi.
Après ce, cria mercy à Dieu et fut décollé par
son varlet * ».
En 1460, le bourreau de Paris se nommait
Henry Cousin, et il exerça jusqu'en 1479 au
moins. En 1475, lors de l'exécution du conné-
table de Saint-Pol, il avait pour aide son fils
Petit-Jehan. Celui-ci fut assassiné en 1477 par
quatre misérables, que Henry Cousin pendit
quelques jours après. Un autre de ses fils remplit
les fonctions de bourreau à Arras ^ .
En 1523, Rotillon, bourreau de Paris, fut
emprisonné au Châtelet, parce qu'il avait coupé
maladroitement la tête à un gentilhomme
d'Auvergne. L'année suivante, quand Saint-
Vallier fut gracié par le roi, il était entre les
mains de deux bourreaux, Rotillon et Macé °.
Jean Guillaume, le fameux exécuteur des
hautes œuvres de Richelieu, avait eu pour
prédécesseur un sieur Jean Rozeau.
En 1657, le bourreau de Paris se nommait
Saint-Aubin "^ .
C'est le bourreau Carlier qui décapita la
célèbre Mme Tiquet. « Elle a horriblement
souffert, écrivait la princesse Palatine, cfir le
bourreau l'a frappée cinq ou six fois avant de lui
abattre la tête * ».
Le bourreau de la prévôté de Paris avait pour
costume officiel des chausses et un maillot
couleur sang de bœuf ; les armes de la Ville
étaient brodées sur la poitrine. Il était logé
dans le bâtiment du pilori, autour duquel il
avait fait élever plusieurs échoppes qu'il louait à
de petits marchands. Il était tenu de former des
apprentis ou aides, car la variété des procédés
employés contre les patients faisait de l'office de
bourreau un métier compliqué. Il fallait savoir
faire sauter une tête d'un coup d'épée, manier le
fer chaud, percer la langue, arracher les oreilles
1 Rue Guérin-Boisseau.
2 Voy. page-s 60 et 488.
3 II a 0,79 de longueur et porto le n" 5475.
4 Édit. Tuetey, p. 18 et 110.
^ Sur tout ceci, voy. le Journal de Jean de Roye,
t. I, p. 5; t. II, p. 58, 83, et 365.
6 Journal d'un bourgeois de Paris sous François I" ,
p. 167 et 190.
" Gui Patin, Lettre du 24 décembre 1658, t. II
p. 445.
8 Lettre du 23 juin 1699, t. I, p. 37.
102
BOURREAUX — BOURRELIERS
et les ongles, pendre, nojer, écarteler, brûler,
rouer, etc. ; il fallait enfin savoir appliquer la
torture. Un vojageur anglais Evelyne, qui
visita Paris en 1652, décrit ainsi une séance de
torture à laquelle il assista : « Je suis allé au
Châtelet voir donner la question à un malfaiteur
qui refusait de confesser ses méfaits. On
commença par lui lier les poignets d'une forte
corde qu'on passa dans un anneau de fer scellé
dans le mur, à quatre pieds à peu près de haut ;
puis on lia ses pieds d'une autre corde passée
dans un anneau pris sur le pavé, à environ une
toise du plus loin où ils pouvoient atteindre en
s'allongeant le plus possible. Ainsi suspendu,
mais sur un plan incliné, on passa un chevalet
de bois sous le cà])le qui lioit ses pieds, ce qui le
lendit au point de disloquer misérablement
toutes les articulations du patient, dont le corps
s'allongea d'une façon extraordinaire. On en
pouvoit juger d'autant mieux qu'il n'avoit sur
lui pour tout vêlement qu'un caleçon de toile.
On l'interrogea alors sur le vol dont il était
accusé, et comme il ne voulut rien avouer, on
mit sous le câble un second chevalet pour rendre
la torture et l'extension plus douloureuses. Comme
cette agonie ne réussissait pas à lui arracher
d'aveux, le bourreau lui fil entrer dans la bouche
le bout d'une corne, et lui versa, tant dans le
gosier que sur le corps, la quantité de deux seaux
d'eau, ce qui le fil enfler si prodigieusement qu'il
n'est personne qui n'eut peur à la fois et pitié
de lui. Mais il persista à nier tout ce dont on
l'accusait. On le détacha ensuite et on le porta
devant un bon feu, pour le faire revenir, car la
douleur l'avait fait évanouir et il sembloitmorl^».
Dans le ressort de Paris, on employait surtout
les brodequins et l'eau. On vient de voir comment
se donnait la question de l'eau, on trouvera celle
des brodequins décrites dans les Lois criminelles
de Muyart de Vouglans, ouvrage qui fut publié
en 1780, huit années seulement avant la
suppression de la torture.
Parmi les nombreuses dénominations appli-
quées à l'exécuteur des hautes œuvres, je citerai
seulement les suivantes : houchier, carnacier,
carnrssier, carnicier, gehenneur, questionnenr ,
palilnleur, (ormentetir, tourmetileur.
Voy. Fossoyeurs.
Bourrelets (Fourmtuke et pose dk).
L'usage des b(jurrelels destinés à calfeutrer les
feniHres est fort ancien. Je me souviens d'en
avoir vu ciier — mais où 'i — qui élaient consti-
tués pjir de simples bandes de feutre. Au début
du quaiorzienie siècle, les femmes du petit
Charlfs VII en commandent à un sellier: «A
llance, sellier, deniourani à Paris, pour avoir
fcucslrées et mises « point les fenesires de la
chambre de monseigneur messire Chiu-les de
iM-ancc, en l'oslel du Petit Mucc^, 32 sous pari-
ais •■•». Les selliers, garnissenrs de harnais,
' Voi/ûifr ni France, p. 270.
- i;ii.M. I .Iti P.'lil-Mu.sr, .inii.s la rue Saint-Anloinc
■'• Extraits do comptes royaux, dans Jean Chartier,
Chroni(jUf de Charles VII, éd. Vallet de Viriville t IIl'
p. 257.
confectionnaient-ils donc des bourrelets de feutre
rembourrés à la façon des nôtres ?
Au reste, c'étaient là bourrelets de grand
luxe. Sous Louis XVI encore et même dans les
appartements royaux, on se bornait souvent à
coller autour des fenêtres des bandes de papier.
Ainsi, lors de la naissance *, au château de
Versailles, de la future duchesse d'Angoulême,
Marie-Antoinetle étant sur le point de s'évanouir,
Taccoucheur réclama de l'air. « Les fenêtres,
écrit madame Campan -, avaient été calfeutrées ;
le roi les ouvrit avec une force que sa tendresse
pour la reine pouvait seule lui donner, ces
fenêtres étant d'une très grande hauteur et
collées avec des bandes de papier dans toute leur
étendue ».
Bourreliers. Dans les statuts qu'ils sou-
mirent, vers 1268, à l'homologation du prévôt
Etienne Boileau, les bourreliers se qualifient
ainsi : « feseres ^ de coliers à cheval et de dos-
sières de seles, et de toute autre manière de
bourclerie apartenant à chareterie fête de cuir
de vache et de chevaux ». Strictement limité
ainsi, le métier était libre ; mais tout bourrelier
qui voulait employer le cordouan * devait acheter
le métier au maître des fripiers^, délégué lui-
même du grand chambrier de France. Les
maîtres bourreliers pouvaient engager un nombre
illimité d'apprentis et fixer comme ils l'enten-
daient les conditions de l'apprentissage. Ils
étaient autorisés à travailler la nuit. On ne fait
pas mention de jurés, peut-être parce que les
bourreliers étaient soumis à ceux des selliers ^.
La Taille de 1292 mentionne 24 bourreliers,
celle de 1300 en cite 23.
Dès le 20 février 1404, les statuts de la corpo-
ration des bourreliers avaient été revus et réformés
par Charles VI ', à la demande des vingt-quatre
maîtres alors établis à Paris. Cette nouvelle
rédaction ne diffère guère de la première que sur
deux points : le nombre des jurés est fixé à
quatre, et le die f-d'' œuvre est rigoureusement
exigé pour parvenir à la maîtrise.
De nouveaux statuts, datés d'août 1578,
limitent à quatre ans la durée de l'apprentissage,
ne perniellonl qu'un apprenti à chaque maître et
rédui.sent à deux le nombre des jurés 8.
Ces statuts furent révisés encore en décembre
1665^ et en octobre 1734'". L'apprentissage
fut alors étendu jusqu'à cinq ans el du! être suivi
de deux ans de compagnonnage. Le chef-d'œuvre
consista en « un harnois de limon complet ».
Quain' jurés surveillèrent le mélier. Les statuts
de 1734 sont les premiers qui donnent aux maîtres
de cette communauté le [Wva àf" bov.rrel iers-hâtiers-
^ Ltj 19 décembre 1778.
2 Mémoires, t. I, p. 80.
3 l'^aisiMins.
* \ oy. l'iirl. Cofdoiiniers.
^ Voy. cet article.
6 Livre des métiers, titre LXXXI.
"^ \oy. Statuts, titres, édits, etc. de In communauté des
maîtres bourreliers, etc., 1764, in-4», p. 1.
8 Voy. Statuts, titres, édits, etc., p. 14.
^ Voy. Statuts, titres, édits, etc., p. 21.
10 Voy. Statuts, titres, édiù, etc., p. 35.
BOURRELIERS — BOURSIERS
103
hongroyeiirs. En 1716, ils avaient été autorisés
à hongrojer les cuirs dont ils se servaient.
Vers la fin du dix-huitième siècle, le nombre
des maîtres était de 250 environ. Depuis le
quinzième siècle au moins, ils étaient placés sous
le patronage de Notre-Dame des Vertus ^.
On les trouve aussi nommés bourliers.
Voy. Harnachement et Hongroyeurs.
Bourserie. Ce mot désii^nait, au moyen
âge, les riches étoffes, damas, velours, etc., dont
on confectionnait les bourses, lesaumônières, etc.
On trouve, dans le Livre des métiers^, les statuts
des « ouvriers de drap de soje et de bourserie ».
BourserotS. Voy. Boursiers.
Boursiers. Les mérovingiens se servaient
de bourses de cuir, et le mojen âge appela ainsi
tout sac de petite dimension, qu'il fut destiné à
recevoir de l'argent ou d'autres objets, il y avait
des bourses à bijoux, à chapelets, à reliques, etc.
La bourse, attachée à la ceinture par une chaîne
ou un cordon, pendait le long du corps ; elle
atteignit, sous le nom à^aumônicre, son apogée
au treizième siècle, où sa fabrication suffisait
pour occuper, en dehors des boursiers, une
nombreuse corporation. Au quatorzième siècle,
la bourse prit la forme d'une gibecière ou d'une
escarcelle, et le ceinturon qui la retenait descendit
de la taille sur le haut de la cuisse.
A cette date, les mots bouge, bougette, cuiret,
boiirsette^ culot et bien d'autres désignent presque
toujours des bourses ^ . On rencontre plus souvent,
dans nos anciens chroniqueurs, la tasse, tasque
ou tassette qui donna son nom à la communauté
des tassetiers. Je citerai encore Valoière, dite
aussi aloyère, alloicre, allouyère, allogère, etc. :
Riche ceinture et aloière
Que chascun appelle gibecière.
« Le suppliant print la gibecière ou allojère
de petit Jehan, en la quelle n'y avoit point
d'argent^ ».
La bourse dite gemelle ou à cul de vilain est
restée célèbre. Elle était formée de deux poches
ou hémisphères, entre lesquelles se trouvait la
fermeture. Les pauvres, dont les braies devaient
être souvent en triste état, avaient fourni ce nom
inconvenant qui désignait parfois un objet fort
luxueux. L'inventaire dressé à la mort de
Charles V mentionne deux bourses à cul de vilain,
ornées de perles et de saphirs ^ .
La bourse devient sachet au seizième siècle,
et son fermoir ciselé est alors une œuvre d'art.
Au dix-septième siècle, chaque bonne ménagère
porte au côté, suspendus à l'extrémité d'une
longue chaîne d'argent, des clefs, des ciseaux,
un couteau, une bourse, etc. C'est le demi-ceint ^ .
Les boursiers formaient une corporation dès
le douzième siècle, car, en 1160, Louis VII avait
1 Voy. Statuts, titres, édits, etc., p. 260.
2 Titre XL.
3 Ch. flo Ijinas, Vêlements sacerdotaux, p. 25 et s.
4 Voy. Ducange, au mot alloverium.
5 N^s 607 et 608.
6 Voy. l'art. Demi-ceintiers.
concédé la juridiction et les revenus de ce métier
à Thèce, femme d'Yves Lacohe. La famille
Marceau en avait hérité au treizième siècle,
époque oii les boursiers soumirent leurs statuts
à l'homologation du prévôt Etienne Boileau*.
On y voit que le métier s'achetait au con-
cessionnaire, qui avait le titre de maître des
sueurs-.
Le maître boursier ne pouvait avoir qu'un seul
apprenti, mais aucune autre condition ne lui
était imposée.
Les boursiers étaient autorisés Ix travailler à la
lumière, et ils jouissaient du droit de hauban.
Les statuts reconnaissent que le service du
guet était dû par tous les maîtres. Ils négligent
de nous indiquer combien de jurés surveillaient
le métier.
La Taille de 1292 mentionne 45 boursiers,
celle de iSOO en cite .35 seulement.
Les boursiers employaient alors les cuirs de
cerf, de cheval, de truie et de vache. Fabriquant
presque exclusivement des bourses et des braies
ou caleçons de cuir, ils représentent assez fidèle-
ment nos culottiers actuels.
Au mois de féwier 1323, de nouveaux statuts
leur furent octroyés, à la demande de 16
« ouvriers et ouvrières du dit métier, demeurans
à Paris». Leurs noms figurent à la fin de l'acte.
Au quinzième siècle, ils composèrent, avec les
ceinturiers et les mégissiers, la deuxième bannière
des métiers de Paris ^ .
Mais leurs attributions furent singulièrement
étendues dans la suite, et nous les voyons, au
dix-septième siècle, se qualifier de maîtres
boursiers, gibeciers, coUetiers, pochetiers, cale-
çonniers, faiseurs de brayers., mascarines et
escarcelles, énumération incomplète encore de
tous les objets qu'ils étaient autorisés à confec-
tionner, tels que sacs, étuis, gibernes, gibecières
de toutes espèces, calottes, chaussons de chamois,
de buffle ou de maroquin, bourses à cheveux,
parasols, parapluies, etc.
Les statuts des boursiers, modifiés et souvent
confirmés, furent révisés par lettres patentes de
décembre 1659. Mais les merciers, les doreurs
sur cuir, les peaussiers, les tailleurs ayant
prolesté contre les privilèges nouveaux qu'ils
accordaient, c'est seulement en avril 1664 que
les lettres patentes furent vérifiées.
Chaque maître ne pouvait avoir qu'un seul
apprenti.
La durée de l'apprentissage était de quatre ans,
celle du compagnonnage de trois ans.
Le chef-d'œ^ivre était très compliqué.
Les articles 31 à 48 font figurer parmi les
objets dont la communauté avait le monopole :
Les bourses plates.
Les bourses à jetons, de velours ou de taffetas
doublées de cuir et brodées d'or et d'argent.
Les collets, chaussons et caleçons de chamois.
Les gibecières et fauconnières en cuir.
1 Livre des métiers, tilri- LXXVII.
2 Voy. l'art. Maître des sueurs.
3 Or'donn. royales, t. XVI, p. 671.
104
BOURSIERS — BOUSSOLES
Les brajers * garnis de bon cuir, toile ou
futaine.
Les sacs de velours à mettre les livres et
bréviaires.
Les ceintures à porter l'or.
Les sacs de nuit en serge et autres étoffes.
Les gibecières de chasse.
Les porte-lettres.
Les étuis à livres.
Les étuis à pistolets el autres.
Les boursiers, qui paraissent avoir eu beau-
coup de goût pour la réglementation, firent
encore ré\aser leurs statuts en 1750. C'est la
reproduction presque littérale des précédents;
cette fois pourtant le titre de la communauté est
un peu modifié el encore allongé. Les maîtres
sont dits boursiers, colletiers, calottiers, adot fiers,
caleronniers, seuls faiseurs de brayers, bonnets,
calottes de, atir, bustes, guêtres, bas de chamois,
gibecières, mascarines, escarcelles.
A la fin du dix-huitième siècle, le nombre des
maîtres boursiers était de 90 environ. L'édil de
1776 les réunit aux gantiers el aux ceinturiers.
Mais, depuis les statuts de décembre 1659, la
spécialité des boursiers s'était à la fois modifiée
et accrue.
\j Encyclopédie méthodique en donne Ténumé-
ralion suivante ^ :
Bourses à jetons.
Bonnets et loquets d'enfants.
Bourrelets pour enfants.
Paniers, bouffantes, etc. Ce sont les crinolines
du (iix-huilième siècle ^.
Falots. Lanternes portatives, à armature de
fer recouverte d'étoffe.
Bourses à cheveux.
Bonnets de courrier en maro({uin, basane,
velours ou drap.
Bonnets de héiduques * , hauts parfois de
quatorze pofices.
Bonnets carrés et ceux de docteur.
]<;charpes de coureurs.
Soufflets à poudrer, en baleine recouverte de
toile l)lanche ou de peau de gants.
Sacs (Instillés à renfermer les livres d'église.
Etuis de livres, de fiacons, de couteaux, en
peau simple, en velours ou autres étoffes.
(îriniaces ^, en forme de pelolles pour les
tuilcllcs (lu pour renfermer les pains à cacheter.
Signi.'ls de livres en forme d'olive aplatie ou
de petit carré long.
.Lai gardé pour la fin les parasols et parapluies,
qui formaient mie de leurs plus imporlantes
spécialités. Mlle leur fui disputée par les labl<>-
liers el <|(;vinl ainsi l'origine d'un curieux
procès.
Los manches étaionj l'œuvre des idurncins,
qui les fournissaient aux boursiers, autorisés
• Voy. l'art. Hrayers {Fui.s.-ui-s <ic).
2 MniiufiicUin-s, t. I, p. 8T.
•T Voy. l'arl. Pnniens (Marchand. '.s di).
* V..y. r.i arliclf.
5 On numniail ainsi dos boîti'.s rundi-.';, dont le cou-
vorclo, double d'une glace, supportait une pelote à
épingles.
seulement à monter et à vendre ces utiles objets.
Mais les tabletiers ajant, en vertu de leurs
statuts, la faculté de travailler la baleine, se
crurent en droit de fabriquer des parapluies.
L'un d'eux, le sieur Talon, osa même se qualifier
de tabletier de manches, carcasses, garnitures de
taffetas de parasols à soleil et de parasols-para-
pluyes. Les tourneurs virent là un empiétement
sur leur monopole et firent opérer une saisie
chez Talon. De là un procès, qui fut perdu par
les tourneurs. Une sentence de police, confirmée
par le Parlement le 31 janvier 1759, les con-
damna à cent livres de dommages-intérêts envers
la communauté des tabletiers et à 200 livres
envers le sieur Talon.
Ainsi encouragés, les tabletiers se mirent à
confectionner el à vendre des parapluies. Un
procès leur fut intenté trois mois après par les
boursiers, et ils eurent encore gain de cause.
Un arrêt du 16 juillet 1759 mit d'accord les
deux communautés en leur permettant « de
vendre et débiter par concurrence les parasols
et les parapluies ».
Les boursiers, dits aussi bourserots, avaient
pour patron saint Brieuc i, dont ils célébraient la
fête le 13 novembre, à l'église Saint-Barthélémy.
Yoy. Aumônières (Faiseuses d*)- —
Brayers. — Bustes. — Caleçonniers.
— Calottiers. — Colletiers. — Culo-
tiers. — Demi-ceintiers. — Escarcelles
(Faiseurs d'). — G-ibeciers. — Guê-
triers. — Herniaires. — Mascarines.
— Parapluies. — Pochetiers. — Tas-
setiers.
Bousilleurs. Ou\Tiers maçons qui avaient
la spécialité du bousillage. Celui-ci consistait à
élever des constructions légères avec de la boue
et de la paille hachée.
Ce mot avait encore un autre sens, que
Savary '^ explique ainsi : « Mauvais ouvriers,
qui sçavent mal leur métier et qui travaillent
avec peu d'adresse et de propreté ».
Boussoles (Fabricants de). « Le quadrant
des mariniers, appelé par les Italiens boussole,
est une invention admirable qui court sur mer
pour se recognoistre lors que l'on a perdu tout
jugement de son adresse ». Cette définition
pittoresque est du savant Etienne Pasquier ■''.
y y ajouterai que le mol boussole vient bien, en
effet, de l'italien, et que l'utile instrument qu'il
désigne s'est successivement appelé quadrant,
cadran, marinière, marinette, compas de route,
compas de mer, aiguille de mer, etc. Quant aux
ouvriers qui les fabriquaient, je les ai trouvés
nommés quadranicrs, quadranniers el cadra-
niers. Ils se rattachaient à la classe des fabricants
d'instruments de mathématiques, qui eux-mêmes
appartinrent successivement à la corporation des
couteliers et à celle des fondeurs.
' '^'"y-. ^'■'^"""- royales, t. VllJ, |i. 316, et Ihdletin
de la Société de l'histoire de Paris, année 1864, p. 118.
3 Dictionnaire du commerce, t. I, p. 454.
3 Œuvres complètes, t. I, p. 419.
BOUSSOLES — BOUTIQUES
105
Cependant, au dix-septième siècle, les quadra-
niers formaient une conl'rérie particulière, placée
sous le patronage de saint Hildevert, et qui se
réunissait le 27 mai à l'église Sainte-Croix de la
Cité^
On nommait dos Bnttrrfîeld les boussoles en
argent fabriquées par un mécanicien de ce nom,
qui mourut en 1724. Il eut le litre d'ingénieur
du roi pour les instruments de mathématiques,
et il demeurait sur le quai de l'Horloge.
Boute-à-port. Voy. Débacleurs.
Bouteiller de France (Grand), dit
aussi Grand échanson. (Chargé de surveiller les
boissons destinées à la table royale, il jouissait
de certains droits sur les marchands de vins et
les cabaretiers. Ces droits, que le prévôt de
Paris contestait, furent limités par lettres
patentes du 6 octobre 1311. Elles accordèrent
seulement au grand bouteiller la moitié de la
lie des vins vendus au détail ; mais pour recouvrer
cette redevance, il pouvait citer les cabaretiers
à son tribunal, les condamner à l'amende et
même les faire emprisonner au Chàtelet.
Une ordonnance de 1414 est la dernière où
j'aie trouvé mentionné le privilège du grand
bouteiller sur les cabaretiers ^.
Il en possédait deux autres assez curieux, et
que je mentionne ici pour mémoire. Il touchait
cent sous de chaque prélat qui venait, après sa
nomination, prêter au roi serment de fidélité ''.
Prérogative plus étrange encore, les marchands
étaient tenus de lui céder à bas prix le poisson
acheté pour sa consommation personnelle. « Il
avoit, écrit du Tillet *, taux et prix particulier
de poisson en la ville de Paris pour la provision
de sa maison ^ ».
Dans le personnel attaché à la maison de
Philippe le Hardi ^ en 1285 figuraient deux
bouteillers.
Voy. Concessions de métiers.
Bouteillers. La Taille de 1292 cite, dans
la rue des Rosiers, un sieur « Macy, qui fet les
bouteilles '^ ». La Taille de 1313 cite, à la porte
Baudoyer, « Jehan de Saint-Gobain, qui fait
boutailles ^. » Etaient-ce des verriers ? Le moyen
âge connut les bouteilles en cuir, en acier, en
jaspe et même en verre, mais ces dernières cons-
tituaient une exception.
Jusqu'à la fin du dix-juiitième siècle, les vases
à boire ne figuraient pas sur la table ; ils restaient
sur le buffet avec les vases, fontaines ou barils
qui contenaient les boissons. Quand on voulait
boire, il fallait faire signe à un valet, qui prenait
un verre au buffet, le remplissait, le présentait
sur une assiette, attendait qu'il fût vidé, et le
' Le Masson, Calendrier des confréries, [i. &!.
2 Voy. Dflamarre, Traité de la police, t. I, p. 150.
3 Guyot, Traité des offices, t. I, p. 481.
* Voy. Recueil des roys de France, p. 291.
' Ainsi jugé par Ir Parlement, ai-rêt de la Tou.ssaint
1292.
6 Recueil des roys de France, p. 295.
7 Page 112.
8 Page 131.
rapportait alors où il l'avait pris. Parfois aussi,
ce service était fait, à gauche du convive par
deux valets, dont l'un tenait le verre, l'autre une
carafe. Le marquis de Rouillac, mort en 1662,
est le premier qui ait eu l'idée de renvoyer ses
gens et de manger tranquillement sans laquais i.
On n'osa l'imiter, et l'usage de laisser sur la
table les verres et les bouteilles ne date guère
que de 1760 2.
Le titre de bouteillers appartenait à la corpo-
ration des verriers.
Voy. Bouchonniers et Verriers.
Bouteillers. Les statuts de mai 14r)7
donnent ce litre aux gainiers, parce qu'ils
avaient le privilège de fabriquer des bouteilles
en cuir bouilli. L'article 4 s'exprime ainsi:
« Aucun ne pourra faire bouteilles que de cuir
de bœuf ou de vache, pour ce que autre cuir n'y
est pas propice ». L'article 12 (lesst«ituts de lâ60
ajoute qu'elles devront être « cousues île deux
couslures à doubles chefs ».
Boute - en - courroie, ei plus s(juvent
BouïB-EN-coRROiE, coupeurs de bourses, voleurs,
escamoteurs. Littré a admis ce mot, depuis long-
temps hors d'usage, et le fait synonyme d'esca-
moteur.
Bouteuses. Ouvrières qui rangeaient les
épingles, par quarterons, sur des bandes de
papier.
Boutiqiies. Au treizième siècle, elles se
composaient en général d'une grande arcade
divisée par un ou plusieurs montants de pierre.
La porte d'entrée se trouvait, non au milieu,
mais à l'un des côtés de l'arcade, le reste était
consacré à l'étalage. Les volets de la boutique
s'ouvraient horizontalement par le milieu ; celui
d'en bas s'abaissait vers le mur d'appui, et
dépassant l'alignement, recevait les marchandises
exposées ; celui d'en haut se relevait, était
maintenu en l'air par des crochets, et abritait
l'étalage ; souvent aussi, glissant dans une
rainure, on se contentait de le remonter, et alors
un auvent en bois ou en tôle protégeait la façade
du magasin. Presque toutes les affaires se
traitaient ainsi en pleine rue ; rarement, dans la
boutique, au plafond bas, assombrie par le
cintre de l'arcade et par des objets exposés en
vente. De là, le nom de fenêtres donné aux
magasins. Le mol boutique ne figure pas une
seule fois dans le Livre des métiers, qui se sert
toujours des expressions fenêtre ou ouvroir :
VoMvroir, c'était l'atelier, la fenêtre, c'était
l'étalage, et nous verrons ailleurs que tous deux
devaient être réunis dans une même pièce. Il
était de règle que chaque maître ne pouvait avoir
qu'une seule boutique, et celle-ci resta pendant
bien longtemps conforme à la description qui
précède.
Plus tard, les volets cessèrent de faire corps
1 Tallemant ries Kéaux, Historiettes, t. VI, p. 449.
2 Voy. Barbier, Journal, 27 septembre 1760, t. VII,
p. 302.
106
BOUTIQUES — BOUTONNIERS
avec la devanture et durent être enlevés chaque
malin ; les auvents, au contraire, devinrent fixes
et prirent parfois de vastes proportions.
Les devantures vitrées datent de la fin du dix-
septième siècle. Jusque-là, le marchand exposé
à toutes les intempéries des saisons, n'avait pour
se garantir du froid qu'un réchaud de braise.
Quanta l'éclairag'e, il se composa jusque-là soit
de lanternes, soit de chandelles placées dans des
verres cjl i n dri ques .
Les boutiques les plus luxueuses, celles des
apothicaires, par exemple, qui, au seizième
siècle, n'avaient encore pour ornement que les
lourdes amphores, les mortiers de fer et les
boîtes grossièrement décorées où reposaient les
médicaments, prirent au début du dix-septième
siècle, une moins misérable apparence. Elles
devinrent plus claires et plus vastes, on les garnit
de boiseries finement travaillées, et d'élégants
tiroirs furent rangés méthodiquement autour de
la pièce. Sauvai nous a conservé une description
enthousiaste de l'apothicairie des Feuillants qui
avait été installée dans ce couvent en 1637 par
le frère Christophe de Saint-François. Longue
de quatorze pieds et large de neuf, on lui
reprochait seulement son plafond un peu bas et
la grosse poutre qui le traversait ; mais la pièce
était entourée d'armoires vitrées dont l'enta-
blement, cliargé de beaux vases, reposait de
distance en distance sur des cariatides sculptées
dans le bois * .
Le médecin anglais Lister, qui visita Paris en
1698, constate que plusieurs « l)outiques d'apo-
thicaires sont fort ornées et ont même un air de
grandeur ». Il avait surtout remarqué celle de
Mathieu-François Geoffroy, qui fut échevin de
la ville en 1685 et père du célèbre Etienne
(îeoffroj, mort professeur au collège de France
et doyen de la Faculté de médecine. « Elle est,
dit-il, dans la rue de Bourgtibourg -, l'entrée de
la basse-cour est par une porte cochère, avec des
niches où sont de grands vases de cuivre. Quand
vous êtes entré, vous trouvez des salles ornées
d'énormes vases et de mortiers de bronze, qui
sont là autant pour la parade que pour l'usage.
Les drogues et les préparations sont dans des
armoires rangées autour de ces pièces * ».
Au dix-huitième siècle, les chirurgiens ne
possédaient plus de boutique proprement dite,
mais tous avaient conservé au rez-de-chaussée
sur la rue une salle fermée par des grilles où un
élève s»! tenait en pormanence. Sur la devan-
ture s'étalaient les afliclu's indiquant les cours des
professeurs et donnant l'adresse de tous les
chirurgiens •''. Ces boutiques étaient, en outre,
ornées de trois liassins jaimes, tandis que les
barl)iers ne pouvaient suspfMidre aux leurs que des
bassins blancs.
La police inter\enait .souvent. J'ai retrouvé
une sentence du 25 février 1729 qui, sans allé-
guer aucune raison, interdit aux cabaretiers de
' lieckerchcs sur Paris, t. I, |i. 185.
- Voyage à Paris, p. 212.
3 yoy. Quesnay, Examen impartial des contestations,
elc, p. 210.
faire figurer sur leurs enseignes un chou. Le
même règlement veut que toutes leurs boutiques
soient munies de barreaux en fer, tradition qui
s'est conservée fort longtemps * .
En somme, jusqu'à la fin du dix-huitième
siècle, les magasins, même le plus en renom
étaient d'une grande simplicité. A part de rares
exceptions, l'on n'y voyait aucune décoration,
ni peinture, ni glaces, ni étalage. Puis, tout
changea, et les boutiques commencèrent à afficher
un luxe qui, selon toute apparence, nous
paraîtrait aujourd'hui bien mesquin. Je lis dans
un ouATage publié en 1826 : « Voyez et admirez
la propreté et la recherche qui régnent jusque
dans la boutique des cordonniers. Rien n'y
manque : glaces, chaises à lyre, comptoir
d'acajou, tablettes façon même bois, tapis de
pied, vitrages au travers desquels sont rangés,
dans le plus bel ordre, des milliers de paires de
souliers de toutes les mesures, de toutes les
modes, de toutes les couleurs. A ces ornemens il
faut ajouter cinq ou .six jeunes bordeuses propre-
ment vêtues, qui travaillent sous l'inspection de
la maîtresse, dont le costume rivalise avec celui
des femmes d'une profession plus relevée "^ ».
Voy. Échoppiers et Étalages.
Boutonniers. Du treizième an seizième
siècle, le costume des hommes et des femmes
comporta une grande variété de boutons. Sous
saint Louis, les manches de la robe, alors com-
mune aux deux sexes, étaient collantes jusqu'au
coude et fermées par une rangée de boutons. Le
saint roi porta, en Orient, une robe que le Soudan
lui avait donnée, et où l'on admirait « grant
foison de noiaus tous d'or ^ ». Au commencement
du siècle suivant, la chape des femmes est garnie
d'une cinquantaine de boutons *, et le pourpoint
des hommes n'en exhibe pas moins de soixante-
dix-huit, dont vingt pour chaque manche ^.
Les boutons en métal précieux étaient faits par
les orfèvres ; les moins riches étaient 1 "œuvre de
deux corporations, les boutonniers et les pate-
nôtriers ^. Toutes deux ont leurs statuts dans le
Livre des métiers.
Les boutonniers "^ fabriquaient exclusivement
des boutons « d'archal, de laiton et de coivre
neuf et viez " », et des « dex ^ à dames pour
coudre ».
Le métier était libre. Après avoir accompli
les formalités ordinaires, chacun pouvait ouvrir
boutique sans rien payer.
Chaque maître ne devait avoir à la fois qu'un
seul apprenti, non compris « son enfant né de
loial mai'iage ». La durée de l'apprentissage
' Sentence de police en forme de règlement, l'Ic. 1729,
in-4°.
2 Vie publique et privée des franivis, t. II, \k 213 cl 217.
^ .loinvillo, édit. de 18(38, l>. 143
* Voy. .I.-M. Richard, Maliaut , comtesse d'Artois,
p. 18.^.
•'' ^ 1)3'. .1. (,)uiclierat. Histoire du costume, p. 231.
'' Il V avail alors quatre corporalion.s do natciiôlricrs.
•J Titre LXXII.
8 Cuivre neuf et vieux.
9 Dés.
BOUTONNIERS — BRAALIERS DE FIL
107
était de huit ans pour l'enfant qui apportait
quarante sous, de dix ans au moins pour l'enfant
sans arfi;'ent.
Tout ouvrier avant d'êlre admis dans un atelier
s'eng^ao-eait par serment à se conformer aux statuts
du métier, et à dénoncer aux jurés de la commu-
nauté les infractions qu'il pourrait découvrir,
fussent-elles commises par son propre maître.
Le travail à la lumière était interdit, « quar la
clarlez de la nuit n'est mie souffisans à ouvrer de
leur mestier ».
Deux jurés, nommés par le prévôt de Paris,
surveillaient la fahricalion, qui était minutieu-
sement réglementée. Il fallait que les boutons ne
fussent ni ébréchés, ni fendus, et qu'on eût soin
de les souder « bien et loialement ». Quand ils
étaient inég'aux « bescoz », ils devaient être saisis
et détruits.
Les patenôtriers confectionnaient les boutons
en os, en corne et en ivoire. Leurs statuts diffé-
raient fort peu de ceux des boutonniers.
Toutefois, il n'y est fait aucune distinction
entre les apprentis, qui devaient tous servir
pendant neuf ans au moins.
Les ou\Tiers quittaient l'atelier, en été « à
l'eure de vespres sonans en la parroche ^ où ils
demeurent », et en hiver « au premier cop ^ de
compile sonant à Nostre-Dame », ce qui prouve
que le métier était surtout exercé aux environs de
cette ég'lise.
La Taille de 1292 mentionne seize boutonniers,
celle de 1300 en cite treize seulement.
Ils furent de bonne heure réunis aux passe-
mentiers, qui prirent le titre de passementiers-
boutonniers.
Voy. Travail (Réglementation du).
Boutonniers (Orfèvres). Voy. Orfèvres.
Boutonniers d'émail. Voj. Email-
leurs.
Bouviers. « Ce sont ceux qui sont chargés
d'avoir soin des bœufs, de châtrer les taureaux
encore jeunes, pour dompter leur fureur, et de
dresser les bœufs à subir le joug. ... Le bouvier
prend aussi soin des vaches. Il les panse, il veille
au moment où une vache est prête à vêler, afin de
lui donner les secours nécessaires. Dès que le
veau est né, il lui jette sur le corps une poignée
de sel et des miettes de pain, afin que la vache le
lèche et le nettoie, puis il fait avaler au jeune
veau un jaune d'œuf qui ne soit point cuit.. . . Le
bouvier peut aussi châtrer les verrats lorsqu'ils
ont six mois ^ ».
Au treizième siècle, on estimait surtout les
bœufs rouges. On voulait encore qu'ils eussent
les membres gros et carrés, de grandes oreilles,
le front large, les yeux, les lèvres et les cornes
noires, les narines bien ouvertes et les pieds petits.
Les métiers qui employaient le plus de cuir de
bœuf étaient les gainiers et les bourreliers.
1 La paroisse, du latin pnrochia.
2 Coup.
3 Jaubert, Dictionnaire, t. I, p. 316.
Les bouviers ont été nommés Piqueboeiifs,
Picqtiebosufs, Piqueurs de bœufs, etc., etc.
Voy. Vachers.
Boyaudiers. Artisans qui préparaient et
filaient les cordes laites de boyaux, à l'usage des
fabricants d'instruments de musique, des raque-
tiers, etc. Ils n'employaient guère que les boyaux
de moutons ou d'agneaux.
Au dix-septième siècle, les sept maîtres étal)lis
à Paris désirèrent être constitués en communauté,
et Louis W\ leur accorda des statuts en
mai 1676. Le nombre des maîtres ne devait
jamais dépasser huit. L'apprentissage durait trois
ans. Les veuves avaient le droit de continuer le
commerce de leur mari. La corporation, admi-
nistrée par un doyen et un juré, était placée sous
le patronage de sainte Barbe. A cette époque, les
maîtres sont souvent nommés fîleurs et retordeurs
de boyaux.
A la fin du dix-huitième siècle, les boviuidiers
au nombre de dix, étaient tous établis aux
environs de Montfaucon. Les fils de maître seuls
pouvaient aspirer à la maîtrise.
Le Dictionnaire de Furetière (1727) écrit
boyatitiers., et Delamarre (1737) boyotiers.
Boyautiers et Boyotiers. Voy. Boyau-
diers.
Boysseliers. Nom que les ordonnances
d'avril 1443 et de juin 1467 donnent aux boisse-
liers.
Braaliers de fil. Faiseurs de braies. Les
braies constituaient une sorte de culotte. Pendant
la domination romaine, la partie des Gaules
comprise entre le Rhône, la Garonne et les
Pyrénées était nommée Gallia braccata, parce
que tous les habitants de cette contrée portaient
des braies. Celles-ci descendaient par-dessus les
chausses * jusqu'au cou-de-pied et avaient
beaucoup de ressemblance avec nos pantalons
actuels. Mais au treizième siècle, les chausses
étant portées fort longues, montant presqu'à
mi-cuisse, les braies s'accourcissent, deviennent
une façon de haut de chausses, mot qui d'ailleurs
n'existe pas encore.
Les braies étaient ordinairement en toile, aussi
les ouvriers qui les confectionnaient étaient-ils
dits braaliers de hl. On trouve pourtant men-
tionnées des braies en soie, en drap et même en
peau. Ces dernières étaient la spécialité d'une
autre corporation, celle des boursiers ^.
Vers 1268, les huit maîtres braaliers établis
à Paris soumirent les statuts de leur communauté
à l'homologation du prévôt Etienne Boileau •'.
On y lit que chaque maître pouvait avoir un
nombre illimité d' « apprentiz et d'apprentisses ; »
ces dernières étaient plus spécialement chargées
de la couture. L'apprenti s'engageait pour six
ans, et payait chaque année dix sous à son
1 Les bas.
- Voy. le Livre des métiers, titre LXXVIL
3 Livre des métiers, titre XXXIX.
108
BRAALIERS DE FIL — BRASSEURS
maître ; l'apprentie servait deux ans seulement.
aux mêmes conditions.
Les braies se fixaient sur les hanches au moyen
d'un cordon à coulisse appelé braiel, braier ou
brayer ^ Aussi les trouvères ont-ils une formule
consacrée lorsqu'ils veulent dépeindre un com-
battant pourfendu par son adversaire : ils écrivent
qu'il est « tranché jusqu'au brajer ». Dans La
chanson de Roland, Olivier brandit Halteclere,
sa bonne épée, et coupe en deux le Sarrazin
Climorin, ainsi que son cheval Barbamusche :
Tôt le porfent d(;ci tant qu'au braier,
Par mi le cors trenche le bon destrier 2.
Les braies, vêtement essentiellement masculin,
passaient pour l'attribut de la virilité. L'on disait
des femmes maîtresses au logis que, dans le
ménage , c'étaient elles qui « portaient le
brayer », expression venue presque intacte
jusqu'à nous. L'origine de ce dicton paraît
remonter au fabliau De sire Hain et de dame
Anieuse ^, dont l'auteur est un trouvère français
du treizième siècle nommé Hue. Il nous montre
les deux époux se disputant la possession du
brayer qui, après une résistance aussi longue
qu'honorable, lin il par demeurer aux mains de
sire Hain.
Au seizième siècle, le mot brayer a changé
de sens, il désigne un bandage herniaire * -, mais
l'imagination des poètes a créé Bigorne, un
animal fantastique qui mange tous les hommes qui
font le commandement de leurs femmes ^ :
Bigorne suis en Bigornoys,
Qui ne mange figues ne nnys,
Car ce n'est mye mon usage.
Bons hommes qui font le commant
De leurs femmes entièrement
Sont si bons pour moy que c'est rage.
Je les mange de granl courage.
L»! << bon homme » demande grâce, expose à
Bigorne ses doléances, lui dépeint le caractère
iiiliJiilable de sa femme :
Si je dis nuf, elle dit naf,
Si je dis buf, elle dit baf.
Toute malice en elle abonde.
Elle est en tout 0ial si parfondo.
(^ue iiuyt et j(jur no fait que braire.
Mais Bigorne ne connaît pas hi pitié.
Il sérail injuste d"appli(pier ce portrait à
luules l«(s femmes (bi seizième siècle. Une autre
plaqiKjJte, contemporaine de Bigorne et presque
aussi rare, le A/irouer des femmes vertîieuses,
nous Iranquillisesurle sort réservé aux maris de
ce lemps-li'i. Jy découvre cette réponse char-
manie l'aile par une femme « à son seigneur »,
dil le lexle : « .\vanl f|ue j'entrasse en ta maison,
je desveslis mes nthes et aussi mes voidenlés,
el veslis les lionnes. Ouoy que lu veulx, doncq
' Voy. \r Glossaire lïi' Ducang.-, aux mots iracœ et
èriiiel.
* /fonciscnU. publié [inr Bourdillon, p. 73. Cf.
L. (iiiutier, /,a chanson de Roland, vers 1509.
•'' Dans Bnrbnzan, Fabliaiij- et conics, édit de 105G
I m, p. 39.
^ N oy. l'article Boursiei-s.
•^ C'est le titre complet d'ime plaquette rari.ssime qui
date des premières années du seizième siècle.
je vueil ». Cette adorable soumission était-elle
sincère, ou n'y faut-il voir qu'une ruse destinée
à affermir un pouvoir que de franches résistances
eussent pu compromettre ? Le dix-septième siècle
eût sans doute penché vers cette seconde hypo-
thèse, car voici ce qu'écrivait, vers 1699,
l'historien italien J.-P. Marana pendant son
séjour en France : « A Paris, les femmes
commandent plus que les hommes... Elles ont
le privilège de commander à leurs maris et de
n'obéir à personne * ».
Quand Marana s'exprimait ainsi, il y avait
longtemps que les braies, détrônées par le haut-
de-chausses, étaient réduites au rôle de caleçon.
Jean Nicot les définissait ainsi en 1606 :
« Chausses courtes de lin ou d'autre toile, que
l'on porte sous les chausses pai* netteté '^ ».
On trouve braeliers, braieliers, brayeliers, etc.
Voy. Tailleurs.
Braceeur. Nom que la Taille de 1292
donne à un brasseur.
Braeliers et Braieliers. Voy. Braa-
liers.
Brambaricaires. Voy. Barbaricaires.
Brandeviniers. Débitants d'eau-de-vie.
Le mot brandevin n'était guère en usage que
parmi le peuple et les soldats. « K Paris, où les
petits marchands en débitent à petites mesures,
depuis quatre deniers jusqu'à un sou, et dans
les armées où les vivandiers en font le négoce en
détail, ils disent plus ordinairement bran-de-vin
qu'eau-de-vie ^ ».
Voy. Eau-de-vie.
Brandons (Fête des). Dans les statuts des
métiers, ce mot désigne toujours le dimanche de
la qiiadragésime, parce que le peuple avait
coutume de fêter ce dimanclie en allumant des
feux sur les places publiques. « Nus baudroyers
ne puet ne ne doit ouvrer entre les Brandons et
la S. Rémi * puis que "> conplie ^ est sonée ù
Nostre Dame ' ».
Brasseurs. Sous le nom de cervoisiers, ils
onl des statuts dans le Livre des métiers ^. On y
litfjue la cervoise était faite avec de l'eau, de
l'orge, du méteil et de la dragée, c'est-à-dire de
menus grains, tels que vesces, lentilles et avoine;
en somme, c'était à peu près notre bière actuelle,
moins le houblon, (.omme saint Louis n'aimait
pas la cervoise, il en buvait pendant le carême,
pour faire pénitence ^.
La Taille de 1292 cite 37 cervoisiers et
' /A'itrcs d'un Silicien, édil. V. Dufour, p. 11 et 20.
- TItrésor de la langue françoyse, [>. 90.
3 Savary, Dictionnaire du commerce, l. 1, \k 406.
* Le l">r octobre.
5 Depuis que.
G Compiles, que les cloches sonnaient le soir à
neuf heui-es.
■> Livre des métiers, titre lAXXllI, art. 9.
8 Titre VIII.
3 Vie de saint Louis, par le confesseur de la reine
Marguerite. Dans le Recueil des historiens, t. XX, p. 107.
BRASSEURS — BRETELLES
109
1 hraceeui\ celle de 1300 mentionne seulement
40 cervoisiers.
Par lettres patentes du 26 septembre 1369,
Charles V accorda le monopole de cette l'abri-
cation à vingt et un cervoisiers. Il réserva
toutefois à quatre hôpitaux de Paris le droit de
brasser de la cervoise pour la consommation des
malades et des gens de la maison ' .
Les sliituts de 1489 et de 1514 fixent à
trois ans la durée de' l'apprentissage, qui l'ut
portée à cinq ans par ceux de janvier 1630.
Au dix-septième siècle, les Hollandais, les
Anglais et les Allemands ne buvaient guère que
de la bière à leurs repas, coutume rejetée par
les Français. Nemeitz, en 1718, prétendait que
la bière laite à Paris était malsaine ; le houblon,
écrit-il, y est souvent remplacé par des herbes
amères ou par du fiel de bœuf^.
Le nombre des brasseurs était d'environ 78 à
la tin du dix-huitième siècle. Ils avaient la Vierge
pour patronne, mais une de leurs confréries
était placée sous l'invocation de saint Léonard.
Au quatorzième et au quinzième siècles, on
les trouve souvent nommés servoisiers et
cambiers. Le mot cambe désignait alors une
brasserie •*. Savary, en 1723, les appelle aussi
cervisiers '* .
Brayeliers. \oy. Braaliers.
Brayers (Faiseurs ue). Titre qui appar-
tenait à la corporation des boursiers. Le mot
brayer a eu successivement un grand nombre
d'acceptions différentes. On a nommé ainsi :
les faiseurs de braies [braaliers du treizième
siècle) ; les braies elles-mêmes ; le cordon à
coulisse qui serrait les braies sur les hanches ;
enfin, un bandage d'acier destiné à contenir les
hernies.
C'est en ce dernier sens qu'il faut entendre ici
le mot hrayer. Un arrêt de septembre 1636 et
l'art. 36 des statuts accordés aux boursiers en
1659 leur reconnaissent le droit de fabriquer ces
sortes de bandages, dont l'armature d'acier était
en général recouverte en peau de chamois.
Les maîtres boursiers qui adoptaient cette
spécialité devaient avoir subi un examen à
Saint-Côme. Désignés sous le nom de herniaires^
ils représentaient nos bandagistes actuels.
Les boursiers avaient le privilège des objets
en métal qui étaient garnis ou accompagnés de
peau. Outre les bandages herniaires, ils confec-
tionnaient les ceintures de chasteté devenues
fort à la mode au quinzième siècle où on les
appelait qarde-c.s ^. Tallemant des Réaux les
nomme plus poliment brayers de fer ^. Brantôme
raconte '', qu'un qiàncailleur en apporta une
douzaine à la foire Saint-Germain. En ce qui
1 Dans les Ordonn. royales, t. V, p. 222.
2 Séjour de Paris, t. II, p. 474.
"^ Voy. Godefroy, Dictionnaire de l'une, lanyue fran-
çaise, t. I, p. 772.
* Dictionnaire du commerce, t. I, p. 606.
•' Farce nouvelle d'ung mary jaloux, clans l'Ancien
théâtre frunçuis, t. I, p. 137.
« Historiettes, t. VII, p. 428.
7 Œuvres, t. IX, p. 133.
concerne cet article, les boursiers avaient effec-
tivement pour concurrents les vanniers, dont les
maîtres étaient autorisés à vendre un certain
nombre d'objets fabriqués par d'autres corpo-
rations et ajiHitaienl à leur titre officiel celui de
quincailliers.
Voy. Herniaires et Vanniers.
Brelandiers. Nom souvent donné aux
paumiers ({ui tenaient des académies de jeux.
Voy. Paumiers.
Brelandiniers. « Petits marcliands qui
étalent leurs marchandises dans les rues ^ ».
Brésil (Qui battent le). Celte mention
m'est fournie par la Taille de 1300.
Voy. Couleurs (Marchands de).
Breteleurs. Voy. Crocheteurs.
Bretelles (Fabricants de). Le haut de
chausses, qui' est devenu notre culotte, fut
d'abord soutenu par des boutons, ensuite par des
aiguillettes, puis on revint aux boutons. Les
bretelles n'apparaissent que très tard ; toutefois,
M. Quiclierat les rajeunit d'un demi-siècle quand
il fixe leur avènement à l'année 1792 ^.
Le mot est fort ancien. Il désignait des
sangles d'usages divers, celles, entre autres, qui
assujettissent sur les épaules une hotte ou un
crochet. Jean Nicot, en 1606, les définit ainsi :
« Bretelles. En pluriel (parce qu'une seule
cordelle n'auroit ce nom, et sont par couple
attachées à la hotte ou aux crochets) sont deux
cordelles attachées chacune à une corne de la
hotte ou crochets, remontans par sus les espaules
duhotteur oucrocheteur, et regagnans, chascune
de son costé, le bas d'iceux hotte ou crochets,
pour les tenir fermes et arrestez sur les espaules
de ceux qui les portent ^ ».
Je n'ai trouvé, avant 1731, aucun exemple du
mot bretelles employé dans le sens actuel. Mais,
à cette date, le Dictionnaire des arts et des
sciences publié par Thomas Corneille ajoute aux
significations déjà connues la définition suivante :
« Galons de fil, pour attacher le haut-de-chausses
aux enfans et aux vieillards qui ont les hanches
basses ou aux hommes trop gras * ». Quarante
ans plus tard, le Dictionnaire de Trévoux offre
cette variante : « Tissu de fil ou de soie, qui sert
à soutenir les culottes des enfans ou des hommes
un peu gros ^ ». En l'examinant de près, cette
phrase nous révèle bien des choses. D'abord, on
faisait des bretelles en soie ; ensuite le haut-de-
chausse avait pris le nom de culotte ; enfin, ce
n'étaient plus seulement les hommes « trop gras »
qui se servaient de bretelles, c'étaient aussi les
hommes « un peu gros ». De tout ceci, un
historien impartial et perspicace doit conclure
que l'usage de ces sangles gênantes commen-
çait à se généraliser.
1 Dictionnaire de Trévoux (1771), t. II, p. 53.
2 Histoire du costume, p. 629.
3 Thrésor delà langue françoi se, p. 90, col. 2.
4 Tome I, p. 138'
5 Édit. de 17T1, t. III, p. 58.
110
BRETTEURS — BROCHEURS DE LIVRES
Bretteurs. ^'oy. Armes (Maîtres d").
Bricoliers. ^'ov. Brouettevirs.
Brigandiniers. Faiseurs de brigandines.
La briji:andine, souvent citée par les chroni-
queurs du quinzième siècle, était une cuirasse de
fantassin, excellente, légère et peu coûteuse,
p^lle se composait d'un pourpoint de toile ou de
cuir, que l'on recouvrait soit de lames soit
d'écaillés d'acier; celles-ci étaient à leur tour
recouvertes de peau ou d'étoffe qui les cachait,
et ne laissait apercevoir que les têtes des rivets
réfidièrement espacés destinés à réunir cette
triple enveloppe. Lacée ou ag-rafée sur le devant
ou sur les côtés, la bri«^andine garantissait le
torse, les hanches, souvent même les bras, et
pesait de cinq à six kilos. Son nom vient de ce
qu'elle l'ut d'abord portée par les brigands, et ce
mol n'était point alors pris en mauvaise part;
il désignait un soldat combattant à pied *. Les
excès commis par certains fantassins mercenaires
arrivèrent à en moditier le sens, à lui donner la
signification qu'il a aujourd'hui -.
Le musée d'artillerie possède plusieurs spéci-
mens de la brigandine, qui était bien démodée à
la fin du seizième siècte. La Chanson des cor-
poriaux ^, composée vers 1562, en revêt un
bourgeois ridiculisé en ces termes :
Le sire Girard Lien armé,
S'étoit tout 11' corps enfermé
Dans une vieille brigandine ;
Et de peur de ses ennemis
Une salade il avoit mis
Par dessus .sa teste badine.
J'ai trouvé les brigandiniers mentionnés pour
la première fois dans une ordonnance rendue
par Charles VII le 20 mars 1451 *. L'organi-
sation de leur communauté ressemblait beaucoup
à celle des armuriers, avec lesquels ils ne lar-
dèrent pas à se confondre. Toutefois, les brigan-
diniers figurent encore dans l'ordonnance dite
des Bannières ^ (juin 1467).
Bri quêteurs. Dans les briqueteries, on
ddiiiiiiil ce nom aux ouvriers qui con.slruisaient
le fourneau, dirigeaient le feu, enfournaient et
cuisaient la brique. Un atelier ou, comme on
disait, une main de hriqueteurs se composait de
Innze hommes ; ils pouvaient établir, en quinze
ou seize jouis, un fourneau de 500.000 briques ".
Briquetiers. Faiseurs ou vendeurs de
lii-iqurs. Les !)ri(|ues les plus estimées étaient
fabriquées en Houigitgiie ; venaient ensuite
celles de Paris, de Melun et de Corbeil. Celles
fini arrivaient par eau devaient être déchargées au
port des Célesiins, mais à pari celle prescription,
le comnterce en était absolument libre '.
' \ "\ . l)iie;inj,''i', (iinssaire, v" lii'igancii.
2 \'oy. Il' Diclioniinire de LiUré, t. I, p. 410.
•' !,'• Kou.x de Lincy, Vhanls historiques, t. H, p. 218.
* Ordoiin. roijnles, l. X\ I, p. C7SI.
•"' Oidonii. royales. 1. XVI, p. 080.
^ Kncycloprdie méthudique. arts et métiers, t. 1, p. 315.
" l^elainarre, Traité de la police, t. IV, p. 51.
Le Dictionnaire de Nicot (1621) écrit bri-
qniers.
Voy. Batteurs. — Briqueteurs. —
Brouetteurs. — Cuiseurs. — Enfour-
neurs. — Enhayeurs. — Mouleurs, etc.
Briquiers. Voj. Briquetiers.
Briseurs de chanvre. Voy . Broyeurs.
Briseurs de sel. Officiers publics, chargés
de briser les masses de sel avant le mesurage.
D'abord au nombre de quatre, ils étaient nommés
par la municipalité, lui prêtaient serment, puis
étaient mis en possession de leur office par un
sergent '.
L'ordonnance de décembre 1672 statue que
« les jurez-briseurs de sel découvriront le sel
dans les batteaux, le briseront et le mettront en
tas, et le rebrousseront, tant dans les batteaux
que greniers, pour faire le chemin aux jurez-
mesureurs et porteurs, et fourniront les pelles
pour mettre le sel dans la trémie - ».
Brizomanciens.Voj.Oniromanciens.
Brocanteurs. Au treizième siècle, ils
constituent deux classes de la communauté des
fripiers. Les uns parcourent les rues, offrant
d'acheter et de vendre de vieux habits, les autres
étalent de sordides marchandises près du cime-
tière des Innocents ^.
Au dix-septième siècle, le mot a changé de
sens, et désigne plus particulièrement les com-
merçants nommés aujourd'hui marchands de
curiosités *.
Au dix-huitième siècle, les |brocanteurs ont
pour concurrents les crieurs de vieux fers, ils sont
redevenus ambulants et obéissent à des règle-
ments de police, que vient compléter la décla-
ration du 29 mars 1778. Les maîtres doivent
solliciter du lieutenant général de police une
médaille de cuivre, qu'ils sont tenus « de porter
sur eux et en évidence ». Ils ne peuvent faire
aucun commerce en boutique, ni ailleurs que
« dans les rues, halles et marchés ». Ils ont,
au reste, le droit de vendre « toutes sortes de
marchandises de friperie, meubles et ustensiles
de hasard, cpi'ils porteront sur leurs bras, sans
qu'ils puissent les déposer ni étaler en place
fixe ^ . »
Brocheurs. Dans les fabriques d'étoffes,
ouvri(M"s cliargés du brochage.
Brocheurs de livres, i'endanl plusieurs
siècles, les libraires, réunis en une seule corpo-
ration avec les relieurs et les imprimeurs,
pouvaient être tout à la fois libraires-imprimeurs,
libraires-relieurs et doreurs, et réciproquement.
L'édit du 7 septembre 1686, (jui sépara défi-
nitivement les relieurs des libraires, conserva
' Ordonnance de février 14 Î5, chap. XX.
i Chap. XXVI.
■' ^'oy. l'art. Fripiers.
^ ^'oy. l'art. Curiosités (Marchands de).
^ Déclaration du Ruy portant règlement pour les fripiers-
brocanteurs.
BROCHEURS DE LIVRES — BROSSIERS
111
pourtant à ces derniers le droit de brocher eux-
mêmes leurs li\Tes. L'article l"'' est ainsi conçu :
« La faculté de relier, dorer et orner les li\Tes
appartiendra aux seuls maîtres relieurs et doreurs ;
défenses sont faites à tous libraires el impri-
meurs et à tous autres de relier eux-mêmes, ni
faire relier ou dorer aucuns livres par d'autres que
par les maîtres relieurs et doreurs, à peine de
confiscation et d'amende. Pourront néanmoins
lesdits libraires et imprimeurs, ainsi qu'il leur
a été de tout temps permis et loisible, plier,
coudre, brocher, rogner et couvrir en papier ou
parchemin simple et sans carton, toutes sortes
d'ouvrages et de livres, sans qu'ils soient obligés
d'emploj'er pour cela aucun maître relieur ».
Le même édit fixe la durée de l'apprentissage
des relieurs à trois ans, suivis d'une année de
compagnonnage ; mais il statue en même temps
que, pour restreindre la concurrence, il ne sera
reçu qu'un seul maître par année.
Le mot brocheur est tout moderne, l'Aca-
démie française l'admit pour la première fois
dans son édition de 1814.
Les livres brochés étaient dits en blanc quand
on voulait les distinguer des livres reliés.
Brocheuses. Nom donné aux ouvrières
tricoteuses. Brocher ou tricoter un bas étaient
mots synonymes.
Brodeurs. La Taille de 1292 cite quatorze
bfodeeiirs, broderesses et broudeeurs. Trois ans
après, maîtres et ouvriers étaient au nombre de
93. Chaque maître ou maîtresse ne pouvait avoir
à la fois qu'un seul « aprenti » ou une seule
« aprentice ». L'apprentissage durait huit ans.
Aux treizième et quatorzième siècles, les
maîtres se disent brodeurs-armeuriers, hrondeurs-
armoyeurs, etc., parce que, travaillant presque
exclusivement pour la noblesse, ils avaient sans
cesse l'occasion de reproduire des armoiries.
La corporation atteignit son apogée au
seizième siècle, et la difficulté de fournir à la
broderie des nuances et des dessins nouveaux
devint l'origine de notre Jardin des plantes, qui
fut créé par l'horticulteur Jean Robin, associé à
Pierre Vallet, brodeur de Henri IV.
Au dix-huitième siècle, la corporation comptait
environ 250 maîtres. Elle avait pour patron saint
Clair, et pour titre officiel brodetirs-de'coupeurs-
égratigHeurs-chaswbliers. Les statuts de 1704 se
préoccupèrent surtout de restreindre la concur-
rence. Ils défendaient de faire aucun apprenti
tant que le nombre des maîtres n'aurait pas été
réduit à 200 -, ce moment arrivé, les maîtres
ayant au moins dix ans de maîtrise étaient
autorisés à engager un apprenti pour six ans,
puis devaient rester encore au moins dix ans
avant d'en prendre un autre.
On trouve aussi brcmderesses (statuts de 1316)
et broudaresses.
Voy. A-rmoyeurs et les autres noms cités.
Broqueteurs. Marchands de boissons au
détail, vendant par brocs. On trouve aussi
broqneter, broq%ieterie.
Broquiers. Faiseurs de brocs, pichets,
cuves à vin, etc. Ce nom s'appliquait, suivant
les cas, aux potiers d'étain, aux tonneliers, aux
orfèvres, etc.
Brossiers. En janvier 1486, les dix-sept
maîtres composant alors ce métier firent homo-
loguer des statuts qui en rappellent de plus
anciens aujourd'lnii perdus. Ceux de 1486 les
nonunent faiseurs de venjes à nettoyer robes.
c'est-à-dire ù battre les habits '. J'y vois que ces
verges étaient composées ou de bruyère ou de
« soyes de pourceau », et munies d'un manche
en bois recouvert de cuir^. Chaque maître ne
pouvait avoir à la fois plus de deux apprentis
et l'apprentissage durait trois ans.
En 1659, le métier est représenté par 27
maîtres et 9 veuves continuant le commerce de
leur mari. Louis XIV leur accorde de nouveaux
statuts très détaillés qui cette fois les qualifient
de vergetiers-raqnetiers-brossiers. Afin de limiter
la concurrence, ils ne doivent plus engager un
apprenti que tous les dix ans, et la durée de
l'apprentissage est fixée à cinq ans. Les fils de
maître sont dispensés, non seulement du chef-
d'œuvre, mais de Vexpe'rience. Un doyen et deux
jurés administrent la corporation.
Le métier s'est développé. On a le droit d'y
fabriquer, en concurrence avec les paumiers, les
raquettes pour jouer à la paume. Les verges sont
devenues vergelles. Les brosses sont en nombre
infini ; parmi celles que mentionne un manuel
du dix-huitième siècle, je citerai :
Les brosses de carrosse.
Les brosses à chevaux. En poil de sanglier.
Les brosses à chirurgiens. « Ainsi nonnnées de
ce que, vers la fin du treizième siècle, les médecins
de Paris ordonnèrent aux personnes attaquées de
rhumatismes de se faire brosser avec des brosses
laites exprès, pour ouvrir les pores au moyen
de cette friction et faire transpirer l'humeur qui
est la cause du mal ». Ce serait donc l'origine
de notre gant de crin, mais je doute fort qu'il
remonte si haut.
Les brosses à dents.
Les brosses à trois faces. Destinées aux tapis-
series, aux meubles, etc.
Les brosses ^imprimerie.
Les brosses à lustrer. En soies de sanglier, et
employées surtout par les gainiers et les chape-
liers.
Les brosses à morue. Pour laver el dessaler la
morue.
Les brosses à peintre. Les pinceaux apparte-
naient au connuerce des épiciers ; les vergetiers
vendaient seulement ceux qu'utilisaient les
peintres en bâtiment ; elles étaient formées de
soies de porc ou de sanglier.
Les brosses à plancher. Munies d'une courroie
qui recevait le pied du frotteur.
Les brosses de relieur.
Les brosses à tisserand.
1 De Laborde, Glossaire, p. 536.
2 Articles 7 à 11.
112
BROSSIERS — BUISSONNIERS
Les brosses de toilette.
Les brosses à décrotter.
Etc., etc., etc.
Par allusion à sa spécialité, la corporation
s'était placée sous le patronage de sainte Barbe.
Broudeurs. Voj. Brodeiirs.
Brouetteurs. La brouette, roulette, chaise
roulante, chaise volante ou vinaigrette n'est guère
que l'ancienne chaise à porteur montée sur deux
roues et munie de deux brancards entre lesquels
se place le brouetteur, dit aussi bricolier, tireur,
trahieur ou conducteur de brouette.
Ces voitures, mises en service au commence-
ment de l'année 1671, furent aussitôt « le jouet
des jeunes gens, des cochers et des gens de livrée ;
il y eut même des violences faites et des excès
commis contre ceux qui étoient employés à les
rouler ». Les sieurs Dupin, Chanderolle et Paris,
qui en avaient le privilège, obtinrent (28 avril)
une ordonnance de police, défendant « à toutes
personnes, de quelque qualité ou condition que
ce soit, d'empêcher l'établissement dudit nouveau
roulage, par vojes de fait, insultes, injures, huées,
paroles ou autrement, à peine de cinq cents livres
d'amende ; à tous cochers, laquais et gens de
livrée, à peine de prison et punition exemplaire ^ ».
On nommait chaises à parasol des brouettes
qui n'étaient employées que pour promener les
dames dans les jardins. Seignelay les avait mises
à la mode hirsqu'il reçut le roi à Sceaux, dans
le courant du mois de juillet 1685. « Ce fut là,
écrit l'abbé Lebeuf^ qu'on vit les premières
chaises tirées par des hommes pour se promener
dans les jardins. On les connaissoit à Versailles,
mais elles étoient plus simples. Les chaises de
Sceaux étoient à quatre personnes et quatre
parasols. Les hommes qui les conduisoient ne
marchoient pas devant, mais de chaque côté ».
( )ii nomnvAÛ soufflet une sorte de cliaise roulante
fort légère, dont le dessus, en cuir ou en toile
cirée, se pliait ou se dépliait comme un soufflet.
Louis XIV s'en servit souvent.
Voy. Voitures.
Brouetteurs. Dans les tourbières, ouvriers
qui rt'CL'vaienl la tourbe enlevée par les bêcheurs,
et la transportaient sur l'aire, où ils en construi-
saient des pyramides carrées nommées pilel tes "^ .
hansli-s liriquflci'ics, ouvriers qui apportaient
au mouleur\i\ Wrw préparée par le batteur. Cha({ue
liroïK'lléc devait représenter 80 ù 100 briques*.
On les appeliiil aussi raideurs.
Broyeurs. Ce mol, employé seul, désignait
pres([ne loujoiirs les broyeurs de couleurs.
Broyeurs de chanvre. Ouvriers qui,
' I)elninnn-i', Traité de la police, t. IV', p. 451.
2 //isfuire du diocèse de Paris, paroissi- de « Ci'aux
ou, eonimi' l'écrivent le.s modernes, de .Sciaux m, l. IX,
!.. :}79.
3 Encyclopédie méthodique, arts rt niôliers, I. \'lll,
p. 188.
* Fiiciirhiiii'ilie méthodique, arts ut métiers, t. I, p. 301.
avec la broie, brisaient le chanvre pour séparer
la filasse de la chènevotte.
On dit aussi briseurs de chanvre.
Quand ce travail était fait à la main, brin par
brin, l'ouvrier prenait le nom de teilleur ou
tilleur, mots dérivés de tilia qui désigne en latin
l'écorce du chanvre.
Brûleurs. Nom donné parfois aux distil-
lateurs.
Brunisseurs. Ce mot « ne se dit guères
que chez les orfè\Tes de l'artisan ou compagnon
qui brunit la vaisselle et les autres ouvrages
d'orfèwerie ^ ». La Taille de 1292 n'en cite
aucun, celle de 1300 en mentionne un seul,
et celle de 1313 en nomme huit, dont quatre
brunisseresses.
Buandiers. « Ceux qui font le blanchiment
des tuiles, ou qui veillent sur les buandières,
c'est-à-dire sur les femmes qui font couler les
lessives dans les blanchisseries ^ ».
Bûcherons. « Ouvriers occupés, dans les
forêts, à abattre des arbres pour les débiter, selon
leur qualité, en bois de charpente ou en bois de
chauffage. Les instrumens dont ils se servent
sont la cognée ou hache, la scie, les coins et le
maillet ^ ».
L'ordonnance de janvier 1351 les nomme
boucherons. On les trouve encore dits fagotiers,
boquillons, boscherons, buscherons, sarteurs, etc.
Bûches (Marchands de). Marchands de bois
à brûler.
Voy. Bois (Commerce du).
Bûches (Porteurs de). Voy. Porteurs.
Buclneurs. Voy. Trompes (Faiseurs
de).
Bueresses. Voy. Blanchisseurs.
Buffetiers. Titre qui appartenait à la cor-
poration des vinaigriers.
En vieux français, le mot buffet signifiait
vinaigre, et une bufj'eterie était une vinaigrerie.
La l'aille de 1292 mentionne 51 bufetiers.
On les trouve encore nommés beuvetiers.
bîwetiers, buvotiers, etc., parce qu'ils donnaient
à boire, dans leur boutique, l'eau-de-vie qu'ils
étaient autorisés à distiller.
Les statuts de 1493 sont octroyés déjà aux
buff'etiers-vinuigriers.
Buinières. Ce nom désignait parfuis, dans
les maisons bourgeoises, les servantes chargées
des lessives.
Buisineors. Voy. Trompes (Faiseurs
de).
Buissonniers (Écrivains). On nommait
ainsi des iiidivi(his qui, sans appartenir à la
• Savar}', Dictionnaire du commerce, t. I, p. 493.
- Savary, Dictionnaire du commerce, t. I, p. 494.
•' Jaubert, Dictionnaire, t. I, p. 352.
BUISSONNIERS — BUREAUX DE l'LACEMENT
113
corporation des écrivains, allaient donner en ville
des leçons d'écrilure et de calcul. Au mois de
janvier 1691, la communauté demanda que l'on
prit contre eux des mesures sévères ' .
Buissonniers. Officiers jurés, attachés au
service de la naviu^ation. Seront les buissonniers
tenus de taire savoir au prévôt des marchands
« si les vannes, gors '^. pertuis et arches sont de
largeur convenable, si les ponts, moulins et
pieux sont en bon estât, etc. » •'.
Buleteres. Les bluteurs S(Mit ainsi nommés
dans les statuts accordés aux boulangers vers la
fin du treizième siècle ^.
Bliratiers. Fabricants de burals, buratesou
buratines, étoffes de laine qui se confection-
naient surtout dans le Languedoc et le Gévaudan.
Bureau académique d'écriture. Voj.
Écrivains.
Bureau du commerce. Voy. Conseil
du commerce.
Bureaux des corporations. Presque
tous les corps de métier avaient à Paris un bureau
où les maîtres pouvaient se réunir, et où siégeait
en permanence le clerc chargé de tenir les
écritures de la communauté. A partir du seizième
siècle, ce clerc eut mission de placer les ouvriers
sans ouvrage ^. Un peu plus tard, tous les
compagnons durent se faire enregistrer au bureau
de leur corporation. Le clerc inscrivait leur nom,
prénoms et sobriquets, leur adresse, leur âge,
leur lieu de naissance, le nom de leur dernier
maître, et il leur remettait un certificat constatant
que celte formalité avait été remplie. Aucun
maître ne devait embaucher un ouvrier qui ne fût
porteur d'un certificat de ce genre ^, et les jurés
conservaient en outre une liste des ouvriers
employés chez chaque maître '^ .
Les boulangers voulaient que l'on tînt au
bureau sept registres ^. Les charcutiers se con-
tentaient de trois ^. Les fourbisseurs se montrent
sur ce point très précis : « 11 y aura, disent-ils,
au bureau de la communauté des registres bien
et dûment paraphés par premier et dernier
feuillets par le lieutenant général de police,
pour y enregistrer les réceptions des maîtres et
des apprentifs, les ouvertures de boutiques,
lettres de jurande, poinçons, transports de
brevets, contrats passés au profit des créanciers,
remboursement des dits contrats, redditions de
comptes, délibérations, etc., etc. *'* ».
1 Voy., à la Bibliotlièque nationale, le manuscrit
français coté 21,747.
2 Gords.
3 Ordonn. de décembre 1672, chap. I, art. 8.
4 Livre des métiers, litre I, art. 44.
» Pâtissiers, statuts de 1566, art. 31. Tailleurs,
statuts de 1583, art. 26, de 1660, art. 22.
6 Limonadiers, sentence du 17 décembre 1737 .
Charcutiers, statuts de 1754, art. 9.
' Menuisiers, statuts de 1743, art. 90.
8 Statuts de 1746, art. 14.
9 Statuts de 1745, art. 21.
10 Statuts de 1707, art. 4.
C'est au bureau que chaque corporation
conservait ses archives, ses « papiers, enseigne-
mens, pièces, procédures, actes, etc. », disent
les ploinbieis '. L'armoire ou le coffre-fort qui
les contenaient fermaient à deux clefs chez les
brodeurs ^ et les plumassiers ^, à trois clefs chez
les ])ar])iers ^ et les plombiers *, à quatre clefs
chez les fourbisseurs ^. Ces clefs étaient
ordinairement partagées entre les jurés et les
anciens jurés. En 1(385, la veuve de l'un des jurés
en charge brûla le ctollre qui renfermait les
archives de sa communauté.
On trouve dans le Dictionnaire de Paris
d'Riirtaut et Magiiy ^ le nom des rues où étaient
situés les bureaux des principales corporations.
Bureaux de placem.ent. Au douzième
siècle déjà, il existait à Paris des bureaux de
placement pour les servantes et les nourrices.
C'étaient des sortes d'hôtelleries où les pauvres
tilles en quête de condition trouvaient le vivre et
le couvert. On les accueillait gratuilemenl à
l'hôpital ou « hoslellerie » Sainte-Catherine "' ,
tenue par des l'eligieuses que le peuple désignait
sous le nom de Catherinetles. Les établissements
non gratuits étaient dirigés par des femmes
dites commandaresses ou commander esses, recom-
mandaresses ou recommander esses ^. On lit
partout que ce métier était privilégié, et qu'il
fui créé, vers 1330, par Philippe VI, en faveur
de quatre belles filles qu'avait eues la nourrice
de son fils Jean. Mais je n'ai rencontré nulle
part la confirmation de ce fait, et il est bien
certain que les recommandaresses existaient
sous ce nom avant le règne de Philippe VI, car
la Taille de 1292 en mentionne deux, dont
l'une, appelée Ysabel, habitait la rue aux
Commanderesses ^ .
Jusqu'au dix-septième siècle, les recomman-
daresses continuent à placer les servantes et les
nourrices. Mais en 1628 est créé le Bureau des
domestiques, installé au Palais, dans la cour de
Lamoignon, et auquel s'adjoint, en 1678, le
Bureau d'adresses élahli pour les maîtres qui
cherchent des serviteurs et pour les serviteurs qui
cherchent des maîtres.
Les recommandaresses relevaient du lieutenant
criminel, mais nne déclaration du 29 janvier
1715 plaça sous l'autorité du lieutenant général
de police leurs quatre bin"eaux, alors situés rue
du Crucifix *", rue de l'Echelle, rue des Mauvais-
Garçons-Saint-Germain ' ' et ' place Maubert.
1 Statuts de 1648, art. 11.
2 Statuts de 1704, art. 19.
3 Statuts de 1659, art. 41.
4 Statuts de 1648, art. 11.
5 Statuts de 1707, art. 8.
G (1779), t. I, p. 316.
'' A l'angle de la rue des Lombards et de la rue
Saint-Denis.
8 Jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, tous les actes
officiels les nomment recommaitdaresses .
9 Voy. la Taille de 1292, p. 115. — La rue aux
Commanderesses di'vint rue de la Vannerie et rue de
la Coutellerie. Elle a été supprimée en 1854.
tf Supprimée en 1852, son emplacement est aujour-
d'hui compris dans la place Saint-Jacques-la-Boucherie.
1' Devenue rue Grégoire-de-Tours.
114
BURKAL'X DK l'LACJvMl-LNT — BU YSSINKUKS
Elles conservaient le droit exclusif de recevoir
et lo"-er les nourrices. Toute nourrice convaincue
d'avoir en même temps deux nourrissons était
condamnée au louef, et son mari devait pajer
une amende de cinquante livres. Si les parents
cessaient d'envojer le prix convenu avec la
nourrice, celle-ci n'en était pas moins tenue
de garder l'enfant. Le curé de la paroisse,
préwnu par elle, avertissait le lieutenant général
de police, qui, après enquête, pouvait seul
autoriser le renvoi du nourrisson à la famille.
lOn 1729, ces l)ureaux furent supprimés, les
tenancières indemnisées el (jualre autres bureaux
établis : un rue de la Vannerie, deux rue Sainl-
Jacque.s-la-Boucherie et un rue Planche-Mibray.
Ils ne plac;aienl que des nourrices.
Le bureau des domestiques, tenu jusqu'en
1750 par une femme nommée Royer, fut alors
reconstitué. Les domestiques entrant en place
versaient 10 sous ii l'établissement, et les maîtres
pourvus lui payaient 30 sous; si, au bout de dix à
douze joiu's, ils n'étaient pas satisfaits, le bureau
leur envoyait un autre sujet sans nouveaux frais.
La déclaration du 24 juillet 1709 réunit en
un seul les ({ualre bureaux de placement pour
les nourrices, e( mit à sa tête deux recomman-
daresses et deux directeurs.
Kn somme, les réformes successivement intro-
duites dans ce service l'avaient fort amélioré à la
fin du dix-huitième siècle. On évaluait alors à
21.000 le nombre des enfants qui naissaient
chaque année à Paris. Sept cents environ d'entre
eux étaient nourris par leur mère, et sept cents
autres par une nourrice habitant la maison pater-
nelle ' ; deux ou trois mille, appartenant le plus
souvent à des bourgeois aisés, allaient en
nourrice dans la banlieue ou les environs; tout
le reste était confié à des femmes recrutées en
province par les meneurs ^.
l)in\ bureaux se partageaient l'administration.
Le premier, dit bureau de la direction, servait
d'intermédiaire entre les nourrices et les parents;
envoyait à ceux-ci des nouvelles de l'eniant ;
avançait à celles-lii l'argent qui leur était dû, et
f'M opérait ensuite le retjouvrement cliez les pères
t't nii'res. S'ils refusaient de s'acquitter, la police
les [joursuivait. et elle devait bien st)uvent
recoui-ir à la contrainte par corps. Mlle faisait
clia([ue année cin([ ou six cents prisonniers de ce
geiu'c. Mais des associations charitables s'étaient
fonih'es pour venir h leur secours. En outre, lors
des grandes fêles religieuses el dans toutes les
occasions solennelles, telles que mariage de
princes, naissance de Dauphin, etc., la numici-
palilé délivrait un certain nombre de ces
prisonniers pcnir mois de nourrice.
Le second bureau, celui desrecommandaresscs,
était siliu'; rue Neuve Sainl-Au":uslin. Les
nourrices s y tenaient durant la journée, dans
ni H" grande pièce appelée sal/c de lu location, où
' En supposant qu'on les gardùl prndant trois ans,
il y iiurail donr eu ;i l'aris l'nviion di'ux mille nourrices.
- Dflnil dr giif/tfiirx l'Iiihlissemeiils de In rille dr Parh,
J'aris, demandé imr Sa Majesté Impériale la reinr de Hongrie
à M. Lenuir, lieutenant général de police. 1780, in-S", p. (53.
les parents venaient faire leur choix. Avant d'y
être admises, elles subissaient la visite du méde-
cin, qui dégustait leur lait, et signait im certi-
ficat constatant ({u'il avait été trouvé bon ou
insuffisant. Le lait devait avoir sept mois au
moins et vingt-quatre mois au plus.
Le bureau percevait trente et un sous pour le
placement de chaque nourrice. Les gages étaient
de huit livres par mois, non compris le sou pour
livre montant à quatre livres seize sous par
année. Ces femmes, une fois revenues au village,
étaient surveillées à la fois par leur curé et par
les meneurs, alors placés directement sous la
surveillance de la police, qui exigeait d'eux des
rapports fréquents et circonstanciés.
L'Assemblée législative supprima la contrainte
par corps pour les dettes de mois de nourrices '.
L'Empire assimila leur recouvrement à celui
des contributions, el en chargea les préfets ^.
Le bureau des nourrices était alors placé sous la
double autorité du préfet de la Seine et du préfet
de police, organisation que confirma le décret du
30 juin 1806 •'.
Voy. Meneurs.
Burins (Faiseurs de). Titre que prenaient
les aiguilliers.
Burresses. Voy. Blanchisseurs.
Buscherons. Voy. Bûcherons.
Buschiers. Voy . Bois (Marchands de).
Buses. Voy. Bustes.
Bustes (F.visEURS de). Titre qui appartenait à
la corporation des boursiers. Busqué. Imsc et bustes
avaient à peu pri's le sens de notre mot corset.
VoA'. Corsetiers.
Buterie. On nommait ainsi l'art défaire des
l>ous, vaisseaux à mettre du vin *.
Buvetiers. A oy. Buffetiers.
Buveurs d'eau. Le plus célèbre bateleur
de c(! genre se montrait à la foire Saint-Germain
en 1040. Il était originaire de Malte et âgé de
38 ans. Une plaquette contemporaine nous
iipprend qu'il ab.sorbait plusieurs seaux d'eau, et
faisait ensuite « sortir de sa bouche force grands
jets d'eau, égalans en hauteur el roideur ceux
des plus vives fontaines : une partie en eau
commune, l'autre paroissanl convertie en toute
sorte de vin, d'huiles, de lait, d'eau-de-vie,
d'eau d'ange, d'eau roze, d'eau de fleur d'orange,
de jasmin el autres... » '^ .
Buvotiers. V(
Buyssineurs.
seurs de).
1 Décret du 25 aoftt 1792. Dans J.-H. Duver^i.r,
Collection de.i lois, I. IV, p. 3.53.
* I.oi du 21 mars 1800. Dans Mi'rlin, Répertoire de
jurisprudence, t. \'lll,p. GStî.
•' Dans Duverpcr, t. XV, p. 391.
* \ oy. Ducunjre, Glossariuin, aux mo[>i //u/eria ol iufta.
^ La Merveille du beuveur d'eau de la foire Saint-
Germain, jM'tit in-B" de 12 pages.
. Buffetiers.
\o\. Tronapes (Fai
CABANASSKUKS — CABAKETU^HS
115
c
Gabanasseurs. \ <n. Chanevaciers.
Gabareteurs et Gabareteux. Voy.
Cabaretiers.
Gabaretiers. Ils vendaient du vin a
assiette, tantlis que les taverniers le vendaient à
pot. Vendre du vin <'i assiette, c'était le vendre
au détail, couvrir la table d'une nappe avec des
assiettes et y servir certains mets * .
Ces cabaretiers finirent par représenter nos
restaurateurs actuels. L'ambassadeur vénitien
Lippomano écrivait en 1557 : « Il y a à Paris
des cabaretiers qui vous donnent à manger chez
eux à tous les prix, pour un teston, pour un écu,
pour quatre, pour dix, pour ving'l même par
personne, si vous le désirez. Les princes et le roi
lui-même y vont quelquefois ^ ». Tallemant des
Réaux raconte en effet que Henri IV alla dîner
A^ix trois mores avec Roquelaure ^ .
De nombreuses ordonnances défendaient aux
cabaretiers de servir à leurs clients tle la viande
durant le carême et les ventb'edis et samedis ;
de donner à boire le dimaiiclie pendant la durée
des offices. Celle du 26 juillet 1777 leur enjoij^nit
de ne tolérer chez eux aucun jeu et de fermer
leurs portes à onze heures en été et à dix heures
en hiver.
Les cabarets jouaient à Paris un g-rand rôle
dans la vie privée, et plusieurs d'entre eux, cités
par les poètes, les auteurs dramatiques et les
chroniqueurs ont laissé un souvenir dans
l'histoire. Rabelais a mentionné la Pomme de
Pin, situé rue de la Juiverie, à l'extrémité du
pont Notre-Dame ; Villon ^, Régnier ^, Collelet ",
Gui Patin ^ ont chanté ses louang-es. Pantao-ruel
a célébré encore les cabarets de la Madeleine,
près de l'église de ce nom, dans la Cité ; du
Castel, de la Mule et du Châteati-Festu ^.
Une brochure publiée en 1574 s'exprime ainsi :
« Chacun aujourd'luii veut aller dîner chez le
More, chez Sanson, chez Innocent et chez
Hàvard, ministres de voluptez et de despense ^ ».
Racine, Molière, Lafontaine et bien d'autres
se réunissaient à la Croix de Lorraine, place du
1 Voy. l'art. Taverniers.
2 Relations des ambassadeurs vénitiens, t. II, p. 601.
3 Historiettes, t. I, p. 14.
* Dans ses deux testaments.
5 Satire X.
^ Tracas de Paris, p. 244.
~> Tome III, p. 269.
8 Pantagruel, liv. II, chap. 6 et 17.
9 Discours sur les causes de l'extrême cherté', etc., p. 36.
Cimetière Saint-Jean '. Ils avaicnl frécjuenté
d'abord le Mouton Blanc, dans la rue du N'ieux-
Colombier. Culit'tel rendit fameux la Croix de
Fer, dans la rue Saint-Denis ; Mézeraj UE'pée
Royale, dans la rue Saint-Antoine -, Benserade,
le Bel Air, près du Luxembourg ; Voiture et
Tallemant des Réaux, la Fosse aux Lions, rue
du Pas-de-la-Mule ; Ronsard, le Sahot, faubourg
Saint-Marcel ; Marivaux, VEpée de Bois, rue
Quincampoix ; Chapelle, la Croix blanche, rue
de Bercy ; Rousseau et Diderot dînaient souvent
ensemble au Panier Fleuri, rue Tirechappe.
Parmi les cabarets dignes de mémoire, il faut
citer encore : le Petit Panier, rue Trousse-^ aclie
(auj. rue de la Reynie) ; les Bons Enfans, dans
la rue de ce nom -, la Petite Bastille, au port
Saint-Paul ; la Galère, rue Saint-Jacques la
Boucherie ; la Folie, rue de la Poterie ; la
Cornemuse, rue des Prouvaires ; r Alliance, rue
des Fossés-Saint-Germain ^, près de la Comédie-
Française ; c'est à sa porte qu'en 1701 mourut
Champmeslé ; PEcharpe, renommée par ses
cabinets particuliers -, le Plat d' Etain, rue Saint-
Antoine, affectionné par Villon '^ ; la Coiffier,
le premier établissement, dit Tallemant des
Réaux *, où l'on s'avisa de traiter à tant par
tête ; la Boisselière, près du Louvre, un des plus
chers de Paris ^ ; le Petit Père noir, rue de la
Bûcherie -, la Gratid^ Pinte, rue des Porcherons ^ ;
la Bonne Eau et le Milieu du Monde, à la
Grenouillère '' -, V Echiquier , la Licorne, la
Table de Roland, dans la Cité ; la Morellière,
rue du Temple, oîi l'on pouvait rencontrer
Chaulieu, la Fare, Bruejs et Palaprat ; enfin,
le Tambour royal, tenu par Ramponeau, et le
noble établissement de Henard, dans le jardin
des Tuileries.
Aux environs de Paris, le cabaret le plus
célèbre était celui de la du R_yer, à Saint-Cloud ,
Tallemant a raconté l'histoire de ses amours
avec Saint-Preuil, dont elle reçut la tête dans son
tablier quand il fut décapité à Amiens **.
Les cabaretiers appartenaient à la corporation
des marchands de vins.
Voy.Bouclion. — Bouteiller de France
(Grand). — Restaiu*ateurs, etc.
' Auj. rue Bourtibourg.
^ Auj. rue de l' Ancienne-Comédie.
"' Repues franches, p. 2.53.
4 Tome II, p. 130, et tome VII, p. 312.
î» ^'oy. les Caquets de l'accouchée, p. 28.
fi Auj. rue Saint-Lazare.
'"' Auj. le quai d'Orsay.
8 Tome VII, p. 143.
116
CABARTEURS — CABINETS DE FIGURES DE CIRE
Gabarteurs. Vov. Cabaretiers.
Cabas f Battre le). Voj. Mule (Ferrer
la).
Cabinets d'anatomie. Le moulao:e en
cire avait été Ibrt à la mode au dix-septième
siècle. Un sieur Benoit s'était alors dislinf?ué
par des porirails d'une resseinljlance frappante,
dont un curieux spécimen est celui de Louis XI\ ,
retrouvé à Versailles et placé aujourd'hui dans
la chambre à coucher du roi.
On ne songea que plus tard à utiliser cet art
spécial pour l'étude de l'anatomie. La première
idée paraît due à un chirurgien nommé
Guillaume Desnoues. Pour la partie matérielle
du travail, il s'associa avec un habile modeleur
sicilien nommé Gaetano Zumbo. qui tenta de le
supplanter, et qui présenta en 17U1 à l'Académie
des sciences une tète préparée pour les démons-
trations anatomiques. Il reçut des félicitations.
« Si l'on avoit, dit le procès-verbal, de pareilles
représentations de toutes les parties du corps
humain, on seroit exempt de l'embarras de
chercher des cadavres, que l'on n'a pas quand on
veut, et l'étude de l'anatomie deviendroit moins
dégoûtante et plus familière ' ». Zumbo mourut
sur ces entrefaites, et Desnoues ajan! complété
son œu\Te ouvrit dans la rue de Tournon, un
musée formé de nombreuses pièces en cire. On y
admirait surtout un liomme entier, une fille
d'environ douze ans, une femme grosse de
unir mois, « avec l'enfant couché encore dans
hi matrice. Tout y est si juste et Jialurel qu'il ne
manque rien jusques aux plus petites veines ; la
cire étant (pielquefois rouge, quelquefois blanche,
blinc, mêlée, suivant les diverses couleurs des
parties charneuses ou des veines du corps
humain - ». Vigneul-Marville, qui avait vu
tout cela, en fait aussi un faraud éloffe •^. Le
prix d'entrée, assez cher pour l'époque, était de
cinf|uante soiis.
Desnoues moui'ul vers 1720. 11 avait pour
héritier un cousin qui tira parti du cabinet en le
inonirani de ville en ville. Il le fil voir en
llnlland»'. à Hand)Ourg, en Danemark, puis en
Angleterre, où peut-être il le laissa.
Vers la lin du siècle, une demoiselle BiheiMii.
fille d'\m apothicaire de Paris, réussit, après un
travail assidu de quarante-sept années, à com-
poser entièrement en cire un corps de femme
dont toutes les parties pouvaient être déplacées
et examinées à part. Mademoiselle Biheron, écrit
la comtesse de Geidis, « modeloil ses tristes
imilalions sur des cadavres qu'elle avoit dans un
caltinel vitré au inilieu de son jardin ; je n'ai
jamais voulu entrer dans ce cabinet, qui faisoit
ses délices et qu'elle appeloit son petit boudoir*».
Elle finit par créer, dans la rue de la Vieille-
Estrapade, un petit musée qui était ouvert tous
* Hisluire île l'Académie îles xrieiirex, année 1701
|iiii)liée en 1704, J». .">7.
* Neineitz, Séjour lie Purin. \. I, p. ;i7;i.
•' Mélanges d histoire el lie lit/rnitiiri', t. 111, |,. 307.
* Mémoires, t. I, ji. 30y.
les mercredis. Mademoiselle Biheron, dit S.
Mercier, imite des squelettes si parfaitement qu'on
croit en voir de véritables. Les muscles, les nerfs
sont rendus avec une vérité frappante ^ ». Malgré
l'intérêt que présentait ce musée, l'auteur, n'étant
pas soutenu par le corps médical, finit par
traiter avec l'ambassadeur de Russie, qui lui
acheta le tout pour l'impératrice Catherine IL
On songea aussi, vers le même temps, à
faciliter l'instruction des sages-femmes au mo^^en
de pièces anatomiques factices. Une dame Lenlant
fabriquait « des fantômes et des mannequins très
propres pour l'exercice manuel des accouche-
mens. Les proportions naturelles, soit dans le
bassin, soit dans le fœtus sont exactement
o])servées » , disait une réclame publiée en
1773 K
Vers 1780, le chirurgien Jean-Joseph Sue
imagina de représenter sur de grands cartons les
différentes parties du corps humain. Il posséda
bientôt une collection de 195 pièces, qui fut
portée au nombre de 364 par son fils ^, chirur-
gien comme lui. Ce petit musée, ouvert au
public, était établi rue des Fossés- Saint -
Germain l'Auxerrois*, à l'angle de la rue de
l'Arbre-Sec. Je ne le trouve plus mentionné
après 1787.
Trois autres cabinets anatomiques existèrent
encore à Paris. Un professeur d'accouchement,
nommé Bertrand avait créé au Palais-Royal le
Mtiséum (h démonstration de physiologie et de
pathologie dont L. Prudhomme a donné la
description ''. Un autre était installé rue de la
Harpe *• et le troisième rue Hautefeuille. Un
voyageur allemand, qui visita Paris en 1799^
nous fait ainsi connaître la spécialité de ce
dernier: « Afin de n'être pas trop tourmenté par
le diable de la volupté et de la séduction dans
Paris, je conseille à tous les jeunes étrangers
inexpérimentés, de se faire passer leur envie dans
le cal)inet anatomique et d'histoire naturelle du
(ligne professeur Bertrand (rue Hautefeuille
n*' 31. section du Théâtre français). C'est là qu'ils
pourront voir les fruits du libertinage, les
images, les scènes d'horreur de la destruction
morale!... On y voit aussi quantité de pièces
très rares el authentiques. Tous les objets sent en
cire el si bien imités qu'on croit voir la nature.
Ce cabinet est ouvert tous les jours, depuis
neuf heures du matin jusqu'à la nuit. Le prix
d'entrée est de 1 liv. 10 s. ' ».
Voy. Figures de cire.
Cabinets de figures de cire. V&y.
Figures de cire.
I Table:: u de Paris, t. VIII, \>. 12.3.
- Affiches, annonces et avis divers, n» du 24 février
1773.
•'* C<' (lernitT fut le p("^r(' du romancier Eugène Suo.
* Auj. rue Peirautl.
■■" Miroir de l'ancien et du nouveau Paris (1807), t. II,
p. 274.
^ P. de Lamesangcre, Le voyaqeur à Paris (1797),
I. I, i>. '.Ht.
" Ht'iiiziiiaiiii, Mes matinées à Paris (1800), p. 367.
CABINETS DE LECTUR1<:
117
Cabinets de lecture. Je rencoulro, dans
Le tracas de Paris, poème burlesque publié par
François Colletetvers 1666, le chapitre suivant :
Les liseurs de nouvelles
aux petites boutiques des augustins.
Tous CCS lecteurs do nouvcnutez
Dans ces boutii[Ues arresd'/,
L'un à son nez met sa lunette,
Afin de lire la Gazette,
Escrite en prose, eserite en vers ',
Des nouvelles de l'univers.
C'est un plaisir, pour ces lectures,
De voir les diverses postures.
Parmy ces gens, en voilà deux
Fichez tout droits, comme dt-s pieux ;
D'autres rangez sous estalages,
Tout ainsi comme des images ;
Ceux-là dessus un banc pressez ;
Ceux-cy dans la porte entassez.
Car chaque boutique est si pleine
Qu'on n'y sçauroit tenir qu'à peine.
Celuy qui lit plus promptement
Preste à l'autre un commencement.
Un autre curieux demande
Une gazette de Hollande,
Et celuy-cy celle d'Anvers 2.
J'ai cité ce passag'e entier, parce qu'il cons-
titue, je crois, la plus ancienne mention d'un
cabinet de lecture, tout au moins d'un lieu qui
y ressemblait fort. Ces petites houtiques dans
lesquelles on allait lire les livres nouveaux et les
gazettes étaient sans doute des échoppes adossées
aux murailles du couvent desGrands-Augustins,
sur le quai qui porte encore ce nom.
Leur nombre augmenta peu à peu, car je vois
qu'en 1757, on li.sait les gazettes, « moyennant
un ou deux sous, à la porte des Tuileries, à celle
du jardin du Palais-Royal, à celle du Luxem-
bourg, dans les bureaux d'écrivains des charniers
des Saints-Innocens ^, au Palais-Marchand *,
hôtel Soubise, place royale, etc. ^ ». Le petit
établissement du quai des Augustins s'était
agrandi. Il appartenait alors à un libraire
nommé Trudon et l'on y trouvait, outre les
nouveautés littéraires, la collection de la Gazette
de France depuis son origine (1631) ; la Gazette
de Hollande depuis 1714, la Gazette (FUtrecht
depuis 1730, la Gazette d'Avignon depuis 1727,
la Gazette de Cologne depuis 1730, la Gazette de
Berne depuis 1750, etc., etc.
Lottin n'en écrit pas moins que le libraire
Jacques-François Quillau créa, en 1761, rue
Christine, le premier cabinet de lecture qui ait
existé à Paris ^. Il eut pour imitateur, l'année
suivante, le libraire Grange, fondateur d'une
salle littéraire, disent les Mémoires secrets. Ils
annoncent , au mois de décembre 1762, que
« pour trois sous par séance on aura la liberté de
lire, pendant plusieurs heures de suite, toutes les
nouveautés '^ ». Quillau et son magasin littéraire
1 La Gazette de Renaudot était écrite en prose, celle
de Loret était en vers.
2 Édit. de 1859, p. 279.,
3 Voy. ci-dessous, l'art. Écrivains publics.
* Le palais de justice.
ï> .Jèze, Étnt de Paris, édit. de 1757, p. 183.
6 Catalogue des libraires dç Paris, p. 145.
' Tome I, p. 159,
prospèrèrenl. En 1775, il annonçait que, moyen-
nant trois livres par mois ou vingl-quatre
livres par an, on pouvait «venir lire au magasin
les ouvrages périodiques, comme journaux et
gazettes, consulter les grands dictionnaires, ainsi
que les mémoires de l'académie des sciences et
ceux de l'académie des inscriptions et belles-
lettres 1 ». En 1778, il lui fut suscité une
concurrence, le cabinet politique et iiéoqraphique,
installé (|uai de l'Horloge, à la descente du Pont
au (Change -. En 1779 apparaît encore \e cabinet
académique de lecture. A cette date, Paris ne
comptait sans doute que trois autres maisons de
ce genre. Je ne sais ce qu'était devenu Truilon ;
mais Quillau n'avait pas quitté la rue Christine ;
Grange avait transporté sur le Pont Notre-Dame,
sa « bibliothèque publique, où l'on donne lecture
de toutes sortes de livres ». Enfin, le libraire
Leloup, tenait, rue de la Comédie ^, un « cabinet
littéraire, où l'on s'abonne par an, par mois ou
par volume * ».
Ces établissements comptaient déjà de nom-
breux clients, puisque, à l'apparition de certains
ouvrages, il fallut « couper le volume en trois
paris, afin de fournir à l'empressement des
lecteurs ^ ». Sébastien Mercier, à qui j'emprunte
ce renseignement, a le tort de ne citer aucun des
ouvrages qui furent si recherchés. C'étaient des
romans sans doute, car la police veillait ; elle
défendait le prêt des traités de philosophie, par
exemple, mettait à l'index d'Holbach, Volney,
Diderot, Voltaire, etc. En tête d'un catalogue
de cabinet de lecture, catalogue imprimé et
qui est daté de 1784, je lis l'avis suivant : « On
ne pourra demander aucun ouvrage contre la
religion, l'Etat et les mœurs. Les journaux poli-
tiques ne pourront être lus et gardés longtemps
et les journaux littéraires conservés plus de vingt-
quatre heures. Le prix d'abonnement sera de
24 livres par an et de 3 livres par mois, mais
seulement pour les livres et journaux dont on
distribuera le catalogue. On ne donnera un cata-
logue qu'à censses ^ qui seront abonnés pour un
an, les autres le paieront 12 sous ».
Le plus achalandé de ces studieux asiles était
celui de la rue des Petits-Champs, à l'enseigne
du Grand-Corneille. On citait encore celui de la
rue du Coq Saint-Honoré ^, où l'on trouvait tous
les romans nouveaux **. Enfin, L. Prudhomme
écrivait au déljul de l'Empire : « Indépen-
damment des bibliotlièques publiques, il y a à
Paris plus de cent cinquante cabinets littéraires.
Cela prouve que le goût de la lecture s'est répandu
dans toutes les classes de citoyens. On donne un
catalogue où l'on choisit ce qui peut convenir,
moyennant trois ou six francs par mois, et
* Mercure de France, n» de mars 1775, p. 219.
2 Affiches, annonces et avis divers, n" du 18 novembre
1778, p. 184.
3 Auj. rue de l'Ancienne-Gomédie.
4 Almanach Dauphin, art. Libraires.
^ S. Mercier, Tableau de Paris, t. Y, p. 63.
6 Sic.
'^ Auj. rue Marengo.
8 P. de la Mésangère, Le voyageur à Paris (1797),
t. I, p. 34.
118
CABINETS DE LECTURE — CADRANS SOLAIRES
douze francs de nantissement pour les livres
cpi'on emporte chez soi. Dans plusieurs, on lit
par séance, moyennant six sous, les journaux.
L'étrann^er peut j aller, pendant l'hiver, passer
sa soirée ; il économise bois et lumière, et peut
dire le lendemain : j'ai lu les dix ou douze
colonnes du Moniteur et tous les feuilletons.
L'on trouve ordinairement bonne société dans
les cabinets littéraires ; il est très agréable de
jouir d'une bibliothèque pour six ou quatre sous
par jour Il y a à Paris plusieurs sociétés qui
prennent le titre de cabinet littéraire, et dans
lesquels on trouve cependant tout autre chose
que des livres et des journaux. Quelques-unes
de ces maisons tiennent jeux ; d'autres possèdent
de jolies femmes, que l'on vous propose tout bas.
Ceux qui ne sont point initiés d'avance dans ce
myst'>re trouvent etrectivement en entrant un
cabinet rempli de journaux et de livres, et selon
leur mise et leur physionomie, on leur explique
l'énigme ' ».
Gabrioleurs. A'oy. Bateleurs.
Caché (Dimanche). Voy. Repus.
Cache-nez (Fahricants de). « Touret de
nez ou caclie-nez, buccula muliebris », dit le
Dictionnaire de Nicot en 1606. Pour Furetière,
c'est un ornement, un masque qui ne cacliait que
le haut du visage.
Le vrai touret de nez se portait seulement en
hiver ; il s'attachait aux oreillettes du chaperon,
et couvrait seulement le bas du visage. C'était
bien notre caclie-nez ; aussi, des plaisants de
l'école naturaliste l'avaient-ils qualifié impo-
liment de coffin '^ à roupies ■'. H. Etienne, à
qui nous devons ce vilain mot, nous dit (ju'il
faut y voir l'origine des masques.
Les lourets de nez étaient fournis par les
tailleurs.
Cadraniers. Voy. Boussoles (Fabri-
cants de).
Cadrans solaires. Dans la cour ou le
jardin des principaux hôtels, des édifices publics,
des colli'ges, il existait presque toujours un
cadran solaire, peint ou gravé en creux sur une
muijiille, en bonne exposition. Le tracé était
l'œuvre des inatliémaliciens ou fabricants d'ins-
Irunicrits (I(! malh(''matiqiH's *. .l'ignore le nom
de celui qui fut employé, vers 1670, par le
collège Mazariii, mais je sais que les deux
cadrans solaires qui exislenl encore dans les coiu's
de rinslilul furent exécutés par un tailleur
de pierre nonuné Barthélémy ^.
Les cadrans solaires de Paris étaient pour la
plupart, fort peu consultés. La mode avait adopté
' celui du Palais-Royal, et vers midi, il recueillait
' Miroir lie Paris, 3" ériil., t. II, p. 'i()7).
î (1orbrill(>, ruffrct, jinnior.
•' Fl<nri Éliirme, Dialogues, I. I, \\. 183.
i Almniinrlt Dauphin pour 1780, cl voy. (M-ilcs.sous
l'art. Inslnimcnl.s di» mnlliémntinu«s (Fabricanis d").
S A. F., Histoire de la bibliothèque Masarine. édi\. dp
1901, r- lfi4.
les hommages d'une foule empressée. Casanova
écrivait en 1750 : « Je vois beaucoup de monde
dans im coin du jardin, se tenant immobile, le
nez en l'air. Je demande ce qu'il y avoit de mer-
veilleux. On se tient attentif à la méridienne ;
chacun a sa montre à la main pour la régler au
point de midi * ». Quand le duc d'Orléans
entreprit, vers 1782, de métamorphoser son
palais, les Parisiens s'émurent, en songeant que
peut-être ils allaient être privés de leur cher
méridien. Ils furent bientôt rassurés. Non seule-
lement le prince le leur rendit remis à neuf,
mais il eut la délicate attention d'y faire
pratiquer « une petite chambre, qu'on remplit
de poudre, ce qui forme explosion dès que le
soleil y frappe, et avertit les promeneurs et tout
le quartier que le soleil est au milieu de son
cours - ». Ils en furent, un peu plus tard, avertis
par le canon, devenu célèbre, qui remplaça la
petite chambre remplie de poudre.
En 1777, le comte d'Angiviller, contrôleur
des bâtiments du roi, avait eu la pensée de
substiluer à la vieille horloge de la Samaritaine
l'action directe du soleil. Sur la terrasse de
l'édifice, il voulait établir un canon, « lequel,
par le moyen d'un verre ardent dirigé par un
conduit dont un bout répondra à la lumière du
canon et l'autre précisément à l'endroit où le
soleil se trouve au milieu de sa course, prendra
feu, les jours où le temps sera serein, et par son
explosion annoncera à tout Paris l'heure du
midi "^ ». Il ne fut point donné de suite à ce
projet, mais le duc d'Orléans d'abord, comme
on vient de le voir, puis Buffon, s'emparèrent de
l'idée et la réalisèrent, sous des formes différentes,
l'un au Palais-Royal, l'autre au Jardin des
plantes.
Avec l'aide de l'architecte Verniquet, Buffon
fit élever, au sommet du labyrinthe qui domine
le Jardin, un kiosque en fer, surmonté d'une
sphère armillaire encore visible aujourd'hui, au
centre de laquelle était suspendu le globe figu-
rant la terre. Ce globe servait de marteau pour
annoncer l'heure du midi. Retenu en l'air par
un 111 de crin, auquel correspondait le foyer
d'une forte loupe, il retombait sur un gong
chinois dès que le fil, brûlé par le soleil, se
rompait *.
Peu d'années avant la Révolution, l'on voyait
encore, dans le jardin de l'Infante un appareil de
même nature. Les rayons du soleil, concentrés
sur une lentille formée de deux glaces concaves
entre lescpielles on avait enfermé cent soixante
pintes d'esprit de vin, développaient une chaleur
telle qu'un écu de six livres y était, disait-on.
fondu en quinze secondes; l'or ne demandait
guère plus di' temps ^.
' Mémoires, t. III, p. 189.
2 Mémoires secrets, dits do Bachaumonl, 8 décembre
1784, t. XXVII, p. 60.
•"' IMélra, Correspondance secrète, 15 avril 1777, t. IV,
p. 322.
^ Voy. Thicry, Guide des amateurs et des étrangers,
(1787), "t. II, p. 181.
^ Voy. Thiéry, Guide des amateurs et des étrangers
(1786}, p. .SU.
CADRATURIERS — CAFÉS CHANTANTS
110
Gadraturiers. Ouvriers liorlo^crs qui ont
la spécialilé des cadraluivs. Ou uomuic caflniturc
l'eusemble des pièces plus direcleuieut desliuées
à faire mouvoir les aig'uilles. Elles sont placées,
en g'énéral entre la platine et le cadran.
Café (Commerce du). Le 22 janvier 1G92,
un arrêt du Conseil accorda pour six années au
sieur François Dainame, bourgeois de Paris,
le privilège de débiter seul « tous les caffez tant
en fèves qu'en poudre, le thé, les sorbecs et les
chocolats tant en pain, rouUots, tablettes, pastilles
que de toutes inanières qu'il soit mis, ensemble
les drogues dont il est composé, comme le cacao
et la vanille ' ». Il n'est accordé aux détenteurs
actuels qu'un seul jour pour faire leur décla-
ration. En outre, la Ferme, représentée par le
sieur Damame, se voit autorisée à envoyer ses
commis perquisitionner partout, à charge pour
chacun d'eux d'être accompagné par un commis-
saire au Châtelet, qui ne pourra d'ailleurs refuser
en ce cas son ministère ^.
Il semble que, si bien soutenue, l'entreprise
eut dû prospérer; il n'en fut rien. Une énorme
augmentation des prix avait ralenti la con-
sommation et encouragé la fraude, double cause
de préjudice qui découragea le soumissionnaire.
Il se décida donc à demander au roi, comme une
faveur, de vouloir bien révoquer le privilège
dont il jouissait depuis l'année précédente, et un
arrêt du 12 mai 1693 rendit libre le commerce
du café, du thé, du chocolat, du sorbec, du cacao
et de la vanille.
Le régime de liberté inauguré par cet arrêt
ne fut pas de longue durée. En 1723, la compa-
gnie des Indes était sur le point de faire faillite,
et le gouvernement, complice des fautes qu'elle
avait commises, s'efforçait de lui venir en aide.
La compagnie possédait déjà la ferme du tabac,
on lui accorda celle du café ^ .
Une Déclaration du 10 octobre réglementa
l'exploitation de ce privilège '* .
Il j est défendu à toute personne, de quelque
qualité et condition qu'elle soit, de faire le
commerce du café soit en gros soit en détail,
même de le transporter d'un endroit à un autre
dans toute l'étendue du royaume, sous peine
d'une amende de mille livres.
Le café ne pourra être vendu plus de cent sous
la li\Te. La vente en sera faite exclusivement
dans les bureaux de la compagnie, par sacs de
deux livres ou d'une livre et demie, « cachetez
des cachets de ladite compagnie ».
L'entrée du café en France n'est autorisée
que par le port de Marseille. Les balles ne seront
déchargées qu'après déclaration faite au commis
de la compagnie des Indes.
Tout individu convaincu d'avoir vendu ou
' Arrest du Conseil d' Estât du Roy concernant la vente
du ca/fé, du thé, du sorbec et du chocolat, 1692, in-4''.
~ Arrest du Conseil d' Estât du Roy , qui ordonne
l'exécution des édits. etc., 1692, in-4°.
3 AiT^t du 31 août 1723.
* Déclaration du Roy qui règle la manière dont la
compagnie des Indes fera l'exploitation de la vente exclusive
du café, 1723, in-é".
possédé du café en fraude sera puni dune Muiende
de mille livres. S'il se trouve hors d'élat de paver
ladite amende, elle sera convertie, « sçavoir : en
la peine des galères à l'égard des vagaboiuls et
gens sans aveu, artisans, gens de métier, facteurs,
messagers, voituriers, crocheteurs , gens de
peine, gens repris de justice, matelots et autres
personnes de cette qualité ; en la peine du fouet
et du bannissement de la province pour cinq ans
à l'égard des femmes et fdles de pareille qualité.
Et en cas cpie lesdits condamnez se trouvent
incapables (le nous servir dans nos galères, ils
seront fustigez, flétris et bannis pour cinq ans ».
11 est permis « aux commis et gardes de la
compagnie de faire toutes visites, perquisilions
et recherches dans les magasins, boutiques,
hôtelleries et maisons des négocians et mar-
chands, même dans nos places, chasteaux et
maisons rovales, et dans celles des princes et
seigneurs, couvens, communautez et autres lieux
prétendus privilégiez Et en cas de refus,
permettons de les faire ouvrir par un serrurier
ou autre ouvrier, en présence du premier juge
sur ce requis ».
Ce monopole si méticuleusement protégé
n'enrichit point la compagnie des Intles. Elle
s'aperçut bie^rtôt que le produit n'en couvrait
pas les fpîïîs. Il fallut revenir au régime de la
liberté •, mais des droits d'entrée, assez faibles
pour ne pas entraver la consommation, conti-
nuèrent, bien entendu, à être perçus au profit
du Trésor.
Yoy. Arméniens. — Cafés chantants.
— Cafetiers. — Estaminets. — Limo-
nadiers.
Cafés chantants. Ils sont originaires de
la Hollande. Un certain anabaptiste, resté
longtemps captif de corsaires en Orient, conçut,
à son retour, une malencontreuse idée. Il ouvrit
à Amsterdam, ^< près de la halle au blé, un
certain cabaret où il y avoit, trois fois le jour,
musique de violon et d'orgue. Cela atîiroit
continuellement du monde à boire • ».
L'innovation réussit donc, et il n"y eut bientôt
en Hollande ville un peu importante qui ne
possédât son musico. Voltaire leur donnait déjà
ce nom vers 1725, et il leur consacre une phrase
qui montre assez le peu d'estime qu'on leur
témoignait déjà : « Une île enchantée où des
nymphes caressent des matelots après un voyage
de long cours ressemble plus à un musico
d'Amsterdam qu'à quelque chose d'honnête ^ ».
On ne sait qui introduisit à Paris la mode des
niusicos. et il ne semble pas qu'elle y ail sévi
avant la fin <\n dix-huitième siècle. Toutefois,
le café (les nvemjJes et le café des nymphes
charmèrent les habitués de la foire Saint-Ovide
en 1771 et en 1772 "^ . Le Palais-Royal succéda
à la foire, puis le boulevard du Temple se vit
égayé par les cafés des Arts, tP Apollon, Alexandre
' Sorheriana (Sam. SorbiiT e.st mort rn 1670) , édit.
d.- 1694, p. 142.
2 Essai sur la poésie épique, édit. Beuchot, t. X, p. 448.
3 E. Campardon, Les spectacles de la foire, t. I, p. 187.
120
CAFÉS CHANTANTS — CAFETIERS
et Goddet. Je lis dans un ouvrage imprimé en
1779 : « Il semble que l'on ait voulu, depuis
quelques années, imiter les cafés turcs, qu'ils
appellent cavéhanes, où l'on admet des joueurs
d'iiistrumens que le maître paye pour divertir
ceux qui prennent du c-afé. Les musiciens ne sont
que passag-ers dans les cafés de la ville, mais ils
sont à la journée dans ceux des promenades,
comme aux ])oulevards. On j exécute de bonnes
symphonies, des bouffons y chantent des ariettes
avec tout le burlesque dont elles sont susceptibles,
et des cantatrices des airs d'opéra-comique.
Les voix sont passablement bonnes. Ils font tous
de leur mieux pour amuser le public, mériter ses
suffrages, et en tirer quelques pièces de monnoie
à la fin de chaque air : il est rare que l'on ne
donne point à chaque quêteuse ' ». On n'y était
point tenu, et ce qu'il y a d'étrange, c'est que
l'on pouvait profiter de ces spectacles sans bourse
délier.' Voici, en effet, ce qu'écrivait Sé])aslien
Mercier vers 1780 : « L'oisif qui n'a pas le sol
dans sa poche s'assied dans ces cafés, s'y chauffe,
entend de la musique toute l'après dînée, et ne
sort de cet asyle qu'à onze heures du soir, quand
le garçon l'avertit qu'on n'y couche point.
Jamais le maître de ces maisons vitrées ne lui
reprochera d'y venir occuper une place éternelle-
ment gratuite ; il sera toute l'année régalé de
musique et chauffé sans rien débourser. Tout
cafetier des boulevards fait un don gratuit de son
poêle, de ses chaises et de son orchestre à une
infinilé de gens ^ ».
Dans quelques-uns de ces établissements, l'on
jouait même parfois la comédie, « sans autre
rétrilmtion que le bénéfice des raffraichissemens»,
dit I*. de la Mésangère ^.
Cafetiers. Il existait sons le Petit-Châtelet
un passage couvert qui conduisait de la rue
Saint-Jacques au Petit-Pont; quelques boutiques,
étroites et sombres, s'ouvraient de chaque côté
de la voûte. Dans l'une d'elles vint, dit-on,
s'établir en 1643 un Levantin qui chercha à
débiter, sous le nom de cahote ou cahmiet^ soit
du café en grains, soit de la décoction de café.
Celle tentative ne réussit point. Ce fut Solimaii-
Aga, andiassadeur de Mahomet IV, qui, en
16t)0, mit le café à la mode, et moins de deux
iiiis après, il y avait à Paris « phisi(!urs bonliques
t'ii Ton veiutoil publiquement du caffé ^ ». lOn
province, son existence était encore ignorée,
car ral)bé de Choisy, racontant un repas qu'il
avait fait à Hourges vers 1070, chez la marquise
de l;i (irise, écrivait: « A|)rcs le (h"ner, on but
un |)''lil coup de rossoli ; nu ue connaissoii
encore ni le café ni le chocolal. et le ihé com-
mençoil à naître ^ ».
l''/ii 1072, un arménien niunuié Pascal ouvrit,
il la foire Saint-tiermain. un café qu'il transporta
' \\w{i\n\ <■\'S\n^^ny^ iJictioiiiiaiie de Paris, \.\\, [>. 10.
- Tahlrnu de Paris, t. VI, |i. 10.
■* l.r cot/nijeur à Paris, t. III, ji. 207.
* Jean (îirin, De /'usage du caiilié, du thé ri du, clwcn-
lafe. p. 23.
S Â'isfoire de la comtesse des fiarres, éHil fl.^ 180~
p. 97.
ensuite .sur le quai de l'École * , et qui n'obtint
qu'un succès de curiosité. Ses successeurs réus-
sirent un peu mieux. Ils débitèrent, outre le
café, de l'eau-de-vie, des vins sucrés, des
liqueurs, etc., et leur nombre fut bientôt assez
grand pour qu'un édit de mars 1696 pût les
constituer en communauté régulière sous le nom
de limonadiers 2.
Il n'existait pourtant alors à Paris aucun
établissement qui ressemblât, même de très loin,
à nos cafés actuels. Le premier qui ait été décoré
avec un certain luxe fut créé vers 1702 par un
palermitain nommé Francesco Procopio dei
Coltelli. Il francisa son nom, devint François
Procope, et créa dans la rue des Fossés-Saint-
Germain 3, en face du Théâtre Français, un
café qui existe encore. Il semble être resté
pendant longtemps à peu près le seul où se
réunît un public honnête. Une ordonnance de
police du 16 février 1695 nous révèle que
presque tous les cafés restaient ouverts une partie
de la nuit et servaient « de lieux d'assemblée et
de retraite aux voleurs, filoux et autres gens
malvivans et déréglés ». Elle veut qu'ils soient
désormais fermés à cinq heures en hiver et à
neuf heures en été *. Le 20 octobre ils obtinrent
de rester ouverts une heure de plus en chaque
saison. Enfin, une ordonnance du 21 mai 1704
leur fixa pour limite extrême dix heures en
hiver et onze heures en été '.
Mais à cette date, les cafés s'étaient moralises
et élaient même devenus des centres littéraires.
En 1723, trois cents cafés ouverts à la causerie
recevaient une société à laquelle ne faisait
défaut ni l'éducation, ni l'esprit. Savary écrivait
alors : « Les cafFez de Paris sont pour la
plupart des réduits magnifiquement parez de
tables de marbre, de miroirs et de lustres de
cristal, où quantité d'honnêtes gens de la ville
s'assenddent, autant pour le plaisir de la conver-
sation et pour y apprendre des nouvelles, que
pour y boire de cette boisson qui n'y est jamais
si bien préparée que lorsqu'on la fait préparer
chez soi. Les marchands de caffé en envoyent
aussi par la ville avec un cabaret portatif. Et
même les dames de la première ({ualité font très
souvent arrêter leur carrosse aux boutiques des
caffez les plus fameux, où on leur en sert à la
portière sur des soucoupes d'argent ^ ». Un
ouvrage imprimé un demi siècle plus tard
constate que « les cafés sont fréquentés par
d'honnêtes gens, qui vont s'y délasser des
travaux de la journée. On y apprend les nou-
velles, soit par la conversation, soit par la
lecture des papiers publics. On n'y souffre
personne de suspect, de mauvaises mœurs, nuls
tapageurs, ni soldais, ni domestif(ues. ni quoi
que ce soit qui pourroil troubler la ii'iuujuillité ".»
' Auj. quai ilu Louvre.
2 Voy. cet article.
•'' Auj. rue rie l'Ancicime-douiôriip.
^ Di'laiiiarri', Trnifé de la police, t. III, p. 810.
i» I.saniluMt, Anciennes lois françaises, t. XXVII,
p. 412.
6 Dictionnaire du commerce, au mot café.
' Hurtaut ptMapny, Dictionnaire de Paris, t. II, p. 10-
cafetii<:rs ^ caleconniers
121
En 1807, il existait ù Paris environ quatre
mille cafés, écrit Prudliomme, qui ajoute : « Les
limonadiers n'avaient le droit, il y a vingt ans,
de vendre du vin, ni de donner à man<^(!r ;
presque tous aujourd'hui donnent des déjeuners
à la fourchette, principalement des côtelettes,
des rognons au vin de Champagne, etc. ' ».
Une des Contemporaines de Rétif de la Bre-
tonne est dite par lui cafetière ^.
Voy. Estaminets.
Gagetiers. Faiseurs de cages. Les oiseliers
avaient le droit de fabriquer les petites cages,
les épingliers confectionnaient les volières, les
vanniers avaient la spécialité des cages en osier.
Les lourds grillages qui protégeaient les ver-
rières des églises étaient l'œuvre des serruriers.
Voy. Grillageurs et Oiseliers.
Caisse de Poissy. Créée en décembre
1743 ^, elle avançait aux bouchers l'argent
nécessaire pour payer comptant aux forains les
bestiaux que ceux-ci amenaient au marché de
Poissy. Sur la demande des bouchers, elle fut
supprimée en 1779. Rétablie, puis supprimée de
nouveau, elle a été réorganisée en 1802.
Voy. Sestiaux (Commerce des).
Galandreurs. La Taille de 1292 cite deux
kalendreeurs et qualandreeurs, celle de 1300 en
mentionne six, et ime pièce du quatorzième siècle
publiée par Depping * nous apprend que les
maîtres calendreurs étaient exempts du service
du guet bourgeois. LTne rue de la Cité portait
alors le nom de rue de la Calandre, et elle le
devait, dit Jaillot ^, à la présence de quelques
calandreurs ; cependant les Tailles de 1202 et
de 1313 n'en indiquent aucun parmi les habitants'
de cette rue.
Les statuts donnés aux teinturiers en 1669
permettent aux seuls teinturiers du bon teint de
posséder une calandre ; les autres devaient se
contenter d'une presse. Encore la calandre des
teinturiers était-elle formée de tables en bois.
Au dix-septième siècle, on appelait calandre
royale une calandre construite par les ordres de
Colbert, et qui était installée rue du Cimetière
Saint-Nicolas, dans une maison qui passait pour
avoir été habitée par Gabrielle d'Estrées. Cette
calandre avait sa plaque supérieure en cuivre et
l'inférieure en marbre. En 1777, elle appartenait
à une calandreuse nommée Laine qui prétendait
la faire remonter au règne de Louis XIII ".
Une seconde calandre royale, munie de deux
tables d'acier poli, fut établie dans la rue Louis-
le-Grand par lettres patentes de 1748.
Calculateurs. Voy. Arithméticiens.
Cale. Petite servante ou petit laquais. Le
mot cale désignait un bonnet plat, qui était
1 Miroir de Paris, t. I, p. 283.
2 Nouvelle 61.
•* Duc de Lujnes, Mémoires, t. \ , p. 221.
4 Ordonnances relatives aux métiers, p. 426.
^ Quartier de la Cité, p. 35.
6 Àlmanach Dauphin pour 1777, 2« partie, p. 9.
surtout à l'usage des ecclésiastiques et des gens
de service '. Tallemaiit des Réaux écrit : « Gom-
bauld, qui se piquoil de n'aimer qu'en bon lieu,
cajoloit une petite cale crasseuse^ ».
Caleconniers. Faiseurs de caleçons en
peau. (]c litre appartenait à la corporation des
peau.ssiers et à celle des boursiers. L'arlicle 22
des statuts accordes aux boursiers en décembre
1659 mentionne, parmi les objets qu'ils étaient
autorisés à confectionner, les « chaussons et
caleçons de chamois ».
Ceux-ci se portaient bien, comme les nôtres,
« entre la chair et les chaus.ses ^ ». Les caleçons
de tricot étaient vendus par les bonnetiers, les
caleçons de toile par les lingères.
Les femmes ne commencèrent à porter des
caleçons qu'à dater du seizième siècle. La mode
des jupes très amples, des vertiigades, des vertu-
gadins , ancêtres de la crinoline * , rendait
indispensable ce complément de la toilette
féminine. Béroalde de Verville constate tout
crûment que les femmes ont adopté le mode des
« caleçons ou brides à fesses pour se garantir •'' » ;
mais Henri Etienne raconte, avec toute la pré-
cision désirable, les origines de ce vêlement
intime : « Les femmes ont commencé à porter
une façon de haut de chausses qu'on appelle des
calçons^, et ce, pour ce qu'elles ont l'honne.steté
en grande recommandation. Car, outre que ces
calçons les tiennent plus nettes, les gardant de
la poudre (comme aussi ils les gardent du froid),
ils empeschent qu'en tumbant de cheval ou
autrement, elles ne monstrent... Ces calçons les
assurent aussi contre quelques jeimes gens
dissolus ; car, venans mettre la main soubs la
cotte, ils ne peuvent toucher aucunement leur
chair... "^ ».
Lorsque, après l'assassinat de son mari, l'on
vint arrêter la maréchale d'Ancre, du Hallier,
capitaine des gardes, fut chargé de saisir tous
ses bijoux. Il eut l'infamie de la fouiller, de la
fouiller jusqu'au caleçon : « Et enquise si elle
n'avoit point de bijoux sur elle, elle haussa sa
cotte, et monstra jusques près des tétins. Elle
avoit un calson de frise rouge de Florence. On
lui dit en riant qu'il falloit donc mettre les mains
au calson ; elle respondit qu'en autre temps elle
ne l'eusse pas souifert, mais lors tout estoit permis,
et du Hallier lasta un peu sur le calson ** ».
Dans les dernières années du dix-huitième
siècle, ({uand reparut la mode des costumes
collants, le caleçon disparut. Sébastien Mercier
écrivait vers 1780 : « Excepté les actrices, les
Parisiennes ne portent point de caleçon. S'ils
1 Furet ière. Roman bourgeois, p. 76.
2 Historiettes, t. III, p. 349.
3 Savary, t. I, p. 529. — Dictionn. de Trévoux, t. II,
p. 169.
* ^oy. ci-dessou.s les art. Paniers (Marchande.s de), et
Tournures (Fabricants de).
3 Moyen de parvenir, ehap. XLVI.
•> On les appelait aussi hragues. \oy. J. Nieot, Thrésor
de la lanque française (1600), p. 88.
' Dialogues, t. I, p. 223.
** Relation de ce qui s'est passé à la mort du mareschal
d'Ancre, édit. Michaud, p. 470.
122
CALECONNIERS — CANNAMELISTES
étoienl adoptés, nos femmes délicates, qui aiment
à courir partout, se préserveroienl d'une infinité
de maux, que le froid et l'humidité leur occasion-
nent ' ». Les Parisiennes trouvèrent sans doute
fort sages les conseils de Mercier ; toutefois, ne
voulant pas reprendre les caleçons, elles leur
substituèrent les pantalons, mode qui nous arriva
de Londres. En Angleterre, ils n'étaient guère
utilisés que par lesjeunesfillesà qui l'on enseignait
la gymnastique ; mais, au printemps de 1809,
quelques Parisiennes s'éprirent de ce vêtement.
« On les vit se promener en pantalon de perkale
garni de mousseline, les unes sur les boulevards,
les autres aux Tuileries. Quoique leur robe fût
longue et le pantalon très peu visible, elles
marchaient les yeux baissés parce que tout le
monde avait les jeux fixés sur elles ^ ». Il est
vrai que ces pantalons primitifs descendaient
presque jusqu'à la chaussure.
Galfateurs et Galfatins. Voj. Calfats.
Galfats, Ceux qui réparent les bateaux. On
trouve souvent calfateurs, et leurs apprentis se
disaient calfatins.
Un calfateur était attaché à la petite flotille
installée à Versailles sur le grand canal.
Galottlers. Faiseurs de calottes. Au
seizième sii-cle, la plupart des ecclésiastiques se
mirent à porter sous leur bonnet une cale,
identique pour la forme avec la coiffe dont les
hommes s'étaient couvert la tête au treizième
siècle •''. C'était une précaution contre le froid
glacial des églises, mais beaucoup de prêtres en
abusèrent pour se soustraire à l'obligation de
la tonsure. Le concile de Milan (1569) interdit
donc l'usage des cales, mais il autorisa la
ralolte telle que la portent aujourd'hui les
ecclésiastiques.
\'ers 1649, un sieur Lemaître imagina de
fabriquer des calottes en cuir très léger, et cette
mode fut atissilôt adoptée par le clergé séculier,
qui n'en porta point d'autres jusqu'à la fin du
dix-iiuitième sii-cle. Le cierge régulier conserva
les calottes d'élollè et de tricot.
.\u rjix-seplième siècle, les calottiers confec-
tionnaient aussi les calottes de luile jaune et de
ratine qui se plaçaient sous les perrucpies *■.
Les calollitM-s ne furent jamais constitués en
corporation. Les merciers, les bonnetiers, les
peaussier^-, les tailleui-s el surtout les boursiers
faisaient et vendaient les difierent^s espèces de
calottes. Les boursiers, qui prétendaient au
monopole des c^dolfes eu c.in'r eiiienl .i ce sujet
de longs démêlés avec, les tailleuis. mais un arrêt
du 18 mars 174H les déboula de leurs préten-
tions 5.
Cambiers. \ Dy. Brasseurs.
' Tnhlenii île Paris. I. \|I, p. r,.l.
- P. fif l,j) Mcsnnf^èro, lUctionii. îles prorerbes français
1S2I), p. .^.M.
•'• Voy. l'art Coiffiors.
' Le lirre commode pniir ifi02. t. \\, p. 7,">.
5 Statuts des marchands tailleurs d'habits, p. 1,58.
Gambistes. « Nom que l'on donne à ceux
qui se mêlent du négoce des lettres et billets de
change, qui vont régulièrement sur la place ou
sur la bourse, pour s'instruire du cours de
l'argent et sur quel pied il est par rapport au
change des différentes places étrangères ^ ».
Voy. Banqiiiers. — Changeurs, etc.
Gameliniers. Fabricants de camelin. Le
camelin était une étoffé commune, sans envers,
et dans laquelle il entrait beaucoup de poil de
chèvre ; mais on appliquait aussi ce nom aux
draps de laine fauve sans teinture. Un des
anciens commentateurs de Jean de Garlande dit
qu'ils sont appelés « camelinos, a camelo, quia
habent similem colorem camelo ». Il y avait
cependant du camelin blanc et du camelin noir,
comme le prouvent deux passages des Comptes
de l'argenterie ^. On lit dans Join ville ■* que
saint Louis portail souvent un manteau de
camelin, et dès le quatorzième siècle on en
confectionna des chapeaux. L'expression cam^^ï^t
de bois, qui se rencontre assez fréquemment,
indique du camelin destiné à faire des habits de
chasse.
Les camelins les plus estimés étaient ceux
d'Amiens, de Cambrai et de Châleau-Landon.
Gamelote. ^oy. Travail (Réglemen-
tation du).
Gampanes (Faiseurs de). Titre que
prenaient les passementiers.
Gamphre (Commerce du). A la fin du dix-
huitième siècle encore, tout le camphre du
commerce venait des Indes et du Japon. Il était
vendu par les épiciers el les apothicaires.
Le camphre artificiel s'obtenait par le procédé
suivant. On faisait un mélange de sandaraque et
de vinaigre blanc qu'on mettait pendant vingt
jours dans du fumier de cheval. On l'exposait
ensuite, durant un mois, à la chaleur du soleil.
Gandilleurs. ^'ov. Chandeliers.
Ganevassières en fil. Titre
tenait aux lino-ères.
qui appar-
Ganevassiers. Voy. Chanevaciers.
Gannamelistes. Ce mot. queji» n'ai trouvé
dans auoin dictioiniaire ancien ou moderne,
m'est fourni par l'ouvrage suivant : Le rnnna-
mcliste frunrnis, ou nouvelle instruction pour ceux
qui désirent d\ipprcndre V office, rédiijé en forme
de dictionnaire, contenant les noms... de tout ce
qui .«e pratique dans V office... avec la manière de
dessiner et de former toutes sortes de contours de
tables et de dormants. Par le sieur GilUers, chef
d'office et distillateur de S. M. le roi de Pologne.
Nancy, 17.51, in-4".
(lannamelisle vient de cannamelle, mot par
' Savnry. Dictionnaire, t. I, p. .532.
2 Par litjiiot-d'Arcq, p. 8 et 289.
3 Édit. rj,. Wailly, p. 12.
CANNAMELISTES — CANNES
123
lequel a été désignée la canne à sucre, dont le
g-oût se rapproche de celui du miel •.
Cannes (Marchands de). La première
canne fut certainement ime simple branche
d'arbre. Diogène n'en possédait pas d'autre, et
son bâton est resté presque aussi célèbre que son
tonneau.
Dès que la canne fut devenue, moins un ol)jel
d'utilité qu'un accessoire du costume, le choix du
bois cessa d'être indifférent, et l'on y ajouta des
ornements de tout genre. Un des biographes de
Charlemagne nous apprend que cet auguste
souverain portait ordinairement une canne de
bois de pommier, remarquable par ses nœuds
symétriques, et surmontée d'une pomme d'or ou
d'argent enrichie de fines ciselures ^.
Ce ne fut pas là un privilège réservé aux
hommes. Dès le onzième siècle, les femmes
sortaient aussi avec une canne à la main. Un
sinistre épisode emprunté à la vie de Constance
d'Arles, femme du roi Roljert, nous en fournit
la preuve. En 1022, le concile d'Orléans
cnndamna au feu onze ecclésiastiques convaincus
de manichéisme, et parmi eux figurait Etienne,
confesseur de la souveraine. Le roi et sa femme
devaient assister au supplice. Ils avaient pris
place sous le porche de l'église d'Orléans, où les
condamnés avaient été jaugés et d'où ils sortirent
pour aller à la mort. Etienne marchait en tète.
Dès que Constance l'eut reconnu elle s'élança
vers lui et lui creva un œil avec la canne qu'elle
avait à la main ■^.
Au quinzième siècle, les dames s'efforçaient
d'imiter le costume des hommes. Ainsi que les
jouvenceaux du bon ton, elles portaient leurs
gants dans la ceinture et, reprenant la mode
mérovingienne, tenaient une badine * à la main ^.
Le seizième siècle mit en faveur la canne à
épée. Toutefois, sur le portrait de Henri IV qui
figure dans la collection Gaignières, le Béarnais
porte à la main une canne très légère.
La canne ordinaire du roi Louis XIII était en
bois d'ébène et surmontée d'une pomme d'ivoire.
Celle de Louis XIV présentait une grande
richesse, disent ses historiens. Parfois aussi, elle
était de roseau, puisqu'il en cassa une de ce
o-enre sur le dos d'un valet *>. Dans une autre
circonstance, comme Lauzun brisait son épée,
en lui déclarant qu'il ne voulait pas servir un roi
sans foi, Louis XIV, transporté de colère, ouvrit
la fenêtre et jeta sa canne dehors pour éviter de
frapper un gentilhomme, « faisant peut-être
dans ce moment la plus belle action de sa vie >^
dit Saint-Simon "'.
Colbert avait l'habitude de porter une canne.
1 G. Vicaire, Bililiogrnphie ijasfronomiqiie, p. 403.
- Monacliu.s Sanp^allen.sis, De gestis Ctiroli nuigni^ dans
lo Recueil des historiens, t. V, p. 121.
3 (lesta syiiodi Aureliaiiensis, dans lu Recueil des lusio-
riens, t. X, p. 539.
* " Un petit baston ».
3 Martial de Paris, Arrests d'amour, édit. de 1731,
t. II, p. 403.
*" Saint-Simon, Mémoires, t. I, p. 264.
' Mémoires, t. XIX, p. 174.
même en présence du roi, et il fut imité par les
contrôleurs des finances, ses successeurs.
La canne resta pendant longtemps un signe
de distinction et de commandement. Quelquefois,
les grands personnages se faisaient accompagiïer
de valets de pied munis de cannes. Les maj<irs
de régiments se servaient de la canne pour
commander à leurs soldats. Les maîtres d'hôtel,
les exempts en portaient toujours une quand ils
étaient dans l'exercice de leurs fonctions.
En 1592. le marchand de cannes à la mode
était un sieur Coquarl. qui demeurait rue Simon-
ie-Franc ' .
Au début du dix-huitième siècle, la canne a
pris le nom de rotin, et les ornements que l'on y
prodigue varient à l'infini.
Les cannes de Voltaire et de Troncliin sont
restées célèbres. C'étaient de très longs bâtons
à pomme d'or qu'affectionnaient surtout les
vieillards, les magistrats, les financiers. Toutefois,
vers la fin de sa vie, Voltaire y substitua la canne
ù bec de corbin -. Les femmes de tout âge ne
dédaignaient pas les longues cannes, qu'elles
tenaient assez disgracieusement par le milieu.
Le fournisseur en vogue à cette époque était le
sieur Granchez, un des bijoutiers de la reine et
propriétaire du Petit - Dunkerque , magasin
fameux situé à l'angle de la rue Dauphine et du
quai Conti ^. On y trouvait, dit le Mercure de
France, de « jolies cannes de femme, en bambou,
chiquelées et garnies d'or * ». Les jeunes gens,
les grands seigneurs courant la ville en chenille
portaient à la main une canne légère, souple et
pliante appelée badine. Les femmes l'adoptèrent
aussi pour la sortie du matin.
Sous la Régence et sous Louis XV, l'épée
était le complément indispensable de la toilette.
Sauf chez soi et dans l'intimité, il fallait toujours
avoir l'épée au côté. Sous Louis XVI, les
Parisiens se désarmèrent d'eux-mêmes, et dans
le costume civil, la canne commença à remplacer
l'épée. Aussi Sébastien Mercier écrivait-il vers
1782 : « On court le matin une badine à la main;
la marche en est plus leste, et l'on ne connoît
plus ces disputes et ces querelles si familières il
y a soixante ans, et qui faisoient couler le sang
pour de simples inattentions... Les femmes
sortent et vont seules dans les rues et sur les
boulevards, la canne à la main ^ ».
J.-F. Sobry, dans son curieux ouvrage intitulé
Le tiiode françois, constate que « les hommes
d'une condition honneste ne sortent point de
leur maison sans avoir une épée à leur côté ou
quelque bâton précieux à la main '"' ».
La Révolution trouva 1<î moyen d'innover
même en matière de cannes ; mais il faut
reconnaître que sur ce point, comme pour tout
ce qui concerne le costume, ses conceptions ne
furent pas heureuses. Les élégants de 1790 se
1 Jje Livre commode pour 1692, t. II, p. 72.
2 Barhanniimt, 28 mar.s ]'778, 1. XI, p. 170.
■'* Baronn^' d'Obcrkirrli, Mémoires, t I, ji. 22."
i N» d'août 177.0, p. 201.
3 Tableau de Paris, t. I, p. 293.
6 Pagre 417.
124
CANNES - CAPITAINES DU VAUTRAIT
faisaient gloire de porter à la main une grosse
canne ficelée d'une corde à boyau et recelant une
lame d'épée. Plus tard, les Jacobins adoptèrent
un bâton noueux, sorte de trique parfois
onduleuse.
Voy. Parapluies (Fabricants de).
Canonniers. Nom cpi'ont porté les fondeurs
de canons.
Gantiniers. Voy. Vivandiers.
Caorsins et Gaoursins. Voy. Chan-
geurs.
Caoutchouc (Marchands de). Les pre-
iniéros applications industrielles du caoutchouc
datent de la fin du dix-huitième siècle. Jusque-là,
il ne fut guère utilisé que pour confectionner des
sondes chirurgicales et surtout pour remplacer
la mie de pain, avec laquelle on effaçait les traits
faits au crayon sur le papier. Vers 1780, les
papetiers vendaient, sous le nom de fieau de
nègre des petits morceaux de gomme décou[)és
dans des poires en caoutchouc provenant du
Brésil.
Les oiuTiers qui travaillaient cette substance
ont été dits caoutcJwnquiers.
Gaoutchouquiers. Voy. Caoutchouc.
Gapitaines des charrois. Officiers de la
maison royale, au nombre de quatre. « Ils
cornhiisent tous les charrois des sept offices *
quand la Cour marche, ou les font conduire par
leurs aides ^ ».
Gapitaines des chasses. Domestiques
employés dans les propriétés de campagne des
grands seigneurs. « Il faut, écrit Audiger, qu'un
capitaine des chasses prenne garde que le gibier
ne soit défruit ni effaroiiché par les paysans
ni par les seigneurs et les gens des châteaux et
terres circonvoisines. En cette même qualité, il
doit aussi empêcher que les forêts et autres bois
ne soient dégradés, et prendre garde de même
aux étangs et rivières dépendans de ladite terre,
afin que personne ne s'ingère d'y pêcher sans
permission et avec des harnois prohibés •' ».
Dans 1ns maisons royales, au bois de Boulogne
ou au cliAleau de la Meute (de la Muette par
ext'uqilf, le Ccipitaine des chasses cunuilail ces
fiiiiclioiis avec celles de grui/er ^.
\ <iy. Chasseurs.
Gax)itairies de château. Les châteaux
riiyaux flaienl couiinaudcs par un capitaine, qui
cunudait souvent ce litre avec celui de gou-
verneur '•>. Les grands seigneurs avaient aussi
1 Voy. ri-(lfss(.us l'arl. Cuisino royale (l'.Tsonnel
.1.' In),
2 K/nt tir la France pour 1712. t. 1, ii. nOV : pour
I7:ir,, i. II, p. 260.
•'• /.a nuiisiiit rrglr'e. liv. II, rhap. A.
* Klal fie In Fraiire pour 1736, t. I, p. 447.
•' Aux diàloaux ili- Mailrid i-i rlo Sainl-Gnrmain, par
•^xorajili". Voy. VÉtat de la France pour 17 12. t I ti
329 et 330.
parfois un capitaine de château! Audiger résume
ainsi ses fonctions : « Il doit prendre bien garde
que tous les gens qui sont dans la maison fassent
bien ce qu'ils sont obligés de faire chacun en
particulier, leur bien donner ses ordres et les
leur faire ponctuellement exécuter ^ ».
Gapitaines g-énéraux des faucon-
neries du cabinet du roi. Officiers de la
maison royale, et tout à fait indépendants du
grand fauconnier. « La fauconnerie du cabinet
du Roy suit seule Sa Majesté dans ses voyages,
même à l'armée, et le sieur Forget, qui la
commande, prend tous les jours l'ordre du Roy
en route ou à l'armée ».
Le capitaine général avait sous ses ordres : les
autres capitaines de vol des oiseaux du cabinet,
savoir :
Le capitaine du vol pour corneille.
Le capitaine du vol pour pie.
Le capitaine du vol pour les champs.
Le capitaine du vol pour émérillons ^.
Gapitaines-contrôleurs des feux
d'artifice. Office créé par édit de juillet 1702.
Le titulaire <,< aura l'inspection sur la construc-
tion, dessein et fourniture des feux d'artifice qui
se font par ordre de nos prévost des marchands
et échevins ; aura soin de les faire tirer aux
jours et heures qui luy seront par eux indiquez,
et pourra en faire les entreprises en son propre
et privé nom ».
Gapitaines des gardes des aires.
Voy. Gardes des aires.
Gapitaines des guides. Officiers attachés
à la personne du roi. « Le capitaine des guides,
doit se tenir vers l'une des portières du carrosse
du Roy marchant en campagne, afin que, si Sa
Majesté demande les noms des lieux, villes,
châteaux, etc. qui sont sur le chemin, il les luy
puisse nommer •* ».
Capitaines des levrettes et Gapi-
taines des lévriers. Voy. Levrettes
de la chambre.
Gapitaines des matelots. Voy. Ba-
teaux des maisons royales.
Gapitaines de l'équipage des mulets.
Voy. Muletiers.
Gapitaines des toiles de chasse. Voy.
Capitaines du vautrait.
Gapitaines de la varenne du Louvre.
Voy. Varenniers.
Gapitaines du vautrait. Ils étaient dits
aussi capitaines généraux des toiles de chasse,
tentes et pavillons du roi, et de Véquipage du
I J.a ))itii.\-i)ii réijlée, liv. II, ctiap. 4.
- Fini lie la France pour 1712, t. I, p. 213 ; pour
1736. I. I, p. 324.
^ Etat de la France pour 1687 . t. I, p. 510 ; pour
1712, t. I, p. 593 ; pour 1736, t. II, p. 265.
CAPITAINES DU VAUTRAIT — CAPITAINES DU VOL POUR MILAN 125
sanglier. Le capitaine du vautrait iioniinail tous
les olficiers de ce service, et ses fonctions, peu
compliquées, sont ainsi définies dans une publi-
cation officielle : « Quand le roi esf à la chasse
du sanglier dans renceinle des toiles, c'est le
capitaine général de cet équipage qui présente à
Sa Majesté l'épée ou les dards pour tuer le
sanglier. Le capitaine de cet équipage va ou
envoyé, dans toutes les forêts et buissons de
France qu'il juge à propos, prendre avec ses
toiles de chasse des cerfs, l)iches, faisans et autres
animaux, pour peupler ou repeupler les parcs
de quelque maison royale, lorsqu'il en est
besoin ' ».
Voy. Vautrait (Officiers du).
Capitaines du vol pour les champs.
Officiers de la maison royale, attachés au service
des oiseaux de la Chambre du roi, et tout à fait
indépendants du grand fauconnier. Ils avaient
sous leurs ordres :
Un maître fauconnier.
Un piqueur.
Un acheteur d'oiseaux.
Plusieurs valets des épagneuls. Ces chiens
étaient au nombre de dix-huit.
Un autre service du vol pour les champs était
attaché au cabinet du roi ^.
Capitaines du vol pour les champs.
Officiers de la maison royale, attachés au service
des oiseaux du cabinet, et tout à fait indé-
pendants du grand fauconnier. Le capitaine du
vol était sous les ordres du capitaiyie général des
fmiconneries du cabinet du roi, et avait sous les
siens :
Un lieutenant.
Un maître fauconnier.
Deux piqueurs.
Un valet d'épagneuls. Ceux-ci étaient au
nombre de dix-huit, et coûtaient quatre sous par
jour.
Un garde-perches ^.
Capitaines du vol pour corneille.
Officiers de la maison royale, attachés au service
des oiseaux du cabinet du roi, et tout à fait
indépendants du grand fauconnier. Ils étaient
sous les ordres du capitaine général des faucon-
neries du cahinel, et avaient sous les leurs :
Un lieutenant.
Un maître fauconnier.
Six piqueurs.
Un porte-duc.
Un garde-perches.
Deux autres services de vol pour corneille
dépendaient du grand fauconnier *.
1 État de la Fiance pour 1736, t. II, p. 284.
2 État de lu France pour 1687. t. I, p. 168 ; pour
1712. t. I, p. 188 ■,pou'- 1736. t. I, p. 296.
3 État de la France pour 1712. t. I, p. 2\h ; pour
1736. t. I, p. 328.
* État de la France pour 1712. t. I, p. 214 ; pour
1736, t. I, p. 326.
Capitaines du vol pour corneille.
Ofliciers de la maison roj'ale placés sous les
ordres du grand fauconnier. Il y avait deux vols
pour corneille.
Le premier comprenait :
Un capitaine.
\\n lieutenant.
Un martre fauconnier.
Vingt piqueurs.
Le second :
Un capitaine.
Un lieutenant.
Sept picpieurs.
Un porte-duc ' .
Capitaines du vol pour émérillons.
Officiers de la maison royale, attachés au service
des oiseaux du cabinet, et tout à fait indé-
pendants du grand fauconnier. Ils étaient sous
les ordres du capitaine général des fauconneries
du cabinet du roi, et avaient sous les leurs :
Un lieutenant.
LTn maître fauconnier.
Deux piqueurs.
LTn garde-perches ^.
Capitaines du vol pour héron. Offi-
ciers de la maison royale, appartenant au service
du grand fauconnier. Ils avaient sous leurs
ordres :
Un lieutenant.
Deux maîtres fauconniers.
Huit piqueurs ^.
Capitaines du vol pour le lièvre.
Officiers de la maison royale, appartenant au
service du grand fauconnier. Ils avaient sous
leurs ordres :
Un lieutenant.
Quatre piqueurs.
Un valet de lévriers.
Quatre pages *.
Capitaines du vol pour milan. Offi-
ciers de la maison royale, placés sous les ordres
du grand fauconnier. Il y avait deux vols pour
milan, et chacun d'eux comprenait :
Un capitaine.
Un lieutenant.
Un maître fauconnier.
Cinq piqueurs.
Un porte-duc.
« Chaque année, pour le premier milan noir
que le chef du second vol prend en présence
du Roi, le cheval de Sa Majesté, la robe de
chambre et les mules lui appartiennent ^ ; le
tout est néanmoins racheté pour une somme de
cent écus ^. »
1 État de la France pour 1736, t. II, p. 295.
2 État de la France pour 17 12, t. I, p. 2\1 ; pour 1736,
t. I, p. 329.
3 État de la France pour 1736, t. II, p. 294.
4 État de la France pour 1736, t. II, p. 297.
5 Etat de la France pour 1736, t. II, p. 293.
[2i>
CAPITAINES DU VOL POUR PIK — CARI)IP]RS
Capitaines du vol pour pie. Officiers
de la maison royale, attachés au service des
oùemix de la chambre du roi, et tout à fait
indépendants du g-rand i'auconnier. Ils avaient
sous leurs ordres :
Un maître fauconnier.
Deux piqueurs.
Un fauconnier-oiseleur ou tendeur, charo;é du
renouvellement des oiseaux.
Il V avait également un service de vol pour
pie attaché au cabinet du roi '.
Capitaines du vol pour pie. Officiers
de la maison royale, attachés au service des
oiseaux du cabinet du roi et indépendants du
o-rand fauconnier. Ils étaient sous les ordres du
capluine général des fauconneries du cabinet du
roi, et avaient sous les leurs :
Un lieutenant.
Un maître fauconnier.
Deux pi({ueurs.
Un garde-perche. Ce dernier prenait soin
des « oiseaux qu'on ne porte point aux champs ».
Il toucha par an d'aliord 273, puis 29"2 livres, et
30 livres en sus pour ses souliers-.
Capitaines du vol pour rivière.
Officiers de la maison royale, appartenant au
service du grand fauconnier. Ils avaient sous
leurs ordres. 1 lieutenant et 3 piqueurs^.
Caqueurs. Ceux qui apprêtent les harengs,
les salent et les rangent dans de petits l)arils
appelés caques.
La caque, ancienne mesure de capacité, servait
également pour les liquides, car l'ordonnance
de février 1415 mentionne les caques de
verjus *.
On trouve- aussi écaqueurs, étêtews, etc.
Carabins de Saint-Côme. Nom donm^
aux (-hirurgiens.
Cardeurs de laine et de coton.
Alexandre .\eckam, mort en 1217, a consacré
aux cardeurs, quelques lignes de son ])e nomi-
nihus usIeusiliuM •'. Jean de Garlande, qui écrivait
vers la même époque, les nonune pectrices, et
nous les montre démêlant la laine floconneuse
avec des cardes ou des peignes à dents de fer :
" carpunt lanani villosam, quam pectinihus cum
denlihus ferreis depilant allernalim " ».
Ces vénérables témoignages de leur zèle au
travail sont ce (ju'il y a de plus clair dans
riiisloir*' ])rimilive des cardeurs. (|ui semblent
avoir pris il lâche de ri-mbrouiller. 11 est proljalile
(|u'ils resièreni pendant f(jrt longtemps unis aux
foulons, et l'on ne saurait dire à quelle date ils
1 t: lai de la France pour 1687, t. 1, p. 170; imu-
1712.^ t. 1, p. 189 ; pmtr /730. t. J, p. 29T.
- fllat de lu France pour 1712. I. I, ji. 215 ; uuiir
17311, I. I, p. :J27.
•1 Etal de la France pour 1736, t. II, p. 2'J7.
* Çbapiliv VII.
"i Édit. Sch.-ltr, p. 99.
•> Edil. Si-Lflor, p. 34.
commencèrent à former une communauté indé-
pendante ' .
En 1391, ils étaient au nombre de sept ^. En
1467, ils constituèrent à eux seuls la 55* bannière,
sous nom de pigneux et car deux de laine ^.
Les vingt-deux maîtres cardeurs exerçant à
Paris en 1688 obtinrent, au mois de septembre
de cette année, de nouveaux statuts, les seuls
que j'aie pu retrouver. Ils y sont qualifiés de
maîtres et marchands cardeurs, peigneurs, arro-
neurs de laine et coton, drapier s-drapans, cotipeurs
de poils, fîleurs de laine, coton et lumignon et
cardiers. On trouvera tous ces mots à leur place
alphabétique.
Chaque maître cardeur ne pouvait tenir à la
fois qu'un seul apprenti, ni l'engager sans le
consentement des jurés. La durée de l'appren-
tissage était de trois ans, suivis d'une année de
compagnonnage.
Les fils de maître étaient dispensés du chef-
d/ceuvre, ainsi que les compagnons qui épousaient
une fille de maître.
La corporation était administrée par trois
jurés, qui devaient chaque année faire au moins
quatre visites chez chaque maître.
Les cardeurs pouvaient teindre ou faire teindre
toutes sortes de laines en noir. Mais il leur était
interdit de travailler le poil de lapin, même d'en
avoir chez eux, parce que ce droit était réservé
aux chapeliers.
Le chef-d'œuvre devait porter sur l'un des
ouvrages suivants : 1" Faire deux ou trois cardées
de laine ou de coton ; 2" Arçonner un quarteron
de laine ou de coton ; 3" Peigner de la laine sur
le fourneau ; 4P Filer, avec le rouet, du lumignon.
Les foulons se qualifiaient aussi de cardeurs,
et les cardeurs prenaient le nom de cardiers,
parce qu'ils étaient autorisés à fabriquer eux-
mêmes leurs cardes. Cependant, ils les achetaient
le plus souvent toutes faites aux cardiers.
Le bureau de la corporation était situé rue
de la Vannerie et les maîtres étaient placés sous
le patronage de saint Biaise et de saint Roch.
Cardeurs de matelas,
siers.
Voy. Matelas -
Cardeux de laine. Voy. Cardeurs.
Cardiers. Fabricants de cardes et autres
outils à l'usage des cardeurs. Leur communauté
était ancieime, car on les trouve menlionnés
dans l'ordonnance des Bannières * sous ce nom :
Faiseurs de cardes et de pignes ^ pour la laine.
Par édit du 30 décembre 1727, le roi imposa
aux cardiers un règlement fixant les dimensions
que devaient avoir les cardes suivant la qualité
(les laines auxquelles elles étaient destinées.
Les cardeurs se qualifiaient aussi de cardiers,
parce qu'ils étaient autori.sés à fabriquer eux-
mêmes leurs cardes.
' Voy. ci-dessous l'art. Corporations.
2 G. I''afrnicz, Éludes sur l'industrie, p. 344.
^ Ordonn. royales, t. XVI, p. 071.
i .\nnéf 1467. Ordonn, roxjales, t. X\"I, p. G71.
S Sic.
CAHKMK — CARKdSSIKKS
127
Carême. Voj. Charnage.
Carême -prenant. Dans les sUituts dos
iiK'liers, ci's mots dt'sig'iu'iil toujours le mardi
<^ras. « Nus corroiers ne doit ouvrer de nuiz *,
se ce n'est entre la S. Rémi (P"" octobre) et
quaresme prenant ^ ».
CariDonneurs. Gens habiles dans l'art de
carillonner, mais les sonneurs de cloches
prenaient aussi ce nom.
Vov. Sonneurs.
Carleurs. \ tiy. Carreleurs.
V
Carnaciers , Carnessiers , Carni -
ciers. Vov. Bourreaux.
Carreaux de g-rais. Voy. Quarreaux
de grez.
Carrelets (Faiseurs de). Titre que prenaient
les maîtres de la corporation des aig-uilliers.
Carreleurs. Ce litre a appartenu aux
paveurs, aux potiers de terre et aux marbriers.
Chacune de ces corporations posait les carreaux
dont elle avait la spécialité : pierre de liais, terre
cuite, marbre, etc.
On les trouve encore nommés carleurs,
carreliers, quarreliers, etc.
Voy. Marcheurs.
Carreleurs de souliers. Voy. Save-
tiers.
Carreliers. Voy. Carreleurs.
Carriers. Gens qui exploitaient des car-
rières. Le sol de Paris et de ses environs abonde
en pierres de toutes sortes. Au treizième et au
quatorzième siècles, on exploitait les carrières
de Lourcine, au faubourg' Saint-Marcel ; celles
des Mureaux, au faubourg Saint-Jacques ; celles
de Vitry ; de Bicètre ; de Charenton, d'où l'on
tirait surtout de la pierre à chaux ; de Notre-
Dame des Champs, qui fournissait des pierres de
liais ; de Gentilly et de Saint-Germain des Prés ^.
On ouvrit plus tard des carrières à Arcueil, à
Bagneux , à Montrouge , à Saint -Cloud, à
Meudon, etc. C'est des carrières de Meudon que
sont sorties les pierres qui forment la cimaise du
grand fronton de la colonnade du Louvre ; elles
ont chacune cinquante-quatre pieds de long.
La Taille dei292c}[e dix-huii qîiarriers, celle
de 1300 n'en mentionne plus que neuf. Ils
fiorurent, en iuin 1467, dans l'ordonnance dite
des Bannières ^, ou ils sont associés aux maçons
et aux tailleurs de pierre.
Les carriers avaient pour patron saint .Tean-
Baptisle ^. Je les ai encore trouvés nommés
^erreurs, perriers, perrieurs, pierreurs^ carrieux^
' Df> nuit, c'est-à-dire à la lumière artificielle.
2 Livre (les métiers, titre LXXX\'II, art. 13.
■* Voy. G. Fagniez, Efu-des sur l'industrie, p. 203.
i Ordonn. royales, t. XVI, p. 671.
» Le Masson, Calendrier des confréries, p. 121 et 137.
quarriers, rocheteurs, rochetiers, roquiers, rochiers,
etc..
Voy. Garçons-compagnons. — Ma-
nœuvres-carriers. — Moellons (Mar-
chands de). — Flâtriers. — Souche-
veurs, etc.
Carrieux. Voy. Carriers.
Carrossiers. La voiture de luxe au moyen
âge fut le char, autrement dit la charrette enjo-
livée, peinte et couverte. Le char branlant ou
suspendu apparaît au seizième siècle, et le coche
ou carrosse sous François I*^.
Jusque-là, les courtisans les plus ral'linés ne
pouvaient éviter la boue qu'en se servant d'un
cheval ou d'un mulet ; ils se rendaient ainsi à la
cour ayant souvent leur feuune en croupe. On
voit dans les J/oww»/e/a recueillis par Montfaucon
« deux courtisans qui vont au Louvre ^ », tons
deux montés sur le même cheval ; puis un « cour-
tisan et sa demoiselle », celle-ci est en croupe
derrière son père et masquée ^. Dans la cour ou à
la porte des principaux hôtels, on trouvait un
montoir de pierre devant lequel les valets ame-
naient l'animal ; en 1560, le Parlement en lit
encore établir un dans la cour du palais de
justice ^. En 1524, quand Saint-Vallier lut
conduit à la Grève, il était assis sur une mule,
avec un huissier en croupe ; Anne du Bourg, en
1550, alla au supplice dans une charrette *.
Jusqu'à la fin du règne de François l''^ une
haquenée était la monture ordinaire des prin-
cesses et des g'randes dames.
L'usage des carrosses fut importé d'Italie, et
Catherine de Médicis fut la première, croit-on,
qui s'en servit. En 1550 il n'y en avait encore
que trois à Paris, celui de Catherine, celui de
Diane de Montmorency , fille naturelle de
Henry II, et celui de Jean de Laval, seigneur de
Boisdauphin, qui ne pouvait montera cheval à
cause de son extrême embonpoint '^. Ces carrosses
étaient d'immenses et grossières machines,
couvertes d'un toit très lourd soutenu par quatre
ou huit colonnes, et entourées de rideaux que
l'on ouvrait à volonté ; la caisse était supendue
au moyen de cordes et de courroies ; on abaissait,
pour y entrer, une épaisse portière de cuir, et on
y montait au moyen d'une échelle de fer. Chris-
tophe de Thon, tourmenté de la goutte, se fit
faire un carrosse après qu'il eut été nommé
premier président, mais il ne s'en servait que
pour se rendre à sa campagne ; c'est toujours
monté sur une mule qu'il allait soit au Palais,
soit au Louvre. Sa femme ne sortait « jamais
par la ville qu'en croupe derrière un domestique » .
Dix ans auparavant, le président Gilles Le-
maître stipulait, dans un bail avec les fermiers
d'une terre qu'il possédait près de Paris ,
« qu'aux quatre bonnes festes de l'année et au
1 Tome V, p. 314.
2 Tome V, p. 314.
3 Sauvai, Recherches sur Paris, t. I, p. 188.
4 Voy. les gravures de Tortorel et Perrissin (seizième
siècle).
5 J.-A. de Thou, Mémoires, édit. Petitot, p. 399.
128
CARROSSIERS
temps des vendanges, ils lui amèneroient une
charelte couverte et garnie de paille fraîche pour
j asseoir sa femme et sa iiUe, ainsi qu'un ânon
ou une ànesse pour la monture de leur cham-
brière 1 » ; le président allait devant, sur sa
mule, et accompagné de son clerc à pied.
L'efféminé Henri III se servait beaucoup de
son carrosse -.
En 1594, on comptait à Paris au moins huit
carrosses, qui continuaient, d'ailleurs, à faire
l'admiration générale •'. En 1599, le maréchal
de Bassoinpierre ramena d'Italie le premier
carrosse garni de glaces. Si Henri IV eût adopté
cette mode nouvelle, peut-être aurait-il échappé
au couteau de Ravaillac. Une gravure du temps,
qui représente la scène du meurtre, donne une
fidèle image des carrosses de cette époque *.
Quoi qu'en dise de Thou ^, ils étaient rares
encore vers 1640, lorsque parurent les Loix de la
galanterie, code du bon ton à l'usage des petits-
maitres. A ce moment encore, la bourgeoisie et
même la noblesse pauvre allaient à pied ; on
marchait avec précaution dans les rues boueuses,
et si l'on rendait une visite de cérémonie, on
changeait de chaussure dans l'antichambre
avant d'entrer. On lit dans le curieux volume
que je viens de citer : « Lorsque la mode a
voulu que les seigneurs et hommes de condition
allassent à cheval par Paris, il estoit honeste d'y
estre en bas de soje sur une housse de velours et
entouré de pages et de laquais. Mais maintenant,
veu que les crottes s'augmentent tous les jours
dans cette grande ville, avec un embarraz iné-
vitable, nous ne trouvons plus à propos que nos
galands de la haute volée soient en cet équipage
et aillent autrement qu'en carrosse. Nous
sçavons qu'autrefois, pour parler d'un qui parois-
soit dans le monde soit financier ou autre, l'on
disoit de luy : il ne va plus qu'en housse ! mah
maintenant cela n'est plus guère propre qu'aux
médecins ou à ceux que ne sont pas des plus
relevez. De quehjue condition que soit un galaud,
nous luj enjoignons d'avoii' un can-osse s'il en a
le moyen, d'autant que lors que l'on parle
auj(jurd'hui de quelqu'un qui fréquente les
l)(Uines compagnies, l'on demande incontinent:
a-l-il rarrosse ? et si l'on respond ([ue oùj, l'on
en fait beiiucoup plus d'estime. Si les galands du
plus bas est<»ge veulent visiter les dames de
condition, ils remarqueront qu'il n'y a rien de si
laid que d'entrer chez elles avec des bottes ou
(les souliers crotlez, spécialement s'ils en sont
logez fort loin •, car quelle apparence y a-l-il qu'en
cet estât ils aillent marcher sur un tapis de pied
et s'asseoir sur un faut-œil de velours? C'est
aussi ime chose infâme de s'estre coulé de son
pied d'im bout de la ville k l'autre, quand même
on aurtiit changé de soidiers à la porte, pourceque
cela vous accuse de quelque pauvreté, qui n'est
pas ujoins un vice aujourd'hui en France que
' J.-.\. ili' Thou, Mémoires, t'dit. Pt-litot, ]i. 3'.»!i.
' ^ oy. Lestoile, Journal, novembre 1575.
3 Voy. Lesloile, Journal, 13 avril 1591.
* Dans k. K., Journal du sièijf de Paris en 1590, v> 47.
5 PafX« 399.
chez les Chinois, où l'on croid que les pauvres
soient maudits des Dieux, à cause qu'ils ne
prospèrent point ^ ».
Voici dans quel ordre se classaient les places
dans les carrosses :
P Le fond à droite.
2" Le fond à gauche.
3" Le devant à gauche, parce que l'on y était
en face du fond à droite.
4° Le devant à droite.
5° La portière à gauche.
6" La portière à droite 2.
Dans ces deux dernières places, l'on tournait
le dos aux autres personnes et l'on était assez mal
assis.
L'ordre était à peu près le même dans les
carrosses à huit places. Dangeau écrivait le
6 septembre 1685 : « Le roi, élantàChâteaudun,
fait monter madame de Maintenon dans son
carrosse. Ils y éloient huit : Le roi, madame la
Dauphine et madame de Bourbon dans le
derrière ; Monsieur, madame et madame la
princesse de Conty dans le devant ; Monseigneur
et madame de Maintenon aux portières ^ ».
Dans les carrosses non fermés, les rideaux de
cuir destinés à préserver au besoin du soleil ou de
la pluie se nommaient mantelets.
Les grands officiers de la couronne, ceux des
maisons du roi, de la reine et des fils de France
jouirent seuls d'abord du privilège très envié de
draper * , c'est-à-dire de faire recouvrir leurs
carrosses et leurs chaises à porteurs de drap noir^.
Lorsqu'étanl en carrosse, l'on croisait le Saint-
Sacrement, il fallait descendre de voiture et s'age-
nouiller sur la voie, fut-elle boueuse. Si l'on
rencontrait le roi, la reine, les princes, un légat,
un enterrement, ou une procession, la civilité vous
ordonnait de faire arrêter votre carrosse et de
vous découvrir ^ .
Depuis longtemps, les selliers se disaient
selliers-carrossiers, et les charrons charrons-
carrossiers, mais l'histoire des carrossiers propre-
ment dits ne commence qu'au dix-septième siècle.
Les statuts accordés en 1678 aux sellier s-lormiers-
carrossiers leur reconnaissent le droit de cons-
truire, garnir, orner, etc. une foule de voitures,
parmi lesquelles je relève les noms suivants :
coches, chars, charriots, carrosses, litières,
chaises roulantes, calèches, chars triomphants,
charriots de pompes funèbres, etc.
La mode des carrosses s'élant répandue au
point qu'on eu comptait à Paris plus de quinze
mille vers 1720 '', bien d'autres corporations
furent admises à faire concurrence aux selliers.
Les charrons préparaient le train ; les maréchaux
et les serruriers forgeaient les essieux, les ressorts.
1 Pag(! 50.
* Voy. A. (lu Courtin, Traité de la civilité, é<iit. de
1672, p. 1.50.
•' Journal, t. I, p. 218.
4 Saint-Simon, Mémoires, t. XII, p. 219.
•' Sur ce sujet, vo^'. ci-de.s.sous l'art. Selliers.
'' J.-B. do la Salle, Règles de la bienséance, (nhi.
de 1782.
"' Savary, Dictionnaire du commerce, t. I, p. 689.
CARROSSIERS — CARTOMANCIENS
121)
les ferrures ; les boiirreliers confectionnaienl les
pièces en cuir (soupentes, bricoles, etc.) ; les
menuisiers bâtissaient la caisse ; les miroitiers
fournissaient les g'iaces ; le^ selliers g'arnissaienl
l'intérieur, et les peintres se chargeaient de
l'extérieur.
Voy. Voitures.
Cartelateurs. \oy. Cartomanciens.
Garteron. Voy. Quarteron.
Cartes de visite (Distribution des). Voy.
Porte-claquette .
Gartiers. Leurs premiers statuts, datés
d'octobre 1594, \e% (\\xd\\^en\,àe cartiers-faiseurs
de cartes, tarots, feuillets et cartons. L'appren-
tissage était de quatre années, suivies de trois
années de compagnonnage. Le chef-cV œuvre :
« une demye grosse de cartes fines », est déjà
exigé des aspirants à la maîtrise. Chaque maître
ne devait avoir à la fois qu'un apprenti, on lui
en accordait cependant un second quand il
occupait au moins cinq compagnons. Le nombre
des maîtres était alors de huit seulement.
Ces statuts furent souvent confirmés et révisés
par la suite. En 161.3, le roi ordonne aux
fabricants de « mettre leurs noms et surnoms,
enseignes et devises au valet de trèfie de chaque
jeu ». Il leur interdit de « faire, contrefaire,
inventer ni falsifier les moules, portraits, figures
et autres caractères des cartes dont les cartiers
de Paris ont joui et usé, jouissent et usent encore
de présent ». Défense est faite aussi de modifier
la dimension des cartes.
L'édit de septembre 1661 eut pour objet de
régulariser la confection des cartes à jouer, et
surtout de faciliter la perception de l'impôt qui
les frappait. La France fut divisée en onze
bureaux qui monopolisèrent la fabrication : Paris,
Rouen, Toulouse, Lyon, Thiers ^ , Limoges,
Troyes, Orléans, Angers, Romans et Marseille.
Dans chacune de ces villes, un endroit était
désigné, où les cartiers installaient leurs outils,
moules, presses, etc., ils travaillaient sous la
surveillance d'un commis délégué par l'Etat, et
devaient employer un papier spécial, ditjsajym"
fot ^. Je rappelle qu'aujourd'hui encore, l'im-
pression des cartes, des figures • au moins, ne
peut se faire qu'à l'imprimerie nationale et pour
le compte de la régie ; l'enluminure reste l'œuvre
des cartiers. Lors de la fondation de l'école
militaire à Paris (1751), le roi aliéna, en sa
faveur, l'impôt sur les cartes à jouer, alors fixé à
un denier par carte.
En 1692, le cartier du roi se nommait
Beaumont et demeurait place des Victoires ^.
Mais cette industrie ne fut jamais très florissante
dans la capitale. A la fin du dix-septième siècle,
le centre de la fabrication des cartes à jouer était
la ville de Rouen, qui en fournissait toute
1 En Auvergne. Il y avait là une très ancienne
fabrique, que Montaigne visita en 1588.
2 Et mieux au pot. Dans le filigrane figurait un pot.
>* Le livre commode pour 1692, t. II, p. 26.
l'Europe et même l'Amérique *. Ily eut pourtant,
un peu plus lard, à Paris des maisons produisant
jusqu'à deux cents jeux par jour.
Fidèles à leurs statuts de 1613, les cartiers
conservèrent, .sans y rien changer, leurs types
primitifs. Mais il y avait des protestations.
Hurtaut et Magny écrivaient en 1779 : « Il est
surprenant que nos François, qui se piquent si
fort de bon goiît et qui veulent le mieux jusque
dans les plus petites cho.ses, se contentent des
figures maussades dont les cartes sont peintes. Il
est évident qu'il n'en coûteroil rien de plus pour
y représenter des sujets plus agréables
Cependant, depuis quelques années, le sieur
Mitoire a fait passer de nouveaux patrons, d'une
composition plus nette et d'un dessin plus
correct. En conservant la même distribution
d'attributs, d'accessoires et de couleurs, il passe
pour être parvenu à ôter aux cartes cette grossiè-
reté qui les rendoit rebutantes ; mais elles n'en
sont pas plus communes dans les maisons, le
goût antique paroissant l'emporter sur le
moderne - ».
On distinguait alors quatre qualités de cartes,
classées suivant leur finesse, en fleurs, jyremières,
secondes, triards. Toutes se vendaient au jeu, au
sixain ou à la grosse composée de vingt-quatre
sixains. Les jeux se divisaient ainsi :
Jeux entiers 52 cartes.
Jeux d'hombre 40 »
Jeux de piquet 32 »
Jeux de tri 34 »
Jeux de brelan 28 »
Jeux de reversis 48 »
Jeux de comète 96 »
En 1777, le graveur de la régie des cartes à
jouer se nommait Foex et demeurait rue Saint-
Antoine ^.
Les cartiers étaient dits cartiers-tarotiers-
feuilletiers-cartonniers-doriiinotiers. Par allusion
à leur profession, ils s'étaient placés sous le
patronage des Rois, qu'ils fêtaient le jour de
l'Epiphanie.
Cartographes. Voy. Enlumineurs et
Géographes (ingénieurs).
Cartomanciens. Ceux qui prédisent
l'avenir au moyen des cartes.
Le plus illustre de tous les cartomanciens a
avoué qu'il n'avait aucune foi dans sa sorcel-
lerie, et qu'il ne croyait pas lui-même à ses
prédictions. C'est un sieur Aliette, garçon
coiffeur, qui publia en 1770 un livre resté
célèbre et cent fois réimprimé : Etteila, eu
manière de se récréer avec un jeu de cartes. Notez
qu'il entendait seulement offrir à ses lecteurs une
innocente distraction ; mais quand il vit qu'on
prenait au sérieux ses fantaisies, il voulut profiter
de l'aubaine, et de hauts personnages allèrent,
dit-on, consulter ce devin malgré lui, qui
1 Boisguillebert, Le détail de la France (1697), chap.
XVII, p. 91.
- Dictionnaire de Paris, t. II, p. 90.
3 Almanuch Dauphin, 2" partie, p. 28.
130
CARTOMâNCIEXS — CEINTURE DE LA REINE
(loiinait ses audiences dans un <i:reiiier de la
rue Fromenteau. Il fallait bien tenir à être
trompé, car voici ce qu'Alielie avait dit dans sa
prélace : « Mon dessein, en écrivant ce livre,
n'a été que d'empêcher bien des personnes d'être
la dupe d'eux-mêmes et de ces fripons que nous
appelons devins. Amusez-vous donc de ma
science, ami lecteur ; mais quand vous la possé-
derez comme moi, ayez le bon esprit de ne pas
vous croire plus sorcier que moi-même qui. en
vérité, suis bien loin de me liât ter d'en être
un ».
Ses successeurs n'imitèrent pas cette franchise.
On peut citer parmi eux Martin, sous le Direc-
toire ; M"« Lenormand, M""' Villeneuve, Gomarl,
etc. sous le premier Empire.
Ces bateleurs ont été encore nommés Carte-
lateiirs, tireurs de caries, etc.
Voj. Bateleiirs.
Gartonniers. Fabricants de carlon. Leurs
premiers slaluls dalenl du mois d'avril 1599, et
ils furent révisés en 1(560. L'apprentissage était
de quatre ans, suivis de quatre ans de compa-
gnonnage, et chaque maître ne pouvait avoir
à la fois qu'un seul apprenti.
Les maîtres s'intitulaient ^«^^i!ïVn, colleurs de
fev.illes, travaillans en cuve, faiseurs d'étuis à
chapeaux, boîtes de cartes, colleurs de papier sur
châssis. Ils avaient pour patron saint Jean
TEvangéliste, et étaient au nombre de cinquante
environ vers la tin du dix-huitième siècle.
Les cartiers s'intitulaient aussi cartonniers.
Yoj. Sculpteurs en carton.
Gartriers. Voj. Geôliers.
Gassetiers. Voy. Layetiers.
Gastag"nettes (Faiskurs ue). Au dix-sep-
lit-me siècle, un sieur Alexandre Roboam.
lutliier demeurant rue des Arcis, était renommé
comme faiseur de castagnettes ^ .
G atheri nettes. Voj. Bureaux de pla-
cement.
Gatholicité (Certificat de). A dater du
dix-septit'ine siècle, les statuts des communautés
exigent en général que l'apprenti fasse profession
de la religion catholique, « crainte, suivant les
pluniassiers, d<' ([uelque bruit en leur famille, et
qu'il n'en s\irvienne quelque accident préjudi-
cial)le à la cmvance de leurs enfans - ». On en
demandait autant à l'ouvrier qui aspirait à
devenir maître. Il devait, avant tout, disent les
chapeliers « l'ain- apparoir de sa lidélité. preud'-
iiommit! et religion catholique pardevant le pro-
cureur de sa Majesté au Chûlelet ^ ». Les lingères
se nionlreul très sévtTes sur cet article. « Si,
disent leurs slaluls de 1044, on découvre après
la réception d'une maîtresse qu'elle appartient à
la religion prétendue réformée, elle sera chassée
' Le livre connnode pour IGU'J. • I. p 275.
2 SlaluLs (l.< 1(559, art. 25.
a Statuts df 1658, art. 1.
de la communauté et sa boutique sera fermée ^.
Le 13 mai 1681, une sentence de police avait
défendu aux maîtres professant la R. P. R. de
prendre aucun apprenti, celui-ci fùt-il catho-
lique. Des déclarations ou des arrêts, datés du
20 févTier 1680, des 9 juillet et 15 septembre
1685, leur interdirent les métiers de sage-femme,
de libraire, d'imprimeur, de chirurgien et d'apo-
thicaire ^. Le 10 juin de cette dernière année,
l'académie des Beaux-Arts accueillit dans son
sein le peintre Blain de Fontena^' avant qu'il
eut terminé son tableau de réception, « pour lui
marquer la joie de ce qu'il s'est nouvellement
converti à la foi catholique, et exciter parcelle
grâce les autres de la R. P. R. qui sont de la
compagnie à rentrer dans le giron de l'Eglise ».
Louis XIV les j convia d'une manière plus
pressante encore au mois d'octobre, en révoquant
l'édit de Nantes ^.
Les écrivains, dans leurs statuts de 1727,
exigent encore du candidat à la maîtrise, non
seulement qu'il déclare pratiquer la religion
catholique, mais encore qu'il le prouve <\ par un
certificat de son confesseur et de deux notables
bourgeois * ».
En 1746, les boulangers menacent de peines
sévères l'ouvrier qui aurait « blasphémé le saint
nom de Dieu ^ ».
Gatisseurs. Ouvriers qui donnaient le lustre
aux étoffes. Pour le cati à froid, on interposait
dans chaque pli du tissu une planche bien unie,
puis l'on mettait en presse. Dans le cati à chaud,
des plaques de cuivre chauffées remplaçaient le
bois.
Les catisseurs sont aussi nommés presseurs,
applanisseiirs, apprêteiirs, etc.
Gauderliers , Gaudreliers , Gau -
driers, Gaudronniers. Voy. Chaudron-
niers.
Gauponiers. Voy. Cabaretiers.
Gavatiers et Çavetiers. Voy. Save-
tiers.
Çavetonniers de petis soulers de
basenne. Nom que le Livre des métiers donne
aux savetonniers.
Geinture de la reine. C'était un impôt
destiné à l'entretien de la mai.son de la reine ".
Ail treizième siècle, on le levait, de trois en
trois ans, « le jour de la Saint-Remy », .sur les
vins entrant à Paris ; il fut plus tard étendu à
d'autres denrées '. Sous une autre forme, cet
» Articlo 5.
2 N uj. t.. I^ilatte, Édils, déclarations et arrêts concer-
nant la relitjion prétendue réformée, p. 49, 81, 204 et 237
et pa.ssini.
•J Voy. ci-ilessous l'art. Édit île Nantes.
* Article 1. Cet article n'existe plus ilans leurs
statuts (le 1779.
5 Statuts, art. 47.
^ \oy. Ducaiige, Glossarium. \° rona reglncp.
' ^ oy. Dt.'pping, Ordonnances relatives aux métiers,
p. 430.
GEINTURl': 1)I<; LA RKIXK — (:]<:NSEURS ROYAUX
ini[)ôt existait «'iicore au (lix-huilii'iiu' siècle cl
il fut perçu lors du maria^'e de Louis XV *,
mais Marie-Antoiuelte y renonça lors de son
avèuenient à la couronne -.
Geinturiers. C'est vers la fin du quator-
zième siècle que les corroiers clianyèrenl de nom
et devinrent ceinturiers de cuivre et de laiton. Va\
même temps le métier cessa d'être libre, le roi
en donna les revenus à son chambellan et à son
chambrier, et il fallut pour s'établir payer
seize sous, dont dix au premier et six au second.
De plus, on exig'ea que tout candidat à la
maîtrise fit cJief-d^ œuvre ; ce fut alors, suivant la
mode du jour, « une ceinture de velours à deux
pendans, à huit boucles par le bas des pendans,
la ferrure de fer limée et percée à jour, à
feuillag-es encloués dessus et dessous, les clous
avec leur contre-rivet, le tout bien poli ».
L'ordonnance dite des Bannières ^ écrit
Sainturiers.
Vers le milieu du seizième siècle, la commu-
nauté comptait près de deux cents maîtres. La
décadence des ceintures et la mode des demi-
ceints portèrent à sa prospérité un coup dont
elle ne se releva point. Puis, deux corporations
nouvelles, celle des ceinturiers en e'tain et celle
des demi-ceintiers, leur créèrent une concurrence
redoutable : mais les premiers leur furent réunis,
les seconds entrèrent dans la communauté des
chaînetiers, et, en mars 1551, les ceinturiers
reçurent de nouveaux statuts, qui, révisés en
1598, les ont régis jusqu'à la Révolution.
Chaque maître ne pouvait avoir à la fois qu'un
seul apprenti, et la durée de l'apprentissage
était de quatre ans. Quatre jurés, dont deux
étaient pris parmi les ceinturiers d'étain,
surveillaient le métier.
A dater de ce moment, les ceinturiers
modifièrent un peu leur spécialité. Ils confec-
tionnèrent surtout des ceinturons (d'où leur nom
de ceintnrontiiers) en buffle, en maroquin, en
veau, des courroies d'éperon, des baudriers et
autres objets de même nature destinés à l'équi-
pement des troupes. Mais ils ne retrouvèrent
jamais leur prospérité primitive, et à la fin du
dix-huitième siècle, le nombre des maîtres était
de 43 seulement *.
Les ceinturiers avaient pour patron saint
Jean-Baptiste.
Voy. Chef-d'œuvre. — Demi-ceintiers
et Expérience.
Ceinturiers en étain. Ainsi appelés
parce qu'ils ornaient les ceintures de clous en
étain. A la suite d'un long procès, ils furent, en
mars 1551, réunis à l'ancienne corporation des
ceinturiers.
Ceinturiers en fer. Cette spécialité paraît
dater seulement du seizième siècle. Les maîtres,
' Voy. le Journal de Barbier, août 1725, t. I, p. 403.
2 Mémoires de Weier, édit. Berville et Barrière, t. I,
p. 43.
3 Juin 1467. — Ordonn. royales, t. XVI, p. 6~2.
4 Jaubert, Dictionnaire, t. I, p. 409.
après être restés (]url(|iie temps indépendants,
finirent par se fondre dans l'ancienne corporation
des ceinturiers.
Ceinturonniers. \'oy. Ceinturiers.
Celleriers. On nommait ainsi, ceux qui,
dans un grand établissement, un couvent par
exemple, avaient le soin des provisions de
bouche. Le cellerier recevait du chambrier
l'argent nécessaire, et devait pourvoir à la
nourriture journalière des hôtes et des frères. La
cuisine, avec son matériel, ainsi que le jardin
potager étaient sous son entière dépendance "•.
On trouve aussi ceveliers, cheveliers^ etc.
Gendre gravelée (Marchands de). Les
ménagères et les blanchisseuses faisaient jadis
grand usage, pour leurs lessives, du sel de
soude et de la cendre gravelée, lie de vin
séchée et calcinée. Les Tailles de 1292 et de
iSiS ne mentionnent chacune qu'un seul
cendrier., mais, au seizième siècle, ils sont
souvent cités dans les cris de Paris :
Cendre à lavandière, cendre à lavandière !
Hz sont à .six blancs le boi.sseau
A la g-rand'ruf de Sainct-Marceau
Tout auprès de la Barbodière 2.
En 1673, Colbert voulut forcer les « mar-
chands de cendre et de soute ^ » à se constituer
en communauté. Ils étaient alors au nombre de
40, et on les taxa à 300 liv., ce qui eût fait
entrer 12.000 liv. au Trésor, mais l'édit ne fut
pas exécuté, et la cendre gravelée devint le
monopole des vinaigriers.
Sur la manière dont on traitait la soude au
dix-huitième siècle, voy. V Encyclojjédie métho-
dique '*.
Cendriers. Voy. Cendre gravelée.
Censeurs royaux. On fait remonter au
seizième siècle la censure des livres. Exercée
d'abord par la Faculté de théologie, elle fut
confiée, en 1624, à (juatre docteurs de Sorbonne,
docteurs désignés par le roi et recevant de
lui des honoraires. Enfin, en 1653, il fut décidé
que le chancelier nommerait les censeurs chargés
d'examiner les ouvrages dont l'impression serait
proposée.
Aucun volume ne put plus être publié sans
avoir été soumis à un censeur royal qui, en
général, formulait ainsi son approbation : « J'ai
lu, par ordre de M. le chancelier, un manuscrit
ayant pour titre... et je n'y ai rien trouvé qui
doive en empêcher l'impression ».
Les livres devenant de plus en plus nombreux,
le service de la censure dut être réorganisé en
1742. Les censeurs, portés au nombre de 78,
furent partagés en plusieurs classes : théologie,
jurisprudence générale, jurisprudence maritime,
1 Ducanjjce , au mot cellarius. — ^'albonnais ,
Mémoires pour servir à l'histoire du Dauphiné, p. 110.
2 Ant. Truquet, Les cent et sept cris, etc.
3 De soude.
4 Tome VII, p. 554.
132
CENSEURS ROYAUX — CENTRALISATION DES MÉTIERS
médecine, histoire naturelle et chimie, chirurgie
et anatomie, mathématiques, belles lettres,
géographie, navigation et voyages.
Les affiches, les placards, les pièces de théâtre
représentées, les chansons et autres écrits de ce
genre qui ne dépassaient pas deux feuilles d'im-
pression était sommairement examinés par le
censeur de la police, fonctionnaire dépendant du
lieutenant général.
On trouve dans l'ouvrage suivant : A. -M.
Lot lin. Catalogue chronologique des libraires.
etc. ', la liste des censeurs royaux ayant exercé
depuis 1742.
Centralisation des métiers. Pendant
plusieurs siècles, chaque profession resta centra-
lisée dans une même rue ou tout au moins
dans un même quartier ; fabricants, marchands,
arlisans exerçant un métier identique étaient
logés à côté les uns des autres et appartenaient à
une même corporation, à une même confrérie.
Les recensements faits à l'occasion des tailles
levées sur la population fournissent à cet égard
des renseignements très sûrs et 1res curieux.
Quekjues rues onl conservé jusqu'à nos jours
le nom qu'elles devaient à l'industrie qui y avait
été spécialement représc^itée. Je citerai, comme
exemple, la rue de laHeaumerie, qui n'a disparu
qu'en 1853, lors de la continuation de la rue de
Rivoli, et qui demeura pendant plusieurs siècles
le centre de la fabrication des armures. Sauvai
dit - qu'elle « emprunta son nom -d'une maison
où pendoil pour enseigne un heaume, et encore
des armuriers qui occupoient la plupart des logis
dans le tems que nos pères donnoienl le nom de
heaume à un casque et aux armuriers celui de
heaumiers •* ». En effet, parmi les vingt contri-
buables que mentionne la Taille de 1292 dans
« la Iliauiuerie », je relève les noms suivants :
Fiiiiqurt, le lormier *.
Marlin, Varmeurier.
Rogier l'Anglois, lormier.
Son compaignon.
Jehan le PTamanc, trumelier ^.
Ja({ues de Senliz, armeurier.
(îervèse, le lormier.
.b- Irouve encore cités dans la partie de la rue
Sainl-Denis qui allait du Châtelet à la rue de la
Heaumerie :
Phelipo, le fov.rheeur ^.
HnJHM-t, h) pnirbeeur.
Nicholas de Tours, armeurier.
PIi('li[)pot, son vallet.
Ji'jiannot, son vallet.
Jehan Godin, hauhergier.
(înillaume, armeurier.
' l'aiis, 1789, in-8».
" Rrrlii-rchrs sur Paris, l. I, p. l-H.
•' \'i>y. HUSHi Mi-iia|,'i>, Diclionnaireélymolonliiiir l II
p •i:i2.
i ils f«linf|uairnt drs ('[HM-ons, ilos (îtricrs, des mors
il la pluporl (l.-s pinits objrts de f.T (jui compltitaienl
riM|iiipcmi'nl du cavnliiM- (>l le liarnachcnH-nl dvi cheval.
5 Ils fabriquaient les trumelièri'.s, tpii prod'ii'.aient les
jambes.
6 Fourbissfur.
Henri, Xe fourbeeur.
Guillaume le boçu, armeurier.
Jehan Godin, haubergier.
Henri, \e fourbeeur.
Raoul le Blont, fourbeeur.
Raoul Tire-Veel, armeurier.
(iodefroi l'Alemant, fotirbeeur.
Jehan le Bourgueignon, armeurier.
Michiel, armeurier.
Nicholas de Roen, fourbeeur.
Robert de Pontaise, armeurier ^.
Vers la fin du treizième siècle, les incon-
vénients de cette centralisation s'étaient fait
sentir, et les métiers avaient commencé à se
répandre un peu partout. Je remarque pourtant
encore dans la Taille de 1292 :
La rue aux Jugleeurs, avec deux trompeeurs
et deux jugleeurs.
La rue de la Petite-Bouclerie, avec quinze
boucliers.
La rue de la Sellerie, avec vingt-cinq selliers
et quatorze lormiers.
La rue des Plâtriers, avec un plâtrier, deux
maçons et un tailleur de pierres.
La rue de la Bùcherie avec sept bùchiers.
La rue aux Ecrivains, devenue un peu plus
tard rue de la Parcheminerie, avec un écrivain
et neuf parcheminiers.
La rue de la Boucherie Sainte-Geneviève, avec
huit bouchers et un tripier.
La rue de la Poulaillerie, avec onze poulail-
lers, etc., etc.
Au siècle suivant, la dissémination est devenue
la règle générale. On rencontre pourtant encore
des exceptions ; la petite rue au Foin possédait
seulement cinq contribuables, dont quatre étaient
faniers et le cinquième porteur de foin ; la rue de
la Saunerie compte encore, sur dix imposés, trois
sauniers ; la rue de la Tannerie, vingt-neuf
tanneurs sur quarante-trois imposés. La Heau-
merie a conservé sa spécialité ; parmi les trente-
([ualre imposés qui y demeurent figurent :
Guiart de Pon toise, armeurier.
Guillaume de Tournay, lormier.
Poincet, le hiaumier.
(îuorin, \ti hiaumier.
(luillaume le Cauchois, armeurier.
Maheut, famé feu Charonne, armeurier -.
Eslienne le Bourgoignon, armeurier.
Jehan Vidré, haubergier.
.lelian de Sanliz, armeurier.
Pierre, le haubergier.
Nicolas de MeuUant, trumelier.
Geoffroy Petit-Clerc, armeurier.
Poincet de Baumes, armeurier^
Symon, le trumelier.
Colin l'hiscot, qui fait gantelez.
Thomas le (Champion, hyaumier ^.
A la fin des statuts accordés, en 1407, aux
haubergiers, on lit ces mots : « Publiés au
1 Taille de 1292, p. 28 et 97.
- Veuve continuant le commerce de son mari.
3 Taille de 1313, p. 102.
CENTRALISATION DES METIERS — CHAGRINIERS
133
carrefour de la Heaumerie le 10 mai 1407 » ; et
Guillebert de Metz écrivait encore vers 1434 :
« rue de la Heaumerie, ou l'en ' fait armeures - ».
Gepiers. Voj. Geôliers.
Gerceliers et Gercliers. C'étaient des
fabricants, des marchands ou des plieurs de
cerceaux pour tonneaux, peut-être même tout
cela ensemble. Dès le treizième siècle, ils criaient
dans les rues les produits de leur industrie -.
Cerciaus de bois vondro volons 3.
La Taille de 1292 mentionne un cercelier, celle
de 1300 cite quatre plieurs de cerceaux. Ils
appartenaient à la corporation des tonneliers.
On trouve aussi serquiliers.
Cercueils (Commerce des). Au moyen âge,
l'écrin est parfois un objet de luxe, c'est plus
souvent une boîte, même une boite de grande
dimension, même un cercueil, et ceux-ci sont
fabriqués par les écriniers. Les Chroniques de
Saint-Denis, racontant la mort de Thibaut, roi
de Navarre ^, nous apprennent que son corps
« fu embasmé, enveloppé et mis en un écrin
bien et gentement ^ ».
Les écriniers devenus layetiers conservèrent
cette spécialité, qu'ils partageaient déjà avec les
menuisiers, ou du moins avec leurs ancêtres les
huchers. L'article 4 des statuts accordés à ces
derniers en décembre 1290 ^ est ainsi conçu :
« Que nus ne loue coflFres à gens mors ». Ce qui
prouve, en outre, que dès cette époque les pauvres,
transportés parfois au cimetière dans une bière
louée, étaient mis en terre sans cercueil. Les
plombiers fabriquaient les cercueils de plomb,
qui recevaient la dépouille des gens riches. Au
dix-septième siècle encore, ceux-ci devaient
s'adresser aux selliers pour une foule d'acces-
soires. Leurs statuts de septembre 1678 les auto-
risent à «faire chariots de pompes funèbres, faire
et fournir la grande couverture pendante, garnir
le cercueil de velours et de croix de satin, faire
les caparaçons des chevaux, et fournir tout ce
qu'il conviendra aux harnois et à la selle ' ». A
cette date, les lajetiers ne confectionnaient plus
que les bières communes en sapin.
Sébastien Mercier, qui écrivait vers 1780,
nous dit que l'Eglise avait alors le monopole de
la fourniture des cercueils, et il ajoute qu'elle les
vendait le double de ce qu'ils valaient *. Il nous
montre plus loin le lajetier allant livrer une
bière, et la promenant sur son épaule au milieu
de la foule qui s'écarte pour le laisser passer ".
Le pauvre devait souvent encore se contenter
d'un cercueil banal qui, après l'avoir mené
t Ofi l'on.
2 Description de Paris, édit. Le Roux de Lincy, p. 211.
>* Guillaume de la Ville Neuve, Les crieries fie Paris.
4 Mort en 1253.
5 Édit. Paulin Paris, t. V, p. 21.
6 Dans Depping, Ordonnances relatives aux métiers,
p. 374.
' Article 18.
8 Tableau de Paris, t. III, p. 184.
9 Tahleaii de Paris, t. XI, p. 88.
jusf[ii"aii bcird de la fosse, revenait à vide, et
recevait ainsi chaque jour un nouveau cndavre '.
Ces bières-là étaient, du moins, à l'abri des profa-
nations qne l'on reprocliait au fossoyeurs -.
Voy. Emballeurs. — Fossoyeurs. —
Fompes funèbres.
Gerdeaux. Voj. Serdeaux.
Gérémonial. Voy. Aide des cérémo-
nies. — Grand maitre des cérémonies.
— Hérauts d'armes. — Introducteurs
des ambassadeurs. — Maîtres des
cérémonies. — Maitres des cérémonies
ecclésiastiques. — Rois d'armes '•
Gerenceresses. Voy. Filassières.
Gémeaux (Marchands de). Dès le trei-
zième siècle, on criait des « cerniaux » dans les
rues de Paris ^. Ils étaient devenus ^< cerneaux»
au seizième siècle :
A mes beaux cerneaux, à mes beaiix cerneaux !
Tout cecy pour deux tournois.
Je crie à si haute voix
Que j'en suis quasi tout en eau ^.
Gertificateurs des actes des no-
taires. Offices créés par édit du 28 juin 1627.
Aux termes de cet édit, les titulaires devaient
« certifier tous les contracts et actes excédans
cent livres, passez par ceux qui ne sçauronf lire,
écrire, ne signer ».
Gervisiers et Gervoisiers. Voy. Bras-
seurs.
Geveliers. Voy. Celleriers.
Ghableurs. Nom que portaient, sur la
haute Seine, les maîtres des ponts et pertuis. Il y
avait un chableur à Corbeil, à Melun, à Mon-
tereau, au pertuis d'Auferne, à Pont-snr-Yonne,
à Sens et à Villeneuve-le-Roi ".
Voy. Maitres des ponts.
Ghaesniers. Nom que la Taille de 1292
donne aux chaînetiers.
Ghagralniers. Voy. Chagriniers.
Ghagriniers. OuATiers qui préparaient les
peaux de manière à les rendre grenues. On les
trouve aussi nommés chagrainiers., orthographe
plus conforme à l'étymologie.
Au milieu du dix-huitième siècle, deux ou
trois tanneurs avaient adopté cette spécialité,
mais presque tout le chagrin employé en France
venait encore de Constantinople, de Tunis,
d'Alger et de Tripoli.
Voy. Maroquiniers.
1 Tableau, de Paris, t. III, p. 187.
2 Tableau de Paris, t. I, p. 2.58.
3 Cons^ilter sur ce sujet : Th. Godefroy, Le cérémo-
nial françois. 1649, 2 in-folio. — Etat de la France pour
1687, t. I, p. 521 ; pour 1712, t. I, p. 644 ; pour
1736, t. II, p. 310.
* Les crieries de Paris, par Guill. de la Ville Neuve.
j> Les cent et sept cris, etc. par Antoine Truquet.
6 Ordonn. de février 1415, art. 616 et suiv.
134
CHAINETIKRS — CHAMBRE ET CABINET DU ROI
Ghaînetiers. Faiseurs de chaînes. En 1292,
il y avait à Paris sept maîtres chaesniers ou
cheesniers. C'est à peu près tout ce que l'on sait
sur l'histoire primitive de cette corporation, les
documents qu'elle avait réunis ayant été brûlés,
en 1685, avec le coffre où elles étaient conservées.
La communauté, qui avait compté jusqu'à quatre-
vino-ts maîtres, était réduite à six en 1718 ; elle
ne faisait plus d'apprentis et, faute de sujets
capables, les mêmes jurés restaient en fonctions
cinq ou six ans de suite * .
On avait pourtant réuni successivement à cette
communauté les haubergiers ou haubergeniers,
les tréfliers elles demi-ceinliers, aussi les maîtres
étaient-ils qualifiés de chainetiers-hauhergeniers-
(ré(liers-demi-ceinliers "^ .
Des lettres patentes du 21 septembre 1762,
enresristrées seulement en août 1764, réunirent
aux épingliers les chaînetiers, qui conservèrent
pour patron saint Alexis.
U Ènajchpédie 'méthodique, en 1782, les
nomme chaisnettiers ^.
Voy. G-ardes-chaînes.
Chair humaine (Marchands de). Voy.
Recruteurs.
Ghaircuitiers. Voy. Charcutiers.
Ghaise ( Conducteurs , Traineurs et
Tireurs de). Voy. Brouetteurs.
Ghaisiers. Voy. Tourneurs en bois.
Ghaisnettiers. Voy. Chaînetiers.
Ghalets de nécessité. Voy. Latrines
publiques.
Ghambellan de France ((jrand). La
royauté lui avait concédé une partie des revenus
provenant de cinq métiers.
Voy. Maître des cordonniers.
Ghamberières. Voy. Servantes.
Ghamberiers. ^'oy. Valets de cham-
bre.
Ghamberlans. Voy. Chambrelans.
Ghambre des bâtiments d Ghambre
de la maçonnerie. Voy. Maître des
maçons.
Ghambre de la marée. Voy. Marée.
Ghambre et du cabinet du roi (Peh-
.sONNEI, lilO 1,A .
Ce personnel, dont le nombre varia sans cesse,
se composait en 1712 de :
I grand chambellan.
4 premiers gentilshommes.
24 pages.
4 gouverneurs des pages.
' v?avary. Dictionnaire, t. I, p. 617.
* Voy. tous c<?s noms.
" Commerce, t. I, p. 389.
4 sous-gouverneurs.
1 maître de mathématiques.
1 maître en fait d'armes.
1 maître à danser.
L'antichambre
2 huissiers.
4
16
32
12
12
1
8
1
1
8
3
3
6
2
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1
9
l
1
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2
9
9
La Chambre
premiers valets de chambre.
huissiers.
valets de chambre.
porte-manteaux.
porte-arquebuses.
porte-mail.
barbiers valets de chambre.
barbier ordinaire.
chirurgien, opérateur pour les dents.
tapissiers.
horlogers.
renoueurs.
garçons.
porte-chaise d'affaires.
porte-table.
frotteur.
porte-meubles.
porteur de meubles.
capitaine des mulets.
peintres.
sculpteurs.
vitriers.
menuisiers.
serruriers.
coffret iers-malletiers .
1 capitaine des levrettes et lévriers.
4 valets et gardes des levrettes.
2 gardes des petits chiens.
1 pâtissier des chiens.
1 chef du vol pour les champs.
1 maître fauconnier.
1 piqueur.
1 acheteur d'oiseaux.
I valet des épagneuls.
1 capitaine du vol pour pie.
1 maître fauconnier.
2 piqucurs.
1 oisclfMir ou tendeur '.
1 ^^-rand inaître de la irarderobe.
2 maîtres de la garderobe.
4 premiers valets.
17 valets.
1 porte malle.
4 garçons.
9 tailleurs.
1 empeseur.
1 remplisseuse de points.
2 brodeurs.
2 pelletiers.
V lingers.
8 cordonniers.
? chapeliers.
' Cf pensonni'i fut fort augmenté sous Louis XV.
CHAMBRE ET CABINET DU ROI — CHAMBRELANS
135
2 merciers.
6 chaussât iers.
2 lavandiers.
Le Cabinet
2 huissiers du cabinet.
1 huissier de l'ordre du St-Esprit.
4 secrétaires du cabinet.
4 courriers du cabinet.
1 gardien des livres.
1 gardien des médailles.
2 lecteurs.
1 interprète pour leslanguesarabeset syriaques.
1 interprète pour la langue latine.
1 interprète pour la langue grecque.
Oiseaux du Cabinet
1 capitaine général.
1 capitaine du vol pour corneille.
1 lieutenant, aide.
1 maître fauconnier.
6 piqueurs.
1 garde-perches.
1 capitaine du vol pour pie.
1 lieutenant, aide.
1 maître fauconnier.
3 piqueurs.
1 garde-perches.
1 capitaine du vol pour les champs.
1 lieutenant, aide.
1 maître fauconnier.
2 piqueurs.
1 valet d'épagneuls.
1 garde-perches.
1 capitaine du vol pour émérillon.
1 lieutenant, aide.
1 maître fauconnier.
2 piqueurs.
1 garde-perches.
Garde-Meubles
1 intendant, contrôleur général.
1 garde général.
2 garde-meubles.
11 garçons.
Musique de la Chambre
2 surintendans.
2 maîtres de la musique.
24 violons.
2 compositeurs.
2 hautes-tailles.
2 haute-contre.
2 basses-tailles.
2 basses.
1 clavessin.
1 porte-épinette.
2 petits luths.
2 violes.
1 théorbe.
1 maître de luth, pour les pages.
1 maître de grammaire pour les enfans de la
musique de la chambre.
2 dessus de violon.
2 basses.
2 basses de viole.
4 flûtes.
1 faiseur de kilhs t-t autres inslrumens de
musique de la chambre.
MusiouK du Cabinet
21 violons.
2 bassons.
3 hautbois.
1 huissier des ballets.
1 garde des instrumens.
4 trompettes ordinaires des plaisirs du roi.
1 timbalier.
4 tambours.
4 fifres.
1 premier médecin.
1 médecin ordinaire.
8 médecins servans par quartier.
1 médecin de l'infirmerie de la maison du roi.
1 premier chirurgien.
1 chirurgien ordinaire.
8 chirurgiens servans par quartier.
4 apothicaires.
4 aides-apothicaires.
2 apothicaires-distillateurë.
1 opérateur ordinaire.
1 herboriste.
Soit environ 500 personnes ^ .
Presque tous les noms cités ici ont un article
dans ce dictionnaire.
Ghambrelaines. Nom donné par Rutebeuf
aux femmes de chambre du treizième siècle.
Ghambrelans. Plus souvent nommés
chamherlans. On appelait ainsi les ouvriers
travaillant en chambre. Sauf très rares exceptions,
les artisans étaient tenus d'appartenir à l'atelier
d'un patron , et la plupart des corporations
faisaient poursuivre avec acharnement les cham-
brelans. Il était interdit à tout ouvrier non
embauché de posséder chez lui les gros outils
du métier-, et cela sous peine d'amende, de
prison ou de punition corporelle. Les menuisiers
s'expriment ainsi : « Faisons très expres.ses
défenses à tout compagnon d'avoir chez lui, en
sa chambre, maison, auberge ou partout ailleurs,
un établi ou table forte percée de trous pour
mettre valet '*, sur quoi il puisse travailler ; sous
peine d'être ledit établi saisi et confisqué,
ensemble les gros outils comme varloppes, demi
1 Trabouillet, État de la France pour 17 12, t. I, p.
136 et suiv.
2 Horlogers, statuts de 1583, art. 4.
3 Outil de fer qui maintient sur l'établi les pièces de
bois pendant qu'on Ips travaille.
136
CHAMBRELANS — CHAMPART
varloppes i, valets, sergens, 2, rabots, feuillerets,
guillaumes ^, scie à refendre et autres, lesquels
seront bien saisis chez l'hôte ou le voisin dudit
compagnon, et même partout ailleurs, dès qu'ils
seront trouvés chez gens qui n'ont pas la qualité
de maîtres de ladite profession * ». Toute
contravention de ce genre coûtait, outre la saisie
des outils, une amende de cent livres ^. Mais le
délinquant n'était pas seul frappé ; le propriétaire
qui avait toléré chez lui cet atelier clandestin,
quand même son locataire n'j eût point travaillé,
se voyait confisquer pour un an le lojer de sa
maison entière *".
En dépit de cette sévère répression, le nombre
des artisans qui restaient indépendants de toute
communauté fut toujours considérable, l'édit du
29 mars 1673 l'évalue à treize mille au moins.
Chambres basses et chambres cour-
toises (Ouvriers es). Voj. Vidangeurs.
Chambres g-arnies. Dès le début du
([uinzième siècle, les bourgeois louant des
chambres garnies furent soumis aux mêmes
règlements de police que les hôteliers. Les lettres
patentes du 29 novembre 1407 les obligent à faire
connaître chaque jour au prévôt de Paris le nom
de leurs locataires ' , injonction sans cesse enfreinte
par les particuliers et sans cesse renouvelée par
le roi.
Le nombre des chambres garnies fut toujours
très considérable à Paris. Tout s'y louait, même
les plus somptueuses demeures en l'absence de
leur propriétaire. Aux noces de Jehan du Chesne,
qui sont décrites dans le Menaffier de Paris ^, on
loua, pour une journée, le célèbre hôtel de
Beauvais. « Les maisons de Paris, écrit l'ambas-
.sadeur Lippomano, se louent presque toujours
garnies, par jour ou par mois ; car les concierges,
qu'on pourrait appeler les fermiers des maisons
et des palais, ne peuvent pas en disposer autre-
ment, craignant toujours que leurs maîtres ne
reviennent. Alors, il faut dénicher tout de suite,
principalement quand c'est une maison de grand
seigneur. Ainsi, Mgr Salviati, le nonce du pape,
fut forcé, de mon temps, de déménager trois fois
dans deux mois " ».
Les règlements des 27 juillet 1777 et 6 novem-
bre 1778, ordonnent encore, aux propriétaires
de chambres garnies comme aux hôteliers, la
tenue do deux registres destinés au conirôle de
la police *•*.
Voy. Hôteliers.
' La varlope r.st un rabot Xxba lonp- et muni d'une
poif^éc. La di-mi-varlopo ou riflard est un peu moins
forte nue la varlope.
* lit mieux serre-joints, instrument qui maintient
fortement jointes les pièces de bois que l'ouvrier vient
de coller.
3 Sorte de raboLs qui s.'n-eiit à faire l.<s feuillures.
i Sl!iluls (le 1743, art. 02.
5 Stalul.s de 1713, art. 31.
6 Orfèvres, statuts de 1759, titre III, art. 5.
"* Ordonn. royales, t. IX, p. 261.
8 Tome II, n. 116.
'•' lifliitions des nmbassatleurs vénitiens, t. II, p. finf».
•*J Isambert, Anciennes lois française»-, t. XX\' p 70
et 449.
Chambrier de France (Grand). Le
grand chambrier <<, avoit, écrit du Tillet, supé-
rintendance de la chambre du Roy et de ses
habillemens et meubles^ ». Charles d'Orléans,
fils de François 1*"" et mort le 9 septembre 1545,
fut le dernier titulaire de cet office. Des lettres
patentes, datées du mois d'octobre de la même
année, le déclarèrent .supprimé : « Supprimons,
disent-elles, éteignons et abolissons, avec tous
les offices et officiers de sa justice, la juridiction
dti grand chambrier, en quelque lieu qu'ils soient
établis ».
Le roi avait abandonné à son grand chambrier
tout ou partie des revenus provenant des métiers
suivants :
VIL Selliers.
VIII. Chapuiseurs.
IX. Merciers.
X. Gantiers.
XL Ceinturiers.
I. Fripiers.
IL Pelletiers.
III. Cordonniers.
IV. Savetonniers.
V. Bourreliers.
VI. Boursiers.
Voy. Maître des fripiers.
Chambrières. « La chambrière esloit
destinée pour servir sa maistresse en la chambre.
Maintenant les damoiselles prendroient à honte
d'appeler celles qui les suivent chambrières,
ains les appellent servantes^ ».
Voy. Servantes.
Chambriers. Dans les couvents, le cham-
brier percevait tous les revenus de la maison, et
tous les officiers recevaient de lui l'argent néces-
saire pour les besoins de leurs charges.
Chambriers. Voy . Valets de chambre.
Chambrilleurs. Voy. Lambrisseurs.
Chambr liions. Petites servantes. « S'il a
trouvé un chambrillon en son chemin, il ne
viendra d'aujourd'hui'^ ».
Chameliers. Nom qui désignait les fabri-
cants d'étoiles dans lesquelles entraient des poils
de chameau. Il s'appliquait surtout aux chapeliers
et aux ferrandiniers.
Les chamoiseurs ont aussi porté ce nom.
Chamoiseurs. Ouvriers (|ui préparaient
les peaux de chamois et qui imitaient celles-ci
avec des peaux de bouc, de chèvre, de mouton.
Les chamoiseurs, dils aussi chameliers appar-
tenaient à la corporation des mégissiers.
Champareurs. Agents chargés de perce-
voir le droit (le champarl.
Ghampart (Droit de). Le cultivateur ne
pouvail l'iilcver sa récolte qu'après le prélèvement
d'abord de la part de Dieu, c'est-à-dire de la
1 Jfeeueil des rot/s de France, p. 295.
2 Et. Pasquier, Recherches sur la France, livre VIII,
ehap. 3, t. I, p. 763. — Voy. aussi \n Ménagier de Paris,
t. II, p. 56 el 71.
3 Tallemant des Réaux, Historiettes, t. I, p. 136.
CHAMPART — CHANDELIERS
137
dîme, el ensuite de la part due au seig'neur qui
était dite champart [compi pars) * .
Cette redevance est appelée aussi cinqtiain,
parce qu'elle était souvent du cinquième, agrifr,
terrage, etc. Elle subsista jusqu'à la Révolution.
Voy. Impôts.
Ghampig-nonniers el Ghampig-non-
nistes. Le Ménagier de Paris (1393) nous
enseigne que « les champignons d'une nuit *
sont les meilleurs, et sont petits et vermeils
dedans, clos dessus. Les convient laver en eau
chaude et pourbouillir. Qui en veut mettre en
pasté, si y mette de l'uile, du fromage et de la
pouldre "* ».
Rabelais les nomme funges, du latin fimgi,
qui a le même sens *. Le cuismier français de
Lavarenne, publié en 1651, nous apprend ^
qu'à cette époque, on les mangeait « fricassez,
frits, à la poivrade, en culs et à la crème ». Ils
passaient alors pour de puissants aphrodisiaques ^ .
L'art de produire artificiellement les champi-
gnons est très récent.
Ghampions. Dans les affaires dont la déci-
sion était soumise à l'épreuve du duel judiciaire,
les parties pouvaient, en bien des cas, payer un
champion^ qui combattait en leur lieu et place.
Les infirmes, les malades, les hommes au-des-
sous de vingt et un ans ou âgés de plus de
soixante, les femmes, les enfants, les moines,
les ecclésiastiques, les princes avaient le droit
de se faire ainsi représenter. Le champion,
avant d'entrer dans la lice, jurait que la cause
qu'il allait embrasser était juste ; aussi, quand
il était vaincu, avait-il parfois la main droite
coupée, en punition de son parjure. Au reste, la
procédure des duels judiciaires varia sans cesse.
Lors d'un différend entre le monastère de
Marmoutiers et celui de Talmont, la décision
fut remise au jugement de Dieu, et chacune des
deux parties désigna un champion. Une charte
nous a conservé les détails de ce combat ; on les
trouvera dans la Bibliothèque de Vécole des
chartes '.
Les champions « inter personas infâmes
habebantur », ils ne combattaient jamais qu'à
pied et n'avaient pour armes qu'un bâton et
un bouclier.
La Taille de 1292 mentionne sept champions.
Les personnages de la même farine, spadas-
sins, tueurs à gages, bravi, étaient dits hat-
teurs à loyer **.
Voy. A. voués et Quéreurs de pardons.
1 Cartulaire de Saint-Père de Chartres, i. I, p. CLIII.
^ Cueillis la nuit précédente.
3 Tome II, p. 185.
4 Pantagruel, liv. IV, cliap. 60.
5 Page 110.
6 G. Liébault, Trésor des remèdes secrets, p. 96 et suiv.
"' Première année (1839), p. 552.
8 Sur ce sujet, voy. Ducange, Glnssariiim. aux mots
batitores et campioiies. — H. Bonnet, L'arbre des batailles,
éflit. de 1493, chap. CXV et suiv. — L. Tanon, Les
justices de Paris, p. 16. — A. Tardif, La procédure aux
treizième et quatorzième siècles, p. 94 et suiv.
Ghampisseurs. Voy. Chapuiseurs.
Ghandeleur. Fête qui se célèbre le 2 février,
on mémoire de la présentation de Jésus-Christ
au temple et de la purification de la Vierge. Son
nom vient de ce que l'on faisait ce jour-là dans
les églises des processions avec des chandelles et
des cierges allumés.
A celle occasion, les jSîdr-C'o?-/;s avaient l'habi-
tude d'offrir des cierges àleursjurésetà quelques
magistrats. Les jurés recevaient en général
chacun un ou deux cierges de cire blanche
pesant une livre. Nous voyons le l«''févi"ier 1684
la corporation des merciers offrir :
Au procureur général « im cierge blanc du
poids de deux livres, avecq une poignée de
brocard or et argent fin, garny d'un molet
d'argent fin au haut et au bas de la dite
poignée » ;
Aux deux secrétaires du procui'eur général
« im cierge à chascun, du poids d'une livre,
sans poignée ».
A M. de la Reynie, lieutenant général de police
« un cierge de deux livres pesant, semblable au
cierge présenté à monseigneur le procureur
général ».
A Madame de la Reynie, un cierge semblable.
A chacun des deux secrétaires de M. de la
Reynie « un cierge d'une livre pesant, sans
poignée * ».
La corporation des brodeurs s'était placée sous
le patronage de saint Clair et de la purification
de la Vierge.
Ghandeliers . Ils prétendaient faire
remonter jusqu'au onzième siècle l'origine de
leur corporation, et le grand recueil des Ordon-
nances des rois de France - contient une charte
de 1061 où Philippe P'' leur prodigue des éloges.
Mais un coup d'oeil jeté sur cette pièce suffit
pour en prouver la fausseté.
Ce qu'il y a de sûr, c'est que, vers 1268, les
chandeliers souiuirent des statuts à l'homolo-'
gation du prévôt Etienne Boileau ''. L'appren-
tissage durait six ans. Chaque maître pouvait
avoir deux colporteurs chargés d'aller crier par
les rues des chandelles à mèche de colon qui,
disaient-ils, donnaient une lumière plus vive que
celle des étoiles :
Chandoile de eoton, chand(^ili\
(j)ui plus art clrr iju«> nuie estoilc 1 ^
La Taille de 1292 mentionne 71 chandeliers,
celle de 1300 en cite 59 seuleiuent. Ce nombre
était réduit à environ 36 en 1393 et à 31 en
1464, années où leurs statuts furent renouvelés ^.
Ils sont dits alors chandeliers de suif, pour les
distinguer des chandeliers de cire ou ciriers qui
faisaient les bou"'ies.
1 Saint-Joanny, Registre des délibérations et ordon-
nances des viarchands merciers de Paris, p. 161.
2 Tome X^"I, p. 258.
3 Litre des métiers, titre LXIV.
4 Crieries de Guillaume de la Ville Neuve.
■' Ordonn. royales, t. XVI, p. 282.
138
CHANDELIERS — CHANEVACIERS
Au dix-septième siècle, ils sonl réunis aux
huiliers et prennent le litre de chmdcliers-
huiliers-inovJardiers ; mais, en réalité, c'est
toujours aux vinaigriers qu'appartint surtout le
commerce de la moutarde. Ces statuts les
transforment encore en regrattiers et les autorisent
à débiter, en petite quantité ou à petite mesure,
une foule d'objets de ménatje : verres, bouteilles,
fagots, allumettes, charbon, vinaigre, foin,
paille, clous, sabots, lattes, pelles, fourches,
battoirs, amidon, empois, farine, savons, riz,
poivre, beurre, fromages, pruneaux, fil, lacets,
épingles, estampes communes, papier, mais
seulement à la main, etc., etc.
A la fin du dix-huitième siècle, la corporation
avait renoncé à presque tous ces accessoires de
son commerce ; le nombre des maîtres était de
270 environ *, et ils avaient pour patrons saint
Nicolas et saint Jean l'évangéliste.
La coinmunauté était dépositaire de l'étalon
des mesures de cuivre pour les huiles, et préten-
dait, en cette qualité, avoir droit d'inspection sur
tous les métiers qui en faisaient le commerce ^.
Pendant 1res longtemps, les bonnes ménagères
mirent de côté tous les restes de graisse pour se
faire des cliandelles. Un maître chandelier venait
souvent les confectionner à domicile ^. Au dix-
huilième siècle, les bonnes cliandelles des quatre
à la livre devaient durer de dix à onze heures,
celles de huit à la livre duraient seulement de cinq
heures et demie à six heures.
On appelait chandelles des rois de grosses
chandelles ornées et bariolées, que les maîtres
offraient cliaque année à leurs clients le jour de
l'Epiphanie, et qui servaient à éclairer le repas
de la fête des rois. Une ordonnance de police
rendue en 1745 et renouvelée trois ans après
interdit cet usage.
Les mouchettes, dites aussi émouchettes ou
ciseaux, « sysiaux à moucher la chandelle », ne
se rencontrent guère dans les inventaires avant
le seizième siècle, et elles y demeurèrent assez
rares *. A la fin du quatorzième siècle, l'on
éteignait les chandelles « à la bouche ou à la
main '^ ». Sous Henri IV et même à la cour on
les mouchait encore avec les doigts '"'.
L'usage de se faire précéder le soir dans les
rues par des valets porteurs de llambeaux avait
donné l'idée d'établir, à l'entrée des hôtels, de
lourds éteignoirs de pierre dont quelques-uns
existent encore. Les lumières portées ainsi se
nommaient ilaml)eaux de poing '.
Les él(îignoirs portatifs sont d'usage fort
ancien. On trouve, parmi les miniatures de
V Hortus deliciarum^ exécuté vers 1180, le dessin
• Savary, Dictioniifure, f. Il, p. 424.
* Voy. I'arlicli> Huiliers.
3 Viiy. Il' /^irre f/es métiers, litrr I.XIV, art. 17, et
Olivier rie Serres, Théâtre d'agriculture, édit. de 1000
p, 87!>.
l Voy. Cmy, Glossaire archéologique, t. I, p. 626, et de
Laliorde, Glossaire français du moyen âge, édil. de 1872,
p. 400.
•' Mrnagier de Paris, t. II, [). 71.
fi Heroard, Journal de Louis XJIJ^ 2r« octobre 160(i
t. I, p. 229.
7 Voy. l'art iel.- Fil"urs .!.■ lumignon.'*.
de deux petits cônes ornés, au-dessus desquels se
lit le mol extinctoria. Les inventaires dressés au
moyen âge les appellent souvent antonnoires, en-
tonnoirs, antonneurs, anthonews, etc., sans doute
à cause de leur ressemblance avec l'ustensile de
ce nom. Le dix-huitième siècle connaissait les
éteio-noirs fixés à la chandelle ou à la bougie et
qui fonctionnent automatiquement .
J'ai trouvé les chandeliers nommés candilleurs,
chandellons, chandilleurs, chandillons , etc.
Voy. Moucheurs de chandelles et
Veilleuses (Fabricants de).
Chandeliers de cire. Voy. Ciriers.
Ghandelons, Chandilleurs et Chan-
dillons. Voy. Chandeliers.
Chanevaciers, dits aussi chanevassiers et
cabanassetors ^. Marchands de toiles et plus
spécialement de toiles de chanvre. Toutefois,
dans les anciens comptes, le mot chanevacerie
désigne souvent l'ensemble du linge, comprenant
le lin, le chanvre, le coton, le linge de table, le
linge de corps et même le linge d'Eglise.
Les chanevaciers soumirent, vers 1268, leurs
statuts à l'homologation du prévôt Etienne
Boileau ^.
De leur examen, il résulte que les chanevaciers
ne fabriquaient rien. Ils se bornaient à vendre les
pièces de toile qui leur étaient fournies surtout
par la Flandre et la Normandie, et aussi les objets
de lingerie, serviettes, nappes, sacs *, etc., qui
étaient confectionnés par les lingères. Aussi dans
ces statuts n'est-il pas question d'apprentissage.
La vente des toiles s'opérait presque exclusi-
vement le samedi et aux halles, où les chane-
vaciers avaient la jouissance de plusieurs étaux,
pour la location desquels chacun d'eux payait
une maille par semaine ^. C'était la seule rede-
vance imposée au commerce de détail. La vente
était regardée comme fîiite en gros dès qu'elle
excédait cinq aunes, et le marchand devait alors
au roi un droit d'une obole par chaque pièce de
toile vendue, quelle que fût sa longueur.
Sous prétexte de grossir les revenus du roi,
mais en réalité pour écarter la concurrence, le
commerce en gros était interdit aux forains « qui
ameinent toilles îi cheval à Paris pour vendre ».
Le colportage dans les rues était défendu à
tous les marchands possédant un étal.
Les chanevaciers prétendent que « dès le tens
le roy Phelipe ^, » ils avaient le droit d'exiger
une aune par trente aunes de loile qu'ils ache-
taient. Ils faisaient le même avantage à l'ache-
teur.
Le métier était libre et surveillé par deux jurés
à la nomination du prévôt, « les quicx li prevoz
i Voy. Piron, Œuvres, édit. de 1770, t. \\\, p. 91.
- \ oy. Ducanpe, au mot Canabaserius.
•' Lirri' di's métiers, titre LIX.
'* « Touailles, napes, .sas ». Art. 8.
^ Articles 3 et 4. — La inaille représentait une demi-
obole ou un quart, de denier. Mais que valait alors le
denier ? On ne saurait le dire exactement.
6 Dès le temps du roi Philippe-Auguste.
CHANEVACIERS — CHANT
139
de Paris metra et osleran sa volenlé », disent los
statuts. Il se bornait pourtant en j^énéral à
ratifier le choix fait par les maîtres.
La Taille de 1292, qui mentionne seulement
5 chanevaciers, cite en outre 11 téliers et
3 toiliers. Qu'étaient-ce que ceux-ci ? Le mol
télier semble avoir toujours désii^né un tisserand * ,
mais les toiliers pourraient très bien avoir été
marchands de toiles. 11 faudrait alors admettre
que ce commerce était représenté ù la fois par
les toiliers vendant la toile de lin et par les
chanevaciers vendant la toile de clianvre. Noiis
ne possédons pas les statuts des premiers. Dans
ceux des seconds, rien ne confirme et rien ne
détruit ri^ypothèse, qui pourrait invoquer en sa
faveur ces quatre vers du Vit du Lendii - :
Puis m'en vins en une ruelle
Estroite, où l'on vent la telle 3
Yceulx doi-je bien annoncier ;
Et après le chanevacier.
Eufin, les chanevaciers ajoutèrent plus tard à
leur nom celui de toiliers, ce qui semble bien
indiquer qu'il existait une différence entre ces
deux qualifications, et que les deux corps d'état
qu'elles désignaient finirent par se réunir en
un seul.
En 1293, trois articles ajoutés aux statuts des
chanevaciers par le prévôt Guillaume de Han-
gest * interdirent à tout marchand de faire
l'office de courtier et réciproquement, insti-
tuèrent deux auneurs jurés pour le mesurage des
toiles, et soumirent à la règle commune les
dercs marchands ou courtiers.
Les chanevaciers, devenus avec le temps cane-
vassiers, puis canevassiers-toiliers , furent en
1572 réunis à la corporation des lingères, qui
prirent dès lors le titre de toilières-lingères-
canevassières.
Voy. Blanc (Spécialité de). — Lin-
gères. — Toiles (Commerce des).
Changeurs. Dès 1141, ils étaient établis
sur le Grand-pont ^, qui allait devenir j^oni à
billon, puis pont aux changeurs, et enfin 2)ont au
change.. « Trapezetae, écrit Jean de Garlande,
numerant monetam parisiensem super magnum
pontem •> >>. La Taille de 1292 cite 16 changeeurs
et 20 individus qualifiés de lomharz : ce sont des
changeurs, des banquiers, des préteurs sur gages
et autres individus de même farine.
Une ordonnance de février 1305 assigna aux
changeurs, le côté du Grand-pont qui aliénait au
Chàtelet, entre l'église Saint-Leuiroi et la grande
arche, « inter ecclesiam Sancti Leofredi et
majorem arcam, » et interdit tout commerce de
change fait ailleurs, « nuUi omnino liceal alibi
quam in loco illo cambiare ' ». L'autre côté était
occupé par les orfèvres. Ce pont fut fort endom-
1 Ducange, au mot telariux.
2 Dans A. F., Les rues de Paris au treizième siècle,
p. ns.
3 Où l'on vend la toile.
i Addition au Livre des métiers.
5 A. Luchaire, Actes de Louis VII, n" 84.
6 Éd. Scheler, p. 27.
'î Ordonnances royales, t. I, p. 426.
mage en janvier 1407, et quatorze boutiques de
changeurs s'écroulèrent, disent les Chroniques
de Saint- JJenis ' .
D'après leurs propres déclarations, les
cliangeurs n'étaient plus guère que cinq ou six
en 1514 - : mais presque tout le commerce des
objets précieux reposait entre leurs mains, car
ils ne se bornaient pas au change des espèces
monnayées, ils faisaient trafic de tous objets d'or
et d'argent, et fournissaient de métal les hôtels
des monnaies. Un édit de 1G07 les obligea d'y
remettre tous les trois mois les espèces anciennes,
étrangères et décriées, les pièces de vaisselle et
couverts défectueux qu'ils avaient reçus ; aussi
étaient-ils soumis ii la juridiction de la cour des
Monnaies.
Un édit de 1555, confirmé en 1571 puis (;n
1580 avait institué les changeurs officiers publics,
fixé leur nomljre à vingt-quatre, et déclaré leiu's
charges héréditaires. Un autre édit, daté de juin
1596 créa trois cents offices de commis aux
changes, qui ne durent plus se boi-ner à recevoir
les moimaies décriées, mais furent tenus de
rechercher si des particuliers en possédaient ; ils
eurent même le droit de les faire saisir. 124 de
ces offices qui n'avaient pas trouvé de titulaires
furent supprimés en 1705.
Les changeurs avaient pour patron saint
Mathieu. Parfois dits argenteurs, on les trouve
plus souvent nommés lombards, lumbarts, etc.,
qualificatifs alors synonymes d'usuriers et qui
paraissent avoir été longtemps mérités par la
corporation. Ils ont été dits aussi caorsins,
caoursins, etc., soit que les habitants de Cahors
aient été « les premiers à rivaliser avec les juifs
dans l'art du prêt et du change », soit parce que
« Cahors est une ville où presque tous les
habitants sont usuriers ^ ». Le mot cambistes, qui
a aussi désigné les changeurs est encore en usage.
Chant (Maîtres de). Ils étaient en grande
faveur à la fin du dix-septième siècle. « Fais-toi
plutôt maître à chanter, dit une Colombine de
Regnard, on te donnera deux louis d'or par mois,
et tu trouveras peut-être quelque écolière à qui
tu ne déplairas pas, car voilà la grippe des
femmes d'aujourd'hui... On est de tous les bons
repas, et jamais de promenade sans le maître à
chanter * ».
11 faut noter que cette profession resta pendant
longtemps le privilège des hommes. Le Lirre
commode pour 1692 mentionne onze « maîtres
pour l'art de chanter ^ », et pas une seule
maîtresse. Soixante -huit ans plus tard, un
indicateur d'adresses s'exprime ainsi : « Nous ne
doutons pas qu'il n'y ait à Paris, pour la musique
vocale, des maîtresses qui l'enseignent aux
demoiselles, ainsi que l'instrumentale ; mais
nous ne parlerons que de ces dernières, parce
1 Lib. XXVIII, cap. 32.
- Sauvai, Recherches sur Paris, t. II, p. 471.
3 C. Piton, Les lombards en France et à Paris, 1892,
in-S", p. 23.
4 Hegnard, La de.sceate de Meztetin aux enfers (IGHit),
acte I, se. 1.
5 Tomp I, p. 21.").
140
CHANT — CHANVRIERS
que les autres ne sont pas encore venues à notre
connoissance ». Suivent les noms de neuf maî-
tresses de clavecin, trois maîtresses de pardessus
de viole et deux maîtresses de guitare ^ .
Voj. Musique.
Ghantelag-e. Droit perçu sur la vente des
vins dans Paris. Il n'était pas exigé si le vin
vendu arrivait du dehors, mais ce privilège
appartenait seulement aux bourgeois.
Les Parisiens qui achetaient du vin pour le
revendre, et qui désiraient ne pas enlever la
bonde des tonneaux ni en vider la lie, y étaient
autorisés, à la condition de pajer le droit de
chantelage. Ceci semble au moins résulter d'une
phrase très obscure du Livre des métiers ^.
La Taille de 1292 cite un chantelier que
Géraud 3, croit avoir été un préposé à la recette
du chantelage.
Ghanteliers. Voy. Chantelage.
Ghanteresses. Voy. Chanteurs am-
bulants.
Ghanteurs ambulants. Je crois que l'on
peut bien attribuer celle profession aux deux
personnages suivants :
Robert le chanteur,
que je trouve cité dans la Taille de 1313 *, et
Robin Courtet, chanteur de romans,
qui tigure dans un compte du quinzième siècle ^.
Un compte de 1372 mentionne aussi des
chanteresses ®.
Depuis le treizième siècle au moins, leur
histoire .se confond avec celle des jongleurs, des
ménétriers, etc. ''. Je passe donc au dix-huitième
siècle, où Sébastien Mercier leur consacre le
chapitre suivant : « Il y en a de deux sortes ; les
uns lamentent de saints cantiques, les autres
débitent des chansons gaillanh-s... Tous crient
à tue-léte, et affichent sur leurs tableaux :
Par permissin7i de Mgr le lieiilennnt général de
police, car tout charlatan le monseigneurise.
Toutes ces permissions en son nom, gravées en
grosses lettres, font croire au petit peuple que le
lieutenant général de police est le maître absolu
de la ville, et que sa seule volonté y fait tout...
Ces c^inliqnes, ces chansons, ces vaudevilles sont
tous préidablcnvnt lus et approuvés par le censeur.
Il y a encore les conq)hiinles sur les pendus et les
roués, que le peuph; écoute la larme a l'œil et
qu'il aclièlc avoc empressement. Quand, p;ir
iionlu'ur pour le poi-te du Pont-Neuf, quelque
personnagf illustre monte sur l'échafaud, sa
mori est ri niée el chantée avec le violon ** ».
• .!(>/.(•, Ktnl nu Inlileau de la tille de Paris fl760)
I>. 188.
2 D.MlxiiMIl"' iKirlir-, tilrr V.
•• l'iiris sous l'hilippele-Hel, ji. \(X\.
* l'agi- l'.a.
5 Douët-d'Arrq, Comptes de l'hôtel, p. 312.
Ji Voy. B. ProsI, Inrentnires mohiUers^ l. I, p. 288
" Voy. l'arl. Inslrumonls (Joueurs d').
" Tableau de Paris, t. VI, p. 40.
La profession ne s'était guère modifiée une
trentaine d'années plus tard, car voici ce qu'écri-
vait Pujoulx vers 1801 : « Aussitôt qu'un petit
air paraît à l'Opéra comique, romance ou vaude-
ville, l'orgue de barbarie s'en empare et les
chanteurs des rues l'achèvent. C'est à qui muti-
lera la composition la plus simple : un air
sentimental devient dans la bouche de ces
Orphées un rondeau poissard ; ils mettent à tout
ce qu'ils chantent un accent qui rend tout
méconnaissable ^ ».
Voy. Orgue (Joueurs d')-
Ghantres . Ecclésiastiques ou séculiers
appointés par les chapitres pour le service du
chant dans les églises. Les chantres de la chapelle
du roi, ayant droit, lors de certaines grandes
fêtes, à du pain, à du Vm et à quelques pièces de
viandes, pouvaient prendre le titre de commen-
saux 2.
Ghanvre (Tkavail du). Voy. Affineurs.
— Broyeurs. — Chanevaciers. — Chan-
vriers. — Ferrandiers. — Filassières.
— Filature. — Filetoupiers. — Fi-
leuses. — Inspecteurs généraux. —
Rouisseurs. — Teilleurs. — Toiles
(Commerce des).
Ghanvriers. Marchands de chanvre. Le
chanvre arrivait à Paris par eau et par terre. Il
s'y vendait en filasse, en fil et par quarteron. 11
ne devait être livré à l'acheteur que bien sec « et
bien essuyé ».
Les chanvriers semblent avoir été seulement
des intermédiaires entre les gens de la campagne
et ceux qui tissaient la toile. Les trois jurés de
la corporation, appelés leveurs, dirigeaient tout
le métier. Ils examinaient le chanvre à son
arrivée, vérifiaient son état de sécheresse, puis le
disposaient en paquets égaux, dits quarterons,
pour le faire peser au Poids-le-roi, où il payait
un droit d'entrée. Ils ne pouvaient, bien entendu,
faire le commerce, pour eux-mêmes pendant
qu'ils remplissaient ces fonctions.
Je lis encore dans les statuts des « marchans
de chanvre et de fil » que le métier était libre et
le nombre des apprentis illimité ^.
Ces statuts furent souvent revisés, puis renou-
velés en 1666. A celte date, les chanvriers
furent réunis aux liniers el aux filassières. L'on
n'achnit plus ([ue des fennnes dans la corporation.
Chaque maîtresse ne put avoir qu'une seule
apprentie. La durée de l'apprentissage fut fixée
à six ans, avec chef-d'' œuvre. Comme les chan-
vrières étaient presque toutes réunies aux halles,
la boutique d'une nouvelle maîtresse devait être
séparée par douze boutiques de celle où elle avait
fait son apprentissage. (Juatre jurées, élues pour
deux ans, surveillaient le métier.
Les provinces où l'on cultivait alors le plus de
chanvre étaient la Flandre, la Picardie, la
' Paris à la fin du dix-huitième .liècle, p. 68.
- A'Iat de la France pour 17/2, t. I, p. -18 ; pour
i756, t. I, p. 95.
3 Livre des métiers, titre LVIII, art. 1.
CHANVRIERS — CHAPELIERS
141
Bretaufiie, le haut Lang-ueduc, l'Auvergne et le
Daupliiné * .
D'après la Taille de 1292, il n'y aurait eu
alors à Paris que 2 clianvriers. Ou _y comptait en
1779 environ 245 maîtresses chanvrières-linières-
/ilassièren.
Il existait près des halles une rue de la Chan-
vrerie, dont le nom a été orthoj^rapliié de bien
des manières ; tout porte à croire qu'elle doit ce
nom aux chanvriers qui l'habitaient -.
Voy. Toiles (Commerce des).
Chapelains. Quelques o-rands seigneurs en
entretenaient un dans leur château. A la Cour,
la chapelle-oratoire du roi était desservie par un
chapelain ordinaire et h\iit chapelains, la
chapelle-nmsique par un chapelain ordinaire et
quatre chapelains ■'.
Chapeliers. Les nombreux corps de métier
qui représentaient l'industrie des coiffures ^ se
fondirent peu à peu en une seule corporation.
Celle-ci finit donc par monopoliser le commerce
des couvre-chefs, qu'ils fussent destinés aux
hommes ou aux femmes. Je rappelle que,
jusqu'en 1675, les tailleurs avaient également
confectionné les vêtements des deux sexes.
Au mois de mai 1578, les chapeliers obtinrent
des statuts qu'ils firent confirmer par Henri IV
en juin 1594. Renouvelés par Louis XIll au
mois de mars 1612, ils le furent encore par
Louis XIV en mars 1658. Ces derniers nous
révèlent donc l'organisation complète de la
communauté au milieu du dix-septième siècle.
L'apprentissage durait cinq ans et était suivi
de quatre ans de compagnonnage.
Le brevet d'apprentissage était passé devant
notaires, en présence d'un juré au moins.
Tout candidat à la maîtrise devait parfaire le
(•lief-âj' œuvre.
Le compagnon qui épousait la fille ou la
veuve d'un maître était tenu seulement de
\ expérience ., c'est-à-dire de confectionner « un
des trois chapeaux qui lui sera ordonné par les
jurez ».
Le petit-fils de maître, dont le père n'appar-
tenait pas au métier, était dispensé du compa-
gnonnage, et devait « faire pour tout chef-
d'œuvre le chapeau frisé et le feutre d'aignelain
couvert de velours et de taffetas ».
Enfin, le fils de maître était dispensé de toute
épreuve.
On ne pouvait être reçu maître avant d'avoir
fait « apparoir de sa fidélité, preud'hommie,
bonnes mœurs et religion catholique pardevant
le procureur de Sa Majesté au Chastelet ».
Chaque maître devait se contenter d'un seul
apprenti. 11 était cependant autorisé à en prendre
un second quand le premier commençait sa
cinquième année d'apprentissage.
Aucun maître ne devait débaucher le com-
1 Voy. VEnct/clopédie mélliudique. inauufactuivs, t. I,
p. 138.
2 Jaillot, quartier des lialles, p. 3.
•^ État (le la France pour 1736, t. I, p. 83 et 91.
'* Voy. l'art. Chapellerie.
pagnon d'un confrère. Un compagnon qui
voulait quitter son maître devait le prévenir au
uuuns lui mois à l'avance.
<.< Aliu que les peuples soyent fidèlement
servis dans le besoin qu'ils ont des ouvrages
dudit art, tant pour se garantir des injures du
temps que pour entretenir la sauté de leurs corps
par le secours favorable d'un bon chapeau », les
maîtres ne pouvaient employer que « des laines
parfaites d'aignelins tondus en saison ». Il leur
était interdit de mettre en œuvre « aucunes
étoffes défectueuses, laines pourries ou autres
nuiuvaises denrées », ainsi que d'employer
aucune teinture de qualité inférieure.
Le colportage dans les rues était défendu.
Mais on autori.sait les maîtres tombés dans la
misère à faire le commerce des chapeaux
restaurés *.
La corporation était administrée par quatre
gardes ou jurés. Le premier, appelé Grand-garde,
devait être bachelier, c'est-à-dire avoir déjà été
juré une fois au moins. On choisissait les trois
autres, dits jure's modernes, parmi les maîtres
comptant dix ans de maîtrise.
A l'époque oii les chapeliers obtinrent ces
statuts, de graves événements se préparaient, qui
allaient agiter la corporation pendant plus d'un
demi-siècle. Je veux parler de l'épopée des demi-
castors, que l'on trouvera résumée ci-dessous, à
l'article Demi-castors (Episode des).
En 1674, le chapelier du roi était un sieur
Nicolas Houdar, qui fut père de l'académicien
Houdar de la Motte 2. En 1692, c'était un
certain Lepage ; il demeurait rue Saint-Honoré,
près de l'Oratoire ^. En 1777, c'était un sieur
Pivert ; il avait son magasin rue Jacob, au coin
de la rue des Saints-Pères, et s'intitulait «. cha-
pelier ordinaire du Roi et de toute la cour * ».
A la même date, le sieur Berteaud, rue de
Grenelle Saint-Honoré, s'intitulait « chapelier
extraordinaire du Roi ^ ».
Parmi les chapeaux utilisés durant cette
période et qui ont laissé un nom dans l'histoire,
on peut mentionner :
Les caudebecs. Sans doute originaires de la
Normandie, Caudebec d'abord, puis Rouen,
Bolbec, Falaise, Dieppe en expédiaient de
grandes quantités à Paris. Ces feutres étaient
constitués d'un mélange de laine d'agneau, de
duvet d'autruche et de poils de chèvre. Boileau
les cite déjà dans sa sixième épître :
Pradon a mis au jour un livre contre vous,
Et ciiez le chapelier du coin de notre place
Autour d'un caudebec j'en ai lu la préface.
Les bredas, chapeaux gris très lourds et très
laids, faits de pure laine de mouton.
Les tapabords ou claquebords, chapeaux mous
employés surtout en voyage, et qui dataient du
rèo-ne de Louis XIII.
■1 Voy l'art. Chapeliers en vieux.
2 A. Jal, Dictionnaire critique, p. 804.
3 Le livre commode, t. II, p. 63.
4 Almanach Dauphin, supplément, p. 10.
^ Almanack Dauphin pour 1777 .
142
CHAPELIERS — CHAPELIERS DE COTON
Les chapeaux des sept sortes, nom trompeur,
car il n'y entrai! cruère que du poil de lapin.
Les vigognes, iknphins ou loutres, fort en
usage au "dix-lmitième siècle, et qui étaienl
composés de laine de vig-og-ne, mêlée à du poil
de lapin. La loutre n'j entrait pour rien.
Les chapeaux à trois gouttières, larj^e tricorne
à bords relevés, dont la belle qualité se taisait
en castor. Au commencement du rèf^ne de
Louis XV, ses dimensions lurent très réduites,
et il prit le nom de lampion.
Le chapeau à la Suisse, dit plus tard à PAn-
drosmane, composé de deux longues cornes et
d'une troisième esquissée seulement. C'est de là
que dérive notre chapeau à cornes d'aujourd'hui.
\.e jacquet, rond et très petit.
Le hollandais et le quaker, ronds et ù larges
bords.
La plupart des chapeaux furent gris jusque
vers l'année 1G70, où Louis XIV commença à
les porter noirs, couleur qui dès lors prévalut.
Le chapeau de soie date de la tin du dix-
huilième siècle. En 1761, un sieur Prevot,
chapelier rue Ciuénégaud, fabriquait « des
chapeaux de soie et mi-soie de toutes façons pour
mettre sous le bras et sur la tête ' ».
Notons, pour mémoire, qu'en 1777 la veuve
Petitjean, demeurant place du Pont-Saint-Michel,
annonçait « de nouveaux bonnets de chasse et
de voyage, en feutre, ({ui peuvent se mettre
facilement dans la poche, et ne tiennent pas
plus de place qu'un portefeuille - ».
Tant (|ue dura la mode des perruques, elles
suftisaient amplement conmie coill'ure, et le
chapeau était presque toujours porté sous le
bras. C'est même de là qu'est venue la coutume
de rester tête nue dans la société. Jusque là, on
ne se découvrait ni à table, ni en visite, ni au
bal, ni au conseil du roi. On lit dans le Mercure
de France de l'année 1726 : « Les chapeaux
sont d'une grandeur raisonnable, on les porte
sur le bras et presque jamais sur la tète ■' ».
Aussi, le tricorne est-il souvent désigné sous le
nom de chapeau de bras, et J.-F. Sobry écrivait
encore en 1786. « Le chapeau est une coill'ure
inliniment commode, mais de peu d'agrément.
On h" porte, d'ailleurs, fort souvent à la
main * ».
Les ciiapeliers firent reviser leurs statuts en
novembre 1704, en juillet 1748 et en février
174U. La première rédaction a pour objet de
mettre la coinnumauté en état de racheter les
oflictîs créés par h; roi •'. La seconde est dirigée
contre les ouvriers clia[)eliers (|ui p;iraissi'nt
avoir été toujours fort insoumis ^.
La corporation était divisée en cinq cla.sses,
les fai)ricants, les teinturiers, les marchands de
neuf, les ma relia !ids de vieux et les crieuses '.
I L'itttnil-coureitr, n" du 2 iiovcnibr.' 17G1, |). G9G.
* Almaiiack Duuphui.
•'< N" d." fcvri.T, II. .|04.
* ].e iitixie français, p. 418.
5 Voy. lai-t. Offic'.s (Créations d").
6 ^'oV. Itccueil dfs slaliils. fto., p. •.>(i(t, yiî» •>•->'> .-t
250.
" Wiy. l'art. Crieusos.
L'édit de 1776 réunit en une seule commu-
nauté les bonnetiers, les pelletiers et les chape-
liers, qui formèrent dès lors le troisième des
nouveaux Six-corps. On ne comptait alors
qu'environ 320 maîtres.
La corporation avait pour patron saint Michel,
dont la confrérie se rassembla successivement
à Sainte-Opportune et à Saint-Jacques la Bou-
cherie.
Les chapeliers des faubourgs avaient pour
patrons saint Jacques et saint Philippe ; ceux de
Saint-Germain des Prés se réunissaient à l'église
Saint-Sulpice, ceux de Saint-Marceau à la petite
église Saint-Martin.
Chapeliers de coton. Ce sont les ancêtres
de nos bonnetiers. Au treizième siècle, le bonnet
de coton est d'un usage assez répandu comme
coiffure de jour. Les rois eux-mêmes en portaient.
Joinville nous dit, en effet, que saint Louis
« avoit vestu un chapel de coton en sa teste ^ »,
et l'on sait qu'au moyen âge, le mot chapel sert
à désigner toute coilïure, fût-ce une couronne de
fleurs. Mais, au lieu de se terminer en pointe
comme notre classique bonnet de coton, les
bonnets de cette époque, plats et très bas, avaient
à peu près l'aspect de nos calottes ^.
Les chapeliers de coton sotimirent, vers 1268,
à l'homologation du prévôt Etienne Boileau des
statuts assez embrouillés ^, et qui ont surtout le
tort de ne pas nous dire clairement quelle était
la spécialité de la corporation. L'article 5 se
borne à nous apprendre que « quiconques est
chapelier de coton, il puet ouvrer de lainne, de
poil et de coton » ; d'où l'on doit conclure, je
crois, que les chapeliers de coton confection-
naient, outre des bonnets, tous les ouvrages
tricotés dont on se servait alors. Cette hypothèse
est confirmée, d'ailleurs, par les statuts posté-
rieurs.
Le métier était libre. Pour avoir le droit de
s'établir, il suffisait de jurer en présence du
prévôt de Paris que l'on était résolu à se sou-
mettre « ans us et aus coustumes » du métier,
et à faire « bone ouevre et léal ». Le nouvtnui
maître s'engageait même par serment à saisir,
où qu'il la trouvât, toute œuvre mal feite ou de
mauvaise qualité, et à la remettre au prévôt :
« Il les doit prendre en quelque terre que il les
Iruist, et porter les au prévost de Paris, et dire
au prévost la mauveisté et le vice de la mar-
chandise ». Celui-ci ordonnait qu'elle lïit brûlée
devant l'huis du coupable.
Chaque maître pouvait avoir un nombre
illimité d'apprentis, et régler comme il l'enten-
dait les conditions de l'apprentissage.
Il n'est question dans ces statuts ni de jurés,
quoique la communauté en eût certainement, ni
du service du guet, dont elle paraît avoir été
dispensée.
La Taille de 1292 cite 47 chapeliers de coton,
celle de 1300 n'en mentionne que 39.
1 Vie de saint Louis, édit. de Wailly, [). 35.
- \'oy- Montfaueon, Manumens. t. Il, pi. 14, 29, 34, etc.
^ J/wre des mélieis. titrr XCII.
CHAPELIERS DV COTON — CHAPELIERS DE FEUTRE
143
Les statuts que je vieus d'aualvscr l'urcul
revisés peu d'années après, et nue nouvelle
rédaction fut encore adoptée en IIU.") '. Les
maîtres ne peuvent plus eng-ayer (pi'un seul
apprenti à la fois, el la durée de l'apprenlissag'e
est fixée à cinq ans. Il paraît que, comme les
drapiers, ils avaient alors le droit de teindre leurs
produits, car le prévôt leur enjoint d'employer
« bonne couleur, vive et loyal, qui ne se puisse
destaindre » ; autrement, ajoute-l-il, « que
demeure la lainne de tele couleur connue elle
vient des bestes >\. Le titre primitif des maîtres a
disparu ; ils sont nommés chappeliers de gans de
laine ou de bonnets, et encore ouvriers de gans,
d^aumuces^, birettes. cJiajnaus et bonnes de laine, et
de tout autre ouvrage fait àVesguille appartenant
audit mestier. La birette ou barette était ordi-
nairement en laine, mais sa forme rappelle celle
de nos bonnets de coton pointus ; son extrémité,
ordinairement terminée en fond de sac, retom-
bait sur un des côtés ou sur le devant de la tête.
C'était la coiffure préférée de Jean sans peur,
c'est celle qu'il porte dans toutes les anciennes
miniatures où il est représenté.
Les statuts de la communauté qui nous occupe
furent contirmés de nouveau en février 1366 et
en février 1380 •"', sans que rien soit chang'é au
titre antérieurement attribué aux membres de la
corporation. Je les trouve mentionnés pour la
première fois sous le nom de bonnetiers dans
l'ordonnance dite des Bannières *, qui fut rendue
par Louis XI au mois de juin 1467.
Voj. Bonnetiers et Chapellerie.
Chapeliers de feutre. Au treizième
siècle, les hommes portèrent des chapeaux de
feutre d'aspect très variés. Les uns, de forme
ronde et basse, avaient les bords relevés en
gouttière autour de la coiffe ; les autres, plus
élevés de forme et sans bords, ressemblaient fort
à un boisseau renversé ; d'autres rappelaient
absolument nos chapeaux de feutre actuels. En
général, on ornait tous ces chapeaux tantôt d'une
enseigne, joyau placé sur le devant et d'oii
parlait une plume, tantôt de cordons plus ou
moins riches, comme le prouve ce vers du Dit
d'un mercier :
J'ai Lcau laz à chapeau de fcutro.
Les chapeliers de feutre présentèrent, vers
1268, leurs statuts à l'homologation du prévôt
Etienne Boileau ^.
On y voit que le métier était libre. L'ouvrier
pouvait donc s'établir sans avoir aucun droit à
payer.
En dehors de son fils ou d'autres membres de
sa famille, chaque maître ne devait avoir à la
fois qu'un seul apprenti. L'apprentissage durait
sept ans au moins.
Le contrat d'apprentissage prenait fin si le
maître et l'apprenti s'accordaient pour le résilier.
1 Ordonn. royales, t. I\', p. 703.
2 \oy. l'art. Aumu.ssier.s.
>* Ordonn. royales, t. IV, p. 705, et t.
4 Ordonn. royales, t. XVI, p. 671.
^ Livre des métiers, titre XCI.
VI,
559.
Le travail ii la lumière était interdit.
Tous les dimanches, une boutique restait
ouverte à tour de rôle.
Le colportage dans les rues était défendu.
De ménn; que les drapiers avaient le droit de
teindre eux-mêmes leurs draps, les chapeliers
étaient autorisés à teindre leur chapeaux, et ils
conservèrent toujours ce privilège.
Le feutre employé ne devait cire composé que
de laine d'agneau, « que d'aignelins purs sanz
bourre », sans aucun mélange d'enqjois ou de
colle ; c'est le seul détail de fabrication qui nous
soit fourni. On interdisait aussi de « relaindre
nuz chapiaux viez ^ », afin que le connnercant
n'eiit pas la tentation de les faire passer pour
neufs. Tout chapeau releint était brûlé, el le
chapelier coupable payait une amende de cinq
sous.
Trois jurés administraient la communauté.
La Taille de 1292 cite sept chapeliers de
feutre, celle de 1300 en mentionne dix.
Ces statuts furent revisés en 1323 ^, et l'on
voit alors figurer parmi les matières que les
chapeliers de feutre sont autorisés à mettre en
œuvre le camelin et la bièvre. Le camelin était
un drap commun, dans lequel il entrait ordi-
nairement du poil de chèvre. La biè\Te est le
castor de nos contrées. Les bièvres étaient alors
très nombreuses en France, paraît-il, et ce serait,
dit-on, en souvenir de ces rongeurs que le petit
cours d'eau situé sur la rive gauche de Paris
aurait reçu le nom de Bièvre. Ce n'est pas bien
sûr -, mais ce qu'il y a d'incontestable, c'est que
durant tout le quatorzième siècle, les chapeaux
de bièvre, à l'usage des hommes, firent fureur.
On leur prodiguait les plus riches ornements, on
les doublait de velours et d'hermine, on les cou-
vrait de broderies, de perles, d'émaux et de
pierres précieuses.
Les chapeaux de bièvre et de feutre, ces
derniers surtout, restèrent à la mode même après
l'adoption de la toque, dérivée du chaperon.
Sous Henri II, sous Charles IX et sous Henri III,
les hommes portent des chapeaux seiublables à
nos melons actuels. Sous Louis XIII, ils devien-
nent énormes, ce sont alors de lourds feutres
chargés de plumes et munis d'ailes assez vastes
pour préserver le corps tout entier du soleil et de
la pluie. Brantôme, resté fidèle à la loque, voyait
avec colère « ces grands fatz de chapeaux, que
l'on porte garnys de plus de plumes en l'air
qu'une autruche ne peut fournir en chascun ^ ».
Sons Louis XIV, les coiffures reprennent des
proportions plus modestes, et la mode nouvelle
est saluée des mêmes railleries qui avaient
accueilli la précédente :
Ne voudriez-vous point, dis-je, sur ces matières
De vos jexines muguets m'inspirer les manières,
M'obliger à porter de ces petits chapeaux
Qui laissent éventer leurs débiles cerveaux * ?
Molière écrivait ceci en 1661, et le Mercure
1 Vieux.
2 Dans Depping, Ordonnances, p. 249.
3 Œuvres, t. I, p. 45.
4 L'école des maris, acte I, se. 1.
144
CHAPELIERS DE FEUTRE - CHAPELIERS D'ORFROIS
galant ^ constatait, onze ans après, que « les
hommes portent toujours leurs chapeaux si
grands que les vieillards (qui, peur de paroistre
ridicules en avoient de grands pendant qu'on en
portoit de petits) paroissent présentement^ ce
qu'ils vouloient éviter d'estre, parce qu'ils n'ont
point voulu changer de mode, et que les grands
chapeaux de ce temps-là sont les petits d'aujour-
d'hui ».
Chapeliers de fleurs. Au treizième siècle
le mot chapel désignait toute espèce de coiffure,
et on appelait chapeaux de /leurs des couronnes
qui se tressaient en fleurs de la saison durant
l'été, en divers feuillages durant l'hiver. Hommes
et femmes aimaient également cette coiffure,
que citent fréquemment les poètes de l'époque.
Guillaume de Lorris, par exemple dit dans le
Roman de la rose :
Cliapel de fleurs qui petit couste,
Ou de roses à Penthecouste,
Ice 2 puet bi(;ii chascun avoir,
Qu'il ne convient pas grand avoir '•>.
Romans et fabliaux célèbrent à l'envi ces
gracieuses coiffures, dont on se parait dans les
cérémonies civiles et religieuses, qui devenaient
à l'occasion redevance payée à un seigneur, gage
d'amour et même dot de jeune fille.
Les chapels de fleurs furent l'origine de ces
chapelets de perles ou de pierres fines que
portaient les gentilsliommes pour ceindre leurs
cheveux. De là sont venus les tortils des barons,
les couronnes des comtes, des marquis, des ducs,
mais les roturiers n(! devaient se couronner que
de fleurs ^.
Les chapeliers de fleurs étaient en réalité des
jardiniers fleuristes. Ils possédaient dans la
Ijanlieue des jardins ou courtils, où ils cultivaient
des arbustes, des fleurs et des légumes. Ils
fournissaient aux riches, non seulement des
coiffures, mais des fleurs et de frais feuillages,
dont on jonchait alors le sol des appartements
qu'au siècle précédent on se bornait le plus
souvent à joncher de paille. Dans leurs statuts,
homologués par Etienne Boileau^, ils déclarent
d(iiic ([ue leur conunerce « lu eslabli pour servir
les geiitiuz hommes », et il est certain qu'ils
jouissaient de tous les privilèges accordés à ces
sortes de professions. Leur métier était libre ;
ils avaient le droit de travailler à la lumière et
même de faire, le dimanche, des chapeaux de
roses « tant comme la séson des roses dure ». Ils
pouvaient colporter leurs marciiandises dans les
rues. Us étaient exc^mpts du guet bourgeois, et
un seul juré surveillait le travail. Les statuts
restent muets sur le chapitre des apprentis.
Les chapeliers de Heurs ne sont pas men-
tionnés dans nos Tailles. Toutefois celle de 1292
cite une fhreresse de coifles, qui ne pouvait guère
ii[i|)iii'tenir a un antre métier.
1 Année 1G72, y. 278.
* c:eia.
:> Vei-s 2168 et sui\ .
i \'oy. Viollel-le-l)uc, Dictionnaire dit iimbilifr. I. III,
p. 122.'
5 Livre des métiers, litre XC
Le titre de cette communauté passa aux bou-
quetières qui, dans leurs statuts de 1677, sont
qualifiées de houqnetières-chapelières en fleurs.
Chapeliers d'orfrois. Les chapeaux dits
d'orfrois ^, dits aussi chapeaux d'or et chapeaux
de perles, sont les plus riches qui aient jamais
été portés. Dans leurs statuts de 1268, les
ouvrières chargées de les créer s'intitulent
fesser esses de chappeaux d'or et fesser esses de
ckapiaux d'orfreis ^ .
On y voit que le métier était libre. Pour
avoir le droit de s'établir, il suffisait donc de
prouver que l'on possédait l'aptitude profession-
nelle et le capital nécessaires.
La durée de l'apprentissage était de huit ans
pour l'enfant sans argent, de six ans seulement
pour celui ou celle qui apportaient quarante
sous ^.
On ne pouvait engager d'apprenti avant
d'avoir exercé pendant une année au moins.
Le travail à la lumière était interdit. Aussitôt
le jour tombé, on ne devait plus même enfiler
des perles *.
La corporation était surtout composée de
femmes, mais l'on n'en excluait pas les hommes.
Les trois jurés nommés par le prévôt de Paris en
1309 sont Robert le fermaillier, Alis de Valen-
ciennes et Jehanne l'aisnée.
Le mot chapeau d'or ^ désignait souvent le
cercle de métal, la véritable couronne même
dont les femmes nobles ornaient alors leur tête **.
Quant au chapeau d'orfrois^ l'or et la soie s'y
mêlaient , comme le rappellent ces vers du
Roman de la rose '' :
S'ot ung chapel d'orfrois tout nuef
Je qu'en oie véu vint ot nuef,
A nul jor mes véu n'avoie
Chapel si bien ouvré de soie 8.
En 1358, le roi Jean donna à Blanche de
Bourbon, reine de Castille, une couronne d'or et
un « cliapel d'or, garni de douze ballays ^,
de vingt esmeraudes, de seize dyamans et de
quarante grosses perles ^** », Jeanne de France,
fille du même roi, possédait, outre des couronnes,
plusieurs chapeaux d'or ; l'un d'eux était orné
de « quatre Iroches " de perles de chascune
douze perles, vingt-huit pièces de rubiz, huit
grosses esmeraudes, cinq autres moiennes, liuit
autres petites et huit dyamans '- >^. Dans
l'inventaire dressé (1372) après la mort de
1 \oy. l'art. Orfroisiers.
- Livre des métiers, titre XCV.
•'* Peut-être 240 francs de notre monnaie.
l « l<Vre Q'vres enfilées de pelles m.
■' t n chape! de fer était un casque.
'' ^oy. \ iiilli't-le-l)uc, Dictionnaire du mobilier, \.. III,
\i. 187 et suiv.
"^ Édit. ejzév., t. I, p. 56, vers 583 à 58G.
8 Son chapel d'orfrois était tout nt^uf. Moi qui i-n ai
vu plus de ving-t-neuf, je n'avais jamais vu, etc.
» Rubis balais.
^^ Dépenses fuites à l'occasion dit )nariai/e de lilunclie de
Hoitrbon. \\. 300.
^' TouUes ou boutons.
1- Comptes d'Etienne de la Fontaine, argentier du roi
Jean, p. 168.
CHAPELIERS D'ORFROIS — CHAPELIERS EN VIEUX
145
Jeanne d'Évreux, troisième femme de Charles
le Bel, fig^urenl neuf ou dix chapeaux d'or où
brillaient des perles, des saphirs, des émeraudes,
des rubis, elc. ^. On comprend que des coiffures
de ce genre n'étaient pas à la portée de tout le
monde, la corporation qui les confectionnait
resta donc toujours peu nombreuse. La Taille
de 1292 cite seulement 2 chapelières et 1 cha-
pelier de perles.
Les femmes eurent le bonheur de porter des
chapeaux d'or depuis le milieu du treizième
siècle jusqu'au début du quinzième. Au reste,
durant celte période, on tinit par donner le nom
de chapeaux d'or à toutes les coiffures que l'on
enrichissait de perles et de pierres précieuses.
Cette addition suffisait pour transformer un
escoffion, un chapeau de feutre ou un cliapeau
de bièvre en un chapeau d'or.
Chapeliers de paon. Dès le neuvième
siècle, on ornait de plumes les coiffures. On ne
paraît d'ailleurs avoir guère employé, jusqu'au
treizième siècle, que les plumes de paon ou de
flamant. Suivant M. Quicherat ^, les chapeaux
de paon, parure des prélats et des grands
seigneurs, devaient leur nom à ce qu' « ils
étaient extérieurement recouverts de plumes de
paon couchés sur le rebras de la forme ». Mais
M. Gay a reproduit une miniature représentant
un personnage coiffé d'un chapeau de forme
assez élevée et entièrement composé de plumes
de paon ^.
La Taille de 1292 cite cinq et celle de 1300
trois paonniers, mais étaient-ce des chapeliers
de paon ou des marchands de paons ?
Vers 1268, les chapeliers de paon^ firent
homologuer leurs statuts par le prévôt Etienne
Boileau *. On y voit qu'ils possédaient tous les
privilèges concédés aux corporations les plus
favorisées; car, disent-ils, ce « mestier n'apartient
fors que as esglises, aus chevaliers et aus haus
homes ». Les chapeliers de paon n'avaient rien à
payer pour s'établir ; ils pouvaient engager un
nombre illimité d'apprentis et d'ouvriers ; ils
avaient le droit de travailler à la lumière, et ils
étaient dispensés du service du guet.
Les chapeaux de paon furent sans doigte
l'objet d'un engouement passager ; il n'en est
plus question après le quatorzième siècle, et les
chapeliers de paon deviennent alors phimassie7's .
Je lis, en effet, ces mots parmi les métiers cités
dans une liste qui fut dressée en 1586 : « Plu-
massiers de panaches, dits anciennement chape-
liers de paon ».
Chapeliers de perles. Voy. Claapa-
liers d'orfrois.
Chapeliers de soie. Ce métier était
presque exclusivement exercé par des femmes,
aussi ses statuts, homologués en 1268, sont-ils
< Dans Leber, Dissertations, t. XIX, p. 123.
2 Histoire (lu cosrume, p. 195.
■* Glossaire archéologique, t. J, jj. 327.
* Livre des métiers, titre XCIII.
intitulés : C^est Vordenance du mestier des tesse-
randes de qneuvrechiers de soie ^ .
Au moyen âge, le mot couvre-chef désigne en
général un voile et même un voile d'une élofl'e
particulière ; on les faisait surtout en iîl très fin
et en soie:
J'ai Je beax cuevrechiés à dames,
lit-on dans le Dit d'tm mercier. Ce mot est cepen-
dant employé parfois pour indicpier une coiffure
quelconque, même des bonnets de nuit, comme
le prouve ce passage d'un Compte de 1458 :
« Pour la façon de douze queuvrechiefz à
meclre de nuyt, faiz de dix aunes demie de fine
toile de Hollande... - ».
Les chapeliers de soie n'avaient point à
acheter le métier, qui était libre. Ils ne
pouvaient avoir que « une aprentice estrange »
et une appartenant à la famille, « de sa char ».
I^a durée de l'apprentissage était de sept ans
pour l'enfant qui apportait une somme de
vingt sous 3, et de huit ans pour celle que l'on
acceptait sans argent. Le travail de nuit était
interdit. Le métier était sujrveillé par trois
femmes, « trois preudesfames jurées et sermen-
lées ou Chaslelet ». On lit en marge du
manuscrit du Livre des me'tiers que les trois
jurées nommées en 1296 furent : Johanna la Pie,
Hondée de Fosses, et iElesia de Meldis. C'est
très probablement cette dernière que je trouve
mentionnée en ces termes : « Aalis, qui fet les
cuevre-chiez de soie » dans la Taille de 1292.
Celte Taille cite cinq chapelières de soie et la
Taille de 1300 en mentionne trois.
V03 . Soie.
Chapeliers en vieux. Les statuts
octroyés aux chapeliers en mars 1658 défendent
le colportage par les rues ; mais les maîtres
tombés dans la misère étaient autorisés à faire
le commerce des chapeaux restaurés. Ils devaient
déclarer leur intention, renoncer à vendre des
chapeaux neufs et n'avoir pas de bouli({ue. Ils
étalaient leur marchandise aux endroits spécifiés
par la police. Il fallait, en outre, qu'ils justi-
fiassent de six années de maîtrise. De plus, « pour
arresler le cours de tous abus, et remédier au
malheur des maladies contagieuses, lesdits
pauvres mais très qui auront fait l'option du vieil,
après avoir acheplé de vieux chapeaux, avant
que de les vendre auront soin de les nettoyer,
dé'J-raisser bien et deuëment et lesiver en
boiiyllon de teinture, pour en corriger tout le
mauvais air » .
Un siècle plus tard, ce commerce avait pris
une grande extension, et la communauté se
montrait moins sévère vis-à-vis des membres qui
avaient adopté cette spécialité. Beaucoup d'entre
eux étalaient sous la voûte du Petit-Chatelet.
L'aristocratie du métier était représentée, en
1777, par le sieur Chardon, rue de Grenelle
Saint-Honoré, qui tenait là un magasin de
1 Livre (les métiers, titre XLI^ .
2 Douët-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 368.
3 Peut-être cent vingt francs.
10
146
CHAPELIERS EN VIEUX — CHAPERONNIERS
« cliapeaux d'hazard, bordés e( unis », et par le
sieur Darmenien, rue de la Bùcherie, chez qui
l'on trouvait « des chapeaux vrais castors, de la
garde-robe du Roi et de différeus seigneurs ^ ».
Chapelle du roi (Personnel de la). Il
comprenait, outre le grand aumônier de France :
1 premier aumônier.
1 maître de l'oratoire.
1 confesseur du roi.
8 aumôniers.
3 prédicateurs ordinaires.
1 chapelain ordinaire.
8 chapelains.
1 clerc ordinaire.
8 clercs.
1 sacristain.
2 sommiers '^.
Voj. Musique de la chapelle.
Chapellerie. Au moyen âge, toute coiffure
était un chapel, qu'elle consistât en une couronne
royale ou en un simple bonnet de coton. Entre
ces deux extrêmes, la distance est grande ; on
ne s'étonnera donc pas trop d'apprendre qu'à la
fin du treizième siècle la confection des différentes
coiti'ures alors en usage occupait au moins onze
corporations distinctes, représentées en 1292 par
lâl et en 1300 par 120 chefs d'industrie tout
au moins "•.
C'étaient :
1" Les CHAPELIERS DE COTON. Ils fabriquaient
exclusivement des bonnets et d'autres objets
tricotés en coton et en laine,
2° Les AUMUSSiERS. Faiseurs fïatmmsses, nom
que l'on donnait à un capuchon pointu qui
couvrait la tête et les épaules.
;}" Les coiFFiERS. Faiseurs de coiffes, bonnets
tantôt plats, tantôt semblables à des béguins
d'enfant, et dont la mode dura près de deux
siècles.
Ces trois corporations se réunirent, et les
maîtres prirent dans la suite le nom de bonnetiers.
4" Les CHAPELIERS DE FLEURS. Ils tressaient,
en Heurs de la saison durant l'été, en feuillages
variés durant l'Iiiver, des couronnes dont se
paraient h;s hommes (;t les femmes.
C'étaient en réalité dni^jardiniers et des bouque-
tièirs.
5" Los CHAPELIERS DE PAON. Faiseurs de
chapeaux de paon, élégantes coiffures dont les
plumes de paon formaient le principal ornement.
Ils ont fini par composer, sous le titre de
plumassiers, une corporation importante.
0" Les ATOURNEHESSES. l'illes dressaient les
atours, mol générique par lequel on désigne les
hautes coilTures de femmes, cscoffions, hen-
nins, etc.
' Almanach Dauphin, art. Cliapclicrs ol supjilénient
p. 0.
* ktttt de la France pour 1687 , t. I, p. 20 ; pour 1712,
t. 1, p. 23 ; pour 1736, t. I, p. 77.
3 Voy. les Tailles de ces deux années.
7° Les FOURREURS DE CHAPEAUX. Ils ne restèrent
que peu de temps en dehors de la corporation
des fourreurs.
8° Les CHAPELIERS DE SOIE. Ce métier était
presque exclusivement exercé par des femmes
que le Livre des me'liers nomme tesserandes de
queuvrechiers de soie.
L'expression queuvrechiers ou couvre-chef a^ e?,[.
appliquée à un grand nombre de coiiiures. Au
treizième siècle, elle désignait une voilette faite
de fil très fin ou de soie. Ceux qui les fabriquaient
était donc des tisserands de soie.
9" Les CHAPELIERS d'orfrois.
10° Les CHAPERONNIERS.
11" Les CHAPELIERS DE FEUTRE.
Il ne serait pas difficile de rendre cette liste
plus longue encore. Les lingères, par exemple,
vendaient des bonnets de linge de toutes sortes.
Les NATTIERS tressaient des chapeaux de paille.
Les CRÉpiNiERS, devenus ensuite 'passementiers,
confectionnaient une coiffure appelée coiffe à
dame ou crépine, sorte de calotte de soie recou-
verte d'une résille. Mais ce n'était là, pour ces
corporations, que l'accessoire d'autres spécialités.
En somme, nos chapeliers et nos modistes
descendent en ligne directe des chapeliers d'or-
frois, des chaperonniers et des chapeliers de feutre
du moyen âge.
Tous les métiers cités ici ont un article dans
ce dictionnaire.
Chaperonniers. Faiseurs de chaperons.
Le chaperon, coiffure commune aux deux sexes,
date de la fin du douzième siècle, et de nombreuses
modifications successivement apportées à sa forme
primitive le maintinrent à la mode durant près
de quatre cents ans. Ce ne fut guère, au début,
qu'un capuchon qui pouvait, suivant l'occasion,
être placé sur la tête ou rejeté sur le dos. Il se
perfectionna bientôt, et nous le trouvons alors
composé de trois parties, dont chacune avait
un nom : la visagère, ouverture qui encadrait le
visage ; le guleron, large coiffe qui recevait la
tête, et la cornette, bande de tissu qui partait du
centre du guleron et pendait en arrière. Vers le
début du quatorzième siècle, les hommes eurent
l'idée de mettre la tête dans la visagère, et trans-
formèrent ainsi le chaperon en une sorte de
casquette ; le guleron forma alors un fouillis
d'étoffe sur la tête, et la cornette retomba où elle
put, tantôt sur une oreille, tantôt sur l'autre, à
moins qu'on ne Tenroulàl autour du cou, où elle
prenait le nom de (jarde-col.
La visagère, qui était fort difficile à découvrir
au milieu d'un attirail si compliqué, se vit ensuite
remplacée par un bourrelet fixe et solide. A dater
du quinzième siècle, le chapei'on ne fut guère
porté autrement; mais on exagéra de plus en
plus la longueur de la cornette, qui finit par
descendre jusqu'à la ceinture et même par s'y
enrouler.
Les femmes ne la portèrent jamais ainsi. Sous
Charles VII et sous Louis XI, leur chaperon
ressembla un peu à nos sorties de bal ; c'était une
coitFe légèrement relevée sur le front qui tombait
GHAPERONNIERS — CHAPUISEURS
147
le long des oreilles et recouvrait la nuque. Sous
Charles VIII, le chaperon des femmes devient
plus court par derrière et descend plus bas sur
les côtés. Sans changer de forme, il perd un peu
de son ampleur sous François P^ Sous Louis XII
et Louis XIII, ce n'est plus qu'une bande d'étolFe
posée à plat sur la tète et pendant en arrière
plus ou moins bas.
Qu'il fût destiné à un homme ou à une femme,
le chaperon était fait de drap, de soie ou de
velours. Quand il n'était ni doublé, ni fourré, il
se nommait cha'peron sangle ou sengle ^ , par
opposition au chaperon double, qui était renforcé
soit par une autre étoffe, soit par une fourrure.
Il y en eut de presque aussi riches que les
chapeaux d'or^. Le !<"' janvier 1371, le duc de
Bourgogne « donna en estrennes » à la duchesse
un chaperon sur lequel brillaient six cents grosses
perles et cinquante onces de petites perles *'.
Jeanne de Bourbon, femme de Charles V, pouvait
contempler dans ses armoires onze chaperons de
satin ou de velours, ornés de perles et de brode-
ries*. Les femmes n'avaient pas le privilège de
ces riches coiffures.
La chaperon n'a rien perdu de sa vogue au
siècle suivant, mais il varie d'après la condition
des personnes. Les dames nobles le portent en
satin ou en velours ; les bourgeoises n'ont pas
droit à de si riches étoffes, leur chaperon ne peut
être que de drap et de couleur noire ou rouge.
Tout ceci nous est révélé par le chroniqueur
Olivier de la Marche, dans un de ses opuscules
poétiques :
Les chaperons d'honneste contenance
Des dames sont de velours ou satin,
Et les bourgeoises les ont, par différence,
De beau drap noir ou rouge, à leur plaisance ^.
Il en était de même à la fin du seizième siècle,
car l'ambassadeur vénitien Lippomano écrivait
en 1577 : « La femme noble porte sur la tête un
chaperon de velours noir ou une grande coiffe de
réseau en rubans d'or ou de soie, ou bien ornée
de joyaux ; elle a un masque sur le visage. Les
femmes des boiu-geois se servent d'un chaperon
de drap, car la coiffure en soie et le masque leur
sont défendus ^ ».
A l'occasion du sacre de Marie de Médicis '^,
on avait dressé dans le chœur de l'église un
« amphithéâtre somptueux, paré, dit la relation
officielle, de toutes les dames principales de la
France, avec tel choix et ordre qu'il n'y entroit
pas une sous-dame, ny femme de chapperon de
drap 8». Cette règle présentait bien quelques
exceptions. Les nourrices des enfants de France,
par exemple, étaient autorisées à porterie chape-
ron de velours ^ . Louise Bourgeois le prit aussi
après qu'elle eut accouché Marie de Médicis.
^ Du latin singulus.
2 Voy. l'art. Ghapeliei-s d'orfrois.
3 E. Petit, Itinéraire de Philippe le Hardi, p. 483-
* Inventaire de Charles V, p. 394.
^ Le parement des dames, chap. 23.
*> Relations des ambassadeurs vénitiens, l. II, p. 557.
■- 11 mai ICIO.
8 Godefroy, Cérémonial françois, t. I, p. 560.
9 J. Nicot, Thrésor de la langue fran^-oy se, p. 113.
Sous Louis XIII, le chaperon n'est plus guère
porté par les grandes dames. Tallemant des Réaux
cite un personnage qui avait épousé une roturière
et lui défendait de se montrer dehors avec ses
filles, « parce que, élanl sortie de bas lieu, elle ne
voulut jamais quitter son chaperon, et le père ne
voidi)it pas qu'une bourgeoise allast avec ses
filles 1 ». Ailleurs, parlant de la femme d'un
procureur et voulant peindre d'un trait la bizar-
rerie de son caractère, il raconte qu'elle portait
à la fois un chaperon, marque de bom-geoisie,
et des pendants d'oreille, dont l'usage était alors
réservé aux nobles dames 2.
Les fennnes n'avaient pas encore, sous Louis
XIV, tout à fait renoncé au chaperon, mais il
était réduit à une étroite bande d'étofle, dont les
petites bourgeoises recouvraient leur bonnet
blanc.
Les honnnes de robe conservèrent fort long-
temps le chaperon ; toutefois, dès la fin du quin-
zième siècle, il cessa de constituer une coiffure
et devint un ornement. Sur la tête, ils mirent la
barrette, bonnet assez semblable au fez des
Égyptiens, tandis que le chaperon, de dimension
très réduite, pendait sur l'épaule ^. C'est là
l'origine de la chausse de soie qui décore aujour-
d'hui la robe de nos professeurs de Facultés. La
partie ronde représente la coiffe ou guleron de
l'ancien chaperon, la patte et la cornette se
retrouvent dans les appendices.
Notre expression : deux têtes dans un honnet
n'existait pas encore, On disait : deux têtes dans
un chaperon « quand on vouloit signifier deux
hommes qui sont de mesme volonté et colludent *
ensemble ^ ».
Je n'ai pas retrouvé les statuts des chaperon-
niers, et les Tailles de 1292 et de 1300 en citent
seulementsix, chiffre certainement bien au-dessous
de la vérité. Les autres sont donc compris, selon
toute apparence, parmi les chapeliers dont la
spécialité n'est pas indiquée. *
Ghaperonniers, Ouvriers qui fabriquaient
les chaperons destinés à coiffer les oiseaux de
proie. La Taille de 1313 n'emploie pas encore
ce mot, elle mentionne, dans la ruelle sans chef^
« Pierre de Noyon, qui fait chaperons à oisiaus ».
Ghapisseurs. Voy. Cliapuiseurs.
Ghapuis et Ghappuis. Voy. Charpen-
tiers.
Ghapuiseurs. Le mot chapuiseur en vieux
français a le sens de charpentier, et le mot
chapuis signifie encore aujourd'hui « charpente
en bois des bâts ou des selles ^ ». Les chapuiseurs
faisaient donc la charpente en bois des selles.
Ils prenaient aussi le titre d'arçonniers.
Dans les statuts qu'ils soumirent, vers 1268,
1 Historiettes, t. III, p. 46.
2 Historiettes, t. V, p. 89.
3 G. Paradin, Histoire de Lyon, édit. de 1573, p. 272
4 Et sont dans une parfaite intelligence.
5 Et. Pasquier, Recherclies, t. I, p. 794.
C Auj. rue de Fourey.
' Littré, Dictionnaire.
148
CHAPUISEURS — CHARBONNIERS
à l'homologaiion du prévôt Etienne Boileau ^
nous voyons que :
Le- métier était libre. A moins pourtant que le
cliapuiseur ne voulût se servir de cordouan 2,
cas auquel il lui fallait, comme tous les cor-
douanniers, acheter au grand cluunbellan et au
connétable le droit d'exercer -K
En dehors de ses enfants, de ceux de sa femme
et aussi de son neveu, chaque maître ne pouvait
avoir à la fois qu'un seul apprenti. Celui-ci
devait servir au moins pendant six ans, cependant
dès que l'apprenti était en état de « faire un
chief-d'oevre », il était considéré comme ouvrier
et remplacé par le maître.
Cette mention du ckef-d' œuvre, épreuve qui
fut plus Lard exig-ée par tous les corps d'état, est
la seule qui figure dans les statuts du treizième
siècle. Par suite d'une autre exception que l'on
retrouve dans les statuts des selliers, le maître
chapuiseur était autorisé à prendre un second
apprenti en même temps que le premier, mais
« pour Dieu », c'est-ù-dire par charité, sans
ré<;lamer de lui ni argent ni temps de service.
Enfin, tout apprenti avant de passer ouvrier
était tenu de prêter un serment à peu près
semblable à celui que l'on imposait aux aspirants
à la maîtrise : il jurait sur l'évangile « que el
mestier overra ^ bien et loiaument selonc les
establissemens ^ ». Le travail à la lumière était
iiiterdit. Il n'est pas question de jurés, sans doute
parce que les chapuiseurs étaient soumis à ceux
des selliers, avec qui ils ne tardèrent pas à se
confondre.
La Taille de 1202 mentionne douze, et celle
de 1300 dix chapuiseurs.
On trouve dans le Livre dea métiers les formes
chapisseurs, chapuiseurs, chapuisieres, chapuis-
seuvs et champisseiirs.
Voj. Harnachement.
Chapuiseurs de bâts. Voy. Bâtiers.
Chapuisieres, Chapuisseurs, Cha-
puseurs. Voy. Chapuiseurs.
Charbon de terre (Commerce du). Marco
Polo, à la fin du treizième siècle, mentionne
le charbon de terre dans sa description de l'Asie.
On le connaissait en France au seizième siècle,
puisqu'on juillet 1520, la Faculté do médecine,
consulléi- ofliciellemenl, déclara que sa fumée
n'était pas iniisiblc et que les forgerons pouvaient
continuer à l'employer ''. Eux seuls alors en
faisaient usage. ,J. Bodiu, vers 1597, prévient
qu'il ne faut pas le confondre avec le jais, se
laisser « abuser par la semblance de l'un à
l'autre ' v. (lent ans après, l'apothicaire Pierre
Poinet lui consacre, dans son Histoire générale
des drogues, le paragra])he suivant : << Le charbon
1 Llne </rs wr/iirs. titre LXXIX.
2 Voy. l'nrl. CordoniiiiTs.
3 Voy. l'art. SelliiTs.
4 ExfiTi'rn.
•' l,("s .sliiluts du métit-r.
<• Cummentaria medieino' faciiltatis, {. IV, n. 89.
~> Théâtre de lu nature, p. 327.
de terre est une espèce de bitume dont les serru-
riers et inareschaux se servent pour chauffer le
fer... Quelques-uns veulent qu'il soit le résidu
de l'huile de pétrolle, qui s'est fait dans les
entrailles de la terre ; ce qui est assez probable,
en ce que l'on peut tirer du charbon de terre
une huile toute semblable à l'iiuile de pétrolle * ».
L'ordonnance de décembre 1672 règle en deux
articles - les conditions de vente de ce charbon,
et n'en prévoit l'achat que par les « artisans
et forgerons ». Au dix-huitième siècle, il se
débitait à l'île Louvier et à la Grève 3, et la
partie du quai actuel des Célestins qui va du
Pont-Marie à la rue Saint-Paul se nommait quai
de charbon de terre *.
Sébastien Mercier, en 1782, souhaite que le
charbon déterre qui, dit-il, n'est encore « adopté
que par les ouvTÎers de forge » soit utilisé pour le
chauffage ■"'. On y avait pensé déjà, car J.-F.
Sobry écrivait quelques années plus tard : « Nous
ne ferons .sentir qu'en passant les inconvéniens
que peut produire l'exploitation de ces mines de
bitume, matière vile et d'un grand volume, qu'on
employé au chauffage et que le peuple appelle
charbon de terre. Est-ce donc la peine de violer
ainsi la terre, de troubler les propriétés des agri-
culteurs, d'établir sous le sol des vides aussi
immenses, de s'exposer à des affaissemens et à
des tremblemens de terre •• ? »
Le ciiarbon de terre se vendait alors à la voie,
et celle-ci représentait 90 boisseaux mesurés
combles.
Charbonniers. La Taille de 1292 en
mentit >n ne seize. Leur commerce fut réglementé
par l'ordonnance de février 1415 ''. On y voit
que le cliarlxm amené par eau devait être mis en
vente sur le bateau qui l'avait apporté et dans
les trois jours de son arrivée. Celui qui était
venu par terre devait être déposé et vendu
seulement à la place de Grève, aux halles, à la
croix du Trahoir et à la place Maubert, près de
la fontaine Gaucher.
Dès le treizième siècle. Ton (priait dans les
rues de Paris :
Cliarboii, le .sac por un denier ! 8.
Au seizième, l'annonce est plus complète :
Charbon, charbon de jeune boys !
11 n'est qu'à trois solz le minot 9.
1! est en Grève sur un basteau ;
Qui en voudra le vienne voir ! *0.
L'ordonnance de décembre 1672 autorise la
vente au détail et dans les rues par les forains qui
amenaient du charbon sur des chevaux. Mais
la marchandise devait être enfermée dans des sacs.
1 1591, in-folio, 3« partie, p. 87.
2 Chaiiitre XXI, art. 8 et 9.
■^ .Jèze, AVfl/ ou tableau de la tille de Paris, p. 25.
4 A. V., La vie de Paris sous Louis XV, p. 176.
ïi Tableau de Paris, t. VIT, p. 147.
6 Le mode français, 1786, p. 388.
■? Chapitre XIV.
'^ Les erieries de Paris, par Guill. de la Ville Neuve.
•' En 100(5, le pri.K du minot était monté à trente-deux
.sou.s.
•" A. Truquet, Les cent et sept cris, etc., an. 1545.
CHARBONNIERS — CHARITÉ
1-iO
« El afin que lo public on puisse avoir connois-
sance, seront tenus de ne cliarg'er leurs chevaux
que de sacs qui soient de mesnie continence, el
d'avoir sur le basl de leurs chevaux des placjues
de fer blanc, sur les([uelles seront inscrits la
continence des sacs et le prix du cliarbon ' ».
Au dix-huitième siècle, le charbon le plus
estimé était celui qui arrivait de Bour^og-ne par
l'Yonne ; venaient ensuite le charbon qu'ame-
naient la Marne, et même la Loire. Tous se
vendaient à la voie, mesure qui contenait seize
boisseaux. Le prix en était fixé tous les trois
jours par le bureau de la Ville. Sous peine de
confiscation et de mille écus d'amende, il était
interdit d'envoyer du charbon à l'étran<);'er.
En vertu d'une tradition dont j'ai vainement
recherché l'orig-ine, dans toutes les fêtes où le
populaire était convié, la place d'honneur
appartenait aux poissardes et aux charbonniers,
représentants attitrés de la classe ouvrière. Les
jours de spectacle g-ratuit, l'on réservait aux
premières le balcon de la reine, et aux seconds
le balcon du roi. Lors de la naissance de Madame
royale (1778), les poissardes et les charbonniers
étant arrivés trop tard à la représentation
gratuite du Théâtre français se virent refuser
l'entrée de la salle, faute de place. Ils se fâchèrent
et demandèrent « pourquoi l'on avoit laissé
occuper les loges du roi et de la reine qui, en
pareille cérémonie, leur appartiennent de droit.
Grande rumeur. Il a fallu appeler le semainier ;
et la troupe des comédiens s'étant assemblée
pour délibérer, on a reconnu, par la compulsion
des registres, la légitimité de leur réclamation.
Pour y suppléer, on a mis des banquettes sur le
théâtre de chaque côté, où les charbonniers ont
pris place du côté du roi et les poissardes du
côté de la reine ^. En 1781, l'on eut soin de
laisser libres les places appartenant à ces deux
importants corps d'état. Ils les occupèrent à
l'Opéra et encore le lendemain anx Italiens qui
donnèrent aussi un divertissement gratuit. Les
charbonniers, parodiant les grands seigneurs,
arrivèrent dans une charrette, qu'ils renvoyèrent
en criant à leur conducteur : « A ce soir, cinq
heures ^ ».
Les mesures employées pour le charbon étaient :
Le muid, qui contenait env. 640 boisseaux.
La grande somme — 100 —
La petite somme — 65 —
La voie — 16 —
Le minot — 8 —
Le sac, dont la contenance était variable.
Charbonniers. On nommait ainsi, dans
les forges, les ouvriers chargés de conduire le
feu des fourneaux.
Charcutiers. Ils se séparèrent, au
quinzième siècle, de l'ancienne corporation des
1 Chapitre XXI, art. 4.
2 Mémoires secrets dits de Bachaumont, 24 décembre
1778, t. XII, p. 205. — Voy. aussi le Mercure de France
n" de janvier 1779, p. 50.
3 Bachaumont, t. XVIII, p. 115.
cuisiniers, el reçurenl. en 1476, h'urs pnMuiers
statuts, sous le nom de <:/iaircuilierfi-saulrissiers.
Les bouchers ayant encore le privilège de toutes
les viandes, les chaircuitiers devaient débiter
seulement des chairs cuites et plus spécialement
de la viande de porc. Des lettres patentes de
juillet 15 LJ les autorisèrent à faire le connnerce
des porcs vivants ' ; puis la Déclaration du
24 octobre 1705 leur accorda, à l'encontre des
bouchers, le droit exclusif de vendi'e la viande
de porc, soit cuite, soit crue. (]elle Déclarât i(ui
les qualifie de chaircuiliers-saucissierH-binuli-
niers-coiirtiers-viHiteîim de porrs morts, lards et
graisses. Ces dernières qualificati(Mis désignent
des offices créés par la royauté, et que les
charcutiers avaient rachetés ^. Les statuts de
1745 ne les nomment plus que chaircuilicrs . On
en comptait environ IHO à Paris vers la fin du
dix-huitième siècle, et ils s'étaient placés sous le
patronage de la Vierge, qu'ils fêtaient le jour de
sa nativité.
Chardonniers. C'étaient soit des lainexirs,
soit des gens qui recueillaient et vendaient le
chardon utilisé par les bonnetiers et les foulons.
La Taille de 1292 cite deux chardonniers.
Charg-eurs de bois. ^< Afin que les
bourgeois qui feront venir ou arriver en ceste
ville de Paris par eauë leurs provisions de bois,
ou achèteront leursdites provisions de bois es
ports de cestedite ville : et pour éviter à l'excez
du prix immodéré requis par crocheteurs et
autres personnes incogneuës qui s'entremettent
de travailler sur lesdits ports : il y aura par
nombre cinquante et sept chargeurs, à sçavoir :
20 sur le port de l'Eschole Saint-Germain.
12 sur le port de Grève.
13 sur le port Saint- Paul et Arche-Beaufils 3.
12 sur les ports de la Tournelle et Malaquesl,
qui chargeront dans les charettes et harnois es
ports et es chantiers des marchands les fagots,
coslerets, gros bois de moole *, bois de corde,
etc. ^ ».
Un édit de février 1 644 porta leur nombre ù
117, que je trouve réduit à 100 en 1674 ^.
Charg"eurs sous corde. Titre que
prenaient les emballeurs.
Chargeurs de foin. V'^oy. Courtiers.
Charg-eurs de vin.
geurs.
Voy. Déchar -
Charité. Voy. Bienfaisance (CEuvres
de).
1 Ordonn. royales, t. XXI, p. 515.
2 Voy. ci-dessous les art. Courtiers et Offices (Créa-
tions d').
3 L'arche Beaufils était située quai des Ormes (auj.
quai des Célestins), à l'extrémité de la rue de l'Etoile
(auj. partie de la rue du Fauconnier).
i Voy. ci-dessous l'art. Mouleurs de bois.
5 Ordonnance de février 1415, chap. XIII.
6 Voy. Delamarre, Traité de la police, t. III, p. 912.
150
CHARITÉ — CHARPENTIERS
Charité (Hôpital dk la). Six garçons
chirurgiens y étaient attachés, et tous les cinq
ans, l'un d'entre eux obtenait gratuitement la
maîtrise ^.
Charlatans. Voj. Bateleurs. — Opé-
rateurs, etc.
Charnag"e. Relativement à la durée du
travail, le moyen âge avait divisé l'année en
deux saisons : le carême ou saison des jours
longs, et le chamade ou saison des jours courts.
La saison de charnage commençait au 1"'' octobre,
et finissait soit au mardi gras, soit au premier
dimanche de carême ^.
Charpentiers. Vers 1268, le prévôt
Etienne Boileau résolut de recueillir les statuts
qui régissaient les différentes industries exercées
à Paris, et la réunion de ces statuts constitua le
très précieux ouvrage connu sous le nom de
Livre des métiers. Quand il fut question des
charpentiers, le prévôt vif comparaître devant
lui un important personnage, nommé Foulques
du Temple, qui se disait maître des charpen-
tiers. Il déclara au prévôt qu'en vertu d'un
privilège qu'un des prédécesseurs de saint Louis
avait accordé à « ses devanciers », il touchait
les revenus du métier de cluirpenterie, et avait
sur tons les corps d'état qui le composaient le
droit de basse justice. Le titre des statuts fut
donc rédigé en ces termes : « Ce sunt les orde-
nences des mestiers qui apartiennent à charpen-
terie, ainsi comme mestre Fouques du Temple et
ses devanciers l'ont usé et maintenu au temps
passé ^ ».
Ce n'était pas seulement sur les cliarpentiers
proprement dits que maître Foulques avait
autorité, sa juridiction s'étendait sur la plupart
des ouvriers qui travaillaient le bois, sur « toutes
manières d'autres ouvriers qui euvrent du
Irenchant en merrien », et il cite parmi eux :
Les huchiers. Les lambrisseurs.
Les huissiers. Les faiseurs de nefs.
Les tonneliers. Les cochetiers.
Les charrons. Les tourneurs *.
Les couvreurs.
Chacun de ces métiers avait ses statuts parti-
culiers. Les artisans qui y contrevenaient étaient
cités au tribunal de maître Foulques, et s'ils
faisaient défaut, payaient une amende de quatre
deniers. Maître Foulques prélevait encore sur
eux tous une somme de dix-huit deniers par
jour, et avait droit, quand arrivait la Toussaint,
à une robe, c'est-à-diroà un habillement complet
valant au moins cent sous.
Analysons maintenant les statuts spéciaux aux
charpi'ulicrs.
* Voy. Allotz, Tableau de l'huvianilé, elc, p. 114.
2 « Dos la Snint-Rcmi jusquns h quarosmc prenant ».
{Livre des nirtiers, litro XXXV, art. 3). — « De la
Sainl-R(>nii à la Chanfifieur ». (Statuts ries tondeurs de
• liap, 1381. art. 12). — « Entre l.\s brandon.s et la Saint-
R.Miii )). (I.irie des métiers, litre LXXXIII, art. 9).
^ Livre des me'tiers, titre XLVIl.
* Voy. tous ces mots.
En dehors de son fils, de son neveu et du fils
de sa femme, chaque charpentier ne pouvait
avoir à la fois qu'un seul apprenti ; cependant,
afin d'être sûr de n'en point manquer, il avait le
droit d'en prendre un second au cours de la
dernière année de chaque apprentissage, et celui-
ci durait quatre ans. Pendant la première année,
l'apprenti était tenu de payer une indemnité de
nourriture, évaluée à six deniers par jour.
Les charpentiers cessaient tout travail le
samedi « puis que none seroit sonnée à Nostre-
Dame », c'est-à-dire vers trois heures, sauf
pourtant s'ils avaient commencé à élever une
charpente qu'on ne pouvait laisser sans appui.
Il leur était défendu de travailler à la lumière
factice, à moins que ce ne fut « pour le roi, ou
pour la roine, ou pour les enl'ans de France, ou
pour l'évesque de Paris ».
Quatre jurés surveillaient le métier etrelevaient
les contraventions.
La Taille de 1292 mentionne 9(i charpentiers,
celle de 1300 en cite 108.
Les prérogatives des successeurs de maître
Foulques furent supprimées sous Philippe le
Bel, par arrêt du Parlement rendu en 1314 * ; les
métiers jusqu'alors soumis à leur juridiction
firent retour au roi et les droits de justice
passèrent au tribunal du Châtelet.
C'est sans doute vers cette époque que les
charpentiers se divisèrent en deux classes :
1° Les cJiarpentiers de la grande cognée ou
charpentiers grossiers., qui travaillaient les gros
bois de charpente. Les charrons y furent cepen-
dant compris pendant longtemps ;
2° Les charpentiers de la petite cognée, qui
ftiisaient des ouvrages « plus menus », et qui
prirent plus tard le nom de menuisiers.
Les charpentiers de la première classe, les
seuls dont j'aie à m'occuper ici, étaient au
nombre de 40 en 1454^. Leurs statuts, fréquem-
ment confirmés ou revisés, furent renouvelés
par Louis XIV en aoiit 1649.
J'y vois que la durée de l'apprentissage était
de six ans, celle du compagnonnage de six mois
seulement.
Nul n'était dispensé du chef-d'œuvre, pas
même les fils de maître.
Aucun maître ne pouvait, à peine de
1.500 livres d'amende, entreprendre une cons-
truction pour la « rendre la clef à la main ».
Il était interdit aux apprentis et aux compa-
gnons « sous peine de punition corporelle »,
d'emporter chez eux des copeatix.
Vers le milieu du dix-luiilième siècle, Paris
comptait environ 80 maîtres charpentiers. Ils
sont dits souvent charpentiers de maisons pour les
distinguer des charpentiers de bateaux. On les
nomme aussi parfois chapuis ou chappuis et
maîtres de la hache.
Ils eurent successivement poiir patron saint
Biaise, puis saint Joseph ^.
' Delamarrc, Traité de la police, t. IV, p. 70.
- Ordann. royales, t. X^'I, p. 614.
3 Voy. S. Mercier, Tableau de Paris, t. VIII, p. 207.
CHARPENTIERS — CHARRONS
151
Une partie de la rue Béthisy s'appela, jusqu'au
milieu du quinzième siècle, rue de la Charpen-
terie.
Yoy. Concessions de métiers. — Livre
des métiers et Vérificateurs de mé-
moires.
Charpentiers d'artillerie. On nommait
ainsi, au quinzième siècle, les ouvriers qui
construisaient les affûts pour les canons.
Voy. Fondeurs de canons.
Charpentiers de bateaux. \oy. Ba-
teaux (Constructeurs de).
Charpentiers de huches. Nom que
l'ordonnance de janvier 1351 donne aux Imchiers.
Charpentiers de navires. Voy. Ba-
teaux (Constructeurs de).
Charpentiers de nefs. Nom que la
Taille de 1292 donne aux constructeurs de
bateaux.
Charpentiers de tonneaux. Voy.
Tonneliers.
Charretiers. La Taille de 1202 en cite 47.
Elle mentionne, en outre, un voiturier d^atte,
et je trouve, dans la Taille de 1313, deux
charretiers de Vyaue. Géraud ^ veut que le
premier soit « un voiturier par eau ou un porteur
d'eau à voiture ». Je crois qu'il s'agit tout
simplement de bateliers ^ .
On enjoignit de bonne heure aux charretiers,
de faire peindre, en gros caractères, leur nom et
leur adresse sur le devant de leur tombereau et
sur le collier de leur limonier.
L'ordonnance de police du 15 octobre 1734
veut qu'ils apposent à leurs voitures « des
plaques de fer peintes en jaune, de douze pouces
de long sur dix de large, attachées sur deux
planches ou au collier de leurs chevaux ; sur
lesquelles plaques sera écrit, en lettres et chiffres
noirs de un pouce de hauteur, non seulement les
numéros, mais encore les noms et surnoms des
propriétaires d'icelles ^ ».
Un manuel imprimé au dix-huitième siècle
recommande aux charretiers de faire tirer tous
leurs chevaux également, de se servir du limo-
nier à propos, de prendre leurs précautions pour
les tournants quand ils conduisent plusieurs
chevaux, etc., etc. * ; recommandations qui
n'étaient guère observées, car voici ce qu'écrivait
Sébastien Mercier vers 1780 : « Les charrettes
à Paris s'accrochent éternellement. . . Si le cheval
fait un écart, le charretier le redresse à grands
coups de fouet... Des lois en faveur des chevaux
honoreroient un législateur en France et
rendraient le peuple meilleur. Rien de plus
hideux et de plus féroce que nos charretiers ^ ».
^ Paris sous Philippe le Bel, p. 548.
2 Voy. cet article.
3 Voy. Delamarre, Traité de la police, t. IV, p. 459-
4 Le parfait cocher, édit. de 1744, p. 197.
5 Tableau de Paris, t. V, p. 16. Voy. aussi p. 329.
Les charretiers avaient pour patron saint Eloi.
L'alibé .Tiiubert écrit « charretier ou chartier ».
Charrons. Jean de Garlande, dans son
Dictionnaire^, les nomme rotarii^, et cite,
parmi les olijets qu'ils fabriquaient, des chars à
deux et à (juatre roues et des charrettes ^, des
jantes, des rais et des moyeux pour les roues *,
des essieux, des brancards et des limons ".
Le Livre des métiers nous apprend ^ que les
charrons appartenaient à la corporation des
charpentiers et étaient soumis aux mêmes statuts.
Ils étaient donc placés sous l'autorité du premier
charpentier du roi, et contribuaient à la redevance
de dix-huit deniers par jour qui lui était due. Ils
ne pouvaient avoir à la fois qu'un seul apprenti,
et l'apprentissage durait quatre ans. Le travail ii
la lumière artificielle leur était interdit, et le
samedi les ouvriers devaient déposer leurs outils
à trois heures. 11 leur était spécialement recom-
mandé de veiller à la solidité des essieux, de n'en
fournir que de « souffisans, comme ils vorroient
c'on les leur meist se ils estoient charetiers ».
La Taille de 1292 mentionne 19 charrons,
celle de 1300 en cite 11 seulement. En 1467,
ils étaient assez nombreux pour former à eux
seuls une bannière '', et leur communauté ne
cessa dès lors de prospérer et de s'accroître.
Leurs statuts, renouvelés en 1498, ne prévoient
encore que la fabrication des « chariotz, char-
rettes, tumbereaulx », et des « ouvraiges qui se
feront doresenavent pour le fait de l'artillerie
du Roj, nostre sire ». Les maîtres étaient alors
au nombre de trente environ.
Ces statuts furent revisés encore au mois de
mars 1668, et cette fois, les charrons sont ainsi
qualifiés : charrons-carrossiers-faisenrs et entre-
preneurs de carrosses, coches, chariots, litières,
brancards, calèches, et autres attirails. Ils sont
assimilés aux selliers pour la fabrication de tous
ces objets. L'apprentissage dure quatre ans, et
est suivi de quatre ans de compagnonnage.
Les maîtres s'engagent à ne confectionner les
« moyeux, roues, gentes, esseaux, que de bon
bois de chêne, orme, frêne, haistre, charme ou
tilleaux ».
Vers la fin du dix-huitième siècle, le nombre
des maîtres s'était élevé à 130 environ. Ils avaient
pour patrons sainte Catherine qui, comme on
sait, avait été attachée sur une roue, et saint
Joseph, en souvenir de leur ancienne union avec
les charpentiers.
La partie de la rue de la Ferronnerie comprise
entre la rue Saint-Denis et la rue de la Lingerie
porta, jusqu'au quinzième siècle, le nom de rue
de la Charonnerie ^.
On trouve les charrons nommés encore emlm-
teurs de roues, rodirrs, roijers, etc.
1 Écrit vers 1250. Edit. Scheler, p. 29.
2 Voy. Ducange, Glossaire, t. V, p. 806.
3 « Bigas et quadrigas et plaustra».
4 « Canti rotarum, radii et modii ».
5 « Axes, limones et timones ».
6 Titre XLVII.
" Ordonn. royales, t. XVI, p. 671.
8 Jaillot, quartier Sainte-Opportune, p. 17.
152
CHARRUIERS — CHATREURS
Gharruiers. Voy. Laboureurs.
Chartes parties. Voj. Chirographes.
Ghartiers. Voj. Charretiers.
Ghartriers. Voj. Geôliers.
Ghasse-avant. Vov. Fiqueurs.
Ghasse-chiens. Voj. Bedeaux.
Ghasse-coqnins. Voy. Archers des
pauvres el Bedeaux.
Ghasse-marée. Dès le treizième siècle
Paris laisail une grande consommation de poissons
de mer. On appelait cliasse-marée les hommes
qui y amenaient, en toute hâte, le poisson pêclié
sur les côtes les plus rapprochées de la capitale,
celles de Normandie et de Picardie. Kn général,
ils chassaient devant eux de petits bidets chargées
de paniers. Ils se servirent un peu plus tard de
voitures légères, d'où leur vint un nouveau nom,
wituriers de la mer.
Les services qu'ils rendaient et aussi la gour-
mandise des Parisiens leur avaient fait accorder
une foule de privilèges. On ne pouvait les arrêter
eu route, ni saisir leurs chevaux ; un fonds spécial
était destiné à remplacer les bêtes mortes de
fatigue ou le poisson corrompu en chemin '.
A l'arrivée, les paniers étaient livrés aux
venden,rs, et débiles par eux à la criée ; les
marchandes de marée les achetaient pour les
écouler au détail.
Les huîtres apportées par les chasse-marée
étaient dites huîtres de chasse, distinguées ainsi
de celles qui venaient par bateau en remontant la
Seine.
Dans l'édition publiée en 1510 (b; la grancbî
ordonnance de 141."), une naïve gravure repré-
sente un chasse-marée et son bidet.
Voy. Poissonniers de mer et Ven-
deurs.
Chasse-mouches (Marchands de). Titre
([uc prcniiient les iiiaîircs de la corporation des
cordiers.
Chasse-mulet. « Valet de meunier des
environs <le Paris, (pii rapporte sur ses mulets les
sacs de fai'ine aux boulangers, el porte le blé des
boulangers au moulin ^ ».
Chasseurs. Domestiques employés dans les
propriéiés de campagne des grands seigneurs.
^<- Le (;hasseur, écrit Audiger, n'est obligé à rien
i\\\'i\ bien tirer el à fournir du gibier à proportion
(|u'il esl nécessaire pour l'ordinaire du seigneur
ou pour régaler les personnes qui lui viennent
rendre visite. 11 doit aussi bien savoir dresser les
cliiens, lanl couchans, courans qu'autres, pour le
plaisir du seigneur on de ses amis, el con.server
toujours le gibier de quelque canton pour les y
' Dflamarro, Traité de la police, t. III, p. 08.
2 Dictionnaire de Trévoux, t. II, p. 475.
mener se divertir losqu'il leur en prend envie * ».
On donnait le même nom à un domestique,
qui vêtu d'une riche livrée de chasse, montait
derrière la voiture de ses maîtres.
Voy. Capitaine des chasses.
Châssetiers. Voy. Châssissiers.
Ghâsslssiers ou Châssetiers. Faiseurs
de fenêtres. Le mot châssissier ligure dans le
supplément du Dictionnaire de Littré, oii il est
ainsi défini : « ancien terme qui désignait les
faiseurs de châssis. » Mais les châssis, c'étaient
des fenêtres, témoin ces deux vers de Villon :
Item, je lai.sse aux liospitaux
Mes châssis tissus d'araignco 2.
Bien que réunis depuis longtemps à la corpo-
ration des menuisiers, les« maîtres châssetiers ou
faiseurs de châssis » formaient encore, au dix-
septième siècle, une confrérie particulière, qui
tenait ses réunions dans la chapelle du collège
des Bons-Enfants de la rue Saint-Honoré ^. Enfin,
V Encyclopédie mélhodique * nous apprend, qu'au
siècle suivant, il existait des « châssissiers», dont
la profession consistait à garnir les fenêtres, non
de verre, mais seulement de feuilles de papier
huilé.
Les grillageurs ont aussi porté ce nom.
Chaste (Semaine). Dans les statuts des
métiers et dans les ordonnances du moyen âge,
ces mots désignent la semaine de la Quadra-
gésime, premier dimanche du carême.
Chasubliers. Ils confectionnaient les
chasubles, chapes, dalmatiques, étoles el, d'une
manière générale tous les ornements d'église
faits en étoffe. Les maîtres étaient au nombre de
cinq en 1292 et de quatre en 1300 ■'. Ils furent
de bonne lieure réunis aux brodeurs. En 1409,
Isabeau de Bavière commanda à un brodeur
toute la garniture d'une chapelle, ce qui semble
bien indiquer que la réunion des deux métiers
était déjà effectuée.
Châtaignes (Marchands de). Voy. Mar-
rons (Marchands de).
Châtreurs. Un des moyens les plus prônés
pour la cure des hernies était l'ablation d'un
testicule ou même des deux. Bien d'autres
aff'eclions, hi lèpre ", la goutte, Taliénation
mentale par exemple, ne résistaient pas à ce
procédé énergique. Le temps, loin d'affaiblir
cette croyance, l'enracina, l'élendil, et la castra-
lion devint peu à peu une sorte dé panacée qui
assurait mille avantages à l'beureux mortel
débarrassé d'un orwuie nuisible. A la fin du
■l AudifTci-, La fnaison réniée, liv. II, cliap. 4.
2 Petit testament, § XXX.
•' i.i^ Ma.sson, Calendrier des confréries, \i. 105.
* Arts el métiers, t. VIII, p. 698.
'•> Voy. les Tailles do ces deux années.
** Voy. Et. Baluze, Epistolœ Innocenta JII . t. I,
p. 10.
CHATREURS — CHAUDRONNIERS
153
seizième siècle, Jean Bodin démontre de son
mieux pourquoi :
Les chaslrez ne sont suhjects aux varices.
— — sont exempts de la goutte.
— — surmontent tous les atitres IVom-
mes en prudence, etc., etc. '.
François Ranclun, en 1640, reconnaît toute-
fois que la castration « n'est pas un remède
certain pour les lépreux "^ ». Elle avait tant
d'autres mérites que l'on pouvait bien lui
contester celui-là.
Fabrizio d'Aquapendente, mort en 1619,
mentionne •* un Horace de Norsia, habile
inciseur, qui à lui seul châtrait environ deux
cents individus par an.
Il avait en tous lieux des confrères aussi
occupés ; mais il ne faut pas compter parmi eux
Ambroise Paré. Dans son traité des hernies, il
s'élève avec indignation contre les ignobles
opérateurs qui « coupent les coïllons » aux
garçons '*. Il les moleste encore dans le chapitre
où il étudie les plaies des aines et des testicules ;
il veut que l'on conserve avec soin ces parties
« qui sont nécessaires à la génération », et
ajoute-t-il, « qui mettent la paix en la maison ^ ».
Sur ce point, il devait savoir à quoi s'en tenir,
ayant été marié deux fois. Mais Paré ne fut
point écouté.
Dionis, au dix-huitième siècle, a soin d'avertir
ses élèves que les châtrés ne sont pas, « ainsi
qu'on le croit en général, exempts de certaines
maladies, comme de la goutte, de la ladrerie, de
la mort subite, etc. ». Il affirme aussi qu'il a
connu « un opérateur qui ne nourrissoit son
chien que de testicules ; le chien se tenoit sous
le lit ou sous la table, proche son maître, en
attendant ce morceau friand, dont il le régaloit
aussitôt après avoir fait l'extirpation ^ ».
L'abus fut porté à tel point que la Société
royale de médecine s'en émut. En 1776, elle
nomma des commissaires chargés de faire une
enquête sur ces odieuses mutilations et d'aviser
aux moyens d'y mettre un terme. Ils constatèrent
que, dans le seul diocèse de Saint-Papoul, plus
de cinq cents jeunes gens avaient été châtrés par
d'audacieux exciseurs, qui recevaient pour
chaque opération 35 livres '' .
Les chàtreurs n'exerçaient pas leurs talents
que sur l'espèce humaine. Je trouve dans un
compte du quatorzième siècle la mention sui-
vante : « Pour châtrer plusieurs cliiennes de
Mgr Philippe et autres de l'ostel du Roy,
1 noble ^ ».
Au seizième siècle, les chàtreurs criaient leur
1 Théâtre de la nature universelle, trad. Fougerolles,
(1597), p. 549.
2 Traite' de la lèpre, p. 483.
3 Opéra chirurgica (1628), p. 257.
i Œuvres (1607), p. 315.
» Œuvres, p. 399.
6 Opérations de chirurgie, p. 288 et 324.
' P.-\'. Renouard, Histoire de la médecine, t. II,
p. 288.
8 Douët-d'Arcq, Journal de la dépense du, roi Jean en
Angleterre, p. 219.
métier dans les rues de Paris, mais les quatre
vers insignifiants que leur consacrent les cent et
sept cris... ne nous disent pas si les chiens et les
chats étaient leurs seuls tributaires.
Parmi les fonctionnaires compris ilans les
équipages de chasse du roi figurait un châtreur
de chiens et guérisseur de la rage ^ .
Au dix-huitième siècle, les chàtreurs sont
surtout représentés par les marchands de peaux
de lapin. Ils ont dans leur poche, écrit Sébastien
Mercier ^, « un couteau toujours prêt à châtrer
les matous. Ils n'entrent pas dans une maison
que les chattes ne se sauvent sur les gouttières,
en exprimant, par des miaulemens plaintifs,
combien la figure de ce barbare leur est désa-
gréable ».
Voy. Tondeurs de chiens.
Chats (Commerce des). Voy. Chàtreurs,
Chiens (Marchands de) et Tondeurs de
chiens.
Ghaucié. Voy. Chaussée (Droit de).
Ghauciers. Fonctionnaires préposés à la
perception du droit dit de chaussée ■*.
Ghauciers. Nom que le Livre des métiers
donne aux chaussetiers.
Ghauderiers . Ghauderonniers .
Ghaudreliers. Voy. Chaudronniers.
Ghaudronniers. La Taille de 1292 cite
six chatideronniers, douze maignens et un potier
de cuivre ; la Taille de 1300 mentionne quinze
chauderonniers et quatre maignens.
On nommait maagnans, maignens, maingnens,
maignans * les chaudronniers et étameurs
ambulants. Ces noms s'appliquaient également
aux potiers d'étain qui allaient crier leurs
marchandises par les rues ^ . Magnien en vieux
français signifiait chaudron, et dans quelques
patois, on nomme encore les chaudronniers des
mafjnins, des magniers ^. Ils étaient appelés
encore drmiiniers, drouineurs et dinandiers, en
raison du commerce immense de dinanderie qui
se faisait dans la ville de Dinant ''. Le mot
dinanderie est resté français ^, et il date d'assez
loin, car on lit dans Philippe de Comines : « En
l'an 1466, fut prins Dinant, assise au pays de
Lièo-e, ville très riche à cause d'une marchandise
qui s'y faisoit de ces ouvraiges' de cuivre qu'on
appelle dinanderie. qui sont en efîect potz et
poisles et cho.ses semblables ^ ».
On ne possède pas, pour les chaudronniers,
de statuts plus anciens que ceux de juillet 1327,
1 État de la France pour 1687, t. I, p. 540 rt 550;
pour 1712, t. I, p. 605 et 614: pour 1736, t. II,
p. 280.
2 Tahleau de Paris, t. VI, p. 83.
3 Voy. le Livre des métiers, 2® partie, titre I, art. 1.
'* Du latin magninus. Voy. Ducange.
5 Livre des métiers, titre XII.
*> \'oy. le Dictionnaire de La Curne de Sainte-Palaye.
" Belgique.
8 Voy. le Dictionnaire de Littré.
9 Édit. Dupont, liv. II, ehap. I, t. I, p. 114.
154
CHAUDRONNIERS
qui sont souscrits par les 46 maîtres exerçant
alors à Paris; 26 seulement signèrent ceux
d'octobre 1420, qui fixent à six ans la durée de
l'apprentissage. L'article 16 statue que deux
maisons resteront ouvertes le dimanche à tour de
rôle, l'une « en la rue Saint-Martin, l'autre es
autres rues foraines ».
Ces statuts furent fréquemment revisés dans la
suite. Les révisions de 1514 et de 1566
s'appliquent au « métier de chaudronnerie,
batterie et dinanderie ».
Les chaudronniers du seizième siècle partici-
pèrent au mouvement qui transformait en artistes
la plupart des industriels ; ils confectionnèrent
des bassins, des surtouts ornés de paysages et de
dessins variés, des statues en cuivre repoussé, d'un
travail savant et délicat ^ , des lustres, des fontaines,
des baignoires. Ils louaient ces dernières, ainsi
que des bassinoires et toute la batterie de cuisine.
A la fin du dix-huitième siècle, la location
d'une baignoire coûtait vingt sous par jour.
L'eau était chauffée « à la bouilloire » ^ ; il y
avait donc intérêt à construire des baignoires
qui n'en exigeassent pas un trop grand volume.
Celles de cuivre représentaient le plus souvent
un sabot à tige élevée, disposition aussi écono-
mique qu'incommode, car le corps y était presque
moulé, et l'on dépensait ainsi moitié moins de
liquide qu'en employant un cuvier oblong. La
baignoire dans laquelle fut assassiné Marat, et
qui a été acquise par le musée Grévin, est un
sabot de ce genre. Les grands seigneurs avaient
souvent dans leur hôtel des salles de bain fort
luxueuses, où les baignoires affectaient la forme
de canapés, de chaises longues, de lits de repos,
etc. Il paraît qu'on s'y baignait parfois de
compagnie, puisqu'il existait au château de
Genlis une baignoire assez vaste pour contenir
quatre personnes •*. Mais il est bien probable
qu'une baignoire de celte taille était en bois.
On ne commença guère avant le quatorzième
siècle à bassiner les lits. Le procédé qu'employait
Charles le Téméraire est assez étrange. Une fois
le prince couché, un valet introduisait dans le lit
une sorte de longue trompette, au moyen de
hiquellp il faisait pénétrer entre les draps de l'air
cliiuid *. Phis d'un demi-siècle après, apparaît
la bassinoire classique. En 1454, Ja([uin I.elong
« maignan » de la cour, fi)urnil pour le service
de Marie d'Anjou, femme de Charles VII, une
« bacinoucre d'arin ^, à baciner litz " ». En
1481, maître Pierre Symart, secréliiire de
Louis XI, fait acheter une « bassinoelle, pour
bassiner le lit (hidit seigneur ' ».
Montaigne déclare que l'on ne bassinait
jamais son lit ». Gabrielle d'Estrées était plus
• \ny. lii (ln:elle de.s Ihnux-Àrts, annûr 1884, p. 165.
' Voy. pourtant llurtaut et Mamy, Dictionnaire de
Paris, I. I, p. 517.
3 Mme ,1p Gi-nli.s, Mémoires, t. I, p. 256.
* Froissnrt, édit. Kt-rvyn, t. XIII, p. 43.
" D'nirain.
fi Comptes de la reine, <ian.s ^'. Gay, Dictionnaire
nrchcnlogique, t. I, p. 125.
"> Douot-d'.Vrci]. Conintes de l'hôtel, p. 387.
8 Essais, livre III, chap. 13.
frileuse, car dans son inventaire figure une bassi-
noire en argent * . Mais celle-ci était certainement
oeuvre d'orfèvre, non de chaudronnier.
h' Inventaire du mobilier de la Couronne pour
1673 mentionne trois bassinoires d'argent, dont
une avait « son couvercle percé à jour de
plusieurs fleurs de lis, et les armes du Roy au
milieu ^ ». Le moine était déjà connu ^, mais
la boule à eau chaude, originaire d'Angleterre,
ne semble avoir remplacé l'ancien procédé que
vers 1770. Le sieur Granchet annonçait, cette
année-là, dans le Mercure de France''' qu'il venait
de « perfectionner la bassinoire angloise ».
Je trouve plus tard les chaudronniers divisés
en cinq classes :
1" Les chaudronniers menuisiers^ véritables
artistes en leur spécialité ;
2° Les chaudronniers grossiers ^, qui fabri-
quaient les ustensiles du travail le moins délicat;
3" Les chaudronniers jo/a?iewr5, qui préparaient
les planches de cuivre pour la gravure ;
4° Les chaudronniers faiseurs d'instruments
de musique en cuivre : cors de chasse, trompettes,
timbales, etc. ;
5° Les chaudronniers au sifflet. Ces derniers,
qui représentaient les anciens maignens n'avaient
le droit d'exercer leur métier ni à Paris ni dans
les villes où les chaudronniers étaient constitués
en communauté. Munis d'une tlùte de Pan, dans
laquelle ils sifflaient pour signaler leur passage,
ils parcouraient les campagnes, portant tout
leur bagage sur le dos dans un sac de peau
appelé drouine ; ils faisaient les étamages, les
raccommodages, et vendaient de vieux ustensiles
de cuivre. Quelques-uns débitaient même du
neuf; ceux-là étaient en général suivis d'un
cheval chargé de grands paniers d'osier.
Aux termes des statuts d'octobre 1735, les
maîtres chaudronniers ne pouvaient avoir à la
fois plus d'un apprenti, et la durée de l'appren-
tissage était fixée à six ans. Les fils de maître
étaient dispensés de l'apprentissage et du cfief-
d œuvre, qui consistait à « forger et finir entière-
ment un coquemar ou caffetière de cuivre rouge ».
A la fin du dix-huitième siècle, le nondire des
maîtres était de 130 environ, et la communauté
avait pour patrons saint Maur et .saint Fiacre.
Les maîtres étaient dits officiellement chau-
dronnier s-dinandiers.
Au quatorzième siècle, la rue d'Ecosse portait
le nom de rue du Chaudron, qu'elle devait à
une enseigne.
Outre les noms mentionnés ci-dessus, les
chaudronniers ont été dits encore cauderliers,
cavdrcliers, caudronniers, caudriers, chauderiers,
chaudreliers, dinants, dynans, batteurs d'airain,
batteurs de cuivre, potiers dairain, potiers de
ctàvre, etc.
Voy. Paaliers.
1 Do Labordc, Glossaire des émaux, p. 170.
2 Tome I, p. f.3 et 67.
3 Voy. Saint-Simon, Mémoires, t. IX, p. 91.
i N^'eio février 1770, p. 203.
S Voy. ci-dessous l'art. Grossiers.
CHAUFFECIRE — CHAUSSETIERS
155
Ghauffecire (Métiers de). Voj. Maître
des sueurs.
Ghauffe-cire-scelleurs. Officiers de la
grande chancellerie. Leurs fonctions élaiei'.t
d' « apposer le sceau du roi, tant aux expé-
ditions de la grande chancellerie qu'à celle de
la chancellerie du palais. Le jour de la tenue du
grand sceau, ils se rendent en habit noir et
l'épée au côté dans le cabinet du grand chan-
celier ; ils placent devant sa table le coffre des
sceaux ^ ».
Ils étaient au nombre de quatre et servaient
par quartier. Dans les processions solennelles et
autres cérémonies, les quatre chauffe-cire mar-
chaient tête nue de chaque côté d'une blanche
haquenée qui portait le sceau royal.
En 1423, Henri VI ayant créé un cinquième
office de chauffe-cire, les titulaires des quatre
autres protestèrent. Le nouveau nommé renonça
à son office et les lettres patentes de création
furent déchirées ^. ,
La chancellerie employait trois sortes de cire,
savoir : la verte pour les arrêts, la jaune pour les
expéditions ordinaires, la rouge pour tout ce qui
concernait le Dauphiué et la Provence 'K
Depuis un arrêt du 13 octobre 1739, ils ne
prenaient plus que le titre de scelleurs.
Voy. Valets cliaufre-cire .
Chauffeurs. Dans les forges, on nommait
ainsi les ouvriers chargés de tirer le soufflet tandis
que le fer était au feu.
Ghauffourniers et
Voy. Chaufourniers.
Ghauforneors .
Ghaufourniers. Faiseurs et marchands de
chaux. Ils figurent dans l'ordonnance des Ban-
nières (1467), qui les nomme Chauffotirniers. J'ai
trouvé aussi Ckatiforneors.
La chaux que l'on employa le plus à Paris
venait des environs de Senlis, de Luciennes et
surtout de Melun * .
Voy. Mesureurs de chaux.
Ghaumeeurs. Voy. PaiUe (Marchands
de).
Ghaumlers . Marchands de paille ou
couvreurs en chaume.
Voy. Faille (Marchands de).
Ghaussée (DRorr de). Impôt qui se percevait,
dans la banlieue de Paris, sur tout char, charrette
ou cheval chargé venant à la ville ^. Le produit
devait servir à l'entretien des routes et des ponts.
1 Tessereau, Histoire de la grande chancellerie, t. II,
pas.sim.
2 Longnon, Paris sous la domination romaine, p. 76
et 184.
3 Dangeau, Journal, 30 octobre 1685, t. I, p. 241.
4 Delamarre, Traité de la police, t. IV, p. 39. — Fourcroy,
L'art du chaufournier, 1776, in-4°.
5 « Chaucié est une coustume asise et establie ancien-
nement scur ctiars, seurcharretes, seursomiers chargiés. . . »
Livre des métiers, 2® partie, titre I, art. 1.
Un char payait, en général, 4 deniers, une char-
rette 2 deniers, une charge de cheval, 1 obole.
Ghausse - pieds (Marchands de) . O
coumicrcc appart<'nait aux marchands de crépins.
Mais pendant longtemps, les cordonniers fourni-
rent eux-mêmes des chausse-pieds à leurs clients.
Au douzième siècle, on avait eu l'idée, pour
faciliter l'introduction de la chaussure, de
terminer par une longue et large patte recourbée
le quartier qui surmonte le talon. Cela était assez
conunode, mais fort laid. Du treizième au
quatorzième siècle, je trouve cité un chausse-pied
dont je n'ai pu déterminer la nature. (]e que je
sais, c'est qu'il se nommait en latin parcojwlex et
trainellum ^, en français traymel, trainel et
trainax ^. Au seizième siècle, tout doute disparaît,
on se sert tantôt d'une lanière de cuir, tantôt
d'une corne. Un compte royal de 1.570 renferme
les deux mentions suivantes : « Pour avoir coupé
un quart de peau de marroquin, pour faire des
chaussepieds pour mettre à la garde-robe... »
« Pour trois chaussepieds de corne, pour servir
aux pages... •' »
Furetière, en 1701, définit le chausse-pied :
« C'est ordinairement une large lanière de cuir
velu et non corroyé, faite d'une peau de veau
mort-né *.. » Le Dictionnaire de Trévoux repro-
duit presque textuellement ce passage et il ajoute :
« On en faisoit autrefois de corne et même de
fer '^ ».
Ghaussetiers. Faiseurs de chausses. Au
moyen âge, le mot chausses désigna toujours la
partie du costume qui enveloppait les jambes.
C'est à ce point de vue seulement que les mots
chausses et bas peuvent être regardés comme
synonymes. En effet, au lieu d'être faits de mailles
et de mouler la jambe en se prêtant à tous ses
mouvements, les chausses, confectionnées en
serge, en toile, en feutre, en soie, en drap, en
laine, etc., tantôt étaient recouvertes de ban-
delettes croisées, tantôt bouffaient ou plissaient
sur les jambes. Elles s'attachaient, d'ailleurs,
soit aux genoux, soit aux braies, avec des
jarretières parfois fort élégantes, et dont on
laissait pendre les bouts.
Au treizième siècle, les chausses étaient très
longues, montaient presque jusqu'à mi-cuisse.
Au quinzième, elles s'élevèrent plus haut encore,
jusqu'à une sorte de court caleçon à braguette,
qui prit le nom de haut de chausses, tandis que
les chausses devenaient has de chausses et par
abréviation bas. Ces deux pièces, successivement
modifiées suivant les progrès de l'industrie et les
exigences de la mode, constituent dès lors la
culotte courte et les bas, tels qu'ils sont venus
jusqu'à nous.
Dans les statuts qu'ils présentèrent en 1268 à
l'homologation du prévôt Etienne Boileau ^,
1 Ducange, Glossarium, atix mots cités.
2 Dans Le dit d'un mercier.
3 Dans Y. Gay, (llossaire archéologique, t. I, p. 355.
i Définition reproduile dans l'édition de 1727.
3 Édit. de 1771, t. II, p. 492.
6 Litre des métiers, titre LV.
156
CHAUSSETIERS — CHAUSSURES
les chaussetiers se qualifient de chauciers : on
écrivait indifféremment chausses ou chances. Les
fils de maître n'avaient rien à payer pour s'établir ;
les autres ouvriers devaient verser vingt sous,
dont quinze allaient au roi et cinq à la confrérie
du métier. Les maîtres pouvaient avoir autant
d'apprentis qu'ils voulaient, mais chacun de
ceux-ci en entrant à l'atelier était tenu de payer
huit sous au roi et quatre sous à la confrérie. Le
travail à la lumière était permis. On interdisait
le colportag-e dans les rues. Chaque dimanche
trois boutiques, à tour de rôle, restaient ouvertes.
Le métier était rég-i par trois jurés, « les quex H
prevost de Paris met et oste toutes foiz qu'il li
plaist ».
La corporation des chaussetiers se trouvait
alors dans une assez triste situation ; plusieurs
maîtres avaient dû redevenir ouvriers, et plusieurs
ouvriers anciens et habiles étaient trop pauvres
pour aspirer à la maîtrise. Avec l'assentiment
des 45 maîtres établis, le prévôt autorisa donc
33 ouvriers à passer maîtres « sans rien payer » ;
le nombre des maîtres se trouva ainsi porté
à 78. C'était trop sans doute, eu égard à la
consommation, puisql^e la Taille de 1202 ne
mentionne plus que 61 maîtres, et celle de 1300
que 48.
Les fripiers, paraît-il, leur causaient grand
dommage. Ils achetaient de vieilles chausses, les
mettaient sous presse, les pliaient avec soinetles
vendaient comme marchandises neuves. Les
chaussetiers obtinrent un arrêt (1298) qui recon-
nut à eux seuls le droit de vendre des chausses
mises en presses et pliées ; les vieilles chausses
achetées par les fripiers devaient être simplement
pendues à une perche ou étendues sur une corde
dans leur boutique ^ .
Les statuts des chaussetiers furent confirmés,
à peu près sans modifications, an mois d'avril
1346 2. Mais en 1398, la communauté se vit
truubléf par une querelle qui mérite d'être
rapportée. J'ai dit que les chausses étaient
soutenues au moyen d' « un nouet », cordon ou
jarretière. La mode vint de remplacer ceux-ci par
des aiguillettes, et quelques chaussetiers s'empres-
sèrent de confectionner des chausses « toutes
garnies d'aiguillettes, et prestes d'attacher ; car
se ainsi n'esloit, à ceulx qui vouldroient acheter
chausses convif'ndroit longuement dcmourer pour
attendre que garnies fussent ». Les anciens du
métierprolestèrcnt. Knnemisde toute innovation,
ils soutenaient que les statuts n'autorisaient pas
celte dérogation aux vieilles coutumes. Le roi
(l'abord l<;ur donna raison. Puis, le 23 octobre
1398, il revint sur sa décision. Considérant que
les aiguillettes ne .sont pas mentionnées dans les
.slaluls. par cette bonne raison qu' « adonc on
n'en usoil point, mais néantmoins puis que de
présent ce est venu à plaisance de peuple et à
commun usaige », il permit « pour le pruuffilde
' D'-pi'inp, Onlunnniiees reinlivcs aux méliers u 412
- Ordnnn. royales, t. XII, p. 80. - ILs fu.vnt confirmés
<l.' nnuvrau pn avril 1474, et 1,, nombre des jurés alors
porte à quatre. (Manuscrits Delamarre, arts et métiers
t. Il, p. 155).
la chose publique de vendre chausses garnies * ».
C'est seulement vers le milieu du quinzième
siècle qu'apparaissent les premiers bas tricotés,
et ils eurent bien vite détrôné les chausses. En
1540, François I" portait encore des chausses
de laine rase, couvertes, comme le reste de son
costume, de déchiquetures ou crevés à travers
lesquels on apercevait l'étoffe de la doublure ;
avant la fin du siècle, toute personne un peu aisée
avait des bas tricotés. Dès lors, il ne restait plus
aux chaussetiers qu'à disparaître, et c'est ce qu'ils
firent. Leur corporation s'éteignit, et ses dépouilles
furent partagées entre trois autres communautés :
les drapiers obtinrent le droit de faire et vendre
les chausses en drap, serge, droguet et autres
tissus de laine, ainsi que celles de toile peinte ;
le commerce des chausses de toile non teinte fut
attribué aux lingères, et les tailleurs purent faire
des chausses de la même étoffe que les haliils qui
leur étaient commandés'. Drapiers et tailleurs
ajoutèrent dès lors le titre de chaussetiers à
l'ancien nom de leur corporation.
Voy. Bas (Faiseurs de) et Bonnetiers.
Ghaussiers. Voy. Chaussetiers.
Chaussons (Faiseurs de). La Taille de 1292
mentionne, parmi les contribuables de la paroisse
Saint-Sauveur, un certain Girart, qui fet les
cJuniçons^. Suivant M. Ch. de Linas, il faudrait
reconnaître dans ces cJtauçons, les caligula et
les fasciola cités par les latinistes du moyen âge,
et c.< dont le but vraisemblable était de compléter
l'insuffisance des chausses sans pied dites à
étrier ^ ».
Chaussures (Commerce des). Au treizième
siècle, la confection des chaussures était le mono-
pole de quatre corps d'état bien distincts, ayant
chacun sa spécialité, son organisation, ses statuts
particuliers.
C'étaient :
P LesGORDOUANNiERS,quiemployaientsurtout
le ('uir dit cordouan.
2° Les SUEURS, chargés soit de coudre les
chaussures taillées par les cordouanniers, soit de
faire subir au cuir un dernier apprêt.
3" Les SAVETONNIERS, qui ne mettaient en
œuvre que la basane.
4° Les SAVETIERS, qui ne faisaient que les
raccommodages.
Quelques métiers secondaires, nés parfois dun
caprice de la mode, dépendaient de ces quatre
importantes corporations ou représentaient des
spécialités négligées par elles.
Voy. Baudroyeurs. — Bottiers. —
Bouchonniers. — Chausse-pieds (Mar-
chands de). — Chaussons (Faiseurs
de). — Cirage. — Cordonniers. — Cré-
pins. — I>écrotteurs. — Fermiers. —
1 Mss. Delamarre, arts et me'tiers, t. IV, p. 130.
2 Taille de 1292, p. 49 et 495.
^ Anciens vêtements sacerdotaux, 3" série, p. 156. — Voy.
aussi le Glossaire de Ducange, au mot cnliga.
CHAUSSURES — CHEF-D'ŒUVRE ET EXPÉRIENCE
157
G-alochiers. — Gorets. — Passe-talon-
niers. — Patiniers. — Sabotiers. —
Savetiers. — Savetonniers. — Souliers
(Marchands de). — Sueurs. — Talon-
niers, etc.
Chavetonniers. Nom (juc le Livre des
métiers donne aux savetonniers.
Gheesniers. Nom ([ue la 'Taille de 1292
donne aux cliainetiers.
Chef-d'œuvre et Expérience. On peut
voir, à l'article aspirants, quelles preuves
d'habileté professionnelle le moyen àg'e exigeait
de l'ouvrier qui voulait s'établir. Il i'aut y recon-
naîtrerorio;ineduchef-d'œuvre. Le mot, pourtant,
ne se rencontre qu'une seule l'ois dans le Livre
des métiers ; je crois même qu'il y est pris dans
le sens fio:uré, et sio-nitie une œuvre très belle,
parfaite en son genre : « Se li aprentis set faire
un chief d'œuvre tout sus », son maître peut
l'employer comme ouvrier et prendre un autre
apprenti '. Ce n'est pas là un fait isolé. Les
orfèvres pouvaient aussi déclarer l'apprentissage
terminé avant le temps fixé et proclamer libre le
jeune homme devenu assez habile pour gagner
cent sous par an, outre ses frais de nourriture ^.
Ceci date du treizième siècle. Mais, dès la fin
du quinzième, le chef-d'œuvre est Qxi^ê par
presque toutes les corporations, et il ne sera plus
supprimé que par l'Assemblée nationale en 1791.
Lorsqu'un compagnon désirait être admis au
chef-d'œuvre, il rédigeait une demande et l'adres-
sait aux jurés de sa communauté. Ceux-ci
convoquaient un certain nombre de maîtres, pris
ordinairement parmi les Anciens. Le candidat
était proposé, on lisait son brevet d'apprentissage
et son certificat de service comme compagnon,
puis l'assemblée délibérait sur la nature du chef-
d'œuvre qui lui serait proposé. Il lui était ensuite
choisi un meneur^ chargé de le mettre au courant
des usages et de l'accompagner dans les visites
qu'il devait faire aux jurés et aux maîtres de son
métier -^ .
On aurait cependant tort de croire que l'admis-
sion au chef-d'œuvre présentât toujours aussi peu
de difficulté, surtout pour le compagnon qui
n'était pas fils de .patron. D'abord, soit qu'ils
obéissent à une tradition, soit que leurs statuts
leur en fissent une loi, plusieurs communautés
n'admettaient à la maîtrise que les fils de maître * ;
dans celles-là, l'ouvrier ne pouvait donc changer
de situation qu'à la condition d'épouser une fille
ou une veuve de maître. Quelques corps de métier,
afin de restreindre la concurrence, avaient limité
le nombre de leurs maîtres : il ne devait point
dépasser 300 chez les orfèvres, 200 chez les
brodeurs, 72 chez les horlogers, 40 chez les
batteurs-tireurs d'or, 36 chez les imprimeurs,
1 Livre des métiers, titre LXXIX, art. 11.
2 Livre des métiers, titre XI, art. 5.
'^ Perruquiers, statuts de 1718, art. 32 et 33. —
Boulangers, statuts de 1746, art. 18.
4 Bouchers, monnayeurs, batteurs-tireurs d'or, bro-
deurs, boj'audiers, ferrailleurs, oiseliers, etc., etc.
12 chez les ferrailleurs, etc. ; les compagnons
étaient donc forcés d'attendre pour se présenter
qii'iiiK; place i'iit vacante, et pas n'est besoin de
(lire qu'il se trouvait presque toujours un fils de
maître pour la prendre. Seids ou à peu près, les
orfèvres partageaient les places vacantes entre
les fils de maître et les simples compagnons^.
D'autres corporations n'admettaient chaque année
qu'un nombre limité de ceux-ci. Elles recevaient
des fils et des gendres de maître « autant qu'il
s'en présentoit^ », mais des pauvres compa-
gnons : 1 seul chez les merciers •*, les libraires*
et les relieurs ^ -, 4 chez les cordonniers * et les
savetiers'' ; 6 chez les rôtisseurs** ; 10 chez les
tailleurs ^, etc., etc.
Dans plusieurs corporations, la nature du chef-
d'œuvre était déterminée par les statuts, dans
d'autres, les jurés arrêtaient pour cha({ue
candidat le programtne du iravail et le temps
accordé pour l'acliever. Quelquefois le candidat
soumettait à l'acceptation des jurés le dessin de
l'objet qu'il se proposait de faire.
A l'origine, on choisissait comme sujet du
chef-d'œuvre un travail ordinaire, pris parmi
ceux qui se présentaient le plus souvent dans le
métier. La préoccupation constante de restreindre
la concurrence fit ensuite multiplier les obstacles
devant les aspirants, et proposer des chefs-
d'œuvre compliqués et bizarres exigeant parfois
plus d'une année de travail. On en trouve la
preuve dans un très curieux procès que soutint
contre sa corporation un ouvrier ceinturier
nommé Claude Batidequin. Son avocat, François
Palliot, exposa au prévôt de Paris que «ledit
Baudequin s'est cy-devant et dès long-temps
présenté aux jurez pour luy bailler son clief-
d'œuvre pour parvenir à la maistrise de son
mestier, attendu qu'il a faict son apprentissage
cinq ans pas.sez, et depuis ce temps a toujours
besongné comme compagnon dudit mestier sous
les maistres. Ce néantmoins, lesdits jurez ont
long-temps délayé ce faire, et finablement luy ont
baillé un chef-d'œuvre fort pénible et difficile,
dont la ferrure est d'argent, et lequel il n'a
moyen de faire pour le long temps qu'il s'y
faudroit employer, et ce pendant ne pourroit
vivre». Le pauvre compagnon demandait donc
qu'on lui choisit un autre chef-d'œuvre, celui
par exemple « duquel le dernier maistre à esté
receu, qui est une grande ceinture à cropière à
porter sur les armes, dont le feu grand roy
François avaient accoustumé se servir ». Les
jurés soutenaient que ces deux chefs-d'œuvre
présentaient tuie égale difficulté ; et d'ailleurs,
un autre candidat, Pierre Tellier, offrait d'exé-
cuter celui que refusait Baudequin. Le prévôt
rendit un arrêt fort judicieux. Statuant au fond,
1 Leroy, p. 80.
2 Rôtisseurs, statuts de 1744, art. 14.
3 Décision de décembre 1661.
4 Statuts de 1686, art. 44.
5 Statuts de 1G86, art. 9.
6 Statuts de 1614, art. 6.
" Statuts de 1659, art. 38.
8 Statuts de 1744, art. 14.
9 Statuts de 1660, art. 7.
158
CHEF-D'ŒUVRE ET EXPERIENCE
il décida (12 janvier 1571) qu'aucun compagnon
ne serait plus reçu à la maîtrise chez les ceintu-
riers sans faire soit le chef-d'œuvre refusé par
Baudequin, soit celui qu'il proposait d'entre-
prendre ^.
L'édit de 1581 chercha à réagir contre la
sévérité des jurés, sévérité qui écartait de la
maîtrise beaucoup de bons ouvriers. Après avoir
constaté ^ que les candidats passent « quelquefois
un an et davantage à faire un chef-d'œuvre tel
qu'il plaist aux jurés», le roi enjoint à ceux-ci
de « leur désigner et spécifier chef-d'œuvre,
lequel ils puissent faire et parachever pour le plus
difficile mestier en trois mois, ou moins si faire
se peut, et des autres à l'équipolent ; et ce, pour
éviter aux longueurs et abus qui sont commises
par les jurez, à la ruine des artisans ^ ». «Des
ouvriers, écrivait Mathieu Jousse en 1627, ont
mis deux ans et plus à parfaire le chef-d'œuvre,
tellement que c'est quelquesfois la ruyne des
pauvres aspirans, à cause des grands frais et
despences qui lu_y convient faire ^ ». L'édit de
mars 1691, qui réglementa de nouveau cette
matière, s'efforça de rendre le chef-d'œuvre
accessible à tous. Entre autres dispositions, il
veut qu'il puisse être « fait et parfait dans
l'espace d'un mois, » qu'il « soit d'usage, de
chose utile», et non un travail long et dispen-
dieux, en dehors des occupations ordinaires de
la communauté ^.
Le chef-d'œuvre était exécuté sous la surveil-
lance des jurés et chez l'un d'eux. Les orfèvres
avaient au Bureau de leur corporation une salle
spéciale, dite Chambre du chef-d'œuvre, où tous
les objets nécessaires étaient réunis. Les jurés,
dit Leroy '', « pouvoient seuls y entrer dans le
temps que le chef-d'œuvrier travailloit, car la
preuve qu'il y devoit donner de sa capacité étoit
traitée très sérieusement ». On évitait avec soin
qu'il pût être conseillé ou aidé. Le clerc ou
concierge du Bureau prêtait serment de ne
donner aucun avis au candidat, et de ne laisser
entrer personne dans la pièce où il travaillait.
Les menuisiers prononcent la destitution de la
jurande contre tout garde qui aurait aidé un
chef-d'œuvrier "' . Les fourbisseurs autorisent
tous les bacheliers, c'est-à-dire tous les maîtres
ayant rempli les fonctions de juré, à « estre
présens quand l'aspirant travaillera, et à assister
à tout ce qu'il fera * ».
Dans certains métiers, une épreuve orale
remplaçait le chef-d'œuvre. Les apothicaires
étaient interrogés par les jurés en présence de
douzi- maiirt's et de deux médecins. Six maîtres
et deux médecins assistaient à l'examen des
barbiers-chirurgiens '•*. Celui que subissaient les
1 Bibliothèque nationale manuscrit français n» 21,794,
4" pièce.
* Préambule.
:• Articir IG.
i La fidèle ourertuie de l'arl du serrurier, p. 10.
•> Art ici.' 1.
6 Page 85.
7 Statuts de 1743, art. 22.
» Statuts de lti59, art. 17.
a Édit de 1581, art. 19.
épiciers avait lieu sous le contrôle d'un docteur
en médecine délégué par la faculté ^.
Le chef-d'œuvre achevé, on l'exposait, et tous
les maîtres venaient l'examiner, avec liberté
entière de le critiquer. Mais les jurés pronon-
çaient en dernier ressort : si le travail était jugé
insuffisant, ils le brisaient, et forçaient le candidat
à redevenir compagnon pendant une ou plusieurs
années "^.
On ne peut le nier, c'étaient là de sérieuses
garanties en faveur de l'habileté des ouvriers,
garanties qui ne font que trop défaut aujourd'hui.
Mais ces sentences sans appel, rendues par des
juges dont l'impartialité était souvent fort
suspecte, livraient les aspirants à l'égoïsme des
maîtres, toujours intéressés à ne pas augmenter
le nombre de leurs concurrents, et à assurer
l'avenir de leurs enfants aux dépens des candidats
nés dans la classe ouvrière. L'édit de 1581
prit, avec autant d'inutilité que de sagesse, la
défense de ces derniers. Si l'arrêt prononcé
contre eux est défavorable, il veut que le chef-
d'œuvre soit soumis à l'examen de plusieurs
maîtres du métier , auxquels s'adjoindront
« trois ou quatre notables bourgeois du lieu »,
S'ils confirmaient la première sentence, une
nouvelle commission était nommée, et il suffisait
qu'elle émît un avis différent pour « qu'à
l'instant mesmes » les compagnons fussent
reçus à la maîtrise ^. Un ajournement ne
devenait donc valable qu'à la suite de trois refus
successifs.
L'édit ajoute que les compagnons seront reçus
« sans que pour ce ils soient tenus de payer
aucuns droits ou devoirs, faire aucuns banquets,
etc. * ». Mais cette disposition ne fut pas plus
respectée que les précédentes. On forçait l'aspi-
rant à payer une indemnité aux jurés, aux
bacheliers, même aux maîtres dont certaines
corporations réclamaient l'avis. Chez les bourre-
liers, le chef-d'œuvre était jugé par vingt-quatre
personnes, qui recevaient, savoir :
Les quatre jurés, chacun 6 liv.
Douze Anciens 3 —
Quatre Modernes 2 —
Quatre Jeunes 2 — ^
Les aspirants barbiers étaient encore plus
exploités. Ils devaient payer :
Au chirurgien du roi 6 jetons d'argent.
Au lieutenant ) < i ,. ,• , 4 • ,
. . ,. a chacun o liv. et 4 letons.
Aux six syndics^ •'
Au doyen j
A trois Anciens > à chacun 3 liv. et 4 jetons.
Au greffier )
A d'autres Anciens 2 liv. 2 jetons.
« El, ajoulent les statuts, seront les jetons du
poids de 36 à 38 au marc ^ ».
< Statut.s de 1010, art. 8.
2 l^réanibule de l'édit de 1581.
3 Article 17.
* Voy. aussi l'édit de mars 1091, art. 1.
5 Arrêté du 25 janvier 1741. — grossiers, statuts de
1659, art. 26
6 Statuts de 1718, art. 39.
CHEF-D'ŒUVRE ET EXPÉRIENCE
159
La confection du chef-d'œuvre était en outre
l'occasion d'une fouie de réunions et de repas,
devenus peu à peu si coûteux que les statuts
teiitèrent, mais toujours vainement, de les
supprimer. Les drapiers se distinguent par leur
rigueur sur ce point : « Les jurez et tous
autres, disent-ils, ne pourront recevoir aucun
don, ni présent, pendant ni après le chef-
d'œuvre, ni l'aspirant leur en donner, à peine de
suspension de la maîtrise pour un an ' ». Les
éventaillistes interdisent « les festins, beuvettes
et autres frais ^ ; » et les gainiers stipulent
qu' « il ne sera plus fait aucune assemblée pour
les chefs-d'œuvre, et ne sera plus distribué
pain, vin, biscuits ny macarons en façon quel-
conque ^ ».
L'édit de mars 1691 ordonne que le chef-
d'œuvre restera la propriété de l'artisan *.
C'était justice, puisque le candidat l'avait exécuté
à ses frais, avait fourni la couleur et les draps
s'il était teinturier, le cuivre et le charbon s'il
était chaudronnier, la chair et le poisson s'il était
cuisinier. Parfois, un juré consentait à faire ces
avances, et alors c'était à lui, non à l'aspirant
que le chef-d'œuvre restait ^. Les horlogers ne
le remettaient à son auteur que si celui-ci pouvait
payer à la corporation une somme de cinquante
li\Tes *".
Tout ce que je viens d'exposer s'appliquait au
pauvre diable de compagnon assez osé pour
aspirer au noble titre de maître. La scène
changeait dès qu'il s'agissait de conférer cette
dignité au fils d'un patron. Devant celui-là, les
obstacles disparaissaient comme par enchan-
tement. De droits à pajer, il en était à peine
question ; d'un examen à subir, on ne s'en
préoccupait guère. Dans une foule de corpo-
rations, le fils de maître n'avait à fournir aucune
preuve de son aptitude au métier ' : « Les fils de
maistre, disent les relieurs, seront receus à
première réquisition, en payant trente livres
pour les affaires de la communauté * ». D'autres
avaient inventé en leur faveur une épreuve
beaucoup plus facile que le chef-d'œuvre, et qui
1 Statuts de 1669, art. 48.
2 Statuts (le 1677, art. 14.
3 Statuts de 1688, art. 4.
i Article 1.
^ Chaudronniers, statuts de 1735, art. 8.
*> Lettres patentes d'octobre 1717.
"' Charcutiers, statuts de 1476, art. 3, et de 1745, art.
13. — Armuriers, st. de 1562, art. 6. — Couteliers, st.
de 1565, art. 7. — Tourneurs, st. de 1573, art. 10. —
Pelletiers, st. de 1586, art. 5. — Bouchers de la grande
boucherie, st. de 1587, art. 2, et de 1741, art. 45. —
Jardiniers, st. de 1589, ai-t. 5. — Cuisiniers, st. de
1599, art. 6, et de 1663, art: 23. — Fourbisseurs, st.de
1627, art. 38. — Taillandiers, st. de 1642, art. 5, et de
1663, art. 12. — Chapeliers, st. de 1658, art. 9. —
Fripiers, st. de 1664, art. 11. — Couturières, st. de
1675, art. 6. — Éventaillistes, st. de 1677, art. 9. —
Grainiers, st. de 1678, art. 19. — Bouquetières, st. de
1678, art. 6. — Imprimeurs-Libraires, st. de 1686, art.
41. — Relieurs, st. de 1686, art. 7. — Cardeurs, st. de
1688, art. 11. — Charcutiers, st. de 1745, art. 13, etc.,
te.
8 Statuts de 1686, art. 7.
i^a nommait expérience ^. Chez les boulangers,
par e.\eniple, le chef-d'œuvre consistait à con-
vertir en diverses sortes de pâtes et de pains trois
setiers de farine, mais les fils de maître n'étaient
« tenus que de faire une légère expérience
d'une mine de farine, et celte expérience
pourra être faite en la maison du père ^ ». On
n'en demandait pas plus à l'apprenti ou au compa-
gnon qui épousait une fille ou une veuve de
maître. Ils seront reçus, disent les statuts, « en
faisant une légère expérience telle qu'elle leur
sera présentée par les jurés ». Les tabletiers
demandent seulement qu'ils soient « témoignés
suffisans par les jurés ^ ». On soumettait encore
à Vexpérience les maîtres des faubourgs qui
voulaient exercer à Paris ^, et dans les commu-
nautés où le fils de maître; était dispensé de toute
épreuve, ceux qui étaient nés avant que leur père
eût obtenu la maîtrise ^.
Les serruriers et les chapeliers y mettaient
moins de franchise. Chez eux, toute épreuve
portait le nom de chef-d'œuvre, seulement sa
nature variait suivant la condition des personnes.
Chez les serruriers, il exigeait un travail de :
3 mois pour les compagnons arrivant de
province.
2 mois et demi pour les compagnons apprentis
de Paris.
2 mois pour les apprentis ou les compagnons
qui épousaient "une tille ou une veuve de maître.
1 mois pour les fils de maître ^.
Les potiers d'étain avaient trois chefs-d'œuwe
différents, suivant que le candidat voulait être
reçu maître, passe' maitre ou menuisier "' .
Quelques communautés exigèrent le chef-
d'œuvre complet, même des fils de maître ^.
D'autres, après l'avoir exigé au début, en dis-
1 Tabletiers, statuts de 1507, art. 2. — Horlogers, st.
de 1544, art. 7. — Bourreliers, st. de 1578, art. 4, de
1665, art. 4, et de 1734, art. 8. — Tis.serands, st. de
1586, art. 4. — Coffretiers, st. de 1596, art. 8. —
Découpeurs, st. de 1604, art. 11. — Bonnetiers, st. de
1608, art. 15. — Plombiers, st. de 1648, art. 13. —
Passementiers-Boutonniers, st. de 1653, art. 9, 10 et 16.
— Gantiers, .st. de 1656, art. 12. — Tailleurs, st. de
1660, art. 8- — Teinturiers du grand teint, st. de 1669,
art. 52. — Teinturier du petit teint, st. de 1669, art. 86.
— Teinturiers en soie et laine, st. de 1669, art. 93. —
Faiseurs de bas, st. de 1672, art. 19. — Brodeurs, st.
de 1704, art. 5. — Perruquiers, st. de 1718, art. 29. —
Écrivains, st. de 1727, art. 6. — Boulangers, st. de
1746, art. 20, etc., etc.
2 Statuts de 1746, art. 20.
3 Statuts de 1507, art. 2.
4 Fourbisseurs, statuts de 1627, art. 37.
5 Fripiers, statuts de 1664, art. 11, etc., etc. — C'était
la règle générale, mais elle admettait des exceptions.
Chez^ies boulangers (st. de 1746, art. 18), les charcutiers
(st. de 1754, art. 15), etc., les fils de maître nés avant
la maîtrise de leur père étaient astreints au chef-d'œuvre.
Chez les fourbisseurs, on les dispensait de toute épreuve
(st. de 1627, art. 38).
6 Sentence de police du 29 juillet 1699.
■î Voy. ci-dessous l'art. Potiers.
8 Chaudronniers, st. de 1566 et de 1735, art. 2. —
Doreurs sur cuir, st. de 1575, art. 25. — Menuisiers,
st. de 1743, art. 22. — Batteurs d'or, st. de 1683, art.
6. — Orfèvres, st. de 1759, titre II, art. 1 1. — Bouchers
de la boucherie de Beauvais, st. de 1586, art. 2, etc.,
etc.
160
CHEF-D'ŒUVRE ET EXPERIENCE
pensèrent ensuite les candidats *. D'autres, au
contraire, qui l'en dispensaient au début,
l'exigèrent par la suite "^.
Il importe cependant de ne pas prendre trop
au sérieux cette minutieuse réglementation. A
dater du dix-septième siècle, les statuts adoptés
par les corporations donnent l'idée de ce qu'elles
voulaient paraître, bien plutôt qu'ils ne montrent
ce qu'elles étaient réellement. En fait, l'appren-
tissage, le compagnonnage et le chef-d'œuvre se
rachetaient très bien à prix d'argent. Les
brodeurs ne craignent même pas de l'avouer dans
leurs statuts de 1648. Chez eux, le chef-d'œuvre
officiel exigeait deux mois de travail. Mais « en
considération des debtes de la communauté »,
les jurés furent autorisés à le remplacer « par un
pourtraict ^ qui se puisse faire en huict jours »,
lorsque l'aspirant consentirait à payer une somme
de cent livres *. Dans plusieurs corporations ^,
tout individu disposant d'un petit capital pouvait
devenir maître du jour au lendemain, sans passer
par aucun des grades intermédiaires. Il lui
suffisait d'acheter des lettres de maîtrise. La
royauté, toujours à court d'argent, avait inventé
cette spéculation, à laquelle les communautés
eurent aussi recours. Je reviendrai ailleurs •*
sur ce sujet. Mais toutes ces concessions avaient
réduit de beaucoup le nombre des ouvriers
habiles, et fort découragé ceux qui eussent pu le
devenir. On fut donc obligé dans presque toutes
les corporations de simplifier le chef-d'œuvre,
devenu trop difficile pour l'immense majorité
des aspirants. En 1699, les serruriers durent
modifier celui qu'ils exigeaient depuis 1654 ; les
teinturiers firent de même en 1737, bien que le
leur remontât seulement il 1669. Les tissutiers-
riiljaniers et bien d'autres corps de métiers les
imitèrent.
Le chef-d'œuvre une fois terminé, examiné et
accepté, le candidat versait le prix de la maîtrise,
qui variait suivant chaque communauté "^ . 11 était
ensuite conduit par les jurés au Grand-Châtelet,
chez le procureur du roi, qui le déclarait officiel-
* Les lissuliers-ruLaniers l'exigent en 1403 (art. 4),
et en 1585 (art. 14) ils demandent scmlemenl que le
candidat soit « ouvrier et expérimenté ». — Los Lour-
relicrs l'exif^ent en 1403 (art. 3), mais les statuts de
1578 et de 1665 (art. 4) no réclament plus que VExpi--
rience.
* Les horlogers, qui ne demandaient que V Expérience
en 1544 (art. 7), exigent le chef-d'œuvre à partir do
1046 (art. 5, et st. de 1719, art. 9 et 11). — Les tein-
turiers du grand teint, qui ne demandaient que VExpe'-
nence en 1669 (art. 52), exigent le chef-d'œuvre à partir
(!.• 1737 (art. 91), etc., etc.
3 Un modèle.
* .\rtieles 3 et 4.
G Merciers, épiciers, orfèvres, écrivains, maçons
iingt>res, paumiers, etc. '
« Voy. ci-dessous l'art. Maîtrises (Vente de).
"^ 3,240 fr. chez les drapiers. — 1.800 fr. chez les
merciers, les maréchaux, etc. — 1.500 fr. chez les
bonnetiers, l.-s selli.Ts, etc. — 900 fr. chez les vitriers,
les menuisiers, les bourreliers, etc. — 800 fr. chez les
potiers d'élain, les modistes, les fruitiers, les tanneurs
les parcheminiers, les tonneliers, etc. — 500 fr. chez les
fondeurs, les graveurs, les grainiers, ele. —300 fr chez
les eloutiers. — 175 fr. chez les couturières, etc etc —
Les deux tiers à peu près de ces droits revenaient au
roi. LMilieu du dix-huitième siècle].
lement maître du métier, après lui avoir fait
prêter serment * .
C'était la dernière formalité exigée du can-
didat ; il ne lui restait plus qu'à offrir à ses
collègues le repas traditionnel. Cependant,
jusqu'au dix-septième siècle, les boulangers
soumettaient la réception du nouveau maître à
im cérémonial où revivaient les vieilles coutumes
de la communauté -. *
Chefs-d'œuvre exig-és par certaines
corporations. On a vu, dans l'article précé-
dent, que le chef-d'œuvre était en général choisi
par les jurés, et pouvait dès lors varier avec
chaque candidat. Mais d'autres communautés
imposaient à tous la même épreuve, dont le
programme était déterminé par les statuts. Voici
quelques exemples :
AiGUiLLETiERS. — Ferrer de laiton six dou-
zaines d'aiguillettes.
Amidonniers. — Fait un cent d'amidon.
Apothicaires. — Trois épreuves successives :
1" Interrogatoire de trois heures par les jurés
et deux docteurs en médecine.
2° Acte des herbes. Le candidat sera interrogé
sur toutes les substances médicinales.
3° Chef-d'œuvre proprement dit. Confection
de cinq préparations importantes.
Armes (Maîtres en fait d'). Faire assaut de
quatre armes différentes avec six maîtres.
Arquebusiers. — Forger un' canon d'arque-
bu.se long de trois pieds et demi. Ce fait, sera
ledit canon éprouvé ; et pour ce faire y sera mis
de la poudre deux fois la pesanteur de la balle
du calibre ordinaire.
Faire un rouet bien forgé et limé ajuste, et
trempé comme il appartient, l'arbre et la chaî-
nette et la gâchette et le détenlillon, la halle-
barde, la vis qui la tient, la grande vis du chien
et toutes les goupilles, ressorts et rouets, le tout
bien trempé et de bon acier. [Année 1577].
Artilliers. — Etablir soit une arbalète
garnie de son bandage et d'une douzaine de
garrots ^ bons et suffisans. Soit un arc de bon
bois d'if ou autre bois bien assaisonné, et une
trousse de flèches garnie d'un volet *. Soit une
arquebuse à rouet montée et affûtée. [Année
1576].
Barbiers-Chirurgiens. — Convenablement
raser et .saigner. [Année 1465].
BoissEi.iERS. — Confectionner deux diverses
pièces du métier. [Année 1443 1.
Bonnetiers. — Faire, fouler et appareiller
bien et duement un bonnet anciennement appelé
aunuice ou deux bonnets à usage d'homme
appelés anciennement crémiolles. Faire, en outre,
un bonnet carré de bon drap fin, le tailler,
encofiner et presser. Faire aussi une toque de
' ^oy. ci-dessous l'art. Serment.
* Voy. ci-dessous l'art. Maître des boulangers.
3 Traits de l'arbalète.
* Morceau de cuir qui, en se rabattant, fermait la
trousse.
CHEFS-D'ŒUVRE EXIGÉS PAR CERTAINES CORPORATIONS
161
velours, et brocher ' un bas d'eslanie - et de
soie. [Année 1608).
Boulangers. — Convertir trois septiers de
farine en un pain blanc, brayé et coitïé de
vingt-deux onces, et un tiers en un gros pain de
sept à huit livres. — Expérience. Convertir un
seplier de farine en pain brayé et coilTé d<; qua-
torze onces, en partie seulement. [Année 16IJ7 |.
Convertir trois septiers de bonne farine en
pain blanc brayé et coiffé, de la pesanteur de
ving't onces en pâte, pour revenir à seize onces
cuit. — Expérience. Convertir une mine de
farine en pain. [Année 1659 |.
Convertir trois septiers de bonne farine en
diverses sortes de pâtes et de pains. [Années 1719
et 1746]. — Expérience. Légère expérience
d'une mine de farine. [Année 1746] .
Bouchers. — Habiller un bœuf, un mouton,
un veau et un porc. [Année 1587].
Habiller un bœuf, un mouton et un veau.
[Année 1741].
Bourreliers. — Faire un harnois de limon
tout fourni, comme une selle à pleine couverture
et à bastier ; un collier de limon garni de trayaus
avaloire à croix, dossier et brides : tout de cuir
courrojé bien et suffisamment. [Année 1403].
Faire un harnois de limon ou de carrosse
complet. [Année 1665].
Boursiers. — Faire : 1** une bourse ronde en
cuir. 2° une bourse de velours. 3° une gibecière
de maroquin avec son ressort. 4° un sac de maro-
quin à usage d'homme. [Année 1664].
Brasseurs. — Accommoder, germer et faire un
brassin de six septiers de grains, ou de plus s'il le
veut faire. [Année 1630].
Brodeurs. — Une figure d'or nué •' d'un
demi tiers en carré. — Expérience. Quatre fleurs
de lis d'or. [Année 1704].
Cardeurs. — Faire deux ou trois cardées de
laine ou de colon. Ou arçonner un quarteron de
coton. Ou peigner la laine sur le fourneau. Ou
filer avec le rouet du lumignon *. [Année 1688].
Cartiers. — Faire une demi grosse de cartes
fines. [Année 1594].
Ceinturiers. — Faire une ceinture de velours
à deux pendans, à huit boucles par le bas des
pendans, la ferrure de fer limée et percée à jour,
à feuillages encloués dessus et dessous, les clous
avec leur contre-rivet : le tout bien poli. [Sei-
zième siècle].
Chainetiers. — Faire les chaînes d'un demi-
ceint ^.
Chapeliers. — Faire un chapeau d'une livre
de mère-laine cardée, teint et garni de velours.
Et encore une autre d'aignelain ^ françois, teint
■• Tricoter.
^ Fil de laine.
3 Nuer signifie ici nuancer, disposer les couleurs
suivant les nuances, de façon à obtenir des dégradations
presque insensibles.
* Voy. l'art. Cardeurs.
^ Voy. l'article Demi-ceintiers.
*< Laine d'agneau.
jpece.
et garni de velours. l'^t un autre feutre léger
d'aignelain françois, teint et couvert de velours
ou de taffetas : le bâtir, fouler, tondre et appa-
reiller de tous points bien et duement. — Expé-
riences. 1" Pour le compagnon qui épousait la
fille ou la veuve d'un maître : Faire un des trois
chapeaux désignés par les jurés. 2° Pour le
petit-fils de maître, dont le père n'appartenait
pas au métier : Faire un chapeau frisé et un
feutre d'aignelain couvert de velours ou de
taffetas. [Année 1658J.
Charcutiers. — Tuer un porc, l'habiller et
le lendemain le faire apporter dans le Bureau de
la communauté pour j être coupé et déi
[Années 1745 et 1754].
Chaudronniers. — Forger, i-elraindre ^ et
finir entièrement un coquemard ou cafetière de
cuivre rouge. [Année 1735].
Cordonniers. — Tailler et coudre une paire
de bottes, trois paires de souliers et une paire de
mules.
Cuisiniers. — Le chef-d'œuvre sera de chair
et de poisson, le tout diversement selon les
saisons de l'année. [Année 1599].
Doreurs sur métaux. ■ — Dorer un grand
clou de carrosse et un piton carré de fer à vis. —
Expérience. Dorer un petit clou à tête.
Drapiers de soie. — Le chef-d'œuvre sera
fait sur le velours, le satin plein et le brocart
d'or et d'argent. [Année 1667].
Ecrivains. — Le candidat sera examiné sur
la manière d'écrire, l'orthographe et l'art de
jeter ^ et compter. [Année 1570].
Trois séances, dont deux duraient sept heures
de suite. — l'"^ séance: vingt-quatre Anciens
procédaient à l'examen des pièces d'écriture
produites parle candidat. — 2'' i/«M<7e? ; douze
iVnciens interrogeaient le candidat sur l'art et
manière de bien écrire et méthode d'ensei<mer
toutes sortes d'écritures, l'orthographe, l'art de
jeter ^ et compter tant au jet qu'à la plume. —
3^ séance: douze Anciens vaquoient à exami-
ner le candidat sur le fait de la vérification des
écritures et signatures naturellement et artifi-
ciellement faites. [Année 1630].
Subir pendant trois jours un examen sur l'art
de toutes les différentes écritures, sur l'ortho-
graphe, l'arithmétique universelle, les comptes
à parties simples et doubles, les changes étran-
gers, les arbitrages, les vérifications d'écritures,
signatures de comptes et calculs, sur la diction
des mémoires et placels au roi, aux princes et
aux ministres, et sur le dressé et arrangement
des comptes, états et bordereaux. [Année 1727].
Eperonniers. — Faire un mors clau.set ^ en
la manière accoutumée, à savoir à serres, droit
sur ses pointes, garni de porte-mors et chausse-
trappe de fer, et salinière et gourmette. — Expé-
rience. Faire un mors de petit prix, tel comme
1 Lui donner des reliefs
2 Compter au moyen de jetons. — Voy. l'art. Jelons
(Calcul par les).
>* Un mors complet doré ou argenté.
11
162
CHEFS-D'ŒUVRE EXKIÉS PAR CERTAINES CORPORATIONS
les jurés ordonneront selon le lemps. [Année
1570].
Foffj-er un mors complet, doré ou arg-enlé,
avec chausse-lrappe, salinière et g-ourmette. —
Expérience. Forger un mors de petit prix et
facile à faire. [Année 1595].
Épiciers. — Faire chef-d'œuvre tant d'ou-
vra<>-e de cire, de confitures, de sucres, dispen-
sation de poudres, comme de compositions, de
receptes et connoissances de drog-ues. [Année
1484J.
Épixgmers. — Faire un millier d'épingles.
I Dix-seplième siècle].
Faiseurs de bas au métier. — Faire un bas
de soie façonné aux coins et par derrière, avec
une autre pièce telle qu'elle sera ordonnée par
les jurés. — Expérience. Monter un métier avec
toutes ses pièces, et y faire un bas de soie tourné
aux coins. [Année 1672 1.
Foulons. — Donner à trois aunes de drap
non teint deux tontures, la première avant le
lainag-e, la seconde après le premier lainage. —
Expérience. Donner une première tonte à deux
aunes et demie de drap de couleur. [Vers 1500].
Gantiers-Parfumeurs. — Tailler et couper
bien et duemenf cinq pièces d'ouvrages. Savoir :
lue paire de mitaines à cinq doigts, de peau de
loutre à poil ou autres étoiles à poil ; laquelle
paire de mitaines sera fournie de sa garniture, le
dedans de la main et le dessous du pouce tout
d'une pièce de cuir de maroquin, et doublée de
bonne fourrure ; et coudre ces mitaines comme
il appartient. Et les quatre autres pièces seront
un gant à porter l'oiseau i, tout d'une pièce,
sans aucuns bouts de doigts ni coutellures "^ ni
effondrures ^, de peau de chien ou autres
étoiles. La troisième sera une paire de gants
échancrés, doublé tout le corps du gant d'une
pièce ; comme aussi une paire de gants coupés
aux doigts, de chevreau, pour femme. Et la
dernière, une paire de gants de mouton échan-
crés, pour homme, sans Coins à l'échancrure.
Comme aussi .sera tenu ledit aspirant de coudre
icelle paire de gants et de la parfumer en bonnes
odeurs et couleurs, et la rendre faite et parfaite,
prêle à mettre la main dedans. — Expérience
imposée aux maîtres sans qualité : Tailler, cou-
per, coudre et parfumer une paire de gants. —
Expéficnce inqiosée aux fils de maître : Tailler
deux paires de gants à leur choix, ou en tailler
une paire et la coudre. [Année 1656].
Horlogers. — Faire une horloge à réveil-
matin. [Année 1646].
Faire une horloge à réveil ou à répétition,
faisant son effet dans sa boîte. Ou quehiue pièce
équivalente. [Année 1717].
Imprimeurs et Lirraihes. — Les aspirants
devront être congrus en langue latine et savoir
lire le grec, dont ils ra[)porleront certificat du
recteur de l'Université. ( Années 1667 et 1686].
' l M i^iinl (!.■ faïK-i.nnii'r.
2 Déliuits iiruduiLs par l'i-mploi du couteau.
S Défauts produits par un tirape exagéré do la peu
Mégissiers. — Passer un cent de peaux de
mouton en blanc. [Année 1594].
Menuisiers. — Faire le chef-d'œuvre qui
sera prescrit, tant en assemblage que de taille,
de mode antique, moderne ou françoise, garni
d'assemblages , liaisons et moulures. [Année
1645].
Faire le chef-d'œuvre qui sera prescrit, tant
en dessin, assemblages, liaisons, contours, mou-
lures et profils, que qualité et force des bois.
(Année 1743].
Oublieurs. — Faire un mil de nielesau moins
en un jour. [Année 1270].
Faire, en un jour, au moins cinq cents de
grandes oublies, trois cents de supplications et
deux cents d'esterels, bons et suffisans, et faire
sa pâte pour ledit ouvrage. [Années 1397 et
1566].
Pain d'épiciers. — Avec une masse de pâte
de deux cents livres, musquée avec cannelle,
muscade et clou de girofle, faire trois pains
d'épices pesant chacun vingt livres. Convertir le
reste en plusieurs sortes, telle qu'il plaira aux
jurés. [Année 1596].
Pâtissiers. — Faire six plats complets en un
jour, à la discrétion des jurés. [Année 1566].
Paumiers. — Jouer contre les deux plus
jeunes maîtres, et leur gagner un certain nombre
de parties.
Paveurs. — Paver une pointe ou un tournant,
soit en coin, soit en rue. [Année 1604].
Pelletiers-Fourreurs. — Fourrer de tous
points un chapeau. [Treizième siècle].
Faire une robe de ville ou reitre ', et habiller
un quarteron de peaux d'agneaux blancs ou noirs,
et six peaux de lièvres. [Année 1586].
Potiers d'étain. — Faire un pot dont le
corps doit être tout d'une pièce. — Pour l'aspi-
rant qui y &\iVQ\XQ, passé maître : Faire au marteau
une jatte et un plat. — Pour l'aspirant qui
veut être menuisier^ : Faire une écritoire.
Rémouleurs. — Emoudre et asseoir •* une
paire de grandes forces *. [Année 1407].
Savetiers. — Faire trois paires de souliers.
Savoir : la première à l'antiquité, sangle à
double rivet ; et les deux autres à l'usage du
temps. Ensemble une remonture de bottes. —
Ou bien quatre paires de souliers tels que les
jurés trouveront à propos. [Année 1659].
Selliers. — Faire une selle garnie de bon
harnois, dont l'arçon sera à corps. La charpenter,
garnir et armer d'une ou deux armures ou d'un
bout en goulet. Laquelle armure ou bout l'aspi-
rant forgera de sa main en la manière accou-
tumée, ainsi comme les maîtres ordonneront
selon le temps. — Expérience. Garnir une selle
de son harnois de petit prix, pour cheval
hargneux ou mulet. [Année 1576].
' Manteau en forme de cloolie, qui descendait jusqu'au
mollet.
- \ oy. cet articli'.
"* Resserrer.
4 Grands ciseaux à l'usage des tondeurs de drap.
CHEFS-D'ŒUVRE EXIGÉS PAR CERTAINES CORPORATIONS
163
Charpenter un arçon à corps, le o-arnir
d'armures devant el derrière. — Pour le fils ch
maître : Faire et g-arnir une selle rase. — Pour
l'apprenli (jui épouse nue veuve ou une fii/e île
maître: Charpenter l'arçon d'une selle à piquer,
et la «garnir bien proprement. [Année 1G78.]
Serruriers. — Faire trois serrures, l'une de
cabinet, l'autre de buffet, el la troisième de coll're.
La serrure de cabinet sera faite à quatre
pênes *, dont le premier aura demi-tour, qui
s'ouvrira à queue el bouton ; les deux autres pênes
seront avec l'euille de saug-e ; et le ({ualrième à
baquet yarni d'un pêne à l'euille de saug-e.
La serrure de buffet sera pareillenieuL l'aile à
quatre pênes, avec la même j^arniUire, excepté
la queue et le bouton auxquels il y aura un
contre-bord au palaslre -, qui sera composé
d'une seule pièce.
La serrure de coffre sera faite à quatre ferme-
tures, en sorte que deux pênes fermeront les deux
moraillons ^, et seront chacun d'une seule pièce,
portant leur charnière à ojize nœuds * avec la
rivure à jour, et la double gâchette fermera la
bande auberonnière.
Lesdites serrures, pour faire paroître l'industrie
de l'aspirant, seront «grandes et montées d'un
châssis à baquets et moulures. Lesdits baquets
seront remplis de trois fonds vidés, dont les
champs seront réservés ; les coins, portant leurs
clous, seront assistés d'autres coins pour convenir
à la monture, lesquels seront faits avec moulures
et fonds semblables à ceux desdits baquets. Et
le châssis portera son cache-entrée ; et lesdits
baquets seront garnis de chapiteaux, autres orne-
mens et figures tels que les jurés désigneront.
Les clefs desdites trois serrures seront faites à
septpertuis -^ seulement. L'une des trois serrures
sera commencée par la clef.
Pour le compagnon qui avait épousé une fille
de maître : Faire une serrure à six fermetures,
garnie d'un pêne brisé à pignon couvert, avec
deux gâchettes brisées et deux coques doubles
d'une seule pièce chacune. Et la clef sera en
tiers-point ^ cannelé, avec les garnitures suivant
l'ordre des jurés.
Pour le compagnon qui avait épousé une retive
de maître : Faire une serrure de coffre à quatre
fermetures avec un tiers-point cannelé.
Pour le fils de maître : Faire une serrure à trois
fermetures ou à deux pênes, la clef à tiers-point
avec son canon '^ . [Année 1654].
Faire une serrure à quatre fermetures, avec
un tiers-point cannelé.
1 On disait alors pèle.
2 Boîte de fer sur laquelle sont montées toutes les
pièces composant la serrure.
3 Morceau de fer plat attaché au couvercle d'un coffre.
Il est muni d'une sorte d'anneau qui entre dans la
serrure, et qui reçoit le pêne quand on la ferme.
i Partie de la charnière dans laquelle passe la fiche
qui permet le mouvement de va-et-vient.
» Ou gardes. Ce sont les garnitures placées dans la
serrure, et dont le dessin est reproduit sur le panneton
de la clef.
6 En triangle.
"î Le canon est le petit conduit rond qui traverse la
serrure et reçoit la tige de la clef.
Pom- les compagnons non apprentis de Paris :
Faire une serrure à six fermetures, avec sa clef à
tiers-point cannelé.
Pour le compagnon (jui avait épousé nue fille
ou, une veuve de maître : Faire une serrure à trois
fermetures, avec clef à tiers-point cannelé.
l'uur les fils de maître : Faire une serrure à un
tour et demi, avec sa clef à tier.s-poiiil simple.
[Année 1699J.
Teinturier.s du oram) teint. — Le chef-
d'(Puvre sera composé de quatre balles de pastel
de Lauraguais ou autre de Languedoc, qui sera
mis dans ur)e cuve pour le préparer et en tirer la
teiiduro de bleu (pie Irdil pastel prcjduit, depuis
la nuance la plus ])rune jusqu'à la plus claii'e, el
l'appliquer sur des élotï'es de draperie. I .\nnée
1669].
Asseoir une cuve composée de pastel el
d'indigo ou de guède el d'indigo. Mettre cette
cuve en état, et y teindre en bleu pers une pièce
de drap ou de soie. [Année 1737J.
Teinturiers du petit teint. — Teindre quatre
pièces. Savoir : Deux pièces de drap, que le
candidat sera obligé de mettre en noir, l'une
après que le teinturier du grand teint lui aura
donné le pied du guède ^ et de la garance ^, el
l'autre lorsque le même teinturier lui aura donné
le pied dti guède simplement. Et deux pièces de
petites étoffes qui n'excéderont pas vingt sous
l'aune, qu'il sera obligé aussi de teindre, l'une
en gris de castor, l'autre en pain bis. —
Expérience. Teindre une pièce de drap noir ou
une pièce de petite étoffe. [Année 1669].
Noircir une pièce de drap qui aura précé-
demment été guédée par un teinturier du grand
teint. El en outre teindre deux pièces de petites
étoffes, dont le prix n'excédera pas quarante sols
par aune, l'une en gris de castor, l'autre en
pourpre fait avec le bois d'Inde et de Brésil,
[Année 1737].
Teinturiers en soie, laine et fil. — Asseoir
une cuve d'Inde ou tleurée, la bien user el tirer.
[Année 1669].
TissuTiERS-RUBANiERS. — Faire : 1" une pièce
de ruban croisetée d'or el de soie ; 2" une pièce de
ruban échi([uelée d'or el de soie ; 3" une pièce
de coustouère à lacer de soie vermeille ; 4*" une
pièce de fil de lin à trois lisses et à quatre fils.
[Année 1403].
Faire deux aunes de tissu, [dix-huiliènie
siècle].
Tondeurs de drap. — Donner deux tonlures à
un morceau de drap de trois aunes. Savoir : une
avant que le drap ait été laine •* ; la seconde
après le premier lainage, et la troisième après la
teinture. — Expérience. Tondre deux aunes et
demie de drap de couleur. *
1 Ou pastel.
3 Ces deux couleurs étaient rései-vées aux teinturiers du
grand teint. — Pied, première couleur dont on charge
une étoffe avant de la teindre en une autre couleur.
3 Le lainage consistait à frotter le drap avec le chardon
pour en tirer le poil à la surface et lui donner ainsi
l'aspect laineux.
164
CHEFS-D'ŒUVRIERS — CHEMISIERS
Chefs-d'œuvriers. Maîtres reçus après
avoir parfait le clief-d'œuvre. Ce nom se donnait
parfois aussi aux compagnons occupés à faire
leur chef-d'œuvre.
Voy. Chef-d'œuvre et Qualité (Maîtres
sans).
Chefs d'orchestre. Dans le renflement
donné a l'Opéra le 19 novendjre 1714, ils portent
encore le nom de Batteurs de menure, et leurs
fonctions sont ainsi déterminées : « Le chef
d'orchestre sera tenu, non seulement de battre la
mesure, tant dans les représentations que dans
les répétitions, mais encore de veiller sur les gens
de l'orchestre, de tenir la main à ce qu'ils se
rendent aux heures précises pour s'acquitter de
leur devoir, et d'empêcher qu'ils ne quittent leurs
places et leurs instrumens pendant l'opéra ».
Chemisiers. Spécialité toute moderne,
mais dont l'objet remonte très haut. Isidore de
Séville au septième siècle, cite une camisia ^ , et
le moine de Saint-Gall nous révèle que Charle-
magne porlait une camisia cilicina ^, une fine
chemise de cainsil, comme on dit plus tard.
Au treizième siècle, les chemises, camisiœ ou
chainses, sont fort élégantes. Dans Le roman de
la violette ^, Gérard, s'habillant pour aller voir la
belle Eurianl, revêt
Qui
chemise ridée
fil d'or estoit brodée.
Le col était, comme aujourd'hui, fermé sur le
devant par un bouton, ainsi que les manches,
tenues très étroites au poignet. Quant aux rides
dont il vient d'êlre question, il est facile d'y
reconnaître des petits plis.
Au quatorKième siècle apparaît un nom
nouveau, celui de rohe-linge, qui semble désigner
plus particulièrement les chemises d'homme.
Les articli's 194 et 195 de la grande ordonnance
du 30 janvier 1351 fixent le prix à payer pour
la façon d'une « robe-linge d'homme » ou d'une
« chemise de femme * ».
A ce moment, dil M. Quicherat "" , « la chemise
devient d'un usage univer.sel ». C'est aussi
l'opinion de M. Siméon Luce •", qui écrit : « Dès
la première moitié du quatorzième siècle, la
chemise ne fut pas réservée aux personnes ai.sées ».
Du douzième au quinzième siècle, la chemise
fut un vêtcnicnt de jour; on la retirait en se
mellani au lit, et l'on se coucliaitnu : ceci ne fait
aucun doute. Il n'en était plus de même au
seizièmesiècle. Quand Elisabeth, fille de Henri II,
épousa le duc d'Albe (1559), son trousseau
comprit douze chemises de jour et douze chemises
de nuit '. A la même date, Jérôme de Monteux,
médecin du roi, écrivait dans un traité d'hygiène:
1 Voy. Ducange, nu mol cnmisn.
* MonneluLS Saiit,rallen.si,s, /> ijeatis Caroli mugiii, dan.s
11' lienifil (les historiens, l. V, p. 121.
•^ !*ur (;il)prt (le Monlrruil (treizième .siècle), jj. 170.
* OrdoDii. lot/tilrs, I. II, ji. .350.
S Histoire du costume, p. 228.
fi Du (iuesr/iii et son époque, p. 75.
"' Mémoires de Guise, édit. Michaud, p. 446.
« En yver sont convenables chemises de nuict ^ ».
Louis XIV portait la nuit, non seulement une
chemise, mais encore une camisole ^.
Le quinzième siècle est le siècle du beau linge.
« Les hommes, écrit un des continuateurs de
Monstrelet, faisoient leurs manches fendre de
leurs robbes et de leurs pourpoints, pour monstrer
leurs chemises déliées, larges et blanches ^ ».
Sous Charles VIII et sous Louis XII, les élégants
laissaient surtout voir la toile entre le haut-de-
chausses et le pourpoint tenus à dessein un peu
écartés l'un de l'autre.
Les prédicateurs s'élevaient contre le luxe de
ces chemises
de
Sentant muglias ou cyprès *,
Chemises fines pour soûlas,
Froncées et de très fin lin 5.
Michel Menot, narrant la vie de l'enfant
prodigue qui, dans la maison de son père, était
« habillé comme un belistre », raconte que
« mittit ad querendum les drappiers, les grossiers,
les marchands de soye, et se fait accoutrer de pied
en cap. Quando vidit sibi pulchras caligas
d'écarîate bien tirées, la belle chemise froncée
sur le collet, etc. ^ ».
Olivier Maillard gourmande aussi les femmes
qui exhibaient au cou, aux fentes de leur cotte et
à l'extrémité de leurs manches une chemise de
toile, parfois brodée d'or et de soie, et formée de
deux pièces réunies à droite et à gauche par une
couture si subtile que le corps ne pouvait la
sentir ".
Du temps où il n'était encore que roi de
Navarre, Henri IV avait connu la gêne, presque
la misère. Je lis dans V Inventaire des archivesdes
Basses-Pyrénées ^ qu'en 1582. il fit raccommoder
quelques chemises. Onze jours avant son sacre,
il ne possédait que douze chemises et en très
mauvais état.
Au sein des grandes familles, on notait le jour
où un enfant avait mis sa première chemise.
Louis XIII avait quinze jours quand il vêtit la
sienne. Elle lui fut apportée par une huguenote,
la duchesse de Bar, sœur de Henri IV. La
remueuse dut lui rappeler qu'en cette circons-
tance, il fallait faire le signe de la croix :
« Faites-le donc pour moi, dit-elle en souriant,
car je ne .sais pas le faire " ».
On appelait chemises de Chartres des chemises
faites sur le modèle de celle qui est conservée
1 De la conservation de santé et prolongement de vie,
traduit par Claude de Valgelas, 1559, in-4'', p. 27.
2 SaintSinion, Mémoires, t. XII, p. 172. — Ktat de
la France pour 1712, t. I, p. 264 et 300.
3 Chronique, édit. de 1572, t. III, p. 130.
4 Martial de Paris, L'amant rendu cordelier, édit. de
1731, p. 57G.
5 Farce de folle bombance, dans V Ancien théâtre français,
t. II, p. 274.
<> Dan.s Niceron, Mémoires pour servir à l'histoire des
hommes illustres, t. XXIV, p. 400.
" Vciy. La passion de N. S. Jhésucrist, édit. Crapelet,
p. 71.
** Tome I, p. 5 et 7.
'•• Héroard, Journal, t. I, p. 7.
CHKMISIERS — CH1<:VAUX
165
dans une cliàsse à la cathédrale de Chartres, et
qui passe pour avoir servi à la Vierge. Beaucoup
de chevaliers revêtaient, avant le combat, une
chemise semblable, à laquelle ils avaient fait
toucher la sainte châsse. « J'aj bien ouy dire,
écrit Brantôme dans son Discours stir les duels,
qu'on n'est point repris pour porter une chemise
de N.-D. de Chartres ou quelques sainctes reliques
de Hiérusalem ^ ».
Ces chemises jouissaient encore d'une autre
vertu. Le 23 janvier 1579, Henri III se rend à
Chartres, « y prend deux chemises de Notre-
Dame, une pour lui et l'autre pour la reine. Ce
qu'ayant fait, il revint à Paris coucher avec elle,
en espérance d'avoir un enfant^ ». A dater du
seizième siècle, dès que le chapitre de Notre-
Dame de Chartres apprenait la grossesse d'une
reine de France, il lui envoyait une chemise de
satin ou de taflfetas blanc qui avait touché celle
de la Vierge. Cette coutume fut encore observée
en 1811, quand la grossesse de Marie-Louise fut
officiellement annoncée.
Le nom de chemises de Chartres se donnait
aussi à des médailles, qui, au milieu d'autres
ornements, reproduisaient l'image de la célèbre
chemise. Ces médailles, dont étaient pourvus
tous les pèlerins, se portaient en manière de
relique, de sauvegarde.
Ghepiers. Voy. Geôliers.
Ghesnetiers. Voy. Chainetiers.
Chevaliers d'honneur. On nommait
ainsi deux officiers de la cour des Monnaies,
créés par édil de juillet 1702. « Ils auront, dit
le roi, rang et séance tant aux audiences qu'aux
chambres du conseil, en habit noir, avec le
manteau, le collet et l'épée au côté sur le banc
des conseillers Auront voix délibérative en
toutes matières civiles. Et afin que lesdits offices
ne puissent être remplis que de sujets qui en
soient dignes, tant par leur extraction que par
leur mérite, voulons que les acquéreurs n'en
puissent être pourvus qu'après avoir obtenu
notre agrément et fait preuve de leur noblesse
enire les mains du sieur d'Hozier — ^ ».
Ghevaucheurs. Officiers des eaux et forêts
qui remplissaient à peu près les mêmes fonctions
que les sergents traversiers ou dangereux * .
Ghevaucheurs. Voy. Poste (Maîtres
de).
Ghevaucheurs de l'écurie. Voy.
Courriers du cabinet.
Ghevaux. Voy. Académistes. — Che-
vaux (Marchands de). — Cochers. —
Courtiers. — Créats. — Écuyers. —
1 Tome VI, p. 305.
2 Lestoile, Journal.
3 Abot de Bazinghen, Traité des monnaies, t. I,
p. 179.
4 Voy. Gallon, Conférence de l'ordonnance de 1669 sur
les eaux et forêts, t. I, p. 560.
Équarisseurs. — Haras. — Loueurs.
— Maquignons. — Palefreniers. —
Postillons.
Ghevaux (Marchand.s de). Le moyen âge
professa pour le cheval une admiration exces-
sive, un peu justifiée d'ailleurs par les services
qu'il obtenait de ce bel animal, fùt-il, comme le
dit Briinctlo Latini ', <^ destrier grant por com-
balre, palefroi por (ihevauchier à l'aise, ou
roncin por somcs '^ porter ». La plus célèbre
institution de cette époque lui avait emprunté
son nom, et les plus nobles seigneurs s'hono-
raient du titre de clievaliers ; aussi Albert de
BoUstadt consacre-t-il au cheval vingt colonnes,
tandis qu'il n'en accorde que six au chien, une
et demie à l'âne et une à l'éléphant •''.
Suivant Pietro Crescenzi, un bon cheval doit
avoir les oreilles fortes, la poitrine et la croupe
larges, la crinière épaisse, l'échiné courte, le col
gros, les yeux grands, les narines bien ouvertes,
les jambes longues par devant et courtes par
derrière *.
La Taille de 1202 cite seulement trois mar-
cheans de chevax ou vendeurs de chevax.
La profession de marchand de chevaux resta
toujours libre, et elle présente ceci de remar-
quable que, comme celle de verrier, elle
n'emportait pas dérogeance ; le noble, écrit
Savary, peut s'y engager aussi bien que le
roturier, l'un sans craindre de dérogeance à
noblesse, l'autre sans avoir besoin de lettres
patentes ou de privilège ». ¥A il ajoute : « Ce
n'est pas cependant la coutume d'appeler mar-
chands de chevaux les nobles qui en font des
nourritures et qui vendent des poulains élevés
chez eux ^ ». Alors, comment les nommait-on?
Savary néglige de le dire.
Les lettres patentes du 30 avril 1613 et du
28 mars 1724 soumirent ce commerce à des
règles exceptionnelles. Sous peine de confis-
cation et d'une amende de six cents livres,
tout marchand recevant de la province ou de
l'étranger des chevaux de selle devait avertir
le grand écuyer de France et le premier
écuyer du roi, afin qu'ils pussent faire leur
choix avant tous autres. Pour les chevaux de
carrosse, le premier écuyer seul devait être
prévenu et, trois jours après, le marchand
pouvait disposer des animaux. On voit que
l'antique droit de prise ^ laissades traces jusqu'au
milieu du dix-huitième siècle.
Le marché aux chevaux se tenait alors le
mercredi et le samedi au faubourg Saint-Victor.
Les vices rédhibitoires susceptibles d'annuler la
vente étaient la morve, la pousse et la cour))a-
ture ; l'action contre le vendeur devait être
intentée dans les neuf jours de la livraison.
A la fin du dix-huitième siècle, l'on comptait
à Paris environ cent marchands de chevaux. Ils
1 Zt litres dou trésor, p. 211.
2 Charge, bagage.
3 De natura nnimalium, dans les Opéra, t. ^'I, p. 576.
4 Le livre des prou f/i te champestres, quinzième siècle.
5 Dictionnaire du commerce, t. I, p. 728-
6 Voy. cet article.
166
CHEVAUX — CHIENS
s'étaient placés sous le patronage de saint Eloi.
On les trouve encore nommés maquignons ^,
rossiniers, etc.
Chevaux de bois (Entrepreneurs de).
Je n'ai pu découvrir l'origine de cette industrie.
Elle fut perfectionnée au commencement du
dix-neuvième siècle, car J.-B. Gouriet écrivait
vers 1811 : « H est assez ordinaire aujourd'hui
de remplacer ces chevaux par des cjgnes et par
des oies - ».
Voy. Bateleurs.
Gheveliers. Voy. Celleriers.
Cheveux (Marchands de). L'article 63
des statuts accordés aux barbiers-perruquiers en
avril 1718 accorde à cette corporation le mono-
pole de « la vente et revente des cheveux. » Les
marchands en gros devaient, avant d'écouler
leurs ballots, les apporter au bureau de la corpo-
ration, où ils étaient examinés.
Il se faisait depuis un siècle une incroyable
consommation de poil. Les têtes des femmes
vivantes et mortes étaient mises à contribution
dans les quatre parties du monde, et le commerce
des cheveux avait pris une extension considé-
rable. Colbert songea même à en arrêter l'impor-
lalion qui menaçait, disait-il, de devenir aussi
ruineuse pour l'Etat que l'avait été naguère celle
des ouvrages de fil. Mais les perruquiers se mon-
trèrent meilleurs économistes que le ministre.
Ils dressèrent des statistiques et démontrèrent,
chiffres en main, que la vente des perruques à
l'étranger faisait rentrer plus d'argent dans le
royaume qu'il n'en sortait par l'achat des
cheveux ^. En effet, l'Angleterre, l'Allemagne,
l'Espagne, l'Italie, etc., étaient nos tributaires;
le perruquier français avait acquis déjà dans
toute l'Europe la réputation qu'il conserva
jusqu'à la fin d'être un artiste inimitable.
A la fin du dix-septième siècle, le commerce
en gros était représenté à Paris par les sieurs
Pelé, Vincent, Potiquet, Rossignol, etc., ces
deux derniers demeuraient « sous la galerie des
Innocens * ». Tous ces commerçants avaient des
coiq)eurs qui parcouraient la Normandie, la
Flandre, la HoUande ; certains villages fournis-
saient ju.squ'à dix livres de cheveux, qui devaient
toujours avoir de vingt-quatre à vingt-cinq
pouces de long. Les cheveux des pays chauds
étaient réputés mauvais-, les plus estimés étaient
ceux de Normandie, que l'on nommait cheveux
de pays. L'Angleterre en fournissait fort peu,
« le peuple, f[ui est à son aise, ne consentant pas
aiscmeni à laisser couper les cheveux de leurs
femmes et de leurs filles. » Le prix variait entre
quatre francs et cinquante écus la livre ; les
plus chers étaient les blonds et les blancs.
On appolail rhcrcn^ vifs, ceux qui avaient
' Vi>y. ni urliclc.
- Personnages célèbres ilniis les mes de J'nris I I]
r- 338.
•J Eiieyrlopédie méthodique, arts .'t nictiors t VI
r- 250.
i /'■ Urre rnwmnde pour 1692, t. II, p. 41.
été coupés sur la tête de leur propriétaire,
vivante ou morte ; cheveux morts, ceux qui
avaient été arrachés par le peigne ou étaient
tombés à la suite de quelque maladie ; cheveux
naturels, ceux qui frisaient naturellement ' .
La rareté des cheveux était devenue telle à
la fin du règne de Louis XIV, qu'on fut obligé
de fabriquer en crin les perruques communes.
Jean-Paul Marana écrivait vers 1700 : « Depuis
que la perruque a été reçue, les têtes des morts
et celles des femmes se vendent cher, étant la
mode que les sépulcres et les femmes fournissent
le plus bel ornement à la tête des hommes - ».
Au début du dix-huitième siècle, il y avait à
Paris une cinquantaine de marchands de che-
veux ^. Les prix baissèrent pendant la Révo-
lution, ce commerce étant largement alimenté
par les condamnés du tribunal révolutionnaire.
Voy. Perruquiers.
Cheveux (Ouvrages en). L'article 58 des
statuts accordés en 1674 aux barbiers-perruquiers
leur accordait le monopole des « ouvrages en
cheveux, tant pour hommes que pour femmes ».
Vers la fin du dix-huitième siècle, cette industrie
s'était concentrée au Palais-Royal. « L'artiste
compose des chiffres amoureux, des nœuds, des
arabesques, des devises, avec une perfection qui
rivalise avec la peinture. Les petits nœuds ali-
mentent la tendresse et sont cliers à la fidélité * ».
Quant aux chiffres en cheveux montés sur or ou
sertis dans l'or, ils étaient alors la spécialité d'un
sieur Delion, qui demeurait rue Saint-Louis, au
mouton d'or ^.
Chevilliers. La Taille de 1292 en cite
deux. C'étaient, dit l'éditeur '"', des « faiseurs de
chevilles », désignation bien vague, car le mot
cheville s'applique à une foule d'objets de nature
différente et utilisés par un grand nombre de
métiers.
Ghevreteurs. Professeurs ou joueurs de
chevrette, s(jrle de musette qui fut surtout en
vogue aux treizième et quatorzième siècles.
Chevriers. Mardiands ou gardeurs de
chèvres. La Taille de 1202 cite un chevrier.
Chiens. Nom que portaient les compagnons
du Devoir. Ce sobriquet <i vient de ce (jue ce fut
un chien qui décou\Tit le lieu où gisait, sous
des gravais, le cadavre d'Hiram, architecte du
temple de Salomon " ».
Voy. Devoirs.
Chiens (Marchands de). Dès le quatorzième
siècle, pour ne pas remonter plus haut, on aimait
les chiens au point de les habiller pendant l'hiver.
^ Savary, Diet'inniwlre du. commeree, I. I, ji. 716.
- Lettre d'un sicilien, cdit. V. Dufour, p. 42.
3 Savaiy, I. I, p. 746.
4 Prudhoninio, Miroir de Paris, t. V, p. 235 el 243.
^ Almanach Dauphin, art. Orfèvres.
6 Page 496.
' A^r. IVrdiguicr, J.e Litre du compagnonnage, t. I,
p. 57.
CHIENS
167
Une miniature, reproduite par Montfaucon *, et
qui représente Charles IV allant au-devant d'Isa-
belle d'Angleterre ^, nous le montre précédé d'une
levrette sur laquelle flotte un manteau orné de
fleurs de lis. C'est de la fin de ce siècle que paraît
dater l'introduction en France des chiens espa-
gnols ou épagneuls ^ ; « tous espaignols sont
bons pour la chace du lièvre », disait le Ménagier
de Paris * en 1393.
Charles VII et sa femme Marie d'Anjou recher-
chèrent beaucoup les chiens. Je copie ce passage
dans un comjUe de 1490 : « Ung quartier de drap
vert gay ^, pour faire ung habillement à une
petite chienne de la chambre du Roi » ^.
Louis XI voulut être représenté sur son tom-
beau, l'épée au côté et son chien couché près de
lui ''. Son fils Charles VIII paraît avoir été fort
tendre pour les petites bêtes qui l'entouraient.
Les comptes de sa maison nous révèlent que,
durant les temps froids, il avait soin de faire
habiller ses marmottes et sa chienne préférée. Il
tolérait même que ses lévriers vinssent se coucher
sur SQU lit, car je vois acheter dix-huit aunes
de toile de lin <^< pour faire deux draps à mettre
pardessus le lit dudit seigneur, pardessus les
draps de toile de Hollande, pour garder que les
lé\Tiers de sa chambre ne les salissent et gastent
quand ils se couchent dessus le lit ».
Tout méprisables que furent les derniers Valois,
ils eurent pourtant deux passions dont il faut leur
tenir compte, celle des arts et celle des chiens.
François I*"" disait souvent que, pour recevoir
dignement un hôte illustre, il fallait veiller à ce
qu'en arrivant, ses yeux fussent d'abord réjouis
par la vue d'une belle femme, d'un beau cheval
et d'un beau chien ^. Charles IX et Henri III pré-
férèrent les bêtes féroces^ ; pourtant, ce dernier
s'engoua un beau jour des petits chiens damerets
appelés bichons. Il en portait plusieurs dans une
corbeille galamment ornée, qu'un ruban sus-
pendait à son cou : il ne la quittait ni pour assister
au sermon, ni pour donner audience aux ambas-
sadeurs '". Henri IV et Marie de Médicis étaient
sans cesse, et même à table, entourés de bétes de
toutes sortes.
Sous Louis XIII, la mode fut aux chiens de
manchons. Ils venaient de l'Artois, de Boulogne
aussi ; pour les empêcher de grandir, on leur
frottait, dès la naissance, et plusieurs jours de
suite, les jointures avec de l'esprit de vin. Ils
restèrent en honneur jusqu'au milieu du dix-
septième siècle. En 1692, ces variétés du carlin
se vendaient surtout dans la rue du Bac, chez
1 MoHumens de la monarchie, t. II, p. 2-34.
- Femme d'Edouard II — En mars 1325.
3 Sim. Luce, Histoire de Dugiiescliyi, édit. de 1876, p. 62.
* Tome II, p. 281.
3 Vert clair.
^ V. Gay, Glossaire archéolo(jique, p. 370.
"" Cumines, Mémoires, preuves, t. III, p. 339.
î* Brantôme, Œuvres, t. IX, p. 296.
"' Voy. Sauvai, t. II, p. 13. — Brantôme, t. IX,
p. 390. — Et. Pasquier, Œuvres, édit. de 1723, t. II,
p. 415. — Lestoile, /oa;via/ de Henri III, édit. Michaud,
p. 156.
10 Voy. La Cume de Sainte-Palaye, Mémoires de
l'ancienne chevalerie, édit. de 1826, t. Il, p. 362.
une demoiselle Guérin, qui faisait le « commerce
des petits chiens pour dames ' ». Les autres
marchands occupèrent pendant longtemps le
Ponl-au-Change, puis se transportèrent sur les
trottoirs du Pont-Neuf.
Les chifl'onniers leur faisaient concurrence.
En 1701, les habitants de la rue Neuve Saint-
Martin - se plaignirent de ce que « plusieurs
particuliers chiiïonniers demeurans en ladite rue
se mêlent de trafiquer de chiens, pour la nourri-
ture desquels ils font provision de ciiair de
chevaux qui infectent le quartier. Lesquels
chiens, au nombre de plus de deux cens, ils
laschent la nuit et le jour dans la rue, en sorte
que des passans en ont esté mordus ; et lorsque
ces chiens sont renfermés, ils troublenf par leurs
hurlemens le repos des habitans ^ ».
Le duc de Vendôme, arrière -petit-fils de
Henri IV, était, dit Saint-Simon *, « toujours
plein de chiens et de chiennes dans son lit, qui
y faisoient leurs petits à ses côtés ». Pour ce qui
concerne le règne de Louis XIV, je renvoie aux
articles Lecreftes de la cJiamhre et Gourerneur
des chiens de la chambre du roi.
Sous son successeur, la mode fut aux épagneuls,
aux danois et aux king's Charles, auxquels
succédèrent les caniches et les griffons. Louis XV
chérit pendant longtemps un king's Charles
nommé Filou, le seul être au monde, pensait-il,
qui l'aimât pour lui-même ''. Outre ses chiens
de chasse, il possédait, comme Louis XIV, ses
chiens familiers, et chaque jour, après dîner, le
premier maître d'hôtel oifrait au roi deux cornets
de gimblettes destinées à ces intimes amis. Sachez
bien que si le grand maître de la garde-robe était
présent, c'est à lui qu'était dévolu le privilège de
remettre les gimblettes ; et s'il n'y avait là ni
premier maître d'hôtel, ni grand maître, le
premier gentilhomme de la chambre ou le premier
chambellan recevaient les gimblettes de la main
des officiers de bouche et avaient l'honneur de les
présenter au roi ''.
Les marchands de chiens, dit l'abbé Jaubert '',
divisaient ces animaux en trois classes, les chiens
à poil ras, les chiens à long poil, et les chiens
sans poil.
La première catégorie comprend « le dogue
d'Angleterre ou bouldogue ; le doguin d'Alle-
magne ; le doguin de la petite espèce ; le danois
de carrosse , qui est de la hauteur du dogue
d'Angleterre et qui en a quelques traits ; le danois
de la petite espèce ; l'arlequin ; le roquet ; l'Artois
ou le quatre-vingts ; le grand lévrier-; les lévriers
de la moyenne et petite espèce ; le braque ou
chien couchant ; le limier ; le basset ou chien
courant ».
On classe dans la seconde catégorie « l'épa-
gneul noir, ou gredin ; les pyrames ou gredins
1 Le livre commode, t. I, p. 273.
2 Auj. réunie à la rue Notre-Dame de Nazareth.
3 Delamarre, Traité de la police, t. I, p. 543.
4 Mémoires, t. II, p. 385.
^ Voy. Dufort de Cheverny, Mémoires, t. I, p. 40 et
125-
♦> Duc de Luynes, Mémoires, t. II, p. 277.
I '' Dictionnaire, t. I, p. 482-
168
CHIENS — CHIFFREURS
qui ont les sourcils marqués de feu ; le bichon
bouffé ou chien lion, qui tient du barbet et de
l'épagneul ; le chien loup ou chien de Sibérie,
et les barbets de toutes espèces.
Le chien turc compose la troisième classe,
« parce que c'est le seul que l'on connoisse ne
pas avoir de poil ».
Avant la création des écoles vétérinaires (1762)
les marchands de chiens soig-naient ces animaux,
tout comme les maréchaux donnaient leurs soins
aux chevaux.
Les fourreurs el les gantiers utilisaient les
peaux de chien. Ces derniers en confectionnaient
des gants qui avaient, disait-on, la propriété
d'adoucir la peau.
La fiente de chien était recherchée dans les
fabriques de maroquin.
Les apothicaires célébraient les vertus de
V huile de petits chiens, des cataplasmes de crottes
de chiens, etc. ^. La Pharmacopée de Lemery
mentionne aussi Vongtient de chat.
Les marchands de chiens ne pouvaient vendre
des oiseaux, la corporation des oiseliers s'y serait
opposée, mais il est probable qu'ils faisaient le
commerce des chats, quadrupède qui a toujours
joué un grand rôle dans la vie privée. Le Livre
des métiers nous apprend qu'au treizième siècle
on utilisait déjà la fourrure du chat sauvage et
surtout celle du chat domestique, qu'il nomme
« chat de feu ou de foyer ^ ». En 1387, « dame
Alips, nayne de la Royne "', reçut de sa maîtresse
un surcot doublé avec douze peaux de chat *.
Par la suite, le bas prix de cette fourrure la fit
rechercher: l'Espagne, la Hollande, la Russie
même nous en envoyait ^.
Dès le quinzième siècle, il était de principe
que quand un chat passait la patte sur son oreille,
il annonçait la pluie : « Quand vous veez (voyez)
un chat assis sur une feneslreau soleil qui lesche
son derrière, et la patte qu'il lève se porte au
dessus de l'oreille, il ne vous convient de doubler
que ceste journée il ne pleuve " ». Ambroise
Paré, ordinairement plus sage, a consacré tout
un chapitre au venin du chat. Les chats, écrit-il,
infec.lent par leur cervelle, par leur poil, par leur
haleine et même par leur regard ''.
On attribue au savant Peiresc l'introduction en
France du chat dit angora. Ce qu'il y a de
certain, c'est que les chats français ne lui suffisant
pas, il mil à conlribution l'Orient, et qu'il en
recul de très ])Paux félins, cendrés, roux,
mouchetés, etc. D'ailleurs, il n'était pas seul à
connaître tout le prix de cette race. Sa corres-
pondit iice nous révèle que les plus éminents
personnages cherchaient à en obtenir des rejetons.
Mais il ne s'en défaisait qu'à bon escient, les
employait surtout pour se concilier les bonnes
grâces des collectionneurs à qui il proposait
< \oV. In Pliartiiiicopée àti Léiiiery, jiassirii.
* ni'uxipnii- jKirlic, litre XXX.
3 Isnlii'fl» d<- Bavit'-ir.
* l)ouët-(l'Arc(j, AouTcaujc comptes, p. 248.
5 Savnry, Dic/ioiinaire, t. I, p. 704.
'• Evangile des queiwidlles, édit. clzév., p. 412
7 Œur'res, r. 782.
l'achat ou l'échange de quelque objet curieux i.
Voy. Châtreurs. — Souricières (Com-
merce des). — Tondeurs de cMens.
Chiens de la chambre du roi. Voy.
Gouverneur.
Chiens de cour. Voy. Principaux.
Chiferineurs. Voy. Chifonieurs.
Chiffleurs. Voy. Siffleurs.
Chiffonnières. Femmes qui, dans les
fabriques de papier, faisaient le triage des
chiffons. On les nommait aussi drapelières.
Chiffonniers. La Taille de i.Pi?2 mentionne
deux loquetières, qui ne peuvent guère être consi-
dérées que comme des chiffonnières. Plus tard
apparaissent les noms de 2)attiers , drilliers ,
2)eilliers et chiffonniers, dérivés des mois pattes,
drilles, peilles et chiffes, qui désignaient les vieux
morceaux d'étoffes employés dans la fabrication
des papiers. Certaines provinces emploient encore
le mot drapeaux dans le même sens, et Rabelais,
au second livre de son Pantagruel ^ , nous
présente le roi Priam transformé en chiffonnier
et vendant « de vieux drapeaux ».
Les chiffonniers ne se bornèrent pas longtemps
au commerce des chiffons ; ils y joignirent
bientôt celui des vieux souliers, des verres cassés
et même, un peu plus tard, celui des chiens.
Une ordonnance de police rendue le 10 juin
1701 ^, fournit une assez triste idée de leur
moralité. Quoiqu'il leur fut défendu d'exercer
leur métier avant « la pointe du jour », ils
sortaient <.< de leurs maisons » à minuit, et erraient
dans les rues sous prétexte d'amasser des chiffons ;
« ce qui peut donner lieu, dit l'ordonnance, à la
plus grande partie des vols qui se font, tant des
auvents que des grilles et des enseignes, même
causer ou favoriser les ouvertures des boutiques,
salles et cuisines qui sont au rez-de-chaussée,
estant facile ausdits chiffonniers d'en tirer, avec
les crocs dont ils se servent, les linges et la
plupart des choses qu'on a coutume d'y laisser».
Les habitants de la rue Neuve-Sainl-Martin
se plaignaient de leur côté, « que plusieurs
particuliers chiffonniers, demeurans en la dite
rue, se meslent de trafiquer de chiens, pour la
nourriture desquels ils font provision de chair
de chevaux qui infectent le quartier »
Voy. Escroiers.
Ghiffreurs. <v On nomme chiffreur, dit V En-
cyclopédie méthodique *, celui qui sait faire avec
la plume toutes sortes de calculs el d'opérations
d'arithmétique. Pour être habile chiifreur, il faut
savoir le livret, c'est-à dire savoir multiplier sur
le champ et de mémoire toutes sortes de nombres
les uns par les autres ».
1 ^ oy. Léop. Delislc, Un qraiid amateur français du.
dix-septième siècle, p. 17.
2 Chap. 30.
■' l^ans Dclamarre, Traité de la police, t. I, p. 543.
i Commerce (publié en 1783), t. I, p. 520.
CHIFONIEURS — CHIRURGIENS
169
Ghifonieurs. Faiseurs ou joueurs de l'ins-
trument appelé chifoaie, sorte de vielle qui est
déjà citée, sous le nom de simpkonia et en même
temps que la vielle [vidulaj, dans le Dictionarius
de Jean de Garlande ^.
On trouve chiferinenrs, chifrineurs, simjiho-
nieurs, etc.
Chifrineurs. Voy. Ghifonieurs.
Ghimiatres. Voy. Spagiristes.
Ghimistes. Voy. Produits chimiques.
Ghineurs. « Chiner une étoffe, c'est donner
aux fils de la chaîne des couleurs différentes et
les disposer de façon qu'elles représentent un
dessin quelconque ^ ».
Ghirographes. Cyrographnm , cirogra-
phuni, charta cyrographata, cyrographatapartita,
nndidata, identata, en français chirographe,
charte partie ondtde'e , dentelée, etc. Autrefois
comme aujourd'hui, quand on dressait un
contrat, chacune des parties contractantes en
recevait un exemplaire. On traçait, en gros
caractères, au milieu d'une feuille de vélin, le
mot GYROGRAPHUM ; puis l'actc était transcrit
deux fois et à contre-sens sur cette feuille, de
manière à ce que le mot cyrographum servit de
titre aux deux expéditions ; il se trouvait dès lors
placé droit en tête de l'une, et renversé en tête
de l'autre. On le coupait ensuite par le milieu,
et chacune des expéditions avait alors pour titre
les lettres séparées en deux. En rapprochant les
deux actes, le mot se retrouvait donc entier.
C'est là l'origine de nos registres à souche,
l'origine des mots aux lettres enchevêtrées qui
constituent le talon de nos billets de banque, de
nos actions et obligations commerciales.
Le mot GYROGRAPHUM est quelquefois rem-
placé par des images ou des formules de dévotion,
par le nom des parties contractantes, etc. Aux
chartes parties où le titre était coupé en ligne
droite succédèrent les chartes ondulées, dente-
lées^ etc.
La plus curieuse charte partie qui concerne
notre histoire commerciale date du commen-
cement du treizième siècle. Elle est relative à un
accord sur la vente du sel entre la hanse de Paris
et celle de Rouen. En tête figure le mot giro-
GRAPHUM, qui a été divisé en deux et dont le bas
seul subsiste. Un fac-similé de cette charte a été
publié dans rou\Tage de M. de Coëtlogon sur
les Armoiries de la ville de Paris ^ .
Ghiromanciens. On nomme ainsi ceux
qui font métier de prédire l'avenir d'une personne
par l'inspection des lignes de sa main. De graves
auteurs ont écrit sur ce procédé de divination,
qui remonte aussi haut que les plus anciens
bateleurs. M"® Lenormant, l'habile tireuse de
1 (Treizième siècle), p. 81-
2 Jaubert, Dictionnaire (1*773), t. I, p- 484. — Ce
mot h'existe pas dans le Dictionnaire de Savaiy (1723).
3 Tome I, p. 50.
cartes, se fit aussi une réputation comme chiro-
mancienne
Voy. Bateleurs.
Ghirurg-ien du roi (Premier). Il était
clicf de la corpcjralion des barbiers et des
cliirurgiens.
Voy. Maitre des barbiers.
Ghirurgiens. .Jusqu'au milieu du dix-
septième siècle, le fait de se livrer à un travail
manuel quelconque constituait une marque de
servage et parquait impitoyablement son auteur
dans la classe ouvrière. Ainsi, les merciers, qui
vendaient de totit et ne fabriquaient rien,
occupaient dans la hiérarchie sociale une place
bien supérieure à celle des chirurgiens. Ces
derniers, formant avec les barbiers une seule et
même corporation, furent, pendant plusieurs
siècles, mis au rang des artisans, des nuuKBuvres.
Ce mot est, d'ailleurs, la traduction littérale de
leur nom dérivé du grec. Il faut arriver à la
Déclaration du 23 avril 1743 pour voir les
chirurgiens émancipés se dégager des liens qui
les rattachaient à la classe ouvrière.
Jusque-là, saigner un malade eut constitué
pour tout médecin un acte déshonorant. En
plein dix-huitième siècle si un cliirurgien,
honteux de son humble position, voulait obtenir
la licence en médecine, il était tenu de s'engager,
par acte dressé devant notaires, à ne plus faire
aucune opération ; car, disent les statuts de la
Faculté, « il convient de garder pure et intacte
la dignité de l'ordre des médecins ^ ».
Au moyen âge, tout homme sachant lire et
écrire est un clerc, appartient à l'Eglise, et
l'Eglise avait déjà formulé un adage auquel elle
ne resta guère fidèle : Ecclesia abhorret a
sanguine. Un clerc ne pouvait donc, sans
désobéir et sans déroger, se li\Ter à l'étude de la
chirurgie. La pratique de cet art resta dès lors
livrée à des charlatans, à de vieilles femmes et à
des barbiers. Un certain nombre de recettes,
transmises par tradition, composait toute la
science des uns et des autres.
Vers le milieu du treizième siècle, quelques
barbiers intelligents tentèrent d'arracher leur
corporation à son ignorance. Ils cessèrent de
tondre et de raser pour se consacrer exclusi-
vement aux opérations chirurgicales. En même
temps, ils instituèrent une confrérie spéciale
placée sous l'invocation de saint Côme et de
saint Damien, deux bienheureux qui avaient,
disait-on, cultivé l'art chirurgical en Arabie ^.
Comme la plupart des artisans, les chirurgiens
soumirent, vers 1268, leurs statuts à l'homolo-
gation du prévôt de Paris Etienne Boileau, et
ces statuts, insérés par lui dans le Livre des
métiers, nous prouvent que leur petite commu-
nauté était organisée sur le modèle de toutes les
corporations ouvrières ^.
• Sintuta Faciiltatis medicinœ, édit. de 1.598, art. 24
de 1634, art. 28.
2 Du Broc de Segange, Les saints patrons des corjw
rations, t. II, p. 288.
3 Livre des métiers, titre XCVI.
170
CHIRURGIENS
Six jurés, élus dans la forme ordinaire,
surveillaient et administraient la communauté.
Leur principale mission était d'examiner les gens
qui « s'entremectent de cjrurgie ». Sur leur
rapport, le prévôt de Paris en autorisait ou en
interdisait l'exercice aux candidats.
Les statuts insistent sur la défense de donner
des soins en secret aux criminels, aux « murtriers
ou larrons qui sunt hleciez ou blecent autrui, et
viennent celéement aus cjrurgiens, et se font
o-uérir celéement ». Après un premier appareil
posé ou un premier pansement fait, le chirurgien
était tenu d'avertir le prévôt de Paris. Ainsi,
dès 1268 la corporation est divisée en deux
classes, celle des simples barbiers ou barbiers-
laïques, dits plus tard barbiers-chirurgiens et
chirurgiens dérobe courte^ puis celle des barbiers-
clercs, nommés aussi chirurgiens-barbiers,
chirurgieiis de Saint-Cônie et chiriirgiens de robe
longue. L'ardente préoccupation de ces derniers
va d'abord être de se maintenir indépendants des
barbiers laïques, de se réserver le monopole des
opérations chirtirgicales. Devenus peu à peu plus
ambitieux, ils aspireront à se rapprocher des
mires ou médecins, à élever leur corporation au
rang de corps savant. Après plusieurs siècles de
persévérants efforts, il leur fallut, pour y
parvenir, associer leur cause à celle des barbiers
laïques.
En 1311, Pilard, chirurgien de Philippe-le-
Bel, obtient de lui une ordonnance interdisant
toute opération chirurgicale aux barbiers qui
n'auraient pas été reconnus aptes à leur métier.
Cette ordonnance est renouvelée en 1352 ^,
puis en 1364 ^ ; mais des ordonnances de
décembre L371 ^ et d'octobre 1372 * réunissent
en une seule les deux classes de barbiers, et les
placent sous l'autorité du premier barbier du roi.
Les chirurgiens s'adressent alors aux médecins,
mais la Faculté, par jalousie, soutient contre
eux les barbiers. En 1544, les cliirurgiens
triomphent enfin, François P"" leur accorde tous
les privilèges concédés à l'Université, et en
157(), ils sont autorisés à ouvrir des cours
publics. Puis la Faculté les asservit de nouveau
a ce point qu'en 1655 les chirurgiens réclament
la protection des barbiers, viennent, tète basse,
solliciter ces ennemis jusque-là si méprisés.
Après ([uatre siècles de luttes, un arrêt du
7 février 1660 déclare que les deux communautés
réunies des chirurgiens et des barbiers seront
soumises à la Faculté de Médecine, leur
inli-rdit de prendre la qualité de bacheli(;rs ou de
docIfMirs. d'arborer ni robe, ni bonnels. Rien ne
(iislingue plus leur corporation des plus humbles
corporations ouvrières, sauf l'honneur d'avoir
polir clii'l le premier barbier du roi.
('.I' lrriilil(> arrêt qui. aux jeux de la Faculté,
dcviiil consommer la ruine des chiniro-iens, fut
en realilé un avantage remporté par eux sur leur
arrogante rivale. La fusion des chiruririens et
< (trdonii. yoi/iilfs, I. II, p. tOe.
* Ort/oiiii. royales, t. 1\ , p. 499.
•• Ordoiin. royales, t. V, p. 440.
* Ordonn. royales., t. V, p. 52.
des barbiers étant complète, absolue, la Faculté
avait perdu la ressource d'opposer les uns
aux autres. Les chirurgiens procédèrent assez
habilement, se concilièrent quelques appuis à la
Cour ; de sorte que le premier barbier du roi
reçut ordre d'abandonner ses droits, de les
transmettre au premier chirurgien, et ce fut ce
dernier que des lettres patentes de 1668 accor-
dèrent pour chef à la communauté unie des
chirurgiens et des barbiers. Une distinction
existe pourtant entre les deux corps. Les barbiers
sont tenus d'avoir « des boutiques peintes en
bleu, fermées de châssis à grands carreaux de
verre, et de mettre à leurs enseignes des bassins
blancs pour marque de leur profession, et pour
faire ditïérence de ceux des chirurgiens qui en
ont des jaunes ». Leur enseigne devait en outre
être ainsi conçue : X, barbier, perruquier,
baigneur, e'tuviste. Ce'ans, on fait le poil et on
tient bains et éluves * .
Enfin, le 23 avril 1743, parut une Déclaration
royale tout à fait favorable aux chirurgiens. Nul,
dit-elle, ne pourra être reçu maître chirurgien
s'il ne possède pas le diplôme de maître es arts.
Les chirurgiens seront donc désormais membres
de l'Université et jouiront de tous les privilèges
attachés à ce titre. Aussi devront-ils exercer
désormais leur profession « sans mélange d'aucun
art non libéral, commerce ou profession étran-
gère audit art. »
En somme, l'association des chirurgiens était
reconnue comme un corps savant, tous les liens
qui les rattachaient à la Faculté étaient brisés,
ils étaient déclarés les égaux des médecins, aussi
bien dans le domaine de la science que dans les
relations sociales.
Toutefois, l'article 7 d'un arrêt daté du 12
avril 1749 exigea encore des chirurgiens qu'ils
tinssent boutique ouverte: « Chacun des maîtres
en chirurgie sera tenu de faire mettre sur la
porte de la maison où il demeurera son nom et sa
qualité ; comme aussi d'avoir une salle basse au
rez (le chaussée de sadite maison, où il y aura
toujours un de ses élèves au moins, pour donner
en son absence les secours nécessaires à ceux qui
en auront besoin ».
Cet article ne faisait en réalité que confirmer
un usage existant. Depuis quelque temps déjà, les
chirurgiens n'avaient plus de boutique propre-
ment dite ; mais tous avaient conservé sur la rue,
au rez-de-chaussée, une salle fermée par des
grilles et où un élève se tenait en permanence.
Sur la devanture, s'étalafent les affiches indiquant
les cours des professeurs et donnant l'adresse des
chirurgiens ^ ?
Mais le préjugé qui déprisait tout travail
manuel s'affaiblissait de plus en plus, et les
statuts de 1750 s'expriment ainsi : «Les maîtres
du collège de chirurgie jouiront des honneurs,
distinctions, prérogatives et immunités dont
jouissent ceux qui exercent les arts libéraux et
scicntiqucs. Seront en conséquence lesdits maî-
1 Ces prescrijîtions furent reproduites dans les statuts
de 1718, art. 42.
2 Quesnay, Examen impartial, etc., p. 210.
CHIRURGIENS — CHOCOLAT
171
très compris dans le nombre des notables
bourg^eois de la ville de Paris et participeront à
toutes les prérogatives dont sont en possession
lesdits notables. Défendons de les comprendre
dans aucun rôle des arts et métiers, ni de les
assujélir à la taxe de l'industrie * ».
Les chirurgiens avaient donné leurs premiers
cours dans une salle dépendante du collège de
Dainville qui était situé rue de la Harpe, en face
de l'église Saint-Côme. En 1691, ils tirent cons-
truire tout près de là un élégant amphithéâtre,
occupé aujourd'hui par une école gratuite de
dessin. Enfin, en 1776, ils s'intallèrent rue des
Cordeliers (auj. rue de l'Ecole de Médecine) dans
les bâtiments de la Faculté de médecine actuelle.
Ils avaient conservé pour patrons saint Côme et
saint Damien.
Le Livre des me'tiers nomme les chirurgiens
cyrurgiens et cÂreurgiem. On trouve encore
sHrgiens, sirurgiens habilleurs^ etc. Tout apprenti
d'un barbier et d'un chirurgien était appelé
frater.
Voy. Accoucheurs. — Auristes. —
Barbiers. — Cabinets d'anatomie. —
Châtreurs. — Dentistes. — Épileurs.
— Frater. — Herniaires. — Inciseurs.
— Instruments de chirurgie. — Lits
mécaniques. — Lithotomistes. — Ma-
trones. — Oculistes. — Opérateurs. —
Pédicures. — Phlébotomistes. — Pos-
tiches. — Renoueurs. — Sages-femmes.
— Sièges mécaniques.
Ghirurg-iens- herniaires. Voy. Her-
niaires.
Ghirurg-iens-lapidaires. Voy. Litho-
tomistes.
Ghirurg-iens - restaurateurs. Voy.
Renoueurs.
Ghitareurs. Voy. Cithare urs.
Ghocolat (FabricanTvS de). La conquête du
Mexique et celle du chocolat sont dues à Fernand
Cortez, double titre de gloire, dont le premier
fut le plus périssable, car l'Espagne a perdu le
Mexique, tandis que le chocolat constitue encore
aujourd'hui une branche productive de son
commerce .
En France, la première personne qui en ait
fait usage fut, non pas, comme on l'a dit -, le
cardinal de Richelieu, mais son frère aîné,
Alphonse-Louis du Plessis, archevêque de Lyon
et cardinal. « J'ai ouï dire à l'un de .ses domes-
tiques, écrit Bonaventure d'Ârgonne •'*, qu'il s'en
servait pour modifier les vapeurs de sa rate ».
Cette assertion est d'autant plus vraisemblable
que René Moreau, célèbre médecin de Paris,
raconte avoir été consulté, avant 1642, par le
1 Article 7.
2 C.-B. Behrens, Selecta diœtetica, p. 391. —Ch. Linné,
Amœnitates académicœ, t. VII, p. 254.
3 Mélanges d'histoire, t. I, p. 4.
cardinal de Lyon sur les propriétés thérapeu-
tiques du chocolat ' .
Une douzaine d'années après, le cardinal
Mazarin et le maréchal de Gramont firent
venir d'Italie deux habiles cuisiniers qui savaient
préparer le café, le thé et le chocolat "^. Ces
précieux talents étaient donc encore inconnus
à Paris. Ils ne l'étaient guère moins en 1659,
et de cette année date le premier document
officiel relatif à l'introduction du chocolat dans
la grande ville. Ce sont des lettres patentes,
datées de Toulouse le 28 mai 16.59, et qui
accordent, pour une durée de vingt-neuf ans,
à un sieur David Chaliou le privilège exclusif
de la fabrication et de la vente du chocolat dans
toute l'étendue du royaume. Cette pièce est
conservée aux Archives nationales •^.
Chaliou s'établit près de la croixduTrahoir '*,
qui s'élevait à l'angle de la rue Saint-Honoré
et de la rue de l'Arbre - Sec , à l'endroit
qu'occupe aujourd'hui une fontaine. Son com-
merce prospéra-t-il ? Cela est probable, car dès
1661 la Faculté de médecine approuvait l'usage
du chocolat ^. Et pourtant, dix ans plus tard la
province ne connaissait pas encore cet aliment.
L'abbé de Choisy l'affirme ^, et madame de
Sévigné est désolée de penser que sa fille, partie
pour Lyon, n'y trouvera pas de chocolatière ''.
Le matin, en sortant de sa chambre, le
Régent allait prendre du chocolat dans une
grande pièce où l'on venait le saluer : c'est ce
que l'on appelait être admis au chocolat ^.
Les médecins se montraient beaucoup plus
indulgents pour le chocolat que pour le café,
et la Faculté lui resta toujours fidèle. En 1684,
le bachelier Fr. Foucault prit pour sujet de thèse
le chocolat ^, et il en fit un éloge enthousiaste.
Vers 1776, un sieur Doret inventa une machine
hydraulique qui broyait le cacao et le réduisait
en pâte. Son procédé fut approuvé par la
Faculté, et Doret obtint le droit de donner à sa
fabrique le titre de manufacture royale.
Les chocolats de Madrid, de Cadix, d'Italie,
de Portugal, puis de Saint-Malo furent pendant
longtemps les plus recherchés. Mais à la fin du
dix-septième siècle, on leur préférait celui de
Paris '0.
En 1692, les marchands « renommez pour
leur bon chocolat » étaient d'abord le sieur
Chaliou, toujours installé dans sa boutique de la
rue tle l'Arbre-Sec, puis le sieur Rere, rue
Dauphine ' * . La même année, un sieur François
1 Traduction du Tralado de la naluralesa del chocolaté
d'Antonio Clolmcncro. Dédicace au cardinal de Lyon,
datée du 21 octobre 1642.
* Audigcr, La mni.son re'glée, livre I^'.
3 Registre coté X'a 86(55, f° 68.
i Dclarnarre, Traité de la police, t. III, p. 797.
5 .(/( snlii/jris /(SUS rhocolala'. Thèse soutenue par Michel
Dupont et concluant jjar l'affirmative.
f> Histoire de la comtesse des Barres, édit. de 1807,
p. 97.
" Lettre du 11 février 1671, t. II, p. 60.
" Testament politique du maréchal de Belle-hle, p. 43
9 An chocolotœ usiis salubris?
10 Pomet, Histoire des drogues, liv. VII, p. 207.
1' Le livre commode, t. I, p 303.
172
CHOCOLAT — CINQUAIN
Damame se vit accorder par le roi un privilège
exclusif pour la vente du café, du thé et du
chocolat ; mais, dès l'année suivante , il J
renonça de lui-même et le commerce en redevint
libre.
Parmi les fabricants de chocolat dont le nom
est arrivé jusqu'à nous, c'est-à-dire parmi ceux
qui abusèrent de la réclame, on peut citer
encore : le sieur Labastide, établi rue de la
Monnaie en 1758, et le sieur Onfroy, qui tenait
en 1761 le café Cuisinier, sur la place du Pont
Saint-Michel.
Le sieur Delondre, épicier droguiste de la
rue des Lombards, inventa, vers 1772, \q chocolat
homogène, stomachique et pectoral, ainsi que le
chocolat purgatif. Le premier se vendait en
tablettes et en pastilles. Le second était « d'un
usiige très commode pour toutes les personnes
qu'on peut difficilement résoudre à prendre
même les médecines les plus douces ' ».
Vers le même temps, un médecin de Paris,
nommé Lefebvre, faisait annoncer un chocolat
aphrodisiaque ou antivénérien., « propre à servir
de véhicule au sublimé mercuriel '^ ».
Kn 1777, un sieur Fernandez s'intitulait
« fabricant de chocolat de M"^*' la Dauphine et
des princes et seigneurs de la cour •'
Ce
Fernandez était limonadier, et les statuts de
1705 avaient accordé à cette corporation le
droit de vendre « le chocolat en pain, en tourteau
et en dragées ». Il était, d'ailleurs, fabriqué
surtout par les confiseurs, et ceux-ci dépendaient
de la communauté des épiciers.
Chorégraphes. Nom donné parfois aux
maîtres de ballet. Mais la chorégraphie est le
procédé à l'aide duquel on fixe sur le papier, au
moyen de signes particuliers et en quelque sorte
iiiéroglyphiques, les figures, les mouvements, les
alliludes qui constituent une danse ou un ballet.
Ce système fut inventé par un chanoine de
Langres nommé Jelian Tabourot, qui le fit
connaître dans un livre curieux publié en 1589
sous ce titre : Orchésographie et traicté en forme de
dialogue, par lequel toutes personnes peuvent faci-
lement apprendre et practiquer Vhonneste exercice
des dances *. Cet ouvrage, publié sous le pseudo-
nyme de Thoinot Arbeau, paraît avoir eu peu
de succès. L'idée qui l'inspirait n'en fut pas
moins reprise, au début du dix-huitième siècle,
par un danseur nommé Feuillet: il la développa
et l'expliqua par de nombreuses figures dans sa
(Chorégraphie du l'art (récrire la danse par carac-
li-res, figures et signes démonstratifs '^, ouvrage
qui fournit le moyen de fixer par des signes
convenus tous les mouvements des danseurs.
On trouve une page entière de notation choré-
graphique, dans A. Pougin, Dictionnaire du
théâtre, p. 167.
1 Af/irhes, annonces et avis divers, n» du 3 juin 1772.
- Affiches, annonces et avis divers, n" du 19 janvier
1774, et .Uercnre de France, n» d'avril 177").
3 Almanarh Dauphin, art. I.inmnndicrs.
* Ce volume a été réimprimé à Paris ctiez Vievetr en
1888. ^
î» Année 1713, in-4<'.
Ghrysographes. Nom donné aux enlu-
mineurs qui avaient l'art de tracer sur les
manuscrits ces lettres, ces ornements d'or, restés
après six siècles aussi brillants que le premier
jour. Ce secret n'a pas été retrouvé. On a supposé
que les chrysographes se servaient parfois de
lamelles d'or extrêmement ténues, qu'ils fixaient
avec beaucoup d'adresse, au moyen d'une eau
gommée, et qu'ils polissaient ensuite.
Giceroni. Un des premiers personnages qui
aient fait réellement métier de promener les
étrangers dans Paris fut un nommé Germain
Brice. Il finit par résumer ses boniments dans un
ouvrage destiné à les remplacer * et dont le
succès fut assez grand, car il avait eu déjà huit
éditions en 1725.
Quelques années auparavant , un érudit
allemand, le sieur Joachim-Christophe Nemeitz,
conseiller du prince de Waldeck, profitait des
loisirs que lui laissait cette place pour accom-
pagner les jeunes seigneurs désireux de compléter
leur éducation par des voyages à l'étranger. Il
eut ainsi l'occasion de passer deux années à
Paris. Après son dernier séjour dans cette ville,
il songea, comme Brice, à rassembler ses sou-
venirs et à faire profiter ses jeunes compatriotes
de l'expérience qu'il avait acquise. Il publia donc,
en 1718, une sorte de guide, aujourd'hui assez
recherché, qui en 1727, fut traduit en mauvais
français sous ce titre : Séjour de Paris, c'est-à-
dire instructions fidèles pour les voiageurs de
condition ; comment ils se doivent conduire s'ils
veulent faire un bon usage de leur tems et argent. . .
Ouvrage très curieux, composé principalement en
faveur et pour P usage des voiageurs ^.
Dans un livre où je n'aurais jamais été
chercher un pareil renseignement, le Diction-
naire latin-françois ^ de l'abbé Magniez * je
rencontre, au mot Nomenclator cette indication :
« A Paris, Herpin enseigne les demeures et les
noms des personnes de qualité ». C'était là un
cicérone d'ordre inférieur.
Voy. Ours (Meneurs d').
Cidre (Commerck du). Le cidre était
presque inconnu à Paris au seizième siècle. On y
disait que Dieu avait infligé cette boisson aux
Normands « comme une espèce de malédiction
ou de châtiment ■'• ». Au dix-septième siècle,
c'était la boisson ordinaire des domestiques,
même à Paris. On faisait alors en Normandie de
l'eau-de-vie de cidre, mais elle était jugée si
mauvaise qu'on en interdisait l'entrée à Paris ''.
Cierg-ers et Cierg-iers. Voy. Ciriers.
Cinquain. Voy. Champart (Droit de).
1 Xoiivelle descrin/ion de la cille de Paris el de /oui ce
qu'elle contient de plus remarquable.
2 Cette traduction a été réimprimée par la librairie
Pion en 1897.
•'' l'ius connu sous le nom de Notitius.
i 1721, in-4°, t. II, p. 908.
^ Gui Patin. Lettres à Spon, 21 avril et 9 mai 1643,
t. I, p. 282 et 28.5.
6 Savary, t. I, p. 772.
CINQUANTENIERS — GIRIERS
173
Cinquanteniers. Vov. Quartiniers.
Girag'e (Fabricants de). Suivant M. Qui-
cheral, l'emploi du cirag-e remonterait au dixième
siècle ' . Il semble établi qu'au seizième on lui
avait substitué une pierre spéciale dont la compo-
sition nous est inconnue. Je lis, en eiîet, dans
Les cris de Paris en 1545 :
J'ay de bonne pierre noire,
Pour pantoufle et soulier noircir !
D'autre part, il est certain que l'on graissait
alors les chaussures communes :
Dea, des souliers do vache auras,
Et gros patins, que ne deftends.
Qu'au samedy gresser feras
Avecq les souliers des enfans 2.
Au siècle suivant, le sieur Goubier, épicier
rue de Gesvres, vendait « une bonne cireure pour
les cordonniers ^ ». C'est sans doute celle dont
Riclielet nous fournit ainsi la recette : « Compo-
sition de suif, de noir de fumée, de térébentine
de Venise, de blanc de plomb et autres ingrédiens
qu'on fait bouillir pour cirer les bottes, les gros
souliers, etc. * ». Le cirage à l'œuf lui succéda,
et jouit d'une faveur qui l'ut de longue durée ; il
se composait tout simplement de noir de fumée
délayé avec du blanc d'oeuf,
En 1777, un sieur Lebrun, épicier, demeurant
rue Dauphine, aux armes d'Angleterre, débitait
« une nouvelle cire, propre à noircir les souliers,
les bottes et tout ouwage de cuir ou de maroquin,
qui ne tache point les mains ni les bas, qui est
sans odeur, entretient le cuir tlexible et lui donne
un beau noir ». Le prix était « de douze sols la
tablette, qui fait une chopine de cire liquide ^ ».
Je trouve cette même cire en tablettes annoncée
dans la Gazette de Hollande, où l'on déclare
qu'elle donne à volonté le plus beau noir, mat
ou luisant^ ». Peu d'années après, apparut le
cirage anglais, composition grasse qui, frottée
avec une brosse sèche, fournit un brillant d'un
beau noir.
Gireurg'iens. Nom que le Livre des métiers
donne aux chirurgiens.
Cire à cacheter (Fabricants de). L'apo-
thicaire Pierre Pomet attribue l'invention de la
cire d^Espagne à un sieur Rousseau, qui eut
surpris aux Indes le secret de sa composition, et
qui commença à en fabriquer vers 1620 '' ; mais
il est prouvé aujourd'hui que son usage était déjà
presque général dans les premières années du
dix-septième siècle ^. On se servait auparavant,
' Histoire du, costume, p. 141.
2 Extraict d'un petit traicté contenant soixante et troys
quatrains sur le faict de la superfluidité des habit: des
dames de Paris. Duns Ancie/ines poésies françaises, t. VIII,
p. 298.
3 Le livre commode, t. II, p. GT.
4 Nouveau dictionnaire français, édit. de 1719, t. I,
p. 207.
5 Almanach Dauphin, art. Épiciers.
6 N" du 10 mars 1778, p. 4.
' Histoire des drogues, 2® partie, p. 44.
^ Voj. Edouard Fournier, Variétés historiques, t. II,
p. 79.
pour cacheter les lettres, de gomme laque fondue
et colorée, qui était appelée cire de Portugal.
A une date que je n'ai pu déterminer, douze
« maîtres ouvriers en pains cire à cacheter
missives, nommez jusqu'à présent cire d'Espagne
et qui seront pour l'advenir appeliez cire de
France à cacheter », demandèrent à se constituer
en communauté et soumirent des statuts à l'appro-
bation du roi. Ils désiraient se placer sous le
patronage de saint François d'Assise ; l'appren-
tissage devait être fixé à trois ans, que suivraient
trois années de compagnonnage, et deux jurés
eussent administré la nouvelle corporation. Je
ne sais quel fut le sort de ces douze ciriers et
de leurs statuts ; j'ai trouvé ceux-ci à la Biblio-
thèque nationale, dans le manuscrit coté 21,793,
page 152.
Les ciriers se disaient parfois marchands de
lacre, mot par lequel un tarif de septembre 16G4
désigne la cire d'Espagne ou un produit ana-
logue.
On voit souvent cité dans les inventaires du
dix-sep lième siècle un instrument appelé perce-
lettres. C'était une sorte de poinçon destiné à
produire le trou que traversait un fil de soie qui
était fixé à son autre extrémité par un double
cachet de cire. Pour ouvrir la lettre, on coupait
le fil.
Sur l'usage des enveloppes, voj. ci-dessous
l'article Papetiers, et sur l'emploi de la cire
dans les actes officiels, l'article Chauffe-cire.
Ciriers. Faiseurs de cierges, bougies, torclies
et autres objets en cire.
Cette communauté était placée sous l'autorité
du grand chambellan du roi ^ .
La Taille de 1292 cite 19 ciriers et 1 chande-
lier de cire, celle de 1300 mentionne 8 ciriers et
2 chandeliers de cire.
Dès cette époque, le commerce de la cire était
fait par les épiciers, les ciriers se chargeaient
seulement de la mettre en œuvre. Je trouve, en
effet, dans le compte des dépenses faites pour les
obsèques du grand chambellan en 1352 les
articles suivants : « A Adam du Puis, espicier,
pour un millier de cire achaté de lui... A Jaquet
Gillebert, pour sa peine de mettre en œuvre le
millier de cire dessusdit et faire le luminaire,
c'est assavoir 200 torches, 400 cierges, etc. ^ ».
Le nombre des maîtres était alors de 26 environ.
C'étaient eux qui modelaient les effigies de cire
que l'on plaçait sur le cercueil des rois et aussi
les figures destinées aux envoûtements.
Bien que les chandeliers de cire appartinssent
à la communauté des épiciers, le prévôt de Paris
leur donna, en mai 1428, des statuts particuliers
qui déterminent la qualité, le poids et le prix des
cierges et chandelles de cire.
Le mot bougie ne se rencontre guère avant le
quatorzième siècle ^, et Olivier de Serres écrivait
encore à la fin du quinzième que les chandelles
de cire étaient surtout en usage chez « les princes
1 Voy. Maître des chandeliers de cire.
2 Douët-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 184.
3 Voy. V. Gay, Glossaire archéologique, t. I, p. 186.
174
CIRIERS — CLAVAINS
et o^rands seigneurs^ ». Tallemant des Réaux
raconte qu'à la tin d'un bal, unejeuue tille voulant
éclairer Louis XIII à sa sortie, « monta sur un
siège pour prendre un bout de chandelle de suif,
avec si bonne grâce que le roi en devint amou-
reux ^ ». On se servait donc encore, même au
bal, de chandelles de suif, mais on ne les touchait
déjà qu'avec un peu de répugnance.
En 1650, le gazelier Loret, décrivant une
« belle collation » donnée par M"'« de Sévigné
nous apprend qu'
Oii y vit briller aux chaiulcllfs
Des gorges passablenient, Lt'lk's ^.
Mais étaient-ce des chandelles de suif ou des
chandelles de cire ?
On nommait bomjies d'un denier celles qui se
vendaient à la porte des églises et étaient destinées
aux ex-voto ; doiiçies (Phuissier, celles que l'on
portait devant le roi dans l'intérieur des appar-
tements ; elles étaient carrées et plus larges du
bas que du haut. L'expression arbre de cire dési-
gnait le cierge pascal.
Mais on ne peul parler ici desciriers sans dire
un mot du fameux cierge de 1357. A cette date,
le roi Jean était prisonnier en Angleterre; Paris,
désolé par la famine et l'anarchie, avait encore
à redouter une invasion. Pour apaiser le courroux
du ciel, la municipalité vota l'offrande à perpé-
tuité d'un cierge qui aurait en longueur l'étendue
du circuit de la capitale, de sorte que, suivant
les calculs de M. Bonnardot , il eut mesuré
environ 5.750 mètres. On sait, par une quittance
récemment retrouvéi-, qu'il nécessitait l'emploi de
cent trois livres de cire, ce qui lui suppose un
diamètre de trois à quatre millimètres. Il était
enroulé comme un câble, autour d'une sorte de
cabestan, et un prêtre avait pour mission de le
surveiller et de toujours le « tenir ardent ». Mais
ces cent trois livres de cire représentaient une
grosse dépense annuelle, en sorte que, pendant
la Ligue, on se décida à remplacer ce cierge
interminable par une lampe d'argent qui,
lappelaiit les armes de la ville, avait la forme
d'im navire, et qui restait allumée jour et nuit*.
Les ciriers, dits aussi cierger et cieryiers ^
avaient, comme les épiciers, pour patron saint
Nicolas.
Voj. Cabinets d'anatomie. — Chaufife-
cire. — Cire a cacheter. — Figures de
cire. -Valets chauffe-cire. — Veilleuses
(Fabricants de), etc.
Ciriers. Officiers de la grande chancellerie.
« Leurs fonctions sont de fournir la cire néces-
saire pour sceller les expéditions de la grande
cliancellerie, et de la faire préparer dans une
pii'ce voisine de la salle où se tient le sceau. Ils
remplissent ces fonctions en habit noir, sans
épée •'• ».
' Théâtre d'agricullure, t'-itit. d." 1600, p. 879.
* Illstorietles, t. ]I, y. 210.
■' .Mu:i: liisluriqiie, n» du IG juillet.
* Voy. le llulletiit de la société de l'Itistuire de Paris
année 1875, p. 40.
5 Guyot, Traité des offres, t. IV, p. 472.
Ciseleurs. Ce mot n'existe pas encore dans
le Dictionnaire du, commerce de Savary (1723),
mais on y trouve le verbe ciseler, qui est ainsi
défini : « Couper, tailler, graver délicatement
avec le ciseau. . . Ciseleurs se dit des ouvriers qui se
servent du ciselet ^ ». L'abbé Jaubert, dans son
édition de 1773 nous apprend que le ciseleur est
l'ouvrier « qui enrichit et embellit les ouvrages
d'or, d'argent et autres métaux, par quelque
dessein et sculpture qu'il j représente en bas
relief ^ ».
Les ciseleurs ne furent jamais officiellement
constitués en corporation , car une foule de
communautés avaient le droit de ciseler elles-
mêmes les objets qu'elles produisaient. Je citerai
entre autres les orfèvres, les fourbisseurs, les
armuriers, les éperonniers, les fondeurs, les
graveurs, les doreurs sur métaux, etc.
On nommait encore ciseleurs les ouvriers qui,
« avec des fers chauds gravés, font une espèce de
velours ciselé ou plutôt gaufré, en aplatissant le
poil du velours à l'endroit qui doit servir de
fond et en ne touchant pas à celui qu'on réserve
pour le dessin et les façons ^». On ne ciselait guère
que le vieux velours, à qui cette opération rendait
une apparence de fraîcheur.
Cithareurs. Fabricants, professeurs ou
joueurs de cithare, instrument à cordes qui avait,
le plus souvent, la forme triangulaire.
On trouve aussi Cythareurs, Chitaretirs, etc.
Citoleeurs. Fabricants , professeurs ou
joueurs de l'instrument appelé citole. La Taille
de 1292 cite quatre citoleeurs. La citole, déjà
mentionnée [cithola] dans le Bictionarius de Jean
de Garlande *, paraît avoir été une sorte de
guitare au corps allongé et au manche court .
Cizeleurs. Voy. ciseleurs.
Claceliers. Voy. Concierges et Geô-
liers.
Claqueurs. Leur institution ne paraît pas
antérieure à la Restauration. « Sous Louis XIV,
le parltsrre formait au moins la moitié du public.
Il était libre, jaloux de son droit, et il n'eut pas
toléré une troupe permanente d'applaudisseurs
gagés, organisée ostensiblement pour neutraliser
toute manifestation d'opinion littéraire trop
indépendante ^ ». Figaro dit bien en 1775 :
<,< J'avois rempli le parterre des plus excellens
travailleurs ; des mains comme des battoirs. ..''•, »
mais il s'agit là d'une fantaisie purement indi-
viduelle.
Cla vains (Faiseurs de). Voy. Demi-
cein tiers.
' Tome I, ]j. 78r». — Le ciselet est « un petit ciseau
(l'acier bien trempé dont on se sert pour ciseler ».
2 iJictinnnaire des arts et métiers, t. I, p. 507.
3 Jaubert, t. I, p. 508.
4 VAû. Scb.'ler, p. 37.
•' E. l)es]K)is, Le théâtre franiais sous Louis XIV,
p. 3T0.
^ Le barbier de Sécille, acte I, scène 2.
CLAVAIRES — CLKRGS DU GUET
ni
Clavaires. Ceux (jui gardaient les clets
d'une ville, d'un trésor, etc. Ce mot a désin-né
aussi des percepteurs d'impôts, des adminis-
trateurs (le territoire, etc., elc. ^.
Glavandiers (Faiseurs de). Voy. Demi-
ceintiers.
Clavecinistes. Faiseurs, professeurs ou
joueurs de l'instrnmenl appelé clavecin. Le
clavecin diffère surloiil île l'épinetle par sa
dimension qui est plus grande -. Les professeurs
de clavecin, hommes el lenunes, élaieid déjà
nombreux à la tin du dix-septième siècle''. On
distinguait parmi eux François Couperin *, dont
un descendant publia, en 171G, Ijurt de toucher
le clavecin.
Les .clavecinistes apparlenaieni à la corpo-
ration des luthiers.
On trouve aussi clavessinùtes.
Clavessinistes. Voy. Clavecinistes.
Claveteurs. Voy. Cloutiers.
Claviers (Faiseurs de). Voy. Demi-
ceintiers.
Clercelières (Faiseurs de). Voj. Demi-
ceintiers.
Clercs. Ce mot avait deux acceptions prin-
cipales. Il signifiait avant tout homme sachant
lire, écrire, compter, et entendant même parfois
un peu de latin.
Une foule de positions honorables et lucra-
tives s'offraient à celui qui possédait ces
connaissances. Les grands seigneurs avaient
besoin d'un clerc pour tenir les comptes de leur
hôtel. Les clercs du guet ^ avaient dans leurs
attributions les écritures relatives à ce service,
entre autres la convocation des hommes de
garde pour chaque jour. Le clerc de la Ville,
dit d'abord clerc du parloir aux bourgeois, puis
greffier de Vhôtel de mile, enregistrait les
sentences rendues par les officiers du parloir,
faisait expédier les actes publics souscrits par
eux, etc., etc. Lui-même avait un clerc ^. Les
riches commerçants entretenaient aussi à l'année
un clerc chargé de tenir les livres de la maison ;
c'est ainsi qu'il faut entendre les mentions de
ce genre assez fréquentes dans la Taille de 1292 :
« Alain de Dampierre, et Guillot, son clerc. —
Le clerc feu Adam Bourdon. — Adam, le clerc
Henri des Nés ». Les corporations importantes
eurent par la suite chacune son clerc. Celui-ci,
installé au bureau de la communauté, servait de
secrétaire aux jurés, rédigeait les procès- verbaux
de leurs délibérations, réglait les comptes, perce-
1 Voy. Valbonnais, i/moZ/'e* jMO«;' servir à l'histoire du
Dauphiné, p. 121. — Ducange, au mot clavarius.
2 Voy. l'art. Épinetiers.
3 Voy. Le livre commode pour 1692, t. I, p. 20'7.
i Sur cette famille, voy. A. Jal, Dictionnaire critique,
p. 440.
^ Voy. l'art. Guet des métiers.
fi Voy. Le Rûu.\ de Lincy, Histoire de l'Hôtel de ville,
p. 178.
vait les redevances instituées pour l'entretien de
la confrérie, etc. ; c'est à lui aussi que devaient
s'adresser les ouvriers arrivant à Paris pour
oljlenir l'eiiti-ée dans un atelier de hnir métier.
On nommait encore clerc tout homme appar-
tenant, soit de près, soit de loin, au clergé
séculier ou régulier ; ce titre était donc pris par
une foule d'individus au service des hauts
fonctionnaires ecclésiastiques ou seulement
enqjloyés dans les couvents. Les grandes abbayes
de Paris possédaient un personnel considérable
de clients et de serviteurs ^ qui, considérés
comme gens d'église, étaient exempts d'impôts,
à la condition pourtant qu'ils ne se livrassent à
aucun Iralic. Mais beaucoup d'entre eux faisaient
le commerce plus ou moins ouvertement, el
créaient ainsi aux corporations une concurrence
redoutable, puisqu'ils ne payaient aucune des
nombreuses taxes imposées aux marchands laïcs.
Clercs de l'arg-enterie. Voy. Contrô-
leurs.
Clercs des bourg-eois. Voy. Greffier
de l'hôtel de ville.
Clercs de l'écritoire. Voy. Greffiers
des bâtiments.
Clercs-commis au greffe du Conseil
privé. Deux offices jurés créés en novembre
1594. Quatre autres furent créés en décembre
1609.
Clercs du gruet. Ils étaient au nombre de
deux. Ils arrivaient au Châtelet à l'heure du
couvre-feu, faisaient l'appel des bourgeois
appelés à fournir le service du guet, et les
distribuaient dans les huit postes qui leur étaient
assignés.
Au treizième siècle déjà, ils abusaient de leur
autorité, et les fripiers, dans les statuts qu'ils
soumirent à l'homologation d'Etienne Boileau,
s'en j)laignent naïvement. Les clercs du guet
ne voulaient, disent-ils, recevoir les excuses des
hommes convoqués que quand elles étaient
présentées par les femmes de ceux-ci, « laquelle
chose est moult leide et moult vilaine que une
famé soit en Chasteleil à queuvre-feu parmi telle
ville comme Paris est ». Ils sollicitaient donc
du roi la permission de se faire excuser par leur
ouvrier, leur servante ou leur voisin "^.
Sur ce point, je ne sais quelle fut la réponse
de saint Louis. Mais, au siècle suivant, je vois
les clercs du guet accusés de se laisser cor-
rompre, et d'accorder moyennant finance des
dispenses de service. Le roi l'apprit et les
remplaça par deux notaires du Châtelet ^. Comme
les hommes s'esquivaient parfois, après avoir
fait inscrire leur nom, l'ordonnance veut que le
1 « Le mot clerc, à nos anciens signifioit tantost
l'ecclésiastique, tantost se donnoit à celuy que l'on
estimoit sçavant, tantost à celuy que nous appelons
aujourd'huy secrétaire ». Et. Pasquier, Recherches sur la
France, liv. II, chap. V.
2 Litre des métiers, titre LXXVI.
3 Ordoiin. royales, t. III, p. 670.
176
CLERCS DU GUET — COCHERS
guet rojal visite les postes et transmette au
prévôt cïe Paris le nom des absents.
Voy. Guet des métiers.
Clercs de la marchandise. Yoy.
Greffier de l'hiôtel de ville.
Clercs d'office. A Versailles, ils étaient
au nombre de seize, et tenaient les écroues de la
maison royale. « Ces écroues sont les arrêtés en
par(;hemin de la dépense ordinaire qui se fait
tous les jours dans la maison du Roj ^ ». Les
clercs servaient l'épée au côté, et mettaient eux-
mêmes les plats sur la table.
Clercs du parloir aux bourg-eois.
Yoy. Greffier de l'hôtel de ville.
Clercs procureurs. Voy. Procureurs
du roi.
Clercs du secret. Titre que portèrent, à
l'origine, les ministres secrétaires d'Elat.
Clercs de la ville. Voy. Greffier de
l'hôtel de ville.
Cleviers. Voy. Geôliers.
Clinquaillers et Clincquailleurs.
Voy. Quincailliers.
Cliviers. Voy. Cribliers.
Clocheteurs des trépassés. Voy.
Crieurs de corps.
Cloetiers et Clooutiers. Noms que la
Taille de 1292 donne aux cloutiers.
Closiers et Closieurs. Ces mot sont signi-
llé fermiers, métayers, jardiniers, gardiens, por-
tiers, concierges, etc. Ils constituaient aussi un
des titres de la corporation des vanniers.
ClÔturiers. Titre qui appartenait à une des
classes de la corporation des vanniers.
Clou (Dimanche du). Dans les statuts des
métiers t-t dans les ordonnances du moyen âge,
ces mots désignent toujours le dimanche de la
Passion, en souvenir de la crucifixion.
Cloustiers. Voy. Cloutiers.
Cloutiers. La Taille de 1292 mentionne
19 clooutien, cloetiers et cloutiers : celle de 1300
eu cite 20. Ils paraissent n'avoir pas été érigés en
corporalion avant b; 30 mars 1340, date de leurs
premiers statuts connus. Ils y sont nommés
cloustiers^ la durée de l'apprentissage est fixée à
sept ans, les maîtres reconnaissent qu'ils sont
sous la dépendance du maître des fèvres et
soumis à l'impôt dit des/6TA' du roi.
Ces statuts furent revisés en décembre 107G,
et les maîtres sont alors qualifiés de cloutiers-
lormiers-étainiers- ferronniers. Ils avaient, en
1 Élut de la Finnc>> pour 17 12, l. I, p. 84 ; uw«r 17 3C,
t. I, p. V\%.
effet, obtenu le droit de fabriquer la plupart des
ouvrages de lormerie et, comme les atachiers
dont ils descendaient indirectement, ils pouvaient
étamer les objets de leur fabrication. Les ferron-
niers étaient des marchands de fer. L'apprentis-
sage est alors réduit à cinq ans, mais on exige
ensuite deux ans de compagnonnage. Les
maîtres sont divisés en deux classes : les simples
cloutiers., et les cloutiers-éjnngliers qui produi-
saient les pièces les plus fines du métier.
Au dix-huitième siècle, le nombre des maîtres
était de 70 environ, et ils avaient pour patron
saint Cloud. Ils célébraient sa fête le 7 septembre.
On les trouve aussi nommés claveteurs.
Clowetours. Mot du patois messin. Il
désignait les ouvriers qui garnissaient de clous
les ceintures et les courroies (quatorzième siècle).
Voy. Atachiers.
Clowns. Voy. Bateleurs. — Sauteurs,
etc.
Cocassiers et Gocatiers. Voy. Coque-
tiers.
Cochers. Un bon cocher doit avoir soin de
« faire boire les chevaux à leurs heures ordi-
naires, leur donner l'avoine de même, et ne pas
manquer à leur bien laver ou faire laver les
jambes lorsqu'il arrivent de la ville le soir et le
matin, leur visiter tous les jours les pieds avant
que de sortir, les bien faire ferrer et les entre-
tenir de même, leur faire les crins de temps en
temps, et les tenir toujours le plus propre qu'il
est possible.
« Il est encore de son devoir de bien nettoyer
ou faire nettoyer son ou ses carrosses tant par
dedans que par dehors, les graisser ou faire
graisser quand il en est besoin, prendre garde
tous les jours qu'il n'y manque rien ^ ».
En 1687, Louis XIV avait vingt-cinq atte-
lages, chacun de dix chevaux, et vingt-cin({
maîtres cochers pour les conduire ^. En 1739, le
nombre des attelages était réduit à dix. La reine
avait alors huit cochers ^.
Tous les cochers de l'écurie royale prenaient
le titre de cocliers du roi, absolument comme les
apothicaires, médecins et les chirurgiens attachés
à divers services de la maison royale, grande
écurie, fauconnerie, artillerie, etc. s'intitulaient
apothicaires, médecins et chirurgiens du roi.
Mais ceux-là seuls qui approchaient, qui soi-
gnaient leurs majestés avaient le droit de se dire
médecins, chirurgiens du corps. 11 y avait de
même les cochers ordinaires destinés aux voitures
de la suite, et les cochers du corps., qui condui-
saient les carrosses où leurs majestés prenaient
place.
Les cochers ont aussi été appelés meneurs.
Voy. Fiacres. — Voitures, etc.
1 AudigiT, La maison réglée (1692), Liv. I, chap. .'>. —
Le parfait cocher., ou l'art d'entretenir et de conduire un
équipage à Paris, 1744, in-12.
2 JfJtat de la France pour 1687 , t. I, \i. 29.'î.
:' Étal de la France pour 1730, l. II, p. 257 et 359.
COCHES D'EAU — COIFFEURS
177
Coches d'eau. Voy. Bateaux-coches.
Gochetiers. Ils appartenaient ù la corpo-
ration des charpentiers et, très probablement,
fabriquaient les coches d'eau qui faisaient, sur la
Seine, le service des vovag-eurs et des marchan-
dises. Ils sont mentionnés dans le Livre des
métiers ^ .
Voy. Voitures.
Coco (Marchands de). Le coco n'a pas
toujours été l'innocent breuvage que nous
connaissons, le marchand de coco fut d'abord
un petit détaillant d'eau-de-vie ^. Vers la fin du
dix-huitième siècle, la métamorphose était
accomplie, et Sébastien Mercier nous dépeint
ainsi le marchand de coco, son contemporain :
« Il porte une fontaine de fer blanc sur son dos,
il est ceint d'un tablier blanc, il se place dans un
passage public, toujours debout ; il crie inces-
samment et interrogativement : A la fraîche, qui
veut boire ? Ces vendeurs d'eau de réglisse
vident leur fontaine jusqu'à douze ou quinze fois
de suite, et gagnent par jour jusqu'à sept francs
les mois d'été ^ ».
Gocquassiers. Voy. Coquetiers.
Coffres et boîtes en cuir bouilli
(Faiseurs de). C'était un des titres de la corpo-
ration des gainiers.
Coffretiers. Dès les premiers siècles du
moyen âge, les coffrets étaient fort en usage ;
on les fabriquait en matières de prix, ivoire,
marqueterie, cuivre émaillé, or, argent ; en
cuir, en cristal ; ils étaient repoussés, ciselés,
émaillés, etc. Pendant leurs voyages, les dames
les transportaient avec elles, et y renfermaient
des bijoux, des camées, des missels. En campagne,
dans les expéditions lointaines, les chevaliers,
outre les bahuts et les bouges qui contenaient
leurs effets, donnaient en garde à des écuyers de
grands coffres qui recevaient des objets précieux,
des titres, des archives de famille et surtout de
l'argent * . Ceux-ci représentaient nos coffres-forts
actuels, et il y a longtemps que le Trésor public
est désigné par les mots coffres de l'Etat.
On sait que, même chez les grands seigneurs,
même chez le roi, les sièges furent rares jusqu'au
dix-septième siècle au moins ; aussi, dans les
antichambres, des bahuts et des coffres rangés
le long du mur servaient souvent de siège aux
visiteurs attendant d'être reçus. De là l'expres-
sion j9/^2«er le coffre pour dire attendre longtemps
dans une antichambre ; expression d'autant plus
exacte que, prétend-on, les gentilshommes
impatients s'amusaient à piquer, à taillader ces
banquettes avec leur dague.
La Taille de 1292 mentionne 17 coffriers,
celle de 1300 en cite 11 seulement.
1 Titre XLVII, art. 8.
2 P.-J. Leroux, Dictionnaire comique, satirique, etc. au
mot coco.
3 Tableau de Paris, t. V, p. 310.
4 Viollet-le-Duc, Dictionnaire du mobilier, t. I, p. 75.
— Douët-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 362.
Les coffretiers, d'abord dépendants des si-lliers,
ne semblent avoir constitué une coninuinaulé
distincte qu'à partir de 1596, année où Henri IV
donna aux coffretiers-malletiers des statuts en
46 articles. Chaque maître ne pouvait avoir
qu'un seul apprenti à la fois. L'apprentissage
durait cinq ans et était suivi de cinq ans de
compagnonnage. Le travail ne devait commencer
avant cinq heures du matin ni continuer après
liuit heures du soir, « pour que le voisinage ne
soit point incommodé du bruit inséparable d<î
ce métier ». Quatre jurés adminisli'aient la
communauté.
Au dix-luiitième siècle, les maîtres si' ([uali-
liaient de coffretiers-malleliers-hahuliers et étaient
au nombre de 40 environ. L'édil de 1776 réunit
les gainiers à celte triple corporation, qui était
placée sous le patronage de saint Jean l'évan-
géliste.
Voy. Bahutiers et Voyages (Articles
de).
Coffriers. Voy. Coffretiers.
Coiffeurs. Dès le quinzième siècle, il y
eut des coiffeuses pour les femmes. On les
trouve nommées atourneresses, atourneuses, ache-
meresses, etc. ; elles n'étaient guère employées
d'ailleurs que dans les grandes occasions : l'êtes,
mariages, etc. Le soin des chevelures féminines
restait donc en général réservé aux cliambrières,
et jusqu'au dix -septième siècle les barbiers-
chirurgiens n'élevèrent aucune prétention à cet
égard, bien que l'article .58 de leurs statuts leur
reconnût le droit exclusif de coiffer les femmes
tout comme les hommes. Un homme de génie en
son genre, le sieur Champagne créa la spécialité
des coiffeurs de femmes. Il manœuvra avec tant
d'adresse que les plus grandes dames ne tardèrent
pas à se disputer ses services ^. Il mourut
assassiné au cours d'un voyage ^, mais les dames
continuèrent à rechercher des mains plus habiles
que celles de leurs femmes de chambre, et
l'industrie des coiffeuses succéda à celle des
coiffeurs de dames.
M""® de Sévigné a transmis à la postérité le
nom de la Martin, qui inventa la coiffure Jturlu-
brelue ou hurlupée, dite aujourd'hui coiffure à la
Maintenon, parce que c'est celle que porte la
grande favorite sur ses premiers portraits. Cette
mode date de 1671. Le 18 mars, madame de
Sévigné écrit à sa fille de s'en garder, elle lui
déclare que « c'est la plus ridicule chose qu'on
puisse s'imaginer », et la supplie de rester fidèle
à la jolie coiffure que sa femme de cliambre
Montgobert fait si bien •"*. Quinze jours après, la
cour a adopté la nouvelle coiffure, et dès lors
madame de Sévigné en raffole. Elle mande
aussitôt à sa fille que, frisée ainsi, elle sera
« belle comme un ange », et que décidément
« la coiffure que fait Montgobert n'est plus
supportable * ».
1 Voy. Tallemant des Réaux, Historiettes, t. V, p. 412
2 Loret, 3Iuze historique, n" du 12 novembre 1658.
3 Tome II, p. 117.
i Lettre du l avril 1671, t. II, p. 143.
12
178
COIFFEURS
Le Livre commode pour 1692 cite parmi « les
coiffeuses fort employées, mesdemoiselles Ganil-
liat, place du Palais-Roval ; Poitier, près les
Quinze- Vingts ; le Brun, au Palais ; de Gomber-
ville, rue des Bons-Knfans ; et d'Angerville,
devant le Palais-Rojal ^ ».
Depuis le règ-ne de Louis XV, les coiffeurs
l'emportèrent sur les coiffeuses. Frison fut mis
à la mode parla marquise de Prie : Dag-é, coiffeur
de madame de Chàteauroux et de madame de
Pompadour, avait é<[uipag-e ; Larseneur était le
cnnlidf'ut de Mesdames, iilles du roi -, elLeg-ros •*
puhiiaii Ij(irl de Iti çocjfwe des dames franf aises,
livre illustré de curieuses o-ravures, (pii eut trois
éditions en trois ans, et fut suivi de plusieurs
suppléments.
Lej^Tos eut la prétention de fonder une
académie de coiffure, et il j réussit presque.
Il avait de<, p'êteîises de tête qui permettaient à ses
élèves d'étudier sur nature et aussi de reproduire
lesestampes publiéespar lui. Legros nous apprend
qu'il reçut « les applaudissemens des Reines et
princesses de toutes les Cours et de toutes les
Dames en général ».
Mais ce succès et celui qu'obtinrent ses nom-
breux confrères, suscitèrent aux coiffeurs de
femmes, dont le nombre s'élevait alors à douze
cents, des jalousies et des haines. La corporation
des barbiers-perruquiers leur intenta des procès ,
ces derniers soutenaient avec raison qu'ils avaient
seuls le droit de vendre des cheveux, et il était
prouvé que les coiffeurs fournissaient des chignons
à leurs clientes. Bigot de la Boissière, avocat des
coiflV'urs publia en laveur de ceux-ci un factum
fort gai ^ ({ui, écrit Hachaumont le 8 janvier 1769,
« se trouve également sur les bureaux poudreux
des gens de loi et sur les toilettes élégantes des
femmes ». L'auteur s'efforce de prouver que ses
clients sont, non pas des artisans, mais des
artistes dont la profession doit rester libre.
Ce plaidoyer ne désarma pas les magistrats.
Deux arrêts rendus le 27 juillet 1768 et le
7 janvier 1769, enjoignirent aux coiffeurs de se
faire; inscrire dans la corporation des barbiers ;
ils résistèrent longlemps, et ne se soumirent
définitivement que sous Louis XVI. Au mois de
septembre 1777. celui-ci créa six cents coiffeurs
de femmes, qui payèrent leur privilège six cents
livres et furent agrégés à la corporation des
barbiers ». L'almanack Dauphin '"' mentionne
alors, parmi les c(jitl'eurs en vogue : la veuve de
Legros, élalilie rue Saint-Honoré, en face de la
rue de l'Arbre-Sec ; Frédérik, rue Thibautodé,
qui « lient école di; coëffure, place des femmes
et valets de chamlire coëffeurs, et fournit un
rouge de Portugal accrédité par la finesse et la
douceur de ses luiances ». Audis, quai de l'École,
1 Tomo II, p. 41.
2 M"» dp Genlis. Mémoires, t. II, p. 224.
•t II iiKjunil i'toufli!, vn 1770, aux fête.s données à
l'oi'Ciision (lu mariaf^c du Dauj)lun. Mémoires secrets
t. XIX, p. 187.
'» Il a été i)ublié dans A. F., J.a vie de Paris sous
Louis XV, p. 358.
^ Mémoires serrels, t. X, p. 213.
<» Supplément, p. 15.
qui « tient assortiment d'ouvrages méchaniques
en cheveux, pour faciliter aux dames la commo-
dité de se coëffer elles-mêmes et de varier en un
instant leur coëffure » ; madame Desmares, au
coin de la rue Saint-Louis du Louvre, coiffait
« avec beaucoup de goût et de légèreté'» ; enfin,
Durand, dit Legoût, logé quai de la Ferraille,
vendait « toutes sortes de postiches de différens
genres, tocques montées en fil de laiton, peignes
garnis de cheveux, et généralement tout ce qui
concerne le talent de la coëffure ».
Dès 1723, l'abbé de Bellegarde écrivait :
« Depuis que les femmes se sont avisées de se
servir de fers pour soutenir la pyramide de leur
coëffure, qui est une espèce de bâtiment à
plusieurs étages, elles ont tellement enchéri sur
cette mode qu'il n'y a plus de porte assez élevée
pour leur donner passage sans baisser la tête ^ ».
On sait jusqu'à quelle démence cette mode fut
portée sous Louis XVI. Une élégante devait avoir
alors sur le crâne un échafaudage de chiffons et
de cheveux qui égalât au moins le tiers de sa
taille, et il entrait dans cet édifice tant de fil de
fer qu'on était en droit de demander à une dame
quel était le serrurier qui l'avait coiffée.
Dans la fureur de nouveauté qui hantait les
cerveaux féminins, une coiffure vieille de trois
mois n'était plus bonne qu'à orner ridiculement
quelque crâne provincial. Faute de mieux et à
bout d'imagination, on s'empara des événements
du jour et on les figura en cheveux sur la tête des
élégantes. Les romans, le théâtre, les succès de nos
armées, les moindres faits divers, tout fut exploité.
En 1778, après le célèbre combat livré aux
Anglais par la Belle-Poule, les femmes surmon-
tèrent leur cheveux d'une frégate avec sa mâture,
ses voiles, ses agrès, ses canons, ses pavillons, et
cette coiffure prit le nom du glorieux bâtiment
qu'elle représentait. Beaumarchais la fit oublier.
La vogue de ses Mémoires, le ridicule qu'il jetait
sur le gazetier Marin, le succès du Quès-aco,
Marin ?■ qui termine le portrait de ce person-
nage -, inspirèrent la création du quesaco^ trois
panaches plantés derrière un chignon composé
de huit boucles.
Rien n'égale la burlesque vanité, le naïf
orgueil dont était rempli le cœur des hommes
([ui élevaient ces monuments éphémères. Dutens
raconte que le prince Lanti, se trouvant à Paris
et ayant demandé un coiffeur, « on introduisit
dans sa chand)re un personnage bien misetl'épée
au côté. Le prince s'assit, en lui reconnuandant
de se dépêcher. « Mon prince, lui dit cet honnne,
je suis le physionomiste, permettez que je fasse
entrer mon second ». Et il fait entrer un garçon
perruquier avec tout son appareil. Plaçant ensuite
le prince à sa fantaisie, il l'observe avec attention,
le prenant par le menton pour mieux examiner
son visage. Puis s'adressant à son second :
« Visage à marrons ^. dit -il, marronnez
1 Modèles de conversations, etc., p. 454.
^ Quatrième mémoire à consulter, \i. 111.
3 On ajjjji'lail marron une gros.sc Ixiucli' de eheveux,
ordinairement nouée avec un ruban. I-e mot marronner
est dans Littré.
COIFFEURS — COLIS POSTAUX POUR PARIS
179
monsieur». Fit il se retira en fitisani iiiu' liiiniMc
révérence * ».
De si grands artistes rou^-issaieiil d'apparleiiir
à la corporation des barbiers. Ils leiilèrenl encore
une lois de s'en séparer pour tonner une commu-
nauté indépendante ; mais un arrêt du 25 janvier
1780 repoussa cette prétention, et leur interdit
de mettre sur leur enseig-ne les mots : Académie
de coiffure ^. Il est certain d'ailleurs que les
boutiques de certains barbiers avaient alors un
aspect peu séduisant. Voici la description que
nous en a conservée Mercier : ^< Imagine/ tout ce
que la mal-propreté peut assembler de plus sale.
Les carreaux des fenêtres, enduits de poudre et
de pommade, interceptent le jour ; l'eau de savon
a rongé et déchaussé le pavé ; le plancher et les
solives sont imprégnés d'une poudre épaisse ; les
araignées pendent mortes à leurs longues toiles
blanchies, étouffées en l'air par le volcan éternel
de la poudrerie ■''.
Un grand événement se produisit en 1780.
A la suite d'une couche, Marie-Antoinette perdit
ses cheveux. Dès lors, disent les Mémoires
secrets^ « l'art est continuellement occupé à
réparer les vuides qui se forment sur cette tête
auguste ». Cette tête auguste finit par adopter
une coiffure très basse, dite à V enfant. Aussitôt,
les dames de la cour, « empressées de se conformer
au goût de leur souveraine, ont sacrifié leur
superbe chevelure ^ ».
La reine de France, reine surtout des poufs et
des chitfons, avait pour ministres la Bertin, sa
marchande de modes, et Léonard Autier, son
coiffeur, qui avait porté le génie jusqu'à faire
entrer quatorze aunes d'étoffes dans une coiffure.
Elle les comblait de faveurs, ne sachant rien
refuser à des personnages dont le concours lui
était si précieux. Il était de règle que tout artisan
pourvu d'une charge à la cour cessât de servir le
public ; mais Marie-Antoinette, craignant que le
goût de son coiffeur se perdit s'il cessait de
pratiquer son état, voulut qu'il conservât sa
clientèle, « ce qui, dit très bien madame Cam-
pan ^, multiplia les occasions de connaître les
détails de l'intérieur de la Reine et souvent de
les dénaturer ». Quand l'infortunée princesse,
décidée à quitter la France, préparait la fuite de
Varennes, sa folle coquetterie survivait tellement
aux dangers de la situation, aux angoisses
endurées, aux humiliations subies, qu'elle rte put
se résoudre à se séparer de Léonard, serviteur
au reste fidèle et dévoué ; elle le fit partir
quelques heures avant elle, sous la protection de
M. de Choiseul ^, et l'on a prétendu que ses
maladresses contribuèrent pour une large pari
à l'arrestation de la famille royale. Ce qu'il y a
de sûr, c'est qu'il ne revint pas à Paris avec sa
souveraine ; il émi<>-ra et alla mettre ses talents
1 Mémoires d'un voyageur qui se repose, t. III, p. 42.
2 Mercier, Tableau de Paris, t. II, p. 192.
3 Tableau de Paris, t. VI, p. 46.
4 26 juin 1780, t. XV, p. 210.
fi Mémoires, t. I, p. 100.
6 Duc de Gtioiseul, Relation du départ de Louis XVI,
p. 69 et suiv.
au service des granih's dames russes. b]n Fi'ance,
If temps des fulililés était passé, et plus d'une
des lielles chevelures qu'avaient abandonnées
Léciiiard devait être maniée pour la dernière fois
tians une prison et par un aide du bourreau. * "
Voj. Barbiers. — Galonniers, etc.
Goiffiers. Faiseurs de coiffes. On nommait
ainsi, au treizième siècle, une coilîure très
disgracieuse, de véritables béguins d'enfant,
bt)nnets à Irois pièces ipii enveloppaient toute la
tête et se nouaient sous le menton. On les recou-
vrait parfois d'un chapeau.
La nouvelle mode dura près de deux siècles,
car le roi Jean et même son lils Charles V la
suivaient encore ^ .
Ces coiffes étaient toujours blanches, et faites
de colon, de lin, de gaze ou de laine. Les
élégants les ornaient souvent de broderies repré-
sentant des oiseaux et des fieurs. C'esi ainsi qu'il
faut entendre ces vers du Dit (Pun mercier ^.
J'ai de beax cuevrecliiés •'* à dames.
Et coiffes laceites bêles '*
Que ge vendrai à cez puceles.
S'en ai de lin à damoiseax,
A floreto et à oiseax,
Bien licliiées et bien polies.
A coiffier devant lor amies ^.
On voit que les deux sexes étaient égaux
devant cette affreuse coiffure, qui, à peine
modifiée dans sa forme, servait aussi de bonnet
de nuit. Je lis, par exemple, dans un compte
de 1316 : « A Jehanne la coeffière, pour deux
dousainnes de coeff'es, baillées à Huet, le barbier
du Roy '', 24 sous ». Et plus loin : « APerrenelle
la coeffière, pour quatorze douzainnes de coetfes
pour madame la Royne '', 9 livres 16 sous " ».
La Taille de 1292 indique 29 coifliers ou coif-
fières. Je rencontre parmi ces dernières les deux
femmes qui viennent d'être nommées : « Jehanne,
la coiffière le Roy », qui habitait rue Saint-
Séverin, et « Perronnele la coiffière », qui était
établie dans la rue aux Coiffières ^. La Taille
de 1300 cite seulement 13 coiffiers ou coiffières ;
le métier était donc déjà en décadence.
Les coiffiers se fondirent de bonne heure dan
la corporation des bonnetiers.
Voy. Chapeliers.
Colis postaux pour Paris. Voy.
Transport intérieur de- Paris.
^ ^'oy. Monlfaucon, Monumens, t. II, p. 5.5, el t. III,
p. 12. — Milliii, Antiquités nationales, Blancs-maat''aux,
t. IV, ji. M.
- 15ibii.illiei|ui' iiatii)iiale, manuscrits, fonds français,
no 19,152.
3 De beaux couvr.'-chefs.
4 Et belles coiffes à lacets.
5 J'en ai de lin pour les jeunes gens. Elles sont ornées
de fleurs et d'oiseaux bien exécutés et bien soignés ; ils
pourront s'en coiffer devant leurs amies.
6 Philippe le Long.
" Jeanne de Bourgogne.
** Douët-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 16 et 35.
9 Devenue rue Jean-de-lÉpine, elle conserva ce nom
jusqu'en 1853, année oîi elle fut supprimée pour
l'agrandissement de la place de l'Hôtel-de- ville.
180
COLLK FORTE — COLPORTAGE
Colle forte (Fabricants de). La colle forte
nous lut pendant longtemps fournie par TAlle-
magne, par TAng-leterre et par la Flandre. Au
con'iniencement du dix-huitième siècle, une
laljrique fut créée à Paris ; mais elle ne prospéra
point, « moins par le défaut des ouvriers, que
parce que celui qui l'avait fondée ne la put
soutenir, faute de fonds assez considérables ^ ».
Une manufacture établie à Chaudesaigues en
Auvergne donna, au contraire, des résultats
excellt;nts.
La fabrique de Paris se releva sans doute dans
la suite, car Jaubert en 1773 reproche à ses
pro(hiils de « sentir beaucoup plus mauvais » que
ceux de Chaudesaigues ^. Cette fabrique était
installée au faubourg Saint-Marceau, près du
poiil aux Tripes, petit pont jeté sur la Bièvre à
l'extrémité de la rue Fer-à-Moulin. Suivant
Hurlant ^, le chef de cette maison, la seule qu'il
y eut encore à Paris au dix-huitième siècle, était
surnommé par excellence le colleur ».
Golletiers. Faiseurs de collets ou colletins
en cuir. On appelait ainsi un justaucorps sans
nianclies et sans poches, ordinairement fait en
maroquin ou en buffle. Les peaux de bœuf et de
clieval étaient interdites.
Les colleliers se réunirent aux boursiers, qui
pi'ii-cnt alors le titre de honrsiers-coUetiers.
L'article 7 des statuts accordés à ces derniers le
18 juillet 1572 mentionne, parmi les épreuves du
clie[-iT œuvre, « un collet de maroquin à usage
d'homme ».
Colleurs. Dans les fabriques de drap,
ouvriers qui empesaient la chaîne du drap avant
qu'il fût monté sur le métier.
Dans les fabriques de papier, ouvriers chargés
d'opérer le collage des feuilles.
Colleurs de feuilles et Colleurs de
papier sur châssis. Titres qui appartenaient
à la corporalion dfs carlonuiers.
Colliers de chien. Les ceinturiers et les
selliers avaient le droit d'en confectionner, mais
les lourds colliers de fer étaient l'œuvre des
sernu'iers.
Coloristes. Ceux qui colorient des estampes,
des gravuH's. Celte définition est de l'Académie,
qui adinil pour la première fois le mot dans ce
sens en 1835 *. Jusque-là, elle n'appelle coloriste
que le •< peintre qui entend bien le coloris •' ».
Dans les fabriques d'indiennes, on nommait
coloristes les ouvriers employés à préparer les
enulelifs.
Coljjortag-e. Les corporations virent tou-
jours de mauvais œil le colportage dans les rues;
elles craignaient que l'on ne cherchât ainsi à
' Savary, Dictionnaire du commerce (1723), t. I, p. 819.
2 Dictionnaire des arts et métiers, t. I, p. 519.
•' Dictionnaire de Paris (1779), t. II, p. 373.
* Dictionnaire, t. I, p. 343.
B V(iy. los éditions de 1778 et de 1814, car, même en
ce seus, le mol ne figure pas dans l'édition de 1694.
écouler des objets de fabrication défectueuse ou
de provenance suspecte. Aussi la plupart des
métiers le prohibaient-ils absolument ; d'autres
forcés de le subir, s'efforcèrent de le régle-
menter.
Au treizième siècle, les crépiniers défendent
de colporter à la fois plus d'une coiffe ou d'une
taie d'oreiller ■*. Les marchands de tapis ne
permettent le colportage que le vendredi et le
samedi, jours de grand marché ^. Les liniers ^,
les poulaillers * ne le tolèrent également qu'à
certains jours, etc., etc.
On ne pouvait cependant empêcher les petits
marchands de fruits, de légumes, de poissons,
etc., d'aller de porte en porte offrir leurs services
et leurs denrées aux ménagères. Ils le faisaient à
grand bruit, n'épargnant pas leurs poumons.
Un poète du treizième siècle, Guillaume de la
Ville Neuve, nous a décrit l'aspect curieux que
présentaient alors les rues de Paris.
Or vous dirai en quele guise
Et en quele manière vont
Ci qui denrées à vendre ont.
Dès quele jour pointait, un valet de l'étuviste
annonçait l'ouverture des bains, dont les relations
avec l'Orient avaient généralisé l'usage.
Venaient ensuite les marchands de poissons, de
volailles, de viande fraîche ou salée, d'ail, de miel,
d'oignons, de cerfeuil, de salades, de beurre et de
fromages.
Des femmes criaient de la farine et du lait, des
pêches, des poires, des pommes, des cerises, des
œufs.
A toutes ces annonces se mêlaient les cris des
raccommodeurs de vêtements, de vaisselle et de
meubles.
On criait encore des fleurs, du poivre, du
vieux fer et de vieux souliers, des noisettes, des
châtaignes, de la paille, des échalottes, des nèfles,
des champignons, du savon, des mottes à brûler
et des bûches, du charbon à un denier le sac, et
des chandelles à mèche de coton qui donnaient
une lumière aussi vive que celle des étoiles.
11 ne faut pas oublier non plus les marchands
de vieux habits, qui paraît-il, spéculaient sur les
fréquents besoins d'argent des pauvres étudiants.
Les marchands de vin au détail, qui étaient
soumis à une surveillance très sévère, avaient des
(•rieurs spéciaux •"'.
Au seizième siècle, plusieurs poètes se sont fait
l'écho des cris de la rue. Le plus complet est un
sieur Anthoine Truquet, qui se qualifie de
painctre, et qui publia en 1545 Les cent et sept
cris que l'on crie journellement à Paris. De 7i.ouveau
composé en rhimme françoise, pour resjouir les
esperits. Ce curieux morceau a été tout récem-
ment réimprimé *•.
Vov. Colporteurs.
' Livre des me'tiers, titre XXXVII, art. 9.
2 Livre des métiers, titre LII, art. 6.
■• Livre des métiers, titre LVII, art. 7.
i Livre des métiers, titre LXX, art. 8.
" Voy. ci-de.ssous l'art. Grieurs de vins.
6 Voy. A. F., L'annonce et la réclame, les cris de
Paris, Pion, 1887, in-18.
COLPORTEURS — COMBATS l)' ANIMAUX
181
Colporteurs.
Beaux A. B.C. en parchemin,
Le premier livre des docteurs !
Tandis que je suis en chemin
A qui en vend rai -je un ou deux ?
Prognostication nouvelle,
Beaux almanachz nouveaux.
Hz sont aussi bonne que belle
Que ceux de maistre Jean Thibaut !
Livres nouveaux !
Chansons, balades et rondeaux !
Le passetemps Michaut !
La farce du mau marié,
La patience des femmes
Obstinées contre leurs maris !
Ces vers sont du sieur x\nthoine Truquet, dont
j'ai parlé dans l'article précédent. A cette
époque, le métier de colporteur était libre, et il
ne paraît pas avoir été réglementé avant le
dix-septième siècle. Leur nombre fut alors
limité à 24, puis porté à 46 et ensuite à 50. Ils
étaient nommés par le lieutenant de police, sur
la présentation du syndic de la librairie, et l'on
réservait presque toutes les places à des
compagnons imprimeurs, libraires, fondeurs en
caractères ou relieurs devenus vieux ou infirmes.
Ils ne pouvaient ni avoir apprentis, ni tenir
boutique ou magasin, et ne devaient vendre
aucun volume dépassant huit feuilles d'im-
pression ^.
Tous étaient tenus de porter bien en évidence
sur leur vêtement ^ un écusson de cuivre, avec
le mot COLPORTEUR.
Le règlement du 28 février 1723 éleva leur
nombre à 120. Les huit plus anciens avaient le
privilège d'exercer dans les limites du palais de
justice.
L'article 3 de la Déclaration du 21 mars 1761
punit de mort tout colporteur qui aurait vendu
des écrits tendant à attaquer la religion ^.
Les colporteurs avaient pour patron Charle-
magne, dont ils célébraient la fête le 28 janvier,
aux Mathurins *.
Les colporteurs étaient dits aussi hisouarts,
à cause de leurs vêtements presque toujours faits
de grosse étoffe bise. Rabelais les a ainsi
désignés ^. \J Encyclopédie méthodique (1783)
leur donne le nom de contre-forteurs ^, et l'on
appelait gazetiers ceux qui avaient la spécialité
de colporter la gazette.
Combats d'animaux (Entrepreneurs
de). On sait quelle passion montraient les
Romains pour cet ignoble passe-temps. Le
peuple put voir, en un seid jour, combattre dans
le cirque jusqu'à six cents lions sous Pompée et
1 Statuts des imprimeurs (1686), art. 48.
2 Le règlement général de police du 30 mars 1635 dit
« attaché sur le devant de l'épaule ». (Dans Delamarre,
Traité de la police, t. L P- 125). — Les statuts des
imprimeurs (1686) écrivent : « Au devant de leur
pourpoint », et le règlement du 28 février 1723 : « Au
devant de leurs habits ». (Dans Lsambert, Anciennes lois
françaises, t. XXL P- 235).
3 Dans lsambert, t. XXH, P- 273.
^ Le Masson, Calendrier des confréries, p. 71.
5 Gartjantua, liv. L ehap. 9-
6 Commerce, t. I, p. 728.
quatre cents sous César '. Afin ([iie le (•ii'([iie ne
vînt point à manquer de sujets, la chasse du lion
fut interdite aux particuliers.
Les Romains, durant leur séjour dans la Gaule
vaincue, y avaient implanté la coutume de ces
jeux sanglants; barbare et honteux héritage, que
le midi de la Friuice n'a pas encore complète-
ment répudié. Grégoire de Tours raconte que
Childebert II savourait un spectacle de ce genre
quand il fit tu(^r Magnovald ^ ; et le moine de
Saint-Cîall, nous montre Pépin le Bref abattant
dans l'arène deux lions d'un coup d'épée •''. Cet
exploit rappelle trop les légendaires aventures
des preux de Charlemagne pour que l'on puisse
y ajouter foi ; au moins faut-il en conclure que,
dès le huitième siècle, les bêtes féroces étaient
bien connues dans le nord de la France *.
La tradition ne se perdit ni à la cour de ses
rois, ni à celle de Bourgogne, unies entre elles
par d'étroits liens de parenté. Pliilippe le Bon
possédait plusieurs lions, qu'il s'amusait à faire
combattre contre d'autres animaux, contre des
taureaux surtout. On lit dans un compte du
quinzième siècle : « A Jaque de Melle, garde
des lyons de Mgr à Gand, pour l'achat de deux
tors vifs ^, l'un bien grand et l'autre moyen,
que iceluy seigneur avoit fait mettre au parc et
fait combattre à l'encontre des lyons, pour son
déduit ^ ; lesquels tors par lesdiz Ijons furent
estranglez et tous dévorez "^ . — A un laboureur
de lez la ville de Gand, pour et en compensation
d'un sien toreau qui avoit esté ocys ^ par l'un
des lyons de Mgr, à l'encontre duquel il l'avoit
fait combattre... ^ ».
François P'' avait pu contracter en Espagne
le goût de ces honteux spectacles, dont les
grandes dames elles-mêmes paraissent avoir été
friandes. Brantôme a raconté *" comment l'une
d'elles, « un jour que François l*"" faisoit
combattre des lions en sa cour, » jeta son gant
dans la lice et commanda à son ami, le brave de
Lorges, d'aller l'y chercher. Il y alla, et au retour
jeta le gant « au nez » de la dame : en quoi il fit
bien. En 1529, François 1'^'" ordonne de payer à
uu boucher d'Amboi.se, où il séjournait alors,
12 liv. 6 sols, pour « payement d'un thoreau
qu'il a baillé et amené, de l'ordonnance dudit
seigneur, es loges des lyons qui sont audit
Amboise pour faire combattre ledit ihoreau avec
lesdits lyons, pour le desduitet passe-temps dudit
seigneur ^^ ».
On peut croire que ce genre de distraction
n'était pas pour déplaire à Charles IX. Ses
comptes le prouvent assez : Le 15 octobre 1572,
1 Pline, lih. Vin, cap. XX.
2 Historia Francorum, lib. VIIL cap. XXXVJ.
3 Monachus Sangallensis, De gestis Caroli maf/ni, lib.
IL dans le Recueil des historiens, t. V, p. 131.
'i- \o\. ci-dessus l'art. Animaux féroces.
^ Taureaux vivants.
6 Pour son amusement.
'' De Laborde, Les ducs de Bourgogne, preuves, (. I,
p. 223.
8 Occis.
9 De Laborde, t. I, p. 236.
10 Tome IX, p. 390.
•1 Cimber et Danjou, Archives curieuses, t. III, p. 80.
182
COMBATS D'ANIMAUX
deux mois après la Sainl-Barlliélemj, il ordonne
de payer à Nicolas Audrj deux cents livres
lournois, « pour le récompenser de quatre vaches
à luy appartenant que Sa Majesté a faict estrangler
par ses grands lévriers ». Quatre jours plus tard,
on verse au muletier Robert Escorse cent vingt-
cinq livres tournois « pour le récompenser d'un
mulet que Sa Majesté a faict prendre de luy pour
faire combattre à ses Ijons ^ ».
C'est dans le jardin du Louvre que Charles IX,
et son digne frère Henri III prenaient plaisir à
voir combattre des dogues, des lions, des ours,
soit entre eux, soit contre des taureaux.
Louis XIII connut dès sa plus tendre enfance
le spectacle des bêtes féroces se déchirant entre
elles. C'était une mode alors de posséder des
animaux de ce genre. Le roi en avait partout, aux
Tuileries, à Fontainebleau, à Saint-Germain, à
Vincennes, à Versailles, et de grands seigneurs
imitaient le roi. Quelques citations, extraites du
Journal d'Héroard, vont nous montrer à quel
point, même sous un souverain aussi débonnaire
que le Béarnais, les sanglantes et ignobles luttes
de bêtes entre elles semblaient une innocente
récréation.
« 19 novembre 1606, à Fontainebleau. Le
Dauphin est mené au roi en la salle de bal, pour
y voir combattre les dogues contre les ours et le
taureau. Un ours ayant mis sous lui un des dogues,
il se prend à crier : « Tuez l'ours, tuez l'ours ! »
Le soir, il ne veut point se couclier, se fait mettre
sa cotte et se tenir par la lisière, pour imiter les
dogues qu'il avoit vus tirant la laisse pour se
jeter contre les ours.
« Le lendemain 20, il est mené sur les terrasses
de la reine, pour voir combattre des dogues.
« Le 14 juin 1610, à Paris. Mené en carrosse
jusqu'à la Savonnerie, puis à cheval jusqu'aux
Tuileries, oii il voit un lion attaché à un arbre,
auquel on jette un chien qu'il étrangla soudain.
« Le 24 (bi même mois. Mené en carrosse à
Saint-Martin des Champs. Il y fait attaquer un
sanglier apporté. Il n'avoil pas voulu permettre
qu'on le fil combattre à un lion, craignant que
le sanglier ne le tuât.
« Le 21 mars 1611. Après diner, il va à la
fenêtre des Tuih'ries, pour voir combattre un
homme contre un lion.
« Le 22 oclolire 1611, à Saint-Germain.
Pondant son dîner, M. le duc de Guise qui le
servoit lui disoit qu'il étoit venu un Anglois qui
avoit des dogues fort furieux et des ours, et que
s'il plaisoit à .sa Majesté de lui donner une pension
df mille écus, il lui cnlreticndroit toute l'année
vingt et cinq dogues qui lui donneroienl du
plaisir et, quand il lui plairoil, les feroil com-
battre à outrance. A trois heures, il va en la
(•liand)re ovale, pourvoir combattre les dogues de
TAnglois contre un ours - ».
Les aimables |)ass('-t(>nips de ce genre figuraient
dans le programme des réjouissances publiques.
' CiinbiTi'l Dniijoii, AirAires nirinixfx, I. NUI, p. n."),-,.
- Horoani, Joiiriiiif ,1e Louis XIII. i I, n '^27 it
2-^8 ; t. II, p. 9, 10, Ô4 et 83.
Ainsi, lors des fêtes données à l'occasion de la
naissance du duc de Bourgogne en 1682, le
Dauphin, après avoir bien dîné, « alla à la ména-
gerie de Vincennes, et y vit combattre plusieurs
animaux les uns contre les autres. Les chiens
combattirent d'abord contre un ours, et ensuite
contre un taureau. Ce combat fut suivy de celuy
d'une vache contre la tygresse offerte à Sa
Majesté par les ambassadeurs du Roy de Maroc.
La vache vainquit et eut le mesme avantage
contre une lionne et puis contre un tygre. Après
cela, on la fit combattre contre un lyon. Elle
l'attaqua, et quoiqu'on luy eût dépouillé la
hanche et qu'elle en fût demeurée boiteuse,
elle ne laissa pas de le vaincre, aussi bien qu'un
loup qu'elle combattit encore. On la fit retirer,
et l'on amena un lévrier de M. le grand louvetier
pour combattre contre le loup. Le lévrier fit
merveilles, il mordoit sans cesse les jarrets du
loup et le colleta à vingt reprises * ».
Le siècle suivant ne se montra guère plus sage.
Les jours de grandes fêtes religieuses, les théâtres,
sans aucune exception, restaient fermés par ordre,
et un concert spirituel réunissait au château des
Tuileries - ce que nous appelons aujourd'hui le
Tout-Paris. En même temps, à l'extrémité de la
rue de Sèvres, près de la barrière, la populace
était conviée à un ignoble spectacle, dit le combat
du taureau.
Dans un champ clos entouré de gradins, on
venait applaudir d'énormes dogues qui, dressés
à cet exercice, luttaient contre des taureaux,
des lions, des ours, des tigres, des loups, des
sangliers. La représentation durait trois heures
en été ^ et deux heures en hiver *, elle était
terminée par un feu d'artifice où des dogues
jouaient encore leur rôle.
Déjà, dans un but de bienfaisance, pour
pourvoir, par exemple, aux dépenses toujours
croissantes des hôpitaux, quelques villes du Midi,
Nîmes et Marseille entre autres, avaient organisé
des combats de taureaux, empruntés aux mœurs
espagnoles. Mais on n'en reproduisait « que la
partie comique ; la prudence des magistrats, en
bannissant le tragique de ce spectacle, n'a voulu
qu'en faire un véritable jeu, sans la moindre
effusion de sang ^ ».
Il n'en était pas de même à Paris, car voici ce
qu'écrivait en 1775 un Anglais, le chevalier
James de Rutlidge : « Les entrepreneurs, pour
attirer la multitude, ne manquent pas de spécifier
dans les affiches le luimbre et la qualité des
animaux qui sont dévoués à combattre jusqu'à la
mort, ainsi que le degré de fureur et, de rage
qu'on a sujet d'espérer qu'ils emploieront pour
leur défense. A la lin de toutes les affiches, on lit
cette apostille : « On espère qu'il se défendront
cruellement ^ ».
1 Mercure galant, n" d'août 1(582, y. 18.5.
2 Dans la jurande salli- dite des Cent -Suisses.
•* l)i' cim[ à huit liourcs.
* l)i' trois à pin([ licures.
^ Affiches, annonces et avis divers, n° du (i juilltl 177 1,
p. 108.
♦> Essai sur le caractère et le.i ni/eiirs de.' Français.
r- 204.
COMBATS D'ANIMAUX — COMMIS MARCHANDS
183
La malsaine curiosité qu'excitait ce spectacle
devint telle, que Ton songea à lui consacrer
un amphithéâtre pouvant contenir ving't mille
personnes, et même à faire venir d'IOspai^ne
« des maîtres capables de diriger ces sanglantes
boucheries ' ». Elles furent, en effet, trans-
portées près de riiôpital Saint-Louis, à l'extré-
mité de la rue Grange-aux-Belles, et la barrière
de Pantin devint la barrière du Combat. Jusque-
là, l'on n'y avait admis comme acteurs que des
animaux, et aucun homme n'y risquait sa vie.
On trouva sans doute ces émotions insuffisantes,
et l'on demanda au gouvernement d'autoriser
des courses de taureaux semblables à celles dont
jouissait l'Espagne. Aussi, le 4 mai 1780,
M. Amelot, ministre de la Maison du roi, écri-
vait-il au lieutenant général de police Lenoir :
« Je vous avoue que j'ai beaucoup de répugnance
à accorder la permission d'établir la course de
taureaux dont il est parlé dans le mémoire
ci-joint. Indépendamment de ce que c'est un
nouveau spectacle et qu'ils sont déjà trop multi-
pliés, il me semble qu'il y a quelque inconvénient
à en autoriser un qui n'est point dans nos mœurs
et dont l'effet seroit d'accoutumer le peuple à voir
du sang ^^ ». L'autorisation fut refusée, et un
Guide de 1824 écrivait encore : « On est rarement
témoin, à ce spectacle, de scènes sanguinaires.
Des dogues y combattent contre des taureaux,
des loups, des ours, qui ne sont presque jamais
mis à mort. Le ridicule peccata •*' est le paillasse
de ces acteurs à quatre pieds. Quoique l'on n'y
voie jamais des hommes risquer leur vie pour le
plaisir du peuple, comme en Espagne, on s'étonne
de l'existence d'un tel spectacle dans une ville où
l'on devrait craindre d'inspirer la moindre idée
de férocité aux gens, souvent sans éducation et
sans moralité, qui le fréquentent ^ ». *
Voy. Bateleurs.
Comités. Officiers des galères, et plus parti-
culièrement ceux qui étaient chargés de faire
ramer les forçats. Ils commandaient la chiourme.
Voy. Bateaux des maisons royales.
Gommandaresses et Commande -
resses. ^oy. Bureaux do placement.
Commis aux chang-es. Voy. Chan-
geurs.
Com.m.is général du port payé. L'in-
vention des timbres-poste date du milieu du
dix-septième siècle, et on l'attribue à un maître
des requêtes nommé Renouard de Villayer,
l'Hermippe des Caradères de La Bruyère.
En 16.53, il fut répandu dans Paris une circu-
laire qui débutait ainsi : « On fait sçavoir à tous
ceux qui vouldront escrire d'un quartier de Paris
à un autre, que leurs lettres, billets ou mémoires
seront fidèlement et diligemment portés et
1 Mémoires secrets, 15 mai 1778, t. XI, p. 225.
2 Archives historiques et littéraires, t. I (1889), p. 29.
3 Un pauvre âne qui luttait au.ssi contre les chiens.
i F. -M. Marchant, Le nouveau conducteur de l'étranger
à Paris en 1824. p. 327.
rendus à leur adn^sse et ([uils en aumnl pr^mp-
leinent responce, pourvu que lors([u"ils écriront,
ils mettent avec leurs lettres un billet qui
portera im-t payé, parce qu'on ne prendra point
d'argent. Lequel liillet sera attaché à ladite
lettre, ou mis autour (le la lettre, ou passé dans
la lettre, ou en tout autre manière qu'ils trouve-
ront à propos, de telle sorte néanmoins que le
commis le puisse voir et l'oster aysémenl... ».
On exigeait que l'envoyeur écrivît de sa main
sur le billet la date exacte, afin que l'on ne put
le faire servir deux fois. On imi vcndiiil chez Ifs
tourières des couvents, chez les portiers des
collèges et chez les geôliers des prisons. Le
bureau du commis général était installé au Palais.
Il existait dans la collection Feuillet de
Couches une lettre adressée à Mademoiselle de
Scudéri, et portant cette mention : Par billet de
port payé. Notez que la réponse payée était déjà
inventée, car on lisait sur le billet : <.< Outre le
billet de port payé que l'on mettra sur cette
lettre pour la faire partir, celuy qui escrira aura
soing, s'il veut avoir responce, d'envoyer un
autre billet de port payé enfermé dans sa lettre '».
Loret, dans son numéro du 16 août, célébra
en mauvais vers cette innovation qui n'eut
aucun succès, mais qui fut reprise, peu d'années
après, par M. de Cliamousset ^. Loret s'exprimait
ainsi :
On va bien-tôt métré en pratique
Pour la commodité publique
Un certain établissement,
(Mais c'est pour Paris .seulement)
De Boëtes nombreuses et drues
Aux petites et fi;randcs rues,
Où, par soy-mosme ou son laquais.
On poura porter des paquets,
Et dedans à toute heure mettre
Avis, Billets, Missive ou Lettre,
Que des Gens commis pour cela
Iront chercher et prendre là,
Pour, d'une diligence habile.
Les porter par toute la ville
A des Neveux, à des Couzins
Qui ne seront pas trop voizins.
Ceux qui n'ont suivans, ny suivantes,
Ny de Valets, ni de Servantes,
Ayant des amis loin logez
Seront ainsi fort soulagez.
Outre plus, je dis et j'anoncc
Qu'en cas qu'il faille avoir réponcc
(3n l'aura par mesme moyen.
Et si l'on veut .savoir combien
Coûtera le purt d'une Lettre
(Ghoze qu'il ne faut pas obmettre)
Afin que nul n'y soit trompé,
Ce ne sera qu'un .sou tapé ■*.
Commis marchands. Andiger les
nonmie ijarçoiis marchands et s'exprime ainsi sur
leur compte : « Un gar(,^on marchand doit avoir
bien soin de toutes les marchandises qui sont
chez le marchand où il est, de s'appliquer à
les connoître toutes , ainsi que les marqties et
les numéros. Il faut aussi qu'il prenne une
1 Piron, Du service des postes et de la taxation des
lettres, 1838, in-4°. — A. Belloc, Les postes françaises,
p. 90.
2 Voy. ci-dessous l'art. Facteurs des postes.
3 Mu:e historique.
184
COMMIS MARCHANDS — COMMISSAIRES-CONTROLEURS
connoissance exacte de toutes les marchandises
qui sont dans les magasins ou dans les boutiques,
afin de rendre bon compte de tout ce qu'on lui
met entre les mains. Il doit aussi tenir un
registre du débit qui s'en fait tant en gros
qu'en détail, afin d'en avertir le maître ou la
maîtresse, pour que, s'il en manque de quelque
sorte, ils aient soin de le remplacer, et que la
boutique soit toujours bien assortie.
Il faut encore qu'un garçon sache bien lire,
écrire, chiffrer, compter, calculer....
Il doit pareillement avoir bien soin de tenir
les magasins et la boutique bien propres et bien
rangés, afin que lorsqu'on lui demande quelque
chose il sache où elle est et la trouve d'abord ;
prendre bien garde à ceux qui viennent dans la
iioiitique ou magasin, et voir qu'en marchandant
une chose, ils n'en dérobent une autre, comme
cela arrive assez souvent, faute d'en avoir assez
de soin.
Il doit encore savoir bien auner, mesurer et
peser, bien vendre et bien livrer, afin de bien faire
le profit du marchand ; être actif, prompt et com-
plaisant, bien servir les personnes qui viennent
pour acheter quelque chose, sans leur rien dire de
dur ni de fâcheux lorsqu'ils mésofîrent sur le prix
des marchandises, car le plus souvent ce sont ceux
qui en agissent ainsi qui achètent, et qui, si
(l'abord ils paroissent s'éloigner de votre compte,
ce n'est que dans l'idée qu'on leur surfait de
beaucoup, comme cela se pratique chez la plupart
des marchands : ainsi la raison veut qu'on en
use honnêtement avec eux, afin de les engager
doucement à acheter el à ne point aller chercher
ailleurs les marchandises dont ils ont besoin. .. * ».
Commissaires. Vov. Contrôleurs.
Gom.mLissaires aux em.pilements des
hois. Officiers jurés. L'ordonnance de décembre
\(')12 consacre plusieurs articles ^ à l'empilement
des bois. Les piles ne devaient pas dépasser huit
pieds de hauteur sur quinze toises de longueur,
et il devait exister entre chacune d'elles une
dislance de deux pieds.
Commissaires des manufactures.
Voy. Inspecteurs.
Commissaires de marine. Officiers des
ea\ix cl torèls. Leurs fonctions consislaienl à
visiter les bois que les particuliers voulaient
faire abattre, et h marquer les arbres propres à
la conslruclioii des vaisseaux •'*.
Commissaires au nettoiement des
ports, oriic.iers jurés qui furent réunis d'abord
à la coniinniiaiité des plancheyeurs puis sup-
primés en mai 1715 ^.
Commissaires des pauvres. Voj.
Pauvres.
• La mnison réglée (1692), liv. III, chap. -1.
* Chapitre XMI, art. 14 et suiv.
•' Chailland, Dirllonnaire des eaux el forêts, t. I p ST
ef 147.
♦ F.-J. Chasles, Dictionnaire de justice, t. II, p. 740.
Commissaires de police. Je ne les trouve
cités sous ce nom que dans les dernières années
du dix-huitième siècle. On les appelait jusque-là
commissaires au Châtelet, abréviation de leur
titre officiel Commissaires enquêteurs et exami-
nateurs au Châtelet de Paris.
Le Châtelet, tribunal ainsi désigné parce qu'il
tenait ses séances au Grand-Chàtelel ^, repré-
sentait la juridiction ordinaire de la vicomte et
prévôté de Paris. Pendant longtemps, la justice
y fut rendue, au nom du roi, par le prévôt de
Paris, un juge d'épée qui, écrit Dumoulin, avait
un rang égal à celui des plus hauts dignitaires
du Parlement ^.
Au dix-huitième siècle, il y avait longtemps
que le prévôt de Paris ne rendait plus la justice
en personne et que les audiences étaient tenues
par ses lieutenants. Ceux-ci ne manquaient pas
d'assesseurs, car le personnel du Châtelet avait
fini par comprendre 1.574 fonctionnaires ou
agents, parmi lesquels je vois figurer le lieutenant
civil, le lieutenant criminel, le lieutenant général
de police, des conseillers, des greffiers, des
huissiers, vingt inspecteurs de police, quarante-
neuf commissaires, etc. etc.
Ces derniers cumulaient, comme aujourd'hui,
de multiples fonctions. Ils recevaient les plaintes,
dressaient les procès - verbaux préparatoires,
ouvraient des enquêtes de toutes natures, inter-
rogeaient des témoins, commençaient l'examen,
Tinstruction des affaires, prérogatives d'où pro-
venait leur titre d'enquêteurs et examinateurs.
Ils n'avaient pas le droit de décerner des mandats
de dépôt, mais pouvaient maintenir à leur dispo-
sition les inculpés. Ils apposaient les scellés,
entendaient les comptes, réglaient les partages,
les liquidations de dommages et intérêts, les
taxes de dépens, etc., etc., etc. ^.
Ils étaient divisés, par nombre inégal, dans
les quartiers de Paris. Sept quartiers possédaient
trois commissaires ; treize quartiers en possé-
daient deux ; un seul quartier, celui du faubourg
Saint-Antoine, devait se contenter d'un commis-
saire.
De très nombreuses gravures nous ont
transmis, au dix-huitième siècle, l'aspect que
présentait un commissaire du Châtelet, avec sa
longue robe noire, son rabat, et son ample
perruque.
Commissaires des toiles de chasse.
Voy. Vautrait (Officiers du).
Commissaires-contrôleurs de bois.
Nom que prenaient les mouleurs de bois, parce
qu'ils avaient le droit de constater par procès-
verbaux les contraventions relatives à la vente
des bois.
1 C'est sur SOS ruines qu'a été ouverte la place du
Châtelet.
2 Voy. l'art. Prévôt de Paris.
3 Voy. Désessarts, Dictionnaire universel de police .^
t. III, p. 19 et s. — S. Mercier, Tableau de Paris.
t- VI, p. 105 et s. — F.-J. Chasles, Dictionnaire de
justice, t. 1, p. 781-
COMMISSAIRES-CONTROLEURS — COMPAGNONNAGE
185
Gominissaires - contrôleurs - visi -
teurs-priseurs de cendres servant à
faire lessive et blanchir le ling-e. Ollices
jurés créés par édit de novembre 1644.
Ils ont été dits aussi /«w^(?wr5 ai prisetirs.
Commissaires-inspecteurs des pois-
sons de mer et d'eau douce. Cent ollices
jurés, créés en 1704, et réunis, l'année suivante,
aux offices de jurés vendeurs de poissons.
Commissaires - inspecteurs sur la
Vallée et les halles. Cent oflices jurés créés
en août 1704. Il s'ag-it ici de la Vallée, marché
à la volaille et au gibier, établi, par arrêt du
3 juin 1679, sur le quai des Grands-Augustins *.
C'est sans doute à ces commissaires que Sébas-
tien Mercier faisait allusion quand il écrivait :
« Il y a des officiers de volaille tout comme des
officiers de marée ^ . Le cornet ^ attaché au-dessous
du ventre, la plume sous la perruque, ils couchent
par écrit la moindre mauviette ; un lapereau a
son extrait mortuaire en bonne forme, avec la
date du jour. C'est une merveilleuse chose que
la création de ces offices : tout cela est d'insti-
tution royale. On ne mange un lièvre que d'après
[sic] l'exercice solemnel de la charge de l'officier
en litre * ».
Voy. Offices (Créations d').
Commissaires-priseurs. Le moyen âge
les nomme sergents-priseurs, puis un édit de
février 1556 crée dans chaque ville des offices
de prise i0's-vendeurs de biens meubles ^, offices
que les sergents furent forcés d'acquérir ^.
Enfin, un édit de juillet 1692 créa à Paris
120 commissaires-huissiei'S-priseurs "^ .
Supprimés en 1790, la loi du 27 ventôse an
IX leur attribua le nom de commissaires-priserirs-
vendeurs qu'ils portent aujourd'hui. Leurs char-
ges, estimées 70 à 80.000 francs sous l'ancien
régime, conservaient encore ce prix en 1807 **.
Commissaires-vérificateurs des rô-
les des g'abelles. Officiers royaux qui furent
institués, au nombre de deux pour Paris, par
l'ordonnance du 30 mars 1342.
Louis XIV créa de nouveaux commissaires
par édit de mai 1702. Ils furent supprimés en
août 1705, rétablis en juin 1708, augmentés en
1735, etc. K
Voy. Sel (Commerce de).
Commission du commerce. Commis-
sion de dix-sept membres, nommée en 1601 afin
1 ^'oy. Delamarre. Traité de In polire, t. II, p. 1419
et suiv.
2 Les Commissaires-inspecteurs des /laissons de mer et
d'eau douce et les Contrôleurs des poissons de mer tant frais
que salés.
3 L'encrier.
* Tableau de Paris, t. I, p. 223.
^ Isambert, Anciennes lois françaises, t. XIII, p. 475.
*> Isambert, Anciennes lois françaises, X. XI^', p. 275.
'' Isambert, Anciennes lois françaises, t. XX, p. 154.
** Prudhomme, Miroir de Paris, t. II, p. 148.
9 Voy. F.-J. Cbasles, Dictionnaire de justice, t. II,
p. 314.
d'examiner les réformes commerciales qu'avait
proposées Barthélémy de Lafïémas dans son
Reiglcmenl (j rué rai pour dresser les mamif'actures.
Commissionnaires. Ils apparteiuiieni à
la classe des gagne-deniers et avaient pour palron
saint Christophe. L'établissement de la petite
poste leur causa un grand préjudice, car « ils
étoient ordinairement chargés de porter dans la
ville, d'un quartier à l'autre, les lettres des parti-
culiers, pour les remettre à leur adresse et pour
en rapporter la réponse ^ ». Presque tous cumu-
laient ce métier avec celui de décrotteur.
Commissionnaires à la halle aux
draps. Voy. Courtiers.
Commissionnaires en marchan -
dises. « (J'est celui qui fait des commissions
pour le compte d'autrui, tant pour les achats que
pour les ventes. Comme, pour faire ce métier, il
faut être connaisseur en marchandises, les com-
missionnaires font ordinairement apprentissage
chez les marchands pour se perfectionner dans
la connoissance et le choix des marchandises. Il
y a cependant des villes, Lyon par exemple, où
l'on peut exercer sans être reçu marchand ; mais
à Paris, il faut l'avoir été pour avoir la liberté
de vendre ou d'acheter des marchandises pour le
compte d'autrui ^ ».
Voy. Courtiers et Vendeurs.
Commissionna ires des rouliers . Voy .
Courtiers-facteurs.
Communautés ouvrières. Voy. Cor-
porations.
Compagrues. Dans certaines corporations
composées de femmes, ce mot équivalait à celui
de compagnons dans les métiers exercés par des
hommes. « Si aucune maistresse, apprenlisse ou
compagne estoit convaincue d'avoir fait faute en
son honneur, elle perdroit son privilège. Si elle
estoit maistresse, sa boutique serait fermée ; si
elle estoit apprentisse ou compagne, elle seroit
indigne de parvenir à la maistrise •' ».
Compagnonnage. La première atteinte
portée au principe de confraternité sur lequel
reposaient les corporations fut l'institution du
compagnonnage. Il apparaît vers la fin du quin-
zième siècle. Jusque-là, l'apprenti qui a fait son
temps peut aussitôt s'établir : trois ou quatre
communautés tout au plus exigent de lui un
stage en qualité d'ouvrier *. Mais quand l'essor
pris par l'industrie eut donné plus d'importance
à la condition du maître, celui-ci ne vit pas sans
déplaisir son apprenti d'hier devenir le lendemain
son égal. Il voulut le maintenir pour quelque
temps encore dans sa dépendance, et exigea
qu'il servît un certain nombre d'années comme
ouvrier avant de pouvoir aspirer à la maîtrise.
1 Jaubert, Dictionnaire (1773), t. II, p. 14.
2 Jaubert, Dictionnaire, t. I, p. 523.
3 Bouquetières, statuts de 1678, art. 19.
i Voy. l'articlp Aspirant à la maîtrise.
186
COMPAGNONNAGE
Ainsi naquit le compag-nonnage, qui ne tarda pas
à créer entre l'ouvrier et le patron une distinction
inconnue aux siècles précédents, et que les siècles
suivants devaient rendre de plus en plus marquée.
Les ouvriers furent forcés d'accepter ces
conditions nouvelles. Elles leur furent sans doute
imposées par la royauté, qui, à dater de cette
époque, commence à intervenir activement dans
l'administration des communautés.
En 1403, « les maistres, maistresses, ouvriers
et ouvrières du métiers de rubaniers, » et en
1443, les treize maîtres et les quatorze ouvriers
foulons vont encore demander ensemblela revision
de leurs statuts * : les maistres et varlets jurent
et affirment par serment faict aux saincls évangiles
de Dieu » cette mesure « estre bonne, utile,
prouffitable et nécessaire au prouffît et à l'honneur
ducdit mestier et la chose publique ». Mais nous
chercherions vainement dans la suite un exemple
de cette fraternelle entente. Les temps sont bien
chang'és. Ce n'est plus le prévôt de Paris qui
constate bonnement qu'il a eu la visite des maîtres
et ouvriers de tel métier, c'est le Roi qui daig'ue
accueillir l'humble supplication que des jurés et
des maîtres lui ont adressée. La formule ne varie
guère, vojez : « Henry, par la grâce de Dieii
Roy de France et de Pologne, à tous présens et
à venir, salut. Nous avons receu l'humble suppli-
cation de nos amés les maistres et gardes du
mestier des tailleurs de nostre bonne ville de
Paris, contenant, etc. ^ » Et, près de deux cents
ans plus tard : « Louis, parla grâce de Dieu Roi
ih- France et de Navarre, à tous présens et à
venir. Nos bien aimés, les maîtres menuisiers et
ébénistes de la ville, fauxbourgs et banlieue de
Paris nous ont fait représenter que, etc. ^ ».
Il n'est pas encore question du compagnon-
nage dans les statuts des couvreurs et dans ceux
des pâtissiers revisés en 1566. Mais à partir de
cette date, bien peu de corporations négligent de
le mentionner, et l'article 14 de l'édit de 1581
fixa sa durée à trois ans dans les communautés
qui n'avaient pas encore de règle à cet égard ;
l'article 16 le réduisait de moitié pour les fils de
maître, et les autorisait à passer ce temps chez
leurs parents. Le compagnonnage variait, suivant
les communautés, entre deux et huit ans *.
Dès lors, l'apprenti libéré de son service
s'engagea chez un maître, non plus pour un mois
ou pour un an, mais pour le nombre d'années à
l'expiration desquelles il lui était permis de
devenir maître. On le qualifiait pendant ce temps
do cnmpfignnn aU.cndnnl maîtrise, afin de le
distinguer des ouvriers dont le compagnonnage
• Ordonn. royales, l. XVI, p. 586.
* Sintufs rir 1583, préambule.
■^ Sliiliils .!.■ 1743.
i Jhux ans rhnz los lingèrcs (1595), les couturières
(1675), les |ierrur[uier.s(1718), les labi.'ticrs (1741), etc.
7Vo/.ïfl/«cli,.z les brodeurs (1604), les merciers (1613),
les gniitiers (1656), les Uiilleurs (1660), les imprimeurs-
libraires (1686), les menuisiers (1743), b-s boulangers
(1716), les orfèvres (175'.»), elc.
(Jiinlre ans chez bs chapeliers (1578), les pelletiers
(l.")86).l.'s plombiers 0648), les passementiers (1653), etc.
Cinti nus chez les charcutier.-. (1705).
ffiii/ ans chez les bouchers (1741).
légal était achevé. Ceux-ci se louaient, comme
auparavant, à un maître qui souvent les logeait
et les nourrissait. En 1660, les tailleurs interdisent
encore d'employer aucun ouvrier demeurant au
dehors : « Sera fait défense à tous les maîtres,
disent les statuts, d'avoir aucuns garçons travail-
lant pour eux et à leurs pièces, mais seulement à
leurs gages, pain, pot, lit et maison ». Les
charcutiers engageaient toujours leurs ouvriers
pour une année, qui commençait le jour de la
Mi-Carême et finissait le mercredi des Gendres '.
Dans les communautés de femmes, le mot
compagnon était remplacé tantôt par celui de
fille de boutique ^, tantôt par celui de compagne^.
La création du compagnonnage modifia peu,
au début, l'organisation des corps de métiers.
Les principes sur lesquels elle reposait restèrent
les mêmes, et les patrons, sans innover beaucoup,
se bornant à exagérer les prescriptions des anciens
statuts, arrivèrent peu à peu à rendre l'ouvrier
plus asservi et sa condition plus dure.
Avant de l'embaucher, on lui demandait,
comme autrefois, de prouver qu'il était libéré de
tout engagement antérieur, mais cette attestation
ressemblait fort à un certificat d'habileté et de
bonne conduite. Dès 1544 , les horlogers
défendent aux maîtres de louer un compagnon
« qu'ils ne sachent bien préalablement si son
premier maistre est content de luy ». Les
tisserands tiennent à connaître « l'occasion par
laquelle le serviteur sort de la maison et service ' ».
Les plombiers veulent que le maître se déclare
« duement satisfait » de l'ouvrier qui le quitte ^.
Chez les menuisiers, l'oubli de cette formalité
était puni d'une amende de soixante livres,
« applicable, dit le roi, au couvent des pauvres
religieuses de Saint-Cyr au val de Galie 6, proche
nostre chasteau de Versailles ' ». Les maîtres,
écrivent les bourreliers, ^< ne pourront prendre
aucun compagnon que premièrement ils n'ayent
sçù au vrai du maistre d'avec lequel il sera parti
s'il est content de lui ^ ».
Au dix-huitième siècle, le patron est enfin
tout-puissant. Les ouvriers quittant un maître
devront « prendre de lui un certificat par écrit
de leurs bonnes vies et mœurs, et portant consen-
tement qu'ils puissent servir ailleurs ». On doit
refuser tout asile, toute nourriture à l'ouvrier qui
n'est pas muni de ce certificat. Le seul log(Mnent
qui lui convienne est la prison. Sous peine d'une
ameiule de vingt livres, défense est faite « aux
maîtres de cabarets, auberges et chambres garnies
de recevoir des compagnons dans leurs maisons,
que préahd)lemenl ils ne leur aient représenté
et fait apparoir le certificat de leur dernier
1 Statuts (le 1705, art. 12.
- Couturières, statuts de 1675, art. 8.
3 liomiuetières, .statuts de 1678, art. IS).
4 Statuts (le 1586, art. 28.
'•> Statuts (le 1648, art. 22.
6 Le val de Gallie avait été réuni en 1680 au parc de
Versailles. Voy. le Mercure (falant, t. II, p. m. Les
statuts de 1743 (art. 98) accordent encore le bénéfice de
certaines confiscations « aux dames et couvent de Saint-
Cyr ».
7 Statuts de 1645, art. 57.
8 Statuts de 1665, art. 25.
COMPAGNONNAGE — COMPOSITEURS D'IMPRIMERIE
187
maître ». Les jurés des corporations sont autorisés
« à se transporter, acconipan;'nés d'un commissaire
ou d'un huissier du Chàtelet, dans les auberj^-es,
cabarets et cliambres g-arnies, à l'effet de faire
arrêter et constituer prisonniers ceux desdits
compagnons qu'ils Irouveroient n'estre point
munis en la forme prescrite ^ ».
On allait jusqu'à prévoir que ce certificat
pourrait parfois être une attestation trop complai-
sante, et, comme au mo^yen àg'e, tous les statuts
insistent pour qu'avant d'eng-ager un ouvrier, le
maître s'informe de sa moralité, de ses sentiments
relig'ieux, et même, dans certaines communautés,
de sa santé et de sa constitution. Nul, disent les
couvreurs, ne doit occuper ouvriers « difïîimez
et mal renommez de vilains cas ^ ». Les plombiers
tiennent à ce que leurs valets n'aient jamais été
« repris de justice pour larcin ou autre action
indig'ne d'une personne capable d'estre employée
pour le service du public ^ ». Les charcutiers
imposent une amende de trente livres au maître
qui aura embauché un ouvrier « de mauvaise
vie * ». Les lingères recommandent de n'accepter,
« d'ores en avant, aucunes femmes ou filles
scandalisées de leur corps, afin que par elles les
bonnes femmes et filles de Testât dudit mestier
ne soient vitupérées ou scandalisées ^ ».
Quelques communautés n'autorisaient chez le
même maître qu'un nombre limité d'ouvriers. Il
fut prouvé que des jeunes gens inscrits chez un
maître bien que n'y travaillant pas, avaient pu
échapper ainsi aux obligations du compag'non-
nage. Chaque cordonnier ne pouvait employer
plus de huit ouvriers et « un g-oret ou maistre
garçon ». Dans leurs statuts de 1660, les tailleurs
en permettent six à chaque maître et un seul
aux veuves qui continuent le métier de leur
mari. Tous ces ouvriers doivent être logés et
nourris chez leur patron, mais leur salaire
varie maintenant suivant leur habileté ; enfin la
communauté prohibe expressément le travail aux
pièces ^.
Tout compagnon qui voulait quitter son maître
devait l'en prévenir avant l'expiration du temps
pour lequel il était engagé. Certaines commu-
nautés veulent qu'il l'avertisse un mois ^ à
l'avance, d'autres se contentent de quinze " et
même de huit jours ^. On exigeait parfois que ce
congé fût demandé par écrit. Dans un très petit
nombre de corporations, les ouvriers avaient
droit à la réciprocité : leur maître était tenu de
1 Sentenc(> de police ftu 31 octobre 1739.
2 Statuts rie 1566, art. 8.
3 Statuts de 1648, art. 17.
i Statuts de n54, art. 10.
3 Statuts de 1485, art. 3.
S Voy. ci-dessous l'art,. Travail aux pièces.
" Tissutiers-rubaniers, 1585. art. 22. — Fourbisscurs,
1627, art. 31. — Chapeliers, 1658, art. 13. — Drapiers
d'or, 1667, art. 33, etc.
8 Éventaillistes, 1677, art. 12. — Serruriers, .sentence
du 10 juin 1701. — Bourreliers, 1734, art. 30. —
Pâtissiers, sentence du 31 octobre 1739. — Menuisiers,
1743, art. 91. — Boulangers, 1746, art. 46, etc.
9 Couteliers, 1565, art. 6. — Imprimeur.s-libraires,
1686, art. 36. — Marchands de vin, arrêt du 18 janvier
1752, etc.
les prévenir quelques jours d'avance, s'il ne
comptait pas renouveler leur engagement.
La police se montrait fort .sévère vis-à-vis de
l'ouvrier qui, avant la date fixée pour sa libé-
ration, abandonnait l'atelier. S'il ne reparaissait
pas dans le délai de trois jours, il était arrêté et
« amené prisonnier es prison du Chastelet ».
Interrogatoire subi, il s'entendait condamner à
sortir de Paris et à n'v rentrer que trois ans plus
lard K
Voy. Aspirants à la maîtrise. — Chef-
d'ceuvre et expérience. — Devoirs. —
Gagnant-maitrise. — Ouvriers. —
Veuves de maître, etc.
Gompag-nons.
gnons.
Voj. Garçons-compa-
Gompag-nons passants. Voy. Enfants
de maître Jacques.
Gompag-nons de rivière. Aides des
bateliers et des mariniers. L'ordonnance de
décembre 1672 veut que « les maîtres passeurs
d'eau demeurent responsables de toutes pertes
arrivées en leurs bateaux conduits par leurs
compagnons de rivière ^ ». On les employait
aussi à charger et à décharger les marchandises,
à les manier, à les rouler, à les serrer, etc. •'.
Gomparses. Voy. Figurants.
Gomplies. Dans le Livre des métiers et dans
les ordonnances du moyen âge, ce mot désigne
ordinairement neuf heures du soir. Au treizième
siècle, les atacheurs déclarent qu'ils doivent
cesser le travail dès que « complie est sonée à
S. Marri * ; les patenôtriers quittent également
l'atelier « au premier cop ^, de complie sonant à
Nostre-Dame ^ ».
Gomporteresses de porée . Voy .
Foraier s .
Gomposeurs d'oreloges. Voy. Horlo-
gers.
Gompositeurs de bois d'éventails.
Yoj. Tatdetiers.
Gompositeurs d'imprimerie. « Ce
sont ceux qui lèvent les unes après les autres le
nombre prodigieux de lettres dispersées dans les
cassetins, et dont l'assemblage donne les formes
ou planches destinées à être imprimées ». Les
compositeurs devaient encore distribuer la lettre,
mettre en pages, imposer, corriger les fautes sur
les épreuves, et surveiller les formes jusqu'à ce
qu'elles fussent en état d'être mises sous presses "^ .
1 Cordonniers, statuts de 1614, art. 24. — Horlogers,
statuts de 1646, art. 5. — Savetiers, .statuts de 1659,
art. 25. — Sentence de police du 24 octobre 1692, etc.
2 Chapitre V, art. 10.
3 Encyclupédle méfhoditjue, coiimierce, t. I, p. 701.
4 A Saint-Merri. Livre des métiers, titre XX.\', art. 7.
5 Coup.
6 Livre des métiers, titre XLIII, art. 5.
'' Voy. Encyclopédie méthodique, arts ft métiers, t. III,
p. 598 et 600.
188
COMPTABLES — CONCESSIONS ROYALES DE MÉTIERS
Comptables. « Ceux qui g-èrenl les affaires
d'autrui. Il y a de bons auteurs qui écrivent
comtahles, d'autres contables ^ ». On trouve aussi
acomptables, acomptableurs, etc.
Compteurs de bûches. Voj. Mou-
leurs de bois.
Compteurs de foins. Voj. Contrô-
leurs.
Compteurs d'œufs et de from.ag-es.
Intermédiaires entre les forains et les regrattiers.
Ils avaient pour mission de compter les œufs et
les fromages qu'apportaient, à dos de cheval
(sommiers), les habitants de la banlieue. Le
Livre des me'tiers "^ les nomme vendeurs d'oes et
de fronmages.
Com^pteurs de poissons. Auxiliaires des
vendeurs de poissons de mer, ils comptaient les
pièces apportées dans les paniers des chasse-
marée ^.
Au dix-huitième siècle, il existait encore dix
offices de jurés compteurs et déchargeurs de
poissons de mer *.
Comipteurs de saline. Titre qui appar-
tenait aux mesureurs de sel. Ils devaient chaque
jour compter dans les ports le nombre des
poissons salés et des mottes de beurre salé
amenés à Paris. Leurs fonctions furent réglées
par l'ordonnance de décembre 1672 ^ et par celle
du 15 décembre 1716 ''. On y voit qu'ils ne se
bornaient pas à compter les salines, mais étaient
tenus aussi de les enlever des bateaux et de les
porter sur les charrettes,
Compteuses. Dans les fabriques de papier,
ouvrières qui pliaient les feuilles et en formaient
des mains.
Comptoristes. Un comploriste est un
« huninie de cabinet ou plutôt homme qui ne
sort point de dessus les comptes de son commerce,
qui les dresse, qui les examine, qui les calcule
sans cesse. On donne aussi ce nom à un négociant
ou un teneur de livres cjui est habile dans les
comptes "^ ».
Comtables. Voj. Comptables.
Concessions royales de métiers. Les
rois s'étaient dessaisis de certains droits sur
plusieiirs corps d'état en faveur de leurs grands
officiers et même en faveur d<î simples parti-
culiers. Prescpie toujours, ces derniers avaient
acheté le privilège dont ils jouissaient » ; pour
» Dictionnaire de Trévoux (1771), t. II p 757
« Titiv X, an. n.
■• /,ivre des métiers, titre CI, art. l.'i et 21.
* Savary, Dictionnaire du commerce, I. I, ii. 1.113.
î» Chapitre XXV, art. 4 et 5.
J^' Delamarre, Traite de la police, t. III, arl. 4 et 5.
" Encyclopédie méthodique , commerce (1783) t I
p. 707. /• • .
8 Tels étaient les poulaillers, les poissonniers, les
regrattiers, les drapiers, etc.
les premiers, il faut j voir des libéralités destinées
à augmenter les revenus de leur charge.
En général, et quelle que fût la qualité du
concessionnaire, c'est à lui, représenté par un
mandataire, que l'ouvrier devait acheter le droit
de s'établir, c'est entre ses mains qu'il prêtait le
serment exigé de tous les membres de la corpo-
ration. C'est lui qui nommait les jurés, adminis-
trateurs de la communauté, qui rendait la justice
et percevait, au moins en partie, le produit des
amendes infligées pour infraction aux statuts,
pour fraudes, pour querelles, etc.
Le concessionnaire d'un métier avait souvent
au Palais le siège de sa juridiction. Son délégué,
son mandataire, appelé soit commis ^, soit lieu-
tenant ^, soit commandant ^, soit fermier *, soit
maire ^, prêtait parfois serment au Parlement ^,
et si l'exécution de ses sentences rencontrait de
la résistance, il pouvait requérir les sergents du
Châtelet pour se faire obéir ''. l'Infîn, il était dit
maître du métier.
En dehors des maîtres ou patrons qui, avec les
apprentis et les ouvriers, composaient la commu-
nauté, il y avait donc dans les corporations
concédées un personnage ajoutant au titre de
maître le nom du métier qu'il régissait, et se qua-
lifiant maître des boulangers, maître des fripiers,
maître des charpentiers, maître des fèvres, etc.
Ce qui n'a pas peu contribué à embrouiller
cette histoire des concessions de métiers, c'est
que les concessionnaires eux-mêmes prenaient
parfois ce titre de maître, que de plus il existait
encore dans certaines corporations d'autres
personnages portant le même titre et dont
l'autorité avait une toute autre origine.
Le maître des bouchers., par exemple, était
choisi parmi les bouchers et élu par ses confrères.
Assisté d'un maire, homme de loi qui rendait en
son nom la justice professionnelle, il connaissait
aussi de tous les délits oîi le défendeur était un
boucher. Il prélevait un tiers des amendes, et les
deux autres tiers revenaient à la communauté.
Le maître des apothicaires, institué en 1353,
tenait du roi ses pouvoirs ; mais il était pris dans
le métier, et il remplissait les fonctions dévolues
aux jurés par des autres corporations ^.
Un des cinq jurés élus par les drapiers s'inti-
tulait maître des tisserands ^. Supérieur à ses
quatre collègues, il était dispensé de faire les
visites réglementaires et servait d'intermédiaire
entre la corporation et l'Etat, nolannnent en ce
qui t()U(;]iait le service du guet *•'.
Quelle est l'origine des concessions émanant
du roi ? Au début, l'achat du métier " fut le
' Par les armuriers, les fripiers, etc.
2 Par les chirurfriens entre autres.
■* Par les bourreliers, etc.
4 Par les fripiers, etc.
•' C'est le litri' le plus fnnjuent.
*> (iuyot. Traité des offices, t. I, p. 513.
"^ Livre des métiers, titre XLVIII, art. 20.
8 Statuts de 1353, art. 1.
9 Dans le Livre des métiers, les drajtiers sont nommes
toissarans de lange (tisserands de laine).
10 Livre des métiers, titre L, art. 48.
" On appelait ainsi l'obligation de verser une somme
déterminée avant de s'établir.
CONCESSIONS ROYALES DE MÉTIERS — CONCIERGES
189
prix dont les artisans engagés dans les liens du
servage payèrent ù leur maître la liberté du
travail. Il fut d'abord exigé de tous les groupes
d'artisans qui obtinrent la permission de travail-
ler pour leur compte; puis, la plupart des conmm-
nautés parvinrent à s'en atrrancliir et à efl'acer
ainsi la trace de leur origine servile. Mais le roi
ne pouvait accorder la liberté k celles dont il avait
aliéné les revenus, soit eu faveur de ses grands-
officiers, soit pour récompenser les services
rendus à la couronne par des particuliers * .
Le souvenir des prestations en nature qu'elles
fournissaient à leur maître avant leur émanci-
pation, se conserva longtemps encore dans le
nom de certaines redevances pécuniaires dont je
dois dire un mot.
L'impôt dit des Fers le roi était une des plus
anciennes. Quand les maréchaux, obligés natu-
rellement de ferrer les chevaux du roi, obtinrent
de se constituer en communauté, ils rachetèrent
cette servitude en versant chaque année une
somme de six deniers au premier maréchal de
l'écurie royale ^.
Les Huèses le roi constituaient un droit de
même nature. Plusieurs des métiers voués au
travail du cuir payaient tous les ans une redevance
qui était censé destinée à l'achat des chaussures ,
des houseaux du roi.
Les écuelliers s'étaient rachetés du service du
guet, en promettant d'offrir chacun et chaque
année sept auges de deux pieds de long destinées
au cellier royal : « Et de ce que il sont quite
du gueit, doivent chascuns, chascun an, au Roy
vu auges pour son celier, c'est à savoir auges de
II piez de lonc ^ ».
Toutes les fois que le roi venait à Paris, chaque
marchand de foin au détail lui devait une botte
du meilleur : « Cex * qui sunt demourant à Paris,
qui vendent à detaill fein, doivent chascun au
Roy I fagoz de fein le premerein, à chascun jour
que li Roys entre dedenz la ville de Paris "" ».
Les cordiers étaient exempts de la plupart des
redevances imposées aux autres métiers, parce
qu'ils fournissaient gratuitement à l'exécuteur des
hautes œuvres les cordes qu'il employait dans
l'exercice de sa profession.
MÉTIERS CONCÉDÉS
EN TOUT OU EN PARTIE.
Au GRAND PAXETiER, les boulaugers.
Au GRAND BOUTEILLER, les marchands de vin
et les cabaretiers.
Au GRAND GHAMBRIER , les fripiers , les
pelletiers, les cordonniers, les savetonniers, les
bourreliers, les boursiers, les selliers, les chapui-
seurs, les merciers, les gantiers, les ceinturiers.
1 Bien des hypothèses ont été émises sur ce sujet,
j'adopte celle qu'a développée M. G. Fagniez, dans ses
Etudes sur l industrie, p. 98.
2 Livre des métiers, titre XV. V03'. aussi Ducange,
au mot ferra vegia.
■^ Livre des métiers, titre XLIX.
i Ceux.
» Statuts des feiniers, dans le Liere des métiers,
titre L XXXIX.
Au GRAND CHAMBELLAN, les selliers, les Cor-
donniers, les savetonniers, les ceinturiers, les
cliandeliers de cire.
Au CONNÉTABLE, les selliefs.
Au GRAND ÉcuYER, les amiuriers.
Aux KCUYERS DU ROI, Ics savetiers.
Au PREMIER BARBIER puis AU PREMIER CHIRUR-
GIEN DU ROI, les barbiers, les chirur<riens.
Au PREMIER CHARPENTIER DU ROY, les huchicrs,
les huissiers, les tonneliers, les charrons, les
couvreurs, les lambris.seurs, les faiseurs de nefs,
les cochetiers, les tourneurs.
Au PREMIER MAÇON DU ROI, les maçons, les
tailleurs de pierre, les plâtriers, les morteliers.
Au PREMIER MARÉCHAL DE l'ÉCURIE ROYALE,
les maréchaux, les couteliers faiseurs de lames,
les ferrons, les forcetiers, les greffiers, les gros-
siers, les heaumiers, les serruriers de fer, les
veilliers.
A Thege la Cohe, les tanneurs, les bau-
droyeurs, les sueurs, les mégissiers, les boursiers.
A GuÉRiN DU Bois, les pêcheurs.
Le roi avait concédé encore certains droits sur
les drapiers, les poissonniers d'eau douce, les
poissonniers de mer, les poulaillers, les regrat-
liers de fruits, les regrattiers de pain, les tapis-
siers nostrés et les tisserands de lin ; mais on ne
sait au juste ni en quoi consistaient les droits
abandonnés par le roi, ni en faveur de qui ils
les avait aliénés.
Voy. Bouchers. — Boutei lier (grand).
— Chambrier (grand). — Charpentiers.
— Connétable. — Maître des apothi-
caires, — Maître des armuriers. —
Maître des barbiers. — Maître des
bouchers. — Maître des boulangers. —
Maître des cordonniers. — Maître des
fèvres. — Maître des fripiers. — Maî-
tre des maçons. — Maître des pê-
cheurs. — Maître des savetiers. —
Maître des sueurs.
Goncierges. La Taille de 1292 meniionwe:
24 concierges.
13 portiers.
2 closiers.
2 serjants,
tous personnages qui semblent bien préposés à
garde d'un palais, d'un hôtel, d'un couvent, etc.
Je note d'abord « que le manoir du Louvre »
a deux portiers et point de concierge ' .
Les closiers appartiennent tous deux à la
paroisse Saint-Laurent -.
Le mot serjant avait, à cette époque, plusieurs
significations, mais les deux mentions suivantes
semblent bien s'appliquer à un gardien :
Le serjant de Saint-Ladre.
Le serjant du cimetière aus juis ^.
1 Page 9.
2 Pages 59 et 61.
3 Aux juifs.
190
CONCIERGES
Parmi les concierges, je relève les mentions
suivantes :
Rog-ier, concierge au comte de Dreues.
Thomas, le tailleur, concierge de la comtesse
d'Aleuçon.
Robert Povre-home, concierge au comte de
Flandre.
Jelian, le concierge au comte d'Artois.
Le concierge au seigiior de Couci.
Dame Asceline, concierge à l'abbé de Saint-
Faron.
Simon, le tondeeur, qui garde la maison au
comte de Bretagne.
Kateline, concierge à l'évesque de Gliartres ^ .
On peut conclure de ces exemples, d'abord
qu'une femme était admise à remplir les fonctions
(le concierge, ensuite que celles-ci n'étaient pas
incompatibles avec l'exercice d'un autre métier,
cumul encore accepté au siècle suivant, car je
trouve parmi les imposés de la Taille de i3i3 :
Jehan Ghartrain, pastaier ^, concierge mon-
seigneur de Saint-Pol •* .
Au seizième siècle l'ambassadeur vénitien
Lippomano présente les concierges comme
étant « fermiers des maisons », les louant en
l'absence de leur propriétaire * .
Audiger, dans sa Maison réglée, qui parut en
1692, a consacré un long article aux devoirs du
suisse on portier . « Il faut, écrit-il, qu'il ait soin
de tenir hï porte fermée quand on dit la messe ou
qu'on fait la prière, et de bien exécuter ce que
l'écuyer lui prescrit au sujet des gens de livrée,
pour qu'ils ne sortent ni qu'ils entrent aux lieures
indues, ni qu'ils emportent rien qui appartienne
à la maison.
Il faut encore qu'il prenne garde à tous ceux
qui vont et qui viennent dans le logis ; et s'ils
emportent quelque chose, savoir pourquoi et qui
leur a donné ; et si ce sont des ouvriers, il faut
qu'ils en rendent compte
Il est aussi de son devoir di; tenir la porte fer-
mée aux heures des repas lorsqu'on dîne ou qu'on
soupe ; de ne laisser sortir aucun domestique
avec de la vaisselle d'argent ni linge de table
pour porter au cabaret ni ailleurs, pour quelques
raisons que ce soit, à moins qu'ils n'en aient
l'ordre du maître d'hôtel ou d'autres officiers
de la maison -, de veiller à ce que la nuit ni à
quelque autre heure que ce soit, on ne transporte
du bois, du charbon, du foin, de l'avoine, de la
pailh'. ni autres choses appartenant à la maison.
Il faut encore, et cela sur toute autre chose,
([ii'un suisse ou portier ne soit point débauché ni
ivrogne, ([u'il soit incorruptible, fidèle et discret,
(|ii'il lasse la ronde tons les soirs, et visite par-
tout 1.' logis avant que de fermer la porte ; et
icelle étant fermée, porter les clefs dans la
chambre du maître d'hôtel ou de l'écuyer, sui-
vant les ordres qui lui en sont donnés. Si on les
lui confie, il doit être encore plus régulier à ne
' Voy. pages 10, 11, .30, 18, 110, 120, lao, ]r,î).
2 Pâtissier.
3 Page 182.
* Voy. l'art. Chambres garnies.
laisser entrer ni sortir personne sans permission,
et qu'aux heures ordonnées.
Enfin il doit prendre garde, et ne point souf-
frir que les gens de livrée retirent personne qui
ne soit pas de la maison, quoiqu'ils en aient été,
sous prétexte de parents ou d'amis.
Quoi faisant, et ajant bien soin de balayer la
cour et de la tenir bien propre, ainsi que le
devant de la porte, on n'a rien ii lui dire, et c'est
là le véritable devoir d'un suisse ou portier * ».
En 1687, il y a au Louvre trois concierges,
et à la tête des autres maisons royales, je trouve :
A Saint-Germain :
1 concierge garde meubles.
1 gouverneur concierge de l'ancienne volière.
1 concierge de la nouvelle volière.
2 portiers.
A Fontainebleau :
Le marquis de Saint-Herem prend, entre
autres titres, ceux de « capitaine, maître, con-
cierge et garde des clefs des maisons, château,
jardin, parc. . . de Fontainebleau ».
Il a sous ses ordres :
1 concierge garde-clefs des appartements de
leurs majestés.
1 concierge du log^is du surintendant des
bâtiments.
1 concierge de l'hôtel d'Albret.
1 concierge du pavillon des chambellans.
1 concierge du pavillon de la fonderie.
1 concierge de l'hôtel de Coudé.
1 concierge des bâtiments de la porte
vers le mail.
1 concierge du chenil et de la petite écurie.
1 concierge de l'hôtel du grand Ferrare.
1 concierge de la chancellerie.
1 concierge garde-clefs de la cour du cheval
blanc.
1 concierge de la cour du cheval blanc.
1 concierge garde-clefs de la cour des cuisines.
Etc., etc., etc.
A Vingennes :
Le marquis de Bellefonds se dit « capitaine
gouverneur du château». Il lui est adjoint un
concierge garde-meubles ^.
Le peintre Claude Audran, qui avait décoré
plusieurs salons du Luxembourg fut, en récom-
pen.se de ce service, nommé concierge du palais,
et c'est là qu'il mourut ■'.
En 1739, Lebel, valet de chambre du roi,
cumulait ces fonctions avec celles de concierge
du château de Versailles. Louis de Nyert,
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi et
son premier valet de chambre, était en outre
« capitaine lieutenant et concierge du château
du Louvre ». Le duc de Richelieu était « capi-
taine concierge du Palais-Royal * ».
1 Livre I, chap. 5.
^ Klat (le la France pour 1687, passim.
•' Jal, DicliuiuiHire critique, p. 81.
i f:tnl dv la France pour 1739, t. I, p. 415, 432 et
439.
CONCIERGES — CONCURRENCE
191
A la iin du dix-liiiitiènie siècle, la plupart des
maisons de Paris étaient pourvues d'un portier.
Son emploi, écrit Sébastien Mercier, était <\ de
sil'iler, quand on vient vous rendre visite, autant
de coups qu'il y a d'étag-es pour arriver à
l'appartement que vous occupez^ ». Les o-rands
seigneurs seuls avaient le droit de l'aire g-arder
leur porte par un Suisse de nation ; celui-ci se
disting'uait par un larg'e baudrier orné des armes
de son maître, et on lisait au-de.ssus de la loge :
Parlez au Suisse. <\ Depuis quelques années,
écrivait Prudhomme vers 18(J7, on voit des
nouveaux riches qui, ne pouvant pas avoir de
Suisses, font mettre au-dessus de la loge de leur
portier : Parlez au concierge. Celte nouvelle
distinction est encore bien ridicule ^ ».
Même à l'aurore de la Révolution, un huissier
n'eût osé pénétré dans une maison à porte
cochère. S'il était chargé d'une saisie, il se
bornait à la pratiquer sur les meubles garnissant
la loge ; il lui était interdit d'aller au delà.
Les mots (7/«c^/m's, hostiers, huissiers, ostiaires,
touriers, etc. ont aussi désigné des concierges.
Voy. Barrière (Droit de).
Goncierg-es de la halle aux draps.
Deux offices créés par édit du 12 mars 1704.
« Les concierges de la halle haute et de la halle
basse seront tenus de tenir un registre dans lequel
ils enregistreront les balles et ballots d'estoffes qui
y seront amenés et le nom des marchands à qui
elles appartiennent ; et de tenir lesdites halles
ouvertes chacun jour ouvrable aux heures
marquées par les règlemens ».
Concurrence. On lit dans les statuts
sanctionnés au treizième siècle par le prévôt
Etienne Boileau qu'il était alors interdit aux
commerçants, non seulement d'appeler l'acheteur
avant qu'il eût quitté la boutique voisine, mais
encore de dépriser la marchandise d'un confrère:
« Se aucune personne est devant estai ou
fenestre de cuisiniers ^ pour marchander ou
acheter desdictes cuisines, que se aucuns des
autres cuisiniers l'appelé devant qu'i s'en soit
partiz de son gré de Testai ou fenestre, si soit en
la peine de cinq sols. Item, que nulz ne blasme
la viande de l'autre, se elle est loiauz ^, sur peine
de cinq sols d'amende ^ ».
La rédaction des boursiers est plus claire
encore :
« Et est à savoir que se une personne bar-
chaigne ** denrées à un marcheant de ce mestier
à son estai, que son voisin ne puet issir "^ de son
ouvrouer pour monstrer ses denrées à celui qui
veut acheter à son voisin devant que l'acheteur
soit partiz de l'ouvrouer où il barchaigne ^ ».
1 Tableau de Paris, t. IX, p. 23".
2 iMiroir de Paris, 3'^ édit., t. I, p. 204.
3 Ils vendaient des viandes rôties et bouillies, et
toutes sortes de mets communs.
'* Loyale, c'est-à-dire saine, de bonne qualité.
^ Livre des métiers, titre LXIX, art. 15 et 16.
'• Marchande.
' Sortir.
* Litre des métiers, titre LXXVII, art. 7.
.Je rappelle que, jusqu'au quatorzième siècle,
chacpie profession resta, en général, centralisée
dans une même rue, et que, dès lors, les arti.sans
exerçant le môme métier demeuraient porte à
porte '.
Mais l'interdiction de se disputer des clients
n'avait pas seulement pour objet d'empêcher les
querelles entre voisins, elle émanait des principes
élevés qui servaient de base à la corporation.
Celle-ci était l'association, reconnue par l'État,
des individus exerçant le même métier. Tous les
membres qui la composaient étant solidaires,
ayant jiu-é de vivre en bons confrères, de s'aimer
et de s'entr'aider, on comprend que la
concurrence, le désir de s'enrichir aux dépens
les uns des autres durent être regardés connue
des actions honteuses.
Au treizième siècle, tout meunier, avant de
s'établir, jurait sur l'Evangile que si quelqu'un
de ses voisins avait besoin de lui, « soit de jour,
soit de nuit, à son pooir ^, li aidera. Et si il n'i
vient, si seroit parjure ^ ». Les statuts qu'adop-
tèrent les mégissiers au quinzième siècle veulent
que tout maître occupant au moins trois ouvriers
ne puisse refuser d'en prêter un à son confrère
ayant « besongne hastive et nécessaire, pour
lui aidier à parfaire ycelle * ». Les tailleurs
décidèrent, en 1660, qu'un lieu spécial .serait
désigné où les maîtres sans ouvrage « se
trouveront pour en faire pour ceux qui en auront
trop, afin qu'ils puissent être tous occupés de
leur métier et gagner leur vie ''' ». Lorsqu'un
maître brodeur avait soumissionné une fourniture
importante, celle des troupes par exemple, il
était tenu de partager avec les autres maîtres, de
leur donner à exécuter une partie de la commande
au prix que lui-même avait accepté, réserve faite
seulement des frais de soumission '•.
Les cordonniers s'engageaient à payer tous le
même .salaire à leurs ouvriers. Le maître qui
aurait offert davantage eut été soupçonné de
vouloir débaucher ceux de ses confrères "^ .
Au moyen âge, la limitation du nombre
d'apprentis permis à chaque maître suffisait pour
restreindre la concurrence et pour maintenir le
nombre des maîtres proportionné à la consom-
mation. Plus tard, les lettres de maîtrise créées
par le roi, et les maîtres sans qualité que les
corporations ruinées acceptent d'elles-mêmes,
forcent les métiers à limiter arbitrairement le
nombre des maîtres, à interdire .durant un temps
plus ou moins long de former des apprentis, ou
les décident à ne plus recevoir que des fils de
patron.
Un arrêt du 29 novembre 1619 autorise les
doreurs sur cuir ik rester pendant dix ans sans
faire d'apprentis. Le 30 juin 1632, les orfèvres
obtiennent que les fils de maître seront seuls
1 Voy. ci-dessus l'article Centralisation des métiers.
^ Pouvoir.
3 Litre des métiers, titre II, art. 8.
4 Statuts de mai 1407, dans les Ordonn. royales,
t. IX, p. 213.
3 Statuts de 1G60, art. 12.
fi Statuts de 15C6, art. 16.
T Statuts de 1614, art. 21.
192
CONCURRENCE
admis comme apprentis jusqu'à ce que le nombre
des maîtres ait été réduit à trois cents . Les
brodeurs se limitent i deux cents ; une fois cett€
réduction obtenue, les maîtres ayant au moins
dix années de maîtrise pourront prendre un
apprenti et de\Tont le choisir exclusivement
parmi les fils de maître. Cet apprenti servira
p.-ndant six ans, à l'issue desquels le maître
alt.-M.lra dix ans avant d'en engager un autre 2.
En 1059. les brossiers promettent de ne plus
faire aucun apprenti « que de dix ans en dix
ans ' y. En 1670, les tapissiers suppriment tout
apprenlissiige pendant douze ans *. A dater de
1<)88, les fripiers attendent quatre ans avant de
remplacer un apprenti : l'apprentissage étant de
six ans, ils n'en formaient ainsi qu'un tous les
dix ans 5. Les distillateurs attendent six ans ".
En 1701, le lieutenant de police permet aux
fonrbisseurs de ne plus faire d'apprenti que tous
les dix ans. Ils avaient représenté au magistrat
que « les maîtres de la communauté ne pouvaient
gagiit-r leur vie, par la misère du tems, même
par le trop grand nombre de maîtres qui avaient
été reçus depuis peu, ce qui les mettait hors
d'état de subvenir aux besoins et misère de leur
famille ' ». En juillet 1737, les limonadiers
Nlaluent que. piMidant dix ans, ils ne formeront
plus d'apprentis; attendu, disent-ils '^, « que le
iiondire des maîtres est aoliiellement si grand
que, si l'on conlinuoit d'admettre des apprentifs,
il y auruit ù cniindre que la communauté ne put
se soutenir ».
D'autres métiers évitèrent ce danger en
liniilant b' nombre des maîtres. Il ne dut point
di'piisscr 300 chez les orfèvres, 200 chez les
bmdiMirs, 72 chez les horlogers, 40 chez les
batteurs-tireurs d'or, 36 chez les imprimeurs,
12 eliez les fcrniilleiirs, etc.
Lf l*"' juillet 1734 le lieutenant général de
police rendit l'ordonnance suivante, qui mérite
d'iMn* ri'produitc en entier :
'tiiixiN.NANCK i)K Pouce
J'ori'inf df'fensc à tous mur eh an (h en gros et en
détail, lie distribuer aucuns hillets paur annon-
cer la vente de leurs marchandises.
l)u premier Juillet mil sept-cent-trenle quatre.
« Sur ce qui nous a été représenté par le
procureur du Koy, que malgré les réglemens
de polici- qui Ton! défenses très expresses à tous
los mnnhniids dt- courir b-s uns sur les autres
pour le dfbil (b< leurs marchandises, ni d'user
tl'flurun arlifue pour surprendre les acheteurs
pl w les inénng.T au préjudice de la liberté du
commerce : cependnnl quelques marchands de
'•'••••• vdle ont alTeclé depuis quelque tems de
vAl de i>ari!t.
-, «rt. 8.
--. «II. lu
du 19 »o|>tf>inbrc.
v». (irt 9
•lu 27 lu'pl^'mbr»' 1096.
nro du 12 mai.
"Jilion ilu 26 judirt, imprimée à la ^suill
faire répandre dans le public des billets en leur
nom, pour annoncer la vente de leurs étoffes et
autres marchandises, à un prix qu'ils exposent
être inférieur à celui que lesdites marchandises
ont coutume d'être vendues par les autres
marchands; qu'une pareille contravention, qui
est presque toujours la dernière ressource d'un
négociant infidèle pour mettre promptement ses
effets à couvert, ne peut être trop sévèrement
réprimée ; qu'autrement ce seroit donner lieu à
toutes les fraudes que l'intérêt et la cupidité
peuvent inspirer ; d'oià il résulteroit même pour
le public un grand préjudice, en ce que sous le
prétexte de donner des marchandises à un vil
prix, on ne lui en vendroit souvent que de
défectueuses.
Pour quoi réquéroit que sur ce par Nous il fût
pourvu.
Sur quoi faisant droit, Nous ordonnons que
les anciens réglemens de police seront exécutés
selon leur forme et teneur. Et, en conséquence,
faisons itératives et très-expresses défenses à tous
marchands en gros et en détail de cette ville et
fauxbourgs de Paris, de courir les uns sur les
autres pour le débit de leurs marchandises. Leur
défendons notamment de répandre ni autrement
distribuer aucuns billets pour en annoncer la
vente, et ce sous quelque prétexte que ce soit.
Le tout à peine de trois cents livres d'amende
pour la première contravention et de fermeture
de leurs boutiques en cas de récidive. Disons
que notre présente ordonnance sera inscrite sur
les registres des corps et communautés de cette
ville. Plnjoignons particulièrement aux gardes
de la draperie et de la mercerie de veiller à
l'exécution d'icelles, pour ce qui concerne les
six corps des marcliands.
Ce fut fait et donné par Nous René Hérault,
chevalier, seigneur de Funtaine-Labbé et de
Vaucresson, conseiller d'Etal, lieutenant-général
de police de la ville, prévôté et vicomte de
Paris.
Signé: HÉRAULT,
MOREAU,
Pellerin, Greffier ».
Ce n'étaient pas là de vaines menaces. Car le
11 janvier 1737, un charcutier nommé André
Allain, ayant « répandu des billets pour annoncer
la vente de ses marchandises », fut condamné à
300 livres d'amende, 30 livres de dommages-
intérêts et aux dépens '.
Il est bien entendu que ces rigueurs s'exer-
çaient contre la concurrence et la réclame, point
contre l'annonce. Depuis le milieu du dix-
septième siècle, tout commerçant avait, comme
iiujourd'hui, sa carte portant son nom, son
adresse, son enseigne, souvent même les attributs
de sa profession très finement gravés ^.
Au connnencement de l'année 1760, un
scandale écliila dans la communauté des tailleurs.
Aouoraujc stnliils de la comtnunauté des maîtres
charcutiers, 1755, in-4», p. 77.
Vi\V' l''s c'ollcptions conservées à la IJibliothèque
■I à la biblioth^qu^■ dt' la Ville.
naliuiiuU;
CONCURRENCE — CONDUIT
193
Il fut prouvé que <■ plusieurs maîtres faisoient
courir des billets imprimés, par lesquels ils
anuouçoieul au public des vêlemeiis de toutes
façons à des prix très médiocres, dans la vue de
s'attirer un plus grand nombre de pratiques, au
détriment de leurs confrères et du public ». Les
jurés se transportèrent chez deux de ces maîtres,
qui offraient « des reding^otles à vingt-sept livres
pièce », et ils constatèrent que ces vêtements
étaient mauvais, mal faits, « et si peu amples
que pour peu qu'ils soient mouillés parla pluje,
il sera impossible de pouvoir s'en servir ».
Plainte fut portée au Parlement qui, le 10 dé-
cembre, rendit un arrêt aux termes duquel il fut
interdit « de distribuer au public d'autres billets,
soit imprimés, soit manuscrits, que ceux qui
contiendront les noms, qualités et demeures
purement et simplement, sans pouvoir j ajouter
ni faire aucuns prix ». Toute contravention
devait être punie d'une amende de trois cents
livres, et en cas de récidive le coupable était
déchu de la maîtrise, c'est-à-dire ruiné ^.
Mais l'esprit de corps et la solidarité frater-
nelle, premiers fondements des communautés
ouvrières, n'existaient plus. La passion du g'ain
l'emportait. Au mois de mai 1761, le lieutenant-
général de police dut signifier de nouveau aux
jurés des différentes corporations son ordonnance
du 1" juillet 1734, en l'accompagnant de cette
lettre : « Je vous envoie, Messieurs, un extrait
d'une ordonnance de police, que j'ai rendue
pour défendre aux marchands de courir les uns
sur les autres pour le débit de leurs marchandises,
et de répandre des billets pour en annoncer la
vente. Vous voudrez bien la faire inscrire sur vos
registres et informer de ces dispositions les
membres de votre communauté.
Je suis,
Messieurs,
Votre très humble serviteur,
DE Sartine ».
La concurrence, autrefois presque impossible,
ensuite difficilement contenue, se produisait donc
de toutes parts, en dépit des obstacles qu'on lui
opposait encore. Â.u compagnon reçu maître,
il fallut interdire d'ouvrir boutique auprès du
patron qu'il venait de quitter.
La sentence de police du 2 juin 1669,
confirmée par l'article 37 de l'édit d'août 1776,
lui défendit « de s'établir en la même rue que
dans la distance de vingt maisons, comme aussi
d'avoir les mêmes plafonds, étalages et ornemens
de boutique ». Les boulangers ne voulaient pas
qu'il s'établît « aux environs de la boutique de
son maître ou dans les rues adjacentes plus
voisines que deux rues ^ ». Les charcutiers ^
et les perruquiers * l'empêchaient de s'établir
dans le « quartier » de son dernier maître avant
1 Sur cette affaire, voy. Statuts et ordonnances des
maîtres tailleurs d'habits, puurpo intiers, ckaussetiers, 1763,
in-12, p. 266.
2 Statuts de 1746, art. 49.
3 Statuts de 1745, art. 16.
4 Statuts de 1718, art. 47.
deux ans. Un arrêt, rendu par le Parlomenl le
30 septembre 1754 à la recjuête des charcutiers,
fixa à trente-cinq maisons au moins la dislance
qui devait exister entre la boutique d'un maître
quelconque et celle d'un compagnon qui s'éta-
blissait K
^'oY.Loti8sage. — Ferfectionnements.
— Publicité, l'tc.
Conducteurs des
Vov. Introducteurs.
ambassadeurs.
Conducteurs de brouette . Voj .
Brouetteurs .
Conducteurs de la haquenée. Le
conducteur de la hii([U('née était un oflicier de la
maison royale, appailenaut au service de la
paneterie. Quand le roi sortait, soit à cheval,
soit en carrosse, dans sa suite figurait une
haquenée chargée de paniers dans lesquels on
plaçait des mets froids et tout ce qui était
nécessaire pour servir au roi un dîner et un
souper.
La haquenée portait :
6 pains.
6 bouteilles de vin.
20 grands biscuits.
6 douzaines de petits choux.
6 paquets de confitures sèches.
6 paquets de pastilles.
6 oranges de Portugal.
Les jours maigres, on y ajoutait :
1 pâté de poires de bon clirétieii.
1 pâté d'œufs brouillés.
2 fromages à la crème.
2 gâteaux de crème.
24 talmouses.
24 brioches.
En plus : linge, couvert, tasse à essai, etc.
Pour tout prévoir, deux chevaux portaient
eu outre six douzaines de pains et soixante
bouteilles de vin.
« Le conducteur de la haquenée a l'honneur
de servir immédiatement le Roy, qui dîne
quelquefois dans son carrosse, quand on est en
voyage - ».
Voy. Coureurs de vin.
Conducteurs d'omnibus. Voy. La-
quais.
Conduit (Droit de). Droit de passage levé
sur les marchandises traversant le territoire d'une
seigneurie ou d'une ville. Le Livre des métiers ^
consacre au conduit un chapitre qui a le mérite
de nous apprendre quelles étaient, au treizième
siècle, les limites de la prévôté de Paris. Celle-ci
s'étendait jusqu'à Montlhéry et Juvisy, suivait
1 Nouveaux statuts des charcutiers, p. 19. Voy. aus.si
Delamarre, Traité de la police, t. III, p. 481.
2 Etat de la France pour 1687 , t. I, p. 82 ; pour
17.36, t. I, p. 200.
3 Deuxième partie, titre \\\.
13
l'.»4
CONDUIT - CONFRÉRIES
la rivière de Marne, depuis Charenton jusqu a
I^o-nv. Gournav et Meaux. remontait jusqu a
\rv-èn-Muliien: gagnait TOise par Ognon, puis
Bf'àumont et Pontoise, et venait retrouver la
Seine u Poi.s>j '. Le droit de conduit applique
à la banlieue de Paris, n'était exigible que hors
de ces limites, appelées bornes de Paris.
On disait aussi droit de travers.
Confections pour hommes. L'annonce
suiv;int<'. qm- j'ai r.'ncuiiln'f dans un journal de
177(J. p.'niit't pful-éire d'altribuer à un habile
laill.'ur di- Paris la première idée de ce que nous
nommons aujourd'hui la confection pour lionimes.
\'oV*'Z :
'< Le sieur Darligalongue, maître et marchand
laillfur à Paris, a établi depuis quelque lems un
magasin d'habits neufs tout faits, de toutes
espéo«'s, de toutes tailles, et des plus à la mode.
Si ceux du magasin ne sont pas au goût des
personnes ((ui veulent être promplemeni habillées,
il est en élal de les satisfaire presqu'à l'instant,
par la ((uantité d'ouvriers qu'il employé. Il
entn^prend toutes les livrées avec le plus d'éco-
niimie possible. 11 fait des envois en province et
jus(jue dans les pays étrangers, mais les personnes
<{ui Voudront lui écrire, sont priées d'affranchir
leurs lettres. Son adresse est à la Renommée, rue
de Suvoye, fauxb. S. Germain, près la rue des
(Jninds-Augusiins' ».
I/iimovalion paraît avoir eu peu de succès,
car, cent ans plus lard, on citait comme une
curiositi' le Tailleur unique ou veloci-tailleur.
L. Prudliomme écrivail vers 1806 : « Au Palais-
Huyal, au bout de la galerie de bois, près le
Theâlrr'-Knmçais, on remarque un alelier consi-
deralfle de tailleur, qui vous habille enlièrement
en deux heures. Il propose souvent la lecture du
Moniteur pendant que l'on vous confectionne
hahil, gilet, pantalon, sjms oublier les guêtres ^ ».
\m\. Fripiers et Tailleurs.
Confiseurs. (> sont ceux qui « font et
v>ii.|i lit (1rs iimliliires sèches et li(juides, sirops,
ilntgees, jrelées, marmelades, et généralement
luiites espèces de fruits secs et confits * ». Parmi
l» iimombraliles |)ri)dMils ([u'ils débilaii'iil, el
que M.U!.-«Milend celle deilMilinii. je cilerai :
\je choculat.
I/^ ghiees.
I/O giiufri'K.
!,«•>> inarrtins glacés.
Ia"* iiuitiHM.m, 11) vanille, u l'anis, à la caMelle.
ï^s» piutilleii À In hauphinc, nu lauus, en cornet.
^1 Ix'ipii. ft..iinini. Nfiaus, Acy en
*' ^ iinonl. |VniAu.>, I>oissi.
•!•*'., a=.^.M^M fl tttii ditrrt, n» tiu 4 nviil 1770,
' 1/ . ,,, J, rmufira et Ju nottmu Parit, I. V, p 2'16
<w4 thu/Àii» pomr 1777.
au cachet, transparentes, de vanille, de safran,
d'œillets, de roses, d'ambre gris, de cachou.
Les crèmes glacée, blanche, brûlée, aux pis-
taches, au chocolat, à la vanille, aux amandes,
aux noyaux, au thé, au café.
Les sorbets de citrons, d'oranges, de raisins,
de café, de roses, d'œillets, de pêches, d'abricots,
de prunes, etc., etc.
Dès le seizième siècle, ce commerce était
centralisé dans la rue des Lombards * . Au dix-
liuitième, on y citait surtout le fui Héberger, dont
la réputation fut durable, et le grand monarque.
Au mois de janvier de chaque année, les confiseurs
en vogue avaient l'habitude d'exposer quelque
clief-d'œu\Te capable d'attirer la foule. En 1780,
le qrand monarque exposa un combat naval -, en
1781 on admira à son étalage « les cérémonies
qui se sont obsei*vées à la naissance du Dauphin ^,
oùtouslesprincesetprincessessontreprésentés^».
En 1788, le confiseur Berthélemot, qui demeurait
rue do la Vieille-Lanterne, exposa « l'arrivée de
Téléinaque dans l'île de Galypso, sujet bien choisi
qu'il a rendu avec intérêt* ».
Les confiseurs appartenaient à la corporation
des épiciers.
Confituriers. « Quelques-uns mettent de
la (Uilereiice entre le confiseur et le confiturier,
prétendant que le confiseur est celui qui fait
effectivement les confitures qu'il vend, et le
confiturier celui qui fait commerce des confitures
qu'il n'a pas faites. Cependant, dans l'usage, et
même dans le négoce de confitures, on ne fait
pas cette distinction, et confiseur et confiturier y
ont une même signification ^ ».
Confréries. La corporation, association
civile, devait son origine à la nécessité de
défendre des intérêts communs, de maintenir des
privilèges lentement acquis. La confrérie, quoique
formée des mêmes éléments, constituait une
associalion religieuse el charitable. La corpo-
ration avait pour symbole une bannière, la con-
frérie y substituait un cierge ou un bâton. Les
statuts de la corporation s'adressaient surtout au
citoyen et à l'artisan, ceux de la confrérie à
rhonnne et au chrétien. A cela près, la confrérie
faisait partie intégrante delà corporation, ne s'en
distiiin-uail que par son but et son organisation.
Parfois, dans une même communauté, maîtres
el ouvriers avaient créé une confrérie distincte,
parfois aussi certaines confréries, celle des
drapiers et des bouchers par exemple, admeltaient
(les personnes étrangères à la corporation ;
d'autres métiers, les orfèvres entre autres, avaient
plusieurs confréries. Le Calendrier des confréries.,
publié en 1621 fournit la liste d'environ cent
(|uatre-vingts confréries, avec le nom du patron
sous lequel chacune était placée, ain^ji queTindi-
cation de l'église et du jour où elle était fêtée.
' Le livre commode pour 1692, t. I, p. 300.
* MorI en juin 1789.
•1 Mémoires secrets A\\s ai' Bacli.tiiniuiit, t. XY, p. 15
<•! I. XVIII. p. 223.
* Almannch Dauphin pour il 89.
Savary, Dtclionnaire du commerce, t. I, p. 1450.
CONFRERIES
195
En général, la confrérie étail administrée par
deux jurés que les maîtres réunis élisaient à la
pluralité des voix. Elle se réunissait le jour de
la fête du patron qu'elle s'était choisi. Un crieur
qui parcourait les rues une clochette à la main
annonçait le lieu et l'heure de la cérémonie.
Les confrères, parés de leurs plus beaux vêtements,
se rendaient à l'église désignée, et y entendaient
une grand'messe en l'honneur du patron. Elle
était suivie d'un banquet, où chaque convive
payait son écol et n'était admis que sur la présen-
tation du méreau qui lui avait été délivré en
échange de sa cotisation. C'était ordinairement
ce jour-là qu'on élisait le bâtonnier de la confrérie.
La bannière ouïe bâton aux armes de la commu-
nauté, ornés d'emblèmes rappelant le métier et le
saint qu'elle fêtait, étaient gardés à tour de rôle
par chaque confrère, et se transmettaient de l'un
à l'autre le jour de la fête du saint patron. Pendant
les vêpres, au moment où l'on chantait le verset
du Magnificat : « Deposuit polentes de sede, » le
bâtonnier se levait, sortait de charge, et aux mots
suivants : « et exaltavit humiles », il laissait la
place à son successeur. C'est ce que l'on appelait
faire le deposuit ' .
La confrérie était entretenue par des dons et
par le produit de certaines amendes profes-
sionnelles.
Chez les corroyers, l'apprenti, avant d'être
admis à l'atelier, versait cinq sous à la hoïte de
la confrérie ^. Plus tard, chez les vinaigriers, il
devait verser une somme de vingt sous ^. Au
treizième siècle, les chapeliers de feutre exi-
geaient dix sous * .
Chez les savetiers, tout nouveau maître devait
à la confrérie un cierge de cire blanche pesant
une livre ", Les boulangers imposaient cette
redevance pendant trois années consécutives ^ .
Les foulons versaient soixante sous, contribution
réduite à vingt sous pour les fils de maître '' .
Chez les bourreliers, tout juré nouvellement
appelé à ces fonctions, payait deux cents livres à
la confrérie.
En outre, chaque maître était tenu de verser
tous les ans une somme fixe pour l'entretien de
la confrérie : quinze sous chez les pâtissiers ^,
quarante sous chez le? bourreliers ^, trente sous
chez les charcutiers ^*', quarante-cinq sous chez
les boulangers *^, une livre chez les éventail-
listes ^^. Au dix-septième siècle encore, les
vinaigriers surpris à travailler le dimanche
étaient condamnés à une amende de trois livres
au profit de la confrérie ^ ^ .
1 Voy. Lettres sur cette expression « faire le deposuit n,
dans le Mercure de France d'aofit 1733, p. 17(54.
2 Livre des métiers, titre LXXXVII, art. 5.
3 Statuts de 1658, art. 7.
i Livre des métiers, titre XCI, art. 3.
3 Statuts de 1659, art. 12.
6 Statuts de 1746, art. 23.
"i Statuts de 1443, art. 1 et 3.
8 Statuts de 1566, art. 46.
i» Statuts de 1734, art. 2.
10 Statuts de 1745, art. 20.
11 Statuts de 1746, art. 24.
12 Statuts de 1677, art. 17.
13 Statuts de 1658, art. 20.
Peu à peu, la foi s'atfaiblissant dans les âmes,
la confrérie devint surtout un prétexte à réjouis-
sances, à assemblées bruyantes, à banquets. Le
clergé, qui d'abord les avait prises sous sa
protection, cessa de les encourager, puis contre
elles fit appel au Ijras séculier. Un édit de 15i}9
les supprima toutes et ordonna la confiscation de
leur matériel, cierges, bâtons, bannières, etc.
Le roi ne fut ol)éi qu'à moitié. Ses successeurs se
montrèrent plus faibles encore ; les confréries
reparurent et jouèrent un rôle dans les proces-
sions et les excès de toute nature qui signalèrent
les querelles religieuses du seizième siècle.
Elles leur survécurent, mais le prestige de
ces associations diminuait de plus en plus. Au
mois de janvier 1660, deux chapeliers refusèrent
de payer la cotisation de trente sous due à la
confrérie et la justice leur donna raison.
Ceci n'empêche pas qu'environ dix ans après,
quand les couturières furent constituées en
corporation, elles demandèrent et obtinrent
d'établir, à l'église Saint-Gervais une confrérie
en l'honneur de saint Louis. L'archevêque de
Paris leur permit même (août 1677) d'y « enrôler
tous les fidèles de l'un et de l'autre sexe, à
condition que les statuts de ladite confrérie seront
exactement gardés ». Je publie ci-dessous le texte
de ces statuts.
Les confréries ne disparurent définitivement
qu'en 1776. L'article Mdel'éditrenduen février
pour la suppression des jurandes est ainsi conçu :
« Défendons à tous maîtres, compagnons,
ouvriers et apprentis, de former aucune asso-
ciation ni assemblée entre eux, sous quelque
prétexte que ce puisse être. En conséquence,
nous avons éteint et supprimé, éteignons et
supprimons toutes les confréries qui peuvent avoir
été établies, tant par les maîtres des corps et
communautés que par les compagnons et ouvriers
des arts et métiers ». Cette défense fut confirmée
par l'article 43 de l'édit du 28 août suivant.
Statuts et règlemens de la confrérie
DE Saint-Louis érigée en l'église paroissiale
DE SaiNT-(tERVAIS DE PaRIS.
I Année 1677]
I. La confrérie sera et demeurera toujours
sous la dépendance et en l'entière disposition de
monseigneur l'Archevêque et de ses successeurs.
En sorte que si dans le cours du temps, par
quelque conjecture non prévue, il arrive quelque
difficulté ou contestation à l'occasion de ladite
confrérie ou de l'observance des présens statuts,
les confrères auront recours audit seigneur
Archevêque ou à monsieur son officiai, ausquels
appartient de faire des règlemens convenables
pour le maintien et le paisible exercice de ladite
confrérie.
II. Le sieur curé de ladite paroisse en aura la
conduite, et choisira un chapelain pour dire les
messes et faire les autres fonctions ecclésiastiques
de la dite confrérie.
III. Tous les ans .se fera l'élection de deux
administratrices de ladite confrérie. Lesquelles
lU<i
CONFRÉHIMS — CONSl'lIL DU COMMERCK
cranlfroril les registres où seront écrits, tant les
^ioms et surnoms des sœurs de ladite confrérie,
que les délibéralions prises pour le gouver-
nenienl de hulile confrérie, et généralement tout
ce qui en concerne l'administration.
IV. L<'s di(«s administratrices seront éleuës
pour la première fois par ledit sieur curé, du
con.sentemenl des sœurs. Tous les ans, elles
seront choisies par ledit sieur curé et les
anciennes administratrices, à la pluralité des
voix.
\ . \a- dit sieur curé et les adniinistralrices en
charge et hors de charge auront seules voi.\
délilu-ralives dans lesdiles élections et dans les
conféiviices qu'ils auront pour le maintien de
ladite confrérie et pour aviser aux moyens de la
faire subsister dans l'ordre établv.
VI. Chaque sœur sera obligée de se confesser
et de recevoir le Siiint-Sacrement de l'Eucha-
ristie le jour de son entrée en ladite confrérie, et
de faire la même chose le jour du patron et les
quatre principales festes de la confrérie. Et en
cas que quelqu'une se trouve avoir manqué à ce
devoir, «uis cause ou empescliemenl légitime,
el récidive après en avoir été avertie par ledit
curé ou chapelain, elle pourra être rayée du
nondji-e des sœurs de ladite confrérie si ledit
sieur curé le juge ii propos. Comme aussi seront
bitFées les .sœurs qui se trouveroient être d'une
vie peu réglée el ne donneroient point de
vérilaliles marques de vouloir régler leurs
niœur> : de quoy elles seront charitablement
averties par les Meurs qui en auroni connois-
siinc»'.
\ 11. S'il arrivi' que (juehpi'une des sœurs de
ladilf confrérie tombe malade et en danger de
sa vie. elle le pourra faire sçavoir ti l'adminis-
Jnilrice (|ui aura ^"in irHViTlii- ]i-^ --(iMir- de prier
I)ieu |)our elle.
Vlil. l'ille fera aussi si.Nivuir aux sœurs lors-
qu'on portera le Saint-Sacrement aux malades
i\f la confrérie, alin (pie chacune accompagne
l«' Sjiinl Cibfiire el se rende à l'heure (pfon
nuni choisie pour ce sujet.
IX. .\près le décez de l'une des sœurs, ledit
hieur cun'« ou chapelain donnera jour pour
cMéhrer un service (pii sera fait, aux dépens de
lamnfrérie, pour h- repos (h- l'ûmede la défunte.
Kl on wni U-uM iVy assister, conime aussi de
CfiiniiuiniiT une fois à son loisir à même inlen-
h
■l'urs seront obligées de prier Dieu
nh<' li.i> i»' jour pour les bi'soins les unes des
' !' -. afin tl'iMre plus parfailwnient unies par
• H (Ip charité.
.\i. I^H odiiilnislnitrices sortans de charo-e
vroril l«-nn«'s (!«• p-ndri- comnli- drs deniers par
ellf riT,»-i|H el de TriMploy tpi rlles ru auront fait,
••I b'dil t-ouiple w rendra cpiinze jfxirs après leur
iléiniNsion.
XII. No pnumml ci-lles cpii seront en charge
aliiMi-r ny employer l'artrenl des aumônes el
aulrt>«« en dôpeiiM'.s extmurtlinaires, .sans avoir au
préalable pris l'avis dudil sieur curé.
XIII. Celles qui s'associeront doivent, le jour
de leur entrée, aumôner à ladite confrérie, selon
leur dévotion. Elles seront néanmoins exliortées
de contribuer le plus qu'elles pourront aux frais
qu'il est nécessaire de faire pour l'acquit des
charges de ladite confrérie.
XIV. Il y aura un coffre ou plusieurs, où
seront gardez les ornemens et argenterie de la
confrérie, et la clef sera entre les mains des
administratrices en charge, qui répondront du
total. Et en sera fait inventaire signé des admi-
nistratrices anciennes et nouvelles, dont il sera
mis autant entre les mains dudit curé ou cha-
pelain.
XV. S'il arrive que quelqu'une des sœurs
devienne pauvre et dénuée de biens, elle sera
secourue, s'il est possible, par la confrérie, du
conseil cy dessus, et les sœurs seront exhortées
de les assister en leur particulier.
Connétable. Il partageait avec le grand
cliambellan le titre de maître des selliers, parce
que sur les 16 sous que payaient pour s'établir
les selliers qui voulaient employer le cordouan,
10 revenaient au connétable et les 6 autres
au grand chambellan.
Voy. Maître des cordonniers.
Gonraieurs. Gonrayeurs. Voy. Cor-
royeurs.
Gonreeurs. Nom que les Tailles de 1292
et de 1300 donnent aux corroyeurs.
Gonreeurs de robes
Courroueurs de panne.
vaires. Voy.
Gonroyeurs. Voy. Corroyeurs.
Gonscience (Ouvriers en). Dans une
imprimerie, ouvriers qui travaillent non à la
tâche, mais à la journée. L'endroit où ils se
tiennent se nomme la conscience.
Voy. Protes.
Gonscience
fixe.
(Vendre en). Voy. I*rix
Conseil du commerce. Son origine
remonte à Henri IV. Il fut réorganisé en juin
1700, en 1715, en 1722 et en 1730. « C'est à
ce conseil que se portent toutes les affaires qui
concernent le commerce, pour y être instruites,
discutées, éclaircies et en quelque sorte
réglées ' ». La Déclaration du 14 décembre 1715
dit plus clairement que l'on y « traitera de tout
ce qui concerne le commerce intérieur et exté-
rieur el les manufactures du royaume, qu'y
seront discutées et examinées toutes les propo-
sitions, placets et mémoires présentés sur cette
matière ; ensemble les difficultés qui survien-
droril au sujet du commerce tant de mer que de
terre, ainsi que des fabriques el manufactures - ».
Ce conseil s'assemblait rarement, mais un
' .Sivary, Dictionnaire du commerce, t. I, p. 1459.
- V.-i. ChaslLS, Dictionnaire de justice, t. I, p. 870.
CONSEIL DL' COMMEKCl': — CONTRAT DWIM'KIONTLSSAGK
197
Bureau, dti commerce, qui en était l'émanation,
se réunissait une fois par semaine, et tenait ses
séances au Louvre.
Conseillers du roi. Titre que prenaient
les notaires royaux.
Conseillers-contrôleurs, \'ov. Con-
trôleurs.
Conservateurs des eaux et forêts.
Vov. Inspecteurs.
Conservateurs des étalons. \oy.
Gardes.
Constructeurs de navires. Vov- Ba-
teaux.
Constructeurs de voitures. Voy.
Voitures.
Consuls. Voj. Juges-consuls.
Contables. Voj. Comptables.
Conteeurs de busches. Nom que la
Tuilh de 1292 donne aux mouleurs de bois.
Contrat d'apprentissag-e. Dès le trei-
zième siècle, il était soumis à des formalités qui
en faisaient un acte sérieux. Ses clauses devaient
toujours être arrêtées devant témoins. Parfois, la
présence de deux maîtres du métier suffisait *,
mais d'autres communautés exigaient le con-
cours des jurés ^. Les tréfiliers d'archal se
montraient plus prévoyants encore, ils voulaient
que les conventions fussent réglées en présence
des jurés par deux maîtres et deux ou\Tiers du
métier ^. Ces précautions n'avaient rien d'exa-
géré en tin temps où le contrat était presque
toujours verbal. On ne trouve en eiïet, dans le
Livre des métiers qu'une seule mention de con-
trat d'apprentissage passé par écrit. Les fiieresses
de soie à petits fuseaux, les plus débauchées des
ouvrières de Paris, forçaient l'apprentie à payer
six deniers « et par ces vi deniers sont tenu li
mestre de fere escrire la convenance *, et de
garder l'escrit devers aus ^, si que se contens
est ^ entre les parties, que par ce puisse estre
sceue la vérité '^ ». Ce qui était exception au
temps d'Etienne Boileau ne tarda pas à devenir
une règle invariable, et en 1474 le procureur du
roi obligeait tous les maîtres orfèvres à déposer
au bureau de la corporation les brevets de leurs
apprentis ^.
Les clauses du contrat variaient selon les
communautés.
1 Livre des métiers, titre XVII, art. .5 ; titre XX\III,
art. 9 ; titre XXX, art. 4 ; titre LX, art. 5.
2 Livre des métiers, titre XXI, art. 7 ; titre XXXMI,
art. 4 ; titre L, art. 17 ; titre XCI, art. 10. — Depping,
Ordonnances, p. 405 et 408.
3 Livre des métiers, titre XXIV, art. 6.
i L'accord entre les parties.
5 Eux.
6 Afin que si discussion s'élève.
'^ Livre des métiers, titre XXXVI, art. 5.
8 ^'oy■ P. Leroy, Statuts et privilèges du, corps des
marchands or fèvres-jo7jnilliers, p. .51.
Un peu plus tard, les contrats durent être
passés devant notaire, et en présence d'un juré
au moins ' ; souvent même tous le signaient ^.
Dès le seizième siècle, les contrats étaient enre-
gistrés au bureau de la comnumauté et « en la
chambre du procureur du roi au Chàtelet ' ».
A dater du dix-huitième siècle, on força chaque
corporation à posséder un registre spécial
<< duëment p;u'aplié par premier et dernier
feuillet par le lieutenant général de police, pour
y enregistrer les réceptions des maîtres et des
apprentifs ^, etc. ».
Le contrat d'apprentissage était naturrllemeut
annulé par la mort du maître. Cependant, en
général, la corporation se regardait comme res-
ponsable de reniant ; elle intervenait et lui
choisissait un autre patron.
Formule d'un co.ntrat d'apprentissage
au dix-septième sièct.e :
« Par devant les Notaires gardexottes
DU Roy en son Chàtelet de Paris soubzsignez,
fut présent Jean Bourdon, voiturier par terre,
demeurant à Coulibeuf, proche Falaise en
Normandie, de présent à Paris. Lequel pour le
bien de Paul Bourdon, son fils, aagé de douze
ans, qu'il certiffie de toute fidélité. Ta mis en
apprentissage, de cejourd'huy jusques et pour
quatre ans prochains après ensuivans finis et
accomplis, avec Jean Asselin, M" tissutier-ru-
bannier à Paris, demeurant rue Saint-Denis,
parroisse Sainct-Laurens, à ce présent, qui l'a
pris et retenu en ladite qualité d'apprenty pour
ledit temps. Auquel il promet monstrer et ensei-
gner, à son pouvoir, sondit mestier de tissutier-
rubannier et tout ce dont il se mesle et entremet
en iceluy, le nourrir, loger, et traitter doucement
comme il appartient, mesme luy faire blanchir
son linge. Et sondit père l'entretiendra de tous
vestemens, chaussures, linges et autres choses
ses nécessitez.
A ce faire, estoit présent ledit apprenty, qui a
eu ce que dessus pour agréable, et promis
apprendre ledit mestier au mieux qu'il lu}'^ sera
possible, et fidellement servir sondit maistre en
toutes choses licites et honnestes. Sans pendant
ledit temps s'absenter dudit service, auquel cas
sondit père promet le chercher et faire chercher
par la ville et banlieue de Paris, et partout où il
appartiendra ; pour, sy trouver le peut , le ramener
à sondit maistre pour parachever le temps qui
restera lors à expirer des présentes ; qui ont esté
faites sans aucune chose payer de part ny d'autre.
Fait et passé es estudes des notaires soubzi-
gnez, l'an mil six cens soixante-quinze, après
midy. Et ont signé, fors ledit apprentiz qui a
déclaré ne savoir ny escrire ny signer ^ ».
Voy. Apprentissage.
' Chapeliers, statuts de 1658, art. 3. — Charcutiers,
statuts de ITOô, art. 8. — Bourreliers, statuts de 1734,
art. 7.
2 Orfèvres, décision du 26 octobre 1605. — Horlo-
gers, sentence du 19 janvier 1742.
3 Tisserands, statuts de 1580, art. 18.
i Fourbisseurs, statuts de 1707, art. 4.
a Original sur parchemin, appartenant à l'auteur
198
CONTREBANDIERS - CONTROLEURS D'ÉTAIN
Contrebandiers. An début du règne
de Louis XV, il élait défendu d'introduire en
France les marchandises suivantes :
Étoffes de soie, d'or, d'argent ou de fil teint.
Miroirs de toutes sortes.
Dentelles dites points de Venise.
Toiles de colon de toute espèce, blanches ou
teintes.
La sortie des objets suivants était interdite :
Armes et munitions de guerre.
Or et argent en barre, en lingots, en vaisselle
ou monnoyés.
Pierreries, perles, jojaux.
Chevaux.
(Chanvre, lin, laine.
Fil de lin ou de chanvre.
Grains et légumes.
Les peines édictées contre les contrebandiers
étaient terribles : confiscation, galères, bannis-
sement, mort même.
Les faux sauniers étaient assimilés aux contre-
bandiers, et il fut prouvé aux Etats de 1484
qu'en peu d'années, plus de 500 d'entre eux
avaient été exécutés *. L'arrêt de juillet 1717
relatif à la contrebande des toiles peintes est resté
célèbre. On en trouvera l'analyse au mol Impri-
meurs .sur iHoffe.
Contre-cengiiaus (Feseurs de^ et con-
tre-ceng"liers. Vov. Contresangliers.
Contre-g-arde des monnaies. Ils
aviiifiil. diinslcs hôtels des monnaies, inspeclion
génénile sur tous les travaux, devaient tenir
registre de toutes les matières entrant en maga-
sin, etc. Ils prenaient rang aussitôt après les
juges-gardes et ils les remplaçaient en cas
d'absence. Leur création remonte à l'année
1214.
1/édit d<* juin 1696, supprima l'office de
Contre-garde et créa des contrôleurs-rnnlre-garde
dont Ifs fonctions étaient ù peu près identiques -.
Contrepointiers. Voy. Coutepoin-
tiers
Contre-porteurs. \«>y. Colporteurs.
Contre-poseurs. Vov. Poseurs.
Contresangliers. Faiseurs de conlrc-
«nnglfs. On nomun- ainsi, dit Savary «de petites
courntie.» de cuir, chtuées aux arçons (h' la selle.
pour V ntlneher les sangles li'iiu cheval ou autres
Wl«> de soMune />. L» Tnille de 12'J2 cite deux
coHlre-rcHifliers ; les Tai/lrs de t:i(H) et de i3i:i
mentionnent, l'une un cuin'siniijlicr, l'aiilre nu
feseur de rnntre-cengliau.r.
Les conlresnngliersappartenai.iil à la corpo-
ration des selliers.
Vov. Harnachement.
' \ny. Tari. Sauninrs.
« Voy. Abot A- Bazingh. n, TrailJ! des moHiioies, ( I
p. 180.
Contrôleurs. Voy. Greffiers et Ins-
pecteurs.
Contrôleurs des actes des notaires.
Offices créés en mars 1693, supprimés en
janvier 1698, rétablis dans la suite, définiti-
vement supprimés, en 1791. Le titre officiel était
conseillers-cnntrôhurs des contrats et actes des
notaires et tabellions royaux et seigneuriaux. Les
droits perçus par eux furent fort augmentés en
novembre 1722. Voy. le Journal de Barbier,
t. 1, p. 245.
Contrôleurs des adjudications et
ventes de toutes sortes de poissons de
mer, frais, sec et salé, et d'eau douce.
Trente offices jurés, créés en juillet 1702, et
réunis le même mois aux offices de jurés
vendeurs de poissons.
Contrôleurs de l'arg-enterie. Placés
sons les ordres de l'argentieer, ils furent dits
d'abord clercs de V argenterie . « C'étaient eux
qui débattaient les prix avec les marchands ; ils
tenaient aussi un papier de contrôle qu'ils
remettaient à la chambre des comptes en même
temps que l'argentier remettait ses comptes ».
En 1388, ils sont encore nommés clercs et
contrôleurs de r argenterie ; ils deviennent, au
seizième siècle, contrôleurs généraux de Uarge'n-
terie ^ .
Contrôleurs des bans des mariag-es.
Oflices créés en septembre 1697, et supprimés en
mars 1702 2.
Contrôleurs de bas. Voy. inspec-
teurs.
Contrôleurs de bières. Voy. Visi-
teurs.
Contrôleurs de bois. Voy. Commis-
saires.
Contrôleurs de la bûche. Voy.
Mouleurs de bois.
Contrôleurs de cendres. \oy. Com-
missaires.
Contrôleurs de charbon. Voy. Mesu-
reurs.
Contrôleurs de chaux. Voy. Mesu-
reurs.
Contrôleurs des courtiers de vin.
Cinquante offices créés par édil de février 1707
et supprimés la même année au mois d'avril '^.
Contrôleurs d'eau-de-vie et d'esprit
de vin. Voy. Essayeurs.
Contrôleurs d'étain. Voy. Essayeurs.
' \ oy. Douël-d'Arcq, Comptes de l'arqenterie, notice,
p. IXeiX. '^ y ' .
' V.-.]. Cha.sles, Dictionnaire de justice, t. II, p. 515.
3 F.-.I. diables, Dictionnaire de justice, t. I, p. 925.
CONTROLEURS
199
Contrôleurs des feux d'artifice. Voy.
Capitaine.
Contrôleurs de foin. Officiers jurés, créés
par édil de décembre 157.5. Ils devaient « tenir
un registre de l'arrivée des Ijateaux charo^és de
foin, être présents lorsque la vente s'en ouvroit,
tenir la main à ce que les ordonnances fussent
exécutées, etc. * » En janvier 1581, ils furent
remplacés par d'autres officiers qui reçurent le
titre de contrôleurs, vendeurs, priseuis, peseurs,
visiteurs et compteurs.
Contrôleurs de fruits. Cinquante offices
jurés créés en juin 1708.
Contrôleurs du g-obelet. Officiers de la
maison royale. « Le contrôleur ordinaire du
gobelet doit être présent à la recette de toute la
viande et du poisson pour la bouche du Roy ; et
avant qu'on les serve sur table, il examine si
toutes les pièces contenues sur le menu sont
emploiées. 11 est chargé de la garde du vin et de
l'eau pour la personne de sa Majesté. De plus, il
tient registre de toutes les nouveautés de viandes
pour le Roy, fruits, confitures, vins de liqueur,
etc., qui luy doivent être mi.ses entre les
mains ^ ».
Contrôleurs de la marque et visite
de toutes sortes d'ouvrag-es d'or et
d'arg"ent. Offices créés par édit d'août 1696,
supprimés par édit de février 1698.
Contrôleurs des monnaies. Voy.
Contre-garde .
Contrôleurs du paraphe des reg-is-
tres dans les communautés. Offices créés
en novembre 1706, et rachetés par les commu-
nautés en décembre 1709.
Contrôleurs au partage du minot
de sel. Officiers jurés dépendants des greniers
à sel.
Voy. Sel (Commerce du).
Contrôleurs de pierres de taille,
moellons, chaux, etc. Voy. inspecteurs.
Contrôleurs du poisson de mer,
tant frais qiie salé.
Office juré créé en mars 1544.
Contrôleurs de porcs. Voy. inspec-
teurs.
Contrôleurs des registres. Voy.
Offices (Créations d').
Contrôleurs [dk théâtre]. « Les con-
trôleurs des portes, qui sont l'un à l'entrée du
parterre et l'autre à celle des loges, sont commis
à la distribution des billets de contrôle, pour
placer les gens qui se présentent aux lieux où ils
1 DelamaiTo, Traité de la police, t. III, 998.
2 État de la France pour 1687, t. I. p. 73 ; pour 1712,
t. I, p. 83.
doivent allrr. selon la qualité des billets qu'ils
apportent du bureau où ils les ont esté prendre.
Ils ont soin aussi que les portiers facent leur
devoir, qu'ils ne reçoivent de l'argent de qui
que ce soit et qu'ils traitent civilement tout le
monde ' ».
Voy. Ouvreuses et Théâtre.
Contrôleurs des titres. Offices créés par
édit de juin 1581. Le titulaire devait « enregis-
trer les contrats excédans 500 écus en principal
ou 30 sols en rente foncière et les décrets ou autres
expéditions entre vifs de dernière volonté - ».
Contrôleurs des trésoriers-payeurs
des communautés. Deux offices créés par
édit de juin I7;j0, et supprimés par édit de
décembre 1734.
Voy. Offices (Créations d').
Contrôleurs de vin. Voy. Vendeurs.
Contrôleurs-courtiers de volailles,
gibier, cochons de lait, agneaux,
chevreaux, œufs, beurre et fromage.
(Cinquante offices jurés, créés par édil d'août
1702, portés à 140 par édit de mars 1705,
supprimés en novembre 1706 ^.
Contrôleurs - essayeurs - visiteurs
des huiles. Offices jurés, créés par édit de
mai 1705, supprimés par édit de décembre 1708.
Contrôleurs g-énéraux du garde-
meubles. Voy. Garde-meubles.
Contrôleurs généraux des mon-
naies. Office créé en 1573 par Charles IX, en
faveur de Germain Pilon. Sur les difficultés
qu'opposa à cette création la cour des Monnaies,
voy. le Dictionnaire critique de .lal, p. 973.
Contrôleurs généraux des postes.
Ils furent institués par lettres patentes du
29 novembre 1565, confirmées le l""" août 1571
et souvent par la suite.
En janvier 1608 Henri IV remplaça le titre de
contrôleur général par celui àe général des postes
et relais.
Contrôleurs-inspecteurs-essayeurs-
visiteurs de beurres et fromages.
Cent offices jurés, créés par édil de juillet
1707, supprimés par édit d'avril 1708 *.
Contrôleurs-taxeurs et peseurs de
lettres et paquets. Offices créés par édit du
3 décembre 1643. Les titulaires devaient taxer
les lettres à l'arrivée des courriers, tenir registre
de celles qu'ils expédiaient, recevoir les plaintes
du public et, d'une manière générale, surveiller
l'exécution des règlements.
Ces charges furent supprimées en 1655.
1 S. Chappuzeau, Le théâtre français (1674), p. 241.
2 F.-J. Chasles, Dictionnaire de justice, t. I, p. 907.
3 Dt'lamarre, Traité de la police, t. II, p. 1482etsuiv.
i Delamarre, Traité de la police, t. II, p. 1492.
200
CONTROLEURS — COPISTES
Contrôleurs- vendeurs-priseurs-pe-
seurs- visiteurs et compteurs de foin.
Oftici.-rs jun-^ cn-és par édit de janvier 1581,
pour remplacer les contrôleurs nommés anlé-
rieur<'menl. Leur nomifre, qui varia sans cesse,
était de trente-deux en 1704. L'éditde septembre
1719 les supprima ^
Contrôleurs-visiteurs d" avoine. Soi-
xante offices créés par édit de juillet 1704.
Contrôleurs-visiteurs du fer doux.
Oflicfs créés par édit ihi 6 mars H')'2(). Les
titulaires devaient « co<^^noistre, distinguer et
marquer le fer doux d'avec le fer aigre ».
Contrôleurs-visiteurs des poids et
mesures dans cliaque communauté. Ofiices
créés par édit de janvier 1704, et supprimés par
édil de juillet 1716.
\oy. Offices (Créations d').
Contrôleurs-visiteurs des poids et
mesures dont on doit se servir dans
les moulins à eau et à vent. J'ai trouvé
cet (ifticc cité dans un arrêt de 1708.
Contrôleurs-visiteurs des suifs. Of-
fices jurés, créés pour Paris en avril 169.Sef pour
la France en décembre 1708.
Contrôleurs-visiteurs - marqueurs -
^'•ardes des halles et marteaux des
cuirs. Offices créés pai' Henri 111 en juin 1585,
puis supprimés. RélaJïlis en janvier 159G -.
Les marchands « seront tenus les appeler pour
voir les cuirs et visiter s'ils sont de qualité
requise pour estre exposez en vente. El, en ce
c<is, y apposer un plomb qui sera gravé de trois
fleurs de lys ».
Cont rôleurs-visiteurs et marqueurs
(k; toutes sortes de papiers entrant
dans Paris. (jn(|uant<,' offices jurés, créés en
aitùt 1704. Il en fut créé cinquante autres en
17l:{.
Contrôleurs-visiteurs et marqueurs
(le toiles, canevas, coutils, futaines et
treillis. La création de ces offices paraît
renn.tiltT H l'année 1551. Le titre de ces con-
lr(')l«'urv fut modifié et leur nombre augmenté
par édit du 28 juin 1627.
Copies de lettres (Fahhica.nts de,, lis
éliii.nl représt-nlés, an dix-huiliome siècle, par
lin liomme ingénieux, qui annonr.}iit ainsi
riiivention dont il était l'auliMir : « Polvgraplie
ou cnpislp Iinliile du sir>ur Cdlleneuve, rue
(iivni«T .Snint-Liznre. C-llo machine, qui sert à
formiT avec trois plumes trois copies absolument
scml)lnblcs et simuIlHnées, a paru très ingé-
nieu.se, pt los expériences qui en ont été faites
en pré.sencc de l'Académie lèvent Imis l.s doutes
' iVUmnrr.', TniU dt la politt, t. JU. p. t»U8.
* r 'nionon, Êdih et ordoHnMctt, t. I, p. 1168.
que l'on pourroit former sur la possibilité de son
usage et l'utilité dont elle peut être ^ ».
Copistes. La copie des manuscrits fut, de
bonne heure, une des obligations les plus rigou-
reusement prescrites aux moines par les règles de
leurs ordres. Les grands monastères avaient une
salle spéciale consacrée à la transcription des
manuscrits, c'était le scriptorium. Les statuts de
l'abbaye de Saint-Victor fournissent à cet égard
des indications curieuses -. Le scriptorium était
installé au sein du couvent ^, mais dans un lieu
écarté et tranquille, afin que les copistes pussent
se livrer au travail loin du bruit et des distrac-
tions. Ils ne devaient rien transcrire sans l'avis
du bibliolliécaire, qui leur fournissait le parche-
min et tous les objets nécessaires *. Ces prescrip-
tions, ajoute le règlement, restèrent en vigueur
jusqu'à la découverte de l'imprimerie. Il exista,
en outre, pendant longtemps, à Saint-Victor,
des copistes payés sur les fonds du couvent, et
qui contribuèrent aussi pour vme large part à la
célébrité qu'acquit la bibliothèque de cette
maison.
Le scriptorhim était regardé comme un endroit
presque sacré. On était tenu d'y garder le silence.
L'abbé, le prieur, le sous-prieur et le bibliothé-
caire avaient seuls le droit d'y pénétrer. On
recommandait aux copistes de s'astreindre à une
rigoureuse exactitude, de ne pas mettre un mot
pour un autre, de ponctuer avec soin. Une prière
dont la fornude a été retrouvée dans un manus-
crit de Saint-Germain des Prés, était dite au
moment où les écrivains se mettaient à l'œuvre ;
elle était destinée à appeler la bénédiction divine
sur eux et sur le scriptorium ^. Une autre prière,
Benedictio ad lihros benedicendos demandait à
Dieu sa bénédiction pour les manuscrits eux-
mêmes ^.
Les copies faites dans les couvents eurent
pendant longtemps pour objet à peu près unique
la reproduction des livres saints ; aussi ce travail
était-il regardé moins encore comme un service
rendu à la science que comme un acte de piété.
A certains jours déterminés, on priait pour les
écrivains et pour les personnes qui avaient donné
des manuscrits à la maison, on promettait des
prières aux opulents bienfaiteurs qui contri-
bueraient par leurs largesses à l'accroissement de
la bibliothèque.
Les copistes croyaient même faire œuvre
expiatoire, et celte pensée se rencontre fréquem-
ment dans l'explicit des anciens manuscrits. Dès
le douzième siècle, la Règle des Cliartreux en
' Hnzi- (t.- Clianloisoau, Almanaeh Dauphin pour 1777,
2" ii.irlic, p. .18.
- \ov. aussi Cil. Kohlcr, Un ancien ' règlement de lu
bibliiilhêquc Ste-Generiète, 1889, in-S".
■' Il se coiiiposait souvent, do putites cellules placées
près de la bibliothèque. Voy. Albert Lenoir, Architec-
ture motiasllque, I. II, p. 374.
* .J'ai rencontré ce rèplerneni dans un grand nombre
de manuscrits, dont, trois sont conservés à la Bibliothèque
national.- : Fonds latin, n»' 14,375, 14,673 et 15,063.
.\outeau traité (te diplo)nntique, t. III, p. 190.
* E. Martène, De antiquis Ecclesiœ ritiôus, t. II.
p. 844.
COPISTES — COQUETIERS
201
renfermait la naïve et très ferme espérance :
« Autant nous écrivons de livres, dit-elle, autant
nous créons de panégyristes de la vérité. Nous
espérons que le Seig'ueur nous accordera une
récompense proportionnée au nombre des
hommes qui auront été par eux ramenés de leurs
erreurs ou affermis dans la foi catholique, de
ceux mêmes qui auront roug^i de leurs péchés ou
de leurs vices, ou qui auront été enflammés du
désir de la patrie céleste * ».
Celait, à coup sur, demander beaucoup et
pourtant on ne s'en contenta pas. Suivant une
tradition répandue dans les couvents, chaque
lettre que traçait un moine lui remettait un
péché dans l'autre monde, au jour du dernier
jugement. Écoutez ce que raconte sur ce point
Orderic Vital : « Il 3' avait dans un monastère un
religieux qui s'était rendu coupable de nom-
breuses infractions à la Règle de la maison ; mais
il savait écrire, était assidu au travail, et il copia
une grande partie de l'Ecriture sainte. Il mourut,
et son âme fut conduite devant le tribunal du
juste juge pour y être examinée. Les mauvais
esprits formulaient contre elle de vives accusa-
tions, et faisaient l'exposé de ses innombrables
péchés ; mais de leur côté, les saints anges
montraient le livre que le religieux avait copié,
et présentaient l'une après l'autre chacune des
lettres de l'énorme volume pour les opposer à
chaque péché. A la fin, le nombre des lettres se
trouva supérieur d'une seule à celui des péchés,
et tous les efforts des démons furent impuissants
à attribuer un seul péché au religieux ^ ».
D'autres légendes rappelaient aux copistes le
soin qu'ils devaient apporter à reproduire les
textes exactement. Il existait, disait-on, un
démon appelé Titivilitarius ou Titivilhis, le
vétilleux, par corruption d'un mot populaire de
l'ancienne latinité, et ce démon apportait tous
les matins en enfer un plein sac des lettres que
les religieux avaient omises, soit dans leurs
copies, soit dans leurs psalmodies de la nuit.
Au treizième siècle, il y avait déjà, en dehors
des couvents, un certain nombre de clercs qui
faisaient métier de copier des livres. La Taille
de 1292 en cite vingt-quatre disséminés à peu
près dans tous les quartiers : un seul, « Nicolas
l'escrivain », habite la « rue aus Escrivains ^ ».
A la fin du siècle suivant, on comptait à Paris
une soixantaine d'écrivains : le chiffre de soixante
mille que donne Guillebert de Metz '' est certai-
nement le résultat d'une erreur ou d'une plaisan-
terie. Il est vrai que Uaunou donne, à son tour,
celui de quarante mille ^, mais tout cela revient
à dire qu'une multitude de religieux s'occupaient
à copier des livres. Les copistes parisiens étaient
renommés pour leur habileté. Les rois, les
princes, les riches seigneurs en entretenaient à
grands frais. D'admirables manuscrits nous ont
transmis les noms de Henri du Trévou et de
1 Annales ordinis Carfusiensis, t. I, p. 62.
2 Historia ecclesiastica, lib. III, cap. III.
.1 Page 157.
'* Chapitre XXX.
•'* Histoire littéraire de la France, t. X^ I, p. 38.
Raoulet d'Orléans, qui étaient attachés à la
maison de Charles V. Guillebert de Metz, lui-
même, passé maître en cet art, en mentionne
beaucoup d'autres, les plus habiles sans doute
qu'il y eût à Paris vers 1400. C'est d'abord
Gobert, « le souverain escripvain », auteur d'un
traité aujourd'hui perdu « sur l'art d'escripre et
de tailler plumes » ; Sicard, qui travaillait pour
le roi Ricluird d'Angleterre ; Guillemiii, à la
solde du grand maître de Rhodes ; Crespy,
employé par le duc d'Orléans ; Jean Flamel, le
calligraphe préféré de Jean de Berri ; enfin
Nicolas Flamel, resté célèbre surtout par ses
richesses et ses libéralités ^ . Plusieurs d'entre
eux habitaient de petits logis adossés à l'église
Saint-Jacques la Boucherie, et dont la situation
est indiquée sur un plan qu'a publié l'abbé
Villain ^. C'est là que s'établit Flamel, dans
deux réduits assez semblables aux échoppes de
nos écrivains publics, « cinq pieds de long sur
deux de lez ». Peu à peu l'aisance vint, puis la
fortune ; Flamel acheta un terrain en face de
l'église, et il y fit bâtir une belle demeure. Il
eut alors de nombreux écoliers, des externes et
des pensionnaires ; parmi les premiers figuraient
des fils de familles nobles, « des gens de cour »,
qui ne payaient pas toujours exactement leurs
leçons ^.
Dans le premier livre imprimé en France, les
épîtres latines de Gasparino Barzizio '* . figure
ime préface où on lit cette phrase dirigée contre
les copistes : « Outre les graves et nombreuses
mésaventures arrivées aux lettres, elles semblent
avoir été plongées presque dans la barbarie, par
suite des incorrections dues aux copistes. Aussi
est-ce avec une joie extrême qu'on va voir ce
fléau fuir la grande cité parisienne. Les impri-
meurs venus d'Allemagne reproduisent correc-
tement les livres d'après les manuscrits ».
Les malheureux copistes à qui l'imprimerie
venait enlever leurs moyens d'existence se rési-
gnèrent à donner des leçons de dessin, des leçons
d'écriture, et l'on trouvera la suite de leur
histoire au mot écrivains. "*
Copistes de théâtre. « Le copiste, écri-
vait Chappuzeau en 1674, est commis aux
archives pour la garde des originaux des pièces,
pour en copier les rôles et les distribuer aux
acteurs'' ». Il cumulait alors avec ces fonctions
celle de souffleur.
En 1760 le copiste de l'Opéra se nommait
Durant. Il avait été remplacé, en 1773, par un
sieur Lefèvre.
Goquatiers. Nom que l'ordonnance de
janvier 1351 donne aux coquetiers.
Goqiietiers. Forains qui apportaient à
Paris du beurre, des œufs, quelques fruits, etc.
1 Chapitre XXX.
- Histoire de la paroisse Saint-Jacques de la Boucherie,
p. 256.
>* Histoire de la paroisse Saint-Jacques, p. 40 et 146.
i Voy. ci-dessous l'art. Imprimeurs.
^ Le théâtre français, p. 237.
202
COQUETIERS — CORDON BLEU
Ils représentent assez bien la spécialité aujourd'hui
connue sous le nom de beurre et œufs.
Je les ai trouvés nommés cocatiers, cocassiers,
coquatierS; qtieconniers, cocquassiers, beurriers,
etc.
CoqTiilliers. La Taille de 1202 cite 3 coqtiil-
liers. Suivant Géraud, ils auraient fait des
« coquilles, espèce de coiffure à l'usafje des
femmes • ». Mais, la coquille dérivée du chape-
ron, ne fut guère en usage avant la fin du
quatorzième siècle ^.
Corailleurs. Marchands de corail, ouvriers
en corail, qu'on trouve aussi nommés coralters
et couraliers.
Ils dépendaient de la corporation des orfèvres.
Mais, comme toutes les pierres précieuses, le
corail formait la base de nombreux médicaments,
il pas.saif pour guérir l'hjdropisie, les pertes
séminales, etc. Destiné à cet emploi, le corail
appartenait au commerce des épiciers-apothi-
Cxiires.
Voy. Joailliers et Patenôtriers.
Goraliers. Voj. Corailleurs.
Corbeaux. \ oj. Croque-morts.
Corbeille (Offrande de la). C'était une
des nombreu.ses redevances offertes par les jurés
nouvellement élus aux jurés sortants. Elle se
composait d'une corlieille remplie do fruits et de
contilures sèches. En lf)82, les merciers rempla-
cèrent l'ollrande de la corbeille par le don de huit
jetons d'argent 'K
Corbeilliers. Gorbeilloniers. Gor-
beliniers. Gorbelleurs. Gorbelloi-
K"neurs. V(.y. Vanniers.
Corbesiers. Voy. Cordonniers.
Corbilloniers. Corbisiers. Voy. Van-
niers.
Corde. Ancii-nne mesure de capacité, qui
fiait siirloiit ••mployéc pour le bois à brûler.
Vi>y. Mouleurs de bois.
Corde Danskursde). Voy. Funambules.
Cordoleurs. Voy. Arpenteurs.
Cordes de boyau. V^y. Boyaudiers.
Cordes pour instruments de musi-
(\\U\ ( »n l-'s trouve citcrs, ;ni (|Uiitorzii'nii' siècle,
flan^ in nnmeni-lature des objets ([vw débitaient
Ip.-* morcieps » . Au dix-septi."M,ie siècle, on recher-
Chnil HUrloUl les cordes de Home; elles se
viMulni«Mit en gros à l'nris rue Saint-Denis, ,mix
Irni.s mnillfis. et m flétail chez tous l.'sbilhiers •'•.
> T»ilU dt t292, p. 408.
' \«>y Dumn^f.', Glottaire, nu iimt n,(/iii/ius.
•■' SftinlJivinnv, /tfyis/re tlts lii^Ubrrations des nwrchaniU
mtrtitTi, ^ \Vt1 .
* Voy. U f>ii li'un mm-itr.
S Le Ltfrt rommodt pour M9S, t. I, p. 215.
Au dix-huitième siècle, Lyon faisait une concur-
rence sérieuse à l'Italie ^ A Paris, toutes les
cordes de boyau étaient confectionnées par la
corporation des boyaudiers.
Gordeurs de bois. Voy. Mouleurs de
bois.
Gordiers. Leurs plus anciens statuts connus
datent du treizième siècle ; ils y sont qualifiés
« faisierres ^ de cordes de toutes manières de
fil, de teill ^ et de poil ». Chaque maître ne
pouvait avoir à la fois plus d'un apprenti, et
l'apprentissage durait quatre ans '*. Les cordiers
étaient exempts de tout impôt, à la condition de
fournir gratuitement les chevêtres, c'est-à-dire
les brides et les licous destinés aux sommiers ^
de la maison royale ®.
La Taille de 1292 nomme 26 cordiers, celle
de 1300 en cite 13 seulement.
Les statuts de cette corporation furent renou-
velés en janvier 1395. Il n'y est plus question
de la redevance des chevêtres, mais elle est
remplacée par une autre : les cordiers doivent
fournira l'exécuteur des hautes œuvres les cordes
qu'il emploie dans l'exercice de sa profession,
« pource que, dit l'article 14, ils livrent pour
néant et à leurs dépens toutes les cordes qu'il
faut avoir et sont nécessaires au fait de la justice
du Roy, nostre sire ».
De nouveaux statuts, datés de janvier 1706,
donnent aux maîtres de cette corporation le
nom de cordiers-ci'iniers.
Les ouvriers de ce métier étant obligés de
marcher en arrière quand ils tordent leurs
cordes, on disait d'eux qu'ils gagnaient leur vie
à reculons. Les articles de chasse et de pêche
constituaient une des spécialités de la commu-
nauté, dont les maîtres, vers la fin du siècle
ajoutèrent à leur titre officiel ceux de marchands
de chasse-mouches et filets, fabricants et enjoliveurs
de crin. On appelait chasse-mouches un filet à
cordelettes pendantes dont on couvrait les flancs
des chevaux pour les garantir des mouches.
On comptait alors à Paris environ 130 maîtres
cordiers. Une prescription qui avait été presque
générale au moyen âge leur était encore imposée,
ils ne devaient point travailler à la lumière, « à
cause des fraudes et tromperies si aisées en ce
métier », et des graves conséquences qu'elles
peuvent avoir.
La corporation était placée sous le patro-
nage de saint Paul, qu'elle fêtait le jour de la
conversion.
Cordiers (Maîtres). On nommait ainsi,
dans les arsenaux, les officiers préposés au
service de la corderie.
Gordon bleu. « l)"après le Dictionnaire de
Trérouor, ce mot se ditfigurément d'une personne
1 Suyury, Diclluiuiaire. I. 1, p. l.")10.
* l''!ii.spurs.
3 Écorce de tilloul.
* Livre des me'tiers, titre XIII.
5 Botes (te somme.
6 Litre des métiers, 2^ partie, titre I, art. 63.
CORDON BLEU — CORDONNIERS
203
d'un mérite distingué dans une communauté * ».
Dans son édition de 1835 le Dictionnaire de
r Académie remplace celte définition par celle-ci :
« Se dit, figurément et par plaisanterie, d'une
cuisinière très habile "^ ».
Cordonniers. Ils devaient leur nom à
l'espèce de cuir qu'ils employaient le plus, le
cordouan, peau de chèvre apprêtée suivant des
procédés spéciaux ^. Le secret de cette prépa-
ration avait été apporté en EspagJie par les
Arabes, et dès le temps de Charlemagne,
Cordoue fournissait à l'Europe occidentale le
cuir utilisé pour les chaussures de luxe *. Le
nom de cordouan s'appliqua à toutes les imi-
tations de ce cuir aussi longtemps que les
Arabes conservèrent une industrie en Espagne.
Plus tard, on acheta ces mêmes peaux sur les
côtes de la Barbarie et sur celles du Maroc, ce
qui fit changer leur nom en celui de maroquin.
Le cordouan était dit en latin aluta, d'où la
qualification aValutarii donnée aux cordouanniers
par Jean de Garlande ^. Ils eurent bien d'autres
noms encore, car voici les différentes formes que
j'ai rencontrées :
Carduanarii. Cordubenarii.
Cordanarii. Cordubones.
Cordebanarii. Cordularini.
Cordoanerii. Corversarii.
Gordoenarii. Sutores.
Cordones. Sutores vaccse.
Corduarii. Sutorii.
Cordubanarii. Vacarii.
Cordubanasii.
Vers 1268, les cordouanniers revisèrent
d'anciens statuts et les soumirent à l'homolo-
gation du prévôt Etienne Boileau ^. L'organi-
sation de cette importante communauté nous est
donc connue dans ses moindres détails.
Le roi ayant cédé les revenus du inétier à
son chambellan et à son chambrief, c'était
à ceux-ci que les ouvriers achetaient le droit de
s'établir. Ils le payaient seize sous, dont dix
revenaient au chambellan et six au chambrier.
Une fois la somme versée, le nouveau maître
jurait, en présence du chambellan, que « le
mestier feroit bien et loiaument ».
Chaque maître pouvait avoir autant d'ap-
prentis qu'il voulait, et régler à son gré les
conditions de l'apprentissage.
Le travail à la lumière était interdit aux
cordouanniers, sauf pour le roi, pour la reine et
la maison royale, sauf aussi pour eux-mêmes et
leur famille.
Tout cordouannier devait cesser de travailler
le samedi à six heures du soir, « au darrenier
cop de vêpres sonné en la paroisse où il
demeure ».
1 Édit. de n71, t. I, p. 913.
2 Tome I, p. 410.
3 Voy. Ducange, au mot cordebisim.
4 Voy. l'art. 162 de l'ordonn. du 30 janvier 1351.
» Dictioiiarius, p. 25.
6 Livre des métiers, titre LXXXIV.
La Taille de 1292 nous apprend qu'il y avait
alors à Paris 226 cordotianiers^ celle de 1300 en
cite 275. Le métier était bon, car s'il fallait en
croire le Jonrnal d'un bourgeois de Paris l'épi-
démie régnante en octobre et en novembre 1418
eut enlevé 1.800 cordonniers « tant maistresque
valets * ». Ce qui n'empêcha pas la corporation
de constituer à elle seule une compagnie quand
Louis XI (1467) enrégimenta les parisiens "^.
Le cordonnier du roi Jean en 1350 se nom-
mait Guillaume Loisel, celui de Charles VI en
1387 Jean de Saumur, et celui de Louis XI en
1468 Verrat. Le premier cordonnier qu'eut
Louis XIII s'appelait Champagne, et le petit roi
avait à peine huit mois quand il lui fit des
souliers. Héroard écrit dans son Journal, à la
date du 2 juin 1602 : «Champagne, cordonnier,
lui prend mesure de ses souliers, qui fut d'un
grand point ^ ». La Révolution a anéanti cette
relique royale, car, en 1787, l'on conservait
encore au Val-de-Grâce « la première chaussure
de chaque fils ou dame de France * ».
En avril 1573, Charles IX accorda aux
cordonniers des statuts dans lesquels quelques
articles méritent d'être recueillis.
Un compagnon étranger ayant servi pendant
cinq ans pouvait passer maître en épousant une
veuve ou une fille de maître.
Les maîtres ne devaient occuper un étranger
que si tous les compagnons de Paris étaient
placés.
Les lettres patentes de 1614 modifièrent
encore cette organisation.
Chaque maître ne put engager qu'un seul
apprenti, et la durée de l'apprentissage fut fixée
à quatre ans au moins.
Le contrat d'apprentissage était passé devant
notaires.
Le chef-d'œuvre exigé pour obtenir la maîtrise
devait être exécuté en présence de six jurés. Les
fils de maître en étaient dispensés, « comme ils
ont accoutumé de toute antiquité ».
Afin de restreindre la concurrence, on ne dut
plus recevoir chaque année que quatre nouveaux
maîtres.
Chaque cordonnier fut tenu d'appliquer sur les
chaussures faites par lui une marque spéciale
qui permit de déterminer leur origine ^.
Il était défendu de faire confectionner aucun
ouvrage au dehors, « si ce n'est par un pauvre
maître qui n'a moyen ni faculté de tenir boutique,
pour lui donner moyen de vivre et subvenir à
ses nécessités ».
Tout compagnon resté trois jours sans place,
« trouvé avoir esté %ans maistre trois jours
consécutifs », était arrêté et emprisonné au
Châtelet.
Aucune des corporations de Pai"is n'avait une
organisation plus compliquée, et ne comptait un
1 Édit. Tuetey, p. 116.
2 Ordonn. royales, t. XVI, p. 671.
3 Tome I, p. 28.
'* Thiéry, Guide des amateurs et des étrangers, t. II,
. 260.
S Voy. ci-dessus l'art. Bottiers.
204
CORDONNIERS — CORNETIERS
si grand nombre de dignitaires. On en trouvera
la liste ci-dessous à l'article Maîtres des métiers.
Cette organisation subsistait intacte à la fin du
dix-liuitiéme siècle.
Vers 1725, on comptait à Paris environ
1.500 maîtres, dont la plupart occupaient de
trois à douze compagnons ^. Une cinquantaine
d'années plus tard, ce nombre était monté de
1.800- à 1.824 3. Les maîtres s'étaient alors
divi.sés d'eux-mêmes en trois classes : cordonniers
pour hommes, cordonniers pour femmes, cor-
donniers pour enfants, et bottiers, tous composant
une même corporation. Ils avaient pour patrons
saint Crépin et saint Crépinien, « qui furent
cordctanniers en leur vivant ». C'est au moins ce
qu'aflirment les lettres patentes du 6 juillet
i:ny ^
A dalt-rdcs huit ou dix années qui précédèrent
la Révolution, les boutiques des cordonniers
commencèrent à devenir presque luxueuses ^,
et le propriétaire ne fut guère moins (;hangé que
le domicile. Il portait un habit noir, une
perruque bien poudrée, et avait tout l'air d'un
greffier, écrit Sébastien Mercier ^.
La rue de la Cordo>i ne rie •iilnée près des Halles
fui supprimée vers 1860. La rue des Fourreurs et
ht riii' df la Tabletterie, sa continuation, s'appe-
lèrent rue de la Cordouanerie au quatorzième
siècle ', e{ rue de la Vieille- Cordonnerie au
dix-septième siècle ^. Le cul-de-sac Sainl-
Biirlhélemy, derrière l'église de ce nom, s'est
appelé vicus Cordubenarius et rue des Cordoua-
f/ners '.
Outre les formes déjà mentionnées, j'ai trouvé
le» cordormiers désignés sous les noms do
corùetiers, corvisiers, courvexiers, crovixiers,
semeliers, etc.. etc. *
Voy. Chaussure.
Cordonniers (Frères). Depuis le seizième
siècle surl<»ul. la ludralité des ouvriers cordon-
niers laissait fort à désirer. On leur reprochait
surtout le mystère dont ils entouraient les forma-
lités, plus ridicules qu'impies '", de leur réception
au ••••mpiignimnage. C'est pour réagir contre ces
désordres qu'un cordonnier nommé Buch et le
Imrou de Henly fondèrent en 1645 la communauté
des frères rordiinniers de Saint-Crépin, véritable
a»»ociHli«in religieuse dont les meudjres s'enga-
p<*aient il mettre tout eu commun, à partager
avec les pauvHîs du métier Ions leiiis bénélices, ii
HJlfT Miènii- travailler chez les maîtres, pour y
edilier [lar h-ur exiMUple les aulres (-(juipagnons.
!.«•» priorcs H les r^iuliques Imubhii.'nl seuls h-
' Sii»«r;^, /h'ftioHnalre dii rummerce, t. I, n 1517
■ V 1773. '
■• 1770.
• ■ ..^.)i |M«r (î Knjfiii.v. , h'tuiUi xur f intlii.slric,
|> iM — >o_v nimni Ducnnpi-, nu mot fesliim.
» Vit pmili^utfl privée JtM fronçais. {\^2\\), l. II,.. 213
fi 817. '
• TMntm Ht hwit. \. XI, p. IH.
* Guillitl. Dit du ruts dr Paris, vrrs 259.
* Vov, !.. |.|an .t.. fionihoiixt.
' JaiIIoI, .|uartipr .lr In Cilc. p. 27 ol 45.
•• \oy. iAfhtr, Diuerlation* rtlalirtt à l'histoire ,1c
Fnuttf, I. IX.
silence exigé dans la maison. Les frères portaient
un costume presque ecclésiastique, manteau de
serge brune, rabat, chapeau à large bord ; ils
visitaient les indigents, leur distribuaient des
secours, des consolations, etc.
Racine mandait à son fils, le 26 janvier 1698 :
« Vous trouverez dans les ballots de M. l'ambas-
sadeur un étui où il j a deux chapeaux pour vous,
un castor fin et un demi-castor. Vous y trou-
verez aussi une paire de souliers des frères ^ ».
Cette association prospéra, et Paris comptait
deux établissements de ce genre à l'époque de
la Révolution, l'un dans la rue de la Grande-
Truand erie, l'autre dans la rue Pavée Saint-
André -. « Il y a, écrivait, alors Séb. Mercier,
des frères cordonniers ; c'est une communauté de
frères unis, faisant des souliers. Ils vivent, comme
les anciens apôtres, du travail de leurs mains ; ils
chantent des psaumes et battent le cuir, ce qui
n'est pas incompatible. . . Ils ont la réputation de
donner de bonne marchandise ^ ».
Gordouag"ners. Voy. Cordonniers.
Gordouaniers. Nom que les Tailles de
1202 et de 1300 donnent aux cordonniers. Le
Livre des métiers écrit cordxmanniers .
Gordouenniers. Nom donné aux cordon-
niers par la grande ordonnance de 1467.
Gornemuseurs. Joueurs de musette ou de
cornemuse. Rabelais les nomme gayetiers ^, du
mot espagnol y«y/^ro.
Gorneteurs ou Ventouseurs. Poseurs
de ventouses. Jusqu'à la fin du dix-septième
siècle, il fut d'usage de se faire ventouser chaque
fois que l'on prenait un bain. Cette opération
était pratiquée par le baigneur ou un de ses
valets. Montaigne, qui visita les bains de Bade
en 1580, rapporte (jue les baigneurs « s'y
faisoient corneter et soigner si fort que les deux
beings publics sembloient parfois estre de pur
sang^ ». Nicolas de Franqueville écrivait encore
en 1691 : « Le maistre ou valet des estuves
scarifie la peau avec sa lancette en y appliquant
des ventouses, pour en tirer du sang qui est entre
chair et cuir, ot l'essuyé avec une éponge •" ».
Gornetiers. La Taille de 1292 cite deux
« foseurs do cornez », celle de 13i3 mentionne
« Jehanne la cornelière », et aussi « Michiel de
Viviers, marchand de boëtes, cornez et autres
choses ». Fabriquaient-ils dos cornets à écrire ou
dos cornets pour jouer aux dés? Au moyen âge,
l encre éUiit souvent renfermée dans une corne,
que l'on portait en bandoulière ou fixée à la
ceinture. Les expressions escriptouère, escritoire
avaient un sens beaucoup plus large qu'au-
1 Kdit. P. Mcsnarrl, t. VII, [,. 1<)C,.
* Auj. rue Scfruier.
•f Tableau de Paris, t. XI, p. 20. —
Thii'-ry, (iuide de 1787, t. I, p. 476.
* Pniilngruel. liv. Il, chap. 30.
3 Voijnges. édit. de 1774, p. 27.
6 Le miroir ,le l'art et de la nature, p. 197
Voy. aussi
CORNETIERS — CORPORATIONS
•205
joiird'lnii ; elles désio^naienl un iisleiisile qui
conlenail le cornet à encre, des plumes, un
canivet ou canif, une rè<»;le, un compas, un
pinceau, une furg'elte ou graUoir, de la poudre,
elc. M. de Lal)orde a relevé dans un compte de
1528 ce passag;e : « Deux esluicts faits en façon
d'encriers, en cuir doré, g'arnis chacun de deux
cornels à mectre ancre etpouldre, et d'une raij^-le,
le tout d'arj^-ent, d'un pelil poinçon, d'un canyvet
et d'un compas d'acier ». On nommait aussi
escritoire une salle d'étude, un cabinet de travail:
o-ens d'escritoire el y-ens d'eslude élaienl mois
sjnonjmes ^ .
Ce qui me ferait croire que les faiseurs de
cornets du treizième siècle fabriquaient des
cornets pour jouer aux dés, c'est que le titre de
cornetiers-faisetirs de des fut donné plus tard à
une corporation de patenôtriers ^, et i(û il ne peut
s'ag'ir que de dés à jouer.
On qualillait aussi de cornetiers les tabletiers,
parce qu'ils avaient la spécialité des ouvrag-es
en corne. On en comptail seulement quatre ou
cinq en 1773.
Cornetiers. Faiseurs de cors. A la fin du
dix-huitième siècle, cette industrie était surtout
représentée par les sieurs Carlin et Raoux, qui
appartenaient à la corporation des chaudronniers,
et demeuraient rue du Petit-Lion Saint Sauveur-'.
Non seulement ils fabriquaient d'excellents cors
de chasse, mais ils enseig-naient « les fanfares et
autres airs parliculièremenl propres à cet instru-
ment * ».
Cornetiers . Voy . Refendeurs de
cornes.
Corneurs. Sonneurs de cor. De nos jours,
une cloche mise en mouvement par la cuisinière
ou le maître d'hôtel, donne le sig'ual des repas.
Durant le mojen âg-e, une sonnerie de cor jetée
au vent et fouillant tout le domaine prévenait
petits et grands, vassaux et hôtes, que le châtelain
allait se mettre à table. On cornait de même
l'ouverture et la fermeture des portes d'une ville,
le couvre-feu, le commencement et la fin du
marché, etc.
Corporations. On aurait jadis bien étonné
un commerçant si on lui eût dit qu'un jour
viendrait oîi aucune solidarité n'existerait entre
les personnes exerçant la même profession ; que
tout individu aurait le droit d'ouvrir boutique et
de se dire son confrère, sans fournir aucune
g'arantie d'aptitude, ni d'honorabilité; que chacun
pourrait établir à sa g'uise les produits de son
industrie, en dissimuler les défauts, vendre du
vieux pour du neuf, du mauvais pour du bon, du
faux pour du vrai, sans qu'il fût permis au corps
qu'il compromettait ainsi de lui inilig'er aucune
peine, aucun blâme même.
' Voy. rarticle Vérificateure de mémoires.
^ Voy. ci-dessous.
"t Almanach Dauphin pour 1777 . — La rue du Pelit-
Lioii Saint-Sauveur est aujourd'hui comjirise dans la rue
Tiiiuetunne.
■i Jèze, État ou tableau de la ville de Paris, p. 188.
Celui qui voulait se livrer à une industrie ou
à un commerce devait, avant tout, être accepté
par ceux dont il allait devenir l'allié. 11 lui fallait
prouver qu'il était homme de bien, ensuite qu'il
avait fait un apprentissage sérieux et acquis une
instruction professionnelle complète, enfin qu'il
possédait les capitaux néces.saires au nég-oce qu'il
désirait entreprendre. Ces conditions remplies,
il était solennellement admis, comme maître ou
patron, dans ce que l'on nomma d'abord le
commun du métier, le métier juré ou le corps du
métier, el plus tard la communauté ou la corpo-
ration.
On entendait par ces mots l'association,
reconnue par l'Ktat, d'individus exerçant la
même profession. Le corps de métier avait ses
privilèg-es, ses charg-es, sa hiérarchie. Il réglait
lui-même sa discipline, exposée dans des statxds
rédigés en commun, et auxquels chaque membre
de l'association jurait obéissance ; ces statuts,
une fois approuvés par le souverain ou son repré-
sentant avaient force de loi vis-à-vis de tous les
citoyens. La corporation constituait ainsi une
personne morale, capable d'acquérir, d'aliéner,
de faire tous les actes de la vie civile.
Le métier proprement dit conservait ce nom
jusqu'au jour où il devenait assez important pour
obtenir des statuts et se constituer en commu-
nauté. Les membres d'un métier restaient indé-
pendants les uns des autres et étaient tenus
seulement de se conformer à des règlements de
police, qui ne visaient en général que leurs
rapports avec le public.
Il est clair que toute corporation a commencé
par être, un métier. Si on laisse de côté les
marchands de Veau, association d'une nature
spéciale, l'existence des corporations ne se révèle
guère avant la fin du douzième siècle. Jusque-là
les documents dont on dispose sont rares et
suspects. Il faut se méfier aussi bien des chartes
roj'ales, souvent convaincues d'être apocryphes,
que des renseignements fournis par les corpo-
rations elles-mêmes, qui toutes mettaient un
certain orgueil à faire remonter très haut leur
origine.
Parmi ces artisans possédés du démon de la
vanité, les foulons tiennent le premier rang. A
les entendre ils étaient constitués en communauté
avant le règne de Clovis II, et ils se vantaient
d'avoir, en tant que corps organisé, (on dirait
aujourd'hui sj'udiqué), fait construire l'église
Sai nt- Paul dès l'an 650 '. Rien, naturellement,
ne justifie, cette impertinente prétention "^.
En vertu d'une tradition transmise de père en
fils depuis le huitième siècle, les tailleurs de
pierre disaient avoir été exemptés du service du
guet par Charles Martel, « très le tans Charle
Martel, si comme li preud'ome l'ont oï dire de
père à fils ^ ». Ce souvenir du roi Charles-
1 Statuts de la communauté des maistres et marchands
foulons, nplaigneurs, fpoutilleurs de draps, drapier s-drapans .
paigneurs et arçonneurs de la Ville et fauxbourys de Paris,
très ancienne puisque sous Clovis II en 650 ils ont fait
bâtir léglise S. Paul à Paris. Paris, 1742, in-18.
^ Voy. Jaillot, quartier Saint-Paul. p. 30.
•* Livre des métiers, titre XLVIII.
206
CORPORATIONS
Martel invoqué par des artisans qui ont toujours
ie marteau à la main vant la peine d'être recueilli
à titre de curiosité.
Les chandeliers font bien mieux. Ils se conlec-
tionnenl une belle charte, où Philippe P^ leur
prodif^'ue les éloges ; ils la datent de 1061 et
r impriment en tête de leurs statuts. Et, bien
qu'un seul coup d'oeil jeté sur cette pièce suffise
pour eu démontrer la fausseté, M. de Pastorel,
l(.ul fier de posséder un document si ancien
r.-lalif aux corporations, l'insère pieusement dans
11- «rj-and Recueil des ordonnances '.
Les cardeurs invoquent en faveur de leur
cuinnumauté des statuts purement imaginaires,
et ils par\'iennentainsià induire en erreur même
le roi Louis XIV. Ce monarque écrit, en elVet,
dans le préambule de leurs statuts de 1688:
« Nos bien amés les maislres et marchands
Ciirdfurs. . . de Paris nous ont très humblement
l'ail remontrer que, par des anciens statuts et
règlements dudil métier, confirmés par lettres
patentes du roi Louis XL du 24 juin 1467, il ail
été pourvu aux abus qui s'étoient glissés ^ ».
J'ai vainement cherché ces anciens statuts et
leur conlirmalion ; mais j'ai trouvé, datés de ce
même 24 juin 1467, des statuts accordés aux
foulons et dans lesquels Louis XI s'exprime
ainsi : « Aucuns cardeurs, peigneurs et arçon-
neurs, sous ombre de ce qu'ils ont nouvellement
fait leur métier juré et obtenu de Nous certains
patron et ordonnances qui jamais n'avaient été
vus ni faits par ci-devant ^ ».... D'où l'on est en
droit de conclure que les cardeurs ont été consti-
tués en corporation par Louis XI, à une époque
antérieure au 24 juin 1467, et qu'à cette date
le roi se repentait déjà d'avoir accueilli leur
demande.
.\vei; les bouchers, nous quittons enfin le
domaine de la l'antaisie. l<;n Il46, Louis VII
accorde aux lépreux de Paris dix fresenges * que
le maijister caniifinim Purisiensium fut tenu de
leur fournir cha([ue année ^. Les bouchers étaient
donc déjà constitués en corporation sous l'auto-
rité, qui demeura respectée pendant plusieurs
siècles, du maître des ôouc/iers, chef élu à vie
par la communauté. L'origine de celle-ci était
niAme plus ancienne encore, puisque a la
(Ifiiiande de ceux qui la composaient, le roi
confirma i-n 1162 ", d'anciens statuts, « quas
kaburrunt, dit-il, lempore superioruvi re(/um ».
(>« statu Is sont conlirmés de ncuiveau, en 1182,
par Philippe-Augusle, qui reconnaît que ces
antiijU(is rinisui^ludiiifs remontent à son père, à
Min nieul et u ses autres prédécesseurs : « requi-
renles ul anti(pias eoium consueludines, sicul
jMtler et nvus noster Luduvicus, et alii predeces-
* Tumv XVI, p. 2ri8.
' Citmfrmolion dti nlatuti </,* muUra et marchands
rwrileurt. pfijitruri, artonnruri ilr /ainr et de colon, drapiers-
érûjtani, couprun de poil, fleurs de laine, colon et liiinitfnon.
fl rarditrt. |»<irin \~'t\, in-b".
3 Slaluli de la communauté' des foulons, y. 3-1.
* Jmnt's porf»
^ Tnnlif. J/oHuments kittoriquet. n» 487. A.
l.urhaiH'. Actes de /.ouït VII, ii» 170.
* A Luchair.-, .Uia dt /.onit VU. n"> 458.
soresnostriregesFrancorumei concesserunt * ».
En 1160, Louis YII assigne au desservant de
la chapelle Saint-Nicolas du Palais une rente de
trente sous par an, qui devra être prise sur le
revenu des savetiers, de redditu corvesariorum ^.
Une charte de la même année concède à une
femme nommée Thece Lacohe les revenus des
tanneurs, des baudroyeurs, des sueurs, des mégis-
siers et des boursiers, qui formaient dès lors soit
une seule communauté, soit cinq communautés
distinctes. Cette charte dont on trouvera ci-dessous
le texte à l'article Maître des sueurs, est souvent
regardée comme le plus ancien document qui
constate l'existence des corporations ouvrières ^ .
Philippe-Auguste, que des guerres incessantes
tinrent presque toujours éloigné de Paris, avait
cependant pour cette ville une prédilection par-
ticulière. C'est à lui qu'elle dut ses premiers
murs d'enceinte et quelques-uns de ses beaux
monuments. Sa sollicitude s'étendit à la fois sur
les arts, sur les lettres et sur l'industrie.
Plusieurs corporations le citent dans leurs plus
anciens statuts, et font remonter jusqu'à sou
règne l'origine de charges qui leur étaient
imposées ou de privilèges dont ils jouissaient.
En 1183, il donne à cens aux pelletiers * et
aux drapiers ^ des maisons qu'il venait de con-
fisquer aux juifs expulsés de France. Ces maisons
étaient situées dans la Cité, et les vieilles rues
de la Pelleterie et de la Draperie n'eurent pas
d'autre origine.
Les drapiers prétendaient aussi avoir reçu de
Philippe-Auguste, en 1188 '', des statuts que je
n'ai pu retrouver.
Les gantiers faisaient dater les leurs de 1190.
Ils disaient avoir obtenu « en l'an 1190, au mois
d'octobre, certaines ordonnances et règlemens de
leur métier, selon lesquels ils se seroient réglez
et gouvernez jusqu'en l'an 1357 ' ».
Les couteliers écrivent que Philippe-Augu.sle
les avaient autorisés à se faire remplacer par
leurs ouvriers pour le service du guet. Ils
ajoutent naïvement : « Et encore en useroient
volentiers, .se il plaisoit au Roy ^ ».
Les batteurs d'or se plaignent, vers 1268,
d'avoir été contraints, depuis une vingtaine
d'années, de faire ce service dont ils avaient été
antérieurement dispensés : car, disent-ils, « ils
n'avoient onques guestié au tans le roy Phe-
lippe " ».
Pour les tapissiers ^ ", cette obligation ne datait
alors que de trois ans, « fors puis III ans en ça »,
et ils rappelaient à saint Louis qu'ils étaient
1 Ordonn. royales, t. III, p. 259.
2 Tardif, Monuments historiques, n" 565.
•' ^'oy. G. l'^agnicz. Études sur l'indnstrie, p. 4.
* Sauvai, Antiquités de Paris, t. II, p. ATi.
•> Jaillol, quartier de lu Cite', p. 45. — L. Delisle,
Catalogue des urtes de Philippe-Auguste, n" 86.
•i Voy. le jiréambule de leurs statuts de 1573 .
"^ Au Hoy et à nosseigneurs de son privé Conseil. En tête
des Statuts, privilèges, etc., servons de 7-égleme?is pour la
communauté des maislres de la marchandise de qanterie, etc.
l'aris, ni7, in-4».
•* Livre des métiers, titre XVII, art. 17.
!' Litre des métiers, titre XXXIII, art 7.
1" Faiseurs de tapisseries.
CORPORATIONS
207
exempts du guet « au tens son père le roy
Leouis ^ et son bon aïeul le roy Felippe - ».
Les talemeliers assurent que ce fui « li bons ruis
Phelippe » qui tixa à six sous le prix du hauban.
Les boucliers d'archal déclarent que ce prince
leur avait interdit de travailler autrement que de
jour et dans une boutique ouvrant sur la rue :
« et ce fu coiuuendé très le tans le roy Phelippe,
por aucuns maus ((ui en poient avenir •* ».
Dans leurs statuts d'octobn' 1281 * les tisse-
rands aflirment que « des le tans au bon roy
Phelippe », ils étaient dépositaires de la verge
de fer qui servait à mesurer les toiles.
Les fripiers et les chanevaciers rapportent
également à Philippe-Auguste certains droits à
eux accordés ^.
Le même prince avait donné, à titre hérédi-
taire, aux ancêtres d'un sieur Guerin du Bois les
revenus de la corporation des pêcheurs. Nul, dit
le Livre des méliers '', ne peut pêcher dans la
partie de la Seine et de la Marne qui appartient
au roi « se il n'achate l'iaue de Guerin du Bois,
à cui ancisseur le roi Phelippe le dona en
éritage ; et le vent cil Guerin à l'un plus et à
l'autre mains '', si corne il li semble bon ».
La reine Blanche, chargée de la régence en
1248, pendant la première croisade de saint
Louis, est aussi citée souvent dans les statuts
primitifs de nombreuses communautés.
Les cordonniers soutiennent que cette sage
princesse, « à qui Diex face merci », les avait
autorisés à envoyer leurs ouvriers faire le guet
en remplacement des maîtres ^.
Les cristalliers n'acquittent, disent-ils, ce
service « fors puis que le Roy ala outre mer ^ ».
Les foulons avancent également qu' « ils
n'avoient onques guaitiéfors puisque li Rois ala
outre mer, mes madame la roine Blanche, qui
Diex absoille, les fisl gueitier parsa volenté ^^ ».
Il est probable qu'une mesure générale avait
été prise, au sujet du guet, par la régente et que
l'on ne jug-ea pas à propos de la modifier quand
le roi fut de retour.
Lîne corporation se composait essentiellement :
1" D'apprentis.
2° De valets, compagnons ou ouvriers.
3" De maîtres.
4° De jurés ou gardes.
Le métier ainsi organisé était dit consii{%é en
corporation, en communauté', ou e'rigé en jurande.
Tout individu admis dans la corporation devait
servir comme apprenti pendant un laps de temps
fixé, avant d'être reçu valet ou ouvrier.
1 Louis VIII.
2 Livre (les métiers, titre LI, art. 16.
^ Livre des métiers, tiln- XXII, ail. 3.
i Dans Depping, Ordonnances relatices aux méiters,
p. 387.
5 Livre des métiers, titres LXXVI, aii. 24, et LIX,
art. 10.
6 Titre XGIX, art. 1.
' Moins.
** Livre des métiers, titre LXXXIV, art. 20.
9 Livre des métiers, titre XXX, art. 14.
10 Livre des métiers, titre LUI, art. 22.
Le compagnonnage apparaît seulement vers
la fin du quinzième siècle. Jusque-là, tout
apprenti ayant fait son temps pouvait aussitôt
s'établir.
Ses années de compagnonnage achevé, l'ou-
vrier possesseur d'un capital suffisant devenait
aspirant à la maîtrise. La principale condition
pour l'obtenir était la confection du chef-d' œuvre
ou, dans certains cas déterminés, de son dimi-
nutif, V expérience, épreuve beaucoup plus facile.
Les jurés ou gardes, élus en général par la
corporation tout entière, la représentaient vis-
à-vis du prévôt de Paris, chef direct des commu-
nautés ouvrières. Dans les occasions solennelles,
avènements, entrées, mariages de rois, naissances
de Dauphin, processions religieuses, etc.,
l'ensendjle des corps de métiers était représenté
par les jurés des six plus importants d'entre eux,
que l'on désignait sous le nom de les Six-Corps.
Un recueil dont l'authenticité estindiscutaijle,
nous apprend que, moins de vingt ans après la
mort de la reine Blanche, 121 métiers étaient déjà
constitués en corporation. J'en donnerai la liste à
l'article Livre des me' tiers.
A dater du seizième siècle, les rois s'efforcèrent
de multiplier les communautés ouvrières. Sans
se laisser décourager par l'insuccès de leurs
tentatives, ils renouvelèrent périodiquement les
ordonnances qui enjoignaient aux divers métiers
de se constituer en corporation.
La royauté poursuivait ainsi un double but.
D'abord, soumettre plus directement les artisans
à son autorité, car toute corporation lui devait
ses statuts et ne pouvait les modifier qu'avec son
assentiment. Ensuite et surtout, se procurer de
l'arg-ent ; en effet, tout nouveau maître était
tenu de payer au Trésor une somme qui, à Pans,
varia longtemps entre trente et dix écus, suivant
l'importance de la communauté.
Les ordonnances de 1567 et de 1577, le célèbre
édit de décembre 1581 ^ eurent donc surtout
pour objet de faciliter l'entrée des ou\Tiers dans
les corporations, afin d'augmenter l'importance
et le nombre de celles-ci.
Seize ans plus tard, Henri IV reconnaissait
que l'édit de 1581 « au moyen des guerres et
troubles survenus en le royaume avoit esté révoqué
et partant demeuré infructueux et non exécuté » ;
il le renouvelait donc (avril 1597), enchérissant
encore sur les injonctions antérieures. Le roi
cherchait sans doute à réformer bien des abus
qui s'étaient glissés dans l'organisation des
communautés, mais il avoue lui-même que son
édit a pour cause première la pénurie des finances,
la nécessité de payer la solde arriérée des Suis-
ses : ... . « et aussi, dit-il, afin que nous puissions
à l'advenir recevoir le bien et commodité qui
nous peut provenir de tous lesdits droits, et nous
en servir en l'extrême nécessité de nos affaires,
spécialement pour satisfaire aux très justes debtes
dont nous sommes redevables aux colonnels et
capitaines des Suisses, qui avec leurs vies et
1 Edict du Roy, portant l'establissement des maisfrises
de tous arts et mestiers es villes et lieux de son royaume
non jures....
208
CORPORATIONS
conser-
moyens nous ont secourus et avilez à la
vation de cet estât ' ».
Henri IV ne réussit pas mieux que ses prédé-
cesseurs, et Richelieu échoua à son tour Colbert
fut plus heureux. Un édit de mars 1673 ^ déclara
constitués en corporation, d'un bout à Fautre de
la France, tous les métiers restés encore indé-
pendants.
Plusieurs d'entre eux résistèrent ; mais, somme
toute, le nombre des corporations, qui était de
60 environ en 1672, s'élevait à 83 en 1675.
Nouvel édit en mars 1691. Celui-ci eut surtout
pour objet de diviser en quatre classes, d'après leur
ordre d'importance, les communautés existantes,
(^'s quatres classes comprennent 128 corpo-
rations 3. En supposant même, ce que je ne crois
pas, que cette énumération eut été exacte alors,
elle cessa bientôt de l'être, car le nombre des
communautés varia sans cesse. Il ne pouvait plus
l'uère s'en former de nouvelles, mais les plus
pauvres disparaissaient peu à peu, soit qu'elles
s'étfio-nissent, comme celle des armuriers, soit
((u'flles se fondissent dans des corporations plus
importantes. Les épin<rliers, par exemple, virent
se réunir à eux en 1695 la communauté des
aij^'uilliers qui ne comptait plus que cinq ou six
maîtres ; les bonnetiers absorbèrent de même les
faiseurs de bas au métier (avril 1723), etc., etc.
Les créations d'offices faites par Louis XIV
et par Louis XV sont des documents utiles à
consulter sur ce point, bien qu'on ne puisse
accorder aux listes qui les accompagne qu'une
confiance fort limitée. Ainsi, le 16 février 1745,
Louis XV créa dans chaque communauté des
inspecteurs et des contrôleurs. C'était là, comme
l(Hij(jurs, une mesure purement fi cale ; le roi
vendait ces nouveaux offices, dont les titulaires
devaient vivre aux dépens des corporations. L'édit
rendu à cette occasion fui donc suivi du Tarif
(les di-oits qui seront pai/cs chaque année par les
cent dix-neuf communautés de Paris. Or ce tarif,
(|ui annonce 1 19 communautés, en énumère 122.
lui ccimparanl cette liste avec celle de 1691, je
vois (jue (|iialre corporations nouvelles y
lij^urenl :
Les relieurs, qui cependant formaient depuis
1686 une corporation distincte de celle des
imprimeurs el des libraires.
1 .es pntenôtriers-bnuchonniers.
XjUs imprimeurs en taille-douce, érij^és eu
coqiornlion au mois de février 1692.
Les ima(fers-(/rareurs, distincts des «graveurs
Hiir tnélmix.
I*Br contre, 10 corpnralittns nul rir laissées
(le côlô :
Ia"* a i(f util ter s.
Les ouvriers en lias de soie.
Les ftateliers-passeurs d'eau.
Les honneliers du faulmurij Saint-Marcel.
Ix?s bnulangers des fauhourqs.
' Prtoiiibule.
« \oy. ciMl.wsons l'artirlr É.lii ,1,. m&n< lfi73.
' \o\. ci-(h>s9uu.s l'article É'Iit de mars 1091.
Les émouleurs de grandes forces.
Les patenôlriers en bois et en corne.
Lea jniienôtriers en Jais, ambre et corail.
Les pécheurs à engins.
Les pêcheurs à verge.
Les 122 corporations mentionnées par cette
liste ne subsistèrent pas toutes, et une seule je
crois, celle des amidonniers-cretonniers fut créée
postérieurement. En somme, vers le milieu du
dix-huitième siècle, les communautés paraissent
avoir été réduites au nombre de 114, comprenant
environ ving^t mille maîtres ^ .
Nous touchons au moment oîi les corporations
ouvrières vont disparaître, privant l'industrie des
avantages réels qu'elles lui offraient, mais aussi
la délivrant des entraves qu'elles lui imposaient.
Issues, comme les communes, du besoin
qu'éprouvèrent les humbles de se réunir pour
résister à l'oppression féodale, elles aussi avaient
conquis leur affranchissement et obtenu des droits.
Mais ces droits, alors si précieux, devinrent
moins enviables à mesure que s'affaiblit le régime
contre lequel ils constituaient une sauvegarde.
Les corporations n'ont plus dès lors pour raison
d'être l'intérêt général, elles semblent n'exister
qu'en faveur de leurs chefs, les maîtres. La
royauté les soutient et protège plus que jamais
l'institution, centre de richesses dont les dispen-
sateurs finissent toujours par faire l'abandon
quand on menace leurs privilèges. Pour l'ouvrier,
tout est bien changé. La corporation, asile où il
avait jadis trouvé l'indépendance, n'est plus
qu'une enceinte fermée de toutes parts, et où
règne une servitude sans espoir.
Quand les communautés disparaissent, suppri-
mées en 1776, rétablies six mois après, puis
anéanties en 1791, l'Assemblée nationale ne fait
qu'exécuter l'arrêt depuis longtemps prononcé
contre elles par les économistes et par l'opinion
publique. Incidemment, à propos de l'impôt sur
les patentes, le rapporteur du comité des contri-
butions monta à la tribune le 2 mars 1791, et lut
un décret dont l'article 7 était ainsi conçu : « A
compter du 1"'' avril prochain, il sera libre à foute
personne de faire tel négoce ou d'exercer telle
profession, art ou métier qu'elletrouvera bon ^ ».
Les corporations ouvrières avaient vécu.
Formules employées
pour ériger un métier en communauté.
I.
Quinzième siècle. — Erection en communauté
du métier de tourneiir.
|24 juin 1467 31.
LoYS, parla grâce de Dieu Roy de France. A
tous ceulx qui ces présentes lettres verront, salut.
Receue avons l'umble supplicacion des
' \ oy. ci-dessous, jj. 213.
- .) -li. Uuvergier, Collection des luis, t. II, j). 230.
■' tJibiiotlièque nationale, nianuscri(sfrançais,n0 21,799
l'' aU'i. — Lrtlii'S patentes reproduites dans les Ordon-
nances des rois de France, t. XVI, p. 632.
CORPORATIONS
209
maistres ouvriers et de la commuiiaulté des
tourneurs de Jbujs en nostre bunne ville et cilé
de Paris, contenant que, à l'occasion de ce que
par cy devant ledit mestier de tourneur n'a esté
juré, et n'y a eu personne qui s'en soit prins
garde, ne qui ait eu visitacion, ne puissance de
corriger les mal-façons qui y ont esté et peuvent
estre de jour en jour commises, ceulx dudit
mestier ont vescu, quant au fait d'iceluy, sans
ordre et police, et en a chacun usé a son plaisir,
sans avoir eu devant les yeux le bien de la chose
publique qui [est] * à favoriser et préférer au bien
particulier ; mais ont eu le regartà leur singulier
prouffit et utilité, en quoy le commun peuple a
esté fraudé, intéressé, et endommagé.
Pourquoy et pour à ce obvier, et afin que
doresnavant les ouvriers d'iceluy vivent en
police comme les autres mestiers de nostre dite
ville. Les dits supplians, qui désirent vivre en
bonne renommée et augmenter le fait dudit
mestier, et eulx soubsmettre à raison et réprimer,
corriger et amender tous meffaits, abus et
malices ; aussy qu'ils et leurs successeurs audit
mestier sachent comment ils se devront gouverner
au fait d'iceluy mestier au temps à venir, ont
fait et drécé certains articles d'un commun
consentement de ceulx dudit mestier ou de la
plus grant et saine partie d'entre eulx, qui leur
ont semblé estre très nécessaires, utiles et
prouffitables pour le bien et entretenement dudit
mestier, en la forme qui s'ensuit.
Et sur ce , nous ont iceulx supplians
humblement fait supplier et requérir qu'il nous
plaise lesdits articles leur octroyer, les approuver
et avoir agréables, iceux faire garder, tenir et
observer doresnavant par manière d'ordonnance
et statut, et sur ce leur impartir nostre grâce.
Pourquoy nous, . ces choses considérées,
voulant le fait dudit mestier estre tenu en police,
et réprimer toutes fraudes et abus qui par
detfault de conduite et visitacion y pourroient
estre commis : Lesdits articles cy dessus trans-
cripts par la teneur de ces présentes, de nostre
grâce espécial, louons, approuvons, et avons
agréables, et le contenu en iceulx avons octroyé
et octroyons ausdits supplians, pour estre par
eulx et leurs successeurs audit mestier tenus,
gardez, entretenus et observez par ordonnance
et statut, sans enfraindre, sur les peines dedans
contenues et déclairées doresnarant et à tousjours.
Si donnons en mandement par ces dites
présentes au prévost de Paris ou à son lieutenant
que lesdits statuts et ordonnances il face enre-
gistrer es livres et registres de nostre Chastellet
de Paris, avec les autres ordonnances et statuts
des mestiers de nostre dite ville, iceulx publier
sollempnellement en la forme en tels cas accous-
tumée, et les garder, entretenir et observer
doresnavant par tous ceulx qu'il appartiendra,
sans souffrir aucune chose estre faicte, mise ou
donnée au contraire. Car ainsi nousplaist il estre
fait.
1 Qui fait à favoriser, dit le texte.
En tesmoing de ce, nous avons fait mettre
nostre scel à ces présentes.
Donné à Chartres le 24" Jour de juing, l'an de
grâce 1467, et de nostre règne le sixiesme.
Scellées du scel de nostre chancellerie à Paris,
par nostre ordonnance.
Ainsi signé sur le reply : 'par le Roy^ Vévesq^ue
d'JUvreux et le maréchal de Loheac pre'sens^ De
Ville ghaktre.
Et au dos estoit escript ce qui s'ensuit : Leues
et publiées en jugement en l'auditoire civil du
Chastellet de Paris, en la présence des advocats et
procureur du Roy nostre Sire audit Chastellet.
Et ce fait, enregistrées es livres d'iceluy
Chastellet le lundy cinquième jour d'octobre
l'an 1467. Ainsy signé, Lecornu.
IL
Seizième siècle. — JUrection en communauté
du métier de doreur sur cuir.
[Janvier 1558 ^].
Henry, par la grâce de Dieu Roy de France
et de Pologne, à tous présens et à venir, salut.
Nos chers et bien amez les maistres doreurs sur
cuir de nostre ville et fauxbourgs de Paris nous
ont présenté requête en nostre privé Conseil,
tendant à fin, pour les bonnes causes et raisons
contenues en icelle, que nostre plaisir feust pour
le bien, prouffit et utilité de nous et de la chose
publique, et aussi pour obvier aux fautes, abuz
et malversations qui se font et commettent au
dit mestier, statuer et ordonner qu'il fut dores-
navant à tousjours créé mestier juré, visité et
policé comme les autres mestiers jurez de nostre
dite ville. Sur laquelle requeste auroit esté bien
et deûement enquis et informé sur la commodité
ou incommodité, ainsi qu'il estoit mandé faire
par nos lettres de commission. Et après ce fait,
nos juges et ofticiers de nostre Chastelet auroient
fait et dressé les articles d'ordonnances touchans
et concernans le fait, règlement et police dudit
mestier, et en ce faisant donné sur iceulx leurs
advis. Lesquelles requestes, commission, infor-
mation, articles et advis sont cy attachez soubz
le contrescel de nostre chancellerie.
Sçavoir faisons que nous inclinons libéra-
lement à la supplication et requeste desdits
supplians. Après avoir le tout veu en nostre privé
Conseil, avons, par l'avis et délibération d'iceluy,
suivant l'avis de nos juges et officiers audit
Chatelet et articles sur le fait de l'ordonnance,
règlement et police dudit mestier de doreurs sur
cuir, le tout cy attaché, comme dit est, de nostre
grâce spéciale, pleine puissance et autorité
Royale, dit, voulu, statué et ordonné, disons,
statuons, ordonnons, voulons et nous plait par
ces présentes, que ledit mestier de doreurs en
nostre dite ville et fauxbourgs de Paris soit et
demeure à tousjours créé mestier juré, visité et
policé, et lequel nous créons et jurons par ces
dites présentes comme les autres mestiers jurez
1 Bibliothèque nationale, inanuscrit.sfrancais,n''21 ,794
f» 83.
14
210
CORPORATIONS
de nostre dite ville, pour en jouir par les dits
supplians et leurs successeurs au temps a venir
aux droits, privilè-es, franchises et libertez
qu'ont accoustumé faire, jouir et user les autres
mesliers jurez de ladite ville, tout ainsi et en la
forme et manière qu'il est contenu et déclare par
ledit avis, règ'lement et ordonnance faits par
nos dits officie'rs sur iceluy mestier.
Si donnons en mandement par cesdiles pré-
sentes à nostre prévost de Paris ou son lieutenant
civil, à tous nos autres justiciers, officiers ou
leurs lieulenans et chacun d'eulx en droit soi
et comme ù luy appartiendra, que noz présens
«rràce, statut, ordonnance, création, vouloir et
fntenlion, ensemble tout l'effet et contenu cy
dessus et oudit avis, règlement et ordonnance,
vous faites lire, publier, enregistrer et mettre
au nombre des autres ordonnances des mestiers
jurez de nostre dite ville, et d'iceulx faites,
soutirez et laissez lesdits supplians et leurs
successeurs à l'advenir jouir et user plainement,
paisiblement et perpétuellement, sans leur faire
mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou
dorme, ores ne pour le temps à venir, aucun
tr.juble, destourbier ou empeschement au con-
traire. Lequel si fait, mis ou donné leur avoit esté
ou estoil, mettez le ou faites mettre incontinent
et sans délay à pleine et entière délivrance, en
contraignant à ce faire et obéir tous ceulx qu'il
appartiendra, et qui pour ce seront à contraindre
par toutes voies et manières deùes et raisonnables,
nonobstant oppositions ou appellations quel-
conques, pour lesquelles et sans préjudice
d'iii-ilcs ne voulons aucunement astre différé,
air tel est nostre plaisir. Et afin que ce soit chose
ferme et stable à toujours, nous avons fiiil mettre
nostre scel à cesdiles présentes, sauf en autres
choses nostre droit el l'aulruy en toutes.
Donné ù Paris au mois de janvier l'an de grâce
mil cinq (;ens cinquante huit, et de nostre règne
h' douzit'sme. Ainsi signé sur le reply : par le Roy,
en son conseil Fr/.KS, el à costé visa contentor
CoioNKT ; el scellées sur lacz de soye rouge et
vert en cire verte du grand scel.
Leues el publiées en jugement en Tandiloire
civil (hi (ihùlelel de Paris, en la présence et du
consiMilfiurnl des gens du Roy nostre Sire oudil
(ihàldel, el ordonné estre enregistrées es
n-gislri's ordinairi's d'iceluy Chàtelel pour en
jouir pur h's inipélrans .selon le contenu d'icelles,
le iiuTcn-dy (|iiih/,ièmejour de mars mil cinq cens
r.inquanlf huit, .\insi signé (JovKR. Registre, oy
k- procuri'ur général du Roy, comme il est
contrnii au n-gislnt de ce jour.
A Paris en Parlement, le treizième jour
d'anusl, l'an mil cinq cens soixante quinze.
Ain>i signé Dimi.i.ET.
111.
Dijr-srptitme siêclr. — Erection en communauté
du métier de couturière.
\'.\0 mars l('.7r)|
LOriS. par la i:rl'n-o de l)if>u Roy de France
el d<' Navarre, a tous présens el ù venir. Salut.
Par notre édit du mois de mars mil six cens
soixante et treize ^ , vérifié oii besoin a été, nous
avons entre autres choses ordonné que ceux qui
faisoient profession de commerce, marchandises
et toutes sortes d'arts et mestiers dans la ville el
faux-bourgs de Paris sans être d'aucun corps
el communauté, seroient établis en corps,
communauté el jurande pour exercer leurs
professions, arts el mesliers, et qu'il leur seroil
expédié des slaluts, encore qu'ils eussent relation
à des arts el mestiers qui sont en communauté
elmaislrise. En exécution duquel édit, plusieurs
femmes el filles nous ayant remontré que de
tout temps elles se sont appliquées à la coulure,
pour habiller les jeunes enfans et faire pour les
personnes de leur sexe leurs juppes, robbes de
chambre, manteaux, corps de juppes et autres
habits de commodité, et que ce travail étoil le
seul moyen qu'elles eussent pour gagner honnê-
tement leur vie : elles nous auroient supplié de
les érifrer en communauté, el de leur accorder
les statuts qu'elles nous auroient présenté pour
exercer leur profession.
Laquelle requeste el lesdits statuls nous
aurions renvoyez au sieur de la Reynie et à nos
procureurs au Châlelet, qui nous auroient
donné leur avis le septième janvier dernier. Et
ayant été informé que l'usage s'éloil tellement
introduit parmi les femmes et filles de toutes
sortes de condition de se servir des couturières
pour faire leurs juppes, robbes de chambre,
corps de juppes et autres habits de commodité ;
que, nonobstant les saisies qui étoient faites par
les jurez tailleurs el les condamnations qui
étoient prononcées contre les couturières, elles
ne laissoienl pas de continuer de travailler
comme auparavant ; que cette sévérité les
exposoit bien à souffrir de grandes vexations,
mais ne faisoit pas cesser leur commerce, et
qu'ainsi leur établissement en communauté ne
feroitpasun grand préjudice à celle des maistres
tailleurs, puisque jusques icy elles ne Iravail-
loienl pas moins, bien qu'elles n'eussent point
de qualité. Ayant, d'ailleurs, considéré qu'il
étoil assez dans la bienséance, et convenable à
la pudeur et à la modestie des femmes el filles,
de leur permettre de se faire habiller par des
personnes de leur sexe lorsqu'elles le jugeroienl
à propos.
A CES CAUSES et autres bonnes considérations,
de l'avis de notre Conseil, qui a vu notre édit
du mois de mars mil six cens soixante el treize,
l'arrest de notre Conseil portant renvoy de la
requeste desdiles filles couturières el desdils
statuts à notre lieutenant général de police el
nos procureurs au Chàtelet, lesdits statuts el
ordonnances contenant douze articles, les avis
sur iceux de nosdils lieutenanl général de police
et procureurs au (Jhàtelet: el de noire grâce
spéciale, pleine puissance el autorité royale,
nous avons érigé el érigeons ladite profession de
couturière en titre de maîtrise jurée, pour faire
ù l'avenir un corps de métier en notre bonne
' Vijy. ci-des.sous l'aii. Édit di' mars 1073.
CORPORATIONS
211
ville et fauxbourgs de Paris, ainsi que les autres
coninuinautez qui y sont établies.
Voulons que toutes les femmes et tilles, lors-
qu'elles ont payé les sommes ansquelles elles
ont été modérément taxées en notre Conseil et
ont prêté serment en qualité de maîtresses coutu-
rières par devant l'un de nos procureurs au
Châtelet, et celles qui seront reçeuës à l'avenir,
puissent se dire maîtresses couturières, et conti-
nuer leur art et profession, avec tous les droits,
fonctions et privilèges mentionnez es articles et
statuts cy attachez sous le contre-scel de notre
chancellerie, que nous avons approuvez, con-
firmez et omologuez ; et par ces présentes,
signées de notre main, approuvons, confirmons'
et omologuons, voulons qu'ils soient exécutez
de point en point selon leur forme et teneur.
Sans néanmoins que lesdits statuts ni l'érection
des couturières en corps de métier puissent faire
préjudice au droit et à la faculté qu'ont eu
jusqu'ici les maîtres tailleurs de faire des juppes,
robbes de chambre et toutes sortes d'habits de
femmes et d'enfans, que nous voulons leur être
conservés en son entier, ainsi qu'ils en ontjoiii
jusqu'à présent.
Si donnons en mandement à nos amez et
féaux conseillers, les gens tenans notre Cour de
Parlement, prévost de Paris ou son lieutenant
général de police, et autre qu'il appartiendra,
que ces présentes ils fassent lire, publier et
registrer, et icelles garder et observer de point
en point selon leur forme et teneur, et lesdites
maîtresses couturières et leur communauté jouir
et user pleinement et paisiblement desdits
statuts, à toujours et perpétuellement. Contrai-
gnant à ce faire, souffrir et obéir tous ceux qu'il
appartiendra, nonobstant tous édits, ordon-
nances, arrests, règlemens, mandemens, défenses
et lettres à ce contraires ; ausquelles, et aux
dérogatoires des dérogatoires, nous avons dérogé
et dérogeons par ces présentes. Vouions qu'aux
copies d'icelles, collationnées par l'un de nos
amez et féaux conseillers et secrétaires, foi soit
ajoutée comme à l'original. Car tel est notre
plaisir.
Donné à Versailles, le trentième mars, l'an
de grâce mil six cens soixante et quinze, et de
notre règne le trente-deuxième.
Signé LOUIS. Et plus bas, par le Roy,
COLBERT.
Et à côté est écrit, visa d'AuGRE. Edit de
création de maistrise pour les couturières de la
ville de Paris, et scellé du grand sceau de cire
verte sur lacs de soye rouge et verte.
Voy. Apprentissage. — Aspirants à
la maîtrise. — Attendant maîtrise. —
Bannières (Ordonnance des). — Bien-
faisance (CEuvres de). — Bureau. —
Chef-d'œuvre et expérience. — Compa-
gnonnage. — Concurrence. — Corpo-
rations (Nombre des). — Dimanches
et fêtes. — Édit de mars 167'3. — Édit
de mars 1691. — Édits de 1776. —
Fils de maîtres. — Gagnant-maîtrise.
Guet des métiers. — Maîtrise (Lettres
de). — Maîtrises (Vente de). — Offices
(Créations d') — Privilégiés (Lieux). —
Ordonnance de janvier 1351. — Qua-
lité (Maîtres sans). — Statuts. — Tra-
vail (Réglementation du). — Travail
aux pièces. — Veuves de maître.
Corporations (Nombre des). — Comme
on l'a vu dans l'arlicb^ précéd;Mit, le nombre des
métiers constitués en corporation varia sans
cesse. La première énuméi'alion que nous en
possédions date du treizième siècle, et nous est
fournie par le Livre des métiers^ auquel j'ai
consacré plus loin lui iiilicle.
On peut consulter encore sur le niènif sujet
dans ce dictionnaire les ai'ticles :
Ordonnance de janvier 1351.
Bannières (Ordonnance des), 1467.
Édit de mars 1673.
Édit de mars 1691.
Édits de 1776.
Les deux pièces qui suivent leur serviront de
complément. Je n'y joins presque aucune note,
tous les noms qui y figurent étant représentés
dans ce volume.
Liste générale et rooles de tous les arts
et mestiers qui sont en jurande 'et qui
s'exercent TANT EN LA VILLE ET FAUXBOURGS
DE Paris qu'es autres villes, fauxbourgs,
BOURGS, BOURGADES DE CE ROYAUME. DISTIN-
GUEZ EN CINQ RANGS, SELON LA BONTÉ ET
VALEUR d'iCEUX.
Cette liste, dressée en 1586, a été publiée par
M. Emile Levasseur, dans son excellente Histoire
des classes (morières en France ^. Je dois prévenir
que l'on trouve ici plusieurs métiers qui n'étaient
encore soumis qu'à des règlements de police ;
il est vrai aussi qu'on n'y voit pas figurer
quelques métiers déjà officiellement érigés en
jurande.
Premier rang,
qui sont les meilleurs mestiers :
Apothicaire.
Affineur.
Drapier.
Espicier.
Mercier grossier, joj^aulier, vendant bagues,
joyaulx, draps de soie, quincaillerie d'armes et
chenets.
Mégicier.
Taimeur.
Teinturier en draps.
Deuxième rang,
gui sont les mestiers d'entre les meilleurs
et médiocres :
Barbier.
Boucher.
Bonnetier.
Chasublier.
1 Edition de 1859, tome II, p. 501.
212
CORPORATIONS
CliaudiDiiiiifr.
Drapier-chausselier.
Escrivain.
Pelletier liaull-bannier.
Poissonnier d'eau doulce.
Tainclurier en soye, fil el laine.
TuOISIliME KANG,
qui sont les mestiers médiocres : '
Armurier.
Ballancier.
Hiiliutier-coffrelier-maletier.
liaudroyeur.
Buursier-gibecier-colletier.
Caries et tarots (Faiseur de).
Cordonnier.
Couroieur.
Chercutier.
Cou^turier-taillour d'iiabits.
Ceinliirier.
Cliappelier.
Charpentier.
Charron,
(iousli'lier.
l)escharg<'iir de vin.
l<)peronnier.
Esmouleur de j^^randes forces.
Frepiers.
Fourbisseur.
Gantier.
Horloo^er.
Inslruniens (Faiseurs d').
liisIrunuMis (Joueur d').
Lii[)idaires.
Menui>ier.
Mart'selial.
Man.n.
Oublaycr-palissier.
Orfèvre,
Pelletier-foureur.
Ploinbi«*r.
ParcluMuinier.
l'hiniassier (h* panaclies, dicl anciennement
chapclifr de paon.
Papt'tier.
l'i'inlre-lailh'ur d'inia<^es-scidpl(Mir.
l'iilit-r (re^lain};.
Phislrii-r.
PiTHupiit-r el atiiurriaresse.
S.'llior-loriiiicr.
S<»_j'c (Ml veluulirr (Onvrii-r en).
Tapissi»T-coiiln'poinclier.
TiipissitT sjirrasinois <■! Ar hiiultc lice.
Tnnnflirr.
TiiiliiT.
Vcrp'lii'r-rnqiiclii'r-briissier.
Vinnij^ricr.
Verrier-vendeur (h- vi-rn-s et bouteilles.
QUATRIKME RANG,
gui sont les iiiesticrs (rentre les médiocres
et les petits :
ArliUi'iir-arquebusier.
Houlhin^Tr.
iJalleur d'or el d'argent en feuilles.
Brodeur.
Brasseur de bière.
Boursier-aumussier.
Bastelier-passeur d'eau.
Bourrelier.
Briquelier.
Boisselier-lanternier de corne.
Cuisinier.
Coustier el coustière-faiseurs de licts.
Couverlurier.
Doreur en cuir.
Estame de soje (Faiseur d').
Esluvier d'esté uves.
Esping'lier.
Enlumineur.
Fondeur en sable.
Fondeur en terre.
Foulons-aplanyeur de drap.
Graveur sur fer et cuivre.
Grenelier et grainelière.
Haulberg'eonnier-tréfîlier.
Harang'ère.
Huilier.
Linger-toilier-lingère-toilière.
Lunetier.
Miroitier-bimbelotier.
Meusnier.
Mercier vendant petites merceries, comme
cousteaux, ciseaux, rubans et esguillettes.
Natier.
Patenostrier de gez ^, ambre et corail.
Peaucier-taincturier en cuir.
Patenostrier d'émail.
Passementier-boutonnier-tissutier-rubanier.
Paveur.
Pignier-tabletier.
Plumassier de plumes à escrire.
Pescheur à eng-ins ou verge.
Poissonnier de mer.
Pourpoinctier.
Quadrunier.
Revendeuse de friperie.
Savetier.
Sonnetier.
Taincturier de petit laiiicl, dicl de moulée.
Tireur d'or.
Tisserai! <'n draps ou drapier drapant.
Tisscraii eu loile.
Taillaiulicr.
Tonch'ur -.
TailltMir de pierre.
\ Miii('i'-f[uiii([iiaillier d'osier.
Cinquième rang,
fpci sont les petits mestiers :
Boiiclelier de ceinctures.
Bourrière.
Cardeur.
Cerclier.
Chainelier-demi-ceintier.
Chapelier et chapelière de fleurs, ou bouque-
tier.
^ Di> jais.
* De drap.
CORPORATIONS — C()RR1<:CTEURS
213
Cloulier.
Deessier,
Escrime (Maître d').
Esguillier-alainier.
Esmoulenr de cousteanx, ciseaux, ou gagne-
petit.
Eslœuvier-paulmier-faiseur d'eslœufs.
Ferreur d'esguillettes.
Guestrier.
Jardinier.
Layetier-cassetier-escriniers.
Linière.
Œuvres (Maistre des basses).
Oysellier.
Patenostrier d*os et de corne.
Pottierde terre.
Poupelier '.
Racoustreur de bas d'eslame.
Retordeur de laine, fil et soye.
Rentrayeur.
Regratier de fruicts et esgrun.
Sabotier.
Scieur de long.
Taillandier ou maître d'oeuvre blanche.
Tapissier nostré.
Victrier.
Liste des corporations divisées en trois
CLASSES, suivant LE NOMBRE DES MAÎTRES
APPARTENANT A CHACUNE d'eLLES ^.
Première classe
Corporations comptant au moins cinq cents maîtres:
Merciers.
Tailleurs.
Cordonniers.
Conturières.
Marchands de vin.
Savetiers.
Jardiniers.
Peintres et sculpteurs.
Menuisiers.
Rubaniers.
Barbiers.
Fripiers.
Lin gères.
Epiciers.
Tapissiers.
Boulangers.
Bonnetiers.
Passementiers.
Chirurgiens.
Orfèvres.
DeuxiÎ5me classe
Corporations comptant de 440 à 200 maîtres :
Maîtres à danser.
Vannier.
Limonadiers.
Doreurs sur cuir.
Serruriers.
1 II faut très probablement \w poupetier.
2 Cette liste a été publiée par Savary, dans son
Dictionnaire du rommerce, édit. de 1741, t. II, p. 424.
Fondeurs.
Fruitiers.
Chapeliers.
Drapiers d'or.
Rôtisseurs.
Vitriers.
Chandeliers.
Brodeurs.
Gorroyeurs.
Grainetiers.
Selliers.
Gantiers.
Pâtissiers.
Fourbisseurs.
Bouchers.
Teinturiers en suie et laine.
Relieurs.
Potiers de terre.
Tabletiers.
Tonneliers.
Bourreliers.
Troisième classe
Corporations comptant de 40 maîtres à i maître :
Plombiers.
Oiseliers.
Papetiers.
Vidangeurs.
Crieurs de vieux fers.
Tireurs d'or.
Parcheminiers.
Vergetiers.
Plumassiers.
Eperonniers.
Découpeurs.
Foulons.
Patenôtriers en jais.
Balanciers.
Maîtres en fait d'armes.
Teinturiers du petit teint.
Boyaudiers.
Teinturiers du grand teint.
Patenôtriers en bois.
Heaumiers.
Corps (Faiseurs de). Voy. Corsetiers.
Corps (Les Six-). Voy. Six-Corps (Les).
Corps de métier. Voy. Corporations.
Corratiers. Voy. Courtiers.
Correcteurs. Nom donné, dans les collèges,
aux gens chargés de châtier les élèves.
Ces humbles fonctionnaires représentent une
institution qui se conserva presque in lacté à travers
les siècles. Gamin des écoles primaires ou grand
élève de rhétorique, fils d'ouvrier ou fils de roi
étaient égaux devant les verges des papas, des
précepteurs, de l'Eglise et de l'Université. Si
Marguerite de Valois parlait le latin avec pureté,
c'est qu'on ne lui avait pas épargné le fouet ^ ;
et d'Aubigné, citant les premiers maîtres qu'il
avait eus les qualifie d'Orbilies ^, en souvenir
1 Voy. ses Mémoires, édit. Michaud, p. 402.
214
CORRECTEURS — CORROIERS
crun pédagogue cité par Horace *, et que sa
brutalité avait rendu fameux. Rabelais et
Montaigne * nous ont conservé le souvenir des
barbaries qui se commettaient dans les collèges.
Noël du Fail ^ Berthod ^ et bien d'autres ont
célébré, sans trop de rancune, les fesseads, les
fouette-cuh de Montaigu et de Navarre. « Je ne
craignois non plus le fouet que si ma peau eût
été de fer », disait Francion '. Le collège de
Navarre, fondation royale, se faisait gloire
d'avoir le roi de France pour premier boursier,
mais il ne faut pas croire que le revenu de cette
bourse fût attribué à un autre écolier : sa desti-
nation était bien plus utile, on l'employait « en
achapt de verges pour la discipline scolastique^ ».
Kl Dieu sait s'il devait s'en user ! Au mois de
janvier 1576, un sous-maître maltraita si rude-
ment un enfant, nommé Denis Lebègue, « qu'à le
voir, il faisoit horreur ». L'affaire alla jusqu'au
Parlement, qui ordonna que le coupable payerait
à sa victime une indemnité de 60 livres ^ . Dans
une très curieuse Civilité, publiée à la fin du
dix-septième siècle ^'', une gravure représente le
maître d'école châtiant sans pitié un pauvre éco-
lier. Le patient, pieds et poings liés, attaché nu
contre uu pilier de pierre, est bal lu à tour de bras,
et ses camarades assistent tremblants au supplice.
Ces traditions étaient encore respectées à la
lin du dix-huitième siècle. Un des domestiques,
un frolleur en général, faisait l'office de correc-
teur. Dans la liste officielle des fonctionnaires du
collège Mazarin pour 1786 figure cette mention :
« Chevallier, frotteur de la bibliothèque et
correcteur *' ».
Correcteurs d'imprimerie. On disait
jadis des ouvrages mal corrigés que c'étaient, non
des livres, mais des cadavres de livres, « cadavera
librorum » ; aussi les imprimeurs consciencieux
rli(usissaienl-ils souvent leurs correcteurs parmi
les plus savants littérateurs de leur temps.
M. A. (^laudin a retrouvé les noms de plusieurs
correcteurs, soil imprimeurs, soit employés par
les premiers imprimeurs parisiens *2. Parmi leurs
siicwsseurs on peut citer Berthold Rimbold,
.1. Froben, F. liaphclenge, Josse Bade, M. Mu-
Kurus, Erasme, C. Kilian, etc. A la fin des
commftnlaircs d'Andréas de Yseniia, publiés
cil 1472 par Sixte Hiessinger, ou lit :
SixtUK hoc imprcsKil. Sfcl bis larni'n antc revisil
Kk''"">,''Us (loclor Pctrus Olivcrius.
* Voy. Sa rir, p 11.
> Kftitfolir, lib II, ii|iisl. 1, vi'is 7(1
» liarsanlua. livr.- I, •hnp. XXXMl. Voy. aius.si liv.
IV. ch«p XXI. ^
* fjiittii, liv I, chap. XXV.
S CoHtfs tt Kutrnprl, XXVI.
* htrii hitrUsquf, p. ISU.
' V.\\ S>ri'l, Ihiinire df Fraurion, p. 129.
» fiuy Coquill.'. /iisfoirr fin ,\Vrrr//oi>. p. 158.
» A U Hnte du 27 jonvior.
*<> Citililé puérilt tt vwralr, public,- par Gef.rtr-'.s
•' Voy. A. F., ffitloirt dt la bibliolhrnur .Vn:nn,ie
p 201 .'l 247. '
'1 /ri// rhronnlogi^uf des imprimeurs parisiens du
■■-# »>frlt. ipfli. ,n-8". - Voy. a».s.si (•. H.nouard,
nrurt parwetu, 1898, in-8».
L'article 17 d'un règlement du 31 août 1539
s'exprime ainsi : « Se les maistres imprimeurs
des li\Tes en latin ne sontsavanset suffisans pour
corriger les livres qu'ils imprimeront, seront
tenus avoir correcteurs suffisans, et seront tenus
lesdits correcteurs de bien et soigneusement
corriger les livres, rendre leurs corrections aux
heures accoustumées d'ancienneté, et en tout
faire leur devoir ; autrement seront tenus aux
intérests et dommages qui seroient encourus par
leur faulte et coulpe ».
L'article 11 du règlement de 1610, l'article 69
de celui de 1618, l'article 46 de celui d'août
1686, l'article 56 de celui de février 1723 repro-
duisent les mêmes dispositions.
En 1788 le correcteur d'épreuves de l'impri-
merie royale touchait par an 500 livres *.
Correctiers et Gorretiers. Voy. Cour-
tiers.
GorroierS. Les corrojevs [corri(/iani), qu'il
importe de ne pas confondre avec les corroyeurs
[coriarii), fabriquaient des courroies et des
ceintures, qu'ils ornaient de clous, de plaques
en métal, de piqûres en fil et en soie.
Ils soumirent, vers 1268, leurs statuts ^ à
l'homologation du prévôt de Paris. On y voit
qu'un maître qui désirait prendre un apprenti
devait avant tout « se faire créable ^ qu'il est
souffisant d'avoir et de sens », afin que le père
ne sacrifie pas inutilement « son argent et li
aprenti son tans ». La durée de l'apprentissage
était fort longue ; on demandait six ans à l'enfant
qui apportait au moins 45 sous, huit ans à celui
qui ne pouvait verser que cinq sous. Si un fils
de maître restait orphelin et sans fortune, les
maîtres le plaçaient en apprentissage et pour-
voyaient à ses besoins *.
Les maîtres avaient le droit d'occuper une
apprentie, mais pourvu qu'elle fût fille de
maître. Celle-ci, son apprentissage terminé,
pouvait aussitôt s'établir, et celte disposition
entraînait parfois de graves désordres. Les filles,
paraît-il, demandaient de l'argent à leur père,
et ouvraient boutique ; puis, sous prétexte
d'engager un apprenti, elles prenaient un amant.
Naturellement, tout cela tournait mal, et bientôt
la fille rentrait au logis paternel avec moins
d'avoir et plus de péchés. Voici le très curieux
texte de cet article : « Les garces lésoient leur
père et leur mère, et commençoient leur mestier,
et prendoicnt aprentis, et ne fesoient se ribau-
deries non ^. El quand eles avoient ribaudé et
guillé ce poi ^ que eles avoient enblé à leur père
et leur mère, eles revenoient avec leur père et
leur mère, qui ne les poienl faillir '', à mains
' A. -M. Lotlin, Catalogue des libraires, etc., p. 84.
- Ils fiiTuront dans le Livre des métiers, titre LXXXVIl.
•' Prouver.
'■■ « Se aueuii orj)heiiu est povres, et il ait esté enfans
d'aueun corroier, et il voillc aprendre le mestier de
corroieri(î, li nicstre du mestier le font aprendre et le
pourvoient ». Article 7.
•'' El ne faisaient que se divertir.
* Et dépensé le peu.
"^ Qui ne lis peuvent repousser.
C0RR0IER8 — CORSETIERS
21(
d'avoir et à plus de péchiez ». On interdit donc
la maîtrise à toute fille sortant d'apprentissage
qui n'épouserait pas un corroier.
Vers la fin du quatorzième siècle, les corroiers
changent de nom et deviennent ceinturiers.
Le mot corroiers m'est fourni par le Livre des
métiers, mais la Taille de 1292 cite 81 courraiers,
et celle de 1313 mentionne 135 courroiers. On les
trouve encore nommés corroyers, courroyers, etc.
Gorroyers. Voy. Corroiers.
Gorroyeurs. La Taille de 1292 mentionne
32 conreeurs, celle de 1300 en cite 35. Dans
le nombre figurent des :
Conreeurs de basane.
— de connins *.
— de cordouan ^.
— de cuir.
— de pelleterie ^.
— de vache.
En juillet 1345, Philippe VI donna, par une
même ordonnance, des statuts aux tanneurs, aux
corroyeurs, aux baudrojeurs et aux cordon-
niers *. J'y vois que les corroyeurs devaient
acheter le droit de s'établir ; ils le payaient
quinze sous, dont dix revenaient au roi et cinq
aux jurés, « les quelz cinq solz seront distribuez
en aumosnes aux povres hommes dudit mestier ».
Chaque maître ne devait avoir à la fois plus de
deux apprentis, et la durée de l'apprentissage
était de quatre ans au moins. Le travail à la
lumière était interdit. Trois jurés surveillaient la
communauté.
Tout cuir mal corroyé « couroyé à faulx cour-
roy » était brûlé devant la demeure du coupable,
« ars devant l'hostel à celui chiez qui il sera
trouvé ».
L'ordonnance du 21 novembre 1577, qui
confirme des arrêts rendus en 1567, réunit en
une seule communauté les baudroyeurs et les
corroyeurs.
Cette double communauté fut complètement
réorganisée au siècle suivant. Chaque maître
ne put plus avoir qu'un seul apprenti. La durée
de l'apprentissage fut fixée à cinq ans. A la tête
de la communauté étaient un receveur et huit
jurés, dont quatre étaient dits^wm de la cotiser-
vation et les quatre autresy^m de la Visitation :
ces derniers devaient faire chaque mois chez tous
les maîtres les visites réglementaires. L'édit de
1776 rassembla en une seule communauté les
tanneurs, les corroyeurs, les mégissiers, les
peaussiers et les parcheminiers. Le nombre des
maîtres corroyeurs-baudroyeurs avait été longtemps
de 260, en 1725^ il était tombé à 150 environ ^.
Ils avaient pour patron saint Thibaud, dont ils
célébraient la fête le 1" juillet à l'église Saint-
Merri. Du temps immémorial ils jouissaient du
* Peaux de lapins.
2 Voy. ci-dessus l'art. Cordonaiers.
3 Voy. l'art. Fourreurs.
4 Ordonn. royales, t. XII, p. 75.
^ Savary, t. II, p. 424.
6 Hurtaut t-tMaigny, Dictionnaire de Pans, t. I, p. 317.
privilège de porter, dans les cérémonies
publiques, la chasse du bienheureux de ce nom.
On les trouve appelés couiroyeurs, coiiroyeurs,
conraieurs , drayeurs et même corroiers^ titre qui
désigne une autre corporation.
Une partie de la rue de Venise, désignée au
treizième siècle sous le nom de rue de la
Platrière, devint vers 1500 la Conroirie puis la
rue de la Courroierie, nom qu'elle porta jusqu'en
1850. La rue des Cinq-Diamants s'est appelée
successivement Corriyia, corriyiaria, conreerie,
conroirie, courouerie, vieille courroierie, et n'a
pris son dernier nom qu'au seizième siècle ' .
Gors (Tireurs de). Voy. Pédicures.
Gorsetiers. Faiseurs de corsets. Le corset
des treizième et quatorzième siècles n'avait aucun
rapport avec le nôtre. C'était un vêtement de
dessus à l'usage des deux sexes, moins long mais
aussi ample que le surcot, souvent fendu sur le
côté et à manches. Je crois le fait incontestable.
M. Quicherat ^ dit, il est vrai, que le corset était
alors « une courte tunique sans manches », mais
cette assertion est contredite par plusieurs docu-
ments contemporains. Je lis, en effet, dans le
compte de l'argentier GeofFroi de Fleuri pour
l'année 1316 : « Pour madame Blanche, fille le
Roy^, pour un corset de camelin, ouquel il otune
fourreure tenant 124 ventres, et 12 ventres pour
les manches... » Et dans le compte d'Etienne de
la Fontaine pour 1352 : « Pour les fourreures
d'un corset ront d'escarlate pour madame la
royne de Navarre, une fourreure de menuvair de
160 ventres, et pour les manches 24 ventres * ».
Toutefois, c'est bien au quatorzième siècle que
l'on commença en France à considérer la finesse de
la taille et la raisonnable ampleur de la poitrine
comme une beauté. De là l'adoption par les
coquettes d'une large ceinture, alors appelée
ôandeau, où l'on pourrait voir l'origine de notre
corset actuel. Fortement serrée à la taille au
moyen d'un lacet, elle remontait assez pour
soutenir les seins, en même temps qu'elle
étreignait le milieu du torse, rendu ainsi plus
flexible et plus mince. J'emprunte ces cinq vers
au roman de la rose :
Et si les seins elle a trop lourds,
Qu'un bandeau vienne à leur secours,
Dont sa poitrine fasse étreindre
Et tout autour ses côtes ceindre,
Puis attacher, coudre ou nouer S.
Comme cela paraissait charmant, et qu'avant
tout il fallait suivre la mode, les femmes à qui la
Providence n'avaient rien donné à maintenir
usèrent d'un artifice dont le secret s'est fidèlement
transmis de siècle en siècle: elles faisaient
coudre à la chemise ou au vêtement de dessous
certains coussinets rembourrés, piqués, et dis-
posés de manière à imiter la nature.
' Elle est auj. comprise dans la rue Quincampoi.t.
- Histoire du costume, p. 242.
3 Philijjpe V.
4 Douët-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 43 et 177.
- Voy. l'art. Fourreurs.
5 Édit. elzév., t. III, p. 237.
216
CORSETIERS
Celles-là pouvaient encore espérer plaire, mais
elles devaient renoncer à passer pour de véritables
élégantes. On n'avait droit à ce litre que si l'on
se décolletait, si Ton portait une robe ou un
surcot largement ouverts, non seulement sur la
poitrine, mais encore dans le dos :
Belle gorge a-t-clle et cou blanc?
Que le ciseau d'un coup savant
Avec tant d'art la décolètc
Que sa chair luise blanche et nette
Demi-pied derrière et devant.
Il n'est rien d'aussi séduisant 1.
Un trouvère de la fin du treizième siècle, Robert
de Blois, blâme cette coutume malséante, et ajoute
que les femmes ne se bornaient pas à laisser voir
leur gorge et leurs épaules, qu'elles découvraient
aussi leurs jambes et même leurs tlancs :
Une autre lessc tout de gré
Sa char apparoir au costé,
Une de ses jambes descuevre ;
Prudhom ne loc pas ceste œuvre 2.
N'oublions pas de dire que ces ouvertures
étaient en partie défendues par des affic/ies,
c'est-à-dire des broches, des agrafes, des épingles.
Mais le sévère moraliste à qui nous devons toutes
ces indiscrétions n'en recommande pasmoinsaux
femmes de ne permettre à nul homme, sauf
a leur mari, d'introduire leur main dans les
endroits si mal protégés :
Gardez qu'à nul home sa main
Ne laissiez mètre en vostrc sain
Fors celui qui le droit i a.
Snchii'7, qui primes conlrouva
Atiches •'', que por ce le fist
Que nus hom sa main n'i méist
En sain de famé où il n'a droit.
flfiarles V aimait la simplicité dans les vête-
nierit-;. Il ne souffrait pas qu'autour de lui, les
hommes portassent des souliers à la poulaine * ni
des habiLs trop courts. Il ne voulait pas non plus
que les femmes se serrassent trop la taille, « ne
femmes cousues en leurs robes trop eslraintes ».
Les successeurs de Charles V se montrèrent
moins sévères. Un contemporain de son petit-fils
nous révèle que les femmes, toujours désireuses de
faire fine taille, continuaient à se serrer dans des
ceintures ou bandes d'étoffes dissimulé(?s sous ou
sur la ciieniise. Dans Le champion des darnes^
poème lie Martin Lefranc, Malebouche, qui
maltniite fort les coquettes du «luinzième siècle,
h'cxprime ainsi :
No voy tu comment leurs frons tendent,
\ i»ini(;<'H i-l poitrines oini^m-nt,
I)i.^^. ut l.-ur« mniiielles (|ui pendent,
l>ui|.|.. iiulx inlour elles .•.siraiiident
Ou II i'avaulaipi' so .saindent 5
A fair» ap|»an>ir plus heaulx rains •!.
'l'iiul»-» tollcft besunffnes fuindenl
Pour loy prondrn aux fourches de rains 7.
' Roman dt ta nte, t. III, p. 235.
« l.* tka$litmenl des damei. Dons Méon, Fabliaux cl
conltê. l. II, p. 187.
■• "^1 11.» i|i|,< rohii qui inventa les épingles.
* \ V l'arl (înnlonnicrB.
• \ . iK'ninl
^ Hein.t.
"> U champion du damrt, litre plaisant, copieux, etc
\A prrm.ëP' cwlilion rst .lans doul/' do 1485. Je citec<-lle
d.' I.^ao, PT.XVI
Au siècle suivant, nous rencontrons enfin pour
la première fois, sous le nom de vasquine ou
basqtdne, notre corset actuel. C'est, en eftét, un
corsage de toile épaisse, qui serre fortement la
taille et s'élargit jusqu'aux épaules en forme
d'entonnoir. Le corsage, bien tendu sur lui, le
recouvre.
Ce corset resta fort en faveur durant le
quinzième siècle. Mais au dix-septième, les
femmes commencèrent à emprisonner leur taille
dans des instruments de supplice nommés corps
pignés, sans préjudice du kiste ou busqué^ lame
de bois verni, d'ivoire, d'argent ou de baleine qui
maintenait la robe par devant. « Les femmes, dit
Henri Estienne, appellent leur busqué un os de
baleine qu'elles mettent par dessous leur poitrine,
au beau milieu, pour se tenir droites * ». Très
souvent, le busqué restait en vue, était doré,
damasquiné, couvert de devises, d'ornements, de
dessins allégoriques ^.
L'ambassadeur de Venise écrivait alors à son
gouvernement : « Par dessus la chemise, les
femmes ont un corset ou camisole, qu'elles
appellent corps piqué, qui rend la tournure
plus légère et plus svelte. Il est agrafé par
derrière, ce qui rend plus belle la forme du
sein ^ ». Le bon ambassadeur n'y avait pas
regardé de bien près, mais nous savons par
Montaigne en quoi consistaient le plus souvent ces
artifices destinés à rendre la taille fine : « Quelle
géhenne les femmes ne souffrent-elles pas,
guindées et cenglées à tout de grosses coches *
sur les costez jusques à la chair vive ! ouy quel-
quesfois à en mourir ^ » ! Tout ou moins à
compromettre la vie des enfants qu'elles portaient
dans leur sein : « J'ay ouj parler de quelques
demoiselles, voire en ay congneu, qui n'ont point
faict de difficulté de porter des bustes aux
despens du fruict qui estoit en elle, et pour ne
perdre Dionneur d'avoir le corps gent ^ ». El
Ambroise Paré qui, mieux que personne, savait
à quoi s'en tenir à cet égard, avait plus d'une
fois donné de sages avis, toujours méconnus :
« Les choses qui compriment le ventre de la
mère, comme font les bustes et choses semblables,
empeschent que l'enfant ne peut prendre
croissance, de sorte que les mères avortent, et
sont les enfans contraints sortir devant le terme '' » .
Le danger n'est pas moindre pour les jeunes
personnes : « Plusieurs filles sont bossues et
contrefaites pour leur avoir, en leur jeunesse,
par trop serré le corps. On voit que, de mille
filles villageoises, on n'en trouve pas une bossue,
à raison qu'elles n'ont eu le corps asiraint et trop
serré " ». Dans un autre endroit. Paré nous
raconte qu'ayant fait l'autopsie d'une belle dame
à la taille mince, il trouva ses « costes che-
' Dialogues, t. I, p. 210.
* \'<>j. Maze-tJensier, Le livre des collectionneurs,
p. 737.
•■* Relations des ambassadeurs vénitiens, t. II, p. 559.
* Plaies, entailles.
5 Essais, liv. I, chap. XL.
<5 H. Estienne, Apologie pour Hérodote, t. I, p. 393.
' Œuvres, édit. de 1607, p. 953.
* Œuvres, édit. de 1607, p. 898.
CORSETIERS — COTON
217
vauchans les unes par-dessus les autres ' >>.
Un peu plus tard, le corset fut recouvert d'un
autre appareil, presque aussi barbare, ég'alement
armé de baleines, et qui condamnait à un véri-
table martyre les malheureuses qui y étaient
sang'lées. Cinquante ans après sa présentation
à la Cour de Louis XV, madame de Genlis se
souvenait encore des souffrances qu'elle avait
endurées à celte occasion : « La veille, mesdames
de Puisieux et d'Estrées voulurent que j'eusse
mon grand corps pour dîner, afin, disoient-elles,
de m'y accoutumer. Ces <»;rands corps laissoienl
les épaules découvertes, coupoient les bras et
g-ênoient horriblement '^ ».
Depuis le règne de Louis XV, les mots corps
et corset deviennent à peu près synonymes, et,
jamais peut-être le pouvoir de la mode ne s'affir-
ma plus clairement que dans la faveur dont
jouirent ces cruelles armatures de baleines et
d'acier. Blâmées, réprouvées par tout le monde,
elles résistaient à toutes les critiques, à toutes
attaques. L'anatomisteWinslow, J.-J. Rousseau,
Buffon en firent vainement ressortir les dangers.
En 1770, un sieur Bonnavul publia contre elles
un mémoire intitulé : Dégradation fie V espèce
humaine par V usage des corps à baleine, etc. ; dans
son Essai sur les corps baleinés, un nommé
Reisser, tailleur établi à Lyon, proposa d'y
apporter des réformes qui équivalaient à une
suppression. Rien n'y fît, et le comte de
Vaublanc pouvait encore écrire en 1782 : « Il
faut se réjouir de ce que les femmes, en se donnant
par leurs corsets une taille roide, se privent ainsi
du plus dangereux des attraits, de cette souplesse
élégante qui, dans d'autres pays, est le plus
séduisant de leurs charmes ^ ».
Corps et corsets étaient l'œuvre des tailleurs.
« Ce sont eux, dit galamment \ Encyclopédie
méthodique., qui font ces corsets délicats et élégans
qui, sans gêner le corps soutiennent la taille,
donnent de Télévation et de la fermeté à la gorge,
et rendent le maintien des femmes plus noble
et plus agréable * ». Mais ceci ressemble fort à
une réclame.
Dans leurs statuts de 1749, les boursiers sont
dits faiseurs de bustes, sans doute parce qu'ils
prétendaient à l'emploi exclusif de la baleine. Ils
s'étaient déjà, sous le même prétexte, fait octroyer
le droit de fabriquer les parasols et les parapluies.
Gorteilliers. Gortilleors. Gortil-
liers. Voy. Jardiniers.
Gortiveurs. Voy. Agronomes.
Gorvlsiers. Voy. Cordonniers.
Gostumiers de théâtre. Les anciens
manuscrits historiés qui nous ont conservé le
texte de mystères\Q^xk,% au moyen âge représentent
toujours les personnages en costume contem-
porain du manuscrit. C'est une règle invariable.
1 Œuvres, édit. de 1607, p. 514.
2 Mme de Genlis, Mémoires, t. I, p. 241.
3 Souvenirs, p. 136.
* Jurisprudence, t. IX, p. 613.
La masse des figurants devait être habillée de
vêtements d'emprunt, et le clergé se montra
généralement libéral envers les acteurs des
mystères sacrés : les cliapes, les chasubles, les
dalmatiques, toute la garde-robe ecclésiastique
était mise à leur disposition. On fit plus: en
1492, à Rouen, on mit en gage des reliques
pour monter la Passion ^.
Au dix-septième siècle, on ne jouait plus de
mystères, et les comédiens louaient leurs babils
à la friperie, « ils étoient vêtus infamement »,
disait Tallcmant des Réaux ^. Une réaction se
produisit sous Richelieu, engoué d'art drama-
tique, et le costume devint vraiment luxueux
sous Louis XIV. « Cet article de la dépense des
comédiens, écrit Chappuzeau, est plus considé-
rable qu'on ne s'imagine. Il y a peu de pièce
nouvelle qui ne coûte de nouveaux ajustemens ;
el le faux or ni faux argent qui rougissent
bientôt n'y étant pas employés, un seul habit à
la romaine ira souvent à cinq cens écus ».
C'est pourtant à la fin du siècle seulement
que les acteurs commencèrent à porterie costume
des personnages qu'ils représentaient . La
Champmeslé, morte en 1698, jouait encore les
rôles d'Iphig'énie, de Monime et de Phèdre
habillée comme mademoiselle de Fontanges ou
madame de Montespan. Le fournisseur attitré
des artistes était alors un sieur Jean Baraillon
que le Livre commode pour 1692 qualifie « tailleur
pour habits de théâtre •* ».
En 1777, le sieur Renaudin, demeurant rue
Comtesse d'Artois, louait « toutes sortes d'habits
pour les bals ou pour jouer en société les pièces
du Théâtre François ou Italien ». Le sieur
Sarrazin possédait « une collection d'habillemens
de divers siècles », et le sieur Sigly se disait
« tailleur pour femmes de l'Opéra * ».
Lekain ^, et Clairon ^ furent les premiers qui
introduisirent en scène l'exactitude du costume ;
encore se bornèrent-ils à exclure les paniers des
actrices et le chapeau à plumes des acteurs, à
adopter la peau de tigre dans les rôles scytes et
sarmates, et l'habit du seizième siècle dans les
scènes de chevalerie. Le plus ancien exemple
d'un costume fidèlement reproduit, date de la
représentation de Charles IX "^ , et c'est à Talma
que revient l'honneur de cette innovation **.
Voy. Bijoutiers en faux et Théâtre.
Goterie. Voy. Cotterie.
Goton (Travail du). Voy. Arçonneurs.
— Bonnetiers. — Cardeurs. — Cha-
peliers. — Fileurs. — Fileuses. —
Mousseliniers. — Toiles (Commerce
des\
1 Petit de Julleville, Les mystères, t. I, p. 380.
2 Historiettes, t. VII. p. 170.
3 Tome I, p. 271.
4 Almanach Dauphin, art. Tailleurs,
a Mort en 1778.
6 Morte en 1803.
■^ Le 4 novembre 1789.
8 ^'oy. A. Jullien, Histoire du. costume au théâtre,
1880, in-8°, p. 94, 282 et 303.
218
COTRETS — COULEURS
GotretS (Marchands de). Au seizième
siècle, et bien avant sans doute, on en criait dans
les rues de Paris :
Après orrez sans nulz arrestz
Parray Paris plusieurs gents
Portaiiis et crians les cotretz,
Où ilz gaignent de l'argent 1.
La vente des colrets avait été minulieusement
réglée par l'ordonnance de février 1415 ^, elle
le fut de nouveau par celle de décembre 1672 ^.
Cntie dernière exige que les fagots et « cotterels »
soient vendus par compte, par cent, et fournis,
suivant l'usage, « les quatre au-dessus du cent».
Chacun d'eux devait avoir au moins dix-huit
pouces * ; on les mesurait à la chaîne. Ils étaient
vendus au détail par les fruitiers, les chandeliers
et les regrattiers. Défense leur était faite d'en
avoir chez eux plus d'un millier, et ils étaient
tenus d'aflicher dans leur boutique une « pan-
carte » indiquant le prix de vente lixé par
n.Al.-l de ville «.
Quand la Seine était prise, le bois devenait
rare et cher. Une année, durant la Régence, il
fut du bon ton de s'envoyer pour étrennes des
petits cotrets bien propres et liés avec des
faveurs de soie. On les brûlait tout de bon après
les avoir acceptés pour rire.
On a dit que le mol colret venait du bas latin
cnsteretum qui aurait eu un sens analogue •*. Il
est plus vraisemblable que ces petits fagots
furt-nt pendant longtemps fournis à Paris par la
furet de Retz, dont Villers-Cotlorets a tiré son
nom : Villers-cosie '-Retz.
On trouve un marchand de cotrets représenté
dans les ('ri/! de Paris de la bibliothèque de
l'Arsenal.
Gotterie. « Se dit, parmi les artisans, d'un
jure ou iriin maître de la confrérie d'une
conimunauté, a Tégard de ceux qui sont en
mAnu' temps en charge.
Vi\ juré ne peut aller en visite tout seul, il
faut qu'il attende sa colterie, c'est-à-dire celui
qui est juré avec lui.
(iollerie se dit aussi entre les « apprentifs,
compagnons et garçons d'un même métier,
comme pour se distinguer et se reconnoître " ».
On écrit souvent coterie.
Coucheurs. Dans les fabriques de papier,
ouvriers qui appliquaient les feuilles sur les
feutres.
Dans les briqu.'teries, (.nvriers qui étendaient
le» tlljlfis que Ip mouleur Inir avait touniies '•».
' l.tt rrit ifft marckaitititei, rlc. — Voy. aussi Les
cfil et irpi rrit, v\c
> .\rtirlf 210.
' CImpiir.' XVII. nrt 27 -t suiv
• Environ rinquaiite cenlim('t^e.^.
S Sur lotit nri. voy. nuNsi VKHcyrlunédie mr/hmllnne
rommi-rp*-, l. I, p. 7.13. ' '
• Vov, le fUostaire île Durange, aux mois cos/a et
ff)ttfrffl»m.
• Vri's (!<•, m vHux fmnnii.s.
» KnftftlofK.tir m/fkar/iqur, comunra-, t. I, p. 7.1.1.
» Knryrlop^Hi* m^lkodiaut, es\» ol métiers, I I n 335
••« I \. p. 502 • '
Goudranneurs. On nommait coudran un
mélange d'herbes et de goudron dans lequel les
bateliers de Paris faisaient tremper leurs
cordages, espérant ainsi les protéger contre la
pourriture. Cette opération était faite par les
coudranneurs.
Gouleurs (Marchands de). Ils étaient jadis
représentés par les épiciers-droguistes. C'est à
eux que les peintres achetaient leurs couleurs,
leurs palettes, leurs toiles, leurs vernis, tous les
objets relatifs à leur art. Les brossiers vendaient
seulement les pinceaux formés de soies de sanglier.
Jean de Garlande, qui écrivait vers le milieu
du treizième siècle, raconte que les ouvriers
teinturiers étaient dédaignés des femmes, parce
qu'ils avaient toujours les ongles teints en rouge,
en noir ou en bleu ^. Ailleurs, il nous dit que les
drapiers vendaient des tissus blancs, noirs, verts,
bleus, écarlales et rayés ^. On trouve cités un
peu plus tard le violet, le brun, la nuance fleur
de pêcher, etc., etc.
On voit que l'art du teinturier était déjà fort
avancé. La plupart des substances utilisées
arrivaient de l'Inde par l'Egypte, et les merciers
se chargeaient de les apporter à Paris ^. Quant
aux procédés de composition, ils se transmettaient
par tradition, d'ouvriers en ouvriers, comme cela
avait lieu pour tous les corps d'état ; il ne faut
les demander ni aux statuts, qui restent muets
sur ce point, ni aux ouvrages contemporains.
Je me bornerai donc à dire quelques mots des
couleurs les plus employées au moyen âge.
Atrament. Voy. Encre.
Azur. Voy. Bien et Faux-azur.
Bleu. Il est assez difficile de se reconnaître au
milieu des diverses variétés de bleus dont les
historiens nous ont conservé les noms.
La plante nommée guède ou pastel fournissait
la couleur dite j)ers. En général, on admet que
ce mot désignait un bleu très foncé, mais si l'on
y regarde de près, le doute est autorisé. D'abord,
s'il y avait du pers noir ^, il y avait aussi du pers
azîire' et du pers clair ^.
Au milieu du quinzième siècle, un traité de
blason nous apprend que « le pers est une couleur
qui approche fort du bleu, mais est de plus clère
matière ^ ». Henri Estienne déclare que « en mars
croist la ])elle violette, de couleur céleste, d'azur
et de pers ^ ». La définition donnée par le Diction-
naire de l'révoux * manque assez de précision
pour pouvoir contenter tout le monde : « Pers.
Qui est de couleur bleue ou tirant sur le bleu,
azur couvert et obscur qu'on prétend être venu
de Perse ». M. de Laborde, y reconnaît le noir
bleu ; il cite même une ordonnance de police
rendue en 1533, et qui mentionne des « draps
1 Voy. ci-dessous l'art. Teinturiers.
2 Dictionarius, p. 27 et 30.
•* Vo}'. ci-dessous l'art. Merciers.
* Ducange, Glossarium, au mo\ persils.
5 Douël-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 149.
8 Le btnson des couleurs, p. 88.
' .ipnlngle pour Hérodote, t. II, p. 281.
8 Tome VI, p. 698.
COULEURS
219
pers
et autres accoustumés estre tendus es mor-
tuaires^ ». En effet je trouve ailleurs que, dès
le quinzième siècle, l'on tendait « de pers en la
maison d'ung trespassé ^ ». Enfin, pour M. Qui-
cherat, le pers était « un bleu intense ^ », et
pour l'Académie, c'est une « couleur entre le
vert et le hleu * » .
Les mots ?/??//(? ou inde désignaient l'a/Air, le
bleu de ciel : on est à peu près d'accord sur ce
point. « Azur et inde n'est que ung », dit le
Blason des cotdeurs ^. M. Douët-d'Arcq le définit
pourtant d'autre manière : « bleu de la couleur
du col et de la poitrine du paon" ». Il serait
donc différent de la nuance que nous trouvons
nomvciée jynonace, jxionnace, paomiée^ etc., et qui
représentait, dit-on, un bleu violet rappelant la
queue du paon. « Violaceus, purpureus, colorem
caudae pavonis », dit Ducange '' . U impérial
était un bleu éclatant**.
Brun. Depuis le jour où il entreprit sa première
croisade, saint Louis bannit de ses vêtements le
vert, l'écarlate et autres couleurs voyantes, et ne
voulut plus porter que du brun.
Brussequin. Nuance tenant du brun et du
bronzé. Dans sa composition entrait l'écorce de
noyer.
Cendré, engendré ou cendrin. En T316, la
reine Marie de Brabant donne à Philippe le Long
« une robe de cendré ^ ».
Changeant de vert a bleu. On lit dans
Y Inventaire de Charles V (1380) : « Item une
robe de drap, de couleur changeant de vert à
bleu 10 ».
Cramoisi. Je trouve cité, dans le même inven-
taire, du velours vermeil cramoisi i*, et Rabelais
nous fait savoir que les souliers de Gargantua
étaient en velours bleu cramoisi ^^. Ce mot
désignait alors le maximum d'intensité d'un ton
quelconque, et pendant près de quatre siècles,
il resta dans la langue avec un sens analogue. Il
signifiait, au figuré, « entièrement, au suprême
degré, au delà de ce qu'on peut imaginer ».
Ainsi, quand Panurge et frère Jean sont pris de
« fureur poétique », ce dernier s'écrie : « Atten-
dez, et m'ayez pour excusé si je ne rithme en
cramoisi ^ ^ » .
Cuir d'abbaye. « Item, une sainture sur un
tissu de couleur cuir d'abbaye '* ».
ÉcARLATE. Il était produit par le kermès. Cet
insecte se vend desséché et il a alors l'apparence
d'une petite graine rouge, aussi est-il presque
1 Notice des émaux, p. 438.
2 Blason des couleurs, p . 111.
3 Histoire du, costume, p. 323.
'i: Dictionnaire, édit. de 1879, t. II, p. 399.
^ Page 88.
6 Nouveatix comptes, p. 70.
' Au mot paonacius.
8 Douët-d'Arcq, Comptes, p. XIX.
î* Douët-d'Arcq, Comptes, p. 10.
10 N° 3.512.
11 N" 3.475.
12 Liv. I, chap. 8.
13 Liv. V, chap. 47.
1* Inventaire du mobilier de Charles V, n" 91.
toujours désigné sous le nom de graine d'e'carlate.
Ceci nous explique pourquoi nos anciens histo-
riens citent sans cesse des tissus dits en graine ou
en migraine. Les premiers avaient été teints en
rouge au moyen du kermès seul ; pour les
seconds, l'on n'avait employé qu'une moitié de
kermès, mêlé à d'autres substances colorantes,
et l'on avait obtenu ainsi la teinte violacée appelée
mi-graine ou migraine. Je lis dans une ordon-
nance de 1302 : « Que nul ne vende drap pour
escarlate, se il n'est tout pur de graine, sans autre
mistion de tainture quelconque. Item, que nul ne
vende migraine, se il n'y a la moitié graine ^ ».
Il existait, outre l'écarlate vermeille, des écar-
lates rosée, sanguine, claire, paonace, violette,
morée^, et même blanclie. On avait, en effet,
fini par appliquer le nom d'écarlate à toute
couleur que l'immersion dans un bain très peu
intense de kermès douait d'un éclat particulier.
Ainsi, dans le costume de Gargantua entrait du
« veloux bleu tainct en graine ' ».
Engendré. Voy. Cendre'.
Encre. On écrivait souvent anque, enque, et
aussi atrament, du latin atramentum.
Faux azur. C'est le vert-de-gris.
Fleur de pêcher. Nuance fort à la mode,
surtout au début du quatorzième siècle *.
Graine. Voy. Ecarlale.
Impérial. Voy. Bleii,.
Inde. Voy. Bleu.
Jaune. Couleur mal notée. Elle a désigné les
juifs, les maris trompés et les traîtres. Après la
mort du fameux connétable de Bourbon, le Parle-
ment ordonna de peindre en jaune la porte de
son hôtel. Cette coutume subsistait encore au
milieu du dix-septième siècle. Lorsque le prince
de Condé eut abandonné la France, en 1653,
pour passer du côté de l'Espagne, un arrêt du
Parlement le déclara coupable de haute trahison,
le condamna à mort, et fit peindre en jaune la
porte de l'hôtel qu'il possédait à Paris.
MiCtRAIne. Voy. Écarlate.
Moisi. Couleur de rouille.
Noir. Au quatorzième siècle, le noir était porté
déjà « par gens de tous estatz, comme moynes,
nonnes, marchans, femmes, gens de justice et
prestres^... Ceste couleur pour le présent, est
la plus requise en habitz qui soit, pour la simpli-
cité qui est en elle. Mais tout le monde en abuse.
On en faict les beaulx draps de fine laine ». Ce
qui revient à dire que, comme aujourd'hui, le
noir était la coideur préférée des gens sérieux.
Paonace. Voy. Bleu.
Pers. Voy. Bleu.
Plonqué, plonquié ou plomquié. Couleur de
plomb. Sans doute ce que nous nommons aujour-
d'hui vieil argent.
1 Ordonn. royales, t. III, p. 585.
2 Noire.
3 Liv. I, chap. 8.
i Voy. Douët-d'Arc<j, Comptes, p. 5.
8 Blason des couleurs.
220
COULEURS — COUREURS
Pourpre. Dès le Bas-Empire, le gouvernement
en monopolisa la fabrication dans les deux
manufactures de Xarbonne et de Toulon. Il y
avait des pourpres bis, inde, vermeil, doré,
noir, etc.
Prasine. Rabelais parle d'un « pourceau qui
avait les aureilles verdes comme une esmeraugde
prassine * ». Celait un vert poireau.
PuNicÉE. Ihi hiiin pmiiceus. C'est la couleur
orangé.
Rouge. On obtenait un rouge assez brillant,
mais sans durée, au moyen du brésil, un bois
rouge qui arrivait de l'Inde, de Ceylan surtout,
par la voie de l'Egypte, et qui a fini par donner
son nom au plus vaste état de l'Amérique du
Sud. En 1500, quand la partie septentrionale de
celte contrée fut découverte, on y trouva une
immense quantité de bois ayant les mêmes pro-
priétés que le brésil. On en expédia aussitôt en
pjurope, et les commerçants appelèrent pays du
brésil la contrée d'où ils le recevaient. Le navi-
gateur Pedro Alvares Cabrai, qui avait le premier
vu cette région, l'avait baptisée terre de Sunla-
Cruz, mais les habitudes du commerce ont pré-
valu-. Voy. Cramoisi.
Sandaraque. « Sandarax est lierba de qua
lingitur blavus color », dit Ducange.
Tanné. Ce n'était pas la couleur saumon.
comme le dit M. Quicherat •' ; c'était un fauve,
un brun jaunâtre rappelant la nuance du tan.
'< Fauve et tanné n'est que ung », dit le Blason
des mulenrs, qui cite des tannés blanchâtres,
rougeâfres, violets, obscurs et gris*.
Vert. Ce f\it d'abord la couleur favorite des
jriiiics chevaliers. Elle devint ensuite celle des
fous (If cour. Sous Catherine de Médicis les
seigneurs les plus élégants l'adoptèrent. Plus
lard, l'on coiffa d'un bonnet vert les banque-
routiers et les tlébileurs insolvables.
Violet fîiROKi.E. Cité dans Vhiventaire de
Charles V ••.
Vndk. \<»y. lilru. *
Couleuvriniers. Faisfurs de couleuvrines.
Nom par lequel sont parfois désignés, au quiii-
zicMK- si<'f|(>, li's arquc|iii>iers. La couleuvrine,
(|ui fiait Hlnr> une arme de main , précéda
riiiicqufbMli'.
Coupeurs. Dans les bnipiclrrii-s. (luvi'icrs
qui coujiaifht cl fartmiiaii-nl la t. rre «.
rou[)<'Ui"s (le cheveux. \>\y. Cheveux
(Coniinorco clos).
Cnujjiur.s (!.• hanses. Chez les épin-
glier>. 4)11 appelai! Iiunse une épingle à laquelle
manquait enmre la N'Ie. L'empi.inleur ..yanl
fait (l<>ux pointes ù chaque lij, ],. c.iipeur devait
' I)ii<^aii^'i<, nu nw\ pratinum.
' N ov Durniip»», au mot brasiU.
' l'niî- 341.
» N» I llli
« Enr^ifloj^Ait iiUtMijue, arts el métitT.s, i. I, p. 335.
couper celui-ci par le milieu et préparer ainsi le
travail de Ventêteur.
Coupeurs de poils. Titre qui appartenait
à la communauté des cardeurs. Il fut l'origine de
très fréquentes contestations avec les chapeliers.
Ces derniers jouissaient, en effet, depuis long-
temps du droit de couper et carder tous les poils
pouvant servir à la fabrication des chapeaux 1.
Coupeurs de racines. Voy. Herbo-
ristes.
Coupeurs de têtes. Ouvriers qui prépa-
raient les têtes des épingles. Ils donnaient
70 coups de ciseaux par minute, et pouvaient
couper ainsi en une heure 50.400 têtes ^.
Coupeurs de tronçons. Voy. Ro-
gneurs.
Cour des monnaies. Sa compétence
s'étendait sur tout ce qui concernait la fabrica-
tion et la police des monnaies, le commerce des
métaux précieux, les malversions commises par
les ouvriers en or et en argent, orfèvres, joailliers,
batteurs d'or. Elle jugeait en dernier ressort les
procès relatifs aux monnaies.
La Cour, composée d'environ cent quatre
membres, tenait deux audiences par semaine à
l'hôtel des monnaies. Dans les cérémonies publi-
ques, elle prenait rang après la cour des aides.
Voy. Frévôté générale des monnaies.
Couraliers. Voy. Corailleurs.
Courateurs et Couratiers. Voy. Cour-
tiers.
Coureurs. Voy. Grand-mai tre. Maî-
tres de poste, etc.
Coureurs. « G'étoit un odieux usage, écrit
la comtesse de Genlis, que celui de faire courir
devant sa voiture des hommes et des chiens. Les
coureurs mouroient tous fort jeunes, asthma-
tiques ou hydropiques ; leur entretien étoit rui-
neux, leur parure efféminée, en argenterie,
clinquant et lleurs artificielles, coûtoit au moins
mille écus par an. Les chiens danois, en courant
dans les rues, renversoient les vieillards et les
enfans, mais le grand seigneur, ainsi précédé
dans sa voiture angloise, croyoit avoir le meilleur
air du monde ^ ».
Les coureurs les plus recherchés étaient les
Basques qui, prétendait-on, pouvaient faire jus-
([u'à vingt lieues par jour. Un poète du dix-sep-
tième siècle les représente comme des animaux
l'récéilant un carrosse et qui font faire place,
Automates courans et bi.scaycns de race,
(^u'iin é((uii"ie à graniis frais, portant visage humain,
Légers cuninie le vont, espèce d'homme enfin
(^ui conçoit, (|ui répond, qu'on dresse, (ju'on élève,
Renvoyé s'il vieillit et remplacé s'il crève *.
« Slahils ,1e 1578, art. 10 ; de 1012, art. 18 ; de 1658,
art. 23.
' Eiicijcloprdte me'lliodique, arts et métiers, t. I, p. 459.
3 Diclioniinire des étiqnetles, t. I, p. 106.
* Voy. Mercier, Tableau, de Paris, t. VIII, p. 39.
COUREURS — COURTIERS
221
Les écharpes des coureurs constituaient une
spécialité des boursiers. Chacune d'elles exigeait
plus de deux aunes de taffetas el était garnie de
franges d'argent, d'ornements de toutes sortes.
Coureurs de vin. Officiers de la maison
royale, appartenant au service de la paneterie.
Quand le roi sortait, soil monté, soit en voiture,
un cheval le suivait, portant une collation
toujours prête. Une valise de drap rouge, aux
armes de France, renfermait des serviettes, du
pain, des biscuits, du fruit, des confitures sèclies,
du vin et de l'eau dans deux flacons d'aryent ».
Le coureur de vin, qui était admis an lever du
roi pour prendre ses ordres, présentait lui-môme
la collation lorsqu'elle était demandée, honneur
qu'il partageait avec le conducteur de la haque-
née *.
Voy. Conducteur de la haquenée.
Gourraiers. Faiseurs de courroies. Voy.
Corroiers.
Gourratiers
Courtiers.
et Gourretiers. Voy.
Courriers. Voy. Grand-maître. —
Intendants. — Poste (Maître des), etc.
Courriers du cabinet. Leurs fonctions
consistaient à « porter en poste les ordres du Roi
ou les paquets du grand écujer ou des ministres
à la suite desquels ils sont attachés ». Leur
origine est fort ancienne, mais leur existence
officielle et régulière date seulement de l'édil du
19 juin 1464, qui créa en France le service des
postes -, En 1736, ils étaient au nombre de
douze el touchaient 365 livres de ffao-es ^.
On les nommait aussi chevaucheurs de Véctirie.
Gourroiers. Faiseurs de courroies. Voy.
Corroiers.
Gourroueurs. Voy. Corroyeurs.
Gourroueurs de panne vere. Nom
donné par la Taille de 1313 aux fourreurs de
robes de vair, qu'une pièce du quatorzième siècle
nomme conreeurs de robes vaires.
Pane, 'panne, pêne, etc. signitiaienl fourrure,
el les mois vair ou petit-gris désignaient un
écureuil du nord, dont les différentes espèces
présentent de 1res nombreuses variétés de gris.
Son dos fournissait le petit-gris proprement dit ;
quant au ventre, qui esl souvent blanc comme
de l'hermine, on en faisait souvent alterner la
fourrure avec celle du dos, et l'on obtenait ainsi
le menu-vair. Je crois que les mois gros-vair
désignent une qualité moins fine de la même
fourrure que le menu-vair.
Il n'est pas rare de rencontrer les mots vair et
1 État de la France pour 1687, t. I, p. 81 ; pour
1712, t. I, p. 105 ; pour 1736, t. I, p. 199.
2 A. Belloc, Les postes fraiiçai.^es, p. 2T.
3 État de la France pour 1712, t. I, p. 2\^ \ pour
1736, t. II, p. 223. — Dclamarre, Traité de la police,
t. IV, p. 574.
petit-gris employés par nos anciens poètes pour
indiquer des choses rares et chères. On lit, par
exemple, dans le Roman de Garin le Loherain :
N'i'.st jias ricliois(; no ilt." ver ne de gris,
Li cuers d'un liomme vaut tout l'or d'un pais 1.
ce qui signifie en français moderne : « Ce ne sont
pas le menu-vair ni le petit-gris qui constituent
la vraie richesse, le cœur d'un homme vaut tout
l'or d'un pays ».
Le moyen âge fit de ce petit animal une
incroyable consommation. Je trouve qu'en dix-
huit mois, Charles VI employa pour la doublui'e
de ses vêlements au moins vingt mille ventres de
petil-gris, Isabeau de Bavière, quinze mille
ventres, et le duc de Touraine, frère du roi,
quatorze mille "^.
Voy. Fourreurs.
Gourroyers. Faiseurs de courroies. Voy.
Corroiers.
Courroyeurs. Nom que l'ordonnance de
1351 donne aux corroyeurs.
Courses de taureaux (Entrepreneurs
de). Voy. Combats d'animaux.
Courtauds de boutique. « Terme inju-
rieux et de mépris dont on se sert quand on veut
ravaler la profession, quoiqu'honorable, des
apprentifs et garçons des marchands, et sur-tout
de ceux qui travaillent en boutique chez les
artisans. Quelques-uns croyenl trouver l'étymo-
logie de ce terme dans les habits courts dont
autrefois il n'y avait à Paris que le petit peuple
et sur-tout les gens de métier qui se servissent •* ».
Gourtepointiers. Voy. Coutepoin-
tiers.
Courtiers. Fonctionnaires publics asser-
mentés qui servaient d'intermédiaires entre les
vendeurs el les acheteurs.
Ils étaient nommés par le prévôt des mar-
chands, et les charges devaient être données « à
homme qui, par information deûemenl faite,
sera trouvé estre de bonne vie, renommée et
honneste conversation, sans aucun blasme ou
reproche, et habile, suffisant et idoine pour iceluy
office exercer ».
Avant d'entrer en fonctions, chaque courtier
prêtait serment « que bien loyaument el dili-
gemment il exercera ledit office, et conseillera
tous ceux qui viendront à luy pour acheter ou
vendre, le mieux el plus profitablement qu'il
pourra et sçaura, el qu'il ne demandera ny
prendra plus grand salaire que celuy qui est
ordonné pour ledit office faire et exercer... ».
Aussitôt ce serment prêté, le nouveau courtier
était « institué, présenté el mis en possession de
1 Édit. P. Paris, 3« chan.son, t. II, p. 218.
2 Compte de Guill. Brunel, dans Douët-d'Arcq, Nou-
veaux comptes, p. 156 et suiv.
3 Savary, Dictionnaire, t. I, p. 1570. — Encyclopédie
méthodique, commerce, t. I, p. 749.
222
COURTIERS
son office » par un des sergents de la prévôté,
qui recevait « pour ce faire » deux sols pansis.
Quelques courtiers devaient en outre fournir une
caution.
L'intervention des courtiers n était jamais
ohli^^atoire. Leur salaire était réglé d'une
nianlère fixe ; acheteurs et vendeurs le payaient
par moitié. Les courtiers ne pouvaient faire le
commerce des denrées pour lesquelles ils étaient
commis ^.
Ils sont nommés corratiers et courraiiers dans
le Livre des métiers, courratiers dans la Taille
Je 1292, corrediers dans l'ordonnance de janvier
i:{51, courreliers dans celle de février 1415.
On trouve encore corretiers, courateurs, etc.
Il v a eu, en divers temps, des courtiers-jurés
pour*^ presque toutes les marchandises. Les
courtiers de chevaux, de graisses, de sel et de
vins sont les seuls qui aient subsisté jusqu'à la
Révolution.
Courtiers de banque. Yoy. Agents
de change.
Courtiers de bestiaux. Une ordonnance
du prévôt de l'aris, datée du 22 novembre 1375,
nous révèle leur existence *. Ils furent remplacés
pur It's Tendeurs.
Courtiers de blé. Ils sont cités, comme
exempts du service du guet, dans une ordonnance
dr 1.1 (in du quatorzième siècle ^.
Courtiers de chang^e.
de change.
Voj. Agents
Courtiers de chaudronnerie. Ils
servaient d'intermédiaires entre les chaudron-
niers de Paris et les forains. Choisis parmi les
maîtres de la communauté et élus par elle, ils
élaii'iit au nondjre de trois en 1327 * et de deux
seulement en 1420 •*. Je ne les trouve pas
mentionnés dans les statuts postérieurs.
Courtiers de chevaux. D'abord officiers
jurés (If hi municipalité, ils servaient d'inter-
nifdiaires i-nlre les louc-urs de chevaux et les
patrons d»- bateaux pour le halage sur la Seine.
L<-ur nombre, qui avait été fixé ù deux par
l'ordonnance de février 1415 ', fut porté ù
vingt-quatre en 1423 '. Ils ne pouvaient être ni
cliarn-licrs, ni voituriers, ni gardes de bateaux ;
il leur éUiii uiéme interdit de posséder bateaux
ou chevuux, « sinon seulement un cheval pour
leur chevaucher en l.-urs besognes et atlaires ».
.Vu dix-si'ptièin»' siècle, ils n(; s'entremettaient
plus pour la location des chevaux, el se bornaient
H tlrl.Tininer qu.-l d.-vail être le nombre de
ceux-ci, suivant le chargemcnl du bateau ù
* ()nlonnnnc«>.s d.. 1312. df 1351 ol (1<. \.\\r,
* Ij.lmiinm-, TraiU de In police, l. H, j,. 1185.
U W. D.ppini;, On/u,„iaiires sur les aris et métiers
y 420. '
* Voy, If.i «UitUtti rli' juillet 1.327.
'■- Voy. Ip.s .siatm.s «J'oclobn- U20.
* Chapitn- XI.
" OrJonn. royalts. l. XIII, p. 40.
haler. Ils étaient tenus, en outre, de s'assurer
du bon état des cordages et des esquifs i .
Le courtage des chevaux destinés aux parti-
culiers resta toujours un métier libre, qui était
surtout exercé par des marchands de chevaux et
des maquignons.
Courtiers de draps. Les statuts donnés
aux drapiers en avril 1309 ^ fixent le nombre
des courratiers de draps à douze et le chiffre de
leur caution à vingt marcs d'argent. La Taille
de i3i3 cite, dans la « rue aus Prouvaires,
Jehan le Normarit, courretier de dras ^ ».
Leur nombre fut porté à 24 par l'article 35
des statuts de 1573.
Un édit de février 1704, créa, en rempla-
cement de commissionnaires existant depuis
longtemps, vingt offices de courtiers-commis-
sionnaires ^, chargés de « vendre les draps et
autres estoffes de laine et de fil appartenans aux
forains ».
Courtiers d'épicerie. Je ne les trouve
mentionnés que dans l'ordonnance de janvier
1351 K
Courtiers de lard. Voy. ci-dessous
Courtiers visiteurs de porcs.
Courtiers de mercerie. Ils sont men-
tionnés dans la grande ordonnance de janvier
1351 «.
Courtiers de pelleterie. Ils sont men-
tionnés dans la grande ordonnance de janvier
1351 7.
Courtiers de sel. Officiers publics chargés
d' « enseigner, conduire et mener les survenans
el toutes manières de gens qui de sel auront à
faire, tant pour vendre comme pour achepter,
eschanger, etc. ». Ils étaient au nombre de
quatre. Leur salaire se montait à quatre sous
« pour chacun muj de sel qu'ils feront vendre,
et dont ils pourchasseront, poursuivront,
traicteront et feront le marché ». L'acheteur et
le vendeur payaient chacun deux sous ^.
La réorganisation de la gabelle modifia
l'office des courtiers. Ils durent se borner à
assister dans les greniers aux distributions et à
fournir aux mesureurs les minots qui leur
servaient pour mesurer le sel, ainsi que les toiles
et les bannes qui se plaçaient sous les minois '•*.
Ils n'étaient plus alors qu'au nombre de cinq.
Courtiers de toiles. Ils sont cités, sous
le nom de corratiers, dans le Livre des métiers ^ *.
» Onlonn. de 1672, chap. XXX.
^ Ordunn. royales, t. III, p. 581.
•' l'ayc 30.
4 Voy. ci-dessous.
3 Titre XII.
« Titre XII.
'^ Titre XII.
•* Ordonnance de [écrier 1415, chap. XXI.
^ Ordonnance de décembre 1672, chap. XXVI.
<" Titre 1, art. 16.
COURTIERS DE VINS — COUTELIERS
223
Courtiers de vins. Officiers-jurés qui
servaient d'intermédiaires entre le commerce en
gros et le commerce en détail. Des ordonnances
de 1321 et de 1351 fixent leur nombre à 60.
Aux termes de l'ordonnance de lévrier 1415, les
courretiers de vins ne pouvaient essayer les vins
avant « prime * sonnée à Nostre-Damc », ni après
midi, « heure à laquelle ils s'en iront ». Il leur
était interdit de faire le commerce pour eux-
mêmes. Ils avaient cependant le droit de cumuler
avec leurs fonctions le métier d'iiôtelier, et, à ce
titre, d'avoir jusqu'à « quatre queues de vins en
leurs hostels - et pour vendre à leurs liostes
seulement ».
Vers 1500, le nombre des courtiers de vin fut
réduit à 32, puis porté à 49 en 1637. L'ordon-
nance de 1672 modifia fort peu leur organisation ;
elle statue qu'ils devront toujours se trouver à la
Grève aux heures fixées, et goûter aussitôt les
vins arrivés, « pour connoistre s'ils sont loyaux
et marchands, et s'ils ne sont pas chargez
d'eau ».
Ces courtiers-jurés ont survécu à la Révolution,
et existent encore à l'entrepôt sous le nom de
courtiers-gourmets-piqueurs de vins.
L'édition publiée en 1500 de l'ordonnance de
1415 renferme une gravure qui représente un
courtier de vin occupé à déguster des liquides
dans un bateau.
Voy. Contrôleurs.
Courtiers de volailles. Voy. Contrô-
leurs.
Courtiers - commissaires pour la
vente des étoffes de fil et de laine des
forains. Voy. Courtiers de drap.
Courtiers- facteurs- commissionnai-
res des rouliers, muletiers et autres
VOituriers. Offices créés par édit février
1705. Les titulaires « sont ceux qui, lorsque
les voituriers sont arrivés, prennent soin délivrer
les ballots et caisses de marchandises aux mar-
chands à qui elles sont adressées. . . Ce sont, pour
l'ordinaire, les hôteliers des grandes villes où
arrivent les voituriers et où ils déchargent leurs
voitures qui exercent ces sortes de commissions,
et même jusqu'à l'année 170511 n'y en avoit point
d'autres dans Paris ^ ».
Les trois plus riches commissionnaires d'alors
aclielèTent pour cent raille livres les offices créés
au mois de février de cette année et qui furent
supprimés en mars 1708.
Courtiers -jaug-eurs d'eau -de -vie.
Officiers jurés chargés de déterminer la conte-
nance des futailles destinées àl'eau-de-vie. Elles
étaient réputées exactes après l'examen des
courtiers, qui les déclaraient agréées *. Ces
derniers étaient dits aussi agre'ews.
1 Six heures du matin.
2 Leurs demeures.
3 Encyclopédie méthodique, commerce, t. I, p. 549.
4 Jaubert, Dictionnaire, t. II, p. 86.
Courtiers-tireurs-charg-eurs et dé-
bardeurs de foin. Ils sont mentionnés,
sous le titre de courratiers, dans le Livre des
métiers ^, et sous celui de corrediers dans la
grande ordonnance de janvier 1351. Une ordon-
nance du 22 février 1402 fixa à cinq le nombre
des chargeurs ei débardeurs de foin. Deux d'entre
eux devaient se tenir à la (irève, deux à l'école
Saint-Germain et un au Petit-Pont.
En décembre 1620, leur nombre fut porté à
quarante, en 1700 il fui porté à cent, et en 1719,
ils furent supprimés ^.
Courtiers-visiteurs de porcs morts,
lards et g^raisses de porcs. Au quinzième
siècle, ils étaient au nombre de deux. Ils versaient
à la municipalité une caution de vingt-quatre
livres. Ils servaient d'intermédiaires entre les
marchands et les acheteurs de graisses, quand
l'un de ceux-ci réclamait son intervention. Ils
étaient tenus, en outre, d'exercer une surveil-
lance rigoureuse sur toutes les graisses, et de
confisquer, « pour estre arses ^ » celles qu'ils
jugeaient de mauvaise qualité *.
Le chapitre XXVII de l'ordonnance de
décembre 1672 modifia peu les fonctions des
courtiers de lards et de graisses. Ils restèrent
responsables vis-à-vis de l'acheteur et du vendeur :
à l'un ils garantissaient le payement de la
marchandise, à l'autre la qualité de celle-ci.
Voy. Charcutiers. — Inspecteurs. —
Langueyeurs. — Vendeurs, etc.
Courtilleurs et Courtilliers. Voy.
Jardiniers .
Courvexiers. Voy. Cordonniers.
Courvoisiers. Voy. Savetiers.
Coussiers. Voy. Coutiers.
Coustepointiers. Voy. Coutepoin-
tiers.
Cousteurs. Sacristains qui étaient plus
spécialement chargés de veiller sur le luminaire
et sur les ornements sacrés, de garder les clefs
de l'église, et même parfois de sonner les
cloches ^. On les trouve souvent noravaé?, contres.
Cousticiers. Voy. Coutiers.
Coustiers. Faiseurs de coussins. Voy.
Coutiers .
Coustume et Coustumiers. Voy.
Coutume et Coutumiers.
Cousturiers. Voy. Agronomes.
Couteliers. Les couteliers étaient constitués
en corporation dès le règne de Philippe-Auguste.
1 Titre LXXXIX.
2 Delamarre, Traité de la police , t. III, p. 1066 et suiv.
3 Brûlées.
4 Ordonnance de février I4I5, titre XXXI.
^ Voy. Ducange, Glossaire, au mot costurarius.
•224
COUTELIERS
Je lésai trouvés cependant cités pour la première
fois dans le Dictionnaire de Jean de Garlande,
qui écrivait vers 1250. Ils vendaient, dit-d, des
couteaux de table et des couteaux de poche, des
stylets pour écrire, avec leur étui, et des gaines
grandes et petites *.
A cette époque, les couteliers formaient deux
communautés tout à fait distinctes, et ayant
chacune ses statuLs particuliers. C'étaient :
r Les fèvres-cmteliers, qui l'abriquaienl les
lames :
2" les couteliers faiseurs de manches.
Ces deux corporations soumirent, vers 1268,
leurs statuts à l'homologation du prévôt Etienne
Boileau.
Les Fkvres-coutkliers étaient placés sous la
dépendance du premier maréchal de l'écurie
royale, à qui le roi avait concédé les revenus et
la juridiction professionnelle de la plupart des
Ferres. 11 fallait lui acheter Tautorisation de
s'établir, autorisation qu'il ne devait faire payer
plus de cinq sous. Chaque maître ne pouvait
avoir en même temps que deux apprentis, et la
durée de l'apprentissage était de six ans au moins.
Le travail à la lumière était interdit, « quar la
clartcz de la nuit nesoufistau mestier ». L'atelier
devait fermer à six heures en hiver et à neuf
heures en été, « en charnage puis vespressonans,
en ([uaresme puis compile sonant ». Le métier
étaient administré par deux jurés ^.
Couteliers faiseurs de manches. Ils s'inti-
tulaient : « feseeurs de manches à coutiaus d'os et
i\f fusl •■' et d'yvoire, et faisierres de pignes '*
d'yvoire, et enmanclieeurs de coutiaus ». Le
métier était libre, chacun pouvait s'établir sans
rien payer. En delutrs de ses enfants, chaque
maître ne devait pas avoir en même temps plus
de deux apprentis. La durée de l'apprentissage
élitit de huit ans an moins, les clauses du contrat
éliiient réglées en présence de deux jurés. Si
l'apprenti s'enfuyait, le maître devait le reprendre
une première et une seconde fois ; mais à la
Iroisième il n'était plus permis à personne de le
recevoir, car, ajoutent les statuts, « les aprentiz
font grani doniage ù leurs mestres et à eus
ini-isiues quant ils s'enfuient ». Il était défendu
de travailler k la lumière. Les maîtres étaient
«slrcinls tiii service du guet. Cependant, ils
préleiid.-nt que, dès le règne de Philippe-
AuguMi', <. (lès le tcns le roy Felippe, » ils avaient
le droit df s.« faire remplacer par leurs ouvriers ;
et ils ajtujfenl naïvement : « et encore en uscroieni
volHiiliers, so il plaisoit au Hoy ». Quatre jurés
ndmiiiislraienllaconununaulé.Lesarticles relatifs
M lu fnhricfllioM ont, comme toujours, pour objet
d'aviurer la perfection du travail et de proléger
l'aciieleur contn- tc.ule tenlativ.' de tromperie du
fabricant. Ainsi, il était défendu de mettre ii des
couteonx d'o9 des garnitures d'argent, de peur
• Kdit. Sclflor, p. 23.
' I.itrt et» mrtitri, lilr».
XVI.
^ Df bois.
* lVign...s. L<.^ peignes riclw.s Ciiaionl .souvent alors
imini!» d un niancb.- et uioDlé.s coajm.j des couteaux.
que le marchand ne chercliât à les vendre pour
des couteaux d'ivoire. Sur les manches en bois
sans valeur on ne devait ajouter ni ornements,
ni peintures, ni placages qui en pussent dissi-
muler la qualité ^ .
La Taille de 1292 mentionne 2 fèvres-coute-
liers et 10 faiseurs de manches ; celle de 1300
cite seulement 27 faiseurs de manches, les faiseurs
de lames sont sans doute compris parmi les
fèvres. Enfin, 22 commerçants en 1292 et 38
en 1300 sont qualifiés de couteliers, sans autre
désignation. Une note de M. Fagniez nous
apprend en outre qu'en 1369 l'industrie des
lames de couteaux occupait environ 23 maîtres 2.
La fabrication des couteaux constituait déjà
une industrie assez active, et dont le luxe et la
fantaisie était loin d'être bannis. Un très curieux
passage des Comptes de V ar g éditer ie nous apprend
que, dans les maisons opulentes, on se servait
de couteaux à manche d'ébène pendant le carême
et de couteaux à manche d'ivoire le jour de
Pâques. Ce n'est pas tout, à la Pentecôte les
manches de couteaux participaient des deux
couleurs, étaient à la fois d'ébène et d'ivoire.
Élienne de la Fontaine, argentier du roi Jean,
écrit ce qui .suit dans son compte de l'année
1352 : « Thomas de Fieuvillier, coutelier, pour
deux paires de couteaux à trancher devant le Roy,
à tous les parepains garnis de viroles et de
cinglètes >* d'argent, dorées et esmaillées aux
armes de France ; l'une paire à manches d'ybenus
pour la saison du karesme, et l'autre paire à
manches d'yvoire pour la feste de Pasques : 100
sous par paire. . . Ledit Thomas, pour une autre
paire de couteaux à trancher, à manches escar-
telez d'yvoire et d'ibenus, garniz de viroles et
de cinudètes d'aro^ent dorées et esmaillées aux
dictes armes, pour la feste de Penthecouste :
100 sous 4».
Le couteau à trancher qui est mentionné ici
servait à découper les viandes ; on chapelait le
pain avec le chaplejjain., et avec le parepain l'on
préparait les tranchoirs. Ceux-ci, que l'on
trouve mentionnés jusqu'au dix-septième siècle,
étaient d'épais morceaux de pain coupés en rond
et qui tenaient lieu d'assiettes.
Les convives avaient à leur disposition des
couteaux, mais en petit nombre, ceux sans doute
qui avaient servi à découper, et ils n'étaient
utilisés qu'exceptionnellement. Voici ce qu'écri-
vait C. Calviac en 1560 : « Les Italiens se plaisent
ii avoir chascun son cousleau, les François au
contraire. Toute une pleine table de personnes se
serviront de deux ou trois cousteaux ^ ».
Trente ans après, Montaigne a soin de men-
tionner dans la relation de son voyage que
« jamais Suisse n'est sans Cousteau, duquel ils
prennent toutes clioses, et ne mettent guière la
' Livre des métiers, titre XVII.
"^ Eludes sur l'industrie, p. 387.
"'• On nommait ainsi la petite bande de métal qui
réunit les deux côtés du manche et en forme le dos.
i Diiuël-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 133.
•' Ln ritile honnesteté pour les en fans. Paris 15
in.l2.
1560,
COUTELIERS
225
main au fjlat ^ ». Lui-même maiii^-i'ail sans
cuillère ni t'ourclieUe ^.
Le moyen âge connaissait les couteaux
spéciaux pour ouvrir les huîtres et pour tnivrir
les noix, on en trouve le dessin dans les diction-
naires de Viollet-lc-Duc ^ et de Victor (îay *.
Le don d'un couteau, quelque riche qu'il fût,
passait déjà poiir un cadeau mal choisi. Je lis,
en effet, dans XErangile des qxienouilles ^,
composé vers 1460 : « Celui qui estrine sa dame ^
par amour, le jour de l'an, de couteau, sachez
que leur amour refroidira ».
Au seizième siècle, Châtellerault fabriquait
des couteaux plus beaux que solides, prétend
l'ambassadeur Lippomano : « le manche en est
travaillé, écrit-il, d'une manière très tine, il est
même quelquefois en pierre précieuse, avec des
miniatures, des ciselures, des ornements de
grand prix ' ».
Les deux corporations de couteliers furent,
vers la fin du quinzième siècle, réunies en une
seule ; on leur en associa même une autre, celle
des esmouleurs de grandes forces devenus plus
tard re'mouleurs ^. Au mois de septembre 1565,
Charles IX accorda à cette triple communauté
des statuts qui furent confirmés sans changement
en 1586 et en 1608, et qui méritent d'être
analysés.
Chaque maître ne pouvait avoir en même
temps qu'un seul apprenti, et la durée de
l'apprentissage était de cinq ans. Si l'apprenti se
sauvait, le maître devait l'attendre trois mois,
à l'expiration desquels il avait le droit de le
remplacer. Le fugitif était dès lors « du tout
démis liors de privilège de maistre dudit état de
coutelier ». Cependant, si, dans la suite, cet
apprenti reparaissait, revenant de la province ou
de l'étranger, et se trouvait être « bon ouvrier »,
la corporation cessait de le repousser ; mais il
devait servir trois ans dans un atelier avant de
pouvoir aspirera la maîtrise. La même obligation
était imposée aux compagnons qui n'avaient pas
fait leur apprentissage à Paris.
Aucun coutelier ne pouvait abandonner son
apprenti à moins qu' « il ne gît au lit malade en
langueur, ou il ne laisse le métier du tout, ou il
ne le fait par pauvreté ». C'est la reproduction
presque textuelle de la formule employée en cette
circonstance par le moyen âge. L'apprenti ainsi
abandonné était placé chez un autre maître par
les soins des jurés de la corporation.
La journée de travail commençait à cinq heures
du matin et finissait à neuf heures du soir en
toute saison.
Le chef-d'œuvre était jugé par les jurés, assistés
des quatre plus anciens bacheliers. Les fils de
maître étaient dispensés du chef-d'œuvre, pourvu
1 Voyages, p. 30.
2 Essais, liv. III, chap. XIII.
3 Dictionnaire du mobilier, t. II, p. 81.
i Dictionnaire archéologique, au mol Cernoir.
■* Édit. elzévirienno, p. 41.
6 Lui donne pour él rennes.
'' Relations des ambassadeurs vénitiens, t. II, p. .311.
8 Voy. ci-dessous cet article.
qu'ils eussent servi cinq ans, soit chez leur père,
soit chez un autre maître. On en dispensait
également les compagnons qui épousaient une
fille de maître.
Le compagnon qui voulait quitter son maître
devait le prévenir huit jours d'avance.
Les couteliers étaient autorisés à fabriquer des
lames d'épées, de dagues, de pertuisanes, de
hallebardes « et autres bâtons servans à le deffense
de l'homme », des forces, des ciseaux, des instru-
ments de chirurgie, des étuis de mathéma-
tiques, des couteaux, des canifs, etc., etc.
Ils pouvaient dorer et graver tous les objets de
leur fabrication, et des lettres patentes du
15 mars 1756, accordées à la suite de discussions
avec les orfèvres, les autorisèrent à « fondre
et employer les matières d'or et d'argent dans
leurs ouvrages ». Aussi s'intitulaient-ils officielle-
ment couteliers-graveurs et doreurs sur fer et sur
acier.
Quatre jurés adminisl,raient la corporation.
La veuve d'un maître avait le droit de continuer
le commerce de son mari. Mais si elle se remariait,
elle ne pouvait conserver l'apprenti commencé
par celui-ci.
En 1680, le nombre des maîtres couteliers
était de 91.
La coutellerie de Paris fut toujours regardée
comme supérieure à celle de Langres, de Thiers,
de Caen, de Châtellerault et de Saint-Etienne,
les villes de France où cette industrie occupait
le plus de bras.
L'usage des couteaux sans pointe pour le
service de la table ne paraît pas remonter au delà
du dix-septième siècle, et il ne put guère être
définitivement adopté avant que l'emploi de la
fourchette se fût généralisé. Peut-être faut-il en
trouver l'origine dans cette phrase de Tallemant :
« Le chancelier (Séguier) est l'homme du monde
qui mange le plus malproprement... Il se curoit
un jour les dents chez le cardinal [de Richelieu]
avec un couteau. Le cardinal s'en aperçut, et fit
signe à Boisrobert ; après, il commanda au
maistre d'hostel de faire espointer tous les
couteaux ^ ».
On nommait couteaux à loquet ceux que l'on
ne pouvait fermer qu'en soulevant un ressort ;
jumbettes des couteaux de poche qui avaient
à peu près la forme d'une jambe ; eustaches ou
etistaches de bois de petits couteaux à un sou, qui
avaient été inventés par un habile ouvrier de
Saint-Etienne, nommé Eustache du Bois -.
En 1692, la France exportait, à Lisbonne
seulement, pour un million de ces couteaux •''.
]J Encyclopédie méthodique * fournit l'énuméra-
1 Historiettes, t. III, p. 392.
2 M. WeUn- riay prétend en faire remonter l'origine
jusi^u'à un sieur Wi.stace ou Huistace, qui, vers 1304,
était coutelier de Philippe le Bel. Voy, son Glossaire
archéologique, p. 683. — Bachaumont raconte un suicide,
qui fut e.xécuté, dit-il, « avec un méchant couteau qu'on
appelle lui eustache de bois ». 16 juin 1782, t XX,
p. 304.
3 Revue des provinces, année 1865, p. .533.
4 Tome II, p. 50 et suiv.
15
•J20
COUTELIERS — COUTIERS
tioa suivante df-.s couteaux einplovés vers la fia
du dix-liuilième siècle :
\ bavonnetfe. A la militaire.
\ bascule. A mouche.
\ bec de corbin. De peintre.
\ la berge. A plate-bande
\ cabriolet. A plate-semelle.
A cachet. A pompe.
\ la capucine. A poudre.
A la cliaroloise. A la Ramponneau.
A la chinoise. A ressort brisé.
A creux. A scier.
A double-joint. A secret.
A la ^n'c<|ne. A tambour.
A ^rrbnac.'. A tête d'ai<>:le.
A jambe de princesse. De toilette.
A "loquet. A la turque.
On pourrait encore ajouter ii cette liste
quehpies noms. Ceux-ci, par exemple :
De chasse. A deux clous.
De veneur. Sans clous.
De pharmacie. A tête de compas.
A la Dauphine. D'amis 3.
A la d*E>lain};; ' . De jardinage.
A attrape. A cerneaux.
A romaine -. A lames de rechange.
A pompe. Etc., etc., etc.
A un clou.
Le nombre des maîtres était alors de 120
environ, et la corporation avait pour patron
saint Jean-Baptiste, qu'elle fêtait, le jour de sa
décollation, à l'église des Billet les ^.
Coutepointiers. On appelait conte, au
moyiMi âge. ce ([ue nous nommons coussin, lit
de plume, etc., et coutepointe une couverture de
lit ou de siège, dont l'étoile mise en double était
ouatée, \n\\'A pointe, c'est-à-dire cousue, piquée,
parfois, l'on remplaçait la ouate par le poil de
divers animaux, et ces lourdes coutepointes
portaient le nom de loiuliers. On lit dans un
compte de 1468 : « Douze aulnes de grosse toile,
pour servir ù envelopper les coutepoinctes et
ioudiers s(-rvans sur le lit dudit seigneur... ^ ».
La l'aille de i2iJ2 mentionne huit coute-
poinliers, et celle de 1300 en cite dix-huit.
Lf'urs pn-miers statuts datent du mois d'avril
I2i>(), ^ous la prév(Mé de Jean do Montigny *.
On y lit M'idciui-nl que le métier était surveillé
par deux jurés, et que les coutepointiers
cinplii^rnieiil surtout le cendal et le bougran. Le
ci'M»!»! était une élolfe de soie unie qui se
nipprochail beaucoup de notre taffetas; on
l'ulili^iit principab'inenl pour les tentures des
chambres et des lits. Le bougran, ici nommé
ùoHgMran, étaiil alors une grosse loi].' de
chanvre gommée et adandrée.
Une lettre de mai \'My.i, éuïanant du prévôt
de Pari.s, semble indiquer que le métier ne
; ..•ait', (lil-on, pnr l'aminil de «v nom.
* Formant bnlonci-.
' A fli'UX Inniis iiuiéjHtnl.nil.s.
* I.O Ma59on, Calritdrier dti roiifrrrits. p. 47.
6 Doiiel-rl'Aro.i, Comptes ite largeiilerie, p. 306.
comptait alors pas plus de deux maîtres ^
M. Depping a encore publié - une autre pièce
d'où il résulte, qu'au seizième siècle, les coute-
pointiers n'étaient pas astreints au service du
guet.
En mars 1568, ils furent réunis aux tapissiers
nostrés, et en 1636 aux tapissiers de haute lice.
On trouve encore contrepointiers, cowtepoin-
tiers, coiistepoiiitiers, etc.
Voj. Coutiers et Couverturiers.
Goutiers. Au moyen âge, l'on nommait
coete, coite, couette, conste, coûte, couyte, cuete, etc.,
tout coussin, quelles que fussent sa dimension et
sa garniture. Une couette de paille était une
paillasse, une couette de plumes un oreiller ou
un lit de plumes. L'enveloppe se disait taie ^.
Les coussiers, coustiers, coutiers, cousticiers,
dnvetiers, ancêtres de nos matelassiers, étaient
des faiseurs de matelas, coussins, traversins,
oreillers, etc., etleur métier était appelé coM5^m^
et consticerie ^. La Taille de 1292 cite neuf
coustiers, celle de 1300 en mentionne six
seulement.
On voit dans les statuts accordés aux coutiers
vers 1310 par le prévôt Jean Ploibaut ^, que le
métier s'achetait dix sous. La plume d'Angleterre
et le duvet de Bretagne étaient regardés comme
très inférieurs au « duvet de France » ; les ailes
des oies et des poules passaient également pour
mauvaises, et ne devaient pas être mêlées avec
d'autres plumes.
Ces statuts furent revisés en octobre 1341,
sous la prévôté de Guillaume Gourmont, puis
confirmés par Charles V, le 15 octobre 1372 ".
Ils sont signés de trente-sept coutiers et coutières
qui formaient quinze ménages, le mari et la
femme travaillant ensemble.
Bhi mars 1568, les coutiers furent réunis, ainsi
que les coutepointiers, aux tapissiers nostrés, et
le nom de coutiers ne désigna plus que les
fabricants de la toile dite coutil.
Yoy. Matelassiers et Taiers.
Coutiers. Fabricants de coutil, tissu croisé
en lin ou en coton, et qui servait surtout à faire
des enveloppes de coussins, de matelas, d'oreil-
lers, etc. On avait tellement l'habitude d'en
confectionner des enveloppes de ce genre, que
celles-(;i prenaient parfois le nom de coutils.
Douët-d'Arcq a relevé, au quatorzième siècle,
ces mentions : « A Pierre (1(^ Villiers, duvelier,
pour la taye à faire le coutil pour ledit matteras "^ .
— Deux autres petites taies à faire les coutils
des deux aureilliers à gésir ^ ».
On M dit que le coutil devait son nom à la
ville de Coutances, où aurait existé une
' G.-lî. Di'p])!!!^, Ordoiniances relatives aux métiers,
p. :wv>.
* Ordonnances relatives aux métiers, p. 426.
•* Diicangi^ au mot cottum.
* DucaiiM^e, au mol coûta.
■> Dan.s les Ordonn. royales, t. Y, p. 546.
G Ordonn. royales, t. V, p. 546.
" Matelas,
i 8 A dormir. — Comptes de l'argenterie, p. 367 et 405.
GOUTIERS — COUTURIRRKS
227
importante maiiufacfiire de ce tissu. Ses condi-
tions de l'abricution furent modifiées par un
règlement du 7 avril 1693.
Goutiveurs. Voy. Agronomes.
Goutres. Voy. Cousteurs.
Goutume. Au treizième siècle, ce mol est
souvcnl pris dans le sens d'impôt, de redevance.
On lit, par exemple dans les statuts des
boulangers : « Li noviax talemeliers doit, le
premier an qu'il a acliepté le mestier de
talemelerie, XXII den. de coustume à paier au
Roy ^ ». Les reg-ratiers de fruits disent de leur
côté : « Li regratier pueent ^ achaler es meisons
de relegion ^ sans coustume paier * ».
Les receveurs de la coutume s'appelaient
coutumiers.
Droiture était à peu près synonyme de
coutume.
Goutuilliers. Receveurs de l'impôt appelé
coutume '•'. Ils venaient en réclamer le montant à
domicile, accompagnés d'un sergent du Châlelet,
et, s'ils n'étaient point payés, ils pouvaient saisir
un ou plusieurs objets *•.
Gouturières. Il se produisit en 1675 un
des plus grands événements qu'ait enregistrés
l'histoire de la toilette féminine : je veux parler
de l'institution des couturières.
Jusque-là, les tailleurs avaient possédé seuls
le privilège d'habiller les hommes et les femmes.
L'article 4 de leurs statuts de 1660 confirme
encore ce monopole ; il est ainsi conçu : « Il
n'apparliendra qu'auxdits maîtres marchands
tailleurs d'habits de faire et vendre toutes sortes
d'habits et accoutremens généralement quel-
conques à l'usage d'hommes, de femmes el
d'enfans ». Par exception, les filles des maîtres
tailleurs pouvaient, avant d'être mariées, <.< ha-
biller les petits enfans jusqu'à l'âge de huit ans
seulement ». Le tailleur d'autrefois ne saurait
donc être comparé à note couturier actuel, dont
la spécialité est d'habiller les femmes, il avait
le privilège exclusif de confectionner indistinc-
tement tous les vêtements des deux sexes, même
ceux de l'emploi le plus intime.
Durant plusieurs siècles, le mot couturière
n'eut d'autre sens que celui de couseuse ou de
lingère. Puis, quelques femmes entreprirent de
faire des vêtements pour les dames ; elles réus-
sirent peu à peu à se créer une petite clientèle,
et vers le milieu du siècle nous les trouvons
officiellement qualifiées de couturières. Les
tailleurs, exaspérés par cette concurrence, leur
1 Livre des me'tiers, titre I, art. 12.
2 Peuvent.
3 Dans les couvents.
4 Livre des métiers, titre X, art. 9.
5 Voy. Ducang<% Glossaire, au mot coustumariiis, sous
consuetudo.
6 « Et le va cuiellir en leurs otieus (demeures) cil qui
la coutume reçoit de par le Roy ; et s'il ne li poient
(payent) au jour noumé, cil puet prendre gage en leurs
hotieus, pour (pourvu) qu'il ait 1 sergant du Ghastelet
avec lui j). Livre des métiers, litre X, art. 2.
faisaient une guerre acharnée, les écrasant
d'amendes, saisissant cliez elles étoffes et cos-
tumes, portant plaintes sur plaintes au lieutenant
général de police.
Malgré tout, l'industrie des couturières pros-
pérait. En 1673, (jolbert songea à les constituer
en communauté, et l'édit rendu en cette occa-
sion, au mois de mars, nous apprend qu'elles
étaient alors au nombre de 3.000. L'édit ne fut
pas exécuté, el dix ans après la reine se faisait
encore habiller par un tailleur, le sieur George
Marie ' ; elle honora aussi de sa confiance le
tailleur Bandelet, propriétaire de la maison où
mourut Molière en 1673.
Cette corporation masculine avait de tout
temps employé beaucoup plus d'ouvrières que
d'ouvriers, et elle savait parfaitement satisfaire
à toutes les exigences, à tous les caprices de ses
clientes. Elisabeth, fille de Henri II, mariée en
1559 avec Philippe II, roi d'Espagne, ne
porta jamais une robe deux fois, dit-on : « et
puis la donnoit à ses femmes et ses filles. Et
Dieu sçait quelles robes, si riches et si superbes
que la moindre estoit de trois ou quatre cens
escuz ; car le Roy, son mary, l'entretenoit fort
superbement de ces choses là. Si bien que tous
les jours elle en avoit une, comme je le tiens de
son tailleur qui, de pauvre qu'il alla là, en
devint si riche que rien plus "^ ». Elle se
montrait sans doute moins prodigue à Paris, car
je ne vois figurer dans son trousseau que vingt-
trois robes, dont le duc de Guise nous a transmis
l'énumération 3.
Charles IX et sa mère Catherine dédaignèrent
le luxe pour eux-mêmes, mais l'encouragèrent
autour d'eux. Elisabeth d'Autriche, femme du
roi, eut la gloire d'étaler, le jour de son ma-
riage *, la plus longue queue dont l'histoire de
France et peut-être aussi l'histoire de la folie
humaine fasse mention. Elle mesurait « à veuë
d'œil plus de vingt aunes "" », soit environ
vingt-quatre mètres, et était portée par trois
princesses du sang, dont les modestes queues ne
dépassaient guère huit mètres.
Vers la fin du dix-septième siècle, plusieurs
grandes dames se décidèrent à plaider la cause
des couturières auprès du roi. Elles se permirent
de lui adresser une requête, par laquelle elles le
suppliaient de prendre ce nouveau métier sous
sa protection, de lui accorder des statuts et de
l'ériger en communauté régulière. « Plusieurs
femmes et filles, dit Louis XIV, nous ayant
remontré que de tout temps elles se sont appli-
quées à la couture, pour habiller les jeunes
enfans et les personnes de leur sexe, et que ce
travail étoit le seul moyen qu'elles eussent pour
gagner honnêtement leur vie : elles nous
auroient supplié de les ériger en communauté et
de leur accorder les statuts qu'elles nous auroient
présenté pour exercer leur profession ».
1 Manuscrits Delamarre, arts et métiers, t. IX, p. 128.
2 Brantôme, Dis dames, t. VIII, p. 19.
•< Mémoires, édit. Michaud, p. 447.
i Le 2G novembre 1570.
S Godefroy, Le cérémonial français, t. II, p. 37 et 41.
228
COUTURIÈRES - COUTURIERS
Le roi les renvoya au lieutenant «-général de
police et au procureur du Chàtelet. qui
donnèrent le 7 janvier 1675 un avis favorable.
« Ayant été informé, dit encore le roi, que
l'usage s'éloit tellement introduit parmi les
femmes et filles de toutes sortes de condition de
se servir des couturières pour faire leurs juppes,
robbes de chambre, corps de juppes et autres
haljits de commodité ; que, nonobstant les saisies
qui étoient faites par les jurez tailleurs, et les
condamnations qui étoient prononcées contre les
couturières, elles ne laissoient pas de continuer
de travailler comme auparavant : que cette sévé-
rité les exposoit bien à st)uifrir de grandes
vexations, mais ne faisoit pas cesser leur com-
merce : et qu'ainsi leur établissement en commu-
nauté ne feroil pas un o;rand préjudice à celle
des maisires tailleurs, puisque jusques icy elles
ne Iravailloient pas moins, bien qu'elles
n'eussent point de qualité^. Ayant d'ailleurs
considéré qu'il était assez dans la bienséance, et
convenable à la pudeur et à la modestie des
femmes et filles, de leur permettre de se faire
habiller par des personnes de leur sexe lors-
qu'elles le ju<jeroient à propos... »
Le roi, mû encore par d'autres bonnes consi-
dérations ». érij^ea donc « la profession de
couturières en litre de maîtrise jurée, pour faire
il l'avenir un corps de métier » ; respectant
toutefois le droit des tailleurs, qui purent,
comme par le passé, continuer, mais sans privi-
lèo^e exclusif, à confectionner tous les vêtements
de femmes.
A cet édit, étaient joints les statuts accordés
H la nouvelle corporation.
Li' pn-mier article reconnaît aux couturières
la faculté de faire el vendre des robes de
clianihre, jupes, corps de jupes, manteaux,
iionj^rcliiies, justaucorps, camisoles, « et tous
autres ouvraj>;es de toutes .sortes d'étolFes pour
habiller les femmes et les filles » : à la réserve
cependant de la robe ou vêtement de dessus, qui
restait le monopole des tailleurs. Elles pouvaient
<i employer de la hallaine * et autres choses qu'il
conviendra pour la façon el perfection des
ouvraj^'es ». Il leur était interdit de confectionner
aucun vêtement d'homme, mais elles avaient le
«Iroil d'habillor 1rs garçdiis qui n'avaient pas
dépassé huit ans.
Tiius leurs ( tu vra}.res devaient être bien coupés,
l»ii'h cousus, de btmne étoile, et on leur recom-
momiait u de bien mettre, appliquer et enjoliver
ce (ju'il conviendra pour leur perfection ».
LapprenlisMip- durait trois années, qui
eljii.-nt suivies de deux années de service.
Chaque mnilre.sse ne pouvait avoir en môme
temps plus d'une apprentie ; elle était cependant
nulcjrisée o en prendre une noijvelle au cours
de la troisième année.
Apri's les cinq années de staj^e, l'ouvrière
pouvait aspirer à la maîtrise. Elle devait d'abord
présenter un certificat de bonne vie et mœurs.
puis se soumellre à l'épreuve du r/ief-rT œuvre.
Les filles de maîtresse étaient dispensées de
l'apprentissage et du chef-d- œuvre.
La communauté était administrée par six
jurées, élues pour deux ans. Trois d'entre elles
sortaient de charge chaque année.
Les jurées devaient faire, tous les ans, au
moins deux visites générales, pour lesquelles
elles recevaient dix sols de chaque maîtresse.
Les tailleurs n'avaient pas droit de visite chez
les couturières, et réciproquement.
Les tailleurs conservaient le droit d'habiller
les fillettes, et eux seuls pouvaient confectionner
les vêtements ajustés destinés aux femmes, les
corsets par exemple. « Ce sont eux, dit V Ency-
clopédie méthodique, qui font ces corsets délicats
et élégans qui, sans gêner le corps, soutiennent
la taille, donnent de l'élévation el de la fermeté
à la u'oro-e, et rendent le maintien des femmes
plus noble et plus agréable ^ ». Les industriels
qui avaient adopté cette spécialité s'intitulaient
tailleurs pour femmes, ou tailleurs de corps de
femmes et d'en fans '^ .
La communauté reçut de nouveaux statuts le
5 février 1782. En vertu des principes établis
par l'édit d'août 1776, les couturières acquirent
le droit de confectionner, en concurrence avec
les tailleurs, les corps, corsets et paniers baleinés,
les robes de chambre pour hommes, les dominos
pour bals, etc. La durée de l'apprentissage n'est
point fixée, mais toute fille ayant travaillé
pendant deux ans chez une couturière de Paris
put être reçue maîtresse à seize ans ; celles qui
étaient restées libres n'étaient pas admises avant
vingt-deux ans.
Les couturières étaient placées sous le patronage
de saint Louis, et la confrérie se réunissait à
l'église Sainl-Gervais.
Voy. Corporations •'. — Relève-jupe.
— Tailleurs. — Tournures postiches,
etc.
Couturiers. Malgré de longues et conscien-
cieuses recherches, je n'ai pu établir d'une façon
précise le sens de ce mol. Je pense toutefois,
qu'au début surtout, les couturiers étaient des
conseurs chargés de faire toute espèce de couture,
et plus spécialement de coudre les objets taillés
ion dit aujourd'hui coupés) parles lingères, les
gantiers, et les tailleurs.
En effet :
1" L'article 6 des statuts des tailleurs de robes
homologués vers 1268, distingue ceux-ci des
couturiers *.
2" Les Tailles de 1292, de 1300 et de 1313
mentionnent séparément les couturiers et les
tailleurs.
3 Chez les pourpoinliers, la durée de l'appren-
tissage, fixée à six ans, élail réduite à deux ans
t. IX,
» \ity. ci-d«î»wus l'art Qualité (\fa1trps sans)
» Bak-ineo
' Kneyclopêdle nu-thodlque (1789), jmisijrudi'U
p. 013.
2 Abbé Jaubcrt, Dictionnaire, t. IV, p. 181.
•"' On y trouvcM-a le texte de VéAii qui a érigé en
communauté le métier de couturière.
* Livre des métiers, titre h\\, art. 0.
COUTURIERS — COUVERTURIERS
229
pour tout ouvrier couturier, en raison de son
habileté à coudre, « pour ce qu'il sçait de
l'ag-uille » dit l'article 2 des statuts de 1323.
4" Les articles 194 et 195 de la «jurande ordon-
nance du 30 janvier 1351 • visent les « tailleurs
et cousturiers ».
5" La corporation des ionniers se composait
au quatorzième siècle des lormiers proprement
dits et des couturiers de lormerie ^. Les premiers
faisaient les éperons, les mors, etc., tandis que
selon toute apparence, les seconds confec-
tionnaient les rênes, les étrivières, etc., qui
exigeaient un travail de coulure.
6° Il ne peut y avoir aucun doute sur le sens
du mot couturière à celte époque. Comme on l'a
vu dans l'article précédent, l'acception actuelle
date de la fin du dix-septième siècle. Jusque-là,
les tailleurs seuls eurent le privilège d'habiller
les femmes, et les couturières ne furent que des
couseuses ou des lingères.
7° Dans la liste des artisans suivant la Cour
qui fut dressée en 1725 figurent 28 tailleurs et
8 couturiers.
8" Sous le Bas-Empire, la confection des
vêtements était l'œuvre de deux industries dis-
tinctes, celle des sarcinutores et celle des bracarii.
Les premiers ne mettaient la main qu'aux vête-
ments flottants, ceux qui demandaient seulement
à être ourlés, cousus ; les autres avaient le mono-
pole des vêtements ajustés composés de plusieurs
pièces et d'une exécution compliquée ^.
Il n'est pas moins vrai que :
1° Les lettres patentes de septembre 1358 *
assimilent les couturiers aux doubletiers, et les
autorisent à confectionner certains vêtements dont
ces derniers avaient eu jusque-là le privilège :
attendu, dit le texte, que « yceulx cousturiers
se connoissent miex ^ es cousture et es taille que
ne font les doubletiers ».
2° L'ordonnance dite des Baymières ^ men-
tionne les couturiers, les pourpointiers, les
fripiers, etc., et ne parle point des tailleurs.
3° On lit dans la Farce des cris de Paris :
Or prens le cas qu'ung cousturier
Veult tailler de gris ou de vert
Une grande robbe à drap ouvert,
Et. puis il coult ses pièces ensemble '^.
4" Dans la Farce du cousturier, celui-ci se
vante en ces termes :
Il n'y a, par Dieu, cousturier
Pour tailler un habit honneste
Et fait pour vestir à la feste
Plus propre que moy en la ville **.
1 Dans les Ordoiin. royales, t. II, p. 350.
2 Voy. G. Depping, Ordonnances relatives aux métiers,
p. 361.
3 Voy. J. Quicherat, Histoire du costume, p. (30.
4 Dans les Ordonn. royales, t. III, p. 362.
^ Mieux.
6 An. 146T. — Dans les Ordonn. royales, t. XVI,
p. 671.
' An. 1548. — Dans VAncien théâtre français, t. II,
p. 320.
8 An. 1550. — Dans l'Ancien théâtre français, t. II,
p. 159.
5" En 1556, la municipalité réclama aux
cousturiers une pièce de canon qui avait été
fondue, aux frais du métier, par ordre du roi.
Cette pièce portail « l'image de la Trinité * ,
avec des ciseaux de tailleurs, et celle inscription:
Au.r inaistres tailleurs de Paris ^.
(V Dans La nouvelle fabrique des plus excellents
traits de vérité, par Philippe d'Alcrippe, on lit
qu'un « soldat avoil baillé du drap au cousturier
pour lui faire un habit ^ ».
7" Enfin, Henri Estienne écrivait vers 1580 :
« Philausone. Ne sgavez-vous pas que ceux
qu'on appelet autresfois cousturiers, depuis
quelques ans ont esté appelez tailleurs '? —
Celtophile. On n'en usoit pas ainsi quand je
partis de France, ou bien je l'aj oublié». Et
plus loin : « 11 me souvient du poure * mot
cousturier, qui a esté banni et en la place duquel
on a mis tailleur ^ ».
11 faut sans doute conclure de tout ceci que les
cousturiers représentaient les sarcinatores du
Bas-Empire ; mais que, simples couseurs, ils
empiétaient souvent sur le domaine des tailleurs.
Dans la langue populaire, les mots couturier et
tailleur étaient souvent pris l'un pour l'autre, et
ils devinrent ainsi peu à peu sjnonjmes. *
Couturiers. Voj. Agronomes.
Couturiers de lormerie. Voy. Lor-
miers.
Couverturiers. Fabricants de couvertures.
On en trouve mentionnés quatre seulement dans
la Taille de 1300, mais peut-être les coute-
pointiers faisaient-ils alors le conniierce des
couvertures.
A cette époque, la couverture est de serge ou
de tiretaine dans les maisons pauvres, de drap
ou de fourrure dans les maisons riches. Ainsi en
1403, après l'accouchement de Jeanne de Saint-
Pol '"', on acheta au pelletier Colin Vaubrisset:
Pour la couverture destinée au lit de l'accou-
chée et trois petites couvertures à l'usage de
l'enfant, 5.000 ventres de petit-gris.
Pour la doublure de quatre autres couvertures
de drap vert, 4.500 petit-gris.
Pour une couverture et une houppelande
destinées à ^< la femme qui garda l'enfant »,
2.000 petits-gris.
Pour doubler les couvertures et vêtements à
l'usage des « berceretles, norrice et femme de
chamlDre dudit enfant, 1.200 dos de connins " ».
Au temps des grands froids, on étendait
encore, par dessus la couverture, une coute-
pointe, étoffe mise en double rembourrée de
coton ou de duvet, e\ pointe, c'est-à-dire piquée.
1 Patronne des tailleurs.
2 Voy. A. Tuetey, Registres des délibérations du
Bureau de la Ville, t. II, p. 231.
3 Vers Tan, 1579. — Biblioth. elzév., p. 118.
i Pauvre.
î> Dialogues du langage français italianisé, édit. Liseux,
t. I, p. 207 et 285.
•> Femme d'Antoine de Bourgogne, comte de Rethel.
'' Ernest Petit, Itinéraire de Philippe le Hardi, p. 369.
230
COUVERTURIERS — COUVREURS
Au dix-huitième siècle, presque tous les
couverluriers de Paris étaienl établis dans les
faubourgs Saint-Marceau et Saint-Martin ; mais
plusieurs villes de Normandie, Darnetal et
Vernon surtout, fournissaient à Paris une énorme
quantité de couvertures.
Celles-ci étaient ornées, en général, d une
couronne à chaque angle, et d'un certain nombre
de barres bleues destinées à faire connaître la
qualité et la valeur de l'objet. Ainsi, les couver-
tures communes dites grands marchands blancs et
rotix portaient seulement trois barres et demie,
et \e^ffra>i'^cs /Inès en portaient jusqu'à dix-sept.
Voy. Flassadiers.
Couvre-feu. Ordinairement, les églises le
sonnaient à sept heures en hiver et à huit heures
en été. Au treizième siècle, la prescription
d'éteindre à ce signal feu el lumière n'était plus
guère observée que dans les couvents, mais il
continuait à indiquer l'heure aux ouvriers. Ainsi,
les crépiniers quittaient en tout temps l'atelier
quand sonnait le couvre-feu, « puis l'eure que
queiïvrefeu est sonez à Saint-Merri ^ ». Les
anciennes ordonnances enjoignaient aux caha-
retiers de fermer boutique après le couvre-feu
sonné à Noire-Dame. Une ordonnance interpré-
tative rendue par le Chàtelet le 16 novembre
ir)96 décida qu'il fallait entendre ces mois ainsi :
A sept heures de la Saint-Remi à Pâques, el à
huit heures de Pâques à la Saint-Remi.
Au dix-huitième siècle, Notre-Dame sonnait
encore à sept heures le couvre-feu du Chapitre,
et la Sorbonne sonnait à neuf heures le couvre-
feu de l'Université.
Voy. Heures.
Couvreurs. Au treizième siècle, les cou-
vreurs nommés recouvreurs de mesons . appar-
tenaient à la corporation des charpentiers. Ils
éliiieiil donc placés sous l'autorité du premier
charpentier (hi roi, et contribuaient à la rede-
vance de dix-huit deniers par jour qui lui était
payée. Ils ne pouvaient avoir à la fois qu'un seul
apprenti, et l'apprentissage^ durait quatre ans 2.
I^ Taille de 1202 cite 2^ cmivreeurs ou recoii-
vrenos, ccUe de 1300 en mentionne 31.
Chacun de ces deux documents nous fournit
encore les noms de 3 chauviiers ou chaumecurs.
Ces mots dési^iienl-ils rh's couvreurs en cliaume
ou (h-s manliands de paille ? Ni M. Géraud •"' ni
M. Fngnie/. *, n'osenl se prononcer sur ce point '.
1^ privih'gf accordé au premier cliarpenlier
du roi futiilHili on 1314. Les couvreurs formèrent
<lèi* lor> une rorponilion particulière, qui recjul
s<^ premiers stalnls on 1321, " le mercredy après
Ips Brandons, à la requ^ste du commun du
ino«li«T y>. Ils furonl corrigés, augmentés el con-
firmés 1p fi avril 1449 par v: Aml)roise, s.-igiuMir
de I.<»re, baron d'Ivry, conseiller, chambellan
i l.,rr.- ./-, .n.tifr,. tifr- XXXVII, arl. 8.
' l.itrt lUi mrlifrs, lilp. XIA II
8 Paris fut Piilinpr If /{gl, j,. .Joc,
* f-^tud'i (ur ri'iilysfrif, p. 1 ]
S Voy. ci-dt>89ou.v r«rt. Paille (Marchands de).
du Roy, el garde de la prévoslé de Paris, com-
missaire réformateur donné et député par le Roy
pour la réforme des mestiers de la ville ' » .
Au mois de juillet 1566, Charles IX donna
aux couvreurs de nouveaux statuts ^ qui ne
furent guère modifiés jusqu'à la Révolution.
Voici l'analyse des dix-sept articles qui les com-
posent :
Chaque maître ne pouvait avoir à la fois plus
d'un apprenti. La durée de l'apprentissage était
de six années, pendant lesquelles le maître était
tenu de fournir à l'enfant « boire et manger, feu,
lit, hoslel ^, chaussure et vêture raisonnablement,
et à la fin desdits six ans luy laisser tous ses
outils ». Les apprentis devaient être « jeunes
garçons el non mariez ».
Lorsque l'apprenti abandonnait son maître,
celui-ci devait l'attendre six mois, puis pouvait
en prendre un nouveau. En supposant que
l'enfant revint dans la suite, les jurés se char-
geaient de le placer chez un maître manquant
d'apprenti. Ils agissaient de même vis-à-vis de
l'apprenti qui perdait son maître.
En raison, sans doute, des dangers que
présente le métier de couvreur, le maître ne
pouvait faire travailler son apprenti avant que
les trois premières années de service fussent
écoulées ; encore devait-il obtenir l'autorisation
des jurés, qui ne l'accordaient qu'après avoir fait
subir une épreuve à l'enfant.
Aucun apprenti ne pouvait obtenir la maîtrise
sans avoir fait « chef-d'œuvre, tel que les jurez
luy voudront donner, pour sçavoir s'il sera
suffisant ouvrier ou non ».
Aucun maître ne devait employer d'ouvriers
« diffamez et mal renommez de vilains cas ».
Les ouvriers devaient se rendre au travail « de
bon matin ». Ils l'abandonnaient, en hiver « à
jour défaillant », en été à sept heures ; les veilles
des fêtes religieuses, à six heures, « au premier
coup de vespres sonnant de la paroisse où ils
demeurent ».
Les ouvriers travaillant sur la rue « seront
tenus de mettre en ladite rue défenses de perche
ou chevrons, afin que le peuple puisse voir et
appercevoir qu'ils travailleront sur la dite rue,
et à ce qu'aucuns inconvéniens ne s'en puisse
ensuivre es personnes passant par icelle ».
Quatre jurés, élus pour deux ans, surveillaient
et administraient la corporation.
Une partie du produit des amendes inlligées
par eux pour contraventions aux statuts devait
être employée à « substanter et subvenir aux
pauvres ouvriers dudit mestier, qui tombent
ordinairement de dessus les maisons, et autres
pauvres nécessiteux dudit mestier ».
Ces staluts furent complétés dans la suite par
plusieurs ordonnances et arrêts.
Les ordonnances de septembre 1608 et d'avril
1663 défendent aux couvreurs de laisser séjourner
' Bilili(ilhp(|uc uaticinali', manuscrits Drlaniairc, bàli-
iiif'nts, I. V, ji. 2.
2 Statuts et ordonnances, etc. In-40. Reproduits dans
Fontanon, Édits et ordonnances, t. I, p. 1136.
3 Logement.
COUVREURS — CRAYATIERS
231
dans les rues où ils Iraviiilloiil auciiti <>-ravois '.
L'ordonnance du 7 mars 1670 veut que leurs
nonris et domiciles soient enreg-islrés chez le
commissaire du quartier qu'ils habitent, afin
qu'en cas d'incendie ils puissent être prompte-
ment convoqués, pour « travailler à découvrir,
détaclier, couper, etc., ainsi qu'il seroit jufi;'é le
plus expédient ^ ».
L'ordonnance de décembre 1672 •' confirme
leur droit de visiter les tuiles et les ardoises
fabriquées ou arrivant à Paris.
L'arrêt du 6 septembre 1727 les rend respon-
sables des vols commis par leurs ouvriers dans
les maisons où ils travaillent *.
L'ordonnance du 26 juillet 1777, visant
l'article 11 des anciens statuts, enjoint aux
couvreurs occupés sur la rue de « faire pendre
au devant des maisons deux lattes en forme de
croix au bout d'une corde, et d'attacher aux dites
lattes un morceau de drap d'une couleur
voyante », et même, au besoin, « de faire tenir
dans la rue un homme pour avertir du travail et
empêcher les accidens ».
Vers la fin du dix-septième siècle, la condition
des apprentis couvreurs changea complètement.
Ils cessèrent d'être logés et nourris chez leur
maître, et reçurent vingt sous par jour pendant
la première année d'apprentissage et deux sous
de plus pour chacune des cinq années sui-
vantes ^.
En 1678, le nombre des maîtres couvreurs
était de 133, parmi lesquels on comptait 9 veuves
continuant la profession de leur mari ^. En
1770, il était de 167 ^ et en 1779 de 172 ».
La communauté était placée sous le patronage
de saint Julien.
L'édit de 1776 réunit les couvreurs aux
carreleurs, aux paveurs et aux plombiers.
J'ai trouvé les couvreurs nommés encore
Racovato2irs , racoveteurs , racovretors , recou-
verteurs^ recouvreors, etc. Les mots escaiUeors,
escailleteurs, escailleurs s'appliquaient seulement
aux couvreiirs en ardoises.
Couvreurs d'aisseau. 'L'aisseau, dit aussi
aissaxde, aisseule, eschandole, esseulé, etc. deve-
nu, je crois, noive bardeau, désignait une mince
planchette de bois dont on se servait pour couvrir
les toits ^ .
Voy. Paille (Marcliands de).
Couvreurs en chaume et Couvreurs
d'estrain. Vov- Paille (Marchands de).
1 Delaman-e, Traité de la police, t. IV, p. 215 et 227.
^ Dclamarre, Traité de la police, t. W , p. 15'J.
3 Chapitre XXIX, art. 6.
'* Delamarre, t. IV, p. 95.
^ Encyclopédie méthodique, arts et métiers, t. II, p. 69.
•> Xoms, surnoms et demeure des maîtres couvreurs de
maisons de Paris, 4 p. iii-4° Tableau dressé en exécution
de l'ordonnance du7 mars 1670. Dans les mss. Delamarre,
t. V, p. 15.
"^ Jaubert, Dictionnaire des arts et métiers, t. I, p. 584.
8 Hurtaut et Magny, Dictionnaire de Paris, t. I,
p. 317.
9 Ducange, (îlossarium, aux mots aessella, aisella et
scindula.
Couvreurs de flacons et bouteilles
en osier. Titre qui appartenait à la corporation
des verriers.
Couvreurs de livres. Voy. Relieurs.
Couvreux. Voy. Couvreurs.
Craichiers. Voy. Graissiers.
Craig-niers. Voy. Criniers.
Craissiers et Crassiers. Voy. Grais-
siers.
Cravatiers. La mode des cravates fut
empruntée au costume des cavaliers allemands
dits croates ou cravates ^ dont un régiment
entra au service de la France 2. D'abord de
dimension modeste, la cravate ne tarda pas à
jouer un rôle important dans la toilette ; ce fut
alors une longue pièce de mousseline ou de
dentelle, dont l'arrangement exigeait beaucoup
d'art, et dont les extrémités descendaieid jusque
vers le milieu de la poitrine.
Un épisode de la bataille de Steinkerque,
gagnée en 1692 par le maréchal de Luxembourg,
devint l'occasion d'une nouvelle espèce de
cravate, adoptée surtout par les femmes. Les
princes, qu'une attaque inopinée avait surpris,
s'habillèrent à la hâte et entortillèrent négli-
gemment leur cravate autour du cou. Ainsi
naquit la mode des steinkerques ^, auxquelles
Regnard attribue sans raison une origine plus
prosaïque quand il écrit. « Le col long et les
gorges creu.ses ont donné lieu à la steinkerque * ».
Après la prise de Crémone, les crémones firent
oublier les steinkerques. L'ornement qui em-
prunta son nom à ce fait d'armes consista en une
léffère S'arniture bouillonnée, cousue sur les deux
bords d'un rtiban.
Parmi les innombrables officiers de toid ordre
qui constituaient la cour de Louis XIV figurait le
sieur P]tienne de Miramond, cravatier de Sa
Majesté. Cette charge, largement rémunérée,
était très enviée, car elle permettait au titulaire
d'approcher chaque jour le plus grand monarque
de la terre, comme on disait alors. Tous les
matins, il arrivait porteur d'une corbeille remplie
de cravates qu'il présentait à Sa Majesté. Quand
le roi en avait choisi une, le cravatier avait
l'honneur de la remettre au grand-maître •'' ou
au premier valet de la garde-robe, chargés de la
passer au cou du roi, qui la nouait lui-même.
Mais tt cela ne se bornait point le rôle du cravatier,
1 « Le nom de cravates a été donné à un corps de
cavalerie étrangère, originairement sortie de Croatie, et
pour parler régulièrement, il faudroit appeler ces cavaliers
des croates ». Mercure de France, n" de niai 1725,
p. 1042.
2 Voy. P'uretière, Dictionnaire universel des mots
français (1727) au mot cravate. — Ménage, Dictionnaire
étymologique de la langue française (1750), t. I, ]>. 439.
3 \'oltaire, Siècle de Louis XIV, chaji. X^'I, édit.
Moland, t. XIV, p. 315.
4 Attendes-moi sous l'orme, comédie jouée en 1694,
scène 6.
5 En 1712, c'était le duc de Larochefoucaidd .
'2:i2
CRAVATIERS — CRÉPINIERS
et ses fonclions lui cqnleraieiil encore d inesti-
mables prérogatives. Écoutez un contemporain :
« Après que le cravatier a présenté la cravate au
grand-maître de la garde-robe, il accommode le
col de la chemise du Roy. La cravate mise, s'il
aperçoit quelqu'endroil qui n'aille pas assez bien,
il y met encore la main. En l'absence de ses
supérieurs, il met la cravate au Roy. Il attache
tous les matins les diamans et les manchettes aux
poignets des chemises de Sa Majesté ; il a entre
ses mains toutes les cravates, les manchettes et
tous les points et dentelles pour le linge du Roy.
Il plie les cravates de Sa Majesté et y noue les
rubans, afin qu'elles soient toujours prêtes à
mettre ' ».
Après la mort de Louis XIV, les cravates
adoptèrent une dimension exagérée. Les bouts,
fort longs, descendirent très bas devant la
chemise, rappelèrent le jabot, ce flot de dentelles
qui, dans les premières années du dix-septième
siècle, complétaient la petite oie. Un jour l'arle-
quin de la Comédie italienne « parut sur le
théâtre avec une cravate qui, pendant du col, lui
passoil entre les jambes et revenoit par dessus
l'épaule ». Arlequin obtint satisfaction, car le
Mercure de février 1732 nous révèle que la
cravate était alors réduite à « un simple tour de
col ' ». Mais l'on attachait beaucoup d'impor-
tance au nœud qui la nouait sous le menton. Il
y eut même, un peu plus lard, des maîtres
(ragrémen.% « qui formoient les jeunes gens à
l'art do plaire », et leur apprenaient, entre
autres belles choses, à faire le nœud de leur
cravate •'.
La mode des cravates avait provoqué la
decaflence du rabat et des mancliettes qui, snus
Rir-helieii. constituaient deux importantes pièces
du costume.
On nommait rabat un vaste col rabattu ; il
était attaché par devant au moyen de cordons
munis de gros glands pour les hommes et de
quelques nœuds pour les femmes. Il y avait des
rabais garnis (h' dentelles, ceux de la bonne
faiseuse *, par exemple, qui valaient soixante-dix
ou quatre-vingts pisfoles s. Leur nom varia à
l'infini : rabats dentelés, rayonnes, cannelés,
houppelés, rabats à la reine, ù la Guise, à la
giiindtarde, à la neige, ù la fanfreluche, etc. *'
l)ans f,r roman //nurf/eois de Furetière, le rabat
est déclaré " hi plus difficile des pièces de l'ajus-
tement ; c'est la première marque ù laquelle on
connoisl si un homme est bien mis, et l'on n'y
neuf employer trop de temps et trop de soins ».
Les mnnchellos, accompagnement obligé du
mfwil, n'en exigeaient guère moins : « J'ay ouy
dire d'une pnVsidenle qu'..ll(. est une heure entière
n mellre se.s manchettes, cl die soutii-nl puhli-
' k M lit Ut Franee jtour t7l2, I. I ii 202 et 268 •
po»r tT.in. I. I, p. 311. '
*Pnj;.'2in
•l S M.rri.r. Tahlrau de Paria, I IJ. |,. 210.
* Voy. l.fs prrcitusfs riitieuln, .sccii.. Tt.
S H. de Gounill.-, Mémoires, édil. Mirhmi.l, j.. 529.
« Coiinal.Sonnrl, Satyre Mé/iippee sur Us traverses du
mariage (1621], p. 26.
quement qu'on ne les peut bien mettre en moins
de temps ^ ».
Crayons (Marchands de). On appelait ainsi,
au dix-huitième siècle, d'humbles détaillants qui
étalaient leurs marchandises sur les parapets du
Pont-Neuf. Ils vendaient des crayons de mine
de plomb et de sanguine, des pastels, des porte-
crayons, des compas, des pinceaux, « et autres
instrumens servant aux jeunes élèves qui com-
mencent à dessiner ^ ».
Les premiers crayons n'étaient que de petits
stylets en plomb. Vers le milieu du seizième
siècle, on eut l'idée de les fabriquer avec le
carbure de fer, dit graphite ou plombagine.
L'Angleterre, riche en graphite, fournit pendant
longtemps des crayons à toute l'Europe. Durant
la Révolution, quand les relations avec l'Angle-
terre devinrent difficiles, le conseil des mines
demanda au chimiste Conté de produire un
graphite artificiel : il y parvint, et créa ainsi les
crayons dont nous nous servons aujourd'hui.
Voy. Caoutchouc.
Gréât. On nommait ainsi 3, dans les aca-
démies, un maître adjoint à l'écuyer principal.
Mazarin fondant (1661) le collège qui porta son
nom s'exprime ainsi : « Il y aura à l'académie
un écuyer, un créât, un maistre à danser, etc. * ».
Vo^^ Académistes.
Crémiers. .lusqu'à la lin du dix-huitième
siècle, les crémiers ne se distinguent guère des
laitiers qu'en ce que les premiers vendaient leurs
marchandises dans une boutique au lieu de les
colporter par la ville. La 133" nouvelle des
CmUemporranes de Rétif de la Bretonne (an. 1782)
débute ainsi : « Il y avait n'aguère au faubourg
Saint-Germain une de ces marchandes de beurre
frais, de laitage et de crème en boutique, que
l'usage est de nommer crémières ^ ».
Crépiniers. Les crépiniers, dits aussi
crespigniers, peuvent être regardés comme les
ancêtres de nos passementiers. Les statuts qu'ils
soumirent, vers 1268, à l'homologation du prévôt
Et. Boileau " les qualifient d' « ouvriers de coiffes
à dames, et loies à orilliers, et de paveillons
que on met par desus les auteus, que on fait à
l'aguille et à meslier ».
Les coiffes à dames dont il est ici question
n'ont aucun rapport avec l'espèce de calotte que
confectionnaient les coiffiers. C'était un bonnet
de soie recouvert d'une résille alors appelée
crépine. La mode des coiffes date du treizième
siècle, et elle lui survécut, puisque Eléonore,
femme de François P% portait lors de son entrée
ù Bordeaux (1530) « une coiffe ou crespiiie d'or
1 Le roiiuiii /wuri/euis (publié en 1666), édit. elzcv.,
p. 72.
2 Savary. Dictionnaire, \. I, p. 1600. — Encyclopédie
mèlhndiqne, ronimcrce, t. I, p. 753.
3 De l'italien creato, même sens.
* ^ oy. A. F., Histoire de la bibliot/iènue Matarine,
p. 354.
s La jolie crémière t. XXII, p. 459.
** Livre des me'tiers, titre XXXYII.
CREPINIERS — CRIEURS
233
frisé, dedans la quelle estoienl ses cheveux, qui
pendoient par derrière jusques aux talons ^ ».
Le mol taie, taye, ou toie désig-nail, au moyen
âge, l'enveloppe d'un lit de plumes, d'un oreiller
ou d'un coussin, lermesalors à peu prèssjnonjmes.
La corporation des taiers, taières ou tolères en
faisait aussi, mais de communes sans doute,
et les statuts des crépiniers nous montrent que
tous les objets qui sortaient de leurs mains étaient
fort riches, ornés de perles, de broderies, etc.
On lit, par exemple, dans un compte de 1353 :
« Pour un orillier de veluyau ^ vermeil semé de
perles d'Orient, losengié d'armojerie de France
et de Bourgoigne, et y a arbreciaux d'or ... Pour
un petit orillier de celle •'' façon, à quatre petiz
boutons de perles... * ».
Les paveiUons étaient les larges baldaquins
garnis de rideaux qui pendaient au-dessus des
lits et des autels.
A cette époque, le métier de crépinier était
libre : on n'avait rien à pa^'er pour s'établir.
En dehors de ses enfants, chaque maître ne
pouvait avoir qu'un seul apprenti. Cependant
s'il associait sa femme au métier, il avait le droit
de prendre un second apprenti, qui était placé
sous la direction de celle-ci. C'est là une dispo-
sition très sage, et que nous retrouverons dans les
statuts des laceurs.
L'apprentissage durait sept ans au moins. Le
contrat était dressé en présence des jurés. Le
maître devait leur prouver qu'il avait l'aisance et
la capacité nécessaires pour assurer l'entretien et
l'instruction de l'enfant : qu'il « est souffisant de
avoir et de sens, par quoi il puist gouverner et
aprandre le aprantis ». Lin peu plus tard, le temps
de l'apprentissage fut réduit à trois ans, et le
nombre des apprentis devint illimité.
Les crépiniers n'avaient pas le droit de travailler
à la lumière, « puis que l'eure de queuvrefeu est
sonnez à S. Merri ». Ils étaient donc alors groupés
autour de cette église ; mais, dès 1292, on les
trouve disséminés un peu partout.
Le titre de crépiniers passa de bonne heure
aux passementiers.
Grépins (Marchaxds de). Le mot crépin
désigne tous les outils, toutes les marchandises
qui servent au métier de cordonnier, excepté le
cuir.
Voy. Chausse-pieds.
Grépisseurs. Ouvriers maçons qui endui-
saient les murs de plâtre ou de mortier.
On les trouve encore nommés porgeteiirs,
poîirgeftews, etc.
Grépisseurs de crin. Ouvriers qui
donnaient au crin une dernière préparation en le
faisant bouillir dans l'eau.
Grépisseurs de cuir. Ouvriers qui, après
avoir mouillé les cuirs une dernière fois, « les
1 Voy. Quiclierat, Histoire du costume, p. 189 et 360.
2 Velours.
3 Cette.
'* Douët-d'Arcq, Coviptes de l'argenterie, p. 325.
tire à la pommelle pour en faire paraître le grain
du côté de la fleur ».
Grespigniers. Voy. Crépiniers.
Gresson (M.\rchands de). Au treizième
siècle comme aujourd'hui, l'on criait dans les rues
du « cresson de fontaine » et du « bon cresson
orlenois ^ », mot qu'il faut peut-être traduire par
alenois. Les crieurs ambidaiils du seizième siècle
étaient beaucoup moins clairs :
Pour gens desgoutez, non malades,
J'ay de beau cresson de calier,
Pour un peu leur cueur escallier.
Il n'est rien meilleur pour salade 2.
J'ignore ce que pouvait être ce cresson de
calier.
Gretonniers. Voy. Amidonniers.
Greuseurs. \ oy. Mineurs.
Greuseurs. Chez les sabotiers, ceux qui
creusaient les sabots. Ceux-ci étaient ensuite
façonnés par les tailleurs.
Gribleurs de g-rains. Avec quelque
soin que soient vannés les grains, il s'}' trouve
toujours mêlés quelques parcelles de paille ,
auxquelles s'ajoutent les ordures ramassées dans
les greniers, les bateaux, les marchés, etc. Le
criblage, indispensable avant l'emploi, fut long-
temps fait aux halles et sur les ports <.< par des
particuliers sans qualité ». Louis XIV, au temps
de sa détresse financière, créa cinquante offices
de « jurés cribleurs de blés, seigles et orges ».
Un salaire de vingt sous par muid criblé leur
était alloué.
Cette création, qui date de septembre 1704,
rapporta au Trésor 250.000 livres ^.
Voy. Offices (Création d').
Gribliers. Faiseurs de cribles. Ils utilisaient
surtout les peaux de porc, de cheval, d'àne et de
mouton. Ils les préparaient eux-mêmes ou les
achetaient toutes préparées aux parcheminiers*.
On les trouve aussi nommés oliviers.
Voy. Boisseliers.
Grieurs. Voy. Aboyeurs.
Grieurs. Au treizième siècle, nos journaux,
nos prospectus, nos avis divers, nos circulaires
nos lettres de faire-part, nos affiches, tout ce qui
constitue aujourd'hui la publicité était représenté
par les crieurs, fonctionnaires publics asser-
mentés, qui criaient les actes officiels les mar-
chandises, les objets perdus, les enterrements, les
convocations, les réunions de confréries, etc., etc.
Le criage dépendit d'abord du domaine royal.
Les crietirs officiels, rémimérés par les particu-
1 Guill. de la Ville Neuve, Les crieries de Paris.
2 A. Truquet, Les cent et sept cris, etc.
•^ Delamarre, Trait/- de la police, t. II, p. 740.
i Voy. Fougeroux d'Angerville, Art du criblier, dans
J.-E. Bertrand, Description des arts et métiers (1780),
t. XIV, p. 570.
234
CRIEURS - CRIEURS DE CORPS
liers, payaient en retour à TEffil une redevance,
qui devint peu à peu la ^^ource d'un important
revenu. En vertu d'une coutume dont on rencon-
tre de nombreux exemples, le roi finit par affermer
à un seif^neur, nommé Simon de Poissy, le
produit d"i criage de Paris, crieriœ parisiensis.
Simon faisait administrer la corporation par
deux délégués, qui prenaient le titre de Maîtres
des crieurs, et dont l'un surveillait les crieurs de
la rive droite et l'autre ceux de la rive gauche. En
Il 89, Simon de Poissj n'était plus, et ses droits
avaient passé à sa veuve *. Il est problable qu'elle
ne laissa point d'héritier, car les criages de Paris
revinrent au roi, et, par acte daté de l'année
1220. Philippe-Auguste les céda pour une rente
annuelle de trois cent vingt li\Tes à la Hanse dei^
marchands de l'eau, origine de la municipalité
parisienne.
En 1292, le maître des crieurs chargé d'assu-
rer le service de la rive droite se nommait Yve le
Breton, et demeurait rue (îuillaume-Bourdon - ;
ct'lui qui régissait la rive gauche s'appelait Hervi,
et habitait la rue de la Serpent^.
La grande ordonnance de février 1415 eut
surtout pour objet de régler les fonctions, les
droits et les devoirs des officiers-jurés dépendant
de la municipalité. Le chapitre IX, qui est con-
sacré tout entier à la comminiaulé des crieurs.
réorganisa dans Paris le service de la publicité.
Il supprime toute distinction entre les crieurs.
Les mentbres de la corporation sont chargés
d'annoncer les vins, les huiles, les oignons, les
pois, les fèves, les réunions de confrérie, les
décès, les objets perdus, les enfants, mules,
clievaux disparus, « et toutes autres choses qui
a[)[)arli<'ndront à crier en ladite ville ».
Au fur et à mesure des extinctions, leur
nombre devra être réduit à vingt-quatre.
Lorsqu'un office de crieur venait à vaquer, le
prév(!»l dfs marchands et les échevins devaient
chdisir pour remplir ce poste de confiance
'< hommi- qui, par information deûement faite,
sera trouvé eslre de bonne vie, renommée et
hcjiuiesle conversation, sans aucun blasme ou
n-proche, habile, suffisant et idoine pour iceluy
office tixercer ».
lit; nouveau crii-ur pivl.iil aiissilùt le scrnifiit
n <\\U' bien loyauMifuI il cxtTccra ledit office en
sn pcrsrtinur, et rpi'il ne prendra ny demandera
plus grand s^dain- que ccbij(pii est ordonné pour
Ictlil (iflicr cxi-rrrr ; (|u'il gardera les ordonnances
fiiil»-^ liinl .>>ur ledit office (jue sur la Marchandise ;
el (|Ue s'il srail (;li()se <jui soit laite au préjudice
des privilèges, franchises etlibertez de la Ville ou
contre les ordonnances d'icelle, il le fera sçavoir
ails prévosl et «'schovius ou au procureur de la
Marchandise, el obéyra n leurs commandemcns ».
I/O crieur versjtit une caution et était mis en
pn«wes,si<in de son office par un sergent de la
nuinicipalitô.
' X.'.v I, |).-|lsl
S-stf. n" 232. p r,r,.
' iVvi-nu.- rup Béthisy.
3 .\uj nip S«<rpf>nU'. -- Voy. la
p 18 et 163.
f.'n/ii/'jjHf ilfs arirs ilr P/iiiip/ie-Aii-
Toille 4e t292.
Il lui fallait alors payer trente-deux sols parisis
destinés au service de la confrérie. Chaque crieur
donnait, en outre, deux deniers par semaine, qui
formaient un fonds de secours au profit des mala-
des et des vieillards «pour mettre en la bourse de
leurdite confrairie, pour estre employez et con-
vertis à ayder ceux d'iceux crieui's qui cherront en
mendicité ou nécessité de maladie ou de vieillesse,
pourquoy ils ne puissent leurdits offices exercer,
ne gagner leur vie » .
On verra, à l'article crieurs de corps, qu'au
siècle suivant la communauté se borna à mono-
poliser le service des enterrements.
Les crieurs avaient pour patron saint Martin ^,
que l'ordonnance de 1415 nomme saint Martin le
bouillant. On célébrait, en effet, à Paris deux
fêtes de saint Martin : la Saint-Martin d'hiver le
11 novembre et la Saint-Martin d'été le 5 juillet;
cette dernière, tombant à l'époque des grandes
chaleurs, était appelée fête de saint Martin le
bouillant. D'après Le Masson, qui écrivait vers
1620, les crieurs tenaient alors la réunion solen-
nelle de leur confrérie le 11 novembre ; ils
avaient donc abandonné saint Martin le bouillant
pour la Saint-Martin d'hiver ^. *
Voy. les articles suivants.
Crieurs de corps. Au treizième siècle, les
renseignements qui les concei'nent sont rares.
Vers le milieu du quatorzième, leur rôle se
bornait encore à annoncer les décès et, paraît-il,
à faire tinter leur sonnette autour du défunt
pendant qu'il était exposé. On lit, en effet, dans
le compte des obsèques de Geffroi de Varennes,
mort chambellan du roi en 1352, ce passage :
« Pour deniers payez à Jehan Vint-Soulz, crieur
de corps, pour li el sept variez crieurs de corps,
pour leur salaire de sonner entour le corps
dudit chevalier par deux jours, et d'icelui crier
au Palais et aillieurs à Paris, 40 sols ^ ». A la fin
du siècle, ils commencent à fournir quelques
objets relatifs aux enterrements ; ainsi, lors des
obsèques du chanoine Jean de Guisery en 1379,
ils « louèrent des cotes noires pour ceux qui por-
tèrent les torches ^ ».
J'ai dit, à l'article crieurs, que l'ordonnance
(le février 1415 avait réformé la communauté
et supprimé toute distinction entre les classes de
crieurs. Ceux qui avaient à « crier un corps »
allaient par les rues annonçant les décès, indi-
quant le jour et l'heure des enterrements. Chaque
crieur ne devait notifier qu'un seul décès par jour,
K< affin ({u'un chacun d'eux ait des besongnes ■''
par égale portion, au mieux que faire se pourra^».
L'accès que cet office leur donnait dans les
maisons mortuaires firent que les familles
s'adressèrent à eux pour différents apprêts
qu'exigeait la cérémonie. C'est ainsi qu'ils
' Ordonuanco de 1415, art. 5. — SUituls do 1011,
art. 24.
* ^'oy. le Calendrier des confréries, j). 10, 23 et 98.
•* nt)iiet-(l'Arc(|, Comptes de l'arqenterie, p. 184.
* \ oy. les Mémoires de la société de l'histoire de Paris,
t. IV. p. 133.
•■> Du travail.
8 Article 15.
CRIEURS DE CORPS
235
devinrent peu à peu de véritables entrepreneurs
d'enterrements. Au début du quinzième siècle,
ils ne se chargeaient encore de louer que « les
robes et manteaux, sarges et chapperons » exigés
par l'usage ; ce sont du moins les seuls ohjels
mentionnés dans l'ordonnance. Il est probable
que les autres étaient fournis par l'Eglise.
A dater du dix-septième siècle, les crieurs
représentent fidèlement notre entreprise des
pompes fimèbres. En septembre 1641, un édit
leur avait accordé le monopole des fournitures
mortuaires, à charge par la corporation de payer
à l'Etat une redevance annuelle, dont le produit
devait être affecté au soulagement des enfants
trouvés. L'édit nous apprend qu'il était aban-
donné annuellement environ 350 enfants, sur
lesquels on n'en élevait souvent ^«5 %?« ; que la
plupart mouraient « à faute de nourriture », que
d'autres étaient « vendus pour estre supposez ou
servir à d'autres mauvais effets ^ ».
Enfin, au cours de 1642, les crieurs obtinrent
de nouveaux statuts , qui organisèrent la
communauté sur les bases fixées par l'édit rendu
l'année précédente.
Pour être admis dans la corporation, il fallait
être enfant légitime, faire profession de la religion
catholique, et être de bonne vie et mœurs. En
outre, « les nouveaux receus en la compagnie
seront admonestez de se comporter honnestement,
et de ne rien faire dérogeant fi leur condition ;
d'honorer les anciens et officiers de ladite com-
pagnie ; et lors des comptes et assemblées, qu'il
se garderont bien de prendre parole avec aucun
et de ne point jurer ny blasphémer le saint Nom
de Dieu, à peine pour la première fois de
dix livres d'amende, et les autres fois selon leur
démérite qui sera jugé par la compagnie ».
La communauté des crieurs aura le privilège
exclusif de fournir « les choses nécessaires pour
les pompes funèbres ».
Les « draps, serges blanches et noires, veloux,
satins, robbes de deuil, paremens, poésies, carrez,
plaques , daiz , carreaux , chapelles ardentes ,
argenteries, et toutes autres choses généralement
quelconques v appartenant à la corporation
seront réunies dans un magasin spécial, dont
l'inventaire sera dressé tous les ans.
Il était interdit aux crieurs d'aller offrir leurs
services. Ils devaient attendre d'être mandés par
les héritiers ou les exécuteurs testamentaires du
défunt. Le crieur dont parle Lisette dans le
Légataire titiiversel aurait donc manqué à tous
ses devoirs :
Hélas ! mon cher monsieur, je dis ce que j'ai vu.
Après avoir conduit ces messieurs dans la rue,
Oîi la mort du bon homme est déjà répandue.
Où même le crieur a voulu, malgré moi,
Faire entrer avec lui l'attirail d'un conA'oi... 2.
Le crieur qui avait organisé une cérémonie
funèbre touchait un cinquième de la somme
qu'elle avait rapportée à la corporation.
' E'Iits et ordonnances royaux sur le faict de la juridic-
tion de la prévoste' des marchands, édit. de 1644, p. 456.
2 Regnard, Le légataire universel (1708), acte IV,
scène 8.
Comme on l'a vu, la communauté avait dans
ses attributions le convoi, les tentures et d'une
manière générale tout ce qui ne concernait pas
l'pjglise. Il fallait s'adresser au curé pour la four-
niture de la bière ', ainsi que pour la cérémonie
religieuse, et à un cirier pour la fourniture des
cierges. Mais les crieurs se chargeaient volontiers
de servir d'intermédiaire auprès de la fabrique.
Voici dans quelle forme était rédigé le mémoire
d'un crieur à la fin du dix-septième siècle :
Mémoire de de Voulgis Vaisné, crieur, pour
le conroy et enterrement de Monsieur de Furetière,
avocat au Parlement, fait en l'église de Saint-
Louis le \\ novembre 1697.
Pour 200 billets - 8 liv. »
Pour quatre hommes semon-
neurs 12 — »
Pour les enfans de tescolle •*'. 4 — »
Pour un -parement noir à la
maison 3 — »
Pour le port du corps 6 — »
Pour le bonnet et gans 3 — 12 sols.
Potir les formes, stùsse et
garçon fossoyeur 4 — 10 —
Pou,r un pridieu et deux
carreaux 1 — 10 -
Pour avoir fourny et fait
tand.re de deuil le devant de la
maison à quatre lez, la porte et
le dedans d'icelle où a esté mis
le corps en despost à trois lez,
la porte de F église à deux lez,
foncé * les chaises du chœur,
couvert les appuis, les formes,
lutriti et sièges des chappiers ^,
tendu la sépulture ^ et mis des
par taire s ' aux lieux néces-
saires, 352 aimes 52 — 16 —
Pour les peines et assistance
du crieur 15 — »
Ce mémoire fut réduit d'un commun accord à
la somme de 96 livres 16 sous, dont le crieur
donna quittance en ces termes :
Je soubz signé, juré-cr leur à Paris, confesse avoir
receu de Madame de Furetière, des deniers qui se
sont trouvés après le déceds diidit deffunt sieur de
Furetière, la somme de quatre-vingt seize livres seize
sous, à quoy le mémoire cy-dessus a esté modéré, de
latiuelle somme de quatre-vingt seize livres seizesous,
Je quitte madite dame de Furetière et tous autres.
Fait ce vingt-six décembre 1607.
B. DE Voulgis ^.
1 Voy. ci-dessus les articles Cercu 'ils ['(loiiiinei'ce des)
et C!n)(jue- morts.
2 De faire part. On disait alors « billets d'enlcr-
rement ». \o\. l'art. Semonneurs.
•1 Ils remplaçaient les pauvres. Voy. l'art, l'ieureurs.
4 Drapé de noir.
5 Des chantres portant la chape,
fi Sans doute le catafalque.
" Tapis.
8 ^'oy. F. de Lasteyrie, Un enterrement à Paris en
1697. dans le Bulletin de la société de l'histoire de Paris,
année 1877, p. 146.
236
CRIEURS DE CORPS - CRIEURS DE VIEUX FER
\ux obsèques de Colbert, rembaumement du
corps coûta 150 livres ; le cercueil de plomb,
68 liv. ; le deuil de la veuve et des domestiques,
2.674 liv. ; les frais funéraires, 14.456 liv. ; et
le crieur reçut, pour la location du matériel,
6.000 livres '.
Le poëte Saint-Amant, dans une pièce intitulée
La nnict ^ se plaint du bruit que faisaient les
crieiirs en annonçant les décès, et prétend que
le tintement de leur sonnette troublait fort les
bons bourgeois :
Lf clochetteur des trespassez,
Sonnant de rue en rue,
D<' frayeur rend leurs cœurs glacez,
Bien que leur corps en sue.
Et mille chiens, oyan.s sa triste vois,
Luy répondent à longs abois.
l'our remplir cet oftice, les crieurs revêlaient
M ne dalmatique noire , semée d'emblèmes
funèbres. Ils allaient, agitant leur clochette et
psalmodiant d'un ton lugubre le nom, les titres
et l'adresse du défunt : Priez Dieu pour rame de
mo/isieur X, de messire X, de demoiselle X, de
liaute et puissante dame X, ou de très haut et très
puissant seigneur X, qui vient de trépasser en son
lofjis, rue...
Le clocheteur m'éveille,
Et d'un lugubre son recommande à prier
Pour l'ûme de Paul Tron, lui vivant écuyerS.
Ils crient, dit Jean Nicot, « par les carrefours
de la ville le décès du trespassé, l'heure et le
lieu fie son enterrement, et faisant presque une
publique semonce *, tant au convoy que de
prit-re pour le trespassé. Et vont après au
coiivov, marchans en pareil habit devant le
cercueil et bière du corps, sonnans et branslans
leursdiltes clochettes ^ ». Lorsqu'ils précédaient
un convoi, ils portaient souvent attachée devant
et (if-rrièrc leur dalmatique une feuille de carton
sur laquelle étaient peintes les armoiries du
défunt.
Au tlix-iiuilieme siècle, le bureau de la
communauté était situé rue Neuve-Saint-Merri,
dans une maisim qui avait été habitée, dit-on,
par (Jiilherine de Médicis ". C'est là que les
crieurs remisaient les corbillards, carrosses et
rbevaiix nécessaires pour le service des enter-
rements, et qu'ils consei-vaient les tentures,
calafalque>, ludiils, manteaux, crêpes, pleu-
reuses, giiiils. e|(t.. (|u"ils l'taieiil autorisés à
fournir.
I.,a population de Paris augmentant sans cesse,
Ifh (|écé> se faisaient de plus en plus nombreux;
puis. In mnde était venue de déployer une ridi-
cule mnguifieeuce aux etilerrements des grands
seigneurs, «les fiiujnciers, des enrichis de toute
espèce, coutume qui ne p«Mivait (pie proliler à la
corporniiou ries crieurs. C'était .lie qui fournissait
1'. ;J78.
• CorrttfioiidnHre lie f.'ulùn/, I. \
« fedil i|i! |6fil. p. 00.
■^ J'-fln C'.lnviTi-t. i,'e'cuj/rr, p. ">.
l Ni>y. ri-dissiiu.-, l'nrt SiMiii>nn<Mirs.
• Tkrftor lit la lanjut fran^oi/se, p. Ifi7.
• ^oJ^ Jaillot. Reekereket sur Paris. f|unrtivr Saint-
Martin des Champs, p. 79.
ces immenses corbillards dont la construction
était si peu solide que des bourreliers, des selliers,
des charrons, dissimulés dans l'intérieur, se
tenaient prêts à réparer les accidents toujours
prévus. Mercier prétend que pendant le trajet
du domicile à l'église. et de l'église au cimetière,
ces ouvriers passaient leur temps à jouer aux dés
sur le cercueil * .
L'usage s'était conservé de faire suivre le corps
par des pauvres, qu'on habillait, et auxquels on
distribuait des cierges et de l'argent. On voyait
souvent défiler dans les rues des enterrements
escortés de deux cents et même quatre cents
pauvres ^. Le crieur, revêtu d'une longue robe
noire et la sonnette d'argent à la main, marchait
en tête du convoi qu'il avait organisé, et tenait
l'emploi aujourd'hui dévolu aux ordonnateurs.
La présence de deux ou trois crieurs à des
obsèques était un grand luxe qui se payait cher.
De toute manière, les frais avaient fort
augmenté, et vers la fin du dix-huitième siècle
un enterrement décent de petit bourgeois coûtait
de sept à huit cents livres. Quand le fameux
Fouquier-Tinville perdit sa première femme
(1782), les dépenses funéraires s'élevèrent à la
somme de 674 livres 12 sols, « tant pour le
service que pour le convoi, les billets d'enter-
rement, tentures, manteaux de deuil, crêpes et
gants"* ».
Outre les renvois indiqué!^
Pompes funèbres.
ci-dessus, voy.
Crieurs de maie tache. Voy. Dégrais-
seurs.
Crieurs du roi et de la ville. Voy.
Trompettes Jurés).
Crieurs de vieux fer. Je les trouve
définis ainsi : « Ce sont ceux qui achètent les
vieux carrosses, chaises, calèches, cabriolets, etc.,
les dépècent et en revendent les vieux fers en
détail. Il n'appartient qu'aux maîtres de cette
communauté d'aller par les rues, un sac sur le
dos, crier : Vieilles ferrailles à vendre ! ».
Ils criaient ainsi dès le treizième siècle *. Ils
ne furent toutefois érigés en corporation et ne
reçurent leurs premiers statuts qu'en décembre
1681, par lettres patentes qui les qnaMiieni crieurs
de vieux fer et de vieux drapeaux^ et limitent à
douze le nombre des maîtres.
Ce chiffre fut maintenu par d'autres statuts
assez curieux, en date de mai 1686. Lorsqu'une
de ces douzes maîtrises devenait vacante, on y
pourvoyait par élection ; mais, à moins d'impos-
sibilité absolue, elle ne devait .tMre attribuée
qu'au fils ou tout au moins au gendre de l'un
(les maîtres.
Les crieurs étaieni Iimius d'inscrire les nom et
1 Tableau de Paris, t. VII, p. 254.
2 Mme ,],, Gcnlis, Dictionnaire des étiquetles. t. I,
p. 184.
3 G. Lenôtre, Vieil/es maison.'! , viiux papiers,
deuxième série, p. 259.
' ^ oy. k's Crieries de Paris, de Guillaume de la Ville
Neuve.
CRIEURS DE VIEUX FER — CRIEUSES DE VIEUX CHAPEAUX
237
adresse de tous ceux à qui ils achetaient ; encore
ne pouvaient-ils rien accepter « des ent'ans de
famille ou des domestiques ». Tout objet devait
être mis à l'étalag'e trois jours au plus après
l'achat. Aux seuls crienrs appartenait le droit de
« crier, acheter, vendre et débiter de vieilles
ferrailles et vieux drappeaux, mettre en pièces
les vieux carrosses et en exposer ensuite les
débris ». Il est vrai qu'ils ne réussissaient g-uère
à faire respecter leurs privilèg'es, et les jurés
avaient sans cesse à sévir contre des crieurs
élrang-ers à la communauté. En <;tfel, dit Savarj
« un grand nombre de soldats aux gardes
françoises font ce petit commerce, que les
magistrats de police tolèrent et que les jurés
n'osent arrêter par des saisies, à cause de la
profession de ces crieurs sans maîtrise ^ ».
Au mois d'août 1692 le nombre des vrais
crieurs de vieux fer fut porté à vingt-quatre.
Dits ixnssi ferrailleurs ei dépeceurs de carrosses, ils
avaient pour patrons saint Roch et saint Sébas-
tien. Presque tous étalaient leurs marchandises
le long du parapet, sur le (pmi actuel de la Mégis-
serie qui, après avoir été appelé longtemps la
vallée de Misère, finit par devenir le quai de la
Ferraille.
Crieurs de vin. Officiers publics asser-
mentés, chargés de surveiller le commerce du
vin et d'en activer la vente. Il est probable qu'au
début, les taverniers se servirent de crieurs dans
leur intérêt personnel ; la royauté d'abord, puis
la municipalité transformèrent ces crieurs en
fonctionnaires et les imposèrent aux taverniers.
Dès le treizième siècle, les crieurs de vin
étaient nommés et révoqués par la municipalité.
Avant d'entrer en fonctions, ils prêtaient serment
d'exercer leur métier en conscience, de ne se
servir que de mesures exactes et de n'en pas
tolérer d'autres chez les taverniers. Ils versaient
une caution de soixante sous un denier, et
acquittaient un droit de quatre deniers entre les
mains du maître des crieurs, qui était chargé de
réparer les mesures dont ils se servaient. Ils
payaient ensuite à la municipalité une redevance
de un denier par jour, même s'ils n'avaient pas
ti'ouvé de taverne à surveiller. On ne les tenait
quittes de ce denier que le dimanche, ou dans le
cas de maladie duement constatée, ou s'ils
partaient en pèlerinage.
Les crieurs de vin sont les seuls crieurs dont
nous possédions les statuts. Eux-mêmes les
remirent au prévôt Etienne Boileau ^, quand
celui-ci, vers 1268, entreprit de codifier les
coutumes qui régissaient les métiers de Paris.
Les marchands de vin au détail, à broche,
comme on disait alors, payaient à la Ville un
impôt pour chaque pièce qu'ils mettaient en
perce. Leurs crieurs avaient donc à la fois pour
mission, et de constater le nombre des tonneaux
entamés, et de favoriser la consommation.
Au matin, un crieur entrait dans la première
taverne venue ; à moins qu'un de ses confrères
1 Dictionnaire du commerce, t. I, p. 1614.
^ Livre des métiers, titre \ .
n'y fut déjà installé, le marchand était tenu de
l'accepter. Le crieur surveillait la préparation du
vin, il le regardait tirer ou le tirait lui-même et le
dégustait. Puis il recevait du tavernier un broc
et un vase ; il remplissait le broc, quittait la
boutique el s'en allait crier le bon vin, vantant
sa qualité et son prix, le donnant à goûter aux
bourgeois qui passaient.
Le crieur devait arriver chez le marchand avant
l'heure fixée par le criage, puisqu'il lui fallait
tirer et déguster le vin avant de le crier. Si
pendant qu'il était occupé à ces opérations un
autre crieur se présentait, le tavernier avait le
droit de le renvoyer en lui disant qu'on était en
train « d'encuser '' » le vin de la journée. Le
crieur se retirait, mais il lui était permis
d'imposer ses services pour le lendemain, « li
crierres li puet dema^ider sa taverne à lende-
main ». On tenait à ce que le marchand n'eût
pas de crieur attitré, avec qui il eùl pu s'entendre
pour tromper le public.
Tout crieur avait le droit de demander aux
buveurs attablés quel prix le marchand leur avait
fait, et de crier le prix indiqué par eux.
Les crieurs criaient deux fois par jour, sauf le
dimanche, le vendredi, les jours de fêtes, et « le
jour que li Rois ou la Roine ou leurs enfanz
meurent ».
Le marchand de vin devait au crieur quatre
deniers par jour. C'était également ce que payait
le roi quand on criait son vin.
Les taverniers trouvaient très onéreuse et très
vexatoire l'ingérence des crieurs dans leurs
affaires, et il faut convenir qu'ils n'avaient pas
tout à fait tort. Ils se plaignirent au roi des
importuiiités dont ils étaient l'objet de la part
de la ville ; mais le roi, qui touchait réguliè-
rement ses 320 livres-, se garda bien d'écouter
leurs doléances, et deux arrêts, l'un de 1273,
l'autre de 1274 ^ , les condamna à subir et à
payer comme auparavant la présence des crieurs.
Ils n'échappèrent à cette servitude qu'en 1415.
C'est du moins ce que me semblent établir les
articles 1 et 10 du chapitre IX de l'ordonnance
rendue au mois de février de celte année, el qui
reconstitua la corporation des crieurs. Elle
supprima toute distinction entre les crieurs : les
membres de la corporation sont alors chargés
d'annoncer les vins, les huiles, les oignons, les
pois, les fèves, les réunions de confrérie, les
décès, les objets perdus, les enfants, mules,
chevaux disparus, « et toutes autres choses qui
appartiendront à crier en ladite ville ». *
Voy. Crieurs et Fublicité.
Grieuses de vieux chapeaux. Bien
que ce métier ne se rattachât par aucun lien à la
corporation des chapeliers et qu'il ne fût point
constitué en communauté, il avait une organi-
sation régulière et reconnue par le lieutenant
général de police.
< Déguster.
2 Voy. ci-dessu.s, p. 234.
^ On les trouve dans Delamarre, t. III, p. 761.
2:38 GRIEUSES DE VIEUX CHAPEAUX
Ces crieuses se partageaient en trois caté-
tite
CROQUE-MORTS
gories :
r Les crieuses en gros, possédant une p
)ir la récolle faite
jssédant une
boutique et achetant chaque soi
par les crieuses ordinaires.
2» Les crieuses ordinaires, qui parcouraient
les rues en criant chapeaux ! chapeaux ! Elles
revendaient leur butin de la journée, soit aux
crieuses en gros, soit aux fripiers.
30 Les novices. C'étaient en réalité des
apprenlies. Moyennant douze ou quinze écus une
fois pavés, la novice accompagnait une crieuse ;
celle-ci lui apprenait les secrets du métier, et
toute crieuse suivie d'une novice prenait le titre
de meneuse. Cet apprentissage n'avait d'ailleurs
rien d'obligatoire.
Au commencement du dix-huitième siècle,
les crieuses de chapeaux étaient au nombre de
l.OOUà L200'.
Crin (Enjoliveurs de). Titre que prenaient
les maîtres de la communauté des cordiers.
CrincaiUiers. Voj. duincailliers.
Griniers. Titre que prenaient la coiporalion
des boi^st-liers et celle des cordiers. Mais les
pivinit'rs avaient seulement le droit de préparer
!<• crin destiné à leurs sas et tamis.
(Jii trouvf aussi rraiguiers.
\'oy. Cordiers.
Gristalliers. \ oy. Lapidaires.
Grocheteurs. Gagne-deniers qui portaient,
^ur des crochets, toute espèce de fardeaux. La
Taille Je 1292 en cite 42, sous le nom de
porteeurs. Une ordonnance du 3 août 1527 leur
défendit de se constituer en confrérie, mais ils ne
.s'«'ii placèrent pas moins sous le patronage de
saint (Ihrisloplie. Jusqu'au début du règne de
Louis XI V, jusqu'à la création des offices
(ri'inljallciirs. les crocheleurs faisaient tous les
fiiiballages des négociants.
Au seizième siècle, on désignait sous le nom
iVanges de la Grève les crocheleurs attachés au
port de la Cîrève, c'était une allusion à leurs
crochets, qui simulaient des ailes sur leur dos.
Diiiis son Eugène, joué eu 1552, Jodelle fait
parler ainsi deux [jt-rsonnages :
l''l.UHlMONI).
l^aquais, trouve des crocheleurs.
l'iKHHK.
J'y vais, monsieur; et quant ii iiix,
11» Vwli-mnl Lien losl icy.
N'vnl-ili» {108 (tes ai-sles aus.sy 2.
•Séhnslieii Mercier écrivail vers 1782 « Les
crocheleurs omuiéniigenl ou déinéiiagenl nos
meubles, porlciil les fardeaux du commerce...
Votis les appelez, ils sont ù vous avec leurs
crochets ; appuyés sur des bornes, ils attendent
■ .-^van. i/iciionnaire, l. 1, j) loi t.
' Acte In, scène 3. l)an.s Winrien Ihràtre frmiçais
t. IV, p. 56. '
qu'on leur donne de l'emploi ^ ». Leurs femmes
portaient, comme eux, de très lourdes charges,
et comme eux aussi, étaient souvent en état
d'ivresse ^.
Les crocheleurs ont été nommés hreteleurs à
cause des deux bretelles qui soutenaient leurs
crochets ^ ; faisniers, faisnieurs, faissels, fais-
siaux, faissiers, etc. du mot faisse qui signifiait
bande, lien, eic, porte- faix, porte-sac, etc.
Voy. Gagne-deniers.
Groisés. Voy. Quéreurs de pardons.
Groix. Voy. Sainte-Croix.
Groix Semaine de la). Voy. Faneuse
(Semaine).
Groix aourée (Vendredi de). Dans les
statuts des métiers et dans les ordonnances du
moyen âge, ces mots désignent toujours le
vendredi saint. « Le vendredi de croiz aourée *
ne crient pas crieurs ^ ».
Groque- morts. Employés des pompes
funèbres, chargés d'ensevelir les corps et de les
déposer dans la fosse. Ils paraissent avoir porté
d'aliord le nom de faisneurs ou faisniers., car on
lit dans une lettre de rémission citée parDucange
et datée de 1415 : « Pour garder icelui corps
mort ont été commis certains faisniers et gar-
diens " ». Ducange oublie de rappeler que les
mots faisneurs, faisniers, etc. ont aussi désigné
tout simplement des crocheteurs, des portefaix.
Au début du dix-septième siècle, les porteurs
de morts sont devenus des corbeaux, « Il fallut,
pour l'enterrer, envoyer quérir des corbeaux de
Paris », écrit Lestoile en septembre 1606. Mais,
quelques années après. Sauvai raconte que,
durant une épidémie, on proposa d'aller ense-
velir les morts dans l'île Maquerelle '', et il
ajoute : « On craignit que les croque-morts ne
les jetassent dans la rivière, pour avoir plustôt
fait 8 ».
La tempérance n'était pas la vertu du croque-
morls. Prudhomme en 1807 le dépeint ainsi :
« Cet homme est toujours en habit noir. Il a
une figure bourgeonnée et enluminée ; l'on
pourrait dire que c'est une futaille organisée, et
chaque bouton de son visage est un cep de
vigne ^ ».
Le corbillard a-t-il tiré son nom des corbeaux
qui l'escortaient V J'en doute. Ce mot désigna
d'abord un bateau faisant le service entre Paris
et Corbeil, et que le Dictionnaire de Trévoux ^^
définit en ces termes : « Coche d'eau qui mène
' Tableau de Paris, t. IV, p. 29.
2 Ttiblettii (le ParU, t. II, p. 19.
3 Voy. ci-dessus l'art. Bretelles (Fabricants de).
' Adorée.
t» Livre des métiers, titre V, art. 12.
*> Voy. (ilossaire, au mot Faistiator.
' Devenue île des Cygnes et réunie à la rive irauche
de la Seine v.'rs 1790.
" Iterherches sur Paris, t. I, p. 100.
'•• Miroir de Paris, t. III, p. 180.
1" Édition de m?.
CROQUE-MORTS — CUIRS ET PEAUX
239
à Corbeil, petite ville à sept lieues de Paris. On
donne aussi ce nom chez les princes aux grands
carrosses destinés à vniturer les g'ens de leur
suite ^ ».
Ce qu'il V a de sur, c'est que le corbillard
destiné aux enterrements était l'œuvre des
selliers-carrossiers. L'article 18 de leurs statuts
de septembre 1678 leur reconnaît le droit de
<.(. faire chariots de pompes funèbres, faire et
fournir la o-raudc couverture pendante », etc.
Voy. Carcueils (Commerce des).
Grosetiers. La Taii/e de 1292 cite deux
crosetiers qui, suivant Géraud, eussent été des
fabricants de cannes à bec recourbé ^. Il croit
que ce nom vient du bas latin crocei, crocciœ,
termes auxquels il attribue un sens analogue.
Godefroy ne combat pas cette interprétation ^.
Les évéques. les abbés porte-crosse étaient dits
croceniers.
Grovixiers. Voy. Cordonniers.
Cryptographes. L'art de déchiffrer les
écritures secrètes a eu peu d'adeptes. Le plus
célèbre des cryptographes modernes est Antoine
Rossig-nol, qui fut employé et comblé de biens
par Richelieu et par Mazarin. Tous deux s'effor-
cèrent de faire croire qu'il ne pouvait exister
aucune écriture chiffrée qui ne fut dévoilée par
Rossignol. 11 devint conseiller d'Etat et maître
des comptes. Louis XIV lui fit l'honneur d'aller
le voir dans la belle maison qu'il possédait à
Juvisy *.
Grystalliers. Voy. Lapidaires.
Gubiculaires. Chambellans et aussi valets
de chambre.
Guellleurs d'herbes. Voy. Herbo-
ristes.
Gueilleurs de tonlieu. Voy. Ton-
lieurs.
Gullleristes. Nom que prenaient les
orfèvres qui avaient adopté la spécialité des
couverts de table.
On trouve aussi culleriers.
Guir (Caleçonniers, parfumeurs et tein-
turiers en). Titres qui appartenaient à la corpo-
ration des peaussiers.
Guiraciers. Faiseurs de cuirasses (quator-
zième siècle).
Voy. Équipement militaire.
Guir bouilli. (Fabricants de). Au moyen
âge, le cuir bouilli était presque exclusivement
employé par les gainiers , que le Livre des
1 Tonif II, p. 907.
- Paris sous Philippe- le- Bel. p. 504.
•^ DictioHiinirc rie l'ancien langage français, i. II, p. 385.
i Tallemant dos Kéaux, Historiettes, t. II, p. 32 et 93.
- Boisrobert, Épttres, édit. de 164T, p. 44 et 150.
métiers ^ uduiuK» ijainiers-ftmrreliers-onvriers de
cuir houli. Ils n'avaient d'ailleuis le droit d'uti-
liser que la vache, le bœuf, le cheval et l'àne.
Les statuts du mois de septembre 1560 -
contiennent ù ce sujet d'assez curieu.ses prescrip-
tions. Ainsi, les bouteilles de cuir devaient être
soit en vache, soit en bœuf, « bouUuës de cire
neuve et cousues de deux coutures ». Le cuir
neuf pouvait seul être employé ; la colle devait
« être bonne, non puante, ny faite de rogneures
de cuir ». Les statuts veulent encore que l'on
recouvre en veau les « coffres, cassettes,
boiiettes ^, escriloires, e.stuis à barbier, de clii-
rurgien, de lancettes, gallemars autrement dits
escriloires qu'on porte coustumièrement à la
ceinture, estuis de cuillèn^s et de seringues »,
etc., etc.
Guireres, Guireurs, Guirieres et
Guiriers de selles. Voy. Blasonniers.
Guiriers. Marchands de cuir. Voy. Cuirs
et peaux.
Guirs (Marchands de). La Taille de 1292
cite trois cuiriers et qidriers, que l'éditeur croit
avoir été des marchands de cuir.
On nommait :
Cuir d^ahatis, les peaux d'animaux encore
couvertes de leur poil, et telles que les bouchers
les avaient arrachées de la bête.
Cuir erapraint, celui qui avait été martelé,
marqueté. On disait, par opposition, totU flain.
Ainsi un volume pouvait être relié soit en cuir
empraint, soit en cuir tout plain.
Cuir de lion, celui qui provenait de ce félin.
On trouve une « courroye de cuir de lion », dans
l'inventaire des meubles de Charles V *.
Cuir de poule, de chevrotin ou de canepin,
l'épiderme de la peau de chevreau. Il s'employait
surtout dans la fabrication des gants, et ceux que
l'on obtenait ainsi étaient d'une telle finesse que
la paire pouvait tenir dans une coquille de noix.
Voy. Cuirs et peaux.
Guirs et peaux. De très bonne heure, nos
rois s'étaient des.saisis de leurs droits sur certains
métiers en faveur de leurs grands officiers ou
même de simples particuliers. Presque toutes les
corporations vouées au travail du cuir étaient au
nombre de celles dont le roi avait aliéné tout ou
partie des revenus.
Les bourreliers, les chapuiseurs, les gantiers,
\&^ pelletiers dépendaient du grand ghambrier
ROYAL.
Les ceinturiers, les cordonniers et les saveton-
niers dépendaient du grand ghambrier et du
grand chambellan.
1 Titre LXV.
2 Dans Fontanon, Édits et ordonnances royaux, t. I,
p. 1134.
3 Boîtes.
* Numéro 787 de l'inventaire putjlié par M. Labarte.
Il ne faut pas lire de Lyon.
240
CUIRS ET PEAUX - CUISINE ROYALE
Les selliers dépendaient à la fois du grand
CHAMBRIER, du GRAND CHAMBELLAN et du CON-
NÉTABLE.
he?, savetiers dépendaient des grands écuyers.
Les boursiers dépendaient du grand chambrier
et d'une famille qui, sans doute, avait acheté ce
privilège.
Les banfhoyeurs. les mégissiers, les sueurs et
les tanneurs dépendaient de la même famille.
Un seul acte relatif à ces concessions nous a
été conservé, c'est précisément celui qui concerne
celte dernière dépendance. On le trouvera à
l'article Maître (les suetirs.
L'étal des cuirs et peaux était l'objet d'examens
niinnlienx dont les communautés cherchèrent
toujours à s'atïranchir et dont la royauté chercha
toujours à tirer profit. De là, la création d'une
foule de charges, toutes vendues par le Trésor,
c'étaient des contrôleurs, des visiteurs, des mar-
queurs, des tendeurs, des déchargeurs, des lotis-
seurs, tous officiers dont l'intervention augmen-
tait le prix des cuirs et entravaient la vente. Ils
furent supprimés par édit du mois d'août 1759,
qui établit sur les peaux un impôt unique, dit
mur que des cuirs.
\'ov. Baudroyeurs. — Blasonniers.
— Bourreliers. Boursiers. — Bou-
teillers. Ceinturiers. — Chagriniers.
Chamoiseurs. — Chapuiseurs. —
Contrôleurs. — Cordonniers. — Cor-
roiers. — Corroyeurs. — Crépisseurs.
— Cuir (Marchands de). — Cuir bouilli
(Fabricants de). — Déchargeurs. —
Doreurs sur cuir. — Fourreurs. —
Gainiers. — Gantiers. — ^ Hongroyeurs.
Lormiers. — Lotisseurs. — Maître
des sueurs. — Maroquiniers. — Mégis-
siers. Peaussiers. — Féaux de lapin.
— Relieurs. Savetiers. — Saveton-
niers. Selliers. — Sueurs. — Tan-
neurs. Teinturiers. — Tassetiers.
— Vendeurs.
Guiseniers, Nom sous lequel le Livre des
nir'tiers ' désigne les cuisiniers.
Guiseurs. Dans les briqueteries, ouvriers
(|ui ilirigaifiit le feu d'un fourneau ^. Ils a|)par-
leiiait'iil il l'érpiipe des briqueteurs.
Guiseurs de tripes. Voy. Tripiers.
Guisine royale (Personnel de la). Les
gen^ de service chargés de préparer les repas du
souverain constituaient, dès le treizième siècle,
un personnel très nbreux. 11 se divisait en
(|untre départements : La paneterie, Véchanson-
Hcrie, In rw«'.ïj"«<.' propr.-uieiil dite et la fruiterie,
classes bien distinct.-s dont les attributions furent
d.'tJMies pur un gnmd nombre d'ordonnances.
\m plus ancienne que l'on connaisse date do 1261;
.'lie n été [.idjliée par Ducange dans ses notes sur
.loinville et complétée par M. Douët-d'Arc(i,
• Tur»- LXIX
» KHcyclopfHif mrlhodiquc. arts et niéliers, t. 1, p. 313.
d'après plusieurs manuscrits ^ . Mais elle présente
encore plus de lacunes que celle qui fut rendue
en 1285, dernière année du règne de Philippe
le Hardi. Nous j voyons que Yhostel du roi était
alors composé ainsi ^ :
Paneterie.
2 panetiers.
2 sommeliers.
3 porte-chappes.
1 oubloier^.
1 pastour 3.
1 charretier.
Eghansonnerie.
4 écha usons.
2 barilliers.
2 bouteillers.
1 potier.
1 clerc de l'échansonnerie *.
Cuisine.
1 premier keu ^.
4 keus.
4 aides de cuisine.
4 hâteurs ".
4 pages.
2 souffleurs.
4 enfants de cuisine "' .
3 sauciers.
1 garde-manger.
2 sommeliers.
1 poulailler.
2 huissiers.
Fruiterie.
1 fruitier.
3 valets fruitiers 8.
Au commencement du règne de Charles VI,
le service du roi avait été déjà très augmenté. Il
comprenait :
Paneterie.
1 premier panetier.
6 panetiers.
1 premier varlet tranchant.
5 varlets tranchants.
3 clercs.
3 sommeliers.
3 porte-chappes.
5 aides ou varlets de nappes.
1 oubloier.
1 baschouer.
1 lavendier".
Eghansonnerie.
1 premier échanson.
8 échansons.
' Vov. C.omplfs (le l'iiolel îles /vis -île France, 1805,
iii-H".
■^ l''uis('ui's d'oubliés.
•' l''aiseurs de pâtés.
* (Jliarjfé d'écrin- la dépense pI <if ti^iiir If^s comptes.
•'' Ou cuisinier.
t> Kôli.sseurs.
" Marmitons, dits aussi galopins.
S Ordenaiice de l'hostel le Roy et lu Reyne, dans Leber,
Pièces relatives à l'histoire de France, t. XIX, p. 11-
9 lilanchisseur.
CUISINE ROYALE
241
4 clercs.
7 sommeliers.
3 harilliers.
8 o;arde-huche.
10 aides.
1 huissier.
1 voiturier.
Cuisine.
11 écujers de cuisine.
1 premier queu * .
5 queux.
3 cleics.
3 aides.
7 hàteurs.
4 potagiers.
5 souffleurs.
2 bûchers.
6 enfants de cuisine.
2 huissiers.
1 brojeur au mortier.
4 porteurs d'eau.
1 poissonnier.
1 furretier"^.
7 varie t s servants.
2 sausseurs 3.
4 varlets de sausserie.
2 varlets de chaudière.
1 voiturier.
l recueilleur d'escuelles.
1 garde de sausserie.
Fruiterie.
1 premier fruitier.
5 fruitiers.
3 clercs.
3 sommeliers.
1 chauffe-cire.
1 garde de fruits.
Pour trouver dans ce service des modifications
valant la peine d'être signalées, il faut arriver au
règne de Louis XIV. A cette époque les officiers
dits de la bouche du roi sont divisés en sept offices :
1° Le gobelet.
2° La cuisine-bouche *.
3° La paneterie-commun.
4° L'échansonnerie-commun.
5° La cuisine-commun.
6" La fruiterie.
7" La fourrière.
Les grands officiers placés à la tête de ces sept
offices étaient :
Le premier maître d'hôtel.
Le maître d'hôtel ordinaire.
Les douze maîtres d'hôtel servant par quartier.
Le grand panetier.
Le grand échanson.
Le grand écujer tranchant.
Les trente-six gentilshommes servants.
1 Cuisinier.
2 Qui peut-être faisait la clias.se aux lapins avec un
furet.
"* Ou sauciers.
'* Pour la nourriture du roi seulement ■
Le maître de la chambre aux deniers.
Les deux contrôleurs généraux.
Les seize contrôleurs d'office.
Le contrôleur ordinaire de la bouche.
Le personnel placé sous leurs ordres comprenait
dans chacun des sept offices, savoir :
I. Le (jObelet.
11 se partageait entre la panelerie-ùouche et
Y échansonnerie-bouche.
Paneterie-bouche.
l cltef oi'd inaire.
12 chefs ou sommeliers.
4 aides.
l garde-vaisselle.
3 sommiers.
1 lavandier.
EchansonNerie-bouche.
l chef ordinaire.
12 chefs.
1 aide ordinaire.
4 sommiers.
4 coureurs de vin.
2 conducteurs de la haqucnée.
Garçons divers, dont le nombre fut variable.
II. Clisine-bouche.
10 écujers.
4 maîtres queux.
4 hàteurs.
4 potagiers.
4 pâtissiers.
3 galopins.
4 porteurs.
4 gardes- vaisselle.
2 huissiers.
2 sommiers du garde-manger.
1 sommier de chasse.
2 sommiers des broches.
2 avertisseurs.
4 porte-fauteuil et porte-table.
6 serdeaux.
4 lavandiers.
III. Paneterie-gommlk.
13 chefs.
6 sommiers.
2 lavandiers.
2 garçons.
1 délivreur.
IV. Échansonnerie-gommun
20 chefs.
12 aides.
1 maître des caves.
4 sommiers de bouteilles.
2 sommiers de vaisselle.
I garçon délivreur.
... garçons.
V. Cuisine-commun
12 écuyers.
8 maîtres queux.
12 hàteurs.
8 potagiers.
16
242
CUISINE ROYALE - CUISINIERS
4 pâtissiers.
12 enfants de cuisine.
12 porteurs.
2 verduriers.
2 gardes- vaisselle.
8 huissiers.
:i sommiers du g-arde-manger.
4 sommiers des broches.
2 falotiers.
4 lavandiers.
l poêlier.
9 garçons.
4 lournebroches.
YI. Fruiterie.
1 chef ordinaire.
1 2 chefs.
12 aides.
1 aide pour les fruits de Provence.
1 palmier.
4 sommiers.
VII. Fourrière.
20 chefs.
15 aides.
I délivreur de bois.
1 porteur de bois.
5 garçons d'office.
2 porte-table.
1 menuisier.
2 porte-chaise d'affaire.
\]||. Iliiilicme office dit Cuisine du Petit
COMMUN, créé en 1664 et augmenté en 1667.
1 boulanger.
1 marchand île vin.
2 marchands de linge.
1 potier d'étain.
2 balayeurs.
2 maîtres d'hôtel.
4 écuyers.
2 aides.
1 porteur.
:{ garçons.
2 faiseurs d'eau.
2 sonnneliçrs.
2 gardos-vaisselle.
I lidutcillfr.
1 délivrrur déglace '.
Sioil en tout 500 officiers environ.
Tous ces ofliciers .servaient l'épée au côté. Tous
ont un article spécial dans ce dictionnaire.
Cuisinières. Suivant .\udigcr, qui écrivait
vers ir)'.>2. il n'v aviiit alors de cuisinières que
dan- Ifs nu-nages (-ondamnés à l'économie,
-••ignrup, île fortiine médincre « gens d'aiîaires,
lionrgiMiis fl niitri's >, maîtres qui exigeaient
ilVIlrs do multiples aptitudes: « Il faut, dit-il,
que la cuisinière sache faire une bonne soupe,
déguiser » toutes sortes de viandes pour les
jour» ninigre-s, en faire des rngoiUs, ainsi que du
• Voy. L. Trâbouillrt, Élaf de la France pour 17 /i\
t. I, p. 57 i»! 9uiv.
' ApprWer de ditersog manières.
poisson et des œufs, et toutes sortes de légumes
pour les autres jours ; comme aussi ne pas
ignorer la manière de faire quelques compotes et
quelques autres bagatelles pour le dessert. Il est
encore de son devoir de balajer la montée ^ et la
salle à manger, de tenir le tout bien propre, et
de tâcher surtout à faire le profit de la maison ^ ».
Guère plus de soixante ans après Audiger, qui
avait été chef d'office dans d'opulentes maisons,
l'historien Duclos écrivait : « Si les gens d'il j
a soixante ans revenoient, ils ne reconnoîtroient
pas Paris à l'égard de la table, des habits, des
mœurs. Il n'y avoit de cuisiniers que dans les
maisons de la première classe ; plus de la moitié
de la magistrature ne se servoit que de cuisi-
nières ^ ».
On peut affirmer que les comptes de ces
cuisinières étaient parfois embrouillés, et que
plus d'une s'efforçait de faire danser l'anse du
panier ou de ferrer la mule, deux expressions
fort en vogue pour désigner les déloyaux profits
des servantes. Dans les grandes maisons, elles
comptaient avec le maître d'hôtel ou avec un
laquais lettré, ce qui ne rendait pas les additions
plus exactes. Il faut dire aussi que les cuisinières
recevaient de fort mauvais conseils, même des
poètes. Lisez:
Co n'est pas oncor tout. Kcvenant du marché,
Ayez toujours un air inquiet et fàctié.
Accoutumez-vous bien à faire la pleureuse.
Ah! mon Dieu! direz-vous, que je suis malheureuse !
Depuis cinq ou six jours (vrai comme Dieu m'entend)
.l'ai pour le moins perdu cent fois de mon argent.
II faut qu'en calculant madame se mécompte
Ou qu'au marché l'on manque à me rendre mon compte.
Accompagnant ces mots d'une exclamation,
Chacun de votre sort aura compassion ;
Et le laquais chargé d'écrire la dépense,
Pourvu qu'il ait de vous la moindre récompense,
Et qu'en l'art de compter un maître l'att instruit.
Daignera par bonté d'un zéro faire un huit *.
Voy. Cordon bleu et Mule (Ferrer la).
Cuisiniers. Nos traiteurs, nos restaurateurs
ont pour ancêtre la corporation des cuisiniers-
oi/ers ou oiers, coquinarn, dit Jean de Garlande ^.
Ils préparaient et vendaient des viandes, soit
bouillies soit rôties, provenant de bœufs, de
veaux, de moutons, de porcs, d'agneaux, de
chevreaux, de pigeons, de chapons et surtout
d'oies, volaille dont les Parisiens se montraient
alors particulièrement friands. Je relève un fait
iidéressant dans les statuts que les cuisiniers
soumirent, vers 1268, à l'homologation du prévôt
Etienne Roileau. La ccmimunauté avait alors une
caisse de secours. On prélevait sur les amendes
professionnelles un tiers, dont le produit servait
à sotUenir les vieillards que leurs infirmités ou
de mauvaises affaires avaient réduits à l'indi-
gence : « Le tiers des amendes soit pour
soustenir les povres vielles gens dudit mestier.
' L'escalier.
' /.« maison ret/lee, liv. III, chap. 3.
•• Mémoires sur .sa vie. En tête de ses Œuvres, édit.
de 1820, t. I, p. LXi.
i La maitôto des cuisinières. Dans Éd. Fournier,
Variétés littéraires, t. V, p. 248.
S Dictionarius, p. 26.
CUISINIERS — CUUK-RETRÂITS
243
I
qui seront decheuz par fait de marchandise ou
di viellesse * ».
La Taille de 1292 cite 21 cidsiniers et 3 oiers.
On y trouve aussi 23 qiieus, qui représenlonl des
cuisiniers attachés à des couvents où à (h^s ij,-rainh's
maisons, et qui peut-être étaient indépenchinls
de la corporation. Je citerai eidre autres :
Jaques, queu du roi.
Jehan Porchier, queu de la reine Marguerite -.
Gervese, queu du comte d'Artois.
Pierre, queu du comte de Pontliieu.
Robert, queu de l'ahbaye Saint-Cîermain des
Pivs.
Thomas l'Kscol, queu de l'abbaye de Saint-
Victor 3.
D'après la Taille de 1300, Jeanne de Navarre,
femme de Philippe le Bel, avait pour queu Henry
Becaire *.
Le maître queu du voi[magistercoqims,pr inceps
coquoriim) jouissait de quelques curieux privi-
lèges. Ainsi, les jurés des poissonniers fixaient la
valeur du poisson prélevé, en vertu du droit de
prise ^, pour l'usag'e de la maison royale. Mais
le premier queu, chargé d'en faire choix au
marché, nommait lui-même ces jurés, et ceux-ci
prêtaient entre ses mains le serment de « bien et
ioaiaument » procédera l'estimation du poisson,
sans favoriser ni le roi ni les marchands ". Le
premier cuisinier avait aussi la garde de l'étalon
destiné à contrôler les filets des pêcheurs de l'eau
du roi, et il devait les saisir s'il y trouvait des
mailles trop étroites "^ . Depuis Pâques jusqu'à la
Saint-Remi (!•"' octobre), il fallait qu'un gros
tournois posé à plat sur chaque maille put
aisément passer à travers. De la Saint-Remi à
Pâques, on ne tolérait plus que la largeur d'un
gros parasis ^.
Au siècle suivant, la communauté des
cuisiniers se partage en deux branches ; l'une,
conservant les statuts primitifs, prend le titre de
rôtisseurs et figure sous ce nom dans l'ordon-
nance des Bannières (1467) ; les maîtres de
l'autre s'institulent charcutiers et reçoivent de
nouveaux statuts en 1476. Ces deux métiers,
très aimés du petit peuple, poursuivent modes-
tement leur carrière, pendant que Henri IV crée,
en 1599, la corporation plus relevée des queux-
cuisiniers-porte-chuppes, titre auquel elle ajoute,
en 1708, celui de traiteurs.
En 1736, il y avait à la cour, pour la bouche
du roi, quatre maîtres queux, et pour les
communs huit maîtres queux servant par
quartier ^ .
Voy. Charcutiers. — G-ueux. — Rôtis-
seurs. — Traiteurs, etc.
1 Lirre des méfiers. titre LXIX.
2 Veuve de saint Ijouis.
3 Pages 11, 26, 38, 130, 166, 174.
4 Page 3.
5 Voy. l'art. Prise (Druit de).
6 Livre des méfiers, titre G.
'' Livre des métiers, titre XCIX.
8 Voy. les Ordonn. royales, t. I, p. 792, et Delamarre,
Traité de la police, t. III, p. 296.
9 État de la France pour 1736, t. 1, p. 203 et 216.
Guitiers. Voy. Kôtissaurs.
Gulleriers. Voy. Cuillsristes.
Gulottiers. Ils appartenaient à la corpo-
raliDn des ijoiirsiers. ils employaient les peaux
de bouc, de chamois, de daim, de cerf, d'âne,
de mouton, etc. Sous Louis XVI, le sieur
R()])ert, « culottier très renommé et guêtrier
ordinaire du Roi », demeurait rue Daupliine '.
Guls-blancS. Surnom donné aux porte-
balles.
Gultilers et Gultiliers. Voy. Jardi-
niers.
Gultivateurs. Gultiveurs. Gulti-
viers. Voy. Agronomes.
Gure-dents (Marchands de). Le cure-
oreille, le cure-dent et le cure-ongle, sont très
fréquemment cités dans les inventaires des
treizième et quatorzième siècles, le premier sous
les noms de escurète et de curoreille, le second
sous ceux de fiirgoere, de fusequoir, de furgette,
de coiUelet, de coutel, etc. Le cure-dent portait
parfois à l'une de ses extrémités un cure-oreille,
car l'inventaire du roi Charles V mentionne « ung
petit coutelet d'or à façon de furgette à furgier
dens et à curer oreilles, pesant quatre esterlins ^ » .
Quand le comte de Foix alla visiter dans sa
prison son fils Gaston, « il tenoit un petit long
coutel, dont il appareilloit ses ongles et
nettoyoit -^ ». On se servait aussi du gratte-
langue, appelé au siècle suivant petite cuiller à
nectoyer la langue.
Tous ces objets se vendaient chez les merciers.
Au seizième siècle, l'emploi du métal est
condamné. La Framboisière , médecin de
Louis XIII, professe que « les cure-dents doivent
être faits de lentisque, de myrte, de romarin ou
de cyprès '>■ ». On y ajouta plus tard le bois de
rose et le fenouil qui, dit Furetière ^, ont la
propriété de « donner bonne bouche lorsqu'on
les mâche ». Tantôt on piquait les cure-dents de
fenouil dans des fruits confits placés sur la table
à portée des convives, tantôt on leur offrait des
branches de fenouil chargées de cure-dents.
Au dix-huitième siècle, les cure-dents faisaient
partie du commerce des palenôtriers-bouchon-
niers. En 1726, les statuts de ce métier autorisent
les maîtres à confectionner des « volans à
jouer », et ils ajoutent: « A l'esgard de l'excé-
dent de plumes qui entrent dans la confection
des volans, pourront en faire des cure-dents, si
bon leur semble ^ » .
Gure-retraits et Gureurs de retraits.
Voy. Vidangeurs.
t Almanach Dauphin.
^ \oy. J. Laharte, Inventaire du mobilier de Charles V,
n° 2. 82*8.
3 Kruissart, CJironique, liv. III, cliap. 13, édit.
Buchon, t. II, p. 403.
i I^e pourtraict de la santé, p. 364.
3 Dictionnaire étymologique.
6 Article 26.
244
CUREURS D'ÉGOUTS - DAMASQUINEURS
Cureurs deg-outs. Voj. Égoutiers.
Cureurs de piiits. Au seizième siècle, ils
parcouraient les rues en offrant leurs services :
A curer le puys
C'est peu de practique,
La gaigne est petite
Plus gaigner ne puis 1.
Los cureurs de puits, dits aussi puUiers,
appartenaient à la corporation des vidangeurs,
article auquel je renvoie. Mais il faut bien dire
qu'une foule d'autres corps d'état et même des
soldaLs leur faisaient concurrence.
Curiosités (Marchands de). Leur métier
iH- paniit friii^re antérieur au dix-septième siècle,
et à ce moment ils portent le nom de brocanteurs.
Le Livre commode pour 1692 les range, il est
vrai, sous la rubrique commerce de CHriositez et
de hijouleries -, mais l'abbé Jaubert en 1773,
définii ainsi le métier : « Le brocanteur est celui
qui fait trafic de diverses sortes de marchandises
(le hasard. Ce nom convient principalement aux
marchands antiquaires, qui tiennent magasin de
bronzes, de médailles, de statues, de porcelaines
anciennes, de vases antiques, etc. ** ». Notez
qu'il fallait déjà redouter les contrefaçons, et se
méfier de certains brocantenrs coutnmiers d'une
<s iiwbislrie qu'il est bien important de connoître
piiiir n'en point être la dupe * ».
Quelques brocanteurs ont laissé un nom
presque célèbre et sont souvent cités dans les
écrits du temps. Je citerai seulement Dautel ou
I)otel, établi quai de la Mégisserie, et qui est
mentionné piir Regnard et par Lesage ; Malafer,
demeurant quai de l'horloge, qui fut mêlé à la
fameuse affaire des couplets de J.-B. Rousseau ;
Quesnel, rue des Bourdonnais ; Fagnany, quai
de l'École, etc., etc.
L'ordonnance du 26 juillet 1777 enjoignit aux
marchands fripiers , tapissiers , brocanteurs ,
etc. », d'avoir un registre coté et paraphé par le
commissaire de leur quartier, et d'y « inscrire
jour par jour, de suite et sans aucun blanc, la
quantité et la qualité des marchandises vieilles
qu'ils achèteront, ensemble les nom et domicile
des vendeurs ».
Guvandières. Voy. Blanchisseurs.
Cuve Papetiers travaillant en). Titre
que prenaient les cartonniers, parce que, comme
les fabricants de papier, ils faisaient pourrir le
chiffon dans des cuves.
Guveliêrs. Ducange les nomme cuparii
et cuperii. Ils fabriquaient en bois les « cuves à
baigner » qui, au seizième siècle encore, tenaient
lieu de nos baignoires ; ils faisaient aussi les
baquets de toute espèce et les tinettes qui
servaient à conserver les beurres salés, les
beurres fondus, etc. C'étaient de petits tonnelets,
munis de deux oreillettes, dans lesquelles passait
un bâton qui maintenait le couvercle. On en
criait dans les rues de Paris ^. Il faut certai-
nement reconnaître les cuveliers dans les
ôaqtietiers que cite l'auteur du Calendrier des
confréries -. Ces industriels appartenaient à la
corporation des tonneliers.
Cuyttiers. Voy. Rôtisseurs.
Cyrurg"iens. Nom que le Livre des métiers
donne aux chirurgiens.
Cythareurs. Voy. Cithareurs.
D
Damasquineurs. C'est de l'Urieni, de
Damas sfins doute, que nous est venu l'art de
dfinuisquiiier li-s métaux, et il ne semble pas qu'il
ail ele (•«miiu en France avant le seizième siècle.
Halielais 5 parle d' .< un gnulielet de lierre bien
précirux, battu d'or à la (laniasquine », el je n'ai
pas ronronlré uno plus ;inrienne nienlinn de ce
jj^«'nre.
^ Slfiizzi, passionne poiu- les belles armes,
s'elTorrn avec succès d'introduire à Paris les
• .\ Tnir|Uet, Ltt cfMt el srpi ciis, etc.
' Tome I. p. 2.36
' Oiffinminirf, t |, p. 331».
* AlméuiarA Doupkin pour 1171.
5 Panlajrtitl. liv. IV, ch. 1.
procédés employés par les artisans milanais ■*,
et en août 1583, Henri III donna des statuts
aux damasquineurs, dit M. É. Levassenr qui
en fournit le texte *. Je ne crois pourtant pas
qu'ils aient jamais été constitués en communauté
régulière, car une foule de corporations, les
doreurs, les couteliers, les armuriers, les four-
bisseurs, les arquebusiers, les éperonniers, etc.,
avaient le droit de damasquiner leurs ouvrages
et prenaient officiellement le titre de damas-
quineurs.
' A. Truquet, Les cent et sept cris, etc. (1545).
- .I-B. Lemasson, 1621, (p. 38).
•♦ Voy. Brantôme, Œuvres, t. VI, p. 70.
* Histoire des classes ouvrières, t. II, p. 143.
DAMASQUINEUKS — DANSE
245
Beiivenulo Gelliiii fournit à François P' quel-
ques pièces admirables , mais le plus habile
artiste en ce genre qui ait existé semble avoir
été le fourbisseui' (Àusinel; certaines armes
fabriquées par lui sous Henri IV sont des chefs-
d'œuvre de luxe et de goûl '.
Dame du lit de la reine. Char<>:e créée
le 2 avril 1673 en faveur d'une dame Diifresnoy.
Celle-ci, préposée sans doute à tout ce qui con-
cernait le coucher et le lever de Marie-Thérèse,
prenait ran<> après toutes les dames de la reine et
avant les (i;'ouvernantes des enfants de France.
Cette charg'e fut supprimée après la morl île
Marie-Thérèse en 1683 -.
Dames de compag-nie. \'o_y. Demoi-
selles de compagnie.
Dangereux (Sergents). Voy. Traver-
siers.
Danse (Maîtres de). Mentionnons d'abord,
pour mémoire, que la Taille de 1292 cite, parmi
les plus humbles imposés de Paris, un baleetir
qui pourrait bien avoir été une sorte de maître de
danse ^. Rappelons aussi que la première fête de
cour à laquelle on puisse donner le nom de bal
eut lieu en 1385, à l'occasion du mariage de
Charles VI avec Isabeau de Bavière.
Passons au seizième siècle. D'Aubigné * et
Tallemant des Réaux ^ nous ont révélé la passion
de Sully pour la danse : « Tous les soirs, la
Roche jouoit sur le luth des danses du temps,
et M. de Sully les dansoil tout seul, avec je ne
sçay quel bonnet extravagant en tête ». Il est
vrai que Sully avait à peine cinquante ans
quand Henri IV fut assassiné. Nous savons encore
par Tallemant qu'à cette époque, ce n'étaient
pas les hommes qui invitaient les dames, mais
que les dames choisissaient elles-mêmes leurs
danseurs ^.
Louis XIV aima fort la danse. Il avait eu pour
maîtres d'abord Henry Prévost ', puis Charles
de la Motte, et Louis Lasseré ^. Les maîtres à
danser, alors dits baladins ^, appartenaient
encore à la communauté des joueurs d'ins-
truments ; mais, en mars 1661 , fut créée
l'académie de danse, composée, disent ses pre-
miers statuts, des « treize plus anciens et plus
expérimentez maistres à danser, et plus experts
au fait de la danse ». Je vois cités parmi eux
« François Galland, sieur du Désert, maistre
ordinaire de la reine, et Jean Renaud, maistre à
danser de Monsieur, frère du Roy ». Une tren-
taine d'années après, les professeurs les plus
célèbres étaient MM. de Beauchamp, maître de'
ballets du roi ; Raynal, maître des enfants de
1 Voy. Félibien, Principes d'architecture, p. 455.
2 Voy. A. Jal, Dictionnaire critique, p. 465.
3 Page 486.
4 Baron de Fœneste, liv. I, ch. 21.
5 Historiettes, t. I, p. 115.
6 Tome V, p. 353 et 365.
"^ Estât général de la maison du Roy (1657), p. 115.
8 .\. Jal, Dictionnaire critique, p. 98 et 804.
^ Voy. ci-dessu.s cet article.
France ; et Pécourl, maître des pages di* la
chambre ^ .
Ces artistes en vogue allaient donner leurs
leçons accompagnés d'un serviteur qui portait le
violon -. lis se faisaient payer fort cher.
Regnard n(His l'apprend dans sa farce du
Divorce, jouée au théâtre italien en 1688:
« CoLOMBiNE. Un demi louis d'or pour une
leçon ! On ne donnoit autrefois aux meilleurs
maîtres qu'un écu par mois. Arlequin. 11 est
vrai ; mais dans ce temps-là, les maîtres à
danser n'étoient pas obligés d'être dorés dessus
et dessous comme à présent, et une paire de
galoches étoit la voilure qui les menoil par toute
la ville ». Pourtant, s'il faut en croire la prin-
cesse Palatine, l'art de la danse était alors beau-
coup moins apprécié qu'aux beaux jours de
la jeunesse de Louis XIV. Elle écrivait le
14 mai 1695 : « La danse est maintenant passée
de mode partout. Ici en France, aussitôt qu'on
est réuni, on ne fait rien que de jouer au lans-
quenet. Les jeunes gens ne veulent plus dan-
ser ^ ». Ceci restait vrai vingt ans après, car
Nemeitz, racontant son voyage à Paris constatait
que r « on voit peu de François qui dansent bien
et qui ont envie d'apprendre à danser ; on trouve
dans une salle de danse dix étrangers coidre un
François ». Ce qui ne l'empêche pas d'ajouter :
« Tout le monde apprend aujourd'hui à danser
un menuet ; c'est au point que, même les com-
pagnons cordonniers et tailleurs prétendent y
exceller * ».
A la fin du dix-huitième siècle, les maîtres les
plus recherchés étaient les sieurs :
Chevalier, rue Saint-Honoré, qui tenait chez,
lui, les dimanches et fêtes, des « assemblées
bourgeoises depuis six heures du soir jusqu'à dix.
Prix 1 livre 10 sous ».
Vestris, rue Saint-Honoré, « un des premiers
danseurs de l'Opéra et des plus célèbres de
l'Europe pour la grâce et l'aplomb ».
Delaval, rue Basse-du-Rempart, maître à
danser des enfants de France.
Gardel, rue Villedo, « un des plus célèbres
danseurs de l'Europe ».
Lany, rue Saint-Louis du Louvre, maître de
ballets de l'Opéra.
Pitrot, rue Comtesse-d'Artois, maître de
ballets de la Comédie italienne.
Lyonnois, rue Montmartre. « Un des premiers
danseurs de l'Opéra pour les hautes danses et
les furies ^ ».
Baltazard, rue de Cléry, « renommé pour le
menuet *• ».
Voy. Instruments (Joueurs d') et
Musique.
1 Livre commode pour 1692, t. I, p. 256.
2 Voy. Bmeys et Palaprat, Le grondeur, acte II, se. 23.
•t Nouvelles lettres, p. 2.
i .Séjour de Paris, édit. Pion, p. 24 et 25.
î> On nommait ainsi les endroits les plus vifs, les
plus passionnés dfs ballets.
6 Almanach Dauphin pour 1777.
•246
DANSEURS DU ROI - DÉCHARGEURS DE VIN
Danseurs du roi (Grands). Louis XV
ontendant sans cesse parler du théâtre dirigé par
J.-B. Nicûlet, désira assister à une représen-
tation. La troupe fut mandée à Choisj le 23 avril
1772. et sut, par ses tours de force et d'adresse,
ses danses excentriques, ses exercices sur la
corde, ses sauts périlleux, amuser un instant le
monarque blasé. Celui-ci, en retour, autorise
Nicolfl à s'intituler directeur du théâtre de-
grands danseurs du roi, nom auquel succéda, en
17'.t2. celui de théâtre de la Gaîté.
Dariolettes. Voj. Entremetteuses.
Débacleurs. Officiers de la \ille. Il:
étaient chargés d'éloigner les bateaux vides
pour niellre à leur place ceux qui étaient à
décharger * . « Les desbacleurs, dit l'ordonnance
de décembre 1672 -, feront ôter incessamment
des ports les bateaux vuides, sans prétendre
autres droits que ceux à eux attribuez ».
On les trouve aussi nommés Boule-à-por(,
Maîtres de quai, etc.
Débardeurs. Les débardeurs ou déchar-
geurs «'nlt'vaie-nt les marchandises au fur et è
mesure de l'arrivée des bateaux et les déposaient
sur le port. Ils étaient nommés par le prévô!
des marchands, entre les mains de qui ilsjuraienl
« que bien fidèlement et loyalement exerceront
ledit office, qu'ils n'exigeront ne prendront plus
grand salaire que celuy qui sera ordonné, qu'ils
garderont les ordonnances, et que s'ils sçavent
cliose qui soit au préjudice du public, ils le
feront incontinent sçavoir aux prevost des
mardiands et eschevins ». Ils déchargeaient toute
es{)èce de marchandises, sauf les boissons, pour
les(jMelles les dcchargeuTS de vin avaient un
privilège.
La Taille de 1292 cite 45 descharcheeurs.
Leur nombre, fixé à 57 par l'ordonnance de
1415 varia fréquemment dans la suite.
I^es dér.har(jeurs de bateaux et de tontes sortes
dr mnrchanaisei avaient pour patron saint
Clirislophe, {[u'ils fêlaient le 25 juillet à la
chapelle de l'Ave-Maria. Les dérhardeurs de bois
forniaieril, en ouirc. une (•,t)niV('rie |)liicée sous
le palroiiiige de saint Nicolas.
\'V. Déchargeurs de bois et Ports
(Sur los).
Dtl»;ii(l»Mirs de foin. Voy. Courtiers.
DécharKeiirs. \ ny. Débardeurs.
D(''chariL,^eurs de bois. « C'esi un travail
decliirnnl à voir (|ue celui qui fait soi tir des
rives boueuses de |ii Seiue tout ce bois qu'on
arniche, qu'on ««pare el qu'on porte à dos
d'homuies dans les chanliers. Les travailleurs
sont nnds. plongés n nn'-corps dans la rivière.
leur front est Irenipé de sueur. La pâleur de
leur visnjre annonce qu'ils ne résisteront pas
l.>riL'leinp!« a ce labeur pénible. Leur corps est
I Dnlonnnnrr df frrrifr t4l5. rjinp 'A.
' Chop. 1\ , art. lo.
tout défiguré par la vase fangeuse qui souille
leurs membres et semble affaiblir leurs nerfs ^ ».
Ils avaient pour patron saint Nicolas.
Voy. Débardeurs.
Décharg"eurs sous corde. Titre que
prenaient les emballeurs.
Déchargeurs de cuirs. Voy. Ven-
deurs.
Décharg-eurs de poissons. Auxiliaires
des vendeurs de poissons de mer, ils déchar-
geaient les paniers apportés par les chasse-marée.
Voy. Compteurs.
Décharg-eurs de vin. Ils avaient seuls le
droit de décharger les vins, cidres et autres
breuvages qui arrivaient à Paris, tant par eau
que par terre. La Taille de i.?P5 cite seulement un
descharcheetir de vin, celle de 1300 en cite deux.
Il y en avait certainement davantage, mais les
autres sont compris parmi les nombreux deschar-
cheeurs que mentionnent ces deux tailles.
Une pièce de la fin du treizième siècle, qui a
été publiée par G.-B. Depping ^, nous montre que
les deschargeurs de vins étaient alors exemptés
du service du guet.
Le titre VII de la grande ordonnance du
30 janvier 1351 régla le prix que pouvaient
demander les déchargeurs de vin pour descendre
une pièce en cave, pour 1' « oster des nefz ^
et mener en l'hoslel '^ de celluy à qui y sera »,
suivant que celui-ci demeurait en deçà du
Grand-Pont ou du Petit-Pont, dans l'enceinte ou
hors de l'enceinte de Paris.
L'ordonnance de 1415 ^ réorganisa complè-
tement cette corporation. Quand un office de
déchargeur venait à vaquer, il y était pourvu
par le prévôt des marchands, qui ne devait le
donner qu'à un homme « de bonne vie, renom-
mée et honneste conversation, sans aucun blasme
ou reproche, et habile, suffisant, et idoine pour
iceluy office exercer ». Le nouveau déchargeur
était tenu, avant d'entrer en fonctions, de «faire
serment que bien loyanmenl et diligemment il
exercera ledit office, et fera résidence conti-
niielle à jours ouvrables sur le cay ^ du port de
Grève el autres lieux et places accoustumés,
afin que chacun qui en aura affaire en puisse
prompt ement finer ; et qu'il ne prendra ny
demandera plus grand salaire que celuy qui est
ordonné pour ledit office faire et exercer ».
11 n'avait plus ensuite qu'à fournir « caution
bourgeoise de la somme de trente livres pa-
risis ». La même ordonnance veut que « deux
commissaires » nommés par le prévôt et asser-
mentés aient pleine et entière autorité sur les
déchargeurs.
l/r'dilii.ii |)iil)liée en 1500 de celle ordon-
' S. Mercier, Tableau de Paris, t. XII, p. 334.
* Ordoiinaiices relatives aux tné/iers. p. 426.
•* l)(\s bateau.x.
* En la ilcnii'ure.
•'* Chapitre VIII.
" Sur le quai.
DECHÂRGEURS DE VIN
DECORATEURS
247
nance renferme ^ une gravure qui représente
deux décliarg-tnirs occupés à descendre à terre
un tonneau.
Vers la fin du quinzième siècle, les déchar-
geurs furent réunis aux tonneliers, avec lesquels
ils ne formèrent plus qu'une seule communauté,
celle (les tonneliers-deschargeurs de lu'ns ^. Ils
nen eurent pas moins, avec les débardeurs,
les forts, etc. de fréquents démêlés qui, en fin de
{•onq>te, laissèrent intacts leurs privilèiï-es. L'or-
donnance dite des Bannières (1467) les nomme
uDuleurs de vin, du vieux mol avaler qui sig^ni-
tiait descendre, et c'est ainsi, que les qualifie
encore Le Masson en 1621 dans son Calendrier
des confréries ^ .
L'ordonnance de 1672 est une des dernières
qui ait réglé les fonctions des déchargeurs de
vin ''. On n'y trouve, d'ailleurs, qu'un petit
nombre de prescriptions aujourd'hui sans intérêt.
En juin 1690, le roi créa, pour se procurer de
l'argent, quarante offices de roulenrs-chargews
de vin. Les tonneliers conservèrent seulement
leur titre de déchargeurs et le droit de porter les
tonneaux depuis le bateau jusqu'à terre ; là, les
rouleurs - chargeurs s'en emparaient et les
hissaient sur les voitures. Des discussions
s'élevaient chaque jour sur la limite des privi-
lèges reconnus à chacune des deux commu-
nautés, et il fallut supprimer la dernière venue.
En 1703 elle fut remplacée par cent vingt offices
de de'chargeurs- rouleurs -chargeurs. Mais les
marchands de vin continuèrent à s'adresser aux
tonneliers, et les querelles recommencèrent.
En 1705, on abolit les cent vingt offices, et on
en créa cent vingt autres, qu'il fut permis de
cumuler avec un autre métier : c'était euffag-er
les tonneliers à les acheter. Ceux-ci s'en gar-
dèrent bien, et n'en continuèrent pas moins ù
faire presque seuls le service du chargement et
du déchargement.
Déchireurs de bateaux. Ils achetaient
des bateaux hors de service, et les' dépeçaient,
vendaient les planches, les clous, les débris, etc.
Deciers. Nom que l'ordonnance des Ban-
nières (1467j donne aux faiseurs de dés à jouer.
Decimateurs. Voy. Dîmiers.
Déclamation (Maîtres de). « On ne
déclame pas, on ne représente pas toujours ;
mais on a toujours besoin d'observer une pronon-
ciation correcte et de supprimer un geste peu
convenable : c'est ce qu'enseigne très bien l'art
de la déclamation. On y peut donner quelque
attention, moins peut-être pour acquérir des
perfections d'apparat et de représentation, que
pour éviter des défauts assez communs dans la
société ^ ».
1 Folio XXI.
2 Ordonn. royales, t. XVI, p- 656.
3 Pages 36, 39 et 88.
4 Ctiap. XIII.
5 Jèze, Etat ou tableau de la ville de Paris, édit. de
1760, p. 190.
Vers la fin du dix-huitième siècle, les prin-
cipaux maîtres de déclamation appartenaient
presque tous au théâtre. C'étaient MM. Grandval,
Lanoue, Lekain , Sarrazin , M"*^^ Clairon,
Dumesnil, Gaussin et (irandval.
Décorateurs . \oy . Fleurs artifl -
cielles (Fabricants de).
Décorateurs | pour le théâtre]. Au
mojen âge, dans les mystères représentés en
plein air, c'est sur l'éciiafaud même, recouvert
tle toile ou de papier, que les peintres brossaient
de naïfs et rudimentaires décors. l*]ncore faut-il
voir là une rare exception. Comme l'auleur
faisait, sans aucun scrupule, changer jusqu'à
huit ou dix fois le lieu de l'action, comme on
représentait parfois dans la même pièce et dans
un long espace de temps, des batailles rangées,
des villes assiégées, brûlées, livrées au pillage,
etc., il fallait bien avoir recours à d'autres
procédés. Alors, au début de la pièce, un des
auteurs s'avançait et venait exposer d'avance aux
spectateurs dans quels endroits allaient se
dérouler les événements, et même lui révéler,
au besoin, toutes les péripéties de la pièce.
C'était le prologue :
Cette habitacle ci-présente
Paradis si nous représente.
Ptiilippe, l'empereur romain
Qui tout homme tient dans sa main,
Est en ce haut palais assis.
Enfin, on suppléait parfois à ces prologues par
des écriteaux qui désignaient les divers lieux où
se transportaient successivement les personnages :
Afin d'ennuy fuir, nous nous tairons
Présent 1 des lieux. Vous les povez congnoistre
Par l'escritel que dessus voyez estre 2.
Au commencement du règne de Louis XIII,
des toiles peintes et tendues sur châssis fixes
inaugurèrent le décor actuel. On eut aussi l'idée
de donner une disposition oblique aux châ.ssis
disposés des deux côtés de la scène. Auparavant
parallèles à la muraille, on les décomposa en
plusieurs parties qui, placées en biais, se présen-
tèrent presque de face aux spectateurs, et, tout
en dissimulant les murs du fond, laissèrent des
espaces libres pour l'entrée et la sortie des
acteurs.
La règle des trois unités, qui date du dix-
septième siècle, simplifia le travail du décorateur;
il n'eut plus à fournir que deux ou trois décors,
palais, jardin, rue, salon, suffisants pour repré-
senter une multitude de pièces.
Parmi les peintres qui se distinguèrent alors
dans l'art du décor, il faut citer surtout Torelli
et Vigarani appelés de Rome par Mazarin ;
Bérain, qui brossa les décors à^Esther ; Servan-
doni ; Boucher; Fragonard ^ ; Pietro Algieri,
qui figure, en 1760, dans le personnel de l'Opéra
avec le titre de « peintre pour décorations ». A
1 Pésentement.
2 Petit de JuUeville, Les mystères, t. I, p. 384 et s.
•' G. Bapst, Essai sur l histoire du théâtre, passim.
248
DÉCORATEURS — DÉCROTTE [JRS
la même date, le sieur Duclos est dit « décorateur
machiniste de la Comédie italienne ^ ».
\oy. Théâtre.
Découpeurs. H-^ confectionnaieni, soit à
reniporle-pièce, soit à régrali<,nioir, soit au fer
chaud, suit au métier « tous les petits ouvrages
de modes qui servent à rornement des robes des
dames ». Celaient eux aussi qui fabriquaient les
raouc/ies.
Les découpeurs furent lantùl réunis aux
brodeurs, tantôt indépendants. Au milieu du dix-
huitième siècle, les maîtres étaient au nombre
de (|niiize. l'apprentissage durait six ans et le
compagnonnage trois ans, le chef-d'œuvre repré-
sentait une aune de travail. La communauté
avait pour patron saint Clair et pour titre officiel
(léoiupeio-s-fjuufrev.rs-égratigneurs.
\'i)v. Agréministes. — Mouches (Fai-
seurs de). — Silhouettes.
Décrotteurs. Ils ne sauraient faire remonter
bien haut leur origine, car je ne rencontre pas
trace de leur existence à l'époque où leur inter-
vention eut été le plus utile.
.\vant que les carrosses fussent deveiius d'usage
ordinaire, on changeait de chaussure, les jours
di; pbiir. avant de se présenter dans une maison.
Les Loix de lu (jalanlerie publiées vers 1044,
s'expriment ainsi : « Si les galands du plus bas
eslage veulent visiter les dames de condition, ils
r<-niarquenjnt qu'il n'y a rien de si laid que
d'entrer chez elles avec des bottes ou des souliers
crnttez, spécialement s'ils en sont logez fort loin ;
car (|uelle apparence y a-t-il qu'en cet estât ils
ailliMit marcher sur un tapis de pied et. s'asseoir
>ur un l'aul-œil de velours V C'est aussi une chose
infâme de s'esire coulé de .son pied d'un bout de
la ville à l'autre, (juand mesme on auroit changé
de soidif-rs à la porte, pource qiuî cela vous
accuM- de (juelque pauvreté -.
11 faut bien conclure de ceci qu'au milieu du
dix-st'plième siècle l'industrie des décrotteurs
n'existait pas encore. Mais nous savons qu'elle
était d<\jii llorissanle au début du siècle suivant,
car Nemeitz écrivait en 1718: « On trouve
partout des décrotteurs qui s'offrent, avec toutes
le> llatl('|•i(•^ iinagiii;di!es. à vous décrotter les
sotditTs ■'' >..
Nous les voyons, un peu |)hi> lard, divisés en
Iniis chisscs :
1" I.,«'s décroltt'urs résiJenls, (pii occupaient
une place fixe, suit dans un carn-four, soit sur
l.'s hiuits trottoirs du Pont-Neuf ou du Pont-
Hoynl.
2" l^s décrolt.'urs imbulants, qui parcouraient
les mes en proposjuil leurs services.
T Les décrotteurs an mots, atUichés ù des
mniHun-» pnHiculièrps, à des hAfels meublés, etc.
' Ji'7^, ÊM OU tttbifah „r ,„ riiu ,lr Piins,
1 3 H 9
2' |iartif,
'^^"•■"■/ '/'* pifw en proft les plus agréables de ce temps,
3 Le téJQur dt Purù, édil. Pion, p. 56.
Le métier n'exigeait qu'un capital insiguitiant,
était simple et facile. <,< Ils se servent d'une petite
sellette pour faire appuyer le pied de celui
dont ils doivent décrotter les souliers, d'un
mauvais chiffon pour ôter la boue qui est autour
du soulier, d'une décrottoire pour enlever ce que
le chiffon a laissé, et d'une polissoire pour étendre
ég-alement la cire ou l'huile mêlée de noir de
fumée qu'ils ont répandue sur l'empeigne. Ils ne
noircissent le soulier qu'après qu'ils ont passé du
blanc d'Espagne sur les boucles avec une petite
brosse faite exprès ; ils se servent d'une autre pour
ôter la crotte qui s'est attachée aux bas en
marchant. Ils mettent ainsi ceux qui n'ont point
d'équipage en étal de se présenter plus honnê-
tement dans les maisons où ils ont affaire.
Les décrotteurs attachés à des maisons parti-
culières se tiennent communément dans les hôtels
garnis, où non seulement ils décrottent les
souliers de ceux qui y logent, mais encore
neltoyent leurs habits, leur servent comme valet
de chambre el font leurs commissions. On les
prend ordinairement au mois ^ ».
Sébastien Mercier vante surtout l'habileté des
décrotteurs résiflents installés sur les trottoirs du
Pont-Neuf. « La célérité, la propreté, dit-il 2,
distinguent ces décrotteurs-là ; ils sont réputés
maîtres... S'il pleut ou si le soleil est ardent, on
vous mettra un parasol en main, et vous con-
serverez votre frisure poudrée ». Et cette délicate
attention n'augmentait pas le prix de l'opération :
« De temps immémorial, dans toutes les saisons,
à la porte des spectacles ou ailleurs, quelles que
soient les variations des comestibles ou le hausse-
ment des monnoies, on paie invariablement deux
liards pour se faire ôter la crotte des bas et des
souliers ■' ».
Les choses ont bien changé vingt ans après.
Une révolution a passé par là, et d'immenses
progrès se sont accomplis. Ecoutez un peintre des
mœurs parisiennes à la tin du dix-huitième siècle :
«. Tout tend vers la perfection, toutjusqu'à l'art du
décrotlage. Il y a quelques années, un savoyard
maladroit, un grossier auvergnat brossait rude-
ment les souliers sans épargner les bas, el noircis-
sait quelquefois ces derniers aux dépens des autres
avec de l'huile puante mêlée à un peu de noir de
fumée. .Xujourd'hui , un artiste muni d'une
é|)onge et de deux ou trois pinceaux de diverses
grosseurs eflleure la chaussure, en enlève à peine la
boue et recouvre le toutd'un cirage noir et brillant.
Entrez dans cette boutique au Palais-]<]galité *,
près du théâtre. On vous offre un fauteuil, un
journal ; asseyez-vous et lisez, lisez ou plutôt
examinez la gravité de l'artiste décrotteur, et
voyez comme la célébrité a imprimé une sorte de
dignité à ses traits ^ ».
1 JaiibfTt, Dicfionnaire des arts et métiers, édit. de
1773. t. II, p. 14.
* Vfr.s 1780.
•' Tnbleau de Paris, t. VI, j). 1.
* Le Palai.s-Royal.
'•' J.-B. Pujoulx, Paris à la fin du dix-huitième siècle
,1801], p. 98.
DECROTTEURS — DÉMÉNAGEURS
249
Nous savons encore que ces artistes avaient
« une toilette de garçons limonadiers ou restau-
rateurs », et qu'ils faisaient parfois des recettes
de deux cents francs '.
Deeliers. Nom que la Tuillc (k l'^'J-J donne
aux faiseurs de dés à coudre.
Deessiers. Fa])rican(s de ilés àjouer.
Vuy. Dés.
Défenseurs officieux. Voy. A.vocats.
Dégraisseurs. La Taille de 1292 men-
tionne un laveeur de robes, qui ne peut guère être
qu'un dégraisseur. On criait alors dans les rues
la:
Terre à laver pour dégresser,
de la terre à foulon, sans doute.
Le Ménagier de Paris, en 1393, indique les
procédés employés dans les ménages bourgeois
pour enlever les taches faites sur les étoffes, pour
les préserver des mites durant l'été, etc. ^. Pour
dégraisser les tissus de soie, on se servait surtout
de la craie de Briançon.
Lin dégraisseur ambulant, qu'on trouve cité par
plusieurs écrivains des seizième et dix-septième
siècles, est resté célèbre sous le nom de crienr de
maie loche.
A la malle tache,
La sueur du bonnet ^ras !
A profiter voluntiers tasche,
Et si je n'en suis pas plus gras ! 3
Le poète Sjgogne écrit dans Le pourpoint
d'un courtisan, satire imprimée à la suite des
œuvres de Mathurin Régnier :
Maintes fois le maistre bravache
Eust appelle la malle tache.
Pour ce vieux chiffon dégresser.
Et de la Ronce dans Le bas de soye d'un
courtisan :
Elles te firent mainte tache
Où le crieur de male-tache
A bien perdu tout son latin.
Enfin Régnier a fort tourmenté les commenta-
teurs par ces trois vers :
... .il graissa mes chausses pour mes bottes
En si digne façon que le frippier Martin
Avec sa malle-tache y perdroit son latin.
Brossette s'est donné beaucoup de peine pour
expliquer ce que pouvait être cette maie (mauvaise)
tache, et il finit par déclarer qu'on nommait ainsi
« le fripier ou le dégraisseur qui levoil les
taches * ».
M. Viollet-le-Duc est plus près de la vérité
quand il dit que ces mots désignent « une pierre
à détacher ou un savon à dégraisser inventé par
le fripier Martin, et analogue aux ingrédiens de
même nature que nous voyons vendre sur les
places publiques ^ ».
1 L. Pmdhomme, Miroir de Paris (1807), t. 1, p. 313.
2 Yoy. le t. II, p. 65.
•' Les cent et sept cris que l'on crie journellement à Paris.
i Page 167.
^ Page 139.
Cependant la male-tache n'était ni une pierre
ni un savon. En effet, parmi des gravures du
seizième siècle conservées à la bibliothèque de
l'Arsenal figure un crieur de malle tache; or, il
porte de la main droite une bouteille à gros
ventre el de la gauche un bàtoniiel qui servait
sans doute à frotter l'étofte pour la dégraisser.
L'article 79 de V Instructio7i générale du
17 mars 1671 attribua aux teinturiers du petit
leint le droit de reteiudre les vieux habits et les
vieilles étoffes : il'oii leur nom de dégraisseurs ou
détacheurs. Ils ne possédaient point, d'ailleurs,
le monopole du dégraissage. Les chapeliers
dégraissaient eux-mêmes les chapeaux, de même
qu'ils les teignaient ; et quand il ne s'agissait
que d'enlever les taches faites à un vieil habit ou
à une vieille étoffé, c'était presque toujours aux
fripiers que l'on s'adressait.
Il restait encore aux dégraisseurs proprement
dits assez d'occupations pour leur permettre de
mépriser cette concurrence. Car voici l'extrait
d'une adresse qui date de 1705 et qui est conservée
au musée Carnavalet : « Le sieur Simon, rue des
Xonaindières, nétoje, fait teindre toutes sortes
d'habits d'hommes et de femmes, étoffes desoje,
de laine et de fil, bas de soye et de laine en toutes
couleurs, velours, panes, satins, tabis, moires,
damas, brocars d'or et d'argent, taffetas, ferran-
dines, camelots, .ratine, ras de (lênes, et ôle
toutes sortes de taches de vin, d'urine, de pissat
de chiens, de chats, .sans reteindre les étoffes...
Il a aussi le secret de démarquer les marques des
galons et des dentelles de broderie de dessus la
pane et le velours, et relève le poil lorsqu'il est
froissé, et luy donne le lustre comme tout neuf.
Il reblanchit toutes sortes de galons, dentelles
d'argent sans détacher les galons qui sont sur les
habits et dessus les ornemens d'église ».
J'arrête ici l'intéressante énumération des mérites
du sieur Simon, bien que j'en aie reproduit la
moitié tout au plus.
Deiciers. Nom que le Livre des métiers et
la Taille de 1292 donnent aux faiseurs de dés
à jouer.
Voy. Dés.
Deiliers. Nom que la Taille de 1313 donne
aux faiseurs de dés à coudre.
Voy. Dés.
Delisseuses. Voy. Sallerants.
Délivreurs de bois. Voy. Fourrière
royale (Service de la).
Délivreurs de glace. Voy. Qlace à
rafraîchir.
Démêleurs. Ouvriers brique tiers. Voy.
Batteurs.
Déménag"eurs. Pendant tout le moyen âge
el au dix-septième siècle encore, la haute société
eut en Europe les habitudes nomades que les
populations de l'Asie ont conservées. Tout le
mobilier se transportait au moindre déplacement,
et c'est ainsi que s'expliquent la forme des
250
DÉMÉNAGEURS - DEMI-CASTORS
meubles, leur pénurie, l'abondance des coffres,
bahuts, étuis, etc. De là aussi, à la cour, les
offices de porteurs de lits et meubles, qui sous
Louis XIV étaient au nombre de neuf, sans
compter le capitaine des mulets et ses garçons '.
Dans la célèbre nuit où fut conçu Louis XIV,
le roi, alors installé à Saint-Germain et se
trouvant forcé de passer la nuit au Louvre, n'y
trouva qu'un seul lit, qu'Anne d'Autriche y
avait fait préparer pendant la journée ^. En
effet, lorsque la cour s'était rendue à Sainl-
(iermain, tout le mobilier du Louvre l'y avait
suivie. Au retour à Paris, on réemménageait au
Louvre et il ne restait pas un matelas à Sainl-
(iermain.
Chez les princes, chez les g-rands sei<^neurs,
les déménafii'eurs . étaient représentés par les
portefaix de la chambre, qui faisaient partie de
la domesticité ^,
Les bourj^eois se servaient des crocheteurs. Ils
s'en servaient même souvent, car, dès le seizième
siècle, on avait constaté l'humeur vagabonde des
Parisiens. « Ils déménagent tous les trois mois»,
écrit en 1577 l'ambassadeur vénitien Lippo-
mano*. Et Sébastien Mercier écrivait à son tour
deux cents ans après : « Vous voyez tous les trois
mois, depuis le liuit jusqu'au vingt, des charrettes
surchargées de meuljles, qui circulent pesamment
dans tous les quartiers. Ce sont des mutations
éternelles ; tel fauteuil délabré va du faubourg
Saint-(îermain au faubourg Saint-Antoine. On
le pnjmène ainsi depuis dix années qu'il suit son
maître errant ; et il faut que toute la ville voie
la chaise percée qui voyage. Il y a des gens qui
(himénageiit aussi fréquemment que les filles de
j'iie, parce que. faisant de nouvelles connoissances,
ils lran>porteiil autant de fois leur mobilier dans
le Voisinage qui leur convient. Tel garçon, dans
l'espace de quatre années, a déménagé quinze
fois, et ne se trouve pas bien encore ; il faut le
suivre à la piste ; il a sauté de rue en rue, ainsi
que fait l'iiiseau sur les branches de l'arbre ^».
Demi-castors Episoup: dks). A force d'être
transformé en doidilurede robes et en chapeaux,
le castor était devenu rare, et la race menaçait
ini^nu' <le s'éteindre. La mode des toques n'a
peul-iMre pas tl'autre origine. Le nouveau monde
révéla eiiliii au vieux continent des trésors jusque-
là restés sans emploi, et la prise de possession du
(ianada par la France vint fournir aux Parisiens
des légions innoinlirables de rinléressant ron-
geur dont ilsaiinaieiil tant à se coiller. La vogue
des peaux de cjislor reparut, et leur importation
prit bientôt un développement considérable. Ce
(|ue Voyant, le gouvernement s'empres.sa de les
fnipper ù rentrée de droits énormes, sans se
* Klal dr la Fninre pour 17 IL', l. 1, p. IHC.
* M"'<l.-M*.U.-villf Mémoirts.('i\\{. ÎVlilol, l. XXX.VI,
|K :i92 — Montjflnl, Mrmoires. ibid., t. XLIX n 181 —
(«riff.'l, Hitlotrr dt iMHii XIII. ilnns t.- V. I)ani.-1 t X\'
!• nu. ' ' '
z-^^''"' t '" '*'■"'""' /"""" "''^''- ' '• I' C'^fi: pour
tt jn. t II, Y 37.| '
* Nrlations dfs ambassadeurs vénitiens. | II, t, (;o5
S Tabltau dt Paris, I. V, p. 219.
soucier du mécontentement et des plaintes qu'il
allait provoquer.
Mais la Providence n'abandonne que les
nations qui s'abandonnent elles-mêmes ; chez les
peuples fiers et virils les grandes catastrophes
suscitent des grands hommes capables d'en
conjurer ou tout au moins d'en atténuer les
conséquences. C'est ce qui arriva. Il se trouva
dans la corporation des chapeliers un personnage
hardi, entreprenant, téméraire même, de ceux-
là qui commencent les révolutions sans trop savoir
jusqu'où les conduira leur audace. Après de
longues hésitations pourtant, cela est établi, il
osa concevoir et réaliser une idée qui serait venue
tout de suite à un commerçant du dix-neuvième
siècle : il recouvrit de la laine commune avec une
couche de poils de castor et obtint ainsi des
chapeaux qu'il nomma demi-castors, et qu'il put
donnera bas prix. Du premier coup, ce chapelier
de génie avait créé l'idéal futur de l'industrie,
l'objet de qualité médiocre, ayant toutes les appa-
rences du bon et du beau, et ne coûtant pas cher.
C'était absolument nouveau, et c'était grave.
Que le fait se fût déjà produit en secret malgré
l'active surveillance des jurés, cela n'est pas
douteux *, mais c'était la première fois qu'il
éclatait en plein jour et osait s'affirmer comme
un droit.
L'article 33 des statuts accordés aux chapeliers
en mars 1(358 avait prévu l'innovation : « Les
maîtres, dit-il, ne pourront faire aucuns chapeaux
dits castors, qu'il ne soyent de pur castor, sans
y pouvoir mêler autres étoffes ». L'audacieux
chapelier se vit donc aussitôt menacé, et par sa
corporation et par l'Etat, qui se figura que la
nouvelle mode réduirait de beaucoup l'impor-
tation (les peaux de castor. Lin arrêt du 21 juillet
1666 "^ interdit l'industrie des demi-castors,
déclarant que les fabricants et les vendeurs
seraient déchus de leur maîtrise, condamnés à
une amende de deux mille livres et même à des
punitions corporelles en cas de récidive.
Il ne fut tenu aucun compte de cet arrêt, et
l'engouement pour les demi-castors fut aussi
universel que rapide. Entre l'État et le public
commence alors une guerre acharnée. Un arrêt
du 8 novembre 1667 •'renouvelle les prohibitions
faites par l'arrêt précédent et déclare « que l'on
continue en plusieurs lieux de fabriquer et débiter
des demy-castors, particulièrement à Rouen,
Lyon, Toulouse, Bordeaux et Marseille ». Le
2 juin 1670, nouvel arrêt* ; celui-ci nous apprend
que les demi-castors étaient appelés aussi cha-
peaux dorés, et que les chapeliers prétendaient les
1 On lit dans un arrêt du 17 octobre 1664 (Biblioth.
nationale, ms. françai.s, n" 21,793, f" 60) « qu'il a e-sté
découvert qu'aprè.s que les chapeaux fabricjués de simple
laim- ont esté à demi foulés, les chapeliers couvrent cette
niuliére d'un peu de poil de castor, et font passer ces
chapeaux pour purs castors ».
2 Arrcsl jwrtaitl dejfencex à tuus les maistres chapeliers du
royaume de fabriquer aucuns chapeaux de ca.tlor, sinon de
pur castor. Paris, 1666, in-4».
•' Biblioth. nationale, mamtscrils Delamnrre. arts et
métiers, t. III, p. 74.
* Biblioth. nationale, manuscrits Dehnnarre, arts et
métiers, I. III, p. 75.
DEMI-CASTORS — DEMI-CEINTIERS
251
composer « (l'un tiers de laine de vigog'iie, un
tiers de poils de lapin et plus ou moins de poils
de castor », tandis qu'en réalité ils se contentaient
« de couvrir de poils de castor le dessus seule-
ment des chapeaux, dont le corps est d'autres
élofl'es o-rossieres ». Trois années s'écoulent, et
^< la fabrique des demi-castors est en usa^e plus
que jamais ; » c'est ce qu'avoue l'arrêt du 15 avril
1673 ', qui menace maîtres eL ouvriers d'une
amende de trois mille livres, « applicables moitié
aux hospilaux u^énéraux et l'autre au dénoncia-
teur ».
Les Parisiens ont mauvaise tête, et ils ne
pouvaient manquer de le prouver dans une ques-
tion de chapeaux. Ils s'obstinèrent donc à vouloir
des demi-castors, et les chapeliers continuèrent
tout naturellement à leur en fournir. On n'alla
pas jusqu'à les saisir en pleine rue, comme cela
se fît plus tard pour les robes tle toile peinte que
les commis de barrière arrachaient aux femmes -,
mais, à bout d'arg'uments, on résolut d'en mono-
poliser l'industrie. Deux arrêts, des 20 janvier et
8 février 1685 -, accordèrent le privilèo^e exclu-
sif de cette fabrication à dix-huit chapeliers. Le
fermier du domaine d'Occident ^ ne devait fournir
de castors qu'à eux seuls, mais chacun d'eux
s'engageait à en acheter pour trois mille livres
au moins, ce qui représentait en tout à peu
près quarante mille peaux. Les autres chapeliers
réclamèrent vainement. Ils parvinrent toutefois
à se procurer des castors, et firent à leurs
confrères privilégiés une guerre d'autant plus
active et d'autant plus avantageuse que le public
encourageait leur rébellion, et qu'ils eurent
bientôt pour complice inconscient le roi lui-
même.
Il parait, en eflfet, que les meilleurs ouvriers
chapeliers étaient protestants *. La révocation
de l'édit de Nantes les força à émigrer, et la
plupart d'entre eux se réfugièrent dans le Brande-
bourg, où Frédéric-Guillaume leur fit un accueil
aussi bienveillant qu'intéressé, car il encouragea
aussitôt dans ses états l'industrie des castors "'.
11 resta si peu de bons chapeliers en France, dit
M. Reyer, que le secret de la fabrication des
chapeaux fins s'y perdit, et il fallut qu'un
huguenot émigré, nommé Mathieu, le rapports I
d'Angleterre ^ . Naturellement , leur prix
augmenta, de sorte que le lieutenant de police et
le fermier du domaine d'Occident avaient beau
se plaindre et provoquer des saisies chez les
maîtres, suspects, la vente des demi-castors ne
faisait que s'accroître.
1 Arrest portant itératives défenses de fabriquer des demi-
castors, tant à Paris, Lion, Rouen, qu'autres villes du
royaume. Paris, 1673, in-4°.
2 Manuscrits Delamarre. arts et métiers, t. III, p. 65.
3 Le commerce de la Louisiane et du Canada avait été
accordé comme monopole à une compagnie, qui prit le
litre de Coinpagnie d'occident. Le capital se montait à cent
millions, divisés en actions de cinq cents livres.
'*• L'industrie des chapeaux fut pendant longtemps très
active à La Rochelle.
^ Ch. Weiss, Histoire des réfugiés protestants, t. I.
p. 157.
f' Histoire de la colonie française en Prusse, trad. par
M. Ph. Corbière, p. 257.
Enfin, après soixante-huit années de lutte, le
gouvernement se vit obligé de céder. Un arrêt
du 18 avril 1734 reconnaît le droit de fabriquer
« les chapeaux appeliez demi-castors », puisqu'il
règle les droits de sortie qui leur seront appli-
cables.
Ceux-ci avaient, d'ailleurs, rencontré depuis
plusieurs années des concurrents redoutables dans
les cmidebecs. Mais le souvenir de la persécution
dont ils avaient été l'objet demeura vivace chez
les Parisiens, et leur nom servit pentlant long-
temps à désigner toute marchandise de qualité
inférieure. On en vint même à appeler demi-
castors les femmes d'une conduite légère, celles
qui composent ce que nous appelons aujourd'hui
le demi-monde. « Dans le langage des libertins,
écrit le Dictionnaire de Trévoux ^, demi-castor
est une femme ou une fille dont la conduite est
déréglée, quoiqu'elle ne se prostitue pas à tout le
monde ». Prudhomme nous apprend aussi qu'en
1807, « les nymphes du Palais-Royal étaient
divisées en trois classes : celles qui se promènent
sous les galeries de bois et dans les petites allées
du jardin s'appellent les demi-castors, celles des
o-aleries sont les castors, et celles de la terrasse du
caveau les castors fins "^ ». L'expression survécut
même à la révolution de Juillet. Dans un roman
écrit en 1839 et dont les événements se passent
en 1831, Paul de Kock fait encore dire à un de
ses personnages : « Pardieu ! ime de ses maî-
tresses ; c'était quelque demi-castor tout au plus !
Saint-Géran ue donne pas dans les grandes
dames ^ ».
Cet épisode des demi-castors aurait pu prendre
place soit dans l'article perfectionnements^ soit
dans l'article Travail [Rétjlementation du). Il m'a
paru assez curieux pour qu'un article spécial lui
fût consacré. *
Demi-ceintiers. Fabricants de demi-
ceints. Le demi-ceint, origine ou dérivé du
clavain, clavier, clavandier, clercelière ovipendaM
à clefs, fut d'abord une étroite ceinture. Le mot
changea de sens dans la detixième moitié du
quinzième siècle ; il désigna alors une ceinture
(le largeur ordinaire, presque toujours formée de
chaînons en métal. Sur le côté, pendaient d'autres
chaînes plus fines, à l'extrémité desquelles étaient
attachés une foule de petits objets. Ecoutons
Olivier de la Marche :
Le demy ceingt ne doit le corps estraindre,
Mais soustenir les faictz i et supporter
Des mistères que dame doit porter.
Le ceingt sou.stient les menus ustensilles
Et les utilz dont dames sont garnies
A les servir comme femmes subtilles 5.
Ces mystères, ces ustensiles, ces outils ce sont
« l'espinglier » ou pelote, la « bource », en
forme d' « aulmosnière ; » le couteau, dans
« une gayne gente ».
1 Edit. de 1771, t. II, p. 310.
2 Miroir de Paris, 3^ édit., t. V, p. 271.
3 Un jeune homme charmant, chap. VI.
4 Le faix.
» Le parement et triomphe des dames, chap. IX.
252
DEMI-CEINTIERS - DENTELLIÈRES
On V ajuuta ensuite des clefs, un étui, des
ciseaux, tout l'équipement d'une bonne ména-
gère. Plus tard encore, quand le demi-cemt eut
été adopté pai- la petite bourgeoisie, on y sus-
pendit d'étranges reliques. Une pièce satirique,
publiée en 1622, nous décrit en ces termes
l'attirail compliqué dont la femme d'un marchand
chargeait son demi-ceint : « Trente-deux clefs,
une bource où dedans il y avoit toujours du pain
bénit de la messe de minuict *, trois tournois
fricassés *. une éguille avec son fil, deux dents
qu'elle ou ses ayeuls s'estoient fait arracher, la
moitié d'une muscade, un clou de girofle 3, et
un l)illet de charlatan pour pendre au col pour
guérir la fièvre * ».
La mode des demi-ceints ne survécut pas au
dix-septième siècle. La définition qu'en donne
Kuretière, dans son dictionnaire publié en 1701,
iKjus le prouve : « Ceinture d'argent, avec des
pendans, que portoient autrefois les femmes des
artisans et les païsannes •'' ».
Les ouvriers qui avaient la spécialité des demi-
ceints appartenaient à la corporation des chaî-
neliers.
Demoiselles de compag-nie. Dans le
Ménutjier de Paris, curieux manuel de la vie
privée au quatorzième siècle, nous voyons placés
a la tête des domestiques de la maison, d'abord
maître Jehan le dépensier, maître d'hôtel ou
intendant ; puis .\gnès la béguine, mise auprès
de la jeune femme comme une sorte de dame de
Compagnie qui lui servait d'intermédiaire vis-à-
vis des chambrières et des valets.
Passons du quatorzième siècle au dix -
huitième, et écoutons la comtesse de Genlis.
« Les femmes qui vivoient dans leurs terres
avoient des demoiselles de compagnie, pour avoir
véritablement une compagne dans la solitude
•l'un cliiliteau. On les avuil à Paris par décence :
avec de bonnes mœurs, on désire des témoins
de ses aclions.
<*■ Vers la fin d\i dix-huitii'me siècle, les parti-
culières, à Paris. ii'av(»ient plus de demoiselles
de compagnie ; les dames des châteaux en avoient
eni'nre, mais le nondjre en étoit fort diminué. 11
i'nI lïiilieux que l'on ait supprimé cette espèce de
repre>enl«ilion, c'étoit une ressource honorable
pour les jeunes personnes bien élevées qui
n'avoienl point (h- fortune ^ ••.
Voy. Suivantes.
Deniers de boîte. Type de chacune des
pièces frappées par les liôlels des monnaies. Ces
fi-hanlillons étaient placés dans une boîte spéciale
* b- puni Jh-iiiI, >•. lui .).■ la in.ssr de minuit surtout,
r..n.sliiuait uu [.ivciiiix tnlisirinn. Voy. VÉvaiiqile des
i/nrHOni/lfs, ùdit. clzcv , \<. 1~,.
* 1'h(>» par 1<' frollcnirnl. Du Intin frixiis.
' Ij> niU8c«d.« ot II- rlou d.'frjrofl.- entraient alors dans
[•n'îtc|ui' liiutfH jp.s sniiccs.
* /ai eiattf OH ciel/ grognard de / oii/lçui/é dan.s K.
F.iurnirr, Varifirt kisluriquti, t. III, p. gg.
5 PirtioHHnirr Mitirrrsfl drx mots francoix. Snns i.aLri-
nntinn ' ^
S M»» do Gi'nli.s, Dirtiounnire des ètlquelles I I
p 126. ^ • '.
et soumis à l'examen de la cour des Monnaies.
L'ordonnance de 1682 enjoint de déposer dans
la boîte une pièce d'or pour la frappe de quatre
cents semblables, et une pièce d'argent pour 72
marcs employés de ce métal.
On disait aussi deniers embo'dés.
Deniers bons. On appelait ainsi toute
somme garantie. Faire à quelqu'un «les deniers
bons ou \ argent bon », c'était se rendre caution
de la somme en question. On lit dans l'ordon-
nance de février 1415 : <•< Les courtiers sont tenus
de faire l'argent bon aux marchands ' ».
Deniers emboîtés. Voy, Deniers de
boîte.
Deniers secs. Argent comptant. On disait:
« payer à deniers secs, payer argent sec ».
Denrée. Voy, soudée.
Dentellières. C'est du quatorzième siècle
que datent les premiers essais de dentelle, et
celle-ci consiste alors dans un étroit réseau de fil
d'or et d'argent que l'on nomme bisetle : dans les
dépenses du mariage de Blanche de Bourbon en
1352, on voit mentionné un chapeau « orfroisié
de bisete ^ ». Toutefois, la véritable origine de
nos dentelles remonte aux hautes collerettes du
seizième siècle, et le mot dentelle ne se rencontre
jamais avant cette époque. Sous Henri III, faire
de la dentelle, était une occupation admise en
société, même par les plus grandes dames. Les
énormes collets à la mode sous Henri IV, et d'où
les têtes des femmes semblaient sortir comme d'un
cornet, donnèrent un grand essor à l'industrie
de la dentelle : mais bien qu'on eût commencé
depuis longtemps à en fabriquer dans le Velay,
on recherchait surtout celles de Flandre, du
Hainaut, de Venise et de Gênes. Le peu que
fournissait la production française faillit être
réduit à néant par le célèbre édit somptuaire de
1660. Une pièce publiée à cette occasion ^ donne
l'énumération suivante des dentelles alors les plus
recherchées.
\/d (jueuse, réseau clair, qui devait son nom à
sa simplicité et à son bas prix. Elle était
fabriquée surtout aux environs de Paris.
Le point de Gènes.
Le point de Raguse.
Le point de Venise.
Le point (rAurillac.
La neige, dentelle légère et vendue bon mar-
ché, comme le prouve le « beau galant, de
neige » que Gros- René vend à Marinette * .
La dentelle de Flandre.
La dentelle d'Angleterre.
Le point d'Alençon.
La dentelle du Havre.
» Titro XXXI.
2 Comptes de l'argenterie, p. 298.
•* La révolte des passemens. dans Éd. F<)urni»>r. Variétés,
t. 1. p. 223.
* Dépit amoureux, acte IV, se. 4.
DENTELLIERES — DENTIFRICES
253
Le mot pansement s'appliquait alors à toute
espèce de dentelles, et Ton nommait jBOi«^ toute
dentelle faite à l'aiguille * .
La Déclaration du 27 mai 1661 rapporta le
malencontreux édit de l'année précédente.
« Nous avons été touché de compassion, y est-il
dit, d'apprendre qu'un grand nombre d'artisans
qui tiroient la subsistance de leur famille de la
manufacture d^s passemens et dentelles étaient
réduits, faute d'ouvrage, en de grandes néces-
sités. A ces causes, nous disons, déclarons,
voulons... que nos sujets puissent porter toutes
sortes de passemens et dentelles, pourvu qu'ils
soient faits et manufacturés dans notre royaume ».
Ce n'est pas tout. A l'instigation de Colbert, le
comte de Marsan amena de Bruxelles à Paris sa
nourrice nommée Dumont avec ses quatre filles,
et il obtint pour elles le droit exclusif d'y établir
des ateliers de dentelles. Colbert leur accorda
trente mille livres, avec lesquelles elles s'ins-
tallèrent au faubourg Saint-Antoine ; un des
Cent-Suisses du roi gardait la porte de cette
maison, où l'on vit bientôt réunies plus de
deux cents ouvrières, presque toutes appelées
du Hainaut et de Venise. Cette manufacture
fut ensuite transportée rue Saint-Sauveur, puis
dans la rue Saint-Denis à l'ancien hôtel Saint-
Chamond.
Sous Louis XIII et sous Louis XIV les
hommes se couvraient de dentelles tout comme
les femmes, et la fabrication prit dans toute la
France, à la fin du dix-septième siècle, un déve-
loppement inouï. Aux sortes que j'ai citées déjà,
l'on peut ajouter :
he point de France, dû à la tenace volonté de
Colbert. Lorsque furent créées les manufactures
d'Arras, d'Aurillac, de Sedan, d'Auxerre, du
Mans, de Sens, de Bourges, etc., tous leurs
produits devaient porter le nom de point de
France, qu'ils fussent faits au fuseau ou à l'ai-
guille ; mais à dater de 1675, le point de France
est presque exclusivement représenté par le
point d'Alençon ^.
\jQ point à la reine, beaucoup plus léger que
le point de France, fut surtout fabriqué dans les
Pays-Bas par les ouvrières Alençonnaises que
l'édit de Nantes avaient chassées de leur patrie.
Le point coupé, sorte de guipure faite à l'ai-
guille, et dont les dessins se composaient de
figures géométriques reliées entre elles par des
brides. « Si la perfection peut exister sur la
terre en quelque chose, ce miracle a été réalisé
par les inventeurs du point coupé de Venise •* ».
La nonpareille, étroite et commune.
La bisetle, demi blanche.
La mignonnette, blonde de fil, claire, fine et
très léo-ère.
1 G. Despierres. Histoire du point d'Alençon, p. 3.
2 Sur les efforts que fit. Oolbert pour développer la
fabrication du point de France, voy- G. De.spierres,
1866, in-8"', passim, et Levasseur, Histoire des classes
ouvrières, édit. de 1900, t. II, p. 246 ef suiv.
3 J. Séguin, La dentelle, histoire, description, etc.,
p. 111.
La campane, tissu blanc, destiné le plus sou-
vent à élargir ou à orner d'autres dentelles.
Le point de Paris.
Le point de Lille.
Etc., etc., etc.
Les dentelles étaient vendues par les merciers
et par les lingères. Au dix-septième siècle, les
lingères le plus en vogue pour ce genre de
commerce logeaient aux environs des halles,
dans la rue Saint-Denis, dans la galerie du
Palais ^ et dans la rue Dauphine ^. Au début du
dix-huitième siècle, on recommandait siu'toul
les magasins de la rue Troussevache, de la rue
du Coq, de la rue des Lavandières, etc. ^. Enfin,
à la fin du siècle, les maisons à la mode étaient
celles de M"'"" Bernard, rue Saint- Honoré ;
M"'^' Dufresne, rue Plâtrière ; M'"*' Murgalet, rue
Neuve-Sainl-Roch, etc. *.
Le plan de Bretez (1739) nomme, par erreur
sans doute, rue de la Dentelle, la petite rue de la
Lanterne des Arcis, auj. rue Pernelle.
Voy. Bisettiers. — Blondiers. —
Remplisseuses de points, etc.
Dentifrices (Commercik des). La Cïiùlifé
d'Erasme, publiée en 1530, nous apprend qu'à
cette date, certaines personnes, les Espagnols
entre autres, avaient l'étrange coutume de
nettoyer leurs dents avec de l'urine : « Il faut,
dit Erasme, soigneusement prendre garde d'avoir
les dents nettes ; car de les blanchir avec des
poudres, il n'appartient qu'aux filles ; les frotter
de sel ou d'alun est fort dommageable aux gen-
cives ; et se servir de son urine au mesme effet,
c'est aux Espagnols à ce faire •'' ».
Laurent Joubert, médecin de Henri III,
préconisait le vin trempé d'eau ^. Montaigne qui
eut toujours d'excellentes dents, les frottait avec
une serviette ''.
Le dentiste Bunon, fort en vogue au début du
dix-huitième siècle, fut l'inventeur de nombreux
dentifrices. Il mourut en 1748, et sa veuve en
continua le commerce, qu'elle transmit à son fils.
Celui-ci, non moins dentiste que ses parents,
s'empressa d'informer l'humanité souffrante ,
qu'il tenait à sa disposition :
1° « Un élixir antiscorbutique, qui raffermit les
dents , dissipe le gonfiement et l'inflammation
des gencives, les fortifie sensiblement, prévient
toutes les affections scorbutiques et calme la
douleur des dents. Les plus petites bouteilles
sont de 30 sous.
2'^ Une eau souveraine, qui produit une partie
des mêmes effets, qui de plus guérit prompte-
ment les chancres et les boutons formés dans
1 Dans L(/ lingère du Pnlais, ]iièce jouée à la Comédie
italienne en 1634, Arlequin invectivant une lingère
l'appelle « vendeuse de points d'Angleterre faits à Paris ».
Voy. (iherai'di. Théâtre italien, édit. de 1717, t. I, p. 53.
2 Livre commode pour 1692, t. II, p. 15.
3 Liger, Le voyageur /idèle (1715), p. 361
i Almanach Dauphin pour 1777.
^ Traduction Claude Hardy, 1613.
•' I^a santé du. prince, 1579, p. 624.
7 Essais, livre III, chap. XIII.
254
DENTIFRICES — DENTISTES
l'intérieur de la bouche, qui la tient saine et
dans un bon état de fraîcheur, et qui corrige- la
mauvaise haleine. On peut en user tous les jours.
Prix 24 sous les plus petites bouteilles * ».
11 V avait aussi l'eau admirable dite de M""^ de
la Vrillière. L'apothicaire chargé de la débiter
eût cru, disait-il, « manquer aux droits de l'hu-
manité s'il ne faisoit point pari an public d'un
remède si avantageux ^ ».
Le dentiste Botot, qui a donné son nom à un
dentifrice célèbre, vivait encore en 1777, et
demeurait place Maubert.
VAlrnannch Dauphin, livre d'adresses publié
celle même année donne, à l'article Objets rela-
tifs ET SECRETS APPROUVÉS CONTRE LES MAUX
DE DENTS, quelques renseignements curieux. Je
lui emprunte les articles suivants :
<^ Barremiœ aimmités, propres à arrêter sur le
champ les douleurs de dents. Rue Saint-Antoine,
chez M. Hau, horloger, près l'hôtel de Turgot.
Opi'U nn/nl du sieur Dulac, parfumeur, rue
Saint-Honoré. La composition de cet opiat est
due aux recherches d'un des plus savans médecins
de l'Europe, et attestée par feu M. Capron, den-
tiste du Roi.
Véritable trésor de la hnnrhe, pour blanchir
les dents, nettoyer et anVriiiir les gencives, et
conserver la bouche dans la plus grande fraîcheur.
De la composition du sieur N. . . Approuvé de la
commission royale de médecine.
Elixir ofJontalgique du sieur Le Roi de la
Faudirue •', tlentisle de son Altesse Sérénissime
M<»n>t'igneur le prince Palatin, duc régnant des
Deux-Ponts, rue Royale Saint-Antoine. La
découverte de cet élixir, reconnu, ainsi que l'opiat
qui l'accompagne, pour un des plus fameux
(li-nlifrisse contre tous les maux de dents et gen-
cives, a mérité à cet artiste l'approbation de la
haute chirurgie et un brevet de la commission
Hovah' de médecine. Le succès continuel de ses
opérations soutient à juste titre la réputation
singulière qu'il s'est établie dans toutes les parties
du moinh' où h-s F'rançois oui rflalion. •>
Vov. Dentistes. - Dents (Fabrication
des) il Odontalgiques (Remèdes).
Dentistes. L'art ih-nlairc. représenté d'abord
en Franci' p;ir les barbiers, semble avoir été
pentlant longtemps fort négligé. Ouand saint
Louis inourni.à cinquante-cinq ans, sa nu'i(;hoire
inférieure ne possédait plus qu'une seule dent.
l'armi les précieuses reli(pies conser\'é.es dans le
trésor de Siint-Donis figurait « la mandibule
monsieur sjiint Loiivs, roy <le France, tout entière
défnillnnl « rexcepli.in d'une dent* ».
Au début du quatorzième siècle, il exisljiit à
Paris un barliier cpii MMuble s'cMre spécialement
occupé d'odonlnlechnie, wir la Taille de 1313
mentionne dans lu Cil : ,< Martin le Lombart,
' Affcktt, aitnontft tt aris films, w du 7 juin 17()f>.
> Journal grnrrnl ,lt Frnncr. n" ijn 2S fi-viHT I78(>
•» Jr t.- tn.iivr nomme Qili.ui-> !,,• H,,i ,1,. )„ Faudignèn .
* r D .\yzno, Histoire de l'abbaye dr SaiiU-Denis, t II
p. 548.
qui trait les denz ^ ». A cela sans doute se bornait
sa science.
Le corps de Charles le Téméraire, retrouvé
sur le champ de bataille de Nancy, fut reconnu
à ce qu'il ne lui restait plus de dent à la mâchoire
supérieure ^.
Celles de Charles VII ne valaient guère mieux ^.
Je serais fort tenté de croire que François pf
avait aussi de mauvaises dents, car on lui trouve
un dentiste en titre, Guillaume Coureil*.
L'art dentaire ne resta pas étranger aux progrès
que fit la chirurgie pendant le seizième siècle.
Le plombage et la prothèse entrent alors dans
la pratique courante. Henri IV eut de bonne
heure les dents gâtées. Un registre de ses comptes,
au temps où il n'était encore que roi de Navarre,
nous apprend que, dès 1576, sa dépense en cure-
dents était de vingt sous par mois, grosse somme
pour une cour si besoigneuse. Le même registre
contient, à l'année 1581, cette mention : « Or
pour plomber les dents du Roy, 15 liv. 15 sols ^ ».
L'or, en pareil cas, n'était guère employé que
pour les bouches royales. Ambroise Paré conseille
seulement le liège ou le plomb : « Si les dents
sont creuses, dit-il, ont doit remplir les pertuis
de liège ou de plomb bien accommodé^ ». Il
écrit ailleurs : « Quand elles sont tombées, en
faut adapter d'autres, d'os ou d'j^voire, ou de
dents de rohart ', qui sont excellentes pour cest
effect, lesquelles seront liées aux autres dents
proches avec fil commun d'or ou d'argent* ».
Même, on posait déjà des râteliers complets : leur
construction laissait, il est vrai, fort à désirer ;
c'étaient purs artifices de coquetterie, que l'on
retirait pour manger, raconte Tallemant des
Réaux'. Le satirique auteur à qui nous devons
la Description de l'isle des hermaphrodites * ^, nous
révèle aussi que « beaucoup d'entre eux avoient
les dents artitîcielles, qu'ils avoient ostées devant
que se mettre à table " ».
Parmi les découvertes sérieuses, il faut citer
la transplantation immédiate des dents, le rem-
placement d'une dent cariée par une dent humaine
et saine. Andjroise Paré mentionne le fait sans
trop y croire, mais en le déclarant vraisem-
blable *^. Trente ans plus tard, le succès de cette
opération n'est plus l'objet d'aucun doute pour
le docteur Louis Guyon '^.11 est vrai que cent
ans après l'habile Dionis, chirurgien un peu
timoré d'ailleurs, n'en veut pas entendre parler * *.
' Pag.' 155.
- .Jean do Roye, Chronique, édit. Micliaml. p. 329.
•'* Dti Krosno de Beaucouil, Histoire de Charles VII,
t. M, p. 439.
* A. Chéreau, tjans VUnioit médicale, 11" du 2(5 février
1863, p. 387.
" Inteiitiiire des Archives des liasses-Pyréne'es, t. I,
p. 1, 7 l'I 10. — Voy. aus.si \ç Journal d'Héroard, t. I,
p. 1-12.
*• Œiirres. p. tii2.
"' \)r re([uin.
8 Œuvres, p. 895.
'•' Hislorielles, t. II, p. ;Mt).
'" Par Artu.s d'Embry, jiubliée en 1605.
" Page 105.
'2 Œuvres, p. 611.
'•' Le miroir de la beauté (1615), p. 369.
1* Cours d'opérations, p. 523.
DENTISTES
255
L'on savait aussi couper les dents, et au moyen
d'un instrument tout à fait semblable à celui
qu'on emploie de nos jours ^ .
Louis XIV avait de très mauvaises dents. Dès
1685, trente ans avant sa mort, il ne lui en restait
presque plus à la mâchoire snp«''rieure, et celles
du bas étaient toutes cariées. L'honnenr de soig^ner
ces augustes chicots se partag-eait entre le premier
médecin, le premier chirurg^ien el le dentiste
royal. Si l'ablation devenait indispensable, le
dentiste Dubois la pratiquait au moyen d'un
élevatoire d'invention nouvelle, dont Dionis fait
un grand éloge.
M""® de Maintenon, devenue vieille, n'avait
pas de meilleures dents que son royal époux.
Elle écrivait, le 9 juillet 1714, à la princesse des
Ursins : « Je ne vois presque plus, j'entends
encore plus mal, on ne m'entend plus, parce que
la prononciation s'en est allée avec les dents- ».
En 1712, le dentiste du roi, dit aussi « chirur-
gien opérateur pour les dents », était Charles-
Arnault Forgeron, qui touchait par an 2.295
livres de gages. Il remplissait le même office
auprès du Dauphin et de la Dauphine et recevait
encore de ce chef 1.500 livres. « Il a soin, écrit
Trabouillet, de nettoïer et couper les dents, et
fournil de racines et d'opiat quand le Roy lave
sa bouche ^ » . '
Au cours du dix-huitième siècle, l'art dentaire
réalisa de sérieux progrès, dûs surtout à quelques
opérateurs de Paris, au nombre desquels on doit
citer Gerauldy, dentiste du duc d'Orléans ;
Robert Bunon, dentiste des Enfants de France ;
Pierre Fauchard ; Mouton ; Anselme Jourdain ;
Caperon ; Bourdet, dentiste de Louis XV * el
de Louis XVI. Ils combattirent l'abus des extrac-
tions, contre lequel Dionis protestait dès le début
du siècle : « Il y a, disait-il, des gens si impa-
tiens qu'à la moindre douleur, ils font sauter
leurs dents. Mais, c'est une méchante maxime
que de courir si-tôt à l'arracheur ; il ne faut venir
à cette opération que quand la dent est tellement
gâtée qu'il n'y a plus moyen de la sauver, ou
quand la douleur qu'elle excite à la gencive est
devenue continuelle et insupportable ^ ».
En 1742, Caperon trouva le moyen de casser
deux dents à Louis XV, pendant qu'il lui net-
toyait la bouche. Le roi montra une grande
patience, écrit Barbier, « il a souffert extraor-
dinairement sans se plaindre, sans dire des choses
trop désagréables à ce dentiste ^ ».
Mesdames, filles de Louis XV, avaient pour
dentiste le sieur Mouton qui, en dépit de son
nom, faisait une belle peur à ses royales clientes.
Sébastien Mercier écrivait en 1783 : « Les
habiles dentistes s'attachent plus à conserver les
dents qu'à les extirper ; ils n'arment plus si
fréquemment leurs mains de l'acier douloureux ».
1 ^'oyez-en la figure dans Guillemeau, Œuvres de
chirurgie (1649), p. 513.
2 A. Geffroy, Madame de Maintenon, t. II, p. 352.
3 État de la France pour 1712. t. I, ]!. 178.
i Mémoires secrets, dits de Bachaumont, t. \ 11, p. 180.
^ Page 515.
fi Journal, t. VIII, p. 199.
Toutefois, si vous y tenez, ils ne vous refuseront
pas ce service. « Si une rage de dents vous saisit
dans la rue, vous n'avez qu'à lever les yeux.
Une enseigne, qui représente une molaire grosse
comme un boisseau, vous dit : montez ! Le den-
tiste vous fait asseoir, relève sa manchette de
dentelle, lire votre dent d'une main leste et vous
off're ensuite un gargarisme ». Désirez-vous
remplacer les os précieux qui vous ont été ainsi
enlevés, les dentistes sont encore à votre dispo-
sition : « Le plus étonnant dans son art se nomme
Catalan, rue Dauphine. Il vous fera un râtelier
complet, avec lequel vous broyerez tous les ali-
mens sans gêne et sans effort ^ ».
La prothèse employait alors presque exclu-
sivement l'ivoire, les dents humaines, celles du
bœuf et du morse 2. En 1780, « le sieur Ladou-
cette, l'aîné, chirurgien-dentiste, reçu au collège
de chirurgie, quai Pelletier, près la Grève,
maison d'un parfumeur », annonçait au public
qu'il venait « d'imaginer de nouveaux ressorts
en or, pour maintenir, avec toute la solidité
possible, les mâchoires artificielles dans l'usage
de la mastication et de la parole. Ces mâchoires
sont conformées de manière à imiter la belle
nature et à exécuter tous les mouvemens de la
bouche sans être exposées à la fragilité ; elles
servent surtout, au défaut de dents naturelles, à
une trituration des alimens : ce qui, comme l'on
sait, est la base de toute l'économie animale ^ ».
Un arrêt du 19 avril 1755, dû aux instances
de Lamartinière, premier chirurgien du roi,
interdit aux femmes la profession de dentistes.
Deux femmes pourtant l'exerçaient encore en
1760, c'étaient M"*'-'^ Calais, rue de Grenelle-
Saint-Honoré, et Hervieux, rue Geoffroy-Las-
nier. Paris ne comptait guère qu'une trentaine
de dentistes*. Deux d'entre eux étaient reçus
maîtres en chirurgie, les autres portaient le titre
d'EXPERTS, seule qualification que donnassent
aux dentistes les statuts de septembre 1699.
Leurs examens, beaucoup moins compliqués que
ceux des chirurgiens, se bornaient à « un seul
acte, dans lequel ils étaient interrogés tant sur
la théorie que sur la pratique ». Ces examens
constituaient une fort heureuse innovation, et ils
furent rendus plus sérieux au dix-huitième siècle.
Les lettres patentes de mai 1768 règlent ainsi la
condition des experts.
« Article cxxvi. Ceux qui voudront s'occu-
per de la fabrique et construction des bandages
pour les hernies ou ne s'appliquer qu'à la cure
des dents seront tenus, avant d'en faire l'exercice,
de se faire recevoir au collège de chirurgie en
la qualité d'experts.
Article cxxvn. Ne pourront aucuns aspirans
être admis en ladite qualité d'experts, s'ils n'ont
servi deux années entières et consécutives chez
l'un des maîtres en chiruro-ie ou chez l'un des
1 Tableau de Paris, t. V, p. 75.
2 Gerauldy, L'art de conserver les dents (1737), p. 121.
3 Affiches, annonces et avis divers, n" du 20 décembre
1780.
l On trouve leurs noms dans Jèze, État ou tableau,.
etc., p. 5.
256
DENTISTES — DÉS A COUDRE
experts établis dans la ville et faubourg de Pans.
ou enfin sous plusieurs maîtres ou experts des
autres villes pendant trois années: ce qu'ils
seront tenus de justifier par des certificats en bonne
forme.
Articlk cxw'iu. Seront reçus lesdits experts
en subissant deux examens en deux jours différens
dans la même semaine... Ils seront interrogés le
premier jour sur la théorie, et le second sur la
pratique, par le lieutenant de notre premier
chirurgien, les quatre prévôts et le receveur en
charge, en présence du doyen de la Faculté de
médecine, du doyen du collège de chirurgie...
Article cxxix. Défenses sont faites auxdits
experts, à peine de trois cents livres d'amende,
d'exercer aucune partie de la chirurgie que celle
pour laquelle ils auront été reçus, et de prendre
sur leurs enseignes ou placards, affiches ou
billets, la qualité de chirurgiens, sous peine de
cent livres d'amende. Ils auront seulement la
faculté de prendre celle d'experts herniaires ou
dentistes ».
h' Ahnanarh Dmiphin. recueil d'adresses et
iiussi de récbimes. publiait dans son édition de
178*.> les renseignements suivants, qui me servi-
ront de conclusion :
CHIRUR(iIEN.S-DENTISTES ET EXPERTS
l'OIR I,ES MAI-ADIES DE.S DENTS ET DES GENCIVES.
iioTOT. place Mauherl. Un des plus renommés
pnur tout ce qui concerne les maladies des dents
et gtMicives. a établi en cette capitale un cours
pubh'c fi pratique sur l'art de conserver et
(l'exlrain- les dents. Cet habile et célèbre artiste,
qui donne chaque jour de nouveaux témoignages
de son zèle et des connoissances qu'il a acquises
dans celle partie, n'a pour but que d'instruire
les jeunes élèves qui se destinent à aller en
province, et les mettre à portée de connoître et
faire usage des insfrumens qui facilitent le plus
l'artiste dans ses opérations et causent moins de
fjonli'urs au malade.
C(»i;rtois, rue rt. près la (lomédie- Françoise, ù
riii'ilet de In Fmitrière, est auteur d'un nouvel
instrument pour l'extirpation des dents doubles,
avi'c le(|uel il remédie aux inconvéniens que la
pntlique présente journellement dans la manière
dn les ôtor.
Le Hoy, me de Grenelle Saint -Ilonnré, chirur-
triiMi-d.'iitisIe de feu S. A. S. madame la duchesse
d Orléans, est un des plus renommés poiu' guérir
Inules les maladies de la bouche, et pour tirer les
dénis, les ranger, plomber, réparer, nettoyer et
en renjellre fl'arliiieielles. Il seroit à souhaiter
que cet habile artiste voulAt bien donner au
public le manuscrit précieux qu'il a fait sur l'art
(lu dentiste. ♦
\'^y. Dentifrices (Commerce des) et
Donts (Fabrication dos).
Dents i'Fabrjcation des). Une phrase que
je trouve dans les lettres de Gui Patin tend à
prouver qu'au dix-septième siècle, cette industrie
npp^irlenait aux tnbletiers. « Il nvoit un sien
neveu, tablelier et remetteur de dents d'ivoire»,
écrit Patin le 5 octobre 1657 ^. Deux arrêts des
20 juin 1736 et 30 janvier 1738, confirmés le
12 juillet 1745, reconnaissent aux tabletiers le
droit de « découper, tailler, sculpter, cizeler et
travailler l'y voire de toutes formes et modes »,
L'article 17 des statuts qui leur furent accordés
en 1741, les autorise à « travailler, dépecer et
façonner la baleine, l'écaillé, l'yvoire, les os, la
corne, les argots [ergots de bœufs], les bois
d'ébeine, violette, garnadille [grenadille |. palis-
sandre, buis, nacre, ambre et autres bois exquis
qui se tirent des Indes •>.
Départeurs. Voy. Affineurs.
Dépeceurs de carrosses. Voy. Crieurs
do vieux fers.
Dépensiers. Intendant, maître d'hôtel,
économe dans une grande maison. Le Ménagier
de Paris (1393) recommande à « Jehan le
despensier » d'inscrire sur « son papier de la
despense "^ » quand il engagera une nouvelle
servante, le nom de celle-ci, « celui de son père
et de sa mère et d'aucuns de ses parens, le lieu
de leur demourance, et le lieu de sa nativité ^ ».
Dans les couvents, le despencier ou despansier
était le religieux qui avait soin de la cave et
écrivait les dépenses. '
Dépositaires des
Gardes.
archives . ^'oy
Deposuit (Cérémonie du). Voy. Con-
fréries.
Dérouilleurs. Nom donné parfois aux
fourbisseurs. Voy. Ducange, Glossarium, au mot
eruhiginare.
Dés à coudre (Fabricants de). Alexandre
Neckam, poète et lexicographe du douzième
siècle, consacre au dé à coudre ces deux lignes
d'un latin barbare : « Tecam habeat nimphula
corigialem , acus insidiis obviantem , quod
vulgariter policium vel digitale appellatur * ».
Fait assez rare, les mots dont l'explication offre
ici quelque difficulté ne figurent pas dans
l'admirable y-lossaire de Ducany-e. Le sens
général de la phrase est d'ailleurs bien clair.
Pour se préserver des atteintes de l'aiguille,
la servante doit avoir un dé de cuir, qui est
ordinairement appelé politium ou digitale.
L'expression corigialem semble bien prouver que
les dés à coudre se faisaient alors en cuir, mais
il n'en était plus de même au siècle suivant. Pour
traduire le mot digitale, les équivalents ne
manquent pas, car je trouve les dés à coudre
nommés deis, deaul •', dedal, deel à mettre on
doji potir qneudre ^, del à queuldre ', deux,
' Kdil. 1^'ViMllé-Parise, I. Il, ],. 344.
- Sun liviv (11" (l('j)i'ns(".
•■' Toin.- II, p. 58.
1 Êdit. Schcler, p. 91.
^ Ducang-t\ v" fkeca.
*> Ducangi', v" digitabulum.
' Ducange, v° digiturium.
DES A COUDRE — DÉS A JOUER
257
deeux *, deem ', deez, dex à dames pour coudre ^,
mais policium m'embarrasse. Faitt-il le traduire
par le moi poncier qui, suivant Littré, sig'iiifie
« doig'tier de corne ou de mêlai qui sert à couvrir
le pouce ? » Peut-être, et il nous faudrait en
conclure qu'à la fin du douzième siècle le dé se
mettait, non au second doig-t comme aujourd'hui,
mais au pouce.
Au treizième siècle, les fabricants de dés à
coudre se nommaient deeliers * et deiliers *. Le
Livre des me'tiers écrit deyciers *>, forme évi-
demment fautive ^, et qui désignait les fabricants
de dés à jouer.
Deux communautés s'occupaient alors de la
confection des dés à coudre : les fermailliers
faisaient les dés en laiton, les boutonniers-deiliers
ceux d'archal, de cuivre et de laiton.
Je ne trouve pas les dés mentionnés dans les
statuts accordés aux boutonniers en 1653. Ils
devinrent alors la spécialité des aiguilliers, qui
avaient pour armoiries un semis d'aiguilles et de
dés à coudre. Au reste, vers cette époque, la plus
grande partie des dés employés en France se
fabriquait à Blois, ainsi que les déaux ou dés
sans bout, à l'usage des tailleurs, des bourreliers,
etc. 8 *
Désarticulés. Voy. Disloqués.
Desbacleurs. Voy. Débacleurs.
Descharcheeurs et Descharg-eeurs.
Voy. Déchargeurs.
Désossés. Voy. Disloqués.
Despansiers. Despenciers. Despen-
siers. Voy. Dépensiers.
Dés à jouer (Fabricants de). Ils ont leurs
staluts dans le Livre des métiers ", qui les nomme
deyciers, deiciers, feseeurs de dez à tables *" et
à eschie's^^, d'os et d'yvoire, de cor ^"^ et de toute
autre manière d'estoffe ^^ et de métal. Le métier
était libre. En dehors de ses enfants légitimes,
chaque maître ne pouvait avoir à la fois plus
d'un apprenti ; il lui était cependant permis
d'en prendre un second au cours de la dernière
année de service du premier. La durée de
l'apprentissage était de neuf ans pour l'enfant
sans argent, de huit ans pour celui qui apportait
vingt sous. L'apprenti qui abandonnait son
maître ne pouvait être recueilli par un autre.
S'il entrait chez un deicier habitant hors de
Paris et venant vendre ses produits dans la ville.
1 Livre des métiers, titre XLII.
2 « J'ai les deeus à costurières. » Dit d'un mercier
(XIV« siècle.)
3 Livre des me'tiers, tiive LXXII.
4 raille de 1292.
5 Taille de 1313.
6 Livre des métiers, titre LXXII.
'' Deel, deeliers sont issus du latin digitale.
8 Savary, Dictionnaire, t. I, p. 1652.
9 Titre LXXI.
10 Voy. ci-dessous.
11 Echecs.
12 X)e corne.
'3 De matière première.
il était ititerdil de rien achètera celui-ci ^< devant
que il ait jetez d'entour lui l'aprentiz au deycier
(le Paris ». Aucun marchand parisien ne devait
rien aclieter à un forain avant que la marchandise
eût été examinée par les jurés du métier; c'était
là, au reste, une règle comnumeà presque toutes
les corporations. Le travail de nuit était défendu.
Deux jurés aibninisiraient la comnumauté.
La Taillt' de 1202 cite sept maîtres deiciers
ou deciers, celle de 1300 en mentionne quatre
seulement. C'est encore beaucoup, et une si
importante consommation suppose une passion
efïrénée pour le jeu. Il est vrai que, aux termes
de leurs statuts, les deiciers fabriquaient non
seulement des dés, mais des tables et des échecs,
des tabliers, des échiquiers, des mareliers, etc.,
etc. Et puis, il ne faut pas l'oublier, les cartes
n'étaient point encore inventées, et les joueurs
n'avaient à leur disposition que les nombreuses
variétés des jeux d'échecs, de dames et de dés.
On nommait alors tables les petits palets de
bois, d'os ou d'ivoire que nous appelons aujour-
d'hui des dames. De là le nom de j'etcx de tables ou
des tables donné à tous lesjeux où l'on employait
les dames, et de fable on tablier à la surface plane
sur laquelle on les jouait. Cette dernière expres-
sion finit par s'appliquer à tous les tableaux
disposés pour jouer à un jeu quelconque, Yccki-
quier cependant tendit toujours à conserver son
nom et à rester distinci du tablier.
On trouve très fréquemment cités, dans les
anciens inventaires, des échiquiers et des jeux
d'échecs en chêne, en ivoire, en marbre, en
cristal, en jaspe, même en bateure d'or et d'argent,
ce qui signifie que les cases étaient faites de
petites plaques de ces métaux réduits en feuille.
Le célèbre jeu d'échecs qui passe pour avoir été
offert à Charlemagne par Haroun-ar-Raschid, et
qui fut successivement conservé au trésor de
Saint-Denis et à la Bibliothèque royale, est en
ivoire. II date, d'ailleurs, du onzième siècle seule-
ment, le costume des personnages constituant
chaque pièce ne laisse aucun doute à cet égard.
On n'a rien conservé des « jeux de tables et de
eschiez » qui, suivant Joinville *, furent envoyés
par le vieux de la montagne à saint Louis ;
cadeau mal placé, au reste, car le bon roi avait
horreur du jeu et des joueurs.
Son exemple ne fut guère suivi, eL pendant
bien longtemps l'art de jouer à tous les jeux en
vogue compléta l'éducation d'un gentilhomme :
Puis aprist il as tables et as eschas jouer,
écrit de son héros V-AViie.\xv àe Parise la duchesse"^ .
Dans une foule d'autres romans du moyen âge 3,
on voit vanter l'adresse d'un seigneur aux échecs
et aux dés comme à la chasse. Et cette tradition
passa sans s'altérer de siècle en siècle. A la fin
du dix-septième siècle, Hamilton voulant peindre
un gentilhomme accompli, lui fait dire : « Tu
sais que je suis le plus adroit homme de France ;
1 Édit. de Wailly, p. 163.
2 Cité par Ducange, Glossarimn, V Scncci.
3 \'oy. entre autres Gérard de Roussillon et Hnon
Bordeaux.
17
258
DÉS A JOUER — DESSINATEURS EFFIGIAIRES
j'eus bientôt appris tout ce qu'on y montre ; et,
chemin faisant, j'appris encore ce qui perfec-
tionne la jeunesse et rend honnête homme, car
j'appris encore toutes sortes de jeux aux cartes et
aux dés ^ ». On sait que l'expression honnête
homme désignait alors un homme poli, bien
élevé, de bonnes manières. Quatre cents ans
auparavant, Jacqnes de Cessoles, songeant à
composer un traité de morale universelle, ne
trouva rien de mieux que de le baser sur le jeu
des échecs. La marche des rois, des pions, des
tours lui fournit des préceptes de conduite qu'il
appliqua à tous les états et à toutes les condi-
tions de la vie. Ce liber de sc«cc/«'s eut une vogue
immense, et fut presque aussitôt traduit en
plusieurs langues.
En dépit de Jacques de Cessoles et de sa
morale, on ne se faisait guère scrupule de
tricher au jeu, et c'est encore là une tradition qui
se conserva longtemps. Jusqu'au dix-huitième
siècle, tous les Mémoires\?às<,éi^ soit par de grands
seigneurs soit par des bourgeois en font foi. On
trichait même à la cour, même au jeu de
Louis XIV ^, et l'on peut juger par là de ce qui
se passait au treizième siècle. Les merciers
vendaient alors des dés qui avaient la propriété
de tomber, les uns sur les nombres les plus bas,
les autres sur les plus élevés, d'autres (oiijours
sur l'as ^ .
Les stcituls des deiciers interdisent sévèrement
la fabrication des dés pipés, et nous révèlent
ainsi les fraudes les plus fréquentes dont ils
étaient l'objet.
On appelait dés y>/ow»î^z * ceux dont une des
faces était rendue plus pesante que les cinq
autres par l'addition de plomb ou de vif argent.
Los dés mespoinz présentaient sur chacune
de leurs faces le même nombre de points :
« ce est ù savoir qui sont touz d'as, ou touz de
Il points, on fmi/ (]o m. ou de un, ou de v, ou
touz de VI
Les dés y;r/-,v on nonipcrs ■' étaient ceux où le
même nondtre de points étiiil reproduit deux
fois : <.< dez ù deus ii, ou à deus as, ou à deux v,
nu à deus III, ou à deus un, ou à deus vi ».
Les dés lon(jnez aviiient une de leurs faces
frottée sur une pierre d'aimant.
Tous les dés de ce genre devaient être con-
lisqués cl brûlés par les jurés, et le fabricant
cuiipnblt' p;ijait une amende de cinq sous.
Les faiseurs de dés figurent, sous le nom de
(Ircin-s, dans l'onlitiinance dite des Bannières
14')7j. Ils se réunirent ensuite ^ j^ corporation
d.'s patrnôtri.Ts d'os H de corne. Une pièce de
\'}Hf} 1rs nomme decssiers.
' .Vf moires He flramoHl, cluip. IIÏ.
' V.iy. Sflint-Siiiion, .Wmnires, t. I]I, p. 1(58. —
Hnnpwi, Jonmal. t. H, p. oo. _ Mmo Jp Scvifrnc
J-fllrr fin 18 murs 1071. — Mrrcure iplant, n" de
tliV..mbr.- lfiH2 — Hion n'élnil rliniif;i-.<ioii.s Louis XVI
\o\. Ir.H Mrmniru ilil.s dt linehnumnnt. 3(1 orldhiv ,1
24 novt'mbn- 1778, Hc, l'ir.
•• \'oy. I<< DU d'uH mercier.
' P!orab<*,"i,
^ Pairs ou impairs.
Dessin (Maîtres de). Louis XIV eut pour
maître de dessin un sieur Henry Davire ^ , qui
n'eut jamais à se louer beaucoup de son élève.
Louis XV, au contraire, montra quelques dispo-
sitions ^.
L'allemand Nemeitz, qui vint visiter Paris
vers 1715, engageait ceux de ses compatriotes
désireux d'y séjourner, à s'^y perfectionner dans
l'art du dessin. « Certains professeurs, écrit-il,
enseignent seulement le dessin appliqué aux
fortifications, la manière de lever un plan et de
le laver, par exemple. Mais ceux qui voudroient
aller plus loin, apprendre même la peinture,
trouvent les plus excellens maîtres à l'Académie
des peintres, au Louvre. Quelques-uns d'entre
eux excellent dans la miniature, d'autres dans le
portrait, le paysage, les fleurs, la peinture sur
émail, etc ^ ». Il n'en est pas moins certain que
le dessin, considéré comme art d'agrément, était
encore peu répandu à la fin du dix-huitième
siècle *.
Un ouvrage publié en 1826 s'exprimait ainsi :
« Il n'y a pas quarante ans que le dessin n'était
qu'une partie fort accessoire de l'éducation des
personnes des deux sexes, et qu'un jeune homme
ou une jeune fille qui apprenaient à dessiner, ne
se livraient à cette occupation que par manière
de délassement ; encore appartenaient-ils à des
familles opulentes : point de dessin dans les
couvens et fort peu dans les maisons particu-
lières. Aussi les dessinateurs étaient-ils presque
tous réduits à travailler dans leur cabinet pour le
compte des riches amateurs, des marchands
d'estampes et des libraires. Depuis vingt-cinq
ans, la nécessité de connaître l'art du dessin s'est
fait généralement sentir, et la plupart des pères
de famille qui jouissent d'une certaine aisance
croiraient n'avoir donné à leurs enfans qu'une
éducation incomplète, s'ils ne leur avaient fait
apprendre à dessiner le paysage ou quelques
têtes. De là est venu cette multitude de maîtres
de des.sin, et cette aptitude d'un si grand nombre
de jeunes gens et de jeunes personnes à pronon-
cer sur le dessin d'une gravure, d'un morceau de
sculpture ou d'un tableau.
Un maître de dessin est un homme dont les
pensionnats de jeunes demoiselles ne peuvent
plus se passer, puisque son art est devenu une
partie essentielle de l'éducation d'une jeune
personne, à laquelle on ne pardonne point si elle
ne sait au moins représenter avec le crayon un
arbre ou une fleur, et même si, en sortant du
pensionnat, elle ne peut présenter à ses parens
un on deux c-hefs-d'œuvre de sa façon ^ ».
Dessinateurs effig-iaires. Titre que
poriaicnl les artistes chargés de représenter les
traits des condamnés exécutés par effigie ; le
tableau prenait la place qu'eût occupéele coupable.
' Estai général de la maison du liotj pour i657 , p. 116.
2 Voy. le Magasin pittoresque, 1. XVII (1849),
p. 148.
•' Séjour de Paris, édition do 1897, p. 22.
^ ^'oy. .lèzc, Etat ou tableau de la ville de Paris pour
^760, p. 189.
S Vie publique et privée des Français, t. II, p. 260.
DESSINATEURS EFFKilAlHES — DEUIL
259
Un avis sans date ^ que j'ai Irouvé tiaiis un
recueil de la bibliothèque Mazarine ^ mentionne
« le sieur Lepautre, dessij^'nateur eftiii;iaire »,
attaché axi service du sieur Bausire, maître des
hautes œuvres.
Dessinateurs de jardins. Onx qui
<,< créent et tracent un jardin dans un endroit où
il n\y en avoit pas ** ». Dans un brevet du 25 juin
1643, Claude Mollet est qualifié de « dessinateur
des plans, parcs et jardins des maisons rojales * ».
Mais je vois, d'autre part ^, qu'en décembre de
la même année ce titre appartenait au célèbre
André Lenôtre.
Au dix-septième siècle, les dessiuateurs de
jardins, ditsaussi Iraceurs, avaient voulu dompter,
discipliner la nature. Un jardin, comme une
maison, se divisait en g'aleries, en salles, en
rotondes, en cabinets, les uns carrés, les autres
ronds, d'autres octogones ; les avenues étaient
bordées de charmilles unies comme des murailles -,
les arbres torturés étaient contraints de repré-
senter des pyramides, des pilastres, des colonnes,
des arcades, etc. Le parc de Versailles donne une
idée exacte de la doctrine alors en faveur. Une
réaction se produisit vers la fin du dix-huitième
siècle. L'Ang-leterre donna l'exemple, qui fut
vite suivi par l'Europe entière. Le jardin cessa
d'être une création tout artificielle de l'imag-i-
nation, devint une copie de la vraie campagne,
une imitation et non plus une parodie de la nature.
Voy. Jardiniers.
Détacheurs. Voy. Dégraisseurs.
Détailleiirs. « Ce nom se donne en général
à tous ceux qui vendent en boutique des marchan-
dises au détail, et les distribuent à plus petites
mesures ou à plus petits poids qu'ils ne les ont
achetées. C'est chez eux qu'on trouve, en aussi
petite quantité qu'on veut, tout ce qui est d'usage
et de commodité, et dont on a besoin dans les
ménages ^ ».
Deuil (Spécialité de). Le soin jaloux avec
lequel chaque corporation était confinée dans
sa spécialité '' interdisait absolument l'existence
d'une spécialité forcée d'emprunter le concours
de plusieurs métiers. Seuls, les merciers, qui ne
produisaient rien et vendaient de tout, eussent
pu entreprendre la fourniture complète d'un deuil,
mais je ne crois pas qu'aucun d'eux ait eu cette
pensée avant la fin du dix-huitième siècle.
En 1777 seulement, je trouve un mercier qui
peut-être tenta d'entrer dans cette voie : le sieur
Dallemagne, demeurant rue de Poitiers, déclare
en effet tenir « tout ce qui concerne particu-
lièrement les ecclésiastiques et le deuil ». A la
même date, le mercier Briceau, rue Saint-Honoré,
^ Fin (lu seizième siècle.
2 Coté A 15,407, 9» pièce.
3 Jauberi, Dictionnaire des arts et métiers, t. II, p. 468.
4 Archives de l'art français, t. III (185.5), p. 272.
^ Dans A. Jal, Dictionnaire critique, p. 771.
6 Abbé Jaubert, Dictionnaire. \. II, p. 29.
^ Voy. ci-dessous l'art. Travail (Réglementation du).
vis-à-vis de TOratoire, se dit ^< particulièrement
renommé pour les galons et broderies d'acier pour
deuil ' .» Mais on ne saurait voir ici une tentative
de spécialisation, pas plus que chez les couteliers,
par exemple, qui depuis longtemps fabriquaient
des couteaux nmnis de manches noirs et destinés
aux jours de mortifications -.
Cette reclierche date du quatorzième siècle, et
il ne semble pas que l'usage de solenniser un
deuil par quelque marf[ue apparente soit anté-
rieure à cette épocjue. Dès 1303, le noir est la
couleur que la tristesse a choisi pour eud)lème,
car Mahaut d'Artois, en deuil de son mari, tend
de noir son lit et sa chambre •''. En 1388, quand
le comte de Foix apprit la mort de son fils (raston,
il appela sou barbier, '< se fit rere tout jus '', puis
se vestit de noir et tous ceux de son hostel ^ ».
Le deuil de mari paraît avoir été de tous le
plus rigoureusement observé. Ainsi, les statuts
accordés aux tailleurs en septembre 1461 leur
défend de travailler le samedi ou la veille des
grandes fêtes, sauf « pour gens qui voulsissent
aler en voyaige ou pour porter estât de viduité ^ » .
Car le deuil se reconnaissait non seulement à
la couleur des vêtements, mais aussi à leur forme.
Les veuves, par exemple, devaient ensevelir leur
tête dans la guimpe, voile de toile fine qui
enveloppait le visage, le cou et les épaules '.
Ajoutez-y le long manteau, et vous aurez peut-
être ce que l'on a nommé V habit de viduité *,
dont la rigueur primitive tolérait bien des adou-
cissements. Plus sévère que le costume mondain,
moins austère que le costume monacal, il
rappelait, comme ce dernier, des engagements
sérieux, car on le gardait toute sa vie, à moins
d'un remariage, fait assez rare et toujours mal
vu par l'Eglise. L'iiabit de viduité, en général
noir ou gris, était blanc pour les reines, de là
le nom de reines blanches que l'on donnait alors
aux reines douairières, pour les distinguer de la
nouvelle souveraine. Toutefois, Catherine de
Médicis, ayant voulu porter en noir le deuil de
Henri II, fut appelée reine mère ^.
Au milieu du seizième siècle, le violet devient
la couleur du deuil pour les rois. Henri III
régnait en Pologne quand on lui annonça la mort
de Charles IX, à qui il succédait. Aussitôt « il
prit le violet, sa chambre fut tendue de mesme,
toute la Cour fut en deuil ^"^ ». Les reines devaient
rester enfermées durant les quarante jours qui
suivaient la mort de leur mari. La règle était
stricte à ce point que de Thou blâme presque
Catherine de Médicis qui la méconnut i*. C'est en
long manteau de drap noir que l'on s'acquittait
I Almanoch Dauphin, art. Mcrcier.s.
- Voy. ci-(lessu.s l'art. Couteliers.
3 J.-M. Richard, La comtesse Mahaut, p. 166.
■l Raser de près.
5 Froissart, Chronique, liv. III, chap. XIII.
<> Dans les Ordonn. royales, t. XV, p. 62. — Les tail-
leurs habillaient alors les deux st^xes.
7 Sur la guimpe, voy. Viollet-le-Duc, Dictionnaire du
mobilier, t. III, p. 208 et suiv.
8 Voy. Ducange, au mot vldiur.
!• Voy. Henri Etienne, Dialogues, t. I, p. 267 et suiv.
10 Pierre Matthieu, Histoire de France, p, 390.
II /fistoriartiM sui temporis ïih. }iX.lll. ..
260
DEUIL — DIAMANTAIRES
des visites de condoléances. Des piles de manteaux
se trouvaient dans les antichambres du défunt ;
un valet vous en plaçait un sur le dos à votre
arrivée, et le reprenait à la sortie. Pour le deuil
des proches, la tenue de rigueur était le cha-
peron, nom que Ton donnait à un long et étroit
manteau noir surmonté d'un coqueluchon mou
et plat.
Toute la nation portail le deuil du roi. Pendant
une année entière, il iVy avait si petit bourgeois
ffui ne dût s'habiller de noir, renoncer aux bijoux,
et vêtir, au moins de coideur sombre, sa famille
et ses domestiques. La maison royale fournissait
les habits de deuil à foutes les personnes relevant
directement de la couronne. Et cela allait très
loin, car les fonctionnaires de la Cour des comptes
par exemple, aussi bien que ceux des Monnaies,
réputés commensaux de la maison du roi, avaient
droit de deuil.
Le dernier deuil de Cour que la France ait
porté, « et il le fut spontanément comme une
mode ^, » est celui de Louis XVIII. La répu-
blique n'a cependant pas rompu tout à fait avec
cette tradition, car à la mort du président Carnot,
ordre fut donné aux fonctionnaires et agents de
tdus les semces publics de porter le deuil durant
trente juurs *, dans l'exercice de leurs fonctions.
Tous les gens de qualité prenaient le deuil de
père à la mort de l'aîné de leur famille, même
s'ils n'étaient cousins qu'au vingtième degré.
Mais ni le roi. ni la reine, ni la Cour ne portaient
le deuil des Enfants de France morts au-dessous
de sept ans ^.
Un seul personnage en France ne portait
jamais aucun deuil, c'était le chancelier. Chef
suprême de la justice, elle s'incarnait en lui,
et il devait dès lors paraître inaccessible aux
faiblesses humaines. « On a voulu marquer par
là, dit Guyot, que la justice doit toujours con-
server la même sérénité * ». *
Voy. Selliers.
Dévideurs. « • )n donne ce nom à des
)\ivrit'r> qui. dans les nuinufactures, ne font autre
l'hose que de mettre sur des bobines les soies, fils,
fdoselles. hiines. etc. qui éluient auparavant en
boites '••
Devineurs. Voy. Devins.
Devins. <' Devins et enchanteurs ne font que
ImrnptT cl abuser les incrédules qui vont au
recours a eux. . . Il faut du tout fuir ces hommes
«•l 1rs chasser li>in " •».
Voy. Aéromanciens. — Astrologues.
Bateleurs. Cartomanciens.— Chi-
romanciens. Enchanteurs. — Faci-
iiiorH. Géomanciens. — Hydro-
manciens Météoromanciens. —
"""II, H'-'"<rt >!•■ m-i vie, t. III, ]i. 443.
I 2."ijuiii 1804
"• Mrmoxrts. t. JV, ji. 00, il I \], I,. 208.
- Hflibi.-r, Journal, t. IV, p. 296.
♦ TraiU dfs nf^cts, l. IV, p. 174.
" .\bbé Jauborf , DiflionHoire, l. Il, p. 29.
• A. Paru, Œupret, edil. de 1607, p. 1044.
Métoposcopiens. — Nécromanciens. —
Oniromanciens. — Ornithomanciens. —
Pyromanciens. — Rhabdomanciens. —
Rhapsodomanciens, etc.
Dévoirants ou Dévorants. Nom que
prenaient certains membres de l'association dite
des Enfants de maître Jacqnes. Le Devoir des
dévoirants comprenait des menuisiers , des
serruriers et des forgerons, auxquels s'adjoi-
gnirent des teinturiers, des tanneurs, des
cordonniers, etc. Ils eurent de fréquents démêlés
avec les Gavots ^ .
On les nommait aussi chiem.
Voy. Enfants.
Devoirs. On nommait ainsi certaines asso-
ciations formées par les compagnons de divers
métiers. Les plus connues étaient celles dites :
Enfants de Salomon, comprenant les Loups et
les Gavots ; Enfants de maître Jacques, com-
prenant les Loups-garous et les Dévoirants; ou
Dévorants; Enfants de maître Souhise ou Bons
drilles.
En 1789, on comptait 29 professions dont les
ouvriers étaient affiliés aux Devoirs. C'étaient les
chamoiseurs, les bourreliers, les chapeliers, les
charpentiers, les charrons, les chaudronniers,
les cloutiers, les cordiers, les corroyeurs, les
couteliers, les couvreurs, les ferblantiers, les
fondeurs, les forgerons, les maréchaux, lés me-
nuisiers, les plâtriers, les poëliers, les selliers,
les serruriers , les tailleurs de pierre , les
tanneurs, les teinturiers, les toiliers, les tondeurs
de drap, les tourneurs, les vanniers et les
vitriers ^.
Voy. Enfants.
Dévorants. Voy. Dévoirants.
Deyciers, Nom que la Taille de 1292
donne aux faiseurs de dés à jouer, et le Livre
des métiers aux faiseurs de dés à coudre.
Diablotins. Dans les fabriques d'huile, on
donnait ce nom aux ou"vriers qui surveillaient le
travail du moulin aux olives.
Diamantaires. Titre qui appartenait à la
corporation des lapidaires.
Dès le treizième siècle, les diamants furent
très recherchés à la cour de France. Au siècle
suivant, ils brillent non seulement sur les orne-
ments royaux, mais aussi sur les coiffures des
élégantes. En LSfiS, le roi Jean donna à Blanche
de Bourbon, reine de Castille, une couronne d'or
et un « chapel » décoré de seize « d3-amans ^ . »
.Jeanne, lille du même roi, exhibait, de son côté
<v luiil dyamans » sur son chapeau.*.
' Agr. IVrdiguicr, Le livre du compagnonnage, t. 1,
p. .38.
' E. Li'vasscur, //is foire des dusses ouvrières, t. I,
p. 602 et. suiv., t. II, y. 814 et suiv.
■' Dépenses faites à l'occasion du mariage de Blanche de
Bourbon, p. 300.
* Compte d'Etienne de la Fontaine, dans Douët-d'Arcq,
Comptes sur l'argenterie, p. 168.
DIAMANTAIRES — DIMANCHES ET FÊTES
261
Le diamant présentait alors un éclat auquel
l'art n'ajoutait guère. Poui'tant, au milieu du
quatorzième siècle, on régularisait ses facettes
de manière à augmenter ses feux, et en 1382, un
Allemand nommé Jean Boule avait inventé on
apporté à Paris les moyens de lo tailler ' .
Quand François l""' maria au duc de Glèves sa
nièce Marguerite qui ii'avail pas encore treize
ans, « elle estoil si chargée de pierreries et de
robe d'or et d'argent, que par la foiblesse de son
corps n'eust sceu marclier : le Roy commanda à
M. le connétable - de la prendre au col el la
porter à l'église ^ ».
Henri II dédaigna les diamants* mais Henri IV
en couvrit (xabrielle d'Estrées d'abord ■"', puis
sa femme. Au baptême de Louis XIII, la robe
de Marie de Médicis « estoit fort estoffée de trois
mille diamaiis et de vingt-tleux mille perles »,
dit le continuateur de Jean de Serres ^. A cette
occasion, le duc d'Épernon avait ceint une
épée dont la garde étincelait de dix-huit cents
diamants.
En 1669, lorsque Louis XIV reçut l'ambas-
sadeur du grand Turc, il portait un habit
surchargé de diamants. Il y en avait pour quatorze
millions ', somme qu'il faudrait au moins doubler
pour avoir son équivalent en monnaie d'aujour-
d'hui. Les grands seigneurs qui entouraient ce
merveilleux vêtement étaient tout aussi reluisants
de pierreries ^. Enfin, l'année même de sa mort,
en un temps où M"** de Maintenon condamnait
la cour à l'austérité , Louis XIV recevant
l'ambassadeur de Perse, portait « un habit d'une
étoffe or et noir brodé de diamans ; il y en avoit
pour douze millions cinq cent mille livres, et il
étoit si pesant que le roi en changea aussitôt après
son dîner ^ ». Il « ployoit sous le poids », dit
Saint-Simon '"_
Une élégante faisait alors remonter ses diamants
tous les deux ou trois ans ^^.
Un arrêt du 4 juillet 1720 défendit de porter
aucun diamant ; on accordait aux marchands
un mois pour les faire sortir du royaume. Cet
arrêt fut révoqué quatre mois après *^, heureu-
sement pour M'"^ de Mailly , maîtresse de
Louis XV, qui aimait à coucher « toute coiffée
et la tête pleine de diamans ^^ ». Vers 1780, on
songea à les remplacer par l'acier ^*, mais
1 Voy. G. Fagniez, Etudes sur l'industrie, p. 267.
2 De Montmorency.
3 Brantôme, Des dames, t. "\'1I1, p. 117.
* Du Haillan, Discours sur les causes de l'extrême cherté
qui est aujourd'hui en France, dans Éd. Foumier, Variétés,
t. VII, p. 175.
5 Lcstoile, Journal, 15 septembre, 6 et 12 novembre
1594.
6 Inventaire de l'histoire de France, édit. de 1648, t. II,
p. 259.
' Oliv. Lefèvre d'Ormesson, Journal, t. II, p. 577.
8 Gazette de France', n" du 6 novembre 1669, p. 1165.
9 Dangeau, Journal, 19 février 1715, t. XV, p. 364.
10 Mémoires, tome XI, p. 90.
1' Mercure galant, année 1673, t. III, p. 294.
1^ Mat. Marais, Mémoires t. I, p. 315 et 490.
13 Duc de Luynes, Mémoires, 14 août 1739, t. III,
p. 7.
1* Mme de Genlis, Dictionnaire des étiquettes, t. I, p. 8
et 37.
Marie-Antoinette ne le permit pas ^ . Toutefois
leur valeur s'en ressentit el diminua un peu -.
Voy. Bijoutiers en faux et Lapi-
daires.
Diamentiers. Voy. Diamantaires.
Diction (Maîtres ue). Voy. Déclama-
tion.
Dimanche. Voy. Clou. — Étrennes.
— Repus, etc.
Dimanches et fêtes. L'Eglise, au moyen
âge, voulait que le dimanche fût un jour de
repos et de prière ; toutefois, l'interdiction du
travail était beaucoup moins absolue qu'elle ne
le devint par la suite el même qu'elle ne le fut
au dix-neuvième siècle. Liberté complète était
laissée aux faiseurs de hauberts ■^ et aux faiseurs
de btU-ils *. On défendait seulement aux lormiers
d'exposer des marchandises hors de leur bou-
tique ''. Les selliers pouvaient le dimanche
réparer un bouclier ou un harnais ", les barbiers
saigner et piu'ger "^ , les bouquetières faire des
chapeaux de roses ^, les fourbisseurs aiguiser
un couteau ou une épée ^.
Ces derniers obtinrent même, en 1290, de
laisser à tour de rôle deux boutiques ouvertes
chaque dimanche ^^. Et il y avait bien d'autres
corporations dans ce cas. Chez les orfèvres ^^, les
chapeliers de feutre ^^, les pourpoin tiers ^^, les
drapiers '*, une boutique restait ouverte, le
dimanche. Les chaussetiers étaient autorisés à en
ouvrir trois '°. Chaque gantier pouvait vendre
un dimanche sur six, et en 1268 quatre boutiques
restaient ainsi ouvertes ^'', d'où l'on doit conclure
qu'il y avait alors à Paris 24 maîtres gantiers.
Par obéissance aux règlements ecclésiastiques,
l'atelier observait les vigiles. Les veilles des
dimanches et des grandes fêtes, il fermait à
vêpres, à none ou à compiles, les foulons étaien
même libres dès huit heures du matin ^"^ . Les
charpentiers et les faiseurs de portes laissaient le
travail à trois heures, à moins toutefois que les
premiers ne fussent en train de poser une char-
pente qui ne pût rester sans appui, et que les
seconds n'eussent à livrer une porte ou une
1 Mémoires secrets dits de Bachaumont, 17 avril 1779.
2 Séb. Mercier, Tableau de Paris, t. VIII, p. 47.
•' Livre des métiers, litre XXVI.
* Livre des métiers, titre XL^ I.
!> Livre des métiers, titre LXXXII.
•» Livre des métiers, titre LXX\ III.
' Ordonn. de décembre 1371, dans les Ordonn. rot/aies,
t. Y, p. 440.
8 Livre des métiers, titre XC.
9 Livre des métiers, titre XCVII.
10 G. Depping. p. 366.
11 Livre des métiers, titre XI.
12 Livre des métiers, titre XCI.
13 Statuts de 1323, art. 13.
14 Statuts d'avril 1309, confirmés en 1362, 1364 et
1392. Voy. Ordonn. rot/a les , t. III, p. 581; t. IV,
p. 535; t. VII, p. 555.
15 Livre des métiers, titre LV, art. 8, et statuts de 134tî,
art. 4.
16 Livre des métiers, litre LXXXVIII.
1' Livre des métiers, titre LUI.
202
DIMANCHES ET FÊTES
fenêtre « pour bonnes g-ens clorre ^ ». Les
maçons ne devaient pas travailler après six heures
du soir en été, « se ce n'est à une arche ou a
un deo-ré fermer, ou à une huisserie assise sur
rue - >r. Il est probable que l'Éo^lise, en exigeant
le chômage des vigiles, songeait plus à sauver
malgré eux l'âme des ou\Tiers qu'à leur procurer
quefques loisirs. En effet, tout compagnon surpris
au travail après l'heure fixée était condamné à
une forte amende. S'il n'avait pas les moyens de
la payer, on lui saisissait ses outils ^.
l)e o-ré ou do force, rou\Tier se reposait donc
la veille des grandes fêtes, et Dieu sait si elles
étaient nombreuses. Les boulangers nous en ont
fourni ^ la curieuse énumération que voici :
FÊTES MOBILES
Le lundi de Pâques. La Pentecôte.
Le jour de rAscension. Le lundi de la Pentecôte.
FÊTES FIXES
Janvikh .Sfiinte Geneviève.
Epiphanie.
Fkvrier Purification de la Vierge.
Mars Annonciation.
Mai Saint Jacques [le Mineur] et saint
Philippe.
Invention de la sainte Croix.
Juin Nativité de saint Jean-Baptiste.
Juillet Sainte Madeleine.
Saint Jacques [le Majeur ] et saint
Christophe.
Août Siiint Pierre es Liens.
Saint Laurent.
Assomption.
Saint Barthélémy'.
.Skptemure. . . , Nativité de la Vierge.
Exaltation de la sainte Croix.
Octobre Saint Denis.
NuvKMHRE Toussaint.
Ti'i- passés.
Saint Martin.
Décembre .... Saint Nicolas.
Noël.
Di'ux jours après Noël.
.Mais ce n'est pas tout. 11 faut ajoulci- à cette
lis!»' la iè[e des patrons : la corporation, la
paroisse, le maître, sa femme, l'ouvrier et sa
Icnmii' avaifiil chacun le sien. Puis les enter-
ri-mfnl> ilc maîtres ou de compagnons, auxquels
a>si>lail loulc la conmuinauté ; les iTUU"iages,
bapli'-iin's, comiinmions, etc., soitdans la famille
du malirt', soit dans celle de l'ouvrier; les
légèri's indispositions de celui-ci, les entrées
soiennelios de rois on de reines ù Paris : toutes
tircoiislancns imprévues qui représentaient bien
en moyenne au moins une quinzaine de jours.
Enfin si l'on estime a une demi-journée le
cliômage prescrit pour la veille des "dimanches
et (lesT^ies, on arrive à celle conclusion (pie plus
d'un tiers de l'année était perdu pour le travail.
La preuve est facile à faire :
Dimanches 52 jours.
Veille des dimanches. . . 26 —
Fêtes mobiles 4 —
Veille de ces fêtes 2 —
Fêtes fixes 22
Veille de ces fêtes 11 —
Fêtes patronales 6 —
Veille de ces fêtes 3 —
Divers 15 —
* t.itrt dts métier*. Iiln< XLVII.
* f.irrr lits métiers. Iiln« XLVII I.
■■' l.itmlfs métiers, titres XI,A II ,.| XI, VIII.
* Litre des métiers, litre I.
Total. . . 141 jours.
Dans les communautés qui, comme les tré-
filiers d'archal par exemple, donnaient un mois
de cono-é aux ouvriers, l'année se trouvait ainsi
partagée :
Jours de repos 171
— de travail 194
soit, à peu de chose près, un jour de repos sur
deux. Il n'est vraiment pas inutile de rappeler
que les ouvriers étaient alors presque tous payés
au mois, et que c'étaient les maîtres, qui par
amour de l'art, proscrivaient le travail aux
pièces.
Toutes les corporations avaient-elles autant de
jours fériés que les boulangers ? On est porté à
le croire, puisqu'il s'agit ici d'un métier de
première nécessité. Les autres statuts sont, il
est vrai, beaucoup moins explicites sur ce point,
et la plupart d'entre eux se bornent à men-
tionner le repos forcé du samedi, du dimanche
et des « quatre festes Notre-Dame "* ». Les
corporations semblent n'avoir frappé le travail
d'une amende que pendant ces jours-là. Mais
les autres n'en étaient pas moins chômés, et loin
de diminuer, leur nombre augmenta sans cesse.
A dater du seizième siècle, les lois concernant
le repos dominical devinrent de plus en plus
sévères. D'innombrables arrêts ^ prohibèrent
l'exercice de toute industrie, de tout commerce
en ce jour-là. Jusqu'à la Révolution, les caba-
retiers n'eurent pas le droit de donner à boire
durant le temps des offices. Les boulangers
étaient bien autorisés à vendre du pain, mais il
fallait que leur boutique restât fermée.
Dans leurs statuts de 1636, les tapissiers de
hante lice reproduisent une disposition qui
rappelle tout à fait les réserves faites en pareille
matière par le moyen âge : « Il sera défendu,
disent-ils de travailler à feste festative, si ce n'est
pour le Roi ou sa gent, à peine d'amende '■^ ».
En dépit de ce privilège, le roi, je parle du sage
Henri IV, trouvait que l'on abusait fort des fêtes
et des chômages. Les guerres civiles avaient
' Assomption, Nativité, t'uritieation, Auiioncialion.
Litre dm métier.i, tilro LXXVIII, art. 21.
- \()y. dans Delaniarre, Traité de la police, t. I,
p. •ZV<^'vX .suiv., les arrêts de 1560, 1579, 1588, 1638,
1601, 1667, 1670, 1673, 1679, 1696, 1698, etc. —
Expe|ilionnelienient et jusqu'en 1627 (statuts, art. 23),
les foui'ljisseurs [uirenl lais.ser deux boutique.s ouvertes
le dimanche.
3 A ri i rie 23.
DIMANCHES ET FftTES — DIRECTEUR
263
décimé la population, des plaines immenses
demeuraient sans culture faute de bras, et ceux
qui restaient se reposaient trop souvent pour que
l'ouvrage avançât. Le cardinal d'Ossal fut donc
chargé de demander au pape la suppression d'un
certain nombre de jours fériés. Le pape répondit
qu'à cet égard chaque évéque était maître dans
son diocèse, et la négociation en resta là ^.
Elle fut reprise soixante-six ans plus tard par
Colbert. Louis XIV, qui avait entrepris de
terminer le Louvre, se plaignait de la lenteur
avec laquelle étaient menés les travaux. Comme,
après tout, l'on n'est pas pour rien roi absolu,
il défendit, le 6 novembre 1660, « à toutes
personnes de faire travailler à aucun nouveau
bastiment » sans sa permission expresse, et sous
peine de prison pour la première contravention
et des galères pour la seconde ^. Cette mesure
énergique ne donna pas les résultats qu'on en
attendait. Les jours de fête étaient trop nom-
breux, et Louis XIV avait très bien remarqué
que « ces jours, lesquels dans l'intention de ceux
qui les ont établis auroient dû être employés en
prières et en actions pieuses, ne servaiient plus
que d'une occasion de débauche ^ ». Supprimer
ces occasions aurait donc le double avantage de
sauver l'âme des ouvriers et de hâter l'achè-
vement du Louvre. Colbert négocia avec
Hardouin de Péréfixe, archevêque de Paris *, et
celui-ci rendit le 20 octobre 1666 une ordon-
nance qui supprimait une vingtaine de jours
fériés. Il en était conservé 32 seulement, que
tout le monde était tenu d'observ^er, j compris
les Protestants : l'édit de Nantes lui-même ^ les
y obligeait. Mais les ouvriers avaient déjà l'habi-
tude de célébrer le lundi et même le mardi ".
Admettons pourtant que ce second jour ne fût
fêté qu'une fois sur deux, nous arrivons encore
à 110 jours de chômage, c'est-à-dire à un jour
sur trois. Chômage obligatoire, car l'indulgence
professée sur ce point par le treizième siècle
n'était plus de mise même au dix-huitième,
comme le prouve l'ordonnance de police rendue
le 8 juin 1764, vingt-cinq ans seulement avant
la Révolution, et dont voici l'analyse :
Art. P''. Aucun ouvrier, aucun commerçant
ne pourront travailler ni faire commerce les
dimanches et jours de fête ; « leur enjoignons
de tenir leurs boutiques exactement fermées,
à peine de deux cents livres d'amende par
chaque contravention ».
Art. II. Défense aux portefaix, charretiers,
voituriers de travailler ni faire aucun charroi.
Art. III. « Ne pourront les particuliers,
bourgeois et habitans, employer leurs domes-
tiques ni aucuns artisans à des œuvres serviles ».
1 Lettres du cardinal d'Ossat, 18 janvier 1599, t. III,
p. 259.
2 Félibien, Hiatoire de Paris, t. II, p. 1473.
3 Mémoires de Louis XIV, p. 277.
^ Tableau de la vie et du (jouvernement de M. Colbert,
p. 203.
5 Article 20.
6 Voy. S. Mercier, Tableau de Paris, t. X, p. 345, et
t. IV, p. 159.
Art. IV. Défense d'exposer en vente ou étaler
aucuns livres, images ou estampes, « ni aucune
sorte de marchandise au coin des rues, dans les
places publiques et sur les quais ».
Art. V. « Ne pourront les marchands de vin,
limonadiers, vendeurs de bière et d'eau-de-vie
ouvrir leurs cabarets et boutiques les jours de
dimanches et fêtes pendant les heures de l'office
divin. Leur enjoignons, et à tous maîtres de jeux
de paume et de billard, de refuser l'entrée de
chez eux à ceux qui se présenteront pour y boire
ou y jouer, à peine de trois cents livres d'amende
pour la première contravention, et de fermeture
des boutiques, jeux de paume et de billard en
cas de récidive ».
Art. VI. « Défendons à tous maîtres à danser,
cabaretiers, traiteurs et autres de tenir chez eux
des assemblées et salles de danse les jours de
dimanches et fêtes, et à tous joueurs de violon
et d'instruments de s'y trouver, à peine de
cinq cents livres d'amende contre chacun des
contrevenans, et en outre confiscation des
instrumens de musique ».
Une nouvelle réforme eut lieu quatorze ans
après. Un mandement du 11 février 1778
supprima treize jours de fête. Mais le Parlement
fit une vive opposition au mandement et refusa
d'abord d'enregistrer les lettres patentes qui
l'accompagnaient. On prétendit dans le public
que les magistrats ne tenaient tant aux saints
évincés que parce qu'ils représentaient pour eux
treize jours de congé *. Ils durent cependant
céder, et les malheureux saints, qui perdaient
en eux leur dernier appui, eurent encore l'humi-
liation de se voir chansonner en treize couplets
très irrespectueux ^. * -
Voy. A.is (Fête aux).
Dîmeurs et Dîmiers. « Journaliers qui
recueillent la dîme », écrit le Dictionnaire de
Trévoux'-'' . Le décimateur est celui qui a le droit de
percevoir la dîme, le dîmier celui qui la perçoit *.
On trouve aussi dîmeurs^ dixmeurs et dixmiers.
Dinandiers. Dinantiers. Dînants.
Voy. Chaudronniers.
Dioramas. Voy. Panoramas.
Directeur du balancier du Louvre,
dit aussi Garde de la monnaie des
médailles, et Balancier du roi. Place
créée en juin 1695, en faveur de l'orfèvre Nicolas
de Launay ^.
La fabrication des monnaies avait été installée
au Louvre en 1639. Elle fut ensuite transférée
rue de la Monnaie, où elle resta jusqu'à la fin
du dix-huitième siècle ; mais la monnaie des
médailles et jetons demeura au Louvre.
1 Mémoires secrets, dits de Bachaumont, 22 février
1778.
2 Mémoires secrets^ dits de Bachaumont, 19 mars.
3 Tome III, p. 354.
i Voy. Ducange, aux mots decimator et decimœ.
S État de la France pour 1736, t. I, p. 433. — Abot
de Bazinghen, Traité des monnoies, t. I, p. 82 et suiv.
264
DIRECTEUR — DISLOQUÉS
On y frappait plus de jetons que de médailles.
Le premier janvier, à l'occasion des étrennes le
prévôt des marchands et les échevins, les gardes
du Trésor, les trésoriers des guerres, des parties
cisueUes, des bâtiments, etc., etc. apportaient
une bourse de jetons au roi, à la reine, aux
princes du sang, au chancelier, aux ministres,
etc. Le roi en donnait à la reine, la reine en
donnait au roi, et la maison royale en recevait
d'eux. Il faut lire, dans les Mémoires de Stilli/^,
lejoli passage où il raconte comment, le premier
janvier 1006, il vint présenter à Henri IV,
encore au lit avec Marie de Médicis, trois grands
sacs de velours remplis de jetons d'or et d'argent
tout neufs. Louis X\' faisait convertir en assiettes
d'or les jetons qu'on lui otfrait ainsi : en 1754,
il possédait quarante-deux de ces assiettes ^.
l*)n général, les jetons portaient d'un côté la
tête du roi, de l'autre une devise qu'avait
composée l'académie des Inscriptions. Quant aux
pièces commandées par les diverses corporations
ouvrières, et qui servaient de jetons de présence
aux assemblées des maîtres, aux séances de
réception , etc. , elles reproduisent presque
toujours les armoiries de la communauté à
laquelle elles étaient destinées.
Les jetons avaient encore et surtout une autre
utilité, celle de servir aux calculs, de remplacer
la plume et les chiffres. Je donnerai une esquisse
de ce procédé à l'article Jetons [Calculs par les).
M. d'Ati'ry de la Monnoje, un nom prédestiné,
avait rassemblé une immense quantité de jetons
(plus de 5.000 pièces), qu'il a léguées en 1864 au
musée df dhinv.
Vov. Monnayeurs.
Directeurs des pépinières . Voy .
Planteurs.
Directeurs de théâtre. Ce titre n'appa-
rail que fort tard. Pendant longtemps, les
comédiens, constitués en communauté, ne recon-
naissaient officiellement aucun chef. Chappuzeau,
veis 1674, semble un moment vouloir donner ce
niiiii à Vamteur^ : <,< Comme il représente Testât,
••n pnriani la parole pour tout le corps, il seroit
pcul-tMn- dt* riionneiir de la troupe qu'il en fût
hiinimé le chef >> ; mais, ajoule-t-il, « il n'a pas
daii> la Iriiupt' piii^ de pouvoir qu'un autre * ».
Kii 1760, lii (Comédie française, alors rue
S«iiil-(;erniain-des-Prés s, et la Comédie ita-
liiMuie. alors rue Mauconseil, sont gouvernées
par MM. h- duc d'.\umonl, le maréchal duc de
Hich.dieu, le dvic de Fleurj et le duc de Duras,
tous (|unlre gentilshommes de la Chambre. Elles
sont CONDUITES par MM. de Fonlpertuis, de la
Kerlé et Delalouche, intendants des Menus-
plnisirs. L'Opéra, alors rue Sainl-Nicaise a pour
direeleurs Hebclel Franc(eur. L'Opéra-comique,
qui se lient l'été à la fnin- .Saint-Laurent et
' fe<lil. Michnud, l. m, p. 130.
- Jniirnnl t\,> Hnrhi.T. riii M-|it.>mbrr 1754.
•' \»y. riili'.s.sou.s «cl orlicle.
* Lf Ihfàlre françoif. |i. 225.
3 Atij. ruf dp rAnoionne-Comédie.
l'hiver à la foire Saint-Germain, est placé sous
la direction de MM. Corbi, Moette, Dehesse et
Favart.
Jusqu'en 1680, la Comédie française ne jouait
que trois fois par semaine, et les premières se
donnaient toujours le vendredi, afin, dit encore
Chappuzeau, de « préparer l'assemblée à se
rendre plus grande le dimanche suivant, par les
éloges que lui donnent l'annonce et l'affiche ^ »,
L'heure des représentations varia sans cesse.
Au début du dix-septième siècle, elles avaient
lieu au milieu de la journée ; une ordonnance
de novembre 1609 interdit de prolonger le
spectacle passé quatre heures et demie, ce qui
doit faire supposer qu'il commençait vers deux
heures. Ce moment fui retardé, sous Louis XIII
jusqu'à trois heures, et sous Louis XIV jus([u'à
cinq. On s'en tint là pour longtemps, et si la
princesse Palatine, en 1714, se rendait à la
comédie vers sept heures, c'est qu'elle ne se
souciait guère d'assister à toute la représen-
tation -.
En 1781, le libraire Panckoucke, publia
une brochure fort curieuse, intitulée Moyens
d'augmenter le bonheur d'ime partie de la nation
sans nuire à personne. Il y demandait que l'on
retardât le moment du dîner jusqu'à cinq heures,
et que les théâtres n'ouvrissent plus leurs portes
qu'à huit heures en hiver et à neuf heures en été.
Sébastien Mercier désirait, de son côté, qu'on
reportât l'heure du dîner à six heures et celle
des théâtres à neuf ^. Le dix-neuvième siècle
allait exaucer ses vœux, et Madame de Genlis
écrivait déjà vers 1818 : « On ne soupe plus,
parce que les spectacles ne finissent qu'à
onze heures du soir * ».
Notons, en passant, cette phrase que je cueille
dans Tallemanl des Réaux : <.< La comédie n'a
esté en honneur que depuis que le cardinal de
Richelieu en a pris soing ; avant cela les
honnesles femmes n'y alloient point ^ ».
Voy. Théâtre.
Directeur g-énéral des haras, postes
aux chevaux, relais et messageries.
Office créé par édit de décembre 1785.
Les fonctions du titulaire consistaient « à régir
et administrer, sous rautorité immédiate du roi.
les haras et tout ce qui concerne la poste aux
<'hevaux et relais, ainsi que les messageries, en
tant qu'elles peuvent avoir rapport aux postes
aux chevaux ^ ».
Disloqués. Ce nom, appliqué à une variété
lie bateleurs, existait déjà à la fin du dix-huitième
siècle. « Le disloqué, écrit Gouriet, se transforme
en motte de terre pour aller à la chasse ; son
corps et tous ses membres ne forment plus qu'une
boule, il imite le bruit d'un coup de fusil et se
met à rouler, comme courant à la recherche
' Pajifi' !t2.
2 Leitre du 20 scpleiiibœ 1711, 1. I, p. 140.
■t TitlileiiK (le Paris, {.. XII, p. 209.
4 Diclioitnnire des étiquettes, t. II, p. 265.
•' Historiettes, t. VII, p. 181.
G Guyol, Traité des of/ices, l. I, p. 027.
DISIJXJUÉS — DOI^IESÏIQUES
260
d'une pièce de g'iljier que l'arme a dû abattre.
Dans cette situation, il casse un noyau de pêche
avec son derrière. C'est ordinaireuRMit le soir et
presque toujours dans la cour des Fontaines, que
l'on voit ce personnag'e ' ».
Leii mois desui'ticn/es, désossés, etc., son! |>1un
récents.
\oy. Bateleurs.
Distillateurs. L'eau-de-vie, appelée aussi
eau d'or, eau de rin, etm ardente, eau, éter^ielle,
était déjà bien connue au treizième siècle.
Albert le Grand - indique deux procédés diffé-
rents pour opérer la distillation, et Arnauld de
^'illeneuve célèbre celle admirable liqueur, dont
bien des gens avaient pu déjà apprécier les
mérites : « Quidam appellant eam aquam vit»,
et certe et vidi quibus expedit bene consonat
nomeu rei, ita quod dixerint aliqui de modernis
quod est aqua perennis et aqua auri propter
sublimitates operationis ipsius ^ ». Elle g'uérit.
ajoute-t-il, la paralysie, la fièvre quarte, Tépi-
lepsie, les taies de l'œil et le cancer de la
bouche *. Elle était donc re<i^ardée comme un
médicament, mais il faut avouer que ce médica-
ment avait devant lui un bel avenir. Les
procédés de distillation, encore bien imparfaits,
se perfectionnèrent peu à peu, et Ambroise Paré
donne déjà ce moyen pour reconnaître la bonne
eau-de-vie : « Estant posée en une cueillier et
allumée, elle se consume du tout, ne laissant
aucune marque d'humidité au fond de la
cueillier ». D'ailleurs, c'est toujours à ses yeux
une espèce de panacée, dont les « vertus sont
infinies » ; elle « aide aux épilepsies et apo-
plexies, sède ^ la douleur des dents, est utile aux
défaillances de cœur et syncopes, g^angrènes et
pourritures " ».
La distillation de l'eau-de-vie resta pendant
longtemps le privilège des épiciers-apothicaires
et des vinaigriers. Un arrêt du 7 septembre 1624
leur donna des concurrents ; puis des statuts,
datés du 13 octobre 1634, créèrent la corporation
des distillateurs et vendeurs d'ea^c-de-vie et eau
farte. Ces statuts, confirmés en janvier 1637,
attribuent aux maîtres de la communauté le titre
de distillateurs en Fart de chimie et vendeurs
d' eau-de-vie. Le 5 avril 1639, les statuts furent
renouvelés et les maîtres furent dits distillateurs
creaît forte, d'eau-de-vie et autres eaux, huiles,
essences et esprits. La lecture de ces statuts
prouve que les maîtres représentaient assez fidèle-
ment les industriels qui s'intitulent aujourd'hui
fabricants de produits chimiques.
Une sentence de police du 14 août 1674
confirma leurs privilèges. Mais un arrêt du
15 mai 1676 les réunit à une communauté qui
' J.-B. Gouriet, Per.^omuige.: célèbres dans les rues de
Paris, t. II, p. 298.
2 Mort en 1280. — De inirahilibus mundi, édit. de
U^m. p. 2m et 237.
^ Arnaldu.'s de N'illanova |iin)rl en 1313], Opern, édit.
de lôn.">, p. 102.
^ « Et cancer oris ».
•'' A])aise.
G Œuvres, édit. Av 1(507, j). 1154.
venait d'être créée, celle des limonadiers
iiiarchands d'ean-de-vie.
Vo}'. Eau-de-vie.
Distillateurs en eau-de-vie et esprit
(le vin. Titre que prenaient les vinaigriers.
Ils fabriquaient des vinaigres avec des vins
avariés, et ils obtinrent le droit de brûler les lies
pour produire de l'eau-de-vie.
Distributeurs du papier et du par-
chemin timbrés. Seize offices créés eu avril
1696.
C'est du 20 mars 1655 qu'est daté le premier
édit créant l'iiupôt du papier timbré, ordonnant
que « tous actes et papiers portant foy, obligation
ou acquis soient écrits en papiers ou parchemins
dont chacune feuille sera marquée selon leur
valeur et qualité ». Le parlement refusa d'en-
registrer l'édit, Louis XIV l'y força. C'est même
à cette occasion qu'il se serait présenté devant la
cour en justaucorps rouge et même un fouet à la
main, circonstance qui appartient à la légende
plus qu'à l'histoire. Le Parlement feignit de se
soumettre, mais, en réalité l'édit du 20 mars
resta sans exécution.
Des ordonnances de 1667, 1669, 1670 avaient
imposé l'emploi de formules spéciales pour la
rédaction des actes. Puis une déclaration du
2 juillet 1673 prescrivit que « les commis
préposés pour la distribution des formules
pourront vendre à tous officiers, ministres de
justice et autres le papier et parchemin qu'il
conviendra, marqué en teste d'une fleur de lys
et timbré de la qualité et substance des actes,
avec mention du droit porté par le tarif, le corps
de l'acte entièrement en blanc pour être écrit
à la main ». De cette déclaration date l'habitude
d'appeler le papier timbré papier forriiule ou
formulé.
Quelques provinces, la Guyenne et la Bretagne
entre autres, refusèrent d'acquitter ce nouvel
impôt. Elles y furent contraintes à la suite de
sanglantes insurrections ' .
Avant la Révolution, le bureau général du
papier timbré était installé à l'hôtel Breton-
villiers, dans l'île Saint-Louis. Il existait, en
outre, à Paris huit bureaux pour « la distribution
des papiers et parchemins timbrés appelés
formules - ».
Dixmeurs et Dixmiers. Voy.Dîmiers.
Dizainiers. ^'oy. Quartiniers.
Doleurs. Nom donné parfois aux tonneliers,
parce qu'ils faisaient grand usage de la doloire,
sorte de hache qui sert à dégrossir et à polir le
bois des douves.
Domestiques. Le riche bourgeois du qua-
torzième siècle à qui l'on doit le Ménayier de
Paris, avait plusieurs domestiques, lui-même
1 .Sur ce sujet, voy. L. Salefranque, Le timbre à
travers t histoire, 1890, in-4''.
2 Jèze, État ou tableau, etc., p. 327.
266
DOMESTIQUES
désigne par cette expression ses gens de service ^ .
A leur tête, figurait maistre Jehan le despensier.
maître d'hôtel ou intendant. Agnès la béguine.
placée auprès de la jeune femme comme gouver-
nante et comme dame de compagnie, lui servait
d'intermédiaire vis-à-vis des chambérières et des
varlets.
Tous ces gens étaient bien traités. Avant de
les engager, on avait soin d'aller aux rensei-
«'iiemenls chez les maîtres qu'ils quittaient : « Ne
prenez aucunes (chambérières) que vous ne
sachiez avant où elles ont demouré, et y envolez
de vos gens pour enquérir de leurs conditions sur
le trop parler, sur le trop boire ; combien de
temps elles ont demouré ; quel service elles
faisoient et scèvent faire ; se elles ont chambres
ou acointances en ville ; de quel pais et gens
elles sont ; combien elles 3' demeurèrent et
pourquoj elles s'en partirent. Et .sachiez que
communément telles femmes d'estrange païs ont
eslé blasmées d'aucun vice en leur païs, car c'est
la cause qui les ameine à sersdr hors de leur
lieu ». Il faut que Jehan le dépensier note sur
son li\Te tout ce qui concerne chaque chambrière
acceptée par la maison : « P^'aictes luy enregistrer
en son papier de la despense ^ le jour que vous
la retiendrez, son nom, et de son père et de sa
mère, et d'aucuns de ses parens ; le lieu de leur
demourance , le lieu de leur nativité, et ses
pleiges •*, car elles craindront plus à faillir pour ce
qu'elles considéreront bien que vous enregistrez
ces choses pour ce que, s'elles se defîuioient de
vous * sans congié, vous vous en plaindriez à la
justice dt' leur pays ou à iceulx leurs amis ». Est-
il possible de mieux dire ? Et ces conseils donnés
à une bourgeoise du quatorzième siècle ne sont-
ils pas exactement ceux que l'on donnerait à une
biiurgt'oise du dix-neuvième?
Notre sage mentor poursuit : « Il faut sans
cesse veiller sur vos gens, les endoctriner et les
corriger, les empêcher de se quereller, de mentir,
de jurer, de dire de vilaines paroles. » Les domes-
tiques diiKMil après leurs maîtres: un seul plat
Itjursurtil, pourvu qu'il soit copieux et nourris-
sant. Veillez à ce qu'ils ne restent pas trop
longtemps u table, à ce qu'ils n'y discourent pas,
<' car les communes gens dient quand varlet
presehe à table et cheval paist en gué^ il est teins
qu^on l'en oste, que assez y a esté ».
Lui^que « le feu des cheminées sera couvert
partout />, vos gens se retireront pour se coucher.
Qu'ils aient chacun sa chandelle dans un chan-
delier solide el ù large pied, qu'ils la déposent
nu milieu .le ht pièce, qu'ils l'éleignenl « à la
liouclie ou ù la main » avant de se mettre au lit,
•?l non pas au nioinnil ,,u ils enlèvent leur
chemise ^.
Si vos clwnnberières sont jeunes, ne les laissez
P''" ' '"•'■ l"'" tl« vous. :<. Se vous avez filles
' I ni. il [. :,(\
' Sur son livre Av iléppn!*p.
' S*'» rf|Hiuiliiiii.s.
J Si A\«"i vont i|iiiUai>'nl.
5 On ouuciwil ..ncor.« .sans ch-misr, ,„ai.K on nr IV.tail
quun.- foi.s rnin. ,lons lo lit, h on la r.larail, awr l.s
brsi>*<«. soii.s If Iraveniin.
ou chambérières de quinze à vingt ans, pour ce
que en tel aage elles sont sottes et n'ont guère vu
du siècle *, que vous les faciez coucher près de
vous en garderobe ou chambre où il n'ait
lucarne ne fenestre basse, ne sur rue. » Enfin, si
un de vos serviteurs tombe malade, « toutes
choses communes mises arrière, vous mesme
pensez de luy très amoureusement ^ et charita-
blement, et le revisitez, et pensez de luy ou d'elle
très-curieusement en avançant sa garison ». Ces
marques de sollicitude recommandées dans un
traité d'éducation à une jeune femme faisant
partie de la riche bourgeoisie méritaient d'être
relevées. Elles prouvent que, comme les appren-
tis, les domestiques étaient déjà traités avec
douceur.
Ceci, d'ailleurs, ne les empêchait pas de
tromper leur maître, de « battre le cabas » comme
on disait au quinzième siècle ^, de « ferrer la
mule » , comme on disait au dix-septième * ,
d'entretenir des amoureux dans la maison, et de
répondre aux reproches en brisant quelques pièces
de la vaisselle. Sans eux, dit Olivier de Serres,
les meubles se conserveraient éternellement ^...
C'est du seizième siècle seulement que date
l'usage d'exiger des domestiques un livret. Aux
termes de la Déclaration du 21 février 1565 ^
les gens qui voulaient entrer en service devaient
« faire apparoir à leurs maistres par acte valable et
authentique de quel part, maison et lieu, et
pour quelle occasion ils sont sortis ». Ceux qui
avaient déjà servi étaient tenus de produire
« suffisante attestation de leurs premiers maistres
de l'occasion pour laquelle ils sont sortis ».
Défense très expresse était faite d'accepter des
domestiques sans certificat, et aussi de les congé-
dier « sans leur bailler acte de l'occasion de leur
congé ». Tout domestique trouvé sans certificat
de ce genre était considéré comme vagabond, et
enfermé au Châtelet.
Suivant une coutume qui s'est conservée en
quelques provinces , les domestiques étaient
presque toujours engagés soit à la Saint-Jean
soit à hi Saint-Martin. On les prenait tantôt à
gages, tantôt à récompense. Ces derniers étaient
payés suivant la fantaisie de leur maître : en
général, ils recevaient trois ou quatre cents francs
après trois ou quatre années de service, et ils
devaient se contenter de ce qu'on leur donnait.
Souvent aussi, le maître, satisfait d'un serviteur
encore jeune, le mettait à même d'apprendre un
métier ou l'établissait. La plupart des valets qui
figurent dans les comédies de Regnard et de
Dancourt sont des valets à récompense.
En notre temps de mesquines fortunes, on ne
rencontre guère de maisons montées comme
l'était celle d'une riche famille au dix-septième
siècle. Suivant Audiger, qui fut officier de cuisine
chez la comtesse de Soissons et chez Colbert, la
' El n'ont guère vu le monde.
2 Affectueusement.
"* Voy. Gliristine de Pisan, Le trésor de la cité des dames,
C'dil. de l.-)36, f" 121.
* \o\. l'art. Sei-vantes.
" Théâtre d'tiffriculture, édit. de 1600, p. 881 et suiv.
•• Isambert, .l/icieniies lois françaises, t. XIV, p. 178.
DOMESTIQUES
267
maison d'un grand seigneur devait être composée :
D'un intendant,
D'un aumônier,
D'un secrétaire,
D'un écuyer,
De deux valets de chambre,
D'un concierge ou tapissier,
D'un maître d'hôtel,
D'un officier d'office.
D'un cuisinier.
D'un garçon d'office.
De deux garçons de cuisine,
D'une servante de cuisine.
De deux pages,
De six ou quatre laquais.
De deux cochers.
De deux postillons.
De deux garçons de carrosse,
De quatre palefreniers.
Et d'un suisse ou portier.
Il pouvait y avoir plusieurs autres domestiques
servant aux officiers ci-dessus, comme :
Un valet pour l'intendant,
Un valet pour l'aumônier.
Un valet pour le secrétaire.
Un valet pour l'écujer.
Et un valet pour le maître d'hôtel.
Il faut j ajouter, pour la campagne :
Un capitaine de château,
Un concierge.
Un capitaine des chasses.
Deux gardes-chasse et un chasseur,
Un receveur,
Un maître-valet,
Une ménagère.
Une servante de la ménagère,
Un berger,
VA un vacher.
Tous lesquels officiers et domestiques se payent
suivant les pays et la magnificence du seigneur.
Il était entendu qu'un grand seigneur ne
pouvait avoir moins de « quatorze chevaux de
carrosse, qui font deux attelages ».
Ledit grand seigneur est supposé jeune et
garçon. S'il se marie, il lui faut aussitôt consti-
tuer pour sa femme une maison, où l'on ne saurait
compter moins
D'un écuyer,
D'une demoiselle suivante,
D'une femme de chambre,
D'un valet de chambre,
D'un page.
D'un maître d'hôtel.
D'un cuisinier,
D'un officier,
D'une servante de cuisine.
De quatre laquais.
D'un cocher.
D'un postillon,
D'un garçon de cocher.
De sept chevaux de carrosse.
Et de quatre chevaux de selle pour monter les
officiers.
Quand il y a des enfants, le nombre des offi-
ciers et domestiques augmente encore, et l'on ne
se peut absolument passer :
D'une gouvernante d'enfants.
D'une nourrice.
D'un gouverneur ou précepteur.
D'un valet de chambre.
D'un ou de deux laquais,
Et d'une servante pour la nourrice ^.
Un guide à Paris prétend qu'il existait alors
dans cette ville 150.000 domestiques'^. Je crois ce
chiffre très exagéré, et d'autres statisticiens l'ont
réduit à 38.000 en 1759 et à 44.000 en 1754 ^ ;
ce qui n'empêche pas Piganiol de la Force de se
prononcer pour 200.000 en 1765 *. Expilly,
moins inexact, donne en 1768 les chiffres
suivants :
Nombre des familles qui ont des
domestiques 17.657
Nombre de domestiques mâles 18.878
Nombre de domestiques femelles... 18.579
Nombre total des domestiques 37.457 '
Un Allemand qui avait séjourné à Paris vers
1715, rend cette justice aux valets français qu'en
général « ils sont fidèles. Les exemples sont rares
de ceux qui ont abandonné ou volé leur maître ;
un étranger a le droit, comme un François, de
faire arrêter son valet pour le vol d'une bagatelle.
La justice de Paris ne fait pas grande cérémonie
en ce point : celui qui a volé aujourd'hui peut
être pendu demain. De plus, les valets françois
sont prompts et alertes, bons à tout. Je crois
qu'ils passeroient au travers du feu pour l'amour
de leur maître. Ils l'aiment et le respectent ^
prennent bien soin de ses bardes. Si le maître a
une querelle, ils ne l'abandonnent pas, risquent
même leur vie pour lui. Mais ils sont intéressés
au dernier point. Ils ne dérobent pas, mais tirent
gain de tout ^... ».
L'ordonnance du 6 novembre 1777 veut que
tous les domestiques avant d'entrer en place
présentent un certificat de leur dernier maître.
Ils étaient tenus de prévenir celui-ci huit jours
avant de le quitter. Ils lui devaient obéissance
et respect, et de son côté il devait s'abstenir de
les frapper, et les traiter même « avec bonté et
humanité ». Tout domestique sans condition
devait quitter Paris dans le délai d'un mois ;
sinon, il était poursuivi comme vagabond ^.
Sous la Révolution, les domestiques furent
qualifiés hoinmes de confiance et officieux.
Je dois rappeler encore qu'au dix-huitième
siècle, l'on donnait le nom de domestiques aux
amis, aux habitués, aux commensaux, aux favoris
d'un grand, même à l'ensemble de sa maison.
1 Audiger, La maison réqlée (1692), édit. Pion, jj. 11
et 68.
2 Le Rouge, Les cwriositez de Paris (1723), t. I, p. 10.
3 Morand, Mémoire sur la population de la Fra/ire.
dans la Collection académique, t. XVI, p. 59.
4 Description de Paris, t. I, p. 32.
5 Dictionnaire de la France, t. \ , p. 402.
^ J.-C. Nemeitz, Séjour de Paris, édit. Pion, p. 36.
"^ Isambert, t. XXV, p. 448.
268
DOMESTIQUES — DORELOTIERS
V'oici deux exemples empruntés à Tallemant des
Réaux : « M. Esprit, l'académicien, estoit alors
V
Réaux : « M. Esprit,
domestique de M. le chancelier ». Et « Maugars
demanda à prescher devant le domestique du
cardinal ^ ».
Yoy. Argentiers. — Aumôniers. —
Berceuses . — Bonnes d'enfants. ^Bou-
teillers. — Bureaux de placement. —
Cales. — Capitaines des charrois. —
Capitaines de château. — Chambre-
laines. — Chambrières. — Chambril-
lons. — Chasseurs. — Cochers. —
Concierges. — Cordon bleu. — Correc-
teurs.— Cuisine royale. — Cuisinières.
— Cuisiniers. — Demoiselles de com-
pagnie. — Dépensiers. — Eaux (Fai-
seurs d'). — Ècuyers. — Écuyers de
cuisine. — Femmes de chambre. —
Femmes de charge. — Femmes de
garde-robe. — Ferrer la mule. —
Fermiers. — Frocines. — Galopins.
— Qarçons de cabaret. — Garçons
d'office. — Gardes des aires. — Gardes-
chasse. — Gardes-manger. — Gouges.
— Gourmets . — Gouvernantes . —
Gouvernantes d'enfants. — Grisons.
— Guitons. — Héiduques. — Hostri-
ciers. — Intendants. — Jardiniers.
— Jockeys . — Laquais . — Maison
royale (Officiers de la). — Maîtres
d'hôtel. — Maitres-valets. — Méchi-
nes. — Métayers. — Nourrices. —
Pages. — Petits-collets. — Piqueurs.
— Porte-nappe. — Porte-queue. —
Postillons. Pourvoyeurs. - Pré-
cepteurs. - Promeneuses. — Q,uino-
las. — Secrétaires. — Servantes. —
Servantes d'auberge. — Servantes de
château. Servantes de cuisine. —
Sommiers. Suivantes. — Tapis-
siers. — Teneuses. — Tonnelevirs. —
Tournebroches. — Valets d'auberge.
Valets de chambre. — Valets de
chiens, de., etc.
Dominotiers. Yoy. Papiers peints
Fabricants de]. Les laLnCanls de cartes ù
JDiiiT ppiMiaient aussi ce litre.
Dompteurs. On a vu, à l'arlicle Animaux
féroces Commerce des, que im-^ rois
n'clii'nlnTfiii ili,- hoiiue lieure ces lerriblcs bêles.
I-.- Z(i(»l(i^riî,u. l'ierre Relon raconte même que
Kninijois 1" l.'s admetlait dans .son intimité :
■' (.I<»n»rae nous U-nuns quelque petit chien
pour compaffnie, qui; f»isuns coucher sur les
pieds de nostre licl par plaisir, François !«■• y
avuil U'iles fois quelque lion, once ou autre
Ii'Uh Hère hf-sle, cjui se laisojent chère comme
<|iH'lque animal privé es maisons des païsans ^ ».
C'fsl uu contemporain qui parle iiinsi, il iaul
«lonc croirp que, comm.- dans raiiliquité, le
• Hiflorinift, l. II. p. 255 oi 33.^
' P. H.-lon. Hhhlrr dt la nature des o,/x,;n,.r \:,-^r,
in-fi>lio, p. 191. ■' ^'
lion se laissait alors volontiers apprivoiser.
Ses successeurs se bornèrent, en général, à
faire combattre les fauves les uns contre les
autres *. On lit bien, dans certaines relations
du carrousel donné en 1612 à l'occasion du
mariage de Louis XIII, qu'il y parut des chariots
traînés par six lions, par six léopards, par
huit cerfs -, par deux éléphants, par des
chameaux ^, même par quatre lions de front *.
Mais il importe de ne pas prendre trop au pied
de la lettre cette brillante énumération zoolo-
gique. Il s'agit toujours ici de chevaux recouverts
avec des peaux de lion, de cerf, etc. ^.
Le métier de dompteur paraît avoir toujours
été aussi lucratif que dangereux, et il s'en
trouvait chaque année quelques-uns à la foire
Sainf-(iermain. Je copie la réclame suivante
dans un journal d'annonces de l'année 1750 :
« Le public est averti qu'il est arrivé en cette
ville un Levantin venant d'Afrique, qui a amené
avec lui deux lions âgés de quatre mois et demi,
de la grosseur d'un veau de sept mois, avec un
tigre ; lesquels sont privés ensemble, et obéissent
au commandement de leur maître comme font
les chiens les plus dociles. Il fait voir aussi les
peaux des père et mère, qui ont dix-sept pans de
longueur. On fera voir ces animaux depuis
neuf heures du matin jusqu'à huit heures du soir
à la foire Sainl-CTermain ^ ».
Donnés. Séculiers qui abandonnaient leurs
biens à un monastère « pour y vivre doucement
et servir les religieux. Ils dilîéroient des moines
en ce qu'ils ne faisoient point profession, et
qu'ils portoienl un habit peu différent de celui
des séculiers '' ».
On les nomma d'abord Oi^/a^s. Notons toutefois,
en passant, qu'avant la création de l'hôtel des
Invalides, on nommait encore oblats des soldats
malades ou âgés que le roi envoyait dans une
abbaye, pour y élre nourris et traités comme de
véritables religieux. Il y avait très peu d'abbaves
qui n'eut son oblat, ou qui ne fil une pension à
quelque vieux soldat ^.
Donneurs de vivres. Voy. Vivan-
diers.
Doreloteurs. Voj. Dorelotiers.
Dorelotiers. Le mot dorelot signifiait
parure, bijou, ruban, « affiquet de femme »,
écritJ. Nicolen 1606 ".
C'est vers la fin du treizième siècle, que les
' ^oy. l'art icle Combats d'animaux.
2 \ ul.son di' la Culombière, Le vray théâtre d'Iiuiuieur
et de chevalerie, p. 371, 403 et 418.
"J Le carrousel des pompes et nuKjnificences fuites en
faveur du mariage... Paris, 1612, p. 8 et 14.
* Le camp de la place ruijalle. ou relation, etc., 1612,
p. 299.
•' Le triomphe royal, roii/riio/it un hrief discours
1612, p. 13 et 14.
•< Affiches de Paris, avis divers, n" du 9 février 1750.
'j Ducaiiffe, Glossarium, aux mots donati et oblnti. —
Dictionnaire de Trévoux, t. III, p. 428.
** F.-J. Chastes, Dictionnaire de justice, t. II, p. GOl.
9 Thrésor de lu langue françoyse, p. 212.
DORELOTIERS — DOUBLES
269
laceurs de filet de soie prirent li; nom de franger s-
(Inrelotiers, el les premiers slaluls qui les désignent
sous ce nouveau titre sont du 25 mars 1327.
Les Tailles de 1292 el de 1300 citent chacune
quatorze dorelotiers ou dorelotirres^ et en 1404
la corporation fut représentée devant le prévôt
de Paris par vingt-sept maîtres ou maîtresses ^ .
Au début du quinzième siècle, les dorelotiers,
dorlotiers, dorlotews ou dorelotews modifièrent
encore leur nom et devinrent rubaniers.
Doreurs sur cuir. Au seizième siècle,
l'on ne connaissait pas encore le papier peint,
mais on commençait à utiliser comme tenture le
cuir doré, argenté, gaufré, etc.
Dans un compte de 1558, un sieur Jehan
Foucault, doreur sur cuir, reçoit de Catherine
de Médicis 310 livres tournois, pour avoir garni
tout une pièce en cuir de mouton doré, argenté
et frisé. Un peu plus tard, un des personnages
de l'île des Hermaphrodites nous apprenti qu'il
« s'occupoit à regarder la tapisserie du lieu, qui
estoit d'un cuir doré, entremeslé de vert ^ ».
Les ouvriers qui confectionnaient ces riches
tentures furent constitués en corporation par
Henri H, au mois de janvier L558^. Dès 1594,
ils firent renouveler leurs statuts, où l'on trouve
une longue liste des petits objets qu'ils étaient
autorisés à fabriquer : cadres de miroirs, boîtes
à poudre, g-aiiies pour horloges, tablettes à
écrire, étuis à poids, à balances, à peignes, etc.,
mais sous condition que tous ces objets fussent
en cuir orné et doré. Aussi les maîtres sont-ils
officiellement qualifiés de doreurs sur cuir-garnis-
seurs-enjoliveurs.
La communauté ne fit point fortune. «Attendu,
dit un arrêt de 1619, la pauvreté du mestier,
qui n'est nécessaire, ains d'enjoliveures, plaisirs
et curiosités, occasion pourquoi la plus grande
partie des maistres dudit mestier ne peuvent
o-aorner leur vie... ». Ils furent donc autorisés à
ne plus faire d'apprentis pendant dix ans, afin
de restreindre la concurrence. Cet expédient
resta inutile, et, en mai 1680, les doreurs sur
cuir se fondirent dans la communauté des miroi-
tiers, contre laquelle ils n'avaient cessé de lutter
depuis un siècle.
Les doreurs sur cuir s'étaient placés sous le
patronage de saint Jean-Baptiste.
Doreurs sur fer et sur acier. Titre
qui appartenait à la corporation des couteliers.
Doreurs de livres. Vers la fin du quin-
zième siècle, quand vint la mode des reliures
couvertes de dorures, les ouvriers relieurs qui
avaient adopté cette spécialité obtinrent d'être
admis à la maîtrise. Ils eurent, à ce sujet, de longs
démêlés avec les li])raires * . L'édit du 7 septembre
1686, sépara les libraires des relieurs, et donna
à ceux-ci le titre de relieurs-doreurs de livres.
Voy. Relieurs.
1 Fagniez, Etudes sur l'Industrie, p. 12.
2 V. Gay, Glossaire archéologique, t. I, p. 516.
■* Voy. ci-dessus, p. 209.
i Voy. E. Thoinan, Les relieurs français, p. 27 it buiv.
Doreurs sur métaux. La Taille de 1202
cite quatre doreenrs, celle de 1300 en mentionne
trois. La dorure et l'argenture étaient pratiquées
déjà avec beaucoup d'habileté, mais on inter-
disait le fourré que nous appelons aujourd'hui
doublé ou plaqué. Ya\ 1396, un orfèvre de Paris
faillit être expulsé de la corporation, parce qu'il
s'était permis de doiuier un revêtement d'or à un
hanap d'argent ' .
Vers cette date, la dorure paraît avoir cons-
titué seulement une spécialité dans le corps des
orfèvres, le métier ne prend une réelle impor-
tance qu'au seizième siècle quand se développe
le goût des armes luxueuses. Aussi est-ce seule-
ment en 1565 que les doreurs-graveurs songent à
se constituer en corporation et reçoivent leurs
premiers statuts. Ils j sont qualifiés doreurs-
argeuteurs sur fer, acyer et laton ^. On exige cinq
ans d'apprentissage, qui seront terminés par
le chef-d'œuvre; celui-ci consistera à dorer ou
argenter une épée , une paire d'éperons ou
d'étriers, etc.
Ces statuts furent revisés et complétés en
août 1773. J'y vois que les maîtres « feront tous
les ouvrages de doreurs et damasquineurs sur
fer, fonte, cuyvre et laton ^ ; pourront dorer
corcelets, morions, arquebuses, espieux, espé-
rons, mors, selles, fers de sainctures, gardes
d'espée et de dagues, et damasquiner toutes
sortes d'ouvrages ».
En fait, le métier de doreur sur métal était
alors fort disséminé, car les couteliers et les four-
bisseurs avaient le droit de dorer eux-mêmes
leurs produits. La corporation des doreurs se
spécialisa dans les objets les plus riches et ,
comme travaillant les métaux précieux, fut sou-
mise à l'autorité de la cour des Monnaies.
Des statuts imprimés en 1757 donnent aux
maîtres le titre de maîtres et marchands ciseleurs,
doreurs, argenteurs, damasquineurs et enjoliveurs
sur fer, fonte, cuivre et laiton. L'apprentissage
reste fixé à cinq ans, mais il est suivi de cinq ans
de compagnonnage ; le nombre des maîtres
s'élève à environ 370, et la corporation est placée
sous le patronage de saint Eloi.
On les trouve nommés aussi aureurs.
Dorloteurs et Dorlotiers. Voy. Dore-
lotiers.
Douaneurs ou Douaniers. Fermiers ou
commis de la douane. Celle de Paris était dite
hôtel des fermes du roi. C'est là que se réunis-
saient les fermiers généraux et aussi que se cen-
tralisait le produit de toutes les douanes.
Outre deux commis principaux, le receveur
général et le directeur général des comptes, le
personnel de la douane de Paris comprenait un
receveur particulier, un contrôleur et quatre
visiteurs.
Doubles (Faiseurs de). Voy. Double-
tiers.
1 G. Fagniez, Etudes sur l' industrie, p. 262-
^ et 3 Sic, pour laiton.
270
DOUBLETIERS — DRAPIERS
Doobletiers. On nommait doublet une
sorte de longue aimisole, commune aux deux
sexes et qui recouvrait la chemise. Fait de coton,
de toile, de soie ou de drap, le doublet était
aussi appelé fvJaine ^ ou Manchet, et les gens du
peuple sortaient souvent sans autre vêtement sur
le torse.
En 1460. le roi Jean olFrit « un blanchet
double » à Jehan, son fou -. Le blanchet est
encore mentionné au quinziiMiie siècle dans La
farce de Pathelin^. Durant l'hiver, on le rem-
plaçait ou on le renforçait par lepeliron on pelis-
son, chaud pardessus qui, comme son nom
l'indique, était fait de pelleteries.
Les doubletiers se fondirent de très bonne
heure dans la corporation des pourpointiers. Dès
1323, les statuts accordés à ces derniers les auto-
ri>^enl à confeclionner des doublets ^.
Je les ai aussi trouvés désig'oés sous le nom de
fnheurs de doubles.
Doubletiers. Fabricants di- piei-res fausses
dites doii/jlels.
Vov. Bijoutiers en faux.
Doubleurs. « Dans les manufactures de
laine, ce sont des ouvriers uniquement destinés à
doubler la laine sur un rouet. Les doubleuses de
soie sont celles qui, dans les manufactures de cette
matière, la do\d)lent sur des ffui?idres, qui sont
des espèces de nuiets. Ellesla remettenlensuite au
moulinier, pour lui donner une seconde façon ^ ».
Drapeaux ((Iommerge des). L'article 18
df< statuts accordés, en septembre 1678, aux
selliers-carrossiers leur accorde le privilège de
« fournir les banderolles des timbales, les
guidons, étendarls, etc. ».
Drapelières. Voy. Chiffonnières.
Draperie (Iommekce dk la). Voy. A.u-
neurs. Boujonneurs. — Cameliniers.
- Colleurs. — Concierges, — Cour-
tiers. Drapiers. — Draps. - Drous-
seurs. - Épinceuses. — Éplucheuses.
Forts de la halle. - Foulons. —
Laine. Laineurs. — Ourdisseuses. —
Pouliours. — Retondeurs. — Tondeurs.
Drapiers. I)i'> WH'.i, les drapiers i/w/mam)
Kcrnbloiil avoir formé une corporation organisée.
Nous li's voycins. en effet, au cours de cette
iiniH'»', pn-ndre h cens vingt-quatre maisons que
IMiilippe-Auguste venait d(> confisquer sur les
Juif> expulsés «. Ces maisons étaient situées dans
un»' voie qui allait de la rue de la Juiveric '' à la
rue d.' la Ririllrrir », .-I qui prit alors le nom de
« On nnmiiiait nim.si futnine, um- étoffe iiii-nnrlif (il il
rnliin.
« n.niiiUl'Arcq. Comptes Ht Inrgtnlerle, p. 22:J.
•T K<lil <I- 172.1, p. 7. '1
» Artici.". Il A 11.
■' .Iniilf-rt. DirlinHHoirt (I77n), l. II, |.. Cd.
•"• Sfluvnl, Antii^Hités de l'oris, 1. II, p. 471. — I,. U,.-
Iitllc. Arltt de Pii fipue- Auguste , n" hi\
' .\iij. rue dp la Cité.
* .\uj. boulevard du Palai.«
Judmaria pannificorwm, La Taille de 1202
l'appelle déjà La Viez Draperie ^ , mais elle n'y fait
figurer aucun drapier ; en revanche, la Taille de
1313 y mentionne, sur 18 habitants, 10 drapiers,
1 tondeur de drap et 2 tailleurs ^. La rue de la
Vieille-Draperie a conservé ce nom jusqu'en
1838, époque où la rue de Constantine (aujour-
d'hui rue de Lutèce) s'éleva sur ses ruines.
Les statuts accordés aux drapiers en 1573,
mentionnent, dans leur préambule, des statuts
antérieurs datés de 1188, et que je n'ai pu
retrouver. Mais, au mois d'août 1219, la corpo-
ration révèle de nouveau son existence. Les
« mercatores confratres de draperia » achètent à
un bourgeois de Paris, nommé Raoul du Plessis
« Radulfus de Plesseio », une maison et son
pourpris, situés derrière le mur du Petit-Pont,
« domum cum toto porprisio relro maceriem
Parvi Pontis ^ ».
En dehors des pelleteries, dont toutes les
classes se couvrirent presque exclusivement
pendant longtemps*, l'étoffe dominante pour les
vêtements fut la soie au quatorzième siècle et le
drap au treizième. Aussi, ce dernier commerce,
quoique alimenté moins par la fabrication locale
que par les importations de Normandie, de
Flandre, de Champagne et de Languedoc, était-
il déjà fort actif à Paris. Le poète qui a rimé le
Dit du Lendit "^ qualifie la draperie de « mestier
hautain, » et place au-dessus de tous les autres
marchands « li drapier que Dieu gart. » Ces
drapiers étaient à la tête de l'industrie parisienne,
les Tailles levées en 1292, en 1300 et en 1313
ne laissent aucun doute sur ce point. Pour la
perception des tailles, chaque habitant était
imposé proportionnellement à sa fortune, d'un
dixième environ lorsqu'il s'agissait d'une taille
extraordinaire, comme celle de 1313. Dans
celle-ci, les trois commerçants les plus imposés
et par conséquent les plus riches de Paris, sont
trois drapiers :
Vasselin de Gant, taxé à 150 livres.
Jacques Marciau, — 135 —
Pierre Marcel, — 127 —
Un ne s'étonnera donc point que les drapiers
aient soumis, vers 1268, à l'homologation du
prévôt Etienne Boileau des statuts très détaillés
et très curieux *>.
Ils y sont appelés toissarans de lamje, c'est-à-
dire tisserands de laine.
Le droit de s'établir s'achetait au roi. Mais cet
achat était rare, car les maisons se transmettaient
presque toujours de père en fils, ou du moins se
perpétuaient dans la même famille.
Les statuts ont tout prévu pour favoriser ce
résultat. Ainsi, chaque maître ne doit avoir chez
soi « en son hostel » plus de trois • métiers, mais
• l'afjfc 137.
2 Page !.-)().
•' L'acte d(> vente a été publié dans la /iibliothèque de
l'irole des Clinrtes, r»^ série, X.\ , p. 477.
* Voy. l'article Fourreurs.
^ Biblioth. nationale, mss., fonds français, n" 24. 432,
f"261.
" Livre des métiers, Hirc L.
DRAPIERS
271
on raulorise à prendre sous son toit ses enfants,
un frère et un neveu, et il peut confier à chacun
d'eux, tant qu'ils ne sont pas mariés et restent
sous son autorité, encore trois métiers. Ce fils,
ce frère ou ce neveu étaient dispensés de la
plupart des redevances acquittées par les membres
de la corporation. Ils n'avaient rien à payer non
plus s'ils prenaient l'établissement : celui-ci était
censé n'avoir pas chanj^é de maître.
A part les membres de sa famille, chaque
drapier ne devait avoir qu'un seul appr(;nli, et
l'apprentissao^e durait longtemps. Il était de sept
ans pour l'enfant sans argent, de six ans pour celui
qui apportait vingt sous, de cinq ans pour celui
qui apportait soixante sous, et de quatre ans pour
celui qui apportait quatre livres parisis.
Les statuts semblent avoir voulu qu'il ne lut
pas fait de différence entre l'apprenti étranger et
les apprentis membres de la famille : un article
spécial assurait au premier une protection contre
son maître. L'apprenti qui croyait avoir de
sérieux griefs à formuler pouvait quitter l'atelier,
et, soit directement, soit par l'intermédiaire
de ses amis, porter sa plainte au Maître des
tisserands. Celui-ci mandait le patron, l'inter-
rogeait, et s'il était reconnu coupable, lui enjoi-
gnait « que il tiengne l'apprenti z honorablement
comme fils de preud'oume, de vestir, de chaucier,
de boivre et de mangier, et de toutes autres
choses». Si quinze jours après, le maître n'avait
pas obéi, on plaçait l'apprenti dans une autre
maison.
Les drapiers disaient tenir de Blanche de
Castille, « de la roine Blanche, qui Diex
absoille », le droit de teindre eux-mêmes leurs
draps, sauf pourtant quand il s'agissait de la
teinture bleue appelée guède ^ , et que deux
maisons seulement pouvaient employer. Lorsque
le maître d'une de ces maisons mourait, son
successeur était désigné par le prévôt de Paris.
Les teinturiers, qui prétendaient cumuler le
tissage et la teinture, eurent à ce sujet de longs
démêlés avec les drapiers. Ils demandaient, ou
que les drapiers cessassent de teindre, ou que les
deux métiers fussent réunis, et que drapiers et
teinturiers pussent également teindre et tisser.
Les drapiers refusèrent d'abandonner aucune de
leurs prétentions, et la victoire finit par leur
rester.
Les statuts recommandent de n'employer
aucun ouvrier menant une mauvaise conduite.
Il suffisait qu'il eût une maîtresse à Paris ou en
dehors, qu'il « tiegne sa meschine au chans ne
à l'ostel », pour se voir aussitôt chassé, non
seulement de l'atelier, mais encore de la ville.
Le travail à la lumière était interdit. Nul ne
pouvait se mettre à l'œuvre « devant l'eure de
soleil levant ».
Dans l'origine, tous les maîtres vendaient les
draps qu'ils avaient tissés ; mais, dès la fin du
treizième siècle, on vit se produire cette division
entre l'industrie et le commerce que nous offrent
aujourd'hui toutes les branches delà production.
1 Elle a été remplacée par l'indigo.
Les maîtres les plus riches se bornèrent à vendre
les draps qu'ils faisaient fabriquer -, ils furent
appelés Grands maîtres., par opposition aux Memis
maîtres, nom donné aux producteurs. Dans la
suite, ces derniers prirent le nom de Drapier s-
drapans, qui les distingua des Marchands-
drapiers.
La corporation était administrée par un
maître, dit le Maître des tisserands, et par quatre
jurés. Le Maître des tisserands, personnage
important, relevait directement sous certains
rapports de l'autorité royale, pour l'organisation
du service du guet, par exemple.
Dans le chapitre que le Livre des métiers
consacre aux droits dont les draps étaient alors
imposés *, on trouve cités les lieux de produc-
tion suivants :
Beauvais.
Louviers
Châtres^.
Tours.
Cambrai.
Douai.
Saint-Denis.
Les statuts que je viens d'analyser furent
revisés le 28 avril 1309 ^, mais cette nouvelle
rédaction est presque exclusivement relative à
l'organisation de la confrérie, et elle modifie sur
très peu de points les statuts précédents. La
confrérie se réunissait le premier dimanche de
l'année , « le premier dimanche après les
estraines * ». Un banquet suivait les exercices
religieux, et les pauvres n'y étaient pas oubliés.
A chacun de ceux de l'Hôtel-Dieu, on envoyait
un pain, une pinte de vin et « une pièce de
char "", buef ou porc ». Les prisonniers du
Chàtelet recevaient à peu près autant, et s'il se
trouvait dans le nombre un gentilhomme il
avait droit à deux mets. On donnait encore un
mets au roi et à chaque accouchée de l'Hôtel-
Dieu, un pain à chacun des religieux jacobins et
cordeliers et à tous les mendiants qui se présen-
taient pendant le repas. Les restes en pain, vin,
graisse, etc., étaient remis le lendemain « aux
religieux de Vau-par-fonde " » et aux hôpitaux
de Paris. Ces mêmes statuts, qui furent
confirmés sans changement en juillet 1362, en
février 1364 et en mars 1392, autorisent les
drapiers à laisser ouverte, à tour de rôle, une de
leurs boutiques le dimanche.
Quand Louis XI, en 1467, eut l'idée d'enré-
gimenter sous soixante et une bannières tous
les métiers de Paris, les tixerands de lange
formèrent à eux seuls la trentième bannière,
tandis que les marchands drappiers en compo-
saient une autre '.
Quelque temps après, les drapiers eurent la
satisfaction de voir disparaître une communauté
qui leur avait pendant longtemps fait concur-
rence, celle des chaussetiers. Ses dépouilles furent
1 Ile partie, titre XXIV.
- Auj. Arpajon.
•f Or don II. royales, t. III, p. 581.
i Les et rennes.
•> De chair.
t> L'abbaye de Valprofond eu de N'auparfoud, dans la
vallée de la Bièvre.
1 Ordonn. royales, t. XVI, p. 671.-
272
DRAPIERS - DRAPIERS D"OR ET DE SOIE
purlagées entre les tailleurs, les Im^n'res et les
drapiers. Ces derniers obtinrent le druit de (aire
et vendre les chausses en drap, serge, drof^nief et
autre-, tissus de laine, ainsi que celles de toile
peinte, et ils prirent à partir de cette époque le
titre de drapiers-chamsetiers .
Leur industrie subit le sor( commun pendant
les guerres ci\-iles du seizième siècle : lorsque
Henri IV monta sur le trône, elle était discré-
ditée et à peu près ruinée. Elle produisait quatre
fois moins qu'auparavant. A Provins, où dix-
huit cents métiers avaient jadis marché, à Senlis,
à Meaux, à Melun, à Saint-Denis, aussi dans
(raiilres localités des environs de Paris, la
fabrication était ralentie ou presque arrêtée.
La pacification du ro^yaume et Tédit de Nantes
rendirent celte industrie moins précaire, mais la
Fi-ance restait toujours tributaire de la Hollande
et de l'Angleterre. Antoine de Monlchrestien
pouvait écrire en 1615 dans son Traicté de
l'œcommie politique : « Il ne nous est permis de
porter en Angleterre aucune draperie, à peine de
confiscation. Au contraire, les Anglois, en pleine
lilierlé. apportent en France toutes telles draperies
qu'il leur plaist. voire en si grande quantité que
nos ouvriers sont maintenant contrains pour la
plusparl de prendre un autre mestier, et bien
souvent de mendier leur pain ' ». Un demi-
siècle plus tard, pareille pensée n'ei^il pu venir à
ces ouvriers. Nicolas Cadeau avait créé la
manufacture de Sedan i'I646), Josse van Robais
celle d'Abbeville (1665), et une foule de fabriques
secondaires existaient dans le reste de la France.
.\ cette époque, les drapiers parisiens étaient
régis par des st^ituts de fé\Tier 1573, revisés le
17 février 1646. L'apprentissage durait trois
ans, et était suivi de deux ans de compagnonnage.
Chaque maître ne pouvait avoir en même temps
qu'un seid apprenti ; il était cependant autorisé
a en prendre un second quand le premier avait
Icrminé sa deuxième année. Aucune boutique ne
pouvait plus rester ouverte le dimanche. La corpo-
ration élail administrée par six jurés ou gardes.
La révocation de l'édit de Nantes avait arrêté
l'élan pris par nos manufactures. Beaucoup
d'ouvriers prolestants s'expatrièrent, passèrent
snil en .\nglelerre soit en .\llemagne, el la
production des draps ordinaires subit un ralen-
ti»s(»mpnl qui, sous Louis XV, s'étendit aux draps
(!•• luxe. 1^1 Cour, d'ailleurs, avait misa la mode
1h soir' f| lo vi'lours, el d'.\rg('nsoii écrivait, le
29 seplfinltrc 1753 : « Nos principales manufac-
tures londuMil <|e tous côtés. Celle de M. van
Hobais, qui élnil si riche el si fameuse, ne
Inivaille prrsf|ue plus ; nos gens riches ou qui
•>e piquriii (1,. r,\|rf.. ne voidant plus se vêtir
qur d'eloiïes de soif en toutes saisons, ce qui
Hcmniplil la prédiction du duc de Sullv que l'on
quillrroil les vers pour la soie *. A Aridelys, en
Normandie, il y avoil un.- mamifaclure de beaux
draps; cl de soixaulc-dix métiers ballaus qu'il y
avnil, il n'en reste plii>, que neuf ^ ».
' II* partie, p.
« .SVf.
' DArp'n?un, Méinoirtt, l. MU, p 131.
Les drapiers paraissent avoir toujours tenu le
premier rang parmi les Six-Corps, privilège
qu'ils conservèrent jusqu'à la Révolution. Le
nombre des maîtres, tombé à 190 en 1725, était
de 200 en 1770 et de 192 en 1779.
Le bureau de la corporation était situé rue des
Déchargeurs. En 1527, les drapiers avaient
acheté à Jean le Bossu, archidiacre de Josas, un
vieux logis appelé la maison des Carneaux ^ . Ils
le firent démolir vers 1670, et Jacques Bruant
éleva sur ses ruines un joli monument de stjle
dorique, qui subsista jusqu'en 1786 ; il fut alors
remplacé par l'affreuse /lalle aux draps et aux
toiles qui a disparu sous le second Empire.
Les drapiers avaient pour patrons saint Nicolas
et sainte Marie l'Égyptienne. Des lettres patentes
de 1541 constatent que « de grande ancienneté
et passé plus de trois cens ans, les drappiers ont
tousjours eu chappelle et confrairie fondée en
l'église des Saincts Innocents ». Les statuts de
1573 fixent la date de cette fondation à l'année
1188 2.
Drapiers d'or et de soie. En y mettant
un peu de bonne volonté, les drapiers d'or et
de soie pouvaient faire remonter leur origine
jusqu'au treizième siècle, jusqu'aux ouvriers de
draps de soye et de veluyaus, et de hourserie en
lice qui, vers 1268, présentèrent leurs statuts à
l'homologation du prévôt Etienne Boileau.
Disons tout de suite que le velmjav, est du
velours, que la bourserie désigne les riches élofiés
dont on faisail des bourses et des aumonières, el
que la lice^ lisse ou chaîne est l'ensemble des fils
que traverse la trame.
Au moyen âge, l'ouvrier qui voulait s'établir
drapier de soie devait, avant tout, prouver qu'il
connaissait le métier. 11 devait « le savoir faire de
louz poinz, de soy, sanz conseil ou ayde d'autruy »,
aussi était-il examiné par les jurés du métier, à
qui il versait dix sous « pour leur paine ».
Chaque maître ne pouvait avoir à la fois plus
de deux apprentis.
La durée de l'appren lissage était de huit ans
pour l'enfant sans argent, de six ans seulement
pour celui qui apportait six livres parisis ■*.
Le travail à la lumière était interdit, sauf
quand il s'agissait du roi, de la reine ou des
enfants de France.
La veuve d'un maître pouvait continuer le
métier, pourvu qu'elle le sût « faire de sa main ».
La mesure des étoffes était fixe et conforme à
l'étalon déposé au Châtelet. Sur commande spé-
ciale, on avait droit de faire plus large, en aucun
cas, on ne pouvait faire plus étroit. La chaîne
devait avoir 1.800 fils de soie retorse ou 1.900
fils de soie simple *.
Cette première corporation de drapiers iivait
sans doute disparu depuis longtemps quand,
vers 1470, Louis XI appela, de Grèce et d'Italie,
divers artisans habitués à travailler la soie. Il les
I Siiiiviil, I. II, p. 472.
- l'i'i'iiiiibuit'.
•' dont francs, peut-être.
* Livre des métiers, titre XL.
DRAl'lEKS DUK KT DIO SOlK — DKAl'lKKS-DKAl'ANS
•27:^
installa à Tours, où ils fureiil placés sous Taulo-
rité de Guillauiue Briçonael, secrétaire des
finances. Dix ans après, le 23 décem])re 1480,
des lettres patentes leur accordèrent exeni[)lion
pleine et entière de tout impôt. Charles VIII leur
confirma ce privilèg-e en 1497 ; l'ordonnance
qu'il rendit à cette occasion fixe à cin([ ans le
temps de service des apprentis, afin qu'ils
arrivent à « parfaitement savoir hesongner de
l'un des quatre bons draps, c'est assavoir satin,
damas, veloux et drap d'or ^ ».
Cette seconde tentative échoua comme celle
qu'avait inaugurée le treizième siècle ; elle fut
ruinée par les édits somptuaires, par les g'uerres
civiles, de sorte qu'au seizième siècle, aucune
industrie de ce <i;enre ne semble exister en
France.
Henri IV eut la g'ioire de ranimer, de recréer
plutôt, celte industrie. Malgré l'opposition du
clergé et celle de l'austère SuUj ^, il fit venir
d'Italie des ouvriers renommés par leur habileté
et les logea, en 1603, rue de la Tixeranderie
dans le vieil hôtel d'Anjou, dit alors hôtel de la
Macque ^. Ils firent là, écrit Palma Cayet « des
pièces excellentes en rehaulsement de fils d'or et
d'argent, draps d'or et d'argent, toiles d'or et
d'argent, d'or frisé de toutes les façons, avec une
naïfveté tant des estoffes que des estoffures,
tellement qu'aux damas figurés, satins et autres
ouvrages, il sembleroit que les couleurs qui y
esclatent sont toutes choses naturellement
procrées, tant est l'industrie naïfve el subtile de
leurs tissus * ».
Cette manufacture fut ensuite transportée dans
ce qui restait des bâtiments du vieil hôtel des
Tournelles, dont la démolition, ordonnée en 1565,
n'était pas encore achevée. C'est là que l'on mit
en œuvi'e pour la première fois les soies obtenues
dans les magnaneries établies par le roi. Mais les
ouvriers s'y trouvèrent bientôt à l'étroit, il fallait
construire, et cette nécessité donna à Henri IV
l'idée de la place Royale, qui fut élevée, comme
on sait, sur les jardins de l'hôtel des Tournelles.
l<]n 1606, on fabriquait des velours à Lyon,
(les satins et des damas à Troyes, des crêpes à
Nantes, et d'immenses et luxueux locaux
abritaient la corporation de Paris ^. Isaac de
Lafl^émas pouvait citer avec fierté « ces
orgueilleux bastimens de la place Royale, dont
le front menace de ruyne les estrangers qui
vivoient de nos dépouilles, et dont la seule baterie
des mestiers que nos Francoys y ont montez fait
peur à tout un pays " » .
Les lettres patentes qui avaient fondé ce bel
établissement sont datées de 1603. Ses premiers
administrateurs furent anoblis, sous la condition
qu'ils dirigeraient les travaux pendant douze ans.
' Ordo/ui. royales, t. XX, p. 598.
2 Voy. ci-de.ssous l'article Soie (Commerce de la).
«* Jaillot, quartier de la Grève, p. 52. — Sauvai,
Recherches sur Paris, t. II, p. 76. — Cet hôtel figure
encore .sur le plan de Gomboust (1647).
4 Chronologie septénaire, édit. INIichaud, p. 258.
^ Procès-verbaux des assemblées du clergé, t. I, p. 765.
6 Histoire du commerce. Dans Cimbcr et Danjou,
Archives curieuses, t. XIV.
Après le même laps de temps, t uis les ouvriers
employés dans la maison devaient recevoir
gratuitement des lettres de maili'ise.
A l'issue des douze années fixées ])our Texpé-
rience, les ouvriers se virent donc conslilu'is en
communauté (juillet 1615) et leui's statuts lurent
enregistrés. La (hirée de l'apprentissage, désor-
mais réduite à quatre ans, fut suivie de trois ans
de compagnonnage. Chaque maître put avoir à
la fois jusqu'à trois apprentis. Les fils de maître
furent exempts du compagnonnage et du chef-
(Vœuvre. Le compagnon épousant une fille de
maître était dispensé du chef-tranirre seulement.
Trois jurés furent élus pour adminisli'er la nou-
velle corporation.
Celle-ci eut, en effet, d'incessants démêlés
avec la communauté des tissutiers-rubaniers. Une
transaction, signée en mai 1644 el confirmée en
février 1648, intervint, qui réunit les deux corps
d'état en un seul ; les tissutiers restant, d'ailleurs,
soumis à leurs statuts de 1585 et les drapiers de
soie à ceux de 1615.
La manufacture de la place Royale avait
décliné peu à peu, ainsi que bien d'autres, après
la mort de Henri IV ; il n'en resta bientôt plus,
dit très bien M. Francisque Michel ', que la
leçon d'une expérience chèrement acquise et un
exemple à suivre.
Heureusement Colberl arriva. Il reprit la
grande œuvre due à l'iniliative de Henri IV,
et rétablit l'ancienne manufacture. En même
temps, il sépara les deux corporations rivales, et
leur donna de nouveaux statuts (avril 1664 et
juillet 1667). Les tissutiers-rubaniers furent
désignés sous le nom A'ouvriers de la petite
navette et ne durent pas fabriquer d'étoffe
dépassant eu largeur un tiers d'aune. Les
drapiers de soie, dits ouvriers de la gravide
navette pour les distinguer des précédents,
eurent le droit de faire des tissus aussi larg*es
qu'ils voulaient, et les statuts de 1667 leur
donnent officiellement le titre de viaistre.<i et
marchands ouvriers en draps d^or, (P argent et de
soye et autres e'toffes meslangées. Chaf[ue maître
ne put avoir à la fois qu'un seul apprenti.
L'apprentissage fut fixé à cinq ans et le compa-
gnonnage à trois ans. Le chef-d'œuvre dut être
« fait sur l'un des quatre draps cy-après nommez,
sçavoir : sur le velours plein, le satin plein, le
damas et le brocard d'or et d'argent ». Six jurés
administrèrent la corporation, et deux autres,
choisis parmi les anciens jurés, surveillèrent les
jurés en charge. La communauté était placée
sous le patronage de saint Louis.
Le nombre des maîtres, qui était de 318 en
1725 °^ , paraît avoir peu varié jusqu'à la
Révolution.
Drapiers-drapans. Tilre que prenaient
les fabricants de draps pour se distinguer des
marchands drapiers.
Les cardeurs se disaient également drapiers-
1 li'ranci.sque Michel, Recherches sur les tissus de soie
au moyeu âge, t. II, p. 434.
2 Savary, Dictionnaire du commerce, t. II, p. 424.
18
274
DRAPIERS-DRAPANS — DRAPS
drapans. Leurs statuts leur reconnaissent, en effet,
le droit de fatriquer du drap, de le teindre même
en « noir, musc et brun », et de le vendre, mais
en gros seulement *. _
Les foulons, avec moins de raison, s'attri-
buaient le même titre.
Draps (Noms divers donnés aux). Dans cet
article, complément de celui que j'ai consacré
aux drapiers^ on trouvera seulement l'explication
des termes techniques qui se rencontrent le plus
souvent, soit dans les documents consacrés à la
draperie, soit dans les mémoires historiques
relatifs à l'histoire de France.
TERMES ANTÉRIEURS
AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.
Dr.vps adversins ou AVERSiNS, ceux qui
étaient à double face, sans envers.
Draps camelins. Voj. l'article Camelmiers.
Draps de cap et queue, ceux dont la pièce
n'avait pas été entamée, qui possédaient encore
leurs deux lisières.
Dr.aps bien coiffés, ceux dont les lisières
étaient très soignées, unies, de bonne largeur
et de couleur agréable.
Draps diffamés, ceux qui avaient des défauts.
L'un disait, par opposition, draps entiers ou
marchands.
Draps effondrés, ceux qui avaient été laines
trop ù sec.
Draps épaulés, ceux qui avaient été tissés
avfc plus de soin aux lisières qu'au milieu de la
pièce. « Draps espaulés, c'est à savoir draps
desquels la cliayne ne fust aussi bonne en milieu
cumiiie aux lisières ». Le drap épaulé, saisi par
les jurés, éUiit porté au Chàtelel où on le coupait
en morceaux de cinq aunes chacun. Après que
le tisserand coupaljle avait pajé vingt sous
d'amende, oti lui rendait les morceaux, en lui
faisant prêter serment de ne les pas réunir et de
ne les vendre qu'après avoir prévenu l'acheteur -.
Draps essei.lés ou esselletés ^, ceux qui
avau'iil él»; calis au moyen de planchettes de
bois.
Draps essorillés, draps défectueux auxquels,
f)our les distinguer des autres, on avait eidevé
es lisières.
Draps dits estanports *. Leur nom veimit-il,
comme le dit M. Schelcr, « de la ville de
Slniifoni, dans le Linconshire, qui jouissait déjà
d'iiiic grande réputation pour ses manufactures
de drap * V •> JVn dimte, et je pense (ju'il vaut
miiMix ch«'reher l'étymdlogie de ce [ermi' [estame
fort dans \c mot exlame mi eatniii •"', qui désignait
In laine peignée et tordue dont était formée la
chntup du drap.
' Artirir's 16, 17 cl 10.
' l.itrt dts m/tiert, tilro I,, ml. X\ it 31.
•■• \o\. Ducange, (ilossaire, ou rimt e.isella.
* l.itrt des métiers, liln» L, art. 21.
5 l.fxift>jrnpkit latine du Ireitihne sirr/r. p.
* Du latin stmnen.
Draps évidés, draps de mauvaise qualité,
« creux et lâches ».
Draps faux ou faux draps, ceux qui dépas-
saient la lisière.
Draps gaghiers ou cachets, draps communs
dans lesquels entraient toutes sortes de laines.
Dr.aps de graine, draps teints avec la graine
d'écarlate ou kermès.
Draps d'iraingne ou d'iraigne, draps très
légers comme l'indique ce nom d'iraigne, par
lequel ou les comparait à une toile d'araignée.
Dès le quatorzième siècle, on trouve des iraignes
de Rouen, de Neufchàtel, etc.
Draps jaglolés, sans doute draps irisés : du
moi jagliaus qui signifiait fleurs de glaieul ou
d'iris.
Draps maufumiers ou manfroniers ^, draps
de qualité inférieure, dont Louviers et Tours
avaient la spécialité.
Draps nays, n.wfs ou naïfs, draps ordinaire-
ment rayés, dont la chaîne et la trame étaient de
même qualité. « L'en apele drap nayf, à Paris, le
drap duquel la chaane et tisture est tout d'un »,
dit le Livre des métiers ^.
Draps pl.uns, les draps unis, par opposition
aux draps rayés.
Draps seizains, ceux de seize cents fils de
chaîne. Les tisseurs allaient jusqu'à quatre mille
fils, par gradation de deux cents fils, et les draps
étaient dits :
Dix-huitains.
Vingtains.
Vingl-deuxains.
— quatrains.
— sixains.
— hui tains.
Trentains.
Trente-deuxains.
— quatrains.
— sixains.
— huitains.
Quarantains.
etc., etc., etc.
Draps tribolés ou triblés, draps de trois
couleurs ^.
Mais, durant cette période, les drapiers fabri-
quaient, outre les draps, une foule d'étoffes de
laine dont les noms figurent sans cesse dans les
récits de nos chroniqueurs. Je citerai parmi eux.
La biffe, drap léger souvent rayé en travers.
On trouve déjà mentionnées en 1293 des « biffes
royées de Prouvins * ».
Le bouracan. Voy. l'article Bouracaniers.
La BRiNETTE, lissu très fin et de couleur
sombre. Le roi Jean IL aux obsèques de son
père, était vèiu de brunette. On citait les brunettes
de Douai, de Commercy, de Malines, de Bru-
xelles, etc.
El jiour un blanehol ^, Guillemettc,
Mr fault trois quartiers de brunette,
dil Patelin «.
' \'oy. DucciUge, au mot pannus.
2 /.ici-f i/fx mi'tiers, titi-e L, art. 2."!.
•' Pout-t'lre aussi drajj.s brouillés ou de couleurs
mélangées. Du latin tribiilare.
* Voy. Ducanf^e, au mot biff"!!.
^ Caniisol(( fort en vogue au quatorzième siècle.
6 .^dit. Coustelicr, p. 7.
DRAPS
275
Le BRUSSEQUiN, drap de qualité inférieure et
presque toujours de couleur bruu foncé. J'ai
cependant rencontré des brussequias roses.
Le BUREAU ou BUREL, tissu de laine très gros-
sière, dont Villon a dit :
Mieulx vault vivre soubz gros bureaux
Pauvre, qu'avoir esté seigneur
Et pourrir soubz riches tumbeaiix 1.
Le bureau n'avait pas pour seul usage de vêtir
les pauvres. On l'employait aussi pour recouvrir
les tables, et c'est de là qu'est venu notre mot
buremi, qui désigna tout à la fois le tissu servant
le plus souvent à couvrir un bureau et le meuble
lui-même. Ou lit dans un compte de 1464 :
« Trois aulnes de drap vert, pour faire ung
bureau à mectre sur la table en la chambre du
Roy ^ ». Rabelais cite le « gros bureau d'Au-
vero-ne ^ », mais au dix -huitième siècle,
celte étotîe se fabriquait presque exclusivement
en Normandie.
Les CADis, gros draps en laine non peignée.
Les plus estimés étaient fabriqués dans le
Languedoc.
Les DROGUETS. Voy. l'article Droguetiers.
L'ÉTAMiNE. Voy. l'article Etaminiers.
Le GALABRUN, GALEBRUN OU ISEMBRUN, Variété
de tiretaine. Les religieuses de l'Hôtel-Dieu en
portaient ; mais saint Bernard, plus austère, en
défendit l'usage à ses moines : « NuUus fratrum
nostrorum pannis qui dicuntur galabruni vel
isembruni vestiatur * ». Le galabrun est men-
tionné dans le Livre des métiers, qui le qualifie
de « drap ourdi *' ».
La LiMESTRE. Voy. l'article Limestriers.
Drap de seigneur ou de sire, étoffe très fine,
employée principalement pour les vêtements des
ecclésiastiques et des gens de robe. Elle se
fabriquait surtout à Reims.
Je ne suis pas si tost sorti de ma couchette
Que voicy des marchands qui sonnent ma clochette,
Demandant un habit de serge de seigneur 6.
La SERGE. Voy. l'article Sergiers.
La TIBETAINE. Voy. l'article Tiretainiers.
La TRIPE ou TRIPPE sorte de velours de laine,
qui se fabriquait au métier, comme le velours
et la pluche ; à l'endroit, le poil était tout de
laine , la tissure à l'envers était entièrement
de fils de chan\Te. Il est probable que cette
étoffe, très employée au quinzième siècle, était
originaire de Tripoli ; au dix-huitième siècle,
elle se fabriquait surtout en Flandre, à Lille,
à Orchies, à Tournai. Il y en avait de rayée,
même de gaufrée, et on la teignait en toute
couleur ''.
1 Grand testament, § XXXVI.
2 Douët-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 353.
3 Pantagruel, liv. IV, ch. 32.
4 Voy. Ducange, au mot galabrunus.
5 IP partie, titre XXIV.
*> Dialogue de deux marchands. Dans Éd. Fournier,
Variétés, t. V, p. 192.
' Fr. Michel, Tissus au tnoyen âge, t. II, p. 250. —
Savary, Dictionnaire, t. II, p. 1813.
Dix-septième et dix-huitiicme siècles.
Draps aboughoughous. Draps destinés à
l'exportation, et qui étaient fabriqués surtout
dans le Languedoc. Plusieurs des manufactures
créées dans cett(^ province eurent pour origine
l'expulsion des Mores d'Espagne au dix-septième
siècle. L'édit rendu par Pliilippe III e.U de
janvier 1610. Près d'un million d'hommes, une
élite de travailleurs, aljKiidonnèrent la pénin-
sule, et ils y laissèrent un vide que les siècles
n'ont pu combler. L'édit de 1610 fut aussi
funeste à l'Espagne que le fut, soixante-quinze
ans plus tard à la France, la révocation de l'édit
de Nantes * .
Draps billards. Draps très larges, employés
presque exclusivement pour recouvrir les bil-
lards. Ils provenaient surtout d'Elbeuf, de
Chàteauroux, de Romoranlin, etc.
Calmande. Etoffe très lustrée dont on faisait
surtout des jupons et des robes de chambre. On
en consommait beaucoup en Flandre, et les
centres de fabrication étaient Lille, Tourcoing,
Roubaix, etc.
Gariset, creseau ou carisi. Etoffe de laine
croisée, qui ne se fabriquait guère qu'en Angle-
terre, mais dont d'immenses quantités entraient
en France. Dans L'avocat Patelin de Brueys,
c'est à ce tissu que Guillaume fait allusion quand
il reproche à Agnelet de lui avoir tué un mouton
dont la laine produisait « des draps d'Angle-
terre ^ ». La drapière du Bourgeois poli offre
aussi à une cliente « de beau carizi d'Angle-
terre ^ ».
Draps chats. Draps « fabriquez avec les
restes des chaînes et des trames des draps de
couleur * ». Ordinairement la chaîne était
blanche.
Corda. Sorte de grosse serg-e dont on ne
faisait que des vêtements communs. On l'a
souvent confondu avec le pinchina.
Dauphine. Sorte de droguet, non croisé et
très léger, qui servait à faire des habits d'été.
Savary écrivait en 1723 : « Plusieurs prétendent
que cette étoffe a pris le nom de dauphine, de ce
qu'un Dauphin de France en a porté des pre-
miers. Quelques autres veulent que ce soit parce
que l'origine de sa fabrique vient de quelque
endroit de la province de Dauphine ; et d'autres
disent que c'est à cause d'un ouvrier daupliinois
qui le premier en a trouvé l'invention à Reims.
Quoi qu'il en soit, il est certain que cet'e étoffe
n'est pas d'une ancienne fabrique et que la mode
en est assez moderne ^ ».
Espagnolette. Espèce de droguet, dont
l'Espagne eut pendant longtemps la spécialité.
Au dix-huitième siècle, on en fabriquait à
Rouen, à Darnetal, à Châlons-sur-Marne, à
Beauvais, etc.
1 \oy. Mignet, Succession d' Espagne, t. I, p. XXVIII.
2 Scène VII.
3 Dans Éd. Fournier, t. IX, p. 164.
* Statuts des teinturiers, du 15 janvier 1737, art. 58.
3 Tome I, p. 1651.
•27 fi
DRAINS — DKOGMANS
Flanelle. Les villes qui en produisaient le
plus étaient Reims, Castres et Rouen. Mais,
jusqu'à la fin du dix-septième siècle, on recher-
cha surtout les flanelles anglaises. Racine écrivait
à son fils le 17 novembre lf)98 : << J'ai dit à
M. de Bonac que vous me ferez plaisir de m'ap-
porler de bonne flanelle, vraie Ang-leterre, de
quoi me faire deux camisoles ' ».
Londres et londrins. Draps imités de lissas
an"-lais, et qui étaient destinés à l'exportation.
« Il v a toute apparence que ces sortes de draps
ont pris leur nom de la ville de Londres, les
Anglois ayant été long--temps avant les François
en possession de faire le négoce de draperie en
Levant - ». Ces tissus ne se fabriquaient guère
que dans le Languedoc, la Provence et le Dau-
phiné.
Une qualité iid'érieuiv élail dili" loiidrins
seconds ou denii-londrins.
Mahous. Variétés des précédents. Ils avaient
la même destination et venaient des mêmes
pro\'inces.
Molleton. Vov. Vnriicle Molletonniers.
PiNCHiNA. ïissu non croisé, originaire d'Es-
pagne La première fabrique française fut fondée
à Toulon, qui en conserva longtemps le mono-
pole.
Ras. Sorte de serge, croisée, unie et à poil
ras. La plus ancienne manufacture de ras qu'ait
eue la France fut créée en 1077, par un sieur
Marcelin Charier, à Saint-Maur près de Paris.
Celte industrie se vit ensuite représentée à Ljon
et à Tours.
Ratine. I)iap donl les pdils. lires en dehors,
étaient frisés de manière à former de petits
grains. Dieppe, Beauvais, Caen, Sommières,
Klbeuf eu produisaient d'excellentes.
Revèche. Variété de ratine, mais dans
laquelle n'entrait que de la laine grossière.
.\uiieiis et Beauvais en conservèrent pendant
Iniiglemps la spécialité. « Les revêches serveni
à diiidiler des habits, particulièrement ceux pour
les-lrniipes de S. M. très chrétienne. Les femmes
en doublent d»,'s jupons pour riiyver ; les miroi-
lieiN en mettent derrière leurs glaces pour en
cnnservfM- l'élain ; les coffret iers-malletiers en
garnisseni le dedans des coffres propres pour la
VHi«<sr]lc d'argent, et les gainiers s'en serveni à
(lnubler certains éltiis •' ».
SoMMiKKE. Serge croisée et très chaude. h;ile
nvnil pris son nom de la ville de Snmmien.'s,
• hrns le (lard, mais Beauvais en produisait aussi
boHUcotip.
DitAi's Dt'ssKAi', D'U.ssicAr, nu seau ou du
SCKAC. Laquelle de ees quatre formes doit pré-
y.diiirV(;|,a,:une fi'..l|es a eu ses partisans, mais
il snml)lo établi aujourd'hui qu'il faut écrire
drap ffv .tm/tt, fl qn,. ...elle expression désignait
un drap spécial, fabriqué à Rouen, et le"^plus
beau que priKlui.si,s.senl les manufactures do cette
ville. *
« É«lil. M..snnrd, t. VII, p. 301.
' Savarv, t. H, p. r.sa.
•■' SavBrv t. II, ji. i;j08.
Draps de lit. Voy. Blanc (Spécialité
de).
Drayeurs. Nom donné parfois aux cor-'
royeurs et aux tanneurs. La drayoire, dite aussi
couteau à revers ou coiUecm ])arnù\ est un instru-
ment qui figurait dans les armoiries de ces deux
corps d'état.
Dresseurs. Voy. Écuyers.
Dresseurs. Chez les épingliers, ouvriers
Chartres de dresser le fil, c'est-à-dire de diviser
chaque pièce de fils en brins rendus aussi droits
que possible. Un dresseur habile pouvait dresser
six cents toises de fil par heure.
Drilles (Bons). Nom donné parfois aux
Enfants de maître Soubise. Agricol Perdiguier *
les nomme Bondrilles.
Voy. Enfants.
Drilliers. Voy. Chiffonniers.
Drogrnans. La Porte ottomane se chargeait
de fournir des drogmans aux ambassadeurs
accrédités auprès d'elle, mais Louis XIV voulut
qu'à l'avenir les drogmans fussent de nationa-
nalilé française. 11 ordonna en 1070 que, de trois
ans en trois ans, il serait envoyé « six jeunes
garçons au couvent des Pères Capucins de Cons-
tantinople et de Smyrne, pour y estre instruits
dans le culte de nostre religion et la connoissance
des langues du Levant ^ ». La pension de chacun
d'eux était fixée à trois cents livres qui devaient
être payées par le commerce de Marseille. Quel-
ques mois après, notre ambassadeur à Constan-
tinople était informé que, l'intervalle de trois ans
ayant paru trop considérable, lès envois auraient
lieu tous les ans ^.
Telle est l'origine de l'institution dite des
Jeunes de langue. Elle fut complétée en 1700
piU' la fondation, faite au collège Louis-le-Grand
à Paris, de douze bourses, pour douze enfants
arméniens appelés à recevoir une éducation
chrétienne, et destinés à seconder nos mission-
naires dans le Levant. Vingt ans après, les
douze bourses étaient réduites à dix, enlevées
aux Orientaux et attribuées à de jeunes français *.
Aux deux « lecteurs ordinaires de la chambre
(lu roi » étaient adjoints quatre interprèles: un
pour l'arabe et le syriaque, un pour la langue
lalini', un pour la langue grecque, un pour les
langues grecque et latine ''. Je trouve deux
d'entre eux cités en l(i67 sur l'état des gratifi-
cations accordées par le roi aux gens réputés
savants ".
Les interprètes sont aujourd'hui formés par
l'école spéciale des langues orientales vivantes,
' /.<• licvf, du comjKHinoHnage, t. I, p. 41.
2 Corresponilnnce de Colbert. lettre ilu Ki février 1670,
t. II, p. 518.
■' Curre.spo/id/iiice de Golberl, letlrr du l'-' novembre
1070, l. II, p. 575, et t. V, p. 304.
* Frédéric Masson , Les jeunex de liuujue. Dans lo
Correspondant, année 1881, p. 417.
'i K lai de In France pour 1712, t. I, p. 212.
•• Correqmndiince de Colbert, t. \", p. 473.
DROGMANS - EAU-DE-VIE
277
qui doit son orig-ine à un décret du 30 mars
1795. Elle s'abrila d'abord dans un modeste local
dépendant de la Bibliothèque royale, puis dans
une des salles du collèo-e de France. En 1873,
l'Pjtat lui concéda le bâtiment que venait d'aban-
donner, rue de Lille, l'école du génie maritime ^.
Drog-uemans. Voy. IDrogmans. L'arrêt
du 31 octobre 1070, qui inslilua l'école dite des
Jeunes de langue écrit encore drogiumans.
Drog"Uetiers. Fabricants de droguet, étoiîe
de laine, orig-iaaire de Drogheda -, et qui fut
surtout en vog-ue sous le règne de Louis XIV ".
La Normandie, la Chanqjag-ne, le Languedoc en
produisaient beaucoup et de qualités très variées,
tout laine, demi-til, demi-laine, croisé, etc. ''.
On faisait aussi des droguets de soie, et même
mélangés d'or et d'argent.
Droguistes. Ils appartenaient à la corpo-
ration des épiciers. « Ils vendent des poisons
comme de la cannelle, de l'eau forte et de l'huile,
du fromage et de l'émétique, de l'eau de vie et
des couleurs, du sucre et de l'arsenic, des
confitures et du séné... Les droo-ueries sont
mêlées avec les épiceries ; le garçon épicier donne
d'une main des raisins secs et de l'autre deux
gros de sel de Glauber, un morceau de savon
et un lénitif, des pruneaux et de la thériaque...
Les statuts de la communauté sont formels :
l'épicier droguiste a le droit incontestable de
purger tout le ((uartier et de lui (kmner son
dessert par dessus le marché ^ ».
Droiture. V(jy. Coutume.
Drosseurs. Voy. Erousseurs.
Drouineurs d Drouiniers . Vcy .
Chaudronniors.
DroUSSeurS . Ouvriers ([iii , dans les
fabriques de drap, faisaient sul)ir aux laines un
cardage préparatoire.
On trouve aussi Drosseurs et Trousseurs.
Duvetiers. ^'oy. Coutiers.
Dyamantaires. Vny. Diamantaires.
Dynantiers et Dynants. Voy. Chau-
dronniers.
E
Eau de mélisse (Commerce de l'). On lit
à la tin d'un prospectus sans date ^ que j'ai sous
les yeux : « Cette eau se débite aux Carmes
déchaussez, proche le palais de Luxembourg,
fauxbourg S. Germain ». C'est dans l'apothicai-
rerie de ce couvent, dont les jardins mesuraient
plus de quarante-deux arpents, qu'elle avait été
inventée ^. En 1791, l'Etat supprima l'ordre des
Carmes et confisqua ses biens. Quarante-cinq
religieux appartenant au couvent de la rue de
Vaugirard formèrent une société purement
commerciale pour l'exploitation de l'eau de
mélisse. Prudhomme écrivait vers 1807 : « Plu-
sieurs ci-devant religieux des Carmes dirigent
cette fabrique, dont le produit se distribue entre
tous les religieux de cette maison encore
existans " ». La propriété devait rester au dernier
sociétaire vivant, qui fut le frère Paradis. Il
1 C.-H.-A. Scht'fer, Xutice xur l'école des huitjues orien-
tales vivantes. En tête des Mélnnfjes ui ientiiux.
2 l<'rancisquo Michrl, Histoire des tissus de saie nu
moijen àfje, t. II, p. 244.
•* J. (Jluicherat, Histoire du costume, ji. 517 l'I .5tM).
4 Savaiy, Dictionnaire du commerce, t. I, p. 17(54.
•'» Dix-huitième .siècle.
•> Piganiol de la Force, Description de Paris, t. ^ II,
p. 284.
" Miroir de Paris, t. IV, p. 100.
s'associa un sieur Royer et mourut en 1831 dans
la rue Taranne, où la société s'était constituée.
En 1840, un sieur Boyer, ayant épousé la veuve
de Royer, devint seul propriétaire de l'eau de
mélisse des Carmes ^.
Les Minimes faisaient concurrence aux Carmes
et fabriquaient aussi une eau de mélisse. « Elle
se débite aux Minime.> de la place Royale », dit
un prospectus daté de 1728.
Voy. Spécialités pharmaceutiques.
Eau-de-vieiCoMMERCE DE l'). \ Oy. Bran-
daviniers. — Coco (Marchands de). —
Contrôleurs. — Courtiers. — Distilla-
teurs. — Eau-da-vie (IVIarchands d'). — ■
Eau-de-vie (Vendeurs d'). — Essayeurs.
— Limonadiers. — Liqueurs (Mar-
chands de). — Porte-col.
Eau-de-vie (Marchands d'). L'édit de mars
1673, qui mentionne les métiers encore libres et
susceptibles d'être constitués en corporation,
signale vingt marchands d'eau-de-vie en gros. Ils
formèrent la communauté des distillateurs, qui.
1 S. Mercier, Tableau de Paris (1788), t. XII. n. 12(3.
- Monaip-afÂle hlstorujue. par Boyer (ré<ligée, dit-on,
par .\lexandre Duma.sl. In- 18, .«cuvent réimprimée.
278
EAL'-D1<:-VI1': — EAUX MINÉRALES ARTIFICIELLES
au mois de mars 1676, fut réunie à la commu-
nauté nouvellement créée des limonadiers. Ceux-
ci purent vendre l'eau-de-vie et d'autres liqueurs,
aussi bien en gros qu'au détail. Les épiciers-
droguistes et les vinaigriers avaient aussi le droit
de distiller l'eau-de-vie et d'en faire commerce.
Eau-de-vie (Vendeurs d'j. « A Paris, il y a
un.' quantité de gens de l'un et de l'autre sexe qui
subsistent par le petit détail qu'ils font de l'eau-
de-vie. Ils se nomment vendeurs et 'vendeuses
d'eau-de-vie. Ce sont des espèces de regrattiers.
Chaque jour, dès le matin, lorsque les boutiques
commencent à s'ouvrir et que les artisans vont et
se mettent au travail, ils établissent des petites
boutiques au coin des rués ou parcourent la ville,
en porliuit tout le caLaret, bouteilles, verres et
mesures, dans une petite manne pendue à leur
col. Ce sont les femmes qui sont sédentaires, et
les hommes qui vont criant leur marchandise ■• ».
On h'> iionunait aussi Porte-col.
Voy. Vendeurs.
Eaux I Faiseurs d'). Il y avait, dans la.
cuisine royale, un officier qualifié de faiseur
(Féaux '. Le maître d'hôtel Audiger me fournit
l'explication de ce terme : «Je parvins, écrit-il, à
faire en perfection toutes sortes d'eaux, tant de
fleurs que de fruits, glacées ou non glacées,
sorbecs, crèmes, orgeat, eaux de pistaches, de
pignons, de coriandre, d'anis, de fenouil et de
toutes sortes de grains ^ ».
Eaux minérales artificielles (Com-
merce des). (Jn avait eu depuis longtemps l'idée
de faliriquer à Paris même les eaux minérales les
plus (lifticiles à transporter, et La Bruyère parle
d'un certain Barbereau qui, dit-il, « s'étoit enri-
chit à vendre en bouteille l'eau de la rivière* ».
Ce Barbereau s'était installé justement au bord
de la Seine, dans l'une des boutiques ouvertes
sur la façade du collège des Quatre-Nations ^ ,
boutiques dont le loyer constituait une partie des
revenus de l'établissement ". Le médecin Bernier
qui, comme on sait, n'était pas tendre pour ses
confrères , a consacré à ce commerçant peu
scrupuleux une page curieuse, et que l'on ne
songerait guère aujourd'hui à aller chercher dans
le compact in-quarto où elle .se cache. Ce serait,
en vérité, grand (hmunage.
« Barbereau, écrit Bernier, n'eut qu'à (h'îguiser
l'eau de In Seine el û luy changer le nom, pour
la iiiellre ù bien |)lus haut prix que le meilleur
vin de Clianipagne. Il en établit donc le bureau
dans le collège rb-s Quatre-Nations, el pour en
faire la distribution d'nne manière un peu galante,
il in commit à sa femme et à sa fille, deux
nymphes qui no paroissoienl pas les plus refroidies
' Snvnry, Dielionninre, t. I, p
A't'il df la Franct^pour Iftfi?, l. I, y. -Mo ; /lou,
178"
1712,
Mivnry, Uia
itiit df la Fi
l 1. I' 131 ; pour /7.?f), I. I, y. 'iliS."
3 /ai maison régUt, M\\. PI»,,, ,,, 132. Audicer donne
U r.-c.'i(c <1.' toiles roj* .•niix.
' Œntrts, é.lil. r; Servi. i.s, t. 11, |,. H7.
» .aujourd'hui le pnlni.s (\v l'Institut.
„*,^"-y; -^ -l*'-. /itcherckf.-! hisloriqufs sur le collèqe des
<Jtalr0-.\attoin, p. 51 «-t suiv.
de charité ; de sorte qu'on croyoit toujours boire
ajuste prix, quelque chère que fût l'eau, quand
on la prenoit des mains de ces deux prétieuses.
Ce qu'il y avoit de particulier dans cette eau,
au moins si l'on en croyoit Barbereau, est que
comme si le transport luy eut donné quelque
qualité qu'elle n'avoit pas dans son logis (au
contraire de celles qui perdent quelque chose
quand on les transporte), celle qui partoit de
chez luy dans de certaines bouteilles étoit bien
plus chère que l'autre, étant scelée du seau de
la fontaine perpétuelle. Car le dieu du fleuve qui
y présidoit et qui la faisoit partir avec cette
attache pour le bien public assuroit qu'elle étoit
imprégnée d'une vertu miraculeuse, quoiqu'il
n'y parût qu'un mélange d'antimoine vitriolé ou
de vitriol antimonié, encore en si petite dose
qu'il n'éfoit pas capable de la faire changer de
nature, ce grain verd qu'on voyoit au fond
n'excédant pas la grosseur d'un grain de froment
sur six pintes d'eau. Mais parce qu'il y avoit du
mistère et qu'on la regardoit comme une fontaine
de jouvence, on la payoit si grassement que
quelques coffres forts en donnoient depuis dix
jusqu'à trente louis d'or, le prix la faisant passer
pour une eau de longue vie et de santé, et le
maître des eaux du collège se disant conseiller
et médecin ordinaire du Roy, quoi-qu'il ne sçût
ni A ni B, et qu'il bût plus de vin en un jour
que les plus forts de ses beuveurs.
On avoit beau dire aux gens prévenus que ce
n'étoit que de l'eau de rivière, et que le grain
verd qui étoit au fond de la fontaine perpétuelle
n'étoit qu'un mistère, ils n'en croyoient rien ; mais
enfin on s'en éclaircit, et voici comment. Un
petit laquais avoit retenu l'argent de son maître
et avoit rempli sa bouteille de l'eau de la Seine,
au lieu d'aller porter l'un et l'autre chez
Barbereau, et cependant le maître du laquais
n'avoit pas laissé de se trouver fort bien de celte
eau ; c'est pourquoy il ne manqua pas d'aller
remercier le maître des eaux après sa convales-
cence, quoiqu'il crût avoir bien payé son remède.
Comme il eut fait son compliment, on le pria de
dire son nom, mais ne le trouvant pas sur le
registre où celui de tous les beuveurs étoit couché,
on soupçonna qu'il y avoit du mal entendu, et
que le laquais pouvoit bien avoir changé l'eau
en vin. Ainsi le maître de retour au logis luy
ayant commandé d'aller trouver M. Barbereau,
le fripon ciiange en même temps de couleur, se
trouble el se jelle enfin à ses pieds, demande
pardon et offre pour l'obtenir plus facilement de
rendre la plus grande part de l'argent qui étoit
encore en nature. Voilà la première et la princi-
pale cause du reflux des eaux, voilà comment
leur mei"\'eilleuse réputation et celle du médecin
des eaux se perdirent. Car on remarqua depuis
ce temps-là que le maître des eaux et sa boutique
l'ondirent insensiblement sans qu'il eût rien fondé
pour sa pauvre famille, non plus que ce fondeur
de cloches dont on a dit :
Il fondit et l'icn ne fonda ^ ».
' .Ê'.v.sfl/.s- fie tnèdecine, \\. 4.54.
EAUX MINERALES ARTIFICIELLES — EAUX MINÉRALES NATURELLES 279
Raibereau avait des concuiTents. Deux jeunes
Hullandais, qui visitèrent Paris en 1657,
écrivaient dans leur Journal, à la date du 6 avril :
« Nous allasnies aux Petits-Aug-ustins, pour
parler à un Père nommé Valérien, qui donne de
l'eau de fontaine, dans laquelle il verse un peu
d'esprit d'une certaine (•oniposition qui la rend
comme minérale. On dit qu'il en g'uérit toutes
sortes de maladies ; beaucoup de personnes s'en
sont bien trouvées, et quelques autres n'en ont
eu aucun soulagement ^ ». Le procédé était
élémentaire et pouvait, avec un égal succès,
s'appliquer à toutes les sources. Ce progrès était
réalisé en 1692, car Blégnj nous apprend que
«le sieur Fillesac, rue de la Bûcherie, joignant
les écoles de médecine, vend toutes sortes d'eaux
minérales artificielles ^ ». *
Eaux minérales naturelles (Commerce
des). Les bains de Cauferets, de Balaruc, de
Néris, de Bourbonne et bien d'autres étaient déjà
connus au seizième siècle ^, mais leur efficacité
paraissait très problématique. En général, on
commençait toute cure de ce genre par une
purgation et une saignée, car on ne comptait
guère sur le reste. « Les voyages des eaux,
disait Voltaire, ont été inventés par des femmes
qui s'ennuyaient chez elles * », et Gui Patin,
possédé de la mauvaise habitude de rendre trop
crûment sa pensée, déclarait que « les eaux
minérales font plus de c. . .s qu'elles ne guérissent
de malades ^ ». 11 faisait allusion à la durée du
trajet, à la difficulté des communications, etc.,
etc.
Au mois de mai 1655, Louis XIV se plaignit
d'une indisposition à laquelle son premier
médecin Vallot ne comprenait rien : lui-même
l'avoue ^. Pour se tirer d'embarras, il ordonna à
son royal client les eaux de Forges. C'est à
Fontainebleau qu'eut lieu la cure, et Vallot nous
apprend qu'il y <.< faisoit apporter par des officiers
du gobelet à cheval des eaux de Forges, puis
des relais d'hommes à pied en apportoient toute
la matinée une flottée, dont le roi usoit à la
manière ordinaire, après avoir été préparé par la
saignée et la purgation». Le roi but six verres
le premier jour, huit les jours suivants ; mais il
fallut bientôt interrompre le traitement, qui
aggravait l'état du malade.
Le procédé employé par Vallot en cette
circonstance prouve que l'on ne se procurait pas
encore facilement à Paris les eaux minérales
même les plus en vogue.
Dès 1670, Colbert écrivait à Riquet : « Le Roy
ayant dessein de faire distiller toutes les eaux
minérales qui se trouvent dans les provinces de
son royaume, pour connoistre leurs différentes
qualités et sçavoir à quoi elles sont propres, je
seray bien ayse que vous preniez soin de faire
tirer six bouteilles de celles de Balaruc en Lan-
1 A. -P. Faugère, Journal d'un voyage à Paris, p. 108.
2 Le livre commode, t. I, p. 175.
3 Voy. Rabelais, Pantagruel, livre II, chap. 33.
4 Lettre du 25 avril 1770, à Lekain.
5 Lettre du 30 juin 1665, au médecin Falconet.
G Journal de la nanté de Louis XIV, p. 27.
guedoc et de Barèges, pour les envoyer par la
voye que vous jugerez la plus commode et la
plus prompte * ».
Je ne sais s'il fut donné suite à ce projet.
Mais quand Louis XIV vint s'installer à Ver-
sailles, l'Académie des sciences reçut de Colbert
(11 août 1682) « l'ordre de travailler à l'examen
des eaux des sources île Ver.sailles » et de déter-
miner celle dont le roi devait faire usage. Bour-
delin, délégué par ses collègues, alla recueillir
les eaux provenant de dix sources : celles de
Saint-Cyr, (hi Maltourte, du Chesnay, de Roc-
quencourt, des Crapaux près de Trianon, de
Saint -Pierre, de Saint- Antoine, de la porte
du parc de Bailly, de Trianon et de Ville-
d'Avray. Après de minutieuses expériences,
l'Académie répondit au ministre « que les eaux
de Versailles égalaient en bonté celles que l'on
estime les meilleures, telles que sont les eaux de
la Seine ^ et celles de Rungis ^ ». Colbert
se décida pour la source de Ville-d'Avray, qui
prit le nom à' eau du Roi. La fontaine, située près
du parc de Saint-Cloud, restait toujours cade-
nassée, mais de façon à permettre aux passants
de s'y rafraîchir. Louis XV en autorisa même
la vente à Paris. « On la trouve dans différens
bureaux de la ville à un prix modique », écri-
vaient Hurtaut et Magny en 1779 *.
Le commerce des eaux minérales ne fut régu-
lièrement organisé dans la capitale que sous ce
règne. En 1760, les sieurs Alleaume et Delage,
demeurant rue des Prouvaires, jouissaient d'un
privilège exclusif pour le transport et la vente
des eaux minérales françaises et étrangères.
Toute concurrence était interdite et punie
d'une amende de quinze cents livres, outre la
confiscation des marchandises. Le prix de
chaque eau était fixé par le premier médecin
du roi, et les concessionnaires n'avaient pas
le droit de le modifier. Voici le nom et la
taxe des eaux qui étaient « présentement en
usage » :
Sainte-Reine, la bouteille 15 sols.
Forges, à l'ordinaire 15 —
Forges, par relais 1 liv. 15 —
Vais, de 4 pintes ou environ. ... 12 — »
Balaruc, de 4 pintes ou environ 12 — »
Cransac, de 4 pintes ou environ 12 — »
Plombières, de 5 pintes ou env.. 12 — »
Vichy, de 4 pintes ou environ . . 5 — »
Bourbonne, bouteille de pinte. . . 2 — »
iSjO«, bouteille de pinte 2 — »
Cauterelz, bouteille de pinte 3 — »
Seltz, bouteille de pinte 2 — 10 sols.
Sedlitz, de trois cliopines 6 -:- »
^0????^, bouteille de pinte 3 — »
Baretgez ^, bouteille de pinte ... 3 — »
La Motte, de 4 pintes 10 — » ••
1 Correspondance de Colbert, t. V, p. 29 L
2 On ne pensait plus ainsi sous Louis XV.
3 Histoire de l'Académie des sciences, t. I, p. 369.
4 Dictionnaire historique de Paris, t. II, p. 680.
•'' De Barèg'e, .sans doute.
6 Jèze, Etat nu tableau de la ville de l'aris (1760),
p. 326.
•2m
EAUX MINÉRALES NATURELLES — ÉBÉNISTES
Le commerce des eaux minérales était placé
depuis longtemps sous la surveillance de l'Etat.
Un édit de mai 1605. confirmé le 9 juin 1670 ',
puis le 19 août 1709 -, avait réuni à la charge
du premier médecin du roi la surintendance des
eaux minérales et médicinales de France. Un
arrêt du Conseil, rendu le 12 mai 1775 ^ res-
Ireio-riit encore les droits des propriétaires de
sources, et soumit à des règles sévères le trans-
port et la vente de toutes les eaux consommées
dans le royaume. « Informé, dit le roi, que
plusir'iirs particuliers continuent de se mêler de
ce commerce, notamment les propriétaires des
sources, imaginant que leur propriété suffit pour
leur donner le pouvoir de faire transporter des
eaux hors des lieux où sont leurs sources et
parloul où il leur plaît, et d'en faire le débit à
leur gi'é. an préjudice du public qu'ils peuvent
tromp<'r siii' l;i qualité et le prix... ». En consé-
quence, le roi ordonne ce qui suit: ^< Quand les
propriétaires ou tous autres prétendant dmit
voudront l'aire Iransporler des eaux hors du lieu
de leurs sources, soit pour leur usage, soit pour
tout anire deslinalion, les voituriers qui seront
chargés de les conduire, tant par terre que par
eau, seront lenus de se munir d'un certificat de
rinlendant on garde desdites eaux *, et en leur
absence du juge des lieux, dans lequel il sera fait
mention de la qualité des eaux qui leur auront
été délivrées, du jour où elles auront été puisées
et de leur destination ; lequel certificat sera
représenté à tous les bureaux de passage pour
y être visé. Ordonne qu'à l'arrivée desdites
eaux, tant à Paris qu'es autres villes où sont
établis des bureaux de distribution , elles
y seront conduites directement, pour y être
visitées et dégustées dans les vingt-quatre
heures de l'arrivée et sans frais par des inspec-
teurs qui se feront représenter les certificats du
départ ' ».
l'în 1779, le bureau de distribution des eaux
minérales était encore installé rue des Prou-
vaires, mais le privilège avait été accordé à un
sieur Arnaull ou Arnaud, qui le conserva jusqu'à
la Révtilutiou. Il était tenu de verser chaque
année au Trésor une .somme de quarante mille
livn-s ", ce qui prouve quel iléveloppement
avait |)ris alors l'usage des eaux minérales. Le
nuiiibre de celles qui se cousonunaient à Paris
avait iiuguscnlé et les prix él^iient devenus un
pf'U |.lus abordables. Ils étaient ainsi fixés eu
17H7 :
■ >i)y. in //tcuf iiifJiriih île .Ynniiiiin/if, aniitc lllOl,
' Vi.v. I.snmbiTt, .tiiriniHi-x luU frti niaises. I. W,
p. ïoi, ri i. XX, p. r,j2.
3 ('."nfimuiJifrrun.'diTlnnili.iii (lu2r)nvnl 1772 t-l .l'un
am^l ilu Con-M'il du 1" nvril 1771. \..y. !.• pivnnibulr.
* 11 rtnil nommi> imr l'Èlul.
» I-ntnbm, t. XXIIl. p. Irt8. — .\mH ronfirniù pnr
une nivjnraliun du 2fi nuii 17H0. — Un nrr.H du 5 mai
1781 n-oriînnisfl et- sw-nir.-, ,|ui fui nininl.-nu sous la
dir.Tli..n du pr.-mior nn-divin ilu roi, n ipii l'on ndjoipiit
In S<»ri,'tt- roynlo de nu^lorino. Voy. IsombiH, I. XXVII
p. 21. '
" Hurtnut oi Mafi^y. I. Il, p. 081.
BOUTEILLES DE QUATRE PINTES OU ENVIRON.
Eaux de Balarnc 9 liv.
— Vais 9 —
— Cransac 9 —
— LaMothe 8 —
— Vichv 4 —
— Merlange 3 —
BOUTEILLES DE TROIS CHOPINES.
Eaux deSedlilz, en Bohême 5 liv. 5 sols,
— Seydschutz, en Bohême. 5 — 10 -
BOUTEILLES DE PINTE.
Eaux de Bonnes 2 liv. 8 sols.
— Bai-edge 2 — 8 —
— Cauterelz 2 — 8 —
— Balanic 2 — 8 —
— Vais 2 — 8 —
— Cransac 2 — 8 —
— LaMothe 2— 3 —
— Seltz 2 — » —
— Spa 2 — » —
— PÎond)ières 2 — » —
— Ponillon 2 — 8 —
— Chàtel-Gujon 1 _ 10 —
— Sainl-Mion 1 — 10 —
— Bussang 1 — 10 —
— Bonrbonne-les-Bains. . . . 1 — 10 —
— Pongues 1 — 10 —
— Conirexéville 1 — 10 —
— - Vichv 1 — » —
— Forg-(>s » — 15 —
— Sainte-Reine » — 15 —
— Chàteldon 1 — » —
Anciennes eaux de Passy » — 6 — *
Ébénistes. C'est en 1743 seulement que les
statuts des menuisiers font mention des ébénistes.
« Les maîtres menuisiers, dit l'article P"", ayant
de tous tems faits les ouvrages connus et
distingués aujourd'hui sous le nom d'ébénisterie,
marqueterie et placages, et partie de ces maîtres
s'étant depuis plusieurs années uniquement
attachés à cette sorte de menuiserie, en ont pris
le litre de menuisiers-ébénistes, ou simplement
ébénistes, sans cependant faire \in corps de
communauté séparé , en sorte que chacun
d'eux est libre d'embrasser toutes les parties de
ladite profession ou de s'attacher uniquement à
l'une d'elles... ». Suivant Y Encyclopédie métho-
dique - les uns étaient dits menuisiers d' assem-
bla (je et les autres menuisiers de placage et de
Marqueterie.
Le mot ébéniste serait donc tout moderne,
bien que l'art de travailler l'ébène soit fort ancien,
car les tabletiers ^ employaient le benus dès le
milieu du treizième siècle * et les couteliers
Vibemis dès le milieu du quatorzième ^. Au dix-
^ Thiéry, Guide des ama/eurs et des ruiu/i/eurs à P'.iri^,
t. I, !•. 425. ' ■
2 .\rl.s et méliei-s, t. II, p. 334.
■' l'^iisours de labletlcs à écrire.
» Sliituls des liibleliers, dans le Livre des métiers, titre
I-XVIII.
•» C.ompto (le l'argent(>rit> d'Etienne do la l^^ontaino
pour LS-'iO. p. 131.
EBENISTES — ECAILLE RS
281
septième, Michel de Marolles donnait cependant
encore le nom de « sçavans menuisiers » à
An<lré Boulle, à Lorent Stabre et à Jean Macé ^,
célèbres artistes alors entrelenns au Louvre par
le roi. A la même époque, l'ébénisterie avait
d'habiles représentants à la jnanufaclure des
(jobelins, qui produisait non seulement des
tapis, mais tout ce qui devait servir ù rameuljle-
ment des résidences royales. Dans l'atelier des
meubles, les Italiens étai(!nt en majorité: Felipo
Caffieri modelait, Domenico Cucci sculptait, il
excellait à travailler l'ébène et à en réveiller les
sombres couleurs par des incrustations de pierres
précieuses ^.
Vers la fin du dix-huitième siècle, on défi-
nissait ainsi l'ébéniste : « ouvrier qui lait des
(Uivrag'es de marqueterie et de placa<i;e avec les
bois de couleur, l'écaillé et les autres matières •* ».
Il s'ag-it donc surtout ici des marqueteurs, qui
eurent pendant long-temps une confrérie spéciale
placée sous le patronag-e de saint Hildevert,
qu'ils fêtaient le 27 mai à l'ég-lise Siinte-Croix
en la Cité *.
Sur André-Charles Boulle et Dominique
Caffieri, qui eurent le titre d'ébéniste du roi, et
sur Hans Krans qui eut celui de marqueteur du
roi, je renvoie à un excellent article de M. A.
JaP.
Ébouqueuses. Vov. Épinceuses.
Ébrancheurs. Voy. Élagueurs.
Écacheurs. Titre que prenaient les affineurs
et les batteurs tireurs d'or.
Ecacher un métal c'est le réduire en fils aussi
fin qu'un cheveu, puis le faire passer entre deux
meules ou deux rouleaux d'acier pour l'aplatir.
On le rendait ainsi propre à être roulé sur un fil
de soie, qu'il couvrait entièrement. Ce fil, destiné
à broder des étoffes, est souvent désigné sous le
nom de hatev^re ^ .
La Taille de 1313 cite, dans la rue de Qui-
qu'en-poist ^, un sieur Jehan, qui est qualifié
à' esqitacheur ^.
Voy. Batteurs d'or.
Écaillers. Marchands et ouvreurs d'huîtres.
Ces mollusques furent de bonne heure appréciés
par les gourmets, car le moyen âg-e connaissait
déjà des couteaux spéciaux pour les ouvrir. Le
dix-septième siècle les eut pourtant en médiocre
estime. « Leur chair, dit la Framboisière ,
médecin de Louis XIII, est g-rossière et dure à
digérer, causant en nous quantité d'humeurs
terrestres et mélancholiques. Les bons com-
pag-nons les font cuire sur le g'ril dans leurs
escailles, y adjoustant du beurre et quelque peu
1 Quatrains sur Paris, p. 53.
^ Voy. É. Levasseur, Histoire des classes ouvrières,
t. II, p. 308.
3 Jaubfrt, Dictionnaire des arts et métiers, t. II, p. 87.
* Lp Mas.son, Calendrier des confréries, p. 37 et 67.
^ Dictionnaire eritit/ue, p. 264 et 712.
6 Voy. ci-dessus l'article Batteurs d'or.
"^ Rue Quincampoix.
8 Pacre 76.
de poivre, aucuns les font frire à la poésie, les
autres les niang-ent crues ^ ».
On appelait huîtres à récaille ou en écailles
celles qui arrivaient k Paris par eau, et que l'on
vendait enfermées encore dans leur coquille.
Elles étaient beaucoup plus estimées que les
huHres huitrées. (belles -ci étaient expédiées
dépouillées de leurs coquilles, ce qui en facilitait
le transport ; on les désig-nait aussi sous le nom
(V/mHres de chasse , parce qu'elles étaient
apportées, ainsi dépouillées, par les chasse-marée
qui, g'râce aux relais établis pour eux sur les
routes, franchissaient avec rapidité la distance
({ui sépare de Paris, Dieppe, Etretat, etc. J.-P.
Marana, à la fin du dix-septième siècle, prétendait
qu'il y avait alors à Paris quatre mille vendeurs
d'huîtres ^, ce qui est certainement exag-éré.
Un arrêt (lu Conseil d'Etat , rendu le
20 décembre 1681, constate que « le prix de cette
marchandise ne se monte pas dans une année à
trente mille livres de vente ». Moins de dix
ans après, au mois d'août 1690, Louis XIV créa
six officiers de pourvoyeurs-vendeurs tVhuîtres à
Vécaille. Il accordait aux titulaires le privilège
exclusif de la pêche, du pacage et du débit de ces
mollusques, à la condition qu'ils ne seraient pas
vendus plus de six sols la douzaine à Paris et
quatre sols en province. « Trois ou quatre parti-
culiers, y est-il dit, font le commerce des huistres
à l'escaille. Ils s'en sont tellement rendus les
maistres que nos sujets n'en ont que quand et
autant que bon leur semble, qu'ils les vendent à
des prix excessifs, et que mesme il en manque
quelquefois dans nostre ville de Paris, faute de
personnes qui prennent soin d'y en faire
voiturer ». C'est rue Montmartre que descen-
daient les chasse-marée chargés d'huîtres et
qu'ils avaient leur bureau ^ .
Une ordonnance de police du 25 septembre
1771 défend le commerce des huîtres entre le
30 avril et le 1" septembre.
Une crieuse d'huîtres dessinée par Bouchanhni
porte sa marchandise sur son dos dans une hotte.
On en trouve une autre en tête d'une nouvelle
écrite par Rétif de la Bretonne et qui a pour
titre La jolie écailleuse ^ . S'il faut en croire
Prudhomme, ces petites marchandes étaient, au
dix-huitième siècle, très recherchées dans leur
toilette. « Toutes les écaillères, dit-il, sont
chargées de croix et de chaînes d'or, avec des
bonnets à dentelles qui tombent presque sur leurs
épaules ^ » . Leur adresse était célèbre : « L'écail-
lère a un petit couteau court effort. Rien n'égale
la prestesse et le jeu adroit de son poignet...
Crébillon fils, ajoute Sébastien Mercier, mangea
en ma présence cent douzaines d'huîtres sans
crever ^ ».
1 Œuvres, édit. de 1613, p. 137.
2 J.-P. Marana, Lettre d'un Sicilien (v. 1697), édit.
Du'"our, p. 59.
3 Voyage de Lister à Paris (1698), p. 143. — Dela-
marre. Traité de In police, t. III, p. 124. — Thiéry,
Guide des voyageurs, t. I, p. 474.
4 Dans Zw contemporaines, t. XX, p. 537.
5 Miroir de Paris, t. VI, p. 184.
6 Taltleau de Paris, t. X, p. 147.
•282
ÉCAILLEURS - ÉCHEVINS
Écaîlleurs. Voy. ÉcaUlers.
Écaqueurs. Voy. Caqueurs.
Échafaudeurs. Sans doute des construc-
teurs d'échafaudages. La Taille de 1292 cite
deux eschafandeeurs, celle de 1300 en mentionne
quatre.
Échalas Marchands d'). L'ordonnance de
ft'vrit-r 1415 consacre deux articles à la vente
des échalas, commerce fait par les marchands
de merrien à treilles *. Deux siècles et demi
plus lard, l'ordonnance de décembre 1672 veut
que les « échalats servants aux vignes » aient
au moins quatre pieds et demi de longueur,
et que ciiaque botte en contienne au moins
cinquante -.
Échaudés (Faiseurs d';. Dans un accord
pii>-c. •■Il 1202, entre Tévêque de Paris et l'abbé
df Sainte-Geneviève, il est question de « panes
qui e^cl^audati dicuntur ^ ». Je vois encore qu'au
treizième siècle, les boulangers, à qui il était
iulerdil de cuire le jour des Morts, pouvaient
ci'pendant, ce jour-là, confectionner des « eschau-
dés à donner por Dieu ». c'est-à-dire destinés
aux pauvres *.
La Taille de 1292 mentionne deux eschau-
deeurs. et, dès celte époque, on criait des
échaudés dans les rues de Paris, comme le
prouvent ces deux vers empruntés à Guillaume
df la \'ille Neuve :
Galétes chaudi's, escliaudoz,
Huinssolles !...
Il en était de même au seizième siècle :
El se crier vous entendez
l'army Paris tretous les cris,
Crier orrez les eschauldez '
(^ui .sont aux œufs et beurre pestris !
Leur fr)rme varia sans cesse. Au quinzième
siècle, on les fait ronds, à bords festonnés ; au
seizième on leur attribue deux ou trois cornes ;
on fi\ trouve aussi qui représentent un cœur ^.
,)•' rappellerai qu'à Paris, on appelait échaudé
tout îlot de maisons avant la forme d'un trian<rle,
••l ((Uf 1 ou nommait indilléremmenl rue de
rKchaudé celle qui constituait la base ou un des
côtés du triangle. Quatre rues de Paris ont dû
leur nom à cette particularité ; une seule, qui
comnu'uce rue de Seine, le porte encore.
Ou trouve tsc/iuudeurs. escliaudisseurs, etc.
Echaudeurs. Vov. Tripiers.
Ech(îVins. l-^ns de la hanse parisienne ^,
ils iissi>tjiii.|il le prévôt des marchands dans ses
multiples fouclioiis. Au nombre de quatre, ils
étaient clinisis parmi les bourgeois notfibles, élus
pour den\ ans. et renouvelés par moitié le
' .\rtul.' 205.
* Clinpitn- XVII. art. 1 .1 2.
s Cnrlultiirr dr \ofrt-DaiHf de Paris, t. I, |i. 92. Vov
aussi Durnnp'. au mot esehnu/ieti.
* /.l'rrr det métiers, titre I, art. 2H.
5 Voy. V. Gny. Glostaire, t. I, p. r)95.
•• Vojr. cfl article.
16 aovit de chaque année. Ils avaient plus
spécialement dans leurs attributions le soin des
fontaines, des quais, ports, abreuvoirs, bateaux
à lessives, l'entretien du pavage et des fortifi-
cations, etc. *. Dans les solennités publiques, ils
portaient une robe de velours et un chapeau bordé
d'or 2.
L'élection des échevins avait lieu avec un
cérémonial assez compliqué dont l'avocat Barbier
nous a transmis ainsi le souvenir :
« Le 16, lendemain de la Vierge, on a procédé
à l'ordinaire à l'élection de deux nouveaux
écbevins, comme tous les ans, le jour de Saint-
Roch.
Cette élection n'est que pour la forme. On
sait, plus de quatre ans devant, qui seront les
échevins nommés, dont l'un ^st officier de la
Ville, conseiller ou quartinier, et l'autre un
bourgeois.
On mande pour cet effet quatre notables de
chacun des seize quartiers de Paris, qui vont
signer un premier procès-verbal chez le prévôt.
Il leur est enjoint par le quartinier d'attendre le
jour de Saint-Roch, et de se tenir prêts chez eux
jusqu'à midi sonné.
De ces quatre, le matin, jour de Saint-Roch,
à l'Hôtel de Ville, on les tire au sort, et il y
en a deux de brûlés des quatre ; c'est encore
de forme, car les amis des échevins ou des
quartiniers sont conservés. Ensuite, un huissier
de la Ville, dans un carrosse, va prendre dans
chaque quartier les deux notables, ce qui fait
trente-deux, lesquels se rendent à l'Hôtel de
Ville.
Quand tout est assemblé, on nomme quatre
scrutateurs pour recevoir les billets ou bulletins
cachetés que le quartinier donne à ses notables,
où est le nom de celui qui est désigné pour être
échevin, et celui des deux qui a le plus de voix
est le premier échevin. Ordinairement, c'est
l'officier de la Ville : les quartiniers s'arrangent
pour cela avec le prévôt des marchands.
Le premier scrutateur est toujours un magis-
trat, jeune homme qu'on appelle le scrutateur
rojal, qui porte la parole devant le Roi en lui
présentant les échevins. Le second, un conseiller
de Ville, le troisième un quartinier, et le dernier,
un des plus notables des mandés.
Il y a ensuite un discours du prévôt des mar-
chands et un du procureur du Roi. Les quatre
secrétaires prêtent le serment sur le crucifix,
entre les mains du prévôt des marchands, et
ensuite le scrutateur royal prend le crucifix et
reçoit le serment de tous les notables mandés qui
donnent leur bulletin. Quand l'élection est
faite, on ôle ses robes et l'on se met à une
grande table, longue d'environ cent couverts, où
il y a toujours un magnifique dîner, et chacun
des conviés a devant lui une belle corbeille de
confitures sèches qu'il emporte.
< Ordonnance de décembre 1672, chap. XXXIII,
art. 17.
* Le Roux lie Lincy, Histoire de l' Hùtel de Ville,
y. 172 et suiv.
ECHEVINS — ECORCHEURS
283
Le lendemain 17 août, on se rend à l'Hôtel
de Ville à huit heures, où l'on déjeune. Le
prévôt des marchands, les deux anciens échevins,
le procureur du Roi, des conseillers et qiuirti-
niers, avec les deux nouveaux échevins, montent
dans des carrosses de la Ville à six et à quatre
chevaux, et le scrutateur royal mène les trois
autres scrutateurs dans son carrosse; et tout cela
part pour Versailles, en g^rand cortège ù huit et
dix carrosses, accompagnés d'officiers et gardes
de la Ville à cheval.
Cela arrive à Versailles pour l'heure que le
Roi a indiqué pour cette cérémonie. Ils se ren-
dent d'abord dans une grande salle par bas, que
l'on dit être la salle des ambassadeurs. Ils vont
rendre visite au gouverneur de Paris, qui est
logé dans le château ; ils reviennent dans leur
salle, où le grand maître des cérémonies vient les
prendre, et les conduit, avec le gouverneur de
Paris à leur tête, au cabinet du Roi.
Le Roi est au fond, assis dans un fauteuil, son
chapeau sur la tête, entouré de ses ministres,
cardinaux, évêques et des seigneurs. On avance
vers lui avec de grandes révérences ; puis toute
cette bande, prévôt des marchands et autres, se
mettent un genou en terre. Le scrutateur royal,
à genoux, fait un discours au Roi, lui remet un
double du procès-verbal d'élection et lui présente
les deux nouveaux échevins, lesquels prêtent
serment entre les mains du Roi, sur la formule
qui est lue par le secrétaire d'Etat de Paris, qui
est aujourd'hui M. le comte d'Argenson.
Après quoi, cette bande se lève ; le roi ne dit
mot et reste couvert. On se retire à reculons
jusqu'à la porte, on fait de profondes révérences
et l'on sort.
On va de même chez la Reine, laquelle est assise
dans un fauteuil, avec toutes les mêmes cérémo-
nies, à l'exception du discours du scrutateur
royal et du serment. C'est le prévôt des mar-
chands qui lui fait un petit compliment, à genoux,
et l'on sort en reculant.
On va de là chez M. le Dauphin, qui est assis
dans un fauteuil, couvert, mais qui ôte son
chapeau. Le prévôt des marchands lui fait un
petit discours d'une phrase ; il répond une
politesse. Mais toute la bande est debout, et,
après une profonde révérence, se retourne pour
s'en aller.
De même chez Madame la Dauphine.
Ensuite chez chacune de Mesdames de France,
qui reçoivent la présentation debout. Il n'y a
plus de grand maître des cérémonies, et elles
répondent chacune un remerciement au compli-
ment du prévôt des marchands.
Comme cette cérémonie est longue, quand on
est sorti du château, on va dans des chaises à
porteurs, à l'hôtel de M. le gouverneur de Paris,
dans Versailles, où il n'est pas, mais où il a
fait préparer un rafraîchissement de langues,
biscuits et fruits. Ensuite, dans les chaises à
porteurs, le prévôt des marchands et toute la
Ville, ce qui fait environ vingt personnes,
vont rendre visite dans le château à tous les
ministres et à tous ceux qui composent le Conseil
royal.
Après quoi, la Ville remonte dans ses carrosses
et revient à la Ville, où il y a un bon dîner-
souper, et les scrutateurs ont encore un présent
de bougie ou de sucre pour les remercier de leur
peine * ».
Voy. Prévôt des marchands.
Échoppiers. (>; mot, qui m'est fourni par
V Encycliypedie méthodique '^, désignait les mar-
chands en échoppe. On distinguait entre les
échoppes m')biles et les échoppes sédentaires . Ces
dernières, pendant longtemps tolérées par la
police, avaient fini par entraver la circulation
dans certaines voies ; sur le quai de la Ferraille •"*,
par exemple, elles constituaient une sorte de
camp, car elles étaient faites et peintes de ma-
nière à figurer de véritables tentes.
Des lettres patentes de mai 1787 s'expriment
ainsi : « Nous sommes informés que nonobstant
les édits, ordonnances et règlemens concernant
l'établissement des échoppes dans la ville de
Paris, le nombre de celles appelées sédentaires
ou demi-sédentaires s'est prodigieusement aug-
menté, qu'un grand nombre de ces échoppes
excède les dimensions prescrites, que d'autres se
trouvent établies sans permission valable, et
qu'enfin, au lieu d'échoppes mobiles qui, par
leur position, leur peu de volume et de saillie,
ne doivent causer aucun inconvénient, on s'est
permis d'en établir un grand nombre qui res-
semblent plutôt à des maisons qu'à des échoppes,
et dont les emplacemens, pris en totalité sur la
voie publique, nuisent au passage des voitures,
gênent celui des gens de pied et occasionnent
journellement des accidens ».
Le roi ordonne donc la démolition de toutes
les échoppes sédentaires ou demi-sédentaires,
« même celles adossées, dit-il, à nos palais du
Louvre et des Tuileries, hôtels et maisons des
princes et à tous édifices publics ». Seront auto-
risées seulement, « en faveur des pauvres maîtres
et veuves des pauvres maîtres », les échoppes
mobiles, qui peuvent être posées le matin et
enlevées le soir.
ÉcimeurS- Voy. Élagueurs.
Éclusiers. Gens préposés à la garde, à la
manœuvre d'une écluse.
Voj . Maîtres des ponts.
École ( Maîtres d' ) . Voy . Maîtres
d'école.
Écorcheurs. Voy. Squarrlssetirs.
Écorcheurs. Garçons bouchers chargés
d'écorcher les bestiaux. On les trouve parfois
nommés sergents écorcheurs, et ils jouaient un
rôle dans l'administration de la communauté.
Ils prenaient part à l'élection du maître des
bouchers, et quand ce dernier présidait son
1 Journal, août 1749, t. IV, p. 384.
2 Jurisprudence, t. X, p. 89.
3 Auj. quai de la Mégisserie.
284
ÉGORCHEURS — ÉCRIVAINS
tribunal, ils sen-aien( (rhuissif-rs et parfois de
secrétaires.
Voy. Bouchers fl Maître des bou-
chers.
Écorcheurs. « Marchands qui vendent
tnip cher ft qui profitent induement, pour
enchérir leur marchandise, de la nécessité où
l'un est quelquefois d'en prendre chez eux. La
h.jutique où l'un écorche les chalands est une
écorcherie ' ».
Écosseuses. Femmes qui achètent aux
halles ou chez les maraîchers des sacs de pois,
les écossent et les vendent au détail. Elles ont
soin de ne point mêler les gros avec les fins, pour
en tirer meilleur parti *.
Écôteurs. Dans les manufactures de tabac,
ouvriers charji^és de l'écôtao^e. Cette opération
consistait à enlever de chaque feuille, depuis le
sommet jusqu'au talon, la côte principale.
Ce nom a été donné aussi à certains ouvriers
Iréfileurs.
Écranniers. Faiseurs d'écrans. « A Arnoul
des Granchés, escrannier, pour deux escrans
nueufz pour la Royne ^ ». « A Noël, l'escrannier,
pour deux petits escrans d'osier, achetez de lui
pour la chambre du Roj * ».
Les énormes dimensions des cheminées ren-
daient indispensable l'emploi de l'écran, qui
était dit liinlôt « feu, tantôt à main, tantôt à
picot, et se faisait tantôt en bois, tantôt en
osier, tantôt en étoffe, tantôt en parchemin. Au
seizième siècle, il prend parfois le nom dacontre-
artint '' .
Parfois aus>i, l'un plaçait devant les cheminées
des paniers ou coffres d'osier, dans lesquels on
enfermait ses jambes lorsqu'on voulait s'asseoir
prè> du feu sans risquer de brûler ses chausses.
P*;n(lanl le dernier siècle encore, où les hommes
portaient Ions des culottes et des bas, on trouvait,
près de la cheminée desjamdards, sortes de bottes
en carlon ou en osier, dont on se couvrait pour
éviter de se rôtir les jambes*.
Kn dehors des écranniers, les écrans étaient,
suivant leur nature, fabriqués par les vanniers,
les menuisiers, les tourneurs, etc.
On éerivail aussi escrainniers.
Écreveiciers. La Taille de 1202 et celle
'/'■ i:il3 niculioniient chacune deuxescreveiciers.
l'.litient-ce des fabricants d'armures ou de vul-
piires marchands d'écrevisses ? La seconde
hypollMvie me paraît la plus vraisemblable.
.le sais l)ieii que l'on nommait escrevisse,
crensK ou halle^ret une cuirasse formée de lames
hciri/onlales réunies de manière ù se plier à tous
les mouvements «h; c.rps. Mais celle cuirasse
' S^ivniA, /)ic/io„n,nrf du rumintrce (1723), 1. 1. ji. IH 17.
* .l.iu!).rl, Piclionnnirr. t H. ji. 92.
3 I>flh.im il.- linvierr. — Douol-.lWrcq, Comitles de
rkiiti. p. 15.-,. 1/
* ChnriesVl.— L.d.-LBbordo,.Vo//'cf rfw/wflKj, p. 270.
' Oay. (Hossiiire arekAtloyiijiif. t. J, n. 420.
« Violl.-l-].-.I)ur, lUrlioHMirr Hh tiioùi/ifr. 1.1, p. 105.
date tout au plus du quatorzième siècle ■• . Ensuite
les deux escreveiciers cités par nos Tailles
n'habitaient point les environs de la rue de la
Heaumerie, centre de la fabrication des armures ^ .
enfin, les écrevisses étaient déjà fort estimées en
France, et elles se servaient sur les meilleures
tables 3.
Écrieurs. On nommait ainsi, dans les tréfi-
leries, les ouvriers qui, à chaque recuite, éclair-
cissaient le fil avec du grès.
Écriniers. Au moyen âge, l'écrin désignait
parfois un petit cofîre ou coffret de luxe, mais
ce mot est pris le plus souvent dans le sens
de boîte, parfois même de boîte d'une grande
dimension, les caisses pour voyages, les cercueils,
par exemple.
Les premiers statuts des écriniers, dit aussi
escrainiers, escrefiiers, escrigniers. etc. furent
homologués « le dyemanche devant Pasques
flories » de l'année 1291 par le prévôt de Paris
Guillaume de Hangest^. J'y vois que le métier
était libre. Chaque maître ne pouvait avoir qu'un
seul apprenti. L'apprentissage durait six ans. Le
travail à la lumière était interdit. Quatre jurés
surveillaient le métier.
La Taille de 1292 mentionne seulement deux
escriniers, celle de ISUO en mentionne cinq, et
une note de M. G. Fagniez ^ nous apprend que
le nombre des maîtres était de vingt-quatre au
moins à la fin du quatorzième siècle.
Au siècle suivant, ils se fondirent dans la
corporation des layetiers, qui prirent le nom de
layetiers-e'criniers.
Écritoire (Bureau del'). Voy. Vérifica-
teurs de mémoires.
Écritoire ^Clercs del'). Voy. Greffiers
des bâtiments.
Écritures (Experts en). Voy. Arithmé-
ticiens el Écrivains.
Ecrivains. L
ruinés par l'invent
gnèrent à donner
leçons d'écriture,
l'enseignement de
devinrent de vérit;
peu près sous cette
en communauté avi
es copistes de manuscrits •*,
ion de l'imprimerie, se rési-
des leçons de dessin et des
Quelques-uns y joignirent
l'orthographe et du calcul,
djles maîtres d'école. C'est à
forme qu'ils furent constitués
mois de novembre 1570.
' M . (^niellerai In lait ilaler du (luinzièmt; siècle [/fis/uire
du costume, ]i. 30.')). Ducange no reproduit aucun iiassafjjc
anlcficur a cette époque (au mot cancer). Seul Claude
Fauciiet affirme qu'elle est contemporaine du quatoiziènic
sii'dc [Origine des chevaliers el des armoiries, p. 43) :
« Depuis l'an 1330, dit-il, les chevaliers se couvrirent
de pièces de 1er clouées l'une sur l'autre, appelées
escrevisses, pour ce qu'elles imitoient les escailles de ces
poissons ».
* Voy. ci-dessus l'article Centralisation des métiers.
■' Lcfrrand d'.\u.ssv, Vie privée des Français, t. Il,
p. 111.
* Dans Dejipinjr, Ordonnances relalires aux métiers,
p. 37.;i.
5 études sur l'industrie, p. 13.
'• N'oy. ci-dessus l'article Copistes.
ECRIVAINS
285
Aux termes des slaluts qui leurfuri-nt accordés,
il fallait, pour entrer dans la corporation, être
de bonnes vie et mœurs, faire profession de la
relig'ion catliolique et avoir habité Paris depuis
trois ans au moins. En outre, nul ne pouvait
« tenir escole publique d'écriture pour enseigner
les enfans tant à l'écriture que au o-et et calcul »,
avant d'avoir été examiné par quatre des maîtres
sur la manière d'écrire, sur l'orthographe et sur
« l'art de jet 1er et compter ^ ».
Les maîtres étaient reconnus comme experts
près les tribunaux : c'est à eux seuls (jue devaient
être soumis les actes, lettres, titres ou sio;'nalures
argués de faux. Ils ne sont cependant qualifiés
encore que de « maîtres écrivains tenant écoles
d'écriture ».
Deux maîtres, élus chaque année par leurs
confrères, étaient chargés de surveiller et d'admi-
nistrer la corporation.
Ces statuts avaient été rédigés par les maîtres
suivants : Antoine Périer et Jacques Fustel,
écrivains de l'Université, Thomas Danel, Mathieu
Biétry , Christofle Barbier . Adam Charles ,
Jacques Barbier, Antoine Le Grand et Martin
Fustel.
On peut citer encore, parmi' les meilleurs
écrivains du seizième siècle :
Ange Vergèce, originaire de la Crête. jN'uI ne
l'a surpassé dans l'écriture grecque.
Geoffroy Tory, dit le maUre du pot cassé, nom
qu'il dut à son enseigne. Il s'occupa surtout de
perfectionner les caractères d'imprimerie, et
publia en L^29 son Champ fleury, dans lequel il
établit la théorie des caractères dits elzérirs. Il
tenta aussi de réformer l'orthographe, et proposa
plusieurs améliorations qui n'ont pas tardé à être
adoptées. Il faut, par exemple, faire remonter
jusqu'à lui l'origine de l'apostrophe, des accents,
de la cédille, encore inconnus de son temps.
Lui-même écrivait ainsi cette phrase : « En
nostre langue navons point daccent figure eu
escripture, et ce pour le default que nostre
lano-ue nest encore ordonnée a certaines reigles.
C devant 0 aucunesfois est solide, comme en
disant coquin, coq ; aucunesfois est exile, comme
en Ai?,ani garçon, maçon... "^ ».
Jacques de La Rue dédia au duc d'Anjou,
en 1565, un recueil de modèles qu'il avait
tracés et gravés.
Pierre Hamon, né à Blois, « étoit, dit La
Croix du Maine, le plus renommé de France,
voire de l'Europe, par la perfection qu'il avoit
d'écrire en toutes sortes de lettres ^ »^ et « il
rendoit avec une aisance inimitable les carac-
tères les plus difficiles * » .
Jean de Beauchêne, auteur d'une méthode
d'écriture publiée en 1580.
1 Voy. ci-dessus les articles Arithméticiens et Jetons
(Calcul par les).
2 Champ fleiiry, auquel est contenu l'art et science de la
deue et vraye proportion des lettres attiques... Voy. î° 37
verso et 52 recto.
3 Bibliothèque françoise, t. II, p. 288.
* Nouveau traité de diplomatique, t. VI, p. 199.
Claude Jesserand mourut en Italie, où il
s'était rendu pour étudier les maîtres écrivains
de ce pays.
Nicolas Quitirée. reçu maître en 1589.
Jean de Beaugrand , qui fut choisi pour
enseigner l'écriture à Louis XIII, cadelail avec
une facilité vraiment merveilleuse. On nommait
cadeaux les encadrements, les grandes lettres
initiales formées d'enlacements, d'enroulements,
de lacets, de figures Iracîées à la volée '.
François P'' p(»ssédait une belle écriture. Il
est probable que lui et sa sœur Marguerite
avaient eu le même maître, car leurs écritures
se ressemblent fort -. Henri II et Margiu?rife
de Savoie, sa sœur, écrivaient également bien ^.
L'écriture de François II est un peu enfantine,
mais celle de Marie Stuart est fort bonne *.
Henri III et Henri IV avaient été élèves du
collège de Navarre ; le premier écrivait comme
un chat " ; l'écriture du second ne valait guère
mieux *', et de plus, il resta toujours brouillé
avec l'orthographe.
L'écriture d'Anne d'Autriche est plus illisible
et plus mauvaise encore que celle de Marie
de Médicis ". Toutes deux, d'ailleurs, sont
larges, élancées, et ne manquent pas d'une
certaine distinction. L'écriture fine et mal
formée était déjà comparée à des pattes de
mouches. Dans La comédie des proverbes, écrite
en 1616, Philippin dit à Alaigre : « C'est là où
tu as appris ces beaux pieds de mouches et ces
beaux y gréffois >* ».
L'écriture de Louis XIV, grande, ferme, un
peu lourde, est pleine de noblesse ; très penchée
à droite, elle semble dénoter la prédominance
de sentiments tendres, dont le o-rand roi a
pourtant donné peu de preuves. Il avait eu pour
professeurs Lubin et Jean Lebé, dont les ser-
vices étaient récompensés avec une grande parci-
monie. Je vois, dans Y Estai général de la maison
du Roy, publié en 1657, que Jean Lebé touchait
seulement 300 livres, tandis que le maître de
danse du roi en touchait 2.000 et son maître de
dessin 1.500 ".
On trouve dans le magnifique catalogue
d'Alfred Bovet (n" 25) le fac-similé d'un devoir
d'écriture provenant du petit Louis XVII, qui
avait eu pour maître M. Jourdan-Dumesnil.
Revenons sur nos pas.
Les premiers statuts des écrivains furent
souvent confirmés ou renouvelés au cours du
seizième et dans la première moitié du dix-
septième siècle. La corporation était alors en
pleine prospérité. On se plaignait pourtant que
les maîtres abusassent à la fois et des abréviations
1 Sur l'étymologie du mot cadeau, dérivé sans doute
do catena, voy. G. Tory, f" 52 verso, et Ménage, Diction-
naire étymologique, t. I, p. 278.
^ Voy. le Musée des archives, n"' 582, 612 et 61(5.
«* Voy. le Musée des archives, n»* 628 et 630.
* "N'oy. le Musée des archives, n"* 657 et 658.
^ Voy. le Musée des archives, n° 608.
6 ^ oy. le Musée des archives, n" 706.
^ \oy. le Musée des archives, n°^ 790 et 792.
8 Ancien théâtre français, t. IX, p. 32.
'•' Pages 115 et 116.
286
ÉCRIVAINS
el des ornements inutiles. Le Parlement ne se
rec'arda pas comme incompétent en semblable
matière, et résolut d'adopter des modèles qui
pussent ser^'ir de types pour l'expédition de tous
les actes. Le soin d'exécuter ces modèles fut contie
au célèbre Barbedor et à Lebé. La Cour déclara
leur travail parfait, et un arrêt du 26 février 1633
ordonna que les écrivains chargés d'enseigner la
jeunesse s'inspireraient désormais de ce t^'pe
officiel -, « qu'à l'avenir, on ne suivroitpas d'autres
alpliabels, caractères, lettres et forme d'écrire que
ceux qui étoient figurés et expliqués dans les
exemplaires présentés à la Cour ; que ces exem-
plaires seraient gravés, burinés et imprimés au
iKjm de la communauté des maîtres écrivains
vérificateurs ; enfin, que ces exemplaires reste-
roient à perpétuité au greffe de la Cour, et que
les pièces qui se tireroient des gravures seraient
distribuées dans tout le royaume ' ». Je ne sais
qut'l fut le sort de cet arrêt; mais, dès les dernières
années du règne de Louis XIII, on voit appa-
raître la grande, belle et ferme écriture qui
dominera au dix-septième siècle.
Barbed(jr et Lebé avaient d'habiles confrères,
dont quelques-uns méritent d'être mentionnés.
(Guillaume le Gangneur occupe parmi eux le
premier rang. Son talent fut célébré par les
poètes de son temps, et il a laissé trois traités
sur son art.
Desperrois, Etienne Blegiij, L. Senault,
Ljuras Matherot, Nicolas Cîoujenot, Nicolas
Lesgret ont donné aussi des modèles estimés.
Kaveneau publia en 1665 un Traité des
insrriptinns en faux et des recognaissances d^écri-
lures, dans lequel il indiqua le moyen de les
ciiutn-faire. Louvrage fut jugé dangereux ; un
arrAI du Parlement ^ (10 février 1670) en
iidfnlit la vente et raya du tableau des experts
l'auteur (|ui, douze ans après, finit par être
condamné à une prison perpétuelle.
Aiiloinc Rossignol se rendit célèbre par la faci-
liloavfc la(|ui'll<' il interprétait les écritures chif-
frées. Un»' (iépêciie de ce genre, interceptée lors du
siège d'Hesdin et lue par Rossignol, avança de
linil jfturs, dit-on, la reddition de la ville ^.
.leaii-BaptisIe Allais de Beaulieu * fut protégé
par Loiivois. etSt'uault parColbcrt.
Les manuscrits de Nicolas Jarry valent
aujourd'hui [)n's(|u<' IrMir pesant d'or. C'est lui qui
écrivit la (iuirlunde de Julie, le plus célèbre
inouuMUMit ( idligraphiqufî du dix-septième siècle.
Lors (II- la vcnif La Vallière, ce voluiuf fui pave
14.510 francs.
KraMÇoi> d.- Barrênic, établi rue Dauphine au
lioul (lu P..iil-N-ur. ..|iiit plus arithméticien
I J.' «'m |>u Imiiv.T l'oripiinl do wl arrél. Jo lo cito
«1 aprt..t l'AVyc/o/f^rf.V méthodique, arts .«t mot ici s t II
|> 358 '
' Ot RTT^X nou.t appnTKl qu- 1- noini)!-.' des écriviiins
• X'-n-nnl h Pari.s cloit alors ijr :i:{ cnvii-on.
•l Tnll.-iiinnl d.-s K(«iu, I. Il, p. 32. — M. |>,iiiiin
l'..ns. ,..|,|..„r do Tallomanl, ci-oil qu,. ,1,. col l,Hi)il..
M..,v.nrnoi viont le nom donné au crochot (lui ouvre toutos
lo» sorntrv«.
* S« rinssp, la phw arislocratiquo do Paris lui
rapportait 20.000 livns par an. '
qu'écrivain. Son petit livre des Comptes faits,
imprimé en 1670, donna à son nom une noto-
riété qui est devenue proverbiale ^ .
Au mois de janvier 1691 , les écrivains
présentèrent au roi une requête ^ où étaient
exprimées des doléances qui paraissent assez
légitimes.
Ils se plaignaient d'abord, qu'au mépris du
privilège inscrit dans les statuts de la corporation,
les juges employassent pour les vérifications
d'écritures des greffiers , des notaires , des
commis, el seulement deux ou trois maîtres
écrivains. Ils demandaient donc que toutes les
vérifications fussent réservées aux membres de la
communauté. Ils déploraient aussi que des gens
sans instruction usurpassent la qualité d'écrivains,
et que l'on osât mettre en vente des modèles
d'écriture sans les avoir préalablement soumis à
l'examen de la communauté. Enfin, ils se
plaignaient que dans les Petites-écoles placées sous
l'autorité du chantre de la cathédrale, on ensei-
gnât l'écriture et l'arithmétique, tandis que,
disaient-ils, les maîtres devaient s'y borner à la
lecture.
La corporation eut beau obtenir du Parlement
des arrêts favoj-ables à ses prétentions, faites état
que l'on VlQW continua pas moins à enseigner
l'écriture dans les Petites-écoles. Aussi, les maîtres
écrivains, alors au nombre de 65 environ, prirent-
ils la résolution de modifier leurs statuts. Des
lettres patentes de décembre 1727 sanctionnèrent
la nouvelle rédaction, composée de trente articles
dont voici la substance.
Nul ne pouvait être reçu maître qu'il ne fît
profession de la religion catholique ; ce que le
candidat devait établir « par son extrait baptis-
taire et un certificat de son confesseur et de
deux notables bourgeois •* ». Dans aucune autre
communauté, je n'ai trouvé cette condition
entourée de telles garanties.
Les maîtres avaient le titre de Jurés écrivains,
expéditionnaires et arithméticiens, teneurs de
livres de comptes, établis pour la vérification des
écritîores, signatures, comptes et calculs contestés en
justice.
Il fallait, pour obtenir la maîtrise, avoir vingt
ans accomplis, et subir pendant trois jours un
examen « sur l'art de toutes les différentes
écritures, sur l'ortographe * , l'arithmétique
uiiiverselle, les comptes à parties simples et
doubles, les changes étrangers, les arbitrages,
les vérifications d'écritures, signatures, comptes
et calculs, sur la diction des mémoires et placefs
au W'iy. aux princes et aux ministres, et sur
le dressé et arrangement des comptes, états et
bordereaux ».
Les fils de maîtres étaient reçus à dix-huit ans,
el après une « légère expérience » '; mais ceux qui
étaient nés avant la maîtrise de leur père ne
jouissaient pas de cette faveur. Dans tous les cas.
' ^'oy. rarticle Aritliniétioions.
2 ^'oy. à la Hibliotfièque nationalo, lo manuscrit
français coté 21,747.
•'' Cot article n'existe idus daus les vstatuts do 1779.
4 Sic.
ECRIVAINS — ECRIVAINS PUBLICS
287
nul ne pouvait faire de vérifications d'écritures
avant vingt-cinq ans révolus.
L'aspirant à la maîtrise subissait son examen
en présencedu dojen et de vin<rl-([uatre Anciens.
Quinze jours auparavant, on lui communiquait
un formulaire indiquant les matières sur les-
quelles il devait être interrogé.
Nul étranger à la corporation ne pouvait
« tenir classe publique d'écriture cliez lui, ni
enseigner en ville directement ni indirectement
l'art d'écrire, l'arithmétieiue et tout ce qui en est
émané, cliez quelques personnes de telle qualité
et condition qu'elles puissent être même dans
aucun collège ni communauté ». Cet article
accordait de nouveau aux écrivains un monopole
pour lequel ils luttaient depuis longtemps. On ne
le leur contesta plus, mais on n'en tint pas plus
compte que par le passé. La corporation vit bien
qu'il fallait céder. Impuissante à empêcher la
concurrence, elle voulut au moins la réglementer
autant que possible et en (irer profit. Elle se
décida donc un peu plus tard à accorder, moyen-
nant une redevance annuelle de vingt-quatre
livres, l'autorisation de donner des leçons
d'écritures en ville ; moyennant quarante-cinq
livres par an, on pouvait ouvrir une école pu-
blique.
Seuls aussi, les membres de la corporation
pouvaient « mettre en façon d'enseigne, au
devant de la maison où ils tenoient leur classe,
un ou deux tableaux ornés d'une ou plusieurs
plumes d'or, cadeaux et autres ornemens... et y
exposer une montre écrite à la main de toutes les
écritures usitées dans le royaume, qui seront
faites au naturel de la plume, sans artifice ni
gravure ».
La veuve d'un maître était admise à c )nserver
l'établissement de son mari, mais elle ne devait
mettre sur son enseigne autre chose que ces mots :
Céans on enseigne Part d'écrire^ Vortografe ' ,
V arithmétique ^ et frend pensionnaires .
Tous les deux ans, les maîtres élisaient un
syndic et un greffier chargés d'administrer la
communauté. Le syndic ne pouvait prendre
aucune résolution sans en avoir conféré avec les
vingt-quatre Anciens, « qui doivent naturelle-
ment être regardés comme ses adjoints ».
Tout maître arrivant à une assemblée l'épée
au côté, devait déposer celle-ci entre les mains
du syndic.
Les titres et papiers de la communauté étaient
conservés dans une armoire confiée à la garde du
syndic et fermant à trois clefs. On remettait la
première au doyen, la deuxième au syndic et la
troisième au greffier.
Ces statuts furent revisés en 1779, et une
académie d'écriture^ de calcul^ de vérification
d écritures et de grammaire^ dont les premières
bases avaient été jetées en 1760, fut définitive-
ment organisée, sous le titre de Bureau acadé-
mique d écriture. Il était présidé par le lieutenant
général de police et se réunissait quatre fois par
mois à la bibliothèque du roi.
1 Sic.
Parmi les maîtres écrivains qui se sont le plus
distingués dans leur art au dix-huitième siècle,
je citerai seulement :
Olivier Sauvage, neveu d'AUais de Beaulieu.
Louis Rossignol, qui enseigna l'écriture au
duc d'Orléans grand-père du roi Louis-Philippe.
Paillasson, qui rédigea l'article Écriture pour
V Encyclopédie.
Rolland, auteur d'une bonne méthode d'écri-
ture.
Poiré, professeur au collège Louis-le-Crrand.
Alexandre, plein d'imaginalion et de feu.
Bergerat, à qui l'on reprochait trop de calme.
Bernard, écrivain du cabinet du roi. Il excellait
dans les portraits à la plume. Pendant une séance
du Bureau académique, il fit à main levée ceux
du lieutenant de police Lenoir et du procureur
du roi Moreau. La ressemblance, paraît-il, était
frappante.
Pierre Adrien se signala surtout par des
travaux d'une finesse extrême.
Il eut pour rival en ce genre un gendarme
nommé Vincent. Celui-ci mettait « le pater en
françois sur un papier de la forme et de la
grandeur de l'ongle, et cette écriture vue à la
loupe présentoit une netteté charmante de lettres
égales, distinctes, bien liées, avec les intervalles
entre chaque mot, les accents, les points et les
virgules ».
A côté de ces importants personnages, un
grand nombre de maîtres, vêtus d'un habit râpé,
couraient le cachet, donnant à domicile des
leçons d'écriture et de calcul. Sous l'Empire,
quelques-uns d'entre eux commencèrent à ouvrir
des cours, « annoncés, sous les galeries du
Palais -Royal et ailleurs, par des tableaux
modèles, véritables chef-d'œuvre d'écriture * ».
La corporation des écrivains était placée sous
le patronage de saint Jean l'Evangéliste, dont
elle célébrait la fête le 6 mai et le 27 décembre.
Voy. A.rithraéticiens et Buissonniers.
Écrivains à la peau. Leurs fonctions
consistaient à « écrire seuls, de leur main, tous
les arrêts, exécutoires, matricules d'avocats,
décrets et généralement toutes les autres expédi-
tions sur parchemin ».
Henri 111, au mois de décembre 1577, avait
créé un écrivain à la peau auprès de « chaque
cour et juridiction ». De nouvelles créations
eurent lieu en 1674 et en 1692.
Écrivains publics. Ils appartenaient à la
corporation des écrivains, sauf pourtant ceux qui
étaient établis dans les salles du Palais et qui
partageaient la plus belle clientèle avec ceux
des Innocents. Les échoppes de ces derniers
occupaient le rez-de-chaussée des longues galeries
ou charniers remplis d'ossements qui entouraient
la vieille nécropole. Le poète Auvray (1623)
a consacré à ces humbles scribes une longue
pièce de vers que je n'ose reproduire. Berthod
(1650) est moins difficile à citer. Il nous présente
1 Vie publique et privée des français, t. II, p. 245.
288
ÉCRIVAINS PUBLICS — ÉCUELLIERS
un garçon plus amoureux que lettré et qui
s'adresse ainsi à un écrivain :
Monsieur, je suis très malheureux.
J'ayme une jeune demoiselle,
Mais je ne suis point connu d'elle.
Elle .se nomme Louïson,
Et je seay fort bien sa maison.
Il faut que vous preniez la peine
De m'escrire une lettre, pleine
De beaux discours, où vous marquiez
Par des vers, où vou.s expliquiez
Le jour que j'eus sa eonnoissance,
Et qu'il n'est point dedans la France
D'bomme plus amoureux que moy ;
Que je luy veux donner ma foy.
Après, vous luy direz encore
Que dans mon âme je l'adore,
Que ses beaux yeux me font mourir.
Vous sçavez fort bien discourir :
Vous ferez, s'il vous plaist, le reste,
Et comme enfin je luy proteste
Que je veux vivre désormais
Son seiTiteur à tout jamais.
Et puis, sur le dessus d'ioelle.
Il faut melti-e : A Mademoiselle.
Mademoiselle Louïson,
Demeurante chez Alizon,
Justement au cinquiesme estage,
Près du cabaret de la cage.
Dans une chambre à deux châssis,
Proche Saint-Pierre des Assis 1.
Sébastien Mercier, plus d'uu siècle après,
nous dépeint ainsi ces plumitifs : « La lunette sur
le nez, la main Iremblanle, el soufflant dans ses
d(ii}^ls, le scribe donne son encre, son papier, sa
cire à aicheter et son stjle pour cinq sols.
Ces écrivains sont les dépositaires des tendres
secrets des servantes ; c'est par eux qu'elles
font écrire leurs déclarations ou leurs réponses
amMureuscs. Elles parlent à l'oreille du secrétaire
pubh'c ciimnie à un confesseur, et la boîte où est
l'écrivain <liscret ressemble à un confessionnal
tronqué ' ».
Les écrivains publics se chargeaient aussi de
mettre au net les c )mptes des cuisinières et,
parail-il, les aidaient souvent k ferrer la mule •^,
en srirle qu'ils gag'naieiil bien leur vie, quoiqu'ils
fussent iKiinbr^'Ux. « Il n'y a, dit un ouvrage
imprimé en 1779, presque point de rues un peu
grandes dit l'cui ne trouve quelques petites
b<>uli(jnes volantes ou échoppes occupées par des
écrivains publics * ». Le travail le mieux rému-
néré étaient les placets adressés au roi ou aux
ministres ; on les pavait douze sous, « parce
qu'il V eiitroit de la bAlardc et que le stjle en
éloil plus ri'levé • .
Lo srnr'lairrs (1rs Jtinor.ents, Comme on les
appelai!, >'enlrelruaient sans ces,se avec le sou-
vi-niin et li-N princes, <f on ne voit à la cour que
leurs écritures ». V.n HTet, tous les jours de la
semaine <Mi pouvait présenter des placets au roi.
« la reine et ù la famille royale; il suffisait de
s'adre.vser au c^ipiljiine îles gardes en service. Le
« l.f hnul tlyle de* xeerrtalres de Suinct-Innocent, dans
/.-> tillf dt Pnri» en rerx burlesques (KJyO), édit. de 1850
I- I2rt. • \ I
* Tttblenu de Parut, t. I, p. '^eii.
' N oy. r<> mol.
* Hurtout et Ma^^nv, IUctinnnalre de Paris l 1
I' 707.
dimanche matin, on dressait une petite table
dans l'antichambre du roi, et tout le muiuie était
admis à j déposer des placets. Ceux-ci étaient
portés au roi, puis transmis au ministre compé-
tent. On abusa, paraît-il, de ces facilités, qui
furent fort restreintes dans les dernières années
du dix-huitième siècle ^.
ÉcTlciers. Fabricants d'écus ou boucliers.
Jean de Garlande, qui les nomme scutarii^ nous
apprend qu'ils vendaient des écus recouverts de
toile, de cuir, de laiton ^, et ornés de lions et de
fleurs de lis ^. Les Tailles de 1292 et de 1300
citent chacune un seul de ces industriels.
L'écu était suspendu au cou ou maintenu en
bandoulière par une courroie appelée guige.
L'appareil intérieur destiné à le manœuvrer
portait le nom iVenarmes et se composait de
courroies. La dimension du bouclier fut toujours
en raison inverse de la force de l'armure. Immense
au douzième siècle, il diminue à mesure que
l'armure fie mailles se perfectionne et disparaît
quand l'armure de plates est complète. Toutefois,
dans les corps à pied, les officiers portèrent
un bouclier jusqu'à la fin du seizième siècle*.
Les écuciers ne tardèrent pas à se fondre dans
la corporation des armuriers.
Écuelle (Archers de l'). Voy. Archers
des pauvres.
Ecuelliers. Dans les statuts qu'ils sou-
mirent, vers 1268, au prévôt Etienne Buileau ^,
les esqueliers se disent « venderres '' d'esqueles ' ,
de lianas de fust ^ et de madré '', de auges,
fourches, pelés **•, beesches '^, pesteuz i^, et
toute autre fustaille ». Le métier était libre et
le nombre des apprentis illimité. Les maîtres
ecuelliers se rachetaient du service du guet
Ijourgeois en fournissant chacun et chaque année
sept auges de deux pieds de long deolinées au
cellier royal : « Et de ce que ils sont quite du
gueil, doivent chascuns, chascun an, au Ro)'
vu auges pour son celier, c'est à savoir auges de
II piez de lonc ».
La Taille de 1292 cite neuf esciieliers, celle
de 1300 en mentionne trois seulement.
On les trouve encore nommés escueilliers,
escuilliers, esquelliers, esculiers, etc.
A dater du quatorzième siècle, on perd la
trace des ecuelliers, ([ue nous retrouverons sous
le nom de tourneurs.
Ecuelliers. Marchands ambulants de
faïences o"rossières.
' Scb. Mercier, ut supra.
- (( Vendunt militibus scuta tela tecta, corio et ori-
calco, leonibus i-t foliis lilicirum depicla ».
3 Voy. ci-dessus l'article Armoyeurs.
* Voy. les gravures de Tortorel et Périssin
î» Livre des métiers, titre XLIX.
<• V'endeurs.
" D'écuelles.
* De hanaps de bois.
'•' ^ov. l'art. Madreliniers.
"> Pelles.
'< IkVhes.
'^ Pilons, battoirs.
ÉCUREURS — ÉCUYERS CAVALCADOURS
280
Écureurs. NO.v Cureurs.
Écurie du roi (Personnel de l'i. Le
grand écujer de France pourvo^^iil à toutes les
places vacantes dans la grande et dans la petite
écurie royale. « A la mort des rois, tous les
chevaux de l'écurie et du haras, les harnois et
les meubles appartiennent au grand écuyer ».
Grande écurie.
1 premier écuyer.
3 écujers ordinaires.
5 écuyers de cérémonie.
3 écuyers cavalcadours.
47 pages.
1 gouverneur des pages.
2 sous-gouverneurs.
I précepteur ordinaire.
1 aumônier ordinaire.
1 argentier.
1 généalogiste.
1 maître de mathématiques.
1 maître en fait d'armes.
1 maître pour les exercices de guerre.
1 maître pour la danse.
1 maître à dessiner.
1 maître à écrire.
1 maître à voltiger.
4 premiers valets.
2 cuisiniers.
1 sommelier.
1 aide de sommelerie.
1 lavandier.
42 grands valets de pied ou laquais.
4 fourriers.
4 palefreniers.
4 maréchaux de forge.
2 médecins.
4 chirurgiens.
2 apothicaires.
l garde-malades.
1 garde-meubles.
1 écuyer ambleur.
1 lavandier.
1 portier.
1 conducteur du chariot.
1 arroseur du manège.
2 drapiers.
2 passementiers.
2 merciers.
6 tailleurs.
2 selliers-carrossiers.
2 éperonniers. ^
1 charron.
1 bourrelier.
1 cordonnier.
1 brodeur.
l menuisier.
1 intendant-contrôleur.
1 trésorier.
1 argentier.
12 chevaucheurs ou courriers du cabinet.
1 roi d'armes de France.
1 premier héraut d'armes.
10 hérauts d'armes.
2 poursuivans d'armes.
3
2
2
12
12
()
8
ô
1
l
l
porle-épée.
porte-mauteaux.
porte-cabans.
trompettes.
hautbois.
musettes.
fifres et tambourins.
cromornes et trompettes marines.
courtier des écuries.
lancier.
concier":e.
Petite écurie.
1 premier écuyer.
4 écuyers ordinaires.
20 écuyers.
2(i pages.
1 gouverneur des pages.
l précepteur.
1 aumônier,
4 premiers valets.
1 argentier.
1 trésorier des menus.
2 médecins.
4 chirurgiens.
1 apothicaire.
1 ambleur.
1 garde-meubles.
1 porte-cabans.
1 maître,de mathématiques.
1 maître pour dessiner.
1 maître pour le blason et l'écriture.
1 maître en fait d'armes.
1 maître à danser.
1 maître à voltiger.
1 maître pour la pique et le mousquet.
4 fourriers.
2 cuisiniers.
1 sommelier.
1 lavandier.
24 valets de pied .
4 maréchaux.
14 palefreniers.
6 cochers.
1 postillon.
1 concierge.
Soit en tout environ 400 personnes *.
Écuyer de France (Grand). Il posséda
certains droits sur la corporation des armuriers-.
Voy. Maître des armuriers.
Écuyers académistes.^ Voy. Acadé-
mistes.
Écuyers cavalcadours. Officiers qui
prenaient soin des chevaux et des équipages d'un
prince. Le roi avait trois écuyers cavalcadours,
et ils appartenaient au service de la grande écurie.
Voy. Éîcurie du roi.
• Ktiit dr la France pour 17 36, t. II, p. 196. — Voir
pour les années antérieures, l'Etat de 1687 , t I, p. 251,
et VÊtat de 1712, t. I, p. 546.
- Voy. aus.si l'art, précédent.
19
290
ÉCUYERS [)K CHAMBRE — ÉCUYERS DK MAISON
Écuyers de chambre. Voy. Valets de
chambre.
Écuyers de cirque. L'art de dresser des
chevaux, de les monter avec adresse est fort
ancien. Les jeunes f^enlilshommes apprenaient,
d'adleurs, dans les académies, à faire des sauts,
des cabrioles, des courbettes, etc. Les représen-
tations publiques d'exercices équestres ne
paraissent guère remonter avant le seizième
siècle. Lestoile mentionne une sorte de cirque en
plein air installé par un bateleur près de la porte
de Nesle '. Mais le vrai fondateur de ces
spectacles est un écujer anglais nommé Hjam,
qui s'établit d'abord au Colysée, puis, vers 1775,
sur le boulevard du Temple ; les tours de force
qu'il exécutait à cheval ne diffèrent guère de
ceux dont nos cirques actuels nous offrent le
spectacle.
Vers 1780, Aslhlej, autre anglais, ouvrit dans
le faubourg du Temple une salle où se succédaient
des exercices fort variés. On y admirait « le
cheval qui rapporte, le cheval qui s'assied comme
un chien, le combat du tailleur anglais et de son
cheval, et aussi une petite iille de quarante mois
qui touchait du forte piano ». L'année suivante,
.\slhlev s'associait avec le vénitien Antonio
Kranconi. chef d'une famille- devenue célèbre
dans l'art hippique. Tous ses membres étaient
écuvers ou écuyères, et un Guide de 1807 nous
apprend que « Madame Franconi danse sur
des chevaux avec beaucoup de grâce. Chacun
admire le (theval savant, qui se couche, fait le
mort, ramasse un fouet, un mouchoir. Il y a
autant de différence entre un cheval dressé par
Franconi et un cheval qui n'a que son instinct
naturel, qu'il y a entre un homme élevé à la
(Iiiurel un |)ays;in qui n'est jamais sorti de son
village * ».
Antonio Franconi mourut en 1830, à l'âge de
98 ans.
Vny. Académistes.
Ecuyers de cuisine. Domestiques dans
la maison d'un grand seigneur, lueurs fonctions
•'«•ni ainsi résumées au dix-septième siècle par le
clu'f d'oflice Aufliger : « Une des principales
qualités d'un écuyer de cuisine est la propreté,
pour cet cll'cl il duil le malin, en entrant dans la
cuisine, voir f|ue tout y soit en bon ordre, et ses
ialdi's rt Miii garde-manger bien propres et bien
neil.iyés. iWh fait, il rloit mettre son pot-au-feu,
«l disposer SCS viandes, au\(|uelles il faut (|u'il
so rnnnnisse f)arfailement bien, ainsi qn'à les
Mivoir deguisiT jin ^où(, du seigneur.
Il est ••ncore d.- sa charge de savoir bien faire
In pAlisserie froid»; et chaude, comme aussi toutes
sortes de rag(.Ats .-l eidremels chauds et froids,
el de prendre garde à ne point faire de dégât des
choses qui lui sont mises entre les mains.. "ï*
11 doit encore savoir bien commander et se
fnirc obéir par les aides et garçons, bien conserver
• JonrHiii ,l( llrnri III. nofti l.^^a.
> iViulhoram-, Miroir dt l'ancien et du nouveau Paris
et ménager le bois el le charbon, bien employer
le lard, bien déguiser toutes sortes de poissons,
œufs et légumes, et avoir soin de tenir toujours
son dîner et souper prêts aux heures qui lui sont
prescrites par le seigneur ou son maître d'hôtel,
et en tout bien exécuter leurs ordres el rendre
bon compte de tout ce qui lui est mis entre les
mains... ^ ».
Écuyers de maison. « La charge d'écuyer
tient encore le haut rang- parmi les domestiques
les plus considérés d'un grand seigneur.
Elle regarde le soin de commander à tous les
gens de livrée, et pour cela il doit être fort dili-
gent et ponctuel à se lever matin pour faire lever
les cochers el palefreniers, et leur bien faire
panser les chevaux, enlever la litière, nettoyer
l'écurie, envoyer les chevaux à l'eau, voir lui-
même si les pieds sont en bon état et s'il n'y
manque rien ; donner ordre de leur laisser
manger un peu de foin quand ils sont revenus de
la rivière, avant que de leur donner l'avoine,
laquelle avoine il leur fera donner en sa présence,
après avoir été bien vannée et nettoyée de toutes
sortes d'ordures ; prendre garde s'ils la mangent
bien et s'il n'y en a point de dégoûtés ; ordonner
qu'on fasse les crins à ceux qui en ont besoin ;
voir si le foin est bon el la paille saine el d'aucune
mauvaise odeur...
Il doit se connaître en chevaux, les savoir
monter et dresser, el ne pas manquer de leur
donner deux coups d'étrillé avant que de les
mener à l'eau le soir...
Il est encore de son ministère de prendre
garde que les cochers, postillons el palefreniers
ne soient ivrognes, el qu'ils ne vendent le foin
ni l'avoine...
Il faut pareillement que l'écuyer ait soin de
bien morigéner les pages et les laqiuùs, ne point
souffrir qu'ils jurent ni qu'ils disent aucune
parole déshonnête ; leur faire faire le devoir de
chrétien le malin el le soir ; les faire tenir bien
propres el bien peignés pour faire honneur au
seigneur ; réprimer leurs insolences, les châtier
quand ils y tombent, renvoyer les incorrigibles el
les dépravés ; en un mol l'écuyer est le précepteur
et le gouverneur des gens de livrée ^ ».
Chez une dame de t[ualité comme chez un
grand seigneur, « la charge de l'écuyer consiste
en la direclion de l'équipage el gens de livrée
de la ilanie. Il l'accompagne à la messe, aux
visites, à la promenade, et doit toujours être à
ses côtés pour recevoir et faire exécuter ses
ordres; pour recevoir les visites qu'on lui vient
rendre ; pour complimenter de sa part ; lui
donner la main partout où elle va ; donner la
main, conduire et reconduire ceux qui viennent
la voir. Il faut aussi qu'il ait soin que les gens
de livrée soient toujours bien propres et lestes,
son carrosse bien net et bien entretenu, ses
chevaux bien pansés, el prendre garde que tous
ses gens soient bien disciplinés... -^ ».
1 La maison réglée (1692), liv. I, chap. 5.
2 Audigcr, La maison réglée (1692), liv. I, chaji.
•' Audiffer, La maison réglée, liv. II, chap. 2.
ECUYERS 1)1' HOl
KDIT 1)1<; M VHS \m\
201
Écuyers du roi. Ils vendaient le métier
de savetier.
Voy. Maître des savetiers.
Édit de mars 1673 '. Cet édit, rendn par
Colbert, déclara constitués en corporation tous
les méliers j'estés jusque-là indépendants. La
guerre allait reprendre en Hollande, et il fallait
trouver de l'arg'ent. L'édit était donc purement
bursal, et (^oll)ert, dans sa correspondance avec
les intendants, ne cherche pas à le dissimuler ^.
Le tableau suivant, que j'ai copié dans les
manuscrits Delamarre, montre avec quel soin on
rechercha alors toutes les professions susceptibles
d'être imposées.
Arts et mktiers a établir
ex communauté
suivant l'édit du mois de mars 1673 ^
Arcliitectos-entropreneurs
Marctiands de bois à bâtir
Marchands de bois à brûler . . .
Maîtres des petites écoles
Marchands de vins en gros. . . .
Marchands de vins d'Espagne .
Marchands d'eau-de-vie en gros.
Marchands de bled
Marchands de chevaux
Marchands de cendre et de soute^
Marchands de charbon
Marchands beurriers en gros . .
Marchands de saline
Marchands de toile cirée
tracteurs et commissionnaires. .
I^'acteurs aux places
Sculpteurs
Faiseurs de brayers et bandages.
Brasseurs de bière
Grandes auberges
Chambres garnies
Loueurs de carrosses
Jeux de boules et billards
Marchands bouchers
Marchands ciriers
Vendeurs de faux diamans ....
Fouleurs de draps
Graveurs
Limonadiers î»
Couturières
Bouquetières
Empezeurs 6
Enlumineurs
Meuniers à vent
Meuniers à eau
Plâtriers
Maîtres des basses œuvres . . . .
Tripiers
Plusieurs de ces métiers conservèrent leur
indépendance, mais d'autres obéirent, soit que
1 Dans Isambert, Anciennes lois françaises, t . XIX. p . 0 1 .
2 \ov. Lettres, instructions et mémoires de Colbert.
t. IL p. 324 et 328.
3 Bibliothèque nationale, manuscrits, fonds français,
n" 21,791, f» 70.'
* De soude, pour les lessives.
» Il y a dans le texte Limonnadiers .
^ Faiseurs d'empois.
Nombre
Taxe
Produit
des
eu
en
inaître>
livros
livres
60
500
30 . 000
60
800
48.000
80
800
64.000
100
30
3.000
20
500
10.000
50
100
5 . 000
20
500
10.000
60
600
36 . 000
60
150
9.000
40
300
12.000
30
300
9.000
60
60
3.600
60
200
12.000
20
100
2.000
200
1.50
30.000
50
100
5.000
60
100
G. 000
40
100
4.000
80
100
8.000
200
50
10.000
300
20
6.000
150
20
3 . 000
100
30
3.000
200
30
6.000
150
40
6.000
30
100
3.000
100
20
2.000
200
100
20 . 000
60
300
18.000
3 . 000
30
90.000
200
30
6.000
200
25
5 . 000
100
100
10.000
200
20
4.000
30
100
3.000
50
100
5.000
50
200
10.000
300
20
6.000
Ton ait réussi à les y contraindre, soit qu'ils aient
eu intérêt à se constituer en communauté. Somme
toute, le nombre de celles-ci, qui était de 60
environ en 167"2. s'élevait à 83 en 1675.
V(iy. Corporations.
Édit de mars 1691. Il a p.jur liln- : Édit
du roi^ portant créuthn de jures dans chaque- corps
d^arts et métiers de toutes les rifles et Ijourfjs clos
du royuurae où il y a jurande ; fixation du droit
qui sera paye' au fermier dti Domaine par chaque
asinrant avant sa réception à la maîtrise et du
droit de visite qui sera perçu par lesdits jurés.
Le roi né dissimule pas que son intention est
d'obtenir du commerce <-< quelques secours pour
soutenir les dépenses de la p;uerre, et maintenir
les avantag'es dont Dieu avait jusques à présent
béni la jtistice de ses arines ' ». En conséquence,
il enlevait aux corporations le droit d'élire leurs
jurés, et substituait à ceux-ci des jurés choisis par
lui, auxquels il ven(hut leurs charnues déclarées
héréditaires. Bien entendu, il était loisi])le aux
communautés de racheter ces offices et de revenir
à leur précédente orf^anisation. De plus, les
métiers devaient être divisés en quatre classes,
déterminées par l'importance de chacun d'eux.
Dans la première classe, tout nouveau maître
était tenu de payer au roi une somme de quarante
livres ; ce droit s'élevait à trente livres dans la
sec )nde classe, à ving't livres dans la tniisième,
et à dix livres dans la quatrième. Le droit de
visite dii aux jurés était, suivant les classes, de
1 liv. 10 s., de 20 sols, de 10 sols, de 5 sols.
L'arrêt classe ainsi les communautés :
Première classe.
Apothicaires-Epiciers.
Bonnetiers.
Drapiers.
Merciers.
Orfèvres.
Pelletiers-Fourreurs ^ .
Affineurs.
Chapeliers.
Charpentiers.
Libraires.
Marchands de vin.
Maçons.
Maîtres en fait d'armes.
Paveurs.
Batteurs d'or et d'argent. Peintres-Scidpteurs.
Bouchers. Tireurs d'or et d'argent.
Barbiers et Perruquiers. Tapissiers.
Boulangers.
Barsseurs.
Chirurgiens.
Armuriers.
Boulangers de
bourgs.
Bourreliers.
Corroyeurs.
Ceinturiers.
Chaircuitiers.
Charrons.
Chandeliers.
Cartiers.
Chaudronniers.
Teinturiers.
Tanneurs.
Deuxième classe.
Couvreurs.
■; faux- Écrivains.
Fourbisseurs.
Fondeurs.
Fripiers.
(xantiers.
Horlogers.
Lingères.
Lapidaires.
Limonadiers.
Maréchaux.
1 Préambule de l'édit.
2 On voit que les Six-Corps sont placés en tête de la
liste.
292
ÉDIT DE MARS 1692 — ÉDITS DE 1776
Menuisiers. Plombiers.
Ouvriers en drap d'or. Poissonniers.
Ou\Tiers en bas de soie. Rôtisseurs.
Plumassiers. Selliers.
Pâtissiers. Serruriers.
Potiers d'étain. Teinturiers en lame.
Peaussiers. Tonneliers.
Parcheminiers. Verriers-Fayenciers.
Panlmif-rs. Vinaigriers.
Troisième classe.
Arquebusiers, Gainiers.
Balanciers. Grenetiers.
Boisseliers. .loueurs d'insti'umens.
Boursiers. .lanliniers.
Crieurs de fers. Mimilicrs-Lunetiers.
C(ir(li»nniers. Méj^-issiers.
(yjiitt'liers. Pain (Tépiciers.
Couturières. i'olit-rs do terre.
Coiïreliers. IVio-niers-Tabletiers.
Cuisiniers. Sages- femmes.
Doreurs. Tailleurs.
Kventaillistes. Taillandiers.
Éperonniers. Teinturiersdu petit teint.
Faiseurs d'instrumens. Tondeurs.
Fruitiers-Orangers. Tourneurs.
Foulons. Vanniers.
(iravpurs. Vitriers.
Quatrième classe.
.AigiiiUiers. Faiseurs de cordes à
Bateliers passeurs d'eau, boyau.
Bouquetières. Layetiers.
Jioutonniers. Nalliers.
Brodeurs. Oiseliers.
(]haînetiers. Patenôiriers en bois et
(]louliers. corne,
(iardenrs. Palenôlriers en jaj, etc.
Cordiers-Criniers. Pécheurs à verge,
pécoiippurs. P(^cheurs à engins.
l'][>inglitTs. Papetiers.
l"]moulenr> de grandes Rnbaniers.
forces. Sîivetiers.
Filassiers-Liniers. Tisserans.
Ferreurs d'êguilletles. Vergeliers.
Vuidangeurs •.
Viiy. Corporations.
Editde Nantes (Rkvocation dk i,'). Elle
fut signée le 1 8 octobre 1685, et enregistrée le
22. S«'s conséquences pour l'indusiric et le com-
inerre furent déwistreuses. On s'aperçut alors
qu'une foidi- d'iirlisans et la presque totalité des
(•lia[»»'!iers et des horlogers étaient hérétiques.
Prcsqiu- tous aimèrent mieux abandonner leur
pairie (pie leur relijrion, r't ils émigrèrenl. Sur
\\yX.\ familles huguenoles établies ù Paris. 1202
parlirenl *, et l'exemple fui suivi dans lout le
niyaumo. Trompant la surveilhince eUd)lie sur
les fronlii'res, .SO.OOO familles, représentant près
de 400.000 émigranf.s, passi-ienl ù l'étranger.
70.()(>0 industriels françflis s'établirent en Angle-
' Tous 1rs noms rites ici fîpunni finns (•-• vniiimr.
* Noy Ch. \V.Ms.s, Hiftoire <les n^fuoiês urolestniits
t ll.p. 392. ' •' /
terre, et contribuèrent à sa prospérité autant que
le génie de Cromwell. La Prusse fut défrichée,
Berlin prit l'aspect d'une ville. La Hollande
devint à demi française, par la langue et par
l'esprit. En 1685, (lenève et ses environs ne
comptaient guère que 400 maîtres et ouvriers
horlogers : cent après, il y en avait 6.000 dans
la ville seule. Vingt ans après la révocation de
l'édil de Nantes, non seulement aucune contrée
de l'Europe n'eût accepté de nous un tourne-
broche, mais même pour la consommation inté-
rieure, nous ne pouvions établir une montre sans
faire venir quelque pièce de Londres ou de
Genève. Je puise ce renseignement dans le Mer-
cure franrois^, un recueil à peu près officiel,
puisque le directeur était nommé par le roi. Il
resta en France si peu de bons chapeliers, dit
M. Rêver, que le secret de la fabrication des
chapeaux fins s'y perdit, et il fallut qu'un
huguenot émigré, nommé Mathieu, le rapportât
d'Angleterre ^.
Bien d'autres corps d'état eurent le même
sort. Les florissantes papeteries de l'Auvergne et
de la Normandie allèrent fonder la prospérité des
papeteries anglaises. Celles de l'Angoumois, où
les imprimeurs hollandais se fournissaient depuis
les Elzevirs, se transportèrent en Hollande et
leurs procédés de fabrication furent perdus pour
la France ^
Tout cela n'empêche pas qu'en 1727, les écri-
vains demandent encore au candidat à la maîtrise
d'établir sa qualité de catholique « par son extrait
baptistaire et un certificat de deux notables
bourgeois * ».
Voy. Maîtrises (Vente de).
Edit de décembre 1581. Voy. Corpo-
rations.
Edits. Voy. Ordonnances.
ÉditS de 1776. Tnrgot fut nommé con-
trôleur général des finances en 1774. La
suppression des communautés ouvrières était
une des réformes urgentes qu'il s'était promis
d'opérer. Il parvint ù obtenir le consentement du
roi, et au mois de février 1776 parut un édit qui
proclamait la liberté absolue du travail.
Sous la condition de se soumettre aux règle-
ments de police dont aucun citoyen ne saurait
èlre allranchi, chacun pouvait désormais s'établir
où et comme il l'entendait, avoir autant
d'apprentis qu'il le jugeait convenable, régler à
sa volonté les condi lions de l'apprentissage, etc.,
etc. Donc, plus de chef-d^ œuvre , plus de confrérie,
plus de visites faites par les jurés, plus de statuts.
Il n"y avait d'exception que pour les barbiers,
dont l'Etal s'engageait à rembourser bientôt les
offices, pour les apothicaires, les orfèvres, les
' N"; «le janvin- 1719, |.. 111 ri suiv.
I/istoire de la colonie friuniiise en Prusse, Irait, en
francni.s par I>h. Corbière, p. 257.
■' \ "V. Histoire de l'acndémie des sciences, an. 1774,
n« 04.
' ?^latuts, arl. 1. — Cet article nexi.ste plu.s dan.s les
statuts de 1779.
EDITS DE 1776
293
imprimeurs el les libraires, qui clevait'iit être
soumis à des règ'les particulières.
Tiirg'ot ne se dissimulait pas les orages qu'il
allait (lécliaîner. Il avait, dit-on, employé plus
de lieux mois à rédif^er le préambule de cet édit,
où sont rléveloppées des idées bien surprenantes
alors chez un ministre, et dont la Révolution
devait seule assurer le triomphe. Voici ce que
Turn^'ot faisait dire au roi : « Nous devons à tous
nos sujets de leur assurer la jouissance pleine et
entière de leurs droits. Nous devons surtout cette
protection à cette classe d'hommes qui, n'ayant
de propriété que leur travail et leur industrie,
ont d'autant plus le besoin et le droit d'employer
dans toute leur étendue les seules ressources qu'ils
aient pour subsister.
« Nous avons vu avec peine les atteintes
multipliées qu'ont données à ce droit naturel el
commun, des institutions, anciennes à la vérité,
mais que ni le temps, ni l'opinion, ni les actes
même émanés de l'autorité qui semble les avoir
consacrées, n'ont pu légitimer ».
Après cet exposé de principes dont purent
s'inspirer, treize ans plus tard, les rédacteurs de
la Déclaration des droits de l'homme, le roi
instruit le procès des corporations, et il ne les
ménage pas, comme on va le voir :
« Dans presque toutes les villes de notre
ro^^aume, l'exercice des différens ai'ls et métiers
est concentré entre les mains d'un petit nombre
de maîtres réunis en communautés, qui peuvent
seuls, à l'exclusion de tous les autres citoyens,
fabriquer ou vendre les objets du commerce parti-
culier dont ils ont le privilège exclusif; en sorte
que ceux de nos sujets qui, par goût ou par
nécessité, se destinent à l'exercice des arts et
métiers ne peuvent y parvenir qu'en acquérant
la maîtrise, à laquelle ils ne sont reçus qu'après
des épreuves aussi longues et aussi nuisibles que
superflues, et après avoir satisfait à des droits et
à des exactions multipliées, par lesquelles une
partie des fonds dont ils auroient eu besoin pour
monter leur commerce ou leur atelier, ou même
pour subsister, se trouve consommée en pure
perte. Ceux dont la fortune ne peut suffire à ces
pertes sont réduits à n'avoir qu'une subsistance
précaire sous l'empire des maîtres, à languir
dans l'indigence, ou à porter hors de leur patrie
une industrie qu'ils auroient pu rendre utile à
l'État....
« Les communautés une fois formées, rédigèrent
des statuts, et sous difTérens prétextes du bien
public, les firent autoriser par la police.
« La base de ces statuts est d'abord d'exclure
du droit d'exercer le métier quiconque n'est pas
membre de la communauté ; leur esprit général
est de restreindre le plus qu'il est possible le
nombre des maîtres, de rendre l'acquisition de
la maîtrise presque insui-montable pour tout
autre que pour les enfans des maîtres actuels.
C'est à ce but que sont dirigées la multiplicité
des frais et des formalités de réception, les diffi-
cultés du chef-d'œuvre, toujours jugé arbitrai-
rement, surtout la cherté et la longueur des
apprentissages, et la servitude prolongée du
compagnonnage, institutions qui ont encore
l'objet de faire jouir les maîtres gratuitement,
pendant plusieurs années, du travail des aspirans..
« Ceux qui emploient dans un commerce leurs
capitaux ont le plus grand intérêt à ne confier
leurs matières qu'à de bons ouvriers, et l'on ne
doit pas craindre qu'ils en prennent au hasard de
mauvais, qui gàteroieni la marchandise et rebu-
teroient les acheteurs. On doit présumer aussi
que les maîtres ne mettront pas leur fortune dans
un commerce qu'ils ne connoîtroient point assez
pour être en état de choisir de bons ouvriers et
de surveiller leur travail. Nous ne craindrons
donc point que la suppression des apprentissages,
des compagnonnages et des chefs-d'œuvre
expose le public à être mal servi. Nous ne
craindrons pas non plus que l'affluence subite
d'une multitude d'ouvriers nouveaux ruine les
anciens et occasionne au commerce une secousse
dangereuse.
« Dans les lieux où le commerce est le plus
libre, le nombre des marchands et des ouvriers
de tout genre est toujours limité et nécessai-
rement proportionné aux besoins, c'est-à-dire à
la consommation. Il ne passera point cette
proportion dans les lieux où la liberté sera
rendue : aucun nouveau maître ne voudroit
risquer sa fortune en sacrifiant ses capitaux à
un établissement dont le succès pourroit être
douteux, et où il auroit à craindre la concur-
rence de tous les maîtres actuellement établis, et
jouissant de l'avantage d'un commerce monté et
achalandé ».
Tout cela avait été dit vingt fois déjà, mais
par des faiseurs de libelles, par des économistes,
gens que l'on considérait à peu près comme des
factieux. Cette fois, le roi lui-même se faisait
leur complice. Et aucun d'eux n'avait exprimé
des pensées plus hardies que celles qui motivent
l'arrêt prononcé par la royauté contre une insti-
tution qu'elle n'avait jusque-là cessé de protéger.
« Dieu en donnant à l'homme des besoins, en
lui rendant nécessaire la ressource du travail, a
fait du droit de travailler la propriété de tout
homme, et cette propriété est la première, la
plus sacrée et la plu^ imprescriptible de toutes.
« Nous regardons comme un des premiers
devoirs de notre justice et comme un des actes
les plus dignes de notre bienfaisance, d'aflranchir
nos sujets de toutes les atteintes portées à ce
droit inaliénable de l'humanité. Nous voulons en
conséquence abroger ces institutions arbitraires,
qui ne permettent pas à l'indigent de vivre de
son travail ; qui éloignent l'émulation et l'indus-
trie, et rendent inutiles les talens de ceux que les
circonstances excluent de l'entrée d'une commu-
nauté ; qui privent l'Etat et les arts de toutes les
lumières que les étrangers y apporteroient ; qui
retardent le progrès des arts par les difficultés
multipliées que rencontrent les inventeurs,
auxquels différentes communautés disputent le
droit d'exécuter des découvertes qu'elles n'ont
point faites ; qui, par les frais immenses que les
artisans sont obligés de payer pour acquérir la
faculté de travailler, par les exactions de toute
294
ÉDITS DE 1776
espèce qu'ils essuient, par les saisies multipliées
pour de prétentlues contraventions, par les procès
interininahles qu'occasionnent entre toutes ces
communautés leurs prétentions respectives sur
l'étendue de leurs privilèges exclusifs, surchar-
gent l'industrie d"un impôt énorme, onéreux aux
sujets, sans aucun fruit pour l'Etat ; qui enfin,
parla facilité qu'elles donnent aux membres des
communautés de se liguer entre eux, de forcer
les membres les plus pau\Tes à subir la loi des
riches, deviennent un instrument de monopole,
et favorisent des manœuvres dont l'elTet est de
hausser, au-dessus de leur proportion naturelle,
les denrées les plus nécessaires à la subsistance
(hi peuple
« Les maîtres qui composent actuellement les
communautés, en perdant le privilège exclusif
qu'ils ont comme vendeurs, gagneront comme
acheteurs à la suppression du privilège exclusif
de toutes les autres communautés. Les artisans y
gagneront l'avantage de ne plus dépendre, dans
la fabrication de leurs ouvrages, des maîtres de
plusieurs autres communautés, dont chacune
réclanunl le privilège de fournir quelques pièces
indispensables. Les marchands y gagneront de
pouvoir vendre tous les assortimens accessoires à
it'ur principal commerce. Les uns et les autres y
gagneront surtout de n'être plus dans la dépen-
dance des chefs et des officiers de leur commu-
nauté, de n'avoir plus à leur payer des droits de
visite fréquens, d'être affranchis d'une foule de
coniributions pour des dépenses inutiles ou
nuisibles, frais de cérémonie, de repas, d'assem-
blée et de procès, aussi frivoles par leur objet que
ruineux par leur multiplicité... ».
(]t* n ibli' langage où, à tort peut-être, n'étaient
même pas voilées les fautes de la royauté, l'appui
intéressé qu'elle avait donné à une institution
vicieuse et lyrannique, excitii un indescriptible
enthousiasme parmi le peuple ^ Mais il souleva
le mécontentement de la bourgeoisie, atteinte
dans ses prérogatives, et la colère des hautes
classes , qui se sentiiient menacées par cet
apologie de l'égalité, cet éloge des bienfaits
qu'rii^rendre la liberté, cette reconnaissance offi-
cielle des droits inhérents à la qualité de citoyen.
Li: Parlement refusa d'enregistrer l'édit.
ileureusemcnl, Turgot avait su communiquer au
roi •>ii passion po.ir le bien public et pour les
reformes utiles. Louis XVI, qui devait dans la
Miiie s..' montrer si hésitant et si faible, résolut
d'imp )ser sa volonté, et un lit de justice fut tenu
u Versailles le 12 mars. Le Parlement n'obéit
qu'après «voir protesté. Dans une longue
liaraiigue, ravocal-genéral Séguier représenta
au roi le (liiiiger de ces nouveautés, qui ne
lendaieni à rien moins qu'i, bouleverser l'ordre
••"M-uâl el ù ruiner le eonnuerce de la France.
« Ce penre de liberté, disait-il, n'est autre
qu une vérilahie iiHlépendnnce. Celle liberté se
changeroit bientôt en licence. Ce seroit ouvrir la
porte à tous les abus -, et ce principe de richesse ^
deviendroit un principe de destruction, une
source de désordre, une occasion de fraude et de
rapines, dont la suite inévitable seroit l'anéan-
tissement total des arts et des artistes, de la
confiance et du commerce —
« Tous vos sujets. Sire, sont divisés en autant
de corps difterens qu'il y a d'états ditîérens dans
le royaume : ces corps sont comme les anneaux
d'une grande chaîne dont le premier est dans la
main de Votre Majesté, comme chef et souverain
administrateur de ce qui constitue le corps de la
nation.
« La seule idée de détruire cette chaîne
précieuse devroit être effrayante. Les commu-
nautés de marcliands et artisans font une portion
de ce tout inséparable qui contribue à la police
du roj'aume. Elles sont devenues nécessaires, el
pour nous renfermer dans ce seul objet, la loi.
Sire, a érigé des corps de communautés, a créé
des jurandes, a établi des réglemens, parce que
l'indépendance est un vice de la constitution
politique, parce que l'homme est toujours tenté
d'abuser de la liberté —
>> Le but qu'on a proposé à Votre Majesté est
d'étendre el de multiplier le commerce, en le
délivrant des gênes, des entraves, des prohi-
bitions intr(jduites, dit-on, par le régime régle-
mentaire. Nous osons, Sire, avancer à Votre
Majesté la proposition diamétralement contraire.
Ce sont ces gênes, ces entraves, ces prohibitions
qui font la gloire, la sûreté, l'immensité du
commerce delà France La liberté indéfinie
fera bientôt évanouir cette perfection qui est
seule la cause de la préférence que nous avons
obtenue sur les fabriques étrangères Le
commerce deviendra languissant, il retombera
dans l'inertie dont Colbert a eu tant de peine à
le faire sortir, et la France perdra une source
de richesses que ses rivaux cherchent depuis
longtemps à détourner ».
On vit bien alors tout ce que le pouvoir royal
avait perdu de son prestige. Le Parlement obéit,
mais il ne se soumit point. 11 encouragea sous
main la diffusion d'écrits que le projet de Turgot
avait suscités - el qu'un arrêt du Conseil d'Etat
avait déjà condamnés ^. Louis XVI n'était pas
fait pour de pareilles luttes, il finit par céder.
Turgot fut disgracié, et au mois d'août parut un
nouvel édit qui révoquait celui de février. Cette
fois, le préambule était bref, et n'avait pas coûté
de longues méditations à son auteur : « Notre
amour pour nos sujets Nous avoit engagé à
supprimer, par notre édil du mois de février
dernier, les jurandes et communautés de com-
merce, arts el métiers. Toujours animé du même
senlinuMit et du désir de procurer le bien de nos
peuples, Nous avons donné une attention parti-
culière aux différens mémoires qui Nous ont été
présentés à ce sujet, et notamment aux représen-
Nollnir.. ccnvail il,- Ferm-j-, h- 21 février : « Toutes
:.s ,.,, „ chanteni le Te Ueum, elk- peuple crio dans
. Nive !.. Roi et M. Turgot ». É.lii. Beu-
\1\, p 521.
' I- irnlustiif et le commerce.
- » " \ . Mi'lra, Coiri-spondiuice secrète.
suiv.
a .\rrêl du 22 février.
II. y. 420 et
EDITS DE 1776
295
talions de noire Cour de Parlemenl. El ayant
reconnu que l'exécution de quelques-unes des
dispositions que cette loi contient pouvoit
entraîner des inconvéniens, Nous avons cru
devoir nous occuper du soin d'y remédier ».
Mais les paroles de Turgot avaient eu trop
d'écho, elles étaient encore trop présentes à tous
les esprits pour qu'il fùl possible de n'en pas
tenir compte. L'édit d'août l'ut donc un compro-
mis entn^ les aspirations populaires et l'opiniâ-
treté du Parlement. Les métiers ayant entre eux
le plus d'analoi^ie étaient réunis, et le nombre
des corporations ainsi réduit à cinquante. Les
bonnetiers, les pelletiers el les chapeliers, qui
composaient auparavant Irois communautés
distinctes, n'en formèrent plus qu'une seule ; il
en fut de même pour les couvreurs, les plombiers,
les paveurs et les carreleurs ; pour les tanneurs,
les cori'ojeurs, les peaussiers, les még'issiers et
les parcheminiers, etc., elc. Moyennant certaines
formalités, on put appartenir à deux corporations
dittérentes. L"édit autorisait la concurrence entre
quelques communautés : celle des marchandes
(le modes el des plumassiers, par exemple,
eut, comme celle des brodeurs, la liberté de se
li\Ter au commerce de la broderie. Enfin, les
droits à payer pour obtenir la maîtrise étaient
diminués de plus d'un tiers, el vingt-deux
métiers peu importants, jadis constitués en corpo-
ration, étaient déclarés libres.
L'édit conservait à la tête du commerce pari-
sien les Six-Corps ' ; mais afin d'étendre ce privi-
lège, plusieurs communautés furent réunies dans
chacun d'eux et leurs rany-s ainsi rég'lés :
Drapiers.
Merciers,
Épiciers.
I
II
III
Bonnetiers.
Pelletiers.
Chapeliers.
IV
Orfèvres.
Batteurs d'or.
Tireurs d'or.
V
Fabricants d'étoffes et
de gazes.
Tissuliers-rubaniers .
VI
Marchands de vin.
Le nombre des corporations était réduit à
quarante-quatre, savoir :
I
Amidonniers.
II
Arquebusiers.
Fourbisseurs.
Couteliers.
III
Bouchers.
IV
Boulangers.
V
Brasseurs.
VI
Brodeurs.
Passementiers.
Boutonniers.
VII
Cartiers.
VIII
Chaircuitiers.
IX
Chandeliers.
X
Charpentiers.
' ^ DV. ci-dt'ssDus ot^t articl
XI
Charrons.
XII
Chaudronniers.
Balanciers.
Potiers d'étain.
XIII
Colfretiers.
Gainiers.
XIV
Cordonniers.
XV
Couturières.
Découpeuses.
XVI
Couvreurs.
Plombiers.
Carreleurs.
Paveurs.
XVII
Ecrivains.
XVIII
Faiseuses de modes.
Marchandes de modes.
Plumassières.
XIX
Faïenciers.
Vitriers.
Potiers de terre.
XX
Ferrailleurs.
Cloutiers.
Épingliers.
XXI
Fondeurs.
Doreurs sur métaux.
Graveurs sur métaux.
XXII
Fruitiers-Orangers.
Grainiers.
XXIII
Gantiers.
Boursiers.
Ceinturiers.
XXIV
Horlogers.
XXV
Imprimeurs en taille-
douce.
XXVI
Lapidaires.
XXVII
Limonadiers.
Vinaigriers.
XXVIII
Lingères.
XXIX
Maçons.
XXX
Maîtres en fait d'armes.
XXXI
Marécliaux-ferranls.
Eperoiuiiers.
XXXII
Menuisiers-Ebénistes.
Tourneurs.
Layeliers.
XXXIII
Paumiers.
XXXIV
Peintres.
Sculpteurs.
XXXV
Relieurs,
l'apclicrs.
XXXVI.
Selliers.
Bourreliers.
XXXVII
Serruriers.
Taillandiers - Fei-blan -
tiers.
Maréchaux grossiers.
XXXVIII
Tabletiers.
Lullùers.
Eventaillistes.
XXXIX
Tanneurs-Hongro^'eurs.
Corroyeurs.
Peaussiers.
Mégissiers.
Parcheminiers.
XL
Tailleurs.
Fripiers d'habits et de
vêtemens.
XLI
Tapissiers.
Fripiers en meubles et
ustensiles.
Miroitiers.
XLII
Teinturiers en soie, laine
elfil.
Teinturiers du grand
teint.
Teinturiers du petit teint.
Tondeurs de draps.
Foulons.
XLIII
Tonneliers.
Boisseliers.
XLIV
Traiteurs.
Rôtisseurs.
Pâtissiers.
290
ÉDITS DE 1776 — ÉGOUTIERS
Enfin, les professions suivantes étaient décla-
rées absolument libres :
Bouchonniers. Linières-Filassières.
Bouquetières. Nattiers.
Brossiers. Oiseleurs.
Bovaudiers. Pain d'épiciers.
Cardeurs de laine et de Patenôtriers.
(.o(„n. Pêcheurs à ver^e.
Coëtleuses de femmes. Pêcheurs à eii^niis.
C(jrdiers. Savetiers.
Danser (Maîtres à;. Tisserands.
Fripiers-brocanteurs. Vanniers.
Fouets Faiseurs de). Vidangeurs.
Jardiniers.
Cet édit ne satisfit personne, ni le Parlement
qui le trouvait trop libéral, ni les ouvriers qui
le trouvaient trop oppressif, ni les maîtres qui
n'avaient pas désiré qu'on élargît le cadre de
leur communauté, et qui se voyaient forcés
d'acheter le droit d'exercer des métiers dont ils
ne se souciaient guère. Leur résistance, ou tout
au moins leur mauvaise volonté fut telle, que
l'organisation créée par l'édit d'août n'était pas
encore un fait accompli lorsque éclata la Révo-
lution.
Vov- Corporations.
Éditeurs. Il> <>nt pour ancêtres les stalio-
narii^ du moyen âge. Mais le mot par lequel on
les désigne aujourd'hui est tout moderne. Le
Dictionnaire de l'académie ne l'enregistre pas
encore en 1814. L'édition de 1835 l'admet enfin,
et elle le définit ainsi : « Celui qui fait imprimer
l'ouvrage d'aulrui en se donnant quelques soins
pour l'édition. Par extention, les libraires pren-
nent quelquefois le litre d'éditeurs des ouvrages
qu'ils pultiieut à leurs frais - ».
Effigiaires. Vov. Dessinateurs.
Eg^ards i>u Esgards. Nom donné aux
jures dans certaines niiinufaclnres de tissus, à
.\mieus entre autres.
EgOUtiers. Paris, situé au fond d'une
vallée, étail le réservoir naturel des eaux venues
des ctilliues envirunnantes. A Ménilmontant, à
Hi'lleville, Il Monlmarlre prenaient nais,sance de
petits ruisseau.x qui, trop faibles pour se creuser
un vrai lit et même pinir inonder un vaste
espHCi', se bnrnaieiit ù former sur leurs parcours
des lln(|ues, des cloaques, des marais. Le seul de
ces rui».seuux qui arrivùt parfois jusqu'à la Seine ^
était celui de Ménilmontant, aussi est-ce vers
son cours que furent dirigés d'abord les égouts.
Hugues^ Aubritit, prévôt de Paris sous
Charles V, passe pour avoir été le créateur de
noire système d'égouts. En réalité, il eut seule-
• Voy l'art. Librnims.
* Toiiio 1. p. 60».
3 I^snncirins plans iriili.|Ufnt ].> cours de re mi.s.snau.
l-'ornii- «Il La-s <!.• la rollin" il.- M.niiinoutant, il roulait
.!.> r.-l au sud-.iuf.st, i-i allait .so j.-irr dans In Seine au-
deft.Hoiis d.> la huft.' r|,. Ctiaillot, à pi-u j.rps à la liaiileur
de ia ru-- acluollr d-- la Manutenlion.
ment l'idée, fort heureuse d'ailleurs, de voûter
une grande rigole qui, suivant la direction de la
rue Montmartre, allait se déverser dans le
ruisseau de Ménilmontant.
Les eaux de la rive gauche se rendirent
pendant longtemps dans la Bièvre. Mais, à dater
de 1.356, des fossés ayant été creusés en dehors
et tout le long du mur d'enceinte, les égouts y
aboutirent. Les boues et les immondices étaient
ainsi conduites jusqu'à la Seine, oii elles se
jetaient à la hauteur de l'hôtel de Nesle (aujour-
d'hui l'Institut;.
Sur la rive droite, les eaux du quartier qui
entourait la Bistille se réunissaient vis-à-vis de
l'église Saint-Paul ; là, elles entraient dans un
égout pratiqué sous la rue Saint-Antoine, qui
les amenait dans les fossés de la forteresse. Cet
éo-out, appelé le Pont-Perrin, était un voisinage
aussi désagréable que malsain pour les habitants
de l'hôtel Saint-Paul, alors séjour ordinaire des
rois de France, et l'on se décida vers 1412 à le
détourner. Son point de départ resta à l'église
Saint-Paul, mais on dirigea son cours tout droit
vers le nord, le long du palais des Tournelles et
à travers la culture Sainte-Catherine, sur l'em-
placement de la rue de Turenne actuelle ^.
Arrivé au mur d'enceinte, il s'inclinait vers
l'ouest, suivait les fortifications du Temple jus-
qu'à la porte de ce nom, traversait le fossé de la
ville au moyen d'un canal en maçonnerie, et
allait se jeter dans le lit du ruisseau de Ménil-
montant. A son tour, l'hôtel des Tournelles
devint bientôt inhabitable ; aussi, la duchesse
d'Angoulême, mère de François P'"", qui y
résidait en 1518, se décida-t-elle à acheter dans
un quai lier éloigné une propriété appartenant à
M. de Neuville, et qui devint plus tard le palais
des Tuileries.
Un autre égout, qui aboutissait également au
ruisseau de Ménilmontant, partait de la rue
Saint-Denis, un peu au-dessous du couvent des
Filles-Dieu, et suivait la direction des rufes
actuelles du Ponceau et du Vert-Bois. Cet
égout, comme le précédent, coulait à ciel
ouvert : de petits ponts o\\ ponceaux permettaient
le passage aux enriroits où ils traversaient des
rues importantes.
Les eaux du quartier des Halles coulaient
dans le sens de la rue du Cadran actuelle, et
allaient rejoindre i'égout voûté de la rue Mont-
martre, (^elui-ci franchissait le fossé dans une
auge de madriers reposant sur des charpentes,
se transformait en simple rigole découverte à
travers le faubourg Montmartre, et se vidai!
aussi dans le lit du ruisseau de Ménilmontant,
devenu égout collecteur.
Cet état de choses resta sans changement
jusqu'en 1605, année à laquelle le prévôt
François Miron fit voûter I'égout dit du Pon-
ceau, depuis la rue Saint-Martin jusqu'à la rue
Saint-Denis ^.
En 1636, il existait à Paris 24 égouts, mais
' .Vulrt'fois rue de l'Égoul puis rue Saint- Louis.
* ( l'i'st ainsi que furent créées les rues des Épouts et
du Ponceau.
EdOrTIERS — ELECTRICIENS
297
tous offraient un aspect repoussant et répan-
daient une odeur infecte. Parent-Duchàtelet
estimait la lon«>;ueur de ceségoutsà 5.148 toises,
dont 1.U27 t lises étaient voûtées; tout le reste
coulait à ciel ouverl '. 1/ancien lit du ruisseau
de MéniimontanI, devenu le grand égout décou-
vert^ formait autour de la rive droite, entre les
Filles-du-Calvaire et Chaillot, une ceinture
empestée, aux environs de laquelle nul n'osait
construire. Cependant les quartiers du Louvre,
de Saint-Honoré, de la bnlte Saint-Roch
s'étaient, durant la Rég-ence, couverts de riches
hôtels qui en avaient chassé les artisans, et il
devenait indispensable de recider les limites de
la ville. Des lettres patentes du mois de mars
1721 ^ ordonnèrent la réfection complète du
grand égoul ; mais, pour entreprendre un pareil
travail, l'argent manquait. L'égout n'avait
jamais été l'objet d'aucune amélioration ; la
tranchée ouverte au milieu des marais n'avait
point de soutien, et la pente était devenue peu
à peu si irrégulière que, les jours de grandes
pluies, eaux et ordures refluaient dans Paris.
En 1735. un sieur Caquier fut chargé de
rectifier cette pente, et sou premier soin devait
être d'enlever les détritus qui, depuis tant de
siècles, s'entassaient au fond du canal. On
craignit de provoquer une épidémie, et le projet
fut abandonné. Il fallait pourtant en finir, et au
mois d'avril 1737 •^, la ville prit un parti
héroïque, qui reçut aussitôt un commencement
d'exécution. On renonça à curer le grand égout ;
son lit fut cédé aux propriétaires riverains, et le
prix qu'on en retira servit à payer en partie le
terrain nécessaire pour créer un nouveau canal
de six pieds de large. Celui-ci fut établi avec un
soin extrême, et pavé au mojen d'énormes dalles
de pierre. Afin de faciliter le nettoiement, on ne
donna que cinq pieds de hauteur aux murs
latéraux, construits en maçonnerie. Enfin, un
vaste réservoir fut élevé à l'origine de l'égout,
en face de la rue des Filles-du-Calvaire. Alimenté
par les eaux descendant de Belleville, il pouvait
contenir vingt-deux mille muids, qui, subi-
tement lâchés dans le canal, en opéraient le
lavaçre. L'ensemble de ces travaux était terminé
en 1740, et les quartiers environnants, faubourg
Montmartre, Chaussée d'Antin, Yille-l'Evèque,
faubourg Saint-Honoré , devinrent bientôt si
peuplés que les riverains du nouvel égout deman-
dèrent l'autorisation de le voiiter à leurs frais.
Les cureurs d'égouts ou égoutiers appar-
tenaient à la corporation des vidangeurs. *
Égratigneurs. Au moyen de l'égra-
tignoir, instrument tranchant et dentelé, ils
formaient sur les rubans, sur les étoffes des
ornements pour le costume des femmes. Ils
appartenaient à la corporation des découpeiirs^ et
prirent, au dix-huitième siècle, le nom ù'ugré-
ministes.
Yoy. Agréministes et Découpeurs.
1 Kssai sur les cloaques de lu cille de Paris, p. 31
2 Dclamane, Traité de la police, t. lY, p. 408.
■i Delamarre, Traité de la police, t. IV, p. 783.
ÉgTun. Voy. Aigrun.
Éguilletiers. Voy. Aiguille tiers.
Ég"Uilliers. \'tiy. Aiguilles (Fabri-
cants d.').
Élagueiirs. « Esmunder, eslaguer, étester,
sont les œuvres convenables à la rameure des
arbres avancés, qu'on emploie pour abaisser
l'orgueil des jeunes et luxurieux arbres, et
hausser le cœur aux vieux et langoureux ^ >>.
Page 650, Olivier de Serres écrit eslargueur, mais
c'est là, je crois, une faute d'impression.
Les mots ébrancheurs, étronçonnews, étêtenrs,
étroignenrs, écimeurs^ étromieurs, ont à peu près
le même sens.
Élarg-ueurs. N'oy. Élagueurs.
Électriciens. Voici ce qu'écrivait, vers
1702, le Père Lebrun, dans son Histoire critique
des pratiques superstitieuses qui ont séduit les
peuples et embarrassé les sravants ^ : « Le Père
Kirchrer et Gaspard Schott ont remarqué qu'on
s'est servi de l'aimant pour des usages évi-
demment superstitieux ; et j'ai ouï dire plusieurs
fois que quelques personnes s'étoient commu-
niquez des secrets à plus de cinquante lieues
loin, par le moyen de deux aiguilles aimantées.
Deux amis prenoient chacun une boussole autour
de laquelle étoient gravées des lettres de l'al-
phabet, et on prétend qu'un des amis faisant
approcher l'aiguille de quelqu'une des lettres,
l'autre aiguille, quoique éloignée de plusieurs
lieues, se tournoit aussi vers la même lettre. Je
n'assure point le fait ».
Dès le douzième siècle, l'on attribuait à
l'aimant d'étranges propriétés. Albert de
Bolstadt affirmait que si on le place sous la tête
d'une femme adultère, elle tombe du lit tout
épouvantée ; au contraire, si elle est bonne et
chaste, elle embrasse son mari ^.
On disait aussi que les vaisseaux se rendant
en Orient n'étaient « point cloués avec des clouds
de fer, à cause de la fréquence des rochers
d'aymant, par lesquels ils seroyent attirés et
emportés ». Mais cette doctrine était déjà com-
battue au dix-septième siècle *.
Aux dix-septième et dix-huitième siècles, la
médecine faisait encore usage de l'aimant.
Louis XIV ayant eu un anthrax eu 1696, Fagon
lui ordonna un emplâtre composé de litharge,
de térébenthine, d'huile d'olive et d'aimant •'.
Le célèbre Lémery, mort en 1715, professait que
« les pierres d'aimant sont astringentes, et
arrêtent le sang * ».
1 01. de Serres, Théâtre d'agriculture, p, 722.
2 Edition de 1732, 1. I, p. 218. I>a première édition
est de 1702.
3 Albert le (Iront translaté de latin en français, lequel
truite de lu certu des herbes, des pierres précieuses, etc.
In-18, san.s date (seizième siècle), et sans pagination.
4 Voy. Ch. de l'Écluse (C. Clusiusj, Histoire des
drogues et espisceries. trad. en français par Ant. Colin,
1619, in-8», p. 300.
3 Journal de la santé de Louis XIV, p. 433.
6 Dictionnaire des drogues, p. 821.
298
ÉMAILLEURS — EMBATEURS DE ROUES
Émailleurs. La Taille de 1292 cite cinq
esmailleeurs, celle Je 1300 en nomme six, qui
très probablement appartenaient à la corporation
(les orfèvres. En 1209, ils étaient au nombre de
trente-huit; ils demandèrent à se constituer
eu communauté distincte, et des statuts spéciaux
leur furent accordés au mois de septembre.
Ils y sont qualifiés esmailleurs (Torfaverie,
expre.ssion d'autant plus exacte que, jusque-là,
les orfèvres avaient presque tous employé l'émail
dans la décoration de leurs ouvrages. L'appreii-
lissa^e durait dix ans, et quand l'apprenti avait
achevé sa cinquième année de service, on pouvait
lui en adjoindre un second. Le travail à la lumière
était interdit.
Ces statuts furent renouvelés en juillet 1566.
Les maîtres sont dits ■dlorf.patenostriers et houton-
niers (Tesmail. La durée de Tapprentissage est
limitée ù cinq ans et huit jours, mais l'apprenti
ne peut devenir maître sans avoir parlait un
chef-(Tœurre. En avril Lô83, des lettres patentes
les nomment patenostriers-hoidomiiers rPesmail,
rerre et cristal; celles de septembre ir)99 les
autorisent à fabriquer et vender « les marchandises
de verre, bouteilles, flacons couverts et non
couverts, et toutes autres espèces de verre ».
Enfin, un arrêt du 21 septembre 1706 réunit
à la corporation des verriers celle des émailleurs,
qui prirent le titre de émailleurs -verriers -
faïenciers-patenôtriers-hoiUonniers en émail et
terre cristallin.
On nommait :
Emaux de plicte. de pliqiie, de plite, d'oplite.,
etc. des émaux exécutés sur de petites plaques, et
disposés de manière à pouvoir être soudés à une
pièce d'orfèvrerie ou cousus à une étoile.
lOmaux désesrnaillés ceux que l'usage avait
dégradés.
Emaux effacés., ceux qui avaient été usés par le
frottement.
I<]maux de France, de Bourgogne., etc. ceux
qui représentaient les armoiries de ces nations.
}<)uiaux de niellure, niellés ou noirs ceux dans
li'sqiiels entraient le soufre, l'argent elle plomb.
Les émailIiMics ;ivaieiil pour pali'on saini Clair.
Voy. Baromètres (Marchands de) et
Yeux artificiels.
Emballeurs. Dans l'origine, les croche-
li-urN, li'> gagne-deniers faisaient tous les embal-
lagi's cle marchandises, pour le service de la
dniiniip couim..' pour celui dt!S particuliers. Mais
ce métier fut un de ceux que Louis XIV érigea
••Il litre «rofliee lors de ses embarras tinanciers.
11 créa qualre-viugUs charges d'emballeurs, dont
le iu)mbrc fut encore augmenté par la suite, et
qui coiiforaieiil le |)rivilege (hj « faire seuls, et
H Texclusiou de icms autres. Unis les euiballa«-es
h In douane et (huis hi ville et fauxlnxirgs^de
Paris, Miiis néanmoins (Mer aux marchands la
facullé (l'emballer eux-mêmes ou de faire emballer
leurs imirchandises chez eux, mais par leurs
garçons et domestiques seulement >. Des lettres
pfllenles du 16 juin 1690 les qualifient of/iciers
emballeurs, chargeurs et déchurgeurs, sous corde,
chaîne de fer, garrots ' de rouliers, etc.
L'habileté d'un emballeur consistait surtout
à faire tenir en un ballot le plus de marchandises
possible et à les classer de façon à ce qu'elles
y fussent en sûreté. Ce sont eux qui écrivaient
sur les toiles d'emballage « le numéro des ballots
appartenant au même marchand et envoyés au
même correspondant, les noms et qualités de
ceux à qui ils sont envoyés et les lieux de leur
demeure. Ils ont aussi soin de dessiner un verre,
un miroir ou une main sur les caisses des
marchandises casuelles, pour avertir ceux qui les
remueront d'user de précaution. Toutes ces choses
s'écrivent ou se peignent avec de l'encre commune
et une espèce de plume de bois ou petit bâton
larfj-e de deux ou trois lignes et long de six
pouces, dont un bout est coupé en chanfrein - ».
En 1719 le nombre des emballeurs fut limité
à soixante. 11 était de trente seulement en 1776,
et leurs offices valaient alors de trois à quatre mille
livres. La communauté servait une pension aux
maîtres devenus hors d'état de travailler.
Les emballeurs s'étaient placés sous le patro-
nage de saint Nicolas, ce qui ne les empêchait
pas d'avoir, à l'église Saint-Julien des Ménétriers,
une confrérie dédiée à saint Fortuné "^ .
Les gens exerçant le métier d'emballeur ont
été dits lieetirs, lieors, loieurs, etc., etc.
Voy. Offices (Créations d').
Emballeurs. Nom que l'on donnait à
douze ou quatorze hommes de peine attachés à
l'Hôlel-Dieu. Ils étaient chargés de conduire au
cimetière de Clamart le chariot des morts *.
Les mallieureux, décédés dans les hôpitaux,
étaient enterrés durant la nuit, et tous ensemble.
A quatre heures du matin, un vaste chariot,
pouvant recevoir cinquante corps arrivait à
l'Hôtel-Dieu. On y entassait pêle-mêle les morts
de la veille, cousus chacun dans une serpillière.
Douze hommes s'attelaient au lourd véhicule, et
le convoi, précédé d'une croix, d'un prêtre et
d'un crieur, s'acheminait jusqu'au cimetière dit
de Clamart. Arrivé la, on versait le chargement
dans une large fo.sse toujours béante, et où chaque
rangée de cadavres était successivement recou-
verte de chaux vive ''. Le chariot restait là,
attendant la nuit prochaine, n'osant se montrer
au grand jour dans les rues où, après le passage
de la nioi't, recommençait la vie.
Embateurs de roues. Ceux qui emba-
taieiit les roues, c'est-u-dire en garnissaient de 1er
la circonférence. L'ordonnance du 19 novembre
1666, renouvelée le 4 février 1683, défend aux
« maréchaux, charrons, embateurs de roues, etc. ^>
d'encombrer la voie publique ".
1 On uoiunu" garrot uu Lâton gros et court qu'on passe
(tans une corde pour la serrer au moyen d'une torsion.
^ .Iaul)erl, Dictionnaire, t. II, p. 109.
"' Le Masson, Cnlendrier des confréries,- 'p. 92.
* .\llclz, Toblcnu de l'humanité ou de la bienfaisance,
etc., 17r)lt, in-18, p. 41.
•' Séb. .Mi'rcier, Tableau de Paris, t. III, p. 232.
•■' \ov. Di'laniarre, Traité de la police, t. IV, p. 333
et 711.
EMBATTHAGE — EMBAUMEURS
•299
EirLbailchag"e. Dès le Ireizième siècle, il y
avait (li's eii(lrt)i(s spéciaux où les ouvriers non
ea'^ag'és se rassemblaient pour attendre les
propositions des patrons. Le titre LUI du Litre
des métiers nous apprend, en effet, que les foulons
se rendaient au travail à l'heure où les maçons et
les charpentiers se réunissaient sur la place où l'on
venait les embaucher, '< à l'eure que li maçon et
li charpentier vont en place pour eus alouer ».
Les louions avaient même deux lieux de réuniiju ;
l'un destiné aux ouvriers qui voulaient travailler
à l'année, l'autre pour ceux qui préféraient se
louer à la journée. Les premiers « doivent aler,
disent les statuts, en la place jurée, à l'Aig'le, ou ^
quarrefour des Chans pour eus alouer ». Les
seconds « doivent aler en la place au chevet
S. Gervais, devant la maison la Converce; etileuc
vont querre li mestre vallès ^ quant il leur faillenl,
à la vesprée ou ans autres eures du jour •' ».
Je n'ai retrouvé aucune trace du carrefour des
Champs. Mais la maison de V Aigle était située
près de la place Baudoyer, et c'est peut-être à
elle que la partie de la rue Saint-Antoine qui
aboutissait à la porte Baudojer dut son nom de
l'ue de r Aigle. La maison de l'Aigle avait été
donnée en 1222 à l'abbave de Saint-Maur des
Fossés par un religieux nommé Nicolas, et elle
est souvent citée dans les cartulaires *. La maison
la Converse était peu éloignée de la précédente,
au chevet de l'église Saint-Gervais ; c'est tout ce
que j'en sais. Elle parait toutefois avoir survécu
à la maison de l'Aigle, car dans les statuts
donnés aux foulons en 1443 ^, je lis : Tous
foulons voulant embaucher des ouvriers « seront
tenuz iceulx aller prendre et allouer en la place
des Foulons, devant Saint-Gervais, comme
accoustumé a esté et est de tout temps, ouquel
lieu lesdicts ouvTiers qui vouldront gaigner
seront tenuz aller le lundj à matin ».
Les statuts des tondeurs de drap n'admettent
également l'embauchage que dans des lieux
déterminés, mais ils néo-lio-ent de nous en
indiquer l'emplacement ; les ouvriers se réuni-
ront, disent-ils, « es places accoustumées ^ ».
Dans la suite, les ouvriers sans travail devaient
s'adresser au bureau de leur corporation ; c'est
là que siégeait le clerc chargé de tenir les
écritures. Défense est faite aux maîtres, disent
les pâtissiers '', d'engager « aucuns serviteurs
sinon par les mains du clerc du mestier ^ ». Au
dix-septième siècle, toutes les corporations
n'avaient pas encore un Bureau organisé qui pût
servir de lieu de réunion, aussi beaucoup d'entre
elles étaient restées fidèles à d'anciennes tradi-
tions. Les ouvriers verriers se rassemblaient rue
1 Au.
2 Et là les maîtres vont quéi-ir ouvriers.
3 Article 8.
4 « Domus Aquilse, in vico Baldaeri ». — « Domus
Aquilae, sita apud portarn Bauderii ». — u Domus sita
juxta domuiii quaj dicitur antiquo nomine Aquileia ».
Vo}'. Jaiilot. quartier Saint- Antoine, p. 5.
i> Article 11.
fi Statuts de 1384, art. II.
■ Statuts de 1566, art. 31.
8 Vov. aussi les statuts des tailleurs, 1660, art. 23.
Saint-Denis, les apothicaires rue de laHuchetle,
les tourneurs et les tabletiers rue de la Savon-
nerie, les tanneurs au faubourg Saint-Marcel, les
pâtissiers rue de la Poterie, les teinturiers rue de
la Tannerie, les menuisiers rue des Ecouffes *,
etc., etc. Jusqu'à la fin du dix-lmitième siècle,
les maçons, manœuvres, limousins, etc., se
firent embaiichci- sur la place de Grève *
Voj. Compagnonnage.
Embaumeurs. On sait peu de choses sur
les procédés employés au mojen âge pour
l'embaumement des corps. Dans le compte des
dépenses occasionnées par les obsèques tlu petit
roi Jean - mort en 131 G, on voit mentionnés :
2 onces d'ambre,
1/2 once de musc,
4 onces d'estorat-calmile ^ et mierre *,
De l'encenz et du laudanon 5,
qui peuvent bien avoir eu cette destination.
Nous possédons plus de détails sur la manière
dont fut embaumé le roi d'Angleterre Henri V,
mort à Vincennes en 1422. « Son corps, dit
Jouvenel des Ursins", fut mis par pièces et bouilly
en une paesle ', tellement que la chair .se sépara
des os. L'eau qui restoit fut jettée en un cime-
tière, et les os avec la chair furent mis en un
coffre de plomb avec plusieurs espèces d'e.spices,
de drogues odoriférantes et choses sentant bon ».
Charles VI fut moins maltraité : « Son corps,
vuidé des entrailles et rempli d'épices et d'herbes
sentant bon, fut mis en un coffre plombé ^ ». On
dut procéder autrement vis-à-vis de Charles Vil,
car le 17 octobre 1793, quand fut faite à Saint-
Denis l'ouverture de son cercueil, on y trouva « du
vif argent qui avait conservé toute sa fluidité^ ».-
Les belles statues qui sont étendues sur le
tombeau de Louis XII et d'Anne de Bretagne les
représentent tels qu'ils furent ensevelis, ou plutôt
reproduisent un moulage destiné à servir d'effi-
gie ^^. Toutes deux portent au flanc la marque
des incisions qui avaient été pratiquées pour
enlever les entrailles et les remplacer par des
aromates.
L'usage des embaumements était encore peu
répandu à la fin du dix-huitième siècle. Sébastien
Mercier écrivait vers 1782 : « Les rois et les
princes du sang se font embaumer après leur
mort. . . Cet art ne regarde point la roture, c'est
aux princes et aux grands à se féliciter de cette
découverte ^* ».
Voy. Figures de cire.
1 Le Livre commode pour 1692, t. II, p. .")U.
- Dans Douët-d'.\rcq, Comptes de l'argenterie, p. 18.
3 Estorat-calamite.
i Myrrhe.
i» Laudanum.
8 Édit. Michaud, p. 567.
" Poêle.
8 ^'oy. le récit des obsèques de Charles VI, dans le
Journal de l Institut histm-ique, t. IV (1886), p. 262.
9 Extraction des corps des rois, reines, etc., dans
Berthevin, Recherches sur les derniers jours des rois < e
France, p. 292.
10 Voy. J. Doublet, Histoire de l'abbaye de S.-Denys en
France, p. 1329.
" Tableau de Paris, t. XII, p. 341.
mo
ÉMINAGE — EMPOINTEURS
Éminag"e, Voy. Héminage.
Émineurs. \ox. Mesureurs.
Emmancheurs de couteaux. Titre que
preiiiiieat les cuiileliers faiseurs de manches.
Emmasqneurs. ^'oy. Envoùteurs.
Émouleurs. Voj. Rémouleurs.
Empailleurs d'animaux. Voj. Natu-
ralistes.
Empailleurs de chaises. Titre qui
apparttMKiit aux ualtiers et aux lourneurs.
Emparliers. \'oy. .A.vocats.
Empeseurs. Faiseur.s d'empois. Au trei-
zième siècle, on faisait déjà grand usage de
l'amidon et de l'empois. Les statuts des chapeliers
de feutre au treizième siècle leur interdisent de
« meire empois ne cole en leur chapiaux ' ». Les
escoffions, les atours, les hennins, pyramidales
coill'ures dont le règne commença vers la fin du
quatorzième siècle *, ne conservaient leur forme
qu'à force d'empois, de gomme et de cire. Les
anciens comptes en font foi :
Annke 1416. A Ysaheau l'ouvrière, pour avoir
de la Heur '', pour l'atour de la royne *. — Pour
une livre de gosme, pour servir à empeser Talour
de ladite dame.
Année 1454. Pour une paelle ^ à queue de fer,
à faire erap(jix pour le service de la royne.
A.NNKK 1.575. Six livres d'amydon, pour servir
à empt'siM' les chemises de Mgr le duc d'Alençon . —
Ung quarteron de hlancd'Espaigne, aussi pour
s»'rvir à empeser ".
Celle dernière citation nous introduit dans le
seizième siècle, où la mode des grandes collerettes
tuyautées et celle des fraises godronnées assu-
n'Cfiil pour longtemps le triomphe de l'empois.
Hi-nri III, possédé d'un goût invincible pour tout
Cl- (|ui concernait la toilette féminine, jugea un
htNiu jour que l'amidon ne donnait pas aux fraises
un nuiinlien suffisant -, il expérimenta lui-même,
el coniposii un empois plus ferme avec de la farine
de riz. Les courtisans s'empressèrent d'adopter
Tinvenlion de leur digne maître, et l'auteur des
Vrrlus el propriétés des niif/ao/in n'a pas dédaigné
de nous «Ml instruire :
l>'Ur œil ne s«) toumo ù son aiso
I)<'<Jan.s !<• rcjiiis d.- leur frai.sc.
Dcjù If rDunncnt '' n'est plus bon
four l'cm|n)i.s blanc dtj leur chemise,
Kl faut, |(iiur façon plus exqui.se,
l'aire de ri/, leur amidon 8.
^ /..rr, ^M métier*, lilr»' I.XXXIX, url. «.
- \oy. l'arl. (IlinjH'liers.
3 I)e la fli-ur de farine.
' I^hImiiu lie Bavière.
■■ I le |....-.|..
!l ^"•*" \ ^''y- f'l"'*'iiff urfhfologiqat. I 1, |i. 20 et
•Î2Î. — J. ChartiiT, ^'Arort/ortr. eilil ejzev . I HI i, -i-.n
ÏHO. Ho. ^ ' "'
' I.e froment.
» I^v«.loile, jQunuil de Hrnri III. 26 juillet 1576.
Cet empois, excellent paraît-il, pour donner au
linge la raideur exigée, était dur à la peau de ces
délicats personnages, aussi le recouvrait -on
intérieurement d'une fine batiste. Quelques-uns
d'entre eux, ne pouvant souffrir l'odeur de la
lessive, ne portaient leur chemise qu'une seule
fois ; d'autres se bornaient à envoyer blanchir
leur linge à l'étranger, dans des pays renommés
pour l'habileté des blanchisseurs. Tout ceci nous
est révélé dans un édifiant pamphlet, où les
mignons sont peints sur nature par un de leurs
contemporains qui les a flétris du nom d'herma-
phrodites. Ecoutez-le : <.< Je vis venir un valet de
chambre tenant en ses mains une chemise, mais
de peur qu'elle ne blessast la délicatesse de la
chair de celuy qui la devoit mettre, car l'ouvrage
estoit empezé, on l'avoit doublée d'une toile fort
déliée. Celuy qui la portoit l'approcha près du
feu. que l'on fit faire un peu clair, où après
l'avoir tenue quelque espace de temps je vis
lever l'hermaphrodite, à qui on osta une longue
robbe de soye qu'il avoit, puis sa chemise qui
estait fort blanche. Mais, ce que j'ay appris, ils
ne laissent pas de changer ainsi en ce pays-là de
jour et de nuict ; encore y en a il quelques-uns
(rares toutefois) qui ne se servent jamais deux
fois d'une mesme chemise ny d'autre linge qu'ils
ayent, ne pouvant endurer que cela qui les doit
toucher ayt esté lescivé. Mais ceux qui ne sont
pas du tout si cérémonieux les envoyent blanchir
en des contrées loingtaines où ils sçavent qu'on
a ceste industrie de bien blanchir ' ».
Un édit de mars 1673 ordonna que les empe-
seurs fussent constitués en communauté. J'y lis
qu'ils étaient alors au nombre de 200, et qu'ils
furent taxés à 25 livres, ce qui eût fait entrer dans
le Trésor une somme de 5.000 livres ; mais je ne
crois pas que cet édit ait jamais reçu même un
commencement d'exécution.
Sous Louis XIY, le cravatier royal avait le
titre à'empeseiir '-.
Voy. Slanchisseurs et Fraises (Fai-
seuses de).
Em.peseurs. Ouvriers qui, dans les manu-
factures de toiles, « ne sont occupés qu'à coller
les fils de la chaîne ^ ».
On disait aussi empoiseurs.
Em.piri(jues. Même sens qu'opérateurs.
Em.plalg"neurs. Voy. Laineurs.
Employés de comm.erce. Voy. Com-
mis marchands.
Empoig-neurs de poissons. \
gneurs.
ly. Foi-
Empointeurs. Ouvriers qui. faisaient, à la
meule, la pointe des épingles chez les épingliers,
et celle des aig-uilles chez les aiffuilliers *.
' .\rlus d 'Kiiibrv, L'ixle des hermaphrodites, éd. de 1724,
!.. 13.
î Kidl de lit Frnnre mur 17 12 . t. I. p. '202 : pnur îTSfi.
I. 1, |.. 31(1,
•' .liiiilierl, Dictioniinire, I. II, p. 110.
* Hncyrbpédie Mëlliodiiiue, arts et métiers, t. Il, ji. 474.
EMPOISEURS — ENFILEURS
301
Empoiseurs. Voy. Smpeseurs.
Empoleeurs. Voy. Foiilieurs.
Encadreurs. Ce mot, d'abord oid)lié par
Litlré, a été inséré dans \c supplément de son
dictionnaire. I/Académie rran(;aise Ta admis
seulement dans sa dernière édition (1878).
Les statuts accordés en 1573 aux tourneurs
en bois et ceux qu'obtinrent les doreurs sur cuir
en 1594 leur attribuent le privilège des « cadres
de miroirs ».
Enchanteurs. Ceux dont le métier est de
faire espérer, au moyen de paroles magiques, la
production d'eftels surnaturels.
Voy. Devins.
Enclumes (Faiseurs d'). Un des imposés de
la Taille de 1292 est qualifié (Venclumier.
11 y avait encore, au dix-huitième siècle, des
enclumiers ambulants. « Des forgerons courent
les villages pour radouber et rétablir les enclumes
rompues , et il est singulier que ces gens, qui ne
portent avec eux que des soufflets à vent, par-
viennent à rétablir toutes les pièces qui manquent
à une grosse enclume * ».
Encre (Fabricants d'). L'encre actuelle date
du douzième siècle. L'ancienne encre était un
composé de noir de fumée, de gomme et d'eau.
La seule fabrique d'encre que possédât Paris
en 1292 appartenait à une femme, Asceline de
Roie, qui demeurait place Maubert ^. En 1313,
cet établissement avait été cédé à une autre
femme nommée Aaliz^. Mais on sait que dans
les couvents, l'endroit où se consommait alors le
plus d'encre, les religieux la fabriquaient eux-
mêmes, et il est probable que les écoliers devaient
avoir souvent recours à eux. Une foule d'ouvrages
nous ont transmis les recettes préférées des reli-
gieux, mais aucun d'eux ne nous apprend par
quel procédé s'obtenaient ces encres d'or restées,
après huit siècles, aussi brillantes que le premier
jour. C'est là un secret depuis longtemps perdu,
et que la chimie moderne n'a pu retrouver. Le
Ménagier de Paris[\^'è''^)coni\eni quatre recettes ^,
dont la base est le noir de «ralle et la «j-omme
o
arabique ; quand il s'agissait d'encre pour écrire
sur le parchemin, on y ajoutait du vin ou du
vinaigre.
L'encre se vendait à la pinte, à la chopine et
au demi-selier ^. Le magasin le plus achalandé
vers 1610 était situé sur le Pont-Neuf '^ Presque
à la même date, le célèbre Guyot allait créer
l'encre de la petite vertu, dont la renommée dure
encore. Un papetier des environs du Palais avait
pris pour enseigne A la vertu; un concurrent
fonda près de là La gratide vertu, (luyot se montra
plus modeste que ses deux confrères. Suivant
1 Jaubert, Dictionnaire, t. II, p. 111.
2 Taille de 1292, p. 165.
a Taille fie 1313, p. 189.
4 Tome II, p. 265-, 274, 275.
5 Savarv, Dictionnaire du commerce, t. II, p. 1030.
6 Voy. Les caquets de l'nccouchee, t. 59, ft l(»s Œuvres
de Taborin, t. I, p. 52.
une mode jugée alors de fort bon goût, ces trois
enseignes étaient figurées en rébus ; celle de
Guyot représentait une u de petite taille et peinte
en vert, ce qui voulait bien dire : A la petite
VERTU.
Cette industrie était surtout représentée, au
siècle suivant, par un sieur Royer, (lemeurant rue
Saint-Martin et qui, s'il faut l'en croire, fabriquait
une encre double, simple et luisante, indélébile,
incorruptible, sans lleurs, dépôts ni champi-
gnons '.
Voy. Cornetiers.
Encriers. Voy. Encre (Fabricants d').
Enfants bleus. Voy. Trinité (Maîtres
de la).
Enfants de cuisine. Voy. Galopins.
Enfants de maître Jacques. Association
de compagnonnage. Elle prétendait remonter à
un Gaulois nommé maître Jacques, qui aurait
travaillé au temple de Salomon. Les membres
de ce Devoir se divisaient en Loups-gnrous et en
Dévorants ou Devoirants Les premiers, dits aussi
compagnons passants ., étaient presque exclusive-
ment des tailleurs de pierre ; les sefconds, d'abord
menuisiers, serruriers et forgerons, finirent par
admettre des teinturiers, des tanneurs, des cor-
donniers, etc. -.
Enfants de maître Soubise. Associa-
tion de compagnonnage dont les membres
prétendaient descendre de maître Soubise qui
aurait assassiné maître Jacques, un des maçons
employés à la construction du temple de Salomon.
Presque tous étaient charpentiers et connus aussi
sous le nom de Bons drilles'^.
Voy. Devoirs.
Enfants-roug-es (Hôpital des). Un des
lieux privilégiés de Paris. Son organisation était
absolument la même que celle de l'hôpital du
Saint-Esprit ; mais, mal administré et mal
soutenu, il fut supprimé en 1772.
Voy. Privilégiés (Lieux).
Enfants de Salomon. Association de
compagnonnage , qui prétendait remonter à
Adoniram, architecte du temple de Salomon.
Les membres de ce Devoir ?,e divisaient en Loups
et en Gavots. Les premiers étaient presque
exclusivement des tailleurs de pierre, les seconds
comprenaient des menuisiers, des serruriers et
des forgerons ^.
Enfermiers. Infirmiers^.
Enfileurs. Ouvriers qui passaient les têtes
des épingles dans le fil, et les disposaient à y être
fixées.
1 Almanach Dauphin pour 1777, p. 19.
2 A. Perdiguier, Le livre du compagnonnage, t. I. p. 37.
3 É. Levasseur, Histoire des classes ouvrières, t. II,
p. 815, et Agr. Perdiguier, t. I, p. 41.
i Agr. Perdiguier, Ze livre du compagnonnage, t. I,p.31.
i> Voy. Ducange, Glossarium, au mot inirmarius.
302
ENFOURNEURS — ENLUMINEURS
Enfourneurs. Chez les briqueliers, ouvriers
qui disposaient les briques dans le fourneau. Ils
appartenaient à l'équipe des briqiiete^irs ' .
Chez les boulanj^ers, ouvriers qui mettaient
les pains au four et les y surveillaient ^.
Engastriloques. Engastrimandres.
Eng-astrimythes. Engastromandres.
Voy. Ventriloquss.
Engaveurs. Voy. Gaveurs.
Engrais (Commerce n'). La Taille de 1292
cïUt àe\\\ [tenseurs (\yn étaient, selon toute appa-
rence, ries marchands de fumier, car af/lenser une
terre, c'était la fournir d'engrais. Je lis dans le
Compte (les dépenses faites par Charles V an
château du Loutre : « A Jean Dudoy, jardinier,
pour avoir livré audit Louvre 400 de fiens et les
enfouis en terre ^ ».
Au seizième siècle, les tienseurs parcouraient
les rues, prêts à enlever les fumiers dont on
voulait se débarrasser :
N'y a il jjoint de tiens?
S'il vous plaist d'y regarder,
Ne rue faictes plus cy tarder,
J'en ay autrefois eu céans *.
Le rèf^leraent de police du 3 février 1348,
souvent renouvelé, voulait, en effet, que « nulz
ne fut si liardjs de mettre ou faire mettre fuerres •".
fiens, boes s, cureures ne autres ordures sur les
carreaux ' du Roy », sous peine de soixante
stius d'anieude ".
(Ju a cru pendant long-temps que certains
«•n<.^rais pouvaient communiquer aux léj^umes
des propriétés malfaisantes. Ainsi l'article 14 des
stahils octroyés aux jardiniers en 1599, leur
défend « de fumer aucune terre d'immundices
ny de liens de pourceaux, pour éviter aux mala-
dies l«iil coniajjieuses qu'autres ». Il est vrai
que les maraîcliers d'alors recherchaient presque
uniquemiMil les matières fécales. Il fallait exercer
sur les voiries spéciales une surveillance inces-
sHiile pour empêcher les cultivateurs de venir y
remplir des tonneaux, qu'ils (h''versaienl ensuite
sur leurs terres 9. Ou eu autorisait toutefois
1 ein[)loi quanil elles avaient seijourné pendant
trois MUS dans les lieux de décharfje, encore ne
devaienl-elles être enlevées que l'hiver, du
ir> oeldbre au L') mars.
Km n> qui concerne les autres ininnuidices
proveiiiiiil (le lu ville, les <u-donnaiices voulaient
qu'elles fussent transportées « dans des terres
Inbounibles, m<ui dans des jardins po|fi«-ors où
croirisiM.I des léjrumes '" »; Sébastien M.Mrier
••(Tivnil donc avec or^riu-il vers 1782: « Le
^h„rjfrfo,,/J,e mm„diq„f, nrts ,.| ini.ti,.,-s, I. I, p. 2 J9
' l'uhlii- piir I^- Houx (le l.iiuy. |,. ;m
» A Tn„p,. I. /.„ f„/ ,1 ,fui aU, elf.
s iMlll-S.
•* |t<>Ui'».
'■ l'.lVO!».
" Dlamnrr.'. Tmitf At In pnlitr. i. IV p 202
!«V'-\ '"•"' '"■'■^•* ''"' '^ "'■' '■' « oclohr.- 172r, "
I» D.lamam-, t. IV, t. 2«2.
jardinage est cultivé aux environs de Paris, sans
engrais, avec un soin admirable par quelques
amateurs qui se livrent tout entier à cet art inno-
cent et utile. Les plantes potag'ères acquièrent
de cette manière un goût excellent ^ ».
Enhayeurs. Ouvriers ])riqueliers, dits aussi
ïtietteiirs en haie. Ils étaient chargés de préparer
le séchage des briques. On donnait le nom de
haies aux murailles factices disposées de manière
à ce que l'air put frapper la brique de t uis les
côtés -.
Enjoliveurs. Plusieurs corps de métiers
avaient le droit d'enjoliver, c'est-à-dire de parer
comme ils l'entendaient, les objets qu'ils fabri-
quaient, même en empruntant des produits dont
d'autres corporations avaient le monopole, l'or
ou l'argent, par exemple, aux orfèvres.
Parmi les communautés qui ajoutaient à leurs
titres celui d'enjoliveur, je citerai les bouque-
tiers, les boutonniers, les doreurs sur cuir, les
doreurs sur métaux, les merciers, les miroitiers,
les passementiers, les plumassiers elles tabletiers.
Enjoliveurs de crin. Titre qui apparte-
nait à la communauté des cordiers.
Enlumineurs. Des mains du copiste, les
manuscrits passaient dans celles de l'enlumineur,
qui se chargeait de Vhistorier^ de remplir les
espaces laissés en blanc par le premier aux
endroits réservés à une lettre ornée ou à une
miniature. L'art d'enluminer s'appelait ilhmii-
nare, babuinare, du mot haboue ^, alors employé
pour désigner les étranges figures qui ornaient
parfois les marges ou accompagnaient les initiales
des manuscrits. Certains moines portèrent si loin
le luxe de ces ornements, que des ordres men-
diants, les Dominicains entre autres, en inter-
dirent l'usage, et prescrivirent à leurs copistes
de s'appliquer surtout à former des caractères
lisibles. Les enlumineurs la'iques mettaient leur
talent à très haut prix ; l'on redoutait même
pour les Hls de famille la séduction qu'exerçaient
ces artistes sur déjeunes esprits. Le jurisconsulte
Odofredo *. qui égayé souvent d'anecdotes ses
commenlaii'es sur le droit •'', parle ainsi d'un
écolier passionné pour les livres historiés : « Le
père donne à son fils le choix d'aller étudier à
Paris ou à Bologne avec cent livres par an. Que
répond le fils? 11 choisit Paris. Là, il fait emba-
buiner ses manuscrits de lettres d'or ", il se fait
chausser de neuf tous les samedis : il est ruiné ».
Les dépenses de costume devaient plus contri-
buer à celte ruine que celles de l'embabuinage,
car les livres acquéraient un prix considérable
quand l'eidumiueur les avait ornés d'initiales
en or, d'encadrements, d'armoiries, de vignettes,
1 Tiilili-nii ilr Paris, t. II, p. 30,").
- Kncijrlojinl'n' mHlwdique, arts et méliers, I. I, p. 309.
•' ^ oy. Ducange, au.\ mots babewiiius et baboyiius.
* Treizième siècle.
•' « Vir erat festivissimi inginii ».
^ H Fecit libres suos babuinare de litcris aureis ».
Maurus Fatlorinus, De claris Bononiemis professoribus,
t.I, p. l.^I.
ENLUMINEURS — ENSEIGNES
303
(le iiiiiiiatures. DaiiiKni calculait en 1824 qu'au
treizième siècle un volume in-folio enrichi de
peintures, représentait comme prix « celui des
choses qui coùleroient aujourd'hui quaire ou cinq
cents francs ^ » ; évaluation bien arbitraire, cai'
la valeur du volume dépendait du nombre des
figures et de la finesse de l'ornenjenlalion.
La Taille de 1292, cite 13 enlumineurs -.
dont 8 demeuraient dans la rue Erembourg' de
Brië^, dite au quatorzième siècle ruedes Enlumi-
neurs *, et qui est aujourd'hui la rue Boutebrie.
En 1391, ils formaient une seule corporation
avec les sculpteurs et les peintres. Charles V, le
duc de Berri, Charles ^'III, Louis XII, Anne de
Bretagne, Isabeau de Bavière eurent à leur ser-
vice des enlumineurs dont quelques-uns étaient
des artistes de talent. Tantôt ils dessinaient
toutes les figures à la plume, puis appli{[uaient
les couleurs l'une après l'autre ; tantôt ils s'en
tenaient à une sorte de grisaille, de dessins en
hachures. Quelquefois ils employaient le camaïeu,
cherchaient à obtenir le chatojant, le moelleux,
surtout dans les ouvrages de dévotion. L'oeil se
repose avec joie sur ces jolies pages d'un aspect
si doux et si bien assorti aux prières et aux mé-
diations pieuses qu'elles accompagnent ^.
Les premiers produits de l'imprimerie pou-
vaient être confondus avec des manuscrits.
Comme dans ceux-ci, les pageï; n'étaient point
numérotées, et l'on n'y trouvait aucun des signes
usités plus tard pour faciliter l'assemblage des
cahiers qui composaient le volume. Au commen-
cement des chapitres, un petit espace laissé en
blanc repi'ésentait la place de la première lettre ;
les feuilles sortant de la presse étaient livrées à
l'enlumineur, chargé de dessiner et de peindre
ces initiales, d'y ajouter parfois d'élégantes den-
telles, de riches encadrements ou de fines minia-
tures. Il fallut abandonner cet usage lorsque l'on
se préoccupa de produire des livres à un prix
abordable pour toutes les bourses. Que devinrent
alors les enlumineurs et les copistes, à qui
l'imprimerie avait enlevé leurs moyens d'exis-
tence? Ils se résignèrent à donner des leçons de
dessin, des leçons d'écriture. Toutefois, au sei-
zième siècle, l'église Notre-Dame entretenait
encore un enlumineur « illuminator librorum ».
Le 23 décembre 1534, il reçut 36 sols, pour
avoir orné de lettres dorées quatre manuscrits
appartenant à la bibliothèque du chapitre ".
Les quelques artistes qui purent continuer à
vivre du métier d'enlumineur durent s'associer
à la communauté des peintres et scidpteurs.
Entre eux et les premiers, il n'y avait, disait-on,
d' « autre différence, sinon que le peintre se sert
d'huile en son ouvrage et l'enlumineur de
gomme ». En mars 1608, ils demandèrent à se
constituer en corporation distincte, ce qu'une
1 ffis/oire litléraire de la Finiice. t. X\ I, p. 3'J.
^ La Taille de î!WO en mentionne 15.
3 Page 1.56.
i Jaillot, Quartier Saint-André, j). 44.
3 Voy. VHistoire littéraire, t. XXIV, p. 726.
^ Voy. A. F., Les anciennes bibliothèques de Paris,
t. I, p. '60.
seidence du Châtelet leur refusa. .l'y lis qu'à ce
moment le métier d'eidumineur était « utile à
pauvres gentilshommes et gens d'église qui,
s'étant a(loiinez à tel art gagnoient letu' vie à
enseigner la noblesse, à faire livres d'église et
autres ouvrages plus ordonnez pour Tembellis-
sement que nécessaires au public ».
A la (in du dix-huitième siècle, les enlumineurs
sont devenus imatjers et coloristes. Ce sont eux
« qui font imprimer toutes sortes de planches et
qui vendent toutes sortes de cartes géographiques
et d'estampes enluminées ou non, et qui ont
droit de les enluminer s'il leur plaît ». J'ajoute
que les miniaturistes actuels ont été regardés
comme descendîints des enlumineurs du moyen
Ces derniers sont dits parfois bn/mtneurs, chry-
sographes, historiens, iliuraineurs,, etc.
Voy. Dessin (Maîtres de).
Énoueuses. Vov. Épinceusas.
Enquêteurs.
police.
Commissaires de
Enquêteurs et commissaires exami-
nateurs. Officiers jurés dépendants des greniers
à sel.
Voy. Sel (Commerça du).
Enseignes. Les enseignes, encore assez
rares au treizième siècle, devinrent nombreuses
au quatorzième. Elles étaient tantôt incrustées
dans la pierre, tantôt peintes sur wne planche de
bois ou une plaque de métal ; la plupart d'entre
elles, suspendues par des anneaux à une potence
de fer, formaient saillie jusqu'au milieu de la
rue, procédé encore adopté par les auberges
de province. Le plus souvent, l'enseigne se
balançait au-dessus de la porte principale ; on
en accrochait parfois aux pignons dans les rues
très étroites, et à l'encoignure dans les maisons
d'angle.
Chaque maison était désignée par son enseigne,
et plusieurs rues de Paris ont dû leur nom à
l'enseigne la pins originale ou la plus apparente
qui s'y balançait.
Les siècles passèrent sans (jne leur forme
variât beaucoup, mais les sujets dont elles étaient
tirées variaient à l'infini. Il y avait des enseignes
mystiques, chevaleresques, mythologiques, histo-
riques, satiriques, facétieuses, etc. Toutefois en
dehors d'une centaine de motifs habituels, les
types originaux sont peu communs. Ad. Berty a
calculé que sur six cents enseignes prises au
hasai'd, celles de Xotre-Dame, de Saint-Jean, de
Saint-Martin, de Sainte-Catherine, de FFcu de
France, de la Corne de cerf, de la Fleur de lis,
et de la Croix comptaient pour quatre-vingt-sept,
soit pour un septième *.
Les images pieuses, les emblèmes sacrés, la
Providence, V Annonciation, le Saint-Esprit, le
Signe de la croix, le Bon pasteur sont les plus
employées.
1 Etudes archéologiques, t. XII (1855), p. 5.
304
ENSEIGNES
Les saints préférés sont, oulre ceux que j ai
cités plus haut, saùit Denis, saint Jacques, saint
Michel, saint Pierre, saint Christophe.
Le soleil, la lune, les croissants sont moins
utilisés que les étoiles.
Parmi les animaux, le cheval, le lion et la truie
tiennent le premier rang. Mais on ne dédaigne
pas le dauphin, le renard, le singe, le chen, le
daim, le cerf, le bœuf, le mouton, Vagneau, la
vache, le conin ', la salamandre, le yrî//bw, la
licnr7ie, Y aigle, le cyywe, \e paon, le perroquet, le
<?o«/oM -, \e faisan, la caw^ et la canette, le co^, la
^(?'//«<? ■'', Vécrevisse, etc., etc.
Les végétaux sont surtout représentés par le
/igitier. le mûrier, la ro«^, la pomme de pin, le
chêne, etc.
Les armes par le heaume *, la /<«c/«e, Xépce,
X arbalète, le, pistolet, etc.
Les outils par les ciseaux, le rabot, la /««w, le
maillet, la «<?/-j9^.
Les ustensiles de ménage par le gril, le soufflet,
lîi ^/-"Z", ^ mortier, le gobelet, le baril, lepotd'e'tain,
le plat d'e'tain, le chandelier, la balance, Vécuelle,
le panier, le miroir, etc.
Les hôtelleries affectionnent lVc?f ^/^ France,
iV Orléans, de Bretagne, etc.
Les sgrènes et le rt'îVw d'amour ont leurs par-
tisans, aussi bien (\nele^ fers 'i checal. les tours, et
les -iar^^.s qui sont le plus souvent d'or et d'argent.
Les lettres couronnées ne sont pas rares.
surtout TA. l'M, TH, l'F et même le Q. Mais il
ne faut pas oublier que les balanciers prenaient
sDUvent pour enseigne le poinçon avec lequel ils
étaient tenus de marquer leurs produits, et que
ce poinçon reproduisait la première lettre de leur
riuni, surmontée d'une couronne fleurdelisée.
l)ans la suite, plusieurs métiers adoptèrent ainsi,
pour la composition de leurs enseignes, un
emblème particulier, que certains corps d'état
n'ont pas encore répudié. Il leur était parfois
imposé, comme t-n témoignent les statuts accordés
aux barbiers en 1718. L'article 42, préoccupé
d'établir une distinction entre eux et les chirur-
giens, stipule que les premiers devront peindre
leurs boutiques en bleu et j suspendre des bassins
blancs (ceux des chirurgiens étaient jaunes)
arcMiiipagnés de celte inscription : Céans, on fait
le ptiil et on tient bains etétnves. Au seizième siècle,
ji'x sig»'s-fcmni<'s avaient pour enseigne soit une
feniiiii' portant un enfant, soit iiii petit garçon
ti-nanl un ricrgr, s(»it un berceau surmonté d'une
lli'ur r|f Ivs. J'ai retrouvé une sentence du
2ô février 1720 qui, sans alléguer aucune raison,
iiilenlil aux cabireliers de faire figurer sur leurs
enseignes un riiou. Le mAnie règlement veut que
toutes leurs boutiques soient munies de barreaux
de fer, tradition qui s'est conservi'-e jusqu'à nos
jours'.
1
!.•■ Inpiti
«
t.. |.ip-..i
1^1 |>'>iil>'.
1
F,'' rnM|u>
Les jeux de mots où se complaisaient tant
nos pères, les calembours, les rébus jouaient
éo-alement un grand rôle dans la rédaction des
enseignes. En veut-on quelques spécimens ï'
A la Roupie, avec une roue et une pie.
Au Puissant vin, avec un puits duquel on
tirait un seau d'eau.
avec une vieille femme
trois gros personnages
» Sntttiirf >tf /wlire, m fotmr de rfglrmrnt, t/ui onlonnr
<pif Ifs mnrrkuHdt lit rlnx auront à leurs maisons des
/-v..^ ,;,/^> ,./ bnrrfouT, nrec dfftnsfs d'>i mtltre un chou
puis. 1729, m-i'..
A la Vieille science,
sciant l'anse d'un vase.
Aux Gracieux, avec
sciant du bois.
Aux Chassieux, avec des chats sciant du bois.
A r Abricotier. C'était l'enseigne de la mai-
son que s'était fait construire, rue Saint-André
des Arts, Jacques Goitier, le célèbre médecin
de Louis XI.
A P Assurance , avec un A sur une anse.
A PY. Au dix-septième siècle, les grègues.
qui représentaient notre culotte, étaient réunies
aux bas de chausses ou bas par des aiguillettes
ou par un lien devenu ainsi un lie-grègues. Eu
1777, les deux plus importants aiguilletiers de
Paris, Delastre, rue de la Huchette, et Loupia,
rue Saint-Honoré, avaient tous deux pour
enseigne l'Y.
A la Petite vertu, avec un U de petite taille
peint en vert.
La plupart de ces enseignes étaient constituées
par de lourds et immenses tableaux qui, dépas-
sant parfois le milieu des étroites rues de cette
époque, contribuaient encore à les assombrir.
Aussi une ordonnance de police du 22 septembre
1600 interdit-elle de placer aucune enseigne
sans rautorisation du grand vojer. Puis, un
arrêt du 2tt octobre 1666 chercha à réduire la
dimension des auvents et des enseignes, défendit
de poser celles-ci « à l'avenir plus bas que
15 pieds et autrement que sur une même ligne ».
Le 2 novembre, Gui Patin écrivait à son ami
Falconet : « On réforme ici les auvents des
boutiques qui étoient trop grands, à quoi les
commissaires du Ghàtelet sont fort occupés ; il
y en a même deux d'interdits de leurs charges,
pour n'y avoir vaqué avec assez d'exactitude ' ».
Mais on se heurtait à des habitudes datant de
plusieurs siècles, et il fallut toute l'énergie de
M. de la Rejnie, alors lieutenant de police, pour
en triompher. En 1669, il réunit les jurés des
Six-Gorps, réclama leurs conseils et leur inter-
vention. Deux moyens se présentaient: réduire
la dimension des enseignes, ou exiger qu'elles
fussent, comme aujourd'hui, appliquées sur la
devanture des boutiques. Les Six-corps repous-
sèrent ce dernier système, déclarèrent que les
enseignes saillantes étaient beaucoup plus avan-
tageuses. M. de la Reynie se soumit et rendit une
ordonnance qui débute ainsi : « La réduction
des enseignes à une même grandeur, hauteur et
avance sur les rues est à désirer pour la déco-
ration de la ville et pour empêcher l'abus de
plusieurs marchands et artisans qui attachent à
leurs maisons des enseignes d'une dépense et
1 Tonii- III, p. «25.
ENSEIGNES
:îo:
MODELE DES ENSEIGNES.
Les Marchands & les Arcifans doivent s'y conformer fuivanc
les Réglemens de Police.
d'une grandeur excessives, et qui, pour les mieux
exposer en vue, les avancent, à i'envy l'un de
l'autre, quelquefois jusques au-delà du ruisseau
et du milieu des rues, en telle sorte, qu'avec les
autres inconniiodilés que le public en reçoit, ce
désordre empêclie que plusieurs quartiers ne
soient assez éclairez pendant, les nuits d'Iiyver ».
Le lieutenant de police fixait en même tmnps la
dimension des enseignes, dont la penlure devait
être pour toutes d'un modèle uniforme, pré-
sentant seulement trois pieds de saillie sur la rue.
Un dessin, qui a été reproduit par le commis-
saire Delamarre ^, était joint à l'ordonnance.
Le serrurier du
roi, Nicolas de
Lobel, s'enga-
geait à exécu-
ter la penture
moyennant dix-
sept livres, et
à reprendre les
anciennes au
poids du fer,
à raison de
quinze deniers
la livre. Le ta-
bleau suspendu
à la penture ne
devait pas dé-
passer dix-huit
pouces ^ de
large sur deux
pieds ^ de haut,
et sa partie infé-
rieure s'élevait
à treize pieds
et demi * au-
dessus du pavé.
Le docteur Lister, qui visita Paris en 1698,
célèbre l'obéissance des commerçants établis dans
cette ville. Sur une seule injonction de la police
parlant au nom du roi, ils ont aussitôt, dit-il,
diminué les proportions de leurs enseignes, « en
sorte quelles n'obstruent plus les rues et font aussi
peu de figure que s'il n'y en avait point ^ ». Ou
je me trompe fort, ou Lister exagère un peu. Ce
qui est sûr, c'est que ces Parisiens si dociles
s'étaient seulement plies à une nécessité que leur
apparente soumission regardait bien comme
momentanée. Dès le milieu du siècle suivant, le
public recommençait à se plaindre de l'obscurité
qu'entretenaient les énormes enseignes qui se
balançaient au devant des boutiques. Elles avaient
repris leurs colossales dimensions : des bas, des
clefs, des paquets de chandelles, des pains de
sucre gros comme des tonneaux occupaient
parfois toute la largeur de la rue, et, les jours de
vent, se choquaient entre elles, grinçaient et
criaient sur leurs lourdes potences de fer.
La police intervint de nouveau. Le 25 mai
1 Traité de la police, t. IV, p. 337.
2 Environ 49 centim.
3 Environ 66 centim.
4 Environ 4 mètres 35 centim.
' Voyage à Paris, p. 30.
1761, une oi'donnance, rendue celte luis ù la
requête des Six-corps, fut notifiée aux commer-
çants. Leurs enseignes devaient être placées à
quinze pieds au moins de hauteur ; (Jii leur
accordait une saillie de trois pieds ' dans les
grandes rues ^ et de deux pieds et demi •' dans
les petites. L'enseigne entière, compris « la
potence de fer, l'écriture et les étalag(\s y
pendans », ne devait pas dépasser deux pieds de
largeur sur trois pieds * de hauteur •''.
Quelques bouti([uicrs se soumirent, miiis h; plus
grand nombre ayant négligé d'obéir, la police
prit, le 17 décembre suivant, une mesure plus
radicale. Celte
fois, toutes les
enseignes sail-
huiles étaient
condanmées à
disparaître ; on
autorisait ex -
clusivement les
enseignes ap -
pliquées contre
les murs des
niaixiiis (Ui les
d(!vantures des
lioutiques. Les
deux premiers
articles de l'or-
donnance
étaient ainsi
conçus :
Article 1".
Tous particu-
liers marchands
et artisans ou
autres généra-
lement quel -
conques de la ville et fauxbourgs de Paris, ayant
sur rue, cul-de-sac, lieux, places ou passages
publics, des enseignes en saillie suspendues au
bout d'une potence de fer ou autre matière seront
tenus, dans le cours du mois de janvier prochain,
de retirer les dites enseignes, sauf à eux à les faire
appliquer contre les murs et façades de leurs
maisons.
Article 2. Toutes enseignes ou tableaux
appliqués aux trumeaux, croisées ou autres parties
des murs de face sur la voie publique ne pourront
avoir plus de quatre pouces d'épaisseur ou de
saillie du nu du mur, y compris les bordures,
chapitaux, soubassemens, pilastres et tels autres
ornemens ou marques distinctives de commerce
ou de professions qui seroient joints auxdits
tableaux ou enseignes ^.
Cette sage mesure avait été prise à l'instigation
de M. de Sartine, alors lieutenant général de
1 Environ 1 mètre.
2 Celles qui avaient au moins seize pieds de largeu.'-.
3 Environ 0,80 centim.
4 Environ 0.65 sur 1 mètre.
3 Dans Desessarts, Dictionnaire de police, t. III, p. .524.
6 Ordoniuinee du bureau des finances de la généralité de
Paris, 1761, in-4°. — Voy. aussi Barbier, Chronique de
la Régence, t. VII, p. 416, et Desessarts, t. III, p. 520.
20
306
ENSEIGNES — ENTERREMENTS
police. Son successeur Lenoir en poursuivit sévè-
rement l'exécution, car Sébastien Mercier pouvait
écrire vers 1782 :
« Les enseignes sont maintenant appliquées
contre le mur des maisons et des boutiques, au
lieu qu'autrefois elles pendoient à de longues
potences de fer; de sorte que l'enseigne et la
potence, dans les grands vents, menaçoient
d'écraser les passans dans les rues.
Quand le vent souftloit, toutes ces enseignes,
devenues gémissantes, se heurtoient et se cho-
quoient entre elles, ce qui composoit un carillon
plaintif et discordant, vraiment incroyable pour
((ui ne l'a pas entendu. De plus, elles jotoient, la
imil, des ombres larges ([ui rendoiml nulle la
foible clarté des lanternes.
Les enseignes avoient, pour la plupart, un
volume colossal et en relief. Elles donnoient
l'image d'un peuple gigantesque aux yeux du
peuple le plus rabougri de l'Europe. On voyoit
une garde d'épée de six pieds de haut, une botte
grosse comme un muid, un éperon large comme
une roue de carrosse, un gant où on auroit logé un
enfant de trois ans dans chaque doigt, des têtes
monstrueuses, des bras armés de fleurets, qui
occiipoient toute la largeur de la rue.
La ville, qui n'est plus hérissée de ces appen-
dices grossiers, offre, pour ainsi dire, un visage
poli, net et rasé. On doit cette sage ordonnance
à M. Antoine-Raimond-Jean-Gualbert-Gabriel
deSartinequi, de lieutenant de police, est devenu
minisire delà marine' ».
Mais, de cette saffe ordonnance date aussi la
décadence de l'enseigne. Devenue moins visible,
elle perd de son importance, elle cesse d'être
l'accessoire obligée de la boutique. Au lieu de
fournir un nom à la rue, c'est souvent elle qui lui
••iiq)runte le sien ; puis elle se voit réduite au
n'jle d'affiche purement commerciale, où s'étalent
les outils ou les produits de chaque métier. L'ori-
ginalité est devenue rare. Plus de ces enseignes
([ui renversaient, « par une barbare, pernicieuse
et détcslable orthographe, toute sorte de sens et de
raison - ; >. plus de truie qui vole ou ({ui file, plus
df chat qui pêche, plus de puits ([ui parle, plus
• l'Ane qui joiir^ do la vielle ... C'est à peine si
l'on rfiiconlrc encore quelque jeu de mot tiré à
grand'prjiic du nom du miiiii'c ou de celui de la
ruf.
En août 17Î)2, un arrêté de la Comniinie
enjoijpnil aux comnn'n-ants de supprimer de leurs
••MM-i^rncs ., lotis emblèmes qui rappellcroient au
p'-uple h; IcMips d'esclavage sous lequel il a gémi
depuis trop Idiiglemps». Quant aux pro|)rietair.s.
iU él^iirnl l»'nus de faire disparaître, dans le délai
de quinze jtiurs, « de dessus les nmrs de leurs
maisons, les armes, fleurs de lys, statues, bustes,
enlin tout ce qui ne peut être considéré (jue comme
un hiinneur rendu a un individu : la liberté et
régnlilé étant désormais les seules idoles dio-iies
(les hommages du peuple fran«;ois -'' ». *
• TnbltoH lit Paris, t. I, p. 21.">
' Moli^p., f.rf fArheux. net.' III, se. 2.
•'' Dnns HoIiin>l , l.e mouremcnt relinieua:
ptHiUint la RéKUtion, l. II, p. 417.
Paris
Entailleurs d'imag-es. Voy. Sculp-
teurs.
Entailleurs de pierre. Voy. Tailleurs
de pierre.
Enterrements. L'esprit de confraternité
qui unissait tous les membres d'une corporation
ouvrière donnait aux enterrements des maîtres,
même les plus pauvres, quelque solennité. Dès
le treizième siècle, quand mourait un ouvrier
tabletier, chaque atelier désignait un de ses
membres pour accompagner le corps. Le Livre
des me'tiers s'exprime ainsi : « Nous disons que
se il muert 1 home ou famé du mestier, nous
voulons que il i ait de chacun ostel une persone
avec le cors, et quiconquessoit défaillant, il paie
demie livre de cire à la confrarie ^ ».
Chez les crieurs de vin, la communauté tout en-
tière, enrobe de confrérie, s'assemblait au domi-
cile du défunt. Les uns portaient le corps sur leurs
épaules, pendant que les autres l'entouraient,
ayant à la main leur sonnette qu'ils faisaient tinter
sans interruption. Deux crieurs, munis d'un pot
de vin et d'une belle coupe, marchaient près du
cercueil, versant à boire aux porteurs. Quand le
convoi arrivait à un carrefour, on posait le
cercueil sur des tréteaux, et l'on offrait du vin
à tous les assistants : « Et iront deux d'iceux
crieurs entour iceluy corps du crieur trespassé,
l'un tenant un pot de vin et l'autre un beau
hanap, pour présenter et donner à boire à tous
ceux qui porteront le corps. Et mettront reposer
ledit corps à chacun carrefour sur des tresteaux,
et en iceluy reposant présenteront à boire à ceux
qui là seront presens, aux despens de la con-
frérie ^ ».
L'article 23 des statuts accordés aux lapidaires
en 1584 est ainsi conçu : « Advenant le déceds
de l'un des maistres dudit mestier ou de leurs
femmes, tout le corps de la communauté dudit
mestier assistera au convoy. Et en iceluy seront
portés quatre torches de cire, chacune pesant
deux livres, et quatre cierges chacun d'une
livre, aux despens de toute la communauté
dudit mestier».
Chez les merciers, Ton plaçai! sur le cercueil
un poêle de velours violet brodé et semé de (leurs
de lis d'or, dont les cardons étaient tenus par les
jurés de la corporation. On les en dispensa en
1596, à cause de la peste qui décimait Paris.
Les obsèques étaient suivies d'un banquet, qui
avait ordinairement lieu aux environs de Paris ;
ou le supprima en 1674 ^.
Chez les libraires, le poêle servant aux
inhumai il ms l'ut d'abord de velours rouge.
En 1661, (ui le rempliiçîi par un poêle en velours
noir avec croix et franges d'argent. Renouvelé
en 1711, on ajouta aux quatre coins les armes de
la corporation.
V'^oy. Fompes funèbres.
< Titre LXVIII, art. 18-
2 Ordonnance de février 1415, art. 8 et 9-
•' N oy. Saint-Joanny, Jiegisfres des merciers de Paris,
p. 12.
ENTÊTE URS — ÉPLNETIEHS
307
Entêteurs. Ouvriers qui assujétissaieril la
tête des épingles sur le fil *.
Entre-deux, Dans les briqueteries, ouvTiers
qui servaient d'aides aux enfourneurs ^.
Entreg-eteurs. ^'oy. Bateliers.
Entremetteurs d'affaires. Voj.
Agents d'affaires.
Entremetteuses. Femmes ([ui faisaient
métier de faciliter, à prix d'arg'ent, les liaisons
illicites. Au dix-septième siècle, on les appelait
aussi dariolettes ^, nom que porte la confidente
d'Oriane, dans Amadis.
Entrepôt (Commissionnaires d'). « Ce sont
ceux qui reçoivent les marchandises dans leurs
magasins, et de là les envoient à leur destina-
tion * ».
EnvOÛteurs. Imposteurs qui prétendaient
faire ressentir à une personne déterminée le mal
fait une à statuette de cire exécutée par eux.
Robert d'Artois fut accusé en i;^33 d'avoir voulu
envoûter Philippe VI et sa famille.
Les emmasqueurs étaient des sorciers de la
même farine.
Eperonniers. La Taille de 1202 en cite
trois, celle de 1300 en mentionne cinq. Ils étaient
fondus déjà dans la corporation des fermiers.
Ceux-ci prirent plus tard le nom de lormiers-e'pe-
ronniers^ pour se distinguer des lormiers-selliers ;
puis, vers le commencement du dix-huitième
siècle, le mot lormier disparut, et celui d'éperon-
nier subsista seul pour désigner la communauté.
On trouve esjjeromers, esperonneurs, etc.
Voy. Ijormiers.
Épiciers. Jusqu'à la Déclaration du 25 avril
1777, l'histoire des épiciers se confond avec celle
des apothicaires. Elle est comprise ensuite dans
celle des corps de métiers dont l'ensemble repré-
sentait la corporation dite des e'piciers-grossiers-
drognistes-co nfiseurs-ciriers ^ .
Les épiciers étaient placés sous le patronage
de saint Nicolas.
Voy. Goureurs.
Epiciers d'enfer. Voy. Févriers.
Epileurs. C'est ordinairement aux étuves
qu'avait lieu l'épilation, coutume adoptée par
toutes les classes de la société. Le barbier, son
valet ou quelque vieille matrone se chargeaient
de l'opération vis-à-vis des deux sexes. Quand
François P"" mit à la mode les cheveux courts et
la barbe longue. Clément Marot peignit en vers
railleurs le désespoir des barbiers réduits au
métier d'épileurs ^ .
1 Encyclopédie méthodique, arts et méti(M-s, t. I, p. 460.
2 Encyclopédie méthodique, arts et métiers, t. I, p. 335.
3 Voy. Tallemant des Réaux, Historiette!!,\. IV, p. 346.
* Jaubert, Dictionnaire, t. I, p. 524.
^ Voy. tous ces mots.
6 Édit. de 1731, t. VI, p. 257.
Le tarlet à tout faire, La chaïiihrière à tout
faire. Le banquet des charahrières ^ donnent sur
cette coutimie des détails si intimes que je ne
puis les faire figurer ici.
Au chapitre des redevances curieuses. Sauvai
raconte que la comtesse d'Auge recevait chaque
année de ses vassaux un rasoir ^, dont l'usage
n'est d'ailleurs pas indiqué. Il est certain que,
dans le peuple et la bourgeoisie, la mode de
l'épilation disparut en même temps que l'habi-
lude d'aller aux étuves. Un passage des Facé-
tieuses paradoxes de Bruscanibille •', passage que
je ne veux pas reproduire, mi»nlre bien qu'au
seizième siècle la plupart des femmes y avaient
renoncé. Mais parmi les recherches delà coquet-
terie à cette époque, il faut mentionner la
coutume de s'épiler les sourcils, de manière à ne
conserver au-dessus des yeux qu'une ligne à peine
visible *.
Dans le grand monde, l'épilation resta en
honneur jusqu'à la lin du dix-huitième siècle. En
176(), quand le duc d'Orléans épousa madame de
Montesson, l'époux reçut la chemise le soir des
noces avec le cérémonial usité à la cour. Le
marquis de Valençay la présenta, et le prince,
se dépouillant de celle qu'il portait, offrit à
tous les assistants le spectacle d'une épilalion
complète, suivant les règles de la plus brillante
galanterie du temps. « Les princes et les grands,
ajoute Soulavie ^, ne consommaient des mariages
ou ne recevaient les premières faveurs d'ime
maîtresse qu'après cette opération préalable ».
Épinal (Images d'). Voy. Papiers peints
(Fabricants de).
Epinceleurs
Grillageurs.
et Épinceliers. Voy.
Épinceleuses. Voy. Épinceuces.
Épinceurs. Voy. Paveiirs.
Épinceuses. L'épinçage, époutillage ou
nopage des draps consistait à arracher, avec de
petites pinces de fer, les pailles et menues brin-
dilles qui restent dans le tissu après le foulage.
Cette opération était ordinairement faite par des
femmes que l'on trouve nommées e'botiqueuses,
énoueuses. e'pinceleiises , e'pincheleuses, e'pincheuses,
époutieuses, époutilleuses , nopeuses, etc. Elles
appartenaient à la corporation des foulons, dont
les maîtres se qualifiaient époutilleurs de draps.
Epincheleuses et Épincheuses. Voy.
Épinceuses.
Épinetiers. Fabricants et joueurs de
l'instrument appelé épinette. L'épinette, ancêtre
1 Anciennes poésies françaises, t. I, p. 84 et 103 :
t. II, p. 281.
2 Antiquités de Paris, t. II, p. 405.
3 Édit. de 1015, p. 24.
* ^oy. Description de l'isledes hermaphrodites, -p. 10, et
Gabriel de Minut, De la beauté, p. 145.
3 Mémoires du règne de Louis XVI, t. II, p. 90.
308
ÉPINETIERS - ÉPINGLES
du clavecin et du piano, différait surtout de ce
dernier en ce que le marteau qui y frappe les
cordes était représenté par la pointe d une plume
de corbeau, qui les pinçait. Rabelais a cite
répinetle K et il y eut, dès le seizième siècle, a
la cour des épinetiers en titre -. Je trouve même
sous Louis XIV, un porte-épinette ^.
Les épinetiers appartenaient à la corporation
des luthiers.
Éping-les (Fabricants d'). Ils prétendaient
descendre d'iïnoch, vénérable patriarche, né,
dit-on, 3.378 ans avant l'ère chrétienne. Comme
ils ne fournissent aucune preuve à l'appui de
cette assertion, il est permis d'élever quelques
doutes sur sa véracité. On l'a osé. Et, par un
juste retour des choses d'ici-bas, l'orgueilleuse
corporation a été fort maltraitée, jusqu'en ces
derniers temps, par les encyclopédies, les diction-
naires historiques, des origines, etc. J'y recueille
cette phrase, dont chacun d'eux s'efforce de
modifier un peu la forme : « L'usage des épingles
commi'nça en France vers le milieu du seizième
siècle: Catherine Howard, femme de Henri VIII,
les introduisit en Angleterre vers 1543 ».
\,'Encyclo])édie des gens du monde * envisage
même avec douleur le triste sort des femmes qui
vivaient avant le seizième siècle, et elle ajoute :
« Auparavant, les deux sexes se servaient de
cordons, de lacets, d'agrafes, de boutons, et les
pau^Tes (ne font-ils donc pas partie des deux
sexes ?) de brochettes de bois pour attacher leurs
vêtements ». Or, les Romains connaissaient très
liien les épingles, et l'on en a trouvé dans
j)lusieurs tombeaux mérovingiens ^ ; enfin, il
existait à Paris en 1292 dix ateliers à'espingtiiers,
et il y en avait vingt-cinq en 1300 ".
Dès 1268, les espingliers étaient régis par des
sUiluls fort sages ', qui furent revisés une
Irenlaine d'années après ". Les modifications qu'y
îippiirtèrent alors l'ensemble des maîtres et des
duvri^-rs, « l'acort du coumun du mestier »,
visi-nl siirloiit l'apprentissage. Sa durée est fixée
il six ans pour l'enfant sans argent. De plus, fait
t'xceplionnel, les apprentis, avant d'être admis
dans Talidier, devaient jurer solennellement sur
Ifs reliques des saints '-^ qu' « ils garderont à
loiisjours les convenances ^^ et ordenences du
ini'siirr, cl que, en quelque lieu ou justice^' que
ils se transporh-nml dedans lit vicomte de Paris,
iibéinml aux uifslres du mestier ». C'était là
di'uiandtT lieaucitiip à un enfant; mais ce serment
raiTsliliinil !«• pi'lil personnage membre de la
conununaute, el nous savons (pie son maîlre étiiit
dos lors tenu de le traiter ctuunie Irl.
* Livro 1, chnp. 23.
' Voy. A. Jnl, Dietioniinire eriliqitr. ji. r>38.
•T a lai Ht la France pour 17 îli, I. I, ji. ^24.
* Toi,).. IX. p. 042.
5 Vi.y. J. (^iiichcrnt, Histoire du fo.slumr, ji. 21 cl 80.
^ \i>y i.ji Tailles <lo rcs dmix iinnùe.s.
* l)nii.'* Il' Lirrt dex mf titra, t. I^X.
* Dnns D'^ppinp, Ordonnances, elc, p. 364.
' 0 Sur si-inz a.
" I.C.S rogl.-nx'nlK, li-s traditions.
H Ti.'rriloirc, juriiliclion.
La communauté ne produisait que les épingles
ordinaires. Les plus riches, formées de métaux
précieux, étaient l'œuvre des orfèvres.
Parmi les dépenses faites en 1559 pour le
mariage d'Elisabeth, fille de Henri II, je relève
celle-ci : « A Pierre Plancon, espinglier de la
Reyne, 58 livres, pour cent seize milliers
d'espingles grosses, moyennes et petites ^ ».
Ordinairement, les plus petites se vendaient au
poids ou au quarteron, quart d'une livre, et c'est
ainsi qu'on les criait dans Paris.
Les statuts des épingliers furent revisés
souvent, et en dernier lieu par Henri IV en 1602.
Aux termes de ceux-ci, chaque maître ne pouvait
avoir à la fois plus de deux apprentis, l'appren-
tissage durait quatre ans et le compagnonnage
un an. Le chef-d^ œuvre imposé aux candidats
à la maîtrise consistait à « faire un millier
d'épingles ».
Les épingliers avaient le droit de faire impri-
mer, sur le papier enveloppant leurs épingles,
ces mots Espingles de la Reyne.
Ils étaient autori.sés à fabriquer, outre des
épingles, « tous fers et affiquets servans aux
chapperons des femmes ^, crochets, brochettes à
tricquoter pour faire bas d'estame ^, agrafes,
châssis, volières, annelets, treillis * en lozanges
ou en carrez, cages de fil de laiton, etc. Ils y
ajoutèrent un peu plus tard des clous d'épingles,
des épaulettes pour militaires et des masques
pour l'escrime.
Quatre ans avant que Marinette vendit à Gros-
René son « demi-cenl d'épingles de Paris ^ »,
l'épinglier de la reine se nommait Jean Bourgeois
et demeurait rue Saint-Denis. Il fut mis à mort
par des juifs qui s'étaient crus insultés par lui,
et cet événement causa dans Paris une très vive
émotion ^.
La communauté des épingliers compta plus
de 200 maîtres qui occupaient au moins
600 ouvriers. Mais cette prospérité ne se soutini
pas, car en 1680, il n'y avait plus à Paris que
50 maîtres el 18 veuves de maître. Avant 1690,
il n'en restait plus un seul '. Des lettres patentes
d'octobre 1695 réunirent donc en une seule la
communauté des épingliers et celle des aiguil-
liers, chacune conservant d'ailleurs ses statuts.
Ils se disaient alors épingliers-aiguilliers-alé-
niers-faiseurs de poinçon ft., burins, etc.
La réputation des épingles d'Angleterre s'était
encore étendue, et, la mode s'en mêlant, on
vendit partout, sous le nom d'épingles anglaises,
des épingles fabriquées en Normandie. Elles
arrivaient à Paris enfermées dans des piirlefeuilles
de papier qu'ornaient le portrait de quelque
prince ou princesse, ou encore la représentation
' Duc de (luise, Mémoires, éd. Michiiud, p. 448.
- Éjiing'lc.s ;■> chapeau.
•'* .\iguillfs à tricoter.
*■ Grillages.
•"> /,? dépi/ intiuttreiix (1050), acte IV, se. 4.
•• \. Éd. l''iiurnier, Variétés, t. I, p. 179.
' Savary, t. I, p. 1884. — Est-ce pour cela que
dans l'édition du Dépit nmoiireux donnée en 1682, le
« demi-cenl d'épingles de Paris » est remplacé par un
deiai-ceut d'aiguilles?
EPINGLES — ÉQUIPEMENT MILITAIR1<:
309
de quelque événement récent. Savury, dans son
édition de 1723, donne, sur la fabrication et la
vente des épin'j^'les, des tiétails pleins d'intérêt '.
En 17G4, la corporation des éping'liers et des
aiguilliers l'ut encore augmentée des aif^-iiilletiers
et deschaînetiers. Le nombre des maîtres s'élevait
à 94 pour la ([uadruplc cnmmunauté des épin-
gliers-aigiiillierH-uiymlletiers-chaliietiers. L'édit
de 1770 lui réunit encore les cl;)utiers et les
ferrailleurs. La corporation des épingliers se
composa alors de six communautés, puisqu'on
lui avait réuni successivement :
\\n octobre 1695, les ai<j;-uilliers.
En août 1764, les aiguilletiers.
En — — les cliaînetiers.
En août 1776, les cloutiers.
En — — les ferrailleurs.
Chacun de ces métiers resta placé sous son
patronage particulier.
Les aiguilliers avaient choisi l'Assomption de
la Vierge.
Les épingliers avaient choisi la Nativité.
L'épinglier fut nommé d'abord bouton, tabou-
ret ou tabourin ^. Le mot pelote ne pai'aît guère
avoir été employé, avant le seizième siècle, dans
le sens qui nous occupe. Il désignait surtout
l'épinglier portatif, celui que l'on pouvait mettre
dans la poche ou suspendre à la chaîne d'un
demi-ceint.
Épingliers. Nom donné, dans la corpo-
ration des cloutiers, aux maîtres qui ne produi-
saient que les pièces les plus fines.
C'est aussi le nom que portaient les fabricants
d'épingles.
Épitaphes (Faiseurs d'). Titre qui appar-
tenait à la corporation des marbriers.
Éplaigrneurs. Vov. Laineurs.
Eplucheuses. Dans les cartonneries,
ouvrières qui visitaient et nettoyaient le carton
au sortir de la presse ^.
Voy. Arracheuses.
Épong'es (Commerce des). Les plus esti-
mées venaient de Constantinople, les plus com-
munes de Tunis et d'Alger par Marseille.
Elles étaient vendues par les épiciers-dro-
guistes.
Époulardeurs. Dans les manufactures de
tabac, ouvriers chargés de l'époulardage. Cette
opération consistait à ouvrir les feuilles, et à les
frotter, de manière à en enlever le sable et la
poussière.
Époutieuses. Voy. Spinceuses.
1 Tome I, p. 1.881.
2 Voy. bugitlux et taborfllas dans le ijldssaii'i' île
Ducange, t)ù le vrai sens de ces mots paraît avoir ele
méconnu.
3 Encyclopédie méthodique, art.s et met ici s, 1. I,
p. 485.
Epoutilleurs de draps. Titre que pre-
nait la conumiiiautr' des foulons.
Epouti lieuses. Voy. Spinceuses.
Equarrisseurs. La Taille de 1292 cite 13
et celle de 1300 21 escorcheeurs. Rabelais fait
Lancelol du Lac ■< escourcheur de chevaulx
mortz * ». Le mot équurrisseur ne figure pas
encore dans l'édition (lu Dictionnaire de Trévoux
donnée en 1771 ; h- Dirlionnaire des arts et
métiers de Jauberl, en 1773, ne le mentionne pas
non plus.
Les écorcheurs faisaient à Paris le commerce
de l'huile de cheval, dont les émailleurs se
servaient pour entretenir le feu de leur lampe ^.
Equilibristes. Ils appartenaient à la
grande famille des acrobates. Parmi les artistes
qui se distinguèrent dans l'art de l'équilibre,
je citerai seulement les noms suivants :
Une femme dite la Hongroise, installée à la
foire Saint-Germain en 1775, sonnait une
fanfare dans un cor de chasse qu'elle mainlenait
en équilibre sur sa bouche.
Vers le môme temps, un sieur Joseph Bruiin
attirait tout Paris au théâtre des Grands-Dan-
seurs du roi. Voici quelques-uns des exercices
qui lui faisaient le plus d'honneur ; je les prends
dans Y Ahiianach forain de 1776 :
« Il tient en équilibre un tambour au bout
d'un clou, bat cette caisse de la main gauche,
tandis que, de la droite, il bat un air sur une
autre caisse qu'il a devant lui, attachée autour
de ses reins.
Il fait l'équilibre d'une épée posée par la
pointe aux bords d'un verre.
Il tient sur son front un cercle entouré de
verres remplis de vin.
Il tient trois fourchettes, une dans chaque
main, l'autre dans sa bouche, et jetant en l'air
trois pommes, il les attrape sur la pointe de ces
fourchettes.
Etant sur le Hl de fer, il se met à genoux dans
un grand cercle, et lient en même temps six
pipes en équilibre, arrangées en losange les
unes dans les aulrps et dont deux portent des
bougies dans leur foyer ».
Gertrude Boon, dite la belle tourneuse^ se
piquait deux longues épées dans le coin des
yeux, et les soutenait de ses mains en tournant
sur elle-même avec une extrême rapidité.
Voy. Bataleurs.
Equipement militaire. Voy. Arba-
létriers. — Arêtiers. — Armoyeurs.
— Armuriers. — Arquebusiers. — Ar-
tificiers. — Artilliers. — Bougeniers.
— Brigandiniers. — Ceinturiers. —
Centralisation des métiers. — Char-
pentiers d'artillerie. — Couleuvri-
niers. — Damasquineurs. — Drapeaux
1 Pdiitayriicl. liv. II, eh. 30.
2 Savarv. Dicliuiainirc. I. II.
1.847.
:no
équipkmi<:nt militaire - esprit de vin
(Commerce des). — Ecrevéiciers. —
Écuciers. — Éparonniers. — Fondeurs
d3 canons. — Fourbisseurs. — Four-
reliers. — Qantelets. — Harnache-
ment. — Haubargiers. — Heaumiers.
- Lanciers. — Mailliers. — Fiquiers.
r>loumiers. — SelUers. — Tailleurs de
pierre. — Trumeliers, etc.
Équipeurs. Voj. Garde-bateaux.
Équitation (Maîtres v). Vers la fin du
rèfiit' de Louis XV, on s'enj^oua en France de
la iaruu dont les Anglais montaient à cheval. Le
duc d'Orléans se mit à la tête du mouvement, et
bientôt Tari français de Téquitation fut exclu
des uianèges, où l'on n'admit plus que des
maîtres anglais. « Dans les promenades pu-
bliques, sur les boulevards, au bois de Boulogne,
on ne vit plus que des cavaliers qui, d'après les
nouveaux principes, obéissaient à tous les
mouvements de leur cheval ^ ». Les maîtres
français durent alors ou abandonner leurs
manèires ou se conformer à la nouvelle mode.
Voj. Aeadémistes el Écuyers.
Erbiers. Voj. Herboristes.
Escacheurs. Voy. Écacheurs.
Escailleors. Escailleteurs. Escail-
leurs. \ oy. Couvreurs-
Escamoteurs
teurs.
Voj . Prestidigita -
Escarcelles (Faiseurs d'). Tiliv qui appar-
tenait à la corporation des boursiers.
L'escarcelle ou escharcelle tirait son nom du
vieux mol français escàars qui signifiait avare
ou au moins économe. La bourse était surtout
alfecttée ù la dépense, l'escarcelle plutôt à la
recette ; les pèlerins, qui recevaient plus qu'ils
ne donnaient, ne se mettaient jamais en roule
sans escarcelle.
Eschaudeeurs. Escliaudeurs . Es-
chaudisseurs . Voy. Échaudés Fai-
seurs d' .
Eschopiers. Marcimnds en échoppe 2.
Escorcheeurs. Voy. Équarrisseurs.
Escrainiers. Voy. Écriniers.
Escrainniers. \n\. Écranniers.
\ ny. Armes l'Mai-
Escremisseeurs
tros d' .
E.s(-reniers. Escrig-niers.
niers.
ov. Ecri-
Escreveiciers. \
Escrimeurs. \«y.
<\. Écraveiciers.
Ai'mes Maîtres d'
1 Vu puilijHf tl pritft tirs français, t. II, p. 253.
\ny. Durnng<<, filo.sunriHm. nu mol esrhopnriiis.
Escroiers. La Taille de 1313 mentionne
deux escroiers. mot que je ne rencontre nulle
part ailleurs. Peut-être désigne-t-il des chiffon-
niers, escroie signifiant, en vieux français,
morceau, lambeau, déchirure, etc.
Escuciers. Voy. Écuciers.
Escueilliers . Escueliers . Escuil -
liers. Esculiers. Voy. Écuelliers.
Esgards. Voy. Égards.
Esg-ueulletiers. Voy. Aiguilletiers.
Eslag"ueurs. Voy. Élagueurs.
Esm.ineurs. Voy. Mesureurs.
Esm.Ouleeurs. Voy. Rénaouleurs.
Espadacins. Espadassins. Voy. Ar-
mes Maîtres d':.
Espadeurs. On nommait ainsi, dans les
corderies, ceux qui espadaient la filasse. Cette
opération consiste à « mettre la filasse sur
l'entaille du clievalet, après qu'elle a été broyée,
et à la battre avec une espade, qui est une espèce
de palette de deux pieds de longueur * ».
Espaliers de l'Opéra. « On appelle ainsi
les divinités des chœurs, tant dans le chant que
dans la danse. Tel amateur à une connoissance
exacte du climat, du pays, du tempérament
général et part icudier des fruits qui composent ces
espaliers ^ ».
Espalmeurs. Ceux qui étendent sur la
pieire ou sur le bois un vernis mastic qu'on
nomme espalme. Un sieur Maille obtint, en mai
1727, un privilège exclusif pour la vente de ce
vernis ^ .
Espan. Ancienne mesure de longueur qui
désignait l'espace compris entre l'extrémité du
pouce et celle du petit doigt, la main étant bien
étendue. Les statuts du 19 juillet 1353 inter-
disent aux savetonniers de confectionner des
rhaussures dépassant <.< un espan de pié el un
espan de haull * ». Les cordonniers seuls
pouvaient en confectionner de plus grandes.
^ (IV. Pauméa.
Esperoniers.
Éparonniers.
Esperonneurs. Voy.
Espilleurs. Voy. Tailleurs de pierre.
Espincheurs. Voy. Paveurs.
Esping-leurs, Voy. Épingles.
Espinguiers. Nom sous lequel la Taille de
l'J'J'-J désigne les fabricants d'épingles.
Esprit de vin. Voy. Eau-de-vie.
' Abl)é .lauberl, Dictionnaire, t. II, p. 142.
- S. Morcici-, Tdbleriu de Paris, l. X, p. 51.
3 .laubcrt. Dictionnaire, t. II, p. 142.
i Ordonn. royales, t. XVI, p. 659.
ESQUAC HEURS — ESTAMINETS
311
Esqfuacheurs. Voj. Ëcacheurs.
Esqueliers. Nom que le Livre dea métiers
donne aux écuelliers.
Essaveurs. \ o) . Tanneurs.
Essayeurs de beurres et fromages.
Yoy. Contrôleurs.
Essayeurs de bières. \oy. visiteurs.
Essayeurs d'huiles. Voj. Contrô-
leurs.
Essayeurs des monnaies. « Officiers
qui font Tessai des monnaies, qui recherclienl si
les matières employées sont au litre convenu ».
Chaque hôtel des monnaies a un essayeur parti-
culier, et tous dépendent d'un essayeur jii'énéral
qui fait sa résidence à Paris ^ .
Essayeurs de pourceaux. Langue-
yeurs ^.
Essayeurs -contrôleurs - marqueurs
des ouvrages d'étain. Offices créés, au
nombre de huit, par édit de mai 1691. « L'estain
fin sera marqué d'une double F couronnée,
entourée du nom de la ville où ladite marque
aura été apposée, et de l'année de l'apposition
d'icelle... L'estain commun sera marqué d'un C
couronné, entouré comme il est dit cy-dessus ^ ».
Essayeurs généraux des monnaies.
Office qui paraît remonter au quatorzième siècle.
Le titulaire avait autorité sur les essayeurs parti-
culiers de chaque hôtel, des Monnaies. Une
ordonnance de 1543 s'exprime ainsi : « L'es-
sayeur g'énéral ou l'essayeur particulier doit avoir
ses balances bonnes et lég'ères, loyaux et justes,
qui ne jaug-ent d'un côté ne d'autre. Quand on
pèse les essais, il doit être en lieu oij il n'y ait
vent ni froidure, et g'arder que son haleine ne
charge la balance... * ».
Essayeurs - visiteurs - contrôleurs
d'eau-de-vie et d'esprit de vin. Cinquante
offices jurés créés en mars 1692 et augmentés de
trente en février 1703. Ces offices furent rachetés
par les jaugeurs en janvier 1706.
Establiers. Ceux qui ont soin de l'étable,
de l'écurie.
Estacenels. Voy. Estaceneux.
Estaceneurs. Ceux qui font commerce de
graisse de porc, de suif, de toutes matières grasses.
Estaceneux, changeurs, banquiers. Du-
cange écrit estacenex ^ et Godefroy estacenels.
Estacenex. Voy. Estaceneux.
1 Voy. J. Buizard, Traité des monnoye.s, t. II, p. 303
et suiv.
2 Voy. Ducanwe, Glossarium, au mot essaium.
3 Articles 4 et 5.
'* Abot de Bazinghen, Tvnitë des inonnuies. t. I, p. 450.
^ Au mot estaco.
Estacheeurs. La Taille de 1292 et celle
de i.'iuo citent chacune deux estacheeurs. Géraud
croit qu'il faut y reconnaître des atachiers.
Estafettes. Courriers qui portaient les
dépêches (["une poste à une autre. On en trouvera
l'origine dans les Me'moires du duc de Luynes. Il
écrivait à la date du 12 mars 1737 : «J'ai appris
aujourd'liui ce que c'est que l'on appelle staffette
en Alh-magne, c'est un usage pour que les paquets
soient rendus plus promptement... "• ».
Estaimiers. Yoy. Êtain et Étameurs.
Estaingniers et Estainiers. Voy. Éta-
meurs.
Estaminets. Ils se sont d'abord appelés des
tabacs. « Tabac est un lieu de débauche où l'on
va prendre le tabac en fumée », écrit Furetière
dans la première édition de son Dictionnaire
publié en 1701 ; et il reproduit textuellement
cette phrase dans l'édition de 1727.
Le mot estaminet semble d'oriy-ine étrany^ère.
Aucun dictionnaire connu de moi ne le mentionne
avant 1742. Je l'ai rencontré pour la première
fois dans les Mémoires du graveur J.-G. \Ville,
qui écrivait vers 1740 : « Les artistes, dit-il, se
rassembloient ordinairement Au Panier fleuri.,
rue de la Huchette, chez un marchand de vin
célèbre, pour y souper dans une chambre qui
leurétoit constamment réservée, etqu'onnommoit
l'estaminette ^ ». Encore Wille ne dit-il point que
l'on fumât dans cette pièce.
L'Académie admit le mot estaminet dans son
édition de 1742, et elle le définit ainsi : « Assem-
blée de buveurs et fumeurs. Le lieu où elle se
tient porte aussi le même nom. Cet usage, qui
vient des Pays-Bas, s'est établi à Paris sous le
nom de tabagie ^ ».
Un supplément, annexé au Dictionnaire de
Trévoux en 1752, est déjà un peu plus complet :
« Estaminet. L's se prononce. Espèce de caba-
ret à bière, où l'on va boire et fumer à tant par
tête. On boit et fume à discrétion dans les esta-
minets. En Flandres, les plus gros marchands
vont à l'estaminet -, ils s'assemblent là pour parler
de leur négoce et de leurs affaires. On appelle
autrement ces sortes de lieux tabagies * ».
Cet article prit place dans la réédition du
Dictionnaire de Trévoux donnée en 1771 ^.
Quant au Dictionnaire de V Académie, il repro-
duit textuellement la définition de 1742 dans
ses éditions de 1762, de 1778 et de 1814. Celle
de 183.5 inaugure une définition nouvelle, qui
reparaît sans changement dans la dernière édition
(1878) -, « Lieu public où s'assemblent des buveurs
et des fumeurs, et qu'on nomme aussi tabagie :
aller a T estaminet, fréquenter les estaminets " ».
1 Tome I, p. 20.5.
2 Mémoires de J.-(l. \V!tle. I. I, y. 7(k
•i Quatrième édition, I. I, ji. IfifjO.
i Pag-e 1.029.
■T Tome III, p. 869.
fi Édition de 183.5, t. I, p. 082; édition de 1878, t. I,
. 074.
:n2
ESTAMINETS — ÉTAIN
Littré reconnaît honnêtement qu'il ig-nore
l'étymologie de ce mot. \: Encyclo]^é(he des gens
du monde, mauvaise compilation publiée de 1833
à 1844 ^ avait été moins modeste, et hu avait
consacré un article ridicule 2.
Les propriétaires d'estaminets appartenaient à
la corporation des limonadiers.
Vny. Cafés «l Tabac.
Estampes (Marchands d'j. Berthod, dans
suM l'aris ùarlcsque (1052), nous a conservé une
lon^Nie description de la boutique du sieur
Guerineau, vendeur d'images alors fort en
vog'ue •*.
jjils aussi marchands imagers, les débitants
d'estampes habitaient presque tous la rue Saint-
Jaocpies. Blég-nv cite parmi eux Fr. Jollain, chez
qui Ton Imuvait les Portraits de la Cour gravés *
par Pierre Simon ; Pierre Landry, qui vendait
des « estampes de dévotion de sept pieds de
haut •"• >^ ; François et Nicolas Lan<^lois, Michallet
et Mariette, éditeurs de dessins d'architecture et
aussi de vues de Paris ''.
Ces commerçants appartenaient à la commu-
nauté des merciers. Vers la tin du dix-huitième
siècle, les plus achalandés étaient les sieurs
Cheveau et Daumont, le premier demeurait rue
Saint-Jacques, le second rue Saint-Martin ".
Une des Contemporaines de Rétif de la Bretonne
nous introduit dans le magasin du sieur Dodet,
irnager. « On y voyait, dit-il, des petits maîtres,
des savans, des abbés, des libraires, des auteurs,
des iifficiers (car on y vendait aussi des cartes de
géographie) et jusqu'à des coiffeurs, qui venaient
faire emplette des costumes les plus nouveaux
pour la frisure et les modes. Il était naturel que
les peintres ou dessinateurs, les graveurs célèbres
et les médiocres fréquentassent cette boutique.
Aussi les y voyait-on par douzaine ^ ». Une autre
nouvelle du même auteur ^ a pour litre La belle
esta'mjncre, et celle-ci est la tille d'un « imager
de 1)1 rue Saint-Jacques ».
Depuis longtemps, les marchands d'estampes
en plein vent avaient envahi les larges trottoirs
de riiôlel des Monnaies *", ainsi que les deux
passages ouverts sous les pavillons de l'Institut.
Ouand les passages furent supprimés, vers 1860,
celle exposition quotidienne avait Uni par consti-
liKT une des curiosités du quartier. D'illustres
nijiilres ne dédaignaient pas d'exjdorer les
nirloiiv aux lianes relxmdis, et Karl (Jirardel a
nublie le portrait et raconté la vie du brave père
Miitliurin, le doyen de ces humbles locataires de
rKtal •«.
' Vingt-dciu voliinii'.H in-8".
' Tonic X (publié .-n iNaH', p. 71.
' l'Mit. •!•• 1850. Y i:»-'-
* .\ IVnu- forte.
^ If t\rrt tommoiir piiitr /Il 9"/. t. Il, p. ir,"».
^ /<• tirrr rnmmoiif piinr lOV^, I. | i|. \^\\
' .\'m.:.,.>ch Itnuphiu pour 1777.
H N.tn.ll.I.Xni.
9 N.-uv.-IIpCLX.
'" Prufilioinnie, Miroir lir Paria, t. IV, |.. MS.
" \. V, ffiftoirr itr In biblinthrqiie .Vnmrine é<lil d,
1001, p. 274.
Estauppineurs. Voy. Taupiers.
Estaymiers. Potiers d'étain ^.
Esteufs, pelotes et balles (Faiseurs d').
Titre qui appartenait à la corporation des Pau-
miers. On écrit encore esteuviers, e'teuffiers, etc.,
etc.
Esteufviers. Nom que les statuts de
novembre 1508 donnent aux paumiers.
Esteuviers. Estœuviers. Voy. Pau-
miers.
Estofferesses. Marchandes d'étoffes. Ce
mot paraît avoir été employé surtout dans le
commerce de la soie, etavoir plus particulièrement
désigné des boursières ^.
Estoffeurs. Ouvriers chargés d'habiller les
figures d'église, de nettoyer les images, les
tableaux, etc. J'emprunte cette définition au
Dictionnaire de Godefroy 3, mais les exemples
qu'il y ajoute ne semblent guère la justifier. Ce
mot ne figure ni dans le Dictionnaire de La Curne
de Sainte-Palaye '*, ni dans le Dictionnaire de
Trévoux.
Estoupiers. Marchands d'étoupes. Cette
profession m'est fournie par la Taille de 1292 ^.
Estrain iCouvreurs d'j. Voy. Faille
(Marchands de).
Estuis (Ouvriers d'). Voy. G-ainiers.
Estuveurs et Estuviers. Voy. Étu-
vistes.
Etaimiers. Voy. Étameurs.
Etain (Travail de l'). L'étain est souvent
nommé, au moyen àgepea'Utre,peaultre,piautre'',
et l'on trouve désignés sous le nom de peautriers,
piautriers, peaultriers, estaimiers et étainiers,
les ouvriers qui le travaillaient.
Oiuind l'étain avait conservé, après la fonte,
toutes les qualités qu'il possédait en lingot,
il était (lit «de bon aloiement » ; c'est ainsi
(ju'oii le qualifie dans le Livre des métiers '.
.\u treizième siècle, trois corporations dis-
tinctes se partageaient les ouvrages d'étain :
1" Les fondeurs d'étain, qui confectionnaient
de menus objets, agrafes, miroirs, fermaux,
grelots, méreaux, etc.
2" Les batteurs d'étain, qui réduisaient le
métal en feuilles très minces.
3° Les potiers d'étain, qui fabriquaient avec
ce métal toute espèce de vaisselle, bassins,
aiguières, etc.
1 ^'uy. Ducange, Glossarium, au mut es/ût/ziiii
* ^ oy. Ducango, Glossaire au mol estu/fa .
^ Dictionnaire de l'ancienne lanque françnise,
p. GI7. y / s
* Dirlionn. historique de l'ancien langaqe françois.
» liôles de la Taille de 1292, ]). .508.
^ ICii lai in nesirum i>t peiitrum.
7 Tiliv Xll.
t. m,
ÉTAIN — ÉTALONNEURS DES MESURES
313
Ces trois corporations se fondirent plus tard
en une seule, celle des potiers d'étain, qui avait
pour patron saint Fiacre.
La Taille de 1300 cite (S peautriers, et je relève
dans celle de 1313 celte mention : « Jehan Petit,
leiseur d'escuelles de piautre ^ ». Ils étaient 13
en 1305 et 22 peu de temps après ^.
Etainiers. Qualification que prennent les
clouliers dans leurs statuts de 1676, qui les
autorisent à étamer les objets de leur fabrication.
Ce mot a désig-né aussi les ouvriers qui travail-
laient l'étain.
Étalagées. On a vu, au mot boutiques,
comment les marchands de Paris comprenaient
jadis l'étalag'e. Il avait déjà pris, au quatorzième
siècle, assez d'importance pour que la police dût
intervenir et défendre toute saillie sur la rue.
Les règlements regardaient comme faisant partie
de l'étalage les « auvents, enseignes, bancs,
comptoirs, tables, selles, pilles, taudis, escotî'rets,
chevalets, escabelles, tronches et autres choses
qui peuvent rétrécir le passage des rues ^ ».
Une ordonnance du prévôt de Paris, en date du
25 novembre 1396, nous apprend que les bou-
tiquiers les plus envahissants étaient les cordon-
niers, les chapeliers, les pelletiers, les chausse-
tiers, les fourbisseurs, les lormiers, les fripiers et
les rôtisseurs. Défense fut faite de tolérer aucun
étalage sur la voie publique, et comme les
marchands ne se pressaient pas d'obéir, les
commissaires de police parcoururent le 3 juillet
1533, tous les quartiers, faisant retirer les éta-
lages en leur présence, et menaçant de la prison
les débitants trop lents à s'exécuter. Il n'en fallut
pas moins réitérer l'interdiction vingt ans après.
Le 16 juin 1554, un arrêt du Parlement renouvela
« les prohibitions cj-devant faites contre les
artisans qui mettent ordinairement et avancent
sur rue hors leurs ouvroirs et boutiques, leurs
selles, pilles et autres avances et entreprises qui
empeschent et incommodent grandement les rues
et passages par icelles, dont arrivent de jour en
autre plusieurs inconvéniens * ». Le règlement
de police du 22 septembre 1660 défendit « tous
estalages excédans huit pouces après le gros mur
es plus grandes rues ».
On dut lutter aussi contre les proportions exa-
gérées données aux serpillières, toiles ou bannes
que les commerçants tendaient devant leurs
magasins, afin de les préserver du soleil et de la
poussière, et qui avaient aussi l'avantage de les
rendre tellement sombres qu'on ne pouvait plus
distinguer la qualité des objets qu'elles renfer-
maient. Les drapiers surtout se montrèrent intrai-
tables sur ce point. Un règlement du 6 octobre
1391 déclare que plusieurs « habitans s'étoient
rendus plaintifs par devers le prévost de Paris sur
ce que ils disoient que souventefois ils avoient esté
deceuz par les drapiers, en acheptant leurs draps,
t Page 149.
2 G. Fagniez, Éludes sur l'industrie, p. 17.
3 Dolamarre, Traité de la police, t. IV, p. 329.
4 Isambert, Anciennes lois françaises, t. XIII, p. 387.
par les. grands umbres et veues obscures qui
estoiententour etaudevantdes ouvrouers d'iceux
drapiers, par le moyen des lucarnes et grans
serpillières, noues et autres, que iceulx drapiers
meltoient au devant de leurs dits ouvrouers ».
Le prévôt reconnut que l'acheteur ne pouvait
« avoir vraye congnoissance des draps qu'il
achectoit, ne savoir se ilz estoient bons ou
mauvais, gros ou délié filez, ne de vrayes
couleurs », et il détermina la dimension des
serpillières autorisées, ([ui devaient être placées
assez haut pour qu'il fut facile de « passer
dessoulz tant à pié comme à cheval ^ ». Sur ce
point, les règlements de police varièrent sans
cesse. En 1486, en 1554, on ordonna la suppres-
sion absolue de toutes bannes ; en 1639, on
les autorisa sous certaines conditions; en 1666
et en 1683, on les interdit de nouveau.
On avait aussi obtenu des marchands qu'ils
réduisissent leurs étalages à des proportions
raisonnables, car Savary vers 1720 décrit ainsi
celui d'importants commerçants : « Les merciers
et les épiciers ont des montres de leurs merceries
et drogueries pendues à leurs auvents. Les
orfèvres et jouailliers ont de certaines boëtes sur
leurs boutiques, qu'ils nomment leur montre,
dans lesquelles il y a des bijoux et des ouvrages
de leur profession. La montre des boulangers
est une grille composée de partie de gros fer et
partie de treillis de fil d'archal, qui occupe toute
l'ouverture de leur boutique sur la rue. Au dedans
de celte grille sont divers étages de planches sur
lesquelles se mettent les différentes sortes de
pain ^ ».
Voy. Boutiques.
Étaleurs. Voy. Bouquinistes.
Étaliers , « Garçons bouchers , ainsi
nommés à cause de la viande qu'ils étalent dans
leurs boucheries pour la vendre à la main ».
D'autres débitants du même genre, les garçons
poissonniers, entre autres, ont aussi porté ce
nom ^ .
ÉtalonneTirs et visiteurs des me-
sures. Titre qui appartenait aux mesureurs de
sel. Aux termes de la grande ordonnance de
février 1415 *, ils devaient « adjuster sur les esta-
Ions de cuyvre qui sont à l'Hostel de ville », et
poinçonner après examen les mesures destinées
au commerce du sel, et à celui des grains :
minots, boisseaux, picotins, etc. Ils faisaient
chaque année une visite chez les marchands qui
se servaient de ces mesures, s'assuraient qu'elles
étaient en bon état, et signalaient au besoin les
contraventions. Toute fraude non révélée les
exposaient à une amende de soixante sous.
L'ordonnance de décembre 1672 statue que
l'armoire de l'hôtel de ville renfermant les
étalons des mesures employées par les marchands
de sel sera fermée à deux clefs, dont l'une restera
1 Dolamarre, t. IV, p. 335.
- Dictionnaire du commerce, t.
3 Jaubert, Dictionnaire, t. II,
i Chapitre XVIII.
p. 781.
152.
MA
ÉTALONNEURS DES MESURES - ÉTUVISTES
entre les mains du plus ancien des mesureurs de
sel, l'autre entre les mains du dernier nomme .
Étameurs. Titre qui appartenait à la corpo-
ration des cloutiers. Mais bien d'autres industriels
avaient le droit d'étamer leurs produits.
On nommait plus particulièrement maiffnens
les chaudronniers ambulants qui faisaient de
rétamage leur spécialité.
Les mots estaimiers, estainiers, estaingmers,
etc. désignent à la fois les potiers d'étain et les
étameurs.
Étaminiers. Fabricants d'élamine. C'était
un»' ftiilT.- (!•■ laine ou de soie, très légère et non
croisée. Elle était connue dès le onzième siècle 2,
et l'on sait qu'au quatorzième on s'en servait
pour passer des liqueurs, pour essuyer les vases
à boire, et aussi pour faire des chemises ^. On
l'iMiiplova beaucoup plus tarda confectionner les
robes des avocats, les voiles des religieuses et
des vêtements de deuil. Il s'en fabriquait dans
toute la France *.
Étape. La place des halles destinée au com-
merce des vins s'appelait l'étape. En 1413
l'étape fut transférée des halles à la Grève.
Louis XIV en fit établir une autre à la porte
.Saint-Bernard.
Vi'iidre à V étape ou à /'^.ytejBjDe signifiait vendre
au marché, par opposition à la vente en bateau
avant le déchargement. « Aucun vendeur, dit
V ordonnance de M 15, ne commencera vente à
l'eslape jusques à ce que Prime ^ soit sonnée à
Nostre-Dame ; et aussi ne vendra à ladite estape
qu'une charretée ou chariolée de vin à une fois,
et n'entreprendra autre jusques à ce qu'il ayt
délivré la pn-mièro *> ».
Éteif^noirs. \>>\. Chandeliers.
Etêteurs. \'<>\ . Caqueurs el Éla -
guevirs.
Éteuffiers. Voy . Esteufs (Faiseurs d').
Etoupières. Femmes qui transformaient en
éluiipi'sdi" vifux cordages provenant <les navires.
Etrennes (Dimanchk après les). C'est le
iliMuincht.' (pii suivait le I*"" janvier. La confrérie
des drapiers se réunissait « le dimanche après les
eslrnines ' ».
Etronniors. Voy. Jouets (Fabricants
de).
Etroigncurs. V-.y. Élaguevirs.
Etronçoniieurs. >.' 1<; tronçonner un arbre,
dit La (Juintinyo, c'est lui couper entièrement
• Cliapitif XXV, art. 7
' (^iiH'lii'rnl. llisloirr Hh fosliime. y. 151.
^ l)<>ili'l-irArr<j,7;o»/l/(/M ,1e Inrgenltrie. ]), :t7r>.
* Sflvnfv. DirlioHHiiirf {fit commrrrr, t. I, p. I.9
5 PriiiK' .so .sonnait alors le nmlin à .six hcun-s
6 Chap. V, art. 21
" OrHoHM. royaln. I. \\\ , j,. 531.
la tête, en sorte qu'il ne soit plus que comme un
tronçon ^ ».
Voy. Élague ur s.
Étronneurs. Voy. Élagueurs,
Étuis à chapeaux (Faiseurs d'). Titre
que prenait la corporation des cartonniers.
Étuveurs. Voy. Étuvistes.
Etuvistes. Les croisés avaient rapporté
d'Orient le goût des bains, et de bonne heure
les étuves s'étaient multipliées à Paris. La Taille
de 1202 mentionne déjà vingt-six étuves, répar-
ties à peu près dans tous les quartiers.
Chaque matin, au point du jour, les valets
étuveurs parcouraient les rues, annonçant que les
bains étaient prêts :
Oiez c'on crie au pi)int du jor 2 :
Seignor, quar vou.s alez baingnier
Et estuver sanz delaier 3,
Li haing sont chaut, c'est sanz mentir.
Les statuts des étuveurs sont compris dans le
Livre des métiers *, jiiais ils y ont été insérés
après la mort d'Etienne Boileau, car l'écriture
date du quatorzième siècle seulement. Ils offrent,
d'ailleurs, un grand intérêt comme peinture des
mœurs de l'époque.
Le métier était franc, ce qui signifie que
chacun pouvait s'établir étuveur sans payer
aucune redevance. On se bornait à exiger l'enga-
gement de respecter les statuts rédigés en com-
mun par les membres de la corporation.
Nul ne devait annoncer l'ouverture des étuves
avant le point du jour, « pour les perilz qui
pevent avenir en ceux qui se lievent audit cri
pour aler aus estuves ». Ces périls prouvent le
peu de sûreté que présentaient les rues pendant
l'obscurité.
Il était défendu de recevoir dans les étuves
des femmes d'une conduite suspecte, des lépreux
ou des lépreuses, des vagabonds, des gens mal
famés, coureurs de nuit : « Que nulz dudit
mestier ne soustiengne en leurs mesons ou
estuves bordiaus de jour ne de nuit, mesiaus ne
meseles, rêveurs, ne autres genz diffamez de
nuit ».
Le prix de l'étuvage était fixé à deux deniers
(un franc peut-être de notre monnaie), celui du
bain à quatre deniers. Cette distinction montre
bien que, parmi les personnes qui fréquentaient
les étuves, les unes se bornaient à prendre un bain
de vapeur, tandis que d'autres y faisaient suc-
céder un bain d'eau chaude ; c'est encore ce qui
se prati(pie dans les bains publics de l'Orient. Au
siècle suivant, les prix étaient presque doublés :
l'étuvage coûtait quatre deniers, l'étuvage el le
bain réunis huit deniers. Le peignoir était fourni
moyennant un denier.
L'habitude des étuves était si générale que
l'Etat prenait de grandes précautions pour en
1 I/ixfrun/io/i pour les jardins,
2 Jour.
3 Sans différer.
4 Titre LXXIII.
I, p. 94.
ETUVISTES
315
prévenir la fermeture. Ainsi, quand un hiver
rifjoureux faisait hausser le prix du huis et du
charhon, le prévôt de Paris admettait les récla-
mations des étuveurs, et augmentait le prix
d'entrée proporlionn<dlemen( à celui qu'avait
atteint le condjuslihle : <.< Et pour ce que en
aucun temps huche, charhon sont plus chiers une
fois que autre », le prévôt de Paris pourra élever
le prix des étuves, « par le rapport et serement ^
des hones genz dudit mestier ».
Un article, sans doute postérieur à ces premiers
statuts, nous apprend qu'on allait aux étuves le
soir aussi hien que le matin, que souvent on y
restait toute la nuit, et que la réputation de ces
maisons était déjà fort mauvaise : « Que nuls ne
chaufe estuves à Paris que pour hommes tant
seullement ou pour famés, lequel qui li plera,
car c'est vil chose et honteuse, pour les ordures
et pour les perilz qui j pevent avenir ; car quant
les hommes s'estuvent par devers le soir, aucune
foizils demeurent et gisent leens jusques au jour
qu'il est haute heure. Et les dames viennent au
matin es dictes estuves, et aucune foiz vont es
chambres ans hommes par ignorance ; et assés
d'autres choses qui ne sont pas belles à dire ».
Les étuves étaient fermées les dimanches et
jours de fête.
Trois « preud'ommes du mestier », élus par
leurs confrères et acceptés par le prévôt de Paris,
prêtaient serment de dénoncer toutes les contra-
ventions aux statuts, les « mesprentures », dit le
texte. Chaque contravention de ce genre était
punie d'une amende de dix sols, dont six allaient
au roi, et les quatre autres aux preud'hommes
jurés.
En dépit de ces sages règlements, les étuves
continuèrent à servir de lieux de plaisirs, et rien
ne paraît avoir été changé pendant longtemps à
leurorg-anisation. Au commencement du seizième
siècle, on criait encore l'ouverture des étuves
au point du jour.
Les bains se prenaient dans des baquets de
bois, car la baignoire de métal est d'invention
récente. En 1416, Isabeau de Bavière paya treize
sous pour faire « desassembler et rassembler,
recingler et relier tout de neuf deux cuves à
baigner » pour son usage ^. En 1478, Jacques
Cadot, menuisier, reçoit trente sous, pour une
« cuve à baigner » le roi. En 1481, Mace
Pignet, tonnelier, demande vingt-deux sous six
deniers « pour avoir habillé et nectoyé les cuves
à baigner » Louis XI ^. Les peignoirs ou fonds
de bain se nommaient daiffnoères on èai//noires :
ils étaient ordinairement de toile très fine, et
on employait jusqu'à douze aunes pour en faire
un seul *.
Les cuvettes de toilette se nommaient alors
bassins à laver. Ordinairement, on les posait à
terre sur une natte, et l'on se lavait à genoux la
la tête et le haut du corps, c'est-à-dire tout ce
que le bain laissait hors de l'eau. Le pot à laver
1 Serment.
2 V. Gay, Glossaire, p. 104.
3 Douët-d'Arcq, Comptes de l'hôtel, p. 353 et 390.
i Douët-d'Arcq, Comptes de tnrgenterie, p. 230 et 350.
OU pot à eau, différait de l'aiguière, qui s'em-
ployait surtout pour le lavage des mains avant
et après le repas. On voit dans l'inventaire dressé
après la morl de Charles V que C(; prince possé-
dait vingt-quatre bassins à laver en or, une
foule de bassins semblables en argent et « ung
bassin ou vaisseau à laver piez » qui pesait
47 marcs d'argent ^.
Les grandes familles avaient souvent des
étuves et des salles de bain dans leur hôtel ; les
récils du temps nous en fournissent de nom-
breuses preuves ^. Des étuves destinées à la
maison royale avaient été construites dans le
jardin du Palais, à l'extrémité de la Cité, et ce
petit bâtiment figure encore sur le plan dit de
Ducerceau, qui date du milieu du seizième
siècle. Il y avait également des étuves et des
bains au Louvre, à l'hôtel Saint-Paul et à celui du
Petit-Musc. Sauvai nous dit même qu' « ils étoienl
pavés de pierre de liais, fermés d'une porte de
fer treillissé, et entourés de lambris de bois
d'Irlande; les cuves étoient de même bois, ornées
tout autour de bosse tes dorées, et liées de cerceaux
attachés avec des clous de cuivre doré •* ».
En somme, les étuves rendaient de réels
services, bien qu'elles n'eussent rien perdu au
seizième siècle de la mauvaise réputation qu'elles
s'étaient légitimement acquise depuis le quator-
zième. Toutefois leur vogue ne se soutint pas.
Endroits de perdition, anathématisés à la fois
par les prédicateurs catholiques et par les mi-
nistres huguenots, elles se virent peu à peu
abandonnées, et presque toutes disparurent. La
morale y gagna, cela est certain, mais nous
allons voir tout ce qu'y perdit la propreté. Les
étuves fermées, à qui s'adresser pour les soins du
corps? Restaient seulement les barbiers-chirur-
giens, dont les boutiques n'avaient rien d'at-
trayant. Dans un réduit obscur gisaient trois ou
quatre baquets destinés surtout aux malades ;
quant au maître barbier, il était là, prêt à vous
rendre ses petits services, essuyant ses mains qui
venaient de panser un cautère ou d'ouvrir un
abcès. Entre deux maux, il faut choisir le
moindre. Les Parisiens prirent leur parti, et sans
trop de peine, semble-t-il. On cessa d'aller au
bain ; puis, l'habitude de l'eau une fois perdue,
on finit par ne plus se laver du tout, même chez
s(ji. Une charmante et élégante reine, Margue-
rite de Navarre, dans un dialogue amoureux
composé par elle *, trouve tout naturel de dire
à son amant : « Voyez ces belles mains ; encore
que je ne les aye point descrassées depuis huict
jours, gageons qu'elles effacent les vostres ^ ».
Le 23 mars 1673, Louis XIV créa la corpo-
ration des barbier s -baigneur s -étuvistes-perr'u -
quiers, à laquelle il octroya, en mars 1674, puis
en avril 1718 des statuts que j'ai analysés à
l'article Barbiers.
1 Inventaire, p. 75, 184 et 199.
2 Voy. entre autres, dans les Cent nouvelles itouveltes,
les contes 1 et 3.
3 Tome II, p. 273, 274, 280.
4 ïallemant des Réaux, t. I, p. 147.
5 La nielle mal assortie, p. 114.
316
ÉTUVISTES — ÉVENTAIRE
A cette époque, il y avait encore à Pans deux
établissements installés sur le modèle des an-
ciennes étuves. Ils étaient situés rue Marivaux
et rue du Cimetière-Saint-Nicolas 2, et les
anciennes traditions s'y étaient conservées. On
pouvait V prendre à la fois des bams d'eau
chaude et des bains de vapeur, et la séance était
souvent terminée par l'application d'une ou
deux ventouses dans le dos. Voici, au reste,
d'après un livre devenu fort rare ^, comment
les choses se passaient alors :
« Celuj qui veut se baigner dans l'eau froide
va à la rivière.
» Nous lavons la crasse dans les bains chauds,
soi! assis dans la cuve, soit en montant en haut
aux bancs à suer, et nous nous frottons de la
pien-e ponce ou d'une estamine.
» Le maistre ou valet des estuves scarifie la
peau avec sa lancette en y appliquant des
ventouses, pour en tirer du sang qui est entre
chair et cuir, et l'essu^'e avec une éponge ».
Les établissements de ce genre portaient en
général le nom de bains, et on réservait celui
d'étuves pour les maisons où des bains de vapeur
étaient administrés par ordre du médecin.
Bien que les anciens étuvistes aient eu, selon
toute apparence, pour patron saint Michel, la
communauté créée par Louis XV lui placée
sous le patronage de saint Louis.
Le Licre des métiers cite des estuvetcrs et des
eslureresses. L'ordonnance des Bannières (1467)
en fait des estuviers. On trouve encore esteu-
riers. estuveors, stuvours, etc., etc. *
Éventaillers. Voy. Éventaillistes.
Eventaillistes ou éventaillers. Les
éventails primitifs, souvent nommés e'ventoirs^
se composaient d'une toull'e de plumes étalées
il l'i-xtrémité d'un manche plus ou moins orné.
Ils étaient sans doute fabriqués alors par les
plumussier.s. Sius François I"'', l'éventail cessa
d'être un meuble d'intérieur pour devenir un
objet de toilette ; il fut classé parmi les conte-
nances, c'est-à-dire mis au même rang que les
jolis colitichets, tels que pelotes, flacons à
parfums, cachets, clefs, etc., qui étaient sus-
[jrndus il la ceinture, et qu'on prenait à la main
pour se donner une contenance. L'éventail est
ainsi décrit dans V Isle des Hermaphrodites,
pamphlet composé sous Henri III : « Je vj
f^u'oM luy melloil en la main un instrument qui
s esteiuloil et si- repliojt, que nous appelons icy
os\-enlail. Il est<»it d'un vélin aussi délicatement
découpé qu'il estoil possible, avec de la dentelle
a l'.-ntour de pareille estolle. Il estoit assez
grand, cv»r cela debvoit servir comme d'un
parasol pour se conserver du hasle ^ ». Sous
Hirhelieii. t)!) voit les graiidcs dames la montre
H la crinlure et h-iir év<-ntail a la main.
* At»j. nip Nicola.H-Klami-l.
•■' !)•• Frnn.|u.vill.-. Lf mitvir de /„,-/. ],. Ut~ .
* yuichi>rnl. Ifittoirr d,, ruxlumr. i>. .-j.-.g
5 Kditit.n il.' 1724, |>. 18.
Vers le début du règne de Louis XV, l'éven-
tail prend de telles dimensions qu' « il y a de
petites personnes dont la taille n'a pas deux fois
la hauteur de l'éventail ' ».
Le commerce des éventails appartint pendant
fort longtemps aux merciers, qui se chargeaient
de les faire peindre, dorer et monter comme ils
l'entendaient. En 1678 seulement, fut constituée
une communauté d'éventaillistes, et leurs
premiers statuts datent du mois de février. Ils
reconnaissent aux maîtres le droit de « faire
fabriquer et composer un éventail de toutes les
parties qui luy sont nécessaires, le vendre et
débiter dans leurs boutiques et magazins ». Ils
pouvaient les orner de peintures représentant des
oiseaux, des fleurs, des paysages et même des
personnages, à condition que ce ne fussent pas
des portraits, spécialité réservée à la corporation
des peintres.
Il faut noter ici que les tabletiers étaient
autorisés aussi à fabriquer des bois d'éventails.
Chaque maître éventailliste ne devait avoir
à la fois plus d'un apprenti. L'apprentissage
durait quatre années ; il était suivi de deux
années de compagnonnage et terminé par le
chef-d'œuvre, dont étaient dispensés les fils de
maître et les maris des filles de maître.
Les veuves étaient autorisées à continuer le
commerce de leur mari, et à conserver son
apprenti, mais elles ne pouvaient en engager un
nouveau.
La qualité de maître éventailliste n'était pas
incompatible avec celle de doreur sur cuir.
Chaque maître devait timbrer ses produits
d'une marque particulière, propre à en faire
reconnaître l'auteur.
En 1692, il y avait derrière l'église Saint-Leu
un grand magasin d' « eventailles » ^, où se
fournissaient la plupart des merciers détaillants.
Les maîtres étaient dits officiellement éventail-
listes-faiseurs et monteurs d^ éventails.
La communauté paraît avoir été très remuante.
On la voit sans cesse en procès avec les peintres,
avec les merciers, avec les gantiers, avec les
tabletiers. L'édit de 1776 la réunit à ces derniers.
Le nombre des maîtres était alors de 130 environ,
et ils avaient pour patron saint Louis, dont ils
célébraient la fête dans la petite église Sainte-
Marine.
Voy. Peintresses en éventails.
Eventaire (Marchandes a). « Femmes qui
vendent par les rues de Paris, sur des paniers
qu'on nomme inventaires ^ ». On lit dans les
Cris de Paris au seizième siècle : * « A ma belle
esventoire ! » Enfin, V Encyclopédie méthodique ^
me fournit la définition suivante : « Eventaire,
panier plat, presque carré, sur lequel les petites
marchandes de fruits, de poissons et autres
menues denrées étalent devant elles la marchan-
* Mercure de France, octobre 1730, p. 2.31").
* /.e Livre commode pour 1692, 1. II, p. 20.
•■' Hifliolel, Dicltoiitiiiire (1093), t.. I, p. 1.931.
* Par A. Truquft.
5 Fin du dix-huilièmc siècle.
EVENTAIRE — FACTEURS DES POSTES
317
dise qu'elles portent vendre par les rues de
Paris. On dit communément iuretitaire * ».
On trouve aussi Porte-éventaire.
Examinateurs .
de police.
Commissaires
Examinateurs des comptes
Auditeurs.
V..V.
Exécuteurs des hautes œuvres ou
de la haute justice. Vov. Bourreaux.
Expéditionnaires. Titn- qui appartenait
à la corporation des écrivains.
Expéditionnaires en cour de Rome.
Voj. Banquiers.
Expérience. Voy. Chef-d'oeuvre.
Experts. Voy. Dentistes. — Her-
niaires <l Renoueurs.
Experts en écritures. NHy. Arithmé-
ticiens <'t Écrivains.
Experts du fer doux. Offices créés par
édit du 6 mars 1()26. Les titulaires devaient,
d'accord avec les contrôleurs-visiteurs, « co-
«i^noistre, disting'uer et marcpier le fer doux
d'avec le fer ai<>;'re ».
Experts-jurés. XOy. Vérificateurs de
mémoires.
F
Fabricants. Jusqu'au début du dix-neu-
vième siècle, ce mot ne s'appliquait qu'aux
faiseurs d'étoffes. En 1762, l'Académie française
le définit ainsi : « qui entretient plusieurs métiers
où l'on travaille à des étoffes de soie, de laine,
etc. ^ ». En 1814, elle reproduit textuellement
cet article et ajoute : « Quelques-uns écrivent
fabriquant ^ ». Enfin, en 1835, elle se décide à
modifier sa rédaction, et définit ainsi le mot
fabricant : « Celui qui fabrique ou fait fabri-
quer * ». Jusque-là, on disait dans ce sens
manufacturier .
Voy. Manufacturiers.
Fabricateurs . Nom donné parfois aux
ouvriers des monnaies, mais qui désignait
plus souvent les faux monnayeurs.
Fabrices. Voy. Forgerons.
Fabriceurs et Fabriciens. Voy. Fa-
brique ur s.
Fabriquants. Voy. Fabricants.
Fabriqueurs. « Tous ceux qui fabriquent
ou inventent. » C'étaient aussi les membres du
conseil de fabrique dans les églises ; mais, en ce
dernier sens, on disait encore fabriceurs, fabri-
ciens^ fabrisseurs, etc.
FabrisseUTS. Voy. Fabriqueurs.
1 Commerce, t. II, p. 112.
2 Quatrième édition.
3 Cinquième édition.
4 Sixième édition.
Faciniers. Même sens que devins, sorciers,
enchanteurs, etc.
Voy. Bateleurs et Devins.
Facteurs. \ oy. Courtiers. — Gardes-
ventes. — Luthiers. — Orgue. —
Fiano, elc.
Facteurs des postes. Ils datent de 1758,
année où M. de Chamousset, conseiller à la
Chambre des comptes, obtint l'autorisation
d'établir, dans l'intérieur de Paris, une petite
poste analogue à celle qui fonctionnait déjà à
Londres.
Le nombre des fadeurs fut d'abord fixé à 117
et celui des distributions quotidiennes à trois.
La première commençait à huit heures du matin
et comprenait les lettres recueillies dans la
dernière tournée de la veille ou déposées dans
les boîtes avant cinq heures du matin.
Les facteurs chargés de la première distribution
repassaient une heure après, c'est-à-dire vers
neuf heures, pour prendre à la porte des maisons
les réponses aux lettres qu'ils avaient distribuées
et pour les rapporter au bureau de leur quartier.
Ces bureaux étaient au nombre de 9, et les
boîtes au nombre de 37, installées chez des
épiciers, des marchands de tabac, des pâtissiers,
des cafetiers, etc. ^.
La deuxième distribution avait lieu vers midi,
et la troisième à cinq heures ^.
Les facteurs prévenaient de leur passage en
1 Jèze, État ou tableau de la ville de Paris poui- i760,
article Boetes à lettres, p. 331-
2 Al. Belloc, Les postes françaises, p. 198.
318
FACTEURS DES POSTES
les fit
FALOTIERS
afitanl une sorte de crécelle, ce qui
désigner sous le nom àe porte-crecelle o\i porte-
claqiiette.
En 1761, le port des lettres coûtait trois sous
dans la banlieue et deux sous seulement dans
Paris, qui comptait alors environ deux cents
facfeiirs. Ceux-ci avaient déjà l'habitude d'aller
dans chaque maison offrir un almanach à la fin
fie Tannée. Le coîirrier vigilant, ou étrennes de la
poste (le la ville et banlieue de Paris est un joli
petit volume in-:32, qui débute par ce couplet-
préface :
Recevez ce petit présent,
C'<3st l'étrenne du sentiment.
Comptez toujours sur un facteur
l'our vous plein de zèle et d'ardeur ;
Et n'oubliez pas le commis
De la p'tit' poste de Paris.
Le frontispice représente un facteur qui reçoit
dans sa boîte une lettre que lui jette une dame du
haut d'un balcon -.
Vnv. Commis. — Forte-claquetts et
Poste Sarvice de la .
Facturiers. Nomqueriuslruction g'énérale
du \'l uiiii lOU'i donne aux tisserands de toile.
Fag"Oteiirs. Fabricants ou joueurs de l'ins-
trunicul appelé aujourd'hui basson, et jadis dit
fa-.d.
Fag"Otiers. Faiseurs de fagots, bûcherons.
Ils siuit (li(s aussi faisseleurs, faisseliers, etc.,
du n\i){ f'aisse qui signifiait bande, lien, et aussi
charge, fardeau '^ etc.
Faïenciers. Au quinzième et au seizième
siècles, le peu de faïence qui existait en France
provenait des fabriques italiennes. Bernard
Palissy trouva le secret de cette composition,
mais il mourut sans avoir voulu dividguer ses
procédés ; il travailla pour sa gloire plus que
|)uur l'art (]u'il avait créé, et qui disparut avec
lui.
On dit que le duc de Nevers introduisit en
France (|uelques ouvriers italiens habitués à ce
genre de travail. Ce tpii est sûr, c'est qu'Heiu'i IV
eMciiiinigfa l'industrie de la faïence *, facilita
r<'lal)lisM'rn<'iil de manufactures en province puis
a l'aris au faubourg Sfiitit-Marceau. Une petite
communauté s'y fornui. (|ui fut en 1706 réunie
à celle (les émaillours.
Olie fabricalidti resia languissante jusqu'à
rép(»f|Uf drs nnliarras llrianciers de Louis XIV.
En 1709, il SI- (it'cida ù remplacer son service
(l'or par dr la vaisselle de faïeru;e •>. Saint-
Simiui raconli' (|ue « (ont ce (|u'il y eutdeconsi-
iliTalib- se mil en hiiil jours en faïence ». Le duc
il .\iiliii, cmpn'ssé de faire sa cour, vint « à Paris
' 'l^rl \ Journal, novombp' 1761, I. VII, p. 415
' (irflnd-OnrtrnM, /.et nlmnnnrhs frain-nis. y. 138.
■' \..y Ducanp.', aux nwl'i fnisium i-\. fiiitum.
» I)
WIX.
Tliou, Hislorin
sui
f"
tempor
an. 1(Î03, lilxr
S Ultrts lit la princesse Palatine, 8 juin 17o'» 1 I
p. 114. ^ -'.••>
choisir force porcelaine admirable, qu'il eut à
grand marché, et enlever deux boutiques de
faïence qu'il fit porter pompeusement à Ver-
sailles * ».
En 1759, l'argent était devenu si rare que le
roi devait aux domestiques de sa maison dix
mois de gages. Madame de Pompadour, le maré-
chal de Belle-Isle, le duc de Choiseul, les ministres
envoyèrent à la Monnaie leur vaisselle plate,
qu'on leur paya en billets. Les bourgeois enter-
rèrent la leur, et firent étalage de faïence. Il en
existait alors un grand magasin à la porte Saint-
Bernard ^ ; l'avocat Barbier qui y va, s'y ren-
contre avec le lieutenant de police, venant, lui
aussi, remonter son ménage ^. Louis XV ne
possédait que quarante-deux assiettes d'or *, il les
livre -, et de temps en temps des arrêts du Conseil
rappellent aux populations peu empressées, que
l'hôtel des Monnaies attend leur visite^. Le
24 novembre. Voltaire demandait à d'Argental
s'il mangeait « sur des assiettes à cul noir ^ »,
faïence recouverte d'un vernis brun et alors à la
mode.
Faisandiers. « Les travaux d'un faisan-
dier sont de nourrir, pendant toute l'année, un
certain nombre de poules faisandes, pour se
procurer beaucoup d'œufs ; de mettre un coq
faisand avec sept de ces poules dans de petits
enclos séparés où elles soient à l'abri de tous les
animaux malfaisans... Il n'y a que les princes
et les seigneurs qui font multiplier les faisands
dans leurs parcs, et qui pour cet effet font bâtir
exprès des enceintes murées, qu'on nt)mme
faisanderies ^ ».
Il y avait un faisandier en titre au château de
Vincennes, à celui de Chambord, etc. *.
Faisneurs et Faisniers. Voy. Croche-
teurs et Croque-morts.
Faisseleurs
gotiers.
Faissels. Faissiaux
Crocheteurs.
et Faisseliers. Voy. Fa-
Faissiers. Voy.
Faissiers. Titre qui désignait une des classes
de la corporation des vanniers.
Falotiers. Offici<;rs attachés à la maison
royale. Ils « vont le soir mettre des falots ou
lumières sur les escaliers et en différens endroits
(lu Louvre ou du château où le Rtiy loge ^ ».
Vov. Falots.
' Mémoires, t. VI, p. 414 et 415.
- Il existait encore en 1787. Vov. Thiéry, (laide des
amateurs, t. II, p. 139.
•' Harbier, Journal, novembre 1759, t. VII, p. 200.
l Barbier, Journal, septembre 1754, t. \\. p. 65.
^ Barbier, Journal, janviei' et mars 1760, t. VII,
p. 221 et 237.
6 Œuvres, édit. Bcucbot, t. LVIII, p. 252.
■^ .laubert, Dictionnaire, t. IV, p. 482.
8 État de la France pour 17 12, t. I, p. 351 et 377;
pour 1736, t. I, p. 463 et 485.
3 Trabouillet, État de la France pour 17 12. t. I,
p. 129.
FALOTS — FARDS
319
Falots. Par lettres patentes de mars 1662,
Louis XIV créa, à la demande de l'ablié Laiulati
Caraffa, des « porte-lanternes et porte-flambeaux,
pour mener, conduire et éclairer ceux qui
voudront aller et venir parles rues ». Je lis dans
les considérants de l'acte : « Les vols, meurtres
et accidens qui arrivent journellement en nostre
bonne ville de Paris, faute de clarté suffisante
dans les rues ; et d'ailleurs, la plusparl des bour-
geois et gens d'affaires n'ajant pas les moyens
d'entretenir des valets pour se faire éclairer la
nuit pour vacquer à leurs ali'aires et négoces ;
souffrant une très grande incommodité et princi-
palement l'hiver, que les jours étant courts, il
n'y a pas de temps plus commode pour y vacquer
que la nuit ; n'osant pour lors se bazarder d'aller
et venir par les rues, faute de clarté... ». Le
26 août de la même année, le Parlement enre-
gistra ces lettres patentes et soumit le concession-
naire de l'entreprise aux conditions suivantes :
« Les flambeaux dont les commis se serviront
seront pris et acheptez chez les maistres espiciers
de ceste ville de Paris ou fabriquez par eux ;
lesdits flambeaux seront d'une livre et demie, de
bonne cire jaune, marquez des armes de la ville,
et divisez en dix portions esgales, sur lesquelles
seront réservés trois poulces qui seront enclavés
dans un morceau de bois, afin que lesdites dix
portions puissent brusler entièrement pour faire
ce service ; pour chacune des quelles portions,
ceux qui voudront se servir desdils flambeaux
payeront cinq sols. Et à l'esgard des porte-lan-
ternes, ils seront divisés par postes, qui seront
chacun de huit cents pas, valant cent toises...
Pourront aussi lesdits porte-lanternes esclairer
ceux qui vont en carrosse ou en chaise, et pour
chascun quart d'heure sera payé cinq sols. A cet
effet, les dits auront un sable *, juste d'un quart
d'heure, marqué aux armes de la ville, qu'ils
porteront attaché à leur ceinture... - ».
En 1769, les porte-flambeaux sont deveiuis
falotiers et falots^ et il existe des bureaux où
« l'on donne un falot à des hommes qui se tiennent
la nuit dans les rues pour éclairer ceux qui se
retirent, moyennant une légère rétribution. Ces
falots sont numérotés, et ceux qui les portent
sont enregistrés à la police, qui leur donne une
permission imprimée et timbrée ^ ».
Sébastien Mercier, dans son Tableau de Paris *
dépeint ainsi l'organisation et les mœurs de ces
utiles auxiliaires (le la police : « Le falot est tout
à la fois une commodité et une sûreté pour ceux
qui rentrent tard chez eux. Le falot vous conduit
dans votre maison, dans votre chambre, fût-elle
au septième étage, et vous fournit de la lumière
quand vous n'avez ni domestique, ni servante,
ni allumettes, ni amadou, ni briquet. Ces clartés
ambulantes épouvantent les voleurs et protègent
1 Un sablier.
2 Ces deux pièces ont été publiées par M. Monnierqué,
dans Les carrosses à cinq sols du dix-septième siècle, p. 57
et 62.
3 Le Sage, Le géographe parisien (1769), t. II, p. 316.
— Thiéry, Guide des amateurs et des étrangers (1787),
t. II, p. 264.
4 Tome VI, p. 218.
le public presque autant que les escouades du
guet. Ces rôdeurs, tenant lanterne allumée, sont
attachés à la police, voient tout ce qui se passe ;
et les filoux qui dans les petites rues, voudraient
interroger les serrures, n'en ont plus le loisir
devant ces lumières inattendues. Elles se joignent
aux réverbères pour éclairer le pavé A la sortie
des spectacles, ces porte-falots sont les commet-
tans des fiacres ; ils les font avancer ou recider
selon la pièce qu'on leur donne. Comme c'est à
qui en aura, il faut les pa_yer grassement, .sans
quoi vous w, voyez ni conducteurs ni chevaux.
D'ailleurs, au moindre tumulte, ils co\irent au
guet et portent témoignage sur le fait ».
Malgré tant de titres à la reconnaissance des
Parisiens, la Révolution supprima les falots. Ils
reparurent dans les premières années de r?]mpire,
car Pi'udhomme écrivait vers 1807 : « On voyait
autrefois, à la sortie des spectacles, des hommes
qui avaient des lanternes numérotées, et qu'on
nommait falots. On trouvait de ces hommes à
toute heure de nuit ; on leur donnait, selon la
course, 6, 8 ou 10 sous. Ces porteurs de lanternes
rendaient compte le lendemain à la police de
tout ce qu'ils avaient vu et entendu. On les
nommait mouchards ambulans. Depuis quelque
temps, on voit reparaître quelques falots, princi-
palement aux grands spectacles. Il serait à désirer
qu'ils se multipliassent comme autrefois dans
tous les quartiers de Paris. Cela est très commode
pour ceux qui ne peuvent trouver de voiture * ».
Vo>'. Lanterniers.
Faneurs. « Ce sont ceux qui, étant munis
d'une fourche et d'un râteau, travaillent l'été à
faire sécher les foins, les luzernes, etc., en le&
retournant plusieurs fois et les faisant sécher à
l'air ».
On les trouve worcané^ fenerons.
Faniers. Voy. Foin (Mardiands de).
Fards (Commerce des). Un mercier du
treizième siècle dont le boniment nous a été con-
servé, prévient les femmes qu'il possède dans son
magasin : « Eve ^ rose dont [elles] se forbissent,
queton ^ dont [elles] se rougissent, blanchet dont
[elles] se font blanches * ».
Un peu plus tard, le Roman de la rose conmiWe
aux dames dont le teint aurait pâli
De se farder en tapinois 5,
Charles VIII eut un parfumeur en titre.
Catherine de Médicis eut le sien, et le règne de
ses trois fils est aussi celui des pâtes, des odeurs
et des fards. Jusqu'au début du dix-septième
siècle, se farder consistait, en général, à s'enduire
le visage de céruse ou de blanc d'Espagne.
Quand survint la mode de la poudre, c'est elle
qui, par opposition, mit en honneur le vermillon ;
1 3/iroir de l'ancien et du nouveau Paris, 3* édit., t. I,
p. 271.
2 Eau.
3 Coton.
i Voy. le Dit d'un mercier.
5 iidit. elzévir., t. III, p. 235.
320
FARDS — FEMMES DE CHAMBRE
mais, en réadoptant le rouge, on se garda bien
de renier le blanc.
On V ajouta ensuite le bleu. Au dix-huitième
siècle, "le coloriage d'un minois exigeait beaucoup
de temps. Madame prenait ses godets et ses
pinceaux. Avec le noir elle régularisait ses
sourcils et grandissait ses jeux ; elle étendait sur
ses joues une couche de rouge, et tout le reste de
la figure recevait un épais placage de blanc. Le
bleu^servait à tracer une ou deux veines légères.
qui devaient affirmer la finesse de la peau^^ et
en faire ressortir la blancheur nacrée. Elles
témoignaient aussi de la richesse de ce sang noble
qui. disait-on, était d'une essence particulière,
différente de celui qui entretenait la vie des
plébéiens. L'on fardait même les cadavres. Quand
mourut * madame Henriette, fille de Louis XV,
son corps fut transporté de Versailles à Paris
dans un carrosse. « Elle fut, dit Barbier, mise sur
un matelas ; elle étoit en manteau de lit, coifîée
en négligé, avec du rouge •■* ».
Quinze ans après. M"** de Monaco mettait du
rnu«re avant de monter dans la charrette qui
allait la conduire à l'échafaud *. Peut-être aussi
craignait-elle qu'on la vit pâlir devant la mort.
Les fards se vendaient chez les parfumeurs, et
ceux-ci appartenaient à la corporation des
gantiers.
Farine (Marchands de). La Taille de 1292
nifiitiuiiMt' cin([ /«n/«Vr*, celle </(? iSOO en cite
deux sculfuienl.
Fariniers.
de).
\ ov. Farine (Marchands
Faucheurs. La Taille de 1292 cite 4 fau-
cheeurs. Il ne faut pas les confondre avec les
soieurs, car le Me'nagier de Paris (1393)
mentixnuc à la fois les « soieurs, faucheurs,
bafeurs eu granche ou vendengeurs, bottiers,
foideurs, tonneliers et les semblables ^ ».
L'ftrdoMiKuice du 20 janvier 13.")! les nouuue
favcheurs de prfz *".
Fauconniers. .Mfurhauds de faucons, et
aussi ^■ens chargés de les dresser. La Taille de
1292 f-n mentionne six. Elle nous apprend aussi
(jue, pHrmi les pers(jnnesqui habitaient la nuiison
MU ricin' l'itienue Barbette fiiruraient :
Jehan, scui fui/. ".
Jehan. son gendre.
IMiilippol, son vallel.
(îuiljot, son faucotmier.
Krenibonrr. sa e|\anilinère **.
« Dedriiz le nianf)ir du Louvre » était logé
■< Sviuori, je fauconnier du Louvre ' ». Il j avait
' H. MorcifT, TnbltaM dr Paris, t. II, p. 233
' 1^' 10 f.Hri.r 175a.
•'' Journal, l. V, p. 1(",6.
I \^'H'}i'cquvn,SoHteiiirx d'un page, p. 105.
* T>>ino II, p. 54.
« .\rticli- 174.
■ï S-.n fiLs.
» IV Ï17.
9 l*a^v 0.
déjà, à la cour de France, un grand fauconnier,
chef d'un service qui prit dans la suite une
grande extension, et dont on trouve le détail
dans les différents Mais de la France ^ . Je lis
dans l'édition de 1736 : « Les marchands faucon-
niers françois et étrangers sont obligés, à peine
de confiscation de leurs oiseaux, de les venir
présenter au grand fauconnier, afin qu'il puisse
choisir et retenir ceux qui sont nécessaires pour
le plaisir du Roj - » .
Un bon fauconnier ne devait jamais manger
ni aulx, ni oignons, ni poireaux ■^.
Voy. Capitaine.
Faussetiers (Lapidaires). Nom que pre-
naient les bijoutiers en faux.
Faux sauniers. Voy. Sauniers.
Fayanciers. Voj. Faïenciers.
Feiniers. Voy. Foin (Marchands de).
Femmes à barbe. On en montrait une à
Paris, en 1804, dont le célèbre Kotzebue nous a
laissé la description suivante : « Passons derrière
ce rideau, vous y trouverez un être femelle d'une
conformation singulière et auquel la nature a
fait don du plus bel ornement de l'homme ; vous
y verrez une jeune fille qui porte une barbe
longue, noire et épaisse comme celle d'un capucin.
Il n'y a pas de supercherie là-dedans ; je l'ai
examinée même de très près. Cette fille n'a pas
encore trente ans ; ses yeux chassieux sont
ombragés par une paire de sourcils extrêmement
touft'us et noirs. Figurez-vous ce visage si riche-
ment décoré, sous un turban blanc, mais bien
sale, deux mammelles énormes qui contrastent
singulièrement avec sa barbe noire, les bras, les
pieds, la nuque tout à fait velus, et certes cette
figure ne vous paraîtra pas trop séduisante. Sans
la gorge formidable qui la distingue, et sa voix
criarde, on ne croirait jamais se trouver avec une
femme. Celui qui la montrait la disait native de
Norwège, à 500 milles derrière Bergen. Je me
donnai pour Danois et lui parlai sa langue natale :
« J'ai été amenée en France à l'âge de trois ans »,
me répondit-elle avec l'accent ordinaire des
Parisiens * ».
Voy. Bateleurs et Hercules.
Femmes de chambre. Audiger écrivait
en 1092 : « Le d(,'Voir d'une femme de chambre
est de savoir peigner, coiffer, habiller et ajuster
une dame suivant le bon air et sa qualité...
Son devoir est encore de savoir bien nouer un
ruban, chausser et déchausser la dame, faire un
bain pour laver les pieds et des pâtes pour
décrasser les mains. Elle doit aussi se connoître
et savoir acheter toutes sortes de nippes, comme
linge, étoffes, deiilelles, essences, eaux, pom-
" Voy. Année 1687, l. I, p. 556. — Année 1712,
t. 1, p. 190. — Année 1736, 1. II, p. 289.
' Tome II, p. 292. — Voy. aussi Guyot, Tmilé des
offices, t. II, p. 3.
3 Méiiii(fier de Paris, t. II, p. 325.
* A. Kotzebue, Souvenirs de Paris en 1804 , l. 1, p. 80.
FEMMES DE CHAMBRE — F1':R13LANTIERS
321
mades et autres choses nécessaires et utiles pour
le service et propreté de la dame. Eu un mot,
elle ne doit presque ignorer rien de tout ce qui
regarde et concerne l'adresse, la bienséance et les
divers ornemensdu sexe ^ ».
L'abbé Jaubert, en 1773, dit moins bruta-
lement : « La femme de chambre est celle qui sert
sa maîtresse, lui prépare les choses nécessaires
pour paroîlre avec grâce dans le négligé, le demi-
ajusté, l'habille et a inspection sur tout ce qui
concerne la cosmétique ou l'art de la toilette ^ ».
En 1736, la reine avait quatorze femmes de
chambre, la duchesse d'Orléans se contentait de
douze ^.
Femmes de charge. « Le devoir d'une
femme de charge est de prendre en compte tout
le gros linge de la maison où on la reçoit en cette
qualité. Savoir : les draps tant pour le maître et
la maîtresse que pour le commun, le linge de
table, nappes, serviettes tant fines que grosses,
tabliers et torchons, et le donner de même aux
hommes et femmes de chambre, aux officiers
et cuisiniers, et en rapportant le sale leur en
donner de blanc. Et lorsqu'il y en a de perdu, elle
doit en avertir le maître ou la maîtresse, l'inten-
dant ou le maître d'hôtel, leur dire qui c'est qui
l'a perdu et qui ne lui a point rendu le sale ; et
par là elle en est déchargée.
Elle doit aussi aider la femme de cliambre à
faire le lit et la chamljre de la dame, et avoir
soin de ranger et nettoyer tous les jours les
beaux appartemens. . .
Elle doit savoir mettre un couvert, faire des
compotes et dresser un plat de fruit. C'est à elle
aussi à distribuer le pain et le vin à ceux à qui
il en est ordonné, et rendre de tout un bon et
fidèle compte lorsqu'il en est besoin.
Elle doit avoir toutes les clefs d'une maison
concernant la dépense qui s'y fait, tant pour la
bouche et pour tout ce qui est nécessaire d'ailleurs,
et faire la distribution du bois et du charbon pour
la chambre et pour la cuisine, du sel, du poivre,
du clou, de la muscade, du gingembre, du sucre,
de la chandelle, du lard, du saindoux, du beurre
fondu, de l'huile, du vinaigre, du verjus, du
beurre, des œufs, du papier, etc *.
Femmes d'enfants. Voy
d'enfants.
Bonnes
Femme de g^arderobe. Ce sont, suivant
l'abbé Jaubert, celles qui « dans les grandes
maisons ont soin de la garderobe de leurs maî-
tresse, en tiennent les vêtemens en bon ordre,
toujours propres et prêts à être employés dans
ces momens de caprice où l'on se décide plutôt
pour un ajustement que pour un autre, après
avoir parcouru plusieurs fois de la vue tous les
meubles de la e-arderobe ^ ».
1 La maison réglée, liv. III, chap. 3, p. 73 et 104.
2 Dictionnaire des arts et métiers, t. Il, p. 191.
3 État delà France, t. II, p. 335 et 373.
* Audiger, La tnaison réglée, liv. III, chap. 3. — Voy.
aussi liv. II, chap. 4.
S Dictionnaire (1773), t. II, p. 191.
Fendeurs. Ouvriers qui divisaient en feuilles
minces les blocs d'ardoises.
Les scieurs de bois étaient ainsi appelés, et,
dans d'autres industries encore, on trouve des
ouvriers désignés sous ce nom.
Fenerons. Voy. Faneurs.
Fenestriers. Au treizième siècle, le mot
f(!nétre était synonyme de boutique, d'ouvroir,
d'atelier et c'est toujours dans ce sens que
l'emploie le Livre des métiers. Le mot fenestriers
désignait donc alors presque tous les marchands
établis.
Feniers. Voy. Foin (Marchands de).
Féodistes. Voy. Feudistes.
Fer (Marchands de). Voy. Ferronniers.
Fer (Travail du). Voy. Armuriers. —
Chainetiers. — Cloutiers. — Contrô-
leurs. — Enclumes (Faiseurs d'). —
Équipement militaire. — Experts. —
Fer (Marchands de). — Ferblantiers. —
Ferrailleurs. — Ferrailliers. — Ferra-
tiers. — Ferretons. — Ferronniers. —
Ferroillons. — Ferrons. — Fèvres. —
Forcetiers. — Forgerons. — Forgeurs.
— Greffiers. — Grillageurs. — Hau-
bergiers. — Mailliers. — Maître des
fèvres. — Maréchaux. — Serruriers. —
Taillandiers. — Tailleurs de limes. — •
Tôliers. — Tréflleurs. — Trumeliers. —
Vr illier s.
Fer blanc et noir (Ouvrier en) et Fer-
blanquiers. Voy. Ferblantiers.
Ferblantiers. Au moyen âge, les mots fer
blanc désignent du fer blanchi par une mince
couche d'étain. C'est encore le sens qu'il faut
donner au ferrum album que cite Ducange ^
d'après une charte de 1530. L'art de fabriquer
le fer blanc date, en effet, seulement du dix-
septième siècle, et c'est par les soins de Colbert
qu'il fut introduit en France. On peut voir dans la
Correspo7idance administrative sous Louis XIV ^
toutes les difficultés que rencontra l'abbé de
Gravel, ministre de France en Allemagne, pour
séduire quelques ouvriers établis sur la frontière
de la Bohême. Cependant, dès 166.5, deux forges
et deux fourneaux fonctionnaient dans la fonderie
établie à Beaumont en Nivernais, qui fut érigée
en manufacture royale. Peu d'années après, la
plupartdes ouvriers avaientregagné l'Allemagne,
et tout était à recommencer. On parvint, non
sans peine, à créer une nouvelle manufacture en
Alsace ; trois autres furent plus tard fondées en
Lorraine, en Franche -Comté , puis dans le
Nivernais.
'Les ferblantiers fabriquaient des lanternes,
des chandeliers, des entonnoirs, des girouettes,
1 Glossarium, au mot ferrum.
2 Tome III, p. 740 et suiv.
21
322
FERBLANTIERS — FERRANDINIERS
des moules à pâtisserie, etc. Dits aussi lanterniers
ils constituaient une des classes de la communauté
des taillandiers, avaient pour patron samt Eioi,
et étaient dits officiellement tatllandiers-lerHan-
tier s en fer blanc et noir.
Hurtaut dans son BtcHomaire (177yj les
nomme ferhlanqvÂers.
\ ,,v. Arcaniers. — Blanchisseurs. —
Goujards, elc.
Fermailleurs et Fermailliers. Voy.
Fermaux (Faiseurs de).
Fermaux Faiseurs de). Le mot fermail,
avec ses innombrables formes, revient sans cesse
sous la plume de nos anciens chroniqueurs.
D'une manière générale, l'on nommait fermuil,
fremail, fermaillet, fernieil, ferrnoer, etc. tout
])ijou, agrafe, broche, crochet, boucle, servant
à attacher, à soutenir, surtout à tenir fermé ^
quelque ajustement. Parfois, l'on suspendait au
fermail une bourse, des clefs, une cassolette.
Parfois aussi, il ne fermait et ne supportait rien
du t')ut; c'était alors un ornement mis en
évidence sur le vêtement, même sur le chapeau :
employé de cette façon, il prit un peu plus tard
le nom à' affiche ou (Renseigne.
Au treizième siècle, quatre corporations se
partageaient la fabrication des fermaux :
1" Les fermailliers, fermailleurs ou fremail-
liers fal)riquaient des fermaux en laiton.
2° Les ouvriers cTe'tain fabriquaient les fermaux
en élain et en plomb.
3" Les fondeurs-mouleurs faltriquaieut les
fermaux en archal et en cui\Te.
4" Les orfèvres fabriquaient les riches fermaux
en or et en argent.
Je ne m'occuperai ici que des industriels qui
•'mpnmtèrent leur nom aux objets qu'ils con-
ft.'clii)nnaient.
Leurs statuts, insérés dans le Livre des métiers^
sciut intitulés : Cist titres parole des fremailliers
de laiton et de ceus qui font fremaus à livres.
(x's derniers représentent les lourds fermoirs fixés
iiiix ais qui consliluaient la reliure des anciens
manuscrits : le parchemin, pour se bien con-
srrviT, devant rester soumis à ime assez forte
|)rf'ssi(iri. Faille de mieux, les fermoirs étaient
rfm|)lacés par des lanières de cuir.
Dans celle corporation, l'apprentissage était
fnrl Icing. On exigeait huit ans de l'enfant qui
Hppiirlail vingt sous, neuf ans de l'enfant sans
argfnl. O stage terminé, il pouvait s'établir sans
payer auc'in drctil, pourvu qu'en présence des
jurés il pnnivftl son aptitude au méfier.
Outre les fermaux, la communaulé falnicpiait,
iiinis toujours en laiton, des dés ù coudre et des
anneaux.
Le travail ti la lumii're était interdit, sous
peine d'une amende de cinq sous. L'ouvrier
» Tom.< I, j,. .317.
' .\iis*i If mol fermail a-t-ii parfuis designé une boîlc,
un coffrrl.
5 Tilrr XLII.
devait « comencier à ovrer ^ de biau jour et
lesier ^ oevre de biau jour ».
Deux jurés, désignés par les maîtres et nommés
par le prévôt de Paris, administraient la petite
communauté, qui se composait d'environ cinq
maîtres en 1292 et de onze maîtres en 1300. Je
sais qu'en 1318, les fermailliers nommèrent encore
leurs deux jurés. Je perds ensuite la trace de
cette corporation, qui n'existait certainement
plus au quinzième siècle 3, ou du moins s'était
fondue dans une autre.
Fermiers. « Le fermier est celui qui cultive
la terre dont un autre est propriétaire, qui en
recueille les fruits à des conditions fixes, et les
paie en argent. Le métayer partage avec le
propriétaire la récolte bonne ou mauvaise dans
une certaine proportion. Les fermiers sont ordi-
nairement dans les pays riches, et les métayers
dans ceux où l'argent est rare * ».
Audiger donne comme synonymes les mots
fermiers et receveurs ^ .
Ferpiers. Nom que les Tailles de 1292 et
de 1313 donnent aux fripiers.
Ferrailleurs. Voy. Crieurs de vieux
fers.
Ferrailliers. Tous ouvriers travaillant le
fer.
Ferrandiers. Ferreurs de chanvre. Ils le
frottaient par poignées sur un fer obtus, pour le
rendre plus facile à filer.
Ferrandiniers. Fabricants de ferrandine.
La ferrandine constituait une étoffe très légère,
dont la chaîne était en soie et la trame en laine.
hUle devait son nom à un lyonnais nommé
Ferrand qui l'inventa au début du dix-septième
siècle. Au siècle suivant, on confectionna des
ferrandines tramées en poil de chèvre, en poil de
chameau, en fil, en coton, etc.
Les ferrandiniers formaient une seule corpo-
ration avec les gaziers ou gazetiers. fabricants
d'étoffes de soie très claires, unies ou brochées.
Ces tissus étaient, en effet, obtenus sur un métier
absolument semblable à celui dont se servaient
les ferrandiniers.
Bien que les drapiers de soie eussent aussi le
droit de produire de la ferrandine, les maîtres
ferrandiniers-qaziers composaient une commu-
nauté distincte. L'apprentissage y était de cinq
ans et le compagnonnage de deux ans. Ils avaient
pour patron saint Louis.
L'édit de 1776 réunit celte corporation à celle
des tissutiers-rubaniers, qui forma dès lors le
cinquième des Six-Corps. Au moment de cette
réunion la communauté des ferrandiniers-gaziers
se composait d'environ 320 maîtres.
' A ouvrer, à travailler.
2 liaisser.
•^ Elle ne figure pa.s dans l'ordonnance diti^ des Jlan-
Htères (1467).
* .laubert, Diclioiinaire{\lTè), l. II, p. 199-
S La maison réglée, liy. II, chap. 4.
FERKANDINIEKS — F1<:SSKCULS
323
La ferrandine était dite aussi moncuhiard,
mocayar, hnrail et grisette. Dans Les trom-
peries de Larivej (1611) le capitaine fait
donner à Dorothée une pièce de burail <.< de
soie 1 ».
La grisette était une ferrandine commune et
qui dans l'orig'ine ne se faisait qu'en gris, couleur
très recherchée, au début du siècle, par les petites
bourgeoises et les ouvrières. C'est de là qu'est
venu le nom de grisette, qui désigna d'abord
toutes les femmes de condition médiocre. « Les
modes, écr'wAiile^ Mercure galant éf^ 1673, passent
des riches bourgeoises aux grizettes, qui les
imitent avec de moindres étoffes - ». Dans une
comédie de Regnard, jouée en 1694, Pasquin dit
à Dorante, son maître : «Je suis las d'estrebien
battu et mal nourry, je suis las de passer la nuit
à la porte d'un lansquenet et le jour à vous
détourner des grisettes ^ ». Enfin, dans la
Marianne de Marivaux, M. de Glimal dit à
Marianne : « Mon neveu vous regardera comme
une jolie grisette, à qui il se promet bien de
tourner la tête * ». Voici maintenant la définition
que Sébastien Mercier donne de la grisette à la
fin du dix-huitième siècle : « On appelle grisette
la jeune fille qui, n'ayant ni naissance ni bien,
est obligée de travailler pourvi\Te, et n'a d'autre
soutien que l'ouvrage de ses mains. Ce sont les
monteuses de bonnets, les coutm'ières en linge,
etc., qui forment la partie la plus nombreuse de
cette classe ^ » .
Depuis longtemps, l'étofïe qui avait donné
son nom aux grisettes se teignait en toute
couleur.
Ferratiers. Ouvriers travaillant le fer.
Ferretoneurs. Voy. Fiertonneurs.
Ferretons. Tous ouvriers travaillant le fer.
Ferreurs. Voy. Flombeurs.
Ferreurs d'aiguillettes. Voy. Aiguil-
letiers.
Ferroillons. Tous ouvriers travaillant le
fer.
Ferronniers. Marchands de fer neuf ^,
d'objets en fer, de grosse quincaillerie, etc. Leur
vrai titre était celui de marchands merciers-
ferronniers. Mais il ne faut pas oublier que les
\Xi(As, ferronniers^ vendeurs de fer, ferrons, ferrail-
leurs étaient souvent pris l'un pour l'autre. Dans
un journal d'annonces de 1777 '^ ; un sieur
Lefebvre, qui se dit marchand de fer., prévient le
public qu'on trouvera chez lui « toute espèce de
ferrures et de serruries pour meubles et pour
bastimens, toutes sortes de grosses et fines
1 Acte I, scène 7. — Dans l'Ancien théâtre français,
t. VII, p. 52.
2 Tome III, p. 322. — Page 292, on écrit grisette.
3 Attendez-moy sous l'orme, scène 1.
* Troisième partie, p. 59 de l'édition de 1877.
5 Tailefiu de Paris, t. VIII, p. 133.
6 Voy. Ducange, Glossaire, au mot ferronus.
"^ Amionces, afjiches et avis divers, n° du 18 janvier.
(|uincailleiies d'Allemagne, d'Angleterre et de
France ' ».
A cette époque, le fer se vendait surtout en
barres carrées, rondes ou plates, en carrillons,
en bottes, en courçons, en cornettes, en plaques,
en tôle, etc. ^ .
Les cloutiers prenaient également le nom de
ferronniers.
Suivant Le Masson, les ferronniers avaient
pour patron saint Lubin, dont ils célébraient la
fôle le 16 août à l'église Saiut-Leufroy -.
V(jy. Fer (Commerce du). — Ferrons
et Fèvres.
Ferrons. C'étaient des forgerons qui ne
faisaient que de g'ros ouvrages, et non des
marchands de fer, comme le dit Géraud ^. En
effet, le titre XXXI de la grande ordonnance de
janvier 1351 ^ distingue les /"errow* des marc/«a«</«
de fer, et nous apprend que les premiers
« ferroient les charrettes ^ ».
Au treizième siècle, les ferrons étaient soumis,
comme tous les fèxTes, à l'autorité du premier
maréchal de l'écurie royale, à qui appartenaient
les revenus et la justice professionnelle du métier.
La Taille de 1202 cite 11 ferrons, celle de
ISOO en mentionne 18.
La rue de la Ferronnerie, dite d'abord rue de
la Charonnerie, dut son nouveau nom aux
nombreux ferrons que saint Louis autorisa à
s'établir le long des charniers du cimetière des
Innocents ".
Voy. Fer (Travail du).
Fers du roi. Ferra regia. On appelait ainsi
une redevance en nature imposée aux maréchaux
de Paris : ils étaient tenus de ferrer gratuitement
les chevaux de la Cour.
Plus tard, quand les maréchaux obtinrent de
se constituer en corporation, ils rachetèrent cet
impôt en versant, chaque année le jour de la
Pentecôte, six deniers au premier maréchal dé
l'écurie royale, qui, de son côté, dut pourvoir à la
ferrure des chevaux de selle du roi. On lit dans
le Livre des métiers (1268) : « Quiconquesestdel
raestier devant dit, il doit chascun an au Roy
VI deniers aus fers le Roy, à paier aus huitenes
de Pentecoste. Et les a son meslre marischal,
tant come il li plera. Et de ce, est tenuz li
mestres marischax le Roy au ferrer ses palefroy
de sa siele, tant seulement, sanz autre cheval
nul ' ».
Voy. Concessions de métiers.
Fertoneurs. Voy. Fiertonneurs.
Fesseculs. Vov. Correcteurs.
1 On trouvera l'explication de tous ces mots dans le
Dictionnaire de Savary, t. II, p. 24.
2 Calendrier des confréries, p. 100.
3 Paris sous Pkilippe-le-Bel, p. 509.
4 Ordonn. royales, t. II, p. 350.
5 Voy. aussi le Glossaire de Ducange, au mot ferro.
6 G. Corrozet, Antiquités de Paris (édit. de 1561),
p. 90.
7 Livre des métiers, titre XV, art. 3. — Voy. aussi
Ducange, v° ferra regia.
324
FÊTES — FIACRES
Fêtes Les quatre bonnes). Dans les statuts
des métiers et dans les ordonnances du moyen
acre l'on désio-ne ainsi Pâques, la Pentecôte, la
Toussaint et Noël. Celte expression a encore ete
employée par Bon. Despériers ^
Fêtes religieuses (Observation des).
Voy. Dimanches et fêtes.
Feudistes. Jurisconsultes versés dans la
connaissance du droit coutumier, des lois
féodales. Cette science ne date guère que du
seizième siècle, du Commentaire que publia
Charles Dumoulin siir le titre des fiefs de la
coutume de Paris.
Envisagé à un point de vue plus pratique,
VAlmanach Dauphin pour 1777 consacre aux
féodistes les lignes suivantes : « Les féodistes sont
ceux qui connoissent particulièrement la partie
des fiefs et biens seigneuriaux, et qui font le
dépouillement des terriers sur les plans géogra-
phiques et topographiques que leur fournissent
les arpenteurs, pour constater les domaines des
seigneurs et les biens de leurs censitaires ».
Feuilletiers. Titre qui appartenait à la
communauté des cartiers.
Feutres 'Levkurs de). Ouwiers employés
dans l<-s fabriques de papier, et dont la princi-
pale occupation consistait à brasser la cuve et à
retourner les feutres.
On les nommait aussi viveurs.
Feutriers. Marchands ou apprêteurs de
ft'iilrr>. La Taille de i292 en mentionne dix,
celle de 1300 en cite huit seulement.
Voy. Chapeliers de feutre.
Fèvres. On nomma d'abord ainsi tous les
ouvriers travaillant les métaux, c'est là l'origine
du mot orfi'vre. Mais, dès le treizième siècle, on
ne désignait plus guère sotis le nom de fèvres
que li'S ouvrii-r^ rmpldvés au ti'Mvail du fi'r.
Voy. Couteliers ri Maître des fèvres.
Fiacres. Nom donné jadis aux cochers des
voitures puliliques appelées fiacres. Ils le regar-
daif-nl pomin<' injurieux.
Marivaux, dans sa Mariamie *, décrit une
quer«*llo élevée entre un de ces hommes et une
r»'mnie qu'il venait de conduire ; on y trouve
collfi phraso : « Qu'est-ce que me vient conter
tell*' chilïonnièro V répliqua l'autre en vrai
fiacn' >'. .remprunte (3ncore à la deuxième scène
du Moulin dr .îiirellr, pièce de Dancourt j(tuée
eu 1090, ce fnigmenl de dialogue:
■ Finkite. Par ma foy. Madame, cela n'est
point joli, un coquin de fiacre parler de la sorte.
Lk cocher. Fiacre, oli ! fiacre vous-même !
point InnI de liriiit, vous dis-je, et de l'argent ! »
Un sieur Sauvage fut. dit le commissaire
Delamnrro, t \c premier rpii s'avisa d'entretenir
* NoHtfUt XLV, édit. olzév., t. II, p. 178.
* S'contt.- partie, édil. de 1877, p. 51.
des chevaux pour les louer à ceux qui se présen-
teroient. Son entreprise eut tout le succès qu'il
pouvoit en attendre -, le public s'y accoutuma si
bien que l'on vit, après, beaucoup d'autres
loueurs de carrosses s'établir, à son exemple, en
différens quartiers. Sauvage demeurait rue Saint-
Martin, dans une maison appelée riiôtel Saint-
Fiacre ; comme il étoit l'auteur de l'invention et
le plus accrédité de son temps, les carrosses de
louage furent non seulement nommés fiacres,
mais les maîtres et les cochers en ont toujours
retenu le nom ^ ». Tout ceci se passait vers 1645.
La grossièreté des fiacres devint bientôt prover-
biale, et nos auteurs dramatiques en ont souvent
tiré parti. J.-P. Marana écrivait vers 1690 :
« Les cochers sont si brutaux, ils ont la voix si
enrouée et si efîroïable, et le claquement conti-
nuel de leurs fouets augmente le bruit d'une
manière si horrible qu'il semble que toutes les
Furies soient en mouvement pour faire de Paris
un enfer ^ ». La Palatine disait, de son côté:
« Vous savez que ces gens-là sont fort inso-
lents ^ ». Ils étaient fort paresseux aussi.
Madame Gradock raconte que, surprise par un
oraire, elle voulut rentrer chez elle en voiture :
« Il y avait trois fiacres sur la place, écrit-elle,
pourtant, telle est la nature des gens du peuple
à Paris, que j'eus beau offrir trois fois le prix du
tarif ordinaire, tous refusèrent de me conduire,
répondant qu'ils avaient, ce jour-là, de quoi
souper et boire, et que rien ne les forceroit à
bouger * ». Il existait, en 1760, vingt-neuf
places affectées aux carrosses de places, vulgai-
rement appelés fiacres ^. Il semble que ce nombre
était, vingt-neuf ans après, réduità vingt-deux ®.
Ecoutons maintenant Sébastien Mercier :
« Les misérables rosses qui traînent ces voitures
délabrées sortent des écuries royales et ont
appartenu à des princes du sang. Ces chevaux,
réformés avant leur vieillesse, passent sous le
fouet des plus impitoyables oppresseurs... Rien
ne révolte l'étranger, qui a vu les carrosses de
Londres, d'Amsterdam, de Bruxelles, comme
ces fiacres et leurs chevaux agonisans. Quand
les fiacres sont à jeun, ils sont assez dociles; le
soir, ils sont intraitables; les rixes fréquentes qui
s'élèvent sont jugées chez les commissaires; ils
inclinent toujours en faveur du cocher. Plus les
cochers sont ivres, plus ils fouettent leurs
chevaux, et vous n'êtes jamais mieux mené que
quand ils ont perdu la tête.
>> Il s'agissoit de je ne sais quelle réforme,
il y a quelques années : les fiacres s'avisèrent
d'aller tous, au nombre de presque dix huit cents,
voilures, chevaux et gens, à Choisy où étoitalors
le roi, pour lui présenter une requête. La cour
fut fort surprise de voir dix huit cents fiacres
vides qui couvroient au loin la plaine et venoient
apporter leurs humbles remontrances aux pieds
• Des carrosses à l'heure, communément dits fmcres, dans
le Traité de la police, t. IV, p. 437.
^ Lettre d'un Sicilien, p. 11.
•' Lettre du 20 octobre 1720.
i Journal de Madame Cradock (1783-86), p. 30.
•' .Ièz(% Tableau de la ville de Paris, p. 339.
^ Lesage, Le géographe parisien, t. II, p. 328.
FIACRES — FIGURES DE CIRE
325
du trône. On les congédia comme ils étoient
venus ; les quatre représentans de l'ordre furent
mis en prison, et l'on envoya l'orateur à Bicêtre
avec son papier et sa harangue *. Les tiacres ne
peuvent aîler jusqu'à Versailles qu'en payant une
permission particulière.
» La commodité et la sûreté publique exige-
roient que les fiacres lussent moins sales, plus
solides, mieux montés ; mais la rareté, la cherté
des fourrages et l'impôt de vingt sols par jour
pour rouler sur le pavé empèclient les réformes
les plus désirables - ».
La Révolution les opéra au moins en partie,
semble-t-il, carL. Prudhomme écrivait en 1807 :
« Aujourd'hui, il y a environ deux mille fiacres -,
les voitures sont très belles, bien suspendues,
les cochers bien vêtus ; néanmoins l'éducation
d'un grand nombre n'est pas plus soignée que
celle de leurs anciens camarades. A jeun, les
cochers sont assez traitables ; vers les deux heures,
plus difficiles ; le soir, à l'heure du spectacle,
ils sont intraitables. La police est très sévère
à leur égard ; si les cochers veulent vous faire la
loi, il faut -vous faire conduire chez le commis-
saire de police le plus voisin ^ ».
Voy. Voitures.
Ficeleurs. Dans les manufactures de tabac,
ouvriers qui « passoient de la ficelle sur les rôles
après qu'ils avoient été pressés, pour leur
conserver la forme que la presse leur avoit
donnée ».
Ficheurs. Ouvriers maçons qui, au moyen
de la fiche, introduisent le mortier dans les joints
des pierres.
Fief (Hôtel du). Voy. Privilégiés
(Lieux).
Fieffés i Sergents). Officiers des eaux et
forêts. On nommait ainsi des gens à qui le roi
avait confié une part de ses bois, à titre de fief,
avec droit de pacage, de pâturage, de chauffage,
etc., mais à charge de les garder en personne et
d'être responsables des délits qui s'y commet-
traient * .
Les sergenteries fieffées furent supprimées au
mois d'août 1669.
Fienseurs. Voy. Sngrais (Commerce
d').
Fienteurs. Ceux qui portent le fumier. On
lit dans Ducange : « Fimarius, fianteur, c'est
qui porte fiens ». La citation semble s'appliquer
plutôt aux animaux qu'aux hommes.
Fiertonneurs. Officiers des monnaies,
créés par Philippe le Bel en 1314 pour vérifier
1 Sur tout ceci, voy. le Bulletin de la Socie'/é de
l'histoire de Paris, année 1874, p. 49.
2 Tableau, de Paris, t. I, p. 151.
3 Miroir de l'ajicieii et du nouveau Paris (1807), t. I,
p. 319.
4 Chaillaml, Dictionnaire des eaux et forêts, t. I,
p. 535.
le poids exact des flans et des monnaies. Munis
de leurs balances et de leurs fierions *, ils
devaient, malin et soir, inspecter les ouvriers de
chaque fourneau -.
On trouve emore ferretonmrs, fertoneeurs,fre-
tonneurs, etc.
Fifi (Maîtres). Voy. Vidangeurs.
Fig"urants [de thé-vtre]. Ils ont t(jujours
été bien maigrement payés. Dans la Circe de
Th. (Jorneille (1675), où l'on voyait quatorze
figurants glisser le long d'une corde et sembler
ainsi voler, les plus petits recevaient dix sous,
les moyens quinze sous, les plus grands une
livre. Dans T(iiiu//e, le rôle de Phlipole ne
coûtait au tliéàtre qu'une livre, et l'actrice qui
représentai! la iniit dans Amphitryon touchait
trois livres "^
En 1760, il y avait à l'Opéra douze figurants
et douze figurantes en titre, sans compter quel-
ques surnuméraires. Cet emploi était tenu par
vingt-trois personnes aux Italiens, et par vingt
à l'Opéra-Comique ^ .
Voy. Théâtre.
Fig"ures de cire. Au décès de chaque
souverain, on s'empressait de mouler sa tête,
son corps même parfois. L'effigie ainsi obtenue
était revêtue des ornements royaux et exposée
sur un lit de parade, dans une salle magnifi-
quement décorée.
Lors des obsèques, l'effigie prenait place sur
le cercueil. On lit. par exemple, dans Y Ordon-
nance faicte pour V enterrement d%t corps du bon
roy Charles huytiesme •' : « Incontinent après,
marchoient les xvi gentilshommes qui portoient
la litière oii estoit le corps, et au-dessus du
corps l'estature et représentation du Roy faicte
au vif ». Au convoi de François P'', l'effigie fut
portée par les gentilshommes de la chambre
« ayant sangles attachées au col ». Depuis lors,
l'effigie fut toujours séparée du cercueil ; celui-
ci, déposé dans un chariot attelé de six chevaux,
suivait l'effigie, à laquelle était rendue tous les
honneurs 6.
Cette coutume s'observait encore au milieu du
dix-septième siècle, puisque Gui Patin écrivait
à son ami Falconet le 21 janvier 1666: « La
Reine mère ' est morte aujourd'hui à six heures
et demie du matin. On travaillé à l'embaume-
ment de son corps. On voit déjà sa représen-
tation dans le Louvre. Le peuple est friand de
telle cérémonie ^ ».
Pendant les huit ou dix jours que l'effigie
1 Poids spéciaux pour le pesage des monnaies. Ils
représentaient le quart du marc.
2 Abot de Bazinghen, Traité des monnaies, t. I. p. 508.
3 E. Despois, Le théâtre frani;ais sous Louis .Y/V,
p. 125.
4 Jèze. Etat ou tableau de la ville de Paris, etc.,
2» partie, p. 3, 9 et 11.
3 Paris, 1498, in-S".
6 Jean du Tillet, Recueil des Ruijs de France, édil. île
1586, p. 242 et s.
"^ Anne d'Autriche.
8 Tome III, p. 580.
326
FIGURES DE CIRE — FILATEURS
restait en cet état K le service de la table avait
lieu dans la pièce comme si le monarque eût été
vivant. Aux heures accoutumées, les repas
étaient apportés par les gentilsliommes servants,
l'aumônier disait le bénédicité, tous les officiers
vaquaient à leurs fonctions, on faisait l'essai des
viandes, on présentait à laver <.< à la chaise
dudict seigneur, comme s'il eust esté vivant et
assis dedans ». Assistaient à ces repas, « les
mesmes personnaiges qui avojent accoustumé
de parler ou respondre audict seigneur durant
sa vie * ». Tous les mets présentés étaient
ensuite donnés aux pauvres.
L'art d'obtenir des effigies de ce genre fut
surtout perfectionné au dix-septième siècle. Un
peintre nommé Antoine Benoît « trouva le
secret de former sur le visage des personnes
vivantes, même les plus délicates, des moules
dans lesquels il fondait ensuite des masques de
cire, auxquels il donnoit une espèce de vie par
des couleiu's, des jeux d'émail, etc. ^ ». De
16G0 à 1704, il exécuta ainsi sept médaillons de
Louis XIV, et parmi eux celui qui figure encore
à Versailles dans la chambre à coucher du roi.
Les importants personnages de la cour furent
également représentés par le même procédé,
et en 16G8, Louis XIV autorisa Benoît à exposer
en public tous ces portraits *. Ainsi fut créé le
premier musée de figures en cire. Benoît l'ins-
lalla dans la rue des Saints- Pères, et il en
IrauNportait chaque année l'exposition à la foire
Sailli -Germain. Deux des prospectus qu'il
répandit alors sont conservés à la bibliothèque
Miizarine ^. Le premier se termine ainsi : « On
les montrera (les figures) tous les jours matin et
soir, mesme aux flambeaux, au logis du sieur
Benoist, rue Saint Père, proche la Charité,
et l'un ne prendra que dix sols pour chaque
ptTsoime ». Benoît mourut à Paris en avril 1717,
a l'iigt; dt* quatre-vingt huit ans *.
Il avait eu des imitateurs.
On ncjmmait la Crèche un spectacle éliibli rue
de la Hûcherie, près du Petit-Pont, dans une
des Mdb's de l'Hôtel-Dieu. Des figures de cire y
repréM.'ntaienl la crèche de Jésus-Christ, où l'on
contemplait une quarantaine de personnages,
lion compris le bœuf et Tùne. Cette exhibition
oriMUflle (hirait depuis l'Avent jusqu'à Pâques,
et l'un y était admis p(Mir deux sous". En 1720,
l«-s propriétaires se nommai. ■nt Nicolas et Anne
Berlraml.
Ln sieur Kirkener faisait voir, en 1774, à la
foire Saint-(iermain, une foule de personnao-es
contemporains. Les premières places coùliiient
vingl-qunlre sous, les troisièmes six .sous.
Quelques années plus U«rd, Clément Lurin
fl ^'"'l'J""'^ '"""■ I'''"'":"i- I"^ six jours pour
(.n/irlrs IX. j I
* \ov. Trttpat obtenues tl enterrement de très haut, très
puutam et Iris magnanime roi François, olc.
5 Sflvnrj-, Dictionnaire du rommerre, I. I, p. 781
\»y. 1.- llulletin de la société de f histoire de' Paris
'iV nnné<' M 890), p 201.
' I)nn.s 11' rorufil rolé \ l.'i.nni.
' Jnl, Dictionnaire critique, p. lys.
' i>ic. Etat de Paris, «Hiil. di; 1757^ p. i78_
installa sur les boulevards le Cabinet des grands
voletirs ^.
Enfin, vers 1778, un allemand nommé Creutz
ou Curtz, qui se faisait appeler Curtius, ouvrit
d'abord au Palais-Rojal, puis sur le boulevard
du Temple un salon où étaient figurées en cire
et de grandeur naturelle toutes les notabilités
contemporaines. C'est là qu'en 1789 furent pris
les bustes du duc d'Orléans et de Necker que la
populace promena dans les rues. Tous les ans,
Curtius renouvelait son musée, et tous les mois,
il y apportait quelque innovation. Il était double
d'ailleurs, l'un plus spécialement consacré aux
grands hommes du jour ; l'autre destiné aux
scélérats, aux bandits célèbres ^. Comme au
musée Grévin actuel, Curtius exposait encore
plusieurs objets historiques dont l'authenticité
était démontrée par de nombreux certificats ;
je citerai, par exemple, la chemise que portait
Henri IV quand il fut assassiné, une momie
d'Egypte, etc., etc. Ces merveilles attirèrent
d'autant plus de monde que le prix d'entrée
était de deux sous seulement ^. Le cabinet de
Curtius existait encore en 1837 *. •
En 1793. Guillaume Loyson, qui montrait
aux Champs-Elysées des figures de cire, fut
arrêté et exécuté pour avoir exposé le buste de
Charlotte Corday ^.
Voy. Cabinets d'anatomie et Ciriers.
Fil de fer. Voy. Tréfileurs.
Fil d'or et d'arg-ent. Voy. Tireurs.
Filandiers et Filandriers. Fileurs de
chanvre et de lin^. Ce nom a aussi été donné
parfois aux cordiers.
Filassières. Les filassières, dites aussi
cerenceresses aiseranceresses, peignaient la filasse
avec le séran, de manière à la rendre apte à être
filée. Cette opération devait se faire dans Paris,
« car l'on ne set pas bien le lin serancier hors de
la ville comme l'en fet dedenz ' ». Les femmes
seules étaient admises dans la corporation. L'ap-
prentissage durait six années. La Taille de 1292
cite seulement trois « cerenceresses ».
En 1006, les liniers, les chanvriers et les
filassiers furent réunis en une seule corporation
dont les hommes se virent exclus, et dont les
maîtresses se qualifièrent dès lors de linières-
chanrrières-filassières. Elles avaient pour pa-
trone sainte Marguerite, dont elles célébraient
la fête le 20 juillet à l'église Saint-Bon.
Voy. Liniers.
Filateurs.
filature.
Propriétaires ou chefs d'une
1 E. Caïuparilon, Les spectacles de lu foire, t. I,
p. 141 ; t. II, p. 13 et 78.
2 Voy. J.-B. Pujoul.\, Paris à la /in du dix-huitième
siècle. 1801, in-8, p. 102.
^ Thiéry, Guide des amateurs (1787), t. II, p. 27^^
* Voy. Brazier, Histoire des petits théâtres, t. I, p.
^ Campardon, t. II, p. 81.
S \'oy. Kileur.s.
273.
186.
6
' L
oy. lMleur.s.
ivre des métiers, lit m LVII, art.
FILATIERS — FILEURS D'OR ET D'ARGENT
327
Filatiers. Voy. FUotiers.
Filatrices. Dans les manufactures de soie,
femmes « occupées à tirer la soie de dessus les
cocons ».
Filature. Au mojen âge, la filature occupait
cinq corps de métiers :
1" Les fileuses de chanvre et de lin.
2" Les fileuses de laine.
3» Les fileuses de soie à petits fuseaux.
4** Les fileuses de soie à grands fuseaux.
5" Les fileuses de coton.
Quoi qu'en disent les dictionnaires, Temploi du
rouet ne date pas du seizième siècle. Sous son
premier nom de touret, je le trouve cité dans les
statuts que les chapeliers de coton, (qui d'ailleurs
employaient plus de laine quede cotoii) soumirent,
en 1268, à riiomolog'ation du prévôt Etienne
Boileau. On y lit : « Nus chapeliers de coton ne
puet faire filer son fil à touret, et se il le fesoit, il
seroit ars * ».
Il semble bien résulter de cette phrase que,
pour la perfection du travail, le fuseau était alors
regardé comme supérieur au rouet. Mais celui-ci
n'en avait pas moins ses partisans, car je rencontre
dans la Taille de 1313 ces deux mentions :
Thiephaine, qui file au touret.
Heloys, qui file au touret 2.
Jusqu'au début du dix-huitième siècle, jusqu'à
la merveilleuse invention de Philippe de Girard,
le lin et le chanvre étaient filés, dans les villes et
surtout dans les campagnes, par des ouvrières qui
utilisaient leurs veillées d'hiver à faire manœuvrer
la quenouille et le rouet. Les matières le plus
employées, rouies et teillées d'une façon grossière,
et les fils souvent irréguliers produisaient des
toiles d'un aspect rugueux et peu flatteur, mais
d'une telle résistance à l'usage qu'il n'était pas
rare de trouver dans les armoires de nos aïeules
des serviettes, des chemises, des draps dont le
service remontait à près d'un demi-siècle ^ .
Voy. Chanevaciers. — Chanvre. —
Empeseurs. — Filassières. — Filerons.
— Fileurs. — Fileuses. — Fuseaux
(Fabricants de). — Liniers. — Nave-
tiers. — Tisserands.
Fileresses. Voy. Fileuses.
Filerons. Des fileurs sans doute. J'ai trouvé
ce nom dans l'ordonnance du 30 janvier 1351,
qui s'exprime ainsi : « Tous tisserans de draps,
teinturiers, faiseurs de toiles, foulons, filerons,
pigneresses. . '* ».
Filetiers. Faiseurs de filets pour la chasse
et pour la pêche.
L'on donnait aussi ce nom à tous les artisans
qui travaillaient à la fabrication du fil.
1 Brûlé. — Livre des métiers, titre XGII.
2 Pages 33 et 116.
3 Rdpportdujurji internationnl de l'exposition de 1889,
groupe IV, p. 43.
4 Article 236
Filetoupiers. Se dit de ceux qui battent le
chanvre pour en tirer la graine.
Filets (Faiseurs de). Titre que prenaient les
maîtres de la corporation des cordiers.
Voyez aussi Pêclie (Ustensiles de).
Fileurs d'archal. Voy. Tréflieurs.
Fileurs de boyaux. Voy. Boyaudiers.
Fileurs de chanvre et de lin. Leur
corporation admettait indistinctementdes hommes
et des femmes, car on trouve cités des filandriers
et dea fila ndrières '.
Leurs plus anciens statuts leur furent accordés
en 1328 par le prévôt Gilles Haguin -.
Aux termes de ces statuts :
Le droit de s'établir s'achetait dix sous, dont
six revenaient au roi et quatre à la confrérie.
Chaque maître ou maîtresse pouvait avoir à la
fois deux apprentis ou apprenties.
La durée de l'apprentissage était de quatre ans.
Deux jurés administraient la communauté.
Ces statuts furent confirmés, sans changement,
le 16 janvier 1349.
Fileurs de fer. Voy. Tréflieurs.
Fileurs de lumig-non. Titre qui appar-
tenait à la communauté des cardeurs.
On appelait himigmn des mèches destinées
aux cierges d'église et aux flambeaux de poing.
Ceux-ci étaient de forts bâtons de cire, carrés,
un peu arrondis aux angles, longs d'environ un
mètre, et aussi larges du haut que du bas. Ils
étaient garnis de quatre mèches à peu près grosses
comme le pouce. Pour s'éclairer le soir dans les
rues, on se faisait souvent précéder d'un ou
de plusieurs laquais munis de flambeaux de
poing. Leur nombre ne révélait pas la qualité de
la personne, mais bien l'effet qu'elle voulait
produire. Au début de la Fronde, quand le
cardinal de Retz se décide à aller calmer la
populace, il fait allumer huit ou dix flambeaux,
et se rend à la porte Saint-Honoré dans cet équi-
page ^. Une autre fois, on le voit se contenter
de deux, sans parler des soirs où il w^en prendra
pas du tout, pour se rendre plus secrètement à
ses rendez-vous galants. Ce sont aussi des tlam-
bleaux de poing que l'on portait à la main, en
guise de cierges, dans certaines cérémonies
publiques, les processions par exemple.
Aux portes des hôtels, on trouvait de larges
cornets de pierre disposés pour éteindre le
flambeau à l'arrivée.
Fileurs d'or et d'arg-ent. Titre qui
appartenait à la corporation des tireurs d'or et
d'argent. Les tissutiers rubaniers ayant voulu se
l'approprier, un arrêt du 4 janvier 1692 le leur
interdit.
1 Cinq, dans la Taille de 1292; six, dans celle de 1300
2 Dans les Ordonn. royales, t. II, p. .567.
3 Gard, de Kclz, Mémoires, édit. Prtitot. 2<' séri
t. XLIV, p. 296.
328
FILEURS DE TABAC - FILEUSES DE SOIE
Fileurs de tabac. Voj. Torqueurs.
Fileuses de coton. Elles étaient trop peu
nombreuses au moyen âge pour constituer une
corporation. Le coton, d'ailleurs, arrivait le plus
souvent tout filé de Svrie, d'Arménie, de Naples,
de Sicile et aussi des'^Indes, provenance dont le
souvenir s'est conservé dans les mots madapolam,
calicot, etc. En qualité de produit exotique, il
appartenait au commerce des épiciers * .
Jacques de Vitry, qui fut fait évêque de
Saint-Jean d'Acre par les Croisés vers 1217,
raconte qu'il vit en Palestine l'arbuste sur lequel
on recueille le colon, intermédiaire, dit-il, entre
le lin et la laine, et dont on fait de légers tissus :
'< Sunt prselerea arbusta ex quibus colligunt
bombacinem quem Francigense cotonem vel
cotiuiappellant, et est quasi médium interlanam
et linum, ex quo subtilia vestimenta conle-
xuntur ' ». Ces subtilia vestimenta étaient des
tissus d'une extrême finesse, analogues à notre
mousseline et qui portaient le nom de bougran.
Mais, dès le quatorzième siècle, ce mot servit à
désigner une toile assez grossière, puisqu'on en
fit des vêtements de dessous et des doublures 'K
La futaine paraît avoir été la seule étoffe de
coton un peu répandue, et encore servait-elle
surtout à recouvrir des coussins, des matelas,
des lits de plumes. Les gants et les bonnets de
colon étaient déjà le monopole d'une corporation
dont les membres furent les ancêtres de nos
bonnetiers. Le coton entrait aussi dans la garni-
ture de divers vêtements. Ainsi, le auqueton ou
hoquelon devait son nom à ce qu'il était forte-
ment garni d'ouate. Les statuts donnés aux
puurpointiers en juin 1323 leur enjoignent de
mettre au moins trois livres de coton dans chaque
hoquelon.
Vers le milieu du quinzième siècle, on com-
mença, non sans succès, à cultiver le coton dans
le midi de la France, dans le Var plus particu-
lièrement *. Les futaines de Troyes étaient
recherchées. Une manufacture de ce tissu fut
inonlée ù Lyon vers 1580 ; peu d'années après,
elle (iccwpait jusqu'à deux mille ouvriers, parmi
les(piels figuraient un grand n(ind)re de Milanais
cl de l'ieuiinilais •''.
T<iiilefi)is, jusqu'au dix-liuitièm<; siècle, la
Kriinee produisit jjeu d'élofles de coton. L'inven-
tanc ilu mobilier de la couronne dr«?ssé en 108 1
enregistre déjà (|iiflqiies draps de colon, mais la
toile de lin fut toujours préférée par les pari-
siennes.
Voy. Coton (Travail du).
On lu dans le .uuij,!,; .l.s ol)s^(iu<-s du petit roi
ifnn : « iJi-m, h Simon dKsiiarnnn, o.sjiicicr l.< Roy,
pour MX livn-» do colon, 9 .•<. p. » Compte de Cieoffroi de
FI fur, pour 1316, |. lu.
* Jn.-obiis (lo Vitriiico. Ifisloria orienlulis, lib. I, cap
HO ; t.. 171 do l'édition di- \T,yi.
3 Voy. Fransciquc Mich.'i, HUloire des tissus de soie
au ytoffH àgr, l. H, p. 29.
» \-y. Miissi<t-Palhnv , ntbliogmphie nnroiwmigue
|>. 32 "l 03. J r j 1 ,
^"y. Savnry, Dirlionnnlre du commerce, i'xWi. de
1723, l. II, p. lVl,cKVUisloirt du commerce i\yi LofT.ina.s.
Fileuses de laine. La Taille de 1292 en
cite deux, celle de 1300 en cite trois.
Les cardeurs se qualifiaient Fileurs de laine,
coton et lumignon.
Fileuses de soie. Une partie des ouvrières
qui composaient ce métier est cité en 1250 par
Jean de Garlande. Il mentionne les dévideuses,
qu'il nomme « devacuatrices, quse devacuant
fila serica ^ » .
Le métier se divisait en deux corporations
distinctes : les fllerresses de soye à grans fuiseaus
et les fileresses de soye à petiz fuiseaux. Ce sont
les titres qu'elles prennent elles-mêmes dans les
statuts qu'elles soumirent, vers 1268, à l'homo-
logation du prévôt Etienne Boileau ^. Comme
on va le voir, chacune de ces deux corporations
avait ses statuts particuliers, qui différaient
d'ailleurs fort peu les uns des autres.
I. Fileuses de soie a grands fuseaux :
Le métier était libre.
Chaque maîtresse pouvait avoir en même temps
jusqu'à trois apprenties.
La durée de l'apprentissage était de huit ans
pour l'enfant sans argent, de sept ans pour l'enfant
qui apportait vingt sous parisis.
Le travail à la lumière était permis, mais
pendant l'hiver seulement, « dès la S. Rémi
jusques à quaresme prenant ».
La communauté était surveillée par deux
« preud'omes jurés et serementez de par lou Roi,
les quex li prevoz de Paris met et oste à sa
volenté ».
II. Fileuses de soie a petits fuseaux :
Le métier était libre.
Chaque maîtresse ne pouvait avoir à la fois
que deux apprenties.
La tlurée de l'apprentissage était la même que
chez les fileuses à grands fuseaux. Seulement, le
contrat devait être dressé par écrit, en présence
des jurés et de deux ou trois maîtresses.
Le métier était administré par deux jurés pris
dans les autres communautés.
Les fileuses, qu'elles appartinssent à l'une ou à
l'autre de ces corporations, devaient « desvuider,
filer, doubler et retordre » la soie. C'est la seule
mention des statuts qui soit relative à la nature
de leur travail. Mais le fil étant d'autant plus
loi's ([ue h; fuseau est plus petit, le résultat de
l'opération est tout différent suivant qu'elle est
fait(^ avec un petit ou un grand fuseau^. De là
rexistence de deux corporations distinctes pour
le même objet.
Les fileuses de soie avaient, sous tous les
rapports, une détestable réputation. Elles rui-
naienl hnir santé dans la débauche, et c'était
avec elles que les étudiants d'alors allaient le plus
st)uvent gaspiller leur argent. Jean dedarlande,
bien placé pour le savoir, nous le dit en termes
singulièrement énergiques : « dévastant tota
1 Édit. Schcl.'r, p. 34.
2 Livre des métiers, titres XXXV et XXXVI.
•* G. Fagni.'z, Études sur l'industrie., p. 222.
FILEUSES DE SOIE — FILS DE MAITRES
329
corpora sua frequenti coïtu, dum (levacuaul et
sécant aliqiiando marsupia scolarium parisien-
sium ».
Leur probité était à la liautour de leurs mœurs.
Les merciers, ohlig'és de leur coniier les précieux
lils qu'ils iaisaieut venir de rétran<>;er, avaient
souvent bien de la peine à en obtenir la restitution
Les fileuses les mettaient en gag'e chez des juifs,
les vendaient, et déclaraient qu'elles les avaient
perdus, ou rendaient de la bourre filée au lieu de
soie. Voici les termes mêmes d'une ordonnance
de 1275 : « Quant aucuns des merchiers balloient
leur soie escrue, elles l'eng-afr'eoient ou vendoient
chiés lombars ou chiez jujs, ou leur eschan<2;oient
la bonne soie à bourre de soie, et aportoient en
leu de la bonne soie, et disoient que ce estoit
de leur soie ». Cette ordonnance condamnait les
délinquantes à l'amende. Elle resta sans effet, et
en 1283, le prévôt dut faire comparaître devant
lui toutes les « fileresses », et il leur lut une
nouvelle injonction portant peine du bannissement
contre celles qui engageraient, vendraient ou
chang'eraient la soie à elles confiée. Si les bannies
rentraient dans Paris, la peine infamante du pilori
devait leur être intligée pendant deux jours '.
On trouve dans les statuts accordés aux merciers
en 1408 la preuve que les fileuses ne se corrigèrent
point. Pour dissimuler leurs détournements, elles
enduisaient la soie de liquides qui la rendaient
plus lourde, et elles déjouaient ainsi la précaution
prise par les merciers de peser la soie qu'ils
livraient et celle qu'on leur rendait.
La Taille de 1202 cite 8 fileuses de soie, celle
de 1300 en mentionne 36.
Voj. Drapiers de soie.
Filigraneurs et Filigranistes. Ouvriers
en filigranes. Ce mot ne figure ni dans le diction-
naire de Savarj ni dans celui de l'abbé Jaubert.
Les fils d'or et d'argent dits or de Chyfre, qui
sont sans cesse cités au moyen âge, se fabriquaient
à Gênes ; ils se vendaient roulés sur des bobines
appelées cannettes.
On trouve souvent filigramews.
Filotiers. Marchands de fil au détail. On
trouve aussi fdatiers.
Fils de maîtres. Dès le treizième siècle,
les corporations s'efforcèrent de favoriser l'appren-
tissage des enfants au sein de la famille et
d'empêcher qu'une maison passât entre les mains
d'étrangers. En effet, même dans les commu-
nautés qui accordaient deux ou trois apprentis à
chaque maître, les enfants de celui-ci n'étaient
jamais compris dans le nombre. A cet égard, les
statuts s'expriment ordinairement en ces termes :
<< Nus ne puet avoir en ce mestier que... aprentiz
tant seulement, se ce ne sont ses enfans nez de
loial mariage 2 ». Ce droit n'appartenait, bien
1 Voy. Depping, Ordonnances relatives aux me'tiers,
p. 377.
2 Livre des métiers, titres XXI, art. 2 ; titre XXX,
'art. 2 ; titre LVII, art. 4 ; titre LXYIII, art. 2 ; titre
LXXI, art. 2 ; titre LXXXIII, art. 4 ; titre LXXXVII,
art. 3, etc., etc.
entendu, qu'aux enfants légitimes, mais la plupart
des corporations retendaient à bien (l'autres
membres de la famille. Les fondeurs d'étain',
les atachiers-, les fileuses de soie à grands
fuseaux^, les tapissiers*, les sculpteurs^, les
selliers", les tisserands' pouvaient avoir à la fois
comme apprentis leurs enfants et ceux de leur
femme.
Les boucliers de laiton et les crépiniers appor-
taient une restriction à ce principe, ils n'admet-
taient les enfants de leur femme que si le premier
mari de celle-ci avait été du métier^ ou si elle-
même l'exerçait ^.
Les charpentiers vont plus loin. Chaque maître
peut avoir pour apprentis son fils, son neveu et
l'enfant appartenant à sa femme '*•.
Les foulons acceptent leurs enfants, leurs frères,
les enfants et les frères de leur femme *^ .
11 est interdit à tout maître drapier d'avoir
chez soi plus de trois métiers ; mais on l'autorise
à recevoir sous son toit ses enfants, un frère et
im neveu, et à confier à chacun d'eux encore
trois métiers *^.
Le dernier mot reste aux orfèvres, qui ne font
d'exception pour aucim parent : « Nuz orfèvres
ne puet avoir que un aprenli estrange, mes de
son li'rnas:e ou du lisj^nay-e de sa famé, soit de
loing, soit de près, en puet il avoir tant coint; il
li plaist ^3 ».
En fait, c'était là interdire le métier à tout
étranger, et en même temps rendre le nombre des
apprentis illimité. Aussi, dès 1355, un édit du
mois d'août ne permit plus aux orfèvres d'avoir,
en dehors de leur apprenti étranger, qu'un parent
du côté du mari et un du côté de la femme. Treize
ans plus tard ^*, on n'en autorise plus qu'un seul.
Chez les foulons, d'abord presque aussi exclusifs
que les orfèvres, les statuts de 1443 *^ accordent
à chaque maître deux apprentis étrangers, et
n'admettent en outre que son fils ou son frère. A
dater du seizième siècle, il n'y a plus guère de
privilège que pour les enfants du maître.
Les apprentis appartenant à la famille étaient
dispensés de presque toutes les redevances impo-
sées aux autres membres de la corporation. Le
fils de maître qui voidait continuer le métier de
son père n'était pas toujours dispensé de compa-
raître devant les jurés, mais il est proba'ble qu'il
les trouvait indulgents. Plusieurs corporations
le favorisaient plus encore. Chez les cuisiniers,
par exemple, le fils pouvait succéder à son père,
même s'il ignorait le métier, « se il ne sait riens
1 Livre des me'tiers, titre XI^ , art. 2.
2 Livre des métiers, titre XXV, art. 5.
3 Livre des inétiers, titre XXXV, art. 2.
* Livre des métiers, titre LI, art. 2, et titre LU, art. 2.
•' Livre des métiers, titre LXI. art. 4.
6 Livre des métiers, titre LXXVIII, art. 25.
"^ Depping, Ordonnances, p. 389.
8 Livre des métiers, titre XXII, art. 5.
9 Livre des métiers, titre XXXVII, art. 2.
10 Livre des métiers, titre XLVII, art. 2.
11 Livre des métiers, titre LUI, art. 2 et 4.
12 Livre des métiers, titre L, ai-t. 4 et 5.
13 Livre des ynéliers, titre XI, art. 4.
14 Ordonnance de 1378.
13 Dans les Ordonn. royales, t. XVI, p. 598.
330
FILS DE MAITRES - FISTULEURS
du mestier » ; on lui demandait seulement de
prendre un ou\Tier « qui en soit expers », et de
le garder jusqu'à ce qu'il fût lui-même en état de
passer son examen devant les jurés *.
Les fils de maîtres qui succédaient à leur père
n'avaient pas, en général, à acheter le métier, la
maison étant regardée comme n'ayant pas changé
de chef: « Quiconques mestre, disent les chaus-
setiers, commence le mestier de chaucerie, il
doit XX s. d'entrée, se il n'est fuiz ^ de mestre,
li quel ne doit rien ^ ». Ce privilège était étendu
dans plusieurs métiers au frère et au neveu du
luaîlre. Enfin, un petit nombre de corporations
n'admettaient à la maîtrise que des fils de maître,
les drapiers par exemple * et les bouchers. Chez
ces derniers, chaque étal se transmettait de mâle
en mâle, comme la couronne de France, et si un
boucher ne laissait que des filles, son étal était
acheté par un confrère ^.
Somme toute, on peut affirmer que quand le
maître avait un fils, il succédait presque toujours
à son père ; s'il n'avait que des filles, il en mariait
une avec l'apprenti, afin que la maison restât
dans la famille. Cette coutume avait ses avan-
laires et ses inconvénients. On exay-érait un peu
au treizième siècle le respect des traditions et des
souvenirs, nous exagérons aujourd'hui en sens
contraire.
Les siècles en passant ne modifièrent guère
cet ordre de choses. A la fin du quinzième siècle,
le chef-d'œuvre était exigé dans presque toutes
les corporations pour obtenir la maîtrise. Mais on
avait inventé, en faveur des fils de maître une
épreuve beaucoup plus facile dite expérience^.
L'édit de 1581 ' leur impt)sa, il est vrai, un
apprentissage de la même durée que celui des
enfants étrangers ; mais, comme ils étaient auto-
risés il passer ce temps chez leurs parents, la
clause était tout ù fait illusoire. Elle fut même
altrogée par un édit postérieur, qui exempta
d'apprentissage les fils de maître demeurant en
famille.
Dès le seizième siècle, les enfants du maître,
même b's enfants naturels, disent les lapidaires *,
ne comptaiciil pcjirit coniuK; apprentis. J. es statuts
qui n'accordent aux maîtres qu'un seul apprenti
ne les empêchent pas (h* lui adjoindre tous leurs
«•nfanls. Placés chez un autre patron pour y
appr.-ndre le métier, leur titre de fils de maître
^uflit pour qu'ils puissent être acceptés en sus du
nombre normal.
Quelques communautés se montraient un peu
plus sévères. Chez les armuriers ^ les fondeurs '<>,
les lapidaires <«, les tisserands <*, le fils de maître
' /.Trr ,lr. me/.rrs, titr-' lAlX, ;irl 2.
' A liKMii). qu'il ni- suit lils.
3 /.irre dtt inêlitTi, tiln- L\ , uit. il.
* lAtrt drt mflirrs. tiln- 1„ ml. %.
» SintuU .1.- 1381. art 2U.
« Vi.y. InrticU' Ch.f-d'.ruvn-.
* Article 15.
' Stnlul.s <|.> ITiSr., «ri. 10.
9 Slnlul-i ri.- 1562, orl. 9
<• Siniuls ,1.. i.-,7v, on. 7.
" Slfltul.s .].< l.-,8.-i, art. 10.
'* St/mu.t d.' 1580, art. 20.
servant ailleurs que chez son père compte comme
apprenti. En revanche, dans le désir de voir
chaque maison appartenir toujours à la même
famille, les imprimeurs, les libraires et les relieurs
dispensent leurs enfants de tout apprentissage :
« Ains seront receus [maîtres], disent-ils, à leur
première requeste et sans aucun frais ^ ». Les
couturières déclarent aussi que les filles de
maîtresse « seront reçues sans faire apprentissage
ny chef-d'œuvre^ ». Les orfèvres ne vont pas
si loin : ils exigent le chef-d'œuvre, mais stipulent
en même temps que « les fils de maître ne seront
assujétis à aucune des lois prescrites pour
l'apprentissage •* ».
Cependant, aux termes d'articles fort sages
qui furent surtout en vigueur à la fin du dix-
huitième siècle, les fils de maître étaient tenus
de se soumettre à toutes les conditions de
l'apprentissage s'ils étaient nés avant que leur
père eût obtenu la maîtrise. Les boulangers et
les charcutiers * inscrivent cette prescription
dans leurs statuts. Les menuisiers modifiaient
seulement, eu pareil cas, la somme à payer
pour devenir maître ^ . Au reste, cette mesure
visait surtout les maîtres dits sans qualité, qui,
n'ayant point passé par l'apprentissage, ne
pouvaient enseigner un métier qu'ils n'avaient
pas appris.
En somme, à la fin du dix-huitième siècle on
voit toutes les barrières s'abaisser devant le fils
du patron. La maîtrise semble devenue une
propriété acquise par le père, et dont le fils hérite
de droit. La bourgeoisie, ambitieuse, active,
prudente, économe, est entrée en scène, prenant
place entre la noblesse et le peuple, envieuse de
l'une, et d'autant plus dure à l'autre qu'elle en
est sortie et rougit de cette origine. Pour tout ce
qui touche l'admission à la maîtrise, les statuts
cessent dès lors d'être un guide sûr. Tous, ouver-
tement, favorisent les fils du maître. Mais ce n'est
pas assez, et en réalité il n'y a plus de loi dans
la corporation que la volonté du roi et le bon
plaisir des maîtres. *
Finetiers. Voy. Graveurs sur pierres
fines.
Fineurs. Voy. Affineurs.
Finisseurs. ^< Ouvriers qui finissent les
mouvements des montres ou des pendules, qui
donnent la perfection aux dentures, engrenages
et pivots, qui égalisent la fusée, etc. **.
Fisiniers. Forgerons, taillandiers? « Fisi-
niers ou maistres de fer », dit une ordonna?ice
de mai 1471 ^
Fistuleurs. Flaeuteurs. Flag-eleurs.
Voy. Flûtes (Fabricants de).
' Statuts de 1618, art. 9.
2 Statuts di' 1675, art. 6.
■■' Statuts de 1759, titre II, art. 11.
* Statut.s de 1754, art. 15.
" Statuts de 1743, art. 27.
" Jaubert, Dictionnaire, 1. Il, p. 221.
■< Ordunn. royales, t. XVII, p. 429.
FLAGEOLEURS — FLOURIÈRES
331
Flageoleurs. Fabricants et joueurs de
rinstruineul appelé flag'eol ou flageolel, qui est
déjà cité, à la fin du treizième siècle, dans le Dit
cCuii mercier.
()\\ trouve aussi flageoliers.
Flag"eoliers. Vov. Flageoleiirs.
Flahuteurs. Vov. Flûtes (Fabricants
de).
Flaonniers. Faiseurs de la pâtisserie nom-
mée flan.
Flassadiers. Ouvriers qui confectionnaient
les tlassades ou couvertures de lit.
Yoy. Ducani^e, au moi flassada.
Flauniers. Voj. Flaonniers.
Flauteurs. ^ov. Flûtes (Fabricants
de).
Fléchiers et Flég-iers. Faiseurs de flè-
ches. La Taille de 129'J en mentionne 1.
Voj. Arctiers.
Fleeuteurs. Fleuteurs. Fleutiers
Voj. Flûtes (Fabricants de).
Flequeurs. ^'o\. Flequiers.
Fleuretes et Fleurières. Noms cités
dans la Taille de 1313, et qui désig'nent sans
doute des bouquetières.
Fleuristes. Nom que prirent, à la fin du
dix-huitième siècle, les fabricants de fleurs artifi-
cielles. Il a appartenu aussi aux grainiers, aux
chapeliers de fleurs et aux jardiniers.
Fleurs artificielles (Fabricants de). Les
essais faits, dans cet art, aux seizième et dix-
septième siècles ^ n'étaient guère que des imi-
tations trop grossières pour procurer l'illusion.
On s'était découragé. Presque seules les reli-
gieuses, trompant l'ennui du cloître, s'efforçaient
de copier la nature par un bizarre assemblage
de plumes mal teintes et d'étoffes mal découpées.
De réels progrès furent réalisés par un sieur
Séguin, venu de Mende à Paris vers 1738. Avec
du parchemin, du papier, du fil de fer et des
cocons de vers à soie, il obtint des fleurs dont
ses contemporains furent réellement émerv^eillés^ .
Cependant, les femmes ne daignèrent pas aussi-
tôt s'en parer, et Séguin ne travailla d'abord que
pour la décoration des tables. Jaubert disait
encore vers 1773 : « Quoi qu'on fasse un grand
usage de ces fleurs à la toilette des dames, qu'on
en décore les palais des grands seigneurs, que
nos temples même en empruntent une partie de
leurs ornemens, c'est surtout dans les desserts où
elles sont plus employées, et une table qui en est
couverte avec intelligence, a l'air d'un véritable
parterre ^ ». Dès 1775, la fabrication des fleurs
1 Voy. le Dictionnaire archéologique de V. Gay, t. I,
p. 492.
2 Yoy. l'Encyclopédie de Diderot, t. VI, p. 867.
3 Dictionnaire des arts et métiers, t. Il, p. 222.
artificielles avait fait de tels progrès, qu'un sieur
Beaulard présenta à Marie-Antoinette un boulon
de rose qui s'épanouit en sa présence '.
Un sieur T.-J. Wenzel lui succéda dans la
faveur de la reine. En 1790, il publia un volume
dans lequel il proposait d'établir à Paris une
manufacture de « végétaux artificiels », où deux
mille femmes auraient trouvé une occupation
lucrative. Ce livre, sans f^rand intérêt, se tait sur
les procédés nouveaux de fabrication et juge
sévèrement les anciens ; j'y relève cependant
cette phrase : « 11 faut, pour une seule rose, plus
de trente outils difîérens et ces outils ont
besoin d'être renouvelés presque tous les ans,
pour peu qu'on soit jaloux d'approcher de la
perfection. Ainsi, suivant les procédés actuels,
la multiplicité des outils, leur prix excessif, la
nécessité de les renouveler fi'équemmenl sont
autant «le cau.ses de la cherté prodigieuse des
fleurs artificielles ». Wenzel réussit surtout
auprès des dames de la cour, enthousiasmées par
un travail qui produisait de si jolis résultats.
Wenzel consentit à leur donner des leçons ; il
eut entre autres élèves la comtesse de Genlis,
dont les bluets, les coquelicots, les myosotis et
les marguerites obtinrent un succès qu'inter-
rompit la Révolution.
Paris s'engoua alors de fleurs étranges. J.-B.
Pujoulx écrivait en 1801 : « Le fleuriste, comme
tous les fabricans qui travaillent aux objets de
luxe, est souvent obligé de sacrifier la vérité de
l'imitation au désir, à la nécessité de varier ses
fleurs. Après avoir épuisé les dons de Flore, le
caprice des marchands et des coquettes devient
son seul guide. Quand nos dames ont adopté une
couleur, elles veulent la voir partout. L'artiste
est dès lors forcé d'imaginer des monstruosités
pour vivre ; c'est ainsi qu'il y a quelques mois,
on porta des roses jaunes à feuilles noires et des
roses noires à feuilles jaunes. Les fleuristes qui
avaient du goût gémissaient, mais. ... c'était la
mode "^ ».
D'abord appelés honqnetiers-décorateurs^ les
fabricants de fleurs artificielles ne prirent le nom
de fleiiristes que vers la fin du dix-huitième siècle.
Ils ne furent jamais constitués en communauté.
Pendant bien longtemps, les fleurs en papier
confectionnées dans les couvents furent vendues
par les merciers. Les bouquets faits de plumes
étaient rœu\Te des plumassiers, et ceux formés
d'émaux de diverses couleurs appartenaient au
commerce des émailleurs.
Floreresses de coiffes. Voy. Chape-
liers de fleTzrs.
Florières. La Taille de 1292 en cite 2,
qui étaient très probablement des bouquetières.
Flotille royale, à Versailles. Voy.
Bateaux des maisons royales.
Flourières. Voy. Bouquetières.
1 Correspondance de Métra , janvier 1775 , t. I
p. 180.
2 Paris à la fin du, dix-huitième siècle, p. 36.
332
PLUSIEURS — FONDEURS
Flusteurs. \oy. Flûtes (Fabricants
de).
Flûtes 'Fabricants de). La Taille de 1292
c[U;2 fleitteeurs on /leutiers. Eustache Deschamps,
au quatorzième siècle, mentionne la flûte Iraver-
sière un ilûte allemande, l'autre était le flageolet.
Nicolas Hotteterre, son fils Jean, et Philibert
Rebillé étaient, à la fin du dix-septième siècle, les
facteurs les plus en vogue i ; à la fin du dix-hui-
tième on citait le sieur Thomas Lot, qui demeu-
rait rue de l'Arbre-Sec -.
Les fabricants et les joueurs de flûte ont été
dits fistuleurs, (lageleurs, ftaeuteurs, (lauteurs,
/lenteurs, flahutenr s, flusteurs, etc., etc.
Foilleurs. Voj. Fueil (Qui fait le).
Foin (Marchands de). Ils ont leurs slatuls
dans le Livre des métiers ■'* , qui les nomme
fanins, feiniers, feniers, et marchanz de fein ;
il mentionne aussi, en passant, les courratiers et
les porteeurs de foin. Il était interdit aux mar-
chands d'avoir deux prix différents pour le foin
chargé sur un même bateau. Ils pouvaient faire
promener dans les rues une belle botte de foin
par des individus qui en criaient le prix et
j'adresse du vendeur. Les feiniers ne payaient
pas d'impôts, mais toutes les fois que le roi venait
a Paris, chaque maître devait lui fournir une
liolle de son meilleur foin, botte qui était destinée
à l'écurie royale. « Cex * qui sunt demourant à
Paris, qui vendent à détail fein, doivent chascun
au Roy I fagot de fein de premierein, à chascun
jour que li Roys entre dedeiiz la vile de Paris ».
Oci, peut-être en vertu du droit de fenage (/b^a-
ticum, fenaffivin), redevance établie par quelques
seigneurs sur la récolte des prairies.
La Taille de 1292 mentionne 22 faniers. Ils
étaient au nombre de 30 en 1402 ^.
.\u moyen âge, on nommait juilletle mois des
U)iii^ (metisis fenalis). Juin et juillet étaient dits
n'Siiillc-mois, parce que c'était le temps de la
coupe des foins : « L'an de grâce 1376, le
14" jour du mois de juing, qu'on appelle resail-
le-mois. .. " ».
Pendant très longtemps, le foin se mesura à la
charretée. Lu cliarriitée représentait la charge
d'ime voilure traînée par deux bœufs, et on
resliiiurii mille livres, représentant un peu plus
«le muilrr* cents kilogrammes ".
Il y a peu II prendre dans rordoiinance de
UIT) ^ C-lle (le déc.'inbre H)72 interdit aux
ni(irclmnd> de f(.iii de rien jeter dans la Seine, à
peine de cent livres d'amende, dont un tiers
ndjugé nu ilenoncialeur ».
Les marchands de foin ne vendaient guère
qu'en jfruK. Lo commerce de détail était fait sur-
' l.t l.iere commoilf pour 109^, {. J, p. 212.
* Almannrh Ihiunkin pour 1789
^ T.lr.. LXXXlX.
» Cux
s n-lnninm-. Traité de la police, t. III, p. 1.064.
- X"-^' '••/'/"^^'"''•«' <l--" Durant,'.-, au mol mensis.
• (tueranl, P'iyplt/qur d'irmiiwn, i.. 180
8 Cliapilre XXII
9 Chapilft- XVI.
tout par les grainetiers, les regrattiers, les chan-
deliers, les fruitiers et les loueurs de chevaux.
Au commencement du dix-huitième siècle, on
estimait la consommation annuelle de Paris à six
millions débottés. Presque toutes étaient recueil-
lies dans l'Ile de France.
L'abbé Jaubert (1773) écrit foiniers.
Yoy. Botteleurs. — Contrôleurs. —
Courtiers. — Faneurs. — Porteurs, etc.
Foiniers. Voy. Foin (Marchands de).
Foires. Il s'en tenait une devant chaque
église le jour où celle-ci fêtait son saint. Mais les
seules importantes étaient les foires suivantes :
Jambons (aux). — Lendit (du). —
Oignons (aux). — Saint-Clair. — Saint-
Germain. — Saint-Laurent. — Saint-
Ovide. — Temple (du).
Voy. tous ces noms.
Fonceaux d'esteufs (Faiseurs de). On
nommait ainsi les ouvriers qui confectionnaient
les sacs à balles pour les jeux de paume. Ils
appartenaient à la corporation des paumiers.
Fondeurs. On ne connaissait pas, au moyen
âge, la division du travail telle qu'elle existe
aujourd'hui ; en général chaque corps d'état
fabriquait à lui seul les objets qui formaient sa
spécialité. Les braaliers, par exemple, tissaient
eux-mêmes, sans le secours du tisserand, les
étoffes destinées aux braies qu'ils façonnaient -,
les lampiers fondaient eux-mêmes les lingots de
cuivre qu'ils transformaient en chandeliers et en
lampes; etc., etc. La plupart des ouvriers qui
travaillaient les métaux eussent donc pu se
qualifier de fondeurs. Cependant, de tous les
métiers qui soumirent, vers 1268, leurs statuts à
l'homologation du prévôt Etienne Boileau ^, une
seule communauté prit officiellement ce nom,
celle des Fondeurs et mol leurs -, qui déclarèrent
confectionner des boucles, des ardillons, des
fermaux, des anneaux « et autre menue oevre
que on fait de coivre ^ et d'archal ». Ils faisaient
aussi des sceaux, des méreaux, des cachets ;
mais il leur était interdit d'y graver aucune
inscription, on tolérait seulement les lettres
isolées, les initiales sur une bas-ue ou un cachet.
Peut-être redoutait-on la contre-façon des sceaux
de l'Etat ou même celle des monnaies. « Ce sont
choses qui portent soupçon », disent les statuts.
Une réserve de même nature leur était imposée
pour la confection des clefs ; ils devaient s'abstenir
de reproduire celles qu'on leur commandait, si le
client ne leur présentait pas en même temps la
serrure. Nous verrons la même condition stipulée
par les serruriers.
Les statuts des fondeurs furent- renouvelés en
ir)72. Les maîtres se qualifiaient alors àa fondeurs-
mouleurs en terre et en sablc-hossetiers-sonnetiers-
cizeleurs-faiseurs dHnstrumens de mathématiques,
tjlohes et sphères. Je renvoie à tous ces mots.
' Livre des métiers, litri; XLl.
- Mouleurs.
•* De cuivre.
FONDEURS — FONDEURS DE CARACTERES D'IMPRIMERIE
333
L'apprentissage était de cinq ans, et chaque
maître ne pouvait avoir à la fois deux apprentis.
L'article 17 énumère long'uement les objets
dont la fabrication était permise aux fondeurs-
mouleurs. Ce sont, entre autres, les croix d'éirlise,
ciboires, encensoirs en laiton, cloches, sonnettes,
timbres pour horlog'es, grelots, lampes « et toutes
autres choses qui se pourront moller et fondre en
sable, de cuivre, latton et ayrain * ».
La corporation avait pour patrons saint Eloi
et saint Hubert.
A la fin du dix-huitième siècle, le nombre des
maîtres s'élevait à 300 environ. L'édit de 1776 les
réunit aux doreurs et aux graveurs sur métaux.
Voy. les articles suivants.
Fondeurs de canons. Dès le quinzième
siècle, la France possédait sept canons, dont
Christine de Pisan nous a conservé les noms. Les
lettres patentes d'août 1411 érigèrent les urtil-
liers en communauté ^ ; celles de novembre 1441
nous apprennent que le service de l'artillerie se
composait alors des artilliers proprement dits,
des deux frères Olivier et Guillaume Marchant
« charpentiers d'artillerie », qui sans doute
construisaient les affûts, et du sieur Jehan
Duchemin, « tailleur de pierres à bombardes ^ ».
Sous le nom à"" artilliers ^ les fondeurs de
canons, « artillatores », dit Ducange, figurent
dans l'ordonnance des Bannières (1467) ^.
Quand François P^ revenant d'Espagne (1526)
fit sa rentrée à Paris, « furent tirées dix grosses
pièces d'artillerie qui estoient sur les murailles
et terrasses, des costez de la porte Saint-Martin ».
Dès 1524, la Ville possédait vingt-huit « pièces
de grosse artillerie •' ». Mais, jusqu'au dix-
septième siècle, il n'y eut pas de troupe spéciale
affectée au service des pièces. Chacune était sous
la direction d'un canonnier de profession, ingé-
nieur plutôt que soldat.
Sous Louis XIV, un canon revenait à 6.600
livres avec son affût ^ . Ceux qui les fabriquaient
portaient encore le nom (Wa-i illeurs, artilliers
ou canonniers, ^ relevaient du bailliage de
l'Arsenal '.
Au dix -huitième siècle, les principales
fonderies de France étaient celles de Douai, de
Pignerol, de Besançon, de Brest et de Toulon.
Les fondeurs de canon avaient pour patronne
sainte Barbe, dont ils célébraient la fête en
août et en décembre à l'église de l'Ave-Maria.
Fondeurs en caractères d'impri-
merie. On ne sait par qui furent gravés et
fondus les caractères employés par les trois
premiers imprimeurs parisiens ^, mais il est
certain que ces caractères furent exécutés à Paris,
car ils ne se rencontrent nulle part dans les
autres impressions contemporaines.
1 Laiton et airain.
2 Ordonn. royales, t. IX, p. 631.
3 Ordonn. royales., t. XIII, p. 348.
4 Ordonn. royales, t. XVI, p. 672. — Juin 1467.
5 Journal d'unboiirgeois de Paris sous François I", p. 205.
6 Pellisson, Lettres historiques, 17 mai 1670, t. I, p. 27.
7 Voy. ci-dessous l'art. Salpêtricrs.
8 Voy. ci-dessous l'art. Imprimeurs.
Un règlement de mai 1571 nous apprend '
qu'à cette date les fondeurs de caractères appar-
tenaient déjà à la corporation des imprimeurs,
et que pour eux la journée de travail, commencée
à cinq heures du matin, ne finis.sait qu'à luiil
heures du soir. Comme les libraires et les
imprimeurs, ils ne pouvaient s'établir en dehors
des limites de l'Université, condition encore
exigée un siècle et demi plus tard -.
A la fin du dix-huitième siècle, il n'existait
encore en France que douze fonderies, dont six
étaient exploitées à Paris. Dans une fonte de
100.000 lettres, le bas de cas.se ^ se subdivisait
ainsi :
a.... 5.000 lettres m... 2.800 lettres
b.... 800 — n.... 5.000 —
c... 3.000 — 0.... 4.800 —
ç.... 100 — p.... 2.400 —
d.... 3.000 - q.... 1.200 -
e.... 11.000 — r.... 5.000 —
f.... 900 — s.... 5.400 —
g.... 800 — t.... 4.600 —
h.... 800 — u.... 5.000 —
i.... 5.400 — V.... 2.500 —
j.... 400 — X.... 400 —
k.... 100 — y.... 300 —
1.... 4.000 — '/..... 400 —
Chaque caractère portait, suivant sa hauteur,
un lunn différent. Vers le milieu du siècle, un
fonde.ir, Fournier le jeune, inventa le point
typographique, mesure qui servit dès lors à
désigner les caractères de toute dimension.
Ainsi :
Le diamant devint corps 3.
La perle — 4.
La Parisienne ou Sé-
danoise — 5.
La nonpareille — 6.
La mignonne — 7.
Le petit texte — 7 1/2.
La gaillarde — 8.
Le petit romain — 9.
La philosophie — 10.
Le cicéro — 11.
Le Saint-Augustin.... — 12 et 13.
Le gros texte — 14,15,16.
Le GTOs romain — 18.
Le petit parangon — 20.
Le gros parangon — 22.
La Palestine — 24.
Le petit canon — 26.
Le trismégiste — 36.
Le orros canon — 40 et 48.
Le double canon — 56.
Le double trismégiste.. — 72.
Le triple canon — 88.
La grosse nonpareille. . — 96.
La moyenne de fonte. . — 100.
1 Article 18.
2 Voy. les statuts do février 1723, article 58. Dans
Lsambert., Anciennes lois françaises, t. XXI, p. 232.
3 Caractères employés pour le texte courant. L'on ne
comprend dans les chiffres qui suivent ni les capitales,
ni les chiflFres, ni la ponctuation.
334
FONDEURS DE CARACTÈRES D'IMPRIMERIE - FONTAINIERS
On trouve un Ivpe de chacun de ces caractères
flans V Encyclopédie méthodique ^ et la liste de
tous les graveurs et fondeurs en caractères
depuis le seizième siècle dans l'ouvrage suivant :
A. -M. Loltin, Catalogue chronologique des
HhvO.'lTBS etc. .
Les fondeurs de caractères, qui n'étaient guère
plus de cinq où six à la fin du dix-huitième
siècle, ne formèrent jamais une communauté
particulière. Réunis a celle des libraires, ils
avaient, comme eux, pour patron saint Jean
l'évangélisfe.
Voy. Graveurs.
Fondeurs de cloches. « Artiiices illi
siddiles sunt, écrit Jean de Garlande, qui fundunt
campanas de aère sonoro, per quas in ecclesiis
liorae diei denuntiantur motu batillorum et
cordarum attractarum ^ ». Le travail était, en
effet, alors régie partout par les sonneries des
églises.
Les fondeurs de cloches sont plus souvent
désignés sous le nom de saintiers^ les cloches
d'église s'appelant alors des saints *.
I)i' là. une étymologie fautive du mot tocsin.
L'ordonnance de Blois "" l'ayant orthographié
toxin, le commentateur Guy Coquille mit en
note : « Il faut dire toquesaint, car dans l'ancien
langage françois, saint signifie une cloche ^ ».
C'est aussi l'opinion de Noël du Fail '. Henri
Estienne était plus près de la vérité quand il
disait : « Il faut écrire, non^omw, mais ^o^wm?i ;
et encore, si en adjoustant un y, on écrit toque-
sing. on approchera plus de l'étymologie, car
c'est un mot gascon, composé de toquer (au lieu
de ce, nous disons toucher, frapper) et de sing^
qui signifie cloche * ». En réalité, cloche se
tiisait en latin signum ^, et c'est très réguliè-
rement que l'on écrit tocsin.
La Taille de J300 mentionne un seul saintier,
celle de l.'ii.l en cite deux au moins.
Le wiinlier Jean Jouvence fondit la cloche du
Palais ; Guillaume Sifflet, en 1430, la Jacqueline
de Notre-Dann' *". Pendant longtemps, la diffi-
cidlé que présfiiliiit le transport des cloches
obligea les fondi'urs à travailler près des églises;
ri')iiiiuariu<'lle de Notre-Dame fut fondue, en
1082, di-rrière le cloître, sur le Terrain,
aujourd'hui transformé en square. Au dix-
huitième siècle, les frères (iodiveau fondirent
(les cloches pour Saint-Sulpice, pour Saint-
Victor <•! le gros bourdon de Saint-Germain des
Pr.-> ' ' .
' Art» cl niéliiTM, t, I, p. 403.
> Pnrif.. 17H0, in-8». p 2.13. — Voy. aussi Ph. Rc-
nntinnl, Imprimeur» pari.u'eiis, 1H98, in-H".
•■' f'Mil. Sch.lor, |i. •4JI.
* \<«y Duran^n, Gloasnirt, nu mol siqninn.
» Mn. 1.-70.
J^ P. Ncpin, Êdtb tl ordiinnnnrrx. t. I, p. 010.
' Œurrrs. ••«lit. ojzi'v., t. JI, p. H'^.
* Prfttlltnci du langage friinçoix, i^dil. Ffugèrc, p. 186.
9 \'uy. fîréçroin- d.- Tours, f/ixforùi Franrorum,
lil' III, rnp. \V.
I" Journnt d'un bourgeois de Paris soim Chartes Vil
(in H30
" AlmnHack Dauphin pour 1789.
Les fondeurs de cloches, encore bien peu
nombreux à la fin du dix-huitième siècle ^,
avaient pour patron saint Hubert ^.
Fondeurs d'étain et de plomb. Toutes
les corporations qui travaillaient l'étain fondaient
elles-mêmes ce métal au fur et à mesure de leurs
besoins ; je désignerai cependant sous le nom de
fondeurs d'étain la corporation dont les maîtres
s'intitulaient au treizième siècle ouvriers de toutes
menues ouevres que on fait d'estaim et de plom ^ .
Dans les statuts qu'ils soumirent, vers 1268, à
l'homologation du prévôt Etienne Boileau *, ils
se disent fabricants de « miroirs d'estain, de
fremaux d'estain ^, de sonneites ^, de aneles ''
d'estain, de maillés de pion, de méreaus * de
toutes manières, et de toutes autres menues
choseites appartenant à plom et à estain ». En
dehors de ses enfants ou de ceux de sa femme, le
fondeur d'étain ne pouvait avoir à la fois deux
apprentis, mais il réglait comme il l'entendait
toutes les conditions de l'apprentissage. Le travail
à la lumière était permis.
Les fondeurs d'étain ne formèrent que pendant
peu de temps une corporation particulière. Toute-
fois, jusqu'à la tin du dix-huitième siècle, l'on
nomma menuisiers d'étain ^ les ouvriers qui se
livraient exclusivement à la fabrication des menus
objets de ce métal.
Voy. Étain et Miroitiers.
Fondeurs de g"laces. Voy. Tiseurs.
Fondeurs pour la musique. Voy.
Graveurs.
Fondeurs de petit plomb. Ils faisaient
le plomb à tirer, les balles de toute espèce, et les
petits plombs employés par les couturières pour
la toilette des dames.
Le 4 septembre 1731, un arrêt du Conseil
interdit, d'une manière absolue la fabrication de
la grenaille de fer, dont plusieurs chasseurs se
servaient par économie ^^.
Les merciers et les artificiers étaient autorisés
à vendre le petit plomli de cluisse.
Les fondeurs de petit plomb appartenaient à
la corporatien des miroitiers.
Fontainiers. L'abbé Jaubert définit ainsi
le fontainier: « C'est l'artiste ^^ qui, par des
principes certains et des expériences réitérées,
fait la recherche des eaux, les jauge pour en
connoîlre la quantité, les amasse dans des
pierrées pour les conduire dans un regard de
prise ou dans un réservoir. Il sait relever leur
' Vov. Savary, t. II, p. 113.
- I/i' Masson, Calendrier des confréries.. ri. 54.
;i Plomb.
* JAvre des métiers, titre XIV.
^ Voy. ci-dessus l'article Formaux.
6 Sonnettes.
'' Anneaux.
8 Voy. ci-dessous l'art. Méreaux.
'•• Voy. ci-des.sous l'art. Menuisiers.
'" J. Honriquez, Dictionnaire du droit de chasse, t. I,
p. 261.
1' Voy. ci-dessus l'art. Artistes.
FONTAIMKRS
FORESTIERS
335
pente et les conduire au lieu destiné ; il connoît
la force et la vitesse des eaux jaillissantes ; les
calcule pour en savoir la dépense -, fait donner
une juste proportion aux tujaux pour former de
beaux jets bien nourris et qui s'élèvent à la
bauteur requise ; et par une sao;e économie, il
les distribue dans un jardin, de manière qu'ils
jouent tous ensemble sans s'altérer l'un et
l'autre ' ».
Les Tailles de 1292 et de 1300 citent chacune
un fo7itenier. Ils ne possédaient sans doute pas
tous les talents qui viennent d'être si éloquem-
ment énumérés, et de très bonne heure, ils
formèrent une seule corporation avec les plom-
biers.
En février 1623, avait été créée la chargée
d'intendant des eaux et fontaines de France, dont
les fonctions consistaient à protéger les sources,
à empêcher toutes les entreprises qui pourraieid
détourner ou perdre les eaux ^, etc. A dater de
Louis XIV il eut pour titre officiel Intendant des
eaux et fontaines du Roy, grottes, mouvemens,
aqueducs, artifices et conduits d'eau des maisons
royales. La famille Francini resta pendant
longtemps titulaire de cette charge ^. En 1692,
le sieur Denis était premier fontainier du roi ;
ses deux fils exerçaient le même art, l'un au
château de Versailles, l'autre à Trianon *. Pour
le seul service de Versailles, il j avait en 1736
un maître fontainier, trois compagnons et sept
garçons ^.
On comptait à Paris, vers 1760, soixante
fontaines publiques, ainsi distribuées :
Quartiers
De la Cité 2
Saint-Jacques la Boucherie . . 1
Du Louvre 2
Du Palais-Royal 6
Montmartre 5
Des Halles 1
Saint-Denis 5
Saint-Martin 3
De la Grève 1
Sainte-Avoje 4
Du Temple 4
Saint-Antoine 7
De la place Maubert 6
Saint-Benoît 5
Saint-André des Arts 2
Du Luxembourg 2
Saint-Germain des Prés 5
Les quartiers Saint-Paul, Sainte-Opportune et
Saint-Eustache n'en possédaient pas.
On trouve aussi Fonteniers et Fonteiniers.
Vo_y. Garde-rigoles.
Fonteiniers et Fonteniers. Voy. Fon-
tainier s.
1 Tome II, p. 249.
2 Delamarre, Traité de la police, t. I^ , p. 249.
3 Etat de la France pour 1687 , t. I, p. 489 ; pour
1712, t. I, p. 379 ; pour 1736, t. I, p. 489.
4 Le Livre commode, i. Il, p. 155.
5 État de la France, t. I, p. 416.
Forbeeurs. Nom qui- la Taille de 1202
donne aux fourbisseurs.
Forberes. Nom que le Litre des métiers '
donne aux fourbisseurs.
Forbeurs. Nom que le Litre des métiers ^
donne aux lourbisseurs.
Forbisseeurs. Noiu quf la Taille de 1202
donne aux fourbisseurs.
Forcetiers. Fabricants de gros outils en
fer, et notamment de/ôrc^5 à l'usage des tondeurs
de drap.
Ces forces étaient d'énormes ciseaux, dont les
branches parallèles, et non croisées comme celles
des ciseaux ordinaires, étaient réunies à leur
extrémité par un fort ressort qui en facilitait le
jeu. L'année 1288, « environ la Saint-Jehan-
Baptisle », les forcetiers, alors au nombre de 13,
présentèrent à l'homologation du prévôt de
Paris des statuts ^ où nous lisons que le métier
était placé sous l'autorité du premier maréchal
ferrant de l'écurie royale, à qui le roi avait
accordé les revenus et la juridiction profession-
nelle de la plupart des corps d'état qui travail-
laient le fer. Chaque maître ne pouvait avoir à la
fois plus d'un apprenti et la durée de l'appren-
tissage était de dix ans. Le travail à la lumière
était interdit. Trois jurés, établis par le prévôt,
« du consentement de tout le commun du
mestier », administraient la corporation.
Six ans plus tard, au mois de juillet 1294, ces
statuts furent revisés par le prévôt Guillaume de
Hangest *. Il s'agissait alors pour la commu-
nauté de mettre fin à une spéculation qui est
intéressante à connaître. Il paraît que le premier
maréchal du roi vendait fort bon marché l'auto-
risation de s'établir. Des compagnons forcetiers
payaient le petit droit exigé, montaient une forge
et prenaient un apprenti. Au bout de quelques
semaines, ils vendaient leur apprenti, c'est-à-dire
qu'ils le cédaient à un autre maître moyennant
une somme d'argent, « au chief de iij semaines
ou d'un mois le revendoient et délaissoient leurs
forges ». Le bénéfice touché et dépensé, ils
abandonnaient leur boutique et se replaçaient
comme ouvriers. Les nouveaux statuts défen-
dirent de vendre aucun apprenti avant de l'avoir
gardé au moins un an et un jour. La Taille de
1292 mentionne 11 forcetiers, celle de 1300 en
cite 10 seulement. *
Forestiers, « \ erdiers, gruyers, forestiers,
châtelains , concierges , maîtres , sergens ,
ségrayers et maîtres gardes du marteau du Roy
n'étoient autrefois qu'un seul et même office sous
ces difî^érens titres et étoient ainsi appeliez selon
l'usag-e des lieux ^ ».
1 Titre XC VII, art. 1.
2 Titre XGVII, art. 2, 3, 4, 5, 6, 12.
3 Dans Depping, Ordonnances relatives aux métiers,
p. 357.
4 Depping, p. 359.
5 Gallon, Conférence de l'ordonnance de 1669 sur les
eaux et forêts, t. I, p. 513.
336
FORGE — FOUACIERS
Forge (Ol-vmers de). Nom donné parfois
aux éperonniers.
Forgerons. « Ce nom est commun aux
serruriers, taillandiers, couteliers et à tous les
ouvriers qui travaillent le fer à la forge et au
marteau * ». Ils étaient dits aussi fabrices.
Forgeurs. On nomme ainsi, dans plusieurs
ateli.-rs, l'ouvrier qui préside à la forge, qui
conduit l'ouvrage pendant qu'il chauffe et quand
il est sous le marteau ^ ».
Voj. Planeurs.
Formagiers. Nom que la Taille de 1300
donne aux frumagers.
Formiers-Talonniers . Les fermiers
fabriquaient des furmes, des embauchoirs, des
hoiiisses 3 pour les cordonniers. Ils n'avaient ni
statuLs ni jurés, et travaillaient sans maîtrise.
Beaucoup d'entre eux étaient de pauvres maîtres
cordonniers; cependant les jurés de cette
conimunauté revendiquèreiil vainement des
droits sur eux.
La mode des chaussures élevées avait donné
naissance aux talonniers. Ceux-ci fournissaient
aux cordonniers des talons de bois. Administra-
livemenl, ils se trouvaient dans les mêmes
conditions que les fermiers, et avaient, comme
eux, pour patron saint Crépin.
A la lin du dix-huitième siècle, les fermiers et
les talonniers étaient ensemble au nombre de 53
environ.
Voy. Passe-talonniers.
Forts. (Ta(iHe-fIfnie7;<i qui travaillaient au
lians|)(irl l'I à la décharge des marchandises. Ils
élaicnt attachés aux différentes halles, et nommés
en général par les préposés à chacune d'elles.
Ils avaient pour patron saint Christophe.
Vov. G-agne-deniers. — Portexirs de
grains. — Porteurs de sel, tic.
Forts de la douane. Cet emploi, dit
Savar^, e^sl lucratif et honnête, et de beaucoup
lie confiance, ce qui fait qu'on n'j reçoit ([ue des
sujets d'une fidélité éprouvée * ». Ils étaient
iionunés par les fermiers généraux. Sous les
ordres du commis de la douane, ils faisaient
rouvf'plure des ballots, et transportaient aux
dilît-rotili-s iialirs les marchandises examinées par
•■ii\. L«'ur nombre n'était pas limité, mais ils ne
fureni presque jamais plus de vingt. Pour être
reçu dans In corporation, il fallait se faire inscrire
(•omtnc <i<uididat aux places qui pourraient
(lovonir vnc^mti's, d payer des droits qui
monlaji'nl jusqu'à iuiil cents livres.
Cette petite cumMuniaulé avait puiir |)alroiiiie
sjiinle Barbe.
Voy Oagno-doniors.
' Jauhi'rt, DietioHHairt, t. II, p. 277.
' Jnulxrt, Dirlioiinaire, l. II, ii. 278.
•■' Mon-. mm de boi.s concaves qui servent à canibiv
le.-i Roniellos.
♦ fiiclioHHttire, t. H, p loe.
Forts de la halle aux draps. Douze
offices créés par édit du 12 mars 1704. « Le«s
porteurs, autrement dits forts * feront seuls et à
l'exclusion de tous autres, le transport des
marchandises de la halle dans les maisons des
marchands de Paris ».
Forts de la halle aux grains. Voj.
Porteurs de grains.
Fossaires. Voy. Fossoyeurs.
Fosseeurs. Nom que la Taille de 1292
donne aux fossoyeurs.
Fossiers et Fossiliers. Voy. Fos-
soyeurs.
Fossoyeurs. La Taille de 1292 cite six
fosseeurs.
Je retrouve dans mes notes le nom de deux
fossoyeurs. En juillet 1683, un sieur Pajot
remplissait ces fonctions au cimetière Saint-
Sulpice ; son fils fut convaincu d'avoir déterré
et vendu plusieurs cadavres à des chirurgiens ^.
Ceux-ci n'avaient alors guère d'autre moyen
pour se procurer des corps à disséquer ^, aussi la
Cour se montra-t-elle indulgente. Mais en 1752,
elle condamna Regnaud, fossoyeur de Saint-
Sulpice, au carcan, à la marque et à trois ans de
galères, pour vol de suaires et vente de cadavres * .
Le dernier fossoyeur du cimetière des Innocents
se nommait François Poutrain ; ses comptes
établissent que, en trente ans, il avait enterré
plus de 90.000 corps. La moyenne était donc de
3.000 inhumations par année, sur lesquelles on
ne comptait pas plus de 150 à 200 sépultures
particulières ; tout le reste était accumulé dans
des fosses communes ayant cinq à six mètres de
profondeur, et qui recevaient chacune environ
1.500 cadavres ^.
Sébastien Mercier prétend que les fossoyeurs
employaient leurs loisirs à violer les tombes.
« Ils n'achètent jamais de bois l'hiver, écrit-il,
car ils se chauffent avec les morceaux des bières
qu'ils coupent et emportent des cimetières. Par
la même raison, ils n'ont pas besoin de dépenser
de l'argent pour avoir des chemises ^ ».
Les fossoyeurs étaient placés sous le patronage
de saint Joseph et de sainte Barbe.
On les trouve encore noniméf^ fossaires, fossiers,
fossiliers. srptdturiers, etc.
Fouaciers. Faiseurs de fouaces, gâteaux
composés de beurre et d'œufs, et que Rabelais a
rendus célèbres. La Taille de 1292 mentionne
trois fouaciers, celle de 1300 en cite un seulement
' Le titre de 1 edit leur donne seulement ce dernier
11(1111.
2 Hibliutlièque nationale, ni.ss., fonds français, n°
21.737, f" 10").
■'• Voy. ci-de.ssu.s l'art. Bourreaux.
^ /lulletin de la société kisiorique du VI'' nrrondissement,
année 1902, p. 17.
S \oy. Vicq d'Azyr, Essai sur les lieux et les dangers
des sêpulturns, p. 150. — Héricart de Thury, Description
des ciitorombes, p. 165.
I 6 Tableau de Paris, t. I, p. 258.
FOUETS — F(JUL()NS
337
Fouets. Voj. Tiseurs.
Fouets (Faiseurs de). Titre qui iipparlenait
à la corporation des cordiers.
Fouette-culs. \oy. Correcteurs.
Fouleurs et Foulonniers. Voj. Fou-
lons.
Foulonniers. Titre qui appartint à la
communauté des bonnetiers du faubourg' Saint-
Marcel, parce qu'ils foulaient eux-mêmes les
bonnets et les bas qu'ils vendaient.
Foulons. Jean de Garlande (treizième siècle)
décrit avec assez d'exactitude les multiples opé-
rations auxquelles se livraient les foulons. Il les
représente, nus et haletants, foulant le drap dans
de la glaise unie à de l'eau chaude : «. Fullones,
nudi et suftlantes, fullant pannos laneos et pilosos
in alveo concavo, in quo est argilla et aqua
calida. >> Ils le tendaient ensuite, pour le faire
sécher, sur des rames ou poulies, puis le
frottaient avec des chardons pour en tirer le
poil : « Post hsec desiccant pannos lotos contra
solem in aëre sereno, quos ipsi radunt cum
carduis multis et asperis sive cardonibus, ut sint
vendibiliores * ».
Une pièce publiée par M. Depping - nous
apprend que, dès 1257, les foulons étaient
constitués en corporation et administrés par
quatre jurés, dont deux choisis parmi les maîtres
et deux parmi les ouvriers. Une dizaine d'années
après, ils soumirent à l'homologation du prévôt
Etienne Boileau de nouveaux statuts, et ceux-ci
sont les plus sages et les plus instructifs de tous
ceux que renferme le Livre des métiers ^, ceux
qui peignent le mieux l'organisation du travail à
cette époque.
Le métier était libre : « Quiconque veut estre
foulons à Paris, estre le puet franchement sanz
achater le métier du Roy ».
En dehors de ses enfants et de ses frères, des
enfants et des frères de sa femme, chaque maître
ne pouvait avoir en même temps que deux
apprentis.
On ne devait accepter pour apprenti ou pour
ouvrier aucun « boulier *, ne larron, ne murtrier,
ne bani de ville pour vilain cas ». L'ouvrier était
tenu d'avoir un vêtement convenable, qui valût
au moins douze deniers, « ne nul vallet s'il n'a
douze denrées de robe au mains ».
Les heures de travail étaient scrupuleusement
réglées. Les ouvriers gagnaient l'atelier au point
du jour ; ils y déjeunaient « à l'heure de prime ^ »,
et ils s'en allaient dîner où ils voulaient. Mais,
sous peine d'une amende de douze deniers,
ils devaient revenir le plus tôt possible, sans
tumulte et sans s'attendre les uns les autres. Le
travail cessait à six heures du soir en hiver, « au
1 Ed. Scheler, p. 30.
2 Ordonn. relatives aux me'liers, p. 398.
3 Titre LUI.
* Débauché.
^ Six heures du matin.
premier cop ^ de vespres à Nostre-Dame, en
cliarnage », et à neuf heures en été, « et en
quaresme au premier cop de complie ». Le
samedi, les ouvriers quittaient l'atelier à trois
heures, « au premier cop de none à Nostre-
Dame ». La veille des grandes fêtes, de la Saint-
Pierre, de la Saint-Laurent, de la Pentecôte et
de l'Assomption, ils étaient libres dès liuit lieures
du matin.
Les ouvriers se louaient à la journée, au mois
ou à l'aimée. Ceux qui voulaient se faire
emliaucbcr pour l'année se réunissaient au leveï
du soleil, à la maison de l'Aigle, près de la porte
Baudoyer, où aboutissait la rue Saint-Antoine,
alors rue de l'Aigle. Ceux qui préféraient être
loués à la journée se rassemblaient à la maison de
la Converse, située au chevet de l'église Saint-
Gervais, et ils attendaient là les propositions des
maîtres.
La corporation était dirigée et administrée
par quatre jurés, deux pris parmi les maîtres et
deux parmi les ou\Tiers. C'étaient les ouvriers
qui choisissaient les deux maîtres et les maîtres
qui choisissaient les deux ouvriers. Le prévôt de
Paris les nommait sur ces présentations, et leur
faisait prêter serment.
Les maîtres foulons déclarent en terminant
que, dans l'origine, ils étaient dispensés de faire
le service du guet ; mais que « madame la roine
Blanche ^, qui Dieu absoille •', les fist gueilier
par sa volenté ».
M. Fagniez a publié d'autres statuts*, qui
doivent être à peu près contemporains de ceux
que je viens d'analyser, et qui s'appliquaient aux
foulons du bourg Sainte-Geneviève. Chez ceux-
ci, l'apprentissage durait trois ans. Ils ne pou-
vaient avoir, outre leur fils, qu'un seul apprenti.
Le travail à la lumière était interdit. Les ou\Tiers
devaient se rendre au travail dès le point du jour,
« dès ce que l'en pourra hom.me congnoistre en
une rue ». Deux jurés, un maître et un ouvrier,
administraient la communauté. Lorsqu'un maître
ou un ouvrier §e mariaient, chaque juré recevait
de l'époux une paire de gants neufs. Au décès
d'un maître ou d'un ouvrier, la famille du défunt
remettait aux jurés « les meilleures chausses et
les meilleurs solliers ^ qu'il eust ».
On ne comptait que 24 maîtres en 1292 et
83 en 1300 6.
En 1277, les ouvriers obtinrent de ne plus
travailler que « jusques à soleil couchant ». Ils
avaient représenté au prévôt de Paris que « les
maîtres les tenoient trop tard de leurs vesprées »,
et qu'ils risquaient d'être assassinés en rentrant
chez eux.
Les foulons, qui paraissent avoir eu toujours
un grand amour pour la réglementation, hrent
renouveler leurs statuts dès 1443 ^. Je ne relè-
1 Coup.
2 Blanche de Castille, régente durant la minorité di
saint Louis et durant la croisade.
3 Que Dieu absolve !
i Études sur l'industrie, p. 335.
» Souliers.
6 Voy. les Tailles de ces deux années.
7 Ordonn. royales, t. XVL P- 586.
22
338
FOULONS — FOUKBISSEURS
verai dans ceux-ci que les modifications apportées
aux précédents. ,.,,,■ i •♦
Tout ouvrier foulon qui voulait s établir devait
naver soixante sous à la confrérie, somme réduite
a vino-t sous pour les fils de maître. L exception
concernant les apprentis appartenant a la lamille
n'existe plus que pour le fils ou le frère du maître.
Tout apprenti, avant d'être admis dans l'atelier,
doit jurer « qu'il ser\-ira son maistre bien et loya-
lement, et gardera les ordonnances faictes sur
ledit m'estier ». La valeur du vêtement exigé de
tout ouvrier est portée à quatre sous.
La journée de travail commence à cinq heure,s
en été et à six heures en hiver, et finit à sept
heures en été et à cinq heures en hiver.
Il n'est plus question, pour lieu d'embauchage,
que de « la place des foulons devant S. Gervais,
comme accoustumé a esté et est de tous tems >>.
Le travail à la lumière est interdit.
L'association de deux maîtres est formellement
défendue.
Les foulons ont le droit de lisser toute espèce
de drap.
Ces statuts furent souscrits le 18 mai 1443 par
les 13 maîtres et les 14 ouvriers foulons exerçant
il Paris.
Ils furent encore revisés le 24 juin 1467, puis
confirmés sans changement en février 1606 et en
mars 1730 : cette dernière confirmation coûta
trois cents livres ù la communauté. Le nombre
des maîtres était alors de 18 environ ^ et ne paraît
pas avoir beaucoup varié depuis.
L'édil de 1776 réunit les foulons aux tondeurs
i].- ilraps et aux teinturiers.
Je ne sais quel était le patron des foulons.
J'hésite entre saint Paul, puisqu'ils prétendaient
avoir fait construire une église placée sous ce
Tocalile, et le Saint-Sacrement qui paraît indi-
recleint;nl désigné dans certains articles de leurs
statuts.
Le nom de ruelle aux Fondons a été porté par
une petit»' rue située aux environs de la rue de
lii MnrtelltM'ie. Il faut évidemment voir dans ce
nom un sduveiiir du lieu où se réunissaient jadis
les fouliiris sans travail. L'église Saint-Gervais
communiquait par la petite rue de Longponl avec
la rue de la Mdriellerie, et la place Baudoyer
n'était séparée de Saint-(Jervais que par un cime-
tière.
Les foulons se qualifiaient officiellement de
fmilo nx-aplu ig n eu rs-épa util leurs de drap-flrap iers
drapiins-peùinetirs-rurdeurs-arroimeurs. On les
Iroiivo encore nommés fmàeura, foulonniers.
vioulinirrsy etc. *
Foulons. Nom donné, chez les iionnetiers,
n IX ouvriers qui foulaient et apprêtaient les bas,
les bonnets, etc. ()n dit aussi /'«uleurs.
L'onlonnance des Bnnnif^rrs '1467i n'-unil aux
bonnetiers les fnulonx dr hoiinrts.
Foulons ou
dilTércnl'' di- celli
travail consistait
Reniqueurs. (lorporalion
' des limions de drap. Leur
a fouler iivec les pieds les
* Sflvnn-, Dirlionnaire du commerce, t. H, p. 425.
étoffes fines, pour obtenir le dégorgement de
l'empois, de la colle et même parfois de la
teinture.
Fourbeurs. Vov. Fourbisseurs.
Fourbisseurs. Jean de Garlande, qui
écrivait vers 1250, nomme les fourbisseurs erwyt-
natores gladiorum ; il ne nous apprend pas grand'-
chose quand il ajoute qu'ils vendaient des glaives
avec leur pommeau, leur poignée et leur four-
reau ■•.
Comme toutes les corporations qui se ratta-
chaient à l'art militaire, celle des fourbisseurs
était déjà régulièrement constituée, elles maîtres
fournissent vers 1268 au prévôt Etienne Boileau
les statuts qui la régissaient-.
Le métier était libre. Tout individu avait le
droit de s'établir sans rien payer, pourvu qu'il
connût le métier, qu'il fût de bonne vie et mœurs,
qu'il disposât d'un capital suffisant, et qu'il
s'engageât par serment à respecter les statuts.
Chaque maître pouvait avoir un nombre
illimité d'apprentis, et régler comme il l'enten-
dait les conditions de l'apprentissage : « comme
il li plera, et à lonc terme et à court terme, et à
argent et sanz argent ».
Le travail à la lumière était interdit.
Nul ne devait travailler non plus les jours de
fête, à moins pourtant que quelque gentilhomme
eût besoin qu'on lui aiguisât son couteau ou son^
épée, « se ce n'est à besoing que aucun preud'ome
eust mestier que on li esmausist la pointe de son
coutel ou la pointe de s'espée ».
Quoique travaillant surtout pour la noblesse,
les maîtres étaient astreints au service du guet.
Vingt-deux années plus tard, « l'an de grâce
mil ce iiiJ ^^ et dis, le lundi après feste saint
Nicholas en yver », les fourbisseurs, dont la
communauté avait pris une grande extension,
firent renouveler leurs statuts '^ .
Comme le métier était lucratif, ])eaucoup
d'ouvriers, qui ne remplissaient pas les conditions
exigées, ouvraient boutique sans avoir égard à
l'opposition des jurés. Il fut donc décidé qu'à
l'avenir le métier s'achèterait au roi. A moins
qu'il ne fût fils de maître, tout individu avant de
s'établir dut verser douze sous au percepteur des
impôts et quatre sous aux jurés.
En dehors de son fils, chaque maître ne put
avoir à la fois qu'un seul apprenti. La durée de
l'apprentissage fut fixée à sept ans.
Les fourbisseurs étant en relations continuelles
avec des gentilshommes, on exigeait des ouvriers
qu'ils eussent un vêtement convenable, repré-
sentant une valeur de cinq sous au moins. « Item,
que nus mestres ne puisse meitre varlet en euvre
se il n'a cinc soudées de robe "sus lui por leur
ouvreuers tenir noitement *, pour nobles genz,
contes, barons, chevaliers et autres bonnes genz
' Kdil. Si-licler, p. 24.
- Litre (les métiers, titre XC\'II.
■' l)iin.s Dcpping, Ordonnances relulives aux métiers,
365.
* Nettemont, proprement.
FOURBISSEURS
339
qui aucune foiz descendent en leur ouvrouers ' ».
Un maître ne pouvait renvoyer un ouvrier sans
bonnes et valables raisons, et celles-ci devaient
être jug'ées telles par les quatre jurés et par deux
ouvriers du métier. C'est lu une disposition tout à
fait exceptionnelle, et que je n'ai point rencontrée
dans d'autres statuts.
Deux maîtres seulement, à tour de rôle, avaient
le droit de laisser leur boutique ouverte le
dimanclie, « por ce que le diemenche est jour de
repos, et doit-on oïr le servise nostre Seinj^neur ».
Il était cependant toujours permis de terminer
un objet vendu quand il avait été promis pour le
jour même. Le samedi et la veille des grandes
fêtes, l'atelier fermait à six beures. « puis le
derrien coup de vespres ».
Le colportage dans les rues était autorisé
seulement pour les pauvres maîtres « qui demeu-
rent es foreines rues, pour ce qu'il ne peuent
vendre en leur ostiex ^ ».
Ces statuts si sages furent souscrits par les
40 maîtres fourbeeurs alors établis à Paris et par
leurs 65 ouvriers. Plusieurs des maîtres étaient
anglais, flamands ou allemands.
La conséquence des nouveaux statuts fut,
comme l'on s'y attendait, la diminution du nombre
des maîtres fourbisseurs. En 1292, il se trouvait
réduit à 35 ; il n'était plus que de 29 en 1298,
année où ils firent encore ajouter quelques articles
à leurs règlements ^. Un seul de ces articles
mérite d'être mentionné ; il établit que nul
fourbisseur ne pourra avoir plus d'un ouvrier
commensal du maître, à l'exception du four-
nisseur du roi , « celuy qui fet et fera les
eu\Tes le Roy » ; ce dernier avait le droit de
posséder « deus vallets beuvant et mangent en
son bostel ». Le nombre des fourbisseurs s'était
un peu augmenté en 1300, la Taille de cette
année en cite 43.
En 1467, Louis XI confirma purement et
simplement les statuts accordés aux fourbisseurs
en 1290 ^. Ils furent encore confirmés ou revisés
en septembre 1543, en septembre 1550, en
octobre 1554, en mars 1566, en juin 1572 et en
avril 1627. J'analyserai seulement ces derniers,
qui régirent la communauté jusqu'à la Révo-
lution ^.
Les articles 1, 17, 18 et 19 donnent aux maîtres
fourbisseurs le droit exclusif de fourbir, monter
et garnir les épées, dagues, braquemarts, miséri-
cordes, lances, piques, hallebardes, pertuisanes,
javelines, vouges, épieux, haches, masses, « et
autres bâtons maniables à la main, servans au fait
d'armes ».
Le mot bâton désignait toute arme offensive,
même l'épée, même les pièces d'artillerie. Aussi
les fourl)isseurs ajoutent-ils pour caractériser leur
industrie : « bâtons maniables à la main » : pléo-
nasme insuffisant, d'ailleurs, puisqu'il pouvait
1 En leurs ateliers, en leurs boutiques.
2 En leur demeure,
^ Depping, p. 309.
'* Dans les Ordoitn. rorjnles, t. X^ I, p. 662.
^ Voy. Statuts, ordonnances et règlemem; . . . des marchands
ourbisseurs, 1553, in-4''. Réimprimés en 1740.
t')ut aussi ])ien s'appliquer à l'arbalète cl aux
armes à feu portatives qu'aux armes blanches.
Les lames quelles qu'elles soient sont toujours
nommées ahimeUes ; on n'en doit monter aucune
qui ne soit « bonne, loyale et marchande, non
rompue ne cassée ». En ce qui concerne Vépée^
la poignée sera « de boys de haistre couvert de
fils d'or, d'argent, soye, sayette, fouet ou peau
de chien de mer ». Les gardes ont remplacé les
qiiiUons^ qui ne sont point nommés. Le pommeau
ou jj/o»î?/^^^ n'est pas cité ; il est vrai qu'il avait
perdu beaucoup de son importance : le chevalier
n'y faisait plus graver sa devise ou ses armes, il
ne l'employait plus en guise de sceau, n'y enfer-
mait plus de reliques, ne jurait plus sur elles et
sur lui dans les grandes occasions. Le mot soie^
qu'emploient souvent les fourl)isseurs, désigne la
partie de la lame qui enfile la garde, l;i poignée
et le pommeau. Les fourreaux ne pouvaient être
que « de boys de haistre fait à la plane ».
On nommait dague une épée courte dont la
lame large, épaisse et souvent triangulaire, était
toujours droite. Dans la main d'un homme
vigoureux, elle constituait une arme terrible. La
dague dite à rouelles avait une garde ronde qui
protégeait presque coiuplètement la main. Les
(lagueUes élégantes portées à la ceinture étaient
de véritables poignards dont la lame ne dépassait
o-uère 25 centimètres de long'ueur.
Il est à peu près impossible aujoiu'd'hui de
savoir en quoi la miséricorde différait de la dague.
La première était ainsi appelée, parce qu'on s'en
servait pour égorger le cavalier démonté, et que
celui-ci voyant le fer levé sur lui, s'empressait,
paraît-il, de crier miséricorde ! « Encores, dit
Claude Fauchet ' , avoit le chevalier un petit
Cousteau nommé miséricorde, pource que de ce
ferrement volontiers estoient occis les chevaliers
abbatus ; et lesquels voyant telles armes en la
main de leurs ennemis demandoient miséri-
corde ».
Le braquemart était une épée courte, à lame
large, à deux tranchants et parfois un peu
recourbée. Il ressemblait fort au raalchis et au
hadelaire, qui semblent cependant avoir été plus
courts encore. Le musée de Cluny possède le
badelaire dont se servait, au treizième siècle, le
bourreau du Châtelet pour les décapitations ; il a
0,79 de longueur.
h-àlance était l'arme dislinctive des chevaliers - .
hA pique était la lance des fantassins ■"'.
La hallebarde de guerre n'avait guère que deux
mètres de hauteur.
La pertuisfltie était une hallebarde dont la lame,
au lieu d'être accompagnée d'une hachette à bords
découpés, présentait le plus souvent l'aspect d'un
croissant. C'était, ainsi que ïesponton ou demi-
pique, le signe du commandement dans l'infan-
terie. << En arrivant ici , écrit Dangeau ^ ,
Monseiorneur vit toute l'infanterie en bataille sous
• J)e l'origine des chevaliers, p. 40.
- ^'oy. ci-des.sous l'art. Lanciers.
^ \'oy. ci-des.sou.s l'art. Piquiers.
i Journal, 4 juin 1690, t. III, p. 139.
340
FOURBISSEURS
une ligne à quatre de hauteur, tous les officiers
avec des pertuisanes ou des espontons ».
h& javeline avait cinq pieds et demi de long,
et était armée d'un fer triangulaire. Sous Henri
IV, deux compagnies de chevau-légers portaient
le pistolet et la javeline.
La guisarme. le fauchart, la hallebarde, la
corsèque, la perlv.isane et le vouge ne différaient
o-uère les uns des autres que par le dessin de leur
fer. Au seizième siècle, le vouge était surtout
employé par l'infanterie suisse.
Vépieu était une arme de piéton et avait environ
un mètre de longueur. Il se composait d'un lourd
l)àton ferré qui était terminé par un fer large,
épais, pointu et tranchant. A dater du milieu du
seizième siècle, on ne s'en servit plus guère que
pour la chasse.
Les variétés de la hache d'armes sont innom-
lirables. En général, on la trouve formée d'un
f<T large et tranchant, auquel est opposé une
pointe ou un marteau : cavaliers et fantassins la
portaient également.
La masse d'armes a la massue pour origine.
Elle représentait souvent un pesant cylindre armé
de pointes. Les gendarmes conservèrent la masse
jusqu'au milieu du seizième siècle, époque oii
elle fut remplacée par le pistolet d'arçon. Les
marteauir, \ef< plomme'es. les /7(^«m^ sont des armes
de même nature que la masse. La plommée se
composait d'un certain nombre de chaînes
terminées chacune par im fort lingot de plomb ;
les cliaînes éljiient réunies dans un anneau qui
se reliait lui-même à un manche solide. Le fléau,
simplification de la plommée, n'avait ordinai-
rement qu'une seule chaîne.
Nous venons de voir que les fourbisseurs
confectionnaient les fourreaux d'épée, mais je ne
crois pas qu'ils aient jamais forgé aucune lame.
Antérieurement au seizième siècle, aucun des
nombreux documents que j'ai eus sous les yeux
n<> h^ur altribuf ce droit, et à partir de cette
époque, le doute n'est plus possible, car les statuts
accordés aux couteliers en 1565 autorisent ces
derniers à fabriquer des alunielles de toutes
dim«'usions, fers de hallebardes, pertuisanes, etc.
Quant aux manches des lances, piques, espontons,
hidlcbardcs v{ autres armes d'hast, ils étaient
l'œuvre (h's menuisiers, qui devaient les faire
« dt» l)ois de fil, .sain et vif, ?ans aucun nœud,
pHrfailenienl bien dressé et arrondi, le fer
propi-i'iuffit f't solidement ajusté, serré et cloué
nu bfiiit • ». Les fourbisseurs se bornaient donc
n fourliir, monliM-, garnir, et au besoin à <h)rei',
ciseliT i-l damasquiner b-s armes blanches. Ils
nvnieiil aussi le privilège de dorer, argenlei-,
eiseler. gniver el diiinasquiner leurs produits -.
Chaque maître ne pouvait avoir à la fois [)lus de
deiix apprentis, cl la durée de l'apprentissage
elail de riiiq ans.
Kndeliors (les fils de maître, même nés avant
la maîtrise de leur père, nid ne devait être admis
a la maîtrise avant d'avoir parfait le chef-o'œuvre.
(ielui-ci était choisi par tous les anciens jurés et
' SlnlnUd.' 17J3. art. 80.
> Sla'.iils Ho 1627, nrt. 14, 35, 36 H 40.
jugé par les quatre derniers, assistés des quatre
alors en charge. Les maîtres des faubourgs qui
se présentaient pour exercer à Paris étaient
tenus seulement de V expérience. Les compagnons
arrivant de prbvince, et y ayant servi trois ans,
pouvaient être reçus à la maîtrise après avoir servi
encore trois ans à Paris, mais le chef-d'œuvre
était exigé d'eux.
Deux boutiques, à tour de rôle, restaient
ouvertes chaque dimanche. ,
Tout compagnon voulant quitter son maître
devait le prévenir un mois d'avance.
La veuve d'un maître pouvait, tant qu'elle ne
se remariait pas, continuer le commerce de son
mari.
Quelques modifications furent, dans la suite,
apportées à ces statuts.
En 1701, le commerce allait mal, les maîtres
n'arrivaient pas à « gagner leur vie, par la
misère du tems, même par le trop grand nombre
des maîtres qui ont été reçus depuis très peu de
tems, ce qui les met hors d'état de pouvoir
subvenir aux besoins et misères de leur famille)^.
Par sentence du 12 mai, il leur fut interdit de faire
plus d'un apprenti en dix ans. On espéra ainsi
empêcher « l'accroissement d'un trop grand
nombre de maîtres, qui étant déjà au nombre de
200, est plus considérable qu'il ne convient, à
cause que la plupart manque d'ouvrage ».
En mai 1707, quatorze articles additionnels
réglèrent plusieurs questions de détail intéressant
la corporation. J'y lis, par exemple, que les jurés
seront tenus de se rendre au bureau tous les
jeudis, et d'y rester depuis trois heures jusqu'à
six « pour agir sur tout ce qui concernera la com-
munauté ».
Enfin, une sentence de police du 28 avril
1724 défendit d'élire aucun juré qui n'eût au
moins dix années de maîtrise. Ce laps était
cependant réduit à six ans pour les fils de maître.
11 y eut presque toujours au moins un fourbis-
seur parmi les artistes logés au Louvre. Au
commencement du dix-septième siècle, la place
était occupée par Henri Petit, qui est qualifié
de « fourbisseur , doreur et damasquineur * .
Après sa mort, son atelier et son logement furent
accordés (10 décembre 1682) à Jean Revoir, « en
considération de l'expérience qu'il s'est acquise
dans son mestier, et de ce qu'aucun de ceux de
sa profession n'a ozé disputer avec luy de sa
capacité ^».
Vers la fin du dix-huitième siècle, le nombre
des maîtres fourliisseurs était de 240 environ '.
Ils s'intitulaient officiellement fiiurhisseurs -
(jarnissenrs d'épées. A cette époque le bois de
hêtre destiné aux fourreaux était tiré presque
exclusivement de la forêt de Villers-Cotterets.
L'édit de 1776 réunit en une seule commu-
nauté les couteliers, les arquebusiers el les
fourbisseurs.
' Correspondance de Culbert, t. V, p. 527.
2 Archives de l'art français, t. I, p. 233, et t. III,
p- 192. Ce Revoir esf nommé Révaire dans lo Livre
commode pour 1692, t.. 1, p. 261.
•' Savary, Dictionnaire, l. II, p. 424.
F0URBISS1<:URS — FOURREURS
341
Ces derniers avaient pour patron saint Jean-
Baptiste, dont ils célébraient la fêle le 24 juin
en l'église des Auguslins. Le bureau était situé
rue de la Pelleterie.
Fourmagiers. Nom que la Tuille (Je 1202
donne aux tniniag-ers.
Fournalistes. Sortes de potiei's de terre
qui avaient la spécialité des l'ourneaux, creusets,
cornues, etc. à l'usage deschiniistes, desaftineurs,
des fondeurs, des distillateurs, etc. On lit dans
Le Livre commode pour 1692 ^ : « Les faiseurs
de fourneaux et de creusets servant à la chimie
demeurent place de l'hôtel de Conty, rue Maza-
rini, et au faubourg Saint-Jacques. »
Au mois d'avril 1701, ils furent constitués eu
communauté sous le nom de fournalistes, et leur
nombre limité à dix maîtres. Ils étaient adminis-
trés par deux jurés. La durée de l'apprentissage
était fixée à cinq ans et celle du compagnonnage
à trois ans.
Fourniers. Jusqu'au quatorzième siècle,
les Parisiens furent tenus de faire cuire leur pain
au four seigneurial, dont le revenu était concédé,
moyennant redevance, à des tenanciers appelés
fourniers. La Taille de 1292 cite 94 fourniers, et
celle de 1300 en cite 69 ; dans ce nombre figurent,
par exemple, le fournier de Sainl-Magloire et
celui de Saint-Martin des Champs, qui exploi-
taient les fours banaux de l'abbaye et du prieuré.
Mais les Tailles semblent désigner aussi sous le
nom de fourniers les garçons boulangers, jfe,
copie ces deux lignes dans la Taille de 1292 :
Andri Fortin, talemelier ^.
Gruillaume le Lorrain, son fornier ^ .
Les principaux fours banaux de Paris étaient
alors, ceux de la Juiverie et de Sainte-Aure, dans
la Cité ; le four de la Couture., près de Saint-
Eustache ; le four Gauquelin, dans la rue de
l'Arbre-Sec, etc., etc.
Les boulangers, aussi bien que les particuliers,
étaient soumis à l'obligation de porter leur pain
au four seigneurial. Philippe-Auguste, par une
ordonnance dont on n'a que le dispositif, autorisa
tous ceux du domaine royal à cuire chez eux.
Enfin, en 1305, Philippe-le-Bel permit à chaque
Parisien de cuire son pain dans sa propre maison.
Ceci prouve avec évidence que tout ménage bien
monté possédait un four ; il ne servait donc
jusque-là qu'à faire de la pâtisserie.
Dans beaucoup de provinces, les droits de
banalité furent supprimés durant le seizième
siècle. La loi du 17 juillet 1793 annula toutes
les banalités seigneuriales ou autres.
Fournisseurs du roi ou des princes.
Les brevets qui accordaient ces titres fort enviés
étaient ordinairement conçus en ces termes :
« Aujourd'huy vingt juin mil sept cent quatre
vingt neuf, le Roi étant à Marly, ayant égard
1 Tomo II, p.
- Boulangei'.
3 Fournier.
au désir que madame Victoire * lui a témoigné
que Sa Majesté voulut bien accorder au sieur
Antoine Meunier, fabricant de chocolat à Paris,
le litre de fabricant de chocolat de cette
Princesse, et voulant donner en même tems
audit sieur Meunier une marque de sa bien-
veillance : Sa Majesté a déclaré et déclare,
veut et entend que dans toutes les assemblées
et en tous actes publics et particidiers, et tant en
jugement que dehors, ledit sieur Meunier puisse
se dire et qualifier du titre de fabricant de
chocolat de Madame Victoire de France ; lui
permettant Sa Majesté de prendre ledit titre,
même de le faire inscrire sur son tableau, sans
que, pour raison de ce, il puisse être troublé
ou inquiété pour quelque cause et sous quelque
prétexte que ce soit. Et pour assurance de sa
volonté, sa Majesté m'a commandé d'expédier le
présent brevet, qu'elle a signé de sa main et/ait
contresigner par moi conseiller secrétaire d'Etat
et de ses commandements et finances.
Louis. »
Fourreliers. Faiseurs de fourreaux. Ils
étaient associés aux gainiers et n'employaient,
comme eux, que le cuir bouilli. Ils se bornaient,
d'ailleurs, à garnir, à revêtir les fourreaux faits
soit de bois, soit de métal.
Le Livre des me'tiers ^ écrit furrelier s.
Voy. Gainiers.
Fourreurs. La corporation des pelletiers ^
était constituée dès 1183, car à cette date
Philippe - Auguste lui accorda, moyennant
soixante-treize livres de cens, dix-huit maisons
confisquées sur les juifs, qu'il venait d'expulser *.
Ces maisons étaient situées près du Palais, dans
une rue qui ne tarda pas à prendre le nom de rue
de la Pelleterie. Devenue ensuite rue de la Vieille-
Pelleterie., une partie du quai aux Fleurs et du
tribunal de commerce actuels ont été établis sur
son emplacement.
Au siècle suivant, les pelletiers sont men-
tionnés dans le Dictionnaire de Jean de Gar-
lande, dont je parlerai tout à l'heure. Ils ne
soumirent cependant pas leurs statuts à l'homo-
logation du prévôt Etienne Boileau, et n'ont
point dès lors de chapitre spécial dans le Livre
des métiers. De courtes mentions, éparses un peu
partout dans ce recueil, fournissent seules sur
leur compte qnelques détails précieux.
Le métier jouissait du droit de hauban '', pour
lequel chaque maître payait une somme de six
sous huit deniers. La faculté de s'établir s'achetait
onze deniers au roi. Mais le roi avait concédé
une partie des revenus et la juridiction profession-
nelle des pelletiers à son grand chambrier.
La Taille de 1292 mentionne 214 pelletiers,
celle de 1300 en cite 344. L'aristocratie du métier
paraît avoir été représentée par les fourreurs de
1 l^'ille do Louis X\', marte? en juin 1799.
2 Titre LXV.
3 'DïiA pellicerii, pellifices, pellijtarii, peletiers, pelllciers.
etc.
'* Sauvai, Antiquités de Paris, t. II, p. 477.
» Voy. cet article.
342
FOURREURS
robes de vair que la Taille de 1313 nomme
courroueurs de panne ' vere, et une piece_ du
qualojzième siècle ^ conreenrs de robes mires.
Dès 1318, ils avaient fondé, en dehors de toute
préoccupation religieuse, une véritable société
de secours mutuels dont j"ai parlé ailleurs 3.
J'ai dit qu'il y avait à Paris 214 pelletiers-
fourreurs en 1292 et 344 en 1300; on n'y
comptait à la première de ces dates que 19
drapiers et 5G à la seconde. L'énorme dispro-
portion qui existe entre ces chiffres permet de
conclure que le drap était encore à cette époque
une étoffe de luxe, tandis que les fourrures et les
peaux servaient de vêtements aux personnes de
toutes les conditions. Du douzième au quator-
zième siècle, la vogue des fourrures ne fit que
s'accroîlre, et l'on n'en usait pas avec le ménage-
ment qu'on y met aujourd'hui, même dans les
maisons les plus riches ; un roi qui n'était pas un
prodigue, Piiilippe le Long, employa dans le
second semestre de l'an 1316, pour la fourrure
de ses vêtements, 6.364 ventres de petit-gris *.
Les couvre-pieds, les couvertures des lits
étaient faits de pelleteries •'', et l'on en portait en
tout temps. Il semble bien qu'au moyen âge,
le costume ne variait pas suivant les saisons.
S'il faisait froid, l'on ajoutait un ou plusieurs
vêti'nienls à ceux de dessous ; on les supprimait
quand la température s'adoucissait.
Il est difficile de s'expliquer comment nos
aïeux pouvaient supporter des haljits aussi
chauds, car durant les treizième et quatorzième
sit'ch's, l'on se couvrait de pelleteries l'été comme
riiiver. Dans celte dernière saison, il n'est pas
rare de voir figurer, à l'article d'un seul costume,
deux ou trois vêlements qui se mettaient les uns
sur les autres, et qui tous étaient doublés
d'épaisses fourrures. Pour soutane, les ecclésias-
li([Uf's portaient un pelùson^ ample vêtement
fornii- de pelleteries enfermées entre deux étoffes;
au UKiment d'officier, ils le recouvraient d'une
tunique llotlanle de lin, qui prit le nom de
surplis, super pelles ou super pellicium.
Jean de (Jarlande nous apprend que, de son
l<MMps (vers 1250 , les fourreurs employaient
surtout les peaux d'agneau, de chat, de renard,
(le lièvre, de lapin, d'écureuil, d'hermine, de
loulrt-, de i)»'h'||c, depetil-gris, de martre-zibeline
••l tli- Inir ". (Jii pciil y ajouter le chien, le loup,
le daim, hi chèvre et le chevreau, la genette,
le blaireau, la fouine et le mouton. Le Livre des
mf'tierx ' cite dans le chapitre concernant « toute
manière de pelolerie ^> :
Le vair.
Les eMMiriaiix.
Les lievros.
Les cnnnins [lapins).
Le clievrrl [ckevreiùl) .
L'aignel [agneau).
Le mouton.
Les brebis.
' P'ii»r, iMHHt, priuif. sijrni|i„i,.|,t f,,mii
> Publiic par (}. IVi-pin;;, OnU
Htrltrrt, p. .|26.
' VoV ri..|,.s.s
.•ppiIlM;,
'irl. Hiinfiiisfini'
* f.'iimptr, tie fioifrny He Flriiri. p
* \'>y l.t mrnngitr ilr l>„ris. I |
•• IHflionari*.t, p. 2r(.
" l)'•tui^nu• jiartic, lili-p XXX.
eliitires aux
1.-).
• ((]':uviv
Il rt 12.
I>. Itiî) ri 172
Le chat sauvage.
Le chat de feu ou de
fouier [de foyer).
La loire [loir).
Le rosereul [hermine).
Les gourpiz \renards).
La faine [fouine).
Le Ménagier de Paris * enseigne aux bonnes
ménagères le moyen de remettre à neuf les
fourrures avariées, durcies par la pluie. 11 leur
recommande de les arroser avec du vin mêlé à de
la fleur de farine ; on laissait sécher, puis on
frottait le poil jusqu'à ce qu'il eût repris son
lustre et sa souplesse.
A dater de la fin du quatorzième siècle, les
pelleteries sont peu à peu remplacées dans le
costume par les étoffes de soie ou de laine. Soit
que l'usage général les ait rendues plus rares et
plus chères, soit caprice de la mode, l'habitude
des fourrures n'existait plus guère sous
Charles VII que dans les familles très riches.
L'importance des pelletiers suivit la même
marche décroissante ; aussi s'efforcent-ils, dès
lors, de se rattacher en toute circonstance au
passé, où on les avait connus si nombreux et si
prospères. Ils prétendaient, sans pouvoir en
fournir aucune preuve, avoir occupé autrefois le
premier rang dans les Six-Corps - ; mais, tout
en disputant sans cesse le troisième aux merciers,
ils durent se contenter du quatrième. Encore
obtinrent-ils sans doute cet honneur en raison
de leur ancienne opulence ; car, dit Sauvai ^,
« il est certain que si les Six-Corps avoient à se
faire valoir pour le bien, les pelletiers seroient
obligez de prendre le bas ». Nous les verrons
plus loin refuser de remplacer leurs anciennes
armoiries par de nouvelles, et ils conservèrent
comme un tilre de gloire, la qualification de
Jiaubaniers, alors que tous les métiers qui avaient
eu jadis droit à ce titre y avaient depuis
longtemps renoncé.
Il existait alors une distinction entre les
pelletiers et les fourreurs. Les premiers faisaient
le commerce des peaux de toute provenance, les
seconds se bornaient à coudre, à doubler,
à bonhu" de fourrure les vêtements. Henri III
réunit « en un seul corps, métier et commu-
nauté » ces deux corporations, et il leur accorda
en lâSG de nouveaux statuts qui, souvent revus
et confirmés dans la suite, régirent la commu-
nauté jusqu'à la Révolution.
Le 21 mai de cette année, les pelletiers-
fourreurs, alors au nombre de 31 seulement, se
réunirent « soubs les charniers du monastère des
Rillettes », et approuvèrent les statuts qui
venaient d'être rédigés pour eux.
Les maîtres y sont qualifiés de « marchands
pi'lli'iici's, haubaniers, fourreurs ». Ce dernier
nom prévalut sur le premier, à leur grand
désespoir ; « il leur déplaît si fort, dit Sauvai *,
([u'il ne tient pas à eux que la rue des Fourreurs,
nù ils demeurent la plupart, ne s'appelle la rue
des Pelletiers ». Ils ne s'y étaient établis que
vers le commencement du seizième siècle, mais
' (".unipost' vers 1303. \o\. le t.
^ \ ii\'. cet article.
•■' rt V 'Poiiio II, ],. 477.
n,
00.
FOURREURS — FOURRIÈRE ROYALE
343
ils y restèrent. L'apprentissage durait quatre
ans et était suivi de quatre ans de CDmpa-
gnonnage. Les tils de maître étaient dispensés
de l'apprentissage, du compagnonnage et du
chef -(T œuvre.
Des statuts additionnels, rédigés en juillet
1621 par les 30 maîtres établis à Paris, déci-
dèrent que chaque maître ne pouri-ait avoir
à la fois deux apprentis. Ils nous fournissent
aussi une liste assez curieuse des pelleteries le
plus employées à cette époque.
Au début du règne de Louis XIV, le commerce
de la pelleterie était tombé si bas que plusieurs
maîtres, réduits à la misère, demandèrent à
travailler comme ouvriers dans les maisons qui
parvenaient à se soutenir. Des lettres patentes du
mois de décembre 1648 * nous apprennent que
« les marchands pelletiers qui ont moyen de
subsister et de continuer leur trafic, meus de
charité envers leurs pauvres confrères », se
réunirent et convinrent « que les riches et
accommodez dudit métier seroient tenus d'em-
ployer et faire travailler à l'advenir en leur
commerce et manufacture lesdits pauvres mar-
chands qui voudront s'assujétir à travailler pour
autruy ».
Le nombre des pelletiers-fourreurs était de
47 en 1725, de 50 en 1770, et de 60 environ
en 1777.
Le bureau de la corporation était situé rue
Bertin-Poirée. Les maîtres avaient adopté le
patronage du Saint-Sacrement et celui de la
Vierge, qu'ils fêtaient le jour de sa Nativité "^.
Dès 1394, les ouvriers possédaient, à l'église
Saint-Germain l'Auxerrois, une confrérie en
l'honneur de saint Germain et de saint Vincent^.
Les pelletiers avaient pour armoiries : D^azur,
à un agneau 'pascal cV argent passant sur une
terrasse de simple., ayant la tête contournée et
couronnée d'un cercle de lumière d^or, portant une
croix aussi d'or, dont la banderole de gueules est
croisée dargent *. L'écu était soutenu par deux
hermines d'argent et surmonté d'une couronne
ducale, que les pelletiers disaient « tenir d'un
ancien duc de Bourbon, comte de Clermont, qui
avoit été leur protecteur ». Il avait été plus que
leur protecteur, et le don de cette couronne
remontait sans doute au règne de Charles V, car
nous trouvons alors, remplissant les fonctions de
grand cliambrier, Louis l*^*", duc de Bourbon et
comte de Clermont. En 1629, lorsque la muni-
cipalité de Paris accorda aux Six-Corps de
nouvelles armoiries, les pelletiers refusèrent de
les accepter et tinrent à conserver celles que la
tradition leur avait léguées. La couronne ducale
était peut-être bien pour quelque chose dans
cette détermination ; et puis, les armoiries concé-
dées par la Ville à la corporation portaient quatre
navires d'argent, emblèmes du quatrième rang
1 Manuscrits Delaniai-re, arts et métiers, t. \l\\,
p. 116.
2 Voy. Le Masson, p. 49 et 85 ; 1 ai-ticle 5 des statuts
de 1621 ; VAlmanach Dauphin, art. pelletiers.
3 Voy. Ordonii. royales, t. VII, j». 686.
4 Armoriai ijénéral, t. XXIII, p. 426.
occupé par elle dans les corps privilégiés, et
contre le([uel elle ne cessa jamais de protester.
Voy. Courroueurs de panne vere. —
Maître des fripiers ei Bienfaisance
(CEÎuvres de).
Fourreurs de chapeaux. Ils ornaient
de riches fourrures les chapeaux de feutre, fort à
la mode au treizième siècle, et garnissaient d'une
manière moins luxueuse les bonnets qui se
portaient sous le haume ou casque pour protéger
la tête. Ils formaient déjà, sous le nom de
fourreurs et garnisseurs de chapiaux une corpo-
ration particulière dont nous possédons les
statuts 1 . On y voit que :
Trois conditions étaient exigées pour s'établir.
D'abord payer au roi cinq sous et aux jurés de
la communauté trois sous ; ensuite, prouver que
l'on possédait une somme suffisante et que l'on
connaissait bien le métier : « qu'il saiche fere le
mestier et il a de quoi ». La preuve de capacité
consistait à « fourrer de touz poius un chapel ».
Chaque maître ne pouvait avoir à la fois que
deux apprentis, et la durée de l'apprentissage
était de cinq ans au moins.
Il était interdit de travailler à la lumière,
« puis que chandeilles soient allumées ».
La corporation était administrée par deux
jurés.
Comme condition de fabrication, on exigeait
qu'une seule qualité de fourrure fût employée
pour un même chapeau, « aussi bonne dedans
comme par dehors, soit ou tout viez ou tout
nuef ». En outre, tout fourreur qui recevait un
chapeau défectueux devait le remettre entre les
mains d'un des jurés des chapeliers.
Ces statuts furent confirmés, sans aucun
changement, par Charles IV en mars 1324, à la
demande des intéressés, « ad supplicacionem
mercatorum et fourratorum cappellorum de
fultro Parisius ^ ».
Je ne les trouve plus ensuite mentionnés nulle
part.
J'ai omis de dire que la Taille de 1300., qui
seule mentionne les fourreurs de chapeaux, en
enregistre trois.
Fourreurs de poulaine. Celte fourrure,
que je trouve citée dans un compte du quator-
zième siècle ^, était, dit Ducange, une importa-
tion de la Pologne, « pellis ex Polonia, unde
nomen, advecta * ». C'est tout ce que j'en sais.
Fourrière royale (Service de la). « Les
fonctions des officiers de fourrière sont de fournir
tout le bois de chauffage de la maison du Roy ;
ils fournissent aussi le charbon nécessaire et la
paille. Ils ont les premières entrées, puisqu'ils
vont même allumer le feu dans la chambre du
Roy un moment avant qu'on éveille Sa Majesté.
1 Livre (les métiers, titre XCIV.
2 Dans les Onlonn. royales, t. XI, p. 493.
3 Douët-d'Arcq, Aoueeaux cumptes, p. 248.
i Glossariiim, x" poulainia .
344
FOURRIÈRE ROYALE - FRAIS1<:S
Ils ont aussi soin de continuer de faire les feux de
l'appartement du Roy pendant toute la journée,
et restent au petit coucher.
Us mettent de droit Monseigneur le Dauphm
à table.
Lorsque le Roy ou Monseigneur ont besom de
prendre un bain dans la chambre ou de se laver
seulement les pieds, c'est aux officiers de four-
rière à faire cliaufier et à verser l'eau chaude.
Le Ruv ou Monseigneur étant au bain, dans le
moment qu'il faut brûler ou exhaler quelques
senteurs, c'est à un officier de fourrière à tenir la
pelle chaude sur laquelle on répand ces parfums.
S'il arrivoit que le Roy mangeât avec un autre
Rov ou Reyne, le Roy de France faisant les
honneurs de sa maison céderoit à cette autre
Tête couronnée son cadenat, son capitaine des
ganle.s et son porte-fauteuil : ce seroit pour lors
aux ofticiers de fourrière à mettre à table le Roy
de France, c'est-à-dire à présenter à Sa Majesté
Très-Clirélienne son fauleuil. el à le lui retirer à
la fin du repas ' ».
La fourrière se composait de :
Vingt chefs.
Quinze aides.
Un délivreur de bois.
Un porteur de bois.
Trois garçons d'office.
Quatre porte-table.
Un menuisier.
Plusieurs garçons.
Deux porte-chaise d'affaires, chargés de faire
le service de la chaise percée du roi.
Voy. Maison royale.
Fourriers des log-is de la cour. Ils
étiiient au nombre de quatre, et leurs fonctions
consistaient, dit (îuyot -, << à faire des visites
dans les maisons des villes et villages où doit
loger le Roi avec sa suite. Ils doivent ensuite faire
le rapport de lems opérations au maréchal-des-
logis par lequel ils sont commandés -, et sur la
distinction que cet officier fait des maisons dont
il s'agit, les fourriers vont y poser la craie.
Celte craie est un caractère particulier aux
maréchaux-des-logis du Roi, pour désigner la
drsliiiatiori qui est faite des maisons auxquelles
on l'applique.
La plus grande distinction en craie est ce
qu'on appelle avoik i.e pour ; c'est-à-dire, qu'on
écrit m craie sur la porte d'une maison le nom
(le la personne ù qui celle maison est destinée,
en faisiinl précéder le mot pour: pour le Roi, pour
la Wine, pour M. le Dauphin, pour M. le duc
d'OrU'ans, elc.
Cet honneur n'est accordé qu'aux princes et
aux princesses du sang ou légitimés, el à quel-
aues autres princes, l.ds que ceux des maisons
de Lorraine, de HouiJh.n, d.' Rohan, aux cardi-
naux el à M. le Chanceli.-r.
Le POUR est pareillement accordé aux ambas-
• Tniilf dts offcm, t. I, |,. CIO.
sadeurs lorsqu'il leur est assigné un quartier
dans un lieu où n'est pas la personne du Roi.
Mais les envoyés n'ont pas cette distinction.
Il faut remarquer que le premier pour, tel que
celui du Roi ou de la Reine, anéantit les autres
pour qui s'appliquent à la même maison.
Observez d'ailleurs qu'il n'y a que les maré-
chaux et les fourriers-des-logis du Roi, qui
puissent marquer les maisons en craie blanche.
Les maréchaux-des-logis et les fourriers de la
Reine ou des princes doivent marquer en craie
jaune seulement, sur les portes du dedans des
maisons et non sur celles de la rue. Ceux-ci
ne peuvent, d'ailleurs, poser la craie que sur les
maisons qui leur ont été distribuées par le
maréchal-des-logis du Roi, dans tous les lieux
où il est en fonction.
On doit respecter la craie du Roi; et si quel-
qu'un était assez téméraire pour l'effacer ou la
changer, il encourrait fies peines très sévères,
telles que d'avoir le poing coupé, etc. C'est ce
qui résulte d'un édit du mois de juillet 1606, et
de plusieurs ordonnances du Roi ».
Fourriers de la g-rande chancel-
lerie. Leurs fonctions sont de préparer les
logements des membres de la grande chancellerie
qui accompagnent le roi dans ses déplacements.
Ils sont nommés par les grands audienciers de
France *.
Fraises Faiseuses de). Le seizième siècle
dut, prétend-on, l'usage des fraises à Catherine
de Médicis, qui l'apporta d'Italie. Cette mode
débuta, timidement d'abord ; sous Charles IX,
les fraises font déjà le tour du cou, mais sans
ampleur. Henri III les adopta aussitôt ; ensuite
il y renonça -. Puis, un beau jour, il en exhiba
une de si belle dimension que tout Paris en fit
risée. Biaise de Vigenère, qui traduisait alors
Tite-Live, voulut transmettre à la postérité le
souvenir de cette merveille, et dans une note
dépeignit un jeune mignon, « la teste passée dans
sa fraise comme à travers une meule de moulin,
goderonnée à tuyaux d'orgue de vingt-cinq ou
trente lez, druz et menus, fraisez en chouz crespés,
telles qu'on voit ces testes d'anges ou de vents
qui paroissent à travers un gros amas de nuées ^ ».
Comme Henri III prenait plaisir à empeser
les fraises de la reine, on le surnomma dans
Paris « gauderonneur * des colets de sa femme ^».
Ceci n'était rien. Mais, le 4 féwier 1579, s'étant
montré à la foire Saint-Germain, il dut faire
arrêter « quelques escoliers qui s'y promeuoient
portans de longues fraises de chemises de papier
blanc, en dérision de Sa Majesté et de ses
mignons, courtizans si bien fraizés et goldronnés ;
et comme ils sont d'insolente nature, crioient en
1 Guyot, Traité des offices, t. W , jj. ITl.
2 « l^,. l^oy laissa ses chemises à grands godrons, dont
il cstoit auparavant si curieux, pour en prendre à colet
renversé à l'italienne ». Lestoile, Journal, novembre 1575.
■■' Edit. de 1617, t. I, p. 928.
* On nommait i/odrons les larges plis qui eomposaicnt
la fraise.
2 Lestoile, août 1576.
FHAISMS — FRATER
845
pleine foire : « A la fraize on congnoist le
veau ^ ». Les érudils n'étaient pas plus respec-
tueux que les écoliers : « Les fraises de veau,
écrivait alors Henri Estienne, ont appris aux
gentils-hommes à accoustrer miji;'nonnement les
collets (le leurs chemises - ».
Sur la fin du règ'ne de Henri IV, les fraises
furent remplacées par le collet-mont mit, sorte
d'éventail formé de dentelles et que des fils
d'archal maintenaient ouvert derrière hi tête.
\oy. Empeseurs.
Fraisiers. Cultivateurs de fraises. Vers
1364, Cliarles V fit planter douze mille fraisiers
dans les jardins du Louvre ^. Ses successeurs ne se
montrèrent guère moins friands de cette rosacée.
Au milieu du seizième siècle, l'on mangeait
les fraises avec de la crème :
Geste crie fromag'e de cresme.
Pour manger avec des fraizettes.
disent Les cent-sept cris de 1545.
Il s'agissait encore de fraises des bois, car
c'est seulement vers la fin du siècle que l'on
songea à soigner la culture de ce fruit et à favo-
riser sa multiplication. Kn 1661, l'on n'en
connaissait encore que quatre espèces, y compris
les caprons. Quatre ans après, ce nombre s'éle-
vait à six, et il n'était encore que de dix en
1766 *, bien que Louis XV ait eu pour les
fraises un goût particulier.
Jusqu'à la fin du seizième siècle, les fram-
boises, considérées comme un fruit de ronce,
étaient abandonnées aux écoliers et aux paysans.
Frang'ers. Titre qui, à dater du quinzième
siècle, appartint aux tissutiers-rubaniers.
Frangers-Dorelotiers. Nom que prirent
les laceurs à la fin du treizième siècle.
Voy. Dorelo tiers.
Frappeurs. Chez les épingliers, ouvriers
qui formaient la tête de l'épingle en frappant
d'un coup de marteau le fil de laiton ^.
Fraseeurs. Ils fabriquaient les freseaux ou
f reselles, garnitures bouillonnées dont on bordait
les vêtements des femmes ^. On faisait encore
en freseaux des brides d'attache pour les chapes,
les colliers, les bracelets ; c'est ainsi qu'on lit
dans le Dit d'un mercier "^ :
J'ai beax freseax a faire alaclies,
A gros botons 8 d'or et de soi(^
La Taille de 1292 cite un fraseenr, celle de
1300 une frasaresse, celle de 1313 un fraseeur
et une frasserresse.
1 Lestoile, Journal.
2 Didlugues, édit. Liseux, 1. I. p. 210. — Vuy. aussi
p. '224, et Montaigne, Ess/iis, liv. I, ch. XLIX.
3 Le Roux de Lincy, Compte des dépenses de Charles V,
etc., p. 12.
* A.-X. Duchesne, Histoire naturelle des fraisiers,
1786, in-12.
5 Enryclope'dle méthodique, arts et métiers, t. ï, p. 460.
6 J. Quicherat, Histoire du costume, p. 163 et 187.
" Quatorzième siècle.
8 Boutons.
Frater, Nom donné à l'apprenti d'un
barbier ou d'un cldrurgien.
Le sort de ces jeunes gens était celui de tous
les autres apprentis, celui des clercs chez les
procureurs, celui de tous les débutants appelés
à faire leur noviciat chez un maître. La vie
qu'ils menaient avait sans doute ses côtés
pénibles, et elle est moins dure aujoiu'd'hiu dans
le même milieu, j'en conviens, mais je crois que
l'on a beaucoup exagéré ses amertumes. On
possède sur ce sujet ileux documents curieux,
auxquels il ne faut toutefois se fier qu'à moitié.
Le premier est une petite brochure populaire,
imprimée à Troyes en 1715, et qui est intitulée:
La peine et la misère des garçons chirurgiens,
autrement appelés fratres, représentez dans un
entretien joyeux et spirituel dun garçon chirur-
gien et dun clerc. L'autre a pour auteur un
médecin, par consé([uent un homme alors dis-
posé à dire tout le mal possible des chirurgiens ^ ,
L'entretien entre le clerc et le frater n'e.st,
à vrai dire, ni très joyeux ni très spirituel. Le
garçon chirurgien se plaint d'abord qu'on
l'éveille « dès le poltron Jacquet », pour ou\Tir
la boutique. Le maître est toute la journée
dehors, occupé à panser des plaies ou à pratiquer
des saignées ; il faut du matin au soir garder le
logis, faire le poil à tout venant, gourmande par
la patronne, encore plus dure et plus avare que
le patron. Notre jeune liomme a « craché du
latin » tout comme un autre, car il a passé par
le collège. Faute d'argent, ses parents l'en ont
retiré ; et, raconte-t-il, « comme j'entendois
dire à tout le monde qu'un homme qui avoit une
parfaite connoissance de toutes les parties du
corps humain, qui savoit saigner, faire le poil
proprement et panser les playes étoit capable
de passer par tout, de gagner sa vie en temps
de paix ou de guerre, dans son pays ou dans
les terres étrangères, je vous avoue que j'ai
plutôt choisi cette condition qu'une autre, sans
faire réflexion si elle étoit douce ou pénible ».
Ce qui la rend surtout difficile à supporter,
c'est qu'au logis du maître la cuisine n'est pas
assez soignée. Il y a aussi le chapitre des absti-
nences, des jeûnes commandés par l'Eglise, et
qu'en bonne chrétienne la patronne fait observer
avec rigueur. Ne peut-on donc pas sauver l'âme
sans tant maltraiter le corps ?
En dépit de ces doléances et de sijustes sujets de
plainte, les garçons chirurgiens ne passaient guère
pour engendrer la mélancolie. Ils n'en ont pas
moins excité encore la pitié d'un docteur sensible.
François-Joseph Hunauld jouit jadis comme
médecin d'une réputation que le temps n'a point
respectée. Il fut professeur d'anatomie au Jardin
du roi, et accompagna le maréchal de Richelieu
lors de son ambassade à Vienne. Tant de science
et de y-loire s'alliaient à un assez mauvais carac-
• Pour être juste, il faut reconnaître que les chirur-
giens le leur rendaient bien. Dans La tontine, de Lesage,
le docteur Trousse-Galant dit a Frosine : « Ketirez-
vous, impertinente. Il vou.s sied bien de parler contre
les docteurs en médecine ! Laissez ce soin-là aux chi-
rurgiens ». (Scène II).
346
FRATER — FRIPIERS
tère, et Hunauld avait voué une haine terrible
aux chirurgiens qu'il accusait, non sans quelque
raison, d'exercer la médecine. Il exhala sa
colère flans un petit volume devenu rare, ce
qu'il n'y a guère lieu de regretter. Comme il
s'agissait surtout pour la Faculté d'attirer à ses
cours les élèves en chirurgie, c'est à ceux-ci
qu'il fait des avances :
« A peine le coq a-l-il chanté que le garçon
se lève pour balayer la boutique et l'ouvrir, afin
de ne pas perdre 'la petite rétribution que quel-
que manœuvre qui va à son travail lui donne
pour se faire faire la barbe en passant. Depuis
ce temps jusqu'à deux heures de l'après-midi, il
va cliez cinquante particuliers peigner des
perruques, attendre dans l'anticliambre ou sur
l'escalier la commodité des pratiques, mettre les
cheveux des uns en papillotes, passer les autres
au fer, et leur faire le poil à tous. Vers le soir,
^'il est de ceux qui ont envie de s'instruire, il
prendra un livre. Mais la fatigue et le dégoût
que cause nécessairement l'étude à ceux qui n'y
sont point accoutumés lui procurent bientôt un
profond sommeil, qu'interrompt quelquefois le
l)ruil d'une petite cloche suspendue à la porte, qui
l'avertit de faire le poil à un paysan qui entre....
Jamais homme n'a exigé tant de respect d'un
domesti((ue, et jamais dans les îles un blanc n'a
cherché plus avi<lement à profiter de l'argent
que bii coûte un nègre, qu'un maître cliirurgien
a profiler du pain et de l'eau qu'il donne à ses
garçons. Une autre après-midi que celles où ils
ont congé, il ne leur permettra pas de sortir
pour aller aux leçons publiques, de peur de
perdre l'argent d'une barbe qui ne viendra
peut-être pas. C'est pourquoi les médecins,
poussés par un esprit de charité, faisoient à ces
pauvres jeunes gens des leçons de chirurgie dès
quatre heures du matin ^ ».
Fremailliers. N'^v. Fermaux (Fai-
seurs de).
Frepiers ei Freppiers. Noms que le
Litre (les métiers (1268j, puis l'ordonnance des
lianniihes (1467) donnent aux fripiers.
Fresines. Voy. Frocines.
Fréteurs et Fretteurs \ny. Affréteurs.
Fretonneurs. Vov. Fiertonneurs.
Fripiors. Us ne vendaient que du vieux :
v«Mriiii-iitsrl elolTesde joule espèce, (b-aps, laines,
l«'ili->i, f.-ulres, cuirs, etc. ayant déjà servi. En
1268, ils liretit humuloguer par le prévôt de
l'aris Klieiiiie Boileau leurs slatuls, qui sont très
cnmpleLs, très curieux *, et (pie je vais analyser.
I)<^s celte époque, mi distinguait trois classes
de fripier* :
1" I..>s fripiers houliquirrs, (pii coiisliluaient
1 Hri-slncralie du métier ;
I I.f thtrmrgieH méiltcin, ou Ulht ronire les rhirurqiens
ifut txrrrfHl la mé</friHf, 1720. in-12, \<. 27 il 30.
' /.ir/* lifs mrlirrs, lilr.< LXXVI.
2" Les fripiers ambulants, qui représentaien
nos marchands actuels de vieux habits ;
3" Les fripiers e'taliers, pauvres diables, reven-
deurs de vieux linges et de vieux souliers, qui
étalaient ces hardes dans une rue longeant le
cimetière des Innocents.
Le roi avait donné à son chambrier (alors
le comte d'Eu) les revenus et la juridiction pro-
fessionnelle du métier, et celui-ci avait délégué
son autorité à un mandataire, qui prenait le nom
de maître des fripiers ^ . C'est à ce dernier qu'il
fallait acheter le droit d'exercer : « et le vent à l'un
plus et à l'autre mains, tant corne il li semble bon » .
Son premier soin était d'établir la moralité du
postulant, qui devait être reconnu « preud'om
et loial ». Si les renseigements étaient bons, il
l'admettait à prêter serment. Le nouveau maître
jurait « que il tiendra le mestier bien et loiau-
ment ans us et aus coustumes du mestier ». Il
s'engageait en outre à n'acheter ni à des voleurs
ni à des g-ens mal famés, « ne de larron ne de
larronnesse, ne en bordel ne en taverne », ni a
des lépreux, « ne de mesel ne de mesele », ni à
qui que ce fût aucun objet mouillé ou sanglant
dont il ignorât la provenance, ni aucun ornement
d'église non réformé pour cause de vétusté, « s'il
n'est despeciez par droite useure ». Tout contre-
venant était (lécliu de sa profession jusqu'à ce
qu'il eût acheté de nouveau le droit de l'exercer.
Les fripiers pouvaient avoir un nombre illimité
d'apprentis, et régler comme ils l'entendaient
les conditions de l'apprentissage.
Ils jouissaient du droit du hauban.
Il n'est pas question de jurés dans leurs
statuts. Tout porte donc à croire que ces fonctions
étaient remplies soit par le maître des fripiers
soit par un de ses mandataires.
Quant au service du guet, les fripiers recon-
naissent qu'ils y sont astreints -, mais ils se
plaignent, en un style naïf et pittoresque, de ce
que, lorsqu'ils ont un cas d'excuse à présenter, on
ne les autorise pas à le faire transmettre par un
ouvrier, un serviteur ou un voisin. Ceux « qui
gardent h? gueit de par lou Roy » exigeaient,
en etiét, que la femme du fripier vint elle-même
apporter au Chàtelet les excuses de son mari, et
on voit tout de suite à quels dangers étaient
ainsi exposées les pauvres femmes : « Voelent et
l'ont venir leurs famés en propre parsonne, soient
bêles soient ledes, soient vielles ou jeunes, ou
foibles ou grosses, pour leur seigneur essoi-
gnier ^ -, la quele chose est moult liede et moult
vilaine que une famé soit et siée ^ en Chasteleit
dessi à queuvre feu * tant que li gueiz est livrez ;
et dont s'en veit à tel eure parmi tel ville come
Paris est, toute seule parmi rues foraines •' dessi
dans son ostel ® : et en ont esté aucun mal,
aucun péchié, aucune vilonie faite '^ ».
' \oy. ci-dossous cet artk'lo.
2 Excuser.
* I^)>'iniis le couvre-feu.
^' Éloiirnécs.
•• Sa (loMieure.
'' Voy. ci-dessous l'art. Guet de.s métiers.
FRIPIERS
347
Les fripiers ambulants, « cil qui vont criant
la cote et la chape par la ville de Paris », étaient
Ibrtniéprisésdes maîtres en boutique. Ils devaient,
comme ceux-ci, acheter le métier, mais moins
cher sans doute, et on le leur faisait acheter une
seconde fois s'ils voulaient s'établir. Comme nos
marchands de vieux habits, ils parcouraient les
rues, criant leurs ignobles bardes, demandant
à en acheter et spéculant, paraît-il, sur les
fréquents besoin d'ar<>^ent des étudiants :
(_;ific i sont, enganés .souvent,
dit (îuillaume de la Ville Neuve, dans ses
(Jrieries de Paris.
Ces fripiers avaient créé pour leur usag'e un
petit marché « en lieu et en oevre soupeçon-
neuse, c'est à savoir à Saint-Sé vérin, là où la
place n'est mie moult ijrans », et ils s'y réunis-
saient depuis six heures du soir jusqu'à la nuit.
Les fripiers établis demandent au prévôt de
supprimer ce marché « où, disent-ils, sont moult
de (^ens domagiéz en moult de manières, quar on
i vent des choses .soupeçonneuses », probablement
celles dont nous avons vu l'achat interdit.
La dernière classe des fripiers se composait,
d'après l'ordonnance de janvier 1278 ''■ , de
« po\Tes famés lingères, vendeurs de petits
sollers, et de povres pitéables personnes vendeurs
de menues ferperies ». Elles étalaient leurs
misérables mai'chandises contre un mur qui
longeait le cimetière des Innocents. Délogées par
Philippe le Hardi, qui fit construire sur cet
emplacement une halle aux souliers , elles
obtinrent, non sans peine et non sans opposition
de la part des savetonniers, un certain nombre
de places sous cette halle.
La Taille de 1292 mentionne 121 ferpiers,
et celle de 1303 en cite 162. Ils sont tous compris
dans ces chiffres, même ceux qu'on trouve
désignés ainsi :
Bertaut, qui crie cote et surcot.
Robin, le cote-seurcot.
En 1467, les fripiers prétendirent s'affranchir
de l'autorité du grand chambrier, et l'appelèrent
même devant le Parlement. Il fallut une ordon-
nance royale ^ pour les réduire à l'obéissance
et rendre au duc de Bourbon, alors pourvu de
cet office, les droits dont avaient joui ses prédé-
cesseurs.
Les statuts des fripiers, souvent confirmés,
furent revus en juin 1544, et révisés de nouveau
sous Louis XIV en 1665 ^.
Aux termes de ces derniers, le commerce des
fripiers pouvait s'étendre non seulement aux
étoffes, mais aux objets vieux de toute nature :
dentelles, galons, tapisseries, fourrures, cha-
peaux, épées, baudriers, meubles, métaux, etc. ;
mais ils étaient obligés à tenir registre de tout
ce qu'ils achetaient, en mentionnant pour chaque
acquisition le nom du vendeur.
Ils avaient le- droit de confectionner des
1 Dans les Ordonn. ruynles, t. V, p. 107.
2 24 juin. Ordonn. royales^ t. XYI, ]j. C45.
3 Dans Fontanon, Êdlts el ordonnances, t. I, p. 1.0^4.
vêtements neufs, pourvu que le prix de ceux-ci
ncî dépassât pas dix livres.
L'apprentissage durait trois ans et le compa-
gnonnage autant.
On n'était admis à la maîtrise qu'après chef-
d'œuvre. Toutefois, les fils de maître étaient
dispensés de cette épreuve ; quant aux fils de
maître nés avant la maîtrise de leur père, on les
soumettait seulement à V expérience.
Presque tous les fripiers étaient ou passaient
pour juifs ^. Un des personnages d'Ji'iomire
hypocondre (1670 comédie de Le Boulanger de
Chalussaj, dit à Elomire :
.Je vois bien que tu viens de ce riche pay.s
Où les juifs ramassés demeurèrent jadis.
Et Elomire répond :
Il est vrai, je suis né devant la friperie
(Qu'autrement à Paris l'un nomme Juiverir ^.
Juifs OU non, les fripiers avaient la réputation
de surfaire à ce point que l'on pouvait leur offrir
le quart du prix demandé •*'. On les accusait de
receler des marchandises provenant de vol. Quand
Panurge dérobe à la grande dame de Paris ses
patenôtres, il court les porter à la friperie *.
Les voleurs, disait-on, «jetoient par le soupirail
de leurs caves ce qu'ils avoient butiné par la
ville ^ » . Ils étaient enfin grands amis des tirelaine
Qui vont vers la Samaritaine
Quitter 6 aux bourg'eois leurs manteaux''.
On les soupçonnait aussi, et non sans raison,
d'acheter au bourreau les défroques des suppli-
ciés :
Tous les habits (juavez viennent de ces penduz,
Ou bien de ceux qui sont sur la roue rompuz,
Ou bien de quelque noble qui, pour un coup d'espée,
Dessus un eschaffaut a la teste tranchée 8.
Le métier était régi par un syndic et quatre
jurés.
L'édit de 1776 confirma la division des fripiers
en trois classes, savoir : 1" les fripiers d^ habits ;
2° les fripiers en meubles et ustensiles, dits
fripiers de bois, ancêtres de nos marchands de
meubles d'occasion ; 3° les fripiers-brocanteurs ou
ambulants, ancêtres de nos brocanteurs actuels.
Le nombre des fripiers était alors d'environ
700 maîtres.
Ils s'étaient placés sous le patronage de la
Trinité et de la sainte Croix, qu'ils fêlaient à
l'église Saint-Innocent. Les fripiers d'habits
avaient, en outre, une confrérie à saint Roch, et les
fripiers de bois une confrérie vouée à saint Michel.
Le marché à la friperie se tint longtemps dans
la rue Saint-Denis, entre l'hôpital Sainte-Cathe-
rine et le portail de l'église Saint-Iimocenl, et
depuis ce portail jusqu'à un puits situé rue de la
• Vov. Cl. Le Petit, Parh ridicule. \).-2\.
2 Acte II, se. 6.
3 Voy. Donneau de Visé, La veuve à la mode, scène 17.
1 Pantayruel, liv. II, cliap. 21.
5 Les qraiids jours tenus à Paris {162"2\ p. 198.
6 Eni;'V,M-.
"' Berthod, Paris ôurles/jue 1650), p. 146.
i* Di.icour.i de deux tnarchands fripiers et de deux
maîtres tailleurs (1614), p. 194.
348
FRIPIERS — FROTTEURS
Charonnerie; dans cette dernière rue, la Taille de
i.V/.3 mentionne sur 54 imposés, 36 ferpiers'^.
En 1370, le prévôt Hugues Aubriot transféra ce
marché aux halles. Il ne tarda pas à s'étendre
au delà de la g-alerie établie sous les piliers, et
donna son nom à deux rues, la rue de la Grande
f{ la rite de la Petite-Friperie, qui jusqu'à leur
suppression, sous le second Empire, continuèrent
ù justifier leur dénomination. Le voyageur
hollandais qui vint visiter Paris en 1657 décrit
ainsi l'aspect que présentait alors la friperie :
« Le 1" de mars, nous vismes la Fripperie, qui
est auprès des Halles. C'est une grande galerie
soutenue de piliers de pierre de taille, sous
laquelle logent tous les revendeurs de vieilles
nippes ; ce qui est fort commode pour cette sorte
de gens qui veulent être braves -, sans qu'il
leur en couste beaucoup. Il y a deux fois la
sepmaine marché public, à sçavoir le mercredy
et le samedy : c'est alors que tous ces frippiers,
parmi lesquels il y a apparemment bon nombre de
juifs, estaient leurs marchandises. A toute heure
qu'on y passe, on est ennuyé de leurs cris conti-
nuels, d'un bo7i manteau de campagne ! d'un beau
justaucorps ! et du détail qu'ils font de leurs
marchandises, en tirant le monde pour entrer dans
leurs boutiques. On ne sçauroit croire la prodi-
gieuse quantité d'habits et de meubles qu'ils ont :
on en voit de fort beaux, mais il est dangereux
d'en acheter si l'on ne s'y connoîtbien, de peur
d'eslre trompé, car ils ont une merveilleuse
adresse à regratler et rapiécer ce qui est vieux
en façon qu'il paroist neuf 3».
J.-P. Marana écrivait quarante ans plus tard :
« Les t<iilleurs ont plus de peine à inventer qu'à
coudre, et quand un habit dure plus que la vie
d'une (leur, il paroît décrépit. De là est né un
peuph' de fripiers, gens vils et descendus de
l'ancien Israël ; ils font profession d'acheter et de
vendre de vieux haillons et des habits usez, et
ils vivent splendidement de dépouiller les uns
et dévêtir les autres. Commodité assez singulière
dauMine ville très peuplée, où ceux qui s'ennuyent
de porter long-tems le même habit trouvent à le
dianger avec une perte médiocre, et où les
antres ((ui en manquent ont le moyen de s'habiller
avec une petite dépense * ».
Seliastien Mercier nous a laissé une exacte des-
cription de ces piliers des halles, qui n'avaient guère
changé d'aspect il y a une quarantaine d'années,
(piand ils furent démolis. « Là, écrit-il, règne une
longue lile de bouti(|iies de fripiers, qui vendent
de vieux haliils dans des magasins mal éclairés,
el où les faciles et les couleurs disparoissent. Vous
êtps au grand jc.ur, vous croyez avoir acheté un
halul n(.ir; il est Vert ou violet. Des courUmds de
l'oulnpie vous appellent assez incivilement ; et
l'Tscpie l'un d'eux vous a invité, tous ces bouti-
quiers recommencent sur votre roule l'assom-
inanle invitation. La femme, la liUe, lu servante.
' Hi''n v<^lu.s.
-^ Journal d- un roy«y, à p„ns ,;, iOrj?, publié par A.
•nupt^r»', p. 80.
' l.fllrr li MH Sifilien, p. 25.
le chien, tous vous aboient aux oreilles ; c'est un
piaillement qui vous assourdit* ».
Voy. Brocanteurs. — Maître des fri-
piers. — Toilette (Marchandes à la), etc.
Friterons. Voy. Fruiterons.
Fri tiers. Voy. Frituriers.
Frittiers. On donnait ce nom, dans les
manufactures de glaces, aux ouvriers « chargés
de faire la fritte ou calcination des matières
vitrescibles ».
Frituriers. La Taille de 1292 mentionne
sept fritiers, dans lesquels il faut sans doute
reconnaître des marchands de fritures. La friture
est d'origine très ancienne ; on la trouve citée
au onzième siècle, et c'était, au treizième siècle,
la méthode la plus usitée pour apprêter le poisson.
Les beignets étaient déjà fort appréciés même au
loin, car Joinville raconte - que quand saint
Louis fut pris par les Sarrazins, ceux-ci lui
apportèrent des « begniets de fourmaiges » qui
avaient été cuits au soleil.
Frocines. Servantes, domestiques. On
trouve aussi froucines et (résines.
Fromag-ers. Titre qui appartenait à la
corpi)ration des fruitiers.
Au treizième siècle, les fromages les plus
recherchés étaient ceux de Brie et de Champagne.
On en criait dans les rues :
J'ai bon froiuniage de Champaigne,
Or i a frommage de Brie ! *
La Taille de 1292 mentionne 18 fourmagiers,
celle de 1300 cite 26 formagiers et fromagiers.
Au seizième siècle, le fromage de Brie tient
encore le premier rang, mais une multitude
d'autres sont venus lui disputer la faveur des
gourmets. Il en arrivait du Vexin, de l'Auvergne,
du Dauphiné, de Suisse, de Hollande, et même
d'Italie, le parmesan entre autres. Le poète Saint-
Amand, mort en 1661, a publié sur les fromages
deux pièces assez curieuses * ; el le Dictionnaire
de Trévoux, dans son édition de 1777, donne
une liste de trente fromages alors très appréciés ^ .
Voy. Vendeurs.
Frotteurs. Un frotteur, écrit l'abbé Jaubert,
est « celui dont le métier est de mettre en couleur
les parquets ou les carreaux des appartemens,
de les cirer et de les entretenir luisans, en
en ôlant la poussière ou les taches avec une
forte brosse, qui est attachée au coudepied avec
une large courroie de cuir ^ ».
A Versailles, le « frotteur ordinaire de la
chambre et des cabinets du Roy » touchait par
an 540 livres. Un sieur Simon Colasse, dit la
' Tableau de Paris, 1. II, p. 265.
2 Ilisloire de saint Louis, édit. de 18G8, p. 133.
3 Les crieries de Paris, par Guill. de la Ville Neuve.
* Edit. elzév., t. I, p. 153 et 180.
'•> Tome IV, p. 331.
6 Dictionnaire, t. II, p. 300.
FROTÏEUKS — FUEIL
349
Branche, conserva cet emploi pendant près de
trente ans * .
Dans les collèg'es, le frotleur cumulait souvent
avec cet emploi celui de correcteur. Sur l'état
officiel des fonctionnaires du collège Mazarin
pour 1789, je lis cette mention : « Chevallier,
frotteur de la ])il)liothèque et correcteur ^ ».
Voy. Correcteurs.
Frotteuses de lettres. Dans les fondei-ies,
ouvrières qui frottaient les caractères sur le
grès. « Elles les frottent avec les deux doigts de
la main droite qui suivent le pouce, et les
retournent avec le pouce de la même main. Pour
ne point s'écorcher par l'inégalité du grès, elles
ont des doigtiers faits de cuir •*' ».
Froucines. Voy. Frocines.
Fruictiers. Voy. Fruitiers.
Fruiterons. Petits marcliands de fruits.
Fruiteurs. Voy. Fruitiers.
Fruitiers . Leurs premiers statuts les
nomment regrattiers de fruits et aigrun, c'est-à-
dire de fruits à saveur acre, tels que aulx,
oignons, échalottes, etc. *.
La Taille de 1292 cite dix-sept fruitiers.
Dès cette époque, ils parcouraient les rues,
criant leurs marchandises si variées :
Aus et oignons à longue alaine »,
Puis après, cresson de fontaine,
Ccrfueil, porpié tout de venue •>.
Puis après porète menue '',
Létues fraisches demanois 8 !
Vez ci bon cresson orlenois
Poires de Chaillou " et nois t'resches.
Primes ai pommes do rouviau '0,
Et d'Auvei-gne et le blancduriau H !
J'ai chastaigne de Lombardie,
Figues de Mélite sans tin 12.
J'ai roisin d'outre mer, roisin 13.
J'ai porées 1* et s'ai naviaus 'S.
J'ai pois en cosse toz noviaus.
L'autre crie fèves novelles,
Si les mesure à escuelles !
Dont orrez autres gens menues
Poires d'angoisse crier haut,
L'autre pommes rouges qui vaut l*» !
1 Etnt (le 1(1 France pour 1687 , t. L P- 146 ; pour
1712, t. I, p. 186 ; four 1736, t. l, p. 203.
2 A. F., Histoire de la bibliothèque Mazarine, p. 247.
3 Savary, Dictionnaire, t. II, p. 181.
* « (l'est à savoir de aus, de oignons, de eschaloingnes
et do toute manière de tel égrun ». Livre des métiers,
titre X. — Aigrun ou égnin vient du latin acrumen.
5 Dont l'odeur persiste longtemps.
6 Cerfeuil, pourpier tout de suite.
'' Herbes menues : persil, ciboulette, thym, laurier, etc.
8 Laitues fraîchement cueillies.
9 Poires à cuire de Caillaux en Bourgogne.
10 Ou calville rouge.
11 Le blandureau d'Auvergne ou calville blanc.
12 Figues de Malte à foison.
13 Raisin.
1* Le mot poire'e désignait toute espèce de légumes verts.
1^ Navets.
16 Guillaume de la Ville Neuve, Les crieries de Paris.
Au .seizième siècle, la mélopée a un peu varié.
On crie des poires de Dagoberl, des pommes de
Capendu, des pêches de (]orbeil, des frai.ses, des
prunes, des pruneaux de Tours, des groseilles,
des guignes, (hi raisin, des oranges, des
cerneaux, etc., etc. '.
Un arrêt du 7 septembre 1622, rendu à la
requête de la corporation des jardiniers, nous
prouve que les fruitiers étaient dits encore
maîtres de la marchandise de fruits et esgrun,
titre qu'ils ne vont pas tarder à échanger contre
celui de fruitiers-oraiigers-beurriers-fromagiers-
coquetiers.
Chaque maître ne pouvait avoir à la fois qu'un
seul apprenti. L'apprentissage durait six ans.
Cinq jurés administraient la communauté.
La maison du roi se divisa d'abord en trois
départements, la paneterie, l'échansonnerie et
la fruiterie. Le fruitier devait veiller aux
approvisionnements de fruits, de chandelles, de
bougies, etc. - Il avait sous ses ordres trois valets
fruitiers.
En 1292, le fruitier du roi se nommait fJirarl
et demeurait rue de la Petite-Bouderie. En 131.'i
il se nommait Rogier de Clichi et demeurait rue
Saint-Martin •''. La Taille de 1292 cite encore *
« Jehan, valet du fruit, qui demeurait carrefour
Guillorille ^ ».
Sous Louis XIV, le service de la fruiterie
comprenait :
1 chef ordinaire.
12 chefs servant par quartier.
12 aides.
1 palmier.
4 sommiers *>.
A la fin du dix-luiitième siècle, la corpo-
ration des fruitiers était composée d'environ
320 maîtres "^ . Ils avaient choisi pour patrons
saint Léonard, et aussi la Vierge, par allusion à
ces mots de l'Ave Maria : « fructus ventris tui ».
On trouve représentées une crieuse de fruits au
seizième siècle dans les Cris publiés par Jules
Cousin et Pilinski, et une échoppe de fruitier au
dix-huitième siècle dans les Contemporaines de
Rétif de la Bretonne ^.
Voy. Aigrun. — Ailliers. — Beur-
riers. — Contrôleurs. — Coquetiers. —
Froniagers. — Marrons [Marchands
de \ — Oingnonniers. — Orangers. —
Falmiers. — Poraiers. — Triqueurs. —
Visiteurs, etc., etc., etc.
Fueil (Qui fait le). Cette mention figure,
mais une seule fois, dans la Taille de 1300. Le
fueil, fuel, fuiel ou fuelle était une teinture
d'orseiile fabriquée avec la perelle. Les statuts
1 A. Truquet, Les cent sept cris, etc.
2 Voy. Ducange, au mot fructuarius.
3 Voy. la Taille de 1292, p. 84, et la Taille de llilli,
p. 87.
4 Page 116.
s Ou Guilleri, supprimé en 1855.
G État de la France pour 1712, t. I, p. 124.
" Savary, Dictionnaire, t. II, p. 424.
8 Tome XXI, p. 34.
350
FUEIL — FUNAMBULES
des teinturiers l'interdisent '. mais il faut bien
croire qu'elle était tolérée, puisqu'il y avait des
teinturiers d'orseille. Je les ai trouvés nommes
foilleurs.
Fuiretiers. Fuironneiirs. Voj. Fure-
teiirs.
Fuiseliers. Nom que la Taille de 1313
donne aux fabricants de fuseaux.
Fumistes. Trois choses, dit r;iuleur (hi
Ménagier de Paris (1393}, chassent le preud-
hoinnie hors de sa demeure : « femme rioteuse -,
maison maucouverte et cheminée fumeuse ^ ».
De fait, on avait alors des cheminées immenses,
et parfois splendides *. Seulement, en raison
même de leurs dimensions, elles fumaient
toujours et ne chauffaient guère. Il n'y eut,
peri<lanl bien lono:lemps, dans chaque louais qu'un
seul chaulfoir ou chati jfe-doux , autour duquel
toute une famille et parfois plusieui's familles se
réunissaient.
Beaucoup plus tard encore, on en était réduit
à se cou\Tir beaucoup, à multiplier sur soi les
vêtements. Malherbe, par exemple, qui était
frileux, portait, en hiver jusqu'à quatorze
clicmises et douze paires de bas ^. Même dans
les plus riches hôtels, même dans les palais,
même à \'ersailles, on avait beau brûler des
arbres entiers dans les fojers, il fallait encore
mettre en œuvre une foule de procédés ingé-
nieux pour se préserver du froid. Après le dîner,
L(Miis XI\' avait l'habitude de se rendre auprès
fit' Madame de Maintenon, « il se mettoit dans
un fauteuil près d'elle, dans sa niche, qui étoit
un canapé fermé de trois côtés " ». Les méde-
cins du roi nous racontent qu'il s'enrhumait sans
cesse dans sa chambre à coucher, (ju'on ne
parvenait pas à chauffer '.
\'ers la fin du dix-septième siècle seulement,
on commenc;a à réduire les énormes proportions
di*s cheminées. Madame de Sévigné, en 1677,
[)arl<' <i('s " petites cheuiinées à la mode " ».
L»' mot fumisle date du dix-huitième siècle, et
ni' ligure dans le dictionnaire de l'Académie
(ju'ii dater de 1762. Jusque-là, il n'y avait
d'Hidros fumistes que les maçons et les couvreurs.
Ils se partageaient la construction des cheminées,
s'elTomiient sans grand succès de les empêcher
•II' fuiuer. Ils avaieid eu. par exemple, l'idée
Hs-M'Z élnuigi' d'obstruer les conduits sur le faîte
par des paniers d'osier enduits de plAtre. Il n'est
pas impossible (jue cet obstacle, en diminuaid la
largeur du luvau favctrisût le tirage, mais il
f(ivori>ail les incendies, c;ir l'osier se séchait
ra[>ideinenl. les paniers s'eidlannuaienlet le vent
le> emportait souvent au loin. Une ordonnance
* l.irrt Hft tH/lierx, liln« 1,1 \', ml. :i.
* (^lirn-lii-use.
» Tom.- I, {) 171.
J y.iv Sniivnl, t. II. |.. 279 .1 (i.-.o.
' Tnlli'fnnni il.-.s Hùnux, //i.tforieffe.s, l. I.
* Saint-Simun, itrmoiret, t. V, ji. 327.
" Leroi, Journal dt ta tante Ht Louix Y/V
301. 303, rlc.
* lylln- iltt 7 octobre, t. V, p. 347.
2!»1.
283, 2'J9,
du 28 mars 1724 défendit donc « de mettre à
l'avenir aucuns paniers, mannequins, boëtes et
autres ustensiles de matière combustible tant en
dedans que sur le haut et faîte des cheminées ' ».
IJ Almanach Dauphin pour 1777 consacre
aux fumistes les lignes suivantes : On appelle
ainsi « ceux dont la profession est de chercher
et mettre en œuvre les divers moyens qu'on peut
employer pour empêcher les cheminées de buner.
Pour olmer à cette incommodité, on a employé
plusieurs inventions, comme les éoltjpiles de
Vitruve, les soupiraux de Cardan, les moulinets
à vent de Jean-Bernard, les chapitaux de Sébastien
Serlio, X^^tahourins et lesy^rowe^^^5dePodnanus,
et nombre d'autres moyens ingénieux, sur lesquels
il est absolument nécessaire de consulter les gens
de l'art ».
Parmi ces derniers, il importe de citer le sieur
Manuel, fumiste du roi, qui n'exigeait « de
payement qu'après le succès » ; le sieur Rozeti,
non moins fumiste du roi, qui était chargé de
l'entretien des cheminées au château de Ver-
sailles ; et le sieur (]astelan, fumiste du duc
d'Orléans.
S'il faut en croire Sébastien Mercier, les archi-
tectes restaient fort indifférents à cet égard. « Ils
ont prétendu en ma présence, écrit-il vers 1782.
qu'il étoit au dessous d'eux de s'en occuper ; ce
sont de vrais chinois qui restent toujours au
même point. Il a fallu faire venir à Paris des
fumistes d'Italie, et l'on tire vanité dans quelques
maisons d'une cheminée qui ne fume point. Les
fumistes forment une espèce de corps -, mais je
voudrois, qu'en punition de leur ignorance, nos
architectes et nos maçons fussent condamnés à
donner tous les ans un grand repas aux poëliers
et aux fumistes, et qu'ils fussent obligés de les
servir jusqu'à ce qu'ils eussent appris à faire une
cheminée qui ne fume point ^ ».
Au moment où Mercier écrivait ces lignes, il
existait, rue de la Roquette, une manufacture
royale de cheminées à la prussienne ^ .
Voy. Atres (Faiseurs d'). — Poëliers.
— Ramoneurs. — Serres chaudes, etc.,
etc.
Funambules. J'ai dit, au mot acrobates,
que ce nom avait, durant de longs siècles, désigné
seuleiiKMit les faiseurs d'exercices sur la corde,
et que l'Acadcmie n'ouvrit qu'en 1740 son
dictionnaire au mot funambule. Quelques-uns de
ces baladins ont laissé un nom dans l'histoire.
Christine de Pisan nous a conservé le souvenir
d'un audacieux gymnaste qui avait tendu une
corde depuis les tours de Notre-Dame jusqu'au
Palais, et qui y faisait de tels tours de souplesse
« qu'il sembloit qu'il volast ». Il finit par se casser
le cou, et le sage roi Charles V déclara qu'il avait
mérité son sort *.
IV
p. 142.
' Drliiiiianv, Traite (le la police,
~ Tableau lie Paris, t. X, p. 300.
•* Ilurtaiit l't Magnv, Dictionnaire
p. -ni. ^
* Le livre des fais et bonnes meurs du ruij Charles,
Michaud, p. 86.
III,
édit.
FUNAMBULES — FYFY
351
Cet exploit fut pourtant renouvelé peu d'années
après, lors de l'entrée d'Isaheau de Bavière à
Paris. Un génois, qui a eu Froissart pour histo-
rien, fixa, nous est-il dit, à une des tours de
Notre-Dame, une corde « laquelle comprenoit
moult loin et pardessus les maisons, et estoit
attachée sur la plus haute maison du pont Saint-
Michel ». Il vint déposer une couronne sur la
tête de la reine au moment où celle-ci traversait
le Pont-au-Change ^ .
C'est à la foire Saint-Germain que s'exhibaient
les funamhules les plus hardis. Kn 1614, deux
d'entre eux émerveillèrent tellement Marie de
Médicis qu'elle leur donna cent livres tournois,
forte somme pour l'époque.
Un sieur Jean Hall acquit aussi une belle
réputation. Mais sa femme Suzanne Roy avant
voulu tenir sur les fonts de Itaptême l'enfant d'un
de leurs voisins, dut jurer et faire affirmer par
témoins qu'elle ne montait pas sur la corde et ne
paraissait jamais en scène-.
Joseph Brunn, en 1775, roulait sur le fil de
fer un enfant dans une brouette. M"'' Charini,
en 1783, dansait sur la corde avec les pieds
enchaînés et j jouait de la mandoline ^.
Voy. Bateleurs.
Funérailles et Transports funèbres
(Entreprises de). Voj. Fompes funèbres.
FuneurS- Ceux qui fournissent et posent les
cordages destinés aux bateaux.
Fureteurs. Officiers royaux chargés de
prendre soin des furets.
On trouve aussi fuiretiers, fuironneurs,
ftironneurs , etc.
Furonneurs. Voy. Fureteurs.
Furreliers. Voy. Fourreliers.
Fuseaux (Fabricants de). Les fuseliers
fabriquaient, en bois de houx, des fuseaux et
probablement des quenouilles. La Taille de 1313
cite, dans la rue du Temple, un sieur Nicolas
Porcel, fuiselier *. 11 y a là sans doute une erreur
de copiste, et il faut lire fuselier ^.
Au milieu du seizième siècle, on colportait
encore des fuseaux dans les rues, comme le
prouvent ces vers extraits des Cent et sept cris
que Von crie journellement à Paris :
Fuzeaux de houx, fuzeaux de houx!
Où esles-vous, dame ou fille ?
J'en ay vendu, puis le mois d'aoust,
Plus d'un cent dedans reste ville !
La petite rue des Fuseaux, qui descendait de
la rue Saint-Germain l'Auxerrois à la Seine,
1 Chronique, liv. IV, chap. I, édit. Buchon, t. III, p. 5.
- A. Jal, Dictionnaire critique, p. 470.
3 Campardon, Spectacles de la foire, t. I, p. 183 et 195.
* Pa^e 84.
S Voy. Ducange, au mot fuxarius. Fuseau se disait
alors en latin fusela et fusellus.
devait son nom à une vaste maison qui portait
pour enseigne deux fuseaux. Près de là et paral-
lèle à la rue des Fuseaux, se trouvait la rue des
Quenouilles^, qui a disparu en même temps
qu'elle.
Sur le rouet, voy. Filature.
Fuseliers. Vov. Fuseaux (Fabricants
de).
Fustiers. Voy. Fùtiers.
Futailliers. \(>y. Tonneliers.
Futainiers. Fabricants de fulaiue. Cette
étoffe est citée dans le Livre dts métiers-^ mais
c'était alors un produit exotique qui nous venait
de l'Orient. Elle ne rommenra à être fabriquée
en France que vers 1580. Des ouvriers venus du
Milanais et du Piémont s'élablirent à Lyon, et y
créèrent une manufacture qui occupa bieidôt
jusqu'à deux mille personnes 3. Dès 1606, Lafïe-
mas ^ disait à Henri IV : <,< Et quant aux fustaiues
et autres manufactures de coton, nous ne devons
point permettre que les estrangers nous en
fournissent, puisque nous avons des ouvriers
autant experts qu'eux pour les fabriquer, et que
les arbres cottoniers sont si communs partout
que nous avons la matière à bon compte ». Le
roi venait précisément d'accorder à Michel Pierre
et à Luc Taschereau le monopole de la falirication
des futaines à Tours et en Touraine '. En même
temps, un sieur Paul Pinçon s'installait à Troyes
et y fondait une nouvelle manufacture.
Peu après, la France produisait chaque année
pour un million de futaine, dont un tiers était
exporté, principalement en Espagne et en Por-
tugal.
Aux treizième et quatorzième siècles, on
nommait ftdaine, doublet ou blanchet une sorte
de longue camisole, commune aux deux sexes,
et qui se portait sur la chemise. Les gens du
peuple sortaient souvent sans autre vêtement sur
le torse. En 1360, le roi Jean offrit une futaine
doublée à Jehan, son fou ".
FÛtiers. Ouvi-iers qui préparent les minces
feuilles de bois destinées à servir de carcasse aux
malles, aux cartonnages, aux gaines, etc.
Ils appartenaient à la corporation des colfre-
tiers-malletiers.
D'une manière générale, on nommait aussi
fûtiers ou fustiers tous les ouvriers qui travaillaient
le bois, menuisiers, charpentiers, etc. Ftist, en
vieux français signifiait bois.
Fyfy (Maîtres). Voy. Vidangeurs.
1 \'i)y. Jaillot, quartier Saiute-()]i[iortuiie, p. 21, 50
et plan.
2 Deuxième partie, litre II, art. 31.
3 Savary, t. II, p. 188.
i Histoire du commerce.
5 Voy. G. Fagniez, L industrie en France sous Henri IV,
p. 53.
<î Douët-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 223.
352
GAAGNE — GAGNE-DENIERS
G
Gaag-ne. Vnv. Gagne.
Gaaigniers et Gaaisniers. Vov. Gai-
niers.
Gabariers et Gabarriers. Ce nom s'ap-
pliqiwiil au patron d'uno |^^al)are, à celui qui la
(■(.Mihiisaitetaux portefaix qui la décharjjeaient i .
La -raliare était un bateau larji^e et plat, qui
transportait par rivière les marcliandises arrivées
par mer dans un port.
On trouve parfois Gahriers.
\'(iv. Patachons.
Gabeleurs ei Gabeleux. Voy. Gabe-
llers.
Gabeliers. Employés do la o^jdielle, et plus
particulièrement ceux qui étaient chargés de
faire séclu'r le sel. Ils furent institués par Tor-
doniiancp du 20 mars 1342. On trouve aussi
gabelnirs, gabelous^ gabelenx, (juùelliers^ gahriers,
etc.
Voy. Sel (Commerce du).
Gabelliers. Gabelous.Gabriers.Voy.
Gabeliers.
Gâcheurs. Ouvriers maçons qui « dé-
Iri'uipt'nl dans une auj^e le plâtre avec de l'eau,
[)iiiir élri' cmidoyé sur le champ ». La Taille de
i-2Ui* cite deux gascheeurrs^ celle de 1300 en
iMt-nlionne un seul.
(Jn noniinail aussi j>;âcheurs les <\ nuirt liaiids
vendant à vil prix. »
Gadouards. \ ov. vidangeurs.
Gagistes de théâtre. « Les lias olticiei-s -
porleiil, entre les comédiens, le nom de {^a-
jçisles, parce qu'ils tirent leur existence des
}fH)^es qui leur sont pcuictuellement payez, et il
n'y H point de communauté au mu4j(le plus
réjjulière que la leur en cet article. Les premiers
tleiiiers sont toujours poiu- eux, et ils sont servis
avant le» mattri-s ' ». Les comédiens, alors
on société, «-ouraienl les chances honnes ou
mauvaises de l'entreprise , l^uidis que les
nmsicieii>., <-omparses. machinistes, eni[)lovés
louclinicnl <|i>s j^nj^fs lixrs.
Nov. Théâtre.
' K^eyrtopédit m^lhodiqur, rommorcc, t. II, p. 473.
' I.«'.H pflil» .'niployi'.s.
•^ Chappusi.'uli, Le ihinirt (riin^ma (ltj74), p. 236.
Gag^nant-maîtrise. On nommait ainsi les
artisans qui servaient pendant un temps déter-
miné dans certains établissements, afin d'obte-
nir ainsi la maîtrise sans rien payer et sans être
forcés de produire un chef-d'œu\Te.
Voy. Charité. — Galerie du Louvre.
— Gobelins. — Hôpital général. —
Hôtel-Dieu. — Miséricorde. — Petites-
maisons. — Savonnerie. — Trinité.
Gagne-deniers. Ils se divisaient en quatre
classes :
1° Les GAGNE-DENIERS PROPREMENT DITS :
Commissionnaires.
Crocheteurs.
Forts.
Hommes de peine.
Portefaix.
Tous avaient pour patron saint Christophe,
mais la vraie fête de tous les g-agne-deniers se
célébrait à la mi-carême.
2° Les GAGNE-DENIERS SUR l'eAU :
Débardeurs.
Garçons de la pelle.
Plumets.
Manieurs.
Outre saint Christophe, leur patron, les
ffaffne-deniers sur l'eau avaient une confrérie
placée sous le patronag-e de la Vierg-e.
3" Les PORTEURS spéciaux à certains métiers,
11 y a eu des
Porteurs de bois.
— charbon.
— chaux.
draps.
Il 1 1 n .
grains.
plâtre.
et peul-èlrc d'aulrcs (Micore.
Mais ces porteurs ne demeurèrent pas long;-
lemps au rang' des gagne-deniers. Autorisés à se
faire aider par des -plumets^ ils ne tardèrent pas
à leur laisser toute la besogne et à jouir en repos
du revenu de leur charge.
4" Les gagne-deniers ou forts de la douane.
Ils avaient pour patron sainte Barbe.
Presque tous les gagne-deniers étaient recon-
naissables à une médaille spéciale, qu'ils devaient
porter en évidence sur leurs vêtements.
GAGNK-DKNIEHS — GALOCHIERS
353
Le mot g'ag^ne, pris dans le sens ci-dessus,
a été écrit gaagne^ gaùjne, gaingne, gaggiie, etc.
Voy. l'article consacré à chacun des noms
cités plus liant.
Gag-ne-maille. Gag-ne-néant. Gag-ne-
obole. Gagne-pain. \o\. Raccommo-
deurs de vases en bois.
Gagne-petit. \o\. Rémouleurs.
Gaigne. Voy. G-agne.
Gaigneurs. Vov. Laboureurs.
Gaigniers. \o\. Gainiers.
Gaingne. Vov. Gagne.
Gainguettiers. A'oy. Guinguettiers.
Gainiers. La fabrication des «gaines et
fourreaux occupait, au treizième siècle, deux
corporations distinctes, ayant chacune son
organisation et ses statuts particuliers.
C'étaient :
V Les gaaignlers de fonriaiix ou gaiaiers-
furreliers '.
2" Les garnisseurs de gaaines. feiseurs de
viroles, de liens et de coispemis de laiton, d'archal
et de quoirre ^.
Les GAINIERS - FURRELiERS faljriquaieut des
carquois pour les archers, des écrins pour serrer
les bijoux et les objets précieux, des fourreaux
pour les épées, les couteaux, etc. Ils ne pouvaient
employer que le cuir bouilli et seulement le
cuir de « vache, de buef, de cheval, de une et
de veel '', sauz mètre nul autre cuir en huevre '^
ne viez ne nouvel ».
Chaque maître ne devait avoir en môme temps
qu'un seul apprenti. L'apprentissag'e durait de
huit à neuf ans. Le travail à la lumière étaii
iiderdit. Quatre jurés surveillaient le métier.
Le Livre des métiers, qui me foui-nit ces ren-
seignements, ne fait aucune distinction entre les
gainiers et les fourreliers ; ils n'étaient cepen-
dant pas absolument confondus, car la Taille de
1292 mentionne 52 (piainiers et 6 fourreliers, et
la Taille de 1300 42 gais niers et 8 fourreliers.
Les GARXissEURS Complétaient les g-aines et
les fourreaux. Ils y ajoutaient les viroles, les
rivets, les cercles, les crampons, les bandes, les
heus •' et les coispeaux ". Chaque maître ne
pouvait engager qu'un seul apprenti à la fois,
et l'apprentissage durait huit ans, le travail à
la lumière était interdit, deux jurés adminis-
traient la communauté.
La Taille de 1292 cite 4 garnisseurs et 3 viro-
liers, celle de 1300 mentionne 12 garnisseurs et
5 viroliers.
' I.icre lies iiif'liers, titiv LX\ .
- Lirre des métiers, titre LX\ I.
■* De veau.
4 En œuvre.
^ Les poignées.
6 Les pommeaux.
Les gainiers firent reviser leurs statuts en
juin 1324 et en mai 1457. Ces derniers les
q 1 1 a 1 i lie n t de g a isn iers -fourreliers -ho lUeilliers -
faiseurs de coffres et boistes à chevaucheurs-
ouvriers de cuir Ir/ubj • .
Une nouvelle rétlaction fut adoptée en sep-
tembre 1500. L'article 1" accorde à la commu-
nauté le droit de fabriquer, mais toujours en
cuir bouilli, toutes sortes de "-aines -, de four-
reaux, d étuis ■', de boîtes, de flacons et d'écri-
toires lixes ou portatives *. L'apprentissage était
réduit à six ans. Chaque maître devait marquer
ses produits d'un poinçon particulier.
Ces statuts subsistèrent à peu près sans chan-
gement jus({u'à la fin du di.x-huitième siècle. Le
nombre des maîtres était alors de 125 environ.
Dans le nombre figurait le sieur Galuchat,
inventeur de la garniture qui porte encore son
nom. L'article que lui consacre V Almanack
Dauphin 2)our 1777 est ainsi conçu ; « Galuchat,
père ^, quai des Morfondus •*, est celui qui le
premier a trouvé l'art d'adoucir et mettre en
couleur les peaux de roussette et de requin ',
dont on garnit les surtouts de montres, boîtes à
lancettes, étuis ù ciseaux et à rasoirs et autres
objets ».
Les gainiers étaient placés sous le patronage
de sainte Madeleine et de saint Maur. L'ortho-
graplie de leur nom a fort varié. On trouve dans
le Livre des métiers : gaaigniers, gaigniers, gain-
niers et ganniers. La Taille de 1292 les nomme
guainiers, celle de 1300 gaisniers. Je trouve
dans les statuts de \Aol gaisniers. dans l'ordon-
nance des Bannières (1467) gnegniers, dans le
Lii're commode ([(592) guaisuiers. J'ai rencontré
encore gaaisniers, fja.inniers il380i, gagnicrs
(1560K guesniers, ouvriers (Testvgs, etc.
Gainniers. Voy. Gainiers.
Gaisniers. Nom que la Taille de 1300 et
les statuts de 1 157 donnent aux gainiers.
Galeries, ^'oy. Louvre et Palais.
Galilée (Empire de;. \'oy. Bazoctie.
Gallemiches et Gallemicheux , Noms
donnés à certains boulaiigci's dont je n'ai pu
déterminer la spécialité **.
Galochiers. Les galoches [gallica>, gulli-
cnlœ sont d'origine fort ancienne, car les latins
les empruntèrent aux Gaulois, et le m)ine de
Saint-Gall nous apprend que Charlemagne afîec-
tionnait particulièrement ces chaussures à semelle
de bois.
Leur emploi semble avoir été moins fréquent
i Bouilli.
- « Gaignes ».
■' « Estuiz ».
4 « Aulcuns galleniiirs autrement dits e.seriptoircs
que l'on po.Me cou.stuniièrenient à la ceinture ».
5 Son fils était établi aus.si quai de.s Morfondus.
6 Auj. réuni au quai de l'Horloge.
"' Il s'agit ici d'une variété de la raie.
î* Lettre du prévôt de Paris concernnnl les droits des
boiilanjers, 21) avril lût)4.
•zs
354
GALOCHIEKS — GANTIKKS
au treizième siècle puisque les Tailles de 1292
et de 1300 mentionnent chacune 2 galoc/mrs
seulement.
Ce métier ne figure plus dans Tordonnance
dite des Bannures ijuin 1467).
Les o-aloches continuèrent pourtant à être
utilisées^ en hiver surtout, pour protéger des
chaussures plus légères. Par les jours de boue.
les élèves externes qui se rendaient chaque matin
au collège en faisaient grand usage ; aussi les
nommait-on Af^^ galoches '.
Voy. Patiniers.
Galonniers. Aux douzième et treizième
siècles, galonner la barbe ou les cheveux, c'était
diviser le poil en plusieurs touffes autour des-
quelles s'enroulaient des fils d'or ou d'argent.
Le sens actuel du mot (jahuner est venu de là.
On nommait galon ou gallon l'instrument em-
plové pour galonner la îiarbe ou la chevelure -.
Galonniers. Faiseurs (1(^ galons. Ils con-
fcclionnaienl des réseaux, tresses, crépines,
dfii telles et galons en laine, en soie, en argent,
en or.
Les livrées des pages, tles hupiais et des cochers
étaient ornées de galons, dont la couleur et la
disposition variaient pour chaque famille. Des
ordonnances interdisaient de porter une livrée
sans galons, mais ceux d'or et d'argent, réservés
pour les andiassadeurs et les seigneiu-s étrangers,
étaient interdits aux particuliers ■*.
Vers la Hî) du dix-huitième siècle, il _v avait à
Paris environ vingt galonniers. Ils appartenaient
il la corporation des rubaniers.
Galopins. Marmitons attachés à la cuisine
des grandes maisons. Ils faisaient les commissions
du cuisinier, tournaient la broche, plumaient les
volailles, piquaient les viandes, et, sous la direc-
tion des potagers , préparaient les bouillons
pendant la nuit. \,' Etat de la France jwtir 1687
l'ail figurer tians la cuisine-bouche du roi « trois
••nfan> d»- cuisine ou galopins », aux gages de
:{()0 livres *. h'J'Jlaf de la Franre pour 1730 cite
>c|»iirénit'nl, dans la maison de la reine. 4 enfans
de cuisine cl 2 galopins ordinaires "'.
Olivier de la Marche écrivait au quinzième
siècle : k Les happclloppins et les eufans nourris
MUis gîiige en la cuisine doivent tourner les rosts
••I fair»' tous les autres services menus qui appar-
licnuenl il la dit-te cuisine ^ ». C'est égalcnitMit
(I ces atdrs ou garçons de cuisine qu'incomliait le
soin d'épluciier les légumes, d'écurerla vaisselle.
de nelioyer le '^ardc-inangcr. cic. ".
Gamins. \''\. Batteurs de cannes.
Gainiiors. V(.v. Gainiers.
I \.., V....I .1,, pnil, Œurres, I. H, j,. 19.|.
* ^ . filiismirr, au mol gnllonnuiii.
■"'•' I rnilf (If l„ puliif. \. I. ], ;(c,r, .t •-iiiv
* T..U1.- l. |.. h5.
5 Toiiip II, p. 347.
" .WiHoiret, i^lit. ilc IttlO. |.. l'.ts.s.
■ AU'lijj>T, /,/! uuiUoH irglrr, liv. I, cliaii. C.
Gantelets (P'aiseurs de). J'ai recueilli
dans la Taille de 1313 \ cette mention :
C!olin l'Escot, qui fait gantelcz.
11 demeurait rue de la Heaumerie -, au milieu
des heaumiers, des haubergers, des armuriei-s,
etc. Il s'agit donc ici d'un de ces derniers qui
avait adopté la spécialité des gantelets.
Je trouve cité, au quatorzième siècle, un
« faiseur de ganthelès », dit plus loin « faiseur
de gantelez •* ».
Gantiers. Les gantiers, cirotecarii d'il Jean
de Garlande, soumirent vers 1208 leurs statuts
à l'homologation du prévôt de Paris *. On y voit
que le roi avait concédé une partie des revenus
de ce métier à son grand chambrier ; c'est donc
à ce dernier que les gantiers achetaient le droit
de s'établir. Ils pouvaient avoir un nombre illi-
mité d'apprentis et régler à leur volonté les
conditions de l'apprentissage. Ils confectionnaient
seulement les g-ants de peau, les autres étaient
le monopole des cha'peliers de coton, devenus au
quartorzième siècle chapeliers de gants de laine
et de bonnets. Chaque maître laissait, à tour de
rôle, sa boutique ouverte un dimanche sur six.
Quatre boutiques restaient ainsi ouvertes tous les
dimanches, ce qui nous prouve qu'il y avait alors
à Paris 24 maîtres gantiers. On n'en comptait
plus que 21 en 1292. et leur nombre était de 42
en 1.300 3.
Au quinzième siècle, les gants étaient le
complément indispensable d'une toilette soignée.
Les jeunes damerets, dit Martial d'Auvergne ",
les passaient à leur ceinture. Sous Charles IX,
on voit cités des gants montant jusqu'au coude " .
Les gants d'Allemagne et de Champagne étaient
fort estimés , mais aucun pays ne pouvait
soutenir la comparaison avec l'Espagne.
Des lettres patentes du mois de janvier 1614
octroyèrent aux gantiers « permission de se
nommer et qualifier tant maistres gantiers que
parfumeurs », et en mars 1656 ils firent reviser
leurs statuts. L'apprentissage fut fixé à quatre
ans, suivis de trois ans de compagnonnage, et
chaque maître ne put avoir à la fois qu'un seul
apprenti. Si, sans cause légitime, un maître
renvoyait le sien, les jurés de la corporation se
chargeaient de placer celui-ci dans un autre
atelier.
Tout aspirant à la maîtrise devait parfaire le
chef-d'œuvre, mais les fils de maîtres en étaient
dispensés et astreints seulement à V expérience.
Il n'est pas question, dans ces statuts, de
poudre à poudrer, et les gantiers x\^ sont point
encore qualifiés de poudriers, titre qu'ils ne
vont pas larder à prendre. Dès Tannée 1689,
ils avaient le privilège de cette fabrication.
' Page 102.
2 Devenue rue des Écrivain.^, puis .supprimce en \^'\'i.
•' A oy. B. Prost , Intenlaires mobiliers, etc., t. I ,
p. 151) et 1<»7.
^ Litre des métiers, litre LXXX\'III.
■' ^oy. le.s Tailles do ces deux années.
'■' Arrêts d'amour, t. II, p. 403.
"' C.imberet Danjou, Arc/ilces curieuses, t. \ III, p. 301
GANTIiaiS — GAliDES 1)1 vS AIRl-^S
:r)5
comme le prouve un arrêl rendu, le 4 juillet,
contre les merciers.
Le nombre des maîtres gantiers, qui était de
250 en 1725 ' semble avoir peu varié depuis
cette année.
De temps immémorial, la communauté des
gantiers avait pour patronne sainte Anne. Ils lui
adjoignirent plus tard sainte Madeleine, patronne
coninnuK» aux corporations qui s'occupaient
d'adoucir la peau, les gainiers et les mégissiers,
par exemple.
Voj. Foudriers.
Ganyeurs. Voy. Laboureurs.
Garanceurs ou Teinturiers en rou-
ge. Noiîis employés sui'ltiul dans les manul'ac-
tures de Rouen.
Garandiers et Garanniers. Voy. G-a-
rennisrs.
Garçons de cabaret. « Le devoir d'un
garçon de cabaret, qu'on appelle le premier
garçon, est de savoir bien gouverner ime cave,
connoître la qualité de tous les vins, les ditie-
rens prix d'iceux et les indiquer aux autres
garçons, afin que, quand ils sont plusieurs qui
vont à la cave, quoique ce soit lui qui en ait le
gouvernement, ils ne se trompent point et ne
donnent point celui d'un prix pour un autre. Il
faut aussi qu'il sache l)ien préparer toute chose
pour éclaircir les vins -, qu'il perce toujours
et fasse débiter les plus prompts à boire ; qu'il
ait bien soin de visiter et remplir tous ses
râpés ^ les soirs ; que sa cave, ses futailles, ses
cannelles soient toujours bien propres et bien
nettoyées : cela fait que les vins s'en portent
beaucoup mieux et se conservent bien plus
longtemps
Il doit aussi desservir ou faire desservir promp-
tement, et bien faire nettoyer les tables par les
servantes ou les autres garçons sitôt que les
compagnies sont sorties ; leur bien faire ranger
les chambres ; bien nettoyer et laver les baquets
à pisser; balayer l'escalier, la cour, la boutique,
le devant de la porte et autres endroits dépen-
.dans de la maison, afin que les buveurs y étant
proprement, cela les attire et les oblige à y
revenir une autre fois •' ».
Garçons de la chamJbre. Ufflciers de la
maison royale, appartenant au service du grand
(■haml)ellan. <\ Ils ont soin de préparer ou de
faire préparer plusieurs choses nécessaires à la
chambre, les tables, les tapis et les sièges pour
les Conseils qui se tiennent dans la chambre ou
dans le cabinet du Roy. Ils couchent toujours
deux proche la chaml)re du Roy, un dans l'anti-
chambre et l'autre dans le cabinet. Ils vont
avertir à la Bouche qu'on apporte le bouillon
' Savary, Dictloniiairi', t. I, fi. i'iA.
- On nommait ainsi, dans les cabarets, un mélanj^^''
des restes de toutes sortes de vins, qu'on rassemblait
dans un tonneau pour ne rien ptn-dre.
•* Audiger, La muluon réglée (1G92}, liv. III, cbap. 3.
quand le Roy en prend, et qu'on apporte le
déjeuner de Sa Majesté ^ ».
Garçons-compag-nons. « On nommo
ainsi, dans l'exploitaliijii des carrières de pierres
de taille, les ouvriers qui travaillent à couper
les pierres dans le fond de la carrière. On les
distingue ainsi du maître carrier, qu'on nomme
simplement carrier, et des ouvriers qui font
tourner la roue en montant le long de l'échellier.
Ceux-ci s'appellent manœuvres carriers ^ ».
Garçons de cuisine. Voy. Galopins.
Garçons marchands. Voy. Commis
miarchands.
Garçons d'office. Domestiques de grande
maison. « Lorsqu'il y a un garçon d'office, son
devoir et fonction est de tenir la vaisselle d'argent
bien propre, de la compter souvent, et en rendre
compte à l'officier ou au maître d'hôtel ; et s'il y
a en quelque pièce d'égarée les en avertir, afin
qu'ils y donnent ordre.
Il doit avoir le même soin de tous les autres
ustensiles et batterie d'office.
Ne pas manquer en prenant du linge blanc de
rapporter le sale, et en l'absence de l'officier
prendre bien garde à tout.
Il est obligé de mettre le couvert du maître
d'hôtel, de ramasser le linge de table pour qu'il
ne s'en perde point, et de bien obéir à son
officier ^ ou à son maître d'hôtel ^ ».
Garçons de la pelle. On nommait ainsi
de pauvres gagne-Jeuiers qui se tenaient sur les
ports et qui, au moyen de grandes pelles, déchar-
geaient les bateaux de charbon. Ils étaient sous
les ordres des mesureurs de charbon.
Yoy. G-agne-deniers.
Garçons du tas. Nom donné aux ouvriers
maçons qui servaient d'aides à l'appareilleur.
Garderobiers. Officiers de la maison
royale, à qui était confié le soin des vêtements
et des armes ^. Ce mot a désigné aussi desimpies
valets de garde-robe *'.
Gardes. Voy. Jurés.
Gardes. Pour faciliter le classement des
articles qui suivent, j'ai toujours donné au mot
garde la marque du pluriel.
Gardes des aires. Officiers de la maison
royale, appartenant au service du grand faucon-
nier. Leur chef élait dit capitaine des (fardes des
aires de Boimiofjne et de Bresse, ses appointements
étaient de I.OOO livres. « Cette charge a été
créée pour avoir soin des aires des oiseaux de
1 Kfnt de la France pour 1687 , t. I, p. 143 ; pour Î73fj,
t. I, p. 293.
2 Savary, Dictionnahe, t. II, p. 211.
3 A son officier d'oftiee.
i Audiger, La maison réglée '1002', liv. I, ehap, ô.
•> \oy. Douët-d'Arcq, Comptes de l'arqenferif, p. 2(39.
S Voy. Ducange, au mot garderobariue.
356
GARDES DES AIHlvS — (JAHDKS-HUCHK
proye nui se trouvent dans les forêts des provinces
de 'Bourgogne et de Bresse. Le capitaine est
obligé deJ'aire apporter ces oiseaux au Roy, pour
être"nis dans la fauconnerie de son cabinet. Par
le mot rare, l'on entend les roches ou les préci-
pices que les faucons choisissent pour faire leurs
fauconneaux et les arbres au haut desquels les
vautours font leurs nids ^ ». Il v avait aussi des
gardes des aires dans les forêts de Compiègne,
d'Andennes, etc.
Gardes et dépositaires des archives.
Offices créés par édil de 1709, et supprimés en
1710. Les titulaires avaient pour titre officiel :
G'D-fks et fk'positaires des (irchii:eft. statuts et
rcff/eiiiens, titres, comptes et autres pièces dans
chaque rorps de marchands.
\'ov. Offices (Créations d').
Gardes-bateaux, metteurs à port.
officiers jurés. L'édit du 5 avril 1690. qui crée
(piaraide de ces offices, stipule que leurs
fon<-tions consisteront « à garder tous les
bateaux et équipages qui arriveront dans les
ports, à les mettre à port, etc. ». Au déliut du
dix-huitième siècle, ces offices atteignirent le
nondtre de cent. Tous furent supprimés en 1715.
Les débadeurs ont été dits aussi metteurs-à-port,
boute-à-port et équipenrs.
Gardes de bibliothèque. ^ <>.\ . Biblio-
thécaires.
Gardes-biens. \^>y. Gardes-chasse.
Gardes-bois. Aov. Gardes-chasse et
Gruyers.
Gardes-chaînes, (rcns préposés à la
survfillanct' <'l u la nuuueuvre des chaînes que
l'on Irntlait autrefois, comme moyen de protec-
lioii, en travers de la Seine et des rues de Paris.
L'enceinte fortifiée élevée par Pliilippe-Auguste
fui (•onq)b'ltT par des cliaînes. De la tour de
Nf'sb' Insliiul aciufl à la tour du Loiivir, et de
la Tiiiiriiflb' ù la tour Barbe;in située un peu
au-dfssUN du Ponl-Marie actuel) s'élendail une
grosse cliHÎnc de fer qui, reposant siu* des lialcaux
fixés eux-mêmes à des pieux énormes, inter-
disiiil 11 voldiiié le passage du fleuve. lOntre la
Tnurnt'llf !•! la Idur Uarbeau était inlerposée l'île
Noire-Dame aujoin-d'hui île Saint-Louisl. et le
partage de la Seine en deux lini> exigeait une
double chaiue ù cet endroit.
(lerliiines rues étaii^nt (léleiidnes aussi par des
chiifnes, et celles-ci joui-reiit un graïul nMe
pendant la Fronde. ÎMusieurs de ces chaînes
exixlaienl encore en 1779. notamment celle qui
fermait la rue d.. la Harpe i\ son exliviiiilé méri-
diiinale *.
Les chaînes eUinl parfois remplacées par des
cordes, ou trouve au.ssi yardes-cordes.
« hUaldt la Franc, pour 1712. \.\.y. OlX : mur 173(1
I I. p. 331. .1 t. II, p. 291.
* Hurlant f-t Mngnv, /V/rZ/tf/f/c/i/T </(•/'«/ /.v t I ■, -,•<•>
-t t. 11, p. 160. * , ,1- -.
Gardes-champêtres. Voj. Messiers.
Gardes-chasse. Dans les propriétés de
campagne d'un grand seigneur, « il y a, écrit
Audiger, des gardes-chasse ou garenniers, dont
le devoir est de bien nettoyer les garennes de
bêtes puantes, de savoir bien composer les
appâts, et tendre les pièges pour les prendre.
Il faut aussi qu'ils aient bien soin de la chasse et
qu'ils sachent bien tirer, afin de pouvoir envoyer
du gibier quand on leur en demande * ».
L'ordonnance de 1669 leur interdit de porter
un fusil, et leur permit seulement des pistolets. Il
n'y avait d'exception que pour les gardes exerçant
près de certaines frontières du nord et de l'est ^.
On les nommait ixw^^^x gardes-bois, gardes-biens,
etc.
\o\. Capitaine des chasses et Varen-
niers.
Gardes du coin et étalon royal. \'oy.
Huiliers.
Gardes du commerce. Dix offices jurés
créés par édit de novembre 1772.
« Nous leur attribuons le pouvoir exclusif de
mettre à exécution, dans notre bonne ville,
fauxbourgs et banlieue de Paris, les contraintes
par corps pour dettes civiles, prononcées par les
arrêts, jugemens et sentences émanés de nos
cours, juges et toutes juridictions quelconques ».
(Art. 1).
« Les arrêts, jugemens et sentences portant
contrainte par corps pour dettes civiles pourront
être mis ù exécution dans l'inférieur des maisons
tous les jours et à toute heure, à l'exception
toutefois des dimanches et fêtes... Voulons
néanmoins que lesdites contraintes ne puissent
être mises à exécution pendant la nuit sans
l'assistance d'un commissaire ». (Art. 6).
« Lesdits officiers-gardes du commerce auront
une marque distinctive en forme de baguette,
hujuelle ils seront tenus d'exhiber aux dél)ileurs
condamnés ». (Art. 7).
« Faisons défenses à foutes personnes? d'user
envers lesdits d'aucuns propos injurieux ni voies
de l'ait, sous peine d'être poursuivies comme
pour l'ail de rél)ellion à justice ». (Art. 9).
Gardes-cordes. Voy . Gardes-chaînes.
Gardes-conservateurs des étalons,
poids, mesures et balances de l'hôtel
de ville. Offices créés par déclaration du
18 octobre 1707 et supprimés par édit du
10 décembre 1709.
Gardes-forestiers. Voy. Forestiers.
Gardes des halles et marteaux des
cuirs. \ oy. Contrôleurs.
Gardes-huche ei Gardes-hug-e. \'oy.
Gardes-vaisselle.
1 La iiini.soii réglée (1692), livn^ II, ciiap. 4.
- .1. Hriiriijui'z, DiclioniKiire du droit de i/ins.se, t. 1,
II. ai8.
(ÏARDKS DES INSTRUMENTS DE MUSIQIE — GARDES-NOTES
357
Gardes des instruments de musique
de la chambre du roi. Leurs gages étaient
(Je 300 livres '. Jusque vers l()87,cet emploi l'ut
rempli par deux nains -.
V(iy. Musique de la chambre.
Gardes des joyaux. « Le (lue a un garde
de joyaux et son aide. Et est ireluj garde de
jovaux fort privt- du prince, car il a en ses mains
un million d'or vaillant, et sert à garder les
deniers de l'espargne dn prince, tous ses jovaiix
d"or et pierries •'. Il a en sa main toute la vasselle
d'or et d'argent et tous les ornemens de sa
chapelle * >>.
Vov. Gardes-vaisselle.
Gardes-laisses des g-rands lévriers.
Vov. Lévriers.
Gardes-ling"e. Officiers qui avaient le soin
du linge dans les grandes maisons •'.
Gardes - magasins . ^'(\v . Magasi -
niers .
Gardes-malades. On d(jnne ce nom, « ou
simplement celui de gardes, à des femmes qui,
dans les maisons particulières où elles sont
appelées, remplissent auprès du malade les
mêmes fonctions dont les infirmiers scmt chargés
dans les hôpitaux ^ ».
Je trouve, en 1539, une femme qui s'intitule
« garde-malades et servante. » L^ne cliente
qu'elle soigna, lui légua en mourant deux
chemises de chanvre '' .
Gardes-manger. Dans quelques grandes
maisons, officiers de cuisine qui avaient le soin
des viandes tant fraîches que salées.
Gardes-marteaux. Officiers des eaux
et forêts créés par Henri 111 en 1583. Ils avaient
la garde du marteau avec lequel on marquait, au
moment des ventes, les bois qu'on devait couper
dans les forêts du roi.
Le garde-marteau assistait aux audiences de
la maîtrise des eaux et forêts. 11 y avait voix
délibérative, pouvait même présider en l'absence
du maître et des lieutenants. Dans les bois, il
était tenu d'opérer lui-même, ne devait confier
à personne son marteau **.
Gardes-marteaux des cuirs. Vov.
Contrôleurs .
Gardes-messiers. Voy. Messiers.
1 État de la France pour 1712, t. I, p. 229.
2 État de la France pour 1687 , t. I, p. 176.
3 Sic.
4 Olivifr de la Marche, Estât du duc Charles le Hardi,
édit. de 1616, p. 667.
5 Oliv. de la Marche, Mémoires, édit. diî 1616,
p. 674.
" Jaubert, Dictionnaire, t. II, p. .^21.
" Bulletin de la société de l'histoire de Paris, 22'" année
I89Û, p. 79.
8 Voy. l'ordonnance du 13 août 1669, édit. de 1669,
p. 32.
Gardes-meubles. Officiers de la maison
royale appartenant au service de la garde-robe.
Ce service comprenait sous Louis XIV :
V\\ intendant et contn'ileur général.
Un garde général.
Un garde-meid)lt's au Louvre.
Un garde-meubles à riiôtel des andjassadeurs
extraordinaires ' .
Neuf garçons -.
Parmi les « pièces d'honneur » que gardait
Tintendanl M. Boulard, V J^^ tut de la France pour
1650 mentionne :
La couronne de France.
Le sceptre royal.
La main de justice.
L'épée royale.
La cotte d'armes.
Le heaume timbré à la royale.
Le pennon du roi.
Les gantelets.
Les éperons.
L'escu.
La bannière de France.
Les cottes d'armes des hérauts.
L'enseigne des Suisses.
Etc., etc., etc. **
Dans les grandes maisons, le garde-meubles
prenait le nom de tapissier.
Voy. Maison royale.
Gardes des meubles du Conseil
d'Etat. Offices créés en ?, supprimés par édit
d'octobre 1604 K
Gardes-meubles des Conseils du
roi. Titre que portaient les huissiers du conseil
du roi •'.
Gardes des minutes du Conseil des
finances. Offices créés par édit d'août 1691,
supprimés par édit de fé\Tier 1710. 11 n'y eut
jamais qu'un seul titulaire ^.
Gardes de la monnaie des médailles.
Voy. Directeur du balancier.
Gardes des monnaies, ^'oy. juges-
gardes.
Gardes-notes. Titre qui appartenait aux
notaires du (^liàlelet. Pendant fort longtemps,
les notaires ne gardèrent pas les minutes des
actes passés par eux. En 1541 seulement, ils en
acceptèrent le dépôt, « afin d'être dispensés, en
cette considération, d'écrire et grossoyer leurs
actes de leur propre main, et d'avoir la liberté de
les faire écrire et grossoyer par leurs clercs '' » .
1 Sous Loui.s XIII, cet hôtel, situé rue de Tournoii,
avait été résidence royali>.
2 Ftat de la France pour 17 12 , t. I, ji. 220 ; pour 1736,
t. I, p. 331.
3 Etat de la France pour 1756, t. 1, p. 155.
4 F.-.I. Chatilrs, Dictionnaire de justice, t. I, p. 806-
3 fiuyot, Traité des offices, t. I^ , p. 4.')7 et s.
C F.-J. Chastes, Dictionnaire de justice, t. I. p. 868.
1 S. -F. Langloix, Traité des droits et prieilèijes des
notaires, p. lu l'I 21.
3r)8
GARDES DE NUIT — GARDES-SCELS
Gardes de nuit. Officiers des ports.
« Enioint aux gardes de iiuict de laire leurs
fonctions en personne et de faire sur les ports
l.unne et sûre garde, pour la conservation des
,n l'-cliandises v estans, à peine d'en repondre en
1 Mir propre et privé nom et d'interdiction de
l-iur chiirge.
A reflet de quoj, par chacun jour, après
l'heure de vente, leur seront données par compte
les marchandises qui se pourront compter ; et
L's autres leur seront confiées au mesme état
qu'elles auront été reconnues le soir par deux
juarchands qui en aunuil iiu lieu le plus
proche ^ ».
Je trouve mentionnés en 1708 cent .soixante
o fHces ( 1 e contrôleiirs-com m issa ire.s-ji<rc's-fja rdea
(le miil.
Tdus ces offices furent supprimés en 1715.
Gardes des oiseaux, ^'<^v. G-ouver-
neiirs des cormorans.
Gardes particuliers,
chasse.
Gardes-
Gardes - pêche . dits aussi Gardes -
rivières. A}.jents charg^és de surveiller Texé-
cutinn des ordonnances relatives à la police des
eaux, rivières et fleuves. Ils étaient tenus de
savoir lire et écrire, car ils avaient le droil de
(h'esser des procès-verbaux.
Gardes-perche. Parmi les officiers placés
soiis les ordres du grand fauconnier, je vois men-
tioniM's, en 1()87, quatre gardes-perche. Comme
li-rnie de chasse ou de vénerie, le mol perche
avait (h'ux sens. Il désignait :
r l)«'s liiaMches que l'on élague et que l'on
plie, dans les avenues des pipées, pour v tendre
des gliiaux ;
2" Partie de la ramure du cerf, du daim, du
clievreuii, elc.
Il y avait aussi des gardes-perche dans les
voleries du cabinet du roi. Je lis que ces derniers
avaient « soin des oiseaux qu'on ne porte point
aux champs*». Peut-être élaient-ce seulement des
(jurdes-perchoit's .
Gardes-pertuis. Oflici.'i-sjnrés d.- la muni-
cipablf. «Hachés au servic(; de la naviiration.
« l'jij uni a ceux qui auront ib-oit d'avoir arches,
gors ^, nuiub'ns et pertuis construits sur les
r.vières, de h-ur (h»nii«'r vingt-quatre pieds au
ni lins (|i> Inrgriir. lùijoint aussi aux meusniers
et gnrd.'s-p.iluis de |,.s If.jiir ouverts l'ii tout
I.MIips ' ■
Gardes-plaines. ■< Ne pourront les gardes-
phiiti.s. IjimI 11 j.ird ,| ,•„ , hcvid, porter aucune
iir-pirbu/,.- .1 n.iièl ..Il fusils (hins nos forest et
• Orf/çHnancf dt d'rembre 1072, (hnp. IV, arl. 7.
« htiH dt In Franc, pour 1GS7, t. J, ]>. 215 et s 507
.t Muv. ; fiiHr t7:i6, t. I, p. 327 cl suiv. : t. 11 p' 20.-,
••» Tionts.
» Oixl.jnii. .1 • .l.cpn.brr 1672, dui.. I, nrt. T..
plaines, à peine de cinquante livres d'amende et
de destitution de leurs charges * ».
Gardes de la porte. Officiers de la mai-
son rovale. Ils étaient au nombre de .50 et fai-
saient durant le jour le service que les gardes du
corps faisaient durant la nuit. Ils étaient en sen-
tinelle aux portes, le mousqueton sur l'épaule,
ne laissaient entrer aucun homme armé, sauf les
gardes du corps et les suisses ^.
Leur chef avait grade de capitaine.
Gardes-quittances. Officiers de la chan-
cellerie.
Gardes des reg-istres du Conseil
d'État. Offices créés en 1031, supprimés par
édit de janvier 1639 ^.
Gardes-rig"oles. Officiers de la maison
rovale. lOn 1712, quatre gardes-rigoles à cheval
figuraient parmi les fonctionnaires du château de
Versailles *.
Il faut se rappeler que les eaux fournies par la
machine de Marlj étaient insuffisantes pour
alimenter la ville et les bassins du château. On
eut donc l'idée d'organiser un vaste sjstème de
rigoles, qui, contournant les hauts plateaux
environnants, recueillaient les eaux de pluie et
de neige fondue, puis allaient les verser dans des
réservoirs et des étangs disposés pour les rece-
voir •'. Plusieurs de ces rigoles, fort maltraitées
par le temps, existent encore.
Gardes-rivières. Vov. Gardes-pêche.
Gardes-robes (Valets). Vov. "Valets de
chambre.
Gardes-rôles. Officiers de la chancellerie.
Ils recevaient les oppositions faites au sceau, et en
gardaient les rôles.
Gardes-sacs. Greffiers, officiers déposi-
taires des sacs contenant les pièces des procès.
Gardes-salles, ^'ov. Armes (Maîtres
d*).
Gardes des sceaux aux contrats.
Voy. Gardes-scels.
Gardes-scels. Officiers chargés de sceller
les expéditions des actes émanant de juridic-
tions régulièrement constituées.
Gardes-scels. Titre que prenaient les gre-
netiei's et les notaires.
Voy. Gardes-scels des sentences et
Grenetiers.
' Ordonnance du 13 aoftt 1669 sur les eaux et forêts,
édil. de 1600, p. 139.
2 fjtat de lu France pour 1687, t. I, p. 303 ; pour
17 i2. t. I, p. 472 ; pow 1736, l. I, p. 83.
3 1*'.-.!. Cliasles, Dictionnaire de justice, t. I, p. 800.
* Etat de la France pour 1712. t. I, p. 358 ; pour
17:j6, t. I, p. 418.
•' Duc de Noailles, Histoire de Mme de Muinleiiun, t. II,
p. 87.
GAHDES-SCEI.S I)l<:s MONNAIES — GÂRLANDK
359
Gardes-scels des monnaies. Offices
créés en octobre 1699. Les g^ardes-scels élaienl
tenus de sceller tous les jugeniens, ordonnances
et autres actes émanant (le lliôlcl des monnaies i
auquel ils élaienl allacliés.
Gardes-scels des sentences, actes
•JUDICIAIRES DES JURIDICTIONS, CONTRATS ET ACTES
PASSÉS PAR LES NOTAIRES ET TABELLIONS ROYAUX.
En juin 1697, ces offices furent désunis. Il j
eut àes gardes-scels des sentences, actesjudiciaires
desjuridictions, et d'autres officiers indépendants
de ceux-ci, dits gardes-scels des contrats et actes
des notaires et tabellions roijunx. Ces derniers
furent réunis aux notaires qui purent dès lors
ajouter à leur titre C(4ui dt» qardes-scel du roi au
Châtelct * .
Depuis Philippe le Bel, il exista auprès de
chaque juridiction rojale une petite cliancellerie
placée sous l'autorité d'un garde-scel. La forma-
lité du sceau fut souvent négligée, surtout lorsque
la signature des parties et des témoins eut été
rendue obligatoire.
Un édit de 1708 autorisa les notaires royaux à
apposer eux-mêmes sur leurs acte> un sceau aux
armes royales.
Gardes- vaisselle. Officiers de la maison
royale, appartenant au service de la Bouche du
roi. Ils prenaient soin de la vaisselle d'or et
d'argent , fournissaient caution , et devaient
remplacer à leurs frais les objets perdus. En
1712, ils étaient au nombre de quatre, touchaient
400 liv., et servaient par quartier -. En 1736,
ils étaient réduits à deux, touchaient 600 liv.
et servaient par semestre •''.
La reine, les princes avaient un garde-vaisselle.
A la cour de Bourgogne, il semble avoir porté
le nom de garde-huche * .
Dans les grandes maisons, la garde de la
vaisselle d'(jr et d'argent était dévolue au som-
melier ^.
Voy. Gardes des joyaux.
Gardes- ventes. Officiers des eaux et forêts.
Les adjudicataires de ventes les employaient pour
veiller à l'exploitation et à la conservation des bois
qu'ils avaient acquis. Nommés aussi facteurs, ils
prêtaient serment entre les mains du grand
maître, des maîtres parliculiei's des eaux et forêts
ou de leurs lieutenants. Ils pouvaient dresser des
procès-verbaux ^.
Gardeurs de bestiaux et Gardeurs
de bêtes. L'ordonnance de janvier 1351
consacre un article aux gardeurs de « chevaux,
brebis et autres bestes à garder et mener à
provender ».
' S.-l^. Langlois, Traité i/es (/roits et privilèges des
notaires, p. V.
2 État (le la France, t. I, p. 109.
3 État de la France, t. I, p. 219.
* ^ oy. Olivier de la Marche, Mémoires. L editiun Je
1616 le nomme Garde-lmge (pages 681 et 689).
^ Audiger, La maison réglée, liv. I, chap. 10.
6 i^z^WdJxA, Dictionnaire des eaux et forêts, t. I,j). 2i6.
Gardienne du ventre. On appelait ainsi
une femme qui était chargée de surveiller la
nourrice d'un enfant de PVance. Les Me'raoires
secrets ' nous apprennent qu'elle ne quittait jamais
la nourrice, même lorsque celle-ci allait à la
garde-robe. <.< Si la nourrice éprouvait la moindre
altération de santi', la gardienne avertissait h's
médecins, afin que la malade pût être remplacée
par une des nourrices toujours en réserve pour ces
cas éventuels ».
Voy. Retenues.
Garenniers. Gardiens, surveillants d'une
garenne. On trouve fréquemment garanniers, et
parfois garandicrs.
Voy. Gardes-chasse el Varenniers.
Gargotiers. C<!ux qui tiennentunegargole.
^< Les personnes qui ne peuvent faire qu'une très
médiocre dépense trouvent, dans tous les quartiers
de Paris, de petites auberges appelées gargotes,
où l'on vit à la portion et à si petit prix que l'on
veut ^ ».
Ceci était écrit vers 1715, et Sébastien Mercier
disait une soixantaine d'années après : « Il y a
les gargotes, que l'on appelle arches de Noé, où
l'on donne à manger pour vingt-deux sols. Là,
les personnes peu fortunées prennent réguliè-
rement leurs repas ; et puis, elles se répandent
aux promenades et dans les spectacles, el se
vantent d'avoir dîné ailleurs ^ ».
Garlande (Dictionnaire de Jean de). Le
plus ancien document qui fournisse une énumé-
ration un peu détaillée des métiers exercés à
Paris remonte au milieu du treizième siècle. Elle
figure dans un très curieux ouvrage, écrit vers
1250 par Jean de Garlande, et qui a pour titre :
Dictionarius ., sice de dictionibus obscuris '*. L'au-
teur, anglais de naissance, passa une partie de
sa vie en France et surtout à Paris, où il professa
avec succès ; c'est là qu'il rédigea, à l'usage de ses
élèves, son Dictionarius '', non pour leur désigner
les industries les plus lucratives auxquelles on se
livrait autour d'eux, ils les connaissaient aussi
])ien que lui, maispour leur apprendre à traduire
en latin le nom îles olijets les plus usuels et les
plus vulgaires.
Il passe ainsi en revue quarante-six corps de
métiers environ, nomme les principales marchan-
dises fabriquées ou vendues par eux, révèle la
mauvaise foi de certains marchands, les trom-
peries dont les ou\Tiers et surtout les ouvrières se
rendaient parfois coupables yis-à-vis de leurs
patrons.
« Prius nominabuntur, écrit-il, res quas eundo
per civitatem Parasius *' denotavi ».
1 8 novembre 1781, t. XVIII, p. 130.
- Liger, Le voyageur fidèle, p. 327.
3 Tableau de Paris (1782), t. I, p. 227.
i M. A. Scheler l'a publié dans l'ouvrage suivant:
Lexicographie latine dit douzième siècle et du treizième siècle,
Leipzig, 1867, in-8°.
3 M. Scheler croit que le mot Dictionarius a. éié employé
pour la première fois dan.s ce traité et comme synonyme
du \z\'.Y.m des grecs.
6 On sait que ce mot est indéclinable, mais pourquoi ?
'3C>(}
GARLANDE - GAUFRIERS
Il n'est pas toujours facile de reconnaître les
métiers désignés dans son mauvais latin ; j'ai
fait de mon mieux, et. sous cette résen-e, voici
la liste des professions mentionnées par lui :
\rctiers, nommés par lui Architenentes.
Bouchers Carnifces.
Boucliers Plvsctdaru.
Boursiers
Boulauf^rers Pistores.
Canleurs Pedrices.
Changeurs Trapezeta.
( :hapeliers Capellarh.
Charpentiers Carpentarii.
Charrons Rotarii.^
( ;or(h)nniers Ahdarii.
( lorniiers Corrigiarii.
(.(jiitehers • ■ ;"
( irL^irs de vin Pmcones vini.
Cuisiniers Coci.
Drapiers Pannarii.
Kcuciers Scutarii.
Épiciers Apotecarii.
Fermailliers Firmacidarii.
Pileuses de soie Dexacimtrices.
Fondeurs ■*
Forgerons Fabri.
Foulons Fidlones.
Fourhisseurs Ervyinatores
gladiornm.
( îauliers Cirothecurii.
Hauapicrs Ciphorii.
Lingères *
I.orniiers Lorimarii.
Mt'uui<^rs Molendinarii.
Monnayeurs Xnmmnlarii.
Oiseliers ^
( )ispleurs Aticnpe.s.
Orfèvres Aurifabri.
( )id)lieurs Prœrones nelnlanim.
Raccommodeurs de pelleteries '"'
RacrouiMiodeiirs de vases à \ Reparatores ci-
hoire / phorum.
H<'gral tiers Auctionarii.
RAtisspurs Coquinarii.
Savetiers Pictaciarii.
Selliers Si'llnrii.
Tanneurs (Jerdones.
Teinturiers Tinclores.
Tis-serandes de soie Textrices '.
Tisserands Textrices.
Tonneliers Cuparii.
' 0 MiTPnlorcs hnbilnntfs sn|)ra magnum pontem
vcnihitit ca|ii.slra, Itunbaiin, ligulas, marsupia de corio
<<Tviru>, ovino ri |iorfino ».
î \\\\ li"i|i.- insliton-m habonlcm anlt» se cultcllos ad
l'-ol mcnsaculus, i-lartavos, vaginns magnas
i'>!i l't Nlilarin ».
^ illi sublilfH sunl qtii fiuidunt campana.s
'"'"""'^ ''"^'irpint sibiofficium niuliorum,
1"'«V' iniiltTgio.camisas.'t braccas.. ».
'" ' ' [""nvistiin Domina; nobtrœaves
Viiidniii (locl«matori'.<» ppjliciorum rcparandorum
' pla!i>i9, et réparant fural tiras opitogiorum
■ i"s qu» U'suni serifa toxfa . n.
Garnetiers. Voj. Grenetiers.
Garnisieres. Voj. Garnisseurs
Garnisseurs. Nom donné souvent aux
selliers, parce que leurs statuts les autorisaient à
« ffariiir les carrosses. .. de toutes sortes d'étoiles,
drap d'or ou d'argent, velours, damas, satin »,
etc.
Les doreurs sur cuir avaient aussi le droit de
se dire garnisseurs. On a vu pourquoi à l'article
qui leur est consacré.
Garnisseurs de chapeaux. Ouvriers
qui se bornaient à dresser les chapeaux, à les
border et à y coudre la coiffe.
Garnisseurs d'épées. Titre qui appar-
tenait aux i'ourbisseurs.
Garnisseurs.de g"aines. Ils complétaient
les gaines et les fourreaux l'abri({ués par les
gainiers. Le Livre des me'tiers les nomme garni-
sieres.
^'oy. Gainiers.
Gascheeurs. Voy. Gâclieurs.
Gasteliers et Gastilliers. Faiseurs de
gâteaux. Les pâtissiers proprement dits confec-
tionnaient surtout des pâtés, des tartes, etc.
La Taille de 1292 cite 7 gasteliers.
On trouve encore gateliers. ipasteliers. etc.
Gastriloques. Voy. Ventriloques.
Gâteliers. Voy. Gasteliers.
Gâte-métiers. « Artisan qui donne sa peine
à trop bon marché » .
Gaufreurs. Titre qui appartenait à la corpo-
ration des brodeurs et à celle des découpeurs.
Gaufriers. Faiseurs de gaufres. Ils appar-
tenaient au corps des oublieurs, obéissaient aux
mêmes statuts, avaient le même patron, et furent
réunis, comme eux, aux pâtissiers en 1506.
Les gaufres sont mentionnées au treizième
siècle sous le nom cVoîiôlies renforcées dans les
Crieries de Paris, poème de Guillaume de la
Ville Neuve. On voit aussi figurer dans le Compte
des dépenses de Charles VI pour 1380, « ung
fer neuf, pour faire gauil'res pour le Roy », et
dans les dépenses d'Isabeau de Bavière « un fer
à gauffres, pour faire les gauffresde la Royne ^».
Le Ménagier de Paris, composé vers 1393,
fournil cinq recettes pour la confection des
gaufres ^. Il y entrait presque toujours du fro-
mage. On en criait encore dans les rues au
seizième siècle, comme le prouve ce vers peu
harmonieux que j'emprunte aux Cris de Clément
.lannequin (15.")U; :
Tartelettes friandes et la belle gaufre !
Voy. Oublieurs.
' Douët-d'Arcq, Comptes fie l'hôtel, p. 65 et 149.
- Tome II, p. 121 et 203.
(tAULEEURS — GEOGRAPHES
3()l
Gauleeurs. Vov. Arpenteurs.
Gaveurs de volailles. Séb. Mercier, qui
leur a consacré un cliapitre, les nomme oujuvetirs.
Il écrivait vers 1785 : « La lèvre de TiMiiî'aveur,
piquée par les coups de bec multipliés des
pigeons, devient cancéreuse ; il laul la lui couper.
J'ai l'attestation d'un chirurg'ien qui prouve que
ce métier (encore public au moment où j'écris) est
non moins dangereux que dégoûtant ^ ».
Gavots. Noms que prenaient certains com-
pagnons du Devoir. Ils eurent de fréquentes
querelles avec les Décorants.
Voy. Enfants de Salomon.
Gayetiers. \oy. Comemuseurs.
Gayg-ne. A ny. G-agne.
Gayniers. Nom que les statuts de septembre
1500 donnent aux gainiers.
Gazetiers. '•' On donne inditîéremment ce
nom à ceux qui écrivent la gazette et à ceux qui
la distribuent au public. Il y a des gens qui font
leur état d'aller acheter les gazettes au bureau et
de les distribuer à ceux qui les veulent lire,
moyennant une certaine somme par mois- ».
Les gaziers ont aussi porté ce nom.
Gaziers, dits aussi Gazetiers. Fabricants
d'étotfes fines et transparentes en soie. Ils
formaient une seule corporation avec les ferran-
diniers. La gaze d'or et d'argent portait le nom
de tocque, c'était l'œuvre d'une autre commu-
nauté, celle des drapiers de soie. Mais, les gaziers
fabriquaient le marli, tissu uni très léger qui fut
fort à la mode au dix-huitième siècle.
Gehenneurs. Vov. Bourreaux.
Geindres. \o\. Gindres,
Généraux des monnaies, dits aussi
ge'ne'ranx-fiiaîtres, maltres-ge'néraux, et généraux
provinciaux. Ils avaient pour mission de visiter
les hôtels des monnaies dans les provinces et de
diriger la fabrication. Dès le quatorzième siècle,
ils furent constitués en tribunal et formèrent la
cour des Monnaies., juridiction de laquelle rele-
vaient tous les métiers qui travaillaient l'or ou
l'argent.
Généraux provinciaux. Voy. G-éné-
raux des monnaies.
Généraux des relais. Office des postes
institué par l'édit du 8 mai 1597. Leur mission
consistait à établir « des relais de chevaux de
louage, de traite en traite, sur les grands chemins,
traverses et le long des rivières, pour servir à
voyager, porter malles et toutes sortes de bardes
et bagages ; comme aussi pour servir au tirage
des voitures par eau et culture des terres ».
' Tableau de Paris, t. XII, p. ."JS.
2 jHul)«'i-t, Dictionnaire (1773), t. II, p. 323.
Un édit de janvier 1608 créa la charge de
général des postes et relais qui bd supprimée le
31 décend)re lf)29. Le général des postes fut
alors remplacé par trctis surintendants généraux
des postes et relais.
Voy. Loueurs de chevaux.
Gentilshommes servants. D'abord au
nondjre de 30, il bireiit réduits à 18 en août 1780.
« Les gentilshonnnes servants, écrit (juyot, font
journellement à la talile du roi les fonctions que
font, les jours de grandes cérémonies, le premier
panetier, le premier échanson et le premier
tranchant de France. . . Ils sont qualifiés y,? /i///*-
hommes servans le roi, parce qu'ils ne .servent que
sa Majesté, les tètes couronnées ou les princes du
sang et les souverains quand ils mangent avec le
roi... Ils servent toujours l'épée au côté, et ils
ont, par leur charge, le droit de prendre les
qualités de chevalier et d'écuyer, et d'avoir leurs
armoiries timbrées * ».
Géographes (Ingénieurs). Les fondeurs se
qualifiaient de faiseurs d'instruiiiens de mathénia-
tiques, ghdjes et sphères. Mais la partie matérielle
seulement de ce travail leiu' incond)ait. Le reste
était la spécùalité des ingénieurs-géographes, au
sujet de qui \ Aima no eh ])aufhin s'exprime ainsi :
« Les ingénieurs-géographes sont ceux qui con-
noissent et possèdent l'art précieux et inestimable
de désigner sur une simple carte, par des signes
de convention et tles lignes tracées avec une juste
proportion, la distance exacte qu'il y a d'un lieu
à un autre et les objets conséquents qui s'y
trouvent intermédiaires - ».
Au moment où étaient tracées ces lignes, l'art
cartographique ne méritait vraiment pas tant
d'éloges.
Un excellent article de M. Gabriel Marcel ^ nous
apprend que la plus ancienne carte de France se
trouve dans le Ptoléniée de Berlingliieri dont la
date est indécise, mais qu'il faut placer vers 1480.
On peut citer ensuite la lielle carte d'Oronce Fine,
publiée en 1525 et rééditée en 1538 ; la carte
due à Hamon de Blois, géographe de (Charles IX
(1568i, et la carte de Normandie tracée par le
prêtre Jean Jolivet. Sonune toute, ces utiles
instruments étaierd encore bien peu considtés au
seizième siècle, puisque le maréchal tle Vieille-
ville, mort en 1571, se flatte d'avoir été le premier
en France à se servir de carte pour ses opérations
militaires. Les cartes étaient, il est vrai, bien
incomplètes encore et ne pouyaient rendre que
de médiocres services ; on ny trouve en effet
indiqués ni les ponts, ni les routes bien rudimen-
tiiires de l'époque. Le premier travail un peu
sérieux accompli en ce sens fut l'atlas présenté
à Henri IV, en 1593, par l'éditeur Bouguerauld ;
encore laisse-t-il fort à désirer : nulle triangu-
lation, nul lever géométrique nj figurent ; les
fleuves et les montagnes ne sont représentés que
I Traité lies of/ices, t. L p. .')(I3.
- Almananach Dauphin pour 1777.
^ Coup (l'œil sur la cartographie en France. Dans les
[{apports sur l'exposition île 1900. Musées rétro-spectifs.
362
GÉOGRAPHES — GEOLIERS
d'après leur direction «rénérale ; c'est un dessin,
une vue à vol d'oiseau du pays.
Avec Louis XIV, grâce au nombre prodigieux
d'ingénieurs qu'il emploiera, vont se généraliser
des plans géométriques et réellement utilisables.
Les infénieurs-géographes du roi suivaient
les armées. « Dans les sièges, ce sont eux qui
lèvent le plan de la tranchée, et qui envoient tous
les jours au ministre de la guerre le détail des
progrès de la nuit ». Quelques-uns ont laissé des
r)iivrages fort estimés. Je rappellerai les noms de
Nicolas Sanson, d'Anville, Vaugondj, Jaillot,
Lerouge, de Fer, etc. Presque tous tenaient maga-
sin de traités géographiques, cartes, plans, etc.
Parmi les plans, ce sont ceux de Paris qui
surloul nous intéressent, voici la liste à peu près
complète de ceux qui ont été dressés depuis le
sf'i/.ièine siècle. Ils sont, en général, d'uneextrème
rarrlé.
Plans de :
Skuastien Munster. Année 1530.
(iKORCJE.S BraLN. 1530.
Tai'i.^skrie. 1540.
Rai.e. 1552. .
SAiNr-\'i{:TOR. 1500.
Bei.i.eforest. 1572.
Fr. Quesnel. 1(508.
Vassameu. 1609.
Mathieu Mérian. 1615.
Mei.chior T.wernier. 1630.
Jean Boisseau. 164:}.
Jacques Go.mboust. 1047.
J. Boisseau. 1054.
N. Berey. 1654.
Joi VIN DE ROCHEFORT. 1690.
N. DE Fer. 1697.
Bui.I.ET ET Bl.ONDEL. 1710.
J. DE I.A Caille. 1714.
Ber.nard Jaillot. 1717.
Delagrive. 1728.
Roussel. 1730.
Dklaorive. 1733.
TuROOT. 1739.
Vauoondy. 1760.
Deiivhme. 176:{.
Desnos. 1700.
J.-li. .Jaillot. I 772.
1'). \'KRMyUEl. I7'.M .
_ Ce dernier c..ùl;i trciid- ininèes d.- travail à
\ •TîiiqiK-l, qui t'uiploya. pour ses opérations
lrigoii.>m.'(ri(iui's, jusqu'à soixante ingénieurs et
«iiiiilr.-vingls aides ii dicval. Lalande. chargé
• r.'ii Mirwill.T r.'xéculion, écrivait !.• 25 vend7v
Miiaire an IV ; - (> plan, dont j'ai suivi les
travaux nie parait r.Mivragf le plus parfait (pii ait
jamais éliM-xérulé ni ce gciirt' ' >.
\ t>\ . Pondeurs.
Géographie Profe.sseursdei. \:A/>ii>,„<ir/i
/A/«yMi«/K<«r/7;7 leurconsHcrerarliclesuivant:
Les pr..r.«>,s,.urs dr géographie sont ceux qui
••nsPignenl a rnnnoilre la position et la valeur des
>"V \ K /,, „»rie„spl„iis fir f'iiris, t. H, i,. 13^
signes tracés sur les cartes géographiques pour
juger de la distance d'un lieu à un autre. »
Voy. Géographes (Ingénieurs).
Geôliers. Au moyen âge, les geôles ou
prisons étaient aiï'ermées, adjugées aux enchères
à des geôliers, qui exigeaient de chaque pri-
sonnier une redevance dite geôlage. Le geôlier
ne devait à ses hôtes que du pain et de l'eau :
tout le reste était à la charge du prisonnier qiu
était rançonné de la façon la plus odieuse. Du
quatorzième au seizième siècle, des tarifs furent
bien établis qui proportionnaient le droit de
geôlage à la condition des personnes ^, mais les
geôliers n'en tirent aucun compte. 11 faut noter ici
que. jusqu'à la fin du seizième siècle, la prison ne
figura que très exceptionnellement parmi les péna-
lités judiciaires ; l'emprisonnement n'était guère
ordonné que pour empêcher la fuite de l'accusé
ou pour le contraindre à payer amende ou dépens.
L'ordonnance de 1560 proscrivit l'usage des
cachots souterrains. Un commentateur de cette
ordonnance dépeint ainsi les souffrances qu'en-
duraient les prisonniers dans les geôles ordinaires :
<< On les voit se roidir de froid, enrager demale-
faim, hannir de soif, pourrir de vermine et de
povreté, tellement que si par pitié quelqu'un va
les voir, on les voit se lever de la terre humoureuse
et froide, vermoulus, bazanés, emboufis, si chétifs,
maigres et défaits qu'ils n'ont que le bec et les
ongles ». Il n'est sorte de cruautés que n'inven-
tassent les geôliers pour tirer quelque argent de
leurs hôtes ; ils les associaient aux fous, même aux
fous furieux ils les accablaient de mauvais trai-
tements, leur brisaient parfois les membres à
coups de nerfs de Ijœuf.
Les officiers qui acceptaient les fonctions de
geôliers dans une prison d'Etat, la Bastille ou
Vincennes par exemple, y faisaient vite fortune.
A la Bastille, le roi payait en moyenne chaque
jour dix francs par prisonnier, et chacun d'eux
ne coûtait guère, sauf dans des cas spéciaux,
plus de deux francs au gouverneur. Sur vingt-
cinq prisonniers, celui-ci réalisait donc un béné-
fice quotidien de deux cents francs.
La charité s'ellbrcait de venir en aide aux
mialheureux détenus dans les prisons ordinaires.
On quêtait pour eux par les rues. Le pain, le
poisson, les viandes, les vins, et en général tous
les vivres confi.squés aux marchands étaient
« donnés à Dieu, » c'est-à-dire distribués dans
les prisons et les hôpitaux. Les femmes en cou-
ches, croyaient obtenir une heureuse délivrance
en faisant vœu de délivrer un prisonnier pour
dettes ^. Des personnes pieuses allaient visiter
ces lieux de douleur, porter aux captifs des con-
solations et des secours. On se rappelle la recom-
mandation de Tartuffe à son valet.'
Si l'on viont pour me voir, je vais aux prisonniers
Di's aumônes que j'ai distribuer les deniers 3.
C'était, en effet, le seul moyen d'aliendi-ir
geôliers, guichetiers et porte-clefs.
' ^"oy. Leher, Dissertations, t. XIX, p. 1G9.
- Dionis, Traité des accouchemens, p. 208.
;< .\eU' 111, seène 2.
GKOLIKHS — GLACE A R.VP^RAICHIH
363
A la fin du (lix-lmitième siècle, les principales
prisons de Paris élaienl :
La Bastille, prison d'Etat.
Le Grand-Chatelet, sur les ruines duquel
fut créée la place actuelle du Chàtelet.
Le Petit-I^hatelet, à la tèle du Petit-Pont,
prison qui fut démolie en 1782.
La Conciergerie, dans la cour du Palais.
Saint-Eloi, dans la rue Saint- Paul.
Saint-Martin, rue Saint-Martin. Maison
destinée aux filles débauchées. Reconstruite en
17'20, elle fut supprimée en 178.").
Le FoR-lEvÊQUE.rue Saint-Crermain l'Auxer-
rois. Jusqu'en 1674, il resta le sièg'e et la j^eôle
de la justice épiscopale {forum episcnpi). y,n-
suite, on y enferma surtout les prisonniers pour
dettes, les comédiens insoumis, etc.
L'Abbaye, rue Sainte-Marg'uerile. C'était
la prison du bailliag'e de l'ahbaje de Saint-
(Jermain des Prés. Lille servait aussi de maison
de correction pour les enfants ou jeunes gens
enfermés sur la demande de leur père ; celui-ci
devait payer une pension qui variait entre 250
et 300 francs. En 1789, cette maison devint la
prison militaire dite de Vnhhaye. puis fut
démolie en 1854.
La Force, ouverte en 1782.
L'Offigialité. Destinée aux ecclésiastiques,
elle consistait en une haute tour située près
de la sacristie de Notre-Dame. Elle fut démolie
en 1784.
La Ville ou prison du Prévôt des marchands,
rue de la Tannerie. On y enfermait surtout les
gens qui commettaient des délits dans les
marchés et sur les ports. Le peuple l'appelait
la Charbonnière.
La Tournelle. Près du pont de ce nom.
Destinée aux galériens, qui y attendaient leur
départ. Elle fut démolie en 1790.
Sainte-Pélagie, rue de la Clef. Maison de
détention pour les femmes débauchées, mais la
police y internait parfois d'autres coupables.
La Salpétrière, rue Poliveau. A la fois hôpital
et prison pour les femmes.
Saint-Lazare, faubourg St-Denis. A la fin
du dix-septième siècle, une partie de ce couvent
fut transformée en maison de correction pour les
prêtres désobéissants et pour les jeunes débauchés
contre qui leur famille avait olitenu une lettre
de cachet.
La Prévôté royale de Ch.villot. hllle appar-
tenait aux dames de la Visitation, qui conser-
vèrent jusqu'à la Révolution les droits de haute
et basse justice sur le territoire de leur couvent.
Quelques l)ailliages, aussi peu importants que
celui de Chaillot avaient gardé, pour la forme,
de petites geôles restées à peu près sans emploi.
La Taille de 1292 cite un chartrier, un
clacelier et un clerier qui étaient sans doute des
geôliers, des guichetiers ou des porte-clefs.
Ceux-ci furent désignés encore par d'autres
noms, plus ou moins dérivés des précédents :
cartriers, cepiers, chepierSj tonriers^ etc., etc.
GéomancienS. Bateleurs cpii prédisaient
l'avenir au moyen de la terre. Ils en jetaient
une poignée au hasard sur une table, et les
lignes, les figures qui s'y dessinaient leur
révélaient les événements futurs, etc., etc.
\ (jy. Devins.
Geyndres. N o\ . Gindres.
Ghisterneurs. \ ov. Guitemeurs.
Gibecière Joueurs de
tion (Professeurs de).
Prestidigita-
Gibeciers. Faiseurs de gii)ecières. Titre
(jui appartenait à la corporation des boursiers.
Pendant longtemps, d'ailleurs, les mots bourse
et gibecière furent à peu près synonymes.
L'article 7 des statuts accordés aux boursiers
le 18 juillet 1572 mentionne, parmi les épreuves
du chef -(F œuvre, « une gibecière de maroquin
à fer cambré à ressort ». L'article 33 des statuts
de décembre 1(559 confirme aux boursiers le
droit de confectionner des « gibecières et l'aucon-
nières de cuir ».
Gindres. Maîtres-valets dans la boulan-
gerie. Le Licre des Métiers Icri nomme Joindres ^ ,
et une charte de 1419 f/ei/ndr^-s -.
« Le o-eindre, écrit M. Malouin ■'. veille à tout
dans le fournil, il délivre la farine, il passe 1 eau
et il la mesure. Il détermine la quantité et la
sorte de pain qu'il faut fabriquer, et il avertit les
autres garçons de ce qu'ils ont à faire. C'est le
geindre qui chauft'e le four, ensuite il eidburne
le pain, et enfin le tire du four ».
Giponiers. Faiseurs de gipons. Au moyen
âge. on nommait ffipon, gippon, jubé * une sorte
de tunique qui, ajustée sur le buste, en dessinait
les formes. Au quatorzième siècle, on voit ce
vêtement prendre le nom de jupon, mot qui,
jusqu'à la fin du dix-septième siècle, ne cessa de
désigner, dans le cctstume masculin, un vêtement
du torse.
Les giponiers durent être réunis de bonne
heure aux pourpointiers, car dans les statuts
accordés à ces derniers en 1467, je vois ceux-ci
autorisés à confectionner des « jupons ».
Dans le cinquième livre de Pantagruel, frère
Jean traite Grippeniinaud de << diable engi-
ponné ».
Je trouve encore le mol jupponniers dans un
acte d'avril 1407 ^.
\o\. Tailleurs.
Glace à rafraîchir (Commerce de la).
Pour rafraîchir lt!s boissons, le moyen âge
possédait des vases spéciaux appelés refredoers.
Ils furent d'abord en cui\Te, puis en terre, et ces
1 Titre I, art. 21, 44, etc.
2 DucanjTe, Glossaire, au moi juin or.
3 L'art du boulanger, dans J.-.J. Ber-traori, Dexeriplion
(les arts et méfierx, p. 146.
i ^oy. Ducange, aux mois (jijw ci jubé us.
î> Acte publié par G. Fagniez, Eludes sur l industrie,
p. 275.
:iCA
C4LACE A RAFIUICHIR — GLACES
derniers ne paraîsseni pas antérieurs aux croi-
sades ^ .
L'art de construire des glacières à peu près
senihlahles aux nôtres était, paraît-il, connu en
Turquie longtemps avant le seizième siècle, et
13elon. revenant irOrient vers L580, s'étonnait
qu'on n'eût pas encore eu l'idée d'en établir en
France -. Il existait pourtant déjà dans l'Orléanais
et dans l'Auvergne des caves si profondes et si
fraîches qu'on en pouvait tirer du vin presque
•'lacé ^ ; mais en général on ne savait refroidir
les liquides qu'en les laissant s(\journer dansl'eaii
extraite d'un puits ou d'une fontaine. Bruyerin
(Jhampier, qui accompagna François P"" ù Nice
lors de son entrevue avec Paul III et Charles-
Quint, raconte qu'au cours des négociations,
!••> Italiens et les Plspagnols envoyaient ramasser
i\f la neige sur les montagnes voisines, afin de
rafraîcliir leurs boissons*. François Cauche parle
(II- certains vases usités en Orierd, et qui avaient
la propriété de nuiintenir fraîche l'eau ([u'ils
contenaient, surtout lorscpi'on les exposait à
l'ardeur du soleil ^ ; et, s'il faut en croire
Hranlôme '', le secret de li-ui- coinposition était
liiei) connu en Portugal.
Vers l.'jfiO, Jacques du Fouilloux conseillait
aux chasseurs qui voulaient boire frais pendant
les halles. île faire tremper les bouteilles dans de
l'eau aiidilionnée d'un peu de camphre ". Mais
il est pr(»l)able qu'à celte époque on avait
i-iMunn'ncé à créer à Paris de véritables glacières.
Kn ellrl. un des statuts rédigés par Artus
d'Endjry pour son île des hermaphrodites veut
qu'en élé on ait << toujours en réserve, en lieux
propres pour cest effect, de grands quartiers de
glace et des monts de neige pour mesler parmi
le breuvage ^ >•. Tandis que l'hermaphrodite est
à table, on lui oll're sur deux assiettes de la neige
ri lie la glace, « desquelles il prenoil, tantost de
l'uiir tantost de l'autre, .selon (ju'il luy venoil
a >a laidaisie, pour les mettre dans son vin, afin
de le rendre plus froid ^ ». A la fin du siècle,
cflte coutume d»,' rafraîchir les boissons en y
ajoutant des morceaux de glace était encore
c Misidérée comme le fait des «voluptueux»;
c'est ce (ju'élablit un coide assez plat attribué
il (laulard par Klieime Tabourot "•. Klle était au
contraire, devenue générale m Kiti."). puisque
Hoileau pnHail alors u la viclime de son festin
burlesque ces paroles :
Mais qui Iniiroit pi-nso ! F>our conil)]!- di- disfriftce,
l'iir li> <'iiiiiii| (ju'il fiii.suil nous n'iivioiis puiril de ylacr.
I*..iiil df iîUic,-, Im.ii Di.ii ! iImiis !.• f.)il do l'oté !
\\i mois df juin '. l'.iur moi, jV-lois si trnn.sporté,
()'i- .1.1,11 iMi d- fuivur tout If f.'sliiiau diidil.",
unfft foi.s prôt à quiUn- In lidd.- II.
• Joinvillo, Af/moire*. p. 07.
* ObififiilSniit f/r pfHin'eurs sltiquliirtlr:..
■' Hna-iin Clmmpirr, Dr vf'rUmrin, |i
I HniMTin (;iinni|)i.T, De re ribnrln, y
' HriiilioH fin ro^niff, r/r., p. KM.
^ (Knrrrs. t. III, p. 175.
" TrniU^t U trHffie, édil. de l."8r. n
•• Pn;rf fli,
» Paj;- la.î.
'" f'.'xtirs fnrftitux. é<lil. dt> 1(128, p. 10
" ^-'■" ni, V01-S81 fl .suiv.
, ji. US.
XII 1.
878.
31.
Gourville, envoyé auprès du duc de Hanovre
en 1081, reçut de lui « une machine d'or propre
à mettre sur la taljle pour rafraîchir du vin à la
glace ». Il la fit fonctionner devant Madame de
Montespan, qui lui en offrit neuf mille livres *.
Dix ans après, et jusqu'à la fin du dix-huitième
siècle on se servait surtout de seaux garnis de
liège. L'article 26 des statuts accordés aux
bouchonniers. en 1726 leur accorde le privilège
de la fabrication des « seaux de liège à conserver
la glace ».
En 1701 un sieur Louis de Beaumont avait
obtenu un monopole pour la vente de la neige
et de la glace dans toute la France ^. Je ne crois
pas qu'il l'ait exploité longtemps.
Au reste, on connaissait déjà le moyen de
produire artificiellement la glace, car La Quin-
tinie écrivait vers 1690 : « Le sel ordinaire qu'on
appli{[ue auprès d'un vase remply de liqueurs et
entouré de glace a la propriété de congeler ces
liqueurs au dedans de ce vase ^ ».
Sous Louis XIY et sous Louis XV, il existait
à Versailles, à Trianon et à Sa tory des glacières
pouvant contenir environ quatre cents toises
cubes de glace. Chaque toise revenait à dix livres
lorsque l'hiver était rigoureux, mais il y eut des
années où elle coûta jusqu'à soixante-dix livres *.
Elle était distribuée par un fonctionnaire spécial,
qui avait le titre de Bélivreiir de glace, et qui
touchait 547 livres de gages ^. En été, la
maison de la reine recevait chaque jour huit cents
livres de glace ''. Des glacières établies dans le
Jardin des Tuileries, près de l'orangerie, four-
nissaient aussi de la glace à divers personnages
privilégiés, notanunent aux fonctionnaires et aux
habitants du palais '.
La glace à rafraîchii- était vendue au détail par
les regrattiers.
Avant définir, je rappellerai que pendant très
longtemps, on se servit de pommes en cristal
et en agate pour se rafraîchir les mains durant
l'été. On lit dans un inventaire daté de 1467 :
« Une ponune de cristal ronde, à refroidir les
mains » ; et dans l'inventaire dressé après la mort
de Gabrielle d'P^strées (1599) : « Une pomme
d'agate, garnie d'argent, pour rafraiscliir la
main des malades * ». Il ftiut noter ce moyen
de calmer la fièvre.
Voy. Glaciers.
Glaces (M.\m:f.vcturesde). Jus([u'au milieu
du dix-seplieme siècle, la France tira de Wnise
toutes ses glaces. En 1664, Colbert chargea
notre ambassadeur d'y engager de bons ouvriers
au service du roi. La négociation fut difficile,
1 GouiTillc, Memoirex, édit. Micliiiud, p. 577.
2 Isanibcrl, Anciennes lois, t. XX, p. 385.
•' Instnieliuns pour les jardins, t. II, p. 501.
* Duc de Luyncs, Mémoires, t. I, p. 168. Vov.
aussi t. II, p. 13.
S Ktnl (le la France pour 1687 , t. I, ji. 1 U; : pnur
1712, t. I, p. 135:/;o«r 17HG, I. I, p. 23.^.
C Luynes, Mémoires, t. 1, ]). 213.
' Mémoires de la société de l'hisloire de Paris
I. XXVIII (1901), p. 48 ot 00.
* Do Lnbordo, Xotice des émaux, y. 155 et 150.
(ILAClvS — (iLACIlOHS
:i(ir>
car Venise se monlrail jalouse de sou industrie,
n'admettait aucun «'Irang^er dans ses ateliers,
confisqiuiil les hieus de tout artisan ([ui ([uitlail
sa [);ilri(' '. l'ourlant, dès l'aniu'e suivante, il
existait i'i Toin-lavilie près <le Ciierliour<i; une
l'ahi'iqiie ([ui ne cessa de produire qu'en 18U8.
Puis, vers 1(K)(3, Louis XIV accordait à Nicolas
Duiutver le privilè(i;'e d'ouvrir, dans un l'auhour'i;'
de Paris, une laliritpie de o^laces seinhlidiles a
celles que nous envoyait la petite île de Murano,
près de Venise. Dunoyer installa au rauliour<i^
Saint-Antoine, dans le hàlinient occupé aujour-
d'hui par la caserne de Keuillv. sa iiKiuufurlure
roi/(ile (le ijUicck de ïuiroin. qui recul des
armoiries et le droit d'avoir des domestiqnes a la
livrée royale.
Le succès l'ut coniplel et eiiycndi'a iriniportanls
perfeclionnenuMits. En l()9l, Louis Lucas de
ÎS'ehou, *>-enlillionuue verrier de Nonnandie,
présenta à Louis XI \ les premières ^-laces
coulées, obtint pour cette l'ahrication un privilèo-e,
et créa à Saint-dobain, dans les ruines d'un
vieux cliàleau. la maniifaclnre royale des (innides
glaces.
L^ne troisième nianulacture, qui paraît avoir (mi
une courte existence, fut fondée, vers 1()90, au
faul)Our<i^ Saint-dermain, dans la rue de ITiii-
versité. Elle était dirigée par un sieur Abraham
Thevart, et j'en trouve la trace dans un arrêt du
Conseil d'État daté du 8 octobre 1691. Elle est
mentionnée aussi par le Livre commode pour
1602 ^, qui nous apprend que l'on y fabriquait
« des "'laces d'une o-randeur si cxtraord injure >-
([u'elles mesuraient jusqu'à sept pieds (2'", 27) de
liant.
C'est de cette épo([ue que date l'usage de
placer des glaces au-dessus des cheminées. Le
docteur anglais Lister, qui visita Paris en 1698,
constate que l'on y trouve « des glaces à si bas
prix qu'il n'est pas jusqu'à toutes les voitures de
remise et la plupart des fiacres qui, par devant,
ne soient fermés d'une grande glace •' >>.
L'engouement devint excessif. La couitesse de
Fiesque vendait une terre pour acheter une
glace *. On intriguait pour les avoir « au prix
du roy », c'est-à-dire avec une remise d'environ
4 fr. 50 pour 100 ^. Les glaces qui donnèrent
leur nom à la grande galerie de Versailles
provenaient de la manufacture du faubourg
Saint-Antoine "'.
En 1702, les deux uumufactures de Saint-
Gobain et de Reuilly furent réunies et se com-
plétèrent l'une par l'autre. Les glaces, frustes
encore, partaient de Saint-Gobain en bateaux
qui descendaient l'Oise, et elles arrivaient à la
maison de Reuilly, oii elles recevaient le poli
et l'étainage. « Cet établissement , écrivait
Sébastien Mercier vers 1780, jouit d'un privilège
1 Correspoiuldiu-e ailiiiiiiisiralice .soHs LdHis XI] , I. III,
p. 'iHS et (593.
2 Tome II, p. 141.
3 Voyage de Lister, p. 131.
4 Saint-Simon, Mémoires, t. II, p. 242.
5 BidJetin de la société de l'histoire de Paris, Xn'^annùe
(1887), p. 123.
6 Nemoitz, Séjour de Paris, cdit. de 18U7, !>. 1U4.
exclusif; il aspire des millions, car on parle
aujourd'hui de cincpianle milh; écus de glaces
pour meubler un château '. Bientôt, le boudoir
de la marchande de draps s<'ra tout en glaces,
l'it oii n'en mel-on pasV Dans des alcoves, des
passages d'escalier, des garde-robes, etc. Ames
iniu)cenles . nurc/.-voiis dans le cryslal des
fontaines - >.
Un guide plus prosaïque iKius a])[)rend ([u'aii
(h'-biil du dix-neuvii'uie sii'cle, la manufactui'e de
Reuilly oc(nq:)ait environ « douze cents ouvriers,
in<lependanuni'nl d'un grand nondire de la
maison de Bicèlre et du depôl des pauvres de
Sailli-Denis, ipii muiI couliniicnciueiil employés
à polir (h's g'aces. Le ]dus curieux est l'élamage.
on le iiiiiiiJn' avec complaisance et dans le plus
grand delail. On vous donne, en entrant, une
personne qui vous (■(uidiiil pailmil et satisfait à
toutes vos questions. Il est sorti de cette manu-
facture des pièces de cent deux pouces l'enviroii
trois mètresj de hauteur. Les plus chères vont à
six mille francs •' >>.
\'oy. Frittiers. — Glaciers. — Grapi-
neurs. — Miroitiers. — Faraisonniers.
— Rableurs. — Saliniers. — Tiseurs.
Glaceurs. Nom doiiiK- a cerlains ouvriers
emplovés dans les fabri(pies d'eloU'es. dans les
papeteries, etc.
Glaciers. \ n\ . Glaces i Manufactures
del.
Glaciers. Ledit du 21 mars 167;}, qui ciéa
la corporation des limonadiers, comprend, parmi
les produits qu'ils pouvaient débiter, « les g-laces
de fruits et de tleurs », en concurrence avec les
confiseurs. (Tétait, d'ailleurs, une friandise
encore nouvelle. Elle pa.sse pour avoir été révélée
à la France par un gentilhomme Palerinitain,
nommé Francesco Procopio dei CoUelli, qui vint
s'établir à Paris vers 1672. Lîn 1702, il francisa
son nom, devint François Procope, et acheta
dans la rue de l'Ancienne-Comédie actuelle, en
face du Théâtre-Français, un café qu'il fil dé(;orer
avec luxe et qui existe encore. On vit, pour la
prendère fois dans une boutique de ce genre des
tapisseries, de g-rands miroirs, des lustres de
cristal, et des tables de marbre sur lesquelles on
pouvait se faire servir, non seulement du café,
du thé et du chocolat, mais aussi des liqueurs et
des o-laces. En raison de la siMisation de froid
que déterminent celles-ci, Procope en oITrait
seulement pendant l'été. Dubuisson. son succes-
seur, est le premier (pii ail eu l'idée d'en servir
toute l'année.
Limonadiers et conliseurs les miillipliereiit
alors de mille manières, et la liste suivante, qui
m'est fournie par V Encyclopédie méthodique *
1 « Mon logement au l'alais-Royal contenait pour
di.\-huit mille francs de glace.s ». Comtesse de Genlis,
Mémoires, t. III, p. 94.
2 Tableau de Paris, t. IX, p. 319.
•' l'rudlioiiimc. Miroir de l'aris^ I. ^ I. p. 33.
i .Vrts et métiers (1782), l. I, p. 7(M.
sof)
(iLAClEKS — GOUJATS
de l'enp'ouemeat dont elles
lion clire-
donnera une idée
devinrent l'objet :
De roses.
De fleurs d"orange.
De violette.
De sureau.
D'ananas.
De cédrats.
D'abricots.
De cerises.
De citrons.
De ber^amotfes.
Di- bi^^arades.
De brn}.,'nons.
De cassis.
De coings.
D'épi ne-vinete.
I)t' frandioises.
[).• fraises.
l)i' grenades.
De groseilles.
De groseilles franib
sées.
De limes douces.
D'oranges.
[)•■ pèches.
I).' ])avies.
De rousselets.
De poires de
lieu.
De prunes.
De raisins.
l)e veijus.
De crème vierge on
turelle.
De crème ii 1m viiiiil
.\ la cannelle.
Aux gérofles.
A Tanis.
Aux pi>liulirs.
Aux amandes.
De Strasbourg.
Aux avelines.
.\ux truiïi's.
Aux marnms.
Aux noi\.
nuebpio iinnces pbis liiiil. il cImiI ■< du
suprême bon ton d'aller prendre des glaces au
rafé ( tareliv, silué près <|i; r()|)éra ' . ■< A cansc
de ses gliu'f's panachées, écrit La Mé^angrir. les
petites maiiresses ont successivement engage
leur parole (!»• (larchy, leur petite parole [)aiia-
chée ; car ci-s mots ma paroi r, si souvent et si
légéremr-ul emplovés. reçoivent plusieurs fois
dans l'annei' uuf addilioii rpii liml à la uKich* - - .
rilndiatcnrs. \nv. Armes Maîtres
ff
Glaneurs. diU iiiissi (;i,nin-i's-^ . l/aiivl du
l:{ jiiilh-i VMVi fail dcfi'nsrs d,. .rljincp a autres
Aux noix d'acajou.
Au pain de seigle.
Au sucre brûlé.
Au houacaca.
Au cacao.
Au chocolat.
Au safran.
Au cédra I .
Au chocolat blanc.
De fleurs d'oranges gril-
lées.
Au café blanc.
Au café brun.
Aux biscuits.
Aux macarons d'aman-
des amères.
Aux macarons d'aveli-
nes.
A l'Italienne.
Au pol-pourri.
Aux œufs.
Au riz.
Aux cerneaux.
Aux fromages.
Aux échaudés.
A l'ambre.
A la (ierdillv.
Au vin in)israt.
Au vin d'Mspagne.
Au vin de Tokai.
An vin du Cap.
An Lacrjma Clirisli.
Aux liqin'urs.
An mai'asqnin.
A la crème des Harbades.
A l'eau-de-vie de la Côte.
A l'eau de créole.
Au rossolis.
A l'huile d(^ Vénus.
Au Bi)lognia.
Aux ratafiats.
De cerises.
De tlenrs d'oran're.
' pHulhomm»', Miroir tir Paris, I. \, ],. ijih.
* Lr rnifnyrMr à Paris (1707), I. I, |.. 140.
•' Kl yliiiirrfxte*.
qu'à gens vieux et tout à fait infirmes, petits
enfans ou autres, qui n'auront force de sejer ^ ».
Voy. Soieurs.
Globes et sphères i Faiseurs de . Titre
que prenait la corporation des fondeurs.
\oy. aussi Instruments de mathéma-
tiques (Faiseurs d').
Gobelet i Officiers du). Ce que l'on
nommait à la cour le gobelet comprenait la pane-
terie-bonche (^{ Y e'chan sonnerie-bouche . Les officiers
qui assuraient ces deux services étaient au nombre
de cinquante environ. Ils se partageaient ce qui
concernait les boissons du roi, ainsi que son
couvert, pain, linge, vaisselle, etc.
\oy. Contrôleurs.
Gobeletiers. Dans les verreries, ouvriers
qui se livrent spécialement à la fabrication des
o-obelets.
Gobelets iJouEUKS de\ Voy. Prestidi-
gitation (Professeurs de).
Gobelins (Maîtres de la manufacture
des). L'édit du 21 décembre 1667 porte qu'il
sera entretenu, aux frais de l'État, dans cet
établissement soixante enfants. Après six ans
d'apprentissage et quatre ans de compagnonnage,
ils obtenaient sans frais la maîtrise de leur
métier.
Voy. Privilégiés (Lieux).
Gobeurs. Voy. Haleurs.
Gomme élastique. Voy. Caoutchouc.
— Crayons (Marchands de), etc.
Gondoliers. Voy. Bateaux des mai-
sons royales.
Gorets ou maîtres-garçons. Nom que
portait, chez les cordonniers, un compagnon qui
avait autorité sur ses camarades, et remplaçait le
nuiître quand celui-ci était absent. Tonteinis,
c'était le gorel ([ui devait balayer la lioutique,
faire les lits et les (diambres des compagnons,
porter les nuirchandises en ville, etc., etc.
Gouffiaux. Voy. Plumets.
Goug-es, GoUgieS, etc. Domestiques,
servantes. Mais ce mot désigne souvent aussi des
femmes de; nuiuvaises mœurs.
Goujards. Nom que preiuuent certains
ouvriers ferblantiers.
Goujats. (Mivriei-s marons. « Le goujat porte
sur ses épaules une machine qu'on appelle owrrtw,
espèce de petite hotte de ])ois, plate et composée
(k* quatre morceaux de bois, dont les deux qui
j)orlenl sur les épaides sont coiiverts de pbuu^hes
ins(|u"à la uKiilié. e| (huit l'aulre moitié demeure
^ Delaniaiif, Traité île la jmlice, l. II, p. 71 1.
GOUJATS — (rOUMOKMaU l)L' .MUUI.I>
367
vide, afin que le g'oujal y passe sa lèle el
que, de chaque main, il tienne chacun de ces
bouts ' ».
On l'appelle aussi porle-oisemi.
Dans les forges, on nomme goujats les ou\Tiers
« dont la fonction est d'entretenir le charhon, de
le bien retrousser sur le fo^'er, et de l'arroser
souvent pour concentrer la chaleur ».
Goureurs. On donne ce nom à ceux qui
« falsifient les drogues en les mêlant de mauvais
ingrédiens, à ces petits épiciers qiu courent la
campagne, et qui distribuent dans les villages
du poivre, du gingembre et autres épiceries- ».
Gourmets, garçons marchands de vin. On
trouve aussi groumets, grommets, groumez, etc.
Je lis dans l'ordonnance de février 1415 : Les
pontonniers « crieront hors, afin que les variez
ou groumez des marchans se retraieni — ■' ».
On a voulu trouver ici l'origine du irnAgroora.
Voy. Courtiers de vins
Goût de vin. On donnait ce nom ii une
légère collation que, dans quelques cunuuu-
nautés, les jurés nouvellement élus otiraient aux
jurés sortants. l<]lle était suivie, deux jours après,
d'un grand festin. Mais peu à peu, le goût de
vin se transforma lui-même en repas somptueux,
ce qui fit, à deux jours de distance, deux
banquets. Les merciers supprimèrent le goût de
vin en 1681, et le remplacèrent par le don de
douze jetons d'argent *.
Gouvernantes. « On appelle ainsi une
femme ou servante qui a soin d'un ménage, d'un
homme veuf, d'un garçon ^ ».
« Se marier n'est pas chose aisée à Paris,
surtout pour un liomme entre deux âges et d'une
fortune médiocre. 11 en coûte infiniment pour
entretenir une femme et fournir aux besoins,
aux fantaisies que la mode amène chaque jovir.
Ceux qui ne sont pas assez riches, ou qui sont
économes, ou qui veulent garder leur liberté,
prennent une gouvernante, c'est-à-dire une
concubine, qui ne paroît point ou très peu, et
qui, bornée aux travaux domestiques, prend
soin de la table et du ménage, et mange avec le
maître lorsqu'il est seul...
« L'homme de lettres valétudinaire, l'homme
du monde qui se trouve seul, l'ecclésiastique que
son état isole, se remettent entre les mains d'une
gouvernante. Celle-ci, d'ordinaire souple et
adroite, prend de l'ascendant sur l'esprit de son
maître, qui paye par sa complaisance les bons
offices qu'il en reçoit. Quelques-unes, abusant
de leurs droits, ont amené leurs maîtres à les
épouser, d'autres ont dicté le testament, et ce
n'est pas peu de chose d'être la gouvernante
1 ALbé Jaubert, Dictionnaire des aria et métiers, t. II,
p. 3i2.
2 Savary, Dictionnaire, t. II, p. 2.57.
3 Chapitre X.
4 ^'oy. Saint-Joanny, Reijistre îles rlélibe'rations îles
hKirchanih merciers île Paris, p. 155.
5 Dictionnaire de Trévoux (1771), t. I\ , p. iJTl.
d'un vieillard riche ; les neveux, qui la détestent
et la craignent, lui font la cour, chacun d'eux
sollicite ses reconmiandations. L'oncle meurt,
elle se retire avec une bonne rente et ses épargnes,
et les laisse se disputer l'héritage ' ».
Le mot gouvernante avait encore un autre
sens. A la Cour, la gouvernante du Dauphin
cessait ses fonctions quand le prince, âgé de
sept ans, passait entre les mains des hommes.
La gouvernante recevait alors tous les objets,
même les plus riches et les plus précieux qui
avaient servi à son élève -.
Voy. Bonnes d'enfants.
Gouvernantes d'enfants. \ oy. Bon-
nes d'enfants
Gouvernantes des guenons. \ oy.
Guenons (Gouvernantes des) et Le-
vrettes de la chambre.
Gouvernantes des nourrices. \oy.
Retenues.
Gouverneur des chiens de la cham-
bre. Le service des « petits chiens de la
chambre du roi » ne doit pas être confondu avec
celui des levrettes ^. En 1712, le premier était
représenté par deux fonctionnaires sans titre
spécial, qui touchaientl.4461iv.de gages et
« 200 liv. pour un juste-au-corps de livrée ». Le
pâtissier du roi délivrait alors chaque jour sept
biscuits pour les petits chiens de Sa Majesté *.
En 17.'37, le duc de ^'illeroy obtint, pour un de
ses protégés, la charge de gouverneur des petits
chiens de la chaïuhre du, roi '^ .
Gouverneur des cormorans. Officier
de la Maison royale. Il existait au château de
Fontainebleau une immense volière, où l'on
voyait des aigles, des grues, des cigognes, des
hérons, des faisans, des cormorans, etc. ". Le
régisseur de cette ménagerie avait pour litre
garde des oiseaux du roi en son cMteaii de Fontai-
nebleau et goiwerneur des cormorans. Il était
surtout connu sous ce dernier nom, parce que
la chasse ou plutôt la pêche du corm jran était
une des distractions favorites des hôtes du
château.
Gouverneur du moulin. Dans les
manufactures de papier, le moulin était destiné
à produire la pâte fibreuse qui se transforme
ensuite en feuilles. Le gouverneur du moidin
était un des ouvriers les plus importants de la
fal)ri([ue.
1 Séb. Mercier, Tableau de Paris (1780), t. \\, p. 8.
2 Mercure de France, n° de février 1717, p. 103. —
Héroard, Journal de Lnais XIII, t. I, j). 373.
•* Voy. l'art. Levrettes de la eliambre.
i Etat de la France pour 17 12. t. I, p. 188.
3 Duc de Luvne.s, Mémoires, 29 septembre 1737, t. I,
p. 362.
•> P. Dan, Le trésor des merveilles de Fontainebleau,
p. 156 et 186. — Duc de Luvnes, Mémoires, 29 septembre
1737. t. I, 362.
" Ktnl delà Fronrc pour 1(187, t. I. p. 109: po'ir
17 fJ, t. I, p. 311.
ms
(iOLVERNEUR DE LA VOLIERE — GRAPLNEURS DE DERRIÈRE
Gouverneur de la volière du Lou-
vre. Oriicier de la luaisun royale. En 1687 et
(Ml ITM. le litiilaire de cet office se nommait
Puissior ' . Louis XIII avait supprimé l'ancienne
volière du Louvre, et l'avait réédifiée en face de
ses appartements, sur le bord de la Seine.
Gouverneurs. Voy. précepteurs.
Graillonneuses. « On donne ce nom, à
Paris, à des femmes qui ont la permission de
vendre publiquement des restes de viandes qui
ont été desservies de dessus une lalih' bourgeoise
ou t-elle d'un traiteur - ».
Graineliers •■! Grainetiers. Voj.
Grainiers.
Grainiers. .le les rencontre pour la
prtMuière fois dans le Livre des métiers, qui les
iioMMui; hluetiers ^, puis je ne trouve plus guère
trace de leiu existence jusqu'au seizième siècle,
dû des lettres patentes de novembre 1.595 les
constituent de nouveau en communauté.
Les femmes étaient admises dans cette corpo-
ration, dont les membres sont officiellement
«pialifiés de raaHres et maîtresses marchands et
marchandes (p-ainiers et grainières. Ils ajoutaient
parfois à ces litres celui de fleuristes. Quatre
jurés, deux hommes et deux femmes étaient
chargés de l'administration.
L'article 26 des statuts énumi're longuement
la liste dts graines que le corps de métier avait
leib'oit de vendre '. Toutefois, ce privilège n'était
pas absolu, car les jardiniers pouvaient également
débiter des graines, mais en marché pid)lic et
sous la surveillance des jurés grainiers.
X.'Ahianach Dauphin pour 1780 mentionne
parmi les graiin'ers en vogue le sieur Andrieux-
Vilmoiin, (|ui demeurait quai de la Mégisserie,
maison (|ui existe encore au même endroit. A
celte (bile, je nombre (les maîtres et maîtresses
>'éb-vait a 'JtiO environ. La communauté était
placée sous le patronage de saint Nicolas et avait
une confrérie (b''dié(> à saint Antoine.
\ 'i\ . Blé (Marchands de) el Mesureurs
de grains.
Graissiers. DebilaiilMle graiss(.'s, d'huiles,
••le. Les épiciers, les droguistes des provinces
prenaient parfois vo titre. La gi-aiule ordonnance
du 'M) janvier |;{.")| mentionne les marchans de
grrnsrs •'.
()ii les trouve auNsi nommés crassiers,
rrairhirrs, rraissiers, t/ressiers, etc.
J A/«/ i/r /n Fniiire iwiir tOH7, I. I, [). \'^\\ -^ pour
//.'/ff, l. I, |.. |;m. _ I). II X.^Suitptêmeiil iiii.T anliiiuilv:
ih /'iiriM dr ItHbirHl, clii. ,|r 1 (i;n , ]i. 70.
* .Jinilurl, /Jirtioiiimirr, I. H ii ;j.|-{
» \„y niissi Ciiliilngiir dt luulrx xnrli-s ilr ijniin.-s. Iiuit
I' l-giimfx. sulirlm. ymiiirs ,lr slmjilr.i ilr Itiates
■ ' ilf Hriir» ft oignniis ilr /Inirs. qui sou/ île
}' tifur t.f Frbcrr, mnrrhiiiiil grainirr tlfiirisle.
■ Ir qua^ ,h {„ .W,,issn-!r. à tnisriqne (lu
I .„nr (;„ ., /'.,.,. |.,.ij, i„.y,,|,, 4,, • ,,
" ArtM-lo 235. « b >
Grand-maître des cérémonies. Char-
ge créée en 1585. Le grand-maître avait p(jur
mission de régler toutes les cérémonies : pro-
cessions, réjouissances publiques, baptêmes,
pompes funèbres, sacres, couronnements, etc.,
etc. Il portait un bâton de commandement couvert
de velours noir, avec l'extrémité et le pommeau
d'ivoire.
Yoy. Cérémonial.
Grand maître des coureurs. (]lief du
service de la poste. Il fut institué par l'article 4
de l'édit du 19 juin 1464. L'article 21 veut que
le grand maître « ait l'entière disposition de
mettre et étaljlir partout oii besoin sera des
niaistres coureurs, les déposséder si leur devoir
ne font, etc. ' » T)e\'ÇTM grand maître des cour-
riers., il vit sa charge supprimée par édit de
janvier 1692.
Grand veneur. Il avait la surintendance
de tous les officiers de la vénerie. « Quand, écrit
Guyot, le Roi est à la chasse du cerf, et qu'il
monte à cheval pour aller au laissez courre,
le grand veneur, ou en son absence celui qui
commande la vénerie, présente à sa majesté,
pour écarter les branches, un l)àton de deux
pieds, dont la poignée est pelée depuis la fête
de la Madeleine sur la fin du mois de juillet
jusqu'au mois de mars, à cause qu'en ce temps-
Ki les cerfs touchent au bois, et le reste de
l'année ce bâton est couvert de son écorce.
Lorsque le cerf est pris, le piqueui' en coupe le
pied droit, cpTil (b)nne au grand veneur, el
celui-ci le présente au Roi » ^.
Grands maîtres. Voy. Drapiers.
Grands maîtres et surintendants
g-énéraux des postes. Ciiarge créée par
édii de s(^plend)re 1715. De Torcy en fut pourvu
le premier. On compte parmi ses successeurs le
cardinal Dubois, le duc d'Orh^ns, le duc de
Bourbon, le caidinal de Fleury, le comte d'Ar-
genson, elc.
l'bi 1771). le titre de cette charge fut modili('',
et le lilulaire prit celui (['intendant général des
cmirriers, postes et relais de France.
Grands voy ers. \'oy. Voyers.
Grang-ers ei Grang"iers. ^'oy. Mé-
tayers.
Grapineurs de devant. On tlonnaii ce
nom. dans les manufactures de places, aux
ouvriers « allentil's au verre qui sort de la
(•U\-elle. pour en enlevei' les larmes on piei'i'cs,
(MI autres defauls accidentels ■>.
Grapineurs de derrière. On donnai! (;e
nom, dans les manul'aclures d(» <>-laces. aux
ouvriers « cnaro-és de détacher la trin<>-le de la
glace et d en faire tomber la bavure >>.
' Deljtinnn-i', Trtiilé île la pulire,
i Triilté ilvs offices, I. I, p. G30.
IV
, )'. oôG.
GRASSE — GRAVF.URS
369
Grasse (Semaine). Diins h<. statuls des
métiers, ces mois désin^neiil la semaine de la
Quiiiqua<2;'ésime. Klle est ainsi nommée parce
que le mardi <i,Tas y est compris.
Gravâtiers. Charretiers qui avaient la
spécialité de transporter les plâtras dans les
ateliers des salpétriers '.
Graveliers. La T(/i//e de i292 en cite
cinq, celle de 1300 en mentionne trois. Il est
probable que l'on désig-nait ainsi les ouvriers
qui se li\Taient à l'extraction du gravier. Mais
on pourrait y reconnaître aussi les marchands
de cendre gravelée, lie de vin séchée et calcinée
dont se servaient surtout les teinturiers.
Graveurs. Tous devaient nécessairement
appartenir, soit comme membres à l'académie
royale de peinture, soit comme maîtres à l'aca-
démie de Sainl-Luc.
Voy. Peintres.
Graveurs sur bois. La gravure sur liois
en France remonte seulement au quatorzième
siècle, et la première estampe qu'elle ait produite,
un saint Christophe portant l'enfant Jésus, est
datée de 1423 - ; encore quelques auteurs
attribuent-ils cette gravure à l'Allemagne.
Jean du Pré, de son vrai nom Jean Larcher,
libraire rue Saint-Jacques vers 1480, serait le pre-
mier qui aurait publié à Paris un livre illustré ^.
Cet art nouveau progressa vite et s'étendit à
de nombreuses applications : sujets religieux
d'abord, puis tarots et cartes à jouer imprimés
à l'aide de planches gi-"avées que l'on complétait
par la peinture. On reproduisit ensuite des
almanachs, des livres d'images, des traités
d'éducation, des civilités, etc. La xylographie
fut l'initiatrice de l'imprimerie.
L'arrêt du 23 janvier 1742 permit aux
graveurs sur bois d'étaler, vendre et débiter
partout leurs estampes, » à charge de se présenter
devant les juges de police des lieux pour en
obtenir la licence par écrit, laquelle doit leur
être accordée gratis.»
L'abbé Jaubert écrivait en 1773 : « La
gravure sur cuivre, soit au burin, soit à l'eau-
forte est presque la seule dont on se serve
présentement pour les estampes ou pour les
planclies gravées dont on orne les livTes ; celle
en Itois, autrefois si usitée, n'est plus guère
d'usage que pour les petits ouvrages de peu de
conséquence, ou pour de très grands, connue
sont les tapisseries de papier peint ^ ».
Voy. Dominotiers.
Graveurs sur fer et sur acier. Titre
qui appartenait ù la corporation des couteliers.
Graveurs g-éog-raphes. On lit sur une
vignette-adresse du siècle dernier: « Lattrk
1 Jaubert, Dictiuininlre, \. II, p. 343.
2 A. -F. Didot, Essai sur In jjntviire sur buis, p. 12.
■' A. Cllaudin, Liste ries imprimeurs parisiens, p. 9.
'* Dietiiiiinaire r/es arts et métiers, t. II, p. 344.
ET SON lîPOL'SE, pour la gravure des plans
topographiques, géographiques et généralement
toutes sortes d'écritures, rue Saint-Jac{[ues, au
coin de celle de la Parcheminerie >>.
Ces artistes, classés parmi les graveurs en
taille-douce, n'étiiient point constitués en com-
munauté. Les plus renommés, vers l'année 1776,
étaient les suivants :
Aldring, rue Perdue.
Lerouge, rue Gît-le-Cœur, auteur d'un
ou\Tage sur les Curiosités de Paris.
BoURGOiN, rue de la Harpe.
Croizet, quai des Augustins.
Delahayes, place du Chevalier du Guet,
graveur des cartes de Cassini.
Vallet, rue des Grands-Degrés, graveur de
Robert de Vaugondy ^ .
Voy. Géographes (Ingénieurs).
Graveurs en caractères d'impri-
merie. Les caractères employés dans les pre-
miers livres imprimés à Paris ne se rencontrent
dans aucune autre impression contemporaine, ils
ont donc été, selon toute apparence, gravés à
Paris, uuiis c'est tout ce que l'on en peut dire.
Parmi les artistes qui se distinguèrent dans ce
genre de gravure, il faut citer :
Simon de Colines, qui était né à Gentilly,
près Paris. Il épousa la veuve d'Henry Estienne,
et mourut après 1550.
Claude Garamond, né à Paris et mort en 1561,
créa des modèles qui n'ont pas été surpassés.
Robert Granjon, aussi natif de Paris, est
célèbre surtout par son italique et ses caractères
grecs. Il mourut vers 1592.
Guillaume Lebé grava sui'tout des types
hébraïques.
Jacques de Sanlecque, élève de Lebé, grava des
caractères de musique, des matrices syriaques,
samaritaines, arméniennes, chaldaïques, arabes,
et mourut en 1648.
Son fils, nommé Jacques, comme lui, et né à
Paris, passe pour avoir créé la Parisienne, carac-
tère qui représente aujcjurd'luii notre corps 5.
Pierre-Simon Fournier, né à Paris et nu^rt
en 1762, eut le mérite de créer le point fi/po-
gruphique qui, beaucoup mieux que les noms
divers employés jusque-là, servit à faire connaître
la Juuiteur des difïérents caractères.
Les o-raveurs en caractères appartenaient à la
corporation des imprimeurs.
Voy. Fondeurs.
Graveurs en caractères pour la
musique. Pierre HcUitin. graveur, fondeur et
imprimeur à Paris, créa, vers 1525, les premiers
poinçons destinés à l'impression de la musique ;
notes et filets étaient représentés sur le poinçon.
Guillaume Lebé, vers 1545, eut l'idée de fondre
des caractères à imprimer en deux fois, le filet
d'abord, puis la note, procédé qui fut vite aban-
donné. Robert Ballard et Nicolas Duchemin
1 Almnnnch Dauphin pour 1777, .supplément.
21
370
GRAVEURS
vers 1550, Robert Granjon vers 1572, Jacques
de Sanlecque et son fils vers 1635 portèrent à sa
perfection l'art de la gravure pour les caractères
de musique. Les productions de Sanlecque sont
de véritables cheis-d'œm-re ^. Enfin, les types
créés vers 1762 par P.-S. Fournier furent
accueillis avec faveur par l'Académie des sciences;
elle déclara que Ton obtenait d'eux « une netteté
que la taille-douce !i"avoi( pu donner - ».
Vov. Graveurs de musique.
Graveurs sur métaux. Restés pendant
loiin;temps en pelit nombre, c'est seulement au
début du dix-septième siècle qu'ils décidèrent de
se constituer en jurande, et soumirent au roi des
statuts assez complets, qui furent homolog'ués en
mai 1631.
Ils y sont qualifiés de /ai/leîirs-(/ra peurs en or
et en argent^ laiton ^, fer, acier et estain. Eux-
mêmes limitent à vingt le nombre des maîtres
devant composer la communauté. Chacun d'eux
ne peut avoir à la fois deux apprentis, et la durée
de l'apprentissage est fixée à six années, suivies
de deux années de compagnonnage et du chef-
d'œuvre. La fille de maître épousant un compa-
gnon du métier lui confère de nondireux privi-
lèges.
Les maîtres ont le droit de <,< loiulre, aprester
la matière pour faire sceaux, cachets, soit en or
cl en argent, cui\Te, laiton *, fer et acier, mesme
faire leurs modèles en cire, bois, plomb ». Ils
sont autorisés à confectionner « sceaux, cachets,
marques particulières, chifl'res, soit en creux ou
relief, poinçons pour servir aux orfèvres, relieurs
de livres, doreurs sur cuir, potiers d'étain et
antres ». Un article mentioime spécialement la
gravure des épitaphes sur métal destinées aux
tombeaux.
(]onime les autres corporations v(mées au
travail des métaux précieux, celle-ci était soumise
ù la juridiction de la cour des Monnaies.
La commimauté prospéra. Le nomljre des
maîtres augmenta peu à peu. Puis, en décembre
1737, de nouveaux statuts favorisèrent l'extension
du métier et en modifièrent un peu l'organisation.
Les maîtres furent dits tailleiirs-graveurs-cise-
l/^trt. Ils eurent l'autorisation de « graver, cise-
ler, l.iiit en or, argent, cuivre, laiton qu'autres
méiiiiix et matières, les sceaux, cachets, vais-
selles, tabatières, boèles de montres, estuis de
pii-ces, pommes de cannes et autres bijoux ».
Eux seuls pouvaient mettre eu étidage au
deviiul de leur boutique des empreintes en cire
irivspagrie, représeidant les armes de France,
celles des princes, princesses, etc.
I^ communauté était placée sous le piilronage
de saint Eloi et !.• nombre des maîtres dépassait
127 H la fin du dix-huitième siècle.
Noy. P.-S. Koumi.T, Traité historique sur l'oritiiiie
ft Us prnjrft //m caractfrfs ,te fonte pour i impression de la
m^s.qye, 170.1. in-^o. _ (,„ trouw h li.slo comiilèto des
Krnvi-urs pour la musiq.i,. dans A. -M. Lollin. Catalogue
chroHotngique itrx libraires, 1789, iii-l2.
5 \»\ hs Mémoires de iAcaitémie des scienres année
17fi2, p. nt2.
3 ri » Il y a dans le texte lalon.
Les graveurs employés dans les hôtels des
Monnaies n'appartenaient pas à la communauté
et jouissaient de privilèges spéciaux '.
Plusieurs métiers occupés au travail des métaux ,
les damasquineurs, les couteliers, les orfèvres,
les potiers d'étain entre autres, avaient le droit
de graver leurs produits et prenaient le titre de
graveurs ou de tailleiirs.
Voy. Grraveurs de sceaux.
Graveurs des monnaies. Voy. Tail-
leurs.
Graveurs de musique. L'art de graver
la musique date seulement du dix-septième siècle,
et c'est vers 1675 que parut le premier ouvrage
ainsi imprimé. On s'était servi jusque-là de
caractères mobiles comme pour l'imprimerie
ordinaire -.
Un arrêt, rendu au mois de septembre 1694
en faveur ilu sieur Ballard, imprimeur du roi
pour la musique, défendit, sous peine de 10.000
liv. d'amende, de « tailler, fondre ni contrefaire
les notes, caractères et lettres grises » inventés
par lui. » Cet arrêt, qui condamnait d'avance tout
perfectionnement, donna un essor imprévu à la
gravure de musique en taille-douce. Les notes
furent d'abord figurées en losange, puis on leur
donna la forme ronde **.
Les premiers graveurs avaient emploj'é des
planches en cui\Te, ils leur substituèrent ensuite
des planches d'étain. Celles-ci leur étaient four-
nies par les potiers d'étain qui les planaient et
les polissaient.
Voy. Imprimeurs de musique.
Graveurs sur pierres fines. Les pierres
gravées, fort recherchées au temps de Gharle-
magne, furent dédaignées par ses successeurs,
au moins en ce qui concerne l'ornementation du
costume. Elles reprirent, sous Charles V, une
faveur qui ne connut plus que des éclipses mo-
mentanées. On fixait des camées, alors appelés
camahieux, sur les bagues, les ceintures, les fer-
maux, les enseignes des chapels, les agrafes, etc.*.
Les graveurs sur pierres fines appartenaient à
la corporation des lapidaires, que leurs statuts
de novembre 1584 qualifient de tailleurs-gra-
veurs ouvrant en tontes sortes de pieiTes fines et
n,atur elles.
Je les ai trouvés aussi nommés finetiers.
Voy. Lapidaires.
Graveurs de sceaux. Au moyen âge, ils
sont dits scelleeurs. La Taille de 1292 en cite
huit, celle de 1300 en mentionne sept. L'ordon-
nance des Bannières (1467) les qualifie àagraveux
' \oy. ci-dt^ssous los art. 'J'ailleurs généraux ot.
Tailleurs particuliers des monnaies.
- \ oy. ci-dessus l'art. Graveur.s en caractères p(jur la
musique.
•' Encijctopêflie méthodique, sciences et arts, I. III,
p. 249.
* ^oy. E. Bab(>lon, Histoire de In gravure sur gemmes,
p. 19 etsuiv. ; viWoWci-Xc-Dw:,, Dictionnaire du mobilier,
t. W , p. 35, art. .Joyaux.
GRAVEURS DE SCEAUX — (IHEFFIl-lRS DES DÉPRIS DES MXS
:ni
de seaulx. Ils se fondent ensuite dans la cuuiiuu-
naulé des graveurs sur métaux.
Au treizième et au quatorzième siècle, très peu
de corporations ouvrières possédaient un sceau.
On possède pourtant celui de la Hanse pari-
sienne. Il représente une harqueanticpu', et porte
ces mots : sigillum merc;atorum a^ie parisius.
Leroy, dans ses Statuts et privilèges des mar-
chands orfèvres-joyailliers, nous fourni l le dessin
d'un sceau ayant apparteiui à celle communauté,
et qui, comme le précédent, paraît dater du
treizième siècle. On y voit saint Eloi sous ses
vêtements épiscopaux, et entouré de cette léi^ende
S. [sigillum) coxfrarik S. Eligii aurifabro-
RUM ' .
Je noterai ici que, à la mort de chaque souve-
rain, les sceaux et contre-sceaux officiels d'or et
d'argent étaient mis hors d'usage, puis donnés,
avec leurs chaînes et les coffrets qui les renfer-
maient, au prieuré de la Saussaje, près de Ville-
juif. Cette coutume, qui remontait, dit-on, à
Philippe- Auguste, s'observait encore sous Char-
les VP.
En 1648, un sieur Augustin Aury était
« graveur des cachets du Roi ^ >.
Graveurs en taille-douce. « Ce sont
ceux qui gravent sur le cuivre, soit au burin,
soit avec l'eau forte, et qui y représentent, d'après
le peintre ou d'après des dessins, divers sujets
d'histoire, de païsages, de grotesques, de fleurs,
d'animaux, etc. * »
Les planches de cuivre leur étaient fournies
par les chaudronniers.
U^n arrêt de décembre 1667 leur interdit toute
reproduction figurée des maisons royales, ainsi
que des objets d'art qu'elles renfermaient. Etaient
seuls exceptés de cette défense, les graveurs
« choisis et désignés par le sieur Colbert, surin-
tendant des bàtimens du roi ».
La Déclaration du 2.3 octobre 1713 enjoignit
aux graveurs en taille-douce de déposer, à la
cliambre syndicale des libraires, huit exemplaires
des « livres de figures, estampes, cartes, portraits,
thèses, etc., gravés par eux ^.
Ces artistes ne furent jamais constitués en
communauté.
Voy. Graveurs de musique et Gra-
veurs sur métaux.
Graveux. ^'oy. Graveurs.
Grayfiers. ^ oy. Greffiers.
Greffeurs. Jardiniers qui s'étaient fait une
spécialité de la greffe.
Greffiers. La Taille de 1202 cite sept
greffiers, celle de 1700 en mentionne six. Mais
que faut-il entendre par ce nom ?
1 Page 4.
2 Sauvai, Recherches sur Paris, t. II, j). 408.
3 A. Jal, Dictionnaire critique, p. 84.
* S.ivary, Dictionnaire du, commerce, t. II, p. 272.
S Dans Isamberl, Anciennes lois françaises, t. XX,
1'. 60!).
M . de Lespinasse crt)it que les greffiers
« faisaient des greffes ou crochets servant àclivers
usages ', » ce qui est bien vague. M. Géraud
déclare qu'ils « fabriquaient une espèce d'armure
pour les jambes, appelée greffe ou grève - »,
assertion absolument contredite par ce fait que
les grèves, qui s'appelaient aussi trumelières,
constituaient alors la spécialité d'une autre
corporation, celle des trumeliers •*. M. G.
Fagniez dit, pages 1,') et 406, que les greffiers
confectionnaient '< des agrafes », et page 139,
il les qualifie de « faiseurs de fermetures en
fer » ; il est ici plus près de la vérité, car au
treizième siècle, les agrafes étaient faites par les
atachiers et les ferinailliers. Enfin, M. Viollet-
le-Duc, dont l'inlerprétiition ine paraît la plus
plausible, affirme ([ue les greffiers forgeaient
des pentures '' , jolis ornements en fer qui
partaient des gonds et s'étalaient sur les ventaux
des portes.
Les greffiers dépendaient du premier maréchal
de l'écurie royale. Comme les métiers spécia-
lement favorisés, ils pouvaient avoir un nondire
illimité d'apprentis et travailler à la lumière ^.
Le Livre des ractiers les nomme greifiers et
grayfiers.
Greffiers. Dans le sens qu'on lui atlril)ue
aujourd'hui, ce mot ne se rencontre guère avant
le milieu du quinzième siècle, et encore ne
s'applique-l-il alors qu'au greffier du Parlement,
qui était dit aussi notaire du Parlement et reqis-
trateur. Jusque-là. les baillis, prévôts, séné-
chaux, etc. désignaient un de leurs clercs pour
remplir les fonctions de greffier.
Greffiers des bâtiments. Dits d'abord
clercs puis greffiers de VEcritoire, leurs fonctions
consistaient à « recevoir et rédiger les rapports »
des experts-jurés. Leur nombre, d'abord de
quatre, fut porté à seize en 1690^.
Voy. Vérificateurs de mémoires.
Greffiers du conseil privé. Quatre
offices créés par édit d'octobre 1576.
Greffiers des conventions , arbi -
trag-es , syndicats et directions de
créanciers. Vingt offices créés par édit de
mars 1673, et réunis aux notaires en août de la
même année ^.
Greffiers des dépris des vins. Officiers
jurés créés par édit du 8 juin 1627. Cet édit porte
« création en hérédité d'un greffier des dépris
des vins en chacune ville, bourg et paroisse du
royaume ». Le Dictionnaire de Tréroux définit
ainsi le mot dépri : « Déclaration que l'on va faire
1 Litre des métiers. Introduction, p. XLV.
2 Paris soxLs Philippe le Bel, p. 515.
3 Etudes sur l' industrie.
* Dictionnaire de l'architecture, t. VIII, p. 290.
■'> Liere des métiers, titre XV.
6 Lemonon, Note sur la profession de (jref/iers des bàtt-
ments, 1888, in-8'.
" S.-F. Langloi.*, Traite des droits et pririlcrjc^ des
notaires, p. ix ft 51.
372
GREFFIERS DES UÉPRIS DES VINS — GRÈVES
au bureau des aides du lieu d'où l'on veut faire
transporter son vin pour le vendre ailleurs ».
Greffiers de l'Écritoire. \oy. Gref-
fiers des bâtiments.
Greffiers des enreg-istrements des
brevets d'apprentissag-e, lettres de
maîtrise, eli^- Olïic-es créés par édii d'août
1704, et supprimés par édil de juillet 170().
Aux termes de l'édit de création, ils devaient
« insinuer et reo-istrer les contrats d'apprentissage.
ensemble les lettres de maîtrise, les élections des
jurez et autres actes concernant les comniunautez
d'arts et métiers ».
Vov. Offices (Créations d').
Greffier de l'hôtel de ville. Il occupait
à la municipalité la première place après le prévôt
des marchands et les échevins. Nommé par eux,
il remplissait les fonctions de receveur, d'admi-
nistrateur des deniers communs ^, et assistait en
qualité de «greffier aux séances du tri})unal, aussi
liien qu'aux délibérations du conseil. Dans les
cérémonies publiques, il portait une robe d(Mh'ap
roupie f^arnie de velours noir ^.
Il fut dit i^uccesaivemeni clerc dît pario il' aux
ôoiirffeois, clerc de la marchandise, clerc de la
ville, etc.
La «grande ordonnance de décemlire 1672 ',
vont ([ue le o;rfffier de la Ville << tienne registres
distincts et séparés » des édits et ordonnances,
Itiiux, héritages, loyers, devis, enchères et adju-
dications, etc., etc.
Greffiers des instructions des con-
seils d'Etat, des Finances et des
Parties. Quatre offices créés par édit d'octobre
|()()0. --uijprimés par édit de juin 1661 ■'.
Greffiers-contrôleurs pour le pa-
raphe des registres de commerce.
Utiiricrs jurés créés par édil du 28 juin 1627.
« (Contrôleront tous les registres, livres de raison
et papiers journaux, qui seront par eux cotez et
paraphez en cliacun feuillet ».
Greifiers Voj. Greffiers.
Grenailleurs. ()n appelait ainsi ceux qui
l'xlraviiifut le gruau du son.
Greneliers <i Grenetiers.
niera.
\
1.). Grai-
Gronetiers. Ofliciers des grenicis il sel.
I/<.nl..iiiianc<' du 20 mars ]:J42 <'ii créa deux a
Taris cl un dans chaque grenier des provinces.
Un 1rs trouve encore nonnués (jarnetiers,
ffwrnrtirrs, .'le, et u[i édil (h- mai 1708 leur
durjue le litre 'Xo grenetiers (jurdes scels.
; « É.iil. .1.' 1771, t. III, I,. 210.
» Voy. ci-d.-!<.s<iii.s Tort. K.'covi-ur do la ville
3 Mémoirn fit la snciitf dt l' histoire fie Paris, t. \U
(|SH1|, |.. 113, — I,,. Houx il.> Lincv, //isloire !le ïholel
(h ri/if, p. 109 .1 178.
» flhnp XXXIII. ml. 20.
•' I' •' < liasicii, Dictionnaire r/e justice, t. I, ji. 867.
Grenier à sel (.Juridiction du). Voy. Sel
(Commerce du).
Grenouilles. Nom donné aux ouvrières
brodeuses.
Gressiers. Voy. Graissiers.
Grèves. Depuis le dix-septième siècle
surtout, les soulèvements, les rébellions, les
cabales, comme on disait alors, furent très
fréquents dans les communautés ouvrières. Les
compagnons, de plus en plus séparés de leurs
maîtres, constituant en réalité une caste à part ^ ,
avaient établi des confréries, formé entre eux
des associations secrètes, sorte de religion
nouvelle, aux rites mystérieux et symboliques ^.
La fête du saint patron de la communauté, les
réceptions de nouveaux membres, l'anniversaire
d'anciens usages, jadis célébrés sans scandale,
étaient l'occasion de troubles et de débauches
qui souvent duraient plusieurs jours '^.
C'est également au sein des sociétés de compa-
gnonnage qu'étaient discutées les concessions à
exiger des patrons, les révoltes, les tentatives
de grève. Les bourgeois s'en effrayaient. Mais
le Parlement avait luentôt fait son enquête ; les
meneurs étaient arrêtés, emprisonnés au Châ-
telet, et tout rentrait dans l'ordre. Gui Patin
écrivait le 8 juin 1660 : « Les maçons et tels
ouvriers de bâtiment ont tâché de faire sédition,
laquelle eût été à craindre, tant elle étoit grande,
mais on en a pris prisonniers par arrêt de la
Cour, et l'on croit que le danger est passé * ».
En février 1749, les maîtres chapeliers
obtinrent un arrêt contre leurs ouvriers, qui
paraissent avoir toujours été fort insoumis. Au
rapport des jurés, ils ne voulaient plus souflfrir
que les patrons choisissent eux-mêmes leurs
ouvriers. Ils se plaçaient les uns les autres, et
l'admission de chaque compagnon dans un
atelier était l'occasion de graves désordres.
« Lorsqu'un maître , ajoutaient - ils , blesse
quelques-uns de leurs prétendus privilèges ou
refusent de leur avancer autant d'argent qu'ils
en demandent, ils obligent leurs camarades à
quitter ledit maître. Le privilège qu'ils veulent
s'attribuer de se placer entre eux occasionne un
dérangement considérabh; appelé devoir, qui
consiste à boire autant de pintes de vin qu'il y a
' Voy. ci-dessus l'article Compagnonnay-i\
- Voy. sur ce sujet une pièce curieuse', qui a été
publiée par M. É. Levasseur ilans son cxctA\vn\o /ii.sfoire
des classes ouvrières, t. I, p. 703.
3 « El pour obvier au.\ débauclies que font les servi-
teurs, quand ils vont forg'er les uns eond'e les autres,
pour gagner un fer d'argent de petite valeur, et leejuel
ils font porter au chapeau de l'un d'eux pour commencer
la débauche, qui continue le plus souvent une semaine
entière : il est enjoint aux jurez d'y prendre garde, et
d'y mener ua commissaire pour les mener prisonniers
et confisquer ledit fer d'arg(>nt, et condamner le niai.stre
di' la boutique où ils s(M-ont trouvez h payer deux escus
li'aniende, moitié au lioy et l'autre moitié à la confrairie.
lii'ijuel fer d'argcmt, ensemble l'argent iju'ils contribuent
pour faiiv leur débau<-he, sera auinosné aux jjauvres
pri.sonniers du Chastelet ». Maréchaux, statuts de Kioy,
art. 23.
i Edit. l^évcillé-Parise, I. III, p. 219.
GRÈVES — CtHILLAG1<:UKS
373
d'ouxTiers dans chaqiio boutique, pour l'entrée
et la sortie de chaque ouvrier ; ce qui les
empêche de travailler plusieurs jours, et ce qui
arrive fort souvent ». L'arrêt rendu ù cette
occasion nous apprend que les compa<i^nons
occupés par le sieur Lauhry, élaldi place
Maubert, s'étaient tous entendus pour alian-
donner l'atelier ; qu'au mois de juillet 1748, le
sieur Châtelain, avant refusé d'avancer cent
li\Tes à quatre de ses ouvriers, tous les autres
l'avaient quitté, etc. Il est juste de dire qu'à ce
moment, les ouvriers chapeliers étaient astreints
au travail de cinq heures du matin à neid' heures
du soir, « sans aucune discontinuation que de
deux heures par jour, dont une demi-heure pour
déjeuner, une heure pour dîner et une demi-
heure pour le g'oûter * >•>.
En janvier 1765, le Parlement dut encore
sévir contre les omTiers chapeliers, et le texte
de l'arrêt rendu en cette circonstance nous
montre quels désordres avaient fini [)ar s'intro-
duire dans la corporation.
Il fut interdit aux compag-nons et garçons de
porter des épées ou des couteaux de cliasse.
Sous peine d'amende et de prison, ils durent
cesser de « médire, méfaire ou insulter leurs
maîtres ».
On défendit au compagnon admis à la maî-
trise de s'établir auprès du maître qu'il venait de
quitter.
Les garçons de boutique ne purent être placés
chez un maître que par l'intermédiaire du clerc
de la communauté -. *
Grillag^eurs. Ils figurent en ces termes
dans les Tailles de 1292 et de 1313 : « X qui
fait cages ». Je vois un peu plus tard appelés
cagetiers et serruriers les ouxTiers chargés de
(confectionner les grillages de métal. On lit, par
exemple, dans le Compte des dépenses faites
par Charles Vau château du, Louvre : « A Pierre
Lescot, cagetier, pour avoir treillissé de fil
d'archas ^ au devant de deux croisiées et de
deux fenestres ez deux derrains ^ estages de la
tour de la Fauconnerie, où est ordonné la
librairie ^ du Roy, pour défense des oiseaux et
autres bestes, à cause et pour la garde des livres
qui y seront mis ^ ». Ces grillages, dits souvent
treillis, iraignes o\x yraingnes "' , que Charles V
chargeait de protéger ses li\Tes, étaient aussi
utilisés pour mettre les riches verrières des
églises à l'abri des pierres que les enfants de tous
les siècles se sont amusés à lancer contre elles.
Je recueille cette mention dans les Comptes de la
chapelle du monastère des Célestins de Paris : « A
Philippe de Péronne, serrurier, pour deux
1 Arrêt du 13 juillet 1748.
2 Sur tous les faits qui précèdent, voy. Recueil des
statuts, ordonnances et règlemens de la cotmmuumté des
maîtres chapeliers. Paris, 1775, in-12, p. 43, lôO et 1G4.
3 D'archal.
* Derniers.
S Bibliothèque.
fi Publié par Le Roux de Liney, p. 29.
■J Sans doute à cause de leur ressemblance avec les
toiles d'araignées.
yraignes de fer, assises au-devant des deux
lenestres du revesliaire ^ ».
Une foule de miniatures des anciens manus-
crits nous révèlent l'amour que professaient les
Parisiens pour les oiseaux. Nombre de puissants
seigneurs et de nobles dames possédaient,
suspendues au plafond de leur pièce préférée, des
cages luxueuses, dites alors cagettes, gayolles,
geôles^ glorieltes, loges, voliers, etc., et habitées
par ce que l'on appelait des « oiseaux de
chambre » : linottes, pinsons, merles, alouettes,
chardonnerets, etc.
Il existait de vastes volières dans les maisons
royales, à la Cité, au Louvre, aux Tournelles, à
^'incennes, à Melun. Le duc de Berri, fils du roi
Jean, en avait une à l'hôtel de Nesle, et Hugues
Aubriot, prévôt de Paris, dans sa somptueuse
demeure de la rue de Jouy. Isabeau de Bavière
commandait, en 1402, à l'orfèvre Jean Clerbourt
'■(. une caige d'argent à mettre oyseaulx ».
Louis XI en possédait plusieurs qui étaient
dorées « de fin or ».
Louis XIII eut à la fois trois volières. Il fit
déplacer celle du Louvre pour la rapprocher de
ses appartements ; ce qui ne l'empêcha pas d'en
faire construire une dans le jardin des Tuileries
et une autre à Fontainebleau.
Sous Louis XIV la mode vint de transformer
en volières l'embrasure des fenêtres. « Je fis
faire une volière dans une croisée, et Xog-ent en
fit le proverbe : « le coadjuteur siffie ses
linottes - ». C'est le coadjuteur lui-même qui
parle ainsi ; et je dois rappeler que l'expression
« siffler la linotte » signifiait alors donner des
instructions à un conjuré, à un complice. Le duc
d'Anjou 3 avait également installé une volière
dans la fenêtre de son cabinet ^ .
Ceci, sans préjudice des cages luxueuses et
des volières d'appartement. Dans V Inventaire du
rnohilier de la couronne pour 1663, figurent de
« grandes cages d'argent, avec quelques orne-
mens de vermeil doré ^ ». Les Affiches de Paris
du 15 juin 1703 ofï'rent en vente « une très belle
volière de fil de laiton, composée de trente-six
cages propres à y mettre chaque oiseau sépa-
rément, et enrichie de plusieurs agrémens qui en
auo-mentent la o-entillesse ».
Certaines cages étaient ornées de diamants
du Temple " , d'autres garnies d'ambre et
d'ivoire '^ . Le petit peuple savait se contenter à
moins, car ce n'étaient pas seulement les grands
seigneurs et les grandes dames qui recherchaient
des hôtes ailés, « les tailleurs, les cordonniers,
les ciseleurs, les brodeurs, les couturières, tous
les métiers sédentaires tiennent toujours quelque
animal enfermé dans une cage, comme pour leur
' De la sacristie.
2 Cardinal de Ri'tz, Mémoires, avril lOôI, t. III,
p. 304.
3 Fils du duc de Bourf^oyne.
i ^'ov. J. Guiffrev, Comptes des bàtimens durai, t. III,
p. 536."
5 Tome I, p. 65.
6 Imitations de diamants. ^ oy. ci-dessus l'art. Bijou-
tiers en faux.
'' Hervieux, Traité des serins, j). 25-
:J74
(iRILLAr;i'-rRS — guknons
faire partager l'ennui de leur propre escla-
vao^e * ». ^ . ,.
L'article 22 des statuts accordes aux oiseliers
en juillet 1697 autorise les maîtres de cette
corporation à fabriquer des cages, et aussi à
fondre le plomb qui entrait dans la confection
des petits abreuvoirs destinés aux oiseaux.
Toutefois, les vanniers conservaient le droit de
faire les cages en osier, et les épingliers celui de
construire les grandes volières.'
Les o-rillageurs sont aussi nommés chassissiers,
épinceleurs^ épinceliers, treilliers, etc.
Grillotiers. Vov. Rôtisseurs.
Grimaciers. Variétés de paillasses. L'un
d'eux, L)iigMZ()n, se vantait d'avoir trouvé qua-
rante manières de remuer le nez, rien qu'en
chantant un couplet de la belle Bourbonnaise,
sa complainte de prédilection. Un autre gri-
macier du boulevard du Temple remuait de
cinquante ftiçons au moins son nez énorme. Il
opérait en bas de soie, culotte de panne, habit
de camelot brodé, et tout cela d'une ampleur
destinée à prouver sa magnificence ; sur son
nez reposaient d'immenses lunettes de carton -.
VdV. Bateleurs.
Grimbelins. Vuy. Grimelins.
Grimelineurs. « Ceux qui exercent un
pt'lil (iiiiinierce, et se contentent d'un très minime
|jrulil ,,.
Grimelins. Individus qui, sur les marchés
(If Srcjiiix i'\ de Poissy, avançaient aux forains
If [)rix des l)esliaux que ceux-ci venaient vendre
aux Ijuiichers. Ce commerce fut déclaré usuraire
par arn't de 1694. On le réorganisa cependant
au mois de janvier 1707 en créant cent offices de
Tfi'soriers de la bourse des marches de Sceaiix et
df Poissi/. fl plus lard en instituant la Cuisse de
piiissij.
Ou Imuv iiiivvj Ci-'iinhf'Uns.
\ys\. Vendeurs de bétail.
Grisette Fabricants I)k\ Vov. Ferran-
diniers.
Grisons. \'ak'l.s qui, au lieu de porter les
coulnii-s Ai^ ji'iir maître, étaient hal)ill('s do gris
pour iir pas iHre reconnus, et il (|ui \'y^\\ coniiail
Ifo iiu>si<iiis <c'cri'lf's.
Grommets. Vn\ Gourmets.
Groom. \ >i\ . Gourmets «1 Jockeys.
Grossiers. L<'s nwiîlres de plusieurs corpo-
nilioMs. les épiciers e| les merciers entre autres,
preiiaienl ee litre pour afliriuer leur droit de
faire le romnieree en gros. Mais le mol avait
encore un autre sens. Il désignait, au sein d'une
même communniilé. les ouvriers voués aux
travaux les plus durs ou ceux qui fabriquaient
les objets les moins délicats : les chaudronniers-
grossiers ne faisaient guère que des chaudrons,
et les horlogers grossiers que des tourne-broches.
Les maréchaux-ferrants se bornaient à ferrer et à
soigner les chevaux, les maréchaux-grossiers
forgeaient des socs de charrue, des contres, des
ho^'aux, etc. Le terme opposé était celui de
menuisier : les potiers d'étain-menuisiers avaient,
dans la poterie et l'orfèvrerie, la spécialité des
oiuTages les plus fins. Chez les cloutiers, le mot
menuisier était remplacé par celui d'épinglier.
Groum.ets et Groum.6z. Vov. Gour-
mets.
Gruyers. Les grueries étaient des juri-
dictions inférieures qui prononçaient en première
instance sur les délits forestiers, et les gruyers
étaient les officiers subalternes qui siégeaient
dans ces tribunaux. Leurs fonctions furent nette-
ment déterminées par l'ordonnance du 1.3 août
1669 '.
On les trouve aussi nommés garde-bois.
Vov. Capitaine des chasses.
Guainiers. Nom que la Taille de i292
donne aux gainiers.
Guaisniers. Voy. Gainiers.
Guaiteurs. Voy. Guette du Louvre.
Guenons (Gouvernantes des). Au dix-
septième siècle, on s'engoua à Paris des singes
et surtout des guenons. Il y eut, à la cour une
o-ouvernante des ffuenons de la chambre du
roi ^. Mazarin rafl'olait de ces bêtes; il tenait
le Conseil dans sa chambre et y donnait des
audiences tandis qu'on le rasait, qu'on l'habillait,
([u'il jouait avec sa fauvette et son singe préféré ■*.
Les Mazarinades le lui reprochaient chaque
malin, mais il ne s'en inquiétait guère, comme
on sait. « Vous faisiez faire antichambre même
à des cordons Ideus, pendant que vous vous
amusiez avec vos favoris et vos singes ^ ».
Par votre petite calotte,
Par votre tête un peu falote,
l*ar les singes que vous aimez,
Qui sont comme vous parfumez,
' S. McrriiT. TiiblrrtH t!r Paris . I. \\\\, p. XM\
* J.-H. (nmrict. l'n-xoniinges rr'/ré.rs ilnits les vues l'e
/'■iris. t. II. |,. «a.
Allez ^, sans jamais revenir •>.
Et encore :
(,)u<' toutes ses mazarinettes,
Ses singes et ses marionnettes
Soient secouez quant et quant luy.
Donnez encor six tourdions
Pour ses singes et ses mions,
Pauvre émincnce débiffée ''.
' Édit. de lC.e,9, p. 38.
- Voy. ci-dessous l'art. Levrettes de la chamLr(\
•' G. Naudé, Maseuraf, p. 445 et 448. — Loménie de
Hrienne, Mémoires, t. Il, p. 215.
* Lettre à Moiisieitr le cardinal (1649;, p. 9.
■' Aljez-voiis-eii.
'' Le jiasse-jmrl et V adieu de Mazarin (1649_\ p. 11.
" Ln berne m'izarine (16.')!), p. .j et 6.
GURXUXS — GUET DKS xMETIKRS
375
Dans sa gazette du 24 août 1650, Loret raconte
que les Espag-nols ajant ravagé de fond en
comble le château de Madame de Longueval.
celle-ci en rentrant chez elle se préoccupa surtout
du sort qu'avait subi sa guenon :
Or, la dame estant retournée
Dedans sa maizon ruinée,
Elle s'écria : « Ma guenon !
L'ont-ils tuée '? » On lui dit: « Non,
Là voilà qui vous fait la moue ».
« 0 ciel ! dit-elle, je te loue
D'avoir prézervé de tout mal
Ce pauvre petit animal ».
Elle la baize, elle l'accolle,
Elle fait tout à fait la folio.
Et, voyant la beste en santé,
Recommença, par piété.
De louer la bonté céleste,
Et se soucia pou du reste.
La guenon de M™^ de Guébriant était
Dans tout Paris si renommée
Par ses gestes et faits divers.
que Loret mentionna en termes émus son décès
et les pleurs qu'il avait causés ^ . Vingt ans plus
tard, des vaisseaux, arrivant de Madagascar,
apportèrent deux cent soixante singes et guenons
dont les Parisiens se disputèrent la possession ^.
Les preuves de l'attachement que ces animaux
savaient inspirer aux plus éminents seigneurs et
aux plus grandes dames abondent dans les
journaux comme dans les mémoires du temps •'*.
Guérisseurs de la rage. Voj. Châ-
treurs.
■ Guernetiers. Voy. Grenetiers.
Guesdrons ou Teinturiers en bleu,
ouvriers qui travaillaient la guesde, le pastel. Ce
nom était emplojé surtout dans les manufactures
de Rouen.
On trouve aussi pastelliers.
Guesniers. Voj. Gainiers.
Guet des métiers, g-uet bourgeois ou
guet assis. Au treizième siècle, la garde de la
ville était assurée par le guet royal et par le guet
dit des métiers^ bourgeois ou assis. Le guet royal,
soldé par le souverain, comprenait vingt sergents
à cheval et quarante hommes à pied. Tous, placés
sous les ordres d'un officier nommé le chevalier
du guet, faisaient de fréquentes patrouilles pen-
dant la nuit *.
Le guet des métiers était fourni, sauf les excep-
tions dont je parlerai tout à l'heure, par les
commerçants établis. Les maîtres [patrons] y
étaient seuls astreints, les valets [ouvT-iers] et les
apprentis en étaient dispensés. Dans la suite, on
permit à un maître de se faire remplacer par un
^ N° du 19 juin 1C5.5.
2 Lettre de Ckaulieu à la duchesse de Bouillon, dans les
Œuvres, t. L P- '75.
3 Voy. entre autres, le Mercure de France, n» de juin
1723 et'passim, et les Mémoires de la baronne d'Oberkirch,
t. l, p. 204.
4 "\'oy. l 'ordonnance de décembre 1254.
valet. Les bourgeois non marchands en étaient
exempts.
Le guet comprenait alors soixante hommes
environ par nuit, et le tour de chacuu d'eux
revenait ù peu près toutes les trois semaines.
A l'heure du couvre-feu, ils se rendaient au
Châtelet, où les clercs du guet *, après avoir fait
l'appel, les répar tissaient en huit postes, qu'ils
quittaient seulement en cas d'alarme. Ces postes
étaient situés :
2 au grand Châtelet,
1 dans la cour du Palais.
1 près de l'église de la Madeleine, dans la
Cité.
1 à la place aux Chats ^.
1 à la fontaine des Innocents.
1 sous les piliers de la place de Grève.
1 à la porte Baudoyer.
Le service finissait au petit jour ■'.
On était astreint au service du guet jusqu'à
soixante ans, mais l'autorité admettait cinq
causes d'exemption, savoir :
1" Quand le convoqué était infirme ou malade.
2" Quand sa femme était en couciies, « cil aus
quex leur lames gisent d'enfant, tant come elles
gisent ».
3° Quand il s'était fait saigner *.
4" Quand il se trouvait hors de la ville au
moment de la convocation ; mais il devait avoir
prévenu de son absence.
5" Quand il venait de s'établir. En général la
dispense était valable pour un an et un jour après
l'admission à la maîtrise ^ .
Plusieurs métiers étaient dispensés de ce
service. C'étaient, en général, ceux que leur
spécialité mettait plus directement en rapport
avec le clergé et la noblesse. Les chapeliers de
paon écrivent, par exemple, dans leurs stiituts
qu'ils sont exempts du guet <,< pour la reson de ce
que leur mestier n'apartient fors que as églises,
aus chevaliers et aus haus homes ^ .
Les tapissiers sarrazinois emploient presque les
mêmes expressions : « Car leur mestier n'apar-
tient que aus yglises et aus gentis homes, et aus
hauz homes, comme au Roy et à contes ^ ».
Les haubergiers disent, de leur côté : « Quar
li mestiers est pour servir clievaliers, escuiers et
sergens, et pour garnir chastiaux * ».
Les archers [faiseurs d'arcs] s'expriment
exactement de même ".
« Le mestier fu establi pour servir les gentiuz
houmes », disent les cliapeliers de fleurs ^^.
' \o\-. eet article.
2 Devenue rue delà Limace, puis supprimée en 1854.
Elle finissait i^uc des Bourdonnais.
•'< Voy. ci-dessous l'art. Guette du Louvre.
^ Voy. ci-des.sous l'art. Phlébotomistes.
=> ^ oy. le Livre des métiers, titres \\\\, XV, X^'^,
LXXVI et passim.
6 Voy. le Livre des métiers, titre XCIII.
"' ^ oy. le Livre des métiers, titre LL
8 Voy. le Livre des métiers, titre XX VL
9 Voy. le Livre des métiers, titre XCVIIL
•0 ^'oy. le Litre des métiers, titre XG.
37G
GUET DES MÉTIERS — GUIMPIERS
Nous servons « les riches hommes et les haus
hommes », disent les Larilliers '.
Les tailleurs n'étaient pas dispensés du guet,
mais ils eussent dû l'être, affirment-ils, « pour ce
qu'il convient que il taillent et cousent les robes
aus haus houmes, aussi bien par nuit comme par
jour » ; en effet, ils étaient souvent obligés de
fournir, du jour au lendemain, les commandes
pressées des g-rands seigneurs -.
Quelques métiers arrivèrent à se racheter, au
moven de redevances soit en argent, soit en
nature. Les cordonniers déclarent que la reine
Blanche, mère de saint Louis, « à qui Diex face
merci », les avait autorisés à se faire remplacer
par un de leurs ou\Tiers ou à payer une amende
de douze deniers 3. Les drapiers obtinrent aussi
de ne pas acquitter le service en personne. Chaque
fois qu'ils étaient convoqués, ils payaient vingt
sous au roi : « vingt sous de parisis au Roy toutes
les nuiz que leur gais siet ». Ils envoyaient, en
outre, soixante hommes à leur frais pour la
garde *. Les esqueliers [écuelliers] avaient été
exemptés du guet, à la condition de fournir
cliaque année sept auges de deux pieds de long
destinées au « celier » royal ^.
Pour une raison ou pour une autre, plusieurs
métiers avaient fini, au quatorzième siècle, par
obtenir une exemption complète et gratuite. De
la liste qui en a été pul)liée ^ j'extrais les noms
suivants :
fîraveurs de sceaux.
Libraires.
Prircheminiers.
Kidumiiieur>.
Ecrivains.
Nattiers.
\ i-rriers.
Monnayeurs.
Vanniers.
Orfèvres.
Etuveurs.
Apothicaires.
etc., etc.
Le service du guet fut réurganisé au quinzième
siècle, et l'ordoimance de juin 14G7 '' en vint
même à militariser à peu près tous les métiers, à
eu fairi' une vérital)le milice urbaine, qui suppri-
im-»', ri'lalilic, modifiée, devint garde nationale
1<' 1:^ juillet 1789. Pendant longtemps elle eut
pour chefs les quartiniers, cinquanteniers et
diziiiniers. Mais, au seizième siècle, chaque régi-
ment obéit ù un colonel, chaque bataillon à un
capitaine, a des lieutenants, enseignes, sergents
cl cîipi.raux. Le colonel était élu par les capi-
taines, les lieutenants et des soldats délégués.
Les bourgeois, de quehpie condition qu'ils
fussi.|it, intime les officiers des maisons royales,
ne pouvaient se sonstraire au service ^.
N"y. Arbalétiers.
— Quartiniers, etc.
Clercs du guet.
' Voy. le /.hre ilfs métlrrs, titre \I,\J.
' Voy. !•• I.irrt itfs mfllers, tiliv I,\ 1.
' Voy. le l.itrr fin inftirri:, lilr,. I.XXXU'.
* \oy. le l.irrr ilrx mfUrra, titiv I,,
* \»\. le l.irrr ilrs mrUris, titre XI, IX.
6 I)nnH Deppinp, (irdunnnncti relntirca auj- me/iers,
' Ney Inrlide Banni6ii's (Onlonniniee tl..^^
.„A'" '^""^ '*'' '''"'•.'■• //'■*'"■'•' '/<• I'/i'M' ,/. rifle
I'. lt»0 et smv. '
Guêtres (Faiseurs de). Titre qui appartenait
il la corporation des boursiers. Kn 1777, le
« guêtrier ordinaire du Roi » se nommait
Robert, et demeurait rue Dauphine ' .
Guette du Louvre. VÉtat de h France
pour 1736, qui fournit la liste du personnel
attaché alors au palais du Louvre, y fait figurer
un sieur René Péan, ainsi qualifié : « garde et
guette de la tour et de l'horloge ^ ». L'emploi
datait de loin. D'abord, le mot guette désigna
la plate-forme la plus élevée d'un château, celle
où veillait le guetteur. En outre, dès le treizième
siècle, la garde nationale existait sous le nom
de guet bourgeois ou guet des métiers et à part
certaines exceptions •*, tous les commerçants
établis en faisaient partie. Soixante hommes
environ étaient convoqués pour chaque nuit. A
l'heure du couvre-feu, ils se rendaient au
Ghâtelet, ou le clerc du guet les partageait entre
huit postes établis dans les divers quartiers de
Paris. Le lendemain au petit jour, le cor du guet
sonnait du faîte de l'une des tours du Chàtelet,
et ce signal appelé guette cornée rendait la liberté
aux bourgeois qui avaient passé la nuit *. Le
tour de garde de chacun d'eux revenait à peu près
toutes les trois semaines.
Guetteurs. Voy. Guette du Louvre et
Télégraphistes .
Gueux et Geux. Nom qu'Olivier de la
Marche donne au queu ou premier cuisinier de
Charles le Téméraire. « Et doit le geux en sa
cuisine commander, ordonner et estre obéy ; et
doit avoir une chaière entre le buffet et la
cheminée pour seoir et soy reposer si besoing
est. Va doit estre assise icelle chaière en tel
lieu qu'il puist veoir et congnoistre tout ce que
l'on fait en ladicte cuisine. Et doit avoir en sa
main une grande louche de bois, qui luy sert à
detix fins, l'une pour essayer potaige et brouet,
et l'autre pour chasser les enfans hors de la
cuisine ^ ».
Voy. Cuisiniers et Traiteurs.
Gueyniers. Nom que Vordonnance des
Bannières (1467) donne aux gainiers ^.
Guichetiers. Voy. Geôliers.
Guides. Voy. Capitaines des guides.
— Ciceroni. — Ours (Meneurs d').
Guimbeletiers. Faiseurs de guimbelets,
c'est-à-dire de vrilles, de forets, etc.
Voy. Vrilliers.
Guimpiers. C'e nom représente une indus-
trie d'abord exclusivement lyonnaise. Vers 1672,
' Almanach Dauphin.
- Tome I, p. 433.
•' \oy. G. Dcppino;, Ori/onnunces i-elaittes aux mêlii'rs-,
V. 425.
4 Livre ikft mé/ierx, iilro IAX^'I, art. 33, et passiiii.
•• È'sfa/ (le la mniaoïi île Charles le Hardi, é;lit. do 1010,
p. 080 ; oïlit. Micliaud, j.. X^^ii.
•< \oy. ci-dessus l'art. Bauiiières ■Oi-doiiuanco des).
GUIMWERS — GYROMANCIENS
377
sept ouvriers de ce métier viiirciil s'elalilir ù
Paris ; ils se disaient « inarcliands et ouvriers en
soye, toile et gaze de soye, fil, laine et autres
ouvrag'es à jours, plains et meslangez >^. Ils
demandèrent ù être érigés en maîtrise, ce qui
leur fut accordé au mois de mars 1G73.
Je perds ensuite la trace de cette corporation,
qui se fondit sans doute dans celle des tissutiers-
rubaniers.
Guimpliers. Ouvriers en guinipli-s. La
guimple était « une pièce de linge lin dont on
s'enveloppait le chef, le cou, le haut des épaules,
et dont on laissait relondjer un bout le long du
bras gauche * ». On dit plus lard f/iiù/ipe.
Guinguettiers. Ceux qui tiennent une
guinguette. Les guinguettes sont des « cabarets
établis un peu au-dessus des dilîérentes barrières
des entrées de Paris. Les fêtes cl dimanches,
ils sont remplis d'une multitude innombrable de
gens de toutes espèces et surtout d'artisans,
gens de métiers et gagne-deniers, qui y vont
pour s'y délasser des fatigues de la semaine.
Dans le nombre de ces cabarets, il en est
quelques-uns plus honnêtes, où les Ijourgeois,
marchands et gens un peu aisés ne répugnent
point d'aller avec leurs familles -. »
L'ordonnance de police du 26 juillet 1777,
interdit aux guinguettiers d' <,< avoir des violons
et tenir des assemblées de danse chez eux les
jours ouvriers, si ce n'est en cas de noces ».
Même dans ce cas, ils devront demander une
autorisation spéciale, et les violons se retireront
à minuit ■'.
Avant que les fermiers généraux eussent élevé
leur nouvelle enceinte (1786-88), les guinguettes
du nord de Paris étaient situées à la Courtille,
à Ménilmontant, à la Nouvelle-France, aux
Percherons, à la Pologne ^. Celles du midi, à la
Maison-Blanche, à la Glacière, au Petit-Mon-
trouge, à Vaugirard. Près de la Seine, on citait
surtout les g-uinoruettes du Gro>-Caillou, de la
Grenouillère ^, du Port-à-rAnglais ^ et de
Bercy.
Le Dictionnaire du commerce de Savar^', pulilié
1 (^uipliprat, His/oire fin costume, p. 1 11. — Voy. aussi
A. Jal, Dictionnaire critiqxe, p. 132.
2 Hurtaud et Magny, Dictionnaire île Paris (1779),
t. III, p. 19S.
•'* Article 21.
* Aux environ.s de la gare Saint-Lazare actuelle.
S Auj. quai d'Orsay.
^ Aux environs du Pont-National acUn'i.
en 1723 écrit (jainguette o\\ guinguette, et déclare
que c'est là ■< un nom de caprice nouvellement
inventé, qu'on donne aux petits cabarets élalilis
aux environs de Paris au delà des barrières,
où le menu peuple va en foule se divertir le
dimanche et les fêtes, à cause que le vin y coûte
moins, ne payant point ou peu de droits d'entrée.
Quel([ues-uns croient que le mot de guinguette
vient de ginguet, qui veut dire petit vin, parce
qu'il ne s'en débite point d'autre dans ces sortes
(le cabarets ' >>.
Dans la 61'' nouvelle des Contemporaines, Rétif
de la Bretonne fait figurer une giiingueltière.
Voy. Rebec (Jouetirs de).
Guitaristes. Professeurs ou fabricants de
l'instrument appelé guitare. Bernard Jourdan de
la Salle, puis son fils Louis l'avaient enseigné à
Louis XIV -, et le Livre commode pour 1G92
cite sept guitaristes dont les leçons étaient fort
estimées. Il nomme aussi deux fabricants,
Chéron, rue Dauphine, et Alexandre Roboam,
rue des .Arcis ; ce dernier, y est-il dit, faisait
« des guitares par excellence •* ».
A la fin du dix-huitième siècle, les fabricants
en vogue étaient les sieurs Joubert, rue Sainl-
Jacques, et Saulnier, rue du Louvre ^ .
Guiterneurs, Fabricants ou joueurs de
guiterne, instrument à cordes différent de la
guitare. On trouve gtiiterniers, ghisternetirs et
même quintarieurs.
Guiterniers. ^'oy. Guiterneurs.
Guitons. Ce mot est souvent pris dans le
sens de page, valet, domestique, etc.
Gymnastes. Voy. Bateleurs.
Gyromanciens. Gens qui prétendaient
prédire l'avenir par la gyromancie. Celte divi-
nation se pratiquait au moyen de cercles con-
centriques séparés par des espaces remplis de
lettres. Ordinairement le bateleur tournait sur
lui-même au centre des cercles jusqu'à ce qu'il
tombât étourdi, et les lettres sur lesquelles
il restait étendu déterminaient la nature du
présage.
1 Édit. de 1723, t. Il, p. 197.
- Estât général fie la Maison du llmj en 1607 , p. 110, et
A. .lal. Dictionnaire critique, p. 60" et 8^)4.
'■'• Tome I, p. 211.
'* Atmanach Dauphin pour 1777 :
378
HABILLEURS - HALLIKRS
H
Habilleurs. On nomme ainsi :
Chez les bouchers, les chanioiseurs et les pelle-
tiers, les ouvriers qui écorclienl les bètes, les
(luvrenl et les vident.
(Jliez les j)oisso?miers, ceux qui ouvrent et
vident le poisson.
(]liez les curdiers, ceux ([ui ai^uiseiil la pointe
<les crocs de la carde.
Chez les tanneurs, ceux qui donnent aux cuirs
la première préparation avant la mise au tan.
Chez les potii-rs de terre, ceux qui mettent aux
pièces des pieds ou des anses.
Au théâtre, ceux qui sont cliarg-és d'hahiller
les artistes.
Ce nom a aussi été donné parfois aux ehirnr-
(jirns.
Hal)its Marchands dk vieux). Voy. Fri-
piers.
Hache (Maîtres de la). Nom donné parfois
aux charpentiers.
Hacquehusiers d Hacquebuteurs.
\ ii\ . Arquebusiers.
Hacquetiers. \M.\ . Haquetiers.
Halesniers. Lallemas. en 1600, nomme
li-s iahricjints d'aij^uilles âjuiUiers-hnlesniers.
\ (ty. Aléniers.
Haleurs. (lens qui i-ciHonliMil les bateaux
<Mi les tirant avec un càhle. <,< Sur la Loire, on les
nomme (joheurs ' et (|uelqu('f()is par dérision
arrnrhi'-pfrsU , à cause que reflnrt qu'ils font en
tirant li-s ohliu^cut à se tenir courbés comme s'ils
voiili)i(!iit tirer de terre des racines de la plante
qu cm iiniiMiK- du persil - ^..
Halicrs. \ nv. Hallage '•! Halliers.
Halla/^u Di'.oiT uk . Hedrvance perijue sur
les marchandises mises en vente aux halles.
On trouve, an treizième siècle, hahiije, haleije,
hullaifir, etc. Celui qui percevait cet impôt était
dit hulirr. hnllirr ■'. e|c.
Hallebardiers. Ouvriers maçons qui ma-
udMivrenl les pierres massives dans les chantiers.
' Jo le-» Imiive niii.si noiimics (iaiis i'iuliclc 22 d'une
).H-lornl,on au 24 ovril ITOM, icialivo à la i.avipalù.n sur
Ih hoiiv.
* A'Hrj/rlopri/if uiflhoiftqiie, rdnimeioe,
3 \ov. Il- Litrt lits mrtiers, passim.
I. II,
>15.
L'abbé Jaubert * s'exprime ainsi : « Avec le simple
apprêt d'un levier et de deux rouleaux, ils font
arriver les plus lourdes masses sur le chantier ».
Hallebic. Les halles de Paris datent du
douzième siècle. L'accroissement rapide de la
population força bientôt le roi à en étendre les
limites. La halle au poisson fut transférée à
quelque distance sur un fief de la maison de
Hallebic, et l'on accorda aux anciens possesseurs
certains droits sur la vente, à titre d'indemnité.
Les Hallebic ne s'en contentèrent pas ; ils s'arro-
o^èrent, comme seig-neurs, la juridiction sur les
marchands, et allèrent jusqu'à fixer eux-mêmes le
prix du poisson. Quand un prix avait été débattu
entre l'acheteur et le vendeur, le sergent des
Hallebic intervenait, et, au lieu de percevoir la
taxe convenue, diminuait, de sa pleine autorité,
huit, dix ou douze sous sur chaque panier, sous
prétexte que le dessous était ordinairement d'une
qualité inférieure au dessus. Les marchands se
plaignaient, disaient inutilement que tout ache-
teur pouvait, si bon lui semblait, retourner les
paniers, on ne les écoutait pas, et ces vexations
continuelles, qui augmentaient parfois jusqu'à
un tiers le prix du poisson, firent peu à peu
déserter le marché.
Des lettres patentes de 1325 abolirent le droit
de hallebic, et en même temps doublèrent celui
du roi. Mais les prétentions et les violences
reparurent, et il fallut encore plusieurs ordon-
nances pour les réprimer'^.
On trouve aussi HeJlebic.
Halliers. Kmployés des halles, et plus
spécialement gens chargés de percevoir les droits
de hallage.
Il y avait déjà à Paris, au douzième siècle,
[)lusieurs marchés. Le plus ancien de tons, situé
dans la rue de la Juiverie, au centre de la Cité,
était destiné à la vente du blé ; un autre se
tenait, depuis Louis le Jeune, sur la place de
Grève ; un troisième avait été créé par Louis le
Gros sur un terrain appelé les Champeaux,
emplacement actuel des Halles centrales.
Philippe-Auguste, en 1183, l'agrandit et le
réorganisa. Il y fît construire 'deux grandes
halles, protégées par un solide mur de clôture,
autcnir duquel s'élevaient de nombreux étaux
couverts ^. Chaque branche de commerce y avait
1 Dictionnaire des arts et métiers, t. I, p. 12G.
^ ^ oy. E. Levasseur, Histoire ilcs classes ouvrières,
I. I, p. 30y.
^ HecKeil fies historiens, t. XVII, p. 35-1.
HALLIMHS — HANSE PAHISIKXNE
:n<)
sa section pai'ticulière ; el l'on y vit l)ientàl aflliior
les objets de consommation et les acheteurs.
Saint Louis élargit ce marché. Il y ajouta
deux pavillons destinés au commerce des draps,
et permit aux lingères et aux fripiers d'étaler
leurs marchandises sous des « auvents attachez à
crochets » contre les murs du cimetière des
Innocents *, qui limitait les Chainpeaux à l'est.
Philippe le Lon»^ fit élever au même entlroit une
nouvelle halle pour les cordonniers et les
peaussiers. Le souvenir de ces divers établis-
sements se conserva dans le nom des rues qui
avoisinaient encore les halles il y a une vingtaine
d'années : rues de la Lingerie, de la Cordonnerie,
de la Grande et de la Petite-Friperie, etc. ; mais
ce n'étaient sans doute encore, au treizième siècle,
que des allées plus ou moins étroites, qui per-
mettaient de communiquer d'une halle à l'autre.
Les halles n'avaient guère changé au quator-
zième siècle, et pourtant un écrivain de ce temps
nous a conservé une description enthousiaste
des merveilles que l'on y rencontrait. «Sous
des amas, des monceaux d'autres marchandises,
écrit-il, on voit des draps plus ])eaux les uns que
les autres; dans d'autres, de superbes pelisses,
les unes faites de peaux de bêtes, les autres
d'étoffes de soie, d'autres enfin composées de
matières délicates et étrangères dont j'avoue ne
pas connaître les noms latins. Dans la partie
supérieure de l'édifice, qui forme comme une
rue d'une étonnante longueur, sont exposés tous
les objets qui servent à parer les différentes
parties du corps humain : pour la tète, des
couronnes, des tresses, des bonnets, des peignes
d'ivoire pour les cheveux ; des miroirs pour se
regarder, des ceintures pour les reins, des bourses
pour suspendre au côté, des gants pour les
mains, des colliers pour la poitrine et autres
choses de ce genre, que je ne puis citer, plutôt à
cause de la pénurie des mots latins que faute de
les avoir bien vues ^ ».
Au moyen âge, les marchands et les artisans
parisiens étaient tenus de fermer boutique le
samedi, et de venir étaler leurs marchandises
au marc/lé le Roy. La plupart d'entre eux y
avaient, en lieu fixe, un étal ou un comptoir ;
d'autres, les fripiers, les savetiers, par exemple
faisaient leur étalage à terre. On pouvait tout
examiner à l'aise, et comme la lumière était
meilleure que dans les boutiques, on risquait
moins d'être trompé. Au reste, les prix étaient
les mêmes, bien que le marchand dût payer, pour
la location de la place qu'il occupait, les droits
dits de tonlieu et de hallage, que percevait, au
nom du roi, le hallier, représentant du fisc.
C'est au quinzième siècle seulement que les
halles de Champeaux devinrent le centre presque
exclusif des objets d'alimentation.
En 1551, dit Gilles Corrozet, «les halles de
Paris furent entièrement rebasties de neuf, et
furent dressés, bastis et continués excellens
1 Dubreul, Théâtre des antiquité: de Paris, p. 628.
2 Jean de Jandun, Description de Paris (1323), dans
Le Roux de Lincy, Paris aux quatorzième et quinzième
siècles, p. 51.
édifices, hostels et maisons somptueuses. » Cette
réformation fut achevée en 1572, et Savary
écrivait en 1723 : « Il n'est point arrivé depuis
de changement consiilérable aux halles ; elles se
trouvent présentement à peu près de même * ».
On condamnait à l'amende les marchands ([ui
n'allaient pas exposer à la halle les jouiis de
marché, et ces jours ont souvent varié.
Au dix-huitième siècle, les ludliers servaient
surtout de gardiens, et devaient veiller à la sécu-
rit('' des marchan(h'ses laissées dans le mai'ché.
Hameçons Faiseurs d'). Voy. Pêche
(Ustensiles de).
Hanapeliers. Voy. Hanapiers.
Hanapiers. Faiseurs de hanaps. Ce sont les
cip/iarii {\f' Jean de (îarlande. On les trouve aussi
nommés /ta/i'/pr/i/fs, //"iiHr'j)/frs, //r/n/f/pn'rs. elc.
Voy. Madreliniers et Raccommodeurs
de vases.
Hannepiers. Voy. Hanapiers.
Hannouards. Nom que l'onlonnance de
décembre 1672 donne aux Porteurs de sel.
Hanoiers et Hanouars. Voy. Porteurs
de sel.
Hanse parisienne. Association de mar-
chands qui faisaient sur la S<'ine le commerce par
eau. Elle a été appelée //anse de Paris, marc/tands
kanse's, marchands de Feau, compagnie française,
etc. On a vainement cherché à établir une filiation
entre cette association et celle des nuiitœparisiaci
qui, sous le règne de Tibère, avaient élevé à
Jupiter un autel dont les fragments ont été
retrouvés sous le parvis de l'église Notre-Dame.
Son existence n'est positivement affirmée qu'eu
1121, par une charte de Louis le Gros qui lui
abandonne un droit de soixante sous, perçu
jusque-là au profit du roi , sur chaque bateau
abordant à Paris durant le temps des vendanges
avec un chargement de vin ^.
C'est par eau que se faisait alors presque tout
le commerce extérieur de la capitale, importation
et exportation. Paris, assis sur un fond maré-
cageux, était entouré de bois épais et de collines
assez élevées ; les voies de terre peu nombreuses,
à peine indiquées, nullement entretenues, deve-
naient impraticables après la moindre averse, et
étaient par tous les temps infestées de voleurs.
Cette situation donna une grande force et une
réelle importance politique à la hanse parisienne.
Sous le règne de Philippe-Auguste, elle possédait
déjà le droit d'apposer sur ses actes un sceau
particvdier, dont on a retrouvé des empreintes :
il était ovale, et représentait une barque, avec un
mât soutenu de chaque côté par des cordages.
En 1141, la hanse avait reçu de Louis VII, à
l'endroit dit la Grève, l'emplacement nécessaire
1 Dictionnaire du commerce, t. II, p. 304.
2 Tout ceci a été l'objet de nombreuses controverses.
^'oy. E. Picarda, Les marchands de l'eau, hanse parisienne
et compagnie française, 1901, in-8°.
380
HANSE l'ARISIKXXE — HARNACHEMENT
pour établir un nouveau port. En 1170, le même
roi lui accorda encore un précieux pnvileç :
nul ne pourra désormais amener dans Pans des
marchandises par eau, s'il n'est Parisien et
marchand de l'eau, ou s'il n'est associe a un
Parisien marchand de l'eau, « nisi ille sit Pari-
siensis afque mercator , vel nisi aliquem Pari-
siensen) atque mercatorum socium habuerit ».
Tout bateau appartenant à autres personnes était
anV-lé au pont de Mantes ; pour le dépasser, il
fallait que les mariniers s'entendissent avec un
iii<'iul)re de la hanse, et celui-ci fixait souvent à
la moitié des bénéfices du marché le prix de son
intervention.
La hanse était administrée par quatre jurés,
qui prirent bientôt le titre à'échevins, et par un
prévôt qui fut successivement appelé chef de la
hanse, roi des marchands, maître des échevins,
maître de la marchandise, prévôt des marchands
de l'eau, puis prévôt des rnarchands.
Les réunions de la hanse parisienne se tinrent
d'abord dans une maison qui louchait le mur
d'enceinte, à rextrémité de la rue de la Harpe
(alors rue Sciinl-Cosme), et derrière le couvent
des Jacobins ; on la nommait la Maison de la
marchandise o\\ le Parlouer aux bourgeois. Plus
lard, ces assemblées eurent lieu sur un empla-
cement plus central, dans un bâtiment situé
entre le (irand-Chàtelet et l'ég'lise Sainl-Leufroy
place du Cliàtelet actuelle). Enfin en 1357, le
Parlouer aux bourji^eois l'ut transporté sur la
place de (îrève, dans une propriété ([ui s'était
ap|>elée successivement la Maison de Grève, la
Maison aux Dauphins ^ et la Maison aux piliers.
(i'fst sur ses ruines que s'éleva dans la suite
l'hôt.-l de villr aciu.'l.
Happelopins. Vov. Galopins.
Haquetiers. Ce sont « ceux qui conduisent
iiu qui lin-iil un haquel, espèce de cliarrette sans
n(h-ll»'s, qui fait la bascule quand on veut, et
(lui a sur le devant un moulinet par le moyen
MU(|u<'l on lire les }^ros fardeaux pour les charg-er
plus connncidément - ».
On trouve aussi hacqnetiers.
Haras royal ((Jfkiciers du). Le hams
roviil, d'iihord élahli à Saint-Léo^er [)rès de
-VIonlforl-rAmaury, fut, sous Louis XV, trans-
porté im I»iii .Onic). Le personnel se composai!
df :
1 écuyer, capiliiirit' (bi lianis.
1 Jiuinônit>r.
() gardes.
1 palefrenier el ses aides.
2 maréchaux , faisiint fonctions de
iwiires.
vétéri-
1 mt'ih'ciri.
1 chirurp^'ien.
• Pniv.' quVIle ovail appnrli-nu nux Dauj.liins Vien-
Hoi.s. _ \o>. riicon- .Wmoire.'s ilr la .sv/n»' île t histoire
•lfl\,rii. \. Vil (1880). p. 70, et I. Vni, p. 101. —
K. Ij<'Vnss<*ur, /li*toirf lifs clnsxes oiitrirres, t. I p .354
» JnulHTt, DittioHHnire, t. H. p. 379. 1. vùy. aussi
Dolaranm^ Traité ,U la police, t. IV, p. 45G ut suiv.
1 apothicaire.
1 taupier ' .
Voy. Directeur général.
Hareng"ères. Crieuses de harengs frais ou
salés.
Puis après orroz retentir
De cels qui les frès harens crient.
Or au vivet li autre (lient.
Sor et blanc haranc frès poudré,
Harenc nostre vendre voudré !
écrit au treizième siècle Guillaume de la Ville-
Neuve dans ses Crieries de Paris. Les crieuses de
hareng'S frais appartenaient au corps des pois-
sonniers de mer et les crieuses de hareng'S salés
appartenaient à celui des marchands de salines,
commerce qui, dans Paris, n'est guère antérieur
au douzième siècle. Les premiers poissons salés
que l'on vit paraître aux halles furent les
harengs ; ils arrivaient de Rouen par la Seine.
La Taille de 1292 cite neuf harengiers.
Sous Henri 111, la pêche du hareng' repré-
sentait environ (h^ix millions de francs par an -.
On nommait :
Hareng blanc, hareng frais poudré, celui qui
était nouvellement salé.
Hareng de la nuit ou d^une nuit, celui qui
avait été salé le jour même de sa prise.
Celui qui était salé le lendemain, ou hareng
de deux nuits était beaucoup moins estimé.
Craquflot ou appétit, le hareng saur ordinaire.
Hareng de marcpie, celui qui venait de Hol-
lande, en barils munis de la marque officielle.
Hareng de drogu,e, celui qui, étant trop petit
pour être rangé (hins les barils, y était jeté pêle-
mêle.
Hareng en vrac, celui ([ui n'était salé qu'à
moitié.
Hareng paqué, celui qui, après avoir subi
toutes les préparations, était mis en baril.
Au treizième siècle, on appelait maise ou
mese un petit baril contenant mille harengs ^.
Une crieuse de hareng-s est fig-urée dans les
Cjris de Pans au seiziè^ne siècle, publiés par
.T. Cousin et Pilinski.
\'oy. Salines (Marchands de). — Ap-
pétits (Marchandes d').
Harnachement. Il me paraît que tout ce
qui concerne le liarnachement des chevaux était,
au treizième siècle, l'œuvre de huit corps d'état,
dont on pourrait, d'une manière générale, déter-
miner ainsi la spécialité.
C'étaient :
1. Les BATiERS. Ils construisaient les selles les
plus communes, destinées aux ânes, aux mulets,
etc.
• Etats lie la France: Pour 1687, t. 1, p. 272; ]>our
1712, t. I, p. 5G8 ; pour 1736, t. II, p. 224.
2 Delainarre, Traité île la police, t. III, p. 17.
3 Livre des métiers, titre CI, art. 12.
HARNACHEMl'lNT — HAUMN
381
II. Les BLASONNIERS OU CUIREURS DE SELLES.
Ils meltaient aux selles la première gariiilure de
cuir.
III. Les BOURRELIERS. Ils exéculaionl le f^-rns
harnachement, pour bêtes de somme.
IV. Les CH.\PUiSEURS. Ils construisaient h\
charpente des selles.
V. Les CONTRESAXGLIERS. Faiseurs de conlre-
sang'les.
VI. Les LOHMiERS. Ils i'oui'nisNaicnl lc> IVeins,
les mors, les hrides, etc.
^ II. Les PEINTRES. Ils ajoutaient aux selles
les ornements et les peintures, les ors et les
couleurs.
VIII. Les SELLIERS. Ils remlxjuri'aicnl cl
recouvraient toutes sortes de selles.
Voy. tous ces noms.
Harnacheurs. Titre qui apparlcuait à la
corporation des selliers.
Harpeurs. Faiseurs ou joueurs de harpes.
On n'en rencontre ni dans la T"ille de 1292 ni
dans celle de 1300, mais la Taille de 1313 cite,
dans la rue Poupée, ' « Adam, le harpeur >>.
La harpe, alors de très petite dimension et
ordinairement suspendue au cou, était tort en
honneur au quinzième siècle. CTuillebert de
Metz ^ fait l'éloge de Guillemin Dancel et de
Perrin de Sens, qu'il qualifie de « souverains
harpeurs ^ », mais il s'agit ici d'exécutants. Le
meilleur constructeur de harpes se nommait
Lorens de Hest. Je lis dans de vieux comptes
qu'en 1400, il reconnaît avoir reçu de la
duchesse d'Orléans 32 sous parisis, « pour avoir
rappareillé et mis à point deux harpes, es
quelles il a fait et mis broches et cordes toutes
neufves ». En mars 1401, il reçoit encore
36 sous, pour un travail semblable.
Isabeau de Bavière jouait également de la
harpe. En octobre 1416, elle paye à un luthier
4 sous, pour fourniture de cordes, et en
novembre 6 sous pour le même objet. •
La harpe, très négligée par la suite, reprit
faveur au dix-huitième siècle. A cette époque,
le fabricant en vogue était un sieur Naderman,
luthier ordinaire de la Dauphine ; il lui avait
fourni une harpe en argent.
On trouve souvent harpins et herpeurs.
Harpins. Voy. Harpeurs.
Harquebusiers et Harquebuziers.
Voy. Arquebusiers.
Hâteurs. On donnait ce nom. dans les
grandes maisons, aux cuisiniers chargés des
rôtis.
Saint Louis avait quatorze hâteurs. A la
cuisine-bouche de Louis XIV, il existait quatre
hâteurs payés 400 livres et servant par semestre;
1 Supprimée en 1855, elle allait de la rue de la Harpi
à la rutj Hautefeuille.
2 Description de Paris sous Charles ^'I .
3 Édit. Le Roux de Lincy, p. 232.
la cuisine du counnuii cnmplait dmizi' hùleurs
servant par quartier el touchant liOO livres.
M Etal de la France pour 10S7, écrit Mieux ^.
Hâteurs. Voy. Fiqueurs.
Hâteux. \n\. Hâteurs.
Hauban. Le Lirre des raétiers délinil ainsi
ce mot : « Haubans est uns propres nous d'ime
couslume asise, par la quele il fu establi ancie-
nemeiit que quiconqiu-s seroit haubaniers, qii'i
seroit plus frans et paieroit mains de droitures et
des coustumes de la marchandise de son mestier
que cil qui ne seroit pas haubaniers ^ ». Les
boursiers disent dans leurs statuts qu'en payant
le droit de hauban « ils sont francs de touz les
toidiuz ■' des cuirs que ils achatent dedanz la
banlieue de Paris * ». Les boulangers s'ail'ran-
cliissaient également, par le hauban, des droits
qu'ils eussent payés pour l'achat des farines,
pour celui aussi des porcs et autres animaux
qu'ils nourrissaient. Les gantiers sont encore
plus précis ; ils paient le hauban, disent-ils, « et
pour tant sont-il quite de toutes coustumes ».
Près de deux cents ans plus tard, les foulons
déclarent qu'en payant « par chascun an au
Roy ou à son receveur à Paris six solz parisis de
hauban, ils sont, par ce, quictes et francs de tout
tonlieu et coustumes ^ ».
Dans toutes ces citations le mot countumes est
pris dans le sens d'impôt en général. Le hauban
était donc une sorte d'abonnement vis-à-vis du
fisc. Moyennant une sonune une fois versée, le
haujjanier se trouvait dispensé de payer au jour
le jour une foule de petites taxes, de petites
redevances qu'étaient tenus d'acquitter les mar-
chands non haubaniers.
Dans l'origine, le hauban se payait en nature ;
il consistait en un muid de vin ^, dû annuellement
au roi à l'époque des vendanges. Mais la plupart
des haubaniers ne possédaient pas de vignes, et
étaient obligés d'aclieter le vin qu'ils livraient à
l'échanson royal ; ils proposèrent donc de fournir
en argent la valeur du muid. Des contestations
s'élevèrent alors au sujet du prix du vin, qui
variait chaque année suivant l'abondance de la
récolte -, aussi Philippe-Auguste rendit-il en 1201
une ordonnance ' qui fixait la taxe à payer pour
le hauban.
Le droit de haul)an présentait de réels avan-
taeres, et était fort recherché. Un certain nombre
de métiers pouvaient seuls en jcjuir, et au sein de
ces métiers nuîme n'en jouissaient qu'un certain
nombre de maîtres spécialement et personnelle-
ment gratifiés de ce privilège.
1 \ oy. Douët-d'Arcq, Comptes de l'hôtel, p. I^ . —
Dueancrc, aux mots hasta, hastator, kasiarius. — Etat de
la France pour 1687 , t. I, p. 635 et 638 ; pour 1712, t. I,
p. 108, 113 et 118 •,pour 1736, t. I, p. 203, 209 et 216.
2 Titre I, art. 7.
<* Droits de toulieu.
4 Livre des métiers, titre LXXVII, art. 1.
5 Statuts de mai 1443, dans les Ordonn. rnyules,
t. XVI, p. 590.
6 Le muid représentait alors environ deux hectolitres
'7 Ordonn. royales, t. I, p. 25.
38-2
HAUBAN — HAUBERGIERS
Dans le chapitre intitulé Cis titres parole des
mestiers oui hanhan doivent an Roy, le Livre des
métiers ' fournit une liste, d'ailleurs incomplète,
des métiers qui jouissaient de cette laveur. J y
ajoute la somme que payait chacun d eux et,
quand cela est possible, l'époque où ils s'acquit-
taient :
Baudrovers 3 sous. A la Saint-Martin
(11 novembre).
Boucliers 6 sous.
Boursiers 3 sous.
Cordonniers 3 sous.
Foulons 6 sous.
Fi-ipiers 6 sous 8 deniers.
Gantiers 3 sous 5 deniers. A la Saint-
André (30 novembre).
3deiiiers. AlaSainl-
Geniuiin (28 mai;.
(irefliers 3 sous.
Hi-auiniers 3 sous.
Maréchaux :
Si leur traruil est chez eux, 3 sous.
— — dans la rue, 6 sous.
Mégissiers 3 sous.
Pécheurs 3 sous. A la Saint-Martin.
l'fUt'tiers i\ sous 5 deniers. A la Saint-
André.
3 deniers. A la Saint-
Germain.
Kei^'ralliers 3 sous. A la Sainl-Marlin.
Sauniers 3 sous.
Sueurs 3 sous.
Talemeliers (5 sous. A lu Saint-Martin.
Tanneurs :
deux qui découpent le cuir, 9 sous.
— ne découpent pas le cuir, 0 sous.
'ri'iiihuitT- 6 sous.
Los ijfjinliers mentionnent encore le hauban
dans leurs statuts de 1656 : « Les maistres, y
est-il dil. seront tenus de payer tous les ans au
fermier du Roy nostre Sire le hautbant, c'est à
sravoir trois sols huit deniers au jour et feste
Saint-André d'yver ; et moyennant ce, ils seront
quilli'Z de tout ce qu'ils vendent et acheptent
ilépfiidiiMt df leur f>>lal. car h' hiiiilliaiil It^s (;n
iicquilli' - )•.
Li's pclb'ljcrs au^si conservi'renl, et même
jus(ju'ii la RévoluliDU , la qualification de
hauhuHirrs. alors que les métiers qui avaient
jadis fil diiiil à ce titre y avaient depuis
|nii^t»'m|)> ii'iioiicé.
Haubaniers. On donnait ce nom au\
comiiirrraiiN cl aux iiiélit-rs (pii jouissaient du
droit (!«• Iiaiiban.
l'ii dnriiiiifiil d<' ir)H(t rci-il liii ull-ha ,i il ins.
Voy. Hauban.
H ;m I .< rg-eniers «i Haubergeons (F.u-
.sKiHs KK . \ oy. Haubergiers.
' l>"Mixn>nio parlif, lilro VIII.
Haubergiers. Fabricants de hauberts ou
cottes de mailles.
Au treizième siècle, l'armure de mailles, peu
à peu perfectionnée et complétée, couxTe entière-
ment le chevalier. Elle approche de la perfection
vers la fin du quatorzième siècle : on fit alors des
vêtements d'acier à doubles et à triples mailles,
à enchaînement d'anneaux accouplés, qui avaient
le défaut de revenir fort cher, mais qui unissaient
à la solidité une souplesse extrême et une assez
g^rande légèreté, puisque l'armure complète, à
l'épreuve de tous les traits alors en usage, ne
pesait pas plus de douze à quinze kilos.
Les haubergiers soumirent, vers 1268, leurs
statuts à riiomologation du prévôt de Paris ^.
Ces statuts sont peu détaillés, maison y voit que,
comme tous les corps d'état qui servaient les gens
deguerre, les haubergiersjouissaientde nombreux
privilèges. Leur métier était libre, ils n'avaient
donc rien à payer pour s'établir. Ils pouvaient
tenir un nombre illimité d'apprentis et travailler
à la lumière. Enfin, ils étaient exempts du service
du guet, « quar li mestiers est pour servir che-
valiers, escuiers et sergens, et pour garnir
chastiaux ».
Au treizième siècle, le centre de la fabrication
des ouvrages de mailles était la ville de Chambly,
près de Beaumont-siir-Oise. Monstrelet l'appelle
déjà Chambly-le-IIaubergier. nom qu'elle conserva
longtemps encore après qu'on eut cessé de porter
lies armures de mailles. Les haubergiers de Paris,
qui soutenaient mal cette concurrence, firent
reviser leurs statuts au mois d'avril 1407 ^. Ils
y représentaient au roi que le métier était
tléshonoré par plusieurs individus arrivés à la
maîtrise sans apprentissage régulier ; « on
voit, disaient-ils , pendre aux fenestres de leurs
hostelz ^ enseignes et bannières paintes, faisant
démonstracion que telz manières de gens sont
ouvriers dudit mestier de haubergerie, dont ils
ne sçavent rien ». Bien plus, ils vendaient des
(;olles de fer pour des cottes d'acier, de mauvais
haulierts d'Allemagne pour de fins hauberts de
Londjardic '*. Trois jurés, élus par les maîtres et
confirmés dans leur mandat parle prévôt de Paris,
furent désormais cliargés de surveiller la fabri-
cation et de soumettre à un sérieux examen tous
les ouvriers désireux de s'établir ; après cette
épreuve seulement il leur était permis de « mectre
à leur huys ^ perche ou autre chose à laquelle ait
peiubie *' haubergerie ». En outre, tout objet dut
porter la marque du maître qui l'avait fait, et
celui-ci était tenu, avant de conclure un marché,
de déclarera l'acheteur si le haubert proposé était
de fer ou d'acier.
Ces précautions irarrètèrent pas la décadence
de l'armure de mailles, qui, cinquante ans plus
tard, avait fait place à l'armure de plates. Toute-
fois, piiidiinl longtemps encore, le mot hauber-
' Litre (les me/ierx, titro XXVI.
2 Ordonn. royales, t. IX, p. 20ô.
'' Aux tj()iiti([U(>s do leurs maisons.
* Préambulo.
■' .\ leur porte.
^ Soit pcndui'.
HAUBERGIERS
HERAUTS DARMES
:}8;{
gerie désigna Tensemble du harnais de guerre.
La corporation dos liaiiljerg-iers, dits aussi //i'/7<(5«--
geniers, faiseurs de lumhergeons (petits hauijt'rls),
mailliers, etc., s'éteignit donc peu à peu, et elle
finit par se fondre avec celle des chaînetiers, qui
prirent alors le titre de chniietiers-hauhergeniers.
Hault-banniers. Voy. Haubaniers.
Haut-à-bas. Surnom donne anx Forte-
balles.
Hautboïstes. Faiseurs et joueurs de haul-
bois. Au dix-huitième siècle, le sieur Thiriot,
demeurant rue Dauphine, jouit d'une grande
renommée comme facteur de liauthois. Il appar-
tenait à la corporation des luthiers.
Haute-justice (Exécuteurs de la). Voy.
Bourreaux.
Haute-lisseurs et Haute-lissiers. Voy.
Tapissiers.
Hautes-œuvres (Exécuteurs ou maî-
tres des). Voy. Bourreaux.
Havag"e (Droit de). Droit qu'avait le
liourreau de prendre aux marchands une poignée
des o-rains et léo-umes verts amenés à la halle.
Dès l'ouverture du marché, il arrivait, suivi de
ses valets, et allait prélever sur chaque vendeur
son droit de halage. Toutefois, dit X Encyclopédie
méthodique *, « à cause de l'infamie de son emploi
et pour l'empêcher de mettre la main dans les
sacs, on a réglé son droit à une mesure de fer
blanc en forme de cuillière à long manche, avec
laquelle il puise les grains sans les toucher ».
Il venait, en effet, percevoir sa redevance en
personne, et à mesure qu'on l'acquittait, ses valets
marquaient le dos du payeur avec de la craie. Cet
usage subsista jusqu'à la Révolution, carLegrand
d'Aussy écrivait vers 1780 : « 11 y a encore beau-
coup de gens qui ont été témoins de ce fait ; et
moi-même, j'ai questionné à ce sujet plusieurs
hortillons - qui, sans être extrêmement âgés,
m'ont dit avoir été marqués ainsi pendant leur
jeunesse ^ ».
Havée en vieux français signifiait poignée,
morceau, etc.
Voy. Bourreaux.
Heaumiers. Fabricants de heaumes. Le
heaume était l'armure de tête des chevaliers. Une
fois son heaume bouclé après le haubert, l'homme
d'armes ne pouvait plus guère lever ni baisser
la tête, et il ne lui était plus permis de respirer
que parles trous percés devant la bouche, devoir
que par les œillères, d'entendre que par les ouïes.
Au treizième siècle, les heaumiers formaient,
avec les maréchaux ferrants, les greffiers et les
vrilliers une seule corporation, qui soumit ses
statuts à l'homologation du prévôt Etienne
Boileau *. On y voit que le roi avait donné la
1 Commerce (1783), t. Il, p. 527.
2 Maraîchers.
^ Vie privée f/es François, édit Roquefort. I. I. ji. 103.
* Livre 'les métiers, titre XV.
justice professionnelle et les revenus de ce métier
au premier maréchal ferrant de son écurie. C'est
donc à lui qu'il fallait acheter le droit de s'établir.
Les heaumiers jouissaient du hauban. Ils pou-
vaient avoir un nondire illimité d'apprentis et
travailler à la lumière. Chaque maître payait, à
la Pentecôte, six deniers pour sa quote part de
l'impôt dit des fers du roi ^ .
La Taille de 1202 cite sept hiauïiiiers, celle de
1300 en mentionne huit.
La corporation ne tarda pas à se fondre dans
celle des armuriers, qui prirent alors le titre
d'armuriers - heaumiers . Une ordonnance de
1562^ prouve que, dès l'année 1409, celte
réunion était effectuée.
Héberg-eurs de messag-ers. .le n'ai
trouvé cette profession mentionnée ({ue dans la
Taille de 13l:i\
Voy. Messagers.
Heiduques. Valets habillés a la hongroise.
Ils datent de la fin du dix-septième siècle,
époque où des prisonniers hongrois s'attachèrent
au service de quelques grands seigneurs français.
Au dix-huitième siècle, ce n'étaient, le plus
souvent, que de solides gaillards armés d'un sabre
et vêtus à la hongroise. Ils se faisaient surtout
remarquer par leur coiffure, haute de quarante
centimètres et dont les boursiers avaient la
spécialité. Ces bonnets, ornés de galons et de
panaches, se terminaient par une longue queue
qui retombait sur l'épaule droite '*.
Hellebic. Voy. Hallebic.
Héminag'e. Droit prélevé en nature par le
seigneur sur le blé vendu. Il était ainsi nommé
des mots mine ou hémine qui désignèrent pendant
plusieurs siècles la mesure la plus utilisée pour
les grains ^ .
On écrivait aussi éminage.
Hémineurs. Voy. Mesureurs.
Hennapiers. Voy. Hanapiers.
Hénoards. Voy. Porteurs de sel.
Hénouars et Hénouarts. Noms que
l'ordonnance de février 141.5 et celle dite des
Banaières (1467) donnent aux porteurs de sel.
Hérauts d'armes. Le roi d'armes se
nommait toujours Montjoie-Saint-Denis. Les
hérauts d'armes portaient le nom de diverses
provinces. Trabouillet décrit ainsi leur office :
« Le Roy et les hérauts d'armes sont vêtus aux
cérémonies de leurs cottes d'armes de veloiu's
violet cramoisi, chargées devant et derrière de
trois fleurs de lis d'or, et autant sur chaque
manche, où le nom de leur province est écrit en
broderie d'or. De plus, le roy d'armes Mont-joie
1 Voy. ci-dessu.s le.^. articles Fers du roi et Hauban.
2 Dans YonieLnon, Érlits et orilonnnances, t. I, p. 1128.
•t Voy. page 104.
''■ Knn/rlopé'lic métlii>iliiiiii\ iiiaiiufaclures. t. I. p. SS.
'<> Cnrtulnire île Sniiit-Pérc ilr (Viarire.s. t. I, p. (IXI.I\ .
384
HÉMUTS DARMES — HERCULES
Sainl-Denis, met une couronne roïale au dessus
de ces fleurs de lis. Ils portent une toque de
velours noir, ornée d'un cordon d'or, et ont des
hrodequins pour les cérémonies de paix et des
bottes pour celles de guerre. Ils sont revêtus, aux
p..nipes funèbres des rois et des princes, par
dessus leur cotte d'armes, d'une longue robe de
deuil (rainante, et tiennent un bâton, dit caducée,
couvert de velours violet et semé de Heurs de lis
d'or en broderie. Ils portent aussi la médaille du
Roy pendue au col.
» Les poursuivans d'armes, quoi qu'ils soieni
liabillés presque de même façon, ne portent point
de bàlon, n'ayant rien à commander, et n'étant
que comme les aides des liéraults d'armes.
» Leur fonction ^ est d'aller dénoncer la guerre.
et sommer les villes de se rendre ; de publier la
paix ; d'assister aux sermens solennels, aux
Étals-généraux, aux juremens de paix et aux
renouvellemens d'alliance : au sacre, où ils
font largesse au peuple de pièces d'or et d'argent ;
de se trouver aux pompes funèbres des rois, des
reines, des princes et des princesses du sang.
» Ils marchent devant le Roj, lorsqu'il va à
l'oil'rande le jour de son sacre. Ils assistent aux
mariages des rois et des reines, aux cérémonies
des chevaliers du Saint-Esprit, aux festins
royaux, comme aussi aux baptêmes des Enfans
de France, où ils font largesses de pièces d'or et
d'argeul. .\ux obsèques des rois, dans la chambre
(hi lit «le parade où le corps du défunt ou son
effigie paniît, il y a toujours deux liérauts
d'armes, fjiii se lieiuienl jour o[ nuit au pied du
lit (le parade, et qui présentent le goupillon aux
princes, prélats et autres de la qualité requise
qui viennent jeter de l'eau bénite. Ils font aussi
d'autres fonctions aux funérailles - ».
Herbières. Récolteuses, vendeuses d'her])es.
Herboristes. La Taille de 1292 cite
7 trhi'-rs, qui- l'un peut considérer comme les
aii<-»Hres de nos herboristes. A celle époque, on
h's voyait parfois attirer la foule dans les carre-
frtuiN, autour d'un tapis bariolé, et débiter h'urs
simple-; à gniud renfort de hâbleries •''.
Ils ne se bornaient pas à cela, car les statuts
d»' la I-'acullé (h- iiiédcriiie en 1281 et le concib'
d'.\vigiioii en VXM s'élevèrent contre l'ingé-
rtMKM- (Ifs apothicaires et des herbiers dans l'art
iihmIIchI. Ils iiiti-rdireiit à ces derniers d(; visiter
iiuciiii malade, iiKinie de fournir aiiciiii rcnK'dc
altérant ou laxatif sans ordonnance de médecin *.
N'Mis n'en voyons pas moins Perronnellc.
riierbière, appelée en ctmsultalion •"' de Paiis à
(ionllnns par la c.onilcsse Mahaut d'.\rt()is ". La
«•rporalion, si bien sontenue, empiète de plus
en pins sur le domaine médical. .Vu quatorzième
• C'i'll»» fil"» liérniiLs d'nrmps.
' Trnliouilict, J^lal itt la Frante pour 17 É2, l. I, p. r>7().
•'' Hililiolli. iiiitionnlc, ninnu.scht français n» 163."),
r» 80. Voy. nu-H-si \. JubinnI, Œiirres de liiilebeiif I II'
r- f>J."< • III. p. 182. ''
\'>y. ('•\\"n\'-\, Ktxni historique mir In iiirilirliir i. X'^H
^ .Xiiiif." i:jMt. ' '
«.I M H„I,.M,I Mahaul, comtesse 'fAr/ois, p. 155.
siècle, les herbiers ne se contentent pas de
débiter des simples, une ordonnance d'août 1IJ53
leur reconnaît le droit de préparer des emplâtres
et des clystères ; on leur demande seulement
d'administrer ceux-ci « bien et loyaumenl », et
d'avoir toujours dans leur officine du « sucre
bon et convenable ^ ». Ils restaient d'ailleurs
dans la dépendance de la Faculté, puisque, avant
d'exercer, ils devaient prêter serment entre les
mains du doyen '^.
Ce serment fut supprimé ; mais, au dix-hui-
tième siècle encore, les herboristes n'étaient
admis à exercer qu'après avoir « été examinés
sur la connoissance des plantes et racines qui
sont en usage dans la médecine •' ». U Almanach
IJaitphin cite les deux principaux herboristes
établis à Paris en 1777 :
« Favier, botaniste suisse, rue Baillette ^. tient
assortiment considérable de plantes balsamiques
de Suisse, propres à la guérison de plusieurs
sortes de maladies.
GiLLOT fEdme), rue de l'Arbre-Sec, au coin
de celle Baillette, distribue à un prix modique
la plante que les botanistes nomment thlarpi ^
champêtre, qui délivre absolument et sans retour
de l'incommodité des punaises ».
Pendant longtemps, le mot arboristes a dési-
gné tout à la fois les pépiniéristes et les herbo-
ristes. Ces derniers sont encore dits parfois
coupeurs de racines, cueilletirs cP herbes, etc.
Hercules. Dans les théâtres forains, person-
nages qui avaient la spécialité des tours de force.
Celui qui s'exhiba en 1714 à la foire Saint-Lau-
rent paraît n'avoir guère été surpassé, au moins
pour la hâblerie. D'une main, il soulevait et
tenait suspendu en l'air un cheval et son cava-
lier. Il s'étendait entre deux chaises, la tête sur
l'une, les talons sur l'autre, et ainsi placé, il
su[)portait sur son ventre cinq ou six hommes
fort lourds. On lui mettait sur la poitrine une
enclume pesant 600 livres, et sur laquelle deux
maréchaux brisaient une épaisse barre de fer.
Deux chevaux attelés à sa personne ne pouvaient
le faire bouger. Le propectus que je copie ''
ajoute : « et en cas que l'on dise que les chevaux
que l'on attache peuvent estre instruits à ne pas
tirer, les personnes de qualité ([ui en ont de
vigoureux peuvent les faire venir pour s'en servir
et oster tout soupçon ». Notez que tous ces enga-
gements étaient pris <.< par permission du Roi et
de monsieur le lieutenant général de police ».
Je mentionnerai encore l'hercule qui attirait
la foule chez Xicolet en 1782. Il soutenait sur
son dos le poids d'inie table cliargée de dix-sept
hommes, dniil un gi'anl de dix-sept pieds et
demi : jjhis lai'd. le géfint fut remplacé par trois
lionnues de taille oi'diuaire. ce qui porta à vingt
' Dans I''oiiliiii(in
2 Clu.mel, p. i:n.
•"• Abbù .laubert, t. II, j
i \\w Hail!<-t.
•' Sans cloute li- thiaspi.
'" Hibliolhèquc Mazarine
j2'' pièce.
Eilils et ordonnances
393.
IV
p. 1139.
recueil ii" A 15561
HERCULES — HERNIAIRES
2Sl
le nombre des individus en équilibre sur la la])lt\
Le chirurgien, J.-J. Sue, «rrand-père du roman-
cier , crut devoir conduire ses élèves chez
Nicolel pour leur faire admirer la structure de
cet athlète * .
Il paraît que les femmes fournissaient aussi
des hercules. Un ^uide de 1707 fait fin;nrer les
FEMMES-FORTKS parmi les bateleurs qui émerv<'il-
laient alors Paris. On les voit, écrit-il, porter des
poids de cent jusqu'à deux cents livres avec leurs
cheveux ; marcher nus pieds sur des charbons
ardents ou sur du fer ciiaud ; « enqjoigner ù
main nue des barres de fer rouge et endurer
dans la bouche du plomb fondu, en se frottant
auparavant les pieds, les mains et la bouche d'une
huile et autres liqueurs d'une composition
incombustible. On les voit pour le même prix et
aux mêmes endroits que les marionnettes ^ ».
V03'. Bateleurs et Femmes à barbe.
Herniaires. La réduction des hernies fut
durant bien longtemps réservée aux inciseurs,
qui, avant le seizième siècle, avaient déjà fait
une étude assez sérieuse de cette affection. Dès
1556, on en trouve huit espèces différentes de
hernies décrites dans un volume ■* publié par 1«;
plus savant anatomiste de France après Paré,
Pierre Franco, qui n'était pas chirurgien, pas
même barbier, mais simple inciseur. Au siècle
précédent, Marco Gatinaria, médecin de Pavie,
s'était appliqué à la cure des hernies, et il célèbre
les heureux effets des brajers que fabriquait un
forgeron de ses amis.
Brayer était alors, et resta jusqu'au dix-hui-
tième siècle, le nom donné aux bandages her-
niaires ; et, comme leur armature était revêtue
de peau de chamois, les ouvriers employés à
cette fabrication faisaient partie de la corporation
des boursiers. En vertu d'une fondation spéciale,
les religieux du couvent des Grands-Augustins,
situé sur le quai de ce nom, distribuaient pour rien
des bra^'ers aux pauvres gens affligés de liernies.
Celles-ci furent d'abord appelées /;a;y«É'5. « Ce
mot de hargne, écrit And)roise Paré, a esté donné
à ceste maladie, parce que ceux qui en sont vexez,
par la douleur qu'ils sentent, coustumièrement
sont hargneux , c'est-à-dire mal-plaisans et
criars * ». Ménage nous apprend que « plusieurs
disent hargne^ mais le bel usage est pour
hergne ^ ». Furetière, en 1701, veut que l'on
écrive hernie et que l'on prononce hergne ^. Enfin,
suivant le Dictionnaire de Trécoux en 1771,
« on dit hernie et jamais hergne '^ ».
Vers la fin du dix-septième siècle un sieur
Trimont de Cabrières, prieur de Saint-Geniès
de Malgoires, confia à Louis XIV un remède
infaillible pour la guérison des hernies. Il con-
sistait tout simplement en un mélange d'esprit
1 É. Campardon, Les spectacles de la foire, t. I, p. 396.
2 Jèze, État de Paris, édit. de 1757, p. 179.
3 Petit traite' contenant une des parties de la chirtirijie,
laquelle les cliirurr/iens-lierniers exercent.
i Œuvres, p. 303.
o Dictionnaire étymologique, ji. 398.
6 Dictionnaire universel, au mot Hernie.
' Tome IV, p. 804.
de sel ' et de vin rouge, dont on stimulait l'action
par l'emploi d'emplâtres astringents. Le roi
s'était engagé à ne révéler la composition de ce
spécifique qu'après la mort du prieur ; il le pré-
parait donc de ses propres mains, afin d'en fournir
aux malades.
« Ce fut [)iiur lors, écrit Dionis-, (ju'im dé-
couvrit combien de gens étoient affectés de
descentes, par le grand nombre de ceux qui
venoient demander ce remède. On s'adressoit au
premier valet de chandjre du Roy en quartier,
on lu y donnoit un pflit billet de l'âge de celui ou
de celle qui avoit besoin du remède. Quelques
jours après, on retournoit quérir un pi-lil panier
d'ozier, dans lequel il y avoit trois bouteilles de
chopine chacune pleine de vin mélangé, dont
on prenoit pendant vingt et un jours. Il y avoit
aussi dans ce panier des emplâtres convenables
et particuliers à cette maladie. De ceux qui ont
pris ce remède, les uns ont assuré d'en avoir été
guéris ou soulagez, les autres ont dit qu'il ne
leur avoit rien fait. Je conseilleray néanmoins
de s'en servir, car quoique le bandage aidé de
l'emplâtre astringent suffise souvent pour la
cure de cette infirmité, il est vray toutefois que
l'esprit de sel mêlé dans le vin ne peut faire que
du bien ».
N'en déplaise à Dionis, ce remède devait être
tout aussi efficace que celui dont certains char-
latans préconisaient l'emploi, et qui consistait à
« fendre un chêne et faire passer trois fois le
malade dedans ^ ».
Les statuts accordés aux cliirurgiens en 1699
et en 1768 réglèrent la condition des membres
de la communauté qui se consacraient spécia-
lement à la cure des hernies. Les statuts de 1768
leur défendent de prendre tout autre titre que
celui (ï experts-herniaires. Pour être admis à
exercer, ils devaient avoir servi pendant deux
ans, soit chez un chirurgien, soit chez un expert
herniaire, et subir deux examens au collège de
chirurgie en présence du do^'en de la Faculté de
médecine. En 1699, ils ne pouvaient « faire
aucune opération ni incision, mais seulement
l'application des bandages », interdiction stipulée
d'une manière moins formelle dans les statuts
de 1768.
Il y avait à Paris en 1760 trois chirurgiens
faisant de la cure des hernies leur spécialité, et
dix-sept experts-herniaires reçus à Sainf-Côme,
parmi les([uels on remarque deux « demoiselles * ».
Les plus habiles d'entre eux sont signalés en ces
termes dans un ouvrage publié en 1777 " :
<< Brogn.vri), rue de la Vieille-Monnoye. —
Inventeur de nouveaux ])andages élastiques très
doux et très commodes.
Dhiribaren, rue de la Harpe. — Elève du
sieur Sorray ^, est connu avantageusement par
' Acido ctilorhydriqiie.
2 Opérations de chirurgie., p. 269.
•'* J.-B. Ttiiers, Traité des superstitions, t. I, p. 383.
i Jèze, État de la ville de Paris, etc., édit. de 1700, p. 5.
=> Almanacli Dauphin pour 1777.
6 Je le trouve nommé ailleurs Sorraiz, et 'jualifié de
« chirurgien espagnol ».
25
38G
HERNIAIRES — HONGROYEURS
une nouvelle niétliotle concernant la forme et
construction des bantiagres propres à la guérison
(les hernies.
JijviLLE, r7ie des Fossés-S'iint-Gfrmuin VAu-
xerrois, vis-à-vis la colonnade du Louvre. —
Indépendamment des différens bandantes dont il
lait usage, il donne avis qu'il vient d'en inventer
un. d'une nouvelle construction, pour les hernies
ventrales et ombilicales, dont la méchanique, qui
est très simple, n'a pas une ligne d'épaisseur.
Marchais, carrefour de V École. — Chirurgien
en charge de Mgr le comte de Provence, expert
pour les descentes.
Rose, rue Saiiite-Margucriie, i'auxituurg Saint-
Germain. — Expert reçu à l'école de chirurgie,
un des plus habiles pour la construction des
Ijandages élastiques pour la guérison des hernies
uu descentes ».
Herniers «i Hernistes. .Même sens que
Herniaires.
Herpeurs. \ Ov. Haï-peurs.
Heures. Dans le Lirre des métiers et dans
les ordonnances du moven âge, les heures sont
souvent rlésignées par les sonneries des églises et
(les couvents.
.\u Irei/ième siècle, les clociies sonnaient :
Mntines, à minuit.
Jjinul^s. à trois heures ibi malin.
l'riiiie, il six heures.
Tierce, h neuf heures.
Sexir. à midi.
\<i/ie, à trois heures.
lèpres, à six heures.
Complies^, à neuf heun-s.
("étaient là les heures canoniales observées
partout. Mais il y avait, en outre, dans chaque
église, dans chaque couvent, d'autres offices
annoneés aussi par le son des cloches, et dont
riii-un- était bien c(jnnue des liabitants du quar-
li<T. On les munnut un peu plus tard les petites
heures. Le samedi, par exemple, les fileuses de
suie cessaient leur travail en hiver à six heures,
et en été « puis que le ausmone estsonée à Saiul-
Marlin des (ihamps* >.. Les meuniers ne devaient
pas uKiudre le dimanche depuis '< que li eaue
iieiKtile of faite à Sainl-Lieirov ^ dessi iiddiil *
qiK- l'on sDiic vespre •"'». dette bénédirlioii de T. •au
'■"I "> 'rémniiic (|ui préci-dc hi «i-i'aiHrni.'ssc.
Tliiiuiniors. \nv. Heaumiers.
Hieurs. La liir est un « jijlldi d,. buis (jui
srrl a riifuiiccr (h's pavés uu des pilotis, cl qui
se nomme aus>i deimiselle dans le premier de
ces deux tivnges, p( „,û„ion dans le second " ».
' N i.i_) . lllU.-- l•|■.^ lllul.s.
' Litrt dtt métiert, tiln- XX.W , mi. :i.
^ U ohnpi'l!.- Sninl-lA'ufroi, siu,,.,- •, IViiliw du P.jut-
ati-Clinnf»!'.
* Ju!«(|llVl 00.
S l.irrt des métiers, titre H, ail. 3.
* I.itln-, Dirlionnaire.
Celui qui s'en sert est un hieur *. "Le Journal d'' un
bourgeois de Paris sous Charles VI raconte qu'en
1413, lorsque l'on commença la construction du
pont Notre-Dame, le roi « frappa de la hie sur
le premier pieu et le duc de Guienne, son aisné
fils après... - ».
Vov. Sonneurs.
Historieurs. Nom souvent donné aux
enlumineurs. Aux treizième et quatorzième
siècles, les livres illustrés, ornés de miniatures,
étaient dits historiés.
Hommes (Marchands d'). Yoy. Recru-
teurs .
Hom.m.es d'affaires. « Agents des riches
bourgeois qui ne peuvent ou ne veulent pas se
donner la peine qu'exige d'eux la culture des
biens, ou qui n'ont pas assez d'intelligence pour
faire valoir leurs terres ». Ce mot était donc alors
synonyme de régisseitr. L'abbé Jaubert, à qui
j'emprunte cette définition ajoute : « L'homme
d'affaires fait à peu près les mêmes fonctions
chez le bourgeois que l'économe ou le procureur
dans les monastères, et l'intendant dans les
Grandes maisons •' ».
o
Voy. Agents d'affaires.
Hom.m.es de cliam.bre. Voy. Valets
de chambre.
Hom.mes de confiance. Voy. Domes-
tiques.
Hommes de peine. Ils apparlenaient à la
classe àe^ (iagne-de>iiers'^ , et avaient pour patron
saint Christophe.
Hongrieurs. Voy. Hongroyeurs.
Hong'royeurs. L'art de hongroyer le cuir
serait, dit-on, originaire du Sénégal ; il aurait
été apporté en Europe vers le milieu du seizième
siècle par un sieur Boucher, fils d'un tanneur de
Paris. Nous voyons cependant, un peu plus tard,
Henri IV envoyer en Hongrie un habile tanneur
nommé Roze ou Larose, pour retrouver ce secret,
qui sans doute avait été perdu.
Aussitôt de retour. Rose établit une manu-
facture (le cuirs hongroyés, mais, comme beaucoup
d'autres créations de ce genre, celle-ci ne paraît
pas avoir survécu au règne de Henri IV.
En etfet, par lettres patentes du 5 juin lôfifi,
Louis XIV accorda à un sieur Bonnet le privi-
lège de ce procédé de tannage, « à cliarge par
lui de faire des apprentifs pour rendre le secret
public après douze années ; lesquels apprentifs
seront receus et admis aux maistrisesde tanneurs
et corroyeurs dans les formes ordinaires ». C'est
au mois de novembre 1680 (pie la nouvelle com-
munauté reçut ses statuts. Elle était composée
si'ulcmciil (je douz(! maîtres appelés hongrieurs.
' I)uc;in{Ti% G lossarium , au mut Itiiilnr.
~ Éiiil. Tucley, p. 31.
3 Al)l)c .laiibert, Dictionnaire, t. II, pi 396.
* \ ov. ce mot.
HONGROYEURS — HORLOGERS
387
« Les douze maîtres hongrieurs, dit l'article l^'',
élaboiirreront, appareilleront et passeront les cuirs
en la véritable manière de Hon|j^rie ». {]liacun
d'eux put avoir à la fois quatre apprentis, dont
le service était fixé à quatre ans et devait être
suivi de deuxansdecompa<^nonna<j;'e. L'article 10
statue que « le sel de morue nécessaire pour
perfectionner le cuir de Honn;rie sera déposé dans
un g'renier à part, et fourni de temps en tem|)s
aux jurés honij^rieurs. Deux jurés administraient
la communauté, dans laquelle pouvaient être
incorporés les maîtres tanneurs, qui prirent dès
lors le titre de tanneurs-hongroyeAii's.
En 1698, une manufacture s'établit à vSaint-
Cloud, près Paris. P]lle se transporta ensuite dans
le faubour'»;' Saint-Antoine ; mais les jardiniers
du voisina<i,-e prétendirent que des eaux polluées
sor tant de la fabrique contaminaient leurs léo;umes.
Il fallut donc déméuao;'er encore. Cette fois, le
métier trouva asile à Saint-Denis, et tous les
produits qui en sortirent portaient ces mots
imprimés en creux : manufacture royale de cuir
de Hongrie de Saint-Denis.
En 1716, les bourreliers obtinrent le droit de
hong'royer les cuirs dont ils se servaient. Peu
après, la fabrication fut déclarée libre ^ .
Les liongroyeiirs s'étaient placés sous le patro-
nage de sainte Elisabeth.
Honouarts. Voy. Porteurs de sel.
Hôpital-Général (Maitre.s de l'). En
vertu de Tarticle 55 de l'édit d'avril 1658, chaque
corporation était tenue de fournir, lorsqu'elle en
était requise, deux compagnons pour enseigner
leur métier aux enfants élevés dans cet hôpital.
Après six ans de séjour, ces compagnons rece-
vaient des lettres de maîtrise, sur un certificat
signé des administrateurs.
Hoquetonniers. Faiseurs de hoquetons.
On appelait, au treizième siècle, hoqueton,
auqueton, gambeson, gambaison ou cotte gam-
baisée le doublet^ destiné aux hommes d'armes.
Il se portait sous le haubert ou cotte de mailles
et était fortenient rembourré de ouate. C'est même
de là qu'il tirait ses différents noms ; gambois ou
gambais en vieux français signifiaient bourre, et
les statuts donnés aux pourpoinliers en juin 1323
leur enjoignent de mettre au moins trois livres
de coton dans chaque hoqueton. Le hoqueton,
toujours piqué et rembourré, devint par la suite
un vêtement de dessus à l'usage des militaires et
des civils, des femmes comme des hommes.
La Taille de 1292 mentionne quatre aiique-
tonniers, les recensements de 1300 et de 1313 n'en
citent aucun, probablement parce que cette petite
communauté était déjà réunie soit aux coute-
pointiers, faiseurs de couvertures piquées, soit
aux pourpointiers.
Voj. Tailleurs.
1 Jaubert, Dictionnaire, t. II, p. 397. — Lalamle,
Art (le r honijroijeur , dans .I.-E. Bertrand, Description des
arts et métiers, t. III, p. 380. — J. (^uiclierat, Histoire
du costume, p. 447.
2 Yoy. ci-dessus lart. Doubleliers.
Horlogers. Le roi (Charles V, qui possédait
un salilier et (rois liorloges *, eut, vers 1370,
l'ich'e d'établir au centre même de Paris, dans
une des tours du Palais, une jurande horhjy-e
sonnante qui put fournir l'heure à toute la viRe.
Mais il n'existait alors en France aucun ouvrier
capabb; de UKîuer à Ijien un tel travail. Le roi
appela donc d'Allemagne un liabile liomme
appelé Henri de Vie ; il le logea dans la tour
même et lui accorda six sous parisis par jour
pour ses honoraires. Henri de Vie employa huit
années pour parfaire son œuvre, dont l'historien
Froissart nous a conservé la description ^.
Quelque grossier qu'en fût le mécanisme, les
résultats qu'il donna excitèrent un vérital)le
enthousiasme, et Charles V fit construire de
semblal)les horloges au château de Vincennes
qu'il venait d'achever, et à l'hôtel Saint-Paul,
vaste résidence où il allait oublier les soucis de
la royauté.
La construction des horloges reçut d'im-
portants perfectionnements durant le seizième
siècle, époque où l'on vit apparaître les réveils et
les montres. Jusque-là, la fabrication des
instruments destinés à mesurer le temps était
restée libre, mais elle s'était tout naturellement
concentrée entre les mains de quelques ouvriers
habiles à travailler les métaux. On lit, en effet,
dans les Comptes de l'hôtel ^, à la date de 1380 :
« A Robert d'Oregny, fèvre ^, pour appareiller
l'oreloge du Roy qui estoit despécié, 16 s. p. » ;
et dans un compte de 1407 : « A Jehan d'Ale-
maigne, serrurier, pour un mouvement ou petite
orloge acheté de lui pour mettre en la chambre
de Madame ^.
En 1544, sept industriels qui avaient fait de
la fabrication des horloges leur spécialité, présen-
tèrent requête à François l^'', le suppliant de les
constituer en communauté. Ils exposaient au roi
combien il était nécessaire « pour le bien public,
qu'il y ayt personnages expers, cognoissans et
sachans seurement l'ouvrasse etbesoyfue ou art et
mestiers de l'orlogeur, et qu'ilz facent iceulx
ouvrages de bonnes matières et étoffes ". »
Des lettres patentes, datées de Saint-Maur-des-
Fossés et accordées au mois de juillet, donnèrent
ainsi satisfaction à la demande des horlogers :
La durée de l'apprentissage était fixée à six
ans.
Chaque maître ne pouvait avoir à la fois plus
d'un apprenti. Il lui était cependant permis d'en
prendre un second quand le premier avait achevé
sa quatrième année d'apprentissage.
Avant d'engager un apprenti ou un ouvrier
ayant déjà servi, il fallait s'assurer que leur
dernier maître n'avait pas eu à se plaindre d'eux.
Tout compagnon, avant d'être admis à la
maîtrise, devait parfaire le chef-d'œucre. Les fils
1 Inventaire des meubles de Charles V, n^^ 2120, 2332
et 3067.
2 Voy. A. Seheler, Poésies de Froissart, t. I, p. 58.
3 Publiés par Douët-d'Arcq, p. 176.
4 Terme générique qui désignait tous les ouvriers
travaillant les métaux.
5 De Labordo, Xotice des émaux, t. II, p. 41.">.
6 Matières premières.
388
HORLOGERS
(le maître étaient astreints seulement a 1 expé-
rience, épreuve beaucoup moins compliquée.
Tout maître devait tenir « boutique et
ouvrouer * ouvert répondant sur rue ».
Les maîtres pouvaient seuls « faire horloges ou
réveils matin, montres grosses ne menues, et
autres ouvrages dudil mestier d'orlogeurs ».
Chaque maître était tenu d'appliciuer sur tous
les objets fabriqués par lui une marque spéciale
et personnelle.
La corporation était administrée par deux
jurés, élus pour deux ans.
Ces premiers statuts furent confirmés sans
cliangements par Charles IX en novembre 1572,
et vingt-quatre ans après, le nombre des
hoHogers établis à Paris était de vingt-deux^.
Dès le milieu du seizième siècle, on voit les
montres alïecler les formes les plus diverses. On
les lit rondes, ovales, hexagonales, rectan-
gulaires, sphériques ; on leur donna l'apparence
d'une coquille, d'une étoile, d'un livre, d'une
olive, d'un cœur, d'une tleur de lis, d'un gland,
d'une poire, fl'une tête de mort, d'une croix de
Malle ou d'une croix latine ^. Bijoux destinés
à faire partie de la toilette et à rester en vue, on
eut des montres couvertes de iines miniatures,
des montres de crislal, d'argent émaillé, de
vermeil et d'or ''. I.i's grandes dames, les
gentilsliommes porlaii-nt leur monire pendue au
cou [lar un cordon ou une chaîne, et étalée sur
la poitrine. Lestoile raconte, à la date du 3 mars
1588, '< qu'un jeune garson de Normandie, aiant
fsié surpris, (•niipanl la monsire d'orloge d'un
gcnlilininimi'. ((n"il pdclait an col >>, fut aussitôt
pendu.
VjW général, ces montres variaient à peu près
d'un quart d'heure par jour. On en fabriqua de
>i pi-lilcs, que les femmes s'en servaient comm»!
pendants d'oreilles ■'.
l']n l<i4(i. les horlogers rédigèrent de nouveaux
.sljiluts. (|ui leur furent acconb's par lellres
patentes du 20 février.
Les maîtres peuvent désormais avoir autant
d'apprentis qu'ils voudront, mais le nombre des
maîtres est limité à soixante-douze, et lorsqu'il
.se produit ime vacance, les fils de maître doivent
toujours être préférés aux autres apprentis.
La durée de l'apprentissage est fixée à huit ans
au lieu (l(^ six.
pour »Mre reçu maître avant l'exjjiration des
huit années, il fallait une décision royale. André-
Charles Caroii, père de Beaumarchais, devint
ainsi maître horloger sans avoir servi pentlant
le temps voulu C(uunu! apprenti. Dans la requête
qu'il adressji nu roi p(mr obtenir celte faveur,
il lit valoir son litre d'apostiit. Il ébiil en elVej
j»ro|..>|jinl, comme son |)ère Daniel Caron. hor-
logiT établi (I Lizv-sur-Ourc(|, et avait abjuré le
soriélr lie l/iis/oire île Pc
« AtplitT.
' ^^>y. !.. HuUtiui ,U- la
nnn6f 1885, p. Iftfl.
■» To.il,>s ro.s forn..«s .sont n.pn.s.nK'.os .Iniis la belle
.•..ll.-Hion .1.. n.«ntr.-,H qu'a n-uni- M p,,,,! Garnier
* \oy. If CntaloQ ' '
f\ siiiv.
ogue de la collection Sollykoff', p. Ul
J. Alexandn-, Traité général des horloges, p. 239.
7 rnars 1721. Beaumarchais naquit donc catho-
lique d'un père protestant rentré dans le giron
de l'Église ^.
En dehors de ses apprentis, chaque maître
pouvait avoir un alloué, engagé pour le temps et
aux conditions stipulés entre les parties.
Un compagnon n'était admis à changer de
maître qu'avec le consentement de celui qui
l'employait. S'il abandonnait l'atelier, il devait
sortir de Paris, et n'y rentrer que trois mois après.
Les jeunes gens ajant fait leur apprentissage
à Paris pouvaient seuls aspirer à la maîtrise.
Nul ne doit être reçu maître qu'après avoir
parfait le chef-cF œuvre . La nature i\\\ chef-d'œuvre
est déterminée par les jurés assistés des anciens ;
le moins compliqué qu'ils peuvent ordonner est
« une horloge à réveil-matin ». On entendait
par horloge à réveil-matin une montre sonnant
l'heure, la demie, et ayant en outre un réveil ^.
Les maîtres ne doivent employer aucun ouvrier
travaillant dans les lieux privilégiés ^, à moins
que ces ouvriers n'aient été reçus maîtres
horlogers de Paris.
La veuve d'un maître est autorisée à continuer
le commerce de son mari, mais elle ne saurait
avoir d'apprenti.
Les maîtres « feront dire et célébrer une messe
tous les premiers dimanches du mois, pour prier
Dieu pour la prospérité du Roy, de la Royne et
de Messieurs les Princes de leur bon Conseil ».
L'Italie et la Hollande se partagent la gloire
de la grande découverte qui créa l'horlogerie
moderne. C'est à Pise, en 1583, que Galilée
conçut la première idée du pendule ; c'est en 1657
que Christian Huygens, savant mathématicien
de La Haye, présenta aux Etats généraux de
Hollande la première pendule qui ait été cons-
truite. Un de ses compatriotes, nommé Fro-
mentil, transporta, peu d'années après, cette
invention en Angleterre *, d'où, perfectionnée
par la découverte des propriétés de la cyclo'ide,
elle arriva en France. On posséda, dès lors, sous
le nom de pendule, une horloge à peu près
parfaite, aussi parfaite que peut l'être une œuvre
humaine.
Les Martinot et les Bidault furent les chefs
de deux dynasties d'horlogers qui, pendant un
siècle et demi, occupèrent dans les galeries du
Louvre les logements réservés par le roi aux
plus habiles artistes de Paris. Un des Martinot,
attaché à la religion réformée, quitta la France
après la révocation de l'édit de Nantes, et fonda
à Londres une maison qui devint célèbre. En
1712, Louis XIV avait pour horlogers Louis-
Henry Martinot, Augustin-François Bidault et
Jérôme Martinot : ils servaient par quartier,
recevaient 395 livres de ffag-es,. dînaient au
château à la table des valets de chambre, et
1 \ oy. L. (le Lonu'iiie, Beniimarchals et son temps, t. I,
Ji. 21 et siiiv.
2 Claiule l^iiillard, Extraits des prindpnux articles des
statuts des maîtres horlogers de Paris, 1752, in-4'', p. 115.
3 \o\. ce mot.
* liOs prrmière.s jiondules qu'on y ait vues datent do
1GG2. N'oy. Derliani, Traité d'horlogerie, p. 171.
hori/kji<:ks — horticulteurs
389
entraienl cliez le roi avec les premiers g'entils-
hommes de la chambre. Chaque matin, pendant
qu'on habillait le roi, l'horloger de service
remontait et mettait à l'heure la montre qu'allait
porterie souverain '.
Les 26 juillet 1707 et 23 octo])re 1717, les
statuts (les horl(><>;'ers avaient ret;u quelques
modifications sans importance ; ils furent renou-
velés par lettres patentes du 30 mars 1719.
Leur principal objet- est de régler les droits
à paj'er pour l'enregistrement des brevets
d'apprentissage et pour la réception à la maîtrise.
Elles insistent aussi sur la nécessité du chef-
d'œuvre^ qui doit être exigé de tous les aspirants,
même des fils de maître, et qui consistera
désormais à exécuter <,< une horlo<>-e à réveil ou
répétition ». On espérait ainsi relever la fabrica-
tion française, que la révocation de Tédit de
Nantes avait ruinée -.
Vers 1718, un savant industriel anglais,
nommé Henri Sully, était venu proposer au
Régent d'organiser chez nous une école d'hor-
logerie. Le duc d'Orléans lui ayant promis son
appui, Sully se rendit à Londres, choisit une
cinquantaine de bons ouvTiers, pa^ya leurs dettes
et les amena à Versailles. Ils furent installés rue
de l'Orangerie, dans un grand hôtel qui porte
aujourd'hui les numéros 14 et 16^. Law, alors
à l'apogée de sa faveur, prit l'étal )lissement sous
son patronage ; Sully y fut logé, il y eut « un
maître d'hôtel, des domestiques, une chaise
roulante, etc. * ». Dès le mois de janvier 1719,
Law présentait au Régent la première montre
sortie de la nouvelle manufacture, dont le succès
semblait assuré. Elle ne survécut cependant pas
aux désastres qui suivirent la chute de Law.
Sidly, abandonné par son protecteur, céda aux
instances de l'ambassadeur d'Angleterre ; il
retourna à Londres avec ses ouvriers, et dans une
pièce publiée vers 1750, je lis encore cette
phrase : « Un cocher de fiacre ne porteroit pas une
montre qu'elle ne fût angloise ^ ».
Les horlogers étaient alors divisés en trois
classes : les horlogers-grossiers^ qui fabriquaient
les ouvrages les moins délicats, tels que tourne-
broches, grandes horloges d'église, carillons,
etc. ; les horlogers-penduliers^ et les horlogers-
menuisiers ; ces derniers, les plus habiles de la
corporation, avaient la spécialité des montres,
des pendules à équation, etc.
Vers la fin du dix-huitième siècle, le nombre
des maîtres était de 180 environ. Comme la
plupart des corporations appelées à travailler les
métaux, celle des horlogers avait pour patron
saint Eloi.
1 Trabouillet, Élat de la France pour 17 12, t. J,
p. 181 et 270.
- Voy. ei-dessus l'art. Édit de Nantes.
3 J.-A. Lerov, Histoire des rues de Versailles, p. 489.
4 H. Sully, "^Règle artificielle du temps, édit. de 1737,
p. 390.
^ Voy. Éd. Fournier, Variétés h'storiçues, t. II, p. 54.
— Des lettres patentes datées de Versailles, 17 janvier
1787, ordonnèrent la création d'une manufacture royale
d'horlogerie à Paris. V. Isambert, Anciennes lois fran-
çaises, t. XXVIII, p. 313.
Pendant tout le (li.\.-huitième siècle, les élé-
gants et les grandes dames portaient deux
montres ; souvent, l'une était en argent, et
l'autre en or *. Au commencement du siècle,
on pouvait se donner des airs de petit-maître
à peu de frais, en étalant sur le gilet le cordon
ou la chaîne retenus dans les goussets par un
oljjet quelconque ^. On dut ensuite exhiber les
deux montres ([ui. ornées de bruyantes bre-
loques 3, pendaient à découvert à droite et à
gauche, sur le devant de la cidotte ou de la
jupe *. Cette mode, précieuse pour les voleurs,
fut de longue durée. On en vint pourtant à
n'avoir qu'une montre et à la mettre dans la
poche ; mais les premières femmes qui se mon-
trèrent si sages « scandalisèrent autant que si
elles eussent fait une indécence » : c'est madame
de Genlis ^ qui le dit.
Au mariage des princesses, on voyait toujours
figurer dans la corbeille un grand nombre de
montres. La mariée n'en conservait que quelques-
unes, et offrait les autres à son entourage.
11 y avait cinquante et une montres dans la
corbeille de Marie-Antoinette **.
Les horlogers de Paris avaient pris pour
armoiries : If azur, à une fendule dor, accoste'e
(le deux montres dargent marqiie'es de sable,
armoiries qui sont ordinairement accompagnées
d'une devise un peu prétentieuse : Solis men-
daces argtiit horas. C'était sans doute là une
fière réponse à la phrase de Virgile :
Solem quis dicere falsuni
Audeat ? ^
Mais l'honneur d'avoir découvert les irrégu-
larités de la marche supposée du soleil n'appar-
tient pas aux horlogers : l'astronome Hipjjarque
les avait constatées un siècle avant la naissance
de Virgile. La vérité est que, en les supposant
ignorées, elles eussent été révélées le jour où
Huygens eut l'idée d'appliquer le pendule à la
marche des horloges.
Je trouve les horlogers nommés orluugeurs au
quatorzième siècle ; orlogeurs au quinzième
siècle ; com^oseurs doreloges au seizième siècle ;
liorlogextrs au dix-septième siècle; etc., etc.
J'ai donné ci-dessus page 13 la formule d'un
contrat d'allouage, et page 30 la formule d'un
contrat d'apprentissage concernant la corpoi'ation
des horlogers. *
Voy. Heures.
Horlog-eurs. Voy. Horlogers.
Horticulteurs. Ce mot ne figure pas
encore, en 1814, dans le Dictionnaire de V Aca-
démie. L'édition de 1835 l'accueille enfin 8. et le
i Lettres de la princesse Palatine, 7 juillet 1718 et
20 mars 1721.
2 Mémoires secrets, 12 janvier 1780, t. XV, p. 17.
3 S. Mercier, Tableau de Paris, t. X, p. 233.
* ^■()y. Reiset, Livre-journal de M"'^ Etoffe, t. I, p. 369.
5 Dictionnaire des étiquettes de la cour, t. I, p. 402.
S Description et relation de tout ce qui s'est passé. . . .
Biblioth. Mazarine, manuscrit coté 2937.
'^ Oéorgiques, lib. I, vit. 463.
8 Tome I, p. 902.
390
HORTICULTEURS — HOTTEUSES
définit ainsi : « Celui qui s'occupe de perfec-
tionner la culture des jardins ».
Hortillonneurs. Hortillons. Horto-
lains. Hortolans. Vnv. Maraîchers.
Hostelains. Hostelenchs '. Hoste -
leurs. Hosteliers. Vov. Hôteliers.
Hostiers. ^'ov. Concierges et Hot-
teurs.
Hostriciers. Officiers do vénerie qui avaient
soin lies autours -.
Hôtel-Dieu (Maîtres de l). Les garçons
chirurgiens, les garçons apothicaires, les ouvriers
boulangers, serruriers, charpentiers, maçons,
etc. qui servaient ou travaillaient dans l'Hôtel-
Dieu obtenaient, après un certain temps (six ans
♦Ml général), la maîtrise gratuitement et sans
chi-l-d'œuvre ■''.
Hôteliers. I/iiôtellerie est antérieure à
Taubertre. La Taille de i292 mentionne 24
osteliers et hosteliers.
L'ordonnance du 29 novembre 1407 enjoint
aux liôteliers de faire savoir chaque jour au
prévôt de Paris le nom des gens qu'ils logeront ^.
Celle du 11 mars 1498 charge les officiers
publics de taxer les vivres, vêtements, fourrages,
etc. qui seront fournis aux voyageurs dans les
iiôfelleries ^. Celle de janvier 1560 défend à
toutes personnes de loger plus d'une nuit « des
gens .sans aveu ou inconnus », et exige qu'ils
soient dès le lendemain « dénoncés à justice **.
L'ordonnance de mars 1577 fait mieux ; elle
statue que désormais, nul ne pourra « tenir
hoslellerie, cabaret ou taverne, sans avoir pris
lettres de permission ». Chaque maison de ce
gr-nre devra être pourvue d'une enseigne
piirlant ces mots : Hostellerie . cabaret ou taverne,
pur p-rmission du roi '.
On trouve dans Y État on tableau de la ville de
Paris, pidjlié » en 1700 la liste, par quartiers,
des hoslels et chambres garnies, indiquant pour
chacun son enseigne, le nom du propriétaire,
!<• prix <hi logement et des repas. Dans les plus
huridiles, je rr'pas coûte de quatre à six sous ;
diin.-s li's plus riches, où le logement varie de
quinze ù eenl eintiuanle livres par mois, aucun
repHs ne dépasse quarante sous 9. Dix-sept ans
plus lard, les prix n'cint guère augmenté. Je
n.pir 1..N mentions suivanles dans VAImanach
J ht H phi u pour 1777 :
HAtKI, I)l' IJom.OI, nir (hl Mulllni. L(,.r,.,lieil I
' Frui.s.'Mirt .
' Voy Diu-nnp... {Hnnsnirr. nu mut lnmhnriii.i:
•■• N.'V. ,\ll.-iz. Ti;hlf,ni ,.'r l'Iiiimanilé et île In bleiifai-
utnrr. i>. .H.
' <h-'lnniMHrfs royiiles^X. IX, n. 2<il.
5 ItJinilitrl, .inrlfnnex lois friiiiçnlsrs, I. XI, n. 370.
^ Isniiihrrl, AnrlrHiifs lois friiiiçiiisrs, I. XIV, p. 8vS.
' KolilniMii. Kilits ri ui-loHiiiinrfu. I. I. p. 3r)2.
* Par J.VI-. uvorni nu Pnrlrnieiil >-[ prnsciir rovjil Lii
|>r.'nni' •.' nlilion «'»l de 1757.
» i'.i:.s :n et suiv.
de 24 à 150 livres, avec écuries et remises.
Tables d'hôte à 40 sols.
Hôtel de Camgnan, rue des Vieilles-Etuves.
Logement de 30 à 100 liv. par mois. Table d'hôte
à 30 sols. Il y a carrosses de remise dans l'hôtel.
Hôtel du Chariot d'or, rue du Faubourg
Saint-Antoine. Logement de 8 à 10 sols par
nuit. Repas de 16 à 20 sols. Chevaux, pour le
jour 2 sols et la nuit 4 sols par attache.
Hôtel de la Plâtrière, rue Plà trière, vis-à-
vis de la grande poste. Logement de 30 à 500 liv.
par mois, avec jardin, écuries et remises. Table
d'hôte à 30 sols. Il y séjourne fréquemment
des négocians de Lyon et seigneurs étrangers.
Hôtel de la Reine, rue du Bouloi. Loge-
ment de 30 à 100 liv. Table d'hôte à 36 sols.
11 y a perruquier dans l'hôtel.
Hôtel du Saint-Esprit, rue de Tournon.
Logement de 12 à 60 liv. par mois. Repas de
12 à 30 sous.
Hôtel de Saint-Louis, rue des Petits-Au-
<î-ustins. Loo-ement de 18 à 100 liv. Table
d'hôte à 35 sols par repas.
Grand hôtel de Notre-Dame, rue du Jar-
dinet. Logement de 90 à 300 livres. Repas à
35 sols à table d'hôte, 40 sols en particulier.
Hôtel de Bourbon, rue de Grenelle-Saint-
Honoré. Logement de 24 à 150 liv. par mois,
avec table d'Iiôte à 40 sols.
Le règlement du 26 juillet 1777, renouvelé le
6 novembre 1778 *, veut que tout logeur tienne
deux registres, cotés et paraphés par le commis-
saire de leur quartier, où ils « écriront de suite
el sans aucun blanc, les noms, surnoms, pays,
qualités et profession » de leurs locataires.
Les cabaretiers, les taverniers, les traiteurs,
les baigneurs, les courtiers en vins, etc. pouvaient
tenir hôtel et chambres garnies. Les plus grands
seigneurs avaient l'habitude de louer, dans leur
hôtel, (les chambres meublées, ou même l'hôtel
tout entier, quand ils s'absentaient pour quelque
temps ^.
J'ai trouvé les liôteliers nommés : aubergistes,
hostelains, hostelenchs, hosteleurs, hosteliers,
ostelains, ostrlin-s, etc., etc.
Voy. Chambres garnies. — Servan-
tes. — Valets d'auberge, etc.
Hotiers. Voy. Hotteurs.
Hotteurs. Porteurs de hotte. Les hottes du
niiiyen âge ditléraient fort peu de celles dont on
se sert encore aujourd'hui dans nos campagnes
et qui n'ont pas de dossier "^
On trouve hotiers, hostiers, honstiers, hottiers,
etc., etc.
Hotteuses. On nommait plus spécialement
ainsi les feinnies (jui, munies d'une hotte, trans-
1 IsamlxTt, t. XXV. p. 70 et 449.
- /ifliiliniis ries nmixisxatleiirx TPiiilienx, \. II, p. (ÎO!).
•' ^ov. \'iiil!cl-Ii'-l)uc. Dtrlionniiire ilii inobllier. t. II,
p. ÔIG."
HOTTEUSES — HUILIERS
391
portaient chez la hlaiiciiisscuse If lini^e que celle-
ci venait de laver à la rivièi'e.
Hottiers. Y<«y. Hotteurs.
Houille (CoMMKRCK de la). Vov. Char-
bon de terre.
Houilleurs. OiuTiers employés dans les
mines de houilles. On les nommait aussi >^o%î7/(?Wir.
Houliers. Ce mot désignait des débauchés,
des gens de mauvaise vie *. Mais ce n'est pas à
ce titre qu'ils peuvent figurer dans la Taille de
1292, qui en cite cinq. Il est possible que l'on
ait désigné ainsi des hommes qui faisaient métier
de favoriser la prostitution dans les lieux que
l'autorité lui avaient assignés.
Houlseurs. Voy. Ramoneurs.
Houppiers. Ouvriers qui houppent ou
peignefit la laine, c'est-à-dire la lavent, la
cardent, la dégraissent, etc. Ce mot était surtout
en usage dans les manufactures du Xord, à
Amiens, à Abbeville, etc. -
Hourdeurs. Ouvriers maçons qui avaient
la spécialité des constructions grossières où
entrent surtout du plâtre, du mortier, de la
terre, de la paille, de l'argile.
On les appelle aussi pluqueurs en argile,
terrasseurs, etc.
Housseurs et Housseux. Vov. Ramo-
neurs.
Houstlers. Voy. Hotteurs.
Huchers. \o\. Huchiers.
Huchiers. Ils fabriquaient les lourds
meubles dont la vogue se soutint si longtemps,
huches, armoires, bancs, buffets, etc. Ils sont,
avec les lambrisseurs et les Imissiers, les ancêtres
de nos menuisiers.
Au treizième siècle, ils appartenaient à la
communauté des charpentiers et obéissaient à
des statuts communs aux deux corps d'état.
Ceux qui leur furent accordés en 1290 "^ con-
tiennent les noms de vingt-cinq maîtres qualifiés
« huchers, feseurs d'uis et de fenestres », ce qui
prouve que déjà les huissiers et les lambrisseurs
leur étaient réunis.
A cette date, ils allaient souvent par les rues,
offrant leurs services aux ménagères :
Huche et le banc sai bien réfère,
Je sai moult bien que le sai fère,
leur fait dire Guillaume de la Ville Neuve dans
ses Crieries de Paris.
Le Livre des métiers les nomme huchiers et
huichiers * ; les statuts de 1290 huchers ; la Taille
de 1292, huchiers; l'ordonn. de janvier 1351,
1 ^'oy. Ducange, au mot hidlnvil .
2 Savary, t. Il, p. 361.
3 Dans G. Depping, ()r(loiui. reliititesuitx métters, p. 373.
i Livre lies métiers, titre XL^ II.
charpentiers de huches *, et l'ordonn. dt-s Ban-
nières, huchers (1467). C'est vers ce moment
([u'ils prirent le nom de menuisiers.
On les trouve aussi nommés arckiers -.
Huèses du roi, ou Huèses le roi, comme
on disait encore au treizième siècle. Les huèses
ou heuses étaient une sorte de bo'ttines qu'on
trouve mentionnées sous le nom de hosa ou osa
dès le règne de Louis le Débonnaire. Mais ce
terme est employé ici d'une manière générique
pour désigner les chaussures du roi, ([u'étaierit
tenus de lui fournir les métiers qui travaillaient
le cuir.
On voit, dans le Livre des métiers, qu'au
treizième siècle, cette redevance en nature était
déjà convertie en une indemnité annuelle. Les
cordonniers déclarent qu'ils « doivent au Roy
XXXII s. pour unes huèses, les quieux ils doivent
poier touz les anz eu la semainne penneuse •* ».
Leurs statuts du 19 juillet 1353 * reproduisent
presque textuellement cette phrase. Les save-
lonniers ^, les selliers *» et les lormiers '' recon-
naissent qu'ils participent à cet impôt **.
Voy. Concessions de métiers.
Huichiers. \ <»y. Huchiers.
Huiliers. Ils soumirent, vers 12G8, leurs
statuts à l'homologation du prévôt Etienne
Boileau ^. On y voit mentionnées les huiles
d'amandes, d'olives, de noix, de chènevis et de
pavots.
La Taille de 1292 cite 43 uiliers : on n'en
trouve que 31 dans celle de 1300.
De nouveaux statuts, datés de novend)re
1464 ^^, accordent aux huiliers la garde et la
visite des mesures de cuivre pour les huiles ; ils
devaient marquer d'une fleur de lys celles qui
étaient reconnues exactes. Aussi, en dehors des
quatre jurés qui administraient la communauté,
en nommait-on quatre autres qui prenaient le
titre dejure's huiliers gardes du coin et de Véta,lon
royal.
Les huiles se mesuraient à la somme et à la
quarte. La sonmie contenait vingt^huit quartes,
et se divisait en demi-somme représentant qua-
torze quartes et en quart de somme représentant
sept quartes.
Au dix-septième siècle, les huiliers furent
réunis à la corporation des chandeliers ; mais,
durant le siècle suivant, le commerce des huiles
se concentra presque exclusivement entre les
mains des épiciers.
L'ordonnance de janvier 1351 écrit huilliers.
' Article 245.
- \ oy. B. Prost, Iiiteiilaires mobiliers, t. I, p. 311
cl 473."^
■' La semaine sainte. — Livre des métiers, titre
LXXXIV, art. 13.
i f)ril'>nn. royales, t. X^'. \>. (500.
■T IJvre lies métiers, titre LXXX^', art. (i.
^ Livre lies métiers, titr.' LXXMIL art. 40.
' I.irre îles métiers, \'\\v>' LXXXIl. ;irt. 0.
8 \ uv. Ducangf, ou mot osn.
!' TitVr LXIII.
10 Dans les Onhiin. royales, t. X\I, p. 274.
392
HUISSIERS — HUISSIERS DE LA MUNICIPALITÉ
Huissiers. V^y. Bedeaux. — Con-
— Massiers, ot les articles qui
cierges
suivf'iit.
l'huis
Huissiers ou Uissiers. Faiseurs a
ou portes. Ils sont mentionnés, au treizième
siècle, dans le Litre des métiers ^ qui les réunit
aux charpentiers. Ils se fondirent ensuite dans la
communauté des menuisiers.
Huissiers. Avant la Révolution, l'on comp-
iail il l'aris au moins dix-neuf sortes d'huissiers.
Savoir :
Huissiers du Conseil d'Etat.
— de la g'rande chancellerie.
— du grand Conseil.
— de la prévôté de l'hôtel.
— (les requêtes de l'hôtel.
— du Parlement.
— des requêtes du Palais.
— de la chambre des comptes.
— de la cour des aides.
— de la cour des monnaies.
— (h' la (-hancellerie du Palais.
— du hureau des Finances.
— de la connélablii^ et maréchaussée.
— de l'amirauté.
— des eaux-et-forêts.
— audienciers de l'hôtel de ville.
— à vernie.
— à cheval.
Sans compter les huissiers-priseurs, devenus
comiiiissaires-priseurs, les huissiers attachés à la
maison royale, et d'autres encore de moindre
importance.
Huissiers de l'antichambre du roi.
Ils st-rvaiciil répéeaucôlé. Tous les matins, dans
la demi-heure qui précédait le lever du roi, ils se
rendaient à leur poste, et ne laissaient entrer
personne avant le premier gentilhomme de la
chamltre. Ils ouvraient la porte à deux battants
pour les princes, les princesses et les ambas-
sadeurs.
« Personne ne doit se promener dans l'anli-
rhaiulire (hi Roy. C'est en cette antichambre,
(|uand If Roy mange en public, où l'on dresse la
table de Sa Majesté et où on le sert à dîné et à
soi\j>e en (•('•réiiiuiiie - ».
Vov Suisse de l'oeil-de-bœuf .
Huissiers du cabinet du roi. Ils étaient
iiii iininbi-r (|(. (Iciix seulenienl. Ils devaient
coruiailie les personnes admises dans le cabinet.
Nu! n'elait anlorisé à y entrer «;< par naissance
ni par c-harge ; Sa Majesté accorde ce droit à
ceux il (pii elle ii il,,mié"les entrées familières....
Si le Rnv doil rec'Voir le serment de lidélité
de ceux <|iii mil accoutumé de le prêter entre
le^ mains de .Sa .Majesté, un huissier garde le
rliapeau. les g„nls el l'épée de celui qui lait le
serment •'' >>.
' TlIrvXI.VII.
* hUil lit In FrttHrr iiniir 1712. t. I. i,. 1 :,.-,
' hitil tk Iti Fi-OKCf jK.Hv I7:U>. t. J. u. :ii(;.
Huissiers à la chaîne. « Ce sont ceux
qui peuvent exploiter inditféremment partout, et
que chacun qui veut emploie quand on veut faire
une signification délicate et forte, parce que ceux-
là sont toujours fort respectés, et instrumentent
avec une grosse chaîne d'or au col, d'où pend
une médaille du roi. Ils sont en même temps
huissiers du conseil, et y servent avec cette
chaîne » ^ .
Huissiers de la chambre du roi. Ils
étaient au noniljre de seize et servaient l'épée au
côté. <.< C'est à eux à faire ranger les personnes
qui sont dans la chambre du Roy, soit pour faire
jour quand Sa Majesté s'habille ou se déshabille,
soit pour lui faire passage lorsqu'elle va de son
fauteuil à son prie-Dieu, de son prie-Dieu à son
cabinet, ou qu'elle traverse sa chambre. Les
liuissiers ont l'œil à ce que personne ne se couvre,
ne se peigne et ne s'asseye dans la chambre
sur les sièges, sur une table ou sur le balustre de
l'alcove - ».
« Vous remarquerés qu'on doit gratter douce-
mens aux portes de la chambre, antichambres,
cabinets ou autres, et non pas heurter rudement.
De plus, si l'on veut sortir de la chambre ou
antichambres, les portes étant fermées, il n'est
pas permis d'ouvrir soy-même la porte, mais on
doit se la faire ouvrir par l'huissier ^ ».
Même en dehors des appartements ro^'aux, les
règles de la civilité interdisaient de heurter à une
porte. On devait se borner à y gratter doucement,
et en général avec l'ongle du petit doigt ; aussi
les raffinés, le conservaient-ils d'une lono>ueur
démesurée afin de prouver leur savoir- vivre.
Scarron dit du prince de Tarente qu' « il étoit
propre en sa personne, curieux en perruques, se
piquoit de belles mains, et s'étoit. laissé croître
l'ongle du petit doigt de la gauche jusqu'à une
grandeur étonnante, ce qu'il croyoit le plus galant
du monde * ». Molière n'a pas oublié ce ridicule,
et c'est le Clilandre du Misanthrope ^ qu'il en
gratifie :
Mais au moins, dites-moi, madame, par quel sort
\ otro Clitandre à l'iieur de vous plaire si fort.
Sur quels fonds de mérite et de vertu sublime
Appuyez-vous en lui l'honneur de votre estime?
Est-ce par l'onj^le long qu'il porte au petit doigt
Qu'il s'est acquis chez vous l'estime où l'on le voit ?
Peut-être y avait-il un petit instrument destiné
à tenir lieu de l'ongle. C'est au moins ce que
semldenl indiquer ces deux vers :
(îrattez du peigne à la porte
De la chambre du roi 6.
Huissiers des comptes. Voy. Messa-
gers.
Huissiers de la municipalité. Voy.
Sergents.
1 Saint-Siniun, Mémoires, t. Il, p. 98.
'^ Klat lie la Fiance pour 1712, t. I, p. 102.
;i Klat de la France pour 1687 , t. I, ji. 122.
^ Xoiirclles Iraiil-comiijiies, éA'xi. Ar 1727. t. II, ]i. 00.
•"• .\i-le II, scène I .
'' )s\.o\\bvo, L' imjni)mj)hi 'le Versailles, reinercînieiit au roi.
HUISSIERS DE i;ORI)Hl<: DU SAINT-ESPRIT — HYDROMANCIENS
:}93
Huissiers de l'ordre du Saint -
Esprit. Ces huissiers avaient la clef du cabinet
du roi, et quand le souverain y présidait le
chapitre du Saint-Esprit, ils devaient veiller à la
porte. Si celle assend)lée se tenait dans la cluunhre
du roi, ils <i;ardaienl la porte de celle-ci '.
Huissiers de la salle à mang-er du
roi. Ils étaient au iiondire de douze et servaient
par ([uarliers.
On sait que Louis XIV niani>;eaitordinairement
dans sa cluunbre à coucher, sur une table carrée,
placée devant la fenêtre du milieu -. Lorsqu'il
dînait en public son convert était dressé dans
l'antichambre, <i;rande salle communiquant avec
la pièce dite de l'œil de ôœuf, qui précédait elle-
même la chambre à coucher . Voici quelles
étaient, ces jours-là, les fonctions de l'huissier de
salle qui se trouvait de service :
« L'huissier de salle, aiantreceu l'ordre pour le
couvert du Rov, va à la salle des g-ardes du corps,
frappe de sa bag'uette sur la porte de leur salle,
et dit tout haut : Messietirs^ au couvert du Roy !
Puis, avec un garde, il se rend au (xoblet.
Ensuite, le chef du Goblet apporte la nef, les
autres officiers apportent le reste du couvert : le
garde du corps marchant proche la nef, et
l'huissierde salle marchant devant eux la baguette
en main, et le soir tenant aussi un flambeau,
porte les deux tabliers ou nappes.
Etant tous arrivez au lieu où la talde du prêts
est dressée, l'huissier de salle étale seul une nappe
ou tablier sur le buffet. Puis le chef du Goblet et
l'huissier de salle étalent dessus la table du prêts
la nappe ou tablier, dont cet huissier de salle
reçoit un des bouts que l'officier du Goblet, qui
en retient l'autre bout, lui jette adroitement entre
les bras. . . .
Pendant ce temps, l'huissier de salle est
retourné à la salle des gardes, ou aiant frappé de
sa baguette contre la porte de leur salle, il dit
tout haut : Messieurs, à la viande du Rojj ! Puis il
va à l'office-bouche où il trouve le maître d'hôtel
qui est de jour, le gentilhomme servant et le
contrôleur qui s'3' sont rendus. . . .
1 État de la France pour 1712, t. I, p. 208.
2 Saint-Simon, Mémoires, t. XII, p. 174.
La viande de Sa Majesté sera portée en cet
ordre. Deux de ses gardes marcheront les
premiers, ensuite l'huissier de salle, le maître
d'hôtel avec son bâton, le gentilhomme servant,
le panetier, le contrôleur général, le contrôleur
clerc d'office, et autres (jui porteront la viande,
l'éciiier de cuisine et le garde-vaisselle. Et
derrière eux, deux autres gardi^s de Sa Majesté,
qui ne laisseront approcher personne de la viande.
Et les officiers ci-dessus nommez, av(>c un
gentiliiomme servant seuleincnl. i-clouriicrnnl à
la viande à tous les services
Le gentilhomme servant prend le premier plat,
le second est pris par un contrôleur , et les
officiers de la Bouche prennent les autres. En
cet ordre, le maître d'hôtel aïaid le bâton en
main, marche à la tête, précédé de quelques pas
par l'huissier de salle portant une Laguette qui
est la marque de sa cliarge), et le soir aiaid un
flambeau ; et la viande, accompagnée de trois
gardes du corps leurs carabines sur l'épaide
étant arrivée, le maître d'hôtel l'ait la révérence
à la nef ' ».
Huissiers priseurs. Vov
saires priseurs.
Commis-
Huîtres (Commerce des;. Vo\-. Écaillers.
Hydromanciens. Bateleurs qui préten-
daient connaître l'avenir au moyen de l'eau. Ils
jetaient dans un bassin de l'huile, du vin, du
plomb, et tiraient leurs présages soit des jeux de
lumière, soit de l'agitation produite au sein du
liquide, etc., etc.
Un hydromancien qui exerçait dans les rues
de Paris durant le premier Empire agissait
autrement. Sur la table placée devant lui s'ali-
gnaient plusieurs vases remplis d'eau trans-
parente. Ceux qui le consultaient prenaient au
hasard quelques cartes dans le jeu qu'il leur
préseidait ; le devin lisait alors dans l'eau
limpide, les cartes qui avaient été prises et les
événements qu'elles promettaient -.
Voy. Bateleurs.
1 État lie lu France pour 1712, t. I, p. 68.
2 Vov. J.-B. Gouriot, Personnages célèbres dans les rues
de Paris, t. II, p. 334.
394
ILLUMINEURS — IMPRIMEURS
I
Illumineurs. Vo.v. Enlumineurs.
Illusionnistes. \'ov. Prestidigita-
teurs.
Imagers. Vov. Enlumineurs. — Es-
tampes [Marciiands d' . — Papiers
peints.
Imag-eurs. Imag-iers.
Imaginiers. Imaigiers.
tl Sculpteurs.
Imag-ineurs.
\o\. Peintres
Impôts et redevances. Vov. Aboi-
vrement. — Annuel des marchands. —
Août (Loi d'). — Banvin. — Barrage.
Ceinture de la reine. — Champart.
— Chantelage. — Chauciers. — Chaus-
sée. - Conduit. — Cordiers. — Cordon-
niers. Coutume. — Coutumiers. —
Écuelliers. — Fers du roi. — Foin
(Marchands de). — Hallage. — Halle-
bic. — Halliers. — Hauban. — Hava-
ge. Héminage. Huéses du roi. —
Liage. Lormiers. — Maréchaux. —
Minage. Montée de la Marne. —
Past. Petit-Pont. — Poids-le-roi. —
Pourboire. — Prise. — Rêve. — Riva-
ge de Seine. Rouage. — Saveton-
niers. Selliers. — Semaine de l'évé-
que. Tailles. — Tiers et dangers. —
Tonlieu. Tonlieurs. — Voyers.
Imprimerie. \'nv. Librairie.
Imprimeurs. !-'• \>ln^ anciiMi livre iiiipriiiH'
(loiil lii (lal<; ne puisse être contestée est, le psau-
lier exécuté à Miiyence par Fusl et Sclioitl'er en
14.'i7. Douze, ans après, la France ne possédait
encore aucun atelier tjpo}ji;raphique. Quand le
lirait de la jurande découverte due à Gulenberg
s'v était ré[)audu, il avait causé une vive alarme
punni les noinlin.Mix iridusiriels (|ui avaient eu
ju.s(|ui--la le privilè|j;eilc (lumitT une lorine malé-
ri»'lle H la pensée.
Fust, venu il Paris pour v déliiter (]uel(|ues-
uns drs ouvra^,'es imprimés par lui et son associé,
recul un accueil si peu eiicoura<reant ([u'il
s"empressa de prendre la fuite. Sclioiil'er avait
dans Ml jeunesse fréquenté l'Université de Paris;
il lenla la fortune à son tour et fut plus heureux.
Il retrouva nu pays latin d'anciens maîtres, et
leur patronage lui facilita la vente de plusieurs
volumes. C'est dans le plus célèhre des coUèo-es
lie Paris, (liins l.>s liàlimenls d.- la Snrhonne. que
fut naturalisé en France l'art typographique.
L'initiative appartint à deux de ses docteurs,
Jean Hejnlin et Guillaume Fichet. Hejnlin
était Allemand, avait séjourné à Leipzig, à
Bâle et à Mayence ; esprit curieux, disposant
sans doute d'une certaine fortune, il s'était de
bonne heure passionné pour l'invention majen-
çaise et possédait un certain nombre d'ouvrages
imprimés par Gutenberg, par Fust et par
Schoiffer. Fichet, né dans la haute Savoie, fut
d'abord prieur, puis bibliothécaire de la Sor-
bonne, enfin recteur de l'Université. Sa science
et son caractère lui avaient acquis une légitime
autorité dans le monde enseignant. Ces deux
docteurs eurent assez d'influence sur leurs
collègues pour les décider à installer une impri-
merie au sein même de la Sorbonne.
Avant tout, il fallait se procurer des ouvriers
expérimentés et à qui fussent connus tous les
mystères de l'art nouveau. Heynlin écrivit à
Bàle, où il avait conservé des relations ; on lui
envoya de là trois hommes instruits et habiles
qui, de concert avec les docteurs, entreprirent
de mener à bien cette œuvre glorieuse : ils se
nommaient Ulrich Gering, Michel Friburger et
Martin Cranlz.
Chose étrange et vraiment inexplicable, ce
grand fait de l'installation de l'imprimerie à la
Sorbonne n'a laissé aucune trace dans les
registres où les prieurs inscrivaient avec une
si scrupuleuse minutie des détails qui nous
semblent bien insignifiants. Dans ces registres,
conservés aujourd'hui parmi les manuscrits de la
Bibliotlièque nationale, j'ai parcouru deux fois
tous les procès-verbaux des séances tenues par
les docteurs entre 1469 et 1471, sans découvrir
un seul passage relatif aux trois typographt^s
venus de Bâle.
A la fin de l'année 1470 parut enfin le premier
livre imprimé en France, un volume petit
in-(piarto coidenantles épîtres latines d'un gram-
mairien de Pergame nommé Gasparino Barzizio.
Le volume est terminé par quatre distiques qui
célèbrent la gloire de Paris et lèguent à la posté-
rité les noms des trois premiers imprimeurs
qu'ait eus cette ville : « Comme le soleil répand
la lumière, toi, ville royale de Paris, nourrice
des Muses, tu verses la science sur le monde.
Reçois, toi qui t'en es montrée si digne, cet art
d'écrire, presque divin, qu'inventa l'Allemagne.
Voici les premiers livres qu'a produits cette
industrie sur la terre de France et dans ton sein.
Les maîtres Michel. Ulrich et Martin les ont
imprimés el vont en imprimer d'autres ».
IMPRIMEURS
395
En arrivant à Paris, les trois Allemands
avaient pris pour apprentis deux étudiants qui,
une fois formés par eux les quittèrent, et allèrent
s'établir dans la rue Saint-Jacques à l'enseio^ue du
Soufflet vert, « in intersigno FoUis viridis »,
disent les registres du collège. Aussitôt, les
Allemands quittent la Sorltonne et fondent, tout
près de l'imprimerie rivale, dans la même rue,
un atelier sous l'enseig'ne du Soleil d'or. Pour
donner une idée de l'activité déployée par
eux à la Sorbonne, il suffit de rappeler qu'en
deux années (tin de 1470 à 1472), il en était
sort i au moins trente volumes, représentant 1 . 146
feuillets in-folio et 1.026 feuillets in-quarto.
La première loi relative à l'imprimerie paraît
être celle du 9 avril 1513, qui confirme l'exemp-
tion d'impôts accordée à la comnuiuauté des
relieurs-enlumineurs-écrivains-libraires, <,< pour
la considération du grand bien qui est advenu
en nostre royaume au moyen de l'art et science
d'impression, invention laquelle semble estre
plus divine qu'humaine ; laquelle, <>-râce à Dieu,
a esté inventée et trouvée de nostre temps par le
moyen et industrie des libraires * ». C'est donc
aux libraires que le roi rapporte toute la gloire
de l'invention ; aussi ne constitua-t-elle pas
d'abord un métier distinct, et son histoire reste-
t-elle liée à celle de la librairie. Pourtant, en
1539, François P"" accorde aux « maistres
imprymeurs de li\Tes de la cyté de Paris » des
statuts peu intéressants pour nous.
Ceux de juin 1618 réorganisèrent la quadruple
corporation des libraires-imprimeurs-relieurs et
doreurs, mais je n'y veux relever que les articles
relatifs aux imprimeurs. L'apprenti devait savoir
lire et écrire, servir quatre ans (les libraires
exigeaient cinq ans) d'abord, puis quatre ans
encore en qualité de compagnon. Les imprimeurs
ayant plusieurs presses pouvaient engager à la
fois trois apprentis. Les li\Tes devaient être
« imprimés en beaux caractères et en bon
papier ». Les imprimeurs étaient tenus de
déposer deux exemplaires de toutes leurs publi-
cations à la Bibliothèque du roi et un exemplaire
chez le syndic de la corporation .
L'ordonnance du 19 mai 1616 avait enjoint
aux libraires et aux imprimeurs établis hors des
limites de l'Université de réintégrer ce quartier,
dont l'édit d'août 1686 fixa très exactement les
limites ^ . En même temps, il réduit à trois
ans la durée du compagnonnage et limite à
trente-six le nombre des imprimeurs. Nul ne peut
obtenir la maîtrise s'il ne présente un certificat
du recteur de l'Université déclarant que le
candidat « est congru en langue latine et sait
lire le grec ». Je reproduis plus loin un certificat
de ce genre et le texte d'une lettre de maîtrise.
La même année, les relieurs et les doreurs
cessèrent d'appartenir à la communauté, qui se
composa seulement des libraires, des imprimeurs
et des fondeurs en caractères.
Un arrêt du 30 avril 1777 rendit plus difficile
l'admission des compagnons à la maîtrise. Tous,
1 Dans Foiitanon, A''///.y et ordunnancex, t. IV, p. 421.
2 \oy. ci-dessous l'article Quartiniens.
même les fils de maître, durent subir, en présence
des syndics, des adjoints et de huit maîtresanciens.
un examen « sur le fait de l'imprimerie et choses
en dépendant ». Procès-verbal de la séance était
remis au récipiendaire, qui dev'ait y joindre son
extrait de baptême, son brevet d'apprentissage,
et les certificats des maîtres chez lescjuels il avait
accompli son compagnonnage. Une fois admis, il
prêtait serment entre les mains du lieutenant
général de police.
De 1470 à 1500 Paris compta environ 61 ateliers
typographiques, dont la liste a été dressée par
M. A. Claudin K Entre 1686 et 1789, 150
imprimeurs seulement exercèrent à Paris ^. A
cette dernière date, le nondjre des imprimeurs,
bien que limité à 36, s'élevait ù 41, parce que
l'on y faisait figurer 4 co-imprimeurs et 1 surnu-
méraire qui, tous cinq, ne possédaient aucune
presse •'*. Parmi les 36 étaient compris les impri-
meurs :
Du roi.
De la reine.
Du Dauphin.
De la Dauphine.
De Monsieur.
De Madame.
De la Cour des Aides.
Du Châtelet.
De la police.
De la prévôté de Paris.
De la Ville.
De l'archevêque.
Du clergé de France. De l'Université.
Du Parlement. De l'Académie française,
De la Chambre des etc., etc.
Comptes.
De tout temps, il y avait eu à Paris ou aux
environs des imprimeries clandestines * ; il y
exista aussi des imprimeries particulières, tolérées
sinon autorisées. On peut citer, par exemple,
celles de la Gazette de France, du LouvTe, des
Chartreux, des jeunes aveugles, etc. D'autres
n'ont eu qu'une existence éphémère. En 1660,
le cardinal du Perron en fit établir une dans sa
maison de Bagnolet. Richelieu, ou tout au moins
son frère aîné, en eurent une, vers 1640, au
château de Richelieu, et plusieurs ouvTages en
sont sortis. Fouquet en posséda une à Saint-
Mandé, et Louis XV en eut une aux Tuileries.
Le chancelier d' Aguesseau et le marquis de Lassay
imprimèrent aussi dans leurs châteaux. Le duc
de Bourgogne, la marquise de Pompadour et
Louis XVI eurent des imprimeries à Versailles.
Un exemplaire des Maximes tirées de Télémaque,
publié en 1766, porte la mention suivante : « A
Versailles, de l'imprimerie de Mgr le Dauphin,
dirigée par A. -M. Lottin, libraire et imprimeur
de Mgr le Dauphin ». Durant son séjour à Passy.
Franklin, imprimeur et fils d'imprimeur, installa
chez lui une petite imprimerie où fut composé le
Code de la raison humaine, ouvrage de Barbeu-
Dubourg-.
1 Lixle chrunologiqiie (les imprimeia-s pai-lsiens du quin-
zième siècle. 1901, in-S".
2 On en trouvera la liste ilans Loltiu, Catalogue chrono-
logique des libraires, imprimeurs, etc. 2" partie, p. 231. —
Voy. aussi Ph. Renouard, Imprimeurs parisiens, 1898,
in-S".
3 On en trouvera la liste dans Lottin, Catalogue chrono-
logique, 2^ partie, p. 231.
4 Au collège de Clerniont, à Montreuil, etc. etc.
396
IMPRIMEURS — IMPRIMEURS SUR ÉTOFFES
Comme les libraires, auxquels ils restèrent
réunis ^ les imprimeurs étaient placés sous le
patronag'e de saint Jean révan(,'éliste.
LETTRE DE MAITRISE
DÉLIVRÉE A Antoine Chrétien
le 7 juin IG5I.
Nous, ^vndic et adjoints des marchands
libraires-imprimeurs et relieurs de celte ville
de Paris soussignez, certifions à tous qu'il appar-
tiendra, avoir ce jourd'huy reçu Maître en notre
couuMunauté Antoine Chrétien, imprimeur, après
qu'il nous a esté certifié capable en la manière
accoutumée, et qu'il nous a promis et juré de :
Ne s'installer point hors de l'Université, ne
prt'iidre d'aprenlii's que ce qui est permis, de la
(jiialité et aux conditions prescrites par les règ'le-
mens, qu'il a dit bien sçavoir.
N'eslaller par soj n'y par autre sur le Pont-
Neuf, sur aucun des ponts ne autres endroits de
la ville ; n'afficher point de livres n'y ne faire
aucune facture pour quelque libraire que ce puisse
esire, soit dedans ou dehors le royaume. Consen-
tant dès à présent que l'imprimerie ou les
marchandises de liljrairie qui se trouveront luy
appartenir eslalées en la dite Université sur lesdits
ponts ou ailleurs, soient et demeurent confisquées
au profil des pauvres de la dite communauté,
sans autre forme ny figure de procès ; reconnois-
sant ((ue celle contravention est la ruine et
l'avilissement de notre art et profession -.
Ledit Antoine Chrétien a baillé volontairement
pour les affaires de la communauté la somme de
soixante livres, comme le porte l'acte de sadite
réception, signé de luy, des sieurs qui l'ont
certilié capable, et <le nous, sur le livre d'icelle
comuuinaiilé le 7 juin 1651.
CERTIFIC.Vr
mii.ivKÉ A Antoine Chrétien ^ pah le recteur
iiH lTnivkhsité
le 10 mar> 1C)K7.
.Nos peints Egasse du Hoiihiv '', Universitalis
Parisii'Msis Rector, lideni facinius onmibus
quorum inlt'i-cril, Antonium Chrislianum Parisi-
nuni (lignuui a nobis inventuin fuisse qui
lypogruphicam et librariam artem exerceal,
•piipp.' qui lalirie locpialiir et gni'cum légat.
Sijfilhnn ibiximiis a{)[)oii»'ndum praesenlibus
lilleris, (|uibus ipsc Chrétien subscripsit.
iMluiii in Bocordiano '^ Jioslro, die décima
• V.iy. ri-dexsus raili.l.- Lilmiins.
* \oy. ci-d<'«.su« l'urt. H..U(|uiiiist(.s.
■' l''il.H (lu priH'éilcnt.
» r.yloil lo frèr." d.- C:é.snr.ÉKa«si. du Houiiiy (Uulœus),
a qm Ion doit une savnnU- histoire de l'Univorsité do
l'nns.
5 U coll^pr,. ,|.> B<.co»d, de Berourl ou de Boneourt
X^oy. Jnillol. qunrli..r de in plnee Mnulx-rl, p. 21) fondé
en 1.1...I .. ....jourdliui eon.pris dni.s Irs i.ùliments de
,,' ^lini.iue. On le nomme plus souvmt colleqiim
'■ \-v É. .lu Boul;.v. /A.v/,„;„ rnirersitalh.
mensis martii, anno millesimo sexcentesimo
octogesimo septimo.
Antonius Chrétien
Pierre Egasse du Boulay, rector ^ .
Voy. Papiers (Marchands de vieux).
Imprimeurs sur étoffes. L'art de teindre
les étoffes était déjà connu au moyen âge. On
trouve dans les anciens comptes, dans ceux
notamment du quatorzième siècle, des toiles
bleues, des toiles vertes, des toiles vermeilles, etc.
Mais ce qui prouve que les procédés de teinture
étaient encore bien imparfaits, c'est que ces toiles
sont employées surtout à doubler des tentures ou
des coussins ^. Y renonça-t-on ? C'est probable,
car cette fabrication paraît avoir été peu perfec-
tionnée jusque vers le milieu du dix-septième
siècle.
A ce moment, les navires de la compagnie des
Indes rapportèrent d'Orient des indiennes ou
toiles peintes, tissus de coton couverts de dessins
oîi éclataient des couleurs aussi brillantes que
variées. Ces tissus n'obtinrent d'abord, à Versailles
et à Paris, qu'un médiocre succès ; cependant
certains teinturiers s'efforcèrent d'imiter les sin-
guliers ornements qu'ils avaient sous les yeux.
Les procédés de fabrication étant inconnus, on
employa la plume et le pinceau ; on les peignit
à la main, et ainsi leur vint le nom de toiles
peintes.
Ce n'était pas là une concurrence bien redou-
table pour la compagnie des Indes. Mais un beau
jour, et l'on ne sait comment, les toiles peintes
devinrent si bien à la mode que les autres étoffes
se virent négligées. Les industriels qui produi-
saient les tissus de fil et de soie se plaignirent, et
un premier arrêt, daté du 28 octobre 1686,
prohiba le commerce, le port et l'usage des toiles
peintes, soit étrangères soit indigènes. Alors
commence, entre l'Etat et le public, une lutte
homérique dont la mode des demi-caslors ■* avait
déjà donné le spectacle.
Entre 1686 et 1716, plus de trente arrêts se
succédèrent, ayant tous pour objet d'empêcher
les Parisiens de porter des indiennes. Celui de
juillet 1717 condamnait aux galères toutindividu
convaincu d'en avoir introduit en France,
et môme tout individu ayant donné asile à un
fraudeur.
En même temps, les commis de barrières aux
portes de Paris, des agents spéciaux dans la ville,
avaient ordre d'arrêler les femmes vêtues d'in-
diennes. Pour stimuler leur zèle on leur aban-
donnait l'amende qui frappait les coupables.
Les jurés de certaines corporations, des tisse-
rands, des drapiers de soie étaient autorisés à
pénétrer dans les maisons, et à y saisir juscpi'aux
mobiliers recouverts de toiles peintes. Des ordres
d'une sévérité inouïe étaient donnés aux innom-
Ijrables douaniers qui semblaient chargés de
■* Clcs doux pièces sont extraites du volume côtt;
A l.'5.939 à la bibliothèque Mazarine.
2 Douët-d'Arcq, Comptes de l'argenterie, p. 400.
•' A'oy. ci-dessus l'art. Demi-castor.s.
IMPRIMEURS SUR ETOFFES — IMPRIMEURS EN TAILLE DOUCE
397
protéger la France contre une invasion, et le sage
Forbonnais pouvait écrire sans soulever aucune
protestation : « C'est une guerre continuelle sur
toutes nos frontières, qui fait périr un monde
infini les armes à la main, dans les prisons, aux
galères et sur l'éclialaud. et cela uniquement pour
vouloir forcer viny*t millions (riioiumes à ay-ir
contre leur penchant, au lieu de s'accomnuxler
à ce même penchant et d'en tirer parti ' ».
Eh bien, au uniment même où cette piirase
était écrite, il se consommait par année en France
pour seize millions de toiles peintes -. Tout le
monde en voulait et tout le monde en possédait.
On en recouvrait des meubles, on en tapissait des
appartements entiers ; les résidences royales,
étaient remplies de sièges revêtus de toile
peinte, « par exemple, dans tout le cliùleau (h-
Bellevue, il n'y avait pas un meuble qui ne fût
de contrebande ■' ».
Il fallut ])ien céder. Le gouvernement se
relâcha peu à peu de sa sévérité ; on commença
par tolérer les meubles, on cessa d'inquiéter les
femmes vêtues d'indiennes, on renonça à l)rûler
les marchandises confisquées dans les magasins.
Enfin, le 4 mars 17(30, un arrêt autorisa défini-
tivement « l'usage des toiles peintes fabriquées
en France » .
Un jeune lionune de vingt ans, Christophe
Oberkampff, fils d'un habile teinturier d'Aarau
dans le canton d'Argovie, vint alors à Paris,
décidé à y naturaliser l'industrie des toiles peintes.
Croyant sans doute à la vieille réputation de la
Bièvre, il alla s'établir sur ses rives, à Jouy près
de Versailles. En même temps dessinateur,
graveur , teinturier , imprimeur , il travailla
d'abord presque seul, puis finit par former des
ouvriers. Son établissement grandit avec rapidité -,
quinze cents personnes y furent bientôt occupées,
et la réputation d'Oberkampff s'étendit jusqu'en
Orient, où ses agents allèrent tenter de dérober
aux Indiens le secret de leurs couleurs. On ne se
servait encore pour l'impression que de planches
de bois, qui fixaient sur la toile les tons prin-
cipaux ; les ornements plus délicats étaient
ensuite exécutés, comme autrefois, à la main par
des onvrieres appelées peinsotfuses '*. L'invention
du rouleau opéra, peu de temps après, une véri-
table révolution dans l'art qu'Oberkampff avait
importé en France, et qui y constitua ime
quatrième classe de teinturiers, celle des im-
primeurs en toile peinte ou imprimeurs sur étoffes.
Voy. Perfectionnements. — Travail
(Réglementation du), etc., etc.
Imprimeurs lithographes. Les impres-
sions lithographiques firent leur apparition à
Paris vers 181.Ô, et l'ordonnance du 8 octobre
1817 assimila les imprimeurs lithographes à leurs
1 Examen des avantages et des désavantages de la prohibi-
tion des toiles peintes, p. 76.
2 Examen des avantages, etc., p. II.
3 Grimm, Correspondance inédite, loUre du 15 octobre
1755.
4 JauLert, Dictionnaire, t. W, p. 263-
confrères en typographie. Les premiers ne
peuvent (hmc fig-urcr ici que pour mémoire.
Imprim.eurs de musique. Les premières
étiitions musicales sont coiitt'uqjoraines de l'in-
vention de rinqjrinierie, car, dès 1494 Ulric
(iering publia à Paris un psautier avec le plain-
cliant noté.
Les moines coiitimièrciit, pendant longtemps
encore, à écrire eux-mênu's leur musicpie, et
l'emploi des livres de phiiri-cliant manuscrit ne
cesse guère jus([u'ii l;i lin (bi dix - huitii'me
siècle.
La musique profane n'était guère mieux servie.
Le libraire Piorro Atteignant fut, croit-on, le
premier qui ail ru fi Piiris une imprimerie musi-
cale. Il doiuia, en li)27, un recueil de chansons,
imprimé avec les (caractères mobiles que venait
d'inventer Picrn» Haut in.
Adrien Leroy et Rojjcrt Ballard ulilirircnl de
Henri II, en 1.552, le titre d'imprimeurs (bi roi
pour la musique. Ils se servaient des caractères
inventés par Guillaume Lebé '.
Pendant plus de deux siècles ^ . la famille
Ballard resta en possession du titre que lui avait
accordé Henri II ; elle y joignit même celui de
noteur de la cliapelle du roi ■'*.
Pour l'impression de la musique en taille
douce ^, il ny avait à Paris qu'un seul imprimeur
en 1779 -5.
Im.primeurs en taille douce. Le pre-
mier livre imprimé qui soit orné de gravures en
taille douce est le // monte santo di Dio^ traité
mystique d'Antonio Bettini, qui l'ut publié à
Sienne en 1477 ^.
Les imprimeurs en taille douce restèrent
longtemps indépendants. Constitués en commu-
nauté le 17 février 1692, ils reçurent leurs
premiers statuts en mai 1694. Je lis dans les
lettres patentes données à cette occasion que
l'apprentissage était fixé à quatre ans, suivis de
deux ans de compagnonnage ; mais les fils de
niaître étaient dispensés de l'un et de l'autre.
Nul ne pouvait s'établir en dehors des limites de
l'Université. Ils avaient le droit d'imprimer « en
figures dites de taille douce sur toutes sortes de
graveures, de planches de cuivre et autres métaux
frappés, et sur tout papier, toile, .satin, peaux,
vélin et généralement tout ce qui dépend de la
taille douce, taille d'épargne, claire, obscure,
etc. >>. La communauté, administrée par deux
syndics, était placée sous le patronage de saint
Jean l'évangéliste.
A la fin du dix-huitième siècle, le nombre
des maîtres était d'environ 48. On signale parmi
1 P. -S. Fournier, dit P'ournier le jeune, Traité historique
sur l'origine et les progrès des caractères de fonte pour
l'impression de la musique, 1765, ia-4P.
2 Voy. A. -M. Lottin, Catalogue chronologique des
libraires, etc., 2® partie, p. 5.
3 Voy. ci-dessous cet article.
i Voy. l'art. Graveurs de musique.
■> Hurtaut et Magiiy, Dictionnaire de Paris, 1. 1, p. 317.
'' Ed. Rouveyre, Miscellanées bibliographiques, 2" partie,
p. 153.
398
IMPRIMEURS EN TAILLE DOUCIO - INNOVATIONS
les plus « renommés ». le sieur Molien, établi
rue Zacharie, et le sieur Paillel, rue delà Pelle-
terie '.
Inciseurs. Chirurgiens qui allaient de
village en village ofirir leurs services. Dès le
quatorzième siècle, on les rencontre parcourant
les provinces, cheminant un bâton à la main par
monts et par vaux, narguant les chirurgiens
qu'ils qualifient d'ignorants et. non sans raison,
(le poltrons. Eux, les \Tais précurseurs de nos
chirurgiens actuels, rien ne les effraye, rien ne
les étonne, rien ne les arrête. Le sac au dos, sac
qui contient leur léger bagage et quelques
grossiers instruments, ils tendent une main
secourable à tous ceux qui souffrent. Le besoin
de vivre est leur seul mobile et la hardiesse leur
seul guide. Ils réduisent les hernies, abaissent
les cataractes, extrayent les pierres de la vessie.
châtrent les animaux et les hommes, appliquent
le trépan, incisent les fistules. Ils osent tout, et
le succès vient souvent couronner leur audace.
Les chirurgiens traitaient les inciseurs comme
eux-mêmes étaient traités par les médecins, se
vengeaient sur eux des affronts que leur infli-
geait la Faculté. Dans Tun et l'autre cas, le
suzerain était fort inférieur au vassal. Par la
science pratique et par les services rendus, les
inciseurs. les lithotomistes surtout, l'emportaient
au seizième siècle sur les chirurgiens à peu près
autant que ces derniers sur les médecins.
Ils n'en avaient pas moins rédigé de très
humiliants statuts, que les inciseurs devaient jurer
d'iibst-rvcr le jour où ils recevaient d'eux la
liceuce d'exercer. Lithotomistes, herniaires, ocu-
listes et dentistes prenaient donc l'engagement
'< de se vêtir avec décence, sans bigarrure ni rien
(|ui ressente le charlatan ^ ». De n'aller « point
annoncer leur talent dans les rues, les places
publi(iues. les marchés, les foires, soit de vive
voix, soit par des affiches ». De se renfermer
dans leur spécialité. De n'entreprendre aucune
opération sans être assisté d'un chirurgien. Celui-
ci se bornait au rôle de témoin, regardait, les
bras croisés, et avant de partir tendait la main à
l'inciseur ((ui devait lui verser une somme de
treize blancs, destinée à la confrérie de Sainl-
Voy. Chirurgiens. Herniaires. —
Lithotomistes. — Opérateurs.
Iiulienneurs. Fabricants d'indiennes. Au
début (in (li\-huilieme siècle, le mot itidienne
Hiffuitiait une •• robe de chambre [)c.iir hommes on
p«Mir fenimes, fîiite de c(\s toiles de coton j>eiiites
(b- diverses couleurs et ligures, qui viennent des
Indes orientales <•. On appelait aussi « indiennes
les toiles mômes dont ces robes de chambres sont
failps, soient qu'elles ayenl été fnbri(]uées et
' [ImitiKirh Ihuphin pour 1777.
* Jumbiinl fjiiiMl linrie.sit' iiulii.niiir. mm veisicolores
ii.'c ml oirruliiloniiii luxiiiii fdiiiiMisili. » Slnluts rle.s
riirtiryieiit, art. 41. (^iie.snav rjnns ses Origines de In
fhir„rg,e. p. 308 pt 487, tlonno un text.; lalin cl un texte
frnnrais.
peintes aux Indes, soit qu'elles ayenl été inùtées
et fabriquées en Europe * ».
Voy. Imprimeurs sur étoffes.
Indigotiers. Ouvriers qui travaillaient à la
préparation de l'indigo. Au treizième siècle le
bleu de ciel, l'azur étaient dits inde ou ynde. Le
bleu foncé était fourni par la guède ou pastel.
Voy. Couleurs (Marchands de).
Indulg-ences (Semaine des). Voy. F»e-
neuse.
Infirmiers. Ce sont ceux qui, dans les
hôpitaux, « sont préposés à la garde et au soula-
o-ement des malades, et que le peuple nomme
trivialement gardes-malades - ».
Dans les couvents, l'office d'infirmier était un
bénéfice claustral, comme les offices de cham-
brier, de prieur, d'aumônier, etc.
Ing'énieurs. Ce sont , écrivait l'abbé
Jaubert vers 1770, « les officiers chargés de la
fortification et des travaux, de l'attaque et de la
défense des places. Ils vont reconnoître la place
qu'on veut attaquer, en désignent l'endroit le
plus foible, tracent les tranchées, les lignes de
circonvallation, les galeries, conduisent les
travaux jusqu'au pied de la muraille, marquent
aux travailleurs l'ouvrage qu'ils doivent faire,
etc. •'' ».
Vauban constitua en un corps spécial les ingé-
nieurs (i\'ils et militaires (1687), et une école du
génie fut créée à Mézières en 1748.
Vers la fin du dix-huitième siècle, on divisait
les ingénieurs en six classes : ingénieurs de
places fortes ; ingénieurs de places maritimes ;
ingénieurs de la marine ; ingénieurs de cam-
pagne ; ingénieurs géographes ; ingénieurs des
ponts et chaussées.
Les faiseurs d'instruments de mathénuitiques
prenaient aussi le titre d'ingénieurs.
Ing'énieurs g-éog-raphes.
graphes.
\'
oy-
Gréo-
Ing-énieurs hydrauliques. ^< Ce sont
ceux qui, parleur science, trouvent les moyens
les plus courts pour élever les eaux ù des hauteurs
excessives, par les mouvemens les moins com-
pliqués et les plus doux ». Ceci était écrit vers
1760, et le nombre des ingénieurs hydrauliques
était encore fort restreint. On citait surtout le
sieur Lambol, qui se disait « directeur de la
machine du poiil Nuire-Dame ».
Ingénieurs des manufactures. Voy.
Inspecteurs.
Innovations. NHy. Travail Régle-
mentation du .
1 Savary, Dictionnaire du commerce (1723), t. II,
[1. 420.
- .JaubiTt, Dictionnaire, t. 11, p. :m^.
•'' Dictionnaire, t. II, i>. 521.
INSECTICIDES — INSPECTEURS
399
Insecticides (Fabricants d"). Albert de
Bollstadl ', qui écrivait au treizième siècle,
iadifjue plusieurs procédés pour se délivrer des
puces. Il conseille, par exemple, de laver les
murailles avec une décoction de coloquinte,
d'enduire les meubles avec de la o^raisse de
hérisson, etc., etc. ^
L'auteur du Ménagier de Paris, ouvra«je
composé vers 1393 par un riche bourg^eois pour
l'instruction de sa jeune femme, lui enseij^ne
qu'il existe au moins six manières de détruire les
puces. Il les lui recommande instamment.- car,
dit-il, en préserver son mari doit constituer une
des sérieuses préoccupations d'une tendre épouse :
« Et pour ce, je vous prie que le mary que vous
arez'^, vous le veuillez ainsi ensorceller, et le
oj'ardez de maison maucouverte * et de cheminée
fumeuse -, et ne luy sovez pas rioteuse ^, mais
doulce, aimable et paisible. Gardez en yver qu'il
ait bon feu sans fumée, et entre vos mamelles
bien couchié, bien couvert. Et en esté, gardez
que en vostre cliambre ne en vostre lit n'ait
nulles puces, ce que vous pouvez faire en six
manières... •» ».
Au seizième siècle, le Traicté nouveau, intitule
hastiment de rtxeptes ' fournit, avec d'intéressants
détails, cinq procédés infaillibles :
« Pour faire que les punaises ne te nuysent
poiat la nuit ;
« Pour faire un oignement qui tue les punaises
eu la couche ou couchette ;
« Pour faire qu'il n'y ave nidles pusses en une
chambre ;
« Pour faire un onguent qui tue les punaises
ou mortzpions -,
« Pour tuer les poulz et les lentes ».
On préconisait surtout la peau du loup. « Elle
est, écrit Jacques du Fouilloux, propre à faire
manteaux et fourrures, à fin d'estre préservé de
poux, punaises et autres vermines, qui fuyant la
peau du loup comme le feu ^ » .
Les chats du seizième siècle avaient-ils des
puces? Il y a lieu de le croire. Mais ce que des
documents irréfutables permettent d'affirmer,
c'est que les Chartreux étaient exempts de punaises
dans leurs cellules : fait très rare chez des reli-
g'ieux qui ne portaient point de linge, couchaient
tout habillés, changeaient fort rarement de vête-
ments et conservaient pendant vingt ans la même
paillasse. Quelle est l'origine de cet inappréciable
privilège ? La question a été fort discutée et elle
en valait la peine. Le Père du Breul assure qu'il
y faut voir une prérogative toute spéciale accor-
dée à l'ordre des Chartreux par le Très-Haut.
Cardan n'en veut rien croire, et soutient que
l'absence des punaises est due à ce que ces reli-
^ Albert le Grand.
2 Opmi, t. YI, p. 680.
3 L'auteur suppose toujours que sa femme, beaucoup
plus jeune que lui, se remariera.
4 Mal couverte.
^ Querelleuse.
6 Tome I, p. 171
"ï Paris, 1539, in-32.
8 Traité de la vénerie, édit. de 1585, p. 113.
gienx ne mangeaien! jamais de viande. Scaliger
et Vossius reprennent aigrement Cardan : pour
eux, il n'y a là ni privilège ni mystère; si,
disent-ils, les Chartreux ne connaissent pas les
punaises, c'est (|ue, sans doute, ils sont moins
malpropres (pie les autres moines '.
Tout demi-dieu qu'il était, Louis XI\ avait
souvent son sommeil troublé par ces vilains
insectes -. C'est peut-être ce qui explique
pourquoi il accorda im jour au duc de Bouillon
un brevet pour la vente de sachets contre la
vermine •'.
A la fin du dix-huitième siècle encore, le
ihlaspi était regardé comme un sûr préservatif
des punaises '^. L'on préconisait aussi l'emploi
de « soui'ilels. à l'usage des laboureurs, pour
détruire les rats, soin'is, loirs, mulots et autres
insectes •"' ».
Inspecteurs- contrôleurs - visiteurs -
marqueurs de toutes sortes de bas.
(Juairt'-viiigis ofiices créés par édil de mars 17U8.
Au titre que je reproduis ci-dessus et qui est celui
de l'édit, le texte ajoute : «... de bas et autres
ouvrages de soye, poil, fil, laine, cotton, castor,
ségovie, estâmes ou drapez et autres matières qui
se font au mestier ».
Quand parut cet édit il y avait un siècle et
demi que tout hoUime élégant devait porter des
bas de soie. La couleur seide variait. On eut, un
moment, la passion du vert sous Henri III. On
préféra le rouge sous son successeur. Durant la
domination de Richelieu, le rouge, le vert, le
noir et le bleu régnèrent simultanément. Sous
Louis XIII, on voit cité souvent le bas à botte ;
celui-là se chaussait sur les bas ordinaires, et
était terminé par un fouillis de dentelles qui
garnissait le haut des bottes. On le nommait
aussi bas à étrier, parce qu'il était retenu seule-
ment par une languette d'étoffe passée sous le
pied.
Mais tant de luxe n'était point fait pour les
lourdauds de la province, où l'on n'avait pas
encore renoncé aux chausses de drap ".
Sous Louis XIV\ on s'engoua des bas couverts
de dessins en couleurs : « Il faut, disait le Mer-
cure galant^ que les dames qui porteront de ces
bas de soye figurez soient résolues à faire voir
leurs jambes, car sans cela il leur seroit inutile
de porter de pareils bas '^ ». Mais il en avait été
ainsi à peu près de tout temps. Durant le quin-
zième et le seizième siècles, les femmes ne
cachaient nullement leurs jambes ^ ; elles ne
songeaient pas davantage à' les dissimuler au
début du dix-huitième, moment où les bas étaient
brodés d'or et de soie depuis la cheville jus(|u'au
milieu du mollet.
1 J.-B. Tliiers, Traité des superstitiom, t. I, p. 362.
2 Journal de la santé de Louis XIV, p. 320.
•^ Currespundance administrative suus Louis XIV, l. III,
p. LIV.
4 Almanaeh Dauphin pour 1777, supplément, p. 3^.
— L'auteur écrit thlnrpi champêtre.
^ Almanaeh Dauphin pour 1777, supplément, p. 43
'' ^ ov. Scarron, Le roman comique, t. II, p. 72.
" Année 1673, t. III, p. 286.
8 Voy. ci-dessous l'art. Jarretières (Faiseurs de).
400
INSPECTEURS
Par exemple, la façon de les porter soulevait
de graves controverses. Les uns voulaient qu'ils
fussent comme de nos jours, « tirés tout droit »,
ainsi que l'on s'efforçait de disposer les anciennes
chausses; les autres tenaient qu'ils faisaient
bien meilleur effet lorsqu'ils « estoient plicés
sur le gras de la jambe », procédé préféré
par Montaigne *. Les partisans du premier
système l'eiuporlèrenl, mais ce ne fut pas sans
lutte ^
Les bas fabriqués de l'autre côté de la Manche
étaient les plus estimés. C'est au moins ce qui
ressort d'une phrase extraite des Loix de la
galanterie, pièce curieuse publiée en 1644. Le
gouvernement protégeait de son mieux les
produits français ; il frappait de droits énormes
les importations, et pour restreindre autant que
possilile la fraude, les bas étrangers n'étaient
tidmis en PVance que par les ports de Calais et
de Saint- Valéry.
Pendant l'hiver, les raffinés et les frileux en
mettaient plusieurs paires les unes sur les autres.
Les appartements étaient si vastes, les procédés
(]•• chauffage si imparfaits que l'on devait se
(•(>uvrirbeaucoupplus(nraujourd'hui. Montaigne
a soin de nous informer qu'il ne chaussait en
toute saison qu' << un Ijas de soye tout simple ^ ».
Maison ne l'imitait guère. Malher])e, par exemple,
portait jus(|u'ii (juatorze chen)ises et douze paires
de bas superposées ^.
L'usage des bas de colon, dits d'aiiord bus de
Barbarie, des jjas blancs et des bas chinés ne se
t'énéralisa «juère avant le dix-huitième siècle. Le
Mercure de France, alors moiiilfuir de la mode,
disiil en \T.i\) ^ : « Les dames portent beaucoup
de bas de fil de colon dont les coins sont brodez
en laine de couleur. Les Ijas de soye sont brodez
en or ou en argent. Les' bas blancs ont mis les
souliers blancs à la mode ». Au moment de la
Révolution, l'on avait repris les bas noirs.
\'oy. Bas.
Inspecteurs des beurres et fro-
mages. \ Oy. Contrôleurs.
Inspecteurs aux boucheries. Offices
cn-i-v piir édil (h- IV-vrii-r 1704. Les (ilidaires
devaient « veiller à la quidilé des viandes et
U'iiir la main aux ri-glemens (h- police faits sur
celle lliiilière ^ ».
I nspf'cteurs conservateurs des eaux
«'t Inrots. Oflices .rc-s [,;ir (-dil de mars 17()()
el supprimés pur edil i\,' nuirs 1708 '.
Inspecteurs et contrôleurs des jurés
auprès, de l.iiilrs j.-v cniiiiiiiiniiuh's. Oi'licfs créés
par etiil cb- février 17 I.').
' KttaÎM, liv. I, oha|i. 25.
\oy. Kim-lipH", /.e roman hourqenis, u. VJ.
:< Kstuis. hv. III, clwi|i. 13.
* Tiili.rnnnt ilrs Roaux, Hislorictits, t. I, n. 2111
Vov. nu.ssi i. II, p, 40(<_
* l'nff" 23iri
* l).lnmnrr.', Triii/r ,/e la iioiire, t. II, p. 1275.
' tihaillauil, Dictionnaire rici eaiijc cl forêts, t. I, p. 312.
Inspecteurs et contrôleurs des
maîtres et gardes auprès des Six-Corjjs.
Offices créés par édit de févTier 1745.
Inspecteurs desnaanufactures. Fonc-
tionnaires créés par Colbert pour surveiller les
manufactures produisant des toiles ou des tissus
de laine. Ils devaient faire observer partout les
règlements, marquer les étoffes, visiter les foires,
couper les marchandises défectueuses, appointer
les procès des communautés, etc., etc. ^ Placés
sous l'autorité des intendants, ils furent d'abord
destinés seulement à la province ; mais, dès le
début du dix-huitième siècle, il en existait quatre
à Paris, savoir : au bureau de la douane, à la
halle aux draps, à la foire Saint-Germain, à la
foire Saint-Denis ; ces deux derniers n'exerçaient
que pendant la durée des foires.
On les trouve aussi nommés commissaires et
inge'iiieurs des ma^m factures.
Inspecteurs
l'article suivant.
des matériaux. V
OJ'
Inspecteurs, visiteurs, contrôleurs,
mesureurs de pierres de taille, moel-
lons, chaux, etc. Officiers jurés créés en 1705
et supprimés en 1719. On les trouve aussi
nommés inspecteurs des matériaux.
Inspecteurs des plants d'arbres.
Voy. Planteurs.
Inspecteurs des poissons de mer et
d'eau douce. Voy. Commissaires.
Inspecteurs de police. « Nous avons
reconnu que les moyens les plus seurs pour
maintenir la seureté et tranquillité publique
estoient de créer des officiers pour tenir la main
à l'exécution des ordonnances et règlemens de
police... avons créé en titre d'office quarante
inspecteurs de police pour... Avoir, sous les
coni miss-aires du Châtelet ^, in.spection sur le
nettoyement des rues, les lanternes et lumières
publiques et sur tout ce qui concerne les règle-
mens de police... •"' ». L'édit de mars 1740 les
réduisit au iHunbrc de vingt, et en 1778, on
exigea des candidats qu'ils eussent servi dans les
troupes du roi pendant huit années, dont deux
en (piidil(> d'onicier '^
Inspecteurs-contrôleurs de porcs.
Ofliccs jurés créés eu 1708, pour rem])lacer les
vendeurs-visiteurs de porcs '^.
Inspecteurs et contrôleurs des syn-
dics ;uq)rès des nu-liers non conslitués en
communautés. (_)flices créés par édit de février
1745.
1 /iixlrifr/io/is données par nous, Colbert, etc., 13 aoi'it,
1669.
'- \ oy. Cijniiiii.ssaiivs de police.
■■• Éd'it de lévrier 1708.
* De.sessarls, Dictionnaire universel de police, 1. V,
p. 486.
^ Voy. Delaiiiarrc, Traite' de In police, t. II, p. 1319.
INSPECTEURS — INSTRUMENTS (JOUEURS D')
401
Inspecteurs g-énéraux et visiteurs
des manufactures de toiles. Ollices créés
par édit tl\)rl(il)re 1704 et sujipriinés par édit du
20 décembre de la même année.
Inspecteurs sur la Vallée et les
halles. Voy. Comniissaires.
Inspecteurs des veaux. Offices créés en
1710. Ils subsistaient encore en 17G7.
Instituteurs. \'oy. Maîtres d'école.
Instruction publique. \oy. Acalé-
mistes. — Badeaux. — Copistes. —
Écrivains. — Encre (Fabrica-nts d'). —
Géographie (Professeurs de). — Impri-
meurs. — Instruments de mathéma-
tiques. — Lendit (Foire du). — Librai-
res. — Maîtres d'école. — Maîtres de
pension. — Maîtresses de pension. —
Massiers. — Messagers. — Fapetiers.
— Pédagogues. — Fermissionnaires.
— Flumassiers. — Principaux. — Pro-
cureurs. — Relieurs.
Instruments (Joueurs d'). Sous le nom de
jmjleeurs ou de ménestrels, dénominations sns-
ceptiljles d'infinies variantes, ils cumulèrent
longtemps, avec la musique et le chant, les tours
de force et d'escamotage. Artistes errants, le
plus souvent sans sou ni maille, ils sont méprisés
à cause de leurs mœurs dissolues, recherchés
pourtant à cause des distractions qu'ils pro-
curent. Au treizième siècle, quand l'un d'eux
arrivait à Paris, il était dispensé du droit
d'entrée exigé au Petit-Pont, à condition qu'il
chantât un couplet de chanson ou, s'il était
accompagné d'un singe, qu'il le fît danser devant
le péager ' .
La Taille de 1292 nientionne 3 Jngleeurs et
1 ménestrel. Dès cette époque, une rue située sur
les paroisses Saint-Josse et Saint-Nicolas, était
dite rue ans Jngleetirs ^, mis Jeugleettrs ou anx
Jugle^irs ^ . Devenue rue des Ménestrels au quin-
zième siècle, puis rue des Ménétriers, elle a été
supprimée en 1838, lors du percement de la rue
de Rambuteau.
Déjà, il existait des corps de musique attachés
à la personne des rois et des princes. Un rôle de
la Chambre des comptes pour l'année 1313-1314
désigne, parmi les officiers composant la maison
du comte de Poitiers '' : « Raoulin de Saint-
Yerin, ménestrel de cor sarrazinois ; Andrieu et
Bernart, trompeeurs ; Parisot, ménestrel de
naquaires ou tymbales ; et Bernard, ménestrel de
trompette ». Un compte de l'hôtel du duc de
Normandie, qui régna en 13.50 et prit le nom de
Jean II, comprend sous le titre de menestrettx
« ceux qui jouent des naquaires, du demy-canon^.
• Lirre des métiers, 2« partie, titre II. — Voy. aussi
ci-dessous, l'art. Petit- Pont (Péage du).
2 Taille fie 1292, p. 61 et 68.
3 Taille de 13 13, p. 60 et 72.
i Devenu le roi Philippe V.
!> Ou demi-flûte.
du cornet, de la guiterne latine, do la lluste
behaigne ^, de la trompette, de la guiterne mo-
resque et de la vielle "^. En général, ces gens ne
sont plus (jualillés de jongleurs, on les nonune
ménestrels, me7ifstreurs, menestreux, et ce titre,
employé d'abord pour désigner seulement les
instriunentistes remplissant des charges de musi-
ciens à la cour, passa ensuite, comme un titre
d'honneur, à toutes personnes exerçant la profes-
sion de joueurs d'instruments.
Leur nomljre et leur importance ayant aug-
menté, les ménestrels songèrent à se constituer
en communauté, connue l'étaient déjà la plupart
des métiers. Le 14 septembre 1321, trente-liuit
personnes, se disant menestreux et menestrelles,
jongleurs et jongleresses, menestreurs, meneste-
rels, etc., à la tête desquelles figurait Parisot,
alors « ménestrel le Roy », présentèrent à la
sanction du prévôt de Paris un projet de statuts
en onze articles, qu'ils avaient rédigés d'un
commun accord. Le chef de la corporation y
prend le titre de prévôt de Saint-Julien. C'est à
hii qu'il faut s'adresser pour avoir des ménestrels.
Tout membre de l'association à qui l'on en
demanderait doit répondre : « Seigneur, je ne
puis alouer autrui ■• que moy mesmes, par les
ordenances de nostre mestier, mais se il vous
fault menestreus ou aprentiz , allez en la rue
aus Jongleurs, vous en trouverez de bons * ».
Sept ans après, deux ménétriers conunencèrent ,
dans la rue Saint-Martin, la construction d'un
hôpital dédié à saint Julien le Pauvre. La cor-
poration tout entière s'associa à cette fondation,
bientôt complétée par l'érection d'une église,
dite de Saint-Julien des Ménétriers.
Au mois d'octobre 1372, une curieuse ordon-
nance défendit aux taverniers de donner à boire
après le couvre-feu sonné, et aux ménétriers de
jouer après ladite heure, si ce n'est pour luie noce
et dans l'intérieur d'une maison.
« Que nul tavernier, y est-il dit, ne soit si
hardy de tenir ny asseoir beuveurs en sa taverne
après heure de couvre-feu sonnée, sur peine de
soixante sols parisis à prendre sur celuy ([ui sera
trouvé faisant le contraire.
Item, que nul ne soit si liardy de boire en
taverne après ladite heure de couvre-feu, se ne
sont gens forains. . . .
Item, pour ce qu'il est venu à la cognoissance
du prévost de Paris que, sous umbre de ce que
plusieurs ménestriers vont jouer et corner de
nuit, plusieurs roberies ont été faites à Paris et
huys rompus, avec plusieurs autres déliz et
maléfices, est aussi delTendu, de parle Roy nostre
sire et de par monsieur le prévost de Paris, que
doresnavant nids ménestriers ne soyent sy osés
et hardys de jouer ne faire leur mestier soit
en taverne ou dehors, après l'heure de couvre-feu
sonnée, se ce n'est que ils soient à nopces et en
1 Ou bohémienne.
2 Voj. Ducange, au mot minstelli .
3 Autre.
4 Ces statuts ont été publiés pour la première fois par
M. B. Bernhard, dans la Bibliothèque de l'école des
Chartes, t. III (1812), p. 400.
26
402
INSTRUMENTS (JOUEURS D')
l'hostel où les nopces seront, sur peine de perdre
instrumens et de quarante sols parisis d'amende
au Roy.
Iteni. que nul ne contraigne ne s'efforce de
contraindre lesdits ménestriersà faire ne jouer de
leur mestier outre la dite heure, sur peine de
quarante sols parisis ».
Les statuts de la communauté furent revisés en
1407. Cette fois Parisol, chef du métier, qui
s'était dit en 1321 ménestrel du roi, prend le
titre de roi fJn ménestrels, et ce titre, trans-
formé un peu plus tard en celui de roi des violons.
devint célèbre par la suite. Toute l'administra-
lii)n était cuncentrée entre ses mains. L'apprenti
nvevail de lui son brevet, l'étrann-er sa licence
tic jiiuer en ville. Aucun ménestrel salarié ne
pouvait se faire entendre sans son autorisation.
Des personnages nommés par lui remplissaient
les fonctions de jurés. Les maîtres sont alors dits
officiellement mène strier s, joueurs i' instrmnens
tant haulx que bas.
(les statuts régirent la connnuuauté jus([u'au
milieu du dix-huitième siècle. Renouvelés en
(iclnbre 1()58. ils confirmèrent, étendirent même
l'autorité du roi/ des violons. Il lui est permis
d'avoir « des lieutenans en chaque ville pour
faire observer les statuts, recevoir et agréer les
maistres ». C'est lui. en filet, qui délivre les
lettres de maîtrise au pri.x de 00 livres, et qui
perçoit les amendes professionnelles ; on le
retrouve partout où il y a une autorisation à
(h)nner. une somme à recevoir. Cette fois, l'art
(U* la danse est assimilé à l'art musical, les
maîtres sont dits maîtres à danser et jotietirs
fP instrumens. La durée de l'apprentissage est
fixée à quatre ans. Les aspirants à la maîtrise
doivent parfaire V expérience en présence de vingt
maîtres présidés p;ir le roi des violons. « Aucune
personne ne pourra tenir école, monstrer la
danse ny les jeux des instrumens hauts et bas.
s'allrouper jour ny nuit pour donner des séré-
nades ou jouer desdits instrumens en aucunes
nopces ou assemblées, ny faire aucune chose
concernant l'exercice de ladite science, s'il n'est
reçu maistre, ou agréé par ledit roy ou ses lieu-
tenans ».
Klaienl seuls exceptés de celle règle « les
violons de la chauibre de Sa Majesté ». On
désigiiiiil ainsi les artistes composant ce que
l'on nonnna d'abord la qrande Imnde, puis les
2-t riolons de lu rliamhrr duroi, qui jouaient dans
l'anliclnnubre durant le dîner du souverain et
lesjours de cérénuuiie. Les 21 violons du cabinet.
«lits dr. In prtilr bande, avaient dans leurs attri-
butions les « séréiuub's, bals, ballets, cdinéches,
concerl.s particuliers, olc. ^ ».
Les sIhIuIs que je vii-iis de résumer soiil dits
avoir élé ■• obtenus et impéirés par (Miilhunue
du Manoir, roy et niaislre de tous les maistres
joueurs d'insIruMUMis ol maistres à d;inser p;ir
tout le royaume (b- Knince ■•.
Celle royauté fui moins éphémère que ne
l'ospéniient ses détracteurs, et elle tomba vic-
' Kla' l'e In /•'lancf jjniir 17/2, I, I, \>. 22(i
time de ses imprudences. Le sieur J. -P. Guignon,
nommé en 1741 roi des ménétriers, « titre mort
et presque oublié depuis un demi-siècle », dit
un factum contemporain^, voulut faire revivre
les antiques privilèges attachés à sa souverai-
neté. Il obtint des lettres patentes qui inter-
disaient l'enseignement de la musique et de la
danse à toute personne non inscrite sur les
registres de la communauté. Des protestations
s'élevèrent de toutes parts, et un édit du
13 mars 1773 déclara éteinte et supprimée « la
charge de roi et maître des ménestriers "^ ».
L'édit s'exprime ainsi : « Notre amé Jean-
Pierre Guignon nous ayant très humblement fait
supplier d'agréer sa démission pure et simple de
l'office de roi et maître des ménestriers et joueurs
d'instrumens tant hauts que has dans notre
royaume, dont nous l'avions pourvu par nos
lettres du 15 juin 1741, nous nous sommes fait
rendre compte des pouvoirs et privilèges généra-
lement attribués à celle charge, et bien informés
que l'exercice desdits privilèges paraît nuire à
l'émulation nécessaire au progrès de l'art de la
musique que notre intention est de protéger de
plus en plus, nous avons jugé à propos, en
déférant à la demande dudit sieur Guignon, de
supprimer à toujours ladite charge. A ces causes
et autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre
conseil, et de notre certaine science, pleine
puissance et autorité royale, nous avons par notre
présent édit perpétuel et irrévocable, éteint et
supprimé, éteignons et supprimons la charge de
roi et maître des ménestriers et joueurs d'instru-
mens tant haut que bas de notre royaume,
vacante par la démission volontaire qu'en a faite
le sieur Guignon -^ ».
L'édit de février 1776 supprima la corporation
des ménétriers. Ses biens, consistant dans la
propriété et les revenus de l'ancien hospice et de
la ('liapelle Saint-Julien '% donnèrent lieu à un
long procès. L'académie de danse, dont presque
tous les membres avaient appartenu à la commu-
nauté, les réclama comme héritière naturelle,
proposant en même teiïips la réorganisation du
corps sous une forme nouvelle. D'un autre
côté, ils étaient convoités par la fabrique de
l'église Saint-Merri, paroisse de la chapelle ; elle
voulait les transformer en lieu d'inhumation °.
Ces prétentions, soumises d'abord au Parlement,
furent évo(|ués au conseil d'Etat par arrêt du
12 août 1782. L'affaire étail encore pendante
([uand éclala la Révolution. f(ui mit tout le monde
d'accord. En décembrt^ 1789, la France, menacée
de toutes parts, sollicitait des offrandes qui lui
permissent défaire face à l'ennemi. Le 17 de ce
mois, une dépulalion de l'ancienne communauté
se présenta à la barre de l'assemblée nationale, et
lui til (1(111 (le tduslesbiensetrevenusapparlenant
' .Wi'/Duex pour les orijnnixii's r/ii Roi contre le siriir
(iiiifinon, etc.
2 Heciiell (férlits, arrêts, lettres jin tentes en fureur ('es
musicie/Li du royaume, 1774, in-S".
•' (înignon iiiounil l'année m?nie ([ui suivit sa démis-
sion, \c 30 janvier 1774, âgé de soixante-douze ans.
i Dite aussi chapelle Hainl-Genès.
^ 13. Heiiihard, p. 370.
INSTRUMENTS DE CHIRURCÎlE — INTENDANTS
4U3
à la corporation. Le sieur Perrin, chef de la dépu-
tation débuta ainsi : « En qualité de commis-
saires députés par l'ancienne comnuuiaulé des
maîtres ù danser de la ville de Paris, nous avons
l'honneur de vous apporter et de remettre sur le
bureau une délibération prise en nutre assemblée
du 13 du présent mois, par la(piell(> nous faisons
don à la nation de notre cliapelle de Saint-Julien
des Ménétriers, dont nous sonunes fondateurs el
patrons laïques, et de tous les objets mobiliers et
immobiliers qui en dépendent. Nous désirerions
comme bons citoyens être en état de faire à la
patrie des sacrifices plus considérables -, mais
nous sommes pauvres, et nous espérons que
vous voudrez ne pas dédaip^ner une offrande
qui, pour être modique, n'en est que plus
pure >>.
D'après les procès-verbaux d'expertise dressés,
le 25 octobre 1790 par les commissaires de
l'assemblée constituante et de la commune de
Paris, la chapelle Saint -Julien fut estimée
10.400 livres, non compris les objets mobiliers
et les cloches. On estima les autres bâtiments
7.625 livres.
Les joueurs d'instruments s'étaient placés sous
le patronage de saint Julien. Une de leurs
confréries fut pendant longtemps dédiée à
saint Gènes ou Genest, comédien converti.
Yoy. Danse (Maîtres de). — Musique
el Théâtre.
Instruments de chirurg-ie (Fabricants
d'). La fabrication des instruments de chirurgie
était le monopole de la corporation des coute-
liers. Leurs statuts, confirmés en 1(308 ^, et qui
les régirentjusqu'à la fin du dix-huitième siècle,
leur accordent le droit exclusif de confectionner
les lames d'épées, dagues, pertuisanes, halle-
bardes « et autres bâtons servant à la défense
de l'homme », les ciseaux, les instruments de
chirurgie, les couteaux, les canifs, etc. En 1692,
les sieurs Surmon, au Tiers-point couronné -, et
Tougaret, au Verre couronné ^ faisaient des
lancettes estimées ; mais le meilleur fabricant
d'instruments de chirurgie était le ma/fre de la
Coupe ^ André Gérard, qui demeurait rue Trous-
sevache. Le maître dn Trèfle, Guillaume
Vigneron, rue de la Coutellerie, avait joui
pendant longtemps d'une grande réputation.
Pour les instruments en or ou en argent, il
fallait s'adresser aux orfèvres ; le grand-père du
tragédien Lekain * se distingua dans cette
spécialité ^. On cite, au siècle suivant, l'or-
fèvre Cheret, qui demeurait sur le pont Saint-
Michel ^.
Bien entendu, de si riciies bijoux n'étaient pas
à l'usaffe de tout le' monde. Dionis, dans. son
Cours d'opérations de chirurgie, a une phrase
1 Voy. Statuts et ordonnances des fècres-cottteliers, etc.,
1660 et 1748, in-4''.
2 II demeurait rue Saint-Julien le Pauvre.
3 II demeurait à la porte Saint-Germain.
4 Son vrai nom était Gain.
5 ^ oy. Le livre commode pour Ï692, t. II, p. 18.
•> Abnunnrli Dauphin pour 1777, arl. (3rfèvres.
cliarniante en parlant des instruments destinés
au nettoyage des dents : « Ces instrumens,
dit-il, sont ordinairement d'acier, mais ceux
dont on se sert pour le Roy et pour les Princes
sont d'or; et s'il y avoil encore un métal plus
précieux, on l'emphjierait à leur service, parce
qu'ils récompensent magnifiquement * ». Je
rappelle que les Romains se servaient déjà d'or
et d'argent pour plomber les dents, et de fils
d'or pour lier les fausses dents aux dents con-
servées -.
La coutellerie anglaise fut pendanl plusieui's
siècles préférée à la nôtre, et M'"" Cradock
pouvait encore écrire dans son Journal Ui 22 sep-
tembre 1784 : « Je me suis fait saigner, mais
les lancettes françaises sont si défectueuses que
cela rend cette opération assez douloureuse •' ».
Instruments de mathématiques Fai-
seurs d'j. Deux corporations, celle des couteliers
et celle des fondeurs, se disputèrent pendant
longtemps le privilège de la fabrication des
instruments de mathématiques. Le parlement
finit par l'adjuger aux fondeurs, qui joignirent à
leurs autres titres celui de maîtres faiseurs d^ ins-
trumens de mathématiques, globes et sphères.
Suivant Hurlant et Magny, les industriels qui se
livraient plus spécialement à cette fajjrication
étaient aussi désignés sous le nom de mathéma-
ticiens, ingénieurs, etc. ^. C'étaient eux qui
traçaient les cadrans solaires, posaient les para-
tonnerres, etc.
Les deux immenses globes de Coronelli qui
étaient conservés à la bibliothèque Nationale
portent sur leur monture l'inscription suivante :
« Faict par Gatellier, fabricateur des instrumens
de mathématiques. 1695 ». Un peu plus tard,
un sieur Magny, qui demeurait dans la cour de
Saint-Germain des Prés et avait pour enseigne
Au Roy Childehert, s'intitulait « ingénieur pour
l'horlogerie, les instrumens de mathématique et
phisique, ainsi qu'en mécanique ».
Les fondeurs avaient pour patron saint Hubert .
Voy. Baromètres (Marchands de). —
Boussoles (Fabricants de). — Cadrans
solaires. — Fondeurs. — G-éographes
(Ingénieurs). — Lanterne magique. —
Paratonnerres.
Instruments de musique (Faiseurs d').
^'oy. Luthiers.
Intendants. « L'intendant, ditrabbé Fleury,
doit être ce serviteur fidèle et prudent dont Jésus-
Christ nous propose l'exemple dans l'Evangile,
il qui son maître a confié tout le soin de sa
maison ^ ». On sait que les intendants ne répon-
daient guère à cette définition, et, qu'en général,
ils avaient surtout le souci de s'enrichir aux
dépens de leur maître. « Il faut, écrit Audiger,
1 Pages 512 et 519.
2 Yoy. ci-dessus l'art. Dentistes.
3 Page 87.
i Dictionnaire de Paris, t. III, p. 503.
^ Devoirs des /Huîtres et des domestiques (1688", 2" partie,
chap. 3.
404
INTENDANTS — IVOIRIERS
qu'un intendant sache et entende parfaitement les
affaires ; et outre cela, qu'il soit honnête homme,
plein (le probité et de conscience, intelligent,
vio-ilanf et actif; car de son esprit et de sa bonne
conduite dépendent souvent la perte ou le réta-
blissement d'une maison. Sa charge et fonction
concernent généralement tous les biens, revenus
et affaires d'un grand seigneur, desquelles il doit
savoir de point en point l'état, la force et le
produit, afin que sur cela il gouverne la dépense
et donne ordre aux dettes les plus pressées, dont
il doit surtout prendre une exacte connoissance,
afin d'éviter l'embarras et les cliicanes qui
pourroient arriver à ce sujet...
Il est encore de son devoir d'éviter la brouille-
rie et la confusion dans les affaires, autant qu'il
lui est possible, et de ne point laisser tomber le
seigneur dans des frais et dépens inutiles ; et
lorsqu'il se présente quelque affaire nouvelle et
difficile, il doit avant que de s'engager dans des
procédures prendre bon conseil et bien exécuter.
C'est ainsi que des intendans par leur soin et
capacité soutiennent et remettent sur pied des
maisons presque ruinées. Au lieu que d'autres,
par leur faute et négligence, abîment et sont
cause de la ruine totale des plus illustres, ainsi
((ue nous avons vingt exemples récens et no-
tables dans les maisons de plusieurs princes
et autres grands seigneurs assez connus parmi
le Ulnll(h^ ^ ».
Intendants des bâtiments du roi.
Voici ru ([Udi cnn^istait crllc charge, le 8 avril
1<)I]2, jour où X. .lacqueliii en fui pourvu : 11
avait pouvoir de régler tout ce qui concernait
rentrelieu, les endjellissements et accroisse-
ments des " baslimens et chasteaux du Lou\Te,
Hourbon, |)alais des Tuilleries, Saint-Germain-
eu-Lave, pompe du Pont-Neuf -, collège roval-',
chasieau de Vincennes, sépulture du feu Roy,
et dépendances d'iceux , collège royal des
l'I'. Jésuites de la Flèclie et à trente lieues
aux environs de nosire ville de Paris, excepté
Foiilaiuejih'au, et des tapisseries de haute lisse
ri autres manufactures, avec h- pouvoir de
donner ordre et (h' veiller sur ceux (pii sont
ou seront logez sous la grande galerie du
Louvre * >' .
On sait ((Ue celle chai-gr lui nue de celles
<|u'ncnipnrîi (lolberl.
Vov. Louvre (Galerie du).
Intendants du commerce. Six charges
créocs eu uiiii 1708 et suijpriiuées eu oclobre
1715».
Vov. Offlces (Créations d').
1 U maitoH r/gUe (1092), liv. I, pIihj.. ,-..
' I^Sflninriljiim-.
•■• !,•• rolli'p' <!.• l'Vanrc nclurl.
* ^<>y. \. Jnl, /h'rlioHiiairr rrl/it/iic, ii. (5!t7.
• \»y. S«vnry, DklwHiinirt ilii eommerce, [■ 1. p Mon.
Intendants des eaux et fontaines.
Vov. Fontainiers.
Intendants du garde-meubles. Voy.
Gardes-meubles.
Intendants des inscriptions. Le titre
officiel était : « Intendant des inscriptions des
bàtimens royaux et publics , inventions de
trophées , desseins de peintures , emblèmes ,
devises, descriptions et autres décorations faites
dans les chambres et cabinets, galeries, jardins
et maisons royales, comme aussi de celles qu'il
faudra faire aux portiques, arcs triomphaux et
autres ouvrages pour les entrées de leurs majestés
dans les villes, ou pour quelque autre sujet que
ce puisse être ».
Claude de Boze était titulaire de cette charge
en 1712 ^
Intendants des menus. Voy. Menus
(Officiers des).
Intendants généraux des postes,
courriers et relais de France. Charge
qui succéda, en 1770, à celle de grand maître et
surintendant général des postes.
En 1788 M. Rigoley, baron d'Ogny, prenait
le titre de Intendant général des postes aux lettres
et aux chevatix, courriers, relais et messageries.
Cette charge fut supprimée par décret du 9 juil-
let 1790.
Interprètes du roi. Louis XIV eut
peiubiul longtemps des secrétaires-interprètes en
langues latine, grecque, arabe et syriaque "^.
Voy. Chambre du roi et Drogmans.
Introducteurs des ambassadeurs,
dits aussi Conducteurs des ambassa-
deurs et princes étrangers. Ils étaient
au nond)re de (h'ux, et avaient sous leurs ordres
un secrétaire à la conduite des amhassadei^'s.
Ils recevaient, conduisaient, introduisaient les
rois, princes, légats, cardinaux, nonces, ambas-
sadeurs ordinaires et extraordinaires, envoyés,
résidents, agents, chefs d'ordre, etc., ainsi que
leurs femmes.
\'ov. Cérémonial.
Inventaire. \u\. Éventalre.
Inventions. Voy. Perfectionnements
et Travail (Réglementation du).
Ivoiriers. Sculpteurs en ivoire. Voy.
Sculpteurs.
' 'i'i'iiboiiiil.'l, Khil fie tri France jkiki- 17 12, I. I,
.•(80.
"- .\. .Jiil, JUrliiiniiiiirf i-rHiquc. y. CiOT et t»~9.
JAGOnoiS — JARDINIERS
40.')
Jacqueis el Jacqys. Vov. Jockeys.
Jambons (Foire aux). Elle se tenait sur
le parvis Notre-Dame et ne durait qu'un jour,
le mardi saint. Elle a été célébrée par un rimeur
du dix-septième siècle, qui nous apprend que
Dans ce parvis, où l'on contomplc
La face d'un superbe temple,
Jambons croissent de tous côtés
Ainsi cpie s'ils estoient plantés.
Entre la fontaine et le parvis se dressait une
•statue dite du Jeûneur, ainsi nommée parce que
ce personnage assistait à la foire sans pouvoir
prendre sa part du lard et du jambon qui j
foisonnaient . Une autre légende veut ([ue la statue
représentât un religieux resté mille ans sans
boire ni manger.
La foire aux jambons n'avait rien perdu de sa
vogue à la fin du dix-huitième siècle. Séb.
Mercier écrivait alors : « Les boutiques de
charcutiers sont brillantes ; la cochonaille,
apprêtée sous mille formes, séduit les estomacs
catholiques ; elle a un air plus ragoûtant dans
ces jours sacrés où il est défendu d'en manger ;
elle est sous la main des fidèles, qui doivent la
repousser... ^ ».
Cette foire, dite aussi foire du 'parvis, s'est
perpétuée jusqu'à nos jours, et elle se tient
actuellement au boulevard Richard-Lenoir.
Jaquets. Voy. Jockeys.
Jardineors et Jardineurs. Voy. Jar-
diniers.
Jardiniers. La Taille de 1292 cite six
courtilliers, nom que portaient alors les jardiniers.
Suivant Sauvai "^, le mot court illes, en vieux
français, désignait « des jardins champêtres où
les bourgeois alloient se promener et prendre
l'air ».
Les jardiniers furent de très bonne heure
constitués en communauté, mais on ne possède
pas leurs statuts antérieurs à 1599. On voit
dans ceux-ci que l'apprentissage était de quatre
années, suivies de deux années de compagnon-
nage et du chef-d'œuvre. On n'exigeait des fils de
maître que l'apprentissage.
Il y avait dans les maisons royales une foule
de jardiniers ^. Au milieu du dix-huitième siècle,
1 Tableau rie Paris, t. IX, p. 270.
2 Recherches sur Paris, t. I, p. 67.
3 Voy. les Etats de la France et plus spécialement
celui de 1712, t. I, p. 322 et suiv.
(;elui de Versailb^s ioucliail par an 18.000 livres,
celui de Marly ir).000 livres i.
Le voyageur anglais Lister mentionne, en
1098, parmi les plus beaux jardins de Paris ceux
du Palais-Royal, de l'Arsenal, des Chartreux,
des Céleslins et de Sainte-Geneviève. Puis, ceux
des hôtels d'Aumont, Pussort, Beauvilliers,
Caumartin, Lesdiguières, de Lorges, LePeletier,
Sully et Louvois -.
Au siècle suivant, on comptait à Paris jusqu'à
dix jardins publics. Savoir:
Les Tuileries. Ce jardin était gardé [uir un
détachement d'Invalides. Sauf le jour de la
Saint-Louis, il était interdit aux soldats, aux
domestiques et aux gens mal vêtus.
Le Luxembourg. ,]d.v([[n fréquenté surtout par
les gens du quartier. On y voit « le dimanche
matin, dans l'allée qui conduit aux Carmes, et le
soir dans la grande allée une infinité de beau
monde. On y observe la même police qu'aux
Tuileries ».
Le jardin du Roi, aujourd'hui muséimi
d'histoire naturelle. « Il fournit une promenade
aussi agréable que salulire aux habitans de ce
quartier, et utile aux naturalistes et aux amateurs
de la l)otanique ». Même règlement di' police
qu'aux Tuileries.
Le Palais-Royal. « La quantité de marcluinds
de tous genres qui s'y sont établis, ainsi que sous
les galeries qui en font le pourtour, les difî'érens
spectacles qui y sont rassemi)lés, les billards de
toutes formes qu'on y trouve, font de ce lieu une
espèce de foire perpétuelle ».
Le jardin de V Infante. En bordure du Louvre.
Il n'était ouvert que l'été.
Le jardin de l'Arsenal. Il était borné d'un côté
par la Bastille et de l'autre par la Seine. Un
limonadier, qui avait eu la permission de s'y
établir, y vendait des rafraîchissements.
Jje jardin du, Temple. On y entrait par l'endos
du Temple.
Jardin de S'iuhise. C'était le jardin particulier
de l'hôtel de Soubise, aujourd'hui palais des
Archives. Le pulilic n'y était admis que l'été.
Jardin de Vhôtel de Biron, rue de Varerme
Il était ouvert au public du l"a\Tilau l""" octobre.
Le Cours-la-Reins. Sur le l)ord de la Seine,
entre les Tuileries et Chaillut. Seuls, les princes
1 l)uc de I.,uyiies, Mémoires, i. I, pi. 253.
2 \a\. p. Kîl) et suiv.
406
JARDINIERS — JARRETIÈRES
du sanrr avaient le droit d\ faire entrer leurs
carrosses.
Les remparts, promenade plutôt que jardin,
sont représentés aujourdliui par nos boulevards.
\jï\ guide de 1757 s'exprime ainsi : « Les remparts
sont une promenade publique ouverte à tout
le monde .b-puis la porte Saint-Antoine jusqu'à
la porte Saint-Honoré. Le prévôt des marchands
et les échevins, qui en ont l'entretien, ont fait
placer des bancs de pierre de distance en distance
sur les côtés des contre-allées, et ont l'attention
de faire arroser pendant l'été la grande allée du
milieu, où l'on se promène en carrosse. Il est
défendu d'y faire passer des charrettes, tombe-
reaux, baquets et autres voitures de cette espèce.
On y trouve, depuis le Pont-aux-Choux jusqu'à
la porte du Temple, des caffés et ralTraîchisse-
mens. On y loue des chaises, on y voit des
joueurs de gobelets et autres bateleurs comme
aux foires * >^.
Les maîtres jardiniers se qualifiaient de jar-
diniers-préoliers-maralchers. Au nombre de 1.200
environ, ils étaient divisés en quatre classes
principales:
Les jardiniers fleuristes.
Les jardiniers marchands d'arbres.
Les jardiniers planteurs.
Les maraîchers.
Tous avaient pour patron saint Fiacre.
On les trouve nommés : closiers, corteilhers,
cortillfors, cortilliers, courtilleurs, courtilliers,
cuHilfrs, cultiliers, jardineors, jardineurs, ver-
diers, etc., etc.
Le marché aux (leurs et aux arbres se tint
(l'abord sur b' Ponl-au-Change, alors dit aussi
IVint-aiix-Arbres -. Il fut transporté ensuite sur
le (juai d<' la Mégisserie, puis (au début du dix-
neuvième siècle; sur le quai Desaix, aujourd'hui
quai de la (lilc
Voy. Agronomes. — Baromètres
(Marchands de). — Botanistes. — Bou-
quetières. — Champignonnistes. —
Chapeliers de fleurs. — Closiers. —
Dessinateurs de jardins. — Élagueurs.
— Engrais (Commerce d"). — Fianteurs.
Fraisiers. — Grainiers. — Greffeurs.
Herbieres. — Horticulteurs. —
Laboureurs. — Légumistes. — Marai-
cherB. Pépiniéristes. — Planteurs.
— Primeurs (Marchands de). — Tau-
piers. Tondeurs de bois. — Treil-
lageurs. Verdiers. — Vitriers.
Jarretières Commerce des). Au treizième
sitM-lr, b> jarret ièrfs élégantes étaient confec-
tion nées par 1ns lisseraiules de soie, qui ont leurs
slaluls dans In Lirn- dts métiers ^. Les progrès
du luxe leur (il adjoindre le concours des orfoNTCs,
car je lis dans le compte des dépenses faites pour
' Pour le <lix-liuitième sii-cle, consiiiler Jëzo, Élal rie
P»r<», inWt. H.' 1757, p. 100; et Thkirv, (hiùle fies
amnlfHrs, ,.|o.. pflN.sim.
' \«v. Savnn-, Die/tonnntreffit eommeirr, \. Il, ii. ;?83
^ Tiip- \\\\'in
Isabeau de Bavière en 1387 : « Pour quatre onces
d'argent doré fin vermeil, emploie es blouques ^
et mordans ^ et en plusieurs clox ^ d'argent
dorez, pour la ferreure de deux jartières de satin
azur, pour lier les chausses de Madame la
Royne * ». En 1400, la duchesse d'Orléans paye
trente-six sous parisis, « pour quatre tissus de
fine soye azurée, pour faire deux paires de
jartières, et pour iceulx garnir d'argent doré :
c'est assavoir quatre blouques, quatre mordans
et quatre petits besans à faire fermeures d'argent
doré ». Plusieurs années après, la duchesse
commande encore « deux jartières d'or esmaillées
à larmes et à pensées ^ ».
Au seizième siècle, toutes les femmes portaient
des hauts-de-chausses ou caleçons, et l'objet des
jarretières fut précisément de les attacher aux
bas-de-chausses ou lias, que l'on ne cherchait
point à dissimider. L'habitude du cheval, l'en-
semble un peu brusque des manières décou-
vraient souvent la jambe. La jarretière n'est donc
pas encore une pièce secrète du costume ; on
la cou\Te d'ornements, on y peint des devises,
des larmes, des pensées, parce qu'elle est destinée
à être montrée.
Olivier de La Marche n'a pas oublié les
jarretières dans sa description de la toilette des
dames à la fin du quinzième siècle. Il faut, dit-il,
que les chausses soient retenues et bien tirées par
de beaux jarretiers, et on les fait du même drap
([ui a servi pour les chausses :
Le jarretier se fait communément
Du propri' drap couvrant la jambe nue.
Le jarretier lye estroictement,
I^a chausse va si bien et proprement
(Qu'elle ne bouge, ne descend ou remue.
Tout moraliste qu'il se montre dans son
poème, Olivier de La Marche ne prétend pas
du tout que les femmes doivent dissimuler leurs
jarretières, il leur recommande seulement de ne
point y laisser toucher, sauf par leur mari :
Ijr jarretier c'est chose de value,
El si honneste que homme n'y doit main m(>ttre
8'il n'a cest eur (' d'estre seigneur ou maistre.
El il ajoute très sagement :
(^ui met la main jusque à la jarretière,
Il préfenilra de plus hault advenir ''.
Au seizième siècle, la jarretière était souvent
croisée sous le jarret e( venait s'attacher au-(b"ssus
(hl gCIKIll.
\ ers la lin du siècle, les fenunes continuaient
à « faire parade » de leurs jambes. Catherine de
Médicis inventa même la selle actuelle des
femmes, qui permettait de montrer la jambe
droite, relevée sur l'arçon de devant. Aussi
allachail-elle une importance extrême à avoir
1 Houdes.
- Le mordaiil l't.iil la plaque cli^ niétul (pii terminait
la jai'relière el facilitait l'entrée dans la boucle.
•■t Clous.
i l)ouél-(r.\rcq, Xoure/iux comptes, ji. 189.
» De Labijrde, Xnlice ties émana-, y. 8(8.
6 S'il n'a ce bonheur.
'' Le p rement (les dames, chap. 4.
JARRETIERES — JAUGEURS DE PLATRE
407
loujuiirs tit's bas bien tirés par do riches jarre-
tières. « Catherine, raconte Brantôme, aymoit
une de ses dames par dessns toutes les siennes
et la favorisoit par dessus toutes les autres,
seulement parce qu'elle lu}^ tiroit ses chausses si
bien tendues et melloil si proprement la jarretière
et mieux que toute autre... Et par ainsi, sur
cette curiosité qu'elle avoit d'entretenir sa jambe
ainsi belle, faut penser que ce n'estoit pour la
caciier sous sa juppe, ny son cotillon ou sa robbe,
mais pour en l'aire parade * ».
Ceci n'était plus de mise au siècle suivant, et
les jarretières avaient adopté des allures plus
modestes. Le mag'asin en vo«;ue était situé <^< rue
d'Arnetal -, au signe de la Croix ^ ».
Je n'ai rien dit encore des jarretières portées
par les hommes et il n'y a pas grand' chose à en
dire. Au début du seizième siècle, la robe fait sa
dernière apparition dans le costume masculin, et
les jarretières, devenues visibles un moment sous
François P"", se dissimulent ensuite dans les
hauts-de-chausses bouffants adoptés par Henri IL
Dès le règne de Charles IX, ils descendent
presque jusqu'au genou, et la jarretière se montre
de nouveau. Sous Henri IV et sous Louis XIII,
les jarretières sont très long-ues, et les bouts,
garnis de dentelles, pendent de côté. Les
élégants, contemporains des belles années de
Louis XIV, ne peuvent exhiber leurs jarretières,
car elles sont noyées dans les canons qui
terminent le haut-de-chausses. La jarretière
reparaît, mais fort simple, à la fin du règne.
Sous Louis XV et sous Louis XVI, ce n'est plus
guère qu'une patte à boucle, qui s'attache un
peu au-dessous du genou.
Louis XIV portait des jarretières à boucles de
diamants. Naturellement, on les lui retirait le
soir, et la cérémonie usitée en cette circonstance
mérite d'être rappelée : « Sa Majesté, rapporte
un annaliste de ce temps, s'assied en son fauteuil ;
le premier valet de chambre et le premier
valet de garderobe lui défont ses jarretières à
boucles de diamans, l'un à droite, l'autre à
gauche. Le premier valet de chambre donne
cette jarretière à un valet de chambre, et le
premier valet de garderobe à un valet de garde-
robe * ».
Constatons en terminant que Paris conserva
pendant longtemps la spécialité des jarretières
éléji-antes. Voltaire écrivait, le 26 ianvier 1758,
à M"^*^ de Fontaine : « Madame Denis a cru qu'on
ne pouvoit avoir une jarretière bien faite sans la
faire venir de Paris ^ ». *
Jaug-eeurs. Nom que la Taille de l'29-J
donne aux jaugeurs.
Jaug"eurs. Chez les fabricants d'enclumes,
ouvriers qui dirigent la jauge., barreau de fer
destiné à manœuvrer l'enclume.
1 Tome IX, p. 306.
2 Auj. rue Greneta.
3 Le Livre commode, t. II, p. 23.
4 État de la France pour 17 12, t. I, p. 299.
5 Correspondance, édit. Beucliot, t. L^ II, p. 463,
Jaug-eurs de cendres. Ils étaient au
nombre de deux, lors de l'arrêt du 10 février
1674, qui les supprima.
Voy. Commissaires.
Jaugeurs d'eau. Nom donné parfois aux
fontainiers.
Jaugeurs d'eau-de-vie.
tiers.
Vov. Cour-
Jaugeurs de futailles. Leurs statuts
figurent dans le Livre des métiers '. J'y vois
qu'ils étaient chargés de déterminer la conte-
nance des tonneaux employés par les marchands
de vin, de vinai<rre, d'huile et de miel. Leur
intervention était facultative ; mais si vendeur
ou acheteur la recpiéraient, ils ne pouvaient
refuser leur ministère. Ils exerçaient « par tout
dedenz la prevosté de Paris » ; aussi, quand la
distance à parcourir exigeait l'emploi de plusieurs
heures, celui qui les appelait devait payer les
frais de déplacement et leur fournir un cheval,
« cil qui le maine doit livrer cheval et leurs
despens ». Ils touchaient deux deniers par
tonneau jaugé, le double pour un tonneau de
miel. Si un jaugeur était embarrassé pour déter-
miner la contenance d'un vaisseau, il devait
appeler à son aide un de ses confrères, et s'ils ne
pouvaient s'entendre, un troisième venait encore
se joindre à eux. Les jaugeurs étaient alors au
nombre de dix ; la Taille de 1292 n'en mentionne
néanmoins que trois.
L'ordonnance de février 1415 déclare que ces
fonctionnaires sont établis pour jauger « toutes
liqueurs qui se vendent en gros, comme bières,
cidres, vinaigres, verjus, huilles, grai.sses, etc. »
Ils ne pouvaient exercer sans l'assistance d'un
collègue : ^< Nul jaugeur ne jaugera seul », dit
l'ordonnance. Leur noml)re est fixé a six maîtres
el six apprentis. Ces derniers devaient servir
pendant une année au moins sous la direction
d'un jaugeur avant d'être reconnus aptes à
mesurer. Il n'était accordé à chaque maître qu'un
seul apprenti. Quand une vacance se produisait
dans la corporation, le plus ancien des apprentis
obtenait la maîtrise.
L'édit de février 16:^8 porta à huit le nombre
des jaugeurs, mais il n'accorda qu'aux six plus
anciens un apprenti destiné à leur succéder.
Louis XIV créa et vendit à diverses reprises
de nouvelles charges, 8 en 164.5, '.VZ en 1689, etc.
Les jaugeurs sont parfois appelés telt-urs,
nom qui vient de la relte. instrument destiné au
jaugeage des tonneaux.
L'édition publiée en 1.500 de l'ordonnance de
février 1415 renferme une gnvure qui repré-
sente un jaugeur, la jauge à la main, mesurant
un tonneau -.
La corporation avait pour patron siiid Nicolas,
qu'elle fêtait le 6 décembre à l'église Saint-Bon.
Jaugeurs de plâtre. Voy. Mesureurs.
1 Titi-f. VI.
2 Paw XIX.
408
JAULGEl-RS — JETONS
Jaulgeurs. ^'ov. Jaugeurs.
Jetons Frappe des. Voj. Directeur du
balancier du Louvre.
Jetons Calcul par les). Pendant bien
lono-tenips, les commerçants n'en connurent pas
d'autre, et Varithmétique dans sa perfection,
ouvrage de F. Le-
<rendre, contient
encore dans son
('•dilionde 1774 un
Traité de l'arith-
métique par les
jetons.
Comme le prou-
ve la première
scène du Malade
imaginaire, les je-
tons remplaçaient,
dans les comptes,
la plume et les
thilires. L'emploi
de cailloux ical-
culij avait donné
naissance au mot
calcul ; la manière
dont on compta
ensuite créa lesex-
jjressions get, jet,
(jectouers, getouers,
f/estouers, jectoirs,
jects, gets, jetons.
Rien de plus
simple, à l'ori-
{^ine, que ce pro-
cédé de calcul.
Pour additionner,
par exemple, on
jetait successive-
ment sur une table
aulijnt de jetons
(ju'il se présentait
(('unités de même
nature. Supposons
que l'on voulût
suivantes :
faire le total des sommes
XXIV livres Vlll sols VI
leniers
XXX - VI - VIII
\ - V - V
\1 — VII — VIII
On furiiiait trois tas de j<;tons, doiil le premier
las, celui des livres, recevait d'abord 'J4, piiisiiO,
puis K), puis f) jetons; — le second tas. celui
dor, sous, 8, nuis (i, puis 5, puis 7 jetons ; — le
In.isième, celui des deniers, 6, p\iis 8, puis ô,
puis 8 jetons. On conq)t«il ensuite chaque tas.
On trouvait, dans le premier, 70 jetons, qui
roprésentaienl 70 livres; — dans le second,
20 jetons rpii représentaient 26 sous: on en
enlevait 20 que l'on remplaçait par 1 jeton ajouté
nu las des livres; — dans le troisième, on
trouvait 27 jetons représentant 27 deniers ; on en
enlevait 24 que l'on remplaçait par 2' jetons
ajoutés au tas des sous. On complnit de nouveau
chaque tas ; celui des li\Tes contenait alors
71 jetons, — celui des sous 8, — celui des
deniers 3 : ce qui donnait bien le total exact
de
LXXI li\Tes YIII sols III deniers.
La soustraction, la multiplication, la division
n'étaient pas plus difficiles à obtenir, et pen-
dant longtemps
ces procédés lents
mais sûrs furent
préférés à l'écri-
ture , même par
les clercs. Nous
voyons en 1380 le
clerc de la pane-
terie du roi acheter
« deux douzaines
de parchemin,
une escriptouere
neufve garnie de
cornet et canivet,
un cent de ges-
touers pour gester
et enregistrer les
parties dudit of-
fice ' ». Quatre-
vingts ans plus
tard , Olivier de
la Marche voulant
donner une idée
du bel ordre qui
régnait à la cour
de Charles le Har-
di, nous le montre
faisant ses comptes
avec ses trésoriers :
« Et luy mesme
sied au bout du
bureau, jecte et
calcule comme les
autres. Et n'y a
différence entre
eux en iceluy ser-
vice, sinon que le
duc jecte en jects d'or et les autres en jects
d'argent - >.
Il faut reconnaître que l'emploi des chiffres
romains rendait tout calcul très compliqué ; mais
les jetons se maintinrent en faveur longtemps
après l'adoption des chiffres aral)es, et ceux-ci
ne devinrent ffuère d'un usao-e général en
Europe avant la seconde moitié du quinzième
siècle. Cette méthode de calcul fut alors habi-
lement perfectionnée et permit d'opérer sur les
plus fortes sonnnes. On se servait de l'aljaque ou
tableau ci-contre, dans lequel huit lignes hori-
zontales sont coupées par une ligne verticale
nommée arbre.
On voit au premier coup d'œil ([ue les petites
divisions intermédiaires représentent cinq fois
le nombre placé au-dessous de chacune d'elles, ce
' Douët cfArcq, Comptes rie l'hôtel, p. 64.
- Entai lie lu maison rlii duc fie Boiti-gngiie, édit.
Micluaul, t. III, i>. ûSl.
JETONS — JOAILLIERS
4()U
qui permet de composer tous les iiomljres sans
avoir jamais plus de cinq jetons sur la même
ligne. Il n'y a d'exception à cette règle que pour
les sous et les deniers : le jeton posé dans l'espace
intermédiaire vaut 10 pour les sous et 6 pour les
deniers. Ceci compris, il est facile de lire à
gauche de notre arbre le nombre 62.789, et
à droite le nombre 343.453 livres 13 sous
8 deniers.
Avec ce procédé, les opérations ne présentaient
aucune difliculté. Supposons que nous ayons à
multiplier 16'.i par (). NJous figurons d'ajjord le
nombre 703 à gauche de notre arbre , puis
nous multiplions
successivement
chacun des jetons
par 6 en inscrivant
à droite chaque
produitobtenu. On
trouve ici, à gau-
che de l'arbre 763,
et à droite 4.578,
produit exact de
la multiplication.
S'agit-il de sous-
traire ? Les jetons
composant la
somme due for-
ment une première
colonne, ceux qui
composent la som-
me à soustraire eu
forment une se -
conde , placée à
droite de la pre-
mière. En com-
mençant par en
haut, on soustrait
ligne par ligne la
seconde colonne de
la première ; et le reste de chaque ligne,
inscrit à droite fie la seconde colonne, en forme
une troisième, dont le total est le nombre
cherché.
Madame de Sévigné, qui pourtant savait
écrire, se servait de jetons pour calculer. Le
10 juin 1671, elle écrit à sa fille qu'elle vient de
faire le compte de sa fortune « avec les jetons de
l'abbé [de Coulanges] qui sont si justes et si
bons * ». Et le calcul pouvait être compliqué,
car madame de Sévigné possédait alors environ
deux millions de notre monnaie. "
Jeudi absolu, jeudi blanc, grand
jeudi. Dans les statuts des métiers et dans les
ordonnances du moyen âge, ces mots désignent
toujours le jeudi saint.
Jeugleeurs. Voy. instruments
(Joueurs dé-
jeunes (Maîtres;. Voy. Anciens.
Jeunes-honunes. Nom que portait, dans
1 LeUres, t. II, p. 240.
l'association dite <les Enfants de maître-Jacques,
une des classes de compagnons '.
Voy. Devoirs et Enfants.
Jeux. \'iy. Bateleurs. — Billard
(Mai très de). — Billardiers. — Jouets
(Fabricants de). — Tabletiers, etc., etc.
Joailliers. Titre qui appartenait aux
orfèvres cl aux merciers, mais ces derniers
devaient se borner à vendre les objets labri(|ués
par les joailliers.
La Taille de 1292 cite denxjoeliers. J'ai trouvé
encore jouailliers
en 1550, joyau-
liers en 1570 ,
joyalliers an 1643,
etc.
Le joyau diffé-
rait du bijou en ce
que le bijou ne
comportait ni dia-
mants ni perles.
Les joailliers
faisaient le com-
merce des pierres
précieuses et des
perles. Mais les
imes et les autres
étant fort estimées
en médecine, les
épiciers-apothicai-
resvendaient celles
(jui devaient être
employées comme
médicament. En
1655, année des
amours de Louis
XIV avec Olympe
Mancini, son mé-
decin Vallot lui fait prendre des tablettes dans
lesquelles entraient de l'or et des perles. En
1664, il lui ordonne un « magistère de perles
et de corail », et deux ans après « une eau
admirable » composée de vitriol , de fer et
d'or ^. C'est justement en 1666 que fut joué
pour la première fois Le médecin malgré lui, où
Molière écrivait :
Sgaxakelle à Perrin.
Tenez, voilà un morceau de fromage qu il faut que
vous lui fassiez prendre.
Pkkrin.
Du fromage, monsieur.
Sg.^narkli.e.
Oui. C'est un fromage préparé, où il entre de l'or, du
corail, des perles et quantité d'autres choses précieuses •'.
Les perles, écrivait l'apothicaire Jean de
Renou vers 1607 « sont grandement cordiales et
1 Agr. Perdiguier. Le licrc du (■oiniiiKjiwiiiiiifji'. t. I,
p. 31.
2 Journal de la saïUé de Louis XIV. p. 40, 88 et 97.
:! .\cte III, .se. II.
000=
410
JOAILLIERS — JOUETS
propres ù resjoiivr le cœur. Voilà pouniuoy les
alchymistes font une certaine liqueur qu'ils
appellent liqueur de perles, avec laquelle ils
promettent merveilles pour la guérison de
plusieurs maladies, encore que le plus souvent
tout leur fait ne soit que fumée, vanité et charla-
tanerie. Un certain barbier que j'ay cogneu
aiilre-iois en ceste ville de Paris, appelé par un
malaile pour lui appliquer deux sangsues fut si
iiiipriidenl (jue de (îemander six écus d'or pour
sa peine, disant (|u'il avoit nourrj ces deux
sangsues d'aucun autre aliment que de la seule
li(|iH-ur <le perle par l'espace d'un mois entier ^ ».
Buelimer et Bassange, qui fournirent à Marie-
Antoinette son célèbre collier, étaient joailliers
ordinaires de la Cour et demeuraient rue de
Vendôme *.
\n\. Bijoux (Commerce des) et Or
(Marchands d').
Jockeis ei Jokeis. Voy. Jockeys.
Jockeys. ( )n nonuna d'abord ainsi des valets
de pied très jeunes, appelés plus tard dcsffruom.
(l'étaient aussi des postillons de petite taille
destinés aux voilures élégantes.
(Je nom, qui ne semble pas antérieiir à la fin
du dix-liuilième siècle, a été orthographié de
bien des manières. Dans le récit d'une course
qui eut lieu en 1776 à la plaine des Sablons,
je lis : « Les chevaux sont conduits par deux
jaquPts^ ». La même année, le chevalier de
Kutlitlge éiTiiJacçi/s *, et les Mémoires de Ba-
chfiumonl jacqiieis ■''. Sébastien Mercier préfère
jûheis et jockeis ^. Le premier dic^tionnaire
fran(;ais où ligure ce mot est. je crois, celui de
Lavi'aux, paru en 1820 ; j*\' trouve, à l'article
juckey. celte définition : << Jeune honinu^ faisant
l'office df [)iistill()ii ,111 nu'me de valet de pied ' ».
Joeliers. Noiii(|uela Taille de 1292 à<n\\w
aux joaillii-rs.
Joindre. Ce moi désigne un gindi'e dans les
statuts accordés aux lioulangers vers la fin du
treizième siècle *.
Jongleurs. \'oj.instruments( Joueur S
d') il Prestidigitateurs.
Joiiailiicrs. \'ov. Joailliers.
Jouets Fauiuc.vnts dk\ Je les trouve cités
pHiir la pn-mi(>re fois dans l'ordonnance des
Jiitiiiiif^resijmu 1407 , (pii hsnonxiue ôiôehtiers'' .
V-u d'anru'es après, et en tout cas avant 1489, ils
• (Kurrfi phnrm'ieeiiCqiies. Uw\. i-ii fniiiciis pur I,ouis
(il- S.Tr.'M, p. -182.
- .tlmiiiii'irA iJ/iii/ihiii unir ïîtii).
•' Hil.li.illic.in.' iinlioliiil.-, Duinu.scrits, fonds des noii-
\. II. s .|i-.|Mls|tii>lis, II» .|,.| 1 I,
k /,'/ '/"iii:,iinf nti/l-jixe li l'nris. y. \\)\,
'- Il ■..•i.i.iiil.n- 1770, t. IX, i- -.'11.
6 r>dU,iH lie Paris, l, V, p. 22 | ; i. M H i. 10 • t \
,' mi. ' ' '
' ynxrtau (HrliitHnaireiie la langue fiintnise, 1,1, p. 1()7(;
•• J.irre lirs mrtirrs. litn> I, art. 44
<i /»_ i . f ......
- ".'•■f'-, nni- t, «II. 44.
S* Orilunnances royiilex, t. X^ I, p. 672.
sont réunis aux miroitiers et forment avec eux la
corporation des bimbelotiers-mireliers.
A dater de ce moment, ils ont le monopole de
la fabrication des jouets communs et de bas prix,
dont ils partagent le débit avec les merciers, qui
ne fabriquaient rien, mais vendaient de tout.
Les jouets d'or et d'argent étaient confectionnés
par les orfèvres, ceux d'ivoire, d'os, etc. par les
tabletiers, etc. En 1380, Isabeau de Bavière
achète à un de ces derniers un jeu de jonchets ^ .
En 1,528, les enfants de François 1*"" ayant assisté
au feu de la Suint-Jean, la ville leur fit don de
nombreux jouets : des pelotes et des raquettes ;
un petit chariot doublé de velours vert et traîné
par deux chevaux « couverts de poils », à l'inté-
rieur se prélassaient deux dames richement
habillées et trois petits cliiens couverts de poils,
eux aussi ; un singe était monté derrière. Tout
ceci pour les garçons. Mais les filles ne furent pas
oubliées, elles reçurent un jeu de quilles, une
boîte à ouvrage ^ et un petit ménage d'argent^.
En 1571, Claude de France, duchesse de
Lorraine, commande à un orfèvre « un petit
mesnage d'argent, tout complet de buffet, pots,
plats, écuelles, etc. » *
Savary énumère ainsi les principaux objets
dont se composait le commerce des himhlotiers au
début du dix-huitième siècle : « Petits ménages
d'enfans , plats , assiettes , éguières ; petites
vaisselles d'église, comme croix, chandeliers,
encensoirs, etc. , qui tous n'excèdent guères quatre
ou cinq pouces de haut et ont encore moins de
diamètre, le tout en étain uni à quelque alliage;
poupées, chevaux de carte, petits carrosses, reli-
gieux sonnant leur cloche, prédicateurs en chaire,
crocheteurs chargés de bonbons, etc., etc. •' »
Cette liste est très incomplète, bien que l'Alle-
magne et l'Angleterre nous fournissent alors la
plupart des jouets compliqués.
(3n nommait poupetiers les ouvriers spécia-
lement occupés de la confection des poupées, et
ballonniers les faiseurs de ballons. Les volants
dépendaient du commerce des patenôtriers-bou-
chonniers ^. Presque tous les jouets en étain
appartenaient à celui des potiers d'étain.
On trouvait chez les tabletiers des dés à jouer
et des cornets, des damiers et des écliiquiers, des
tric-trac, des quilles, des billes de billard, des
duminos, des totons, des bilboquets, etc. On sait
de quelle vogue jouit ce dernier aux seizième et
dix-septième siècles. Sa forme n'était pas exac-
tement la même qu'aujourd'hui, car, en 1771
encore, le Dictionnaire de Trécaux le définissait
ainsi : « Petit instrument fait d'un bûton creusé
rond par les deiix bouts, au milieu duquel est
une corde où une balle de plomb est attachée. Les
eid'ans la jettent en l'air, et la reçoivent alterna-
tivement dans les deux creux '' ».
' ^. Gay, Glossaire arcliéuloy'que, t. ], j). 132.
- « Un panici- à coudre ».
^ llulletin fie la société de l'histoire de Paris, t. XNIII
(1891), p. 172.
* Do Laborde, Notice des émaiix, p. 387.
■' Dictionnaire, tome I, p. 348.
^ \'oy. ci-de.ssus l'art. Cure-dents.
" Tonio 1, p. 1)02.
JOUETS — JUaES-CONSULS
411
Le labh'liVr Vauy;eois, qui l'ut InrI à la mode
vers la fin du dix-lmitième siècle, avait rt''di"-(''
ainsi sa carte-adresse :
« Vaugeois, marchand, rue des Arcis, au
singe verd. Vend boëtes à cadrille * de vernis
de la Chine, en nacre de perle, en jvoire et en
bois; boëtes à cadrille en paniers pour le breland
et le try - ; fiches, jetons de nacre de perle et
d'yvoire ; trictracs d'jvoire et d'ébène à pieds et
portatifs ; et généralement tout ce qui est relatif
aux. travaux et anmsemens des dames ; peignes
(Técaille et à chignon, de toilette et autres ; jeux
de quilles, dominos, damiers, échecs, bague-
nodiers, parquets, solitaires, billes, billards, trou-
madame •* ; jeux collés sur des cartons, et toutes
sortes de jeux pour la campagne, en beau et en
commun, avec une liste particulière et détaillée
des difFérens jeux et leurs explications; arcs et
flèches et autres marchandises ».
En 1745, le sieur Raux, demeurant rue du
Petit-Lion, était renommé par ses objets d'étrennes
en émail, « hommes, femmes, joueurs, musiciens,
petits corps de logis avec des appartemens fort
jolis où se passent des histoires véritables* ».
Un peu plus tard, le marchand en vogue était le
sieur Juhel, rue Saint-Denis, qui tenait « un des
plus fameux magasins de jouets d'enfans, poupées
à ressorts et autres jouxjoux d'Angleterre •'' ».
Les colifichets et joujoux en or se trouvaient Au
Petit Dunkerque •* , magasin célèbre situé à
l'angle de la rue Dauphine et du quai Conti.
En 1789, on citait, parmi les marchands les
mieux assortis : la veuve de Jhuel, restée rue
Saint-Denis, et qui se disait «. marchande 'de
jouets des Enfans de France » ; le sieur Dubois,
rue Saint-Honoré, en face des piliers des halles,
qui tenait magasin « de jouets d'enfans, poupées
à ressort et pièces mécaniques "^ . »
Rétif de la Bretonne a intitulé une de ses
nouvelles La belle joujoutière, et il qualifie son
héroïne etrennière-joiijoutière-almanaquière ^ .
Joueurs d'épées. Un des premiers titres
que portèrent les maîtres d'armes. Mais ces mots
avaient d'abord désigné plus particulièrement
les soldats qui manœuvraient l'épée à deux mains,
si terrible dans les mêlées ''. En général, on
plaçait, de distance en distance, mêlés aux
hallebardiers, des Suisses et des lansquenets
exercés au maniement de ces énormes flam-
berges ^^ .
Joueurs d'instruments. Vov. Instru-
ments.
' Jeu de cartes imité de l'hombre.
2 Le jeu de l'hombre joué à trois personnes au lieu de
quatre.
y Jeu composé de treize petites boules qu'il s'agit de
faire passer dans autant de trous.
4 Mercure /le France, n° do novembre, p. I8G.
^ Almanach Dauphin pour 1777 , supplément, p. 6.
G BonnJ d'Oberkirch, Mémoires, t. I, p. 230.
"i Almanach Dauphin pour 1789, art. Jouets.
8 Les contemporaines, t. XXVI, p. 411.
9 ^ oj. A. Jal, Dictionnaire critique, p. Tlig.
10 Brantôme, Œneres, t. II, p. 301.
Joug•leurs.^ov. Instruments (Joueurs
d').
Joujoutiers. Vov. Jouets (Fabricants
de).
Journal. « C'est le nom que les marcliands,
négocians, banquiers et autres qui se mêlent de
c[uel([ue (V)mmerce donnent à un certain livre
ou registre dont ils se servent pour écrire jnur
par jour toutes les affaires de leur commerce, à
mesure qu'elles se présentent * ».
Journaliers. Ouvriers ([ui travaillcnl a la
journée -.
Journalistes. \'ov. Gazetiers.
Joyalliers et Joyauliers. \uv. joail-
liers.
Joyaux ((Commerce de.s). \uv. Bijoux ei
Joailliers.
Juges - consuls. Celte juridiction, qui
représente assez exactement notre tribunal tle
commerce, fut créée en novembre 1.563. L'édit
de création débute ainsi : << Sur la re({ueste à
nous faite de la part des marchans de nostre
ville de Paris, pour le bien public et abréviation
de tous procez et différends entre marchans . . .
avons, par l'avis de nostre très honorée dame et
mère . . . statué, ordonné et permis ce ([ui s'en-
suit ... ».
Le nouveau tribunal était composé de cinq
membres, dont le premier prenait le titre de
juge., et les quatre autres celui de consuls. Tous
cinq étaient élus chaque année par trente
notables marchands que soixante autres avaient
désignés. Ils devaient juger gratuitement les
différends « procédant d'obligations, cédules,
récépissés, lettres de change ou de crédit,
réponses, assurances, transports de dettes ou
novation d'icelles, comptes, calculs, sociétés,
associations, etc. »
Voici, d'ailleurs, un extrait de ce curieux
édit :
« Avons permis et enjoint aux prévosl des
marchands et échevins de nostre ville de Paris,
nommer et élire en l'assemblée de cent notables
bourgeois de ladite ville, qui seront pour cet
effet appelés et convoqués trois jours après la
publication des présentes, cinq marchands du
nombre desdits cent, pourvu qu'ils soient natifs
et originaires de notre royaume, marchands et
demeurans en notre dite ville de Paris. Le premier
desquels nous avons nommé juge des marchands,
et les quatre autres consuls desdits marchands
qui feront le serment devant ledit prévost des
marchands. La charge desquels cinq ne durera
qu'un an, sans que, pour quelque cause ou
occasion que ce soit, l'un deux puisse être
continué.
1 Savary, Dictionnaire du commerce, (1723}, t. II,
p. 436.
- Vov. ci-dessous l'art. Travail aux pièces.
412
JUGES-CONSULS — JURÉS
« Ordonnons et permettons auxdits cinq juge
et consuls assembler et appeler, trois jours avant
la fin de leur année, jusques au nombre de
soixante marchands bourgeois de ladite vdle,
qui en éliront trente d'entre eux. Lesquels, sans
partir du lieu et sans discontinuer, procéderont
avec lesditsjuge et consuls en l'instant et le jour
même, à peine de nullité, à l'élection de cinq
nouveaux juge et consuls des marcliands, qui
feront le serment devant les anciens...
'< Connoitront lesdits juge et consuls des
marchands de tous procès et différends qui seront
ci-après mus entre marchands, pour l'ait de
marchandises seulement, leurs veuves marchan-
des publiques, leurs facteurs, serviteurs, etc.
'< VA pour couper chemin à toute longueur et
ôter l'occasion de fuir et plaider, voulons et
ordonnons que tous ajournemens soient libellés
el (ju'ils contiennent demande certaine ; et seront
tenues les parties comparoir en personne à la
première assignation, pour être ouïs par leur
bouche s'ils n'ont légitime excuse de maladie ou
absence. Es quels cas, envoyeront par écrit leur
réponse signée de leur propre main. Audit cas
de maladie, envojeront la réponse signée de l'un
de leurs parens, voisins ou amis ayant de ce
charge et procuration spéciale : le tout sans
aucun ministère d'avocat ou de procureur.
« Enjoignons auxdits juge et consuls vaquer
diligemment en leur charge durant le temps
d'icelle, sans prendre directement ou indirec-
tement, en quelque manière que ce soit, aucune
chose, ni présens ou dons, sous couleur d'épices
ou autrement : à peine de concussion.
',< Pour faciliter la commodité de convenir et
négocier ensemble, avons permis et permettons
aux marchamls bourgeois de notre ville de Paris
natifs et originaires de nos royaume, pays et
terres de notre obéissance, d'imposer et lever
sur eux telle somme de deniers qu'ils aviseront
nécessaires pour l'achat ou louage d'une maison
ou lieu qui sera appelé la place commine des
iiiarchnnds, laquelle nous avons dès à présent
établie à l'instar et tout ainsi que les places
appelées A- ckanfje en notre ville de Lyon, bourses
di' nos villes de Toulouse et Rouen.
■< Défenses a tous nos huissiers ou sergens
faire aucun exploit de justice ou ajournement en
matière civile aux heures du jour ([ue les mar-
••luuuls seront asseml)lésen ladite place conuiiune,
(|ui seront (le neuf il onze heures du matin, et de
quatre jiis(|ues ù six heures de relevée.
« Permettcms auxdilu juge et consuls de clioisir
ot nommer pour leur scribe et greffier telle
personne d'expérience, marchand ou autres, qu'ils
aviseront; lequel fera toutes expéditions en bon
papier snns user de pan-jiemin. Et lui défendons
lr.'s éln.ilement prendre pour ses salaires et
vacations autre chose qu'un sol tournois pour
feuillet, il peine de punition corporelle ^ ».
(le tribunal prononçait en dernier ressort
jusqu'à la sonune (le cin(| cenls livres. An delà,
l'appel allail au Parlemenl,
, ' ^"».v. ^«•f*/fi7ro;i/r/»fl/i/ /VV/V ,ln Roy nir iéhhlissement
H, In ,,.r„l.^i,nn flex ronsiils, .■le, 10(58, 2 in-l".
Au dix-huitième siècle, les audiences se
tenaient les lundi, mercredi et vendredi dans
un l)àtiment situé derrière l'église Saint-Merri ' .
Le tribunal de commerce ayant remplacé les
juges-consuls, y resta installé jusqu'en 1826,
année oii il fut transféré à la Bourse. Le nouveau
monument élevé pour lui en face du Palais a
été terminé en 1866.
Jugées -g^ardes. Officiers des monnaies.
Nommés par les maîtres généraux, ils étaient les
vrais directeurs des hôtels. Ils prescrivaient,
surveillaient, enregistraient toutes les opérations,
l'apport des métaux précieux, leur remise aux
ouvriers, leur restitution en espèces frappées.
Une ordonnance de 1540 veut qu'ils « ne laissent
aller, venir, ni entrer dans les Monnoies aucuns
personnages, sinon ceux qui auront quelque
chose à faire avec les maîtres desdites Monnoies ».
Comme juges, ils connaissaient en première
instance des abus et malversations commis par le
personnel, ainsi que des contestations qui s'éle-
vaient entre les maîtres particuliers et les
ou\Tiers ^.
Yoy. Monnaie.
Jug-leeurs, Jug"leurs, etc. Yoy. instru-
nxents (Joueurs d').
Juponniers. ^'oy. Giponiers.
Jurandes. Voy. Corporations.
Jurés ou g-ardes. Membres d'une commu-
nauté, qui étaient chargés de l'administrer et
d'en faire respecter les statuts.
Leur élection avait lieu soit au Chàtelet, soit à
la maison commune, soit à l'église où se réunis-
sait la confrérie.
On lit dans les statuts que les métiers ont tel
nombre « de preud'hommes jurés et assermentés,
les quex li prevost de Paris met et oste à sa
volonté ». En réalité, il se bornait à instituer
ceux que la corporation lui avait désignés.
Les maîtres seuls prenaient part à l'élection,
mais celle-ci se faisait au suffrage universel. Les
jurés, disait-on, étaient ^< esleus et establis par
l'accord du conuuun du mestier ». Le droit de
vote était donc^ refusé aux ouvriers, k qui leur
nombre eût toujours assuré la prépondérance ;
mais dans plusieurs corporations une partie des
jurés était choisie parmi eux.
La communauté des foulons était régie par
(puUre jurés, dont deux pris parmi les patrons et
deux parmi les ouvriers"*. Au sein de ce métier,
les jurés sortant désignaient eux-mêmes leurs
successeurs. Ils se rendaient auprès du prévôt de
Paris, par qui toute élection devait être homo-
loguée ; les deux patrons choisissaient deux
ouvriers," les deux ouvriers deux patrons : « li
prevoz doit par le conseil des deux mestres
' Dans la rue du (;ioîti't\ clevcniu', on 1841, rue des
Ju;f('s-Consuls.
2 Pour plus de di'îtails, voy. Abot do Bazingheii, Traité
f/ex mon /lo l'es, t. I, p. 003.
"* Dcpping. Onlonnnncea relnllves aux métiers, p. 398.
JURES
413
eslire deux vallès, et par le conseil des deux
vallès eslire deux meslres, se il seudile au prevoz
que ils le conseillent ])ien ^ ».
Les niégissiers élisaient directenienl ([ualre
jurés, dont deux étaient choisis parmi les pal ions
et deux parmi les ouvriers -.
Les boucliers d'archal élisaient ciinj jures.
dont trois choisis parmi les patrons et tleux
parmi les ouvriers •*.
Les éping-liers élisaient six jurés, dont trois
étaient pris parmi les patrons et trois parmi les
ouvriers *.
Tout ceci se passait au treizième siècle. Dans la
suite, un o^rand nombre de communautés n'ad-
mirent même pas que tous les maîtres prissent
part à l'élection. Ce droit n'était accordé (diez les
marchands de vin qu'à 60 maîtres, à qui se
joignaient les anciens jurés ■'.
Chez les tailleurs qu'à 120 maîtres ''.
Chez les chaudronniers ^ et les tourneurs *
qu'à 12 modernes et à 12 jeunes ^.
Chez les fripiers, qu'à un tiers des maîtres et
aux bacheliers ^".
Chez les couturières, qu'aux jurées en charge,
aux anciennes et à 80 maîtresses tirées au
sort ^ ' .
Chez les drapiers, qu'aux maîtres ajant passé
par les charges et à 20 maîtres désignés à tour de
rôle 12.
Chez les passementiers, qu'auxjurés en charge
et à un tiers des maîtres i"*.
Les plombiers i^, les brossiers '•*, et en
général les métiers peu nombreux autorisaient
le vote de tous les maîtres.
Les jurés devaient être choisis, disent les
merciers, parmi « les plus expérimentés, bien
fameux et notables marchands ». On exigeait
presque toujours qu'ils sussent lire et écrire,
qu'ils eussent vingt ans d'âge et dix ans de
maîtrise, laps réduit à six ans pour les fils de
maître.
A moins que l'on eût rempli deux fois déjà
cette charge, on ne pouvait la refuser qu'après
avoir atteint soixante-dix ans.
Revenons au moyen âge.
Aussitôt élus, les jurés prêtaient serment
devant le prévôt de Paris, qui leur faisait jurer
« sur les sainctes évangiles que les ordonnances,
points et articles ' '' garderont bien et loiauinent
à leur pooir ^'', et que toutes les entrepresures
1 Litre des métiers, titre LUI, art. 18.
2 Depping, p. 418.
3 Livre des métiers, titre XXII, art. 14.
^ Livre des métiers, titre XL.
5 Statuts de 1647, art. 4. — Statuts de 1705, art. 16.
fi Statuts de 1660, art. 24.
'' Statuts de 173.5, art. 7.
8 Statuts de 1678.
^ Vov- ci-dessus l'art. Ancien.s.
10 Statuts de 1664, art. 2.
11 Statuts de 1675, art. 9.
12 Statuts de 1646.
13 Statuts de 1653, art. 41 et 44.
14 Statuts de 1648, art. 2.
15 Statuts de 1659, art. 7.
16 C'est-à-dire les statuts.
1" A leur pouvoir.
que ils sauront (jue fêtes i seront, au plus lost
([lie il pourront, au prevosl de Paris le fer(jiit à
savoir ' ».
Les privilèges et les fonctions des jurés étaient
multiples. Ou exigeait qu'ils surveillassent les
contrats d'apprentissage - : les trétiliers d'archal
veident même que les conditions en soient
arrêtées, en présence des jurés, par deux maîtres
et deux ouvriers du métier '^. Avant de le
sanctionner, ils étaient tenus de prendre des
informations sur le compte du maître qui allait
assumer cette lourde responsabilité. Ils s'assu-
raient que celui-ci connaissait assez le métier et
que ses affaires étaient assez prospères pour qu'il
lut en état de guider utilement un apprenti et
de lui donner les soins auxquels il avait droit.
Les jurés, écrivent les drapiers, « doivent
regarder se li meslre est soufisant d'avoir et de
sens pour aprentiz prendre, si que li aprentiz ne
perdent leur tans et son père ne perde son
argent * ».
Les crépiniers aussi recommandent aux jurés
« de regarder et savoir si le maistre eslsouffisant
de avoir et de sens, par quoi il puist gouverner
et aprandre le aprantis ». Chez les corroiers ^',
le maître doit se faire « créable qu'il est soufti-
sant d'avoir et de sens que la condition de
l'enfant soit toute sauve », que le père ne sacrifie
pas inutilement « son argent et li aprentis son
tans ^ ».
Les candidats à la maîtrise devaient également
comparaître devant les jurés, leur prouver qu'ils
connaissaient bien le métier, et qu'ils possédaient
un capital suffisant pour s'établir ; enfin, prêter
le serment d'observer les statuts de la corpora-
tion.
Pour s'assurer de la capacité professionnelle
du candidat, les jurés se faisaient souvent assister
par quelques maîtres anciens et notables. Eux-
mêmes tenaient leur charge de la confiance des
maîtres et des ouvriers, l'examen présentait
donc de sérieuses garanties sous tous les rapports.
<< Nus, disent, les tailleurs, ne puet lever esta-
blie ^, de ci adonc que ^ li mestres qui
gardent le mestier " aient veu et regardé s'il
est ouvrier soufisant de coudre et de taillier ^^.
Et s'ils le treuvent soufisant, il puet establie
lever et tenir ostel comme mestre ^^ ». Qui-
conque, disent les drapiers de soie, voudra
s'établir, « il conviendra que il sache faire le
mestier de touz poinz, de soj, sanz conseil ou
ajde d'autruj, et qu'il soit à ce examiné par les
gardes du mestier ^^ ». Les cordonniers *^, les
1 Livre des métiers, titre LI.
2 Livre des métiers, titres XXI, XXXVII, L, XCI,
etc.
3 Livre des métiers, titre XXI\ , art. 6.
4 Livre des métiers, titre L, art. 17.
5 LAvre des métiers, titre XXX^IL art. 4.
6 Livre des métiers, titre LXXX^ II, art. 10 et II.
" S établir. On disait plus souvent lever le métier.
8 Jusqu'à ce que.
9 Les jurés.
10 C'est ce que nous appelons aujoui-d'hui couper.
11 Livre des métiers, titre L^ I, art. 3.
1- Livre des métiers, titre XL, art. 1.
13 Livre des métiers, titre LXXXIV, art. 10.
414
JURES
tondeurs de draps <, les corrojeurs ^ sont tout
aussi explicites.
Quelques c(jnnnunautés indiquaient aux jures
sur'quel point devait porter l'examen, et quelle
preuve d'hal)ileté ils devaient exiger du can-
didat. Les fourreurs de chapeaux veulent « qu'il
saiche fourrer de touz poins un chapel ^ » -,
les ouhlieurs qu'il soit (-apable de faire en une
journée mille des petits gâteaux appelés nielles :
« un mil de iiieles le jour au mains * ». Il faut
voir là l'origine du chef-d'œuvre, mot qui ne se
rencontre qu'une seule fois dans le Livre (ks
me' tiers ^.
Presque toujours, les statuts interdisaient aux
maîtres d'avoir en même temps plus d'un
apprenti, mais on en accordait deux aux jurés ",
toujours choisis parmi les maîtres les plus intel-
ligents et les plus habiles. Un fourbisseur
voulait-il renvoyer un de ses ouvriers, il ne le
pouvait sans bonnes et valables raisons ; et
celles-ci devaient être jugées telles par un
tribimal cojnposé des quatre jurés, à qui s'ad-
jdignaient deux ouvriers ^.
Mais si les fonctions de jurés conféraient des
privilèges, elles imposaient aussi des devoirs.
Les jurés, administrateurs de la communauté,
étaient tenus d'opérer de fréquentes visites chez
chaque maître ; ils examinaient les produits
fabriqués, et saisissaient impilovablement ceux
qui ne remplissaient pas les conditions exigées
par les statuts ^ . Dans ceux de 1743, les menui-
siers s'expriment ainsi : « Tous les ouwages
dudit métier seront bien et dûment faits suivant
l'art, et encore de bons bois, sains, secs, lojaux,
sans aubiers, nœuds vicieux, piqueures de vers
ni pourritures ; et tous les ouvrages dudit métier
qui seront trouvés par les jurés d'icelui pécher
en quelque chose seront saisis et contis(jués
comme contraires au règlement dudit art ;
même, ceux en qui se trouveront rassemblés un
asst'z grantl nond)re de défauts seront brûlés
devant la porte de l'ouvrier qui l'aura fait ».
Notez que ces visites pouvaient avoir lieu tant
<le jour que de nuit '', et qu'une extrême sévé-
rité était recommandée aux jurés. Les merciers,
par ex<Muplt', prescrivent aux leurs de <i faire
faire ouvf'rluri' de fous magazins, chambres,
boutiques, coiVres, comptoirs, armoires et autres
lieux où ils srauroni, penseront ou pourront
sçavoir et penser y avoir marchandises cachées,
les faire saisir, transporter en leur bureau, ou
bailler en garde » personnes capables et suflisans
p«Mir en répondre ; ou procéder par voye de
«•elle : tiont seront faits et dressez bons procez
verbaux "> >>. .\vis en était aussitôt donné au
prev«M de l>,iris, ii son lieutenant civil, au
< Slaliil.H .!<• i;j«i, ,1,1. 1.
' Stnlul.H (1.. la-in, nrt. a.
3 l.ivrt ,hs métirrs, titre XCI\' ml 7
« /.l'rrc '1rs mrfifr.,. lilr.- \1,\ III, art C.
' 'l'Pl'injr. p. :i«7.
! i.'-V "■'•'/'■^"''"'"' '■"'•'• 'l'-ov-ol Kf-lomrnt,-.tion du
* Mnluls i|.- if.cn, nrl. 22.
'" Slulut>.k' 1013, ;nl. i:».
lieutenant général de police ou au procureur
erénéral du Châtelet. Le juré devait être en
costume, porter sa robe et sa toque, une
indemnité lui était allouée, qui, au dix-septième
siècle, variait entre une livre, dix sols et
cinq sols, suivant l'importance de la commu-
nauté *. Les amendes infligées par un juré
étaient ordinairement partagées entre lui, le roi
et les liôpitaux.
Certains métiers élisaient deux maîtres chargés
d'aller en visite chez les jurés.
Le nombre des visites exigées était de quatre
chez les bouquetières, les éventaillistes, les tein-
turiers ; (le six chez les ferrailleurs et les selliers;
de douze chez les maréchaux, etc.
Les statuts de presque toutes les corporations
ordonnent que leurs jurés aillent en visite dans
les lieux privilégiés ^ ; mais c'était là un droit
plus facile à revendiquer qu'à exercer, et un
juré s'aventurait rarement dans ces asiles du
libre travail sans se faire accompagner d'un
commissaire au Châtelet. Prudente précaution,
comme le prouve le fait suivant. La rue de
Lourcine dépendait de la commanderie de
Saint-Jean de Latran. Le 25 septembre 1691,
Jean-François Sautreau, un des jurés de la cor-
poration des merciers, se rendit dans cette rue
et saisit plusieurs objets défectueux chez un
mercier nommé Pierre Jannart. L'administrateur
de Saint-Jean de Latran prit fait et cause pour
son privilégié. Sautreau avait assigné Jannart
devant le lieutenant général de police, l'admi-
nistrateur déféra l'affaire au Grand-Conseil, et
il eut assez de crédit pour faire emprisonner
Sautreau. La corporation adressa aussitôt au roi
ses doléances. Un huissier du Grand-Conseil,
écrivait-elle, s'est présenté avec quinze archers
au domicile de notre juré, « qu'ils ont scanda-
leusement enlevé de sa boutique et traîné par les
rues, à pied, sans chapeau, jusqu'aux prisons
du For-l'Evéque, où il a esté écroué. En quoy
il a receu l'insulte la plus cruelle qui puisse estre
faite à im marchand dont la réputation est de la
dernière délica'esse. En sorte que cette violence
seroit capable de lu}^ faire perdre son honneur et
son crédit si Sa Majesté n'avoit la bonté d'in-
terposer son autorité ». Sur cette plainte, qui
élevait un conflit entre le lieutenant de police et
le (îrand-Conseil, le roi, sans statuer au fond,
ordoniui l'élargissement de Sautreau, « son écrou
rayé et bilFé », et décida qu'à l'avenir « aucunes
contraintes par corps ne Y>onrTa{ent estre exer-
cées contre les jurés à raison de leurs visites ^ ».
11 faut reconnaître qut; ces visites donnaient
lieu parfois à des plaintes sérieuses. Ainsi, en
KilK"), les jurés miroitiers ayant saisi quatre
glaces appartenant au roi, les renfermèrent dans
le bureau de la conuuunauté et refusèrent de les
restituer, même au lieutenant général de police
M. de la Reynie, qui écrivait, le 7 juillet, au
commissaire Delamarre : « Vous ferés délivrer
' K(1M (le mars 1691. ^oy. ci-ilcssus cet article.
- \ oy. ci-dessou.s cet article.
•' .\rrêl du conseil privé du roi, ô oetojirr KîOI. Dans
11' licciteil 'la; slnluts ries merclerx, p. 98.
JURES
415
ces g'iaces sur le cliamp si elles sont dans le
bureau. S'ils refusent de l'ouvrir, vous en ferés
faire l'ouverture. Si vous ne trouvés aucun
juré, vous établirés deux huissiers en garnison
dans la maison de chacun d'eux , et vo)is
dresserés procès-verbal (hi tout, j)arce qu'il esl
nécessaire, pour empescher l'etiet de ce mauvais
exemple, que ces jurés soient destitués, en le
faisant dans une forme légitime et après c[ne
tout aura été communiqué à M. le procureur du
Roj^ * ».
Les jurés étaient éo-alenienl leiius de sévir
contre les ouvriers en chambre dits chariibrehnis,
contre totit ouvrier aussi qui ne pouvait présenter
un bon cerlitical signé de son dernier maîlre.
Les jurés, escortés d'un commissaire ou d'un
huissier du Chàtelet, se transportaient dans les
« auberges, cabarets et chambres garnies, à l'effet
de faire arrêter et constituer prisonniers ceux
desdits compagnons qu'ils trouveroient n'estre
points munis de certificats en la forme pres-
crite - ».
Ils employaient mieux leur temps quand ils
protégeaient les intérêts et prenaient la défense
des apprentis contre leur maître. Si, « sans
causes justes et raisonnables », l'un d'eux était
renvové, les jurés de la corporation recueillaient
l'enfant et se chargeaient de le placer dans un
autre atelier. L'apprenti menuisier pouvait citer
son maîlre devant les jurés, « afin, disent les
statuts, d'obtenir d'eux la justice qui lui sera
due •* ». Les teinturiers du grand teint vont
plus loin encore : ils n'admettent pas que l'enfant
soit renvoyé « sans cause légitime, jugée telle
par le juge de police * ».
Plus tard, lorsque l'apprenti, devenu ouvrier,
puis compagnon, aspirait à la maîtrise, c'étaient
les jurés qui lui faisaient subir l'épreuve du chef-
d'œuvre ; celui-ci était exécuté sous leur surveil-
lance, souvent même chez l'un d'eux. Les me-
nuisiers prononcent la destitution de la jurande
contre tout garde qui aurait aidé un chef-
d'œuvrier ^. Les fourbisseurs autorisent tous les
bacheliers, c'est-à-dire tous les maîtres ayant
rempli les fonctions de juré, à « estre présens
quand l'aspirant travaillera, et à assister à tout
ce qu'il fera ^ ».
En général, bien loin de faciliter la tâche des
candidats, ils déployaient une sévérité qui
écartait de la maîtrise beaucoup de l)ons ouvriers.
L'édit de mars 1581, après avoir constaté "' que
les candidats passent « quelquefois un an et
davantage à faire un chef-d'œuvre tel qu'il
plaist aux jurés », enjoint à ceux-ci de « leur
désigner et spécifier chef-d'œuvre, lequel
ils puissent faire et parachever pour le plus
difficile mestier en trois mois, ou moins si faire
se peut, et des autres à l'équipolent ; et ce, pour
' J'ai trouvé rautographe de cette lettre à la BiLliu-
tbèqiie nationale, dans le niss. coté 21,790, f" 189.
- Sentence de police du 31 octobre 1739.
3 Gantiers. Statuts de 1056, art. 5.
4 Statuts de 1669, art. 47.
5 Statuts de 1743, art. 22.
6 Statuts de 1659, art. 17.
"' Dans le préambule.
éviter aux longueurs et abus qui sont commis
par les jurez, à la ruine des artisans ^ ».
Le nondjre des jurés était ordinairement de
trois, quatre ou cinq dans chaque communauté,
quelques-unes avaient cependant une organi-
sation plus compliquée.
Les drapiers étaient régis par six jurés ; les
deux premiers avaient le titre de premier et
second (jraïuU-ijardes, les quatre autres, étaient
dits pdits-fjdrdes -.
Les chapeliers élisaient quatre jurés. Le
premier, appelé (jvand-garde, devait être bache-
lier, c'est-à-dire avoir été déjà juré ime fois au
moins. On prenait les trois autres, dits jure's
modernes parmi les maîtres comptant dix ans de
maîtrise •'.
Les faiseurs de bas élisaient douze jurés, six
(jninds et six petits.
Les tondeurs de (b-ap iioinniaient (juati'e jures
visiteurs chargés des visites réglementaires ;
deux petits jure's ayant pour mission de présider
aux chefs-d'œuvre, d'empêcher le travail les
dimanches et fêtes -, un grand juré, sinécure
destinée à récompenser le mérite ou les services
rendus à la communauté *.
Les orfè\Tes avaient quatre aides-jtire's ■\
Les tailleurs se contentaient de quatre jurés,
qui étaient désignés par cent vingt maîtres ;
mais les jurés et les bacheliers élisaient encore
seize jeunes maîtres, à qui incombaient le soin de
faire les visites ^.
Aucune corporation de Paris ne s'était donnée
une réglementation aussi compliquée que celle
des cordonniers, et ne comptait un si grand
nombre de dignitaires. Outre un doyen, un
spidir, deux maîtres des maîtres dits aussi visi-
teurs des visiteurs, un clerc, trois lotisseurs, trois
gardiens, on y voyait figurer :
Deux jure's du cuir tanne', dits aussi jtire's du
marteau. Conjointement avec les jurés des
tanneurs et des corroyeurs, ils appliquaient une
marque spéciale sur les cuirs apportés à la halle
et trouvés de bonne qualité.
Deux jure's de la chambre, plus spécialement
occupés de la compfalnlité.
Quatre jurés de la visitation roya'e, (jui de-
vaient, tous les trois mois, faire une visite
générale des boutiques.
Douze petits jtirés, chargés de visites moins
minutieuses, d'inspecter les boutiques des save-
tiers et de surveiller les chambrelans.
Tous ces officiers étaient élus, le lendemain
de la Saint-Louis, dans la halle aux cuirs, en
présence du procureur du roi au Chàtelet ou de
son substitut.
Les corporations uni([uemeiit composées de
femmes élisaient des jurées: 4 chez les chan\Tières,
6 chez les couturières. Chez les grainiers, oîi les
1 .\rt icle 16.
2 Statuts de février 1646, art. 3.
3 Statuts de 1658, art. 10 et 38.
i Dix-septième siècle.
•'> I^erny, Statuts des orfèvres, p. 235.
B Statuts de 1660.
410
JURÉS — KEUX
deux sexes étaient représentés, on élisait 2 jurés
et 2 jurées. Les jurés des chirurgiens portaient
le nom de prérôts.
Dans les cérémonies publiques, entrées de rois,
(le reines, de légats, etc., le commerce parisien
était représenté par les jurés des Six-Corps S
« vêtus d'habits de parure », c'est-à-dire d'une
ample robe dont la couleur varia sans cesse, et
coillés de toques d'or ou d'argent.
YjW outre, les statuts des métiers exigent
presque tous des aspirants à la maîtrise qu'ils
s'engagent à « porter aux jurés honneur et
respect ».
Cette charge resta toujours fort enviée ,
ceux qui avaient eu l'avantage de la remplir
rêvaient pour leurs enfants des destinées plus
hautes encore, et ne ménageaient rien pour leur
instruction. On sait, par exemple, que le poète
Jean-Baptiste Rousseau était fils d'un cordonnier
de la rue des Nojers, qui avait exercé les princi-
pales charges de la communauté ^.
Jurés du roi. Voy. vérificateurs de
mémoires.
Justaucorps à brevet. Voj. Tailleurs.
K
Kalendreurs. Vov. Calandreurs.
KeUX. Voy. Cuisiniers et Traiteurs.
1 \'o\-. ci-(le.ssous l'art. Six-Corps.
1 ^ oy. A. Jal, Dictionnaire critique, p. 1088.
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